UNIVERSITE MONTESQUIEU - BORDEAUX IV
Faculté de sciences économiques et de gestion
Centre d'économie du développement
Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
en économie sous-développée: le cas du Cameroun
Thèse nouveau régime pour le doctorat ès sciences économiques
présentée et soutenue publiquement le :
par
Yves André ABESSOLO
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CONSEIL AFRICAIN ET MALGACHE
. POUR L'EN'SéiG'NEMËNT SUPERIEUR
: c, A. M. ~. S. - OUAGADOUGOU
: Arrivée .' •.•...• "#' li
2' 3'
Membres du jury :
M. Marc PENOUIL
\\E,nregistré .=ous n Q
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. :

Directeur de recherche
Professeur Emerite de sciences économiques
à l 'Université Montesquieu-Bordeaux IV

M. Jean-Pierre LACHAUD
Directeur du Centre d'économie du développement
à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

M. Claude LACOUR
Professeur de sciences économiques
ci l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
M. Jean-Michel UHALDEBORDE
Professeur de sciences économiques à l'Université
de Pau et des Pays de l'Adour
M. Henri REGNAULT
Professeur de sciences économiques à l'Université
de Pau et des Pays de l'Adour

...
Thèse ABESSûLû Yves André
"Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail en économie sous-développée:
le cas du Cameroun"
Errata
1.
Page 33, figure 2 : à l'axe des abscisses, lire QI ;
2.
Page 37, figure 4 : à l'axe des abscisses, lire" laux de rendement" - au lieu de aux de
rendement;
3.
Page 57, figure 11 : à l'axe d es abscisses, lire "âge" - au lieu de âg ;
4.
Page 54, lignes 5 et 7 correspondant aux équations 22 el 23 : lire pour lès membres de
gauche" V, el V/ - au lieu de 1 el 2 ;
5.
Page 121, 2. Le modèle théorique, sixième ligne
lire" comme y, n'est pas 'observable,
on définit une variable dichotomique r/ telle que" ,
6.
Page 134, premier paragraphe, première ligne: li. (. "
dl' demandeurs d'emplois dans
cette tendance.." ;
7.
Page 214, ligne 20, lire we'(w) / eïw) . 1 - au lieu Je WL:( w) 1e( v. ) :,
8.
Page 215, première ligne, lire e'(w)w / e(w)
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UNIVERSITE MONTESQUIEU - BORDEAUX IV
Faculté de sciences économiques et de gestion
Centre d'économie du développement
Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
en économie sous-développée: le cas du Cameroun
Thèse nouveau régime pour le doctorat ès sciences économiques
présentée et soutenue publiquement le :
par
Yves André ABESSOLO
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; CONSEIL AFRICAIN ET MALGACHE 1
j; POUR L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR /:
1 C. A. M. E. S. -
OUAGADOUGOU
Arrivée .,
.
Enregistré sous n° #.0.3. (1. .2 .3. '

A mon père et ma mère,
Nda bot dzam esé

Remerciements
Mes remerciements s'adressent avant tout à Monsieur le ProfesseurMarc Penouil qui
a accepté de diriger ce travail. Pendant plusieurs années, ses conseils, sa rigueur
scientifique el ses qualités humaines ont été déterminants dans l'accomplissement de ce
travail.
1/ a su nous encourager dans les périodes de doute grâce à ses qualités de
pédagogue. En nous permettant de bénéficier des conditions et des structures de recherche
adéquates du Centre d'économie du développement (CED), et malgré ses multiples
responsabilités, il a joué un rôle décisif quant à l'orientation de notre réflexion et à
l'aboutissement de cette thèse.

A monsieur Jean-Pierre LACHAUD, nous souhaitons exprimer une reconnaissance
particulière dans la mesure où sa passion pour la recherche sur les questions relatives au
marché du travail en Afrique a été d'un apport considérable dans de nombreuses
orientations analytiques de ce travail. Ses nombreux travaux relatifs aux techniques

d'analyse du marché du travail nous ont permis de maîtriser l'outil informatique sans
lequel la réalisation de ce travail aurait été compromise. Enfin, sa mise en place de
documents de travail et des seminaires de recherche flOUS a permis de faire nos premiers
pa.') dans le monde de la recherche.
Nous voudrions aussi remercier le Développement des Investigations sur Ajustement
à Long terme (DIAL) et les responsables de la Direction de la statistique du Cameroun qui
nous ont permis d'obtenir les informations statistiques qu'il nous aurait été seul impossible
de rentrer en possession.
Toute ma reconnaisance à la famille GUILLARD qui nous a beaucoup soutenue
pendant ces années d'études, notre famille au Cameroun qui, malgré l'éloignement, a
toujours été de plein coeur avec nous.
Nos remerciements s'adressent aussi à tous les proches et amis, aux enseignants et
aux collègues du Cl~'J).
A messieurs les Professeurs IACOU/( UHALDEBOIUJE, REGNA ULT, nous tenons
à exprimer notre profonde gratitude pour avoir bien voulu accepter de faire partie de
notre jury.
Enif, nous remercions M Vincent BA fANA pour son soutien matériel, ainsi que Mlle
HERRJ'.RA qui a toujours su nous mettre à l'aise au Cl~D par sa gentil/esse et sa grande
disponibilité.


Résumé.
Basés sur l'existence de deux "segments" de marché - le secteur moderne et le secteur informel - , les
"
hypothèses des modèles dualistes semblent fournir une eXP.llction du fonctionnement du marché du travail
dans les pays en développement. Si cette approche dégage une dichotomie moderne-informel, elle se limite
cependant à réduire une réalité complexe autour de deux ensembles qui ne sont pas homogènes. Ainsi, toute
tentative d'explication d'un phénomène économique sur le marché du travail (chômage, détermination des
salaires, politiques d'emploi), réduit l'analyse au cas simpliste de cette approche. La présente étude se
propose, non d'étudier tous les mécanismes de fonctionnement du marché du travail dans une économie en
développement (le Cameroun), mais d'établir le lien entre le capital humain, les salaires et la segmentation
't du marché du travail dans ce pays. En intégrant des hypothèses plus latges, ceci revient à montrer que les
salaires ne dépendent pas seulement des caractéristiques individuelles, mais aussi de l'existence des
segments. Dans le cas du Cameroun, cette étude montre que le capital humain est un facteur important dans
la détermination des salaires. Par ailleurs, en dégageant cinq segments de marché qui nous paraissent
homogènes, il apparaît que les différences de salaires entre les individus dépendent de l'appartenance à tel
ou tel segment de marché, ce qui rend variable l'importance du facteur capital humain dans l'explication des
niveaux de salaires. Ce qui semble poser le problème de la rentabilité de l'investissement en capital humain.
Quand on se limite à l'investissement éducatif, ce résultat devrait attirer l'attention des responsables de
politique économique dans la mesure où il y a risque de baisse de ces investissements, ce qui pourra
accroître certains deséquilibres et distorsions sur le marché du travail.
A bstract.
By basing the hypothcsis on the existence of two segments - modern and informai sectors - the
dualism sccms to provide an expianation of the working of labour market in developing countries. Although
this approach brings out the dichotomy modern-informai, however, it limits intricate reality around two no
homogenous sets. Thus, all auernpt of expianation of economie phenomenon in the labour market
(unemployment, wage policy, employment policy) reduces the analysis in the simplicity of this approach.
The present study suggest itself, no to analyse all the mechanisms of labour market working in a developing
"f country (Cameroon), but to establish thr link between human capital, wages and the labor market
segmentation. By integrating large hypoîliesis, this cornes to show that wages are not only depend of the
individual characteristics, but also of the existence of many segments in the labour market. In the case of
Cameroon, the present research shows that, human capital is an important factor
in the wages
determination. Furthermore, by bringing out five segments which seem to he homogeneous, it appears that
the human capital relevance in the wage determination varies to one segment to another. This situation calls
in quesions again the profit of human capital investments. By limiting this investments in the case of
education, this result would have to attract the attention of policy-makcrs in the measure there is a risk of
drop of those investmcnts, and the increase of labour market distorsions.

Sommaire
Introduction
2
Section 1. Le contexte de l'étude : une économie en pleine mutation
3
Section 2. La problématique et la base théorique de l'étude
10
Section 3. La méthode d'analyse
13
Première partie:
Capital humain et détermination des salaires: analyse théorique et
évaluation empirique au Cameroun
22
Chapitre 1. Analyse théorique du capital humain
24
Section 1. L'approche théorique des investissements en capital humain
2S.
Section 2. Les variantes et les limites de la théorie du capital humain
66
Chapitre 2. Les salaires au Cameroun: leur explication par la rentabilité
du capital humain
91
Section1. La structure du marché du travail au Cameroun
91
Section 2. Analyse empirique du capital humain dans la détermination de salaires
132
Deuxième partie :
Salaires et segmentation du marché du travail
au Cameroun
173
Chapitre 3. L'analyse théorique de la segmentation du marché du travail
174
Section 1. Les fondements des modèles de segmentation
175
Section 2. Les nouveaux enjeux et fondements théoriques
du dualisme du marché du travail
190
Chapitre 4. Stratification du marché du travail et salaires au Cameroun
237
Section 1. L'analyse de la segmentation selon le critère des formes de travail
239
Section 2. Détermination des salaires et segments du marché du travail au Cameroun
269
CONCLUSION
292
BIBLIOGRAPHIE
298
TABLES DES MATIERES
315
ANNEXES
327
LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES
339

1
Introduction générale
1

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
2
S ecteur moderne-secteur informel, ou secteur structuré -secteur non-
structuré, tel a toujours été la caractéristique du fonctionnement du marché du
travail dans les pays en développement.
Un regard attentif sur l'évolution de l'économie mondiale en générale, et des économies
des pays en développement en particulier permet de constater que celles-ci subissent de
nombreuses transformations. Dans ce contexte, le fonctionnement du marché du travail
camerounais ne peut-il être appréhendé qu'à partir des hypothèses simplistes du dualisme?
En d'autres termes, la prise en compte d'autres hypothèses que celles du dualisme permet-
c1le de comprendre le fonctionnement réel du marché du travail au Cameroun, à travers des
phénomènes comme le chômage, la détermination des salaires, la segmentation du marché,
etc ... ?
Section 1. Le contexte de l'étude: une économie
en pleine mutation
Après l'indépendance, les axes majeurs du développement de l'économie camerounaise
reposent sur trois objectifs principaux. Premièrement, l'objectif de la politique économique a
été de développer le système productif par une exploitation appropriée des ressources
naturelles et la dynamisation d'un secteur industriel. Deuxièmement, la doctrine du
développement auto-centré et du libéralisme planifié, le souci d'un développement régional
équilibré, le désir de favoriser les opérateurs nationaux et la volonté de maîtriser le
processus de développement, ont été à l'origine d'une extension considérable du secteur
public et parapublic dans la plupart des secteurs clés de l'économie. Troisièmement, l'unité
du pays et la construction nationale ont induit le développement spectaculaire du système
éducatif Ce schéma de développement a impliqué de fait l'introduction du salariat pour
atteindre ces différents objectifs, et ceci dans un environnement économique favorable.
Ainsi, au milieu des années 1980, le Cameroun fut, grâce à une gestion prudente et un
endettement externe faible, l'un des pays d'Afrique au sud du Sahara à ne souffrir que de
façon atténuée des effets de la crise et à poursuivre une expansion à un rythme soutenu.
Entre 1965 et 1980, la contribution de l'industrie au PIB passe de 20 à 26 pour cent, alors
{/~II\\ If7''''Tr MONTESQUIEU-BORor/\\l',< 'II

INTRODUCTION
3
que la part de l'agriculture décline légèrement, 28 pour cent contre 33 pour cent, et que
celle des services se stabilise à 46 pour cent. De plus, au cours de la période 1973-80, le
pm augmente annuellement de 8,9 pour cent, ce qui est supérieur au taux de croissance de
la population qui est de 3,1 pour cent'. La rente pétrolière, apparue à la fin des années
1970, contribua à donner une impulsion nouvelle à l'économie camerounaise. En 1984/85, la
production pétrolière représente 15 pour cent de la richesse nationale, 45 pour cent des
recettes de l'Etat, et presque les deux tiers du total des marchandises exportées.
Au milieu des années 80, mis à mal par une gestion macro-économique hasardeuse,
suivie d'un déclin économique, le Cameroun comme la majeure partie des pays africains
rentre dans une crise économique sans précédent. C'est pour cela que, compte tenu des
nombreux changements qui s'en suivent, une nouvelle tendance économique est née dans les
pays d'Afrique et toute tentative d'analyse d'un phénomène quelconque devrait en tenir
compte.
Ainsi présentons nous dans cette section du chapitre introductif la situation économique
actuelle du Cameroun en mettant l'accent sur le contexte qui prévaut dans le marché du
travail.
1. La situation d'ensemble de l'économie camerounaise
En effet, la dernière décennie a été pour Je Cameroun et pour maints pays africains une
période de fortes turbulences. Ces turbulences ont été soit d'ordre politique (avec la
transition démocratique), soit et surtout d'ordre économique. Il est donc important de les
situer dans le temps.
L'évolution de l'économie camerounaise depuis l'indépendance se caractérise par une
double rupture il l'origine des déséquilibres structurels actuels.
La fin des années 70 marque la première rupture. La croissance s'accélère, mais sur des
bases radicalement ditlércntcs de celles des anuécs 60 cal, les facteurs de celle croissance sc
modifient profondément avec la mise Cil
exploitation de champs pétrolifères. C'est
1 BANQUE MONDIALE (1989).
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Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
4
l'absorption interne qui explique essentiellement la croissance grâce à une augmentation de
l'investissement, notamment public et de la consommation. A partir de 1982, le modèle de
croissance camerounais se modifie encore : le secteur des services devient alors le moteur
de l'économie, alors que l'agriculture et l'industrie marquent un ralentissement. Pendant que
l'investissement perd de son dynamisme, la consommation intérieure, notamment celle des
administrations publiques, poursuit sa progression sur le même trend. Dès lors, des signes
de déséquilibres apparaissent. Le Cameroun augmente son appel à l'endettement extérieur
pour financer sa croissance ; la progression des recettes d'exportation et des recettes
pétrolières permet de financer une politique budgétaire très expansive avec une croissance
rapide des dépenses publiques: de 1982 à 1986, celles-ci passent de 521 à 870 Milliards de
FCFA1. Dans ces conditions, c'est la structure de la dépense publique qui se détériore. Entre
\\. .1982 et 1987, la masse salariale explose, progressant de 265% contre seulement une
progression de 75% pour les recettes budgétaires.
La deuxième rupture intervient au milieu des années 80, lorsque le Cameroun rentre
dans la crise structurelle. L'origine de cette crise se trouve dans un choc extérieur très
violent: la concordance de la chute des prix des produits de base, notamment du pétrole, et
de la dépréciation du dollar, entraîne une haisse de 44% des termes de l'échange entre 1986
et 1988. Les indices des plix à l'exportation exprimés en FCFA de tous les produits
connaissent une chute importante: -11 % pour le café, -20% pour le caoutchouc, -24% pour
le cacao et -65% pour le pétrole. Ainsi, les recettes d'exportation diminuent de 30% entre
1985/86 et 1986/87. Les effets du choc vont être amplifiés par des erreurs de politique
économique.
A la fin des années 80, les turbulences économiques dues d'une part aux différents
chocs externes (la détérioration des termes de l'échange, l'accroissement des taux d'intérêt
ou plus récemment la dévaluation du franc CFA), et d'autre part aux déséquilibres macro-
économiques induits confrQnt~~e Cameroun à une crise sévère. C'est ainsi que depuis 1985,
le Cameroun est rentré dans une récession sans précédent, ct connue le constate certains
analystes' "dont il n'est pas encore prêt de sortir". La conjonction d'un environnement
1 1 FCFA = 0,01 FF
2 DE MONCHY G., ROUBAUD F (1991), DE MONCHY G.(l993).
, t
'-: MONTESQUIEU-BOR,. ,'., ' " '

INTRODUCTION
international défavorable, de mesures de stabilisation et l'effort de restructuration des
structures productives ont conduit il une dépression de l'activité économique. Entre 1985/86
(point baut du cycle conjoncturel) ct 1992/93, le PIB en volume a chuté de 23,7%. Compte
tenu du rythme soutenu de la croissance démographique (estimée à 3% par an) la régression
du pm par tête atteint sur la période 38%.
De même, depuis 1985, on assiste à une baisse de la croissance économique dont le
taux a chuté jusqu'à -3,8% en 1993/94. La conséquence en est les multiples déséquilibres
que connaît le pays: un solde budgétaire de -9,7% du PIn en 1993/94, une hausse de
l'indice des prix à la consommation de 33,8%, un service de la dette estimé à 1837 milliards
de F CFA pour l'exercice 1995/96.
Compte tenu de cet environnement, le Cameroun, dans le cadre des programmes
d'ajustement structurel et des nouvelles tendances de l'économie mondiale, se trouve obligé
d'adopter des mesures d'assainissement et de relance de son économie. Ainsi, longtemps
considéré comme principal employeur (à travers la fonction publique et les entreprises
d'état), l'Etat doit non seulement redresser certaines entreprises, mais aussi en fermer
d'autres dont les résultats sont loin d'être positifs'.
On constate donc que cet environnement de crise crée sans doute de nombreuses
mutations dans l'ensemble de l'économie et a des conséquences néfastes sur le marché du
travail.
1/. La dégradation du marché du travail
TI convient de rappeler brièvement la teneur exacte des programmes d'ajustement
structurel. Ils ont deux principales composantes: les plans de stabilisation et l'ajustement
structurel proprement dit. Ces deux composantes visent globalement à :

réduire la demande globale, dans ce cas il s'agit des politiques de stabilisation,

relancer l'ollie dans le but d'une amélioration de l'allocation des ressources (réforme des
prix des biens ct services, du crédit ct de la monnaie, réaffectation des ressources au
profit du secteur privéj.daus cc cas 011 parle des politiques d'ajustement structurel.
1 Voir en annexe la situation financière des sociétés d'état et d'économie mixte camerounaises.
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u
Ces mesures ont un impact direct sur les différentes composantes du marché du travail.
D'abord à travers l'assainissement des finances publiques, la baisse de la masse salariale et
des autres dépenses de l'Etat,
ceci doublé
d'une inflation,
ces mesures réduisent
considérablement non seulement la consommation, mais aussi par les effets d'entraînement,
la demande. Une baisse de la demande entraîne un ralentissement des activités des
entreprises, ce qui limite leurs investissements et réduit ainsi leur demande de travail.
Ensuite, la réforme des entreprises publiques' par le biais du désengagement de l'état
dans le secteur productif aboutit à une augmentation du chômage et une baisse du niveau de
vie des populations.
Quoi qu'il en soit, le contexte macro-économique de l'économie camerounaise exerce de
,
1
puissants effets sur le marché du travail à travers trois phénomènes majeurs : une forte
~\\, poussée des taux de scolarisation, une explosion du chômage et une baisse des taux de
salarisatiou.
A. Une forte poussée des taux de scolarisation
Du fait de la récession économique généralisée qui pèse sur les ressources allouées au
système éducatif: il est impressionnant de remarquer la montée du niveau scolaire de la
population camerounaise'. Malgré une chute des dépenses d'éducation réelles par tête de
plus de 25%, le système scolaire de Yaoundé a réussi à stabiliser le nombre d'individus de 6
ans et plus ayant fréquenté l'école (38000 personnes), tandis que le nombre de ceux qui ont
intégré l'université a quadruplé, en passant de 15500 à 62000.
Une ombre vient cependant se glisser dans ces données encourageantes: la dégradation
de la qualité de l'éducation. Un certain nombre d'indicateurs quantitatifs peuvent illustrer ce
phénomène. Ainsi, dans l'enseignement primaire, la demande d'éducation a cru au rythme de
9,6% entre 1984/85 et 1990/91, tandis que dans le même temps ne se créent que 6,2%
1 C'est d'ailleurs actuellement le cas pour les entreprises de service public dans les secteurs de l'eau, de
l'électricité et des télécommunications où l'état associe le secteur privé à la gestion ; ou dans une autre
mesure la privatisation d'autres l',1alldcs entreprises comme la CAMAII~. CAMSI-IIP, REGIFERCAM,
t-1EVECAM, SODECarON polir ne cucr 'lue celles-là (ces mesures ont été officiellement annoncées par le
premier ministre camerounais dans une lettre adressée au directeur du Fonds monétaire international et
rubliées dans .Jeune Afrique na 1~24-1825 ~.u 21 décembre. 1995.au 3 jan~ier 199~).
On peut voir en annexe les depenses d education et l'évolution du niveau d'etudes de la population de
Yaoundé de 6 ans et plus.
~
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_._....

INTRODUCTION
7
places assises supplémentaires, et le nombre d'enseignants n'augmentant que de 3,6%'. A
cela s'ajoutent les problèmes de qualification et de motivation des enseignants, dont la
rémunération baisse, nuisant ainsi à la performance globale du système éducatif C'est
d'ailleurs dans ce sens qu'un auteur intitule un des chapitres de son ouvrage "L'école en
ruine", en qualifiant la pratique éducative actuelle de purement quantitative, de gardiennage
social"
Devant une
telle montée des taux de
scolarisation
et
face
aux
mesures
de
restructuration du secteur public et des difficultés des entreprises du secteur privé, on ne
peut s'attendre qu'à une aggravation du chômage.
B. L'explosion du chômage et la baisse des taux de salarisation
Le marché du travail camerounais fait face à de nombreux désajustements et tensions
tant du point de vue du chômage que celui du niveau de salarisation,
1. La montée du chômage
Comme nous l'avons déjà évoqué, les difficultés auxquelles est confrontée l'économie
camerounaise l'ont contraint " adopter un certain nombre de réformes dans le cadre des
politiques d'ajustement structurel. Ces réformes consistent dans une large mesure à la
restructuration des entreprises publiques et à l'assainissement des finances publiques
et
dans un cadre générale, à la mise en place d'une nouvelle logique économique qui soit
compatible avec l'environnement international. Ceci étant, à cause d'une baisse drastique de
la croissance, l'investissement a baissé et a entraîné une hausse du chômage.
En l'espace de 10 ans, le taux de chômage" est passé de 7,3% à 24,6% de la population
active". nest probable qu'à l'heure actuelle ce taux soit supérieur à 30%5,
Les tableaux suivants montrent une spécificité du chômage en fonction du niveau
d'étude et de l'expérience professionnelle.
1 Voir PNUD (1993)
1 MICHAILOF S., (1993).
3 Voir la signification et la base de calcul du taux de chômage à la section relative à la définition des
concepts de ce chapitre introductif.
.\\ ROLIBAUD F, (1()C)l)
, Ceci compte tenu de licenciements el couipr essious du pel SOli Ile! S'IIvenus dans les grandes entreprises
d'une part, et l'arrêt des recrutements dans la fonction publique d'autre part.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital /IUI/WIIl, setun es et seçunentanon du marc/lé du travail
Tableau 1a : Taux de chômage en fonction du niveau d'études 1983-1993.
%
Pas d'études
Primaire
Secondaire
Supérieur
Total
1983
9,4
8,4
5,2
1,5
7,3
1987
9,4
14,9
16,5
9,4
14,7
1993
6,5
23,8
26,7
30,9
24,6
Source: rmC83//U, U(iPff87, Enquête /-2-3 (93)
Tableau 1b : Répartition des chômeurs en fonction de leur expérience professionnelle
Effectif %
Primo-demandeur
Perte d'emploi
Total
1987
23000
(81,5)
5000
(18,5)
28000
(100)
1993
41000
(60,0)
27000
(40,0)
68000
(100)
Source: RGPH87, Enquête J-2-3 (93).
Quand on suit de près l'évolution de ce chômage, la spécificité de celui-ci est qu'il
touche de plus en plus les jeunes. Une analyse des taux de chômage par âge' montre que les
jeunes sont les plus vulnérables avec un taux supérieur à 40% pour les 20-24 ans. Compte
tenu du fait que les jeunes sont supposés sortir du système scolaire, on se rend compte que
le marché du travail a lui même changé de nature. A l'instar des pays développés, les
catégories les plus touchées par le chômage étaient les moins diplômés, on avait donc un
taux de chômage qui était une fonction décroissante du niveau scolaire.
Dans le contexte actuel, la logique semble totalement inversée. Le taux de chômage
croît avec le diplôme, et celui-ci devient un facteur aggravant du chômage. On peut enfin
constater l'évolution des chômeurs pour perte d'emplois depuis 1987. Avant 1987, on
comptait 81,5% de chômeurs qui étaient des primo-demandeurs d'emplois contre seulement
18,5% qui avaient perdu leur emploi. En 1993, à cause des nombreuses réformes
d'entreprises, on comptait déjà 40% de chômeurs ayant déjà eu un emploi par le passé.
On peut donc dire que l'extension rapide du chômage n'a pas seulement été quantitatif,
mais que le chômage a touché des catégories qui en étaient autrefois épargnées.
Ces nouvelles tendances du marché du travail sc sont aussi manifestées par une haisse
considérable des taux de salarisation,
1 Voir l'étude de ROUBAUD, op. cit., et l'évolution des taux de chômage en annexe.
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INTRODUCTION
9
2. Une baisse des taux de salarisation
Le troisième élément qui caractérise le marché du travail est la régression massive des
taux se salarisation. Comme pour le chômage, elle est une conséquence logique de la
situation économique du Cameroun.
I.a proportion des salariés au sem de la population active non
agricole était
constamment supérieure à 65% jusqu'en 1983, voire jusqu'en 1987. Depuis 1993, elle
n'atteint plus les 50% 1. Cette réduction du nombre de salariés constitue un bon indice de la
montée du secteur informel dans l'économie camerounaise. D'ailleurs, et comme nous le
verrons dans la suite de 1I0S développements, la reconversion des anciens travailleurs du
secteur moderne, et l'entrée des diplômés dans le secteur informel peuvent créer à terme une
nouvelle dynamique dans ce secteur"
Malgré cette baisse des taux de salarisation, l'environnement est tel que ceux-ci
continuent d'être une fonction croissante du diplôme, même si c'est à un niveau plus faible.
Alors que pendant la période de forte croissance, le salariat absorbait la quasi-totalité des
diplômés de l'enseignement supérieur, en 1993 ils n'étaient plus que 53% à occuper un poste
salarié (31 Oh) au chômage et 16% indépendants, apprentis ou familiaux]. Cet aspect est une
lois de plus 111I signe de dégradation du marché du travail et dans une autre mesure la
conséquence des mutations que connaît l'ensemble de l'économie camerounaise.
En somme, l'économie camerounaise comme la majeure partie des économies africaines
connaît de sérieuses difficultés qui sont liées à la crise économique actuelle. A partir de là,
les dirigeants n'ont pas seulement à résoudre les problèmes ponctuels liés à la crise, mais
aussi ceux qui rentrent dans la nouvelle logique économique actuelle qui suppose la mise en
place d'une véritable économie de
marché.
Cette nouvelle tendance
suppose que
l'explication du fonctionnement du marché du travail telle que souvent faite doit être
révisée.
1 cr annexe.
2 On peut voir sur cet aspect des perspectives d'une transition informel-moderne, MARONGIU y (1994).
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capital/lUmwH, seuûros et segmentation du marché du travail
l()
Section 2. La problématique et la base théorique
de l'étude
Avant de présenter les considérations théoriques de cette étude, il convient de
circonscrire le problème posé dans un cadre précis afin d'éviter une analyse de tous les
mécanismes du marché du travail, ce qui est d'ailleurs impossible dans le seul cadre d'une
étude comme celle-ci.
1. La problématique
La majorité des études du marché du travail dans les pays en développement en général,
et dans le cas d'un pays comme le Cameroun en particulier se sont toujours basées sur la
dichotomisation de celui-ci, tant du coté des activités, que de celui de son organisation à
travers les comportement des individus.
Initialement développée aux Etats-Unis pour expliquer l'extension de la pauvreté durant
la période de croissance des années soixante, c'est dans sa version la plus restrictive
"l'approche dualiste", qu'elle a été le plus largement transposée à la situation qui prévaut
dans les pays du Tiers-monde. L'approche du marché du travail dual part du constat que les
gains des individus sont en grande partie fonction de leur localisation sectorielle sur le
marché du travail. Le fonctionnement du marché du travail qui en découle, notamment le '
mode de fixation des salaires, diflère selon le segment considéré. Ainsi, l'analyse met l'accent
sur la nature des occupations plutôt que sur les qualifications des individus.
La transposition des hypothèses fortes de cette approche a pris la forme d'une
dichotomisation du marché du travail urbain, entre un secteur formel et un secteur informel,
parallèle à la distinction entre primaire et secondaire dans les pays industrialisés. Ceci
devient le cadre "standard" d'analyse de la structure des marchés du travail urbains dans les
pays en développement. Cependant, du point de vue empirique, cette dichotomisation du
marché du travail n'est pas évidente et surtout elle ne recouvre pas la réalité du marché du
travail urbain '.
11 Voir quelques limites empiriques évoquées dans l'étude de El AYNAOUl lP, (1996).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

INTRODUCTION
Il
Du fait de l'existence de facteurs institutionnels, cette approche ne peut en aucun cas
expliquer les distorsions rencontrées sur le marché du travail (distorsions en termes de prix
et de flux de main-d'oeuvre). Dans ce contexte, compte tenu des diverses dimensions des
relations d'emploi et des déséquilibres qui persistent sur le marché du travail camerounais, il
est impératif de rompre avec le schéma dualiste et sa logique sectorielle.
Dans le cadre de cette étude, il s'agit non de rejeter ipso facto l'hypothèse dualiste, mais
de la remettre en question en dégageant le lien qui existe entre la structure du marché du
travail, la nature de la segmentation, et les modes de fixation des salaires, puis déterminer la
nature du chômage qui en résulte. En d'autres termes, quels sont les réels déterminants des
salaires et du niveau de l'emploi dans le marché du travail camerounais ? Les écarts de
salaire dépendent-ils essentiellement des caractéristiques individuelles ou alors ont-ils un lien
direct avec le statut dans l'emploi occupé par les individus? Si tel est le cas, la segmentation
du marché du travail dans la forme où elle existe justifie-t-elle certains aspects du chômage
au Cameroun ?
Un cadre analytique de référence est indispensable pour mener à bien une telle analyse.
1/. L'approche théorique de l'étude
Pour expliquer l'existence de différentiels de salaires entre les individus ayant des
caractéristiques productives identiques, et donc la segmentation du marché, l'analyse
économique s'appuie essentiellement sur des mécanismes spécifiques de détermination des
salaires et des processus de rationnement des emplois'.
Or, les études sur le marché du travail en Afrique en général et au Cameroun en
particulier, ont été menées dans une approche dualiste, soit par rapport à un système
productif donné, soit par différentiation des systèmes productifs'. C'est d'ailleurs cette
Lseconde approche qui a permis de distinguer un secteur moderne d'un secteur informel.
L'hétérogénéité du marché du travail urbain et l'incertitude dans l'appréhension des
mécanismes de détermination des revenus d'une part, et l'évolution économique même du
Cameroun d'autre part, ne sauraient se limiter à une telle vision du marché du travail. Ainsi,
1 MAGNAC, T., (l99 1)
2 LACHAUD J.P, (1983), LACHAUD J.P et PENOUIL M, (1985).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
12
la compréhension du fonctionnement du marché du travail qui oriente les planificateurs
quant aux types de politiques économiques à mettre en oeuvre doit dépasser ce cadre
d'analyse.
La mise en évidence des distorsions (en termes de quantités et des prix) du marché du
,
travail doit passer non par une opposition systématique des approches mais plutôt par leur
'
prise en compte respective, en combinant les conclusions auxquelles elles parviennent. C'est
ainsi que dans le cadre de cette étude, l'élargissement des schémas dualistes passe par
l'examen des différentes théories tant orthodoxes que celles liées à la segmentation du
marché du travail.
D'abord l'approche du capital humain suggère que les différences individuelles de capital
humain sont à l'origine des écarts de gains entre les individus. Elle justifie en même temps le
caractère optimal des comportements des individus en termes d'investissements en capital
humain. Pour celte théorie, deux individus ayant le même capital humain sont supposés
avoir le même gain. Ainsi, les individus parfaitement informés des opportunités de gains et
de formation choisissent à chaque période la combinaison de travail et d'éducation qui
maximise leurs revenus sur leur période de vic, nets des coûts de formation. Cependant,
l'interférence de contraintes telles que l'aptitude ou les ressources financières conduit à
différents niveaux d'investissements pour différents individus.
Ensuite, il a souvent été constaté des écarts de revenus pour des individus ayant le
même capital humain. C'est dans cette mesure que la prise en compte des théories
institutionnelles d'une part, et des extensions faites par les néo-classiques d'autre part s'avère
indispensable pour une double raison. D'abord, de part leur explication des salaires en
termes de
comportements rationnels de
minimisation de coûts, des facteurs de la
segmentation introduisent un élément de différenciation des gains en plus de ceux qui ont
pour origine le capital humain des travailleurs. Ainsi, en dehors des variables qui en
découlent (variables liées aux caractéristiques des individus et au type d'emploi), l'examen
des
schémas de la mobilité du travail et
la mise
en évidence de
l'hypothèse du
développement des marchés internes s'impose. Ensuite le caractère individualiste de ces
théories (que ce soit la théorie des contrats implicites ou la théorie du salaire d'efficience)
"f\\,·'(P-' .....'TE MONTESQUIEU-Bopnr: 1( r''''

INTRODUCTION
13
peut permettre à travers le double fondement de l'aversion pour le risque (théorie des
contrats implicites) et la minimisation des coûts (théorie du salaire d'efficience) de
comprendre les causes du dysfonctionnement sur la base du caractère flexible ou rigide des
salaires.
J..)'une manière générale, ces dillérents fondements théoriques permettent d'appréhender
non seulement les différences de gains à travers des variables autres que celles liées au
capital humain, mais aussi certaines causes du chômage à travers la nature des relations
salariale et d'emploi.
La pertinence d'un cadre analytique n'est possible que SI une méthode d'analyse
adéquate existe.
Section 3. La méthode d'analyse
Au regard des nombreuses répercussions de la conjoncture actuelle sur le marché du
travail camerounais par le biais d'un ensemble de mesures visant à modifier les structures
économiques dans leur ensemble, toute analyse prenant en compte ces changements
structurels est un exercice assez périlleux. Ceci est d'autant plus difficile que l'introduction
sans cesse de nouvelles mesures ne permet pas de fixer dans le temps le caractère définitif
de ces structures.
C'est dans ce sens qu'il s'avère indispensable dans une étude comme celle-ci de bien
limiter le champ de l'étude afin de pouvoir spécifier les objectifs, et faire un certain nombre
d'hypothèses. De même on ne saurait négliger le problème crucial du choix des procédures
d'investigation statistique.
1. Le champ, les objectifs et les hypothèses de l'étude
Avant de spécifier les objectifs et les hypothèses de travail, la clarification du champ de
l'étude mérite d'être laite.
A. Le champ de l'étude
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
14
Même si les analyses du marché du travail en Afrique en termes de dualisme méritent un
dépassement, on ne saurait méconnaître la réaction des populations urbaines faces aux crises
du développement. Cette réaction est à l'origine de l'expansion des activités informelles qui
jouent un rôle important dans ces sociétés face aux deux types de crises auxquels font face
ces pays'.
Cependant, toute tentative d'analyse du marché du travail avec une approche théorique
n'est pas toujours appropriée au secteur informel. 11 en est de même des difficultés
rencontrées dans la quantification des données relatives à ce secteur. Mais les efforts
consentis dans les recherches vis à vis de ce secteur permettent tout de même de quantifier
certains phénomènes (déterminants de gains, l'accès à l'emploi, la mobilité, etc ...).
Ainsi dans le cadre de notre étude, suivant qu'on s'intéressera à tel ou tel aspect de la
problématique, nous prendrons en compte ce secteur et nous ne nous limiterons souvent au
secteur moderne que lorsque les concepts de l'approche théorique où les données
statistiques ne sont pas appropriés au cas du secteur informel.
B. Les objectifs et les hypothèses de l'étude
1. Les objectifs
L'analyse du marché du travail en termes de dichotomie attribue des caractéristiques à
chacun
des 'segments comme si ceux-ci étaient homogènes.
C'est pour cela
que
l'appréhension des dysfonctionnements du marché du travail en termes de prix. ou de
quantités sont souvent liés à ces caractéristiques. Ainsi à partir de la définition même du
secteur informel, on note par exemple l'absence de barrières à l'entrée, le caractère
transitoire de celui-ci, le faible niveau de formation, etc .... De même, le secteur moderne est
considéré comme un ensemble d'activités homogènes régi par des institutions. Le capital
humain expliquerait donc les différences de gains entre les individus. Par contre, dans un
pays comme le Cameroun, il peut s'avérer que les salaires soient rigides, et dans ce cas cette
rigidité pourrait être l'une des causes du chômage ; ou encore les poliLiques internes des
entreprises peuvent être il l'origine d'une absence de mobilité intersectorielle, ce qui sera une
1 PENOUIL M, (1992).
',,1('
j
rr
r
" r: MONTESQUIEU-BOR'''' .,', .,

INTRODUCTION
15
cause du chômage. Ces différents éléments doivent être pris en compte dans toute tentative
d'analyse des mécanismes de fonctionnement du marché du travail.
L'objectif de ce travail est de mettre à jour une segmentation reposant sur la notion de ~.
statut de l'emploi, révélatrice des dynamiques institutionnelles à l'oeuvre sur le marché du \\J
.
'
\\1
travail.
.
Ceci revient à montrer qu'il n'y a pas une logique stricte dans la détermination des gains
dans les différents secteurs d'une part, et qu'il existe au sein du secteur moderne des "sous-
segments" qui dépendent des différents aspects des relations salariale et d'emploi.
2. Les hypothèses de travail
Dans la présente recherche, il est postulé que l'émergence des inégalités de salaires et le
chômage existant sur le marché du travail camerounais, sont liés aux processus de
segmentation et aux modes d'insertion et d'évolution des individus sur le marché du travail.
Ainsi l'hypothèse centrale de cette étude est que l'hétérogénéité des conditions sur le
marché du travail, la variété des institutions et les mécanismes déterminant l'accès à l'emploi
et sa stabilité, le contexte légal et social s'insèrent dans un processus social plus large qui
conditionne l'utilisation et la rémunération du travail.
Les inégalités de salaires et le chômage naissent aussi bien des processus d'emploi au
sens large que de facteurs plus évidents liés à la structuration même du marché du travail.
Aussi, notre étude tentera de spécifier les interactions entre la structure du marché du
travail, les modes de fixation des salaires et le chômage au Cameroun.
Une telle analyse est subordonnée à la nature de la procédure d'investigation empirique
adoptée.
1/. Une dualité dans la procédure d'investigation empirique
Avant de présenter nos deux sources d'investigation, une définition préalable de certains
concepts mérite d'être laite.
A. Définition de quelques concepts
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capitai/JUmalf/, salaires et segmentation du marché du travail
16
L'une des difficultés rencontrée dans les analyses du marché du travail dans les pays en
développement réside dans l'ambiguïté et l'imprécision des concepts souvent utilisés.
L'orientation que l'ou donne à une analyse sur le marché du travail dépend du sens
même de l'idée de "marché" du travail. Existe-t-il un marché du travail au Cameroun ? Si
1'011 considère llll marché comme un lieu d'échange ou plus précisément un lieu où sont
confrontées une offre et une demande, et dont l'équilibre détermine le prix, dans le cas du
marché du travail, le problème s'est toujours posé de savoir dans quelles conditions pouvait
-on avoir un marché parfait. Un grand débat interne aux économistes s'est porté à ce sujet
entre les
marxistes,
les néoclassiques, les
néo-keynésiens
et
les
économistes des
conventions1.
Dans les pays en développement en général, et le Cameroun en particulier, parler de
marché du travail signifie qu'il existe une offre de travail et une demande qui se confrontent
d'une part, et un système de régulation de celui-ci par les institutions d'autre part. De même,
dans une optique de marché, on voit dans le rapport marchand un rapport purement
économique qui va structurer le social. fi en est autrement dans le cas du Cameroun. D'une
part, les mécanismes de circulation et d'usage de la force de travail apparaissent multiples et
déterminés par des facteurs extra-éconmiques (parenté, ethnicité, religion, etc...) ; d'autre
part, le niveau de régulation institutionnelle/ du marché du travail est faible, en ce qui
concerne tant le repérage des qualités de la force de travail que ses conditions d'usage, de
rémunération et de protection sociale. Comme on le verra dans la suite de cette étude,
l'accès à l'emploi se fait quasi-totalement au moyen d'informations personnalisées qu'en
s'adressant à un marché désincarné, matérialisé par des petites annonces, un fonds national
de l'emploi ou des cabinets de recrutement.
D'une manière générale, nous pouvons dire qu'il y a un marché du travail qUI a
beaucoup de rigidités dans la mesure où il est imparfait. Ainsi dans le cas de notre travail, le
marché du travail désigne plus en fait ce qu'il recouvre dans le sens commun: le lieu et les
mécanismes d'uflcctation des individus aux emplois.
1 Voir lin exposé des différents courants de pensée dans LAUTIER, B, cl MARQUES PEREIRA, 1. «1994).
!
11 ne s'agit pas principalement de l'existence de codes étatiques, mais de leur observation effective et de
contrôle de cette observation.
1lf\\/I VFRSITE MONTESQUIEU-BORDFAIJ'>( "I

INTRODUCTION
17
Un autre concept souvent utilisé malgré son imprécision liée au contexte des pays en
développement est le "chômage". Dans le cadre de cette étude, le chômage sera pris au sens
du Bureau International du Travail (BIT). Bien que restrictive, cette définition s'apparente
le plus au cas du Cameroun et est souvent retenue dans les enquêtes auprès des ménages
menées au Cameroun. Ainsi est considéré comme chômeur, toute personne en âge de
travailler qui n'a pas travaillé, ne serait-ce qu'une heure au cours de la semaine de référence,
qui cherche activement un emploi et qui est disponible pour travailler. Le taux de chômage
qui en résulte est le rapport entre les chômeurs et les actifs '.
De même sans rentrer dans un débat de terminologies "secteur moderne-secteur
informel", nous pouvons signaler que nous ferons usage du terme "secteur" ici par l'habitude
prise dans le domaine de la littérature. Car, parler de secteur signifie qu'on a un groupe
homogène. Or, même dans le cas du secteur moderne, il existe des particularités tant du
côté des structures que de celui de sa fonctionnalité.
La notion de secteur informel elle n'a jamais fait l'unanimité tant du point de vue de son
existence que de celui de sa définition. La définition de base est cene du BIT2 pour qui il
s'agit d'tin mode d'activités caractérisées par: - la facilité d'accès - l'utilisation des ressources
indigènes - la propriété familiale des entreprises - une exploitation à échelle réduite - des
technologies à forte intensité de main-d'oeuvre - des qualifications acquises en dehors du
système éducatif, et - des marchés non réglementés et concurrentiels. fi en est de même de
la définition de la Quatorzième Conférence luternationale des Statisticiens du travail qui
considère le secteur informel comme "l'ensemble de petites activités effectués par des
travailleurs indépendants, employant ou non des salariés, fonctionnant en général à un faible
niveau d'organisation et de technologie et ayant pOlIT objectif primordial d'assurer à leurs
participants un emploi et un revenu; ces activités sont clandestines dans la mesure où elles
sont effectuées sans approbation formelle des autorités et échappent aux mécanismes
administratifs mis en place pour l'application de la législation fiscale et celle du salaire
minimum ct autres dispositifs ayant trait aux questions budgétaires ct aux conditions de
1 Il s'agil de l'ensemble des actifs c'est-à-dire les chômeurs et les actifs occupés.
2 BIT, Kenya Report, 1972.
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

CapitdlllUllldlll, sutaues et seYlllullt<.ltlofl du marché du travail
18
travail'". D'une manière générale, les définitions attribuées au secteur informel sont de trois
types' : celles qui font intervenir plusieurs critères et qui sont aussi nombreuses qu'il y a
d'auteurs (définitions multicritères), celles qui le caractérisent par le rôle qu'il joue dans la
reproduction du secteur moderne (définitions fonctionnelles); enfin celles qui admettent à
priori un critère simple ct unique (définitions statiques). On se rend compte que ces
définitions sont imprécises et comportent des limites par rapport à la réalité observée sur le
terrain en ce qui concerne : l'hétérogénéité de ce secteur sous l'angle des revenus et des
modes de production, l'écart de revenus avec le secteur moderne, et l'hypothèse même de
libre entrée.
Dans le sens des recherches sur la définition de ce secteur, on pourrait peut-être
s'orienter vers une approche en tenues d'offre et de demande. Ainsi, le secteur informel
pourrait être l'ensemble des emplois induit par l'offre de travail c'est-à-dire crées par des
gens cherchant du travail, contrairement au secteur moderne où l'emploi est induit par la
demande, autrement dit crée par des employeurs à la recherche de main-d'oeuvre.
Dans le cas de notre étude et conformément à notre source de données, le secteur
informel est repéré par déduction. Il est constitué par l'ensemble des activités urbaines après
élimination des entreprises modernes c'est-à-dire celles qui ont une comptabilité normalisée,
D'ailleurs, comme le note LACHAUD, J.P., "pour les recenseurs qui vivent dans le milieu
local, l'appartenance ou non d'une activité au secteur informel est quasi-évidente, puisque
que celui-ci se caractérise 'avant tout par un comportement socio-économique spécifique lié
à des conditions physiques particulières de fonctionnement").
Compte tenu de la complexité de l'analyse des mécanismes de fonctionnement du
marché du travail d'une part, et du manque de données, nous avons opté pour l'utilisation
de sources de données dont il faut faire une justification méthodologique.
B. Les données utilisées
1 HOPKINS, M (1989).
1 Pour une revue de la littérature sur la question, voir METTELlN, P. (1983).
3 LACHAUD, J.P.,( 1985) in sous la direction de PENOUIL, M., et LACHAUD, J.P.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

INTRODUCTION
19
Comme le constate GUILLAUMONT, P. "J'économie du développement paraît engluée
dans une pluridisciplinarité Houe dès lors qu'elle n'est pas formalisée'" et se réduit ainsi à des
analyses qualitatives. Dans le but de faire un rapprochement des considérations théoriques à
la réalité, le choix de deux sources de données de nature différente s'impose dans cette
étude. La validité des hypothèses faites passe par J'existence des données relatives aux
ménages et aux entreprises.
1. Les données relatives aux ménages
Les difficultés liées à la mise en oeuvre d'une investigation empirique (moyens, temps)
ne nous ont pas permis de faire une enquête personnelle pour ce travail. Cependant, nous
avons bénéficié de la générosité et de la compréhension des responsables de la Direction de
la Statistique et de la Comptabilité Nationale (DSCN) du Cameroun qui nous ont fait entrer
en possession du fichier de J'enquête 1-2-32 première phase: enquête emploi de 1993. Cette
enquête concemait plus de 2000 ménages et environ 12000 individus. Nous avons dans le
cadre de J'exploitation des données retenu les individus de 15 ans et plus, ce qui nous a
donné un échantiUon de 6558 cas.
Bien que certaines informations ne soient pas disponibles, et que la qualité d'autres soit
médiocre, ces données nous ont permis de faire des analyses d'une certaine pertinence tout
au long de cette étude.
2. Les données d'entreprises
Si pour les cas des données individueJJes, nous avons eu des facilités d'accès à un fichier
de données Hables, il n'en est pas de même des données d'entreprises.
1
L'inexistence d'une banque financière de données n'a pas rendu facile la coJJecte des
informations sur Jes entreprises camerounaises du
secteur mode me.
A
partir d'un
dépuuiUement manuel des déclarations statistiques et fiscales de toutes les entreprises des
secteurs
de
biens
de
consommation,
intermédiaires
et
d'équipement
(environ
300
déclarations de 28 pages chacune), nous avons recensé toutes les entreprises dont les
J GUILLAUMONT, P. (1992).
z Il s'a~it de la phase première d'lin pi ogr.unmc d'enquêtes orgnnisèos par DIAL (Développement des
Investigations sur Ajustement à Long terme) et la OSCN.
3 La mise en place de celle-ci n'a commencé qu'à la fin d'année 1994.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capitall1umain. salaires et segmentation du mercné du travail
20
déclarations ont été régulièrement enregistrées durant la période 1988/93. Nous avons donc
grâce à la méthode des nombres au hasard, tiré un échantillon de 70 entreprises ce qui
représente environ 33,4% des entreprises suivies pendant la période. Et comme nous le
verrons dans la méthodologie de la vérification du modèle du salaire d'efficience, un certain
nomhre de variables ont été définies à partir d'une exploitation minutieuse des bilans
d'entreprises et ceci suivant un certain nombre de critères.
Ainsi, ces deux sources de données ont entraîné une dualité au niveau de leur traitement
statistique. Si le logiciel SPSS convient aux analyses des mécanismes de fonctionnement du
marché du travail à partir des données individuelles, celui -ci est limité dès qu'on prend en
compte l'élément temporel. C'est dans ce sens que nous avons fait usage du logiciel SAS
pour l'analyse des données relatives aux entreprises.
A partir de ces différents aspects de notre étude, deux axes d'analyse se dégagent.
Le premier sera relatif à l'approche du capital humain dans l'analyse de la détermination '
1
des salaires. C'est ainsi que l'apport de la théorie du capital humain dans l'explication de la
relation salariale sera mis en évidence dans le chapitre premier. Ensuite, dans le deuxième,
chapitre, on essaiera de trouver les déterminants des salaires au Cameroun sur la base de la
rentabilité du capital humain.
Le second, prenant en compte la structuration du marché travail à travers le phénomène
de la segmentation, s'évertuera d'établir le lien entre ce phénomène et la détermination des .
salaires. De ce fait, dans le troisième chapitre, on fera une analyse théorique de la
segmentation du marché du travail. Enfin, dans le quatrième chapitre, nous mettrons en
1
évidence la segmentation du marché du travail au Cameroun et nous verrons l'impact de
celle-ci dans l'explication des salaires.
//""' 'Fr r:ITE MONTESQUIEU-BORnFt1 /1'/ '"

Première partie
Première partie :.
Capital humain et
détermination des
salaires: analyse
théorique et évaluation
empirique au Cameroun
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
23
analyse du comportement des agents sur le marché du travail se fonde sur
L iarelationsalarialequis'établitentreceux-ci.Ainsi,pourmettreenévidence
le phénomène de la segmentation du marché du travail, une explication des
différentiels de salaires entre les individus se trouve au centre de toute
analyse.
Mais, il s'avère primordial de dégager quels sont les déterminants des gains. La théorie
du capital humain est donc incontournable dans la mesure où elle permet non seulement de
comprendre ce qui explique les écarts de revenus, mais aussi ce qui justifie les décisions des
'(
individus en ce qui concerne leur choix d'investir ou pas en capital humain. Cependant,
fi
". ü-.
,1
1
"
1
l'évolution des structures (sociales, politiques, économiques) a fait évoluer la pensée
~\\ .(
\\1
i
~.~
\\
économique, au point où la théorie du capital humain ne saurait à elle seule justifier les
\\: comportements complexes des individus dans leur investissement, gestion et rentabilité du
!
\\ capital.
D'où l'intérêt porté à cette première partie, où nous essaierons d'abord de voir quelle est
la portée de la théorie du capital humain (chapitre 1), nous analyserons ensuite les salaires
au Cameroun en recherchant leur explication dans la rentabilité du capital humain (chapitre
2).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
24
Chapitre 1.
Analyse théorique du capital humain
es modèles économiques de marché du travail analysent les conséquences
L descomportementsdetravailleursquigèrentleurcapitalafind'enmaximiser
le revenu. Le modèle de concurrence parfaite décrit ces conséquences dans le
cas où rien n'entrave les décisions d'investissements qui doivent résulter de
cette gestion rationnelle. Le concept d'investissement des travailleurs par lequel on définit le
marché du travail renvoie alors à une double réalité : détournement de revenu pendant une
période donnée, accroissement d'un stock de capital productif au terme de cette période.
C'est par ces deux aspects que la réponse des travailleurs sur le marché, l'offre de travail est
conçue comme autonome et révélatrice à elle seule de l'ensemble plus vaste des tendances
de la production dans lequel elle s'inscrit. Elle est autonome car elle correspond aux
décisions des travailleurs qui agissent de façon à ce que leurs revenus soient dans une
période donnée les plus élevés possible. Elle est révélatrice de l'ensemble des tendances de
la production, car le capital humain qui en résulte n'est produit que s'il a une rentabilité en
termes de revenu, donc une eflicacité dans les entreprises. C'est dans cette mesure que
l'accumulation du capital humain recouvre toutes les actions par lesquelles les hommes
parviennent à employer plus efficacement leurs ressources humaines: éducation, formation
sur le tas, expérience en soins médicaux, information, mobilité géographique, changement
d'entreprise ou de métier, motivation, etc...
Cc chapitre a pour objectif d'analyser les différents investissements possibles des
travailleurs qui correspondent à des actes aussi différents que le changement de lieu de
travail l, les conditions dans lesquelles s'exerce le travail et enfin , l'acquisition d'une
fonuation".
1 Il s'agit d'un des aspects de la mobilité professionnelle qui sera analysé dans la suite de ce travail.
2 Cette forme d'investissement est privilegiée par les economistes et le nom à "tort" de théorie du capital
humain lui est réservé; dans le cadre de cette étude, nous limiterons nos analyses que dans le cas de
J'investissement en terme d'acquisition des connaissances qui permettent d'augmenter la productivité.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
25
L'éducation, la formation sur le tas, les soins médicaux, les migrations, la recherche
d'informations sur le marché du travail, l'aptitude à répondre aux déséquilibres économiques
constituent tous des formes d'accumulation du capital humain. Les premiers travaux ont
t
essayé de les analyser systématiquement. fi ont cependant privilégié les investissements
-.::>-
éducatifs. C'est pour cela que, en nous limitant il ce type d'investissement, nous essaierons
de voir quelle est la portée de la théorie du capital humain (section 1) et quelles en sont les
limites (section 2).
Section 1. L'approche théorique des
investissements en capital humain
La prise de conscience du fait que les ressources physiques pouvaient être à la base de '\\
la croissance des revenus a poussé les économistes à étudier les différentes formes que
revêtent ces ressources. Les individus, dans un souci de rationalité investissent en capital
humain dans le but de maximiser leurs gains futurs.
Ainsi, dans cette section, tl(H1S effectuerons une analyse critique de J'investissement en
capital humain en essayant d'en évaluer la portée.
1. Le choix rationnel de l'investissement humain: la théorie du
capital humain
L'investissement en capital humain consiste à combiner du temps et d'autres ressources
matérielles en vue d'accroître le stock de capital humain c'est-à-dire les aptitudes à avoir des
revenus monétaires et des gains non monétaires (psychiques) additionnels.
A. Le concept d'investissement humain
L'investissement humain est toute activité qui nécessite un coût, c'est-à-dire une
mobilisation de ressources rares et qui améliore les capacités physiques et intellectuelles
--
(habileté, connaissances, santé... ) des individus. L'augmcntutioude la productivité qui en
découle se manifeste par des revenus accrus ou un bien être supérieur.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
26
L'investissement humain peut provenir d'une décision collective, c'est la cas par exemple
de la scolarité obligatoire ou des campagnes de vaccination. fi peut aussi découler d'une
décision individuelle, tel est le cas de l'élève qui choisit entre poursuivre ses études au-delà
de la scolarité obligatoire ou bien rejoindre la population active.
L'investissement humain peut prendre des formes multiples. Si l'on retient l'ordre
chronologique selon lequel les individus acquièrent tout au long de la vie des capacités
physiques et intellectuelles, il apparaît que le milieu familial est le premier cadre où les
individus favorisent l'éclosion et le développement de leurs aptitudes. Cette acquisition du
capital humain par l'intermédiaire de la famille entraîne des coûts pour les parents et
rapporte des bénéfices pour la famille et pour les enfants.
Après la famille, l'école représente le second milieu où s'acquièrent et se développent les-
aptitudes et les connaissances.
En effet, l'éducation est coûteuse pour ceux qui en bénéficient. Ses coûts directs sont
l'ensemble de dépenses additionnelles entraînées par là fréquentation d'lm établissement
scolaire (frais de scolarité et de transport, fournitures scolaires... ). Ses coûts indirects sont
les revenus qu'aurait cu l'élève s'il avait travaillé, ce sont donc le prix du temps consacré aux
études. Les coûts de l'éducation sont croissants avec le niveau éducatif Pour un élève d'âge
non actif: le manque à gagner est nul. Pour un élève actif, le revenu sacrifié est d'autant plus
important que le niveau éducatif est élevé.
L'éducation développe de façon durable les compétences, elle favorise les aptitudes à
apprendre davantage, à mieux profiter des temps de loisir, à entreprendre plus efficacement
des activités non marchandes, à réaliser des activités plus passionnantes, à s'adapter plus
efficacement au changement. Enfin, l'éducation développe surtout les aptitudes à réaliser des
activités marchandes plus lucratives, elle augmente le productivité et les revenus monétaires,
elle est à ce titre un bien d'investissement.
Mais le processus d'accumulation <lu capital humain ne s'arrête pas là, l'entreprise le
poursuivra ou s'y substituera. 1
1 BECKER G.S (1962), MINCER J. (1962).
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
27
Les
investissements professionnels peuvent prendre
des
formes
diverses telles
l'apprentissage, les stages de formation ou simplement l'expérience acquise par le vécu du
travail. Ils se déroulent nécessairement dans l'entreprise et nécessitent une prise de décision
de la part du travailleur d'une part et de la part de l'entreprise d'autre part. Le processus
d'apprentissage améliore la productivité du travail, il implique en contrepartie des coûts
directs et indirects. L'entreprise subit souvent un coût direct important puisqu'elle mobilise
pour la formation, des hommes et des équipements. Les travailleurs achètent ces services de
formation, ils arrivent rarement à débourser des fonds. Le coût d'achat est simplement un
manque il gagner. Le travailleur accepte un emploi avec une rémunération réduite
(inférieure à celle qu'il pourrait avoir au mieux ailleurs) parce qu'il sait qu'il profitera
ultérieurement de son expérience.
La théorie du capital humain permet amsi d'éliminer l'hypothèse simplificatrice selon
laquelle le travail est un facteur parfaitement mobile, en faveur du principe des choix
économiques en matière de mobilité, elle permet aussi de substituer à l'hypothèse
d'information parfaite sur le marché du travail, une hypothèse plus réaliste de recherche
rationnelle d'informations.
B. Rationalité et investissement en capital humain
C'est en 1962 que sont publiés dans le Journal of Political Economy les premiers articles
qui concernent l'investissement dans la personne humaine. Parmi les auteurs de ces articles,
c'est GARY BECKER qui publiera, en 1964, l'ouvrage de référence de la théorie du capital
humain: « Human Capital: A Theorical and Empirical Analysis, with Special Reference to
Education ». L'apport de BECKER est d'avoir introduit dans la logique néoclassique l'idée
ancienne selon laquelle Ic salarié qui sc forme attend, cn retour, un hénéfice. Certains
classiques, comme RICARDO et MALTHUS, considéraient au contraire, que la formation
est un bien de consommation et non un investissement. ADAM SMITH est peut-être, avec
STUART MILL, l'lin des précurseurs de la théorie du capital humain. C'est ainsi que pour
ADAM SMITll, "un homme qui a dépensé beaucoup de temps ct de travail pour se rendre
propre
une profession qui demande une habileté ct une expérience extraordinaires [.,,] doit
à
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
28
espérer que la fonction à laquelle il se prépare lui rendra, outre les salaires du travail simple,
de quoi l'indemniser de tous les frais de son éducation, avec au moins les profits ordinaires
de la même val eur. n faut aussi que cette indemnité se trouve réalisée dans un temps
raisonnable, en ayant égard a la durée très incertaine de la vie des hommes. ,,1
Les recherches de BECKER sont menées dans un contexte marqué par un taux de
croissance jamais atteint auparavant qui incite les économistes à en comprendre les causes.
L'une de celles-ci est bien sûr l'augmentation de la quantité des facteurs de production
utilisés, mais elle est loin d'expliquer la totalité du phénomène. Le reliquat doit prendre en
compte des éléments plus difficilement quantifiables: le progrès scientifique et technique et
l'élévation de la "qualité" du facteur travail. Celte élévation de la qualité du facteur travail
aurait bien une conséquence bénéfique pour les entreprises et les travailleurs puisque la
productivité et les salaires s'élèvent de concert. GARY BECKER en déduira que les
salaires, en liaison avec la productivité, sont ainsi fonction du capital humain accumulé par
les travailleurs.
Les investissements en capital humain diffèrent par leurs effets sur les revenus
monétaires et psychiques, par les montants investis, par l'importance des rendements ainsi
que par la perception de la liaison investissement-revenus.
L'individu est donc amené à appréhender son capital humain avec des critères
-,
équivalents à ceux de l'entrepreneur qui gère son capital productif n est en fait confronté à
des volumes de coûts et de rendements. Les seconds étant la contrepartie dans le temps des
premiers. Le graphique suivant montre comment les gains dépendent des coûts initiaux.
1 ADAM SMITH cité parTHORIS G.(1993).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
29
Figure 1 : Revenus et coûts dans la théorie du capital humain
Revenus
Coûts
C
_-----B
_-+-----A
0 1 - - - - - - + - - - + - - - - + - - - - - - - - -
2
3
Age
Source: Guillemin H. et Moule M. (1993).
Sur le graphique apparaissent trois choix ou trois parcours différents. La courbe A
correspond à un travailleur qui a fait le choix de quitter l'école dès l'âge minimum possible
de sortie du système scolaire. La courbe B correspond à un travailleur qui a poursuivi ses
études secondaires jusqu'au Bac. La courbe C correspond à un diplômé de l'enseignement
supérieur. Nous constatons que les trois individus n'ont en commun qu'un volume réduit de
coûts, les coûts directs ""1"". L'individu B a supporté en plus les coûts directs "2" et les
coûts d'opportunité "2' ", et l'individu C les coûts directs "2" et "3" et les coûts
d'opportunité "2' Il et "3' ". Les coûts directs sont des dépenses effectives, par exemple de
foumitures scolaires, de frais d'inscription ... Les coûts d'opportunité sont des revenus que
l'on aurait reçu si l'on avait travaillé au lieu de consacrer son temps à la formation. Nous
remarquons que, logiquement, la partie de la courbe qui correspond aux gains est d'autant
plus élevée que l'entrée dans la vie active a été retardée et les coûts de formation
importants. Les courbes de gains présentent la particularité dans l'exemple donné d'avoir
une pente croissante puis une pente décroissante. Cela signifie que, dans une première
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
30
OLT
phase, le travailleur pourra encore augmenter ses capacités dans l'entreprise et donc sa
productivité, ce qui l'autorisera à demander une hausse de salaire.
On peut donc constater que, d'une manière ou d'une autre, les investissements en capital
humain entrent en concurrence avec les usages alternatifs des ressources. Ainsi pouvons
nous étudier les conditions qui vont pousser ou retenir l'individu dans sa décision d'investir
dans son capital humain.
C. Les décisions Individuelles d'investissement en capital humain
Les premières analyses des décisions individuelles de formation de capital humain ont
considéré que les individus, connaissent les prix et sachant leur taux d'actualisation (supposé
en état d'équilibre égal au taux du marché), optimisent une fonction de profit implicite ce qui
les amène à égaliser à la marge les rendements et les coûts de leurs investissements humains.
Ce type d'analyse a été affiné par BEN PORATH 1 qui a explicité une fonction de production
du capital humain et a déduit les conditions d'équilibre du producteur. Nous reprendrons les
grandes lignes des développements de BEN PORATH et verrons qu'elles en sont les
conclusions essentielles.
1. Les hypothèses du modèle de BEN PORATH
Il part des hypothèses simplificatrices suivantes:

la fonction d'utilité individuelle ne comprend ni les activités qui nécessitent du temps ni le
stock de capital humain;
• l'individu partage son temps, durant chaque période entre le travail et la production du
capital humain;
• le stock de capital humain K est homogène et se déprécie de façon exogène à un taux d ;
• emprunts et prêts peuvent s'effectuer à un taux d'intérêt r.
L'analyse qu'il a mené ignore le loisir. Elle suppose qLle les décisions de consommation
interviennent après affectation du temps au travail ou cl la production de capital humain. Le
1 Y. BEN PORATH (1967).
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capftal humain, salaires et segmentation du marché du travail
31
volume optimal de capital humain produit par période est tel que son avantage marginal
compense son coût marginal.
2. Le coût marginal du capital humain
La production du capital humain implique des coût directs (p DI) correspondant à
l'achat de biens et services DI au prix p, et des coûts indirects mesurant le coût du temps que
nécessite la production, ce coût correspond au manque à gagner que l'individu subit en
décidant d'affecter une fraction k, (0 < k, < J) de son capital humain Kt à la production de
capital humain plutôt qu'au travail. Si une unité de capital procure une rémunération a, le
coût indirect s'élève à (a kt Kt) et le coût total s'élève à:
(1)
Deux facteurs contribuent donc à la production du capital humain, il s'agit du temps
(effort du capital humain lui-même) et d'autres biens et services. Les quantités de ces
facteurs nécessaires pour engendrer un niveau de capital humain dépendent de l'individu, de
ses capacités intellectuelles, de son environnement socioculturel... mais aussi des conditions
techniques et institutionnelles, il s'agit par exemple de l'organisation de l'appareil éducatif
Ben-Porath suppose que la substitution entre les facteurs est possible. En fait, elle est
souvent faible, il est par exemple impossible de réduire le temps nécessaire pour obtenir un
diplôme en deçà du niveau minimum requis par les institutions.
La fonction de production de capital humain peut alors être notée
(2)
QI est le volume de capital humain produit en t ; bd bl' b2 sont des paramètres
positifs qui dépendent des caractéristiques individuelles et des conditions institutionnelles.
Les rendements à l'échelle correspondant à cette fonction sont supposés décroissants, les
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
32
coûts moyens de production à long terme sont croissants, cette contrainte découle de
l'existence d'une demande de capital humain finie.
L'individu est assimilé fl un entrepreneur qui détermine SOl1 sentier d'expansion optimal
sachant les prix de ses facteurs et sa fonction de production. La condition d'équilibre est:
a K k 1pD = b lb
(3)
1
1
1
1:1
Sa fonction de coût de longue période est:
ou encore C = I(Q)
(5)
Le coût marginal d'une unité de capital humain est:
C
= (alb b J (b plb a)b/(bI+b:J (Qlb J[1I(bj+b:J] - 1
(6)
ni
l a '
1 : 1
a'
\\
Le coût marginal est ainsi croissant en fonction du capital humain produit, de plus il est
stable dans le temps.
3. L'avantage marginal du capital humain et l'investissement optimal
Une unité de capital humain additionnelle réalisée en t se déprécie à un taux supposé
constant (d) tout au long de l'horizon économique de l'individu (T- t). Elle engendre un flux
de rémunérations brutes' décroissantes dont le premier terme est "a". Pour un taux r, la
valeur actuelle de ce flux est:
=al' e-(r+dJxdx = [ a
- - 1- e-(1'+./)(1'-1)]
(7)
1
1
r+d
VI est le prix maximum que l'individu peut payer pour acquérir une unité marginale de
capital humain. La quantité optimale Qt de capital humain qu'il produira sera telle que:
(8)
1 Au sens de BECKER, c'est-à-dire rémunération potentielle maximale.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
33
Les graphiques suivants illustrent le point d'équilibre et comment il varie en fonction du
prix de la demande.
Figure 2 : Equilibre du producteur de capital humain
Cm
Cni
VI
1 - - - - - - - - - - - : " ' - - - - - - - - - - VI
·
·
·
Source: B. Gazier (1991).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
34
Figure 3 : Effet de la variation du prix de demande sur l'équilibre du producteur de capital
humain
/ - - - - - - - - - - f - - - - - - - v o
t - - - - - - - - - - f - - - - : - - - - - - - - v 1
1---------.:'--------:--------V2
/~
Q
Source: B. Gazier, (1991).
Cette analyse aboutit d'une part à une explication du processus d'investissement tout au
long de la vie active et d'autre part à une meilleure compréhension de la décision d'investir
d'un individu et de la courbe de demande de capital humain.
4. La décision d'investir et la courbe de demande de capital humain
Comme nous l'avons déjà évoqué, le capital humain nécessite un investissement. Pour
cela, la décision d'un individu d'investir sera prise sur les mêmes critères que l'entrepreneur
qui décide d'investir dans les biens d'équipement. 1/iudividu estime le plus précisément
possible l'ensemble des coûts liés à l'investissement et les rendements attendus de celui-ci.
Les estimations de coûts sont d'autant plus complexes que l'individu devra traduire ses coûts
non financiers (par exemple le temps passé) cu coûts financiers. BECKER reprend à son
compte ici l'une des lois fondamentales de la théorie néoc1assique, la loi des rendements
décroissants : autrement dit, il partir d'un certain niveau
ou d'un
certain âge,
les
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
35
investissements pour le capital humain sont de moins en moins efficaces. L'investissement
ne sera engagé que si le rendement attendu est supérieur aux rendements d'autres types
d'investissements, en particulier l'investissement financier. La comparaison portera donc sur
le rendement interne de l'investissement et le taux de l'intérêt.
Il faut donc calculer Ics revenus il percevoir période par période ct les confronter à la
somme des coûts. Le taux de rendement interne sera celui qui annule le bénéfice actualisé,
soit :
L(R-C)
B=
=0
(9)
(l+rY
avec B le bénéfice actualisé, R les revenus, C les coûts, r le taux de rendement interne,
<;
et n le nombre de périodes.
Comme pour un investissement classique, celui-ci ne sera engagé que si r > i, (i étant le
taux de intérêt). En fait, le calcul est un peu plus complexe puisque le travailleur-
investisseur n'est pas sûr à cent pour cent de pouvoir mettre en oeuvre ses capacités. On
devrait donc introduire, dans la formule un coefficient de risque qui vienne minorer le taux
de rendement interne.
Dans la théorie du capital humain, il existe donc un prix unique du travail, mais celui-ci
est le taux de rendement sur le long terme des différentes dépenses en investissement
humain. En théorie et sur longue période, les revenus actualisés des catégories de
travailleurs les moins qualifiés devraient rapporter le même rendement que ceux des
catégories ayant le plus investi en capital humain. Ceci peut mieux s'appréhender par une
compréhension préalable de la nature de la demande d'investissement en capital humain.
L'analyse de BEN PORATH montre qu'il existe pour chaque taux d'intérêt un volume
d'investissement optimal.
Lorsque le taux sur le marché du capital s'élève, la valeur présente des rendements d'une
unité de capital humain diminue, ce qui réduit la quantité produite comme le montre la
figure 2 (L1Qlllr négatif). Lc volume d'investissement optimal est ainsi décroissant en
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
36
fonction du taux d'intérêt Si l'on suppose (lue le processus d'investissement est parfaitement
divisible, la demande de capital humain peut être représentée ainsi:
Figure 4 : Courbe de demande de capital humain
aux
mteret ou
efficacité marginal
du capital
Volume d'investissement
SOIl1~('e : lJ. Gazier, (/99/).
Cette courbe représente aussi l'efficacité marginale du capital humain. En effet, à
chaque niveau d'investissement possible correspond un taux de rendement marginal.
Une
absence
d'égalisation
des
rendements
entraînerait
une
modification
des
comportements d'investissement des travailleurs. Le graphique suivant se substitue au
graphique traditionnel de confrontation de l'offre et de la demande de travail.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
37
Figure 5 : Investissements en capital humain et taux de rendement des investissements
,aux de rendement
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • < • • • • • • • • • • • • • • • • < • • • • • • ~ • • • • • • • • • • • • • • • < • • • •
la
Ic
Volumes des investissements
S01l1~e : B. GAZIER (199/).
fi relie les taux de rendement des investissements en capital humain (au lieu des taux de
salaire) et les volumes cumulés d'investissement (au lieu des quantités de travail).
Les courbes Da, Db, De représentent pour diverses personnes ayant des aptitudes
différentes, le rendement marginal décroissant d'unités supplémentaires d'investissement en
capital humain. Les courbes Da, Db, et De représentent en fait des courbes de demande de
capital humain en fonction de son prix. BECKER postule une tendance à l'égalisation des
taux de rendement marginaux au niveau i. On peut en déduire des investissements de
volume différent la, lb, Ic qui détermineront des taux de salaire différents. Le taux de salaire
ressort comme le rendement d'un capital investi, et les différences de taux de salaire
résultent des différences des volumes de capital investi. Concrètement, le travailleur-
investisseur continuera à investir dans son capual humain jusqu'à cc que le coût marginal
s'égalise avec le revenu marginal (le coût est lié au prix de l'argent qu'il faut emprunter pour
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
38
continuer à se former, donc à il. Arrêter d'investir avant entraînerait une perte de recette, de
même, investir au-delà de ce point signifierait que le revenu marginal est inférieur au coût
marginal, ce qui correspond à une perte sur les dernières unités.
Du fait que le coût de l'investissement en capital humain dépende du taux d'intérêt, il est
indispensable de comprendre le contexte réel dans la relation entre cet investissement et le
marché de capitaux.
5. L'offre de capital et l'investissement en capital humain
Quand on part de l'hypothèse que l'investissement en capital humain est optimal lorsque
le taux de rendement interne (r) est égal au taux d'intérêt du marché, ceci suppose un
marché du capital parfaitement compétitif et accessible aux individus pour le financement de
la formation du capital humain. Le taux de rendement d'équilibre est alors celui auquel on
peut prêter et emprunter et ce taux mesure véritablement la productivité marginale du
capital dans l'économie. Cette hypothèse d'un marché de capital parfait et de la possibilité
d'emprunts illimitée à un taux d'intérêt constant est peu réaliste. C'est pour cela qu'il est
difficile dans le cas des pays africains, d'admettre que l'investissement sera poussé jusqu'à ~
l'égalisation du taux de rendement interne et du taux d'intérêt.
En fait, les ressources de financement des investissements en capital humain sont
multiples, et le rationnement du crédit donnent lieu pour une même personne à une
multitude de taux possibles. Les sources de financement les moins coûteuses seront celles
où l'on puise en priorité. Pour les investissements éducatifs, les dons des parents et les
bourses gouvernementaux sont gratuites et viennent en premier lieu, sauf que dans le cas du
Cameroun, leur coût d'opportunité n'est pas nul. C'est d'ailleurs un élément de justification
de la différence de comportement des individus dans leur investissement en capital humain
autres que les aptitudes innées. Ils sont suivis par les fonds personnels qui impliquent un
certain coût puisqu'ils peuvent avoir des affectations alternatives ct enfin, vient la source de
financement la plus coûteuse : les emprunts. Les caractéristiques du capital humain Iont que
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
39
l'on peut acquérir du crédit qu'à des taux supérieurs au taux du marché et croissants avec le
volume du crédit qui est en tous cas limité.
Pour tenir compte de cette diversité, BECKER' a introduit une fonction d'offre de
capital croissante en escaliers comme le montre le graphique 6 ci-après:
Figure 6 : Equilibre pour un marché de capital segmenté
Taux de rendement
r
o
Volume des investissements
'--------------------------_......
Source: Zouari-Bouattour S. (1985).
\\
Cette fonction d'offre intègre toutes les catégories d'offreurs et joue le rôle d'une
contrainte budgétaire. Le montant d'investissement optimal est atteint lorsque le taux de
rendement est égal au taux de financement marginal. Ce qui détermine le bénéfice de
l'investissement humain n'est plus le seul niveau de demande, c'est aussi la solvabilité de
cette demande.
Ainsi, l'analyse de BEN PORATH donne une explication cohérente de J'évolution des
investissements d'un individu tout au long de sa vie. Elle permet aussi de comprendre la
fonction de demande de capital humain. Cependant elle repose sur l'hypothèse irréaliste d'un
1 G. S. BECKER cl B. R. CHISWICK (I%(»
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
40
marché de capital parfait. llECKER élargit l'analyse en introduisant une segmentation du
marché de capital, et donne une explication plus pertinente de la formation de capital
humain pour un individu. Son approche présente l'avantage de pouvoir expliquer les
différences constatées dans les investissements en capital humain.
D. Les différences de comportement d'investissement en capital humain 1
La théorie du capital humain suppose que chaque individu détermine rationnellement
ses décisions en matière d'investissement humain. On peut attribuer à chacun une courbe
d'efficacité marginale du capital qui relie ses investissements à son taux de rendement
marginal. On peut aussi attribuer à chaque individu une courbe d'offre qui relie les
investissements au taux de financement marginal. Le graphique suivant illustre cette
situation :
1 Nous reprenons ici le modèle développé par BECKER et CHISWICK op. cil.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
41
Figure 7 : Offre et demande de capital humain
r
D
Q
Source: Zouari-Bouattour S; (1985).
La conclusion logique est que les différences d'investissement en capital humain entre
les individus proviennent des différences entre les courbes individuelIes d'offre et de
demande et ces différences sont elles-mêmes le reflet de différentes conditions de coût et de
rendement.
Comme les rémunérations individuelles dépendent du capital investi et du taux de
rendement, la distribution inégale des salaires s'explique par les dispersions des courbes
d'offre et de demande.
Trois situations peuvent dans ce cas être envisagées selon que les individus diffèrent par
leur courbe d'offre et/ou par leur courbe de demande comme le montrent les graphiques 8,9,
et 10 suivants:
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
42
r
r
:~:·7ZC7
/
:
·
.
·
.
·
.
o
:
QI
Q2
QI
Q2
Figure 8 : Approche égalitaire: dif-
Figure 9 : Approche élitiste: dif-
férenciation par les conditions d'offre
férenciation par les conditions de
mande

Figure 10 : Différentiation par les conditions d'offre et de demande
SOI(rCL' : Zouari-Bouattour S., (1Y85).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capitalhumain, salaires et segmentation du marché du travail
43
Le graphique 8 représente une approche égalitaire. Les individus sont supposés dotés
des mêmes conditions de production et de rentabilisation du capital humain. Us ont une
même courbe d'efficacité marginale du capital humain. Par contre) ils diffèrent par les
conditions de financement. La diversité de leurs situations) des subventions qui leur sont
accordées) des conditions d'emprunt qui leurs sont ouvertes... font que les plus favorisés
subissent un coût marginal de financement inférieur à celui des moins favorisés, leur courbe
d'offre est plus basse. Evidemment ceux qui peuvent financer leurs investissements à un
moindre coût auront tendance à investir davantage. La suppression des inégalités du point
de vue financier aboutira à l'égalité des montants investis. On trouve là un premier
développement caricatural de la théorie du capital humain qui attribue la responsabilité des
inégalités des revenus à une inégalité devant l'école et qui aboutit à la conclusion que la
démocratisation de l'enseignement engendre une égalisation de la distribution des salaires'.
Le graphique 9 représente au contraire une approche élitiste. Les conditions de
financement y sont supposées identiques pour tous les individus. Les différences de revenus
proviennent de l'inégalité des aptitudes à profiter d'un même investissement en capital
humain. Il existe une dispersion des capacités individuelles ct des motivations telles que les
personnes les plus douées, les plus intelligentes tirent une rentabilité plus élevée d'un même
investissement et auront tendance à investir davantage en eUes-mêmes. n existe une
segmentation du marché éducatif selon les capacités individuelles. Mais) même une fonction
d'offre parfaitement élastique telle que chacun dispose de disponibilités financières illimitées
à un certain taux d'intérêt, ne réduit pas la dispersion des investissements en capital humain
ni la dispersion des salaires. EUe aboutit à une conception "méritocratique" de l'école telle
que chacun poursuive ses investissements selon ses capacités intellectuelles) ses goûts et les
moyens dont il dispose.
La situation la plus réaliste est certainement un mélange des deux, le graphique 10
représente aussi bien une inégalité des chances qu'une inégalité des aptitudes. L'inégalité des
1 Cet aspect du capital humain qui est filiation assez nette de la théorie de la répartition chez A. SMITH
caractérise les pays en développement où il subsiste des inégalités d'accès aux formations.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
44
investissements en capital humain dépendra de la dispersion des courbes d'offre et de
demande et de la corrélation qui existe entre les deux.
Dans le cas où les personnes les plus douées proviennent des milieux les plus
défavorisés ou arrivent à détecter et à obtenir les sources de financement les moins
onéreuses, dans le cas où il existe une politique qui subventionne les investissements
proportionnellement aux aptitudes (par exemple accorder des bourses à ceux qui réussissent
le plus brillamment leurs études), il y aurait une corrélation positive entre les courbes de
demande et d'offre, les points d'équilibre correspondant à cette situation sont A et C. Les
personnes les plus capables réalisent alors le plus d'investissements et les taux de rentabilité
observés n'auront
qu'une faible
dispersion.
Une efficience économique est réalisée
corrélativement à une large inégalité des investissements en capital humain.
Dans le cas où les personnes les plus douées proviennent des milieux les moms
défavorisés ou encore, lorsqu'il existe une politique d'équité telle que chacun tend à réaliser
approximativement le même niveau d'investissement et telle que les personnes les moins
douées sont les plus subventionnées, il y aurait une corrélation négative entre les courbes de
demande et d'offre, les points d'équilibre correspondant à cette situation sont B et D. Les
différences des taux de rendement mesurent dans ce cas les différences des aptitudes
individuelles. fi existe toujours une dispersion des salaires qui s'explique dans ce cas par les
dispersions de l'intelligence, des motivations.
En fait, les aptitudes et les motivations sont vraisemblablement indépendantes des
conditions financières en l'absence dc politique de subventions. 11 en découle qu'il n'y a à
priori pas de corrélation significative spontanée entre courbes d'offre et de demande. Les
quatre points d'équilibre (A, B, C, 0) représente des situations possibles et montrent aussi
bien une dispersion des taux de rendement qu'une dispersion des montants investis. Ces
dispersions s'expliquent par la double imperfection du marché de formation de capital
humain et engendrent une inégalité de salaires.
Ces différentes possibilités d'investissements font que leur rentabilité crée des situations
différentes dans la structure des salaires observés entre les individus, d'où l'importance des
modèles de salaires.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
45
Il La signification des modèles de salaires
La conceptualisation de l'entreprise comme unité de sélection économique des
investissements efficaces est fondamentale pour donner un sens à l'observation faite sur le
marché du travail. C'est dans l'entreprise que s'établit le lien entre les investissements des
travailleurs et leurs effets sur le supplément de revenu. C'est également dans l'entreprise
qu'est assuré le contrôle du lien entre investissement, productivité et rémunération qui fonde
la théorie du salaire. Cette théorie prend en compte les principes de rationalité de l'ensemble
du marché du travail et aboutit à la mise en exergue du concept de concurrence parfaite. Les
théories de l'offre et de la demande fondent d'un certain point de vue cette notion de
concurrence. Elles montrent comment des agents travailleurs et entrepreneurs tendent
lorsque rien n'entrave leur action à maintenir l'unité du marché par l'allocation des
investissements et la fixation des salaires compensateurs.
1
Ainsi toute analyse des modèles de salaire ne saurait se dissocier à leur application à la
théorie de la concurrence, et par la suite, leur compréhension passe par une étude des
fonctions de gain.
A- L'application à la théorie de la concurrence
La validation de la théorie de la concurrence est généralement abordée à partir de
l'étude des différences de salaires. La vérification du modèle d'un marché du travail unifié
par l'action des forces économiques conduit alors à faire l'hypothèse d'une relation étroite
entre ces différences de salaires et les niveaux d'investissements des travailleurs qui se
trouvent sur ce marché. Le test de cette hypothèse suppose que l'on définisse les variables
qui sont significatives de ces niveaux d'investissements, que leur valeur soit connue pour
chaque travailleur et qu'on leur associe un niveau de salaire. Ces variables sont construites à
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
46
partir de cc que l'on connaît sur Ics travailleurs et sur Ics emplois occupés' : âge, nature de
la tâche, type de mobilité, sexe, race, etc ...
Nous supposerons'pour le moment que l'on choisit pour définir chaque travailleur dans
l'emploi qu'il occupe, n variables que nous désignerons par V
V en nous réservant de
1
Il
revenir sur les problèmes posés par ce choix.
Nous considérons que le marché du travail est défini par t travailleurs qui occupent t
emplois différents, et que l'on connaît pour chaque travailleur i le salaire Si et l'ensemble de
valeurs Vil' ...., vi, ..... Vi .
1
Il
Supposons alors qu'il existe une relation valable pour l'ensemble du marché" entre le
salaire S et ces variables V, telle que:
s'0=. S(I/II, ... VI,J.
( 10)
et cherchons par des méthodes d'ajustement statistiques à évaluer les paramètres qui
définissent cette relation S.
La Iorme la plus simple que l'on puisse tester est une forme linéaire que nous prendrons
pour faciliter l'exposé.
Soit le modèle:
S = {l,V +..... + {l/Y,' + a V
(1\\ )
l
"
n
a
a sont les paramètres calculés à partir des valeurs observées sur le marché du
,
Il
travail pour les t salaires S', ......, st et pour les t ensembles de type (vi" ....., vi ). Le résultat
n
obtenu peut se définir par rapport à deux cas extrêmes.
Dans un premier cas, la relation entre S et les variables V est étroite. Un modèle unique
permet de calculer à quelques variations inévitables près chaque salaire Si lorsque l'on
1 Ces dilTérents éléments seront analysés dans la suite de cc travail dans le cadre des déterminants de l'offre
d~ travail.
l L'analyse que nous effectuons est inspirée de J. J. SILVESTRE (1978).
3 Il s'agit là de l'hypothèse de concurrence pure et parfaite sur le marché du travail
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Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
47
connaît les valeurs de vi ,
, vi . La variance totale des salaires est ainsi "expliquée" par
/
"
celles des n variables retenues.
Nous retrouvons dans ce cas un type de structure des salaires prévu par le modèle.
C'est-à-dire:
- des travailleurs définis par des investissements de même type et de même nrveau
reçoivent le même salaire,
- lorsque deux travailleurs reçoivent des salaires inégaux, on peut expliquer cette
inégalité par le seul recours à leur niveau d'investissement que l'on mesure à partir des
variations d'une ou de plusieurs des variables du modèle: nombre d'années d'études seul ou
nombre d'années d'études et niveau de responsabilité et expérience professionnelle, etc ....
Les valeurs des différents paramètres qui définissent la fonction S permettent alors
d'apprécier l'influence de chaque variable, de chaque type d'investissement sur le salaire'.
Un second cas peut se présenter totalement différent du précédent. C'est celui où les
valeurs estimées de a , ..., a sont voisines de zéro et où l'essai de construction du modèle
1
"
révèle une indépendance complète entre les variables V et les salaires S. Un tel résultat
révèle une autonomie totale de la structure des salaires par rapport aux investissements des
travailleurs. L'unité du marché est d'un autre type que celui que prévoit la théorie.
Les résultats obtenus dans les recherches empiriques se situent entre les deux cas
extrêmes présentés ci-dessus'.
Les difficultés d'interprétation tiennent au fait que les ajustements obtenus ne sont ni
totalement imparfaits ni totalement parfaits. Ces difficultés peuvent être résumées de la
façon suivante.
La construction d'un modèle urnque qu'on applique à un ensemble de travailleurs
équivaut à considérer que ces travailleurs sont sur un même marché de travail. Le problème
1 Le modèle peut être construit de telle façon que le paramètre estimé représente le taux de rentabilité des
investissements effectués. Dans la majorité des cas, une telle estimation n'est possible car aucune évaluation
monétaire de l'investissement n'est connue, les paramètres "a" ne représentent que l'effet d'une variable sur
le salaire.
! L. Levy GARI30UA, (1 '.l72) ; M. RIl30ULJ, (1 '>74).
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Première partie
48
est alors de savoir à quel type de découpage de l'espace économique correspond ce concept.
Le souci de retenir un espace économique homogène peut conduire à limiter l'observation à
des ensembles de travailleurs très précisément définis par une spécialité professionnelle et
une zone géographique. L'important est, dans tous les cas où l'observation est réalisée,
d'avoir ù l'esprit deux types d'explications des écarts aux prévisions de la théorie : une
explication par les discontinuités (nationales, géographiques, juridiques) et une explication
par l'inadaptation de la théorie aux processus réels de formation des salaires.
Le second problème est celui des variables qu'on retient et de la signification qu'on leur
donne. On peut envisager deux cas. Dans un premier cas, on sélectionne des variables qu'on! '
considère comme directement représentatives d'un investissement : le niveau d'éducation, le 1 1
nombre d'heures de travail, le nombre de travailleurs et le modèle permettant de confirmer
leur influence sur les écarts de salaires. Dans un second cas, l'introduction dans le modèle de
certaines variables révèle une relation avec le salaire. Cela peut être le cas du sexe, de la
race, de l'ancienneté, de la situation de famille, etc ... L'interprétation des résultats du modèle
dépend ainsi avant tout du contenu économique que l'on peut donner à ces caractéristiques. (
D'une manière générale, les analyses faites sur le capital humain sont d'une importance
indéniable lorsqu'il faut expliquer:
- la distribution des salaires : BECKER a montré que l'éducation constitue un
investissement au niveau privé. En moyenne une éducation additionnelle augmente le flux
des revenus tout au long de la vie active d'un individu.
- les différences de développement entre pays: ANDERSON et BOWMAN ont vérifié
que les pays qui ont le plus développé leurs ressources humaines ont été généralement ceux
qui ont les niveaux du revenu national les plus élevés. 1
- la croissance économique : DENISON a estimé que les progrès quantitatifs de
l'instruction et les progrès des connaissances permettent d'expliquer respectivement 23% et
20% de la croissance observée entre 1929 cl 1957 aux Ftats-Unis. 2
- - _..- - - - - - - - - -
1 BOWMAN M.J, ANDERSON C.A.,( 1%1).
2 DENISON.F., ( 19(3)
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
49
En somme, les hypothèses de rationalité et de concurrence étant difficilement vérifiées
compte tenu de l'interprétation même des concepts, les différences ainsi faites permettent de
distinguer deux façons d'interpréter les "fonctions" de salaire. Dans un premier cas, on
considère que ces fonctions simulent les différences de salaires entre travailleurs à partir
d'un modèle qui fait intervenir 1111 grand nombre de variables. Dans un second cas, il s'agit
d'expliquer à la fois la variance de salaires et préciser le contenu économique et le rapport
avec la théorie des variables retenues. Il s'agit alors de tester un type de fonctionnement du
marché du travail. C'est dans cette seconde perspective que la dérivation des fonctions de
gains peut trouver une explication à la théorie du capital humain.
B. LES FONCT/ONS DE GAINS.
Pourquoi les salaires sont-ils inégaux? La vérification économétrique de la théorie du
capital humain à travers les fonctions de gains tente de montrer les facteurs explicatifs des
variations des revenus observées entre les individus.
La présentation (I"C nous allons faire de la fonction de gains s'inspire des travaux de
Jacob MINCER' et Michelle RIBüU02. Nous exposerons d'abord le modèle théorique de la
fonction de gains, et ensuite nous verrons les relations entre ce modèle et les profils âge-
gams.
1. Le modèle théorique
a. Les objectifs de la fonction·de gains
La fonction de gains s'inscrit dans le cadre théorique général de la théorie du capital
humain. Celle-ci repose sur l'hypothèse selon laquelle l'accroissement du capital humain
augmente la productivité de l'individu. Par conséquent, si les marchés sont parfaits et si
1 _ Jacob MINCER, (1974 et 1980)
2 Michelle RlBüUD, (1978)
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Première partie
50
l'économie est à l'équilibre, les gains de l'individu sont égaux à sa productivité marginale.
Autrement dit, nous avons une liaison directe entre les gains et le stock de capital humain.
L'objectif de la fonction de gain est de tester cette hypothèse et de mesurer l'intensité de
la liaison entre gains et capital humain. L'expression générale de la fonction de gains est du
type:
E = f(X),
(12)
E est le gain de l'individu,
X un vecteur de variables représentant le stock de capital humain.
Enfin, la fonction de gains permet d'expliquer les comportements individuels en matière
d'investissement en capital humain sur l'ensemble du cycle de vie.
b. Le modèle
i). Les hypothèses générales du modèle
Elles sont au nombre de six.
HI. L'investissement en capital humain augmente la productivité de l'individu.
H2. L'économie est en équilibre, autrement dit les gains égalisent les productivités
marginales. Cela suppose aussi l'égalisation des taux de rendement de l'investissement en
capital humain pour tous les individus.
H3. La relation entre capital humain et gains suppose un processus d'optimisation des
décisions d'investissement, tel qu'il est décrit dans le modèle de Ben-Porath.
ff4. Les capacités innées, les goûts et l'environnement familial des individus sont
différents. Nous faisons donc une hypothèse d'hétérogénéité du facteur travail.
H 5. L'offre d'emploi et l'offre de capital humain sont supposées infinies.
H6. Le coût total de l'investissement se compose uniquement d'un coût d'opportunité.
Nous supposons donc que les coûts directs sont nuls.
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Capitalhumain, salaires et segmentation du marché du travail
51
Cette hypothèse reste acceptable ' dans la mesure où la plupart des systèmes éducatifs
sont gratuits ; ou alors les coûts directs sans être nuls, sont plutôt très faibles et par
conséquent négligeables.
ii). La formulation du modèle
Nous allons retenir dans la majeure partie de ce modèle les formulations faites par
BECKER, CHISWICK2 et MINCER3. Le modèle comprend deux équations: l'une explique
le salaire brut ou potentiel, l'autre le salaire net. Par salaire, on entend ici les gams
monétaires et non monétaires. Nous préciserons lorsqu'il s'agira uniquement des gams
monétaires.
Le salaire brut est le salaire que l'individu devrait percevoir compte tenu de sa
productivité c'est-à-dire de son stock de capital humain. Ce salaire comprend deux éléments
- la rémunération du capital humain initial de l'individu E ' Nous pouvons supposer, que
o
E sera d'un montant assez faible,
()
- la somme des rendements des investissements précédant l'instant t.
Le salaire net est la différence entre le salaire brut et le coût de l'investissement. Si sur
une période donnée, l'individu n'investit pas, son salaire net est égal à son salaire brut.
Soit:
E, le salaire brut sur la période'
Y, le salaire net sur hl même période
Si nous notons,
C le coût total de l'investissement effectué sur la période h
h
1 Cette hypothèse est discutable si l'on tient réellement compte de la part de ces coûts directs réellement
supportés par l'individu par rapport à l'organisation du système éducatif que l'on prend en considération.
2 BECKER.G., CHISWICK B (1966)
1 MINCER J. 1974, op cit
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
52
rh le taux de rendement de cet investissement, nous pouvons écrire:
1-\\
E, =e, + LrhC"
(13)
"=0
Y, = E, - C,
( 14)
Nous introduirons une variable aléatoire ut pour tenir compte d'éléments perturbateurs,
que nous supposerons aléatoires dans la détermination des gains. Cette variable sera sous
forme exponentielle afin de pouvoir rendre linéaires les équations dans un second temps.
Puisque le salaire brut en t est égal au salaire brut en t-l augmenté de l'investissement
en t-l, nous pouvons écrire par récurrence:
E =E
+ r
C
(15)
1
1-/
1-/
1-/
= E [1 + r
k 1avec k = CIE (nous venons plus loin la signification de Ir)
1-/
1-/
1-/
1
1
l
'ï:
= E [1 + r
k 1[1 + r
k 1
1·2
1-2
1-2
1-/
I-f
1-1
~li = EoI1[l +r ]
( 16)
hk h
1
h=O
Nos équations deviennent:
1-\\
Et = E I1[l
o
+ r"k"leu,
( 16')
"00
Y=E-C=E[l-k]
( 17)
1
1
1
1
1
La variable kt est le rapport entre l'investissement de la période t et le salaire brut sur la
même période. Ainsi si l'agent renonce à sa participation au marché du travail sur la période
t, k = 1 puisque C = E.
1
1
1
Nous pouvons donc parler indifféremment de coût de l'investissement en se référant à
C, où cl k, la fraction du salaire brut <lue cet investissement représente. L'intérêt de celle
1
1
présentation réside dans la manipulation des données statistiques, car le montant des
investissements en valeur nominale est généralement impossible. Par contre, nous pouvons
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Capdal humain, salaires et segmentation du marché du travail
53
connaître les investissements mesurés en temps. Lorsqu'un individu renonce à travailler pour
suivre ses études, k est égal à 1. Il suffit alors de compter les années.
1
La présentation sous forme logarithmique des équations précédentes nous permet de les
mettre sous forme linéaire, soit:
t-I
Logïi, = Logli; + L Log[l + rhk,.l + lit
( 18)
h;O
( 19)
En utilisant les séries de TAYLOR, et sous conditions que r k soit petit, nous pouvons
h
h
écrire:
Les équations (18) et (19) deviennent:
t-\\
Logli, = Logli; + Lr,.k +
(20)
h
lit
h;O
LogYt = Logls, + Log( \\- kt)
(2\\ )
Les équations (20) et (21) constituent la formulation générale du modèle de gains.
Autrement dit, la connaissance précise des investissements de chaque individu jointe à une
mesure de leurs capacités innées peut nous permettre de calculer à un facteur près le
montant des gains à chaque période de leur vie.
iii). Une simplification du modèle de gains: le modèle de scoteriié',
Ce modèle de gains est restreint aux seuls investissements scolaires. Nous supposons
qu'il n'y a pas de dépréciation du stock de capital humain pendant la période de scolarité et
que les investissements en capital humain cessent lors de l'entrée dans la vie active.
1 La formulation la plus courante est présentée par MINCER J. (1 C)58).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
54
Considérons deux individus: l'un a accompli s, années de scolarité, l'autre s] années avec s]
< sr A l'entrée dans la vie active, le premier gagnera E<;, et le second Es1_
Nous supposons que la période de vie active a la même durée pour les deux individus et
est Il. Soit r le taux d'intérêt du marché, la valeur actualisée de leurs revenus est:
r
e-"', (1- e-m )
VI = El
e-ri dt = El ------'-------'--
(22)
~
r
et
(23)
Puisque le modèle suppose l'économie à équilibre, VI = V]
~ e -''''. (1 - e -m)
e -"'2 (1 - e -m)
<;::;>E
=E
(24)
1
r
2
r
<;::;> E
= E e r(s, -Sj )
(25)
1
2
Puisque SI > S2, on peut considérer d'une manière générale que pour les deux individus,
l'individus 1 a accompli s années de scolarité et l'individu 2 est resté d années de moins dans
le système scolaire, on aura :
(26)
Donc, le rapport E//i1 ne dépend plus du niveau scolaire s, ni de la durée de la période
de vie active n ; il dépend plutôt du taux d'intérêt et du nombre d'années additionnelles
d'éducation d.
Comparons maintenant Ic salaire correspondant à s années de scolarité à celui d'une
personne n'ayant reçu aucune éducation, nous aurons:
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Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
55
E.• = ers E représente le gain associé au stock initial de capital humain.
E
0
o
Ce qui peut s'écrire sous la forme logarithmique:
Logli, = LogEo + rs
(27)
Ccci est la formulation du modèle de scolarité de hase.
En conclusion, le modèle de scolarité suppose que les profils de salaires sontvJ~~~!
qu'il n'existe pas.._d'investissements postscolaires. Comme cette dernière hypothèse est
rarement vérifiée dans la réalité,
il vaudrait
mieux incorporer les investissements
postscolaires dans la fonction de gains.
2. La prise en compte des investissements postscolaires
\\
L'analyse des décisions individuelles d'investissement en capital humain 1 nous a permis
de dégager un processus optimal d'investissement tel que:
- au début de sa vie active, l'individu se consacre exclusivement à la production de
capital humain ;
- vient ensuite une période durant laquelle l'individu partage son temps entre travail et
production de capital humain ;
- la théorie suppose que l'individu investit de moins en moins durant cette deuxième
phase;
- le capital humain se déprécie.
Ainsi, il s'agit de formuler la relation théorique entre les gains et les investissements en
capital humain afin de pouvoir, dans la suite de ce travail, en analyser les implications sur
les profils âge-salaire et en déduire les taux de rendement des investissements en capital
humain.
1 cr. modèle de OEN-PORATH
UN/VER SITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
56
Donc cette théorie nOLIs permet de comprendre le profil âge-gains d'un individu. Nous
étudierons les différentes allures possibles du profil de salaire selon que certaines des
hypothèses ci-dessus seraient ou ne seraient pas vérifiées dans l'un et l'autre cas du salaire
brut et du salaire net.
a. Les profils des salaires bruts
i). En absence de dépréciation du capital humain
Partons de l'équation suivante:
1-1
El = s, + L:>hCh
(28)
h=O
\\
Nous savons qu'à la tin de sa période d'éducation l'individu entre dans la vie active. Son
niveau initial de salaire dépendra d'après cette équation de son stock de capital humain
accumulé. Plus ce stock sera élevé plus son salaire initial sera élevé. Soit Es' le salaire initial.
(29)
donc un individu qui cesserait d'investir dès son entrée dans la vie active (m) verrait son
profil de gain devenir plat jusqu'à la fin de sa vie (/*). Ceci est représenté par la figure
suivante:
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Capffal humain, salaires et segmentation du marché du travail
57
Figure 11 : Profil âge-gains en absence de dépréciation
E
Gain
Source: B. Gazier, (1991).
Par contre, si l'individu continue à investir après son entrée dans la vie active, CI_I
devient positif Donc El > E I_I .
El ~ 1 = El + ri CI
(30)
donc le changement de salaire entre les périodes t et t+ 1 sera
t1E1 = El
(31 )
j
1 - El = ri CI > 0
Cet écart de salaire sera d'autant plus important que le montant de l'investissement sera
élevé. Par conséquent le salaire brut augmentera tant que l'investissement se poursuivra.
Lorsque la période d'investissement s'interrompra, le salaire brut atteindra un pallier et se
maintiendra à ce niveau jusqu'à la fin de la vie active (1*).
Le modèle de BEN PORATH conclut qu'après une phase initiale, l'individu investissait
de moins en moins, c'est-à-dire
CI<C<=>CI-C<O
1+
1
Il
1
L'augmentation du salaire brut sera alors de moins en moins rapide c'est-à-dire
,
A~ E = r AC = r /C
C) -: 0
I I I
I l'111
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
58
Lc profil du salaire brut sera dans ce cas COIICilVC comme le montre la figure suivante.
Figure 12 : Profil du salaire brut en l'absence de dépréciation
Il
t
Source B. Gazier, (/99/).
En somme, le niveau du salaire brut à l'entrée dans la vie active dépend du stock de
capital accumulé auparavant. Si l'individu continue à investir après être entré dans la vie
active, son salaire brut augmentera jusqu'à l'âge de la retraite. Mais cet accroissement sera
de moins en moins rapide et atteindra un maximum à la fin de la période d'investissement.
Notons cependant une limite de cette approche. Il est difficile d'intégrer le savoir faire ou la
formation sur le tas. Pour cela, on devrait considérer que l'individu, grâce à son ancienneté,
investit jusqu'à la fin de sa vie active.
La situation n'en est pour autant pas similaire avec le salaire net.
ii). Les effets de la dépréciation sur le profil du salaire brut
Par définition, l'investissement net Cil est égal à la différence entre l'investissement brut
Cit* ct la dépréciation du capital Ilil il lin taux li. Autrement dit,
Ali = Cil = Cu» - d flit
(32)
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capitalhumain, salaires et segmentation du marché du travail
59
ce que nous pouvons aussi écrire sachant que
et que Je taux de rendement du capital humain est défini comme
rit = Eit/Hit
kit = ktt" - cl/rit
(33)
D'autre part nous savons que
Llliit = rit (Cit* -dHit)
ce qui signifie que, tant que l'investissement net augmente, c'est-à-dire tant que
l'investissement brut est supérieur à Ja dépréciation du capital, le salaire brut augmente.
Un sommet est atteint lorsque
Llliit = 0 Ç::;> Cit* = dhit
(34)
Cela se produira car l'individu investit de moins en moins, c'est-à-dire Cit* diminue,
alors que dHit augmente puisque Hit, le stock de capital s'accroît tout au long de la vie
active. Après ce sommet le salaire brut décroîtra puisque nous aurons
Cit* ~dHit
Enfin si l'individu n'investit plus une fois entré dans la vie active, son profil de salaire
brut décroît puisque'
t1Eit = - dHif
1 Celte hypothèse de BEN PORATH nOLIs paraît tout de même totalement irréaliste dans Il} mesure où le
travail effectué tout au long de la vie active constitue de fait un investissement supplémentaire pour
l'individu.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
60
b. Le profil du salaire net
i). En l'absence de dépréciation
D'après J'équation suivante, le salaire net est défini par:
YI = El - Ct
(35)
donc ce salaire à l'entrée de la vie active est égale à
r, = Es' Cm
(36)
Avant d'entrer dans la vic active, IHHlS avons
Yl d = En 1 - CI' 1
11=1
= Eo+ L rllCh - CI' 1
"=0
11=1
YI = e, + L r"C" - Ct
(37)
11=0
d'où le changement de salaire net entre la période t et la période t+] est égal à :
= rt Ct + (Ct - CH])
(38)
Durant la période d'investissement Ct est positif Comme les investissements déclinent
progressivement, (Ct - CH]) est aussi positif
Donc L1Yt est positif c'est-à-dire le salaire net augmente tout au long de la vie active. Si
l'investissement en t est égal à zéro, L1Yit est aussi égal à zéro et le salaire net devient
constant.
Lorsque ce sommet est atteint, les salaires bruts ct nets se rejoignent par définition.
Enfin, la pente du salaire net est plus forte que cene du salaire hrut. En effet, la pente du
salaire brut est:
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
61
et la pente du salaire net est:
les investissements déclinant progressivement,
Quant à la concavité de la courbe,
(39)
or L1C < 0, donc r, L1C < 0 (car les investissements professionnels déclinent).
Pour que le profil soit concave, c'est-à-dire L12Yt <0 nous devons avoir:

soit L12C ~ 0 c'est-à-dire un investissement qui décline de façon linéaire ou exponentiel.
Comme ~2Ct est vraisemblablement petit, le profil du salaire net sera probablement
concave.
Ces profils peuvent être représentés comme l'illustre la figure suivante:
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
62
Figure 13 : Profils âge-gains suivant la théorie du capital humain
Salaires bruts
et nets
Es'
.
Y n}
.
L . . . - _ - - - ' .
- - - - ' ~ _ ~
III
Age
Source: B. Gazier, (199 f).
ii). Les effets de la dépréciation sur le salaire net
\\
Le salaire net est la différence entre le salaire brut et l'investissement brut, soit
(40)
Nous pouvons écrire par récurrence
Yt1 1 = Et1 1 - C, 1 1•
d'où
(41)
car l'investissement brut décroît tout au long de la vie. Donc, tant que l'investissement
net reste positif, le salaire net augmente. Lorsque l'investissement net devient nul, c'est-à-
dire C/ = JHt, le salaire net continue à croitre car l'investissement brut n'est pas nul.
Autrement dit, le salaire brut atteint UII sommet avant le salaire net. Comme au delà de ce
point (C/ - JHJ devient négatif, il arrivera un moment où LiYt = O. Le salaire net atteindra
cc sommet puis déclinera.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
63
En conclusion, la divergence des profils des salaires peut s'expliquer d'une part par
l'accès plus tardif à la vie active de ceux qui ont eu tille plus longue période de
spécialisation dans la formation de capital humain. et d'autre part par une corrélation
positive entre les investissements en capital humain.
Par contre, une convergence des profils de salaires serait due d'une part au phénomène
de la dépréciation et d'autre part par une corrélation négative entre les différents
investissements en capital humain.
Aussi, une étude de l'allure des profils âge-salaire est-elle très riche en informations
relatives aussi bien à l'importance des investissements en capital humain et les relations qui
les lient qu'aux comportements des individus sur le marché du travail.
3. La forme courante des fonctions de gains.
Nous supposons que le coût de l'investissement scolaire est uniquement un coût
d'opportunité. En d'autres termes, nous supposons les coûts directs nuls. Nous avons déjà
justifié précédemment celte hypothèse. Par conséquent, pendant les années de formation,
nous avons kt = /. La contribution de ces années d'éducation au salaire est égale à :
',=3
h=,I'
Lr"k
(42)
h = Lr"
"=0
"=0
rh est le taux marginal de l'investissement pour l'année h.
Le taux de rendement moyen des investissements effectués les S premières années de la
vie est rs tel que:
(43)
Cette dernière formulation présente l'avantage de mesurer l'investissement scolaire par
llll
nombre d'années décolc.
Elle peut doue être lucilcmcnt testée empiriquement.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
64
Cependant l'élément qualitatif est absent de cette formulation. Ces facteurs qualitatifs se
trouvent dans le terme résiduel de la régression 1.
L'expérience professionnelle s'acquiert au cours de la vie active et débute à la période
m. La contribution au salaire des années d'expérience professionnelle est:
h=I-1
L1i.kh
(44)
},::m
En faisant une moyenne pondérée des taux de rendement rp, nous pouvons poser:
h=I-1
h=I-1
Lrhkh = 1'/' 2)h'
},=m
},;.m
rp est le taux de rendement des investissements postscolaires.
Reprenons notre modèle de gains initial:
(45)
Log YI = Log El ·1· Log (I -kJ
(46)
Ce modèle devient alors:
Log YI = Log El + Log (l-kJ
Nous retrouvons là, la forme étendue du modèle générale, présenté et décrit par les
relations précédentes. D'après la relation (46) on a :
Log YI = Log Eo + r, s + rI' L k; Log (1-kJ + /1 '1
Nous devons expliciter les deux demiers termes de la relation (46). La théorie du capital
humain prédit une décroissance des investissements au cours de la vie d'un individu. 1.
1
Une analyse sc ru raite dans la suite de cc travail sur les autres formes diuvestissements en capital humain
qui se trouvent dans ce résidu.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
65
MINCER 1 propose une fonction linéaire où la fraction du salaire investie durant chaque
période est une fonction linéaire décroissante du temps passé dans la force de travail.
k, = ko - kriT t

k o est la fraction du salaire investie durant la première période de la vie professionnelle.
T est la longueur totale de la période d'investissement brut.
t mesure le nombre d'années d'expérience professionnelle.
En ce qui conceme Log (J-kJ, en utilisant des approximations quadratiques (c'est-à-
dire à l'ordre 2) des séries de TAYLOR, le modèle devient:
Log Y, = Log Eo -/- r, s - ko (J +kil2) + (r; ko + kilT -/- k/IT) t
- (rp kcl2 T + kil2T) r + w',
(47)
Ce qui nous donne la forme des équations communément utilisées. Nous aurons:
Log Y, = b0 + br s + b:1 t + b r
J
+ Il
(48)

bo = Log Eo - ko (J+kcl2)
u le facteur résiduel.
Y, représente le niveau de gain net obtenu par un individu après t années d'expérience
dans l'emploi. Nous devons noter ici que le passage de J'équation (46) à l'équation (48)
aura des conséquences sur le coefficient de la variable « années d'études». Il sera fréquent
de rencontrer une forte augmentation de ce coefficient lorsqu'on incorpore dans le modèle
1 J. MINCER, op cil.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
l'expérience professionnelle. L'origine tient à la corrélation existant entre le nombre
d'années d'études et l'expérience'.
Pour conclure, il est nécessaire de noter que deux hypothèses ont été faites de manière
implicite au cours de cette présentation de la forme générale des fonctions de gains. Tout
d'abord, l'investissement net est supposé négatif, c'est-à-dire que nous avons fait
abstraction de toute dépréciation du capital humain une fois qu'il est acquis. Ensuite, les
variations de gains présentées ci-dessus sont en fait des variations de capacité de gains dans
la mesure où nous ne prenons pas en compte d'éventuelles modifications du rythme de
travail des individus.
Si la théorie du capital humain semble justifier les comportements des individus dans
leurs investissements en capital humain, celle-ci comporte des hypothèses parfois irréalistes
et nécessite un approfondissement. Elle présente par là un certain nombre de limites qu'il est
important de dégager.
Section 2. Variantes et limites de la théorie du
capital humain
A partir du début des années soixante, la théorie néoclassique de l'emploi va connaître
une évolution sensible. Elle aboutit à un effacement relatif de certaines thèses dû à leur
caractère trop étroitement axiomatique face au plus grand réalisme des thèses keynésiennes.
Le rapprochement que l'on peut faire à partir de cette évolution se trouve d'une part
dans l'assouplissement des hypothèses du modèle de base néoclassique, et d'autre part dans
l'impact de la validité de la théorie du capital humain sur les hypothèses de la théorie de la
recherche d'emploi.
Presque simultanément, deux des hypothèses considérées comme les moins réalistes du
modèle
néoclassique vont
être revues dans le sens
d'un
rapprochement
avec
le
Iouctionuemeut effectif du marché du travail ou totalement levées. Il s'agit de celle de
l'homogénéité du facteur travail qui sera considérée comme inutile dans la théorie du capital
1 Voir sur ce point précis J.P.JAROUSSE et A. MlNGAT (\\ 986)
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
67
humain et celle de la parfaite information dans la théorie du « job search ». TI en découle que
les hypothèses du capital humain justifient dans une certaine mesure celles de la théorie de la
recherche d'emploi. Nous présentons dans cette section, non seulement ce qui rapproche la
théorie du capital humain et la théorie du « job search », mais aussi les limites de cette
théorie non seulement du point de vue de ses hypothèses, mais aussi du point de vue de son
utiJisation dans le cas des pays en développement.
\\
1. Une théorie compatible à la théorie du capital humain: la théorie
du
« job search »

Le rapprochement que l'on peut faire de ces deux théories se trouve d'une part dans
J'assouplissement des hypothèses du modèle de base néoclassique, et d'autre part dans
l'impact de la validité de la théorie du capital humain sur les hypothèses de la théorie de la
recherche d'emploi.
A. Les principaux axiomes de la théorie'
L'article fondateur de la théorie: « Information in the Labor Market» est publié en
1962 dans le Journal of political Economy, et son auteur est Georges STIGLER. Comme
nous l'avons déjà souligné précédemment, cette théorie permet à l'approche néoclassique
du marché du travail de s'émanciper de l'hypothèse de l'information parfaite sur le marché
du travail. Les deux principaux axiomes sont les suivants:
- L'absence de « secrétaire de marché» : le marché du travail ne possède pas de
commissaire priseur walrasien dont le rôle serait de récolter, puis de diffuser, toute
J'information et de permettre ainsi le maintien du plein emploi.
- Recherche de travail et chômage : les travailleurs sans emplois ont la possibilité de
collecter une plus grande quantité d'informations et d'avoir davantage de contacts avec les
employeurs que ceux qui occupent déjà un emploi. La plupart du temps, une recherche
1 Pour la présentation de ces axiomes, nous nous inspirons de Jean-Marie LE PAGE (1987), qui lui même
renvoie ml principal exposé des ces axiomes ù E. S. PHELS et Alii, (1970).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
efficiente sur la structure des rémunérations et les types d'emploi proposés par les
entrepreneurs exige donc une démission volontaire.
,. B. L'explication par la théorie du chômage volontaire.
Au coeur de la théorie se trouve l'idée que les demandeurs d'emploi sont en même
temps des chercheurs d'informations sur les emplois (les questions peuvent porter sur les
conditions de travail, les secteurs d'offre, les qualifications, etc ... ). Deux axes deI'analyse
de STIGLER sont à mettre en évidence.
Premièrement, la recherche d'informations possède un coût de double nature
en
argent, envoi de courrier, déplacements ... et en temps; lecture de la presse, etc ....
Deuxièmement, il existe un volume optimum d'infonnations à acquérir; un volume trop
restreint est inefficace dans le sens où le travailleur n'aura pas tous les éléments nécessaires
à son choix, un volume trop grand sera d'un coût disproportionné par rapport aux besoins.
La question est donc de trouver la méthode qui permet de définir le volume d'informations
qui réduira l'Incertitude "un niveau acceptable et ù un coût supportable. STIGLER propose
d'appliquer à la recherche d'informations le raisonnement que l'on tient lorsque l'on investit
en biens d'équipement ou en autres biens. On retrouve là un autre élément compatible à la
théorie du capital humain, dans le cadre de la démarche de BECKER concernant le volume
d'éducation, il convient de faire 1II1e étude comparative des coûts afférents à la recherche de
l'infonnation et des rendements qu'elle apportera.
Suivant la démarche de STIGLER sus évoquée, le demandeur d'emploi fait une double
estimation ; des salaires qu'il peut percevoir en fonction des informations qu'il pourra
obtenir et des coûts de toutes natures qu'entraîne la col1ecte d'informations. Le demandeur
d'emploi arrêtera sa prospection lorsque le coût supplémentaire, par exemple celui de la
demière visite, s'égalisera avec la perspective de gain supplémentaire. Cela revient à dire
qu 'il existe un nombre 01'1 imum de visites, en dessous duquel le demandeur prend le risque
d'accepter un salaire trop faible par rapport à ses qualifications, et au-dessus duquel le
surplus de revenu Ile couvre pas les II-ais de prospection.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capitalhumain, salaires et segmentation du marché du travail
69
Des variantes de la théorie de la recherche d'emploi proposent une autre analyse du
comportement du demandeur d'emploi. Pour l'instant, celui-ci part du principe qu'un
certain nombre d'actions de collecte d'informations lui assurera de trouver le salaire
acceptable. Dans cette situation, le demandeur choisit une ligne de conduite visant à obtenir
un salaire, appelé salaire de réserve (reservation wage) ou salaire d'acceptation. n va de soi
que le salaire de réserve (Ws) est un salaire supérieur au salaire du marché (We)
immédiatement accessible comme le montre le graphique suivant.
/
Figure 14 : Le chômage volontaire dans la théorie du « job search »
Ws
We
~
:
·
.
·
.
·
.
·
.
·
.
·
·
.
.
··
.
.
·
.
·
·
.
.
·
·
.
·
.
Tc
Ts
Source: Hervé Guillemin / Martine Moule, 1993.
Nous pouvons déduire de ce qui a été dit plus haut que, le fait que le niveau du salaire
de réserve corresponde à .l'égalisation entre coûts et gains marginaux de la recherche
d'emploi, implique que tout élément qui contribue à élever l'espérance de gains ou à
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
70
réduire les COIÎtS conduira à une hausse du salaire de réserve et à un allongement de la durée
de recherche d'emploi.
Pour tout dire, la théorie du Job search propose une explication d'un certain type de
chômage volontaire dont la finalité est d'améliorer le taux de salaire futur. Ce type de
chômage possède un statut autre que celui du chômage volontaire classique puisqu'il est un
moyen d'augmenter le rendement que l'on peut tirer de son travail. Sur cette base la
recherche
d'emploi
devient
une
véritable
activité
de
production
ou
un
véritable
investissement ayant son propre rendement, rendement lié à un ensemble de contraintes '
économiques ct sociales.
Dans cc COli texte, on pourrait peut-être étahlir une relation
positive entre un accroissement de l'investissement en capital et une probabilité élevée
d'être en chômage.
La théorie de la recherche d'emploi, parfaitement compatible avec la théorie du capital
humain, suscite quelques interrogations dont la moindre n'est pas celle de sa pertinence
dans un contexte de crise caractérisé par un chômage élevé. Si l'on peut considérer comme
hypothèse acceptable en période de croissance que le niveau de salaire est fonction de la
durée de la recherche d'emploi, il n'en est plus de même en période de chômage de masse.
Au contraire, on constate que la durée de chômage constitue un handicap pour le
demandeur d'emploi dans sa volonté d'accéder à un poste en phase avec ses capacités.
L'accession à un poste compatible avec ses capacités nous conduit à examiner SI
l'investissement en capital humain est toujours considéré comme une mesure des capacités
effectives des individus.
1/. Quelques critiques de la théorie du capital humain
Le raisonnement sous-jacent à la théorie du capital humain indique que, par le moyen de
I'éducatiou, les individus augmentent lems connaissances, leur productivité et, comme
1 On parle de contraintes dans la mesure où la durée de la recherche d'emploi (son efficacité) dépend des
structures économiques et sociales en place. Par exemple, l'existence ou pas de certaines aides de l'Etat et la
solidarité parentale conditionne les plans de recherche d'emploi.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
71
résultat, ils obtiennent des salaires élevés. Que ce soit les hypothèses du modèle, ou la
signification même de celui-ci, il existe un certain nombre de limites qui rendent discutable
la quintessence de la théorie. Nous retiendrons ici les deux principales à notre avis avant de
présenter une théorie qui prend à contre pied la théorie du capital humain.
A. Les limites de la théorie du capital humain
Les limites de la théorie du capital humain peuvent être regroupées en deux groupes:
les premières sont liées à l'hypothèse d'Ill accroissement du capital humain qui entraîne
celui de la productivité; et le second groupe fait allusion à l'abstraction faite de l'offre de
capital humain.
1. Les limites de l'hypothèse selon laquelle un accroissement du capital
humain augmente la productivité.
Cette hypothèse suppose en fait que le marché du travail est un marché concurrentiel,
autrement dit un marché sur lequel le taux de salaire est égal à la productivité marginale du
travailleur et sur lequel chaque agent considère le prix comme une donnée. Dans ce cas,
toute différence de salaire ne peut provenir que d'une différence de capacité productive. Or
dans la réalité, il est clair que le marché du travail n'est pas parfait. Pour s'en convaincre, on
peut se référer au rôle que jouent les syndicats par exemple dans l'évolution des salaires.
L'idée selon laquelle l'éducation entraîne un accroissement de la productivité reste elle-
même discutable. n faut déjà pouvoir établir le lien exacte entre l'éducation et la
productivité en se fixant au préalable les objectifs des systèmes éducatifs. Sans faire une
apologie de l'éducation, nous pouvons dire que l'éducation augmente les capacités
intellectuelles d'un individu dans le sens du raisonnement, de la logique et de l'appréhension
rationnelle des phénomènes qui régissent la vie. Dans ce sens on ne saurait dire que
l'objectif fondamental de l'éducation est d'accroître les capacités productives d'un individu.
Dans une autre mesure, il existe un écart entre l'éducation reçue et l'imprégnation dans le
marché du travail, cc constat est tait dans tous les systèmes dans la mesure où l'on constate
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
72
toujours une inadaptation entre les enseignements reçus et les attentes sur le marché du
travail. Dans la réalité, il existe d'autres facteurs pouvant expliquer la productivité réelle
d'un individu (l'environnement familial, l'état psychologique, l'environnement socio-
économique, etc ...), ces facteurs font que l'éducation n'entraîne pas nécessairement un
accroissement de la productivité, car il faut que (la demande de travail suive et donc le
capital physique.
2. La non prise en compte du coté de l'offre.
La seconde limite de la théorie du capital humain réside dans le fait qu'il s'agit
essentieUement d'une théorie de la demande. Si l'offre apparaît sous les traits de son
efficacité, en fait eUe brille plus par son absence. En effet, la théorie du capital humain
considère une offre homogène et illimitée d'éducation par exemple. Or dans la réalité, eUe
n'est ni illimitée, ni homogène. A cet égard, nous pouvons évoquer les problèmes de
sélection à l'entrée dans les écoles, les différences de qualité des enseignements donnés
selon les écoles pour un même niveau théorique. Enfin l'offre d'emploi est aussi la grande
absente de la théorie du capital humain. Seules quelques allusions y sont faites lorsque lion
tient compte du taux de chômage. Mais ceci est insuffisant.
Si l'éducation n'entraîne pas nécessairement un accroissement de la productivité, la
valeur même du capital humain se trouve remise en question d'autant plus que c'est à partir
de celui-ci qu'on apprécie les capacités des individus. C'est ce que les théoriciens du filtre
essaient de montrer à travers leur théorie.
B. Une critique à travers un modèle alternatif: la théorie du filtre
Cette critique part des premiers travaux des théoriciens du capital humain, à partir de ce
moment une controverse est née sur la signification de la variable « éducation» ; c'est ainsi
que des modèles de signalement sont mises en place avec des approches qui considèrent
l'éducation formelle comme un système de classement des individus. Ainsi les précurseurs
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capitalhumain, salaires et segmentation du marché du travail
73
d'une des tendances' de ces modèles se demanderont si le rôle principal de l'éducation n'est
pas plutôt celui de filtre d'aptitudes exogènes et antérieures au passage dans le système
éducatif. Pour les tenants de l'école du filtre, en accord avec les intuitions initiales de
BERG3, l'éducation est utilisé par les employeurs pour sélectionner les candidats et n'est
donc pas cause de productivité mais révélatrice d'aptitudes.
C'est ARROW (1973) qui formalisa le premier le problème, et comme il le dit lui-
même, « la théorie du filtre est distinct de la théorie du capital humain sans pour autant être
en contradiction avec elle »4. il part de l'hypothèse que les employeurs ont une idée très
pauvre de la productivité réelle des candidats, la seule information dont ils peuvent disposer
concerne leurs diplômes et leur niveau d'éducation. il montre que sous certaines conditions,
l'éducation constitue le critère d'allocation des gains, car elle est supposée détecter les
individus les plus « capables» à priori: elle se confine uniquement à ce rôle de filtre.
1. Présentation du modèle de base.
La présentation qui sera faite ici est celle du modèle initial tel que présenté par ARROW
lui même (1973). Dans le cadre de l'analyse, on suppose que chaque individu a les trois
caractéristiques suivantes:
• un niveau des capacités initiales avant l'entrée dans un établissement scolaire,
• une probabilité de réussite,

une productivité.
ARROW ajoute que ces trois caractéristiques ont une distribution jointe et une
corrélation positive. L'employeur sait seulement si l'individu qui postule à un poste est
diplômé ou non. L'établissement scolaire sert en réalité d'un double filtre : celui de
sélectionner ceux qui y entrent, et celui de faire le tri à l'intérieur de l'établissement entre
1 On parle des tendances ici parce qu'il y a une autre approche de modèle de signalement qui considère
l'éducation comme moyen de classement des aptitudes à être formées. CfTHUROW 1975
2 Jean-Jacques PAUL, (1989).
3 BERG. 1., (1970)
~ K.J. ARROW, (1973).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
74
ceux il qui Ic diplôme est décerné ct ceux qui ne l'ont pas. En admettant les élèves,
l'établissement vise à avoir le maximum de diplômés possibles.
Soit:
y = niveau de capacité
z = productivité
f (Y, z) = densité jointe des variables Yel z.
L'établissement s'intéressera seulement à ceux des postulants qui ont une certaine
probabilité d'être diplômés. Par conséquent, on peut supposer que Y représente la
probabilité d'être diplômé une fois admis daus l'étublissement. Si le collège a une capacité
limitée, le choix d'une procédure d'admission qui maximise le nombre de diplômés implique
le choix d'un nombre limite, Y o, tel qu'un postulant sera admis si et seulement si :
y,? Yo
(49)
Soit:
N> la proportion de la population admise à l'établissement
N = la proportion des diplômés
g
Comme Ya été transformé en probabilité, il varie de 0 à J. La variable z ne doit pas être
négative, elle varie de 0 à l'infini. A partir de ces définitions, soit:
g (y) = Jo+<.O f(y, z) dz,
la densité marginale de Y. Nous aurons:
Ne = rt f(y,z)dzdy = rg(y)dy = prob(y ~ yo)
(50)
Yo
0
Yo
N = r
Yo r yf(y,z)dzdy =
0
ryg(y)(~y
g
Yo
= E(j{, ~ yo )prob(y ~ yo) = y. * prob(y ~ yo)
(51)
ou
(52)
est la probabilité qu'un entrant ù l'établissement pris au hasard soit diplômé.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
75
Une interprétation de la productivité mérite d'être faite ; deux interprétations
alternatives seront utilisées. D'une part, la productivité moyenne de tous les individus
/
(inscrits) sera:
z •= JI 1""zf(y,z)dzdy =E(z)
(53)
o 0
et d'autre part la production totale de tous les diplômés:
z, = rJ~Yf(y,z)dzdy =ryE(z/y) g(y) dy
Yo
0
Yo
= Etzy/y 2yaJ prob(y 2yo)
(54)
Sous quelles conditions, la procédure du filtre effectuée par l'établissement va-t-elle
traduire toutes les informations nécessaires pour les employeurs?
Des équations (53) et (54), la productivité attendue d'un diplôme est :
Zg* = 2
= E(zy/y ~YIJ / E (y/y ~Yo)
(55)
8 / N 8
La qualité de diplômé de l'établissement sera une source d'information (positive) si la
productivité d'un diplômé pris au hasard est supérieur à celle d'un individu quelconque de la
population, c'est-à-dire si :
(56)
L'existence d'une procédure d'admission suscite une autre question : est-ce la
procédure d'admission à l'établissement ou l'établissement lui-même qui réalise le filtrage?
En supposant dans un premier temps que la procédure d'admission est gratuite, cette
procédure sera une source d'information si :
Zg * > E (z/y 2yo)
(57)
et l'établissement sera lui-même une source additionnelle d'infonnation si :
Zg * > E (z/y 2 yaJ
(58)
Comme,
E (z) = E (z/y 2 yq) prob (y ;::Yo) + E (z/y < YIJ prob (y < YIJ
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
76
c'est-à-dire, si la productivité escomptée des admis à l'établissement est supérieure à
celle des rejetés alors la procédure d'admission a une valeur prédictive.
E (z y / y::? y) - E (v y::? y) E (y / y:? y)
L!* - E (z / y > y) = ----
- - -
E (y / v : y)
cov (z, y / ~YJ)
E (y / Y~ y)
(60)
cov (z, y/y 2 YIJ est la covariance conditionnelle de y et z donnant l'admission à
l'établissement.
Donc l'éducation suivie aura un contenu informationnel sur la productivité s'il existe
une corrélation positive entre productivité et probabilité de succès parmi les individus admis
à l'établissement.
A partir d'une « hypothèse positive du filtre» suivant laquelle Etz/y) est une fonction
croissante de Y, l'auteur montre que les relations (57) ct (58) peuvent être facilement
vérifiées.
Sous cette hypothèse, il est facile de vérifier que:
E (z/y 2YcJ > E (z/ycJ > E (z/y < YIJ
De même, sous toute condition du rang de y, la covariance de y et de z est la même,
comme entre y et E (z/y) par définition.
L'avantage de productivité des diplômés de l'établissement par rapport à la moyenne
des membres de la population peut être défini en additionnant les équations (59) et (60) .
A partir de ces conclusions et de ce cadre d'analyse, l'auteur essaie d'évaluer la valeur
sociale du filtre de l'éducation à l'aide des modèles à un et deux facteurs de production.
Nous n'analyserons ici que le cas d'un facteur de production.
2. La valeur sociale du fi/tre : le cas d'un modèle à un facteur.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
77
Le modèle du filtre conduit à une conclusion différente de celui du capital humain ;
comme nous allons le constater, il peut avoir des divergences entre les demandes
d'informations sociales et privées,
Considérons un modèle simple de production : tous les individus sont parfaitement
substituables dans la production dans les proportions données par leur niveau de
productivité. Alors il n'y a aucune valeur sociale
dès informations concernant leur
productivité. La production totale de la société sera E (z) = z*. Comme l'employeur ne
connaît pas la productivité réelle d'un individu, le salaire payé ne dépendra pas de la
productivité réelle, mais plutôt du niveau de productivité escompté compte tenu de
l'information détenue par l'employeur.
Nous allons supposer qu'au départ, personne n'a acquis d'éducation c'est-à-dire que
tous les individus ont le même niveau initial d'éducation, bien qu'il existe des différences
dans le niveau des productivités individuelles. Au niveau de l'information dont dispose
l'employeur, il y a une égalité parfaite entre les individus. En plus, l'entrée dans le système
éducatif est libre pour tous les individus, à condition d'en supporter le prix (donné par C).
Donc, quelques individus entrant dans le système éducatif, leur valeur espérée du niveau de
productivité, sous la condition d'une réussite, va être supérieure à la moyenne globale
donnée par E (z/. Sous certaines hypothèses sur l'information, ARROW montre que tous
les individus gagneraient à l'interdiction du système éducatif, et que par là, la valeur sociale
de l'éducation est négative'. Nous allons montrer ce résultat en étudiant la situation globale
caractérisée par la population totale représentée comme suit : certains vont à l'école et
d'autres pas.
Nous supposerons que chaque entrant potentiel connaît la probabilité moyenne d'être
diplômé, mais ne connaît pas ses propres chances compte tenu de ses capacités initiales. Les
employeurs connaissent les productivités escomptées des diplômés et celles des autres, mais
ne peuvent différencier un individu ayant échoué au diplôme d'ml autre Il 'ayant suivi aucune
éducation.
1 Cc résultat est irrealiste, cal il ne S~I ait pas possible U~ suppruner le système éducatif.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
78
Comme le règle de décision à J'entrée sera teIJe qu'un individu sera accepté si ses
capacités sont importantes: y è Yu, et que les employeurs paient aux diplômés Zg * = Zg * (y),
si z; * est la productivité escomptée des non diplômés, nous aurons:
(61 )
avec Ng la proportion des diplômés dans la population totale. Sachant que un individu
accepté à J'entrée paiera le prix C, et qu'il sera diplômé avec une probabilité * et échouera
avec une probabilité (1 - v; *), le rendement escompté de la scolarité sera donné par:
(62)
Un individu qui ne suit pas de scolarité a un gain certain égal à Zn*.
Si on fait abstraction du risque ', ces deux rendements doivent être égaux à J'équilibre et
donc:
(63)
A partir de la relation (63), IlOlIS avons:
et Cil utilisant la relation (61), nous remarquons que
c'est-à-dire que le revenu de l'individu qui n'a pas eu le diplôme a diminué par rapport
à la situation initiale.
Nous nous trouvons donc dans une situation où le système scolaire agit comme un
filtre, sans créer un gain de productivité, il devient même une source d'inégalités dans la
répartition des revenus, dans la mesure où la situation initiale de non intégration du système
scolaire donnait le même niveau de gains à tous les individus.
J Comme nous "avons déjà indiqué pour le résultat de ARROW, il s'agit là aussi d'une hypothèse irréaliste,
dans la mesure où tout individu qui entre dans le système scolaire sait qu'il existe un coût d'opportunité
d'une part, et que la probabilité d'obtention du diplôme n'est pas égale à l'unité.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
79
Ce résultat surprenant nous pousse à penser que ceci est Je fuit que les individus ne
connaissent pas ex-ante, leur probabilité de réussite au sein du système scolaire. Imaginons
un cas où chaque individu connaisse ses chances de succès. Un individu ayant un niveau de
capacité y aura pour rendement escompté du système éducatif:
-~x * y\\-..
- .." * (1 \\J 1
-~r/ - C
,/ --
-- 1-
(64)
-J{ * -
--II *})' _L. ..
r- -II * -
('
ct la situation d'équilibre sera obtenue en égalisant ce rendement à Zr,* pour le dernier
individu ayant pu s'inscrire.
La relation (63) devient:
Yo [Zg * - z; *) = C
(65)
Les individus non diplômés supportent une situation pire que celle à laquelle ils auraient
à faire face en l'absence d'éducation. Pourtant, parmi ceux-ci, il y en a qui ont un niveau de
capacité suffisamment élevé.' Soit YI la plus faible de ces capacités, nous aurons:
YI [Zg * - z; *) + z; * = C + E(z)'
En substituant (59), nous obtenons,
et en divisant membre à membre par (65), ceci entraîne:
(66)
Nous voyons aJors que, s'il n'y a aucune valeur de capacité supérieure à y" le résultat
précédent reste valable. Dans ce cas, le système scolaire est une source inégalitaire de
redistribution des revenus et n'augmente pas toujours la productivité par laquelle les
employeurs rémunèrent Jes travailleurs.
. )3. Une contradiction des vérifications empiriques.
\\\\;
La conception de l'éducation comme un «filtre» qui a donné lieu à de nombreux
raffinements théoriques à également entraîné de multiples tests empiriques. Alors que les
1 Les individus non diplômés, ayant un certain niveau de capacité, peuvent obtenir un rendement escompté
au moins égal à E (z).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
80
prenuers travaux, malgré le caractère souvent déficient des données n'hésitaient pas à
trancher pour ou contre l'hypothèse du filtre, des présentations plus nuancées ont été faites.
Ces différentes études présentent des arguments en faveur et contre l'hypothèse du filtre.
1
.,
Ainsi, TAUBMAN et WALES utilisent une série de variables d'aptitudes sur lesquelles
ils régressent le salaire par type demplo]. Observant que la distribution des salaires et c~l1es
des aptitudes correspondent uniquement pour les niveaux d'éducation élevés et qu'au
contraire les individus ayant un faible niveau d'éducation mais un bon niveau d'aptitudes
perçoivent des revenus modestes, ils concluent que ce phénomène est dû à l'utilisation de
l'éducation comme filtre.
Les limites de la confirmation de l'hypothèse du filtre telles que vue par ces deux
auteurs se situent au niveau conceptuel, Une fonction de gains va déterminer comment les
variations des niveaux d'éducation expliquent les variations de gains observées, mais cette
approche ne permet pas de connaître la véritable raison d'une telle liaison, ni l'effet réel de
l'éducation sur le niveau de productivité.
Le test de RILEy2 part de l'hypothèse qu'il existe des emplois pour lesquels la
productivité s'observe facilement et dont le recours au filtre n'est pas nécessaire, et d'autres
au contraire où l'observation de la productivité individuelle ne pourra au mieux être réalisée
qu'avec un délai très long et qui impliqueront donc un recours au filtre. Classant les emplois
entre deux catégories, il observera que les fonctions de gains seront mieux ajustées dans la
seconde, que les gains des travailleurs indépendants sont plus élevés, que la variance des
gains est plus élevée après quelques années d'expérience professionnelle, ensemble de
phénomènes qu'il considère appuyer l'hypothèse du filtre.
A l'inverse de ces recherches, d'autres analyses tendent à infirmer l'hypothèse du filtre.
3
La démonstration de PSACHAROPOULOS et LAYAR0 part du postulat selon lequel
l'existence du filtre doit entraîner une baisse du rendement des diplômes au cours de la vie
act ive, au lin cl il mesure que les employeurs vont découvrir la véritable productivité des
1 TAUBMAN cl WALES (1 '>71)
2 RILEY, (1979).
3 PSACHAROPOULOS et LA YARD, (1974).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
81
individus. Or, les données qu'ils présentent ne corroboreAt pas le postulat et permettent
donc de rejeter la théorie.
/ KI. WOLPIN 1 cherche à évaluer le pouvoir explicatif de l'hypothèse du filtre en
comparant un groupe de salariés et un groupe de travailleurs indépendants. Selon cet
auteur, l'hypothèse du filtre devrait conduire les indépendants, à niveau d'aptitudes égales, à
moins investir dans l'éducation puisque, ceux-ci n'ont pas besoin du parchemin que peut
représenter l'éducation. Observant que les indépendants perçoivent des revenus supérieurs à
ceux des salariés, qu'ils ont un même niveau d'aptitudes mais qu'ils investissent autant dans
l'éducation, l'a uteur rejette l'hypothèse du filtre.
Mais pour ces différentes études, les problèmes méthodologiques sont importants, qui
tiennent ici tant à la comparaison des revenus de deux groupes difficilement comparables
(les indépendants percevant une partie de leurs revenus assimilables à une rémunération de
capital), qu'au fait que l'on observe une situation professionnel1e ex-post alors qu'une tel1e
approche nécessiterait que l'on étudie les choix professionnels ex ante. fi semble cependant
qu'à l'heure actuelle se dégage un certain accord quant à l'hypothèse du filtre. En effet,
autant les partisans de l'hypothèse admettent - cf RILEY (1979, p. 250) que l'école fournit
à la fois de l'information et des capacités additionnelles, autant ses détracteurs - cf
PSACHAROPOULOS, WOODHALL2 (p. 45) reconnaissent que « l'hypothèse de l'écran
permet de mettre en valeur le fait que l'éducation ne fournit pas seulement des
connaissances utiles professionnellement et des capacités, mais qu'elle affecte aussi les
attitudes, la motivation et les valeurs, tout ce qui aide à déterminer la productivité et la
possibilité d'employer un travailleur »,
Ainsi, chacun s'accorde à admettre également que J'éducation ne se limite pas à fournir
des connaissances, mais comme l'a démontré GINTIS H.3, elle sélectionne et développe
certaines attitudes tel1es que la subordination, la discipline... Les théoriciens du capital
humain sont d'ailleurs prêts aujourd'hui à relaxer l'hypothèse selon laquelle l'éducation
1 K. 1. WOLPIN, (1977).
2 PSACHAROPOULOS, WOODHALL (1985).
3 GINTlS (1971
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Première partie
82
accroîtrait la productivité des individus, pourvu que la relation reste vraie entre niveau
d'éducation et niveau de salaire.
/
Ce premier ensemble de recherches évoluant dans la mouvance de la théorie de
l'information posait donc l'éducation comme un moyen possible de détecter à priori les
productivités marginales. Une seconde direction que nous n'étudions pas ici, retient l'apport
informatif de l'éducation mais dans un système où la productivité doit être considérée avant
tout comme une caractéristique des emplois. L'éducation est de ce fait un moyen de
classement des aptitudes à être formées. C'est chez THUROW C. L. I que l'on trouve la
formulation la plus explicite de cette idée qui s'appuie d'une part sur un certain mode de
concurrence entre offreurs de travail et d'autre part sur une conception originale de la
productivité, point d'ailleurs qui marque une profonde évolution par rapport aux modèles
précédents.
C. L'application de la théorie du capital humain dans les pays sous-
développés: forces et limites.
L'application des théories économiques n'est pas toujours chose évidente dans l'analyse
de certains phénomènes dans les pays en développement. Il se pose toujours soit un
problème d'adaptation étant donné que les théories sont conçues dans un contexte de pays
développé, soit alors celui de données statistiques quand on sait que dans les pays en
développement, l'outil statistique n'est pas toujours la mieux utilisée. Dans le cadre de la
théorie du capital humain, il importe de noter les forces et les limites de son application dans
les pays en développement, compte tenu des deux principaux problèmes évoqués ci-dessus.
1. Les facteurs justifiant son application
Comme la majeure partie des théories, la théorie du capital humain a été élaborée au
départ pour expliquer les conrportcmcnts des agents économiques des pays développés. Il
1 THUROW (1975).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
83
semble donc important de dégager un certain nombre de facteurs qur expliquent son
application dans les pays en développement.
- Quand on se réfère à la théorie du capital humain, la mesure des connaissances d'un
individu a pour point de repère le nombre d'années d'études (dans le système formel). Ces
connaissances pourront se vendre sur le marché du travail et pourront être affinées et
amplifiées
au
cours
de
la
vie
active
de
l'individu
(expérience
professionnelle,
apprentissage, ...). Ceci peut paraître comme une hypothèse limitée lorsqu'on veut expliquer
le niveau de salaire dans les pays développés parce qu'on suppose qu'aucun autre facteur ne
puisse avoir d'influence sur le niveau de connaissances individuelles, ce qui signifie que la
seule condition d'acquisition du savoir n'est que la réussite scolaire.
Or, il est vrai que de nombreux autres facteurs vont avoir une influence, tant sur le
niveau global des connaissances, que ~ur la capacité de réussite sur le plan scolaire d'un
individu dans les pays développés : on peut par exemple citer l'importance des médias
(télévision, radio, journaux) dans la vie quotidienne, l'environnement familial, la situation
géographique, et les capacités innées. Donc, mesurer le niveau de connaissances d'un
individu par son niveau d' études est une façon d' étudier juste le résultat sans tenir compte
des déterminants de ce résultat.
- n existe une différence certaine entre l'environnement des pays développés et celui des
pays en développement, d'où une nuance doit être faite entre ce qui est valable dans les
premiers et qui l'est dans une moindre mesure dans les seconds. Dans les pays en
développement, le poids de facteurs externes semblent être beaucoup moins important dans
l'acquisition des connaissances des individus. La quasi-pauvreté existante fait que l'accès
aux médias et l'importance de ceux-ci restent très limités. Dans ces pays, bien que
l'environnement familial ait cn théorie un impact positif sur l'acquisition des connaissances,
la situation des familles relativise cet état de fait, surtout avec la prédominance d'une forte
population rurale. Ce contexte familial qui prépare le cadre de vie d'un enfant a les
caractéristiques suivantes : faible éducation des parents, influence assez poussée des
coutumes de la société traditionnelle et la taille importante de la famille. TI apparaît donc
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
84
que, ce contexte familial loin d'être un facteur de réussite scolaire, tend à reproduire à
l'identique une situation antérieure où l'éducation formelle jouait déjà un rôle négligeable.
Donc le système scolaire en faisant sortir un enfant de son environnement familial aura un
impact positivement supérieur dans ces pays dans l'acquisition des connaissances que dans
les pays développés. C'est cc qui explique le faible poids de l'environnement familial comme
facteur d'acquisition des connaissances dans ces pays par rapport aux pays développés.
On pourrait cependant noter que cette situation, même si elle est majoritaire n'est pas
globale, car il peut exister un environnement familial différent principalement dans le milieu
urbain, où on peut considérer que les modes de vie s'apparentent aux modes occidentaux, et
de ce cas, la famille peut avoir une influence positive dans l'acquisition des connaissances et
peut être considérée comme facteur de réussite scolaire.
Ces facteurs de réussite scolaire nous amènent à voir quel est l'impact des variables
qualitatives de l'éducation dans l'explication des variations de gains.
2. Les limites de son utilisation
L'application de la théorie du capital humain dans les pays en développement pose le
problème initial de l'effet de l'éducation sur les revenus nationaux. En d'autres termes, on
peut se poser la question de savoir si le capital humain est un facteur de développement
économique. Ainsi, allons-nous voir le lien directe qu'on peut établir entre l'éducation et le
développement, avant de dégager les limites pratiques de l'application de la théorie, des
limites qui sont liées à la qualité de l'éducation d'une part, et aux problèmes économétriques
proprement dits d'autre part.
a. La complexité du lien capital humain et développement économique
Si la théorie du capital humain prouve qu'une scolarité additionnelle entraîne un revenu
additionnel, elle prouve moins quc l'éducation augmente la productivité. Dans le cas des
pays Cil dévcluppcmcut , le pi oblèruc se pose avec plus d'acuité dans la llICSIII'C 011 il faut déjù
savoir si l'éducation entraîne le développement. Répondre à cette question revient à analyser
dans ces pays l'effet de l'éducation sur le revenu national. Si on se réfère aux cas des pays
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
85
développés, des analyses historiques ont posé le même problème, à savoir si la révolution
industrielle a entraîné l'augmentation des taux d'alphabétisme ou si l'alphabétisme a promu
l'industrialisation. Sans fondements réels, la conclusion a été qu'aucun développement
industriel important n'a été réalisé avec un taux d'alphabétisme inférieur à 40%'. Par rapport
au contexte des pays en développement, on pourrait rechercher la corrélation entre les taux
de scolarisation et les revenus par tête. L'hypothèse d'investissement est telle que l'éducation
entraîne une augmentation du revenu quelques années plus tard, lorsque les instruits
deviennent actifs. Une économie en développement demande des qualifications accrues, ce
qui stimule un progrès de l'enseignement qui à son tour engendre une augmentation de la
production. TI est clair que dans ces pays, le financement du développement n'est pas
seulement limité à celui de l'éducation, d'autant plus que l'éducation scolaire n'est pas la
seule dimension du développement des ressources humaines, d'autres types de formation lui
sont substituablcs ct peuvent être pour certaines sociétés non moins importantes. Par
rapport aux difficultés réelles que connaissent les pays en développement, on pourrait
penser que la chaîne causale semble aller davantage des revenus vers l'éducation que de
l'éducation vers les revenus
b. Les limites liées à la qualité de l'éducation
L'explication des variations de salaires entre individus par les différences de niveau
d'éducation nécessite autant la prise en compte de la quantité d'éducation reçue que de la
qualité de celle-ci. Beaucoup de facteurs ont une influence sur la qualité de l'éducation, ce
qui rend difficile la mesure de celte dernière dans les pays en développement. Parmi les
méthodes utilisées pour évaluer le niveau de la qualité de l'éducation, on peut mentionner
celle basée sur les niveaux de dépenses effectuées par élève2• Le problème avec cette
méthode est de savoir si les mesures des dépenses par élève reflètent de façon adéquate des
différences au niveau des écoles et si elles sont une bonne mesure de la qualité de
l'éducation fournie. A notre avis, plutôt que de s'attendre à ce que l'augmentation des
dépenses par élève donne accès à plus de ressources pour chaque élève, on pourrait plutôt
1 BOWMAN ct ANDERSON (1 % 1).
! S. P. Heyneman, (1986).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
86
dire qu'une dépense plus importante va permettre aux élèves d'avoir un plus grand accès à
des ressources plus chères. Donc, l'augmentation des dépenses ne fait pas forcément
bénéficier les individus d'une meilleure éducation.
De nombreux autres facteurs peuvent être utilisés pour mesurer le nrveau de qualité
d'un système éducatif donné : nombre d'écoles, nombre de laboratoires, quantité de
fournitures scolaires par élève, niveau de qualification des enseignants, taille moyenne des
classes, ratio élève par enseignant, etc..
Dans les pays développés, certains de ces facteurs peuvent ne pas avoir d'influence
grâce aux structures réelles existantes et au suivi des performances du système éducatif n
n'en est pas de même dans les pays en développement. L'absence de données fait que la
dimension qualitative de l'éducation manque de façon typique dans toutes les mesures
quantitatives du rendement du système éducatif
Puisque nos différentes investigations empiriques sont faites sur le Cameroun, nous
pouvons à titre d'illustration présenter certaines variables au niveau des structures
éducatives dans ce pays. Les tableaux suivants contiennent un certain nombre d'informations
Tableau 1. Quelques caractéristiques de l'enseignement primaire au Cameroun comparées
à la France
Eléments de comparaison
CAMEROUN
FRANCE
par pays
Formation des enseignants
- Brevet + 1 an
- Bac + 1 an
Bac + 5 ans
- Probatoire" + 2 ans
Statut socio-économique
- déplacement
Quasi inexistant
oui
- bibliothèque
non
oui
Nombre d'élèves moyen
70
25
par classe
* Probatoire : lixamen officie! el national passé en elusse de première et qui donne droit au certificat de
probation.
Source: Personnelle,
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Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
81
Tableau l' : Quelques Indices de la structure éducative au Cameroun
Années 1975 - 76
1987 - 88
1988 - 91
1989 - 90
1991 - 9
Variable. de l'éducation
Nombre d'élèves par enseignant dans le primaire
50
51
51
51
Nombre d'élèves par enseignant dans le secondaire
26
29
Scolarisation technique secondaire
27,1
22,5
18,0
(en % de la scolarisation secondaire totale)
Scolarisation supérieure en sciences naturelles et
32,3
35,0
30,0
28,0
appliquées (en % de la scolarisation supérieure totale)
Dépenses publiques d'enseignement supérieur
22,0
30,0
13,0
(en % des dépenses totales d'enseignement)
Source: PNUD (1990 - 1995).
Ces deux tableaux dégagent quelques aspects de la faiblesse du système éducatif au
Cameroun. Le niveau d'éducation reçue dépend de celui des enseignants. Or, lorsqu'on
compare les niveaux des instituteurs au Cameroun et en France, on constate qu'il y a un
écart énorme entre les deux systèmes, ce qui crée un écart de qualité considérable de
l'éducation entre ces deux pays. On peut ajouter dans ce cadre, la faiblesse liée aux
infrastructures existantes à savoir par exemple : le nombre d'élèves par enseignant, les
bibliothèques, etc ...
Un autre aspect, lourd de conséquences sur la qualité de l'éducation est les orientations
du système. Dans l'enseignement secondaire, c'est le caractère étriqué de l'enseignement
technique par rapport aux formations générales et dans l'enseignement supérieur la
dominations des formations littéraires et juridiques par rapports aux formations scientifiques
et professionnelles. Pour les formations techniques et industrielles, il y a une rigidité de
l'éventail des spécialités, des installations insuffisantes, la majorité des établissements privés
où les études sont payantes et dont les spécialités sont créées à moindres frais et non en
fonction des besoins réels. Les limites des méthodes d'enseignement, ajoutées aux
programmes
dépassés,
n'autorisent
qu'une
médiocre
efficacité
technique,
lesquels
compromettent serieusement la rcntahilité externe sur le plan qualitatif
La distribution des filières de l'enseignement supérieur ne dément pas ce qui a été
constaté pour l'enseignement secondaire. La prédominance des formations générales dans le
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
88
secondaire, qui forment les enseignants d'un cycle pnmaire peu tourné vers le milieu,
nécessite une production de l'enseignement supérieur correspondant à ses besoins. Le
système est ainsi adapté à lui-même. On constate que environ 30% des effectifs de
l'enseignement supérieur se trouvent dans les formations spécialisées. Ceci est une
spécificité de l'enseignement supérieur au Cameroun, cette spécificité a d'ailleurs eu des
conséquences non seulement sur la rentabilité des investissements éducatifs, mais aussi sur
l'appréhension du chômage des diplômés de l'enseignement supérieur. Si à une époque
donnée, les diplômés de l'enseignement supérieur toutes formations confondues, ont eu
accès à des emplois, la tendance actuelle n'est plus favorable à leur accès sur le marché du
travail. C'est d'ailleurs dans ce sens qu'on peut affirmer qu'il y a eu un surinvestissement
dans l'enseignement supérieur dans la mesure où malgré l'absence de sélection, les études
étaient non seulement gratuites, mais aussi il existait une forme "d'assistanat" basée sur
l'allocation des bourses de l'enseignement supérieur.
Bien que la dimension qualitative de l'éducation manque de façon typique dans toutes
les mesures quantitatives du rendement du système éducatif, les rares études qui se sont
penchées sur le problème de l'évaluation de la dimension qualitative de l'éducation ont
montré que la qualité de l'éducation était économiquement et socialement productive. On
peut citer l'étude de E. SCIDEFELBEIN et 1. SIMMONS (1979) qui ont fait une large
étude sur la totalité du monde en développement (Afrique, Asie, Amérique Latine), ainsi
que N. 11IRDSALL (1982) qui a montré que l'amélioration de la qualité de l'éducation avait
un effet positif sur les embauches des individus.
c. Les problèmes d'évaluation économétrique
Comme nous l'avons déjà mentionné plus haut, les pays en développement sont souvent
confrontés au problème de données dès qu'il faut faire des vérifications empiriques des
théories. Il s'agit soit d'une absence de données, soit d'une qualité pas toujours bonne
quand celles-ci existent. La qualité des données dépend des structures sociales, politiques et
économiques dun pays. Or, dans ces pays, ces différentes structures ne sont pas encore
assez solides pour permettre l'évaluation de certains phénomènes socio-éconorniques. Dans
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
89
le cas de l'estimation des fonctions de gains, on cherche à établir une relation entre le
revenu de l'individu et les variables de capital humain. On mesure le rendement d'une année
supplémentaire d'éducation ou d'expérience et les variations existant au niveau des
rémunérations seront totalement expliquées par des variations des niveaux de ces variables
de capital humain.
Or, comme nous l'avons déjà vu, un certain nombre d'autres facteurs peuvent influencer,
non seulement de façon directe le niveau de revenu d'un individu, mais aussi de façon
indirecte par leur effet sur le niveau d'éducation atteint. C'est le cas du facteur capacités
innées qui fait intervenir des termes beaucoup plus difficiles à expliquer et à quantifier.
Pourtant il a été montré que l'omission de cette variable avait un effet sur le niveau du
coefficient de la variable éducative1.
Il nous semble que, même si tous ces problèmes existent au niveau de l'estimation des
fonctions de gains, il n'ont qu'une influence marginale sur les résultats obtenus et ils
impliquent, pour les résoudre ou les atténuer, des complications sans rapport avec ces
résultats.
D'une manière générale, les hypothèses sous-jacentes à la théorie du capital humain
comme nous l'avons vu dans ce chapitre peuvent expliquer les écarts de revenu observés
entre les individus. Mais, dans la majorité des pays en développement, les résultats auxquels
on peut s'attendre peuvent être éloignés de la réalité. En effet, les hypothèses de
concurrence pure et parfaite, celles concernant le comportement des agents économiques en
tant que preneurs de décisions autonomes, et enfin l'absence de contraintes pesant sur
l'économie en général, font que les résultats obtenus ne peuvent être qu'une approximation
de la situation réelle. Nous avons déjà évoqué l'existence d'autres facteurs agissant à la fois
au niveau individuel (capacités innées) ou au niveau collectif(qualité de J'éducation fournie)
, qui vont avoir un impact sur la répartition future des revenus. Pourtant, même lorsqu'on
contrôle ces facteurs, le pouvoir explicatif de la théorie du capital humain ne s'en trouve que
1 Conferl RUBINFELD D.L. cl PINDYCK R.S. (1981)
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Première partie
90
partiellement affecté. Ainsi, allons-nolis tenter de justifier dans le chapitre suivant, la
distribution des salaires qui prévaut dans le marché du travail camerounais
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
91
Chapitre 2.
Les salaires au Cameroun: leur
explication par la rentabilité du capital
humain
ous avons déjà eu l'occasion dans le chapitre précédent de présenter la
N théOrieducapitalhumainentantquethéoriedeladistributiondessalaires.
Nous en avons développé les mérites et les limites et avons essayé de la
situer par rapport aux théories alternatives.
Nous adopterons dans ce deuxième chapitre la théorie du capital humain dans sa forme
la plus simple d'un marché de COIlCUITence parfaite. Nous présenterons d'abord les éléments
relatifs à l'analyse du marché du travail au Cameroun, nous confronterons ensuite les
prédictions de la théorie aux observations empiriques sur les salaires au Cameroun. Nous
venons alors d'une part, ce qui explique les modes de détermination des salaires, et d'autre
part, si des perfectionnements théoriques s'imposent.
Section 1. La structure du marché du travail au
Cameroun
Quand nous parlons de structure du marché du travail, nous nous situons en fait du coté
de l'offre de travail seulement car, c'est elle qui nous intéresse dans le cadre de ces analyses.
Ainsi, le marché du travail camerounais présente une diversité de caractéristiques, diversité
due elle même à une multiplicité d'attitudes des individus d'une part, et des différentes
institutions et lois qui régissent ce marché d'autre part. Nous essayons donc de mettre en
exergue les similitudes et les particularités de la population active tant du point de vue des
caractéristiques socio-démogrnphiqucs et des revenus, que du point de vue des déterminants
de l'offre de travail.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
92
1. Les caractéristiques socio-démoçrephiques et les revenus
Dans le cadre de notre étude nous avons éviter de multiplier les sources de données afin
de garder une certaine homogénéité de l'échantillon sur lequel repose notre analyse.
Cependant, nous présentons tout de même en ce qui concerne les caractéristiques socio-
démographique, l'ensemble de la population active de Yaoundé dans le but d'avoir une
vision plus générale de ces éléments.
A. Les caractéristiques socio-démographiques
Les caractéristiques socio-démographiques de la population active sont nombreuses.
Nous insisterons surtout sur les variables du capital humain et les conditions d'activité.
1. Quelques caractéristiques de l'ensemble de la population active1 ,
Comme nous l'avons déjà mentionné dans la partie introductive de ce travail, le marché
du travail au Cameroun en général, connaît de fortes distorsions. Nous POUVOIIS le constater
de même dans le cas particulier de Yaoundé. La population active compte 59,7% individus
de sexe masculin. Les chefs de ménage y représentent 45,9%. De fortes tensions s'exercent
sur le marché du travail, tensions qui sont révélées par un taux de chômage élevé de l'ordre
de 24,5%. Cette situation globale se présente dans le tableau 2 ci-après:
1 Les données relatives à l'ensemble de la population active sont de l'année 1993.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
93
Tableau 2 : Répartition de la population active selon le sexe, le lien avec le chef de ménage
et la situation d'activité"
Chef de ménage
Autres membres
Ensemble
masculin
féminin
masculin
féminin
Actif occupé
81365
25120
40266
57656
204408
Chômeur
13500
4253
26242
22104
66198
Total actifs
94964
29373
66508
79700
270006
Taux de chômage (Ok)
14,3
14,5
39,5
27,7
24,5
Le taux de chômage mentionné ci-dessus recouvre de profondes disparités suivant la
catégorie de population considérée. Il est de 39,5% chez les membres secondaires du
ménage de sexe masculin, de 27,7% chez ceux de sexe féminin et de 14,4% pour les chefs
de ménages sans différences entre les sexes. De ces résultats se dégage le rôle social du chef
de ménage, et en situant ces différentes catégories dans le même contexte on peut se rendre
compte du manque d'engagement et de responsabilité des membres secondaires, ceci étant
le fait qu'ils ne sont pas dans le besoin absolu'. On peut aussi relever le fait que le taux de
chômage est supérieur chez les hommes que chez les femmes ; ceci peut s'expliquer par le
fait que dans la conception de la société, c'est à l'homme que revient la charge du
financement du ménage ; à partir de là, les femmes ont moins de rigueur dans le choix des
emplois et par conséquent, elles s'installent le plus souvent dans n'importe quel genre
d'activité une fois la scolarité arrêtée.
Lorsque l'on prend la population active dans son ensemble, on peut mentionner la
relative jeunesse de celle-ci (la moitié des habitants de la ville a moins de 20 ans et
seulement 1,2% a plus de 60 ans). L'âge moyen approche 32 ans, le quart des actifs a moins
de 25 ans et 50% ont moins de 30 ans. En outre, l'activité précoce est loin d'être
négligeable dans la mesure où 8% de la population active a moins de 20 ans.
TI existe aussi des différences d'âge considérables selon qu'il s'agit des actifs occupés
ou des chômeurs. D'ailleurs les premiers ont lin âge moyen de 33 ans et les seconds 27 ans.
1 Source: Direction de la St.uistiquc ct de la Comptabi lité Nationale.
2 Nous reviendrons sur cet aspect lorsque nous étudierons les déterminants de la durée de chômage.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
94
Des résultats confirment cette différence : on établit que le chômage était nettement
décroissant avec l'âge" passant de 34,9% pour les individus de moins de 30 ans à 16,1%
pour ceux de 30 à 49 ans et à Il % pour les plus de 50 ans. On peut déjà expliquer ceci par
le fait que la majorité des individus de plus de 3\\) ans sont arrivés sur le marché du travail
avant l'uccentuution de la crise économique et les différentes mesures d'ajustement de la fin
de la décennie 80, et de la montée de la scolarisation des jeunes ajoutée à l'explosion
démographique qui font qu'il y a une entrée plus massive des jeunes sur le marché du
travail. Les plus fortes pressions sur le marché du travail sont donc exercées par les jeunes,
cette tendance s'accentue d'ailleurs avec les politiques d'austérité actuelles caractérisée par
les effets de la dévaluation du franc CFA d'une part et des restrictions budgétaires
(diminution des subventions) d'autre part, ce qui a pour effet direct une plus grande cherté
de I'éducation' et l'abandon de plus en plus précoce du système éducatif par les jeunes.
Dans la population active globale de la ville de Yaoundé, il existe bien des différences
dans les caractéristiques des individus suivant qu'on les regroupe par sexe, par âge ou par
situation d'activité. Ces différences sont encore plus significatives lorsqu'on s'intéresse aux
variables du capital humain.
2. L'évaluation de la structure éducative
Le problème de l'éducation est d'une importance capitale dans le processus de
développement des pays en développement comme le Cameroun. Une analyse des structures
éducatives et des niveaux d'éducation permet de mieux appréhender certaines tendances du
marché du travail. On peut déjà noter. qu'au Cameroun, après les indépendances,
l'acquisition d'un niveau d'instruction élevé garantissait non seulement un emploi, mais
aussi des gains élevés; ccci était dû par la capacité de l'administration qui était le principal
employeur de pouvoir recruter tous les sortants du système éducatif Or, avec les difficultés
économiques que connaît le puys depuis le milieu des années 80, la situation a changé et les
1 Ccci fera l'objet J'une analyse ù la sectiouê Je cc chapitre.
l
011 peut à titre indicatif signaler 'Ille les frais d'iucripuon
l'Université sont passés de DOO à 50000
à
FCFA.
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Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
95
données n'étant plus les mêmes, l'ohtention d'un niveau donné d'éducation est loin d'être
un facteur de réussite sociale, sinon plutôt le contraire.
Dans le cadre de notre analyse, nous avons mentionné la restriction de nos données à la
seule viHe de Yaoundé, car il aurait peut-être été plus intéressant d'étudier la situation de
tout le pays ; mais, le problème de la collecte des informations limite toujours ce genre
d'études étant donnés les structures et les moyens disponibles. Cependant, les données à
notre disposition sont d'une qualité acceptable et contiennent des informations qui nous
permettent de faire un certain nombre d'analyses intéressantes. Le seul regret que nous
pouvons faire est celui de n'avoir aucune information sur la situation des parents des
différents membres des ménages.
Nous tenterons donc d'analyser la structure éducative suivant un certain nombre de
critères et essayerons de vérifier s'il existerait un processus de « filtrage vers le bas ».
, a. Les données relatives à l'éducation
Pour J'ensemble de la population étudiée, la variahle éducation a été définie en fonction
du nombre d'années passé à J'école. Le questionnaire a retenu la dernière classe suivie, celle-
ci a été ensuite convertie en nombre d'années d'études avec succès. De même, le
questionnaire n'ayant pas prévu explicitement une variable relative au diplôme, nous avons
à partir du nombre d'années d'études passées avec succès créer une nouvelle variable qui
tienne compte de l'existence d'un diplôme ou non. Ceci a été possible par la structure du
système d'enseignement au Cameroun ; pour le primaire, six années d'instruction
correspondent aussi à la possession du diplôme de certificat primaire, pour le secondaire dix
années correspondent au brevet ou au certificat d'aptitude professionnelle, douze années au
probatoire' et treize années d'instruction correspondent au baccalauréat. En ce qui concerne
l'enseignement supérieur, il n'a pas été spécifié le type d'enseignement (IUT, BTS, diplômes
de facultés et grandes écoles), ce qui ne nous a pas permis de différencier ces diplômes.
Bien que cette méthode d'évaluation nous ait permis de dégager l'existence du diplôme, elle
1 Le probatoire est un diplôme national qui sanctionne la (in de la classe de première.
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Première partie
96
crée cependant un léger biais dans l'évaluation de l'expérience dans le marché du travail
puisque celle-ci tient compte de l'âge et du nombre d'années d'études l,
Pour ce qui est du type d'enseignement, quatre grands types ont été différenciés: le
primaire, le secondaire général, le secondaire technique et le supérieur. Cette différentiation
a le mérite de nous permettre de vérifier l'hypothèse de l'hétérogénéité de choix de
l'investissement en capital humain et des rendements qui en découlent. Cependant, on peut
noter que le manque d'informations précises sur la formation professionnelle nous a amené
à limiter le mode d'acquisition de connaissances à ce qu' on avait appeler dans le chapitre
premier l'éducation formelle.
b. La structure éducative de la population étudiée
Nous allons contrairement au point précédent nous intéresser désormais à la population
qui constitue notre échantillon pour avoir le maximum de cohérence possible au niveau de
nos analyses. Ainsi pouvons nous présenter des caractéristiques globales des actifs occupés
de Yaoundé comme dans le tableau 3 ci-après :
1 Dans la mesure où il âge ég,al lcxpcucnce pourra être surestimée ou souscsumée suivant que l'individu a
connu des redoublements ou non.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
97
Tableau 3. Distribution de la main-d'oeuvre occupée par type d'emploi et selon le sexe,
l'instruction, la nationalité, l'âge et le type d'enseignement
Catégorie
Salarié secteur
Entrepreneur à
Aide familial
Main-d'oeuvre
moderne
propre compte
et apprentl
Paramètres
nombre
%
nombre
nombre
Hommes
1002
68,6
411
43,3
177
64,4
Femmes
500
31,4
539
56,7
98
35,6
lliB~.~ilm::;:i;!ilil!\\:j~~:jj:!:!il!~!!ilim!!:j:\\\\jjj[:\\l
Sans instruction
50
3,1
101
10,6
8
2,9
Primaire incomplet
79
5,0
137
14,4
39
14.2
Primaire avec CEPE
210
13,2
282
29,7
70
25,5
1er cycle sec.incomplet
192
12,1
191
20,1
80
59,1
1er cycle sec.avec BEPC
228
14,3
111
11,7
37
13,5
2e cycle sec.(cl.seconde)
50
3,1
16
1,7
7
2,5
2e cycle sec.PROBAT. *
161
10,1
45
4,7
12
4,4
2e cycle avec BAC.
146
9,2
28
2,9
5
1,8
Supérieur
476
29,9
39
4,1
17
6,2
~~fl~.g;!:;;!::~\\:::\\:[:::i[1:::1:::::!::::\\:::;::::!:::::\\:1:[:1:::1:1:::::
Camerounais
1538
96,6
939
98,8
263
95,6
Africains non camerounais
23
1,4
11
1,2
8
2,9
Non africains
31
1,9
o
a
4
1,5
< 20 ans
41
2,6
50
5,3
83
30,2
20-24 ans
117
7,3
108
11,4
94
34,2
25-29 ans
252
15,8
197
20,7
50
18,2
30-34 ans
337
21,2
202
21,3
28
10,2
35-39 ans
343
21,5
142
14,9
8
2,9
40-44 ans
239
15,0
99
10,4
4
1,5
45-49 ans
155
9,7
55
5,8
1
0,4
50-54 ans
75
4,7
42
4,4
3
1,1
>= 55 ans
33
2,1
55
5,8
4
1,5
!IDII::9f:~~:I;:!I~.m*~\\:!:i:::\\:::::::::!:
Sans instruction
50
3,1
101
10,6
8
2,9
Primaire
289
18,1
419
44,1
100
39,6
Secondaire général
478
30,0
234
24,6
92
33,4
Secondaire technique
200
18.7
157
16,5
49
17,8
Supérieur
476
29,8
39
4,1
17
6,1
"Probatoire : examen officiel passé en classe de première.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
98
Nous pouvons faire deux principales remarques à partir de ce tableau : la première
découle de la répartition suivant le sexe, il y a une prédominance des hommes dans les
emplois salariés du secteur moderne soit 68,6%, contre 31,4% de femmes et la tendance
inverse pour les emplois à compte propre où la proportion des femmes est plus élevée, ceci
confirme bien l'explication qui a été faite sur les prétentions des femmes à s'insérer sur le
marché du travail dans le cadre de la main d'oeuvre de toute la ville de Yaoundé; la
deuxième remarque concerne la quasi-inexistence des étrangers parmi les actifs occupés
(3,3%), une explication à cela peut être les nouvelles politiques de camerounisation des
emplois au vue des difficultés que connaît le pays. On peut cependant noter la relative
jeunesse de la population employée (68,4% ont moins de 40 ans) qu'on pourra d'ailleurs
comparer aux chômeurs sur ce même critère.
L'évaluation de la structure éducative proprement dite nous amène à faire un certains
nombre d'observations. On remarque qu'il y a un proportion élevée d'individus sans
instruction parmi les entrepreneurs à compte propre (qui sont assimilés ici aux travailleurs
du secteur informel) soit 10,6% contre 3,1 % chez les travailleurs du secteur moderne; dans
l'ensemble de la population active, on a 5,7% d'individus sans instruction. Notons que nous
avons considéré un individu comme sans instruction lorsqu'il n'a passé aucune année dans le
système d'éducation formelle. A partir de ces résultats, on peut même avec beaucoup de
réserve dire que la population de Yaoundé est faiblement analphabète. Mais une analyse en
termes de secteurs suivant certains critères peut nous conduire à déceler un certain nombre
de disparités.
Comme le montre le tableau 4 ci-après, les individus du secteur moderne ont une durée
moyenne d'instruction de Il,31 ans, alors que ceux du secteur informel n'en ont que 6,97
ans. Mais cette disparité peut être nuancée si nous prenons en compte un certain nombre de
critères d'analyse :
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
99
Tableau 4 : Durées moyennes d'Instruction suivant le sexe, l'Age et la nationalité
Variables
Secteur moderne
Entr. à propre epte
Ensemble·
Nombre·
masculin
11,37 (5,21)
8,08 (3,83)
10,20 (4,00)
1759
féminin
11,18 (4,06)
6,13 (3,74)
8,52 (4,54)
1157
< 20
7,04 (1,00)
7,26 (3,37)
6,00 (2,51)
170
20-24
8,40 (3,95)
7,86 (3,49)
8,00 (3,55)
324
25-29
10,42 (3,89)
8,23 (3,56)
9,45 (3,00)
514
30-34
11,55 (4,53)
7,5IJ (3,19)
10,02 (4,47)
591
35-39
12,27 (4,74)
7,fJ5 (3,92)
10,89 (4,98)
5IJ1
40-44
11,54 (5,18)
6,30 (3,18)
10,00 (5,21)
361
45-49
12,81 (5,42)
4,54 (3,35)
10,58 (6,08)
217
50-54
11,97 (5,62)
3,00 (3,07)
8,71 (6,38)
126
>=55
10,75 (6,71)
3,36 (5,42)
6,73 (7,10)
103
camerounais
11,17(4,7)
6,98 (3,89)
9,40 (4,7)
2832
africain non cam
11,04 (6,57)
6,00 (3,98)
10,16 (6,14)
43
non africain
18,22 (3,01)
17,75 (2,91)
41
11,31 (4,87)
6,97 (3,00)
9,54 (4,89)
2916
Les écarts types sont entre parenthèses
• L'ensemble et le nombre concernent tous les actifs occupés
Une remarque préliminaire et globale peut être faite sur les écart-types observés ; la
dispersion de la durée d'instruction est sensiblement la même pour les individus des deux
sexes (4,99 et 4,54 ans), il en est pareil pour l'ensemble des travailleurs des deux secteurs
(4,87 pour le secteur moderne et 3,90 ans pour le secteur informel). Dans le secteur
moderne, la durée d'instruction moyenne est presque la même entre les individus de sexe
masculin el de sexe féminin, 1lI11is 011 Ile pourrait dire que les individus des deux sexes ont
les mêmes niveaux d'instruction. Ce dernier aspect se confirme lorsqu'on prend l'ensemble
des iudividus occupés cl les navaillcurs ;1 propre compte ; pour ces derniers, les hommes
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
100
ont une durée moyenne d'instruction supérieure aux femmes, il en est de même de
l'ensemble de la population formant le secteur moderne et le secteur informel. Si donc, dans
le secteur moderne, la durée d'instruction est presque la même entre les hommes et les
femmes, ceci est dû d'une part, au fait que les femmes qui occupent les emplois dans le
secteur moderne ont des niveaux souhaités par la fonction publique (dans le cas de
l'administration) et les employeurs pour les entreprises privées, et d'autre part, par la nature
même des emplois dans le secteur moderne dans la mesure où les hommes occupent certains
postes du bas de l'échelle (par conséquent ne nécessitant pas une grande instruction) que les
femmes ne peuvent pas occuper. Par contre dans le secteur informel, qui reçoit en majorité
ceux qui n'ont pu s'insérer dans le secteur moderne, on constate bien que l'instruction des
femmes est inférieure à celle des hommes.
Ce résultat confirme bien l'idée selon laquelle dans les sociétés africaines en générale et
camerounaise en particulier, les traditions ont encore un poids énorme ; la femme est
considérer comme faite pour le ménage et ce sont les hommes qui doivent bénéficier des
investissements éducatifs quoiqu'une certaine évolution doit être mentionnée dans ce sens.
Lorsqu'on tient compte de la nationalité des individus, la logique est évidente car, d'une
part, les non africains ont une durée d'instruction largement supérieure aux africains
(camerounais et africains non camerounais), ceci étant expliqué par le fait que, d'une part,
les non africains sont constitués en majorité par des expatriés qui occupent des fonctions
liées aux différentes coopérations, ce qui traduit leur haut niveau d'instruction; d'autre part,
les mêmes durées moyennes d'instruction des camerounais et des africains non camerounais
dans le secteur moderne se justifient par la même explication que pour le cas des expatriés.
Mais par contre, en ce qui concerne le secteur informel, la durée moyenne d'instruction des
africains non camerounais est faible parce qu'il s'agit dans la majorité des cas des petits
métiers de rue et du petit commerce des ressortissants de certains pays'.
L'analyse des durées d'instruction selon les catégories socioprofessionnelles (tableau 5
ci-dessous) mérite d'être laite.
II/s'agit des nigérians, des sénégalais et des tchadiens, dont le nombre a considérablement accru ces
dernières années.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
101
\\
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
102
Tableau 5 : Durées moyennes d'instruction par catégories socioprofessionnelles
Variables
Hommes
Femmes
Ensemble
Nombre
personnel de direction
17,16 (3,84)
15,75 (3,47)
16,89 (3,79)
89
cadres supérieurs
17,46 (3,84)
17,00 (1,00)
17,38 (3,07)
269
cadres moyens
13,02 (2,54)
13,08 (2,83)
13,04 (2,65)
310
employés qualifiés
Y 9,11 (3,36)
10,34 (2,72)
9,56 (3,20)
424
employés semi-qualifiés
7,98 (3,36)
8,64(2,69)
8,16 (3,17)
305
manoeuvres
6,34 (3,82)
6,69 (2,25)
6,46 (3,36)
192
patrons
10,42 (4,87)
9,77 (3,96)
10,29 (4,69)
106
compte propre
8,08 (3,83)
c:
6,13 (3,73)
6,97 (3,89
949
apprentis
7,38 (3,57)
7,56 (2,82)
7,44 (3,33)
146
8,34 (3,49)
129
, -
aides familiaux
8,46 (3,14)
8,16 (3,00)
10,20 (4,00)
8,52 (4,54)
9,53 (4,89)
2913
10,18 (4,48)
8,55 (4,10)
9,38 (4,38)
6558
Les écarts types sont entre parenthéses
Elle confirme une conclusion déjà faite sur les durées d'instruction des femmes ; on
remarque bien qu'à catégories socioprofessionnelles égales, la durée d'instruction est
presque la même entre les hommes et les femmes, sauf, comme nous l'avons mentionné
pour le secteur informel. La deuxième remarque que nous pouvons faire conceme les
catégories apprentis et aides familiaux. La durée d'instruction moyenne pour la deuxième
catégorie est supérieure à celle de la première, ceci peut paraître anormal dans la mesure où
on a tendance à croire que la catégorie apprenti est supérieure à la catégorie aide familial, le
paradoxe n'est pas là ; on peut plutôt l'expliquer par l'ambiguïté même du terme aide
familial. 1:aide l:lIl1ilial est le plus souvent un membre de la famille qui, soit est aidé par la
famille qui l'accueille moyennant ses services, soit offre ses services d'une manière
temporaire, le temps de reprendre des études ou de se trouver un véritable emploi. D'une
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

CapitalllUmain, salaires et segmentation du marché du travail
103
manière générale, la durée d'iust ruet ion des aides familiaux peut être considérée suivant
deux cas : soit l'individu a définitivement arrêté les études, soit il arrête provisoirement et
reprend plus tard. Dans tous les cas, on ne saurait dans ces conditions considérer raide
familial comme une catégorie professionnelle.
c. Les spécificités de la durée d'instruction par classes d'âge et le statut sur
le marché du travail

L'étude des nrveaux d'instruction dans sa globalité fournit peu d'informations sur
l'évolution de ces niveaux. C'est pour cela que compte tenu de la nature des enquêtes
effectuées (coupes transversales) il est nécessaire de tenir compte des classes d'âges et du
statut actuel sur le marché du travail dans la mesure où ce statut nous fournit des
renseignements supplémentaires sur l'évolution de ces niveaux d'instruction par rapport à
l'âge.
Concemant le statut sur le marché du travail, nous avons séparé les chômeurs à la
recherche d'un emploi des actifs occupés, ce qui nous permet de voir les différences entre
les chômeurs suivant qu'on est il la recherche de son premier emp loi ou qu'on a perdu son
emploi précédent. Comme le montre le tableau 6 ci-après, les individus concernés par une
première insertion sur le marché du travail ont une durée moyenne d'instruction supérieure
à ceux qui ont perdu leur premier emploi (10,03 ans pour les premiers et 8,26 ans pour les
seconds). Ceci peut s'expliquer par le fait que les individus en quête du premier emploi sont
plus jeunes que ceux qui ont déjà travaillés ; on le constate bien dans le tableau 5 puisque
pour la première insertion il n'existe pas d'individus appartenant aux tranches d'âges 50-54
et plus de 55 ans.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
104
Tableau 6 : Durées moyennes d'instruction des chômeurs suivant plusieurs critères
Variables
Perte emploi précédent
Première insertion
Ensemble
Nombre
!$.Jgi.:\\::t:lnI:r:{mtt{::::I:t
masculin
8,24 (3,7)
10,79 (4,11)
9,56 (4,14)
488
féminin
8,30 (3,2)
9,30 (3,24)
9,06 (3,27)
341
l.'$.MijWittiiiit::tttt:::\\
< 20
5,42 (2,50)
7,70 (2,92)
7,50 (2,92)
82
20-24
7,64 (2,55)
9,78 (3,25)
9,50 (3,26)
197
25-29
8,22 (3,65)
11,34 (3,78)
10,38 (4,00)
244
30-34
8,40 (3,36)
10,53 (3,85)
9,49 (3,75)
132
35-39
9,57 (3,80)
8,82 (3,49)
9,36 (3,71)
84
40-44
8,16 (2,91)
12,00 (7,61 )
8,48 (3,56)
47
45-49
8,50 (4,19)
3,66 (6,35)
7,86 (4,65)
23
50-54
6,80 (4,68)
6,80 (4,68)
10
>= 55
4,80 (4,75)
4,80 (4,75)
10
::~i'.iMm:tt:mt:::r::f:
8,26 (3,63)
10,03 (3,76)
9,36 (3,81)
829
Les écarts types sont entre parenthèses
La comparaison de ces catégories de la population active en tenant compte de l'âge
,
nous fournit un certain nombre de renseignements supplémentaires'. A défaut du suivi d'une
cohorte, nous remarquons que les niveaux d'instruction des classes d'âges que nous
considérons jeunes pour la première insertion sur le marché du travail sont supérieures pour
les mêmes classes d'âge de la population ayant déjà travaillée. On peut faire deux
principales remarques. D'une part, les individus ayant des facilités dans le système éducatif
tendent à pousser leurs études au maximum ce qui vérifie déjà une ~ypot~è~~Jo,:!~de_la
théorie du capital humain sur la rentabilité de cet investissement", ct dans une autre mesure
1 Les éléments de comparaison des chômeur s suivant LÎgc seront plus approfondis dans la deuxième section
de cc chapitre en ce qui concerne l'évaluation de la théorie du «job scarch ».
2 Nous ne tenons compte ici que de l'aspect capacités intellectuelles.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
105
des décisions qu'on peut qualifier de légitimes de ceux qui ont des difficultés dans
l'acquisition de l'instmction. D'autre part, la maximisation de l'investissement en capital
humain pour une classe d'âge (entre 25 et 44 ans) est une preuve d'une certaine évolution
des investissements éducatifs au Cameroun, comme pourra le montrer l'analyse en termes
de classes d'âge de la population occupée.
L'analyse des durées moyennes d'instmction suivant les classes d'âge apporte des
éléments substantielles dans la compréhension des comportements des individus vis à vis de
leurs investissements éducatifs stmctures éducatives. Les données relatives aux classes
d'âges nous donnent la ligure suivante:
Figure 15: Evolution des durées moyennes d'instruction par classes d'âge et secteurs
d'activité
14 - . - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ,
12
c
o
~
~ 10
oP
en
C
-+-Secteu
:c 8
moderr
en
g
C
-D-Entr à 1
C
6
CG
propre
i::l
e
-fr-Ensem
,Q
4
E
o
z
2
0 + - - - + - - - - + - - - - - + - - - - + - - - - + - - - - + - - - - - + - - - - - 1
<20
20-24
25-29
30-34
35-39
40-44
45-49
50-54
>=55
Classes d'âge
Pour les entrepreneurs du secteur informel, nous avons deux grandes tendances: une
constance de la durée d'instruction pour les tranches d'âges de 19 à 39 ans et une baisse de
celle-ci à partir de 39 ans jusqu'à 54 ans. La partie constante des durées moyennes
dinsuuction confirme l'hypothèse souvent faite sur cc secteur qui comporte hien des
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
106
aspects « évolutifs» 1. Ces aspects montrent que certains entrepreneurs du secteur informel
peuvent s'y trouver par prédilection et ont fait un minimum d'études qui leurs permettent
d'exercer le métier choisi au contraire d'autres qui malgré leur niveau s'y retrouvent à cause
des dysfonctionnements du marché du travail et les contraintes financières inhérentes au
système d'enscignemenr' (on a plus de 40% d'arrêt des études qui est dû aux difficultés
financières des parents). La tendance à la baisse des durées moyennes d'instruction montre
que les individus de plus de quarante ans qui se retrouvent dans ce secteur y sont entrés à
une époque donnée compte tenu du fait qu'ils étaient limités du point de vue de leur niveau
d'instruction pour s'insérer dans le secteur moderne (administration et grandes entreprises
parapubliques) qui offrait beaucoup plus d'opportunités à cette époque"
En ce qui concerne le secteur moderne, les tendances sont encore plus nettes et
montrent deux principaux phénomènes. Le premier est relatif à la croissance continue des
durées d'instruction jusqu'à la classe d'âge 35-39 ans et même jusqu'à 45-49 ans, malgré la
légère décroissance de ces durées pour la classe d'âge 40-44 ans. Ceci peut s'expliquer par
le fait que d'une part, les jeunes qui rentrent dans ce secteur maximisent leurs durées
d'instruction
avec le souci d'avoir des gains conséquents,
d'autre part,
la durée
d'instruction la plus élevée (pour la classe d'âge 45-49 ans) justifie le comportement de
ceux qui sont arrivés sur le marché du travail après avoir fait de longues études supérieures.
Ce premier phénomène COli firme l'hypothèse de l'impact de l'expansion du système éducatif
sur le niveau moyen d'instruction de la main-d'oeuvre employée. Le deuxième phénomène
est relatif à la partie décroissante de la courbe. Cette partie de la courbe concerne les classes
\\
d'âge 50-54 ans et les 55 ans et plus, il s'agit là de ce qu'on peut appeler «un fait de
génération ». Les individus concernés par ces tranches d'âge sont rentrés dans le système
éducatif à une époque où les structures éducatives n'étaient pas encore développées ou dans
une autre mesure étaient réservées à une certaine élite (politique et économique).
1 Cf". JI' LAClIALJIJ « Les activités iuforurcllcs urbaines Cil Afrique sub-snharicnnc » in Le développement
spontané, Pédone, Paris, pp 104-147, ou suivant ce que William F. STEEL appelle le secteur intermédiaire
dans « Intensité du capital, dimension de la firme et choix entre emploi et production: l'importance de
J'analyse multiscctoricllc », Revue Tiers-Monde, torne 21, 11°82, avril-juin 1980.
2 Cf. annexe sur les raisons d'arrêts des éludes.
3 Cet aspect de l'évolution de la politique d'emploi a été évoqué dans la partie introductive de ce travail.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
107
3. Les conditions d'activité
Les conditions de travail dans lesquelles évoluent les actifs occupés nous permettent de
cerner certaines caractéristiques du marché du travail à Yaoundé. Ces caractéristiques
relatives au contrat, à la régularité et aux modes de rémunération du travail pourront nous
apporter des éléments supplémentaires dans l'analyse du rapprochement que l'on peut faire
des salaires, du capital humain et de la segmentation du marché du travail.
D'après le tableau 7, on remarque que les conditions de travail diffèrent selon qu'on est
chef de ménage ou membre secondaire d'une part, et suivant le sexe d'autre part. Plus de la
moitié de la population étudiée travaille sans contrat de travail dans la mesure où un accord
verbal n'est pas un contrat. Ceci montre les lacunes de la législation du travail dans
beaucoup de pays en développement en général et au Cameroun en particulier. Ces lacunes
sont donc à l'origine de la vulnérabilité d'une grande partie des travailleurs, et expliquent les
difficultés et la complexité de l'évaluation du niveau du travail dans ce cadre particulier du
marché du travail dans un pays sous-développé.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première peme
108
Tableau 7 : Conditions d'activité de la population active occupée
Chef de ménage
Autres membres
Ensemble
masculin
féminin
masculins
féminins
écrit à durée indéterminée
48,5
39,9
10,6
27,5
34,5
écrit à durée déterminée
5,8
2,8
9,9
4,5
5,8
accord verbal
7,6
6,9
22,2
8,9
10,6
rien du tout
31,0,
40,6
51,6
47,9
40,8
n.r
7,1
9,7
5,7
11,2
8,3
continu
84,5
83,3
69,2
80,3
80,3
irrégulier
15,5
16,7
30,8
19,7
19,7
salaire fixe
64,2
47,9
25,5
39,6
47,9
au jour ou à l'heure
2,0,
0,3
4,9
0,7
1,9
à la tâche
12,1
8,7
23,6
8,5
12,9
commission
1,7
0,7
2,9
1,3
1,8
bénéfices
17,6
36,8
14,8
32,9
23,7
en nature
1,1
3,5
4,0,
8,6
4,1
sans salaire
0,9
2,01
24,0,
8,2
7,6
n.r
0,5
0,2
0,1
0,1
On peut noter que le statut de chef de ménage amène à une plus grande rigueur dans le
choix du type de travail, 1I0llS avons dans le tableau 7 ci-dessus, la nette différence dans le
type de contrat entre les chefs de ménage et les membres secondaires. Comme nous l'avions
déjà expliquer au début de cette section, ceci est dû à la responsabilité qu'a le chef de
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
109
ménage de s'occuper de tout le ménage. La deuxième remarque qu'on peut faire à partir de
ce tableau concerne le mode de rémunération des travailleurs. Comme pour les contrats de
travail, plus de la moitié de la population occupée n'est pas rémunérée suivant un salaire
fixe. Il en est de même de la faible proportion des membres secondaires à avoir ce type de
rémunération; J'explication est la même que pour le cas des contrats de travail. La forte
proportion des femmes à être rémunérées sous forme de bénéfice est justifiée par leur
grande présence dans les emplois à compte propre (56,7% de l'ensemble des travailleurs à
compte propre). Il y a 23,6% de membres secondaires de sexe masculin qui sont rémunérés
à la tâche, c'est bien là une fois de plus une confirmation non seulement de la précarité des
emplois qu'occupent ceux-ci, mais aussi de leur participation que l'on peut qualifier
d'appoint dans la constitution du revenu du ménage, contrairement au revenu du chef de
ménage qui est le revenu sur lequel repose la totalité des dépenses de consommation du
ménage.
B. La structure des revenus
L'un des problèmes auxquels on est toujours confronté dans les études du marché du
travail dans les pays en développement est celui qui concerne les revenus dans leur
ensemble. Que ce soit du point de vue méthodologique ou du point de vue analytique, de
nombreuses controverses se créent conduisant ainsi à des conclusions mitigées. Loin de
faire une apologie des études sur les revenus, nous pouvons rappeler quelques points de vue
analytiques qui ont orienté les axes de recherches relatives au fonctionnement du marché du
travail des pays en développement. Si l'on ne s'en tient qu'au cas du marché du travail
urbain, les revenus constatés ont conduit les chercheurs à focaliser leurs analyses basées sur
le dualisme du marché du travail sur une différentiation d'un secteur dit moderne et d'un
secteur informel'. L'analyse des revenus suivant cette optique présente des inconvénients à
deux niveaux: d'abord du point de vue contextuel, les revenus du secteur moderne sont en
1 On peut à ce sujet voir les nombreux travaux de JP. LACHAUD sur plusieurs pays de l'Afrique noire, et
dans le C3S spécifique de la Côte-D'Ivoire, les travaux de V3Jl der Gaag et W.P.M VUVERBERG (1989,
1990).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
110
'vi.
général le prix du travail (salaires qui peuvent pris sur la base du mois ou de la semaine)
»
alors que pour le secteur informel, il s'agit du bénéfice qui comporte non seulement le
rendement du capital humain, mais aussi celui du capital productif utilisé, on a donc un
revenu surestimé dans ce secteur, par conséquent l'idée même d'une comparaison de ces
revenus a beaucoup de limites ; ensuite, l'évaluation des revenus dans les pays en
développement n'est pas toujours chose aisée compte tenu de la structure même du travail
et de la mentalité des individus, que ce soit pour les salariés du secteur moderne ou les
travailleurs à propre compte, les questions concernant les revenus sont un tabou 1 ou alors
crée la suspicion d'une part, et la base d'estimation n'étant pas la même, l'unité économique
étant l'individu plutôt que le ménage d'autre part, les résultats souvent obtenus de l'analyse
des revenus doivent être interprétés avec beaucoup de prudence.
Quoique ces difficultés posent un problème dans l'analyse et l'estimation des fonctions
de gains, il n'en demeure pas moins vrai qu'on peut arriver à des résultats parfois
satisfaisants. Ainsi, allons nous pouvoir constater que la structure des revenus dépasse la
dichotomie secteur modeme - secteur informel d'une part, et que les différences de revenus
au sein même de ces secteurs peuvent nous amener cl penser à une autre approche de
l'analyse de la segmentation du marché du travail.
1. Une forte disparité dans la distribution des revenus individuels
Bien que nos analyses soient centrées sur l'analyse du marché du travail urbain, il aurait
été plus intéressant et plus riche d'aborder l'aspect des revenus sous un angle plus global,
car cela aurait permis de voir quelles sont les disparités qui existent suivant la situation
géographique dans l'un ou l'autre des secteurs. Or, comme nous l'avons souligné dans la
partie introductive de cc travail, les données cl notre disposition ne nous limitent qu'à la
prise en compte des revenus urbains. Le tableau suivant nous montre la distribution des
revenus individuels des actifs occupés.
1 On peut d'ailleurs noter quil est fréquent au sein d'un ménage que l'un des époux ne sachent pas le
salaire de l'autre.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
III
""
Tableau 8 : Revenus des actifs occupés selon le sexe, la nationalité et la branche d'activité
Salariés du secteur moderne
Revenus·
< 21,50**
21,50-49,9
50-99,9
100-199,9
200-399,9
400-599,9
>-fD)
Paramètres
Hommes
10,6
~,7
23,0
~,9
18,9
4,4
1,5
Femmes
9,7
18,3
34,8
23,7
12,3
0,6
0,6
Camerounais
10,5
~,2
27,1
22,2
16,8
2,7
0,5
Afri non cam
13,0
26,1
17,4
4,3
4,3
21,7
13,0
Non africains
3,2
12,9
16,1
25,8
12,9
29,0
Biens de con
15,5
31,0
22,5
18,3
11,3
1,4
B. int et d'éq
18,6
22,1
27,1
17,1
11,4
2,9
0,7
Com.et serv.
19,6
30,5
22,8
9,8
12,0
3,8
1,4
zo.o
26,7
21,8
16,8
3,2
1,2
Entrepreneurs du secteur informel
40,9
34,8
16,5
5,1
1,7
0,2
0,7
Hommes
67,3
24,5
6,7
1,3
0,2
Femmes
Camerounais
56,0
28,8
11,1
2,9
0,7
0,2
0,3
Afr. non cam
45,5
45,5
9,1
Non afric.
Biens de con
65,3
27,1
6,1
0,7
0,4
0,4
B. int et d'éq
39,2
31,4
15,7
11,8
2,0.
Cam. et serv
53,0
29,6
12,7
3,2
0,8
0,3
0,3
55,9
28,9
10,9
2,9
0,7
0,2
0,3
* En milliers de FCFA
** Ce montant correspond au salaire minimum
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
112
La première remarque que l'on peut faire concerne l'ensemble des actifs occupés des
deux secteurs. On constate que, si seulement 10 % des salariés du secteur moderne gagnent
moins que le salaire minimum', ils sont près de 56 %2 dans la même situation dans le secteur
informel. Dans une autre mesure, 95 % d'individus dans le secteur informel ont un revenu
inférieur à 100.000 l'.CFA, ce qui ne fait que confirmer les différents résultats relatifs aux
revenus du secteur informel. Mais on peut noter l'existence dans cc secteur d'une frange
d'entrepreneurs qui ont des revenus élevés (supérieurs à 600.000 F.CFA) et qui peut
correspondre à la partie « évolutive» ou de « transition »3 du secteur informel.
Le deuxième critère qui attire notre attention est le sexe. On remarque que pour les
salari~s du secteur moderne, la proportion d'hommes gagnant moins du salaire minimum
n'est pas très différente de celle des femmes, mais pour les deux dernières tranches de
salaire (400-599.9 et + de 600 000 F.CFA) on peut noter une présence des femmes même
inférieure à celle des hommes qui s'explique par le fait que les femmes accèdent non
seulement à des hauts niveaux d'études, mais aussi à des hauts postes de responsabilité". Par
contre, dans le secteur informel, cette caractéristique est hien différente. La proportion de
femmes ayant un revenu de moins de 21 500 F.CFA est largement supérieure à celle des
hommes (67.3 % contre 40.9 %). Cette tendance peut s'expliquer par lm nombre assez
élevé des femmes dans des petites activités de commerce où le capital productif est très
faible, ceci confirme une observation qui a déjà été faite sur la participation des femmes
dans le revenu des ménages ; en fait, compte tenu de la responsabilité économique du
ménage qui repose essentiellement sur l'homme, les femmes, quand elles se lancent dans le
secteur informel, le font juste pour se procurer des petits revenus complémentaires destinés
le plus souvent à satisfaire les besoins secondaires du ménage.
Les disparités suivant la nationalité confirment celles qui ont été observées sur les
niveaux d'instruction. Dans le secteur moderne, la tendance est la même que les niveaux
1 Celui-ci était de 21500 F.CFA au moment de l'enquête.
2 Ce chiffre doit être pris avec des réserves, à cause de l'évaluation des revenus dans le secteur informel, qui
~uvent être soit surestimés soit sous-estimés.
. Suivant la terminologie ; sur ce point une bonne revue de la littérature sur les différentes approches des
activités du secteur informel est présentée par P. METTELIN ( 1983).
4 Ce point sera analysé dans la suite de ce travail avec les facteurs de la segmentation.
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
113
d'instruction c'est-à-dire, pour les non afiicains on observe la tendance inverse à celle des
camerounais puisque plus de 67 % des premiers ont plus de 200 000 F.CFA alors que 57,8
% des seconds ont moins de 100 000 F.CFA. On pourrait évoquer la participation effective
des expatriés sur le marché du travail au Cameroun et leurs conditions de rémunération'.
Pour ce qui est des africains non camerounais, on constate qu'ils ont un avantage relatif par
rapport aux salariés camerounais, ceci peut paraître hors de la logique salariale attendue,
pourtant on peut l'expliquer par le fait que, la population ne concernant que ceux qUI
résident
à Yaoundé.celle-ci a un nombre élevé d'africains non camerounais qUI
appartiennent à l'union économique régionale (UDEAC) et qui travaillent dans certaines
institutions appartenant à cette union économique, donc l'interprétation du
résultat
concernant leur salaire dans le secteur moderne ici ne peut être généralisé. Par contre, dans
le secteur informel, le fait que les non afiicains y soient totalement absents confirme une fois
de plus l'idée qui a déjà été faite à leur sujet en ce qui concerne leur présence et situation
dans le marché du travail camerounais. Il en est de même des africains non camerounais
dont 90 % ont des bénéfices inférieurs à 50 000 F.CFA, il s'agit comme nous l'avions
évoqué plus haut, des étrangers qui en majorité sont marginalisés déjà dans leur pays, et qui
viennent juste pour exercer des petites activités de survie, on peut noter qu'il s'agit souvent
d'une population assezjeune ou alors des hommes et des femmes sans charge familiale.
Le dernier élément pouvant ressortir des disparités est la branche d'activité. Nous avons
regrouper les activités en trois grands groupes: une branche pour la production des biens de
consommation, une pour la production des biens intermédiaires et d'équipement et la
dernière pour les commerces et services. Ainsi, dans le secteur moderne la tendance est
presque la même pour les trois branches d'activité quoique le commerce et les services
dominent les extrêmes (proportion de ceux qui ont Lili salaire inférieur au salaire minimum et
proportion de ceux ont des salaires supérieurs à 200 000 F.CFA). Les disparités suivant la
branche d'activité chez les entrepreneurs du secteur informel sont peut être plus visibles. La
branche des biens intermédiaires et d'équipement est celle où la proportion des individus
1 Nous étudierons ultérieurement la relation entre leurs niveaux de revenus ct leurs productivités lorsque
nous aborderons l' hypothèse du salaire d'efficience dans I' ex plication de la segmentation du marché travail.
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
114
ayant un bénéfice inférieur à 21 500 f.CfA est la plus faible et où la proportion 'des revenus
les plus élevés est plus regroupée, On peut tout simplement dire que cette branche d'activité
qui demande de gros investissements est par conséquent la plus rentable aux niveaux des
activités informelles.
2. La prise en compte du statut dans l'emploi
La structure des revenus individuels telle que nous venons de le voir présente un certain
nombre de disparités suivant les critères que nous avons retenus pour l'analyse précédente.
Mais on pourrait peut être déceler d'autres spécificités dans la répartition des revenus,
spécificités qui seront le reflet des statuts des individus occupés dans leur emploi.
La distribution des revenus selon les catégories socioprofessionnelles nous permettra
d'apprécier des disparités intra sectorielles (dans le secteur moderne) à l'aide du tableau
suivant:
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
115
Tableau 9 : Distribution des revenus individuels par catégorie socioprofessionnelle
Salariés du secteur moderne
Sect.inf.
Revenus"
P. dir
Cadre sup.
C. moy
Empl. quaI.
E.semi-q.
Man
Total
Chefs entr.
< 21,50
3,1
11,7
40,5
44,8
10,3
55,9
21,50-49,99
0,3
0,9
2,5
24,7
41,8
29,7
20,0
28,9
50,00-99,99
1,2
0,9
14,7
55,3
22,0
5,9
26,7
10,9
100,00-149,99
1,2
8,1
45,3
37,2
8,1
5,4
1,2
150,00-199,99
3,5
24,7
49,4
19,7
2,7
16,4
1,8
200,00-299,99
10,1
58,5
27,6
3,7
13,7
0,5
300,00-399,99
24,5
61,5
12,2
2,0
3,1
0,2
400,00-599,99
41,2
52,9
3,9
2,0
3,2
0,2
600,00-799,99
50,0
50,0
0,4
0,1
>= 800,00
69,2
30,8
0,8
0,2
Moyenne
557,2
303,1
156,5
81,3
44,8
28,6
145,2
33,9
Ecart-type
618,3
350,2
74,6
54,8
29,3
16,5
246,1
87,9
Coefficient de
1,1
1,1
0,47
0,67
0,65
0,57
1,6
2,59
variation
%<SMIG
0
0
3,1
11,7
40,5
44,8
10,3
55,9
~En milliers de FCFA
La première remarque que nous pouvons faire est relative au niveau général des revenus
perçus par la population étudiée. En prenant pour indice le SMIG, on se rend compte que
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
116
10,3 % des salariés du secteur moderne ont un salaire inférieur à ce salaire minimum contre
55,9 % pour leurs homologues chefs d'entreprise du secteur informel, ceci confirme une
fois de plus la différence de revenus souvent évoquée entre les deux secteurs. Par contre,
l'existence de salariés du secteur moderne avec des salaires inférieurs au minimum prévu par
la législation du travail nous amène à des commentaires particuliers. D'abord, le fait même
de trouver des travailleurs du secteur moderne dans cette situation pose le problème de la
fixation des salaires et de la réglementation; comme nous l'avons évoquer à l'introduction
de ce travail, la situation du « marché» du travail au Cameroun est assez ambiguë et
complexe. La notion de marché du travail comme lieu de confrontation d'une offre de
travail et d'une demande devient discutable dans la mesure où le prix du travail n'est non
seulement pas un prix d'équilibre, mais aussi dans la mesure où il existe des prix du travail
suivant la demande et d'autres critères'. L'explication que nous pouvons faire de cet état
des choses est qu'il existe au Cameroun, un monopole dans le marché du travail par les
employeurs et ceci se justifie par deux principaux éléments: la situation économique dans
ce pays (taux de chômage élevé) et les conditions de vie des populations qui font que la
logique devient celle d'accepter n'importe quel revenu pourvu que l'on puisse survivre.
Ensuite et
compte tenu
de
la dégradation
de
la
situation
économique (mesures
d'ajustements structurels et actuellement les effets de la dévaluation du F.CFA), il y a une
baisse de la demande de travail qui fait qu'il y a un ajustement instantané des
comportements des différents agents. Ces comportements se manifestent le plus auprès des
offreurs de travail comme nous le voyons avec l'existence de cadres moyens et d'employés
qualifiés dans cette tranche de salaire inférieur au minimum'. Ces différents éléments nous
permettront de relativiser d'ailleurs la pertinence de la théorie du capital humain et la
spécificité « du marché» du travail dans un pays en développement comme le Cameroun.
La deuxième remarque relative à la distribution des revenus individuels a trait à la
situation inverse à la première puisqu'on observe des salariés de catégories qui sont au bas
de l'échelle (manoeuvre et ouvrier senti-qua lifié) avec des revenus élevés. Ceci peut
1 Nous verrons les spécificités de ces critères quand nous analyserons les conditions d'embauche des
travailleurs.
2
Les prétentions salariales des actifs à la recherche d'un emploi nous apporteront des éléments
supplémentaires.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché dutravail
117
s'expliquer comme nous le verrons dans la section suivante par l'importance d'autres
facteurs du capital humain dans la détermination des salaires. Pour ces individus, il peut
s'avérer que leur expérience professionnelle sont considérablement pris en compte ou alors
la préférence des certains employeurs pour des qualifications spécifiques à des emplois
particuliers. Ccci peut sc traduire par les fortes disparités que l'on observe entre les
différentes catégories professionnelles. Il existe une forte variation entre les différentes
catégories, c'est le cas par exemple du salaire moyen du personnel de direction qui est de 19
fois supérieur à celui des manoeuvres. Au sein de chaque catégorie, la dispersion est grande
comme on peut le constater; au delà des écart-type élevés, les coefficients de variation'
montrent que à l'intérieur d'une même catégorie, il existe des disparités de revenus. Ainsi,
cette disparité est la plus élevée pour les deux catégories que l'on peut considérer comme
les plus favorisées (personnel de direction et cadre supérieur), et reste quand même forte
pour les autres catégories.
En ce qui concerne les chefs d'entreprise du secteur informel, la tendance des revenus
est celle qui a toujours été évoquée, car nous avons plus de la moitié des entrepreneurs qui
ont un revenu inférieur au revenu minimum. On peut cependant noter l'existence au sein de
ce secteur d'un faible pourcentage de revenus élevés. De plus, un autre résultat qui confirme
ceuX, des études sur le secteur informel est celui du revenu moyen dans ce secteur qui est
proche des salaires des ouvriers semi-qualifiés et des manoeuvres du secteur moderne. Entre
autres, le coefficient de variation dans ce secteur est très fort puisqu'il est de l'ordre de 2,59
; lorsqu'on le compare à celui du secteur moderne (1,6), on obtient un résultat semblable à
celui d'une étude en Côte-d'Ivoire'.
Un élément indispensable dans l'analyse du marché du travail pourrait être l'évolution
des revenus suivant le secteur d'activité, ceci dans une double dimension: d'abord parce
qu'elle permet de discuter de la vision dichotomique souvent avancée, et ensuite parce
qu'elle permet d'appréhender l'hétérogénéité des revenus sous un autre angle. Ainsi, l'objet
de cette étude étant d'assimiler le fonctionnement du marché du travail au Cameroun,
IlIa été préférable d'utiliser ici les coefficients de variation (écart-type relatif) puisque les écarts-type
dépendent du salaire moyen.
2 Cf. Olivier BARON (1991).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
118
l'évolution des revenus telle que représentée dans le graphique suivant nous amène à faire
des observations qui peuvent nuancer la compréhension des cadres analytiques souvent
avancés.
Figure 16 : Evolution des revenus individuels suivant le secteur d'activité
fréqllences en %
60
50
40
30
20
1
o
o
<21,5
21,50
50,00-
100
200-
300-
400-
600-
>"'800,00
o
49,99
99,99
1e9,9
299,99
399,99
599,99
799,99
9
tranches de revenus
Prenons la courbe relative aux salariés du secteur moderne, Son allure montre trois
parties: une partie ascendante dont le sommet a pour abscisse la tranche de revenu 50,00-
99,99, une deuxième partie descendante jusqu'au point d'abscisse 300-399,99 et la troisième
partie qui est représentée par le reste de la courbe. Comme nous l'avons mentionné plus
haut, les fréquences sont différentes c'est d'ailleurs ce qui fait qu'on ait une courbe avec des
extremums. Si nous prenons pour indice de formalisation le revenu minimum, cette courbe
montre qu'au sein du secteur moderne, les trois parties de la courbe représentent trois
grandes catégories de salariés dans le secteur moderne du marché du travail' : une première
catégorie à hauts salaires, une deuxième à salaires intermédiaires et la dernière à bas
1 Cette structuration du marché sera mise en évidence dans le chapitre 4.
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
119
salaires. Cette catégorisation des travailleurs suivant leur niveau de gam nous amène à
croire qu'une analyse des caractéristiques des emplois peut être une piste intéressante dans
l'étude de la segmentation du marché du travail car elle pourrait apporter un plus par
rapport à la littérature sur les gains, qui considère le secteur moderne comme étant une
partie homogène du marché dans laquelle, en dehors de l'explication des différentiels de
salaires par le capital humain, d'autres facteurs jouent un rôle important dans la
détermination des salaires'. Nous éluciderons cette approche dans le chapitre suivant en
analysant les déterminants des salaires.
Puisque que nous étudierons les déterminants des revenus individuels qUI nous
permettent de comprendre le fonctionnement du marché du travail au Cameroun, une
analyse des déterminants de la participation au marché du travail s'avère donc indispensable
car à travers eux, les comportements des travailleurs sont intégrés dans les déterminants des
gams.
1/. Les déterminants de l'offre de travail
La complexité de l'analyse du marché du travail dans un pays comme le Cameroun est
due aux spécificités que l'on rencontre tant du point de vue économique que socioculturel.
Ainsi, l'hétérogénéité n'est pas exclusive aux niveaux des formes d'emploi, de l'éducation
reçue et des revenus, mais aussi de l'environnement dans lequel vivent les travailleurs et des
considérations culturelles qui affectent leurs comportements sur le marché du travail. C'est
pour cette raison
qu'il serait
indispensable
pour appréhender les mécanismes de
fonctionnement du marché du travail d'évoquer les déterminants de l' offre de travail en
essayant de modéliser celle-ci dans le cadre de notre étude.
A. La modélisation de l'offre de travail
1 Sur cc sujet, voir V AN DER GAAG ct VIJVERBERG (1 ,)H()) sur l ' étude raite sur la Côte-d'Ivoire.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
120
1. Les fondements micro-économiques de J'offre de travail
Du point de vue de la théorie micro-économique, un individu peut partager son temps
entre une activité économique qu'on appelle « travail» et les loisirs. D'une manière
théorique, ceci peut être formalisé de la manière suivante si on appelle:
C le niveau de consommation de l'individu
T le temps dont il dispose
H le temps consacré au travail
L le temps consacré aux loisirs
W le taux de salaire
A les autres revenus que peut avoir l'individu
Z la fonction d'utilité de l'individu
L'individu cherche à maximiser la fonction d'utilité Z sous les contraintes du niveau de
consommation et du temps consacré au travail, donc les décisions de l'individu sont
déterminées par la résolution d'un programme de la forme:
Max Z (C, L)
sous les contraintes :
C =A + WH et
H>=O
On peut faire une remarque sur la deuxième contrainte H >= 0 ; si tous les individus
étaient prêts à accepter n'Importe quel emploi, on aurait tout simplement H > O. Or
lorsqu'un emploi est proposé à un individu, celui-ci tient compte de plusieurs facteurs tels
son capital humain, les coûts engendrés par l'exercice du métier (transport, entretien
personnel, garde des enfants et de la maison, etc ... ) et l'existence d'autres revenus dans le
ménage. Du fait que les individus n'acceptent pas n'importe quel emploi, et compte tenu des
contraintes de la demande de travail, il existe des chômeurs qui ont, toute chose égale par
ailleurs, un revenu du travail nul. Les agents ont donc un salaire minimum acceptable que
I'ou dèsignera par JIll! ct qui est COIIIIU dans la littérature économique sous l'appellation de
salaire de réserve.
1 GRONAU (1973), HECKMAN (1974) et MAGNAC (1985).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capitalhumain, salaires et segmentation du marché du travail
l21
Si on appelle IV et H·le revenu de l'individu, maximiser la fonction d'utilité Z revient à
avoir :
si
W';? Wo
IV= o si W < Wo

H
si
H = o si
2. Le modèle théorique'
Soit la variable Y = W - Wo, cette variable détermine la décision de participation au
marché du travail. Si pour un individu i on désigne par X l'ensemble des variables
individuelles (niveau d'instruction, expérience professionnelle, âge, etc .... ) le modèle peut
s'écrire:
Yi = aD + bX + u,
(67)
Comme Yi n'est pas observable, on définit une variable dichotomique y; tel que:
1
si
y.=
(68)
1
0
si
ce qui revient à considérer Yi = J si l'individu participe au marché du travail (employé
ou en chômage) et Yi = 0 s'il ne participe pas au marché du travail; u, est la perturbation
associée à la ième observation.
Puisque que Yi prend uniquement les valeurs 1 ou 0, la distribution de probabilité de Yi
peut s'écrire en notant que Pi = probt)', =1) et 1 - Pi = proli(Y, = 0) :
F:{YJ = I(PJ f- 0(1- PJ ::.C Pi
(69)
1 La majeure partie de ce modèle theorique est inspirée des développements de .l.P LACHAUD (1991),
GOURJEROUX (1989) et de MADDALA (1<)83),
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
122
Puisque l'intcrprétatiou de la variable dépendante du modèle se fait sur la probabilité
d'opérer un choix, il est nécessaire de transformer le modèle de telle manière que les valeurs
des attributs (Xi) deviennent une probabilité dont la valeur sera comprise dans l'intervalle
[0,1], soit:
Pi = F(a -1- bXJ = F(ZJ
(70)
F est une fonction de probabilité cumulative ; Z, une variable continue aléatoire et
normalement distribuée. Puisque les données relatives aux Z, (équivalent à Yi) ne sont pas
observables il s'agit d'un modèle probit' où la variable qualitative Y est définie à partir de la
variable quantitative auxiliaire Z;
3. La formulation du modèle empirique
a. La fonction de participation
Dans les pays en développement en général et le Cameroun en particulier, la décision de
devenir actif occupé dépend d'un certain nombre de facteurs dont on ne saurait dresser une
liste exhaustive. Si l'on ne prend en compte que le facteur âge, l'hétérogénéité des formes
de travail et les lacunes de la législation font que l'âge d'entrée dans la vie active est très
variable. Ceci dit, nous essayerons d'introduire dans le modèle les variables jugées
déterminer Ics décisions de devenir actif occupé.
En dehors de l'âge, les variables de capital humain que sont le niveau d'instruction
NINST et l'expérience professionnelle EXPP, jouent un rôle fondamental dans la décision
de devenir actif occupé. Comme nous l'avons signalé au début de ce chapitre, le niveau
d'instruction est mesuré par le nombre d'années d'études passées avec succès tandis que
l'expérience professionnelle est la somme des temps passés dans les différents emplois'.
Pour corriger l'effet de la dépréciation du capital humain à la fin de la vie active, nous
corrigeons l'expérience professionnelle par son carré EXPPC. La participation au marché
1 Différent d' Il Il modèle (agit
2 La formule utlisée est: Age - durée d'istruction - 6.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du merché du travail
123
du travail dépend également de J'existence de revenus secondaires au sein du ménage, d'où
la variable revenus secondaires REVSEC ; nous avons aussi intégré la taiUe du ménage
TAILLE, l'existence de femmes au chômage qui peut influencer la décision de participer au
marché du travail. Nous avons bien voulu faire une estimation suivant le sexe en tenant
compte particulièrement pour les femmes, de facteurs comme ceux relatifs à l'existence
d'enfants à bas âge qui peuvent influencer la participation de celles-ci au marché du travail
du travail, mais nos données n'ont pas pris en compte cet aspect. On peut enfin intégrer le
statut professionnel du père qui peut favoriser J'intégration de sa progéniture dans la vie
active, cette variable est STAPER. D' où le modèle à estimer est :
Yi = ao + a/AGE + a2NINST + a3EXPP + a4EXPPC + a5TAILLE + a~VSEC +
a/JSTAPER + Vi
(71)
Y/ = J si Yi > 0 et Y/ = 0 si Yi < = 0
b. La fonction d'offre de travail
Pour l'estimation de la fonction d'offre, nous introduisons les variables qui tiennent
compte de la catégorie socioprofessionnelle en regroupant les travailleurs en trois grandes
catégories : le personnel de direction, les cadres supérieurs, cadres moyens et agents de
maîtrise constituent le premier groupe dont la variable indicatrice est PERCA ; les employés
qualifiés, semi-qualifiés et les manoeuvres sont le deuxième groupe et la variable indicatrice
est EMPLO ; enfin les travailleurs à propre compte du secteur informel ont pour variable
indicatrice ENPC. Les autres variables sont: REVP le revenu en activité principale, AGE
âge, AGECA le carré de l'âge, FEMINA le nombre de femmes inactives et FEMCH le
nombre de femmes au chômage dans le ménage, ces deux dernières variables permettant
d'étudier les possibilités de substitution à I'inténeur d'un ménage. La variable dépendante
est NHEUR le nombre d'heures travaillées durant la période de référence qui est ici le mois
; pour prendre en compte la contrainte du nombre d'heures travaillées, nous ajoutons une
variable dichotomique HEUR des individus ayant travai11és moins de 35 heures (ce qui
représente la durée d'une semaine de travail normal).
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
124
Le modèle à estimer est donc formulé de la manière suivante:
NHEUR; = bo + bIREVP;, b:PERCA; -1- bJEMPLO; + b4ENPC; + by4GE; +
btAGECA; + +b7flEUR; + btiFEMINA; + b9FE"'A1Cfl; + Z;
(72)
B. Les résultats
1. Une participation multiforme
La participation au marché du travail est un élément d'analyse déterminant dans la
compréhension du fonctionnement du marché du travail. EUe permet de saisir le ou les
phénomènes qui amènent les individus à opter pour une intégration au sein du marché du
travail. Comme nous l'avions déjà souligné, la participation au marché du travail au
Cameroun est régie par des considérations qui sont différentes de celles des pays développés
(situation économique, culture, institutions, etc.... ). Ainsi, dans le cadre de notre analyse,
l'estimation d'une fonction de participation telle que nous l'avons spécifié nous permettra
de mieux saisir les déterminants des gains et les découpages des emplois que l'on peut
rencontrer dans un pays connue le Cameroun.
L'estimation de ce modèle nous amène à faire un certain nombre d'observations. Du
point de vue économétrique, les résultats de la fonction de participation paraissent
satisfaisants tant sur le plan du degré de précision (valeurs fortes du t-de Student) que du
pouvoir prédicateur du modèle. Dans l'ensemble, 83,3% des individus sont prévus dans leur
catégorie respectives. On peut cependant noter des différences entre les sous-populations.
Si 94,1% d'entre eux sont bien caractérisés par le modèle, il n'en est pas de même pour les
chômeurs où 49,4% seulement le sont. D'après l'analyse selon le sexe, la population
féminine se trouve totalement bien classée pour les deux sous-populations (actifs occupés et
chômeurs) avec respectivement 96,1% et 95,7%. Le faible classement des chômeurs pour
l'ensemble de la population étudiée résulte donc de celui de la population masculine qui
n'est que de 34,5 1%. Ces difléreuces mettent en exergue une fois de plus une des spécificités
du marché du travail au Cameroun ; compte tenu de la faiblesse du secteur moderne à
satisfaire toute l'ollie de travail, une grande partie des actifs préfèrent se réfugier dans le
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
125
secteur informel où il n'existe pas de barrières à l'entrée. Et comme nous l'avions déjà
évoqué, les femmes s'insèrent le plus dans le secteur informel d'où l'impression d'un bon
classement pour celles-ci pour les chômeurs, à la différence des hommes qui sont plus
exigeants dans leur recherche d'emplois.
Le signe des différentes variables présenté dans le tableau suivant nous apporte des
éléments d'appréciation supplémentaires:
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
126
Tableau 10 : Estimation de la fonction de participation au marché du travail
Population totale (1)
Population masculine (II)
Population féminine (III)
Variables
Coefficient
T
Coefficient
T
Coefficient
T
estlmé
de Student
estimé
de Student
estimé
de Student
AGE
-0,04486
-00,8
-0,08840
-88,4
O,aB40
3,8
NINST
-0,54500
-41,9
-0,00720
-4,8
-0,04380
-8,1
EXPP
0,02550
128,0
0,02710
135,5
O,~
63,8
EXPPC
-0,00002
104,0
-0,00002
-105,3
-o,CXXXJ6
-43,3
REVSEC
.Q,39440
-29,0
-0,1744
-10,6
-1,32190
-27,3
TAILLE
0,02430
16,2
-0,0687
-34,4
0,25470
48,1
STAPER
0,14980
-165,1
0,14810
10,2
1,06510
24,0
Constante
2,48770
82,1
2,70450
76,8
39,74330
20,1,
Nombre
3745
2247
1498
La remarque globale que nous pouvons faire conceme le contraste au nrveau des
résultats suivant qu'on tienne compte des variables de l'environnement de l'individu ou des
variables socio-démographiques.
Pour ce qui est des variables socio-démographiques, l'âge joue le rôle auquel on
s'attendait. Ceci est vrai pour l'ensemble de la population et pour la population masculine
pour lesquelles la participation au marché du travail est une fonction décroissante de l'âge.
Cette variable montre bien que les entreprises du secteur moderne, et même l'administration
des pays en développement, tiennent compte de la dépréciation du capital humain dans le
temps, laquelle influence négativement la productivité des travailleurs. Pour la population
féminine, la participation est croissante avec l'âge ; nous pouvons expliquer cet état de
chose par le fait que, la participation qui croît avec)' âge n'est pas graduelle, mais dépend de
leur contribution au revenu complémentaire du ménage. C'est pour cela que les femmes
deviennent de moins en moins exigeantes dans le marché du travail au fur et à mesure
qu'elles prennent de l'âge et augmentent ainsi lem participation au marché du travail. Il
s'agit d'ailleurs là d'une confirmation de l'idée que nous avions déjà avancée selon laquelle
les femmes même au moment de la première insertion sm la marché du travail, optent plus
facilement pour des activités du secteur informel. Les hommes par contre avec ce que nous
avons appelé la responsabilité économique du ménage ou même de la famille sont un peu
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
127
plus rigides dans leurs prétentions. Cet aspect de l'âge qui influence différemment la
participation au marché du travail, pourra avoir une influence sur l'insertion des uns et des
autres dans tel ou tel « segment» du marché, avec pour conséquence la révision des
prétentions salariales; et pourra dans la même mesure nous faire relativiser les résultats sur
l'estimation des fonctions des gains et par là même l'existence d'un marché du travail
segmenté dans un pays comme le Cameroun.
. -Lesvariables de capital humain donnent des résultats contrastés par rapport à la logique
économique normale. Ceci dégage d'ailleurs une particularité de la signification de ces
variables dans le marché du travail au Cameroun. D'une part, le niveau d'instruction
confirme la faiblesse du secteur moderne à absorber la main-d'oeuvre. En effet, que ce soit
en période de croissance ou en période de crise, on s'attend à ce que ce soit le secteur
moderne qui emploie les personnes les plus instruites. Contrairement aux pays développés
où en période de crise ce sont les personnes les plus instruites qui ont facilement accès à un
emploi, le résultat est contraire ici car, plus le niveau d'instruction augmente, moins on a de
la chance à trouver un emploi, avec la particularité ici que les personnes avec un faible
niveau d'instruction peuvent trouver facilement un emploi dans le secteur informel'. Ceci
nous amène d'ailleurs à penser que les résultats relatifs à la majorité des théories' doivent
toujours être relativisés pour les pays en développement qui présentent des structures
particulières. D'autre part, l'expérience professionnelle joue également un rôle important
dans la participation. Bien qu'en valeur absolue l'influence de l'expérience soit inférieure à
celle de l'âge et du niveau d'instruction, une personne ayant déjà travaillée a plus de chance
de trouver un emploi qu'une autre ne l'ayant pas fait. n s'agit d'ailleurs là d'une tendance
pas seulement propre au marché du travail au Cameroun ou en économie sous-développée,
dans la majorité des cas, l'expérience professionnelle joue un rôle positif dans l'accès à
l'emploi.
1 On pourra d'ailleurs se rendre compte qu'avec l'accentuation de la crise, le secteur informel voit ses
effectifs augmenter des personnes instruites.
2 Nous verrons dans l'estimation des fonctions de gains que la signification des variables de capital humain
devrait être nuancée dans le cas d'un p"IYS connue Ic Cameroun.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
128
Les variables de ménage, apportent des éléments supplémentaires dans l'explication de
la participation. L'existence d'un revenu secondaire rend les individus plus exigeant, ceci est
d'autant plus évident que le besoin est moindre étant donné que le minimum vital est assuré.
En fait, ce n'est pas le niveau de ce revenu secondaire qui justifie l'attitude des individus,
mais plutôt les autres éléments de la famille. Dans tous les cas, les revenus sont bas, c'est
donc la taille du ménage qui va contraindre à un niveau de participation plus élevé au
marché du travail.
Pour ce qui est de la dernière variable qui est le statut du père, il ressort qu'un individu
dont le père avait un emploi a plus de chances d'en trouver 1111 'lu 'un individu dont le père
était sans emploi. L'explication de cc résultat peut se faire à deux niveaux: d'une part, le
système de relations sociales fait qu'un parent ayant travaillé a plus de connaissances dans
les milieux professionnels, et comme nous l'avions évoqué à l'introduction générale, l'accès
à l'emploi est favorisé d'abord par les relations; d'autre part, le capital humain étant W1
investissement qui a un coût, les individus dont les parents ont travaillé ont bénéficié des
moyens matériels, favorisant l'acquisition du capital humain indispensable à leur intégration
dans le marché du travail.
2. Une offre de travail hétérogène
n convient tout d'abord de définir quelques concepts. Nous avons considérer comme
actifs tous les individus en âge de travailler, il s'agit donc de tous ceux qui ont 15 ans et
plus. Un individu employé est celui justifiant d'une activité salariée ou non. A ce niveau de
notre analyse, le chômeur au sens strict est l'individu qui s'est déclaré sans emploi et sans
activité secondaire au moment de l'enquête'. Ainsi, en nous référant au mode de calcul
effectué par LACIIAUD2, le taux doffre de travail est obtenu en rapportant l'effectif des
actifs (employés et chômeurs) à celui de la population totale du groupe. Le taux d'ollie de
travail appréhende donc cl un moment donné, le degré auquel une population participe ou
1 Nous verrons par la suite qu'on l'cul classer les chômeurs suivant loriginc de la situation de chômage.
2 LACHAU D, 1992.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
129
est prête à participer effectivement à l'activité économique en fonction des conditions du
marché.
Pour notre échantillon, le taux global d'offre de travail s'élève à 58% si on s'en tient au
chômage au sens large. Ce résultat se rapproche de celui obtenu par LACHAUD dans une
investigation effectuée en 1991-1992 1, et signifie que à Yaoundé, plus d'un actif potentiel
sur deux est prêt à travailler. Quels sont, dans les conditions du marché, les déterminants de
cette ollie de travail?
Des éléments différencient le comportement des actifs sur le marché du travail. n s'agit
des variables de ménage telles le nombre de femmes inactives (FEMINA), le nombre de
femmes au chômage (FEMCH), l'âge (AGE), le revenu de l'activité principale (REVP), la
catégorie socioprofessionnelle (PERCA, EMPLO, EMPC) et la variable dichotomique
HEUR des individus ayant travaillés moins de 35 heures. La variable dépendante est
NHEUR le nombre d'heures travaillées durant le mois.
Le tableau suivant qui présente les résultats de l'estimation de la fonction d'offre,
permet de faire les observations suivantes.
1 LACHAUD, op. cit.
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
130
Tableau 11 : Estimation de la fonction d'offre de travail
Population totale (1)
Population masculine (II)
Population féminine (III)
Variables
Coefficient
T
Coefficient
T
Coefficient
T
estimé
de Student
estimé
de Student
estimé
de Studenl
Age
-D,596
-8,6
0,655
6,9
0,700.
2,4
Ageca
0,004
4,3
-D,108
-8,5
-D,158
-4,4
Perca
-23,219
-60,2
-26,003
-51,4
-20,366
-11,2
Emplo
-23,82
-71,2
-18,888
-40,7
-52,946
-41
Empc
-3,159
-17,4
2,368
5,0.
-22,8121
-14,1
Revp
-D,003
-3,8
-D,004
-4,1
0,015
1,4
Femina
-3,111
-17,4
-6,879
-28,9
12,589
20,2
Femch
-D,217
-D,6
1,752
4,2
4,883
3,7
Heur
-161,164
-586,2
-164,966
-434,2
-187,826
-185,2
Lambda
0,134
0,4
-D,945
-2,2
-8,01
-11,4
Constante
241,081
191,3
222,807
132,9
228,233
40,2
Autres statistiques
Nombre
2004
1749
1155
R2
0,63
0,62
0,83
A l'instar de la fonction de participation, les résultats de l'estimation paraissent
2
économétriquement satisfaisants, avec une valeur de R toujours au moins égale à 0,62 et
des valeurs du t de Student élevées. On peut également remarquer la corrélation entre les
fonctions de participation et d'offre de travail à travers la variable LAMBDA1.
Dans l'ensemble de la population, moins on a un revenu élevé et plus l'on a une
incitation à travailler. Ce résultat explique une fois de plus le fait que les hommes
s'acharnent plus à la recherche du travail puisque leur revenu est dans la majorité des cas
considéré comme revenu principal du ménage même lorsque les autres membres du ménage
travaillent. Ceci se vérifie par le comportement inverse de la population féminine pour qui,
moins on a un revenu élevé ct moins on est incité à travailler, encore que le coefficient du
revenu ne soit pas significativement différent de zéro.
1 Du fait de la non nullité des covariances des erreurs, l'estimation de la fonction d'offre en omettant cette
variable aurait entrai né il introduire des biais dans l'estimation des autres paramètres. Voir à ce sujet,
HECKMAN (1976).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
131
En ce qui concerne les variables du ménage, elles jouent un rôle important surtout dans
la sous-population féminine. Un nombre important de femmes inactives ou au chômage
accroît l'offre de travail. Les substitutions entre les membres du ménage expliquent
l'accroissement de l'offre de travail: une femme avec des enfants en bas âge par exemple ne
sera pas empêchée de travailler il partir du moment où il existe d'autres femmes inactives ou
au chômage pouvant s'occuper des enfants et des différentes tâches ménagères.
Dans la fonction
d'offre de travail, l'âge joue le même rôle que l'expérience
professionnelle dans le cas de la fonction de participation, il y a une croissance de l'offre de
travail en fonction de l'âge, et une décroissance en fonction du carré de l'âge. Ces deux
aspects du résultat peuvent s'expliquer par le fait que d'une part, compte tenu de la
responsabilité familiale qui incombe à l'homme, celui-ci se trouve obligé de se trouver des
revenus pour pouvoir assurer les besoins de la famille, il en est de même des femmes qui
dans le cas le plus fréquent doivent s'assumer même avant le mariage; et d'autre part, à
l'approche de la retraite, l'individu baisse sa motivation à rentrer sur le marché du travail.
Les catégories socioprofessionnelles n'ont pas le même comportement dans les
différentes sous-populations. Dans l'ensemble de la population et dans la sous-population
féminine, le personnel d'encadrement et les employés et manoeuvres sont moins enclins à
travailler du fait de leurs exigences salariales (salaires inférieurs au salaire de réservation),
que les entrepreneurs du secteur informel. Par contre dans la sous population masculine, le
personnel du secteur moderne offre toujours moins sa force de travail que les entrepreneurs
indépendants, mais les employés travaillent plus que les indépendants du secteur informel.
Enfin, la contrainte qui pèse sur les individus en situation de sous-emploi apparaît ici
avec le coefficient fortement négatif de la variable I-IEUR qui prend en compte cette
contrainte.
De ces résultats, on déduit que l'offre de travail dépend de plusieurs facteurs qui sont
importants les lins et les autres. Que ce soit le revenu, l'âge, les catégories socio-
professionnelles, ou les variables de ménage, leur influence sur l'ollie de travail fait que
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
132
celle-ci n'est pas homogène, ce qui pourra avoir une conséquence sur la détermination des
salaires.
Section 2. Analyse empirique du capital humain
dans la détermination des salaires au
Cameroun.
L'un des points essentiels qui caractérisent la complexité du marché du travail dans un
pays comme le Cameroun est sans doute la nature des revenus. A la différence des pays
développés qui ont une structure de revenus bien établie, l'évaluation des revenus dans les
pays en développement n'est pas chose aisée de part même la spécification de la notion. Or,
la compréhension de la structure des salaires requiert l'usage d'un instrument fournissant une
description analytique de la formation des différentiels de salaires. C'est dans cette
perspective que la méthode de la fonction de gains apparaît comme un outil particulièrement
bien adapté.
1. L'analyse des déterminants des gains individuels.
Avant de voir quels sont les déterminants des gams proprement dits, nous allons
d'abord examiner tour à tour un phénomène lié au déséquilibre existant entre le capital
humain d'un individu et les propositions du marché du travail (le processus de « filtering
dowu' ») et les profils âge-gains. L'importance de ce genre d'analyse réside dans le fait
qu'elle nous permet par la suite de mieux comprendre quel est le rôle des variables de
capital humain dans la détermination des gains dans les pays en développement. Etant
entendu les spécificités liées d'une part aux structures de l'économie, et d'autre part aux
difficultés économiques, la mise en évidence du processus de filtrage vers le bas pourra déjà
dans une mesure, nous faire savoir que l'appartenance d'un individu à tel ou tel segment de
marché ne peut être justifiée par aucune logique.
A. Une mise en valeur du capital humain variable
1 Ou encore le processus de filtrage vers le bas, nOlis adopterons indifIérement l'une ou l'autre appelation.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital/JUmain. salaires et segmentation du msrctié du travail
133
Comme nous l'avons déjà souligné, une fois le capital humain acquis, les processus de
sa mise en valeur sur le marché du travail sont divers et aléatoires. Il n'est donc pas évident
de situer Wl individu dans un segment à partir de ses connaissances. C'est dans ce sens que
nous allons voir tour à tour le processus de filtrage vers le bas et les profils âge-gains des
individus.
1. Mise en évidence du processus de filtrage vers le bas
Pour mettre en évidence ce processus, nous présenterons d'abord la méthode d'analyse
que nous avons adoptée avant de dégager nos résultats, ensuite nous montrerons les limites
d'une telle analyse.
, a. La méthode d'analyse
Avant de présenter notre méthode de vérification empirique, il est peut être nécessaire
de rappeler brièvement le principe théorique de « filtering down H.
D'une manière générale', lorsque pour une raison ou une autre les opportunités
d'emplois deviennent difficiles sur le marché du travail, les individus ont deux tendances
possibles : soit ils révisent à la baisse leurs prétentions salariales', soit ils revoient leurs
prétentions au poste ou à l'emploi qu'ils peuvent se proposer d'occuper. La conséquence
pour ce deuxième aspect est que l'individu peut accepter un emploi inférieur à celui que
justifierait son niveau d'éducation. Réciproquement, sur le marché du travail il y aura une
hausse du niveau d'éducation requis pour un emploi donné.
Dans le cas des pays en développement en général, et du Cameroun en particulier, les
politiques d'emploi après l'indépendance où l'obtention d'un diplôme correspondait
automatiquement à un emploi d'une catégorie donnée se trouvent limitées. Actuellement, la
1 Voir il cc sujet, le développement de S. W. SI NCLAI R ( 1l)7X).
2 Nous reviendrons sur ce premier aspect dans la deuxième partie de celle section .
.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV


Première partie
134
crise économique aidant, on est en présence d'un surnombre de diplômés désillusionnés par
le chômage accru que connaît le pays.
Pour mettre en évidence le comportement des demandeurs d'emplois cette tendance du
"
marché du travail, 1I0US devrions comparer deux groupes d'individus de générations
différentes (analyse en statique comparative) pour une catégorie d'emploi donnée,
afin
d'apprécier révolution du système éducatif et son développement pour ces générations.
Compte tenu des données à notre disposition, ce type d'analyse est inopérante. C'est
pourquoi, nous suivrons plutôt l'évolution avec l'âge des durées d'instruction des personnes
employées pour une même catégorie d'emploi'. Nous pourrons, même pour le cas
spécifique des entrepreneurs du secteur informel montrer que leur nrveau d'instmction
augmente au fur et à mesure qu'il y a de nouveaux entrants dans le temps.
b. Les résultats2
Comme nous l'avions déjà évoqué, le mythe de t'équivalence « diplôme-emploi» a eu
pour conséquence une élévation du niveau d'instruction SUl10ut en quantité'. L'effet le plus
immédiat a été l'arrivée massive de diplômés sur le marché du travail. La figure suivante
présente l'ensemble des résultats.
1 Cette méthode avait déjà été utilisée par 0. BARON (1991) et avait eu des résultats satisfaisants.
2
Ces résultats ne concernent que les travailleurs du secteur moderne. On pourra à titre indicatif voir en
annexe, la figure relative au cas des entrepreneurs du secteur infonncl ct le résultai est le même.
] Dans la mesure où il existe bien une absence de choix au niveau des priorités dans les politiques
d' éducation.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV


Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
135
Figure 17 : Durées moyennes d'instruction par catégories socioprofessionnelles.
16
14
12
c:
0
~
...-._---_._---~------
u
::J
10
-+- cadre sup
J:'I
CIl
c:
---- pers dir
'C
CIl
-Ir- cadre moyen
G)
e
e
--M- emplo quai
G)
>0-
0
-w- empl semi-q
E
CIl
1)
6
-+- manoeuvre
.1)
...
----~---~_.
::J
C
2 . -_ _-&..
o ..+-----+----+-----+-----1----+-----1-------1
< 25
25-29
30-34
35-39
40-44
45-49
50-54
>=55
Classes d'âge
Au niveau des résultats du processus que nous mettons en évidence, on peut constater à
première vue que la tendance des différentes courbes est la même: les niveaux d'instruction
décroissent avec l'âge des individus appartenant à une même catégorie d'emploi. Nous
pouvons tout de même relever une particularité en ce qui concerne la catégorie du personnel
de direction. La relation négative entre l'âge et le niveau d'instruction n'est pas régulière.
Ceci peut s'expliquer par le lait que c'est une catégorie dont les critères d'embauche
u'obéisscru à aucune logique définie :1 priori. On peut atteindre ce niveau de responsabilité
par plusieurs voies : il peut s'agir, soit dunc évolution duc à l'ancienneté dans l'emploi et
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
136
dans ce cas l'aspect niveau d'instruction n'intervient pas, soit d'un acquis dû au fait d'être le
créateur de l'entreprise, d'une succession parentale etc. .... Dans ces différents cas, il
n'existera donc pas de relation entre l'âge, le niveau d'instruction et l'emploi occupé.
En ce qui conceme les deux autres catégories qu'on pourrait qualifier de supérieures
(cadres supérieurs et cadres moyens), la relation négative entre l'âge et le niveau
d'instruction apparaît mieux malgré les deux premières tranches d'âge pour les cadres
supérieurs et la première pour les cadres moyens, ceci proviendrait sans doute à un biais
d'échantillonnage.
Pour ce qui est du reste des catégories, la liaison négative entre l'âge et le niveau
d'instruction est nette. Par rapport à ce qui a été dit dans l'approche méthodologique, cette
liaison exprime le fait que pour une même catégorie d'emploi, le niveau d'éducation a
augmenté passant parfois du simple au double. Ceci signifie en d'autres termes que compte
tenu des tendances du marché qui ont évoluées, les individus demandeurs d'emplois se
trouvent obligés d'accepter des emplois qui sont en dessous de leur niveau. On peut prendre
l'exemple dans le cas de notre figure en comparant pour la catégorie des employés qualifiés
les tranches d'âge < 25 ans et 50-54 ans. Pour la première, le niveau d'éducation moyen est
de 9 ans alors que pour la deuxième il est de l'ordre de 3 ans ; ceci veut dire que,
aujourd'hui, pour ceux qui ont 50-54 ans ils se trouveraient d'ailleurs avec beaucoup de
peine dans la catégorie des manoeuvres, et pour les < 25 ans, ceteris paribus, ils auraient été
dans la catégorie des cadres moyens,
En somme, cette situation, compte tenu des difficultés économiques que connaît le pays
ne pourra que s'aggraver' vu le nombre de diplômés qui arrivent sur le marché du travail
chaque année. Les conséquences peuvent être de deux ordres: d'une part, une élévation
démesurée du niveau d'instruction pour des emplois qui n'en nécessitent pas autant et ce,
indépendamment de la volonté des travailleurs, et la répercussion dans ce cas sera sur la
productivité de ces derniers qui sont moralement affectés, et le risque sera la mauvaise santé
du système productif; daurrc part, une remise Cil question des investissements personnels
1 Déjà il l' heure actuelle, sur
la base des observations faites sur le terrain, nous avons des diplômés de
l'enseignement supérieur qui se retrouvent à des emplois de manoeuvres.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
137
en éducation dans la mesure où les gains escomptés deviennent nuls, on peut craindre une
diminution de ces investissements et par conséquent un arrêt du processus de formation de
haut niveau pour un pays qui en a encore besoin pour son développement. La dernière
conséquence est le risque d'une explosion sociale relative à une augmentation des exclus du
système scolaire qui va accélérer la surpopulation urbaine, la délinquance ..., ceci parce que
les diplômés ne pourront plus avoir accès aux emplois qui sont supposés être les leurs.
Ainsi, le cercle vicieux de la pauvreté ne fera que se consolidé.
c. Les limites de notre approche
n a été souligné que le processus de filtrage vers le bas avait lieu au moment de
l'insertion sur le marché du travail, et qu'il fallait comparer pour un type d'emploi donné,
les niveaux d'instructions de deux cohortes d'âge différent. Or, nous avons utilisé des
informations ne tenant compte que des travailleurs en cours d'emploi. D'où une première
critique: celle de réduire l'influence du processus à des informations instantanées pour un
phénomène de nature dynamique. Il est bien vrai que pour la première tranche d'âge, il est
probable que la situation des individus au moment de l'enquête corresponde à leur entrée
sur le marché du travail, mais cette hypothèse est loin d'être valable pour les individus les
plus âgés. Pour ces dernières catégories d'individus, l'observation faite à un moment précis
ne tient pas compte d'un certain nombre de changements qui peuvent être survenus durant
toute leur période de travail. On peut noter par exemple, des promotions connues par des
individus, ou des formations en cours d'emploi ayant augmentées leur niveau d'instruction.
On peut aussi noter une limite relative au contexte théorique proprement dit, à savoir
que le processus « du Iilteriug down » appréhende les ajustements sur le marché du travail
en termes de prix. Or dans notre contexte, nous ne nous sommes limités qu'à un ajustement
en termes de quantités. C'est d'ailleurs dans ce sens que nous allons intégrer dans la liaison
âge-niveau d'instruction, le plix du travail en analysant les profils âge-gains de la population
étudiée.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
138
2. L'analyse des profils âge-gains
a. La méthodologie
L'étude théorique menée au chapitre relatif à l'analyse des investissements en capital
humain nous a permis de développer les implications de la théorie sur les profils des salaires,
elle a aussi révélé l'impact de différentes hypothèses de comportement sur ces profils. Ces
enseignements théoriques nous permettront d'interpréter les profils des salaires observés et
de tirer les conclusions adéquates quant aux comportements des individus en matière
d'investissement en capital humain.
Nous pouvons rappeler que l'étude des profils âge-gains a pour objectif la mise en
évidence de l'influence des investissements en capital humain réalisés en cours d'emploi sur
les niveaux de gains. Cc type d'investissement (post-scolaires ou sur le tas) pose cependant
un problème du point de vue de la vérification empirique de son rôle. Ceci est dû au 'fait
qu'il n'y a pas de mesure appropriée de ces investissements comme dans le cas des
investissements scolaires. Ainsi, une méthode utilisée pour rendre compte du poids de ces
investissements, consiste à considérer l'expérience professionnelle comme indicateur de ces
investissements effectivement incorporés. Ainsi l'influence
des
investissements post-
scolaires passe par l'observation des profils âge-gains croissants pour ml niveau d'éducation
initial donné.
Enfin nous avons vu que les coûts directs privés' des investissements en capital humain
sont très faibles parce que l'enseignement est en majorité pris en charge par l'état d'une
part, et parce que les dépenses directes de formation professionnelle par l'expérience sont
généralement à la charge de l'entreprise. Il reste un coûr' lié à la perte de rémunération pour
un travail potentiel. Cependant, si l'existence de ce coût d'opportunité est réelle, son
évaluation est dénuée de tout critère objectif Compte tenu de ces considérations, nous
pouvons donc assimiler le profil des salaires observés à un profil de salaires nets.
1
A titre de rappel, les coûts directs sont l'ensemble des dépenses additionnelles entrai nées par la
fréquentation d'lin établissement scolaire (frais de scolarité, frais de transport, fournitures scolaires etc).
2 Il s'agit du coût d'opportunité.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
139
b. Les profils âge-gains de la population étudiée
Comme dans le cas du processus de « filtering down », les profils de salaires que nous
analysons ne correspondent donc pas à l'étude de l'évolution chronologique des salaires
d'une cohorte d'individus, ils découlent, au contraire, d'une coupe transversale et
instantanée d'un échantillon. Une telle coupe signifie, par exemple, que le salaire d'un actif
âgé de 20 ans aujourd'hui et n'ayant pas fréquenté l'école sera dans cinq ans égal au salaire
actuel d'un actif de même caractéristiques mais âgé de 25 ans. Cette méthode présente tout
de même deux principaux inconvénients. Les profils qu'elle trace ne sont pas réellement
ceux qui découleront de l'éducation bien que, vraisemblablement, le décideur anticipe son
profil âge-revenu en fonction des observations qu'il fait instantanément sur les relations
éducation-âge-revenu. Cette méthode transversale a aussi l'inconvénient de ne pas prendre
en considération l'augmentation de la qualité de l'éducation et la croissance continue des
revenus.
Les profils âge-gains correspondant à notre échantillon (figure ci-après) permettent de
vérifier les constatations suivantes
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
140
Figure 18 : Profils âge gains des salariés du secteur moderne
600
500
400
-+- sans instruction
-a- primaire
::J
c:
-----6- secd 1er cycle
~ 300
-M- secd 2e cycle
QI
lk:
----- supérieur
200 .
100
0~--+----t----~---1----+---+---+---I
o
"'<t
œ
"'<t
œ
"'<t
œ
"'<t
U')
N
N
N
M
M
"'<t
"'<t
U')
U')
V
a
J>
a
J>
a
1
a
Il
U')
N
N
A
M
M
"'<t
"'<t
U')
Age
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
141
Les salaires sont en moyenne plus élevés pour les personnes ayant un mveau
d'instruction plus élevé. Comme on peut le remarquer, seul le profil correspondant au
niveau d'études supérieures fait exception à partir de 50 ans. Mais ceci semble être dû au
fait que seules 49 personnes sont âgées de plus de 50 ans et ont une scolarité de niveau
supérieur '. Ceci étant, l'étroitesse de la taille de ce sous-échantillon ne permet pas de se fier
aux salaires calculés comme représentatifs d'une tendance moyenne. Ainsi, il semble bien
que les personnes plus éduquées entrent plus tard dans la vie active avec un stock de capital
humain plus important et bénéficient de rémunérations plus élevées.
Les profils âge-gains ne sont pas plats. Ils sont dans une première période croissants,
atteignent un maximum, puis décroissent. Le modèle théorique stipule que la décroissance
du profil des salaires ne peut s'expliquer que par la dépréciation du capital humain. Nous
pouvons donc conclure que le taux d'obsolescence du capital humain est positif
Les profils âge-gains sont légèrement divergents en dépit du phénomène de la
dépréciation. Il semble donc que les personnes ayant accumulé un plus grand stock éducatif
réalisent davantage d'investissements professionnels et consacrent plus de temps à leur
formation postscolaire. On peut donc en déduire que les investissements en capital humain
sont complémentaires et non substituables.
Les profils âge-gains sont concaves ce qui laisse supposer que les individus investissent
en eux-mêmes à un taux décroissant.
Les profils des personnes plus instruites ont à leur début, une pente plus forte que celles
des personnes moins instruites. La théorie du capital humain explique ce phénomène par
l'importance relative de leurs investissements post-scolaires et éventuellement par la plus
ample variation de ces investissements de période en période.
L'analyse des profils âge-gains au Cameroun confirme ainsi les prédictions du modèle
de capital humain. Elle vérifie la relation positive entre formation scolaire et niveau de gains.
Elle montre qu'il existe des investissements post-scolaires ct que ceux-ci sont décroissants.
1 Ce qui représente 8,8% de l'ensemble des individus de ce niveau d'instruction.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
142
Ils confirment l'hypothèse de la dépréciation du capital humain. Enfin, elle révèle la
corrélation positive entre les investissements scolaires et professionnels.
Les investissements en capital humain ainsi analysés dans leurs différentes liaisons avec
l'âge et l'évolution des gains suivant le niveau d'instruction, nous amènent à voir quels sont
les déterminants réels des gains individuels à travers l'estimation des fonctions de gains.
B. L'estimation des fonctions de gains ','
Dans le chapitre premier de ce travail, nous avons présenté la théorie du capital humain
et adopté le cadre d'analyse de 1. MINCER pour évaluer l'influence des variables du capital
humain sur le niveau des revenus. Bien qu'il soit admis que les variables principales que sont
le niveau d'instruction et l'expérience professionnelle expliquent une grande part de la
variance des gains, nous venons que l'explication théorique qui en découle peut être sujette
à controverse.
Ainsi allons nous présenter tour à tour, la méthodologie adoptée pour l'estimation des
fonctions de gains, les résultats et une signification des taux de rendement de l'éducation.
1. La méthode d'analyse
Du modèle de gain simple qui résulte de la théorie du capital humain, la spécification de
MINCER est devenue la référence pour les travaux économétriques et se présente de la
manière suivante :
(73)
avec : Y le gain, v le résidu, S le nombre d'années d'instruction et E l'expérience
professionnelle.
Les différentes variables spécifiées du modèle méritent d'être reconsidérées dans notre
cadre d'analyse. Ainsi, le gain sera assimilé au salaire mensuel pour les travailleurs du
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
143
secteur moderne, et au bénéfice' pour les travailleurs du secteur informel. Nous avons
estimé différemment les fonctions de gains dans le secteur moderne et dans le secteur
informel compte tenu de la faible qualité des données relatives au bénéfice des entrepreneurs
du secteur informel; le cas contraire aurait sans doute réduit le pouvoir explicatif de nos
estimations. Connue nous l'avions déjél spécifié, la variable expérience professionnelle a été
approximée par l'âge moins le nombre d'années d'éducation, moins 6. Le signe attendu du
carré de cette variable nous permettra de vérifier l'hypothèse sous jacente de la décroissance
de l'investissement éducation-formation à mesure que se déroule la vie professionnelle.
A partir de ces différentes variables, nous avons dans un premier temps estimé les
fonctions de gains de l'ensemble des salariés du secteur moderne en faisant abstraction de
l'administration publique à cause du caractère particulier des règles qui régissent la
formation des salaires pour cette catégorie de travailleurs. La méthode des moindres carrés
a été utilisée ici et l'outil informatique à notre disposition' nous a permis de pouvoir entrer
les variables dans l'équation en appréciant à chaque fois l'amélioration de la variance de la
variable dépendante.',
Dans un second temps, nous avons jugé nécessaire d'étendre nos analyses en
différentiant le secteur parapublic du secteur privé. Cette différentiation a été possible après
avoir effectué le test de Chow, comme le montrent les résultats figurant dans les tableaux
qui suivent. Une analyse des déterminants des gains par branche d'activité est faite pour voir
si celles-ci peuvent être à la base des différences de salaires observées.
Ainsi, en dehors de la variable dépendante (le logarithme du salaire mensuel), les
variables indépendantes ont été regroupé en cinq groupes:
Variable dépendante:
logreve : logarithme du salaire mensuel
Variables indépendantes :
1 Bien que cette évaluation du revenu des travailleurs indépendants intègre aussi le rendement du capital
rhysique en dehors du revenu du travail.
Les différentes regressions ont été faites à l'aide du logiciel SPSS.
] Pour une précision de ln méthode d'estimation, voir J.P. LACHAUD : « Introduction aux techniques
d'analyse du marché du travail », 10 Leçons avec SPSS/PC+, Document pédagogique EM/4/1992, liES.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
144
GroulliÙ: niveau dinstruction
eduû : sans instruction
edul : nombre d'années d'études primaires sans c.e.p.e
edu2: nombre d'années d'études primaires avec c.e.p.e
edu3 : nombre d'années d'études secondaires 1er cycle sans b.e.p.c
edu4: nombre d'années d'études secondaires l er cycle avec b.e.p.c
edu5 : nombre d'années d'études secondaires 2e cycle
edu6: nombre d'années d'études secondaires avec probatoire
edu7: nombre d'années d'études secondaires avec bac
edu8: nombre d'années d'études supérieures
Groupe 2 : expérience professionnelle
exp: expérience professionnelle
exp2 : expérience au carré
Groupe 3 : âge
age, à5 : âge suivant les tranches suivantes < 20,20-29,30-39,
40-49, 50 et plus.
Groupe 4 : branche d'activité
bra 1 : biens de consommation
bra2: biens intermédiaires et d'équipement
bra3 : commerces et services
Groupe 5 : autres variables
sexe: sexe
cam: individu de nationalité camerounaise
afncam : africain non camerounais
nafri : non africain
Ces diilércntcs variables sont toutes sous tonne dichotomique'.
1 Voir annexe pour les programmes relatifs à l'estimation des fonction de gains.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
145
La présentation des résultats se fera suivant qu'on se trouve dans le secteur moderne ou
dans le secteur informel.
2. L'analyse des gains
A ce stade de l'analyse, nous considérons encore délibérément les secteurs informel et
moderne par choix méthodologique. Comme nous le verrons dans la deuxième partie de ce
travail, une fois la stratification mise en évidence, nous ferons référence aux divers groupes
ou "segments de marché".
a. Des salariés du secteur moderne
Premièrement, la prise en compte de l'ensemble de salariés du secteur moderne nous a
permis l'estimation des modèles 1 et II dont le tableau suivant résume les résultats, et
appelle un certains nombre d'observations.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
146
Tableau 12 : Estimation des fonctions de gains dans le secteur moderne
Modèle
1
Il
Variables indépendantes
b
Béla
b
Béla
~
Edu1
0,067781 (t =0,394)**
0,015
0,18815 (t =1,089)**
0,045
Edu2
0,053385 (t = 0,349)**
0,018
0,065882 (t =0,418)**
0,022
Edu3
0,259152 (t = 1,628)**
0,08
0,096987 (t =0,577)**
0,030
Edu4
0,660088 (t =4,088)*
0,192
0,463193 (t =2,630)*
0,134
EduS
0,581111 (t =2,555)*
0,793
0,330673 (t =1,362)*
0,045
Edu6
1,111740 (t =6,235)*
0,254
0,940526 (t =4,736)*
0,215
Edu7
1,503892 (t =8,834)*
0,374
1,242604 (t =6,249)*
0,309
Edu8
2,065112 (t =13,245)*
0,744
1,692097 (t =8,259)*
0,609
1!1~11'::I'I:ir.imli!:::;:::;iii::i:::::i:::::::j:i:
Exp
0,111973 (t =11,404)*
0,922
0,095251 (t =5,968)*
0,784
Exp2
-0,001552 (t = -7,162)*
-0,578
-0,001598 (t =-5,501)*
-O,59!:
Age
Age1
0,189767 (t =1,080)**
0,032
Age2
Age3
0,200731 (t =1,845)*
0,084
Age4
0,475011 (t =2,597)*
0,162
Age5
0,601690 (t =1,959)*
0,115
iIlIÎ::~ful1~~~li:j:::j:::j:::j;::::::j:::::j::::j::::::::::j::'::::::::::::::::::
Bra1
0,149512 (t =1,196)**
0,036
Bra2
0,060854 (t =0,570)**
0,019
Bra3
-0,070325 (t = -0,820)**
-0,02~
:_li~IÎI~!i~lil::!1jEjml::::::i:i:i
Sexe
0,008638 (t =0,129)***
0,003
Afrncam
-0,434532 (t =2,298)**
-0,05E
Nonafr
0,606427 (t =3,483)**
0,090
1,927321 (t=10,773)*
2,217310 (t =8,662)*
11:_:;I$::[II:I::::::::::j:::::;::::i:!:[:lI:::::::!:::::::::j:I
Niveau d'instruction
0,35480 (0,000)
0,35480 (0,000)
Expérience prof
0,15048 (0,000)
0,15048 (0,000)
Age
0,00855 (0,000)
Branche d'actillité
0,00335 (0,000)
Autres
0,00993 (0,000)
R2
0,50527"
0,52711
R2 ajusté
0,49922
0,51539
F
83,44147
44,97584
Sig F
0,0000
0,0000
N
828
828
* =statistiquement significatif à 1%; ** =statistiquement significatif à plus de 1%: *** =non significatif.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
147
Nous n'avons dans un premier temps à l'aide du modèle 1 relatif à l'ensemble des
salariés (sans distinction de secteur), pris en compte que les variables du capital humain;
nous pouvons le considérer comme le modèle de base. Le pouvoir explicatif du modèle est
déjà acceptable, dans la mesure où la variance de la variable dépendante est déjà expliquée
pour plus de 50% (R? = 0,505 et peu différent du R? ajusté), ce qui confirme bien le rôle des
variables du capital humain dans l'explication des écarts de gains. On peut noter que
l'influence du niveau d'instruction est de loin plus importante que celle de l'expérience (nous
avons le niveau d'instruction qui explique à lui seul plus de 35% de la variance du salaire
mensuel). Cependant, d'une manière provisoire, on constate que l'augmentation des gains
d'une année supplémentaire d'instruction n'est pas très différente de celle d'une année
d'expérience (en moyenne 14,57% contre 11,82%)\\ ceci étant dû au fait que, d'une part
l'expérience dans l'emploi a une grande influence dans le secteur privé par rapport au
secteur public, et que, d'autre part la prise en compte de l'âge dans la détermination de
l'expérience surestime le coefficient de cette variable à ce niveau de l'analyse comme nous
le venons à travers les modèles qui suivent.
Ainsi, dans le modèle Il, nous introduisons un ensemble de variables liées à l'âge, la
branche d'activité, le sexe et la nationalité. Comme nous l'évoquions plus haut, on observe
une baisse du coefficient de la variable expérience ainsi que la significativité de celle-ci (à
travers une diminution du - t de student- de l'ordre de 47%). A ce niveau, une année
supplémentaire d'expérience n'accroît plus le salaire qu'en moyenne de 10%2. Pour ce qui
est de l'ensemble de la qualité de l'estimation, elle reste acceptable malgré une faiblesse des
-t de student-. Le modèle explique 52,71% de la variance de la variable dépendante, le R,2
est peu différent du R2 (0,515 pour le premier et 0,527 pour le second). Dans ce modèle,
l'ajout des variables autres que celles du capital humain n'augmente pas de beaucoup le R2,
quoique ceci puisse être dû à l'importance des travailleurs du secteur privé dans
1 Du fait de l'utilisation de la variable dépendante sous forme logarithmique, la variation en pourcentage de
celle-ci lorsque la variable indépendante varie d'une unité est [(ehk - 1) * 100], l:'k étant le coefficient de la
kème variable.
2 Nous verrons que l'influence de cette variable sera différente suivant qu'on se situera dans l'un ou l'autre
des secteurs d'activité (public ou privé).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
148
l'échantillon'. Cependant, l'examen de ces différentes variables permet de formuler les
remarques suivantes. Les rendements sont croissants suivant le niveau d'instruction. Ainsi,
toutes choses égales par aiHeurs, les individus ayant le niveau secondaire l " cycle sans
BEPC - Edu3 - obtiennent des revenus qui sont 10,18% plus élevés que ceux qui sont sans
instruction. De même, les individus ayant un niveau secondaire 1"" cycle avec BEPC - Edu4
- ont des revenus 58,91 % plus élevés que ceux qui sont sans instruction. Ces rendements
sont plus élevés au fur et à mesure que le niveau d'instruction augmente. Ce résultat
confirme une
caractéristique commune aux pays en
développement' d 'Afrique.
La
conséquence de ce résultat sur l'évolution du marché du travail est le chômage croissant des
diplômés que l'on observe sur le marché du travail camerounais. Nous pouvons insister sur
le fait que la prise de conscience des parents d'une part, et des élèves d'autre part sur cette
croissance des rendements des niveaux d'instruction ne POUITa qu'aggraver le chômage des
diplômés au Cameroun.
La dernière remarque que nous pouvons faire sur la variable mveau d'instruction,
concerne l'influence du diplôme sur la variance des salaires. Comme nous l'avons souligné,
en l'absence des données directement liées au diplôme, nous avons défini des niveaux
d'éducation tels que nous puissions déceler l'influence du diplôme. Ainsi, si nous prenons le
niveau - Edu4 - qui correspond non seulement à 10 années d'études , mais aussi à la
possession du BEPC, nous remarquons que le rendement est largement supérieur à celui du
niveau inférieur - Edu3 - alors que la différence de durée instruction n'est que d'une année.
Il peut être logique d'expliquer celte différence de rendement par la possession du diplôme.
n en est de même si on faisait la comparaison entre - Edu5 - et - Edu6 - , ou entre - Edu4 -
ct - EduS -. Pour ce dernier cas, 1I0US avons lin rendement plus élevé pour le niveau
inférieur, ce qui explique une fois de plus l'importance du diplôme. Même si certains
auteurs' qui se sont penchés sur l'analyse du « crédentialisme )) ont rejeté cette explication,
nous pouvons dire qu'il y aurait quand même' un effet particulier du diplôme sur le marché
1 Par la suite, on constatera bien que les différentes variables n'ont pas la même influence dans les deux
secteurs dans l'explication de la variance des gains.
2
Pour des résultats similaires, nous pouvons citer ceux de la Côte-d'Ivoire, consulter lP LACHAUD
(1989), J. VAN DER GAAG et W. VIJVERBERG (1987) ; ceux du Cameroun, Sénégal, Burkina Faso,
Guinée, Mali, consulter J.P LACHAUD (1993a).
3 VAN DER GAAG et W. VIJVERBERG op. cil.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
149
du travail en Afiique en général et au Cameroun en particulier. D'ailleurs ces auteurs
admettent que la possession du diplôme peut devenir très rentable sur le marché du travail
et peut expliquer une part importante de la variance observée des gains. n en est de même
de la pertinence de l'hypothèse du « filtre» ; selon cette hypothèse, l'éducation n'est utile
pour les employeurs que pour identifier des individus ayant certaines caractéristiques
recherchées. Or l'importance du niveau d'éducation et plus particulièrement du diplôme
peut nous pousser à croire que les employeurs prendraient plutôt cette caractéristique
comme un indice de compétence de l'individu et par conséquent comme un élément de
différenciation de gains. Et comme nous le verrons avec les modèles III et IV, cette attitude
n'est peut-être pas généralisée à l'ensemble des secteurs, mais qu'il est propre à des
entreprises d'un secteur. Sans pouvoir juger de la situation exacte du marché du travail que
nous étudions vis à vis de l'hypothèse du « filtre », nous pouvons tout de même penser que
des raisonnements du type de ceux décrits par cette hypothèse sont à l'origine de la fixation
des salaires dans un des secteurs au Cameroun.
Pour ce qui est des autres variables introduites dans l'équation (âge, branche d'activité,
sexe et nationalité), elles u'cxpliqucnt pas de beaucoup la variance des salaires observée
dans l'ensemble de la population, cependant c'est surtout l'âge et la nationalité qui sont
significatives. Le fait que les rémunérations augmentent avec l'âge est sûrement lié à la
corrélation positive entre l'expérience professionnelle et l'âge. En ce qui concerne les
branches d'activité, malgré leur non significativité, on peut remarquer qu'il y a une
différence de gains suivant qu'on se trouve dans telle ou telle branche. Toutes choses égales
par ailleurs, le fait d'appartenir à la branche des biens de consommation procure des gains
supérieurs de 16,12% par rapport à ceux reçus dans les autres branches, et de même, le fait
de travailler dans les services et commerce procure une perte de gains de 7,28% par rapport
aux autres branches. L'importance des branches d'activité sera différente suivant qu'on se
trouvera dans un secteur d'activité donné comme nous le verrons avec les modèles III et IV
qui vont suivre. Le résultat relatif à la nationalité semble être conforme aux constations qui
ont été faites sur la structure des revenus individuels. En considérant les individus de
nationalité camerounaise comme la base, il s'avère que les afiicains non camerounais
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
150
obtiennent des salaires inférieurs de 54,42% à ceux des camerounais, et les étrangers non
africains ont des gains supérieurs de 83,38% à ceux des camerounais. Enfin, le sexe ne
semble pas avoir une influence importante sur le niveau des gains perçus. Ce résultat semble
aller à l'encontre d'autres études mettant en évidence les fortes différences de gains liées à
celte caractéristique. L'analyse de l'influence réelle de cette caractéristique devrait être faite
dans un cadre théorique spécifique qui pourrait bien être celui de la discrimination 1.
Deuxièmement, l'estimation des fonctions de gains par secteur d'activité apporte des
renseignements supplémentaires. Le tableau ci-après présente les différents résultats et
appelle les commentaires suivants.
1 Pour une analyse spécifique de la discrimination, voir CüMBARNüUS, F. (1996) dans le cas de la Côte-
d'Ivoire.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
151
Tableau 13 : Estimation des fonctions de gains dans les secteurs public et privé modernes
Modèle
III
IV
Variables indépendantes
b
Béta
b
Béta
Edu1
0,200689 (t =0,899)"*
o.ost
0,Œ56727 (t =0,292)"*
0,015
Edu2
0,084192 (t =0,366)"*
O,()3)
0,008494 (t =0,047)**
0,033
Edu3
0,119364 (t =O,4Z3)"
0,035
0,186500 (t =0,971 )**
0,067
Edu4
O,62Œl98 (t :::2,416)"
0,218
0,510191 (t :::2,491)*
0,167
Edu5
0,656413 (t :::1,672)"
0,097
0,385425 (t =1,406)*
0,000
Edu6
0,892415 (t =2,983)*
0,267
0,978100 (t =4,200)*
0,247
Edu7
1,225139 (t :::4,339)"
0,545
1,172886 (t :::4,886)*
0,278
Edu8
1,618271 (t :::5,310)*
0,943
1,534631 (t =6,410)*
0,541
1!._1Iil::f:il~~~!~~!~i1~~~:;~:~::~~~
Exp
0,02:>740 (t =0,851)*
0,219
O,1œ3D6 (t :::5,766)*
0,953
Exp2
-177724 (t :::-0,342)"
-0,087
-0,001753 (t :::-5,357)*
-0,717
Age1
0,041557 (t =0,332)**
0,018
Age2
0,179814 (t :::1 ,200)"
0,106
Age3
0,2365911 (t :::1,859)*
0,112
0,247664 (t :::1,340)"
o.osz
Age4
0,294344 (t :::1,350)"
0,098
AgeS
0,411982 (t :::2,365)*
0,189
0,410693 (t :::1,131)"
0,082
!:_IÎji~_I:lj:;j:!;j:;~ii:::;;l~1~1::::j:::j;!:~:i!:::ij;::j1j:
Bra1
0,069641 (t =0,375)**
-0,018
0,400396 (t =2,945)""
0,128
Bra2
0,039333 (t =0,352)"*
0,019
O,248rod (t :::1,712)"*
0,085
Bra3
0,268026 (t :::2,812)"*
0,157
0,1'2f3027 (t =1 ,078)**
0,œi7
Sexe
0,145335 (t :::1,OCE)"**
0,00)
0,66759 (t =0,836)***
0,028
Afrncam
-0,457285 (t :::"-1,493)**
0,067
-0,475101 (t -2,200)**
-0,070
Nonafr
0,706218 (t =3,4(0)**
0,158
0,748432 (t :::3,525)**
0,117
3,633447 (t :::6,756)*
1,911941 (t =6,391 )*
O,548Œi (0,000)
0,23915 (0,000)
0,œ>6673 (0,000)
0,15476 (0,000)
0,00817 (0,000)
0,Œm7 (0,000)
0,02779 (0,000)
0,00775 (0,000)
Autres
0,02916 (0,000)
0,01528 (0,000)
R2
0,66989
0,42780
R2 ajusté
0,63278
0,40028
F
18,05012
23,10183
Sig F
0,0000
0,0000
Somme des carrés des résidus
44,31671
405,70781
N
189
639
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
.. =statistiquement significatif à 1%; .... =statistiquement significatif à plus de 1%; ...... =non significatif.
Suite tableau 13.
Tout d'abord, la distinction faite entre le secteur public et le secteur privé nécessite la
vérification que les coefficients relatifs aux deux équations sont significativement différents.
Pour cette raison la mise en oeuvre du test de Chow inhérent à cette stabilité structurelle
des coefficients s'impose. En effet, ce test donne un 0~~~~) calculé de 6,02 alors que le
0~o~~) théorique est de l,57. Dans ce cas, il est correct de supposer que les coefficients des
deux équations sont significativement différents.
Ainsi, du point de vue de la qualité des estimations, les deux régressions sont
statistiquement significatives, si l'on en juge le niveau de signification du F. Les R/ ne sont
pas très différents des R2. La première remarque que nous pouvons faire est que dans le
secteur public, le pourcentage de variance expliqué est de loin plus élevé que dans le secteur
privé. Ce résultat est différent de la majorité des études' du même genre; cette différence
est expliquée par le fait que nous n'avons pas pris en compte l'administration dans le secteur
public d'une part, et le secteur informel dans le secteur privé d'autre part. Comme nous
l'avons expliqué, la non prise en compte de l'administration est justifiée par le mode de
détermination des salaires de celle-ci qui est largement tributaire de mécanismes hors
marché et de l'existence de rentes de situation comme l'observe d'ailleurs LACHAUD pour
les pays d'Afrique noire. TI en est de même de l'exclusion du secteur informel du secteur
privé, puisque dans le secteur informel le salariat est très faible, et quand il existe, il n'est
pas le plus souvent régi ni par les lois du marché, ni par la législation du travail (respect des
salaires minima, contrat de travail, mode de rémunération etc .... ). Quoiqu'il en est, nous
pouvons dire que la variance des gains est mieux expliquée par les facteurs du capital
humain dans le secteur public - 66,98% - que dans le secteur privé - 42,78% -. Le point le
plus important est de voir la place des différents facteurs.
Les facteurs du capital humain n'out pas la même pertinence dans les deux secteurs. Les
\\ variables du capital humain expliquent 60,47(XI de la variance des salaires dans le secteur
,
public alors que celle-ci n'est expliquée que de 39,39% dans le secteur privé. Si nous
1 LACHAUD (1993)
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
153
prenons le niveau d'instruction, on remarque qu'il explique plus de 50% de la variance des
gains dans le secteur public, contre moins de la moitié dans le secteur privé. Cette différence
est une particularité au Cameroun et s'explique par le fait que l'éducation est pris par l'un
(le secteur public) non pas seulement comme révélatrice d'aptitudes mais aussi comme
facteur de productivité'. C'est d'ailleurs cette tendance qui a été à l'origine de ce que nous
avons appeler « le mythe du diplôme» et qui a une double conséquence pour ces
entreprises. D'une part, le niveau d'éducation n'étant pas forcément cause de productivité,
les entreprises du secteur public au Cameroun ont connu des problèmes au niveau de la
productivité des travailleurs, ceci étant lié à leur compétence approximative. D'autre part, il
y a eu ce mythe du diplôme qui est à l'origine de la désillusion actuelle des diplômés face
aux nombreuses mesures d'ajustement qui ont été prises et qui pourra être à l'origine d'une
fracture sociale" A l'opposé, les entreprises du secteur privé avec un souci accru de
rentabilité des investissements considèrent l'éducation comme un « signal» des aptitudes
des individus. Et c'est dans cette mesure que l'on voit l'importance de la variable
expérience professionnelle dans les deux secteurs. Cette variable explique 15,47% de la
variance des salaires dans le secteur privé contre 5,66% dans le secteur public. Par
conséquent, les entreprises du secteur privé tiennent plus compte de cette capacité
« opérationnelle» qu'est l'expérience dans l'emploi. Ainsi une année supplémentaire
d'expérience procure 11,10% de gains supplémentaire dans ce secteur, contre 2,09% dans
le secteur public.
Une remarque importante peut être faite sur la variable branche d'activité. Selon qu'on
est 'dans le secteur public ou dans le secteur privé, la branche d'activité explique 2,7% et
0,7% de la variance des salaires mensuels. Bien que cette part expliquée soit faible, nous
notons tout de même des différences de gains suivant les branches d'activité. Ainsi, dans le
secteur public, le fait de travailler dans la branche services et commerce apporte un
supplément de gains de plus de 25% par rapport à la branche biens intermédiaires et
1 C'est un peu la thèse des tenants de l'école du fi Itre dans le contexte de la révélation des aptitudes.
2 D'ailleurs, en ce moment face à l'impossibilité de maîtriser le chômage des diplômés, les dirigeants sont
en train de prendre des mesures pour limiter ce nombre de diplômés (le taux de réussite au bac 1995 qui est
de moins de 6% témoigne cette tendance).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
154
d'équipement, et 23,52% par rapport à la branche des biens de consommation. Ceci
s'explique par le fait que les grandes entreprises parapubliques au Cameroun ont été en
majorité des entreprises de services à caractère financier qui ont donc bénéficié d'un statut
particulier (classées dans le tertiaire III). On peut d'ailleurs constater avec regret qu'après
l'indépcndauce, les autorités nuicnt pas orienté leur choix vers les entreprises de biens de
consommation ou de biens d'équipement, choix qui aurait été compatible avec la priorité de
l'heure, c'est-à-dire mettre les bases de l'industrialisation. Au contraire, dans le secteur
privé, l'appartenance à la branche des biens de consommation procure un gain de 44,82%
supérieur à celui de la branche services et commerce. Ainsi, toutes choses égales par
ailleurs, les gains sont plus élevés suivant qu'on se trouve dans la branche des biens de
consommation, des biens d'équipement et enfin des services et commerce.
En ce qui concerne les autres variables, les résultats sont les mêmes que ceux obtenus
pour l'ensemble des salariés du secteur moderne. Pour cela donc, on ne peut que noter la
particularité de la nationalité. Comme nous l'avions déjà constaté, les africains Hon
camerounais ont des gains inférieurs aux camerounais dans les deux secteurs, et les non
africains ont des gains largement supérieurs aux camerounais.
Si l'estimation des fonctions de gains dans le secteur moderne nous a permis de montrer
l'importance d'un certain nombre de variables (notamment les variables de capital humain)
dans l'explication des différentiels de gains, qu'en est-il du secteurinformel ?
b. Dans le secteur informel
Toutes les analyses du marché du travail urbain dans les pays en développement posent
toujours le problème de la définition ou de la délimitation de certains concepts. Ainsi, dans
le cas spécifique de notre étude, l'appréhension du secteur infonne1 comme nous l'avons
souligné dans l'introduction de ce travail, n'échappe pas à la controverse. Dans une autre
mesure, et c'est peut-être la difficulté majeure que l'on rencontre dans de nombreuses
études pour un pays comme le Cameroun, la mesure empirique des phénomènes étudiés
ucst jamais chose facile. Pour Ic cas du secteur informel, Ic revenu ne correspond pas
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
155
seulement au revenu du travail, il s'agit du bénéfice brut de l'entreprise, par conséquent y
compris le rendement du capital physique qui réduit ainsi la part potentielle pouvant être
attribuée aux facteurs du capital humain. L'étude des déterminants des gains dans le secteur
informel pose donc un problème de biais au niveau de l'estimation des coefficients de
régression. Pour notre analyse, IlOUS avons le même cadre que pour les fonctions de gains
du secteur moderne (ainsi que les variables).
Les résultats se résument dans le tableau suivant et appellent un certain nombre de
commentaires.
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV


Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
157
D'abord la qualité globale de l'estimation montre qu'une faible part de variance des
revenus est expliquée par les différentes variables de notre modèle (17,29 %). Si nous
prenons le modèle V relatif aux seules variables du capital humain, le résultat obtenu
conforte bien la particularité de ce secteur, à savoir que ces variables ont une très faible
influence dans la détermination des gains. A ce niveau, on peut constater que l'expérience
professionnelle joue un rôle plus important que l'éducation.
A partir du modèle global VI, la part des variables du capital humain dans l'explication
de la variance n'est que de 55 % alors que celle-ci est de l'ordre de 95 % dans le secteur
moderne avec la différence que dans le cas du secteur moderne, l'éducation a une place plus
importante. Ce résultat nous amène à croire que dans le secteur informel, l'expérience est
un facteur déterminant de gains dans la mesure où l'imprégnation dans ce secteur se fait
plus sur la base des connaissances acquises dans le milieu, connaissances qui permettent de
mieux maîtriser les rouages et le fonctionnement du secteur. En d'autres termes,
l'expérience se rapproche plus de l'âge de l'entreprise. Or, comme nous l'avons déjà
mentionné, le revenu ici est le bénéfice réalisé par l'entreprise, ce qui fait que plus une
entreprise est vieille, plus clic est mieux implantée ;Î travers la maîtrise des mécanismes du
marché. Parlant de mécanisme, on pourrait mettre un accent particulier sur la demande qui
s'adresse à ce secteur. fi a été montré à travers plusieurs études que l'acquisition de la
clientèle se fait par des réseaux de connaissances et de solidarité', toutes choses égales par
ailleurs, plus une entreprise est vieille, plus elle a probablement eu le temps d'étendre son
réseau de clientèle.
Pour ce qui est particulièrement de l'éducation, bien qu'elle n'explique qu'une part très
faible de la variance des gains, on peut noter l'importance de la différence de gains pour les
niveaux d'éducation respectifs. Ainsi comme pour le secteur moderne, les rendements sont
croissants avec le niveau d'éducation atteint. Toutes choses égales par ailleurs, le fait
d'avoir un niveau d'éducation primaire accroît les gains de 9 % par rapport à ceux qui sont
sans instruction. Cet accroissement des gains en fonction du niveau d'éducation nous amène
à croire que d'une part, il y a de plus en plus de diplômés dans le secteur informel à cause
1 Voir à ce sujet MARONGIU Yann (1995) dans une étude du secteur informel au Cameroun.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
158
de la situation de l'emploi au Cameroun, ct d'autre part, que l'élévation du nrveau
d'éducation peut améliorer les performances' et la dynamique du secteur informel. Ceci par
le fait qu'un niveau d'éducation élevé suppose une vision plus rationnelle des méthodes
d'organisation et de gestion des entreprises, aspect qui fait défaut à la majorité des
,
2
entrepreneurs appartenant a ce secteur .
Enfin, pour ce qui est des autres variables, nous pouvons dire que, contrairement au
secteur moderne, les variables autres que celles du capital humain tiennent une place assez
importante dans l'explication de la variance des gains. Leur part dans l'explication de la
variance est de plus de 44 %. La faible importance de l'âge est due au fait que dans
l'expérience, il est déjà incorporé. Mais l'accroissement des gains en fonction de l'âge
justifie une fois de plus l'impact de l'expérience sur cet accroissement. L'appartenance à
une branche d'activité est l1l1 élément déterminant dans la variance des gains. Ainsi la
branche d'activité a près de 13 % dans la part expliquée de variance des gains. Ce qui
montre que le fait d'appartenir à tel ou tel secteur d'activité explique les disparités de
revenus observées dans le secteur informel. Par rapport au secteur moderne, les gains
paraissent plus élevés dans la branche des biens d'équipement et intermédiaire". Pour les
deux autres variables (sexe et nationalité), leur importance est surtout liée à la variable sexe.
On peut noter que pour ces deux variables, la part de variance expliquée est supérieure à
celle des variables de l'éducation. Le sexe joue un rôle important dans l'explication de la
disparité des gains dans le secteur informel ; dans la mesure où les femmes sont dans la
quasi-totalité des cas installées dans les commerces et les services dont les bénéfices sont
loin de se rapprocher des activités masculines", En ce qui conceme la nationalité, on pouvait
s'attendre au signe de la variable africain non camerounais, dans la mesure où les
1 Dans ce sens, nous sommes en train de réaliser une étude dans le cas du Cameroun sur la vérification
empirique du "lien formation-productivité dans le secteur informel".
l po ur Ics entrepreneurs du secteur iufonuel, plus de 5R % qui tiennent une comptabilité ont un niveau
d'éducation au moins de Icr cycle de I'cuscigncmcut secondaire, ct de même, plus de 50 % ne tenant pas
une comptabilité ont un niveau inférieur à celui du secondaire.
3 Ce résultat doit être pris en compte avec des réserves, et demande à être approfondi dans la mesure où il
peul avoir un un biais dû au nombre d'entreprises appartenant à chacune des branches.
.,
Voir pour le cas de Yaoundé, N. BRAAKHUS, lP LACHAUD et P. METTELlN (1979), Y.
MARONGIU op. cil.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
159
mécanismes de fonctionnement du secteur informel font que le gain attendu d'un afiicain
non camerounais sera en toute logique inférieur à celui du national.
Nous pouvons dire en conclusion que le modèle du capital humain n'est pas adapté à
l'explication de la variance des gains dans le secteur informel, Ceci est dû à la nature même
de la variable dépendante cl savoir le bénéfice , qui incorpore en grande partie les
rendements des facteurs autre que le capital humain. Ceci étant, l'explication de la variance
des gains dans le secteur informel passe par la prise en compte de plusieurs autres facteurs
plus liés aux caractéristiques des entreprises.
d"
Dien que les facteurs du capital humain expliquent la disparité des gains observée entre
les travailleurs, montrant par là qu'on peut avoir des segments de marchés liés à cette
différenciation des gains, il serait peut être important de voir si le comportement de ceux qui
sont à la recherche d'un emploi n'apporte pas des éléments supplémentaires quant aux
différents choix des chômeurs ou cl la formation de ces segments.
1/. Une gestion particulière du capital humain: le comportement
des chômeurs

Selon la Conférence internati~nale des statisticiens du travail, une personne en âge de
travailler est considérée comme étant au chômage si, pendant une période de référence
déterminée, elle était :

sans travail, c'est-à-dire qu'elle n'a même pas travaillé une heure au titre d'emploi
rémunéré ou d'un emploi indépendant figurant dans la définition internationale de l'emploi;

disponible pour travailler, qu'il s'agisse d'un emploi salarié ou non;

en quête de travail c'est-à-dire, que pendant une période donnée récente, elle avait
recherché activement un emploi salarié ou non '.
Cette définition du chômage pourrait être nuancée si l'on se situe dans le cadre d'un
pays en développement de par les spécificités du marché du travail. Dans les pays en
1 FARHAD MEHRAN, Le Travail dans le monde, BIT, 1995.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
160
développement, la distinction entre activités économiques et activités non économiques
n'est pas toujours facile à faire. Ceci est par exemple le cas du petit élevage, de la culture
d'un potager qui peut faire ou non partie d'une entreprise agricole, de la préparation et du
conditionnement d'aliments, soit pour la vente, soit pour l'autoconsommation, des activités
de réparation des habitants, etc. Il Cil est de même de la présence dans ces pays de
nombreuses activités dites marginales (faible productivité et bas revenus) qui ont conduit le
BIT à développer le concept de sous emploi, et à en distinguer deux formes qui sont le
sous-emploi visible et le sous-emploi invisible'. On peut noter aussi une distinction pas
évidente à faire selon l'approche marxiste entre travail productif et travail non-productif.
Cet ensemble d'ambiguïtés, nous amènent à limiter pour notre étude les chômeurs à ceux qui
recherchent un emploi dans le secteur moderne.
Ainsi, à partir de la définition du BIT ci-dessus, nous retiendrons les trois critères
seulement pour les emplois l'énumérés.
A. Le cadre analytique
Selon hl pensée néoclassique, tout chômage est de type volontaire et proviendrait des
salaires trop élevés. Comme nous l'avons mentionné dans le cadre de la théorie du «job
search », le demandeur d'emploi, dans le but d'améliorer son taux de salaire futur investit
dans la recherche d'emploi. C'est d'ailleurs dans ce sens que nous avons fait le
rapprochement avec la théorie du capital humain. Pour notre étude, le choix du chômage
volontaire (actif) comme cadre analytique de la théorie de la recherche d'emploi se justifie
par le fait qu'il y a un investissement effectif de la part des demandeurs d'emplois dans la
mesure où les individus au chômage cherchent activement un emploi. Comme l'une des
limites de la théorie de la recherche d'emploi est sa pertinence pendant les péliades de crise,
nous lèverons cet équivoque en faisant une hypothèse restreinte que les demandeurs
d'emplois s'investissent dans la recherche dans le but d'obtenir un emploi à n'importe quelle
condition. On peut justifier le choix de cette hypothèse ù partir des éléments suivants: la
1 BIT, (1976).
2 Pour un développement de cette approche, voir GHAZI M. FAROOQ, (1986).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
161
situation de crise qui prévaut, la. faiblesse des institutions en place et le contexte socio-
économique (une économie sous-développée).
Il s'agit donc de voir quel est le comportement des chômeurs dans la gestion de leur
capital humain, et si celui-ci ne justifie pas, même d'une manière indirecte certaines
tendances du marché du travail, il savoir l'existence de formes de « strates» dus à la
« flexibilité» des prétentions salariales et d'emploi des demandeurs d'emplois.
B. Quelques caractéristiques des chômeurs
S'il l'on ne tient compte que des chômeurs actifs, nous pouvons les classer en deux
principales catégories: les chômeurs pour perte d'emploi (cat 1) et les chômeurs qui sont à
leur première insertion sur le marché du travail (cat2). Les niveaux d'instruction des uns et
des autres se résument dans le tableau suivant:
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
162
Tableau 15: Nombre moyen d'années d'Instruction des chômeurs pour perte d'emploi ou
première insertion suivant le sexe et l'âge.
Paramètres
Perte emploi précédent
Première insertion
Ensemble
Nombre
Variables
masculin
8,24(3,7)
10,79(4,11)
9,56(4,14)
488
féminin
8,30 (3,2)
9,30 (3,24)
9,06 (3,27)
341
:.1'
< 20
5,42 (2,50)
7,70 (2,92)
7,50 (2,92)
82
20-24
7,64 (2,55)
9,78 (3,25)
9,50 (3,26)
197
25-29
8,22 (3,65)
11,34 (3,78)
10,38 (4,00)
244
30-34
8,40 (3,36)
10,53 (3,85)
9,49 (3,75)
132
35-39
9,57 (3,80)
8,82 (3,49)
9,36 (3,71)
84
40-44
8,16 (2,91)
12,00(7,61)
8,48 (3,56)
47
45-49
8,50 (4,19)
3,66 (6,35)
7,86 (4,65)
23
50-54
6,80 (4,68)
6,80 (4,68)
10
>= 55
4,80 (4,75)
4,80 (4,75)
10
Les écarts types sont entre parenthèses
Deux remarques peuvent être laites :
Premièrement, le nombre d'années d'études de la cat2 est supérieur à celui de la catI.
Ceci peut s'expliquer par le fait que les nouveaux arrivants sur le marché du travail sont
actuellement ceux qui ont eu la possibilité de pousser leurs études à des niveaux élevés, par
rapport aux premiers qui, compte tcnu de certaines circonstances ont dû arrêter leurs
études1. Ce résultat confirme une fois de plus l'augmentation dans le temp s du niveau
d'instruction au sein de la population camerounaise. Ceci est d'autant plus vrai que les
nouveaux entrants sur le marché du travail sont plus jeunes.
1 Il s'agit là du contexte social et des structures éducatives d'avant et après l'indépendance.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
163
Deuxièmement, la répartition suivant les classes d'âge nous montre qu'il existe au sein
de la cat2 une tranche d'âge composée de ceux qui ont fait des études très poussées. II
s'agit des classes 25-29 ans et 30-34 ans dont les nombre; d'années d'instruction moyens
sont de 11,34 et 10,53, Au niveau de la répartition par sexe, les niveaux d'instruction sont
presque les mêmes pour les deux sexes ct dans les deux catégories.
Comme il s'agit d'étudier le comportement des chômeurs actifs, nous nous limitons aux
seuls chômeurs ayant déjà travaillé. Ceci a pour avantage de permettre la mise en évidence
des prétentions salariales compte tenu des emplois précédents. Ainsi, à partir du tableau
suivant, nous nous rendons compte qu'il s'agit en majorité d'un chômage lié aux difficultés
conjoncturel1es que connaît le pays dans la mesure où plus de 76% des chômeurs de la cat 1
sont issus de la rcsuucturatiou de l'appareil productif (entreprises publiques) ou des
difficultés des entreprises privées (cas de compression du personnel), comme le montre le
tableau 16 ci-après:
Tableau 16 : Distribution des chômeurs suivant la raison de la perte d'emploi
et la prétention salariale
Variables
N
%
% cum
compression
113
35,42
35,42
fermeture ent. pub
89
27,89
63,31
liquidation ent pub
5
1,56
64,87
restructuration ent. pub
8
2,50
67,37
fin contrat
29
9,00
76,46
volontaire
74
23,19
100,00
perte emploi précédent
oui
287
94,40
94,40
non
17
5,00
100,00
nouvelle insertion
oui
458
94,23
94,23
non
28
5,76
100,00
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
164
L'hypothèse restreinte que nous avons faite peut être confirmée dans la mesure où dans
les deux catégories, plus de 94% accepteraient un salaire inférieur au salaire en vigueur. Ce
qui laisse croire que quelque soit le sexe, la catégorie socioprofessionnelle antérieure, la
prétention salariale est la même'.
A partir des ces différents éléments, on peut dire que le choix d'un métier où
l'appartenance â
une catégorie d'emploi donnée devient arbitraire compte tenu des
spéculations possibles des employeurs qui contrairement aux demandeurs d'emplois ont un
maximum d'informations et une meilleure maitrise du contexte dans lequel la recherche
d'emplois s'effectue. Les anticipations à la baisse des salaires résultent donc d'une
combinaison de facteurs dont l'importance pourrait justifier l'appartenance à une catégorie
d'emploi.
c. Les déterminants des anticipations à la baisse des salaires
L'analyse des déterminants des anticipations à la baisse des salaires consiste à
considérer que les chômeurs sont prêts à accepter des salaires inférieurs à leurs salaires
antérieurs et à ceux du marché. Notre objectif est donc double : d'une part, mettre en
évidence ces éléments, et d'autre part, montrer que le déterminant de gain principal (le
capital humain) devient un investissement aléatoire qui ne permet plus, ou qui permet de
moins en moins de justifier l'appartenance à une partie du marché (segment).
1. La méthode d'analyse
Il s'agit de déterminer si l'anticipation à la baisse des salaires est due au hasard, ou si elle
traduit un comportement réel de la part des chômeurs. Si c'est cette dernière situation qui
prévaut, l'analyse doit s'efforcer de quantifier l'influence des facteurs qui peuvent être à
l'origine de ces anticipations.
La procédure utilisée est l'analyse de variance. Elle consiste à mettre en relation le
pourcentage de reduction accepté du salaire antérieur (variable dépendante) et un certain
1 Comme l'ont souvent constaté les organismes internationaux, ce comportement montre que les travailleurs
camerounais étaient conscients que les salaires étaient assez élevés au Cameroun..
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
165
nombre de
variables (la
durée de
chômage,
le niveau
d'instruction,
la
catégorie
socioprofessionnelle antérieure, la situation matrimoniale, le sexe et l'âge de l'individu).
Nous n'avons pas pris en compte le fait que le chômeur ait un parent actif ou non. Cet
élément semble être de moindre importance dans la mesure où il s'agit des chômeurs ayant
déjà travaillé; de ce fait, leur indépendance antérieure est un élément psychologique qui ne
saurait être influencé par le fait d'être pris en charge par un parent.
Dans ces conditions, l'analyse conduit à tester des hypothèses liées à l'influence de
chacune des variables sur le pourcentage de réduction de salaire d'une part, et l'existence
d'une interaction entre les effets des différentes variables. Il y a effet d'interaction entre deux
facteurs lorsque leur influence combinée affecte la valeur de la variable dépendante ; ceci
signifie que pour chaque valeur d'un facteur, la valeur de la variable dépendante dépend de
l'importance relative de chacune des variables. Ainsi, pour chaque catégorie à l'intérieur de
chaque facteur, on pourra apprécier : la moyenne non ajustée pour la variable dépendante
exprimée en tant qu'écart par rapport à la moyenne principale ; la déviation par rapport à la
moyenne principale pour la moyenne catégorielle ajustée pour d'autres facteurs ; et, la
déviation par rapport à la moyenne principale pour la moyenne catégorielle ajustée pour les
facteurs et les covariables à la fois. Pour chaque facteur, nous avons: le taux de corrélation
(Eta) avec les déviations non ajustées, et son carré qui indique la proportion de variance
expliquée par toutes les catégories d'un facteur; un "Beta" partiel égal au coefficient de
régression partiel standardisé qui serait obtenu en assignant les déviations non ajustées à
chaque catégorie de facteurs ; et enfin les "Betas" partiels parallèles provenant d'une
régression qui comprend des covariables en plus des facteurs.
Ainsi, pour quantifier l'influence de ces variables sur les anticipations , nous avons
utilisé une analyse de variance. La variable dépendante est le pourcentage de réduction
accepté du salaire antérieur (REYACP). Les variables indépendantes sont:
Durchom : la durée de chômage
- < 3 ans
- 3-5 ans
- 6-8 ans
- >= ') ans
Niust : le niveau diusuuction
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Première partie
166
sinst sans instruction
prim niveau primaire
secdJ niveau secondaire 1er cycle
secd2 niveau secondaire 2eme cycle
sup niveau supérieur
Cpant : la catégorie socioprofessionnelle antérieure
pero dir et cad sup personnel de direction et cadre supérieur
cad. moy et mail cadre moyen et maîtrise
ouv. quai ouvrier qualifié
ouv semi q et man ouvrier semi qualifié et manoeuvre
Sman : la situation matrimoniale
marié marié
célib célibataire
veuf ou div. veuf ou divorcé
Sexe : le sexe
masc masculin
fémin féminin
La variable âge (Age et Age2) est considérer dans l'analyse comme covariable.
2. Les résultats
Les résultats présentés dans le tableau suivant permettent de faire un certain nombre
d'observations.
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Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
167
Tableau 17 : Anticipations à la baisse des salaires par les chômeurs: analyse de variance
multidimensionnelle
Paramètre.
N
Non ajustée
Ajustée, facteurs
et covariables
Variables et
Déviation moyenne
Déviation moyenne
catégories
principale
Eta
principale
Beta
< 3 ans
2
-5,61
-6,11
3-5 ans
140
-11,36
-10,23
6-8 ans
86
25,63
23,71
>= 9ans
44
-2,44
-3,96
0,21
0,33
sinst
10
-0,86
-1,83
prim
97
-0,83
-1,65
secd1
91
8,61
10,17
secd2
53
15,43
16,93
sup
21
21,89
26,12
0,34
0,25
per.dir et cad. sup
7
31,75
32,03
cad. moy. et maitr.
23
18,58
21,86
ouv. quai
98
-9,56
-11,36
ouv. semi q et man
144
-15,89
-17,32
0,51
0,40.
marié
149
0,13
0,01
célib
110
-0,16
0,01
veuf ou div.
13
-0,1
-0,18
0,11
0,00
masc
201
0,07
0,03
fémin
71
-0,2
-0,08
0,18
0,08
0,481
R
0,692
tijii.iii~;i;j;ii,.m~
3,819
(DL)
Effets principaux
F = 6,485
Sig F =0,000
Durchom
DL =3
F = 2,217
Sig F =0,087
Ninst
DL =4
F = 2,117
Sig F =0,079
Cpant
DL =3
F = 10,874
Sig F = 0,000
Sman
DL =2
F =0,567
Sig F =0,568
Sexe
DL =1
F=1,766
Sig F =0,185
Covariables
F = 26,964
Sig F =0,000
Age
F =38,236
Sig F =0,000
Age2
F =28,538
Sig F = 0,000
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
168
Les résultats du modèle sont statistiquement moyens. S'il permet d'expliquer 48% de la
variance du pourcentage de réduction accepté, on constate que toutes les variables n'ont
pas la même influence sur la variable dépendante. En effet, à un seuil de 10 %, les F sont
significatifs pour les variables durée de chômage, catégorie socioprofessionnelle antérieure
et niveau d'instruction ainsi que pour la covariable âge. Ces variables expliquent la majeure
partie de la variation des anticipations en pourcentage des salaires: toutes choses égales par
ailleurs, 10,89 % pour la durée de chômage (Ileta\\ 6,25 % pOlIT le niveau d'instruction et
16,81 % pour la catégorie socioprofessionnelle antérieure.
L'absence d'effet d'interaction 1 nous permet de tester l'influence des variables
individuelles. C'est ainsi que l'on constate que les chômeurs qui ont une durée de 6-8 ans
acceptent une réduction de 23,71 % des salaires antérieurs par rapport à la moyenne
principale. Nous pouvons dire que ce résultat parait d'ailleurs sous-estimé dans la mesure
du faible nombre de ces chômeurs dans l'échantillon. Mais, le résultat montre quand même
que les chômeurs de longue durée accepteraient des
salaires inférieurs au salaire
conventionnel.
En ce qui concerne le comportement des chômeurs suivant leur niveau d'instruction, le
pourcentage de réduction acceptée augmente avec le niveau d'étude. Ainsi, les chômeurs de
niveau secondaire 1er cycle acceptent une réduction de 10,17 % alors que ceux de niveau
supérieur acceptent une baisse de 26,12 % par rapport à la moyenne principale. Ceci
exp lime le souci de rentabiliser les investissements en capital humain de la part des
individus. D'ailleurs, en l'état actuel des choses, les chômeurs ayant un niveau d'études
élevé sont prêt à accepter des salaires inférieurs à 50 % de ce qu'ils devraient gagner', il en
est de même des emplois qu'ils sont disposés à accepter.
Comme pour les niveaux d'instruction, le comportement des chômeurs est le même
suivant les catégories socioprofessionnelles antérieures. Le personnel de direction et cadres
1 S'il Y avait effet d'interaction, cela indiquerait que la valeur de la variable dépendante dépendrait non
seulement des variables indépendantes, mais aussi de leur combinaison particulière. Lorsqu'il y a
interaction, le nombre de degrés de liberté est égal au produit des degrés de liberté des différents facteurs.
Dans notre cas, les degrés de liberté sont bien inférieurs au nombre de catégorie d'un facteur.
2 C'est une observation que nous avons faite lors d'un séjour récent à Yaoundé.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
169
supérieurs anticipent une baisse de 32,03 %. Ceci s'explique par le fait qu'après avoir atteint
ce niveau professionnel, le chômeur voudrait maintenir un minimum de confort matériel
auquel il a été habitué; on peut aussi souligner que, les chômeurs de ce niveau sont d'un
certain âge et ont donc généralement déjà des charges familiales.
De ces résultats, on peut déduire que les facteurs déterminants de la diminution des
salaires sont la catégorie socioprofessionnelle, la durée de
chômage et
le niveau
d'instruction. Par ailleurs, les chômeurs n'ont pas de prétentions salariales excessives dans
la mesure où ils sont disposés à accepter une baisse importante de leurs salaires antérieurs.
Les conséquences de ce comportement sont à deux niveaux:

d'une part, le salaire dans ce sens peut devenir un instrument de lutte contre le
chômage dans la mesure où les employeurs peuvent recruter plus;

d'autre part, en se situant dans le temps, à court tenue, la fiustration des travailleurs
qui se voient sous-rémunérés peut entraîner une baisse de leur effort au travail, ce qui peut
avoir des conséquences néfastes sur l'appareil productif; et à long terme, compte tenu des
effets d'entraînement possibles, il y a risque de baisse des investissements en capital humain
(éducation).
En définitive, par la gestion du capital humain des chômeurs au Cameroun, on peut
dégager une limite de l'hypothèse du rendement des investissements en capital humain. Du
fait des prétentions salariales à la baisse, la structure des salaires n'est plus telle que, à
investissement élevé en capital humain corresponde un salaire adéquat. Dans ce cas, la
diversité des salaires constatée au Cameroun ne se justifie pas par l'appartenance à un
"segment" de marché, mais par l'existence de ce que nous pouvons appeler des "lacunes" de
marché.
En conclusion, à partir de la théorie du capital humain, nous pouvons dire que les
caractéristiques individuelles expliquent une bonne part des différences de gains constatées
entre les individus, Cependant, au Cameroun, 011 Ile peut pas dégager une structure typique
des salaires dont le déterminant est
le capital humain.
Ainsi,
l'accroissement des
rémunérations n'est pas dû éI UII accroissement de la productivité que confère une formation
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Première partie
170
scolaire plus poussée, mais est dû à la corrélation positive et étroite entre les aptitudes
innées et les performances scolaires. Une telle situation remet à priori en question
l'explication des choix individuels en matière d'éducation. En effet, l'avantage acquis de
l'éducation étant la rémunération, celle-ci se trouve dépendante des "lacunes" du marché.
Dans ce sens, la théorie du capital humain en tau! que modèle explicatif des comportements
individuels se trouve ainsi en partie compromise.
Cette dernière analyse a le mérite de révéler que d'autres forces ont un poids dans la
détermination des salaires au Cameroun et la structuration de son marché du travail. TI nous
semble cependant que les forces économiques (pression de la demande) sont suffisamment
importantes pour pouvoir infléchir à long terme ces forces extra économiques dont le rôle
n'est pourtant pas négligeable dans la maîtrise du fonctionnement du marché du travail au
Cameroun. Si lion considère le revenu d'un individu comme le plix de son travail, l'existence
de plusieurs niveaux de prix pour une qualité de services homogènes fait penser que ces prix
sont formés sur des marchés du travail disjoints et non unique. TI convient de se pencher sur
ces forces explicatives de la structuration du marché du travail.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Deuxième partie.:
Salaires et segmentation
du marché du travail

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
173
C ommenoosl'avonsprésentédans lapartieintroductivedecetravail,
deux grands courants de pensée expliquent les modes de fixation des salaires
et les causes d'éventuels écarts salariaux, ainsi que la persistance du chômage
(surtout le chômage de type involontaire observé dans les pays en développement), sur le
marché du travail.
D'une part, la théorie du capital humain suppose que le salaire d'un individu dépend
uniquement de sa productivité dans remploi. Cette productivité dépend elle-même du
montant de capital humain assimilé par l'individu au cours de la période antérieure à rentrée
sur le marché du travail puis lill cours de l'emploi lui-même.
D'autre part, les théories instituti nnalistes mettent en exergue des facteurs autres que
les facteurs purement individuels pour expliquer les écarts de salaire entre les individus
supposés avoir des caractéristiques identiques.
La dichotomie moderne-informel, considérée dans les pays en développement n'a pris en
compte que l'existence des écarts de revenus entre les individus appartenant à ces deux
secteurs. Elle les attribue à des différences de dotation en capital humain, ce capital étant
élevé dans le premier et faible dans le second. Dans le cas du Cameroun, du fait de
révolution des structures éducatives et socio-économiques, l'appréhension des mécanismes
de fonctionnement du marché du travail en terme de fixation des salaires et d'évolution
d'emploi, ne saurait se limiter à cette vision simpliste. C'est pour cela que la prise en compte
des politiques d'emploi et de salaire des entreprises peut apporter des éclaircissements sur
l'explication des écarts de revenus, de l'existence du chômage, et par là, d'une structuration
spécifique du marché du travail.
Dans cette partie, nous présenterons les théories de la segmentation qui permettent de
comprendre la structuration du marché du travail (chapitre 3), et nous mettrons en évidence
la stratification du marché du travail camerounais afin de dégager le lien de cette dernière et
les modes de détermination des salaires (chapitre 4).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

174
Deuxième partie
Chapitre 3.
L'analyse théorique de la
segmentation du marché du travail.
omme nous l'avons souligné à l'introduction de ce travail, l'objectif de
Cnotre étude est de comprendre le fonctionnement du marché du travail
camerounais à travers les modes de détermination des salaires et le niveau de
l'emploi qui en découle. Nous avons vu dans le chapitre précédent les
déterminants des gains des individus. Il a été constaté que les facteurs individuels
n'expliquaient qu'une partie des différences de gain observées entre les individus. Ceci
suppose qu'il existe d'autres facteurs qu'on peut justifier d'exogènes.
Dans le cas du marché travail camerounais, il s'agit d'analyser les modes de fixation des
salaires et d'expliquer certains aspects du chômage, En d'autres termes, la baisse du niveau
de l'emploi peut-elle être liée aux politiques salariales des entreprises, qui créent divers
segments au sein du marché du travail ?
Pour les auteurs de la segmentation, les modes de détermination très différents des
salaires et de l'emploi trouvent leur explication dans l'existence de « segments» de marché,
entre lesquels la mobilité des travailleurs est très réduite. L'explication d'un tel phénomène
ne provient pas de caractéristiques différentes des travailleurs, comme par exemple, de
niveaux différenciés de qualifications, d'aptitudes ou, plus généralement, d'investissement
en capital humain, mais an contraire des emplois eux-mêmes: les modes de gestion distincts
de la main-d'oeuvre.
Ainsi, dans ce chapitre, allons-nous voir à travers les principaux développements des
nouvelles approches néoclassiqucs, si l'existence d'une segmentation peut apporter une
réponse aux problèmes de détermination des salaires et d'emploi dans une économie en
développement.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
175
Section 1. Les fondements des modèles de
segmentation
1. Rappels
Avant de voir les hypothèses des modèles de segmentation, nous allons d'abord faire un
bref rappel de l'équilibre néoclassique du marché du travail.
A. L'équilibre néoclassique du marché du travail
En restant dans le cadre de base où l'on suppose toutes les hypothèses du modèle de
concurrence pure et parfaite vérifiées pour le marché du travail, la confrontation des
courbes d'offre et de demande nous donne la situation illustrée par le graphique ci-après:
Figure 19 : le marché du travail et l'équilibre
Taux de
salaire
w+
w-
T--
T-
T+ T++
Travail
Source: H. Guillemin et M. Moule (/993).
L'offre est bien une fonction croissante du taux de salaire, et la demande une fonction
décroissante. La situation d'équilibre est celle qui égalise les quantités offertes et demandées
et se traduit par le taux de salaire We et un niveau d'emploi Te. Cette représentation permet
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

116
Deuxième partie
de saisir les conséquences d'une variation de l'offre ou de la demande sur le niveau des
salaires.
Si nous nous situons dans le cas d'une variation de l'offre, imaginons que la population
susceptible de travailler voit son nombre augmenter brusquement pour des raisons
extérieures au marché (par exemple une immigration importante consécutive à un
cataclysme dans une région voisine). La conséquence sera un déplacement de la courbe
d'offre vers la droite. Si la courbe de demande n'est pas modifiée, l'effet en sera une
diminution du taux de salaire comme le montre le graphique suivant:
Figure 20 : Les conséquences d'une variation de l'offre de travail sur le taux de salaire
d'équilibre
Taux de
salaire
Quantité de
travail
Source: fi. Guillemin el M. MOllie, (1993).
Ceci s'explique par le fait que, un plus grand nombre de travailleurs souhaiteraient
travailler (Te2), l'équilibre se rétablit donc par une haisse du taux de salaire qui passe de
WeI à We2.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
177
Or dans la pratique, le retour à ces équilibres successifs n'est pas évidente, c'est
pourquoi certains auteurs ont cherché à trouver quels facteurs expliquaient ces difficultés de
retour à l'équilibre. Ces travaux se sont faits par deux grands groupes de pensée: les uns
considèrent qu'il existe un ensemble de facteurs (institutionnels) qui créent des distorsions
[1..
- fi sur ~ marché du travail faisant apparaître un marché dual, et c'est l'appartenance à l'un ou
l'autre segment qui détermine le niveau de salaire, il s'agit des institutionnalistes ; les autres
font des extensions de l'analyse néoc1assique de base pour justifier ces distorsions sur le
marché du travail.
Tous ces différents cadre d'analyse constituent l'ensemble des modèles de segmentation
que nous étudions dans les sections qui suivent.
B. Les hypothèses de base des modèles de segmentation
Le point de départ commun aux théories de la segmentation est le constat d'une
division fondamentale de l'ensemble des emplois en deux sous-ensembles, l'un protégé de
l'insécurité et l'autre soumis cl cette insécurité. Ce constat justifie une hypothèse centrale:
une façon de s'adapter à l'incertitude qu'engendrent les fluctuations de la demande finale
est de concentrer les effets de cette incertitude sur une fraction de l'emploi. Par ailleurs,
dans la mesure où les grandes entreprises ont plus de moyens de se protéger de l'instabilité,
ces théories associent le plus souvent la segmentation des emplois à une structuration de
référence du système productif
Bien que l'on assimile couramment segmentation et dualisme, de nombreux modèles
admettent un nombre de segments supérieur à deux. C'est dans ce sens que PIORE t note
que le nombre précis de segments importe peu, pourvu qu'il soit réduit et que les
différences entre les segments soient marquées. Pour lui la segmentation est d'abord une
discontinuité alors qu'un trop grand nombre de segments constituerait un éventail continu.
1 in BERGER et PIORE, 1980
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

178
Deuxième partie
L'originalité de l'hypothèse de segmentation du marché
serait
moms dans la
reconnaissance de différenciations entre types d'emploi et catégories de main-d'oeuvre. 11
ne serait donc ni nécessaire, ni suffisant de supposer que le marché du travail est divisé en
un petit nombre de segments correctement différenciés. L'essentiel serait contenu dans deux
autres propositions : a) des processus de Ioncrionnemcnt différents sur chacun des
segments, et b) des banières à la mobilité entre les segments, de nature particulière.
Ainsi, comme les regroupent HOOSON et KAUFMAN 1, l'hypothèse de segmentation
s'appuie sur quatre éléments de base:

un système économique structuré de façon dualiste, les deux secteurs pouvant être
décrits de multiples façons, l'essentiel étant 'lu 'une relation de dépendance est supposée
entre l'un et l'autre secteur;

un marché du travail également dualiste: l'hypothèse est faite qu'à chaque secteur
de la production correspond un marché du travail particulier spécifié par divers critères
variables;

des conséquences pour les travailleurs, distinctes dans l'un et l'autre cas, et
concernant : les possibilités de mobilité ascendante, les conditions de travail et les
rémunérations ;

les effets de « catégorisation » et de division sociale de la main-d'oeuvre selon le
sexe, l'âge, la race ou la nationalité.
1/- L'approche institutionna/iste.
Le courant institutionnaliste a vu le jour avec l'école historique allemande du XIXc
siècle, suivie par l'institutionnalisme américain qui s'apparentait à cette école. L'un ou
l'autre des formes d'institutionnalisme était basé sur un fond de méthodologie: avec pour
les premiers une méthode historico-iust itutionnaliste' ct pour les seconds une préférence
1 HüDSüN et KAUFMAN, (1982).
2 GUSTAV SCHNüLLER
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
179
pour l'individualisme méthodologique.'. Plus tard (dans les années 40 et 50), les champs
d'investigation du courant néo-iustitutionnaliste? seront plus délimités que ceux de leurs
prédécesseurs puisqu'ils se focalisent plus sur le fonctionnement du marché du travail.
Parmi les travaux les plus significatifs qui vont servir de base aux développements
contemporains, il faut citer ceux de LORD FISHER sur le fonctionnement du marché du
travail des
ouvriers agricoles en Californie].
Le début des années 70
marque un
approfondissement de la réflexion des institutionnalistes sur le problème du fonctionnement
du marché du travail avec l'ouvrage de P. DOERINGER et M. PIORE4 structuré autour du
concept essentiel de marché du travail interne.
A- L'explication de l'opposition entre le modèle institutionnaliste et le
modèle néoclassique du marché du travail

Les institutiounalistes Ile définissent pas le marché du travail comme la simple rencontre
d'une demande et d'une offre de travail qui pourraient s'adapter grâce à la variation des
seuls salaires. fis focalisent leur attention sur le côté demande du marché du travail, sur la
gestion et l'organisation du travail dans les entreprises. L'offre de travail ne possède pas
cette liberté de choix sur laquelle repose l'approche néoc1assique ; ou plus exactement les
motivations de choix ne sont pas les mêmes: le travailleur, vu par les institutionnalistes ne
se donne pas comme priorité, dans sa recherche d'emploi, la maximisation du taux de
salaire. En fait, les travailleurs sont mal informés sur les types d'emplois auxquels ils
peuvent prétendre et sur les salaires proposés. Leur démarche est plutôt d'accepter assez
rapidement les emplois qui leur sont offerts, même si ceux-ci ne correspondent pas
exactement à leur profil. L'acceptation se fait lorsque les caractéristiques du travail, salaire
compris, dépassent une certaine nonne que se fixe le chercheur d'emploi. De la même
façon, le travailleur en fonction ne cherchera pas systématiquement à saisir les opportunités
1 CARL MENGER
2 On peut citer: A. ROSS, J. DUNLOP, C. KERR, L. REYNOLDS, C. MYERS, L. FISHER
3 Lord Fisher, (1951).
"DOERINGER ET PIORE, op. cil.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

180
Deuxième partie
qui se présenteront à lui en dehors de son entreprise, sauf si elles sont véritablement
conséquentes.
La logique est donc inversée par rapport au modèle néoclassique qui voyait dans la
maximisation du salaire, à loisir égal, et dans son moyen, la mobilité des travailleurs, les
clefs du fonctionnement du marché du travail (théorie du capital humain, théorie du job
search). Le travailleur institutionnaliste se montre lié à l'emploi qu'il détient et à l'entreprise
qui loue ses services: la notion de stabilité prend le pas sur la mobilité. Deux éléments au
moins contribuent à expliquer ce comportement: d'une part, l'imparfaite information dont
dispose le travailleur sur l' éventa il des possibilités qui lui sont offertes en théorie ; d'autre
part, l'existence des syndicats qui peuvent améliorer la satisfaction de leurs adhérents, ou de
l'ensemble des travailleurs en place, sans que ceux-ci ne soient obligés de quitter
l'entreprise. A partir de là, on comprend que les salaires ne dépendent plus des mêmes
règles de détermination et qu'ils ne jouent plus le même rôle que dans la théorie
néoclassique.
Leur niveau
dépend
en premier lieu des
pratiques spécifiques des
entrepreneurs qui ont l'avantage de se trouver en situation dominante sur le marché du
travail (non-concurrentiel à cause de l'imparfaite information des travailleurs, à cause de
leur tendance à privilégier la sécurité de l'emploi au détriment des avantages salariaux). Ces
pratiques font que les salaires acquièrent une certaine rigidité qui les rend inaptes à assurer
les ajustements de l'offre et de la demande et doue à garantir le plein emploi.
B. L'approche duale du marché du travail.
Une des approches de type institutionnaliste vise à présenter la prééminence de
l'entreprise dans le fonctionnement du marché du travail. Plutôt hostile à la prise en compte
à priori d'un schéma offre-demande de travail, elle préfère considérer les contraintes posées
par la demande sur l'offre comme plus fondamentales que les contraintes inverses. Ainsi,
cette approche se hase sur l'existence d'lin marché du travail dual pour expliquer les écarts
de rémunération constatés entre les individus ayant des niveaux d'éducation identiques.
Cette théorie nit au départ développée dans le contexte des Etats-Unis par L. C. THUROW
(1969), ainsi que par P. D. DOERINGER et M. 1. PIORE (1971) pour comprendre les
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capftal humain, salaires et segmentation du marché du travail
181
problèmes posés aux travailleurs désavantagés, en particulier les populations noires dans les
zones urbaines; ensuite, elle fut transposée à la situation des pays en développement pour
expliquer la coexistence d'un secteur moderne fonctionnant comme dans les pays
développés et d'un secteur traditionnel dont les règles de fonctionnement sont totalement
différentes.
1- Les origines du dualisme
On trouve chez PIORE deux explications des origines du dualisme. La première se
fonde sur une interprétation technologique'. La seconde va plutôt chercher son inspiration
dans l'analyse des institutions"
Dans l'interprétation technologique, les impératifs de la technologie façonnent les
emplois, qui à leur tour déterminent les caractéristiques des individus qui vont les occuper.
Dans ce cadre, la productivité devient une fonction monotone croissante du progrès
technique et de la division du travail. PIORE introduit une dichotomie entre les
caractéristiques des travailleurs «liées à une tâche spécifique» et celles «valables pour
toutes les tâches». Les capacités nécessaires à l'exécution du premier groupe de tâches
vont s'acquérir à travers un processus d'apprentissage. Le second groupe réside quant à lui
dans l'aptitude à déduire d'un ensemble de règles générales, les comportements appropriés à
des situations particulières,
Le segment primaire sera constitué par les emplois du premier groupe et correspond
donc aux emplois à tâches multiples, semi-qualifiés, des firmes importantes. Le segment
secondaire, qui correspond aux entreprises traitant la composante instable de la demande va
surtout comprendre des emplois aux tâches simples à exécuter. Mais du fait du caractère
erratique de la demande au sein de ce marché, les entreprises vont rechercher des
1 in BERGER, PIORE (1980) « The Techuological Foundations of Dualism and Discontinuity ». Ceci est
une version revue d'un document de travail de 1972.
l
Elle est exposée dans un chapitre de l'ouvrage cité ci-dessus avec une première version publiée par PIORE
dans Revue Economique, volume 19, u" 1, 1978.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

182
Deuxième partie
travailleurs dont les capacités seront immédiatement utilisables sans avoir besoin de recourir
à un processus d'apprentissage et de socialisation.
Dans la version plus institutionnaliste de ]978, ]lIORE reconnaît en effet que la
segmentation du travail peut être utilisée par les capitalistes pour diviser la main-d'oeuvre et
mieux la contrôler, mais que ce phénomène vient de surcroît. En effet, PIORE commence
son analyse en réaffirmant que ce sont les problèmes liés aux fluctuations de l'activité
économique qui ont
conduit à la segmentation du marché du travail. Le capital étant un
facteur de production fixe, les employeurs avaient intérêt à limiter les fluctuations du
secteur intensif en travail. Le dualisme original se situe donc entre le capital et le travail. La
tendance à la segmentation est donc inhérente aux incertitudes des économies industrielles,
mais ce sont les mouvements sociaux qui rendent cette tendance manifeste et en font un
modèle national uniforme. Les modifications institutionnelles ne seraient donc pas la
conséquence d'une volonté explicite des employeurs de diviser la main-d'oeuvre.
2- Les hypothèses du marché du travail dual
A partir de DOERINGER ct PIORE (1971), la théorie du marché dual repose sur les
hypothèses suivantes:
- Le marché du travail est divisé en marchés primaire et secondaire. Le marché primaire
possède des caractéristiques de hauts salaires, bonnes conditions de travail, stabilité de
l'emploi, chances de promotion, équité, existence de règles administratives du travail. A
l'inverse, les emplois du marché secondaire sont peu payés, offrent des conditions de travail
médiocres, un taux de rotation élevé, peu de chances de promotion.
- Des distinctions sont faites entre travailleurs des deux marchés qui sont parallèles à
celles qui existent entre les emplois: les travailleurs du secteur secondaire par rapport à
ceux du secteur primaire font preuve d'une plus grande instabilité, des taux d'absentéisme
élevés, de plus dinsubordination.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
183
- La productivité va plus dépendre de l'emploi considéré que de l'individu qui l'occupe,
ceci découlant de la distinction entre les « bons» et les « mauvais» emplois plutôt qu'entre
travailleurs qualifiés et lion-qualifiés.
Par ailleurs, apparaît chez PIORE (1975)1, une distinction qu'il estime à de nombreux
égards aussi importante que la distinction entre le primaire et le secondaire qui conceme une
distinction au sein du segment primaire, entre primaire supérieur et un primaire inférieur (an
upper and lower tier), Ainsi, la description des travailleurs et des emplois du segment
primaire utilisé dans les développements traitant de l'hypothèse du marché dual serait
réellement caractéristique du seul segment primaire inférieur. Le primaire supérieur est
composé des emplois de direction et de cadres supérieurs. Ces emplois se distinguent de
ceux du primaire inférieur par leur salaire et statut plus élevés, et les plus grandes
opportunités de promotions.
c. La dynamique du fonctionnement du marché du travail dual
Le fonctionnement du marché du travail dual peut être appréhendé à travers les
concepts du marché du travail interne et externe, l'interprétation des facteurs théoriques
conduisant au marché du travail interne, et la prise en compte des interrelations entre
marchés primaire et secondaire.
1. Les concepts de marché de travail interne et externe
Pour DOERINGER et PIORE (1971 )2, le secteur primaire apparaît comme un ensemble
de marchés internes, l'entrée dans le primaire s'apparentant à un système de file d'attente
aux portes d'cntrécs. Une partie de la population active est abritée du marché du travail
général. Elle se trouve dans des marchés du travail organisés, administrés et cloisonnés
appelés marchés du travail internes,
1 Cet article avait vu le jour sous forme d'un texte ronéo dès 1972.
2 On peut noter que KERR CLARK ET DUNLOP JOHN ont été les précurseurs de ces notions de marchés
interne et externe dans les années 50.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

184
Deuxième partie
Le marché du travail interne se définit comme une unité administrative à l'intérieur de
laquelle la détermination du prix et l'allocation du travail sont gouvernées par un ensemble
de règles et de procédures administratives : il existe dans la firme des règles qui établissent
certains droits et privilèges non disponibles aux travailleurs en dehors de la fume ou de
l'occupation.
Le marché du travail interne se distingue du marché du travail externe dont le
fonctionnement serait à peu près conforme aux schémas de la théorie traditionnelle, car la
rémunération et l'affectation du travail seraient soumises aux forces du marché. Ces deux
marchés sont en relation par des portes d'entrée et de sortie.
Les firmes qui ont des marchés du travail internes ne sont pas entièrement dépendantFs
du marché du travail externe. il existe des « job ladders » qui déterminent la promotion des
travailleurs et leur mobilité verticale. Ce qui signifie que les opportunités d'avancement qui
sont offertes aux travailleurs à l'intérieur d'lille organisation sont généralement déterminées
plus par l'ancienneté que par la capacité ou la productivité. Ainsi, les nouveaux travailleurs
sont principalement embauchés en bas de la « queue de l'emploi». Les salaires sont liés à
l'ancienneté, ceci ayant pour effet la réduction du taux de rotation de la main d'oeuvre, et
donnant un certain monopole des emplois à ceux se trouvant déjà dans l'entreprise. On peut
donc relever que dans le marché inteme, la productivité et les salaires élevés sont reliés
plutôt aux emplois qu'aux employés d'une part, et que la structure des salaires est dominée
non pas par des considérations d' efficacité, mais plutôt par des habitudes ou coutumes'.
On constate donc que la distribution des emplois et le niveau des revenus dans le
secteur primaire ne sont pas déterminés par des facteurs de capital humain.
Le marché secondaire comprendra donc notamment:

les emplois qui n' appartiennent à aucun marché inteme,

les emplois qui font
partie des marchés du travail internes, mais dont les
caractéristiques sont défavorables ct qui de ce rait sont reléguées en bas de la hiérarchie,
J Ceci sera détaillé dans la suite de travail, concernant les facteurs théoriques conduisant au marché du
travail interne.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
\\85

certains emplois qui par nature devraient appartenir au marché du travail primaire,
mais qui n'ont pas les caractéristiques de carrière et de sécurité de ces derniers.
On peut relever que dans le marché secondaire, seulement un faible nombre d'emplois
est pOUlVU par un système de promotion intente aux entreprises. Ces dernières ne
fournissent que peu ou pas d'opportunité de formation en cours d'emploi à leurs employés,
ce qui a un effet réducteur sur les possibilités d'avancement au sein du secteur secondaire.
On y trouve donc de forts taux de roulement de la main d'oeuvre, Dans ce segment de
marché, il y a très peu d'explications sur la formation des salaires. L'idée la plus
fréquemment avancée consiste :i considérer que le niveau de capital humain ne joue qu'un
faible rôle dans la formation des salaires individuels. Par contre, il serait important de savoir
si l'éducation augmente la productivité des travailleurs appartenant à ce secteur. Quelques
études ont analysé le rôle de l'éducation dans la fonction de production des secteurs dits
traditionnels. Nous pouvons évoquer l'étude empirique de BUTARE Tl. sur l'éducation et la
productivité dans les
secteurs traditionnels (secteur informel urbain et
agriculture
traditionnelle) de quatre pays d'Afrique francophone" Cette étude foumit une indication
selon laquelle l'éducation, considérée sous ses deux aspects formel et informel, constituerait
une
variable explicative non
négligeable des niveaux de
production et
des choix
technologiques faits par les entrepreneurs dans les activités informelles et dans l'agriculture
traditionnelle. Ainsi, compte tenu des réalités variées que recouvrent ces secteurs, le
problème du choix et de l'orientation de l'éducation pour ces secteurs se pose comme le
souligne PENOUIL M 3, : faut-il s'orienter vers la mise en place d'un système de formation à
portée générale ou vers une aide aux entrepreneurs dynamiques?
Certains auteurs se basent sur la théorie orthodoxe de la formation des salaires pour
considérer que le niveau de salaire dans le marché secondaire est fixé par le besoin qu'a la
société d'avoir un certain nombre d'individus mal payés, disponibles pour les emplois les
plus pénibles",
1 BUTARE T. (1991).
2 Il s'agit du Mali, de la Mauritanie, du Togo et du Cameroun.
1 Voir à cc sujet, une analyse de PENOUIL M. (1988), sur l'ensignement technique et le secteur informel.
.( Voir à cc sujet : 13. F. BLUESTONE cité dans M. L. Wacluer, (11)74).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

186
Deuxième partie
D'autres auteurs mettent en avant le fait que le secteur secondaire est fortement dominé
par les groupes les plus défavorisés et que ce sont donc des facteurs discriminatoires et
éventuellement sexistes et racistes qui vont être les principaux déterminants des salaires
dans ce secteur.
011 peut aussi ajouter ceux qui montrent que sous certaines hypothèses, le différentiel
des salaires entre les deux secteurs était susceptible de s'accroître du fait d'un mécanisme de
,

• •
1
« retroacnon posmve » .
2. L'interprétation théorique des facteurs conduisant au marché du
travail interne.
L' origine des marchés internes est à rechercher dans une série de facteurs non envisagés
dans la théorie économique conventionnelle: la spécification des qualifications, la formation
sur le tas et la coutume.
a. La spécificité des qualifications
La spécificité des qualifications (skills) propres à chaque entreprise, représentant ainsi le
concept de BECKER (1964) de formation spécifique, a deux effets importants sur la
génération du marché du travail interne : elle augmente la proportion des coûts de formation
supportés par l'entreprise et elle augmente dans le même temps le niveau général de tels
coûts. Comme les qualifications deviennent plus spécifiques, il devient de plus en plus
difficile pour le travailleur de valoriser ailleurs cette formation qu'il reçoit. Ceci réduit pour
lui le stimulant d'investir dans une telle formation et augmente dans le même temps le désir
.de l'employeur de réaliser un tel investissement. La spécificité de la qualification tend à
accroître le coût absolu de la formation, parce que, moins une formation est répandue sur la
marché du travail, moins fréquemment une telle formation est fournie et des économies
d'échelle ne peuvent plus être réalisées.
1 T. VlETORlSZ et B. HARRISON, (1973).
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Capffal humain, salaires et segmentation du marché du travail
187'
La formation n'est pas le seul coût de travail affecté par la spécificité de la qualification.
Les coûts de recrutement et de sélection peuvent être influencés de la même manière. La
réduction du « turnover» encourage le désir de l'employeur d'accepter ces coûts. Ainsi les
coûts absolus de recrutement et de sélection sont réduits par des économies d'échelle. Le
recrutement il partir du marché interne permet donc d'évitcr les coûts de recrutement et de
filtrage et diminue les coûts de formation.
Très reliée à la spécificité de l'emploi est la spécificité de la technologie. Elle se réfère à
un ensemble de tâches que comprend le processus de travail. Une technologie, comme les
emplois, utilise des qualifications autant à travers l'exécution des tâches qu'eUe nécessite
qu'à travers la vitesse et la précision avec lesquelles elles sont exécutées. Dans les grandes
entreprises industriel1es par exemple, la vitesse et la précision sont considérées comme les
déterminants critiques du coût de travail. Toutes les deux dépendent des particularités des
pièces d'équipement, du type de matériel, du produit particulier, de la longueur des cycles
de production et l'environnement dans lequel le produit est fabriqué. Un principe général
semble gouverner beaucoup de technologies: l'efficacité d'une machine dépend de la variété
des tâches qu'elle est appelée il exécuter. Par souci de minimisation des coûts, les
départements de production se trouvent confrontés au problème de choix du type de
technologie approprié, rendant moins efficaces leurs machines.
Les technologies spécifiques figurent peu dans les différents manuels d'utilisation et de
réparation; elles deviennent Cil cflet spécifiques par des changements anodins opérés par les
travailleurs. C'est dans ce sens que les entreprises font recours à une organisation interne
basée sur la formation sur le tas.
b. La formation sur le tas.
Le second facteur important dans le développement des marché~internes est le système
de la formation sur le tas.
La plus grande proportion des emplois en dehors des emplois hautement qualifiés, est
acquise au sein de l'entreprise. Même pour ces emplois, l'éducation formelle est utilisée
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

188
Deuxième partie
comme un moyen de sélection des individus ayant une certaine aptitude et un certain
environnement social. La formation sur le tas fournit à chacun la plus grande proportion des
qualifications utilisées dans la réalisation du travail, ou elle est une condition préalable à la
pleine utilisation de l'éducation formelle.
L'informalité de la formation sur le tas rend difficile à identifier la nature précise du
processus, mais les éléments suivants semblent y être impliqués:
- la formation sur le tas apparaît au cours du processus de production, partiellement par
tâtonnements. C'est le processus de production qui impose le processus d'apprentissage et
fournit les indices de succès ou d'échec. Les récompenses aussi bien monétaires que
psychologiques stimulent la maîtrise des qualifications.
- quand une instruction est requise d'une manière ou d'une autre, elle est habituellement
fournie par un superviseur, par un travailleur titulaire ou par des travailleurs dans des
emplois voisins.
La formation sur le tas peut être plus économique que l'instruction formelle dans la
mesure où, d'une part, la formation sur le tas dérive du contenu de l'emploi même et est
confinée uniquement à ceux qui ont besoin de ces qualifications, et d'autre part elle
n'implique pas d'excès de formation.
Les rapports entre la spécificité de la qualification et la formation sur le tas vont dans
plusieurs directions. L'étroitesse de cette formation, qui permet de faire des économies,
rend les qualifications qu'elle produit hautement spécifiques au contexte dans lequel elles
ont été acquises. La liaison avec la formation sur le tas encourage la mutation de la
technologie vers une spécificité croissante.
La spécificité des qualifications et la formation sur le tas créent un environnement
particulier au sein des entreprises, qui, à mesure de répétitions forment un ensemble de
règles non écrites basées sur la pratique et devient une habitude dans le comportement de
l'entreprise,
C. L'habitude.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
189
L'habitude sur le lieu de travail se fonde sur Ull ensemble de règles qui peuvent
gouverner tout aspect du rapport du travail et de la discipline au salaire. Les coutumes du
travail semblent être la conséquence de la stabilité à l'intérieur du marché du travail interne.
Une telle stabilité est due aussi bien à l'employeur qu'à la force de travail et un des facteurs
produisant les marchés du travail internes est le désir de stabilité. Quand l'emploi est stable,
les travailleurs multiplient les contacts entre eux, ceci ayant pour conséquence la formation
des groupes sociaux ou communautés à l'intérieur du marché du travail. Les communautés
de ce type tendent à générer un ensemble de règles non écrites gouvernant les actions de
leurs membres et tes autres.
Le droit coutumier est d'un intérêt particulier dans l'analyse du marché du travail
interne dans les pays en développement, aussi bien à cause de l'influence stabilisante sur les
règles du travail, que parce que les règles gouvernant la fixation du prix et l'allocation du
travail sont particulièrement sujettes à l'influence de l'habitude. Ces règles deviennent de
moins en moins soumises aux forces du marché, expliquant en grande partie l'apparente
rigidité interne et la nature des structures de l'entreprise.
3. Les interrelations entre les marchés primaire et secondaire
On peut constater l'existence de marchés internes au sein du segment secondaire. Cette
acceptation « suggère que la distinction entre marchés secondaire et primaire n'implique pas
la séparation stricte entre les deux qui est associée au concept de marché du travail dual. Le
fait de retenir un concept de marché continu ou discontinu est affaire de jugement empirique
et de présentation »1•
Ce qui semble important à admettre est que chacun des segments fonctionne selon des
modalités qui lui sont propres dans un système de complémentarité. Ainsi, le secondaire est
la condition nécessaire de l'existence du primaire. Néanmoins, DOERINGER et PIORE
acceptent tout Ù lait que les frontières puissent évoluer au cours du temps, le marché
1 DOERINGER cl PIORE, op. cil.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

190
Deuxième partie
primaire pouvant par exemple subir des contractions dues aux évolutions technologiques,
ou une mutation des structures de production et de l'organisation au sein du secondaire'.
Et PIORE (1979i de reconnaître qu'il peut très bien y avoir mobilité entre les segments
mais que de toute manière, les comportements des agents travailleurs et employeurs
changent d'un segment à un autre.
Finalement, « il sembleraient qu'un marché du travail unifié avec des liens entre l'emploi
secondaire caractérise plus probablement le fonctionnement du marché des travailleurs
protégés (...), le racisme et la discrimination (...) rendant le concept de marché dual plus
approprié pour analyser le problème de l'emploi des minorités... »3.
Est-ce à dire que l'apport de la vision d'un marché segmenté se réduira à l'analyse de la
discrimination? Non, car les phénomènes de mobilité n'éliminent pas l'existence d'emplois
ayant plutôt des caractéristiques secondaires et d'autres plutôt primaires, cette polarisation
pouvant aider à la compréhension du fonctionnement du marché du travail et par là des liens
entre la formation et l'emploi.
En outre, des écrits de PIORE (1979) marquent son ambition d'expliquer à partir d'une
vision
qu'il qualifie de
« structuraliste» du marché du travail, les anomalies du
fonctionnement du marché néoclassique. Ainsi, la coexistence du chômage et de l'inflation
provient de la coexistence d'un marché secondaire à chômage important et d'un secteur
primaire à accords salariaux rigides. Nous verrons dans la suite de ce travail si d'autres
approches peuvent expliquer le phénomène.
Section 2. Les nouveaux enjeux et fondements
théoriques du dualisme du marché du
travail

1 Pour certains aspects de celle mutation des structures de production, on peut consulter MARüNGUl Yann
op. cit
2 PlüRE, (1979).
3 P1ü R E op. cit .
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
191
La segmentation du marché du travail, telle qu'elle est décrite dans les travaux de
DOERINGER et PIORE (1971) se schématise par la coexistence de deux secteurs : un
secteur primaire, caractérisé par de hauts salaires, la stabilité de l'emploi, de bonnes
conditions de travail et un secteur secondaire où les salaires sont faibles, le risque de
chômage important ct les promotions inexistantes.
Cette approche du marché du travail semblait avoir été un peu oubliée. Les reproches
principaux qu'on lui adressait étaient son manque d'homogénéité théorique et son caractère
exclusivement ernpirico-descriptif En ce sens, elle ne constituait pas vraiment un « défi» à
la théorie néoclassique, même si celte dernière était incapable théoriquement d'expliquer
l'existence d'un différentiel de salaire ente des individus aux caractéristiques identiques.
C'est ainsi qu'on peut parler dans les années 80 de « renouveau de la théorie de la

J
segmentation » .
De nombreux auteurs, (McDONALD et SOLOW, 1985, BULOW et SUMMERS,
1986, JONES, 1987a et b, BURDA, 1988, PERROT et ZYLBERBERG, 1989) proposent
en effet des modèles théoriques susceptibles de représenter le dualisme réel du marché du
travail. Ce regain d'intérêt peut s'expliquer par les deux arguments suivants:
- Au niveau empirique, le constat d'un taux de chômage « naturel» fort et persistant
dans de nombreuses économies, malgré les nombreuses créations d'emplois' a amené à
reconsidérer le marché du travail selon les différents segments. n apparaît alors que les
création d'emplois n'ont concerné que les emplois à has salaires, ce qui sera d'ailleurs une
hypothèse à vérifier dans le cas des pays sous-développés avec l'existence d'un secteur
informel persistant et grandissant.
- Au niveau théorique, les théories du marché du travail des années 80 ont rendu
possible la représentation d'un marché dual en donnant des fondements à la rigidité des
salaires dans le secteur primaire et donc au rationnement de l'emploi dans ce secteur et au
différentiel de salaire persistant entre les deux secteurs.
. ( .
1 DICKENS W. et LANG K., (1985).
2 Voir SUMMERS, (1986) polir le cas essentiel des Etats-Unis.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

192
Deuxième partie
L'intérêt que nous portons aux enjeux et fondements de ces aspects théoriques réside
dans leur pouvoir explicatif de la persistance de deux secteurs dans les économies sous-
développées. La représentation du dualisme du marché du travail est-il théoriquement
possible dans ces économies à partir de ces théories? Ceci revient à poser le problème sous
deux angles. D'une part, comment le secteur primaire peut-il être caractérisé par de hauts
salaires et un rationnement de l'emploi alors qu'il coexiste sur le marché du travail avec un
secteur qui fonctionne de manière concurrentielle et ne présente donc aucune barrière à
l'entrée? D'autre part, ell considérant le premier aspect du problème résolu, comment peut-
il exister du chômage dans ce type d'économie dès lors que tout travailleur qui le désire
peut trouver un emploi dans le secteur secondaire ? On peut ajouter un aspect de la
situation actuelle de cet intérêt, c'est celui qui pourrait expliquer pourquoi les entreprises
face à une offre de travail abondante n'ajustent-elles pas les salaires à la baisse pour
minimiser leur coût direct de production en même temps qu'elles augmentent le niveau de
l'emploi.
A partir de la théorie néoc1assique, il semble à priori difficile de représenter le dualisme
du marché du travail, et, en particulier, d'expliquer la répartition des travailleurs ayant des
caractéristiques productives identiques entre le secteurs primaire et le secteur secondaire. TI
est moins évident de justifier les différences de salaires par le seul différentiel du capital
humain étant donné la concurrence entre les travailleurs.
Les extensions uéoclassiques' du marché du travail, en donnant des fondements à la
rigidité des salaires peuvent expliquer le rationnement des emplois et les salaires élevés dans
le secteur primaire : il s'agit des théories du salaire d'efficience et la théorie des contrats
implicites. A partir de cet ensemble de théories, il est nécessaire de comprendre la logique
qui sous-tend la coexistence de niveaux de salaires élevés dans un secteur et de situations de
chômage involontaire par des comportements rationnels de la part des travailleurs. Suivant
1 Nous
entendons par extensions néoclassiques, l'ensemble des théories qui, par assouplissement des
hypothèses du modèle de base se donnent pour objectif d'expliquer la relative stabilité des salaires dans un
contexte économique défavorable. Nous ne développons que les deux théories qui nous intéressent dans le
cadre de cette étude car on pourrait ajouter: la théorie de l'opposition insiders/outsiders, les théories de la
négociation, ces deux théories se trouvant il la fois dans le prolongement et à la marge des approches du
salaires d'efficience et des contrats implicites. Pour une présentation de l'ensemble de ces théories, voir
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capftal humain, salaires et segmentation du marché du travail
193
qu'on se situe du côté des firmes ou des salariés dans leur intérêt à la constitution de
marchés internes, les théories du salaire d'efficience donnent aux firmes tout le pouvoir sur
le marché du travail, au contraire de la théorie des contrats implicites qui laisse aux salariés
IDI pouvoir important, quelque fois total dans la détermination du salaire.
1- L'intérêt des firmes à la constitution de marchés internes: La
théorie du salaire d'efficience.
Le point commun de toutes les approches en termes de salaire d'efficience réside dans
l'existence d'une relation croissante entre salaire réel et productivité individuelle. Dans ce
cas, les firmes ont intérêt à fixer un salaire supérieur à celui qui équilibrerait le marché du
travail, puisque toute réduction du salaire entraînant des pertes de productivité plus que
proportionnelles, accroît le coût du travail'.
Ainsi pour les auteurs (AKERLOF, 1984 ; STIGLITZ, 1984 et YELLEN, 1984)
suggérant que le dualisme du marché du travail peut être représenté par les théories du
salaire d'efficience, la relation entre le salaire et la productivité joue un rôle important dans
la détermination du salaire du secteur primaire, mais n'a que peu, ou pas du tout,
d'importance dans le secteur secondaire.
A. L'analyse initiale de H. LEIBENSTEIN
1. L'explication du lien salaire-productivité
Dans son ouvrage de 1957, Economie Backwardness and Economie Growth consacré
au fonctionnement des économies en développement, LEIDENSTEIN soutient que « la
production individuelle est une [onction croissante du salaire réel» (mesuré par exemple par
la ration alimentaire que reçoit chaque travailleur). La productivité d'un travailleur, c'est-à-
dire leflort qu'il est capable de produire dépend de l'énergie qu'il a emmagasinée et de son
état de santé.
1 Voir AKERLüF et YELLEN, (1986) ; KATZ, (1986).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

194
Deuxième partie
La justification est directement biologique puisqu'elle consiste à constater qu'un
travailleur correctement rémunéré peut suffisamment s'alimenter et ainsi apporter un travail
plus productif Malgré sa grande évidence, sa démonstration remet en cause la relation entre
productivité et salaire du modèle néoclassique, qui rappelons-le ajuste le taux de salaire à la
productivité marginale du facteur travail. Ici la causalité est inversée comme nous l'avons
déjà souligné: la productivité individuelle pour LEIBENSTEIN est une fonction croissante
du salaire. Ainsi sur la base du constat que des combinaisons identiques des facteurs de
production génèrent des volumes d'outputs assez dissemblables, LEIBENSTEIN1 définit
donc la notion d'efficience-X. Celle-ci rassemble les causes non mesurables de l'efficacité
d'une combinaison de facteurs, et au premier rang d'entre elles la motivation des
travailleurs. Son analyse repose donc particulièrement sur la valeur nutritive des aliments
consommés par les travail1eurs et leur effet sur les facteurs déterminant leur effort. Ces
effets peuvent se décomposer en deux parties:
Tout d'abord, les relations existant entre le niveau de revenu d'une personne et son
niveau de nutrition, J'auteur, en faisant référence aux besoins nutritionnels indispensables à
l'équilibre physique de tout individu, conclut que la valeur nutritionnelle de l'alimentation
était une fonction monotone croissante du niveau de revenu de la personne. D'autres études
confirmeront ce résultat surtout celles de l'Organisation pour l'Alimentation et l'Agriculture
(F.A.O) montrant l'influence importante du niveau de revenu sur la santé.
Ensuite, le lien entre nutrition ct productivité. LEIBESTEIN insiste sur l'existence
d'une quantité de calories nécessaires pour l'accomplissement d'une journée de travail
normale. Ainsi, il a été montré qu'une personne ayant un manque de calories par rapport au
niveau nécessaire pour l'accomplissement de certaines tâches, va effectuer un travail plus
lent et de moins bonne qualité' que ce qu'elle serait capable de faire dans de meilleures
conditions nutritives'.
1 LEIBENSTEIN, (1966)
2 Voir R. K. MUKERJEE cité dans H. LEIBENSTEIN, (1 1)57).
] Une étude dans le secteur de la construction en Allemagne a été réalisé par P. KRANT et E. MULLER
citée dans H. LEIBENSTEIN, (1957).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
195
Ces divers arguments montrent le lien qui existe entre le niveau de revenu d'un individu
et la production qu'il réalise et qu'au moins jusqu'à un certain point, la quantité de travail
effectivement réalisée va avoir tendance à augmenter avec le salaire versé par l'employeur.
Une
augmentation
de
salaire
par
travailleur
augmenterait
l'efficacité
plus
que
proportionnellement Ù l'uugmcntatiou de salaires, si bien que les coûts de salaires par unité
de travail baissent.
A partir de ce cadre d'analyse, H.
LEIBENSTEIN donne une explication du
comportement salarial des propriétaires fonciers et de la persistance dans le secteur rural
d'un nombre important d'individus en situation de chômage déguisé dans les économies
sous-développées. En faisant l'hypothèse que les travailleurs sans emploi ont un poids
suffisamment important pour entrer en concurrence avec les travailleurs employés, ceci
pourrait faire chuter les' salaires si ces chômeurs étaient embauchés. On voit donc que selon
l'auteur, l'existence d'un chômage déguisé dans le secteur rural des pays en développement
est le fait des propriétaires fonciers. Il se produit chaque fois que ceux-ci ont intérêt à
consentir des salaires supérieurs à la productivité marginale des travailleurs, pour éviter une
pression des salaires à la baisse et pour obtenir un produit plus important.
L'évolution des conditions de travail ainsi que de nouveaux aspects du marché du travail
dans les économies sous développées amènent de nombreux auteurs à reprendre les travaux
I
précurseurs de LElliENSTEIN et à élargir dans un cadre plus général qui est celui de la
relation entre le salaire et l'effort consenti par le travailleur.
2. La relation entre effort, salaire et détermination du salaire d'efficience
L'analyse qui suit découle en partie de 1. E. STIGLrrZ2. Considérons une fonction de
production de type classique qui peut s'écrire de la façon suivante:
x = f(K, T)
(74)
J On peut citer: J. A. MIRLEES and L. G. REYNOLDS (1975) ; J. E. STlGLlTZ (1976) et (1982), et M.
GERGOVITZ (Il)H l).
l
II s'agit d'une synthèse de celle analyse telle que présentée par GUILLEMIN H. et MOULE M. (1993).
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196
Deuxième partie
avec x la quantité de biens produits, T le facteur travail et K le facteur capital.
Sur le court terme, il n'est pas déraisonnable de considérer que le facteur capital est
fixe, ce qui permet de simplifier la fonction de production qui devient:
x =f(1')
Si l'on prend en compte non seulement le volume de travail mais l'effort que veulent
consentir les travailleurs, il faut adjoindre à T un autre élément représentant l'effort', soit e
cet élément, on aura:
x =f(e T)
(75)
Nous avons vu également que le niveau de l'effort était lié au niveau de la
rémunération, e est donc une fonction croissante du salaire soit e = e (w), ce qui donne la
fonction de production:
x = f[e(w) Tl
(76)
Nous pouvons maintenant calculer le salaire qui maximise la fonction objectif de la
firme.
En supposant que les seuls coûts supportés par l'entreprise sont les coûts salariaux,
nous aurons:
p = x - wT, P étant le profit de l'entreprise
P =f [e(w) Tl - wT qu'il faut maximiser, soit
T [f'(e (w) Tl e' (w) - T = 0
J' [e(w) rt e '(w) = 1
(77)
j' [e(w) Tl e(w) = w
j' [e(w) Tl = lV 1 e(w) que l'on reporte dans l'équation (77), soit:
e '(w) w le(w) = 1
(78)
1 Cet effort peut être caractérisé par ce que Patrick Guillaumout appelle la propension à l'effort efficace.
Voir P. GUILLAUMONT,( 1976).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
197
W·, le salaire optimal ou salaire d'efficience est le salaire qui satisfait l'équation 78.
Nous remarquons que cette équation Ile dépend que de e(lv), ce qui veut dire que le salaire
d'efficience est indépendant des conditions du marché du travail L'entreprise cherchera à
maximiser le rapport entre l'effort produit par le travailleur et le coût du travailleur e(w) w,
ou ce qui revient au même à minimiser le coût par unité efficace W / e(lv).
Nous pouvons représenter cette situation par la figure suivante:
Figure 21 : La relation entre effort salaire dans la détermination du salaire d'efficience.
e(w)
e(w)
w
_ _-e(w)
w*
w
Source: Guillemin li. et Moule M. (/993).
La relation entre l'effort et le taux de salaire souscrit parfaitement aux hypothèses
habituelles de croissance puis de décroissance des rendements. Au-delà d'un certain niveau
de salaire, le rapport entre l'effort et le salaire décline. Le point S sur la courbe correspond
à cet infléchissement et indique par conséquent le salaire (w· salaire d'efficience) où le
rapport entre l'effort et la rémunération est le plus élevé (e(w) / w). A ce niveau de salaire,
l'entreprise embauchera une quantité de travailleurs r (il s'agit de la quantité de travailleurs
correspondant Ù llll niveau de salaire Hi") telle que la productivité marginale d'une unité de
travail soit égale au salaire réel de l'unité efficace, soit:
f' /l'(w) 1'/ . IV· / l'(lI')
(79)
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

198
Deuxième partie
En cas de diminution de la demande de produits adressée à l'entreprise, celle-ci n'aura
pas intérêt à baisser les salaires, puisque cela entraînerait simultanément une baisse de
l'effort et donc de la productivité du travail. La solution résiderait dans un licenciement
d'une partie des effectifs.
L'étude des conséquences de l'hypothèse du salaire d'efficacité, telle que nous venons
de l'exposer remet en question la pertinence des fondements théoriques. On peut aussi
constater que les résultats ont toujours été obtenus sous certaines conditions réductrices.
On peut évoquer la relativité des résultats suivant que les entreprises aient des objectifs
d'efficacité ou d'équité', comme le confirme d'une manière générale les controverses du
point de vue des vérifications empiriques.
3. Les limites des vérifications empiriques.
Quelques tentatives visant à mesurer la portée empirique de la théorie que nous venons
de présenter ont été faites'. Ces études ont l'avantage d'avoir été réalisées dans un niilieu
semblable (population rurale ayant des niveaux de revenus suffisamment bas), mais avec une
différence fondamentale au niveau de la taille des échantillons utilisés (une soixantaine de
ménages pour l'étude de RODGERS, et quatre mille neuf cents ménages pour celle de
BARDHAN), ce qui peut à notre avis être l'une des causes des résultats contradictoires
obtenus. Les deux études obtiennent des résultats relativement différents. Alors que pour la
première étude, l'auteur déclare que le marché du travail qu'il a étudié opère d'une façon
compatible avec l'hypothèse d'un salaire déterminé par des
facteurs nutritionnels,
BARDHAN reste beaucoup plus sceptique. Quoique certains de ses résultats restent en
accord avec la théorie (en particulier le fait que les travailleurs permanents doivent avoir des
niveaux de consommation supérieurs à ceux des travailleurs occasionnels), un certain
nombre d'implications de la théorie du salaire d'efficience est beaucoup moins en rapport
avec ses résultats. En particulier, BARDHAN trouve une variabilité des salaires des
travailleurs occasionnels relativement forte avec le niveau de la demande de travail et des
1 Sm ce JX>1Il1, voir J. E STIGLITZ (1')X2) dans louvrage de I{. Il Sabot.
2 G. B. RODGERS (1975) et P. K. BARDHAN (1979).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
199
forts écarts de salaires mensuels entre des travailleurs permanents ayant des niveaux de
consommation comparables. On peut, à partir de ces résultats et de la présentation de la
théorie, dégager quatre difficultés au niveau de la vérification empirique:

la détermination du salaire d'efficacité, dans la mesure où celui-ci va dépendre de la
capacité de travail et du revenu réel de chaque individu, éléments qui risquent de varier en
particulier avec le nombre de personnes dépendantes au sein du ménage,

l'homogénéité de la durée journalière de travail, il y a en effet, un certain nombre
d'individus travaillant uniquement des demi-journées suivant qu'il s'agit d'une période de
plein travail ou pas,

le paiement pendant certaines périodes d'une partie du salaire en nature et à la pièce,
ce type de paiement se rencontre dans les activités où la vitesse de réalisation est cruciale et
où l'employeur se trouve incapable de supporter le coût de l'instauration des salaires
d'incitation,

enfin, la fixation des niveaux de salaires en partie sur la base d'arrangement plus ou
moins institutionnels.
Avec la théorie du salaire d'efficience, apparaît donc une dimension intéressante du
facteur travail : mesuré jusque-là (dans le cadre de l'économie néoc1assique) par son
volume, il est maintenant caractérisé par son intensité et sa qualité. Ce principe de base est
donc extrêmement important dans l'analyse du marché du lravail ; sous cette forme, il laisse
insatisfait. Si l'on peut admettre la validité de la thèse « nutritionniste» proposée par
LEIBENSTEIN dans le cas du marché du travail rural, toutefois il est difficile de transposer
ccl argument dans le secteur moderne de l'économie, d'où la nécessité de s'appuyer sur
d'autres fondements. En outre, l'existence et la forme de la relation salaire-productivité sont
postulées dans l'analyse de LEIBESTEIN, ce qui laisse ouverte la question des fondements
théoriques que peut recevoir une telle relation. De ce point de vue, diverses pistes ont été
explorées dans la littérature, on peut distinguer celles qui reposent sur des arguments
« réels» et celles qui mettent l'accent sur des asymétries informationnelles entre employeurs
et employés.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

200
Deuxième partie
B. Les fondements cc réels )) du salaire d'efficience
Dans le cadre d'une économie bien structurée, une justification de la relation salaire-
productivité, et donc d'un salaire d'efficience, consiste à prendre en compte « les coûts de
rotation de la main-d'oeuvre». Un modèle représentatif de cet axe fait l'objet de notre
premier élément d'analyse'.
;
1. Le salaire d'efficience et les coûts de rotation de la main-d'oeuvre.
L'hypothèse de base du modèle de rotation de la main-d'oeuvre réside dans l'existence
des coûts d'embauche et de formation supportés par l'entreprise. On peut ajouter les coûts
de licenciement qui comme les deux premiers, viennent augmenter le coût du travail. Le
travail devient alors un facteur « quasi fixe »2, avec l'idée de départ' que les coûts du travail
ne sont pas proportionnels aux quantités de travail, parce que les coûts ne se réduisent pas
aux salaires. n devient dans l'intérêt de la firme de diminuer les mouvements de la main-
d'oeuvre. Pour saisir la portée de ce phénomène, il faut comprendre que ces différents coûts
sont liés à la rotation de la main-d'oeuvre. Nous désignerons par coût de rotation, ou «coût
de tum-over », le coût lié au remplacement d'un travailleur qui quitte la firme par un autre
en supposant qu'ils aient à priori des caractéristiques productives identiques c'est-à-dire
qu'ils ont les mêmes aptitudes, qu'ils fournissent le même niveau d'effort, et que leurs
productivités sont identiques.
Lorsque l'entreprise subit des coûts de rotation, celle-ci se trouve placée devant
l'arbitrage suivant : des salaires trop faibles réduisent le coût direct en travail, mais
augmentent la rotation de la main-d'oeuvre, en provoquant le départ de certains travailleurs
ce qui entraîne pOlIT la finne un coût de rotation supplémentaire.
Considérons tout d'abord une firme prise
isolément.
L'employeur connaît les
rémunérations proposées par toutes les autres finnes dans l'économie (ce que nous appelons
1 Nous nous limiterons dans le cadre de cette étude à l'exposé de l'approche, pour le modèle proprement dit,
voir Stiglitz 1974, ou S. Salop 197C)
2 WALTER Di, (1962).
3 Cf. B. GAZIER, (1991).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
201
salaire de marché), ainsi que le comportement de mobilité de ses travailleurs: admettons par
exemple que ceux-ci quittent d'autant plus volontairement l'entreprise considérée que celle-
ci propose un salaire inférieur au salaire de marché. Ce comportement sera représenté dans
un modèle formalisé, par une « fonction de départ» (ou « taux de rotation», ou encore
« quit rate»). Le taux de rotation et donc le coût de rotation croissent alors tous deux avec
l'écart entre le salaire de marché et celui qu'offre l'entreprise, ou différentiel de salaire.
Les deux cas polaires de l'arbitrage auquel fait face la firme sont les suivants:

la firme peut laisser partir tous ses travailleurs en proposant un salaire très faible au
regard du salaire de marché, ce qui maximise les coûts de rotation et abaisse le coût direct
de travail;

elle peut à l'inverse retenir tous ses employés en leur offrant lill salaire très supérieur
à celui du marché : cet avantage dissuade les travailleurs de chercher un emploi ailleurs et
annule les coûts de rotation. C'est donc le coût direct en travail qui se trouve cette fois très
élevé.
Selon l'ampleur des coûts de rotation, la firme aura intérêt à choisir un niveau de salaire
intermédiaire pour lequel un certain nombre de travailleurs vont choisir de quitter
l'entreprise.
Os seront
remplacés
moyennant
le paiement
des
coûts de
rotation
correspondants. Les autres préfèrent rester attachés à la firme et recevoir le salaire ainsi
fixé. On voit que le niveau de rémunération résultant de cet arbitrage possède les propriétés
du salaire d'efficience. Tout d'abord, la firme n'a pas intérêt à abaisser son salaire en
dessous de cette valeur ; cela réduirait ses coûts directs en travail, mais augmenterait de
manière excessive les coûts de rotation de la main-d'oeuvre. Ensuite comme le salaire est
déterminé essentiellement par la forme de la fonction de départ et par l'ampleur des coûts
de rotation, il ne traduit pas la « valeur de marché» du travail : à ce niveau de salaire, il se
peut que la firme embauche un nombre de travailleurs inférieur à celui qu'elle choisirait dans
des conditions parfaitement concurrentielles, c'est-à-dire en l'absence de coût de rotation.
Un salarié peut-il dans ce contexte convaincre la firme de l'embaucher en acceptant UI1
salaire inférieur? Comme Ull salaire plus faible conduirait à une augmentation des coûts de
,;
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

202
Deuxième partie
rotation au-delà de leur niveau optimal, la firme ne peut trouver profitable d'augmenter
l'emploi en baissant les salaires. Le raisonnement qui vient d'être fait montre ainsi que, dans
ce contexte d'équilibre individuel, une entreprise subissant des coûts de rotation de sa main-
d'oeuvre aura tendance à élever le salaire qu'elle propose vis à vis de celui de ses
concurrentes, de manière à retenir la proportion souhaitable d'employés. Il est clair que
l'écart de salaire qu'engendre une telle politique salariale est d'autant plus important que les
travailleurs sont sensibles à l'attrait de rémunérations plus élevées ailleurs dans l'économie,
ce qui traduit la fonction de départ.
Qu'advient-il de ce raisonnement lorsqu'on s'intéresse à l'ensemble des firmes
présentes dans l'économie? Supposons encore les firmes toutes identiques: cela signifie en
particulier que la fonction de départ ainsi que les coût de rotation sont les mêmes pour
toutes.
Comme précédemment, chaque firme choisit le salaire qu'elle propose, en
considérant les salaires offertes par les autres comme donnés '.
L'identité des firmes assure que chacune choisit alors le même niveau de salaire: l'écart
de salaire qui serait dans le cas de la firme isolée, à retenir les travailleurs est nul. Le
comportement de rétention de main-d'oeuvre ne passe donc plus par un taux de salaire
supérieur à celui des firmes concurrentes. En revanche, la détermination simultanée des
salaires par les firmes soumises à des coûts de rotation (équilibre de Nash dans le choix de
salaires) conduit à un salaire supérieur au salaire concurrentiel, c'est-à-dire à celui qui
égaliserait offre et demande de travail. Il en résulte qu'un niveau de chômage positif
apparaît: c'est par ce moyen que les firmes vont maintenant retenir les travailleurs dans la
proportion qu'elles désirent.
En effet, dans un univers supposé parfaitement concurrentiel, un travaiHeur qui quitte sa
firme trouve immédiatement un autre emploi, puisque le chômage est théoriquement nul
dans une telle économie. La mobilité des travailleurs se traduit donc simplement par un flux
d'entrée et de sortie de chacune des filmes, celles-ci substituant sans coût un « entrant » à
un « sortant ».
1 Dans le language de la thérie des jeux, cela revient à dire que les salaires qui vont s'imposer à l'équilibre
forment un équilibre de Nash, c'est-à-dire dans lequel chaque firme choisit son propre niveau de salaire en
considérant les salaires offerts par les autres firmes comme donnés.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capftal humain, salaires et segmentation du marché du travail
203
En présence de coûts de rotation, les firmes subissent un coût de substitution
lorsqu'elles doivent remplacer un employé, ce qui rend avantageux des comportements de
rétention de main-d'oeuvre. Pour une firme isolée, il suffit de proposer un salaire supérieur
au gain qu'un travailleur sortant peut obtenir ailleurs pour décourager la rotation de la
main-d'oeuvre. Ce mécanisme constitue donc une « incitation» pour les travailleurs à rester
dans la firme où ils se trouvent, et amène les coûts de rotation à leur niveau optimal.
Comme le salaire qui s'impose dès lors dans l'économie est optimal pour les firmes,
puisqu'il maximise leur profit étant donné la forme des coûts qu'elles subissent, celles-ci ne
sont pas prêtes à abaisser les salaires pour accroître l'emploi. Le chômage est donc
involontaire.
2. Une approche sociologique du salaire d'efficience
L'idée centrale du modèle d'AKERLOF tel que dans «Gift Exchange and Efficiency
Wage Theory : Four Views »! et «Labor Contracts as Partial Gift Exchange »2 repose sur
l'idée que l'efficacité productive d'un salarié dépend en grande partie de son sentiment
d'être «bien traité» par l'employeur. L'entreprise est définie comme un ensemble de
travailleurs ayant des performances hétérogènes parce que certains ont un comportement de
rejet vis-à-vis du travail et que d'autres se font un devoir de dépasser les normes moyennes
de production. Dans ces conditions, offrir un salaire supérieur au salaire de réservation
constitue de la part de l'employeur une gratification susceptible d'inciter les travailleurs à
fournir
un niveau
d'effort
important.
L'aspect
«sociologique» des considérations
développées par AKERLOF vient essentiellement du fait que les travailleurs adoptent à
l'égard de l'effort au travail, un comportement Cil partie dicté par cc qu'ils pensent être la
norme du groupe auquel ils appartiennent.
Le modèle de AKERLOF met en présence des travailleurs qui choisissent chacun le
niveau d'effort individuel qu'ils mettent en oeuvre et une firme. Deux types d'individus sont
1 AKERLOF (1984).
2 AKERLOF (l9K2).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

204
Deuxième partie .
présents dans l'entreprise: les premiers retirent une satisfaction à fournir un effort supérieur
à la nonne du groupe, tandis que les seconds subissent plus classiquement une désutilité de
l'effort et ont donc tendance à choisir un niveau inférieur d'effort. Observant le
comportement de ses travailleurs, la firme détermine la norme de productivité.
AKERLOF suggère que l'entreprise ne retire pas d'avantages à imposer une norme de
production qui corresponde exactement aux capacités de chacun; il propose au contraire la
fixation des nonnes inférieures, pour chacune des catégories de travailleurs, qui leur
donneront le sentiment d'être bien traités (ou bien des salaires supérieurs à la nonne). En
retour, cette gratification engendre un intensité de l'effort accrue. Se met ainsi en place un
mécanisme lié à la perspective de long terme dans laquelle s'inscrit la relation d'emploi, au
cours de laquelle « dons» et « contre dons » vont assurer l'échange de salaires et de niveau
d'effort supérieurs à leurs valeurs concurrentielles. En d'autres termes, les travailleurs se
feront un devoir de dépasser les objectifs assignés, individuellement et collectivement, les
plus performants compensant le déficit des autres, donc le don de la nonne minorée est
compensée par le contre don de l'élévation de l'effort de chacun.
Cette approche s'éloigne pour deux raisons au moins de la démarche néoclassique
standard: d'une part en abandonnant la démarche strictement individualiste (référence aux
comportements collectifs d'entraide) et d'autre part en inscrivant les comportements des
individus et des groupes sur une période assez longue (nécessaire à la mise en place et à la
compréhension des mécanismes de dons et de contre dons).
Bien qu'un des buts du modèle sociologique soit d'expliquer la distinction entre secteur
primaire et secteur secondaire, une des limites de celui-ci réside dans le fait qu'il ne justifie
pas l'existence « effective» du salaire d'efficience dans le secteur secondaire pour deux
raisons. D'une part, il ne se situe pas dans la même logique que les autres approches du
salaire d'efficience puisqu'il n'en recherche pas les fondements dans un principe de
maximisation des utilités individuelles; d'autre part, les facteurs sociologiques aboutissant à
la constitution de marchés internes sont certainement plus facilement appréhensives dans le
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
205
cadre formel de la théorie des négociations salariales, si l'on considère que les institutions
collectives permettent d'opter pour une stratégie de « prise de parole 1.
3. Les fondements informationnels du salaire d'efficience: les modèles
d'incitation.
Dans l'analyse des liens salaire-productivité, une variante de modèles explicatifs est
celui relatif à l'incitation. Cette classe de modèles est désignée sous ce terme (théorie des
incitations) parce qu'elle justifie la logique des entreprises à adopter des salaires supérieurs
au salaire walrasien. JI s'agit de l'ensemble des méthodes et concepts qui permettent
d'analyser des situations dans lesquelles non seulement les agents n'observent pas
parfaitement toutes les caractéristiques de leur environnement, mais encore où l'information
est asymétrique: certains agents bénéficient d'un avantage infonnationncl sur d'autres.
Le modèle à l'aide duquel on étudie ces situations est appelé « modèle de
principal/agent ». Le principal est non informé, tandis que l'agent dispose d'une information
privée sur certaines variables.
Pour que se pose un problème d'incitation, il faut que la satisfaction du principal
dépende de l'information cachée. Cette description très générale recouvre en réalité deux
classes de situations qu'il est pertinent de distinguer, leur résolution relevant de méthodes
fort différentes. Il s'agit de la sélection adverse et du risque moral (où entrent les modèles
de « shirking » ou tire au-flanc).
a. Le modèle de sélection adverse
Dans le modèle de sélection adverse", on suppose que les performances des travailleurs
dépendent de certaines caractéristiques exogènes dont ils sont dotées de manière
hétérogène, et que les firmes ne disposent pas d'information parfaite sur ce type de
caractéristiques. Sur le marché du travail, ces informations concernent fréquemment les
aptitudes (la qualité, le type) du travailleur. L'entrepreneur sera naturellement tenté d'inciter
1 Pour une approche de ce type, cfFREEMAN et MEDOFF, (1980,1984), et CAHUC, (1988).
2 Cf. STIGLITZ, (1976), MYERSON, (1979), WEISS, (1980), MALCOMSON, (1981).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

206
Deuxième partie
le travailleur à révéler celles-ci en lui proposant un salaire incitatif, un salaire d'efficience.
Le salaire sera IUle composante essentielle d'WI contrat plus large visant en sorte que le
travailleur joue franc-jeu avec l'employeur. On parle de contrats révélateurs et de principe
de révélation (MYERSON, 1979). L'employeur n'aura pas intérêt à minorer le salaire
proposé à l'employé puisque la productivité du travailleur dépendra de ce salaire. De même,
le travailleur n'aura pas intérêt à masquer ses aptitudes puisque sa rémunération est fonction
de ce qu'il révèle à l'employeur. L'agent envoie au principal un signal sur ses aptitudes qui
servira de base à l'élaboration du contrat de salaire.
Cela peut se traduire de la manière suivante.
Soit a les aptitudes du travailleur, x le volume de production, w le salaire, S la
satisfaction du travailleur et P le profit de l'entreprise.
Le volume de production est fonction des aptitudes:
Q = x(a)
(80)
Le profit de l'entrepreneur dépend de la production et des frais salariaux:
P = x(a) - w
(81)
La satisfaction du travailleur est fonction de ses aptitudes et de son salaire:
S = S (a, w)
(82)
Le principal devra tenter d'obtenir le niveau de a, l'agent lui annoncera qui servira de
références à la détermination de S :
w =w (a)
(83)
Le contrat révélateur des aptitudes du travailleur devra être tel que:
S [w (a), al soit supérieur ou égal à S [w (a), al
Le salaire proposé devra, pour être accepté par le salarié, se situer à WI niveau au moins
équivalent à ce qui est proposé dans les autres entreprises.
Il en ressort que l'agent n'a pas intérêt à cacher une partie de ses aptitudes.
Dans les faits, l'agent ne révèle pas un niveau d'aptitude mais émet des prétentions
salariales qui sont interprétées par le principal comme un signal sur les aptitudes. Le
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
207
principal saura qu'en augmentant ses propres propositions salariales, il se donnera accès à
une main-d'oeuvre plus qualifiée et donc susceptible d'améliorer la productivité. En
d'autres termes, nous pouvons poser le problème en termes de contraintes incitatives de la
part de l'agent et du principal.
Désignons par e le type de l'employé. Cette caractéristique de l'agent a une incidence
direct sur le niveau de la production Y(e). L'utilité U de l'agent dépend de la rétribution que
lui offre le principal, s, ainsi que de son type, e. S'il gagne s et qu'il est du type e, l'agent
obtient ainsi U (s, e).
Le gain du principal, V, dépend de l'output net de la rétribution de l'agent, soit:
y (e) - S
(84)
Comme le principal ne peut observer directement le type de l'agent, la rétribution ne
peut dépendre directement de son type, mais seulement d'un «signal» de celui-ci. Le
principal peut, par exemple demander à l'agent de lui annoncer la valeur de e.
Soient:
la valeur annoncée par l'agent,
ê
s (ê) une fonction de ê
d'après la définition précédente, un contrat révélateur possède la propriété suivante:
U [s (e), eJ :è [s (ê), eJ pour tout e et tout
différent de e.
ê
Ce qui exprime bien le fait que la rationalité individuelle de l'agent le pousse à annoncer
e quand il est de type e, et non un type différent, ê.
Ces inégalités sont appelées des contraintes incitatives.
Pour que l'agent accepte le contrat proposé par le principal, il faut qu'il ait intérêt à le
faire, c'est-à-dire que le contrat lui procure une utilité au moins aussi élevée que ce qu'il
obtiendrait ailleurs, soit l1u. Celle contrainte dite de « participation» s'exprime simplement
sous la forme de l'inégalité suivante:
U f~' (e), eJ :è u, pour tout e.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

208
Deuxième partie
Enfin, le choix du contrat s(e) doit maximiser l'espérance de gain du principal ; soit V [y
(e) - 8 (e)j cette utilité.
L'espérance est calculée par rapport à la distribution à priori sur e, ce que nous notons:
e. V [y (e) - s (e)].
Finalement, un contrat est l'issue de ce problème d'incitation s'il est solution de :
Max E, V [y (e) - 8 (e)j par rapport à s(e),
U [s (e), ej ~ U [8 (ê), ej
V [s (e)) 2 u;
Quelle est la logique des firmes dans la fixation des salaires si elles ont pour objectif
d'améliorer la productivité des travailleurs et de pouvoir embaucher ceux-ci en réduisant
l'imperfection des informations sur leur type?
Comme le montre WEISS" l'adéquation du candidat à l'emploi proposé, ses capacités,
son niveau de formation demeurent pour une large part inconnus de la firme qui
l'embauche. Si ces caractéristiques de la main-d'oeuvre constituent un facteur important de
la productivité du travail, l'employeur a intérêt à obtenir des informations sur les aptitudes
des candidats, ce qui peut se révéler extrêmement coûteux (comme le témoigne de cet
intérêt la batterie de tests que les recruteurs mettent en oeuvre pour tenter de connaître avec
plus de précision ces caractéristiques). WEISS résout ce problème de sélection adverse
auquel avaient à faire face les entreprises à l'aide d'un mécanisme auto-révélateur des
niveaux de productivité. Il se basait sur une idée simple : en offrant des salaires élevés,
supérieurs au niveau d'équilibre du marché, l'entreprise attirait une proportion plus
importante d'individus ayant une productivité élevée, augmentant de ce fait la productivité
moyenne de sa main-d'oeuvre.
Dans le modèle étudié par WEISS, les productivités individuelles sont considérées
comme données de façon exogène.
1 WEISS, op. cit.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
209
1. M. MALCOMSON I aborde le problème sous un angle différent : il prend en compte
le fait que l'employé peut en quelque sorte moduler son effort en rendant ainsi sa
productivité effective dans l'emploi, variable et déterminée de façon endogène au modèle.
Dans ce cas, le modèle ne se base plus sur des mécanismes auto-révélateurs, mais plutôt sur
les effets incitatifs produits par les contrats, contrats qualifiés d'incomplets et surtout
renouvelables.
Supposons maintenant que les postulants à l'emploi annoncent à l'employeur un salaire
de réservation, en deçà duquel ils refuseront l'emploi proposé. L'employeur peut interpréter
la valeur de ce salaire minimal comme signal partiellement révélateur de la qualité du
candidat. En termes plus formels, cela revient à dire que le salaire de réservation annoncé
est une fonction croissante des aptitudes.
Pour fixer les idées, admettons que la firme propose un salaire S : dans ce cas, seuls
vont accepter un emploi les individus dont le salaire de réservation est au plus égal à S. La
firme sélectionne ainsi les individus dont le salaire de réservation est compris entre 0 et S, et
donc les aptitudes appartiennent à l'intervalle correspondant.
Si maintenant, l'entreprise propose un salaire de S' (avec S' > S), eUe attire les
individus supplémentaires dont les prétentions sont comprises entre S et S', et dont les
aptitudes, suivant notre hypothèse sont supérieures à ceUes de la population précédente : en
augmentant le salaire offert, l'entreprise accroît la qualité moyenne de sa main-d'oeuvre et
donc la productivité qu'eUe peut en attendre. Le salaire offert joue le rôle d'une procédure
de sélection de la qualité des travailleurs.
Le salaire optimal qui résulte dans ces conditions de la maximisation du profit possède
toutes les propriétés du salaire d'efficience. Tout d'abord, la firme n'a pas intérêt à réduire
le salaire en deçà de ce niveau optimal : eUe réduirait l'efficacité moyenne de sa main-
d'oeuvre et abaisserait son profit. Ensuite, un travailleur qui se déclare prêt à accepter un
emploi à un salaire inférieur réduit ses chances d'être embauché, puisqu'il « signale» par là
à l'employeur des aptitudes à l'emploi limitées et donc une moindre productivité: on a là,
1 MALCOMSON, (1985).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

210
Deuxième partie
une manifestation de la sélection adverse. Enfin, le salaire d'efficience, solution de ce
problème, possède des propriétés incitatives: l'argument précédent montre qu'un travailleur
n'a pas intérêt à annoncer un salaire de réservation inférieur à sa valeur réelle ; inversement,
la firme refuse d'embaucher un travailleur annonçant un salaire de réservation «trop
élevé »,
Dans un cadre général de fonctionnement d'un marché primaire et particulièrement dans
le cas du secteur moderne du marché du travail en économie sous-développée, le modèle de
sélection adverse ne semble pas approprié. fi semble plutôt utile de comprendre pourquoi
certains groupes sont majoritaires dans le secteur primaire alors que d'autres sont confinés
dans le secteur secondaire. En effet, si les firmes ne disposent pas d'informations parfaites à
priori sur leurs candidats, elles peuvent constater ensuite l'efficacité de leur travail et les
licencier le cas échéant. Ce sont donc plutôt des considérations de risque moral, comme
celles mises en avant dans le modèle du « tire au flanc» qui donnent aux effets de sélection
adverse tout leur poids.
b- Le modèle de risque moral
Certaines défaillances dans la structure informationnelle de la relation entre employeurs
et employés sont à l'origine du paiement d'un salaire d'efficience. En général, les salariés
sont libres de choisir l'ardeur qu'ils mettent à leur travail. Les contrats de travail ne
spécifient pas le niveau exact des performances attendues par les employeurs qui restent
donc à la discrétion des salariés. Or, les entreprises ne disposent que d'informations
imparfaites sur le comportement de leurs employés et donc sur le niveau d'effort qu'ils
fournissent. Les moyens dont l'entreprise dispose pour superviser le travail des salariés sont
coûteux et non infaillibles. On se trouve alors face àun problème de risque moral justifiant
le paiement d'un salaire d'efficience: chaque firme a intérêt à verser un salaire supérieur au
salaire de marché, afin que les salariés assimilent un éventuel licenciement à une perte de
rente.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
211
Dans cette catégorie de travaux entrent les modèles de « tire-au-flanc »1.D'une manière
formelle, nous pouvons illustrer cette situation en nous inspirant de l'analyse faite par A.
PERROT2•
Supposons que la production Y d'une entreprise dépende de l'effort a mis en oeuvre par
le travailleur, et d'une variable aléatoire q : l'employeur observe le niveau de la production
y(a,q), et non l'effort du travailleur a. Par conséquent, lorsqu'il observe le niveau de
production, il ne sait évaluer ce qui provient de l'effort a et ce qui provient de l'aléa q.
L'employeur ne peut donc rétribuer l'agent en fonction de son effort, mais seulement en
fonction de la production qui est observable.
Comme l'agent se comporte conformément à sa rationalité individuelle, pour tout
contrat de salaire s(y) qui lui est proposé, il choisit le niveau d'effort qui maximise
l'espérance de sa satisfaction U. Si son utilité U[s(y)J est croissante avec la rétribution s et
décroissante avec l'effort a, le travailleur va donc choisir l'effort a qui maximise son
espérance de gain (celle-ci étant prise par rapport à la distribution de probabilité sur q) :
Max Eq U[s(y), aJ par rapport à a.
Comme dans le cas de la sélection adverse, le contrat doit être acceptable par l'agent,
c'est-à-dire lui fournir une satisfaction au moins aussi élevée que celle qu'il obtiendrait
ailleurs. Cela se traduit par une contrainte de participation qui s'écrit:
E U[s(y) , aJ ~ u,
'1
Enfin, l'employeur cherche à maximiser son espérance d'utilité par le choix du contrat.
Son gain est la production nette de la rémunération de l'agent, et son espérance de gain est
prise par rapport à la distribution de q.
Finalement, le contrat est la solution du problème suivant:
Max Eq[y(a,q) - s(y)J par rapport à s(y), avec a solution de :
Max E'I U[s(y), a] par rapport à a, et
1 Cf. CALVO, (1979), SHAPIRO et STIGLlTZ, (1984), BULOW et SUMMERS, (1986)
2 A. Penol, (1992).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

212
Deuxième partie
E{J U[s(y), al ~ o,
Le modèle de « tire-au-flanc» constitue une référence essentielle de cette approche du
salaire d'efficience.
Supposons que les travailleurs ne puissent fournir que deux niveaux d'effort: un niveau
nul eO qui conduit à une production nulle et un niveau élevé fixé positif et égal à e*. La
satisfaction de chaque travailleur s'accroît avec son salaire et décroît avec le niveau d'effort,
qui engendre pour lui une désutilité.
L'imperfection de l'information accessible à la firme fait que celle-ci ne repère pas
toujours les travailleurs paresseux : les « tire-au-flanc» ne sont détectés qu'avec une
certaine probabilité.
Pour choisir son niveau d'effort, chaque travailleur compare l'avantage qu'il retire de
deux décisions alternatives:
- fournir l'effort e* et recevoir le salaire offert par la firme,
- ne pas fournir d'effort, être éventuellement détecté et licencié.
Le gain attaché à chacune de ces décisions dépend évidemment de plusieurs variables
(qui sont considérées comme des paramètres par le travailleur) et plus précisément de la
probabilité de détection, des indemnités de chômage, du salaire offert par la firme
considérée et par les autres firmes, du taux de chômage et de la pondération des événements
futurs par le travailleur. Il s'agit donc d'un choix « intcrtcmporcl» attaché à chaque
situation et pour lequel la détermination de l'effort relève d'une décision rationnelle.
En somme, les théories du salaire d'efficience permettent d'expliquer qu'un secteur
caractérisé par de hauts salaires et présentant des barrières à l'entrée peut coexister avec un
secteur fonctionnant de manière concurrentielle. En effet, l'existence des coûts de rotation
ou le contrôle imparfait de l'effort dans certaines firmes permet de comprendre la
coexistence d'emplois stables bien rémunérés et d'emplois précaires caractérisés par de
faibles salaires. Cette approche du marché du travail permet de concevoir le différentiel de
salaire persistant entre les secteurs primaire et secondaire, ainsi que le rationnement des
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
213
emplois primaires comme résultant d'une politique délibérée de l'entreprise qui conserve
donc tout le pouvoir sur le marché du travail.
Comme pour la majeure partie des théories économiques, la validité de la théorie du
salaire d'efficience dans les pays en développement est confrontée au problème des
considérations théoriques, lesquelles créent des controverses au niveau de la pertinence des
résultats obtenus.
c. La pertinence de la théorie du salaire d'efficience dans le cas des pays
en développement

Comme nous l'avons mentionné dans l'analyse des fondements théoriques du modèle
du salaire d'efficience, ses hypothèses sont riches d'enseignements dans l'analyse du
fonctionnement et de l'organisation du marché du travail. Elles apportent ainsi un
fondement micro-économique à la discrimination et à la segmentation des marchés car les
relations salaire-productivité s'avèrent être d'intensité variable selon les caractéristiques de
la [mue ou du secteur d'activité sur lequel elle opère. Ainsi, des différence de salaires non
compensatoires', c'est-à-dire ne corrigeant pas les avantages non monétaires, sont donc
observables entre les individus initialement dotés d'un capital humain identique"
Une interprétation de la segmentation des marchés observés dans les PVD à partir des
modèles du salaire d'efficience est donc envisageable.
Cependant, si sur le fond, le problème de la minimisation des coûts d'information et de
transaction reste globalement transférable dans le cas des PVD, c'est toutefois au niveau de
la nature spécifique de la segmentation du marché du travail que l'on doit discuter les
conditions d'application de la théorie du salaire d'efficience. Ainsi, l'éclatement du marché
entre emplois public, privé et informel nécessite une analyse des interactions existant entre
ces différents marchés du point de vue de la politique salariale comme de la politique de
l'emploi.
1 ROSEN in ASHENFELTER et LA YARD (1986).
2 PERRar et ZYLBERBERG (1989).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

214
Deuxième partie
Les développements qui vont suivre partent du modèle du salaire d'efficience de base
(avec une fonction d'effort) que nous intégrerons ensuite dans une fonction de production
classique.
1. Le modèle de base1
Soit donc la fonction d'effort sous la forme :
e = e(w) .. e'(w) >= 0, el> <= 0,

e est l'effort que met l'individu dans le processus de production
w, le taux de salaire.
La fonction de production typique de l'entreprise est sous la forme :
Q = Q [L e(w), K] .. Q' > 0, Q" < 0,
(85)
Q: la production,
L: le facteur travail,
K: le facteur capital.
On considère une économie caractérisée par des entreprises ayant un stock de capital
fixe, et un taux de salaire W. L'entreprise a pour objectif de minimiser le coût moyen par
unité de production efficace C,:
.
w
mmc=--
..
e(w}
Les conditions de minimisation de premier et second ordre satisfaites nous donneur' :
We'(W} = Il
e(W}
qui est par définition l'élasticité salaire de l'effort. Cette relation, nous donne le salaire
d'efficience w*. Ce salaire minimise le coût du travail par unité efficace, et est rigide à la
baisse. Ceci peut être illustré de la manière suivante:
pour tout W < W*, l'objectif de minimisation n'est pas atteinte; donc e(W) < We '(W), il
s'en suit que
1 Il s'agit du modèle de base tel représenté par FIDELIS EZEALA-HARRISON (1988).
2 Pour le développement de ces conditions de minimisation, voir FIDELIS EZEALA-HARRISON op.cit,
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
215
e'(W)W > Ji
e(W)
II.
Ceci signifie que l'entreprise peut augmenter son taux de salaire jusqu'à atteindre w*.
La position de la courbe d'offre de travail pour w* va déterminer si la quantité de travail L·
qui en découle convient ou non à la situation du marché.
Ce modèle simplifié peut expliquer d'une part la rigidité des salaires et le chômage qui
en découle dans les pays en développement 1, et d'autre part justifier un aspect de la
segmentation du marché du travail.
2. L'application du modèle au problème de I'emplot"
Nous analyserons dans un premier temps la demande de travail pour les grandes
entreprises du secteur privé caractérisées par e '(W) > 0 et pour les autres entreprises du
même secteur pour lesquelles e'(W) = O. Nous étendrons dans un second temps le modèle
au secteur public et au secteur informel à l'intérieur de l'ensemble de l'économie.
a. Dans l'emploi du secteur privé
Considérons la figure ci-après.
1 Pour le modèle détaillé, voir FIDELIS EZEALA-HARRISSON op.cit., BAIROCH (1973), STEWART et
WEEKS (1975), BRUTON (1978) pour l'explication de la rigidité dcs salaires et Ic chômage.
2 Les développements qui suivent découlent dc EZEALA-HARRISSON op. cil.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

210
Deuxième partie
Figure 22 : Emploi et détermination des salaires d'efficience
w
C = e(W)
w
...-
-.-·.··..·····.·.·.··· ··-w * J------f--Ir--:----j
Quadrantl
Quadrant2
G
L
C
C*
o
~I
!
R
Ri
1
R*
._ j
.
R2
Quadrant3
R
Source: Fidelis Ezeala-Harrison (1988).
Le quadrant 1 montre le salaire d'efficience qui minimise le coût du travail par unité
efficace. La courbe de demande de travail DL est représentée dans le deuxième quadrant ;
elle a une pente positive pour W < W et négative pour W > W. On peut interpréter cette
courbe de la manière suivante: l'entreprise est consciente du salaire W qui maximise son
profit, par conséquent, elle paie ce salaire et utilise le travail optimal L·. L'entreprise pour
des raisons d'optimisation du travail ne paiera pas un salaire inférieure à W. Toutefois, si
pour une quelconque raison elle offre un tel salaire, clic utilisera une main d'oeuvre
inférieure à L·, et de moins en moins au fur et à mesure que le taux de salaire baisse dans la
mesure où ces bas salaires entraînent une faible productivité de la part des travailleurs.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
217
Pour des salaires supérieurs à w*, le coût du travail par unité efficace augmente dans la
mesure où l'augmentation de la productivité de chaque travailleur est inférieurement
proportionnelle à celle du salaire qui l'entraîne. En conséquence, l'entreprise croit donc que
tout travaiUeur rémunérer à un tel taux de salaire ne sera pas aussi efficient que celui
employé au taux w* d'où elle emploie moins de travail que L".
Au salaire w', la demande de travail optimal de l'entreprise est déterminée par L". Il est
supposé que, à W*, l'entreprise fait face à un certaine offre de travail. Par rapport au besoin
optimal de main d'oeuvre, elle va se situer au point G, employant L *.
Le troisième quadrant montre la courbe de revenu net qui est maximisé à L *.
Si l'offre de travail s'adressant à l'entreprise est NI, il y aura une situation d'excès de la
demande, et tous les demandeurs d'emplois seront recrutés avec toutefois un manque de
main-d'oeuvre pour l'entreprise'.
Notons qu'au taux de salaire du marché Wo, on obtient une situation d'équilibre de la
demande au point A. Mais cet équilibre est instable du fait que pour tout salaire W > Wo, le
point d'équilibre ne se déplace pas au dessus de A. Il en est de même du point B qui est un
point d'équilibre instable pour des salaires supérieurs à W*.
Cependant, si l'offre de travail s'adressant à l'entreprise est N2, il se crée une situation
de chômage involontaire. La main d'oeuvre L" est de ce fait « protégée» par le phénomène
de salaire d'efficience qui crée ainsi des barrières pour les chômeurs. Et de plus, l'entreprise
pour des soucis d'efficacité de sa main-d'oeuvre offrira des possibilités de formation interne
à ses travailleurs, ce qui ne fera qu'augmenter les barrières à l'entrée pour les chercheurs
d'emplois.
Dans le cadre de notre étude, c'est cc dernier cas qui indique une situation de
« segmentation ». Les chercheurs d'emplois auront donc plusieurs options: ils peuvent se
mettre dans le travail à propre compte dans le secteur informel ; ou se contenter des travaux
1 Sous une telle condition, la concurrence entre les entreprises va entrainer une augmentation du taux de
salaire, et les entreprises seront dans une situation de sous optimalité. Mais notre situation est par
définition, celle d' une économie ~'I surplus de main-d'oeuvre qUI prévaut des Ics pays Cil développement.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

218
Deuxième partie
occasionnels dans le secteur industriel. Cette segmentation n'est donc pas relative aux
caractéristiques des travailleurs: elle résulte du comportement optimisateur des entreprises.
Cette analyse fournit donc une base de délimitation du marché du travail en secteur
primaire (protégé) avec des hauts salaires, de bonnes conditions de travail, une faible taux
de rotation de la main-d'oeuvre, etc., et un secteur secondaire (constitué de « mauvais»
emplois de l'industrie, des emplois du secteur informel) avec des salaires bas et une rotation
de la main-d'oeuvre élevée.
b. L'emploi dans le secteur public
L'emploi dans le secteur public est caractérisé par:
e'(W) >= O.
Ceci signifie qu'il peut ou ne pas exister Wle « réponse à la fonction d'effort». Le
secteur public se distingue du secteur privé par la nature de l'environnement qui est
largement marqué par une absence des forces du marché'. Dans le secteur public, la
contrainte du profit du secteur privé n'existe pas dans la mesure où les entreprises de ce
secteur sont toujours en situation de monopole et ont leur courbe de demande inélastique.
Les entreprises peuvent offrir des salaires élevés et de bonnes conditions de travail suivant
la volonté du gouvernement sans profit ni considérations d'efficience'.
Considérons respectivemenL les cas « des salaires élevés» et de « salaires du marché ».
Cas 1 : e'(JJ? > o.
C'est le cas d'une fonction d'effort positive. A l'intérieur des entreprises publiques à
hauts salaires (avec ou sans maximisation du profit), les travailleurs tendent à accroître leur
effort et donc la productivité, ceci résultant des salaires élevés. Dans de telles circonstances,
les règles sont identiques à celles des entreprises du secteur privé à salaires d'efficience:
hauts salaires, hauts profits, et peu d'emplois. Cependant, ce résultat n'est pas observé dans
1 Voir GUNDERSON M.(1979).
2 IKPEZE N. (1978).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
219
les entreprises du secteur public des pays en développement \\. Ce qui fait croire que les
politiques d'optimisation sur le marché du travail ne sont pas suivies par les entreprises
publiques' ; d'où dans le cadre du modèle, les salaires payés par les entreprises du secteur
public sont « non-efficients» :
Wo < W.
Ceci signifie que les coûts par unité efficace ne sont pas minimisés par l'entreprise c'est-
à-dire:
~[e...:-(W-..:)_-_W4_e---:'(_W...:..::.)] < 0
(e(W»2
c'est-à-dire
e(W) < We '(W),
et par conséquent
e'(W)W
e(W)
> 1.
Ceci indique que les entreprises ont des salaires pour lesquels l'effort est élastique par
respect des fluctuations salariales, entraînant ainsi des politiques d'emploi sous-optimales:
le revenu net faible, l'emploi faible et dépendant de la politique d'emploi du gouvernement.
C'est ainsi que les entreprises peuvent décider d'offrir des hauts «salaires efficients» à
certains travailleurs sur la base des facteurs tels l'expérience, le crédentialisme" et d'autres
considérations basées sur une évaluation bureaucratique, ou aussi sur des raisons politiques.
Cas 2: e'(ff') = O.
\\ Voir FAJANA O. et lKPEZE (1975 et 1979) pour le Nigéria, REMPEL H. (1981) pour le Kenya, BERRY
R. A. (1975) pour la Colombie; HOUSE W. J. (1984) pour les pays en développement en général.
2 Ceci semble vrai dans la mesure où les entreprises publiques des pays en développement sont plus des
entreprises de redistribution de revenus, et moins des entreprises de production. Dans le cas du Cameroun,
la privatisation de la majeure partie de ces entreprises justifie cette tendance, voir Jeune Afrique n" 1824-25,
op.cit.
3 Voir HOUSE (1984).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

220
Deuxième partie
Comme nous l'avons indiqué plus haut, ceci correspond au cas où la fonction d'effort
est inexistante. L'effort positiffourni par les travailleurs n'a aucun lien direct avec le salaire.
Dans certains segments du secteur public, en général dans les services civils, la majorité des
travailleurs sont d'un niveau moyen (niveau de certificat de fin d'études primaires), et
comme des connaissances particulières ne sont pas nécessaires d'une part, et d'autre part les
entreprises n'éprouvent pas le besoin d'élever les salaires pour une grande productivité, il
existe une relation de compensation mutuelle.
c. Le marché du travail agrégé
L'analyse précédente n'a plus ou moins pris en compte que l'emploi dans le secteur
moderne. Il s'agit maintenant de voir ce qu'il en est du modèle pour l'ensemble de
l'économie (secteur moderne et secteur informel).
Nous avons distingué dans les deux secteurs précédemment étudiés des entreprises avec
salaires d'efficience et sans salaire d'efficience. En supposant une homogénéité de chaque
catégorie de travailleurs, nous pouvons obtenir la demande de travail des entreprises avec
salaire d'efficience par sommation horizontale de la courbe DL; puis en ajoutant à celle-ci la
courbe de demande (pente négative) des autres entreprises de ces secteurs, on obtient la
courbe de demande agrégée du marché du travail D"JJo comme représenté dans la figure ci-
après:
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
221
Figure 23 : La demande de travail agrégée
w
SN
w*
......
W n
.
......-......
..'
",
"
"
a····
.'
._0.'
"
.....
.............
o
L**

LN
Source: JI. Ezeala-Harrison (/988).
L ** représente les travailleurs « protégés» par les entreprises à salaire d'efficience du
secteur moderne, Le salaire W est le niveau moyen des gains dans le secteur rural et les
autres activités assimilées, et pour tout W > W la courbe d'offre de travail est la courbe à
pente positive SI. L'offre de travail global du marché est SN. La courbe D" est la courbe de
demande de travail du secteur inorganisé.
La quantité de travail L"i; est l'emploi total dans les secteurs public et privé des
entreprises sans salaire d'efficience; L **L" est l'emploi dans le secteur informel pour un
salaire égal à Wu et L"Loest l'emploi dans le secteur public avec un salaire de Wo.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

222
Deuxième partie
fi en résulte que le déterminant critique du taux de salaire dans le secteur informel (W,,),
quelque soit le niveau de sous-emploi dans ce secteur, est le taux de transfert du flux de
main-d'oeuvre du secteur agricole vers le secteur non agricole ; et les facteurs qui
influencent ce flux incluent le niveau de Wo (le niveau moyen du salaire dans le secteur
public, qui est influencé par les forces institutionnelles du gouvernement telle la législation
sur le salaire minimum).
On peut dès lors, considérer à partir de ce modèle qu'il existe une segmentation du
marché du travail due au comportement optimisateur des entreprises du secteur privé et du
secteur public qui crée un ajustement sur le marché du travail, ajustement qui se justifie par
le comportement des individus à la recherche d'emplois (développement du secteur
informel, multiplication des travailleurs occasionnels, etc.).
3. La controverse au niveau de la vérification empirique
L'une des difficultés rencontrée dans les analyses économiques est
celle du
rapprochement entre le contexte dans lequel on se situe et la validité des approches
théoriques. Le majeure partie des théories ont été conçues dans le but d'expliquer les
réalités des pays développés. Or dans les pays en développement, il s'agit d'une autre réalité
qui est bien différente. Ainsi, la pertinence d'une théorie comme celle du salaire d'efficience
se trouve confrontée au problème des lacunes des considérations théoriques qui lui-même
crée des controverses au niveau de la validité des résultats empiriques.
a Les lacunes des considérations théoriques
On peut constater deux phénomènes empiriques pertinents qui peuvent résulter de
l'application du modèle de salaire d'efficience dans le cas des pays en développement.
D'abord, l'observation des fluctuations des salaires ne dépendra pas du niveau de chômage,
mais de l'évolution (en termes de proportion de diminution) du taux de chômage. Ensuite,
les salaires devront avoir un effet sur les prix à la consommation et non directement sur les
prix des biens produits par les entreprises.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
223
L'application de ces théories fait face d'une manière générale au problème de la
segmentation du marché du travail observée dans ces pays. Les analyses empiriques
standard basées sur les différentiels de salaires ne rendent pas compte des caractéristiques
structurelles du marché du travail, qui sont en fait des facteurs affectant le niveau des
salaires au sein des entreprises. Cependant, le salaire d' efficience peut être une justification
de l'existence d'un marché du travail dual (segmentation entre par exemple lm secteur
moderne où un salaire d'efficience prévaut et un secteur informel au sens néoclassique)', et
de cette manière il peut être une véritable base à toute tentative de test empirique. Un autre
problème résultant de l'application de ces modèles réside dans le fait qu'il ne peuvent pas
être étendus au secteur informel qui se caractérise d'ailleurs par un chômage quasi-
volontaire'. Cependant, à la suite de certaines études empiriques sur les salaires, le rôle des
salaires d'efficience est en accord avec la rigidité relative du salaire dans les coûts salariaux
du secteur moderne'.
Une définition empirique convenable du salaire dans l'analyse du rôle des salaires
d'efficience constitue une issue incontournable dans le cas des pays en développement. La
présence des rigidités salariales dans le secteur moderne qui est associée avec la présence
des facteurs endogènes ou exogènes n'est pas empiriquement établie. Néanmoins, les études
concluant qu'une baisse des salaires réelles est constatée dans ces pays doivent être
examinées avec réserves". D'abord, le problème se situe dans l'observation de la flexibilité
des salaires moyens à travers l'ensemble du secteur moderne. En fait, les salaires peuvent
être flexibles dans l'ensemble si par exemple les salaires des activités informelles et du
gouvernement sont incluses, mais néanmoins rigides dans la partie du secteur moderne
produisant des biens marchands. Ensuite, les salaires pourraient baisser dans les secteurs
produisant des biens marchands ct non marchands, mais leur déclin relatif ne saurait être
suffisant pour produire une mobilité du travail substantielle. Enfin, les salaires seuls peuvent
être des indicateurs non pertinents dans l'examen du problème rigidité-flexibilité, dans la
1 Celte approche est développée par exemple par JONES (1985), BULOW et SUMMERS (1986).
2 Une justification plus détaillée de cette
lacune est faite par HALL (1975), HARBERGER (1971),
RIVEROS et LOPEZ (1990a).
3 Voir LOPEZ et RIVEROS (1990a et 199Üb).
4 Par exemple l'étude faite par LEVY el NEWMAN (1989) dans le cas de la Côte-d'Ivoire.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

224
Deuxième partie
mesure où des phénomènes compensateurs dans les coûts non-salariaux du travail peuvent
introduire une rigidité substantielle dans le coût total du travail.
b. La validité des résultats empiriques
Les études empiriques relatives au salaire d'efficience sont rares ou alors quand elles
existent, elles se sont limitées dans des analyses générales au secteur industriel'. Les études
sur les salaires ont mis plus en exergue le contexte analysant la contribution du capital
humain et bien moins les différentiels de salaires à travers la théorie du salaire d'efficience'.
On peut relever une étude appliquant directement le modèle du salaire d'efficience au
contexte d'un pays en développement. Il s'agit de celle de RaBBINS (1989) qui recherche à
travers les salaires dans le secteur manufacturier de Sâo Paulo-Brazil, la signification des
différentiels de salaires et leur corrélation avec ceux observés dans les pays industriels.
ROBBINS utilise deux phases dans l'observation des différentiels de salaires. Dans un
premier temps, les fonctions de gains sont établies dans les firmes. Dans une seconde phase,
les niveaux de salaires observés des travailleurs sont comparés avec les caractéristiques
globales de l'industrie. La régression contrôle les différences d'intensité capitalistique de la
firme, la concentration industrielle par rapport au multinationales et la modernité
technologique. Quoique reconnaissant que les différentiels de salaires sont en partie
expliqués par les différences en capital humain, il conclut que le fort lien entre la
concentration des entreprises et les salaires élevés suppose que les considérations du salaire
d'efficience sont un déterminant important dans ce supplément de salaire observé.
On peut noter aussi l'étude faite sur le secteur moderne de la Côte-d'Ivoire en 19893.
Les auteurs trouvent que la restructuration industrielle et la création de nouvelles petites
entreprises expliquent la baisse du niveau de l'emploi et la chute du niveau du capital
humain. Ils arrivent à la conclusion qu'il y a une rigidité relative des salaires dans le secteur
moderne, ce qui a pour effet une large mobilité du travail des grandes entreprises vers les
petites.
1 On peut se réferer à l'étude de SALAZAR-CARRILLO (1982) analysant la structure des salaires dans le
secteur manufacturier en Amérique latine.
2 Voir ces limites à travers les études de FIELDS (1980), RIVEROS (1992) et STELCNER (1983).
3 LEVY et NEWMAN (1989).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capdal humain, salaires et segmentation du marché du travail
225
D'WIe manière générale, le contexte économique des pays en développement rend
contestable la validité de J'hypothèse du salaire d'efficience. Comme nous J'avons mentionné
plus haut, il y a très peu d'études qui ont véritablement analysé le phénomène; certaines se
limitent tout simplement à voir le comportement des entreprises en termes d'ajustement',
Par conséquent la conclusion à laquelle on arrive souvent est que le comportement salarial
du secteur public est la source des rigidités des salaires constatés dans ces pays", A notre
avis, la pertinence du salaire d'efficience affecte plus le côté du secteur moderne privé des
économies
en
développement
qui
croit
considérablement
avec
le
processus
du
développement économique.
Même si J'hypothèse du salaire d'efficience peut être une justification de J'existence des
segments du marché du travail dans les pays en développement, elle crée un paradoxe
fondamental dans son contexte d'application. La théorie du salaire d'efficience peut avoir un
sens en période de croissance avec plein emploi. Or, même lorsqu'il y a croissance, on a le
plus souvent une main-d'oeuvre abondante. Ce qui rend une telle hypothèse irréaliste dans la
mesure où elle va contre tout principe de rationalité économique, que ce soit pour les
entreprises qui gagneraient à opter pour une baisse des salaires, ou que ce soit pour les
politiques économiques à mettre en place pour lutter contre le chômage.
Il. La prise en compte de l'incertitude par les travailleurs: la
théorie des contrats implicites

La théorie des contrats implicites'part du fait que les échanges entre travailleurs et
employeurs ne s'effectuent pas qu'autour du taux de salaire par l'intermédiation de marché,
mais autour des relations particulières. Un élément essentiel dans ces relations est la prise en
compte de l'incertitude qui règne sur le marché du travail. Les travailleurs, plus encore que
les entreprises ne peuvent connaître la situation économique qui prévaudra dans le futur. Si
le niveau des salaires et de l'emploi étaient gérés par les seules règles du marché, celui-ci
1 C'est le cas de celle de la Côte-d'Ivoire.
2 Cet argument est avancé dans UIlC étude récente de RIVEROS ct BOurON (1 (94).
) Le terme a été introduit à partir des études de BAIL Y (1974) ct de AZARIADIS (1975).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

226
Deuxième partie
, serait en perpétuel mouvement pour réaliser les ajustements nécessaires au maintien de
l'équilibre entre offre et demande de travail. Ainsi face à l'avenir incertain, les deux parties
contractantes se mettent d'accord pour le partage du risque.
Les travailleurs sont supposés avoir une aversion pour le risque qui les conduit à
accepter, en période économique faste, un salaire moyen inférieur au salaire qu'ils
obtiendraient si le marché fonctionnait normalement pour continuer à recevoir un salaire
suffisamment élevé en période de crise. L'aversion pour le risque des travailleurs se justifie
par leurs salaires, mais aussi parce que les individus qui aiment le risque ont tendance à
vouloir être plus spontanément installés à leur propre compte. L'entreprise joue donc ici le
rôle d'assureur pour les employés; la différence entre le salaire effectivement perçu en
période faste et le salaire de marché représente une sorte de prime payée par les travailleurs
pour les « couvrir» en période de crise.
Pour expliciter la théorie des contrats implicites, il semble utile de faire un détour par
une formalisation.
1. La présentation du modèle de base1
Le schéma de base est le suivant : la firme passe un contrat avec un groupe de
travailleurs, que l'on suppose par simplicité
identiques dans leurs talents et leurs
préférences. La fonction de production va être soumise à un aléa B qui représente
l'incertitude de la demande finale. L'hypothèse est faite que toute l'information utile est à la
disposition des deux contractants, de telle manière que la fonction de distribution de
probabilité de e et sa véritable valeur ex-post sont observées sans coût.
Le contrat apparaît sous la forme d'un ensemble de conditions telle que si Bprend la BI,
le travailleur s'engage à offrir x unités de travail en échange d'exactement x unités de
monnaie. Les préférences du travailleur peuvent être spécifiées sous la forme d'une fonction
d'utilité Il = li(e -\\- mL), avec C la consommation, L Ic temps de loisir ct m la productivité
marginale du temps passé à produire les biens non marchands, u' > 0 et u' < o.
1 Nous reprenons ici le modèle présenté par ROSEN (1985).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
227
La fonction de production a la forme Y = Bf(N), avec N la quantité de travail, F' > 0 et
f" < O. B est une variable aléatoire de fonction de répartition connue G(B) et de fonction de
densité G '(B) = g(B).
On notera N = P 11, avec 11 le nombre fixe de travailleurs sous contrat, p la proportion
de ceux qui vont travailler, ct J - P la proportion de ceux qui ne travaillent pas (taux de
licenciement).
Le contrat spécifie que CI sera versée aux travailleurs qui seront employés et C2 à ceux
qui seront licenciés, le choix se faisant au hasard, jusqu'à atteindre la proportion p. Le
contrat spécifie donc le triplet (CI, C2, p) pour chaque valeur prise par B.
Le travailleur employé ne produit pas de biens hors marché et obtient un niveau d'utilité
u [c lB)) fixé par le contrat. Ceci se réalise avec la probabilité p(B). Un travailleur licencié
produit m unités de biens non marchands et reçoit C2(0) de biens marchands dans le cadre du
contrat, si bien que son niveau d'utilité est U [C2(B) + ml, ce qui se réalise avec une
probabilité J - p(B). L'espérance mathématique de l'utilité du travailleur prend la forme:
E(u) = [ U[CI(B)] p(B) + U[C2(B) + m) [1 - p(O)] J dG(B)
Le contrat [clB), C2(B) , p(B)) doit maximiser l'espérance mathématique de l'utilité du
travailleur sous contrainte d'un niveau de profit ou d'utilité pour la firme, situation dont on
peut démontrer qu'elle est optimale au sens de Pareto. Pour l'état B, la firme produit ()f
[prO) 11] et supporte des coûts contractuels de 11 prO) CI(O) de versements aux travailleurs
employés et de 11 [J - p(B)] c2(B) payés aux travailleurs licenciés.
Ainsi lorsque la firme assure le paiement de (C2) aux licenciés, les contrats n'entraînent
ex-post aucune différence d'utilité entre travailleurs employés et non employés pour toute
valeur de (J.
En effet, la proportion sera déterminée de telle sorte que la productivité marginale
d'une unité de travail égale son coût d'opportunité social B f'(p 11) = m. Comme la
maximisation des utilités aboutit à ce que U(CI) = U(C2 -+ 111), soit encore CI = C2 + m, ou
encore CI - C2 = m, on voit que dans ces conditions la part du produit revenant aux
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

228
Deuxième partie
travailleurs est partagée entre ceux qui sont employés et les autres, de telle sorte que Cl - C2
:;; Bf'(p n).
Ainsi, les contrats assurent la totalité des risques, et donc, tous les aspects ex-post des
contrats, y compris la possibilité de licenciement et de chômage, sont volontaires. Les
travailleurs licenciés ne sont pas dans une position pire que ceux qui sont restés embauchés.
Mais, les travailleurs liés à des firmes qui connaîtront des réalisations favorables de B se
trouvent ex-post dans une situation meilleure que ceux liés à des entreprises qui connaîtront
des réalisations défavorables de B.
Un tel modèle repose sur l'hypothèse d'absence de coût de transaction. L'introduction
d'un tel coût implique que la couverture par l'assurance ne soit pas totale, et qu'ainsi il faille
introduire des licenciements involontaires dans le modèle.
AZARIADIS (1975), retient d'ailleurs l'hypothèse qu'éventuellement l'assurance ne
sera pas attribuée à l'ensemble du personnel. Ainsi, les firmes auront tendance à opérer une
discrimination en faveur des personnes pour lesquelles un investissement important en
formation a été ou est sur le point d'être réalisé. De même, les travailleurs qui sont supposés
posséder des qualités de productivité, de fiabilité, d'adaptabilité, seront également favorisés.
Pour les autres, C2(B) peut être éventuellement nul.
La simplicité conceptuelle du modèle de base a été progressivement enrichis, en
acceptant notamment l'idée que la partie n'est pas égale entre les firmes et le travailleur.
Ces prolongements sont significatifs d'une évolution de la pensée néoclassique quant aux
relations entrepreneurs-salariés.
2. Les enrichissements du modèle de base.
Deux enrichissements sont susceptibles d'être évoqués. Le premier concerne les travaux
qui lèvent l'hypothèse d'une mise sur le même plan des entrepreneurs et des salariés, le
second vise à intégrer théorie de la quête d'emploi et théorie des contrats implicites.
a. La prise en compte de l'asymétrie dans la relation firme-travailleur
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
229
1
L'asymétrie dans la relation firme-travailleur a été considéré sous deux angles. Le
premier aspect part d'une analyse en termes (te monopsone, et le second concerne
l'asymétrie de l'information. Nous nous limiterons au premier aspect de l'asymétrie dans la
relation firme-travailleurs.
HARTl présente une approche introductive de cette question. Ainsi, si une firme a une
aversion pour le risque, elle désirera que les travailleurs acceptent une baisse des salaires en
période défavorable. Cependant, si seule la firme peut observer la conjoncture, les salaires
ne peuvent dépendre directement de celle-ci. En effet, si les contrats stipulaient que les
salaires doivent baisser en période de difficultés, ;'1 serait de l'intérêt de la firme de prétendre
en permanence que la conjoncture est défavoraole. Alors, les salaires ne pourront dépendre
que des variables observables à la fois par les firmes et les travailleurs, telle que le niveau de
l'emploi au sein de la firme.
Ainsi, le contrat spécifiera que la firme peut réduire les salaires totaux, mais à condition
en quelque sorte qu'elle réduise l'emploi. En conséquence, en période de conjoncture
défavorable, le niveau de l'emploi s'abaissera plus qu'il ne le devrait d'un strict point de vue
d'efficience, simplement parce que c'est la seule manière pour la firme d'abaisser les
salaires.
De même GROSSMAN, HART et MASKIN2 démontrent que dans un tel schéma, les
travailleurs peuvent savoir comment varie la demande globale en relation à une perturbation
observée, mais non dans quelle mesure la demande de travail de leur propre firme est
affectée par cette perturbation. Dans ce cas, les firmes qui auront la chance n'accroîtront pas
l'emploi autant qu'enes l'auraient fait si leurs employés avaient eu une information parfaite
et les firmes qui n'auront pas de chance diminueront l'emploi plus qu'elles ne l'auraient fait
si leurs employés avaient été en possession d'une information parfaite.
Donc sur un plan purement macro-économique, une perturbation globale observée qui
conduirait à un déplacement intersectoriel de la demande de travail ct qui n'aurait aucun
1 HART (1983)
2 HART, 0(1983) ~ GROSSMAN, S, HART, 0, et MASKIN, E, (1983
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

230
Deuxième partie
effet sur l'emploi global dans le cadre d'une information symétrique, conduit à une
réduction de l'emploi car firmes et travaiHeurs ont une information asymétrique
En somme, les travaux récents inspirés de la théorie des contrats implicites retiennent
donc l'hypothèse d'une asymétrie entre employeurs et salariés. IJs peuvent donc conduire à
alimenter une réflexion sur les relations qui structurent et qui justifient l'accès à l'emploi,
qui dépasse la vision néoclassique traditionnelle. Cependant, il s'avère aussi intéressant de
considérer un dernier modèle dont l'ambition est de marier théorie de la quête d'emploi et
théorie des contrats implicites.
b. Contrats implicites et recherche d'emploi
Le modèle de COTHREN 1 que nous ne présentons pas en détail ICI nous permet
d'envisager l'apport conjoint de ces deux approches pour notre analyse.
Contrairement au modèle de base de la théorie des contrats implicites, ce modèle
envisage des licenciements temporaires et définitifs. La relation du travaiHeur à la firme est
caractérisée par un contrat implicite qui fournit au premier un niveau d'utilité escomptée
déterminé par le marché au moment de l'établissement du contrat. Au cours de la période t,
des licenciements temporaires peuvent apparaître dans la mesure où le prix relatif des biens
vendus par la firme se révèle inférieur au prix attendu. A la fin de la période, des
licenciements définitifs ont lieu, si la baisse du prix apparaît être de longue durée. Un
travailleur sera considéré comme licencié définitivement si son contrat n'est pas renouvelé.
Ces travailleurs licenciés vont constituer un groupe de chercheurs d'emploi, mais ils ne
trouveront pas instantanément un emploi.
Dans la logique du modèle, l'hypothèse est faite sur l'existence d'un grand nombre de
firmes, neutres vis-à-vis du risque, chacune produisant un bien unique, utilisant un facteur
travail homogène. De même, l'économie est composée de N travailleurs identiques. Quand
il n'est pas employé, et ne recherche pas d'emploi, l'utilité du loisir de l'actif vaut x. Quand
il recherche lin emploi, il subit lin coût c. Ainsi, quand il n'est pas sous contrat avec une
1 Voir COTHREN (1983).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
231
firme, et qu'il ne recherche pas un emploi, lm travailleur perçoit un niveau d'utilité x - c. La
probabilité d'une recherche avec succès à l'intérieur d'une période de temps est fixée à J.
Dans ce modèle, ce n'est pas l'aversion des travailleurs pour le risque comme pour les
modèles habituels de la théorie des contrats implicites qui induit l'existence des contrats.
C'est le fait que les travailleurs doivent entreprendre une recherche coûteuse pour localiser
les firmes désirant embaucher des travailleurs supplémentaires et qu'ils veulent donc une
assurance de la part des firmes quant à leurs revenus futurs. Les firmes offiiront donc cette
assurance sous la forme d'un contrat implicite de façon à inciter les travailleurs à une
recherche coûteuse pour pouvoir les embaucher.
L'auteur formalise ensuite les conditions de maximisation et d'équilibre, qui lui
permettent d'énoncer quelques résultats généraux. Ainsi, un accroissement du niveau
d'utilité attendu des travailleurs, cctcris paribus, diminuera le nombre de travailleurs se
voyant offrir un contrat. Un accroissement du niveau d'utilité du loisir augmente le nombre
de travailleurs se voyant offrir un contrat en rendant moins coûteux les licenciements
temporaires et définitifs et accroîtra ainsi la demande de travail. Un accroissement du coût
de la recherche élèvera la valeur du salaire réel et diminuera donc l'offre de travail. On
démontre en outre que le marché du travail sera en équilibre quand le nombre de chercheurs
sans contrat sera constant au cours du temps.
Ces différentes considérations nous amènent à discuter d'un point de vue général des
apports et des limites de la théorie des contrats implicites pour une analyse de la
structuration et des modes d'accès aux emplois.
3. Apports et limites de la théorie des contrats implicites
a. Les apports
L'apport le plus important de cette théorie est sans doute d'ordre macro-économique,
dans la mesure où elle permet à l'analyse néoclassique du marché du travail de promouvoir
une explication de la simultanéité de la rigidité des salaires et de la flexibilité du niveau de
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232
Deuxième partie
l'emploi contraire aux prédictions du modèle walrasien. Il s'agit donc d'un effort de la
théorie pour intégrer la réalité tout en conservant une construction formelle rigoureuse.
C'est ainsi que dans la compréhension du fonctionnement du marché du travail, on peut
retenir trois points susceptibles d'orienter nos analyses.
D'une part, la notion de contrat et
de durée. La politique de gestion de la mam-
d'oeuvre s'inscrit dans le temps, et ce qui importe tant pour la firme que pour l'individu est
la valeur présente des salaires et non le taux de salaires à l'embauche.
Par ailleurs, la théorie s'est vue amenée à développer la notion d'asymétrie dans la
relation entreprise-salarié. C'est la reconnaissance du simplisme d'un modèle qui posait
employeurs et travailleurs sur un plan d'égalité dans les négociations salariales, les stratégies
d'embauche et de démission.
Enfin, il est reconnu que tous les travailleurs ne sont pas placés dans une position
équivalente face aux risques de licenciement, la firme étant incitée à n'assurer que certains
individus (ce qui signifie, les protéger du licenciement si eUe supporte le coût de
l'assurance). L'attention est donc attirée sur les traits qui distinguent les travailleurs aux
yeux de l'entreprise.
Bien que la théorie des contrats implicites ait le grand mérite d'intégrer l'incertitude
dans la théorie néoc1assique, elle souffre de quelques incohérences qui limitent, voire
anéantissent sa capacité à expliquer les relations salariales et d'emplois.
b. Les limites
La première critique qui peut être avancée concerne l'orientation du contrat passé entre
les travailleurs et l'entreprise qui privilégie la stabilité des salaires aux dépens de l'emploi. TI
serait tout à fait envisageable de penser que les travailleurs ont autant d'aversion pour le
chômage que pour la baisse de leur pouvoir d'achat, ce qui les conduirait à passer des
contrats ayant un autre contenu que celui retenu par AZARIADIS : par exemple, seraient-ils
prêts à accepter des baisses de salaire importantes pour préserver leur emploi ou toutes
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
233
autres modalités introduisant de la souplesse dans la gestion du travail et conduisant à des
fluctuations de salaires assez amples.
La seconde critique porte sur le respect des contrats implicites par les parties en
présence. En effet, on peut se demander pourquoi les travailleurs comme les entreprises
persistent à suivre les propositions d'un accord non formel lorsque celui-ci devient
défavorable aux uns ou aux autres. Par exemple, quelles sont les raisons qui empêchent les
entreprises de profiter de la crise pour réduire le taux de salaire et l'adapter à la productivité
marginale du travail, ou les travailleurs de jouer des besoins des entreprises en période
d'essor pour obtenir des avantages salariaux?
Une troisième critique porte sur la nature de l'assureur dont le rôle est joué par
l'entreprise dans cette théorie. Cette critique peut être formulée à partir de deux questions
étroitement liées: d'abord, pourquoi cette fonction n'est-elle pas remplie par un organisme
assurance indépendant, ensuite, comment peut-on justifier de l'existence des contrats
implicites dans un monde où existent des systèmes d'assurance dont les objectifs de
préservation d'un pouvoir d'achat en toutes circonstances recouvrent largement ceux des
contrats implicites?
La dernière lacune subsiste des contradictions entre les analyses se fondant sur la notion
même de contrat implicite. Alors que d'aucuns trouvent un appui à cette notion dans des
travaux' qui semblent montrer que les villes ayant des taux de chômage d'équilibre élevés
doivent payer des primes pour attirer les travailleurs, les hypothèses liées aux contrats
asymétriques établissent que la seule solution à la diminution des salaires est la réduction du
niveau de l'emploi, puisque c'est la seule variable de référence que possèdent les travailleurs
pour juger de la conjonc turc économique.
Dien que cette théorie présente un certain nombre de limites, son application dans les
pays en développement peut avoir des résultats satisfaisants de part la nature même des
structures économiques et sociales de ces pays.
_ . _ - - - - - - - - - -
1 Cf. Celui de HALL cité par ROSEN (1985).
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234
Deuxième partie
4. L'application de la théorie des contrats implicites au cas particulier
des pays en développement.
Comme la majeure partie des théories du marché du travail, la théorie des contrats
implicites n'échappe pas au problème de son application lié au contexte des pays en
développement. Sa pertinence dépendra de la validité des ses hypothèses en se situant dans
un cadre d'analyse adéquat. Ainsi, même si quelques études ont été faites à ce sujet, la
caractère limité de celles-ci ne peut être écarté. On peut citer les études de HANSEN
(1983), BARDHAN (1983) et OSWALD (I 984). Pour les deux premiers auteurs, la
généralisation des résultats ne peut être possible dans la mesure où d'une part, ils sont
limités seulement au monde rural et au secteur agricole, et d'autre part, l'hypothèse de
l'incertitude n'est prise en compte que pour les propriétaires-employeurs qui veulent se
prémunir contre les aléas saisonniers liés à la production. On peut donc noter que le partage
du risque est ici partial puisqu'il n'est pas tenu compte de l'aversion pour le risque des
travailleurs.
Pour OSWALD, son analyse utilise une économie à deux secteurs dans laquelle les
entreprises d'un secteur particulier opèrent sur la base d'un marché interne de travail, tandis
que les entreprises appartenant à l'autre secteur opèrent de façon concurrentielle. C'est
d'ailleurs dans ce sens que nous pouvons considérer ce cadre comme applicable à la
situation en vigueur sur certains segments du marché du travail des pays en développement,
car l'auteur ne fait pas explicitement référence au monde en développement. Loin de renier
la valeur des résultats de cette étude, on peut dire qu'elle rentre très peu dans l'esprit de la
théorie des contrats implicites et pose un certain nombre d'hypothèses critiquables. En
particulier, l'auteur ne résonne que sur deux périodes, et surtout son choix des promotions
est assez arbitraire dans la mesure où il ne tient pas compte de la productivité des individus
dans l'emploi.
En effet, il nous semble pourtant que l'idée défendu par la théorie des contrats
implicites est relativement plus applicable dans le contexte des pays en développement que
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
235
dans celui des pays industrialisés. Outre l'opportunité liée aux facteurs historiques l, deux
raisons principales justifient une meilleure application de la théorie de contrats implicites
dans les pays en développement par rapport aux pays développés. D'abord, dans les pays
développés, les relations d'emploi sont dirigées et régies par la loi et le code du travail, ce
qui laisse des possibilités beaucoup plus faibles pour le passage de contrats tacites entre
employeurs et employés.
Ensuite, le phénomène de précarisation de l'emploi que
rencontrent de nombreux employés rend le passage de tels contrats improbable et sans
doute relativement rare.
Par contre, le passage de tels contrats dans les pays en développement s'avère logique
car il y a beaucoup de lacunes dans la législation du travail et dans la mesure où un grand
nombre de relations de travail échappent à celui-ci. Ceci peut être comme pour l'ensemble
du cadre juridique de ces pays, le fait d'un effort conscient de la part des personnes
intéressées ou bien simplement d'un manque de moyens de contrôle et d'application de la
législation. Dans ces conditions il est normal qu'apparaissent des formes de mécanismes
ayant pour but de régler et réguler les relations de travail au sein des entreprises. La taille
relativement faible des entreprises rend facile le recours à ce procédé, d'autant plus que
l'entreprise emploie un nombre relativement faible d'employés. On peut aussi noter
l'hypothèse principale même de la théorie (incertitude et aversion pour le risque). Etant
donné que les travailleurs ne peuvent avoir que leur salaire comme unique source de revenu,
dans la mesure où la majorité des prestations liés au travail (revenu d'insertion, allocation de
chômage, sécurité sociale) sont quasi-inexistantes, il est donc logique que, plus l'entreprise
aura à faire face à cette incertitude, et plus l'aversion pour le risque du travailleur est élevée,
l'appel à ce type d'arrangements contractuels ne peut être qu'opportun.
D'une manière générale, de nombreux facteurs autres que les dotations personnelles en
capital humain et les caractéristiques individuelles apportent des éléments d'analyse
supplémentaires dans la compréhension du processus de détermination des salaires. Comme
dans l'ensemble des analyses faites dans cc chapitre, ces facteurs sont d'ordre institutionnel,
1 BARON (1991) note la prédominance de la civilisation orale dans les sociétés negro-africaines qui
favorise de nombreux arrangements dans les relations d'ernloi.
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236
Deuxième partie
sociologique ou résultent d'un comportement purement économique de la part des
entreprises. Cet ensemble d'organisations spécifiques du marché du travail influent sur les
niveaux de gains individuels, et créent IDI environnement caractérisé par des salaires inégaux
et un chômage involontaire. Le résultat est l'existence d'une pluralité de segments, non tous
distincts, rendent de ce fait difficile toute tentative d'explication globale.
Ainsi, dans le cadre de notre étude, il importe de voir qu'elle est l'impact de cette
représentation dans la structuration du marché du travail au Cameroun. Dans le chapitre 4
qui suit, il convient donc de mettre en évidence les facteurs de la segmentation, et de
dégager les différents segments en appliquant ce cadre théorique à la situation régnant sur le
marché du travail au Cameroun. La validation de cette approche passera enfin par un
réexamen de la signification des variables du capital dans les différents segments du marché
du travail, ce qui permettra d'établir le lien entre la segmentation et les modes de
détermination des salaires.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
237
Chapitre 4.
Stratification du marché du travail et
salaires au Cameroun

omme il a été souligné dans la partie introductive de ce travail,
Cl'appréhensiondelastructuredessalairesetduniveaudel'emploidépendde
la structuration du marché du travail. Ainsi, l'lm de nos objectifs est de savoir
si l'existence d'un marché du travail segmenté au Cameroun justifie les modes
de fixation des salaires et le chômage. Comme nous l'avons déjà montré dans le chapitre 2
de la première partie, les salaires au Cameroun ne dépendent pas seulement des
caractéristiques individuelles. D'autres facteurs expliqueraient les différences de gains
constatées entre les individus. TI faudrait voir si ces facteurs ne déterminent pas
l'appartenance des individus à des catégories d'emploi données. Si tel est le cas, il ne s'agira
pas de considérer les secteurs moderne et informel comme homogènes, mais de trouver à
partir de leur hétérogénéité, une ensemble de groupes qui pourraient définir la structure des
emplois au Cameroun, On pourrait donc par là montrer que certaines politiques de salaires
et d'emploi pratiquées par les entreprises peuvent justifier les distorsions constatées au sein
du marché du travail.
L'analyse de la structure des revenus et des caractéristiques individuelles dans le secteur
« informel», bien qu'elle ne nous conduise pas à une classification de groupes de
travailleurs homogènes, nous a permis de mettre en évidence la grande hétérogénéité de ce
« secteur ». Par ailleurs, la contrainte de l'information à notre disposition ne permettant pas
d'approfondir cette optique, nous pouvons cependant souligner que de nombreuses études'
ont dégagé des sous-ensembles homogènes au sein du « secteur informel. Ces études ont pu
mettre en évidence l'existence de deux composantes distinctes au sein d'une même hranchc
à savoir : une qualifiée d'évolutive et une autre d'involutive. Dans le cas de la Côte-
1 Dans le cas du Cameroun, on peut citer, BRAAKHUIS et al. (1979).
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238
Deuxième partie
d'Ivoire, BARIS P et LACHAUD lp i ont approfondi cet axe et sont arrivés à des
conclusions intéressantes. Le premier fait une analyse en termes de systèmes productifs et
propose cinq grands groupes : les grandes entreprises (comptabilité légale et au moins 50
salariés) ; les petites et moyennes entreprises (comptabilité légale et moins de 50 salariés
permanents) ; l'artisanat de transition (pas de comptabilité, mais un salarié au moins) ;
l'informel localisé (pas de salarié permanent, local fixe) ; l'informel (activités non
localisées). Le second, fonde son analyse sur les modes d'emplois et fait la liaison entre la
structure du marché du travail et le phénomène de pauvreté, de précarité et de vulnérabilité
liés au type d'emploi, il dégage cinq statuts de travailleurs: les travailleurs protégés, les
individus ayant un emploi concurrentiel, le salariat non protégé, le travail indépendant
involutif et le travail indépendant évolutif
Quelque soit l'approche, nous pouvons retenir l'hypothèse que le « secteur informel »
n'est pas un ensemble homogène.
Dans un premier temps, nous mettons en évidence la stratification du marché du travail
camerounais. Dans un second temps, compte tenu des données à notre disposition, nous
dégageons les facteurs de la segmentation pour l'ensemble des travailleurs, afin de montrer
la variabilité de l'influence des facteurs du capital humain dans l'analyse des modes de
détermination des salaires au Cameroun.
Bien que l'intégration des travailleurs indépendants limite notre approche, elle nous
permet de voir le lien qui existe entre les facteurs de la segmentation et les écarts de salaires
entre les individus, puis de capter l'effet de cette catégorisation des emplois sur le chômage.
TI s'agit de mettre en évidence l'effet de la stratification du marché du travail sur la
détermination des salaires. C'est d'ailleurs dans ce sens que nous élargissons cette approche
en intégrant l'influence des politiques internes des entreprises pour expliquer dans le même
contexte les phénomènes étudiés.
Dans ce chapitre, nous mettrons donc en évidence la segmentation du marché du travail
au Cameroun (section 1), et nous analyserons le lien qui existe entre cette segmentation et la
détermination des salaires (section 2).
1 BARIS P (1980) ; LACHAUD 1.P. (1989).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marclJé du travail
239
Section 1. L'analyse de la segmentation selon le
critère des formes de travail
Le cadre analytique de référence est un élément déterminant dans l'appréhension de la
segmentation du marché du travail urbain. Ainsi, dans le cas du Cameroun, deux
orientations de recherche sont possibles : l'une basée sur la dichotomie secteur moderne-
secteur informel, l'autre accordant une place importante aux formes de travail sur le marché
du travail. Compte tenu de l'objectif de ce travail, c'est sur la base de cette deuxième option,
que nous essaierons de comprendre la manière dont le marché serait segmenté.
Ainsi dans cette section, nous mettrons en évidence la stratification du marché (1), avant
de discuter des problèmes de la mobilité professionnelle et de l'accès à l'emploi (II).
1. La mise en évidence de la stratification du marché du travail
Le réexamen de la vision dichotomique du marché du travail tel que nous nous
proposons de le faire nécessite d'une part, la mise en évidence d'un marché du travail
stratifié, et d'autre part, l'analyse des facteurs de la segmentation proprement dits.
A. Un marché du travail stratifié
L'appréhension des dynamiques d'évolution du marché du travail urbain dans les pays en
développement se heurte à l'immanence de ses discontinuités et de son hétérogénéité. La
prise en compte de ce fait stylisé apparaît essentielle dans la construction des modèles de
représentation du fonctionnement de ce marché. Souvent, elle prend la forme d'une
présentation de la structure du marché du travail en deux ou plusieurs segments dont les
modes de fonctionnement sont opposés points par points, notamment en ce concerne la
distribution des revenus.
1. La méthode d'analyse1
1 Ce travail emprunte, sur le plan méthodologique, aux analyses effectuées par LACHAUD (1994).
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240
Deuxième partie
Les analyses menées dans l'hypothèse de la segmentation utilisent des critères prédéfinis
de découpage du marché du travail. Cette approche a une faiblesse majeure qui est de
postulée la segmentation ex ante. Elle ne conduit pas à l'identification de segments du
marché du travail véritablement homogènes, notamment quant aux caractéristiques d'emploi
des individus. Dans notre cas, il s'agit de prouver l'existence de la segmentation en
appréhendant le processus latent d'allocation des individus dans les segments. Les variables
institutionnelles introduites dans l'analyse en classification de groupe vont saisir la tendance
des individus à être dans l'un des segments plutôt que dans l'autre. L'intérêt de cette
méthode est qu'elle permet de prendre en compte un large spectre de variables pour
capturer l'impact des dynamiques institutionnelles sur la segmentation. Ce sont les attributs
liés aux occupations des individus qui révèlent les modalités d'affectation ex post de ces
dernières dans les secteurs.
Ainsi, une analyse en classification de groupe (cluster analysis) doit permettre d'affecter
les individus dans les différents segments du marché. Sa mise en oeuvre conduit à
l'identification de groupes statistiquement homogènes, qui émergent de l'analyse des
données. On peut opérer une classification selon des variables et des cas. Pour avoir des
résultats cohérents avec les traitements ultérieurs, nous utiliserons une classification à partir
des cas. fi s'agit de spécifier une mesure de la distance qui sera utilisée pour grouper les cas.
Le logiciel à notre disposition 1 utilise le carré de la distance Euclidienne'. La distance entre
deux cas est la somme des carrées des différences pour la valeur de chaque variable. Dans
tous les cas, un cas remplace un centre si sa plus petite distance à un centre est supérieure à
la distance entre les deux centres les plus proches. Le processus d'assignation des cas et de
détermination des centres est répété jusqu'à ce que qu'il n'y ait plus aucun changement dans
les centres des groupes', La fiabilité de la procédure requiert que les variables exploitées
pour générer les groupes soient exprimées dans la même échelle. La solution consiste alors
à standardiser les variables, c'est-à-dire à les transformer de telle sorte que leur moyenne
soit nulle et leur écart-type égal à lm.
1 S?SS/PC+
2 Distance Euclidienne (X, Y) = [ I: (Xi - Yil W
J NORUSIS (1994).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
241
Les variables suivantes, toutes sous formes dichotomiques ont été utilisées pour
l'analyse:
CA T2 : personnel de direction, patrons, cadres supérieurs et assimilés,
CA T3 : cadres moyens et agents de maîtrise,
CAT4 : employés qualifiés,
CAT5 : employés semi-qualifiés,
CA T6 : manoeuvres,
CA TB : travailleurs à propre compte,
CA T9 : apprentis et aides familiaux,
ENTJ : administration publique,
ENT2 : entreprises parapubliques,
ENT3 : entreprises privées,
LOC 1 : sans local et non sédentaire,
LOC5 : local fixe,
LOC3 : sans local et sédentaire,
SCIF1 : enregistrement scife',
REG 1 : enregistrement au registre de commerce,
CPSI : affilié à la caisse nationale de prévoyance sociale,
1RREG1 : travail irrégulier
CONTJ : possession d'un contrat de travail à durée indéterminée,
CONT2 : possession d'un contrat de travail à durée déterminée,
CONT3 : contrat verbal,
CONT4: sans contrat du tout,
JTRA VI : durée de travail inférieur à 5 jours dans la semaine
J1TRA Vi : durée de travail inférieur à 35 h dans la semaine,
REMI: possession d'un salaire fixe,
BULl: existence d'un bulletin de paie,
COMPTA 1 : tenue d'une comptabilité.
2. Les résultats
1 Il s'agit du numéro d'identification au régime des impôts.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

242
Deuxième partie
Les résultats obtenus en termes d'analyse en classification de groupes appellent à
plusieurs commentaires. La demande de cinq groupes a été faite sur la base des observations
des différents fichiers en ce qui concerne certaines similitudes au niveau des caractéristiques
des individus, et par rapport à la procédure cluster analysis elle-même. Ainsi, à partir des
centres des groupes finals! et de la matrice des distances euclidiennes (tableau ci-après)
entre ces centres de groupes, on relève l'importance relative de la différenciation entre les
divers groupes.
Tableau 18 : Matrice des distances euclidiennes entre les centres des groupes finals.
Groupes
1
2
3
4
5
1
0,<XXXl
2
5,4007
0,<XXXl
3
4,3916
3,3829
O,CXXXl
4
4,3866
4,1564
4,0729
O,<XXXl
5
4,0071
7,5ff15
6,3979
5,9408
0,<XXXl
On remarque que le groupe 1 se différencie presqu'autant des groupes 2, 3, 4 et 5. 11 en
est de même du groupe 2 et des autres.
Une autre remarque importante est celle de la différence des variables entre les groupes.
Ainsi l'analyse de variance' nous donne des F élevés et tous significatifs au seuil de 1%. A
partir de là, on peut donc examiner si les groupes définis peuvent correspondre à une
certaine logique du marché du travail.
A partir de la moyenne des différentes variables pour chaque groupe (tableau suivant) et
d'autres caractéristiques de ces variables (croisement des variables), nous pouvons dégager
les spécificités des différents groupes de la manière suivante,
1 Voir en annexe.
2 Voir annexe.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
243
1
Tableau 19
:
Classification des travailleurs camerounais en groupes
homogènes
:
moyennes et écarts-types (Cluster analysis).
Groupe 1
0,1991
0,2468
0,1818
0,2078
0,0216
0,0216
0,1212
0,0390
231
0,4002
0,4321
0,3865
0,4066
0,1458
0,1458
0,3271
0,1939
Groupe 2
0,0204
0,0013
0,0229
0,0420
0,0064
0,6756
0,2277
0,0000
786
0,1413
0,0357
0,1497
0,2007
0,0796
0,4685
0,4196
O,CXXXl
Groupe 3
0,2698
0,0054
0,0545
0,0926
0,0054
0,5068
0,0654
0,0000
367
0,4444
0,0737
0,2273
0,2903
0,0737
0,5006
0,2476
O,CXXXl
Groupe 4
0,1846
0,1445
0,2042
0,1324
0,1309
0,1717
0,0318
0,5643
1322
0,3881
0,3517
0,4033
0,3300
0,3374
0,3773
0,17'35
0,4900
Groupe 5
0,2524
0,2810
0,3524
0,0714
0,0333
0,0000
0,0095
0,0000
210
0,4354
0,45Œi
0,4789
0,2582
0,1799
O,CXXXl
0,0074
O,CXXXl
Groupe 1
0,0519
0,9091
0,0043
0,9177
0,0390
0,7229
0,7446
0,7056
231
0,2224
0,2881
0,0658
0,2753
0,1939
0,4485
0,4370
0,4567
Groupe 2
0,0000
0,9962
0,2316
0,4033
0,2176
0,0165
0,0229
0,0115
786
O,CXXXl
0,0617
0,4221
o,~
0,4128
0,1276
0,1497
0,1065
Groupe 3
0,0027
0,9973
0,0354
0,7602
0,1662
0,4142
0,4796
0,1717
367
0,Œ>22
0,Œ>22
0,1851
0,4275
0,3728
0,4933
0,5003
0,3776
Groupe 4
0,0008
0,4349
0,0053
0,2786
0,1793
0,0325
0,0416
0,0265
1322
0,0275
0,4959
0,726
0,4135
0,3837
0,1775
0,1998
0,1006
Groupe 5
0,8429
0,1571
0,0095
0,9333
0,0429
0,9524
0,9524
0,9810
210
0,3648
0,3648
0,0074
0,2500
0,2030
0,2135
0,2135
0,1370
Groupe 1
0,0866
0,2987
0,4978
0,1082
0,0866
0,2381
0,2251
0,7835
231
0,2818
0,4587
0,5011
0,3113
0,2818
0,4268
0,4186
0,4127
786
Groupe 2
0,5776
0,0064
0,0280
0,0509
0,7634
0,5293
0,6858
0,0115
0,4643
0,0796
0,1650
0,2199
0,4253
0,4995
0,4645
0,1065
367
Groupe 3
0,1063
0,0354
0,0082
0,0272
0,8202
0,0926
0,1308
0,1090
-------_._--
1 La suite de cc tableau se trouve a la page suivante.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

244
Deuxième partie
0,D36
0,1851
O,<m2
0,1Enl
0,3846
0,2903
0,3376
0,3121
Groupe 4
0,0439
0,5454
0,0212
0,1778
0,1929
0,1008
0,1392
0,7300
1322
0,2049
0,4961
0,1440
0,3825
0,3947
o.eœs
0,3463
0,4442
Groupe 5
0,0095
0,9095
0,0143
0,0000
0,0667
0,0905
0,0714
0,9667
210
0,0074
0,2875
0,1189
O,<XXXl
0,2500
0,2875
0,2582
0,1700
Groupe 1
0,7100
0,0000
231
0,4548
O,<XXXl
Groupe 2
0,0013
0,0051
786
O,œJ57
0,0712
Groupe 3
0,0300
0,3651
367
0,1707
0,4821
Groupe 4
0,5832
0,0000
1322
0,4932
O,<XXXl
Groupe 5
0,9476
0,0000
210
O,2Z33
O,<XXXl
Le groupe 4 est constitué par l'ensemble des catégories socioprofessionnelles existantes
sur le marché du travail au Cameroun.
n s'agit en majorité des travailleurs de
l'administration (56%) et du secteur privé (43%), ayant un contrat de travail à durée
indéterminée (54%) ou à durée déterminée (20%), qui sont des salariés fixes (73%) avec un
bulletin de paie (60%). Les niveaux d'instruction de ce groupe reflètent sa constitution du
point de vue des catégories socioprofessionnelles et du type d'entreprise ; c'est ainsi que
plus de 45% de travailleurs sont de niveau secondaire, plus de 24% de niveau supérieur et
26% de niveau primaire. Ceci nous semble assez logique dans la mesure où plus de 53% de
travailleurs de ce groupe sont des cadres, maîtrises et employés qualifiés. Ce groupe peut
être considéré comme le salariat supérieur avec une guasi:Qrotection des emplois.
Le groupe 5 comprend essentiellement les cadres, agents de maîtrise et les employés
qualifiés (plus de 88%) localisés dans les entreprises publiques (85%), dont presque la
totalité a des contrats de travail à durée indéterminée (9.1 %) et des salaires fixes (96%) et un
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
245
bulletin de paie (95%). Dans ce groupe, les niveaux d'instruction sont relativement élevés
dans la mesure où 84% de travailleurs ont un niveau au moins égal au secondaire (avec plus
de 41% de niveau supérieur). Il s'agit du salariat intermédiaire avec protection virtuelle des
emplois.
A ce niveau de la classification, on peut croire qu'il y a une absence de logique au
niveau de la dénomination faite de ces deux groupes. Si l'on considère les deux critères
principaux de classification à savoir le salariat et la protection de l'emploi, on se rend
compte que, bien que les emplois du groupes 5 paraissent plus protégés, on doit intégrer le
statut juridique des entreprises para publiques dans la valeur que l'on donne au critère de
protection dans cette classification. La virtualité attribuée à la protection de ces emplois est
due au fait que les entreprises parapubliques sont exposées aux aléas conjoncturels et
peuvent être à tout moment soumises à des mesures de restructuration qui vont de la simple
privatisation à la dissolution). C'est dans cette mesure que nous privilégions le critère de
stabilité de l'emploi dans la deuxième caractéristique de ces groupes.
Le groupe l est constitué essentiellement de travailleurs du secteur privé (9 l %), avec
plus de 81% allant des cadres aux employés semi-qualifiés. Quoique plus de 78% dans ce
groupe aient des salaires fixes, on peut noter que moins de 30% seulement ont des contrats
à durée indéterminée, et près de 20% n'ont que des contrats oraux ou n'en ont pas du tout.
D'autre part, il existe une certaine irrégularité ou un sous-emploi dans ce groupe dans la
mesure où 46% travaillent en dessous de la norme réglementaire de la durée de travail (en
termes de jours ou d'heures de travail). Ce groupe peut être considéré comme le salariat
inféricur avec précarité des emplois.
Le groupe 3 est constitué d'une part de travailleurs salariés irréguliers (11%) dont la
principale caractéristique est l'absence totale de contrat de travail (82%), et d'autre part de
travailleurs à compte propre ou indépendants (51 %) qui exercent leurs activités dans des
locaux fixes (76%) et dont 41% ont soit un numéro de déclaration statistique et fiscale, ou
1 C'est d'ailleurs le cas actuellement avec de nombreuses entreprises publiques au Cameroun (voir les
mesures prises par le gouvernement dans son rapport présenté au FMI dans Jeune Afrique n° 1824-1825,
décembre 1995-janvier 1996)
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

246
Deuxième partie
un numéro dans le registre de commerce. De même, parmi ces indépendants, 36% tiennent
une comptabilité dans leur entreprise. Les niveaux d'instruction sont relativement moyens
i
dans la mesure où 79% ont un niveau primaire ou secondaire (33% de niveau primaire et
45% de niveau secondaire). On peut même noter 11% d'individus de niveau supérieur. 11
s'agit dans ce groupe d'indépendants supérieurs 1.
Enfin le groupe 2 caractérise essentiellement les indépendants, les aides familiaux et
apprentis (91%). n y a absence de salariés. Ces indépendants exercent totalement en marge
de la légalité (1% et 2% seulement ont soit un numéro de Scife ou de commerce). Leurs
activités sont en majorité non sédentaires 45%, irrégulières (58%) et donc largement
marquées par un sous-emploi (53% et 69% pour les journées et les heures de travail hors
norme). De même, on note l'inexistence absolue de la tenue d'une comptabilité, même
simplifiée. Les niveaux d'instruction sont faibles. On peut cependant noter qu'il y a une
proportion faible d'analphabètes (10%) et 45% qui ont un niveau d'éducation primaire. Ce
groupe peut être considérer comme celui des indépendants marginaux.
En somme, les résultats auxquels nous sommes parvenus se rapprochent de ceux
obtenus dans des études similaires effectuées au Cameroun' ou dans d'autres pays africains.
Cette stratification peut paraître ambiguë lorsqu'on prend les groupes 2 et 3. On a
l'impression que ces deux groupes constituent ce qu'on pourrait considérer comme le
secteur informel. Ce rapprochement confirme le fait que l'informel ne saurait être un
ensemble homogène dans la mesure où les groupes 2 et 3 sont définis suivant des critères
institutionnels qui les différencient l'un de l'autre. Dans une autre mesure, dans le groupe 2,
il existe une certaine proportion de salariés irréguliers qui les rapprochent plus des
indépendants si on tient compte d'un critère de détermination des revenus et de statut dans
l'emploi. D'une manière générale, la stratification du marché du travail camerounais ainsi
effectuée nous paraît pertinente dans la mesure où elle montre que, les "secteurs moderne
et informel", tels que souvent définis ne sont pas des secteurs homogènes, et elle permet
1 Nous n'avons pas pris en compte le critère lié au capital des indépendants, nous avons plutôt privilegié les
critères d'ordre institutionnel relatif cl l'ensemble des travailleurs,
2 LACHAUD J.P (1992)
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
247
d'avoir une classification à partir de critères qui peuvent permettre de prendre en
considération les lacunes du marché selon qu'on se situe dans une catégorie d'emploi.
Bien que les variables ne soient pas les mêmes pour ces différentes études, nous
pouvons considérer la stratification ainsi faite comme révélatrice d'une spécificité' du
fonctionnement du marché du travail au Cameroun, spécificité qui semble confirmer la thèse
de l'inadaptation des schémas dualistes en ce qui concerne l'analyse de la structure du
marché du travail urbain.
B. Les facteurs de la segmentation du marché du travail au Cameroun
1. La méthode d'analyse
Nous retiendrons la définition d'un marché du travail segmenté à partir de celle faite par
HOPKINS M. qui considère comme segmenté, «un marché du travail où certains
bénéficient de salaires réels plus élevés que d'autres à niveau égal de capital humain,
simplement en vertu du secteur qui les emploie »2. Au lieu de la différence due à
l'appartenance à un secteur, nous dirons plutôt que la différence est due à ml ensemble de
facteurs liés à certaines caractéristiques des emplois et des fonnes de production. Notre
objectif est donc de déceler et de quantifier ces facteurs.
La mise en évidence de ces facteurs que certains auteurs' qualifient de variables
endogènes (en l'occurrence les caractéristiques des entreprises et des emplois occupés par
les individus) consiste à l'estimation des fonctions de gains prenant en compte ces variables.
Cependant, l'ajout de ces variables à la fonction de gains initiale comporte le risque
d'introduire un biais dans la mesure OlJ les coefficients des variables explicatives ne vont pas
se rapporter aux effets séparés de ces variables sur la variable dépendante. Ainsi pour
réduire ce biais, la méthode d'estimation consiste à procéder en deux temps : d'abord
estimer des fonctions de gains incorporant uniquement les variables « endogènes» pour des
1 Nous verrons dans la deuxième section de ce chapitre, le lien existant entre cette stratification et les écarts
de salaire des différents groupes.
2 HOPKINS M. in BERNARD SALOME OCDE, (1989) .
.1 Voir FIELDS G.S. (1980), MAZUMBAR D. (1981) ct BISTEN A. (1984).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

248
Deuxième partie
sous-populations homogènes du point de vue du type d'emploi; ensuite les variables liées
aux caractéristiques des individus (capital humain) sont rajoutées au modèle.
L'intérêt de cette méthode est de permettre l'identification au cours de la première
étape des variables institutionnelles (endogènes) qui tendent à influencer le niveau de gain
individuel, et à travers la deuxième étape, on peut vérifier l'influence de l'introduction des
variables relatives au capital humain sur le pouvoir explicatif des premières variables.
2. La mesure des facteurs de la segmentation
Comme nous l'avons présenté dans la méthodologie, cette analyse comporte deux
étapes: d'abord dégager les facteurs de la segmentation, ensuite les quantifier.
a. Mise en évidence des facteurs de la segmentation
Au lieu de limiter notre approche aux seuls travailleurs du secteur "moderne", nous
avons, malgré la limite de nos données, intégré les indépendants du secteur informel pour
avoir une vision globale du marché du travail). Ainsi, nous avons constitué trois sous-
populations à savoir: une première qui regroupe les cadres supérieurs, les cadres moyens et
les agents de maîtrise; une deuxième avec les employés' et ouvriers qualifiées et enfin une
troisième qui regroupe les employés, les ouvriers semi-qualifiés et les manoeuvres et les
indépendants du "secteur informel".
L'estimation des fonctions de gains est faite avec les mêmes variables que pour les
premiers modèles avec une nouvelle variable institutionnelle qui est la taille de l'entreprise
(TAENT) et qui est identifiée par quatre variables dichotomiques.
Ainsi pour confirmer la légitimité de l'approche, nous avons justifié l'estimation des
fonctions de gains par groupes de travailleurs homogènes en montrant que les coefficients
des variables indépendantes de chacune des équations diffèrent significativement. Ceci a
nécessité la mise en oeuvre du test de Chow pour les différentes équations prises deux à
1 L'inconvénient de choix est qu'il apporte un biais dans nos résultats, dans la mesure où la variable T AENT
(taille de l'entreprise) n'existe pas pour les entreprises du secteur informel.
2
Il n'existe pas de différence stricte entre employés et ouvriers, celle dénomination tient du fait
d'appartenance au secteur public ou au secteur privé.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
249
deux'. Ce test nous donne les valeurs du fO.05(17,00) calculé de 35,261 pour la première
combinaison, de 26,631 pour la deuxième et 31,460 pour la troisième alors que le
pO.05( 17,(0) est de 1,62. Nous pouvons donc être rassuré que tous les résultats qui vont
suivre ont passé avec succès le test de Chow.
La première étape de notre estimation nous donne des résultats auxquels nous pouvions
nous attendre. Nous constatons une faible part de la variance du logarithme des gains
expliquée. On a un R2a ajusté de 0,18 pour le premier groupe, de 0,09 pour le deuxième, et
0,07 pour le troisième. A ce niveau, 011 constate des valeurs assez rapprochées du R2a pour
les deux derniers groupes ; ceci peut s'expliquer par l'ambiguïté en ce (lui coucemc la
différenciation entre les ouvriers qualifiés et les ouvriers semi-qualifiés au sein des
entreprises camerounaises. Pour les trois variables institutionnelles, on remarque une faible
significativité de deux d'entre elles, à savoir la branche d'activité et le type d'entreprise.
Pour ce qui est de l'autre variable institutionnelle, elle est significative au seuil de 5% pour
les deux premières tranches et au seuil de 1% pour la dernière tranche (entreprise de plus de
500 salariés) et ce pour toutes les catégories de travailleurs. Ce qui nous laisse présager que
c'est pour ce premier groupe de travailleurs que les facteurs de la segmentation joueraient le
rôle le plus important.
En rajoutant à ces différentes fonctions de gains les variables de capital humain, les
résultats confirment ceux que nous avions déjà eu pour l'ensemble des salariés. A savoir, la
significativité des deux variables institutionnelles qui avaient été prises en compte (la
branche d'activité et le type d'entreprise). On peut cependant noter que, même en
incorporant au modèle les variables du capital humain, la taille de l'entreprise garde une
significativité élevée. Enfin, par rapport aux fonctions de gains initialement estimées,
l'influence des caractéristiques individuelles est faible, ce qui est dû au regroupement des
individus en sous-populations homogènes, ceci réduisant les disparités entre ces individus.
1 La première combinaison concerne la première sous-population (cadres supérieurs, cadres moyens et
agents de maîtrise) et la deuxième (employés et ouvriers qualifiés) ; la deuxième combinaison concerne la
première sous-population et la troisième (employés, ouvriers serni-qualifiés et manoeuvres) ; et la dernière
combinaison concerne les deuxième et troisième sous-populations.
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

250
Deuxième partie
Après avoir dégagé les facteurs' pouvant influencer les gains des individus autres que
ceux du capital humain, nous pouvons à partir d'une analyse en classification multiple,
quantifier et mesurer leur influence dans la détermination des gains.
b. Mesure quantitative des variables de la segmentation
L'analyse en classification multiple.' effectuée par groupes de travailleurs est présentée
dans les tableaux ci après:
1 Notons qu'il ne s'agit pas de tous les facteurs pouvant influencer les gains, car d'autres variables peuvent
être pris en compte, à savoir par exemple les facteurs liés à la structuration de J'espace économique (milieu
rural et milieu urbain), les facteurs du milieu (origines sociales), la situation géographique. Mais le contexte
de notre étude et les limites de nos données ne nous ont pas permis d'intégrer ces facteurs dans notre
analyse
l
La- méthode d'analyse est la même que celle faite pour l'analyse du comportement des chômeurs dans la
deuxième section du chapitre 2 de la première partie.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capftal humain, salaires et segmentation du marché du travail
251
Tableau 20: Analyse en classification multiple du logarithme des revenus des cadres
Paramètres
N
Non ajustée
Ajustée, facteurs
et covariables
Variables et
Déviation moyenne
Déviation moyenne
catégories
principale
Eta
principale
Beta
Sinst
1
-0,20
0,00
Prim
3
0,06
0,34
Secd
68
-0,28
-0,25
Sup
122
0,15
0,13
0,23
0,21
Bra1
18
-0,17
D,OS
Bra2
35
0,00
0,16
Bra
141
0,00
-0 ,OS
0,07
0,00
< 20
14
-0,55
-0,41
20-99
88
-0,14
-0,11
100-399
39
-0,21
-0,14
400 et plus
53
D,54
0,40
0,39
0,29
Age1
1
-0,78
-0,61
Age2
36
-0,56
-0,21
Age3
99
-0,01
-0,02
Age4
46
0,45
0,21
AgeS
12
0,27
0,25
QV
Q23
·Ri..················· ·················..····..· ····
··········Ô:421···········..···········..···..··········
.
R
Q~
Moyenne principale
5,300
::~::il~~t9.:':f:j:jj':::::::I::j::::::[j:~:::j:::jj:~j:::j:j:j:j:j:j:j:::j'j::::
F = 4,740
Sig F = o.ooo
Effets principaux
F = 3,333
Sig F =0,001
Ninst
F = 1,019
Sig F =0,036
Bra
F=7,011
Sig F =o.ooo
Taent
Sig
F
F =0,026
=2,190
Age
Sig
F=14,196
F = o.ooo
Covariables
F = 39,285
Sig F = o.œo
Exp
F = 27,861
Sig F = o.œo
Exp2
Sig
F = 1,598
F =0,020
Sexe
F
Sig
=24,395
F =D,cm
Cam
Sig
F = 1,004
F =0,067
Afri non cam
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

252
Deuxième partie
Tableau 21 : Analyse en classification multiple des revenus des ouvriers qualifiés
Paramètres
N
Non ajustée
Ajustée, facteurs
et covariables
Variables et
Déviation moyenne
Déviation moyenne
catégories
principale
Eta
principale
Beta
sinst
11
-0,06
-0,00
prim
44
-0,15
-0,15
secd
114
0,00
0,07
sup
14
-0,22
-0,00
0,16
0,13
Bra1
16
0,37
0,43
Bra2
49
0,02
0,02
Bra3
118
-0,06
-0,07
0,14
0,11
< 20
25
-0,19
-0,15
20-99
98
0,03
0,00
100-399
43
-0,03
-0,04
400 et plus
17
0,17
0,06
0,15
0,12
age1
1
-1,00
-0,82
age2
72
-0,23
-0,23
age3
71
0,00
-0,03
age4
29
0,36
0,4
ageS
10
0,36
0,8
0,13
0,12
·Rf ···················································
··························o,·1·91·····················
.
R
0,437
Moyenne principale
4,063
lt:illl:fj:::I\\\\\\:M@\\rI:\\I1:I::\\::IIi::~i\\îi:::;
Effets principaux
F = 1,921
Sig F = D,COX!
Nlnst
F =9,632
sig F =0,002
Bra
F = 3,143
Sig F =0,046
Taent
F = 11,236
Sig F =0,003
Age
F=1,172
Sig F ;: 0,033
Covariables
F = 3,196
Sig F =0,009
Exp
F = 7,820
Sig F =0,006
Exp2
F =3,735
Sig F -noss
Sexe
F = 2,401
Sig F =0,023
Cam
F =0,729
Sig F =0,039
Afri non cam
F =0,833
Sig F =0,036
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
253
Tableau 22 : Analyse en classification multiple du logarithme du revenu des ouvriers non
qualifiés, manoeuvres et indépendants
Paramètres
N
Non ajustée
Ajustée, facteurs
et covariables
Variables et
Déviation moyenne
Déviation moyenne
catégories
principale
Eta
principale
Beta
Sinst
317
-0,00
-0,06
Prim
500
0,06
0,05
Secd
-oo
-0,17
0,14
Sup
49
0,02
0,02
0,11
0,00
Bra1
391
0,26
0,21
Bra2
3)6
0,11
0,11
Bra3
007
0,00
0,03
0,00
0,05
< 20
170
-0,13
-0,11
20-99
41
-0,00
-0,14
100-399
78
0,11
0,00
400 et plus
65
0,28
0,17
0,13
0,11
Age1
85
-1,27
-0,96
Age2
426
-0,56
-0,49
Age3
428
0,21
0,16
Age4
238
0,33
0,37
Age5
126
0,29
0,31
0,1
0,08
ït2········..···..·····..····················..······..····
··········..········(j~132················ ..············
.
R
Q~
Moyenne principale
5,867
::t::@:i#J..:::r,::'::::m:::::II::::':::::';:::::::;::::1:I:::i:I::
F = 4,362
Sig F = O,CXXXl
Effets principaux
F
NINST
=8,564
Sig F =0,037
F = 1,237
Sig F =0,108
BRA
F =7,251
Sig F =0,003
TAENT
F =1,893
Sig F =0,029
AGE
F =7,001
Sig F =o.œo
Covariables
F = 11,326
Sig F =0,001
EXP
r = 9,351
Sig F = 0,008
EXP2
F = 2,732
Sig F =0,021
SEXE
F =4,571
Sig F =0,001
CAM
r = 5,788
Sig F = 0,073
AFRI NON CAM
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

254
Deuxième partie
D'une manière générale, les résultats sont satisfaisants pour les différentes sous-
populations, que ce soit au niveau du R2 ou de la significativité des variables. Comme on
peut le constater, les variables sont plus significatives pour le groupe des cadres et maîtrises,
et c'est là aussi que la R2 est le plus élevé. Pour les deux autres catégories de travailleurs, il
ya peu de surprises par rapport à l'estimation des fonctions de gains.
En ce qui concerne la catégorie des cadres, nous avons un résultat qui, loin d'être
surprenant mérite une attention particulière. La variable qui a le plus d'influence sur le
niveau des gains est la taille de l'entreprise. Or, compte tenu de l'importance de la variable
« éducation» dans l'explication des gains, on devrait s'attendre à ce que celle-ci ait la plus
grande influence. Ce n'est pas le cas. Malgré le fait d'avoir près de 63% de travailleurs dans
ce groupe ayant une éducation de niveau supérieure, la taille de l'entreprise joue tout de
même le rôle le plus important, suivie de l'âge. Ceci nous laisse penser que, pour la majorité
des entreprises camerounaises (surtout dans le secteur public), le système de rémunération a
un lien avec à la taille de l'entreprise et aux emplois qui y sont proposés. Plus une entreprise
est grande, plus elle est bien structurée et mieux les travailleurs y sont rémunérés. On peut
d'ailleurs constater la grande proportion de cadres dans les entreprises de grande taille.
Toutes choses égales par ailleurs, le fait d'être cadre dans une entreprise de moins de 20
personnes procure des gains qui sont inférieurs de 41% par rapport à la moyenne principale.
D'une manière générale, les gains augmentent régulièrement avec la taille de l'entreprise.
L'influence de la variable âge mérite une attention particulière. La première remarque
concerne son importance dans l'explication de la variance des gains (elle explique 23% de la
variance des salaires) ; l'augmentation des gains par rapport à la moyenne principale montre
qu'il existe un système d'avancement lié à l'âge d'une part et à l'ancienneté d'autre part. Ce
résultat nous parait logique lorsqu'on constate le nombre non négligeable de cadres et
maîtrises ayant un niveau d'instruction inférieur ou égal au niveau secondaire (37%).
Dans la seconde sous-population, les différentes variables ont presque la même
influence. Et pour ce cas, on peut se rendre compte que la branche d'activité joue un rôle
non négligeable par rapport à celui qu'il jouait pour les cadres et maîtrises. Ce résultat n'est
pas surprenant car nous l'avons eu lors de l'estimation des fonctions de gains pour
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
255
l'ensemble de la population. Le fait d'appartenir à tel ou tel secteur est bien un élément de
différentiation des gains pour des individus ayant les mêmes caractéristiques. Toutes choses
égales par ailleurs, le fait d'appartenir à la branche des services et commerces procure des
gains qui sont inférieurs de 7% par rapport à la moyenne principale. En outre, les gains
augmentent suivant l'ordre: services et commerces, biens intermédiaires et d'équipement, et
enfin bien de consommation. Par contre, la taille de l'entreprise joue un rôle plus nuancé
que dans le cas des cadres et maîtrises. On peut cependant dire que les gains sont moins
élevés pour les très petites entreprises (inférieurs de 15% par rapport à la moyenne
principale). Enfin, dans cette catégorie de travailleurs, l'âge joue le rôle déjà évoqué, les
gains augmentent avec l'âge, ce qui prouve que dans cette catégorie, l'âge peut aussi être
considéré comme un élément d'appréciation de l'expérience des individus.
La dernière catégorie ne nous apporte rien de surprenant. La faiblesse du R2 se justifie
par le fait que nous avons introduit les indépendants dans cette catégorie. Nous pouvons
cependant faire une remarque sur l'existence parmi cette catégorie des diplômés de
l'enseignement supérieur (près de 3%). Ceci confirme bien le résultat obtenu dans l'analyse
des prétentions salariales des chômeurs en particulier, et celui de leur comportement en
général. Devant la montée du chômage, les diplômés sont prêts à accepter « n'importe»
quel emploi (nous l'avons d'ailleurs vu avec leur présence dans le "secteur informel"), pour
« n'importe» quelle rémunération. On constate que les gains de ces derniers sont faibles.
Pour ce qui est de la taille de l'entreprise, quoique celle-ci n'explique que 11% de la
variance des gains, il y a tout de même une augmentation régulière des gains au fur et à
mesure que l'entreprise est grande. Et comme nous l'avions déjà évoqué pour les cadres,
ceux qui ont des gains élevés dans cette catégorie de travailleurs bénéficient des structures
meilleures au fur ct à mesure que la taille de l'entreprise augmente.
En somme, l'analyse en classification multiple que nous venons de mener pour des
groupes de travailleurs homogènes du point de vue du type d'emploi nous conduit à faire
trois principales remarques. D'uuc part, la mise en évidence de la segmentation du marché
du travail ne contredit pas le pouvoir explicatif des variables de capital humain dans la
détermination des revenus individuels. Cependant, dans un pays comme le Cameroun où on
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

256
Deuxième partie
remarque une augmentation du nombre de diplômés, avec à côté une montée du chômage,
on ne peut plus affirmer que la possession d'un stock important de capital humain soit une
garantie de prospérité financière. Comme on le constate, les catégories d'emplois ne suivent
plus une logique basée sur le niveau
d'instruction,
on tend
d'ailleurs vers une
« dévalorisation» du niveau d'instruction sur le marché du travail. D'autre part, il a été
montré qu'il existait d'autres facteurs autres que ceux liés au capital humain qui étaient
source de différence de gains pour des individus ayant des caractéristiques identiques. Dans
la limite de cette analyse, nous avons pu remarquer qu'il existait deux variables (la taille de
l'entreprise et la branche d'activité) qui étaient source de différences de gains. Ce qui
explique donc un des aspects de la segmentation sur le marché du travail « moderne» au
Cameroun, c'est-à-dire qu'à l'intérieur de ce secteur, à qualifications égales,
les
rémunérations ne sont pas les mêmes. Enfin, les distorsions actuelles sur le marché du
travail nous font croire que l'accès à l'emploi risque de devenir un phénomène aléatoire et la
mobilité professionnelle pourra de plus en plus s'accentuer comme nous allons le voir dans
le paragraphe qui suit.
1/- Les conséquences du marché segmenté sur la mobilité
professionnelle et l'accès à l'emploi
Toute analyse du fonctionnement du marché du travail à travers ses différents
mécanismes nécessite la prise en compte de ces deux phénomènes : la mobilité
professionnelle et l'accès à l'emploi. Le processus de segmentation que nous avons mis en
évidence et les différentes mesures qui peuvent être prises par les dirigeants politiques
doivent tenir compte de ces deux phénomènes. Ainsi, à partir des informations disponibles
sur les emplois antérieurs des individus, et les éléments caractérisant les statuts occupés au
sein des différents types d'emplois, nous allons voir de quelle manière s'effectue la mobilité
professionnelle et quelles sont les déterminants de l'accès à l'emploi.
A. Une faible mobilité professionnelle'
1 Malgré la classification en cinq groupes que nous effectuée, nous maintenons les secteurs moderne et
informel pour des raisons de cohérence de nos analyses par rapport à nos données.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
257
Une hypothèse souvent faite pour confirmer l'existence des marchés segmentés est celle
d'une faible mobilité des individus parmi les divers types d'emplois existants (emplois des
secteurs moderne et informel).
Cependant, les analyses sur cet aspect ne sont pas évidentes tant du point de vue de
l'approche
à adopter que
de la mesure
même du phénomène.
Comme
l'estime
BANARGEE1, on ne peut pas correctement saisir le processus de mobilité lorsque celle-ci
est uniquement repérée au moment de l'enquête. n suggère plutôt de comparer la
proportion des nouveaux entrants dans le secteur moderne d'un niveau d'instruction
quelconque au cours d'une année, avec la proportion des entrants dans le secteur informel,
l'année auparavant, ayant rejoint le secteur moderne au cours des douze mois suivant leur
arrivée.
Mais comme le constate LACHAUD lp2, il n'est pas certain qu'une telle approche
puisse appréhender toute la complexité du processus de mobilité, dans la mesure ou celle-ci
s'effectue aussi du secteur moderne vers le secteur informel.
Sans toutefois lever toutes ces équivoques, nous avons essayer de nous faire une idée
de la mobilité au sein de la population que nous étudions, en observant les taux de mobilité
sur la base de la catégorie socioprofessionnelle actuelle. Nous avons donc repéré les
travailleurs qui avaient eu une catégorie socioprofessionnelle précédant celle qu'ils occupent
actuellement. Cette approche nous a permis non seulement de voir la mobilité dans les deux
sens, mais aussi d'avoir une idée de celle-ci dans chaque secteur en mettant l'accent sur le
type de mobilité (ascendante ou descendante) au sein du secteur moderne.
Le tableau ci-après, regroupant ces aspects de la mobilité appelle à quelques
observations.
1 BANARGEE, cité par LACHAUD lP (1989). (1989).
2 LACHAUD lP., op. cit.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

258
Deuxième partie
Tableau 23 : Taux de mobilité Inter et Intrasectorielle
CSP actuelle
P. dir
Cad. sup.
Cad. moy.
Emp. quaI.
Emp. sem-q
Manoeuvre
Entr. :
(%)
(%)
(%)
(%)
(%)
(%)
(%)
CSP antérieure
P. dir
29,4
1,0
0,6
0,8
Cad.sup
47,0
47,7
0,9
0,6
Cad. moy
17,6
35,5
41,3
5,6
1,6
Emp. quai
3,9
3,3
37,5
48,4
10,4
8,2
Emp. sem-q
14,5
17,4
52,0
18,5
Manoeuvre
3,8
10,0
13,6
37,1
Patron
1,8
2,0
Apprenti
Aide-fam iIlal
0,9
0,6
1,6
8,2
La première remarque est relative aux proportions des taux de mobilité entre les deux
secteurs. D'une manière générale, parmi les entrepreneurs actuels du secteur informel, il n'y
a que 26,4% qui y étaient et 61,7% avaient un emploi dans le "secteur moderne". De même,
20,6% de manoeuvres actuels, 14,4% d'ouvriers semi-qualifiés, 14,4 d'ouvriers qualifiés
0,9% de cadres moyens, 3,3% de cadres supérieurs et 1,9% de personnel de direction
travail1aient dans le "secteur informel". Ce résultat semble mettre en évidence une certaine
mobilité entre les deux secteurs. En effet, lorsqu'on observe les pourcentages des individus
dans leurs propres catégories socioprofessionnelles antérieures, la faible proportion des
entrepreneurs du secteur informel dans cette catégorie (26,4%) nous laisse penser que la
majorité de ceux-ci proviennent du secteur moderne. Dans cc cas, nous pouvons considérer
que la mobilité infonnel-modeme est élevée. Parmi ceux qui travaillaient dans le secteur
informel et qui se retrouvent dans le secteur moderne, on constate la prépondérance des
travailleurs à faible qualification (35%). Dans ce sens, nous pouvons confirmer l'hypothèse
souvent avancée selon laquelle le secteur informel est plus un secteur « refuge» qu'un
1 Il ne s'agit que des entrepreneurs du "secteur informel".
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
259
secteur de prédilection. Ceci se confirme IUle fois de plus dans la mesure où parmi les cadres
du secteur moderne, certains ont travaillé dans le secteur informel.
En ce qui concerne la mobilité moderne-informel, si celle-ci est constatée, on ne peut
pas avancée des arguments en vue de sa justification. Une chose est sûre, la littérature sur la
dichotomie secteur informel-secteur modeme n'a pas mis l'accent sur ce type de mobilité,
car la structure des économies urbaines d'une part, et les schémas dualistes d'autre part,
partaient de l'hypothèse du surplus de main-d'oeuvre urbaine et des migrations qui en
étaient la cause. D'après ces schémas, ceux qui ne trouvaient pas d'emplois dans le secteur
moderne se retrouvaient en attente dans le secteur informel. Que ce soit pour le cas du
Cameroun ou pour la majorité des pays en développement, cette idée avait un fondement à
une époque où ces pays connaissaient une croissance accompagnée d'une politique qui
généraient des emplois. Or, dans un contexte de crise marquée par une aggravation du
chômage, de nombreuses mesures sont prises qui font qu'on assiste à un phénomène non
prévu par ces modèles dualistes. C'est d'ailleurs ce qui justifie notre analyse sur ces
différents aspects du fonctionnement du marché du travail'.
D'une manière générale, la compréhension de la mobilité appelle à une profonde analyse
des motifs réels de cette mobilité. Malheureusement les données de notre enquête
n'apportent pas d'informations sérieuses sur les motifs de ces différents mouvements. Nous
pouvons tout de même faire quelques hypothèses.
La première est liée à la conjoncture économique actuelle. Compte tenu de la
restructuration des entreprises publiques et des difficultés que connaît le secteur privé, une
grande partie des travailleurs victimes de cet environnement se retrouve sans emplois et se
réfugie de ce fait dans le secteur informel.
La deuxième hypothèse peut être faite sur le différentiel de revenu existant entre les
deux secteurs et l'esprit d'entreprise de certains actifs. Dans ce cas, la recherche de
financement du capital de départ amène certains travailleurs à commencer dans le secteur
moderne avant de s'installer à leur propre compte.
1 Nous avons évoqué cet aspect dans les objectifs de ce travail à l'introduction générale.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

260
Deuxième partie
La dernière hypothèse porte sur ce que nous pouvons appeler la mobilité de « confort ».
Ceci signifie que certains individus peuvent trouver l'environnement même de travail non
confortable dans le secteur moderne.
Nous avons constitué deux groupes de travailleurs' à partir des données à notre
disposition en fonction de l'emploi actuel. Le premier concerne les salariés du secteur
moderne, et le second les entrepreneurs du secteur informel. Et à partir de leur catégorie
socioprofessionnelle antérieure, nous avons dégagé les motifs de leur mobilité.
Le tableau ci-après, regroupent ces mouvements et appelle aux observations suivantes.
,
, !
1 Nous gardons délibérément ces deux groupes de travaileurs pour les mêmes raisons que ceux évoquées
pour la mobilité professionnelle.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
261
Tableau 22 : Motifs de la mobilité intersectorielle
Secteur antérieur
Secteur moderne (SM)
Secteur informel (SI)
(Emploi actuel =51)
(Emploi actuel =SM)
Motifs de départ
%
%
Retraite
2,4
Licenciement, faillite
62,1
23,8
Meilleure rémunération
5,4
25,3
Meilleures conditions de travail
0,9
11,1
Travail plus intéressant
6,4
22,2
Autres
22,3
17,4
35,3
~
Pour l'ensemble des motifs de la mobilité, la situation paraît particulière. Les motifs de
départ du "secteur informel" sont plus volontaires, alors que ceux du secteur moderne sont
pour la majorité involontaires (76,1% pour les premiers et 64,6% pour les seconds). D'une
manière générale, ces chiffres ne sont pas surprenants dans la mesure où ils confirment que
le secteur informel est plus un secteur de transition qu'un secteur de prédilection. Par
rapport à la mobilité moderne-informel qui est justifiée par un plus grand nombre de cas
involontaires, nous pouvons affirmer, même avec réserve que les entrepreneurs du secteur
informel résistent plus aux aléas conjoncturels que les salariés du secteur moderne.
Pour ce qui est de la mobilité moderne-informel, ces chiffres sont moins surprenants.
Compte tenu de la situation économique du Cameroun, les salariés du secteur moderne qui
quittent leurs emplois pour le secteur informel (64,6%) sont victimes des licenciements et
des faillites. De même, compte tenu de nombreuses mesures réduisant les traitements des
travailleurs dans Ic secteur moderne (entreprises publiques), certains travailleurs préfèrent
s'installer dans le secteur informel pour unc meilleure rémunération. D'autres y vont pour
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

262
Deuxième partie
un travail plus intéressant (6,4%), et surtout pour d'autres raisons (23,3%), c'est dans ces
catégories qu'on retrouve sûrement ceux qui ont suffisamment accumulé pour financer leur
capital de départ dans le secteur informel.
Nous constatons donc que, malgré les limites de ces données et la légèreté de l'analyse
qui demande à être approfondie, les hypothèses émises plus haut sont susceptibles d'être
confirmées. Et ce n'est que dans ces conditions qu'on pourra dégager le lien exact entre la
mobilité et la segmentation du marché du travail.
B. Un processus d'accès à l'emploi quasi-aléatoire
L'analyse de l'accès à l'emploi est élément déterminant dans la compréhension de la
segmentation du marché du travail. Compte tenu de la particularité de ce phénomène dans
les pays en développement en général, et du contexte de notre étude en particulier, il s'avère
nécessaire de voir l'importance du processus et des déterminants de l'accès à emploi, qui
nous permettent de mieux appréhender la complexe situation du marché du travail segmenté
au Cameroun.
1. Des processus d'accès à l'emploi
Un des points important dans l'analyse du processus d'accès à l'emploi dans les pays
afiicains est le mode de recrutement des travailleurs. En d'autres termes, il s'agit de voir le
rôle des canaux de transmission de l'information dans ce processus. Dans le cas de notre
analyse, nous avons essayé de voir l'influence du niveau d'instruction' dans l'entrée en
possession de ces informations. Ainsi, à partir du tableau ci-après, nous pouvons faire les
observations suivantes.
1 Nous avons délibérément privilégié cet aspect de l'engouement indivduel plutôt que l'approche basée sur
les ménages (niveau de vie) comme l'ont fait certains auteurs (par exemple l'analyse de LACHAUD lP.
dans le cas de la Côte-d'Ivoire).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
263
Tableau 25 : Les modes de recrutement par niveau d'instruction
Niveau d'instruction
Sans
Niveau
Niveau
Niveau
Instruction
primaire
secondaire supérieu
Total
(%)
(%)
(%)
(".)
(%)
Mode de recrutement
Relations personnelles
64,0
73,4
46,5
21,8
44,5
Employeur directement
28,0
19
30,2
44,1
32,3
Médias
4,0
6,2
21,1
32,1
21,2
FNE*, main-d'oeuvre
0,3
0,3
0,2
0,3
n.c-
4,0
1,0
1,9
1,7
1,8
• = Fonds national de l'emploi
•• = cas de non réponse
Pour l'ensemble des travailleurs, les relations personnelles jouent un rôle très important
dans l'accès à l'information. On peut aussi noter l'ampleur des contacts directs avec
l'employeur et celui des médias. Par contre, l'accès à l'information par le biais du Fonds
National de l'Emploi est quasi-inéxistante.
Le niveau d'instruction est un facteur déterminant de l'accès à l'information. On se rend
compte que l'accès à l'information par des voies officielles est liée en grande partie au
niveau d'instruction. Et à l'inverse, les relations personnelles sont plus influentes au fur et à
mesure que le niveau d'instruction diminue. Cet impact du niveau d'instruction s'explique
tout simplement par une meilleure compréhension du fonctionnement du marché du travail
pour ceux qui sont instruits et qui ont par conséquent une meilleure maîtrise des canaux
d'accès à l'emploi,
En ce qui concerne les modes de recrutement proprement dits, il n'est pas facile d'avoir
des informations fiables dans la mesure où le « favoritisme» ne saurait être avoué par ceux
qui en profitent. Mais une chose est sûre, le lien est fort entre les modes d'accès à
l'information et les modes de recrutement. Ce qui laisse croire que ceux qui ont un niveau
d'instruction bas profiteraient peut-être plus des relations personnelles pour leur accès à
l'emploi.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

264
Deuxième partie
N'ayant pas pris en compte les salariés du secteur informel, nous pouvons résumer
l'accès à l'emploi indépendant à deux principaux facteurs: la connaissance du métier et
l'accès au capital.
En définitive, il apparaît une fois de plus que le niveau d'instruction influence d'une
manière certaine les comportements dans les différents modes d'accès à l'emploi. Celui-ci
joue un rôle non seulement dans la détermination des revenus, mais aussi véhicule les
éléments d'une reproduction sociale non désirée.
Si le niveau d'instruction joue un rôle dans le processus d'accès à l'emploi, quels en
sont les véritables déterminants?
2. Les déterminants de l'accès à l'emploi
Après avoir vu les processus par lesquels les individus accèdent au marché du travail, il
importe de justifier le fait qu'un individu occupe un type d'emploi donné plutôt qu'un autre
sur le marché du travail. Cette analyse doit apporter des éléments supplémentaires dans la
compréhension du fonctionnement du marché du travail en général et des aspects de la
segmentation en particulier. Comme nous l'avons déjà mentionné tout au long de cette
étude, la pertinence de ce genre d'approche dépend du cadre analytique de référence, mais
se trouve toujours confrontée au problème crucial des informations inadéquates. Cette
évaluation sera faite à partir d'une analyse discriminante.
a. La méthode d'analyse
L'approche d'analyse du marché du travail que nous avons adoptée met en évidence une
stratification du marché du travail qui s'écarte sensiblement des orientations du schéma
dualiste. En particulier, la compréhension des mécanismes de segmentation est liée à
l'appréhension des modes d'emploi. L'analyse suggère que le marché du travail urbain au
Cameroun est stratifié selon les cinq groupes homogènes que nous avons dégagés. Par
ailleurs, et comme nous le verrons par la suite, la logique de détermination des salaires
dépend plus du statut d'emploi que de l'appartenance à tel ou tel système productif En effet,
il pourrait être important de prédire les modes de participation au marché du travail en
fonction des caractéristiques personnelles et sociales des individus.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
265
L'objectif de l'analyse discriminante
est
d'estimer
une
ou
plusieurs fonctions
discriminantes, afin de classer des observations dans un ou plusieurs groupes à partir d'un
ensembles de variables quantitatives. Pour cela, il est utile d'examiner quelques statistiques
descriptives et tests univariés de signification relatifs aux variables, à savoir : la moyenne,
l'écart-type, le carré du t-de student empirique (F), le coefficient lambda de Wilks', la
matrice de corrélation. L'essentiel de la procédure consiste à prendre en compte
simultanément l'ensemble des variables. De ce fait, comme pour la régression linéaire
multiple, il s'agit d'estimer une ou plusieurs équations discriminantes de la forme:
où : Xk= variables indépendantes et po, Pl, ... Pk les paramètres qui sont des coefficients
inconnus à estimer, po le terme constant. Dans l'analyse discriminante, les coefficients
estimés sont déterminés de telle manière que les valeurs de la fonction discriminante
diffèrent le plus possible selon les groupes. S'il y a j groupes, il y aura G- 1) fonctions
discriminantes. La procédure, analyse de corrélation canonique réalise les combinaisons
optimales des groupes et des variables, de telle manière que la première fonction assure le
discernement le plus net entre les groupes, ]a deuxième fonction pour le deuxième, etc.'.
Puisque nous voulons déterminer pourquoi un individu a accédé à tel ou tel statut du
travail, les groupes de l'analyse discriminantes sont ceux qui ont été repérés à l'aide de
l'analyse en classification de groupes à savoir : 1- le salariat inférieur, 2- les indépendants
marginaux, 3- les indépendants supérieurs, 4- le salariat supérieur, 5- le salariat
intermédiaire.
Les variables de prédiction suivantes ont été utilisées:
- EduO : sans instruction
- Edu J : instruction primaire
__
---------~-----.
.. -
1 Ce coefficient mesure la variabilité des observations entre les groupes. Lorsque Lamlxla est proche de zéro,
la plus grande part de variabilité est attribuable aux différences entre les moyennes des groupes; si lambda
est égal à 1, toutes les moyennes sont identiques.
2 Pour ce qui est de l'efficacité de l'analyse discriminante, on peut consulter LACHAUD (1992).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

266
Deuxième partie
- Edu2 : instruction secondaire
- Edu3 : instruction supérieure
- TypJ : sans formation
- Typ2 : formation de type général
- Typ3 : formation technique
- Typ4 : formation supérieure
- Age: âge
- Sexe: sexe
- Cam : camerounais
- Afne : africains non camerounais
- Nonaf : non africain
Toutes les variables sont forme dichotomiques.
b. Les résultats
Les résultats économétriques sont acceptables. Ainsi, l'analyse de variance (test F)I
montre que l'hypothèse que les moyennes des groupes sont identiques peut être rejetée.
Toutes les variables sont significatives et les F sont assez élevés. L'analyse du coefficient
lambda de Wilks conduit aux mêmes observations puisqu'il est peu diJTérent de 1 pour la
plupart des variables de prédiction présentant peu de différences selon les groupes.
L'analyse de la variabilité totale entre les différentes catégories d'emplois' montre que la
première fonction discriminante explique plus de 86% de la variance au seuil de 0,000 alors
que les deuxième, troisième et quatrième fonctions expliquent respectivement 8,33%,
4,90% et 0.64% (aux seuils respectifs de 1%, 1% et 10%).
Le tableau ci dessous relatif aux coefficients de corrélation entre les variables montre
que les coefficients des variables type de formation et niveau d'éducation sont les plus
élevés. On peut donc constater que ces deux variables déterminent fortement l'accès à une
catégorie d'emploi donnée.
1 Voir annexe.
2 Voir annexe.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
267
Tableau 26 : Coefficients de corrélation entre les variables et les fonctions discriminantes
des actifs occupés
Fonctions
Ft1
Ft2
Ft3
Ft4
Variables·
TYP4
-D,86417*
-D,14866
-D,22200
0,35129
EDU3
-D,8OO13·
-D,00496
-D,15727
0,25638
EDU2
-D,41132·
0,36104
-D,23142
0,01345
TYP2
0,36586·
-D,:n:J16
-D,07321
0,31172
TYP1
0,28893·
-D,34266
-D,46232
-D,22516
EDU1
0,27954·
-D,31782
-D,45217
-D,21589
SEXE
-D,14064
0,86446·
-D,20497
-D,18177
TYP3
0,03817
0,28810·
0,39477
-D,Œl374
AFNC
-D,04553
0,00689
-D,:D617*
-D,19174
AGE
-D,17286
-D,:D611
0,53403·
-D,56780
NONAF
-D,35231
0,00686
-D,28244·
-D,55883
CAM
0,26936
0,03577
0,42489
0,51986·
EDUO
0,00655
-D,24446
0,04812
-D,26298*
* Les variables sont ordonnées suivant le niveau de corrélation à l'intérieur de chaque fonction
Finalement) le tableau 27 présente les résultats de classification de l'analyse discriminante.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

268
Deuxième partie
Tableau 27 : Résultats de classification de l'analyse discriminante
Paramètres
Nombre de
Groupes prédits
Groupes actuels
cas
2
3
4
5
1. Salariat Inférieur
231
00
50
18
15
58
!!:i:ii!:!Ii:lili:j::::i: 21,60%
7,80%
6,50%
25,10%
2. Indépendant marginal
786
108
436
115
34
93
13,70%
l!!i:i:::!f,~.::::::jil
15%
4,30%
11,80%
3. Indépendant supérieur
367
52
126
75
23
91
14%
24,80%
4. Salariat supérieur
1322
152
121
136
788
125
11,50%
9,10%
5. Salariat intermédiaire
210
27
28
23
19
113
12,90%
13,30%
11,00%
9,00%
~::mimll::!:::::::
Pourcentage de cas correctement classés: 51,51 "10
Comme nous l'avons déjà expliqué dans la méthode d'analyse relative à l'analyse
discriminante, il s'agit de faire une comparaison des groupes actuels et des probabilités à
posteriori. A cet égard, compte tenu des valeurs moyennes canoniques de la fonction 1, on
se rend compte que le pourcentage de cas bien classés est le plus élevé pour les travailleurs
des groupes indépendants marginaux, salariat supérieur et salariat intermédiaire. L'analyse
permet de classer correctement un pourcentage moyennement élevé de 51,51 % de cas.
Nous pouvons donc dire que la possession d'un certain niveau d'éducation et le type de
formation conditionnent les emplois qui sont potentiellement accessibles sur le marché du
travail. Ce qui laisse donc croire que les caractéristiques individuelles permettent de
connaître même d'une manière relative l'emploi occupé au sein du marché du travail.
En définitive, l'analyse effectuée en terme de stratification du marché du travail au
Cameroun permet de relativiser l'approche simpliste du dualisme. Ce type d'analyse donne
une vision plus large de la structuration du marché du travail, dans la mesure où elle
introduit des critères plus objectifs de différenciation des groupes de travailleurs ; ces
critères ne sont plus seulement liés aux systèmes productifs. Dans ce cas, les groupes de
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
269
travailleurs ainsi dégagés paraissent plus homogènes et permettent de mieux appréhender
certains phénomènes complexes tel le lien pauvreté-marché du travail. fi en est de même,
comme dans le cas de cette étude. où cette stratification nous permet de mesurer
l'importance des déterminants des gains à l'intérieur de chaque groupe.
Cependant, comme toute approche analytique, celle-ci présente des limites. La première
est liée à la nature des données utilisées ~ comme nous l'avons déjà évoqué tout au long de
ce travail, nos données n'ont pas pris en compte les salariés du "secteur informel", ce qui
peut apporter un biais dans la classification qui est faite. La deuxième limite est sous jacente
à la première. Les enquêtes sont souvent faites dans un cadre bien défini, d'où l'impossibilité
d'avoir toutes les variables nécessaires pour ce type d'analyse. Comme nous l'avons
mentionné à l'introduction générale, des approfondissements méritent d'être faits pour
parvenir à des conclusions plus pertinentes, et ce dans un cadre d'étude adéquat.
Si cette stratification nous parait intéressante, il est important de voir comment les
différences de gains observées peuvent s'expliquer par rapport à ces groupes, et quelle peut
être l'influence des politiques salariales des entreprises dans l'analyse des déterminants des
salaires des travailleurs appartenant à ces différents groupes.
Section 2. Détermination des salaires et segments
du marché du travail au Cameroun.
La segmentation du marché du travail au Cameroun telle que nous venons de la mettre
en évidence, permet de dégager des groupes homogènes au sein des différents emplois.
Celle-ci ne peut avoir une signification que si elle apporte des explications supplémentaires
en terme de détermination des salaires. Il a été montré que les différentiels de salaires
observés ne sont que partiellement le résultat des écarts individuels sous-jacents de dotation
en capital en humain. Dans le cas d'un marché du travail segmenté, le fonctionnement du
marché, notamment le mode de fixation des salaires, diffère selon le segment considéré. En
effet, les travailleurs homogènes se trouvent confrontés à des conditions divergentes sur le
marché du travail alors même qu'ils évoluent dans la même branche d'activité. Certains
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

270
Deuxième partie
individus sont soumis à la pression des forces du marché alors que coexistent des formes
d'emplois favorisés à l'abri de la concurrence. La segmentation repose alors sur un ensemble
d'éléments susceptibles de révéler les effets non directement observables de la dynamique
institutionnelle sur le marché du travail. Une telle approche fondée sur les différentiels de
protection, de stabilité et de régularité des occupations, sous-tendue par les modalités selon
lesquelles les diverses formes du processus de travail et les différents modes d'insertion
affectent les niveaux de salaire vise à identifier la nature même de la segmentation du
marché du travail.
L'étude de l'interaction entre l'incidence de cette stratification et la détermination des
salaires mérite un approfondissement. La détermination des salaires suit-elle la logique de la
stratification en terme de statut du travail ? Ou alors, existe-t-il des politiques salariales
internes des entreprises?
/. Les déterminants des gains et segments du marché
fi s'agit d'établir le lien entre la segmentation du marché du travail au Cameroun et les
modes de détermination des salaires à travers les déterminants de gains. ceci revient, non
seulement à vérifier outre mesure l'hypothèse de la segmentation, mais aussi que la
pertinence des variables du capital humain qui régissent la détermination des salaires ne
saurait être absolue dans l'explication des écarts de salaires 1•
Ainsi, comme dans le chapitre 2 de la première partie, nous prenons pour base
théorique les hypothèses de la théorie du capital humain. Nous estimons des fonctions de
gains du capital humain qui sont sous la forme générale:
où Y = revenu tel que spécifié dans le chapitre 2 de la première partie ; S = années
d'instruction; X = expérience professionnelle ; ~t = perturbation.
1. La méthode d'analyse
1 Il s'agit là peut être d'un aspect théorique qu'il faudrait revoir par rapport aux hypothèses da la théorie du
capital humain dans le cas des pays en développement.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
271
La méthode d'estimation est la même que celle qui été utilisée dans la première partie de
ce travail. Les groupes spécifiés pour l'analyse en classification de groupes semblent
recouvrir des catégories logiques d'emplois du marché du travail. De ce fait, il faut procéder
à un repérage systématique de ces groupes. Nous avons pour cela attribué à chaque individu
son numéro de groupe à l'aide d'un processus de sélection susceptible de sauvegarder son
identité. Ceci nous a permis d'avoir tous les individus de notre échantillon dans l'un des cinq
groupes. Notre méthode consiste à estimer dans un premier temps la fonction de gains
relative à l'ensemble des individus. Ensuite, nous estimons les fonctions de gains de chaque
groupe afin de comparer l'influence des variables par rapport aux différents groupes.
L'estimation du modèle est faite avec la procédure relative à l'entrée forcée' de toutes les
variables explicatives.
2. Les résultats
Cinq fonctions de gains ont été estimées, respectivement au sein de chaque segment du
marché du travail. Le test de l'égalité des coefficients de régression' des cinq équations
permet de largement rejeter l'hypothèse nulle. Ceci permet de conclure que toutes les
équations de gains prises exhaustivement deux à deux sont significativement différentes
entre elles, cc qui signifie que cinq fonctions sont plus appropriées qu'une seule pour
expliquer le mécanisme de fixation des salaires sur le marché du travail au Cameroun, ce qui
constitue une fois de plus une vérification de l'hypothèse de la segmentation.
Les tableaux qui suivent résument les principaux résultats de nos estimations et
appellent à quelques observations.
1 Voir les différentes méthodes d'entrée des variables et l'intérêt de celle que nous avons
retenu dans
BOURBONNAIS, R. (1995).
2 Voir tableau 30.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

272
Deuxième partie
Tableau 28 : Coefficients des équations de gains selon les segments du marché du travail
(indépendants marginaux et supérieurs)
Modèle
Ensemble
VII
VIII
Variables indépendantes
b
SigT'
b
SigT'
b
SigT'
iJlîîEi]jfiUSliiWa1li1!@lWl@
~~::::.~~1.~:R~~:~':$.~~
(base = sans instruction)
Edu1
0,069843
0,05
Edu2
0,150404
0,07
Edu3
0,363689
0,00
Edu4
0,640011
0,00
Edu5
0,751344
0,00
Edu6
0,942276
0,00
Edu7
1,289273
0,00
Edu8
1,806972
0,00
;lii'fIiJjil!M;li,mmiJ.:j~
Exp
0,076176
0,00
Exp2
-0,001003
0,00
Age1
0,162629
0,05
Age2
Age3
O,Œl9043
0,10
Age4
O,17cxm
0,05
Age5
0,251348
0,02
::Îtiiiiji)It:i.il!!lI::::r::!}!)::::::t:tt:
Bra1
-0,783295
0,00
Bra2
-0,350016
0,00
Bra3
0,584744
0,00
~lilj~i~~i\\iÎ!i~I~~ll~f~~~~~1~iliji~~1j~~~~~
Sexe
0,329191
0,00
Afrncam
0,160064
0,00
Nonafr
0,789582
0,00
Constante
2,3:>0028
0,00
rjf!miijiMlll!;1~1@1~~:~~:~
Niveau d'instruction
0,36954
Expérience prof
0,11212
Age
O,CXX355
Branche d'activité
0,04541
Autres
0,02115
R2
0,56176
R2 ajusté
0,54866
F
177,00676
SlgF
0,
סס
OO
Somme des carréa
1970,6424
des réa/dus
N
2916
(1) Probabilité ''two-tailed'' que le coefficient soit égal à zéro.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
273
Tableau 29 : Coefficients des équations de gains selon le segment du marché du travail
(salariats Inférieur, Intermédiaire et supérieur).
Modèle
X
IX
XI
Variables indépendantes
b
SigT'
b
b
Ifit'il~1~Î_I[[~~~~lilili~~1~1111~
(base = sans instruction)
Edu1
0,146861
0,12
-0,403570
0,21
-0,118986
,0,09
Edu2
0,147736
0,13
0,000645
0,08
0,004533
0,03
Edu3
O,34Z332
0,08
0,247431
0,03
0,175897
0,05
Edu4
0,454102
0,03
0,526527
0,05
0,466402
0,00
Edu5
0,881183
0,05
0,532156
0,03
0,581641
0,00
Edu6
0,920006
0,02
0,634887
0,00
O,707cm
0,00
Edu7
1,430088
0,00
1,134072
0,00
0,937Œl8
0,00
Edu8
1,705200
0,00
1,542975
0,00
1,462619
0,00
;§Mijj,i:~i:~Dll:::'titi1.:I::I::j
Exp
O,11DrJ5
0,00
0,0Z3379
0,00
0,053487
0,00
Exp2
-0,002080
0,00
-O,ŒXm1
0,00
-O,exxJ891
0,00
g!::i:~::::ili:;:::::i::::::Ii:;j:tlti::::;II]::::II::::::::::::::I::
Age1
-0,201044
0,48
-O,Œl3837
0,12
Age2
-0,490036
0,81
Age3
0,184543
0,02
O,1610Cfl
0,09
0,052800
0,09
Age4
O,3310Cfl
0,09
0,173692
0,10
0,228102
0,01
Age5
0,008436
0,01
O,25aXJ3
0,03
0,313880
0,06
:m!ni~Î:;~it.!i:::~i[@~[;Illi~:::::~;::::~
Bra1
-0,283 7:J;J
0,22
0,146674
0,13
-0,775001
0,00
Bra2
-0,254231
0,26
0,081127
0,21
-0,816656
0,00
Bra3
-0,187745
0,33
0,217989
0,09
-0,792001
0,00
:.i~Ii;i!l§!I::::::::::r.;:i:::::::~::::::::~:lli::I::m
Sexe
0,152062
0,21
0,107075
0,08
0,300552
0,00
Afrncam
0,259713
0,54
0,593042
0,31
0,623610
0,00
Nonafr
1,047224
0,00
0,313432
0,03
0,872544
0,00
Constante
2,271474
0,00
3,661833
0,00
2,932135
0,00
Mi~"lmiX11.;1IijIil:[:ji:[@[:~m\\[t
Niveau d'Instruction
0,36555
0,46511
0,48437
Expérience prof
0,17594
0,08931
0,00571
Age
0,00483
0,01587
0,00329
Branche d'activité
0,00563
0,01622
0,07209
Autres
0,04195
0,01077
0,02444
R2
0,59390
0,59728
0,67991
R2 ajusté
0,55522
0,55701
0,67498
F
15,35549
14,83143
138,17137
SlgF
0,0000
0,0000
0,0000
Somme des carrés
137,98751
51,57935
532,50744
des résidus
N
231
210
1322
(1) Probabilité ''two-tailed'' que le coefficient soit égal à zéro.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

274
Deuxième partie
Tableau 30 : Test de Chow relatif à l'estimation des fonctions de gains
Variable de Fisher-Snedecor (F)
F théorique: F 0.05(22,00 ) = 1,54
Paramètres
F calculé
Signification
Chow 1/2
200,71
0,00000
Chow 1/3
402,81
0,00000
Chow 1/4
742,26
0,00000
Chow 115
219,81
0,00000
Chow 2/3
82,02
0,00000
Chow 2/4
102,58
0,00000
Chow2/5
97,œ
0,00000
Chow 3/4
100,54
0,00000
Chow 3/5
133,00
0,00000
Chow 4/5
165,31
0,00000
Premièrement, les résultats sont acceptables lorsqu'on prend en compte l'ensemble des
travailleurs. On constate que le modèle permet d'expliquer plus de 55% de la variance des
gains. On remarque que le R2 est supérieur à celui obtenu pour l'ensemble des salariés du
secteur dans la première partie. Ceci est dû au fait que, dans cette nouvelle estimation, nous
avons pris en compte les travailleurs de l'administration puisqu'ils ont été intégrés dans les
groupes. Par rapport aux différents groupes, l'explication de la variance des gains n'est pas
la même. Pour les indépendants marginaux (modèle VU) et les indépendants supérieurs
(modèle VIII), la part de la variance des gains expliquée est faible (11% et 31%) ; tandis
que pour les trois autres groupes (modèle IX pour le salariat inférieur, modèle X pour le
salarial intermédiaire, et modèle Xl pour le salarial supérieur), celte part de variance
expliquée va de 59 à 68%. Ceci nous amène à une première conclusion : l'importance des
variables de capital humain dans l'explication du différentiel de gains varie d'un segment du
marché à un autre. A ce niveau, nous pouvons dire que chaque segment a un
fonctionnement propre, et une logique de détermination des salaires.
Deuxièmement, l'examen de certaines variables permet de formuler quelques remarques.
L'instruction n'a pas la même signification dans les différents groupes. Si l'on prend le
groupe des indépendants marginaux, l'instruction n'explique que 15% de la variance totale,
part inférieure à celle de l'expérience professionnelle et de la branche d'activité. 11 en est de
même du groupe salarial inférieur Olt la pail de variance expliquée par l'expérience
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
275
professionnelle est de l'ordre de 30%, alors que pour les groupes salariat intermédiaire et
salariat supérieur, cette part n'est que de 15 et 14%. Nous pouvons attribuer ces différences
aux caractéristiques des groupes. Ces caractéristiques justifient les spécificités des groupes.
C'est dans ce sens qu'une classification comme celle qui a été faite peut avoir une
importance. Etant donné l'hétérogénéité observée lorsqu'on raisonne en terme de secteurs
moderne et informel, il est difficile de capter l'influence des caractéristiques individuelles
dans la détermination des salaires. Or, avec des groupes homogènes, on se rend compte que
les modes de détermination des salaires dans les différents groupes ne privilégient qu'à des
degrés différents les variables du capital humain.
Troisièmement, les rendements des variables liées à l'éducation
et l'expérience
professionnelle diffèrent d'un groupe à un autre. Ainsi, toutes chose égales par ailleurs, les
individus ayant le niveau primaire complet (EDU2) obtiennent respectivement des revenus
qui sont J4,26%, 1,64%, 15,92%, 6,25% et 9,9 J% plus élevés que ceux qui sont sans
instruction dans les groupes indépendant marginal, indépendant supérieur, salariat inférieur,
salariat intermédiaire et salariat supérieur. Par contre, si l'on passe du primaire complet
(Edu2) au premier cycle complet (Edu4), en considérant les groupes indépendants
supérieurs et salariat inférieur, la variation' des revenus est respectivement de 69,4% et de
35,8%. Pour ce qui est de l'expérience professionnelle, on constate des grandes différences
au niveau de l'accroissement des salaires dû à une année supplémentaire d'expérience. Cet
accroissement est respectivement de 4,38%, 7,53%, Il,66%, 2,36% et 5,49%.
Dans ce contexte, les effets de la variation des caractéristiques liées au capital humain
sont différents selon les groupes. Ceci nous laisse croire que, chaque segment du marché du
travail a ses modes propres de détermination des salaires. Les différences de salaires ainsi
observées entre les groupes dépendent de la multiplicité des tendances salariales qui existent
au sein du marché du travail.
1 Pour deux niveaux d'instruction consécutifs i et k, le pourcentage d'accroissemnt du revenu inhérent à la
kème année d'instruction est: [COll. Jli) - 1] * 100 Pour la transformation exponentielle à partir de la fonction
de gain; on peut consulter LACHAUD JP (1992).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

276
Deuxième partie
Comme nous venons de le VOIr, nous seulement les variables du capital humain
n'expliquent pas la totalité de la variance des revenus entre les individus, mais l'effet de ces
variations est différente suivant le segment de marché. Ce qui nous fait penser que
l'existence de ces segments est renforcée par la nature des politiques salariales "internes" des
entreprises. Dans le cas du Cameroun, il pourrait être intéressant de vérifier au moins si les
entreprises ont des marchés internes en vérifiant l'hypothèse du salaire d'efficience.
1/. Politiques salariales des entreprises et segmentation du marché
du treveit',
Comme il a été souligné dans le cadre de l'objectif et de la méthodologie de cette étude,
l'explication de la structure des salaires et du niveau de l'emploi est liée à l'idée d'un marché
du travail où il existe des marchés internes. Ainsi, l'extension du cadre d'analyse du
dualisme du marché du travail dans la compréhension du fonctionnement du dudit marché
nous amène à justifier l'applicabilité de cette extension néoclassique aux pays en
développement et par là sa validité dans le cas du Cameroun.
A. L'adaptabilité du modèle
Du fait de l'existence de différences observables entre les individus initialement dotés
d'un capital humain identique, une interprétation des écarts de salaires et de la persistance
du chômage à partir des politiques salariales et d'emploi des entreprises est envisageable.
1. La justification de l'application du modèle au Cameroun
Du fait de l'existence du chômage et d'un différentiel de gains entre les individus
possédant les mêmes caractéristiques' au Cameroun, la prise en compte des politiques
internes des entreprises s'avère nécessaire pour appréhender ces phénomènes.
1 Il s'agit en partie des résultats d'une étude effectuée dans le cadre de l'analyse du salaire d'efficience et du
marché du travail au Cameroun. Voir ABESSOLO Y. (1996).
2 Il s'agit des diffférences décelées entre les entreprises publique, privée et informelle.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
277
En ce qui concerne le secteur public, en accord avec le modèle, le comportement
optimisateur qui le sous-tend peut être réfuté. Comme le souligne LlNDAUER', la politique
« salaire-emploi» du secteur public est fortement conditionnée par le montant de la dépense
budgétaire affectée aux charges salariales et / ou transferts en faveur des entreprises
publiques. Pour un montant donné de celle-ci, un ensemble de combinaisons « salaire-
emploi» caractérisées par une élasticité unitaire et respectant celle contrainte est
envisageable" Du fait de la dépendance de la politique salariale à la dépense budgétaire, les
entreprises publiques se trouvent donc plus exposées aux aléas conjoncturels. Ainsi, les
différentes mesures d'ajustement structurel « imposées» par la Banque mondiale et le
Fonds monétaire international ont conduit les pouvoirs publics à une restriction budgétaire
au dépend des entreprises publiques qui connaissent un réajustement salarial plus marqué
que les entreprises du secteur moderne privé. La conséquence immédiate est le relâchement
dans l'effort à tous les niveaux de la hiérarchie.
Dans le cas du secteur privé en revanche, l'hypothèse de minimisation du coût de l'unité
efficace de travail est d'autant plus applicable que le secteur d'activité dans lequel opère la
firme est exposé à la concurrence. Comme le note MAZUMBAR3, la relation d'efficience
qui caractérise le comportement optimisateur du producteur dans le secteur privé, impose le
respect d'une norme salariale en dessous de laquelle la dégradation de la productivité est
plus que proportionnelle à la réduction du coût salarial unitaire.
Ainsi, des tests économétriques réalisés sur données d'entreprises ou sectorielles sont
donc susceptibles de mesurer l'intensité des relations d'efficience qui caractérisent la
sanction du marché et la contrainte d'un impératif de compétitivité susceptible d'apporter
par là une explication de la segmentation du marché du travail dans un pays comme le
Cameroun.
2. Les méthodes de mesure de la relation d'efficience
---- --- - - - - - - - - -
1 L1NUAUEH D. L., in M. HOEMEH cl C JONES (l')X'))
2 Notons que l'existence du syndicat qui cherche à maximiser le gain de ses membres pourrait nourrir une
telle interprétation. Elle semblerait plus proche de l'arbitrage « salaire sécurité d'emploi» avancé par la
théorie des contrats implicites, SOLOW et Mc DONALD (1981), LESUEUR (1988).
3 MAZUMBAR ( 1989).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

278
Deuxième partie
Il s'agit de présenter les méthodes de mesure de la relation d'efficience et de justifier
laquelle peut s'accommoder aux contraintes quantitatives et qualitatives des informations
statistiques disponibles au Cameroun.
a. Les tests indirects
Cette première méthode cherche à identifier l'intensité des relations d'efficience à partir
des conséquences attendues de l'application d'une telle stratégie sur la hiérarchie des
salaires. TI s'agit ainsi de déceler l'existence d'un différentiel de salaire persistant entre les
secteurs et 1 ou les catégories socioprofessionnelles, une fois corrigés les effets attendus du
capital humain et les éventuels effets compensateurs des caractéristiques non monétaires des
emplois. La hiérarchie des écarts de salaire enregistrée entre des individus rendus
équivalents, s'expliquerait ainsi par des politiques de salaire d'efficience différenciées selon
les entreprises.
Des études' portant sur des pays et des secteurs différents ont ainsi révélé, à partir
d'estimations économétriques de fonction de gains, des écarts inter sectoriels (et lou inter
catégoriels)de salaires relativement élevés et stables et ce, correction faite des spécificités
mesurables des emplois (niveau de formation, expérience professionnelle, sexe...) et des
secteurs.
Bien que les résultats de ces études constituent un test de « non réfutabilité» de la
théorie du salaire d'efficience, cette méthode est toutefois confrontée au problème de la
quantité et de la qualité des données qui la rend peu praticable au cadre des PVD étant
donné que les informations sur les salaires et les caractéristiques des emplois sont très
parcellaires. D'où d'ailleurs la nécessité de mettre un accent sur les enquêtes ménages'.
Enfin, il convient de se montrer prudent dans le lien qui est fait entre l'observation d'une
dispersion non compensatrice des salaires et la théorie du salaire d'efficience, le rôle joué
1 KREGER et SUMMERS (1988) ; PLASSARD et T AHAR (1990).
2 Les enquêtes ménages sont encores rares, on peut citer celles de VAN DER GAAG et VIJVERBERG
(198ô, 1<)88); quelques enquêtes réalisées par LACHAUD lP. (1985, 1990-91); conjointe IlES (Institut
international d'éludes sociales, Genève) el ON l/P (Office liai ioual de form.u ion professionnelle, Côte-
d'Ivoire) (1986-87).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
279
par certaines caractéristiques non mesurables du capital humain (réputation, confiance,
accords implicites... ) ne pouvant être ignoré.
b. Les tests directs
Une deuxième méthode de test économétrique de l'hypothèse de salaire d'efficience
consiste à pratiquer un test direct en comparant la mesure empirique de l'élasticité de l'effort
au salaire par rapport à sa mesure théorique unitaire. Sur le fond, il s'agit d'expliciter une
fonction d'effort agissant multiplicativement sur l'emploi et d'intégrer cet effet d'efficience
dans le cadre plus général de l'estimation d'une fonction d'emploi' ou d'une fonction de
.
d
2
pro ucnon .
Cette méthode présente un certain nombre d'avantages :
- Elle intègre l'Influence des caractéristiques d'entrepriscs (intensité capitalistique,
structure de qualification ...) sur la relation salaire-productivité à partir d'une fonction de
production.
- Elle prend en compte l'hétérogénéité qualitative des emplois et de son effet attendu
sur le niveau de salaire de la firme, ce qui permet d'apprécier l'existence d'une corrélation
entre le salaire moyen et la productivité du travail.
- Enfin, une relation fonctionnelle relie l'effort au salaire relatif, de sorte que les phases
du rendement non proportionnel de l'unité efficace en travail sont intégrées dans le modèle.
B. La validité du modèle
La validité du modèle du salaire d'efficience devrait s'inscrire dans le cadre de notre
problématique. Ainsi allons-nous intégrer les éléments liés à notre cadre d'analyse. Nous
spécifierons d'abord le modèle économétrique et la méthodologie adoptée, ensuite nous
présenterons nos résultats.
1 NICKELL et WADHWANI (1987); LESUEUR (1991).
2 DEOLALIKAR (1988), WADHWANI et WALL (1988); BLANCHARD et SEVESTRE (1991).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

280
Deuxième partie
1. Le modèle économétrique et la méthodologie
a. Le modèle économétrique
Nous nous inspirons des travaux qui viennent d'être présentés et surtout d'un test
économétrique similaire effectué sur les relations d'efficience salaire-productivité dans
l'industrie ivoirienne'. Nous pouvons spécifier le modèle de la manière suivante.
/
A partir d'une fonction de production de type Cobbs Douglas nous avons:
Log VAJiI = a Log STKii + f3 Log L·iI + rt + ete
(85)

VAJiI est la valeur ajoutée dégagée par l'entreprise i à la période t
STKit le stock de capital de la firme i à la période t
t,', l'emploi mesuré en termes d'unités efficaces (hommes x heures efficaces de travail)
t une variable temporelle captant l'effet du progrès technique non incorporé.
L'emploi techniquement efficace est décomposé comme suit:
Log L·iI = Log L'il + Log eil + Log DHT
(86)

L'il est l'emploi mesuré en unités de productivités marginales
eil l'effort moyen par heure travaillée
DHT la durée du travail supposée fixée de manière exogène
La fonction d'effort est explicitée de la manière suivante:
Log eil = a Log (SAL iI ! SALEXJ
(87)

SALil est le salaire moyen onen par la firme i à la période t
1 CHAMBRAS G. et LESUEUR J-L. (1992).
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
281
SALEXl le salaire moyen proposé sur le marché externe et correspondant au salaire de
réservation auquel l'individu pourrait prétendre au cas de démission ou de licenciement.
a l'élasticité de l'effort au salaire relatif
L'emploi en termes d'unités de productivités est :
"
(88)
1
L'il = L)jLijt
j=1
où j = 1".,n est l'indice des différentes qualifications disponibles dans la firme i à la
période t.
Log L",
(89)
~ Logt,bjL" ~ LO~L, +~(bj -I)L"]

n
L = LL , est l'effectif total de la firme i à la période t.
il
ii
J~I
En posant: Cj= hj - 1 et en factorisant l'expression (89) en Lit, on obtient:
n-I
L..
Log t., = Log Lit + Log(l + ~Cj ~:)
(90)
En posant le deuxième membre de gauche de la relation (90) égale à Z,
d'où
(91)
L!J/ / Lit est le taux d'emploi de la qualification j dans la firme i à la période t.
(85), (86), (87) et (91) conduisent à la forme réduite du modèle théorique:
SAL
~
Lijt
Log VA)jl = al.og STKit -1- IJLog L" -1 IJaLog SALfx-+ f3 L.JcJ L-+yt + ete (92)
,
}=I
il
Le modèle économétrique à tester est alors:
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

282
Deuxième partie
SALit
~
Lijt
Log VAlit = A Log STKiI + B Log Lit + D LogSALEX + .L.JE L
+
j
F T + G +
t
J;l
/1
RESID
Les valeurs estimées des paramètres sont identifiables à partir des coefficients de
-- régression, soit :
ail =A
pli =B
ail = DIB
y" = F
et
Cil. = KI B
J
'J
h" = c') + 1
avec j = ),...n.
b. La méthodologie
Pour réaliser notre estimation, nous faisons WI test direct pour les raisons évoquées plus
haut. Il s'agit donc de mesurer l'élasticité de l'effort au salaire par rapport à sa mesure
théorique unitaire. A cet effet, nous estimons une fonction de production du type Cobb
Douglas à laquelle nous intégrons une fonction d'effort telle qu'elle est spécifiée dans le
modèle économétrique.
A partir des différents postes du bilan des entreprises et du code de nomenclature des
activités nous procédons de la manière suivante pour déterminer le salaire relatif des
entreprises:
~ Compte tenu des difficultés de mesure et d'interprétation de certains indicateurs (taux
de chômage, allocation chômage, ...) qui rentrent dans la construction du salaire de référence
du marché externe, nous avons déterminer le salaire moyen des entreprises appartenant à la
même branche d'activité.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
283
- Ensuite nous rapportons le salaire de l'entreprise (qui est le rapport de la masse
salariale à l'effectif total de l'année) au salaire moyen des entreprises pour la même branche
; ce qui nous permet d'obtenir un indicateur simple de salaire relatif.
En ce qui concerne la spécification de certaines variables, l'évaluation de celles-ci
mérite une attention particulière. D'après la définition du plan comptable OCAM1, la valeur
ajoutée telle que présentée dans les bilans d'entreprises ne tient pas compte de la dimension
temporelle. Ce qui nécessitait à priori des déflateurs pour neutraliser la dispersion des prix.
Dans le cas du secteur industriel camerounais, et compte tenu de notre période d'analyse
(1988-1993), les prix se sont avérés plutôt stables, c'est la raison pour laquelle nous
n'avons pas eu besoin de faire un ajustement. Par contre, pour ce qui est du stock de
capital, la règle comptable impose aux entreprises d'enregistrer les investissements à l'actif
du bilan. Les investissements sont ensuite amortis compte tenu de leur durée de vie. Pour
évaluer le stock de capital brut pour chaque période, des informations relatives à l'âge de
sortie des équipements et leurs valeurs de remplacement sont donc nécessaires. Or les
données bilantielles utilisées ne nous permettent pas d'avoir ces informations. C'est pour
cette raison que nous avons préférer évaluer le stock de capital fixe à partir des
investissements nets cumulés plutôt que de la valeur brute des immobilisations. Ce choix
présente l'inconvénient d'imposer aux équipements une loi de mortalité plus comptable
qu'économique, mais a l'avantage d'éviter une rupture sérielle occasionnée par les
éventuelles réévaluations réalisées dans la période.
Les variables suivantes sont donc utilisées pour estimer la forme réduite du modèle:
Logl/Al; : le logarithme de la valeur ajoutée de la firme i à la date t
LogSTKil : le logarithme du stock de capital fixe productif de l'entreprise i à la date t
LogEMTil : le logarithme de l'emploi total de la firme i à la période t
LogWRELil le logarithme du salaire relatif de l'entreprise i à la date t
PCMil : la part des effectifs des cadres ct maîtrises camerounais ct africains dans
1 Organisation comptable pour l'Afrique et Madagascar.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

284
Deuxième partie
l'emploi total de la firme i à la période t
PEXil : la part des expatriés dans l'emploi total de la firme i à la date t.
Notons que les deux dernières variables ont été introduites dans le modèle pour
apprécier l'influence du taux d'encadrement sur le salaire relatif qui n'est pas analysée dans
le cadre de cette étude'.
2. Les résultats
Avant de présenter les résultats du test économétrique proprement dit, il convient de
voir d'abord l'évolution de la structure des emplois et des salaires des entreprises de notre
échantillon. Les tableaux et graphes suivants appellent à quelques observations.
Tableau 26: Evolution de la structure des emplois et des salaires des entreprises au
Cameroun.
% croissance (1)
Emploi total
Salaire de l'entreprise
Branches
d'activité
Période (base = 88-89)
Période (base =88-89)
05
5,03
1,51
06
-7,91
-7,24
09
-11,00
-13,54
10
3,8
-16,24
11
11,16
5,52
12
11,48
-11,63
13
-14,88
-9,35
14
10,99
11,27
15
-6,22
-17,34
16
-6,63
6,71
17
7,2
6,22
18
-7,1
-6,2
19
-7,57
-5,39
20
4,51
-4,26
22
-7,51
-12,02
23
2,91
4,37
24
-23,65
23,87
Ensemble
. -6,05
-1,11
(1) Il s'agit des taux de croissance annuels moyens de la période 1988-1993.
Source: statistiques issues de la banque de données financière du Cameroun.
1 Ceci fuit plutôt partie d'une de nos éludes Cil cours sur « L'influence des structures de contrôle sur le
salaire d'efficience des entreprises camerounaises ».
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
285
05 : Exploitation forestière
06 : Industries extractives
09 : Boulangerie, pâtisserie
10 : Autres industries alimentaires
Il : Fabrication des boissons et tabacs
12 : Industries textiles et confection
13 : Fabrication de chaussures et industrie du cuir
14 : Industrie du bois et fabrication des meubles
15 : Industrie du papier et articles en papier
16 : Industries chimiques, fabrication des produits chimiques
17 : Industrie du caoutchouc, plastique
18 : Fabrication des matériaux de construction
19 : Industrie métallurgique de base
20 : Fabrication d'appareils mécaniques et électriques
22 : Industries manufacturières diverses
23 : Electricité, gaz et eau
24 : Bâtiment et travaux publics
Nous avons à partir de ce tableau présenté l'évolution des salaires et emplois de
l'ensemble dc ces entreprises sur la période 1988-1993.
Figure 24 : Evolution des emplois pour l'ensemble des entreprises durant la période 88-93
Emploi lolal
Ann"
"
Source: Statistiques recueillies à /a banque de données financières du Cameroun (janvier 1995).
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

286
Deuxième partie
Figure 25 : Evolution des salaires pour l'ensemble des entreprises (1988-1993).
Salaire total
93
92 -
91
90
•Il.11.!;1
89
88 -
87 -
86 -
88-89
89-90
90-91
91-92
92-93
Année.
Source: Statistiques recueillies auprès de la banque de données financières du Cameroun (janvier 1995).
Nous pouvons constater que durant notre période d'étude (1988-1993), il Y a une
tendance générale à la baisse de l'emploi et des salaires dans les entreprises au Cameroun, le
tableau 31 nous donne des taux de croissance annuels moyens de l'emploi et des salaires de
-6,05 et -1,11 %). Ceci confirme l'hypothèse que nous avons faite sur la situation globale de
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

-
Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
287
1
1
l'économie (situation de crise). En ce qui concerne cette évolution par branche d'activité,
trois de cas de figure se présentent:
1

soit la baisse de l'emploi s'accompagne d'une baisse de salaire, ce qui rentre dans un
1
cadre normal de rationalité de l'entreprise (contraction des coûts directs de production à
travers les salaires),
1

soit une baisse de l'emploi et une augmentation des charges salariales, ce qui laisse
croire que ces entreprises optent plutôt pour un assainissement des conditions de travail
avec pour objectifl'amélioration du traitement des travailleurs,

soit enfin, une augmentation de l'emploi et une baisse des salaires, ce qui rentre dans
le cadre global des mesures d'ajustement structurel imposées par les bailleurs de fonds
internationaux (dans ce cas, ce sont surtout les entreprises parapubliques qui sont
concernées).
D'une manière générale, que ce soit pour les branches d'activité ou pour l'ensemble des
entreprises pour les différents exercices, nous pouvons tirer une conclusion même hâtive
d'une absence de rigidité des niveaux de salaire et de l'emploi. Ce qui nous laisse croire que
les entreprises au Cameroun sont susceptibles d'adopter des politiques de marché interne.
Ainsi, les résultats de l'estimation économétrique du modèle sont présentés dans Je
tableau ci-après:
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

288
Deuxième partie
Tableau 32: Coefficients de l'estimation du modèle du salaire d'efficience
Paramètres
Variables
Coefficients estimés
T de Student
Signiticativité (T)
LogSTK
0,115
10,742
0,00J1 (0)
LogEMT
O,4œ
6,753
0,COJ1 n
LogWREL
0,402
4,576
0,00J1 (')
LogPCM
-1,492
-0,276
0,7811 (ns)
LogPEX
-0,512
1,861
0,0636 (00)
Constante
2,413
3,596
O,aD4(O)
R2
0,645
R2
0,640
a
F(SigF)
125,40 (0,COJ1)
N
70 (350 cas)
(0) significactif au seuil de 1%
(00) significatif au seuil de 10"'"
(ns) non significatif
Dans l'ensemble, les résultats de l'estimation sont satisfaisants du point de vue
économétrique. Le modèle restitue 64,5% de la variance de la valeur ajoutée. La qualité de
l'estimation est acceptable (le R2a est sensiblement égal au R2, et les valeurs des t-de
Student sont assez élevées).
Presque toutes les variables sont significatives au seuil de 1 et 10%, sauf celle liée à la
participation des cadres et maîtrises. Comme nous l'avons indiqué, la variable qui nous
intéresse est le salaire relatif à travers lequel nous avons défini la fonction d'effort. Ainsi, on
constate que la relation d'efficience est très marquée puisque l'élasticité 1 de l'effort au
salaire relatif est de 0,985, valeur très proche de la norme théorique. Nous pouvons noter
l'existence des rendements d'échelle presque égaux à l'unité dans les secteurs étudiés dans
la mesure où nous avons a + p + pa égale à 1,09. Une observation particulière mérite d'être
faite: l'identification des coefficients de régression des taux d'emploi catégoriels aboutit à
des conclusions surprenantes'. En effet, les résultats nous conduisent à mettre en évidence
l'impact de la productivité des catégories cadres-maîtrise et personnel expatrié sur celle de
1 En rappel, l'élasticité de l'effort au salaire relatif est:
= D/B, 0 étant le coefficient estimé de la variable
â
WREL, et B = P le coefficient de la variable EMT.
2 Comme nous l'avons déjà évoqué, des analyses à ce sujet sont en cours dans le cadre d'une étude faite sur
le thème « structures de contrôle et salaire d'efficience dans les entreprises camerounaises ». Afin d'évaluer
l'influcnce de 1;1 mission de contrôle des cadres et maitnses et des expatriés sur l'efficacité du personnel
d'encadrement, nous relions l'élasticité de la productivité au salaire relatifau taux d'encadrement.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capitalhumain, salaires et segmentation du marché du travail
289
la catégorie ouvriers et manoeuvres que nous considérons comme référence. La lecture
directe des résultats montre que la productivité des cadres et maîtrises et celle des expatriés
est tout simplement négative. Nous pouvons brièvement expliquer ce deuxième volet du
résultat par le fait que dans la décomposition de la catégorie cadre-maîtrise, on prend en
compte les responsables techniques et les responsables administratifs qui n'ont pas pourtant
la même action sur l'efficacité du personnel d'exécution d'une part; et d'autre part, la
prédominance des entreprises du secteur public de grande taille apporte une influence par le
biais d'une majorité de cadre et maîtrise jeunes diplômés et non expérimentés qui peuvent
jouer en défaveur de la productivité du personnel d'encadrement camerounais. Mais en
reliant l'élasticité de la productivité au salaire relatif au taux d'encadrement l, l'explication
d'un tel phénomène peut être recherchée dans la nature particulière des emplois qui
caractérisent ces salariés.
D'une part, les fonctions de direction et les responsabilités administratives confiées à
ces actifs très qualifiés exercent une influence indirecte sur la productivité du travail difficile
à évaluer.
D'autre part, l'écart de salaire qui les distingue de la catégorie de référence pour
l'ensemble des deux catégories de contrôle, et l'écart de salaire les expatriés et les cadres
camerounais dépassent nettement le différentiel de productivité apparent les séparant. Si la
théorie du capital humain et la théorie du signal peuvent sur ce point conforter l'explication
d'une telle distorsion du prix du travail par une pénurie de main-d'oeuvre hautement
qualifiée au niveau local par rapport aux expatriés, ce qui crée une prime à la mobilité aux
candidats expatriés, dans le cas du Cameroun, la réalité se trouve peut être ailleurs.
De plus, le salaire des expatriés est fixé en fonction des conditions de marché de la
main-d'oeuvre qualifiée offertes dans les pays industrialisés. Le prix de marché est donc
largement supérieur au salaire d'acception d'un cadre local doté des mêmes caractéristiques.
Nous remarquons que la structure des entreprises d'une part, et leurs politiques internes
(en termes de gestion de la main-d'oeuvre et de minimisation des coûts salariaux) d'autre
1 Il s'agit des résultats préliminaires de notre étude en cours.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

290
Deuxième partie
part, donnent une autre vision au fonctionnement du marché du travail. Autant, comme
nous venons de le voir, certaines variables institutionnelles (taille de l'entreprise, branche
d'activité) apportent des éléments supplémentaires à l'explication de la segmentation, autant
dans le marché du travail camerounais, l'existence de salaire d'efficience au sein d'un grand
groupe d'entreprises est significatif dans cette explication.
En somme, l'analyse de la segmentation nous a permis de voir que d'autres facteurs
autres que le capital humain expliquent les écarts de salaires entre les individus. Nous avons
donc pu dégager au sein du marché du travail camerounais cinq segments de marché qui
semblent avoir llll lien avec la structuration réelle de ce marché. Même si toutes les
hypothèses de la segmentation ne sont pas vérifiées, c'est le cas par exemple de celle liée à
la mobilité, il est sûr qu'il existe une segmentation qui va au delà des hypothèses du
dualisme. Le lien entre le capital humain, les salaires et la segmentation existante se révèle
au niveau de la valorisation de ce capital humain sur le marché du travail. Cette valorisation
est largement fonction de ]' appartenance à tel ou tel segment de marché. Donc les modes de
détermination des salaires ne suivent pas une logique unique; les salaires dépendent en fait
de la structuration du marché du travail qui repose sur cet aspect de la segmentation. On
peut enfin noter que l'existence d'une politique de salaire d'efficience au sein des entreprises
camerounaises ne peut que conforter cette logique de détermination de salaires qui ne
dépend plus que du capital humain, mais aussi de la segmentation du marché du travail
camcrouuais.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

2
Conclusion générale
CONCLUSION
GENERALE
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
293
L 'analysedesmécanismesdefonctionnementdumarchédutravaildansles
pays en développement est toujours un exercice périlleux, aussi bien à cause
du cadre d'analyse utilisé, que des informations disponibles. Ainsi, loin d'avoir
levé toutes les équivoques pouvant exister dans ce genre d'analyse, nous avons au moins pu
formuler quelques observations en ce qui concerne le marché du travail au Cameroun.
D'abord, tous les phénomènes mis en évidence sont confrontés à l'hétérogénéité des
formes d'organisation sociales lorsque celles-ci sont quantifiables. Ainsi, nous avons pu
constater qu'à partir de l'offre de travail des populations, les déterminants sont aussi divers
selon qu'on opte pour telle ou teUe approche. La conséquence est la multiplicité des
comportements des individus sur le marché du travail tant du point de vue des
caractéristiques individuelles de la population active que de celui des formes d'emplois et
des rémunérations qui en résultent. Dans ce cadre, si la théorie du capital humain a permis
d'attribuer une
grande part des écarts de
revenus entre les individus
ayant
des
caractéristiques identiques à leur différence de dotation en capital humain (niveau
d'instruction, expérience professionnelle), l'ambiguïté se situe au niveau de son application
comme théorie des choix rationnels.
Nous avons dès le début de ce travail tenu compte du contexte économique (et même
politique) actuel du Cameroun. Dans ce sens, on a l'impression que les comportements des
individus dans leur choix pour l'éducation sont révélateurs d'un certain pessimisme du rôle
social même de celle-ci. Dans la mesure où l'exclusion sociale s'accroît de même que la
marginalisation de la population, c'est la rentabilité des investissements en capital humain
(surtout les investissements en éducation) qui se voit remise en question. La faiblesse des
institutions et le contexte de crise actuel (on peut ajouter aussi l'absence de perspectives à
terme) sont loin d'améliorer cette situation, au point où nous pouvons nous demander quel
est l'avenir de l'éducation dans un pays comme le Cameroun qui en a énormément besoin
lorsque la rentabilité de celle-ci commence à être appréhendé comme nulle par la
population.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

294
Conclusion générale
Nos investigations nous ont révélé que la structure du marché du travail au Cameroun
laisse identifier que des facteurs autres que le capital humain contribuent à la formation des
salaires. Les données statistiques nous ont prouvé que plusieurs dimensions individuelles,
sociales, spatiales et structurelles ont une influence sur la formation des revenus. C'est dans
ce sens qu'il nécessite de dépasser la considération simpliste et systématique d'une
dichotomie secteur informel-secteur moderne. Nos analyses nous ont amené à constater que
l'existence d'un secteur informel est un fait social au Cameroun, mais toute analyse du
marché du travail devrait la transcender si l'on veut pouvoir prendre des mesures fiables.
C'est ainsi que les revenus ne sont pas toujours plus élevés dans le secteur moderne, ni les
niveaux d'instruction. Il en cst de même des schémas de mobilité prévus par les modèles
dualistes ; comme nous l'avons montré, les ajustements de salaire à la baisse, le
restructuration des entreprises publiques et les difficultés auxquelles font face les entreprises
privées créent une nouvelle logique dans la mobilité des travailleurs. Nos investigations
nous ont révélé que de multiples facteurs agissent sur la formation des inégalités de revenus
soit à travers une influence sur la formation du capital humain (son financement), soit
directement et dc façon autonome. A cet effet, et c'est d'ailleurs la limite de la théorie du
capital humain qui découle de nos analyses, celle-ci est plus fiable dans l'explication de la
structuration du marché du travail et l'est moins dans la mise en évidence du processus de
segmentation du marché du travail urbain. L'analyse des données a conduit à différencier le
marché du travail en cinq segments homogènes. L'analyse des modes de fixation des salaires
doit passer par la prise en compte dc ces différents groupes.
C'est dans le but de pallier celle carence analytique que nous avons intégrer des
hypothèses propres de la segmentation du marché du travail, elles même liées à "celles" d'un
marché de l'éducation pour parvenir à une explication plus cohérente des différentiels de
revenus. Nous avons pu constater que le phénomène de segmentation au Cameroun était lié
à certains facteurs institutionnels d'ordre général que nous avons mis en évidence (taille de
l'eut reprise, scct cur d'a et ivité) ct d'ail' l'CS facteurs qui découlent des polit iques internes des
entreprises. Nous avons décelé à cet effet qu'il existaient des salaires d'efficience au sein des
entreprises camerounaises. Ainsi, il s'est avéré que l'influence des facteurs du capital humain
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Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
295
et institutionnels dans la détermination des salaires était différentes selon tel ou tel segment
du marché du travail, ce qui renforce l'idée même de l'hétérogénéité du marché du travail
camerounais. Malgré les limites de nos résultats, ceux-ci ont confirmé les hypothèses du
modèle du salaire d'efficience. La prise en compte de cette hypothèse dans le problème de
l'emploi nous fait croire que ces politiques internes des entreprises peuvent être à la base
d'une forme de chômage (involontaire), ceci d'autant plus vrai que nous avons constaté des
prétentions salariales à la baisse des chômeurs au Cameroun.
D'une manière générale, bien que la théorie du capital humain constitue un noyau dur
dans l'explication de la formation des salaires, la compréhension de la segmentation du
marché du travail dans les pays sous-développés doit passer par la pris en compte des
hypothèses des extension néoclassiques (théorie du salaire d'efficience, théorie des contrats
implicites, théorie des négociation, etc .... ) pour mieux appréhender non le clivage entre
deux secteurs mais plutôt l'existence de plusieurs marchés du travail.
Enfin, compte tenu de la situation actuelle des pays en développement, on peut
s'interroger sur le rôle que pourra jouer l'éducation dans ces pays. Les politiques devront-
elles avoir pour objectifs l'accroissement de l'éducation pour le rôle social important qu'elle
joue, ou alors faudra-t-il privilégier son influence positive dans l'accroissement réel de la
productivité?
Bien qu'ayant révélée l'existence d'un lien entre la structure du marché du travail et les
modes de fixation des salaires d'une part, et le chômage d'autre part, la présente recherche
demande à être approfondie. Un effort mérite d'être fait dans la nature des investigations si
l'on souhaite à partir d'une stratification comme celle que nous avons faite, saisir les
mécanismes de fonctionnement réels du marché du travail au Cameroun en termes de
salaires et de déterminants du chômage.
D'une manière générale, la crise économique actuelle doit pousser les décideurs à revoir
leurs politiques. Si des mesures ne sont pas prises, une autre forme de crise du
développement pourra en résulter, car l'avenir de la relation formation-emploi dépend
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296
Conclusion générale
d'abord de celui de l'éducation dont la dérive ne pourra qu'élargir "Je cercle vicieux de la
pauvreté" dans un pays comme le Cameroun.
Nous pouvons donc nous interroger sur l'efficacité des mécanismes de fonctionnement
du marché du travail dans les pays en développement. Les modes de fixations de salaires
devraient-ils dépendre des forces du marché, ou alors l'Etat devrait-il plus s'imposer dans la
structuration du marché du travail ? Une chose est sûre, compte tenu des spécificités
sociales, les inégalités de salaires dépendront de l'organisation du marché du travail, et par
là, l'éducation dans un pays comme le Cameroun pourra jouer son rôle dans le processus de
développement.
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Capitalhumain. salaires et segmentation du marché du travail
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ROUBAUD F. "Le marché du travail à Yaoundé 1983-1993" Séminaire sur l'Emploi et le
Secteur informel au Cameroun" DIAL, n? 93140, novembre 1993.
SALAZAR-CARRILLO 1. (1982) : The Structure of Wages in Latin American
Manufacturing Industries, Miami, FL : Florida International University Book /
University Presses of Florida.
SALOP C. (1979) "A Model of the Natural Rate of Unemployment" American Economie
Review.
SCHIEFELBEIN E. et SIMMONS 1 (1979) "The Determinants of School Achievement :
A Review of the research for Developing Countries", I.D.R.C. Manuscript Reports
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SHAPIRO et STIGLITZ lE (1984) "Equilibrium Unemployment as a Worker Discipline
Deviee" American Economie Review, Vol 88.
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Londres, Croom Helm.
SOLOW R.M. et Mc DONALD 1. (1981) "Wage Bargaining and Unemployment"
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production : l'importance de l'analyse multisectorielle" Revue Tiers-Monde, tome
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STIGLITZ LE. (1976) "The efficiency Wage Hypothesis, Surplus, Labour and the
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STIGLITZ
lE.
(1982)
"Alternative
Theories
of
Wage
Determination
and
Underemployment, the Efficience Wage Mode}", in the Theorie and Experience of
Economie Development, Al1en-Unwin, London.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
313
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of Political Economy, Vol 81, na 1.
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Living Standard Measurement Study, Working Paper na 33, The World Bank.
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Experience, Credentials and Human Capital", Economic Development and Cultural
Change, Vol 37, na 2.
VIETORISZ T. et HARRISON D. (1973) "Labour Market Segmentation : Positive
Feedback and Divergent Development", American Economic Review. Papers and
Proceedings, Vol 3.
WACHTER M.L. (1974) "Primary and Secondary Labor Markets: A Critique of the Dual
Approch", Drooking Papers on Economic Activity~ Vol 3.
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WEISS A. (1980) "Job Queues and Layoffs in Labor Markets with Flexible Wages" Journal
ofPolitical Economy, Vol. 88, na 1.
WOLPIN K.1. (1977) "Education and Screening", American Economic Review, Vol 67, na
5.
WOLPIN
K.1.
(1992) : "The Determinants of Black-White Differences
in Early
Employment Careers : Scarch, Layoffs, Quits, and Endogenous Wage Growth",
Journal of Political Economy, vol 100, na 3.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

314
Bibliographie
ZAJDELA H., (1990) : "Le dualisme du marché du travail
enjeux et fondements
théoriques", Economie et Prévision, n° 92-93.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Tables des matières
1

316
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
2
SECTION 1. LE CONTEXTE DE L'ETUDE: UNE ECONOMIE EN PLEINE MUTATION
2
1. La situation d'ensemble de l'économie camerounaise
3
II. La dégradation du marché du travail
5
A. Une forte poussée des taux de scolarisation
6
B. L'explosion du chômage et la baisse des taux de salarisation
7
1. La montée du chômage
7
2. Une baisse des taux de salarisation
9
SECTION 2. LA PROBLEMATIQUE ET LA BASE THEORIQUE DE L'ETUDE
10
J. La problématique
10
II. L'approche théorique de l'étude
Il
SECTION 3. LA METHODE D'ANAL YSE
13
1. Le champ, les objectifs et les hypothèses de l'étude
13
A. Le champ de l'étude
13
B. Les objectifs et les hypothèses de l'étude
14
1. Les objectifs
14
2. Les hypothèses de travail
15
Il. Une dualité dans la procédure d'investigation empirique
15
A. Définition de quelques concepts
15
B. Les données utilisées
18
1. Les données relatives aux ménages
19
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain. salaires et segmentation du marché du travail
317
PREMIERE PARTIE :.
CAPITAL HUMAIN ET DETERMINATION DES SALAIRES:
ANALYSE THEORIQUE ET EVALUATION EMPIRIQUE AU
CAMEROUN
22
CHAPITRE 1.
24
ANALYSE THEORIQUE DU CAPITAL HUMAIN
24
SECT/ON 1. L'APPROCHE THEORIQUE DES INVEST/SSEMENTS EN CAPITAL HUMAIN
25
J. Le choix rationnel de l'investissement humain: la théorie du capital humain
25
A. Le concept d'investissement humain
25
B. Rationalité et investissement en capital humain
27
C. Les décisions individuelles d'investissement en capital humain
30
1. Les hypothèses du modèle de BEN PORATH
30
2. Le coût marginal du capital humain
31
3. L'avantage marginal du capital humain et l'investissement optimal
32
4. La décision d'investir et la courbe de demande de capital humain
34
5. L'offre de capital et l'investissement en capital humain
38
D. Les différences de comportement d'investissement en capital humain
40
II La signification des modèles de salaires
45
A- L'application à la théorie de la concurrence
45
B. Les fonctions de gains.
49
1. Lc modèlc théorique
49
a. Les objectifs de la fonction de gains
49
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

318
Table des matières
b. Le modèle
50
i). Les hypothèses générales du modèle
50
ii). La formulation du modèle
51
iii). Une simplification du modèle de gains: le modèle de scolarité.
53
2. La prise en compte des investissements postscolaires
55
a. Les profils des salaires bruts
56
i). En absence de dépréciation du capital humain
56
ii). Les effets de la dépréciation sur le profil du salaire brut
58
b. Le profil du salaire net
60
i). En l'absence de dépréciation
60
ii). Les effets de la dépréciation sur le salaire net
62
3. La forme courante des fonctions de gains.
63
SECTION 2. VARIANTES ET LIMITES DE LA THEORIE DU CAPrrAL HUMAIN
66
1. Une théorie compatible à la théorie du capital humain: la théorie du « job search »
67
A. Les principaux axiomes de la théorie
67
B. L'explication par la théorie du chômage volontaire.
68
II. Quelques critiques de la théorie du capital humain
70
A. Les limites de la théorie du capital humain
71
1. Les limites de l'hypothèse selon laquelle un accroissement du capital humain augmente
la productivité.
71
2. La non prise en compte du coté de l'offre.
72
B. Une critique à travers un modèle alternatif: la théorie du filtre
72
1. Présentation du modèle de base.
73
2. La valeur sociale du filtre: le cas d'un modèle à un facteur.
76
3. Une contradiction des vérifications empiriques.
79
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
319
C. L'application de la théorie du capital humain dans les pays sous-développés: forces et
limites.
82
1. Les facteurs justifiant son application
82
2. Les limites de son utilisation
84
a. La complexité du lien capital humain et développement économique
84
b. Les limites liées à la qualité de l'éducation
85
c. Les problèmes d'évaluation économétrique
88
CHAPITRE 2.
91
LES SALAIRES AU CAMEROUN: LEUR EXPLICATION PAR LA RENTABILITE DU CAPITAL
HUMAIN
91
SECTION 1. LA STRUCTURE DU MARCHE DU TRAVAIL AU CAMEROUN
91
1. Les caractéristiques socio-démographiques et les revenus
92
A. Les caractéristiques socio-démographiques
92
1. Quelques caractéristiques de l'ensemble de la population active
92
2. L'évaluation de la structure éducative
94
a. Les données relatives à l'éducation
95
b. La structure éducative de la population étudiée
96
c. Les spécificités de la durée d'instruction par classes d'âge et le statut sur le marché
du travail
103
3. Les conditions d'activité
107
B. La structure des revenus
109
1. Une forte disparité dans la distribution des revenus individuels
110
2. La prise en compte du statut dans l'emploi
114
II. Les déterminants de rame de travail
119
A. La modélisation de l'offre de travail
119
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

320
Table des matières
1. Les fondements micro-économiques de l'offre de travail
120
2. Le modèle théorique
121
3. La formulation du modèle empirique
122
a. La fonction de participation
122
b. La fonction d'offre de travail
123
B. Les résultats
124
1. Une participation multiforme
124
2. Une offre de travail hétérogène
128
SECTION 2. ANAL YSE EMPIRIQUE DU CAPITAL HUMAIN DANS LA DETERMINATlON DES
SALAIRES AU CAMEROUN.
132
1. L'analyse des déterminants des gains individuels.
132
A. Une mise en valeur du capital humain variable
132
1. Mise en évidence du processus de filtrage vers le bas
133
a. La méthode d'anal yse
133
b. Les résultats
134
c. Les limites de notre approche
137
2. L'analyse des profils âge-gains
138
a. La méthodologie
138
b. Les profils âge-gains de la population étudiée
139
B. L'estimation des fonctions de gains
142
1. La méthode d'analyse
142
2. L'analyse des gains
145
a. Des salariés du secteur moderne
145
b. Dans le secteur informel
154
II. Une gestion particulière du capital humain: le comportement des chômeurs
159
A. Le cadre nnnlytiquc
160
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
321
B. Quelques caractéristiques des chômeurs
161
C. Les déterminants des anticipations à la baisse des salaires
164
1. La méthode d'analyse
164
2. Les résultats
166
DEUXIEME PARTIE.:
SALAIRES ET SEGMENTATION DU MARCHE DU TRAVAIL
CHAPITRE 3.
174
L'ANALYSE THEORIQUE DE LA SEGMENTATION DU MARCHE DU TRAVAIL.
174
SECTION 1. LES FONDEMENTS DES MODELES DE SEGMENTA TlON
175
l. Rappels
175
A. L'équilibre néoc1assique du marché du travail
175
B. Les hypothèses de base des modèles de segmentation
177
1I- L'approche institutionnaliste.
178
A- L'explication de l'opposition entre le modèle institutionnaliste et le modèle néoclassique
du marché du travail
179
B. L'approche duale du marché du travail.
180
1- Les origines du dualisme
181
2- Les hypothèses du marché du travail dual
182
C. La dynamique du fonctionnement du marché du travail dual
183
J. Les concepts de marché de travail interne et externe
183
2. L'interprétation théorique des facteurs conduisant au marché du travail interne.
186
a. La spécificité des qualifications
186
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

322
Table des matières
b. La formation sur le tas.
187
c. L'habitude.
188
3. Les interrelations entre les marchés primaire et secondaire
189
SECTION 2. LES NOUVEAUX ENJEUX ET FONDEMENTS mEORIQUES DU DUALISME DU
MARCHE DU TRAVAIL
190
T- L'intérêt des firmes à la constitution de marchés internes: La théorie du salaire
d'efficience.
193
A. L'analyse initiale de H. LElBENSTEIN
193
1. L'explication du lien salaire-productivité
193
2. La relation entre effort, salaire et détermination du salaire d'efficience
195
3. Les limites des vérifications empiriques.
198
B. Les fondements « réels» du salaire d'efficience
200
1. Le salaire d'efficience et les coûts de rotation de la main-d'oeuvre.
200
2. Une approche sociologique du salaire d'efficience
203
3. Les fondements informationnels du salaire d'efficience: les modèles d'incitation.
205
a. Le modèle de sélection adverse
205
b- Le modèle de risque moral
210
C. La pertinence de la théorie du salai re d'efficience dans le cas des pays en développement213
1. Le modèle de base
214
2. L'application du modèle au problème de l'emploi
215
a. Dans l'emploi du secteur privé
215
b. L'emploi dans le secteur public
218
c. Le marché du travail agrégé
220
3. La controverse au niveau de la vérification empirique
222
a Les lacunes des considérations théoriques
222
b. La validité des résultats empiriques
224
U""VFRSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX fi!

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
323
II. La prise en compte de l'incertitude par les travailleurs: la théorie des contrats implicites225
1. La présentation du modèle de base
226
2. Les enrichissements du modèle de base.
228
a. La prise en compte de l'asymétrie dans la relation firme-travailleur
228
b. Contrats implicites et recherche d'emploi
230
3. Apports et limites de la théorie des contrats implicites
231
a. Les apports
231
b. Les limites
232
4. L'application de la théorie des contrats implicites au cas particulier des pays en
développement.
234
CHAPITRE 4.
237
STRATIFICATION DU MARCHE DU TRAVAIL ET SALAIRES AU CAMEROUN
237
SECTION 1. L'ANALYSE DE LA SEGMENTATION SELON LE CRITERE DES FORMES DE
TRAVAIL
239
1. La mise en évidence de la stratification du marché du travail
239
A. Un marché du travail stratifié
239
1. La méthode d'analyse
239
2. Les résultats
241
B. Les facteurs de la segmentation du marché du travail au Cameroun
247
1. La méthode d'analyse
247
2. La mesure des facteurs de la segmentation
248
a. Mise en évidence des facteurs de la segmentation
248
b. Mesure quantitative des variables de la segmentation
250
, 11- Les conséquences du marché segmenté sur la mobilité professionnelle et l'accès à l'emploi256
A. Une faible mobilité professionnelle
256
I/fI'lvrr"'C;fTE MONTESQUIEU-BORnFI\\U'~/II

324
Table des matières
B. Un processus d'accès à l'emploi quasi-aléatoire
262
l. Des processus d'accès à l'emploi
262
2. Les déterminants de l'accès à l'emploi
264
a. La méthode d'analyse
264
b. Les résultats
266
SECTION 2. DETERMINA not« DES SALAIRES ET SEGMENTS DU MARCHE DU TRAVAIL AU
CAMEROUN.
269
1. Les déterminants des gains ct segments du marché
270
1. La méthode d'analyse
270
2. Les résuJtats
271
II. Politiques salariales des entreprises ct segmentation du marché du travail.
276
A. L'adaptabilité du modèle
276
1. La justification de l'application du modèle au Cameroun
276
2. Les méthodes dc mesure dc la relation d'efficience
277
a. Les tests indirects
278
b. Les tests directs
279
B. La validité du modèle
279
1. Le modèle économétrique et la méthodologie
280
a. Le modèle économétrique
280
b. La méthodologie
282
2. Les résultats
284
CONCLUSION GENERALE
292
BIBLIOGRAPHIE
298
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
325
TABLES DES MATIERES
315
ANNEXES
327
LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES
339
Il'''/II/RSITE MONTESQUIEU-BoRnFAI IY 1\\1

Annexes
i

328
Annexes
Annexe 1. Situation financière des sociétés d'Etat et d'économie mixte camerounaise
Source: Jeune Afrique n" 1824-1825 du 21-121995 au 3 Dl 1996,
Banques
Capital
Pan
ChiIlre J'allaires
R~sllitah
Je l'Etat
\\lJ)\\-l)2
1l)l)2-l)]
1993-94
1991-92
1992-9]
Il)93-94
Secteur rimaire
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CDC
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SONEL
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61138
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44-13
MATGENIE
331
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582
CAA
5 üOO
nu
IId: 11/111 disponible
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
329
Annexe 2. Dépenses d'éducation et niveau d'études de la population de Yaoundé de 6 ans
et plus.
DEPENSE REELLE D'EDUCATION PAR TETE 1985-1991
1 2 0 , - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
............
< ,
< ,
- ---
...........
20 - I - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - = = - - - - - - . : - - - - - - - - = -
0 + - - - - - - > - - - - - - - - . - - - - - - - - . - - - - - - - - + - - - - - - + - - - - - - 1
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
- - - - TOTAL
- - G - - - PersOlUlel
Malenel
-
-
Capital
SQuill: "Finances Publiques: Recueil de données statistiques. Le Cameroun", Mission Française d'Etude de la Dépense Publique QI Afrique
Subsaharienne; DIAL. octobre 1992

Le Jéfl'lIruT utilisé Q11'IJ'C jusqu'en 1990. a /e deftatcur de la consommation ginéTé l'(V TAn/.O pour 1991.
NIVEAU D'ETUDES DE LA POPULATION DE YAOUNDE DE 6 ANS El PLUS
1983-1993: la poussée scoiaire
Pas d'études
Primaire
Secondaire
Supérieur
TOTAL
'0
9,8
58,7
27~
4,0
100
1983
6,1
100
1987
8,9
48,7
36,4
9,6
100
1993
5,8
41,4
43,2
~: EBC8Jj84, RGP/l87. Enquete 1-2-3 (93)
lJNIVFRSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX /\\/

330
Annexes
Annexe 3. Evolution des taux de chômage par âge de la population de Yaoundé 1983-1993.
[TAUX DE CHOMAGE PAR AGE 1983- 1993 1
4S , . - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
40 l - - - - . - - - - - - ; J i I < : : : : : : - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
35 ~-~~~-=:::::,r__----------------
~ 30 t----,L,,L.~--.--::~----------------­
2 25 l--f..~-~~--~"_ç__----------------­
ii
;; 20 1 -ILJ-_ _------:;:::::--_~_:___-----=:::a:::--c:::::::;~---7L-7L.-~~
~ 15 l-
I 0 W.L-------;>L---=::::::.....:::::--....:::::.~------.=:::-""""'Ifr===iT"'---_____====~~
5hfL-~L.----=====::::l1S:::::;~==~~~==-.......-=~~­
oL:::::::::::.~-~------~--~-_____:-~:_-__::_-_:
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...,
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...
...
- 0
- 0
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<>
- 0
-0
-
en
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- 0
- 0
--
-
...,
...,
~
-r»
S?
=
...,
~
=
...,
-
...,
.n
...
...
87: global
83; global

93: global

~: EBCB3!84, RGPHB7, Enquh« 1-2-3 (93)
TAUX DE SAIARlSATION EN FONCI10N DU NIVEAU D'ETUDES
1983-1993: une baisse généralisée
%
Pas d'études
Primaire
Secondaire
Supérieur
TOTAL
1983
27,4
61,1
78,6
96,9
65,4
1987
29,3
50,6
76,3
94,4
63,1
1993
29,0
32,0
55,2
77,3
48,9
SJmc«: EllC8J!S". RGPUS7, Enqll'" 1-2-J (9J)
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
331
Annexe 4. Distances entre les centres des groupes finals et analyse de variance dans le cas
de la procédure Cluster Analysis.

,;Lances between Final Cluster centers.
i un t e r
1
2
3
4
1
.0000
2
5.4097
.0000
3
4.3916
3.3829
.0000
4
4.3866
4.1554
4.0729
.0000
5
4.6071
7.5695
6.3979
5.9408
luster
5
5
.0000
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
42
SPSS/PC+
5/7/
1 Jysis
of Variance.
driable
Cluster MS
DF
Error MS
DF
F
l
,'AT2
42.7872
4
.9426
2911.0
45.3937
'Hf3
66.5307
4
.9100
2911.0
73.1143
,:hT4
57.7348
4
.9220
2911.0
62.6163
l 'A'I'S
18.2653
4
.9763
2911.0
18.7091
; 'hT6
42.1810
4
.9434
2911.0
44.7110
,('AT8
208.5942
4
.7147
2911.0
291.8441
:. '!.j.T9
61.8746
4
.9164
2911.0
67.5227
',i':NT1
294.1398
4
.5972
2911.0
492.5338
,!':NT2
560.5868
4
.2311
2911.0
2426.0191
TNT]
300.9427
4
.5878
2911.0
511.9385
~ ;lJC1
108.0252
4
.8529
2911.0
126.6509
:i,OC5
209.9041
4
.7129
2911.0
294.4182
:LOC3
16.5843
4
.9786
2911.0
16.9472
:;CIF1
414.2357
4
.4322
2911.0
958.4939
,FEG1
407.6514
4
.4.412
2911.0
923.9165
,,'PS1
459.6770
4
.3697
2911.0
1243.2685
,1 RREG1
250.2136
4
.6576
2911.0
380.5206
,~ \\..lNT1
277..7416
4
.6266
2911.0
435.2719
i'::
43
SPSS/PC+
5/7
. .Ly s i s of Variance.
(CONT. )
'él r i ab ï.e
Cluster MS
DF
Error MS
DF
F
','ONT2
219.5659
4
.6997
2911.0
313.8140
',c'ONT3
J6.3829
'1
• ()C 1 4
J
2911.0
38.2423
:CONT4
280.4893
4
.6160
2911.0
455.3735
:.JTRAV1
148.1775
4
.7978
2911.0
185.7412
:llTRAV1
211.6779
4
.7105
2911.0
297.9247
:IŒMl
377.1998
4
.4831
2911.0
780.8477
.r.ur.i
319.1189
4
.5629
2911.0
566.9463
,',COMPTAl
235.1168
4
.6783
2911.0
346.6263
UNIVFnS/TF MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

332
Annexes
Annexe 5. Coefficients et fonctions canoniques de l'analyse discriminante.
IlJe 300
SPSS/PC+
1/2
Ilks' Lambda
(U-statistic)
and univariate F-ratio
.t.h
4 and
2911 degrees of freedom
Jariable
Wilks'
Lambda
F
Significance
--------
-------------
-------------
------------
EDUO
.99281
5.271
.0003
EDU1
.96416
27.05
.0000
EDU2
.99765
1.717
.1435
EDU3
.94232
44.54
.0000
TYP1
.96535
26.12
.0000
TYP2
.99703
2.171
.0699
'l'YP3
.99636
2.659
.0313
TYP4
.94851
39.51
.0000
r-14
.96165
29.02
.0000
r-13
.98414
Il.73
.0000
r0171
.98619
10.19
.0000
i'l72
.99935
.4751
.7541
1-173
.97674
17.33
.0000
Fonctions Eigenvalue Pourcentage
Corrélation
Coefficient
Chi carré
Dégré de
Signification
de variance
canonique
Lambda de Wilks
signification
0,3990
1625,341
44
0,0000
1,1111
86,13
0,7255
0,8423
303,534
30
0,0000
2
0,1074
8,33
0,3115
0,9328
123,021
18
0,0000
3
0,0633
4,90
0,2439
0,9918
14,525
8
0,0691
4
0,0082
0,64
0,0904
Il,.. 'II 'rllr;/TE MONTESQUIEU-BORn/ill 1" Il'

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
333
Annexe 6. Quelques programmes relatifs à nos estimations.
Programme pour l'estimation des fonctions de gains relatif à l'analyse des facteurs de la
segmentation (le cas des cadres et agents de maîtrise).
fhis procedure was completed at 14:55:24
.iet; pr-Lnt.e r e on .
.romput e exp=m4 .- m15 -
6.
»e Lect if
(ap3
le 3) .
.omput e logreve=ln
(revp).
v ar lab logreve
' log revenu'
.omput e exp2=exp*exp.
rec m3
(2=0).
v.rI lab m3 l ' hommes'
0' femmes'
:',~c m7 {3=2)
(4=2)
(S==2)
(6==3)
(7==3)
(8==3).
~31 lab m7 l'cam'
2'afric non cam'
3'non afric'
if (m7=l)
m71==1.
Il:
(m7=2)
m72==1.
iE (m7=3)
m73==1 .
. ec m7l ta m73
(sysmis==O)
~lr lab m71'cam'/m72'afric non cam'/m73'non afric' .
.',.11 lab m7l m72 m73
l'oui'
O'non'
1 f
(mlS<=O)
e du o e r .
: l
(m15>O
and mlS<=S)
edul==l.
: L (m15>5 and mIS<==6)
edu2==1.
j I:
(m15>6 and mlS<=9)
edu3==1.
II:
(m15>9 and mI5<=10)
edu4==1.
:f
(m15>10 and mIS<=ll)
eduS==l.
iI:
(mlS>ll and mlS<==12)
edu6==1.
iL (m15>12 and mIS<==13)
edu7==1.
01
(mlS>=14)
edu8=1.
: :~c eduO ta edu8
(sysmis=O) .
. il lab eduO
ta edu8
l'oui'
0' non'
!lr lab eduO'sinst'
edul'priml'
edu2'prim cepe'
edu3'secdl'
edu4'secdl b
°duS'secd2'
edu6'secd2 prob'
edu7'secd2
bac'
edu8'sup'.
11 (m4<20)
agel=l.
'1
(m4>=20 and m4<30)
age2=1.
,1
(m4>=30 and m4<40)
age3=l.
o!
(m4>=40 and m4<SO)
age4=1.
1
(m4>=SO)
ageS=l.
: .:c agel ta ageS
(sysmis=O),
Il lab agel
ta ageS
l'oui'
0' non'
Ir lab agel'c20'/age2'20-29'/age3'30-39'/age4'40-49'/ageS'>=S0'
(t aent e Lu )
tenO==l.
(taent>==lO and taentclOO)
tenl==l.
(t aent s e Lo o
and
taentcSOO)
ten2=1.
(taent>="iOn)
l " I d cl.
,oC
tenO
LI)
1"11 \\
(::Y::llIi::
n )
,Il lab tenO
ta
ten3
l ' oui'
0 ' non'
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

334
Annexes
'.'a r 1ab tell Cl ' ( 1)('Ill'
( ( . III ' Il(.I l l '
1 .n ; ~ t 1111.~ IlL'
1 (~I 1.l ' :J ( ~ 11 L' .
Jf (ap2<;14)
bral=l.
if (ap2>14 and ap2<=24)
bra2=1.
if (ap2>24 and ap2<=30)
bra3=1.
if (ap2>30)
bra4=1.
zec braI to bra4
(sysmis=O).
vn1 lab braI to bra4
l'oui'
a'non'
var lab bral'biens conso'
bra2'b inter et equip'
bra3'com et service'
hra4' admin' .
if (ap4=1)
statl=l.
if (ap4=2)
stat2=1.
if (ap4>2 and ap4<=4)
stat3=1.
cee statl to stat3
(s ysm i s e O) .
val lab statl to stat3 l'oui'
a'non'
var lab statl'sacdm'
stat2'entpub'
stat3'entpriv'
process if
(ap4 ge 2) .
t'egression descriptives=mean stddev/
The raw data or transformation pass is proceeding
237 cases are written to the compressed active file.
~;ta=eha r coeff t o I anova/
var 3(eollect)/dep=lagreve/
u.at hode ent e r
tenl ta ten3/
me t hodeent e r
braI ta bra3/
method=enter statl to stat3/
method;enter edul ta edu8/
method;enter exp exp2/
save epr-ed (logtot) .
l '
,,,. rHITE MONTESQUIEU nOI'.' )f
« t ,
f

-
Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
335
Programme pour l'analyse en classification de groupes.
.,)_ ~' ~) • '" c.t.. c . Sj S
1,,~C ap3
(1=2)
(7=2)
(10=9).
i f
(ap3=2)
cat2=1.
if
(ap3=3)
cat3=1.
if
(ap3=4)
cat4=1.
if
(ap3=5)
cat5=1.
if
(ap3=6)
cat6=1.
i f
(ap3=8)
cat8=1.
i f
(ap3=9)
cat9=1.
ro c cat2 to cat9
(aysrni s e o ) .
\\filt'
lab cat2'dir cad sup ass'/cat3'cad moy ag mait' Icat4'empl quaI' 1
cdt5'empl osq' Icat6'man'lcat8'indep' Icat9'app aide'.
re c ap4
(4=3).
if
(ap4=1)
ent1=1.
if
(ap4=2)
ent2=1.
if
(ap4=3)
ent3=1.
l~C ent1 to ent3
(sysmis=O)
v~r lab ent1'adm pub'/ent2'entrp pub'/ent3'prive'.
J e c
ap7
(2=1)
(7=5)
(9=5)
(8=3)
(4=3).
; [
(ap7=1)
loc1=1.
it
(ap7~5) locS=l.
if
(ap7=3)
loc3=1.
i e c
loc1 loc5 loc3
( s y smi s s o I .
var lab loc1'hors dom n sed'/loc5'dom' Iloc3'hors dom sed'.
If
(ap6a=1)
scif1=1.
18C
scif1
(sysrni s e o ) .
\\'~Πlab scif1' enregist scife' .
if
(ap6b=1)
reg1=1.
icc reg1
(ay sm.i s e u) .
v a r lab reg1' registre corn'.
j f
(ap6c=1)
cps1=1.
Il:!C
cps i
(sy srni s e O) .
"ar lab cps1' cnps' .
if
(ap9a=2)
irregl~l.
U3C
irreg1
(sysmis=O).
Vdr
lab irreg1'irregularit trav'.
if
(ap8e=1)
cont1=1.
if
(ap8e=2)
cont2=1.
if
(ap8e=3)
cont3=1.
i e c
apSe
(mi s s i.nq s
l .
ù
i f
(ap8e=4)
cont4=1.
Ll:C
cont1 ta cont4
(s y srni s e û) .
'Jar lab cont1' indeterm' 1cont2' determ' 1cont3' verbal' 1cont4' rien' .
/1" "1 r, 'W'TE MONTESQUIEU-FlORn' ", '"

336
Annexes
rec aplO
(mi s s i nq e u) .
if (apIO<5)
jtravl=l.
rec jtravl
(sysmis=O)
var lab jtravl'inf 5j
sem'
r e c apll
(mi s s i.nq e O'l ,
if
(apll<35)
htravl:l.
rec htravl
(s y sm.i s e ü) .
var lab htravl'<35h sem'
rec apl2
(missing=O)
if
(apI2=1)
reml;::l.
rec reml
(ay sm i s e O} .
var lab reml'rem fixe'
rec ap8d
(rni s s i nq e
l .
û
if
(ap8d=1)
bull=l.
rec bull
(ay sm i s e n ) .
var lab bull'bull salaire'
if
(ap8c=l)
comptal=l.
rec comptal
(s y sm i s e
l .
ü
var lab comptal'comptabiliLc'
des cat2
(z ca t.z ) cat3
(zcatl)
CêllA
(zcat4)
cat~r)
(z c a t.S)
cat6
(zcat6)
The raw data or transformation pass is proceeding
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV
-....•.,
.,
..

Capital humain, salaires et segmentation du marché du travail
337
Programme pour l'analyse discriminante.
compute exp=m4
- mlS
-
6.
select if
(ap3 le 8).
rec ap3
(2=1)
(3=2)
(4=3)
(S=4)
(6=4)
(8=S)
(7=6).
val lab ap3
l'cad sup'
2'moy mait'
3'ouq'
4'man'
S'inf'
compute logreve=ln
(revp).
var lab logreve
'log revenu'.
compute exp2=exp*exp.
rec m3
(2=0).
val lab!l13 l'hommes'
O'femmes'
rec m7 (3=2)
(4=2)
(S==2)
(6,=3)
(7=3)
(8=3).
val lab m7 l'cam'
2'afric non cam'
3'non afric'
if (m7==1) m7l==1.
if (m7==2) m72==1.
if (m7=3) m73==1.
rec m'Il ta m73
(sysmis==O)
var lab m7l'cam'/m72'afric non cam'/m73'non afric'.
val lab m'Il m72 m73
l'oui'
D'non'
if (m15<==0) eduO==l.
if (mlS>O and rn15<=6) eclul=l.
if (m15>6 and mlS<=l]) edu2~1.
if (1015>=14) edu3=1.
rec eduO ta edu3
(sysmis=O).
val lab eduO ta o d u J
l ' uui.'
0' 11011'
var lab eduO'sinst'
edul'prim'
edu2'·secd'
edu3'sup'.
if (m4<20) agel=l.
if (m4>=20 and m4<30)
age2=1.
if (m4>=30 and m4<40) age3=1.
if (m4>=40 and m4<SO)
age4=1.
if (m4>=50) ageS=l.
rec agel ta ageS
(sysmis==O).
val lab agel ta ageS l'oui'
O'non'
var lab agel'<20'/age2'20-29'/age3'30-J9' /age4'40-49' /ageS'>=SO'
if (m14=1)
typl=l.
if
(m14=2)
typ2=1.
if
(m14=3)
typ3==1.
if (m14=4)
typ4=1.
rec typl ta typ4
(sysmis=O)
var lab typl'ensprim'/typ2'secgen'/typ3'sectec'/typ4'ensup'
val lab typl ta typ4
l'oui'
O'non'.
process if
(ap4 ge 2) .
dsc gro==ap3(l,S)/
The raw data or transformation pass i5 proceeding
26 4 8 cas e 5
ure wr i t t: c:' n t n 1 11 c~ co mp r C~ fJ f:; ( ~ cl de t i.v C~
fil e .
va r e edu O edul cd1l2 eduJ
Lyp 1 Lyp~
Lyp3
Ly~J'1 11lt1 \\fd \\flil Illï2 mïJ/
sta=6 12 13 lS.
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

338
Annexes
Annexe 7. Autorisation d'exploitation des données.
l,
:,,:~:~,
! l' 'l' '1
""TE MONTESQUlEU-ROr.'!)I "
l
l'
Il'

pp
=
MINIS'l'ERE DE L'ECONOMIE
REPUBLIQUE
DU CAMEROUN
ET
DES
FINANCES
Paix-Travail
-Patrie
DIRECTION
DE LA STATISTIQUE
ET
DE LA COMPTABILITE NATIONALE
Yaoundé,
le
Réf.:
/MINEFI/STAT/D/DA
- - - - - -
Objet:
A T '1' EST A '1' ION
*=*=*=*=*=*=*
Je soussign~, Mr BACKINY YETNA Prosper,
Directeur Adjoint de la Statistique et de
la Compta-
Dilit~ Nationale, atteste que Mr ABESSOLO Yves, I::tudiant
en Doctorat à
l'Universit~ de Bordeaux l,
a obtenu de
la
Direction de
la Statistique et de
la Comptabilit~ Nationa
les fichiers de
l'enquête emploi
1993
à Yaound~ et de la
Centrale des bilans dps entreprises
1~89/90 à 1992/93
avec l'autorisation de
les utlliser pour ses
travaux de
recherches
tout en citant nomm~ment ces sources.
I::n foi de quoi
la pr~sente attestation lui
est d~l~vr~e pour servir et valoir ce que de droit./-

-
Liste des tableaux et
figures

H' ;;
340
Liste des tableaux et figures
A. Liste des tableaux
1a. Taux de chômage cn fonction du niveau d'études ( J983- J993)
8
Jb. Répartition des chômeurs en fonction de l'expérience professionnelle
8
l. Quelques caractéristiques de l'enseignement primaire au Cameroun
86
l'. Quelques indices de la structure éducative au Cameroun
87
2. Répartition de la population active selon le sexe, le lien avec le chef
de ménage et la situation d'activité
93
3. Distribution de la main-d'oeuvre occuppée par type d'emploi et
suivant le sexe, l'instruction, la nationalité, l'âge et le typed'cnseignement.
97
4. Durées moyennes d'instruction suivant le sexe, J'âge et la nationalité
99
5. Durées moyennes d'instruction par catégories socioprofessionnelles
102
6. Durées moyennes d'instruction des chômeurs suivant plusieurs critères
104
7. Conditions d'activité de la population occupée
108
8. Revenus des actifs occupés selon le sexe, la nationalité et
la branche d'activité
111
9. Distribution des revenus individuels par catégories socioprofessionnelles
115
10. Estimation de la fonction de participation au marché du travail..
126
11. Estimation de la fonction d'offre de travail..
130
12. Estimation des fonctions de gains dans le secteur moderne
146
13. Estimation des fonctions de gains dans les secteurs privé et public
151
14. Estimation des fonctions de gains dans le secteur informel..
156
15. Nombre moyen d'années d'intruction des chômeurs pour perte d'emploi
ou première insertion suivant le sexe et l'âge
162
16. Distribution des chômeurs suivant la raison de la perte d'emploi
et la prétention salariale
,
163
17. Anticipations à la baisse des salaires des chômeurs: analyse de variance
multidimensionnelle
'"
167
18. Matrice des distances euclidiennes entre les centres de groupes finals
242
19. Classification des travailleurs camerounais en groupes
homogènes: moyennes et écart-type (Clustcr aualysis)
293
20. Analyse en classification multiple du logarithme des revenus des cadres
251
)<~/TE MONTESQUIEU R(l"';' ~ 1

---_.~~._--- -- -..
Capital huamain, salaires et segmentation du marché du travail
341
21. Analyse en classification multiple du logarithme des revenus
des ouvriers qualifiés
252
22. Analyse en classification multiple du logarithme des revenus
des ouvriers non qualifiés, manoeuvres et indépendants
253
23. Taux de mobilité inter et intrascctoricllc
258
24. Motifs de la mobilité intersectorielle
261
25. Les modes de recrutement par niveau d'instruction
263
26. Coefficients de corrélation entre les variables et
Ics fonctions discriminantes et les actifs occupés
267
27. Résultats de classification de l'analyse discriminante
268
28. Coefficients des équations de gains selon les segments du
marché du travail (indépendants marginaux et supérieurs)
272
29. Coefficients des équationsde gains selon le segment du
marché du travail (salariats inférieur, intermédiaire et supérieur)
273
30. Test de Chow relatif à l'estimation des fonctions de gains selon le segment.
274
31. Evolution de la structure des emplois et des salaires au Cameroun
284
32. Coefficients de l'estimation du modèle du salaire d'efficience
288
B. Liste des figures
1. Revenus et coûts dans la théorie du capital humain
29
2. Equilibre du producteur de capital humain
33
3. Effet de la variation du prix de la demende sur l'équilibre
du producteur de capital humain
34
4. Courbe de demande capital humain
36
5. Investissement en capital humain et taux de rendement des investissements
37
6. Equilibre pour un marché de capital segmenté
39
7. Offre et demande de capital humain
41
8. Approche égalitaire: différenciation par les conditions d'offre
.42
9. Approche élitiste: différenciation par les conditions de demande
42
10. Ditlércutiatiou par Ics conditions d'offre et de demande
.42
11. Profils âge-gains en l'absence de dépréciation
57
UN/VERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

- - - - - - - _ . ---~,...
342
Liste des tableaux et figures
12. Profil du salaire brut en l'absence de dépréciation
58
13. Profils âge-gains suivant la théorie du capital humain
62
14. Le chômage volontaire suivant la théorie du "job search"
69
15. Evolution des durées moyennes d'instruction par
classes d'âge et secteur d'activité
105
16. Evolution des revenus individuels suivant le secteur d'activité
118
17. Durées moyennes d'instruction par catégories socioprofessionnelles
135
18. Profils age-gains des salariés du secteur moderne
140
19. Le marché du travail et l'équilibre
175
20. Les conséquences d'une variation de l'offre de travail sur le taux de salaire
176
21. La relation entre effort et salaire dans la détermination du salaire d'efficience
197
22. Emploi et détermination des salaires d'efficience
216
23. La demande de travail agrégée
22.1
24. Evolution des emplois pour l'ensemble des entreprises durant la période 88-93
285
25. Evolution des salaires pour l'ensemble des entreprises (1988-1993)
.i86
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV