UNIVERSITE DE NANCY II
FACULTE DE DROIT, SCIENCES ECONOMIQUES ET GESTION
LA SUSPENSION DES
OBLIGATIONS
CONTRACTUELLES
. CONSEIL AFRICAIN ET MAlGACHl:
, POUR L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
THE SE: c. A. M. E. S. - OUAGADOUGOU i
~'Arrivé.e .:'..~.'oiO' '0'!"-.O'3'.;
.
; Enre~lstre sou" n ., ._~~_
.._.~.~\\
pour l'obtentIon du grad de
-
--
DOCTEUR en DROIT
(Doctorat Nouveau Régime, Droit Privé)
présentée et soutenue publiquement le 30 janvier 1993
par
Charles MBA-OWONO
JURY:
Président
Monsieur Gilles GOUBEAUX
Professeur à ['Université de Nancy II
Assesseurs
Monsieur Philippe BIHR
Professeur à ['Université de Nancy II
Monsieur Alain FOURNIER
Professeur à ['Université de Metz
Monsieur Bernard GROSS
Professeur à l'Université de Nancy II
Doyen Honoraire

Monsieur Michel STaRCK
Professeur à ['Université Robert Schuman
(Strasbourg llI)

CORPS ENSEIGNANT
Année universitaire 1992-1993
DOYENS HONORAIRES
MM. T ALLON, BENTZ, GROSS
PROFESSEURS HONORAIRES
MM. TROTABAS, LESCOT, WALlNE, TEITGEN,
MARCHAL, IMBERT
PROFESSEURS EMERITES
M.
CHAUMONT, Professeur de droit international
M.
VlTU, Professeur de droit pénal
M.
GENDARME, Professeur d'économie politique
PROFESSEURS
MM. JAQUET Paul
Professeur de droit public
COUDERT Jean
Professeur d'histoire du droit
BORELLA François
Professeur de droit public
GROSS Bernard
Professeur de droit privé
LACOMBE Jean
Professeur de droit privé
GOUBEAUX Gilles
Professeur de droit privé
GUYOT Fernand
Professeur d'économie politique
CHARPENTIER Jean
Professeur de droit public
MERLE Philippe
Professeur de droit privé
Mme PATAULT Anne-Marie
Professeur d'histoire du droit
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Professeur d'économie politique
DRUESNE Gérard
Professeur de droit public
WEBER Yves
Professeur de droit public
SEUROT François
Professeur de sciences économiques
Mme GEBLER Marie-Josèphe
Professeur de droit privé
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Professeur de sciences de gestion
DUGAS DE LA BOISSONNY Christian::Professeur d'histoire du droit
SEUVIC Jean-François
Professeur de droit privé
MOUTON Jean-Denis
Professeur de droit public
BUZELAY Alain
Professeur de sciences économiques
JACQUOT François
Professeur cie droit privé
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Professeur d'histoire du droit
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Professeur dé droit privé
ARNOULD Daniel
Professeur de sciences économiques
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- HERAUD Jean-Alain
Pr6f<:?sseur de sciences économiques
LECAILLON Jean-Didier
Professeur de sciences économiques
GILARDI Jean-Claude
Professeurde sciences de gestion
LE POTTIER Jacques
Professeur de sciences économiques
Mme FORTIS Elisabeth
Professeur de droit privé
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Professeur de sciences de gestion
SIMON Gérald
Professeur de droit public

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Professeur d'histoire du droit
MM. CRIQUI Etienne
Professeur de science politique
BARDELLI Pierre
Professeur de sciences de gestion
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Professeur d'économie politique
MAITRES DE CONFERENCES
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Maître de conférences d'histoire du dioit .
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Maître de conférences de sciences économiques
DUCROS Jean-Claude
Maître de conférences de droit public
BOURlON Christian
Maître de conférences de sciences économiques
GOSSEREZ Christian
Maître de conférences de droit public
-
BOURG AUX Claude
M9.ître de conférences de droit privé
ANTOINE Alain
Maître de conférences de sciences économiques
BEAUFORT Jean-Louis
Maître de conférences de droit privé
PELLI~SiER Dominiquë
Maître de conférences ge sciences économiques .
MmesJAEGER Mireille _
Maître de conférences de sciences économiques
CHARDIN France
Maître de conférences de droit privé
MM. DEREU Yves
Maître de conférences de droit privé
ROSE José
Maître de conférences de sciences économiques
GERMAIN Eric
Maître de conférences de droit public
Melle MANSUY Francine
Maître de conférences de droit privé
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Maître de conférences de droit public
KESSLER Francis
Maître de conférences de droit privé
VENANDET Guy
Maître de conférences de droit privé
LAMBERT Thierry
Maître de conférences de droit privé
HENRY Xavier
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Mrrr TILLEMENT Geneviève
Maître de conférences de droit privé
M.
DEFFAINS Bruno
Maître de conférences de sciences économiques

-
«La Faculté n'entend domier ni approbation, nz improbation
aux opinions émises dans la thèse, ces opinions devant être
considérées comme propres à l'auteur».

A ma- famille,
A tous ceux qui m'ont aidé et appris.

PRINCIPALES ABREVIATIONS
Act. Jurid. de la prop. immob. ou Actual. Jurid. P.I. : Actualité juridique de la
propriété immobilière
al.
alinéa
A.L.D.
Actualité législative Dalloz
Anc. C. pro civ.
Ancien Code de procédure civile
Ann. dr. corn.
Annuaire de droit commercial
art.
article
art. D.
partie réglementaire
art. L.
partie législative
Ass. nat. ou A.N.
Assemblée Nationale
Ass. plen.
Assemblée plénière
Bull. civ.
Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, Chambre
civile
BulL ciim
Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, Chambre
criminelle '
Bull. Joly
Bulletin Joly mensuel d'information des sociétés
-
c.c.c
Contrat concurrence consommation
c. civ.
Code civil
C. corn.
Code de commerce
C.E.
: - arrêt du Conseil d'Etat
c.c.!.
: Code général des impôts

Ch.
Chambre
Ch. mixte
arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation
-Chr.
ëhronique
Ch. réun.
arrêt des chambres réunies de la Cour de cassation
Civ.
arrêt de la Cour de cassation, Chambre civile
Col.
colonn.e -
Corn.
arrêt de la Cour de cassation, Chambre commerciale
Comp. ou Cornpar.
compar!?r-
-
Concl.
cond usions
Contra
solution contraire
C. pro civ.
Code de procédure ci vile
Crim.
arrêt de la Cour de cassation, Chambre criminelle
C. travail
Code du travail
D. ou OS.
Dalloz - Sirey (Recueil)
D.A.
Dalloz analytique
D.C.
Dalloz critique
D.H.
Dalloz hebdomadaire
doc.
doctrine
Doc. Ass. nat. ou A.N.
Document Assemblée Nationale
Doc. Sénat
Document Sénat
D.P.
Dalloz périodique
D.P.C!.
Droit et pratique du commerce international

Dr. fisc.
Droi t fiscal
Dr. soc.
Droi t social
ed.
édition
ex. ou expl.
exemple
fasc.
fascicule
G.P.
Gazette du Palais
G.T.
Gazette du Tribunal
ibid
au même endroit
infra
ci-dessous
I.R.
informations rapides
J.-Cl. Civ., Corn., N. Rep., Proc. civ. : Juris-Classeurs Civil, Commercial,
Notarial répertoire, Procédure ci vile
J.CP. ed. G., N., E., CI.
Juris-Classeurs
périodique
(Semaine Juridique)
édition générale, notariale, entreprise, commerce et
industrie
-
J.O.··
-' Journal officiel
J. O. Ass. N.' o'u niü. où Sénat: Journal officiel des' débats padè~entairès-
Journ~nof ou Journ.des not: et av. : Journal des notaires et avocats
Jurid.
juridique
Jurisp.
. jurisprudence
L.
.
loi
Liaisons jurid. et fisc.
Liaisons juridiques et fiscales
nO
numéro

N.e. pr. civ.
Nouveau Code de procédure civile
Qbs.
observations
~ ~. Ordo
Ordonnance
p. -
page
P.A.
Petites Affiches
.pan.-
panorama
- Paris, Nancy ... (nom de ville) : Cour d'appel de ... (nom de ville)
Pra.t...
pratique ..
rapprocher
Rep. civ. (ou corn.) Dalloz ou Rep. dr. civ. (ou dr. corn.) Dalloz: Encyclopédie
Dalloz droit civil ou droit commercial
Rep. Defr.
Répertoire du notariat Defrenois
Rep. min.
réponse ministérielle
Req.
arrêt de la Cour de cassation, Chambre des requêtes
Rev. Alsace-Lorraine
Revue d'Alsace-Lorraine
Rev. Banque
Revue Banque
Rev. crÎt. legis. et jurisp. : Revue critique de législation et de jurisprudence
Rev. dr. banc.
Revue de droit bancaire et de la bourse
Rev. dr. immob.
Revue de droi t immobilier
R.G.A.T.
Revue générale des assurances terrestres
Rev. huiss.
Revue des huissiers de justice
Rev. inter. de dr. compar. : Revue internationale de droit comparé

Rev. jurid. du Centre
Revue juridique du Centre
Rev. jurisp. corn.
Revue de jurisprudence commerciale
Rev. Paris
Revue de Paris
Rev. proc. coll.
Revue des procédures collectives
Rev. sociétés
Revue des sociétés
RT.D. civ.
Revue trimestrielle de droit civil
RT.D. corn.
Revue
trimestrielle
de
droi t
commercial
et
économique
S.
Sirey (Recueil)
s.
suivants
Sem. Jurid.
Semaine juridique
Somm.
Sommaire
Soc.
arrêt de la Cour de cassation, Chambre sociale
supra
ci-dessus
·-.T.-Qu t.
·Tome
T.G.I.-
TriDunal de: grande i~s;anëe
TL ou Trib. inst.
Tribunal d'instance
~v.
voir
Vol.
volume
: _paragraphe

SOMMAIRE
(Les numéros renvoient aux pages)
INTRODUcrIQN
,
:............
1
PREMIERE PARTIE: LES TECHNIQUES DE SUSPENSION DES
OBLIGATIONS CONTRAcruELLES
..- :...........
15
TITRE 1: LA SUSPENSION, MODAUTE DES OBLGATIONS
CONTRACTUELLES
_................
18
CHAPITRE 1 : LA C()NDITION SUSPENSIVE
'
~...............
21 ~
CHAPITRE II : LE TERME 5USPENSIF..'
:
;
::
:.'
56
TITRE-II: LAsuSPENSION~tEMPERÂ.MENTA LA FORCE OBLÎGATOIRE --
DES ENGAGEMENTS CONTRAcrUELS...............................................
74
CHAPITRE 1,= UN TEMPERAMENT PREVU PAR LE CODE CIVIL -: -
- -
'LED~L~I DE·GRAC_E ~
~
~..::.~.~ ~: 78
CHAPÏTRE TI: LES AUTRES TEMPERAMENTS·'A LA FORCE OBLIG~
TOIRE DES OBLIGATIONS CONTRACTUELLES
110
TITRE III: LA SUSPENSION, ALTERNATIVE A LA RESOLUTION DU
CONTRAT
150
CHAPITRE 1: LE REFUS UNILATERAL D'EXECUTER: L'EXCEPTION
D'INEXECUTION
154
CHAPITRE TI: LA PROTECTION DU CONTRAT MENACE
D'INEXECUTION
190
DEUXIEME PARTIE: LE REGIME JURIDIQUE DE L'OBLIGATION
SUSPENDUE............................................................................
220
TITRE 1 : LA PERIODE DE SUSPENSION .
223
CHAPITRE 1 : LA PARALYSIE DES RAPPORTS JURIDIQUES........................
227
CHAPITRE II : LA VIE RELATIVE DU LIEN CONTRACTUEL
PENDANT LA SUSPENSION
278
TITRE II: LA LEVEE DE L'OBSTACLE SUSPENSIF
306
CHAPITRE 1 : LIEN CONTRACTUEL ET ECHEC DE LA SUSPENSION
309
CHAPITRE II : LIEN CONTRACTUEL ET ABOUTISSEMENT DE LA
SUSPENSION
;.................
349
CONCLUSION
'.......................................................................................
379
BIBLIOGRAPHIE..............................................................................................................
384
TABLE DES MATIERES
438

INTRODUCTION

- 2 -
1.- «Suspendre», selon le petit Robert, c'est «rendre pour un temps
immobile, inacti{», «remettre ou reporter à plus tard». Un acte juridique
suspendu est un acte qui ne peut être exécuté immédiatement pour une
raison quelconque; son accomplissement est retardé ou arrêté et remis à un
autre temps. On rencontre quelques dispositions législatives qui font appel à
la suspension. Il en est ainsi de l'article 1653 du Code civil qui prévoit qu'en
cas de risque d'éviction, l'acheteur peut suspendre le paiement du prix.
Dans un tout autre domaine, l'article 16, alinéa 2, de la loi du 13 juillet 1930
sur les assurances terrestres retient la suspension de la garantie due par
l'assureur comme moyen de pression à l'encontre de l'assuré défaillant 1.
Beaucoup plus fréquemment encore, le Code du travail prévoit la suspension
du contrat de travail en cas d'accident du travai12, de rappel sous les
drapeaux 3, de maternité4 , de mandat parlementaire5 , etc. Suspendre un
contrat consiste par conséquent à geler tout ou partie de ses effets de façon
purement transitoire6. Les obligations auxquelles il donne normalement
naissance sont dépourvues d'efficacité tant que dure la cause de suspension.
1
V. art. L. 113-3 al. 2 du Code des assurances.
2
Arl.L.I22-lOduCodedutravail.
3
Arl. L. 122-21 du Code du trdvail.
4
Art. L. 122-26, L. 122-8-1 el s. du Code du travai 1.
5
Art. L. 122-24-1 el s. du Code du travail.
6
Ph. CHARVERIAT. De la suspension du contral. lhèse Lyon, 1964. p. 2.

- 3 -
De ce fait, la suspension est à l'origine d'une situation bien singulière en
droit des contrats. En effet, si les termes de formation et de conclusion
traduisent la naissance du contrat, si ceux de rupture, de résiliation ou de
résolution traduisent, à des degrés divers, sa mort, le terme de suspension
caractérise une situation hybride, un état intermédiaire où s'opère une
disjonction entre l'existence du contrat et son exécution; une situation dans
laquelle «le contrat est, tout en n'étant pas»!, car, si le contrat ne peut
produire ses effets du fait de la suspension, il n'en existe pas moins dans son
principe 2. La suspension est donc un ersatz, une solution transitoire qui
répond au souci de neutraliser les incidents qui peuvent jalonner la durée
des engagements contractuels. Par la suspension, on entend favoriser la
stabilité des rapports juridiques et .permettre leur réalisation au moment et
dans les conditions les plus favorâbles. De ce fait, la suspension doit être
rangée au nombre des techniques juridiques conçues pour préserver
l'existence des contrats et favoriser'leur exécution future 3.
2.- L'article 1101 du Code civil définit le contrat comme « une
convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent envers une ou
plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose». Le
contrat est ainsi
conçu comme
un accord de
volontés générateur
d'obligations. Sa formation est envisagée comme la rencontre de deux
volontés individuelles libres et capables, et ses effets sont considérés à
travers les obligations qui sont mises à la charge des parties4 . Cette
approche classique du contrat, qui a pu être critiquée5, tend à exprimer « un
- -.- ·concept. r~-tion~elet le critère jonda~~n-ta/;-du contr.al~~:Ui est l'acco;d de
v~ion-tés _»6- ;ened~-ineure sans doute vala.ble aujourd-'hui,m~ismérited'êire~
1
J:-M. BËRAUI),La suspension du contrat de travail,_Sii'ey, 1980:p. 10.0
2
Comme nous Je'verrons plus loin, le contrat suspendu ne se.{;onteritepas d'exister dans son principe,
Certaines de ses obligations conservent leur efficacité et peuveniainsi êlre _exécutées malgré la
suspension; de nouvelles obligations peuvent même naître à la charge des parties pour assurer en quelque
sorle l'entretien de lafumme contractuelle; V. infra nO 296 et s.
·3 - J.-F. ARTZ, La-suspens·ion du contrat à exécution successive, D.S.1979, Chf., 95, n° 1.
4
I.-E. POSTACI06LU, Les sanctionsau.achées à l'inexécution des obligationscàntr3ctuelles en droit civil-
et commercial, :rapport général, in travaux de l'ass. H. CAPlTANT, l. XVII,p.? ; c. JAUFFRET-
- SPINOSI,te domaine du contrat, rapporl français, in Le contrat aujoürd'hui:compàraisons franco-
anglaises, ouvr:age collectif sous la dirccLion de D. TALLON et D. HARRIS, L.G.Dl., 1987, p. 92,
n° 1 ; J. MESTRE, Evolution du contrat en droiLcivii français, in Evolution contemporaine des
contrats, Journées R SA VATIER, Université de Poitiers, P.U.F., 1985, p. 41 et s.
5
V. G. ROUHElTE, Contribution à J'étude critique de la notion de contrat, thèse Paris, 1965.
6
C. JAUFFRET-SPINOSI, arlicle précité, n° l.

- 4 -
prolongée, voire dépassée1 . La définition du contrat doit aussi tenir compte
de deux autres considérations.
D'une part, le contrat doit être placé dans· une perspective
tempora!e2 , ~a; tout contrat suppose la prise en consigéra-tion du temps; il
.
-
.
-
s'inscrit dansùne certaine durée, que ce soit au moment; de sa conclusion,
ou à chacune des phases de son exécution3 . C'est ainsi qu'un dit souvent que
chaque contrat renferme un terme, puisqu'un intervalle de terrips plus ou
moins long s'intercale entre le moment de sa formation et celui de
l'exéçutioIl des. obligption? qui en découlent 4 . Le contrat répond donc
fondamenÜdemenL à une aspiration· vers l'avenir. IL en "est -ainsi non
.
--
seulement dans les contrats successifs qui, par nature-, étalent leurs effets
dans le temps, mais aussi pour les contrats instantanés dont l'exécution ne
.. do:it pas~tre_ab!?otuinent envisagée comme s'épuisant~ts_'anê.antissant dans
l'instant. ~J\\1êJlle pourc.eux-Ià, l'obl~gation assu~ée~ar}'ll-?edes parties a
une certaine durée d'existence avant son extinction; il ya création ·d'un état
.
.
de choses qui persistera ensuite par lui-même, en développant ses effets5 .
Or, le temps qui, dans le principe, a été conçu par les rédacteurs du Code
civil comme un milieu «homogène» ne devant pas connaître, de la
conclusion à l'exécution du contrat, de perturbation6 , est en réalité un
milieu fort «hétérogène»7. L'écoulement du temps expose en effet les parties
à un aléa qui peut être d'autant plus grand que la durée est longue. En
conséquence, les contrats, comme les êtres et les choses, sont appelés à subir
la «meurtrissure du temps»8 et les incertitudes de l'avenir; la prévision des
parties peut en effet défaillir. D'où le besoin qu'ont toujours éprouvé les
J. MESTRE, article précité, p. 55 et s. Cet auteur considère notamment que l'approche classique du
conlrat qui consiste à voir le conlrat de l'intérieur, en les personnes des conlractants, fait actuellement
l'objet d'un renouvellement, voire d'un dépassement.
2
V. P. HEBRAUD, Observations sur la notion de temps en droit civil, Mélanges P. KA YSER, t. II; n°
20, p. 28.
3
V. 1. DE LAMBERTERIE, Incidences des changements de circonstances sur les COnlrats de longue durée.
rapport français, i~ Le conlrat aujourd'hui~ comparaisons franco-anglaises, ouvrage collcctif sous la
direction de D. TALLON et D. HARRIS, L.G.D.I., 1987, p. 217 et s. nO 1.
4
L-E. POSTACIOGLU, article précité.
S Ainsi, par exemple, la vente qui est faite au comptant, à moins qu'elle ne porte sur un objet destiné à une
consommation immédiate. laisse à la charge du vendeur une obligation de garantie conlre les vices-eachés.
obi igation qui ne prend lin qu'à l'expiration d'un certain délai.
6
Ainsi, Je Code civil établit un corps de règles conçues en fonction d'un postulat de stabilité monétaire. V.
J.-P. DOUCET, L'indexation, L.G.DJ .• 1965; M. EL GAMMAL, L'adaptation du conlrat aux
circonstances économiques, L.G .D.I., 1967.
7
1. DE LAMBERTERIE, article précité, n° 1 et 2.
8
P. DURAND, Tendance à la stabilité du rapport conlractue/, ouvrage collectif, L.G.D.J., 1960, V.
préface.

- 5 -
hommes de prévoir et de s'assurer la maîtrise de l'avenir. M. Hauriou n'a-t-
il pas défini le contrat comme l'entreprise « la plus hardie qui se puisse
concevoir pour établir la domination de la volonté humaine sur les faits, en
les intégrant d'avance dans un acte ,de prévision »1.
D'autre part, il est incontestable que, malgré l'immutabilité de la
théorie des obligations, le droit des contrats a considérablement évolué
depuis le Code civil2 . Depuis la fin du siècle dernier, l'attention a été attirée
par de nombreux auteurs sur l'interventionnisme de l'Etat dans les
contrats, sur le déclin du contrat, sur la limitation de la liberté
contractuelle, etc.3 . Mais par ailleurs, sous l'impulsion de l'évolution des
relations économiques, la conception du contrat en tant qu'outil des relations
interpersonnelles a également connu des mutations. Le contrat est de plus
en plus envisagé, en lui-même, comme une entité autonome, distincte de la
personne de ceux qui l'ont conCIu4 ; il revêt aujourd'hui une valeur
économique, une valeur patrimoniale considérableS. C'est, écrivent les
Professeurs Ph. Malaurie et L. Aynès, «l'instrument Juridique quasi-
exclusif de la circulation des richesses et l'un des mécanismes essentiel de
l'activité économique »6. Il en résulte logiquement un impératif de pérennité
et d'efficacité contractuelles qui rend nécessaire la protection juridique
renforcée du contrat. Il faut en effet assurer sa sécurité et sa sauvegarde et
éviter sa rupture ou son inexécution.
-
-
1
M. HAURIOU, Principes du drOitpublic, 2è éd. 1919,-R.206; V. aussi Y. PICOD, Le devoir de loyaulé-
--dam l'exééution du contiat, L.G .D.J. ,1989, nO r: P. 9;-P. -HEBRAUD, ariicle précité, rlQ 20; compai.'
avec P. DURAND, Tendance à la stabilité dù rapport contractuel, ouvrage collectif, L.G.Dl., 1960, V.
préface: « ils (les contrats) consistent dans une entreprise de l'homme sur l'avenir ».
2
C. JAUFFRET--SPINOSI, article précité; B. BERLIOZ-:'HdINet G:BERLIOZ, Le-droit des contiàts Tace
" "à j'évolutionéconomique, Etudes R. HOUIN ,"Dalloz-Sirey, 1985; p. 3; J. MESTRE, article précité; L
"CADIET, Interrogations sur le droit-col1temporain dès·'contrats, Travaux coordonnés par L. CADIET, "
Econom ica, 1987, p. 7 et s.
"_
_
3
V. R. SAVA11ER, Les métamorphoses économiques et sociales du droit civil aujourd'hui, 2è éd., Dalloz
_ 1952; G. MORIN, La désagrégation de la théorie contractuelle du Code, arch. de philosophie du !iroit "-_
1940, p. 7; H. BATIFFOL, La crise du Gonlrat et sa portée, arch. de philosophie du droit 1968, p.l3 et s; -
L. JOSSERAND, Les dernières étapes du çlirigisme contractuel. Le contrat forcé et le co~tratlégal, D. H.
1940,5; E. BERTRAND, L'esprit nouveau dés lois civiles, Economiéa, 1984, p. 35.
4 -J.MESTRE,articleprécité,Q.56. - ""
5 - Cette observation va de soi pour tous les contrats qui font naitre une situation tels: concession, franchise,
travail, agence commerciale, etc., mais aussi pour tous ceux qui donnent à une entreprise, ou
éventuellement à un particulier, les moyens de poursuivre son activité: contrat de fourniture, de crédit-
bail, d'affacturage, de bail, d'ouverture de crédit, etc. V. J. MESTRE, article précité, p. 56.
6
Ph. MALAURIE et L. AYNES, Les obligations, nO 300, p. 165.

- 6 -
C'est dans cette double préoccupation - maîtriser l'avenir et assurer
l'efficacité des actes contractuels - que réside l'intérêt des problèmes ayant
trait à «la suspension des_ obligations contractuelles».
3.- La réalité du phénomène de suspension n'est plus aujourd'hui
- discutée l . La doctrine etla j~risprudenceen font si fréquemment état que ia
notion paraît même - familière. Toutefois, ce phénomène apparemment-
courant est en réalité assez obscur. Ainsi le législateur lui-même n'emploie
pas toujours le terme suspensjon pour en indiquer les manifestations2 . Cet
état de choses traduit u:ne Hésitation, voire une rét{cence à l'utilisatio-n d'liri.
terme dont le contenu est mal dé-fini. Le flou- qui -- en résult~ -pe-r~et, à
l'évidence, toutes les interprétations et par conséquent des abus 3 , Il
appartient -au juriste:de -le dissipér. A ce titre, le phénoùlène niérite-_d'êt~e-
-
-
-
étudié. Certes~ _des iI1sti~tü~ions préèises qui mettent en oeuy-re le Rrin~ire de
suspension des obligations contractuelles suscitent une littérature juridique
aUSSI
riche
qu'abondante 4 . Mais une
étude d'ensemble,
à
notre
connaissance, n'a jusqu'à présent jamais été consacrée aux diverses
manifestations du phénomène de suspension en droit privé français. Dans
leur quasi-totalité, les travaux qui prennent comme thème de réflexion «la
suspension du contrat » sont, soit limités à un contrat précis ou à une
catégorie de contrats déterminée, soit confinés dans l'analyse de la seule
Il n'en a pas toujours été ainsi: par exemple J. LEBRET, dans l'une des premières études consacrées à la
suspension du contrat survenue en cours d'exécution, a nié l'existence de la suspension. ne voyant là
qu'une sorte de résolution temporaire des contrats (V. suspension et résolution des contrats. Rev. criL de
légis. et de jurisp. 1924, p. 581 et s. )
2
Ainsi par exemple. le législateur préfère parler de report ou de rééchelonnement des dettes (V. les
nouveaux articles 1244-1 à 3 du Code civil et l'article 12 de la loi sur le surendettement des particuliers)
ou d'octroi de délais de paiement ( article 1184 alinéa 3. du Code civil ), que de parler simplement de
suspension des obligations concernées.
3
En effet, la diversité des hypothèses susceptibles de se rattacher à l'idée de suspension est telle que si on
ne fait pas garde, on court le risque de voir la suspension partout.
4
V. R. SARRAUTE, La suspension dans l'exéculion du contrat, thèse Paris. 1929; T. YAMAGUSHI, La
théorie de la suspension du contrat de travail et ses applications pratiques dans le droit des pays membres
de la communauté européenne, L.G.DJ., 1963 ; J.-M. BERAUD, La suspension du contrat de travail,
Sirey. 1980; J.-F. PILLEBOlIT. Recherches sur la notion d'exception d'inexécution, L.G.DJ .• 1971; R:
CASSIN, De l'exception d'inexécution dans les rapports synallagmatiques, thèse Paris, 1914 ; J .-1.
TAIS NE, La notion de condition dans les actes juridiques, thèse Lille, 1977 ; E. DATRY. L'échéance.
délai de grâce et moratoire, thèse Lyon, 1945 ; J. TROTZIER, La condition suspensive et ses
applications récentes, thèse Paris, 1945 ; 1. DEVEAU, Le délai de grâce dans le Code civil et la
législation contemporaine, thèse Paris, 1937 ; Ph. CHARVERIAT. De la suspension du contrat, thèse
Lyon, 1964 ; J.-F. ARTZ, La suspension du contrat à exécution successive, D. S. 1979, chf., 95 ; J.
TREILLARD, De la suspension du contrat, in Tendance à la stabilité du rapport contractuel. ouvrage
collectif sous la direction de P. DURAND, L.G.D.J .. 1960. p. 59 et s.

- 7 -
suspension du contrat pour force majeure ou pour inexécution fautive 1 .
Ainsi sont ignorées de nombreuses situations juridiques qui cependant se
rattachent incontestablement à l'idée de suspension2.
4.- L'ambition de cette étude est au contraire de rassembler les
aspects fort épars de la notion de suspension, assez souvent abordés
distinctement, et d'élaborer une sorte de « théorie générale de la suspension
des obligations contractuelles ». En effet, même si tous les cas de suspension
réuriis constituent un ensemble assez hétéroclite et pas toujours cohérent,
ils reposent néanmoins sur des p'rincipes plus ou moins communs. Notre
souci est de réaliser, à partir de ce,tte base commune, une synthèse, un essai
d'exposé général sur la notion de s~spension des obligations contractuelles.
Le but n'est donc pas simplement de répertorier, de classer les différentes
techniques de suspension, mais de:,chercher à dégager, à partir de l'examen
des différents mécanismes de sUspension applicables aux obligations
contractuelles, des règles d'une portée plus ou moins générale. L'objectif est
assurément ambitieux, compte tenu de la très grande diversité des
hypothèses de suspension, et il est probable qu'il ne sera que très
imparfaitement atteint ; on ne peut en effet envisager une application
uniforme du phénomène de suspension. Mais l'entreprise présente en tout
cas, au-delà de l'intérêt théorique, un intérêt d'actualité, car il est
constamment fait appel, en pratique, à la suspension en raison de sa
plasticité et de son caractère modérateur. L'adoption récente de nouveaux
mécanismes d'aménagement des dettes et le renforcement-, de ceux ~ui
existaient-déjà- en_ témoigri~ri:t3-;
5.- La suspension d'une obligation contractuelle évoque, de prime
abord, la suspension dé' son exécution, de sa mise en oeuvre. C~est'qu'en' ,
, effet, Une- fois un contratc()nclu, ir ne lui reste plus qu'à- p~oduire- ses =effet~ et
Il existe ainsi d'excellentes et nombreuses monographies consacrées à la suspensien du contrat de travail
(V. J.-M. BERAUb,llîèse précitée). En outre la plupart des études portant sur la susPension du contrat
né semblent s'intéresser _ qu'aUx ë~)Otratssuccessifs ( R. SARRAUTE, thèse précitée; Ph~.,
CHARVERIAT" thèse prccitée ; J.-F. ARTZ, article précité; J. TREILLARD, article précité; J.
LEBRET, articleprécité ). _ _
-
-
,
_
2
Il en est ainsi des délais de grâce, des moratoires, de l'exception d'inexécution, du droit de rétention, de la
condition suspensive, du tcime Stlspc'nsif,etc.
.
3
V. loi n° H9-101O du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au
surendellement des particuliers et des familles ct la loi 91-650 du 9 juillet 1991 porta/il réforme des
procédures civiles d'exécution (cette dernière effectue notamment une réforme du délai de grâce ).

- 8 -
disparaître dès que ceux-ci se sont produits. Or, l'exécution des obligations
est particulièrement sensible à divers incidents qui peuvent en paralyser le
cours ; ce risque étant d'ailleurs plus grand_ dans les contrats à exécution
successive dans lesquels il y a un _net décalage entre la formation et
--
l'exécution1 . Ainsi, l'apparition d'un cas-fortuit ou de force majeure, la
mauvaise volonté d'uri débiteur qui- se dérobe de ses obligations ou
si-mplement l'incapacité d'honorer les engagements pris, peuvent perturber
Je cours de l'exécution. La suspension des obligations, dans ces hypothèses,
sera destinée à éviter au contrat une issue qui lui fera manquer son but; il
-
-
s'é;lgit de préserver les chances- d'une exécution future car, mêm~ une
c-
-exécution par équivalent - n'apporte au créancie-r qu'une satisfaction
relative2.
6.--" - Lorsqu'un déb-iteur n'a pas ,pu exéçute-Y: dans les délais les
obligations mises à sa charge par le contrat pour une raison ou une autre, le
créancier est autorisé à user de tous les moyens que le droit met à sa
disposition pour obtenir satisfaction. En particulier, il peut solliciter l'appui
de la justice pour faire respecter les engagements pris par son débiteur au
moyen d'une exécution forcée. Cette règle résulte de l'article 1134 du Code
civil qui dispose: «Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à
ceux qui les ont faites». Cette disposition consacre les principes d'autonomie
de la volonté et de force obligatoire des engagements contractuels3 . En effet,
pour que le contrat joue son rôle de loi des parties, il est absolument
nécessaire que chaque partie soit sûre de recevoir la prestation promise au
jour fixé. Sans ce respect de l'échéance, la sécurité des conventions sera
menacée.
Toutefois, même si le droit privé français est toujours demeuré
hostile à l'admission de l'imprévision 4 , certaines de ses institutions
constituent néanmoins de véritables entorses aux principes d'intangibilité et
de force obligatoire des contrats. Le juge et le législateur disposent en effet de
1. TREILLARD, De la suspension des conLnlts, in Tendance à la stabilité du rapport contractuel, ouvrage
collectif sous la direcùon de P. DURAND, L.G.D.J. 1960, p. 59, n° 1.
2
1. TREILLARD, article précité, n° 2, p. 59.
2
V. infra nO 296 et s.
4
V. J. GHESTIN, t Il, n° 147, p. 140; P. HEBRAUD, article précité, n° 22, p. 31 ; P. VÜIRIN, De
l'imprévision dans les rapports de droit privé, thèse Nancy, 1922; R. DA VlD. De l'imprévision dans les
droil~ européens, Méla.nges JAUFFRET. 1974, p. 221 et s.
.

- <) -
moyens variés leur permettant d'aménager la dette du débiteur défaillant
selon des modalités autres que celles initialement prévues par la contrat.
Ainsi en est-il de la possibilité q~'a la juge d'accorder des délais de grâce,
des différentes mesures de report du paiement qui_peuvent être prises dans
-le cadre des
lois de
moratoire,
ou encore des- nouvelles
mesures
d'aménagement des dettes prévues par la loi nO 89-1010 du 31 décembre 1989
sur le surendettement des particuliers. Dans ces différents cas, le paiement
de l'obligation due sera différé ; l'exécution de
l'obligation est suspendue
afin de donner au _débiteur défaillant une chance supplémentair:e d'honorer
ses engagements. On espère que l'avenir créera des conditions plus
favorables à ra réalisation des objectifs que se sont fixés les contractants. Ici,
la suspension se présente sous un aspect modérateur dans la mesure où elle
évite
au débiteur malheureux de' subir la
ngueur d'un
créancier
intranE;igeant.
7.- Lorsque la non-exécution des obligations nées du contrat est due
à une cause étrangère aux parties ou à une faute imputable à l'une d'entre
elles, le contrat est menacé de destruction. D'une part, au cas où
l'inexécution par le débiteur de ses obligations est la résultante de
l'apparition d'un événement de force majeure, le principe est que le débiteur
est exonéré de toute responsabilité contractuelle; il n'est tenu d'aucuns
dommages-intérêts 1 . L'impossibilité d'exécution par suite de force majeure
éteint donc l'obligation 2 . D'autre part, lorsque l'inexécution est imputable à
une faute du débiteur, le créancier a la possibilité de demander la résolution
du contrat avec dommages-intérêts 3 . Dans les deux hypothèses, le lien
contractuel est exposé à la cessation définitive.
La suspension prend ici une allure particulière, car elle intervient en
réaction contre ce péril et traduit le refus d'anéantir le contrat. C'est ainsi
que quand l'obstacle de force majeure n'est que temporaire, la suspension va
permettre au contrat de corriger de lui-même l'équilibre rompu. Le droit
positif admet en effet qu'une impossibilité momentanée d'exécuter puisse,
dans certains cas, constituer une excuse valable, empêchant la résolution
du contrat pour inexécution et laissant les parties dans les liens de leurs
1
Art. 1148 du Code CiviL
2
Ph. MALAURIE et L. A YNES, Les obligations, n° 760 et 827.
3
Arl. 1184 al. 2 du Code Civil.

- 10-
engagemen ts,
si mplemen t
différés j usq u'au jour où
leur
exécution
redeviendra possible 1 . Il suffit aux parties d'attendre la disparition de
l'événement perturbateur pour reprendre l'exécution du contrat. Si, au
contraire, l'altération du lien contractuel résulte de la faute de l'une des
parties, la suspension consistera le plus souvent cl exercer une pression sur
l'auteur-du manquement afin de l'amener à respecter les engagements pris.
Les effets des obligations sont interrompus pour un temps, jusqu'au jour où
le débiteur défaillant en reprendra de lui-même l'exécution correcte et
_volontaire.)l en est ainsi par exemple de la mise en jeu de l'exception
d'inexécution. Dans un cas comme dans l'autre, si la _suspension porte ses
fruits; la ré-solution du contrat et la mise en jeu de la responsabilité
contractuelle du débiteur seront évitées et le contrat sera stabilisé. La
suspension permet donc d'assurer la survie du contrat2 ; elle joue ici un rôle
: réçlempteur.. -
8.- Comme on peut le constater, la suspension des obligations
contractuelles traduit le souci d'empêcher que les incidents survenus avec
l'écoulement du temps fassent manquer au contrat son but et remette,nt
ainsi en cause la prévision des parties. Elle s'inscrit dans une tendance
générale à la maîtrise de l'évolution du rapport contractuel afin d'assurer sa
stabilité3.
9.- Il ne faut toutefois pas limiter la notion de suspension des
obligations contractuelles aux seules techniques qui interviennent au stade
proprement dit de l'exécution. Il est incontestable que certaines techniques
contractuelles, dans la mesure où elles permettent l'étalement dans le
temps de la constitution des créances, opèrent aussi la suspension des effets
des actes concernés. Il n'est plus question d'incidents postérieurs à la
conclusion du contrat venant altérer l'ordre établi par les parties. Au
contraire, les contractants eux-mêmes prennent en compte le facteur temps
et les variations qui lui sont inhérentes en subordonnant l'efficacité des
engagements pris à la survenance de circonstances futures. Il en est ainsi
lorsque les obligations engendrées par l'acte contractuel sont affectées de
1
R. SARRAUTE, thèse précitée, p. 1.
2
Ph. CHARVERIAT, thèse précitée, p. 8; 1. TREILLARD, article précité.
3
V. Tendance à la stabilité du rapport contractuel, ouvrage collectif sous la direction de P. DURAND,
L.G.DJ., 1960.

- 11 -
modalités suspensives telles que le terme suspensif et la condition
suspensive. Dans ces hypothèses, il s'agit d'une suspension ab initia; elle
est intégrée dans le processu? de formation des obligations et a pour dessein
de ne rendre effectifs ou _exigibles les engagements pris qu'au momenLoù la
date ou les circonstances souhaitées seront arrivées. En définitive, les
parties recherchent la plus grande 'efficacité des engagements souscrits.
10.- Ce rapid~ inventaire n'épuise pas toute la gamm.e des
hypothèses de suspension imaginables. Nous ne saurions avoir, quel ·que
puisse être notre souci 'd'embrasser l'intégralité du thème, la préte'ntion
d'entrepreridre une étude exhaüstived'une notion au' contenu irripr-écis,
donc
extensible!. Il faut d'ailleurs se garder de voir partout de la
suspension. Une telle entreprise' serait non seulement fastidieuse, _:mais
surtout çomporterai t le.;-risque-- de susciter -toutes Jes interprétations possiblés
.
-
- .
.
,.
-
et de diluer en fin de compte la notion de suspension. Il existe en effet
certaines situations juridiques susceptibles de se rattacher à l'idée de
suspension, mais dont les mécanismes sont si originaux et les secteurs dans
lesquels ils se déclenchent tellement spécifiques qu'il est impossible d'en
tirer des leçons de portée générale.
Il en est ainsi de toute la législation relative à la prévention et au
traitement des difficultés des entreprises 2 . Ces procédures collectives
produisent en effet des conséquences suspensives sur les contrats en cours,
car elles peuvent aboutir à des mesures de suspension des poursuites et à
l'octroi de délais de paiement3 . Toutefois, le particularisme très marqué de
cette matière recommande de ne pas l'intégrer dans une étude dont l'objectif
est de dégager les manifestations du phénomène de suspension à travers
V. R. SARRAUTE, thèse précitée, p. 2, qui souligne l'étendue très large de la notion de suspension et
J.-M. BERAUD, thèse précitée, p. 16, qui, à propos de la suspension du contrat de travail, en relève
l'ambiguité et le flou.
2
V. Loi nO 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des
entreprises et Loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des
entreprises et loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son
environnement économique et social.
3
V. art. 37 de la Loi du 1er mars 1984 (l'accord amiable suspend, pendant la durée de son exécution, toute
action en justice et toute poursuite individuelle dans le but d'obtenir le paiement des créances qui font
l'objet de l'accord); art. 33 (le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire emporte de
plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement) et 74 (le tribunal propose des délais de
paiement aux créanciers qui doivent les accepter et en impose, le cas échéant, à ceux qui n'ont pas donné
leur accord) de la Loi du 25 janvier 1985.

- 12 -
l'analyse d'institutions classiques du droit des contrats l . De même, la
question de la suspension du contrat de travail ne sera abordée que très
accessoirement puisque, peut-être encore plus que le droit des procédures
.
.
collectives, le dr~i.t dù travail comporte des spécificités quj· éloig~ent
considérablement le c-ontrat de- t-ravail du contrat ordinai~e2. Saris·rév~nir -
sur la vieille querelle de l'autonomie et du particularisme du droit .du travail
par rapport au droit civil3 , il faut en effet relever objectivement, commê
Monsieur A. Jeammaud.. qu'à côté de sa dimension contractuellf!, la
relation de travail présente une .dimension institutionnelle4.
. n n'est pas nonpltis queshon de procéder à une étude dès contrats
aléatoires qui, comme on le sait, ont pour objet de faire dépendre les
-- prestations dés~parties d'tlliévénementincertain.·Ces· contrats-_pr~n:nËmt~le-
~.
-
-
. .
.
- .
h?sard· _comme· objet.-et la suspension d~s pre.stations qui erl~ réstHte fait
partie in~égrant~ de la nature de ces opérations5 . Ce n'est- pas une
suspension des obligations telle qu'elle est envisagée par exemple en cas de
condition suspensive, car la modalité doit être surajoutée au contrat et en
modifier le mode d'exécution normal 6 .
Cependant, nous nous intéresserons par contre à la nouvelle loi sur le surendettement des particuliers et
des ménages qui, nous le pensons, a une influence notable sur la notion de contrat et traduit une évolution
significative du droit civil français. V. J. ROSEMBERG, Incidence de la Loi n° 89-1010 du 31 décembre
1989 sur le droit civil français, G.P., 4 et 5 janvier 1991, p. 2.
2
Il faut d'ailleurs souligner qu'une importante littérature juridique a déjà été consacrée au thème de la
suspension du contrat de travail: J.-M. BERAUD, La suspension du contrat de travail, thèse Lyon 1980;
T. YAMAGUSCHI, Théorie de la suspension du contrat de travail et ses applications pratiques dans les
pays membres de la communauté européenne, L.G.DJ., Paris, 1963; P. HOUIN, Suspension du contrat
de travail et salaire garanti, thèse Liège, 1961; Ph. LANGLOIS, Contre la suspension du contrat de
travail, D. S. 92, Chr., 140.
3
V. P. DURAND, Le particularisme du droit du travail, Dr. Soc. 1945, p. 228 et s.; G. LYON-CAEN,
Les principes généraux du droit civil en droit du travail, R.T.D. Civ. 1974, p. 220 et s.; Défense et
illustration du contrat de travail, Archives de philosophie du droit, 1. XIII, 1968, p. 59 et s. ; G -
H. CAMERLYNCK, L'autonomie du droit du travail, D. 1956, Chr., 23 ; G. COUTURIER, Les
techniques civilistes et le droit du travail, D. 75, chr., p. 151 et s. ; A. JEAMMAUD, Les principes dans
le droit du travail français, Dr. Soc. 1982, p. 618 et s. ; Les polyvalences du contrat du travail, Etudes
offertes à G. LYON-CAEN, Dalloz 1989, p. 299 ; J. PELISSIER, Droit civil et contrat de travail, Dr.
Soc. 1988, p. 387 et s. ; A. LYON,.CAEN, Actualité du contrat de travail, Dr. Soc. 1988, p. 540 et s.
4
A. JEAMMAUD, Les polyvale'nces du contrat de travail, article précité, p. 301.
5
C'est ainsi que dans le contrat d'assurance, le caractère aléatoire est fondamental, car il est l'essence même
de ce contrat Le caractère aléatoire s'applique à l'objet même du contrat le risque garanti. Seul un risque
aléatoire peut faire l'objet d'une assurance. L'aléa est bien entendu évident en cas de couverture d'un risque
incertain (ex: assurance incendie), mais existe même en cas de risque certain, telle l'assurance en cas de
décès où la date du sinistre et le nombre d'années de paiement de la prime demeurent liés au hasard. V.
Yvonne LAMBERT-FAIVRE, Droit des assurances, Dalloz, 7è éd. 1990, nO 41, p. 76.
6
V. Infra nO 34.

- 13 -
Enfin, on ne pourra présenter tous les contrats susceptibles d'exister
et analyser, cas par cas, les possibilités de suspension des obligations
a_uxquelles ils donnent naissance. Cette étude doit être axée sur la recherche
d'une synthèse des différentes techniques de suspension des engagements
contractuels- e-t cela,-- à: l'aide de riotion~ juridique(bien enracinées dans le
droit civil- français. Le problème est doncd'àrriver à encadrer le phénomène
de suspen-sion,- assez diffus comme nous l'avons souligné, -et lui conférer
une certaine cohésion.
~ 11.--,Dès tors, notre déma;che ne va pàs~surprendI'e.Compte tenu de
la diversité des- causes de suspension, nous croyons qu'ïr est naturel
d'envisager d'abord les techniques de suspension s~lon les obstacles qui les
:détertnjnerit et selon les finalités', qui les car~ètérisent.Eneffet, la nature
d'~I1e ëaUs~ de -suspension dérive du genre d'obstacl~ qui-altère le contrat ~t
-
--
---
-
-
-
-
--
--
~
- -
en paralyse les effets. En conséquence, une prerruère direction qui semble se
dégager est qu'il y a lieu d'étudier cette vaste et éparse matière en mettant en
lumière les spécificités de chaque hypothèse de suspension.
Ensuite, même si la suspension n'est pas absolument unitaire, le but
ultime de cette recherche est de parvenir à dégager des règles essentielles
permettant une compréhension d'ensemble du phénomène. Ceci ne signifie
nullement que les causes de suspension sont régies par les mêmes régIes et
produisent toutes des effets strictement identiques. Mais la diversité des
causes et, à certains égards, des régimes, ne doit pas être un obstacle à la
rech~rche et à l'affirmation d'un principe général assurant la cohérence de
l'ensemble. On relève en effet que sur de nombreux points, il existe des
principes communs. Certains effets notamment se retrouvent de façon
constante dans tous les cas de suspension. Quelle qu'en soit la cause, la
suspension consiste toujours à neutraliser de façon transitoire l'efficacité
d'une obligation contractuelle afin de renforcer les chances d'une exécution
future. L'obligation qui, dans un premier temps, est «mise en hibernation»
pendant)a période d'attente, est appelée, dans un secQnd temps, à connaître
un sort définitif à la fin de la suspension. A chacune de ces étapes,
l'obligation est soumise à un ensemble de règles qui, si elles ne sont pas
identiques d'une
technique de suspension à
une autre, présentent
néanmoins une étroite parenté. Il existe par conséquent un régime juridique

- 14 -
plus ou moms commun régissant toutes les hypothèses de suspension et
faisant ainsi l'unité de la notion.
.
_
12.- Tel se dessine le canevas à partir duquel cette étude va
- _ s'oi-donner : dans un premier temps, il s'ai;ira de faire ressortir la diversité -
de la notion dé suspension à travers la recherche du fondement juridique et
deîa finalité de la «pause» dans-le lien obligatoire que réalise la suspension.
Dans un second temps, l'objectif sera de dégager la dynamique unitaire du
Pl1énomène de suspension à partir. de l'analyse de l'incidence de la
= - suspension sur le contenu et l'effet du lien contractuel pendant et après la
. suspension; autremenf dit, il faut définir le -régime- ju·ridique de l'obligation
suspendue_
-- -Cet ouvrage sera donc-divisé'en deux parties.; - -
Première partie
Les techniques de suspension des
obligations contractuelles.
Deuxième partie
Le régime juridique de l'obligation
suspendue.

PREMIERE PARTIE :
LES TECHNIQIJES DE SUSPENSION
DES OBLIGATIONS CONTRACTUELLES

- 16-
13.-. L'idéè. de- suspension ~es obligations est la tra-duc~ü>n juridique -
dé l'impérieuse nécès·silé de p-erm~tt~e au contrat d'avoi~J'iss~e \\r.oülue par
les contractants : l'exécution. Cette recherche de l'accomplissement des
engagements contractuels s'opère différemment selon la nature de l'obstacle
qui entrave l'exécution. C'est qu'en effet, le besoin de geler l'efficacité des
actes juridiques peut résulter de motivations fort différentes et exige, par
conséquent, l'utilisation de techniques juridiques spécifiques adaptées aux
particularités de chaque hypothèse.
Tantôt c'est la volonté d'agir sur le temps en anticipant sur le futur
qui conduit les parties à priver leurs engagements d'efficacité immédiate.
En effet, l'importance prise par les contrats a exécution successive 1 et la
nécessité de prévoir, parfois longtemps à l'avance, les situations futures
justifient l'institution de certaines techniques contractuelles permettant de
prendre les engagements sans être immédiatement tenu à leur exécution.
Dans cette hypothèse, la suspension est intégrée dans le processus
contractuel et son rôle consiste à aménager de façon particulière la
constitution des obligations.
Tantôt la suspension est, du fait de l'inexécution du contrat, un
phénomène perturbateur des prévisions contractuelles. L'inexécution
proviendra, dans certains cas, des difficultés rencontrées par le débiteur
On peut citer le cas des prêts et l'importance que revêt en la matière la pratique des termes et des
conditions.

- 17 -
pour répondre à la demande d'exécution présentée par le créancier. La
suspension consistera alors à différer l'exécution et éviter ainsi au débiteur
de subir la rigueur d'une exécution forcée. Dans d'autres hypothèses, l'arrêt
de l'exécution des obligations résultera de la survenance d'un cas de force
majeure rendant impossible une exécution actuelle ou d'une inexécution
fautive de la part de l'un des contractéints. Dans l'un et l'autre cas, la
suspension permettra d'éviter Fanéantissement du contrat pour réserver
ses chances d'exécution future!.
14.- En partant· d~s remarques- qui viennent d'être faites; on
constate que c'est un triple rôle que la suspension joue dans les rapports
contractuels. C'est un moyen pour les contractants d'organiser l'exécution
de~ obligations contraëtées· à ·l~u~ c6nVenaI1.C~ ; à ce titre, la suspenSion est
une modalité des obligaiionsc9Iitiactuelles ('Fifre -no Elle permet-aussi de·--
..
.
soulager le débiteur en difficulté en lui accordant des délais de paiement;
elle apparaît, à cet égard, comme un tempérament à la force obligatoire des
contrats (Titre II). Enfin, la suspension remplit une fonction rédemptrice en
évitant à un contrat menacé d'inexécution de connaître la résolution; de ce
fait, elle est une alternative à l'anéantissement de l'acte juridique (Titre III).
J. TREILLARD, De la suspension des contrals, in Tendance à la stabiliLé du rapport contraclUel, ouvrage
collectif sous la direcLÎon de P. DURAND, L.G.D.J. 1960, n° 4, p. 61.

'l'rIRE 1:
LA SUSPENSION, MODALITE
DES OBLIGATIONS CONTRACTLTELLES

· 19-
15.- Le lien juridique qu'établit un contrat entre le ëréancier et le
débiteur
est
normalement
pur
et
simple,
c'est-à-dire
obligatoire
immédiatement. Toutefois, il revient aux parties de fixer, par leur volonté
commune, le commencement et la fin de la loi contractuelle; elles peuvent
donc altérer le caractère pur et simple des obligations. Le droit positif met à
leur disposition, afin de parvenir à cette fin, des techniques contractuelles
spécifiques appelées «modalités».
Le terme «modalité» désigne une circonstance qui vient modifier les
effets que le contrat eût produits à leur défaut, sans toutefois porter atteinte
aux éléments essentiels de la convention ou de l'obligation de sorte que celle-
ci doit pouvoir exister sans elle. Ne peut donc constituer une modalité du
contrat ou de l'obligation un élément nécessaire à sa naissance 1 . En
général, la modalité fixe les effets dans le temps d'une obligation, afin, soit
de les retarder, soit de les éteindre2 . Elle permet aux parties de déterminer
la portée dans le temps de leurs engagements.
16.- Le Code civil prévoit deux modalités temporelles: la condition
et le terme3 . La condition est un événement futur et d'accomplissement
COLIN et CAPITANT, l. II, nO 1679, p. 920 ; Ph. MALAURIE et L. AYNES, Les obligations, nO 1105
et 1106, P 621.
2
Ph. MALAURŒ et L. AYNES, précité, p. 617.
3
Pour la condition: art. 1168 à 1184; et pour le terme: art. 1185 à 1188.

- 20 -
incertain qui suspend soit la naIssance, soit la résolution des obligations,
alors que si le terme est également un événement futur, il est par contre
·d'accQmplissement certain et ne suspend que le:l{igibilité ou l'extinction des
. -obli~ationsl. On remarquera que la condition et le _terme peuvent avoir deux
sarfes d'incidence sur l'obligation: la: condition résolutoire et le terme
extinctif prévoient la fin, la disparition de l'engagement, alors que la
-condition suspensive et le terme suspensif constituent le point de départ à
partir duquel
l'obligation pourra normalement produire
ses
effets.
-Autrement ·dit,en cas de stipulation d'une :condition résolutoire ou d'un
.terme extinctif, la convention entre en vigueur comme si de rie-n n'était et la
-
-
-
~
suivénance de l'événement constitutif de la condition ou du terme marquera
·simplement sa fin 2. Par contre, l'adjonction d'une condition suspensive ou
~. d'un terfne suspensif à un contrat aura-pé)lù~,conséquence de retarder, à des
-ifegrés différerÏts3 , les effets des obligations -a.ffectées. Dans -ce- dernier cas,
bien que la convention soit valablement formée, elle ne produit pas pour
autant immédiatement ses effets du fait de la modalité. On parle alors de
«modalités suspensives».
17.- En effet, condition suspensive et terme suspensif aboutissent à
étaler dans le temps la constitution des obligations. Ils permettent à une
personne de ne pas laisser passer une perspective de gain, de prendre des
engagements bien qu'elle n'ait pas actuellement les moyens de leur
exécution. En conséquence, les obligations affectées de ces modalités
demeurent suspendues jusqu'à ce que la survenance des circonstances
envisagées décide de leur sort définitif. Condition suspensive (Chapitre 1) et
terme suspensif (Chapitre II) constituent, de ce fait, des techniques de
suspension intervenant au cours du processus de formation de l'obligation;
il s'agit d'une suspension ab initia. A ce titre, ces deux modalités tiennent
place dans le cadre de cette étude et doivent être examinées successivement.
1
J. CARBONNIER, L IV, nO 132, p. 249.
2
Il faut noter cependant qu'il est posé comme principe qu'en cas de réalisation d'une condition résolutoire,
la convention est considérée comme n'ayant jamais existé alors qu'un terme extinctif arrivé à échéance
éteint seulement les obligations pour l'avenir.
3
De même, la condition suspensive est considérée comme affectant la naissance, l'existence même de
l'obligation, alors que le terme suspensif ne suspendrait que l'exigibilité de l'obligation, V. infra.
respectivement nO 243 et s., n0256 et s.

- 21 -
CHAPITRE 1:
LA CONDITION SUSPENSIVE
18.- Le terIIl~ ~«conditi()n;; est employé dans le langage juridique
sous des acceptions diJférent~s. -Pris dans son sens éJendu, onent~nd par
«conditions» d'un acte juridique toutes les clauses particulières qui y sont
introduites par les parties contractàntes. Une distinction est faite entre les ..
«clauses
essenÙe-l(f!s» et les ~<claûses secondaires».; -1~§lnn~l<3.fionc des
- premières -entraîne 'la disparition-de l'obligation dans sOn intégraJité; âlors
que la suppression des secondes est sans effet sur le reste dela convention 1.
Une deuxième signification du terme «condition» trouve son origine
dans le Code civil lui-même qui, suivi par la pratique et la jurisprudence,
parle de «conditions
essentielles» ou d'«éléments
nécessaires» pour la
validité d'un acte ou d'un droit2 . En effet, aux termes de l'article 1108 de ce
Code, toute convention doit réunir, pour être valable, un certain nombre
d'éléments : les parties doivent avoir donné leur consentement et être
capables; leur engagement doit avoir une cause licite et porter sur son objet
certain. Il s'agit d'éléments indispensables à la validité du contrat.
19.- TI ne faut cependant pas confondre la condition, telle qu'elle est
envisagée ici, avec ces autres conditions d'une autre nature. TI est vrai que
la condition - modalité prendra souvent la forme d'une clause du contrat3 ,
mais le Code civil définit, avec précision, l'obligation conditionnelle comme
celle qu'on fait dépendre, pour son existence ou sa résolution, d'un
V. B. TEY55Œ, Réflexions sur les conséquences de l'annulation d'une clause sur le contrat, D 5.1976,.
Chr., 281.
2
MARTY, RAYNAUD et JE5TAZ. t. II, n070, p. 63 ; R. FILDERMAN, De la rétroactivité de la
condition dans les conventions. thèse Paris, 1935, nO 2, p. 10.
3
Il subsite toutefois en doctrine une discussion sur la question de savoir si la volonté des parties est la
source exclusive des obligations conditionnelles. V. J-J. TAI5NE, La notion de condition dans les actes
juridiques. Thèse Lille. 1977, n0342 ct s., p. 470 et s.; V. infra nO 32 et s.

- 22 -
événement futur et incertain 1. L'obligation ainsi conclue n'est affectée que
d'une simple modalité, celle-ci n'étant qu'un élément extérieur et accessoire
à l'engagement. Si la Gondi tion est suspensive, elle a pour conséqüe:nce de
priver l'oblig?tion de tout effet tant que l'événement futu~ et iocertain ne
s'est pas prôduit, -et -sI la condition est résolutoire, l'obligation-- est -au
-
-
contraire traitée comme pure et simple, l'arrivée de l'événem"eIlt éonvenu
entraînant sa résolution. Il est évident que seule la condition suspensive, qui-
implique la suspension des effets de l'obligation qui en est affec~e, constitue
une technique de suspension des engagements contractuels et mèrite notre
intérêt.
20.- Le recours à la condition suspensive suppose que les personnes
qui-désirënt-s'eri~agermanifestent Une certaine hésÙatiop quantà-:
-
-
l'existence -du c0~text~ qui prO-étirerait à l'obligation souscri-le -tOl}te son

-
" -
.
-~-
utilité et les moyens de son exécution. Normalement, dans de telles
situations, le débiteur peut adopter deux attitudes opposées: ou il attend que
l'événement nécessaire à la dissipation de l'incertitude se réalise, c'est la
solution que recommande la sagesse et la prudence. Ou bien il s'engage
immédiatement en saisissant l'occasion qui se présente. Dans le premier
cas, l'intéressé court le risque de regretter son pessimisme si l'événement se
produit finalement, alors que dans le second, il déplorera son optimisme au
cas où l'événement ne se réalisait pas. Pour éviter ce double écueil, le Code
civil à élaboré une solution intermédiaire qui est l'engagement sous
condition suspensive.
La condition suspensive, cela a déjà été dit, est une modalité
surajoutée à l'acte juridique. La doctrine en conclut que la condition ne
saurait résulter que de la convention des parties2 . Qu'en est-il exactement de
l'insertion de la condition dans les actes conventionnels? (Section D. D'autre
part, les dispositions du Code civil énumèrent un certain nombre de
caractères dont dépend la validité de la condition. Quels sont ces caractères
et quelle est leur importance quant à la reconnaissance de la qualification de
condition? (Section II).
1
Art. 1168 du Code Civil.
2
MAZEAUD, t. Il, 1er vol., n° 1027 p. 1099 ; RIPERT et BOULANGER, t. II, n° 1335, p. 505 ;
PLANIOL et RIPERT, t. VII, n01024, p. 371. R. FILDERMAN, thèse précitée, n015, p. 24; V. aussi:
Ph. DEROUIN, Pour une analyse fonnctionnelle de la condition, R.T.D.Civ. 1978, p. 1 et spécialement
n° 21 et s. (Il critique notamment cette conception).

- 23 -
SECTION 1: L'ADJONCTION DE LA CONDITION SUSPENSIVE AUX
OBUGATIONS CONTRACTUELLES
21.-- La ·su:bordination diu-neobligatfon conventionnelle à la
- -condition suspensive, ou à la condltibnen général,est présentée comme ne
- pouvant -résulter que de la volonté -d~s p-arties t§f): H est cependant
nécessaire de se demander si la volonté des_parties est la source exclusive de
__ ~cettesuspension ab initio des obligations contFactuelles(§2).
§l. La condition suspensive: une modalité d'origine
conventionnelle
-
-
22.- La condition étant, en .principe, une stipulation de volonté, elle
obéit aux règles qui régissent le contrat et principalement la liberté
contractuelle. Les parties doivent être totalement libres de subordonner leur
engagement à un événement futur et incertain (A). Cette liberté comporte
néanmoins certaines limites (B).
A - Le principe de la liberté èontractuelle
23.- La liberté des parties s'illustre principalement à deux points de
vue: d'une part, quant au pouvoir d'assortir une obligation d'une condition
suspensive, et d'autre part, quant à la forme à imprimer à cette condition.
Les parties peuvent, en principe, apposer à leur convention les
conditions que bon leur semble 1. De même, et sauf dans quelques exceptions
prévues par la loi2 , l'efficacité de quelque contrat que ce soit peut être
subordonnée à la surVenance d'un événement futur et incertain; aucune
discrimination n'est faite entre les différentes catégories de contrats3 . La
conséquence, a contrario, de cette liberté est que les contractants peuvent,
pendente conditione, supprimer une condition préalablement insérée dans
Sous réserve, bien entendu, des conditions qui ne renferment pas les éléments énumérés par le Code civil.
V. infra n° 25 et s.
2
V. infra n° 27.
3
J.-J. TAISNE, thèse précitée, n° 407 et s., p. 557 et s.

- 24 -
un acte contractuel du moment qu'il y a accord entre eux. Une telle
suppression de la condition opère normalement une novation, puisqu'à
l'engagement conditionnel succède une bpligation pure et simple l .
La forme à donner à -la conditi6n -est également: entièrement au
pouvoir des parties ; elle peut être- expresse ou tacite selon la volonté
-commune des personnes intéressées 2 . Mais- surtout, les parties ont toute
latitude pour définir les contours de l'événement suspensif. La condition
-- _peut porter soit sur un événement naturel, soit sur tout autre événement _
_indépen.dantde la vol~nté de l'h()mme.Ile~t même ~dmis que la -condition
puisse porter sur un acte qu'il dépendra de l'uné des parties ou d'un tiers
- d'accomplir, d'omettre ou d'empêcher. Ainsi que l'édicte article 1175 du
- -:~èode civil, Ïes parties- détërminehfÜhrement la manière-dont la condition
-
doit -s-ë réaliser, c'est-à-dire ce qu'~lI fanl- entendre par-- accomplissement ou
par défaillance de l'événement6 .
24.- Toutefois, la manifestation la plus notable de la liberté des
parties consiste dans le pouvoir qui leur est reconnu de déroger à la règle de
la rétroactivité des effets de la condition accomplie posée par l'article 1179 du
Code civil l . En effet, en faisant remonter les effets de l'acte conditionnel à
une époque antérieure à l'arrivée du fait auquel son sort est lié, le Code civil
ne fait que respecter la volonté des contractants, lesquels en passant le
contrat à l'avance ont voulu que tout se déroulât ainsi. Il résulte de là que la
rétroactivité n'est pas une règle absolue ; il ne s'agit que d'une règle
supplétive qu'il ne faut appliquer qu'autant qu'elle permet d'assurer le
respect de la commune intention des parties. Celles-ci peuvent donc l'écarter
par une clause contraire. Cette opinion prévaut aussi bien en doctrine3 qu'en
Civ. 3e, 25 Janv._1978, Bull. civ., III, n055 ; J.c.P. 78, éd. G., IV, 103: «L'acte authentique qui, bien
qu'il indique qu'il représente la réitération d'une cession sous seing privé, comporte des stipulations-
nouvelles affectant notablement les conditions imposées à l'acheteur puisque celui-ci renonce à une
condition suspensive dont dépendait l'existence de la convention et que le prix est modifiée,est en réalité
un acte nouveau de vente d'immeuble constituant le point-de départ du delai pour intenter l'action en
rescision pour cause de lésion».
2
C'est en effet la commune intention des parties qui sert de guide aux juges du fond en cas de litige portant
sur la qualification à donner à telle ou telle stipulation du contrat considérée par l'une d'entre elles comme
conditionnelle; V. infra n° 70 et s.
6
Art. 1175 du Code civil: « Toute condition doit être accomplie de la manière que les parties ont
vraissemblablement voulu et entendu qu'elle le fût ».
A. WEILL et F. TERRE, Les Obligations, n° 900, p. 906 ; COLIN et CAPITANT, t. II, n° 1696, p.
940.

- 2S -
jurisprudence. La Cour de cassation n'a en effet cessé de juger que «Sl, en
principe, l'avènement de la condition suspensive fait rétroagir les effets du
_contrat du jour de _sa' passation, il n'est pas interdit aux parties de d_éro?er à
cette règle par de~·conventions spéciales»!.
On devr-ait admettre de la mê~e façon, et par voie -de'conséquence,
que les parties contractantes -demeur~nt libres d'instaurer la rétroactivité là
où elle est exceptionnell.ement exclue par la loi ou par la ju.risprudence.
Ainsi par exemple, les - p~rties -pourraient valab1èm~nt déroger aux
dispositions de l'.aI1iç!e 1-182 du Code civil relativ·es aux risqueseitairep~ser­
ceu~-ci non pass~r le- -âébiteur ·comme le prévoit la loi, mais sur le
créancier2 .
Bien ··Qtiia:dm·!sede-~ptihcipe,·la·liberté contractuelÎ.e-·eri.in_atièz:e.dè
condi tion susperzsiv~-~~ heurte toutefois ~ certaines restfiction~.qui ~iennent
aux dangers que comporte, et pour les parties, et pour les tiers, le recours à-
ce procédé de formation des obligations.
B - Les limites de la liberté contractuelle
25.- Si tout acte contractuel est théoriquement concevable sous une
forme conditionnelle dès lors que telle en est la volonté des parties, cette
liberté connaît néanmoins les limites que le droit positif juge opportun, de
nos jours, d'apporter aux entreprises de la volonté individuelle3 . En effet,
même si la condition suspensive revêt une utilité incontestable dans la
pratique contractuelle, l'usage qui en est souvent fait révèle un certain
nombre de menaces pesant aussi bien sur l'intérêt général, sur l'intérêt des
tiers que sur l'intérêt des contractants eux-mêmes.
Pour endiguer toutes ces nuisances qui hantent le recours à la
condition, le droit positif enserre les parties dans un réseau plus ou moins
rigide d'obligations et de prohibitions afin d'assurer la protection et des tiers
(1) et des parties (2).
Civ. 1ère , Il mai 1955, D 1956, Somm., 28; Req., 14 avril 1847, D.P. 1847, l ,217; S. 1847, l ,-
341.
2
A. WEILL et F. TERRE, précité, P. 906, note n021 ; GEGOUT, Essai sur la rétroactivité
conventionnelle, Rev. crit. de leg. et jurisp. 1931, 253.
3
Sur cette question, V. J. GHESTIN, t. II, n093 et s., p. 84 et s.

- 26 -
1 . La protection des tiers
26.-_. La condition suspensive est opposable aux tiers au même titre
- que _le contrat-qu'elle affecte. Ceux-ci peuvent souffrir des conséquences qui
en résultent -et-ceci d '3 utant I;l us que l'incertitude fragilise ~leur sîtu~ltion.-­
C'est pourquoi le législateur tend -à interdire l'insertioride_ conditions qui par
leur i~pact peuvent toucher les intérêts des personnes autres que celles qui
en sont parties (a) et à promouvoir- autant que faire se peut des règles
p-ropres à permettre l'information complète des tiers (b). -_
a) -L'excllision-du recours à la condition suspensive dans certains
actes juridiques
27 ;~=La- doctrine -est constante pour affirmer_~qûe--Ws-actes qJl-i- ont _
-.
~
-
- . . .
.-
- -
---
trait au droit de la famille ne prêterit, en aucune façon,- à l'admission des
conditions. Peu importe leur forme contractuelle ou leur caractère
proprement patrimoniaP. TI en est ainsi de tous les actes intéressant la vie
des personnes2 ou de l'acceptation ou de la répudiation d'une hérédité. Du
fait qu'à ce titre, l'option successorale de l'héritier ou du légataire ne peut
être affectée d'une condition, un auteur a soutenu que cette solution devait
s'étendre à toutes les options en général qui "par leur nature et leur
mécanisme ne peuvent être conditionnel!es»3. Dans ce sens, la Cour de
cassation a refusé qu'un fermier bénéficiaire d'un droit de préemption
puisse accepter sous condition suspensive l'offre de vente que lui avait
adressée le bailleur4 . Il y a cependant lieu de constater, comme le relève
d'ailleurs Monsieur Taisne5, qu'il semble ne pas avoir d'obstacle à ce que le
titulaire d'une option d'origine conventionnelle puisse la lever sous
condition suspensive du moment que l'autre partie y consent. L'interdiction
de recourir à la condition ne s'appliquerait donc qu'à l'option successorale
ou, d'une manière générale, aux droits similaires d'origine légale.
1
COLIN et CAPITANT, 1. II, n° 1681, p. 931 ; PLANIOL et RIPERT, 1. VII, hO 1020, p. 378.
2
Notamment: mariage, reconnaissance, légitimatin, adoption émancipation, etc.
3
Ibrahim NAJJAR, Le droit d'option: contribution à l'étude du droit potestatif et de l'acte unilatéral.
L.G.D.J_ 1967, n0306.
4
Soc., 16 fév. 1965. Bull. Civ ..VI, n° 147, p. 120.
5
J.-J. TAISNE, thèse précitée, n0426, p. 585 ; J.-Cl., Civ_ : art. 1175 à 1180, N. Rep.: fase. 44 à 46, n°
29 et s.

- 27 -
28.- Le droit cambiairene sied pas non plus à la pratique de la
condition suspensive, car elle frappe l'effet de commerce d'une incertitude
nuisible à sa sécurité et de nature ~ entraver sa circulation l . L'acceptation
doit absolument être pureet simple2~ Dans I.e !llême sens et pour les mê~es. _
préoccupations, l'article110-2° du Code de commerce exige que la traite fas.se
.
mention d'un «mandat pur et simple de payer une somme déterminée».
Une exigence analogue est également faite a propos du billet à ordre3.
Le danger que pourraitç;onstituer pour les tiers l'existence d'_une
incertitude frappant Je· capital
5.ocial- explique la
pro·hibitiondes
~ou~criptionsêonditionnelle~d'actibns-ou de ·pa-rts sociales4 . En effèt, l~-s
souscriptions ne peuvent être affectées d'aucune modalité; elles doivent être
pures et simples.C'est~une con-séquence que la doctî:"ine ·déduit de ~l'artlcle <
75-, a1iné·? 1er, -de la loi -du 24--juin~t, 1966, sèloù lequel une société né peut~
-
-.
.::
_.
-
-
-
-
.
valablement être constituée que si le capital social indiqué dans les statuts
est" intégralement souscrit»5.
Le principe selon lequel tous les actes relatifs à des intérêts
pécuniaires peuvent être affectés de conditions 6 n'est donc pas sans
restrictions.
b) L'information des tiers
28bis.- Le titulaire d'un droit conditionnel peut taire l'existence de
la condition aux tiers à qui celle - ci est parfaitement opposable. Cette
absence d'information est susceptible de causer un grave préjudice aux
personnes qui sont en rapport avec celui qui a constitué ou transmis un droit
sous
condition
suspensive,
puisque
toute
condition
se
réalise
rétroacti vement.
1
R. ROB LOT. Rep. Dalloz, Dr: corn., V. Lettre de cha-nge, n0197.
2
Code de commerce, an. 126 al. 3 et4.
3
Art 183-2° du Code de commerce.
4
J.-J. TAISNE - J.-Cl., Civ. : arl. 1175 à 1180, N. Rep. : fasc 44 à 46, n024 ; RIPERT et ROBLOT,
Traité élémentaire de droit commercial, l. l, nOlO73.
5
RIPERT et ROBLOT, précité, nOlO73 ; Ph. MERLE, Sociétés commerciales, nO 258 ; HOUPIN et
BOSVIEUX, l. l, nO 649 ; note sous Rouen, 21 juin 1957, D. 1957, l, 628.
6
PLANIOL et RIPERT, l. VII, nO 1029, p. 378.

- 2X -
En plus de la protection juridique que la théorie de l'apparence
assure à ceux qui ont faussement cru en l'existence d'une situation
juridique donnée 1, certaine~ règles permettant l'information du public. ont
été édictées. A vrai dire_, ·le problème ne se pose pas en matière mobilière
.
.
-
.
dans la mesure où l'article~2279 du Code civil défend efficacement ~le
possesseur2 . C'est en matière immobilière que l'information du public est
rendue indispensable; Les règles de la publicité foncière répondent à-cette
nécessité. C'est ainsi que le décret du 4 janvier 1955 contient des dispositions
rendant obligatoire la publication de-certains actes, «même assor.tis d_'une
condition suspensive>:, notamment -les mutations et constitutions~e droits'
réels autres que les privilèges etles hypothèques et éertàins baux de lo-ngue .
durée3. L'acte non publié est inopposable aux tiers, mais reste valable entre
les parties4.
Certaines dispositions du Code civil sont
également interprétées
comme imposant la publication des constitutions ou transmissions sous
condition suspensive de certains droits réels, notamment les hypothèques et
les privilèges auxquels l'article 28 - 1° du décret de 1955 ne s'applique pas.
C'est ainsi que l'article 2148, alinéa 3 - 4°, du Code civil impose, à peine de
rejet de la formalité, au créancier qui requiert l'inscription de son
hypothèque «d'indiquer sommairement l'événement ou la condition dont
dépend l'existence de la créance»5 . La doctrine considère d'autre part que
l'article 939 du Code civil, qui exige la publication des donations des biens
Ph. MALAURIE et L. AYNES, précité, n° 555, p. 315. En effet, la théorie de l'apparence peut permettre
le maintien de certains actes de disposition; ainsi par exemple, a été maintenu un bail consenti par un
non-propriétaire, que tout le monde croyant propriétaire, à un preneur de bonne foi ayant conclu sous
l'empire de l'erreur (Civ. 1ère , 2 novembre 1959, Bull. Civ., l, n0448 ; D.S. 60, Somm., 65 ; J.CP. 60,
ed. G.,II, 11456 ; G.P. 60, l, 30).
2
«En fait de meubles, possession vaut titre» : art. 2279, al. 1er, du Code civil.
;
Art. 28 - 1° du décret du 4 janv. 1955. En effet, le décret du 4 janvier 1955 organise la réforme de la
publicité foncière. V. NERSON, La réforme de la publicité foncière, J.CP. 1955, l, 1226 ;- Les
modalités d'application de la publicité foncière, J.CP. 1956, l, 1287 ; R. SA VATIER, Usage et avenir
de la publicité foncière réformée par les décerts des 4 janvier et 14 octobre 1955, D.1959, Chr., 221 ;
MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, Les sûretés. La publicité foncière, n° 794, p. 551.
4 Art. 30 du décret ci - dessus cité. Cependant, il ne semble pas exiger que soient également publiés les
actes constatant l'accomplissement d'une condition suspensive (MARTY, RA YNAUD et JESTAZ,. Les
sûretés. La publicité foncière, nO 794, p. 551).
5
Ce texte oblige par ailleurs le requérant à «évaluer les rentes, prestations et droits indéterminés, éventuels
ou conditionnels». A la vérité, l'évaluation n'est nécessaire que pour les droits indéterminés; pour ce qui
est des créances conditionnelles, il suffit de men tionner l' évenement qui les conditionne, car de telles
créances peuvent parfaitement être déterminées dans leur montant. En tous cas, le caractère conditionnel
qui les affecte n'a rien à avoir avec leur montant, il ne porte que sur leur effecti vité. V.
MARTY,RAYNAUD, et JESTAZ, Les sûretés.La publicité foncière, Sirey, 1987, n° 711. p. 498.

- 2<) -
susceptibles d'hypothèque, impose également la publication des conditions
suspensives ou résolutoires affectant ce droit l . Cette solution logique permet
. d'à_ss~rer aux tiers une protection égale quel que!"oi~ le caractère onéreux ou
-gratuit de l?- transmission incertaine opérée ei1trei~sparties.
2 -. La protection des parties
29.- L'engagement conditionnel présente un grand intérêt pour les
. p_arties. D'une part, il leur ~ermet de saisi:r:-~es occasions en s'engageant
- avant même d'être convaincu_ de l'utilité d-é _{opéCration. D'autre part, la
-.--condition su~pè-nsive génère une véritable-sécûrité dans fa mesure ou
l'~ngagémentdépend finalement de la réalisation du contexte souhaité. Cela
--;~expliquè:-quedans certains cas,il existe~rie-bbiigaÜon:légéüe de recourir à la-
-coàdition suspÊmsiv~ (a).
-
Toutefois, cette impression de sécurité peut se révéler illusoire.
Normalemerit, chaque contractant doit bénéficier d'une chance égale pour
voir l'incertitude se dissiper en sa faveur. Mais on peut craindre que l'une
des parties exerce une certaine infl uènce sur le processus normal de
réalisation de l'événement et corrige ainsi le résultat final. C'est pourquoi
certaines conditions susceptibles de favoriser cet état de choses ne peuvent
être introduites dans les actes juridiques Cb).
a) L'obligation de recourir à la condition suspensive
30,- Les obligations légales d'insérer des conditions suspensives
dans les actes conventionnels répondent au souci du législateur de protéger
certaines catégories de consommateurs dans leurs rapports avec les
professionnels. Il en est ainsi dans le domaine immobilier auquel nous nous
intéresserons particulièrement.La loi nO 79 - 596 du 23 juillet 19792 relative à
1
J.-J. TAlSNE, J.-Cl., Civ. : art. 1175 à 1180, N. Rep. : fasc. 44 à 46, n° 35.
2
Il existe une bibliographie abondante sur cette loi: J.-M. Bez, La protection de l'emprunteur dans le
domaine immobilier et la pratique notariale, J.CP. 81, ed. N., l, 125 ; M.-Th CALAIS - AULOY,
Fondement juridique unissant la vente et le prêt dans le prêt lié, J.CP. 1984, ed G., 1, 3144 ; M.
DAGOT, Vente d'immeuble et protection de l'acquéreur emprunteur, J.CP. 80, ed. G., l, 2973 ; Prêt
immobilier et protection de l'emprunteur, J.CP.1980, ed. G., l, 2979 ;Ch. GA VALDA, La protection de
l'emprunteur en matière de crédit immobilier ( loi nO 79 - 596 du 13 juillet 1979 ), D.S. 1980, Chr., p.
211 ; Ph. JEST AZ et P. GODE, Protection des consommateurs dans le domaine immobilier, Rev. Trim.
Dr. Civ. 1979,850; Ph. JESTAZ, P. LANCEREAU et G.-L. ROJOU DE BOUBEE, L'information et

- 30 -
l'information et à
la protection des emprunteurs dans le domaine
immobilier comporte à ce sujet des disposi tions précises. L'article 17, alinéa
~er, prévoit que lorsque l'acte contractuel cJ.éclare que le prix de l'opération
envisagée sera payé, même en partie, au moyen d'un ou plusieurs prêts,
-
-
-
- «cet acte est considéré conclu sous la condition suspensive de l'obtention du
ou des prêts qui en assument le financemént».
La question qUi se pose est de savoir s'il est obligatoire de mentionner
dans l'acte la condition suspensive? La réponse est, a priori, négative; il
-
-
- -
oseÎnble en ~fTet que même si les parties n'ont rie-n prévu, l'acte sera de plein
droit, et du seul fait -quë l'acquéreur a déclaré recourir à un prêt, conclu
sous condition suspensive d'obtention du prêt l . La jurisprudence va même
-jU$qu'à considérer qu'en casd'a?sen_~e ~e précision s~r les moyens de
_ -finance!llent de l'acquisition,-l'opération_ e-st néanmoins tenue comme
concl~e sous la -condition suspensive pré~v~e à l'article 17 de -la 1012. Seule
une renonciation expresse du débiteur au bénéfice de ces dispositions peut
écarter cette clause suspensive 3 , une telle clause de renonciation serait
d'ailleurs inopposable au bénéficiaire non signataire de la clause 4 .
La loi du 13 juillet 1979 prévoit également dans son article 10 que
«lorsque l'emprunteur informe ses prêteurs qu'il recourt à plusieurs prêts
pour la même opération, chaque prêt est conclu sous la condition suspensive
de chacun des prêts». Le jeu de cette condition suppose cependant qu'il y ait,
la prOLection des emprunteurc dans le domaine immobilier (commentaire de la loi nO 79 -596 du 13 juillet
1979), Rev. df. immob. 1979,409; P. MEYSSON, L'incidence de la loi nO 79 - 596 du 13 juillet 1979
relative à la protection et l'information des acquéreurs dans le domaine immobilier sur le contrat de vente
d'immeuble à construire et le contrat préliminaire, J.C.P. 1981, ed.N., l, 17; Y. SALATS, Théorie et
pratique de la loi du 13 Juillet 1979 pour les acquisitions immobilières, J.c.P. 1986, ed. N., l, 208 ; M.
SANTACREU, Regards sur vingt mois d'application de la loi du 13 juillet 1979, J.C.P. 1982, ed. N., l,
147, J.-L. BERGEL, La condition suspensive d'obtention de prêts immobiliers, J.c.P. 1988, ed. N., L,
225.
M. DAGOT, Vente immobilière et protection de l'acquereur emprunteur, J.c.P., ed. N., 1980, l, Chf.,
1 : C. GIRAUDEL, note sous Versailles, 9 déc. 1988, J.c.P. 91, ed. N, II, 1.
2
Civ. 3e , 10 déc. 1986, J.c.P. 1987, ed. N., l, 190, obs. THUlLLIER ; Civ. 3e, 18 juil. 1986, Bull.
civ., III, n0126, p.98 ; R.T.D. Civ 1987, p. 109, obs. Ph. REMY; Rep .. Défrenois 1987, an. 34120,
- obs.. J-L. AUBERT, p. 1480; Versailles, 9 nov. 1988, J.c.P. 91, ed. N., II, 1 note C. GIRAUDEL.
3
Les disposilOins de la loi du 13 juillet 1979 sont en effet d'ordre public et l'application de ce texte (art.
17) ne peut être affectée par la stipulation d'obligations contractuelles imposées à l'acquéreur et dont
l'inobservation le priverait du bénéfice de la loi,V. Civ.lère, 28 janv. 1992, c.c.c. juin 1992, fasc. 950,
nO 121, note G. RAYMOND; compar. :: Civ. 1ère, 16 fev. 1987, R.T.D.Civ. 1988,542, obs. 1.
MESTRE et Civ. 1ère, 16 juillet 1991, C.C.C. Décembre 1991, fasc. 942, nO 250, note G.
RAYMOND.
4
J.-L. BERGEL, La condition suspensive de l'obtention des prêts immobiliers, J.c.P. 1988, cd. N., l,
Chf., 225_

- 31 -
d'une part, révélation spontanée aux différents prêteurs de la multiplicité
des demandes, et que, d'autre part, le montant respectif des prêts sollicités
soit supérieur à 10 % du c!"~dit totaP. De même l'ancien article L.231-2_ du
Code de laconstructi-on e~_d~ l'~abitatio~.disposait dans son _deuxième a~inéa
que le contrai de construction d'une maison individuelle «est ~éput~ conclu
sous la conditioft -·suspensivë qu'il soit satisfait à toutes les- formalités
réglementaires- préalables à laconstruction»2.
Cette . tend~nce duê _légi-slateur à rendre certains -. engagements~
oblig~toirement _~o~dÛ,jonne1s n'eBt pas propre au· ~omaine iIIlmobi.i~er3~ De-
telles -réglementatio-ns s~-mu1tipIien-t dans les domaines ou le législateur
décèle le besoin de protéger le simple particulier, généralement en position
.de faiblessë, -face- aux professloilb.els~
b) L'interdiction de recourir à certaines conditions
31.- Autant il est parfois nécessaire d'introduire dans les actes
contractuels certaines conditions suspensives protectrices des parties les
moins avisées, autant il importe d'en exclure les catégories de conditions qui
peuvent nuire à l'un des contractants.
C'est le but poursuivi par le Code civil lorsqu'il interdit les conditions
dont les parties ont seules la maîtrise exclusive. On soulignera à cet effet que
l'article 1174 frappe de nullité toute obligation contractée sous une condition
Art. 10 de la loi du 13 juillet 1979 in fine ; V. aussi D. MARTIN, La défense des emprunteurs dans le
domaine immobilier, Rev. Banque 1979, p. 1193.
2
TOUlefois, depuis une nouvelle loi n090 - 1129 du 19 décembre 1990 relative au COnLrat de conSlruction
d'une maison individuelle et mofiantle litre III du livre Il du Code de la construction (J.O. 22 déc. 1990;
J.c.P. 91, éd. G., textes, 64399; D.S. 91, Législation, p.33 ; Administrer, mars 1991, n0221, p.17 ; V.
aussi A. GOURI0, La nouvelle réglementation de la construclion de maisons individuelles, J .c.P. 91,
ed. N., doc., 131 ; R. MARTIN, Contrat de construction d'une maison individuelle: loi n090 - 1129 du
19 déc. 1990. D.S. 91, Chr., 133), la conclusion du contrat sous condition qu'il soirsatisfait à certaines
formalités (en plus des conditions supensives exiSlanles à savoir l'obtention du·permis de conslruire et des
prêts. la nouvelle loi ajoule l'acquisition du terrain, l'obtention de l'assurance de dommage et de la garantie
de livraison) devient facultalive, elle ne s'impose plus aux parties (an. L. 231-4). On peut cependant
remarquer que la nouvelle législation ne se démarque pas, en pratique, de l'ancienne. En effet, le nouvel
art. L.231-2 rend désormais obligatoire l'indication dans le contrat de l'accomplissement des formalités
sus-visées; ce qui veut dire que ce n'est que dans le cas où il n'a pas encore été satisfait à ces exigences
que la convention peut être conclue sous condition suspensive. Ceci rend, en fait, le recours à la condition
supensive obligatoire au cas de non-accomplissement de l'une des formalités prévues.
3
Ainsi, l'arl. 119-6 du Code minier prévoit que ['acte de cession d'une mine doit être passé sous la
condilion supensive de l'obtenLion dans les six mois de l'autorisation demandée.

- 12 -
potestative de la part du débiteur. Signalons qu'aux termes de l'article 1170
du Code civil, la condition potestative est celle qui est "subordonnée à
l'arrivée d'un événem~nt qu'il est au pouvoir de l'une ou l'autre_de~ parties
de faire arriver ou d'empêcher» 1. De même, l'article 1172 du même Code
prohibe, -sous peine ae- nuÜi-té de la convention, toute condition~d't:rne chose
impossible ou contraire aux bonnes moeurs ou prohibée par la loi2.
A côté de ces interdictions d'ordre général 3 , _on peut aussi
mentionner l'interdictjon de certaines clauses particulièFes dans des
-
.. -
~_ontrats deterrr~inés. C'_est- ainsi ~ue l'articl_e_ 30_de l'ordonnance~no86:'124-3 du
1er décembre 1986 interdit de «subordonner la vente d'un produit âl'achat
d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un
autre service iÛnsicque- de- ~ùbordonner la prestation d'un serVice celle d'un
-
-
autre service-Qu-t!:-l-!achat d'un-produit». Ces formes de ventes-qQalifiée dans -
-
-
la pratique de «ventes-conditions» ne constituent cependant pas des ven-tes
conditionnelles au sens civiliste du terme. Selon le cas, la prétendue
condition se trouve posée au niveau des pourparlers ou déguisée en un
élément de la contreprestation attendue4 .
Le législateur a ainsi établi un certain nombre de restrictions à la
liberté contractuelle des contractants afin d'assurer leur protection et celle
des tiers. Cette tendance s'inscrit dans le mouvement général du déclin de
l'autonomie de la volonté que toute la doctrine contemporaine souligneS. Ce
qui conduit à se demander si la volonté des parties est effectivement la
source exclusive de la condition suspensive.
1
V. infra nO 49 el s.
2
V. infra nO 42 el S., 54 el s.
3
Ces interdictions d'ordre général feront l'objel d'une élude ullérienne notammenl en ce qui concerne la
validilé de la condition - V. infra n038 el s.
4
J.-J. TAlSNE, lhèse précitée, n° 433, p. 592 el 593.
5
1. GHESTIN ET G. GOUBEAUX, Introduction générale, n0140 el s. ; A. WEILL el F. TERRE, précité,
nO 58 el s.;V. RANOUIL, L'autonomie de la volonlé : naissance et évolution d'un concept. 1ére ed.,
P.U.F., 1980.

- 33 -
§2 - La volonté des parties est - elle la source exclusive de la
condition suspensive?
32.- La subordination. d'uneobligat~on à un événement futur et
\\ncertain peut· résulter de plusieurs ~ause~. Il y a, bien entendu, des
c
situations conditionnelles résultantdè la -volonté des parties. Mais il existe
aus·sCdes-hypothèses où la subordination -de l'efficacité-de l'acte juridique à
. un événement futur et incertain échappe au_ contrôle de la volonté des
coh.tradants ; elle est imposée soit par laloi, soit par la nature de l'opération
eOnvisagée. -
- -
-
Si dans le premier cas, il est sans conteste admis qu'il s'agit de
~.
sitfraÙcms conditionnelles--véritables 1, Q.ansl~s-aut~es cas,-laréponse-a-des··
-~.::-::=:: r~is~Ii~:d'être-nuancée._En effet, il se po:.se~c~oit:jo~rsen_ doàrihe la question de
savoir si la qualification de condition doit être reconnue à tout événement
. futur et incertain qui, même en dehors de la volonté des parties, aurait pour
effet de remettre le sort d'un acte à sa survenance. Autrement dit, peut - on
parler aux côtés des conditions suspensives d'origine volontaire, de
situations conditionnelles d'origine légale (B) ou qui résulteraient de la
nature des choses, celles que l'on désigne parfois par l'expression
«conditions tacites» (A)2.
A - Le rejet de la notion de condition tacite imposée par la nature des
choses
33.- L'expression «condition tacite», telle qu'elle est usitée en cette
matière, peut revêtir plusieurs acceptions et prêter à équivoque. Elle vise
d'abord, et principalement, les conditions d'origine conventionnelle qui
n'ont pas été expressément rédigées dans l'acte constatant la convention3 .
Ces conditions, bien que non exprimées, sont suffisamment sous:..entendues
par les circonstances dans lesquelles intervient l'acte qu'elles affectent4 . Il
appartient au juge, en cas de désaccord, d'interpréter l'intention commune
1
J.-J. TAlSNE, Lhèse précitée, n0339, p. 475.
2
J.-J. TAISNE. Lhèse précitée, n0345, p. 482.
3
Com., 18 déc. 1962, Bull. civ., III, n052ü : les parties avaienL implicitement subordonné la réalisation du
contrat à l'autorisation d'un office de changes.
4
BUFNOIR, La théorie de la condition dans les actes juridiques en droit romain, thèse Paris 1866, p. 57.

- 34 -
des parties pour dire s'il y a condition ou non. Il s'agit de véritables
conditions à caractère volontaire; l'intervention de la justice n'en fait pas de
«conditions
judiciaires», car elle_ ne fait que révéler la volonté des
contractants.
Ces «conditions tacites stricto sensu» doivent cependant "être
-soigneusement distinguées des prétendues "conditions tacites imposées par-
la nature des choses».
Contrairement aux
premières
qui
résultent
-
irilpJiciteme'nt de la volonté des contractants, les secondes désignent celles -
q!le les parties ~'avaient pas voulueso, mais q_u'e_lles ne peuven~ toutefois pas--
écarter parce qu'elles sont imposées par la nature du contrat à conclure.
34.- Celte deuxième conceptior{de la conâitiontacite est écartée paF~
- -la doctrine. D'abord, par le~ éhidés de droit -~omain qui démontrent qu'«-U -_- ''::
n 'y a de condition qu'autànt que c'est en vertu de la volonté des parties que la
formation d'un rapport de droit ou son extinction est suspendue par un
événement futur et incertain»l. La doctrine contemporaine confirme cette
attitude de rejet des actes conditionnels par nature 2 ; la conception
volontariste permet seule d'imprimer à la notion de condition une certaine
cohérence. Il existe, en effet, un lien étroit entre le caractère volontaire de la
condition et l'exigence, tant évoquée par les auteurs, de son extériorité au
rapport juridique3 . La condition doit être un élément extrinsèque au contrat,
adjoint accidentellement à ses conditions essentielles de formation et
d'efficacité; autrement dit, le contrat doit pouvoir exister sans la condition.
L'insertion de cette dernière doit modifier les effets que le contrat eût
produits si elle n'avait pas été stipulée4 . il apparaît donc que seule la volonté
des personnes intéressées, leur fantaisie, aurait dit Monsieur Taisne5, peut
être à l'origine d'une telle opération.
Ce n'est pas de cette manière que se presentent les «actes
conditionnels par nature». L'événement érigé en condition, bien que futur et
incertain, n'ajoute rien à l'acte et ne modifie pas non plus ses effets
1
BUFNOIR, thèse précitée, p. 50 et 51.
2
J.-J. TAISNE, thèse précitée. p. 482 et s. ; 1.-Cl., Civ. : art. 1168 à 1174, N. Rep.: rase. 40 à 43. non
et s.
3
Y. BUFFELAN - LANGRE, Rep. Dalloz civ., V. condition, n03J.
4
Ph. MALAURIE et L. AYNES, précité, nOl106, p. 62J.
5
J.-J. TAISNE, thèse précitée, n0341, p. 478.

- 35 -
normaux et habituels. Bien au contraire, il est intégré au contrat de telle
,sorte que l'opération ne peut se concevoir sans,lui. C'est ce que démontre
l'exàmen de certains actes contractuels qui; quot"qtie formés, ne sont pas
susè,èptibies d'effets immédiats, leur exist'enG~~~oflcrètè dépendant d'un
_ : "
<
,
,
:: é:vériement, à venir. Ainsi doit être repoussée la tendanc~ qui consiste dans
:-l;~ss~rance' dommage, à· considérer l'oblig~t-i0n' d~ l'assureur comme
,.
-
'cônditlonnelIe- par opposition'à
l'obligation définitive de·l'assuré ou à voir
dans le cautionnement un acte condition_nel, la caution ne s'engageant
--
- ,
q~(en t~sde défaillance du débiteur prinCipal~~.. En effet, faire dépendre
_ :. -l'ohligatlon de l'assureur de la réalisàtion 9-lJ-si.rïisÙ-e "ou celle de la caution
, .'. de-~la~' d"éüJ.Ïlla~~~ du dél;>iteurp;incïpaF ri.)ijo-ute -~rieh au contrat dans la
, ~~su're où le risque est intégré dans l'objet- mê-;.ne de l'engagement consenti.
~. Bien~,'q-ue~:futur et-irfcertain,-c'e rlsque--ne'-;piése~Jep'as l'indifférence
,-.;~i~~:f~p~~sable,par-rapPoI"tà l'opération jùridiq~e~=p_our-en- êtieUn événement
- . ·'cohditionnant.
Des exemples semblables sont nombreux, mais chaque fois, on est
contraint de constater l'inapplicabilité de la notion de condition suspensive
aux obligations en cause2. On ne peut pas non plus parler de suspension des
obligations contractuelles, sous quelle que forme que ce soit. Il n'y a
application d'aucune technique spécifique de suspension ; ces actes se
présentent dans leur état normaP. Il s'agit, en réalité, des actes de pure
prévision dont la formation est définitive mais leurs effets ne peuvent leur
être contemporains. C'est ce qui les distingue des actes affectés de véritables
conditions suspensives et qui, eux, doivent être concevables sous une forme
pure et simple.
Cette unanimité obtenue autour du œjet des «actes conditionnels par
.-'.nature» préva'ut également au -s'ujet des-cQ'ndiifo~s'légales.
V. J.-J. TAlSNE, thèse précitée, n0347 et 348, p. 483 et s.
,
J-J: TAlSNE, thès~ précitée,'cite par exemple -: le pactee'de préférence (n0350,p. 487), la clause
. compromisoire (n° 351, p. 487), la condition de survie ou de persistence des biens (n0352, p. 488) ; Ph.
DEROUIN évoque le cas de la clause d'accroissement (in pour une analyse fonctionnelle de la condition,
'l3-.T.D. Cïv. 1978, p.l et spécialement n015 et s.) ; on peut également citer le cas des ventes sujettes à
confirmation: la clause de confirmation ne constitue pas' une condition suspensive au bénéfice du vendeur'
dans la mesure où la volonté ferme de contracter ne s'est pas encore manifestée (Corn., 6 mars 1990, Bull.
Civ., IV, nO 74 ; Rép. DeL 1991, art. 34987, n013, p. 356 ; LC.P. 90, éd. G., II, 21583, obs. B.
GROSS.).
3
V. supra. nO 10.


- 36 -
B - Les conditions suspensives d'origine légale
35.- A travers la notion de condition suspensive légale se pose le
problème de l'existence de certains rapports de droit dont la loi prévoit, en les
définissant, qu'ils ne peuvent avoir d'effets ou se former que si un certain
événement se réalise ultérieurement.
N'y a - t - il pas lieu d'établir des conditions suspensives en tenant
compte de ces exigences légales?
La discussion sur la notion de condition légale a connu une certaine
actualité avec le développement du formalisme dans les rapports
conventionnels!. Ce fut notamment le cas à propos des ventes d'immeubles
après la loi du 18 novembre 1940 ou en matière de relations financières avec
l'étranger soumises à diverses autorisations administratives2 . Mais le cas le
plus classiquement cité est celui du contrat de mariage dont l'efficacité est
soumise à la réalisation du mariage3 .
Toutefois, l'immense majorité de la doctrine s'accorde à penser qu'il
n'y a pas là de condition suspensive véritable4 . En effet, le fait que la
condition suspensive, modalité d'une obligation, ne saurait porter sur un
élément essentiel de la convention5, écarte ipso facto cette qualification. Ceci
dans la mesure où un élément légalement requis pour la formation d'un
contrat en devient une condition de validité dont la défaillance entraîne, soit
sa nullité, soit sa caducité, si elle résulte d'un événement postérieur à sa
formation 6 . D'où l'on en déduit que la condition résulte presque toujours
d'une manifestation de volonté et qu'il y a abus de langage à parler de
1
Ph. DEROUIN, article précité, R.T.D. Civ. 1978, n"22.
2
A. BERNARD, L'autorisation administrative et le contrat en droit privé, R.T.D. Corn. 1987, p. 19 et s;
J.-P. ECK, A propos de l'incidence de la réglementation des changes sur la validité des contrats,
D.S.1983, Chr., 91.
3
MALAURIE et AYNES, précitée, nOll07, p. 621 ; COLIN et CAPITANT, t. Il, n01681 ; Ph.
DEROUIN, article précité, n022; V. aussi an. 1395 du C. Civ.
4
MALAURIE et AYNES, précité, n0703 ; Ph. DEROUIN, article précité, n022.
J.-J. TAISNE, thèse précitée, nO 362, p. 500 ; Ph. MALAURIE, noie sous Civ., 22 déc. 1954, D. 1955
p. 714; A. BERNARD, article précité, n031.
5
MALAURIE et AYNES, précité. nOll06. p. 621 ; Ph. DEROUIN, article précité, n022 ; MARTY,
RAYNAUD et JESTAZ, t. II, nO 70.
6
Y. BUFFELAN - LANORE, Essai sur la notion de caducité en droit civil, L.G.D.J. 1963, n0157 ; A.
BERNARD, article précité, p. 31 ; F. BENAC - SCHMIDT, Le contrat de promesse unilatérale de vente,
L.G.DJ., 1983, n01l7, p. 95.

- 37 -
condition légale!. Cette position de la doctrine a été entérinée, bien qu'avec
une certaine inconstance, par la jurisprudence de la Cour de cassation.
C'est ainsi qu'il fut par exemple jugé, à propos de l'autorisation préfectorale
instaurée par la loi du 16 novembre 1940 pour toute mutation immobilière,
que même «si elle constituait un élément futur et incertain, elle ne
s'identifiait pas à une condition ,modalité de la convention ,mais nécessaire
à la validité même de la mutation ,. elle n'agissait qu'à sa date et sans
rétroactivité»2.

TI faut toutefois souligner, pour ce qui concerne plus précisément les
formalités administratives, que les auteurs font une distinction entre celles
qui sont requises par la loi pour la formation même de la convention et celles
qui légalement n'ont pas d'incidence sur le sort de l'acte3. Les premières ne
peuvent pas faire l'objet de conditions suspensives, tandis que rien ne
s'oppose à ce que les secondes soient érigées en conditions. Tel est le cas de
formalités relatives à la preuve, à l'utilité ou à l'exécution de l'acte. Mais il
s'agira là de conditions suspensives d'origine conventionnelle et non de
conditions légales, car seul le bon vouloir des parties peut faire dépendre
d'elles la naissance ou l'efficacité des obligations.
36.- Il résulte des différents cas de figure examinés que l'analyse
qui consiste à voir dans la volonté des parties la source normale, mais non
exclusive, de l'insertion des conditions dans les actes juridiques est inexacte;
les prétendues conditions imposées par la nature des choses ou par la loi
sont, en réalité, des éléments indispensables à la formation, à la validité des
actes considérés. Même dans les hypothèses où ces éléments n'interviennent
pas dans la validité de l'acte, ell~s ne peuvent mériter la qualification de
condition suspensive que si telle est l'intention commune des parties. La
suspension des obligations contractuelles par le moyen de la condition
suspensive ne peut en conséqllence résulter, soit expressément, soit
tacitement, que de la volonté des contractants.
1
Ph. DEROUIN, article précilé, nO 21 et 22; PLANIOL et RIPERT, t. VII, nO 1024, p. 371.
2
Civ. 3e, 8 nov. 1950,1.C.P. 1950, ed. G., II, 5870 note R. CAVARROC ; dans le même sens, Civ. 3e,
8 juin 1974, Bull. civ. III nO 256 p. 193.
3
1.-1. TAISNE, thèse précitée, n0364 et s., p. 502 et s. A. Bernard,article précité, R.T.D. Corn. 1987,
p.. 5. Il prend notamment l'exemple du permis de construire qui n'est pas nécessaire pour la formation du
contrat de cession de terrain, mais est indispensable à la réalisation de la construction.

- 38 -
37.- Cependant, l'article 1168, qui est le premier des dix-sept
articles du Code Civil qui traitent de la condition en général, pose le principe
qu'une obligation est conditionnelle «lorsqu'on la fait dépendre d'un
événement futur et incertain.,,». Cette relation établie entre la condition et la
survenance d'un événement est très significative. En effet, en matière
conditionnelle, il n'est pas seulement question de prévoir qu'un lien
juridique se formera entre les parties!, mais la réalisation de l'opération doit
être subordonnée à un fait extérieUr à ce rapport de droit, lequel doit remplir
un certain nombre de caractères dont dépend la validité de la modalité.
SECfION II : LA VALIDITE DE lA CONDITION SUSPENSIVE
38.- Le législateur a laissé aux parties la liberté la plus complète
sur le choix des événement auxquels ils jugent à propos de subordonner
l'efficacité des actes juridiques2 , Toutefois cette liberté, aussi totale soit-elle,
comporte certaines limites, ne fut - ce qu'à travers les caractères spécifiques
que le Code civil imprime à l'événement suspensif.
Le Code ouvre la voie, en ce sens, en précisant que l'obligation
conditionnelle est celle qu'on fait dépendre d'un événement ((futur et
incertain», Seule, cette précision n'est pas suffisante tel que l'illustre le
propos de Demogue3 , repris par plusieurs auteurs4 : «tout événement futur
et incertain n'est pas susceptible de jouer le rôle de condition», Aussi, cette
première caractéristique est - elle complétée par d'autres articles du Code
civil qui prévoient la nullité de la condition ou de l'obligation qu'elle suspend
lorsque l'événement qui en est le support est impossible, contraire aux
bonnes moeurs ou prohibé par la loi 5, ou encore quand il est au pouvoir de
l'une des parties6.
1
Dans un tel cas, il s'agirait non pas d'un engagement conditionnel, mais d'une promesse de contracter.
2
Voir supra n~3 et s.
3
R.DEMOGUE, Des droits éventuels et des différentes hypothèses où ils prennent naissance R.T.D.
Civ.. 1905, p, 725.
4
J.-J. TAISNE, thèse précitée, n° 20, p. 43 ; J.-Cl., Civ. : art. 1168 à 1174, N. Rep. : fasc. 40 à 43,
n~3.
5
Art. 1172 du Code civil; V. aussi art. 1173.
6
Art. 1174 du Code civil.

- 39 -
Cette énumération comporte cependant une grande part de répétition
et de chevauchement. Nous proposons de la résumer, suivant à cette
occasion l'exemple de Monsieur Taisne 1, à deux caractères dominants: à
savoir, d'une part, l'incertitude de l'événement (§1), et d'autre part, son
extériorité par rapport à la volonté des parties (§2).
§1. L'incertitude de l'événement
39.- L'incertitude de l'événement est un critère essentiel de la
condition et couvre en fait d'autres caractéristiques de l'événement qui ne
sont exigées qu'autant qu'elles contribuent à cette incertitude. Aussi, que le
Code civil affirme le caractère futur et incertain de l'événement (A) ou qu'il
exclut toute condition impossible (B), cela signifie tout simplement que pour
qu'il y ait condition, l'événement devra être tel qu'il puisse soit se réaliser,
soit défaillir.
A - L'exigence d'un événement futur et incertain
L'événement suspensif doit être futur (1) et incertain (2).
1 - L'événement doit être futur
40.- L'article 1168 du Code civil est assez catégorique : une
obligation n'est conditionnelle que lorsqu'on la fait dépendre d'u u n
événement futur». Cette affirmation est confirmée par d'autres articles du
Code qui font allusion à un événement «qui arrivera» ou qui «n'arrivera
pas»2. Cette exigence conduit à une double exclusion: d'une part, des
événements passés, et d'autre part, des événement présents3. En effet, seul
un événement futur peut être incertain. Un événement passé ou présent ne
peut l'être, puisqu'on ne pourrait savoir s'il s'est réalisé ou s'il a défailli. TI
suit de là qu'une obligation dont l'e~cacité est subordonnée à un événement
passé ou présent ne saurait être considérée comme conditionnelle4.
1
J.-J. TAl5NE, thèse précitée, n021 ; J.-Cl., Civ.: art. 1168 à 1174, N. Rep.: Case. 40 à43, n023.
2
V. art. 1176 et 1177 du Code civil.
3
PLANIOL et RIPERT, l. VII, n01024, p. 370 ; COLIN et CAPITANT, l. II, nO 1680, p. 930 ; A.
WEilL et F. TERRE, précité. n0891, p. 898 ; MARTY, RAYNAUD et JE5TAZ, l.II, n069, p. 62.
4
BUFNOIR, thèse précitée, p. 2 et s.

- 40 -
Cette solution est évidente lorsque la situation en cause est connue
des parties et la Cour de cassation l'a toujours rappelée chaque fois qu'elle a
eu à connaître de tels faits l . Par contre, le cas de l'événement passé ou
présent, mais encore inconnu des parties, pose incontestablement problème
et ceci d'autant plus que l'article 1181, alinéa 1er, du Code civil, en
définissant l'obligation contractée
sous
condition
suspensive,
vise
expressement «un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des
parties» et le place, de la sorte, au même rang que l'événement futur et
incertain.
Cette assimilation doit être, à notre avis, rejetée2. Un événement déjà
arrivé, même inconnu des parties, ne saurait valablement constituer une
condition. L'incertitude n'existe, en pareil cas, que dans l'esprit des
contractants et non en réalité. Une interprétation littérale du 1er alinéa de
l'article 1181 est visiblement contraire aux termes de l'article 1168 et heurte
la suite de l'article 1181 qui pose nettement les principes que l'obligation
dépendant d'un événement futur et incertain '<ne peut être exécutée
qu'après l'événement»3 et que celle dépendant d'un événement déjà arrivé,
malS Inconnu, "a son effet au jour où elle a été contractée»4. Autrement dit,
cette dernière est pure et simple5. Cette position était déjà celle du droit
romain6.
D'autre part, si l'on considère que les règles propres à la condition
suspensive ou à la condition résolutoire ne sont que des déductions des
principes généraux énoncés aux articles 1168 à 1180 du Code civil, il serait
contraire à cet esprit de penser que le législateur ait permis une entorse
volontaire de l'article 1181 alinéa 1er à ces principes 7 . 11 suit de là que la
Corn., 6 mars 1973. Bull. Civ., IV, nOllO : «Ne donnent pas de base légale à leur décision les juges du
fond qui, pour écarter le moyen soutenant que la condition suspensive d'une obligation ne s'est pas
réalisée, retiennent d'une part que la réalisation d'un événement déterminé constituait la condition prévue
et d'auLre part que cet événement était réalisé et connu lors de la conclusion du contrat».
2
A. WEILL.et F. TERRE, précité, n0891, p. 898 ; MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. II, n069, p. 62;
PLANIOL et RIPERT, t. VII, nO 1024, p. 370; COLIN et CAPITANT, t II, n01680, p. 930; RIPERT
et BOULANGER, t. II, n01337, p. 505.
3
Art. 1181 al.2 du Code civil.
4
Art. 1181 al.3 du Code civil.
5
COLIN et CAPITANT, t. II, nO 1680, p. 930.
6
BUFNOIR, thèse précitée, p. 2 et s.
7
FENET, t. XIII, p. 242 et 243; BIGOT DE PREAMENEU ,Exposé au corps législatif du 28 janv. 1804
: cités par J.-J. TAISNE. thèse précité, n046, p. 75.

- 41 -
, .',.-:
formulation de l'alinéa 1er de l'article 1181 n'est "qu 'une maladre~se de
rédaction,,!. L'obligation suspendue par un événement déjà arrivé, mais
inconnu des parties, est, lorsque son existence est constatée, pure et simple
ab initio.
2 • L'événement doit être incertain
41.- S'il est indispensable que l'événement soit objectivement futur,
ce caractère n'est pas suffisant à lui seul. L'événement doit en outre être
incertain, c'est à dire susceptible d'arriver ou de ne pas arriver ; d'où
l'exclusion des événements futurs, mais qui doivent nécessairement se
produire un jour ou l'autre. Dans une telle hypothèse, on parlerait plutôt de
terme suspensif2.
Traditionnellement, l'exclusion du domaine de la condition des
événements futurs de réalisation certaine était déduite de la nature de
l'événement considéré. Etaient ainsi exclus tous ceux dont la réalisation est
objectivement fatale et donc d'avance assurée aux parties. La doctrine et la
jurisprudence font cependant une analyse plus extensive en admettant une
définition de la condition déduite de la commune intention des parties3 . Il ne
s'agit plus seulement de rechercher si l'événement visé est, en lui-même, de
réalisation incertaine, mais de déterminer si les contractants l'avaient tenu
pour tel4 . Le même événement pourrait alors être qualifié de terme ou de
condition selon que les parties l'ont considéré ou non comme incertain,
conférant ainsi à leur engagement un caractère conditionnel ou, au
contraire, un caractère définitif et ferme 5.
Cette analyse, bien que parfois contestée6 , a connu une certaine
1
J.-J. TAISNE, article précité, J.-C1., Civ.: art. 1168 à 1174, N. Rep.: fasc. 40 à 43, n06.
2
RIPERT et BOULANGER, t. II, nO 1338, p. 505 et 506 ; COLIN et CAPITANT, t. II, nO 1680, p. 931 ;
MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, L II, n089, p. 62. Dans un tel cas il s'agit d'un tenne incertain. Même
s'il comporte une relative incertitude, celle - ci ne porte que sur la date de l'arrivée de l'événement et non
pas sur la survenance elle - même, alors que dans la condition, c'est l'événement lui même qui est
incertain.
3
Une analyse analogue est faite au sujet de la certitude du tenne, V. infra nO 70 et s.
4
J. GHESTIN, obs. sous T.G.I. Nice, 24 oct. 1970, J.C.P. 71, ed. G., II, 16866.
5
MALAURIE et AYNES, précité, n01109. p. 622 ; J.-J. TAISNE, J.-C1., Civ. : art. 1168 à 1174, N.
Rep. : fasc. 40 à 43, nO 19 et s.
6
Y. LOUSSOUARN, R.D.T. Civ. 1970, p. 768; n013.

- 42 -
prospérité en jurisprudence, notamment dans le domaine des promesses de
ven te 1. Elle mérite, à notre avis, approbation dans la mesure où la
qualification retenue n'est pas totalement subjective. Cette interprétation de
la volonté des parties est aussi fonction des circonstances qui entourent
l'opération envisagée; autant d'éléments qui sont susceptibles de révéler la
certitude ou l'incertitude de l'événement.
il ne suffit cependant pas qu'un événement soit futur et incertain
pour constituer une condition, il faut également que sa réalisation soit
possible.
B • L'exigence d'un événement possible
42.- Le Code civil interdit dans la même disposition, l'article 1172,
les conditions impossibles et les conditions illicites. Pourtant , les deux
prohibitions sont techniquement très différentes. Alors que la condition
illicite s'entend d'un événement incertain, mais prohibé, que le débiteur veut
provoquer par l'appât de son engagement, la condition impossible désigne
un événement qui ne peut s'accomplir. Sont ainsi évoquées, mais sous un
autre aspect, les conséquences du principe selon lequel la condition doit être
un événement incertain. Il convient de définir les contours de cette.
prohibition (1) avant de mesurer son incidence sur l'acte contractuel (2).
1 . La notion d'événement impossible
43.- Qu'il s'agisse du droit romain ou du droit contemporain, il est
fait
une
double classification de l'impossibilité 2 . Selon son objet,
l'impossibilité peut affecter, soit la réalisation, soit la défaillance de
C'est ainsi que dans une affaire où le bénéficiaire d'une promesse de venle, pour plaider la validilé de
l'opération, soutenait que la clause qui faisait dépendre le payement d'une partie du prix de la revente
constituait un terme, les juges du fond ont écarté cetle qualification au profit de celle de condition en
relevant ql!e la convention ne stipulait aucune obligation de revente (Civ. 3e, 8 oct. 1980, D. 81, tR.,
441, obs AUDIT; Bull. civ., III, nO 154, R.T.D. Civ. 1981, p. 551, obs. CHABAS ; V. aussi Civ. 3°,
9 juil. 1984, Bull. civ., III, n° 135 ; Civ. 1ère, 28 janv. 1976, Bull. Civ., l, nO 37 ; Civ. 3e, 27 nov.
1969, Bull. civ., III, n° 772; Montpellier, 15 fév. 1953, G.P. 53,1,314; Chambery, 13 déc. 1897, D.P.
1900, 2, 213). Et d'une manière générale, la clause de réserve de propriété constitue, dans la vente, un
terme ou une condition, selon que les parties ont, ou non, jugé incertain, lors du contrat, le payement
(V.MALAURIE et AYNES, précité, nO 1109, p. 623 ; J. GHESTIN, Réflexions d'un civiliste sur la
clause de réserve de propriété, D. 81, Chr., 1).
2
LEPELLETIER, Des conditions imossibles, illicites ou contraires aux bonnes moeurs en droit romain et
en droit françias, thèse Paris 1889, p. 2 ; BUFNOIR, thèse précitée, p. 18 et 19.

- 43 -
l'événement. Dans le premier cas, on parle d'événements impossibles
stricto sensu , c'est-à-dire que leur réalisation est impossible. Et dans le
second cas, on parle d'événements nécessaires, qui doivent inévitablement
se produire; leur défaillance est impossible. Certains auteurs parlent, dans
ce deuxième cas, de «condition impossible négative»l.
Qu'elle soit positive ou négative, l'impossibilité trouve sa source, soit
dans un obstacle matériel, soit dans un obstacle légal. La première
hypothèse équivaut à une impossibilité physique (a) tandis que la seconde
correspond à une impossibilité juridique (b). C'est cette deuxième
classification qui sera retenue.
a) L'impossibilité physique
44.- Les conditions physiqq.ement impossibles sont celles qui sont
contraires aux lois de la nature2 . Les jurisconsultes, dans leurs réflexions,
ont conclu à l'existence, d'une par~, de l'impossibilité absolue, et d'autre
part, de l'impossibilité relative3. En effet, l'impossibilité a la même relativité
que la force majeure4 . L'impossibilité absolue, qui se rencontre rarement
dans la pratique, suppose qu'en aucune circonstance, l'événement envisagé
ne peut se réaliser. Quant à l'impossibilité relative, elle correspond à un
événement parfaitement réalisable en soi, mais qui devient impossible dans
un contexte particulier ou dont la r~alisation exige des circonstances ou la
mise en oeuvre de moyens extraordinaires5 . 11 peut en être ainsi lorsque le
délai imposé pour l'accomplissement de l'événement est insuffisant ou
encore lorsqu'un élément de fait, nécessaire à sa réalisation, fait défaut.
L'impossibilité relative peut aussi résulter de la considération de la
personne à qui la condition s'adresse6.
Ces
définitions
retenues
par le
droit
romaIn
sont
encore
parfaitement valables aujourd'hui. n peut être simplement souligné que les
1
LEPELLETij:.R, thèse précitée, p. 3 ; BUFNOIR, thèse précitée, p. 18 et 19.
2
J.-J. TAISNE, thèse précitée, n029, p. 55 ; J.-Cl., Civ. : art. 1168 à 1174, N. Rep. : fasc. 40 à 43, nOl0;
LEPELLETIER, thèse précitée, p. 2.
3
LEPELLETIER, thèse précitée, p. 2.
4
MALAURIE et AYNES, précité, n01118, p. 630 ; V. aussi P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à
l'étude de la force ma jeure, thèse Aix - Marseille, 1992.
5
MARTY et RAYNAUD, t. II, n0748, p. 758.
6
LEPELLETIER, thèse précitée, p. 2 et s. ; J.-J. TAISNE, J.-Cl., Civ. : art. 1168 à 1174, N. Rep. : Casc.
40 à 43, nOl!.

- 44-
progrès enregistrés par la civilisation moderne ont, sans doute, restreint le
nombre des événements physiquement impossibles dans la mesure où
certains événements, autrefois irréalisables, sont aujourd'hui devenus
d'une exécution facile l .
il doit être précisé que la simple difficulté de réalisation ne suffit pas
à constituer une impossibilité 2 . De même, il n'y a pas impossibilité, mais
défaillance de la condition, lorsque l'événement possible au jour du contrat
ne peut plus se réaliser par suite d'obstacles ultérieurs ; l'impossibilité
s'apprécie en effet à la date de sa stipulation3. Il importe peu, enfin, que les
parties aient, ou non, eu connaissance de l'impossibilité de l'événement, la
généralité des termes de l'article 1172 du Code civil ne permet pas de faire
une telle distinction4 .
b) L'impossibilité juridique
45. -
L'impossibilité juridique
résulte
d'un obstacle légal,
permanent
ou
temporaire,
qui
empêche
irrémédiablement
l'accomplissement de l'événement5. C'est une règle de droit qui fait obstacle
à la réalisation de la condition et seul un changement de la législation en
cause peut la rendre possible6.
Toutefois, la principale
difficulté
que
soulève la
condition
juridiquement impossible est sa confusion facile avec la condition illicite7.
Les auteurs relèvent néanmoins quelques critères de distinction. Monsieur
1
Ainsi par exemple, il est aujourd'hui possible d'aller dans la lune, de voler dans les cieux, etc.
2
LEPELLETIER, thèse précitée, p. 8 ; 1.-J. TAISNE, J.-Cl., Civ. : art. 1168 à 1174, N. Rep. : fasc. 40 à
43, n011 ; thèse précitée, n029 ; MARTY et RAYNAUD, t. II, n0748 p. 759.
3
MALAURIE et AYNES, précité, nO 11 18, p. 630; V. aussi: Corn. 29 juin 1981, Bull. Civ., IV, n0296,
qui constate «la non-réalisation présente de la condition et son impossibilité pour l'avenir» et Civ. 3e, 3
fév. 1982, O.S. 1982, I.R. 228, qui parle d'une «impossibilité existant dès l'origine».
4
Lire particulièrement J.-J.TAISNE, thèse précitée, n048 ; 1.-Cl., Civ. : art. 1168 à 1174, N. Rep.: fasc.
40 à 43, n013.
5
MARTY et 'RAYNAUD, t. II, n0748, p. 759.
6
J.-J. TAISNE, J.-J., Civ. : art. 1168 à 1174, N. Rep.: fasc. 40 à 43, n014 ; V. aussi: Civ. 3e, 3 oct.
1982, D.S. 82., I.R., 228 : en l'espèce, un propriétaire avait vendu une propriété pour un prix converti en
l'obligation, pour l'acquéreur, d'édifier un immeuble à usage d'habitation et de livrer gratuitement au
vendeur certains appartements. Les juges du fond ont constaté que la condition était juridiquement
impossible, car le projet immobilier défini dans la convention était impossible à réaliser dès l'origine en
vertu d'une réglementation étrangère à la volonté des parties.
7
COLIN et CAPITANT, t. II, n01686: «elle se confond presque avec la condition illicite» ; MARTY et
RAYNAUD, t. II, n° 748, p. 759 : «... elle se rapproche de la condition illicite... ».

- 45 -
Taisne, par exemple, préconise d'effectuer la distinction selon que les
parties évoquent une situation proprement matérielle sans se préoccuper de
sa qualification juridique, auquel cas il y aurait condition illicite, ou selon
qu'elles envisagent une situation juridique déterminée, auquel cas il
s'agirait d'une condition juridiquement impossible!,
Cette analyse, comme la plupart de celles qui ont été avancées,
comporte une part de vérité, mais elle n'envisage le problème que sous
certains de ses aspects. Sans prétendre dégager un critère déterminant, un
certain nombre de remarques nous semblent utiles pour esquisser une
synthèse. D'une part, la condition illicite, comme la condition juridiquement
impossible, heurtent la loi, mais contrairement à la seconde, la première a
pour objet un événement susceptible de s'accomplir. D'autre part, la
condition illicite suppose que, conscient de l'obstacle légal ou moral, le
stipulant
ait
voulu
néanmoins
inciter
son
cocontractant
à
l'accomplissement de l'acte prohibé; par contre, la condition juridiquement
impossible n'est pas au pouvoir
de l'une des parties, l'impossibilité de sa
réalisation doit résulter de l'intransigeance des textes de loi. Ces deux
remarques nous autorisent à conclur~ que la condition illicite consiste en un
événement que l'un des contractants peut délibérément provoquer
nonobstant l'interdiction légale,
alors que
l'événement impossible
juridiquement, comme l'impossibilité matérielle, échappe à la maîtrise des
contractants.
La frontière qui sépare la condition illicite et la condition
juridiquement impossible reste néanmoins très étroite et ceci d'autant plus
que sur le plan pratique, leurs effets sont les mêmes sur l'acte contractuel.
2 . L'incidence de la condition impossible sur le contrat
46.- L'incidence de la condition impossible sur les actes juridiques
est variable selon que l'événement suspensif est nécessaire ou est affecté
d'une impossibilité stricto sensu. Dans le premier cas, l'événement est
nécessairement accompli au moment même où la condition est stipulée, il
J.-J. TAISNE, thèse précitée,no30, p. 59 ; V. aussi: E. BARTIN, Théorie des conditions impossibles.
illicites ou contraires aux bonnes moeurs, thèse Paris 1887, p. 5 ; LEPELLETIER, lhèse précitée, p. 9.

r'
;.... ':, ••' .:~'
~ .,
. . . ~';' .\\. .~ .," .
- 46 -
n'a aucun effet sur l'obligation qui est pure et simple!. C'est ce qui résulte de
l'article 1173 du Code civil qui dispose que «la condition de ne pas faire une
chose impossible ne rend pas nulle l'obligation contractée sous cette
condition». Par contre, dans le cas où la naissance d'un acte juridique est
subordonnée à la survenance d'un événement dont la réalisation est
impossible, il est unanimement admis, ce qui est logique, qu'une telle
condition est nulle2. En effet, une condition impossible, du fait qu'il est
certain, dès l'origine, qu'elle ne se réalisera pas, est impuissante à produire
un quelconque effet.
47.- Cependant, qu'advient-il de l'acte dans lequel elle est insérée ou
de l'obligation qu'elle affecte ?
L'article 1172 du Code civil dispose que «toute condition d'une chose
impossible, ou contraire aux bonnes moeurs ou prohibée par la loi, est nulle,
et rend nulle la convention qui en dépend». Toutefois, cette disposition,
malgré la généralité de ses termes, est considérée comme ne s'appliquant
qu'aux actes à titre onéreux, car l'article 900 du même Code formule une
règle différente pour les libéralités en réputant seulement les conditions
impossibles «non écrites»3. La condItion impossible anéantirait donc
l'obligation ou le contrat dans sa totalité dans les actes à titre onéreux4 , et
elle seule disparaîtrait dans les actes à titre gratuit, laissant subsister la
convention, laquelle devient pure et simple.
Cette opposition entre les deux dispositions est atténuée par
l'application qu'en fait la jurisprudence5 . D'une part, du fait qu'à l'époque
de l'adoption du Code civil, le maintien de la libéralité n'était justifié que par
le souci de sanctionner les stipulations contraires à l'ordre nouveau, les
tribunaux n'ont pas hésité, une fois la nouvelle législation entrée dans les
moeurs, à considérer l'article 900 comme illogique et à la juger inapplicable
lorsque la condition litigieuse apparaît comme «la cause impulsive et
J.-J. TAISNE thèse précitée. n033. p. 62 ; article précité, J.-C1.• Civ. : art. 1168 à Il 74, N. Rep. : fasc.
40 à 43. n015 ; COLIN et CAPITANT. t. II, nO 1686, p. 935.
2
Art. 1172 du Code civil.
3
MARTY, RA YNAUD et JESTAZ. t. II, n075. p. 66 ; Y. BUFFELAN - LANORE, Rep. Dalloz Civ.,
V. condition, nO 48 et s. ; J.-J. TAISNE, J.-C1., Civ. : art. 1168 à 1174, N. Rep. : fasc. 40 à 43, n016.
4
Civ. 3e, 3 fév. 1982, D.S. 82, I.R., 228 ; Angers, 16 juin 1961, D. 61, 573.
5
MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. II, n075, p. 66.

- 47 -
déterminante de la libéralité». Elle doit, dans ce cas, être annulée dans sa
totalité!. D'autre part, les juges ont estimé excessive l'annulation de J'acte à
titre onéreux dans sa totalité lorsque la condition en cause leur est apparue
comme accessoire et non essentielle à l'acte. En pareil cas, seule la condition
irrégulière est annulée, l'obligation devenant pure et simple2.
On aboutit ainsi à un régime identique pour les deux catégories
d'actes: l'impossibilité de la condition entraîne la nullité de la convention
tout entière lorsqu'elle en a été la cause, elle entraîne l'annulation de la
seule condition interdite lorsqu'elle n'a pas été décisive dans le
consentement des contractants3. Ce régime est également applicable aux
conditions illicites et immorales qui relèvent aussi des articles 900 et 1172 du
Code civil, mais seront étudiées comme événements au pouvoir de l'une des
parties.
§2 • L'extériorité de l'événement par rapport aux parties
48.- TI est indispensable que la condition porte sur un événement
qui, s'il n'est pas totalement indépendant de la volonté des parties, relève, au
moins en partie, de circonstances extérieures aux contractants. On ne peut
concevoir qu'un événement soit incertain pour les parties si elles en ont la
maîtrise exclusive4. Ceci explique que le Code civil sanctionne les conditions
qui portent sur des événements potestatifs5 (A) ou encore sur des
événements illicites ou immoraux6 (B). Il doit être précisé, dans ce dernier
cas, que l'accomplissement d'un tel événement dépend en réalité de la
volonté de l'une des parties, puisque sa réalisation résulte de l'incitation
exercée par un contractant sur l'autre par l'appât de son engagement7 .
1
MARTY et RA YNAUD, Successions et libéralités, n0477.
2
Civ., 21. nov. 1932, D.H. 1933. 19 ; Trib. civ. Seine, 20 déc. 1947, G.P. 1948, l, 56 ;
R.T.D.Civ.1948, p. 332, obs. H.et L. MAZEAUD.
3
V. B. TEYSSIE, Réflexions sur les conséquences de l'annulation d'une clause sur le contrat, D.S. 1976,
Chr., 281.
4
J.-J. TAlSNE. article précité, J.-C1., Civ. : art. 1168 à 1174, N. Rep.: Casc. 40 à 43, n025.
5
Art. 1174 du Code civil.
6
Art. 1172 du Code civil.
7
J-J. TAISNE, article précité, J.-Cl., Civ. : art. 1168 à 1174, N. Rep. : Casc. 40 à 43, n050 et s. ;
MALAURIE et AYNES, précité, nOll18. p 630.

- 48 -
A Un événement non potestatif
49.- Le Code civil, en s'inspirant du droit romain, fait la distinction
entre trois catégories de conditions': les conditions casuelles, les conditions
mixtes et les conditions potestatives!. La condition casuelle est celle qui
dépend du hasard et qui n'est nullement au pouvoir ni du débiteur, ni du
créancier2 . La condition mixte dépend à la fois de la volonté de l'une des
parties contractantes et de la volonté d'un tiers3 . Quant à la condition
potestative, elle est celle qui est subordonnée à l'arrivée d'un événement qu'il
est au pouvoir de l'une ou l'autre des parties au contrat de faire arriver ou
d'empêcher4 .
Cette classification a un grand intérêt pratique, car la validité de la
condition, et par delà celle de l'obligation, en dépend. En effet, seules les
conditions casuelles et mixtes sont valables, parce qu'elles font intervenir un
élément qui échappe à la maîtrise des parties. En revanche, la condition
potestative, dans la mesure où elle met le contrat à la merci de l'un des
contractants, est considérée comme nulleS.
Cependant, le contenu de ces différentes catégories de conditions a
varié avec le temps, notamment en raison des différentes analyses
successives qui ont été faites de la condition potestative. Aujourd'hui, à une
conception classique (1), est en train de se substituer une conception
moderne (2).
1 - La conception classique de la condition potestative
50.- A la classification légale des conditions opérée par le Code civil,
la doctrine et la jurisprudence avaient ajouté d'autres sous-distinctions
conduisant à réduire la portée de l'interdiction des conditions potestatives.
Une distinction a ainsi été faite entre deux sortes de conditions potestatives,
les «conditions purement potestatives» et les «conditions
simplement
J. GHESTIN, La notion de condition protestative, in Etudes WEILL, p. 243, n02 ; G. GOUBEAUX, obs.
sous Paris, 15 mars 1974, J.C.P. 74, ed. G., II, 17786.
2
An. 1169 du Code civil.
3
An. 1171 du Code civil.
4
An. 1170 du Code civil.
5
An. 1174 du Code civil; V. J. CARBONNIER, l IV, n° 135, p. 254.

- 49 -
potestatives», encore appelées «conditions ordinaires» 1.
La condition purement potestative est celle par laquelle la partie qui
s'oblige subordonne l'exécution de sa prestation à une simple manifestation
de volonté de sa part ; elle porte sur le consentement lui - même. Par
exemple: j'exécute mon obligation «si je veux» ou «si je le juge bon»2. La
condition
simplement
potestative,
au
contraire,
doit
porter
sur
l'accomplissement d'un acte ou d'un fait qui dépend du débiteur, mais d'une
volonté qui pourra être influencée par des circonstances extérieures de sorte
que le contrat n'est pas totalement livré à l'entière discrétion de celui qui
s'oblige3 . On peut penser ici à la condition suspensive d'octroi d'un prêt
bancaire4 .
51.-
Cette
soigneuse
distinction
comporte
d'importantes
implications pratiques. La condition purement potestative traduisant une
absence de consentement, elle ne suspend pas l'obligation, elle la nie au
contraire5. Par contre, la condition simplement potestative n'empêche pas la
formation du lien contractuel, étant donné que l'exécution de l'obligation
dépend partiellement des circonstances ne relevant pas de la volonté du
débiteur6 . Ceci explique que traditionnellement, un sort tout aussi différent
soit réservé à ces deux sous-catégories de la condition potestative au regard
de l'article 1174 du Code civil. L'analyse des décisions jurisprudentielles
nous enseigne, à cet effet, que les conditions purement potestatives sont
soumises à la nullité de l'article 11747, tandis que les conditions simplement
potestatives y échappent8.
J .-J. TAISNE, article précité, J .-Cl., Civ. : art. 1168 à 1174, N. Rep. : fasc. 40 à 43, n028 ; Y.
BUFFELAN - LANORE, article précité, nOl2..
2
J. GHESTIN, article précité, in études WEILL, p. 243, nO 3 et s.
3
J. CARBONNIER, t. IV, n0135, p. 254 : V.aussi : Civ 3e, 7 oct. 1987, J.C.P. 87, ed. G., IV, 380 :
«caractérise une condition simplement potestative la cour d'appel qui relève qu'une clause d'une
convenLion dépend, on seulement de la volonté de la partie qui l'invoque, mais aussi d'évènement
extérieurs tels que les fluctuations économiques» : Corn, 15 juin 1982, J.C.P. 84, ed G., II, 20141, obs.
GRILLET - PONTON.
4
On peut se référer, sur cette quesLion, à l'important contentieux suscité par l'art. 17 de la loi du 13 juillet
1979.
5
J. GHESTIN, article précité, études WEILL, p. 243, n03 : - L'indétermination du prix et condition
protestative, O.S. 1973, Chr., p. 294, n04 : J.-J. TAISNE, article précité, J.-Cl., Civ. : art. 1168 à 1174,
N. Rep. : fasc. 40 à 43, n029.
6
A. WEILL et F. TERRE, précité, n0893, p. 900.
7
Paris, 15 mars 1974, J.C.P. 74, éd. G., II, 17786, note G. GOUBEAUX : Paris, 25 Av. 1989, O.S. 89,
I.R., 161 : O.S. 90, Somm., 58, obs. C. COLOMBET : Paris, Il janv. 1989, O.S. 89, Somm., 298,
obs. Th. HASSLER.
8
Corn., 15 juin 1982, J.c.P. 84, ed. G., II, 20141, note G. GRILLET-PONTON : corn., 8 fév. 1982, D.

- 50-
TI doit être précisé que cette distinction n'est pas applicable aux actes
à titre gratuit compte tenu de l'article 944 du Code civil aux termes duquel
..toute donation entre vifs faite sous des conditions dont l'exécution dépend
de la seule volonté du donateur sera nulle» et du principe de l'irrévocabilité
des donations exprimé dans l'adage ~(donner et retirer ne vaut». Dans cette
hypothèse, toute condition potestative, même ordinaire, est nulle de la part
du débiteur!.
Les auteurs classiques soutiennent également que la prohibition des
conditions potestatives n'est pas applicable lorsque celles-ci sont au pouvoir
du bénéficiaire de l'obligation ou lorsqu'elles sont insérées dans des contrats
synallagmatiques2 . Si la première exclusion est conforme aux termes de
l'article 1174 du Code civil3 et a été reprise par les auteurs modernes4 , la
seconde est, elle, aujourd'hui écartée5.
Sous réserve du cas des actes à titre gratuit, la prohibition de
conditions potestatives se trouvait réduite à l'interdiction des seules
hypothèses d'école tant il est rare, en pratique, de rencontrer des conditions
purement potestatives. Aussi la jurisprudence, soutenue par la doctrine,
s'efforce -t- elle de substituer à cette distinction artificielle une nullité de
protection visant à empêcher qu'une partie soit abandonnée à la volonté
arbitraire de l'autre.
83,57. note I. NAJJAR ; Civ. 1ère, 17 fév. 1976, Bull. Civ., l, n072, p. 58 ; Civ. 3e, 17 mai 1965,
Bull. Civ., III, n0321, p..293 ; Corn., 9 juillet 1968, Bull. Civ., IV, n0228, p..207 ; Civ. 1ère, 21 mars
1984, Bull. Civ., l, n0112 ; RT.D. Civ. 1985, p. 385, obs. J. MESTRE; Paris, 12 mai 1989, D. 89,
I.R., 400; RT.D. Civ. 1990, p. 284, n016, obs. J. MESTRE.
1
J. GHESTIN, article précité, in études WEILL, p. 243, nO 3 et s.
2
Ph. MALAURIE et L. AYNES, précité, n01115, p. 627 ; A. WEILL et F. TERRE, précité, n0893 ;
PLANIOL et RIPERT, t. VII, nO 1028, p. 376 et s ; RIPERT et BOULANGER, t. II, nO 1339, p. 506 ;
COLIN et CAPITANT, t. II, n01684, p. 932.
3
Art. 1174 du Code Civil: «toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition
potestative de la part de celui qui s'oblige».
4
MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. II, nO 76, p. 68 ; V. aussi: Civ. 1ère, 21 Av. 1976, Bull. Civ., l,
n0132 ; Paris, 28 mai 1974, D. 74,685. Cependant, on a pu observer que l'obligation sous condition
potestative de la part du créancier serait nulle faute d'un véritable consentement de celui-ci (H. et L.
MAZEAUD, obs à la RT.D.Civ. 1955, p. 516 ; V. aussi: les réserves de CARBONNIER, précité,
nO 135).
5
J.-L. COSTA, Condition protestative et validité des contrats, Administrer 1985, n0155, p. 5 ;
MALAURIE et AYNES, précité, n0115 ; J. GHESTIN, article précité, D. 1973, Chr., 295. n014 et s. ;
V. aussi: Paris, 25 Av. 1989, D. 90, Somm., 58, obs .. C. COLOMBET : «L'art. 1174 du Code civ. est
applicable dans les contrats symallagmatiques dès lors que la partie qui a exécuté sa prestation risque de la
perdre si son contractant élude l'exécution de son propre engagement».

- 51 -
2 . Une approche moderne de la condition potestative
52.- Des analyses doctrinales récentes ont montré l'insuffisance de
la conception dualiste de la condition potestative l . En effet, le débiteur
dissimule plus ou moins la condition potestative et le masque est souvent si
ingénieux qu'il faut une grande vigilance pour s'apercevoir de sa présence.
La jurisprudence, soucieuse d'éviter que la condition ne devienne un
instrument à la discrétion de l'une des parties, a préféré dépasser la simple
protection de la réalité du consentement pour assurer également la
protection des parties contre l'arbitraire de leur cocontractant2 .
Cette substitution du critère de l'arbitraire à la distinction classique
entre conditions purement potestatives et conditions simplement potestatives
élargit le domaine de l'article 1174 du Code civiI3. La condition potestative
nulle s'entend dorénavant indistinctement d'une condition portant sur le
consentement même du débiteur ou d'une condition portant sur un
événement en son pouvoir dès lors que le créancier est abandonné à
l'arbitraire du débiteur4 . La nullité de l'obligation sera ainsi encourue que
l'obligation soit subordonnée à une décision arbitraire du débiteur ou à un
acte dont l'accomplissement est soumis à sa volonté. De la sorte, certaines
conditions qui pouvaient être validées, en étant qualifiées de conditions
mixtes ou de conditions simplem~nt potestatives, encourent finalement
l'annulation. Cependant, dans la recherche du critère de l'arbitraire,
plusieurs facteurs peuvent être pris en compte.
Dans
un
premier
temps,
la
jurisprudence
s'attache
aux
conséquences de l'acte que le débiteur devra accomplir pour échapper à sa
dette. TI y aura condition potestative nulle lorsque l'acte à accomplir est sans
conséquences pour lui de sorte qu'il puisse, en fait, éluder facilement
1. GHESTIN, Indétermination du prix de vente et condition potestative, D.S. 1973, Chr., 293 ; - La
notion de condition potestative au sens de l'art. 1174 Code civil, in études WEILL, p. 243 ; L-L.
COSTA, Condition protestative et validité' des contrats, Administrer 1985, n0155, p. 5 ; G.
GOUBEAUX, Remarques sur la condition suspensive stipulée dans l'intérêt exclusif de l'une des partie
Rép. Déf. 1979 art. 31987 ; obs. sous Paris, 15 mars 1974, J.C.P. 74, Il, 17786 ; D. GRlLLET-
PONTON, note sous corn., 15 juin 1982, LC.P. 84, 11, 20141 ; MALAURIE et AYNES, précité,
nO Il 15.
2
J. GHESTIN, article précité, in études WÈILL, p. 243, nOl2 et s. ; J.-L. COSTA, article précité,
Administrer, n0155, p. 5 ; Ph. MALAURIE et L. AYNES, précité, n0708.
3
J-J. TAISNE, article précité, J.-Cl., Civ. : art. 1168 à 1174, N. Rep. : fasc. 40 à 43, n045 et s.
4
J-J. TAIS NE, article précité, J.-Cl., Civ. : art. 1168 à 1174, Rep. N. : fasc. 40 à 43, n038.

- 52 -
l'exécution de son engagement sans subir aucun préjudice l . C'est ainsi
qu'est entachée d'un caractère potestatif la clause de l'acte constitutif d'une
société prévoyant que les apports de certains associés seraient versés dans la
caisse sociale au fur et à mesure des besoins sociaux, à la demande du
conseil d'administration, alors que ce groupe d'associés bénéficie d'une
majorité libre de demander ou non le versement des apports leur
incombant2 . En revanche, l'arbitraire est exclu «lorsque les conséquences de
l'acte à réaliser présentent pour le débiteur sensiblement plus d'importance
que l'obligation qui en sera la conséquence»3.
Dans une deuxième orientation, les juges s'efforcent de saISIr les
facteurs mêmes de l'acte permettant au débiteur de se dérober de son
engagement. ",Si l'appréciation de l'opportunité de l'acte à accomplir est
susceptible d'un contrôle judiciaire à partir de données objectives, la
condition ne sera pas considérée comme potestative; elle ne le sera que si le
débiteur peut se déterminer sans que l'on puisse contrôler ou vérifier son
appréciation»4. Ainsi, la condition est potestative et l'engagement nul
lorsque l'exécution de l'obligation qui en résulte est subordonnée à une
appréciation subjective et unilatérale de la personne obligée5. La condition
sera, en revanche, hon potestative chaque fois que l'appréciation du débiteur
doit se fonder sur des éléments extérieurs susceptibles d'une constatation
objective. C'est ainsi que dans une assurance crédit garantissant
l'assuré
contre l'insolvabilité de ses clients, la clause par laquelle l'assureur se
réserve le droit de dénoncer ou de réduire à tout moment la limite d'encours
J. GI-ŒSTIN, article précité, in études WEILL, nOl9 ; J-J. TAISNE, article précité, J.-C1., Civ. : art.
1168 à 1174, N. Rep. : fasc. 40 à 43, n039.
2
Civ. 1ère, 18 juin 1974, Bull. civ., l, 198; V. aussi: Civ. 3e, 22 fév. 1967, Bull. civ., III, nO 87 ; Civ.
3e, 1er fév. 1984, Bull. civ., III, n026 ; Rev. dr. immob. 1984,324 ; Civ. 3e, 7 juin 1990, Bull. civ.,
m, n0139.
3
J.-L. COSTA, article précité; R. SAVATIER, Théorie générale de l'obligation, n° 178 ; V. Paris, 6 déc.
1969, J.C.P. 71, éd. G., II, 16796, obs. J. GHESTIN.
4
J. GI-ŒSTIN, article précité, D. 1973,296, nO 23 ; J.-L. COSTA, article précité, Administrer 1985,
n0155, p..5 ; J.-J. TAISNE, article précité, J.-C1., Civ. : art. 1168 à 1174, N. Rep. : fasc. 40 à 43, n041.
5
Civ. 1ère, 2 Av. 1967, Bull. Civ., l, n0110 ; Corn., 28 juin 1965, Bull. civ., IV, nO 405 ; Angers, 12
mai 1980, D.S. 82, IR., 470, obs. MAGNIN. Ce dernier arrêt de la Cour d'Angers est très explicite sur
cette question, même s'il a été rendu à propos d'une condition résolutoire. II décide, en effet, que «la clause
d'un contrat de construction qui réserve au constructeur la possibilité de résilier la convention par simple
lettre recommandée dans le mois qui suit la signature lorsque les conditions d'implantation du pavillon sur
le terrain se révèlent trop difficiles, lorsque la solvabilité du maître de l'ouvrage est insuffisante et pour
toute autre cause qui, d'une manière générale, rendrait impossible la construction de la maison, présente le
caractère d'une condition protestative, le constructeur se réservant d'apprécier lui-même les causes rendant
impossible la construction» ; V. aussi Corn., 17 mai 1976, Bull. civ., IV, n° 165.

- 53 -
accordée sur un ou plusieurs clients n'a pas un caractère potestatif dès lors
que son application dépend, non de la volonté de l'assureur, mais de
circonstances objectives susceptibles d'un contrôle judiciaire l .
Enfin, lorsque la condition porte sur un acte que le débiteur doit
accomplir, les juges recherchent également si le débiteur ne doit pas tenir
compte de circonstances extérieures s'imposant à lui2 • L'application de
l'article 1174 du Code civil sera ainsi écartée lorsque la convention dépend
non seulement de la volonté de l'une des parties, mais aussi des fluctuations
économiques telle que la variation du chiffre d'affaires3 ou encore de la
fourniture, par le cocontractant, de certains documents et pièces4 .
53.- Cette analyse permet d'étendre la nullité de l'article 1174 du
Code civil à des situations limites qui dissimulaient les conditions
potestatives sous d'astucieux subterfuges et fait pratiquement disparaître la
catégorie des conditions simplement potestatives. Elle conduit à assurer un
certain équilibre dans les conventions par la protection de la partie la plus
faible contre l'arbitraire du cocontractant; de ce point de vue, elle épouse la
tendance des législations contemporaines qui ont déjà manifesté le même
souci dans des domaines tels que le contrat d'adhésion ou les clauses
abusives5.
Cependant, malgré cette remIse en cause largement partagée, la
distinction entre conditions simplement et purement potestatives continue
généralement d'être faite par les magistrats6. Mais cette attitude répond à la
nécessité de souligner la nette séparation existant entre les hypothèses où la
condition dépend à la fois de la volonté du débiteur et d'une circonstance
1
Civ. 1ère, 22 nov. 1989, Bull. Civ., 1, nO 355; V. Com., 12 mai 1980, Bull. Civ., IV, n0190; - 18 déc.
1972, D.S. 1973,663 : Montpellier, 5 juin 1944, D 1945, 1,36.
2
J.-J. TAISNE, arùcIe précité, J.-CI., Civ. : art. 1168 à 1174, N. Rep. : fasc. 40 à 43, n042.
3
Civ. 3e, 7. oct. 1987, J.c.P. 87, éd. G., IV, 380 : Cam., 15 juin 1982, l.C.P. 1984, éd. G., II, 20141,
obs. GRILLET-PONTON.
4
Civ. 3e, Il octobre 1989, Bull. civ., III, n0180.
5
J. GHESTIN, t. II, nO 587 et s. (au sujet de la loi du 10 janvier 1978) et n073 et s. (sur les contrat
d'adhésion) : 1.-L. COSTA, arùcIe précité, p. 5.
6
Civ. 3e, Il oct. 1989, Bull. civ., III, n0180 ; Civ. 1ère, 22 nov. 1989, Bull. civ., 1, n0355 ; Civ 3e, 7
oct. 1987, J.C.P. 87, éd. G, II, 380 ; Paris, 12 mai 1989, 0.89, I.R, 400; -
25 Av. 1989, D.S. 89,
I.R, 161 ; -
Il janv. 1989, D. 89, Somm., 298, obs. Th. HASSLER; Versailles, 27 janv. 1988, D.
88, Somm., 223, obs. Th. HASSLER; V. aussi: J. MESTRE, RT.D. Civ. 1990, 284, n016.

- 54 -
extérieure et celles où elle repose tout entière sur son bon vouloir!.
On notera, enfin, que l'article 1174 parle clairement de nullité de
l'obligation. Ce n'est donc pas seulement la condition potestative qui est
nulle, mais aussi l'obligation qu'elle affecte et par voie de conséquence le
contrat dans son ensemble2 . Tel n'est pas l'effet des conditions illicites et
immorales qui obéissent au même régime que les conditions impossibles3.
B • L'événement suspensif ne doit être ni illicite ni immoral
54.- L'interdiction des conditions illicites et immorales est contenue
dans les articles 900 et 1172 du Code civil. La condition est illicite lorsqu'elle
prévoit la survenance d'un événement contraire à
une disposition
impérative de la loi; elle est immorale lorsqu'elle implique la réalisation
d'un acte qui heurte la morale et les bonnes moeurs. L'illicéité et
l'immoralité ne tiennent cependant pas tellement à la nature intrinsèque de
l'acte ; elles sont liées à la pression délibérée exercée par le débiteur sur la
volonté du créancier par l'appât de son engagement. C'est l'incitation à
commettre un acte contraire à l'ordre public qui est pourchassée4 . C'est la
raison pour laquelle certains auteurs soutiennent qu'un événement illicite
ou immoral peut parfaitement constituer une condition si celle-ci est
entièrement casuelle, et inversement, une condition illicite peut porter sur
un fait parfaitement licite si une atteinte objectivement grave est portée à la
liberté de se déterminer du créancier5 .
Tout comme en matière de conditions impossibles, la jurisprudence
a supprimé l'opposition établie entre les actes à titre onéreux et les actes à
titre gratuit par les deux articles précités du Code civil. Les tribunaux ne
prennent plus maintenant en considération que le caractère déterminant ou
accessoire de la condition. L'annulation de la condition entraîne celle de
1
J. MESTRE. obs. in R.T.D.Civ. 1990284, n016.
2
Corn .• 9 déc. 1980, D.80, I.R., 441. obs. AUDIT; Bull civ., IV, nO 421 ; Civ. 3e, 8 oct. 1980, Bull
civ .• III. nO 154 ; D.81. I.R .• 441 : Angers. 12 mai 1980. D. 1980. I.R .• 470, obs. MAGNIN : V.
MARTY, RAYNAUD et JESTAZ. t II, n076, p. 67.
3
V. supra nO 46 et s.
4
Ph. MALAURIE et L. AYNES, précité, n01118, p. 630 ; J .-J. TAISNE, article précité, J .-Cl., Civ. : art.
1168 à 1174, N. Rep. : fasc. 40 à 43, n058 ; V. supra nO 42 et 45.
5
J.-J. TAISNE, article précité, J.-Cl., Civ. : art. 1168 à 1174, N. Rep. : fasc. 40 à 43, n057 et s.

l'acte tout entier quand elle a été la cause impulsive et déterminante de la
volonté du contractant et dans le cas contraire, la condition est simplement
répu tée non écri te 1.
55.- La prohibition des conditions illicites et immorales participe de
la sorte, comme les autres caractères de la modalité précédemment relevés,
à la définition de la condition suspensive qui peut être valablement introduite
dans un acte contractuel. Si sa validité est acquise, la stipulation d'une
condition suspensive s'accompagne de la suspension, tant que l'obstacle
suspensif n'est pas levé, des engagements souscrits par les contractants; il
s'agit d'une suspension ab initia, un aménagement particulier du processus
normal des réalisation des obligations. De ce point de vue, la condition
suspensive se rapproche d'une autre modalité suspensive : le terme
suspensif.
1
V. supra n° 46 et 47; voir aussi B. TEYSSIE, article précité, D S.1976, Chr., p.. 281.

- 56 -
CHAPITRE II :
LE TERME SUSPENSIF
56.- L'obligation est en principe exigible immédiatement, c'est-à-
dire que le créancier peut en réclamer le paiement sans délai. Cette
<l.exigibilité naturelle» peut néanmoins être écartée, notamment par la
volonté des parties au contrat, auquel cas l'exécution ne pourra être exigée
ou offerte qu'après un certain temps. On dit alors que l'obligation est à
terme. TI faut y voir une forme de suspension des obligations contractuelles.
Le Code civil ne donne pas une définition propre à l'obligation à
terme; il se borne simplement à déclarer que «le terme diffère de la
condition en ce qu'il ne suspend pas la naissance de l'obligation, dont il
retarde seulement l'exécution»!. La notion de terme ne peut donc être cernée
que par rapport à celle de condition. Comme la condition, le terme est une
modalité qui, lorsqu'elle est adjointe à un acte juridique, fait prendre à celui-
ci un aspect particulier. Dans l'un et l'autre cas, les engagements des
parties sont privés d'efficacité pendant un certain temps après la conclusion
du contrat. La doctrine relève, cependant, qu'il existe des différences
radicales entre le terme et la condition2.
La première tient à ce que la condition s'appuie sur un événement
futur mais dont la réalisation est incertaine, alors que le terme suppose un
événement dont la survenance est inéluctable. La deuxième grande
différence vient de ce que la condition a un effet rétroactif lorsqu'elle se
réalise,
t.andis que l'arrivée du
terme ne
s'accompagne d'aucune
rétroactivité. Enfin, l'article 1185 du Code civil distingue les deux modalités
1
An. 1185 du Code civil.
2
D. VEAUX, J.-Cl., civ. : art. 1185 à 1188, N. Rep. : fasc. 50 à 52, nO 4 et s. : B. STARCK, l. II, nO
1079, p. 376 ; F. DERRIDA. Rep. Dr. civ., V. tenne, n04 : A. WEILL et F. TERRE, précité, n0903, p.
908.

- 57 -
au nIveau de leur incidence sur les obligations : tandis que la condition,
notamment suspensive, retarde la naissance même de l'obligation, le terme
suspensif n'en diffère que l'exigibilité, sans en mettre l'existence en cause.
57.- Au-delà de ces différences, le terme peut, comme la condition,
affecter un acte juridique de deux manières différentes. Une distinction est,
en effet, faite entre le terme extinctif et le terme suspensif. Le terme extinctif
est un événement futur et certain dont dépend l'extinction de l'obligation!.
Au contraire, une obligation est affectée d'un terme suspensif lorsque son
exécution ne peut être exigée avant l'échéance prévue2. C'est envisagée sous
ce dernier aspect que la notion de terme intéresse la présente étude, le seul
d'ailleurs qui semble concerné par les dispositions des articles 1185 et
suivants du Code civil, relatives à l'obligation à terme3.
A partir de là, on peut douter que le terme extinctif soit une modalité
proprement dite, un véritable terme. Car, il est à remarquer que bien qu'il
résulte souvent de la volonté des contractants, le terme extinctif n'est
applicable qu'à des contrats qui, quelle que soit leur nature, doivent
naturellement prendre fin à un moment où à un autre. De ce fait, cette
variété de terme semble indissociable des contrats qu'elle affecte. N'est-ce
pas la raison pour laquelle le Code civil n'y fait pas allusion dans ses
dispositions relatives à l'obligation à terme?
Quoi qu'il en soit, l'étude du terme, en tant que technique de
suspension des obligations contractuelles, appelle à ne s'intéresser de plus
près qu'au terme suspensif. L'importance pratique du terme suspensif est
considérable, car le terme est la forme juridique que revêt l'idée économique
de crédit; faire crédit, c'est accorder un terme4 . La vie des affaires serait
inconcevable sans l'existence du crédit, par conséquent du terme. Il faut
examiner le terme suspensif en soulignant d'abord sa diversité (Section D,
avant de passer en revue les problèmes relatifs à la fixation de l'échéance
(Section II).
Il en est ainsi, par exemple, dans un bail d'une durée de neuf ans, l'expiration de ce délai constitue un
terme extinctif. C'est la même chose dans le contrat de travail à durée déterminée.
2
Il s'agit, d'une façon générale, de tous les cas où le payement de la dette n'est exigée qu'un certain délai
après la conclusion du contrat.
3
v. F. DERRIDA, article précité, n°l.
4
B. STARCK, t.II, n° 1083, p. 445 et 446.

- 58 -
SECTION 1 : LA DIVERSITE DU TERME SUSPENSIF
58.- La conception classique du terme suspensif engloble, en plus
du terme proprement dit, les institutions voisines telles que le délai de grâce
ou le moratoire. Pourtant, s'il exis,te des similitudes entre ces différentes
institutions, on ne peut vraiment' pas dire que le délai de grâce et le
moratoire constituent de véritables termes. Une distinction est donc
nécessaire entre ces différents obstacles à l'exécution des obligations (§1).
Elle permettra de mieux caractériser le terme suspensif (§2).
§l • Terme de droit, délai de grâce et moratoire
59.- La distinction traditionnement faite entre terme de droit, délai
de grâce ou terme judiciaire et moratoire ou terme légal, est fondée sur leur
différence de source. On considère, en effet, que le report de l'effet d'une
obligation peut résulter soit de la volonté des parties, soit de l'autorité
judiciaire, soit d'une disposition légale.
Le plus souvent, le terme suspensif est conventionnel, c'est-à-dire
qu'il est stipulé par les parties en fonction de l'économie du contrat
générateur de l'obligation ou du régime de celle-ci. Les contractants
prévoient librement l'événement à la réalisation duquel sera soumise
l'exigibilité de l'obligation. Un tel terme peut être stipulé aussi bien en
faveur du débiteur qu'en faveur du créancier et est le seul généralement
identifié comme terme de droit.
Cependant, comme cela a été souligné, la doctrine analyse comme
des aspects du terme suspensif les hypothèses où des délais d'exécution sont
accordés aux débiteurs en considération des difficultés de paiement qu'ils
connaissent 1. De telles mesures de faveur peuvent être prises, soit par le
juge à titre individuel, soit par la loi au bénéfice d'une collectivité de
débiteurs. Dans le premier cas, on parle de délai de grâce ou terme
judiciaire et dans le second, de moratoire ou terme légal. Le délai de grâce
1
V. MARTY, RAYNAUD el JESTAZ, l. II, n° 48 et s. ; B. STARCK, 1. II, n° 1085et S••p. 445 el s.

- 59 -
est, comme son nom l'indique, un délai que les tribunaux ont le pouvoir
d'accorder à des débiteurs qui ne peuvent exécuter immédiatement leurs
obligations arrivées à échéance!. C'est une mesure qui est prise en dehors
des stipulations de la convention et sans le consentement du créancier. Le
terme légal ou moratoire est aussi une mesure de faveur dispensant
provisoirement le débiteur du payement de ses dettes. Mais, à la différence
du délai de grâce, le moratoire est une mesure d'ensemble, applicable à
toute une catégorie de débiteurs ou de dettes en vertu d'un texte de loi2.
Faut-il voir dans ces deux institutions des termes suspensifs?
Il faut reconnaître que dans un cas comme dans l'autre, il ne s'agit
pas de véritables termes suspensifs. Le délai de grâce et le moratoire se
distinguent nettement du terme de droit suspensif. D'abord, sur le plan des
effets, le délai de grâce et le monitoire ne sont que des causes de suspension
des poursuites et n'empêchent pas, comme le terme suspensif, l'exigibilité
de l'obligation. Ensuite, ces deux institutions s'opposent au terme suspensif
en ce que celui-ci est un droit et non une faveur3. Il faut donc y voir des
institutions autonomes qui, certes, constituent des procédés de report de
l'exécution des obligations, mais ne se confondent pas avec le terme
suspensif et doivent faire l'objet d'une étude spécifique.
Quel est toutefois le contenu de la notion de terme de droit?
§2 • Le tenne de droit
60.- La notion de terme de droit est généralement réduite aux seuls
termes d'origine conventionnelle CA). Il existe toutefois des hypothèses
qualifiées de termes de droit d'origine judiciaire ou légale CB).
1
Le principe du délai de grâce est posé par les art 1244 - 1 à 3 du Code civil, anciennement art. 1244 al. 2
(V. loi nO 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, J.O., 14 juillet
1991, spécialement art. 83).
2
V. infra nO 113 et s.
3
D. VEAUX, article précité, J.-Cl., Civ. : art. 1185 à 1188, N. Rep. : fasc. 50 à 52, n021 ; COLIN et
CAPITANT, t.Il, n01717. Il faut souligner toute fois qu'on reconnaît parfois au moratoire des effets plus
poussés que ceux du délai de grâce, se repprochant de ceux du terme de droit (V. D. Veaux, article précité,
n032).

- 60-
A· Terme de droit: modalité conventionnelle
La suspension conventionnelle d'une obligation au moyen d'un
terme peut être expresse (1) ou tacite (2).
1 . Le terme suspensif exprès
61.- En général, le terme su'spensif résulte, comme l'obligation qu'il
affecte, d'un contrat qui fixe expressément un délai ou un événement de
réalisation certaine à l'avènement duquel l'exécution de l'obligation
deviendra exigible. Le plus souvent, ce serait
pour l'exécution d'une
obligation de payer le prix ou une partie du prix. Les stipulations des parties
peuvent être plus ou moins explicites et il sera parfois très difficile de
déterminer très exactement quel moment les parties ont eu en vue.
Aucune difficulté ne se pose, en principe, si les parties ont convenu
d'une date précise du calendrier ou d'un événement déterminé. Par contre,
dans les cas où le délai a été calculé en jours, en mois ou en années, il
devient plus délicat de désigner le moment de l'échéance. Doit-on, par
analogie, appliquer à la computation du terme conventionnel les règles de
~
computation des délais de procédure 1?
Il nous semble qu'il s'agit là de la meilleure solution, d'autant plus
qu'il n'existe aucune règle propre à la computation des termes. Ainsi, s'il
s'agit d'un délai exprimé en jours, le jour d'origine ou «dies a quo», ne
serait pas compris dans le délai2 , lequel expirerait comme d'ailleurs tout
autre délai le dernier jour, ou «dies ad quiem», à vingt-quatre heures3 . Si le
délai est calculé en mois ou en années, le «dies ad quiem», serait le jour du
dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le
jour à partir duquel le délai a commencé à courir4 . Et dans l'hypothèse où le
délai serait exprimé en mois et en jours, on devrait d'abord décompter les
mois selon 'la méthode précédente et ajouter ensuite, à partir du terme ainsi
1
Ces règles sont posées par le nouveau Code de procédure civile: art. 640 à 647.
2
Art. 641 al. 1 N. C.Pr. Civ.
3
Art. 642 al. 1 N. C.Pr. Civ..
4
Art. 641 al. 2 du N. C. Pr. civ. Pour les règles particulières applicables dans le cas où il n'existe pas un
quantième identique, Voir art. 641 al. 2 infine et Rep. Dalloz dr. civ., V. délai, nO 17 à 20, Ph. BERTIN
et Ph. GOICHOT.

- 61 -
obtenu, le nombre de jours supplémentaires prévus dans le délai!.
L'application de ces règles doit être, bien entendu, étendue aux
termes tacites.
2 • Le terme suspensif tacite
62.- La volonté des parties n'a cependant pas besoin d'être toujours
exprimée par une stipulation expresse. Le terme suspensif peut aussi naître
de la volonté tacite des parties, le plus souvent, par l'interprétation par le
juge de leur intention commune. Les tribunaux tiennent en effet de leur
pouvoir d'interprétation des conventions2 la faculté de dire si l'exigibilité
d'une obligation est ou non soumise à une échéance et dans quelles limites.
Mais il ne s'agit pas pour autant d'un délai de grâce, car le juge ne fait que
révéler la volonté des parties en tenant compte des usages et des
circonstances.
Dans cette recherche de l'intention commune, le juge peut s'appuyer
sur divers indices3 . Ainsi, l'impossibilité d'une exécution immédiate laisse
supposer la concession d'un terme ; il peut en être ainsi lorsque la nature de
l'objet du contrat s'y oppose, c'est le cas quand il s'agit d'accomplir un
travail, ou lorsque le lieu d'exécution prévu est éloigné. De même, il peut
être tenu compte de l'utilité dans le temps, pour le créancier, de la prestation
du débiteur; c'est ainsi qu'il a été jugé que lorsqu'un manteau de fourrure a
été commandé pour les fêtes de fin d'année, il devrait être livré avant Noël,
même si cela n'a pas été stipulé4. Le juge peut également se fonder sur la
pratique habituelle des parties dans leurs relations ou sur les usages le cas
échéant. C'est ce qui ressort d'un arrêt de la Cour de cassation du 14 janvier
1971 qui jugea que le preneur d'un bail rural qui n'avait pas payé son
fermage à l'échéance bénéficiait d'une prorogation de terme par le bailleur
du fait que celui-ci, qui avait l'habitude de faire le calcul du montant du
fermage dû à chaque échéance, avait été retardé par la publication tardive
1
Art 641 al. 3 N. C. Pr. Civ..
2
Art. 1156 à 1164 du Code civil. V. Th. IVAINER, Lettre et esprit de la loi des parties, J.c.P. 1981,00.
G., l, 3023.
3
E. PUTMAN, thèse précitée, nO 570, p. 670 ; D. VEAUX, article précité, J.-Cl., Civ. : art. 1185 à 1188,
N. Rep. : fasc. 50 à 52, n027 ; E. DATRY, l'échéance, thèse Lyon ,1945, p. 11.
4
Paris, 5e Ch., 26 mars 1981, Juris-Data, n024534, cité par D. VEAUX, article précité, n027.

- 62 -
des arrêtés préfectoraux nécessaires à ce calcul, «et qu'il n'avait jamais
protesté lorsqu'à l'occasion d'échéances précédentes, il s'en est déjà suivi un
certain retard dans
le paiement,,1.
Une
simple
manifestation
de
compréhension de la part du créancier ne suffirait cependant pas à justifier
un report de terme2 .
63.- La faculté qu'a le juge de déduire du contexte d'une obligation
l'existence d'un terme est même prévue par certaines dispositions légales.
Tel est le cas des articles 1900 et 1901 du Code civil sur le prêt de
consommation qui disposent que «s'il n'a pas été fixé de terme pour la
restitution (art. 1900) ou s'il a seùlement été convenu que l'emprunteur
paierait quand il pourrait ou quand il aurait les moyens (art. 1901), le juge
peut fixer un terme de remboursement suivant les circonstances3 ». Dans
l'application de cette règle, le tribunal doit, bien entendu, tenir
principalement compte de la volonté tacite des parties4.
L'article 1888 du Code civil ouvre une faculté analogue au juge dans
le prêt à usage, en disposant que «le prêteur ne peut retirer la chose prêtée
qu'après le terme convenu ou, à défaut de convention, qu'après qu'elle a
servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée». Cette formule fait allusion
in fine à la volonté tacite des parties, ce qui a permis à la Cour de cassation
de juger que les bijoux de famille prêtés par un mari à sa femme doivent être
restitués par celle-ci après le divorce, le prêt ayant certainement été consenti
pour que l'emprunteuse ne s'en serve qu'en qualité d'épouse du prêteurS.
Même si le juge doit, dans de telles hypothèses, s'appuyer sur des
directives légales, il ne s'agit pas pour autant de termes légaux et encore
moins de termes judiciaires, car ces termes ont pour origine la volonté des
contractants et le juge ne fait que suppléer des termes implicites.
Néanmoins, peut-on parler de termes légaux et judiciaires qui seraient des
termes de droit et trouveraient, comme le terme conventionnel, leur place
1
Civ. 3e, 14 janv. 1971, Bull. civ., III, n019.
2
D. VEAUX, article précité, n028, qui cite Paris ge ch., 23 fév. 1977, loos-Data, n062.
3
Civ. 3e, 9 juillet 1984, Bull. Civ., III, nO 135 ; Rep. Défr. 1985, p. 713, obs. l.-L. AUBERT; Civ.
1ère, 17 fév. 1976, Bull. civ., l, nO 72. Paris, 13 oct. 1986, D.S. 1987,618, note MOURY ; Rappr. :
Civ. 3e, 4 déc. 1985, Bull. civ., III, 162 ; Civ 1ère, 29 juin 1982, Bull. civ., l, 246.
4
E. PUTMAN, thèse précité, n0574, p. 675.
5
Civ. 1er, 2üjuin 1961, D. 61, 641, noteR. SAVATIER.

- 63 -
parmi les techniques de suspension des obligations contractuelles?
B - Terme de droit: modalité légale et judiciaire
64.- Nous l'avons déjà souligné, il y a dans le langage juridique une
confusion entre terme judiciaire et délai de grâce qui désigneraient une
seule et unique institution.
il Y a dans cette approche une part d'inexactitude, car le juge ne peut
octroyer un délai de grâce que pour empêcher le jeu d'un terme de droit ou
plus exactement du terme conventionnel. Cette faculté découle de l'article
1244 du Code civil qui est applicable lorsque le créancier a engagé une action
en exécution forcée. De cette disposition, on peut rapprocher l'article 1184 du
Code civil qui prévoit une faculté similaire au bénéfice du juge lorsque le
créancier a préféré intenter une action en résolution d'un contrat
synallagmatique. Dans l'un et l'autre cas, le juge diffère l'aboutissement de
l'action en accordant un délai d'exécution supplémentaire au débiteur
défaillant.
Il existe, par contre, d'autre termes d'origine judiciaire qui sont de
véritables termes de droit et apportent la preuve que la notion de terme
judiciaire ne se réduit pas à celle de délai de grâce. Sans revenir sur les
hypothèses déjà évoquées dans lesquelles le juge impose un terme en
interprétant la commune intention des parties!, il est des cas où le juge peut
assortir sa décision de délais d'exécution indépendamment de toute
disposition légale. Ainsi en est-il lorsque le juge, prononçant une
condamnation à des dommages-intérêts, surtout s'ils se présentent sous la
forme de rente, fixe des délais de paiement ou des échéances qu'il impose au
débiteur; il peut en être de même au cas de condamnation au versement
d'une pension alimentaire2. On peut également citer l'article 75 de la loi du
25 janvier 1985 sur le redressement judiciaire qui permet au tribunal, au cas
de continuation de l'entreprise et dans le cadre du plan de redressement,
d'imposer aux créanciers avec qui un accord amiable n'a pu être trouvé, des
délais uniformes de paiement pouvant même excéder la durée du plan.
1
V. supra n° 62 et 63 et infra n° 73 et s.
2
D. VEAUX. article précité. nl>29.

- 64 -
65.- Une analyse analogue doit être faite au sujet du terme légal.
Dans certains cas, il s'agit d'un véritable terme suspensif de droit lorsque la
loi fixe au débiteur un délai pour s'exécuter. On cite habituellement l'article
455 du Code civil qui accorde au tuteur un délai de six mois pour faire emploi
des revenus de l'incapable 1. Un tel terme se distingue du moratoire qui
n'est, ni plus ni moins, qu'une mesure de grâce.
Il faut cependant souligner que des termes de ces natures ne se
rencontrent, le plus souvent, qu'à propos des obligations légales ou
judiciaires que la loi ou le juge ont eux-mêmes fait naître et se trouvent
obligés d'aménager par des modalités pour favoriser leur exécution2 . ils
sont beaucoup plus rares pour des obligations issues d'autres sources et en
particulier pour les obligations contractuelles, ce qui réduit leur portée dans
le cadre de cette étude. TI convient donc de retenir, en définitive, que le terme
suspensif, tout au moins tel que il est envisagé ici, se limite aux modalités
d'origine conventionnelle. C'est aux parties qu'il revient dans ces conditions
de fixer la date ou l'événement à la réalisation duquel le terme sera échu.
SECTION II: LA FIXATION DE L'ECHEANCE DU TERME
66.- A la différence des obligations conditionnelles, il y a dans les
obligations à terme fixation d'une échéance à la survenance de laquelle
l'exécution de l'obligation deviendra exigible. Le terme est donc un
événement futur dont la caractéristique principale est qu'il ne peut
défaillir (§1).
Cependant, la pratique jurisprudentielle révèle l'existence des cas où
un événement plus ou moins incertain peut constituer non une condition
suspensive, mais plutôt un terme ; cette situation est bien entendu à
l'origine de difficultés quant à la différenciation des deux modalités (§2).
1
MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t II, n0 48, p. 47.
2
V. note ci-dessus.

- 65 -
§l- La certitude de l'échéance
67.- Le caractère certain de l'arrivée du terme se remarque d'abord
au niveau de la terminologie utilisée; on dit du terme qu'il «court» puis qu'il
est «échu», alors que s'agissant de la condition on parle de «se réaliser» ou
de «défaillir»!. Le principe de la production de l'événement futur est acquis
dans l'hypothèse du terme. ·Toutefois, une tradition doctrinale veut qu'on
distingue deux sortes de terme : le terme certain et le terme incertain CA).
Cette dualité du terme est souvent source de difficultés relatives à la fixation
de l'échéance,
notamment lorsqu'on
est en présence
d'un
terme
indéterminé CB).
A· La dualité du terme: terme certain et terme incertain
68.- La distinction faite entre le terme certain et le terme incertain
n'altère en rien la certitude de la survenance de l'événement prévu. Elle
concerne simplement le moment a,uquel interviendra l'échéance qui peut
être d'avance connue des parties ou indéterminée à l'époque de la conclusion
du contrat2 .
Le terme est habituellement certain et désigne avec précision le
moment auquel se produira l'événement à la survenance duquel est
subordonnée l'efficacité de l'obligation. Il en est ainsi lorsque l'exécution
d'une obligation est suspendue jusqu'à une date fixe du calendrier ou encore
- ce qui revient au même - jusqu'à une fête ou à la majorité d'une personne3 .
Par contre, le terme incertain est un événement dont on est sûr qu'il
arrivera sans qu'on sache toutefois à l'avance le moment de sa survenance.
L'exemple classique cité par tous les auteurs est le décès d'une personne; on
est sûr qu'elle mourra, mais on ne sait ni l'année, ni le mois et encore
moins le jour.
L'expression
«terme
incertain» vient du droit Romain ; les
jurisconsultes disaient «dies incertus». Mais la transposition littérale de
1
Ph. MALAURIE et L. AYNES, précité, n0696, p. 497; J.-J. TAISNE, thèse précitée, n038, p. 67.
2
D. VEAUX, article précité, n06 ; F. DERRIDA, article précité, Rep. Dr. civ., V. tenne, nOl1.
3
J.-J. TAISNE, thèse précitée, n038, p. 67 ; A. WEILL et F. TERRE, précité, n0904, p. 908.

," :"~ ":
' . , '
l'expression romaine en français à l'inconvénient de jeter l'ambiguïté dans
le langage ; puisqu'on distingue le terme de la condition grâce à un
caractère de certitude, il est contradictoire de parler de terme incertain. Il
faut donc, comme le suggèrent Planiol et Ripert, entendre cette expression
comme une formule abrégée signifiant «terme à échéance incertaine»!. En
effet, si l'incertitude portait sur l'événement lui-même, l'obligation ne serait
plus simplement à terme, mais serait conditionnelle; par contre, tant que
l'incertitude n'affecte que la fixation de l'échéance, on est bel et bien en
présence d'un terme.
69.- Afin de préciser les conséquences du terme incertain sur la
détermination de l'échéance, il apparaît utile d'introduire une sous-
distinction entre le terme incertain indéterminable et le terme incertain
déterminable 2 . En effet, dans certàins cas, le terme incertain dépend d'un
événement, parfois naturel, dont on ne peut prédire la date et que l'on ne
peut
avancer3 . Dans d'autres cas, la date d'échéance est, certes
indéterminée, mais elle n'est pas indéterminable; ce sont les hypothèses ou
le juge peut suppléer un terme implicitement voulu par les parties4 . Cette
distinction a une importance considérable dans la fixation de l'échéance.
Car, lorsque le terme incertain est indéterminable, le juge ne peut que se
borner à constater l'existence ou l'absence d'échéance. Mais lorsque le
terme incertain est déterminable, le juge peut fixer lui - même l'échéance, et
par là, conférer l'exigibilité à la créance. Les tribunaux ont souvent recours
à cette pratique lorsque le débiteur fait traîner indéfiniment les choses ou
lorsqu'il y a eu stipulation d'un terme illimité5.
Qu'il soit certain ou incertain, déterminable ou indéterminable, le
principe est que le terme doit être un événement qui ne peut pas ne pas se
produire. Cependant, le sujet présente un autre intérêt: la certitude doit-elle
être objective, c'est-à-dire déduite de la nature de l'événement, ou
simplement subjective, auquel cas elle résulterait de la commune intention
PLANIOL et RIPERT, t. VII, n0999, p. 337 ; F DERRIDA, Rép. Dr Civ., V. Terme, n013 ; la
jurisprudence utilise d'ailleurs assez souvent cette expression, V. Civ. 3e, 4 déc. 1984, Bull. civ., III,
n01627.
2
E. PUTMAN, thèse précitée, n0607, p. 713.
3
L'exemple du décès précédemment cité illustre bien ce type d'événement
4
V. supra nO 62 et 63.
5
V. Infra. nO 73 et s.

- 67 -
des parties. Le problème a déjà été soulevé par d'autres exégètes 1.
B • Certitude objective et certitude subjective
70.- Les développements précédents, et les exemples qui les
illustrent, permettent de mettre en lumière le caractère objectivement
certain de l'événement auquel est subordonnée l'exigibilité de l'obligation.
L'écoulement d'un délai est pris comme exemple d'un terme certain et le
décès d'une personne comme exemple d'un terme incertain. Dans l'un et
l'autre cas, la production de l'événement est, pour tout observateur,
inéluctable. Telle est la conception classique du terme et l'application de ce
critère conduit inévitablement à refuser d'admettre qu'un terme puisse
porter sur un événement susceptible de défaillance2 . Une jurisprudence
constante soutient cette position3.
71.- Toutefois, la doctrine reconnaît que l'application de la
distinction du terme et de la condition laisse surgir quelques difficultés4 ,
faisant ainsi apparaître les insuffisances de la conception classique qui ne
rendrait pas compte de la réalité des conflits de qualification entre ces deux
modalités5. En effet, on a pu soutenir qu'une certitude subjective, c'est-à-dire
une certitude résultant de la seule intention des parties, pourrait fonder la
qualification de terme dès lors que les parties ont tenu la réalisation de
l'événement comme certaine6. Ceci implique qu'un événement pourrait être
qualifié de condition ou de terme selon que les parties ont ou non partagé
l'incertitude ou la certitude ; peu importe, en fin de compte, sa nature
réellement certaine ou incertaine.
J.-J. TAlSNE, thèse précitée, n049 et s., p. 80 et s.; article précité, J.-CI., Civ.: art. 1168 à 1174, N.
Rep. : fasc. 40 à 43 ; D. VEAUX, article précité; J. GHE5TIN, note sous T.G.I. Nice, 24 oct. 1971,
J.C.P. 71, éd. G., II, 16866; -
Réflexion d'un civiliste sur la clause de réserve de propriété, D. 81,
Chr., 1.
2
J.-J. TAI5NE, thèse précitée, n052, p. 84.
3
Trib. civ. d'Alexandrie, 9 juin 1928,5.1929, IV, 6: La stipulation qu'une lettre de change serait payée le
lendemain du départ d'un navire constitue une obligation conditionnelle et non une obligation à tenne, car
le départ d'un navire n'est pas un fait absolument certain.
4
F. DERRIDA, article précité, Rep. Dr. Civ., V. terme, n02.
5 J.-J. TAISNE, thèse précitée, n042 ; J. GHESTlN, Réflexionsd'un civiliste sur la clause de réserve de
propriété, D. 81, Chr. l, n014.
6
MARTY, RAYNAUD et JE5TAZ, t. II, n047, p. 45 ; J-1. TAl5NE, thèse précitée, n042, p. 71 ; J.
GHESTIN, article cité ci-dessus, n014. Ce raisonnement a notamment servi à la qualification de la clause
de réserve de propriété qui est ainsi considérée comme constitutive d'un tenne et non d'une condition (J.
GHE5TIN, article cité ci-dessus; Y. GUYON, note sous Metz, 25 oct. 1980, D. 81,138).

- 68 -
Monsieur Taisne, qui a soulevé le problème dans ses travaux sur la
condition l , privilégie cette appréciation «in concreto» par rapport à une
appréciation ((in abstracto)) de la certitude de l'événement. Pour lui, le choix
entre la formule de l'obligation à terme et celle de l'obligation conditionnelle
dépendra du degré de conviction des parties vis-à-vis de la réalisation de
l'événement. Le recours au terme suppose que, dans l'esprit des parties,
l'obligation pourra être exécutée après l'écoulement d'un certain temps,
parce qu'elles croient, avec certitude, à la réalisation de l'événement. Le
recours à la condition traduit, au· contraire, l'incertitude qui habite les
contractants qui envisagent une possible défaillance de l'événement et
agissent uvec prudence. L'option· en faveur de l'une ou l'autre de ces
modalités traduit leur prise de conscience de la certitude ou de l'incertitude
de l'événement. Le même événement sera alors susceptible d'être un terme
ou une condition selon que les parties contractantes l'ont considéré ou non
comme certain. Cette position est aussi celle de Monsieur Ghestin qui l'a, à
plusieurs reprises, soutenue2.
La jurisprudence met souvent en application ce raisonnement. TI en
fut ainsi en matière de promesse de vente quant au rôle à attribuer à la
rédaction de l'acte notarié, elle - même subordonnée à la survenance d'un
événement déterminé : «l'énonciation dans un acte sous seing privé portant
accord du vendeur sur la chose et sur le prix, qu'un acte notarié sera
ultérieurement dressé n'a pour effet de subordonner la formation et
l'efficacité du contrat à l'accomplissement de cette formalité que s'il résulte
clairement, soit des termes de la convention, soit des circonstances, que telle
a été la volonté des parties. Au cas contraire, le tribunal peut décider que la
clause relative à l'établissement ultérieur d'un acte notarié n'était, dans
l'intention des parties, qu'une modalité d'exécution du contrat de vente
antérieurement et définitivement formé»3. Récemment encore, la Cour de
cassation a considéré qu'une Cour d'appel, qui relève qu'une société de
production a cédé à une société de diffusion les droits d'exploitation télévisés
V. La notion de condition dans les actes juridiques, thèse Lille 1977 ; Les obligations conditionnelles, l.-
CL, Civ.: art. 1168 à 1180.
2
Note sous T.G.I. Nice, 24 oct. 1970, I.C.P. 71, éd. G., II., 16866; Réflexions d'un civiliste sur la
clause de réserve de propriété, D.S. 81, Chr., 1.
3
Req.,4 mai 1936, D.H. 36, 313 ; Compar : Req., 3 janv. 1939, D.H.39, 149 ; -
29 oct. 1907, D.
1909, 1,460; civ. 3e, 27 nov. 1969, Bull. civ., III, n0772, p. 585 ; Civ. lère,5oct. 1982, Bull. civ., I,
271 ; V. aussi Civ.3ère, 17 juillet 1991, D.S.1992, Somm., 193, obs. G. PAISANT.

- 69 -
de certains films pour une durée de sept ans à compter de la première
projection à la télévision, pouvait, en interprétant la volonté des parties, voir·
dans ce système de calcul de la durée de la cession un terme incertain et
point une condition!.
72.- TI se trouve de la sorte confirmée l'idée selon laquelle, à côté de
la certitude objective, il existe une certitude subjective pouvant suffire à
constituer un terme. Il faut cependant relever que la distinction entre la
condition et le terme se pose avec beaucoup plus de simplicité si ce dernier
est à échéance certaine; dans un tel cas, la certitude ne peut être envisagée
que sur le plan objectif. Par contre, l'indétermination de l'échéance rend
plus complexes les rapports entre le terme et la condition et soulève avec
davantage d'acuité le problème des conflits de qualification.
§2 - L'indétennination de l'échéance
73.- L'admission de la certitude subjective comme pouvant suffire à
constituer un terme provoque, notamment lorsque celui - ci est incertain, la
confusion avec l'autre modalité suspensive qu'est la condition. Une
obligation n'est - elle pas affectée d'une condition suspensive lorsque
l'événement dont dépend son efficacité est d'accomplissement incertain?
L'analyse de quelques espèces soumises aux tribunaux rend compte
de la méthode utilisée pour résoudre ces conflits de qualification et qui
permet de considérer un événement objectivement incertain comme un
terme à échéance incertaine et non comme une condition suspensive.
Un premier exemple peut être pris dans les opérations de vente,
lorsqu'un débiteur ne s'engage à exécuter son obligation que si la vente d'un
bien lui appartenant lui procure l'argent nécessaire. C'est ainsi que la Cour
d'appel de Montpellier avait estimé que l'engagement pris de payer une
certaine somme le jour de la vente d'un hôtel était affecté d'un terme
incertain et non d'une condition suspensive ; la Cour relève que dans
l'intention des parties la clause était simplement destinée à accorder au
l
Corn., 19 juin 1990, D.S. 1991, Chr., 436, note P.-Y. GAUTIER.

- 70-
débiteur une certaine latitude pour lui permettre de réaliser, dans des
conditions acceptables, la vente de son fonds de commerce!. C'est en tenant
un raisonnement analogue que la Cour de cassation a jugé qu'en l'état d'un
engagement aux termes duquel une caution s'oblige à rembourser le
montant d'un prêt lors de la vente d'un local, c'est à bon droit qu'ayant
recherché la commune intention des parties et estimé que la vente envisagée
devait avoir lieu dans un temps non éloigné, la Cour d'appel en a déduit que
la convention se trouvait affectée non d'une condition, mais d'un terme
incertain2 . Pour déterminer si les parties ont entendu s'engager de façon
certaine et définitive, les juges recherchent si celles-ci ont, dans leur
commune intention, tenu l'événement pour certain. Cette interprétation de
la commune intention des parties est, bien sûr, effectuée compte tenu des
circonstances ayant entouré l'opération3 . Dans les affaires citées, les
engagements ne sont pas conditionnels parce que les parties n'ont pas
entendu faire dépendre leurs obligations d'une condition, mais en
subordonner l'exécution à un terme, l'événement visé leur paraissant de
réalisation certaine. Il faut d'ailleurs souligner que chaque fois que les juges
ont relevé des circonstances objectives rendant totalement incertaine la
réalisation d'une telle opération, ils n'hésitent pas à qualifier la stipulation
de condition suspensive4.
Une autre illustration peut être tirée des prêts de sommes d'argent
dans lesquels le débiteur bénéficie d'un délai de remboursement illimité.
Ainsi, celui qui s'engage à restituer les sommes empruntées dans «un délai
à sa discrétion» ou «au fur et à mesure de ses moyens» s'oblige à terme et
non sous conditionS. De même, la jurisprudence refuse d'assimiler à la
condition «si je veux» ou «si je peux» les clauses prévoyant le paiement
«quand je pourrai» ou «quand je voudrai» qui sont constitutives de termes
incertains6 . C'est sans doute ce qui justifie la licéité de la clause de retour à
1
Montpellier, 15 fév. 1953, G.P. 53, 1,314.
2
Civ. 1ère, ~8 janvier 1976, Bull. civ., l, n037 ; V. aussi: Civ. 3e, 4 oct. 1985, Bull. civ., III, n0162 ;
Rép. Défr. 1986, art. 33795, n083, obs. J.-L. AUBERT et art. 33801, n095, obs. G. VERMELLE; Civ.
3e, 27 nov. 1969, Bull. civ., II, n0772 ; Civ. 1ère, 2 juillet 1962, Bull. civ., l, n0496.
3
L'arrêt de la Cour de Montpellier relève par exemple que l'hôtel à vendre était situé sur une plage très
fréquentée et sa vente paraissait donc facile.
4
Chambery, 13 déc. 1897, D.P. 1900,2,213 ; Paris, 15 mars 1974, J.C.P. 74, éd. G., II,17786, note G.
GOUBEAUX.
5
Civ. 3e, 9 juillet 1984, Bull. civ., III, n0135 ; Paris, 13 oct. 1986, O.S. 1987,618, note J. MOURY.
6
J.-J. TAISNE, thèse précitée, n054, p. 88.

- 71 -
~eilleure fortune, considérée comme un terme indéterminé et non (t~mme
une condition potestative!. En effet, comme le fuit remarquer Monsieur R.
Kauffmann, «si prendre l'engagement de payer à sa seule convenance ne
signifie rien, s'obliger à payer prochainement ou si l'on est capable de le
faire signifie quelque chosen 2 . Il est clair que sous ce dernier aspect,
l'incertitude ne porte pas sur la réalité du remboursement, mais seulement
sur l'époque à laquelle il doit avoir lieu. L'octroi d'un délai illimité ne met
nullement en cause l'existence de l'obligation, elle affecte simplement l'une
des modalités de son exécution, en l'occurrence, la date. L'engagement
connaît donc un terme à échéance incertaine, indéterminée, et non une
condition3 .
74.- Cette solution présente d'autant plus un intérêt que la validité
de la stipulation est en cause à travers l'application des règles de l'article
1174 du Code civil sur la nullité des conditions potestatives4 • En effet, on est
en présence des obligations dont la mise en oeuvre dépend plus ou moins de
la volonté du débiteur. En qualifiant de telles clauses de termes incertains, le
juge sauve la convention. Cette position est conforme à l'article 1162 du Code
civil qui invite le juge à interpréter la convention, dans le doute, contre celui
qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation; elle est sans
doute, également fondée sur l'article 1157 du même Code qui fait préférer
l'interprétation donnant effet à la convention sur celle avec laquelle elle n'en
pourrait produire aucun5.
75.- Dans les différentes hypothèses abordées ci-dessus, il demeure
une difficulté qui tient à la possible défaillance du terme. Car, la réalisation
de l'événement n'étant pas acquise d'avance, le risque de sa non-production
n'est pas écarté. Comment la jurisprudence résout-elle cette difficulté?
D'une manière générale, les tribunaux se reconnaissent le pouvoir
1
Civ. 1ère, '20 nov. 1990, Bull. civ., l, n0255 ; V. aussi: R. KAUFFMANN, De l'utilité et des effets
d'une clause potestative: la clause de retour à meilleure fortune dans les abandons de créances amiables et
concordataires, D.S. 1982, Chr., 129.
2
R. KAUFFMANN, article précité.
3
V. J. MOURY, note sous Paris, 13 oct. 1986, D.S. 1987,618 ; G. VERMELLE, obs. sous civ. 3e, 4
déc. 1985, Rép. Defr. 1986, art. 33801, n095.
4
J. MAURY, note citée ci-dessus.
5
J.-J. TAISNE, thèse précitée, n054, p. 88.

,
~
,
f
- 72 -
de fixer, au besoin et selon les circonstances, un délai raisonnable au
débiteur pour exécuter ses obligationsl . Le Code civil consacre cette solution
dans le cas particulier du prêt de consommation, puisque, d'une part,
l'article. 1900 dispose que "s'il n'a pas été fixé un terme pour la restitution,
le juge peut accorder à l'emprunteur un délai selon les circonstances», et
d'autre part, aux termes de l'article 1901, «s'il a été seulement convenu que
l'emprunteur payerait quand il pourrait, ou quand il aurait les moyens, le
juge lui fixera un terme de paiement suivant les circonstances))2.
L'application de ces dispositions est parfois étendue au-delà du prêt. Mais
généralement, sans même invoquer les articles 1900 et 1901, la Cour de
cassation justifie le pouvoir qu'ont les juges du fond de fixer des délais
d'exécution en se fondant sur la commune intention des parties. Ainsi, si en
dépit de la conviction initiale des parties, l'événement attendu ne se produit
pas ou tarde à se produire, le tribunal, prenant acte du caractère certain
conféré par les parties à leurs engagements, doit en permettre l'exécution,
substituant de ce fait un terme certain à un terme incertain3 .
76.- En définitive, on peut dire que, tout en admettant qu'un
événement qui n'est pas objectivement certain puisse tenir lieu de terme dès
lors que la certitude de sa survenance est partagée par les parties, la
jurisprudence propose dans le même temps le palliatif à la difficulté
inhérente à cette solution et qui tient à la possible défaillance de l'événement.
De la sorte, est contournée la principale critique pouvant être faite à la
certitude subjective. Cette attitude de la jurisprudence met, par ailleurs, en
évidence les insuffisances de la distinction classique entre terme et
condition. En considérant l'incertitude ou la certitude uniquement au plan
objectif, la doctrine restreignait considérablement la notion de terme. Or, s'il
y a des conflits de qualification entre les deux modalités, c'est parce que la
catégorie des événements pouvant tenir lieu de terme est, au contraire,
nettement plus vaste. Cette jurisprudence présente d'autant plus des aspects
positifs qu'elle permet une qualification beaucoup plus proche des faits et
1
G. VERMELLE, obs. sous Civ. 3e, 4 déc. 1985. Rép. Oéf. 1986, art. 33801, n095.
2
Civ. 3e. 9 juillet 1984, Bull. civ., III, n013 ; Civ 1ère, 19 janv. 1983, Bull. civ., J, n029 ; Civ. 1ère, 29
juin 1982, O.S. 1982, I.R., 428; Civ. 1ère, 12 oct. 1977, Bull. civ., J, nO 362; Civ. 1ère, 6 oct. 1976.
Bull. civ., J, n° 287 ; Paris, 13 oct. 1986, O.S. 1987,618. note J. MOURY ; Civ. 1ère, 20 nov. 1990,
Bull. civ., J, n0255.
3
Civ. 3e,4 déc. 1985, Bull. civ., III n0162 ; Civ. 1ère, 28 juillet 1976, Bull. civ., J, nO 37; Civ. 1ère, 6
nov. 1973, O.S. 74, 91.

- 73 -
valide des stipulations, fort utiles dans la pratique, mais qui tomberaient,
sans cela, pour la plupart sous le coup de la prohibition des conditions
potes tatives 1. Le moins qu'on puisse dire cependant, c'est que, loin de
faciliter la comparaison entre le terme suspensif et la condition suspensive,
cette tendance de la jurisprudence contribue, au contraire, à la rendre
davantage complexe.
77.- Ceci ne modifie, en rien, la nature du terme et de la condition
qui demeurent des modalités surajoutées par les parties à leurs obligations
au moment de la conclusion du contrat. Il y a là une remarquable
illustration du pouvoir qu'ont les contractants d'accorder leur volonté de
s'obliger avec les nécessités pratiques et de l'adaptabilité des techniques
contractuelles aux situations les plus diverses. La suspension des
obligations contractuelles apparaît, dans ces hypothèses, corn-me une
technique propre à permettre aux parties d'intégrer les circonstances
futures dans leurs engagements actuels, renforçant ainsi leur chance
d'effectivité le moment venu. Cependant, l'adaptation de l'exécution du
contrat aux circonstances n'est pas le monopole des parties; il existe des cas
où le juge ou la loi, en dehors du consentement des contractants, peuvent
surseoir à l'exécution des obligations valablement formées et exigibles. Cette
fois, plus qu'une modalité voulue par les parties, la suspension apparaît
comme un véritablement tempérament au principe de la force obligatoire
des obligations conventionnelles édictée par l'article 1134 du Code civil.
V. R. KAUFFMANN. Oe l'utilité et des effets d'une clause potestative: la clause de retour a meilleure
fortune dans les abandons de créances amiables et concordaires, 0.1982,129.

TITRE II:
LA SUSPENSION, TEMPERAMENT A LA FORCE
OBLIGATOmE DES ENGAGEMENTS CONTRACTUELS

- 75 -
78.- Le contrat, source des obligations, repose sur la volonté des
parties. Celles-ci peuvent faire ce que bon leur semble, sous la seule réserve
de ne pas porter atteinte ni à l'ordre public, ni aux bonnes moeurs l . Elles
déterminent non seulement la nature de la prestation à fournir, mais aussi
les conditions dans lesquelles cette prestation sera fournie, sous quelle forme
et dans quel délai. Les contractants se donnent foi l'un dans l'autre et
doivent pouvoir compter sur une exécution complète des obligations à la date
et dans les conditions fixées.
Mais la bonne exécution des contrats n'intéresse pas seulement les
contractants; elle peut également concerner des tiers dont les intérêts sont
liés à ceux des parties. En effet, confiant dans la promesse reçue, le
créancier peut lui-même s'engager envers d'autres personnes et si le
débiteur est défaillant, beaucoup d'autres obligations peuvent, par
conséquent, être compromises. C'est dire que le contrat est un des maillons
indispensables de la vie sociale et économique et son respect est une
nécessité impérieuse2•
Ce principe du respect dû au contrat a été connu de tous temps.
1
V. Art. 6 du Code civil; V. J. HAUSSER, Ordre public et bonnes moeurs Rép. Dalloz Droit civil;
MARTY. RAYNAUD, t. l, 0°74 et s.
2
E. DATRY, L'échéance, thèse Lyon 1940, p. 5; R. TEXIER, Le délai de grâce, thèse Paris 1938, p. 1.

- 76 -
Fidèles à cette tradition, les rédacteurs du Code civil ont trouvé une formule
saisissante pour l'exprimer, c'est l'article 1134 alinéa 1 : «les conventions
légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites», Cette
formule énergique, empruntée à Domat l , signifie que la convention s'impose
aux contractants de la même manière que la loi s'impose à tous2 ; elle
consacre à la fois les principes de l'autonomie de la volonté et de la force
obligatoire des contrats dont le respect de la parole donnée devient une
conséquence.
Loi pour les parties, la convention l'est encore pour le juge qui, en
interprétant le contrat, doit en être simplement le serviteur et en favoriser
l'exécution. D'autre part, le législateur est lui-même tenu au respect des
contrats car, en proclamant le principe de la non rétroactivité des lois, il
s'interdit, en principe, de remettre en cause la volonté contractuelle3.
Autant donc dire que la loi s'en remet aux contractants pour décider de la
justice de leurs engagements4•
79.- Doit - on pour autant interdire, de façon absolue, à ces autorités
supérieures que sont le juge et le législateur toute intervention dans le
rapport contractuel? Doivent - ils systématiquement se rendre aveugles aux
difficultés que peuvent parfois connaître des débiteurs, pourtant de bonne foi,
à exécuter leurs obligations?
il est vrai que la loi civile n'a jamais admis la notion d'imprévision;
elle n'a jamais permis aux parties de se délier d'une obligation devenue
ruineuse ni au juge de modifier, de manière raisonnable, la loi des parties5.
Mais depuis 1804 et même bien avant le Code civil, des tempéraments au
principe de l'intangibilité des conventions ont été admis par le législateur,
notamment lorsque le débiteur ne peut pas honorer ses engagements aux
échéances fixées. En effet, le débiteur défaillant n'est pas toujours de
mauvaise foi, il peut lui avoir été impossible de remplir ses engagement à
l'échéanc~ convenue. C'est pourquoi deux moyens sont traditionnellement
1
V. A. WEILL et F. TERRE, Les obligations, n0347, p. 352.
2
MAZEAUD, t. Il, vol. l, n0721, p. 834 ; A. WEILL et F. TERRE, précité, n0347, p. 352.
3
Art. 2 du Code civil.
4
Naissance du Code civil. Travaux préparatoires rassemblés par P.-A, FENET, Extraits présentés sous la
direction de F. EWALD, chap. 9, traitements des inégalités, p. 382 et 383.
5
J. GHESTIN, t. II,. Les obligations, n0147, p. 140.

- 77 -
utilisés pour protéger les débiteurs et qui ont pour effet d'aménager
l'obligation, ou plus exactement son exécution, selon des modalités nouvelles
non convenues par les contractants, privant ainsi le créancier, contre son
gré, de recourir aux mesures d'exécution 1. Il s'agit du délai de grâce,
mesure individuelle et judiciaire, et du moratoire, mesure collective et
législative.
Ces deux institutions sont généralement présentées par la doctrine
comme d'autres aspects du terme suspensif dont elles se distinguent
essentiellement du fait qu'il s'agit de mesures de faveur exceptionnelles
accordées aux débiteurs en considération de leurs situations et des
difficultés de paiement qu'ils connaissent2• Cette volonté du législateur de
voler au secours des débiteurs en difficulté s'est encore matérialisée
récemment par l'adoption d'un nouveau dispositif législatif relatif à la
prévention et au règlement du surendettement des particuliers, dont
l'application peut différer l'exécution des obligations des débiteurs
s urendettés3•
Dans tous ces cas, l'exécution des obligations du débiteur se trouve
suspendue. Loin de résulter d'une modalité adjointe par les parties à leurs
engagements, la suspension apparaît, cette fois, comme une véritable
limitation des effets de la volonté commune des contractants imposée soit
par le juge, soit par la loi; c'est un tempérament à la force obligatoire de la
loi des parties.
La catégorisation de ces différents tempéraments appelle une
distinction entre, d'une part, un tempérament prévu par le Code civil et qui
représente le droit commun, le délai de grâce (Chapitre 1), et d'autre part,
les autres par lesquels le législateur entend aller au-delà pour faire face à
des «situations dramatiques» et «d'urgence sociale», notamment les lois de
moratoire et les mesures de suspension prévues par la loi Neiertz4 (Chapitre
II). C'est .dans cet ordre que s'articulera notre étude.
1
MAZEAUD, t. II, Vol. l, n0908, p. 986.
2
MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. II, n058, p. 54.
3
V. A. SERIAUX, Droit des obligations, P.U.F. 1ère éd. 1992, n0186, p. 609 et s.
4
G. PAISANT, La réfonne du délai de grâce par la loi du 9 juillet 1991 relative aux procédeurs civiles
d'exécution, c.c.c. déc. 1991, Chr., p.3. licite notament les déclaration de Mme NEIERTZ lors des
débats parlementaires sur la loi du 31 déc. 1989 (J.O. AN (CR), 6 déc. 1989, p. 5 985)

- 78 -
CHAPITRE!:
UN TEMPERAMENT PREVU PAR LE CODE CIVIL :
LE DELAI DE GRACE
80.- Au principe hautement affirmé par l'article 1134, le Code civil
apporte lui-même un tempérament qui est, en fait, une technique de
suspension des dettes. Les rédacteurs du Code civil ont en effet estimé que le
droit légitime
du créancier à l'exécution de .sa créance pouvant, dans
certains cas, engendrer des abus, un léger retard apporté au paiement, tout
en permettant de remplir les engagements, ne saurait lui causer un bien
grave préjudice. Aussi ont-ils donné aux juges, dans l'article 1244 alinéa 2,
devenu articles 1244-1 à 3 après la loi du 9 juillet 1991 1, un droit de regard
sur l'exécution des conventions privées et lui ont permis d'y apporter des
modifications temporaires en accordant des délais de paiement aux
débiteurs en difficulté. Celui-ci pourrait ainsi obtenir une suspenSIOn
provisoire de sa dette que les contractants n'avaient pas prévue2.
Pour saisir les caractères et le mécanisme du délai de grâce, il
convient dans un premier temps de définir cette notion (Section 1), pour
ensuite relever les manifestations du caractère exceptionnel de cette
institution (Section II).
La loi nO 91-650 du 9 juillet 1991, portant réfonne des procédures civiles d'exécution (J.O. 14 juillet
1991) a remplacé l'art.l244 alinéa 2 par les nouveaux articles 1244-1, 1244-2, et 1244-3. L'entrée en
vigueur de cette loi, initialement prévue au 1er aout 1992 (art. 97),a été reportée au 1er janvier 1993 (art.
3 de la loi nO 92-644 du 13 juillet 1992, modifiant la loi nO 91-650 du 9 juillet 1991 portant réfonne des
procédures civiles d'exécution et l'ordonnance nO 45-2592 du 2 décembre 1945 relative au statut des
huissiers et comportant diverses dispositions relatives aux procédures civiles d'exécution, V. J.O. 14
juillet 1992 ; J.C.P., ed.G., III, 65596. Il faut également se reférer au décret n° 92-755 du 31 juillet 1992
instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution pour l'application de la loi n°
91-650 du 9 juillet 1991 (V. J.O. 5 août 1992 ; J.C.P., ed. G.. 65652).
2
RIPERT et BOULANGER, t. II, n° 1495, p. 554.

- 79 -
, SECI'ION 1: LA NOTION DE DELAI DE GRACE
Une étude de la notion de délai de grâce exige d'en donner la
définition et d'en retracer l'évolution (§1), afin de dégager ensuite les
éléments caractéristiques de sa nature (§2).
§l - Définition et évolution de la notion de délai de grâce
Le délai de grâce est une institution ancienne (A) qui procède de
précédents historiques et a connu une évolution significative depuis le Code
civil (B).
A· Définition de la notion de délai de grâce
81.- La notion de délai de grâce a déjà fait l'objet de nombreuses
études doctrinales si bien qu'il serait inutile de mener une discussion sur sa
définition. Rappelons simplement que le délai de grâce est celui que le juge
octroie au débiteur, dont la dette est exigible et qui est poursuivi pour se
libérer, en dehors des stipulations de la convention et sans le consentement
du créancier; c'est un moyen exceptionnel et facultatif que la loi accorde aux
tribunaux pour venir en aide au débiteur malheureux et gêné, en reculant
l'échéance et en tenant compte de la situation personnelle des parties l . C'est
une véritable exception à l'article 1134 du Code civil.
Cette définition a l'avantage de saisir la notion dans sa globalité. Tout
en contenant l'élément qui se rapporte à la source, elle en donne aussi la
raison et précise en quoi consiste la faveur ainsi offerte au débiteur. Elle
permet surtout de distinguer le délai de grâce des institutions voisines.
82.- n est d'abord différent du terme de droit auquel il est souvent
associé. Celui-ci ne peut résulter que d'une convention ou dans certains cas
1
A. WEILL et F. TERRE, précité, n0916 ; MARTY, RAYNAUD, et JESTAZ, t. II, n059, p. 54 ; J.
ISSA - SAYEGH, J.-CI., Civ. : art. 1235 à 1248, rase. 3, N. Rep. : rase. 69, n029 ; J.-M. PANS1ER,
Le délai de grâce, thèse Montpellier, 1937, n° l, p. 5; J. DEVEAU, Le délai de grâce dans le Code civil
et la législation contemporaine, thèse Paris, 1937, p. 2.

- RO -
d'une disposition légale et suppose une obligation qui n'est ni échue, ni
exigible jusqu'à l'arrivée du terme. Le délai de grâce ne s'applique, au
contraire, qu'à une obligation pure et simple ou à une obligation à terme
devenue exigible par l'arrivée du terme.
Le délai de grâce se distingue également du moratoire qui est une
mesure exceptionnelle et générale par laquelle le législateur suspend et
ajourne
les' échéances
en
raison
de
circonstances
d'une
gravité
exceptionnelle comme l'état de guerre ou une crise économique profonde l .
Outre cette différence de source, moratoire et délai de grâce se distinguent
aussi sur le plan des effets; il est généralement reconnu au premier cité des
effets plus poussés et plus proches de ceux du terme de droit2•
Le délai de grâce n'est pas non plus à confondre avec ceux que les
articles 1900 et 1901 du Code civil autorisent le juge d'octroyer dans le prêt de
consommation3. Dans ces hypothèses, le juge n'accorde pas au débiteur, par
mesure de faveur, un délai supplémentaire par rapport à ceux dont il
devrait normalement bénéficier ; il
n'ajourne pas
une
obligation
actuellement due, il détermine simplement l'époque à laquelle l'obligation
sera due eu égard aux circonstances et à la commune intention des parties.
Les délais des articles 1900 et 1901 ne sont donc pas des sursis judiciaires
pour débiteurs en difficulté, le juge ne fait que suppléer un terme implicite4•
Les dispositions relatives au délai de grâce peuvent cependant être
rapprochées de l'article 1184 alinéa 3 du Code civil qui permet au juge saisi
d'une action en résolution d'un contrat synallagmatique «d'accorder au
défendeur un délai selon les circonstances». Certains auteurs y voient un
délai de grâce5. Il s'agit sans doute d'une mesure de grâce, mais si les deux
délais sont d'origine judiciaire et peuvent produire les mêmes effets, il
convient de souligner qu'ils ne répondent pas à des situations identiques.
Tandis que le délai de l'article 1244 est appelé à tempérer les conséquences
d'une e~écution forcée pour un débiteur en difficulté, celui de l'article 1184,
1
De nombreux moratoires ont été décidés pendant les deux guerres mondiales et pendant la grande récession
économique des années 1930; V. infra n° 122 et s.
2
D. VEAUX, article précité, J.-Cl., Civ. : art. 1185 à 1188, N. Rep. : fasc. 50 à 52, n032.
3
MAZEAUD, t. III, 2e vol., n01457, p. 897 ; R. TEXIER, thèse précitée, p. 44.
4
E. PUTMAN, thèse précitée, n0574, p. 674.
5
MAZEAUD, t. II, 1er vol., n0909, p. 987.

- SI -
même s'il tient également compte des difficultés d'exécution, est destiné
avant tout à empêcher la résolution d'un contrat synallagmatique).
Le délai de grâce s'affirme donc comme une institution autonome
dont les origines remontent aux législations très anciennes et qui a connu
un'e considérable évolution depuis son insertion dans le Code civil.
B • Evolution de la notion de délai de grâce
83.- Le recours à la suspension des obligations à travers l'octroi de
délais d'indulgence remonte à la très haute antiquité2. Les Romains, en
dépit de leur très grande sévérité à l'égard des débiteurs, semblent les avoir
connus. Les Empereurs romains avaient, en effet, l'habitude de concéder
aux débiteurs malheureux et qui imploraient leur intervention, un délai de
grâce pendant lequel ceux-ci pouvaient arrêter l'action de leurs créanciers
par une «exceptio moratoria». Dans l'ancien droit, le Roi avait également le
pouvoir d'accorder des délais aux débiteurs par des «lettres d'Etat» et des
«lettres de répit» qui suspendaient toutes poursuites pendant un certain
t emps3. Cette même faculté fut ensuite conférée au juge4.
Lors de la rédaction du Code civil, ce pouvoir reconnu aux juges
apparut comme une atteinte aux principes de l'autonomie de la volonté et de
l'effet des contrats. La France sortait, en effet, d'une crise très grave et on
sentait la nécessité de restaurer le crédit en faisant respecter les conventions
et, surtout, les rédacteurs du Code étaient imprégnés de l'esprit
individualiste qui caractérise la pensée philosophique de cette époque5.
Fallait - il dans de telles conditions donner aux tribunaux un pouvoir
manifestement attentatoire à la force obligatoire des conventions?
1
V. infra nO 226 et s.
2
Pour l'évolution de la notion du délai de grâce, V. : S. CARRE, Des moratoires et des délais de grâce
accordés aux débiteurs par les textes récents. thèse Paris, 1938, p. 22 à 36 ; J.-M. PANSIER, thèse
précitée, p. .7 et s ; J. DEVEAU, thèse précitée, p. 20 et s. ; R. LORANS. thèse Bordeaux 1940. p. 7 et
s. ; R. TEXIER. thèse précitée. p. 23 et s.
3
Les "lettres d'Etat" étaient octroyés par le Roi aux personnes employées à son service pour leur permettre
d'éviter des poursuites pendant le temps que le service du trône les empêche de s'occuper de leurs affaires.
Par contre, les "lettres de répit" étaient accordées par le Roi pour soulager la misère et sauvegarder les
familles des débiteurs malheureux et de bonne foi.
4
MAZEAUD. t. II, 1er vol. n0909. p. 986, qui cite notamment l'ordonnance d'Orléans de janvier 1561.
5
R. LORANS. thèse précitée. p. 13.

- X2 -
C'est finalement après d'âpres discussions que le délai de grâce fut
introduit dans le Code civil de 1804 à l'alinéa 2 de l'article 1244, mais avec
une portée restreinte l . En effet, la disposition traduisait les réticences et les
préoccupations des rédacteurs du Code civil : les juges étaient invités à
accorder des ((délais modérés» en considération de la situation des parties et
en usant de ce pouvoir avec une «grande réserve)). Ces prescriptions furent
en général suivies par les tribunaux dans la pratique ; ils n'utilisèrent
l'article 1244 qu'avec une grande parcimonie et le délai de grâce restera sans
changement pendant plus d'un siècle et notamment jusqu'en 19362.
84.- Mais la législation a sensiblement évolué depuis, influencée
par les soubresauts économiques et sociaux3• D'abord, deux lois du 25 mars
et du 20 août 1936 sont venues modifier l'article 1244 du Code civil. L'alinéa 2
disposait désormais que «les juges peuvent néanmoins, en considération de
la position du débiteur et compte tenu de la situation économique, accorder
pour le
paiement
des
délais
qui
emprunteront
leur
mesure
aux
circonstances, sans toutefois dépasser un an, et surseoir à l'exécution des
poursuites, toutes choses demeurant en l'étab). Cette nouvelle formulation
était moins restrictive que l'initiale et invitait les juges à tenir compte non
seulement de la situation personnelle du débiteur, mais aussi des
circonstances économiques générales4• Ce texte est longtemps demeuré
inchangé à ceci près qu'une loi du Il octobre 1985 est venue porter la durée
maximale du délai de grâce à deux ans au lieu d'un5.
85.- Toutefois, une nouvelle loi, moins de deux ans après celle
consacrée au surendettement des particuliers et des familles 6 , vient
d'opérer, en quelque sorte, une toilette de ce texte.
V. : G. RIPERT, Le droit de ne pas payer ses denes, D.H. 1936, Chr., p. 57 et s. ; R. LORANS, thèse
précitée, p. 30 et s.
2
A. SERRAUX, précité, n° 186, p. 609 ; G. RIPERT, Le droit de ne pas payer ses denes, D.H. 1936,
Chr., 57.
3
G. RIPER'T, article précité, D.H. 1936, Chr., 57 ; A. SERIAUX, précité, n0186, p. 609 et s.
4
Il faut noter, par ailleurs, que la loi du 25 mars 1936 revêt une importance particulière dans la mesure où
elle donnait compétence aux juges des référés, en cas d'urgence, d'accorder ((en tout état de cause» des
délais de paiement aux débiteurs malheureux (V.G. Paisant, La réforme du délai de grâce par la loi du 9
juillet 1991 relative aux procédures civiles d'exécution, C.C.C. déc. 1991, p. 3, n°I).
5
A. SERIAUX, précité, n0186, p. 609 ; F. ZENATI, Commentaire de la loi nO 85 - 1097 du Il octobre
1985 relative à la clause pénale et au règlement des dettes, R.T.D.Civ. 1986, p. 209 et S., n029.
6
Loi n089-1010 du 31 décembre 1989; V. infra nO 130 et s.

- 83 -
La loi n091-65ü du 9 juillet 1991, portant réforme des procédures
civiles d'exécution, a, en effet, modifié considérablement la matière l . A
compter du 1er janvier 1993, date d'entrée en vigueur de cette loi, l'article
1244 alinéa 2 du Code Civil sera remplacé par trois nouveaux articles.
Désormais, les dispositions relatives au délai de grâce sont contenues dans
les article 1244 -1, 1244-2 et 1244-3. L'article 1244-1, alinéa 1, pose le principe
que: "'-toutefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération
des besoins du créancier, le juge peut dans la limite de deux années,
reporter ou échelonner le paiement des sommes dues» ; le même article
prévoit, dans son alinéa 2, que «par décision spéciale et motivée, le juge peut
prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront
intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que tes
paiements s'imputeront d'abord sur le capital». En contrepartie, l'article
1244-1, alinéa 3, dispose qu'ccen outre, il (le juge) peut subordonner ces
mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à
garantir le paiement de la dette». Il faut noter toutefois que l'alinéa 4 de
l'article 1244-1 exclut l'application des dispositions de ce texte aux dettes
d'aliments.
Aux termes de l'article 1244-2, cela décision du juge pnse en
application de l'article 1244-1 suspend les procédures d'exécution qui
auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les
pénalités encourues à raison du retard cessent d'être dues pendant le délai
fixé par le juge». Enfin, l'article 1244-3 déclare que ((toute stipulation
contraire aux dispositions des articles 1244-1 et 1244-2 est réputée non
écrite».
86.- La parenté de ce nouveau dispositif législatif avec les trois
premiers alinéas de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1989 sur la
1
Ce texte a déjà fait l'objet de nombreux commentaires depuis sa promulgation: H. CROZE, Loi n091-
650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution: le nouveau droit commun de
l'exécution forcée, J.C.P. 92, ed. G., doc., I, 3555 ; J.C.P. 92, ed. N., I, doc., P 77 ; D. DESURVIRE,
Loi n091-650 du 9 juillet 1991 : réforme d'une procédure ou d'une profession, Rev. Huis. 1991, p. 1038 ;
LECHARNY, REGNIER et VERDUN, Observations sur la loi n091 - 650 du 9 juillet 1991 portant
réforme des procédures civiles d'exécution, G.P. 91, 18-20 août, p. 2 ; A. CONFINO, A propos d'une
réforme: le parquet aux trousses des mauvais payeurs, G.P. 91, 7 et 8 août, p. 4; J.-L. GUILLOT et P.
DUCAROIR, Les procédures d'exécution, un projet de réforme aux effets contrastés, Rev. Banque 1991,
452. Sur la question précise de la réforme du délai de grâce: . G. PAISANT, article précité, C.C.C.,
déc. 1991, n012, p. 3 ; A. SERIAUX, précité, n0186, p. 609 et s. ; J. MESTRE, obs. RT.D. civ. 1991,
p. 735, n04.

- 84 -
prévention et le règlement du surendettement est flagrante!: Sans doute que
le législateur a -t- il voulu harmoniser les dispositions relatives au délai de
grâce avec celles qui régissent le redressement judiciaire civil. Mais, la
doctrine convient qu'il s'agit là de deux corps de règles qui ne font pas double
emploi, leurs conditions d'application n'étant pas identiques 2. Les deux
systèmes devront continuer à se côtoyer comme c'était déjà le cas avec le
défunt article 1244, car, s'il y a ressemblance, il n'y a pas similitude3. En
effet, il ressort, à l'évidence, de la loi nouvelle que le législateur entend
augmenter les pouvoirs du juge afin de lui donner les moyens d'améliorer le
sort du débiteur en difficulté, mais il ne remet pas pour autant en cause les
acquis de l'ancienne législation. Il ne fait que la compléter4. La réforme est
donc construite sur la base de l'ancien texte et les innovations qu'elle apporte
seront relevées, au fur et à mesure, à travers l'étude des règles qui régissent
l'application du délai de grâce. Il n'en demeure pas moins que cette
quatrième réforme du délai de grâce vient encore renforcer et perfectionner
ce que le Doyen G. Ripert a appelé le «droit de ne pas payer ses dettes .. 5,
altérant ainsi encore plus le droit des contrats qui, après s'être séparé de la
loi divine, s'éloigne visiblement de la loi morale, pour se plier aux nécessités
économiques et sociales. De ce fait, le délai de grâce s'écarte lui aussi de sa
nature originelle.
§2 - La nature du délai de grâce
87.- Le législateur ne fixe nulle part la nature juridique du délai de
grâce et ce n'est que la situation de l'article 1244 qui en pose le principe, et
maintenant de ses successeurs, parmi les dispositions du Code civil qui
permet de le rattacher à l'exécution des obligations. Il en résulte que les
1
G. PAISANT. article précité, n014 ; H. CROZE, article précité, n021.
2
En effet, les nouveaux art. 1244-1 à 3 peuvent bénéficier à des professionnels pour des dettes
professionnelles, même si le débiteur relève des procédures collectives commerciales, artisanales on
agricoles, et sans qu'il soit besoin de constater un état de surendettement tel que défini par l'art. 1er de la
loi Neiertz. De plus, le redressement judiciaire civil constitue une pseudo-procédure collective, ce que les
descendants de J'art. 1244 du Code civil ne prétendent pas organiser (H. CROZE, article précité, n021 ; G.
PAISANT, article précité, n014 et s.).
3
J. MESmE, obs. dans R.T.D. civ. 1991, p. 735, n04 ; H. CROZE. article précité, n021 ; G. PAISANT,
article précité, n03.
4
G. PAISANT, article précité; J. MESmE, obs. R.T.D. civ. 1991.
5
G. RIPERT, Le droit de ne pas payer ses dettes, D.H. 1936, Chr., 57.

- R5 -
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développements relatifs à son fondement (A) et à ses caractères essentiels (B)
proviennent de la doctrine et de la jurisprudence.
A - La justification du délai de grâce
88.- De nombreux auteurs, surtout des premiers commentateurs du
Code civil, ont sévèrement critiqué le délai de grâce). ils n'y voyaient qu'une
atteinte à la force obligatoire du contrat et aux droits des créanciers
destructrice de la confiance. Mais d'une manière générale, le principe
même du délai de grâce a reçu un accueil favorable de la part de la doctrine
qui avançu de nombreuses justifications qui sont aussi bien d'ordre moral,
social, qu'économique.
C'est d'abord au nom de l'humanité et de l'intérêt social que la
dérogation à l'article 1134, qu'est le délai de grâce, a été justifiée: «on ne
peut envisager d'une façon abstraite les rapports juridiques car, derrière
chacun d'eux, il y a des hommes qui ne peuvent avoir l'un des droits, l'autre
des obligations, que dans la mesure où la morale permet de tirer d'autrui
profits et services ou ne défend pas en tous cas de lui nuire»2. Sans doute, la
morale nous enseigne - t - elle que le débiteur doit respecter la parole qu'il a
donnée et que son premier devoir et sa première obligation, tant juridique
que morale, consiste à remplir ses engagements à échéance. Il y a
cependant des cas où le créancier, même dans l'exercice de son droit le plus
certain, contreviendrait à cette même morale s'il usait d'une rigueur
impitoyable à l'égard d'un débiteur que le malheur accable et qui ne peut
payer3. Il est ainsi exprimé la nécessité d'empêcher que le plein exercice de
ses droits par le créancier ne soit une source d'injustice flagrante, anomalie
contre laquelle l'adage romain «summun jus summa injuria»4 mettait déjà
en garde. Le délai de grâce apparaît donc comme une mesure de protection
prise en faveur des débiteurs en difficulté afin de leur éviter des poursuites
très rigoureuses de la part de leurs créanciers5.
)
TOULLIER, Le droit civil suivant l'ordre du Code, art. 1244 ; HUC et ORSIER, le Code civil Italien et
le Code Napoléon, p. 251, cités par R. LORANS, thèse Bordeaux 1940, p. 29.
2
G. RlPERT, la règle morale dans les obligations civiles, p.6.
3
R. LORANS, thèse précitée, p. 31.
4
«Droit porté à l'extrême, extrême injustice» ; Pour des explications sur cet adage, V. H. ROLAND et L.
BOYER, Locutions latines et adages du droit français contemporain, t. II, n0277, p. 492.
5
RIPERT et BOULANGER, t. II, n01495. p. 554.

- 86-
D'ailleurs, l'article 1134 lui-même, qui consacre l'autorité des
conventions entre les parties, vient corroborer cette analyse. En effet, les
conventions devant être exécutées de bonne foil, le créancier qui poursuivrait
une exécution impitoyable tout en sachant bien les difficultés de payement
du débiteur ne se conformerait pas lui-même à ce principe2• On peut même
remarquer qu'il est parfois plus avantageux pour un créancier d'attendre
que son débiteur puisse se libérer intégralement, fût - ce après l'expiration
du délai primitivement envisagé, que de recourir à une exécution forcée trop
hâtive, à un moment inopportun, et par laquelle il risque de ne pas avoir tout
ce qui lui est dû,
Par ailleurs, il est particulièrement important pour l'ordre social de
ne pas accabler lourdement les débiteurs, il en naîtrait des «inconvénients et
désordres sociaux qu'il n'en peut résulter d'une loi dont la rigueur est
tempérée par l'équité»3. L'histoire nous enseigne, en effet, que les débiteurs
constituant toujours la classe sociale la plus importante et la plus
vulnérable, une loi qui laisserait libre cours, à leur encontre, à une
exécution inhumaine serait vite une cause de troubles sociaux4 . Le droit
français contemporain peut d'ailleurs être cité en exemple de bienveillance
soutenue pour les débiteurss.
89.- Mais ces raisons morales et sociales ne sauraient justifier à
elles seules l'existence du délai de grâce sous sa forme actuelle. Son
fondement
semble avoir été
élargi
par les réformes
de
1936 et
particulièrement par la loi du 20 août. L'ancien article 1244 prévoyait la
faculté pour les juges d'accorder des délais en considération de la seule
situation personnelle du débiteur, cette loi les a obligés à tenir également
compte de la situation économique générale. Cette réforme s'inscrivait
d'ailleurs dans le sens de l'évolution contemporaine du droit qui, selon L.
Josserand, «tend à devenir, plutôt que la science du juste et de l'injuste, le
1
Art. 1134 al. ;) du Code Civil.
2
E. DATR Y. thèse précitée, p. 19 ; R. TEXIER, thèse précitée, p. 20.
3
LAROMBIERE, Théorie et pratique des obligations, t. III, art. 1244, n018, cité par E. DATRY, thèse
précitée, p. 19.
4
V. G. RIPERT, Les forces créatrices du droit, L.G.DJ.,1955, V. spécalement nO 34 et s. L'auteur y
traite notamment de l'action exercée par les forces sociales sur la législation.
S
Il n'y a qu'à voir l'esprit de la loi n089 - 1010 du 31 décembre 1989 sur la prévention et le règlement du
surendettement des particuliers. Les lois sur la protection des consommateurs emprunteurs du 10 janv.
1978 et du 13 juillet 1979 vont également dans ce sens.

code de la richesse et des phénomènes économiques; où, si l'on veut, le juste
est devenu ce qui cadre avec les postulats et les nécessités économiques,
tandis que ce qui est anti-économique apparat! comme injuste»1. La loi du 9
juillet 1991 semble avoir, à nouveau abandonné la référence à la «situation
économique» en la remplaçant par le critère des ..besoins du créancier»2.
Mais en vérité, cela revient au même, car il s'agit d'apprécier les
conséquences économiques pour le créancier du décalage du paiement ainsi
que sa capacité à faire face à cette situation. S'il nage dans l'opulence ou s'il
est une partie économiquement forte, le juge devra en tenir compte pour
l'octroi des délais de grâce3.
Toutes ces justifications ont permis de légitimer le délai de grâce
dont le principe n'est plus discuté aujourd'hui alors que sa nécessité
économique et sociale est reconnue par tous4 • TI reste que les juges doivent
veiller à ce que cette institution ne donne pas lieu à des abus qui
pénaliseraient les créanciers. Les caractères du délai de grâce leur
garantissent, à cette fin, un rôle de premier ordre dans l'attribution de cette
faveur.
B - Les caractères du délai de grâce
Le délai de grâce comporte deux caractères essentiels
il est
facultatif (1) et d'ordre public (2).
1 - Le caractère facultatif du délai de grâce
90.- Les termes des textes de loi sont sans ambiguïté. Le «toutefois»
qui marque le début de l'article 1244 - 1 alinéa 1 est à ce sujet tout aussi
révélateur que le «néanmoins» de naguère par quoi s'ouvrait le deuxième
1
L. JOSSERAND, L'ordre juridique nouveau, D.H. 1937, p. 41 et s. ; V. plus précisément p. 42 in fine.
2
V. art. 1244 - al. 1 du Code civil.
3
A. SERIAUX, précité, n0186. p. 610.
4
Ce principe a donné lieu à nombre d'applications particulières et inspiré des législations récentes. Ainsi en
est-il des lois du 10 janvier 1978 et du 13 juillet 1979 sur l'information et la protection des
consommateurs et des emprunteurs dans les domaines mobilier et immobilier; celles - ci prevoient
respectivement dans leurs articles 8 et 14 la possibilité d'accorder des délais de grâce aux débiteurs
victimes de licenciement. La loi du 6 juillet 1989 sur le bail d'habitation prévoit également dans son art
24 la possibilité d'octroyer des délais de paiement. La loi du 31 décembre 1989 sur le surendeuement des
particuliers vient compléter la législation des délais de grâce qui, rappelons-le, a été renforcée par la loi du
9 juillet 1991.

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alinéa de l'ancien article 1244 1• Le délai de grâce est clairement présenté
d'abord comme une mesure dérogatoire au principe de la force obligatoire
du contrat, mais surtout comme une faveur que la loi autorise les tribunaux
à accorder ou à refuser aux débiteurs selon les circonstances2•
Le juge est donc absolument libre d'accorder ou de refuser, à son gré,
un tel délai. Il jouit en cette matière d'un pouvoir discrétionnaire3 et sa
décision échappe au contrôle de la Cour de cassation4 . L'abandon aux juges
du soin d'octroyer de tels répits peut s'expliquer par le fait que les magistrats
étant plus près des parties, ils peuvent mieux apprécier leur situation
concrète.
2 • Le caractère d'ordre public du délai de grâce
91.- Cette question a été très controversée dès le Code civil.
D'aucuns considéraient l'article 1244 alinéa 2 comme une disposition
exceptionnelleS, et comme telle, susceptible d'être écartée par la volonté des
parties ou par une renonciation du débiteur6. Pour d'autres, la disposition
de cet article était d'ordre public parce que les droits de l'humanité étaient
en cause, ceux-ci ne pouvant faire l'objet d'une renonciation. C'est ce
dernier point de vue qui a prévalu en doctrine et en jurisprudence et a
finalement été confortée par les lois des 25 mars et 20 août 1936 modifiant
l'article 12447.
C'est dire que l'article 1244-3, duquel il ressort que les deux articles
qui le précèdent, ceux qui régissent désormais le délai de grâce, sont d'ordre
public, ne fait que confirmer une idée déjà unanimement admise aussi bien
1
G. PAISANT, article précité, n06.
2
J. ISSA-SAYEGH, article précité, J.-Cl., Civ. : art. 1235 à 1248, fasc. 3, N. Rep. : fasc. 69, n029 ;
MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. II, n058, p. 54 ; MAZEAUD, t. II, 1er vol., nO 909, p. 986.
3
Civ. 1ère, 5 juillet 1988, Bull. civ., l, n0216 : Rep. Défr. 1989, art. 34470, nO 10, obs., J.-L. AUBERT;
Civ. 2e, 10 juin 1970, Bull. civ., II, n0201.
4
Com.,8 fév. 1972, J.c.P. 73, éd. G., II, 17386, obs. Ph. KAHN; Req., 7 juin 1859, D. 1860, 1,21 ;
Req., 8 février 1892, D. 1893, 1,33.
5
E. DATRY, thèse précitée, p. 15; R. LORANS, thèse précitée, p. 1 à 3; J. DEVEAU, thèse précitée, p.
38 et 39; J. ISSA-SAYEGH, article précité, J.-Cl., Civ. : art. 1235 à 1248, fasc. 3, N. Rep. : fasc. 69,
n030.
6
Bordeaux, 23 juill 1838, S. 1839,2, 147.
7
J. ISSA-SAYEGH, article précité, J.-Cl., Civ.: art. 1235 à 1248, fasc. 3, N. Rep. : fasc. 69, n031 ; A.
WEILL et F. TERRE, précité, n0918, p. 915 ; A. SERIAUX, précité, n0186, p. 611 ; R. LORANS,
thèse précitée, p. 27 : J. DEVEAU, thèse précitée, p. 39 et 40 ; V. aussi Colmar, 29 juillet 1850, S.
1850, 2, 272 ; D. 1852, 2, 238.

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en doctrine qu'en jurisprudence. Désormais, la controverse n'est plus
possible; le débiteur ne saurait être conventionnellement privé du droit de
demander en justice un délai de grâce dans les conditions des articles 1244-1
et 1244-2 et il ne saurait davantage, proprio motu, renoncer à ce bénéfice.
De ce caractère d'ordre public, il résulte diverses conséquences qui
seront examinées au fur et à mesure. Indiquons seulement dès à présent
que le juge peut statuer d'office, même si le bénéfice du délai n'a pas été
sollicité par le débiteur. Il ne peut cependant l'étendre au delà des limites
que le Code lui a assignées l . Le caractère d'ordre public conféré aux
dispositions régissant le délai et qui place ce dernier hors de portée de la
volonté des parties est une garantie supplémentaire pour les débiteurs
défaillants. Toutefois, l'obtention d'un délai de paiement demeure soumise à
des règles très strictes qui tiennent au caractère exceptionnel d'une telle
mesure.
SECTION TI : LES MANIFESTATIONS DU CARACTERE EXCEPI'IONNEL
DU DELAI DE GRACE
92.- Du fait que le pouvoir donné aux juges d'accorder des délais de
grâce est dérogatoire aux principes fondamentaux du droit civil français 2,
les textes qui régissent cette institution l'ont enfermée dans des limites assez
précises.
L'article 1244, alinéa 2, du Code civil, qui sera bientôt remplacé par
les articles 1244 - 1 à 3, est le texte principal en la matière, mais ce n'est pas
la seule disposition qui y soit consacrée. Certaines règles de procédure sont
édictées par le Code de procédure civile3 et les applications particulières du
délai de grâce à quelques contrats particuliers sont définies par des textes
spécifiques4 .
1
J. DEVEAU, thèse précitée, p. 40; ISSA-SAYEGH, article précité, J.-CI., Civ. : art. 1235 à 1248, fasc.
3, N. Rep. : fasc. 69, n032 ; A. PONSARD et P. BLONDEL, Rép. civ. Dalloz, V. paiement, n0163 ; G.
PAISANT, article précité, nOIO.
2
G. PAISANT, article précité, n06.
3
V. art. 510 à 513 du Nouveau Code de Procédure Civile.
4
Voir par exemple les lois du 10 janvier 1978 (art. 8) et du 13 juillet 1979 (art 14) sur la protection des
emprunteurs et la loi du 6 juillet 1989 sur le bail d'habitation (art. 24 al. 2).

- 90 -
La détermination des règles d'application du délai de grâce appelle à
circonscrire son domaine d'application (§1) et à définir la compétence
juridictionnelle (§2) ainsi que les caractéristiques du délai susceptible d'être
accordé (§3).
§1 • Des obligations pour lesquelles le délai de grâce peut être
accordé
Les dispositions du Code civil relatives au délai de grâce sont de
portée générale (A). Cependant, la .loi et la jurisprudence en ont écarté
l'application dans certains cas précis (B).
A· Un texte de portée générale
93.- L'ancien article 1244, alinéa 2, du Code civil était considéré
comme une disposition de portée générale ne faisant aucune restriction
quant à la nature de la dette l .
TI est vrai que, compte tenu de sa situation dans le Code civil, la
disposition risquait d'être regardée comme ne visant que «le paiement» pris
dans son sens courant, à savoir le versement de derniers dus par le débiteur
à son créancier2. Mais il faut relever, d'une part, que le «paiement», au sens
du Code Civil, n'est pas un terme spécial aux seules dettes de sommes
d'argent; il désigne, d'une manière générale, l'exécution de l'obligation du.
débiteur, qu'il s'agisse d'une obligation de donner, d'une obligation de faire
ou d'une obligation de ne pas faire3. D'autre part, l'article 1244 est inclus
dans un chapitre du Code civil, intitulé «de l'extinction des obligations», qui
est commun à toutes les obligations. Et même si ce chapitre figure lui-même
au titre intitulé «des contrats et des obligations conventionnelles», personne
ne doute plus aujourd'hui que ce titre contient, en fait, le droit commun des
1
WEILL et TERRE, précité, n0918, p. 915 ; MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. II, nO 60, p. 55 ;
MAZEAUD, t. II, 1er vol., n091O, p. 988 ; J. ISSA-SAYEGH, article précité, 1.-Cl., Civ. : arL 1235 à
1248, fasc. 3, N. Rep. : fa sc. 69, n035 ; E. PUTMAN, thèse précitée, n0577, p. 700 ; V. aussi Réq., 20
déc. 1842, S.1842, l, 223.
2
Le texte de l'art 1244 fait, en effet, partie de la section intitulée le "paiement".
3
MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. II, n060, p. 55 ; MAZEAUD, t. II, 2ème vol., n091O, p. 988 ; V.
aussi: t. II, 1er vol.,n n° 916, p. 831 ; A. WEILL et F. TERRE, précité, nO 985, p. 963.

- 91 -
obligations sans distinction d'originel. En conséquence, l'article 1244 était
considéré comme s'appliquant à tous les débiteurs quelle que soit la nature
civile ou commerciale, contractuelle ou délictuelle, de l'obligation à laquelle
ils étaient tenus2 et quelle que soit la nature du titre de créance sur le
fondement duquel ils étaient poursuivis3.
La réforme du 9 juillet 1991, loin d'être mineure, n'a cependant pas
privé d'actualité toutes les solutions retenues sous l'empire de l'ancien
article 1244. Comme par le passé, les dispositions relatives au délai de grâce
conservent leur généralité d'application; elles concernent, en principe, tous
les débiteurs, de sommes d'argent ou d'autres obligations civiles ou
commerciales, contractuelles ou non, constatées par un titre exécutoire, un
acte notarié ou sous seing privé4 . En effet, contrairement à la loi sur le
surendettement des particuliers, les articles 1244-1 et suivants ne
distinguent pas selon l'origine professionnelle ou non professionnelle des
dettes 5. Par conséquent, il faut continuer à se référer à la jurisprudence
antérieure 6 .
94.- Toutefois, on relève une attitude constante de la jurisprudence
consistant à écarter la demande de délai formée par un débiteur qui fait
l'objet d'une condamnation civile à raison d'un délit pénal. Le motif invoqué
est que les dispositions du Code civil ne peuvent recevoir application lorsque
la dette trouve sa cause dans un délit pour lequel le débiteur a été condamné
par les juridictions répressives7. Cette orientation est sévèrement critiquée
par la doctrine. Que l'origine délictuelle de la dette soit de nature à inciter le
tribunal à ne pas juger digne de protection le débiteur qui a été condamné
pénalement pourrait parfaitement se comprendre. Mais de là à l'exclure a
1
J. MESTRE, Obs. in RT.D. Civ. 1991, p. 735, n04 ; MAZEAUD, obs. in RT.D. civ. 1956, p. 736.
2
Colmar, 15 mai 1956, D.56, 614 ; -
14 mai 1957, J.c.P. 58, éd. G., II, 10371 ; RT.D. Civ. 58, 91,
obs. H. et L. MAZEAUD; Trib. civ. Maux, 9 déc. 1936, G.P. 37, 1,405 ; contra: Paris, 16 nov 1955,
G.P. 56, 2, 30 ; R.T.D. Civ. 56, p. 736, Obs. H. et L. MAZEAUD qui critiqent cette décision.
3
Req., 8 nov. 1892, D.P. 93, 1,33.
4
G. PAISANT, article précité, n08 ; V. aussi: 1. MESTRE, précité, R.T.D. Civ. 1991, p. 735 ; A.
SERIAUX, précité, n° 186, p. 609 et s.
5
Lors de la discussion de la présente réforme, il a été clairement dit que les nouveaux textes vicaient «non
seulement les consommateurs privés mais aussi les professionnels, les commerçants et les entreprises»
(Déclar. Ministre délégué auprès du Garde des Sceaux: J.O. A.N. (CR), 26 AV. 1991, p. 1766).
6
J. MESTRE, obs. sous Paris, 28 nov. 1990, R.T.D. civ. 91, p. 735, n04 ; la même décision dans D. 91,
I.R. 30.
7
Crim., 3 déc. 1981, Bull. crim., nO 322, p. 846; Crim., 17 janv. 1991, R.T.D. civ. 1991,736, obs.
MESTRE; Paris, 16 nov. 1955, G.P. 56,2,30; RT.D. Civ. 56, 736, obs. H. et L. MAZEAUD.

- 92 -
priori et systématiquement du bénéfice du délai de grâce paraît bien
contraire à la portée générale du texte et à la faculté que les juges répressifs
se reconnaissent, par ailleurs et si nécessaire, d'appliquer les textes de droit
civiJl. La discrimination ainsi faite entre les obligations délictuelles selon
qu'elles résultent de la décision d'une juridiction répressive ou de la décision
d'une juridiction de droit commun est infondée, car les dispositions qui
régissent le délai de grâce n'autorisent pas d'exclusive2• Cela n'exclut
cependant pas la possibilité d'interdire le recours au délai de grâce dans
certaines matières.
B· La li.m.itation du recours au délai de grâce
95.- Les dispositions relatives au délai de grâce, nous venons de le
démontrer, sont en principe applicables à toutes les obligations. Il y a
toutefois certaines exceptions qui sont, soit prévues par la loi expressément,
soit déduites des règles d'exécution posées par certains textes. Ces
exclusions de la suspension des obligations par l'octroi de délais de
paiement visent tantôt à assurer l'exécution ponctuelle de certains
engagement en raison de leur nature (1), tantôt à privilégier la résolution du
rapport contractuel (2), tantôt à ne pas retarder indéfiniment une voie
d'exécution (3).
1 . La nécessité d'une exécution ponctuelle de certaines obligations
96.- Il résulte des dispositions des articles 182 et 185 du Code de
commerce qu'aucun délai de grâce ne saurait être accordé pour le paiement
d'un effet de commerce, qu'il s'agisse des lettres de change (art. 182) ou des
billets à ordre (art. 185)3. En effet, du fait que ces titres sont appelés à
circuler quasiment comme des billets de banque, il est indispensable qu'ils
1
J. MESTRE. obs. RT.D. Civ. 91, p. 735 et R.T.D. Civ. 89, p. 312. n011 (contrat et juge pénal).
2
J. ISSA-SAYEGH, article précité, J.-C1., Civ.: art. 1235 à 1248. fasc. 3. N. Rep.: fasc. 69. n041.
3
Sauf dans les cas prévus par les art. 147 et 157 du Code de commerce pour la traite : l'art 147 prévoit en
effet que les garants de la traite. contre lesquels est exercé un recours en paiement peuvent solliciter des
délais de payement auprès du président du tribunal de commerce (al. 2); quant à l'art 157, il autorise la
prolongation des délais de présentation de la lettre de change ou de confection de protêt au cas où un
obstacle insurmontable en a empéché la réalisation. D'autre part. en ce qui concerne les billets de fonds.
billets à ordre émis pour représenter la dette du prix de vente d'un fonds de commerce, des dispositions
temproaires avaient introduit des délais dérogeant au principe du caractère rigoureux de l'échéance (loi des 5
juil. 1933. 19 mai et 6 juil. 1934 et surtout loi du 29 juin 1935. modifiée par les lois des 9 janv. 1936 et
17 juil. 1937).

soient honorés ponctuellement à leurs échéances l , Cette solution est aussi
celle adoptée en matière de chèque, dont la nature n'est pas éloignée de celle
des titres précédents, par l'article 61 du décret - loi du 30 octobre 19352. Les
tribunaux sont d'une grande fermeté dans l'application de ces prohibitions
et refusent ainsi l'octroi d'un délai quelle que soit la nature civile ou
commerciale de l'obligation en vertu de laquelle l'effet a été souscrit3 et
l'appliquent à tous les signataires, y compris les donneurs d'avals4 ,
Parce que l'article 1944 du Code civil, relatif au dépôt, oblige le
dépositaire à restituer la chose déposée aussitôt que la réclame le déposant,
même si un délai a été stipulé par le contrat, on en déduit que le dépositaire
n'est pas admis à bénéficier du délai de grâce5. Cette interprétation est
justifiée par le fait que le dépositaire n'ayant pas le droit de disposer de la
chose dont il a la garde, il doit être en mesure de la restituer à tout moment;
s'il demande un délai, c'est qu'il ne l'a pas à sa disposition, ce qui est en
contradiction avec l'obligation essentielle à sa charge qui est de conserver la
chose.
Par ailleurs, pour certaines dettes non contractuelles à caractère
fiscal et parafiscal envers l'Etat, notamment les impôts et les cotisations de
la sécurité sociale, les juges ne peuvent pas accorder des délais de grâce aux
débiteurs sur la base de l'article 1244 du Code civil6• Dans l'un et l'autre cas,
des délais supplémentaires de paiement ne peuvent être concédés aux
débiteurs justifiant de garanties de paiement suffisantes que par le
percepteur ou par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement des
cotisations et par ceux-là seulement?
1
MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, 1. II, n06ü, p. 55 ; MAZEAUD, 1. Il, 2e vol., n09lü, p. 988 ; J.
ISSA- SAYEGR, article précité, nO 43 et44 ; G. PAISANT, article précité, n08.
2
A l'exception des délais de protêt, art. 61 du Code de commerce infine.
3
Pour la traite: corn., 25 mars 1969, Bull. civ., IV, n0117 ; -
11 janv. 1972, Bull. civ., IV, n018 ;
J.C.P. 72 ,éd. G., IV, 48 ; Lyon, 27 Août 1936, G.P. 1936, 2, 356 ; Pour le billet à ordre: corn. 27
janv. 1959,.R.T.D.Civ. 59, p. 736, obs. BECQUE et CABRILLAC ; Bordeaux, 17 mars 1858, D.P. 59,
2,6; -
24 mars 1859, D.P. 59,2,6; S. 58,2,624.
4
Soc., 25 mars 1981, G.P. 81, 2, pan. juris. 288 ; Bull. civ., V, 256.
5
J.ISSA - SAYEGR, article précité, n049 ; MAZEAUD, 1. II, 2e vol., n091O, p. 918.
6
Soc., 25 mars 1981, Bull. civ., V, n0256 ; G.P. 81, 2, pan. juris., 288 ; Soc., 26 juill. 1951, J.c.P. 51,
éd. G., II, 6445, obs. B.R.
7
Ce principe est à rapprocher de l'art. 12 de la loi du 31 décembre 1989 qui interdit au juge de reporter ou
de rééchelonner, dans le cadre du redressement judiciaire civil, les dettes fiscales ou parafiscales ou envers
les organismes de sécurité sociale.

- 94 -
Signalons aussi que les débiteurs du Crédit foncier ne pouvaient pas
non plus obtenir des délais de grâce en vertu des articles 26 et 27 du décret du
28 février 1852, afin de donner à cette institution les moyens d'entrer
promptement dans ce qui lui est dû!. Cette intransigeance à l'égard des
emprunteurs a été écartée temporairement, pour un an, par la loi du 25
mars 19362 et définitivement par la loi n086-1290 du 23 décembre 1986 dont
l'article 63 abroge l'article 26 du décret précité. Il est à noter que bien avant
cette abrogation, certaines juridictions n'avaient pas hésité à écarter la dite
disposition en invoquant des dispositions particulières récentes3.
Le droit ancien n'a pas subi, sur ces points, des modifications. Mais
le dernier alinéa du nouvel article 1244-1 ajoute une exclusion au domaine
d'application du délai de grâce: les dettes d'aliments. Cette règle constitue
une application de l'idée désormais clairement formulée selon laquelle
l'octroi d'un délai de grâce dépend non seulement de la situation du
débi teur, mais encore des «besoins du créanciers»4. Ici, en effet, il est
apparu normal de protéger avant tout le créancier qui a besoin de l'exécution
ponctuelle de la dette pour vivreS.
2 • Délai de grâce et résolution du contrat
97.- Le recours au délai de grâce est écarté par certains textes
précis relatifs à certaines formes de vente et, d'une manière générale, en
présence d'une clause résolutoire.
La possibilité d'accorder des délais de répit est d'abord exclue dans la
vente à réméré6• La faculté de rachat, que comporte ce contrat, ne peut être
!
J. PREVAULT, obs. sous T.G.I. Laon, Il déc. 1986. J.C.P. 87. éd. G, II, 20808.
2
Toulouse, 5 janv. 1938, G.P. 38, 1,431 ; Trib. civ., Amiens, 3 déc. 1937, G.P. 38, 1,431 ; R.T.D.
Civ.1938, p., 263, obs. MAZEAUD.
3
Lyon, 24 septembre 1987, J.C.P. 88, éd. G., II, 20980 ; T.G.I. Laon, Il déc. 1986, J.C.P. 87, éd. G.,
II,
20808. Cette dernière décision estime, en effet, que l'art. 2 de la loi du 13 juillet 1979 sur
l'information et la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier n'excluant pas les opérations
de prêt faits par le crédit foncier, les règles définies à l'art. 14 et qui font référence à l'art 1244 doivent être
déclarées applicables à ses débiteurs.
4
G. PAlSANT, article précité, n08 ; A. SERlAUX, précité, n0186, p. 611.
S
Ce n'est pas la première fois qu'une loi réserve un sort particulier à cette catégorie de dettes. C'était dejà le
cas avec la loi du 31 déc. 1989, art. Il, al. 4.
6
MARTY RAYNAUD et JESTAZ, t. II, précité, n060, p. 55, ISSA-SAYEGH, article précité, n055. La
vente a reméré est celle dans laquelle le vendeur garde le droit de résoudre la vente et de reprendre la chose
vendue moyennant la restitution du prix principal et des frais du contrat, V. art. 1659 C. civil.

- 95 -
exercée que dans un délai maximum de cinq ans) ; ce délai assez long est de
rigueur et ne peut faire l'objet d'une prolongation par le juge2• D'autre part,
il est déduit des dispositions relatives à la vente d'immeubles et à la vente de
denrées et d'effets mobiliers,notamment les articles 1655 et 16563, et 16574 du
C()de civil, l'impossibilité pour le juge d'accorder des délais de grâce aux
débiteurs. Dans le premier cas, le droit de rachat est neutralisé ipso facto
par l'écoulement du délai de cinq ans et dans les autres cas la survenance
des faits ou actes visés rend la résolution inévitable.
98.- Plus discutée est, en revanche, la question de saVOIr SI, ',en
dehors des cas où la loi le leur permet expressément5, les juges sont en dr..oit
d'accorder aux débiteurs des délais de grâce nonobstant une clause
résolutoire figurant au contrat.
La majorité des auteurs a opté pour une réponse négative en arguant
que dans un tel cas, le tribunal doit se borner à constater l'inexécution et la
résolution ; il ne dispose d'aucun pouvoir lui permettant de ne pas
prononcer la résolution et n'a pas non plus la possibilité d'accorder des
délais une fois que la clause a joué6. Certains auteurs critiquent néanmoins
cette solution rigoureuse. Monsieur J. Issa-Sayegh y voit plutôt une
malencontreuse extension de la solution de l'article 1656 du Code civiF
relatif au contrat de vente d'immeubles et y décèle une contravention au
caractère d'ordre public des dispositions qui régissent le délai de grâce,
auxquelles il ne peut être dérogé que par une disposition législative
)
Art 1660 C. civ.
2
Art. 1661 du C.civ. ; V. Civ., 23 déc. 1845, S. 46, 1.732.
3
L'art. 1655 prévoit la prononciation de la résolution de la vente si le vendeur est en danger de perder la
chose et le prix et l'art 1656 interdit, en cas de clause résolutoire, d'octroyer des délais après mise en
demeure.
4
L'art 1657 du Code civil dispose que «la résolution aura lieu de plein droit, au profit du vendeur et sans
sommation, après l'expiration du tenne convenu pour le retirement».
5
V.art 25 al. 2 du décret-Loi du 30 sept 1953 pour les baux commerciaux; art. L. 261-13 du Code de la
construction et de l'habitation; art. 25 al. 2 de la loi QUll..LOT du 22 juin 1982 et l'art. 19 al. 2 de la
loi MEHAIGNERIE du 23 déc. 1986 ; Loi du 11 déc. 1963 sur les rapatriées d'Algérie; Voir aussi:
Toulouse. 25 mars 1964, G.P. 64, 2, 102 ; Civ. 2e. 16 av. 1986, Bull. civ., III, n041 ; -
23 oct. 1973,
I.C.P. 74, éd. G., II, 17622, note DESIRY ; Civ. 3e, 9 janv. 1991, D.92, 133, note M. SANTA -
CROCE; Civ. 3e, 18 déc. 1991, D.92, I.R. 14.
6
MARTY et RAYNAUD, t. l, n0335 ; I. MESTRE, obs. in R.T.D. Civ. 1987, p. 317, sous Civ. 3e, 4
juin 1986.
7
L'art. 1656 du Code civil dispose que «s'il a été stipulé lors de la vente d'immeubles que, faute de
payement du prix dans le tenne convenu, la vente serait résolue de plein droit,l'acquiéreur peut néanmoins
payer après l'expriation du délai tant qu'il n'a pas été mis en demeure par une sommation; mais, après
cette sommation, le juge ne peut pas lui accorder de délais».

- 96 -
expresse J. Le nouvel article 1244-3 qui répute non écrites les stipulations
excluant l'application des textes régissant le délai de grâce conduit à
s'interroger davantage sur le bien-fondé de cette solution2.
Tout ce qui peut être dit pour le moment, c'est que la jurisprudence
s'est jusque là rangée sur la position d'exclusion des délais de grâce et des
arrêts récents ont réaffirmé le principe selon lequel, «en présence d'une
clause résolutoire déjà acquise, le juge ne peut que constater la résolution de
la convention»3. Ainsi, dès que le législateur a imparti un délai au locataire
pour saisir le juge aux fins d'empêcher le jeu de la clause résolutoire
contractuelle (art. 24 de la loi du 6 juillet 1989) visée par le commandement,
l'inobservation de ce délai prive le locataire de solliciter ultérieurement des
délais de paiement de nature à entraîner la suspension de la clause
résol utoire 4 ; «la demande formulée posterieurement à l'expiration de ce
délai ne peut faire échec à la résiliation définitivement acquise en vertu de la
clause résolutoire»5. Certaines décisions vont même plus loin dans cette voie
très respectueuse de la volonté des parties et de l'article 1134 du Code civil en
considérant que, même lorsque l'application de la clause résolutoire n'est
pas encore acquise parce que le délai conventionnellement prévu à cet effet
n'est pas expiré, il est inutile de chercher à la paralyser en demandant au
juge un délai de grâce. Pour la chambre commerciale de la Cour de
cassation en effet, «seule l'exécution par le débiteur de ses obligations dans
le délai fixé par la mise en demeure peut suspendre les effets de la clause
résolutoire stipulée de plein droit»6.
1
V. Supra n° 91.
2
G. PAISANT, article précité, C.C.C. déc. 91, Chr, p. 4 et S., n09 ; L. LEVENEUR, note sous Com., 17
déc. 1991, C.C.C. fév. 92, fasc. 175, n023. On remarquera cependant qu'auparavant, la doctrine
majoritaire reconnaissait également un caractère d'ordre public à l'ancien arL 1244.
3
Civ. 3e, 16 av. 1986, Bull. civ., III, n041 ; R.T.D. Civ. 87, p. 316, obs. J. MESTRE; Civ. 3e, 26 av.
1989, J.C.P. 89, ed. G., IV, 239; Civ. 3e, 27 mars 1991, Bull. civ., III, n0102. Voir aussi: Civ. 3e, 27
mars 1986, cité par J. MESTRE, RT.D. civ. 87, p. 318 ; Soc., 28 mai 1953, G.P.53, II, 139 ; Civ.
1ère, 26 nov. 1951, Bull. civ. l, n0325.
4
Douai, 4 juin 1992, Rev. huiss. 1992, p. 910.
5
Civ.3e, 27 mars 1991, Bull. Civ., III, n° 102 ; Rev. dr. immob. 1991, p,488. Cet arrêt faisait
application de l' art. L. 261-13 du Code de la construction de l'habitation en cas de non-paiement, par
l'acquéreur d'un immeuble en etat d'achèvement, des versements convenus dans le mois du
commandement et d'absence de demande de délai de grâce par l'acquéreur pendant ledit mois.
6
Com., 17 déc. 1991, C.c.c. fév. 1992, fasc. 175, n023, note L. LEVENEUR. Il faut noter toutefois que
cette décision de la chambre commerciale est en contradiction avec une jurisprudence de la Chambre Civile
et des juridications du fond qui, jusque là, semblait admettre que la saisine du juge avant que la clause
résolutoire n'ait pu jouer entraînait la suspension de cette dernière civ. 3e, 26 mai 1984, Bull. civ., III,
n0100; Aix-En-Provence, 17 mai 1984, G.P. 85, l, 163, note Ph. LATIL.

- 97 -
,-',
:' ",
3· L'exclusion du délai de grâce en vue de favoriser l'exerdg~de
certaines voies d'exécution
99.- La principale question qui s'est posée en ce sens et qui a donné
lieu à d'importantes discussions doctrinales et jurisprudentielles est de
saVOIr si le délai de grâce est applicable dans la procédure de saisie
immobilière et permet au débiteur de demander au juge des référés des
délais pour l'adjudication.
La controverse a duré longtempsl, nourrie par les diverses réformes
intervenues aussi bien en ce qui concerne l'article 1244 alinéa 22 que la
procédure de saisie immobilière3 . Mais la Cour de cassation a fini par
trancher le débat en des termes assez nets en jugeant que les ((articles 702 et
703 de l'ancien Code de procédure civile, réglementant spécialement les
conditions dans lesquelles il est procédé aux enchères des immeubles saisis
et les modalités suivant lesquelles il peut être accordé une remlse de
l'adjudication, se suffisent à eux-mêmes et excluent tout autre mode de
sursis en la matière lorsque la date de l'adjudication a été fixée ; ces
dispositions spéciales doivent être entendues comme dérogeant au droit
commun exprimé à l'article 1244 alinéa 2 du Code civil»4. TI en résulte que si
un délai peut être octroyé antérieurement à l'adjudication, un tel sursis
devient impossible dès que la date de celle - ci est fixée. Cette solution est
approuvée en doctrine et jugée conforme à l'esprit des articles 702 et 703 de
l'ancien Code de procédure civile, desquels il ne se dégage aucune idée de
remise de la date de l'adjudication5.
Cependant, si la Cour de cassation exclut aussi fermement le
recours au délai de grâce dans la procédure de saisie immobilière, les
juridictions inférieures ne se sont pas toujours inclinées devant cette
jurisprudence. C'est ainsi que le Tribunal de grande Instance de
1
J. VIDAL, note sous Civ. 2e, 4 fév. 1965, D.65, 617 et ISSA-SAYEGH, article précité, n067 et s., qui
citent tous les deux une abondante jurisprudence.
2
Notamment-les deux lois des 25 mars et 20 août 1936.
3
V. Décret-Loi du 17 juin 1938.
4
Civ. 2e, 4 fév. 1965, D.S. 1965,617, note VIDAL; dans le même sens, Civ. 2e, 9 oct. 1975, Bull.
Civ. II, n0252 ; J.C.P. 1976, ed. G., II, 6573, obs. J.A. ; Civ. 2e, 20 nov. 1975, J.C.P. 76, éd. G., IV,
15 ; Civ. 25 juin 1975, D.75, I.R. 200 ; G.P. 75, pan. jurid., 222 ; Civ. 2e, 4 janv. 1979, D.79, I.R.
200 ;_ 25 nov. 1987, D.88, 155 ; Basse-Terre, 5 sept. 1989, D.90, 223, obs. J. PREVAULT; Nîmes,
Il mai 1976, J.c.P. 77, éd. G., II, 18608, obs., J.A. ; Civ. 2e, 25 nov. 1987, Bull. civ., II, n0246, p.
136; Civ. 2e, 2 juin 1991, Bull. civ., II, nO 181, p. 97.
5
J. VIDAL, note sous civ. 2e, 4 fév. 1965, D.65, 617.

- 1 Il) -
de revenus, etc. l . C'est en application de cette loi que furent pris les
nombreux décrets de guerre dont le but a été d'obvier aux difficultés créées
par les hostilités.
124.- b) Le déclenchement de la guerre de 1939 suscita à son tour
son lot de mesures en faveur des débiteurs, mais dont on s'était efforcé de
limiter la portée et pour lesquelles l'intervention du juge était, dans la
plupart des cas, requise. Le décret du 1er septembre 1939, en application de
la loi du 19 mars de la même année, permit au président du tribunal, saisi
d'une requête tendant à autoriser des poursuites contre un mobilisé,
d'accorder à la demande de ce dernier des délais dérogeant à l'article 1244
du Code civil et pouvant aller à plus d'un an et de renouveler pour un
maximum d'un an des délais déjà antérieurement accordés, même à des
non-mobilisés. On peut encore citer les dispositions particulières visant les
effets de commerce et la prorogation des délais de protêt2 ou les délais
particuliers renouvelables jusqu'à la fin des hostilités et qui pouvaient être
obtenus par les locataires3 . Une suspension générale des délais fut même
instituée par les lois des 10 juillet et 24 septembre 1940 avant que le juge ne
soit investi du pouvoir de renouveler les délais antérieurement accordés et -.
ceci jusqu'au 1er janvier 1942. Les prisonniers, quant à eux, bénéficièrent de
la suspension des délais jusqu'à l'expiration d'une période de six mois après
leur démobilisation 4 . A la libération, les ordonnances des 22 août et 30
décembre 1944 instituèrent une suspension générale, mais temporaire, des
délais et échéances5 .
125.- c) Cependant, entre les deux guerres, l'éphémère retour de la
paix et par conséquent la fin des conditions anormales qui avaient été la
cause des mesures d'exception adoptées à l'occasion de la première guerre
mondiale aurait dû entraîner, avec la liquidation des moratoires, une
remise en vigueur des principes juridiques traditionnels. Mais la grande
crise économique qui va s'ouvrir à partir tIe 1929 devait, à son tour, amplifier
la législation des moratoires. Ainsi, par les lois des 19 mai et 6 juillet 1934, le
1
J. ISSA-SA YEGH. article précité. nOI 31 ; PLANIOL ct RIPERT. t. VII, n° 1023, p. 366.
2
Loi du 29 octobre 1940.
3
Décret-loi du 26 septembre 1939; V. égalcrncnlloi du 5 juil. 1939 pour Ics locataires mobilisés.
4
Loi du 4 mai 194 I.
5
V. ISSA SA YEGH, article précité, n0139.

- 1 1~ -
Après ces développements sur la notion de moratoire, une meilleure
compréhension exige, en guise d'illustration, une brève analyse de certaines
des nombreuses lois de moratoire adoptées à l'occasion des événements les
plus marquants du siècle.
§2 -Tableau d'analyse de quelques lois de moratoire
122.- De nombreuses lois de moratoire se sont succédées depuis le
début du siècle 1. Elles sont intervenues surtout à l'occasion des guerres, des
crises politiques, économiques ou sociales. La plupart de ces lois à vocation
temporaire ayant cessé aujourd'hui d'être en vigueur et ayant surtout déjà
fait l'objet d'études détail1ées 2, il convient de se limiter à indiquer l'essentiel
des mesures auxquelles ont donné lieu les principaux événements ayant
marqué le XXe siècle.
A - L'évolution historique de la législation des moratoires
1 . Les deux guerres mondiales et la pratique des moratoires
123.- a) Dès le début de la première guerre mondiale, un moratoire
général et automatique fut octroyé. Le gouvernement fut autorisé, par la loi
du 5 août 1914 en son article 2, à prendre par décret en conseil des ministres
toutes mesures pour suspendre l'effet des obligations civiles et commerciales
dans les domaines aussi variés que les loyers, les effets de commerce et
autres dettes commerciales, les dettes hypothécaires des propriétaires privés
La pratique des moratoires remonte cependant au Code Civil. De nombreux moratoires avaient été
imposés tout au long du 18e siècle soit en matière de relations commerciales soit en matière de loyers,
soit au profit des mobilisés, V. Emile DATR Y, thèse précitée, p. 47 et s.
2
S. CARRE, Des moratoires et délais de grâce accord~ aux débiteurs par les textes récents, thèse Paris
1939 ; B. PERRIN, Les délais de procédure et la législation de guerre, G.P. 1941, l, doc., 149 ; Tableau
des moratoires et liquidation, S.1947, 5, 761 ; ROUAULT, Le moratoire des mobilisés, thèse Paris
1940; LEMAITRE, Suspension des délais, joum. no!. 1944, 193 ; SAVAUT-RENAUT, Le droit des
prisonniers de guerre, thèse Paris 1943, E. DATRY, thèse précitée; BLIN, La loi du 6 nov. 1969
instituant des mesures de protection juridique en faveur des rapatriés et des personnes dépossédés de leurs
biens outre-mer, J.c.P. 70, éd. G, l, 2293 ; RIES, L'indemnisation des français dépossédés de biens
situés outre-mer, la loi du 15 juil. 1970 et les perspectives d'avenir, J.c.P. 71, ed. G., 1,2376; P.
LAROCHE-ROUSSANE, Des mesures juridiques tendant à remédier aux difficultés nées de l'interruption
des services postaux en octobre et novembre 1974, Repr. Def., l, art. 30817, p. 1505 ; J. SPlTERI,
1956 - 1988, Les rapatriés d'Afrique du Nord et les Français d'Algérie à la recherche du droit, J.c.P. 89,
éd. G., l, 3386 ; G. RIPERT, Le droit de ne pas payer ses dettes, D.H. 1936, 57.

- 117 -
droi t l . Une telle solution est parfai tement envisageable et rapprocherait
davantage encore le moratoire judiciaire du délai de grâce.
121.- Un rapide examen de la législation des moratoires démontre
très vite que quasiment aucun des nombreux textes intervenus en ce
domaine depuis le début du siècle n'est plus en vigueur aujourd'hui. Que,
au contraire, la volonté du législateur de favoriser, sinon certaines classes
sociales, au moins certaines catégories de débiteurs, prend de plus en plus
la forme de mesures générales et durables, au lieu de textes à vocation
exceptionnelle et temporaire2 . C'est ainsi qu'après une multitude de
moratoires, tantôt légaux, tantôt judiciaires, consentis ponctuellement aux
locataires qui ne pouvaient pas payer leurs loyers, la loi du 1er septembre
1948, pour les locaux à usage d'habitation ou professionnel, et le Décret - loi
du 30 septembre 1953, pour les locaux commerciaux, ont poussé l'évolution
en consacrant les locataires en tant que catégorie de débi teurs protégée en
permanence par la possibilité de recourir à l'article 1244 du Code civiP. C'est
dans le même mouvement qu'un véritable droit de la protection du
consommateur a vu le jour en France et que les textes afférents ont prévu,
non plus des moratoires judiciaires à caractère temporaire, mais des délais
~
de grâce au profit des consommateurs hors d'état de rembourser un crédit.
C'est ainsi que les lois n078 - 22 du 10 janvier 1978 et n079 - 596 du 13 juillet
1979 renvoient
à l'article 1244 pour l'octroi des délais de grâce aux
emprunteurs qui feraient l'objet d'un licenciement4 . L'aboutissement de
cette évolution a été, récemment, la loi votée sur la prévention et le règlement
du surendettement des particuliers qui ouvre de nombreuses possibilités de
réaménagement des
obligations
et pouvant même
aller jusqu'à la
suppression de la dettes.
Cette tendance à l'édification de textes permanents destinés à la
protection collective des débiteurs rapproche davantage le moratoire, et plus
particulièrement le moratoire judiciaire ..... du délai de grâce et corrobore la
constatation que nous avons faite et selon laquelle la spécificité et
l'autonomie de cette institution ont plutôt tendance à s'atténuer.
1
V. O. VEAUX, article précilé, n032.
2
E. PUTMAN, lhèse précitée, n0603, p. 710.
3
La loi du 6 juillel 1989 sur le bail d'habitation a mailenu ce principe, contenu dans l'arl. 24.
4
Art. 8 de la loi du 10 janv. 1978 el art. 14 de la loi du 13 juil. 1979.
5
Loi n089-1010 du 31 déc. 1989, J.O. 2janv. 1990, p. 18; 0.90,165.

- 11() -
ayant un caractère exceptionnel et temporaire, édictée par le législateur en
raison de circonstances» 1.
Cette confusion peut d'abord s'expliquer si l'on considère les
précédents de ces deux notions. Leurs origines historiques qui résident dans
les «lettres d'Etat» et les «lettres de répit»2 démontrent bien que les pouvoirs
habilités à les octroyer n'avaient jamais été assez clairement définis. Tantôt
elles étaient accordées directement par le Roi, tantôt à la demande du Roi,
tantôt par le juge dans sa condamnation indépendamment de toute
recommandation. On peut en dire autant de leurs effets qui ne permettaient
pas non plus de les distinguer de sorte que la seule différence notable tenait
aux personne visées; les lettres d'Etat bénéficiaient aux personnes engagées
au service du Roi hors de leur résidence ordinaire et les lettres de répit
pouvaient bénéficier à toutes les classes de débiteurs.
Du fai t que délai de grâce et moratoire judiciaire nécessitent
l'intervention du juge et que des similitudes existent au niveau de leur
incidence sur l'obligation, on peut dire qu'il existe une quasi-identité entre
les deux notions. Dans l'un et l'autre cas, le juge est appelé à apprécier les
circonstances pour octroyer le bénéfice du délai et pour en fixer la durée. Il
va de soi que la juridiction saisie d'une demande d'application d'une loi de
moratoire va tenir compte de la situation personnelle du débiteur et de
l'incidence, sur celle-ci, des événements auxquels la loi entend répondre et
la décision définitive d'accorder le délai et la durée de celui-ci seront fonction
de l'appréciation qu'elle en aurait faite. Il n'en va pas autrement de l'article
1244 du Code civil qui invite le juge à accorder des délais qui «emprunteront
leur mesure aux circonstances»3.
De la même façon se pose la question de savoir si le moratoire
judiciaire, tout au moins dans certains cas, n'a pas pour effet, comme le
délai de grâce, de ne suspendre que des hlesures d'exécution par opposition
au moratoire légal dont les effets sont plus proches de ceux du terme de
1
Guide juridique Dalloz, Voir Moratoire.
2
V. supra n° 83.
3
Il faut relever que les art. 1244 . 1 à 3 qui remplacent l'ancien art. 1244 al. 2 du Code civil ne reprennent
pas ceUe formule. Mais. sans doute que l'esprit de la loi est demeuré inchangé sur ce point.

- 115 -
similitude frappante avec le terme si bien que, sur le plan de leurs effets, on
peut dire que le moratoire légal et le terme de droit parviennent au même
résultat l . En considération de ces analyses, il s'avère qu'en définitive la
distinction entre moratoire légal et terme de droit est fort mince et tient
principalement aux procédés utilisés.
On peut même relever un rapprochement entre moratoire légal et
délai
de
grâce
dans la mesure
où le
premier pourrait nécessiter
l'intervention du juge, comme dans le moratoire judiciaire, si un créancier
venait à réclamer l'exécution de sa créance en dépit du moratoire.
Remarquons toutefois que dans ce cas, le juge se bornera à constater le jeu
du moratoire, alors que dans le moratoire judiciaire et le délai de grâce, il
apprécie l'octroi et la mesure du délai.
2 - Moratoire judiciaire et délai de grâce
120.- La confusion terminologique entretenue par la doctrine entre
délai de grâce et moratoire et le parallèle constamment fait entre les deux
notions montrent bien que la frontière qui les sépare reste assez ténue et le
devient davantage lorsqu'il s'agit d'un moratoire judiciaire. En effet, dans
leurs définitions, les auteurs ont du mal à dégager la notion de moratoire de
celle de délai de grâce; ainsi, pour R. Perrot et C. Giverdon, "le moratoire
s'oppose au délai de grâce qui, lui aussi, a pour résultat de suspendre
l'exercice des mesures d'exécution à l'encontre des débiteurs de bonne foi
victimes de circonstances économiques»2. Cette ambiguïté du vocabulaire est
encore plus remarquable chez G. Ripert et J. Boulanger pour qui «le
moratoire est un délai de grâce accordé, non pas en considération de la
personne d'un débiteur déterminé, mais à une catégorie de débiteurs ou
pour une catégorie de dettes, à raison de circonstances générales rendant
impossible ou difficile le paiement de ces dettes»3. De la même façon, le
Guide Juridique Dalloz définit le moratoire comme "une mesure de grâce
obligations, et qui suspendent les délais de procédures, de prescription ou de forclusion à J'occasion de
certains événements telles que grèves, émeutes, etc. V. par ex. : Loi n074-1115 du 27 déc. 1974, prise à
l'occasion de l'interruption des services postaux en octobre et novembre 1974, V. le commentaire de D.
LAROCHE - ROUSSANE, Rep. Dcfr. 1974, art. 30817, p. 1505 et s.
1
V. E. PUTMAN, thèse précitée, n0602, p. 707.
2
R. PERROT et C. GIVERDON, article précité, n02.
3
RIPERT et BOULANGER, t. II, n01503, p. 556.

- 114 -
de circonstance et doit, en général, recevoir application que le temps de la
période
d'instabilité l . Il s'agit donc de mesures prises dans le but de
soulager certains débi teurs, mais qui vont en général au-delà des pouvoirs
reconnus par le Code civil aux juges. Ces mesures sont le plus souvent
d'application automatique dans la mesure où la loi spéciale qui les prévoit
fixe les conditions de bénéfice ainsi que la durée des délais qui seront
accordés. Mais il n'en est pas toujours ainsi et dans certains cas, la loi de
moratoire ne fixe pas elle-même directement le délai qui est accordé au
débiteur et confie au juge le soin de le déterminer2. Dans le premier cas, on
parle de moratoires légaux et dans le second, de moratoires judiciaires. Il
convient néanmoins de souligner que même judiciaire, le moratoire suppose
toujours une loi spéciale attribuant ce pouvoir exceptionnel au juge3 .
Cette distinction a cependant une incidence sur le plan de la
technique juridique du fait qu'elle contribue à rapprocher le moratoire légal
du terme de droit et le moratoire judiciaire du délai de grâce et atténue, de ce
fait, la spécificité du moratoire.
B - Une spécificité atténuée sur le plan de la technique juridique
118.- Le particularisme du moratoire, par rapport aux techniques
de suspension des obligations comparables, est tempéré en ce qui concerne
les mécanismes juridiques et les effets sur les créances.
1 . Moratoire légal et tenue de droit
119.- Une obligation est dite à terme lorsqu'elle ne peut être exigible
qu'un certain temps après sa naissance4 . Le terme consiste donc en une
modalité surajoutée à l'obligation et qui fixe des échéances pour l'exigibilité.
Or, les moratoires légaux ne font pas autre chose que d'accorder aux
débiteurs des prorogations d'échéances "bu d'adjoindre des échéances à des
obligations qui n'en comportaient pas auparavant5 . Il se dégage ainsi une
A. WEILL et F. TERRE, précité, n0921, p. 917 ; MARTY, RAYNAUD et JE5TAZ, t. II, n066, p. 59 ;
P. PERROT et G. GIVERDON, n03.
2
Voir note ci-dessus.
3
V. note ci-dessus.
4
Art. 1185 du Code civil.
5
Nous faisons, bien entendu, absLIaction d'une auLIe catégorie de moratoires, éLIangère à la théorie des

- 113 -
difficile l'exécution des obligations ou de certaines obligations l . Le moratoire
peut, soit être une mesure générale suspendant les échéances pour tous les
débiteurs 2 , soit être accordé à une certaine catégorie de débiteurs), soit
affecter une catégorie bien définie de dettes 4 . Parfois même, le législateur
établit parmi les débiteurs des distinctions en fonction de la catégorie sociale
des individus, celle-ci étant déterminée par l'état de fortune de chacun.
Ainsi, par exemple, le moratoire peut être accordé seulement à ceux qui ne
payent pas un loyer dépassant un certain montant ou qui ne sont pas
assujettis à l'impôt sur le revenu5.
Cette discrimination faite entre les débiteurs ou entre les dettes ne
permet toutefois pas de confondre certains moratoires avec le délai de grâce.
Car, malgré d'ailleurs la généralité des termes du Code civil, le délai de
grâce conserve son caractère de mesure individuelle octroyée par le juge en
tenant compte de l'incidence de la situation économique et sociale sur la
situation personnelle du débiteur et en vertu d'un texte permanent du Code
civil, alors que le moratoire produit ses effets indépendamment des
considérations personnelles et en vertu de dispositions législatives
ponctuelles 6.
2 - Le moratoire est une mesure législative
117.- La particularité des mesures de suspension des obligations
résultant d'une loi de moratoire, par rapport aux autres procédés de fixation
de délais de paiement et de report d'échéances, est que son bénéfice ne peut
résulter que d'une loi exceptionnelle et temporaire. Une telle loi est en effet
R. PERROT et C. GIVERDON, article précité, n04 ; RIPERT et BOULANGER, l. II, n01503, p. 556 ;
A. WEILL et F. TERRE, précité, nonl, p. 916 et 917 ; MARTY, RAYNAUD et JE5TAZ, précité,
n066, p. 59.
2
Expl. : la loi du 5 août 1914 qui avait autorisé le gouvernement à prendre par décret toutes mesures pour
suspendre l'effet des obligations civiles et commerciales en raison de l'état de guerre.
)
Expl. : foi du 21 août 1936 instituant un moratoire e~ faveur des commerçants; Décret loi du 1er sept
1939 donnant au juge Je pouvoir d'accorder des délais aux mobilisés et aux prisonniers de guerre en dehors
de l'arl. 1244 ; lois des II déc. 1963,6 nov. 1969 et 15 juil. 1970 instituant un moratoire en faveur des
rapatriés d'Afrique du Nord.
4
Exp!. : loi du 9 mars 1918 pour les loyers; loi du 29 juin 1935, modifiée par la loi du 9 juin 1936, pour
les prix de vente des fonds de commerce; loi du 27 janv. 1910 pour les effets de commerce.
5
R. PERROT et C. GIVERDON, article précité, n04.
6
On peut noter une analogie avec les règles qui régissent l'appréciation de la faute en matière de
responsabilité. L'octroi du délai de grâce appcllerait une appréciation in concreto en tenant compte de la
situation personnelle de chaque débiteur, alors que le bénéfice d'une loi de moratoire s'apprécierait in
abstracto,
par référence à des considérations définics pour tous par la loi.

- 112 -
considérablement atténuée sur le plan de la technique juridique proprement
dite (B).
A· Les caractéristiques du moratoire
115. -
La
différence
du
moratoire
par
rapport
au
terme
conventionnel ou de droit est celle que l'on perçoit le mieux. Les mesures de
moratoire ont un caractère très différent de celui des règles du Code civi]l et
les finalités des deux institutions sont inconciliables. Mesures temporaires
exceptionnelles et de faveur imposées par une loi ponctuelle pour répondre à
des périodes de crise, les moratoires s'opposent absolument aux termes de
droit qui remettent à plus tard l'exigibilité des obligations, le plus souvent
conventionnellement et rarement sur un fondement légal.
Par contre, le moratoire peut être plus facilement rapproché du délai
de grâce qui, lui aussi, est une mesure de faveur accordée au débiteur à
raison de la situation difficile dans laquelle il se trouve et a pour effet de
suspendre les mesures d'exécution 2. L'un et l'autre s'inscrivent dans le
cadre d'une politique générale qui consiste à protéger les personnes obligées "
face aux difficultés inhérentes au système économique actuel et qui sont de
plus en plus prises en compte par le droit positif3. Cependant, malgré cette
commune finalité, le moratoire comporte certains caractéristiques qui lui
confèrent une nature spéciale et le rendent autonome par rapport aux délais
prévus par l'article 1244 alinéa 2 du Code civil. Le moratoire est notamment
une mesure collective (1) et législative (2).
1 . Le moratoire est une mesure collective
116.- A la différence du délai de grâce qui est une mesure
individuelle prise par le juge, à son appréciation, en considération de la
position d'un débiteur déterminé et de lê:'î situation économique, le moratoire
est une mesure collective destinée à un nombre indéterminé de personnes et
visant à répondre à des circonstances générales rendant impossible ou
1
V.art.1185à1188.
2
MARTY et RA YNAUD et JESTAZ, L II, n066, p. 59 ; P. PERROT et C. GIVERDON, article précité,
n02.
3
L. JOSSERAND, L'ordre juridique nouveau, D.H. 1937, Chr., 41 et s.

- 111 -
été la conséquence ont amené le législateur à adopter une loi qui prévoit des
mesures propres à permettre le règlement de telles situations et dont les
implications sur le plan de l'exécution des obligations justifient son étude
dans le cadre de ce travail (Section II).
SECTION 1 : LES LOIS DE MORATOIRE
113.- Comme le délai de grâce, le moratoire est une atteinte à la
force obligatoire des contrats et vise à venir en aide à des débiteurs dont les
capacités de paiement sont gravement compromises par les circonstances.
Il doit être remarqué qu'il n'y a, dans aucun texte, une définition
générale du moratoire; l'acception couramment donnée à ce terme a été
dégagée par la doctrine de l'observation des multiples lois successives
intervenues!. Ainsi, le moratoire peut être défini comme «une mesure
législative exceptionnelle par laquelle on suspend les paiements et ajourne
les échéances en raison de circonstances d'une gravité elle - même
exceptionnelle»2.
Mais, la plupart des auteurs caractérisent le moratoire en le
distinguant des institutions voisines que sont le délai de grâce et le terme de
droit3. TI convient donc de démontrer dans quelle mesure cette institution est
autonome et revêt une nature spéciale (§1) avant de faire un bref rappel
historique des principaux textes de moratoire pris au cours de ce siècle (§2).
§1 -Une institution autonome et de nature spéciale
114.- La nature spéciale et l'autonomie de la notion de moratoire se
manifestent en ce qui concerne ses caractéristiques (A). Mais cette
spécificité par rapport au terme de droit et au délai de grâce se trouve
1
V. RIPERT el BOULANGER, l. II, n01503, p. 556 ; P. PERROT el C. GIVERDON, Rép. Civ. Dalloz,
V. Moraloire, n~ ; ISSA-SAYEGH, article précilé, n0129.
2
J. ISSA-SA YEGH, article précité, n0129.
3
MARTY, RAYNAUD el JESTAZ, l. II, n066, p. 59; A. WEILL el F. TERRE, précité, non1, p. 916 ;
MAZEAUD, l. II, 1er vol.. n0915, p. 990 ; E. PUTMAN, lhèse précitée, n0601, p. 707.

- 110-
CHAPITRE II :
LES AUTRES TEMPERAMENTS A LA FORCE OBUGATOIRE DES
OBLIGATIONS CONTRACTUELLES
112.- L'octroi d'un délai de grâce obéit à un ensemble de règles qui
ne rendent pas son obtention nécessairement évidente. En effet, du fait que le
juge apprécie de manière souveraine les circonstances de chaque espèce, il
est possible qu'il reste insensible à certains faits qui, pourtant, pourraient
revêtir une importance considérable dans la situation personnelle du
débiteur. D'autre part, le délai de grâce comporte un certain nombre de
limites qui tiennent tant à son caractère individuel qu'a sa durée limitée; de
ce fait, une telle mesure peut se révéler inadaptée à certaines situations
d'une gravité telle qu'elles concerneraient plusieurs personnes à la fois ou
s'étendraient sur une longue période. Par ailleurs, l'accessibilité au crédit et
la multiplication des moyens de paiement ont permis une rapide
progression de la consommation, ce qui a conduit à un surendettement des
ménages français de sorte qu'une réglementation spéciale est devenue
nécessaire 1•
De cette inadéquation des mesures édictées par le droit commun à
certaines circonstances dont la spécificité et la gravité va au - delà des
prévisions du Code civil, il résulte la nécessité de concevoir d'autres
techniques de suspension des obligations contractuelles susceptibles de
pallier de telles situations. Aussi d'autres tempéraments, le plus souvent
dérogatoires aux dispositions de l'article 1244 du Code civil2, sont-ils
apportés aux principes de l'article 1134 du Code civil pour répondre à des
situations· exceptionnelles. Les lois de moratoire ont, à ce titre, toujours
constitué le recours le plus fréquent du législateur (Section n. La
multiplication des ménages surendettés et les problèmes sociaux qui en ont
1
V. Loi du 31 d&:embre 1989 sur la prévention et le règlement du surendettement des particuliers.
2
Devenu après la loi du 9 juillet 1991 an. 1244-1 à 3.

Une remarque identique peut être faite au sujet d'autres mesures
exceptionnelles de faveur, tempéraments elles-aussi à la force obligatoire
des conventions et résultant non plus du Code civil, mais des lois de
moratoire ou de l'application de la loi sur le surendettement des particuliers
et des familles.
: ~.

- IOX-
signification de son arrêt, même si la durée totale du délai excédait le
maximum légaJ!. Cet arrêt entend-il permettre au juge du fond d'accorder
en appel de nouveaux délais atteignant le maximum légal alors même que le
juge de première instance a déjà épuisé cette faculté? Ce serait, à notre avis,
ouvrir la possibilité d'accorder des délais sans fin, sous la réserve que,
chaque fois, il ne soit pas octroyé plus de la durée maximale et la limitation à
deux ans, dans ces conditions, n'aurait alors presque plus de portée. La
bienveillance pour les débiteurs malheureux qui, au demeurant, est
compréhensible, ne devrait pour autant pas permettre de passer outre des
dispositions législatives pourtant sans équivoque2 . L'examen de la
jurisprudence récente montre cependant que cette décision, qui remonte à
plus de vingt cinq ans, n'a pas obtenu un écho favorable auprès des juges du
fond.
111.- Une autre question, qui n'est pas souvent évoquée, mais qui
peut être d'un grand intérêt notamment pour le créancier, se pose: le délai
octroyé peut - il faire l'objet d'un abrègement?
A notre avis, le sursis, dont le renouvellement est admis dans
l'intérêt du débiteur, doit également être révocable dans l'intérêt du
créancier à la suite d'un changement de circonstances. On ne saurait
tolérer que le créancier attende l'expiration du délai alors que le débiteur
serait déjà en mesure de s'exécuter. La possibilité d'abréger le délai est
d'autant plus admissible que le délai de grâce ne suspend pas l'exigibilité de
l'obligation, il diffère simplement son exécution3 et une fois celle - ci
redevenue possible, il serait injuste d'imposer au créancier d'attendre plus
longtemps. Dans l'esprit de la loi, l'octroi d'un délai de grâce est une mesure
exceptionnelle qui ne doit intervenir que pour autant qu'elle contribue à
assouplir la difficile situation qui accable le débiteur. La suspension des
obligations contractuelles sous cette forme n'est qu'une dérogation aux
principes fondamentaux du droit des contrats qu'incarne l'artic1e 1134,
alinéa 1er, du Code civil.
1
Ass. plen., 30 Av. 1964, J.C.P. 64, éd. G., Il, 13735, obs. P. ESMEIN.
2
P. ES MEIN, note sous Ass. plen., 30 Av. 1964, J.C.P. 64, éd. G., Il, 13735.
3
Voir infra nO 271 bis et s.

- 107 -
emprunter leur mesure aux circonstances sans pour autant dépasser deux
ans, c'est en violation de ce texte qu'un tribunal des affaires sociales a
accordé à un allocataire des délais de paiement excédant cette durée pour se
libérer du remboursement d'allocations familiales indûment perçues»).
Qu'est-ce qui détermine la durée du délai de grâce?
Le juge dispose, nous l'avons déjà dit, d'un pouvoir souverain
d'appréciation pour accorder ou refuser une telle faveur; il semble qu'il en
est de même pour ce qui est de la durée du délai. Les tribunaux étaient
simplement invités, par l'ancien texte, à
accorder des délais qui
«emprunteront leur mesure aux circonstances». Ce qui revenait sans dout,e
à prendre en considération les éléments d'appréciation que nous avons déj~
évoqués2. Cet état du droit, comme ceci a déjà été souligné, n'a probablement
pas changé avec la dernière forme.
110.- Très souvent se pose le problème du renouvellement des
délais. Le législateur a - t - il voulu interdire tout dépassement de la durée de
deux ans
tant par l'octroi
d'un
délai
unique
que par le jeu de
renouvellements successifs de délais de durée inférieure à deux ans? C'est
incontestablement la solution qui a été retenue aussi bien pas la
jurisprudence que par la doctrine qui admettent la possibilité que le juge
proroge le délai accordé à un débiteur, pourvu que la durée cumulée ne
dépasse pas le maximum de deux ans3.
Cette interdiction d'accorder des délais successifs d'une durée totale
supérieure à la durée légale se justifie, car la limitation serait illusoire s'il
était permis de la contourner en accordant des délais successifs chacun
inférieur à deux ans4 . C'est la raison pour laquelle on comprend mal la
décision de la Cour de cassation, rendue en Assemblée plénière, qui a admis
qu'une Cour d'appel pouvait, en modifiant une ordonnance de référé
accordant un délai de grâce, en accorder elle-même un à dater de la
1
V. Bull.. civ. 1991, V, n0144.
2
V. Supra nO 106.
3
MARTY RA YNAUD et JESTAZ, t. II, n063, p. 57, ; V. aussi: Paris, 3 déc. 1965, a.p. 66, 2, 30 ;
Colmar, 23 déc. 1936, a.p. 37, 1,336.
4
Civ. 1ère, 6 juillet 1959,0.59,393.
.:

- 106 -
qu'il s'agit d'une faveur exceptionnelle, il est normal que son octroi soit
motivé et que le refus ne le soit pas, car, s'il en était autrement, le délai
cesserait d'être une faveur, mais un véritable droit pour le débiteur l .
Après avoir étudié les règles relatives au domaine d'application du
délai de grâce et à la compétence des juges devant statuer en la matière, il
reste à définir les caractéristiques essentielles du délai pouvant être ainsi
accordé.
§3 -Les caractéristiques du délai de grâce
109.- Evoquer les caractéristiques que doit revêtir le délai que les
juges peuvent accorder revient à poser essentiellement la question de la
durée du délai de grâce. L'ancien texte de l'article 1244 disposait, de façon
assez nette. que les délais «emprunteront leur mesure aux circonstances,
sans toutefois dépasser deux ans». Cet acquis de la loi du Il octobre 1985 n'a
pas été remis en cause par la réforme du 9 juillet 19912 ; le nouvel article
1244-1, alinéa 1er, dispose, en effet, que «le juge peut, dans la limite de deux
années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues».
Certains auteurs ont estimé qu'il s'agissait là que d'une indication et
non d'une règle impérative3. Une telle opinion semble parfaitement
erronée; la disposition légale est assez claire pour qu'un autre sens lui soit
attribué. Comment, en effet, interpréter autrement un texte qui dit que les
délais sont accordés «dans la limite de deux années» ? Il est incontestable
que la fixation d'une durée maximale restreint les pouvoirs du juge et rend
celle-ci «indépassable»4. Tel est le sens de l'arrêt de la chambre sociale de la
Cour de cassation du 14 mars 1991 qui décide que «l'article1244, alinéa 2, du
Code civil, autorisant le juge à accorder des délais de grâce qui doivent
S. GUINCHARD, article précité, n020 : cet auteur nuance cependant sa position en relevam que compte
tenu duprincipe général de la motivation des jugements (art. 455 du nouv. Code de procédure civile), le
juge devrait motiver sa décision, même en cas de refus du délai, lorsque ce délai a été sollicité par voie de
demande principale.
2
Dans sa rédaction primitive, le législateur avait simplement recommandé aux juges d'accorder «des délais
modérés» ; la loi du 20 août 1936 avait fixé le délai maximal à un an et c'est dépuis la loi du I l octobre
1985 que cette durée maximale est passée à deux ans.
3
J.-M. PANSIER, thèse précitée, p. 40.
4
J.-M. PANSIER. thèse précitée, p. 40.

- 105 -
le délai de grâce n'est pas liée au caractère d'ordre public de celui-ci J. Le fait
qu'une disposition soit d'ordre public implique seulement l'iIIicéité de la
convention contraire2 ; pour que le juge puisse, d'office, user de son pouvoir
modérateur, il convient que les textes l'autorisent à agir ainsi. Si le juge peut
accorder d'office un délai de grâce, c'est parce que l'article 511 du nouveau
Code de procédure civile le lui permet implicitement, même au cas où le
débiteur est défaillant. Ce texte dispose en effet, que «le délai court du jour
du jugement lorsque celui-ci est contradictoire, il court, dans les autres cas,
que du jour de la notification du jugement». Il en résulte que le juge peut
faire jouer le pouvoir qui lui est reconnu alors que le débiteur, absent de la
procédure, n'avait pas manifesté la volonté d'en bénéficier3•
108.- Du pouvoir souverain d'appréciation des juges, il est
également déduit que ceux-ci ne sont pas tenus de motiver leur refus
d'accorder le délai demandé par le débiteur4. Ce principe a été, maintes fois,
affirmé par la Cour de cassation : «le pouvoir conféré aux juges par l'article
1244 du Code civil étant purement discrétionnaire, il n'était pas besoin, par
suite, que le rejet des conclusions dans lesquelles un délai leur est demandé
soit motivé, ni même prononcé d'une manière expresse, le silence des juges
prouvant suffisamment leur volonté de ne point donner au demandeur un
pareil délai»5. Cependant, le fait qu'au contraire, l'article 510 du nouveau
Code de procédure civile oblige les juges à motiver les décisions d'octroi de
délais de paiement amène à se demander si les refus ne devraient pas, de la
même façon, faire l'objet de motivation. Cette question mérite d'autant plus
d'intérêt que le délai de grâce, bien que mesure de faveur, résulte d'une
disposition d'ordre public et vise, dans un but d'humanité, à remédier à des
situations dont l'impact économique et social n'est pas négligeable. Mais il
faut reconnaître que malgré tous ces arguments, les solutions retenues par
le droit positif sont fidèles à la nature du délai de grâce. En effet, étant donné
1
V. Les termes de l'art. 12443 ; V. aussi G. CORNU, obs. in R.T.D. civ. 1978.380.
2
On se souviendra par exemple qu'avant l'intervention de la loi du Il oct 1985, la cour de cassation avait
denié au juge le pouvoir de modérer. en l'absence de toute demande formulée en ce sens. les pénalités
contractuelles manifestement excessives (Corn., 20 oct. 1985, J.c.P. 85. ed. G., II, 20433, note G.
PAlSANn. Pourtant la loi du 9 juillet 1975 avait fait de l'art. 1152 al. 2 du Code civil une disposition
d'ordre public.
3
G. PAISANT, article précité, nOIO.
4
S. GUINCHARD, article précité, n019.
5
Req.• 7 juin 1859, S. 60, l, 177 ; D.60, 1,21 ; -
8 nov. 1892, D. 93, 1,33 ; -
19 juillet 1920, S.
21. l, 132; -
31 oct. 1928. S. 29, 1,32; Trib. civ. Corbeil, 12 nov. 1936, G.P. 37, l, 186.

- 104 -
Cour de cassation à modifier la jurisprudence précitée!. Il faut seulement
relever que la mesure de répit doit être à la fois justifiée par la situation du
débiteur et compatible avec les besoins du créancier. Ce qui n'est pas en fait
une nouveauté, puisqu'avant la réforme, les juges pouvaient prendre en
considération les besoins du créancier. D'ailleurs, le principe étant que les
éléments d'appréciation énoncés par les textes ne sont pas des conditions
d'octroi du délai de grâce2, rien n'interdit au juge de se référer, de la même
manière, à la «situation économique». En demandant aux juges de prendre
en compte la «situation du débiteur» et les «besoins du créancier», le
nouveau texte ne limite pas pour autant les pouvoirs d'appréciation du juge
qui restent souverains.
C • Les pouvoirs de la juridiction saisie
107.- La juridiction appelée à statuer sur une demande de délai de
paiement dispose d'un «pouvoir
souverain» dans l'appréciation de
l'opportunité d'une telle mesure3 ; l'expression «pouvoir discrétionnaire» a
même été utilisée à plusieurs reprises4. Les juges peuvent donc tenir compte
de tout élément relatif, soit à la situation du débiteur ou du créancier, soit
aux intérêts des tiers, pour décider si le demandeur peut ou pas bénéficier
d'un délai d'exécutions. Leur décision échappe au contrôle de la Cour de
cassation6•
TI est même admis que les juges peuvent accorder d'office des délais
alors même que le débiteur n'aurait pas sollicité cette faveur7• Cette opinion
est justifiée par le fait que les dispositions relatives au délai de grâce sont
d'ordre public8. Mais à vrai dire, la possibilité qu'a le juge d'octroyer d'office
1
V. G. PAISANT, article précité, n016.
2
G. PAISANT, article précité, n016
3
Civ. 3e, 23 juin 1965, Bull. civ., III, n0396 ; civ. 2e, 10 juin 1970, Bull. civ., Il, n0201 ; -
24 mars
1971 Bull. civ., II., n0131 ; -
28 mai 1973, Bull. civ., Il, n0l20 ; Corn., 20 oct, 1973, J.C.P. 73 éd.
G., IV, 370 ; Corn., 9 janv. 1974, Bull. civ., IV, n014.
4
Req., 7 juin 1859, D.P. 60, 1,21 ; -
8 nov. 1892, D.93, 1,33 ; Civ. 1ère, 5 juillet 1988, Bull. civ., l,
n0216; Rep. Defr. 1989, art. 34470, n01O, obs. J-L. AUBERT; Angers, 17 déc. 1937, G.P. 38,1,398.
5
ISSA-SAYEGH, article précité, n085.
6
MAZEAUD, t. II, 1er vol., n0911, p. 988 ; V. aussi Corn., 10 fév. 1959, Bull. civ., III, non; Soc., 12
av. 1956, D.56, Somm., 110.
7
Colmar, 15 mars 1956, D.56, 614.
8
V. Supra nO 91.

- 103 -
commun, il instituait une exception tellement large qu'elle revenait, en
réalité, à une compétence générale, alors que la législation nouvelle ne
semble admettre que des dérogations émanant de textes particuliers.
Quoi qu'il en soit, il est souhaitable qu'une clarification soit faite sur
ces' questions de procédure et il faut espérer que les décrets d'application de
la loi nouvelle l'apporteront.
B· Les éléments d'appréciation
lO(t- L'ancien article 1244, alinéa 2, du Code civil invitait les juges à
statuer «en considération de la position du débiteur et compte tenu de la
situation
économique». La Cour de cassation en a conclu que cett~
disposition permettait aux tribunaux d'accorder ou de refuser des délais d~
grâce suivant la bonne ou mauvaise foi du débiteurl , l'étendue et la durée de
la gêne 2, les mesures que le débiteur prend pour en sortir, les liens de
parenté ou d'amitié qui l'unissent au créancier, ainsi que toute autre
considération de cet ordre3. La situation économique générale, du fait qu'elle
peut contribuer à aggraver la difficile situation du débiteur et perturber
l'économie du contrat, pouvait également justifier une mesure de clémence.
Toutefois, ces éléments d'appréciation exposés par l'article 1244 alinéa 2
n'avaient pas valeur de conditions d'application de ce dernier, car les juges
disposaient d'un «pouvoir souverain» pour apprécier si les délais pouvaient
être accordés4 .
Le nouvel article1244-1, alinéa 1er, invite les juges à apprécier une
demande d'obtention de délais de paiement «compte tenu de la situation du
débiteur et en considération des besoins du créancier». Ainsi, toute
référence à la «situation économique» est abandonnée; elle est remplacée
par le critère des «besoins
du
créancier». Il est probable que ce
remplacement de l'un des éléments d'appréciation du juge n'incitera pas la
1
Corn., 23 janv. 1953, D.53, 197; Soc., 12 av. 1956, Bull. civ., IV, n0318; D.56, Somm., 110; Corn.,
5 mai 1959, Bull. civ., m, n0190; Civ. 1ère, 8 ocL 1962, Bull. civ., l, nO 403.
2
Corn., 10 juin 1963, Bull. civ., III, nO 284 ; Corn., 8 fév. 1972, J.c.P. 1973, ed. G., Il, 17386, note
Ph. KAHN.
3
MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, t. II, n061, p. 56 ; J. ISSA-SAYEGH, article précité, n085.
4
Req., 7 juin 1859, D. 1860, l, 21 ; -
8 nov. 1892, D.P. 1893, 1,33 ; Civ. 3e, 23 juin 1965, Bull.
civ., m, n0396 ; Civ. 2e, 10 juin 1970, Bull. civ., II, n0201 ; Civ. 1ère, 5 juillet 1988, Bull. civ., l,
n0216 ; Rep. Defr. 1989, art. 34470, nOIO, obs J-L. AUBERT.

- 102 -
suffit au débiteur impécunieux de saisir le juge d'instance, par simple
déclaration au greffe, en vue de l'obtention de délais de paiementl . Or, la loi
qui a supprimé cette double compétence du juge des référés est celle du 31
décembre 1989 sur le surendettement des particuliers et des famiIles 2 qui, à
maints égards, est très proche des nouvelles dispositions qui régissent le
délai de grâce; il est donc possible qu'elle n'ait fait que présager la présente
réforme3. On peut aussi relever qu'en matière de bail d'habitation, l'article
24 de la loi du 6 juillet 1989 qui prévoit également l'octroi des délais de
paiement ne fait plus mention du juge des référés, contrairement aux
dispositions précédentes de la loi du 23 décembre 19864• De plus, la nouvelle
loi sur les procédures civiles d'exécution institue un «juge de l'exécution»
appelé à connaître, entre autres, «des difficultés relatives aux titres
exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution... »5.
Sa compétence en matière de délai de grâce apparaît dans la logique des
choses; ce délai n'est-il pas destiné à suspendre «les procédures d'exécution
qui auraient été engagées par le créancier»6 ?
Il faut bien reconnaître que l'institution de ce nouveau juge et
l'attribution de la compétence du juge des référés au juge d'instance dans
certains cas particuliers signalés plus haut réduisent considérablement le
champ d'intervention du juge des référés en matière de délai de grâce. Mais
en l'état actuel des textes, on ne peut pas véritablement soutenir que la
compétence du juge des référés a totalement été supprimée; il conserve, en
effet, une compétence, il est vrai résiduelle, en présence d'une disposition
expresse en ce sens7 . Cette situation n'est pas en fait très éloignée de
l'ancien système où l'article 1244 alinéa 3 du Code civil était clairement
présenté comme une exception à l'article 510 du Code de procédure civile8 ;
ce dernier, rappelons le, n'a pas fait l'objet de modification. La seule
différence est que l'alinéa 3 de l'ancien article 1244 étant un texte de droit
1
V. Respectivement art. 8 de la loi du 10 janvier 1978 et art. 14 de la loi du 13 juillet 1979.
2
V. Art. 13 et 14 de la loi du 31 décembre 1989.
3
V. S. GUINCHARD, article précité, n017.
4
V. notamment art. 19 de la loi du 23 décembre 1986.
5
V. art. 8 de la loi du 9 juillet 1991.
6
Art. 1244-2 du Code civil; V. G. PAISANT, article précité, n022 ; l'art. 8,alinéa 2,du décret nO 92-755
du 31 juillet 1992, portant application de la loi du 9 juillet 1991, précise en effet que «le juge de
l'exécutionne peut modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni
en suspendre l'exécution si ce n'est dans les cas prévus par la loi pour l'octroi du délai de grâce».
7
C'est le cas par exemple de l'art. L.613-1 du Code de la construction et de l'habitation, rédaction 1991.
8
V. Supra nO 104.

- lOI -
conçoivent, lorsque le délai de grâce a été sollicité après un jugement
définitif, que si des circonstances nouvelles tenant aux éléments visés par
l'article 1244 du Code civil se sont révélés postérieurement à la décision!.
En conclusion, avant la loi du 9 juillet 1991 et jusqu'à son entrée en
vigueur prévue le 1er janvier 19932 , deux juges peuvent, selon les
circonstances, être sollicités pour l'obtention du délai de grâce : celui
condamnant à l'exécution ou le juge des référés, ce dernier statuant, le cas
échéant, par ordonnance postérieure au jugement de condamnation3. La
nouvelle législation des procédures civiles d'exécution est venue perturber ce
bel agencement des textes.
2· L'état du droit après la réforme du délai de grâce par la loi du 9
juillet 1991
105.- Aucun des quatre articles issus de l'éclatement de l'article
1244 alinéa 2 du Code civil ne mentionne plus la compétence du juge des
référés. Les articles 1244-1 et 1244-2 parlent du juge, sans autre précision.
Est-ce à dire que le législateur a entendu supprimer la compétence
- du juge des référés en matière de délai de grâce et opérer ainsi un retour du
droit positif français à la situation qu'il connaissait avant la loi du 25 mars
1936?
On a pu le penser4. En effet, le silence de la loi peut paraître
intentionnel dans la mesure où il a été précédé par deux autres
suppressions de la compétence du juge des référés dans les cas particuliers
de la loi du 10 janvier 1978, relative à l'information et à la protection des
consommateurs, et la loi du 13 juillet 1979, relative à l'information et à la
protection des emprunteurs dans le domaine immobilier. Désormais, il
1
S. GUINCHARD, article précité, n015 ; V. Trib. civ. Marseille. 10 juillell953. D.53. Somm.• 79. Pour
une appréciation critique de celte décision. V. I. ISSA-SAYEGH. article précité, n078 : selon lui, cette
décision contredirait la lettre de l'art. 1244 al. 3 et heurterait le caractère d'ordre public de cette disposition
qui veut qu'on ne peut renoncer au délai de grâce ou être présumé y avoir renoncé si on ne l'a pas demandé
en première instance. ou devant les juges du fond (civ. 3e. 14 nov. 1970, Bull. civ., III ,no6lü ; Rev.
Loyers 1971.88; I.C.P. 71. éd. N.• PraL. 4999. p. 187; I.C.P. 70, éd. G., IV. 314).
2
V. art. 3 de la loi nO 92-644 du 13 juillet 1992 (J.O. 14 juillet 1992)..
3
G. PAISANT. article précité, n018 et s.
4
S. GUINCHARD, article précité, n° 17 ; G. PAISANT, article précité, n021.
,'.
-'l::

- 100 -
104.- Après la réforme de 1936 et à partir de l'adoption du nouveau
Code de procédure civile, deux textes envisagèrent la question de la
compétence juridictionnelle: l'article 1244 du Code civil et l'article 510 du
Nouveau Code de procédure Civile. Le premier, après avoir été complété par
la loi du 25 mars 1936, attribua compétence au juge des référés pour
accorder des délais d'exécution «en cas d'urgence .. et «en tout état de
cause». Le second énonce que, sauf disposition contraire, le délai de grâce ne
peut être octroyé que pour le juge qui statue sur le fond «dans la même
déCision dont il est destiné à différer l'exécution ...
Cette formulation a eu le mérite de mettre un terme aux controverses
qui étaient nées en 1936 quant aux domaines respectifs des articles 1244 du
Code civil et 122 de l'ancien Code de procédure civile, notamment sur la
question de savoir si le juge des référés avait compétence pour accorder des
délais de grâce l , En effet, il en résulte de façon assez nette que le juge des
référés pourra, s'il le juge utile, accorder des délais de grâce même après
que les tribunaux ont statué. De l'expression «en tout état de cause», on doit
déduire que le juge des référés peut statuer sur une demande de délai avant
toute poursuite ou après un jugement définitif, même s'il s'agit d'un titre
exécutoire et même si la procédure d'exécution a déjà commencé2. L'article
510 du nouveau Code de procédure civile, contrairement à ce qu'ont cru
certains3, n'a pas fait disparaître ce pouvoir du juge des référés; la formule
«à moins que la loi ne permette qu'il soit accordé par décision distincte»,
conforte plutôt le pouvoir attribué au juge des référés par l'article 1244 alinéa
3. Ce dernier est, de toute évidence, visé ici comme une exception au principe
selon lequel le délai de grâce ne peut être accordé que par la décision dont il
est destin6 à différer l'exécution4•
TI reste que cette compétence du juge des référés ne s'exerce que dans
les limites fixées par la loi et la jurisprudence; à savoir que l'intervention de
ce juge suppose l'urgence et les pouvoirs qui lui sont ainsi reconnus ne se
1
J. DEVEAU, thèse précitée, p. 54 ; R. LORANS, thèse précitée, p. 55 ; R. TEXIER thèse précitée, p.
46; E. DATRY, thèse précitée, p. 26.
2
S. GUINCHARD, article précité, n° 13 et s. ; V. aussi: T.G.I. Paris, 13 juin 1988 cité dans J.-Cl., Civ.
1989, art. 1235 à 1248, fasc. 3, mise à jour.
3
T.G.!. Toulouse, 14 av. 1977, Rev. Huis. 1978,47, note R. MARTIN.
4
T.G.!. Dieppe, 7 janv. 1976, J.C.P. 76, éd. G., IV, 93, obs. J.A.; D.S. 76,490, Note LOBIN : R.T.D.
Civ. 76, 399, obs. PERROT.

- <)<) -
législation en cette matière a très souvent subi des modifications de~:Ji~ le
Code civil, si bien que l'état du droit positif ne peut se comprendre dans sa
signification et sa portée qu'à la lumière d'un bref rappel historique.
1 . L'état du droit avant la loi du 9 juillet 1991
103.- Historiquement et jusqu'à la loi du 25 mars 1936, le tribunal,
seul, pouvait accorder des délais de grâce par le jugement statuant sur la
condamnation 1• Il y avait, sur ce point, coïncidence parfaite entre l'article
1244 du Code civil et l'article 122 de l'ancien Code de procédure civile. Ce
dernier énonçait, en effet, que dans les cas où les tribunaux peuvent
accorder les délais pour l'exécution de leurs jugements, ils le feront par le
jugement même qui statuera sur la condamnation. Par ailleurs, l'article
1244 du Code civil ne contenait aucune disposition quant à une éventuelle
compétence du juge des référés2. Il était donc clair que le délai de grâce était
indissociable du jugement dont il est destiné à différer l'exécution. Dès lors,
une jurisprudence constante interdisait au tribunal, soit d'accorder des
délais de grâce pour des décisions rendues par un autre tribunal ou pour
une décision rendue par le même tribunal, mais se prononçant par une
décision postérieure au jugement ayant statué sur le fond, soit de proroger
des délais de grâce accordés par des jugements précédents3 . Il était par
contre admis que la Cour d'appel, saisie d'une telle demande, pouvait, sur le
fondement de l'article 1244 du Code civil, accorder des délais de grâce même
si une telle demande n'avait pas été formulée en première instance4 .
Ces
solutions
étaient justifiées
par le
double
principe
du
dessaisissement du juge et de l'autorité de la chose jugée: le juge ayant
épuisé sa mission en rendant son jugement, il n'a plus le droit d'y revenir
pour le modifier; a fortiori, il ne saurait le faire pour des décisions rendues
par un autre tribunal5.
1
RIPERT ei BOULANGER, t. II, nO 1499, p. 555 ; R. LORANS, thèse précitée, p. 34 ; l. ISSA-
SAYEGH article précité, n075.
2
S. GUINCHARD, article précité, n09.
3
Civ., 30 mai 1916, D.21, 1,22 ; Req., 28 juin 1916, S.1918 - 19, 1,201 ; -
3 mai 1932, D.H., 32,
297 ; Nancy, 3 juin 1871, D. 72, S, 347, S. 71, 2, 250 ; Paris, 2 déc. 1871, D.P. 72, 2, 71 ;
Montpellier, 25 juillet 1933, G.P. 33, 2, 569.
4
Civ. 3e, 14 nov. 1970, Bull. civ., III, nO 610 ; Rev. Loyers 1971,88; I.C.P. 71, éd. N., PraL, 4999, p.
187; I.C.P. 71, éd. G., IV, 314.
5
S. GUINCHARD, article précité, nOIO.
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- 9H -
Fontainebleau a estimé que cette exclusion n'était pas fondée sur des moyens
suffisamment déterminants et que le texte de droit étant de portée générale,
il doit être appliqué à défaut de dispositions contraires non équivoques l .
100.- Sans controverse est, au contraire, la déduction faite des
dispositions du Code de commerce et qui vise à exclure de l'application de
l'article 1244, alinéa 2, les ventes publiques d'objets donnés en gage
commercial. En effet, à défaut de paiement à l'échéance, le créancier est
autorisé par l'alinéa 4 de l'article 93 dudit Code à procéder à la vente
publique des objets donnés en gage huit jours après simple signification faite
au débiteur et aux tiers bailleurs, s'il en existe. La Cour de cassation en
déduit que cette disposition exclut que le débiteur puisse se prévaloir de
l'article 1244 alinéa 2 du Code civil pour contrarier la faculté ainsi offerte au
créancier2• Ainsi, aux nombreuses restrictions à la portée générale du délai
de grâce déjà évoquées, s'ajoute une supplémentaire. La compétence du juge
qui doit faire application de ces dispositions s'en trouve pour autant réduite,
tout au moins ratione materiae.
§2 - La compétence juridictionnelle
101.- Le délai de grâce n'est jamais de droit; par définition, il est
une faveur qui dépend de l'appréciation du juge. Il est alors indispensable de
déterminer les juridictions compétentes CA), de définir les éléments qui
fondent l'appréciation des juges CB) et de mesurer les pouvoirs dont sont
investis ces derniers CC).
A· Les juridictions compétentes
102.- Le principe est que le délai de grâce est accordé par le juge de
l'ordre judiciaire, par opposition à l'autorité administrative3. Cependant, la
1
Voir. T.G.I. Fontainebleau, 30 oct. 1978, J.C.P. 79, ed. G., II, 19716 et J.C.P. 80, ed. N., II, 31, obs.
J.A.
2
Corn., 10 déc. 1979, Bull. civ., IV, n0328 ; J.C.P. 80, éd. G., IV, 82 ; D.S. 80, I.R., 386 ; Civ. 2e, 20
nov. 1975, Bull. civ., II, nO 308.
3
S. GUINCHARD, J.-Cl., Proc. civ., fasc. 520, n07 ; G. PAISANT, article précité, n018 ; V. aussi:
C.E., Il déc. 1942, G.P. 43, l, 153 ; S.43, 2, 24 ; D.C.43, 107 ; CE, 30 nov. 1956, D.57, Sornrn.,
73.

- J20 -
législateur habilite le juge à accorder des délais pour le règlement des billets
de fonds l , Ces lois furent complétées par celles du 25 juin 1935 et 21 août 1936
et le décret-loi du 25 août 1937 qui vont mettre en place d'importantes
mesures de protection en faveur des commerçants, particulièrement
touchés par les effets de la récession économique2 , De la même façon, le
législateur prit des mesures spéciales en faveur de certaines catégories de
débiteurs notamment agricoles3 et hypothécaires4.
Les conséquences de cette récession économique ont, sans doute,
favorisé l'adoption des lois des 25 août et 20 mars 1936 qui, dans la foulée de
ce mouvement législatif, modifièrent l'article 1244 du Code civil qui fera
ensuite référence à la situation économique. Le développement de la
législation des moratoires va cependant subir un coup d'arrêt avec la fin des
hostilités et il faut attendre la décolonisation des possessions territoriales
françaises outre-mer pour que des mesures exceptionnelles soient encore
adoptées.
2 - Les mesures exceptionnelles ayant accompagné le mouvement de
décolonisation
126.- a) Les premières mesures de moratoire seront prise en faveur
des militaires rappelés ou maintenus sous les drapeaux et des personnes
souscrivant un engagement pour une participation à des opérations
militaires ou de maintien de l'ordre hors de la métropole. Ces personnes,
par dérogation à l'article 1244, pouvaient bénéficier de délais de grâce
pendant toute la durée de leur mobilisation et une période de six mois après
leur démobilisation5.
127.- b) Mais les mesures les plus connues, et qui ont conservé leur
actualité 6 , sont celles qui ont été prises en faveur des rapatriés d'Afrique du
Les billets de fonds sont les billets à ordre émis pour'teprésenter la delle du prix d'achat d'un fonds de
commerce; V. supra n° 96.
2
E. DATRY, thèse précitée, p. 66 et s. ; ISSA-SA YEGH, article précité, n° 132 à 135.
3
Loi du 12 juil. 1937.
4
Décret-loi du 31 août 1937 qui permellait d'octroyer aux débiteurs hypothécaires des délais pouvant aller
jusqu'à deux ans, même si le débiteur avait déjà bénélïcier de l'art. 1244.
5
Loi du 9 juil. 1956 et loi n062-902 du 4 août 1962.
6
Il se pose, en effet, encore aujourd'hui le problème de l'indemnisation des personnes dépossédées de leurs
biens situés outre-mer: loi du 2 jul. 1978 ; loi du 6 janvier 1982 ; loi du 30 sept. 1986; loi du 16 juil.
1987 ; V. J. SPITERI, 1956 - 1988, Les rapatriés d'Afrique du Nord et les Français d'Algérie à la
recherche du droit, J.c.P. 89, éd. G., l, doc., 3386.

- 121 -
Nord. En effet, les événements d'Algérie et le douloureux exode qui précéda
ou suivit les accords d'Evian conduisirent le législateur à prendre, dès 1961 1,
des mesures de protection tendant à favoriser l'insertion des français
d'Afrique du Nord. Mais ce dispositif juridique se révéla très vite insuffisant
tant les nouveaux arrivants avaient été, dans la plupart des cas, dépossédés
de leurs entreprises, de leurs biens, et se retrouvaient débiteurs de sommes
souvent très importantes et qu'ils étaient naturellement dans l'impossibilité
de rembourser.
Face à cette situation, le législateur dut à nouveau intervenir par une
loi du 11 décembre 19632 que modifia, par la suite, la loi du 6 juillet 19663. Le
système instauré par ces textes consistait essentiellement dans la faculté
concédée aux tribunaux, d'une part, d'accorder aux rapatriés à raison, soit
des obligations par eux contractées alors qu'ils étaient établis outre-mer, soit
de celles qu'ils avaient souscrites pour leur installation en France, des
délais d'une durée limitée à trois ans, mais pouvant aller jusqu'à cinq ans et
même au-delà pour les obligations relatives à des biens situés outre-mer.
D'autre part, d'assortir ces délais de paiement d'une suspension du cours
des intérêts ou d'une réduction de leur taux, ainsi que d'un aménagement
des échéances.
La loi d'indemnisation prévue par la loi du 26 décembre 1961 ayant
tardé à intervenir et les poursuites exercées contre les rapatriés s'étant
multipliées en dépit des délais accordés par les juges du fond, le législateur
dut encore intervenir en 1969. La loi du 6 novembre 19694 avait institué en
faveur de ces personnes une suspension de l'exécution des obligations
financières souscrites auprès des organismes de crédit ayant passé des
conventions avec l'Etat ainsi que de l'application des clauses ou des
dispositions de résolution de plein droit, des clauses pénales et des
déchéances légales encourrues pour défaut de paiement des sommes dues
en vertu des contrats ou des décisionS'" de justice relatives aux mêmes
obligations.
1
Loi du 26 déc. 1961, J.C.P. 62, éd. G., III, 27, 504.
2
Loi n063-1218 du Il déc. 1963, J.CP. 63, éd. G., III, 29672.
3
J.CP. 66, éd. G., III, 32149.
4
Voir H. BLIN, La loi n069 - 992 du 6 nov. 1969 instituant des mesures de proleclÎon en faveur des
rapatriés el des personnes dépossédés de leurs biens outre-mer, J.CP. 70, ed. G., 1, 2293.

- 122 -
Ce mouvement législatif va se prolonger avec la loi du 15 juillet 1970 l,
complétée par la loi du 2 janvier 19782, qui mettent en place le système
d'indemnisation annoncé en 1961. Ces lois instituent, par ailleurs, des
moratoires pour les catégories de dettes visées par les lois précédentes, dans
la plupart des cas, jusqu'à la date à laquelle l'indemnisation serait payée ou
la demande rejetée.
Le dispositif juridique relatif aux rapatriés et qui, entre autres buts,
tendait à tempérer à leur égard les effets des obligations qu'ils étaient dans
l'impossibilité ou la difficulté d'honorer n'a pas cessé de produire ses effets,
à tel point qu'une nouvelle vague de textes est arrivée en 19873 . Cette ardeur
législative est à la hauteur de l'importance des problème hum'ains,
matériels ou juridiques soulevés par des événements d'Algérie qui ont
marqué indéniablement l'histoire de la France des trente dernières années.
Qu'il s'agisse des mesures prises en faveur des rapatriés, ou celles
qui ont été mises en place à l'occasion des deux guerres mondiales, il est à
relever une grande diversité des moratoires quant à l'étendue de leurs effets.
Ceci rend nécessaire une classification de ces différents textes.
B - Essai de classification des lois de moratoire
128.- En essayant de classer ces différentes mesures dans un
certain ordre, on obtient quatre catégories de textes.
1) On peut d'abord relever que certaines dispositions ont édicté une
suspension générale d'office, mais temporaire, des échéances et des délais.
Ce fut le cas à la libération avec les ordonnances des 20 août et 30 décembre
1944. La loi du 5 août 1914 l'avait déjà fait en raison de l'état de guerre en
faveur de tous les débiteurs, ce qui inspira sans doute le législateur de 1940
Loi n070-632, 15 juillet 1970, J.O. 17 juillet 1970 ; S. RlBS, L'indemnisation des français dépossédés
des biens situés outre-mer, J.c.P. 71, éd. G., 1, 2376.
2
Loi n078 1, 2 janvier 1978, J.O. 3 janvier 1978 ; E. SUDRE, L'indeminisation des français rapatriés,
J.C.P. 78, éd. G., l, 2908.
3
Loi n087 - 503,8 juil. 1987 relative à certaines situations résultant des événements d'Afrique du Nord,
J.O. 9 juil. 1987, p. 7475 ; J.c.P. 87, éd. G., III, 60389 ; Circulaire d'application, 25 janv. 1988, J.O.
29 janv. 1988, p. 1416; Loi n087-549, 16 juil. 1987 relative au réglement de l'indemnisation des
rapatriés, J.O. 19 juil. 1987, p. 8070 ; décret d'application n087 - 994,10 déc. 1987, J.C.P. 88, éd. G.,
III, 60881.

- 123 -
qui prit des mesures similaires avec les lois du 10 juillet et 27 septembre à
l'occasion de l'invasion allemande.
2) D'autres lois ont décidé un moratoire de plein droit, soit au profit
de certains débiteurs, soit pour certaines catégories de dettes. Ainsi le
décret-loi du 1er septembre 1939, modifié et complété par les textes
ultérieurs, avait seulement prévu le moratoire au profit des mobilisés et des
prisonniers de guerre. Ce fut également le cas des lois des 6 novembre 1969
et 15 juillet 1970 en faveur des rapatriés d'Algérie, qui ont accordé une
suspension de l'exécution de certaines obligations par eux contractées ou
nées à leur charge. D'un autre côté, s'agissant des moratoires de plein droit
qui ne s'appliquaient qu'à certaines dettes seulement, on peut citer comme
exemples les lois du 5 août 1914, du 16 juillet 1940 et du 26 février 1941 pour
les loyers des locaux d'habitation et professionnels ou commerciaux, ou
encore les lois des 21 août et 24 décembre 1936, 31 mars et 30 juin 1937 pour le
paiement des billets de fonds et des effets de commerce.
3) Certaines dispositions se bornent à accorder aux juges des
pouvoirs dépassant les limites prévues par l'article 1244 du Code civil. On-
peut citer en ce sens le décret du 26 septembre 1939 permettant le moratoire
judiciaire de certains loyers ou encore les lois des I l décembre 1963 et 6
juillet 1966 qui permettent aux tribunaux, et par dérogation au droit
commun, d'accorder des délais pouvant aller jusqu'à cinq ans, et même au-
delà, en faveur des rapatriés d'Mrique du Nord.
4) Enfin, certaines mesures permirent aux juges de prononcer la
suspension des délais de procédure, de forclusion et de prescription ou des
pénalités automatiques au profit des personnes qui auraient laissé passer le
temps en raison de circonstances particulières. On peut citer en ce sens la
loi du 29 octobre 1940, complétée par les ordonnances des 22 août et 30
décembre 1944, qui accordait aux triôunaux le pouvoir de relever de la
forclusion résultant de l'expiration des délais de procédure, de prescription
ou de préemption, lorsqu'elle a été
encourue en raison de difficultés de
communication. Des mesures similaires furent prises par la loi n074-1115
du 27 décembre 1974 en raison de l'interruption des communications

- 124 -
postales en octobre et novembre 1974 1• Il faut cependant écarter de ce propos
cette autre catégorie de moratoires, étrangère à la théorie générale des
obligations, qui soulève plus des problèmes de procédure que de suspension
des obligations.
129.- Par contre, les autres catégories de moratoire précitées ont
contribué à tempérer, pour les débiteurs, les effets des obligations souscrites
et dont l'exécution était rendue difficile,
voire impossible par les
circonstances. Ces mesures sont donc venues combler les insuffisances du
droit commun face à des événements dont la gravité dépassait la mesure des
remèdes prônés par le Code civil. Mais, l'évolution législative récente
montre que, préoccupé par le développement de la consommation et par là de
l'endettement, le législateur est de plus en plus enclin à adopter des
mesures non plus ponctuelles et temporaires, mais permanentes destinées à
protéger les débiteurs2. La loi n089-1ü1ü du 31 décembre 1989 relative à la
prévention et au règlement des situations de surendettement est, à ce titre,
d'une grande importance, puisqu'elle introduit en droit français le
redressement judiciaire civil. Elle est surtout d'un grand intérêt dans le
cadre de notre étude en raison du fait qu'elle peut conduire à la suspension
des engagements contractés.
SECfION II : LA LEGISLATION SUR LE SURENDETTEMENT DES
PARTICULIERS
130.- Promulguée le 31 décembre 1989, la loi relative à la prévention
et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et
des familles répond, comme l'affirma le secrétaire d'Etat N eiertz lors des
débats parlementaires, à une (,situation d'urgence sociale»3. En effet, on
P. LAROCHE DE ROUSSANE, Les mesures juridiques tendant à remédier aux difficultés nées de
l'interruption des services postaux en octobre et novembre 1974, Rep. DefL 74, 1ère parue, Art. 30816,
p. 1505.
2
V. B. OPPETIT, L'endettement et Je droit, Mélanges A. BRETON et F. DERRIDA, Dalloz 1991, p. 295
et s. L'auteur trace notamment l'évolution de l'attitude du droit à l'égard de l'endettement.
3
V. J.-J. DAIGRE, Règlement des difficultés des ménages surendettés (L. nO 89-1010 du 31 déc. 1989),
Rev. Huis. 1990,642 ; X. FLECHEUX, Le surendettement, Joum. des not. et av. 1990, art. 59982.

- 125 -
constate qu'il y a actuellement en France un nombre de plus en plus
important de particuliers dans l'impossibilité de payer leurs dettes 1. Cette
situation serait essentiellement due à la multiplication des crédits et à la
diversification des procédés de payement.
Si les lois du 10 janvier 1978, en matière de crédit mobilier, et du 13
juillet 1979, en matière de crédit immobilier, organisent la protection des
emprunteurs, il n'existait aucune procédure permettant de résoudre de
telles situations si ce n'est dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-
Rhin et de la Moselle soumis à un régime particulier2. La loi n089-1010 du 31
décembre 1989 est venue combler ce vide en mettant en place, sur le plan
national, un dispositif d'exception destiné à prévenir le surendettement des
particuliers et surtout à régler de telles situations une fois réalisées3. Le titre
On avait estimé à 200 000 le nombre des familles surendettées au point d'avoir à supporter des
mensualités de remboursement dépassant 60 % de leur revenu mensuel (projet de loi: doc. Ass. nie.
n0485, 2e sess., eXlrad. 1988-1989. p.2. ; Rapp. LEQUILLlER, doc. Ass. nie. n° 1049 p. 13 ; V. aussi:
A. LESCAILLON, Les étrennes des 200 000 familles surendettées, petites affiches, 16 févr. 1990; J.-J.
DAIGRE, article précité; G. PAISANT,le redressement judiciaire civil, J.c.P. 91, éd. G. 1,3510.
2
Ces départements connaissent le principe de la faillite civile depuis le 8 juillet 1879, époque à laquelle ils
faisaient partie de l'Empire allemand et cc système a été maintenu par la loi du 1er juin 1924 ; V J.-L..,
VALENS, La faillite civile: une inslitution de droit local d'Alsace - Moselle, J.c.P. 89, éd. G., 1,3387 ;
T.G.!. Metz, 12 nov. 1987, J.c.P. 89, éd. G., II, 21262, obs. VALENS; Colmar, 15 et 20 nov. 1989,
Rev. jurid. de l'Est 1989, p. 55.
3
Une très abondante doctrine existe déjà sur cette loi: B. LIMAGNE et Y. DOUCET, A propos de la loi
relative à la prévention et au réglcment des difficultés liées au surendettement des particuliers et des
familles, G.P. 3 mars 1990, Doc. ; A. KORNMANN, Prévention et régIe ment du surendettement, J.c.P.
90, éd. N., r, 123; P. BOUTErLLER, La loi relative à la prévention et au réglement des difficultés liées
au surendettement des particuliers et des familles, petites affiches, 16 fév. 1900; A. LESCAILLON, Les
étrennes des 200 000 familles surendettées ou le commentaire de la loi n089-101O du 31 déc. 1989, Rev.
huiss. 1990,357; P.-L. CHATAIN, La loi n089-101O du 31 décembre 1989 relative au règlement et à la
prévention des difficultés liées au surendette ment des particuliers et des familles, A.L.D. 1990,43 ; X.
FLECHEUX, Le surendettement: commentaire de la loi n089-101O du 31 décembre 1989,joum. not. et
av. 1990, art. 59982 ; M. MATHIEU, A propos de la loi du 31 décembre 1989 sur la faillite des
particuliers, petites affiches, 23 fév. 1990 ; G. PAISANT, la loi du 31 décembre 1989 relative au
surendettement des ménages, J.c.P. 90, ed. G., I, 3457 ; A. BOUKRIS, Le règlement des situations de
surendettement (commentaire de la loi du 31 décembre 1989), petites affiches, 4 mais 1990 ; J.-L.
VALENS, La loi sur le surendettement des particuliers (commentaire du titre 1er de la loi du 31 décembre
1989 relative à la prévention et au réglement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des
familles), A.L.D. 1990, 87 ; J .-J. DAIGRE, Commentaire de la loi Neiertz : Le réglement des difficultés
des ménages surendettés, Rev. huiss 1990,642 ; "J.-P. FAGET, Premières décisions juridiciaires en
matière de surendettement, ibid 1990, p. 753 ; P. LE CANNU, Réglement amiable et redressement
judiciaire civils (à propos du titre 1er de la loi 31 déc. 1989), Bull. Joly 1990, n02, p. 135; J. JAMET,
Les créances immobilières et la loi sur le surendettement, Actuel. Jurid. P.!. 1990,410 ; L. LALANDE,
A propos du redressement judiciaire civil, G.P. 25 oct. 1990, doc. ; G. PAISANT, la loi du 31 déc. 1989
relative au surendettement (la prévention du surendettement), J.c.P. 90, éd. N. J, 438 ; M.
RICHEVAUX, Le surendettement des particuliers: commentaires sur quelques décisions de première
instance, Rev. huiss. 1990,1303 ; D. BOUAZIZ, La loi du 31 déc. 1989 relative au surendettement des
particuliers et des familles, Dr. ouvrier 1990, n0504 ; E. KERCKHOVE et P.-M. LE CORRE,
Réglement des situations de surendettement (Réflexions sur le titre 1er de la loi du 31 déc. 1989), Rev.
proc. coll. 1990, 3, 193 ; P.-M. LE CORRE, Surendettement des particuliers et redressement judiciaire

- 126 -
1er institue deux procédures: la premlere, de type administratif, tend au
règlement amiable des difficultés financières du surendetté l , tandis que la
seconde, contentieuse, organise un redressement judiciaire civiJ2. Dans
l'une et l'autre procédures, un ensemble de mesures exceptionnelles
peuvent être prises. Ces mesures, le pl us souvent dérogatoires au droit
commun des
contrats et des
voies d'exécution,
peuvent comporter
d'importantes conséquences sur les engagements souscrits, notamment la
suspension des procédures ou des voies d'exécution et le report ou le
rééchelonnement
des
échéances
de
remboursement.
Cette
possible
suspension de l'exécution des obligations à la charge des parties fait que
cette loi entre dans le cadre de cette étude.
Aussi des éclaircissements doivent - ils être apportés sur le contenu
de ces mesures de traitement du surendettement dont les premiers résultats
montrent qu'elles ont rencontré un franc succès auprès des débiteurs3. Pour
ce faire,
une
délimitation
du
domaine
d'application
des
nouvelles
procédures est nécessaire (§ 1) avant l'analyse de leurs mécanismes (§2).
civil, ibid 1990,4, 343 ct 1991, 261 ; J. ROSENBERG, Incidence de la loi nD89 - 10 10 du 31 déc. 1989
sur le droit civil français, G.P. 5 janvier 1991 ; l.JAMET, Le surendellement des particuliers, éd.
MonLChrestien ; P. JULIEN, A propos du surendellement des particuliers et des familles, Mélanges A.
Breton et F. Derrida, 1991, Dalloz, p. 183 ct s. ; G. PAISANT, Le redressement judiciaire civil à l'essai
(questions sur l'application de la loi surendellement du 31 déc. 1989), LC.P. 91, éd. G., l, 3510 ; Du
redressement judiciaire civil à la faillite civile, C.C.C. juin 1991, 1 ; G. DE RAFFIN, Le
surendwement, Rev. huiss. 1991,603; P. BAILLY, Les difficultés procédurales de la loi du 31 déc.
1989 (loi nD 89-1O 10 du 31 déc. 1989 et décret nD90-175 du 21 fév. 1990), A.L.D. 1991, 107 ; La loi nD91
650 du 9 juillet 1991 et le contentieux du surendellement, A.L.D. 1991, 138.
1
An. 1er à 9 de la loi.
2
An. 10 à 14 de la loi.
3
V. Rapp. R. LERON, sur l'appl ication de la loi surendellement du 31 déc. 1989, J.O. 91, doc. Ass. nIe.,
nD4184 ; G. PAISANT, vues sur le rapport Leron, R.T.D. com. 1992,232 ; P.-M. LE CORRE,
Surendellement des particuliers et rédressement judicaire civil, Rev. proc. coll. 1992, l, 39 ; G. DE
RAFFIN, Le surendellement, Rev. huiss. 1991, n012, p~ 603.
On note que pour les deux années d'application 1990 et 1991, 158249 dossiers ont été déposés dont 90115
en 1990 et 68134 en 1991. Le rythme mensuel des dépôts s'est établi à environ 5000 ou 6000 dossiers.
Pour 1990 et 1991, 141425 décisions de recevabilité ont été prononcées contre 16865 décisions
d'irrecevabilité dont environ 60 % environ pour absence de surendellement, 20 % de delles
professionnelles ct 20 % pour d'autres raisons, notamment la mauvaise foi. Les recours contre les
décisions d'irrecevabilité ont été de 9222 dont 5386 à l'initiative du débiteur. 6731 demandes de
suspension des poursuites ont été présentées. 50128 plans conventionnels ont été élaborés parmi lesquels
43381 ont échoué. Les tribunaux d'instance ont ouvert directement 2214 procédures, mais la saisine du
tribunal d'instance intervient pour l'essentiel après l'echec du règlement amiable; jusqu'à octobre 1991,
6713 plans de redressement ont été élaborés.

- 127 -
~1 - Le domaine d'application des nouvelles procédures
131.- Il ressort de la combinaison des articles 1er et 10 de la loi du 31
décembre 1989 que les procédures de règlement amiable et de redressement
judiciaire civils s'appliquent indistinctement aux mêmes débiteurs. Mais
encore faut-il que ces derniers appartiennent à des catégories de débiteurs
déterminées CA) et remplissent les conditions de surendettement et de bonne
foi CB).
A - Les catégories de débiteurs bénéficiaires de la loi
132. -
Les procédures nouvelles insti tuées par la loi sur le
surendettement sont réservées aux particuliers résidant sur le territoire
national pour leurs dettes non professionnelles!.
En réalité, la loi procède en deux étapes: il y a d'abord l'article 1er
pour le règlement amiable - auquel renvoie l'article 10 pour le redressement
judiciaire - qui s'efforce de définir le débiteur protégé, et il y a ensuite
l'article 17 qui désigne ceux qui sont exclus du bénéfice de la loi 2• L'alinéa
1er du dernier article cité dispose notamment que "les dispositions du titre
1er ne s'appliquent pas lorsque le débiteur relève des procédures instituées
par les lois n °84 -148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au
règlement amiable des difficultés des entreprises, n °88-1202 du 30 décembre
1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement
économique et social et n °85 -98 du 25 janvier 1985 relative au redressement
et à la liquidation judiciaires des entreprises». Se trouve ainsi prononcée
l'exclusion de toutes les personnes morales de droit privé3, et parmi les
personnes physiques, des commerçants, artisans et agriculteurs4 . Les
Il faut cependant souligner que l'arl. 17 al. 2 de la loi précise que les dispositions du titre 1er «ne font pas
obstacle à l'application des art. 22, 23 et 24 de la loi du 1er juin 1924 portant introduction des lois
commerciales françaises dans les départementds du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle». En effet
dans ces départements, les particuliers en état d'insolvabilité notoire peuvent être mis en redressement ou
en liquidation judiciaire de la loi du 25 janvier 1985. Cela veut donc dire que dans ces départements, les
particuliers, même en n'ayant pas des activités commerciales, vont relever des deux régimes, V. P.-M. LE
CORRE, Rev. proc. coll. 1992, l, pAO, n06 et 1991, l, p.178, n03.
2
G. PAI5ANT, La loi du 31 décembre 1989 relative au surendellement des ménages, J.c.P. 90, ed. G.,I,
3457, non.
3
V. Paris, 9 OCl. 1990, D.90, l.R., 278.
4
G. PAJ5ANT, articles précités, J.c.P. 90, l, 3457, nO 13 et s. et 91, J, 3510, n09 et s. ; E.
KERCKHOVE et P.-M. LE CORRE, Le règlement des situations de surendellement des particuliers,
Rev. proc. coll. 90, 3, 193, n04 ; J.-J. DAIGRE, article précité, p. 642.

- 128 -
termes de la loi étant sans ambiguïté, leur exclusion des nouvelles
procédures doit jouer quelle que soit la nature de leurs dettes. Cette opinion
émise par plusieurs auteurs l , notamment en ce qui concerne les dettes non
professionnelles des commerçants, artisans ou agriculteurs, est confirmée
par la jurisprudence qui considère "qu'il n 'y a pas lieu de distinguer selon
la nature des dettes impayées»2. En effet, leur surendettement ne peut être
pris en compte qu'à travers la notion de cessation des paiements qui, elle,
englobe toutes les dettes de l'intéressé aussi bien professionnelles que
domestiques 3 , Le législateur a sans doute voulu éviter qu'au gré des
opportunités puisse s'instaurer une concurrence entre les procédures
collectives, voire leur cumul4 , Il faut toutefois souligner que le professionnel
retiré des affaires pourra profiter des dispositions de la nouvelle loi, mais
seulement une fois qu'il sera sorti de l'orbite de la loiS. Ces débiteurs doivent
en toute logique bénéficier de la loi dès lors que leur surendettement trouve
son origine dans une accumulation de dettes non professionnelles; pour ce
faire, il est nécessaire de procédèr à une séparation passive du patrimoine
de l'intéressé6.
133.- Et quid du conjoint du professionnel exclu par l'article 17 ?
Une lecture a contrario de ce texte conduit à considérer que celui-ci a
vocation à bénéficier de la loi sur le surendettement dès lors que lui-même
n'exerce pas une activité qui le place hors du champ d'application de la loi 7.
J.-L. VALENS, La loi sur le surendettement des particuliers, ALD. 90, 87 et s. nOll ; Y. CHAPUT,
Surendettement des particuliers et des familles, 1.-Cl., Civ. : art. 1905 à 1908, fase. 10, N. Rep. :
surendette ment" nOlO, 1990; G. PAISANT, article précité, J.c.P. 90, l, 3457, n014 et 91, l, 3510, n09.
2
Civ. 1ère, 19 nov. 1991, D.92, I.R., 3; c.c.c. Janvier 1992, fasc. 955, n021 ; Paris, 8 nov. 1990 et 12
juin 1991 cités in R.T.D. com. 1991, p. 654, n04 ; Trib. inst. Saint - Etienne, 10 mai 1990, G.P. 15 et
16 Août 1990, Somm., p. 15 ; Trib. inst. Mantes - La - Jolie, 2 août 1990, Petites Affiches, Il oct.
1991, p. 19, note RICHEV AUX. Cette solution d'évidence n'est cependant pas toujours suivie. Ainsi,
certaines juridicitions ont cru devoir procéder à une distinction en relevant que «le principe de l'unité du
patrimoine ne saurait en effet faire présumer que toutes les dettes d'une personne excerçant une profession
indépenante (artisan) ont un caractère professionnel» (Bourges, 19 fév. 1990, KT.D. Com. 1991, p. 448,
n02 obs. G. PAISANT).
3
G. PAISANT, article précité, J.CP. 91, l, 3510, n09.
4
G. PAISANT, obs. in R.T.D. Com. 91, 654, n04.
S
Le commerçant sort de l'orbite de la loi du 25 janvier 1985 un an après sa radiation du registre du
commerce et des sociétés et l'agriculteur ou l'artisan, un an après la cessation d'activité.
6
G. PAISANT, R.T.D. Com. 91,448, n02 ; J.CP.1991, éd. G, l, 3510, nOlO ; V. aussi: Trib. inst.
Bourgouin - Jallieu, 8 juin 1990 et Dourdan, 25 juin 1990, D.91, Somm., 49, obs. BOULOC et
CHATAIN; trib. inst. Saint-Etienne, 27 sept. 1990, G.P. 4 et 5 janv. 1991, p. 24.
7
Y. CHAPUT, article précité, n026; G. PAISANT, article précité, J.CP. 91, l, 3510, nOll et R.T.D.
Com. 92, 234, n02 ; V. aussi: Trib. inst. Saint Etienne, 12 juin 1990, G.P. 15 et 16 août 1990, p. 14 ;
Rev. huiss. 90, p. 1244 ; Trib. inst. Mantes-La-Jolie, 2 août 1990, D. 91, Somm. 50, obs. BOULOC
ET CHATAIN.

- 129-
En effet;«le fait d'être marié à un commerçant ou à un artisan n'est pas, à
lui seul, une cause d'exclusion des procédures prévues par la loi du 31
décembre 1989» ; le tribunal doit rechercher «si le débiteur marié à une
commerçante n'est pas en situation de surendettement en raison de ses
dettes non professionnelles» 1. Il importe peu à cet égard que les dettes
contractées l'aient été conjointement ou solidairement avec le conjoint
professionneP.
Quant aux cautions, elles peuvent bénéficier des procédures de la loi
du 31 décembre 1989 du moment qu'elles remplissent les conditions exigées,
même si la dette pour laquelle la garantie a été donnée a une nature
commerciale3. En effet, le cautionnement est par nature un contrat civil et il
ne devient commercial que si la caution a un intérêt personnel dans
l'affaire 4 ; par conséquent, «le caractère professionnel de la dette de la
caution ne peut se déduire de la nature de l'obligation principale»5
Civ.lère, 31 mars 1992, c.c.c. juin 1992, fasc.950, nO 145, note G. RAYMOND; J.c.P. 1992, ed.
G., II, 21942, note G. PAISANT; J.c.P. 1992,ed. G., IV, 1665.
2
Trib. inst. Parthenay, 1er fév. 1991, c.c.c. avril 91, fasc. 955, n0101 ; Rev. Proc. coll. 1992,2,41,
nOS obs. P.-M. LE CORRE. Toutefois, la doctrine relève les difficultés d'application de cette position de
principe. Ces difficultés tiennent notamment à la séparation des deux patrimoines lorsqu'il y a
communauté ou la coexistence entre les procédures de 1989 et les procédures spécialisées, V. G.
PA1SANT, obs. in R.T.D.Com. 92, 234, n02.
3
G. RAYMOND, obs. sous Pau, 6 mars et Il juillet 1991, C.C.c. nov. 1991, fasc. 955, n0227; Trib.
inst. Tarbes, 4 oct. 1990, D.91, Somm., 50, obs. BOULOC et CH AT AIN: «est recevable le débiteur qui
s'est porté caution solidaire et hypothécaire de son fils pour garantir un prêt consenti en vue de
l'acquisition d'un fonds de commerce».
4
E. KERCKHOVE et P.-M. LE CORRE, Le règlement des situations des surendettement des particuliers,
Rev. proc. coll. 90, 3, 193, n07.
5
Civ.lère, 31 mars 1992, D.S.1992, I.R.,144 ; J.c.P. 1992, ed.G., IV, 1664 ; Civ.lère, 31 mars 1992,
D.S.1992, I.R., 143. En réalité, la jurisprudence a connu en ce domaine une évolution en deux temps.
Dans les premiers temps de l'application de la loi du 31 décembre 1989, les juridictions du fond,
encouragées par la doctrine (V. P. LE CANNU, article précité, n° 15 ; E. KERCKHOVE et P.-M. LE
CORRE, article précité, n° 7 ; B. BOULOC et P.-L. CHATAIN, obs. sous T.I. Tarbes, 4 octobre 1990,
D.S.1991, Somm., 50), s'étaient inspirées de la jurisprudence relative au caractère civil et commercial du
cautionnement (V. Ph. SlMLER, cautionnement et garanties autonomes, 2è ed., L.I.T.E.C. 1991, nO 95
et s.), De même que les juges recherchent si la caution avait ou n'avait pas poursuivi «un intérêt
patrimonial personnel» en s'engageant pour qualifier le cautionnement de commercial ou de civil, de
même ils ont recherché à savoir si elle s'était comp0f.lée ou non en partenaire intéressé pour affmner ou
dénier le caractère professionnel de la dette (ainsi par exemple, les cautionnements réalisés au profit des
sociétés par ceux qui en sont les administrateurs, présidents ou gérants, ont été classés dans la catégorie
des dettes professionnelles exclues par J'art. 1er de la loi de 1989, V. Limoges, 15 janvier 1991, J.c.P.
1992, ed.G., IV, n° 1120; R.T.D.Com. 199, p. 654, n04 ; Chambéry, 22 janvier 1991, J.c.P. 1991,
ed.G., I, 3510, annexe 1). Inversément, losque le cautionnement n'est consenti que dans un intérêt moral,
le juge devra en tenir compte pour apprécier l'état de surendettement (Douai, 8e ch., 14 nov. 1991, Juris-
Data, nO 45538). Dans un deuxième temps, en donnant une définition générale à la notion de dette
professionnelle dans deux importants arrêts de la lere chambre civile du 31 mars 1992, la Cour de
cassation semble avoir établi une distinction autonome entre cautionnement professionnel et
cautionnnement non professionnel. En effet, sont aux termes de cette jurisprudence considérées comme
professionnelles au sens de l' art. 1er de la loi de 1989, les dettes qui «sont nées pour les besoins ou à

- 130-
Il résulte des remarques ci-dessus faites que seuls sont à même de
profiter d'un règlement amiable ou d'un redressement judiciaire civil les
particuliers, ou encore au sens du droit des obligations, les débiteurs
personnes physiques 1. Autrement dit, tous les débiteurs qui échappent aux
exclusions qui viennent d'être décrites2•
134.- Toutefois, il se pose la question de saVOIr si les ménages
peuvent bénéficier des procédures de la loi du 31 décembre 1989. En effet, si
les «familles» figurent dans l'intitulé du texte, les dispositions de ce dernier
ne sont conçues qu'en termes d'individualités; d'où la difficulté qu'il y a à
les appliquer à ces «oubliés»3. La doctrine s'est, dans un premier temps,
montrée hostile à l'application de la loi surendettement des particuliers aux
ménages,
car,
écrivait Monsieur J.-J. Daigre, «ni le mariage ,ni le
concubinage ne créant entre les époux ou entre les concubins une personne
juridique nouvelle, chacun doit, à titre individuel, prétendre au bénéfice de
la loi»4. Mais à l'heure actuelle, la position dominante est celle qui considère
que rien n'empêche les deux membres du couple, entrant dans les
catégories de débiteurs concernées, de solliciter ensemble le bénéfice des
nouvelles procédures. Une telle pratique présente l'avantage de faciliter le'
l'occasion de J'activité professionnelle» (Civ.lere, 31 mars 1992, D.S.1992, I.R., 143 ct 144; J.c.P.
1992,ed.G., IV, 1664 ; c.c.c. juin 1992, fasc. 955, n° 123, 3eme ct 4eme espèces, note G.
RA YMOND ; R.T.D.Com. 1992, p. 457, n° 2, obs. G. PAISANT) . A première vue, ces solutions ne s'
écartent pas des permières prises en la matière, mais après une lecture attentive, force est de constater que
la nouvelle distinction entre cautionnement professionnel ct cautionnement non professionnel ne se fond
plus dans la distinction cautionnement commercial et cautionnement civil. En effet, les critères du
cautionnement professionnel exclu par la loi ne sont plus tout à fait ceux du cautionnement commercial,
puisque tous ccux qui cautionnent la dette d'autrui dans la rechreche d'un intérêt personnel n'agissent pas
toujours à des fins professionnelles (V. G. PAISANT, obs. à la R.T.D.Com. 1992, p. 457, n° 2 ; G.
RAYMOND, note au c.c.c. juin 1992, fasc.955, n° 123) .
Y. CHAPUT, article précité, n09 ; G. PAISANT, article précité, J.c.P. 90, 1,3457, nOI7 ; P.-M. LE
CORRE, article précité, Rev. de proc. coll. 1992, p. 40, n03.
2
Cependant, la Cour de cassation va encore plus loin en admettant que les dettes professionnelles du
débiteur qui ne relève pas des procédures exclues à l'art. 17 de la loi de 1989, même si elles n'entrent pas
en ligne de compte dans la détermination de l'état de surendettement, doivent néanmoins être prises en
considération lors de l'élaboration du plan amiable ou de redressement judiciaire (Civ. 1ère, 31 mars 1992,
D.S. 1992,317, note G. PAISANT ; J.c.P. 1992,"ed.G., 1V, 1666 ; T.I. Montfort-Sur-Mer, 22 oct.
1990, D.S. 1992, Somm., 102; T.l. Nice, I7 mai 1991, D.S. 1992, Somm., 103, 1ère espèce; contra:
T.I. Levallois-Perret, 7 fev. 1991, D.S. 1992, Somm., 103). Ce raisonnement a cependant des raisons de
surprendre dans la mesure où il est en totale contradiction avec les dispositions de l'art. 1er qui limite
l'application de la loi aux seules dettes non professionnelles et avec l'objectif visé par la loi, à savoir «le
règlement des dettes qui n'ont pas été contractées pour les besoins de la profession et le fonctionnement de
l'entreprise commerciale, artisanale ou agricole» (V. l'exposé des motifs du projet de loi, doc. Senat, n°
485 rectifié, 2ème session extraord. 1988-1989, p. 5; V. aussi les obs. de G. PAl SANT, note au D.S.
1992,317 et R.T.D.Com. 1992,675, n° 3).
3
G. PA1SANT article précité, J.c.P. 91,1, 3510, nOl2.
4
J.-J. DAIGRE, article précité, Rev. huiss. 1990, p. 648; V. aussi: Y. CHAPUT, article précité, n09.

- 131 -
travail du juge dans la mesure où il aura à apprécier globalement le
patrimoine du couple sans avoir à procéder à de délicates distinctions entre
les dettes et les ressources de l'un ou de l'autre l . Cette globalisation jugée
normale lorsqu'il s'agit des époux, soit par l'existence d'un régime
communautaire, soit, quel que soit le régime matrimonial adopté, par
l'existence de la solidarité instituée par l'article 220 du Code civil pour les
dettes contractées dans l'intérêt du ménage et l'entretien des enfants, est
même étendue par la jurisprudence au concubinage, assimilé ainsi à la
famille 2.
En définitive, il faut constater que toutes les catégories de débiteurs
visées par le texte de loi peuvent prétendre au bénéfice de ses dispositions soit
à titre individuel, soit au titre du ménage, du moment qu'aucun des
intéressés n'est exclu par l'article 173 . Mais encore faut-il que le débiteur
justifie d'un réel état de surendettement et soit de bonne foi.
B - Les conditions à remplir par le bénéficiaire
135.- De ce point de vue, le champ d'application de la loi esf
doublement limité: par un critère objectif, le surendettement de la personne
qui sollicite le bénéfice de la loi (1), et par un critère subjectif, sa bonne foi (2),
1 - L'état de surendettement
136.- Le surendettement, aux termes de l'article 1er «est caractérisé
par l'impossibilité manifeste pour le débiteur... de faire face à l'ensemble de
G. RA YMOND, note sous Paris, 3 juillet 1991, C.C.C. fév. 1992, fasc. 955, n041 ; G. PAISANT,
article précité, J.c.P. 91, l, 3510, n° 12 et s. Ce dernier auteur relève cependant d'importantes difficultés
d'application de ce principe et qui sont relatives à la nature du régime matrimonial.
2
Paris, 3 juillet 1991, D.91, I.R., 259; c.c.c. fév. 1992, fasc. 955, n041, note G. RA YMOND; V. Les
réserves émises par l'annotateur sur cette assimilation.
3
Il faut relever cependant la situation paradoxale née dê l'application de la loi: on remarque en effet que les
nouvelles procédures sont sans application dans les cas désespérés, car, dans l'ensemble, les tribunaux
refusent l'établissement du plan au bénéfice des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes pour
pouvoir rembourser le passif ( V. T.I. Saint-Julien, 21 nov. 1990, R.T.D.Com. 1991, p. 450, n° S, obs.
G. PAISANT ; Douai, 20 dec. 1990, cité par P.-M. LE CORRE, Rev. Proc. Coll. 1992, p. 42, nO 42 ;
Versailles, 13e ch., 7 mars 1991, R.T.D.Com.1991, p. 450, n° 5 ; Civ. 1ère, 14 mai 1992, Paris, 8e ch.
B, 19 mars 1992 et Toulouse, 2eme ch., 21 oct. 1991, J.c.P. 1992, ed.G., Il, 21918, note G.
PAISANT). On aboutit ainsi à un résultat pervers dans ce sens que la loi ne peut bénéficier qu'aux
«surendettés moyens» ( V. G. PAISANT, obs. R.T.D.Com. 1991,450, n) 5 ; P.-M. LE CORRE, obs.
Rev. Proc. Coll. 1991, p. 182, n° 9 et 1992, p. 42, nO 7 ; E. KERCKHOVEet P.-M. LE CORRE,
article précité, NO 31).

- 132 -
ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir». La illlse en oeuvre de
cette définition suppose donc, en premier lieu, un inventaire du passif et de
l'actif du débiteur (a) qui
révèlera, dans un deuxième temps, son
impossibilité à faire face aux dettes (b).
a) L'inventaire du passif et de l'actif
137.- Si la notion de surendettement évoque une accumulation de
dettes, la loi ne les prend pas toutes en compte pour l'application des
nouvelles procédures. Seules les dettes non professionnelles du demandeur
sont considérées 1. Il s'agit des dettes qu'un particulier contracte pour les
besoins de sa vie privée, par opposition aux dettes nées de la poursuite d'une
activité professionnelle2.
TI semble que l'article 1er ne fait aucune distinction selon l'origine ou
la nature des dettes. Par dettes, il faut entendre tout le passif non
professionnel
du
débiteur,
qu'il
soit
d'origine
contractuelle
ou
extracontractuelle. Ainsi sont concernés tous les engagements souscrits par
un débiteur vis - à - vis d'un créancier sans que distinction soit faite entre les
charges périodiques qui naissent de la nécessité de payer un loyer, les frais
de copropriété, les factures d'eau, d'EDF, etc., et celles qui résultent du
remboursement des prêts consentis ou des loyers de location - vente3. De
même, les dettes de dommages-intérêts ou d'amende auxquelles l'intéressé
aura été éventuelleinent condamné judiciairement peuvent également être
prises en compte4 .
il y a par contre difficulté au sujet des dettes à l'égard du trésor et
1
V. Supra n° 132.
2
Y. CHAPUT, anicle précité, n012, qui relève notamment les difficultés qu'il y a à faire la distinction entre
les dettes professionnelJess et les dettes non profeSJionnelles ; V. aussi: G. PAISANT, 1.CP. 91, l,
3510, n027. L a Cour de cassation préconise en effet une interprétation stricte de l'an. 1er de la loi de
1989 : le surendettement doit s'apprécier «en considération des seules dettes non profesionnelJes» du
débiteur (Civ. 1ère, 18 fev. 1992, D.S. 1992, I.R., 120 ; R.T.D.Com.1992, 455, nO l, obs. G
PAISANT).
3
Les procédures de règlement amiable et de redressement judiciaire civils sont, de ce fait, applicables aux
dettes de loyers (Trib. inst. Rouen, 8 juin 1990, G.P. 90, 16 Août, Somm. ; Trib. insl. Troyes, 12 juin
1990, D. 91, Somm., 51, obs. BOULOC et CHATAIN; Paris, 13 nov. 1990, 3e esp., G.P. 5 janv. 91,
note LECHARNY), aux dettes vis-à-vis d'EDF - GDF (Trib. inst. Puy en Velay, 20 juin 1990, D.91,
Somm., 51, obs. BOULOC ct CHATAIN) ; V. aussi G. PAISANT, article précité, 1.CP. 91, l, 3510,
n029.
4
G. PAl SANT, article précité, 1.CP. 91, 1,3510, n029.

- 133 -
des organismes sociaux. L'article 12 de la loi interdit au juge de reporter ou
de rééchelonner les paiements des dettes fiscales, parafiscales ou envers les
organismes de sécurité sociale. Cela veut-il dire que ces dettes ne rentrent
pas dans la visée de la loi? Ce n'est pas l'opinion du Professeur G. Paisant
qui considère que ces dettes font partie du champ d'application des nouvelles
procédures 1. Telle est aussi la position de la Cour de cassation. Dans une
affaire où le tribunal d'instance avait déclaré irrecevable la demande
d'ouverture d'une procédure de règlement amiable d'un débiteur en
énonçant que les dettes dont il faisait état étaient, soit des dettes
professionnelles, soit des dettes à l'égard du trésor public qui, aux termes de
l'article 12, ne sont pas susceptibles de rééchelonnement ou de report, elle a
jugé que la procédure peut être ouverte «si le débiteur se trouve en situation
de
surendettement
en
considération
de
ses
seules
dettes
non
professionnelles, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que leur paiement
sera, ou ne sera pas, susceptible d'être reporté ou réaménagé par le juge s'il
est saisi, ultérieurement, d'une procédure de redressement judiciaire»2.
Autrement dit, les dettes fiscales, parafiscales ou envers les organismes de
sécurité sociale sont prises en compte dans la détermination de l'état de
surendettement du débiteur demandeur3. Par voie de conséquence, on devra --
considérer que pour apprécier la situation de surendettement, le juge devra
également tenir compte des dettes d'aliments, malgré le sort particulier qui
leur est reservé par l'article I l de la loi4 .
138.- En ce qui concerne l'actif, la loi n'apporte aucune preCISIOn
sur les éléments avec lesquels le débiteur devrait être en mesure de faire face
au passifS. Mais, on pense naturellement aux ressources du ou des
1
G. PAJSANT, article précité, J.c.P. 90, J, 3457, n030.
2
Civ. lere, 18 fév. 1992, J.c.P. 92, éd. G., IV, 1198, p. 130.
3
On remarque d'ailleurs que l'art. 15 de la loi prévoit que les créances des organismes de sécurité sociale ou
de prévoyance peuvent faire l'objet de remises dans les conditions prévues par décret en conseil d'Etat. II
est ainsi très proche de l'art. L. 247 du Livre des proc&lures fiscales qui autorise les remises gracieuses,
totales ou partielles, d'impôts, au profit des contribuables «dans l'impossibilité de payer par suite de gêne
ou d'indigence». En réalité, il s'agit d'une question de compétence, le juge d'instance ne peut intervenir en
matière de dettes fiscales ou parafiscales, parce que le rééchelonnement de celles - ci relève de la
compétence du Trésorier - payeur général (G. RA YNAUD, note sous Bordeaux, 4 déc. 1990, c.c.c. oct.
1991, fasc. 955, n0212). C'est ce que confirme la Cour d'appel de Bourges lorsqu'elle juge que les dettes
fiscales ou parafiscales «ne peuvent être intégrées dans un plan; il appartient aux organismes concernés de
réclamer leurs créances selon les modalités qu'ils décident discrétionnairemenl» (Bourges, 16 oct. 1991,
c.c.c. juin 1992, fasc. 955, n° 123, note G. RA YMOND).
4
V. G. PAJSANT, note sous Civ. 1ère, 18 fev. et 31 mars 1992, D.S. 1992,317.
5
Y. CHAPUT, article précité, n074 ; J.-J. DAJGRE, article précilé, p. 651.

- 134 -
demandeurs : revenus du travail, du
capital, allocations chômage,
prestations sociales, pensions alimentaires, etc. En effet, pour la Cour de
cassation, la situation de surendettement .. s'apprécie au regard de
l'ensemble des ressources du débiteur, quelle qu'en soit l'origine et sans
qu'il y ait lieu de s'attacher à leur caractère imposable" 1. D'une manière
générale, doctrine et jurisprudence considèrent que faute d'avoir précisé,
comme le fait la loi du 25 janvier 1985, qu'il fallait se référer à l'actif
disponible, la loi Neiertz oblige à prendre en compte, pour apprécier le
surendettement du débiteur, les éléments de tout son patrimoine 2 .
«L'analyse de la situation de surendette ment, estime le tribunal d'instance
d'Alès, ne saurait prendre en compte que les seuls revenus, mais bien
évidemment la totalité du patrimoine, réalisable, disponible»3. Ainsi, fort
logiquement, plusieurs décisions prennent en considération le patrimoine
immobilier ou mobilier, dont la réalisation permettrait d'apurer les dettes,
pour écarter le surendettement4 . Cette tendance est approuvée par la
doctrine qui estime que le bénéfice de la loi étant réservé aux démunis, celle-
ci ne saurait servir à permettre à certains de sauver leur patrimoine5 . La
Cour de cassation a d'aillleurs récemment dissipé toute ambiguïté en
précisant que l'état de surendettement du débiteur doit être apprécié "au ~
regard de
l'ensemble des ressources du débiteur,
quelle qu'en soit
l'origine»6 ; y compris "la valeur des immeubles dont les débiteurs sont
propriétaires» 7.
C'est la comparaison de l'actif, ainsi défini, aux dettes du débiteur
qui révélera l'impossibilité de ce dernier à faire face à son passif.
Ciy. Iere, 18 fév. 1992, 1.C.P. 92, éd. G., IV, 1199, p.130 ; V. aussi: G. PAISANT, 1.c.P. 91, l,
3510, n030 ; compar : J.-1. DAIGRE, article précité, p. 651.
2
G. PAISANT, article précité, 1.c.P. 91, l, 3510, n030 ; P. -M. LE CORRE, article précité, Rey. proc.
coll. 1992, 1,42, n08.
3
Trib. inst. Alès, 28 juin 1990, cité par P.M. LE CORRE, Rey. proc. coll. 1992, l, 92, n08.
4
Versailles,? mars 1991, R.T.D. corn. 91,448, n02,"()bs. PAISANT; -
4 ay. 1991, J.c.P. 91, éd. E.,
Pan., 1243, p. 419; Paris, 3 juillet 1991, J.c.P. 91, éd. E., Pan, 1245, p. 419; Douai, 31 oct. 1990,
cité par P.-M. LE CORRE, Rey. proc. coll. 1992, l, 42, n08 ; Versailles, Il déc. 1990, cité par P.-M.
LE CORRE, Rey. proc. coll. 1991,2, 181, nO? ; Trib. inst Alès, 28 juin 1990 et23 août 1990, cité par
P.-M LE CORRE, Rey. Proc. Coll. 199],2, ]8], nO? ; contra_: Trib. inst. Limoges, 29 oct. ]990, cité
par P.-M. LE CORRE, article précité, Rey. proc. Coll. 1991,2, 18]. nO? Compar : J.-J. DAIGRE,
article précité.
5
P.-M. LE CORRE, article précité, Rey. Proc. coll. 92, 1,42, nO? ; G. PAISANT, article précité, R.T.D.
Corn. 9],448, n02.
6
Ciy. ]ère, ]8 fey. ]992, O.S. ]992, I.R., 136; R.T.D.Com. ]992,455, nO ], obs. G. PAISANT.
7
Ciy. ]ère, 3] mars ]990, R.T.D.Com. ]992,455. n° ], obs. G. PAISAND.

- 135-
b) L'impossibilité manifeste de faire face à ses dettes
139.- L'état de surendettement se caractérise par «l'impossibilité
manifeste ... de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles
exigibles et à échoir». Ce concept, exprimé par l'article 1er, a un rôle
primordial dans l'appréciation de la situation du demandeur et présente
une originalité certaine.
D'abord, la loi exige que l'impossibilité soit «manifeste». La doctrine
donne deux sens à ce qualificatif: il est, d'une part, interprété comme
voulant dire que sa révélation, sa manifestation, doit être «indiscutable,,) ; ce
qui lui donne une valeur probatoire 2 . Il peut, d'autre part, exprimer le
caractère
particulièrement important du
déséquilibre
financier
du
débiteur3. Les deux sens peuvent d'ailleurs être retenus cumulativement.
Ensuite, l'impossibilité doit consister à ne plus «faire face». L'état de
surendettement est donc établi après comparaison du passif et de l'actif tels
qu'ils ont été définis. La première difficulté est de fixer un seuil à partir
duquel cet état se manifestera. Pour ce faire, les juridictions utilisent la
méthode
du
cas par cas4 .
Certaines
décisions
ont déjà
admis le
surendettement lorsque les échéances qui s'imposent au débiteur excèdent
la moitié de ses revenus5 et d'autres ont exclu des nouvelle procédures les
personnes dont les remboursements ne représentent que le tiers de leurs
ressources ou qui étaient dépourvues de charges tout en bénéficiant de
certains revenus 6• L'autre difficulté est relative au moment d'appréciation
de l'état de surendettement. Il faut relever à ce sujet une divergence
jurisprudentielle, certaines décisions considérant que le surendettement
doit exister au jour de la saisine de la commission ou éventuellement du
tribunaP, et d'autres trouvant qu'il est suffisant d'en prévoir l'existence à
)
J.-J. DAJGRE, article précité, p. 651 ; Y. CHAPUT, ~ticle précité, nOl2.
2
Trib. inst. Orléans, 5 Av. 1990, G.P. 10 - 12 juin 90, obs. A. GOURI0 ; Trib. inst. Parthenay, 18 janv.
1991, C.C.C. Avril 91, fasc. 955, n099.
3
Y. CHAPUT, article précité, nOl2.
4
G. PAJSANT, article précité, J.c.P. 91, J,3510, n031.
5
Trib. inst. Saint - Avold, 7 mars 1990 et Trib. insL Gueret, 25 mai 1990, cités par G. PAl SANT, article
précité, J.C.P. 91, 1,3510, n031. v. aussi à la R.T.D.Com.1992, 455, n° 1.
6
Trib. Inst. Orléans, 5 av. 1990 et Trib. inst. Gueret, 25 mai 1990, cités par G. PAISANT, J.C.P. 91, l,
3510, n031.
7
Trib. insL Nancy, 9 av. 90, Petites Affiches, 23 août 1991, p. 4, note RICHEVAU.X ; Toujouse, 29 OCl.
1990, KT.D. Corn. 91,448, n02. obs. G. PAISANT.

- 136 -
brève échéance l . La doctrine est, elle aussi, divisée entre ceux qUI sont
favorables à une prise en compte des difficultés ou des améliorations
prévisibles de la situation du débiteur2 et ceux qui militent pour que
l'ouverture de la procédure soit subordonnée à l'existence effective du
su rende t te men t 3 . Mais la loi apporte elle-même la solution à cette
controverse; selon l'article 1er, les dettes à prendre en considération sont
celles «exigibles et à échoir». Ce qui veut dire, en d'autres termes,
qu'aucune distinction n'est faite entre les dettes échues et celles à échoir,
entre le court, le moyen et le long terme. Comment ne pas songer, par
exemple, aux emprunts à taux progressifs ou à la baisse à venir de
ressources 4 ? C'est sans doute cette prise en compte des difficultés
prévisibles qui permet de conclure que le surendettement ne se confond, Dl
avec la cessation des paiements, ni avec l'insolvabilité5.
Dans tous les cas, le poids du passif actuel ou virtuel doit être
apprécié en fonction du déséquilibre financier que la loi de 1989 a pour objet
de corriger. En cette matière, le juge joui t d'un pouvoir souverain6 , tout
comme en ce qui concerne l'appréciation de la bonne foi du débiteur.
La bonne foi du débiteur
140.- L'exigence de la bonne foi du débiteur résulte formellement de
l'article 1er de la loi. Mais le contentieux qui s'est développé à propos de cette
notion révèle toute la difficulté qu'il y a à en donner une interprétation.
Que faut-il, en cette matière, entendre par «débiteur de bonne foi» ?
La loi de 1989 contient en réalité deux conceptions de la bonne foi. Il y
a d'abord l'article 16 qui écarte du bénéfice des procédures de règlement
En ce sens: Chambéry, 28 janv. 1992, RT.D. Corn. 91, 448, obs. G. PAISANT ; V. G. PAl SANT,
3fÙcle précité, J.c.P. 91, 1, 3510, annexe 2.
2
G. PAISANT, article précité, J.c.P. 91, l, 351()y..n032 ; obs. in RT.D. corn., 91, 448, n02 ; Y.
CHAPUT, article précité, non; J.-J. DAIGRE, article précité.
3
P.-M. LE CORRE, article précité, Rev. proc. coll. 1991,2,179, n04.
4
G. PAISANT, article précité, 1.C.P. 91, 1,3510, n032.
5
Y. CHAPUT, article précité, n° 16 ; G. PAISANT, article précité, 1.C.P. 90. l, 3457, n02l et s. La
cessation des paiements apparaît lorsque le passif exigible ne peut être payé alors qu'avec le
surendettement, pourra être pris en considération le passif qui n'est pas encore exigible, même si le
débiteur fait encore ponctuellement face aux échéances passées ou présentes. L'insolvabilité quant à elle,
est l'état de celui dont le passif est supérieur à l'actif, ce qui pourrait ne pas être le cas d'une personne
surendettée, laquelle peut avoir un actif supérieur à son passif.
6
Civ. 1ère, 22 oct. 1991, c.c.c. janv. 1992, fasc. 955, nOl9, 1ère esp.

- 137 -
amiable et de redressement judiciaire civils les débiteurs qui, au moment de
la saisine de la commission ou
au cours de la procédure, ont un
comportement dolosir. Un auteur y voit «une mauvaise foi procédurale»2. TI
y a ensuite l'article 1er qui
semble faire de la bonne foi du débiteur une
condition de recevabilité de la demande d'ouverture de l'une ou l'autre des
procédures.
TI a été proposé d'interpréter la «bonne foi» de l'article 1er par
référence à l'article 163 ; Le débiteur serait alors de mauvaise foi lorsqu'il
s'est comporté selon les prévisions de cet article. Cette interprétation est
cependant rejetée par la doctrine qui considère que les deux dispositions
n'ont pas le même objet: tandis que l'article 1er pose les conditions dans
lesquelles peut être ouverte une procédure de règlement amiable ou de
redressement judiciaire, l'article 16 prévoit les cas dans lesquels il y aurait
déchéance4 , ce qui suppose que la procédure a déjà été ouverte. Mais, à notre
avis, il semble plus approprié de considérer que l'article 1er institue une
notion de bonne foi autonome qui peut concerner aussi bien les actes
réprimés par l'article 16, lesquels rentreraient donc dans les prévisions des
deux articles, que le comportement du débiteur antérieur à la demande
d'ouverture de la procédure. En effet, il se dégage de l'ensemble des'
décisions rendues en la matière que les juridictions de première instance ou
d'appel qui ont été saisies apprécient la bonne foi, condition d'ouverture de la
procédure, tant par rapport aux conditions de la conclusion des crédits qui
ont provoqué le surendettement5 , que par rapport au dossier fourni à la
Cet article dispose qu'est déchu des dispositions du tiLre 1er de la loi: 1° Toute personne qui aura
sciemment fait de fausses déclarations ou remis de documents inexacts en vue d'obtenir le bénéfice des
procédures de réglement amiable et de redressement judiciaire; 2° Toute personne qui, dans le même but,
aura détourné ou dissimulé, ou tenté de détourner ou dissimuler, tout ou partie de ses biens; 3° Toute
personne qui, sans l'accord de ses créanciers ou du juge, aura aggravé son endettement en souscrivant de
nouveaux emprunts ou aura procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant l'exécution du
plan ou le déroulement des procédures de réglement amiable ou de rcdressementjudiciaire.
2
Y. CHAPUT, article précité, n020.
3
V. KORNEMANN, Prévention et réglement du surendettement des particuliers, J.c.P. 90, éd. N., l, 124;
Y. CHAPUT, article précité. n021 ; Il semble que le Secrétaire d'Etat. auteur de la loi, défend également
cette position, V. Rép. quest. écrite n028981 : J.O. Ass. nat. (Q), 17 sept. 1990. p. 4344.
4
G. RAYMOND, La bonne foi dans le surendettement des particuliers et des familles. c.c.c. Avril 91,
Chr. 1.; Y. CHAPUT, article précité. n021.
5
Trib. inst. Mâcon, 16 mars 1990 et Trib. inst. Epinal. 28 mars 1990, Rev. huiss. 1990,753. 2e esp.
note J.-P. FAGET; Trib. inst. Paris, 13 mars 1990, G.P. 90,1. Somm., 318; Versailles. 28 juin 1990,
D. 90, 578, note VALENS. Ces différentes décisions tiennent notamment compte du comportement du
débiteur lors de la conclusion et de J'exécution des contrats de prêts. Cependant. un débiteur ne saurait êrne
tenu de mauvaise foi pour la simple raison qu'il a été licencié en raison d'indélicatesses graves et répétées
et qu'il a contracté des dettes après avoir été licencié (Civ. 1ère, 31 mars 1992. D.S. 1992, 1992, I.R.,
151).

- 138 -
commission de surendettement l . En d'autres termes, pour apprécier la
bonne foi du débiteur, les tribunaux se réfèrent à son comportement globaF.
Cette solution présente l'avantage de réaliser la synthèse des deux
points de vue qui coexistent sur le moment d'appréciation de la bonne foi du
débiteur en le situant, soit à la date de la saisine de la commission ou du
tribunaP, soit à une date antérieure à celle de saisine4 . Ainsi, lorsque la
mauvaise foi consistera en une utilisation maligne de la loi ou en de
manoeuvres frauduleuses en vue de bénéficier de la loi, elle ne pourra
exister qu'au moment de l'ouverture de la procédure et lorsqu'elle sera
constituée par une attitude antérieure du débiteur, il faudra nécessairement
qu'elle préexiste à la demande.
141.- Cependant, la présomption de bonne foi, qui peut être
considérée comme un principe général du droit, joue ici 5. C'est donc
l'absence de preuve de la mauvaise foi du débiteur, et non la preuve de sa
bonne foi, qui fait que le bénéfice de la loi est ouvert. TI appartient dès lors au
créancier qui conteste la bonne foi du débiteur de rapporter la preuve de sa
mauvaise foi, soit devant la commission, soit, le plus souvent, devant les'
juridictions civiles compétentes 6. Et les juges du fond jouissent, en cette
matière, d'un pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui
leur sont présentés par les créanciers7.
Viennent ainsi d'être définies les règles d'application des procédures
instituées par la loi Neiertz. Mais, si ces conditions de fond sont communes
A. GOURIO, note sous Bar -Ie- Duc, 29 mars 1990, G.P. 90, 1, Somm., 314 ; G. RA YMOND, article
précité.
2
A. GOURIO, note sous Bar le Duc, 29 mars 1990, G.P. 90, l, Somm., 319.
3
V. Rep. minisl. n045479, J.O. Ass. nal., 70cl. 1991 p. 4102 ; J.c.P. 91, éd. E., Pan, 1217, p. 409; B.
BOULOC et CHATAIN, note sous Versailles, 28 juin 1990, D.91, Somm., 53 ; KORNMANN, article
précité; Trib. insl. Saint-Ouen, 21 juin 1990, LC.P. 90, éd. E., l, 20368 ; Trib insl. Chambon -
Fougerolles, Il juillet 1990, D.91, Somm., 54, obs!"'BOULOC et CHATAIN; Trib. insL Verdun, 26
av. 1990, D.91, Somm., 54, obs. BOULOC. et CHATAIN.
4
G. PAISANT, article précité, J.c.P. 91, éd. G., l, 3510, n023 ; P.-M. LE CORRE, article précité, Rev.
proc. coll. 92, 1,45, nOlO; J.-c. GROSLIEVRE, note sous Pau, 17 déc. 1990, D. 91, 271 ; Paris, 20
sept 91, J.c.P. 91, éd. E., Pan., 1218, p. 409 ; -
11 Av. 91, D. 91, I.R., 208 ; -
20 Sepl. 91, D. 91,
I.R., 238.
5
G. RAYMOND, article précité; G. PAISANT, article précité, J.c.P. 91, l, 3510, nOl9 ; Y. CHAPUT,
article précité, n023 ; P. LE CANNU, article précité; J.-J. DAIGRE, article précité.
6
Civ. lère,4 av. 1991, D. 91, 307, note B. BOULOC; J.c.P. 91, éd. G., II, 21702, note Y. PICOD;
c.c.c. juin 91, rase. 955, n0150, note G. RA YMOND.
7
Civ. 1ère, 4 Av. 91, c.c.c. Juin 1991, rase. 955, n0150, 2e esp., note G. RA YMOND.

- 139 -
au règlement amiable et au redressement judiciaire, il n'en va pas de même
de leur déroulement par lequel les deux procédures se distinguent.
§2 - Les procédures de traitement du surendettement des
particuliers
142.- Le titre 1er de la loi du 31 décembre 1989 - qui contient des
dispositions essentiellement curatives - organise deux procédures distinctes,
le plus souvent d'application successive. La procédure débute en principe,
mais pas nécessairement l , par une tentative de règlement amiable devant
une commission administrative et elle est susceptible de se prolonger, si
besoin est, devant le tribunal d'instance2.
Le règlement amiable est destiné, par l'élaboration d'un plan
conventionnel approuvé par le débiteur et ses principaux créanciers, à
régler la situation de surendettement3 . Il s'agit d'une procédure de
conciliation (A). Le redressement judiciaire civil permet, -lui, au juge de
prendre
des
mesures
de
sauvegarde
dans
le
cadre
d'un
plan de -.
remboursement4 (B). Au-delà des différences procédurales, l'une et l'autre
voies peuvent aboutir à diverses mesures ayant pour effet de rendre plus ou
moins inopérants, pendant un certain temps, les engagements pris par le
débiteur.
A· Le règlement amiable
143.- L'ouverture du règlement amiable est de la compétence d'une
commission d'examen des situations de surendettement (1) qui, une fois
En effet, l'ouverture d'un rcdressementjudiciaire ne succède pas nécessairement à une tentative infractueuse
de conciliation devant la commission administrative ~eIJe peut aussi intervenir, soit à la demande d'un
débiteur, soit à la demande d'un autre juge qui à l'occasion d'un litige ou d'une procédure d'exécution,
aurait constaté une situation de surendeuement, V. art. 9 et 10 de la loi et infra n° 149.
2
La procédure collective de redressement judiciaire civil des difficultés financières du débiteur en état de
surendettement devait se dérouler, selon le texte initial de la loi, devant le tribunal d'instance du domicile
du débiteur (arl. 1er al. 1er de la loi). Cependant, la loi n091-65ü du 9 juillet 1991, portant réforme des
procédures civiles d'exécution, et qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 1993, institue un juge de
l'exécution et remplace dans la loi du 31 décembre 1989 les mots: «tribunal d'instance», par les mots :
«juge de l'exécution» ; V. art. 95 de la loi du 9 juillet 1991.
3
Art. 1er al. lerde la loi.
4
Art. 10 de la loi.

- 140 -
saISIe, s'efforce au cours de la procédure de concilier les parties en vue de
l'obtention d'un accord amiable (2).
1 - L'ouverture de la procédure
144.- Selon l'article 7 du décret d'application de la loi, daté du 21
février 1990, la commission compétente est celle du domicile du débi teur 1.
Elle ne peut être saisie que par le débiteur lui-même ou par le tribunal
d'instance dans les conditions prévues à l'article11 de la loi2 ; il s'agit du cas
où le juge a été directement saisi de l'ouverture d'une procédure de
redressement judiciaire civil, auquel cas il renvoie l'affaire à la commission
aux fins de conciliation, sauf échec prévisible de la procédure de règlement
amiable 3.
Il ressort de l'article 8 du décret que la commISSIOn est saisie des
demandes d'ouverture de procédure de règlement amiable par une
déclaration type signée du débiteur et contenant les principaux éléments
d'information
sur
sa
situation
tant
personnelle
que
familiale
et
patrimoniale. La commission devra alors informer le débiteur et les "
créanciers de sa saisine par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception.
Aux termes de l'article 9 alinéa 1er du décret, la commission est
tenue d'examiner la recevabilité de la demande. Sa décision de recevabilité
ou d'irrecevabilité doit être notifiée au débiteur et aux créanciers par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception. Dans tous les cas, les
Selon l'arl. 2 de la loi, il est institué dans chaque département au moins une commission d'examen des
situations de surendellement comprenant le représentant de l'Etat dans le département, président, Je
LIésorier-payeur général, vice-président, Je représentant local de la banque de France, qui assure le
secrétariat, ainsi que deux personnalités choisies par Je représentant de l'Etat dans le département, l'une sur
proposition de l'association Française des établis~menLS de crédit et l'autre sur proposition des
associations familiales ou de consommateurs (pour les règles de fonctionnement des commissions: V.
Décret n090-175 du 21 fév. 1990 D90 165).
2
Art. 1er de la loi.
3
Les créanciers ne peuvent donc pas saisir la commission en vue de l'ouvenure de la procédure de réglemenl
amiable (V. J.-L. LECHARNY, Les incidences procéduraJes des dispositions de la loi n089-101O du 31
décembre 1989 et de son décret d'application n090-175 du 21 février 1990, G.P. 12 juin 1990, doc., p. 2 ;
Y. CHAPUT, article précité, n035). Cependant, les auteurs relèvent qu'un ou plusieurs créanciers peuvent
saisir le tribunal d'instance Uuge de l'exécution), lequel a la faculté de confier à la commission une
mission de conciliation (V. An. Il de la loi; G. PA1SANT, article précité, J.c.P. 90, l, 3457, n031 ; Y.
CHAPUT, article précité, n035).

- 141 -
parties intéressées ont un délai de quinze jours pour l'exercice éventuel
d'une voie de recours l . C'est le tribunal d'instance - le juge de l'exécution
avec la loi du 9 juillet 1991 - qui est compétent pour connaître des recours
dirigés contre les décisions prises par la commission sur la recevabilité des
demandes d'ouverture d'une procédure de règlement amiable 2.
Il faut toutefois souligner que ce dispositif n'est pas applicable
lorsque l'ouverture du règlement amiable est requise par le juge dans les
conditions de l'article I l ; dans ce cas, la commission n'a plus à apprécier si
les conditions d'ouverture sont réunies puisque le juge s'est déjà prononcé
sur leur justification3.
2 - Le déroulement de la procédure
145.- La commISSIon est chargée, dans un premier temps, de
dresser l'état d'endettement du débiteur. Le législateur l'a, à cette fin,
investie d'importants pouvoirs d'investigation. Ainsi, elle a accès aux
informations contenues dans le fichier national des incidents de paiements
et peut se faire communiquer par les administrations publiques, les"
établissements de crédit et les organismes de sécurité et de prévoyance
sociales tous renseignements susceptibles de l'éclairer sur la situation du
débiteur. Elle peut même faire procéder à des enquêtes sociales. En outre, il
est prévu que la commission peut entendre toutes les personnes dont
l'audition lui paraît utile4 . Dans un deuxième temps, la commission a pour
mission de faciliter, sans imposer des mesures, la négociation entre les
parties afin d'aboutir à la conclusion d'un plan conventionneI5 (b) ; mais elle
l
La lettre de notification de la décision de la commission doit indiquer la possibilité de ce recours.
2
V. an. 5 de la loi. Cependant, un arrêt de la cour de cassation fait la distinction entre les décisions qu'un
tribunal d'instance est amené à prendre en matière de recours contre les décisions de la commission
administrative. Lorsque le tribunal est saisi d'un recours contre une décision de recevabilité. il statue en
matière contentieuse et doit alors entendre toutes les .parties concernées. En revanche. s'il statue sur une
décision d'irrecevabilité à la demande du débiteur, il statue en matière gracieuse, sauf intervention des
créanciers, et la règle du contradictoire ne s'impose donc plus. V. Civ. 1er. 4 Av. 1991, D.91, tR., 110;
G.P. 14-16 Av. 91, p. 26; c.c.c. Juin 91, rasc. 955, n0152. note G. RAYMOND; Rev. prac. coll.
91,3,263, n025 ; V. aussi: civ. 1ere, 22 oct. 1991. C.C.c. janv. 92. rasc. 955. n018 et N.
DECOOPMAN, Le principe du Contradictoire et le traitement du surendettement, D.90, Chf., 237.
3
P. LE CANNU, article précité, n023 ; Y. CHAPUT, article précité, n035 ; G. PAISANT, anicle précité,
J .c.P. 90, 1, 3457, n034.
4
V. an. 2 et 3 de la loi et art. 12 du décret.
5
Il ressort de l'art. 9 de la loi que la commission dispose d'un délai de deux mois, à compter de sa saisine,
pour recueillir l'accord des intéressés sur Je plan conventionnel.

- 142 -
peut, au cours de la procédure, SaJSlr le juge aux fins de suspenSlOn des
voies d'exécution (a).
a) La suspension des voies d'exécution
146.- L'alinéa 4 de l'article 1er de la loi prévoit que la commission,
une fois qu'elle a ouvert la procédure, peut au cours des négociations saisir
le juge de l'exécution aux fins de suspension des voies d'exécution qui
seraient diligentées contre le débiteur, à l'exclusion
de celles relatives au
recouvrement des dettes alimentaires!. L'objectif visé est, à l'évidence, de
permettre
à
la
commission
de
mener sereinement
sa
mission
de
conciliation. Le juge est saisi par simple lettre adressée au greffe et signée
du président de la commission; à cette lettre doivent être annexés un relevé
des éléments actifs et passifs du patrimoine du débiteur, l'état de son
endettement et la liste des procédures que la commission souhaite voir
suspendues. La décision du juge ordonnant la suspension mentionne la date
de saisine de la commission et est notifiée aux créanciers poursuivants et
aux agents chargés de l'exécution par lettre recommandée avec demande
d'avis de réception2 • Cette ordonnance n'est pas susceptible d'appel. La'
suspension cesse toutefois de produire effet de plein droit, à l'expiration d'un
délai de trois mois à compter de la date de saisine de la commission, à moins
que le juge n'ait fixé dans son ordonnance un délai plus brefJ.
Cette suspension des voies d'exécution est une mesure de bon sens.
En effet, il est à craindre que par des actions individuelles en exécution
forcée,
certains
créanciers
compromettent
les
possibilités
d'une
planification du règlement global de la situation du débiteur. Cette mesure
peut être rapprochée, au plan des effets, du délai de grâce dans la mesure
où, en rendant impossible l'exercice des voies d'exécution, elle fait, comme
celui-ci, obstacle à l'exécution4 . Cette suspension a d'ailleurs un caractère
très provisoire et ne permet pas d'aioSoupIir, de façon significative, la
!
V. art. II al. 5 du décret du 21 fév. 1990.
2
La notification indique que la décision peut faire l'objet, de la part des créanciers poursuivants, d'une
demande en retractation fonnée par déclaration remise ou adressée au greffe, à laquelle est jointe une copie
de la décision (art. II al. 2 du décret).
3
Pour davantage de précisions, V. Les art. JO et II du décret et la circulaire du 21 fév. 1990, J.O. 27 fév.
1990.
4
V.lnfra n° 271 bis et s.

- 143 -
situation du débiteur. C'est, en revanche, le but d'un plan conventionnel de
règlement.
b) Le plan conventionnel de règlement
147.- Dans l'hypothèse où la commission parvient à trouver entre
les créanciers et le débiteur un modus
vivendi, il est établi un plan
conventionnel de règlement. Selon l'article 4 de la loi, ce plan peut tout
d'abord se traduire par la modification des engagements préexistants :
report ou rééchelonnement des paiements, réduction, voire suppression, du
taux d'intérêt, éventuellement remise de dettes ou substitution de garanties.
Mais ce réaménagement des dettes peut, en plus, être subordonné à
l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le
paiement de la dette ou encore son abstention de poser des actes qui
aggraveraient son insolvabilité. Ces mesures, en particulier le report et le
rééchelonnement des échéances, ont pour effet de donner un répit au
débiteur qui, pendant un certain temps, sera dispensé du paiement des
dettes échues ; il bénéficiera d'une suspension de ses engagements
contractuels.
Pour
la
doctrine
ce
plan
présente
une
nature
purement
contractuelle; il s'agit d'un accord conclu entre le débiteur et ses principaux
créanciers qui ne comporte pas de caractère forcé l . Ce n'est ni un pacte
collectif, ni un contrat judiciaire2. C'est un contrat librement négocié entre
les parties dont les effets et la portée doivent être mesurés à l'aune du droit
commun contractueP. Ce qui n'est pas le cas des mesures prises dans le
cadre d'un redressement judiciaire civil.
B - Le redressement judiciaire civil
148.- A entendre parler de retlressement judiciaire civil, on pense
irrésistiblement à la procédure de la loi du 25 janvier 1985. Dans les deux
cas, il s'agit bien, sous l'égide du juge, de régler le passif d'un débiteur en
1
G. PAI5ANT, article précité, J.CP. 90, ed. G., l, 3457, n046.
2
Le pacte collectif est pris ici dans le sens de celui qui s'applique à des personnes autres que celles qui l'ont
conclu; V. Y. CHAPUT, article précité, n068.
3
G. PAl5ANT, article précité, J.CP. 90, l, 3457, n047 ; Y. CHAPUT, article précité, n068.

- 144 -
difficulté. Toutefois, malgré cette identité de terminologie, et même en
faisant abstraction de leurs domaines d'application distincts, des différences
sensibles séparent les deux procédures. Le redressement judiciaire civil
n'est pas une procédure collective au sens courant du qualificatifl ; il
n'organise pas la représentation des créanciers et le déclenchement de la
procédure ne saurait déboucher sur une liquidation judiciaire 2. Cette
originalité se manifeste aussi bien au moment de l'ouverture (1) que pendant
le cours de la procédure (2).
1· L'ouverture de la procédure de redressement judiciaire civil
149.- Les cas d'ouverture de la procédure de redressement
judiciaire sont énoncés par les article 9 et la de la loi. Une première
remarque s'impose: les hypothèses d'ouverture du redressement judiciaire
sont plus variées que celles qui conduisent à la procédure amiable.
La saisine du juge est d'abord ouverte aux créanciers et au débiteur.
En effet, l'article 9 de la loi dispose que «les intéressés peuvent demander au
juge
d'instance
(juge
de
l'exécution)
d'ouvrir
une
procédure
de"
redressement judiciaire civil». Mais il semble que la saisine n'est offerte aux
créanciers que dans les trois cas prévus par l'article 93 alors que cette faculté
semble offerte au débiteur en toute circonstance4.
La justice peut, elle-même, requérir l'ouverture de la procédure.
D'une part, le tribunal d'instance peut, d'office, décider le redressement. Il
le fera lorsqu'à l'occasion d'un litige, il constatera une situation de
surendettement5. D'autre part, l'article la de la loi prévoit que la procédure
peut être «engagée à la demande d'un autre juge». toujours, «lorsqu'à
l'occasion d'un litige ou d'une procédure d'exécution sera constatée une
1
P. LE CANNU, article précité, n042 ; J.-J. DAIGRE, Mticle précité, n083.
2
G. PAISANT, article précité, J.C.P. 90, l, 3457, n049.
3
Il s'agit des cas où il y a échec de la négociation, soit parce que les parties n'ont pu arriver à un accord
dans le délai imparti (2 mois), soit que, pendant la procédure, l'un des créanciers a poursuivi ou engagé
une procédure d'exécution, et de celui où la commission a estimé que la situation du débiteur ne lui
permettait pas d'entrer dans le champ d'application de la loi, V. G. PAISANT, article précité, J.c.P. 90,
1,3457, n053 et s.
4
Aux cas visés par l'art. 9, il faut ajouter la disposition de l'art. 10 al. 3 qui semble permettre la saisine du
juge par le débiteur en tOute circonstance, V. G. PAISANT, article précité, J.C.P. 90, l, 3457, n053 et s.
5
Y. CHAPUT, article précité, n046 ; G. PAISANT, article précité, J.C.P. 90, l, 3457, n056 ; X.
FLECHEUX, article précité, nO!!.

- 145 -
situation de surendette ment». Les auteurs relèvent qu'aucune distinction
n'étant faite entre les juridictions, la demande pourrait émaner aussi bien
d'une juridiction de l'ordre judiciaire que d'une juridiction administrative,
de première instance ou d'appeP. Il en irait différemment de la Cour de
cassation qui ne saurait, stricto sensu, constater une situation de fait telle
que le surendettement.
En ce qui concerne la forme de la saisine du juge du surendettement,
l'article 15 du décret du 21 février 1990 dispose que «hors les cas où elle est
ouverte d'office ou à la demande d'un autre juge,
la procédure de
redressement Judiciaire civil est ouverte sur déclaration remise ou adressée
au greffe du tribunal d'instance Uuge de l'exécution) du domicile du
débiteur»2. Quant au juge qui constate à l'occasion d'un litige ou d'une
procédure d'exécution dont il est saisi une situation de surendettement, il
peut en informer le juge du surendettement du domicile du débiteur par tout
moyen et doit lui transmettre les éléments portés à sa connaissance sur cette
situation 3 .
Valablement saISI, le juge conserve sa liberté d'appréciation de
l'opportunité d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire. Et même
lorsque son intervention aura été sollicitée par un autre juge, cette demande
n'a pas l'autorité de la chose jugée et l'appréciation ainsi faite de
l'endettement du débiteur ne le lie pas 4 . Si le juge constate qu'il a été saisi
par une
personne habilitée et qu'au vu des éléments portés à
sa
connaissance, les conditions exigées sont réunies, il est conduit à ouvrir la
procédure de redressement judiciaire civil; le débiteur et les créanciers sont
informés de la décision prise par lettre recommandée avec demande d'avis
de réception5.
G. PAISANT, article précité, J.c.P. 90,1; 3457, n057 ; Y. CHAPUT, article précité, n046 ; P. LE
CANNU. article précité, n047. Cependant, ni le ministère public, ni la commission administrative ne
sont habilités à demander l'ouverture du redressement judiciaire civil.
2
Art. 15 al. 1 et 2 du décret. Lorsque la commis~n a été préalablement saisie, le greffe invite le
secrétariat de celle-ci à lui transmettre le dossier. Dans le cas contraire, à peine d'irrecevabilité, la
déclaration remise doit préciser la situation familiale du débiteur, fournir l'état de ses revenus et des
éléments actifs et passifs de son patrimoine et indiquer les noms et adresses des créanciers (an. 15 al. 3).
3
Art. 16 du décret.
4
Y. CHAPUT, article précité, n049 ; P. LE CANNU, article précité, n047 ; G. PAISANT, article précité,
J.c.P. 90, l, 3457, n058.
5
V. art. 15 al. 4 du décret. Il faut toutefois signaler que l'avant dernier alinéa de l'art. II de la loi enjoint au
juge de charger la commission d'une mission de conciliation dans l'hypothèse où elle n'aurait pas fait
l'objet d'une saisine préalable, sauf si la situation du débiteur exige la mise en oeuvre immédiate de
mesures de redressement.

- 146 -
2 - Le plan de redressement judiciaire
150.- La préparation du plan de redressement exige que le juge soit
investi d'un pouvoir d'investigation qui lui permette de rechercher les
informations complémentaires pour se faire une opinion plus précise de la
situation du débiteur, le nombre de créanciers et des caractéristiques de
leurs créances. C'est ainsi que le juge peut faire appel aux créanciers et
procéder à la vérification des créances l . Mais l'élaboration d'un plan
nécessitera assez souvent des mesures
conservatoires,
telle que la
suspension des procédures d'exécution (a), destinées à préparer le terrain
aux mesures de redressement proprement dites (b).
a) La suspension provisoire des procédures d'exécution
151.- Le juge peu t, si la situation du débiteur l'exige, prononcer la
suspension des «procédures d'exécution» pour une durée n'excédant pas
deux mois renouvelable une fois 2.
On remarque tout de suite que cette suspension provisoire n'obéit pas -,
au même régime juridique que celle visée par l'article 1er alinéa 4 de la loi.
Le délai de répit est de quatre mois maximum dans le premier cas contre
trois mois dans le second. Dans ce dernier cas, l'initiative de la demande est
exclusivement réservée à la commission3 alors que l'imprécision des termes
de l'article Il, alinéa 4, semble impliquer qu'elle appartienne à toute
personne concernée par la procédure, y compris le juge4 • En plus, l'article
I l parle de «procédures d'exécution» et non de «voies d'exécution» comme le
mentionne l'article 1er5. Enfin, il faut noter que l'alinéa 5 de l'article 11 de la
loi ajoute que, sauf autorisation du juge, la décision qui prononce la
suspenSIon provisoire des procédures d'exécution interdit au débiteur
Art. II al. 2 de la loi; V. aussi Y. CHAPUT, articl~préciLé, n083 et s. ; G. PAISANT, article précité,
J.c.P. 90, l, 3457, n0 59 et s. et 1.c.P. 91, l, 3510, n034 et s.
2
Art. II al. 4 de la loi.
3
V. Supra na 146.
4
G. PAISANT, article précité, J.c.P. 91, 1,3510, n039.
5
La doctrine est très divisée sur la portée à donner à celle différence terminologique. Les uns considèrent
que «procédures d'exécution» recouvrent un champ d'application plus large que «voies d'exécution»
(G.PAISANT, J.c.P. 90, l, 3457, n09; J.c.P. 91, l, 3510, n039), alors que d'autres conseillent de ne
point attacher de subtiles distinctions exégétiques à ce changement terminologique et que les deux
expressions se valent (Y. CHAPUT, article précité, non; P. LE CANNU, article précité; J-1. DAlGRE,
article précité), V. infra na 281.

- 147 -
d'avoir recours à un nouvel emprunt, de payer certaines créances, de
désintéresser les cautions, de faire des actes de disposition ou de prendre
toute garantie ou sûreté. L'article 1er ne prévoit pas de telles restrictions
destinées, sans doute, à établir l'égalité entre les créanciers l .
Cependant dans l'un et l'autre cas, les dettes alimentaires ne doivent
pas être affectées par la mesure de suspension2•
b) Les mesures de redressement
152.- Dans le cadre du plan de redressement judiciaire civil, le juge
apporte des restrictions aux droits des créanciers par des mesures
imposées. L'article 12 de la loi offre au juge, à cette fin,. un éventail assez
large de mesures.
Il pourra, par exemple, modifier le terme des contrats initialement
intervenus entre les créanciers
et le
débiteur en
reportant ou en
rééchelonnant les paiements. Ces moratoires accordés au débiteur sont
applicables à toutes les dettes, même alimentaires3, à l'exception de celles à'
l'égard du fisc et des organismes de sécurité sociale4 . Ce pouvoir du juge est
cependant limité dans la mesure où le délai accordé ne pourrait dépasser
cinq ans ou la moitié de la durée des emprunts en cours. Par ailleurs, le
juge pourra imputer les paiements d'abord sur le capital ou affecter les
échéances reportées ou rééchelonnées d'un taux réduit, pouvant même, sur
décision motivée, être inférieur au taux d'intérêt légaJ5. Ces deux séries de
mesures
peuvent
être
subordonnées,
pour
leur
application,
à
l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le
paiement de la dette ou à son abstention d'accomplir des actes susceptibles
d'aggraver son insolvabilité6•
1
Y. CHAPUT, article précité, n093.
2
An. Il al. 4 de la loi et art. Il al. 5 du décret.
3
En effet, l'art. 12 de la loi, contrairement aux art. Il al. 4 de la loi et 11 al. 5 du décret pour la
suspension des voies d'exécution, n'exclut pas les dettes alimentaires des mesures de report ou de
rééchelonnement. Seules les dettes fiscales et parafiscales ou envers les organismes de sécurité sociale
sont écartées par cette disposition.
4
Il s'agit en réalité d'un problème de compétence car, le juge judiciaire ne peut intervenir en matière de
dettes fiscales et parafiscales dont le rééchelonnement et la remise relèvent des autorités administratives
(V. Art. 15 de la loi ct art. L-247 du livre des procédures fiscales).
5
V. al. 1 et 2 de l'art. 12 de la loi.
6
V. art. 12 al 3 de la loi.

- 14 ~ -
La loi VIse aussi le cas particulier dans lequel il sera procédé à la
vente forcée du logement principal du débiteur grevé d'hypothèque et prévoit
que si le produit de cette vente n'a pas permis de désintéresser les
établissements de crédit qui ont participé au financement, le juge pourra
alors réduire la partie des prêts restant due. La même solution est applicable
lorsque le bien immobilier dont s'agit fait l'objet d'une vente amiable
destinée à éviter une saisie immobilière l .
Il convient de souligner que pour l'application des dispositions de
l'article 12 de la loi, le juge jouit d'un pouvoir d'appréciation lié notamment
à la connaissance que les établissements prêteurs auraient eu de la situation
d'endettement du débiteur et au sérieux avec lequel les prêts ont été
consentis eu égard aux usages professionnels2 . Il ne semble pas non plus
que son pouvoir soit restreint à l'application de quelques unes de ces
mesures , du reste, c'est ce qui résulte des réponses jurisprudentielles
apportées à la question du cumul éventuel par le juge des différentes
mesures de redressement prévus par l'article 12 de la loi]. Le plan de
redressement judiciaire peut donc comporter les trois séries de mesures
prévues par la loi 4 .
Art. 12 al. 4 de la loi; V. aussi: X. FLECHEUX, article précilé, nOl4 ; G. PAISANT, article précilé.
J.c.P. 91, 1,3510, n046.
2
V. dernier alinéa de l'an 12.
]
Nancy, 2e Ch., 22 mars 1991, cilé in R.T.D. com. 1991,657, n06 : cet arrêt a confirmé un jugement
d'inslance qui avail «utilisé cumulativement les mesures de reporl et de rééchelonnement des detles, de
réduction du taux des intérêts et d'impUlalion des paiements sur le capital» au motif que <de cumul de ces
mesures résulle expressément des lermes mêmes de l'art. 12 de la loi du 31 décembre 1989 et peul
s'appliquer à tout ou partie des dettes à remboursep). En d'autres termes, l'interprétation étroite du texte
serail contraire aux voeux du législateur. V. aussi: Nancy, 2e Ch., 25 janvier 1991, Crédil Foncier de
France CI Mathouillot, Jurisdata, n040863 ; Paris, 8e Ch. A, 3 juillet 1991, SA Midland Bank, Jurisdata,
n022506 ; Civ. 1ère, 14 mai 1992, LC.P. 1992, ed.G., IV, 1980: <de juge ne dispose pas seulement du
pouvoir d'accorder des délais pour assurer le redressement de la situation du débiteur; ainsi, en se fondant
sur de tels motifs, sans envisager l'application des autres mesures prévues par l'art. 12 de la loi du 31
décembre 1989, une Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'art.455 du nouveau Code de
procédure civile" ; con/ra: Rouen, 1ère Ch., 15 mai 1989, Crédit Foncier de France CI Allais, Jurisdata,
n041629).
...
4
V. G. PAISANT, article précité, J.c.p. 1990, ed. G, l, 3457, nO 70. Il faut relever cependant que cet
auteur nuance considérablement sa position dans une note ultérieure CR.D.T. corn. 1991,657, n06). En
partant des travaux préparatoires, il parvient à la conclusion que si le législateur a bien voulu permettre
certains cumuls, tous ne sont cependant pas possibles. Il dégage les solutions suivantes: le jugement, ou
bien reporte, ou bien rééchelonne les detles de l'intéressé, élant entendu que la mesure qu'il aura prise est
cumulable soit avec l'imputation des paiements sur le capital, soit avec une réduction des taux d'intérêt.
Le cas échéant, un autre cumul apparaît possible avec la réduction des prêts immobiliers ainsi qu'il est dit
à l'alinéa 4 de l'art. 12. Celte logique alternative est fondée sur l'utilisation aussi bien dans l'alinéa 1er
que dans l'alinéa 2 de la conjonction "ou". Il est à noter que c'est sur ceUe position que semble s'aligner
la jurisprudence. La Cour d'appel de Versailles,notamment, a jugé que«si l'an. 12'autorise le report ou le
rééchelonnement des dettes, il s'agit d'une option alternative et non cumulative, le juge ne pouvant

- 149 -
153.- Toutefois, compte tenu de la nature du plan de redressement,
il est assez difficile de définir les effets et la portée des modalités qu'il établit.
Une chose est sûre, ces mesures judiciaires qui n'ont pas recueilli l'accord
des intéressés sont imposées aussi bien aux créanciers qu'aux débiteurs. De
ce fait, elles sont dérogatoires au droit commun des contrats et notamment
aux principes de l'article 1134 du Code civil. Le législateur a voulu, dans le
cadre du redressement judiciaire, attribuer de nouveaux pouvoirs aux juges
afin de pouvoir répondre à des situations de détresse que connaissent de plus
en plus les débiteurs.
A travers le dispositif législatif issu du titre 1er de la loi du 31
décembre 1989, et en particulier des mesures qui portent atteinte à
l'exécution ponctuelle des obligations, se dégage la tendance déjà relevée à
l'organisation des tempéraments à la force obligatoire des contrats. Cette
forme de suspension des obligations contractuelles contribue à la protection,
au demeurant compréhensible, des débiteurs qui éprouvent des difficultés à
s'exécuter. Mais il est à craindre que le législateur ne légitime l'inexécution
des obligations et favorise ainsi le développement d'un fléau très dangereux
pour la stabilité des relations contractuelles.
Un tel reproche ne saurait être fait à une autre série de procédés de
suspension qui, face à l'inexécution des obligations, prônent des solutions
intermédiaires permettant de préserver le contrat tout en favorisant son
exécution complète. La suspension apparaît dès lors comme une véritable
alternative à la solution définitive, et lourde de conséquences, que constitue
la destruction du contrat.
accorder à la fois au débileur report et rééchelonnement» ( Versailles, 13e ch., 12 déc. 1991, D.S. 1992,
l.R., 112). Quant à la Cour de cassation, elle considère que «le rééchelonnement de la dette et la
diminution du taux d'intérèt peuvent se cumuler avec la réduction de la fraction du prêt restant due»( Civ.
1ère, 16 juillet 1992, J.c.P. 1992, ed. G.. IV, 2400).

TI'I'REill:
LA SUSPENSION, ALTERNATIVE A LA RESOLUTION
DUCONTRATI
....
Le mot "alternative" est défini par les lexiques comme la «situation dans laquelle on a le choix entre deux
partis à prendre». Mais, un emploi très répandu l'applique également à chacun des termes du choix. Le
mot prend alors le sens de possibilité, partie, option, solution, etc Même si ce léger glissement de sens
est condamné par certains lexicographes, c'est cependant la signification qui est donnée à ce terme dans le
contexte de cette étude. L'''alternative'' est donc ici prise dans le sens d'option, de solution, notamment à
la résolution. V. à ce sujet: J. HANSE, Nouveau dictionnaire des difficultés du frànçais moderne, ed.
Duculot, 1987, p. 71.

- 151 -
154.- La force obligatoire des conventions doit se traduire dans les
faits par la satisfaction du créancier qui doit recevoir la prestation promise
par l'autre partie. C'est le principe de l'exécution des obligations
contractuelles.
Le plus souvent, les contrats sont exécutés volontairement, les
débiteurs honorant leurs engagements au moment prévu. Mais il peut aussi
arriver que le débiteur manifeste quelque réticence à remplir la prestation
due; dans un tel cas, le créancier n'est pas pour autant désarmé. D'autres
voies lui permettant d'obtenir satisfaction sont mises à sa disposition l . C'est
ainsi que le créancier d'une obligation inexécutée bénéficie d'une action
judiciaire pour exiger que le débiteur soit condamné à tenir sa parole. C'est
l'exécution forcée en nature qui permet à la victime de l'inexécution
d'obtenir la prestation due au moyen d'une contrainte exercée sur le
débiteur. Cependant, il n'est pas toujours possible de contraindre ainsi le
débiteur récalcitrant à une exécution directe, soit parce que l'inexécution est
définitivement consommée et la prestation devient irréalisable2, soit qu'il
n'existe pas de procédé de contrainte permettant de faire fléchir la
1
P. VOIRIN par G. GOUBEAUX, t. l, n° 793, p. 369.
2
Exemples: dans un dépôl. la chose à reslituer a péri ou fail l'objel d'une disposition ou encore dans un
contral de transport, le voyageur a élé blessé et J'obligation de sécurité due par le transporteur ne peUL plus
être exécutée.

- 152 -
résistance du défendeur l . Le créancier ne peut alors receVOIr satisfaction
que par le versement de dommages et intérêts. Il s'agit, à proprement
parler, d'une réparation du préjudice causé à la partie créancière par
l'inexécution du contrat. L'indemnité est appelée à remplacer la prestation
impossible, c'est ce que l'on appelle l'exécution par équivalent2•
Ces principes qui viennent d'être rappelés sont applicables, en
principe, à toutes les obligations3. Mais le contrat est une combinaison de
droits et d'obligations dont la complexité exige des règles particulières, cette
spécificité étant d'ailleurs accentuée dans les contrats synallagmatiques. En
effet, aux termes de l'article 1184 alinéa 2 du Code civil, quand une partie
manque à ses engagements, l'autre, au lieu de poursuivre l'exécution de
l'obligation, peut préférer sortir du lien contractuel : ..la partie envers
laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à
l'exécution de la convention lorsqu'elle est encore possible, ou d'en
demander la résolution avec des dommages et intérêts".
155.- Est-ce à dire que le contractant envers lequel l'engagement n'a
point été tenu est contraint d'intenter une action judiciaire en vue d'une
exécution forcée ou de la résolution du contrat? N'est - il pas possible
d'envisager d'autres moyens permettant de vaincre la résistance du
contractant ou parfois même sa difficulté ou son impossibilité d'exécuter?
Il a déjà été procédé à l'étude des différentes techniques de
suspension utilisées pour tempérer la rigueur de l'exécution forcée4. De
même, lorsque le contrat est menacé de destruction, il est souvent fait appel
à la suspension comme solution intermédiaire susceptible de favoriser une
exécution future et d'éviter cette issue dont le Droit a toujours cherché à
préserver le rapport contractuel. Ces mesures provisoires - «diminutifs de la
résolution» comme les a, à juste titre, appelées le Professeur Jean
1
Exemple: l'art. 1142 du code civil interdit que le débiteur puisse être contraint pour l'exécution d'une
obligation de faire ou de ne pas faire. V. Civ. 1ère, 30 juin 1965, G.P. 65, 2, 329, note E. K ; W.
JEANDIDIER, Exécution forcée des obligations contractuelles de faire, R.T.D. Civ. 1976, 700.
2
WEILL et TERRE, précité, n0385, p. 392 ; J. CÀRBONNIER, 1. IV, n070, p. 273 ; P. VOIRIN par G.
GOUBEAUX, 1. I, n0797, p. 370.
3
L'action en exécution forcée ou en dommages et intérêts n'a rien de particulier aux obligations
contractuelles. elle peut aussi être intentée pour obtenir l'exécution d'obligations délictuelles.
4
V. Supra nO 78 et s.

- 1S3 -
Carbonnier 1 - ont pour effet de mettre momentanément en sommeil le
contrat en attendant que le débiteur remédie à sa défaillance. Il s'agit, d'une
part, de l'exception d'inexécution par laquelle une partie à un contrat envers
laquelle les engagements pris n'ont pas été exécutés peut, pour venir à bout
de la réticence de son partenaire, adopter une attitude négative en
suspendant l'exécution de sa propre obligation jusqu'au moment où l'autre
partie se décidera à fournir la sienne (Chapitre D, TI Y a , d'autre part, des
mesures de protection du lien contractuel qui peuvent être prises à
l'initiative du juge, du législateur ou même des parties (Chapitre II).
1
J. CARBONNIER, t. IV. n084. p. 339.

- 154 -
CHAPITRE 1:
LE REFUS UNILATERAL D'EXECUfER : L'EXCEPTION
D'INEXECUfION
156.- Une partie à un engagement synallagmatique peut - elle,
lorsqu'elle n'obtient pas la contrepartie qui lui est due, plutôt que de
poursuivre
l'exécution ou
d'en
demander la
résolution,
suspendre
l'exécution de sa propre obligation jusqu'au moment où l'autre partie se
décidera à exécuter la sienne? Lui attribuer une telle faculté, c'est admettre
l'existence en droit français de l'exception d'inexécution, bien connue, avant
que le latin ne soit «interdit
de
séjour»
dans le langage juridique
hexagonal], sous le nom d'«exceptio non adimpleti contractus»2.
La reconnaissance d'une telle règle ne se heurte, a priori, à aucun
obstacle
tant
elle
s'inscrit
dans
la
logique
même
du
rapport
synallagmatique; elle apparaît comme le corollaire de la réciprocité et de
l'interdépendance des obligations que tout contrat synallagmatique fait
naître à la charge des deux parties. En effet, le principe de l'«exécution
simultanée», ou «trait pour trait», ou encore «donnant - donnant» étant
inhérent à la nature de telles conventions, il suppose que chacune des
parties n'est en droit d'exiger la prestation qui lui est promise qu'autant
qu'elle exécute
ou
offre d'exécuter celle
à
sa
charge.
L'exception
d'inexécution en constitue la sanction.
157.- On remarquera d'ailleurs que le recours à l'exception
d'inexécution présente plusieurs avantag-es aussi bien pour le contractant
qui n'a pas obtenu satisfaction que pour le lien contractuel lui - même. C'est
une démarche rapide et peu onéreuse n'exigeant aucune intervention
Une circulaire du ministre de la justice déconseille aux magistrats d'utiliser les expressions latines et
notamment celle "d'exceptio non adimpleti contractus", V. J.c.P. 77, ed. G., III, 462,55.
2
Littéralement "exceptio non adimpleti contractus" signifie "exception de contrat non accompli" V. A.
HUET, Obligations conventionnelles: exception d'inexécution ou "exceptio non adimpleti contractus",
J.-CI., Civ. : art. app. 1184, N. Rep.: fasc. 49-3, nO!.

- 155 -
judiciaire, contrairement aux autres sanctions de l'inexécution que sont
l'exécution forcée ou la résolution. Surtout, et par rapport à la résolution,
l'exception d'inexécution joue un rôle rédempteur dans la mesure où elle
donne la possibilité à un contractant ayant intérêt à l'exécution du contrat
d'éviter la destruction de celui-ci. Elle constitue d'ailleurs, de ce point de
vue, un efficace moyen de pression pour amener le cocontractant à remplir
ses engagements, et par conséquent, un moyen d'obtenir l'exécution du
contrat. En effet, lorsqu'une partie oppose l'exception pour se dispenser de
payer, ce n'est pas la rupture du lien conventionnel qu'elle vise; c'est un
ajournement de l'obligation qui lui incombe qu'elle réclame. Et par suite,
c'est le maintien du contrat qu'elle invoque puisque son action n'a d'autre
but que d'en procurer, de part et d'autre, l'exécution complète l .
Toutefois, aussi avantageux soit - il pour l'accomplissement des
relations contractuelles, le principe de l'exception
«non
adimpleti
contractus» suscite des questions qui tiennent notamment au fait qu'il est
une manifestation de justice privée 2 . Une telle faculté est - elle compatible
avec le principe de la force obligatoire des contrats ou avec l'adage selon
lequel «nul ne peut se faire justice à soi-même»3 ? Le contractant qui, de sa
propre autorité, refuse d'exécuter ses obligations sera-t-il suffisamment bon
juge pour discerner, parmi les manquements possibles de son débiteur, ceux
qui méritent une telle réaction et ceux qui ne la méritent pas4 ?
Ces deux interrogations résument les deux préoccupations qu'a
toujours suscitées le principe de l'exception d'inexécution et qui tiennent à
l'admission d'une telle règle dans le droit positif français (Section l) et à la
réglementation de son fonctionnement (Section Il).
1
J.-M. BERAUD, La suspension du contrat de travail, Sirey. 1980. p. 28 et 29 ; SALEILLES. Du refus
de paiement pour inexécution du contrat. An. dr. corn. 1893. p. 26.
2
J-F. PILLEBOUT, Recherches sur l'exception d'inexécution, L.G.DJ. 1971. n0200. p. 196.
3
BEGUIN. Travaux de l'Ass. H. Capitant 1966, t. XVIII. p. 41 : mpport sur l'adage "nul ne peut se faire
justice à soi-même".
4
J.-F. PILLEBOUT. précité. n0200, p. 197, qui cite L.-J. CONSTANTlNESCO, La résolution des
contrats synallagmatiques en droit allemand, thèse Paris, 1940, p. 318.

- 156 -
SECTION 1: L'EXCEPTION D'INEXECUTION DANS LE DROIT POSITIF
FRANÇAIS
158.- Les excellentes et abondantes études monographiques
consacrées en France, depuis la fin du siècle dernier, au principe de
l'exceptio non adimpleti contractus rendent, en principe sans intérêt une
quelconque discussion sur son admission en droit français contemporain!.
Il serait cependant' utile de situer ce principe dans le droit positif (§ 1) avant
d'en dégager le fondement juridique (§2). Une distinction d'avec le droit de
rétention s'impose également tellement l'exception d'inexécution est souvent
confondue avec cette dernière notion2 (§3).
§1- L'admission du principe de l'exception
d'inexécution
159.- La reconnaissance de l'exception d'inexécution comme moyen
licite, pour une partie à une contrat synallagmatique, de suspendre'
unilatéralement l'exécution des obligations à sa charge ne fait plus de doute
aujourd'hui3. Mais contrairement à d'autres systèmes juridiques de même
inspiration, il n'existe dans le droit civil français aucun texte de portée
générale consacrant l'exceptio non adimpleti contractus4 . Seules quelques
SALEILLES, Exception de refus de paiement ou exceptio non adimpleti contractus, An. dr. corn., 1892
p. 287 et 1893, p. 24 et s., 97 et s. ; E. RA YNAUD, L'exception tirée de l'inexécution dans les contrats
synallagmatiques, thèse Paris 1906 ; R. CASSIN, De l'exception tirée de l'inexécution dans les contrats
synallagmatiques et de ses relations avec le droit de rétention, thèse Paris 1914 ; J.-F. PILLEBOUT,
Recherches sur l'exception d'inexécution, thèse Paris n 1971, L.G.DJ. ; C. GABET SABATIER, La
connexité dans le droit des obligations, thèse Paris l, 1977 ; A. AL AMM, Le droil de rétention et
l'exception d'inexécution en droit libanais, thèse Paris IX, 1987 ; A. HUET, Exception d'inexécution ou
"exceptio non adimpleti contractus", J.-Cl., Civ. : app. art. 1184, N. Rep. : fasc. 49-3.
2
B. STARCK, l. n, n° 1634 et 1635, p. 667 ; A. WEILL et F. TERRE, précité, n0472, p. 491 ; J-F.
PILLEBOUT, précité, n029 et s.
...
3
Ainsi en droit allemand, l'exception d'inexécution est prévue d'une façon générale pour tous les contrats
synallagmatiques par les articles 320 et 321 du B.G.B. ; le Code civil Italien admet un système voisin
dans ses articles 1460 et 1461 ; Voir aussi les art. 82 et 83 du Code Suisse des obligations et l'art. 272 du
Code libanais des obligations et des contrats.
Pour un examen plus complet sur la présence de notre principe dans les droits étrangers, lire J-F.
PILLEBOUT, précité, n017 et s., p. 9 et s.; Ch. LAROUMET, l. III, 1ère partie, n0698, p. 672 et 673;
V. A. AL AMM, thèse précitée.
4
A. HUET, article précité, n07 ; J. BEGUIN,article précité, Trav. de l'ass. H. Capitant, t. XVIII, p. 52 ;
Ch. LAROUMET, 1. III, 1ere partie, n0698 et 699 ; A. WEILL et F. TERRE, précité, n0467 ; PLANIOL
et RIPERT, 1. VI, n0440 ; J.-F. PILLEBOUT, précité, n011, p. 6.

- 157 -
applications particulières de la règle sont disséminées ici et là dans le Code
civil CA). Peut - on lui donner valeur de principe général à partir de ces
textes fragmentaires CB) ?
A - Les applications particulières de la règle
160.- il n'est pas surprenant que le Code civil ne contienne que
quelques textes épars faisant penser, sans la nommer, à l'exception
d'inexécution. Les auteurs, dont le Code s'est inspiré, n'y ont eux-mêmes
fait allusion que de façon imprécise, à travers quelques applications que le
Code s'est contenté de reproduire l . C'est ainsi que certains articles du Code
civil, en des termes pas toujours explicites, accordent spécialement à un
créancier en vertu d'un contrat synallagmatique, le droit de suspendre
l'exécution de son obligation tant que l'autre partie n'exécute pas la sienne.
En ce qui concerne la vente, l'article 1612 autorise le vendeur à ne
pas livrer la chose si l'acheteur n'en paye pas le prix 2. Et même lorsqu'il
aurait accordé un délai pour le paiement, il ne sera pas non plus obligé à la
délivrance si, depuis la vente, l'acheteur est tombé en faillite ou en état de '
déconfiture, en sorte que le vendeur se trouve en danger de perdre le prix3 .
De la même façon, l'article 1653 autorise l'acheteur à suspendre le payement
du prix s'il vient à être troublé ou a juste sujet à craindre d'être troublé par
une action soit hypothécaire, soit en revendication4 .
Dans le contrat d'échange, l'article 1704 décide que si l'un des
copermutants a déjà reçu la chose à lui donnée en échange et qu'il prouve
ensuite que l'autre contractant n'est pas propriétaire de cette chose, il ne
peut pas être forcé à livrer celle qu'il a promise en contre-échange, mais
seulement à rendre celle qu'il a reçue. Enfin, l'article 1948, relatif au dépôt,
autorise le dépositaire à retenir la chose déposée jusqu'à ce que le déposant
ait payé au dépositaire ce qu'il lui doit à rtlison du dépôt.
1
J.-F. PILLEBOUT, précité, n011, p. 6 ; A. HUET, article précité, n07 ; PLANIOL et RIPERT, LVI, p.
592, note 3 ; ces différents auteurs citent POTHIER et DOMAT qui semblent s'être particulièrement
intéressés à la vente.
2
Cam., 16 juin 1960, G.P. 60, 2, 271 ; Rouen, 26 nov. 1971, D.S. 72, Somm., 120.
3
Art. 1613 C. Civ.
4
Civ. lere, 23 oct. 1961, Bull. civ., l, n0479 ; Civ. 3e ,7 nov. 1978, D.79, 88 ; Rép. Déf. 79, art.
32093. p. 1244, obs. AUBERT; Civ. 3e, 18 janv. 1983, 1.C.P. 83, ed. G., IV, 104 ; D.s. 1983, I.R.
284, Bull. civ., III, nOl7, compar. : Com., 18 déc. 1986, Bull. civ., IV, n0243.

- 1S8 -
161.- Pour la plupart des auteurs, ces textes énoncent, sans
équivoque, le principe de l'exécution simultanée et sont, de ce fait,
. l'application incontestable de l'exception d'inexécution 1. Il n'en reste pas
moins qu'ils ont donné lieu à des difficultés d'interprétation tant est ténue la
frontière entre l'exception d'inexécution et le droit de rétention2 . Quoi qu'il
en soit de ces diverses interprétations et des contradictions qui en ont été les
corollaires, c'est néanmoins à partir de ces fragments législatifs que la
doctrine et la jurisprudence ont cherché à cerner notre principe, à définir
son domaine d'application et ses effets et à préciser sa portée. De telle sorte
que - et la doctrine est unanime la-dessus - l'exception d'inexécution dépasse
aujourd'hui largement les cas évoqués par le Code Civil et s'est mue en un
princi pe général.
B . La généralisation du principe
162.- L'admission de l'exception d'inexécution comme une règle de
portée générale par la doctrine et la jurisprudence françaises ne s'est pas
faite sans hésitations3 . La doctrine de la fin du XIXe siècle et du début du
XXe en a douté. Le droit d'opposer l'exception d'inexécution était considéré
comme un droit exceptionnel ne pouvant être conféré hors des cas prévus
par la loi. «Et même dans un contrat synallagmatique, écrivait Laurent,
chacun des contractants est tenu de remplir son engagement, tout ce qu'il a
le droit de faire en cas d'inexécution par son cocontractant, c'est forcer (en
justice) l'autre partie à remplir les siens»4.
Mais la plupart des objections qui ont été opposées à la généralisation
de l'exception non
adimpleti
contractus en droit civil français se
rattachaient, plus ou moins directement, à l'adage selon lequel "nul ne peut
se faire justice à soi-même»5. Il est en effet clair que cette exception offre à
celui qui l'invoque le droit d'exercer une justice privée. Il maintient de sa
1
PLANIOL et RIPERT, t. VI, n0440, p. 592 ; A. HUET, article précité, n08.
2
A. HUET, article précité, n011 et s. il souligne plus particulièrement le cas des art. 1612, 1613 et 1648
qui laissent plutôt penser au droit de rétention. Pour une distinction de l'exception d'inexécution et du
droit de rétention, V. infra n° 173 et s.
3
J. CARBONNIER, obs. R.T.D. civ. 1957, p. 143 infine : qui se demande s'il ne faut pas revenir sur les
hésitations du début du siècle quant à la valeur de principe général de l'exception d'inexécution.
4
LAURENT, principes de droit civil français, t. XXIX, n0293 (cité par BEGUIN, Trav. de l'Ass. H.
Capitant, l XVIII, p. 52 et par A. HUET, article précité, nOl3).
5
BEGUIN, Trav. Ass. H. Capitant, t. XVIII, p. 51 et s. ; A. HUET, article précité, n014.

- 1S9 -
propre autorité, par son refus, un ordre juridique plus conforme à la
sauvegarde de ses intérêts ; il se constitue juge des manquements qu'il
impute à l'autre partie et des droits qui naissent à son profit de l'inexécution
des engagement pris envers lui. C'est forts de ces arguments que, la
question s'étant posée à propos du louage pour lequel le
Code n'avait pas
prévu l'exception, Baudry - Lacantinerie et Whal refusaient au preneur de
l'invoquer: «ceci, écrivent-ils, est du ressort des tribunaux, comme toutes
les contestations» 1.
163.- C'est également cette idée que nul n'est admis à se faire
justice lui-même qui fit longtemps hésiter la jurisprudence. La Cour de
cassation, dans un arrêt du 1er décembre 1897, avait refusé à une
compagnie d'électricité le droit de suspendre le service d'éclairage à un
abonné qui refusait de payer intégralement; cette compagnie ne devait pas,
selon la Cour, agir «de sa propre autorité»2.
Mais il faut constater qu'aujourd'hui, les tribunaux français ont
surmonté ces réticences et regardent les quelques textes du Code relatifs à
l'exception d'inexécution comme ayant une portée énonciative, et non
restrictive, et comme des applications particulières d'une institution
générale dont le Code civil a sous-entendu la consécration de principe3. En
effet, depuis les excellents éclaircissements apportés par R. Cassin sur cette
notion4 , non seulement l'exception est très couramment citée en termes
exprès sous sa forme latine ou sous sa forme française 5, mais surtout la
jurisprudence
affirme
constamment,
et
sans
restrictions,
que
«l'interdépendance des obligations réciproques résultant d'un contrat
synallagmatique donne le droit à l'une des parties de ne pas exécuter son
obligation quand l'autre n'exécute pas la sienne»6.
1
Cités par BEGUIN, Trav. Ass. H. Capitant, l. XVIII p.-52.
2
Req., 19 déc. 1897, S. 1899, l, 174 ; D.P. 98, 1,289, note PLANIOL. les moùfs de l'arrêt tendent
d'ailleurs à confondre quelque peu suspension et rupture de contrat; V. aussi Amiens, 22 mai 1912, G.P.
12, 2, 538, à propos du louage de service.
3
BEGUIN, article précité, p. 52 ; A. HUET, article précité, n032.
4
Thèse précitée, Paris, 1914.
5
V. J.-F. PILLE BOUT, précité, p. 177, note 2, qui cite plusieurs décisions jurisprudentielles; V. aussi
civ. 3e, 26 nov. 74, Bull. civ., III, 439 ; corn., 21 juil. 1975, Bull. civ., IV, n0211 ; corn., 20 janv.
1976, D.S. 76, I.R. 109 ; corn., 20 janv. 1979, Bull. civ., IV, n041 ; corn., 3 déc. 79, Bull. civ., IV,
n0318.
6
V. A. HUET, article précité, n017, qui cite une jurisprudence abondante.

- 160 -
164.- L'exception d'inexécution est donc désormais utilisable dans
tous les contrats synallagmatiques l . la pratique en a d'ailleurs fait le plus
grand usage. Ainsi, EDF-GDF, la compagnie des eaux ou France Télécom
n'hésitent plus, aujourd'hui, à suspendre la fourniture de leurs services
aux abonnés qui ne règlent pas leurs factures dans les délais 2. De même, le
recours à l'exception que la Cour de cassation avait autorisé en matière
d'assurance3 est aujourd'hui règlementé de telle sorte qu'il y a suspension
de la garantie due par l'assureur en cas de non-paiement de la prime par
l'assuré4 • Il peut aussi être relevé que la convention des Nations Unies sur
les contrats de vente internationale de marchandises a prévu le jeu de
l'exception d'inexécution dans le cadre de telles opérations5.
Toute cette évolution est, en réalité, le reflet de l'opinion de la plupart
des auteurs qui ont invoqué l'impossibilité qu'il y a à justifier une limitation
du refus légitime d'exécuter aux seuls cas expressément visés par les
textes 6. Certains textes généraux du Code civil, au premier rang desquels
les articles 1134 et 1184 eux-mêmes, pourraient être invoqués dans ce sens7.
De plus, le mécanisme même du contrat synallagmatique, dont les
obligations réciproques doivent être
exécutées simultanément ou du moins '
trait pour trait, postulait l'admission de l'exception d'inexécution. On ne
peut pas non plus dire que cette forme de justice privée soit une menace pour
l'ordre social. L'excipiens refuse seulement d'exécuter son obligation ; le
J. CARBONNIER, R.T.D. Civ. 1957, p.144, in fine, émet quelques objections au sujet du bail et estime
nOlammem: «il reSle, toutefois, qu'il est permis d'hésiter sur la valeur de principe auribué à l'exeptio non
adimpleti contractus. Chaque obligation, malgré l'impulsion unilaire du conlrat synallagmatique, garde
peut-êlre plus qu'on ne l'avait cru son individualité» ; V. aussi L. AYNES et Ph. MALAURIE, Les
obligations, n° 532, p. 376, qui émeUent des objections similaires quant à l'application de l'exception
d'inexécution au bail.
2
BEGUIN, article précité, p. 52 ; A. HUET, article précité, n032.
3
Civ. 4 et 5 mai 1920, D. 1926, 1, 37.
4
Art. L.-113-3 du Code des assurances.
5
Convention de Vienne du Il avril 1980, arl. 71-1 : «une partie peut différer l'exécution de ses obligations
lorsqu'il apparaît, après la conclusion du contrat, que l'aulre partie n'exécutera pas une partie essentielle de
ses obligations», V. Rev. cril dr. inter. Privé 1981, 3~.
Il peut même être ajouté que l'exception d'inexécution est admise dans les rapports inlernationaux relevant
du droit imernational public, nolaillment en matière d'application des lraités (A. HUET, article précité, n°
33) ; Voir aussi: NISOT, L'exception "non adimpleti contractus" en droit international, Rev. Gen. dr;
inter. pub. 1970, 668.
6
PLANIOL et RIPERT, l. VI, n0440, p. 592 et 593 ; A. HUET, article précité, n015.
7
Certains auleurs estiment en effet que les lermes de l'art. 1184 n'excluent pas l'existence d'une sanction de
l'inexécution aulre que la résolution ou l'exécution forcée (A. HUET, article précité, n016 ; R. CASSIN,
thèse précitée, p. 137). D'aulre part, l'art. 1134 al. 3 selon lequel les conventions doivent êlre «exécutées
de bonne foi» viendrait à l'appui de l'exception clans la mesure où il serait conlraire à la bonne foi de
prétendre recevoir sans exécuter soi-même (pLANIOL et RIPERT, l. VI, n0440, p. 593).

- 161 -
préjudice qu'il cause répond à celui qu'il subit et n'est, d'autre part,
nullement définitif. La suspension des obligations résultant du recours à
l'exception est temporaire et purement défensive.
Il peut donc être affirmé aujourd'hui qu'aucun obstacle ne s'oppose
à une application en droit français de l'exception d'inexécution à tous les
contrats synallagmatiques, bien au-delà des limites sous-entendues par le
Code. Bien entendu, les tribunaux sont restés dans une certaine prudence
qui se traduit par un contrôle judiciaire après coup tant en ce qui concerne
la nature des obligations en causes qu'en ce qui concerne le degré de
l'inexécuti on l, de sorte que la partie qui en use inconsidérément peut être
condamnée à des dommages et intérêts2.
Toutefois, malgré cette incontestable consécration de l'exception non
adimpleti contractus comme un principe général du droit français, il reste
que la doctrine tout comme la jurisprudence ont eu bien du mal à élaborer
une vue d'ensemble de la notion; ce qui fait que son fondement a toujours été
l'objet de controverses.
§2 - Un fondement controversé
165.- Diverses tentatives ont été entreprises pour donner une
explication juridique au recours à l'exception d'inexécution dont la plupart
se réfèrent à l'idée de cause (A). D'autres notions ont été subsidiairement
évoquées sans qu'on puisse cependant en tirer une conclusion unanime (B).
A· L'explication du principe par la théorie de la cause
166.- La cause est, d'après l'article 1108 du Code civil, le quatrième
élément nécessaire à la validité d'un contrat; elle fait l'objet des articles
1131, 1132 et 1133 de ce Code. Cependant, la théorie de la cause est l'une des
notions les plus discutées et des plus controversées du droit civil français 3 ;
1
V. infra n° 185 et s.
2
P. VOIRIN par G. GOUBEAUX, T. Il, n08ü6, p. 374.
3
En témoigne l'abondante doctime suscitée par la question: H. CAPITANT, De la cause, 1927 ; L.
JOSSERAND, Les mobiles dans les actes juridiques,C.N.R.S.,1984 ; MAURY, Rép. Dalloz Dr. civ.,
V. cause; ARTHUR, De la cause en Droit français, thèse Bordeaux, 1879 ; L. BOYER, La notion de

- 162 -
sa conception actuelle est la résultante d'une longue évolution marquée, à
travers les siècles, par l'affrontement des partisans de la cause et des
anticausalistes! .
Sans revenir sur les différentes acceptions qui ont été appliquées à la
notion de cause, rappelons simplement que la cause, dans les rapports
contractuels, est considérée comme la réponse à la question de savoir
pourquoi le débiteur s'est-il engagé à exécuter son obligation2. Dans les
contrats synallagmatiques, chacune des parties contractantes est à la fois
créancière et débitrice de l'autre partie ; par conséquent, la cause de
l'obligation d'une partie se trouve dans la satisfaction qui doit lui être
procurée par l'autre partie, c'est - à - dire l'obligation de cette dernière3.
167.- On ne saurait être étonné qu'une partie importante de la
doctrine et la jurisprudence aient eu recours à l'idée de cause pour expliquer
l'ajournement
unilatéral
de
l'exécution
des
obligations,
ou
plus
généralement, les effets spéciaux des contrats synallagmatiques tels que la
résolution ou la théorie des risques4 . Une telle interprétation est conforme
transaction, contribution à l'étude des concepts de cause et d'actes déclaratifs, Sirey, 1944 ; P. COLIN,
Théorie de la cause des obligations conventionnelles, thèse Paris, 1879 ; DABIN, Théorie de la cause,
thèse Liège, 1919 ; DORATS DES MONTS, La cause immorale, thèse Paris, 1955 ; HAMEL, La
notion de cause dans les libéralités, thèse Paris, 1920; IONESCO, L'évolution de la notion de cause dans
les conventions à titre onéreux, thèse Paris, 1923 ; J. MAURY, Essai sur la notion d'équivalence en
Droit civil français thèse Toulouse, 1920; PICHON, Etude critique de l'idée de cause dans les contralS à
titre onéreux, thèse Paris, 1914 ; DABIN, Les récentes destinées de la théorie de la cause, Belgique
judiciaire, 1929, col. 329 : IONESCO, Les récentes destinées de la théorie de la cause dans les
obligations, R.T.D. Civ. 1931, p. 29; J. MAURY, Le concept et le rôle de la cause des obligations
dans la jurisprudence, Rev. inter. Dr. Comp. 1951,485 ; MARTIN, Le refoulement de la cause dans les
contralS à titre onéreux, J.c.P. 1983, ed. G., II, 3100 ; VIV ANf, Le fondement juridique des obligations
abstraites, D.78, chf., 39.
A. WEILL et F. TERRE, précité, n0253 et s., p. 264 et s. ; MARTY et RA YNAUD, t. l, nOl94 et s., p.
195 et s. ; MAZEAUD, t. II, 1er voL, n° 258 et s., p. 251 et s. ; V. aussi IONESCO, L'évolution de la
notion de cause dans les conventions à titre onéreux, thèse Paris, 1923.
2
Des distinctions sont effectivement faites entre cause efficiente et cause finale: la cause efficiente est la
source du rapport d'obligations, c'est donc le contrat. La cause finale, au contraire, est la raison pour
laquelle le contractant a consenti à être débiteur en vert'lt d'un contrat.
On distingue aussi cause du contrat et cause de l'obligation: la cause du contrat, ce sont les raisons, les
mobiles qui ont déterminé chacun des contractanlS à conclure le contrat et la cause de l'obligation, c'est la
raison pour laquelle le contractant assume son obligation. La doctrine s'accorde à dire que les articles du
code civil cités ne traitent que de la cause de l'obligation même si on note une certaine ambiguïté dans les
termes utilisés.
V. MAZEAUD, t. II, 1er voL, n0263 et s., p. 251 et s.; MARTY et RAYNAUD, t. l, n° 193, p. 193.
3
Ch. LARROUMET, t. III, 1er vol., n0453, p. 393 ; WEILL et TERRE, précité, n0253, p. 267 ;
MAZEAUD, t. II, 1er vol., n0263, p. 251.
4
MARTY et RA YNAUD, t. J, n0340, p. 349 ; Ch. LARROUMET, t. III, 1er vol., n0700 ; Ch.
LARROUMET, note sous civ. 3e, 8 mai 1974, D.S. 75,305.

- 163 -
aux idées développées par Capitant l , qui considérait que la cause de
l'obligation d'une partie à un contrat synallagmatique devrait être
recherchée non pas seulement dans l'existence d'une obligation à la charge
de l'autre partie, mais aussi dans l'exécution de cette obligation. En effet,
pour Capitant, la cause n'est pas simplement une condition de validité du
contrat, elle est un concept permettant d'assurer l'équilibre contractuel au
sein du contrat synallagmatique, non seulement au stade de la formation,
mais encore au stade de son exécution. Et si la cause de l'obligation venait à
disparaître par suite, soit d'un événement imputable à l'autre, soit même en
raison d'un événement indépendant de la volonté de celle-ci, la première
partie n'a pas à exécuter son obligation 2• Pour ce qui concerne plus
précisément l'exception non adimpleti contractus, la non-exécution ou le
défaut d'offre d'exécution fonde le contractant à refuser d'exécuter la
prestation promise.
Cette reconnaissance de la cause comme fondement du principe de
l'exception d'inexécution permet d'expliquer techniquement le lien entre les
obligations réciproques engendrées par un contrat synallagmatique. En
d'autres
termes,
la
notion
de
cause
est
la
manifestation
de
l'interdépendance nécessaire entre les obligations créées par un tel contrat
et qui lui donne tout son sens3 . Ce lien fondamental subsiste jusqu'à la
satisfaction totale des parties et l'inexécution des obligations aura pour
conséquence de priver l'obligation corrélative de sa cause.
168.- La thèse de Capitant,
tellement reprise en doctrine, est
devenue classique de nos jours et ceci d'autant plus que cette explication
paraît être aussi celle retenue par la jurisprudence4. La Cour de cassation a
en effet, dans un certain nombre de décisions, fondé expressément ou
implicitement le refus d'exécuter sur la théorie de la cause. C'est ainsi qu'il
a plusieurs fois été jugé, à propos du bail, que l'obligation du locataire de
payer les loyers étant corrélative à celle au bailleur de mettre le locataire en
jouissance des locaux, elle se retrouverait sans cause dans la mesure où le
1
H. CAPITANT, De la cause des obligations, 1927.
2
H. CAPITANT. précité, p. 7,14 et 120.
3
Ch. LARROUMET, note D.75, 305 ; - , t. III, 1er voL, n° 700, p. 674.
4
A. HUET, article précité, n036.

- 164 -
bailleur n'aurait pas exécuté la sienne!. Par ailleurs, l'allusion souvent faite
à «l'interdépendance» des obligations réciproques qui résultent d'un contrat
synallagmatique, et qui «donne droit à une des parties de ne pas exécuter
son obligation quand l'autre n'exécute pas la sienne»2, montre bien que la
jurisprudence récente se réfère implicitement à la théorie de la cause3 .
Toutefois, malgré cette convergence, le rattachement de l'exception
d'inexécution à la théorie de la cause n'a pas été épargné par la critique4 . Ce
qui explique que d'autres notions aient été citées dans la recherche d'une
justification.
B . La recherche d'autres explications
169.- Diverses autres notions ont été avancées comme bases
possibles de l'exception d'inexécution, dont principalement l'équité (1) et la
notion d'équivalence (2). Il faut cependant constater que peut - être plus que
la cause, ces analyses sont aussi contestables.
1 . Le recours à l'équité
170.- En partant du rôle joué par la bonne foi et les considérations
de justice commutative dans le développement de l'institution5 , certains
auteurs ont pensé que c'est la règle morale, l'équité, qui justifie l'exceptio
non
adimpleti contractus 6. Cette référence à la bonne foi et à l'équité est
même expressément invoquée par certains arrêts 7 . Il serait, en effet,
contraire à la bonne foi d'exiger le paiement sans offrir soi-même
V. Caen, 31 janv. 1862, sous Req. 8 janv. 1863,563, 1,372; V. aussi: Req. 20 av. 1921, D. 1922, l,
181. Ou à propos du louage de chose, Civ., 5 mars 1894, D. 94, 1 ; 509, S. 97 1,74.
2
Réq., 17 mai 1938, D.H. 38,419; Civ., 10 déc. 1946, DA7, 87; Soc., 31 mai 1956, Bull. civ.,IV,
n0503 ; Corn., 19 déc. 1962, Bull. civ., III, n0523 ; Soc., 31 mai 1967, Bull. civ., IV, n0433 ; campar. :
Civ. 1ère, 5 mars 1974, J.CP. 74, éd. G., II, 17707, ne-le VOULET; Bordeaux, 16 déc. 1980, G.P. 81,
1,384, note J.R.
3
A. HUET, article précilé, n036.
4
Ph. LE TOURNEAU, note sous Orléans, 23 oct. 1975, J.c.P. 77, ed. G., II, 18653 ; J-L. AUBERT,
obs. sous corn., 30 juin 1987, Rép. Déf. 1988, art. 34202, p. 372, nOl2 ; A. HUET, article précité, n036
et s.
5
Les thèses développées par les canonistes ont en effet joué un rôle important dans le développement de
l'exceptio non adimpleti contractus, V. supra.
6
G. RIPERT, la règle morale dans les obligations civiles, n076 ; RIPERT et BOULANGER, L II, n° 504
et 523.
7
Caen, 31 janv. 1862, sous Réq., 8 janv. 1863,5.63, 1,372.

- J 65 -
l'exécution, et plus généralement, le sentiment de justice serait blessé si une
personne
pouvait
revendiquer
les
avantages
d'une
opération
synallagmatique tout en répudiant les charges qu'elle lui impose. Le refus
d'exécution serait donc le moyen donné au contractant de faire échec aux
manoeuvres de son cocontractant l .
Ce point de vue est parfaitement justifiable. Il est admis en droit
allemand et en droit suisse lorsque la question se pose entre commerçants et
on peut même considérer qu'il est corroboré par l'article 1134, alinéa 3, du
Code civil qui exige que les conventions soient '<exécutées de bonne foi»2. Elle
est cependant repoussée en droit français, tout au moins selon certains
auteurs 3 : «ni l'équité ni la bonne foi ne peuvent justifier un principe
juridique
ou
une
règle générale.
Elles
ne
peuvent
que justifier
exceptionnellement la solution des litiges particuliers et doivent rester un
instrument d'application limitée à la disposition du juge»4.
2 . Le recours à la notion d'équivalence
171.- Ce sont également les considérations d'équité qui ont conduit à ~
la mise sur pied de la notion d'équivalence pour justifier l'exception
d'inexécution. Cette analyse a été héritée de J. Maury5 qui pensait que la
résolution pour inexécution, tout
comme l'exception d'inexécution, ne sont
pas, à proprement parler, une application de la théorie de la cause, mais
sont, comme la cause elle-même, une application de l'idée d'équivalence.
Dans les contrats synallagmatiques, l'exigence de cette équivalence se
manifeste, au moment de la formation du contrat, par la nécessité d'une
cause définie comme l'équivalent à l'engagement de chacune des parties.
Au moment de l'exécution, cette même exigence doit encore être satisfaite et
l'inexécution qui romprait l'équilibre ainsi voulu devrait en conséquence
être sanctionnée par la résolution du contrat ou l'exception d'inexécution.
Maury continue en estimant que le lil.éfaut d'exécution d'une partie se
traduirait par un enrichissement sans cause. Exiger l'exécution de
1
A. HUET, article précité, n041.
2
J.-F. PILLEBOUT, précité, n0183, p. 183.
3
J.-F. PlLLEBOUT, note ci dessus; MARTY et RA YNAUD, LI,. n0341, p. 350.
4
J.-F. PlLLEBOUT, note ci-dessus.
5
J. MAURY, Essai sur le rôle de la notion d'équivalence, thèse Toulouse, 1920.

- 166 -
l'obligation corrélative sans exécuter ou offrir d'exécuter sa propre
prestation, ce serait s'enrichir aux dépens de son cocontractant, cette
situation fût-elle temporaire l .
Ce raisonnement n'a pas non plus été épargné par la critique.
Monsieur Pillebout, en particulier, trouve le fait d'invoquer l'enrichissement
sans cause dans le cadre d'un contrat contraire au caractère subsidiaire de
ce principe et qu'il heurte le rôle même de l'exception d'inexécution qui n'est
pas tellement d'éviter l'appauvrissement du créancier, mais constitue un
moyen de contrainte et de garantie2.
A côté de ces fondements principaux, ou tout au moins les plus
évoqués, il y a d'autres explications beaucoup plus marginales basées
notamment sur la volonté présumée des parties3, ou la valeur obligatoire du
contrat4 , ou encore la recherche de la réalisation d'un but commun aux
parties liées par le contrat5 . Toutes semblent envisager l'exception
d'inexécution comme une suite logique et nécessaire de l'existence d'un
rapport synallagmatique.
172.- Cette diversité dans la recherche d'une justification à ce
principe montre bien qu'il est difficile de trouver une formule technique
décrivant et justifiant dans toutes leurs modalités des règles qui sont le fruit
d'une longue évolution historique au cours de laquelle elles ont subi des
influences
diverses 6 . Pour notre part, il semble que les justifications
avancées ici et là, qu'il s'agisse d'équité ou de bonne foi, d'équivalence, de
volonté présumée, etc., sont toutes sous-jacentes à la notion de cause. C'est
la notion de cause des obligations créées par un contrat synallagmatique qui
permet de réunir, à défaut d'une notion plus globale, toutes ces notions
éparses dans un concept juridique unique dont la mise en oeuvre se
manifestera soit par la nullité du contrat au moment de sa formation, soit
par la résolution ou l'exception d'inexécution au moment de l'exécution. En
conséquence, même si on peut considérer que le refus de paiement n'est pas
1
J. MAURY, thèse précitée, p. 358; J.-F. PILLEBOUT, précité, nOI96, p. 193 el 194.
2
J.-F. PILLEBOUT, précité, nOI96. p. 194.
3
A. HUET, article précité. n039.
4
B. STARCK, L II, n01636, p. 668
5
J.-F. PILLEBOUT, thèse précitée, nO 200 el s., p. 194 et s.
6
MARTY et RA YNAUD, 1. 1, n0343 p. 351.

- )67 -
une application pure et simple de la théorie de la cause, il s'inspire
néanmoins des mêmes préoccupations que celle-ci et lui est, d'une certaine
façon, rattaché.
L'incertitude qui a toujours entouré la question du fondement de
l'exception d'inexécution a eu des prolongements sur la définition de sa
nature juridique. De ce fait, ce principe a souvent été confondu avec les
institutions voisines l . Des précisions doivent cependant être apportées sur
ses rapports avec l'une d'entre elles, le droit de rétention, tant leurs
répercussions sur l'obligation peuvent se rejoindre.
§3 - Exception d'inexécution et droit de rétention
173.- Le droit de rétention2, qui permet à un créancier, aUSSI
longtemps qu'il n'est pas payé, de refuser de restituer une chose
appartenant au débiteur est l'institution la plus proche de l'exception
d 'inexécu tion 3 . Cette parenté est encore plus patente lorsque le refus
d'exécuter affecte une obligation de délivrer ou de restituer des objets,
corporels. Expression d'une certaine justice privée4 , les deux mécanismes
présentent tellement de ressemblances dans leur fonctionnement qu'il est
d'un grand intérêt pratique de les distinguer.
Le tracé d'une frontière entre les deux institutions divise toujours les
auteurs5. La question essentielle réside dans la détermination du critère qui
L'exception d'inexécution a ainsi été souvent comparée à la compensation, au droit de rétention, à la
résolution pour inexécution, à la demande reconventionnelle, à la saisie - arrêt sur soi - même, V.
PLANIOL et RIPERT, t. VI, nO 442 et s., p. 593 et s. ;R. CASSIN, lhèse précitée; MARTY,
RA YNAUD et JESTAZ, Les sûretés. La publicité foncière, nO 17 et s., p. 23 et s. ; MAZEAUD, t. III,
1er vol., nOlll, p. 122.
2
F. DERRIDA, Recherches sur le fondement du droit de rétention, thèse Alger, 1940 ; SAL VAGE, La
rétention, thèse Dacty., Grenoble 1968; J.-F. DURAND, Le droit de rétention, thèse Paris 11,1979; N.
CATALA - FRANJOU, De la nature juridique du dWit de rétention, R.T.D. Civ., 1967, p. 9 et s. ; J.
MANDE-DJAPOU, La notion étroite du droit de rétention, J.c.P. 1976, éd. G., l, 2760 ; Chr. SCAPEL,
Le droit de retention en droit positif, R.T.D. Civ., 81, 539 ; A. AI-AMM, Le droit de rétention et
exception d'inexécution en droit libanais, lhèse Paris X, 1987.
3
A. WEILL et F. TERRE, précité, n° 472, p. 491 ; B. STARCK, t. II, nO 1634 et 1635, p. 667 ;
MARTY et RAYNAUD, t. l, n° 323, p. 332 ; MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, Sûretés et publicité
foncière, n020, p. 24.
4
B. STARCK, t. 11, n° 1635, p. 667; BEGUIN, in Trav. Ass. H. Capitant, t. XVIII, p. 51 et s.
5
N. CATALA-FRANJOU, article précité, R.T.D. Civ., 1967, p. 1 ; RODIERES, D. 1965, notes, p. 58
et 79 ; C. GABET . SABATIER, article précité, R.T.D. civ.1980, p. 39 ; MARTY, RAYNAUD et
JESTAZ, Sûretés et publicité foncière, n020, 24 et s.

- J 68 -
conduirait à affecter un domaine d'application précis à chacune de ces
institutions. Si tout le monde s'accorde à répondre qu'il faut, pour que l'une
ou l'autre joue, une connexité entre la créance du retente ur de la chose et la
détention de celle-ci, ce qu'il faut exiger comme lien de connexité est source
de polémiques l . "Il est en effet, comme l'écrit N. Catala - Franjou, malaisé
de préciser le contenu d'une notion que la loi ne définit pas et dont ,en dehors
d'elle, il appartient au juge d'apprécier i'existence,,2.
TI n'en reste pas moins que c'est en se basant sur cette notion de
connexité que les auteurs se sont efforcés de construire l'autonomie de
chacune de ces institutions, à tel point qu'on peut affirmer aujourd'hui
qu'exceptio non adimpleti contractus et droit de rétention se distinguent sur
le plan de leurs fondements (A). Une comparaison de leurs mécanismes
dévoile, par contre, une étroite parenté (B).
A . Exception d'inexécution et droit de rétention se distinguent par
leurs fondements
174.- La distinction entre droit de rétention et exception
d'inexécution a comme critère le lien existant entre la créance et la chose
retenue. Ce lien, connu sous le nom de connexité, a donné lieu à des théories
divergentes. Deux thèses coexistent principalement: L'une est basée sur
une conception étroite du droit de rétention (1) alors que l'autre est favorable
à un élargissement de cette notion (2). Quelle est la valeur de ces analyses
(3) ?
1· Pour une notion étroite du droit de rétention
174.- La connexité peut se concevoir de plusieurs mameres. On
distingue principalement la connexité matérielle ou objective de la connexité
...
juridique ou intellectuelle3 . La connexité est matérielle parce que la chose
porte en elle-même la créance, il ne sera pas nécessaire d'interroger les
relations juridiques qu'a pu avoir le détenteur avec celui qui réclame la
C. GABET - SABATIER. La connexité dans le droit des obligations. thèse Paris 1,1977 ; Le rôle de la
connexité dans l'évolution du droit des obligations, R.T.D. Civ., 1980, p. 39.
2
Article précité, n04, p.17.
3
MARTY. RA YNAUD et JESTAZ. Les sûretés. La publicité foncière, n037 et S., p. 32 et s.

- 169 -
chose ou avec d'autres personnes. Par exemple, la chose a causé un
dommage au détenteur ou bien celui - ci a engagé sur elle des dépenses de
conservation. Au contraire, il y a connexité juridique ou intellectuelle
lorsque la créance et la détention procèdent d'un même contrat liant les
deux intéressés; le lien entre la détention de la chose et la créance est moins
direct, il ne consiste que dans la communauté d'origine, c'est-à-dire la
con ven tion 1.
176.- Plusieurs auteurs ont plaidé pour une conception restrictive
du droit de rétention2. Pour cette branche de la doctrine, le droit de rétention
suppose une connexité matérielle entre la créance du détenteur de la chose
et la chose elle-même, alors que l'exception d'inexécution ne peut entrer en
jeu que dans le cadre des rapports contractuels et suppose donc une
connexité juridique ou intellectuelle. Cela signifie que la mise en oeuvre du
mécanisme de l'exception d'inexécution exige que la créance du détenteur et
son obligation de délivrer ou de restituer doivent être nées à l'occasion d'un
même contrat.
Dans le droit de rétention, c'est la chose elle-même qui témoigne de
la connexité. Cette relation est indépendante de tout lien contractuel entre le
créancier et le détenteur. TI faut que, en dehors de tout accord de volonté, la
créance du débiteur soit née à l'occasion de la chose retenue, qu'elle soit liée
à elle par un «débitum cum Te junctum»3. De cette constatation, il résulte
que le droit de rétention ne peut être exercé que lorsque la chose détenue a
causé un dommage au détenteur ou lorsque celui-ci, pour la conservation de
la chose, à supporter des frais ou s'est engagé par quelque dette4.
Cette thèse développée par Rodière5 se fonde sur la théorie de la
cause. Dans l'exception d'inexécution, le contractant qui refuse d'exécuter
oppose au réclamant son propre défaut d'exécution et fonde son refus sur le
manque de cause. L'obligation de délivrer....ou de restituer est corrélative à la
1
J.-F. PILLEBOUT, précité, n041, p. 35.
2
R. RODIERE, notes D.S., 1965, p. 59 et 79 ; J. MANDE - DJAPOU, article précité, J.C.P. 76, ed. G.,
l, 2760 ; V. aussi N. CATALA-FRANJOU, article précité, R.T.D. Civ. 1967, p. 1.
3
Expression latine signifiant «dette liée à la choses», V. A. HUET, article précité, n058 ; MANDE -
DJAPOU, article précité, n011.
4
RODIERE, note au D. 1965,59.
5
RODIERE, note au D. 1965,59.

- 170 -
créance. Par contre, le droit de rétention véritable ne fait aucun appel à
l'idée de cause et est étranger aux relations synallagmatiques!. Du point de
vue de cette analyse, on peut dire que chaque fois que la réciprocité des
obligations des deux parties a pour source une convention, le droit de
rétention est exclu et cède la place à l'exception d'inexécution. Monsieur A.
Huet, tirant les enseignements de cette thèse estime que le vendeur, le
façonnier, le garagiste, l'huissier, l'avoué, l'expert comptable, le notaire,
etc., qui refuserait de livrer ou de restituer une chose ou un document
appartenant au débiteur n'exercerait pas le droit de rétention, mais userait
de l'exception d'inexécution, la créance et l'obligation de livrer ou de
restituer ayant dans ces hypothèses une origine commune et contractuelle2.
Ces conclusions vont à l'encontre d'une conception extensive du droit
de rétention.
2 . La conception extensive du droit de rétention
177.- Une autre thèse admet, tout en excluant le jeu de l'exception
en cas de connexité matérielle, que la connexité juridique peut, selon les cas,
engendrer tantôt l'exception d'inexécution, tantôt le droit de rétention, de
telle sorte que celui - ci peut se mouvoir sur le terrain contractueP. Cette
thèse n'est pas fondamentalement en contradiction avec celle précédemment
exposée. Elle se fonde elle aussi sur l'idée de cause et distingue les contrats
synallagmatiques selon que l'obligation de délivrer ou de restituer
incombant au détenteur de la chose constitue pour lui une obligation
essentielle, principale, ou une obligation secondaire, accessoire4 • Ainsi,
lorsqu'un contrat porte sur le transfert d'un bien, tel est le cas en matière de
vente ou d'échange, l'abstention du détenteur constitue un refus d'exécution
d'une obligation essentielle qui représente l'exacte contrepartie, la cause de
la dette du réclamant. Le refus de délivrer ou de restituer la chose
s'explique, par conséquent, par l'absence ète cause et on se trouve bien dans
!
RODIERE, note précitée, D. 1965, p. 59 ; N. CATALA - FRANJOU, article précité, p. 18, n05.
2
A. HUET, article précité, n058.
3
N. CATALA-FRANJOU, article précité; CHABAS et CLAUX, Disparition et renaissance du droit de
rétention en cas de remise puis de restitution de la chose, D.S. 72, Chf., 19 ; CORNU,obs. R.T.D. Civ.
73, p. 789 ; C. GABET - SABATIER, , article précité; MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, Les sûretés.
La publicité foncière, n039, p. 34.
4
A. HUET, article précité, n059 ; N. CATALA -FRANJOU, article précité, p. 18, nOôet 7; C. GABET -
SABATIER, article précité, n09.

- 171 -
le domaine de l'exception non adimpleti contractus, sanction directe de
l'interdépendance
des
obligations 1. Au contraire, lorsque le contrat
synallagmatique oblige essentiellement le débiteur de la chose, non à livrer,
mais à déployer une certaine activité au bénéfice de son partenaire,
l'obligation de livrer ou de restituer est simplement secondaire. Il en va
ainsi du façonnier, en général, pour les matières qui lui ont été remises, des
mandataires professionnels pour les documents qui leur sont confiés, etc.
L'autorisation faite, dans de telles hypothèses, au détenteur de la prestation
déjà exécutée, mais non encore fournie, ou des biens ayant permis la
réalisation de la prestation, de résister par la rétention au non-payement
dont se rend coupable le créancier de la prestation se justifie par le droit de
rétention et non par l'exception d'inexécution. En effet, le devoir de livrer qui
est ainsi mis en suspens ne joue aucun rôle causal par rapport à la créance
du débiteur, il ne constitue qu'une obligation accessoire liée à elle par une
certaine connexité, mais pas par une interdépendance causale2. L'exception
d'inexécution étant la sanction du défaut de cause, elle n'a pas sa place ici;
le refus d'exécuter l'obligation secondaire qu'est l'obligation de délivrer
paraît relever du droit de rétention3.
178.- L'idée selon laquelle le droit de rétention peut aussi résulter
d'une connexité juridique trouve ainsi des illustrations. Le "débitum cum re
junctum» ne serait donc pas le seul critère du droit de rétention. Cette
opinion semble, même si c'est plutôt implicitement, avoir été consacrée par
la jurisprudence. D'une part, elle considère que le droit de rétention existe,
non seulement lorsqu'il y a connexité matérielle ou objective, mais aussi
lorsque la détention de la chose et la créance du débiteur "ont leur source
dans un même rapport»4. D'autre part, quoiqu'ils ne distinguent pas
expressément le caractère essentiel ou accessoire de l'obligation de
délivrance du détenteur de la chose, les juges qualifient formellement de
1
N. CATALA - FRANJOU, article précité, p.. 19 ; A. HUET, article précité, n059.
2
L'accomplissement de la prestation de services constitue déjà une cause suffisante de la dette contraire
(V.N. CATALA-FRANJOU, article précité, n08).
3
CORNU, obs. R.T.D. Civ. 1973, p. 790.
4
Civ 1ère, 27 oct. 1970, Bull. civ., l, n0282 ; LC.P. 70, éd. G., IV, 299 : «Transgresse l'art. 1134 du
Code Civil la décission qui dénie à un comptable le droit de rétenùon qu'il prétendait exercer sur les
documents à lui confiés pour l'exécution de son travail afin d'obtenir le règlement de ses honoraires, alors
que la détention des documents et la créance avaient leur source dans un même rapportjuridique» ; Rappr.:
corn., 29 janv. 1970, D.S. 74,245 ; civ. 1ère, 17 juin 1969, Bull. civ., 1,233 ; corn., 16 mars 1965,
Bull. civ., III, 200.

- 172 -
droit de rétention le refus de restituer opposé par le façonnier!, le garagiste2,
l'avoué, le notaire ou l'huissier3 , l'architecte4 , l'expert comptable5 .
Que faut - il cependant penser de ces deux conceptions du droit de
rétention?
3 . Appréciation critique
179.- Les deux théories avancées par la doctrine afin de mettre fin à
la confusion entre exception d'inexécution et droit de rétention et établir une
frontière précise entre les deux institutions ne sont pas à l'abri des critiques.
n a déjà été fait état des reproches faits à la thèse de Rodière, que la
doctrine postérieure jugea insuffisante et incomplète6. Cette analyse semble
justifiée. Une séparation stricte enfermant, sans réserve, le droit de
rétention dans le domaine extra-contractuel et l'exception d'inexécution
dans le champ contractuel ne permet pas d'expliquer les diverses solutions
consacrées et par la jurisprudence et par le législateur?
Par contre, la thèse selon laquelle le droit de rétention, en dehors du
domaine extra-contractuel, peut aussi trouver application dans le cadre des
relations contractuelles selon que l'obligation de délivrance du détenteur de
la chose est essentielle ou accessoire prend en compte ce souci de donner un
fondement à ces solutions qui ont accordé, ici et là, le droit de rétention. Et
même si, ni le législateur, ni la jurisprudence ne possèdent la vérité de la
qualification des institutions que l'un crée ou que l'autre consacre, cette
analyse donne, à notre avis, un sens à la délimitation aujourd'hui admise
des domaines du droit de rétention et de l'exception d'inexécution et semble
Réq., 13 mais 1861, D. 1861, 1,328 ; S. 1861, 1,865 ; civ. 1ère, 4 juin 1971, D.S. 71,489, concl.
LINDON; I.C.P. 71, éd. G., II,16913 ; Douai, 25 nov.. 1921, S. 1922, 1,225, note CASSIN.
2
Civ 1ère, 6 fév. 1974, Bull. civ., l, n047 ; com., Il juin 1969, D.S. 70, 244, note Ph. BHIR ; civ. 1ère,
25 nov. 1967, Bull. civ., l, n0145.
3
Orléans, 20 juillet 1899, D.P. 1900,2, 131 ; S. 1900,2, 136; Angers, 10 juil. 1934, D.H. 1934,531.
4
Réq., 5 nov. 1923, S. 1924, 1,215 ; D.P. 24, l, Il.
5
Civ. 1ère, 27 oct. 1970, 1.C.P. 70, éd. G., IV, 299 ; Bull. civ., l, n0282 ; - , 17 juin 1969, Bull. civ.,
1,233; I.C.P. 70, ed. G., II, 16162, note N. CATALA-FRANIOU ; V aussi: P.-I. DOLL, Au sujet du
droit de rétention des experts-comptables et experts agréés, G.P. 70, 1, doc., 123.
6
V. Particulièrement N. CATALA-FRANIOU, article précité; l. MANDE-DIAPOU, article précité.
7
Exemples: Les avoués (Déc. 30 av. 1946), Les huissiers (Déc. 4 sept 945), Les notaires (Déc. 29 sepl
1953) et L'ouvrier (an: L.143-12 du Code du travail) peuvent exercer le droit de rétention.

- 173 -
plus conforme à l'état du droi t positif. Toutefois, les raisons invoquées par
les auteurs favorables à l'extension du droit de rétention à l'obligation de
délivrance d'un prestataire de services ne nous semblent pas totalement
satisfaisantes et appellent quelques remarques.
180.- Il faut d'abord relever que les hypothèses envisagées font, le
plus souvent, coexister connexité juridique et connexité matérielle. TI en est
ainsi, par exemple, lorsque la chose retenue porte en elle-même le service
rendu. Dans ces cas, il y a bien sûr relation juridique indéniable entre les
contractants, mais on ne peut pas non plus négliger la relation étroite qui
existe entre la créance du détenteur et la chose retenue. C'est ainsi qu'il y a
création de la chose lorsqu'un façonnier fait d'une pièce d'étoffe un habit,
d'une planche un meuble meublant. TI y a amélioration de la chose en cas de
blanchissage du linge, de remise en état d'un véhicule l . Il y aura encore
amélioration ou même création de la chose dans le cas du notaire rédacteur
d'actes, de l'avoué établissant des pièces de procédure, de l'expert-comptable
passant des écritures et faisant le bilan du commerçant, de l'architecte
dressant des projets de construction, etc. Dans toutes ces hypothèses, il y a
incorporation du labeur dans la valeur de la chose 2 .
La créance du
détenteur est liée à la chose; il existe donc un «debitum cum re junctum".
D'autre part, il serait irréaliste, dans de telles hypothèses, de
soutenir que dans les contrats synallagmatiques portant sur une prestation
de services, l'obligation de livrer du prestataire ne joue aucun rôle causal
par rapport à la dette d'argent et que le seul accomplissement de la
prestation est une cause suffisante de cette dette. En effet, si par exemple le
propriétaire d'un véhicule le confie à un garagiste, le commerçant ses
documents comptables à un expert comptable, etc., c'est bien évidemment
pour en obtenir restitution. Le retour de ces choses dans leur patrimoine est,
nous semble-t-il, aussi important à leurs yeux que la prestation de services
elle-même. Une interdépendance cau~ale existe, en conséquence, non
seulement entre la prestation de services et la dette, mais aussi entre cette
V. P.-Y. GAUTIER, obs. sur Civ., 7 janvier 1992, R.T.D.Civ. 1992, p. 586, n° 6. Il souligne
notamment que par les réparations effectuées sur un véhicule, un garagiste lui a apporté des améliorations,
ce qui fait naître une connexité matérielle impliquant un droit de rétention opposable à tous, même aux
tiers.
2
J.-F. PILLEBOUT, précité n043, p. 37 ; Chr. SCAPEL, article précité. n028 (à propos de l'expert
comptable).

- 174 -
dernière et la restitution de la chose l .
181.- Plutôt que d'invoquer le défaut de cause fondé sur une
différenciation entre obligations essentielles et obligations accessoires peu
convaincante pour écarter le jeu de l'exception d'inexécution, il faudrait, au
contraire, constater la coexistence des deux formes de connexité2. Du fait de
ce double fondement, le domaine des contrats synallagmatiques de
prestation de services impliquant une obligation de délivrance deviendrait
commun au droit de rétention et à l'exception d'inexécution. Le créancier
aurait alors le choix d'invoquer l'un ou l'autre selon les résultats qu'il veut
atteindre. Or, en pratique, le droit de rétention a des effets plus complets
puisqu'il est indivisible et surtout opposable aux tiers3. Ceci expliquerait, à
notre avis, que les créanciers l'invoquent de préférence à l'exception
d'inexécution et que le droit positif comporte de nombreuses dispositions le
con s acran t.
Cette analyse, qui est implicite chez certains auteurs4 , est plus
conforme à l'état du droit positif. Il ne s'agit toutefois pas de confondre ces
deux institutions qui demeurent distinctes l'une de l'autre. Néanmoins, s'il
y a un point où les deux principes se recoupent, c'est qu'els peuvent tous les
deux prendre la forme d'une rétention. De ce point de vue, on peut dire que
l'exception d'inexécution se déploie sur le terrain du droit de rétention.
1
A. HUET, article précité, n° 61.
2
MAZEAUD, t. III, 1er voL, nO 117, p 137 ; MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, Les sûretés et la
plublicité foncière, n040, p. 34
3
MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, Sûretés et publicité foncière, nO 46,50 et s. Ils considèrent que le
droit de rétention est un droit réel simplement amputé des droits de suite et de préférence. ; MAZEAUD, t.
III, 1er voL, n0125 et 126. V. Civ. 1ère, 7 janvier 1992, J.c.P. 1992, ed. G., l, 3583, n° 4, et ed. N.,II,
264 ; R.T.D.Civ. 1992, p.586, nO 6, obs. P.-Y. GAUTIER. Cete décision a estimé que «le droit de
rétention, conséquence la rétention, est un droit réel opposable à tous, même aux tiers non tenus par la
dette. Par suite, a violé l'art. 1948 du Code civil une cour d'appel qui, pour écarter le droit de rétention
d'un garagiste, énonce que ce dernier, partie au protocole, s'était désigner le vendeur comme débiteur
unique des travaux et ne pouvait, de ce fait, opérer la.œtenùon de la voiture de l'acheteur pour obtenir le
paiement des réparations». En l'espèce, il s'agissait de savoir si un garagiste qui s'était engagé à effectuer
des réparaùons sur une voiture vendue, à charge pour le vendeur d'en supporter les frais, pouvait opposer
son droit de rétention à l'acheteur, verus dominus, avec lequel il était sans rapport d'obligation. Cet arrêt
confIrme donc que le droit de rétention, dans la mesure où il peut être opposé aux tiers a bien plus d'effets
que la simple exception d'inexécution. C'est un droit réel et non un moyen de pression puisé dans un
droit personnel. La légitimité du droit de rétention du dépositaire face au ùers s'explique par ailleurs par
le fait que «sa créance etant née sur la chose», ici en lui apportant des améliorations, ceci profItera
nécessairement au tiers, même s'il n'est pas débiteur, ici l'acheteur; ce qui fait qu'il ya connexité
materielle.
4
MARTY et RA YNAUD et JESTAZ, Sûretés et publicité foncière, n043 ; MAZEAUD, t. III, 1er voL,
n0124.

- 175 -
B - Exception d'inexécution et droit de rétention se confondent par
leur mécanisme
182.- Si un fort courant de la doctrine a assimilé le droit de rétention
à l'exception d'inexécution, c'est bien sûr en raison de la similitude des
mécanismes qu'ils déclenchent l . Que l'on se référe à l'une ou l'autre des
institutions, le créancier ajourne l'exécution de l'obligation à sa charge, il
retient en garantie la chose qu'il doit délivrer. Exception d'inéxécution et
droit de rétention s'expriment dans un même mécanisme de fait, la
rétention2• En effet, le refus d'exécuter une obligation de délivrance consiste,
en pratique, à retenir la chose détenue tant que le réclamant n'a pas exécuté
ou offert d'exécuter sa propre obligation. Il y a donc une dualité de la
rétention qui peut résulter soit du droit de rétention proprement dit, soit de
l'exception d'inexécution3.
D'autre part, et bien que son étude soit souvent rattachée à celle des
sûretés, ce n'est pas sur le terrain de ces dernières que joue le droit de
rétention. TI ne renforce pas la créance du retenteur par l'adjonction d'un
droit sur la chose comme le ferait une véritable sûreté réelle. Celui-ci ne -,
trouve nulle part le germe d'un tel droit à son profit4 . Et même si l'exercice
du droit de rétention suppose la maîtrise de la chose, le droit de rétention
opère en fait sur les obligations et non en dehors d'elles5. Le créancier qui
retient une chose appartenant à son débiteur reporte l'exécution de son
obligation de délivrance, il la suspend jusqu'au moment où le partenaire
consentira à remplir sa propre obligation. C'est à la fois un moyen de
garantie et de contrainte contre un débiteur qui est en même temps
créancier. Là encore, exception d'inexécution et droit de rétention se
rejoignent, car le retenteur opposant l'exception ne fait autre chose que
suspendre l'exécution de sa propre obligation dans le but de se garantir
contre l'inexécution par le cocontractant de la sienne et même le contraindre
à l'exécution.
AUBRY et RAU considéraient le droit de rétention comme une application de l'exceplio non adimpleti
contractus - V. MAZEAUD, L III, 1er vol., p. 132; A. HUET, article précité, n056.
2
N. CATALA - FRANlOU, article précité, n06, p. 19.
3
PLANIOL et RIPERT, t. VI, n0444, p. 598.
4
C'est ainsi qu'il est posé comme principe que le droit de rétention ne confere ni droit de preference, ni droit
de suite (voir cependant les réserves faites à ce sujet par MARTY, RA YNAUD et lESTAZ, Sûretés et
publicité foncière, n055 et 56, p. 43 et s.
5
N. CATALA-FRANlOU, arùcle précité, n018.

- J 76 -
183.- En définitive, abstraction faite des particularités relatives à
l'opposabilité! ou à l'indivisibilité 2, il est à noter que sur le plan de leur
incidence
sur les
obligations,
notamment contractuelles,
exception
d'inexécution et droit de rétention se confondent. Cette parenté est telle
qu'une étude spécifique du droit de rétention, en tant que technique de
suspension, ne nous paraît pas nécessaire, même si les deux institutions ne
sont pas soumises aux mêmes conditions d'application et de mise en oeuvre.
SECfIONII:
LE
FONCTIONNEMENT
DE
L'EXCEPTION
D'INEXECUTION
184.- Comme cela a déjà été relevé et démontré, il n'existe pas dans
le Code civil français de règle générale concernant l'exception d'inexécution,
mais seulement quelques cas d'application3 . Toutefois, la doctrine et la
jurisprudence ont édifié une construction définissant les différentes règles
qui permettent de faire jouer la suspension unilatérale du contrat. '
L'examen de ces règles de fonctionnement dénote d'une part, le souci de
limiter le recours à cette faculté (§1), et, d'autre part, l'extrême souplesse de
son mécanisme de mise en oeuvre (§2).
§1 - Les restrictions au recours à l'exception d'inexécution
185.- Le recours à l'exception d'inexécution, aussi bénéfique qu'il
puisse être pour le créancier d'une obligation inexécutée, est avant tout un
acte de justice privée et comporte à ce titre certains dangers, même s'il
n'aboutit qu'à la suspension du contrat. Il ne peut donc être admis sans
V. M. CABRILLAC et C. MOUL Y, Droit des sûretés, L.I.T.E.C., 1ère ed. 1990, n° 563 et s., p. 435
et s.
2
V. M. CABRILLAC et C. MOULY, précité, n° 521 et 562, p. 404 et 435. La faculté de refuser la
restitution est unanimement reconnue comme indivisible (paris, 20 dec. 1938, D.C. 1942, 168 ). Cette
règle de l'indivisibilité est liée à la nature de droit réel du droit de rétention et au principe qu'un tel droit
porte sur la totalité de la chose qui en est l'objet (M. CABRILLAC et C. MOUL Y, précité, nO 521 et
562; J. SCHMIDT-SZALEWSKI, Jurisprudence française, droit des contrats, L.I.TE.C.1989, n° 497)
3
V. Supra n° 160 et s.

- 177 -
réserves 1. Aussi, les tribunaux exigent-ils de celui qui l'invoque, non
seulement qu'il soit partie à un rapport juridique susceptible de recevoir
l'application de la règle (A), mais encore, qu'il se heurte, de la part de son
cocontractant, à une inexécution suffisamment grave (E).
A - Les obligations susceptibles d'être suspendues
185bis.- Le principe de l'exception d'inexécution ne peut trouver
application qu'à l'occasion de l'exécution des obligations engendrées par
certains rapports juridiques. Il doit y avoir d'une part, corrélation entre les
obligations des différentes parties (1), et d'autre part, simultanéité dans leur
exécution (2).
1 . La corrélation des obligations
186.- La faculté qu'a un contractant de suspendre provisoirement
l'exécution de sa propre obligation tant que l'autre n'exécute pas ou n'offre
pas d'exécuter celle à laquelle il est tenu trouve son fondement, cela a déjà
été dit, sur l'idée de cause2. L'inexécution reprochée doit porter sur une ~
obligation corrélative de celle de l'excipiens ; autrement dit, il doit exister
entre ces obligations qui se font face un lien d'interdépendance3. La doctrine
et la jurisprudence sont aujourd'hui fixées pour reconnaître que la
corrélativité réside dans la communauté d'origine des deux dettes, les
obligations existant de part et d'autre prenant naissance dans le même
rapport juridique. Elles sont unies, dit - on encore, par un lien de connexité
juridique4 . Il est hors de doute que c'est l'idée synallagmatique qui délimite
le domaine d'application de l'exception d'inexécution, car celle-ci est par
essence liée à la réciproci té et à l'interdépendance des obliga tions5.
1
J. MESTRE, obs. à la R.T.D. Civ. 86, 591, n02.
2
Voir supra n° 165 et s.; voir: Civ., 5 mai 1920. D.P. 1926. 1.37: «Dans un contrat synallagmatique,
l'obligation de l'une des parties a pour cause l'obligation de l'autre de telle sorte que si l'obligation de l'une
n'est pas exécutée pour quelque motif que ce soit, l'obligation de l'autre partie devient sans cause et n'a pas
à être exécutée».
3
B. STARCK. t. Il. n016, 37. p. 668 ; C. GABET SABATIER, article précité. R.T.D. Civ. 80, p. 39
et s. ; - , thèse précitée Paris, 1977.
4
A. WEILL et F. TERRE, précité, n0474, p. 492 ; RODIERE, note au D. 1965.59 et 79 ; C. GABET -
SABATIER, article précité; voir aussi réq., 17 mai 1938, D.H.1938, 419.
5
A. HUET, article précité, n044 ; J. CARBONNIER, t. IV, n0194. p. 350. Il faut noter que le principe ne
saurait trouver application à l'occasion de l'exécution résultant d'un contrat unilatéral, puisque par
définition, ce genre de contrat ne crée des obligations qu'à la charge de l'une des parties. C'est d'ailleurs un
des intérêts couramment relevés de la distinction des contrats unilatéraux et des contrats synallagmatiques.

- 178 -
187. -
La
règle
de
l'exécution
simultanée
trouve
donc
prioritairement application en matière de contrats synallagmatiques
parfai ts 1. Le Code civil consacre l'exception d'inexécution en matière
contractuelle à propos de la vente 2 , de l'échange3 , du dépôt4 et la
jurisprudence a fini par généraliser le principe en l'appliquant à tous les
contrats synallagmatiques parfaits5 . C'est ainsi qu'une partie est fondée à
retenir sa prestation en cas d'inexécution par le cocontractant de la sienne
dans le cadre du louage de chose6 , du contrat de travaiF, du mandat
salariés, du contrat de concession9, etc. De la diversité des exemples cités, il
résulte que le recours à l'exception d'inexécution est indifférent à la nature
des obligations des parties et est licite qu'il s'agisse des obligations de faire
ou de ne pas faire, des obligations de donner un corps certain, une chose de
genre ou une somme d'argent. Il n'y a aucune raison de faire une
quelconque discrimination en fonction des objets respectifs des obligations
corrélatives en présence 1o.
Cependant, faut-il regarder l'exception d'inexécution comme une
conséquence
du
«8Y n a il ag ma»
impliqué
par
les
seuls
contrats
synallagmatiques parfaits? Les difficultés naissent du fait que les rapports '
synallagmatiques générateurs d'obligations réciproques sont très variés.
MAZEAUD, t. Il, 1er vol., n01127, p. 1177 ; MARTY et RAYNAUD, t. l, n0323, p. 333 ; B.
STARCK, t. II, nOl639, p. 669; J. CARBONNIER, t. IV, n° 194, p. 350 ; A. WEILL et F. TERRE,
précité, n° 471, p. 490 ; PLANIOL et RIPERT, t. VI, ; n° 448, p. 602 ; Voir aussi Civ., 5 mai 1920,
D.P.26, 1,37.
2
An. 1612, 1613, 1651 et 1653.
3
An. 1704.
4
An. 1948
5
MARTY et RA YNAUD, 1. l, n0323, p. 333 ; A. WEILL et F. TERRE, précité, n° 471, p. 490, V.
l'abondante jurisprudence citée par A. HUET, article précité, n046.
6
Soc. 31 mai 1956, Bull. civ., IV, n0503.
7
Plusieurs arrêts fondent le refus de l'employeur du versment des salaires en cas d'inexécution par le salarié
des obligations à sa charge, notamment la fourniture du travail, sur l'exception d'inexécution: Amiens,
13 juin 1901, D. 1901,2,412; S. 1902,2,283 ; Soc., 30 mai 1967, Dr. Soc. 67, 632 ; Bull. civ., V,
n° 433, p. 360 ; Soc., 12 fév. 1969, D.69, 690 ; J.c.P. 69, ed. G., 1, 15925 ; Dr. Soc. 69,456 ; Soc.,
26 févr. 1975, Dr. soc. 1975,449 ; Soc., 3 av. 19>79, D. 79, I.R., 435. Certains auteurs estiment
cependant qu'il s'agit d'une applicalion contestable de l'exception: G. LYON-CAEN et J. PELLISSIER,
Droit du travail, n~77 ; J.-M. SPORTOUCH, La fermeture de l'entreprise en cas de conl1it collectif, Dr
soc. 1988,682; A. HUET, arlicle précité, n0148.
S
Corn., 19 déc. 1962, Bull. civ., III, n0523 ; Civ. 3e, 12 mars 1969, Bull. civ., III, n0220, Civ., 17 fév.
1981, J.c.P. 82, éd. G., IV, 51 ; Orléans, 23 oct. 1975, J.c.P. 77, ed. G., II ,18653, note LE
TOURNEAU; D.S. 76, Somm., 37 Cà propos précisément d'un architecte).
9
Corn., 26 nov. 1970, D.S. 70, Somm., 224 ; - , 16 juin 1981, Bull. civ., IV, n0276 ; J.c.P. 81, ed.
G., IV, 318.
10 A. WEILL et F. TERRE, précité, n0473, p. 492 ; PLANIOL et RIPERT, t. VI, n0450, p. 604 ; A.
HUET, article précité, n047.

- 179-
D'une part, le contrat synallagmatique parfait n'est pas la seule variété de
convention de cette nature, on parle également de contrats synallagmatiques
imparfaits!. D'autre part, le contrat n'est pas la source exclusive des
relations synallagmatiques, même s'il en est le facteur privilégié ; des
rapports synallagmatiques peuvent aussi résulter de l'anéantissement d'un
contrat synallagmatique déjà exécuté ou d'un quasi-contrat2. Il peut même
exister des obligations corrélatives créées par la loi ou sous son autorité3. La
suspension provisoire par l'une des parties de son obligation est-elle
également applicable dans toutes ces hypothèses?
188.- Les solutions varient avec les cas considérés et la doctrine est
très partagée.
S'agissant des contrats synallagmatiques imparfaits, un fort courant
doctrinal soutient que l'exception d'inexécution doit être admise en cette
matière où pourtant seule la dette de l'une des parties est engendrée par le
contrat. Cette solution s'appuie sur un raisonnement par analogie à partir
de l'article 1948 du Code civil relatif au dépôt et qui considère qu'il existe une
relation naturelle entre l'obligation accidentelle du créancier4 et l'obligation ~
contractuelle de restitution qui sont réciproques et ont une communauté
réelle d'origine5. Cependant, cette position particulièrement répandue en
doctrine semble reposer sur une argumentation artificielle. En effet,
l'exception d'inexécution suppose que la créance invoquée par celui qui s'en
prévaut est la contrepartie, la cause de son obligation. Tel n'est pas le cas
dans un contrat synallagmatique imparfait comme le dépôt non salarié, car,
contrairement à l'obligation de restitution, la dette de remboursement des
impenses n'est pas née du contrat, mais seulement à l'occasion du contrat.
Les
obligations
des
parties,
bien
que
réciproques,
ne
sont
pas
interdépendantes et ne sont pas unies par un lien de causalité6 . On est bien
....
!
MAZEAUD, 1. Il, 1er vol., n097, p. 84 ; A. Weill et F. TERRE, précité, n037, p. 38.
2
GABET - SABATIER, article précité, n09, p. 43.
3
Il en va ainsi, par exemple, de l'expropriation pour cause d'utilité publique ou pour acquisition d'une
servitude de passage, dans les rapports entre tuteur et pupille ou entre administrateur légal et administré,
entre époux etc.
4
R. CASSIN, thèse précitée, p. 452 et 453 ; B. STARCK, 1. II, n01640, p. 669 ; MAZEAUD, 1. II, 1er
vol., n° 1127, p. 1145 ; A. HUET, article précité, n064 ; voir aussi: civ., 10 août 1870, S.70, 1,398 ;
D.P. 71, l, 40 ; Civ., 17 janv. 1866, D.P. 66, l, 77.
5
A. HUET, article précité, n063 ; N. CATALA-FRANJOU, article précité, p. 28. nOl?
6
A. HUET, article précité, n063 ; N. CATALA-FRANJOU, article précité, p. 28, n012.

- 180 -
en présence d'une suspension provisoire de l'exécution d'un engagement
contractuel, mais le contractant qui use de ce moyen exerce, à notre avis, le
droit de rétention plutôt que l'exception d'inexécution l . On peut d'ailleurs
faire remarquer que le verbe retenir employé par l'article 1948 évoque
indifféremment l'exception d'inexécution et le droit de rétention proprement
dit et que la plupart des décisions faisant application de cette disposition font
le plus souvent référence au droit de rétention qu'à l'exception non adimpleti
contractus2.
N'est pas non plus fondée la thèse qui soutient que l'exception de
refus
de
paiement trouve
aussi
sa
place
dans
les
quasi-contrats
synallagmatiques dont le plus cité est la gestion d'affaires3 , ou encore dans
les rapports synallagmatiques créés par la loi ou prescrits par elle4 • Dans un
cas comme dans l'autre, les obligations des parties ont été créées en
l'absence de la volonté des parties, elles ont une source extra - contractuelle.
Et de toute façon, la jurisprudence semble exclure le jeu de l'exception des
obligations connexes extra-contractuelles lorsqu'elle décide que c'est
l'interdépendance des obligations réciproques résultant d'un «contrat
synallagmatique qui donne droit à l'une des parties de ne pas exécuter son
obligation quand l'autre n'exécute pas la sienne»5.
Par contre, l'extension des règles de l'exception non
adimpleti
con tractus aux obligations de restitution qui succèdent à l'annulation ou à la
résolution d'un contrat synallagmatique6, ce qu'un auteur a appelé le
«synaliagma renversé»7, rallie la doctrine dans son ensemble8• Ce principe
1
CAPITANT, La Ù1éorie de la cause, p. 279.
2
Com.,4 déc. 1984, Bull. civ., IV, n0338, p. 267 ; civ. 1ère, 22 fév. 1988, Bull. civ., l, n° 32, p. 21.
3
PLANIOL et RIPERT, 1. VI, n0448, p. 602 ; R. CASSIN, précité, p. 161 et 455 ; GUENEE, note sous
civ., 25 janv. 1904, D.P. 1904, 1,601 ; WEILL et TERRE, précité, p. 491, note 473.
4
GABET - SABATIER, article précité, n09, p. 43 ; J.-F. PILLEBOUT, précité, n0175 ; PLANIOL et
RIPERT, 1. VI, n0448, p. 602.
....
5
Réq., 17 mai 1938, D.H. 38,419; Civ., 10 déc. 1946, DA7, 87 ; Soc., 31 mai 1956, Bull. civ., IV,
n0503 ; civ. 1ère, 7 juil. 1958, Bull. civ., l, n0361 ; corn., 19 déc. 1962, Bull.. civ., III, n° 523 ; Soc.,
31 mai 1967, Bull. civ., IV, n0433, Voir aussi A. HUET, article précité, n~O.
6
Une importante docnine est relative à la question: A. BOUSSIGES, Les restitutions après annulation ou
résolution du contrat, Ù1èse Poitiers, 1982; J. DARRET et L. LOR VELLEC, Les restitutions après
l'annulation d'un contrat d'intégration, D.82, 211 ; E. POISSON-DROCOURT, Les restitutions entre les
parties consécutives à l'annulation d'un contrat, D.83, 85.
7
J. CARBONNIER, 1. IV, n084, p. 341 ; B. STARK, 1. II, nOI640, p. 669.
8
H. CAPITANT, précité, p. 278 ; J.-F. PILLEBOUT, précité, n0150 ; R. CASSIN, précité, p. 162 et s. ;
PLANIOL et RIPERT, LVI, n0448, p. 603 ; B. STARCK, 1. II, n° 1640, p. 669 ; J.'CARBONNIER, 1.
IV, n0194, p. 350.

- 1g 1 -
est clairement posé par la Cour de cassation depuis bien longtemps: « .•. les
parties doivent se restituer réciproquement tout ce qu'elles ont reçu l'une de
l'autre en exécution de la convention révoquée ... ces restitutions, qui sont la
cause l'une de l'autre sont, en principe, exigibles au même moment ... »I. Le
principe est appliqué, que l'anéantissement résulte d'un "m u t u us
dissensus» ou d'une décision judiciaire à la demande de l'une des parties2.
Cette solution mérite approbation, car, s'il est vrai que de tels rapports ne
résultent pas de mécanismes contractuels stricto sensu, ils se situent
néanmoins
dans la
mouvance
d'un
contexte
contractueP.
L'unité
intellectuelle de l'opération n'est pas effacée par l'annulation ou la
résolution, ce qui justifie, à plus d'un titre, l'application de la règle de
l'exécution simultanée4 •
2· La simultanéité dans l'exécution
189.- La corrélation entre les obligations réciproques est nécessaire
au fonctionnement de l'exception d'inexécution, mais elle n'est pas
suffisante ; il doit en outre résulter du rapport synallagmatique une
exigence d'exécution simultanée. Sans doute, l'exécution des obligations
"
nées d'une telle convention est-elle, en principe, «trait pour trait». La
simultanéité est, en effet, inhérente à la nature même du contrat
synallagmatique; aucun des contractants n'est tenu de faire crédit à l'autre,
ni de lui procurer les avantages de sa prestation sans en obtenir la
contrepartie. Il en est ainsi par exemple en matière de vente: tandis que le
vendeur livre la chose, l'acheteur paie le prix et si l'un n'exécute pas son
obligation, l'autre peut suspendre l'exécution de la sienne5.
190.- Toutefois, le principe même de l'exécution simultanée n'est
pas rigoureux. La nature du contrat, la volonté des parties, la loi ou les
usages peuvent obliger l'un des contractants à l'exécution préalable ou
donner un délai à l'autre6. Lorsqu'il eft est ainsi, l'exception n'est plus
susceptible d'être invoquée des deux côtés, le contractant qui doit exécuter le
1
Civ., 27 juil. 1892, S. 93, 1,67 ; E..a1:m.r. civ. 3ere, 16 déc. 1986, Bull. civ., III, n0301.
2
A. HUET, article précité, n073.
3
B. STARCK, t. II, nOI644, p. 671 ; A. WEILL et F. TERRE, précité, n0494, p. 493.
4
COLIN et CAPITANT, t. II, n0872, p. 485.
5
V. A. WEILL et F. TERRE, précité, n0474, p. 493.
6
A. HUET, article précité, n020.

- 182 -
premier perd la faculté de se prévaloir de la défaillance de son partenaire
pour ne pas s'acquitter à son tour). Le fait est fréquent dans certains
contrats qui comportent, à la charge d'une des parties, la prestation d'un
service ou le respect d'une abstention en échange d'une rémunération en
argent s'accomplissant instantanément. C'est le cas du bailleur, de
l'hôtelier, du médecin, de l'employé, etc., qui doivent d'abord fournir leurs
services avant d'être payés et ne peuvent invoquer le défaut de payement
préalable de leur cocontractant pour suspendre leurs obligations2• En outre,
la convention des parties peut écarter l'application du principe de
l'exécution «trait pour trait» qui est simplement supplétif3. La concession
d'un terme suspensif à un contractant n'autorise plus une partie à recourir
à
l'exception,
l'obligation affectée
d'un
terme étant par définition
suspendue4 • Ainsi a-t-il été jugé que lorsque dans un marché d'informatique
comprenant à la fois fourniture d'un ordinateur et d'un logiciel, la livraison
de ce dernier est différée, le client ne peut prétendre refuser de payer
l'ordinateur en soulevant l'exception d'inexécution tenant à la non livraison
du logicielS.
Dans
tous
ces
cas,
le
défaut
de
simultanéité,
nonobstant
l'interdépendance des obligations réciproques, prive l'une des parties au
contrat de la faculté d'opposer l'exception. Toutefois, même si corrélation et
simultanéité sont réunies, un contractant n'est admis à user de l'exception
de refus de paiement que si l'autre n'a pas exécuté l'obligation à laquelle il
était tenu.
B. STARCK, t. II, n° 1645, p. 671 ; A. WEILL et F. TERRE, précité, n0474, p. 493; A. HUET, article
précité, nOl21 ; PLANIOL et RIPERT, t. VI, n0453, p. 607.
2
A. WEILL et F. TERRE, précité, n° 474, p. 493 qui évoquent particulièrement le cas de l'hotelier ou du
restaurateur.
Voir aussi Civ. 3e, 15 av. 1980, J.c.P. 80, éd. G., l, 242, à propos de la vente des parts d'une société
civile immobilière: «l'acquéreur de parts d'une SCI donnant vocation à un appartement doit répondre aux
appels de fonds en contrepartie de la poursuite de la consU1lction qui est l'objet social de la personne
morale et que la garantie des défauts de la chose vendue n'entre éventuellement en jeu qu'à l'achèvement de
l'immeuble, les juges du fond peuvent décider que les deux obligations ne sont pas simultanées et
concomitantes mais successives et qu'en conséquence l'acheteur ne peut vas invoquer l'exception
d'inexécution pour refuser de payer».
3
MAZEAUD, t. II, 1er vol., n° 1128, p. 1177.
4
V. Supra nO 56 et s. ; MAZEAUD, 1. II, 1er voL, n01128, p. 1177.
5
Paris, 18 déc. 1986, D.87, I.R., 19; Voir aussi Orléans, 23 oct. 1975, J.c.P. 77, ed. G., II, 18653, note
LE TOURNEAU; «Lorsqu'un terme a été prévu pour le paiement du solde, l'exception ne peut être
invoquée que pour l'acompte immédiatement dû».

- 183 -
B . L'inexécution de son obligation par le cocontractant
191.- L'exception non adimpleti contractus
consistant dans la
faculté offerte à un contractant de refuser d'exécuter son obligation tant que
son partenaire ne s'acquitte pas lui-même de sa dette, il est évident que sa
mise en application est subordonnée à une inexécution effective de la part de
ce dernier!. TI n'est pas nécessaire que l'inexécution soit fautive ou résulte
d'une négligence du débiteur2.
Cependant, tout l'intérêt de la question consiste à savoir comment les
inexécutions en présence devraient être comparées.
TI est certain que lorsque la défaillance de l'autre partie est complète,
l'exception peut être invoquée sans qu'aucune réserve puisse être élevée3.
C'est la situation qui correspond à l'inexécution des deux obligations
principales d'un rapport synallagmatique. Il n'y a alors aucun problème
d'équilibre, celui-ci étant automatiquement réalisé.
192.- Mais, que décider en cas de manquement simplement partiel?
Il est en effet rare qu'un contractant, qui n'ignore pas qu'il est obligé,
réclame à l'autre l'exécution du contrat sans avoir fait de son côté une
tentative ou au moins un simulacre d'exécution4 .
En dépit d'anciennes controverses5 , il est aujourd'hui unanimement
admis en doctrine qu'il n'est pas nécessaire que l'inexécution soit totale. Un
contractant peut suspendre la prestation à laquelle il s'est engagé non
seulement lorsque son adversaire n'a exécuté aucune de ses obligations,
Il appartient, toutefois, à celui qui invoque l'exception d'inex&:ution en alléguant que son cocontractant
n'a pas rempli son obligation d'établir cette inexéculion (civ. 1ère. 18 déc. 1990. Bull. civ., l, n0296).
2
Il peul. en effel, arriver que l'inexécution SOil un droil RPur le débiteur el donc parfailemenllégale ; leI eSl
le cas par exemple du salarié qui se met en grève alors que dans le même temps, il est admis que
l'employeur lui opposeraill'exceplion s'il prélendait au salaire correspondant au temps pendant lequel il
n'a pas travaillé. V. A. HUET. article pr&:ité. n0147 ; A. WEILL et F. TERRE, précité. n0474, p. 493.
3
B. STARCK, 1. II, nO 1647, p. 671 ; V. corn., 27 janv. 1970, l.C.P. 70, ed. G., II, 16554, note HUET:
«en relevant qu'une partie n'avail exécuté aucune des obligations inscrites dans la convention (... ) une
cour d'appel constate la carence lot.aIe qu'elle peut regarder comme justifiant le jeu de l'exceptio non
adimpleti contractus».
4
A. HUET. article pr&:ilé, n0256 ; B. STARCK, 1. II, nOI647, p. 671 ; l. MESTRE, obs .. R.T.D. Civ.
86, p. 591, n02.
5
Voir N. CATALA-FRANlOU, article pr&:ité, p. 18 et 22. qui &:arte le jeu de l'excep'tion d'inexécution en
cas de non-ex&:ution d'une obligation secondaire dans un contrat de preslation de services.

- 184 -
mais même lorsqu'il n'a exécuté qu'en partie ou a imparfaitement exécuté l .
Ainsi, par exemple, lorsqu'une société s'est engagée envers une autre à
fournir des renseignements juridiques et commerciaux, mais a par la suite
réduit son activité, elle peut se voir opposer l'exception d'inexécution2, ou
encore, le locataire à l'égard duquel l'obligation de délivrer les lieux a été
respectée peut invoquer l'exception d'inexécution si le bailleur ne lui procure
pas une jouissance utile et paisible des lieux3. Bien entendu, la preuve de
l'inexécution doit être rapportée par la partie qui s'en prévaut4 .
L'exception d'inexécution est cependant, comme la légitime défense
en droit pénal5, «une violation du droit Justifiée par une violation dont est
lui-même victime celui qui l'invoque»6 ; il est donc nécessaire qu'entre les
deux infractions, il existe un certain équilibre. Le refus provisoire d'exécuter
n'est légitime que pour autant qu'il est proportionné aux faits d'inexécution
imputables à l'autre partie et qui doivent être suffisamment graves et
importants. Il paraît tout à fait contraire à la bonne foi qu'un créancier
puisse se prévaloir d'une inexécution minime ou portant sur une obligation
secondaire pour se dispenser de remplir soi-même son engagement? C'est
MAZEAUD, l. II, 1er vol., n01129, p. 1177 ; B. STARCK 1. II, nOI647 p. 671 ; MARTY et
RAYNAUD, l. l, n0324, p. 335 ; A. HUET, article précité, n0150; note sous corn., 27 janv. 1970,
J.c.P. 70, ed. G., II, 16554.
II faut noter que l'exception opposée par un créancier qui se plaint d'une inexécution partielle ou d'une
exécution défectueuse est parfois appelée «exceptio non rite adimpleti contractus». V. E. RA YNAUD,
thèse précitée, p. 110; L-F. PILLEBOUT, précité, n0215, p. 212.
2
Corn., 20 janv. 1976, D. 76, l.R., 109 ; Paris, 4e ch., 21 nov. 1991, J.C.P. 1992, ed. G., IV, 1072 :
«La mauvaise exécution d'un contrat d'entretien et d'assistance technique d'un photocopieur justifie le
non-paiement des féctures d'entretien»; compar. : Corn., 28 mai 1991, Bull. civ., IV, 194: «Un acheteur
ne peut être débouté de son action en garantie des vices cachés de la chose vendue au motif que le vendeur
n'ayant pas été payé en total ité du prix de la chose, il était en droit de faire jouer l'exception d'inexécution
dont il avait menacé son débiteur». En effet, le vendeur qui délivre une chose viciée est à l'origine de
l'exécution imparfaite du contrat; l'acheteur se trouve dès lors en droit de suspendre l'exécution de sa
propre obligation de payer le prix tant qu'il n'a pas pu obtenir satisfaction et le vendeur ne peut tenter
d'échapper à l'exécution de la prestation promise en lui retournant celte même exception (V. les obs. de
ü. TOUNAFOND, D.S. 1992, Somm., 202).
3
Civ. 3e, 12 fév. 1970, Bull.. civ., lII, n097 ; D.S. 70, Somm., 142: en l'espèce, le propriétaire avait
effectué des travaux qui rendaient la ferme impropre à l'usage pour lequel elle avait elle louée; !l.
rapprocher avec: corn., 13 juin 1970, Bull.. civ., IV,nol64, à propos de la livraison d'un camion; civ.,
26 nov. 1924, G.P. 1925, l, 136 et Réq., 5 fév. 1929, sem. jurid. 1929,345 à propos de la vente.
4
Corn., 3 janv. 1991, Bull. civ., IV, n03.
5
V. W. JEANDIDIER, Droit pénal général, Montchrestien 1988, nO 260 et s., spécialement n° 266, p. 246.
6
J.-F. PILLEBOUT, précité, n021O, p. 207; B. STARCK, l. II, nOI647, p. 672; A. WEILL et F.
TERRE, précité, n0474, p. 493.
7
J. CARBüNNIER, l. IV, n0194, p. 350 ; J. MESTRE, obs. R.T.D. civ., 86,591, n° 2 ; Voir: corn., 30
juin 1979, Bull. civ., IV, n041 ; D.79, I.R., 317: «si l'inexécution défectueuse d'une convention permet
à une partie d'opposer l'exception d'inexécution, une cour d'appel peut relever que les déficiences ne sont
pas suffisantes pour rendre légitime le refus d'exécution ... ». A rapprocher avec èom., 16 juillet 1980,
Bull.. civ., IV, nO 297; J.c.P. 80, ed. G., IV, 373 ; R.T.D. Civ., 1981,398, obs. F. CHABAS.

- 1R5 -
sans doute cette idée d'une nécessaire proportion entre les inexécutions qui
explique les solutions adoptées par la jurisprudence en matière de bail ,
relativement à la dette du locataire qui veut invoquer le défaut d'entretien de
l'immeuble loué pour se soustraire à son obligation de payer le loyer). Il est
d'autre part nécessaire que l'excipiens manifeste lui-même la volonté
d'accomplir sa prestation si son cocontractant exécute la sienne. Des
agissements qui exprimeraient une attitude contraire sont de nature à
priver de légitimité l'exception d'inexécution2• De même l'exigence de bonne
foi conduit à refuser l'exception d'inexécution au créancier ayant lui-même
provoqué la défaillance du cocontractant3.
193.- Comme on peut le constater, tout est finalement affaire de
circonstances. Ce qui confère aux juges du fond un pouvoir souverain
d'apprécier si l'inexécution de ses obligations par l'une des parties est de
nature à affranchir temporairement l'autre de l'exécution des obligations
corrélatives4 • Le contrôle judiciaire a posteriori qui s'exerce de la sorte
implique que les contractants qui utilisent le moyen de défense que constitue
l'exception d'inexécution le font à leurs risques et périls, car la partie qui en
use inconsidérément s'expose à une condamnation à des dommages et '
intérêts5.
Par contre, dès lors que les exigences précédentes sont satisfaites, la
voie est libre à cette manifestation passive de la «loi du Talion», car les
conditions de mise en oeuvre sont particulièrement souples.
MALAURIE et AYNES, Les obligations, n0724, p. 395 : La jurisprudence ne donne le droit au locataire
de retenir le loyer que dans les cas extrêmes où le défaut d'entretien empêche la jouissance des lieux (soc..
7 juil. 1955, D.57, 1, 12, note SAVATIER ; civ. 3e, 21 déc. 1987, Bull. civ., Ill, n° 212, civ. 3e, 21
nov. 1990, Bull. civ., Ill, n0238). Au contraire, il doit exécuter son obligation si, malgré l'absence de
réparation, il continue à jouir des lieux, car le bailleur a alors exécuté son obligation principale (soc., 10
av. 1959, Bull. civ., IV, n0450; Toulouse, 30 oct. 1985, l.C.P. 87, ed N., II, 77, obs. l-F. P. ; R.T.D.
Civ., 86, 591, obs. J. MESTRE; Dijon, le ch., 6 fev:"'1992, Rev. Huiss. 1992, p. 910).
2
Civ. 3e, 18 déc. 1991, Bull. civ., Ill, n0331 : Est fondée la décision qui prononce la résolution d'une
vente d'immeuble après avoir relevé que les acheteurs qui avaient suspendu les paiements à la suite de
malfaçons, n'avaient pas consigné la somme mise à leur charge par un premier arrêt de sursis à statuer
jusqu'à la décision sur les malfaçons.
3
Corn., 6 janv. 1987, Jurisprudence française, droit des contrats par J. SCHMlDT-SZALEWSKI, précité,
n° 490, p. 514 ).
4
Civ. 1ère, 21 déc. 1987, Bull. civ., III, n0212, p. 125 ; corn., 25 oct. 1977, Bull.. Civ., IV, n0204 ;
corn., 31 mai 1983, Bull. civ., IV, n0140 ; civ. 3e, 3 juil. 1974, Bull. civ., Ill, n° 286 ; Corn., 30 mai
79, Bull. civ., IV, n041.
5
P. VOIRIN par G. GOUBEAUX. t. l, n° 806; B. STARCK, l. Il, n01651, p. 673.

- 186 -
§2 - La souplesse du mécanisme de déclenchement de
l'exception d'inexécution
194.- La procédure de mise en oeuvre de l'exception d'inexécution
est très simple. On peut même dire qu'il n'y a pas de procédure du tout. Le
jeu de l'exception d'inexécution est automatique et n'est subordonné ni à une
intervention judiciaire (A), ni à une mise en demeure préalable du débiteur
(B).
A· L'inutilité d'un recours judiciaire
195.- Il n'est pas nécessaire que le contractant qui veut se prévaloir
de l'exception non adimpleti contractus en demande l'autorisation à la
justice; il lui suffit de refuser l'exécution quand son créancier la lui
réclame 1. L'exception d'inexécution est donc inhérente
au contrat
synallagmatique. Elle sanctionne d'elle-même la règle de l'exécution
simultanée des obligations réciproques2 . Les quelques textes du Code civil
qui prévoient l'application du principe confirment, à l'évidence, l'absence de
toute procédure judiciaire3.
Sous cet angle se dégage très nettement le caractère d'acte de justice
privée du refus provisoire d'exécuter et son originalité par rapport au
mécanisme résolutoire qui ne peut, en principe, être que judiciaire4 . Cette
distinction est parfaitement établie par la jurisprudence qui considère que
«si la résolution des contrats synallagmatiques doit être demandée en
justice, l'interdépendance des obligations réciproques donne à chacune des
parties le droit de ne pas exécuter son obligation quand l'autre n'exécute pas
la sienne»5. Exiger une initiative judiciaire de la part de l'excipiens
conduirait à enlever au principe toute son efficacité et à nier, en réalité, le
droit de refuser l'exécution aux contractants6.
1
A. HUET, article précité, n0180 ; A. WEILL et F. TERRE, précité, n0475, p. 494.
2
A. WEILL et T. TERRE, précité, n0475, p. 494 ; MAZEAUD, t. II, 1er voL, n° 1130, p. 1178.
3
Notamment les art. 1612, 1653 et 1704 qui révèlent bien le caractère automatique de l'exception
d'inexécution.
4
Art. 1184 al. 3 du Code civil.
5
Soc., 31 mai 1967, BuIl. civ., IV, n° 433; Civ. 1ère, 5 mars 1974, LC.P., II, 17707 ; civ., 5 déc. 1934,
GY., 35, 1, 134.
6
PLANIOL et RIPERT, t. VI, n° 455, p. 610 ; Pour les intérêts de la non intervention judiciaire, V. J.-F.
PILLEBOUT, précité, n~42, p. 235 et 236.

- 187 -
Cependant, bien qu'une autorisation préalable du tribunal ne soit
pas requise, l'exception d'inexécution est le plus souvent invoquée devant le
juge, soit que l'excipiens veut apporter la preuve de sa bonne foi, soit que son
cocontractant le poursuit en exécution ou en dommages et intérêts l . D'autre
part, celui à qui est opposée l'exception n'est pas livré à l'arbitraire de son
partenaire; il peut solliciter le juge pour décider du bien - fondé du recours à
l'exception d'inexécution. Le juge exerce ainsi un contrôle après coup de la
régularité de son exercice2 .
B . La non-exigence d'une mise en demeure
196.- La jurisprudence relative à la nécessité d'une mIse en
demeure préalable à l'exercice de l'exception d'inexécution a connu une
évolution en deux étapes3 . Dans un premier temps, lorsque la question de la
mise en demeure était soulevée, la jurisprudence rejetait le jeu de
l'exception l'inexécution, faute de mise en demeure du débiteur par
l'excipiens. C'est ainsi qu'il a été jugé qu'une compagnie d'éclairage ne
pouvait suspendre la fourniture du courant électrique à l'un de ses abonnés
en retard pour le paiement de sa facture, lorsqu'elle ne justifie pas avoir '
régulièrement mis en demeure le débiteur d'avoir à remplir les obligations
dont il a pris la charge4 . De même, a été rejetée l'exception d'inexécution
opposée par le maître de l'ouvrage lorsque "c'est
seule me nt
après
l'assignation en paiement du prix qu'il a invoqué malfaçons et exécution
partielle ne permettant pas l'utilisation du matériel, alors qu'il n'aurait pas
manqué, s'il en avait été ainsi, de faire procéder à un constat ou à une mise
en demeure»5. C'est en matière de bail qu'a été rendu l'arrêt le plus net en
ce sens, lequel annule la décision des juges du fond accueillant l'exception
d'inexécution aux motifs "qu'aucune mise en demeure n'avait été adressée
par le preneur à ses bailleurs en vue d'obtenir les réparations,. qu'il n'en a
invoqué la nécessité que par une demande reconventionnelle quand il a été
assigné en résiliation du bail»6.
1
A. HUET. article précité, n0184.
2
V.suprano 164.
3
V. A. HUET. note sous corn. 27 janv. 1970, J.c.P. 70. éd. G., II, 16554 ; article précité n0188 et s. ;
LOUSSOUARN, obs. KT.D. Civ. 71, p. 136.
4
Trib. corn. Seine, 16 fév. 1893 sous Réq., 1er déc. 1897, D.P. 98, 1.289, note PLANIOL.
5
Corn., 28 nov. 1960, Bull. civ., HI, n° 383.
6
Soc., 28 nov. 1952, Bull. civ., IV, n0283 ; Voir aussi: Civ., 21 déc. 1927, D.H. 28, 82 ; Paris, 6 fév.
1925, D.P. 26, 2, 1.

- 188 -
197.- Mais
les
commentateurs
notent
un
revirement
de
jurisprudence avec un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de
cassation du 27 janvier 1970 1• En l'espèce, une convention avait été conclue
entre MM. Brocart et Baudouin aux termes de laquelle le premier
s'engageait à vendre deux fonds de commerce à Antibes et à Nice et à
employer le prix perçu pour éteindre le passif du fonds de Nice, puis pour
éteindre une créance hypothécaire. Le deuxième, quant à lui, s'obligeait
dans l'hypothèse où il vendrait les actions détenues dans une société
immobilière à utiliser le prix à régler la créance hypothécaire dont était
grevé l'immeuble où était exploité le fonds de Nice. Ce dernier ayant manqué
à ses obligations, fut assigné en payement d'une somme d'argent, mais il
opposa l'exception d'inexécution à laquelle l'autre prétendait résister en
invoquant, entre autres arguments, l'absence de mise en demeure 2• La Cour
de cassation a tranché nettement en jugeant que «celui qui oppose
l'exception non adimpleti contractus n'est pas tenu à une mise en demeure
préalable».
Cette solution qui, au demeurant, est devenue constante en
jurisprudence3 , a été approuvée par la doctrine qui trouve l'exigence d'une
mise en demeure préalable incompatible avec un mécanisme qui ne vise ni à
engager la responsabilité du cocontractant, ni à obtenir l'exécution forcée ou
la résolution, mais tend seulement à sauver le contrat4 . Mais on reconnaît
dans le même temps l'utilité pratique de la mise en demeure qui «est de
nature à révéler la bonne foi de l'excipiens, à faire présumer que
l'inexécution dont il se plaint est suffisamment grave, donc à faciliter le
succès de l'exception non adimpleti contractus»5.
198.- En conséquence, même si le recours à l'exception n'est
subordonnée à aucune mesure procédurale dès l'instant que les conditions
de fond sont acquises, il reste que l'excipiens légitimera davantage son refus
1
J.c.P. 70, 1.16554, note A. HUET; R.T.D. Civ. 71. p. 136, n° 7. Obs., Y. LOUSSOUARN.
2
II invoquait en outre l'absence de gravité des manquements qui lui étaient reprochés.
3
Corn. 10 déc. 1979, Bull. civ .. IV, n0327 ; J.C.P. 80, éd. G., IV. 81 ; 26 mai 1981, Bull. civ.. IV,
n0248 ; G.P. 82, 1. pan. jur.. 5 ; Amiens, 17 janv. 1972. J.c.P. 73. éd. G., IV, IO; ce dernier arrêt
relève que si l'exception d'inexécution n'exige pas légalement une mise en demeure préalable. encore faut -
il qu'elle soit invoquée en un temps où l'accomplissement de l'obligation dont l'inexécution est alléguée
présente encore un intérêt, cette exception étant destinée à amener le cocontractant à exécuter.
4
A. HUET, note sous corn., 27 janv. 1970, J.c.P. 70, ed. G., l, 16554; article précité, n0195.
5
A. HUET, article précité. n0195 ; J.-F. PILLEBOUT. précité, n0239 ; Voir notes ci-dessus.

- 189 -
s'il l'invoquait devant le juge ou après avoir mis son cocontractant en
demeure d'honorer son engagement. De plus, une mise en demeure ou la
menace d'une intervention judiciaire pourrait avoir pour effet de conduire le
débiteur défaillant à fournir sa prestation. Ce serait d'ailleurs une manière
de respecter l'esprit de cette institution, car, en opposant l'exception de refus
de paiement, la partie insatisfaite ne cherche pas à obtenir la destruction du
lien contractuel. Bien au contraire, Bon action a pour but, comme l'ensemble
des techniques de suspension, de parvenir à une exécution de part et d'autre
du contrat.
L'exception d'inexécution s'affirme donc, et malgré l'apparente
atteinte qu'elle porte à la vie du contrat, comme une véritable solution au
non-accomplissement des relations conventionnelles. Prise sous cet angle,
elle concourt à sa manière à la protection des engagements menacés de
destruction.
...

- 190 -
CHAPITRE II:
lA PROTECTION DU CONTRAT MENACE D'INEXECUfION
199.- Le contrat est un des principaux moyens de commerce et
d'échange entre les hommes. Son inexécution ébranle l'ordre juridique,
trouble le circuit économique, lèse des intérêts qui dépassent de loin ceux du
seul créancier l . Le droit contemporain, attaché au principe exprimé par
l'article 1134 alinéa 1 du Code civil2, entend décourager de tels agissements
et prévoit à l'encontre du débiteur défaillant des sanctions rigoureuses qui
sont pour l'essentiel confinées dans l'article 1184 du Code civiP.
Cependant, le contrat revêt une
telle importance
pour les
contractants et pour les intérêts généraux du commerce juridique que les
solutions préconisées par le Code ne sont pas toujours adaptées. On relève
dans le droit positif, en jurisprudence comme en doctrine, une aversion
générale pour la disparition du contrat. Même une exécution par équivalent
n'apporte au créancier qu'une satisfaction très relative dans la mesure où il
aura néanmoins manqué sont but. Il apparaît dès lors la nécessité de
protéger le rapport contractuel, de le sauver tant qu'il laisse encore entrevoir
des chances d'exécution. Tel est le but essentiel des mesures de sauvegarde
du contrat, désignées par la doctrine moderne sous l'expression générique
de "suspension du contrat», et qui peuvent être prévues par la loi ou par la
convention ou être prises par le juge4 . Il est incontestable que dans l'éventail
J. DEPREZ, Les sanctions attachées à l'inexécution des obligations contractuelles, in Trav. de l'ass. H.
CAPITANT,l. XVII, p.. 28.
2
"Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites».
3
Celle disposition prévoit principalement une option en faveur de la victime de l'inexécution entre
l'anéantissement du contrat par résolution et l'exécution forcée.
4
1. CARBONNIER, L IV, n084, p.341 ; A. WEILL et F. TERRE, précité, nO 466 et s., p. 487 et s. ; J.
TREILLARD, De la suspension du contrat, in tendance à la stabilité des rapports contractuels, L.G.DJ.
1960, p. 59 ; MALAURIE et A YNES, Les obligations, n0485, p. 337 ; R. SARRAUTE, De la
suspension dans l'exécution du contrat, thèse Paris 1929 ; LEBRET, Suspension et résolution des
contrats Rev. cril. de Leg. et Jdce. 1924, p. 581 et 597 ; J.-F. ARTZ, La suspension du contrat à
exécution successive, D.79, chf., 95 ; J. RADOUANT, Du cas fortuit et de la force majueure, thèse Paris
1920, p. 271 et s. ; P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l'étude de la force majeure, thèse
Montpellier 1992, p. 297 et s. ; 1. PETEL-TEYSSIE, La duére d'efficacité du contrat, thèse Montpellier,
1984, ; D. MARTIN, note sous civ., 24 févr. 1981, D.S. 82,479 ; J. MESTRE, obs; R.T.D.civ. 1992,
p. 391 et s.

- 191 -
des sanctions qu'appelle l'inexécution des obligations contractuelles la
suspension joue un rôle particulier entre les procédés qui permettent
d'obtenir un strict respect du contrat et ceux qui le conduisent à sa
disparition. Cette institution connaît, à juste titre, un considérable succès
plus spécialement dans le domaine des contrats successifs, grâce à la
protection qu'elle apporte aux conventions et au gage d'avenir qu'elle
constitue 1.
Théorie relativement moderne, la suspension du contrat apparaît
donc comme le moyen de maintenir un contrat qui fait l'objet d'une
inexécution qu'on espère provisoire. Cette sauvegarde joue différemment
selon la nature de l'obstacle qui entrave l'exécution des obligations. Tantôt
les parties sont contraintes à l'inaction par l'effet d'un événement extérieur
à leur volonté mais qui n'est que passager. Une telle inexécution fortuite
pourra conduire à suspendre le contrat pour préserver ses chances
d'exécution future et éviter ainsi une résolution immédiate (Section 1).
Tantôt l'arrêt dans l'exécution des prestations est dû à un manquement
fautif du débiteur; le rôle de la suspension consistera alors à éviter la
résolution du contrat en instituant un système de contrainte qui pèse sur la ~
volonté du fautif pour l'amener à exécuter2 (Section II).
Il convient d'effectuer l'étude de ces techniques de protection du
contrat en tenant compte de cette distinction entre les formes d'inexécution.
SECTION 1 : LA SUSPENSION DU CONTRAT MENACE D'INEXECUTION
FORTUITE
200.- Le recours à la suspension du contrat en cas d'inexécution
fortuite remonte historiquement à la guerre de 1870 , mais c'est au cours de
la première guerre mondiale que cette notion s'intégra dans la pratique
1
J.-F. ArlZ. arlicle précilé. p. 96.
2
La suspension dans ce cas de figure joue le double rôle de garantie el de contrainte. ce qui la rapproche de
l'exception d'inexécution (voir supra n° 157).

- 192 -
jurisprudentielle l . Cette évolution fut renforcée par un courant législatif
favorable à la suspension du contrat de travaiJ2. En dépit des tergiversations
manifestées à l'origine par la doctrine pour l'admettre, cette sanction
particulière de l'inexécution des obligations contractuelles a fini par
s'imposer dans le droit positifJ, même si la jurisprudence ne l'applique
qu'épisodiquement4 .
Cette suspension se manifeste dans le cas où un événement de force
majeure
empêche provisoirement
un
débiteur de
satisfaire
à
ses
engagements. Elle se traduit par le maintien du lien contractuel malgré
l'inexécution, le contrat reprenant ses effets lorsque l'obstacle aura disparu.
Selon la fonnule de R. Sarraute, la suspension peut se définir comme «une
extension des effets de la force majeure permettant, au cas de manquement
non essentiel aux délais prévus dans une convention, de faire échec à la
résolution des engagements stipulés»5.
J.-M. BERAUD, La suspension du contrat de travail, Sirey 1980, p. 44 ; J.-F. ARTZ, article précité, p.
96, n03 ; pour l'historique de l'institution, V. SARRAUTE, thèse précitée, p. 15 et s.
2
Ainsi plusieurs articles du Code du travail prévoient la suspension du
contrat de travail dans des
hypothèses très variées: accident du travail (L.122-32-1 et s.) congé parental (L.122-28-1 et s.) ;
maternité (L.122-26, L.122-28-1 et s., L.224-1), rappel sous les drapeaux (L.122-21), mandat
parlementaire (L.122-24-1 et s.), Voir J-M. BERAUD, Lhèse précitée.
3
Voir note ci-dessus.
4
Ph. MALAURIE et L. AYNES, précité, n0485, p. 337 ; Civ. 1ère, 24 fév. 1981, D.S. 82,479, note D.
MARTIN; Caen, 24 fev. 1915, D.P. 16, 2, 22. Il faut toutefois remarquer que la technique de la
suspension gagne incontestablement du terrain ces derniers temps comme en témoigne la jurisprudence
récente. D'abord dans le domaine de l'accession des salariés d'une société anonyme aux fonctions de
dirigeants sociaux. Les tribunaux considéraient jusqu'ici que les salariés qui souhaitaient, sans cumuler
leur nouvelle fonction avec leur aCLivité ancienne, retrouver le bénéfice de cette dernière en cas de perte de
la qualité de dirigeant, devaient conclure avec la société une suspension conventionnelle de leur relation de
travail ( V. B. PETIT, La suspension du contrat de travail des dirigeants de sociéLés anonymes,
R.T.D.Civ. 1981, p. 33 et s. ; F. MANSUY, La notion d'emploi effectif et ses conséquences sur le
maintien du contrat de travail des dirigeants, Rev. Soc. 1987,22 ). Deux arrêts de la chambre sociale de la
Cour de cassation laissent clairement entendre que cette précaution est inutile et que le principe est, à
défaut de convention contraire, la suspension du contrat de travail: « .. .le contrat de travail se trouvait, en
l'absence de convention contraire, suspendu pendant le temps de l'exercice du mandat...» (Soc., 12 dec.
1990, Bull. Civ., V, n° 658, p. 397 ; J.C.P. 1991 ... ed. E., 1, p. 284, obs. J.-J. CAUSSIN et A.
VIANDIER; V. aussi Soc., 12 juin 1991, Bull. Civ., V, n° 295, p. 180; V. les obs. de 1. MESTRE,
R.T.D.Civ. 1992, p. 391, n° 8). Le silence des parties emporte donc perennité du contraL Ensuite, en ce
qui concerne les contrats en cours au jour de l'ouverture de la procédure collective, la chambre
commerciale de la Cour de cassation vient clairement d'opter pour le maintien du contrat non continué par
l'administrateur mais dont aucune des parties n'a demandé en justice la résiliation. En d'autre termes, si
le contractant n'exerce pas une action en résiliation du contrat non continué, celui-ci n'est pas ipso facto
rompu, il est simplement suspendu et peut reprendre son plein effet à l'occasion d'une cession de
l'entreprie en étant transmis au repreneur ( Corn., 21 janv. 1992, Liaisons jurid. et fisc., JO fev. 1992, p.
2 ; R.T.D.Civ. 1992, p. 393, n° 9, obs. J. MESTRE; V. aussi Corn., 3 janv. 1991, Rev. Jurispr. dr.
aff. 1991, n° 334 ).
5
Thèse précitée, p.13.

- 193 -
L'examen de cet autre effet de la force majeure exige de caractériser
l'événement constitutif de l'obstacle (§1) avant de préciser la nature
juridique de la suspension qui en résulte (§2).
§1 - La notion de force majeure temporaire
201.- La suspension du contrat dans cette hypothèse suppose que
l'obstacle qui empêche l'exécution est une force majeure l . L'événement
suspensif doit ,en conséquence, remplir les conditions classiques exigées
pour l'application de la force majeure en matière contractuel1e2 (A).
Cependant, l'inexécution devant par définition être momentanée, l'entrave à
l'exécution des obligations doit elle aussi être de caractère temporaire (B).
A· L'exécution doit être devenue impossible
203.- Un événement de force majeure est avant tout un événement
qui rend impossible l'exécution des obligations dues par le débiteur. Il ne
suffit donc pas que le contrat soit inexécuté pour qu'intervienne la
suspension; il est nécessaire que l'inexécution soit due à une impossibilité
déterminée par un cas de force majeure3• Une simple difficulté d'exécution
n'équivaut pas à une force majeure et la jurisprudence l'a, à plusieurs fois,
affirmé lorsqu'un changement des
circonstances,
par
exemple des
bouleversements économiques et monétaires,
rend,
même de façon
imprévue, l'exécution de l'obligation plus onéreuse4 . De plus, l'impossibilité
La doctrine relative à la notion de force majeure est particulièrement abondante: J. RA DOUANT. Du cas
fortuit et de la force majeure, thèse précitée; WIGNY, Responsabilité contractuelle et force majeure,
R. T.D. civ. 1935. 19 ; BRUNET, La notion de force majeure en matière de responsabilité délictuelle et
contractuelle, G.P. 57,2, 71 ; JOSSERAND, Force majeure et cas fortuit, D.H. 1934, Chr., 25 ; P.-H.
ANTONMATrEI, thèse précitée; et sur la question de la force majeure temporaire, V. Ph.
CHARVERIAT, De la suspension du contrat, thèse Lyon 1964, p. 83 et s.
2
Certains auteurs ont voulu destinguer entre le cas fortuit et la force majeure en se fondant sur la notion
d'extériorité proposée par EXNER (Théorie de la responsabilité dans le contrat de transport, 1892). Le cas
fortuit serait un evènement interne, se rattachant à l'activité du débiteur ou de son entreprise, et la force
majeure serait un événement d'origine extérieure. Cepeftdant l'accord est pratiquement fait dans la doctrine
récente pour renoncer à établir une distinction générale entre cas fortuit et force majeure qui ont le même
effet exonerateur et auxquelles il serait difficile d'attacher des différences de régime (MARTY et
RA YNAUD, t. l, n° 554, p. 694 ; A. WEILL et F. TERRE, précité, n0412, p. 430).
3
J.-M. BERAUD, thèse précitée, p. 45 ; MARTY et RAYNAUD, t. l, n0554, p. 695 ; J. RADOUANT,
thèse précitée, p. 272.
4
Le rejet de la théorie de l'imprévision par le droit civil français est l'une des manifestations de ce
principe: V. VOIRIN, De l'imprévision dans les rapports de droit privé, thèse Nancy 1922 ;
AUVERGNY - BENNETOT, La théorie de l'imprévision, thèse Paris 1938 ; R. FABRE, Les clauses
d'adaptation, R.T.D. Civ. 1983, p. 1 et s. ; B. STARCK, t. II, nO I 156 et s. ; V, aussi: civ., 6 mars
1876, D.76, l, 193; - , 6juin 1921, D.21, 1,473; -,15 nov. 1933, G,P. 1934, 1,68.

- 194 -
d'exécuter ne doit pas être simplement relative, il doit s'agir d'un événement
qui a rendu absolument impossible l'exécution du contrat'. Mais il va de soi
que le caractère absolu de l'empêchement doit être limité à la durée
prévisible de la suspension2.
Toutefois, plus qu'une cause d'impossibilité, l'événement suspensif
doit aussi
réunir tous les autres
caractères de la force
majeure,
conséquences de cette impossibilité, et qui sont traditionnellement :
l'imprévisibilité, l'irrésistibilité et l'extériorité 3 • L'imprévisibilité et
l'irrésistibilité supposent que le débiteur ne pouvait prévoir l'événement et ne
pouvait pas non plus éviter les conséquences dommageables qui en
résultent. Sans quoi, il serait en faute de n'avoir pas fait ce qui aurait pu lui
pennettre de remplir ses obligations4. L'exigence de ces deux conditions ne
soulève pas de difficultés particulières en matière contractuelle, ce qui n'est
pas le cas de la condition d'extériorité de l'événement. Admise en matière
délictuelle,
elle est assez incertaine en
matière
de
responsabilité
<
contractuelle 5 .
Certaines
espèces
montrent
qu'on
n'exclut
pas
systématiquement les événements qui ont leur siège dans l'entreprise telle la
grève6, ou qui affectent la personne même du débiteur comme la maladie, du
moment qu'ils présentent par ailleurs les autres caractères de la force
majeure7 . A vrai dire, dès lors que c'est une personne qui sert de manière
Réq., 3 juillet 1918, G.P. 18 août 1918 ; civ., 28 fév. 1947, DA7, 212 ; SOC., 25 fév. 1952, Bull. civ.,
IV, n0105 ; civ. 3e, 4 mars 1954, 1.C.P. 54, éd. G., II, 8122, note RODIERE: «Le caractère de force
majeure ne doit être attribué qu'à un événement qui a rendu absolument impossible l'exécution de
l'obligation contractée».
2
V. Infra nO 205 et s.
3
MAZEAUD, t. II, 1er vol., n0575 ; MARTY et RAYNAUD, t. l, n° 555 et s., p. 696 et s. ;
MALA UR lE et A YNES, Les obligations, n0827 et s., p. 446, et s. : A. WEILL et F. TERRE, précité,
nO 413 et s.
4
MARTY et RA YNAUD, L l, n° 556, p. 698 ; MAZEAUD, t. II, 1er vol., n0576.
5
A. WEILL et F. TERRE, précité, nO 413, p. 431 ; MAZEAUD, t. II, 1er vol., n0577, p. 636.
6
Le caractère de force majeure de la grève est, en effet, rarement dénié sous prétexte que l'évènement est
intérieur à l'entreprise. Mais, on peut noter que les juges font une distinction dans leur appréciation de
l'extériorité: ils s'attachent à la cause de la grève. Si c~le - ci est due à un fait interne à l'entreprise, la
force majeure sera écartée. Si la cause de la grève est extérieure, par exemple grève politique ou due à
l'intervention des pouvoirs publics, on considérera que le fait est extérieur: une jurisprudence constante
exonère ainsi EDF des dommages subis par les usagers du fait des grèves provoquées par des décisions
gouvernementales (corn., 21 nov. 1967, 1.C.P. 68, II, 15462, note LE GALCHER - BARON: D. 68,
279, note H. SINA Y ; R.T.D. Civ., 68, 733, obs. DURRY : ch. mixte, Il fév. 1983, G.P. 83, pan.,
163, note F. CHABAS : R.T.D. Civ. 83, 549, obs. DURRY ; Voir aussi: G. VINEY, L'exonération de
responsabilité contractuelle d'EDF à raison des coupures de courant provoquées par les grèves de
personnel, Dr. soc. 1983,627.
7
Civ., 11 av. 1922, S. 1923, 1,20; - , 20 déc. 1926, G.P. 27, 1,457. Et même certaines décisions qui
rejettent la qualification de force majeure invitent à ne pas prendre en considération l'exigence de
l'extériorité: «doit être cassé l'arrêt de la cour d'appel qui a débouté les bénéficiaires d'une promesse

- 195 -
suffisamment directe de relais, il est assez difficile de distinguer intériorité
et extériorité. Ceci limite la portée de la condition d'extériorité de
l'événement suspensif en matière contractuelle l .
204.- Toutes ces exigences tiennent au fait que le dommage qui
résulte d'un événement de force majeure, que la responsabilité soit
délictuelle ou contractuelle, libère le débiteur dont l'activité n'est pas la
cause du préjudice ainsi subi2. Rapportée à notre hypothèse, la survenance
d'un tel événement doit entraîner le maintien du contrat sans engager la
responsabilité du débiteur qui n'a pas pu exécuter3 . Cette libération
temporaire du débiteur provoque corrélativement celle du créancier et la
suspension qui en est la conséquence se caractérise par une hibernation du
contrat
pendant la période correspondante de telle sorte que, dans les
contrats successifs, la portion du contrat qui n'a pas été exécutée ne le sera
le plus souvent jamais4 .
L'existence d'une impossibilité satisfaisant aux conditions de la force
majeure ne suffit cependant pas pour faire jouer cette technique particulière
qu'est la suspension du contrat, encore faut - il qu'il s'agisse d'un'
empêchement dont la disparition peut être envisagée avant que ne cesse
l'utilité de la convention.
B - L'impossibilité d'exécuter doit être temporaire
205.-
Tout
événement
de
force
majeure
qui
produit
un
empêchement définitif à l'exécution du contrat est une cause d'extinction
des relations contractuelles. On applique dans cette hypothèse la théorie des
risques qui conduit à dégager celui qui n'a pu exécuter son obligation,
l'autre partie se trouvant également, par contrecoup, libre de tout
d'achat de fonds de commerce de leur demande en pai~ent du dédit stipulé en cas de non-réalisation de la
vente, en déduisant de la grave maladie de l'acheteur la conséquence que celui-ci élail dégagé de ses
obligalions conlractuelles, conslalations qui n'élablissent ni le caractère imprévisible ni le caractère
insurmonlable qui const.iluent la force majeure» (corn., 23 janv. 1968, J.C.P. 68, II, 15422 ; R.T.D.
Civ. 69, 136, obs. DURRY.
On a pu voir par exemple l'élat de chomâge du débiteur justifier le non-paiement par ce dernier d'une
delle: Civ. 3e, 19 déc. 1972,0.73,205, note H. SOULEAU ; R.T.D. Civ. 73,581, obs. DURRY ;
Civ. 3e, 10 Av. 1975, Bull. civ., Ill, nOll5 ; R.T.D. Civ. 76, BI, obs. DURRY.
2
Art. 1148 du Code civil.
3
J.-M. BERAUD, thèse précilée, p. 45.
4
J.-F. ATZ, article précité, n09.

- 196 -
engagement l . Le caractère temporaire de l'obstacle est donc une condition
fondamentale pour que la suspension puisse jouer. Seule une force majeure
momentanée peut produire un effet suspensif et éviter la disparition
définitive de la convention2. Cette exigence est liée à la finalité même de la
suspension qui est bien sûr de permettre le maintien du contrat; mais ce
rôle rédempteur doit se poursuivre par la recherche d'une exécution future
du contrat3 . D'où la nécessité de s'assurer que la nature de l'obstacle à
l'exécution laisse entrevoir les chances d'une reprise future des relations
contractuelles. La suspension doit, comme l'écrit J. Treillard, "assurer la
pérennité des effets du contrat malgré l'inexécution qui a interrompu le
rythme des rapports des contractants,,4.
206.- Il est dans ces conditions important de comparer la durée de
la suspension et la durée du contrat pour évaluer les chances d'une
exécution utile du contrat. En effet, le caractère définitif ou temporaire de
l'empêchement ne doit pas être apprécié de manière abstraite et absolue,
car, il ne s'agit pas de savoir si l'exécution du contrat pourra redevenir
possible ou non, mais si cette exécution pourra ou non reprendre utilement5.
On comprend dès lors qu'en présence d'un terme extinctif survenant avant
'
la disparition de l'obstacle de force majeure, la suspension ne puisse plus
s'appliquer. Il ne servirait, en effet, à rien de maintenir la convention du
moment que l'on est certain que l'exécution ne redeviendra possible qu'à une
époque où elle aura cessé d'être due6 .
L'effet extinctif ou suspensif de la force majeure momentanée devra
être détenniné en tenant compte des intentions exprimées des parties ou des
circonstances susceptibles de révéler leur volonté7 , Le juge est dans ces
B. STARCK, l. II, n01659 el s., p. 675 ; A. WEILL el F. TERRE, précité, n0 497 el S., p. 519 ;
MAZEAUD, l. n,1er vol., nO l 107 el S., p. 1169 el s. ; MARTY el RA YNAUD, l. I, n0 313, p. 323.
2
Celle exigence résulte clairemenl des décisions jurisIJ'Udentielles intervenues sur la question el qui fonl
référence à «une impossibilité momentanée d'exécution» : Civ. 1ère, 24 fév. 1981, D.82, 479. nole D.
MARTIN; Caen, 24 fév. 1915, D.P.1916, 2, 22. V. RADOUANT, précilé, p. 275 el s. el Ph.
CHARVERIAT, De la suspension des contrats, lhèse Lyon 1964, p. 83 el s. ; J SCHMIDT-
SZALEWSKl, précité, n° 500.
3
J. TREILLARD, article précité, n03, p. 60 ; J-M. BERAUD, lhèse précitée, p. 47.
4
V. nole ci-dessus.
5
V. infra n° 351 el s.
6
R. SARRAUTE, lhèse précilée, p. 49 ; RADüUANT, lhèse précilée. p. 278 ; J-M. BERAUD, lhèse
précitée, p. 47.
7
TREILLARD, précité, n09, p 65.

- 197 -
conditions appelé à jouer un rôle de premier rang dans l'application de la
suspension aux obligations contractuelles 1• Mais seule une détermination
précise de la nature juridique de la suspension du contrat pour impossibilité
temporaire d'exécution peut permettre d'apprécier le contenu et l'étendue de
ce rôle dans la mise en oeuvre procédurale de cette institution.
§2 - La nature juridique de la suspension pour inexécution
fortuite
207.- La solution de la suspension du contrat en cas d'inexécution
fortuite est certes admise par le droit positif. Mais il est important de
déterminer avec précision la nature juridique de cet incident de la vie du
contrat. TI faut pour ce faire rechercher, à travers un effort de comparaison
avec les institutions voisines, si la suspension est une théorie originale (A)
ou si, au contraire, elle peut être englobée dans une autre théorie (B), et en
tirer les conséquences sur le plan de sa mise en oeuvre (C).
A· Le rejet d'une explication par certaines institutions voisines
La notion de suspension du contrat pour force majeure momentanée
se démarque nettement des institutions voisines que sont le délai de grâce
(1), l'exception d'inexécution (2) et la résolution (3).
1 . Suspension pour force majeure temporaire et délai de grâce
208.- L'article 1244, alinéa2, du Code civil dispose que «les juges
peuvent néanmoins, en considération de la position du
débiteur et de la
situation
économique,
accorder pour
le
paiement
des
délais
qui
emprunteront leur mesure aux circonstances, sans toutefois dépasser deux
ans, et surseoir à l'exécution des poursuites, toutes choses demeurant en
l'état »2. Il donne au juge la faculté de différer l'exécution de l'obligation et
accorder ainsi au débiteur un délai de grâce. Un autre article du Code civil
reconnaît au tribunal un pouvoir analogue dans le cadre d'une action en
1
Voir infra nO 222 et s.
2
L'art. 1244 al.2 a été remplacé par trois nouveaux articles qui ont été insérés dans le Code civil par la loi
n091-650 du 9 juillet 1991 (V. supra n° 85 et 86). Le nouveau texte, art. 1244-1, dispose désormais que:
«Touefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge
peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues»

- Il)g -
résolution; l'article 1184 alinéa 3 dispose en effet que "la résolution doit être
demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les
circonstances». Cette autre mesure de faveur au profit du débiteur est, en
général, assimilé au délai de grâce 1.
On peut donc dire que le Code civil contient un droit général pour les
tribunaux d'apprécier en équité la difficulté, la rigueur des circonstances
qu'une partie doit surmonter pour exécuter ses engagements et de décider,
le cas échéant, d'ajourner leur exécution2• Dans la matière qui nous occupe,
l'application de ces textes paraît adéquate3. La survenance d'un obstacle de
force majeure qui met le débiteur dans l'impossibilité temporaire d'honorer
ses engagements est une raison assez sérieuse pour permettre au juge de
différer l'exécution jusqu'à ce que la force majeure entravant sa réalisation
ait disparu. Ne s'agit-il pas d'une application pure et simple de cette facuIté
que la loi a laissée au juge d'accorder, s'il le juge à propos, un délai au
débiteur?
209.- Il Y aurait là une solution simple et avantageuse dans la
mesure où elle fonderait la suspension du contrat pour exécution impossible
sur des textes précis et allégerait par conséquent les efforts d'explication
déployés par la doctrine4 • Mais ce serait ignorer les divergences capitales qui
éloignent ces institutions l'une de l'autre. En effet, l'arrêt momentané de
l'exécution du contrat décidé par le juge sous le nom suspension du contrat
est une exception qui peut être invoquée par une partie, un effet de la force
majeure qu'il n'a qu'à établir pour être fondé dans son inexécution
temporaire. C'est une conséquence juridique d'un état de fait qui s'impose
aussi bien aux parties qu'au juge. Dès lors qu'il a reconnu l'existence
matérielle de l'empêchement de force majeure, qu'il a constaté que ni
l'intention des parties ni la nature du contrat ne s'y opposent, le juge se doit
de suspendre l'exécution du contrat jusqu'à ce qu'elle redevienne possible5.
Longtemps incertaine, cette érection de là suspension au rang de principe
général du droit civil est désormais sans équivoque depuis un arrêt de la
1
V. infra n° 226 et s.
2
R. SARRAUTE, thèse précitée, p. 73 et 74.
3
J. mEILLARD, article précité, n012, infirne, p. 74.
4
Voir notamment SARRAUTE, thèse précitée; LEBRET, article précité; TREILLARD, article précité.
J.-F. ARTZ, article précité.
'
5
R. SARRAUTE, thèse précitée, p. 74.

- 199 -
Cour de cassation du 24 février 1981 qui pose le postulat non ambigu et
définitif «qu'en
cas
d'impossibilité
momentanée
d'exécution
d'une
obligation, le débiteur n'est pas libéré, cette exécution étant seulement
suspendue jusqu'au moment où l'impossibilité vient à
cesser» 1. La
suspension devient ainsi une règle générale que les parties doivent prendre
en considération, un principe sur lequel un défendeur peut fonder sa
défense.
Tout au contraire, les délais prévus par les article 1184 et 1244 alinéa
2 du Code civil ne supposent aucunement une excuse légale que pourrait
invoquer l'une des parties pour appuyer sa demande. C'est un acte de
mansuétude du juge qui, tenant compte de la bonne foi, de la mauvaise
fortune du débiteur ou des circonstances qui l'accablent, accepte de lui
laisser quelque répit pour lui permettre de remplir ses engagements. En
matière de suspension par contre, le juge est appelé à apprécier des faits
bien déterminés, invoqués par une partie comme un obstacle de force
majeure à l'exécution des obligations, et à en tirer les conséquences qui
s'imposent. Le délai de grâce est une faveur faite au débiteur, la suspension
est la conséquence juridique logique d'un état de fait qualifié par le juge2. il
s'agit là de deux institutions bien distinctes et qui sont d'autant plus
éloignées l'une de l'autre qu'elles peuvent se succéder dans le temps sans se
confondre. L'exemple d'un délai de grâce accordé lorsque cesse la
suspension nous est fourni par un arrêt de la Cour de cassation du 19
octobre 18973.
2· Suspension pour force majeure temporaire et exception
d'inexécution
210.- La suspension, comme cela vient d'être démontré, constitue
une exception justifiant l'inexécution d'une convention par l'une des
parties. Il y a de ce point de vue-une similitude avec l'exception
d'inexécution4 • Les deux institutions procèdent du même principe; elles
1
Civ. 1er, 24 fév. 1981, D.82, 479, note D. MARTIN.
2
Certains parlenl d'un droil pour le débileur : R. SARRAUTE Lhèse précilée p. 67 el n, 73 el s. ;
LEBRET, article précité; J.-M. BERAUD, Lhèse précitée p. 43 el n ; TREILLARD, arlicle précité n01l.
V. aussi infra nO 220 el s.
3
V. Réq., 19 oct 1897, D.1897, 1,576.
4
V. supra nO 156 el s.

- 200-
justifient la dispense d'exécuter invoquée par le débiteur. C'est la raIson
pour laquelle les auteurs qui se sont attachés à préciser le fondement de la
suspension du contrat en tant que technique originale de l'exécution des
contrats synallagmatiques ont analysé l'interruption momentanée de
l'exécution du contrat résultant d'une inexécution fortuite comme une
variante de la théorie générale de l'exception d'inexécution 1•
211.- A vrai dire, l'assimilation des deux formes de suspension de
l'exécution des obligations n'a jamais emporté la conviction de la majorité de
la doctrine. Les premiers auteurs qui ont eu à se poser la question notent
une différence au niveau des effets des deux techniques de suspension2.
L'exception d'inexécution n'implique, à leurs yeux, qu'un simple retard
dans l'exécution du contrat sans pouvoir entraîner une dispense partielle de
l'exécution d'une obligation; c'est une attitude purement passive qui agit à
la manière d'un terme, maintenant le lien contractuel dans son intégrité.
Différente serait la situation qui résulte de la suspension du contrat; dès
lors qu'il est décidé de suspendre l'exécution, les parties ne peuvent plus
prétendre obtenir l'intégralité des prestations promises3.
Mais en réalité, cette différenciation, au demeurant assez ambiguë,
découle d'une définition tendant à réduire la suspension du contrat pour
inexécution fortuite aux seuls contrats à exécution successive4 et ne permet
pas d'établir une démarcation notable entre l'exception d'inexécution et
l'institution qui nous intéresse présentements . On peut noter en effet que
dans certains contrats successifs, le recours à l'exception d'inexécution
emporte nécessairement inexécution définitive du contrat pendant un
certain temps. R. Cassin cite l'exemple d'une compagnie d'éclairage qui
interrompt la fourniture de courant à un abonné pour non-paiement de la
facturé. L'abonné est définitivement privé de l'éclairage entre le moment où
le courant est coupé et celui
où il est rétabli. De même, dans un contrat
l
J.-F. ARTZ, arLicle précité, n09 ; J.-M. BERAUD, lhèse précitée, p. 43 et s. ; SARRAUTE, thèse
précitée, p. 76 et s. et LEBRET, arLicle précité, p. 591, qui font d'importantes réserves; V. aussi: Y.
PICOD, Le devoir de Loyauté dans l'exécution des contrats, L.G.DJ.l989, p. 172, n0148.
2
LEBRET, arLicle précité, p. 591 et s. ; SARRAUTE, thèse précitée, p. 78 et s.
3
R. SARRAUTE, lhèse précitée, p. 78 ; J.-F. ARTZ, article précité, n09.
4
Voir notamment LEBRET qui définit la suspension du contrat comme «une résolution temporaire se
plaçant au cours de l'existence d'un contrat successif», in article précité.
S
V. supra n° 200, notarnmentla définition donnée à la suspension pour force majeure temporaire.
6
R. CASSIN, lhèse précitée, p. 653 ; J.-M. BERAUD, thèse précitée, p. 29, note 8.

- 201 -
instantané, la suspension du contrat peut ne produire qu'un effet moratoire
sans entamer l'intégrité du contrat. Ainsi par exemple, dans un contrat de
vente, la suspension provisoire de la livraison de la chose en raison d'une
impossibilité momentanée n'entraîne qu'un simple retard dans l'exécution
des obligations; leur étendue n'est pas affectée par une telle mesure l . Le
critère tenant aux effets est donc insuffisant pour établir une distinction
nette entre les deux techniques2•
213.- Leur différence déterminante tient, à notre aVIS, à leurs
raisons d'être, à leurs finalités. L'exception d'inexécution est un moyen de
pression et de garantie que peut brandir un contractant contre son
partenaire pas très pressé d'accomplir ses engagements, mais réclamant la
contre-prestation. Tout au contraire, la suspension ne répond pas à la
carence de l'une des parties, mais à un événement de force majeure rendant
temporairement impossible la réalisation des prestations promises; elle vise
à éviter la perte du contrat. Les deux institutions ne s'appliquent donc pas à
des situations identiques et ne poursuivent pas non plus le même but. De ce
fait, elles ne peuvent être assimilées.
3· Suspension du contrat pour force majeure temporaire et
résolution judiciaire
214.- L'orientation donnée à cette étude, tout au moins dans cette
phase, consiste à présenter la suspension des obligations contractuelles
comme un moyen d'éviter aux parties de subir les conséquences d'un
anéantissement du contrat en favorisant son exécution. TI peut donc sembler
paradoxal de rechercher si ces deux théories, si opposées, ne participeraient
pas d'une même nature, si la suspension n'est pas simplement une
application particulière de la notion de résolution.
Mais force est de constater que résolution et suspension du contrat
s'appliquent à une même situation juridique : l'inexécution partielle ou
totale du
contrat. Le
rapprochement entre ces deux
sanctions de
l'inexécution vient donc tout de suite à l'idée3. C'est la thèse défendue par
1
A moins que la chose à livrer soit périssable.
2
R. SARRAUTE, ÙJèse précitée, p. 80.
3
V,J. DEPREZ, Les sanctions qui s'auachent à l'inexécution des obligations contractuelles, Trav. de l'Ass.
H. CAPITANT. t. XVIl, p. 28 et s.

- 202 -
J. Lebret, le premier auteur qui se soit vraiment intéressé à la question de la
suspension] ; il préconisa de considérer l'interruption temporaire de
l'exécution du contrat comme un aspect de la résolution. Pour lui, la
suspenSIOn n'est autre chose qu'",une résolution temporaire»2.
215.- Mais ce point de vue a été critiqué par la doctrine postérieure3.
D'une part, la résolution judiciaire vise avant tout une inexécution fautive de
la part du débiteur4, même si certaines décisions jurisprudentielles5 ,
soutenues par une partie de la doctrine6, admettent l'action en résolution en
cas d'inexécution non fautive. La suspension par contre, dans le sens qu'elle
recouvre ici, suppose un arrêt de l'exécution du contrat à la suite d'un
obstacle de force majeure7 • D'autre part, l'idée même de résolution
temporaire du contrat qui préserverait aussi bien les effets postérieurs et
antérieurs à
celle-ci a été jugée curieuse 8. La résolution est une technique
précise qui implique l'anéantissement du contrat pour le présent, le passé et
l'avenir, et même lorsqu'il ne s'agit que d'une simple résiliation, il y a
disparition du contrat pour l'avenir. Tel n'est pas le cas de la suspension du
contrat en cas d'inexécution fortuite 9• De plus, l'explication de ce procédé de
'.
suspension par le mécanisme de la résolution pèche par les difficultés
qu'elle suscite au niveau de certains problèmes techniques précis comme le
1
LEBRET, article précité.
2
V. aussi: J.-F. ARTZ, article précité, n° Il et s ; R. SARRAUTE, thèse précitée, p. 82.
3
J-F. ARTZ et R. SARRAUTE, V. note précédente.
4
V. art. 1184 al. 2 du Code civil.
5
Req., 19 oct. 1897, D.P. 97, l, 576 : «L'action en résolution d'un contrat pour défaut d'exécution est
recevable quel que soit le motif qui a empêché l'autre partie de remplir ses engagements, et alors même
qu'il se serait trouvé dans un cas de force majeure».
Voir aussi: Civ., 14 av. 1891, D.P. 91, 1,329, note PLANlOL; Il Av. 1918, D. 21, 1,224 ; Civ.
1ère, 4 fév. 1976, Bull. civ., l, n053, p. 43 ; - , 2 juin 1982, Bull. civ., 1 nO, 205, p. 178 ; J.c.P. 82,
éd. G., IV, 285 ; R.T.D. Civ. 1983,340, obs. CHABAS.
Qmlr.a: Com., 28 av. 1982, Bull. civ., IV, n0145, p. 128 ; R.T.D. Civ. 1983,340, obs. CHABAS ; à
liWQ[. avec: Civ. 1ère, 13 juill. 1982, Bull.. civ., l, n° 262; 0.83, I.R., 477, obs. AUDIT; G.P. 82,2,
670, note PIEDELIEVRE.
6
A. WEILL et F. TERRE, précité, n0486, p. 506 : selon eux, celle position jurisprudentielle ne contredit
pas l'art. 1184 : l'al. 1 vise le contractant qui «ne satisfait pas à son engagement», ce qui suppose
seulement une absence de satisfaction; si l'al. 2 accorde au créancier le choix entre l'exécution et la
résolution avec dommages-intérêts, ce qui ne se conçoit qu'en cas d'inexécution fautive (Colmar, 7 fév.
1975,0.78, 169), celà n'impose pas nécessairement, en l'absence de disposition contraire (art. 1722 C.
Civ.), une résolution ou une résiliation de plein droit dans l'éventualité d'un cas fortuit ou de force
majeure.
.c&n.tra: J. CARBONNIER, l. IV, n080, p. 327 ; Voir aussi J. MESTRE qui fait la synthèse de ces deux
positions, R.T.D. Civ. 86, p. 345, n04.
7
SARRAUTE, thèse précitée, p. 86.
8
SARRAUTE, thèse précitée, p. 87.
9
Voir note ci-dessus.

- 203 -
droit d'option
accordé
à
la victime
de l'inexécution ou
encore la
subordination à la mise en demeure préalable l .
216.- Toutefois, on ne peut pas dire que l'analyse de la suspension
comme une résolution partielle est totalement inexacte. En effet, après
l'expiration de la période de suspension, le contrat ne se présente souvent
plus dans les mêmes conditions qu'à l'origine. Du seul fait de l'écoulement
du temps, il peut avoir des modifications dans les obligations des parties. Au
cas de contrat instantané, l'effet de l'arrêt sera évidemment nul, l'obligation
restant dans l'avenir ce qu'elle était dans le passé. Mais dans les contrats à
exécution successive, il va de soi qu'il y aura une inexécution définitive pour
la période correspondant à la durée de l'impossibilité et donc suppression
partielle des obligations des parties. La «suspension - résolution» ne peut
donc trouver application que dans les contrats successifs, ce qui est
d'ailleurs conforme à la définition donnée par Lebret et qui n'envisage la
suspension que dans le cadre de contrats de cette nature2• Il ne s'agit donc là
que d'un effet secondaire et nullement nécessaire de la suspension du
contrat. Le caractère essentiel est avant tout d'être la conséquence d'un
obstacle de force majeure, permettant de faire échec à la résolution en
maintenant l'existence du rapport contractuel.
Des conclusions qui viennent ainsi d'être retenues, il résulte que la
suspension de l'exécution d'un contrat en raison d'un obstacle temporaire
de force majeure n'est une application particulière ni du délai de grâce, ni
de l'exception d'inexécution, ni de la résolution. Peut-on en dire autant de la
théorie des risques?
B . Le rattachement de la suspension à la théorie des risques
217.- La théorie des risques prévoit les conséquences des situations
dans lesquelles l'un des contractants est" empêché d'exécuter son obligation
par un événement indépendant de sa volonté. Le problème ne se conçoit que
dans les contrats synallagmatiques et il est de principe que celui qui n'a pu
exécuter par suite d'un obstacle de force majeure est dégagé de son
1
Voir les problèmes soulevés par J.-F. ARTZ el R. SARRAUTE, précités, noles ci --dessus.
2
LEBRET. article précité.

- 204 -
obligation, l'autre partie se trouvant également libérée de son côté]. Si dans
ces conditions, l'une des parties en présence doit supporter les conséquences
dommageables de l'impossibilité d'exécution, on dit qu'elle a le risque du
contrat à sa charge.
On peut ainsi noter la singulière similitude de situation entre la
théorie des risques et la suspension du contrat. Dans les deux cas,
l'exécution du contrat se trouve perturbée par la survenance d'un cas fortuit
ou de force majeure. Dans l'un, l'empêchement entraîne l'inexécution
définitive des prestations ; dans l'autre, l'obstacle de force majeure
n'implique qu'une inexécution temporaire du contrat qui n'est pas éteint. Il
s'agit là des conséquences juridiques distinctes d'une même situation de
fait: l'apparition d'un cas de force majeure2 . D'ailleurs, le Code civil semble
faire implici tement allusion à cette force majeure suspensive dans l'article
1147 en parlant d'exemption de dommages et intérêts pour retard dans
l'exécution lorsque l'inexécution provient d'une cause étrangère).
218.- La différenciation établie quant à l'incidence de cet état de fait
sur le sort du contrat est fonction de la gravité de l'empêchement, de son
caractère plus ou moins absolu. Si l'impossibilité d'exécuter est définitive, il
s'agit d'une cause d'extinction du contrat par application de la théorie des
risques; si, en revanche, l'obstacle n'est que momentané, on considère que
le contrat conserve ses chances de survie et c'est la suspension qui
s'applique4 . Effectivement, on comprendrait mal que l'anéantissement du
contrat doive intervenir de plein droit et sans nuances en cas d'inexécution
fortuite
alors qu'elle est toujours facultative pour le juge en cas
d'inexécution fautive où pourtant l'attitude du débiteur pourrait, à elle seule,
justifier une sanction rapideS. Si le contrat doit être sauvé, il doit l'être quelle
que soit la cause de l'inexécution, car l'intérêt général de la stabilité des
conventions est le même dans les deux cas6 . Dans l'un, on espère que le
A. WEILL et F. TERRE, précitée, n° 498, p. 520 ; J. CARBONNIER, 1. IV, n0191, p. 343, B.
STARCK, 1. II, n01659 et S., p. 675 el s.
2
V. J. RA DOUANT, thèse précitée, p. 275.
3
V. R. DEMOGUE. Traité des obligations, n° 623, p. 677 ; P.-H. ANTONMAlTEl, thèse précitée, n°
292, p. 298.
4
J.-F. ARTZ, article précité, n08 ; R. SARRAUTE, thèse précitée, p. 90 et s.
S
J. DEPREZ, article précité, p. 28 et S., spécialement p. 53.
6
J. TREILLARD s'efforce de dégager cet intérêt de la stabilité des conventions à travers la notion de
suspension des contrats, ln Tendance à la stabilité du rapport contractuel. Etudes de droit privé sous la
direction de Paul DURAND, L.G.DJ. 1960, p. 59 et s.

- 205 -
débiteur modifiera son attitude, dans l'autre, on espère que l'obstacle fortuit
disparaîtra. Cette solution repose, au demeurant, sur la volonté présumée
des parties. En effet, il est évident que celles-ci sont convenues tacitement
que si l'une ne peut remplir son obligation par suite de force majeure,
l'autre sera libérée!. Le devoir de loyauté déduit de l'article 1134 du Code civil
impose au contractant d'exécuter fidèlement ses obligations dans la limite
de la force majeure2 . D'un autre côté, le même principe d'exécution de
bonne foi des contrats fait présumer que les parties se sont engagées ,
lorsqu'elles sont victimes d'une force majeure, à invoquer la suspension
plutôt que l'extinction du lien contractuel, dès lors que l'impossibilité est
temporaire et susceptible de disparaître à une époque où la reprise de
l'exécution répondra toujours à leurs attentes3.
A la lumière de ces remarques, il apparaît clairement que la théorie
des risques et la suspension découlent d'une même logique. Cette dernière
n'est qu'une application particulière de la solution traditionnellement
admise. La suspension n'est donc rien d'autre, comme l'a si bien dit le
Doyen Carbonnier, qu'une «réduction de la théorie des risques»4. Mais toute
la question reste de savoir comment s'effectue la distinction entre une force
'
majeure extinctive et une force majeure suspensive, comment s'apprécie
l'adaptabilité d'une convention à une situation de suspension? En un mot,
quel est le processus de mise en oeuvre de la suspension?
C . La mise en oeuvre de la suspension
219.- La définition de la nature juridique de la suspension du
contrat pour inexécution fortuite ne manque pas de soulever des difficultés
tenant notamment à la détermination des conditions de mise en oeuvre de
cette
institution.
Il
y
a
une
solution
de
principe
(1)
cependant
considérablement atténuée par le rôle prépondérant joué par le juge (2).
1
MAZEAUD, t.l1, 1er vol., n° 1109, p. 1170.
2
V. Y. PICOD, thèse précitéé.
3
P.-H. ANTONMA TrEI, thèse précitée, n° 293. p. 299.
4
J. CARBONNIER, 1. IV, n0195. p. 352.

- 206 -
1 . La solution de principe
220.- Le mécanisme de la suspension des contrats à raIson de la
survenance d'un événement de force majeure est étroitement lié, la
démonstration vient d'en être faite, à la théorie des risques. Dans cette
dernière hypothèse, l'inexécution de l'obligation due fonde l'anéantissement
de l'obligation corrélative. En effet, l'impossibilité d'exécution par suite de
force majeure éteint l'obligation sans qu'il y ait lieu à dommages - intérêts 1.
Lorsqu'il s'agit d'un contrat unilatéral, tout est terminé par l'extinction de
l'obligation. Mais quand le contrat est synallagmatique, l'extinction de
l'obligation de l'un des contractants entraîne, par réciprocité, celle de
l'obligation de l'autre, ce qui résout le contrat2• Cette libération des parties
s'impose d'elle-même ; elle intervient,
en
principe, en
dehors
de
l'intervention du juge qui, en la matière, n'est pas nécessaire comme en cas
de résolution3.
L'étude qui a été jusque là menée nous a permis de constater qu'une
interruption momentanée de l'exécution du contrat ne pouvait être légitimée
que d'une part, par une excuse de force majeure, et d'autre part, par la
nature et les conditions d'exécution du contrat. Dès lors que ces faits sont
établis, la suspension devient, comme l'anéantissement du contrat en
application de la théorie des risques, inévitable pour les parties, à moins que
leur commune volonté ne s'y oppose. La suspension apparaît donc, tel que
l'ont affirmé très tôt certains auteurs4 , comme un droit pour chacune des
parties, une excuse légale à la non-exécution du contrat. Elle l'est pour le
débiteur poursuivi en exécution ou en résolution du contrat, elle l'est aussi
pour le créancier confronté à un débiteur qui veut prendre prétexte de
1
C'est la solution que donne l'art. 1302 du Code civil pour une hypothèse concrète: la perte de la chose.
2
Cette solution s'explique pour l'interdépendance des oblÏgations dans le contrat synallagmatique: si l'une
est éteinte, l'autre perd sa raison d'être, sont intérêt, sa cause (art. 1722 du code civil relatif au bail) ; V. J.
CARBONNIER, t. IV, n0191, p. 343 et 344.
3
Com., 28 av. 1982, Bull. civ., IV, nOl45 : «viole l'art. 1147 du Code civil la cour d'appel qui, pour
accueillir une action en paiement des dommages-intérêts pour rupture unilatérale d'une convention de
publicité, retient que le cocontractant devait recevoir exécution et qu'il appartenait à la partie qui l'estimait
impossible de demander la résolution judiciaire anticipée alors qu'une telle demande n'est pas nécessaire au
cas d'impossibilité d'exécution» ; V. Les obs. de F. CHABAS, R.T.D,Civ. 1983, p. 340.
4
J. RADOUANT, thèse précitée, p. 275 ; R. SARRAUTE, thèse précitée, p. 68 ; LEBRET, article
précité, p. 614 et s. ; R. CASSIN, Reflexions sur la résolution judiciaire des contrats pour inexécution,
R.T.D.ciV. 1945, p. 175 et s., nO 9.

- 207 -
l'impossibilité temporaire d'exécuter pour se libérer définitivement!. Le
recours au juge n'est pas obligatoire.
221.- Cette position, pourtant critiquée2, semble avoir été érigée en
principe général
par la
Cour
de
cassation
qui
décide
qu"'en cas
d'impossibilité momentanée d'exécution d'une obligation, le débiteur n'est
pas libéré, cette exécution étant seulement suspendue jusqu'au moment où
l'impossibilité vient à cesser»3. Le principe selon lequel la force majeure
temporaire n'a qu'un effet suspensif
devient ainsi un corollaire de la
définition de la force majeure en général. La Cour de cassation dote donc la
suspension des contrats, au moyen d'une solution de principe, de la
solennelle consécration nécessaire à son plein et définitif épanouissement4 .
On peut en déduire que la suspension s'impose aux parties qui,
d'une part, sont momentanément dispensées de l'exécution de leurs
obligations respectives, mais d'autre part, sont contraintes de rester dans le
rapport contractuel et de préserver à la convention ses chances d'exécution
future. C'est une situation de fait qui, comme le jeu de la théorie des risques,
s'instaure en principe d'elle-même entre les parties et ne nécessite pas
l'intervention du juge5. Toutefois, force est de constater l'omniprésence du
juge dans les espèces évoquées, d'où la nécessité de préciser le rôle de ce
dernier.
2 . Le rôle du juge
222.- La solution selon laquelle la suspension du contrat en cas
d'inexécution
fortuite
s'impose
d'elle-même,
et
ne
nécessite
pas
l'intervention du juge, répond logiquement à l'explication qui a été donnée
du phénomène de l'arrêt momentané de l'exécution du contrat. Elle
comporte cependant d'indéniables limites dues notamment aux exigences de
la pratique. En effet, si l'exception de- suspension plaidée par l'un des
1
C'est notamment le cas Qui s'est présenté dans l'arrêt de la Cour de cassation du 21 février 1981. La
suspension est invoquée par la créancière à l'encontre de ses débiteurs Qui tenaient leur engagement pour
éteint (D. 82,479).
2
J. TREILLARD, article précité, nO ll, p. 69 et 70.
3
Civ. 1ère, 21 fév. 1981, D. 1982,479, note MARTIN; V. aussi: Civ., 15 fév. 1888, D. 1888, 1,203 ;
Caen, 24 fév. 1915, D. 16,2,22.
4
D. MARTIN, note sous civ., 21 fév. 1981, précité.
5
R. SARRAUTE, thèse précitée, p. 69.

- 208 -
contractants s'impose au juge sans nuance lorsque les conséquences d'un
événement
de
force
majeure
temporaire
ont
été
prévues
conventionnellement l ou prescrites par la loi 2 , il n'en est pas de même
lorsqu'aucune prévision ou prescription n'a été faite. Dans ce cas, et même
dans les autres cités, il y aura toujours, en pratique, contestation sur le fait
de l'inexécution et on s'adresse au tribunal pour trancher le différend. La
situation habituelle est la suivante: l'une des parties réclame une mesure
de suspension soit pour résister à une demande en exécution, soit pour faire
échec à une demande en résolution. L'intervention du juge est donc utile et
souvent
nécessaire
pour
dénouer
des
situations
plus
ou
mOIns
conflictuelles3.
223.- Le rôle du juge est assez simple dans son principe. TI consiste
en une estimation des chances de survie du contrat en tenant compte, d'une
part, du caractère définitif ou non de l'impossibilité d'exécuter, et d'autre
part, de la volonté des parties et des circonstances de l'exécution. Négliger ce
rôle reviendrait à oublier que, bien souvent, la prétendue force majeure peut
n'en pas être une ou, en tout cas, n'affecter les obligations du contrat que de
'.
façon très limitée. En l'absence d'une adhésion de toutes les parties, il est
indispensable de déterminer le caractère définitif ou temporaire de
l'empêchement. C'est au juge qu'il appartient de mesurer
l'ampleur de la
force majeure et de décider du point de vue de savoir si l'obstacle qu'elle
constitue entraîne une inexécution définitive ou simplement momentanée.
Lui seul pourra dégager le sens des obligations des contractants, l'utilité du
maintien de l'engagement et décider en conséquence du sort qui sied le
mieux à la convention. Les tribunaux jouissent donc d'un véritable pouvoir
d'appréciation de l'incidence de la force majeure sur le lien contractuel.
Leur décision devra être guidée, d'une part, par une interprétation
rigoureuse de l'intention des parties tant en ce qui concerne les délais
...
J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, ed. F. Lefebvre, 1988, n° 1068 et s ; TREILLARD, article
précité, n06 et S., p. 62 et s. De telles clauses sont notamment souvent insérées dans les contrats de
fourniture ( V. A. SEUBE, Le contrat de fourniture, Lhèse Montpellier, 1970).
2
J. TREILLARD, article précité, non, p. 74 et s. Tel est souvent le cas en matière de suspension du
contrat de travail.
3
On notera d'ailleurs que la jurisprudence a toujours admis que même en cas d'une inexécution relevant
d'une cause fortuite, la résolution peut être demandée en justice. En effet, l'intervention du juge est utile
pour apprécier et vérifier l'existence du cas fortuit et de la force majeure (Civ.. 14 Av. 1891, D. 91,1,
329 note PLANIOL ; Civ. 1ère, 2 juin 1982. Bull. civ., l, n0205, p. 178 ; J.c.P. 8t. IV, 285 ; R.T.D.
Civ., 1983, 340, obs. CHABAS). Etant donné le lien que nous avons établi entre la suspension et la
Lhéorie des risques, cette solution peut être étendue à la force majeure momentanée.

,
- 209 -
éventuellement fixés que l'utilité que pourra encore revêtir la convention,
d'autre part, par une évaluation des chances objectives de disparition de
l'obstacle qui entrave l'exécution.
224.- Ces observations conduisent à se demander si la suspension
est véritablement un droit, une excuse légale pour celui qui l'invoque?
Certains auteurs, et nous les avons déjà évoqués, l'ont affirmé sans
ambiguïté!. D'autres ont émis d'énormes réserves compte tenu du rôle
prépondérant joué par le juge dans l'octroi de la suspension2• Pour ces
derniers, le pouvoir d'investigation dont dispose le tribunal, aussi bien pour
vérifier si l'obstacle de force majeure est ou non défini tif que pour
rechercher si l'exécution différée peut satisfaire les parties et sauver le
contrat, contredit cette conclusion.
Mais cette argumentation n'est pas tout à fait convaincante. Il est
vrai que l'intervention du juge est le plus souvent nécessaire pour sortir de
l'impasse deux volontés qui s'opposent. Toutefois, la suspension du contrat
découlant d'un état de fait qui peut être prouvé par tous les moyens, rien
n'oblige la partie mise dans l'impossibilité d'exécuter de s'adresser au juge
pour lui demander d'avaliser sa conduite3. Si son cocontractant reconnaît le
bien-fondé de l'excuse, il y aura suspension du contrat non consacrée par le
juge. Ce n'est qu'en cas de difficultés que les tribunaux sont saisis. Et même
dans ce cas de figure, le juge est appelé simplement à établir la constatation
d'une situation de fait existant en dehors de lui. Une fois qu'il a reconnu le
caractère passager de la force majeure et la nature spéciale du contrat, il
n'a plus de raison de refuser une interruption momentanée de son
exécution. Il doit entériner l'excuse invoquée par le défendeur. Cette
situation est très différente de celle qui conduit à l'octroi d'un délai de grâce;
dans cette hypothèse, le juge accorde une faveur, prend une mesure
exceptionnelle, il ne fait pas droit à un système de défense. Il semble dans
ces conditions que le juge, lorsqu'il refuse une suspension en cas
d'inexécution fortuite momentanée, doit motiver sa décision, alors qu'en
RADOUANT, thèse précitée, p. 275 ; SARRAUTE, thèse précitée, p. 68 ; LEBRET, article précité,
p. 614 et s.
2
J. TREILLARD, article précité, n012, p. 70.
3
R. SARRAUTE, thèse précitée, p. 69.

- 210 -
matière de délai de grâce, c'est plutôt l'octroi qui doit être motivé!.
Il convient donc de confirmer que la suspension du contrat
consécutive à un obstacle de force majeure temporaire est effectivement un
droit pour les contractants même si, en raison des exigences de la pratique,
elle ne s'opère pas toujours de plein droit. A vrai dire, cette discussion n'a
pas une incidence concrète en raison de la tendance permanente du juge à
sauver le contrat. Ce souci de protéger les relations contractuelles au moyen
de la suspension, parmi d'autres procédés 2, ne se manifeste pas seulement
en cas d'inexécutions fortuites. Même en présence d'une inexécution
imputable à l'une des parties contractantes, des mesures de préservation du
contrat peuvent être prises.
SECI'IONII: L A
SUSPENSION
DU
CONTRAT
MENACE
D'INEXECurION F AurIVE
225.- Aux termes de l'article 1184 alinéa 2 du Code civil, le
créancier d'une obligation inexécutée a le choix ou de forcer l'autre à
l'exécution lorsqu'elle est encore possible ou de demander la résolution de la
convention avec dommages et intérêts. Dès l'instant que la non-exécution
d'un engagement fait suite à un comportement fautif de l'un des
contractants, le contrat court donc le risque d'être anéanti. Dans ce cas
aussi, la suspension interviendra pour préserver le rapport contractuel en
lui donnant les chances d'une exécution future. Tel est le but poursuivi par
certaines dispositions législatives.
L'article 1184 lui-même, dans son alinéa 3, donne au juge un pouvoir
modérateur lui permettant d'accorder un'''délai d'exécution au débiteur dans
le cadre d'une instance en résolution du contrat. On peut alors parler d'une
véritable «suspension - faveur» (§ 1). Ensuite, et dans un domaine beaucoup
1
V. Supra nO 108 et s. ; art. 510 al. 2 du N.C.Pr. civ.
2
V. J. DEPREZ, Les sanctions attachés à J'inexécution des obligntions contractuelles in Trav. Ass. H.
Capitant, t. XVII, p. 28 et s., qui évoque pèle-mèle le délai de grâce, le refus de résolution, la réfaction, la
réduction du prix du prix, ete.

- 211 -
plus spécifique, l'article L.113-3, alinéa 2, du Code des assurances prévoit,
avant toute initiative tendant à la résiliation du contrat, la suspension de la
garantie due par l'assureur en cas de non-paiement des primes par
l'assuré. On est cette fois en présence d'une «suspension - sanction» 1 (§2).
§1 - La "suspension - faveur'
226.- L'alinéa 3 de l'article 1184 du Code civil, après avoir indiqué
que "la résolution doit être demandée en justice», précise, en effet, «qu'il
peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances». Ce texte,
même s'il conduit également à l'octroi d'un délai d'exécution, ne fait pas
double usage avec l'article 1244 alinéa 2 du même Code2. Cette disposition ne
s'applique que dans le cadre d'une instance en résolution, alors que le délai
prévu à l'article 1244 alinéa 2 est octroyé à un débiteur poursuivi en
exécution de ses obligations3. D'autre part, l'article 1184, alinéa 3, invite les
juges, contrairement à l'article 1244, a tenir compte des difficultés
d'exécution de la convention plutôt que de la détresse économique d'un
débiteurÂ. Le délai ainsi prévu revêt une spécificité certaine qui se manifeste '
aussi bien en ce qui concerne le pouvoir d'appréciation des juges (A), qu'en
ce qui concerne la durée du sursis (B).
A - Le juge jouit d'un pouvoir discrétionnaire
227.- Invité à prononcer la résolution d'un contrat, le juge dispose
d'un pouvoir souverain d'appréciation qui correspond à la nécessité de
contrôler la gravité de l'inexécution imputable au défendeur5 . Au cas où il
refuse de la prononcer, le juge peut prendre des mesures de substitution
dont l'octroi d'un délai au défendeur pour s'exécuter. Inutile de dire que le
1
Sur cette distinction des deux sortes de suspension, V. CARBONNIER, t. IV, n0195, p. 352, A. WEILL
et F. TERRE, précité, n° 467 et 468, p. 487 et 488.
2
M. STORCK, 1.-Cl., Civ. : art. 1184, fasc. l, N. Rep. : fasc. 49-1, n° 101.
3
V. supra n° 81 et 82.
4
1. CARBONNIER, l IV, n0187, p. 337 ; J. MESTRE, R.T.D. Civ. 1986, p. 107, n06.
5
Civ. 3e, 22 mars 1983, J.c.P. 83, ed. G., IV, 184; Bull. civ., III, n084 ; Rep. Defr. 1984,296, obs. J.-
L. AUBERT; R.T.D. Civ. 1985, 165, obs. J. MESTRE: «les juges du fond, saisis d'une demande en
résolution judiciaire de vente, disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements érablis
à la charge de l'acquéreur sont suffisamment graves pour justifier cette mesure» ; V. aussi: civ. 3e, 19
févr 1986, J.c.P. 86, ed. G., IV, 122; Paris, 5 fév. 1988, D. 88, I.R. 60.

· 212 .
pouvoir du juge d'accorder un tel délai au débiteur est tout aussi souverain.
La jurisprudence affirmant ce principe est très abondante. C'est ainsi qu'il a
été jugé, à propos d'un contrat de vente, que «l'appréciation
des
circonstances dont se prévaut l'acquéreur pour demander qu'il soit sursis
au jugement sur l'action en résolution engagée contre lui pour non-
paiement de la totalité du prix relève du pouvoir souverain des juges du
fond»l. Il a même été décidé que même lorsque la résolution est demandée
par les deux parties au contrat, les juges conservent leur pouvoir
d'appréciation et «ne modifient pas l'objet de la demande '"
lorsqu'ils
prescrivent l'exécution dans les conditions de délais qu'il déterminent, eu
égard aux circonstances de la cause»2. Pour Monsieur Jean-Luc Aubert,
cette décision demeure dans le cadre de la demande en résolution du
contrat, on ne peut pas retenir que les deux demandes réalisaient une
convention
de
mutuus
dissensus
dans la mesure où elles étaient
antagonistes, requérant chacune la résolution aux torts de l'autre3.
227bis.- Les tribunaux sont donc investis de pouvoirs très étendus
dans la recherche du maintien et finalement de l'exécution des obligations
contractuelles. En effet, dans le cadre de l'article 1184, le juge prononce la '
suspension de l'engagement conventionnel, il ne fait pas que la constater. TI
y a là une grande différence avec la suspension consécutive à une
inexécution fortuite. Dans un tel cas, le juge ne fait que constater l'existence
d'une
situation de fait et en tirer les conséquences juridiques, alors qu'en
cas d'inexécution fautive, il accorde une faveur au débiteur en fonction des
circonstances de la cause ou de sa position personnelle et est tenu de justifier
une telle mesure4 • L'octroi d'un délai d'exécution dépend de l'appréciation
du juge, et du juge seul. Il faut cependant relever que les juges du fond ne
peuvent pas accorder une telle faveur au cas de violation d'une obligation de
ne pas faire constituant la seule obligation du débiteur ou lorsqu'une
obligation de donner ou de faire ne pouvait être exécutée que dans un temps
que le débiteur a laissé passer5 . La susp~sion d'une obligation contractuelle
Civ. 3e, 20 fév. 1973, Bull.. civ., Ill, n° 147, p. 106 ; Voir aussi: Soc., 12 avr. 1956, D. 56, somm.,
110; Civ. 1ère, 20 janv. 1964, Bull. civ., 1, n036.
2
Corn., 16 juin 1987, Bull. civ., IV, n0145, p. 109 ; Rep. Defr. 1988, art. 34202, p. 374, n014, obs. J.-
L.AUBERT.
3
L-L. AUBERT, cité ci·dessus. Pour une étude complète de la convention de mutuus dissensus, V. R.
VATlNET, R.T.D. Civ., 1987, p. 252 et s.
4
V. Supra n° 108 et 224.
5
PLANI0L et RIPERT, t. VI, n0429, p. 579 ; M. STORCK, article précité, n0102.

- 213 -
ne se conçoit en effet que lorsqu'il existe encore des chances réelles d'une
exécution future l .
228.- En pratique, le juge qui accorde un délai au défendeur sur la
base de l'article 1184 alinéa 3 prononce souvent d'avance, et en prévision
d'une inexécution à l'expiration du délai imparti, la résolution du contrat2.
On évite ainsi au créancier les lenteurs et les frais d'une nouvelle instance3.
Et même lorsque la décision judiciaire ne prend pas le soin de prononcer la
résolution au cas où le débiteur ne remplirait pas son engagement dans le
délai fixé, certains auteurs admettent que le créancier pourrait se
considérer comme dégagé de plein droit à l'expiration de la période de
suspension 4 . De ce point de vue, le délai prévu à l'article 1184 alinéa 3 du
Code civil apparaît comme un véritable «sursis de résolution".
Le pouvoir souverain dont sont investis les juges du fond ne se limite
cependant pas à l'appréciation de l'opportunité de l'octroi d'un délai; il se
manifeste également quant à la fixation de la durée du sursis accordé.
B - La durée du délai
229.- Importants quand il s'agit de décider s'il y a lieu de laisser
une chance supplémentaire à l'exécution du contrat, les pouvoirs du juge
sont tout autant souverains quant à la détermination de la durée de la
période pendant laquelle l'exécution de l'obligation sera suspendue. En effet,
le texte dispose simplement «qu'il peut être accordé au défendeur un délai
selon les circonstances", il ne fixe aucune limite minimale ou maximale. La
durée du délai qui peut être octroyé n'a donc d'autre mesure que celle dictée
par les circonstances et ne paraît pas limitée à deux ans comme le délai de
l'article 1244 l'est depuis une loi du I l octobre 19855. Ce qui laisse au tribunal
des coudées plus franches pour organiser le sauvetage du contrat.
V. supra n° 205 et S., à propos de la durée de l'empêchement de force majeure temporaire par rapport à la
durée d'utilité du contrat.
2
PLANIOL et RIPERT, l. VI, n0429, p. 579; Voir Réq., 16 mai 1933. G.P. 33,2,422.
3
A. WEILL et F. TERRE, précité, n0487, p. 509 ; M. STORCK, article précité, n0102.
4
M. STüRCK, article précité, n0102 ; PLANIOL et RIPERT, l. VI, n049, p. 579 ; MARTY et
RAYNAUD, t. l, n °330, p. 342.
5
E. PUTMAN, thèse précitée, n0598, p. 702 ; M. STüRCK, article précité, n0102. Certains estiment
cependant que le délai de l'an. 1184 al. 3 se confond avec celui de l'an. 1244 al. 2 et èst donc soumis à la
limitation de durée, V. B. STARCK, t. II, n01600, p. 653.

- 214 -
230.- Doit - on pour autant déduire que le juge reçoit, de la sorte, le
droit de protéger le lien contractuel, fut - ce par l'octroi de plusieurs délais
successifs ou peut - on simplement y voir la possibilité d'accorder un seul
délai?
La question a suscité l'intérêt aussi bien de la doctrine que de la
jurisprudence. Dans un arrêt du 19 décembre 1984 1, la Cour de cassation a
opté nettement pour la dernière solution en décidant que «si le juge, saisi
d'une demande en révocation d'une donation pour cause d'inexécution des
conditions, a constaté cette inexécution, il peut accorder au donataire un
délai qui doit emprunter sa mesure aux circonstances pour exécuter ces
charges. Si ce délai peut être suspendu en cas de force majeure, il ne peut
être renouvelé et l'arrêt qui accorde à l'association donataire un délai
supplémentaire à durée déterminée encourt dès lors la cassation". Cette
solution, souhaitée depuis longtemps par la doctrine 2 et naturellement
approuvée lorsqu'elle fut adoptée3, est conforme au texte de l'article 1184
alinéa 3 qui ne laisse entrevoir aucune possibilité de renouvellement4 • De
plus, elle est corroborée par l'article 1655, alinéa 2 et 3 du Code civil, spécial
à la vente, qui prévoit que si le vendeur n'a pas à craindre de perdre la chose
et le prix, «le juge peut accorder à l'acquéreur un délai plus ou moins long
suivant les circonstances", et «ce délai dépassé sans que l'acquéreur ait
payé, la résolution de la vente sera prononcée"s.
Cette orientation de la
doctrine et de la jurisprudence rejoint le bon sens, car le souci de sauver le
lien contractuel ne saurait autoriser le juge «à abuser de la patience du
créancier, ni à prolonger indéfiniment une solution d'attente,,6.
Civ. 1ère, 19 déc. 1984. Bull. civ.. 1. n0343. p. 291 ; G.P. 25 et 26 oct. 1985, Pan., 212. note
GRIMALDI; R.T.D. civ. 85.762. obs. PATARlN ; R.T.D. Civ. 86, 107, obs. MESTRE, D.S. 85,
LR., 3()4, obs. O. MARTIN; J.C.P. 85, IV, 78.
~
2
PLANIOL et RIPERT, t. VI. n0429. p. 579.
3
1. MESTRE, R.T.D. Civ. 86, 107 ; M. GRIMALDI, G.P. 85, 25 et 26 oct.. Pan., 212 ; PATARIN
R.T.D. Civ. 85, 762 ; E. PUTMAN, thèse précitée. n0598, p. 702 ; M. STORCK, article précité, n0103.
4
En effet, on remarquera que l'art. 1184 permet simplement d'accorder un délai au débiteur tandis qu'en
matière d'exécution forcée. l'art. 1244 permet l'octroi des délais de paiement ce qui fait sans doute que dans
ce dernier cas, les juges peuvent accorder plusieurs délais successifs à condition que leur durée cumulée ne
dépasse pas la durée légale (pATARlN, R.T.D. Civ. 85, 762; V. aussi supra n° 110)..
S
1. MESTRE. R.T.D. Civ. 86, 107 ; GRIMALDI, G.P. 85.25 et 26 oct., Pan., 212 ; M. STORCK,
article précité. n0103.
6
GRIMALDI et MESTRE, cités ci-dessus.

- 215 -
Il semble cependant que c'est seulement le renouvellement d'un
délai accordé sur la base de l'article 1184 alinéa 3 qui est prohibé. En
conséquence, doit être maintenue la vieille jurisprudence, jusque là jamais
remise en cause, qui décide qu'un nouveau délai peut être accordé en
application de ce texte lorsque le premier l'a été non dans le cadre d'une
demande en résolution, mais dans celui d'une action en exécution forcée 1.
La seconde décision ",ne viole pas le principe de l'autorité de la chose jugée,
puisque la résolution du contrat ne constituait pas l'objet du premier procès,
dont la solution avait laissé intacte la faculté d'application de l'article 1184
en toutes ses dispositions»2.
231.- Toutefois, il faut relever que l'arrêt de 1984, sur lequel nous
nous sommes appuyés3, réserve de manière expresse l'éventualité d'une
prorogation du délai accordé en cas de survenance d'un événement de force
majeure ayant empêché le débiteur de s'exécuter dans les délais fixés. Cette
jurisprudence, constante4 , mérite d'être approuvée, car elle est une suite
logique des décisions qui ont déjà été évoquées à propos de la suspension de
l'exécution du contrat faisant suite à une inexécution fortuite 5 . De la même
façon qu'une impossibilité temporaire peut suspendre l'exécution des
obligations contractuelles, de la même façon elle doit suspendre le cours du
délai accordé en vue de réaliser cette exécution6.
Ce point de convergence ne rapproche pas pour autant le délai de
l'article 1184 alinéa 3, qui reste une mesure de faveur pure et simple, de la
suspension des obligations contractuelles pour impossibilité temporaire
d'exécution, que le juge ne fait que constater. Elle ne le rapproche guère non
1. MESTRE, R.T.D. Civ. 86, 107 ; M. STORCK, article précité, n0103, E. PUfMAN, thèse précitée
n0598, p. 702.
2
Civ., 8 janv. 1929, G.P. 29, 1,497.
3
Civ. 1ère, 19 déc. 1984, Bull .. civ., l, n0343, p. 291.
4
Civ. 3e, 16 Av. 1986, Bull. civ., III, n041, p. 32.
.....
5
V. supra n° 200 et s.
6
En effet, le principe est que le créancier contre lequel court la prescription a un moyen d'empêcher la
prescription: procéder à un acte interruptif. Mais il peut arriver qu'il se trouve dans l'impossiblité de le
faire. li serait alors injuste de laisser la prescription éteindre son action. C'est la raison pour laquelle il est
nécessaire de suspendre le cours de la suspension; tant que dure la cause qui le met dans l'impossiblité
d'agir, la prescription est suspendue. Il en est ainsi lorsque le contractant est empêché d'agir par un
événement de force majeure (Civ.2è, 10 fev. 1966, D. 67, 315, note Prévault ; Buy, Prescriptions de
courte durée et suspension de la prescription, J.c.P. 1977, ed. G., 1,2833; J. CARBONNlER, La règle
contra non valentem agere, Rev. Crit. de Legis. et Jurisp. 1937, p. 1217 et s. ; MAZEAUD, t;ll, 1er
vol., n° 1181 st s., p. 1217 et s.).
'

- 216 -
plus de la technique particulière de suspension de l'assurance prévue à
l'article L.113-3 alinéa 2 du Code des assurances qui, loin de constituer une
mesure de faveur ou de se résumer à un simple moyen de défense passive,
prend la forme d'une véritable sanction donnant au créancier de l'obligation
inexécutée le pouvoir de rompre à son profit l'équilibre du contrat.
§2 - La "suspension - sanction"
232.- L'article L.113 - 3, alinéa 2, du Code des assurances prévoit un
système spécifique de suspension du contrat au cas où l'assuré ne paie pas
ses primes à l'échéance l . L'assureur est autorisé à suspendre la garantie
due à son client trente jours après la mise en demeure de payer restée sans
effet.
Cette suspension se caractérise essentiellement par le fait qu'elle est
unilatérale et fautive 2 : l'assureur se trouve délié de son obligation de
couverture du risque sans que l'assuré soit dégagé de son obligation de payer
les primes3. Si donc un sinistre survient pendant la période de suspension, ,
l'assureur
ne
sera
débiteur
d'aucune
indemnité,
mais
il
pourrait
néanmoins prétendre au paiement des primes arriérées ainsi que celles
correspondant à la période de suspension. Il bénéficiera du contrat sans en
supporter la charge4 . Cette solution est constante en jurisprudence depuis
fort longtemps. Sous l'empire du texte originel de la loi de 1930, on s'était
certes interrogé sur l'étendue de la suspension, car l'article 16 visait la
suspension de "l'effet de l'assurance»5. Mais, depuis la loi du 30 novembre
1966, aucun doute n'est plus permis; en réformant l'article 16, elle est plus
précise, puisqu'elle vise expressément "la suspension de la garantie»6. La
jurisprudence selon laquelle "la suspension de la garantie, à défaut de
paiement des primes ne délie pas l'assuré de son obligation de payer lesdites
1
Cette disposition est issue de l'art. 16 al. 2 de la loi du 13 juillet 1930 remplacé par l'art. 5-1 de la loi
n066-882 du 30 nov. 1966.
2
J. TREILLARD, article précité, n015.
3
A. BESSON, La suspension dans le contrat d'assurance, in Eludes. H. Capitant, 1937, p. 79 el s.,
spécialement p. 81 ; J.-F. ARTZ, article précité, n012 ; J. TREILLARD, article précité, n015 ; J.-M.
BERAUD, thèse précitée, p. 41 ; Y. LAMBERT-FAIVRE, Le droit des assurances, n0173, p. 254.
4
J.-M. BERAUD, cité ci-dessus.
5
A. BESSON, article précité, p. 81 el82 ; J. lREILLARD, article précité, n015.
6
Voir le texte de l'art. L.1l3-3 al. 2 du Code des assurances.

- 217 -
primes, sanction du retard apporté par lui dans l'exécution de son
engagement»] a ainsi reçu une consécration législative. L'assuré ne saurait
se plaindre de cette situation puisque c'est lui qui est en faute et qu'au
surplus, il lui suffit de payer pour rétablir la garantie2•
Le droit des assurances donne de cette façon à la notion de
suspension
une
application
remarq uable 3 . Elle est ici envisagée,
contrairement aux différents délais d'exécution, comme une sanction
originale de la faute du débiteur4. La suspension de la garantie se présente,
en effet, comme la peine encourue par l'assuré qui n'exécute pas
correctement ses obligations et la jurisprudence est sans ambiguïté là-
dessus lorsqu'elle parle de «sanction du retard apporté pour lui dans
l'exécution de son engagement lls . Elle a, de ce fait, une forte coloration de
peine privée qui la rapproche étroitement de l'exception d'inexécution6.
233.- Il est sans doute tentant de réduire la notion de suspension
prévue à l'article L.113-3 du Code des assurances à un simple cas
d'application de l'exceptio non adimpleti contractus7 . .La situation semble
identique : l'assuré ne remplit pas son obligation en ne payant pas les
~
primes et l'assureur manifeste sa volonté de ne pas non plus exécuter
l'obligation que le contrat met à sa charge. Mais en réalité, les deux
phénomènes sont assez distincts l'un de l'autre.
D'une part, les termes
dans lesquels se pose généralement
l'exception d'inexécution sont inversés avec l'article L. 113-3. Le créancier de
l'obligation inexécutée n'attend
pas que son débiteur lui demande
d'accomplir ce que lui impose le contrat pour invoquer, en défense,
l'exception. Il prend les devants, il adopte une position d'attaque de sorte
que, contrairement à l'exception d'inexécution, la suspension n'apparaît
pas ici comme un simple moyen de défense, mais comme ce qu'un auteur a
Civ., 29 juin 1939, R.G.A.T. 39,639 ; - , 24 mars 1942, R.G.A.T. 42, 268 ; - , 18 juin 1960,
R.G.A.T. 60, 338 ; G.P. 60, l, 20S ; - , 22 nov. 1961, R.G.A.T. 62, 343, Civ. 1ère, Il mars 1980,
D.S.80, I.R. S19, obs. BERR et GROUTEL ; R.G.A.T. 80, S16.
2
Y. LAMBERT-FAIVRE, Droit des assurances, n0173, p. 254.
3
J.-F. ARTZ, article précité, nOl2 ; A. BESSON, article précité, p. 81 et 82.
4
J.-M. BERAUD, thèse précitée, p. 40 et41.
5
Voir Civ., 20 juin 1939, R.G.A.T. 39,639.
6 J.-M. BERAUD, thèse précitée, p. 41 ; A. BESSON, article précité, p. 88 et 89.
7
V. supra n° 164 ; V. aussi J. TREILLARD, article précité, nOlS p. 78.

- 218 -
appelé une «sanction forfaitaire et provisoire» 1.
D'un
autre
côté,
le
refus
d'exécuter
fondé
sur l'exception
d'inexécution a pour principal but de maintenir l'équilibre contractuel en
différant l'exécution, alors que la suspension de la garantie libère
définitivement l'assureur de son obligation d'indemniser en cas de
survenance du risque pendant cette période, tout en continuant à obliger
l'assuré au paiement des primes. Cette suspension unilatérale ne peut donc
pas s'analyser comme une conséquence de la corrélation entre obligations
réciproques d'une convention synallagmatique2. En suspendant la garantie,
l'assureur n'entend pas préserver l'équilibre originaire du contrat. Au
contraire, il vise à détruire cet équilibre en privant, tout au moins en partie,
l'obligation de l'assuré de payer les primes de toute cause3 • Ainsi, l'analyse
de la suspension de l'assurance en un simple aspect de l'exception
d'inexécution ne résiste pas à la critique4 .
234.- Le point commun entre ces deux formes de suspension tient
cependant au fait qu'elles sont toutes deux mises en oeuvre par le créancier
de l'obligation inexécutée et constituent donc, à des degrés divers, des '
moyens permettant d'atteindre l'exécution du
rapport obligatoire.
L'exception d'inexécution y parvient par la technique de l'exécution trait
pour trait, la suspension-sanction par la menace d'une importante rupture
d'équilibre au détriment du débiteur. En effet, la suspension de la garantie
est une menace très grave pour l'assuré qui, en cas de survenance du
risque, ne sera pas couvert. C'est un moyen de pression a effet comminatoire
sur le débiteur défaillant. Mais surtout, le contrat n'est pas définitivement
rompu, cette mesure est essentiellement provisoire5. Le créancier cherche à
atteindre une exécution correcte du contrat et accorde une chance au
débiteur afin de l'inciter à se libérer le plus rapidement possible et éviter la
disparition du lien contractuel 6. La suspension de la garantie remplit donc
une fonction préventive. C'est un moyen de sauvegarde du lien de droit entre
1
R. BOUIN, note sous Civ., 12 Av. 1943, S.43, l, 118 ; V. aussi: J.-M. BERAUD, thèse précitée,
p.42.
2
R. BOUIN, note citée ci-<lessus.
3
J.-M. BERAUD, cité ci-dessus.
4
Voir aussi J.-F. PILLEBOUT, précité, p. 51 ; R. CASSIN, thèse précitée, p. 655 ; V. infra.
5
J.-F. ARTZ, article précité, nOl2 ; Y. LAMBERT-FAIVRE, précité, n0l73, p. 254.
6
J. TREILLARD, article précité, n° 15, p. 79 ; J.-F. ARTZ, article précité, n° 12.
'

- 219 -
les parties et constitue, de ce fait, au même titre que les autres techniques
précédemment étudiées, une véritable alternative à la solution définitive et
riche de conséquences qu'est l'anéantissement du contrat.
235.- Mais au-delà de ces différents procédés permettant d'obvier à
la disparition du lien contractuel, la suspension des obligations apparaît,
quelle qu'en soit la forme et si on essaie de lui appliquer une définition
générale, comme un remède. L'examen des mécanismes des principales
techniques de suspension qui vient d'être effectué le montre.
C'est le remède auquel les contractants qui ne veulent pas s'engager
immédiatement, d'une manière pure et simple, pour une raison ou une
autre, recourent à travers la condition supensive et le terme suspensif. C'est
encore la thérapeutique que le juge ou le législateur, en présence de
difficultés d'exécution des obligations, appliquent dans le but de permettre et
d'obtenir une réalisation correcte et complète de la convention. C'est enfin la
garantie que le droit positif offre, dans plusieurs hypothèses, au créancier
qui se heurte à l'inexécution par le débiteur des obligations mises à sa
charge par le contrat. Dans tous ces cas, la suspension permet de dénouer,
des situations complexes pouvant comporter d'importants risques aussi bien
pour les contractants que pour les tiers.
Toutefois, la suspension est par nature une situation provisoire qui
est appelée à cesser à un moment donné. Il est dans ces conditions légitime
de se poser des questions quant au sort qui est réservé à l'obligation objet de
la suspension aussi bien durant cette période qu'une fois que celle-ci a pris
fin. C'est tout le problème qu'il faut démêler à travers l'étude du régime
juridique de l'obligation suspendue et qui fait l'objet de la deuxième partie.

DEUXIEME PARTIE:
LE REGIME JURIDIQUE DE
L'OBLIGATION SUSPENDUE

- 221-
236.- La phénomène de la suspension des obligations, quel que soit
celui de ses différents aspects pris en considération, a pour incidence
première de modifier le processus classique d'accomplissement des '
engagements
contractuels.
La
suspension
aménage
d'une
manière
particulière le sort des obligations.
Une vision globale de ce phénomène
nécessite donc qu'un éclairage soit porté non seulement sur la définition et
la
description
des
mécanismes
de
suspension,
mais
aussi
sur la
détermination du rôle que les différentes techniques de suspension sont
appelées à jouer dans la vie de l'obligation contractuelle. Il importe dès lors
d'aborder la question du régime juridique des obligations affectées par la
suspension.
237.- Pour rendre compte de l'impact de la suspension sur les
obligations, la doctrine fait appel à des expressions imagées telles que
«hibernation Juridique», «mort apparentë», «léthargie du contrat», «état de
vie latente», «paralysie du contrat», «assoupissement de la convention»,
etc l . Ces quelques expressions traduisent bien l'idée que la suspension
s'accompagne d'une éclipse du rapport juridique; mais elles révèlent par
V. J.-M. BERAUD, thèse précitée, p. 15; J.-J. TAISNE, thèse précitée, n0279, p. 392 ; J.-F. ARTZ,
article précité, n014: J.TREILLARD, article précité, n031 ; R. SARRAUTE, thèse précitée, pA5 ; Ph.
CHARVERIAT, De la suspension des contrats, thèse, Lyon 1964, p. 46 et s.

- 222-
ailleurs le caractère passager de cette situation. Le régime de la suspension
ne peut alors se dégager qu'à travers une double préoccupation : il faut,
d'une part, préciser l'incidence des différentes techniques de suspension sur
les obligations qu'elles affectent, et d'autre part, étant donné que la
suspension est par définition transitoire, il faut envisager le sort qui sera
finalement celui de ces relations juridiques une fois que l'obstacle
générateur de la suspension aura été levé. En effet, même si la suspension
prend la forme d'une négation, ne fut-ce que temporaire, des obligations à la
charge des parties, il n'en reste pas moins qu'elle a été conçue comme un
moyen permettant d'assurer l'avenir des relations contractuelles, un point
entre le présent et le futur.
Aussi convient-il, pour l'étude du régime juridique des obligations
suspendues, de distinguer deux périodes : La première qui est celle de
l'attente, pendant laquelle l'obligation reste suspendue : La période de
suspension (titre 1) ; La seconde qui s'ouvre lorsque l'obstacle qui empêche
l'accomplissement des relations contractuelles est levé : La levée de
l'obstacle suspensif (titre II).

'11'1'RE 1 :
lA PERIODE DE SUSPENSION

- 224-
238.- La suspension des obligations contractuelles se présente
comme une situation intermédiaire entre l'obligation proprement dite et
l'absence d'obligation. Le créancier dont la créance est en état de suspension
se trouve privé des moyens d'en réclamer l'exécution et le débiteur bénéficie,
de ce fait, d'un répit temporaire. Mais le principal intérêt à étudier cette
période transitoire est de déterminer avec précision l'incidence réelle de la
suspension sur les obligations contractées. Entraîne - t - elle un vide absolu
entre les parties ou, au contraire, y - a - t - il survivance de certaines
relations ou obligations pendant cette période?
A vrai dire, le débat ne suscite plus de controverses. L'existence, en
période de suspension, de certaines relations entre les parties nécessaires à
la protection des droits acquis et à la normalisation future du rapport
juridique est aujourd'hui indiscutée 1. Toutefois, cette question mesure toute
la difficulté qu'il y a à définir et à expliquer les effets de la suspension. Il
peut paraître, à bien des égards, illogique qu'une obligation en principe
dépourvue d'efficacité, et parfois d'existence2, continue dans le même temps
à lier les parties.
V. par exemple: J.-M. BERAUD, thèse précitée, p. 126 ; J.-J. TAI5NE, article précité, J.-C1., Civ. :
art 1181 à 1182, N. Rep.: fasc. 47, nO 17 et 19.
2
C'est le cas de l'obligation conditionnelle qui, tant que la condition n'est pas réalisée, est considérée
comme n'existant pas, V. infra nO 243 et s.

- 225-
239.- La doctrine a tenté d'apporter au phénomène une explication,
il est vrai, variée selon l'hypothèse de suspension abordée. Il est, par
exemple,
considéré
que
l'engagement
conditionnel,
et
encore
plus
l'engagement à terme, justifient la reconnaissance au profit du créancier de
prérogatives intérimaires de nature à lui permettre de protéger l'avantage
qui résulte pour lui d'une telle opération juridique 1. Il a été aussi fait appel à
la distinction entre les obligations dites principales et les obligations dites
accessoires pour expliquer la disparition des premières et le maintien des
secondes en cas de suspension d'un contrat en cours d'exécution2 . Dans une
autre conception, il est tiré argument du fait que les parties intéressées par
un lien contractuel sous le coup d'une mesure de suspension seraie~t
tenues à «des obligations conservatoires» d'entretien et de surveillance des
relations contractuelles afin de sauvegarder l'avenir du rapport juridique.
Ces «obligations conservatoires» se traduiraient par l'interdiction faite aux
contractants d'effectuer tout acte qui est de nature à compromettre
l'accomplissement des engagements contractés et par la nécessité qu'il y a à
se livrer à certaines activités destinées à préparer l'établissement du lien
obligatoire3•
240.- Les auteurs qui ont eu à s'intéresser à la question ont relevé
les limites de ces explications4. TI y a cependant lieu de reconnaître que la
dernière conception, pour peu qu'on tienne compte des éléments dégagés
dans la première partie de cette étude et qu'on l'adapte à chaque cause de
suspension, permet plus ou moins d'expliquer l'effet relatif de la
suspension. En effet, toutes les analyses qui ont été faites pour décrire les
différentes techniques de suspension montrent bien que ce phénomène, qu'il
soit intégré dans le processus conventionneP ou qu'il soit perturbateur d'un
ordre juridique établi 6 , est souhaité dans la perspective d'insuffler aux
relations juridiques l'énergie nécessaire à leur réalisation. Il s'explique dès
lors que les contractants, tout en échappant temporairement à la rigueur de
1
J.-J. TAISNE, J.-C1., Civ.: arl. 1181 à 1182, N Rep. : fasc. 47, nOl7 et 19.
2
J.-M. BERAUD, thèse précitée, p. 128. Cet auteur, dans le domaine spécifique du contrat de travail,
fonde cet effet sélectif de la suspension sur la distinction entre obligations continues et obligations
discontinues.
3
J. TREILLARD, article précité, n023; J.-M. BERAUD, , thèse précitée, p. 127.
4
J.-M. BERAUD, thèse précitée, p. 127; à propos notamment de la suspension du contrat de travail.
5
Voir par exemple: le lenne, la condition ou les clauses de suspension en général.
6
C'est la cas du délai de grâce, du moratoire, de la force majeure momentanée, de l'exception
d'inexécution,ete., qui sont des incidents venant perturber les prévisions contractuelles des parties.

- 226-
la loi des parties, soient néanmoins investis de certaines prérogatives et
demeurent tenus au respect de certaines règles afin que rien ne soit fait qui
puisse dissiper l'espoir d'une normalisation, le moment venu, des liens
contractuels 1•
Force est donc de constater que le problème des effets de la
suspension sur les obligations qui en sont affectées doit être posé en des
termes qui tiennent compte de la situation hybride dans laquelle se trouvent
les contractants pendant la période de suspension. Il importe, pour en
rendre compte, de démontrer d'abord la paralysie qui caractérise l'état des
relations contractuelles durant cette période (chapitre D, avant de chercher
ensuite à dégager les manifestations de la vie relative du lien contractuel
(chapitre II).
1
Ce qui jusùfie le maintien de certaines obligaùons à la charge des parues pendant la période de
suspension.

- 227-
CHAPITRE 1:
lA PARALYSIE DES RAPPORTS JURIDIQUES
241.- La suspension d'une obligation évoque avant tout un obstacle à
l'exécution de celle-ci. Elle est généralement identifiée à une période de
somnolence des relations juridiques, période pendant laquelle le créancier
est privé des moyens lui permettant d'obtenir l'exécution de l'obligation à lui
due. Mais cette paralysie des liens contractuels n'affecte pas l'édifice
contractuel de la même manière dans toutes les hypothèses. La grande
diversité des techniques de suspension implique aussi une incidence
multiforme sur les obligations qui en sont affectées.
Le passage en revue des différents procédés utilisés nous a permis de '
constater que la suspension, d'une part, pouvait en tant que modalité des
obligations s'analyser en un phénomène susceptible d'être intégré par les
parties dans le processus conventionnel en vue de faciliter et d'assurer son
déroulement, et d'autre part, en tant que tempérament à la force obligatoire
du contrat ou alternative à l'anéantissement du lien de droit, elle prenait la
forme d'un élément perturbateur de l'ordre contractuel préalablement
arrêté. De cette classification, il résulte que lorsqu'elle est constitutive d'une
modalité, la suspension est incluse dans le processus de formation des
obligations et que dans les autres cas, elle intervient simplement pour
empêcher,
pendant un certain
temps,
l'exécution
d'une
obligation
complètement constituée. Aussi faudra-t-il, pour mettre en lumière l'état de
léthargie qui caractérise cette période transitoire, distinguer les effets de la
suspension selon qu'elle est constitutive d'une entrave à l'achèvement du
processus
de formation
de
l'obligation
et par conséquent,
traduit
l'imperfection de celle-ci (section 1), ou selon qu'elle représente seulement
un obstacle à l'exécution (section II).

- 22X-
SECTION 1: LA SUSPENSION TRADUIT L'IMPERFECTION DE
L'OBLIGATION
242.- L'insertion d'une modalité suspensive dans un acte juridique
empêche celui-ci de produire immédiatement l'effet obligatoire qui devrait
normalement être le sien du seul fait de sa formation. Cependant, une telle
modalité ne se limite pas seulement à aménager l'exécution de l'obligation,
elle doit aussi s'analyser en une véritable entrave à la formation de celle-ci.
En effet, qu'il s'agisse de la condition suspensive ou du terme
suspensif, il faut constater que l'un et l'autre, adjoints à un acte contractuel,
rendent incomplète la formation des obligations qui en résultent. Cela est
évident en ce qui concerne la condition suspensive qui, selon l'opinion la
plus répandue, ne se contente pas de rendre impossible toute exécution
immédiate, mais également reporte la naissance même de la créance!. Et
même dans le cas du terme suspensif qui, au contraire de la condition,
n'empêche pas la naissance de l'obligation et encore moins la formation de
l'acte contractue12, on ne saurait considérer que la formation de l'obligation
est réellement achevée. Chacun sait que lorsqu'une obligation est affectée
d'un terme, il y a décalage dans le temps entre sa naissance et le moment où
son exécution peut être réclamée3 ; il manque donc à l'obligation un élément
fondamental à la réalisation de sa plénitude: l'exigibilité4 . Le processus de
formation n'est pas encore, du moins nous le pensons, complet et parachevé
juridiquement dans la mesure où la créance n'a pas encore tout pour être
efficace. Aussi doit - on considérer que le terme suspensif entrave la
formation définitive de l'obligation de même que la condition suspensive en
constitue un obstacle. L'un et l'autre traduisent l'inachèvement du
processus de constitution des créances, même s'il y a lieu de relever, et on
aura ainsi tenu compte des observations déjà faites, que les deux modalités
suspensives affectent l'obligation à des degrés différents.
J.-J. TAlSNE, thèse précitée, n° 278 et s, p. 392 et s. ; J.-C1., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. : fasc.
47, n05 et s ; Ph. MALAURIE et L. AYNES, Les obligations, n01120, p. 632 ; MARTY, RA YNAUD
et JESTAZ, l. II, n078, p. 70 ; J. CARBONNIER, l. IV, n0136, p. 256; MAZEAUD, l. II, 1er voL, n°
1030, p. 1100.
2
D. VEAUX, J.-C1., Civ. : art. 1185 à 1188, N. Rep. ; fasc. 50 à 52, n048.
3
J-Ch. BOULA Y, Réflexion sur la notion d'exigibilité de la créance, R.T.D. Corn. 1990, p. 340, n02.
4
V. note ci-dessus.

- 229-
Il
convient donc d'examiner
successivement l'état de l'acte
contractuel lorsqu'il est sous condition suspensive (§ 2) et quand il est affecté
d'un terme suspensif (§ 1).
§l • Le sort des obligations prévues par un acte conditionnel
243.- Comme cela a déjà été signalé, l'engagement conditionnel
évoque
avant tout l'absence d'engagement. Tant que la condition reste
pendante, le principe est que les effets normaux de l'acte ne peuvent pas se
produire l (A).
Cependant, la question de l'incidence de la condition suspensive sur
les obligations qu'elle affecte fait l'objet d'importants débats doctrinaux des
conclusions desquels a été dégagé
un certain nombre de solutions
pratiques(B).
A· L'analyse théorique
244.- De nombreuses analyses ont été avancées pour expliquer la
situation des différentes parties pendente conditione.
Une première proposition soutient que la condition suspensive
n'affecte pas seulement l'exécution de l'obligation, mais sa naissance
même. La condition constitue donc, de ce point de vue, un véritable obstacle à
la naissance d'un quelconque droit, de telle sorte que tant qu'elle est
pendante, l'obligation n'existe pas2. Les auteurs qui défendent cette théorie3
s'appuient sans doute sur quelques articles du Code civil qui évoquent plus
ou moins explicitement l'inexistence de l'obligation conditionnelle. Il en est
ainsi des articles 11684 et 11855 qui semblent lier l'existence même de
1
J.-J. TAISNE, thèse précitée, n0278, p. 392 ; art. précité, J.-Cl., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep.: fasc ..
47,no5.
~
2
COLIN et CAPITANT, t. II, nO 1690, p. 936 ; RIPERT et BOULANGER, t II, n01358, p.474.
3
J.-J. TAISNE, thèse précitée, n0278 et s., p. 392 et s. ; J.-Cl., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. : fasc.
47 n05 et s. ; MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, 1. II, n078, p.70; MAZEAUD. t. II, 1er vol.. nOl030.
p. 1100; Ph. MALAURIE et L. AYNES, précité, n01l20, p. 632 ; J. CARBONNIER, t. IV, n0136, p.
256; RIPERT et BOULANGER, 1. II, n01358, p. 474; COLIN et CAPITANT, 1. II. n01690, p. 936.
4
«L'obligation est conditionnelIe lorsqu'on la fait dépendre d'un événement futur et incenain, soit en la
suspendant jusqu'à ce que l'événement arrive... ».
5
«Le tenne diffère de la condition en ce qu'il ne suspend point l'engagement. dont il retarde seulement
l'exécution». Une lecture a contrario pennet de conclure que la condition ne retàrde pas seulement
l'exécution, mais elIe suspend l'engagement lui-même.

- 230-
l'obligation à la réalisation de la condition!. Plus explicites sont encore les
articles 2132 et 2148 alinéa 3-40 relatifs aux privilèges et hypothèques et qui
parlent respectivement "d'obligation conditionnelle pour son existence» et de
«condition dont dépend l'existence de la créance».
A l'opposé de cette conception se situent d'autres auteurs qui sont en
faveur d'une condition qui ne mettrait pas en cause l'existence de
l'obligation. Ils considèrent que la condition suspensive ne peut affecter que
la perfection de l'obligation et non sa naissance. Il en résulte que l'obligation
subordonnée à une condition suspensive existerait déjà, tout au moins en
germe, avant la réalisation de celle-ci, mais serait simplement dépourvue de
certaines de ses caractéristiques, notamment l'exigibilité 2. Certains articles
du Code civil peuvent être regardés comme corroborant cette thèse. Ainsi,
lorsque l'article 1170 définit la condition potestative comme celle qui "fait
dépendre l'exécution de la convention d'un événement ... » ou lorsque
l'article 1181 alinéa 2 pose le principe que «l'obligation ne peut être exécutée
qu'après l'événement ... )) ou encore lorsque l'article 1182 alinéa 2 parle
«d'extinction de l'obligation)) par la perte de la chose, ils impliquent tous que
la créance dont il est question a déjà une certaine existence avant la
survenance de l'événement.
245.- Ces théories sont toutes les deux critiquables.
La seconde, d'abord, est contredite par un examen minutieux de la
situation des parties à un contrat comportant une condition suspensive.
Dans une telle convention, ce n'est pas seulement l'exécution de l'obligation
ou le moment où celle-ci peut être réclamée qui est retardé, c'est la
naissance même de l'obligation qui est incertaine. Une personne qui, par
exemple, achète à la condition que tel événement se produise dans un
certain délai, n'achète qu'en considération de cette circonstance ; elle
n'entend entrer dans le lien obligatoire qùe si cet événement se réalise. Si tel
n'est pas le cas, il serait considéré qu'il n'y a eu aucun rapport contractuel
entre le vendeur et lui. Il apparaît dès lors inexact d'affirmer l'existence
!
J.-J. TAISNE, thèse précitée, n028ü, p. 393 et 394.
2
J.-J TAISNE, thèse précitée, n0280 à 282, p. 394 et 395 qui cite AUBRY el RAU, LIV, n° 302, p. 100 ;
H. EYGOUT, De l'effet rétroactif de la condition, thèse Paris, 1922, n04, p.I5.

- 231-
d'une «obligation actuelle» avant même la réalisation de la condition l . C'est
ce qui différencie la condition suspensive du terme suspensif. Dans un
contrat soumis à un terme, le lien de droit est totalement formé et les parties
conviennent seulement de retarder ou de reporter le moment où l'exécution
sera due. En revanche, la condition suspensive affecte plus profondément les
obligations, elle porte sur la volonté même de s'engager. C'est le
consentement, disent certains, qui est affecté 2 . On ne saurait donc
considérer, comme c'est le cas avec le terme suspensif'J, que la créance
existe déjà, car, tant que la condition n'est pas accomplie, on ne peut pas
savoir si l'obligation existera ou pas.
Le premier point de vue évoqué, celui qui tient l'obligation
conditionnelle comme n'ayant pas véritablement pris naissance avant la
dissipation de l'incertitude, est plus conforme à la logique, ne serait - ce
qu'en théorie. En effet, comme la condition l'est elle-même pendant la
période d'attente, l'obligation doit, elle aussi, être «future et incertaine» ; on
a seulement l'espoir de la voir naître un jour. C'est d'ailleurs cette position
qui recueille manifestement l'assentiment général de la doctrine et de la
'.
jurisprudence4 • Toutefois, elle ne reflète pas non plus intégralement la
réalité, car, comme la doctrine unanime le souligne, la situation entre deux
parties à un acte conditionnel est différente de celle qui prévaut entre deux
personnes totalement tierces. En effet, même si l'engagement n'est que
conditionnel, il a néanmoins été pris. Il ne peut, certes, pas produire tout de
suite ses effets, mais une étape a déjà été franchie et ce premier pas n'est
pas, comme nous le démontrerons plus loinS, sans conséquences dans les
rapports entre les parties. Le créancier sous condition peut, par exemple,
déjà se prévaloir d'un certain nombre de prérogatives immédiates,
contrepartie indispensable de la précarité de sa situation ; ce qui lui
H. EYGOUT, thèse précitée, n° 5 à 8, p. 15 et s. ; RlPERT et BOULANGER, t. II, n° 1358, p. 474 ; J.-
J. TAISNE, thèse précitée, nO 285, p. 399.
2
H. EYGOUT, thèse précitée, n07, p 17.
3
V. infra n° 308.
4
J. CARBONNIER, l IV, n0136, p. 256 ; MAZEAUD, t. II, 1er vol, n01030, p.1100 ; Ph. MALAURIE
et L. AYNES, Les obligations, nOl120 p. 632; RIPERT et BOULANGER, t. II, n01358, p. 474; J.-J.
TAISNE, thèse précitée, n0285, p. 400 ; J.-Cl., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. : fasc. 47, n05 ; H.
EYGOUT, thèse précitée, n08 p. 18 ; V. aussi Civ. 1ère, 6 oct. 1966, Bull. civ., 1, n0460. Cet arrêt
distingue la condition de la simple modalité d'exécution.
'
5
V. infra n° 298 et s.

- 232-
permettra de protéger son acqUIs et de conserver l'avantage pris sur les
tiers).
246.- Un constat s'impose en définitive : les deux théories
expliquent également l'état des relations entre les parties à un contrat
conditionnel mais sont grevées d'importantes imperfections. L'une est
soutenue par une construction conceptuelle cohérente, mais ne rend pas
compte de la totalité des conséquences d'un engagement sous condition.
L'autre traduit la réalité des relations entre le créancier conditionnel et le
débiteur conditionnel, mais repose sur des bases théoriques contestables. Il
serait donc plus exact de dire, et on aurait ainsi fait la synthèse, que
l'obligation conditionnelle, bien que n'ayant pas véritablement pris
naissance et ne pouvant pas, par conséquent, produire ses effets principaux,
établit néanmoins entre les personnes intéressées une relation juridique
dont les conséquences sont perceptibles et traduisent le caractère
intermédiaire de la situation ainsi créée. Les solutions pratiques retenues
parle droit positif en témoignent amplement.
B . Les conséquences pratiques
247.- De la position selon laquelle l'engagement sous condition
suspensive ne donne pas naissance à l'obligation prévue tant que
l'événement suspensif n'est pas survenu découle une conséquence logique:
le bénéficiaire d'un tel droit ne peut pas s'en prévaloir. Ceci est vrai qu'il
s'agisse du rapport
obligatoire en général (1) ou du cas particulier des
contrats à effet réel (2).
1· Le créancier d'une obligation conditionnelle ne peut pas en
exiger le paiement
248.- Tant que la condition e~t pendante, il n'existe pas de lien
obligatoire entre les parties; le débiteur conditionnel ne doit rien et aucune
exécution n'est donc possible. Ce principe est clairement énoncé par l'article
)
Les auteurs modernes considèrent que le créancier conditionnel est dans une situation intennédiaire entre la
simple espérance qui n'est pas un droit et le droit pur et simple. Certains estiment qu'il a un droit éventuel
V. MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. II, n079, p. 73: MAZEAUD, t. Il, 1er vol., n01031 et 1032, p.
1100 et 1101 ; J.-J. TAISNE, thèse précitée, n° 290 et s., p. 405 et s ; J.-Cl., Civ. : art. 1181 à 1182,
N. Rep. : fasc. 47 ,no 17 et s.

- 233-
1181 alinéa 2 du Code civil qui dispose que «l'obligation ne peut être exécutée
qu'après l'événement". Il en résulte plusieurs conséquences esprimées par
la doctrine et la jurisprudence.
D'abord, la suspension résultant d'une condition suspensive interdit
au créancier d'agir contre le débiteur ; le lien obligatoire n'existant pas
encore, le créancier ne saurait être admis à exiger quoique ce soit d'une
personne qui ne lui doit rien et qui ne deviendra peut-être pas son débiteur l .
En conséquence, une obligation conditionnelle ne peut pas donner lieu à une
exécution forcée, ni à tout autre acte d'exécution ou de poursuite 2•
Spécialement, le créancier conditionnel ne peut procéder à des saisies-arrêts
entre les mains de son débiteur, ni engager une procédure de saisie-
exécution ou de saisie immobilière3. On peut tirer argument, en outre, des
articles 2243 du Code civil et 551 de l'ancien Code de procédure civile dont il
résulte que pour saisir, il faut avoir une dette, certaine, liquide et exigible, ce
qui n'est pas le cas des créances conditionnelles. Il faut cependant souligner
que la jurisprudence a parfois admis la saisie-arrêt en vertu d'une créance
conditionnelle, mais il n'a jamais été question de permettre au créancier
d'une telle obligation d'aller au-delà de la phase conservatoire de la saisie4 .
De même qu'il ne peut forcer le débiteur à l'exécution, le titulaire
d'une créance conditionnelle ne peut pas non plus intenter pendente
conditione une action en résolution pour inexécution par le débiteur de ses
obligations5. Par ailleurs, la Cour de cassation et une majorité de la doctrine
MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, 1. II, n078, p. 70 et 71 ; PLANlOL et RIPERT, 1. VII, n01030, p.
379; RIPERT et BOULANGER, 1. II, nO 1359, p. 474.
2
J.-J. TAISNE, thèse précitée, n0286, p. 401 ; J.-C1., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. : fasc. 47. n08 ;
PLANlOL et RIPERT, t VII, n01030. p. 379.
3
E. PUTMAN, thèse précitée, n° 339, p. 373 ; J.-J. TAIS NE, thèse précitée, n0286, p. 401 ; J.-C1.,
Civ.: art. 1181 à I182, N Rep.: fasc. 47, n08. Il faut toutefois souligner que la loi n091- 650 du 9 juillet
1991 portant réforme des procédures civiles d'exécul.i.on a notablement modifié le régime des voies
d'exécution et s'accompagne d'un changement de terminologie. Ainsi, à l'ancienne saisie - arrêt se
substitue la nouvelle saisie - attribution, à la saisie - exécution se substitue la saisie - vente. Il est par
ailleurs créé un juge de l'exécution. La réforme opère aussi l'abrogation d'un certain nombre de textes du
code civil et de l'ancien code de procédure civile, soit que les institutions aient disparu (ex: cession de
biens. demande de cautionnement de la saisie arrêt. saisie - brandon, saisie foraine. saisie gagerie, saisie
des rentes, saisie revendication), soit qu'elles aient été reprises dans le corps de la loi (ex : biens
insaissables, domaine de la saisie conservatoire) ; V. H. CROZE, La loi nO 91- 650 du 9 juillet 1991
portant réforme des procédures civiles d'exécution: les règles spécifiques aux différentes mesures
d'exécution forcée et mesures conservatoires, J.c.P. 1992. ed. G., 1. 3585 et ed. N., l, p. 229.
4
J.-J. TAlSNE, thèse précitée, n0286. p. 401.
5
Civ. 3e. 16 juillet 1980, Bull, civ., III, n0139, p. 103.

- 234-
dénient au créancier sous condition le droit d'exercer par VOle oblique,
conformément à l'article 1166 du Code civil, les actions de son débiteur l ; une
telle action est incompatible avec le caractère incertain de la créance dans la
mesure où elle est un préalable destiné à préparer et à faciliter d'ultérieures
saisies2 .
249.- Controversée est, au contraire, la question de savoir si le
bénéficiaire d'un engagement conditionnel peut intenter une action
paulienne pendant la période de suspension3• La Cour de cassation, appuyée
par une partie de la doctrine, en a refusé l'exercice au créancier
conditionnel 4 . Une telle action présenterait les caractères d'une voie
d'exécution5 et surtout suppose que la créance alléguée par le demandeur
soit antérieure à l'acte attaqué6 • Mais une solution inverse a été retenue par
certaines décisions du XIXe siècle qui ne voyaient dans cette action qu'une
mesure conservatoire7 et actuellement, nombre d'auteurs n'hésitent pas à
faire remarquer que la jurisprudence admettant assez facilement que
l'action paulienne soit intentée par des «créanciers en germe»8 ayant un
principe certain de créance 9 , il y a lieu de reconnaître au créancier
conditionnel le droit à contester un acte qui compromet les chances
d'exécution de son éventuelle créance 10.
En réalité, la position adoptée par les uns ou par les autres est
fonction de la conception qu'ils ont de l'action paulienne. Ceux qui n'y voient
Art. 1166 C. civ. : «Néanmoins, les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leurs
débiteurs, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne».
2
B. STARCK, Rép. dr. civ. Dalloz, V. Action oblique, n042; E. PUTMAN, thèse précitée, n° 339, p.
373 ; J.-J. TAISNE, thèse précitée, n° 286, p. 402 ; J.-Cl., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. : fasc 47,
n09 ; voir aussi Req., 25 mars 1924, D.H. 1924,282; S. 1924, 1.,67.
3
L'action paulienne ou révocatoire est prévue par l'art. 1167 al. 1er du Code civil et permet au créancier de
remettre en cause, à son égard. tout acte conclu par son débiteur aux fins de diminuer les chances de
recouvrement de la créance, V. P.-Y. GAUTIER, Rep. dr. civ. Dalloz, V., Action paulienne.
4
Civ. 1ère, 18 déc. 1957, D. 58, 224 ; Bull. civ., 1 n° 499.
5
PLANIOL et RIPERT, t. VII, n0995, p. 285 ; J.-J Ti\\ISNE, J.-Cl., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. :
fase. 47, n09 ; E. PUTMAN, thèse précitée, n0340, p. 373.
6
Civ., 20 juin 1849, D. 1850, 1,830; civ. 3e, 4 fév. 1971, J.c.P. 72, éd. G, Il, 16980 note DAGOT et
SPlTER1.
7
Rennes, 24 mars 1877 sous Req. 18 fév. 1878, S. 1878, l, 165; Paris, 10 déc. 1866, D. 1866,2,156.
8
P._Y. GAUTIER, Rep. dr. civ. Dalloz, V. Action paulienne, n033.
9
Civ. 1ère, 14 juin 1961, J.c.P. 61, ed. G. IV, 113 ; Bull, civ., l, n° 312, p. 246; civ. 3e, 23 Av. 1971
Bull. civ., III, n0255, p. 182 ; civ. 1ère, 17 janv. 1984, Bull. civ., L, n° 16, p. 14 ; R.T.D. civ. 1984,
p. 719, nOlO, obs. J.MESTRE.
10 E. PUTMAN, thèse précitée, n° 340 p. 373 ; P.- Y. GAUTIER, Rep. dr. civ. Dalloz,' V. Action paulienne
n033.

- 235-
qu'une simple mesure conservatoire l'accordent au créancier conditionneJl,
et ceux qui, en revanche, estiment qu'elle équivaut à un acte d'exécution et
suppose une discussion préalable des biens du débiteur pour établir son
insolvabilité, la lui refusent2. L'enjeu pratique de cette controverse est
d'ailleurs assez faible dans la mesure où il est admis qu'en raison de l'effet
rétroactif de la condition, l'action paulienne peut, après la réalisation de la
condition, être intentée contre les actes frauduleux passés durant la période
d 'incerti tude 3.
250.- L'impossibilité d'exécution s'applique aussi au débiteur.
Celui-ci ne peut contraindre le créancier à recevoir le paiement. Les offres
réelles ne sont valables, aux termes de l'article 1258 - 5e du Code civil, que si
la condition est accomplie4 • Par conséquent, si le paiement a eu lieu, même
volontairement, en ignorant l'existence de la condition ou en la croyant à tort
réalisée, le débiteur pourra répéter le montant conformément au droit
communS, alors que dans le cas symétrique, le débiteur à terme n'aura pas
d'action en répétition de l'indu 6 . De plus, puisque l'obligation ne peut être
exécutée, elle ne peut pas non plus s'éteindre par compensation 7.
251.- De l'impossibilité de procéder au paiement pe nde nte
conditione découle une autre conséquence, plutôt favorable au créancier: la
prescription extinctive ne court pas contre lui. En effet, la prescription
sanctionne l'inaction du créancier et on ne saurait reprocher au créancier
conditionnel une telle négligence alors qu'il lui est impossible d'exiger
l'exécution de la créance 8 . Ce principe est expressément posé par l'article
2257 du Code civil qui fait, de la sorte, application de l'adage «contra non
valentem agere non currit praescriptio»9.
l
E. PUTMAN, Lhèse précitée, n0340, p. 373.
2
J.). TAI5NE, J.-C1., Civ.: art. 1181 à 1182, N Rep. : fasc. 47, n° 9. Voir par exemple la motivation de
l'arrêt civ. 1ère, 18 déc. 1957, précité: «l'action paulienne présentant le caractère d'un acte d'exécution et
ne pouvant dès lors appartenir au créancier d'une obligation sous condition suspensive... ».
3
J.-J. TAI5NE, J.-C1., civ. : art. 1181 à 1182, N Rep. :tasc. 47, n09 ; E. PUTMAN, Lhèse précitée, nO
340, p.373.
4
MARTY, RA YNAUD et JE5TAZ, t. II, n078, p. 71 ; J .-J. TAI5NE, Lhèse précitée, n0286, p. 401 ; J.-
CI., Civ. : art. 1181 à 1182, N Rep. : fasc. 47, n07 ; E. PUTMAN, Lhèse précitée, n° 339, p. 373.
5
PLANIOL et RIPERT,l VII, n° 1030, p. 379; MARTY, RAYNAUD et JE5TAZ, l II, nO 78 s., p. 71;
MAZEAUD, t. II 1er voL, n° 1030, p. 1100 ; J. CARBONNIER, t. IV, n° 136, p. 256.
6
Art. 1186 du C. civ ..
7
MAZEAUD, t. II, 1er voL, n° 1030, p. 1100.
8
MARTY, RAYNAUD et JE5TAZ, l II, n078, p. 71.
9
«La prescription n'a pas couru contre celui qui a été empêché d'agir» ; V.H. ROLÂND et L. BOYER,
Locutions latines et adages du droit Français contemporain, II, n045, p. 158 et s.

- 236-
Ainsi le voit-on, la suspension résultant d'une condition suspensive
interdit à l'acte juridique de produire le moindre de ses effets normaux entre
les parties. Ceci se vérifie encore plus aisément dans le cas particulier des
contrats impliquant un transfert de propriété.
2· Le cas particulier des contrats translatifs de propriété sous
condition suspensive
Il existe une solution de principe cependant considérablement
altérée lorsqu'il y a stipulation d'une clause de réserve de propriété.
a) Les solutions de principe
252.- Lorsque l'obligation contractée sous condition suspensive
implique un transfert de propriété, tout se passe pendente conditione comme
s'il n'y avait rien entre les contractants. Le titulaire conditionnel du droit
réel n'en est pas encore investi et il est dans l'impossibilité d'en exercer les
attributs 1. Plusieurs conséquences pratiques en découlent ; elles sont
résumées par une formule d'Aubry et Rau, adoptée par la doctrine '
postérieure, selon laquelle «le vendeur ou le donateur sous une condition
suspensive conserve tant qu'elle n'est pas accomplie, non seulement le droit
d'administration, mais aussi celui de disposition, et demeure investi, tant
activement que passivement ,de toutes les actions possessoires et pétitoires
relatives à la chose vendue ou donnée»2.
il en résulte que l'aliénateur sous condition demeure propriétaire de
la chose3 dont
il conserve la possession et la jouissance ; il en perçoit les
fruits et en touche les loyers éventuels, même si c'est le créancier qui en est
locataire 4 . Nonobstant l'aliénation conditionnelle, l'aliénateur reste
l'administrateur de la chose et surtout conserve le droit d'en disposer. C'est
ainsi qu'il lui revient, en sa qualité de d~enteur de l'immeuble, d'accomplir,
1
J.-J. TAIS NE, thèse précitée, n° 288. p. 403; J.-Cl., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. : fasc 47, n° 12.
2
AUBRY et RAU, cité par J.-J. TAISNE. thèse précitée, nO 288, p. 403 ; J.-Cl ,Civ. : art. 1181 àl182,
N. Rep. : fasc. 47, nO 22.
)
WEILL et TERRE, Les obligations, n° 896.
4
J.-J. TAISNE,J -Cl., Civ.: art. 1181 à 1182, N. Rep.: fasc 47, n013; cependant, la Cour de cassation
tend à considérer que le fait pour un vendeur resté propriétaire pendenie conditione d'autoriser l'acquéreur à
occuper dès cette période l'immeuble vendu. sans plus de précisions. implique 'la gratuité de cette
occupation (Civ. 3, 18 déc. 1973, Bull. civ., III, nO 640, p. 466).

- 237-
le cas échéant, les formalités de purge d'hypothèques et c'est également
contre lui que doivent être dirigées les poursuites hypothécaires ainsi que la
saisie immobilière!. Tant que la condition est en suspens, il peut toujours
consentir sur la chose de nouveaux droits réels, soit en l'aliénant totalement
ou partiellement, soit en l'hypothéquant ou en la grevant de servitudes2• II
reste cependant que ces droits
seront menacés par la réalisation de la
condition dans la mesure où son effet rétroactif invalide les actes passés sur
la chose pendente conditione3 .
253.- Tenant compte de la non-réalisation du transfert de propriété,
l'article 1182 du Code civil établit des règles particulières en ce qui concerne
le problème des risques de la chose. La règle énoncée par l'article 1138 du
Code civil, elle-même dérogatoire au principe général 4 , est que dans un
contrat translatif de propriété, la chose passe aux risques de l'acquéreur
devenu propriétaire par le seul accord des volontés5. II n'en va pas ainsi
lorsque l'acte est affecté d'une condition suspensive ; il n'y a pas
déplacement des risques, lesquels demeurent à la charge de l'aliénateur6
qui perdrait le droit au prix si la chose périssait avant la réalisation de la
condition7• Cette solution est rationnelle dans la mesure où l'obligation sous
condition suspensive ne naissant que par l'accomplissement de la condition,
la propriété de la chose n'est point transportée avant la survenance de
l'événement conditionnant. L'aliénateur qui conserve la qualité de
propriétaire doit en conséquence assumer la charge des risques qui est liée
PLANIOL et RIPERT, t. VII, n° 1030, p. 380 ; J.-J. TAISNE, J.-C1., Civ. : arl 1181 à1182, N. Rep. :
fasc. 47, n013.
2
J.-J. TAISNE, note citée ci·dessus.
3
J.-1. TAISNE, J.-C1., Civ. : art. 1181 à 1182, N Rep. ; fasc. 47, nO 65.
4
Le principe est que lorsque dans un contrat synallagmatique, la force majeure rend impossible à l'un des
contractants l'exécution de sa prestation, l'autre est réciproquement dispensé des siennes; les risques sont
donc pour le débiteur de l'obligation inexécutée: res perit debilOri.
5
J. CARBONNIER, t. IV, n° 192, p. 3456 ; Ph. MALAURIE et L. AYNES, Les obligations, n0762, p.
414. Il faut cependant remarquer que cette règle est 6IOuvent écartée. D'abord parce que la preuve du cas
fortuit est à la charge de celui qui l'invoque (corn., 19 mars 1963, Bull. civ., III, n° 167;
D. 63, 345) ;
en outre les risques restent à la charge du vendeur lorsque le contrat le prévoit. Ensuite, le transfert de
propriété peut ne pas avoir lieu par le seul effet du contrat, ainsi en est-il dans les ventes de choses de
genre dans lesquelles le transfert de propriété, et par conséquent des risques, est reporté à la date de
l'individualisation de la marchandise. On peut également citer le cas de la clause de réserve de propriété qui
est devenue très pratiquée depuis que la loi du 12 mars 1980 l'a déclarée opposable à la faillite (V. infra
n° 254).
6
RIPERT et BOULANGER, t. II, n° 1361, p. 475 ; PLANIOL et RIPERT, t. VII, n° 1030, p. 379 et
380; J.-J. TAISNE, thèse précitée, n° 288, p. 399. V. Metz, 29 oct. 1980, J.c.P. 81, ed. G., II, 19615,
obs. J. GHESTIN.
'
7
Art. 1182 al. 1er.

- 23X-
au transfert de propriété. On comprend ainsi aisément l'arrêt de la Cour de
cassation qui en cas d'incendie d'un immeuble faisant l'objet d'une vente
sous diverses conditions suspensives et en particulier celle qui subordonne le
transfert de propriété à la signature de l'acte authentique, a décidé que, "les
acquéreurs n'étaient pas bénéficiaires de la garantie et créanciers de
l'indemnité

d'assurance»1. En effet, les risques étant à la charge du
propriétaire qu'était toujours le vendeur au moment où le sinistre s'est
produit, seul ce dernier était couvert par la police d'assurance souscrite par lui
et non encore transférée ce jour-Ià2 . Toujours en raison du fait que
l'aliénateur conserve la propriété de la chose, le délai de l'action en rescision
pour lésion ne court pas contre lui avant la dissipation de l'incertitude3.
253 bis.- Le non-déplacement de la propriété du fait de l'acquisition
conditionnelle prive corrélativement l'acquéreur de tout droit sur la chose.
C'est ainsi qu'il ne peut, en principe, en user ou en jouir, à moins qu'il n'ait
eu un accord contraire4 • Il doit souffrir éventuellement de la saisie de la
chose par le créancier de l'aliénateur et ne peut, en pareille situation,
demander la distraction de la chose5. Il ne peut pas davantage s'immisce!
dans l'administration du bien; aussi n'est - il pas admis à accomplir les
formalités de purge lorsque l'immeuble est grevé d'hypothèques6 . Il faut
également décider qu'il doit supporter les conséquences de la prescription
qui aura couru contre son auteur, sans même pouvoir ultérieurement, une
fois la condition accomplie, se prévaloir d'une cause de suspension ou de
prolongation de délai qui aurait existé en sa personne 7 • Cette solution
s'explique, selon Monsieur J.-J. Taisne, par le fait que le prescrivant tient
ses droits directement de la loi et non comme ayant cause de l'aliénateur, ce
qui fait que la propriété qu'il a usucapée n'est pas affectée par la condition8.
Par contre, le bref délai de l'action en garantie des vices rédhibitoires ne
1
Civ. 1ère, 20 novembre 1990, J.C.P. 1992, ed. G~)I. 21841, note M. DAGOT. Il faut préciser qu'aux
termes de l'art. L.121-1O du Code des assurances, l'assurance continue de plein droit au profit de
l'acquéreur en cas d'aliénation de la chose assurée, sauf dénonciation.
2
M. DAGOT, note sous Civ. 1ère, 20 novembre 1990, J.c.P. 1992, ed. G., II, 21841.
3
Civ. 1ère, 22 déc. 1954, D.54, 713, note MALAURIE ; Civ. 3e, Il déc. 1984, Bull. civ., III, n° 212, p.
166 ; J.c.P. 85, éd. G., IV, 73.
4
J.-J. TAISNE, 1.-CI., Civ. : art. 1181 à 1182, N Rep. : fasc 47, n014.
5
PLANlOL et RIPERT, LVII, nOI030, p 380.
6
J-J. TAlSNE, thèse précitée, n° 289, p. 400.
7
J.-J. TAlSNE, l.hèse précitée, n° 289, p. 403; AUBRY et RAU, t IV, § 302, p. 103, V. texte et note 50.
8
J.-J. TAlSNE, thèse précitée, n° 289, p. 403 note 199.

- 239-
court pas contre lui l .
Toutes ces solutions du droit positif démontrent à suffisance que la
condition suspensive, plus que toute autre cause de suspension, produit un
effet radical sur les rapports juridiques. Toutefois, l'insertion d'une clause
de réserve de propriété dans un contrat de vente crée une situation assez
originale entre les parties et modifie sensiblement les solutions énoncées ci-
dessus.
b) La clause de réserve de propriété
254.- Le principe de la réserve de propriété est simple: dans un
contrat de vente, l'aliénateur se réserve la propriété du bien vendu jusqu'au
paiement intégral du prix convenu. La clause de réserve de propriété
suspend donc le transfert de propriété, celui-ci ne s'opérant pas de façon
immédiate comme le veut le droit commun2•
Depuis que la loi du 12 mai 1980, puis celle du 25 janvier 1985, l'ont
tirée de son état végétatif en permettant désormais au vendeur impayé, en
cas de procédure collective de l'acheteur, de revendiquer le bien vendu ou le
prix provenant de sa revente3, la clause de réserve de propriété n'a cessé de
prospérer dans le droit français 4 . Parallèlement, sa nature juridique a
soulevé des controverses doctrinales et jurisprudentielles.
1
Poitiers, 28 juin 1873, D. 1874, 2,30.
2
V. article 1583 du Code civil.
3
Avant la loi du 12 mai 1980, bien que la licéité de la clause de réserve de propriété ne fût jamais remise
en cause, la jurisprudence refusait cependant de tenir compte de la qualité de propriétaire du vendeur en cas
de faillite du débiteur en déclarant cette stipulation imposable à la masse des créanciers (civ. 28 mars et 22
oct. 1934, D. 1934, l, 151, note VANDAMME ; S. 1935, 1,337, note ESMEIN). L'art. 121 al. 2 de la
loi du 25 janvier 1985 dispose: «Peuvent être revendiquées les marchandises, si elles se retrouvent en
nature, vendues avec une clause subordonnant le transfert de propriété au paiement intégral du prix... » (V.
aussi; article 122 de la même loi).
..
4
En témoigne l'abondante bibliographie consacrée à cette question, on retiendra: Y. CHAPUT, La clause
de réserve de propriété, J.c.P. 1981, éd. G.,I, 3014 et éd. c.l. Il. 13444; F. DERRIDA, La clause de
réserve de propriété et le droit des procédures collectives, D. 1980, Chf., 293; DUGUET, La réserve de
propriété, G.P. 1980, 1 doc., 297 ; J. GHESTIN, Réflexions d'un civiliste sur la clause de réserve de
propriété, D. 1981, Chf., 1 ; GUYENOT et FREZY, La clause de réserve de propriété en droit français et
anglais, Petites affiches, 19 juillet 1985, p. 33; A. GHOZI, Nature juridique et transmissibilité de la
clause de réserve de propriété, D. 1986, chf., 317 ; R. JUAN, Quatre ans de jurisprudence sur la clause de
réserve de propriété (1984-1987), Cahiers de droit des entreprises 1987, n04, p. 14; E. PEROCHON, La
réserve de propriété et les meubles corporels, L.l.T.E.C. 1988; Th. M. MARGELLOS, La protection du
vendeur à crédit d'objets mobiliers à travers la clause de réserve de propriété (étude de droil comparé), thèse
Strasbourg, 1983 (L.G.D.J. - 1989).

- 240-
Tous les éléments du problème ont été déjà amplement analysés par
la doctrine l ; rappelons simplement que la question essentielle est de savoir
si la clause de réserve de propriété soumet l'obligation du vendeur de
transférer la propriété 2 à une condition résolutoire, à une condition
suspensive, ou à un terme, avec les conséquences qui s'en suivent.
En réalité, la réponse à cette question nous importe peu, tant les
conceptions varient d'un auteur à un autre, d'une décision à une autre3. Il
s'agit surtout d'évaluer les conséquences de la non - réalisation du transfert
de propriété malgré la tradition du bien, et d'établir un parallèle avec les
solutions énoncées précédemment.
En ce qui concerne les risques, il y a application de la règle «res perit
domino». Le transfert de propriété n'ayant pas eu lieu avec la conclusion de
la vente, les risques pèsent sur le vendeur demeuré propriétaire du bien4 .
Cette solution est assez sévère pour le vendeur qui, bien qu'ayant perdu le
contrôle de la chose, doit néanmoins en garantir le bon état. C'est sans doute
la raison pour laquelle cette règle admet la clause contraire - devenue
d'ailleurs de style5 - de sorte qu'il puisse y avoir dissociation du transfert de
propriété et de la charge des risques: par exemple, nonobstant la réserve de
propriété, les risques sont attribués par la convention à l'acquéreur.
1
V. J. GHESTIN, article précité; A. GHOZl, article préciLé ; E. PEROCHON, thèse précitée.
2
V. P. BLOCH, L'obligation de transférer la propriété dans la vente, R.T.D. Civ. 1988,673; cet auteur
pose notamment la question de l'existence d'une obligation de transférer la propriéLé dans la vente.
3
J. GHESTIN, article préciLé, D. 1981, Chr., p.l et s, n05 ,est favorable à la qualification de terme; dans
le même sens: ACQUA VIV A et BACROT, La clause de réserve de propriété en droit des affaires, G .P.
1980,2, doc., p. 526, n° 19 et 32 ; Y. CHAPUT, article précité, J.c.P. 81, l, 3017, n016 ; HOUIN,
LEGAL et SOINNE, in R.T.D. civ. 1980,838, n° 5 ; MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, Sûretés et
publicité foncière, Sirey, éd. 87, n0529 p. 349 ; A. GHOZI, article précité, D. 1986, chr., 318 ; P.
BLOCH, article précité, R.T.D. civ. 1988, n° 68 p. 700. Sont, au contraire, favorables à la condition
suspensive: J. VANDAMME, note D. 1934, 1, 151 '!" V. Corn., 1er oct. 1985, Bull. civ., IV, n0222 ;
D. 86,246, note F. DERRIDA; Versailles, 20 mai 1987, D. 88, somm., 8, obs. F. DERRIDA; Metz,
29 oct 1980, D. 81, 138, note GUYON. Compr. avec la solution proposée par Ph. MALAURIE et L.
AYNES, Les obligations, précité, , nOl109 in fine: «la clause de réserve de propriété dans la vente
constitue un terme ou une condition selon que les parties ont, ou non, jugé incertain, lors du contrat, le
paiement».
4
MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, Sûretés et publicité foncière, n0550, p. 350 ; Ph. MALAURIE et L.
AYNES, Sûretés et publicité foncière, n° 755, p. 273 et 274 ; Les obligations, n° 762, p. 415 ; V. aussi
Corn., 19 oct. 1982, D. 83, l.R, 12 ; Bull. civ., IV, n° 321 ; R.T.D. civ. 84, 515, note J. HUET ;
Corn., 29 nov. 1979, Bull. civ., IV, n° 300 ; D. 80, l.R., 571 ; J.c.P. 81, II, 19615, note J.
GHESTIN; Metz, 29 OCI. 1980, D. 80, 140, note Y. GUYON.
.
5
MALAURIE et AYNES, Sûretés et publicité foncière, n0755, p. 274.

- 241-
En revanche, s'agissant des pouvoirs que chacune des parties peut
exercer sur les marchandises livrées mais non payées, la règle est plus
difficile à déterminer. Théoriquement, l'acheteur ne peut rien faire des
marchandises livrées avant d'en avoir payé le prix, donc d'en être devenu
propriétaire; tous ces pouvoirs reviennent en principe au vendeur, demeuré
propriétaire 1. Mais en pratique, il serait injustifié d'interdire à l'acheteur
détenteur des marchandises l'usage de celles-ci, sinon la livraison n'aurait
plus aucun intérêt pour lui 2• Cet usage peut même aller jusqu'à leur
incorporation, soit dans les stocks, soit dans un immeuble ou un autre
meuble, ou encore jusqu'à leur transformation3 . On admet même que
l'acheteur qui n'a pas encore payé le prix des marchandises puisse aller
jusqu'à les revendre à un tiers, lequel sera protégé de toute revendication
par le principe de l'article 2279 du Code civi1 4.
En conclusion, la clause de réserve de propriété
crée entre
l'acquéreur et l'aliénateur une situation assez originale dérogeant aux
conséquences habituellement attachées au transfert de propriété. L'acheteur
exerce, dans cette hypothèse, d'importants pouvoirs qui débordent largement
ceux dont jouit un créancier conditionnel ordinaire. En effet, la condition
suspensive entrave considérablement le processus de constitution des droits
de telle sorte que, tant qu'elle n'est pas réalisée, ceux-ci sont supposés n'être
jamais nés5.
Tel n'est pas le cas du terme suspensif qui n'affecte pas la naissance
des créances, lesquelles existent bel et bien dès la conclusion du contrat,
mais difière seulement le moment à partir duquel elles seront dues.
§4, - Le sort des obligations engendrées par un engagement à
terme
256.- Toutes les obligations,'" par principe, sont susceptibles
d'exécution immédiate dès leur formation. Mais ce principe est souvent
1
V. Supra n° 253.
2
J. GHESTIN, article précité, D. 1981, chr., 1, n° 24.
3
V. note précédente.
4
En effet, la possession, dès l'instant qu'elle est de bonne foi, c'est-à-dire que l'acquér~ur ignorait la clause
de réserve de propriété, fait présumer qu'il est propriétaire (art. 2279 du Code civil).
5
V. supra n° 244 et s.

- 242-
contrarié; l'institution d'un terme suspensif, entre autres mécanismes
juridiques, bat en brèche cette règle. La créance qui en est affectée, bien que
déjà formée du seul fait de l'accord des volontés, demeure fermée à une
exécution immédiate. Elle est imparfaite!.
Cet effet du terme est mieux expliqué par la doctrine allemande;
celle~ci considère en effet que l'obligation comporte deux éléments, un devoir
d'exécution (Schuld) et une contrainte potentielle permettant de passer à
l'exécution (Haftung)2. Une obligation, tant qu'elle ne rassemble pas ces
deux caractéristiques n'a pas accès à la plénitude des prérogatives qui s'y
attachent. C'est ainsi que la créance à terme ne peut produire aucun effet
avant l'échéance ; elle est inexigible pendant l'intervalle qui sépare sa
constitution et l'arrivée du terme fixé (A). Cette règle suscite du reste
d'importantes conséquences pratiques (B).
A - L'inexigibilité de l'obligation à terme
257.- Le terme suspensif, à la différence de la condition, n'influe
pas sur la naissance de l'obligation, il retarde seulement son exigibilité3(l).
Il convient cependant de noter que cette notion d'exigibilité n'a pas des
contours bien définis (2).
1 - Exposé du principe
258.- L'obligation qui comporte un terme suspensif ne peut être
exécutée immédiatement; l'exécution doit en être différée tant de la part du
créancier que du débiteur. C'est ce qui résulte de la combinaison des articles
1185 et 1186 du Code civil.
En effet, le report de l'exigibilité est la caractéristique principale de la
créance à terme4 . Tant que l'échéance n'l"est pas encore arrivée, le créancier
!
V. supra nO 242.
2
V. E. PUTMAN, thèse précitée, n° 496, p. 599 ; J-Ch. BOULAY, Réflexion sur la notion d'exigibilité,
R.T.D. Corn 1990,339, n04.
3
V. art. 1186 du Code civil.
4
PLANIOL el RIPERT, l. VII, n° 1005, p. 343 ; RIPERT el BOULANGER, l. II, n01495, p. 512 ;
MAZEAUD, l. II, 1er vol, nO 1019, p. 1096 ; F. DERRIDA, Rep. Dalloz civ. V. Terme, n°2} ; E.
PUTMAN, thèse précitée, n° 578, p. 679 ; Ph. MALAURIE el L. AYNES, Les ob1igarions, nO 1103, p.
619.

- 243-
ne peut réclamer le payement, ni recourir aux mesures d'exécution. Le
terme se présente ainsi comme une exception accordée au débiteur, un
moyen de défense au fond qui lui permet de s'opposer à la demande
d'exécution présentée par le créancier avant l'échéance l . Le terme suspensif
a donc, comme la condition suspensive, un effet capital sur l'exécution qui
ne peut intervenir immédiatement. C'est pour exprimer cet état de chose
qu'on associe le terme suspensif à l'adage «qui a terme ne doit rien»2.
Toutefois, à la différence de l'obligation conditionnelle, l'obligation à
terme possède plus de vitalité. Bien qu'étant inexigible avant l'échéance, elle
n'existe pas moins dès l'accord des parties. Le terme n'empêche pas, en
effet, la naissance immédiate de la dette. Il n'est un obstacle ni à la
formation du contrat, ni à l'existence de l'obligation, il diffère simplement la
date à partir de laquelle son exécution peut être réclamée3.
De cette situation inachevée, le droit positif tire un certain nombre de
conséquences pratiques qui seront examinées plus loin. Toutefois, la notion
même d'exigibilité sur laquelle repose, à l'évidence, toute appréciation de ,
l'étendue des effets du terme suspensif semble mal cernée dans sa
configuration, d'où la nécessité d'en définir les contours.
2 - L'exigibilité, une notion controversée
259.- A priori, l'exigibilité est une notion évidente et d'utilisation si
courante qu'elle se passerait de définition. D'ailleurs, ni le Code civil, texte
par excellence des définitions, ni les éminents représentants de la doctrine
classique, n'esquissent la moindre tentative de définition de cette notion
pourtant souvent évoquée. Il ne faut cependant pas s'y tromper; l'exigibilité
est au contraire une notion assez imprécise qui a donné lieu, récemment
...
1
Civ., 22 juil. 1897, D.P. 97, l, 614 ; F. DERRIDA, article précité, nO 22 ; PLANlOL et RIPERT,
LVII, nOlO05 p. 343 ; RIPERT et BOULANGER, 1. II, nO 1495, p. 512.
2
MAZEAUD, 1. Il, 1er vol., nO 1020, p. 1096 ; B. STARCK, 1. Il, nO 1087, p. 447. Pour davantage
d'éclaircissements sur cet adage, V.H. ROLAND et L. BOYER, Locutions latines et adages en droit
français contemporain, Il, n0226, P. 328. Il convient cependant de signaler que la plupart des auteurs
contestent la pertinence de cet adage qu'ils estiment erroné: V. auteurs ci-dessus cités.
3
D. VEAUX ,J.-C1., Civ. : art. 1185 à 1188, N Rep. : fasc. 50 à 52, nO 44 et s. ; Ph. MALAURIE et L.
AYNES, Les obligations, nOIl03, p. 619; MAZEAUD, 1. II, 1er vol,. nO 1020, p. 1096. Celle solution
est clairement formulée par l'article 1185 du C. civ.

- 244-
encore, à d'intéressantes réflexions doctrinales l .
Deux conceptions coexistent : il y a, d'une part, une approche
exclusivement temporelle qui, d'une manière générale, identifie l'exigibilité
à l'échéance (a), et d'autre part, une conception plus poussée qui, tout en
admettant que l'échéance est un des paramètres qui concourent à la
détermination de l'exigibilité, y intègre également le pouvoir de contrainte
(b). Ces deux conceptions ne sont cependant pas à l'abri de critiques (c).
a) L'équation, exigibilité =échéance
260. -
Le
système
contractuel
français
est
fondé
sur le
consensualisme,
c'est-à-dire
que
l'accord
des
volontés
forme
instantanément le contrat et ce dernier porte en lui-même une force
obligatoire immédiate. Ce postulat engendre le principe de l'immédiateté de
l'obligation signifiant que son exécution peut être exigée dès la création du
lien obligatoire2. Les parties peuvent cependant convenir que l'exécution
sera différée jusqu'à une date ultérieure par l'institution d'un terme; de ce
fait, l'exigibilité est considérée comme la notion qui traite du «décalage dans
le temps entre la naissance de l'obligation et sa mise en exécution,,3.
En effet, dans l'acception classique, l'exigibilité est manifestement
liée à l'échéance du terme. L'obligation exigible est définie comme celle qui
n'est pas affectée d'un terme suspensif. Il est parfois fait mention de la
créance conditionnelle, mais uniquement pour marquer que dans cette
hypothèse, l'exigibilité est subordonnée à la réalisation de la condition4 .
Ainsi, lorsqu'ils évoquent l'exigibilité des créances comme condition du
paiement ou de la compensation, les auteurs l'opposent au terme non échu5.
Cette
assimilation
est
d'ailleurs
confirmée
par
l'admission
de la
V. J.-Ch. BOULAY, article précité, R.T.D. corn. 1990, p. 339 et s; E. PUTMAN, thèse précitée, n°
498 et s., p. 600 et s.
2
MAZEAUD, 1. Il, 1er vol., nO 906, p. 1011 ; J.-Ch. BOULA Y, article précité, n09.
3
J.-Ch. BOULA Y, article précité, n02.
4
RIPERT et BOULANGER, 1. Il, nO 1030, p. 668 ; E. PUTMAN, thèse précitée, nO 570, p. 670 ; J.-Ch.
BOULAY, article précité, n° 2 ; Vocabulaire juridique, Ass. H. Capitant publié sous la direction de G.
CORNU, V. Exigibilité, p. 332.
5
MAZEAUD, 1. Il, 1er vol., nO 1149, p. 1191 : <<les deux dettes doivent être échues ... » ; COLIN et
CAPITANT, 1. 11, nOl557 p. 871 : «La compensation ne peut se produire "qu'au moment de
l'échéance... ».

- 245-
compensation avec une dette assortie d'un délai de grâce car, explique-t-on,
le terme de grâce ne suspend pas l'exigibilité de la dette l .
261.- Vue sous cet angle, l'exigibilité est considérée exclusivement
sur le plan temporel, dans la mesure où c'est par l'écoulement d'un délai
qu'une dette devient exigible. Cette conception a cependant été jugée
réductrice par la doctrine moderne2 . Pour ces auteurs, l'exigibilité se
définissant par la qualité d'une chose qui peut être exigée, ce serait le signe
d'un appauvrissement conceptuel que de lier cette qualité à la seule
survenance d'un terme. Or, comme l'a savamment expliqué la doctrine
allemande, la créance
comporte à la fois un élément devoir et un élément
contrainte3 sans lequel aucune exécution forcée n'est possible4 • Dette et
contrainte sont donc associées et la notion d'exigibilité doit être marquée par
cette bipolarité, car le concept de dette exigible porte en lui-même
la
référence à une certaine forme d'exécution forcée. C'est pourquoi il a été
proposé de se départir de l'acception courante afin de concevoir une
définition rénovée intégrant le pouvoir de contrainte comme composante
nécessaire de la notion d'exigibilité.
b) Une nouvelle approche de la notion d'exigibilité
262.- Partant du constat que la relation quasi-exclusive établie dans
le langage juridique courant entre exigibilité et échéance n'est pas
satisfaisante, Monsieur J.-Ch. Boulay, dans un excellent article récemment
publiés, propose de dépasser cette approche et de considérer le pouvoir de
contraindre le débiteur à l'exécution comme un critère nécessaire de
l'exigibilité. De son point de vue, la créance exigible est celle qui est
susceptible d'exécution forcée6. La notion d'exigibilité porte donc en elle
l'idée de menace immédiate, elle évoque l'imminence d'un passage à la
coercition et implique que la créance présente toutes les qualités requises
...
PLANIOL et RIPERT, 1. VII, n° 1286, p. 692 et 696; MAZEAUD, 1. II, 1er vol., n° 1149, p. 1191 ;
E. PUTMAN, thèse précitée, n° 502, p. 603.
2
J.-Ch. BOULAY, article précité, R.T.D. Corn. 90, p. 339 ; E. PUTMAN, thèse précitée, n° 498 et s.,
p. 600 et s., qui y consacre de très longs développements.
3
V. supra n° 256.
4
Les dettes sans contrainte ne sont que des obligations naturelles. V. MAZEAUD, 1. II, 1er vol., n025, p.
17, B. STARCK, 1. II, n° 1831 et s.. p. 755; Ph. MALAURIE et L. AYNES, précité, n°n1 p. 512.
5
J.-Ch. BOULAY, Réflexion sur la notion d'exigibilité, RT.D. Corn. 1990, 339 et s:
6
J.-Ch. BOULAY, article précité, n° 71.

- 246-
pour ce faire. Il Y a dans la notion d'exigibilité un aspect comminatoire qui
ne se limite d'ailleurs pas seulement à la mise en oeuvre des modes usuels
d'exécution forcée; la
menace de la perte de la chose ou de la résolution
d'un contrat y contribue également, car elle constitue un péril susceptible de
forcer le débiteur à exécuter ce qu'il doit. La créance exigible est donc celle
qui réunit les qualités propres à permettre le paiement par la compensation
ou par la mise en oeuvre des voies d'exécution ou à justifier la résolution du
contrat. De ce fait, elle se trouve parée de tous les attributs nécessaires à sa
mise en exécution 1. Certes, l'action du créancier peut encore se heurter à
des moyens de fond ou à l'insolvabilité du débiteur, mais il dispose
désonnais d'un droit qui a triomphé des entraves légales et conventionnelles
à sa mise en oeuvre.
Ainsi conçue, l'exigibilité de la créance peut rencontrer des obstacles
juridiques autres que le terme suspensif et même après l'échéance de celui-
ci2. En effet, l'impossibilité dans laquelle serait le créancier à terme échu de
mettre en oeuvre une quelconque sanction est antinomique de la notion
d'exigibilité. Il faudrait dans ces conditions, et pour ne pas jouer avec les
mots, dissocier l'exigibilité et le tenne et considérer que la créance n'est pas
exigible bien qu'elle soit échue. Le vocable exigibilité exprimerait alors l'état
d'une créance qui permet au créancier de «manière discrétionnaire et
immédiate» de forcer le débiteur au paiement3 . En un mot, l'exigibilité
consacrerait l'état d'une créance
parvenue à maturité
et dont le
recouvrement ne dépend plus que du bon vouloir du créancier.
263.- Cette analyse, tout en remettant en cause certaines
affirmations largement répandues 4 , est plutôt
conforme à la logique.
Comment considérer comme exigible quelque chose dont l'exécution ne peut
être réclamée et obtenue? Tant que subsiste quelque obstacle juridique que le
débiteur pourrait opposer à la demande du créancier, il paraît justifié de ne
...
point tenir la créance comme exigible. Cette conception rejoint d'ailleurs, à
1
J.-Ch. BOULAY, article précilé, n074.
2
E. PUTMAN distingue les obsUlcles directs (terme, délai de grâce, moralOire) et les obstacles indirects que
constitueraient la liquidité, la certitude de la créance, etc., (V. thèse précitée, n0568, p.669 et s.),
J.-Ch. BOULA Y cite la mise en demeure et le délai de grâce, qui paralysent l'exécution forcée après
l'échéance, article précilé.
3
J.-Ch. BOULA Y, article précité, non.
,
4
Ainsi, en se plaçant de ce point de vue, on devrait remettre en cause l'affirmation selon laquelle de délai de
grâce n'affecte pas l'exigibilité de l'obligation.,

- 247-
peu de choses près, celle qUI a été proposée par Monsieur E. Putman qUI,
s'inspirant de la définition donnée à l'exigibilité par le droit fisca}!,
considère l'exigibilité comme «le droit pour le créancier de réclamer le
paiement sans que le débiteur puisse lui opposer un obstacle juridique))2. Ce
qui revient à l'exigence de la «voie libre)) pour passer aux mesures de
contrainte formulée par Monsieur J.-Ch. Boulay.
c) Appréciation critique
264.- Cette dernière conception ne nous semble pas mieux cerner la
notion d'exigibilité. Certes, elle présente l'avantage du pragmatisme et de la
clarté dans la mesure où elle permet de détacher nettement l'exigibilité de
l'échéance. Mais, elle omet que l'exigibilité constitue en réalité l'ultime
étape dans le processus de formation de la créance et entretient, par
conséquent, une confusion entre l'exigibilité et l'exécution qui, elle, relève
essentiellement des faits. En effet, une fois que la créance est devenue
exigible, l'exécution peut en principe avoir lieu; le créancier est désormais
admis à user de toutes les procédures et voies d'exécution prévues par le
Code de procédure civile. Mais ceci n'exclut en rien que l'obtention de cette -,
exécution puisse se heurter à d'autres obstacles. On a déjà cité l'obstacle de
fait que constitue l'insolvabilité du débiteur. D'autres obstacles juridiques
peuvent même apparaître après que la créance est devenue exigible; on peut
citer le bénéfice d'un délai de grâce ou d'un moratoire qui interdit les
mesures d'exécution forcée. Dans ces cas, l'exigibilité n'est pas mise en
cause, car l'exécution forcée n'en est qu'une conséquence parmi d'autres.
D'ailleurs, le paiement peut d'ores et déjà s'effectuer par d'autres voies, telle
par exemple la compensation, et les intérêts moratoires peuvent commencer
à courir.
Il convient donc en fin de compte de souscrire à la première
conception tout en l'assouplissant, car l'exigibilité ne correspond pas tout à
fait à l'échéance. C'est la dernière phase du processus de constitution des
créances qui se déclenche, soit immédiatement après la naissance de la
dette si celle-ci est pure et simple, soit à l'échéance du terme s'il s'agit d'une
L'arùcle 269 du C.G.L, à propos de la T.V.A., définill'exigibililé comme «Le droit que le Trésor public
peutfaire valoir, à partir d'un moment donné, auprès du redevable pour obtenir le paiement de la taxe».
2
E.PUTMAN, thèse précilée, n0503, p. 605, in fine el n0568. p. 669.

- 24H-
obligation à tenne. C'est dans ce dernier cas que la notion d'exigibilité tend à
se confondre avec celle d'échéance du terme dans la mesure où, en pratique,
les deux instants semblent concomitants.
Quelle est cependant, dans la pratique, l'incidence réelle de
l'inexigibilité de la créance à tenne sur son régime juridique?
B - Conséquences pratiques de l'inexigibilité de la créance à terme
265.- Le principe de l'inexigibilité de la créance assortie d'un terme
suspensif a pour conséquence principale d'interdire au créancier de forcer
le débiteur à l'exécution avant l'échéance (1). Ce qui rend, par contrecoup,
toute action tendant à cette fin imprescriptible (2).
1- L'impossibilité de forcer le débiteur au paiement
266.- De ce que le terme affecte l'exigibilité de l'obligation, on déduit
que le créancier ne peut en réclamer le paiement. En effet, le créancier
d'une créance à terme ne peut pas engager avant l'échéance des poursuites
judiciaires tendant à obtenir l'exécution) ; toute demande formée pendant la
période de suspension doit être déclarée non recevable2 ,alors même que la
dette serait devenue exigible dans l'intervalle de l'introduction de l'instance
et le jugement3 . Il en va de même, à plus forte raison, de l'action en
résolution du contrat synallagmatique fondée sur l'article 1184 du Code civil,
car on ne peut pas reprocher au débiteur l'inexécution de son obligation
alors qu'elle n'est pas encore exigible4•
En outre, la doctrine classique a toujours considéré qu'un créancier
ne saurait, avant terme, obtenir un jugement de condamnation même s'il
n'entend l'exécuter qu'après l'arrivée de l'échéance5 . Cependant, cette
solution semble remise en cause par les ;uteurs plus récents qui proposent
)
V. article 1186 du C. civ.
2
PLANIOL el RIPERT, !. VII, n° 1005, p. 343 ; D. VEAUX., J.-Cl., Civ. : an. 1185 à 1188, N. Rep. :
fasc. 50 à 52, n058.
3
Civ., 22 juill. 1897, D.P.97, 1,614.
4
D. VEAUX, 1.-Cl., Civ. : an. 1185 à 1188, N. Rep. : fasc. 50 à 52, n058.
5
PLANIOL et RIPERT, l. VII, n° 1005, p.343 ; DEMOLOMBE, Traité des contrats, i. Il, n0617, cité par
E. PUTMAN., lhèse précitée, n° 586, p. 688.

- 249-
de permettre au créancier à terme, lorsqu'il a juste motif de craindre que le
débiteur ne conteste la réalité de la dette, de faire reconnaître son droit en
justice, quitte à reporter sa réclamation de paiement à la date où le terme
sera normalement échu 1. D'ailleurs, et apparemment à cette même fin de
préserver ses intérêts, le créancier est autorisé à intenter des actions en
résolution et en dommages et intérêts avant terme lorsque le débiteur a
manifesté nettement sa volonté de ne pas payer2• De telles actions se
rapprochent d'ailleurs des mesures conservatoires à la mise en oeuvre
desquelles le créancier à terme est admis3 ; ce qui renforce le camp de ceux
qui considèrent que le terme suspensif n'est pas un obstacle à leur exercice.
267.- Tant que court le terme, le créancier ne peut pas non plus
accomplir des actes d'exécution sur les biens du débiteur tels par exemple
une saisie immobilière ou une saisie exécution4 . En effet, la nature même
d'une dette à terme exclut l'exercice de toute voie d'exécution et l'article 551
du Code de procédure civile implique cette solutions. On relève cependant des
hésitations de la jurisprudence en ce qui concerne les saisies ayant un
caractère partiellement ou entièrement conservatoire. C'est ainsi que la
Cour de cassation semble n'imposer l'exigibilité de la créance pour la saisie-
arrêt qu'au moment du jugement de validité de la saisie qui marque le
passage de la phase conservatoire à la phase exécutoire 6. Ce qui permettrait
au créancier à terme d'engager une procédure de saisie-arrêt avant
l'échéance mais sans pouvoir la conduire jusqu'à son terme, à moins que
l'échéance n'intervienne avant le jugement de validité? Au contraire, les
cours d'appel paraissent plus exigeantes dans l'ensemble en imposant au
E. PUTMAN, thèse précitée, nO 585 et s., p. 687 et s. ; F. DERRIDA, Rep. Dr. civ. Dalloz, V. Tenne,
n~2.
2
Trib. corn. Le Havre. 24 nov. 1934, Rec. Le Havre 1935, 1,68, cité par E. PUTMAN, thèse précitée,
n0685 p. 685, note 51 ; PLANI0L et RIPERT, t. VIl, nO 1005, p. 344, note 1. Rappelons qu'avec la loi
du 9 juillet 1991, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 1993, la saisie - exécution a été remplacée par
la saisie vente, tandis qu'à la saisie - arrêt s'est substituée la saisie-attribution.
3
V. infra n° 308.
...
4
D. VEAUX, J.-Cl., Civ. : art. 1185 à 1188, N. Rep. : fasc. 50 à 52, n050 ; PLANI0L et RIPERT, t.
VII, nOI005 p. 344.
5
«Il ne sera procédé à aucune saisie mobilière ou immobilière qu'en vertu d'un texte exécutoire et pour des
choses liquides et certaines: si la dette exigible n'est pas une somme d'argent, il sera sursis, après la
saisie, à toutes poursuites ultérieures, jusqu'à ce que l'appréciation en ait été faite».
6
D. VEAUX, article précité, n° 50 ; PLANI0L et RlPERT, t. VII, n° 1005, p. 344 ..
?
Civ., 15 av. 1942, D.C. 1943,9, note CEZAR-BRU : cet arrêt consacre fonnellement cette solution
pour la condition de liquidité et la doctrine l'étend à la condition d'exigibilité (D. VEAUX, J.-Cl., Civ. :
an. 1185 à 1188, N. Rep. : fasc. 50 à 52, n° 50) ; V. aussi Civ. 1ère, 15 av. 1970, Bnll. Civ., 1, n° 124,
R.T.D. civ. 71, p. 208, obs. p. RAYNAUD.

- 250-
créancier de justifier d'une créance exigible dès le début de la procédure et
décident que l'échéance intervenue avant le jugement de validité ne permet
pas de régulariser a posteriori la procédure!. La solution est cependant plus
nette en ce qui concerne la saisie conservatoire qui reste ouverte au
créancier, comme d'ailleurs toutes les mesures uniquement conservatoires,
étant donné qu'elle ne peut pas aboutir à une exécution forcée 2 .
De même qu'il est privé des mesures d'exécution, le créancier à
terme ne peut pas davantage procéder à des mesures préparatoires à cette
exécution 3. Aussi lui est-il refusé l'exercice de l'action oblique. A plus forte
raison doit lui être interdit l'exercice de l'action paulienne qui est beaucoup
plus lourde de conséquences en ce qu'elle entraîne la révocation d'un acte
frauduleux que le débiteur n'aurait pas pu obtenir lui-même, alors que
l'action oblique entraîne seulement une exécution forcée que le débiteur
aurait pu demander lui-même. Cette solution est affirmée par l'ensemble de
la doctrine qui est suivie en cela par la jurisprudence4 .
Par ailleurs, la compensation étant pour le créancier un moyen
indirect d'imposer le paiement à son débiteur en refusant d'aquitter les
dettes qu'il a, de son côté, à son égard,
il est affirmé qu'une obligation à
terme ne peut pas se compenser avant l'échéance avec une obligation pure et
simple. L'article 1291 alinéa 1er du Code civil ne prévoit la compensation
qu'entre deux dettes «également liquides et exigibles»5.
L'adjonction d'un terme suspensif à une créance prive donc celui qui
en bénéficie des moyens de la faire exécuter tant que l'échéance n'est pas
arrivée. Il faut toutefois souligner que dans le cas particulier du terme
stipulé dans l'intérêt
exclusif du créancier, celui-ci peut avant terme
Grenoble, 26 mai 1882, S. 83, 2,84 ; Paris, 10 nov. 1896, D.P. 97, 2 188; V. aussi Riom, 1er ch., 1er
fév. 1982, Juris.-Dara, n040228, cité par D. VEAUX. article précité, n050.
2
Mais il ne faut pas oublier que Je juge ne doit autoriser cette saisie «qu'en cas d'urgence et si le
recouvrement de la créance semble en péril» (article 48 al. 1er Code Pr. civ.), ce qui exclut la plupart des
créanciers dont le terme est quelque peu éloigné, hormis les cas de déchéance.
3
De même, s'il s'agit d'un droit sous condilion suspensive,son titulaire ne peut pas non plus procéder aux
mesures préparatoires de l'exéculion que sont l'action oblique et l'action paulienne, V. supra nO 248 et
249.
4
MAZEAUD, t. Il, 1er vol. n0998, p. 1080; J. CARBONNIER, t. IV, n0366 et 367, p. 639 ; V. Lyon.
Il fév. 1943, J.c.P. 43, II, 2283.
5
VEAUX, l-Cl., Civ. : art. 1185 à 1188, N. Rep. : fasc. 50 à 52, n060. ; MAZEAUD, t. Il, 1er voL,
nOlO19, p. 1096; MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. 11. nOSI, p. 49.

- 2S \\-
procéder à des mesures d'exécution forcée puisqu'il ne dépend que de lui d'y
renoncer et de lever l'obstacle à l'exécution.
2· L'imprescriptibilité des actions en exécution de la creance à tenne
268.- Certains auteurs soutiennent que la prescription court à
partir du jour où naît le droit de créance l . Mais à vrai dire, cela ne
correspond pas véritablement à la finalité de la prescription extinetive. TI est
en effet permis de penser que la prescription extinctive porte en réalité plutôt
sur l'action en justice que sur le droit lui-même2 . On peut donc dire que la
prescription extinctive commence à courir au moment où l'action en justice
est susceptible de s'exercer.
En conséquence, le créancier à terme ne pouvant agir valablement
en justice avant l'échéance, la prescription de toutes les actions tendant au
paiement forcé ou à la résolution pour non-paiement ne doivent commencer
à courir qu'à l'arrivée du terme. Cette règle est d'ailleurs contenue dans
l'article 2257 alinéa 3 du Code civil. Selon cette disposition, la prescription ne
court point «à j'égard d'une créance à jour fixe, jusqu'à ce que ce jour soit
arrivé». En effet, la prescription extinctive n'est concevable que contre un
créancier négligent qui pourrait agir, mais qui ne le fait pas3 . Or, le
créancier à terme n'est pas autorisé à agir avant terme, il est donc
nécessaire de suspendre la prescription jusqu'à l'arrivée de l'échéance4 .
Cette solution constitue pour le créancier une contrepartie à l'inaction à
laquelle il est contraint. Elle est justifiée par l'inachèvement du processus de
formation de l'obligation qui prive cette dernière de la qualité d'«exigibilité»
et rend par conséquent toute exécution forcée impossible.
269.- Toutefois, même lorsqu'une créance remplit toutes les
conditions requises pour son existence et son exigibilitéS, son exécution peut
toujours rencontrer d'autres obstacles jÙridiques. Il s'agira, dans ce cas,
E. PUTMAN, thèse précitée, n0583, p.685, qui cite BAUDRY-LACANTJNERIE et TIXIER, traité de la
prescription, n0381 et 388.
2
E. PUTMAN, thèse précitée, n0583 p.685 ; PLANIOL et RIPERT, t. VII, nO 1325 p.734.
3
Voir supra nO 251, à propos de la condition suspensive.
4
Cependant, s'il s'agit d'une créance avec paiement échelonné, la prescription se divisera comme la dette
elle - même et courra contre chacune de ses parties à compter de son échéance, Voir, Soc. 13 déc. 1945,
D.1946, 137.
S
La notion est prise ici dans son sens classique, V. supra nO 259.

- 252-
non plus d'aménagements apportés sciemment par les contractants au
processus normal de réalisation des obligations, mais des conséquences
découlant d'incidents ayant troublé l'ordre contractuel initialement établi.
La suspension n'est plus une entrave à la constitution définitive de
l'obligation, elle intervient seulement pour empêcher, pendant un certain
temps, l'exécution d'une créance complètement constituée.
SECTION II: LA SUSPENSION EST UN OBSTACLE A L'EXECUTION DE
L'OBLIGATION
270.- Une fois qu'une créance est devenue "parfaite», c'est-à-dire
qu'elle remplit les conditions de certitude et d'exigibilité, le créancier a
désormais la voie libre pour en réclamer le paiement. Il peut néanmoins
rencontrer à nouveau d'autres barrières s'opposant à l'exécution immédiate
et suspendant, de ce fait, la réalisation des engagements pris l .
Une telle suspension peut intervenir dans deux hypothèses: d'une
part, elle peut résulter, suite à l'intervention du juge ou de la loi, du
bouleversement du schéma ini tial d'accomplissement des obligations,
auquel cas on parlera de modification des délais d'exécution (§.1). D'autre
part, des difficultés apparues au moment de l'exécution peuvent conduire à
un gel momentané du lien obligatoire, auquel cas on parlera de relâchement
des relations contractuelles (§.2).
§1 - La modification des délais d'exécution
271.- Le principe est que le paiement peut être réclamé dès l'instant
que la dette est devenue exigible. Cependant, l'examen dans la première
partie de cette étude des difTéren tes techniques de suspension a permis de
constater que le législateur moderne a de plus en plus tendance à apporter,
soit directement, soit par l'intermédiaire des juges, des entorses à
V. supra n° 262.

- 253-
l'application rigoureuse du principe de la force obligatoire des dettes
échues!. Ces interventions, véritablement dérogatoires à J'article 1134 du
Code civil, sont une manière pour la loi ou le juge de s'interposer entre le
créancier et le débiteur et permettent un aménagement de J'exécution en
dépit des termes de la convention. Les institutions utilisées à cette fin sont
diverses et leur incidence quant au régime juridique des obligations consiste
principalement à suspendre l'exercice des poursuites d'exécution.
TI en est ainsi lorsqu'il y a octroi d'un délai de grâce au débiteur (A),
ou lorsqu'une loi de moratoire l'a prévu (E), ou encore quand il y a
application de la loi sur le surendettement des particuliers2 (C).
A - La suspension née de l'octroi du délai de grâce
271 bis.- Le régime du délai de grâce a été récemment réformé par
la loi n091-650 du 9 juillet 199I3. L'apport essentiel de cette loi consiste à
renforcer les effets du délai de grâce (1) en augmentant les pouvoirs du juge
afin de lui donner les moyens d'améliorer la situation du débiteur en
difficul té (2).
1- L'incidence traditionnelle du délai de grâce
272.- Le premier effet du délai de grâce, et le plus important, est de
reporter à
une date
ultérieure
l'exécution
d'une
créance
qui
était
immédiatement exigible, parce qu'échue au moment où le délai est accordé.
Il y a ajournement du paiement dans ce sens que toutes les poursuites et
mesures d'exécution sont suspendues. Le créancier est donc privé du droit
de recourir à l'exécution forcée 4 ou de demander la résolution du contrat
pour inexécution 5 . S'il persiste à poursuivre, nonobstant le délai accordé, la
procédure doit être annulée avec, affirment certains auteurs, dommages et
V. supra, les tempéraments à la force obligatoire des obligations contractuelles, n° 78 et s. ; V. B
OPPETIT, L'endettement et le droit, Mélanges A. BRETON et F. DERRIDA, Dalloz 1991, p. 295 et s.
2
Loi n089-10 JO du 31 décembre 1989 relati ve à la prévention et au règlement des situations de
surendettement.
3
V. supra nO 78 et s. ; G. PAISANT,la réforme du délai de grâce par la loi du 9 juillet 1991 relatives aux
procédures civiles d'exécution, CCC déc. 1991, Chr., p. 2.
4
C'est l'hypothèse qui correspond à l'article 1244 al. 2 du Code civil, remplacé depuis la loi du 9 juil/ct
1991 par les article 1244-1, 1244-2 el 1244-3.
5
V. an. 1184 al. 3 du Code civil.

- 367 -
SECTION II : LA REVITALISATION DES RELATIONS CONTRAC-
TUELLES
394.-
Cette
situation
suppose
qu'un
obstacle,
apparu
postérieurement à la formation des obligations, en paralyse l'exécution. La
suspension n'affectant en principe ni l'existence, ni l'exigibilité, la
disparition de sa cause provoque la remise en vigueur des obligations dont
l'exécution seule était suspendue. Les parties se retrouvent à nouveau liées
par les stipulations qui régissaient leurs rapports antérieurs et soumises à
la force obligatoire des obligations contractées.
Une telle restauration du lien obligatoire s'opère notamment lorsque
les aménagements apportés au paiement de la dette afin d'en tempérer la
rigueur viennent à disparaître (§1) ou quand, au terme d'une période de
suspension consécutive à une force majeure temporaire ou à la mise en
oeuvre
de
l'exception
d'inexécution,
il
y
a
reprise
des
relations
contractuelles (§2).
§1 - La disparition des tempéraments à la force obligatoire
des obligations
395.- Le rétablissement de la force obligatoire des obligations
suspendues s'impose aux parties en cas d'extinction d'un délai de grâce ou
d'un moratoire (A) ou en cas d'expiration des mesures de suspension
prévues par la loi sur le surendettement des particuliers (B).
A - L'extinction du délai de grâce et du moratoire
396.- Le délai de grâce s'éteint n'ôrmalement à l'expiration du délai
accordé, improprement appelée échéance l . Mais, il peut également prendre
fin par la mort du débiteur2 ou encore par une décision du juge des référés le
1
J.-M. PANSŒR, Lhèse précitée, n0162, p. 78.
2
En effet, le délai de grâce étant accordé en raison de la situation personnelle du créancier, il ne devrait en
principe pas bénéficier à ses héritiers (V. supra nO 273 infine).

- 366 -
Mais, il est souvent difficile de déterminer en faveur de qui le terme a
été stipulé. En général, il est convenu au bénéfice du débiteur. C'est un délai
qu'on lui accorde pour l'exécution de son obligation. Aussi une présomption
a-t-elle été posée par l'article 1187 du Code civil: «le terme est toujours
présumé stipulé en faveur du débiteur ... ». Il ne s'agit cependant que d'une
présomption simple qui peut être écartée par un texte) ou tomber devant la
preuve de la volonté contraire des parties et même devant les circonstances2.
Le texte poursuit, en effet, "... à moins qu'il résulte de la stipulation, ou des
circonstances, qu'il a été convenu en faveur du créancier>,3.
393.- Quel que soit, en définitive, le moment auquel la créance
atteint son seuil d'exigibilité, il est de principe que la créance réunit déjà, à
ce stade, toutes les qualités nécessaires à son exécution et le créancier peut
user de toutes les voies de droit pour obtenir le paiement. Aussi bien comme
l'expriment l'article 1181 du Code civil, à propos de la condition suspensive -
« ••• l'obligation
ne peut être exécutée qu'après l'événement» - ou l'article
1185, au sujet du terme suspensif - « ••• il retarde seulement l'exécution,) -, la
levée de la mesure de suspension implique, a contrario, la permission de
passer à l'exécution forcée sitôt la condition accomplie ou le terme échu.
Il faut observer toutefois que d'autres mécanismes suspensifs
peuvent, par la suite, paralyser l'obligation, nonobstant l'achèvement de son
processus de constitution. La levée de l'obstacle suspensif n'aura plus, dans
ce cas, pour effet de consolider une obligation jusque là imparfaite, il sera
question de revigorer des relations contractuelles qui se sont provisoirement
distendues.
remboursement anticipée des dettes représentées par des valeurs mobilières et résultant d'un emprunt
garanti par une hypothèque (R. SAVATIER, Le remboursement anticipé des dettes, D.H. 1936, Chr.,
25; COLIN ct CAPITANT, t. II, n° 1706, p. 945 ; RIPPERT et BOULANGER, t. II, n01501 et s.).
Encore plus près de nous, les lois du 10 janvier 1978 ct du 13 juillet 1979 relatives à la protection des
consommateurs ayant conclu une opération de crédit à la consommation ou un prêt immobilier, admettent
le principe du remboursement anticipé par décision unilatérale de l'emprunteur (art 19 et 12). Les lois 89-
421 du 23 juin 1989 (relative à l'information et à la prl"ltection des consommateurs ainsi qu'à diverses
pratiques commerciales, art. 2-X modifiant l'art. 9 de la loi du 10 janv. 1978) et n089-101O du 31
décembre 1989 vont plus loin en ouvrant la faculté de remboursement anticipé à l'emprunteur en l'absence
de clause particulière et en écartant toute indemnité dont pourrait bénéficier l'emprunteur, contrairement à
ce que prévoyaient les deux lois de 1978 etde 1979.
En matière de dépôt, par exemple, l'art 1944 C. Civ. présume que le terme est stipulé en faveur du
créancier.
2
La Cour de cassation reconnaît, en effet, que les tribunaux peuvent souverainement apprécier le point de
savoir en faveur de qui le terme est établi, les dispositions de l'art. 1187 n'ayant pas valeur de règle
impérative (Réq., 24 janv. 1934, D.H. 34, 145).
3
MAZEAUD, t. II, 1er vol., n0917, p. 1018; Y. BUFFELAN - LANORE, article précité, n035 et 36.

- lM -
sanctionner l'attitude d'un débiteur qui rendrait, par sa faute, le terme
irréalisable l . Un tel problème ne se poserait évidemment pas si le débiteur
bénéficiaire du terme provoquait l'échéance en renonçant au terme.
B - L'échéance provoquée ou la renonciation au tenne
392.- La doctrine et la jurisprudence admettent unanimement la
possibilité d'une renonciation au terme, provoquant ainsi une anticipation
sur l'exigibilité de la créance2• Toutefois, la faculté de renoncer au terme est
étroitement liée à la question de savoir dans l'intérêt de quelle partie celui-ci
a été stipulé. Car seule la personne qui bénéficie du terme peut y renoncer et
offrir ou
demander
une
exécution
immédiate
de
l'obligation,
soit
directement, soit par la compensation3 .
La synthèse des règles appliquées en la matière enseigne que lorsque
le terme a été constitué en faveur du débiteur, celui-ci peut renoncer à s'en
prévaloir et imposer au créancier un remboursement anticipé, étant bien
sûr interdit à ce dernier d'exiger une exécution avant terme 4 . Si, au
contraire, le terme est établi au profit du créancier5 , le débiteur ne saurait
procéder à un paiement avant l'échéance sans l'accord du créancier ; ce
dernier peut, en revanche, exiger une exécution immédiate en renonçant au
terme6. Enfin, si le terme est dans l'intérêt des deux parties, sa suppression
nécessite l'accord de leurs volontés et se fait par une convention qui efface la
clause relative au terme7.
1
D. VEAUX, article précité, n043.
2
WEILL et TERRE, précité, n09I4, p. 990 ; MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, l. II, n° 54, p. 50; Ph.
MALAURIE et L. AYNES, précité, nOIlOl, p. 618 ; MAZEAUD, l. II, 1er vol., n0916 et 1025,
PLANIOL et RIPERT, l. VII, n° 1002, p. 349 ; COLIN et CAPITANT, l. Il, n° 1706, p. 945 ; E.
PUTMAN, thèse précitée, n0617, p. 727 ; Y. BUFFELAN - LANORE, article précité, n034 et s. ; D.
VEAUX, article précité, n068.
3
Dijon, 24 déc. 1867, D.P. 68, 2,55.
4
Nancy, 5 août 187], D. 72, 2, 77.
5
Il en est ainsi quand le créancier bénéficie d'un taux d'intérêt important et entend se prémunir contre une
baisse du loyer de l'argenl
6
Civ., 22 juin 1903, S.1903, l, 463.
7
Sur l'ensemble de ces solutions V. Y. BUFFELAN-LANORE, article précité, n034 ; D. VEAUX, article
précité, n068; E. PUTMAN, thèse précitée, n0617, p. 727.
Cependant, dans les deux dernières situations, des textes ont parfois pennis aux débiteurs de se libérer au
mépris d'un tenne dont ils n'étaient pas les bénéficiaires exclusifs. Ce fut le cas des décrets-lois du 16
juillet et 30 octobre 1935 décidant que nonobstant toute clause contraire, le remboursement total ou
partiel de toute dette civile ou commerciale, contractée avant l'entrée en vigueur du décret du 16 juillet,
pouvait à toute époque, être effectué sous condition d'un préavis de quatre semaines au moins (réq., 28
oct. 1942, G.P. 42, l, 234). Un autre décret-loi du 3] août 1937 a réglementé spécialement le

· 364 -
Code civil qui dispose que «la simple prorogation de terme, accordée par le
créancier au débiteur principal, ne décharge pas la caution qui peut, en ce
cas, poursuivre le débiteur pour le (orcer au paiement». Car, d'une part,
l'extension du bénéfice des allongements de délais à la caution n'emporte
aucune décharge de cette dernière et d'autre part, la caution qui l'exige le
fait à ses risques et périls puisqu'elle sera alors obligée de garantir plus
longtemps que prévu l'insolvabilité du débiteurl .
Les solutions ci-dessus retenues doivent être étendues à l'hypothèse
où un débiteur bénéficie des mesures de report ou de rééchelonnement
prévues par la loi sur le surendettement des particuliers, notamment
lorsqu'elles émanent d'un plan conventionnel. Car il n'y a aucun doute qu'il
s'agit là aussi de termes conventionnels.
391.- La doctrine évoque parfois la possibilité qu'un terme stipulé
par les parties devienne irréalisable2. En effet, malgré la définition du terme
comme un événement de réalisation certaine, la conception extensive du
terme incertain consacrée en doctrine et en jurisprudence soulève la
question 3 . La Cour de cassation considère que les juges du fond doivent
rechercher, dans une telle hypothèse, si, dans l'intention des parties, le
contrat conserve son efficacité, car le terme concerne l'exigibilité de
l'obligation et non pas son existence, ou s'il devient caduc4 . De lege (erenda,
certains auteurs estiment souhaitable de disposer, pour le tenue, d'un texte
analogue à l'article 1178 du Code civil relatif à la condition 5 pour
II faut noter toutefois que les auteurs soulignent souvent la possibilité pour la caution d'exercer un recours
contre un débiteur inactif après l'échéance du terme (V. art. 2032-49) ou même contre le débiteur qui
bénéficie d'une prorogation d'échéance conformement à l'art. 2039 C. Civ. : V. J.-Ch. BOULA Y, Les
recours anticipés de la caution contre la sous-caution, J .c.P. 1980. ed. G, I, 2985.
Pour éviter de telles difficultés, il est quasiment de règle dans la pratique notariale de stipuler la clause aux
termes de laquelle le créancier ne peut consentir aucune prorogation de délai au débiteur à peine de perdre
tous les recours contre la caution (M. DAGOT, De la-elause au terme de laquelle le créancier ne peut
consentir aucune prorogation de délai au débiteur à peine de perdre tous ses recours contre la caution,
J.C.P. 73, éd. G., Il, 2577, V. aussi Civ. 1ère, 14 mars 1979, J.C.P. 79;JV, 174; Bull. Civ., J, nOn).
La caution a par ailleurs le droit de payer le créancier au terme fixé initialement, nonobstant la
prolongation du terme consenti par le créancier au débiteur (Caen, 24 janv. 1887, D.P. 88, l, 127).
2
D. VEAUX, article précité, n043 ; F. DERRIDA, article précité, n032.
3
V. supra n° 70 et s.
4
Com., 19 juil. 1973, Bull. civ., IV, n0254 : II s'agissait d'une convention où le terme était fixé à
l'expiration d'un précédent contrat, lequel a été déclaré nul par la suite; la Cour de cassation a intimé au
juge de rechercher si la validité du contrat était, dans l'intention des parties, subordonnée à celle du
premier.
5
V. supra n° 380 et s.

reconnaissance de dette pour l'office et dans laquelle la banque consentait à
accorder quelque délai, la Cour de cassation a annulé une décision qui avait
prononcé la mainlevée des saisies en raison de l'inexigibilité de la créance.
La Cour de cassation avait, en effet, considéré que l'octroi d'un «délai de
grâce indéterminé» n'empêchait pas le créancier de recourir à une mesure
conservatoire 1.
Cette vision des choses est critiquable, car le délai de grâce est, selon
toutes
les
références
législatives,
une
mesure
nécessairement
et
essentiellement judiciaire2 . Or, la prorogation conventionnelle d'échéance
est simplement l'adjonction ou la modification d'une modalité de l'obligation
par la volonté concordante des deux parties et doit donc s'analyser en un
véritable terme suspensif de droit. Ceci est d'autant plus vrai que dans
l'espèce
citée,
il
était prévu
dans
l'acte
que les
parties
devaient
ultérieurement se mettre d'accord sur les conditions du paiement. A moins
de faire une grave confusion entre les deux notions, il serait difficile
d'assimiler la prorogation de l'échéance à un délai de grâce3 .
C'est
sans doute la raison pour laquelle la doctrine admet que
l'engagement de la caution puisse aussi, au cas de prorogation du terme,
être différé à l'expiration de la nouvelle échéance4 . Cette extension du
bénéfice de l'allongement du terme à la caution peut également s'expliquer
par le fait que, le débiteur principal étant tenu en première ligne, la dette ne
saurait logiquement demeurer inexigible à son égard tout en étant déjà
exigible contre la caution. L'obligation de cette dernière risque, dans ces
conditions, de devenir supérieure à celle du débiteur principal. On peut, par
ailleurs, justifier le bénéfice à la caution de la prorogation du terme en
s'appuyant sur le principe selon lequel l'accessoire suit le principalS. Une
telle analyse n'est pas, au demeurant, incompatible avec l'article 2039 du
1
Civ. 3e, 9 juin 1959, Bull.. civ., III, n0254.
2
V. notamment les art. 1184 al. 3, 1244 ancien et 1244 -1,2,3 nouveaux du Code civil et art. 510 du Code
Proc. civile.
3
V. E. PUTMAN, thèse précitée, n0608, p. 715.
4
Ph. DELEBECQUE, Rep. Dalloz, Dr. civ., V. cautionnement, nO 151 : E. PUTMAN, thèse précitée, nO
608, p. 715 ; Ph. SIMLER, Cautionnement et garanties autonomes, 2e ed. Lille, 1991.
Mais un tel report est exclu pour les délais de grâce et les moratoires dont bénéficie le débiteur principal
(sauf dans le cas du moratoire, si la caution appartient à la catégorie des débiteurs que la loi a entendu
protéger). On considère en effet qu'il s'agit des exceptions purement personnelles au débiteur (art. 2036 al.
2 Code civ. ; V. J. ISSA-SAYEGH, article précité, nOI19).
5
J.-Ch. BOULAY, article précité, n053 et s.

romaIne «dies non interpellat pro homine» 1 décrite par l'article 1139 du
Code
civiJ2. Le débiteur, au delà de l'échéance, a donc droit à une
interpellation solennelle afin d'exécuter ou d'être constitué en retard3 .
L'exigibilité effective de l'obligation arrivée à échéance n'est obtenue, en fait,
qu'après la mise en demeure.
D'une façon générale, on fait application en ce domaine de règles
traditionnelles. On admet ainsi que le délai est compté en jours, en
semaines, en mois, en années et non en heures ; que le jour même de
l'arrivée du terme n'est pas pris en compte, l'effet de l'échéance ne se
produisant qu'au lendemain de sa réalisation4 .
390.- Le créancier est-il, pour autant, obligé de pourSUIvre
immédiatement l'exécution de la créance?
La doctrine répond d'une manière catégorique par la négative : le
créancier peut différer l'exécution en accordant au débiteur une prorogation
d'échéances.
L'on s'est interrogé sur la nature juridique d'une telle prorogation.
Doit-elle s'analyser en un terme supplémentaire, ou s'assimiler à un «délai
de grâce conventionnel»6 ? Un arrêt de la Cour de cassation semble admettre
cette dernière notion. Dans une affaire ou une banque avait pratiqué diverses
saisies-arrêts à l'encontre d'un office d'H.L.M. en vertu d'une convention de
«L'échéance du teone ne vaut pas mise en demeure» ; V. H. ROLAND et L. BOYER, Locutions latines
et adages du droit français contemporain, II, n065, p. 210.
2
J.-Ch. BOULA Y, article précité, R.T.D. Com. 90, n045.
3
F. DERRIDA, article précité, n030 ; PLANIOL et RIPERT, t. VII, n° 1011, p. 349; J.-Ch. BOULA Y
article précité, nO 45. Ce dernier auteur remarque cependant que la mise en demeure produit l'effet d'un
teone après le terme, car le débiteur qui pourtant est tenu au paiement, ne peut pour autant pas être
contraint à l'exécution tant qu'il n'est pas constitué en retard. 11 s'étonne de ce relâchement du lien
contractuel après l'&:héance (V. n° 45 et 46).
Sur le problème général de la mise en demeure V. ALLIX, Réflexions sur la mise en demeure, J.c.P.,
77, II, 2844.
4
Trib. civ. Tulle, 15 fév. 1898, D.P. 98,2, 176; V. aussi: WEILL et TERRE, pr&:ité, n0913, p. 990 ;
PLANIOL et RIPERT, t. VII, n01011, p. 349 ; D. VEAUX, article pr&:ité, n042 ; F. DERRIDA, article
précité, n030.
S
F. DERRIDA, article précité, n031. Mais la simple attitude bienveillante du créancier qui n'a pas
poursuivi le débiteur à la première défaillance n'est pas nécessairement constitutive d'une prorogation
volontaire de délai (Réq., 30 nov. 1932, G.P. 32, 1,314 ; Civ. lere, 7 juin 1978, J.c.P. 78, éd. G., IV,
242 ; Bull. Civ., l, n0220. V. cependant Dijon, 17 mai 1974, J.C.P. 74, éd. G., II, 18222, note M.
DAGOn·
.
6
V. E. PUTMAN, thèse précitée, n0608, p. 715.

- 361 -
§2 - L'échéance du terme SUSpellSÜ
388.- Le terme conventionnellement stipulé prend en principe fin à
l'expiration du délai; on dit alors que l'obligation est échue. Cette mesure de
suspension peut néanmoins être levée plus tôt que ne l'avaient prévu les
contractants.
Il a déjà été procédé à l'étude de la déchéance du terme, analysée
dans l'ensemble comme une sanction frappant le débiteur fautif. Cette fin
prématurée de la suspension, nous l'avons précisé, illustre davantage
l'insuccès du schéma de réalisation des engagements contractuels envisagé
par les parties l . Mais il y a aussi la possibilité pour le bénéficiaire d'un
terme d'y renoncer et d'effectuer ou exiger un paiement anticipé. Ce cas de
figure, étant donné que le terme est le plus souvent établi dans l'intérêt du
débiteur, matérialiserait plutôt le succès de la suspension, puisque le
débiteur peut, plus tôt que prévu, faire face à son engagement. Il faut donc
étudier la notion d'échéance CA) en y intégrant cette variante de l'extinction
anticipée du terme CE).
A· L'échéance normale ou l'arrivée de l'événement convenu
389.- Le mode normal d'extinction du terme est l'arrivée de
l'événement prévu pour son échéance. Et une fois le terme échu, l'obligation
acquiert sa plénitude en devenant exigible; elle peut désormais développer
tous ses effets comme une obligation pure et simple. Le créancier peut déjà
poursuivre le débiteur et celui-ci peut et doit s'exécuter2 . Toutefois, à la
différence de la réalisation de la condition suspensive, l'arrivée du terme
n'entraîne pas d'effet rétroactiP. L'exécution de l'obligation échue doit
néanmoins être précédée d'une mise en demeure, à moins que l'acte
contractuel ne stipule le contraire et sous réserve des cas où la loi considère
....
que l'échéance opère de plein droit mise en demeure. En effet, après une
éclipse aux XVIe et XVIIe siècles, le droit français est revenu à la règle
1
V. supra n° 353 et s.
2
D. VEAUX, article précité, n042 ; F. DERRIDA, article précité, n030 ; MARTY, RA YNAUD et
JESTAZ, t. II, n052, p. 49 ; WEILL et TERRE, précité, n0913, p. 990 ; MAZEAUD, t. II, 1er vol.,
n° 1023 el 1024 ; PLANIOL et RIPERT, l. VII, n° 101 l, p. 349.
3
Ph. MALAURIE et L. AYNES, précité, nOI 103, p.61 9.

- 360 -
jurisprudence l . TI est quelquefois fait appel à l'idée de mandat pour justifier
cette solution. Mais dans cette hypothèse, la non-rétroactivité de la condition
accomplie est le plus souvent rattachée à ]a possession de la chose et à la
constatation que l'administration du bien étant nécessaire, l'aliénateur qui,
jusqu'au dénouement de la situation, en reste le possesseur, doit y faire
face 2.
On peut encore citer d'autres limitations à l'effet rétroactif telles, par
exemple, l'exclusion de la restitution des fruits perçus par le vendeur sous
condition suspensive, alors que la rétroactivité devrait logiquement
permettre à l'acquéreur de prétendre aux fruits dès le jour du contrat3 .
Toutes ces exceptions démontrent, s'il en était encore besoin, que le principe
de la rétroactivité n'est pas intangible4 . Son application ou son exclusion est,
en fait, fonction de la volonté des parties exprimée ou présumée compte tenu
de la nature particulière du contrat et de son objet. Le principe général n'en
demeure pas moins que la réalisation de la condition suspensive opère une
transformation automatique de l'obligation conditionnelle en obligation pure
et simple, achevant ainsi le processus de constitution graduelle de
l'obligation. Ce schéma sera quasiment le même à l'échéance du terme
suspensif, sauf que dans ce cas, l'obligation est à un stade de formation
beaucoup plus avancé; il ne lui manque plus que la qualité d'exigibilité.
Req., 11 av. 1821. S.21, 1,254 ; civ .• 16 janv. 1827, S. 27, 1, 324 ; Req., 23 OCL 1905. S.07, 1,33
note HEMARD.
On peut aussi citer l'arl. 1673 al. 2 du Code civil qui dispose que le vendeur qui exerce le reméré, lequel
est propriétaire sous condition suspensive, est tenu d'exécuter les baux passés sans fraude par l'acquéreur
propriétaire sous condiùon résolutoire.
2
PLANIOL et RIPERT, l. VIl, nOI041, p. 395 ; COLIN et CAPITANT, l. II, n01696. p. 940.
3
Paris, 28 OCL 1893, D.94, 2, 104 ; V. WEILL et.:TERRE, précité, p. 984. note 1 ; MARTY,
RAYNAUD et JESTAZ, l. Il, n083. p. 76.
4
On nOlera ainsi que le droit fiscal s'est progressivement affranchi du principe de la rétroacùvité de la
condition. Le Code général des impôLS. par le biais de réformes successives, a dégagé un principe général
de non-rétroactivité sur le point essentiel de la perception des droiLS d'enregistrement (V. PLANIOL et
RIPERT, LVII, n01040, p. 393 ; 1.-1. TAISNE, article cité ci-dessus. n047). Alors qu'avant 1949, le
droit proportionnel exigible à l'avénement de la condition devait être liquidé au tarif en vigueur et d'après
la valeur imposable à la date de l'acte originaire, un décret du 9 décembre 1948 a prévu que le tarif et
l'assiette de l'impôt serait désormais déterminés en se plaçant à la date de la réalisation de la condition.
Parachevant l'oeuvre entreprise, un décret du 20 mars 1963 a disposé que ce serait l'ensemble du «régime
fiscal applicable» qui serait déterminé en se situant à la date de la réalisation de l'événement (Corn., 15
déc. 1987, Dr. Fisc. 1988, n014, comm. 729; JO janv. 1989, Dr. Fisc. 1990, n041. ElOlOl).

- 359 -
contrat aurait dû supporter les risques l . On a donné plusieurs explications à
ce principe 2. Mais la plus adaptée, à notre avis, est celle qui fonde les règles
de l'article 1182 sur l'intention présumée des contractants. En effet, si
l'acquéreur sait qu'il supporte les risques de la chose qui reste, pourtant,
sous le contrôle de l'aliénateur, il pourrait préférer renoncer au contrat ou
attendre le moment propice à un engagement pur et simple. On peut, à
partir de là, supposer qu'il est implicitement convenu entre les parties que
l'aliénateur, qui conserve le contrôle de la chose et la propriété apparente, en
supporte aussi les risques3 . Cette conception présente l'avantage d'être en
harmonie avec la faculté laissée aux contractants de déroger aux diverses
dispositions de l'article 1182 en stipulant que les risques seront à la charge
du créancier.
387.- La jurisprudence semble, par ailleurs, contrairement à la
solution retenue à propos des actes de dispositionS, écarter la nullité des
actes d'administration effectués pendant la période d'attente par le vendeur
conditionnel. Ces actes restent valables après la réalisation de la condition et
son t
opposa bl es
à
l'acquéreur,
nou vea u
propri étai re 6 .
L'acte
d'administration le plus souvent signalé à l'appui de ce point de vue est le
bail ; le principe du maintien du bail consenti, sans fraude, par le
propriétaire intérimaire et de son opposabilité au propriétaire investi par la
réalisation de la condition est admis par la majorité de la doctrine 7 et par la
Trois situations sont, en fait, prévues par le texte. Ou bien la chose faisant l'objet du contrat vient à périr
par cas fortuit, auquel cas l'obligation est éteinte et les risques demeurent à la charge de l'aliénateur. La
perte totale de la chose, au cas de vente par exemple, exonère donc l'acheteur conditionnel du paiement du
prix (cette solution vaut, a fortiori, lorsque la perte est due à la faute du débiteur qui peut dans ce cas,
devoir des dommages et intérêts). Ou bien il n'y a que perte partielle ou détérioration de la chose et dans
cette hypothèse, le créancier a le choix entre prendre livraison de l'objet dans l'é1.ât où il se trouve en
payant le prix intégral et résoudre l'obligation, c'est-à-dire revenir sur son consentement. Cette faculté
laissée au créancier de résoudre l'obligation revient en fait à mettre les risques à la charge du débiteur.
Enfin, si les détériorations ont été causées par la faute du débiteur, le créancier a le choix, ou de résoudre
l'obligation, ou d'exiger la chose dans l'é1.ât où elle se trouve avec des dommages et intérêts. On peut donc
facilement le cons1.âter,les règles de l'art. 1182 sont contraires au principe de l'art. 1179.
2
V. PLANIOL et RIPERT, t. VII, nOl043, p. 398 ; J.-J"", TAISNE, article précité, J.-C1., Civ. : an. 1181
à 1182, N. Rep. : fasc. 47, n069 et s. ; Y. BUFrèLAN - LANO RE, article précité, nOl07 et s. ; H.
EYGOUT, thèse précitée, n0371 et s. ; V. Civ., 8 nov. 1950, J.c.P. 50, II, 5870, obs. CA VARROC ;
S.5I, l, ]25, note CORNU.
3
V. J.-J. TAISNE, anicle précité. J.-C1., Civ. : art. 1181 à ] 182, N. Rep. : fase. 47, n070
4
PLANlOL et RIPERT, t VII, nOI043, p. 399.
5
V. supra n° 384.
6
WEILL et TERRE, précité, n0902, p. 984 ; MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, t. II, n083, p. 77 ;
COLIN el CAPlTANT, t. Il, nOl696, p. 940 ; PLANIOL et RIPERT, t. VII, nOl04I, p. 395 ; J-J.
TAISNE, anicle cité ci-dessus, n082 et s.
7
WEILL et TERRE, précité, n090], p. 984 ; COLIN et CAPITANT, t. Il, n01696, p. 940 ; PLANIOL et
RIPERT, t VII, nOl04, p. 395.

- 358 -
produisant quelques efTets l .
En définitive, la réalisation de la condition suspensive transforme
l'obligation conditionnelle en obligation pure et simple et ce, depuis la
conclusion du contrat. Mais l'application de toutes les conséquences de cette
règle conduirait, selon la doctrine, à des résultats excessifs. Aussi est - il
traditionnellement admis que des limites y soient apportées.
2 - Les limites aux conséquences du principe de la rétroactivité
385.- Le principe de l'effet rétroactif de la condition accomplie est
loin d'avoir une portée absolue. D'abord, d'une façon générale, il est pennis
aux parties de déroger à la règle par des conventions contraires et faire
produire effet à l'acte à une époque postérieure. C'est la position de la Cour
de cassation2. Cette solution n'est pas discutable, la rétroactivité ayant pour
but de protéger le créancier conditionnel, celui-ci peut en effet renoncer à cet
avantage.
386.- Ensuite, l'idée de rétroactivité rencontre des difficultés
d'adaptation dans certaines catégories de contrats. Dans les contrats réels,
par exemple, la règle de la rétroactivité est inapplicable; elle ne peut être
mise en pratique que dans les contrats consensuels dont la formation
coïncide avec la concordance des deux volontés. Ainsi dans les prêts
subordonnés à la condition suspensive des besoins de l'emprunteur, les
fonds prêtés ne produisent intérêts qu'à partir du jour où ils ont été
effectivement avancés et non du jour de l'ouverture du crédit3.
Dans les contrats translatifs de droits réels, l'effet rétroactif, sans
être écarté, voit sa rigueur considérablement tempérée. L'article 1182 du
Code civil laisse au débiteur de la livraison, c'est-à-dire l'aliénateur
conditionnel, la charge des risques qui peuvent se réaliser pendente
conditionne, alors que, une fois la condition accomplie, l'acquéreur qui, par
référence à la rétroactivité, est censé être propriétaire dès la conclusion du
1
V. supra n° 244 et s.
2
Réq., 10 fév. 1925, S.25, 1,61 ; V. PLANIOL et RIPERT, 1. VIl, n01044, p. 399.
3
PLANJOL et RIPERT, t. VIl, n01039, p. 391 ; MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, t. Il, n083, p. 76.

- 357 -
première est que le débiteur qui a payé pendente conditionne et qui pouvait
alors, nous l'avons vu, exercer l'action en répétition de l'indu, ne le pourra
plus après la réalisation de la condition, son paiement se trouvant
rétroactivement consolidé l . De façon plus générale, le caractère rétroactif de
la condition accomplie entraîne la validation, sauf convention contraire, de
tous les
actes
accomplis prématurément par le
titulaire
du droit
conditionne12. Cette solution présente un intérêt considérable dans les
contrats translatifs de droits et plus spécialement de droits réels dans la
mesure où tous les droits consentis sur la chose par le créancier
conditionnel
sont
rétroactivement
consolidés.
Réciproquement,
l'accomplissement de la condition invalide les actes, notamment de
disposition directe ou indirecte, passés sur la chose par le débiteur
conditionnel pendant que l'événement était en suspens3.
On sait aussi
que
l'effet rétroactif de la condition entraîne
l'inapplication des lois nouvelles intervenues dans l'intervalle entre la
convention et la réalisation de la condition; l'obligation doit être régie par
l'ancienne loi, car elle est considérée comme née antérieurement au
changement législati~. De même, la prise de rang de l'hypothèque consentie
en garantie de la créance conditionnelle remonte à la date de l'inscription
même si celle-ci est antérieure à la réalisation de la condition5. Ces solutions
peuvent s'expliquer, en plus du principe de la rétroactivité, par la
reconnaissance au profit du créancier conditionnel d'un droit intérimaire
MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, 1. II, n083, p. 75 ; J.-J. TAISNE, article précité, J.-C1., Civ. : art.
1181 à 1182, N. Rep. : fasc. 47, n058 ; Ph MALAURIE et L. AYNE5, précité, n01122, p.632 ;
PLANIOL et RIPERT, t. VII, nOl040, p. 393 ; Y. BUFFELAN - LANORE, article précité, n0105.
2
Civ. 3. 19 fév. 1976, Bull. civ., III, n0276 ; En l'espèce un marché de travaux avait été conclu sous
réserve de l'octroi d'un prêt financier au maître de l'ouvrage, et malgré l'obtention de ce prêt, ce dernier
signifia néanmoins à l'entrepreneur qu'il n'entendait plus donné suite au projet. La cour d'appel refusa
alors à l'entrepreneur le paiement des travaux accomplis, les obligations ayant été formées, selon elle, à la
date de l'obtention du prêt. La Cour de cassation a"annulé cette décision au motif que la cour d'appel
devrait rechercher si le contrat interdisait à l'entrepreneur de commencer les travaux avant la réalisation de
la condition.
3
E. PUTMAN, thèse précitée, n0335, p. 370. Le nouveau titulaire du droit pourra, par exemple, ignorer la
saisie opérée pendant la période d'incertitude par les créanciers de l'aliénateur (Bordeaux, 2 nov. 1886. D.P.
87, 2, 157). On lui reconnaît, par ailleurs, la possibilité d'intenter une action paulienne contre les actes
d'appauvrissement frauduleux passés par son débiteur (J.-J. TA1SNE, article précité, n058). Cependant,
seuls les droits acquis par les tiers par l'effet de la prescription acquisitive som opposables à l'acquéreur,
car l'art. 1180 du code civil lui donne la possibilité d'interrompre la precription (1-J. TAl5NE article
précité, n065).
4
MARTY. RA YNAUD et JESTAZ. L II. n083. p. 75 ; PLANIOL et RIPERT, t. VII, nOI040, p. 392.
5
O
PLANIOL et RIPERT, 1. VII. n l040, p. 393 ; J.-J. TAI5NE. article cité ci-dessus, n057.

- 356 -
considèrent, les uns comme une «(iction» qu'impose le respect de la volonté
des parties), les autres comme un procédé technique destiné à consacrer les
solutions que le législateur a estimées conformes à la bonne foi et à
l'honnêteté 2.
En vérité, le principe de la rétroactivité allie les deux considérations.
C'est d'abord une règle logique. En effet, un contrat pour être subordonné à
une condition n'en demeure pas moins un engagement; la condition est un
élément tout à fait accessoire que seule la volonté des parties érige en facteur
d'efficacité de la convention. 11 est donc compréhensible de conférer à cet
acte
une
efficacité
contemporaine
de
sa
formation 3 . D'ailleurs, la
jurisprudence analyse la règle légale de la rétroactivité comme non
impérative et admet la validité des conventions contraires4 . La rétroactivité
est ensuite un mécanisme pratique et utile qui offre l'avantage de garantir
l'effet de l'engagement si la condition se réalise et assure très efficacement
la protection du créancier conditionnel, notamment contre les agissements
de mauvaise foi du débiteur5 .
Toutes ces raisons justifient que l'on puisse faire remonter les effets
de l'acte conditionnel à la date de sa conclusion. En fait, la réalité technique,
voire psychologique de la rétroactivité n'est plus discutée aujourd'hui 6. Cette
règle est davantage regardée comme une solution pratique et simple dont les
inconvénients, prévisibles pour les tiers à raison de ses conséquences, sont
considérablement contrebalancés par le jeu de l'article 2279 en matière
mobilière et les règles de la publicité foncière en matière immobilière (1),
ainsi que par les limites que comporte le principe (2).
1 . Les conséquences de l'effet rétroactif
384.- Les conséquences qui découlent de l'idée que l'obligation est
réputée avoir pris naissance au jour du contrat sont nombreuses. La
)
WEILL et TERRE, préciLé, n09üO, p. 983.
2
MARTY, RA YNAUD et JEST AZ, t. II, n084, p. 78 ; E. PUTMAN, thèse précitée, n0335, p. 369.
3
J.-J. TAlSNE, article précilé, J.-Cl., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. : fasc. 47, n05!.
4
Réq., 10 fév. 1925,5.25, 1,62.
5
Tous les droils que le débiteur peul consentir sur la chose promise pendant la période d'incenitude tombent
du faiL de la réalisation de la condition. V. PLANIOL et RIPERT, t. VII, nO 1038.
6
E. PUTMAN, lhèse précitée, n0335, p. 369.

- 355 -
B - L'effet rétroactif des obligations après la réalisation de la
condition
382.- Le principe de la rétroactivité de la condition suspensive
accomplie est nettement posé par l'article 1179 du Code civil: «la condition
accomplie a
un effet rétroactif au jour auquel l'engagement
a
été
contracté ...')' On ne saurait dire plus explicitement que l'accomplissement
de la condition suspensive oblige à remonter, pour déterminer la situation
respective des parties, au jour où l'engagement conditionnel est intervenu,
lequel devrait se présenter comme s'il avait été parfait dès l'origine2•
Autrement dit, si l'acte conditionnel constitue une vente par exemple,
l'acquéreur sera, une fois l'événement convenu arrivé, réputé propriétaire
de la chose depuis le jour de la conclusion du contrat3. C'est la raison pour
laquelle il faut se placer au jour de la vente, et non de la réalisation de la
condition, pour apprécier la valeur d'un immeuble cédé sous condition
suspensive et savoir si la vente est rescindable pour cause de lésion4 .
Pareillement, pour juger de la validité d'une promesse unilatérale de vente
faite sous condition suspensive, il faut se reporter à la date de son
acceptation et non à celle de la réalisation de la condition5.
383.- Cette règle de la rétroactivité a donné lieu à des discussions
doctrinales quant à son explication 6 . Certains auteurs, en raison des
nombreuses exceptions admises au principe, nient l'existence d'une
véritable règle de rétroactivité7 • D'autres admettent le principe, mais le
En ce qui concerne la condition résolutoire, l'art. 1183 du Code civil dispose: «la condition résolutoire
est celle qui, lorsqu'elle s'accomplie, opère la révocation de l'obligation et remet les choses au même état
que si l'obligation n'avait pas existé».
2
WEILL et TERRE, précité, n0898, p. 982 ; MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, t. II, n083, p. 75 ; B.
STARCK, t. Il, nOlO77, p. 443 ; MAZEAUD, t. Il, 1er vo!., n01038, D. 1105 ; Ph. MALAURIE et L.
AYNES, précité, nOll19, p. 631 ; J.-1. TAISNE, article précité, J.-C1., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep.:
fasc. 47, n047 et s. ; Y BUFFELAN-LANORE, article précité, nOl04.
3
Ainsi, la convention de dépôt-vente s'analysant comme une vente sous condition suspensive, cela
implique que si la marchandise est vendue, la première~enle est parfaite et doit être règlée. V. Versailles,
13e ch., 8 nov. 1990, D.S. 1992, Somm., 193, obs. O. TOURNAFOND.
4
Civ. 1ère, 17 oct. 1967, J.C.P. 67, éd. G., II, 15307.
5
Com., 15 déc. 1987, Bull.. civ., IV, n0274.
6
H. EYGOUT, De l'effet rétroactif de la condition accomplie, thèse Paris, 1922 ; R. FILDER MAN , De la
rétroactivité de la condition dans les conventions, thèse Paris, 1935 ; TROTZIER, Essai sur la condition
suspensive et ses applications récentes, thèse Paris, 1945 ; J.-J. T AISNE, thèse précitée, Lille 1977, V.
notamment n0254 et s. Sur la rétroactivité en général; J. DEPREZ, La rétroactivité dans les actes
juridiques, thèse Rennes, 1953; DEMOGUE, Valeur et base de la rétroactivité, Me!. Del Vecchio, 1930,
II, p. 163 et s.
7
COLIN et CAPITANT, t. Il, n01692 et s. ; V. aussi MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. II, n084,
p.77.

- 354 -
parfait, parce que ]a condition est réalisée, si le maître de l'ouvrage a mIS
personnellement obstacle à l'octroi du prêt l . La jurisprudence va même
jusqu'à envisager l'interdiction qui est faite au débiteur d'empêcher la
réalisation de la condition sous l'aspect d'une obligation positive d'accomplir
certaines déligences pour favoriser l'accomplissement de la condition2. Mais
dans cette hypothèse, il faut bien évidemment que la négligence reprochée
au débiteur soit fautive 3.
TI faut enfin souligner que la jurisprudence applique parfois la règle
de l'article 1178 dans les hypothèses où c'est le créancier qui a causé la
défaillance de la condition. TI a été jugé que la condition pour le débiteur de
payer des intérêts doit être réputée accomplie lorsque c'est le créancier qui
en a empêché l'avènement en mettant le débiteur dans l'impossibilité de les
payer à la date convenue4• Cette extension de la règle répond aux exigences
de la logique, car son application est justifiée dans tous les cas où
l'avènement de la condition a été empêché par la faute de celui qui avait
intérêt à sa défaillance5. Un renversement du principe de l'article 1178 est
donc nécessaire quand c'est le créancier qui est le bénéficiaire de la
condition.
Qu'elle résulte de la survenance de l'événement suspensif ou qu'elle
constitue la sanction de la mauvaise foi d'un contractant, la réalisation de la
condition a un effet automatique : elle rend, de plein droit, l'obligation
parfaite 6. Mais l'ampleur des effets de la condition accomplie est encore plus
marquée par un autre trait caractéristique: la rétroactivité.
Civ. 3e, 4 fév. 1987, Rép. Defr. 88, art. 34202, n023, obs. H. SOULEAU ; J.c.P. 88, éd. N., Il, 142;
R.T.D. civ. 88,542, obs. 1. MESTRE; Bordeaux, 1er mars 1984, J.c.P. 84, éd. G., IV, 153, note J.-G.
RAFFRA Y ; V. aussi. J.-L. BERGEL, La condition suspensive d'obtention des prêts immobiliers,
J.c.P. 88, éd. N., l, 225; Civ. lere, 16juill. 1991, c.c.c. février 1992, nO 28, note L. LEVENEUR.
Pour d'autres applications du principe: Civ. 3e, 24 juin 1981, Bull. civ., Ill, n0135 ; Civ. 3e, JO déc.
1986, D.86, Somm., 458, obs. J.-L. AUBERT; Versailles, 3 mars 1988, J.c.P. 88, éd. G., Il, 21132,
note P. ESTOUP.
2
Civ. 3e, 25 Janv. 1978, J.c.P. 79, éd. G., Il, 19056, note S. GALLE.
3
MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, t. II, n081, p. 73 ; Y. BUFFELAN - LANORE, article précité,
nOl03.
4
Réq., 10 fév. 1926, D.H. 26,129.
5
MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, L Il, n081, p. 74.
6
En effet, la condition accomplie, sauf convention contraire, produit ses effets de plein droit sans mise en
demeure préalable (Civ. 3e, 9 janv. 1980, Bull. civ., m, n° 12, à propos de la condition résolutoire: «La
condition résolutoire, lorsqu'elle s'accomplit, opère, sauf convention contraire, la révocation de
l'obligation sans mise en demeure préalable») et sans que le juge, s'il est saisi, ait le pouvoir d'en
apprécier l'opportunité (v. Ph. MALAURIE et L. AYNES, précité, nOll19, p. 631 ; E. PUTMAN, thèse
récitée, n0334, p. 369).

- 353 -
normal de la convention et la meilleure réparation qu'on puisse accorder au
créancier, du fait du préjudice ainsi subi, est l'exécution de l'obligation
comme si la condition était accomplie].
L'application du principe de l'article 1178 exige qu'une faute soit
reprochée au débiteur. Il n'est pas cependant nécessaire que la faute soit
prouvée; elle peut être simplement présumée2 . En revanche, il n'y a pas lieu
d'appliquer cette disposition si, en empêchant la réalisation de la condition,
le débiteur n'avait fait qu'exercer son droit3 . Le créancier n'est pas non plus
tenu de prouver que la condition aurait été accomplie sans l'empêchement
provenant du débiteur; mais ce dernier pourrait, pour se libérer, apporter la
preuve que la condition serait défaillie même s'il n'y avait pas mis obstacle4 .
381.- La jurisprudence qui fait application de l'article 1178 est assez
abondante. Cette règle trouve particulièrement un terrain de prédilection
dans les hypothèses où les parties sont convenues d'une condition à
caractère mixte. C'est souvent le cas lorsque l'acte est conclu sous la
condition d'une autorisation administrative. Ainsi, le bénéficiaire d'une
promesse de vente conditionnée par l'obtention d'un permis de construire est
responsable de la défaillance de la condition pour n'avoir pas respecté le
Code de l'urbanismes. C'est aussi le cas lorsque l'obligation d'un acquéreur
est subordonnée à l'obtention d'un prêt qui lui permettra de payer son
acquisition. Est donc justifiée la décision d'une cour d'appel qui, s'agissant
d'une promesse d'achat d'une officine de pharmacie faite sous la condition
suspensive de l'obtention d'un prêt, répute la condition accomplie lorsque le
prêt du montant convenu a été obtenu, mais moyennant quelques garanties
supplémentaires, et que l'acquéreur a refusé la proposition qui lui a été
faite 6. De même, le contrat de construction d'une maison individuelle conclu
sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt financier 7 est réputé
B. STARCK, l. II, n01074, p. 442; MARTY, RA YN/~UD et JESTAZ, t. II, n081, p. 73 ; PLANIOL et
RIPERT L II, nO 1036, p. 385 ; Y. BUFFELAN - LANORE, article précité, nOlO1.
2
Paris, 21 mai 1946, D.46, 403, note H.L. : qui a jugé, par exemple, que l'incendie qui a empéché un bail
d'avoir sa fin nonnale est le fait du locataire, présumé responsable en vertu de l'an. 1733 C. Civ.
3
Trib. civ. Seine, 15 mai 1933, D.33, 374.
4
MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. II, n081, p. 73.
S
Civ. 3e, 16 av. 1986, J.c.P. 88, II, 21033, note G. LIET-VEAUX.
6
Corn., 31 janv. 1989, J.c.P. 89, II, 21382, note DAGORNE - LABBE; Rép. Défr. 89, arl. 34585,
n095, obs. J.-L. AUBERT, Bull. civ., IV, n047.
7
Loi n079-596 du 13 juillet 1979 relative à l'information et à la protection des emprunteurs dans le
domaine immobilier: art. 17.

- 352 -
les parties ont vraisemblablement voulu et entendu qu'elle {ût». Cette règle
est conforme aux directives générales que le législateur donne au juge en
matière d'interprétation des conventions 1.
La constatation de la réalisation est en conséquence de la compétence
du juge qui, s'il est sollicité, devra dire si la condition est accomplie ou non,
car il s'agit d'apprécier les faits. Ce pouvoir souverain d'appréciation est
souvent utilisé lorsque la survenance de l'événement n'est soumise à aucun
délai, pour dire si la condition reste en suspens, est accomplie ou est
défaillie. C'est ainsi que les juges du fond, après avoir justement rappelé que
toute condi tion doit être accomplie de la manière que les parties ont voulu
qu'elle fût, peuvent estimer que la condition ne peut plus se réaliser, les
parties n'ayant pu envisager que la condition suspensive puisse se produire
plus de six ans après la signature de la convention 2 . Bien entendu, il
incombe à la partie qui se prévaut de la réalisation de la condition ou de sa
défaillance d'en apporter la preuve conformément au droit commun3.
Toutefois, outre ces règles d'ordre général, le Code civil contient une
solution particulière en réputant réalisée la condition défaillie du fait du
débiteur.
2 - La condition défaillie, mais réputée réalisée
380.- L'incertitude liée à l'insertion d'une condition suspensive
dans un acte juridique peut être dissipée, nous l'avons dit, par la défaillance
de la condition, auquel cas les obligations concernées sont définitivement
évanouies 4 . L'article 1178 du Code civil tire cependant des conséquences
différentes de la non-réalisation de la condition lorsque celle-ci est imputable
au débiteur: «la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur,
obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement». La raison
de ce texte est simple, la réalisation de la condition doit être abandonnée au
cours naturel des choses et la volonté du débiteur ne doit pas intervenir pour
forcer le hasard. La loi veut donc sanctionner le débiteur qui a faussé le jeu
ArL 1156 du C. civ. : «on doit dans les conventions rechercher quclle a été la commune intcntion des
parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes».
2
Civ. 3e, 3 fév. 1982, Bull. civ., Ill, n037 ; R.T.D. Civ. 83,131, obs. CHABAS ; Rillmr. : Civ. 3e, 4
mars 1975, J.c.P. 76, n, 18510, note NICOLAS.
3
RIPERT et BOULANGER, l. II, n01365, p. 475.
4
V. supra n° 331 et s.

- 351 -
A· Les modalités de la réalisation de la condition
377.- La
condition
est
considérée
comme
réalisée
lorsque
l'événement auquel était subordonné l'effet de l'acte s'est produit l 0). En
outre, le législateur consacre l'obligation qui est faite au débiteur de ne pas
empêcher la réalisation de la condition en réputant accomplie la condition
défaillie du fait du débiteur (2).
1 - La production de l'événement convenu
378.- Le Code civil pose des règles de bon sens2 qui régissent la
réalisation de la condition. Si celle - ci est positive, c'est-à-dire que les parties
ont convenu que tel événement doit se produire, elle sera considérée comme
réalisée qu'avec la survenance de cet événement. A moins qu'un délai ait été
fixé, cette réalisation peut intervenir sans limite de t emps3. Si au contraire,
l'obligation a été contractée sous la condition qu'un événement n'arrivera
pas, cette condition est accomplie lorsqu'il est devenu certain que
l'événement ne se produira pas. Si un délai a été fixé, la condition est
réalisée lorsque ce temps est expiré sans que l'événement soit arrivé ou
lorsque, avant l'expiration du délai, il est devenu certain que l'événement ne
peut plus se produire4 . On remarquera que ces dernières règles sont
symétriques de celles auxquelles est soumise la défaillance de la conditionS.
379.- Toutefois, la réalisation de la condition, comme cela a déjà été
relevé à propos de la défaillance, est une question de fait qu'il revient au juge
du fond, le cas échéant, d'apprécier6 . Pour ce faire, il faut tenir compte
avant tout des intentions des parties7. C'est ce qu'indique l'article 1175 du
Code civil qui dispose que «toute condition doit s'accomplir de la manière que
Cependant, si l'obligation a été contrnctée sous la coooition que l'événement n'arrivera pas, celle-ci est
considérée réalisée si cet événement ne se réalise pas.
2
MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. II, n081, p. 73.
3
An. 1176 C. Civ.; V. Civ. lere, 4 juin 1991, c.C.C. Aôut-Sept. 1991, fasc. 70, nO 179, note L.
LEVENEUR. Cet arrêt précise notamment que la stipulation d'une condition suspensive snns terme fIxe
ne confère pas à l'obligntion un caractère perpétuel.
4
Art. 1177 C. Civ. ; V. WEILL et TERRE, précité, n0895 ; Y. BUFFELAN-LANORE, article précité,
nOIO; PLANIOL ct RIPERT, t. VII, n01035, p. 384.
S
V. supra n° 327 et s.
6
Civ. 3e, 30 mars 1938, S. 38, 1,227; Trib. civ. Périgueux, 29 mni 1956,0.56, Somm., 159.
7
RIPERT et BOULANGER, t. II, n01365, p. 465 ; WEILL et TERRE, précité, n0895, p. 978 ; PLANIOL
et RIPERT, t. VII, nO 1075, p. 384.

- 350 -
SECTION 1 : LA CONSOLIDATION DU LIEN CONTRACTUEL
375.- Les situations dans lesquelles la suspension est un élément
intégré par les parties dans le processus conventionnel afin d'établir les
modalités de son déroulement correspondent, bien entendu, à l'obligation
conditionnelle et à l'obligation à terme. Dans un cas comme dans l'autre, il
manque quelque attribut à l'obligation pour qu'elle puisse s'exprimer dans
sa plénitude. L'obligation conditionnelle est dépourvue d'existence effective
pendant la période d'incertitude, tandis que l'obligation à terme, même si
elle existe déjà, n'est pas encore exigible l .
La fin de la période de suspension aura pour conséquence d'apporter
à ces obligations les éléments nécessaires à leur efficacité. On étudiera
successivement la réalisation de la condition suspensive (§l) et l'échéance
du terme suspensif (§2).
§1- La réalisation de la condition suspensive
375.- L'accomplissement de la condition suspensive met fin à la
période d'incertitude. L'obligation apparaît désormais sous sa forme pure et
simple; le droit du créancier devient parfait et les restrictions résultant du
caractère conditionnel qu'il comportait jusqu'alors disparaissent. A partir
de ce moment, l'obligation devient exigible, son exécution possible et même
nécessaire sous peine de la mise en jeu de la responsabilité contractuelle2.
L'affirmation de ce principe laisse en suspens un certain nombre de
questions relatives notamment à la définition de l'accomplissement de la
condition et à la détermination de la date à partir de laquelle l'obligation,
...
jusque là conditionnelle, existe sous sa forme pure et simple. C'est poser le
double problème des modalités de la réalisation de la condition (A) et de la
naissance rétroactive de l'obligation (B).
1
V. supra, pour la condition suspensive n° 243 et s., et pour le terme suspensif nO 256 et s.
2
MAZEAUD, t. Il, 1er vol., n01035. p. 1103 ; MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, t. II, n082, p. 75 ;
COLIN et CAPITANT, t. II, n° 1692, p. 937 ; J.-J. TAISNE, article précité, J.-C1., Civ. : art. 1181 à
1182, N. Rep. : fasc. 47, n047.

- 349 -
CHAPITRE II :
LIEN CONTRACTUEL ET ABOUTISSEMENT DE lA SUSPENSION
374.- Le recours à la technique de la suspension suppose que des
difficultés actuelles ne permettent pas une exécution immédiate. La
suspension a donc pour but de créer les conditions d'une exécution
ultérieure des obligations en cause. La levée de l'obstacle suspensif doit, en
conséquence, se traduire par la possibilité pour le créancier de réclamer et
d'obtenir l'exécution due. Si tel est le cas, il faut considérer que le processus
de suspension a été conduit à son terme normal et que ce moyen original de
contourner les difficultés de paiement a porté des fruits.
Ceci ne signifie toutefois pas que toutes les techniques de suspension
produisent, au moment où cesse leur mise en oeuvre, des effets strictement
identiques. La diversité des causes de suspension se prolonge, plus ou
moins, sur leurs régimes. Dans certains cas, compte tenu du fait que la
suspension est intégrée dans le processus de formation des obligations, la fin
de cette période transitoire signifie l'achèvement de ce processus et consolide
les liens contractuels (Section 1). Dans les autres hypothèses où la
suspension est conçue comme un incident perturbateur d'un ordre juridique
préétabli, la disparition de l'obstacle à l'exécution va, par contre, entraîner
la revitalisation des relations contractuelles qui s'étaient relâchées pendant
la période de suspension (Section II).

- 34~ -
entre le créancier et le débiteur déchu, cette règle ne s'applique pas avec
autant de facilité dans les rapports du créancier avec les coobligés du
débiteur. En effet, la déchéance ayant un caractère personnel, elle ne devrait
normalement pas produire d'effet envers les coobligés. C'est ainsi que la
déchéance du terme est jugé inopposable au codébiteur ou à la caution,
même solidaire l . On peut justifier cette solution par le fait que, le codébiteur
solidaire et la caution étant liés au créancier par des conventions
personnelles, ils sont en droit de s'en prévaloir et la déchéance du codébiteur
ou du débiteur principal ne saurait aggraver leurs propres situations 2• Ceci
implique qu'il faut, naturellement, réserver le cas où une clause de l'acte
d'engagement aurait prévu que la déchéance serait étendue à tous les
codébiteurs ou serait encourue par la caution3 .
A fortiori, la déchéance du délai de grâce ne saurait rejaillir sur ces
personnes. Mais dans ce cas, la raison est toute simple; elle tient au fait que
ces coobligés ne peuvent pas profiter des délais de grâce accordés à leur
codébiteur ou au débiteur principal 4 et il est logique, en contrepartie, qu'ils
ne puissent pas en subir la déchéance. D'ailleurs, la solution contraire
n'aurait, en réalité, aucune incidence juridique dans la mesure où, malgré
la suspension, il est possible d'exercer des poursuites contre ces personnes,
et ce, depuis l'échéance du terme, si terme il y a eu.
Malgré ces quelques réserves, il reste que la fin anticipée du répit
accordé à un débiteur, quel qu'en soit le fondement ou la forme, revigore le
lien contractuel presqu'autant que l'aurait fait l'arrivée normale de
l'échéance. Le non-aboutissement de la suspension produit ainsi un résultat
particulier, qui tranche avec celui qu'emporte l'échec des autres procédés de
suspension, mais est très proche de l'issue normale d'un processus de
suspension réussi.
Pour la caution: Rouen, 29 juill 1871, D.P. 73, 2, 206 ; Réq., 3 juil. 1890, D.P. 91, l, 5, note
PLANI0L. Pour la caution solidaire: Civ. 1ère, 20 déc. 1976, Bull.. civ., l, n0415 ; corn., 5 oct. 1983,
Bull. civ., IV, n0254. Pour le codébiteur solidaire: Bordeaux, 10 mars 1854, D.P. 55, 1,246; Amiens,
19 nov. 1921, G.P. 22, 1,375.
2
F. DERRIDA, article précité, n075.
3
D. VEAUX, article précité, nO lI7 et 119 ; V. Civ. 1ère, 30 OCL 1984, Bull. civ., l, n° 290 : «La
déchéance du terme encourue par le débiteur principal défaillant ne s'étend pas, en principe, à la caution
solidaire poursuivie en paiement, sauf si celle-ci a étendu contractuellement son engagement au cas de
déchéance du terme».
"
4
V. supra n° 273.

- 347 .
§2 -Les conséquences de la déchéance
372.- La déchéance qui frappe un débiteur a pour conséquence de
provoquer la levée du délai de paiement dont celui-ci bénéficiait. La dette se
retrouve telle qu'elle aurait dû se présenter à la fin de la période de
suspension, c'est-à-dire que l'obligation recouvre toute sa vitalité et toute sa
rigueur. C'est ce qui fait la spécificité de cette forme d'échec de la
suspension par rapport aux autres hypothèses où la suspension n'a pas
atteint ses objectifs et qui, au contraire, traduisent une négation des
obligations contractées.
Ainsi, lorsqu'il s'agit d'un terme, la déchéance produit les mêmes
effets que l'arrivée du terme. La créance devient immédiatement exigible et
le créancier peut désormais poursuivre en recouvrement le débiteur!. Si
c'est d'un délai de grâce dont bénéficie le débiteur, la déchéance redonnera
au créancier le droit de recourir à l'exécution forcée et les poursuites ou
saisies en cours qui ont été suspendues pourront reprendre 2 . On peut
supposer qu'il en serait de même si un débiteur couvert par une loi de
moratoire venait à en être déchu. Les conséquences de la déchéance des
mesures de suspension prévues par la loi du 31 décembre 1989 n'ont pas été,
avons nous dit, précisées par ce texte, mais on peut aisément concevoir
qu'elles consisteraient en la remise en cause du plan de règlement
conventionnel ou de redressement judiciaire; auquel cas le créancier serait
immédiatement en droit d'exercer les mesures d'exécution.
373.- Toutefois, s'il est incontestable que la déchéance débarrasse la
créance de l'obstacle juridique à l'exécution, notamment dans les rapports
A. WEILL et F. TERRE, précité, n0915 ; D. VEAUX, article précité, n° 112 et s. ; F. DERRIDA, article
précité, n° 73 et s. ; PLANIOL et RIPERT, t. VII, n01017, p. 336. Ces auteurs relèvent cependant que
lorsque la déchéance du terme résulte d'une procédure cQflsécutive à l'état de cessation des paiements, il
faut tenir compte des règles particulieres à cette matière, notamment en ce qui concerne la compensation
qui reste impossible entre une dette du débiteur en liquidation et une créance de ce même débiteur contre
son propre créancier (com., 31 janv. 1984, J.c.P. 84, éd. G., IV, III), à moins qu'il ne s'agisse de dettes
connexes (Civ., 18 octobre 1938, G.P. 1938,2,790 ; V. égaIement com., 9 nov. 1982, D.S. 83,466,
note A. HONORAT).
2
On s'est demandé si le juge pouvait accorder un délai de grâce pour le paiement d'une dette devenue
exigible par déchéance du terme. Il peut en effet sembler contradictoire de retirer au débiteur le délai de
paiement que lui conferait le terme, pour lui accorder aussitôt un autre délai de paiement. Cependant, la
jurisprudence admet, de manière constante, cette faculté et la justifie par la différence de fondement des
deux institutions (Com., 24 juin 1969, Bull. civ., IV, n0240, V. D. VEAUX, article précité, nOl14 et
115).

- 346 -
plan ou le déroulement de la procédure». Faisant application de cette
disposition, la Cour d'appel de Douai a prononcé la déchéance du bénéfice du
redressement judiciaire, d'une part, à l'encontre d'un débiteur qui, de son
propre chef, avait contracté un nouvel emprunt pendant la procédure de
règlement amiable l et, d'autre part, au détriment de celui qui avait utilisé
des fonds pour désintéresser à sa convenance certains de ses créanciers
sans l'accord des autres2• Cette jurisprudence dénote une interprétation on
ne peut plus compréhensible du texte3.
Par ailleurs, les articles 4, alinéa 3, et 12, alinéa 3, laissent
respectivement aux parties et au juge la faculté d'user, dans le plan, des
clauses de déchéance en subordonnant sa mise en application au respect par
le débiteur de certaines obligations. C'est ainsi qu'il est souvent prévu dans
les plans de redressement judiciaire que le non-respect par le débiteur de ses
obligations entraînera "la déchéance immédiate du bénéfice des dispositions
du présent jugement»4 ou «la caducité du plan»5. De même, l'insertion dans
un plan amiable ou judiciaire d'une clause de retour à meilleure fortune est
admise, consacrant ainsi une déchéance pour amélioration des capacités de
paiement du débiteur6.
En définitive, on peut souligner que la loi du 31 décembre 1989 qui,
dans l'ensemble, abandonne à l'imagination des tribunaux l'essentiel des
difficul tés d'application et laisse donc une impression d'inachevé?> apporte,
en ce qui concerne la déchéance, des précisions utiles. Mais toutes les
difficultés ne s'en trouvent pas pour autant réglées; il aurait été préférable
de s'intéresser par exemple aux conséquences de la déchéance.
1
8e Ch, 21 mars 1991, MACHU, Jurisdala, n041932, cité par G. PAISANT, R.T.D. Corn. 91,654, n03.
2
8e Ch. 16 mai 1991, COLIN, Jurisdala, n041644, cité par G. PAISANT, R.T.D. Corn. 91,654, n03.
Compar. avec T.T Grasse, 20 juin 1991, D.S. 1992, Somm .. 102, obs. BOULOC et CHATAIN.
3
G. PAISANT, R.T.D. Corn. 91,653, n03.
4
T.I. Riberac, 27 nov. 1990 et 21 déc. 1990 ct T.I. L)&On, 18 déc. 1990, cités. par P-M. LE CORRE.
Rev. des Proe. collectives. 1991,3, p. 276, n037.
5
T.1. Maubeuge, 3 oct. 1990 et T.I. Lyon 28 janv. 1991, cités par P.-M. LE CORRE, Rev. pr. coll.
1991,3, p. 276, n037.
6
V. G. PAISANT, R.T.D.Comm. 1992, p. 674, nO 2 ; Ph. MERLE, Surendettement des particuliers.
R.T.D.Com. 1990, p; 467 et s., spécialement nO 5. La circulaire du 30 novembre 1990 relative à
l'harmonisation des méthodes de travail des commissions de surendcttement admet également cette
possibilité, mais recommande qu'une telle clause soit enserrée dans des conditions strictes: elle ne devrait
pouvoir être mise en oeuvre qu'à J'expiration d'un délai minimun de deux ans à compter du constat de la
nouvelle situation du débiteur; elle ne devrait pouvoir jouer qu'une seule fois et sa validité devrait être
limitée à la durée du plan (Ph. MERLE, R.T.D.Com. 1991, p. lOI. nO 2).
?
V. G. PAl SANT, obs. au R.T.D. Com. 1991,658, n° 7; P. LE CANNU, article précité, n058 ets.

- 345 -
dit, le juge est dans ces hypothèses autorisé à prononcer la déchéance d'un
débiteur à titre individuel. Cette restriction s'explique par le fait que le
moratoire s'analysant en une présomption d'empêchement pour le débiteur
de faire face aux poursuites d'exécution, s'il est démontré que, malgré les
circonstances, il est en mesure de payer, il n'y a plus de raison d'interdire
au créancier de réclamer ce qui lui est dû.
il convient de remarquer que la déchéance qui, dans la plupart des
hypothèses jusque là envisagées, intervient pour éviter au créancier de subir
les conséquences de l'insolvabilité du débiteur ou de la diminution des
garanties de paiement, est par contre dans les cas ci-dessus cités la
résultante de l'amélioration des capacités de paiement du débiteur.
2· La déchéance du bénéfice des procédures prévues par la loi sur le
surendettement des particuliers
371.- Les auteurs de la loi n089-lülü du 31 décembre 1989 ont prévu
des hypothèses dans lesquelles un débiteur peut être privé du bénéfice des
dispositions de ce texte. Certains actes du débiteur, aux termes de l'article
16, peuvent au moment de l'ouverture ou au cours de l'une ou l'autre
procédure provoquer la déchéance de leur bénéfice. Ainsi est exclu du
bénéfice de la loi tout débiteur qui aura sciemment fait de fausses
déclarations ou fourni de faux documents afin de bénéficier des procédures
prévues l . Il en est de même de toute personne qui, dans le même but, aura
détourné ou dissimulé, ou tenté de détourner ou dissimuler, tout ou partie de
ses biens2. Il faut remarquer cependant que dans ces deux hypothèses, il
s'agit en réalité des causes d'irrecevabilité d'une demande de règlement
amiable ou de redressement judiciaire civil qui ne deviennent des causes de
déchéance qu'en cas de découverte tardive3.
C'est le 3° de l'article 16 qui fait supporter une véritable déchéance à
«toute personne qui, sans l'accord de ~es créanciers ou du juge, aura
aggravé son endettement en souscrivant de nouveaux emprunts ou aura
procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant l'exécution du
1
Art. 16-1 °
2
Art. 16-2°
3
C'esl ainsi que le débiteur qui taÎl à la commission chargée d'établir un plan la reprise de son aClivité
professionnelle doil être déchu du bénéfice de la procédure au litre de l'art. 16 (Civ.lère,31 mars 1992,
D.S. 1992, I.R., 159 ; V. les obs. de G. PA1SANT, R.T.D. Corn. 1992, p. 673, nO 1 ).

- 344 -
C . La déchéance dans les lois de mora toire et dans la loi sur le
surendettement
1- La déchéance des mesures de moratoire
370.- Il s'est posé la question de savoir si les délais prévus par les
lois de moratoire constituaient des termes de droit ou des délais de grâce l .
La réponse à cette interrogation présente des intérêts au point de vue du
régime juridique de ces délais et notamment en ce qui concerne la
détermination des causes de déchéances
Inutile de rappeler que la doctrine et la jurisprudence sont restées
très divisées sur la question et la très grande diversité des moratoires ne leur
a pas facilité la tâche. En effet, le moratoire est une mesure exceptionnelle
édictée par une loi, elle même, spéciale. Un moratoire, pourrait-ou dire, ne
ressemble jamais à un autre et dans ces conditions, il serait très difficile, si
ce n'est impossible, d'élaborer un régime général de déchéance applicable à
l'ensemble des moratoires. Chaque texte devrait, en principe, prévoir les
conditions dans lesquelles un débiteur couvert par une loi de moratoire
pourrait perdre le bénéfice des mesures contenues dans celle-ci.
11 faut malheureusement constater que très peu de textes comportent
des dispositions relatives à la déchéance. La lecture attentive de certains
laisse toutefois transparaître la possibilité de déchéance. Il en est ainsi des
lois n063-1218 du I l décembre 1963 2 et n069-992 du 6 novembre 19693
instituant des mesures de protection juridique en faveur des rapatriés et des
personnes dépossédées de leurs biens outre-mer. Elles réservent la faculté,
pour le tribunal, de lever l'application de tout ou partie des mesures de
suspension en considération des facultés de paiement du débiteur et de la
situation financière du créanciert, et donnent à toute partie intéressée la
possibilité de demander au juge de modifier la décision en cas de
changement intervenu ou apparu pendant le cours des délais5• Autrement
1
V.supra n° 118els.
2
J.O. 12 déc. 1963 ; J.CP. 63, éd. G., III, 29673.
3
J.O. 7 nov. 1969 ; J.CP. 69. éd. G., III, 36071.
4
An. 7 al. 1 de la loi de 1969.
5
An. 5 de la loi de 1963 el art. 7 al. 2 de la loi de 1969.

- 343 -
La portée pratique de cette solution est, en revanche, très limitée. En
effet, l'article 47 de la loi de 1985 dispose que le jugement d'ouverture du
redressement judiciaire suspend ou interdit les actions en justice de la part
des créanciers dont les créances sont antérieures audit jugement et visant à
la condamnation du débiteur au paiement de sommes d'argent ou à la
résolution d'un contrat pour défaut de paiement de sommes d'argent. Il en
est de même de toute voie d'exécution de la part des créanciers tant sur les
meubles que sur les immeubles. D'autre part, la loi du 31 décembre 1989
donne au juge la possibilité de prononcer, si la situation du débiteur l'exige,
la suspension des procédures d'exécution engagées contre le débiteur J • Et
par ailleurs, l'adoption d'un plan de règlement a pour vocation d'exclure
l'exercice des mesures d'exécution pendant la periode de redressement2. On
le voit donc, la déchéance ne peut quasiment pas produire d'effet, puisque sa
conséquence essentielle est d'ouvrir la voie aux poursuites et mesures
d'exécution. Ce constat est, en plus, corroboré par le fait que toutes ces
procédures tendant à fixer de nouveaux délais en vue du règlement de
l'ensemble des dettes du débiteur, les délais préalablement accordés, même
s'ils ne sont pas frappés de déchéance, deviendront forcément caducs et
remplacés par les nouveaux, en général plus favorables au débiteur.
369.- La loi n091-65ü du 9 juillet 19913 qui modifie l'article 1244 du
Code civil prévoit d'autres causes de déchéance du délai de grâce en plus de
celles de l'article 512 du nouveau Code de procédure civile. Le nouvel article
1244-1 alinéa 3 donne au juge la faculté de subordonner le bénéfice du délai
de grâce à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à
garantir le paiement de la dette. Cela signifie, sans doute, que le débiteur qui
viendrait à manquer à la réalisation de tels actes serait déchu des mesures
de grâce qui lui auraient été accordés. On remarquera d'ailleurs que la loi
sur le surendettement des particuliers du 31 décembre 1989 contient des
dispositions analogues.
J
Art. 1er al. 4 et art. II al. 4 de la loi.
2
P.-M. LECORRE, Surendeuement des particuliers et redressement judiciaire civil, Rev. Proc. Col1.I991,
p. 266, nO 28.
3
J.O. 14 juillet 1991 ; J.c.P. 91, ed. G., JIl, 64891 ; V. H. CROZE, La loi n091-650 du 9 juillet 1991
portant réfonne des procédures civiles d'exécution: le nouveau droit commun de l'exécution forcée, J.c.P.
91, éd. G., l, 3555.

- 342 -
peut d'ailleurs rapprocher de cette hypothèse la saISIe par d'autres
créanciers des biens du débiteur; celle-ci entraîne également la perte ou ]a
diminution du gage général sur lequel le créancier est en droit de compter et
en considération duquel le délai avait peut-être été accordé. C'est une
mesure de bon sens et de justice que de priver, dans un tel cas, le débiteur du
bénéfice des délais afin de permettre à tous les créanciers de pouvoir
égalitairement exercer des poursuites l .
368.- Le problème se pose avec davantage de délicatesse en ce qui
concerne les procédures de redressement. La déchéance est-elle encourue
dans ces cas de figure après les changements législatifs intervenus?
La déchéance du terme suspensif, avons-nous dit, ne peut intervenir
que si le redressement judiciaire aboutit à la cession globale de l'entreprise
ou à la liquidation judiciaire; le seul fait de l'ouverture de la procédure ne
suffit plus à emporter la levée des termes2. Cette solution n'est pas, semble-t-
il, étendue aux délais de grâce et la doctrine se prononce en faveur du
maintien des solutions antérieures à la loi du 25 janvier 19853. Les termes de
l'article 512 lui donnent raison. En stipulant que le débiteur qui serait en
état de redressement judiciaire perdrait le bénéfice du délai de grâce qu'il
aurait préalablement obtenu, ce texte laisse, sans nuance, entendre que cette
sanction est encourue dès le jugement d'ouverture de la procédure. Le
même raisonnement doit être tenu à propos du règlement des situations de
surendettement. La décision d'ouverture d'une procédure de règlement des
dettes doit avoir pour conséquence de mettre fin, par anticipation, aux délais
de faveur accordés au débiteur.
D'un point de vue théorique, cette position peut parfaitement être
justifiée. Car, si le délai de grâce est certes accordé au débiteur en difficulté,
il ne l'est que pour autant que celui-ci peut s'en sortir. En conséquence, s'il
apparaît au cours du délai que la situation du débiteur ne s'améliore pas, il
..
est normal que le créancier puisse entreprendre ou poursuivre les
poursuites sans attendre l'expiration du délai4 •
R. TEXIER, thèse précitée, p. 115; J.-M. PANSIER, thèse précitée, n0126, p. 63; E. DATRY, thèse
précitée, p. 42; S. CARRE, thèse précitée, p. 81 ; D. VEAUX, article précité, n0124.
2
V. supra n° 362 et s.
3
J. ISSA-SAYEGH, article précité, n0125.
4
E. DATRY, thèse précitée, p. 40.

- 341 -
que pour autant qu'une procédure de redressement est en cours.
En définitive, il y a lieu de dire que l'institution par la loi du 31
décembre 1989 des procédures collectives de règlement des situations de
surendettement suppose que, dès lors que l'une d'elles est ouverte, la
déchéance ne peut plus sanctionner le débiteur, tout au moins de ce seul fait.
Ce ne serait qu'étendre aux débiteurs civils les solutions appliquées en
matière de redressement judiciaire des entreprises par analogie à ce qui
avait déjà été fait avec l'article 1188 du Code civil. Par contre, dans les cas où
les dispositions de la loi sur le surendettement ne peuvent pas recevoir
application, la solution la plus cohérente consiste à maintenir l'ancienne
jurisprudence. Certains auteurs l'avaient déjà suggéré après la loi du 25
janvier 1985 1•
Les causes de déchéance du délai de grâce n'ont - elles pas subi aussi
des modifications avec la loi n091-65ü du 9 juillet 1991 portant révision de
l'article 1244 du code civil?
B - La déchéance du délai de grâce
367.- L'article 512 du nouveau Code de procédure civile dispose que
ale délai de grâce ne peut être accordé au débiteur dont les biens sont saisis
par d'autres créanciers ni à celui qui est en état de règlement judiciaire ou
de liquidation des biens (redressement judiciaire) ou qui a, par son fait,
diminué les garanties qu'il avait données par contrat à son créancier -
Le
débiteur perd, dans ces mêmes cas, le bénéfice du délai de grâce qu'il aurait
préalablement obtenu»2.
Ce texte révèle que certaines causes de déchéance du délai de grâce
sont identiques à celles qui emportent la perte du bénéfice du terme
conventionnel, si bien qu'elles ne méritertt pas une seconde étude3. Il en est
ainsi de la diminution des sûretés fournies par le débiteur au créancier4. On
1
D. VEAUX, article précité, non et s. ; MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, 1. II, n057, p. 51.
2
On notera, par rapport à l'ancien art. 124 du C. proc. civ., la disparition de la contumace ou du fait de se
constituer prisonnier des causes de déchéance du délai de grâce.
3
V. supra n° 354, 355 et s.
4
J. ISSA-SA YEGH, article précité, nO 126.

- 340 -
peut remarquer que dans les procédures mises en place par les deux textes
prévaut l'idée prioritaire de ne pas accabler le débiteur en difficulté tant que
subsiste une chance de redressement. Dans un cas, il s'agit de sauvegarder
l'activité de l'entreprise et par voie de conséquence l'emploi; dans l'autre, il
est question de redresser une situation patrimoniale tout en assurant la
protection du débiteur dans ses intérêts personnels et familiaux. Dans ces
conditions, on ne comprendrait pas que l'on continue à lier à la déconfiture
civile la déchéance du terme. Une tentative de redressement implique une
interdiction, au moins provisoire, de la déchéance. Comment pourrait - il
d'ailleurs en être autrement, étant donné que le juge est même investi du
pouvoir de reporter ou de rééchelonner les paiements des dettes, y compris
celles déjà exigibles l . Il en résulte que l'ouverture d'une procédure de
règlement judiciaire, encore moins amiable, ne saurait entraîner à elle
seule la déchéance des termes dont bénéficie le débiteur. La jurisprudence
ancienne devient donc, à notre avis, inapplicable dans cette hypothèse. Les
analyses récentes de certains auteurs vont dans ce sens2 .
366.- Toutefois, le débiteur, pour bénéficier des dispositions de la loi,
doit être de bonne foi; une exigence qui est renforcée par l'article 16 qui fixe
les conditions de la déchéance3. La loi sur le surendettement des particuliers
n'est, en conséquence, pas applicable à tous les débiteurs civils. On peut dès
lors se demander si le débiteur exclu du champ d'application de la loi ne
demeure pas soumis aux solutions jurisprudentielles énoncées plus haut.
Cette position semble logique, car aucune procédure de redressement ne
pouvant être initiée, il n'existe, en principe, plus d'obstacle empêchant la
déconfiture civile de produire ses effets. La déchéance n'est en effet écartée
V. an. 12 de la loi de 1989. Cette disposition peut être rapporchée de celle de l'art. 74 de la loi de 1985
qui donne au tribunal le pouvoir d'imposer des délais aux créanciers qui ne les auraient pas acceptés à
l'amiable.
2
MAZEAUD, t. Il, 1er vol., n01026, p. 1098 ; ~. : MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, t. II, n0283,
p.258.
Il faut cependant relever que la loi du 31 déc. 1989 O'institue pas, à proprement parler, une "faillite
civile", Car elle ne prévoit pas une procédure de liquidation du patrimoine du débiteur. Il n'existe pas de
disposition équivalente à l'art. 160 de la loi de 1985 et il est alors douteux que l'on puisse tirer de cette loi
toutes les conséquences du redressement et de la liquidation judiciaires (p. LE CANNU, article précité,
Bull. Joly, 1990, 135). V. cependant l'analyse de G. PAISANT, Du redressement judiciaire civil à la
faillite ?, c.c.c. Juin 1991, Chr., p. 1.
3
La pratique démontre cependant que cette condition est admise largement par le juge (p. LE CANNU,
article précité, n° 10). La bonne foi du débiteur est d'ailleurs, selon la jurisprudence, présumée et il
appartient au créancier qui la conteste d'établir la mauvaise foi (Civ. 1ère, 4 av. 1991, D. 91, 307, note
BOULOC; LC.P. 91, ed. G., II, 2170, 2, note Y. PICOD ; Rép. Defr. 91, art. 35062, n04, obs. J.-L.
AUBERT.

- 339 -
b) L'incidence de la loi du 31 décembre 1989
364.- Tradi tionnellement, la jurisprudence attache à la déconfiture
du débiteur civil, par rapport au terme suspensif, les mêmes conséquences
que celles de la faillite l . Cette assimilation était justifiée par le fait que dans
les deux cas, le principal motif de la déchéance était le même: l'aggravation
du risque de non-paiement et la perte de confiance en la solvabilité du
débiteur qui s'en suit2.
Avec la loi du 25 janvier 1985 qui fait disparaître la référence de la
faillite de l'article 1188, le principal argument de texte fondant la
jurisprudence antérieure a été écarté. Mais la doctrine est restée quasi-
unanimement favorable au maintien du principe de la déchéance des
termes dont bénéficie le débiteur civil en déconfiture. Car la loi sur le
redressement et la liquidation judiciaires ne s'applique pas aux débiteurs
civils et aucune de ses dispositions ne désavoue formellement la solution
classique3 . Cependant, l'adoption récente d'une loi instituant des procédures
de règlement applicables aux particuliers conduit à s'interroger sur la
validité actuelle des solutions jurisprudentielles4 .
365.- A vrai dire, la loi sur le surendettement des particuliers5 ne
contient aucune disposition analogue à l'article 56 de la loi de 1985. Mais, on
V. anc. art. 1188 du Code civil; Civ., 30 mars 1892, D.P. 92, 1,281, note PLANIOL ; S.92, 1,481,
note LABBE; Civ., 12 déc. 1899, D.P. 1900, l, 112 ; Civ. 1ère, 19 déc. 1973, D.74, I.R., 58 ; Civ.
1ère, 10 fév. 1976, Bull. civ., l, n062. V. aussi: Rep. Dr. civ. Dalloz, V. Déconfiture.
2
Paris, 23 fév. 1940, G.P. 40, 351 : «Attendu que la déconfiture faisant disparaître l'état apparent de
solvabilité sur la foi duquel le créancier avait accordé un terme, entraîne la déchéance du terme».
Il faut d'ailleurs relever qu'à son époque, PoLhier juslifiait déjà cette solution en remarquant que le terme
ayant pour fondement la confiance en la solvabilité du débiteur, «lors donc que ce fondement vient à
cesser, l'effet du terme cesse» (cité par MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, L II, nOI026, p. 1098).
Cependant, la notion de déconfiture est très imprécise. Le Code n'en donne pas de définition et celles
données par la doctrine varient suivant les auteurs. Disons que d'une manière générale la déconfiture est
considérée comme l'état d'insolvabilité notoire du débiteur. Pour AUBRY et RAU (5e ed., t. IX, n° 369),
c'est «l'état du débiteur non commerçant dont le passif surpasse l'actif et qui se trouve dans
l'impossibilité de satisfaire intégralement tous ses créanciers». Cette définition est généralement reprise
en doctrine (Rep. Dr. Dalloz, V. Déconfiture, n° 1 et 2). Il faut toutefois relever qu'ainsi définie, la
déconfiture ne recouvre pas la notion de surendettement (Y. CHAPUT, article précité, nO 16 ; G.
PAISANT, article précité, LCP. 1990, ed. G., 1, 3457, nO 21 et s.).
3
D. VEAUX, article précité, n092 et s. ; MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. II, n057, p. 52 ; B.
STARCK, l Il, n° 1087. runllil: MAZEAUD, L II, 1er vol., n01026.
4
Loi n089-IOlO du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au
surendettement des particuliers et des familles.
5
L'an. 1er de la loi de 1989 définit le surendettemenl par «l'impossibilité manifeste, pour un débiteur, de
faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles, exigibles et à échoir»,

- 338 -
d'échec de toutes les autres solutions l .
363.- Toutefois, si la seule ouverture d'une procédure collective n'est
plus suffisante pour priver le débiteur des termes à lui accordés, la
déchéance n'a pas pour autant entièrement disparu des procédures
nouvelles. La menace d'une telle sanction pèse sur le débiteur tout au long
de la procédure. Tout dépend, en réalité, de l'issue finale. Si l'entreprise est
effectivement sauvée, tant mieux ; la menace de la déchéance sera
définitivement écartée2. Par contre, si la cession globale de l'entreprise est
décidée ou si est prononcée la liquidation judiciaire, les créances qui
n'étaient pas échues à cette date deviennent immédiatement exigibles3.
Cette double règle peut s'expliquer par le fait que si, aussi longtemps
qu'on tente de redresser l'entreprise, on n'a pas intérêt à accabler le
débiteur, il y a, en revanche, nécessité d'apurer le passif global de
l'entreprise en cas de cession ou de liquidation judiciaire. Dans ces
conditions, le maintien des termes affectant les dettes ne se justifie plus.
En résumé, le débiteur ne perd le bénéfice du terme que s'il y a
cession de l'entreprise ou liquidation judiciaire, ce qui fait que dans ces
hypothèses, et plus particulièrement dans la dernière, certains auteurs
parlent de «déchéance - liquidation» par opposition à la «déchéance -
sanction» qui correspond à la diminution des sûretés4 .
V. art. 1er de la loi: «Il est institué une procédure de redressement judiciaire destinée a permettre la
sauvegarde de l'entreprise, le maintien de l'activité et de l'emploi et l'apurement du passif».
«Le redressement judiciaire est assuré selon un plan arrêté par décision de justice à l'issue d'une période
d'observation. Ce plan prévoit, soit la continuation de l'entreprise, soit sa cession. Lorsqu'aucune de ces
solutions n'apparait possible, il est procédé à la liquidation».
La jurisprudence précise que (<la liquidation est subsidimre et qu'elle ne peut être prononcée sans que soit
instituée une procédure de redressement judiciaire destinée à permettre la sauvegarde de l'entreprise» :
Paris, 14 mai 1986, D.87, Somm., 7, obs. DERRIDA; V. aussi: corn., 4 nov. 1986, D.86, 579, note
F. DERRIDA; J.c.P. 87, ed. G., II, 20736, note BOUSQUET; Colmar, 25 fév. 1987, D.89, Somm.,
7, obs. F. DERRIDA.
Voir cependant les observations de J -Ph. HAEHL qui évoque la possibilité d'une liquidation judiciaire
immédiate, R.T.D. Corn. 1988, 700 et s.
2
Mieux encore, l'art. 74 permet au juge d'imposer aux créanciers des délais de paiement supplémentaires
pour faciliter le redressement.
3
Art. 91 et 160 de la loi du 25 janv. 1985.
4
E. PUTMAN, thèse précitée, n0616 et s., p. 724.

- :'37 -
la faillite à la déconfiture du débiteur civil. Cette situation a été
profondément modifiée par la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la
liquidation judiciaires des entreprises (a) et sans doute aussi par celle du 31
décembre 1989 qui institute des procédures de règlement applicables aux
particuliers (b).
a) L'incidence de la loi du 25 janvier 1985
362.- Sous l'empire de l'ancienne législation, le jugement déclaratif
de règlement ou de liquidation
des biens emportait l'exigibilité immédiate
des dettes à terme!, Cette règle se justifiait, à l'époque, par le fait que la
faillite était traitée comme une faute et considérée comme déshonorante,
alors qu'aujourd'hui, elle apparaît beaucoup plus comme un accident
économique 2• Le terme «faillite» a d'ailleurs disparu des dispositions légales
et de nouvelles procédures ont été instituées par la loi de 1985.
Désormais, le principe est l'inverse de celui ci-dessus formulé :
d'après l'article 56 de la loi nouvelle, le jugement d'ouverture du
redressement judiciaire ne rend pas exigibles les créances non échues à la
date de son prononcé et toute clause contraire est réputée non écrite3. La
simple ouverture d'une procédure collective ne suffit donc plus à entraîner
la déchéance du terme4 . Cette règle trouve sa justification dans l'objectif
prioritaire des
nouvelles procédures mises
en place et qui
est le
redressement de l'entreprise, sa liquidation n'étant consacrée qu'au cas
PLANIOL et RIPERT. 1. VII, nOlO13 et ]0]4. p. 350 et s.; RIPERTet BOULANGER, 1. II, nOl506 et
S., p. 5]5 et s. ; F. DERRIDA, article précité, n° 45 et s.
2
V. B. OPPETIT, L'endettement et le droit, Mélanges A. BRETON et F. DERRIDA, Dalloz ]99], p; 295
et S., spécialement p. 306 et 307. Il relève notamment que «la faillite .... loin de conserver un caractère
infamant attirant la réprobation sociale et la réaction du droit, (apparaît) de nos jours comme un avantage
normal auquel toute catégorie socio-professionnelle est en droit de prétendre...»
3
Sur l'interprétation de cet article, V. E. PUTMAN, thèse précitée, n06]6.
4
La loi du 25 janvier ]985 ayant abandonné le prinllipe de la déchéance du terme liée au jugement
d'ouverture de la procédure collective, il s'est naturellement posé la question de savoir si la caution
pouvait s'en prévaloir pour s'opposer aux poursuites du créancier (V. A. MARTIN-SERF. obs. à la
R.T.D.Com. ] 990. p. 494, n° 2). La Cour de cassation l'a admis dans un arrêt de la chambre commerciale
du 14 novembre 1989. qui casse un arrêt de cour d'appel qui avait prononcé la déchéance du terme à l'
égard des cautions d'une société en redressement judiciaire (Rev.dr. Banc. n° 18. mars-avril 1989, p.88,
obs. CAMPANA et CALENDINI ; LC.P. 1990, cd.G., IV, 15 et ed. E..], 19379; Petites affiches n° 30
du 9 mars 1990, p. 14, note BOUTEILLER) . La cassation a été prononcée pour violation de l'an. 2013
du Code civil selon lequel: «le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être
contracté sous des conditions plus onéreuses» (V. les obs. approbatives de A. MARTIN-SERF,
R.T.D.Com. 1990, p. 294, n02 ).

- 336 -
c) Il faut enfin que la diminution des sûretés soit imputable au
débiteur.
360.- C'est ce que la Cour de cassation rappelle en décidant que
«l'article 1188 n'oblige le juge à déclarer le débiteur déchu du bénéfice du
terme que lorsque celui-ci a, par un acte de sa libre volonté, diminué les
sûretés données par le contrat au créancier ou qu'il n'a pas fourni celles
qu'il avait promises» 1. La déchéance n'est pas, par conséquent, encourue
lorsque la garantie a été amoindrie par la force majeure ou si la diminution
est imputable à la nature de la chose et à plus forte raison au créancier lui-
même 2. Le créancier a, en revanche, le droit de demander un supplément de
sûreté et si le débiteur ne les fournit pas, il sera alors fondé à exiger le
paiement3 . Cependant, pour que la déchéance joue, il n'est pas nécessaire
qu'il y ait intention dolosive de la part du débiteur; une faute quelconque,
ayant entraîné la diminution des sûretés, suffit pour qu'il y ait perte du
bénéfice du terme. C'est-à-dire qu'elle peut provenir de son action, de son
inaction, de sa négligence ou de son oubli4 .
En fait, toutes ces solutions énoncées n'ont subi aucune modification
depuis le Code civil et malgré le changement législatif engendré par la loi du
25 janvier 1985. Ce qui n'est pas le cas à propos des causes de déchéance liées
à l'impossibilité du débiteur de faire face à l'ensemble de ses dettes et dont
les conditions d'application ont considérablement changé.
2· L'impossibilité de payer les dettes
362.- L'article 1188 du Code civil, dans sa rédaction initiale,
prévoyait la faillite du débiteur commerçant parmi les causes de déchéance
du terme et la jurisprudence avait étendu les conséquences ainsi attachées à
1
Req.. 23 juin 1919, S. 20, l, 134.
2
Req., 24 juil. 1878, D.P. 79, l, 336 ; Réq., 23 juin 1919, S. 20, 1,134 ; MARTY, RAYNAUD et
JESTAZ, l Il, n057, p. 53 ; F. DERRIDA, article précité, n065 et s. ; D. VEAUX, article précité, n085.
Il faut ajouter que la déchéance est également exclue lorsque la diminution des sûretés, queUe qu'en soit la
cause, a été acceptée expressement ou tacitement par le créancier (Bourges, 10 mai 1892, D.92, 2, 455).
3
PLANIOL et RIPERT, t. VII, n01, D.15, p. 355 ; F. DERRIDA, article précité, n066. Sans doute, l'art.
1188 du Code civil n'impose pas une teUe obligation, mais l'art. 2020 du Code civil, lorsque la caution
devient insolvable et l'art. 2131 lorsque l'hypothèque devient insuf/ïsante, prévoient que le débiteur devra
compléter la garantie consentie au créancier. La doctrine tend à considérer que ces textes ne constituent que
des applications d'un principe général.
4
MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, t. II, n057, p. 53 ; D. VEAUX, article précité, n085.

- 335 -
En revanche, il y a unanimité pour admettre que l'article 1188 vise
indifféremment les sûretés réelles et les sûretés personnelles l .
b) TI faut ensuite qu'il y ait diminution de la sûreté
359.- La diminution par excellence correspond à l'hypothèse où la
garantie offerte au créancier a subi une détérioration matérielle, telle par
exemple la destruction de l'immeuble hypothèqué ou la coupe d'une futaie
non conforme à l'aménagement de la forêt 2 . Il y aura également déchéance
du terme lorsque, après avoir donné nantissement des actions d'une société
qu'il dirigeait, le débiteur avait, par sa mauvaise gestion, conduit la société à
la ruine et provoqué de ce fait la dévalorisation des actions données en
garanties3. La loi du 17 mars 1909 sur la vente et le nantissement des fonds
de commerce4 , article 13 alinéa 3, fait une application particulière de ce
principe: le vendeur du fonds de commerce et les créanciers nantis peuvent
obtenir le remboursement immédiat de leurs créances si le déplacement du
fonds, effectué sans leur consentement, entraîne une dépréciation de celui-
ci 5 ,
Doctrine
et jurisprudence
s'accordent
pour
décider
qu'à
la
diminution des sûretés, on doit assimiler «le refus de constituer" ou la
«non-constitution" des sûretés promises par le contrat6 , Dans cette
hypothèse, on peut dire qu'il y a une raison a fortiori pour admettre la
déchéance du terme puisqu'il y a «suppression totale", et non pas seulement
diminution des sûretés sur lesquelles le créancier avait le droit de compter7,
Dans tous les cas, les juges du fond sont souverains pour déterminer s'il y a
eu atteinte aux sûretés8,
1
D. VEAUX, article précité, n076 ; PLANIOL el RIPERT, LVII, n01015.
2
F. DERRIDA, article précilé, n058; MARTY, RAYNAUD el JESTAZ,l. II, n057, p.53.
3
Corn., 9 nov. 1965, Bull. civ., III, 566.
4
D.P.1909,4,41.
5
PLANIOL el RIPERT, l. VII, nOI015, p. 353 ; F. DERRIDA, article précilé, n058 ; D. VEAUX, arlicle
précilé, n082 ; V. Poiliers, 28 nov. 1923, D.H. 24, 154.
6
Req.,2 mai 1900, S. 1901, l, 14; MOnlpellier, 23 av. 1931, G.P. 31, 1,879.
7
RIPERT el BOULANGER, l. II, nOl54 ; PLANIOL el RIPERT, l. VII, nOl016 ; F. DERRIDA, arlic/e
précilé, n059.
8
Civ., 21 av. 1852, D.P. 54, 5, 538.

- 334 -
entrevoir trois conditions nécessaires à la déchéance du débiteur.
a) TI faut d'abord qu'il existe une sûreté
358.- Cela suppose l'existence d'une sûreté proprement dite. telle
que hypothèque ou gage, et non d'autres garanties de paiement sur
lesquelles le créancier aurait compté. En conséquence, un privilège général
ne saurait être pris en considération et encore moins le gage général du
créancier sur le patrimoine du débiteurl . La sûreté doit, en outre, avoir été
«donnée par le contrat» au créancier; ce qui fait que l'article 1188 ne saurait
s'appliquer aux sûretés légales résultant des dispositions de la loi ou d'une
décision judiciaire2.
La question est plus délicate pour ce qui concerne les privilèges
spéciaux qui, tout en trouvant leur fondement formel dans un texte de loi, ne
découlent pas moins de la volonté tacite des parties). L'atteinte qui y serait
portée entraînerait - elle une déchéance? La jurisprudence tout comme la
doctrine sont divisées et les argumentations des deux bords rivalisent de
pertinence4 . Cependant, il nous semble plus conforme à l'article 1188 de se
prononcer pour la non-application de cette disposi tion aux privilèges
spéciaux. Car le privilège est attaché à la qualité de la créance par une
disposition de la loi et ne constitue pas, à proprement parler, une garantie
conventionnelles.
B. STARCK, 1. Il, nOl095, p. 450 ; MARTY, RA YNAUD et lESTAZ, 1. Il, n° 57, p. 53 ; PLANI0L et
RIPERT,1. VII, nOl015, p. 353 ; COLIN et CAPITANT, 1. II, n01704 ; D. VEAUX, anicle précité,
n075 ; F. DERRIDA, article précité, n054. V. aussi: Civ., 4 janv. 1870, D.P. 70,1, Il ; 10 mai 1881,
D. 82,1,201 ; MelZ, 16 déc. 1868, D.P. 69, 2, 206; Dijon, 29 janv.1878, D.P. 79,2,37; Trib. civ.
Monlbrisson,27 fév. 1936, G.P. 36, 1,870.
2
De ce fait, les privilèges généraux des an. 210 1 et 2104 du Code civil ne sont pas concernés par l'art.
1188 ; même lorsqu'ils garantissent des créances d'o"figine contractuelle, ils ne reposent en rien sur la
volonté des parties, mais seulement sur l'autorité de la loi (D. VEAUX, article précité, n077 ; F.
DERRIDA, anicle précité, n055 ; sur la question générale des privilèges généraux, V. MAZEAUD, t III,
1er vo1., Sûretés et publicité foncière, nOl42 et s.).
)
V. an. 2102 et 2103 du C.Civ.
4
En faveur de la déchéance du terme: D. VEAUX, article précité, n078 ; PLANIOL et RIPERT, 1. VII,
n01015 ; V. Réq., 21 fév. 1861, D.P. 61, 1, 170; Chambery, 13 mai 1902, G.P. 1902 - 1907, Tables
V. obligations, n0184. Pour le maintien du terme: F. DERRIDA, article précité, n056, V. Réq., 24 fév.
1878, D. 79, 1,336; Paris, 26 mai 1849, D.P. 49,2, ]90, Rouen, 24 juin ]903, G.P. 1903,2,280.
S
F. DERRIDA, anicle précité, n056.

- 333 -
et le juge du fond a en la matière un pouvoir souveraIn d'appréciation l ;
mais il ne peut pas suspendre l'application de la clause au nom de l'équité
ni la modifier2.
356.- Il faut aussi souligner que la loi du 25 janvier 1985 sur le
redressement et la liquidation judiciaires des entreprises interdit toute
clause qui attacherait la déchéance du terme au jugement d'ouverture du
redressement judiciaire3. Ce texte ne s'est d'ailleurs pas limité à exclure les
stipulations conventionnelles de déchéance, il a profondément modifier le
régime légal des déchéances en révisant l'article 1188 du Code civil, faisant
de ce fait disparaître la faillite des causes légales de déchéance. Toutefois, la
faillite n'a pas cessé d'exercer son influence sur le sort du terme, mais son
effet est plus nuancé. L'adoption récente d'une procédure de redressement
judiciaire civil ne manque en outre pas d'avoir une incidence sur
l'applicabilité de certaines causes de déchéance. Aussi convient - il
d'envisager les causes traditionnelles de déchéance compte tenu de ces
évolutions4 . Les événements entraînant la déchéance peuvent être regroupés
autour de deux idées: la perte des sûretés (1) et l'impossibilité du débiteur de
faire face à toutes ses dettes (2).
1 . La perte des sûretés
357.- D'après l'article 1188 du Code civil, "le débiteur perd le
bénéfice du terme lorsque, par son fait, il a diminué les sûretés qu'il avait
données par contrat à son créancier». Cette disposition est la seule de celles
issues de la rédaction primitive de cet article qui a survécu à la loi du 25
janvier 19855. Bien qu'assez peu explicite, l'article 1188 laisse néanmoins
1
Civ. 1ère, 8 déc. 1976, Bull.. civ., l, n0395.
2
Il s'agit là d'une différence fondamenLale entre la clause de déchéance et la clause pénale qui contrairement à
la première, peut, depuis la loi du 9 juillet 1975, être révisée par le juge (art. 1152 al. 2 du C. Civil) ; V.
D. VEAUX, article précité, n° 105 et 106.
3
V. art. 56 de la loi du 25 janv. 1985.
...
4
L'art. 1188 ancien du C. Civ. disposait que <<le débiteur ne peut plus réclamer le bénéfice du terme
lorsqu'il a fait faillite ou lorsque par son fait, il a diminué les sûretés qu'il avait données par le contrat à
son créancier».
5
Cette règle s'inspire des mêmes considérations que l'art. 2037 du C. civ. qui permet à la caution de se
décharger <<lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le
fait du créancier, s'opérer en faveur de la caution» (S. BETANT-RaBET, La décharge de la caution par
application de l'art. 2037 du C. Civ., RT.D. civ. 1974,309). En effet, dans un cas comme dans l'autre,
le créancier ou la caution subordonne visiblement son engagement à la constitution de ces garanties. Si
donc ces sûretés sont compromises, la confiance ainsi témoignée n'est plus justifiée (F. DERRIDA,
article précité, n052 ; D. VEAUX, article précité. n073).

- 332 -
§1 - Les causes de déchéance
354.- La combinaison des articles 1188 du Code civil et 512 du
nouveau Code de procédure civile fait apparaître, du moins en ce qui
concerne le terme suspensif et le délai de grâce, un régime général
regroupant les causes de déchéance communes à ces deux formes de report
,-
de l'exécution. Toutefois, les causes de déchéance du délai de grâce
débordent largement ce régime commun et on peut considérer que cela tient
au fait qu'il s'agit d'une faveur qui n'a pas recueilli le consentement des
parties, mais est accordée par la seule volonté du juge. Il est normal alors
que l'on soit plus facilement déchu du délai de grâce que du terme
conventionnel.
Pour mieux marquer cette distinction, il convient d'examiner tour à
tour les hypothèses de déchéance du terme (A) et du délai de grâce (B) avant
d'aborder la question tout à fait particulière des lois de moratoire et de la loi
sur le surendettement des particuliers (C).
A· La déchéance du terme suspensif
355.- Le Code civil limite expressément les hypothèses dans
lesquelles le débiteur peut être privé du bénéfice du terme conventionnel.
Toutefois, les parties peuvent aussi, par la convention qui a accordé le terme
au débiteur, assortir celui - ci de n'importe quelle clause de déchéance!.
Cette faculté, largement utilisée en pratique, confère au terme un caractère
conditionnel en prévoyant que la dette deviendra immédiatement exigible
par anticipation si tel ou tel événenement se produit. Il en est ainsi
notamment des dettes de sommes d'argent dont le paiement est échelonné
sur un certain nombre d'échéances et dans lesquelles c'est presque une
clause de style que de stipuler qu'au cas de non-paiement d'une échéance,
toutes les sommes restant dues devienhent immédiatement exigibles2. La
portée de la clause de déchéance doit évidemment être interprétée, comme
toutes les autres stipulations du contrat, en fonction de la volonté des parties,
MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. II, nO 56, p. 50; F. DERRIDA, Rep. Dr. civ. Dalloz, V. Tenne,
n040; D. VEAUX, article précité, n07l, 102 et s.
2
D. VEAUX, article précité, nOl03 ; MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, t. II,
n056, p. 50. Ils font
toutefois remarquer que la déchéance ne saurait pour autant s'attacher de plein droit au non-paiement de
l'échéance, il faut qu'une clause expresse le prévoit.

- 33] -
SECTION III : LA
PERTE
ANTICIPEE
DU BENEFICE
DE
LA
SUSPENSION
353.- La suspension, lorsqu'elle se présente sous la forme d'une
faveur accordée au débiteur soit par l'autre contractant, soit par le juge ou la
loi, peut prendre fin avant l'échéance prévue. Le plus souvent, le bénéficiaire
de la suspension s'en trouve privé contre sa volonté et on parle alors de
déchéance!,
La déchéance peut se définir comme une sanction spécialement
prévue contre un débiteur auquel un délai avait été accordé pour exécuter et
qui ne paraît plus mériter la confiance qui lui avait été ainsi faite 2• La perte
anticipée du bénéfice de la suspension suppose donc en principe une faute de
la part du débiteur3 et se traduit, sur le plan du rapport juridique, par la
levée immédiate de l'obstacle à l'exécution.
Les principales hypothèses de déchéance du terme et du délai de
grâce sont énoncées par les articles 1188 du Code civil et 512 du nouveau
Code de procédure civile, mais ne sont pas pour autant à l'abri des
controverses. Celles des mesures de faveur exceptionnelles pouvant résulter
des lois de moratoire ou de la loi sur le surendettement des particuliers sont,
a fortiori, encore plus imprécises. Il importe en conséquence de procéder,
dans chacune de ces techniques de suspension, à un inventaire des causes
de déchéance (§1) et de dégager la spécificité de leur incidence sur la relation
contractuelle (§2).
Cependant, le bénéficiaire d'un tenne, d'un délai de grâce ou d'un moratoire peut y renoncer et offrir alors à
son créancier une exécution immédiate (MARTY, RA YNAUD et JEST AZ, t. li. n053, p. 50 ; E.
PUTMAN, thèse précitée, n0612 et s. ; D. VEAUX, J.-Cl., Civ. : art. 1185 à 1188, N. Rep. : fasc. 50 à
52 n062 et s.) ; V. aussi infra n° 392 et s.
2
MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. Il, n055.
3
En effet, en droit positif, la loi ne sanctionne par la technique de la déchéance que la faute du débiteur et
dans des hypothèses bien précises. La faute du créancier et les autres fautes du débiteurs ne peuvent être
sanctionnées que par des dommages et intérêt suivant le droit commun de la responsabilité (D. VEAUX,
article précité, n069). Cependant, la déchéance ne peut jouer contre le débiteur, notamment en cas de
stipulation d'un terme, que lorsque celui-ci est stipulé dans son intérêt exclusif ou dans l'intérêt commun
des parties. Elle ne peut jamais intervenir lorsque le terme bénéficie exclusivement au créancier, car, dans
ce cas, on ne peut obliger le créancier à recevoir le paiement s'il ne le veut pas.

- 330 -
suspendu au delà de l'échéance de ce terme. Si la force majeure persiste
pendant toute la durée du contrat, on considérera que le contrat a perdu
toute chance d'exécution et se trouve définitivement éteint. Ainsi, par
exemple, lorsque l'exécution d'un contrat de fourniture d'une place de
guerre est devenue impossible par suite d'un investissement, ce cas de force
majeure produit non seulement un effet dilatoire, mais aussi un effet
résolutoire de plein droit à l'expiration du terme convenu l . De même, le
contrat de louage de services, conclu pour une durée déterminée, doit être
considéré comme rompu et définitivement détruit s'il est arrivé à son terme
pendant la période de suspension2 . En effet, l'exécution du contrat
postérieure à l'échéance du tenne est sans intérêt3.
352.- Toutefois, même quand un délai d'exécution a été stipulé, il
convient de vérifier quelle importance celui-ci présentait réellement dans
l'intention
des
parties4 • Car le terme peut n'avoir joué qu'un rôle
secondaire, auquel cas son achèvement n'exclut pas une exécution
ultérieure lorsqu'elle deviendra à nouveau possibles. C'est dire que la
relation entre la durée de l'impossibilité et la durée des obligations dépend de
la volonté des parties et nécessi te, dans chaque espèce, un examen
particulier des circonstances.
Toujours est-il que dans cette hypothèse, comme dans celles
précédemment examinées, la suspension, plutôt que de permettre la
restauration des relations contractuelles, va, au contraire, servir à préparer
le terrain à la rupture définitive. Il s'agit encore d'une conséquence de
l'échec de la suspension. Cependant, l'avortement de la suspension ne se
traduit pas toujours par l'absence ou la disparition de l'engagement.
Certaines techniques de suspension, lorsqu'elles ne réussissent pas,
peuvent, au contraire, restituer aux obligations toute leur vigueur. Tel est le
cas lorsque pour une raison ou une autre, le débiteur est déchu du bénéfice
de la suspension.
C.E., 19 juil., 15 nov. et 22 nov. 1872, D. 1874,3,49 ; C.E., 8 mai 1874, D.1875, 3,48. ÇQIT1J2I. :
Trib. corn. Seine, 15 juin 1915, D.1916, 2,22.
2
Civ., 7 déc. 1907, D. 1910, 1,65.
3
J. TRE1LLARD, article précité, nOZ5 ; J.-F.ARTZ, article précité, n019.
4
R. SARRAUTE, thèse précitée, p. 49.
S
Réq., 13 fév. 1872, D. 1872, 1, 186.

effet de la force majeure serait écarté si elle a été accompagnée ou précédée
d'une faute sans laquelle l'inexécution du contrat ne se serait pas produite.
Malgré la force majeure. le débiteur sera condamné au payement de
dommages et intérêts.
B . Durée de l'obstacle suspensü et durée du contrat
351.- Décider que le contrat est suspendu, c'est parier que
l'exécution, au moment où elle redeviendra possible, conservera son utilité
et demeurera conforme au prévisions des parties. Tout dépend donc du
rapport de la durée de deux éléments : la force majeure empêchant
l'exécution et le délai pendant lequel cette exécution conserve sa valeur!.
En ce qui concerne les contrats à durée indéterminée, la reprise des
relations contractuelles n'offre pas de difficulté particulière, dans la mesure
où aucune limite de temps ne conditionne la vie du contrat. On peut
supposer qu'une exécution
même
tardive conviendra
aux
parties 2.
Différente est, par contre, la situation créée par les contrats à durée
déterminée dans lesquels les parties fixent les limites de l'espace de temps
nécessaire à l'exécution des obligations. De ce fait, la durée de l'impossibilité
d'exécution a une influence déterminante sur le sort définitif du contrat,
étant donné que la vie du contrat demeure indépendante de la suspension
malgré laquelle le contrat continue de marcher vers son terme3.
Dans les contrats à durée déterminée, la reprise ou la disparition du
lien contractuel est conditionnée par la comparaison entre la durée du
contrat et la durée de la suspension. La période qui reste à courir pour que le
contrat arrive à expiration doit être, bien entendu, supérieure à la durée de
la suspension pour que l'exécution soit encore possible lors de la levée de
l'obstacle générateur de l'inexécution. En conséquence, la fixation d'un délai
d'exécution empêchera, en général, d'adKlettre que le contrat puisse être
ce cas, se limite à la vérification des conditions d'application du principe et à la constatation de
l'extinction du lien contractuel (v. supra ,à propos du même problème posé en matière d'exception
d'inexécution, n° 345).
R. SARRAUTE, thèse précitée, p. 47 ; 1. TREILLARD, article précité. n025 ; J.-F. ARTZ, article
précité. n019 ; P.-H. ANTONMAITEI, thèse précitée, n° 302 et s., p. 304 et s.
2
V. note ci-dessus.
3
RADOUANT, thèse précitée, p. 281 ; J. TREILLARD, article précité, n019.

- 32R -
Sans revenir sur les caractères principaux que doit revêtir un fait pour être
constitutif d'un cas fortuit ou de force majeure l , rappelons seulement que la
force majeure suppose que l'événement survenu met le débiteur dans
l'impossibilité de se comporter comme il aurait dû, c'est-à-dire d'exécuter ce
qu'il devait.
350.- En application de ces règles, dès lors qu'il est acquis que
l'obstacle à l'exécution qui, au début avait paru momentané, se révèle
finalement être une force majeure absolue et définitive, il n'y a plus lieu de
maintenir le contrat suspendu. Car, la raison d'être de la suspension, son
essence, est l'espoir d'une exécution dans le futur. La mutation de la force
majeure temporaire en une impossibilité définitive rend donc inutile toute
mesure de suspension, l'exécution du contrat ne pouvant plus être réalisée2.
Dans ce cas encore, à défaut de permettre la normalisation des relations
contractuelles, la suspension conduit plutôt à leur rupture.
En effet, l'impossibilité totale et définitive a pour conséquence
d'exclure toute responsabilité contractuelle et extracontractuelle : «à
l'impossibilité nul n'est tenu». De ce fait, l'obligation du débiteur perd tout
objet puisque ni l'exécution en nature, ni l'exécution par équivalent ne sont
possibles 3. Il en résulte l'extinction de l'obligation. Lorsque c'est dans un
contrat synallagmatique que la force majeure a rendu impossible l'exécution
de l'obligation, l'extinction de celle-ci entraîne, par répercussion nécessaire,
la disparition de l'obligation corrélative. C'est la solution donnée au
problème des risques dans les contrats synallagmatiques4 . Cependant, cet
V. F. CHABAS, Rép. Dr. civ. Dalloz, V. Force majeure; WEILL et TERRE, précité, n0412 et s. ;
MARTY et RA YNAUD, t. l, n0552 et s. ; MAZEAUD, t. II, 1er vol., n0573 et s.
2
Ph. CHARVERIAT, thèse précitée, p. 78.
3
Art. 1148, Code civil.
4
Il existe un débat sur la nécessité ou non d'une intervention judiciaire pour prononcer la résolution du
contrat. Certains auteurs estiment que l'intervention du l~ge est nécessaire même si l'inexécution est due à
une force majeure (WEILL et TERRE, précité, n049<1; F CHABAS, Rep. Dr. civ. Dalloz, V. Force
majeure, nO 106). D'autres considèrent que l'extinction du contrat s'opère de plein droit par extension des
cas de résolution de plein droit prévus aux art. 1722 et 1741 du Code civil (MARTY et RA YNAUD, t. l,
n03I5 ; MAZEAUD, t. II, 1er vol., nOlO97). La chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé
qu' «une demande de résolution judiciaire du contrat en cas d'impossibilité d'exécution n'est pas nécessaire»
(Com., 28 av. 1982, Bull. civ., IV, n0145 ; R.T.D. civ. 1983,340, obs F. CHA BAS ; R..iumr. : com.,
16 juill. 1980, R.T.D. civ. 81, 398, obs. CHABAS) et la position de la chambre civile est inverse (civ,
27 fév. ]967, D.67, 413 ; R.T.D. Civ. 67, 653, obs. CORNU; civ. 1ère, 2 juin 1982, Bull. civ., l,
n053 ; civ. 3e, 9 oct. ]979, Bull. civ., III, n0169). Il faut relever que le tribunal est, très souvent, appelé à
intervenir à l'occasion de litiges afférents à de telles situations. Celte intervention, à notre avis, n'est pas
en soi obligatoire, elle est seulement nécessaire en cas de désaccord entre les parties et le rôle du juge dans

- 327 -
§2 - Suspension du contrat pour force majeure et rupture du
lien contractuel
348.- La suspension pour force
majeure est conçue comme une
solution de substitution à la rupture immédiate; dès lors, le passage d'une
situation à l'autre est parfaitement envisageable, étant donné que le motif
qui les fonde est quasiment le même. La question de la rupture des relations
contractuelles pendant la suspension peut être présentée sous un double
aspect. Il peut ,d'une part, arriver que la force majeure qui était passagère
au départ se transforme en cours de suspension en une impossibilité
définitive (A). D'autre part, la durée de la suspension peut s'avérer ne point
coïncider avec celle de la éonvention (B). Dans un cas comme dans l'autre, la
période de suspension doit prendre fin et se solder par l'extinction des
engagements pris.
A· L'impossibilité définitive d'exécuter
349.-
La
suspension
d'un
contrat pour force
majeure est
subordonnée à une condition essentielle, c'est que l'impossibilité d'exécuter
soit momentanée de façon que, une fois cet obstacle aura disparu, le contrat
puisse reprendre son plein effet!. En conséquence, si, pendant la période de
suspension, l'obstacle à l'exécution de temporaire devient définitif et rend la
reprise du contrat impossible, il y a lieu d'appliquer les dispositions des
articles 1147 et 1148 du Code civil qui contiennent les règles essentielles
applicables en cas d'inexécution pour force majeure des obligations
contractuelles. L'article 1147 pose le principe que le débiteur est condamné à
des dommages et intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation à sa
charge toutes les fois qu'il ne justifie pas que ce manquement provient d'une
cause étrangère qui ne peut lui être imputée2. L'article 1148 cite, comme
cause étrangère exonérant le débiteur, le cas fortuit ou de force majeure3.
V. supra n° 205.
Sur la question de la force majeure temporaire, V. Ph. CHARVERIAT, thèse précitée, p. 83 et s. ; J.-M.
BERAUD, thèse précitée, p. 43 et s.
2
An. 1147: «Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de
l'inexécution, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution
provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa
part».
3
An. 1148: «II n'y a lieu a aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas
fortuit, le débiteur a été empéché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était
in terdi t».

- 326 -
C - La résiliation du contrat d'assurance
347.- En cas de non-paiement des primes à l'échéance par l'assuré,
une procédure spéciale est imposée à l'assureur par l'article L.113-3 du Code
des assurances. Celui-ci est tenu dans un premier temps de mettre l'assuré
en demeure de payer par lettre recommandée et ce, dix jours après la date
d'échéance l . Ensuite, si l'assuré ne s'est pas toujours acquitté, l'assureur
est autorisé à suspendre la garantie trente jours après l'envoi de la lettre de
mise en demeure. Enfin, si le défaut de paiement persiste, la loi reconnaît à
l'assureur le droit de mettre fin à la relation en résiliant le contrat dix jours
après l'expiration du délai de trente jours correspondant à la période de
suspension 2.
Autrement dit, le Code des assurances confère à l'assureur la faculté
de mettre fin unilatéralement à l'assurance à l'issue de la période de
suspension de sorte que l'assuré, même en se plaçant pl us tard dans les
conditions de la police d'assurance, ne peut plus remettre en vigueur la
convention. Au lieu d'amener, par effet comminatoire, l'assuré à faire
cesser la situation irrégulière dans laquelle il se trouve, la suspension
apparaît comme une étape préparant la résiliation du contrat. D'ailleurs,
dans la pratique, l'assureur suspend la garantie et résilie le contrat par une
seule et même lettre ainsi que le permet l'article R. 113-2 du Code des
assurances. Ce qui fait que très souvent, la résiliation devient effective
quarante jours après l'envoi de la lettre récommandée de mise en demeure
si la prime n'a pas été payée entre - temps.
De même que dans ces différentes hypothèses, un refus provisoire
d'exécuter peut être transformé en une rupture pure et simple du lien
contractuel, autant en cas de force majeure momentanée, la suspension qui
s'en suit peut aboutir à la disparition du contrat.
1
Art. R.l13-1 du Code des assurances.
2
Civ. 1ère, 20 oct. 1984 et 27 mars 1985, D.S.86, I.R., 294, obs. BEIR et GROUTEL ; V. Y.
LAMBERT - FAIVRE, Droit des assurances, n0245, p. 245.

faire naître chez les contractants la volonté de résoudre judiciairement le
contrat.
B· La résolution du contrat à la demande d'une partie
346.- TI est possible que l'excipiens, las d'attendre, à moms que ce
ne soit son cocontractant, opte pour la solution radicale que constitue la
destruction du contrat. Il faut alors, pour respecter le droit, demander au
juge la résolution ou la résiliation du contrat pour inexécution fautive
conformément à l'article 1184 du Code civiP. C'est au tribunal, qui dispose
en la matière d'un large pouvoir d'appréciation, qu'il revient de supprimer
le contrat et de dispenser définitivement les parties de l'exécution de leurs
,.
obligations.
Si
le
demandeur
obtient
gain
de
cause,
l'exception
d'inexécution, au lieu de permettre l'exécution du contrat, aura finalement
précédé et préparé sa rupture 2.
La jurisprudence comporte de nombreuses décisions prononçant la
résolution du contrat à la suite de l'exercice de l'exception d'inexécution. La
chambre commerciale de la Cour de cassation a estimé que les juges du fond
qui prononcent la résolution d'un contrat de concession peuvent, sans se
contredire, déclarer d'abord que, jusqu'à la résolution judiciaire, l'agent
exclusif était fondé à subordonner l'exécution de ses propres engagements à
celle des engagements pris par sa partenaire et à suspendre en conséquence
son activité 3 . De même, un coopérateur qui, se prévalant de l'exception
d'inexécution, a d'abord cessé d'apporter ses récoltes à la société coopérative,
peut ensuite demander la résolution du contrat de coopération4 .
La résolution ainsi prononcée peut, bien entendu, s'accompagner
éventuellement d'une condamnation à des dommages et intérêts de la partie
qui a failli à ses engagements5.
WEILL et TERRE, précité, nC476 ; A. HUET, article"" précité, nC229 ; PLANIOL et RIPERT, t. VI,
nC457, p. 612.
2
LE TOURNEAU, note sous Orléans, 23 oct. 1975, J.c.P. 77, éd. G., Il,18653.
3
Corn., 26 janv. 1970, Bull. civ., IV, nC 29.
4
Bordeaux, 16 déc. 1980, G.P. 81, 1,384, note J.R. ; Compr : Corn., 17 mai ]97], Bull. civ., IV,
nC 131, qui admet que la résolution d'un contrat peut être prononcée au profit d'une partie à laquelle le
bénéfice de l'exception d'inexécution a été refusé.
5
V. An. 1184 du Code civil; Corn., 26 janv. 1970, précité. Dans l'espèce, le concédant avait été
condamné, à raison des fautes effectivement retenues à sa charge, à supporter la résolution du contrat et à
réparer le préjudice subi par son agent.

- 324 -
et de la résistance du débiteur. La doctrine évoque même une jurisprudence
admettant le caractère perpétuel de l'exception d'inexéetion l . Cependant, il
peut arriver, et c'est souvent le cas, que le créancier poursuivi par son
cocontractant se
borne à opposer l'exception d'inexécution, les choses
demeurant en l'état. Le refus de paiement, dans ces conditions, opère
comme un procédé indirect d'extinction des obligations2 • Le fait est encore
plus patent lorsque les parties ont enfermé l'exécution de leurs obligations
dans une limite de temps; l'échéance du terme rend impossible ou inutile
une exécution tardive et enlève tout intérêt à la poursuite du jeu de
l'exception d'inexécution. L'inaction des contractants a donc des effets
pervers. En se prolongeant, elle peut paralyser de façon définitive le rapport
juridique, faisant ainsi manquer à l'exception d'inexécution son objectif qui
est d'assurer la réalisation équitable du contrat.
345.- Mais il y a surtout anéantissement du lien contractuel
lorsque, pendant la période de suspension, apparaît un obstacle absolu à
l'exécution. L'impossibilité d'exécuter a ceci de particulier qu'elle entraîne
la libération de la partie obligée. Dans les contrats synallagmatiques, le
contractant dont la créance disparaît ainsi
obtient une libération
-,
correspondante de sa propre dette par le jeu de la théorie des risques 3. Il
s'opère alors une résolution de plein droit du contrat. C'est ainsi que, selon
l'article 1722 du Code civil, si la chose louée est détruite dans sa totalité par
cas fortuit, le bail est résilié de plein droit et il n'y a lieu à aucun
dédommagement4 . Comme on peut le constater, l'excipiens n'a plus besoin
de continuer à opposer l'exception; il lui suffit de se prévaloir de l'extinction
automatique du contrat qui résulte de la force majeure. Le tribunal, s'il est
appelé a statuer ne fera que vérifier les conditions d'application du principe
et constater la disparition des obligations nées du contrat5.
En dehors de ces hypothèses où le jeu de l'exception d'inexécution est
rendu sans intérêt, le refus provisoire &'exécuter peut, en se prolongeant,
1
R. CASSIN, lhèse précitée, p. 714 el s. ; PLAN10L et R1PERT, LVI, n046ü, p. 616.
2
MAZEAUD, L II, 1er vol., nOl132, p. 1148; A. HUET, LCI., Civ. : app. arL 1184, N. Rep. : rase. 49-
3, nO 229.
3
Sur le principe de la lhéorie des risques, V. B. STARCK, l. 11, n01659, p. 675 ; MAZEAUD, L 11, 1er
vol., n01107 cl s., p. 1137; J. CARBONNIER, L IV, n082, p. 334 el s.
4
B. STARCK, L II, nOl66ü, p. 676 ; R. CASSIN, thèse précité, p. 713.
5
J.-F. PILLEBOUT, thèse précitée, n °233, p. 226.

- 323 -
l'alternative suivante: ou la démarche est couronnée de succès et le contrat
sera effectivement sauvé, ou bien le dénouement de la suspension est
malheureux et dans ce cas la rupture de la relation contractuelle devient
inévitable. La suspension dans cette dernière hypothèse, bien que visant
l'exécution des obligations, conduit par son échec au résultat opposé.
Deux cas de suspension illustrent principalement cette évolution
lorsque par un refus provisoire une partie suspend unilatéralement
l'exécution des obligations à sa charge (§1) ou lorsque la survenance d'un
événement de force majeure temporaire a entraîné une suspension de
l'exécution du contrat (§2).
§1- Refus d'exécuter et rupture du lien contractuel
343.- Le refus d'exécuter sa prestation tant que le cocontractant
n'accomplit pas la sienne peut, en se prolongeant, aboutir à la destruction
du contrat'. Cette situation peut soit se produire de façon automatique
pendant la période de refus
de paiement (A),
soit résulter de la -,
transformation du refus provisoire en refus définitif au moyen de la
résolution ou de la résiliation du contrat (B). Le cas de la suspension de la
garantie de l'assurance, qui pose des problèmes propres liés à la spécificité
de la matière, mérite aussi d'être évoqué (C).
A - Extinction automatique des obligations
344.-
En
principe,
l'excipiens
a
le
droit
de
différer
l'accomplissement de sa prestation jusqu'à ce que son partenaire exécute la
sienne. En effet, dans le cadre de l'exception d'inexécution, contrairement à
d'autres causes de suspension dans lesquelles le temps d'inhibition du
rapport contractuel est prédéterminé "nu déterminable, la durée de la
suspension est indéterminée 2 . Tout est fonction de la patience de l'excipiens
MAZEAUD, 1. II, 1er vol., n01132, p. 1148 ; B. STARCK, t. II, n01652, p. 571 ; PLANIOL et
RIPERT.I. VI, n0457, p. 612.
2
Ainsi par exemple dans l'hypothèse où le juge accorde un délai de grâce en vertu de l'art. 1244 du Code.
civil, celui-ci sera connu avec précision et ne pourra jamais dépassé deux ans. En cas de suspension pour
force majeure, la durée de la période d'attente se mesure par rapport à celle de l'impossibilité d'exécuter et
du contraI. V. P.-H. ANTONMATTEI. thèse précitée, n° 302 et s., p. 304 et s.

- 322 -
l'affaire est néanmoins
conclue l ou si la commission était promise
nonobstant la non-réalisation de la condition 2, ou si la défaillance de
l'événement était provoquée de mauvaise foi 3. Dans cette dernière hypothèse,
il apparaît que, selon la Cour de cassation, l'agent immobilier qui apporte la
preuve de la faute de son mandant qui l'aurait privé de la réalisation de la
vente a droit, non pas au paiement de la commission prévue dans le mandat,
mais seulement à des dommages et intérêts4.
341.- La perte, par le mandataire intervenu dans une opération de
vente sous condition suspensive défaillie, du droit à la commission promise
illustre bien l'effet de la caducité qui frappe l'acte conditionnel. L'état de
choses préexistant, c'est-à-dire l'absence d'engagement, est consolidé et
rendu
définitif.
Toutes
les
conséquences
juridiques
qui
étaient
subordonnées, pour leur application, à l'existence de ce lien juridique, ne
peuvent pas non plus produire des effets. Toutefois, cet état de ,mon-valeur»5
auquel se trouve réduit l'acte contractuel s'explique par la spécificité de
l'obligation conditionnelle qui, sans l'accomplissement de la condition, ne
saurait être dotée d'une quelconque existence. Dans d'autres situations où la
suspension ne constitue qu'un obstacle à l'exécution et dont l'apparition est
postérieure à la naissance de l'obligation, l'échec de cette tentative de
sauvetage du contrat aboutit à sa rupture.
SECTION TI : LA RUPTURE DU LIEN CONfRACIUEL
342.- La suspension des engagements contractuels prend le plus
souvent la forme d'un arrêt momentané du processus de paiement. Dans
cette hypothèse, et contrairement à l'obligation conditionnelle, l'obligation
existe bel et bien déjà; il s'agit simplement d'une tentative de maintien d'un
contrat menacé d'anéantissement. Cette situation provisoire débouche sur
Civ. 1ère, 24 oct. 1978, J.c.P. 78, éd. G., IV, 1 ; Rev. dr. immob., 1980,78 ; -
18 janv. 1983, Bull.
civ., l, n026 ; Rev. dr. immob., 1983,359.
2
Civ. 1ère, 5 oct. 1983, Rev. dr. immob., 1984,211.
3
1.-J. TAISNE, J.-C1., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. : fasc. 47, n046.
4
Civ. 1ère, 1er déc. 1987, Bull.. civ., l, n0313, ÇQffiQ[. : com., 15 d&:. 1987, Bull. civ., IV, n"271.
5
G. CORNU, vocabulaire juridique, précité, V. Caducité.

- 321 -
4 - Le cas particulier des commissions des agents immobiliers
340.- Le sort des commissions des agents immobiliers, lorsque la
vente conclue sous condition suspensive n'a pas été réalisée en raison de la
défaillance de l'événement, est à l'origine d'un important contentieux. C'est
sans doute la raison pour laquelle le législateur a jugé nécessaire d'établir
une réglementation.
La loi n070-9 du 2 janvier 1970, dans son article 6, dispose qu'«aucun
bien, e((et, valeur, somme d'argent représentati( de commission, de (rais de
recherche, de démarche, de publicité ou d'entremise quelconque ne sera dû
aux personnes indiquées à l'article 1er (les agents immobiliers en (ont
partie) ou ne peut être exigé par elles, avant que l'opération ait été conclue et
constatée dans le seul acte écrit contenant l'engagement des parties" 1.
L'article 74 du décret d'application n072-678 du 20 juillet 1972 précise que
«lorsque l'engagement des parties contient une clause de dédit ou une
condition suspensive, l'opération ne peut être regardée comme e((ectivement
conclue pour l'application de l'article 6 de la loi,,2. Il en résulte qu'en cas de
vente sous condition suspensive négociée par un agent immobilier,
l'opération n'est pas effectivement conclue et le droit à la commission
n'existe pas tant que la condition n'est pas réalisée3 . A (ortiori, l'inexistence
de ce droit est définitivement consacrée par la défaillance de la condition. La
position de la Cour de cassation est sans équivoque: « •• . si cette condition
n'est pas réalisée ... il s'ensuit ... que l'agent immobilier intervenu dans
l'opération ne peut réclamer aucun bien, e((et, valeur, somme d'argent
représentati( de commission, de (rais de recherche, de démarche ou
d'entremise quelconque,,4.
Il en irait autrement SI par suite de renonciation à la condition,
1
V. Act. jur. de la ppté immob. 1970, p. 43, commentaire de LANS ART, p. 5.
2
V. Act. jur. de la ppté immob. 1972, p. 40 ; V. L'étude sur le droit à la commission de l'agent
immobilier faite par J. HUGOT et E. MALLET, dans J.c.P. 92, éd. N., Pratique, n02194, p. 185; D.
FERRIER, Le mandat des agentrs immobiliers, J .CP. 1976, l, 2795. Sur les agents commerciaux en
général, V. L. LEVENEUR, Loi n° 91-593 du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents
commerciaux et leurs mandants (J.O. 27 juin 1991), CCc. aôut-septembre 1991, fasc. 1230 s., nO 183.
3
J.-J. TAISNE, J.-Cl., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. : fasc. 47, n046.
4
Civ. 1ère, 10 mars 1987, Bull. civ., l, n~O ; V. aussi: Civ. 1ère, Il juil. 1988, Bull. civ., l, n° 313 ;-
14 juin 1988, Bull. civ., l, nOl84 ; -
1er déc. 1987, Bull. civ., l, n0232 ; -
27 oct 1982, J.CP. 83, éd.
G., IV, 17 ; Com., 15 déc. 1987, Bull.. civ., IV, n° 271.

- 320 -
Il faut donc, pour que les arrhes perçues ne fassent pas l'objet de
restitution, les détacher du contrat conditionnel proprement dit et en faire ce
que Monsieur J-J. Taisne appelle «le prix de la condition»). Il convient
cependant de souligner que dans un souci de protection des contractants
supposés en position d'infériorité, le législateur peut interdire cette
rémunération de l'incertitude résultant de la condition. Tel est le cas de la
loi déjà citée, n079-596 du 13 juillet 1979, relative à l'information et à la
protection des consommateurs dans le domaine immobilier et qui rend
obligatoire, en cas de non-réalisation de la condition, le remboursement de
toute somme versée d'avance par l'acquéreur2•
3 - Le problème des frais
339.- La conclusion d'un acte contractuel s'accompagne souvent de
frais divers : frais de rédaction, d'enregistrement, de transcription ou
simplement d'études préalables du contrat ou du matériel qui en est l'objet.
Leur sort, en cas de non-réalisation de l'opération pour défaillance d'une
condition suspensive dépend, lui aussi, de l'intention des parties qui peuvent
les mettre à la charge de l'une d'elles ou prévoir un partage3. En cas de
silence du contrat, les deux solutions sont envisageables. Tout dépend, dans
cette hypothèse, de l'appréciation des juges du fond. Ainsi, une cour d'appel,
après avoir constaté que les frais d'étude du matériel entraient dans les
éléments du prix de vente, est en droit d'en déduire que ces frais devaient
rester à la charge exclusive du fabricant4.
Cependant, la solution du partage paraît, dans un souci d'équité
préférable, étant donné qu'en fin de compte, aucun des contractants ne tire
profit d'un acte contractuel dont la condition suspensive a défailli.
L'insertion dans le contrat d'une clause réglant de façon précise la question
des frais faciliterait toutefois considérablement le travail des juges.
)
Thèse précitée, n0303, p. 424.
2
V. supra nO 337.
3
J.-J. TAI5NE, J.-C1., Civ. : an. ll81 à 1182, N. Rep. : fase. 47,0°45.
4
Corn., 20 oct. 1975, D.S. 76, I.R., 6 ; Bull. civ., IV, n0233.

- 319 -
à l'autre partie, ou pour le compte de cette dernière, est immédiatement et
intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que
cesoit"l.
Dans l'hypothèse ou la somme a été versée à titre de dédit, la
défaillance de la condition en appelle normalement la restitution à celui qui
a effectué le versement. En effet, l'usage de la faculté de se délier, sous peine
d'abandon au créancier des arrhes, n'est envisageable que dans le cas où le
contrat prend effectivement vie, ce qui suppose l'accomplissement de la
condition et non sa défaillance. La caducité du contrat rend donc inutile tout
dédit2.
338.- En revanche, la doctrine considère que lorsque la somme
versée constitue la contrepartie de l'insertion de la condition dans le contrat,
la restitution n'en est pas due 3 . Le créancier qui doit consentir à l'insertion
d'une condition suspensive peut en effet monnayer son acceptation. C'est ce
qui explique la pratique, fort fréquente, des clauses prévoyant le versement
immédiat
d'une
somme
qUI
s'imputera
sur
le
prix
en
cas
d'accomplissement de la condition, mais qui demeurera acquise en cas de
défaillance, à titre de dédommagement en raison du temps perdu ou de
l'immobilisation du bien4 • La caducité du contrat n'a, selon la Cour d'appel
de Reims, aucune incidence sur l'obligation au paiement d'une telle
indemni té
compensa trice 5 ; la défaillance de la condition la justifie au
contraire.
1
V. aussi an. L.231-2 al. 4 du Code de la construction et de l'habitation.
2
J.-J. TAISNE.thèse précitée. n0303. p. 423; J.-Cl .. Civ.: arL 1181 à 1182. N. Rep.: fasc. 47. n041;
V. aussi Civ. 3e. 6 mars 1973. Bull. civ .. Ill. n0176.
3
V. note ci-dessus.
4
Civ. 3e. 18 juil. 1986. Bull.. civ .. 1Il, nO 126 ; D.86. I.R., 418, qui ordonne le remboursement d'une
indemnité d'immobilisation stipulée en contravention de l'an. 17 al 2 de la loi du 13 juil. 1979. Par une
interprétation a con/rario de celle décision. on peut dire que les parties peuvent toujours, sauf disposition
légale contraire. convenir d'une indemnité appelée, en cas de défaillance de la condition. à rester acquise au
créancier conditionnel à titre de dédommagement.
5
Reims, 5 mai 1975, aff. époux Dogny cl vve Sibelan~, inédit, cité par J.-J. TAISNE, thèse précitée,
n0303, p. 425 ; J.-Cl .• Civ. : an. 1181 à 1182, N. Rep. : rasc. 47, n° 42 ; dans celle affaire, les époux
Dogny avaient convenu d'acheter à la Dame Sibelaner pour le prix de 950 000 FF des droits immobiliers
sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt de 500 000 FF qu'ils avaient sollicité; il était en
outre, fait mention dans cet acte de l'obligation à paiement par lesdits époux Dogny d'une somme de
50 000 FF dans le cas de la non-réalisation de la vente. Il a été jugé que celle somme prenait la forme
d'une véritable assurance afin de garantir la venderesse de la non-réalisation de la vente et pour la
dédommager de l'indisponibilité dont aurait été frappé l'immeuble depuis la conclusion de l'acte de vente
jusqu'à la date fixée par l'échéance de la condition suspensive, ainsi que des droits et émoluments de cet
acte de vente supportés par elle. On peUl cependant se demander si une telle stipulation ne tomberait pas
actuellement sous le coup des dispositions de l'art 17 al. 2 de la loi du 13 juillet 1979.

- 31 X -
significations. Aux termes de l'article 1590 du Code civil, les arrhes versées
dans la vente permettent à chacune des parties de se dédire, l'acheteur en
abandonnant la somme versée, le vendeur en restituant le double. Dans les
autres contrats, le terme est susceptible de deux sens: soit de dédit comme
dans l'article 1590, soit d'acompte comme l'usage paraît l'avoir répandu
dans les contrats autres que la vente 1
Lorsque la somme versée l'a été à titre d'acompte, c'est-à-dire à titre
de paiement partiel imputable sur le prix, la caducité du contrat empêchant
définitivement toute exécution, la logique commande la restitution de cette
somme 2. C'est la position de la Cour de cassation qui, dans cette hypothèse,
ordonne le remboursement. C'est ainsi qu'a été rejeté
le pourvoi formé
contre la décision d'une cour d'appel qui, en présence d'une vente
d'ordinateur conclue sous la condition suspensive de l'obtention par
l'utilisateur d'un financement par une société de crédit-bail, a pu en déduire
que la condition ne
s'étant pas
réalisée,
le client avait droit au
remboursement de l'acompte versé par luï3.
De même, dans les promesses de vente de biens immobiliers, doit être
remboursée la somme versée en garantie et qui, selon une stipulation du
contrat, doit être acquise au vendeur à titre d'indemnité d'immobilisation4 .
En fait, cette clause contrevient à l'article 17 alinéa 2 de la loi du 13 juillet
1979 relative à l'information et à la protection des consommateurs dans le
domaine immobilier. Celui-ci prévoit expressément que lorsque la condition
suspensive n'est pas réalisée, «toute somme versée d'avance par l'acquéreur
le consommateur en perdant les arrhes, le professionnel en \\cs restituant au double». En réalité, ce texte
ne modifiera pas de beaucoup le droit applicable, car la présomption qu'il établit est une présomption
simple. Il suffirait donc aux parties de faire figurer une mention, par exemple «acompte», dans le contrat
pour écarter la présomption de l'article préci té. L'interprétation de ce texte soulève cependant une difficulté
relative aux contrats concernés. En effet, le texte vise ,de contrat» sans préciser s'il s'agit de contrats
relatifs aux biens meubles et aux prestations de services, ce qui engloberait les contrats relatifs aux
immeubles, ou seulement des contrats ayant pour objet la vente d'un meuble ou la fourniture d'une
prestation de services. Mais cette disposition étant insérée dans un article qui débute en limitant son
application aux biens meubles, il semble logique qu~cette disposition ne puisse pas s'appliquer aux
contrats ayant pour l'objet la vente ou la location de biens immeubles. La disposition de l'art. 17 al. 2 de
la loi du 13 juillet 1979 reste donc inchangée, V. G. RAYMOND, Commentaire de la loi n° 92-60 du 18
janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs, c.c.c. février 1992. p. l, spécialement nO 35 à
39.
1
V. les observations faites au sujet de l'article 3-1 al. 4 de la loi du 18 janvier 1992, note ci-dessus.
2
1.-1. TAISNE, thèse précitée, n0303, p. 423 ; 1.-Cl., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. : fasc. 47, n04 ; Y.
BUFFELAN - LANORE, Rep. civ. Dalloz, V. condition, n096.
3
Corn., 20 oct. 1975, Bull.. civ., IV, n0233 ; D.S.76, I.R., 6.
4
Civ.3e, 18 juil. 1986, Bull. civ., III, n0126 ; D. 86, I.R., 418 ; Civ. 1ère, 10 mar~ 1987, D. 87, S.77,
note MORIN.

- 317 -
matière immobilière une indemnité d'occupation si celle-ci a été stipulée l .
Cette pratique des restitutions est évoquée à l'appui de la thèse de
l'effet rétroactif de la défaillance de la condition suspensive. Mais à vrai dire,
si cette conséquence de la non-réalisation de la condition peut effectivement
s'expliquer juridiquement par la rétroactivité, rien ne permet d'en faire une
règle générale. Il faut souligner, en plus, que ce n'est qu'exceptionnellement
que les contractants peuvent décider d'effectuer des prestations avant
l'accomplissement de la condition; la rétroaction de la défaillance revêt elle
aUSSI un aspect exceptionnel.
D'ailleurs, au lieu de mettre en avant la notion de rétroactivité,
pourquoi ne pas fonder simplement les restitutions sur la règle de la
répétition de l'indu contenue dans les articles 1376 et 1377 du Code civiF.
Cette position serait dans la logique du principe selon lequel le paiement
volontaire d'une obligation conditionnelle effectué par erreur ou dans
l'ignorance de la condition est considéré comme indu et sujet à répétition3.
2 - La question des arrhes
337.- Le sort, en cas de défaillance de la condition, des règlements
effectués sous forme de versements d'arrhes dépend de l'intention expresse
ou tacite des parties4 . Le terme arrhes est en effet susceptible de plusieurs
Civ. 3e, 18 déc. 1973, Bull. civ., III, n0640. Cet arrêt décide que l'occupation d'une propriété qui, scIon la
commune intention des parties, était gratuite, n'est pas génératrice d'indemnité en cas de défaillance de la
condition suspensive affectant la vente. Par une interpréUltion a contrario, on peut estimer qu'une
indemnité d'occupation sera due lorsque cela a été stipulé. Et même en "absence de convention, les juges
peuvent, par une appréciation souveraine de la commune intention des parties, décider s'il y a lieu
d'accorder une indemnité d'occupation au vendeur.
2
J.-J. TAl5NE, J.-C1., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. : fasc. 47, n039, qui cite Paris, 20 ocl. 1980,
Juris- Data, n00441.
3
V. Supra nO 250 ; On pourrait sans doute nous relOrquer que l'art. 1377 aJ.] exige comme condition de la
répétition de l'indu, l'erreur du solvens (Civ. 4 juil. 1870, D.P. 70, l, 363 ; c'est aussi la position de la
plupart des auteurs). Toutefois, la tendance semble être d'admettre, en l'absence d'une intention libérale,
que la démonstration de l'inexistence des obligations au moment du paiement puisse suffire à justifier la
répétition (Civ. 1ère, 17 juillet 1984, D. 85, 298 ; BuU.. civ., 1, n0235, p. 198. ; V. aussi J. GHE5TIN,
L'erreur du solvens, condition de la répétition de l'indu, D.n, 277). L'article 1235 al. 1 du Code civil ne
semble d'ailleurs pas exiger l'erreur. De plus, ['exécution avant la réalisation de la condition suppose que
les parties, tout au moins celle qui exécute, ont franchement cru à l'avènement de l'événement; ne peut-
on pas, dans ces conditions, assimiler à l'erreur cette mauvaise appréciation? Pour ce qui est de l'erreur en
général, V. J. GHE5TIN, La notion d'erreur dans le droit positif actuel, L.G.D.J., 1971.
4
La pratique des arrhes est règlementée par l'art. 1590 du C. Civ. et par la loi n051-1393 du 5 déc. 1951 en
ce qui concerne particulièrmeent les ventes mobilières. Celle loi a été récemment complétée par la loi
n092 - 60 du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs (D.92, Legis., 129 ; J.O. 21
Janv. 1992). L'art. 3-1 al. 4 dispose en effet que «sauf stipulation contraire du contrat, les sommes versées
d'avance sont des arrhes, ce qui a pour effet que chacun des contractants peut revenir sur son engagement,

- 3 J6 -
condition suspensive est une situation juridique qui rappelle effectivement la
caducité. La condition a pour effet de suspendre la naissance de l'obligation
tant que l'événement ne survient pas et sa non-réalisation définitive
empêche cette naissance. Or, les actes susceptibles d'être frappés de
caducité sont justement
ceux n'ayant pas encore reçu de commencement
d'exécution. Même si certaines prérogatives sont reconnues au créancier
conditionnel afin de protéger l'avantage acquis sur les tiers, on ne peut pas
véritablement parler de rétroactivité en cas de défaillance dans la mesure où
l'effet principal de l'acte n'a pas pu se produire; il ne s'agit là que des
conséquences spécifiques d'une opération juridique elle-même particulière.
La défaillance de la condition suspensive peut cependant soulever
certains problèmes pratiques nécessitant des solutions appropriées.
B· Quelques problèmes pratiques posés par la défaillance de la
rondi tion suspensive
335.- Ces difficultés concernent principalement les cas où il y
aurait, nonobstant la condition, un paiement anticipé ou un commencement
d'exécution. Que faut - il décider dans de telles hypothèses?
1 - L'exécution avant dissipation de l'incertitude
336.- Il peut arriver que bien avant la dissipation de l'incertitude,
les parties décident d'entreprendre l'exécution de l'acte conditionnel. Une
telle stipulation est toujours possible et on peut même dire qu'en l'absence
d'une convention contraire, rien ne s'oppose à ce que les contractants
procèdent à une exécution avant la réalisation de la condition 1. Il en est
ainsi souvent en matière de vente ou l'acquéreur sous condition suspensive
peut être mis en possession de la chose pendente conditionne. La défaillance
de la condition implique alors une véritable obligation de restituer la chose
avec tous ses accessoires et ses fruits 2 . L'acquéreur peut aussi devoir en
Civ. 3e, 19 oc!. 1976, Bull. civ., III, n076 : En l'espèce il s'agissait d'un contrat d'entreprise en vue de la
construction d'un immeuble sous condition suspensive de l'octroi d'un prêl financier. L'exécution des
travaux ayant débuté avant l'octroi du prêt, la Cour de cassation a jugé qu'en l'absence de convention
contraire, rien n'interdisait à J'entrepreneur de commencer les travaux avant la réalisation de la condition.
V. aussi J.-J. TAISNE, article précité, J.-C1., Civ.: art. 1181 à 1182, N. Rep.: fase. 47, n039.
2
J.-J. TAlSNE, J.-Cl., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. : fasc. 47, n039 ; thèse précitée, n0302, p. 420 ;
PLAN10L et RIPERT, t. Vl, n° 1046, p. 401.

- 315 -
en cause cette explication et préfèrent y VOIr un cas de "caducité"l.
L'initiateur de ce courant, Monsieur J.-J. Taisnc 2 , fait remarquer, en effet,
qu'en ce qui concerne l'incidence de la défaillance de la condition sur le droit
conditionnel lui-même, on observe que ce droit n'a jamais pris naissance et
qu'en conséquence, la non-survenance de l'événement ne fait que rendre
cette situation définitive. Il n'est pas en conséquence nécessaire de faire
appel à une «fiction» (la rétroactivité) pour expliquer ce qui est une évidence.
Et pour ce qui est de l'incidence de l'événement sur le droit au bénéfice de la
condition, on constate qu'il subit aussi une disparition pour l'avenir
seulement. A ceux qui font valoir que le créancier sous condition suspensive
a, dans une certaine mesure, certains droits actuels que la rétroactivité de la
défaillance permettrait d'effacer dans le passé3 , on répond que leur
concrétisation étant elle-même
soumise
à la naissance effective de
l'engagement, il n'est point besoin de revenir rétroactivement dessus. Ils
s'éteignent avec la défaillance de la condition et ne peuvent, de toute façon,
produire effet4 . Il faut donc considérer que la «défaillance de la condition a
simplement pour résultat de consolider l'état de chose existant", ce qui, au
plan de l'acte, se traduit par sa «caducité,,5.
Ce point de vue est reflété par certaines décisions jurisprudentielles
qui assimilent la défaillance à la caducité et l'opposent à des notions
rétroactives telles que la nullité ou la résolution. Dans une affaire où était
invoquée la défaillance de la condition suspensive d'un contrat de travail, la
Cour de cassation observe que «la cour d'appel a estimé, sans dénaturation,
que les conclusions de l'intéressé tendaient non pas à l'annulation du
contrat de travail, mais à la constatation de sa caducité,,6.
334.- Cette analyse nous semble exacte, car la défaillance de la
L-J. TAISNE, thèse précitée, n0302, p. 418 et s. ; J.-Cl., Civ. : art. 1181 à ] 182, N. Rep. : fasc. 47,
n035 et s.; Ph. MALAURIE et L. AYNES, précité, nOl121, p. 632; H. THUILLIER, obs. sous civ. 3e,
90cl. 1974, J.c.P. 75, éd. G., Il, 18149.
2
V. note ci-dessus.
3
V. BUFFELAN - LANORE, thèse précitée, p. 150 : <<En effet, alors même que la condition aurait dû
suspendre la naissance de l'obligation, on peut considérer qu'elle lui a laissé produire quelques effers. Ainsi
le créancier, peut avoir procédé aux mesures conservatoires, à la transmission de ses droits cLe." ; V. supra
n0298 et s.
4
J.-J. TAISNE, article précité, J.-Cl., Civ. : art. ] 18] à ] ]82, N. Rep. : fasc. 47, n° 38.
5
J.-J. TAISNE, thèse précitée, n0302, p. 418.
6
Soc., 7 mars 1973, Bull. civ., V, n0140, p. 127 ; V. aussi, Civ. 1ère, 1er juil. ]975, J.c.P. 75, éd. G.,
IV, p. 274, qui établit une distinction nette entre défaillance de la condition suspensive et résolution.

- 314 -
L'obligation est considérée comme n'ayant jamais pris naIssance. Les
parties se retrouvent dans la même situation que si elles n'avaient pas
contracté; le débiteur potentiel échappe définitivement à toute obligation l,
ainsi que ses cautions ou garants à première demande 2. Cette solution est
conforme à la logique, car l'obligation qui n'existe pas encore n'existera
jamais; elle n'a réellement jamais vu le jour.
Traduite sur le plan de l'acte contractuel, cette constatation aboutit à
l'idée de «caducité»3. Celui-ci n'a pas, en principe, produit d'effet et il est
désormais certain qu'il n'en produira jamais, puisque la condition dont il
dépendait a défailli. TI devient ipso facto inefficace et tout se passe comme s'il
n'avait pas été conclu. Ainsi, une vente conclue sous la condition suspensive
de l'homologation d'un état liquidatif est sans effet lorsqu'à la suite du décès
de
la
venderesse,
il
n'y
a
plus
lieu
de
poursuivre
la
procédure
d'homologation 4 . De même, une cour d'appel peut décider, en se référant à
l'accord des parties et aux usages, qu'une offre de vente acceptée est devenue
caduque après la date limite d'envoi d'un accréditif bancaire dès lors qu'elle
a constaté que la conclusion définitive de la vente était soumise à la condition
de la transmission de ce document d'ouverture du crédit5.
La doctrine pour expliquer cette double conséquence de la défaillance
de la condition suspensive fait, traditionnellement, appel au concept de
rétroactivité: l'acte conditionnel est rétroactivement réputé n'avoir jamais
existé, ceci étant une conséquence de la règle fondamentale de l'effet
rétroactif de la condition6. Cependant, de plus en plus d'auteurs remettent
1
J. CARBONNIER, L IV, nOI36, p. 257 ; WEILL et TERRE, précité, n° 902 ; Ph. MALAURIE et L.
A YNES, précité, nOI 121, p. 632 ; MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, t. II, n080, p. 72 ; RIPERT et
BOULANGER, t. Il, n0I377, p. 478 ; J.-1. TAISNE, thèse précitée, n° 302, p. 418 et 419 ; J.-C1.,
Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. : rasc. 47, n035 ; Y. BUFFELAN - LANORE, Rep. Dr. civ. Dalloz, V.
condition, n097 ; thèse précitée, p. 147 ; V. aussi Civ. 3e, 9 oct. 1974, Bull. civ., III, n0355 ; civ. 3e, 22
Av. 1976, Bull. civ., 1I1, n° 157 ; Soc., 25 nov. 71, Bull. civ., V, n° 688.
2
Paris, 17 janv. 1983, J.CP. 83, cd. G., II, 19966, not~STOUFFLET.
3
J.-J. TAISNE, J.-C1., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. : fasc. 47, n037 ; Ph. MALAURIE et L.
AYNES, précité, n01121, p. 632.
4
Civ. 3e, 9 oct. 1974, J.CP. 75, éd. G., Il, 18149, note H. THUILLIER ; Paris, 10 oct. 1978, D.79,
l.R., 100.
5
Corn., Il fév. 1980, Bull. civ., V, n° 140; V. aussi: Civ. 3e, 22 av. 1976, Bull. civ., m, n° 157; Civ.
3e, 21 janv. 1971, Bull. civ., m, n046 ; Civ. 3e, 26 av. 1978, Bull. civ., m, n° 162 ; J.CP. 78, éd. G.,
IV, 191 ; Civ. 1ère, 12 juin 1990, Bull. civ., 1, 158.
6
MAZEAUD, t. II, 1er vol., nOlO36 ; 1. CARBONNIER, t. IV,
n0136, p. 257 ; WEILL et TERRE,
précité, n09ü2 ; BUFFELAN - LANORE, thèse précitée, p. 147 ; J.-J. TAISNE, J."C1., Civ. : art. 1181
à 1182, N. Rep. : fasc. 47, n097.

- 313 -
lettre de la loi, une meilleure solution. Celle-ci correspond à l'esprit de
l'institution de la condition suspensive, car la situation qui en résulte est
toujours, dans l'intention des parties, transitoire. Or, l'article 1156 du Code
civil préfère la recherche de la commune intention des parties contractantes
à la lettre de la convention et l'article 1175 réitère cette directive en matière
d'obligation
conditionnelle!. Il revient, en conséquence, au juge de
rechercher,
par
une
interpréta tion
de
l'in ten tion
co mm une
des
contractants, les limites du temps dans lequel la condition pouvait rester
pendante. TI s'agit là d'une solution de bon sens.
Mais les solutions ci-dessus retenues ne s'appliquent que lorsque la
défaillance est due à un fait indépendant de la volonté des parties. TI faut
réserver le cas où le non-accomplissement de la condition est imputable à la
faute du débiteur; la loi répute alors la condition réalisée2, effet qui n'est pas
celui de la défaillance non fautive.
§2 - Conséquences de la défaillance de la condition
suspensive sur la relation juridique
331.- La situation engendrée par la défaillance de la condition
suspensive fait l'objet d'une règle générale (A), à laquelle il peut cependant
être dérogé en présence de certaines questions pratiques (B).
A . La règle générale
332.- Lorsqu'il est devenu certain que l'événement suspensif ne se
produira plus, l'obligation conditionnelle devient définitivement inexistante
et l'acte juridique caduc.
En effet, dès lors qu'on admet que le droit sous condition suspensive
..
n'est pas doté d'une réelle existence pendant la période d'incertitude, la
défaillance de la condition ne peut que conforter cet état de choses.
Art. 1175 : «Toute condition doit être accomplie de la manière que les parties ont vraissemblablement
voulu et entendu qu'elle le fût».
2
Art. 1178 du Code civil: «la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous celle
condition, qui en a empêché l'accomplissement» ; V. infra n° 375 et s.

- ~]2 -
entière ... aucune des parties ne pourra s'en libérer sans le consentement de
l'autre» J.
330.- Cependant, outre l'absurdité que constituerait le fait de
pérenniser une situation par définition transitoire, le maintien illimité de
l'acte conditionnel peut susciter des problèmes pratiques considérables. Une
application stricte de l'article 1176 livre dangereusement les contractants à
la merci des variations que peut entraîner l'écoulement du temps, par
exemple sur les circonstances économiques2.
La doctrine, consciente des inconvénients réels d'une telle solution,
ne s'y est pas trompée ; elle est, en général, favorable à une liberté
d'appréciation du juge du fond pour déterminer si un long retard dans la
réalisation de la condition peut faire supposer sa défaillance3. Cette position
est dans le droit fil d'un courant jurisprudentiel constaté au niveau des
juridictions du fond et qui a conduit les juges à estimer que l'impossibilité de
laisser les parties indéfiniment liées leur permettait de décider qu'après
l'écoulement d'un «temps raisonnable et suffisant», la condition pouvait être
considérée comme défaillie4 . C'est ainsi qu'il a été jugé que lorsque la vente
d'un immeuble a été subordonnée à l'obtention de l'autorisation, par
l'administration, de la cession des dommages de guerre afférents à cet
immeuble, ((il appartient, le cas échéant, aux juges seuls, en l'absence d'un
terme fixé pour la réalisation de cette condition et compte tenu des
dispositions des articles 1175 et 1176 du Code civil, de mesurer le temps au
delà duquel, selon l'intention des parties, la condition doit être réputée ne
plus pouvoir se réaliser»5.
La reconnaissance aux juges du pouvoir d'appréciation du temps
d'accomplissement de la condition semble, comparée au respect strict de la
Civ. 1ère, 13 nov. 1950, Bull.. civ., J, n° 221 ; ~. : Toulouse, 19 OCl. 1960, p.S. 62, 92, note
BREAU; V. aussi: Civ. lere, 4 juin 1991, Bull. civ., J, 180; D.92, 170; D.91, l.R., 177 ; R.T.D.
Civ. 91,738; c.c.c. août - septembre 1991, fasc. 70, n° 179.
2
V. M.-F. NICOLAS, note sous civ. 3e, 4 mars 1975, 1.C.P. 76, éd. G., II, 18510.
3
MARTY, RAYNAUD et lESTAZ, l. II, n080, p. 72 ; Y. BUFFELAN-LANORE, Rép. Dr. civ. Dalloz,
V. condition, n095 et s. ; 1.-L. AUBERT, obs. Rép. Def.l975, art. 30996, n033 ; M.-F. NICOLAS, note
citée ci-dessus.
4
Montpellier, 23 juin 1948, D. 48, 543 ; Bordeaux, 18 juin 1973, cassé par Civ. 3è, 4 mars 1975, 1.C.P.
1976, ed. G., II.18510, note M.-F. NICOLAS; D.S. 1975, Somm., 73 ; R.T.D. Civ. 1975,706, Obs.
LOUSSOUARN ; Rep. Défr. 1975, arl. 30996, n° 33, Obs. 1.-L. AUBERT.
5
Amiens, 30 janv. 1957, D. 57, Somm., 137.

- :) 11 -
n'appartient pas aux juges d'accorder une prorogation de délai 1. Ou bien les
contractants n'ont rien précisé et la condition ne peut être considérée comme
défaillie qu'avec la certitude qu'elle est devenue irréalisable2.
329.- Comme on peut le constater, le problème est facile à résoudre
lorsqu'il a été stipulé au contrat que la survenance de l'événement futur et
incertain devrait, à peine d'inefficacité, se produire dans un délai
déterminé. Mais quand, au contraire, aucune stipulation de ce genre,
expresse ou tacite, ne se trouve dans l'acte juridique, on peut se demander si
le bénéfice de la condition devra indéfinitivement durer si l'événement tarde
à survenir. Une interprétation littérale de l'article 1176 invite à cette position
et les dispositions légales sur la prescription des droits suspendus par une
condition sont conformes à cette solution. L'article 2257 du Code civil dispose
en effet que «la prescription ne court point à l'égard d'une créance qui
dépend
d'une
condition, jusqu'à
ce
que
la
condition
arrive,,3. La
jurisprudence s'est parfois limitée à cette interprétation stricte. Ainsi, a été
cassé un arrêt d'une Cour d'appel qui déclarait caduque la promesse
synallagmatique de vente d'un local a usage commercial contractée sous la
condition suspensive que l'acquéreur obtienne la licence d'exploitation d'une
pharmacie au motif que, si aucun terme n'avait été fixé pour la réalisation
de la condition, il n'était pas douteux que le délai écoulé excédait de
beaucoup celui que les parties avaient normalement envisagé pour cette
réalisation 4 • La Cour de cassation avait déjà, dans des circonstances
voisines, tranché en faveur du maintien de l'acte conditionnel en affirmant
nettement «qu'aussi longtemps qu'il ne sera pas établi que le {ait prévu est
devenu irréalisable, les obligations du contrat demeurent avec leur {orce
1
Civ. 3e, 10 juin 1971, Bull. civ., lII, n0375.
2
Par exemple, lorsqu'une vente a été conclue sous condition suspensive de l'homologation d'un état
liquidatif, le décès du vendeur qui rend impossible la p<1tlrsuite de la procédure d'homologation prive l'acte
de tout effet. La certitude que la condition est devenue irréalisable est déjà acquise (Civ. 3e, 9 octobre
1974, J.c.P. 75, ed. G., II, 18149, note THUILLIER). De même, s'agissant de la vente de la propriété
d'un immeuble conclue sous la condition suspensive de la renonciation par l'usufruitier à une clause
d'interdiction d'aliéner stipulée à son profit dans l'acte de donation du bien à la venderesse, le décès de
l'usufruitier avant toute renonciation apporte la certitude que l'événement auquel est subordonnée
l'obligation n'arriverait plus et que les parties se retrouvent dans la même situation que si elles n'avaient
pas contracté (paris, 2e ch., 19 oct. 1978, D.79, I.R., 100).
3
V. J.-M. VERDIER, thèse précitée, n0252, p. 208.
4
Civ. 3e, 4 mars 1975, 1.C.P. 76, éd. G., /1, 18510, note M.-F. NICOLAS; D.75,somm., 73 ; R.T.D.
Civ. 75, 706, obs. LOUSSOUARN ; Rép. Défr. 75, art. 30996 ,n° 33, obs. AUBERT.

- 310 -
SECfION 1 : LA CADUCITE DE L'ENGAGEMENT SOUS CONDITION
DEFAILLIE
327.- L'acte juridique ou plus exactement les droits qu'il fait naître
peuvent être subordonnés, pour produire pleinement leur efficacité, à des
modali tés l . Il en est ainsi de l'engagement conditionnel qui s'oppose à
l'engagement pur et simple en ce que le sort de l'obligation qu'il engendre
dépend de l'avènement d'un événement futur et incertain 2• Mais cette
incertitude qui caractérise le sort de l'obligation conditionnelle fait que la
condition, au lieu de se réaliser, peut défaillir3 ; dans ce cas, le droit qui était
suspendu ne naît pas et l'engagement du débiteur est «mort-né,,4.
Malgré cette apparente simplicité, la défaillance de la condi tion pose
des problèmes d'interprétation. D'abord en ce qui concerne la détermination
du moment à partir duquel la condition peut être considérée comme défaillie
(§ 1), mais aussi au niveau de l'explication théorique et des implications
pratiques de son effet (§2).
§1 - La détermination du moment où la condition est défaillie
328.- C'est l'article 1176 du Code civil, aux termes duquel lorsqu'il
n'y a pas de délai fixé à la survenance de la condition, celle - ci peut toujours
être accomplie et n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que
l'événement n'arrivera pas, qui règle la question. Le texte, dont les termes
sont au demeurant assez clairs, formule donc un double principe: ou bien
les parties ont fixé un temps dans lequel la condition devra se réaliser et
l'expiration de celui-ci sans que l'événement soit arrivé implique la
défaillance de la condition. Dans ce cas, la défaillance est automatique; elle
...
n'est soumise, en principe, à aucune procédure de mise en demeure et il
1
V. supra, titre l, Ile partie, nO 15 et s.
2
V. supra, n° 41 et S., sur le caractère incertain de la condition.
3
V. MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, l. II, n° SO, p. 72 ; WEILL et TERRE, précité, nOS95 ; Ph.
MALAURIE et L. AYNES, précité, n01121, p. 632 ; J. CARBONNIER, l. IV, n° 6), p. 249.
4
J.-J. TAI5NE, thèse précitée, n° 301, p. 418 ; Y. BUFFELAN - LANORE, Essai sur la notion de
caducité dans les actes juridiques en Droit civil, L.G.DJ. 1963, p. 147; Voir notes ci - dessus.

- ]()<) -
CHAPITRE 1:
LIEN CONrRACTUEL ET ECHEC DE LA SUSPENSION
326.- Suspendre un engagement contractuel, c'est faire un pari sur
l'avenir. On espère que le temps viendra à bout des incertitudes, des
réticences, des difficultés, voire des impossibilités auxquelles sont confrontés
les contractants et créera une situation plus favorable à l'exécution. La
réponse des faits peut cependant ne pas coïncider avec ce voeu qu'incarne la
suspension; auquel cas il y aura perte du pari fait sur le futur'.
Quelle est l'incidence sur le lien contractuel de cet avortement de la
suspension ?
La diversité des techniques de suspension rend la réponse relative,
car celle - ci doit être fonction des spécificités de chacune d'elles. Toutefois,
un effort de rapprochement permet de relever trois formes principales que
peut revêtir l'échec de la suspension. Il peut d'abord se caractériser par la
caducité de l'engagement lorsque son efficacité était conditionnée par la
survenance d'un événement futur ; on parle alors de défaillance de la
condition (Section I). On considérera ensuite que la suspension a manqué
son but lorsqu'elle ne parvient pas à restaurer les relations contractuelles
mais aboutit, au contraire, à leur rupture (Section II). Enfin, il y aura
insuccès de la suspension lorsque, pour une raison ou une autre, le
contractant est déchu, pendant la période de suspension, du bénéfice de la
mesure de suspension (Section III).
Ph. CHARVERIAT, thèse précitée, p. 68

- 308 -
La fin de la suspension peut donc avoir une double issue: ou bien le
processus prévu avorte et il faut constater l'échec de la suspension (Chapitre
1). Ou bien l'issue finale est conforme au résultat escompté et il faut
considérer que la suspension a atteint son objectif (Chapitre II). Il importe
d'examiner l'état du lien contractuel à l'épreuve de ces deux issues.

- 307 -
325.- La suspension, la démonstration vient d'en être faite, plonge
les relations contractuelles dans une sorte de léthargie; elle laisse planer le
doute sur le sort final des obligations en cause dans la mesure où
l'incertitude règne sur la réalisation effective des objectifs poursuivis. En
effet, la suspension n'est jamais conçue comme un phénomène permanent.
C'est une étape transitoire qui doit naturellement, à un moment ou à un
autre, prendre fin et aboutir à une solution définitive.
Tout procédé de suspension vise à donner aux obligations qui en sont
affectées les chances d'une éventuelle exécution dans le futur. La disparition
de l'obstacle suspensif doit, dans ces conditions, avoir pour conséquence de
restituer au contrat son aspect normal, nécessaire à la réalisation des
engagements pris. C'est en cela que réside le gage de l'efficacité d'une
mesure de suspension. Mais la suspension, comme toute situation
provisoire, est aussi précaire. Il se peut que pendant la période de «mise en
sommeil» du lien contractuel, les circonstances envisagées pour procurer à
la relation juridique toute sa vigueur ne se réalisent pas ou subissent des
altérations ou des modifications. Dans
cette hypothèse, il y a lieu de
considérer que la suspension à manqué son but, dans la mesure où l'objectif
poursuivi ne pourra plus être atteint.

TITRE II:
LA LEVEE DE L'OBSTACLE SUSPENSIF

- 305-
l'imputer sur les paiements à venir qUI auront lieu lorsque la suspension
aura pris fin 1.
Ces quelques exemples confirment que la suspension, quelle qu'en
soit la fonne, ne rompt jamais le lien contractuel. Celui-ci est, certes, privé
de la partie la plus importante de ses effets, mais il conserve le minimum de
vitalité nécessaire à la protection des droits déjà acquis par les contractants
et à la normalisation future des rapports contractuels. En effet, c'est en
songeant à l'avenir que l'on recourt à la suspension. L'essence même de
cette technique, c'est, nous l'avons vu, l'espérance de la possibilité d'une
exécution plus facile et opportune du
contrat. La suspension ne constitue
qu'une étape transitoire appelée à cesser. Ceci conduit naturellement à
envisager la levée de l'obstacle suspensif ainsi que les conséquences qui en
découlent.
l
J. TREILLARD, article précité, n023 p.90; Sur la question de la répétition de l'indu, V.R. SARRAUTE,
thèse précitée, p.55 et s.

- 304·
sauvegarder l'avenir afin de permettre au contrat de recouvrer son
efficacité. Les contractants doivent donc oeuvrer dans le sens du sauvetage
du contrat. Ces obligations nouvelles peuvent se traduire, soit par une
interdiction faite aux parties d'agir d'une façon qui pourrait engager
l'avenir du contrat, soit par le respect de certaines mesures ou de certains
types d'activités destinées à assurer la reprise correcte des relations
contractuelles une fois que la cause de la suspension aura disparu l .
324.- Ainsi, un contractant devra s'abstenir de choisir un autre
partenaire pour l'exécution des prestations suspendues, sinon il prendrait
l'initiative de la rupture et engagerait sa responsabilité contractuelle. La
doctrine et la jurisprudence regorgent d'exemples dans lesquels il est
interdit au salarié de se faire embaucher ailleurs ou à l'employeur
d'engager un nouveau personnel tant que dure la suspension. Rien ne
s'oppose à l'application de cette solution en droit civil proprement dit,
d'autant plus qu'en matière d'exception d'inexécution, situation qui est très
proche de la présente2, elle est la règle3. Un concédant qui oppose l'exception
d'inexécution au concessionnaire exclusif ne saurait, par exemple, choisir
un nouvel agent exclusif sans avoir, au préalable, fait prononcer la
résolution judiciaire de la convention4 •
La suspension peut également mettre à la charge des contractants
des obligations de conservation ou d'administration des choses objet du
contrat à leur possession. Une décision de la Cour de Rouen du 26 juin 1920 a
ainsi jugé que lorsque la livraison des marchandises vendues a été
suspendue par une réquisition, le vendeur n'en a pas moins l'obligation de
mettre ces marchandises en réserve pour les livrer à l'acheteur lors de la
levée de la réquisitions. Par ailleurs, la doctrine admet que s'il y a eu de la
part de l'une des parties un paiement à l'avance, relatif à la prestation dont
la suspension le prive, le contractant qui a reçu ce paiement, et qui ne peut
...
exécuter l'obligation à sa charge, est tenu de le conserver pour le restituer ou
P.- H. ANTONMATIE1, thèse précitée, nO 320 et s., p. 322 et s. Il explique notamment que la
suspension met à la charge des parties l'obligation de faire cesser l'impossibilité et cel1e de préserver
l'intégrité des relations contractuelles.
2
V. supra nO 210 el s.
3
V. supra n0288.
4
Com., 15 janv. 1973. O.S. 73,473, note GHESTIN ; G.P.73, 2, 495, note GUYENOT ; R.T.D. civ.
74, 163, observ. CORNU; R.T.D. cam. 73. 859, obs. HEMARD.
S
V. Req., 12 déc. 1922, D.P. 1924, 1, 186.

- 303-
§2 - L'impossibilité temporaire d'exécuter
323.- En principe, la survenance d'un cas fortuit ou de force
majeure de caractère temporaire exonère provisoirement le con tractant de
l'exécution de l'obligation à laquelle il est tenu. S'il s'agit d'un contrat
synallagmatique, la suspension aura pour effet d'arrêter l'exécution
bilatérale des obligations!. Mais, tout comme cela a été relevé à propos des
autres techniques de suspension, la suspension due à la force majeure
conserve au contrat une vie minimale, notamment à travers le maintien de
certaines obligations destinées à permettre plus tard un retour à une pleine
efficacité 2. On a tenté de justifier ce maintien de certaines obligations du
contrat au moyen de la distinction qu'il y a entre les obligations principales
ou essentielles et les obligations accessoires ou secondaires ; la suspension
affecterait particulièrement les premières et épargnerait, par contre, les
secondes 3.
Cette conception est critiquable4 . S'il est vrai que des obligations, que
l'on peut qualifier de secondaires, demeurent très souvent à la charge des
parties dans la mesure où elles s'inscrivent dans le prolongement du
contrat, il ne faut pas pour autant y voir une explication suffisante de la
responsabilité qu'encourent les
contractants pendant la période de
suspension. D'abord, des obligations dites principales peuvent parfaitement
survivre à la suspension ; J. Treillard cite de nombreux exemples dans
lesquels l'employeur reste tenu à l'obligation de verser un salaire ou un
traitement
malgré
la
suspension 5 . Ensuite, et le plus souvent, ces
obligations dont les parties sont obligées de continuer l'exécution après
l'arrêt momentané des rapports contractuels ne se revèlent pas être
exactement celles que la convention primitive mettait à leur charge. Ce sont
plutôt des «obligations de surveillance et d'entretien du contrat»6. Leur
naissance répond à ce souci qui caractérise la suspension et qui est de
!
V. supra nO 292 et s.
2
P.-H. ANTONMAITE1, thèse précitée, n° 317, p. 318 ; J.-M. MOUSSERON, Techniques
contractuelles, précité, n° 1076, p. 416; J.-M. BERAUD, précité, p. 162.
3
J.-F. ARTZ, article précité, n017 ; J.-M. BERAUD, thèse précitée, p.128 et 129, Ph. CHARVERIAT,
thèse précitée, p.61 et s. ; V. aussi supra n '293.
4
J.-M. BERAUD, thèse précitée, V. note ci-dessus; V. aussi P.-H. ANTONM ATTE 1, thèse précitée,
nO 317, p. 317 et 318.
5
J. TREILLARD, anicle précité, n022.
6
J. TREILLARD, cité ci-dessus.

- 302-
saurait donc jouir de la chose! et en ce sens, il a été jugé que le garagiste qui
Iretient la voiture d'un de ses clients ne peut utiliser cette voiture pour son
!usage personnel ou la louer à des tiers 2 . Il est néanmoins reconnu à
Il'excipiens le droit de continuer à jouir de la chose, comme au cours du
Icontrat, si celui-ci l'y autorise3 , De même, l'excipiens ne pourrait pas non
Iplus s'approprier les fruits civils ou naturels produits par la chose qu'il
Iretient ; il peut cependant
les percevoir, et même les vendre s'ils sont
(périssables, à charge pour lui d'en rendre compte4 .
En outre, celui qui se prévaut de l'exception non adimpleti contractus
peut être obligé à remettre à un tiers les sommes ou objets qu'il doit à son
cocontractant. C'est ainsi que la jurisprudence a parfois imposé à l'avoué ou
à l'architecte qui détient des documents dont la production en justice est
actuellement nécessaire pour la défense des intérêts du cocontractant de les
remettre en mains tierces avec ordre qu'ils lui soient ensuite restitués5 .
On peut relever enfin que l'exception ne visant en principe qu'une
suspension provisoire, l'excipiens, tout comme son cocontractant d'ailleurs,
ne saurait accomplir des actes impliquant la rupture du contrat. Ainsi, en
cas de rétention d'une chose corporelle, le détenteur n'acquiert pas le droit
de la vendre et de se payer sur le prix6 . Cette dernière exigence répond au
but assigné à tout procédé de suspension et justifie la mise à la charge des
parties de nouvelles obligations, car les contractants ne doivent rien faire qui
soit de nature à remettre en cause le contrat. Bien au contraire, ils doivent
prendre des mesures pour assurer sa survie. Tel est également le cas en
matière de suspension des obligations pour force majeure temporaire.
1
PLANI0L et RIPERT, l. VI, n° 457, p.611 et612 ; A.ï-IUET, article précité, n0237.
2
Trib. com. Nantes, 17 av. 1912, cité par A. HUET, V. note ci-dessus.
3
V. notes précédentes.
4
PLANIOL et RIPERT, l. VI, n0457, p.612 ; A. HUET, article précité, n0238 ; V. Orléans, 23 juin 1898,
D.1899, 2,63, à propos d'une récolte vendue.
5
Reg., 18 juil. 1904, D.P. 1906, 1,9, note GLASSON ; S. 1909, l, 133 ; -
5 nov. 1923, D.P. 24, l,
75 ; S.24, 1,215. Compr. Amiens, Il juin 1964, D.S. 65,355, note M. CABRILLAC. CQn.lr.a:
civ.1ère, 17 juin ]969; J.c.P. 70, éd. G, Il,16162, note N. CATALA-FRANJOU: un comptable agréé,
retenant les documents comptables d'un client, n'est pas tenu de les communiquer à l'administralion
fiscale.
6
PLANIOL et RIPERT, l.VI, n0457, p.612 ; A. HUET, article précité, n0242.

- 301 -
pas tant au nIveau de leur incidence sur les obligations réciproques. La
différence procède, à notre avis, de la spécificité du contrat d'assurance qui
appelle l'application de règles elles-mêmes particulières 1•
Quoi qu'il en soit, les deux techniques de suspension se rejoignent en
ce qu'elles constituent des sanctions de l'inexécution fautive par l'un des
contractants de son engagement. C'est ce qui justifie le maintien de
l'obligation du débiteur en dépit de la suspension de celle de la partie
adverse. Toutefois, en contrepartie de ce déséquilibre temporaire, des
obligations nouvelles peuvent naître à la charge de l'excipiens.
B . La naissance d'obligations nouvelles à la charge de 1'excipiens
322.- Le contractant qui n'est pas tenu d'exécuter le premier et qui
use de la règle de l'exception d'inexécution peut voir naître à sa charge de
nouvelles obligations, de conservation et d'administration, notamment
lorsque le refus d'exécuter consiste à retenir une chose appartenant à
l'autre partie.
Ainsi, l'excipiens est tenu de veiller sur les biens de son débiteur
détenus par lui et dont il doit opérer la fourniture, la délivrance ou la
restitution. En particulier, il doit en assurer la conservation2. L'excipiens
est en effet dans la même situation que le créancier qui exerce le droit de
rétention et comme ce dernier, il est tenu de ne pas user de la chose et d'en
prendre soin3. La doctrine en déduit qu'il est responsable de la détérioration,
par faute ou par négligence, des choses détenues4 . Bien entendu, l'excipiens
possède les droits corrélatifs de ses obligations, notamment le droit de se
faire rembourser toutes les impenses nécessaires et utiles5.
Toutefois, celui qui oppose l'exception d'inexécution ne peut accroître
ses droits du seul fait que l'autre n'exécute pas ses engagements. Il ne
1
V. supra n° 232 el S.
2
R. CASSIN, Lhèse précilée, p.657 ; A. HUET, article préciLé, n0239.
3
V. Civ. 1ère, 4 juin 1971, O.S. 1971,489, Conc!. LINDON; J.c.P. 71, éd. G., II, 16913, nOle
DURAND et LE TOURNEAU; R.T.D. Civ 72, 97, obs. DESBOIS.
4
PLANIOL el RIPERT, l. VI, nO 457, P 612 ; R.CASSIN, Lhèse précitée, p.657 ; A. HUET, arlicle
précité, n~40.
5
V. nole ci-dessus.

- 300-
institution l . Mais une part importante de la doctrine relève des différences
notables entre les deux phénomènes. La suspension de la garantie aura
pour effet de libérer définitivement l'assureur de son obligation pour la
période correspondant à la
suspension, tandis que le recours à l'exception
permettrait seulement à l'assureur de différer le paiement de l'indemnité
normalement exigible jusqu'au paiement des primes dues. C'est ce qui fait
dire à Monsieur J.-F. Pillebout que l'exception d'inexécution n'affecte que
l'exécution de l'obligation alors que la suspension de la garantie implique la
disparition partielle de l'obligation de l'une des parties2 .
321.- Mais, en vérité, cette distinction est contestable. D'une part, le
jeu de l'exception peut parfaitement aboutir, non pas à un simple retard
dans l'exécution, mais aussi à une disparition définitive d'une partie des
obligations dues par un contractant. Il en est ainsi dans certains contrats à
exécution successive dans lesquels le refus par l'une des parties de fournir
ses prestations peut conduire à la perte définitive de celles qui auraient dû
être exécutées pendant la période de suspension3 . Un auteur a même parlé
de «résolution partielle»4. D'autre part, l'exception d'inexécution pourrait
bien entraîner un maintien des obligations du débiteur sans contrepartie. En
supposant que la période de suspension soit de très courte durée et donc de
caractère négligeable, on peut imaginer que le débiteur conserve à sa charge
certaines de ses obligations alors qu'il y aurait disparition définitive des
obligations corrélatives. Et même dans l'hypothèse où la suspension est de
longue durée, on imagine mal les parties contractantes libérées pendant la
période de suspension des obligations résultant des clauses d'exclusivité, de
confidentialité, etc.
En conséquence la «mutilation partielle et unilatérale» ne paraît pas
être une caractéristique propre à la suspension de la garantie de l'assurance
et la distinction qu'il y a entre ceBe-ci et l'exception d'inexécution ne se situe
...
En ce sens 1. TREILLARD, article précité, p.59 et s., Contra: J.-M. BERAUD, thèse précitée,pAl
et s.
2
J.-F. PILLEBOUT, thèse précitée, n053 p.5l ; J-M. BERAUD, thèse précitée, pAO et s. (qui parle,
notamment de «mutilation partielle et unilatérale«, expression empruntée sans doute à A. BESSON,
article précité, p. 79).
3
PLANIOL et RIPERT, LVI, n0457, p.6l2. En cas de suspension de la fourniture d'électricité par l'EDF
pour non-paiement des factures, il va de soi que l'usager sera définitivement privé d~s prestations dont il
aurait dû bénéficier pendant la période correspondant à la suspension.
4
LEBRET, article précité.

- 299-
maintenue. L'exception non adimpleti contractus est en efTet analysée non
seulement comme un moyen de défense et de garantie donné dans les
contrats synallagmatiques au créancier d'une obligation inexécutée, mais
aussi comme une mesure comminatoire permettant de faire pression sur le
cocontractant afin de l'amener à
exécuter'. Car, selon une donnée
psychologique incontestable, une personne fera bien plus aisément l'effort
nécessaire si elle agit sous la menace et a l'impression de le faire dans son
intérêt, en l'occurrence l'obtention de la prestation corrélative 2. Or, cela
suppose que le débiteur continue à supporter la charge de son engagement.
C'est la raison pour laquelle il y a lieu de penser que le recours à l'exception
d'inexécution ne dispense pas la partie adverse de l'exécution de ses
obligations ; bien au contraire, le maintien de l'obligation du débiteur
constitue la condition nécessaire à un retour à la normale des relations
contractuelles. Il faut aussi, vu que l'obligation du débiteur n'est pas
suspendue, reconnaître à l'excipie ns le droit de poursuivre celui-ci en
exécution ou en résolution du contrat.
320.- Cette situation n'est d'ailleurs pas propre à la mise en oeuvre
de
l'exception
d'inexécution.
Elle
caractérise
également le
contrat
d'assurance lorsque, pour défaut de paiement des primes par l'assuré,
l'assureur suspend la garantie qu'il doit à ce dernier3. Cette règle est édictée
par l'article L. 113-3 alinéa 2 du Code des assurances. Ainsi, l'obligation de
l'assuré est maintenue alors que l'assureur est momentanément libéré des
siennes de sorte que, si un sinistre survient dans cette période, il ne sera
débiteur d'aucune indemnité. Il pourra néanmoins prétendre au paiement
des primes arriérées, y compris celles correspondant à la période de
suspension 4 . L'assureur bénéficiera de ce fait du contrat sans en supporter
les charges, la suspension ne produisant d'effet que d'un seul côté.
Cette technique de suspension est sans doute inspirée de l'exception
d'inexécution. Certains auteurs n'y ont vlÎ qu'une des applications de cette
,
A. WEILL et F. TERRE, précité, 0°476 ; J.-F. PILLE BOUT, thèse précitée, 0°229 et s., 248 et s.
2
J.-F. PILLEBOUT, thèse précitée, 0°242.
3
V. Y. LAMBERT-FAIVRE, Droit des assurances, n0242, p. 243 ; A. BESSON, La suspension dans le
contrat d'assurance, in Etudes à la mémoire de H. CAPITANT, p.79 ; J. TREILLARD, article précité,
n02ü; J.-F. PILLEBOUT,thèse précitée, 0°52 et s., ; J.-M. BERAUD, thèse précitée,p. 41.
4
A. BESSON, article précité, p.81 ; J.-M. BERAUD, thèse précitée, pAl.

évite un relâchement total et entretient les conditions d'un rapprochement
dans l'avenir. En effet, la survivance pendant la période de suspension de
certaines obligations vise à assurer la survie du rapport juridique afin que,
le moment venu, l'exécution puisse avoir lieu. Il s'agit là d'une nécessité
fondamentale qui justifie des règles spécifiques applicables à certaines
techniques de suspension du point de vue de leur incidence sur le rapport
contractuel.
Deux principales hypothèses correspondent à cette situation: lorsque
la suspension prend la forme d'un refus provisoire d'exécuter (§ 1) ou quand
elle fait suite à la survenance d'un cas de force majeure (§2).
§1- Le refus provisoire d'exécuter
318.- Le droit positif autorise celui qui est partie à une convention
synallagmatique - ou qui participe à une opération appelant des prestations
réciproques - à refuser provisoirement l'exécution de l'obligation à sa charge
lorsque l'autre ne s'est pas acquittée de la sienne!. La suspension qui en
résulte présente deux traits essentiels, preuves de la survie du lien
contractuel: d'un côté, il y a maintien des obligations du débiteur (A), et de
l'autre, naissance, en contrepartie, de nouvelles obligations à la charge du
créancier (B).
A - Le maintien des obligations du débiteur
319.- C'est principalement l'exception d'inexécution qui permet de
refuser l'exécution de son obligation jusqu'à ce que le demandeur offre
d'exécuter sa propre obligation. Elle a de ce point de vue un effet suspensif.
Mais à bien observer, elle n'entraîne qu'une suspension unilatérale.
En effet, la mise en oeuvre de l'exception ne permet qu'à l'excipiens seul de
différer le paiement ; c'est seulement la prestation à sa charge qui est
suspendue. Ce qui signifie, en principe, que celle incombant à son
cocontractant ne subit pas les conséquences de la suspension et reste
V. supra nO 156 et s.

- 297-
solution garantit l'intérêt même du débiteur qui est libéré plus rapidement,
étant donné que les intérêts moratoires sont en principe dûs pendant le
cours du délai!, alourdissant ainsi la dette, et ce d'autant plus qu'il sera
déchargé sans avoir rien à débourser. Elle doit par ailleurs être étendue aux
hypothèses de suspension des obligations par application de la loi sur le
surendettement, décrites précédemment comme n'affectant pas l'exigibilité
de la créance. Les conditions de mise en jeu de la compensation sont en effet
réunies dès l'instant où le créancier devient le débiteur de son débiteur.
316.- Cette possibilité du paiement anticipé, jointe aux différents
droits reconnus au créancier pendant la période de suspension, démontre,
s'il en était encore besoin, que l'obligation suspendue ne connaît, à vrai dire,
qu'une «mort apparente». Elle est bel et bien vivante, ou tout au moins,
certains de ses attributs sont manifestes pendant la période de suspension.
Cette situation qui est celle de l'obligation conditionnelle, de l'obligation à
terme ou de l'obligation affectée d'un délai de grâce, est aussi celle d'un
engagement juridique suspendu dans son exécution à la suite d'un cas de
force majeure temporaire ou de la mise en jeu de l'exception d'inexécution.
Dans ces deux derniers cas, le maintien en vie du rapport juridique est
justifié non seulement par le souci de protéger le créancier, mais également
et surtout par la nécessité de sauvegarder les relations contractuelles.
SECfION II : LA NECESSITE DE PRESERVER LES RELATIONS
CONTRACTUELLES
317.- L'inexécution, avons-nous di t, ne rompt pas nécessairement
le lien contractuel. Intervenant dans dEU' circonstances bien déterminées,
elle donne lieu à une situation singulière: la suspension. Par l'effet de cette
suspension, la relation contractuelle est maintenue entre les parties sans
toutefois produire ses effets normaux.
Ce lien, il est vrai ténu, est d'une grande utilité dans la mesure où il
MAZEAUD, l. II, 1er vol., n0 912 ; A. WEILL et F. TERRE, n0 919.

paiement n'avait été reculé qu'en raIson de l'octroi d'une faveur au
débiteur!.
S'agissant des moratoires ou des mesures de suspension prévues par
la loi sur le surendettement des particuliers, il est évident qu'ils ne peuvent
point constituer un obstacle
à l'exécution anticipée et la répétition ne peut
être admise quelles qu'aient été les circonstances du paiement. Il n'y a pas
d'indu; une dette, au moins à terme, existant dans chacun des différents
cas.
Il convient, en
définitive, d'admettre comme principe que du
moment où la créance a une existence certaine, son exécution est toujours
possible durant la période de suspension. Faut-il étendre ce principe à la
compensation qui, il ne faut pas l'oublier, constitue une variété de paiement.
2· La compensation
315.- Le Code civil pose comme règle que le délai de grâce ne fait
point obstacle à la compensation. L'article 1292, qui contient cette
disposition, apporte là encore une différence entre les effets du terme et ceux
du délai de grâce. Alors que le créancier à terme ne peut, en aucun cas,
compenser sa créance avec une dette immédiatement exigible née à sa
charge envers son débiteur et ce conformément à l'article 1291 alinéa 1er du
Code civil qui ne prévoit une telle opération qu'entre deux dettes «également
liquides et exigibles»2, il en va autrement pour le délai de grâce. La raison
est simple et n'a eu, de cesse, d'être évoquée: l'adjonction d'un terme à un
engagement juridique diffère son exigibilité à l'échéance tandis que le délai
de grâce suppose que la dette est déjà exigible. En conséquence, si le
créancier, à qui est opposé le délai de grâce, devient à son tour débiteur de
son débiteur, la compensation devrait jouer à son profit à due concurrence .
..
Ce ne serait que justice pour celui-ci, qui comprendrait difficilement qu'il
puisse être obligé à payer sa dette alors que, dans le même temps, il lui est
interdit de recouvrer sa propre créance3 . On peut même penser que cette
1
R. TEXIER, thèse précitée, p.8S ; J. DEVEAU, thèse précitée, oon.
2
D. VEAUX, article précité, 0°60.
3
1. ISSA-SA YEGH, article précité, nOlIS; R. TEXIER, thèse précitée, p.8S ; .J. DEVEAU, thèse
précitée, p.73 ; PLANIOL et RIPERT, !. VII, 0°1021, p.363 ; MAZEAUD, !. II, 1er vol., 0°912 ; A.
WEILL et F. TERRE, précité, 0°919.

· - 295-
à la jouissance de la chose du jour du paiement au jour de l'échéance. En
pure équité, c'est la solution contraire qui devrait être admise; il Y a là une
certaine valeur qui échappe du patrimoine du débiteur. Toutefois, en dehors
du cas où l'obligation a pour objet une somme d'argent et dans lequel
l'évaluation peut être faite d'après le taux d'intérêt, comment estimer
l'avantage dont a été spolié celui qui est créancier, notamment lorsque ce
droit porte sur une chose en nature ou sur un fait à accomplir? C'est la
raison pour laquelle d'une manière générale, le droit positif est réservé et la
pratique est hostile au dédommagement de la perte de jouissance 1, l'article
1186 du Code civil étant interprété comme refusant au débiteur l'action en
répétition de l'indu de manière absolue 2. Il doit donc recevoir application
dans cette hypothèse étant donné, du reste, que rien ne permet de penser que
cette disposition effectue une quelconque distinction entre le capital et les
intérêts3.
On voit, par là, combien est erroné l'aphorisme «qui a terme ne doit
rien». Cette formule donne une idée trop énergique des effets du terme alors
que le débiteur à terme doit réellement et le créancier peut obtenir de lui
l'exécution bien avant l'échéance4 .
314.- A plus forte raison, le délai de grâce ne saurait permettre la
restitution de ce qui a été payé, en connaissance de cause ou non, avant son
expiration. Le principe posé par l'article 1186 en ce qui concerne le terme
doit aussi, sinon davantage, s'appliquer à l'obligation affectée d'un délai de
grâce puisque dans cette hypothèse, la créance n'est pas seulement d'une
existence certaine, elle est déjà exigible. Cette solution se justifie en plus par
l'idée que le délai de grâce est accordé en vue d'une libération plus facile du
débiteur et pour éviter une exécution forcée; si le débiteur a trouvé le moyen
de désintéresser le créancier, ce serait tant mieux pour ce dernier dont le
...
Par ex.emple : maintes polices d'assurance éliminent la couverture du risque que court l'automobiliste du
fait de la non-disposition de son véhicule si celui-ci est immobilisé pour réparation à la suite d'un
accident. Le préjudice qui peut en résulter est infiniment variable: considérable pour un voyageur de
commerce, négligeable pour un salarié recourant auX. transports en commun, quasiment nul pour un
retraité qui ne se déplace que le dimanche. V.H. ROLAND et L. BOYER, Locutions et adages du droit
Français contemporain, t. l, p.180, V. interusurium ..
2
PLANIOL et RIPERT, L VII, n° 1009, p. 348 ; RIPERT et BOULANGER, t.I1, n° 1498, p. 513 ; H.
ROLAND et L. BOYER, V. note ci-dessus ;F. DERRIDA, article précité, nO 25.
3
F. DERRIDA, cité ci-dessus.
4
PLANIOL et RIPERT, t. VII, n° IO09 , p.347 ; RIPERT et BOULANGER, t. Il, n01497, p.513 ; F.
DERRIDA, article précité, n022 et s.

- 294-
Cela veut dire que le débiteur qui a payé avant l'arrivée du terme ne peut
plus revenir sur ce paiement en exerçant l'action en répétition de l'indu
prévue à l'article 1377 du Code civil. C'est une solution d'une rigoureuse
logique, car l'action en répétition n'est ouverte que si ce qui a été payé n'était
pas dû ; or, en dépit du terme, la dette existe bel et bien, la prestation fournie
est réellement due. Le débiteur ne se trouve donc pas dans la situation de
bénéficier des dispositions de l'article 1377, car l'une des conditions
essentielles de la répétition fai t défaut l . Ce qui permet, une fois de plus, de
distinguer la dette à terme de la dette conditionnelle dont la répétition est
admise, puisque dans ce cas, l'existence de la créance n'est pas encore
acquise et elle n'a, en conséquence, pas à être honorée2.
TI n'y a pas lieu de distinguer selon que le débiteur a fait un paiement
anticipé par erreur, croyant la dette échue, ou en pleine connaissance de
cause. D'une part, la validité d'un paiement volontaire anticipé des dettes à
terme est unanimement admise par la doctrine3 , à la condition que le terme
ait été stipulé dans l'intérêt exclusif du débiteur4. D'autre part, même si le
débiteur avait ignoré l'existence du terme, l'action en répétition de l'indû ne
lui sera pas pour autant ouverte, car l'obligation à terme reste une dette
actuelle et celui qui s'en acquitte, dans quelques circonstances que ce soit, ne
paie pas l'indû 5.
313.-
Le
débiteur
n'est
même
pas
admis
à
répéter
l'«interusurium», c'est-à-dire obtenir le remboursement de l'intérêt afférent
MAZEAUD, t. II, 1er vol., n01020 ; WEILL et TERRE, précité, n0910 ; B. STARCK, t. II, n01087,
p.379; PLANIOL eT RIPERT, t. VII, n° 1009, p.347 ; RIPERT et BOULANGER, t. II, n01497, p.512 ;
D. VEAUX, article précité, n054 ct 55 ; F. DERRIDA, Rep. dr.civ. Dalloz,. V. Terme, n025.
2
A. WEILL et F. TERRE, précité, n° 910; D. VEAUX, article précité, nO 55 ; V. aussi Soc. 10 mai 1973,
Bull. civ., V. n0297 : dans cette affaire, une caisse de retraite avait l'habitude de payer les pensions de ses
adhérents un peu avant la fin de chaque trimestre, de telle sorte que l'un des retraités avait touché le dernier
versement juste avant sa mort, elle-même survenue av'Wt l'échéance de fin de trimestre. La cour d'appel
avait refusé la répétition de ce remboursement en alléguant qu'il s'agissait du paiement anticipé d'une
créance à terme. Mais la décision a été cassée par la chambre sociale de la Cour de cassation qui a fait
valoir que la créance n'était pas seulement affectée d'un terme, mais également d'une condition, à savoir la
survie du créancier en fin de trimestre. Dès lors, par suite de la défaillance de la condition, le dernier
versement s'avérait indu et sa répétition devenait possible.
3
PLANIOL et RIPERT, t. VII, nOl009, p.347 ; RIPERT et BOULANGER, t. Il, n01497, p.512 ; D.
VEAUX, précité, n054, F. DERRIDA, article précité, n025.
4
En effet, au cas où le terme aurait été stipulé dans l'intérêt commun du débiteur et du créancier ou dans
l'intérêt exclusif de ce dernier, le débiteur ne pourrait se libérer par anticipation qu'avec l'accord du
créancier V. infra n° 392.
5
Réq., Il mars 1885, D.P.85, 1,417.

- 2~3-
puisque ne sont visées que les voies d'exécution, le créancier doit conserver
le pouvoir d'intenter ou poursuivre des actions en paiement, lesquelles ne
peuvent en principe pas être suspendues!.
Le problème est beaucoup plus complexe en ce concerne les mesures
de report ou de reéchelonnement des paiements. Lorsque de telles mesures
découlent d'un plan conventionnel de règlement, il est évident qu'il s'agit de
prorogations d'échéances; la situation du créancier est à rapprocher de
celle du créancier à terme2. En conséquence, les droits dont jouit ce dernier
avant l'échéance doivent être reconnus au titulaire d'une créance dont les
paiements ont été reéchelonnés ou reportés. Les mesures judiciaires de
report ou de reéchelonnement sont encore plus difficiles à qualifier; mais,
comme nous l'avons déjà souligné, plusieurs interprétations sont possibles
et la solution est fonction de l'interprétation retenue en fin de compte3. Une
chose est cependant sûre, les créances concernées, dont l'existence ne fait
l'objet d'aucun doute et qui sont le plus souvent exigibles au moment de
l'établissement du plan, conservent une vitalité suffisante pour permettre la
protection de leurs titulaires.
B· La possibilité d'une exécution anticipée
311.- Il est admis qu'une obligation dont l'existence est déjâ acquise
puisse faire l'objet d'une exécution avant la levée de l'obstacle suspensif. Il
peut en être ainsi dans deux hypothèses: quand est effectuée une exécution
volontaire(l) ou lorsque la compensation peut jouer(2).
1 . La validité du paiement anticipé
312.- Cette idée est traduite, en ce qui concerne le terme, par
l'article 1186 alinéa 2 du Code civil: ace qui n'est dû qu'à terme ne peut être
exigé avant l'échéance,. mais ce qui a été payé d'avance ne peut être répété».
Y. CHAPUT, article précité, n064 ; sur ce point précis, le créancier bénéficie de plus de pouvoirs que
celui à qui est opposé un délai de grâce, car ce dernier fait obstacle aux poursuites Il faut d'ailleurs noter
que la circulaire du 30 novembre 1990 qui définit le champ d'application de la loi de 1989 précise que la
suspension des voies d'exécution exclut les mises en demeure et les commandements de payer (Circulaire
du 30 nov. 1989, Secrétariat d'Etat à la consommation, D.S. 1991, Legis., 30) .
2
V. supra n° 265 et s.
3
V. supra n° 283 et s.

- 21)2-
soit autorisé à bénéficier des possibilités beaucoup plus larges décrites CI-
dessus \\.
Quoiqu'il en soit, il faut relever que le créancier dont le droit est
certain bénéficie d'une meilleure protection que celui dont la créance n'est
pas
encore
née
et cette protection croît
proportionnellement à la
consolidation du droit. Quelle position adopter à propos des obligations
suspendues suite à l'application de la loi sur le surendettement des
particuliers ?
310.-
c) Lorsqu'en application des dispositions de la loi du
31 décembre 1989 relative au surendettement des particuliers, l'exécution de
la dette est suspendue, il va sans dire que doivent également être maintenus
certains de ses éléments destinés notamment à assurer la survie de la
relation juridique. La difficulté reste cependant d'identifier ces éléments
subsistants et de déterminer les prérogatives protectrices auxquelles a droit
le créancier.
La doctrine et la jurisprudence consacrées au surendettement, du
reste assez riches malgré le caractère récent de la loi, n'apportent aucune
réponse à cette question. Autant dire qu'il faut, pour proposer des solutions,
interroger la loi et procéder par un raisonnement par analogie.
En ce qui concerne la suspension des voies d'exécution dans le cadre
de l'une des procédures de règlement des situations de surendettement, la
situation du créancier est assez proche de celle du créancier qui subit un
délai de grâce. Les créances en cause sont en principe échues, car le recours
à des mesures d'exécution suppose que rien qui soit une caractéristique de
l'obligation ne s'oppose plus au paiement. En conséquence, le créancier
auquel a été interdit l'exercice des voies d'exécution doit en principe
bénéficier de prérogatives protectrices al1"'moins égales à celles accordées au
créancier dans le cadre du délai de grâce. C'est ainsi que nous pensons qu'il
faut lui laisser la possibilité de prendre des mesures conservatoires telles
par exemple l'exercice de l'action oblique ou de l'action paulienne 2. En plus,
1
V. nos développements à propos du délai de grâce, supra nO 309.
2
Cependant, certains auteurs considèrent que la loi de 1989 ne faisant aucune distinction entre les voies
d'exécution, toutes les saisies doivent être suspendues, même les saisies simplement conservatoires (V.
Y. CHAPUT, article précité, n064).

- 2'))-
Cette interprétation mérite approbation, car il ne faut pas le perdre
de vue, le délai de grâce affecte, contrairement au terme, une créance déjà
échue en faisant entrave aux
poursuites d'exécution
; il
ne porte
aucunement atteinte à son exigibilité et encore moins à son existence. Par
conséquent, le créancier doit être considéré comme parfaitement fondé à
exercer les droits de son débiteur pour les faire rentrer dans le patrimoine de
celui-ci ou d'agir en révocation des actes portant atteinte à ses droits. De
telles actions permettent d'éviter, ou le dépérissement, ou la dissimulation
du patrimoine du débiteur qui, aux termes de l'article 2092 du Code civil,
constitue le gage commun de tous les créanciers. Prôner la solution
contraire reviendrait à méconnaître le caractère essentiel du délai de grâce
qui n'est octroyé que dans le but de faciliter l'exécution!. La même raison
conduit la doctrine à admettre la possibilité pour le créancier d'adresser,
pendant le délai, une mise en demeure ou un commandement de payer au
débiteur, du moment qu'il n'est suivi d'aucun acte d'exécution 2 . En
revanche, les limitations subsistent en ce qui concerne la saisie-arrêt et
même, estiment certains auteurs, pour la saisie conservatoire 3 . Mais,
comme nous l'avons déjà souligné, tout dépend de la nature attribuée à cette
procédure 4 . Pour ceux qui considèrent qu'il s'agit d'une simple mesure
conservatoire, son exercice est possibles, alors que, pour ceux qui estiment
qu'elle vaut un véritable acte d'exécution, on ne saurait y procéder pendant
le délai de grâce6.
Tout aussi nuancée doit être la solution applicable aux créances
«moratoriées». Si la mesure de moratoire est assimilable à la concession
d'un terme suspensif, les prérogatives protectrices reconnues au créancier
seront identiques à celles dont est investi le créancier à terme. Si, par contre,
le répit légal est à rapprocher du délai de grâce, il faudra que le créancier
V.R. LORANS, thèse précitée, p.51 ; J. DEVEAU, thèse précitée, p.73 et 74 ; J. ISSA-SA YEGH, J.-
Cl. ,Civ. : art. 1235 à 1248, N. Rep. : fasc. 69, n° 109. run.lLa : PLANI0L et RIPERT, t. Vll, n01021,
p.363.
2
J. ISSA-SAYEGH, article cité ci-dessus, nOl!l ; V. aussi Civ., 4 av. 1900, D.1900, 1,520; G.P.1900,
1,625.
3
J. ISSA-SA YEGH ,article précité, n° 1 JO ; J. Deveau, thèse précitée, p.75.
4
V. supra nO 249.
5
J. ISSA-SAYEGH, article précilé, nOllO précité, Paris, 22 oct. 1921, Gaz. wb. 1922,2,49.
6
Grenoble, 26 mai 1882, S.83, 2, 84.

- 2<J()-
prendre des mesures conservatoires pour garantir le paiement des loyers à
échoir jusqu'à l'expiration du baill, Il faut, en fait, dire que le créancier à
terme peut accomplir tous les actes et obtenir toutes les garanties au bénéfice
desquels le créancier sous condition suspensive est admis 2 . La cession
volontaire ou forcée peut aussi porter sur une créance à terme, mais là
aussi, il doit être fait exception, comme c'est le cas à propos des créances
conditionnelles, des obligations intuitu personae
ainsi que des créances
dites indisponibles qui, aussi longtemps qu'elles ne sont pas exigibles,
demeurent incessibles3 .
La possibilité pour le créancier à terme d'effectuer de tels actes
s'impose d'autant plus que l'article 1180 du Code civil donne cette faculté au
créancier sous condition suspensive dont le droit est pourtant beaucoup plus
fragile.
309.-
b) A [ortiori, le créancier dont le débiteur bénéficie d'un
délai de grâce doit pouvoir prendre toutes les mesures conservatoires
nécessaires, étant donné que dans ce cas précis, rien ne s'oppose plus à
l'exigibilité de la créance. L'article 515 du nouveau Code de procédure civile
est sans équivoque sur cette question: "le délai de grâce ne [ait pas obstacle
aux mesures conseruatoires»4. C'est ainsi que, par exemple, le créancier
peut faire opposition au paiement des sommes dues à son débiteur5 .
Cependant, il apparaît que, à la différence de ce qui se passe en matière de
tenne de droit, la doctrine reconnaît au créancier l'exercice de certains actes
qui dépassent, par leurs effets, la mesure conservatoire ordinaire. Ainsi lui
accorde - t - on le droit de se prévaloir de l'article 1166 du Code civil et
d'exercer les droits et actions du débiteur négligent, c'est-à-dire intenter
une action oblique. De même, le créancier se voit reconnaître le pouvoir de
révoquer, par l'exercice de l'action paulienne prévue par l'article 1167
du
Code civil, les actes faits par son débiteur ep fraude de ses droits.
1
V. MelZ, ch. civ., 12 nov. 1982, Juris. Data n043541, cité par D. VEAUX, article précité, n049.
2
V. nos développements supra n° 303 et S. : il faut toutefois réserver le cas où une clause du contrat exclut
ou limite celle faculté à recourir à certains mesures conservatoires.
3
Exemple: Les créances alimentaires: Civ., Il janv. 1927, D.P. 27, l, 129, note H. CAPITANT.
4
V. art. 515 al. 2 du N. CPr. civ., ancien article 125 ; V. aussi: MAZEAUD, t. II, 1er vol., n0912 ;
WEILL et TERRE, précité, n0919; PLANIOL et RIPERT,l. VII, nOlO2l, p.363.
5
Paris,22 oct. 1921, D.P. 23, l, 156.

- 2W)-
l'échéance engagerait sa responsabilité contractuelle et permettrait au
créancier de demander la résolution du contrat et des dommages intérêts!.
C'est sans doute aussi l'existence de l'obligation dès l'accord des
parties qui conduit les juges, en présence d'actions dirigées contre le
contrat, à apprécier les faits à la date de la conclusion du contrat. C'est ainsi
que saisi d'une action en nullité du prix dans une vente d'immeuble à
terme, il ne peut ,se placer au jour où le paiement du prix est exigible pour
comparer la valeur de la chose et le prix stipulé, mais au jour de la
conclusion de la vente2. TI en va de même de l'action en rescision pour lésion
de plus de 7/12 e ; le juge doit se placer au moment de la formation du contrat
et non au jour où le prix est payé3. La solution est identique dans la vente
conditionnelle, mais les justifications sont différentes. L'appréciation se fait
au jour de la conclusion du contrat dans la vente conditionnelle en raison de
la rétroactivité de la condition à cette date 4 ; dans la vente à crédit, au
contraire, la raison tient au fait que le terme accordé à l'acheteur pour
paiement du prix n'a pas empêché la formation de l'obligation. C'est ce qui
justifie par ailleurs que le point de départ de la prescription de telles actions
ne soit pas non plus retardé du fait de la suspension5.
En dehors de ces garanties destinées à protéger l'édifice contractuel,
le créancier à terme, dont la créance possède davantage de vitalité, est
autorisé, comme le créancier conditionnel, à prendre des initiatives de
nature à sauvegarder ses intérêts. On admettra donc sans difficulté qu'il
puisse exercer tous les actes conservatoires de son droit6• Le bailleur, dont le
locataire avait résilié le bail par anticipation et manifesté l'intention de
vendre les meubles garnissant les lieux loués, doit être ainsi autorisé à
V. Trib. corn. Le Havre, 24 nov. 1934, Rec. Le Havre 1935, 1,68, cité par F. DERRIDA, Rep. dr. civ
Dalloz, V. terme, n024.
2
Civ. 3e, 20 fév. 1974, Bull. civ., 111, n085 : en l'espèce la vente, conclue en 1908, prévoyait que le prix
de 2450 F, raisonnable à l'époque, serait payable le jour où Je vendeur quitterait les lieux, ce qu'il n'a fait
qu'en 1965, par son décès.
3
D. VEAUX, article précité, n045 ; MAZEAUD, t. Ill, 2e vol., n0883.
4
V. infra n° 382 et s.
5
Pour l'action en réscision, V. Civ. 1ère, 16 mai 1972, D.S. 72,636. En revanche, la prescription
extincLive des actions sanctionnant l'inexécution des obligations affectées d'un terme suspensif ne
commence à courir que de l'arrivée du terme, puisque le créancier ne peut pas agir avant cette date, V.
supra n° 268 et s.
6
MAZEAUD, t. II, 1er vol., nO I020 ; F. DERRIDA, Rep.dr.civ.Dalloz., V. Terme, non; D. VEAUX,
article précité, n° 49.

- 2XX-
§2 - La créance a une existence certaine
307.- L'obligation qui
a
une existence certaine,
malS dont
l'exécution est différée, reste dotée, comme la créance conditionnelle, smon
plus, d'importants
attributs
témoignant de
sa vie.
Une protection
particulière est également organisée à son profit, car, là encore, la situation
du créancier est rendue instable du fait de la suspension. Tel est le cas
lorsqu'un terme suspensif a été stipulé ou quand le débiteur bénéficie d'un
délai de grâce, d'un moratoire ou de l'application des dispositions de la loi
sur le surendettement des particuliers. Dans toutes ces hypothèses, la
suspension laisse subsister les éléments garantissant le caractère actuel de
la créance (A). En plus, la possibilité d'une exécution anticipée n'est pas
exclue (B).
A· Les garanties de l'existence de la creance
308.-
a) Le terme suspensif n'est pas, c'est connu, un obstacle à
la naissance de l'obligation; c'est le critère d'ailleurs retenu, en général,
pour différencier le créancier à terme du
créancier sous condition
suspensive l . En conséquence, l'obligation affectée d'un terme génère un
rapport juridique qui n'est subordonné à aucun événement. Le droit du
créancier est incontestable et ses manifestations se révèlent à plusieurs
égards.
D'abord, du fait que l'obligation existe déjà, le transfert de propriété
sera immédiat si tel est l'objet de l'engagement. La perte fortuite de la chose
est en conséquence supportée, en application de l'article 1138 du Code civil,
par le propriétaire qui, en l'occurrence, est le créancier. Celui-ci a en effet
pris à sa charge les risques dès la conclusion du contrat2 .
..
Ensuite, le refus d'exécution que formulerait le débiteur avant
1
Art. 1182 al. 2 du C. Civ.; V. aussi supra nO 56.
2
A. WEILL et F. TERRE, précité, n091O; D. VEAUX ,J.-C1., Civ. : art. 1185 à 1188, N. Rep. : fasc.
50 à 52 n046 ; PLANIOL et RIPERT, L VII, n° 1008, p.347 ; MAZEAUD, L II, 1er vol., n° 1022. Il
convient [Qutefois de remarquer que cene solution ne s'applique que lorsqu'il s'agit d'un corps cenaisn.
S'agissant des choses de genre, sa prise en compte est sous réserve de l'idnvidualisation de la chose ou de
son achèvement si c'est une chose future. Il faut également réserver les cas où le transfen de propriété est
retardée notamment par l'effet d'une clause de réserve de propriété. Dans ceHe hypothèse, les risquent
demeurent à la charge du vendeur, même après la livraison de la chose.

- 2'K7-
conditionneP. En matière de saisie immobilière, on ne mentionne que le cas
de saisie des biens dont le débi teur est propriétaire sous condi tion
résolutoire; mais on ne voit pas ce qui, en droit, empêcherait la saisie d'un
immeuble dont le débiteur n'est propriétaire que sous condition suspensive2.
Cette solution doit être d'autant plus admise à l'heure actuelle qu'une cour
d'appel
a
indiqué,
à
l'occasion
d'un
litige
relatif à
une
clause
d'accroissement analysée sur la base de la condition, qu'un syndic de faillite
pouvait valablement requérir la licitation du droit aléatoire résultant pour le
failli d'une acquisition conditionnelle 3.
Ces solutions trouvent d'ailleurs leur fondement dans le Code civil,
car le patrimoine d'une personne comprenant tous ses biens, présents
comme futurs, actuels ou en germe, le gage des créanciers doit couvrir cet
ensemble sans restriction. C'est donc l'article 2092 du Code civil qui justifie
la saisie des créances conditionnelles4 .
306.- La cessibilité ou la saisissabilité ainsi que la transmissibilité à
cause de mort du droit conditionnel pendente conditione
attribuent
incontestablement à celui-ci une valeur patrimoniale. Or, sur quels objets
une personne peut-elle effectuer de tels actes et en tirer une telle valeur, si ce
n'est sur des droits véritables ? Cette faculté de circulation des droits
conditionnels, ajoutée aux autres prérogatives protectrices dont jouit ]e
créancier sous condition suspensive, implique l'existence d'un intérêt
garanti qui, de ce fait, passe au rang de droits. Cette situation illustre bien le
principe que, nonobstant la suspension, les relations contractuelles
conservent une vie réelle tout au long de cette période. Ceci est encore plus
vrai lorsque la créance a déjà une existence certaine.
Civ. 2e, 24 juin 1959, G.P.59, 2,239; -
3 mars 1971, Bull. civ., II n089 ; D.S. 71, somm., 136;-
14 nov. 1973, Bull. civ., 11, n° 297 ; -
16 fév. 1978, J.C.P. 79, Il, 19055, nole STEMMER el BOST;
Corn. 5 juil. 1983, Bull. civ., IV, nO 202 ; G.P.84, Pan, 12; Civ. 2ème, 13 mai 1987, J.CP. 1987, ed.
G., 11, 20923, Obs. Ph. DELEBECQUE el E. PUTlvW\\N : «Une saisie-arrêl ne peul porter que sur une
créance du débi teur saisi, même condiùonnelle ou éventuelle, exislant au jour de la saisie».
2
Ph. DEROUIN, article précité, n038 et 61 ; J.-J. TAISNE, J.-C1., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. :
fasc. 47, n037 ; Ph. DELEBECQUE et E. PUTMAN, obs. sous Civ. 2ème, 13 mai 1987, J.CP. 1988,
ed. G., lI, 20923, n° 7.
3
Aix-En-Provence, 20 nov. 1967 inédit, ayant fait l'objet d'une cassation par la chambre mixte, 27 nov.
1970, D.71, 1,81, concl. LINDON; Rep. Défrenois 1971, art. 29786, note MOR1N ; G.P.71, l, 110;
J.CP. 71, éd. G., II,16823, note BLIN; R.T.D. civ., 71,619, obs. NERSON.
4
V. Ph. DELEBECQUE et E. PUTMAN, obs. sous Civ. 2èmc, 13 mai 1987, J.c.P. 1988, ed. G., II,
20923.
S
J.-M. VERDIER, thèse précitée, nOl82, p.154.

- 2X6-
2 - La transmissibilité du droit conditionnel
305.- La transmissibilité à cause de mort du droit conditionnel,
pendant la période d'incertitude, est prévue par l'article 1179 du Code civil in
fine. Cette règle, expressément posée au bénéfice des héritiers du créancier,
doit être étendue, estime la doctrine, au décès du débiteur, auquel cas il y a
transmission passive de la dette à la charge des héritiers 1• En revanche, son
application doit être proscrite dans tous les cas d'"intuitus personae» où, de
façon générale, la transmission héréditaire n'opère pas2. Même si le Code
civil n'affirme pas la possibilité d'opérations entre vifs concernant le droit
résultant du bénéfice de la condition, toute la doctrine en admet le principe3,
La Cour de cassation est tout aussi catégorique : «les droits dont la
réalisation est soumise à une condition suspensive sont susceptibles d'être
valablement cédés»4.
Cela n'a, à vrai dire, jamais fait de doute en ce qui concerne les
cessions volontaires à titre gratuit ou onéreux. Le créancier conditionnel
peut donc, tout comme le propriétaire sous condition suspensive, aliéner son
droit sans disposer de la chose d'autrui, ni céder un droit litigieux, ou
encore sans heurter la prohibition des donations sur des biens à venir5.
La solution était, par contre, moins certaine pour la cession forcée,
mais elle est désormais admise sans difficulté6, de sorte que les créanciers
d'un titulaire de créance subordonnée à une condition suspensive peuvent
pratiquer une saisie-arrêt de ses droits entre les mains du débiteur
MAZEAUD. l. II, 1er vol., nOI033 ; RIPERT el BOULANGER, l. II, n01364, p.475 ; Y. BUFFELAN-
LANORE, article précité, n076 ; E. PUTMAN, thèse- précitée, n0338, p.372 ; J .-J. TAISNE, J.-CI.,
Civ.: art. 1181 à 1182, N. Rep. : fasc. 47, n028.
2
V. note ci-dessus.
3
J.-1. TAISNE, J.-CI., Civ. : an. 1181 à 1182, N. Rep. : fasc. 47, n° 30 et s ; thèse précitée, n0294,
pAIO ; Ph. DEROUIN, article précité, n037, V. aussi n° 55 et s. ; E. PUTMAN ,thèse précitée, n0338,
p.372 ; COLIN et CAPITANT, l. Il, n01680; MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, 1. II, n080, p.72; Y.
BUFFELAN-LANORE, article précité, n076.
4
Civ. 3e, 25 juin 1969, Bull. civ., III ,no523.
5
Sur tous ces points, V. Ph. DEROUIN, article précité, n037. V. aussi Civ. 3e, 20 juin 1973, Bull. civ.,
III, n0433 ; Civ., 12 juin 1850, D.P. 50, l, 195; Paris, 23 déc. 1859, D.P. 60, 5, 389.
6
Ph. DEROUIN, article précité, n038 ; Ph. DELEBECQUE et E. PUTMAN, Obs. sous Civ. 2ème, 13
mai 1987, J.c.P. 1988, ed. G., Il, 20923, n° 4 et s.

- 2X5-
mesures conservatoires, le créancier conditionnel peut exiger et obtenir des
garanties. C'est ainsi qu'il peut se faire consentir des sûretés telles que
caution, gage, hypothèque 1. La possibilité de recourir à cette dernière
garantie est, du reste, expressément rappelée par les articles 2132 et 2148
alinéa 3-40 du Code civil.
Par ailleurs, dans le cadre général du rapport obligatoire, le
créancier peut mettre en jeu la responsabilité contractuelle du débiteur si
celui-ci résilie unilatéralement son engagement pendente conditione2. Cette
solution est dans la droite ligne de l'article 1178 du Code civil qui, pour
imposer au débiteur le respect du droit conditionnel de son cocontractant,
dispose que la condition sera réputée accomplie si le débiteur en empêchait
la réalisation3. Le droit positif entend ainsi sanctionner la faute du débiteur
qui aura faussé le jeu normal de la convention.
304.- Le droi t du créancier conditionnel n'est pas seulement protégé
contre les agissements du débiteur, il l'est aussi, de manière pour le moins
stricte, contre les évolutions de la législation. Si l'on suppose qu'une nouvelle
loi vienne modifier les conditions de validité du contrat avant la dissipation
de l'incertitude, celle-ci ne saurait compromettre les destinées de la
convention conditionnelle4 . Cette règle trouve une explication dans l'effet
rétroactif de la condition à la date du contrat, qui entraîne l'application de la
règle générale selon laquelle la convention est soumise à la loi en vigueur
lors de sa conclusion et fait que la loi nouvelle ne puisse porter atteinte aux
éléments de droit d'ores et déjà acquis par le créancier5.
Le créancier se trouve ainsi protégé par le droit positif face aux
principaux dangers susceptible de ruiner son acquis.
1
MAZEAUD, t. II, 1er vol., n01033.
2
V. GROSLIERE et JESTAZ, in Rev. dr. immob. 1983, 241, critiquant Paris, 8 oct. 1981 qui avait
admis que le maître de l'ouvrage pouvait se retirer du contrat pendente conditione sans avoir à payer
l'indemnité de résiliation., Celle décision a d'ailleurs été cassée, il est vrai, pour motif de procédure par
civ. 3e, 27 Av. 1983, Rev. Dr. Immob. 1984,206; V. aussi civ. 1ère, 19 déc. 1983, Bull. civ., 1. n°
305.
3
MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, L II, n079 et 81 ; J.-J. TA1SNE. J.-C1., Civ. : arl. 1181 à 1182, N.
Rep. : fasc. 47, n021.
4
1.-J. TAl5NE, thèse précitée, n03oo, pA16 ; J.-C1., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. : fasc. 47, n026 ;
E. PUTMAN, tllèse précitée, n0337, p.371. 11 faut réserver bien entendu l'hypothèse des lois nouvelles
d'ordre public, au sens de droit transitoire, applicables immédiatement même aux situations contractuelles.
5
E. PUTMAN, thèse précitée, n° 337, p.371.

- 2X4-
l'inscription de l'hypothèque qui garantit sa créance!.
Une créance conditionnelle permet encore à son titulaire de produire
son titre et être admis dans une procédure de distribution, d'ordre ou de
redressement judiciaire ouverte à la suite des poursuites engagées par
d'autres créanciers de son débiteur. Mais le créancier n'obtiendra alors
qu'une collocation conditionnelle dont le montant sera, ou bien consigné, ou
bien attribué provisoirement aux autres créanciers, à charge pour eux de
donner caution 2 . La question de savoir s'il peut lui-même lancer une
procédure en redressement judiciaire ou en liquidation des biens contre son
débiteur est discutée. La doctrine affirme que c'était possible avant la loi du
25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des
entreprises, à condition qu'il soit établi que le débiteur a cessé de payer ses
dettes exigibles, mais que cela devient moins sûr sous l'empire de la
nouvelle législation3. Il peut aussi utiliser contre son débiteur la procédure
de saisie conservatoire généralement ouverte à celui dont la créance paraît
«{ondée en son principe»4. Des divergences apparaissent cependant au sujet
de la saisie-arrêts. Mais il faut constater que la grande majorité de la
doctrine est contre l'exercice par le créancier sous condition suspensive de
cette voie d'exécution6 ; elle admet néanmoins que celui-ci puisse intervenir
dans une procédure introduite par d'autres créanciers afin d'empêcher que
les deniers saisis ne leur soient exclusivement attribués7 .
Toujours en vertu de la possibilité qui lui est offerte de prendre des
1
Y. BUFFELAN·LANORE. article précité. n° 73; J.-M. VERDIER. article précité. n~28.
2
J .-J. TAISNE. J .-CI .• Civ. : art. 1181 à 1182. N. Rep. : fasc. 47. n024 ; thèse précitée. n0298. pAI5 ;
BUFFELAN-LANORE. article précité. non; MARTY, RA YNAUD et JESTAZ. l. II. n079. p.n ; E.
PUTMAN. thèse précitée. n° 341. p.374.
3
E. PUTMAN, thèse précitée. n0341. p.374 ; J.-1. TAISNE. J.-Cl .• Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep.:
fasc. 47. n° 24 ; M.-J. COFFY DE BOISDEFFRE, Les dispositions de la loi du 25 janvier 1985 et du
décret d'application du 27 novembre 1985 concernant-+a déclaration, la vérification et l'admission des
créances. A.L.D. 1986. p. III et s. spécialement p. 115; V. aussi Colmar 7 fév. 1938. D.H. 38.293.
4
RA YNAUD et MADRA Y. Saisie et mesures conservatoires. J.c.P. 56. ed. G., 1.. 1320 ; DONNlER.
Remarques sur une évolution jurisprudentielle de la saisie-arrêt dans sa phase conservatoire. D.S. 71,
Chr..206 ; 1.-J. TAISNE, J.-CI .• civ. : art. 1181 à 1182. N. Rep. : fasc. 47. n024 ; thèse précitée.
n0298, pAlS; E. PUTMAN., thèse précitée. n0341, p.374. contra: Y. BUFFELAN-LANORE. article
précité, n074.
S
V. supra 248. La saisie-arrêt est devenue saisie-attribution depuis la loi du 9 juil. 1991.
6
BUFFELAN-LANORE, article précité. nO 74 ; J.-J. TAISNE, J.-Cl .. civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. :
fasc. 47. n~4 ; contra: Ph. DEROUIN, article précité. n061 et s.
7
L-M. VERDIER. thèse précitée, n0229, p. 192 et 193; J.-J. TAISNE. J.-CI., civ. : art. 1181 à I 182. N.
Rep..: fase. 47, n~4.

- 283-
intérimaire» autonome qui n'est ni un droit pur et simple, ni un droit
éventuel 1• Il en résulte qu'en présence d'une condition suspensive, il y a,
pourrait - on dire, deux titulaires d'un même droit dont l'un a vocation à
exclure l'autre, mais qui, pendente conditione, coexistent nécessairement2.
Cette dualité justifie la reconnaissance au profit du créancier conditionnel
d'un certain nombre de prérogatives attachées à son «droit intérimaire)) et
destinées à en assurer la protection.
B· Les attributs du droit du créancier conditionnel
302.- Le Code civil, à travers ses articles 1179 et 1180, attache au
droit conditionnel d'importantes conséquences. Celles-ci lui assurent une
efficace protection contre toute remise en cause(l) et lui reconnaissent une
valeur patrimoniale transmissible(2).
1· La protection du droit du créancier conditionnel
303.- Le régime de protection trouve son fondement dans l'article
1180 du Code civil qui donne au créancier la possibilité d'exercer, avant que
la condition soit accomplie, tous les actes conservatoires de son droit3 , ce
qu'il ne pourrait pas faire s'il n'était qu'un simple tiers. C'est ainsi que
lorsque le droit conditionnel est un droi t réel, son titulaire pourra faire
opérer immédiatement la publicité ou interrompre une prescription4 . S'il
s'agit d'un droit de créance, il faut reconnaître au créancier conditionnel le
droit de faire procéder à l'apposition des scellés, d'agir en vérification
d'écriture ou de signature, de former opposition à ce qu'un rapport ou un
partage ait lieu en fraude de ses droits ou encore de requérir le privilège de
la séparation des patrimoines5. On lui reconnaît aussi le droit de procéder à
1
J.-J. TAISNE, thèse précitée, n0290, pA05.
2
V. Ph. DEROUIN, article précité, RT.D. Civ. 1978, l, n032.
3
La doctrine relève cependant que la formule de l'article"'1180 dépasse la pensée de la loi car, on constate
que le créancier sous condition suspensive ne peut pas exercer tous les actes conservatoires: l'action
oblique lui est refusée de même que la saisie·arrêt, V. RIPERT et BOULANGER 1. II, n01363, pA75 ; Y.
BUFFELAN-LANORE, article précité, n074.
4
Y. BUFFELAN-LANORE, article précité, n073.
5
Sur tous ces points, V. J.-J. TAISNE, thèse précitée, nO 298 ; J.-CI., Civ. : art. 1181 à 1182, N. Rep. :
fasc. 47, n023 ; E. PUTMAN, thèse précitée, n0341, p.374 ; MAZEAUD, 1. II, 1er vol., nO 1033 ;
MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, 1. II, n079, p.71 et 72; J.-M. VERDIER, thèse précitée, n0228 ;
RIPERT et BOULANGER, t. II, nOl363, pA75 ; COLIN et CAPITANT, t. II, n° 1690, p.937. Pour ce
qui est de la possibilité de réclamer le privilège de séparation des patrimoines, V. Toulouse, 6 mars 1884,
D.85, 2,145 ; Agen, 18 juil. 1894,0.95,2,207; Caen, 16 nov. 1907,0.12,2,118.

- 2R2-
même façon le droit conditionnel, J.-M. Verdier aboutit à la conclusion qu'il
y a une similitude des conséquences entre l'éventualité et la condition et
qu'on peut en déduire une identité de nature. Pour lui, "la condition n'est
qu'une variété d'éventualité affectant un élément nécessaire à la formation
du droit mais indifférente à la validité de l'acte»).
301.- Ce point de vue est, a priori, intéressant. On observe en effet
que
dans
la condition, comme
dans
l'éventualité,
la
situation est
«intermédiaire entre la simple expérance, qui n'est pas un droit, et le droit
pur et simple» et qu'il en résulte une sorte de droit imparfait, préliminaire à
la naissance du droit parfait, assorti néanmoins de certaines prérogatives
au bénéfice du créancier 2. Les partisans de l'assimilation négligent
cependant une différence fondamentale entre les deux notions qu'ils
reconnaissent eux-mêmes. Le droit conditionnel rétroagit, comme la
démonstration en sera faite plus 10in3, alors que le droit éventuel est
dépourvu de retroactivité. Cette différence tient au fait que le sort du droit
éventuel dépend de la réalisation d'un élément essentiel à son existence,
tandis que celui du droit conditionnel dépend d'une modalité surajoutée à un
droit qui a déjà en lui-même tous les éléments de nature à le rendre parfait4 .
11 Y a donc forcément une distinction à faire entre le droit conditionnel et le
droit éventuel, autrement, l'on ne s'évertuerait pas, depuis tant de temps, à
l'établir. Seule une analyse statique des deux situations peut conduire à une
confusion systématique, car il est évident qu'au moment de la naissance du
droit parfait, la condition a une force supérieure à celle de l'éventualité; ce
qu'illustre l'admission de la retroactivité dans le premier cas et son
exclusion dans le second. Il vaudrait mieux considérer, comme l'ont déjà
fait
plusieurs auteurs,
que
«si
le
droit
conditionnel se rapproche
considérablement du droit éventuel, il existe toutefois des traits particuliers
qui les séparent de façon stricte»5.
Le créancier d'une obligation conditionnelle bénéficie d'un «droit
1
J.-M. VERDIER, thèse précitée, n0366 p.29I.
2
MAZEAUD, t. II, 1er vol., n01032 ; V. Y. BUFFELAN·LANORE, Rep. Dr civ.Dalloz, V. Condition,
n072.
3
V. in/ra nO 382 et s.
4
MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, t. Il, n079, p.71.
5
MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. II, n079, p.7] ; Y. BUFFELAN-LANORE, Rep. Dalloz Dr. civ.,
V. Condition, n077.

- 2X 1-
"une créance en germe"] ; J.-M. Verdier le considère comme un "droit
présent à l'acquisition du droit futur, plus précisément ... , un droit au
maintien des éléments nécessaires à son acquisition ... 2». Mais il faut
reconnaître que la majorité de la doctrine préfère voir dans le droit du
créancier sous condition un "droit éventuel»3.
300.- Quel est, cependant, le contenu de cette notion de droit
éventuel?
Il est assez difficile de définir ce qu'est un droit éventuel et les
quelques études qui ont été consacrées à la question n'ont fait qu'accroître le
flou qui entoure cette notion 4 . Relevons toutefois que deux principales écoles
s'opposent.
Il y a, d'une part, la majorité de la doctrine classique qui définit le
droit éventuel comme un "droit en germe», "un droit en formation dont le
sort dépend d'un événement intéressant l'un de ses éléments essentiels»5.
Cette approche leur permet de distinguer le droit éventuel du droit
conditionnel, car, notent les Professeurs A. Weill et F. Terré, «dans le droit
éventuel, le futurisme affecte un élément essentiel de l'acte et non pas,
comme en matière de droit conditionnel, un élément accidentel, extérieur à
l'acte, surajouté à celui-ci»6.
Il y a, d'autre part, une conception dite moderne 7 ,
incarnée
principalement par les travaux de J.-M. Verdier et qui vient à l'appui de
l'assimilation du droit conditionnel à un droit éventuel. Elle refuse la
qualification de "droit en germe» en cours de formation ; elle décèle, au
contraire, l'existence d'un "droit présent en vue de l'acquisition d'un droit
futur» dont tous les éléments ne sont pas encore réunis. Définissant de la
1
A.WEILL et F.TERRE, Les obligations, n0896; J. CARBONNIER, l. IV, n0136, p.256.
2
J.-M. VERDIER, Les droits éventuels: contribution à l'étude de la fonnation successive des droits, thèse
Paris 1955, éd. Rousseau et cie.
3
MAZEAUD, l. II, 1er vol., n° 1032, p.llOl ; V. MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, l. II, nO 79, p.71 ;
Y. BUFFELAN-LANORE, Réper. Dr. civ. Dalloz, V. Condition, n071 ; J.-M. VERDIER, thèse
précitée, n0221 et s.
4
V. principalement VERDIER, thèse précitée, et E. PUTMAN, thèse précitée, n0342 et s.
5
WEILL et TERRE, Introduction générale au droit, nO 335.
6
WEILL et TERRE, cité ci-dessus; V. aussi E. PUTMAN, thèse préôtée, n0346, p.379.
7
V. VERDIER, thèse précitée, nOl54 à 158, 168 et 169, 183 à 191 ; E PUTMAN, thèse précitée, n° 348
et s. p.38û et s.

- 2XO-
§1- Le créancier est titulaire d'un droit conditionnel
298.- Bien qu'en cas d'engagement conditionnel, l'existence de la
créance ne soit pas acquise l , on s'aperçoit néanmoins que le créancier a
d'ores et déjà un droit transitoire assorti de prérogatives non négligeables.
La nature de ce droit, à propos de laquelle les avis sont partagés, doit être
précisée (A) avant d'en examiner les manifestations concrètes (B).
A - Le principe de l'existence d'un droit au profit du créancier
conditionnel
299.- L'existence d'un droit au profit du créancier conditionnel est
reconnue par le Code civil lui-même qui, dans ses articles 1179 et 1180,
évoquent expressément les «droits" du créancier. L'admission de ce
principe est tout à fait justifiée, car il est normal que«quelque chose" vienne
particulariser
l'engagement
conditionnel
par
rapport
à
l'absence
d'engagement. En effet, si l'engagement sous condition suspensive devait
s'analyser pendente conditione en un vide juridique, rien ne le distinguerait
de la situation entre personnes tierces et on ne verrait plus alors l'intérêt de
cette technique 2. Or, il y a à la base de chaque situation conditionnelle, d'une
part, un acte de volonté définitif réunissant tous ses éléments constitutifs et
qu'aucune incertitude n'affecte l'existence et, d'autre part, un engagement
qui ne peut être remis en cause par celui qui l'a souscrit. Il est dès lors
parfaitement concevable de fonder sur ces données un droit immédiat au
bénéfice du créancier, qui permettra à ce dernier de maintenir l'avantage
ainsi acquis sur les tiers. Mais à l'évidence, ce droit ne peut s'identifier au
droit définitif lui-même qui est encore futur et incertain, et à l'égard duquel
le créancier n'a qu'une «simple espérance,,3.
Les avis sont partagés en doctrine sur la nature de cette prérogative
...
et diverses sont les formules qui ont été proposées pour la définir. Colin et
Capitant parlent «d'un droit à être considéré comme créancier»4 ; Les
Professeurs A. Weill et F. Terré, ainsi que le Doyen J. Carbonnier, y voient
1
V. supra nO 243 et s.
2
J.-J. TAISNE, thèse précitée, n0291, pA07.
3
J.-J. TAISNE, thèse précitée, n0291, pA06.
4
COLIN el CAPITANT, l. II, n01690, p.937.

- 279-
permettre au rapport juridique de recouvrer sa pleine efficacité. Ceci
explique que la suspension ne soit pas génératrice d'un "vide absolu» et que
le contrat continue à vivre. Ceci justifie surtout le fait que, pendant cette
période, les contractants sont investis de certaines prérogatives, sont admis
à prendre des initiatives, ou encore demeurent tenus à quelques obligations
nonobstant la mesure de suspension. Une analyse attentive de l'état des
relations contractuelles permettra d'en relever plusieurs illustrations et
révélera que ce maintien d'une vie minimale du rapport juridique est fondé
sur une double nécessité: d'une part, protéger le créancier de l'obligation
suspendue (secteur I), et d'autre part, préserver les relations contractuelles
(secteur II).
SEcnON 1: LA NECESSITE DE PROTEGER LE CREANCIER D'UNE
OBUGATION SUSPENDUE
297.- L'inefficacité de l'acte contractuel suspendu pendant la
période de suspension a pour corollaire la précarité de la situation du
créancier. Cet état de fait est encore plus aigu lorsque ce dernier est titulaire
d'un droit dont la consolidation, et même parfois l'existence, sont tributaires
du futur. Il est indispensable, dans ces conditions, de reconnaître au profit
du créancier un ensemble de prérogatives immédiates, contrepartie on ne
peut plus nécessaire de l'inertie de sa créance. On ne comprendrait pas, en
effet, que le blocage auquel est soumise la dette ne soit pas tempéré par la
concession
au
créancier
de
quelques
éléments
nécessaires
à
l'accomplissement futur de son droit.
Ce souci de protéger le créancier se manifeste dans la plupart des
..
techniques de suspension et diverses solutions sont apportées; elles vont de
la reconnaissance d'un droit à son bénéfice à la faculté de prendre des
mesures préventives. Pour les besoins de clarté de l'exposé, il convient de
distinguer le cas où le créancier est titulaire d'un droit conditionnel (§l) de
ceux dans lesquels il a un principe certain de créance (§2).

- 27'X-
CHAPITRE II :
LA VIE RELATIVE DU LIEN CONTRACTUEL PENDANT
LA SUSPENSION
296.- «Le contrat est un être vivant doté d'une existence propre».
Cette constatation métaphorique de Monsieur J. Treillard 1 décrit avec
exactitude la nature du lien contractuel. Autant que les êtres vivants, le
contrat naît, vit pendant un certain temps et est appelé à prendre fin. Cette
évolution explique plus ou moins le phénomène de la suspension, car il
consiste à maintenir le contrat en vie, tout en privant d'effets les obligations
qui en résultent. L'engagement contractuel en butte à une mesure de
suspension est donc, pourrait-on dire, «anesthésié» ; il est dépourvu
d'efficacité le temps de la suspension, sans pour autant être rompu.
Mais un contrat suspendu n'a, en réalité, qu'une vie relative, et pour
ainsi dire fragile. En effet, qu'il se traduise par un aménagement particulier
du processus de l'engagement ou constitue la conséquence d'un incident
ayant troublé le schéma de réalisation des obligations établi par les
contractants, le phénomène de la suspension affaiblit l'édifice contractuel.
Le titulaire d'un droit suspendu est exposé à l'incertitude du futur ainsi
qu'aux agissements, pas toujours de bonne foi, du débiteur. Ceci rend sa
créance très vulnérable, son accomplissement pouvant être compromis
pendant la période d'attente.
Or, la finalité de tout procédé de suspension, comme nous l'avons
..
déjà souligné2, est de préparer l'exécution des obligations à la charge des
parties au moment opportun
et dans les conditions les plus favorables. Ce
qui implique que tout ce qui est de nature à compromettre la vie du contrat
doit être évité et qu'au contraire, des dispositions doivent être prises afin de
1
J. TREILLARD, article précité, nOI8, p.82.
2
V. supra nO 240.

- 277-
obtenir les prestations du contrat suspendu ? Ce problème se pose
particulièrement dans les contrats à exécution successive - comme par
exemple le contrat de fourniture - liés à l'activité du créancier.
La solution semble dominée par l'idée d'un non-retour à la liberté
quant au choix du partenaire. Mais à vrai dire, tout dépend des dispositions
conventionnelles. Il peut être stipulé dans un contrat de brasserie, par
exemple, qu'en cas de suspension des livraisons liée à un empêchement
fortuit ou de
force
majeure, le distributeur aura la possibilité de
s'approvisionner ailleurs pendant le temps où le fournisseur sera dans
l'impossibilité d'accomplir ses prestations. Quand le contrat ne contient
aucune disposition relative à la liberté d'approvisionnement en période de
suspension, la solution semble dépendre de l'absence ou de la présence
d'une clause d'exclusivité. Dans le premier cas, le distributeur pourra
continuer à bénéficier des services de ses autres fournisseurs, alors que
dans le second, le choix d'un autre partenaire lui reste vraisemblablement
fermé l . S'il en était autrement, l'exclusivité serait vidée de tout son sens et le
contrat n'aurait même plus de raison d'exister. La suspension deviendrait
elle-même une mesure illusoire, car, décider que le contrat est suspendu,
c'est prendre une mesure de prudence pour réserver les chances d'une
éventuelle exécution dans le futur; c'est s'engager dans la voie du maintien
du contrat et contre sa disparition immédiate, option que ne favorise pas la
conclusion d'autres contrats pour le même objet.
295.- Toutes les techniques de suspension n'ont d'ailleurs qu'une
finalité: assurer l'accomplissement futur des engagements contractuels
dans les conditions les plus favorables. La suspension n'est donc qu'une
mesure conservatoire et l'inertie qui caractérise la période pendant laquelle
les obligations du contrat sont suspendues n'est pas totale. Les contractants
peuvent être astreints à certaines obligations et jouir de prérogatives qui
permettent, tout à la fois, de soutenir l'èxistence du contrat et de faciliter la
production de l'intégralité de ses effets une fois que les parties pourront
s'acquitter de l'exécution des obligations que la convention met à leur
charge. On observe ainsi que les rapports juridiques restent animés d'une
vie relative, nonobstant la paralysie temporaire du contrat.
v. J.-F. ARTZ, article précité, n° 16.

- 276-
est en général dispensé du versement des salaires lorsque le contrat est
suspendu du fait de la mobilisation de l'employé ou en cas de grève!.
293.- Les effets bilatéraux de la suspension ont toutefois besoin
d'être précisés, notamment par rapport à la façon dont ils se répercutent sur
l'édifice contractuel
Aucun problème, en principe, en ce qui concerne les obligations
principales du contrat sur lesquelles la suspension produit son effet majeur
et qui n'ont donc pas à être exécutées2 • L'incidence sur les obligations
secondaires ou accessoires du contrat est, en revanche, pl us délicate à
saisir. Cette difficulté paraît d'ailleurs curieuse dans la suspension puisque,
traditionnellement, le rapport d'accessoire à principal permet précisément
d'expliquer, de justifier et de caractériser l'identité de régime des deux
éléments et cela en vertu de la règle «accessorium sequitur principale»3.
Or, si la règle est largement admise, la doctrine et la jurisprudence estiment
que la suspension peut épargner certains droits et obligations accessoires
aux clauses principales4 • La suspension a donc, par rapport aux obligations
secondaires, un effet sélectif, de telle sorte qu'elle peut être sans incidence
sur le sort d'une catégorie de droits et obligations tels par exemple les droits
acquis5.
294.- L'inexécution temporaire des obligations du contrat suspendu
soulève un autre problème pratique important : pendant la période de
suspension, les contractants recouvrent - ils tout ou partie de leur liberté?
Autrement dit, peuvent-ils nouer de nouveaux liens contractuels pour
Soc.,5 mars 1953, Dr. soc. 53, p.226 ; D.54, 109 ; J.c.P. 53, II, 7553, nole A. DELPECH ; les grands
arrêts du droit du travail, nOIQ : «allendu que par l'effet de celle suspension (... ) chacune des parties se
trouve dispensée de mettre en exécution les obligations qui lui incombent, a savoir: les salariés de
fournir un travail et les employeurs de verser un salaire... ». V. aussi Soc., 6 ocL 1971, Dr. soc. 1972,
124; -
1er mars 1972, D.72, 620, note J. PELISSIEI't .V. également J.-M. BERAUD, thèse précitée,
p.140 et s.
2
R. SARRAUTE, thèse précitée, p.52 et 53 ; J.-F. ARTZ, article précité, n016; J. TREILLARD, article
précité, p. 84 n02I.
3
«L'accessoire suit le principal», V. H. ROLAND et L. BOYER, Locutions latines et adages du droit
français contemporain, II, p.31 ,nol ; V. aussi G. GOUBEAUX, La règle de J'accessoire en droit privé,
L.G.DJ. 1969, spécialement p.6I.
4
J.-F.ARTZ, arùcle précité, nOI7 ; J.TREILLARD, article précité, p.86, n023; J.-M. BERAUD, thèse
précitée, p.l28 et surlOut 160 el s.,
5
J.-F. ARTZ, article précité, nOI7 ; V. l'analyse de celle question qu'en fait P.-H. ANTONMATIEI, thèse
précitée, n° 316 el s., p. 317 et s.

- 275-
soit aux fins visées par chaque partie, la règle de l'indivisibilité cessera de
s'appliquer d'elle-même. Néanmoins, quelle que soit la fraction des
obligations sur laquelle porte le refus de paiement, il n'en demeure pas
moins que les relations entre les deux parties vont connaître une léthargie
au moins temporaire avec, il est vrai, l'espoir d'une réalisation entière du
contrat dans le futur. L'état des rapports contractuels est, à peu de chose
près, identique en cas de suspension pour force majeure temporaire.
B· L'arrêt momentané de l'exécution du contrat pour force majeure
temporaire
292.- En présence d'une impossibilité d'exécuter, le choix de la
suspension comme thérapie laisse présumer que le contrat est appelé, à plus
ou moins brève échéance, à reproduire normalement ses effets. Cela
suppose que le cas fortuit ou la force majeure, obstacle à la réalisation des
engagements pris, est lui-même momentané : «en cas d'impossibilité
momentanée d'exécution d'une obligation, le débiteur n'est pas libéré, cette
exécution étant seulement suspendue jusqu'au moment où l'impossibilité
vient à cesser».
L'effet essentiel de cette technique de suspension, sa raison d'être,
est donc l'inexécution provisoire des obligations contractées; les prestations
devenues impossibles bien entendu, mais aussi, par voie de conséquence, les
contre-prestations dans un contrat synallagmatique 2 . Il est logique de
dégager temporairement chacun des contractants de ses obligations, car
une suspension unilatérale créerait une grave injustice au détriment de
celui qui resterait tenu à l'exécution. L'équilibre voulu entre les deux
engagements corrélatifs se trouverait réellement brisé. C'est pourquoi dans
les nombreux cas où les livraisons ont été rendues impossibles par suite de
faits de guerre, le manquement à l'obligation de délivrance a eu pour
...
corollaire la dispense pour l'autre partie d'effectuer les paiements
afférents 3. On remarquera aussi que dans le contrat de travail, l'employeur
1
Civ. 1ère. 24 fév. 1981, D.82. 479, note D. MARTIN.,
2
R. SARRAUTE, thèse précitée, pAS et 51 ; J. TREILLARD. article précité, p. 84, n02l et s. ; J.-F.
ARTZ, article précité, n014 et s.
3
Caen, 24 fév. 1915, D.P. 16,2,22 ; V. R. SARRAUTE, thèse précitée. p.52 ; J.-F. ARTZ, article
précité, n016 ; J. TREILLARD, article précité, p.84, n02l.

- 274-
suffisante J. D'autre part, elle heurte la vocation principale de cette
institution qui est d'assurer un équilibre entre les obligations réciproques
nées du contrat synallagmatique ; or, celui-ci serait rompu si une des
parties pouvait se permettre de n'exécuter aucune de ses obligations alors
que l'autre a accompli certaines des siennes2.
291.- Tous ces arguments militent en faveur du caractère non
absolu de l'indivisibilité de la garantie résultant de l'exception d'inexécution
et le droit positif semble avoir nettement opté pour une proportionnalité entre
la défense et l'attaque, du moins lorsque l'objet de l'obligation est susceptible
de division3 . Telle est la position dominante de la Cour de cassation qui
laisse cependant aux juges du fond un pouvoir souverain «pour apprécier la
mesure dans laquelle l'inexécution de ses obligations par l'une des parties
est de nature à affranchir l'autre partie des obligations corrélatives»4. C'est
ainsi qu'assez justement, les juges décident qu'il y a lieu d'établir une
proportion entre ce que le débiteur a déjà fourni et ce qui lui reste à fournir et
de calculer sur la même base la fraction de ses obligations que l'excipiens est
en droit de refuser provisoirement. Dans un contrat d'entreprise par
exemple, le maître de l'ouvrage ne peut être autorisé à refuser de payer le
prix que ",dans la mesure de l'inexécution de son cocontractant»5. Ou encore
en matière de bail, le locataire ayant cessé de payer le loyer se le verra
reprocher parce que «le trouble de jouissance invoqué ne justifie qu'une
réduction du loyer»6.
Il serait donc difficile de soutenir que l'indivisibilité de l'exception
d'inexécution est absolue. Tout dépend, à vrai dire, de la spécificité de
chaque opération. S'il apparaît aux juges que les parties n'ont pas entendu
lier indissolublement l'exécution réciproque du contrat, mais qu'au
contraire, une exécution proportionnelle répond, soit à la nature du rapport,
1
A. HUET, article précité, n0220 ; R. CASSIN, thèse précitée, p.635.
2
A. HUET, article précité, n° 220.
3
Ph. MALAURIE et L. AYNES, précité, n0724, p.394 ; A. HUET, article précité, n"220.
4
Civ. 3e, 12 mars 1969, Bull. civ., III, n° 220 ; R.T.D. Civ. 69, p.769 obs. LOUSSOUARN ; Civ. 3e, 3
juill. 1974, 1.C.P. 74, éd. G., IV., 307 ; Bull. civ., III, n"286.
5
Cjv. 3è, 17 nov. 1981, 1..C.P. 82, ed.G., IV., SI ; V. aussi Civ. 3è, 8 mai 1969, Bull. civ. III, n0366 ;
Civ. 3è, 12 mars 1969, cité ci-dessus.
6
Civ. 3e, 31 ocl. 1978, Bull. civ., II. n° 329 ; 1.C.P. 79, éd. G ; IV,Il ; G.P.79, 1, 172, note A.
PLANCQUEEL ; loum., not 1979, 1312, note VIALLE; Civ. 3e, 17 ocl. 1978, D.S. 79, I.R., 54 ; V.
aussi, Soc., 10 Av. 1958, D.60, 61 ; Reims, 12 juill. 1979, 1.C.P. 80, éd. G.. IV. ,178.

- 273-
textuel par une interprétation a contrario de l'article 1244 du Code civil aux
termes duquel le débiteur ne peut point forcer le créancier à recevoir une
partie du paiement d'une dette même indivisible ; si la possibilité d'un
paiement fractionné est ainsi fermée, on peut y voir la "condamnation d'une
réduction symétrique de l'exception» 1.
De nombreuses décisions jurisprudentielles sont citées à l'appui de
cette solution. Il fut par exemple jugé que l'ouvrier ou l'industriel qui a reçu
des matières premières destinées à être travaillées peut, à défaut de
paiement, retenir indifféremment toutes les choses fabriquées en sa
possession 2 et que le mandataire a le droit de retenir, en garantie de ses
avances et honoraires, tous les documents qui lui ont été confiés sans
distinction aucune3.
Mais il faut remarquer que dans les cas cités, au demeurant fort
anciens, l'indivisibilité présente un caractère étroit et rigide, car elle se
fonde sur la connexité objective entre la chose retenue et la créance du
détenteur4, de telle sorte que ces espèces se rapprochent davantage du droit
de rétention proprement dit que de l'exception non adimpleti contractus. En
effet, en matière d'exception d'inexécution, la connexité prend une
signification différente. Il n'est pas besoin qu'il y ait "debitum cum re
junctum» et une détention matérielle; la connexité se fonde sur l'unité
d'une opération juridique, ce qui fait que le principe de l'indivisibilité peut
avoir ici une valeur plus relative5 .
L'admission sans réserve de ce principe
dans le jeu de l'exception d'inexécution paraît d'ailleurs contraire à la bonne
foi des contractants dans la mesure où une partie qui se plaint d'une
inexécution partielle pourrait s'en prévaloir pour refuser l'entière exécution
de ses obligations alors que l'opération n'avait pas été envisagée comme un
tout indivisible et qu'un refus partiel aurait constitué pour lui une garantie
1
B. STARCK, t. II, n01658, p.572.
2
Req.,13 mai 1861, S.61, 1,865 ; D.P. 61,1,328; Réq., 25 fév. 1878, D.78, 1,302.
3
Civ., 17 janv. 1866, D.P. 66,1,77 ; S. 66,1,92; Civ., 10 août 1870, D.P. 71, 1,40; S.70, 1,398.
4
En effet, l'ouvrier - artisan a incorporé son labeur dans les choses fabriquées leur donnant ainsi une valeur
supplémentaire, de même que le notaire qui, en établissant les actes, y a mis de son travail.
5
Même dans le droit de rétcntion on ne peut vraiment pas dire que l'indivisibilité est absolue: à supposer
qu'un possesseur exerce une rétention légitime sur deux objets distincts appartenant à un même
propriétaire et que celui-ci lui rembourse les impenses afférentes à un seul des objcts, c'est difficilement
qu'il pourrait retenir les deux objets en garantie du reste de la créance non acquité, celle-ci étant devenue
non connexe à l'objet retcnu. V.R. CASSIN, thèse précitée, p.632.

- 272-
contrainte et de garantie. Contrainte, dans la mesure où elle a un effet
comminatoire, car, par son opposition, l'excipiens fait pression sur son
partenaire afin de l'amener à exécuter]. Garantie, dans ce sens qu'elle crée
une situation privilégiée au profit du créancier qui en bénéficie et constitue
pour lui une garantie contre les risques d'insolvabilité de son débiteur, tout
en lui évitant un concours éventuel avec les autres créanciers si l'obligation
consiste dans la remise d'une chose2.
Mais la question reste de savoir quelle est l'étendue de cette garantie.
2 . L'étendue de la suspension
289.- Le problème de l'étendue de la suspension ne se pose pas,
certainement, en cas d'inexécution par le débiteur de la totalité de ses
obligations. Le créancier peut, sans crainte, suspendre aussi la totalité des
prestations à sa charge. Mais lorsqu'il n'y a eu qu'inexécution partielle de la
dette du cocontractant, le refus d'exécuter doit - il concerner l'ensemble des
obligations
de l'excipiens ou faut - il que sa riposte corresponde à
l'importance du manquement reproché?
290.- Plusieurs auteurs, de grande notoriété, soutiennent la thèse
selon laquelle l'exception d'inexécution n'est pas proportionnable et que la
garantie qu'elle fournit est indivisible: chaque fraction de la prestation
incombant à l'excipiens garantit l'exécution de toute la prestation incombant
au réclamant3. Ces auteurs considèrent que si l'on prenait partie en faveur
de la divisibilité de l'exception, on diminuerait la sûreté à laquelle a droit le
créancier excipant et compromettrait par là-même le succès du procédé.
L'exception d'inexécution doit être délibérément excessive pour être dotée
d'efficacité, car «plus grande est la disproportion entre ce qui lui est dû et ce
qu'il doit encore, plus grande sera la hâte d'exécuter le contrat d'une
..
manière correcte»4. Ce point de vue peut d'ailleurs trouver un fondement
1
L-F. PILLEBOUT, thèse précitée, n° 229 et S.; MARTY el RA YNAUD, 1. l, n0324, p. 336 ; B.
STACK, L II, n° 1654 p.571 ; A. WEILL el F. TERRE, précilé, p.476.
2
L.F. PILLEBOUT, thèse précilée, n0249 el s. ; Ph. lESTAZ, L'urgence el les principes classiques du
droil civil, L.G.DJ., 1968, spécialemenl n0213; A. HUET, article précilé, n0215 ; MAZEAUD, l. II, 1er
vol., n° 1132, p.1179 ; A. WEILL el T. TERRE, précilé, n0476.
3
R. CASSIN, thèse précilée, p.632 ; B. STARCK, l. Il, n01658, p.572 ; A. HUET, anicle précilé, n0216.
4
R. CASSIN, thèse précilée, p.633 ; V. aussi B. STARCK, l. II, n° 1656, p.572.

- 271-
exécute ou offre d'exécuter, mettrait immédiatement fin à la suspension.
Cette situation est d'ailleurs, au plan des effets, assimilable à la suspension
en matière d'assurance où l'assureur est autorisé à suspendre de sa propre
irutiative la garantie due si l'assuré ne s'acquitte pas des primes l .
Mais il ne s'agit que d'un assouplissement temporaire des relations
contractuel1es 2 . Le jeu de l'exception d'inexécution n'entraîne ni la
résolution, nI la résiliation du rapport juridique, et l'obligation dont
l'exécution est refusée n'est pas éteinte3 ; le cocontractant de l'excipiens
pourra en exiger l'exécution dès qu'il aura accompli sa propre obligation4 .
La Cour de cassation a précisé ces solutions à plusieurs reprises en jugeant,
par exemple, que si une compagnie d'électricité pouvait réclamer le
paiement de ses services ou demander la résiliation du contrat, "elle ne
pouvait rompre de sa propre autorité un contrat qui n'a pas cesser
d 'exister»5. Ou en décidant qu'en cas d'inexécution par le concessionnaire
de
ses
obligations,
le
concédant,
n'est
pas
en
droit
de "résilier
unilatéralement, de son propre chef, le contrat de conceSSLOn et que la
faculté qu'il a d'opposer l'exception d'inexécution ne l'autorise pas à choisir '.
un autre concessionnaire sans avoir au préalable prononcé la résolution de
la convention»6.
Bien que limité à cet effet suspensif, l'exception d'inexécution
constitue, on pourrait même dire grâce à cela, un moyen efficace de
Art. L. 113-3 du Code des assurances, V. Supra n° 232 et s. Dans l'un et l'autre cas, il s'agit d'une
suspension à effet unilatéral dans la mesure où les obligations du cocontract.ant sont maintenues. Ceci
s'explique par le fait que l'inexécution est fautive et que la suspension est une mesure de sanction. S'il
n'en était pas ainsi, la suspension serait illusoire et manquerait à l'un de ses buts qui est de contraindre le
débiteur à l'exécution.,
2
Corn., 3 déc. 1979, Bull. civ., III, n0318 ; LC.P., éd. G., IV, 69 : «par le jeu de l'exception
d'inexécution, les relations contractuelles suivies entre les parties ont été suspendues» : V.A. HUET, J.-
CL, article précité, n0212 ; Ph. MALAURIE et L
A YNES, Les obligations, n0723 , p.3ü3 ; B.
STARCK, t. II, n° 1853, p.571 ; MARTY et RA YN.>\\UD, t. l, nO 324, p.336 ; MAZEAUD, t. II, 1er
voL, nOlI32, p.l179.
3
Sur la distinction entre l'exception d'inexécution et la résolution, V J. GHESTIN, note D.1973,473 et sur
la distinction entre l'exception d'inexécution et la compensation, V.A. HUET, note D.1966, 310.
4
A. HUET, article précité, n"212 ; MARTY et RAYNAUD, t. l, n0324, p.336.
5
Réq., 1er déc. 1897, D.98, 1,289, note PLANIOL.
6
Corn., 15 janv. 1973, D.73, 473, note GHESTIN ; G.P.73, 2,495, note GUYENOT ; R.T.D. civ. 74,
163, obs. CORNU; R.T.D. corn. 73, 859, obs. HEMARD ; V. aussi Reims, 25 Av. 1983, G.P.83, 1 ,
somm., 349 ; R.T.D. corn. 84, 106, obs. ALFANDARI et JEANTIN : qui décide que l'exception
d'inexécution ne permet pas à un coopérateur de se retirer et de rompre le contrat qui le lie à une
coopérative, mais seulement d'en suspendre l'exécution; Orléans, 23 oct. 1975, J.c.P. 77, ed. G., IL,
18653, note Ph. LE TOURNEAU.

- 270-
exécuter provisoirement son obligation née du rapport synallagmatique
l'unissant à son cocontractant l . C'est une arme défensive destinée à faire
échec à la réclamation de paiement que ce soit à l'amiable ou en justice. Le
recours fondé à l'exception d'inexécution interdit donc toute mesure
d'exécution contre l'excipiens ; son cocontractant ne peut se procurer ni
directement ni indirectement, ni en nature ni par équivalent, la satisfaction
des droits qu'il tient du contrat tant qu'il n'offre pas l'exécution de sa propre
prestation2 . En conséquence, l'excipiens peut faire opposition à toute action
en exécution, en résolution ou en résiliation et demander la nullité de la
saisine commencée au mépris de son droit. Il ne peut subir la compensation
ni être condamné à des dommages - intérêts, car, dans l'un et l'autre cas, il
s'agit bien d'une exécution3.
TI y a une analogie avec l'obligation à terme, VOIre avec l'obligation
conditionnelle. Certains auteurs esquissent cette analyse lorsqu'ils
déduisent des conséquences pratiques de l'exception d'inexécution que celle-
ci suspend l'exigibilité de l'obligation ou des obligations de l'excipiens
jusqu'au paiement par son créancier de sa propre dette 4 . Ceci est
particulièrement vrai dans l'hypothèse où le cocontractant est tenu à une
exécution préalable; il apparaît clairement dans ce cas de figure que la dette
de l'excipiens ne devient en réalité exigible qu'avec l'exécution par son
partenaire de la sienne et que ce moment peut être regardé comme
constituant un terme incertain. On peut même se demander si l'exécution
par le cocontractant de son obligation n'est pas suffisamment incertaine
pour rapprocher l'obligation de l'excipiens de l'obligation conditionnelle. Ces
points de vue sont, en revanche, difficilement justifiables lorsque les deux
parties sont tenues à une exécution «trait pour trait».
288.- La période pendant laquelle le contrat reste provisoirement
inexécuté se traduit par un relâchement des rapports juridiques entre les
deux contractants. En effet, tout dépend" de l'attitude du débiteur qui, s'il
A. WEILL et F. TERRE, Les obligations, n0476 ; MARTY et RA YNAUD, 1. 1.. n0325, p.336 ; B.
STARCK, 1.11, nOl653 p.571 ; Ph. MALAURIE et L. AYNES, Les obligations, nO 726, p.395 ;
MAZEAUD, 1. 11, 1er vol., nOl132 p.I179; R. CASSIN, thèse précitée, p.628 ; A. HUET, article
précité, n021 0 et s.
2
R. CASSIN, thèse précitée, p.628 ; J.-F. PILLEBOUT, thèse précitée, n0248 et s.
3
R. CASSIN, thèse précitée, p.628.
4
A. WEILL et F. TERRE, Les obligations, n0476 ; A. HUET, article précité, n0212.

- 269-
payer à une date déterminée. Le cours de l'exécution des obligations se
trouve paralysé à la suite, soit de l'inaction d'une des parties, soit de la
survenance d'une impossibilité temporaire d'exécuter. Mais les liens
contractuels font seulement l'objet d'un relâchement sans pour autant se
rompre.
11 en est ainsi principalement dans deux hypothèses: lorsque l'une
des parties à un contrat synallagmatique invoque l'exception d'inexécution
(A) et quand il y a arrêt momentané de l'exécution du contrat du fait d'une
force majeure temporaire (B).
A· Le refus provisoire d'exécuter
286.- L'exception d'inexécution produit un effet suspensif qui a pour
conséquence l'"inhibition» des relations contractuelles 1• Il convient de
déterminer les conséquences de fond qui résultent, pour les deux obligés, de
l'application de la règle de l'exécution simultanée.
Au delà de l'affirmation unanimement partagée en doctrine de la
suspension du rapport juridique existant entre les parties, il serait
intéressant d'évaluer les incidences pratiques de cette suspension (1) et d'en
mesurer l'étendue (2).
1 - La suspension des obligations des parties
287.- Invoquer l'exception d'inexécution revient, pour le contractant
qui en use, à refuser d'accomplir la prestation mise à sa charge par le
contrat ; il ne conteste pas la créance de l'adversaire, mais allègue
seulement l'existence d'une créance corrélative à la dette réclamée. Il
adopte une attitude d'attente.
L'exception d'inexécution est donc une suspension unilatérale des
relations contractuelles. Elle permet à celui qui s'en prévaut de ne pas
Cependant, la docuine admet l'opposabilité de l'exception d'inexécution aux tiers, notamment à tous ceux
dont les prétentions sont fondées sur Je contrat. Elle ne l'est pas, par contre, à ceux qui se réclament d'un
droit proprement distinct du contrat. V.A. WEILL et F. TERRE, Les obligations. n0477 ; A. HUET,
article précité, Civ. : app. art. 1184, N. Rep. : fasc. 49-3, n0243 et 5., J.-F. PILLEBOUT, thèse précitée,
n0257; R. CASSIN, thèse précitée, p.69ü et s. et note sous Douai, 25 nov. 1921, S. 1922,2,25.

- 268-
analyses sont possibles. On peut d'abord considérer que ces moratoires
judiciaires sont dans le sillage de ceux qui ont été consacrés par les lois des
10 janvier 1978 et 13 juillet 1979 1, ligne confirmée par la réforme récente de
l'article 1244 du Code civiF. Il ne s'agirait donc que de délais de paiement
relativement plus étendus, puisque le texte dit qu'ils ne peuvent «excéder
cinq ans ou la moitié de la durée restant à courir des emprunts en cours»3.
On peut, d'un autre côté, tenir les nouvelles modalités comme des
prorogations d'échéances. La loi elle-même ne parle-t-elle pas d'«échéances
reportées ou rééchelonnées»4 La doctrine s'inscrit d'ailleurs dans une
interprétation favorable au terme 5 . La nature judiciaire de ces mesures
n'est pas, du reste, un obstacle à une telle approche, car, l'existence de
termes judiciaires ayant valeur de termes de droit est admise6.
En définitive, il faut dire, au vu des solutions retenues à chacune des
étapes, que la plupart des techniques de suspension prenant la forme d'une
modification de la date initiale de l'exécution ont principalement pour
conséquence
d'empêcher
temporairement
l'exercice
des
mesures
d'exécution. Ce n'est que dans quelques cas particuliers qu'elles peuvent '.
différer l'exigibilité des créances 7.
Peut - on dire la même chose des cas de suspension qui, sur le plan
des effets, se traduisent par un relâchement des rapports juridiques?
§ 2 - Le relâchement des relations contractuelles
285.- Dans les cas de suspension concernés, il ne s'agit plus de
l'oeuvre du juge ou du législateur consistant à modifier, par l'attribution
d'un délai au débiteur, le droit que le créancier tenait du contrat de se faire
..
L'art 8 de la loi de 1978 et l'article 14 de celle de 1979 pennettent au juge d'accorder à l'emprunteur un
délai de griice dans les conditions prévues par l'article 1244 du Code civil. Et selon les article 24 et 25 de
la loi du 31 décembre 1989, le juge peut aussi détenniner dans sa décision les modalités de paiement des
sommes qui seront exigibles à l'expiration du délai sans toutefois que «le dernier versement puisse excéder
de plus de deux ans le terme initialement prévu pour le remboursement du prêl».
2
V. Les nouveaux article 1244 - 1 à 3 du Code civil.
3
G. PAlSANT, article précité, J.c.P. 90, l, 3457, n065.
4
V. article 12 al. lerde la loi du 31 déc. 1989.
5
V. J. JAMET, précité, n0147 p.76.
6
D. VEAUX, article précité, n029 el s ; V. supra n° 64.
7
V. Supra ,à propos des moratoires. n° 277 et s..

- 267-
débiteur dans la mesure où il aboutit à gonfler le coût du crédit et se traduit,
à terme, par un alourdissement sensible de la charge du débiteur l .
Quant au reéchelonnement, il consiste à allonger la durée de
l'exécution du contrat en diminuant le montant des mensualités. Il permet
d'adapter les versements aux capacités contributives prévisibles du
débiteur 2 . Tout comme le report, il peut être simple ou assorti d'une
réduction d'intérêts3 . Toutefois, à la différence du report, il n'y a pas de
suspension des paiements, mais seulement diminution de leur montant. Le
reéchelonnement peut néanmoins être considéré comme une forme de
suspension en raison du prolongement de la durée du contrat. En effet, la
diminution du montant des mensualités a pour contrepartie le décalage,
dans le temps, d'une partie des versements qui devaient s'effectuer, compte
tenu des l'échéancier initial, à un moment antérieur; le débiteur bénéficie
ainsi d'un répit en dehors des stipulations contractuelles. Il y a donc, en fait,
une sorte de report, tout au moins partiel, des paiements même si cela ne se
traduit pas par un arrêt provisoire des versements.
284.- Il faut cependant s'interroger sur le régime juridique des
dettes reportées ou rééchelonnées. S'agit - il de prorogations d'échéances ou
de simples délais de paiement accordés au débiteur en difficulté?
En ce qui concerne les mesures arrêtées par un plan conventionnel
de
règlement,
il
est permis
de
penser,
en
raison
de leur nature
contractuelle4 , qu'elles se rapprochent des prorogations de termes. Il reste
toutefois que, étant donné la liberté dont jouissent les parties pour
déterminer le contenu du plan, celles-ci peuvent accompagner le report ou le
rééchelonnement de modalités propres à en faire une prorogation de terme
proprement dite ou un simple délai de paiement5.
...
Les mesures de suspension que le juge peut prendre dans le cadre du
redressement judiciaire civil sont plus difficiles à caractériser. Deux
1
V. Les exemples chiffrés foumis par G. BIARDEAUD, article précité.
2
G. BIARDEAUD, article précité, n014 ; J. JAMET, précité, n0148, p.76.
3
V. article 12 al. 2 de la loi de 1989.
4
V. supra n° 147.
5
V. supra, les effets respectifs du tenne suspensif et du délai de grâce, respectivemènt n° 256 et S., 271
et s.

- 266-
pas seulement des dispositions prévoyant une possible suspenSlOn des
mesures
d'exécution.
Celle-ci
est
en
réalité
destinée
à
préparer
l'aménagement des dettes.
2 - Les mesures d'aménagement de la dette
283.- Le dispositif de traitement des situations de surendettement
mis en place par la loi du 31 décembre 1989 prévoit, entre autres mesures, la
possibili té de reporter ou de rééchelonner le paiement des dettes. De telles
mesures peuvent être, soit contenues dans un plan conventionnel de
règlement amiable issu de l'accord des parties 1, soit imposées par le juge, en
cas d'échec de la conciliation, au cours de la procédure de redressement
judiciaire 2•
Que faut - il entendre par report et par rééchelonnement?
Le report consiste à suspendre les paiements pendant une période
donnée3 et selon Monsieur G. Biardeaud, à décaler d'autant le paiement des
mensualités concernées afin de donner au débiteur le temps de rétablir sa
situation4 . Il ne suspend pas seulement les poursuites, il déplace l'échéance
initiale et conserve les parties en même état de droits et d'obligations5. Ce
sera particulièrement utile lorsque le débiteur aura subi une perte subite de
revenus ; par exemple en cas de licenciement, le report lui permettra de
chercher un nouvel emploi. Le report est donc une véritable mesure de
suspension puisque le débiteur est dispensé, pendant cette période, du
paiement des échéances.
Le report peut être simple , auquel cas les mensualités décalées
auront à produire des intérêts aux taux du contrat, ou assorti d'une
réduction des intérêts si la situation du débiteur l'exige6. Il faut cependant
souligner que le report sans réduction de~ intérêts est très dangereux pour le
l
Art. 4 al. 3 de la loi.
2
Art. 12 al. 1er de la loi.
3
Selon le petit Larousse «reporter» consiste à «remettre à un autre moment». V. aussi G. CORNU,
Vocabulaire juridique, V. Report.
4
G. BIARDEAUD, Incidences financières du redressement judiciaire civil, J.c.P. 91, éd. G, l, doc., 3500;
J. JAMET, précité, nOl48 p.76.
5
J.-Ch. BOULAY, article précité, n029.
6
Art. 12 al. 2 de la loi.

- 265-
Mais il Y a bien une distinction entre les deux cas de suspension et
elle tient à la durée de la mesure l , Dans le cadre de la procédure de
règlement amiable, la suspension ne peut être d'une durée supérieure à
trois mois à compter de la date de saisine de la commission d'examen des
situations de surendettement2. Au contraire, la suspension prononcée par le
juge de sa propre initiative pendant la procédure judiciaire est limitée à une
durée de deux mois, renouvelable une fois 3 ; il semble par ailleurs que ce
délai ne commence à courir qu'à compter de la date de l'ordonnance de
suspension4 .
282.- Quelle est l'incidence effective de cette suspenSIon des voies
d'exécution sur l'obligation?
La mesure vise essentiellement à empêcher la mIse en oeuvre des
moyens permettant au créancier d'obtenir, par la contrainte, l'exécution des
engagements pris envers lui. Or, le recours à la force pour obtenir le
paiement suppose que la dette concernée remplit déjà les conditions
d'échéance et d'exigibilité. Le prononcé de la suspension des voies
d'exécution par le juge doit donc être considéré comme n'ayant aucune
conséquence sur l'échéance ou sur l'exigibilité de l'obligation; son effet se
limite à empêcher le créancier de prendre des mesures d'exécution. Le
régime juridique de la suspension provisoire prévue par les articles 1er et I l
de la loi du 31 décembre 1989 se rapproche, de ce fait, de celui du délai de
grâce qui, comme on le sait, a pour effet en droit commun de suspendre les
poursuites et les saisies en cours5 .
Toutefois, la loi sur le surendettement des particuliers ne contient
que celle de l'anicle 1er. C'est à la conclusion contraire que conduirait la prise en compte d'une ordonnance
du tribunal d'inswnce de Saint-Avold (16 mars 1990, inédite, citée par JJAMET précité, n0136, p.70) qui
fait remarquer que la loi, dans le cadre de l'article 1 1, n~arle pas de voies d'exécution mais de procédures
d'exécution et que le terme «procédure« est beaucoup plus large que celui de "voie" ; V. aussi: supra nO
151.
G. PAISANT, Le redressement judiciaire civil à l'essai (Questions sur l'application de la loi
surendettement du 31 décembre 1989), 1.C.P. 1991, 1,3510, n039.
2
V. article lIaI. 4 du décret du 21 fév. 1990.
3
V. article 11 al. 4 de la loi du 31 déc. 1989.
4
La loi ne donne en fait aucune précision à ce sujet.
5
1. ISSA-SA YEGH, 1.-C1. Civ. ,art. 1235 à 1248, nO 108. Il faut noter cependant que la loi du 31
décembre 1989 ne visant que les voies d'exécution, les actions en paiement ne peuvent êrre suspendues
V.Y. Chaput, Le surendettement des particuliers, 1.-C1., Civ. : art. 1905 à 1908, N. Rep. : fasc. 10,
n064.

- 264-
Ensuite, l'article I l alinéa 4 de la loi de 1989 accorde au juge le
pouvoir ((de prononcer, après l'ouverture de la procédure de redressement
judiciaire et si la situation du débiteur l'exige, la suspension provisoire des
procédures
d'exécution
pour
une
durée
n'excédant
pas
deux
mois
renouvelable une fois» 1. Mais cette suspension ne contraint pas seulement le
créancier. Elle aboutit aussi à un quasi - dessaisissement du débiteur, étant
donné que son prononcé interdit à ce dernier le paiement des dettes
antérieures y compris les cautions solvens, l'accomplissement d'actes de
dispositions étrangers à la gestion normale du patrimoine, le recours à de
nouveaux emprunts et la prise de garanties ou de sûretés nouvelles2.
281.- Il est cependant permis de s'interroger sur l'étendue de la
suspension des poursuites selon qu'elle est décidée au cours de la procédure
de règlement amiable ou pendant la procédure judiciaire. En effet, tandis
que l'article 1er alinéa 4 de la loi vise les ((voies d'exécution», l'article I l
alinéa 4 parle plutôt de ((procédures d'exécution». Existe-t-il une différence
entre les deux expressions?
Rien ne permet de le penser. D'une part, il n'apparaît nulle part
dans la loi, malgré quelques nuances de vocabulaire, une volonté du
législateur d'établir une distinction ; dans les deux cas, la loi donne
compétence au juge pour décider un arrêt provisoire
des mesures
d'exécution. D'autre part, les voies d'exécution sont généralement définies
comme ((un ensemble de procédures permettant à un particulier d'obtenir,
par la force, l'exécution des actes et des jugements qui lui reconnaissent des
prérogatives ou des droits»3. En ce sens, on peut considérer que les voies
d'exécution peuvent être assimilées aux procédures d'exécution et qu'une
expression vaut l'autre4. La question de savoir si la suspension de l'article
1er de la loi est plus large que celle de l'article 11 ou vice-versa, ne présente
donc aucun intérêt5 .
Tout comme la suspension prévue par l'article 1er al. 4, celle-ci exclut également les voies d'exécution
engagées pour le recouvrement des dettes alimentaires (arl. Il al. 4 décret n090-175 du fév. 1990, D90,
165).
2
V. Art Il al. 5 de la loi de 1989.
3
V. R. GU ILLIEN et J. VINCENT, Lexique des termes juridiques, V. Voies d'exécution; V. aussi G.
CORNU, vocabulaire juridique.
4
En ce sens B. BOULOC et P.-L. CHATAIN, obs. sous T.G.!. Lyon, 14 juin 1990,0.91, somm., 55.
5
Cependant, P.LE CANNU, dans l'article précité, (nOS!) remarque qu'une voie d'exécution n'est pas
toujours une procédure, ce qui conduit à se demander si la suspension de l'article Il n'est pas moins large

- 263-
administrative d'examen des situations de surendettement, pendant la
phase de règlement amiable, à saisir le juge d'instance aux fins de
suspension des voies d'exécution qui seraient diligentées contre le débiteur à
l'exception de celles visant au recouvrement des dettes alimentaires. Il
s'agit donc d'une suspension doublement facultative dans la mesure où elle
suppose d'abord que la commission veuille bien saisir le juge et qu'ensuite,
ce dernier accède à cette demande, car rien ne l'oblige à suspendre les voies
d' exécu tion 1.
Quelles sont les voies d'exécution visées par le texte?
La loi ne semble pas distinguer entre les différentes voies d'exécution
possibles et il y a lieu de penser que la suspension concerne à la fois les voies
d'exécution sur les biens mobiliers ou immobiliers et celles sur la personne
du débiteur telle par exemple l'expulsion des lieux pour non-paiement des
loyers 2. La jurisprudence considère, en effet, que "la loi donne compétence
au juge de suspendre provisoirement les procédures d'exécution et ce, sans
distinction des voies d'exécution utilisées, saisie immobilières ou autres»3.
La circulaire du 30 novembre 19904 qui définit le champ d'application de la
loi du 31 décembre 1989 précise toutefois que les demandes de suspension
doivent être limitées d'une part, "aux seules voies d'exécution véritables, à
l'exclusion des mises en demeure et des commandements de payer», d'autre
part, «aux seules voies d'exécution dont la poursuite est de nature à
compromettre l'élaboration d'un plan de règlement»5. Il faut noter par
ailleurs que la généralité des termes de la loi laisse supposer que tous les
créanciers susceptibles d'exercer des voies d'exécution sont touchés par le
texte.
1
P. LE CANNU, article précité, n"27 ; J. JAMET, précité, n° 107.
2
J. JAMET, précité, n° 109, p.56; P.LE CANNU, Ar~le précité, n028.
3
T.I. Quimper, 7 juin 1990 et T.G.I. Lyon, 14 juin 1990, D. 91., Somm., 55.
4
V. D.S. 1991, Légis., 30.
5
Il faut noter par ailleurs que la Circulaire invitè les juges à distinguer les voies d'exécution selon le stade
auquel se situe la procédure d'exécution. Ainsi la décision de suspension des voies d'exécution ne rend sans
effet que les actes de poursuites qui n'ont pas encore produit leurs effets (les avis à tiers détenteurs décernés
moins de deux mois avant la notifïcation de l'ordonnance, les saisies-arrêts encore non validées, les saisies
mobilières et immobilières). En revanche, on ne peut plus utilement demander la suspension d'actes de
poursuites ayant d'ores et déjà produit leurs effets (les avis à tiers détenteurs notifïés depuis plus de deux
mois avant la date de l'ordonnance et n'ayant pas fait l'objet de réclamation, les saisies-arrêts validées
avant la date de l'ordonnance par un jugement passé en force de chose jugée, les adjudications devenues
défïnitives).

- 262-
celui-ci est fonction de la spécificité du texte en présence. Dans certains cas,
il s'agira d'un véritable report des termes initiaux, s'appar~ntant alors au
terme suspensif; dans d'autres, seules les mesures d'exécution seront
concernées par la suspension, auquel cas le moratoire se rapprochera du
délai de grâce.
Il Y a cependant lieu de noter que progressivement, la tendance
dominante dans la législation moderne révèle une nette prédominance des
«moratoires - délais de grâce» et ceci d'autant plus que la technique du
moratoire légal est allée se raréfiant 1. Ceci fait dire à certains auteurs que
compte tenu du caractère de faveur exceptionnelle pour le débiteur que
présentent les deux institutions, le moratoire doit être assimilé au délai de
grâce quant à sa portée, sauf disposition particulière de la loi de moratoire2.
Faut - il étendre ces conclusions au régime juridique des obligations
suspendues par l'application des mesures de suspension prévues par la loi
sur le surendettement des particuliers?
C· Les mesures de suspension prévues par la loi sur le
surendettement des particuliers
Deux séries de mesures peuvent être prises. La suspension des
poursuites (1) et le report ou le rééchelonnement des paiements (2).
1· La suspension des poursuites d'exécution
280.- La loi du 31 décembre 1989 sur le règlement et la prévention
des situations de surendettement prévoit elle aussi la possibilité pour le juge
de suspendre les poursuites engagées contre un débiteur surendetté. Une
telle mesure peut être prise aussi bien... pendant la période de règlement
amiable qu'au cours de la procédure de redressement judiciaire3.
D'abord, l'article 1er alinéa 4 de la loi autorise la commission
1
E. PUTMAN, thèse précitée, n0605, p.711.
2
MARTY, RA YNAUD et JESTAZ, t. II, n° 68, p. 61.
3
J. JAMET, Le surendettement des particuliers, n° 107 et s.; P. LE CANNU, Règlement amiable et
redressement judiciaire civil, Bull. Joly 1990, p.l35 S, n° 27 et 51 ; A. KORNMAN, Prévention et
règlement du surendettement des particuliers. J.C.P.90. éd. doc. 123.

- 261-
278.- Toutes ces assimilations, même si elles présentent l'avantage
de faciliter l'analyse, ne paraissent pas pour autant satisfaisantes.
Dire que le moratoire équivaut au terme ou au délai de grâce heurte
la réalité des faits. Tout dépend en vérité des textes qui, selon les mesures
édictées, aligneront le régime juridique du moratoire tantôt sur celui du
terme, tantôt sur celui du délai de grâce. C'est ainsi que les textes prévoyant
des moratoires judiciaires instituent en général des mesures assimilables à
des délais de grâce spéciaux. Tel est par exemple le cas du décret - loi du 25
août 1937 qui autorisa exceptionnellement les juges à renouveler au profit
des commerçants, pour un maximum d'un an, les délais de grâce octroyés
une première fois dans la limite de l'article 1244. Il en est de même pour le
décret du 1er septembre 1939 qui donna au président du tribunal le pouvoir
d'accorder aux mobilisés des délais de plus d'un an ou de renouveler pour
un maximum d'un an les délais antérieurs. La loi du 9 juillet 1956 avait
également reconnu au juge la possibilité de prononcer, en faveur des
militaires rappelés ou maintenus sous les drapeaux, des délais dérogatoires
à l'article 1244 du Code civil. La référence à la technique du délai de grâce
est devenue d'ailleurs de plus en plus utilisée dans les législations des
moratoires et on peut même dire que les dernières lois sur les rapatriés
d'Afrique du Nord, sans y faire allusion expressément, s'en inspirent en
insti tuant une suspension des
poursui tes contre cette catégorie de
débiteurs l .
Quant à la technique du moratoire légal proprement dite, elle fait
davantage référence au régime juridique du terme. Il en est ainsi des
mesures de suspension d'échéances édictées à l'occasion des deux guerres
mondiales et qui prennent nettement la forme d'une prorogation de terme2.
Ce n'est que dans ces cas qu'on peut soutenir l'inexigibilité d'une dette
couverte par un moratoire.
279.- n convient dès lors de considérer que l'effet du moratoire sur
l'obligation qui en fait l'objet n'est pas régi par un régime juridique unique;
Loi du 6 nov. 1969, 15 juillet 1970 et 2 janv. 1978. V. E. PUTMAN, thèse précitée, nO 60S, p.712.
La loi du 5 août 1914 autorise le gouvernement, en son article 2, à prendre par décret en conseil des
ministres toutes mesures pour suspendre l'effet des obligations civiles et commerciales. De même, les
lois des 10 juillet et 24 septembre 1940 instituèrent une suspension générale des délais.

- 260-
matière de délai de grâce, la situation du débiteur étant moins grave, il est
nonnal que les pouvoirs du juge soient de moindre étendue que ceux prévus
par la loi du 31 décembre 1989, qui va au delà du droit commun pour faire
face à des «situations dramatiques» et «d'urgence sociale»). Nul doute
cependant que la cohabitation des deux systèmes va soulever de délicats
problèmes de délimitation des domaines d'application. Peut-on en dire
autant des lois de moratoire?
B . Les mesures de moratoire
277.- Pour ce qui est de son effet sur la créance, le moratoire est
assimilé soit au terme, donc suspensif d'exigibilité, soit au délai
de grâce,
donc suspensif d'exécution.
Ceux
qui
soutiennent l'assimilation
du
moratoire
au
terme
suspensif font remarquer qu'un terme est de droit lorsqu'il est établi par
l'acte duquel découle l'obligation ou qu'il est concédé par la loi ; il est de
grâce lorsqu'il est accordé par le juge. Or, il s'agit dans le cadre du
moratoire, d'un délai accordé par une loi; il ne peut donc y avoir seulement
suspension des poursuites. La loi recule l'échéance, proroge le terme et
reporte de ce fait l'exigibilité des dettes concemées2.
Pour soutenir, en revanche, que le moratoire est un délai de grâce,
on invoque le fait que le moratoire prend la forme d'une faveur collective
accordée à raison de circonstances à toute une catégorie de débiteurs.
Malgré l'intervention législative, la dette n'en est pas moins échue et
exigible. Le moratoire se borne donc à interdire, comme le délai de grâce, les
poursuites d'exécution forcée 3.
si le débiteur relève des procédures collectives commerciale, artisanale ou agricole (H. CROZE, article
précité, J.c.P. 92, l, 3555 n021).
II faut souligner enfin que les nouvelles dispositionli.. qui régissent le délai de grâce ajoutent une
précision: (des majorations d'intérêts, ou les pénalités encourues en raison du retard cessent d'être dues
pendant le délai fixé par le juge» (art 1244-2). Une telle mesure ne figure pas dans la loi relative au
surendettement des particuliers. C'est dire qu'en la circonstance, le droit commun reconnaît plus de
pouvoirs au juge (G. PAISANT, article précité, C.c.c. Déc. 91, Chf., p.. 5, n° 17).
V. Déclaration de Mme NEIERTZ, J.O. Ass. NIe., 6 déc. 1989, p. 5985 ; G. PAISANT, article précité,
n015; V. aussi supra nO 130.
2
A. TISSIER, note sur la notion de moratoire, S. 1915,2,81. E. PUTMAN, thèse précitée, n° 604, p.
701 et 711.
3
V. A. TISSIER, cité ci-dessus. Sur la jurisprudence qui fut également divisée sur la question : V. Trib.
civ. Bône, Il juin 1915, Trib. civ. Seine, 14 déc. 1975 et Caen, 21 juillet 1915, S 1915,2,81 ; civ., Il
juin 1921, S. 1922, 1,354.

- 25<)-
un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal,,).
La faveur faite au débiteur ne consiste donc plus seulement à
aménager le terme prévu pour le paiement comme se contentait de le prévoir
l'ancien texte. L'institution peut désormais se traduire par une réduction du
montant de la dette d'intérêts, accordant ainsi au débiteur plus que du
temps. On note d'ailleurs sur ce point une flagrante ressemblance avec
certaines dispositions de la loi du 31 décembre 1989 sur le surendettement
des
particuliers 2
dans le redressement judiciaire civil, le juge est
également autorisé à imputer les paiements en priorité sur le capital ou à
procéder à une réduction du taux des intérêts3 . Et dans les deux textes, le
législateur ajoute en des termes identiques que le juge "peut subordonner
ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter
ou à garantir le paiement de la detle,,4.
Cette augmentation des pouvoirs du juge en matière de délai de
grâce répond vraisemblablement au souci d'harmoniser le droit commun
avec les dispositions issues de la législation sur le surendettement.
Toutefois, les deux corps de règles ne font pas en réalité double emploiS. En
effet, on note entre les deux lois de très subtiles différences de rédaction qui
font que le texte sur le délai de grâce est nettement en retrait par rapport à
celui sur le redressement judiciaire civil 6 . Ceci n'est que logique, car en
l
V. article 1244-1 al. 2 du code civil.
2
V. H. CROZE, La loi n"'9I-650 du 9 juillet 1991 porLant réfonne des procédures civiles d'exécuLion, le
nouveau droit commun de l'exécution forcée, J.C.P. 1992, /, 355, n021 ; G. PA/SANT, article précité,
c.c.c. Déc. 91, chf., p.3, nO 14.
3
V. article 12 a1.2 de la loi du 31 décem bre 1991.
4
V. respectivement; article 1244-1 al.3 du Code civil et art 12 al 3 de la loi du 31 décembre 1989.
5
H. CROZE, article précité, J.c.P. 92, /, 3555, n021.
6
La lecture comparée des deux textes révèle plusieurs différences. Tout d'abord, alors que l'article 1244-1
requiert du juge «une décision spéciale et moLivée» lorsqu'il choisit d'imputer d'abord les paiements sur le
capiLaJ ou de réduire les intérêts des échéances reporLées, l'article 12 de la loi de 89 n'évoque cetle exigence
qu'à propos de celle seconde hypothèse, et seulement I~qu'i/ s'agit de descendre en dessous du laUX légal.
De plus, et toujours au sujet de ces mesures de réducLion, on note que, contrairement à ce que la loi
surendellement autorise, l'article 1244-1, dans son alinéa 2, interdit au juge de ramener les intérêts des
échéances reportées à un Laux inférieur au Laux légal. Et dans ce texte, celle révision à la baisse ne
concerne fonnel/ement que les échéances reporlées alors que l'article 12 de la loi de 1989 l'envisage
également pour celles qui sont rééchelonnées. Dans le même esprit, si dans les deux cas le juge peut
assortir ses différentes mesures d'obligations posiLives à la charge de l'intéressé pour favoriser le paiement
de sa delle, ce n'est que dans l'hypothèse d'un redressement judiciaire civil qu'il apparaît en outre possible
de <<les subordonner à l'abstention, par /e débiteur, d'actes qui aggraveraient son insolvabilité» (V. G.
PA/SANT, article précité C.c.c. Déc. 91, Chf., p.5, nOI5). Faut-il en plus, rappeler que la loi du 31
décembre 1989 est un texte spécial dont l'application est limité aux seuls particuliers, alors que les
nouveaux arLicle 1244-1 à 3 peuvent bénéficier à des professionnels pour des dettes professionnels, même

- 25R-
concerne assurément non seulement les fractions échues et impayées au
moment de la décision judiciaire, mais aussi les fractions à échoir jusqu'à
l'expiration
du
délai l . Il
faut d'ailleurs souligner que la nouvelle
règlementation du délai de grâce vient à l'appui de ces analyses. La formule
utilisée par l'article 1244-1 du Code civil - à savoir que le juge peut «reporter
ou échelonner le paiement des sommes dues»
- est plus précise et consacre
le pouvoir du juge de permettre au débiteur de s'acquitter de sa dette en
plusieurs échéances, dérogeant ainsi au principe de l'indivisibilité du
paiement2 .
Cependant, les conséquences produites par le délai de grâce et liées à
la règle selon laquelle il n'affecte pas l'exigibilité de la créance restent très
importantes. Car le propre du délai de grâce demeure la suspension des
procédures d'exécution et à part l'exécution forcée, les autres conséquences
de l'exigibilité de la dette subsistent3. C'est ainsi par exemple que le délai
n'empêche pas les intérêts moratoires de continuer à courir4 ni d'ailleurs,
selon l'article 1292 du Code civil, la compensation5. Il est dans ces conditions
difficile de soutenir que l'exigibilité de la créance est véritablement retardée
d'autant plus que, malgré l'octroi du délai, l'exécution pourra être réclamée
et obtenue dès lors qu'elle redevient possible6.
276.- Le renforcement des pouvoirs du juge apparaît plus
clairement à travers deux mesures supplémentaires qui visent à soulager le
débiteur d'une partie des intérêts dont il est redevable. Sa décision peut en
effet prescrire «que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital» ou
que «les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à
1
E. PUTMAN, thèse précitée. n0599, p.7ü5.
2
G. PAISANT. article précitée, c.c.c. Déc. 1991. ChL, 3 et s., nOll.
3
V. art. 1244-2 du Code civil: «la décision du juge, p'\\'\\se en application de l'article 1244-1, suspend les
procéDures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier».
4
La nouvelle disposition qui précise que «les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues en raison du
reLard cessent d'être dues pendant le délai fixé par le juge» n'est pas destinée à empêcher les intérêts de
courir pendant le délai de grâce. Le législateur entend seulement éviter au débiteur d'avoir à payer, en sus
des intérêts normaux, les sommes d'argent qui auraient été prévues pour sanctionner son éventuel reLard ;
V. G. PAISANT, article précité, c.c.c. déc. 91, Chf., 3 et s., n017.
5
MARTY, RA YNAUD eT JESTAZ, t. II,, n064, p.58 ; WEILL et TERRE, Les obligations, n0919 ;
COLIN et CAPITANT, t. II, n° 1715, p.949 ; J. ISSA-SA YEGH, article précité, n° 108.
6
V. supra, notre analyse au sujet d'un possible abrègement du délai de grâce, n° 1Il. La règle selon laquelle
le délai de grâce ne fait pas obstacle à la compensation confirme d'ailleurs cette idée; celle-ci rend en effet
le paiement possible Clan ne comprendrait pas dès lors qu'il ne puisse avoir lieu.

- 257-
La doctrine est divisée. D'un côté, une partie, vraisemblablement la
plus importante, soutient que le délai de grâce ne suspend pas l'exigibilité de
la dette; il suppose au contraire que la dette est désormais échue et exigible.
Son effet est seulement de «surseoir à l'exécution des poursuites», ce n'est
pas une prorogation de terme!. C'est d'ailleurs sur ce point précis que la
plupart des auteurs fondent la distinction entre le délai de grâce et le terme
de droit qui, lui, diffère l'exigibilité de la dette 2 • D'un autre côté, il est
considéré que le délai de grâce n'empêche pas seulement l'exécution ; en
reportant le paiement à une date ultérieure malgré l'échéance, elle rend
l'obligation inexigible jusqu'à l'expiration de ce nouveau délai3 . Ce point de
vue est d'ailleurs conforté par les analyses récentes de Monsieur J .-Ch.
Boulay qui, dans sa définition de l'exigibilité, considère qu'une obligation ne
peut être créditée de cette qualité tant que subsiste quelque obstacle à
l'obtention de son paiement4 .
Une réponse tranchée n'est pas évidente. En effet, même si le délai
de grâce a pour effet PQncipal et naturel de faire obstacle à l'exécution
forcée, il n'en reste pas moins qu'il peut avoir par contrecoup et à titre
accessoire des répercussions quant à l'exigibilité. Effet quant à l'exigibilité
passée, dans la mesure où l'on admet que le délai de grâce permet non
seulement d'ajourner les poursuites en paiement, mais aussi d'autoriser le
débiteur à diviser le paiement en plusieurs fractions lorsque la dette avait été
au départ stipulée payable en une fois 5. Effet aussi quant à l'exigibilité
future, notamment dans les contrats à exécution successive. Ainsi par
exemple, lorsque l'article 8 de la loi du 10 janvier 1978 et l'article 14 de la loi
du 13 juillet 1979 sur les crédits aux consommateurs permettent au juge de
suspendre l'exécution des obligations du débiteur dans les conditions de
l'article 1244 du Code civil en cas de licenciement, la suspension du crédit
!
A. WEILL et F. TERRE, Les obligations, n09 19.
2
A. WEILL et F. TERRE, Les obligations, n0919 ; È. STARCK, t. II,, nOI085 p.446 ; RIPERT et
BOULANGER, t. II, n01501, p.555 ; E. PUTMAN, thèse précitée, n° 599, p.706.
3
l. DEVEAU, thèse précitée, p.70 et 7I : <da créance devient provisoirement inéxigible ... » ; S. CARRE,
thèse précitée, p.73 : «La dette devient inexigible ... elle est néanmoins échue» ; E. DATRY, thèse
précitée, p.20 : <da dette normalement échue ne peut plus être exigée par le créanciep>.
4
l-Ch. BOULA Y, article précité, R.T.D. Corn. 1990 p.339 et s ; V. supra nO 262 et s.
5
E. PUTMAN, thèse précitée, nO 599, p.705, qui cite Réq., 20 déc. 1842, D. lm. corn., V. Obligations,
nO 1782 ; Colmar, 23 déc. 1936, G.P. 37, l, 336 et 20 janv. 1939, Rev. aIs. Lor. 1939, 325. L'avant
dernier arrêt cité reconnaît au juge le pouvoir d'autoriser, dans son jugement de condamnation, le débiteur
à se libérer par acomptes mensuels dans la limite du délai maximum légal; V. aussi S. CARRE, thèse
précitée, p.73 et G. PAISANT, article précité, c.c.c. déc. 1991, Chr., p.3, n012.

- 256-
On peut cependant se demander si la tendance des juges du fond, approuvée
par la doctrine, à admettre que les mesures prises dans le cadre du
redressement judiciaire civil profitent aux cautions!, ne milite pas, eu égard
à la profonde parenté des nouvelles dispositions relatives au délai de grâce
avec celles de la loi sur le surendettement2, en faveur de l'extension du
bénéfice des effets du délai de grâce à la caution.
En ce qui concerne les héritiers et ayants cause du débiteur, la
concession d'un délai de grâce impliquant un bénéfice personnel, elle ne
leur profite pas du moment qu'il y a fusion immédiate des patrimoines3 .
Mais le délai de grâce reste toujours opposable aux ayants droit du
créancier, puisque dans ce cas la situation personnelle du débiteur qui a
justifié l'octroi du délai reste inchangée4 .
274.- En définitive, la suspension des poursuites consécutive à
l'octroi du délai de grâce doit être considérée comme
une mesure
strictement personnelle dont le bénéfice est limité à la seule personne l'ayant
obtenue. Toutefois, la vraie difficulté en ce qui concerne l'effet suspensif du
délai de grâce n'est pas tant de déterminer son incidence quant à l'exercice
des poursuites; tout le monde s'accorde là-dessus5 et la réforme du délai de
grâce n'y a rien changé. Elle est relative à la définition précise des
aménagements que le juge peut apporter à la dette. La loi nouvelle donne de
précieuses précisions à ce sujet, renforçant du même coup le pouvoir
modérateur du juge.
2 . Le renforcement du pouvoir modérateur du juge
275.- Du point de vue des effets du délai de grâce sur l'obligation, la
question délicate est de savoir si la suspension qui en résulte affecte
l'exigibilité ou se contente de reporter l'exécution.
!
V. Pau, 2e ch., 6 mars 1991, note G. RAYMOND, CCC nov. 1991, fase. 955, n0227.
2
V.H. CROZE, La loi n091-65ü du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution: Le
nouveau droit commun de l'exécution, J.CP. 92, l, 3555, n021 ; G. PAISANT, article précité, CCC
déc. 91, chf., P 5, nOI5.
3
J. ISSA-SA YEGH, article précité, n01 12; R. LORANS, thèse précitée n052.
4
V. note ci-dessus.
5
Il est unanimement admis que Je délai de grâce fait obSlacle à l'exécution forcée ainsi qu'à toutes les
saisies autres que conservatoires.

- 255-
dont il s'agit sont principalement les codébiteurs, les cautions, les héritiers,
etc.
La règle selon laquelle le délai est «res inter alios judicata» s'impose
aUSSI, en principe, dans ces situations. Ainsi, chaque codébiteur étant tenu
par un lien obligatoire distinct de celui des autres, l'un ne peut invoquer le
délai obtenu personnellement par un autre!. L'article 1208 du Code civil est
sans équivoque sur la question : un codébiteur "ne peut opposer les
exceptions qui sont purement personnelles à quelques-uns des autres
codébiteurs». Néanmoins, lorsqu'un délai de grâce est accordé à l'un des
codébiteurs solidaires, les autres en profitent indirectement dans ce sens que
le créancier ne peut les poursuivre que déduction faite de la part contributive
dans la dette de celui qui l'a obtenu2• En effet, s'il n'en était pas ainsi, les
autres codébiteurs exerceraient leur recours contre celui qui bénéficie du
délai aussitôt après avoir payé et le délai serait ainsi privé d'efTet3.
C'est un argument analogue qui est avancé par les auteurs qUI
considèrent que la caution doit bénéficier du délai accordé au débiteur
principaJ4. Plusieurs articles du Code civil s'opposent pourtant à une telle
solution. Tout d'abord, l'article 2036 qui dispose que la caution «ne peut
opposer au créancier les exceptions qui sont purement personnelles au
débiteur», et le délai de grâce constitue justement une telle exception. En
outre, l'article 2039 prévoit expressément que la prorogation du «terme
accordé par le créancier lui-même au débiteur principal ne décharge pas la
caution», à plus forte raison un répit octroyé judiciairement au débiteur.
C'est ce qui fait sans doute que la Cour de cassation, en présence de délais
accordés facultativement aux
débiteurs
compte tenu
des situations
particulières, refuse à la caution, même solidaire, le droit de s'en prévaloir5.
1. ISSA - SA YEGH, J.-Cl., Civ. : art. 1235 à 1248, fasc. 3, N. Rep. : fasc. 69 n0120 ; S. CARRE,
thèse précitée, p.78 ; E. DATRY, thèse précitée, Po:.. 24 ; R. LORANS, thèse précitée, p. 52 ; J.
DEVEAU, thèse précitée p.77.
2
Compar. avrc l'arl. 1210 du Code civil qui dispose que «Le créancier qui consent à la division de la deue à
l'égard de l'un des codébiteurs, conserve son action solid<Jire contre les autres, mais sous la déduction de la
part du débiteur qu'il a déchargé de la solidarité».
3
J. ISSA - SA YEGH, article précité, 1.-CI., Civ. : art. 1235 à 1248, fasc. 3, N. Rep. : fasc. 69, nOI2D,
R. LORANS, thèse précitée, p.52.
4
J. DEVEAU, thèse précitée, p.78 ; R. LORANS, thèse précitée, p. 52.
5
Req., 28 fév. 1939, D.H. 1939,243 ; Com., 19 mai 1982, Bull. civ., IV, n° 189: «La caution ne peut
se prévaloir des paiements moratoriés prévus par un concordat, les délais étant personnels au débiteur
principal et le créancier ayant le droit d'obtenir le règlement de la dette à son échéance dans le cadre des
accords contractuels cautionnés»; V. aussi J. ISSA-SAYEGH, article précité, n0119.

- 254-
intérêts au profit du débiteur si préjudice lui a été causé!. Cependant, les
poursuites antérieurement commencées doivent subsister et rester dans le
même état jusqu'à l'expiration du délai ; le juge surseoit à l'exécution des
poursuites "toutes choses demeurant en l'état», disposait en effet l'ancien
article 1244 alinéa 2 du Code civil. Un nouveau recours en justice serait en
conséquence inutile si le débiteur ne s'est pas acquitté dans le délai imparti2.
Du moment où les poursuites sont suspendues, il est juste que les
délais fixés pour leur exercice le soient également. C'est ce qui résulte de
l'alinéa 4 de l'ancien article 1244 du Code civil: "S'il est sursis à l'exécution
des poursuites, les délais fixés par le Code de procédure civile pour la
validité des procédures seront suspendus jusqu'à l'expiration du délai
accordé par le juge»3. Il est même soutenu, en ce qui concerne la
prescription de la créance, que le cours de celle-ci est interrompu jusqu'à
l'expiration du délai, de sorte que le temps couru avant la citation en justice
ne comptera plus, le point de départ de la prescription devenant le jour où le
délai prendra fin 4 . Ceci constituerait une contrepartie de l'altération des
droits du créancier contraint, malgré lui, à l'inaction5.
273.- Une difficulté apparaît cependant quand il
s'agit de
déterminer les personnes concernées par le délai de grâce. Il faut bien
entendu considérer que la suspension judiciaire des poursuites, en raison de
la relativité de la chose jugée, ne peut être invoquée que par le débiteur
bénéficiant de l'octroi du délai et n'est opposable qu'au créancier contre
lequel elle a été obtenue6. C'est une application de la règle «res inter alios
judicata aliis neque nocet neque prodest»7.
Toutefois, cette solution n'est
plus évidente lorsqu'on se trouve en présence de certaines opérations
complexes dans lesquelles des personnes tierces sont impliquées. Les tiers
!
J. DEVEAU, thèse précitée, p. 70 et s. ; S. CARRE, thèse précitée, p.74.
2
E. DATRY, thèse précilée, p. 20; 1. DEVEAU, thèse 'précitée, p. 70.
3
V. aussi Req., 3 janv. 1927, D.H. 192?, 33 ; J. ISSA - SA YEGH, article précité, J.-Cl., Civ. : an. 1235
à 1248, fasc 3, N. Rep. : fasc. 69, n0108 ; A. WEILL el F. TERRE, Les obligations, n0919.
4
1. DEVEAU, thèse précitée, p.7Ü.
5
MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, L 11, n064, p.58.
6
1. ISSA-SA YEGH, article précilé, 1.-Cl., Civ. : an. 1235 à 1248, fasc. 3, N. Rep. : fasc. 69, n° 116.
7
«La chose jugée entre les uns ne nuit ni ne profite aux autres», V. H. ROLAND et L. BOYER,
Locutions latines et adages du droit français contemporain, l. II, n0257, pAl? ; V. aussi article 1351 du
Code civil qui proclame le principe de la relalivilé de la chose jugée; L. BOYER, Les effets des
jugements à J'égard des tiers, R.T.D. Civ. 1951, p. 1 ; H. MOTULUSKY, Pour une délimitation précise
de la chose jugée en matière civile, 0.5.1968, ChT. l ; R. PERROT, Chose jugée, Rep. dT. cÎv. Dalloz,
1971, spécialement n° 102 et s.

- 36X -
supprimant à la demande du créancier1.
Aussitôt que le délai est éteint, le créancier peut reprendre les
poursuites d'exécution, les parties se retrouvant exactement au même point
que lors de l'octroi du répit. En raison des termes de l'article 1244 du Code
civiJ2 qui n'exclut pas le renouvellement dans la limite d'une durée totale
égale à la durée légale, on doit considérer qu'au cas où le renouvellement
n'interviendrait qu'après l'expiration du délai, les actes de poursuite
effectués dans l'intervalle seraient valables. L'octroi d'un nouveau répit ne
devrait pas pouvoir entraîner rétroactivement leur nullité 3.
L'extinction d'un moratoire doit, en principe, produire des effets
similaires. En effet, le moratoire visant en général à éviter à une catégorie
de débiteurs en difficulté de subir la rigueur de la force obligatoire des
engagements contractuels, son expiration devrait, tout comme celle du délai
de grâce, restituer aux créanciers la possibilité de recourir à l'exécution
forcée.
En définitive, qu'il s'agisse du délai de grâce ou du moratoire,
J'écoulement du temps accordé rétablit la force obligatoire des engagements
contractuels qui avaient été suspendus et redonne donc aux créanciers tous
les moyens nécessaires à l'obtention du paiement de leurs créances.
397.- Il subsiste cependant la question de savoir si la renonciation,
admise en matière de terme suspensif, peut également s'appliquer au délai
de grâce et au moratoire?
La question fut controversée dans la doctrine du XIXe siècle pour ce
qui est du délai de grâce4 . On considère aujourd'hui que les dispositions
relatives au délai de grâce sont d'ordre publicS et ce point de vue a été
législativement consacré par le nouvel attic1e 1244-3 du Code civil issu de la
modification opérée par la loi du 9 juillet 1991. Mais cela n'écarte pas toute
1
J.-M. PANSIER, thèse précitée, nOI62, p. 78; J. ISSA-SA YEGH, article précité, n0i28.
2
Cet article a été remplacé par les nouveau articles 1244-1, 1244-2 et 1244-4 par la loi n091 -650 du 9
juillet] 991 qui entre en vigueur le 1cr janvier] 993.
3
J.-M. PANSJER, thèse précitée, n0163, p. 78.
4
V.supra n° 91.
S
E. PUTMAN, thèse précitée, n0619, p. 729.

- 36lJ -
sorte de renonciation. Le principe est qu'on ne peut pas renoncer par avance
à un droit d'ordre public, mais une fois qu'il est acquis, rien ne s'oppose plus
à la renonciation. En conséquence, ce qui est interdit, c'est de stipuler dans
la convention que le juge ne pourra pas accorder de délai de grâce au
débiteur; en revanche, une fois rendue la décision qui lui accorde ce répit, il
peut parfaitement exécuter avant l'expiration du délai imparti s'il en trouve
la possibilité \\. Ce serait d'ailleurs la preuve du succès de l'opération de
suspension, car l'octroi du délai a justement pour but de permettre à un
débiteur dans une situation inconfortable de recouvrer la possibilité de
satisfaire à ses engagements.
Ces principes doivent être logiquement transposés en matière de
moratoires judiciaires. Un contrat ne saurait donc prévoir d'avance la
renonciation, mais une fois rendue la décision du juge, le débiteur ayant
trouver les moyens de s'exécuter pourrait renoncer à profiter intégralement
du moratoire. En ce qui concerne les moratoires légaux, il paraît impossible
de prévoir dans un contrat la renonciation au bénéfice des lois de moratoire
pouvant intervenir postérieurement à sa conclusion. La renonciation
pourrait, par contre, être admise postérieurement au contrat et à l'entrée en
vigueur de la loi. L'admission de cette solution aurait l'avantage de protéger
les intérêts des créanciers.
L'intérêt des règles applicables à la renonciation se retrouve
également en
matière de
mesures de
règlement des
situations de
surendettement.
B· L'extinction des mesures de règlement des situations de
surendettement
398.- Les procédures prévues par la loi n089-1010 du 31 décembre
1989 peuvent aboutir à trois séries de mesures de suspension. D'abord la
suspension provisoire, par le juge, des procédures d'exécution soit pendant
la phase de règlement amiable, soit au cours de celle du redressement
judiciaire; ensuite, un plan de règlement négocié par les diverses
parties
ou,
à
défaut un plan de
redressement imposé
par les juges.
Les
V. note ci-dessus.

- 370 -
conséquences de l'écoulement des délais accordés dans chacun de ces cas
doivent, bien entendu, être fonction de leur nature respective.
L'expiration du délai pendant lequel le juge 1 ordonne la suspension
des voies d'exécution doit naturellement avoir pour conséquence de rétablir
le créancier dans son droit d'exercer ces procédures. Il faut toutefois
reconnaître que ce serait, en pratique, rarement le cas. En effet, la
suspension provisoire des voies d'exécution apparaît comme un moyen à
court terme, offert aux parties et aux juges pour disposer du temps
nécessaire à la préparation, en toute sérénité, soit du plan conventionnel de
règlement, soit du plan de redressement judiciaire2. Dès lors, la conclusion
de l'un ou l'établissement de l'autre devra logiquement succéder à la
suspension des voies d'exécution,
consolidant ainsi les
mesures de
suspension déjâ prises.
Quant aux mesures de report ou de rééchelonnement des paiements
que peut contenir le plan négocié par les protagonistes, elles doivent être
assimilées, nous l'avons déjà dit, à des termes conventionnels ou, tout au
moins, à des prorogations d'échéances3 . Par conséquent, elles doivent
prendre fin dans les mêmes conditions que le terme suspensif et produire
des effets identiques. A l'échéance, la dette devient exigible, pouvant, de ce
fait, faire l'objet d'une exécution forcée, à moins que le débiteur ne bénéficie
par la suite d'un délai de grâce.
S'agissant, enfin, des mesures de report ou de rééchelonnement
imposées par le juge aux parties, elles présentent les aspects des moratoires
judiciaires4 • L'épuisement des délais accordés par un plan judiciaire doit
donc permettre aux créanciers de poursuivre l'exécution des dettes
concernées.
En conclusion, on constate que la"'levée des mesures de suspension
prévues par la nouvelle législation comporte une conséquence essentielle:
La loi n091-65Ü du 9 juillet 1991 institue un juge unique dénommé "juge de l'exécution" en
remplacement du tribunal d'instance (art. 5 à 10 de la loi).
2
G. PAISANT, Le redressement judiciaire civil à l'essai, J.c.P. 91, éd. G., 1,3510, n039.
3
V. supra nO 284.
4
G. PAISANT, article précité, n042.

- 171 -
elle rétablit le lien obligatoire et ouvre la voie à l'exécution. De ce point de
vue, elles ne se distinguent pas des institutions traditionnellement utilisées
dans ce sens, tels que le terme, le délai de grâce et le moratoire. Ceci est tout
à fait compréhensible, étant donné que ce nouveau dispositif législatif est
justement destiné à renforcer les procédés servant à favoriser le paiement
des créances.
La fin de la période de suspension consécutive à la force majeure
temporaire ou au jeu de l'exception d'inexécution produit un résultat
analogue: la reprise des relations contractuelles.
§2 - La reprise des relations contractuelles
399.- L'objectif visé par la suspension dans ces hypothèses, cela a
déjà été souligné, est de préserver les intérêts actuels des créanciers tout en
garantissant la possibilité d'une exécution du contrat dans l'avenir. Dès lors
que l'obstacle de force majeure ou la réticence du cocontractant disparaît, il
n'y a plus de raison de maintenir le lien contractuel en sommeil. D'où la
nécessité de reprendre immédiatement le cours des relations contractuelles.
A - La nécessité de reprendre les relations contractuelles dès que
cesse le refus d'exécuter
400.- La suspension des obligations contractuelles qui résulte de la
mIse en jeu de l'exception d'inexécution cesse, en principe, dès que
l'exécution trait pour trait redevient possible.
En conséquence, l'excipiens perd le droit de retenir sa prestation à
partir du moment où son cocontractant offre ou effectue l'exécution de la
sienne; il doit à son tour se soumettre au~ obligations mises à sa charge par
le contrat1• En effet, l'inexécution par l'une des parties de ses obligations et
le recours à l'exception par l'autre ne suppriment pas le lien obligatoire;
seul l'exercice du droit d'en réclamer l'exécution est momentanément
A. HUET, J.-C1., Civ. : app. an. 1184, N. Rep. : fasc. 49-3, n0230 ; R. CASSIN, thèse précitée,
p. 727; PLANIOL et RJPERT, l. VI, n0460, n0616 ; Ph. MALAURIE el L. AYNES, précité, n0726,
p.395.

- 372 -
paralysé. Les stipulations contractuelles retrouveront donc pleine vigueur,
de plein droit, dès que les conditions de l'exécution donnant-donnant seront
réunies. Cette reprise doit s'effectuer dans les conditions initialement
prévues sans qu'un nouvel accord de volonté soit nécessaire entre les
parties] .
La jurisprudence résume ce raisonnement en jugeant qu'"en cas
d'inexécution d'un contrat synallagmatique par un contractant, l'autre
partie peut, de son propre chef, se refuser à remplir ses obligations, cette
suspension des effets de la convention n'est que temporaire,. dans la mesure
où l'obligation trait pour trait est offerte, celui qui se prévalait de l'exception
de non-exécution doit se conformer aux termes du contrat qui reprend alors
ses effets», C'est ce que répondit la Cour d'appel d'Orléans à un architecte
qui avait suspendu les travaux du fait que son client ne payait pas et qui était
donc tenu d'accomplir ses obligations dès lors que le maître d'ouvrage avait
remédié à
sa défaillance 2 , C'est également pour cette raison qu'un
établissement thermal qui avait confisqué la carte d'abonnement d'un
curiste qui refusait de se prêter au contrôle a été jugé obligé de la restituer si
le curiste promettait de se conformer au règlement3.
401.- Il faut d'ailleurs souligner que l'exécution volontaire ou par
erreur de ses obligations par de l'excipiens produit les mêmes effets; elle
libère définitivement celui-ci et oblige son cocontractant à satisfaire lui aussi
à ses engagements4 • En effet, dans ce cas, le contractant qui doit encore sa
prestation engagerait sa responsabilité contractuelle s'il tardait à exécuter,
et a
fortiori,
s'il
refusait définitivement de s'exécuter en
rompant
unilatéralement le contrat5 . L'excipiens qui agirait ainsi va quant à lui se
transformer de victime en coupable, car il ne peut se délier de son propre
chef du lien contractuel, ni d'ailleurs se lier à nouveau pour le même objet
avec un tiers6 .
A. HUET, article précité, n0:23ü ; Ph. LE TOURNEAU, note sous Orléans, 23 ocL 1975, J.c.P. 77, éd.
G., II, 18653 ; Ph. MALAURIE et L. AYNES, n0734, p. 395.
2
Orléans, 23 OCL 1975, citée ci-dessus.
3
Civ., 5 déc. 1934, G.P. 35, 1, 134.
4
PLANIOL et RIPERT, LVI, n046ü, p. 616 ; R. CASSIN, thèse précitée, p. 723.
5
Orléans, 23 OCL 1975, précitée.
6
Corn., 15 janv. 1973. D. 73, 473, note 1. GHESTlN ; G.P. 73, 2, 495, note J. GUYENOT. Un
concédant ne peut, en invoquant l'exception d'inexécution, choisir un nouvel àgent exclusif pour
remplacer le premier, défaillanL

- 373-
TI est vrai qu'après une telle période d'assoupissement, la confiance
ayant conduit à la conclusion du contrat peut s'évanouir à tel point que
l'excipiens, à moins que ce ne soit le cocontractant, préfère l'anéantissement
du contrat1 . Il doit alors, pour respecter le droit et à défaut d'accord,
demander la résolution judiciaire pour inexécution telle qu'elle est prévue
par l'article 1184 du Code civil.
402.- Le principe de la remIse en vigueur automatique de la
convention caractérise également la fin de la suspension de la garantie par
l'assureur pour non-paiement des primes par l'assuré. Mais, dans cette
matière assez particulière, l'article L. 113-3 alinéa 4 du Code des assurances
dispose que l'assurance ne reprend ses effets que le lendemain, à midi, du
jour où ont été payées à l'assureur ou à son mandataire les primes
arriérées 2 . L'assureur doit, à partir de cette date, sa garantie pour les
sinistres qui peuvent survenir). La doctrine justifie ce léger décalage par le
souci de combattre les fraudes et de sanctionner l'assuré pour son
manquement4 .
Toutes ces solutions illustrent bien le principe que le retour à
résipiscence du contractant défaillant restitue au lien contractuel sa vitalité
d'avant la suspension. Cet effet salvateur de la suspension est aussi
caractéristique de la disparition d'un obstacle de force majeure temporaire.
B· La restauration des relations contractuelles après la disparition
de l'obstacle de force majeure
403.- La disparition de la force majeure, obstacle temporaire à
l'exécution du contrat, fait cesser l'incertitude dans laquelle étaient les
parties et marque, de ce fait, la fin de la période de suspension. La reprise
1
V. supra n° 343 et s.
2
Y. LAMBERT-FAIVRE, Droil des assurances, n0244, p. 244 ; A. HUET, article précité, n~33.
)
Un cas plus contesl2lble de remise en vigueur de la garantie esll'arrivée d'une nouvelle échéance de prime.
C'est ce qu'on peut comprendre de l'arL L.113-3 al. 2 du Code des assurances qui dispose: «au cas où la
prime annuelle a été fractionnée, la suspension de la garantie intervenue, en cas de non-paiement d'une
fraction de prime, produit ses effet jusqu'à l'expiration de la période annuelle considérée». Ce qui veut dire
que faute de notification de la résiliation par l'assureur, la garantie reprendrail, obligeant ainsi l'assureur à
recommencer toute la procédure préalable à la suspension prévue par l'arl. L 113 3 et si un sinistre
intervient entre-temps, l'assureur sera débileur de la garantie.
4
Y. LAMBERT-FAIVRE, précité, n0244 ; A. HUET, article précité, n0233.

- :n.4 -
des relations contractuelles est alors naturelle, conforme à l'attente des
contractants. Les parties doivent se retrouver à nouveau liées par le contrat
de sorte qu'elles puissent enfin réaliser l'exécution redevenue possible l .
n importe cependant de préciser les modalités de cette reprise aussi
bien par rapport au contenu de la convention (1) que par rapport à sa mise en
oeuvre (2).
1 - Le contenu de la convention
404.- A la fin de la période de suspension, l'exécution du contrat
momentanément
interrompue
va
reprendre
son
cours.
Le
noeud
contractuel, un instant relâché, devra se resserrer. En d'autres termes, dès
que l'exécution du contrat devient à nouveau possible, l'ensemble des
stipulations qui régissaient les rapports entre les parties est remis en
vigueur2•
En effet, la suspension est une mesure conservatoire qui est justifiée
par le besoin de figer temporairement la situation entre les parties afin que
ni le débiteur,
ni le créancier, ne tire avantage ni
ne souffre de
l'impossibilité légitime et provisoire d'exécuter. La cause de cette paralysie
ayant cessé, il est normal que le cours de l'exécution reprenne au point exact
où il s'était arrêté 3 . La fin de la suspension n'opère donc pas novation de la
convention originaire, la
reprise des relations contractuelles s'effectue sur
la base du contrat suspendu et toutes les obligations des contractants
retrouvent, en principe, toute leur force. Le contrat suspendu doit, à la
cessation de l'empêchement, être ravivé dans son intégralité au point que,
comme le souligne un auteur, «rien ne puisse permettre de distinguer un
contrat suspendu reprenant ses effets d'un contrat qui n'aurait jamais cessé
d'exister»4.
R. SARRAUTE, lhèse précitée, p. 233 J.-F.ARTZ, article précité, n020 ; D. MARTIN, note sous Civ.
1ère, 24 fév. 1981, D.82, 479; P.-H. ANTONMAlTEI, thèse précitée, nO 326 et s., p. 327 et s.
2
R. SARRAUTE, thèse précitée, p. 62 ; J.-M. BERAUD, thèse précitée, p. 233 ; P.-H.
ANTONMATrEI, lhèse précitée, n° 327, p. 328.
3
D. MARTIN, note précitée.
4
J. TRE1LLARD, article précité, n028, p. 97 : J.-F.AR17., article précité, n020 : D. MART1N, note
précitée.

- 7>75 -
Un arrêt de la Cour de cassation fait application de cette règle. Une
fille ayant obtenu de
ses parents l'apport des fonds
nécessaires à
l'acquisition d'une maison s'était engagée, en contrepartie, à les loger leur
vie durant. Le divorce des parents contraindra ensuite la mère à prendre toit
ailleurs ; mais celle-ci, après le décès de son ex-époux, va exiger la
réintégration du logis laissé libre. La Cour de cassation a censuré la
décision des juges du fond qui avait jugé l'obligation litigieuse éteinte par le
divorce, alors que celui-ci ne constituait qu'une impossibilité temporaire
suspendant, en conséquence, l'obligation jusqu'au décès de l'ex-mari de la
demanderesse 1. En faisant ainsi grief à l'arrêt de la cour d'appel d'avoir
considéré la relation contractuelle définitivement déliée, la Cour de
cassation confirme le caractère provisoire de la suspension et postule
nécessairement une totale restauration des liens contractuels dès que
disparaît l'impossibilité d'exécution.
405.- Cette solution appelle néanmoins quelques réserves. Car, au
moment où la suspension de la convention vient à expiration, les parties ne
se retrouveront pas toujours dans les liens de leurs obligations tels qu'ils
étaient avant l'arrêt dû à la force majeure. Par le fait du temps écoulé, la
convention, tout en restant la même et sans dénaturer l'intention des
parties, sera très généralement modifiée. Certains auteurs citent l'exemple
des contrats à exécution successive dans lesquels il y a, en quelque sorte,
suppression partielle de l'obligation suspendue pour les prestations qui
auraient dû être fournies pendant la période de suspension 2. Ceci est bien
sûr vrai quand la convention comporte un terme extinctif qui limite sa durée
dans le temps ; la suspension aura pour effet de réduire la période
d'exécution prévue par les parties et donc de modifier le contrat3, Mais ce
fait peut également se manifester même en l'absence de terme, puisque, si
par exemple des livraisons de marchandises ont été prévues mensuellement
pour une période indéterminée, il va de soi que toutes les livraisons relatives
aux mois où l'exécution n'aura pas été possible seront définitivement
perdues4 , La doctrine relève, certes, une tendance mise en évidence par la
1
Civ. 1ère, 24 fév. 1981, D.82, 479, note D. MARTIN.
2
J. LEBRET, article précité; R. SARRAUTE, thèse précitée, p. 61 ; Ph. CHARVER1AT, thèse précitée,
p. 71 et 72.
3
V. supra n° 276.
4
R. SARRAUTE, thèse précitée, p.61.

- 376 -
pratique et qui consisterait à effacer les traces de la suspension dans ce
genre de contrats en reportant les prestations inexécutées et investissant,
par conséquent, la suspension d'une sorte d'effet rétroactif!. Mais il faut
considérer que lors de la reprise, on ne saurait parler, sur le fondement de
la suspension, de report de la partie inexécutée du contrat sous prétexte de
rattraper le temps perdu ou un quelconque manque à gagner. La période de
suspension est une perte immédiate et définitive. Si les parties convenaient
d'exécuter les prestations qui n'ont pu être fournies, il ne s'agirait pas d'une
conséquence de la suspension ; on pourrait parler d'un déplacement du
contrat dans le temps ou d'une prorogation de la convention2•
On peut, par ailleurs, envisager le cas où les parties insèrent dans le
contrat quelques stipulations complémentaires afin de l'adapter aux
nouvelles circonstances, au cas où l'environnement du contrat aurait
changé pendant la période de suspension3. C'est donc dire que si le principe
est que les relations contractuelles doivent reprendre comme si rien ne
s'était passé, mais en réalité et dans la plupart des cas, c'est le contrat tel
qu'il se présentera au moment où l'obstacle de force majeure aura disparu
qu'il faudra exécuter et non le contrat dans sa forme originaire. Cela
démontre que la suspension n'est pas, en toute hypothèse, neutre dans la
détermination du contenu du contrat au moment de la reprise.
Une question demeure toutefois : comment s'effectue la mIse en
oeuvre de cette reprise?
2 . La mise en oeuvre de la reprise des rapports contractuels
406.- La règle est, nous venons d'en faire la démonstration, la
reprise des relations contractuelles lorsque l'issue de la suspension est
favorable à l'exécution. Cette remise en vigueur des obligations suspendues
l
J. TREILLARD, article précité, non; J-F.ARTZ, article précité, n02ü.
2
Ph. CHARVERIAT, thèse précitée, p. 71 et 72 : l'auteur donne l'exemple d'un contrat de louage de
services liant un artiste à un théâtre, lequel a dû fermer pendant deux mois et demi pour raison de guerre.
A la réouverture, l'artiste exigera une prorogation de son contrat pour une durée égale à la période de
suspension. Le tribunal réjettera cette prétention en considérant cette période de deux mois et demi comme
définitivement perdue, car, il y a eu suppression motivée par une inexécution non fautive (Trib. ch. corn.
de la Seine, 14 déc. 1915, G.T. 1916,2,4).
3
J.-F.ARTZ, article précité, n02ü.

- 377 -
est, en principe, automatique, elle s'effectue de plein droit!. Cela suppose le
droit pour chacune des parties d'obtenir, à partir de la disparition de
l'obstacle suspensif, l'exécution espérée et due 2.
Ce droit de poursuivre une exécution de nouveau possible est
indiscutable dans toutes les hypothèse où la suspension est prévue par une
stipulation des contractants ou bien découle d'une loï3. Et même lorsque la
suspension est prononcée par le juge, il est évident que, une fois ce principe
admis, il naît au profit des contractants un droit à la reprise des relations
contractuelles du moment que l'obstacle qui en entravait l'exécution n'existe
plus.
Il s'agit là d'un droit légitime qui procède normalement des
principes mêmes de la suspension. Il serait d'ailleurs inexact de parler
d'un droit autonome à la reprise du contrat4 . En effet, tout au long de la
suspension, ce n'est pas tant le droit pour chaque partie d'obtenir l'exécution
des obligations de l'autre qui est paralysée, mais la possibilité d'exécution
matérielle. Lorsque l'obstacle à l'exécution a disparu, chaque partie peut
faire valoir son droit d'exiger l'exécution qui existait déjà au moment où se
décidait la suspension et qui n'a jamais cessé d'exister. On peut même
penser qu'il a été confirmé par la suspension dans la mesure où la
prescription de ce droit par le fait de l'écoulement du temps entre
l'apparition de l'obstacle temporaire et sa disparition est impensable5, Le
contractant qui exige la reprise des relations contractuelles exerce, en fait,
son droit à l'exécution, car la remise en vigueur du contrat proprement dite
intervient de façon automatique, du seul fait de l'expiration de la période de
suspension.
407.- De ce point de vue, la suspension pour inexécution non fautive
se rapproche du terme suspensif, simple modalité d'exécution d'une
...
convention dont il fait partie intégrante et qu'il n'a pas pour effet de
modifier. Dans ce cas aussi, le contrat est formé, la dette existe et le terme
1
1.-M. BERAUD, thèse précitée, p. 233.
2
Ph. CHARVERIAT, thèse précitée, p. 70; 1. TREILLARD, article précité, n028.
3
1. TREILLARD, article précité, n028.
4
Ph. CHAR VERIAT, thèse précitée, p. 70. Il se pose par exemple la question de savoir s'il ne s'agit pas
d'un droit éventuel.
5
Ph. CHARVERIAT, thèse précitée, p. 70.

- 37X -
n'a pour effet que de retarder l'exécution et ce pour une raIson le plus
souvent matérielle l . Dès que le terme est échu, le créancier est investi du
droit de forcer le débiteur à l'exécution.
Le créancier est donc en droit de contraindre son cocontractant
à
l'exécution de ses obligations dès l'instant qu'a disparu l'obstacle qui en
avait provoqué la paralysie. Il peut, à cette fin, saisir le juge, lequel doit
imposer l'exécution des obligations s'il constate la possibilité d'exécution
matérielle 2 . Le refus d'exécuter manifesté par le débiteur est constitutif
d'une faute contractuelle entraînant la mise en jeu de la responsabilité de
son auteur. C'est ainsi que certains arrêts, il est vrai fort anciens,
prononcent la résolution ou la résiliation avec dommages et intérêts aux
dépens du vendeur qui refuse d'effectuer des livraisons de marchandises qui
avaient été suspendues par suite d'une force majeure momentanée 3. L'arrêt
de la chambre civile de la Cour de cassation du 24 février 19814 , plusieurs
fois cité, conforte cette jurisprudence ancienne, car, en posant avec force le
principe que la mère peut exiger à nouveau le droit d'habiter gratuitement
chez sa fille, il laisse implicitement entendre que le refus de cette dernière de
respecter son engagement pourrait se solder par le versement d'une
-.
indemnité compensatrice.
408.- Cette possibilité d'obtenir la condamnation à des dommages et
intérêts du contractant hostile à la reprise de l'exécution du contrat est bien
la preuve que la fin normale de la période de suspension donne aux
obligations des parties toute leur force, de sorte qu'elles puissent produire
toutes les conséquences qui leur sont attachées. Quelle que soit la cause de
suspension prise en considération et quelle que soit la façon dont cesse
l'obstacle suspensif, on relève donc que le créancier de l'obligation jusque là
suspendue retrouve l'intégralité des moyens lui permettant d'obtenir
l'exécution. Ainsi est affirmée la nature générale de la suspension dont la
fonction unique et permanente est de fQ.rmer un intermède conservatoire
permettant le développement d'une situation pendante vers un dénouement
conforme au voeu des contractants.
1
V. supra n° 308.
2
Ph. CHARVERIAT, thèse précitée, p. 70.
3
Rennes, 9 mai 1871, D.P. 1872,2,211; Rouen, 5 juin 1871, D.71, 2,178 ; Nîmes, 4 janv. 1918,
G.T.1918, 2, 313; Réq., 15 nov. 1921, G.P. 21, 1,69.
4
D.82,479.

CONCLUSION

- 380 -
409.- Au début de cette étude, nous soulignions l'ambivalence du
phénomène étudié, mise en évidence par ses deux caractères principaux: il
est à la fois divers et unitaire. Après un examen approfondi de la suspension
des obligations contractuelles qui a montré combien était grandissante
l'importance attachée à cette notion dans le droit des contrats contemporain,
cette observation initiale est confortée. L'inefficacité provisoire à laquelle est
soumis un engagement contractuel du fait de la suspension se présente en
effet sous des formes très variées qui obéissent cependant, sur plusieurs
plans, à des règles très proches.
410.- Cet ouvrage a donc d'abord eu pour dessein de rassembler les
divers aspects de la suspension des obligations contractuelles. Cette diversité
apparaît non seulement sur le plan de la terminologie!, mais aussi sur le
plan des techniques, des procédés utilisés. Le droit moderne comporte à cet
égard un éventail assez large d'institutions. La multiplicité s'explique à la
fois par la variété des types contractuels -et par la multitude des situations
auxquelles la suspension est appelée à répondre. En effet, bien que les
techniques de suspension fassent partie de la théorie générale des
obligations et s'appliquent, en principe, indistinctement à tous les contrats et
1
Les techniques contractuelles et les institutions juridiques qui mettent en oeuvre le principe de la
suspension sont en effet très variées: condition suspensive,tenne suspensif, délai de grâce, moratoire,
exception d'inexécution, force majeure momentanée, droit de rétention, etc.

à toutes les obligations, l'originalité propre à chaque type de contrat conduit
à préférer pour chacun une technique plutôt qu'une autre l . Mais le très
grand nombre de procédés de suspension tient surtout à la diversité des
situations. Car, dans les vicissitudes de la vie contractuelle, l'état des
relations contractuelles varie selon le stade du processus de formation,
d'exécution ou de dégradation du lien contractuel atteint et selon la nature
de l'obstacle qui s'oppose à l'exécution immédiate. Dans un but de prévision
et de prudence, les parties auront recours à la condition suspensive ou au
terme suspensif, soumettant ainsi la poursuite du processus contractuel à
des événements futurs. S'agit-il de donner un répit à un débiteur qui éprouve
des difficultés à honorer ses engagements, le délai de grâce, le moratoire, ou
les mesures de règlement des surendettements ouvrent des possibilités de
réaménagement des dettes. Un contractant doit-il préserver ses intérêts, la
mise en jeu de l'exception d'inexécution est l'occasion d'une réaction de
défense efficace, etc. A chacun des objectifs visés, à chacun des obstacles
qu'il s'agit de contourner, peut correspondre un procédé de suspension
approprié. TI y a donc adaptation des techniques à la diversité des situations.
C'est un signe de richesse et de raffinement d'une technique juridique fort
utile dans les relations contractuelles.
411.- Mais, aussi multiples et différentes que soient les techniques
de suspension des obligations contractuelles, elles reposent toutes sur une
notion dont l'unité a été démontrée. Toutes les techniques de suspension
convergent sur le plan des effets et de la finalité. L'analyse qui a été faite du
régime juridique de l'obligation suspendue a montré que, quelle que soit la
cause de la suspension, l'obligation connaît une évolution qui, si elle n'est
pas totalement identique, est néanmoins fortement similaire. De même, au-
delà des objectifs immédiats de chaque technique 2 , tous les procédés de
suspension visent une même finalité ultime: permettre l'exécution complète
des obligations contractées et conduire ainsi le contrat à sa fin normale. Ce
..
Ainsi, par exemple, la suspension de l'exécution du contrat pour force majeure temporaire est
particulièrement adaptée aux contrats à exécution successive, tandis que l'exception d'inexécution ne
concerne que les contrats synallagmatiques. Mais il ne faut en rien exagérer en ce sens, car les techniques
de suspension ne se diversifient pas, à titre principal, en fonction des types contractuels; nombre d'entre
elles s'appliquent à la plupart des contrats, sinon à tous, tandis que nombre de contrats peuvent donner
lieu à la plupart des hypothèses de suspension de l'arsenal juridique.
2
Ex: éviter l'exécution forcée pour le délai de grâce, contrecarrer la destruction du contrat pour la
suspension pour force majeure temporaire, priver un cocontractant défaillant de la contre-prestation pour
l'exception d'inexécution, etc.

- 3H2 -
souci d'achèvement de l'édifice contractuel contribue à l'efficacité des
obligations qui en résultent et à la stabilité des rapports contractuels l dont la
protection est, au demeurant, de plus en plus exigée aujourd'hui 2 . Ainsi, le
succès que les pratiques contractuelles, la jurisprudence et aujourd'hui, de
plus en plus souvent, le législateur donnent au phénomène de la suspension
s'explique par l'utilité qu'il présente pour la pérennité et l'accomplissement
des engagements contractuels à une époque où l'instabilité économique et
sociale tend à rendre de plus en plus précaires les relations contractuelles.
412.- En définitive, on voit quel nécessaire outil d'adaptation offre
l'idée de suspension. Mais on doit aussi mesurer l'évolution que cette
tendance impose au droit civil français 3 . On ne peut ainsi rester insensible
aux risques d'altération des principes du droit des contrats que présente la
pratique de la suspension 4 . Dans la plupart des cas, la suspension est
créatrice d'un déséquilibre dans la mesure où lorsqu'elle sécurise, stabilise
ou soulage la situation de l'une des parties, elle est souvent en même temps
la cause d'une fragilisation de la situation de l'autre. Aussi peut-on
craindre que la suspension n'aboutisse, notamment dans le cas où elle vise à
améliorer la situation du débiteur, à l'instabilité des rapports contractuels.
A la lecture de la loi relative au surendettement des particuliers et des
nouvelles dispositions qui régissent le délai de grâce, lesquelles traduisent
une accentuation de «la dissociation entre le rapport d'obligation et le
pouvoir de contrainte du créancier sur le patrimoine de son débiteur,,5, ne
faut-il pas à nouveau entonner le vieux couplet de l'immoral «droit de ne pas
payer ses dettes»6 ?
V. Tendance à la stabilité du rappon contractuel, ouvrage collectif sous la direction de P. DURAND,
L.G.DJ. 1960, V. notamment préface de P. DURAND, et J. TREILLARD, De la suspension des
contrats, p. 59 et s.
2
V. J. MESTRE, L'évolution du contrat en Droit privé français, in L'Evolution contemporaine du droit des
contrats, Journées R. SAVATIER, Université de Poitiers (24-25 OCl. 1985), P.U.F., p. 41 et s., plus
précisément p. 56 et 57.
3
V. par exemple J. ROSEMBERG, Incidence de la loi n089-101O du 31 décembre 1989 sur le droiL civil
français, G.P., 4 et 5 janvier 1991, p. 2 et s.; il examine, entre autres, l'incidence des nouvelles mesures
d'aménagement des dettes sur le droit des contrats; B. OPPETIT, L'endettement et le droit, Mélanges A.
BRETON et F. DERRIDA, Dalloz, 1991, p. 295 et s., spécialement p. 310.
4
On a souligné les dangers que représentait pour les créanciers le recours à la condition suspensive. De
même, il est incontestable qu'une très grande mansuétude à l'égard des débiteurs mauvais payeurs menace
la sécurité nécessaire à la vie des affaires, V. note ci-dessus.
5
V. B. OPPETIT, article précité, p. 309.
6
V. G. RIPERT, anicle précité, D.H. 1936, chf., 57.

- 3H3 -
413.- Il ne fait pas de doute que le débiteur inspire aujourd'hui, plus
que le créancier, la sollicitude du droit positif. Le phénomène n'est d'ailleurs
pas nouveau 1. Mais en fait, le créancier y trouve aussi son compte, car
l'amélioration de la situation du débiteur est aussi une nécessité pour lui; il
vaut mieux avoir un débiteur qui peut payer plus tard que plus de débiteur
du tout. L'obserVation a d'ailleurs une portée générale puisque, comme cela
a été à maintes reprises répété, qu'elle consiste dans une prévision
contractuelle, qu'elle constitue un tempérament à la force obligatoire du
contrat, ou qu'elle assure la pérennité du lien contractuel, la suspension
poursuit un même objectif, à savoir : créer des conditions favorables à
l'exécution intégrale des stipulations contractuelles. Ce qui n'est pas pour
déplaire au créancier. En outre, cette tendance entre tout à fait dans la
logique d'un système économique dont l'endettement est l'un des ressorts
profonds. ",Une économie d'endettement provoque inéluctablement un
affaiblissement des notions de force obligatoire, de terme, d'exigibilité et
d'exécution, voire ... un travestissement de la situation d'endettement du
débiteur,,2. D'ailleurs, les dérives éventuelles de la notion de suspension,
l'exagération de son usage ne doivent-elles pas être regardées comme «une
sorte d'hommage rendu à son utilité»3.
Il résulte de ces remarques que c'est sans doute l'une des plus
hautes questions qui vont présider à l'évolution future du droit des contrats
que nous venons d'aborder4. Notre inexpérience ne nous a peut-être pas
permis d'en évaluer la totalité des implications. Mais nous pensons avoir
contribué à la démonstration que la vie du contrat, si originale soit-elle, n'en
renferme pas moins le caractère fondamental de toute vie: la souplesse, la
faculté de s'adapter aux changements du milieu.
V. B. OPPETIT, article précité, p. 299 ; G. RIPERT, Le régime démocratique et le droit civil moderne,
L.G.DJ., 2è ed., 1948, n° 68 et s. ; Le droit de ne pas payer ses dettes, article précité.
2
V. B. OPPETIT, article précité, p. 309.
3 J. TREILLARD, article précité. n° 29.
4
V. B. OPPETIT, article précité, p. 309 infine.

BIBLIOGRAPHIE

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- Obs. sur Civ. 1ère, 5 juillet 1988, Rep. Oefr. 1989, art. 34471, p. 355, nOl0.
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BEIR (C-J.) et GROUTEL (H.)
- Obs. sur Civ. 1ère, 11 mars 1980, O.s. 1980, I.R, 519.
- Obs. sur Civ. 1ère, 2 octobre 1984 et 27 mars 1985, OS 1986, I.R., 294.

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Note sous Corn., 11 juin 1969, OS 1970, Jurisp., 244.
BLIN (H.)
Obs. sous Ch. mixte, 27 novembre 1970, J.CP. 1971, ed. G., II, 16823.
BOULOCŒ.)
Note sous Civ. 1ère, 4 avril 1991, OS 1991, Jurisp., 307.
BOULOC Œ.) et CHATAIN œ.-L.)
Obs. sur T.G.!. Lyon, 14 juin 1990, OS 1991, somm., 55.
BOUSQUET (J.-C.)
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Note sous Corn., 14 novembre 1989, Peti tes affiches, n030 du 9 mars 1990,
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BREAU (Ch')
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CABRILLAC (MJ
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Obs. sur Corn., 14 novembre 1989, Rev. dr. banc., n018, mars-avril 1989,
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Obs. sur Sol, 21 octobre et 7 juillet 1955, KT. O. Civ. 1957, p. 144, n03.
CASSIN (R.)
Note sous Douai, 25 novembre 1921, S. 1922, 1,225.
CATALA-FRANJOU (N.)
Obs. sous Civ. 1ère, 17 juin 1969, J.C.P. 1970, ed. G., II, 16162.

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Obs. sous Soc., 12 décembre 1990, J.CP. 1991, ed. E., 1,61, n09.
CAVARROC (R.)
Obs. sous Civ., 8 novembre 1950, J.CP. 1950, II, 5870.
CHABAS (f.)
- Obs. sur Corn., 16 juillet 1980, RT.O. Civ. 1981, p. 398, nOS.
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17 février 1982, RTO. Civ. 1983, p. 132, n02.
- Obs. sur Corn., 28 avril 1982, et Civ. 1ère, 2 juin 1982, RT.O. Civ. 1983, p.
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CEZAR-BRU (Ch.)
Note sous Civ., 15 avril 1942, D.C 1943,9.
CHEVALLIER (j'>
Note sous Reg., 17 janvier 1938, O.P: 1940, 1,57.
eOLOMBET (c.)
Obs. sur Paris, 25 avril 1989, OS 1990, Somm., 58.
eORNU (G'>
- Note sous Civ., 8 novembre 1950, S. 1951, l, 25.
- Obs. sur Civ., 27 février 1967, RT.O. Civ. 1967, p. 653, n°1.
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DAGORNE-LABBE (Y.)
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DAGOT(M.)
- Note sous Civ. 1ère, 20 novembre 1990, J.CP. 1992, ed. G., II, 21841.
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GALLE (S.)
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GHESTIN 0.)
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GlRAUDEL <C)
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GOURIO <A.)
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GUYON (y.>
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HASSLER (Th'>
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HEMARD (Je'>
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KAHN (Ph'>
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- Note sous Civ. 1ère,4 juin 1991, CCC août-septembre 1991, fasc. 70,
n0179.
- Note sous Civ. 1ère, 16 juillet 1991, CCC février 1992, n028.
- Note sous Corn., 17 décembre 1991, C.CC 1992, fasc. 175, n023.
LIET-VEAUX (G.)
Obs. sous Civ. 3è, 16 avril 1986, J.CP., 1988 ed. G., II, 21033.
LINDON (R,)
- Concl. sous Ch. mixte, 27 novembre 1970, O.s. 1971, Jurisp., 81.
- Concl. sous Civ. 1ère, 4 juin 1971, D.s? 1971, Jurisp., 489.
- Obs. sous Civ. 1ère, 4 juin 1971, J.CP. 1971, ed. G., II, 16884.
LOBIN (y,)
Note sous T.G.!. Dieppe, 8 janvier 1976, 0.5. 1976, Jurisp., 490.

- 432 -
LOUSSOUARN (y.>
- Obs. sur Civ. 3è, 12 mai 1969/ RT.O. Civ. 1969/ p. 769/ n08.
- Obs. sur Com., 27 janvier 1970/ RT.O. Civ. 1971 p. 136/ n07.
- Obs. sur Civ. 3è, 4 mars 1975/ RT.O. Civ. 1975/ p. 706/ n09.
MAGNIN (F.)
Obs. sur Angers, 12 mai 1980/ OS. 1982/ !.R./ 470.
MALA URIE (Ph'>
Note sous Civ. 1ère, 22 décembre 1954/ O. 1955/ 713.
MARTIN (0.>
- Note sous Civ. 1ère, 24 février 1981/ OS. 1982/ Jurisp., 479.
- Obs. sous Civ. 1ère, 19 décembre 1984/ OS. 1985/ I.R, 304.
MARTIN (R.)
Note sous T.G.!. Toulouse, 14 avril 1977/ Rev. huiss. 1978/ p. 47.
MARTIN-SERF (A.)
Obs. sur Com., 14 novembre 1989/ RT.O. Corn. 1990/ p. 494/ n02.
MAZEA UO (H.) et (L.)
- Obs. sur Trib. civ. Seine, 20 décembre 1947/ RT.O. Civ. 1948/ p. 332/ n03.
- Obs. sur Civ., 7 janvier 1955/ RT.O. Civ. 1955/ p. 516/ n041.
- Obs. sur Colmar, 15 mai 1956 et 14 mai 1957/ R.T.O. Civ. 1958/ p. 91.
- Obs. sur Toulouse, 5 janvier 1938 et Trib. civ. Amiens, 3 décembre 1937/
RT.O. Civ. 1938/ p. 26/ n020.

- 433 -
MESTRE (}.)
- Obs. sur Civ. 3è, 22 mars 1983, RT.O. Civ. 1985, p. 165.
- Obs. sur Civ. 1ère, 17 janvier 1984, RTO. Civ. 1984, p. 719, n010.
- Obs. sur Civ. 1ère, 21 mars 1984, RT.O. Civ. 1985, p. 385, n08.
- Obs. sur Civ. 1ère, 19 décembre 1984, RT.O. Civ. 1986, p. 107, n06.
- Obs. sur Toulouse, 30 octobre 1985, RTO. Civ. 1986, p. 591, n02.
- Obs. sur Civ.1ère, 5 février et 12 mars 1985, RTO. Civ. 1986, p.345, n04
et 5.
- Obs. à la RTO. Civ. 1987, p. 313, n05.
- Obs. sur Civ. 3è, 4 février 1987, RTO. Civ. 1988, p. 542, n016.
- Obs. à la RTO. Civ. 1989, p. 312, n011.
- Obs. sous Paris, 12 mai 1989, RTO. Civ. 1990, p. 284, n04.
- Obs. sur Crim., 17 janvier 1991 et Paris, 28 novembre 1990, RTO. Civ.
1991, p. 735, n04.
- Obs. sur Soc., 12 décembre 1990 et 12 juin 1991, RTO. Civ. 1992, p. 391,
n08.
- Obs. sur Soc., 11 avril 1991, RT.O. Civ. 1992, p. 97, n08.
MORIN (G')
- Note sous Civ. 1ère, 10 mars 1987, OS 1987, Jurisp., 577.
- Note sous Ch. mixte, 27 novembre 1970, Rep. Oefr. 1971, art. 29786, p. 103.
MaURY (}.)
Note sous Paris, 13 octobre 1986, OS 1987, jurisp. 618.
NAJJAR (1.)
Note sous Corn., 8 février 1982, O.s. 1983, Jurisp., 57.
NERSON (R.)
Obs. sur Ch. mixte, 27 novembre 1970~R.TO. Civ. 1971, p. 619.
NICOLAS (M.-F.)
Obs. sous Civ. 3è, 4 mars 1975, J.c.P. 1976, ed. N., TI, 18510.
P. (}.-F.)
Obs. sous Toulouse, 30 octobre 1985, J.c.P. 1987, ed. N., II, Jurisp., 77.

- 434 -
PAISANT (G'>
- Note sous Corn., 2 octobre 1984, J.CP. 1985, ed. G., II, 20433.
- Obs. sur Civ. 3è, 17 juillet 1991, O.s. 1992, Somm., 193.
- Obs. à la RTO. Corn. 1991, p. 446 et s. et 651 et s.
- Obs. à la RTO. Civ. 1992, p. 232 et 5.,455 et s. et 673 et s.
- Note sous Civ. 1ère, 31 mars 1992, J.CP. 1992, ed. G., II, 21942.
- Note sous Civ. 1ère, 18 février et 31 mars 1992, O.s. 1992, Jurisp., 317.
- Note sous Civ. 1ère, 14 mai 1992, Paris, 8è Ch. B., 19 mars 1992 et
Toulouse, 2è Ch., 21 octobre 1991, J.CP. 1992, ed. G., II, 21918.
PATARIN (].>
Obs. sur Cv. 1ère, 19 décembre 1984, RTO. Civ. 1985, p. 762, n06.
PELISSIER (P
Note sous Soc., 1er mars 1972, OS 1972, Jurisp.,620.
PERROT (R.>
Obs. sur TG.I. Dieppe, 7 janvier 1976, RT.O. Civ. 1976, p. 399, n07.
PICOD (y.)
Note sous Civ. 1ère, 4 avril 1991, J.e. P. 1991, ed. G., II, 21702.
PIEDELIEVRE (A.)
Note sous Civ. 1ère, 13 juillet 1982, G.P. 1982,2,670.
PLANCQUEEL (A.)
Note sous Civ. 3è, 31 octobre 1978, G.P. 1979, l, 172.
PLANIOL (M.)
- Note sous Req., 3 juillet 1890, O.P. 1891, 1,5.
- Note sous Civ., 14 avril 1891, O.P. 1891, 1,329.
- Note sous Civ., 30 mars 1892, S. 1892, l, 281.
- Note sous Req., 1er décembre 1897, O.P. 1898, l, 289.
- Note sous Req., 19 décembre 1897, 5.1899, 1,174.

- 435 -
PREVAULT (J,)
- Note sous Civ. 2è, 10 février 1966, OS 1967, Jurisp., 315.
- Obs. sous TG.!. Laon, Il décembre 1986, J.CP. 1987, ed. G., II, 20808.
- Note sous Basse-Terre, 5 septembre 1989, OS. 1990, Jurisp., 223.
R.J. - Note sous Bordeaux, 16 décembre 1980, G.P. 1981, 1,384.
RAYMOND (G')
- Note sous Civ. 1ère, 4 avril 1991, CCC Juin 1991, fasc. 955, n0150.
- Note sous Pau, 2è ch., 6 mars 1991, CCC novembre 1991, fasc. 955, n0227.
- Note sous Civ. 1ère, 16 juillet 1991, CCC décembre 1991, fasc. 950, n0121.
- Note sous Paris, 3 juillet 1991, CCC février 1992, fasc. 955, n041.
- Notes sous Civ. 1ère, 31 mars 1992, CCC. juin 1992, fasc. 950, n0123 et 145.
- Note sous Civ. 1ère, 28 janvier 1992, CCC juin 1992, fasc. 950, n0121.
RAYNAUD (P.)
Obs. sur Civ. 1ère, 15 avril 1970, R.TO. Civ. 1971, p. 208.
REMY (Ph.)
Obs. sur Civ. 3è, 18 juillet 1986, R.TO. Civ. 1987, p. 109, n02.
RICHEVEA UX (M.)
- Note sous TI. Mantes-la-Jolie, 2 août 1990, Petites affiches, Il octobre
1991, p. 19.
- Note sous TI. Nancy, 9 avril 1991, Petites affiches, 23 août 1991, p. 4.
RODIERE (R,)
- Obs. sous Civ. 3è, 4 mars 1954, J.CP. 1954, ed. G., n, 8122.
- Notes sous Civ. 1ère, 22 mai 1962 et Corn. 23 juin 1964, OS. 1965, Jurisp.,
p. 59 et 79.
SANTA-CROCE (M,)
Note sous Civ. 3è, 9 juillet 1991, OS. 1992, ]urisp., 133.
SA VATIER (R.)
- Note sous Civ. 1ère, 20 juin 1961, O. 1961, ]urisp., 641.
- Note sous Soc., 7 juillet 1955, OS. 1957, ]urisp., 1.

- 430 -
SINA y (H.)
Note sous Corn., 21 novembre 1967, OS 1968, Jurisp., 279.
SOULEAU (H')
- Note sous Civ. 3è, 19 avril 1972, O.S. 1973, Jurisp., 205.
- Obs. sur Civ. 3è, 4 février 1987, Rep. Oefr. 1988, art. 34202, n023.
STEMMER (B.)
Obs. sous Corn., 22 novembre 1976, J.CP. 1977, ed. N., II, Jurisp., 183.
STEMMER (B.) et BOST (M.-F')
Obs. sous Civ. 2è, 16 février 1978, J.CP. 1979, ed. G., II, 19055.
STOUFFLET (J.)
Obs. sous Paris, 17 Janvier 1983, J.CP. 1983, ed. G., II, 19966.
THUILLIER (H.)
- Note sous Civ. 3è, 9 octobre 1974, J.CP. 1975, ed. G., II, 18149.
- Obs. sous Civ. 3è, 10 décembre 1986, J.CP. 1987, ed. N., t Jurisp., 190.
TISSIER (A.)
Obs. sous Toulouse, 19 octobre 1914, S. 1915,2,81.
TOURNA FOND (0.)
- Obs. sous Versailles, 8 novembre 1990, OS 1992, 50mm., 193.
- Obs. sous Corn., 28 mai 1991, OS 1992, 50mm., 202.
VALLENS (J.-L.)
Note sous Versailles, 28 juin 1990, O.S. 1990, Jurisp., 578.
VANDAMME (J.)
Note sous Civ., 28 mars et 22 octobre 1934, O. 1934, 1, 151.
VERMELLE (G')
Obs. sur Civ. 3è, 4 octobre 1985. Rep. Oefr. 1986, art. 33801, p. 1178, n095.

- 437 -
VIATrE (J.)
Note sous Civ. 3è, 31 octobre 1978, Journ. not. et av. 1979, art. 55118, p.
1312.
VIDAL (P
Note sous Civ. 2è, 4 février 1965, O.S. 1965, Jurisp., 617.
VOULET (J.)
Note sous Civ. 1ère, 5 mars 1974, J.c.P. 1974, ed. G., II, 17707.

TABLE DES MATIERES
(Les numéros renvoient aux pages)

- 439 -
INTRODUCTION
.
1
PREMIERE PARTIE: LES TECHNIQUES DE SUSPENSION DES
OBLIGATIONS CONTRACTUELLES
.
15
TITRE 1: LA SUSPENSION, MODALITE DES OBLGATIONS
CONTRACfUELLES
.
18
CHAPITRE 1 : LA CONDITION SUSPENSIVE
.
21
SECTION 1 : L'ADJONCTION DE LA CONDmON SUSPENSIVE
AUX OBLIGATIONS CONTRACTUELLES
.
23
§1-
La condition suspensive est une modalité d'origine
volontaire
.
23
A - Le principe de la liberté contractuelle
.
23
B - Les limites de la liberté contractuelle
..
25
1 - La protection des tiers
.
26
a) L'exclusion du recours à la condition suspensive
dans certains actes juridiques
..
26
b) L'informa tion des tiers
..
27
2 - La protection des parties
..
29
a) L'obligation de recourir à la condition
suspensi ve
.
29
b) L'interdiction de recourir à certaines formes de
condi tions
.
31
§2 - La volonté des parties est-elle la source exclusive des
d · .
' ?
con 1tlons suspensl ves
.
33
A - Le rejet de la notion de 'Condi tion tacite imposée par la
na ture des choses
.
33
B - Les conditions suspensives d'origine légale
.
36

- 440 -
SECTION II : LA VALIDITE DE LA CONDITION SUSPENSIVE
.
38
§1 - L'incertitude de événement
.
39
A - L'exigence d'un evénement futur et incertain
..
39
1 - L'événement doit être futur
..
39
2 - L'événement doit être incertain
.
41
B - L'exigence d'un événement possible
.
42
1 - La notion d'événement impossible
.
42
a) L'impossibilité physique
.
43
b) L,'
'b'l'
lmpossl 1 lté'
'd'
Jun lque
.
44
2 - L'incidence de la condition impossible sur le
contrat.
.
45
§2 - L'extériorité de événement par rapport aux parties
.
47
A - Un événement non potestatif
.
48
1 - La Conception classique de la condition potestative ..
48
2 - Une approche moderne de la condition potestative ..
51
B - L'événement suspensif ne doit être ni illicite ni
immorale
.
54
CHAPITRE II : LE TERME SUSPENSIF
..
56
SECTION l : LA DIVERSITE DE LA NOTION DE TERME SUSPENSIF ..
58
§1 - Terme de droit, terme judiciaire et terme légaL
..
58
§2 - Le terme de droit suspensif
,..
.
59
A - Le terme de droit: modalité conventionnelle
.
60
1- Le terme suspensif exprès
..
60
2 - Le terme suspensif tacite
.
61
B - Le terme de droit: modalité légale et judiciaire
.
63
/

- 441 -
SECTION II : LA FIXATION DE L'ECHEANCE DU TERME
64
§1 - La certitude de l'échéance
65
A - La dualité du terme: terme certain et terme incertain......
65
B - Certitude objective et certitude subjective............................
67
§2 - L'indétermination de l'échéance....................................................
69
TITRE II: LA SUSPENSION, TEMPERAMENT A LA FORCE OBLIGATOIRE
DES ENGAGEMENTS CONTRACTUELS............................................
74
CHAPITRE 1 : UN TEMPERAMENT PREVU PAR LE CODE CIVIL:
LE DELAI DE GRACE....................................................................
78
SECTION 1 : LA NOTION DE DELAI DE GRACE.........................................
79
§1 - Définition et évolution de la notion de délai de grâce...............
79
A - Définition du délai de grâce.....................................................
79
B - Evolution de la notion de délai de grâce...............................
81
§2 - La nature du délai de grâce
84
A - La justification du délai de grâce
85
B - Les caractères du délai de grâce
87
1 - Le caractère facultatif du délai de grâce
87
2 - Le caractère d'ordre public du délai de grâce................
88
SECTION II : LES MANIFESTATIONS DU CARACTERE
EXCEPTIONNEL DU DELAI DE GRACE...............................
89
§1 - Des obligations pour lesquelles le délai de grâce peut être
accordé
~....
90
A -Un texte de portée générale
90
B - La limitatoin du recours au délai de grâce............................
92
1 - La nécessité d'une exécution ponctuelle de certaines
obliga tions......................
92
2 - Délai de grâce et résolution du contrat..........................
94

- 442 -
3 - L'exclusion du délai de grâce en vue de favoriser
l'exercice de certaines voies d'exécution
97
§2 - La compétence juridictionnelle........................................................
98
A - Les juridictions compéten tes
98
1 - L'état du droit avant la loi du 9 juillet 1991..................
99
2 - L'état du droit après la réforme du délai de grâce par
la loi du 9 juillet 1991
101
B - Les éléments d'appréciation
103
C - Les pouvoirs de la juridiction saisie
104
§3 - Les caractéristiques du délai de grâce...............................................
106
CHAPITRE II : LES AUTRES TEMPERAMENTS A LA fORCE OBLIGA-
TOIRE DES OBLIGATIONS CONTRACTUELLES.........
110
SECTION 1 : LES LOIS DE MORATOIRE..........
111
§1 - Une institution autonome et de nature spécifique......................
111
A - Les caractéristiques du moratoire............................................
112
1 - Le moratoire est une mesure collective
112
2 - Le moratoire est une mesure législative.......................
113
B - Une spécificité atténuée sur le plan de la technique
juridique........................................................................................
114
1 - Moratoire légal et terme de droit
114
2 - Moratoire judiciaire et délai de grâce.............................
115
§2 - Tableau d'analyse de quelques lois de moratoire.........................
118
A - Evolution historique de la législation des moratoires.......
118
1 - Les deux guerres mondiales et la pratique des
moratoires
118
2 - Les mesures exceptionnelles ayant accompagné le
mouvement de décolonisation
120

- 443 -
B - Essai de classification des lois de moratoire
.
122
SECTION II : LA LEGISLATION SUR LE SURENDETTEMENT DES
MENAGES
.
124
§1 - Le domaine d'application des nouvelles procedures
.
127
A - Les catégories de débi teurs bénéficiaires de la loi
.
127
B - Les conditions à remplir par le bénéficiaire
..
131
1 - L'état de surendettement..
..
131
a) L'inventaire du passif et de l'actif
..
132
b) L'impossibilité manifeste de faire face aux
dettes
.
135
2 - La bonne foi du débiteur
.
136
§2 - Les procedures de traitement du surendettement des
particuliers
.
139
A - Le règlement amiable
.
139
1 - L'ouverture de la procédure
.
140
2 - Le déroulement de la procédure
.
141
a) La suspension des voies d'exécution
.
142
b) Le plan conventionnel de règlement..
.
143
B - Le redressement.judiciaire civiL
..
143
1 - L'ouverture de la procédure de redressement
. d' ..
"1
JU ICIaire CIVI
..
144
2 - Le plan de redressement judiciaire
..
146
a) La suspension provisoire des procédures
d 'exécu tion
.
146
b) Les mesures de redressement..
.
147

- 444 -
TITRE III: LA SUSPENSION, ALTERNATIVE A LA RESOLUTION DU
CONTRAT
.
150
CHAPITRE 1 : LE REFUS UNILATERAL D'EXECUTER: L'EXCEPTION
D·INEXECUTION
.
154
SECTION 1 : L'EXCEPTION D'INEXECUTION DANS LE DROIT
POSmF FRANCAIS
..
156
§1 - L'admission du principe de l'exception d'inexécution en droit
français
.
156
A - Les applications particulières de la règle
.
157
B - La généralisation du principe
..
158
§2 - Un fondement controversé
.
161
A - L'explication du principe par la théorie de la cause
..
161
B - La recherche d'autres explications
.
164
1 - Le recours à l'équité
.
164
2 - Le recours à la notion d'équivalence
..
165
§3 - Exception d'inexécution et droit de rétention
.
167
A - Exception d'inexécution et droit rétention se distinguent
par leurs fondements
.
168
1 - Pour une notion étroite du droit de rétention
..
168
2 - La conception extensive du droit de rétention
..
170
3
A
" .
't'
-
ppreclatlon crl lque
.
172
B - Exception d'inexécution et cHoit de rétention se
confondent par leur mécanisme
.
175
SECTION II : LE FONCTIONNEMENT DE L'EXCEPTION
D'INEXECUTION
.
176
§1 - Les restrictions du recours à l'exception d·inexécution
.
176
A - Les obligations susceptibles d'être suspendues
..
177
1 - La corrélation des obligations
.
177

- 445 -
2 - La simultanéité dans l'exécution
.
181
B - L'inexécution de son obligation par le cocontractant.
..
183
§2 - La souplesse du mécanisme de déclenchement de
l ,
.
d"
é
.
exception
lnex cutlon
.
186
A - L'inutilité d'un recours judiciaire
..
186
B - La non-exigence d'une mise en demeure
..
187
CHAPITRE II : LA PROTECTION DU CONTRAT MENACE
D'INEXECUTION
..
190
SECTION l : LA SUSPENSION DU CONTRAT MEN ACE
D'INEXECUTION FORTUITE
.
191
§1 - La notion de force majeure temporaire
..
193
A - L'exécution doit être devenue impossible
..
193
B - L'impossibilité d'exécuter doit être temporaire
..
195
§2 - La nature juridique de la suspension pour inexécution
fortuite
.
197
A - Le rejet d'une explication par certaines institutions
voisines
.
197
1 - Suspension pour force majeure temporaire et délai
de grâce
.
197
2 - Suspension pour force majeure temporaire et
.
d"
,
.
excephon
mexecutIon
.
199
3 - Suspension pour force majeure temporaire et
,
l '
. d' ..
reso utlon JU lclalre
.
201
B - Le rattachement de la suspension pour force majeure à la
h '
. d
.
t eorle
es rIsques
.
203
C - La mise en oeuvre de la suspension
.
205
1 - La solution de principe
.
206
2 - Le rôle du juge

.
207

- 446 -
SECTION II : LA SUSPENSION DU CONTRAT MENACE
D'INEXECUTION FAUTIVE
.
210
§1 - La "
.
suspenslon-faveur "
.
211
A - Le pouvoir discrétionnaire du juge
.
211
B - La durée du délai
..
213
§2
L
"
.
t ' "
-
a
suspensIon-sa ne Ion
..
216
DEUXIEME PARTIE = LE REGIME JURIDIQUE DE L'OBLIGATION
SUSPENDUE
.
220
TITRE l = LA PERIODE DE SUSPENSION
..
223
CHAPITRE l : LA PARALYSIE DES RAPPORTS JURIDIQUES
..
227
SECTION l : LA SUSPENSION TRADUIT L'IMPERFECTION
DE L'OBLIGATION
.
228
§1 - Le sort des obligations prévues par un acte conditionnel
.
229
A - L'analyse théorique
..
229
B - Les conséquences pratiques
..
232
1 - Le créancier d'une obligation conditionnelle ne
peut en exiger le paiement.
..
232
2 - Le cas particulier des contrats translatifs de
propriété
.
236
a) Les solutions de principe
..
236
b) La clause de reserve de propriété
..
239
§2 - Le sort des obligations engendrées par un engagement à
terme
.
241
A - L'inexigibilité de l'obligation à terme
..
242
1 - Exposé du principe
..
242
2 - L'exigibilité,une notion controversée
..
243
a) L'équation: exigibilité = l'échéance
..
244

- 447 -
b) Une nouvelle approche de la notion
d ·
. 'b'l'
eXlgl
1 Ité
..
245
c) Appréciation critique
.
247
B - Les conséquences pratiques de l'inexigibilité de la créance
248
1 - L'impossibilité de forcer le débiteur à l'exécution .....
248
2 - L'imprescriptibilité des actions en exécution de la
créance à terme
.
251
SECTION II: LA SUSPENSION EST UN OBSTACLE A L'EXECUTION
252
§1 - La modification des délais d'exécution
.
252
A - La suspension née de l'octroi d'un délai de grâce
.
253
1 - L'incidence tradi tionnelle du délai de grâce
..
253
2 - Le renforcement du pouvoir modérateur du juge .....
256
B - Les mesures de moratoire
..
260
C - Les mesures de suspension prévues par la loi sur le
surendettemen t
.
262
1 - La suspension des poursuites d·exécution
.
262
2 - Les mesures d'aménagement des dettes
.
266
§2 - Le relâchement des relations contractuelles
.
268
A - Le refus provisoire d'exécuter
.
269
1 - La suspension des obligations des parties
.
269
2 - L'étendue de la suspension
.
272
B - L'arrêt momentané de l'exécution du contrat pour
force majeure temporaire
.
275

- 44X -
CHAPITRE II : LA VIE RELATIVE DU LIEN CONTRACTUEL
PENDANT LA SUSPENSION....................................................
278
SECTION 1: LA NECESSITE DE PROTEGER LE CREANCIER D'UNE
OBLIGATION SUSPENDUE
'"
279
§1 - Le créancier est titulaire d'un droit conditionnel........................
280
A - Le principe de l'existence d'un droit au profit du
créancier conditionnel..............................................................
280
B - Les attributs du droit du créancier conditionneL................
283
1 - La protection du droi t du créancier condi tionnel.......
283
2 - La transmissibilité du droit conditionnel.....................
286
§2 - La créancier a une existence certaine...............................................
288
A - Les garanties de l'existence de la créance...............................
288
B - La possibilité d'une exécution anticipée
293
1 - La validité du paiement volontaire...............................
293
2 - La compensation.................................................................
296
SECTION II : LA NECESSITE DE PRESERVER LES RELATIONS
CONTRACTUELLES
297
§1 - Le refus provisoire d'exécuter
298
A - Le maintien des obligations du débiteur...............................
298
B - La naissance d'obligations nouvelles à la charge de
l'excipiens
301
§2 - L'impossibilité temporaire d'exécuter............................................
303
TITRE II: LA LEVEE DE L'OBSTACLE SUSPENSIF.............................................
306
CHAPITRE 1 : LIEN CONTRACTUEL ET ECHEC DE LA SUSPENSION.....
309
SECTION 1 : LA CADUCITE DE L'ENGAGEMENT SOUS
CONDITION DEFAILLIE
310
§1 - La détermination du moment où la condition est défaillie ......
310

- 449 -
§2 - Les conséquences de la défaillance de la condition suspensive
313
A - La règle générale
313
B - Quelques problèmes pratiques posés par la défaillance
de la condition suspensive........................................................
316
1 - L'exécution avant dissipation de l'incertitude
316
2 - La question des arrhes
317
3 - Le problème des frais
320
4 - Le cas particulier des commissions des agents
immobiliers..........................................................................
321
SECTION II : LA RUPTURE DU LIEN CONTRAC1lJEL....
322
§1 - Refus d'exécuter et rupture du lien contractuel...........................
323
A - Extinction automatique des obligations
323
B - La résolution du contrat à la demande d'une partie...........
325
C - La résiliation du contrat d'assurance......................................
326
§2 - Suspension du contrat pour force majeure et rupture du
lien contractuel.....................................................................................
327
A - L'impossibili té définitive d'exécuter
327
B - Durée de l'obstacle suspensif et durée du contrat...............
329
SECTION III : LA PERTE ANTICIPEE DU BENEFICE DE LA
SUSPENSION
331
§1 - Les causes de déchéance
332
A - La déchéance du terme susJ2.ensif............................................
332
1 - La perte des sûretés.................
333
a) Il faut d'abord qu'il existe une sûreté
334
b) Il faut ensuite qu'il y ait diminution de la
sûreté.............................................................................
335

- 450 -
c) Il faut enfin que la diminution des sûretés soit
imputable au débiteur
336
2 - L'impossibilité de faire face à l'ensemble des dettes..
336
a) L'incidence de la loi du 25 janvier 1985................
337
b) L'incidence de la loi du 31 décembre 1989............
339
B - La déchéance du délai de grâce.................................................
341
C - La déchéance des mesures de moratoire et des mesures
de suspension prises dans le cadre de la loi sur le
surendettement des particuliers
344
1 - La déchéance des mesures de moratoire
344
2 - La déchéance du bénéfice des procéd ures prévues
par la loi sur le surendettement des particuliers
345
§2 - Les conséquences de la déchéance..
347
CHAPITRE II : LIEN CONTRACTUEL ET ABOUTISSEMENT DE LA
SUSPENSION.....
349
SECTION l : LA CONSOLIDATION DU LIEN CONTRACTUEL......
350
§1 - La réalisation de la condi tion suspensive
350
A - Les modalités de la réalisation de la condition....................
351
1 - La production de l'événement convenu
351
2 - La condition défaillie, mais réputée réalisée................
352
B - L'effet rétroactif des obligations après la réalisation de
la condi tion........
355
1 - Les conséquences de l'effet rétroactif..............................
356
2 - Les limites aux conséquences de la rétroactivité .........
358
§2 - L'échéance du terme suspensif.........................................................
361
A - L'échéance normale ou l'arrivée de l'événement
convenu
361
B - L'échéance provoquée ou la renonciation au terme...........
365

- 451 -
SECTION II : LA REVITALISATION DES RELATIONS
CONTRACTUELLES.
367
§1 - La disparition des tempéraments à la force obligatoire
des obligations
367
A - L'extinction du délai de grâce et du moratoire
367
B - L'extinction des mesures de règlement des situations
de surendettemen t.
369
§2 - La reprise des relations contractuelles
371
A - La nécessité de reprendre les rela tions con tractuelles
dès que cesse le refus d'exécuter...............................................
371
B - Lâ restauration des relations contractuelles après la
disparition de l'obstacle de force majeure
373
1 - Le contenu de la convention
374
2 - La mise en oeuvre de la reprise.......................................
376
CONCLUSION
379
BIBLIOGRAPHIE
384
TABLE DES MAllERES...............................................................................................
438