UNlVERSITE CHEIKli ANITA DIOP DE DAKAR
F'ACUtTlE: DES SCIENICES ECONr~)MIQ,UES
ET DE 6ESTI{)N]
DEPA.R.TlEMENT D~ECONOMIE.
THESE DE DOCTORAT D'ETAT
Présentée et soutenue publiquement par:
AMATH NDIAYE
Sous la direction de
Adama DIAW
Maître de conférence agrégé
JURY
Président
: Pro Moustapha KASSE Doyen de la FASEG, .université de Dakar
Suffragants: -Pro Bernard Haudeville , université d'Aix - Marseille
-Pro Roland Lantner, université de Paris 1
-Adama Diaw, Maître de conférence agrégé, université de ST-LOUIS
-Birahim B. Niang, Maître de conférence agrégé, université de Dakar
Janvier 2001

<~ L'Université C.A. DIOP n'entend donner aucune approbation ou improbation aux
dpinions émises dàns les thèses: Ces opinions doivent être considérées comme
étant propres à leur auteur. »

A ma mère
1
A mon père
1
A lv/ame Lika mafemme et à nos enfants.

Tout d'abord,' nous tenons à exprimer notre profonde gratitude aux autorités
de la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de l'Université Cheikh
Anta DIOP de Dakar pour l'ensemble des dispositions qu'elles
ont eu à
prendre pour nous permettre de bien mener ce travail.
A travers la personne du doyen Pr Moustapha KASSE, je remercie l'ensemble
,du personnel de la FASEG pour leurs soutiens matériel et moral.
La disponibilité, la pertinence, la rigueur et le savoir-faire du Pr Adama
DIA w: notre directeur de recherche ont été déterminants dans les différentes
phases de notre travail. Pr Adama DIAW a été plus qu'un directeur de thèse;
qu'il veuille accepter nos sincères remerciements.
En fin, nous ne saurions oublier les nombreux amis et collègues notamment
SalifS. SALL et B. Bouna NIANG pour leurs conseils pertinents et leur soutien
permanent.

lUSTE DES ABREVIATIONS
BCEAO
Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest
BNDS
Banque Nationale du Développement Sénégalais
CEDEAO
Communauté Economique des Etats de l'Afrique de
L'Ouest
CGOT
Compagnie Générale des Oléagineux Tropicaux
CPSP
Caisse de Péréquation et de Stabilisation des prix
css
Compagnie Sucrière Sénégalaise
CVCCEP
Commission de Vérification de Contrôle de Compte
des Etablissements Publics
FMI
Fonds Monétaire International
MEF
Ministère de l'Economie et des Finances
ONCAD
Office Nationale de Coopération et d'Assistance pour
le Développement
PAS
Programme d'Ajustement Structurel
PREF
Programme de Redressement Economique et
Financier
SAED
Société d'Aménagement et d'Exploitation des Terres
du Delta
SENELEC
Société Nationale d'Electricité
SODAGRI
Société de Développement Agricole et Industrielle
SODEFITEX
Société de Développement des Fibres Textiles

SODEVA
Société de Développement et de Vulgarisation
Agricole
SONACOS
Société Nationale de Commercialisation des
Oléagineux de Sénégal
SONAR
Société Nationale d'Approvisionnement Rural
SONEES
Société Nationale d'Exploitation des Eaux du Sénégal
UEMOA
Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

LJ5TE DES TABLEAUX
Tableau 1 :Décomposition de l'Ajustement Intérieur
65
Tableau 2 : Taux de èhange effectif réels du CFA au Sénégal par
rapport à la monnaie de certains concurrents
,
74
Tableau 3 : Taux de Croissance moyen annuel.
81
Tableau 4 : Sources de la croissance en Afrique
81
Tableau 5 : Evolution de la production agricole
82
Tableau 6 : Décomposition des tendances de
productivité par secteur
99
Tableau 7 : Taux de croissance moyen annuel De la PGF
et des exportations 1970-90
100
Tableau 8 : Structure des recettes fiscales en 1999
114
Tableau 9 : Evaluation du secteur parapublic, 1962-82
119
Tableau 10 : Secteur parapublic, revenus net global
et subvention du gouvernement 1981-82
119
Tableau 11 : Evolution de la production arachidière
127
Tableau 12 : Les Exportations de produits
arachidiers 1972-90
'"
129
Tableau 13 : Evolution de la production d'huile
132
Tableau 14 : Evolution des performances de la SONACOS
133
Tableau 15 : Recettes d'Exportation Arachidière (REA)
et Balance Commerciale (BC)
136

Tableau 16 : Structure des exportations
136
Tableau 17 : Moyenne des taux de croissance annuels de
de la Productivité Globale des Facteurs (PGF) et
des exportations (EXP) de 1970-90
138
Tableau 18 : Structure de consommation
de la CEE de tourteau
139
Tableau 19 : Evolution de la répartition du marché
de l'huile en France
140
Tableau 20 : Evolution du revenu réel du monde rural.
146
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46#ifd
9 "BU

SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1: CADRE THEORIQUE:
La Nouvelle Economie
Institutionnelle et la Théorie de la Croissance Endogène
11
CHAPITRE Il: COMPTABILITE DE LA CROISSANCE DE
L'ECONOMIE SENEGALAiSE
60
CHAPITRE III : CRISES DU SECTEUR PUBLIC ET DE LA
SPECIALISATION ARACHIDIERE
11 0
CHAPITRE IV : LES DETERMINANTS DE LA CROISSANCE DE
L'ECONOMIE SENEGALAISE: APPROCHE ENDOGE:~Œ
151
Annexes chapitre 4
188
CONCLUSION GENERALE.
193
BIBLIOGRAPHIE
201

RESUME
Cette étude s'inscrit dans la recherche des facteurs de faible croissance de
l'économie sénégalaise. Elle place la problématique institutionnelle au centre
de la démarche pour analyser une kyrielle de facteurs
qui ont été
déterminants dans la dynamique de croissance de l'économie sénégalaise
depuis 1960.
La Nouvelle Economie Institutionnelle et la Théorie de la Croissance
Endogène vont, pour se faire, nous servir de cadre théorique.
En considérant le dispositif institutionnel comme transversal à l'ensemble de
l'économie, nous montrons que ses dysfonctionnements et son irrationalité
ont été à l'origine des déséquilibres et crises de l'économie sénégalaise.
Après une comptabilité de la croissance qui passe en revue les perfom1ances
des différents secteurs de l'économie, nous sommes passés à l'étude du
secteur public et du secteur agro-industriel,
arachidier, deux secteurs
fondamentaux de l'économie sénégalaise, pour mieux mettre en relief
l'inefficacité du dispositif institutionnel.
L'étude se termine en montrant, qu'à côté des facteurs institutiOlmels, il
existe d'autres facteurs tels que la pluviométrie, les exportations qui ont été
déterminantes dans la croissance de l'économie. Elle montre aUSSi que
l'institution de la démocratie n'a pas été socialement productive.
MOTS-CLES
Croissance, Crise, Institution, Productivité, Agriculture arachidière
FM'
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itI
il
il
. ;;e;;;::s;s,dMCZLz::

En accédant à l'indépendance en 1960, le Sénégal, en tant que capitale de
l'ex-Afrique Occidentale Française, avait hérité d'infrastructures matérielles
et de ressources humaines relativement développées dans le contexte
.africain de l'époque. Son PiB était alors supérieur à celui de la Côte d'Ivoire
ou du Cameroun. Mais le Sénégal n'a pas su garder cette avance; son
économie sera la moins performante de tous les Etats africains épargnés par
la guerre et les conflits civils, avec un taux de croissance moyen annuel de
2,3%
entre 1960 et 1979 et 2,9% entre 1980 et 1992. C'est dire que
jusqu'en 1994, la croissance du PIB est restée faible, en moyenne 2,56%
l'an contre 3% de croît démographique. Dans ces conditions, il n'est pas
étonnant que l'histoire économique récente de ce pays soit jalonnée de
graves déséquilibres macro économiques et de crises , sans oublier le
nouveau fléau de la pauvreté.
Plusieurs
hypothèses
ont
été
avancées
pour
expliquer
les
contre
performances de l'économie sénégalaise, mais dans la présente étude nous
allons renouer avec la problématique institutionnelle pour montrer en fait
qu'à
l'origine
des
problèmes
économiques,
il
y
a
de
graves
dysfonctionnements et déficiences institutionnels.
1. Problématique et Justification de l'étude
Un des objectifs majeurs de cette étude est de s'interroger sur la nature et la
qualité des
institutions sénégalaises,
sur les rapports
que celles ci
entretiennent avec l'économie. Aujourd 'hui la problématique institutionnelle
rénovée est au cœur de la croissance, car les revenus générés dans un
environnement économique donné dépendent des institutions qui régissent
"·'·nlliiillllll&

cet environnement, c'est à dire de l'hospitalité ou de l'hostilité de cet
environnement vis à vis du secteur privé. Selon la Nouvelle Economie
Institutionnelle, à l'instar de D.North (1987), les institutions doivent non
seulement
garantir
les
droits
de
propriété,
maiS
aussi
créer
un
environnement favorable à la productivité, à la compétitivité et au
développement du secteur privé. Il doit y avoir de la complé.mentarité entre
le marché et les institutions et non de l'adversité. La matrice institutionnelle
entendue comme l'ensemble des règles formelles et informelles régissant les
activités économiques doit donc non seulement
sécuriser les transactions
mais aussi de créer un environnement de performance économique, de
productivité et de compétitivité du secteur privé.
C'est l'enseignement
qu'on peut tirer des thèses de D. North (1987, 1995), Langlois (1986),
Simon (1957). Comme le dit si bien Shaffer (1995), «le paradigme de
l'analyse institutionnelle est que les institutions et les comportements qui en
résultent
influencent
fortement
la
performance
économique ».Les
institutions agissent sur les coûts de l'information ou de l'incertitude,
protègent
contre
les
nsques
et
l'instabilité,
conditionnent
donc
l'investissement et la croissance. Compte tenu du rôle que l'Etat joue dans
la matrice institutionnelle en édictant les règles formelles, nous avons choisi
de nous focaliser sur
certains types d'institutions publiques pour asseoir
une analyse de l'économie sénégalaise. Au demeurant, ce choix n'est pas
fortuit car il est fondé sur l'important engagement de l'Etat dans
l'économie.
Nous montrerons qu'au delà de tous les facteurs qui affectent le rythme de
croissance
de
l'économie
sénégalaise,
l'inefficacité
du
dispositt!
institutionJ1el a été une des causes principales des mauvaises pefjormances
macro-économiques du Sénégal. Voilà l 'hypothèse centrale de la présente
étude.
2

Le Sénégal compte aujourd'hui près de 9 millions d'habitants dont près de
70% tirent leurs revenus du monde rural. L'arachide est restée pendant
longtemps le moteur de l'économie; mais avec la crise que connaît ce
secteur depuis
quelques années,
la pêche,
les phosphates et dérivés
chimiques, le tourisme sont devenus les pôles les plus dynamiques de
l' économ ie.
A partir de la fin des années 1970, le Sénégal va s'installer dans une longue
récession économique, qui à bien des égards s'apparente à une crise de son
modèle de développement. Ainsi la période de 1979 à 1994 fut celle de la
remise en cause du modèle, marquée par des politiques de redressement
économique, de restructuration, de stabilisation et d'aj ustement structurel,
sur fond de tensions sociales, mais aussi d'inertie institutionnelle.
La longue durée des politiques de redressement économique, souvent
~joumées pour des raisons socio-politiques (BERG 1990) montre que le
Sénégal avait du mal à réformer ses institutions ou à en créer de nouvelles.
En effet une crise (économique) sociale est par définition une période de
transition vers de nouvelles institutions. Il ne saurait donc y avoir une issue
salutaire à la crise économique sans que des institutions appropriées ne
soient mises en place. Plus le temps de gestation ou d'incubation des
nouvelles institutions est longue, plus la maturation ou le déroulement de la
crise dure; et ce sans résultats économiques satisfàisants. La période J979-
1994 , avec les médiocres résultats macro économiques, illustre bien cette
situation de transition sans fin qu'a connue le Sénégal.
A partir de 1994, avec la dévaluation du franc CFA de 500;ô par rapport au
Franc, mais surtout avec l'approfondissement des réfom1es institutionnelles"

il Ya une nette amélioration: 50/0 de croissance en moyenne, fin des déficits
budgétaire et extérieur insoutenables. Mais les résultats sont encore faibles
face aux innombrables défis à relever.
Cette étude s'inscrit dans la recherche des causes des médiocres résultats de
la croissance en Afrique au Sud du Sahara. L'émergence de nouveaux pays
industriels en Asie du Sud-Est et la faillite des économies africaines au Sud
du Sahara peuvent être expliquées par des différences institutionnelles ou de
choix de politique économique. En Asie, peut on dire les institutions ont été
favorables au développement du secteur privé et à la croissance,alors qu'en
Afrique elles ont été inefficaces créant un environnement plus ou moins
hostile au secteur privé.
La problématique institutionnelle est au cœur de la crOissance, car les
revenus générés dans un environnement économique donné dépendent des
institutions qui régissent cet environnement, c'est à dire de l'hospitalité ou
de l'hostilité de cet environnement vis à vis du secteur privé. Un
environnement favorable doit garantir les droits de
propriété et la
productivité du capital. Ces deux conditions dépendent de l'Etat qui doit
non seulement sécuriser les capitaux mais aussi créer des infrastructures,
des biens et services publics capables d'accroître la productivité du secteur
privé. Il doit aussi maintenir une stabilité tant politique gue macro-
économique ~ ainsi, la problématique des droits de propriété, au sens large,
comme nous le verrons, devient celle des droits économiques.
Puisque la croissance ne peut être dissociée de l'accumulation du capital et
que ce dernier est devenu très mobile dans l'espace-monde et le temps, les
gouvernements capables de créer un environnement d'hospitalité seront à
4
t'lllillllAb
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;
L
f Midi'
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même de réaliser des taux de crOlssance plus élevés. Selon, P. Collier
(1996), le fait qu'il existe d'importantes fuites de capitaux d'Afrique et peu
de flux de capitaux à destination de ce même continent montre que
l'environnement africain reste encore hostile.
Dans la pensée classique et néoclassique, le système économique fonctionne
de lui-même, la main invisible de Adan1 Smith assure la régulation
automatique, les agents économiques réagissent aux signaux donnés par le
système des prix en modifiant leurs offres et leurs demandes sur le marché
des biens comme sur celui des facteurs de production. Mais la réalité est
tout autre, car à côté du marché, il existe des organisations privées et
publiques, des institutions, qui jouent un rôle fondamental de coordination
de l'activité économique.
La firme est la première forme d'organisation apparue pour se substituer au
marché, pour assurer la coordination au sein de l'entreprise. Elle est
nécessaire pour minimiser les coûts de l'information, les coûts d'incertitude,
en somme les coûts de transaction. Ces derniers n'ont jamais été pris en
compte dans l'approche traditionnelle alors qu'ils sont d'une importance
l
capitale .
Si au plan micro-économique, l'organisation de la firme permet de
coordonner les activités économiques au sein de l'entreprise, au plan macro-
économique ce sont les institutions - à caractère économique ou spécialisées
- qui vont se charger de coordonner les activités économiques.
1 Le point départ de la réflexion contemporaine sur les coûts de transaction part d'un article de Coase, la
nalllre de Infirme, parue en ]937. Trad. dans Revue française d'économie, hiver J987.
5
*W
:W:W::W:Us
_k L __ . K.f..i

La pnse en compte du facteur institutionnel est anCienne en économie
politique. Dans la doctrine mercantiliste, l'intervention du souverain avait
pour objectif de faire entrer le maximum d'or dans l'empire. Chez les
physiocrates, il fallait favoriser les agriculteurs parce que c'était la seule
classe qu'ils considéraient
productive. Avec K.Marx, les institutions
existent pour assurer la domination économique, politique et sociale de la
classe dominante. C'est une problématique plus politique qu'économique.
Avec Keynes, c'est la critique du laisser faire et l'on assiste à la légitimation
économique de l'intervention de l'Etat pour cOHiger les insuffisances du
marché.
Tandis que l'analyse
marxiste débouche sur l'abolition du
capitalisme, celles de Keynes ou de Galbraith prônent des
réformes
institutionnelles et l' Eat Providence. La Nouvelle Economie Institutionnelle
est un approfondissement
de l'analyse qui va au delà de la question de la propriété pour montrer en
quoi les institutions peuvent influer sur la productivité et la compétitivité du
secteur privé.
En suivant l'approche de la
nouvelle économie institutionnelle, les
institutions publiques sur lesquelles notre va porter revêtent les formes
suivantes:
- elles sont d'abord des stnlctures organisées de gestion de l'intérêt général
- elles sont aussi l'ensemble des lois, règles et pratiques du pouvoir
politique. En effet, la coordination de l'activité économique n'est pas
simplement un problème de coordination par les prix, mais elle est supportée
par un ensemble d'institutions économiques et sociales. Langlois ( 1986 ).
Comme il s'agit de voir le rapport entre l'institutionnel et l'économique,
nous définirons l'institution publique de la manière suivante: l'ensemble des
6
":'.1111.. t

structures, lois, règles et pratiques de l'état qui ont pour objectif la
production ou la réalisation de biens et services marchands ou non.
Certaines institutions publiques telles que les ministères de l'économie, du
plan, de l'agriculture, de l'industrie- pour ne citer que ceux là - et leurs
démembrements n'ont pas véritablement pour objectif la production mais la
mise en place des conditions de réalisation de la production. Ce sont donc
des institutions indispensables de par les politiques économiques~.qu'elles
appliquent, de par leur capacité à modifier l'environnement des entreprises.
C'est ainsi qu'il existe des institutions qUl ne sont pas d'essence
économique maiS dont les décisions ont des incidences économiques.
L'analyse institutionnelle que nous développerons dans cette étude repose
sur
cette défmition de l'institution publique. Concrètement l'objectif de
cette étude sera de rendre compte du rôle des entreprises publiques, des
agences de développement rural et des politiques économiques dans la
croissance de l'économie sénégalaise.
Ainsi, la gouvernance, nous la comprenons
comme la manière dont le
pouvoir est exercé à travers l'utilisation des ressources et des institutions en
vue du développement économique et social. Au Sénégal, à l'instar de
nombreux pays en voie de développement, la gouvernance s'est appuyée sur
un large secteur public comprenant le gouvernement central, les collectivités
locales et les entreprises publiques.
Ces dernières au Sénégal sont
composées:
-
des établissements publics à caractère industriel et commercial
-
des sociétés nationales
-
des sociétés d'économie mixte
-
des sociétés à caractère administratif et professionnel chargées de
l'encadrement et de la promotion du secteur privé
7

L'analyse de ces institutions est indispensable à l'évaluation de la qualité de
la gouvernance au Sénégal.L'on doit tenir en compte de ces entreprises
publiques, eu égard à leur poids dans l'économie; en tennes de COltt et de
qualité du service public des facteurs (eau, énergie, télécommunication), de
poids dans le déficit des finances publiques, d'effets d'éviction du secteur
privé, etc.
2. Objectifs de l'étude
Certes, 11 n'y a pas que des aspects institutionnels qUI vont retenir notre
attention dans
cette étude.
Les
conditions
climatiques n'ont pas été
favorables au décollage de l'agriculture en particulier et de l'économie en
général, l'évolution des termes de l'échange non plus, de même que tant
d'autres facteurs environnementaux.
Plusieurs facteurs ont été avancés pour expliquer les problèmes économiques
du Sénégal (aléas climatiques, tennes de l'échange), alors que l'inefficacité
du dispositif institutionnel a été une des principales causes des mauvaises
performances de l'économie sénégalaise. C'est l'hypothèse centrale de la
présente étude, qui se donne pour cadre la théorie de la croissance endogène
et la nouvelle économie institutionnelle. Au plan de la méthodologie
générale, nous aurons besoin d'une approche à la fois quantitative et
qualitative.
Cette hypothèse ne peut être discutée de manière pertinente que si l'on tient
compte des autres déterminants de la croissance; c'est pour cette raison que
l'étude d'un modèle de croissance endogène nous est indispensable et
constitue à cet égard un objectif de l'étude. C'est dans le cadre d'un tel
modèle que des objectifs plus spécifiques liés aux institutions pourront être
pris en compte: il s'agit de
l'analyse de la démocratie et de la stabilité
politique.
8
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3.0rganisation de l'étude
Compte tenu de nos objectifs, cette étude sera divisée en en quatre chapitres.
Le premier va fixer le cadre conceptuel en faisant la revue de la littérature
sur la théorie de la croissance endogène et le renouveau de l'économie
institutionnelle. Ce premier chapitre permettra tout d'abord de comprendre
la
fommlation
théorique
du rapport entre
institutions
d'une part ,
productivité et compétitivité d'autre part. Ensuite, il pemlettra de voir
comment ces apports de la Nouvelle Economie Institutionnelle ont été
« digérés» dans les modèles de croissance endogènes.
Le second chapitre dressera la comptabilité de la croissance de l'économie
sénégalaise pour en faire ressortir les traits caractéristiques, les sources de la
croissance, de même que les problèmes tant au niveau global que sectoriel y
seront identifiés.
Le troisième
chapitre,
intitulé
«CrIses
du
secteur public et de
la
spécialisation arachidière », mettra en relief le dispositif institutionnel et ses
dysfonctionnements. Plus que de dysfonctionnement, il s'agira en fait de
montrer qu'il y a crise d'un modèle reposant sur le secteur public et le
secteur arachidier. Au delà de la crise de la spécialisation arachidière que
nous analyserons, il sera mis en évidence
ce que nous appellerons
l' irrational ité institutionnelle. C'est lorsque un dispositif institutionnel
disposant de toutes les infomlations est incapable de faire des choix et
anticipations rationnels.
Enfin le dernier chapitre sera consacre à l'analyse quantitative des
déterminants de la croissance, qu'ils soient des facteurs institutionnels ou
non, par l'estimation d'un modèle de croissance endogène. C'esl une
9

manière de montrer que les problèmes institutionnels soulevés dans les
chapitres précédents et notre hypothèse peuvent être vérifiés et quantifiés
par méthode économétrique de la co-intégration.
A la suite de tout cela, nous tirerons nos conclusions et recommandations.
10

Chapitre 6 :
CADRE THEOR.IQUE :
La N10uveIBe Economie UnstitutaonneOle
et la Théorie de la Croissance Endogène
La croissance économique est un processus complexe que l'on ne peut plus
se contenter d'expliquer uniquement par des modèles simples reposant sur la
dynamique du capital physique et du travail.
L'évolution du Tiers Monde et la diversité des performances économiques
qu'on y trouve mettent en mal la théorie néoclassique de la croissance.
Pourquoi l'Afrique sub-saharienne en général a-t-elle connu de mauvaises
performances et une pauvreté grandissante, pendant que le Sud-est asiatique
faisait des miracles? Pourquoi un pays COlnme le Sénégal en particulier a
connu une croissance aussi faible depuis 1960 ?
Selon la thèse de la convergence, l'Afrique aurait du conn<;lÎtre des taux de
croissance plus élevés que l'Asie du Sud-est, puisqu'ayant en 1960 un
stock de capital par tête plus faible, mais tel n'a pas été le cas. Alors, il y a
là une raison d'être insatisfait du modèle néoclassique et de rechercher
d'autres facteurs
qui ne sont pas pris
en compte
dans
l'approche
néoclassique.
La faible performance des économies africaines est souvent associée a
l'instabilité politique et à des politiques économiques inefficaces: faibles
taux de scolarisation, mauvaises infrastructures, taux de change surévalués
et instables, déficits budgétaires élevés, etc. Ce qui a amené la réflexion à
intégrer les facteurs institutionnels.
La nature et la qualité des institutions sont mesurées de plusieurs façons
pour être intégrées dans les modèles de croissance endogène. L'instabilité
Il
'%
Wi§t'$."lliiIiilüliliilœt&Me"41!

politique est un facteur de contre perfoffi1ance ; elle se mesure par les coups
d'état, les assassinats, les guerres civiles, les grèves, entre autres. Le capital
social ou la capacité organisationnelle de la société civile, le régime politique
(démocratique ou dictatorial), et d'autres caractéristiques sociales (religion,
ethnie, ) sont autant de facteurs qui sont avancés pour expliquer la croissance
économique. Sans oublier que les politiques économiques sont considérées
comme l'expression des
rapports entre
l'économie et
les
institutions
publiques.
C'est dans ce sens que, le cadre théorique de D. North (1990) est utile, dans
la mesure où il permet de comprendre les différents mécanismes par lesquels
les institutions fOffi1elles ou infonnelles peuvent intluencer la croissance. Les
institutions au sens de North, comme nous le verrons, affectent aussi bien les
coûts de transaction que les coûts de transfom1ation, donc en quelque sorte
conditionnent la croissance. Ce qui donne un caractère multidimensionnel à
la croissance.
Le présent chapitre tentera, dans une première section, de restituer le cadre
théorique de la nouvelle économie institutionnelle, en mettant en relief les
apports fondmnentaux de R.Coase et D.North.D . La deuxième section fera
une revue
la problématique institutionnelle dans les pays en voie de
développement.
Enfin,
La troisième montrera comment les
questions
institutionnelles sont prises en compte dans la théorie et les modèles de
croissance endogène.
12

Section 1
La Nouvelle Economie Institutionnelle
Depuis quelques années se développe une nouvelle approche, toujours basée
sur le postulat de la rationalité et de l'intérêt individuel, mais allant au delà
des limites de la théorie néo-classique. C'est ce renouveau qui est baptisé
dans la littérature économique comme la Nouvelle Economie Institutionnelle
( NEI ) ou NouveI1e Economie Politique ( NPE ). L'essor de la NEI a été
confirmé par le prix Nobel d'économie décerné d'abord à Ronald Coase en
1991 puis à Douglas C.North en 1993.
Dans le contexte actuel de la faillite économique de l'Etat dans les pays en voie
de développement et des difficultés rencontrées dans la mise en place des
politiques d'ajustement économique,
la NEI offre un
cadre alternatif
d'analyse des problèmes de la croissance économique.
De nouveaux
concepts font leur incursion dans le champ théorique, qui pemlettent dès lors
de mieux comprendre les comportements micro-économiques et de formuler
des politiques macro- économiques plus appropriées. 11 s'agit des coûts de
transaction, de l'information imparfaite, de l'incertitude et du risque.
1.1 Genèse de la Nouvelle Economie Institutionnelle
Le précurseur de la NEl, R.COASE (1937) critiqua d'abord la théorie de
l'équilibre économique pour n'avoir pas pris en compte le caractère multi-
dimensionnel des firmes qui forment le système économique. Les individus et
les firmes ne sont pas identiques. Le contexte historique de Walras pernlet
certes de comprendre l'hypothèse d'identité des agents, mais ne saurait
légitimer celle de J'instantanéité des transactions ou des transactions sans
conl. R.COASE revisita l'analyse de la firnle , en accordant une importance
particulière à
la dimension de celle ci et surtout à la complexité de son
organisation. Il insista notamment sur l'importance de certaines transactions:
13

- Ça coûte de vouloir connaître les prix ou d'entrer dans leurs univers, pour
obtenir le meilleur prix. L'information a un coût.
- Il en coûte de négocier et de conclure un contrat mais aussi de le suivre,
de le faire respecter ou appliquer.
Ainsi l'objectif de la fmne n'est pas non seulement de minimiser les coûts
de production mais aussi les coûts de transaction.
Après avoir critiqué le système économique de Walras, R. Coase (1960)
s'attaqua à l'équilibre optimal de Pareto. Si les coûts de transaction sont
nuls, l'allocation
optimale des ressources est possible au sens de Pareto,
mais en réalité, dit t-il, le caractère imparfait de l'infonnation et les coûts de
transaction différencient les flfffies et les secteurs d'activités de sorte que
l'allocation n'est jamais optimale au sens « parétien » du terme.
Comme l'a souligné North (1995): C'est R.Coase qui fit la conneXlOn
essentielle entre l'économie institutionnelle et la théorie des coûts par le
biais des coûts de transaction. Cette connexion sera en qllelque sorte une
brèche ouverte à la NE!. Car pour ce courant les institutions existent pour
réglementer et sécuriser les transactions en atténuant l'incertitude et les
risques liés au caractère imparfait de l'infonnation.
Ce faisant la NEI est différente de l'Ancienne Economie Institutionnelle
(AEI) dont Th.Veblen (1898) fut le précurseur .En effet l'AEI est une
critique fondamentale de la société bourgeoise avec des contributions
diverses allant de Marx à Galbraith. Il y a une nette différence entre ces
deux auteurs, le premier remet en cause fondamentalement la société
bourgeoise tandis que le dernier propose des réfonnes, mais ils ont en
commun de mener l'analyse des contradictions du capitalisme à travers les
14

institutions. On peut dire que la NEI s'intéresse aussi comme Galbraith aux
carences institutionnelles qui empêchent l'économie de marché
de
fonctionner normalement.
Mais l'AEI comme la NIE considèrent que la théorie économique néo-
classique
avait jusque

une
vision
trop
étroite
de
l'économie
«< économisme ») et qu'elle n'intégrait pas suffisamment la dimension
sociale. Ecrivant en 1898, Veblen (1898, 1919) déplora que le caractère
taxinomique de l'économie politique de Adam Smith et de ses adeptes. Il
reprocha à la théorie néo-classique, sa conception hédonistique de la nature
humaine.
La NIE part de l'hypothèse que l'information est rarement parfaite et reste
souvent asymétrique, que les individus ont des idéologies et des mentalités
différentes pour comprendre et interpréter le monde qui les entoure. North
insiste sur cette hypothèse en montrant que les choix individuels procèdent
de modèles mentaux culturellement et historiquement déterminés. Ces
structures mentales ne sont pas faciles à changer et peuvent différer d'un
individu
à l'autre,
d'un
groupe
à
l'autre.
Ainsi
J'infonnation
est
différemment perçue, traitée et interprétée. Chaque individu a amSI sa
propre perception de l'équilibre, de sorte que plusieurs points d'équilibre
général peuvent exister.
Il critique alors l'hypothèse de la rationalité qui sous tend la construction du
modèle d'équilibre général. C'est une rationalité. "instrumentale " dit il, de
Walras à Arrow-Debreu.
En effet, pense t-il, «
Une information non parfaite et une capacité
intellectuelle restreinte quant au traitement de l'information engendrent des
15

coûts de transaction lesquels sont à la base de formation d'institutions.»
(North 1995). Autrement dit dans le champ des transactions, les individus
ne peuvent maîtriser toutes les données cybernétiques présentes et futures
concernant leurs partenaires, leurs concurrents, la nature, la qualité et les
prix des biens; ils ont un besoin commun d'institutions qui fixent les règles
du jeu économique, qui sauvegardent à la fois les intérêts individuels et
collectifs..
Les
institutions
sont
précisément
fornlées
pour
réduire
l'incertitude, protéger les droits de la propriété; protection
essentielle à
l'efficience du marché.
Selon North, en modifiant le postulat de la rationalité, la NEI a introduit les
contraintes ins,titutionnelles dans l'analyse néo-classique. Non seulement, les
individus ne sont pas identiquement et parfaitement rationnels comme le
suppose la théorie néo-classique, mais même en admettant qu'ils le soient,
le système (le laissez faire)
à lui tout seul ne saurait converger vers
l'équilibre sans l'action des institutions. La complexité et les changements
de
comportement
chez
l'homme
au
gré
des
circonstances,
les
comportements opportunistes (Williamson 1985), les risques et les aléas
divers, tout cela rend nécessaire des institutions qui au moins protègent les
droits économiques (usus, fructus, abusus ).
Al' échelle de l'individu, les coûts de transaction sont inhérents
à leurs
activités mais pour que la protection de leurs droits économiques soit
effective, des institutions sociales sont indispensables, parce qu'eUes sont
les seules dépositaires
de la puissance publique,
du pouvoir.
Cette
attribution est essentielle, car ce qui permet aux institutions d'être au dessus
de tous et au service de l'intérêt général.
16

.1
C'est en considération de tout ce qui précède que la définition suivante est
proposée par D. North:
«Les institutions sont les règles du jeu d'une
société, ou, de façon plus formelle, ce sont les contraintes inventées par les
hommes pour structurer leurs rapports. Elles sont composées de règles
formelles (lois et règlements), de contraintes informelles (conventions,
normes de comportement, codes de conduite individuels), et se caractérisent
par leur applicabilité.»
(North 1995).C'est une définition au sens large,
dont il s'agit ici de comprendre les implications économiques. Comme nous
le verrons plus loin, il est possible d'étudier le lien entre la qualité des
institutions et les performances économiques.
Le processus politique (institution formelle) devient alors un facteur critique
dans la performance économique, il pourrait expliquer le degré d'efficience
du marché. Evoquant le Tiers Monde, North pense qu'il faudrait un
«ajustement institutionnel»
qui impliquerait une totale transformation
sociale et une forte réduction des coûts de transaction d'autant plus que
nous sommes à l'heure de la mondialisation.
A l'instar de ce qui précède, un nouveau cadre d'analyse économique est né,
avec de nouvelles méthodologies intégrant des paramètres institutionnels
dans les modèles de croissance.
1.2 Coûts de Transaction et Institutions
Nous avons déjà vu, que
le concept de coût de transaction était
paradigmatique dans la NEI, malS remontons
à R. Coase
pour VOlf
comment il en a posé les jalons.
R. Coase, considère deux types de coûts de transaction : les coûts de
transaction externes et les coûts de transaction internes. Les premiers
permettent de coordonner les activités de production au niveau du marché,
17

tandis qu'à l'intérieur de le firme la fonction que joue
les coûts de
transaction externes est éliminée et remplacée par celies de l'entrepreneur ou
l'organisation de la finne. Ainsi les coûts de transaction internes peuvent être
assimilés aux coûts d'organisation de la finne.
Et dans "la Nature de la finne ", R. Coase (1937) soutient que l'entreprise a
intérêt à substituer ses coûts de transaction externes par une organisation
interne afin de maximiser son profit. Du reste la fonction de coordination de
l'entrepreneur et l'organisation interne sont irremplaçables.
Le mécanisme des prix, est censé coordonner le fonctionnement global de
l'économie tel que c'est conçu dans le modèle néo-classique, mais ne saurait
assurer la fonction interne d'organisation.
L'entrepreneur , en intemalisant les coûts de transaction cherche à faire
mieux que le marché; le cas échéant il peut toujours retourner au marché. La
firme pour tirer le maximum d'avantages de la réglementation économique en
vigueur doit d'abord compter sur une bonne organisation interne.
A la lumière des développements de R. Coase , North va donner la définition
des coûts de production ainsi qu'il suit:
Coûts de production = Coüts de transformation + Coûts de transaction
Les coûts de transfornlation concernent les ressources physiques ( capital,
terre, travail) utilisés comme inputs. Les coûts de transaction concernent les
dépenses nécessaires à la définition, au contrôle et à la protection des droits
de propriété sur les biens.
Une des raisons fondamentales évoquées pour expliquer l'existence de la
firme est' incertitude.
18

La firme émerge pour faire face aux aléas, aux risques en somme à
l'incertitude. S'inspirant des travaux de Knight (1933), dans " Risque,
Incertitude et Profit", R. Coase va montrer que, d'une part, l'incertitude
propre à la nature et à l'existence humaine et· d'autre part, les mécanismes
du marché qui ne peuvent
régler toutes les transactions d'autre part,
obligent les firmes à prendre en charge elles mêmes leurs transactions.
Le contrat à cet égard devient un instrument essentiel de transaction et de
réduction de l'incertitude. Mais il n'est pas sans coût, il comporte un coût
pour le rédiger, le faire suivre et appliquer. Tenant compte des risques, des
difficultés de prévision et de l'opportunisme de l'être humain (Williamson
1985 ), plus est longue la durée du contrat, mieux c'est pour la gestion de la
firme.
Les individus ont des mentalités différentes; certains souffrent d'incapacité
intellectuelle à traiter efficacement l'infonnation, d'autres sont plus aptes à
le faire, mais nul n'a certainement la faculté de pouvoir traiter parfaitement
l'information.
Ainsi le facteur mental entre en ligne de compte dans la détermination du
coût de l'information et du coût de transaction. Plus l'individu est confronté
à la di fficulté de comprendre son environnement ou de l'interpréter
correctement, plus il supportera de coûts de transaction. Ainsi ces problèmes
liés à l'acquisition et au traitement de l'information, en rendant les
anticipations et les prévisions complexes montrent que les individus ne sont
jamais au même niveau d'information et que le marché n'est pas transparent
au sens néo-classique du terme. Il faut donc que des institutions existent
pour faciliter la disponibilité de l'information et ainsi alléger les coûts de
transaction.
L'on pourrait être amené à croire que les coûts de transaction occupent une
place marginale dans la vie économique, mais loin s'en faut. Wallis et North
19
.....4J4NIL
GE

~é1Ww. .œwrfMFmm'3if'f'5VP7"t?n
( 1986) ont estimé que les coüts de transaction représentaient 45% du revenu
national des USA.
li apparaît de plus en plus clairement que le différentiel de compétitivité entre
}' Afrique et l'Asie puisse être imputable à la différence de coûts de transaction.
A la que~tion de savoir pourquoi le secteur manufacturier africain n'est pas
compétitif en dépit du fait que les salaires réels y soient relativement plus bas
que
ceux
d'Asie,
Paul
Collier
(1999)
avance
la
thèse
selon
laquelle
l'environnement y est plus hostile aux exportations manufacturières qu'aux
autres types d'exportation.
Tout d'abord, les gouvemements des pays africains imposent des barrières
tarifaires et non tarifaires plus élevées que ne le font les gouvernements
asiatiques. Ce qui handicape la production manufacturière puisqu'elle est
fortement dépendante des importations d'inputs. En principe le mécanisme du
drawback devrait pem1ettre à l'exportateur de se faire rembourser les droits de
douane et les taxes, mais en réalité les longs délais de recouvrement et la
complexité de la procédure anéantissent l'intérêt de ce dispositif.
Deuxièmement, les coûts de transport internationaux sont beaucoup plus élevés
en Afrique qu'ailleurs, ce qui se traduit par l'écart très important entre les coûts
FOB et les coûts CAF. Il Y a deux raisons principales à cela: la mauvaise qualité
du réseau routier et ferroviaire et l'absence de concurrence dans le secteur. Les
gouvernements africains ont toujours essayé de protéger les compagnies
nationales de navigation aérienne ou maritime. Qui plus est, le service n'est pas
fiable, ce qui fait que les entreprises sont obligées de constituer des stocks
d'inputs à des niveaux plus que nécessaires. Et leurs délais de livraison sont plus
longs que ceux de leurs concurrents sur un même marché.
20

Troisièmement, les coûts d'application de contrat sont très élevés à cause
des lenteurs judiciaires et de l'inefficacité des tribunaux.
Quatrièmement, les coûts de l'information sont élevés parce que tout
simplement
les
télécommunications
en
Afrique
sont
loin
d'être
performantes; et les coûts élevés des communications internationales
apparaissent comme des taxes sur les transactions internationales.
Ces quatre types de coût rendent les transactions plus coûteuses en Afrique
qu'ailleurs. Et P .Collier (1999) de dire que de tels coûts de transaction
désavantagent beaucoup plus le secteur manufacturier qu'agricole, le
premier étant plus intensif en transactions que le second. Même S1
aujourd'hui, la main d'œuvre africaine est relativement moins chère que la
main d'œuvre asiatique, le secteur manufacturier africain n'en est pas moins
en situation de désavantage comparatif à cause de ses coûts de transaction
plus élevés.
o
Ils ne sont pas toujours mesurables en termes monétaires. Comment évaluer,
par exemple,
un
retard
de
livraison,
les
transactions
auprès
des
administrations
publiques,
une
attente
de
licence
d'importation
ou
d'autorisation d'exercer une activite de production. Les frais de dossier ne
sont qu'une évaluation partielle de ce type de
coût de transaction; il
faudrait aussi prendre en compte le temps qui y est consacré et les dépenses
induites. Les administrations publiques devraient donc éviter d'allonger les
délais, cela perturbe l'organisation des entreprises et provoque des surcoûts
de transaction. Et de telles perturbations auront nécessairement des effets
négatifs sur la productivité des entreprises et de l'économie toute entière.
Sous ce rapport, Williamson ( 1985, 1987 ) considère que la théorie des
transactions fait partie intégrante de la théorie de l'organisation des firmes.
21

La taille d'une firme devient alors liée à sa capacité à internaliser
les
transactions. Elle aura intérêt à organiser ses propres transactions tant
qu'elle en supportera un coût (interne ) inférieur à celui coût (externe ) du
marché.
Simon (1957) bien avant Williamson avait dit que les individus étaient
limités dans leurs
connaissances et anticipations, de sorte qu'ils avaient
besoin d'organisations et d'institutions pour atteindre leurs objectifs. Et
Williamson d'ajouter, à ce concept de "rationalité limitée " (bounded
rationality), celui d'opportunisme et de dire que l'organisation de la firrnre
doit protéger les transactions contre l'incertitude du futur et les "hasards de
l'opportunisme". Dans" Marchés et Hiérarchies" (Williamson 1975) posait
déjà les jalons d'une théorie du choix institutionnel. Il démontrait qu'un
large
éventail
d'arrangements
institutionnels
devraient
gouverner les
transactions entre les agents afm que les coûts totaux de transaction soient
minimisés. Pour les firmes prises individuellement, le "contracting" devient
une activité essentielle de leurs transactions.
Selon Langlois (1986 ), la coordination de l'activité éconoIIiique n'est pas
simplement
un problème de coordination par les prix, mais elle est
supportée par un ensemble d'institutions économiques et sociales qui font
elles
mêmes
l'objet
d'une
importante
problématique
de
la théorie
économique. Il pense aussi que la rationalité est contrainte; donc l'individu
rationnel est celui qui agit raisonnablement selon sa propre situation. Le
comportement individuel est généré à partir de la matrice institutionnelle.
Ainsi le concept néo-classique de rationalité est une fois de plus critiquée
par Langlois qui comme Simon montre
que le processus de prise de
décision
n'est pas
simple
mais
bien
complexe.
Le
processus
est
22

techniquement complexe, car l'individu éprouve beaucoup de difficultés à
traiter la masse d'informations existantes, à y discemer le vrai du faux, et
à en déduire la solution optimale. (Simon 1956).
L'illustration peut être faite en étudiant le processus décisionnel en Afrique
où la dynamique du groupe et le sens communautaire sont plus importants
que l'initiative individuelle en tant que telle. Contrairement à la société
industrielle ou société salariale où l'individu est plus autonome, en Afrique
la logique communautaire est présente dans tous les choix économiques
individuels. Les exemples de solidarité et d'entre aide sont bien connus,
avec leurs effets parfois négatifs sur l'épargne et l'investissement.
L'épargne de l'africain est un résidu après consommation et
transferts
sociaux. Les contingences sociales de l'individu dans les sociétés à logique
communautaire dominante sont souvent divergentes avec les exigences du
comportement de maximisation de l'intérêt individuel. Dans ces sociétés
par exemple, la répartition du temps quotidien de l'individu a tendance à
se faire au détriment de ses activités de production et au bénéfice d'autres
types de relations sociales que la société juge plus importantes (mariages,
funérailles, visites de courtoisie, baptêmes, manifestations religieuses, etc).
Le choix n'est donc jamais optimal au sens néo-classique du terme, parce
qu'étant basé moins sur les prix que sur les institutions informelles.
La NEI a pour objet de trouver des solutions au développement de
l'économie de marché à travers un environnement institutionnel adéquat,
elle cherche ainsi à réduire les coüts de transaction et à favoriser la
productivité à travers les rapports sociaux et les institutions. Dans cette
optique, l'A t'riq LIe doit réhabiliter le rôle de l'individu et diminuer le poids
des rapports communautaires. C'est un processus dans lequel l'action
éducative devra occuper une place de choix.
fti!t.dzs.aœsa
Ji 2

De ce point de vue la NEI appliquée en Afrique, n'aura pas seulement pour
objet seulement de lutter contre la corruption ou de pousser à la bonne
gouvernance
au
sens
strict,
mais
aussi
de
pousser
à
l'émergence
d'institutions qui consolident le marché, en débarrassant la société de toutes
ses
institutions
sociales
anachroniques.
De
telles
institutions
sont
nécessaires à la croissance et au développement.
1.3 Les Droits de propriété
Dans la NEI, exercer et préserver ses droits de propriété ( Property Rights)
sur ses biens, constitue pour un individu une activité inséparable de ses
activités économiques. La sécurité que les institutions procurent et les coûts
dévolus à l'exercice des droits de propriété déterminent alors la performance
économique. Dans la NEI, ces droits s'entendent comme le droit
à la
propriété, le droit d'usage et de jouir des fmits de ses biens ( usus, fructus,
abusus ).Les biens s'entendent aussi comme l'ensemble des actifs qu'un
individu possède y compris sa force de travail. l
A l'instar de ce qui précède, on peut dire qu'il s'agit de l'ensemble des
droits économiques de l'individu ( patron, travailleur, consommateur).
Ces droits reposent sur des règles, lois et normes formelles ou infonnelles
reconnues et établies par la société. Donc, l'on aurait tord de réduire les
« Property rights » à la propriété privée des moyens de production en laissant
de côté les droits des travailleurs et des consommateurs. L'on aboutirait à un
déséquilibre institutionnel dont les conséquences seraient fâcheuses pour la
stabilité sociale donc la croissance économique. De même donner des droits
excessifs aux travailleurs pourrait nuire à l'investissement privé.

L'idéal, c'est l'équilibre institutionnel; c'est à dire une pnse en compte
simultanée des droits des différents agents économiques. Par définition, les
intérêts individuels étant contradictoires, préserver les droits économiques des
différents
groupes
socio-économiques
devient
un
exercice
de synergie
institutionnelle, de pondération des droits des uns et des autres pour obtenir un
environnement sûr et stable.
Ainsi la garantie des droits de la propriété est un facteur indispensable à la
foonation du capital, à la croissance et au développement du secteur privé et du
marché. Et la volonté de l'Etat de faire respecter les droits de propriété est
fondamentale; plus un souverain est enclin à ne pas les respecter pour son
propre bénéfice, plus les rendements escomptés du capital sont faibles, et moins
il y aura d'incitations à investir. North et Weingast (1989,1996).
La croissance économique requiert une crédibilité de l'Etat et des décideurs. La
qualité des institutions, leur crédibilité, leur stabilité sont alors déterminantes
quant à l'évolution des coüts de transaction et de l'investissement. Les risques
sont évalués à travers la qualité institutionnelle, la stabilité sociale et politique.
Une telle stabilité ne peut
exister sans la prise en compte de l'ensemble des
droits économiques des uns et des autres. C'est partant de ce postulat que les
modèles de croissance tendent de plus en plus à intégrer
la donne
institutionnelle. Il se pose dès lors des problèmes liés à la mesure de la qualité
institutionnelle; néanmoins il est admis q' un environnement politique stable,
une administration efficace et des libertés civiles garanties constituent des gages
de sécurité et de transparence pour l'investissement et les transactions.
Les coüts de transaction au sens de Eggerston ( 1996) représentent le COltt
d'opportunité qui pennet de maintenir le contrôle sur les ressources. En fait
c'est le sacrifice à supporter pour sauvegarder les droits de propriété.
[sa.s.ux.
t.za

Eggerston montre encore une fois en quoi le concept de droits de propriété
peut être large.
Le concept de droits de propriété est si riche qu'il pennet selon Bates (1987)
de mieux poser la question des externalités. En effet si les activités d'un
agent donné induisent des coûts externes à la charge d'un autre agent, ce
dernier au nom de ses droits de propriété est en droit de demander
réparation ou compensation. Donc, c'est dans le cadre du respect des droits
de propriété, que la recherche de la satisfaction individuelle ne pourra pas
porter atteinte au bien être social et à l'optimum au sens de Pareto ( BATES
1987). En cas d'externalités positives (invention scientifique, innovation
technique et industrielle, création artistique), qui ont beaucoup d'effets
bénéfiques sur les autres agents, la protection de telles activités par des
brevets d'invention , des licences d'exploitation, des droits d'auteur
est
absolument indispensable pour qu'elles puissent se développer pour l'intérêt
général. Sans cela, la création, l'innovation et les inventions seraient
découragées parce que non rentables ; et c'est le progrès social qui serait
menacé. Il apparaît clairement à partir des externalités, qu'il y a des enjeux
économiques énormes derrière le traitement institutionnel des droits de
propriété. Mais l'on se rend compte aussitôt que la défense des droits de
propriété va au delà de l'individu et interpelle l'Etat. Les coûts de
transaction supportés par un agent pour veiller lui même sur ses droits
économiques sont nécessaires mais largement
insuffisants: quel serait le
coût pour
un agent pour empêcher la duplication illégale ou la piraterie
d'une œuvre scientifique ou artistique? Des institutions efficaces sont non
seulement indispensables pour garantir les droits de propriété mais aussi
pour réduire les coûts de transaction à la charge de l'agent économique.
Dans une économie de marché, on peut dire que ce sont des droits d'usage
et des valeurs d'usage qui sont le fondement même de l'échange et c'est
26

donc aux institutions veiller sur ces valeurs. Elles doivent établir toutes les
nonnes quantitatives et qualitatives qui doivent régir les échanges, garantir
la valeur d'échange de la monnaie et les nonnes standards de mesure et de
compte.
L'individu supporte des coûts de transaction pour aVOlr une bonne
information sur les biens ou services
qu'il veut acquérir, il en supporte
aUSSi pour exercer son droit d'usage, malS il revient aux institutions de
reconnaître ses droits
et ainsi prévenir tout risque d'aliénation ou
d'expropriation.
Car l'infonnation dont dispose l'individu n'est jamais parfaite. Rien ne dit à
priori que les nonnes de fabrication d'un tel produit sont respectées, que
l'on ne court aucun risque pour sa santé en le consommant. C'est la
confiance que l'Etat contrôle et garantit tous les attributs des biens qui fait
croire aux consommateurs que leurs droits d'usage sont préservés. Ainsi
avec
l'interface
institutionnelle,
les
risques
liés
à
l'asymétrie
de
l'infonnation sont écartés.
La confiance aux institutions et l'acceptation des règles du jeu sont ainsi
primordiales.
Aujourd'hui,
l'intensification
des
échanges
avec
la
sophistication
infonnatique et électronique des modes de communication, le phénomène
des mégalopoles urbains, les institutions ou les règles du jeu économique
doivent être claires, précises, respectées de tous pour être efficaces.
L'efficacité c'est la sécurité et la fluidité des transactions; c'est ce qui
pem1et aussi de réduire les coûts de transaction.


1.4 Organisations Sociales, Politiques et Economiques
Information imparfaite, rationalité contrainte et limitée, incertihlde , risques
voilà le cadre dans lequel les échanges se font. .Les institutions existent pour
régir les rapports sociaux; c'est une hypothèse commune à la théorie
générale des institutions et bien évidemment à l'économie institutionnelle.
Elles ont aussi
comme fonction essentielle de
concilier les
intérêts
individuels, une des questions philosophiques les plus étudiées.
Les théories des 18ème et
19ème siècles avaient compris le rôle essentiel de
l'Etat - incarnation de
la "Raison" (Hegel)
et de
l'intérêt général
(Nlontesquieu) - qui devait garantir la sécurité et l'harmonie de la société. Et
à la question de savoir comment arriver à harnlOniser les échanges et
l'économie, l'économie politique classique répondit par la " Main invisible"
de A. Smith et la loi de Say. Ainsi chez les classiques, les institutions
sociales furent absentes de la pensée économique ; et en cela ils seront
suivis par les néo-classiques. Pour ces derniers, grâce au mécanisme des
prix ou système de prix relatifs, on peut aboutir à un équilibre général
(Walras) où les profits et utilités sont maximisés. La monnaie ne sert que
d'intermédiaire aux échanges, les échanges sur les différents marchés sont
soumis à la loi de l'offre et de la demande, les prix régulent. Dans le modèle
walrasien, le commissaire priseur peut être assimilé à la main invisible de A.
Smith.
La critique de l'économie politique classique faite par K. Marx a intégré
bien des questions institutionnelles, notamment celle du rôle de l'Etat dont
la mission esscntielle scion les marxistes, est de garantir la propriété privée
des moyens de production et la domination de la classe bourgeoise. Mais
contrairement à K.Marx, la NEI n'est pas une critique de la société
capitaliste dans ses fondements, c'est plutôt une
critique
de l'analyse
28

classique et néo-classique et un élargissement de la théorie de l'économie
de marché. Désonnais, l'environnement institutionnel sera un facteur de
perfonnance économique comme les travaux de D.North vont le montrer.
Comment s'est opérée la modification des hypothèses néo-classiques?
La NEI a modifié l'hypothèse de la rationalité en posant les institutions
comme une contrainte qui détennine le comportement des individus, en
accordant Wle attention toute nouvelle aux coûts de transaction, lesquels
sont en partie une expression de ces mêmes institutions. La théorie
économique dès lors intègre, les idées, les idéologies de même que la
dimension politique comme des facteurs pouvant expliquer l'efficience ou
i'inefficience des marchés.( North 1987).
L'évolution
d'une
société
est
fonction
de
facteurs
géographiques,
économiques et culturels qui déterminent sa capacité à résoudre le problème
fondamental de la rareté des ressources. Face à ce défi, la société définit ses
priorités en matière de production et le type d'organisation économique
approprié.
A l'instar de North, il est très important de distinguer les organisations des
institutions :
-
les institutions se défmissent comme l'ensemble des règles fonnelles
(lois et règlements) ou informelles (conventions sociales, nonnes de
conduite, coutumes) et leurs applications, tandis que
-
les organisations sont les actrices à l'intérieur de ce cadre défini par les
institutions. Ce sont les organisations politiques (les partis politiques, le
sénat, le conseil municipal, etc); les organisations économiques (les
fmnes, les syndicats, les fermes, les coopératives, etc) les organisations
29

sociales (églises, clubs, associations
sportives, etc) et les structures
d'éducation et de formation.
Les organisations économiques, c'est à dire les unités de production et leurs
associations, par leur «lobbying» exercé sur les autres organisations
sociales et les institutions politiques cherchent à réduire leurs coûts de
transaction. Leur engagement pour la défense de leurs intérêts montre en fait
qu'elles ne peuvent se satisfaire de la régulation par le marché. L'attitude
des organisations de défense des travailleurs s'interprète aussi dans le même
sens, et tout cela prouve le mécanisme des prix à lui tout seul ne peut
garantir le bien être général optimal.
1.5 Asymétrie de l'information, Etat et Marché
L'optimum de Pareto ne peut être atteint quand les individus ne sont pas
parfaitement infonnés ou quand l'acquisition de l'infonnation a un coût. Si
les individus ne sont pas au même niveau d'information, certains feront des
choix plus efficients que d'autres qui ne peuvent pas disposer d'une
information correcte.
L'asymétrie de l'infonnation soulève des problèmes plus connus sous le
nom de « sélection adverse» et de « hasard moral ».
Le «hasard moral» a trait à des situations où un côté du marché ne peut
pas observer le comportement de l'autre côté. C'est pour cette raison que
l'on parle parfois de comportement caché (hidden action) .
La « sélection adverse a trait à des situations où un côté du marché ne peut
pas observer le type ou la qualité des biens situés de l'autre côté du marché.
30

C'est pour cette raison que l'on parle parfois, dans ce cas, d'un problème de
« type caché ».
L'équilibre sur un marché où il y a un problème de comportement caché,
implique généralement une certaine forme de rationnement, c'est à dire que
les
entreprises
souhaiteraient
offrir
plus
que
ce
qu'elles
offrent
effectivement, mais elles ne désirent pas augmenter leur offre parce que cela
modifierait les incitations de leurs clients. Par contre, à l'équilibre sur un
marché où il y a un problème de type caché, il y a généralement trop peu
d'échanges à cause de l'extemalité négative existant entre les « bons» et les
« maUVaiS» types. Ainsi, les résultats sur de tels marchés ne sont pas
efficaces.
Lorsque les performances économiques sont imprévisibles, comment peut
on se fixer des revenus ex ante se demande Bates (1995). Par exemple, quel
type de contrat de fermage sied le mieux pour l'agriculture, dans le contexte
de l'Afrique sahélienne où la pluviométrie est très aléatoire.
Les agences de recrutement de main d' œuvre illustrent parfaitement le
problème de type de comportement caché et que les entreprises tentent de
résoudre par l'interface de ces agences. Sans ces - dernières, il serait
impossible à une entreprise d'évaluer exactement, ex ante, les qualités du
travailleur. En effet plusieurs aspects (santé physique et psychique,
environnement social) doivent être pris en compte dans le processus· de
recrutement,
d'où, les entreprises
pour être bien infornlées doivent
collaborer avec ces agences. C'est donc tout naturellement un moindre coût
de transaction (externe) pour les entreprises. C'est une belle opportunité qui
s'offre ainsi aux agences auprès desquelles les entreprises sont à leur tour
parfaitement informées (à zéro coût d'information).
31

Fondamentalement la relation entre l'agence et son client est une parfaite
illustration de l'incapacité du marché à fournir l'information adéquate.
Les agences peuvent ainsi fournir l'information, rédiger des contrats, en
assurer le monitoring et l'application . Elles font partie du dispositif
organisationnel des firmes.
Le cadre institutionnel aussi devient fondamental pour le déroulement et le
développement des transactions économiques. Le rôle de l'Etat garant de
l'ordre
institutionnel
devient
indispensable.
l'Etat
n'est
pas
une
organisation politique comme les autres, car en tant qu'institution politique,
il a besoin du soutien des autres organisations politiques. Il est comptable de
l'application et de la protection des droits de propriété. Dans l'approche de
North, l'application effective des lois et règles est plus importante que leur
simple promulgation. l'Etat a besoin de stabilité, c'est à dire d'une certaine
légitimité et du soutien des autres organisations politiques qui doivent
trouver un intérêt à le perpétuer.
Les
organisations
économiques
modernes
ont
besoin
de
système
d'information complexe incompatible avec un état corrompu et despotique.
Même si la croissance économique semble possible à court terme avec un
régime autocratique; à plus long terme une croissance durable requiert des
lois qui garantissent les droits civils et politiques (North 1995). C'est la
conception de la NIE.
Par ailleurs l'économie et les institutions modernes requièrent une bOlIDe
capacité manageriale de l'Etat. Ainsi l'Etat a besoin d'hommes qui
comprennent les défis et les enjeux auxquels ils font face et qui sont
comptables de leurs actes; ce qui présuppose un système éducatif apte à
produire de tels hommes. (Brett 1995).

Beaucoup d'études ont mis en relief le caractère autocratique et corrompu
de l'Etat en Afrique, où une minorité exerce le pouvoir contre les intérêts de
hi grande majorité
démocratique.
Cette situation est à l'origine de
l'instabilité politique en Afrique.(Brett 1995). En effet, selon la NIE, quand
les choix sont contraints par le monopole économique et politique, la
recherche de rente (rent seeking), il se développe l'instabilité politique,
l'opportunisme et l'inefficacité économique.
L'Etat, peut on dire faillit à sa mission dès lors qu'il tend à augmenter les
coûts de transaction. Dans les Etats rentiers (rent-seeking State), les coûts de
transaction sont élevés
du fait de
l'asymétrie de l'information, de
l'opportunisme et de la corruption, lesquels
favorisent les activités
improductives au détriment de la production (Krueger 1974, Bhagwati
1982).
Une telle
situation est décrite
par Krueger
comme
une
économie
fonctionnant au dessous de sa frontière optimale de production. Et ce n'est
qu'en supprimant l'excès de réglementation que l'économie se remettra sur
sa frontière de production.
Bates (1995) va plus loin dans l'analyse pour monter en quoi le bien public
peut être source d'échec du marché (market failure). C'est le cas lorsque les
individus cherchent à maximiser leur usage des biens publics tout en ne
voulant pas
contribuer à son
coût
de
production,
directement
ou
indirectement. Du fait de la domination du secteur public dans les pays du
Tiers Monde, du caractère despotique ou autocratique des Etats, l'on a
favorisé le repli dans le secteur public ~ le secteur privé a manqué de
dynamique propre et ne s'est donc pas développé. Cette analyse est valable
au Sénégal qui possède un large secteur public.
33

Section 2
La Problématique Institutionnelle dans les Pays en
Voie de Développement
Les questions institutionnelles sont aujourd'hui au cœur de la problématique
de l'ajustement structurel et de la transition des économies socialistes
centralement
planifiées. L'intérêt que les Rapports sur le développement
(Banque Mondiale 1997) portent
à cette question est à ce titre très
révélateur. La problématique de la bonne gouvemance est ainsi devenue
transversale aux débats sur le développement.
Il ne s'agit pas tout simplement de la privatisation des entreprises publiques
ou de la réhabilitation du secteur privé. Il est question de créer dans les pays
en voie de développement, un environnement institutionnel crédible, garant
des droits économiques, civils, politiques, de la stabilité sociale, politique et
économique.
Il est largement admis que les tàcteurs institutionnels peuvent expliquer les
différences de perfonnances économiques entre les nations. \\ La théorie de la
croissance endogène (voir section 3, chap. 1) les intègre, de même que les
réformes économiques en cours dans l'ancien bloc soviétique et en Afrique
au Sud du Sahara.
Mais la problématique institutionnelle était déjà prise en compte dans les
stratégies de développement appliquées dans le Tiers Monde et dans les
critiques faites à ces stratégies.
J We
have only to contrast the organisation of production in a Third World economy with that of an
advanced industrial economy 10 be impressed by the consequences of poorly dcfined and/or ineffeclivc
property rights.Not only will the institutional framework result in high COSIS of transacting in the
former, but Însecure property rights wil! result in using technologies that employ little capital and do not
entaillong-term agreements. North (l990,p 65)
34

2.1
Soubassements théoriques et idéologiques des institutions
modernes d~ns les PVD
La politique économique qu'une nation adopte à un moment donné de son
histoire est le produit des institutions sociales en général et des rapports (de
force) entre les classes ou groupes qui la composent. Le rapport de forces
des idéologies n'est pas constant, il dépend de plusieurs facteurs qui
tiennent à la fois de l'interne et l'externe, de la géopolitique mondiale, des
faits et du développement des idées elles mêmes. Après la crise du
le
libéralisme des année 30, ce fut le tour de l'état interventionniste, et
aujourd'hui c'est le néolibéralisme triomphant. Qu'en sera t-il demain?
Les stratégies de développement appliquées dans les PVD après la seconde
guerre mondiale sont marquées par :
- une orientation anticolonialiste dont le corollaire est la recherche de
l'indépendance économique, le rattrapage du niveau de développement des
anciennes puissances coloniales,
-
le triomphe de la théorie keynésienne
- l'expansion du marxisme et du socialisme soviétique.
Le commerce international des matières premières étant perçu comnle un
échange inégal miné par la détérioration des
termes
de l'échange,
l'industrialisation apparut comme la seule alternative véritable. Au passage
l'agriculture est relégué au second plan, elle devra participer au fmancement
de l'industrialisation. Il fallait dégager un surplus agricole pour financer
l'industrialisation, favoriser les couches urbaines en subventionnant les
principaux denrées de consommation.
L'on a eu tort de sous estimer le paysannat, pensant qu'il était irrationnel,
mais l'on se rend compte aujourd'hui que la crise de l'agriculture africaine,
35

au delà des les problèmes climatiques, reste fondamentalement liée à cette
conception erronée et donc à l'absence d'incitations à l'offre agricole. La
crise de la culture arachidière sénégalaise n'échappe pas à cette logique, et
elle a entraînée dans son sillage
toutes les institutions de développement
rural.
L'état est au cœur de la stratégie de développement, il planifie l'économie et
s'appuie
sur
un
large
secteur
public.
L'inexistence
d'une
classe
d'entrepreneurs aptes à promouvoir l'industrialisation et l'absence d'épargne
intérieure font partie des
arguments qui sont avancés pour justifier
l'engagement de l'état dans l'économie.
Au nom de la théorie des industries naissantes, le protectionnisme fut
légitimé, tandis que l'intervention de l'état dans le jeu économique fut
théorisé par l'analyse structuraliste. En effet, selon l'approche structuraliste,
le marché dans les PYD est imparfait et les structures monopolistiques et
oligopolistiques
ne pennettent pas une détem1ination concurrentielle des
prix. Le salaire y est institutionnel , il subit beaucoup plus l'influence des
conflits sociaux qu'il n'est détenniné par la productivité et le marché du
travail. Et donc pour corriger les déséquil ibres naturels de ce type de
capitalisme naissant, l'Etat doit s'immiscer dans la fixation des prix pour
éviter que certaines industries n'abusent de leurs positions dominantes sur le
marché.
Dans le cas du Sénégal, les prix
industriels et leurs marges commerciales
ont été pendant longtemps administrées ; et en cas de besoin l'Etat versait
une subvention.
En même temps l'état exerçait une sorte de « répression
financière », en gardant la main mise sur le marché financier et en arguant
36

que le libre jeu du marché ne permettrait pas une distribution "nonnale "
du crédit, car les intérêts seraient trop élevés pour les investisseurs.
2.2
Les entreprises publiques
Elles sont au cœur de la stratégie de développement, de l'import-
substitution, de la politique agricole,
ou de la politique financière. Les
entreprises publiques étaient présentes partout et même dans le commerce
et le tourisme.
Pendant longtemps, l'endettement extérieur a pu masquer l'inefficacité de
ces entreprises qui ne vivaient que de transferts publics et de leur nature
monopolistique. Elles absorbaient l'essentiel des ressources d'investissement
au détriment du secteur privé. Elles sont prioritaires dans l'allocation des
devises à l'importation au détriment du secteur privé.
C'est là certes des effets d'éviction bien connus, mais le plus grave dans tout
cela, c'est qu'elles ont été incapables de rentabiliser leurs investissements, et
c'est là sans doute que nous tenons une des explications clef de la crise
économique dans des pays comlne le Sénégal où les entreprises publiques
sont largement dominantes.
De par leur position stratégique dans l'économie, les monopoles qu'elles
occupent, leur inefficacité rejailli sur l'ensemble de l'économie, aussi bien en
terme de coûts élevés qu'en terme de mauvaise qualité de service :
délais de livraison allongés
délestages
dans
l'approvisionnement
en
eau,
électricité,
télécommunications, etc .. Mais dès le début des années 1980, la crise de
l'endettement étant, les déficits des entreprises publiques devenaient de plus
en plus insupportables
37

2.3
Déficits budgétaires et inflation
Ce modèle de développement appliqué dans les PYD, où l'Etat est au cœur
de l'activité économique a débouché sur des déficits budgétaires stnlcturels
, une distorsion dans les prix, une allocation inefficace des ressources selon
des critères qui ne sont pas souvent économiques, un secteur industriel
surprotégé et inefficace et une inflation élevée.
L'instabilité macro-économique des pays en voie de développement est bien
connue. Dans les années 80 le taux d'inflation était en moyenne de l'ordre
de
49% l'an pour l'ensemble des pays en voie de développement
(FMI
1990) . Avec des taux d'inflation aussi élevés , il s'ensuit L1ne instabilité
politique et sociale
qui
à son tour
réduit la marge de manœuvre des
politiques de redressement économique.
A l'origine de cette instabilité, on trouve une croissance trop rapide de la
masse
monétaire
liée
à une
politique
monétaire
abusivement
expansionniste et aux déficits budgétaires structurels.
Les pays africains de la zone CFA ont certes connu de larges déficits
budgétaires mais la politique monétaire commune impose un règle de
limitation du financement qui empêche tout dérapage inflationniste.
Dans la mesure où la discipline budgétaire est plus ou moins contraignante
pour les pays de l' UEMOA, des pays comme le Sénégal se sont adonné à la
manipulation excessive des droits de porte pour faire face à leurs déficits
budgétaires, provoquant le plus souvent une forte pression fiscale et un
environnement fiscal instable pour le secteur privé.
38

2.4 Taux de Change et Politiques commerciales
La stratégie d'import-substitution comme on le sait repose sur une politique
commerciale très protectionniste et donc un taux de change surévalué.
La surévaluation résulte aussi bien de ladite politique commerciale que de
l'inflation. Mais comme l'inflation a une origine budgétaire, l'on s'aperçoit
alors du lien qui existe entre ce dernier et la surévaluation de la monnaie.
Le secteur des échangeables perd de sa compétitivité, les exportations sont
pénalisées, les importations quoique restreintes par des barrières tarifaires et
non tarifaires ont tendance à croître plus rapidement que les exportations.
Dans ces conditions il est difficile à un pays en voie de développement qui
poursuit cette stratégie d'import substitution d'échapper à la détérioration
de sa balance commerciale.
1] existe ainsi un cercle vicieux entre la surévaluation du taux de change et
les politiques commerciales protectionnistes dont les conséquences ont été
désastreuses sur l'économie des PVD. Plus le compte courant se détériorait,
plus les velléités protectionnistes étaient fortes et plus la surévaluation
devenait de plus en plus élevée. Un cercle vicieux difficile à briser tant la
croyance aux vertus du modèle d'import substitution était forte, tant aussi la
politique d'ajustement de taux de change était impopulaire et politiquement
coûteuse.
Les Etats préférèrent alors une politique attentiste, le développement de
marchés parallèles de change, la fraude et la contrebande au niveau des
importations, l'épuisement des réserves de changes. Les ajustements du taux
de change sont ainsi retardés, et quand ils se produisent, ils sont
insuffisants, et ne peuvent être efficaces dans la mesure où ils ne sont pas
soutenus par de bonnes mesures
de stabilisation. Pendant que l'industrie
butait sur la saturation du marché intérieur, les exportations agricoles étaient
affectées et
par: la surévaluation du taux de change et par les taxes
à
l'exportation.
.39
.•,;..d!!!IPJ&~~ii4,
_~"Z!i!;;Z' Je....

Les mauvaises perfonnances commerciales des produits africains
sur les
marchés mondiaux sont ainsi la conséquence de tout cela , en plus de la
ponction que les sociétés d'Etat exercent sous différentes
sur le monde
rural.
Par le biais de la taxation directe et indirecte, l'Etat transfère des ressources
des campagnes vers les villes pour subventionner les consommateurs
urbains dont le poids politique est largement redouté.
Voilà un ensemble de facteurs qui expliquent les nlauvaises perfom1ances
agricoles dans beaucoup de pays africains au Sud du Sahara.
Le taux de change est
en réalité ce que la politique économique en fàit.
Dans la stratégie d'import substitution, la monnaie est surévaluée, le taux
de change est fixé à un niveau favorable à l'offre d'exportations du secteur
traditionnel mais insuffisant pour stimuler l' offre d'exportations
non
traditionnelles. La demande de devises est rationnée grâce aux restrictions
sur
les
importations.
Ainsi
donc
la
conséquence
de
la
politique
protectionniste, c'est qu'elle implique aussi un taux de change réel
2
surévalué
2.5 « Rent-seeking economy » ou Etat rentier
L'engagement de l'Etat dans les économies du Tiers monde a été à l'origine
de plusieurs distorsions et inefficacités économiques. En effet Pour Krueger
( 1974 ), l'excès de réglementation et de contrôle dans les économies du
Tiers Monde y a créé des situations de rente .Les agents économiques se
sont mis à rechercher ces rentes en y consacrant leur temps, leurs moyens
et leurs réseaux d'influence. Ainsi, se développent en même temps la
corruption et des stratégies de passe droit.
2 Taux de change réel = prix des non écheangeables! prix des écheangeables
:.10

En réalité, l'on se rend compte que la réglementation n'a abouti qu'à des
effets pervers et que c'est plus un instrument politique qu'économique .I1
pennet ainsi à l'élite au pouvoir d'entretenir une clientèle politique à qui l'on
accorde des autorisations exceptionnelles, des quotas commerciaux , des
exonérations de toutes sortes et marchés publics en dehors de toute
procédure d'appel d'offres ou d'appel à la concurrence.
Nous verrons plus loin, que dans le cas du Sénégal que les exonérations
douanières n'avaient rien d'exceptionnel et qu'elles se traduisaient par
d'importantes
pertes de recettes
fiscales
et d'importantes
distorsions
économiques.
Dans ce groupe de privilégiés on trouve des hauts fonctionnaires et officiers
supérieurs de l'armée qui en fait, ne sont pas de véritables entrepreneurs
mais des individus qui veulent prospérer à l'abri de la concurrence. Ces
personnes peuvent développer des activités dans l'industrie sous le couvert
de proches parents et collaborateurs et, ainsi consolident leur rente, sous
formes de monopoles publics ou privés.
Mais en général, l'ensemble des individus qui bénéficient de cette rente, en
retour contribuent au financement de l'élite ou parti au pouvoir; ils
remplissent ainsi une fonction essentielle à la reproduction de l'Etat rentier.
Au sein de l'Etat rentier, à côté des institutions tonnelles, se mettent en
place des règles parallèles et infomlelles, mais très puissantes qui détoument
les ressources vers les activités rentières, improductives. Des activités qui ne
peuvent accroître le bien être collectif, mais qui au contraire rétrécissent le
bloc des possibilités de production. ( A.O.Krueg~r 1993).
Le concept de «rent-seeking society»
permet d'articuler
l'analyse de
l'Etat à celle de l'économie et de comprendre
comment des institutions
41

modernes peuvent saper les bases d'une économie (de marché) qu'elles sont
censées promouvoir.
Selon A.O.Krueger les employés du secteur public, comme tous les
individus, sont mus par leurs intérêts personnels. Les fonctionnaires tout en
restant au service du public
cherchent leur propre promotion surtout
lorsqu'ils sont eux mêmes intéressés au partage de ceUe rente. Les salariés
des entreprises publiques sont souvent de « connivence» pour le partage de
la rente. En effet des augmentations de salaires et des avantages divers leur
sont accordés pour maintenir L1ne "paix sociale" à l'intérieur de l'entreprise
publique, sans rapport avec l'évolution de la productivité. Cest aussi le cas
des garanties d'emploi obtenus par les travailleurs et des avancements
automatiques ou à l'ancienneté, quelques que soient les perfornlances
économiques de l'entreprise publique.
De telles entreprises publiques sont difficiles à privatiser car les intérêts en
jeu sont énormes. Pour privatiser la Société Nationale d'Electricité du
Sénégal, le bras de fer entre le gouvernement et les travailleurs s'est soldé
par
l'emprisonnement
puis
le
licenciement
des
principaux
leaders
syndicaux. Dans de tels cas la privatisation s'avère extrêmement difficile
surtout quant l'entreprise concernée est un monopole public stratégique,
comme l'électricité au Sénégal.
L'on comprend pourquoi dans beaucoup de pays du Tiers Monde, les
réfornles visant à libéraliser l'économie ont été difficiles à mettre en œuvre.
La privatisation des entreprises
publiques devient complexe surtout
lorsqu'elle doit remettre en cause les rentes dont bénéficie les travailleurs de
ces entreprises.
Et comme le dit Krueger (1993), dans la plupart des PYD l'existence de
rentes pour ces lobbies administratifs empêche L1ne allocation efficace des
ressources.

Ces groupes de pression maintiennent une réglementation et des contrôles
économiques pour perpétuer ces situations de rente.
2.6 l'Etat prédateur
L'état prédateur est un Etat dans lequel
ceux qUi sont au pouvoir ne
cherchent qu'à s'enrichir sur le dos de leurs citoyens. L'état prédateur peut
être amené à réaliser des investissements ou à prendre des décisions
économiques populaires dans la mesure où cela lui pernlet d'augmenter ses
revenus. En effet, le bien être de la population n'est pas un objectif mais un
moyen d'accroître
les revenus du groupe prédateur, comme le soulignent
LaI and Myint (1990). C'est ainsi que l'accroissement du nombre de
fonctionnaires n'est qu'un moyen
pour l'Etat prédateur d'élargir sa base
politique.
43

Section 3 Théorie et ~Iodèles de Croissance endogène
Au milieu des années 1980, un groupe de théoriciens de la croissance, mené
par Paul Romer (1986) trouve insatisfaisant les explications néoclassiques
sur la croissance à long terme de l'économie. Ils ont construit des modèles
dans lesquels la croissance n'est plus détem1inée par des facteurs purement
exogènes tels que la population et le progrès technique. La croissance est
désormais expliquée par des facteurs que ces modèles endogéneisem, d'où
l'appellation de modèles de croissance endogène.
3.1
Critiques du Modèle Néoclassique
3.1.1
Brève présentation du modèle Solow-Swan
Le modèle proposé par Solow en 1956 décrit de manière idéalisée le
fonctionnement d'une économie de marché à un seul bien. Comme le
modèle de Harrod, il retient l'égalité keynésienne de l'investissement (1) et
de l' épargne (5), et la détermination de l'épargne à partir du revenu courant
(l =s y), s étant la propension moyenne à épargner. Mais en revanche, il
introduit une fonction de production à facteurs substituables, de type Cobb-
Douglass, et ne considère que la situation de plein emploi.
L(t) = L(O)e"1
A(t) = A(O)é'
L'Emploi (L) croît au taux constant n, assimilable au taux naturel de
Harrod.
L'investissement (1) est égal à la variation du stock de capital (K). Etant
donnés
les rendements factoriels décroissants et les rendements d'échelle
constants, il est dès lors possible de raisonner en grandeurs par tête.
11 existe un régime permanent de croissance équilibrée au taux n qui assure
le maintien du plein emploi. Ainsi Solow montre que l'économie en tout
point converge vers cette situation de croissance équilibrée et qui peut être
stable aussi longtemps que Y et K croîtront au même taux que L.
Avec les travaux de Swan (1956), le modèle de Solow a été enrichi pour
intégrer deux autres sources de la croissance: la croissance de la population
et le progrès technique. Ainsi, une nation qui a un taux de croissance
démographique (n)élevé aura un taux de croissance d'équilibre (g)faible.

En d'autres termes un croît démographique trop élevé tendra à appauvrir,
parce qu'il sera difficile de maintenir une croissance du stock de capital par
tête.
Considérant une fonction de production de type néoclassique à rendements
d'échel1e constants et à rendements factoriels décroissants, l'équation
différenti~lle fondamentale de Solow -Swan qui donne les valeurs
d'équilibre de la croissance est la suivante:
t1k = s.f(k) - (x + fi + S)k
x =tazer de croissance du progrès technique,{J = tmer de dépréciation de
capital, k = capital par tête
Lorsque l'économie atteint son état stationnaire,
plusieurs variables
croissent à un taux constant ,mais la variation du capital par tête devient
nulle. Les variables per capita n'augmentent plus à l'état stationnaire,
cependant les grandeurs K (capital), Y (revenu), et C (consommation)
augmentent au taux de croissance (n) de la population.
Une fois que l'économie atteint son équilibre de longue période (steady
state), le taux de croissance du revenu par tête ne dépend plus du taux de
croissance de la population ou du capital mais seulement du progrès
technique. C'est pour cette raison qu'on dit du modèle néoclassique que le
seul facteur explicatif de la croissance soutenue et durable du bien être
individuel reste le progrès technique.
3.1.2 Aspects théoriques et empiriques de la critique
En plus en supposant que la croissance de la population et de la technologie
étaient exogènes, pour un taux d'épargne s donné, le modèle de SoIO\\\\/-
5v,,;an (1956), comme le disent Agenor et Monteil (1996), n'explique pas les
mécanismes de transition vers la croissance équilibrée, et n'offre pas non
plus un cadre approprié de politique de croissance.

En 1960, la plupart des pays en voie de développement d'Asie et d'Afrique
qui venaient juste d'accéder à l'indépendance avaient à peu près le même
revenu par tête d'habitant. Trente ans après le revenu par tête a triplé en Asie
alors qu'en Afrique il a faiblement augmenté. Les deux dernières décennies
70 et 80 ont vu l'Asie enregistrer un taux de croissance annuel moyen de 6%
pendant que l'Afrique et l'Amérique Latine faisaient respectivement 2,8 et
3,7 pour-cent.
Cependant à l'intérieur de chaque région des disparités existent; c'est le cas
parexemple du Bostwana en Afrique qui a su maintenir un taux de
croissance annuel moyen de 5% pendant les années 70 et 80.
Selon les modèles de croissance néo-classiques, la croissance du revenu par
tête est inversement proportionnelle au niveau de développement initial. Si
des pays donnés ont les mêmes préfërences technologiques, les plus pauvres
tendront à croître plus vite que les plus riches, de telle sorte qu'il y' aura
une convergence des niveaux de revenu par tête. En supposant que la
croissance du revenu est fonction de la croissance du stock de capital par
tête d'une part, et que les rendements du capital sont décroissants d'autre
part, on peut déduire du modèle de Solow (1956) que les pays en voie de
développement relativement moins dotés en capital que les pays développés
auront des taux de croissance plus élevés.
Malheureusement et comme nous le verrons au cours de cette étude, la
plupart des recherches reflète la diversité des performances et n'arrive pas à
confimler la thèse de la convergence absolue.
Les pays qui épargnent le plus croîtront plus rapidement et ainsi les pays ne
vont pas nécessairement converger vers un même niveau de revenu par tête
même s'ils ont les mêmes préfërences technologiques
L'approche néoclassique traditionnelle qui
attribue la crOlssance aux
tàcteurs exogènes comme le progrès technique ou la croissance de la
46

population active ne pennet pas de rendre compte de ces différentes
expériences de croissance à travers les pays en voie de développement.
Ceci est d'autant plus vrai que selon Solow (1956)5 le modèle fonctionne
sous les hypothèses usuelles, de telle sorte que le taux de croissance garanti
devrait nonnalement converger vers le taux de croissance naturel. Il est sous
entendu que le mécanisme régulateur des prix (taux de salaire et d'intérêt)
fonctionne.
3.2 Les Modèles de Croissance Endogène
Il serait peut être un peu trop ambitieux de faire la revue exhaustive des
modèles de croissance endogène, c'est pourquoi nous nous limiterons aux
modèles à un secteur; pour la simple raison que l'essentiel des travaux
empiriques
ont
pour
cadre
théorique
ce
type
de
modèle.
Nous
commencerons par le modèle AK, qui du reste va connaître plusieurs
emichissements permettant de prendre en compte l'impact sur la croissance
du capital humain, du savoir faire et de la technologie, des biens et services
publics etc.
3.2.1 Le l\\tlodèle AK
Comme nous le savons déjà, une des propriétés fondamentales des modèles
de croissance endogène est l'absence de rendements décroissants du capital.
Le capital est défIni est au sens large et comprend différentes sortes de
capital dont le capital et le capital humain.
En admettant,par exemple, que plus d'instruction et d'éducation réduisent
la natalité et poussent les individus à davantage investir dans la production
5 La conclusion fondamentale de cette analyse est que, quand la production se tàit suivant les hypothèses
usuelles néo-classique de proportions variables de facteurs et de rendements d'écheile constants, aucune
différence entre le taux de croissance garanti et naturel n'est possible Solow 1956 page 73
47
fftë'hH Ni1iIitii:IIIuaaanaa;· 5 -h....
.amdi5&mtll

des biens et de ressources humaines (santé, éducation) que dans la
production d'enfants, on peut donc dire que l'augmentation
du capital
humain par personne induit
des taux d'investissement plus élevés
en
capital (physique et humain) et donc à des taux de croissance du revenu
par tête plus élevés. Ce que l'on peut formuler de la manière suivante:
yt = Akt (Rebelo 1991)
A>O représente le niveau du progrès technique. Les rendements d'échelle
étant constants, la productivité moyenne et la productivité marginale du
capital sont égales à A. En utilisant l'équation fondamentale du modèle
Solow-Swan nous obtenons:
cr = sA-ô
e
Lorsque sA> ô le revenu par tête peut augn1enter sans limite. La croissance
est indépendante du revenu initial, elle ne dépend que du niveau d'épargne
et du niveau de la technologie. Dans l'optique de Rebelo (1991), la
croissance peut être assurée grâce à un sous secteur produisant des biens-
capital avec des rendements d'échelle constants et utilisant
des inputs
reproductibles.
L'on peut, en intégrant le taux de crOIssance démographique dans cette
équation et en considérant que le progrès technique est nul, montrer que la
croissance du revenu par tête est possible.
Bref, l'on s'aperçoit que la croissance reste possible, tant que sA> (n+s). La
croissance du revenu par tête dépend de l'évolution des paramètres du
modèle, tels que le taux d'épargne et le taux de croissance démographique.
Contrairement au modèle néoclassique des taux d'épargne plus élevés vont
induire des taux de croissance plus élevés. Dans le même sens, l'élimination
43

des distorsions induites par l'Etat pourrait élever A et conduire aussi à un
taux de croissance plus élevé.
La croissance peut être générée à partir des extenlaJités positives du progrès
technique ou de gains de productivité réalisés dans une finne ou un secteur
de production donné. L'éducation aussi contribue à la croissance par
l'augmentation de la produètivité globale des facteurs. Lucas (1988)
3.2.2 Le Modèle à un secteur avec du capital physique et humain
Supposons une fonction de production de type néoclassique, mais où les
seuls inputs sont composés de capital physique et humain:
y = f(K,H),

f(HIK»O.
En utilisant l'hypothèse des rendements d'échelle constants, nous pouvons
réécrire cette fonction de production sous la suivante:
y = K.f(HIK)
En développant, selon les règles d'optimisation sous contrainte, en égalisant
rémunérations des deux types de capital avec leurs rendements marginaux,
on trouve, à l'instar de Solo\\v-S \\Van le point de convergence
de f(HIK).
(Barro et S-I-Martin 1995). Et comme dans le modèle précédent, le modèle
AK, on peut par identification poser:
A = f(HIK), A étant une constante.
Ainsi ce modèle à deux types
de
capital
physique et humain est
essentiellement le même que le modèle AK. Nous pouvons en déduire, qu'à
l'équilibre, c'est à dire au point de convergence unique, que H croit au
même taux que K.

3.2.3 Les Learning by Doing Modèles, les Externalités de la Science et
de la Technologie
Nous savons que l'hypothèse fondamentale du modèle AK est l'absence de
rendement factoriel décroissant. Romer (1986), s'opposa à la baisse
tendancielle des rendements factoriels, en supposant que les connaissances
étaient une composante essentielle de l'investissement. Lorsqu'une fmue
investit elle apprend par la même occasion comment produire de façon plus
efficiente. L'effet de l'expérience sur la productivité est dû donc à ce qu'on
peut appeler le savoir faire.
On peut illustrer l'effet du savoir-faire à travers une fonction de production
néoclassique, en considérant que le progrès technique augmente l'efficacité
du travail. Nous obtenons donc pour la flfme i :
Cette fonction remplit les conditions néoclassiques de rendement factoriel
décroissant et de rendement d'échelle constant. Mais ici, on ne supposera
pas que A augmente de manière exogène à un taux donné.
A l'instar de Romer (1986), l'effet du savoir-faire, de la science et de la
technologie peuvent être prises en compte en posant deux hypothèses.
Premièrement, nous considérerons que le «learning by doing» est une
dynamique propre à chaque entreprise. Tout investissent s'accompagne d'un
augmentation du capital de savoir-faire de l'entreprise. Elle peut ainsi
obtenir des gains de productivité.
La seconde hypothèse est de considérer la connaissance et le savoir-faire
comme des biens (publics) communs dont toute finne peut disposer à lll1
coût (d'infom1ation) nul. En d'autres termes, une découverte scientifique ou
50

technologique se répand naturellement dans toute l'économie. Ceci nous
amène à considérer que le savoir faire Ai dans une firme correspond au
niveau du savoir faire existant dans l'économie, et que tout investissement
supplémentaire induit un augmentation proportionnelle de ce savoir-faire.
Tenant compte de ses deux hypothèses, la fonction de production peut se
récrire de façon suivante :
F(K,KL .)
1

Si K et Li sont constants, chaque firme fait face à un rendement décroissant
du capital comme dans le modèle néoclassique. Donc, quand chaque firme
prise individuellement investit, les Ki augmentent, mais en même temps K
augmente pour l'ensemble de l'économie. Pour un Li donné, en admettant
que la fonction est homogène de degré 1 pour Ki et K, alors nous aurons des
rendements d'échelle constants pour l'ensemble du stock de capital social.
Ainsi, la constance des rendements à ce niveau est en soi un facteur
endogène de croissance; et ceci est obtenu grâce aux externalités positives
des connaissances et du savoir faire accumulées dans la société aux niveaux
micro et macro.
Déjà, il apparaît à ce niveau de l'analyse que le gouvernement peut jouer un
rôle très important de promotion
de l'accumulation et de diffusion des
connaissances de sorte que le capital social (K) puisse contrebalancer la
baisse tendancielle des rendements des capitaux individuels (Ki)
3.2.4 Le modèle de Lucas
yt = production par tête
51

ktl = capital physique par tête
Il = proportion du temps consacré à la production de biens, 0 < Il < 1
htl = capital humain par tête
sbus cette formulation, le rendements du capital ne sont plus décroissants.
Lk croissance du capital physique dépend de l'épargne d'où lt = syt; c'est
l'~quationd'équilibre sur le marché des biens.
.
(2)
h, 1hl = a(l- fJ) , Ct >0
D1ans ce modèle le taux de croissance du capital et de la production est égal
à Ct ( l-Il), donc leurs évol utions convergent.
3.2.5 l'Etat et la Croissance
1
Nous venons de voir avec le modèle AK que tout ce qui peut affecter le
trbnd de la technologie ou ce qu'on peut appeler la productivité globale des
fJcteurs affecte aussi le taux de croissance du revenu par tête. Dans cette
Jême optique, il est possible de voir en quoi l'Etat ou les institutions
fJnnelles qu'il est censé promouvoir peuvent affecter A donc la croissance.
1
Nous allons maintenant montrer que l'Etat peut influer sur la productivité à
trlvers la fourniture d'infrastructures, la protection des droits de propriété et
l,l,impôt. Donc contrairement au modèle Solow-Swan, l'action de l'Etat est
ehviSageable.
-ILa Productivité des Biens et Services Publics
1
ln suppose que l'Etat achète une partie da la production privée et utilise ses
achats
pour foumir
des
biens
et services
publics
gratuitement aux
P~oducteursprivés. Supposons donc que G représente le total des dépenses
PtbliqueS et que la consommation de G par une finne n'en diminue pas la
1
)2

part disponible pour les autres. Ce sont des hypothèses standard mais qui
peuvent être dans certains cas très restrictives.
Considérons la fonction de production suivante à la Barro (1990) :
Y'· = AlI-a Ka (~l-a
1
. ' , '
l '
J
Pour G constant, l'économie fait face à des rendements décroissants du
capital, mais comme on le voit, si G augmente avec K, les rendements ne
seront plus décroissants. Ainsi l'économie sera capable de soutenir une
croissance endogène comme nous l'avons déjà vue dans le modèle AK.
Ce qu'il faut souligner, c'est que dans ce type de modèle, on suppose que
les biens et services publics sont complémentaires aux inputs privés, donc
l'augmentation de G accroît les producti vités marginales de L et de K.
Lorsque le budget de l'Etat est équilibré, G= tY, le modèle permet de
décrire la relation entre la taille du gouvernement et la croissance. Elle est en
forme de cloche.
......................
=_.-----
' - - - - - - - - - - - - - - - - - + - - - - - t=G/Y
Source
Bnrro cl Snl,,-I-Mmtin (199:')
53
_ l i i i i i i i d i "','. 11: &&2R.i1ft==azœra:::zezgz~, _

qans un premier temps, l'augmentation du taux d'imposition a des effets
pbsitifs sur le revenu par tête, tandis que dans une seconde phase, toute
d
' , '
l
" L '
1
.
aïgmentauon
e t aga negatlvement sur e revenu par tete.
e maXimum
d,efficience étant atteint quand le coùt social (marginal) de G est égal à son
b~néfice social, c'est à dire
dY1dG = 1.
1
- ILes Biens et Services Publics comme Inputs
Beaucoup de services publics comme les routes, l'eau, l'électricité, la police,
Ils sapeurs pompiers, les services de secours, le judiciaire sont susceptibles
d!e connaître des engorgements d'où le rationnement des usagers.
1
Barro et Sala-i-Martin (1992) pose le modèle ci-après:
1
Yi = Aki.f(GIYJ,
Avec f>O et ['<O.
1
Q'est encore une extension du modèle AK peut on dire. Ainsi toute
Jugmentation relative de G par rapport à Y se traduit par une augmentation
1
1
de la production de 1, Ki étant donné. A cause des risques de congestion ou
1
d'encombrement des services publics, une croissance de Y plus rapide que
+ue de G entraîne une diminution des services disponibles pour chaque
Rroducteur privé, donc de la production.
1
ilin producteur individuel qui augmente son capital Ki, par la même
1
dccasion accroît sa production Yi et contribue aussi à l'élévation de Y. Il
1
doit donc s'acquitter d'un impôt supplémentaire a'fin que le ratio G/Y puisse
J
.
etre mamtenu constant.
1
!
-1 Rapports entre Services Publics et Droits de Propriété
i
,our les services publics comme l'eau, l'électricité, les télécommunications
~t le réseau routier, il est tout à fait naturel de faire entrer G/Y directement
dans la fonction de production. f\\1ais pour les services de sécurité et de
54

justice qui sont censés protéger les droits de propriété et créer des incitations
à investir et à produire, la probabilité d'exercer intégralement ses droits de
propriété dépend de GIY ; p = p(GIY), avec p'> 0 p">O. Par exemple, si G
représente les dépenses de police, alors le niveau de protection pour chaque
individu dépend du ratio GIY. Que l'on fasse le rapport de G à Y ou K, le
résultat est le même.
Thompson (1976) va plus loin, en disant que le risque d'agression étrangère
est proportionnelle à Y ou K. Quand ces deux grandeurs croissent plus
rapidement que G, alors la défense nationale peut être mal assurée.
3.2.6 Le Modèle ~IR'V
En cherchant à vérifier
les thèses de Solow
sur les déterminants de la
croissance que sont le taux d'investissement et le taux de croissance de la
population, et aussi en voulant vérifier la thèse de la convergence des
niveaux de développement,
Mankiw, Romer et Weil (1992) ont ainsi été amenés à enrichir le modèle
de Solow.
Ainsi, ils introduisent le capital humain dans une fonction de production
type Cobb-Douglas à rendements d'échelle constants, ce qui donne:
(1)
Y(t) = K(tt H(t)fJ (A(t)L(t»I-a- fJ
y = valeur ajoutée de la production
K = capital physique
H = capital humain
L =
la main d'œuvre
A = le niveau de la technologie
55
1
_Wiiiit&i&Aaiiii.Qia.l&iuE- té Hg·
=::t:l1C"E&2Ls.

On considère que la main d' œuvre L et la technologie A augmentent aux
taux respectifs de n et g :
(2)L(t) = L(O)el/l
(3)A(t) = A(O)él
MRW considèrent qu'une fraction constante du revenu est investie chaque
période dans chaque type de capital.
Sk
est
la fraction du revenu
investie en capital physique et Sh celle
investie en capital humain.
Considérant que le progrès technique augmente la productivité du travail et
que g
et n
sont exogènes, donc
y = YIAL, k = KIAL, h= HIAL
deviennent les quantités per capita.
Alors que dans le modèle de Solow la dynamique de la crOIssance est
obtenue à partir de l'équation différentielle k= sF(k,l) - nk , MRW vont
démontrer avec l'introduction du capital humain que la croissance
équilibrée de l'économie est détenninée par la convergence
des taux de
croissance des différents types de capital de la main d' œuvre et du revenu.
A l'instar de l'équation fondamentale de Solow, ils supposent que:
(4a)k = Sk y(t) - (n + g + 8)k(t)
(4b)h = shy(t) - (n + g + 8)h(t)
Ils considèrent 0 comme est le taux identique de dépréciation du capital
physique et du capital humain .
Quand l'économie atteint son sentier de croissance équilibrée (steady state),
k(t) = h(t) =0 donc
(4a) et (4b) donnent les valeurs d'équilibre k* et h* .
56

Ces valeurs introduites dans la fonction de production donnent l'équation
fmale de la croissance du revenu par tête :
Y(t)]
a + f3
a ,
f3
(5)1n - - =1nA(O)+gt-
1n(n+g+o)+
1ntsk) +
1n(s},)
[ L(t)
1- a - f3
1- a - f3
1- a - f3
Le
taux
de
croissance
d'équilibre
est
donc
détenniné
par
les
facteurs classiques, bien connus dans le modèle Solow-Swan, que sont le
taux d'épargne, le taux de croissance démographique et le progrès
technique, auxquels MRW adjoignent le capital humain.
Comment les institutions sont prises en compte dans le modèle?
MRW ajoute que A(O) non seulement capte les conditions initiales mais
aussi différences entre les pays ; différences de niveau technologique mais
aussi dans les dotations en ressources, le climat, les institutions. Ainsi dans
la problématique de la convergence et des études de panel, A(O) est
considéré comme le niveau de revenu initial.
Une autre façon d'introduire les institutions dans l'analyse de la croissance et
de relâcher l'hypothèse d'homogénéité du progrès technique g. Dans ce cas,
on considère que les différences technologiques entre les pays reflètent les
différences
dans la qualité des institutions et l'organisation
politique et
sociale.
Voir à ce propos la discussion de David (1994, 1995) sur la relation de
complémentarité entre évolution technologique et systèmes d'organisation.
La technologie est conditionnée par l'infrastructure socio-institutionnelle,
dès lors la dynamique du progrès technique devient une mesure du potentiel
social (social capability).
57

Conune on le voit donc le modèle MRWest llne extension du modèle
nlOclasSique , mais d'autres extensions vont être possibles qui vont montrer
qle plusieurs facteurs dont les institutions peuvent influencer la productivité
g~Obaledes tàcteurs ( A).
Cionclusion
Nous nous sommes attelé, dans cette partie, à montrer que l'économie de
Jarché en tant que telle est une institution parmi d'autres. Elle a sa propre
rltionalité, celle que l'on prête à ses acteurs qui cherchent à maximiser leurs
uLitéS et leurs revenus. L'environnement institutionnel du marché aussi a
1 .
d '
C'
. .
,
1
ses propres ogIques, ses propres
ynamlques.
est ams\\ qu on se retrouve
dhns un
système institutionnel
qui
rend
complexe
les
processus de
pLduction, de validation (échange) et d'accumulation des valeurs privées
L
(l!IIens et
')
servIces .
Ja Nouvelle Economie Institutionnelle propose un cadre théorique pour
rJndre compte de l'environnement institutionnel du marché, en insistant sur
dbux concepts clefs: les coûts de transaction et les droits de propriété. Elle
vl opérer la critique de l'équilibre walrasien, et montrer que ce dernier
p~chepour n'avoir pas intégré les coûts de transaction.
Ja NEI, en posant les fondements théoriques a trouvé un échos favorable à
tJavers le courant de la croissance endogène. Les modèles que nous venons
Jexposer font clairement la jonction entre la NEI et la croissance et
~enneltent le dépassement du modèle de croissance néoclassique Solow-
S'\\van
1

1
NIais r insistance avec laquelle la NET parle de la protection des droits de
~ropriété, comme étant indispensable li l'accumulation du capital et li la
c~oissance, appelle quelques commentaires. En effet, l'on se rend compte
1
58

qu'en parlant de droits de propriété, la NEI ne s'intéresse qu'à la sécuriser
les moyens de production, en négligeant les droits du travail et des
consommateurs. Alors qu'aujourd'hui la société moderne, démocratique en
voie de globalisation revendique et aspire à de plus en plus de droits
économiques. Les institutions, pour autant que leur efficacité se mesure
aussi à la stabilité qu'elles engendrent, doivent prendre en compte
l'ensemble des droits économiques des uns et des autres; c'est de cette
façon seulement qu'elles pourront garantir un environnement sûr et stable,
propice à l'investissement et à la croissance.
La bonne gouvernance tant désirée doit donc prendre en charge l'ensemble
de ces droits économiques.
,
i
59
i
~.iiiSIm;iii!'i.liiAiWlN&·##bii·2€tf; i31!'==:UZ&k4_

Dans ce chapitre, une sorte de bilan de l'économie sénégalaise sera dressée.
Une première section présentera une analyse de l'évolution des agrégats
macro-économiques et de la compétitivité de l'économie sénégalaise. Une
deuxième tentera de mettre en évidence la faible productivité globale et
sectorielle. Enfin la dernière s'intéressera la croissance post dévaluation de
1994.
Section 1.
Evolution des Agrégats Macroaéconomiques
et Facteurs de Contre Performance
A l'indépendance en 1960, le Sénégal avait hérité
d'infrastructures
matérielles et de ressources humaines relativement développées dans le
contexte africain de l'époque. Son PIB était alors supérieur à celui de la
Côte d'Ivoire ou du Cameroun.
Cette avance, le Sénégal n'a pu la conserver, pire elle va connaître la plus
faible croissance de tous les Etats africains épargnés par la guerre et les
conflits civils, avec un taux de croissance moyen annuel de 2,3%
entre
1960 et 1983.
Plusieurs facteurs sont à l'origine de cette situation, mais ce que l'on peut
noter d'ores et déj à c'est que l'économie sénégalaise est restée très
dépendante pendant longtemps de l'arachide, laquelle n'a pas connu une
évolution favorable sur le marché mondial, loin s'en faut. L'industrie
tournée vers la substitution des importations s'est très vite heurtée à
l'étroitesse du marché intérieur.
60

1. Evolution du pm
La croissance du PIB est restée faible , en moyenne 2,56%, entre 1960 et
1994,
alors que le croît démographique était en moyenne de 3%~ il
s'ensuivit une stagnation voire une légère baisse du revenu par tête.
Plusieurs explications sont avancées dans la littérature économique pour
rendre compte de ces faibles performances. Mais il faut tout d'abord
souligner que
l'économie
sénégalaise
est fortement
dépendante
de
l'évolution des cours de quelques matières premières comme l'arachide et
les phosphates, qu'il y a peu de produits à l'exportation et que le marché
intérieur est très exigu. La croissance du secteur arachidier a atteint son pic
en 1975-76 et depuis lors elle a tendance à chuter
entraînant dans son
sillage le PIB .
1.1 Les Caractéristiques de la production
De manière générale, on peut considérer les années de 1975-76-77 comme
la période de boom économique grâce à l'envolée des cours du phosphate et
des produits arachidiers . Compte tenu des recettes extraordinaires l'état
s'était engagé dans un vaste programme de dépenses publiques, notamment
en augmentant son portefeuille d'entreprises publiques. Mais dès 1979, le.
syndrome hollandais s'installa et le gouvernement fut contraint d'engager
ses premières mesures de stabilisation à travers le Programme de
Redressement Economique et Financier (PREF).
Le Sénégal est une petite économie dépendante, très sensible aux
paramètres externes (mouvement du dollar, prix des matières PEemières) et
aux
conditions
climatiques
sahéliennes
qUI
rendent
difficiles
le
développement de l'agriculture.
61

Il ne pleut pas suffisamment; et quand la saison des pluies est normale il y a
environ 3 mois de pluie. Le_s sécheresses sont fréquentes et favorisent la
désertification.
De
telles
conditions
n'ont
pas
été
favorables
au
développement de l'agriculture en général et de l'arachide en particulier
principale ressource du pays. Le déficit céréalier (entre 42-52%)
pèse
énormément sur la balance commerciale, 450 à 500000 tonnes de riz sont
importés chaque année pour une production locale qui dépasse difficilement
les 180 000 tonnes. A côté du riz, il y a la farine de blé l'autre denrée de
consommation populaire entièrement importée.
Ces facteurs" exogènes" étant, il ne faudrait pas perdre de vue les facteurs
de contre performance liés aux politiques macro-économiques et aux
institutions mises en place. Nous reviendrons sur la nature et l'inefficacité
des institutions de développement dans le chapitre 3.
L'engagement de
l'Etat dans
l'économie avec la multiplication des
institutions de développement, les entreprises publiques, l'administration des
différents marchés, a fortement altéré le dynamisme du secteur privé et
maintenu l'économie dans un état de sous compétitivité et de déséquilibre.
L'engagement
de
l'Etat dans
l'économie a eu
pour
corollaires un
endettement extérieur et une crOIssance non maîtrisée
des dépenses
publiques, sans que cela ait eu un impact positif sur la croissance à long
terme. L'étude de B.B.NIANG (1995) met en lumière la relation qui existe
. entre le déficit budgétaire et le déficit extérieur au Sénégal. En effet il a
démontré que l'augmentation du déficit budgétaire a eu un impact négatif
sur la balance commerciale quelque ait été le mode de financement (externe
ou interne) du déficit budgétaire. Cela veut dire que les dépenses publiques,
62

via ses effets multiplicateurs sur la demande globale ,constituent l'une des
causes importantes du déficit de la balance des paiements.
1.2 Evolution des Composantes de la Demande Globale
Ce qui a longtemps caractérisé le Sénégal avant la mise en place des
politiques d'ajustement structurel, c'est la frénésie de la consommation
finale au détriment de l'épargne et de l'investissement.
Chaque année à partir de 1976 la part accrue du PIB pnse par la
consommation
a
nécessité
un
flux
de
ressources
extérieures
supplémentaires. Il n'en est pas de même pour la demande d'investissement,
qui ne s'est élevée au dessus des niveaux de la période de base par rapport
au PIB que pour quatre années sur les onze considérées. En outre, si l'on
compare l'ampleur des changements dans le transfert de ressources net avec
les changements dans la part prise par la consommation, il apparaît
clairement que la croissance de la consommation a été la source principale
du besoin croissant de flux extérieurs.
C'est ainsi que l'épargne intérieure est restée faible avec une moyenne de 5%
du PIB ~ elle a même été négative au début des années 1980 (-70/0 en 1981).
Quant à l'épargne nationale qui prend en compte les revenus extérieurs nets
des facteurs et les transferts courants nets privés, elle est encore plus faible,
elle n'est que de 1% du PIB en moyenne sur la période 1969-90
(Berthelemy, Seck, Vour'ch, 1996)
Ainsi donc, l'emprunt extérieur finalement n'a servi qu'à soutenir cette
consommation tant publique que privée, au détriment de l'investissement.
Cette situation est mise en relief dans le tableau 1 suivant. Les transferts
réels de ressources sont défmis comme la différence entre l'absorption et le
63

pm. Les changements dans les ratios transferts extérieurs/PIB peuvent être
décomposés en quatre éléments qui sont:
- les changements dans les parts réelles de la consommation et de
l'investissement au sein du PIB (changements structurels)
- les changements de prix dans les biens de consommation et
d'investissement par rapport au déflateur du PIB (variation des prix)
-les changements du PIB réel (effets de croissance)
-les changements dans le taux de change réel (effets de taux de change).
Ainsi la décomposition des incidences structurelles
de la demande
d'emprunts extérieurs donnée à travers le tableau 1 étaye fortement
l'hypothèse selon laquelle ces emprunts favorisaient la consommation plutôt
que l'investissement.(Banque Mondiale, 1984).
Le gouvernement a ainsi utilisé une partie importante des fmancements
extérieurs pour subventionner la consommation. La consommation publique
est ainsi passée de 15% du PIB en 1975 à 22% en 1980, tandis que la
consommation privée passait de 72 à 79,4%.
64
it"...LZtJ&!&&
aJ,~25EZ=:L
_ &t&&5•.. _

Tableau 1 : DECOMPOSITION DE L'AJUSTEMENT INTERIEUR 1975-83
(en pourcentage du PIB constant ajusté de chaque année, par comparaison avec la période de base 1970-
72)
Composantes
!lli 1976
1977
1978
1979
1980
.ill!
1982
1983
1. Changements dans
0,8
5,2
1,6
12,6
17,0
20,1
33,4
18,4
22,1
le transfert net des ressources
2. Changement structurel
-2,2 -3,1
6,9
22,0
20,5
24,7
36,4
18,4
21,3
2.1(part de la consommation
-1,2 -3,8
7,2
22,0
19,7
30,3
41,2
26,0
27,9
2.2 (part de l'investissement) -1,° 0,7
-0,3
0,0
0,8
-5,6
-4,8
-7,6
-6,6
3. Changement de prix
2,4 7,6
-5,5
-9,1
-4,2
-5,7
-2,4
-0,1
0,2
3.1 (part de la consommation) -0,8 8,1
-7,6
-11,0
-7,6
-8,8
-7,4
-6,2
-7,3
3.2 (part de l'investissement)
3,2
-0,5
2,1
1,9
3,4
3,1
5,0
6,1
7,5
4.Effets de croissance
0,7
1,4
1,8
1,4
2,3
2,4
2,6
4,8
6,2
5. Effet du taux de change
-0,1
-0,7
-1,6
-1,7
-1,6
-1,3
-3,2
-4,7
5,6
Source: Banque Mondiale, Rapport ND 5243-SE 1984
La faible propension à épargner est structurelle et l'investissement est ainsi
tributaire de l'épargne extérieure. Entre 1969 et 1990, les flux fmanciers
extérieurs nets ont représenté en moyenne annuelle 9% du PIB soit les trois
quarts des investissements.
Ces flux fmanciers sont essentiellement d'origine publique (92%) avec la
France comme principal bailleur.
65
iiiiili:Kdi&JiiliMSaWiLdiidW+'

1.3 Etat, Société et Contre Performance
La surconsommation ne peut être compnse en dehors
des rapports
Etat/Société.
L'Etat s'était engagé
à subventionner
les
produits
de
consommation de première nécessité (riz, huile, lait, pain, sucre, etc), pour
des raisons idéologiques mais aussi pour satisfaire couches urbaines
politiquement organisées.
Aux yeux des masses c'est la Providence. L'élite au pouvoir a eu tort de faire
croire aux populations sénégalaises que tout devait reposer sur l'Etat. Ainsi
fut entretenue une sorte d'illusion économique dans la mesure les sénégalais
ignoraient la réalité des prix et ce que réellement toutes ces subventions
coûtaient à l'état età la collectivité. Cette illusion est entretenue par
l'absence d'une fiscalité conséquente: la grande majorité des sénégalais
échappait et échappe encore à l'impôt; la pression fiscale pendant la
période d'ajustement structurel et même jusqu'à présent reste faible.
Les institutions mises en place au lendemain des indépendances pour gérer
l'économie ont été érigées dans le but de perpétuer cette situation. Des
institutions on ne peut plus confuses, mal définies entre le socialisme
africain, le clientélisme et la corruption . C'est donc bel et bien ces
institutions
c'est
à
dire
,entre
autres,
les
entreprises
publiques,
la
planification, la réglementation des prix et des marges, la politique fiscale
qui sont en cause. Un tel dispositif institutionnel s'est avéré inefficace, pour
avoir favorisé la consommation et découragé l'épargne et l'investissement.
Cependant, nous devons évoquer d'autres facteurs sociaux (les institutions
informelies) pour mieux comprendre l'évolution des principaux agrégats
macro-économiques. Ils tiennent aussi bien aux aspects démographiques
qu'à à l'état des mentalités et de la culture.
66

Le taux de-fécondité est resté élevé malgré un revenu par tête constant vorre
déclinant. Le léger recul de l'indice synthétique de fécondité (nombre
d'enfants par femme en âge de procréer), de 7.2 en 1960 à 6.6 en 1986 n'a
pas permIS de renverser cette tendance de la croissance démographique
naturelle.
Au Sénégal, une certaine conception nataliste de l'Islam et la polygamie
favorisent un taux de fécondité élevé des femmes. La rivalité entre co-
épouses pousse le plus solivent les femmes à faire des enfants pour occuper
une place de choix aux yeux du mari et pour obtenir une bonne part
d'héritage. Une femme non irIstruite, n'ayant pas d'activité productive en
dehors du ménage peut elle raisonner autrement? A y voir de prés, elle a
même tout irItérêt à faire des enfants qui puissent l'aider aux tâches
domestiques pénibles et multiples.
Puisque dans les ménages ruraux, l'amélioration du bien être dépend
essentiellement
de
la
quantité
de
travail
domestique
effectuée
quotidiennement par les femmes, alors la scolarisation des enfants devient
très problématique, car dans la plupart des cas les ménages ruraux ne
peuvent se passer du travail des enfants. Le coût d'opportunité de
l'éducation dans le contexte rural,
peut être estimé en temps de travail
d'enfant auquel le ménage renonce; et c'est comme si le ménage réduisait sa
consommation (autoconsommation) de biens ou d'utilités pour mettre ses
enfants à l'école. - La consommation future en tant que revenu de
l'irIvestissement en capital humain n'est pas prise en compte, car la pression
des besoins à court terme délimite l'horizon temporel du ménage rural.
Avec le rajeunissement de la population, le taux de dépendance s'est élevé.
Le coefficient de dépendance, c'est à dire le rapport de la population de
moins de 15 ans et de plus de 65 ans sur la population des 15-65 ans, déjà
67
:=:nuU.4M*,5_.aLE. ,J.S.t

initialement élevé, est passé entre 1960 à 1988 de 83 à 103 pour cent. En
conséquence
une
partie
croissante
du
revenu
est
consacrée
à la
consommation au détriment de l'épargne.
D'après l'enquête sur les priorités E.S.P (1991), les transferts inter ménages
occupaient une place importante, intervenaient pour Il % des revenus des
ménages au niveau national en 1991 ; et presque autant que l'agriculture en
zone rurale (18%).
La solidarité sociale souvent observée mais difficilement quantifiable est
bien illustrée dans cette enquête.
Même si l'on ne peut s'empêcher de penser que la solidarité soit défavorable
à l'épargne, l'on ne peut non plus oublier que
cette donne culturelle joue un
rôle essentiel de stabilisation sociale. C'est une problématique
plus
complexe qu'il ne parait a priori.
En pays développé, les transferts des organismes de sécurité sociale jouent
peut on dire un rôle analogue de stabilisation sociale, et de la même manière
que dans les PVD, affectent l'épargne intérieure. La seule différence réside
dans les taux de dépendance, c'est à dire de la proportion de personnes sans
revenus.
La croissance à long tenne, en donnant plus d'emplois, a pour corollaire la
réduction du taux dépendance, celeris paribus . Il existe une corrélation
entre croissance (du revenu par tête) et baisse des transferts, mais quand le
pays reste sous développé, de surcroît avec une croissance démographique
incontrôlée, les liens de solidarité persistent et se développent.
Mais, puisque les transferts sont facteurs de stabilité sociale~ donc ils ont
paradoxalement un impact sur la croissance à long tenne.
68

'D'ailleurs, les travaux empiriques actuels montrent que l'instabilité sociale a
des incidences négatives sur la croissance.
2. Evolution de la Compétitivité
2.1 Le Taux de Change Effectif Réel Multilatéral
L'évolution du taux de change effectif réel, variable couramment utilisée
pour mesurer la compétitivité, n'est pas régulière. Pendant toute la décennie
soixante, le Sénégal a mené une politique macro-économique plutôt
restrictive comme en témoigne l'évolution de la masse monétaire : de 1963
à 1969, celle-ci a légèrement décru (environ 1 % par an), ce qui explique
que le taux de change effectif réel ait régulièrement baissé durant cette
période6. Cette baisse s'accentue en 1970-1971 en raison de la dévaluation
du Franc (FF) tandis que la masse
monétaire augmente durant ces deux
années en moyenne de 7,5 %. La décennie dix neuf cent soixante dix est
marquée par une politique conjoncturelle contrastée. En effet en 1974 le
prix international du phosphate et celui de l'arachide connaissent une forte
hausse. Le Sénégal qui bénéficie alors d'une brutale augmentation de ses
ressources fmancières s'est lancé dans une politique d'investissements
publics, de nationalisation et de prise de participation dans le secteur
industriel. Si on connaît mal l'ampleur du déficit budgétaire durant cette
période, la croissance de la masse monétaire traduit bien le caractère
expansionniste de la politique de 1974 à 1976. Avec le retournement de la
conjoncture internationale du phosphate, le Sénégal va rapidement connaître
un déficit insoutenable de ses fmances publiques et de sa balance des
paiements. Il va être contraint de mettre en œuvre une politique restrictive
6 Pour plus de détails voir S.Guillaumont , « les difficultés de mesure du taux de change réel: l'exemple du
Sénégal », Revue d'Economie du Développement 111993
69

qui apparaît dès 1977 dans le ralentissement de la croissance de la masse
monétaire.
Alors
que
la
courbe
du
taux
de
change
effectif
nominal
est
approximativement horizontale de 1970 à 1980, le taux de change effectif
réel connaît une brutale hausse en 1975 suivie d'une baisse pendant la
deuxième moitié de la décennie qui s'explique aisément par la politique
macro-économique qui vient d'être retracée.
Ayant à faire face à des tennes de l'échange défavorables et à un
endettement extérieur considérable, le Sénégal va être contraint pendant
toute la décennie quatre vingt de poursuivre sa politique restrictive. Dès
1979 le Sénégal passe par un accord de confIrmation avec le FMI pour
soutenir sa politique de stabilisation. Celle-ci apparaît clairement si on se
réfère à la croissance de la masse monétaire ou à l'évolution des [mances
publiques. La croissance de la masse monétaire est en moyenne de 1980 à
1988 de 8,55%), avec cependant une forte croissance en 1982 qui s'explique
par la conjugaison d'une bonne récolte d'arachide et du fInancement
monétaire d'un défIcit public en accroissement pour l'exercice 1981-1982.
Il est possible de calculer un solde budgétaire signifIcatif de l'impact du
budget de l'Etat sur la demande globale intérieure (dit solde budgétaire
primaire), en faisant la différence entre les recettes budgétaires nationales
(donc hors dons extérieurs) et les dépenses publiques effectivement payées
(honnis le service de la dette). On constate que le solde défIcitaire, qui a
effectivement crû en valeur absolue en 1982, diminue ensuite fortement
jusqu'en 1985, puis se stabilise en 1986 et 1987, remonte légèrement en
1988 et 1989.
Au regard de la politique macro-économique des années quatre-vingt,
l'évolution du taux de change effectif réel apparaît paradoxal. En effet le
taux de change effectif réel s'élève entre 1981 et 1986 (particulièrement les
70

deux dernières années), s'appréciant ainsi de 20%, et ne recommence à
diminuer qu'à partir de 1987.
Même après 1987, la diminution reste faible car le taux de change effectif
réel reste au dessus de 1980, c'est dire au début de la période de
stabilisation et d'ajustement structurel. Malgré les mesures d'ajustement
interne, la compétitivité s'est amenuisée.
Cette évolution traduit-elle une
inefficacité de la politique macro-
économique du Sénégal fondée sur une politique budgétaire et monétaire
qui certes a été dans l'ensemble restrictive, mais a connu un relâchement en
1982 et n'a pas été accompagné d'une dévaluation de la monnaie?
Cette interprétation pourrait être corroboré par les difficultés qu'a connues
le Sénégal dans ses relations avec les organismes de Bretton Woods dans la
première moitié des années quatre-vingt: trois accords passés avec le FMI
ont dû être annulés (l'accord de facilité élargie en 1980, le 3e accord de
conftrmation de 1982, et le 6e accord de 1986), le premier prêt d'ajustement
structurel de la Banque mondiale (accord en décembre 1980) n'a pu être,
contrairement au suivant, entièrement mobilisé.
Cependant cette interprétation ne correspond pas à l'évolution du déficit
commercial. En effet on constate que le déficit en ressources (solde des
opérations sur biens et services non facteur calculé aux prix de 1980) qui
s'était accru de 1975 à 1981, passant de 27 milliards de francs CFA à 127
milliards, a ensuite diminué pour atteindre 42 milliards en 1989. Cette
amélioration de la balance commerciale n'est pas un signe de regain de
compétitivité, mais un des effets de la politique protectionniste et des
mesures d'ajustement interne.
71

Pour comprendre l'évolution du taux de change effectif réel, il convient donc
de prendre en compte la politique de protection vis-à-vis de l'extérieur et
l'administration intérieure des prix.
Le renforcement de la politique protectionniste dans la première partie de la
décennie quatre-vingt correspond à une dépréciation du taux de change réel,
dans sa défmition théorique de prix relatif des biens faisant ou non l'objet du
commerce international, alors même qu'en élevant le pnx des biens
industriels protégés elle exerce un effet à la hausse du taux de change
effectif réel. Inversement, la libéralisation de la politiqu~ commerciale,
effective essentiellement en 1987, est équivalente à une appréciation du taux
de change réel, tandis qu'elle contribue à freiner la hausse des prix intérieurs
et donc à abaisser le taux de change effectif réel.
La politique protectionniste a ainsi contribué à côté des autres mesures de
stabilisation à freiner les importations.
L'utilisation du taux de change effectif réel ne permet pas d'apprécier
correctement, à court terme, l'impact de l'évolution des prix relatifs sur la
compétitivité de l'économie. Toutefois, comme à long terme la politique de
contrôle des prix s'avère souvent incapable d'empêcher la haùsse des prix et
comme la protection vis-à-vis de l'extérieur suscite le développement
d'importation frauduleuses, il est probable que le taux de change effectif réel
tende après quelques années à retrouver un niveau conforme à ce que prédit
la théorie économique.
C'est pour dire que la politique protectionniste et des pnx administrés,
longtemps appliquée au Sénégal, ont
certes
contribué à éroder la
compétitivité de l'économie sénégalaise, mais aussi que le taux de change
effectif réel multilatéral ne permet pas toujours de bien saisir la détérioration
de la compétitivité, du fait de son caractère synthétique.
72

II est donc utile de se référer aux taux de change effectifs réels bilatéraux
(voir infra) pour se faire une idée panoramique de la compétitivité de
l' économ ie sénégalaise.
Par ailleurs l'utilisation d'un indicateur de distorsion du taux de change réel
d'équilibre permet de remédier à certaines lacunes méthodologiques liées au
calcul simple du TCER. Le modèle de taux de change réel d'équilibre utilisé
par A.NDIA YE dans une étude sur le taux de change réel et la croissance
dans les pays-CFA montre clairement que l'implication des politiques
macro-économiques dans l'évolution de la compétitivité.(voir A.NDIAYE,
2000)
2.2 L'Evolution des TCER Bilatéraux. 2
2.2.1 par rapport aux principaux concurrents sur les marchés
d'exportation
En comparant , entre 1960 et 1990, le taux de change effectif nominal du
CFA par rapport au dollar et la moyenne géométrique des taux de change
effectifs nominaux bilatéraux des pays partenaires du Sénégal vis-à-vis du
dollar, A. DIAW montre que le CFA s'apprécie beaucoup plus vis-à-vis du
dollar que les monnaies de ses partenaires par rapport à la devise américaine.
Cette tendance à l'appréciation du CFA tendrait à indiquer une baisse de la
compétitivité extérieure du pays par rapport à ses principaux concurrents.
La question importante qui se pose en filigrane est dès lors celle-ci: quelle a
été l'évolution de la position compétitive de l'économie sénégalaise par
rapport à ses principaux concurrents?
2 Les indicateurs et les analyses sont plus détaillés dans ADIAW « Politique macro-économique et
Compétitivité de l'économie sénégalaise. Journéees Scientifiques de l'Economie Sénégalaise. Juin 1997
CREA Université de Dakar
.
73

Qu'il s'agisse de la Chine, de la Thaïlande, du Pakistan, de l'Indonésie, du
Maroc ou du Nigeria. L'indicateur de TCER bilatéral est calculé
selon
toujours la même méthodologie que pour le TCER multilatéral à partir du
taux de change officiel et des rapports des indices de prix à la
consommation
TABLEAU 2 : Taux de change effectif réels du CFA au Sénégal par rapport à la
monnaie de certains concurrents
Pays
1970
1975
1980
1985
1990
1993
Nigeria
57,9
50,67
31,56
15,98
91,92
96,65
Maroc
69,58
75,91
68,88
82,03
100,08
92,34
Chine
30,78
44,43
46,73
55,88
103,26
91,6
Pakistan
37,45
72,93
71,29
60,43
111,56
111,27
Thaïlande
77,07
92,1
86,44
67,13
98,25
83,81
Indonésie
55,65
50,49
57,38
47,57
99,2
85,6
Source: A. DIAW op cit
Ce tableau appelle les principaux commentaires suivants:
Par rapport à la monnaie nigériane,
on constate une
dépréciation
significative du taux de change réel jusqu'au milieu des arinées 80, période
caractérisée par des politiques budgétaires et monétaires expansionnistes au
Nigeria, non accompagnées par un ajustement de la valeur nominale de la
Naira. La position compétitive du Sénégal se dégrade sensiblement après
1985 en dépit d'une évolution favorable des prix relatifs en raison
notamment de la dépréciation de la Narra vis-à-vis du CFA. En effet, entre
1985 et 1990, le CFA s'apprécie de 475% par rapport à la monnaie
nigériane. Cette évolution défavorable de la compétitivité du Sénégal vis-à-
vis du Nigéria commence à se ralentir au début des années 1990. Entre
7 Les indicateurs et les analyses sont plus détaillés dans A.DIAW « Politique macro-économique et
Compétitivité de l'économie sénégalaise Journéees Scientifiques de l'Economie Sénégalaise. Juin 1997.
CREA Université de Dakar.
74

1990 et 1993, le CFA ne s'apprécie que de 5%
par rapport à la Naïra; la
dévaluation du CFA intervenue en 1994 inverse la tendance.
Quant au Maroc, la compétitivité du Sénégal par rapport à ce pays
commence à se dégrader sensiblement à partir de 1980. Entre 1980 et 1985,
le TCER s'apprécie de 19% et de 22% entre 1985 et 1990. On observe entre
1990 et 1993 une tendance à la dépréciation du TCER qui sera confortée
par la modification de la parité en 1994.
Par rapport à la Thaïlande, la compétitivité de l'économie sénégalaise se
détériore assez nettement. Le TCER s'apprécie de 19% entre 1970 et 1975.
La compétitivité de l'économie s'améliore ensuite de 1975 à 1985 avant de
se dégrader à nouveau de façon notable (le TCER s'apprécie de 46%).
le TCER bilatéral du CfA par rapport à la monnaie indonésienne s'apprécie
aussi fortement (de 108%) entre 1985 et 1990 traduisant une baisse de la
compétitivité de l'économie sénégalaise vis-à-vis de l'Indonésie. Cette
compétitivité s'améliore ensuite entre 1990 et 1993.
De même, on observe une très forte détérioration de la compétitivité du
Sénégal à l'égard de la Chine et du Pakistan. Le CFA s'est apprécié par
rapport à la monnaie chinoise de 52% entre 1970 et 1980 et de 121 % entre
1980 et 1990.
Relativement à la monnaie pakistanaise, l'appréciation, est de 90% entre
1970 et 1980 et de 56% entre 1980 et 1990. A partir de 1990, la dégradation
de la compétitivité extérieure du Sénégal par rapport à ces deux pays
s'amenuise, phénomène que la dévaluation va amplifier.
75

Il faut aussi noter que le système monétaire en vigueur entre le FF et le
CFA, c'est à dire la parité fixe, a beaucoup contribué à cette situation. Le
TCER multilatéral a augmenté de 25% entre 1985 et 1990, par suite de
l'appréciation du FF par rapport au dollar et au Naira. (Banque Mondiale
1993)
En résumé, la principale conclusion que Fon peut tirer de cette analyse de
l'évolution des TCER multilatéral et bilatéral du Sénégal est suivante: s'il
n'y a pas eu d'augmentation systématique du TCER multilatéral du fàit de
la relative maîtrise de l'inflation au plan interne, l'évolution du TCER vis-à-
vis des pays asiatiques, du Nigéria et du Maroc révèle en revanche une perte
significative de la compétitivité extérieure du Sénégal, surtout dans les
années 1980.
2.2.2 par rapport aux pays de l'UEMOA
Pour ce qui est de l'UEMOA, il a été possible par rapport à certains pays (la
Côte d'Ivoire, le Niger, le Togo et le Burkina Faso) de calculer un taux de
change réel moyen avec une pondération reflétant approximativement
l'importance des échanges avec ces pays. (A.DIAW 19997)
Il ressort ainsi surtout pour la période (1982-1993) que le taux de change
effectif réel a été caractérisé par une appréciation tendancielle, indiquant
ainsi une perte de compétitivité de l'économie sénégalaise par rapport à ses
voisins dans les années 1980. Il est d'ailleurs symptomatique que le salaire
minimum soit supérieur au Sénégal à ce qu'il est dans les autres pays de
l'Union à l'exception de la Côte d'Ivoire. De façon plus fondamentale, de
1982 à 1994, le SMIG dans ce dernier pays et au Niger est resté au même
niveau, alors que dans le même temps, il augmentait de 43% au Sénégal
contre seulement 10% au Togo et 14% au Burkina-Fasso. Cette hausse des
salaires n'ayant pas été accompagnée d'un accroissement conséquent de la
76

productivité de ses tirailleurs, le pays est devenu moins compétitif vis-à-vis
de ses voisins; évolution que traduit le TCER par rapport à ces derniers.
Section 2
Sources de Croissance ou Sources
de non Croissance?
1 Analyse de la Productivité Globale de l'Economie
La productivité apparente du travail qui est généralement calculée est une
mesure très partielle, car le travail n'est qu'un facteur de production parmi
tant d'autres. Avec le concept de productivité globale des fàcteurs (PGF) qui
est le ratio de la production sur l'ensemble des facteurs de production, nous
obtenons une mesure plus complète.
Dans la problématique des sources de la croissance, l'analyse du taux de
croissance de la productivité globale des facteurs pemlet en quelque sorte de
juger de l'efficacité d'un système productif donné.
Sous les hypothèses néoc1assiques de concurrence pure ·et parfaite, et de
rendements d'échelle constants, le travail et le capital sont pondérés par leurs
parts respectives dans le PIB ou dans la valeur ajoutée s'il s'agit d'un secteur
ou d'une entreprise.
Ainsi la croissance de la productivité globale des facteurs (CPGF) "TFP
growth" permet de capter: les changements qualitatifs du stock de capital et
de la main d' œuvre, J'efficacité dans l'allocation ou la gestion des ressources
et le progrès technique inclus dans les autres facteurs de production autres
que le travail et le capital.
Partant de l'estimation économétrique d'une fonction de production Cobb-
Douglas, la PGF peut être assimilée au résidu.
77

Dans une économie où le revenu par tête est stagnant voire déclinant,
comme au Sénégal, on doit s'attendre à ce que la croissance de la PGF soit
faible voire nulle. En effet c'est la contribution de la PGF- englobant, entre
autres déterminants de la croissance, le progrès technique-qui doit propulser
le taux de croissance économique au delà de la contribution des facteurs
structurels que sont le stock de capital et le travail. Les
études sur le
Sénégal et nos estimations confirment qu'un tel scénario ne s'est pas
produit.
1.1 L'évolution du Stock de capital
En accédant à l'indépendance, le Sénégal était le pays le mieux doté en
infrastructures de l'ensemble des colonies françaises d'Afrique, pour avoir
abrité la capitale administrative de l'ex AOF et les principales industries
destinées à satisfaire les besoins en biens de consommation de la sous
région occidentale française.
Les investissements ont décliné d'année en année de 1960 à 1971, évoluant
entre 106 et 105 Milliards (CFA de 1987).Cette léthargie peut s'expliquer
par l'accession à l'indépendances de tous les Etats voisins du Sénégal .En
effet le Sénégal se retrouva avec des surcapacités de production à cause de
la fermeture de marchés que représentaient ces colonies de l'ex-AÜF, et elle
hérita aussi d'une administration pléthorique.
A partir de 1972 les investissements commencent à croître sous l'initiative
de l'Etat à travers les plans quinquennaux de développement et les
entreprises publiques.
Mais de manière globale le taux de croissance de l'investissement est resté
faible sur la longue période. ( vQir tableau 3 )
78

La méthode généralement utilisée pour générer Wle série de stock de capital
est celle de l'inventaire permanent, qui donne le stock de capital de chaque
périodeconunesuit:
Kt =(1- èi)K
+
t_1
1t-1
où Kt représente le stock de capital à la période t,
1t représente l'investissement en t
8 est le taux de dépréciation du capital.
Le stock de capital est donc égal à l'accumulation des investissements passés,
dépréciés chaque année à un taux constant. Mais cela suppose que le stock de
capital initial soit connu.
Le taux de dépréciation généralement retenu pour les pays industrialisés est
de 4%. Sur cette base nous disposons aujourd'hui de deux séries de stock de
capital qui illustrent la faiblesse de l'accwnulation du capital physique au
Sénégal.
Compte tenu de la maintenance défectueuse des infrastructures sénégalaises,
les taux de dépréciation ci dessus conventionnellement admis nous semblent
sous estimer la réalité. Malgré tout, la croissance du stock de capital reste très
largement inférieure à celle de la population (30/0); ainsi parmi les facteurs de
contre performance de l'économie sénégalaise, on peut d'ores et déjà
mentionner la baisse continuelle du capital par tête.
C'est un processus de dévalorisation du capital et de stagnation technologique
dans la mesure où, non seulement la dégradation est rapide mais aussi les
équipements sont généralement vétustes. D'où la faible contribution du capital
à la croissance de l'économie sénégalaise : 22 pour cent.
79

1.2 Evolution de la Productivité Globale des facteurs
Dans un tel contexte de baisse tendancielle du capital par tête, l'on ne
s'étonnera guère de la contribution nulle voire négative de la PGP.
C'est pour cette raison que les résultats obtenus par (Berthelemy, Seck,
Vour'ch, 1996) appellent quelques commentaires.
Les taux moyens de croissance de la PGP entre 0,5%
et 0,75% - avec
alternativement des taux positifs et négatifs- semblent proches de la
moyenne africaine.
En effet comme l'indiquent les résultats contenus dans le tableau 4, la
croissance de la PGF depuis 1971 est quasi nulle voire négative .En Afrique
au Sud du Sahara la principale source de croissance reste le travail et sur ce
dernier point les études concordent et confIrment l'importance du facteur
travail.
La contribution du travail de 58% nous semble nonnal, mais c'est celle du
capital- entre 48% et 82% selon les résultats de BERTELEMY, SECK et
VüURC'H - peut paraître trop élevée, dans un contexte africain de rareté
du facteur capital. Ceci est d'autant plus surprenant qu'au Sénégal il existe
des surcapacités de production, des équipements vétustes et mal entretenus
et des investissements faibles.
Mais les résultats dépendent aussi des hypothèses faites sur les paramètres
de calcul comme les élasticités des facteurs au produit, le taux de
dépréciation du capital et le coefficient de capital retenu pour estimer le
stock de capital initial. Différents scénarios sont ainsi illustrés dans le
tableau.
80

Tableau 3 : Taux de Croissance moyen annuel
(pourcentages)
1960-1990

2.3
Stock de capital
Coefficient de capital = 2 en 1960
1.7
Coefficient de capital = 2.5 en 1960
1.1
Emploi! Population active
1.9
Productivité du travail
04
Stock de capital par actif
Coefficient de capital = 2 en 1960
-0.2
Coefficient de capital = 2.5 en 1960
-0.8
Productivité globale des facteurs
Coefficient de capital = 2 en 1960 et élasticité du produit au capital = 0.3
0.5
Coefficient de capital = 2.5 en 1960 et élasticité du produit au capital = 03
0.7
Coefficient de capital = 2 en 1960 et élasticité du produit au capital = 04
0.5
Coefficient de capital = 2.5 en 1960 et élasticité du produit au capital = 0.4
0.75
Source: J.C BERTHELEMY, A. SECK, A VOURCH (1996)
Tableau 4
Sources de la croissance en Afrique
1971-92
1971-81
1982-91
Trend PIE
3.4
4.5
2.3
Contribution du capital
1.9
2.9
1.0
Contribution du travail
1.3
1.4
1.5
Contribution de la PGF
0.2
0.2
-0.2
SOUl·ce. FMI, World Economie Outlook May 1993 pA8
2. La Productivité dans l'Agriculture
L'agriculture constitue la première activité économique par le nombre
d'emplois qu1elle offre (70% de la population active). Malgré cette
81

Importance, sa contribution à la formation du PIB qui était de 18,75% sur la
période 1960-66 est tombée à environ Il % aujourd'hui.
L'évolution de l'agriculture sénégalaise comme d'ailleurs du secteur primaire
sénégalais semble marquée par le tournant des années 1975-76.
De 1960 à 1976, elle a connu une croissance régulière avec une pointe en fIn
de période, mais depuis lors la production a plutôt tendance à chuter.
Entre 1980 et 1991, elle a connu une croissance presque nulle de 0,3% en
moyenne alors que le secteur compte près de 2/3 de la population active.
Tableau
5
Evolution de la production agricole ( milliards Frs constants)
1970
255
1971
213
1972
264
1973
221
1974
273
1975
283
1976
326
1977
303
1978
232
1979
295
1980
241
1981
227
1982
283
1983
297
1984
245
1985
264
1986
291
1987
299
1988
328
1989
300
1990
331
Source· Banque Mondiale, Annuaire statiSTique \\992
82

Les faibles niveaux de production en céréales(mil, sorgho, riz et mais) et la
croissance démographique (3% per annum) se sont soldés par une baisse
continue du taux de couverture alimentaire.
Ce déficit global est la résultante du recul de la production dans la quasi
totalité des zones agro écologiques. Parmi celles-ci, les zones les plus
humides du pays affichent le déclin le plus surprenant~ autant dire que la
faible pluviométrie n'est pas toujours en cause dans la contre performance
de l'agriculture.
L'évolution de l'Agriculture sénégalaise est très marquée par celle de
l'arachide qui elle aussi commenée sa chute vertigineuse à partir de 1976
(voir Chap.3).
A côté de l'arachide, le mil-sorgho, le mais, le coton et le manioc sont les
principales cultures pluviales. Depuis quelques années est lancée à grande
échelle la culture irriguée du riz au nord. L'horticulture est en balbutiement
et mériterait beaucoup plus d'attention compte tenu des potentialités qu'elle
recèle.
La stagnation de l'agriculture sénégalaise est due à plusieurs facteurs:
- Wle dépendance à la pluviométrie de plus en plus insuffisante et mal
répartie
- des méthodes de production extensives et rudimentaires
- « un encadrement étatique massif, inadéquat et paralysant dépossédant les
producteurs ruraux de toute initiative créatrice et contribuant à ponctionner
une importante partie des maigres surplus agricoles à des fms non
productives)} comme l'a souligné KASSE (1993) .
2.1 Facteurs Climatiques et Pédologiques
La prédominance d'une agriculture pluviale (98% des terres) sur une
83

agriculture irriguée expose le Sénégal aux vicissitudes de la pluie. La
fréquence des années à faible pluviométrie est de plus en plus élevée,
reflétant ainsi les glissements importants des isohyètes entre les deux
dernières décennies. Dans certaines zones, les baisses ont porté sur plus de
100 à 200 mm entre les périodes considérées. Ainsi, au nord d'une ligne
traversant
le
bassin
arachidier,
approximativement
de
Kaolack
à
Tambacounda, il y a une probabilité de 50% pour que la pluviométrie soit
en dessous de 800 mm, ce qui est à peu près le minimum souhaitable pour
cultiver avec succès arachides, coton, sorgho ou mais.
De plus, la capacité de l'environnement soudano-sahélien à se remettre de la
sécheresse est sans aucun doute affaiblie par l'élevage et l'agriculture
extensifs. Ces pratiques favorisent la dégradation de l'écologie et la
désertification. La nature de l'interaction entre l'homme et la nature dans le
processus de désertification est certes complexe et demande à être étudiée
plus profondément, mais il est possible que la capacité des sols légers du
bassin arachidier à fournir une production agricole soutenue continue de
décliner même avec le retour d'un cycle d'années à forte pluviométrie.
On ignore également quels investissements seraient nécessaires en matière
de contrôle de la salinité et de contrôle de l'eau pour restaurer la capacité
rizicole des bas fonds et des rivières des régions de Casamance et de
Kaolack, qui a pâti du manque d'eau et de la teneur en sel de plus en plus
marqués.
Bref, les signes de dégradation écologique sont déjà suffisamment graves
pour justifier et commander une véritable stratégie "anti-désertification".
Les années 70 se sont révélées particulièrement difficiles pour l'agriculture
sénégalaise en raison, d'une part de l'entrée en vigueur de la convention de
y aoundé qui fit perdre 25%
du prix de l'arachide et d'autre part de
84

l'apparition de périodes de sécheresse récurrentes ayant entraîné l'annulation
des dettes paysannes en 1970- 71 et 1972-73. Ainsi La part de l'arachide
dans les exportations passait de 75% en 1968 à 330/0 en 1974.
2.2 Des Institutions et des Politiques Inefficaces
Entre le libéralisme et le socialisme marxiste-léniniste, le Sénégal avait
choisi une voie intermédiaire de socialisme africain dans lequel l'Etat et les
coopératives paysannes devaient jouer les premiers rôles devant le marché et
les individus.
De
1960 à
1967,
l'agriculture
sénégalaise
a
connu
ses
meilleures
performances avec la mise en place du Programme Agricole (PA) et des
organismes publics (OCA puis ONCAD) chargés de la commercialisation
arachidière.
Le Programme Agricole était un système d'encadrement basé sur le crédit à
l'équipement et aux intrants. S'agissant de l'encadrement technique et de la
recherche d'une meilleure productivité, la SATEC et la SODEVA furent
crées avec comme objectifs d'accroître les rendements du mil et de
l'arachide.
Ces institutions montrèrent leurs limites et furent mises à mal dès le début
des années 1970.
La période 1974- 81 voit l'émergence de nouvelles structures:
- l'ONCAD ayant le monopole de la commercialisation de l'arachide, et en
charge la gestion des coopératives, il sera remplacé plus tard par
la
SONAR,
- la SONACOS qui prendra la gestion de la filière arachidière suite à la
faillite de l'ONCAD et de la SONAR,
85

- la Caisse de Péréquation et de Stabilisation des Prix (CPSP),ayant en
charge la fixation des prix des agricoles et la gestion des principales filières
à l'importation et à l'exportation de produits agricoles et de denrées
alimentaires de première nécessité.
Il faut noter que c'est une période de prolifération des sociétés d'Etat non
seulement dans l'agriculture mais dans toute l'économie. En effet de 1974 à
1977, l'évolution des cours mondiaux et les conditions climatiques avaient
été exceptionnellement favorables, permettant des récoltes record, le
doublement des prix des céréales et du coton et une augmentation de 80%
de celui de l'arachide. Mais à partir de 1977, l'agriculture entra dans une
phase de déclin , les paysans se surendettèrent malgré les annulations de
dettes consenties par l'Etat après les sécheresses de 77178 et 80/81.
L'ONCAD enregistra d'énormes déficits et de graves dysfonctionnements
qui avaient fini par entraîner sa dissolution 1980.
L'ONCAD fut remplacé par la SONAR, une structure plus légère mais cela
n'empêcha un déficit supplémentaire de 27 milliards CFA et une suspension
de fait du crédit agricole et l'effondrement de la filière arachidière.
Nous verrons plus loin en quoi les différentes
réformes institutionnelles
étaient inappropriées face
à une crise de spécialisation dont souffre
l'agriculture sénégalaise depuis 1976.
2.3 le Tournant des années 1980: la Nouvelle Politique Agricole (NPA)
le gouvernement a entrepris en 1980 un très important programme de
réfonnes institutionnelles et des politiques visant à rationaliser la chaîne de
commercialisation de l'arachide, à décentraliser le système de distribution
des intrants, à réviser le système coopératif, à abolir l'ONCAD et à
améliorer l'efficacité des agences de développement rural.
86

A partir de 1986, sous la pression de la Banque mondiale et du FMI, va se
mettre en place une Nouvelle Politique Agricole (NPA) qui en réalité était à
un désengagement financier désordonné (arrêt de toute subvention et des
crédits), livrant les paysans à eux mêmes.
Les Programme d'Ajustement Structurel Agricole (PASA)et du Programme
d'Investissement pour le Secteur Agricole (PISA) marquent l'option du
gouvernement de transférer au secteur privé l'exécution et la gestion des
missions de production, de transformation et de commercialisation, dans un
contexte de libéralisation des prix. L'Etat conserverait les missions de
service public qui lui sont régulièrement dévolues (défmition de politiques
et stratégies agricoles, missions de police et de contrôle, applications des
lois et règlements, collecte et diffusion d'informations pouvant guider les
acteurs dans leurs prise de décisions, actions curatives et préventives face
aux risques majeurs et aux calamités naturelles) ainsi que les missions
d'appui au monde rural (animation et structuration du monde rural,
assistance technique, formation et vulgarisation).
Malgré le relèvement du prix au producteur de 100/0 dans le cadre du PAS l,
le monde rural s'est enlisé dans la pauvreté : des sols et des hommes.
La contradiction manifeste entre les objectifs de production et la mesure de
suppression des subventions aux intrants ne tardera pas à se traduire par des
contre performances de l'agriculture. C'est ainsi que, sur la période 1989-
93, la contribution de l'agriculture au PIB n'a pratiquement pas varié par
rapport aux périodes précédentes et, sur la même période, la croissance
moyenne du PIE agricole a été négative (- 0,6%), de même que celle du PIB
primaire (- 0,5%).
Le PASA n'a pas encore donné de résultats probants. «Sa mise en œuvre
n'a eu d'effets directs ni sur les superficies cultivées ni ,sur le niveau de
87

production, c'est qui ressort de l'évaluation du gouvernement (Ministère de
l'Agriculture 1997).
S'agissant du bilan céréalier, le taux de couverture des besoins nationaux en
céréales par la production locale qui généralement varie entre 48 et 58% n'a
connu aucune amélioration significative.
Les superficies cultivées sont restées pratiquement constantes (2110993 ha,
soit 65% des superficies totales cultivables).
Cependant, le programme des réfonnes institutionnelles a buté sur plusieurs
obstacles socio-politiques qui ont ainsi retardé sa mIse en œuvre, sans
oublier les hésitations gouvernementales entre des solutions radicales et
intermédiaires (exemple de l'ONCAD on est passé à la SONAR puis la
SONACOS).Ces hésitations n'ont fait que retarder la mise en place
d'institutions privées et la réhabilitation du marché, sans lesquelles on ne
peut espérer une véritable relance de l'agriculture sénégalaise.
Les efforts de diversification entrepris dans le cadre de l'exécution de la
dernière phase du yèmc plan de développement économique et social (1983-
84) dans la perspective d'une réduction significative des importations de blé
et de riz se sont traduits par d'importants investissements (barrages)
destinés aux cultures irriguées.
Les résultats significatifs attendus de ce choix tardent à se faire sentir. L'on
sent beaucoup de difficultés pour la mise en place des institutions requises,
notamment la réforme foncière ou privatisation de la terre qui sont
indispensables au développement d'une agriculture intensive seule capable
de rentabiliser les infrastructures hydro électriques déjà existantes.
Les terres depuis la loi sur le Domaine National sont gérées par les
communautés rurales qui les attribuent à ses ressortissants. Mais une terre
généralement appartient à une famille et parfois à plusieurs familles l'ayant
héritée d'un même ancêtre commun. Les droits individuels de propriété,
88

peut on dire ne sont pas inaliénables ou garanties par les institutions
actuelles. Malgré tout la terre fait l'objet de transactions
mais
qui sont
souvent litigieuses. En effet, il arrive qu'une terre fasse l'objet de plusieurs
transactions nébuleuses et malhonnêtes. Bref, l'absence de cadastre rural et
d'immatriculation, de par l'incertitude que cela engendre, n'incite guère au
fmancement et à l'investissement dans l'agriculture. Cette situation constitue
un sérieux obstacle à la modernisation de l'agriculture.
Les institutions de développement rural mises en place depuis 1960 ont le
plus souvent échoué parce qu'elles étaient non seulement mal gérées mais
surtout parce qu'elles n'ont pas pennis de relever les nombreux défis
écologiques. En effet, la maîtrise de l'eau, la lutte contre la désertification,
les travaux hydro agricoles et de maîtrise de l'environnement, la recherche
agronomique devaient constituer les priorités de la production agricole, mais
tel n'a pas été le cas.
H aurait fallu davantage promouvoir les investissements qui pennettent de
maîtriser et pérenniser les conditions physiques d'une agriculture viable.
Malheureusement ces institutions, à part la SAED, avaient une mission
d'exploitation et non de réalisation d'infrastructures.
2.4 La Fonction de Production Agricole ou des Méthodes de
Production Extensives
L'analyse à partir d'une fonction de production nous permettra de restituer la
place des différents facteurs de production, de saisir leurs contributions en
tant que déterminants, et finalement d'estimer la productivité globale ou le
progrès technique dans l'agriculture.
Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, que peut on dire sur les
caractéristiques et sur l'évolution des facteurs de production agricoles?
89

Outre la terre, le travail est le principal facteur de production, l'utilisation de
fertilisants et de pesticides est très faible, les exploitations sont de petites
dimensions. C'est donc une agriculture extensive essentiellement sous pluie
avec des sols pauvres.
- le facteur terre
Sur les 197 000 km2 de superficie que compte le Sénégal, on estimait au
début des années 1960 que les terres cultivables représentaient 390/0 du
territoire et que 9.5% des terres étaient effectivement cultivées.
Mais comme tous les autres pays sahéliens, ·le Sénégal a connu des
glissements importants des isohyètes entre 1970 et 1990. Dans certaines
zones, les baisses ont porté sur plus de 100 à 200 mm. Etant donné que la
plupart des superficies agricoles sont emblavées sous pluie, ces conditions
climatiques ont diminué les terres arables.
Aujourd'hui, l'agriculture sénégalaise repose sur un disponible en terres
arables de 3,8 millions ha, soit 19% de la superficie totale du pays.
Les terres disponibles restantes sont constituées de forêts, savane, parcours
classés, de zones non classées et de terres non cultivables.
A partir de ces données, on peut dire que l'agriculture sénégalaise a perdu en
20 ans environ 20% de son patrimoine de terre cultivable. Ce qui est énorme
et appelle donc à des mesures urgentes de protection de renvironnement,
même si annuellement il existe théoriquement un disponible non encore
exploité de 35% des terres cultivables. Mais ce qui rend vulnérable
l'agriculture sénégalaise, c'est la prédominance de l'agriculture pluviale. En
effet 98% des terres du pays sont emblavées en cultures pluviales avec des
méthodes de production rudimentaires mais surtout avec d'importants
risques climatiques.
De plus, les 2% des terres situées dans le domaine irrigable sont localisées
en grande partie dans la vallée du Fleuve Sénégal qui concentre en
90

concentre les 87%.
Depuis 1968 ( graphique) on observe une stagnation des surfaces cultivées
qui semble indiquer que l'agriculture extensive touche à ses limites. Depuis
cette époque donc date la tendance à la diminution des surfaces emblavées,
c'est dire que les difficultés de l'agriculture sénégalaise datent de très
longtemps.
- le facteur capital
Le niveau d'équipement de l'agriculture sénégalais reste très faible. En effet
le mode d'exploitation extensif ne permet pas la mécanisation encore moins
la motorisation. Après la seconde guerre mondiale, l'échec de la Compagnie
Générale des Oléagineux (CGOT) dans sa tentative d'intensification de la
culture arachidière avait prouvé que les structures sociales et foncières ne
permettaient guère de rentabiliser une agriculture intensive. Il fallait dans ce
contexte un équipement léger et peu coûteux.
Ainsi la politique d'équipement rural mise en place à l'indépendance, sous
l'égide de l'ONCAD a permis la généralisation de la culture attelée, et
l'utilisation
du
semoir,
l'extension
des
terres
cultivées.
Les
autres
instruments utilisés par les paysans sont la houe, la charrue, la charrette, la
souleveuse et l'hiler qui sont le plus souvent de fabrication artisanale.
Il est plus que problématique de vouloir quantifier ce stock de capital, de
suivre son évolution. Cependant, on peut dire sans risque de se tromper que
le paysannat sénégalais est de plus en plus sous équipé depuis l'avènement
de la NPA qui a supprimé les crédits et subventions au monde rural. Par
ailleurs, les investissements en infrastructures ont été faibles, le secteur rural
n'ayant jamais constitué un secteur prioritaire d'investissements publics.
La région nord du Fleuve Sénégal constitue l'exception car elle a bénéficie
depuis 1964 d'un ambitieux programme d'infrastructures hydroélectriques.
91

Etant donné que la majorité de la population rurale pratique une agriculture
pluviale sur 980/0 des terres cultivables, avec des techniques de production
traditionnelles, on peut donc estimer une fonction de production agricole qui
néglige le facteur.
-
les intrants
Une des caractéristiques fondamentales de l'agriculture sénégalaise est la
faiblesse de l'utilisation d'engrais chimiques et de pesticides, même si le
pays est un grand exportateur de phosphates et de produits dérivés comme
les engrais et les acides. C'est d'ailleurs là un des paradoxes de l'agriculture
sénégalaise.
L'arachide avait pu bénéficier d'engrais organiques pendant le programme
agricole mais de manière très limitée, et depuis la mise en place de la NPA,
la plupart des paysans livrés à eux mêmes ne sont plus en mesure de se
payer des semences, encore moins des engrais.
Le coton et le riz sont des cultures beaucoup plus dépendantes de fertilisants
et de pesticides, mais là aussi sans le concours la SODEFlTEX et de la
Caisse Nationale de Crédit Agricole (CNCAS), les paysans abdiqueraient.
Ces deux cultures occupent encore une place très restreinte dans l'économie
agricole; elles concernent moins de 5% de la population agricole.
Tenant compte du caractère très extensif de l'agriculture, il ne sera donc pas
nécessaire de retenir dans la spécification de la fonction de production le
capital et les intrants chimiques.
92

- Estimation et Résultats
Equation (1.2) Variable endogène: log Rendement à l'HA.
(1970-1990)/ par les MCO.
variables
coefficients
t-value
constante
- 10.138
-5.404
Ipopagri.
11751
4.407
Ipluv
0.5430
3141
Rl.Adj = 0.598858
F(2, 18) = 13.436 [0.00031
DW = 2.13
POPAGRI = population active agricole
PLUV
= pluviométrie
I(X)
= log X
Les résultats de l'estimation sont satisfaisants: 600/0 des variations de la
production sont expliqués, il n y a pas d'autocorrélation de 10 ordre
des
résidus et les variables sont significatives. Ils confrrment le caractère
extensif de
l'agriculture
sénégalaise
dont
les
perfonnances,
ICI
les
rendements,
dépendent
essentiellement
du
facteur
travail
et
de
la
pluviométrie. La contribution du facteur travail reste de loin la plus
importante en terme d'élasticité, toutes choses égales par ailleurs.
En général quand la pluviométrie est mauvaise pour une année donnée,
comme ça a été souvent le cas depuis 1970, les prévisions paysannes pour
l'année qui suit deviennent pessimistes, alors l'exode est massif et les semis
seront moins importants~ et l'inverse se produit cas de bon hivernage.
La productivité globale des facteurs que nous avons déduite de cette
fonction de production reste très erratique et en moyenne son taux de
croissance est négatif (-0,90/0) sur la période. Dans l'interprétation la plus
93

répandue, cela signifie que l'agriculture sénégalaise n'a pas connu de progrès
technique, pire elle a décliné en termes de produit par tête si l'on tient compte
de la forte croissance démographique largement supérieure à la croissance du
PIB agricole. C'est là une interprétation néo-classique à la Solow-Swan dans
laquelle la croissance (du revenu par tête) dépend du progrés technique qui lui
même est exogène. Mais, comme on le sait une telle lecture néoclassique a
des limites, dans la mesure où elle ne nous permet pas d'aller au delà du
simple constat de l'absence de progrès technique notable depuis 1970; même
si la culture intensive irriguée connaît un essor BU nord. Ce n'est qU'ml
balbutiement car ces terres irriguées ne représentent que
4% des terres
cultivées.
En revanche, en partant de la théorie de la croissance endogène, on peut faire
le lien entre cette situation et d'autres facteurs, ou pour voir en fait si les
nombreuses institutions de développement rural ont répondu à leur attente.
En effet selon ce courant théorique, beaucoup de facteurs comme l'éducation
(LUCAS, 1988), la recherche ou l'action publique influent sur la croissance.
L'Etat en fournissant des infrastructures, des biens et services publics, en
protégeant les droits de la propriété, en levant des impôts agit sur le niveau de
la technologie (Barro; S.I. Martin 1995). Partant d'un modèle AK, Barro
montre que les différentes actions de l'Etat peuvent être considérés comme
agissant sur le niveau technologique (A de la fonction de production).
1;-A~j{(J/ Y)
f>Q et f'<O (voir chapitre 1 pour détails théoriques)
A l'instar de ce modèle, nous avons estimé de nouveau la fonction de
production agricole en y intégrant G en tant que variable institutionnelle de
94

politique macro-économique. Nous postulons que
la politique agricole en
général peut être mesurée par les dépenses publiques.
Equation (2.2) Variable endogène LRENDTA (log rendement à l'ha)
Période: 1970 -1990 / par les MCO
Variable
Coefficient
Std.Error
t-value
Constant
-13.345
3.6329
-3.673
Iplu
044851
o 19547
2.295
lpopagri
16346
0.51939
3147
l(G/GDP)
-0.78838
0.76517
-1.030
Adj.R2 = 0.622435
F(3, 17) = 9.3418(0.00071
DW = 1.92
RSS = 0.4221182972 pour 4 variables and 21 observations
POPAGRI = population active agricole
PLUV
= pluviométrie
I(X)
= log X
L'introduction de G ne modifie pas significativement pas les résultats
obtenus précédemment. Mieux il nous est permis de vérifier que la politique
agricole n'a pas eu d'impact positif. Le signe négatif de LGIGDP, même si
cette variable n'est pas statistiquement significative, laisse penser à la limite
que les institutions de développement rural ont eu des effets pervers. Comme
l'on peut s'en rendre compte, la politique agricole a été inefficace. Elle n'a
pas pu relever les nombreux défis qui se posaient à l'agriculture, malgré ses
nombreuses institutions de développement rural.
-
3. La productivité dans l'industrie
Il s'agira de montrer que l'engagement de J'Etat dans l'industrie, sous
différentes formes, n'a pas eu les résultats escomptés. Si l'industrie
95

sénégalaise a connu des performances médiocres c'est parce qu'elle était
trop protégée et ne bénéficiait pas d'un environnement économique
favorable, notamment en ce qui concerne la disponibilité des facteurs
techniques de base (eau, énergie, télécommunication). Ces derniers étant
produits par des monopoles publics inefficaces.
Tout cela a plongé l'industrie sénégalaise dans une léthargie complète
attestée par l'absence d'investissement. D'après la Cellule d'appui à
l'environnement des
entreprises,
l'âge moyen des équipements
dans
l'industrie est d'au moins 20 ans en 1994. La mise en évidence de problèmes
industriels, demande une articulation de la fonction de production à la
théorie de la croissance endogène.
3.1
Le modèle
Il s'agit non seulement dans cette section de mettre évidence la faible
productivité de l'industrie sénégalaise, mais aussi d'endogéneiser un certain
nombre de facteurs autres que le capital physique et le travail. On sait avec
le développement des modèles de croissance endogène plusieurs facteurs
influencent l'efficacité productive :
- la gouvernance ( pesanteurs bureaucratiques, corruption)
- la stabilité politique et sociale
- le volume et la qualité des services publics notamment des infrastructures
- le volume et la qualité des services fmanciers qui permettent une bonne
allocation des capitaux
- le capital humain ,etc.
Il s'agit donc de partir d'une fonction de production à rendements d'échelle
constants d'intégrer les facteurs sus-mentionnés. Le modèle se présente
ainsi qu'il suit8.
8 Nous nous inspirons largement de l'étude de T.Latreille et A. Varoudakis ,OCDE 1996
96

Q - AKL1- a .
11
- A(O)
(g+8I')t{H8l.J..~PJET/
i -
~ i
, .. .avec,.n.;= -
i e
i
K
La
variable Ai représente la productivité. Elle est fonction de H, qui est
l'indicateur de capital humain, de Kp qui est le stock de capital public, de
E, la puissance électrique disponible, et de T la taxation des importations.
Le rapport capital privé total sur capital public permet de prendre en
compte les effets de congestion.
En ce qui concerne les données, Latreille et Varoudakis (1996) ont utilisé
des données en panel de dix industries manufacturières sur la période 1974-
94. Ils disposaient de 21 observations pour neuf secteurs industriels, et de
18 pour les industries de confection et de travail du cuir.
La série de capital public a été calculée par la méthode de l'inventaire
permanent à partir des données annuelles sur les dépenses d'investissement
public sur la période 1%O-94.La série du capital privé a été construite de la
A
• \\
meme mamere.
Le capital public est entendu dans un sens large, incorporant à la fois des
investissements en infrastructures physiques, éducatives et sociales.
3.2
Résultats et Analyses
Estimation de Log QIL 1974- 94
Variables Indépend.
CoefI'
t-value
ete
-1.806·1.63
Log (KIL)
0.302
6.20
Log (H)
0.700
5.5.5
Log (Kp/K)
0.579
3.16
Log (E)
0.205
0.97
Txt
- 0 . 0 0 2 · 2.99
Aj R2= 0.77 Test de Hausman: Chrisq (3) =3.130
Nb d'observatiOIl& - 207
97

Comme le montrent les coefficients estimés Log (KplK) et de Log (H), la
disponibilité d'infrastructures et l'utilisation de la main d' œuvre qualifiée
améliorent le niveau de la productivité .
L'estimation ne montre pas d'effet direct significatif de l'énergie électrique;
ce qui traduit toutes les difficultés d'approvisionnement
des industries
sénégalaises.
La preuve,
la dotation en électricité
durant la période
étudiée
a
régulièrement diminué, passant de 0.25 MW!habitant en 1978 à 0.18 en
. 1994.Ainsi l'estimation révèle l'inefficacité du service public de l'électricité.
L'état des centrales thermiques s'est beaucoup dégradé car la maintenance
est défectueuse et les investissements faibles. Avec la faiblesse de la
production et voulant éviter les délestages déj à nombreux, la SENELEC nIa
jamais su respecter son calendrier de maintenance,
car une bonne
maintenance aurait nécessité des arrêts de machines, ce qu'elle
pouvait
difficilement faire. Ainsi, outre le coût élevé de l'électricité, les délestages
étaient de plus en plus fréquents et longs posant de sérieux problèmes aux
industries.
Des réformes institutionnelles furent assez tôt proposées par la Banque
Mondiale qui demandait la privatisation de la SENELEC et la suppression
du monopole d'Etat, mais la puissant syndicat des travailleurs de l'électricité
s'y opposait farouchement contraignant à remettre à des lendemains ces
réformes institutionnelles.
La protection commerciale exerce un effet négatif significatif, en réduisant
le taux de croissance de la productivité globale des facteurs. En effet le
signe négatif de Txt indique que la PGF baisse dans le temps en raison de
l'accroissement tendanciel de la protection commerciale.
98

A un niveau d'analyse sectorielle, l'on se rend compte, comme on peut le
constater dans le tableau (en annexe), que les taux de croissance de la PGF
sont négatifs pour la plupart des secteurs sauf pour les industries chimiques,
les matériaux de construction et les industries alimentaires.
Ces résultats révèlent, malgré la tendance globalement négative, que les
secteurs exportateurs connaissent des
taux de croissance de productivité
positifs. Il s'agit des matériaux de construction (cimenterie) et des industries
chimiques.
Dans cette problématique SALL et ND lAYE (1996), montrent sur la période
1970-1990, qu'il y a bien une corrélation entre productivité globale des
facteurs et exportations. Plus un secteur exporte plus sa productivité globale
augmente (cf tableau 7) .Par ailleurs cette étude montre le caractère erratique
de la productivité lié aux fluctuations importantes des exportations, à leur
tour liées aux conditions climatiques et l'évolution des cours mondiaux.
Tableau 6 : Décomposition des tendances de productivité par secteur
(en pourcentage)
Secteur
Y/L
(KiL)
A
industri es texti 1es
-6.89
3.35
10.24
2
Confection cuir
-4.02
5.17
-9.19
,..,
.J
industries du bois
-1.00
4:26
-S.26
4
Papier, imprimerie
-0.71
0.93
-1.64
5
Industries chimiques
1.60
0.S2
] .08
6
Matériaux de construction
9.53
2.59
6.94
7
Industries mécaniques
2.35
3.75
-1.40
8
Pêche, conserveries
0.31
3.29
-2.98
9
Huileries, corps gras
-3.70
2.21
-5.91
10
Autres industries alimentaires 3.08
2.88
0.20
Source: L.Litreille et A. Varoudakis, OCDE 1996
99

Ces résultats représentent la contribution des différents facteurs aux
variations de la valeur ajoutée de chaque secteur. Le tableau est calculé
dans l'hypothèse des rendements d'échelle constants et en prenant
a = 0.35 .
Tableau 7 :Taux de croissance moyen annuel de la PGC et des exportations
1970-1990 en %
PGF
EXPORT
Textiles
24
41
Huileries
14
39
Phosphates
4
4
Conserveries
3
3
Source: S.S.SALL et A.NDIAYE, op.cit. 1996
100

Section 3
LA Croissance post-Dévaluation
Incontestablement, la dévaluation du CfA intervenue le 14 Janvier 1994 a
permis à l'économie de sortir du marasme. Une nouvelle dynamique s'est
mise en place avec une relance des exportations, une meilleure compétitivité
de l'économie sénégalaise et une amélioration significative de la situation
financière de l'Etat.
Au plan macro-économique les données officielles confirment une reprise de
l'activité économique à travers l'évolution du taux de croissance du PIB.
Après un recul de 2, l % en 1993, le taux de croissance s'est établi à 2 % en
1994. Il se chiffre 4,8 % en 1995 et 5,6 % en 1996.
3.1. Le secteur agricole
3.1.1 Filière céréalière: riz, mil, maïs
En effet, entre les sous-périodes 1986-1990 et 1991-1993, la production
annuelle moyenne a chuté de 6,7 % (de 980 000 à 910 000 tonnes), et la
première récolte post-dévaluation (1994) a également baissé (de 13 0/0) par
rapport à celle de la campagne précédente. En 1995, la production céréalière
globale a augmenté de 12,3 % en valeur relative par rapport à l'année 1994.
La production rizicole a connu une tendance à la hausse jusqu'en 1993,
avant d'enregistrer les baisses importantes au cours des années suivantes.
Cette contre-performance est essentiellement la conséquence provisoire des
qjustements
en cours
dans
la
filière,
dans
le cadre
du Programme
d'Ajustement Sectoriel Agricole (PASA). En effet, la libéralisation et
désengagement de l'Etat (à travers notamment le retrait de la SAED et de la
CPSP) initiés à partir de 1994 sont origine à l'origine de diverses difficultés
- d'adaptation pourrait-on dire - de la production à la commercialisation, en
passant par la transformation, et surtout dans le domaine de fmancement.
Pour la culture du riz, le changement de parité n'avait pas pu lui assurer une
compétitivité suffisante en 1994, par rapport aux importations, du fait
notamment de l'aggravation du coût des intrants (80 à 85 % pour les engrais,
à titre d' exemple).
3.1.2 Filière arachidière
Au plan global, l'examen des statistiques générales de la filière arachidière
entre 1993/1994 et 1995/1996 conduit aux résultats suivants:
- le niveau des superficies emblavées en arachide en 1993/1994 était
particulièrement bas (en fait le plus bas depuis 1986/1987) ;
-
l'augmentation du prix au producteur consécutivement à la dévaluation
s'est traduite par une hausse de 20,7 % des superficies emblavées en
1994/1995, malgré une baisse des semences distribuées. Toutefois, cette
hausse a été suivie d'une baisse de 4 % pour la campagne
101

1995/1996, du fait que les semences placées n'avaient pas connu de hausse,
et que les producteurs, devant faire face à un déficit vivrier accru (sous
l'effet d'une forte chute de la production céréalière en 1994/1995), ont eu
plus de difficultés pour la constitution de semences personnelles.
Il résulte des éléments ci-dessus que la dévaluation est arrivée dans un
contexte de crise profonde du secteur.
Toutefois, on retiendra qu'en dehors du prix et nonobstant l'influence des
conditions climatiques, la relance ou le maintien de la production
arachidière à un niveau élevé reste conditionné à la disponibilité de
semences, ce qui pose d'une certaine manière la question du crédit. il en est
de même pour les engrais et le renouvellement des équipements.
En ce qui concerne le marché à l'exportation, on retiendra que la
dévaluation est survenue à une période où les cours mondiaux étaient à des
niveaux particulièrement élevés (+103,8 % pour le cours moyen F.O.B en
dollar entre 1993 et 1994 pour l'huile brute d'arachide, et +56, 6 % pour les
tourteaux).
Cette situation favorable combinée à l'incidence financière (la prime en
monnaie locale) de la dévaluation
a permis à la fùière de dégager un
excédent de 7,7 milliards en 1994 nonobstant l'augmentation de 70 à 100
FCFAlKilo du prix-producteur, pendant que l'exploitation de la SONACOS
faisait ressortir un bénéfice de 600 millions contre une perte de 1,7 milliards
pour l'exercice 1993.
Enfm, le changement de parité a ouvert à la production arachidière de
nouvelles perspectives, qui vont dans le sens de la facilitation de la
restructuration de la filière engagée dans le cadre du PASA. Cette
restructuration, qui vise une plus grande implication du privé avec le
102

maintien d'une présence appropriée de l'Etat, repose essentiellement sur la
privatisation de la SONACOS et la mise en place de plusieurs mécanismes
dont:
- des procédures de fIxation du prix -producteur entre l'industriel et
les autres partenaires de l'interprofession ~
- un fonds de soutien, pour limiter les effets de la fluctuation du cours
mondial ~
- des fonds de garantie pour encourager la multiplication et la
conservation de semences de qualité, étant entendu que la maîtrise de ce
segment constitue la première condition pour la viabilité de la production
arachidière.
Mais compte tenu de la profondeur. de la crise de la fIlière, au caractère
multidimensionnel de celle ci,
un simple changement de parité ne saurait
régler les innombrables problèmes structurels du secteur.
3.1.3 la Filière Cotonnière
La fIlière coton a vu sa situation fmancière s'améliorer notablement suite au
changement de parité. Ainsi,
le prix au producteur a été relevé
successivement de 90 à 100 FCFMg, ensuite à 150 FCFMg, entre les
campagnes
1992/93
et 1994/95. Parallèlement, le prix de vente à
l'exportation s'est accru de 340 FCFAI kg en 1992/93 à 770 FCFMg en
1993/1994, alors que le prix de revient moyen est passé de 465 F/CFAJkg à
678 FCFAlkg soit le passage d'un déficit de 125 FCFA /kg à un excédent
de 92 FCFMg. Ce retour à l'équilibre fmancier de la filière a permis la
distribution de ristournes
substantielles
au cours
des
années
post-
dévaluation (25 fCFMg en 1993/1994, 16 FCFMg en 1994/1995 et 20
fCFMg en 1995/96 contre 5 fCFMg en 1992/1993).
103

Toutefois, il semble que les améliorations fmancières ainsi enregistrées ont
plutôt été contrariées par la hausse du coût des intrants (83,1 % en 1994/95)
et du crédit (13,8 %) et par les conséquences de certaines réformes (telles la
réduction de la densité de l'encadrement: de 213 à 147 agents entre 1993/
94, à 1993/95, la baisse voire la suppression du soutien aux intrants), soit
un ensemble de facteurs faisant que la culture cotonnière n'a pas été perçue
comme étant suffisamment intéressante après la dévaluation.
3.1.4 La Filière Horticole
Le Sénégal dispose d'un important potentiel de production horticole, qui
couvre une grande variété de produits. Toutefois, la production nationale se
caractérise par une certaine concentration. Pour les légumes, cinq produits
(oignons, chou, tomate, pomme de terre et pastèque) assurent entre 83 % et
88 % de la production locale qui tourne autour de 200 000 tonnes alors que
celle des fruits est estimée être de l'ordre de 150000 tonnes. Parallèlement à
cette offre locale, l'approvisionnement du marché sénégalais est assuré par
des importations de
produits horticoles (15
960
tonnes
en
1993)
essentiellement composées de pommes de terre, d'oignons et de fruits.
Dans te contexte ci-dessus, l'incidence de la dévaluation doit être appréciée
à travers le degré de substitution de la production locale aux importations à
l'incitation à l'exploitation, en notant au préalable que la protection induite
par le changement de parité se trouve accentuée par l'adoption d'une
surtaxe de 20 0/0. Suite à la dévaluation, les importations de produits
horticoles ont fortement chuté (de 15 960 tonnes en 1994 à 8 853 tonnes en
1995, soit une baisse de 45 % pour les légumes, les fruits accusant une
chute de 32,2 %) , du fait du net relèvement des prix à l'importation (92 %
pour la pomme de terre, 67 % pour l'oignon).
104

Malgré la hausse du coût des intrants, la dévaluation a rendu la production
nationale de fruits et légumes assez compétitive, mais bien d'opportunités
ne sont pas suffisamment exploitées du fait de divers facteurs qui
constituent encore des entraves au développement de l'horticulture, à savoir
notamment:
- l'eau et les semences qui ne sont pas souvent accessibles;
- le statut foncier inapproprié des terres propices à l'horticulture;
- l'insuffisance des moyens de conservation et de stockage, qui est
aggravée par une programmation médiocre des activités de production
comme de commercialisation et qui empêche ainsi une exploitation optimale
de la saisonnalité qui est pourtant ooe caractéristique fondamentale du
secteur.
-
le coût est les capa'èités de fret.
Les actions qu'appelle la résolution de ces problèmes gagneraient à être
appuyées par:
- la production de semences répondant aux spécificités nationales ;
- la vulgarisation des listes de variétés maraîchères recommandées par
le climat et les sols sénégalais;
- le développement de la virologie, notamment pour la lutte contre les
nématodes;
- et la mIse au point de formules phyto-sanitaire ou fertilisantes
adaptées.
3.2 la pêche
- la pêche artisanale
L'examen de l'évolution des captures de la pêche artisanale fait apparaître
une progression de 6,3 % entre 1993 et 1994.
105

- la pêche industrielle
Avant la dévaluation, la production de la pêche industrielle était en baisse
régulière, passant de 90 734 tonnes en 1990 à 79 458 tonnes en 1993. Cette
évolution est sans doute liée au vieillissement de l'armement industriel
national et à une relative raréfaction des ressources. La dévaluation n'a pas
empêché la poursuite de cette tendance, la production ayant encore accusé
une chute de 1 % en 1994.
- les activités de transfonnation
Quel que soit le type de transfonnation (en produits frais pour l'exportation,
en conserves ou en produits artisanaux), la dévaluation a été bénéfique.
Ainsi, les estimations font ressortir, après dévaluation, un excédent de
74000 CFA par tonne contre un déficit de 31000 FCFA par tonne
transformée par les unités industrielles.
Toutefois, il importe de noter que le manque de compétitivité des
conserveries de thon connu par le passé n'est pas totalement résorbé. Les
estimations font apparaître que le thon sénégalais est encore environ de 5 %
à 12% plus cher que le thon thaïlandais, selon que l'on considère le coût
dédouané Europe ou le coût hors subvention et de 15 % à 8 % pour le thon
ivoirien. Nonobstant ce léger handicap, la conserverie a connu une relance
de ses activités en 1995, après une baisse en 1994.
3.3 Le Secteur Manufacturier
L'industrie textile a connu une nette relance suite au changement de parité,
et cette mesure est perçue par les industriels du sous-secteur comme une
opportunité à saisir.
La vétusté
de l'appareil de
production et le
développement de la fraude portant sur des produits en provenance des pays
asiatiques (illustrant le manque de compétitivité de l'industrie sénégalaise)
106

ont été au centre des préoccupations des industriels, et avaient contribué à la
fermeture de certaines usines (SOTEXKA, SOTIBA). La nouvelle donne
consécutive à la dévaluation a ouvert des perspectives qui justifient la
réouverture d'unités de production et le renouvellement des équipements, de
sorte que les investissements enregistrés en 1994 et 1995 représentent en
volume le double de ceux réalisés en 1992 et 1993.
Le regain de compétitivité n'a pas encore permis un réel développement des
exportations, mais il a eu comme conséquence la reconquête de parts de
marchés au plan intérieur (les entreprise en dehors de la SOTIBA dont le
statut de point franc lui fait obligation d'exporter au moins 60 % de sa
production, écoulent plus de 85% de leur production sur le marché
national).
Quand au sous -secteur des matériaux de construction, il a connu une nette
amélioration de son activité, après une baisse de production en 1992 et
1993. En 1994, la production de ciment a augmentée de 11%, celle de
plaques en fibro-ciment et de tôles ondulées augmentant de 63 0,/0. Le ciment
est devenu très compétitif au point que l'approvisionnement du marché local
est menacé par l'attrait des gàins à l'exportation. Le prix de la tonne était de
44 000 F CFA au Sénégal pendant qu'il était de 70 000 à 180 000 F CFA
dans les autres pays de la sous région. La reprise ou l'ouverture de plusieurs
chantiers dans le cadre de projets dans lesquels l'Etat est partie prenante, la
relance des programmes immobiliers ainsi que de l' autoconstruction -
fmancée notamment par des transferts venant de l'extérieur - constituent
des facteurs explicatifs de la conjoncture favorable dont bénéficie le SO\\lS
secteur des matériaux de construction. Toutefois, la saturation de la capacité
de production a freiné la hausse en 1995, et les importants investissements
réalisés dans le secteur visent à lever cette contrainte.
107

3.4 Le Tourisme et l'Arti§anat
Il s'agit là de deux secteurs pour lesquels la dévaluation a également ouvert
de nouvelles perspectives de développement.
Avant la dévaluation, le tourisme sénégalais a été affecté par des
événements
défavorables
(tension
politique
et
crise
casamançaise)
combinées à une surévaluation du F CFA et à la concurrence sévère menée
par les autres destinations africaines, d'où une baisse drastique d'activités
en 1993 (chute de 37,5 % des recettes).
L'incidence positive de la dévaluation sur le secteur touristique est retracée
à travers:
-l'évolution des recettes qui sont passées de 25,2 milliards en 1993, à
53 milliards en 1994 et environ 60 milliards en 1995 ;
- le rétablissement en 1994 du nombre des nuitées au niveau de 1992,
après une chute de 34,8 % en 1993. Ce nombre a encore augmenté de
20,5% entre 1994 et 1995 ;
- l'allongement de la durée moyenne de séjour des touristes, ainsi que
l'élévation du taux d'occupation des capacités en lits.
- la situation vécue par la cordonnerie -maroquinerie au lendemain de
la dévaluation
est comparable à celle de la menuiserie-ébénisterie, avec toutefois
quelques nuances. De meilleures conditions à l'exportation pour les peaux
brutes locales ont eu pour conséquence le renchérissement de ces produits,
mais dans une moindre ampleur que pour le bois. Les hausses des prix
intérieurs des peaux se situent en effet entre 25 % et 88 0/0. La production de
la cordonnerie-maroquinerie est devenue beaucoup plus compétitive, les
prix des articles locaux ayant augmentés d'environ 40 0/0, contre plus de
100% environ pour ceux importés.
108

Enfm, la plus grande pnse de conscIence des artisans cordonniers-
maroquiniers des possibilités qui leur sont offertes à l'exportation ou la
reconquête d'une frange de la clientèle autrefois portée vers l'achat de
produits importés fait qu'aujourd'hui des efforts constants sont foumis dans
le sens de l'amélioration de la qualité des produits locaux. On assiste ainsi à
la modernisation ou à la création de nouvelles unités, et des opérations
d'exportation sont également enregistrées.
Conclusion
Ce bilan que nous avons dressé laisse plutôt apparaître une non croissance
du revenu par tête sur la longue période. La productivité globale des facteurs
est nulle voire négative dans plusieurs dans la grande majorité des branches
industrielles et agricoles. La consommation est restée à un niveau élevé au
détriment de l'investissement. Plusieurs facteurs sont à l'origine de cette
situation.
Mais à ce stade il nous est possible de dire que les politiques
économiques et les institutions de développement n'ont pas atteint leurs
objectifs. Elles ont créé un environnement défavorable aux initiatives
privées surtout dans l'agriculture.
109

Chapitre RU
CRDSES DU SECTEUR PUBLIC ET DE LA
SPECIALftSATHON AMCH6DIERE
Lors du premier choc pétrolier de 1973, le Sénégal avait pu éviter la
détérioration de ses termes de l'échange grâce au quadruplement du cours
mondial du phosphate. Mais en 1979 lors du second choc la situation
économique se détériora subitement. Et, à la même période (1978-1981), le
Sénégal fut confronté à deux grandes sécheresses et cl une forte baisse des
cours mondiaux de l'arachide. Les principaux agrégats faisaient ainsi
apparaître, durant cette période, de graves déséquilibres économiques et
fmanciers avec des taux de croissance nuls voire négatifs, un double déficit
budgétaire et extérieur de, respectivement, 12% et 25 % du PIB et une
épargne intérieure négative de entre 1980 et 1982.
C'est dans ce contexte où l'économie mondiale était en pleine crise que le
gouvernement du Sénégal a été amené
à prendre des mesures de
stabilisation et plus tard des mesures d'ajustement structurel, pour remédier à
la crise de l'économie sénégalaise. Il annonçait dès décembre 1979 un Plan
de Redressement Economique et Financier (PREF) portant sur la période
1980-84, élaboré en collaboration avec la Banque Mondiale et le Fonds
Monétaire International.
En décembre 1980 fut approuvé le premIer programme d'ajustement
structurel (pAS 1) entre le Sénégal et la Banque Mondiale, qui sera suivi de
PAS II en début 1986 et duPAS III en 1987.
Il existait de facto une complémentarité entre les mesures de stabilisation
édictées par le F.M.!. et les PAS de la Banque Mondiale qui avaient pour
objectifs, dans le court terme et le moyen ternle , de remédier à la crise de
l'économie sénégalaise. D'ailleurs, les deux institutions de Bretton Woods
110

ayant les mêmes références théoriques, ont été de plus en plus amenées à
coordonner leurs interventions.
Ainsi nous entendons par politique d'ajustement structurel, l'ensemble des
politiques économiques qui sont menées par le gouvernement du Sénégal
d'une part, la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International d'autre
part, depuis 1980.
Ceci étant précisé, il convient de dire que le Gouvernement du Sénégal et
ses partenaires de Breton Woods n'ont pas les mêmes contraintes quant à
l'application des objectifs qu'ils s'assignent.
Notre contribution à la réflexion sur les politiques d'ajustement structurel
voudrait partir de l'analyse de telles contraintes, qui conditionnent leur
efficacité. Car ce n'est pas tant le contenu des réformes structurelles qui est
en cause, que la manière dont elles sont appliquées.
Nous ne nous étendrons pas sur les contraintes qui pèsent sur la Banque
Mondiale et le F.M.I., mais nous rappellerons qu'en tant que prêteurs en
dernier ressort du système fmancier Nord-Sud, elles se doivent de rester
solvables, liquides et surtout crédibles compte tenu de. la mission de
régulation de l'économie mondiale qui leur est assignée par le système des
Nations Unies.
Les aspects socio-politiques mériteront une attention particulière, dans la
mesure où ils donnent un éclairage indispensable à l'analyse des politiques
d'ajustement structurel appliquées en Afrique en général et au Sénégal en
particulier. La démocratisation des Etats africains depuis 1990 a certes été
favorisée par la disparition du bloc soviétique, mais c'est aussi le résultat de
l'exacerbation des conflits état/société civile pendant la crise de l'économie
africaine.
L'ajustement
économique
ne
pouvait
se
faire
sans
induire
des
bouleversements sur l'échiquier politique, c'est à dire sans «ajustement
111

politique}) ; dès lors le Parti-Etat qui avait longtemps dominé en Afrique fut
remis en cause, puisque ne disposant d'aucune légitimité et de capacité de
légitimation qui fassent accepter son projet d'ajustement structurel. La
dureté de la crise économique et l'austérité des PAS l'ont davantage
enfoncé dans une crise de légitimité sans précédent. C'est ainsi certains
régimes
politiques
ont
été
destitués
démocratiquement
après
des
conférences nationales ou des soulèvements populaires (Bénin, Niger,
Congo, Mali) ; tandis que d'autres se voyaient contraints d'organiser des
élections pour se maintenir au pouvoir (Côte d'ivoire, Gabon, Cameroun,
Togo, etc.)
Le Sénégal qui avait déjà une expérience démocratique des plus avancées
en Afrique n'a pas connu les mêmes perturbations de son régime politique.
L'ouverture démocratique remonte à 1974 et le multipartisme intégral
à
1981. Ils ont favorisé la survie du régime politique pendant le processus
d'ajustement structurel. L'on y a pas connu d'immobilisme politique
pendant cette période de tensions sociales politiques aiguës. En effet, le parti
socialiste au pouvoir depuis l'indépendance en 1960 a fait preuve d'une
capacité d'adaptation et d'ouverture, sans égale en Afrique, vers la société
civile et les partis de l'opposition.
Nous avons évoqué la politique d'ajustement structurel pour rappeler que
l'économie sénégalaise est entrée dans une longue crise depuis 1979. Mais il
s'agira dans ce chapitre de montrer que le dispositif institutionnel constitue
le dénominateur commun à tous les problèmes économiques. Un dispositif
institutionnel transversal à toute l'économie en général et aux secteurs
parapublic et arachidier en particulier; deux secteurs hautement stratégiques
qui justifient notre choix de les étudier. La première section de ce chapitre
sera intitulée «la crise du secteur public»
et la seconde «l'agriculture
sénégalaise et la crise de la spécialisation arachidière».
1]2

Section 1
La Crise du Secteur Public
Les finances publ1ques occupent une place capitale dans toute analyse des
problèmes de développement au Sénégal, compte tenu de la forte implication
de l'état qui contrôlait plus de 30% de l'économie dans les années 1980.
1.1 Le Budget
1.1.1 Les Recettes
En termes réels, les recettes de 1'Etat ont peu évolué depuis l'indépendance en
1960. En francs constants de 1987, on est passé de 150 milliards de francs
CFA en 1960 à une moyenne actuelle de 200 milliards de francs CFA. A la
suite de la baisse enregistrée dans les années 80, le ratio des recettes sur le PIB
a retrouvé en 1990 un niveau comparable à celui enregistré dans les années 60,
soit environ 17 pour cent.
Le faible niveau de ce ratio ne doit pas dissimuler cependant que c'est un petit
nombre de contribuables qui subit l'essentiel de l'imposition: les salariés, avec
le principe de retenue à la source, et les entreprises du secteur formel. Le
secteur informel est imposé sur la base de patentes qui reposent sur des
évaluations forfaitaires souvent peu conformes à la valeur ajoutée que produit
ce secteur. Certaines entreprises sont alors tentées d'entrer dans le secteur
informel pour échapper à l'impôt sur les sociétés dont le taux est de 35 pour
cent aujourd'hui. Ce rétrécissement du secteur formel rend toujours plus
lourde la pression fiscale sur les entreprises restantes et leurs salariés.
La structure des recettes est marquée par une prépondérance des recettes
indirectes (composées pour environ 60 pour cent de recettes douanières).
113

Avant la dévaluation du CFA en Janvier 1994 et le retour de la croissance,
les prélèvements exceptionnels étaient devenus une source importante de
revenus pour l'Etat. De 1986 à 1990, ces prélèvements ont ainsi représenté
entre 15 et 22 pour cent des recettes budgétaires, contre 6 pour cent en
moyenne auparavant.
Tableau 8: Structure des recettes fiscales en 1999 en %
1 Impôts directs
24,31
Impôts indirects
70,49
(droits de douanes)
(36)
(taxes sur la consommation intérieure dont pétrole)
(11 )
(taxes sur la valeur ajoutée, d'égalisation et sur opérations
bancaires)
(23 )
Droits d'enregistrement, de timbre et taxe pour service rendu
5,1
Source: Projet loi de finances 2000, calculs à partir des recettes au 30/0911999
La part relative des recettes liées aux produits pétroliers était en progression.
Les droits d'importation, les taxes à valeur ajoutée et d'autres recettes tirées
des produits pétroliers ont compté pour plus de 22% des recettes totales de
l'Etat en 1989/90. A court terme, le Gouvernement n'était pas en mesure de
réduire de manière significative sa dépendance à l'égard des recettes en
provenance du secteur de l'énergie. A moyen terme, toutefois, il lui faudra
trouver une autre source de recettes afm de réduire l'impact négatif du coût
élevé de l'énergie sur la compétitivité de l'économie et d'élinüner
l'incertitude sur le niveau des recettes fiscales due aux fluctuations des
cours mondiaux des produits pétroliers. Même s'ils ne représentent plus que
Il % des recettes fiscales en 1999, ce type de taxe continue de peser
significativement dans les charges des entreprises.
114
'S'2.!2tZJS..-.4.-.T$t.t#U. -* a•...• s:;:;;;;.W49 çw

1.1.2 Les Dépenses
Le ratio des dépenses publiques sur le PIB a évolué à la baisse dans la
première décennie qui a suivi l'indépendance. De 20,9 pour cent durant
l'exercice fiscal de 1961/62 (18 mois), il passe à 17,5 pour cent pendant
l'année fiscale 1970171. Cela traduit une grande orthodoxie budgétaire des
pouvoirs publics. Quelques années particulières se démarquent cette
tendance à la baisse: celles de 1963/64 et 1968/69, mais les raisons en sont
alors conjoncturelles.
Après 1971, le rapport des dépenses publiques au PIB va croître de façon
régulière jusqu'au début des années 80, sous l'impulsion de plusieurs
facteurs.
Tout
d'abord,
le
gouvernement
engage
un
important
programme
d'investissement public, de nationalisation des secteurs tels que l'eau,
l'électricité, les phosphates. Le développement du secteur public qui visait
à diversifier l'appareil productif va se révéler d'un poids trop lourd pour les
finances publiques. Les charges récurrentes des investissements vont
s'amplifier du fait de la mauvaise gestion et des sureffectifs.
Ensuite, les dépenses de salaires de l'administration, déjà élevées du fait du
legs colonial, explosent sous l'effet conjugué des glissements catégoriels et
d'une politique de recrutement volontariste. Le SMIG horaire a été modifié
deux fois entre 1963 et 1973 et six fois entre 1973 et 1983. li fait plus que
doubler entre 1968 et 1974 (de 50.6 francs CFA à 107.05 francs CFA). Le .
salaire moyen annuel dans la fonction publique est au début des années 90
égal à près de neuf fois le revenu annuel par habitant.
115

De même, les principaux produits de consommation étaient subventionnés
par la caisse de la péréquation et de stabilisation des prix (CPSP). Les
subventions du Trésor à la CPSP passaient ainsi de 10 milliards de francs
CFA en 1973/74 à 19 milliards en 1980/81. il s'agit principalement du riz et
de l'huile végétale. La CPSP était une importante institution de régulation
économique permettant au gouvernement de faire écran entre les prix
mondiaux et les consommateurs urbains à travers la CPSP. Les ressources
principales de cette dernière étaient constituées de rentes tirées de la
politique des prix agricoles.
1.1.3 Les Problèmes Budgétaires Structurels
Le solde du budget de fonctionnement est positif jusqu'en 1975/76. Depuis,
sous l'effet des charges récurrentes de son portefeuille d'entreprises, des
transferts (subventions) et du service de la dette, ce solde a été plus souvent
négatif. Cela veut dire qu'après cette date, l'Etat du Sénégal utilise des
ressources extraordinaires (principalement des emprunts extérieurs) pour
fmancer une partie de son budget de fonctionnement et la quasi-totalité de
ses dépenses d'investissement. Le recours aux emprunts extérieurs pour
fmancer tout ou partie des investissements a même été la règle sur la
presque totalité de la période, puisque le solde budgétaire global a toujours
été négatif sauf pendant l'année fiscale 1969/70.
Le solde budgétaire global se détériore tendanciellement au cours de la
période étudiée. Au cours des trois décennies 1960, 1970 et 1980, le déficit
représente en moyenne respectivement 1,6 pour cent, 4,1 pour cent et 6,7
pour cent du PIE.
A partir de 1979/80 les déficits fiscaux sont devenus substantiels, dus
principalement à l'incapacité du Gouvernement à contenir les dépenses face
116

aux fluctuations des recettes2. La performance fiscale s'est beaucoup
détériorée à la suite des graves sécheresses de 1979 et 1980 ; les dépenses
totales ont augmenté de 200/0 en même temps que les recettes (dons y
compris) tombaient de 8%. Le déficit global, mesuré par les engagements, a
atteint cette même année le point culminant de 74,5 milliards de F CFA, soit
Il,5 % du PIB ou plus du double du déficit budgétaire de 1979/80, tant
dans l'absolu qu'en proportion du PIB. En réalité la cause principale de ces
déficits est la faillite des institutions de développement et de régulation
économique mises en place par l'Eat. Les déficits de la caisse de
stabilisation des prix (CPSP) et de la société de distribution des intrants
agricoles (SONAR) représentaient environ un tiers de l'accroissement des
dépenses en 1980/81. De plus, le Gouvernement a été obligé en 1980 de
prendre à son compte les 94 milliards de F CFA que l'ONCAD, qui avait le
monopole de la commercialisation agricole, devait aux banques après sa
faillite. La plus grande partie de la dette massive de l'ONCAD, équivalent à
15% du PIB du Sénégal en 1980, à été consolidée en un prêt à long terme
des banques commerciales, à rembourser sur 15 ans en annuités moyennes
de 10 milliards de F CFA. Le Gouvernement n'a pas été en mesure de
respecter l'échéancier fixé.
En 1982/83 bien que les recettes aient augmenté de 12,6% par rapport à
l'exercice antérieur, la croissance des dépenses a été de 19,60/0 ce qui a
abouti à un déficit fiscal global de 73,3 milliards de F CFA, soit 8,2% du
PIB. La CPSP et la SONAR étaient pour 150/0 dans ce déficit global.
L'appartenance du Sénégal à l'UMOA, qui donne presqu'automatiquement
accès à des possibilités de découvert auprès du Trésor français, a
amplement amorti les pénuries de devises dont aurait souffert l'économie
sénégalaise; en revanche, le déficit fiscal, par son ampleur, était devenu le
117

facteur le plus contraignant dans l'immédiat pour sortir le Sénégal de la
cnse.
1.2 Le Secteur Parapublic
Le secteur des entreprises publiques s'est développé au cours des années 70
par suite de la nationalisation d'entreprises et de la création de nouveaux
établissements. Pour des raisons très diverses, telles que le manque de
discipline budgétaire, le laxisme des règles de recrutement et l'absence de
primes d'efficacité pour les cadres de direction, les déficiences du secteur
sont allées en s'accentuant et même les réfonnes qui ont toujours tenté de
conserver le caractère public de ces entreprises étaient insuffisantes.
En 1986, le secteur public dans son ensemble (compris le secteur bancaire)
comprenait 85 entreprises, dont 25 établissements non commerCIaux ou
administratifs.
Tl
absorbait 290/0
du
total
des
investissements
dans
l'économie et représentait 17% des emplois et 70/0 du PIB. Ses pertes nettes
(après impôts et avant subvention) équivalaient à 20/0 environ du PIE et 90/0
des recettes publiques. La participation de l'Etat était de 720/0. Les résultats
financiers des entreprises publiques non fmancières étaient médiocres, ce
qui s'est soldé par des pertes nécessitant l'octroi de subventions budgétaires.
Outre ces transferts budgétaires, le secteur bénéficiait d'autres transferts
explicites, notamment d'avances du Trésor et de concours pour le service de
sa dette, ainsi que de prêts, des bonifications d'intérêt et des dérogations au
contrôle des prix. Les entreprises publiques absorbaient la majeure partie
des crédits à l'économie (95% des crédits à long tenue, 150/0 des crédits à
moyen tenue et 250/0 des crédits à court tenne pendant la période 1985-87).
Bon nombre de ces prêts étaient non productifs, ce qui a contribué à la crise
du secteur bancaire.
118

Tableau 9 :
EVOLUTION DU
SECTEUR PARAPUBLIC, 1962-82
(nombre d'entreprises W, par secteur)
]962
1972
1977
1982
Agriculture
4
8
9
]0
Industrie
4
9
17
17
Commerce! Services bl
la
26
43
42
Institutions Financières
2
5
6
7
Administratives
2
8
10
TOTAL:
21
50
83
86
Sou rce : Rapport généra] sur la gestion des entreprises publiques, (CVCCEP • Août 1983)
Tableau 10 : SECTEUR PARAPUBUC, REVENU NET GLOBAL ET
SUBVENT10NS DU GOUVERNEMENT, 1981/82
( en milliards de F CF A courants)
1977178
1978179
1979/80
1980/81
1981/82
Sociétés bénéficiaires
-'- 16.91
+ 18.51
+ 14.00
-'- 5. 49
+ 11. 04
Sociétés déficitaires
- 10.76
-10.94
- 17.05
- 25. 23
-- 28. 18
Position nette du secteur fJ/
+ 6. 15
+ 7.57
- 3.05
- 19. 74
- 17. 14
Subventions d'exploitation
du Gouvemement
6.99
7. 65
8.48
15.39
19.71
Pour mémoire:
Nombre de sociétés en
Déficit d'exploitation
35
31
3S
40
37
fJ/
Aucune de ces données ne tient compte de la CPSP et de la CSS, qui sont toutes deux des
organismes de transfert.
Source. AS Tableau 6. 1
119

Même si les entreprises publiques représentent une part décroissante du PIB
depuis 1978, mais elles n'en ont pas continué à accroître leurs effectifs et à
verser des salaires et des rémunérations très élevés. En 1982, le produit moyen
par employé dans les entreprises publiques était environ de 2,7 millions
F
CFA, soit 70% seulement de la moyenne du secteur modeme (3,9 millions d F
CFA ) bien que les salaires moyens aient été au moins 20% supérieurs à ceux
du secteur privé. Une étude effectuée par la commission de vérification des
comptes a fait apparaître que les salaires et rémunérations versés par un
échantillon des principales entreprises publiques avaient augmenté de 78%
entre 1977 et 1981, et que ceci était du environ pour moitié aux augmentations
du nombre d'employés.
En dépit de leur médiocre performance sur le plan de l'exploitation, les
entreprises publiques ont également continué d'absorber une part croissante de
l'investissement national, de 30% en 1977 à 40% en 1981 (en % de la
formation brute de capital fixe). En 1989, lors du démarrage du programme de
privatisations, ce secteur représentait: 23% des investissements, 28%des
emplois du secteur moderne marchand, 68% du déficit des finances publiques,
mais seulement 7% du PIB.
Par ailleurs, rares sont les entreprises publiques qui peuvent financer une
portion de leurs investissements nouveaux; les trois quart environ de tous les
investissements effectués par des entreprises parapubliques depuis 1979 ont
été financés par)' aide extérieure à travers le budget d'équipement de l'Etat.
Les causes les plus importantes de la piètre perfonnance de ces entreprises
sont la pléthore de personnel et la sélection non rigoureuse des cadres de
gestion. Les autres problèmes ont trait à : (i) des objectifs et des priorités
120

mal défmis entrant en concurrence; (ii) le manque de gestionnaires et de
techniciens, en même temps qu'un excès de personnel non qualifié ou semi-
qualifié; (iii) des investissements qui ont été mal conçus ou dont le
financement a été onéreux; (iv) des flux de trésorerie et des fonds de
roulement insuffisants dus au fait que les tarifs ou les prix des produits sont
contrôlés et que le recouvrement des factures auprès des clients est faible;
et (v) des contrôles officiels administratifs et fmanciers pesants. Malgré ces
problèmes, presque toutes les entreprises publiques sont restées soumises a
des pressions politiques tendant à leur faire accroître leur personnel et leurs
opérations; en conséquence, l'efficacité opérationnelle a continué de
décliner,
la
maintenance
des
installations
existantes
est
souvent
extrêmement réduite, et la structure fmancière de nombreuses entreprises est
dangereusement instable.
Les Agences de Développement Rural absorbaient près de 60% du total
des subventions d'exploitation versées par le Gouvernement. Dès sa création
en 1981, la SONAR était celle qui exerçait la plus forte .ponction sur les
finances publiques, recevant 7,8 milliards de F CFA de participation au
capital et de subvention d'exploitation en 1981-83. Venaient ensuite la
SAED, la SODEVA et l'ISRA, qui chacune reçoivent des subventions
d'exploitation de 2 à 2,5 milliards de F CFA par an.
Un des problèmes de base pour chacune de ces agences parapubliques était
qu'elles n'étaient pas en mesure de récupérer auprès de leurs clients (les
agriculteurs) la totalité des coûts de la distribution des intrants, de la
vulgarisation agricole, de la recherche, de l'aménagement des terres et/ou
des services de commercialisation qu'elles assuraient. Ces coûts étaient en
outre fortement gonflés car la plupart de ces agences étaient d'une efficacité
121

toute relative, et elles avaient un personnel plus que pléthorique, parfois
trois fois plus important qu'il serait nécessaire. L'organisation et la gestion
médiocres caractéristiques des ADR faisaient que les pompes d'irrigation,
les véhicules et le reste des biens d'équipement étaient souvent inutilisables
faute de pièces détachées ou d'entretien; les intrants essentiels comme les
semences, les engrais et les insecticides n'étaient pas distribués à temps aux
agriculteurs ;et le personnel recruté en principe pour assurer la vulgarisation
n'était souvent pas qualifié pour cette tâche.
Si la gouvernance est comprise comme la manière dont le pouvoir est exercé
à travers l'utilisation des ressources et des institutions en vue du
développement
économique et social, au Sénégal, le cadre réglementaire a beaucoup
pénalisé la compétitivité interne et externe des entreprises du fait:
- de l'instabilité de l'environnement juridique, à travers notamment la
multiplication des lois, des textes et actes réglementaires, entre 1985 et
1995 ; par exemple, le code général des impôts a été modifié sept fois;
- de la modification unilatérale de certains textes (cf lois sur la zone franche
industrielle modifiée en 1994 , en dépit de récriminations du patronat ).
- de la non prise de textes idoines (nombre de décrets d'application de la loi
85-40 sur les sociétés commerciales n'ont été pris que plusieurs années
après la promulgation de ce texte) alors que par ailleurs, suite à la
dévaluation, le Conseil National du Patronat réclamait un texte devant tenir
compte des aspects économiques de la réévaluation des bilans;
- des lenteurs graves qui caractérisent les jugements rendus par les tribunaux
(instruction des dossiers, jugement, exécution etc.... );
122
tMEJt:Z',k
.. L
A!
éWUiC .S.IMWWR. . .ICC

des
longues et coüteuses
procédures
administratives
concernant les
investissements ou les procédures de dédouanement..
Avant le programme de réfonne bancaire de 1989, le système bancaire
du
Sénégal comprenait 15 banques, dont neuf banques d'Etat et cinq contrôlées
d'une façon ou d'une autre par l'Etat. En 1986, une crise de liquidité a frappé
huit des 15 banques, y compris deux banques importantes qui avaient
accumulé des découverts auprès de la Banque Centrale. A partir de 1987, le
secteur
bancaire
sénégalais
était
considérablement
affaibli,
d'où
une
détérioration importante de la qualité de l' intermédiation financière.
La crise du secteur bancaire sénégalais était imputable à maints facteurs, dont
quelques-uns
relevaient
spécifiquement
d'une
gestion
des
banques
généralement médiocre, malgré la présence d'actionnaires étrangers au niveau
de la direction (le cas de l'USB) et d'un manque de contrôle interne sur les
décisions
relatives
aux
crédits.
Parmi
les
autres
facteurs,
l'on
notait
l'interférence excessive de l'Etat - allant de pressions en faveur de crédit à des
entreprises publiques inefficaces à l'obligation d'accorder certains crédits et un
cadre légal pesant, d'où la difficulté pour les banques d'intenter des actions en
justice pour recouvrer des créances non remboursées.
Le fait que le Gouvernement était alors toujours prêt à garantir les emprunts
d'entreprises publiques inefficaces a considérablement miné le système. Des
144 müliards de F CFA en créances douteuses tenues par les banques en
difficulté, plus de 20% étaient des crédits garantis par l'Etat, de tels crédits
ayant représenté un moyen pour le Gouvernement de contourner la règle des
20% qui devait limiter ses emprunts auprès de la Banque Centrale. Bien que
considérés comme sans risque, ces prêts ont eu un effet déstabilisateur sur les
bilans des banques à partir du moment où l'Etat a manqué de s'acquitter de ses
garanties.

Les pouvoirs discrétionnaires des comités nationaux de crédit d'établir des
limites de crédit par banque avaient aussi conduit à une interférence de grande
envergure par l'Etat dans le système bancaire, en faveur des banques les plus
faibles qui bénéficiaient de limites de crédit plus larges que les banques saines.
Ainsi, l'existence des banques en difficulté était prolongée aux dépens des
banques saines.
Malgré
le
partage
des
responsabilités
entre
la
BCEAO
(chargée
de
l'inspection) et les autorités nationales (chargées de la supervision et de la mise
en œuvre des mesures de redressement), le contrôle des opérations bancaires
était inefficace. Même lorsque la BCEAO
recommandait des sanctions, le
Gouvernement ne suivait pas toujours. Il s'en est résulté une érosion des
règles prudentielles.
Des problèmes ont comnlencé à apparaître lorsque des pressiOns d'ordre
politique ont été exercées sur les banques pour les amener à accorder des prêts
à des entreprises publiques en difficulté par le biais de garanties de l'Etat et de
lignes de réescompte de la BCEAO.
124
è&!h' !
.' A;:;S:;;::;;:.Q""!~:;;:;::z&i\\ii.".i.
_ _.....&tN.• _ST._

Section 2
L'Agriculture Sénégalaise et la Crise
de la Spécialisation arachidière
Au centre de la crise de l'économie sénégalaise se trouvent à l'origine toutes
les difficultés accumulées par la filière arachidière. L'on ne saurait donc
comprendre l'économie sénégalaise sans partir de ce paradigme arachidier.
En effet la croissance économique dépend étroitement de la croissance des
exportations de l'arachide et de ses dérivées industrielles, même si
aujourd'hui ces produits n'occupent plus la première place dans les
exportations.
Le rôle stratégique de l'arachide fit dire à VAN.CHI.BONARDEL (1977)
que : «c'est sur cette assise fondamentale, Dakar et l'arachide que la
circulation des biens prend, dans le pays, ses formes spécifiques. Arachide
clé de la circulation des biens et des personnes ».
Dans l'analyse du salariat et des modes de consommation au Sénégal
A.NDIAYE
(1987)
pose
le
concept
paradigmatique
de
«système
économique arachidier », pour souligner le rôle stratégique de cette culture
dans la genèse et le développement des rapports marchands au Sénégal.
Dans la problématique de l'ajustement structurel, la crise de la filière
arachidière reste une préoccupation majeure qu'aucune
restructuration
économique ne peut ignorer. C'est en quelque sorte la colonne vertébrale de
l'économie rurale sénégalaise.
2-1 Analyse de l'agriculture arachidière
Les récoltes arachidières ont connu une bonne évolution durant la première
décennie
post-indépendance.
Mais
ce
n'est
qu'à
partir
de
1970
qu'apparaissent les signes d'essoufflement et que les récoltes commencent à
125

baisser même si l'on a connu une récolte record en 1975 /76 due au
doublement du cours de l'arachide sur le marché mondial. La production
qui était de 1 005 000 tonnes en 1968 n'est plus que de 674 000 tonnes en
1974. C'est la conséquence de la sécheresse. Dans les années 70, on
remarque une reprise de la production due à l'euphorie entretenue par la
hausse des cours, en milieu de décennie. En revanche, les années 80 comme
les années 90 vont témoigner de la crise profonde qui touche la filière ~ les
récoltes restent à des niveaux faibles comparées à celle des années
antérieures.
126

Tableau 11 : Evolution de la Production Arachidiere
ANNEE
PRODUCTION
SlJRFACE
RENDEMENT
1 000 TONNE
1 000 RA
KG/HA
1961
892
977
910
1962
995
1026
970
1963
894
1013
880
1964
952
1084
880
1965
1019
1055
970
1966
1122
1112
1010
1967
857
1114
770
1968
1005
1164
860
1969
820
1191
690
1970
789
963
820
1971
590
1057
560
1972
998
1071
930
1973
587
1087
540··
1974
674
1043
650
1975
1001
1074
930
1976
1458
1337
1090
1977
1199
1311
910
1978
520
1185
440
1979
1061
1179
900
1980
676
1050
640
1981
523
1072
490
1982
871
1018
860
1983
1150
1167
990
1984
581
1110
520
1985
682
884
770
1986
601
605
990
1987
841
826
1020
1988
963
859
1120
1989
845
786
1080
1990
703
912
770
1991
725
872
830
1992
579
957
610
1993
628
775
810
1994
680
737
923
1995
693
890
778
1996
790
840
941
1997
558
856
687
Sources: Direction de la Statistique, Direction de l'Agriculture à partir de 1994.
127

Le déclin de l'agriculture arachidière est irréversible à partir de 1975/76. La
crise se manifeste par la réduction des surfaces consacrées à cette culture et
par la stagnation des rendements (voir tableau Il ).
Il est évident que les mauvaises conditions climatiques et pluviométriques
. n'ont pas toujours été favorables à l'agriculture sénégalaise, mais les
conditions agro-climatiques ne sont pas nouvelles et n'ont pas empêché,
quand les cours mondiaux le permettaient, l'extraordinaire développement
de la filière arachidière. Sur la longue période, c'est l'évolution du marché
mondial qui fixe les conditions de la spécialisation du Sénégal un pays, d'où
le rôle important des prix.
Le prix préférentiel dont il a bénéficié avec la France jusqu'en 1976 l'a
certes aidé à maintenir un certain niveau de spécialisation et à soutenir
financièrement la filière arachidière, mais on peut dire d'un point de vue
stratégique que le prix préférentiel n'a pas incité le Sénégal à se désengager
de l'arachide ou à améliorer sa productivité agricole.
Quand le soja a commencé à supplanter les tourteaux d'arachide et que
l'huile végétale en fit de même avec l'huile d'arachide, la France ne pouvait
plus compte tenu de la politique agricole commune continuer à garantir un
tarif préférentiel au Sénégal.
128
'l&lJi&b.l&&1
.
&4.w .... IN
.

tableau 12. Les Exportations de Produits Arachidiers 1972- 90 en milliers de tonnes
1972
557,4
1793
248,4
1974
300,59
1975
519,3
1976
759,3
1977
661,1
1978
219,1
1979
401,1
1980
175,3
1981
50,9
1982
,351,0
1983
375,9
1984
196,4
1985
112,9
1986
206,3
1987
256,8
1988
386,3
1989
343,9
1990
318,4
Source: J'vIEFP, Direction de la Prévision et de la Statistique
Nous disons qu'il y a bien crise de spécialisation dans la mesure où le Sénégal
s'est mis à importer massivement de l'huile végétale pour satisfaire sa propre
demande intérieure. L'huile d'arachide n'est plus consommée au Sénégal et les
quantités qui en sont exportées sont en baisse régulière. C'est à partir de 1975,
que la baisse des exportations annonce le déclin irréversible de la filière .Les
produits arachidiers qui représentaient 81 % des exportations totales du
Sénégal en 196], n'en faisaient plus que 55,6 % en 1976 et seulement 22 % en
moyenne pour la décennie 80, actuellement ils n'en représentent que 6%
(en
1999).
129

Cette tendance révèle davantage l'impact d'une crise de spécialisation agricole que
celui d'une diversification des exportations. Qui plus est, la baisse des exportations
arachidières a entraîné la détérioration de la balance commerciale (tableau 15).
Malgré tout, le gouvernement a continué à miser sur l'arachide, en accumulant des
déficits colossaux de gestion au niveau des établissements publics et parapublics
[ONCAD, SONAR, SONACOS] chargés de la gestion de cette filière.(voir section
supra). L'Etat continuait d'afficher une volonté d'administrer la filière, mais du fait
de l'amenuisement de l'aide au développement et des pressions du F.M.l. et de la
Banque Mondiale en faveur de la libéralisation et de la privatisation, la filière fut de
plus en plus abandonnée à elle même. C'est dans ce contexte qu'a été lancée en
1984 la nouvelle politique agricole [NPA], avec un timide désengagement de l'Etat
en ce qui concerne le crédit d'intrants agricoles. Il était demandé aux paysans
d'acheter leurs propres intrants. Ce qu'ils ne pouvaient pas car étant pauvres et
insolvables. Ainsi l'état ne faisait que précipiter le déclin car les paysans, jusque là
habitués au soutien indispensable qu'il leur accordait pour les semences, les engrais,
les pesticides et au prix garanti, se détournèrent, de plus en plus de la culture
arachidière pour se consacrer davantage, plus que par le passé,
aux cultures
vivrières (mil-sorgho-maïs).
En réalité cette Nouvelle Politique Agricole (NPA) n'était qu'un repli face à la crise
financière que traversaient les institutions de développement rural. En effet le volet
commercialisation n'a jamais été libéralisé, ce qui montre que l'Etat comptait
toujours sur l'arachide.
Depuis 1995, ce sont les producteurs eux mêmes qui négocient avec l'acheteur
après avoir fixé, à travers le Comité National Interprofessionnel de l'Arachide
(CNIA), le prix au producteur, lui même tributaire de l'offre et de la demande. La
baisse actuelle (1999/2000) de 165 CFA à 145 CFA
130

CFA est durement ressentie par les paysans, qui voient leurs anticipations ne
pas se réaliser malgré un bon hivernage. N'eut été l'apport du fonds de
soutien, le prix au producteur aurait été de 120 CFA, ce qui correspond au
cours actuel sur le marché mondial.
Le fonds de soutien ne permet même pas de stabiliser le prix au producteur,
n'est ce pas là le signe que la crise de la spécialisation est profonde.
Le Sénégal se comporte comme s'il n'avait pas d'alternative à l'arachide,
c'est pourquoi la question arachidière continue depuis la fin des années 70 à
polluer l'environnement économique, social et politique du Sénégal.
2-2 Les Huileries et la Crise de la Spécialisation
L'on ne saurait compléter l'analyse de la crise de la spécialisation qui sévit
dans la filière arachidière sans étudier l'évolution des huilèries.
Elles constituaient la branche industrielle la plus puissante de l'ex AüF avec
ses productions d'huiles brute et raffinée et la fabrication de tourteaux.
Les premières unités industrielles s'installent avant la deuxième guerre
mondiale [voir lS.CANALE 1977] ; c'est donc une industrie ancienne qui
comptaient une dizaine d'usines situées dans les principales zones de culture
arachidière. La production d'huile passera très vite de 86 000 tonnes en
1952 à 100 000 tonnes en 1953 et à 110 000 tonnes en 1954 [Annuaires
Statistique de r AüF 1956].
En comparant ces performances passées avec les productions actuelles (voir
tableau 13), l'on se rend compte que le déclin industriel de la filière est bien
réel.
La part des huileries dans la valeur ajoutée de l'industrie passe de 31 % en
1960 à 15,02 % en 1974, pour atteindre 80/0 en 1980. Cette même tendance
s'observe au niveau des industries alimentaires. En effet de 60 % en 1974
on est passé à 24 % en 1981.
131

Tableau 13 : Evolution de la production d'huile (en milliers de tonnes)
1970
177
1971
117
1972
251
1973
128
1974
142
1975
250
1976
392
1977
341
1978
122
1979
274
1980
125
1981
51
1982
255
1983
233
1984
158
1985
108
1986
144
1987
178
1988
270
1989
209
1990
247
Source: MEF, Direction de la Statistique Dakar.
Pour accompagner le développement harmonieux de la filière arachide le
Sénégal s'est doté très tôt d'une importante capacité de trituration
industrielle de 725.000 tonnes de graines. Ce tissu industriel est composé de
4 unités de trituration disséminées à travers le territoire national: Dakar,
Diourbel,
Lyndiane
et
Ziguinchor.
Du
fait
des
difficultés
d'approvisionnement, les 2/3 des capacités de production des usines ne sont
pas utilisées (280.000 tonnes ont été triturées en 1995). Malgré cela, le
chiffre d'affaires reste relativement inlportant :105 milliards CfA en 1995
soit Il % du chiffre de l'ensemble du secteur industriel.
132

Les perfonnances économiques de la SONACOS, de 1993 à 1995, sont
rappelées dans le tableau ci-dessous.
Tableau 14: Evolution des performances de la SONACOS.
Année
1993
1994
1995
Quantité triturée (1000 tonnes)
189
234
278
Taux de saturation des capacités installées (en %)
26
32
38
Prod. Huile d'arach. (1000 tonnes)
57
80
99
Exportation IProduction(en %)
109
90
90
Coût de revient de l'huile (Fefa / Kg)
310
408
463
Prix de vente de l'huile à l'export (fCFA/Kg)
-
612
595
Production tourteau arach. (1000 tonnes)
68
93
123
Export. Tourteau en %
93
90
73
Ventes locales tourteaux (1000 tonnes)
14
11
Il
Ventes locales hujJe raffinée (1000 tonnes)
83
82
87
Export graines arach. (1000 tonnes)
0,9
2,4
2,6
Source: Statistiques de la SONACOS'J
On note que près de 90% de la production d'huile brute d'arachide sont
exportés; le ratio est de 78% pour les tourteaux d'arachide.
Ce tableau met en même temps en relief la conquête du marché intérieur par
les huiles végétales concurrentes. La SONACOS importe de l'huile brute
qu'elle raffme pour satisfaire la demande intérieure. C'est un signe évident
d'une perte de compétitvité de l'huile d'arachide qui remet en cause la
spécialisation arachidière.
Ce tableau pennet également de noter que:
Le cours mondial de l'huile d'arachide est en baisse d'une année à une
autre: 612 et 546 F CFA/ Kg respectivement en 1994 et 95.
133

Le prix de revient de l'huile de la SONACOS augmente régulièrement (de 310
à 463 FCFA/ Kg en 1993 et 95) sous l'influence combinée des effets de la
dévaluation et de la sous -utilisation des capacités de production.
Cette évolution contradictoire entre le prix de revient (en hausse) et le cours
mondial (en baisse) hypothèque la rentabilité de la filière. Et en ajustant les
prix au producteur à la baisse, les récoltes ne peuvent que baisser. C'est la
raison pour laquelle la SONACOS qui est très impliquée en amont comme en
aval de la filière subit beaucoup de pertes comme le non remboursement par
les paysans des dettes de semences. La Caisse Nationale de Crédit Agricole
(banque nationale) subit le même sort.
Nous sommes dans une situation de crise masquée par le monopole public. En
réalité c'est surtout le monopole sur l'huile végétale destinée au marché
intérieur qui permet à la SONACOS d'équilibrer ses comptes. La perspective
de libéralisation et de l'union douanière (UEMOA) va certainement favoriser
le désengagement et peut être un redéploiement vers d'autres cultures de
substitution et l'arachide de bouche.
2-3 La particularité de la filière arachide de bouche
La filière est en pleine expansion. Les superficies sont passées de 18.000 ha en
1986/87 à plus de 60.000 ha en 1996/1997, pour des productions de 19.000 t
et 58.000 t respectivement pour ces deux campagnes considérées.
Les
rendements quand à eux sont stables et tournent autour de 1 t/ ha, les baisses
sur certaines années étant principalement dues à la baisse de la pluviométrie.
Initialement localisée dans le sud du Bassin Arachidier (BA), dans la région de
Kaolack et Fatick, elle a été testée dans la vallée su fleuve. Les résultats
134

obtenus tendent à montrer que l'arachide de bouche pourrait être étendue
dans la vallée, de même que dans certaines régions du sud-est.
Il ne semble pas y avoir de problèmes d'écoulement de la production, et les
prix au producteur (de 120 à 130 francs/Kg) laisse supposer un bon
positionnement, et une possibilité d'extension vers des zones irriguées, telles
que la vallée du fleuve, où, intégrée dans l'assolement des producteur, la
culture permet de dégager des marges nettes intéressantes 222 404 francs
(données de la SAED).
Cette filière est considérée par la mission comme porteuse de croissance,
surtout dans la perspective de son intégration dans des systèmes de
production irrigués où elle peut aider notablement à relever le niveau de
l'intensité culturale. Nous présentons donc dans la quatrième partie, les
perspectives attendues de cette filière.
La baisse tendancielle des
exportations de produits arachidiers que nous
avons déjà montrée explique à son tour la tendance à la baisse de la
production depuis 1975/1976.
Néanmoins les huileries continuent de peser sur l'économie sénégalaise et
sur l'évolution de la contrainte extérieure.
En effet,
cette
crise
de
spécialisation va
aVOIr
des
conséquences
défavorables sur la balance des paiements, même si d'autres secteurs
exportateurs tels que la pêche, les phosphates et dérivés chimiques, le
tourisme prennent de l'importance.
La baisse recette d'exportation arachidière depuis 1975/76, conjuguée avec
une évolution défavorable des cours mondiaux va accroître les difficultés de
la balance des paiements.
Les données du tableau 15 attestent de la subite détérioration de la balance
commerciale et d'une ampleur qui nécessitera la mise en place des
premières mesures d'ajustement structurel dès 1980.
135

1981 est à cet égard symbolique car au déficit record de la balance
commerciale correspond le record de contre performance des exportations.
Tableau
15
Recettes
d'exportation
arachidière
(REA)
et
Balance
commerciale (BC) - milliards CFA
R.E.A.
B.e.
1975
34.7
-22.6
1976
58.6
-20.35
1977
67.2
- 48.49
1978
20.1
-115.67
1979
41.5
-80.0
1980
16.0
-106.46
1981
9.0
-140.73
11
Source: MEFS, Direction de la Prévision et de la statistique
Tableau 16. Structure des exportations en %
1960-72
1972-80
1980-90
Produits arachidiers
68
41
22
Phosphates
8
122
120
i
Conserves de poisson
12
16
17,5
1
i
Textiles
2
7
8
Source: DPS, Ministère de l'économie et des finances
La crise de spécialisation va avoir d'autres effets négatifs sur l'économie
sénégalaise.
Non seulement les recettes budgétaires en provenance de la filière deviennent
nulles, ['Etat sera amené à supprimer la taxe à l'exportation pour mieux
affronter la concurrence sur le marché mondial des oléagineux, mais les
subventions aux sociétés nationales d'encadrement et de
136
:t!22JI?Sli.", ,ù-
_ B8) .•NiCA.

commercialisation des produits arachidiers pèseront de plus en plus sur le
budget de l'Etat.
A cause de la contrainte d'équilibre de la balance des paiements, de
l'absence d'alternative à cette spécialisation rigide et dépendante, l'état du
Sénégal continue de miser sur la filière malgré l'accumulation des déficits
d'exploitation. Le coût en ressources intérieures pour une unité de devises
gagnées est de plus en plus élevé: l,54 en 1990 selon B.FALL et ali (1997).
Malgré ces coûts élevés, la Société Nationale de Commercialisation des
Oléagineux du Sénégal était en 1995 la première entreprise par le chiffre
d'affaires, avec 105 Milliards CFA.
Elle a en charge l'exploitation
industrielle et la commercialisation intérieure et extérieure des produits
oléagineux. C'est un des leaders sur le marché mondial de l'huile
d'arachide, elle jouit aussi d'un monopole sur le marché intérieur.
Actuellement cette entreprise qui réalise 550/0 de son chiffre d'affaire à
l'exportation, après les mesures d'ajustement structurel et la dévaluation
(janvier 1994), est la seule société sénégalaise à avoir accès à l'Euromarket
des capitaux. A deux reprises en 1994 et 1995, un groupe de banques avec à
leur tête la Citibank
International de Londres lui a accordé des
financements importants de sorte que l'Etat du Sénégal n'est plus astreint
comme par le passé d'assurer le financement de cette entreprise. En dépit de
ces atouts et de quelques résultats positifs surtout depuis ces dernières
années, il convient de dire que les paradoxes ne manquent pas.
Dans une étude que nous avons menée, (S.S.SALL et A.NDIAYE 1995),
portant sur le lien entre la croissance des exportations et la productivité
globale des facteurs de 1970 à 1990, nous avons abouti aux résultats ci-
après:
137

Tableau 17: Moyenne des taux de croissance annuels de )a Productivité Globale
des Facteurs
(PGF) et des Exportations (EXP) de 1970 à 1990 en %
p~
EXP
Huileries
14
39
1
Source: S.S. SALL et NDIAYE, Export Growth and TFP Growth in Senegal, A.E.Re.
Nairobi 1995
En appliquant le test de causalité de Granger (1998) notre étude avait
démontré
que la croissance des
exportations entraînait celle de la
productivité globale des facteurs. Même si la productivité globale des
facteurs enregistrait en moyenne de bons résultats, l'évolution du stock de
capital était en moyenne négative (-2,6%) et l'utilisation des capacités de
production n'avait pu dépasser les 450/0.
Il apparaît donc que la dévalorisation du stock de capital dans le temps
constituait l'unique moyen d'éliminer la surcapacité de production et de
rentabiliser les unités industrielles.
2.4 L'évolution Défavorable du Marché Mondial des Oléagineux
C'est la concurrence montante des huiles végétales [soja, tournesol, colza]
qui a remis en cause l'avantage comparatif du Sénégal. En terme de prix ces
huiles sont plus compétitives que l'arachide, et c'est ce qui explique la
stagnation du marché mondial de l'huile d'arachide; -0,05% de taux de
croissance moyenne annuelle entre 1961-1987 [Kinteh et Badiane 1990].
Mais [Badiane 1992] remarque qu'au moment où la part de marché des
pays africains était en baisse, les pays asiatiques et latino américains
augmentaient la leur, même si au même moment la production mondiale
chutait en moyenne annuelle
de 2,6% en
Afrique et de 2,50/0 en Asie.
Pendant que la production africaine d'arachide chutait de 2,6 % en moyenne
138

annuelle et celle de l'Asie de 2,5 %. Ce qui fait dire à Badiane que les facteurs
de la crise sont plus d'ordre interne qu'externe.
Les pays de la communauté économique européenne étant
les prmcIpaux
clients du Sénégal pour 1'huile et les tourteaux d'arachide, c'est à travers leur
structure de consommation de produits oléagineux que l'on s'aperçoit de la
marginalisation des produits arachidiers au profit surtout du soja et du colza
(cf tableau 18).
Tableau 18: Structure de consommation de la CEE tourteau en %
i
Soja
Lin
i
1
Cophra
Coton
1
1 Arachide 1 Colza
Tournesol
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
i
1
1
1
1
1
1
1967
48,9
12,6
4,2
6,5
6,1
1
1
9,8
8,6
1
1
1977
62,3
6,1
5,5
3,4
3,7
7,5
'"' '"'
1
-',-'
1
i
1
1
1978
67,0
3,6
4,2
4,6
3,7
6,6
3,2
1
1
1
i 1979
64,0
4,4
5,4
4,9
') 1
1
1
- ,.
6,1
2,6
1
\\
1980
64,7
'"' '"'
-',-'
5,8
6,2
'"' '"'
1
-',-'
6,1
2,6
1
1
1
1981
65,9
1,6
7,0
5,8
3,0
1
6,5
Î
'"'
~,.J
1
1
1
1
1
1
1
Source: INRA. Charles Robert, « tourteau et autres matières riches en protéines» page 72
L'arachide qui avait une part de marché de 12,6 % en 1967, n'en a que 1,6 %
en 1981 alors que la consommation totale en tourteau de ces pays est passéEde
9 800 000 tonnes en 1967 à 21 930 000 tonnes en 1981 (selon la même
source)
La
France qui est le premIer client du Sénégal voit sa structure de
consommation se modifier. La part de l'huile d'arachide a baissé au profit du
tournesol comme le montre le tableau 19.
139

Tableau 19: Evolution de la répartition du marché de l'huile en France
En %. du volume tota'P911980
]983
1
\\1981
1982
1
i
1
du marché
70 i
1
1
i
1
1
i
1
ri
1
1
1
1
i
1
Arachide
142
45
..'-'
35
1
36
"
1
1
1
1
1
1
Tournesol
36
35
i
43
45
1
1
45
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1 Maïs
i 'i
1
-,-
4
5
4,5
1
4 [
1
1
!
iOlive
4
1
4 i
3,5
i
4
4
1
1
1
1
1
]
Autres
13
13
13
11,5~
1
~
i
1
1
1
Source
L.SA BATSA Collection des « analyses de Groupes»
Edition DAFA Décembre 1984
Comme on peut le constater le déclin date de la fin des années 70. Depuis
1967, la convention qui liait le Sénégal et la France pour l'achat d'un quota
important des produits arachidiers sénégalais a disparu2 Cette préférence dont
a bénéficié le Sénégal sur le marché européen n'existe plus et la SONACOS
doit faire face à la concurrence. La régularité de l'offre et le prix seront les
éléments les plus importants pour s'imposer sur le marché.
Les résultats de l'estimation de la fonction d'exportation confirment
que
l'évolution des prix relatifs (huile d' arachidelhuile de soja)reste un facteur
déterminant des exportations.
En effet tout renchérissement de
l'huile
d'arachide de 1% par rapport à l'huile de soj a se traduit par une baisse des
exportations sénégalaises et incidemment par une baisse de 0.550/0 de la
production arachidière. Poussant l'analyse plus loin, nous avons fait le test de
cointégration pour voir si cette relation de causalité était déterminante sur le
long ten11e . Ainsi, le test confimle qu'il y a bien une relation de détermination
sur le long terme ( voir eq.3 et test ci dessous).
I-W

Equation 3 Variable endogène
LARA
The present sample is:
1961 à
1992
Variable
Coefficient
t-value
Constant
6.9192
63.262
LARAPRIXR
-0.5536
-2.081
R2
0.126114
F(1,30)
4.3294
[0.0461J
LARt:\\.
log de la production arachidière
L]\\~RAPRIXR
log prix relatif de l'huile d'arachide en terme
d'huile de soja sur le marché européen.
ECTARA
résidu de l'équation 3.
Equation 4
:ECTARA
LAR? -
6.91918 + 0.553685*LARt:\\.PRIXR;
Test de Cointégration :
Valeurs critiques:
5%=-2.963 1%=-3.666; Constante incluse.
t-adf
lag
SCTARA
-4.0879**
2
ECTARA
-4.2254**
1
ECTARA
-5.0214**
0
Cornrlle on le voit le résidu est stationnaire au seuil de 1%.
Sn
intégra0t
le
facteur
pluviométrique
tant
invoqué
dans
l'analyse des
contre performances de
la
culrure
arachidière,
l'on se rend compte
que
le
facteur
orix est
de
loin
le plus
déterminant (cf équaLion 5).
141

Equation 5
Variable endogène LARA /1961 à 1992
Variable
Coefficient
t-value
Constant
6.4422
25.355
LARAPRIXR
-0.54148
-2.141
Lp1u
0.07596
2.057
R2
0.237409
F(2,29)
4.5141
[0.0196J
Dv-l
1. 92
Lplu = log de la pluviométrie
Il apparaît clairement que la forte concurrence sur le marché mondial à
travers le renchérissement des produits arachidiers a été plus déterminant
que les conditions climatiques tant invoquées dans le discours officiel.
2.5 Les Limites de l'Agriculture Extensive: faible productivité, bas
revenus
L'Environnement
agro-
climatique
sahélien,
caractérisé
par
une
pluviométrie
ne
dépassant
pas
quatre
mois
n'est
pas
favorable
à
l'intensification de l'agriculture.
L'arachide
qui
a
longtemps
dominé
l'agriculture
sénégalaise
n'est
économiquement viable que si les paysans qui se trouvent en amont de la
filière acceptent une faible rémunération de leur production, compte tenu
des cours mondiaux des huiles et des tourteaux.
En 1921, un essai de culture mécanisée avec labours et semis au tracteur
effectué près de Kaolack échoue, non pas pour des raisons techniques mais
parce que « la main d' œuvre salariée la plus médiocre coûtait plus chère que
le travailleur indépendant» [1. S. Canale 1977].
142

Après la seconde guerre mondiale, la compagnie générale des oléagineux
tropicaux[C.G.O.T.] connut un échec dans sa tentative d'intensification de
la culture arachidière [V.C.Diarassouba 1968].Tout au plus l'on a su
introduire une semi-mécanisation non motorisée avec la traction animale: la
culture attelée.
La faible productivité dans l'~griculture arachidière est viable tant que le
surplus de main d' œuvre rurale accepte de demeurer en milieu rural et dans
les liens communautaires de reproduction de la force de travail. Ce qui n'est
plus possible, avec le développement des rapports marchands et monétaires
qui incitent à l'exode.
La monétarisation de l'espace rural fut une stratégie efficace d'introduction
et de développement de l'arachide et de toutes les autres cultures
industrielles.
Quand l'administration coloniale institua le paiement monétaire de l'impôt
de capitation, ce fut un moyen efficace d'intégration des paysans dans
l'économie marchande, car pour avoir du numéraire, les paysans étaient
obligés de s'adonner à la culture arachidière. Dès lors, il devenait facile aux
maisons de commerce coloniales de les entraîner dans le système de crédit.
Elles étaient promptes à avancer de l'argent et des marchandises qu'elles se
faisaient rembourser à l'occasion de la vente de la récolte que ces mêmes
maisons de commerce achetaient aux paysans. Ainsi la monétarisation allait
petit à petit changer les comportements paysans et les modes de
consommations (A.NDIAYE 1987). Elle avait changé l'expression des
besoins et en avait créé de nouveaux. Elle avait créé une autre forme de
dépendance ou d'aliénation économique vis à vis de l'arachide.
143
~.scaWASiJ!tljtiM_IJiJiI!§œ<

Il va sans en dire que c'est une dynamique socio-économique qui n'allait
pas sans remettre en cause l'équilibre communautaire, c'est à dire les
structures villageoises sur lesquelles l'agriculture arachidière était venue se
plaquer.
La généralisation des relations marchandes a fait évoluer cet état de chose
où la rémunération du paysan apparaissait au départ comme un « résidu» et

la
reproduction
paysanne
était
essentiellement
assurée
par
l'autoconsommation. Les paysans étant entièrement intégrés à l'économie
monétaire, sont de plus en plus amenés à effectuer des choix en termes de
coûts d'opportunité. [M.RAFFINOT- 1991]. C'est ainsi que, petit à petit,
l'exode rural est apparu comme un choix ayant un coût d'opportunité plus
faible, face à une culture de moins en moins rentable. Au début l'exode
avait un caractère saisonnier ; l'activité agricole ne couvrant que 4 - 5 mois
de l'année, les paysans étaient tentés par le travail salarié. Ce fut donc « un
mouvement pendulaire» entre la ville et la campagne. (M.Lakroum 1982).
Mais avec le temps, l'extension du travail salarié, la monétarisation de
l'espace rural et des besoins, la paupérisation du fait de la crise de la
spécialisation et des rigueurs des politiques d'ajustement structurel, tous ces
facteurs, poussèrent les paysans à se sédentariser dans les zones urbaines,
puis à émigrer vers l'étranger.
Ainsi,
l'équilibre
communautaire. qUI
reposait,
auparavant,
sur
l'autoconsommation du mil et le vente de l'arachide comme revenu
d'appoint, est rompu car les rapports marchands et monétaires tendent à
substituer aux rapports économiques communautaires. D'où un exode rural
massif qui va affecter l'ensemble de la production rurale.
Selon une enquête (cf. A.B.Diop 1991), 800/0 des paysans ont déclaré que
leur mil est destiné uniquement à la nourriture et 75% ont affrrmé n'avoir
144

pas l'intention d'en vendre quelles que soient les circonstances. C'est la
même attitude qu'on retrouve chez le paysan diola en ce qui concerne la
récolte de riz (SONED 1985). Mais la crise de la spécialisation arachidière
va provoquer la rupture de l'équilibre socio-économique du monde rural et
engendrer, non seulement par la baisse de la production arachidière, mais
aussi celle des actifs agricoles et des surfaces cultivées. En effet, comme
l'ont révélé E.M.Claassen et P.Salin (1991), il existe une corrélation
positive entre le prix réel de l'arachide, c'est à dire le pouvoir d'achat de
l'arachide, et les surfaces consacrées au mil et à l'arachide (cf. graphique).
ils mettent en évidence la corrélation entre la baisse du prix de l'arachide et
la baisse des surfaces cultivées amorcée depuis 1975/76, et montrent ainsi
que l'arachide constitue l'épine dorsale de l'agriculture sénégalaise. L'on ne
peut qu'en déduire la fin de la croissance extensive de l'agriculture
bisectorielle (arachide /mil).
Real producer priees 01
Tolal ha 101
groundnulS in lerms 01
groundnuts
consumplion çoods
and millet
:'960/8' = 100)
('000 ha),
?urcl1aSJng power 01 producer
::: ~
priees 01 groundnuls
~
1 JO
2 JO 0
120
, la
2 200
100
graphique
\\
/
90
\\ /
2 100
E.M.Claassen et P.Salin (1991
'.,1
50
\\
/ ........... -J
\\
"'0
/ '
Telal a:;caçe for çroundnuls
2 000
\\
U Il ct nt il Ir 1
\\
\\
/
1
900
" /
',;
, SOO
1970
7'
72
7J
7J
75
81
82
71
72
73
7J
7;
76
82
8 J
Cette agriculture extensive à dominante arachidière et très saisonnière
n'étant plus en en mesure de procurer des revenus monétaires suffisants à la
couverture des besoins ne peut donc plus se développer.
145

Tableau 20 : Evolution du revenu réel du monde rural
Indice (base 100 = 1987)
.
1975
136
1976
169
1977
123
1978
70
1979
133
1980
100
1981
89
1982
116
1983
143
1984
69
1985
79
1986
95
1987
100
1988
103
1989
94
1990
86
Source: Calcul de l'auteur sur la base de la production du mil et de - l'arachide
Telles sont les conséquences de la crise de l'agriculture sénégalaise à
laquelle on ne pourra remédier durablement qu'en développant une
agriculture intensive ou en se désengageant de l'arachide.
La paupérisation des paysans tient à la fois au caractère extensif de cette
agriculture et au déclin de l'arachide.
En effet, l'analyse de la structure des prix agricoles sur la longue période
montre que le niveau de vie du monde rural commence ase dégrader à partir
du début des années 70 (Tableau 17).Les prix réels de l'arachide et du mil
gardent une tendance à la baisse malgré leur relèvement en termes
nommaux.
146

La production arachidière dépend des conditions climatiques du facteur
travail et de la terre. Par conséquent le facteur capital étant insignifiant, la
croissance de la production dépend surtout du travail et de la terre. Dans un
contexte d'une demande régressive depuis 1961 (Badiane 1992) et où les
cours mondiaux marquent une tendance la baisse depuis 1980 (cf. tableau
ou annexe), il est tout cl fait normal que le processus d'ajustement de l'offre
se traduise par une réduction des facteurs tels que le travail et la terre, c'est
à dire une diminution des surfaces cultivées et l'exode rural. D'ailleurs les
deux phénomènes sont liés.
En général l'exode rural est la seule alternative qui s'offre aux paysans car,
malgré cette situation, la politique économique et le système des prix relatifs
agricoles ne les incitaient guère à accroître leur production vivrière. C'est
ainsi que l'exode rural non seulement crée des bidonvilles et d'autres
problèmes environnementaux mais précipite le déclin de l'agriculture
sénégalaise.
Les
conditions
du
monde
rural
n'en
seront
pas
significativement modifiées malgré les transferts de solidarité. En effet,
l'industrie et les services ne connaissent pas un développement qui puisse
garantir des emplois à tous ces émigrés.
Le redéploiement de la main d'œuvre rurale en zone urbaine n'est pas
compensée par une augmentation de la productivité du travail dans
l'agriculture, à cause du caractère extensif de cette agriculture et des prix
non incitatifs.
De manière généraJe, pour avoir persisté sur de tels créneaux à demande
mondiale régressive au lieu de diversifier leurs exportations comme l'ont
fait les pays sud-est asiatiques, les pays africains au Sud du Sahara n'ont
fait qu'appauvrir leurs paysans. Ils ont pris du retard, pendant que d'autres
147

pays en développement comme la Corée, l'Inde l'Indonésie, la Thaïlande, se
désengageaient du commerce des produits primaires (Banque Mondiale
1994).
Par exemple en Thaïlande et en Indonésie le développement du secteur
manufacturier a certes favorisé l'exode rural, mais en compensation la
productivité dans l'agriculture a augmenté. (MARTIN et WARR 1993;
Glob. Eco.Prospect 1994).
La paupérisation du monde rural sénégalais tient donc à cette crise de la
spécialisation arachidière avec tous ses effets négatifs sur l'agriculture dans
son ensemble. Des travaux plus récents ont montré que durant la période
d'ajustement structurel, la paupérisation et l'exode se sont accélérés, car les
prix réels des différentes cultures continuent de baisser. (A.DIAGNE 1995)
La détérioration des termes de l' échànge interne du n'lOnde rural entrâme
une baisse des surfaces cultivées qui à son tour, au vu des rendements
faibles voire stagnants, débouche sur une production agricole stagnante
voire décroissante. C'est un cercle vicieux qu'entretient la crise de la
spécialisation arachidière.
C'est dans
ce
contexte
qu'il
faut
placer
l'accélération de l'exode rural et l'urbanisation anarchique qu'il engendre.
Selon une enquête réalisée par l'IFAN (Université CA DrOp) :
-
44 %
des paysans ont obtenu 60 000 FCFA ($240), au plus de leur
production
70 % ne dépassent pas 180 000 CFA ($720)
seuls 12°1<> réunissent à avoir plus de 300 000 F CFA ($1200), somme
du reste légèrement inférieure au SMIG. (A.B.Diop 1991).
148

Les paysans sont les plus vulnérables face à la rigueur de la politique d'ajustement
structurel parce que politiquement plus faibles (E.Classen et P.Salin 1991). Ils
constituent la classe sociale la moins apte à s'opposer à la politique ajustement
structurel. Ce n'est donc pas à leur niveau qu'il faut rechercher les forces qui
s'opposent au processus d' aj ustement structurel
La mIse en place de la Nouvelle Politique Agricole [NPA]
qUI visait une
libéralisation de l'agriculture par le désengagement de l'Etat (1984) bien que
n'ayant rencontré aucune résistance paysanne, n'a pas connu le succès escompté.
L'échec est imputable à la brutalité du désengagement face à des paysans pauvres,
incapables d'acheter les intrants nécessaires à leurs champs. La NPA a plus
contribué à les paupériser qu'à les transformer en entrepreneurs agricoles. Le désir
de satisfaire la Banque Mondiale et le FMI pour obtenir des financements avait été
privilégié aux dépens de politiques alternatives bien conçues.
CONCLUSION
La crise de l'économie sénégalaise remonte à la fin des années 70. En effet le solde
du budget de fonctionnement est positif jusqu'en 1975176. Depuis, sous l'effet des
charges récurrentes induites par le déficit des entreprises publiques, des transferts
(subventions) et du service de la dette, ce solde a été plus souvent négatif. Cela veut
dire qu'après cette date, l'Etat du Sénégal a utilisé des ressources extraordinaires
(principalement des emprunts extérieurs) pour financer une partie de son budget de
fonctionnement et la quasi-totalité de ses dépenses d'investissement.
149

Le déclin irréversible de la filière arachidière commence aussi en 1975176', cette
date marque un tournant décisif dans l'évolution de l'économie sénégalaise.
A partir donc de la fin des années 1970, l'économie sénégalaise va entrer dans une
longue période de crise dont l'une des principales causes est la crise même du
dispositif
institutionnel.
Des
institutions
marquées
par
l'accumulation
de
dysfonctionnements, de déficits fmanciers, mais surtout d'une absence totale de
rationalité. Malgré toutes les réformes institutionnelles (de la suppression de
l'ONCAD à la création de la SONACOS), nous avons montré que l'irrationalité
était telle qu'elle avait empêché de voir que le secteur arachidier était entré en crise
depuis la fm des années 70. Est ce de la simple myopie ou une attitude
idéologique? En tout cas, des intérêts privés ont eu raison de l'intérêt général au
sein du dispositif institutionnel par la corruption, le clientélisme et d'autres attitudes
hostiles au développement de l'économie.
L'échec de la récente tentative de privatisation de la SONACOS prouve encore une
fois que le secteur a bien perdu de son avantage comparatif. Le gouvernement
sénégalais a été obligé de refuser les offres faites par seulement l'ex-directeur
général de la SONACOS et le collectif des travailleurs; il n'y avait pas eu d'offres
étrangères! En réalité c'est surtout le monopole sur l'huile végétale destinée au
marché intérieur qui permet à la SONACOS d'équilibrer ses comptes. La
perspective de la libéralisation et de l'union douanière (UEMOA) va certainement
favoriser le désengagement et peut être un redéploiement vers l'arachide de bouche
ou d'autres cultures de substitution.
150

CHAPITRE IV: LES DETEIRMBNANT5 DE LA CROISSANCE:
APPROCHE fENIDOGENE
La recherche sur la croissance depuis quelques années se caractérise par :
-
un rejet et une non vérification de l'hypothèse dela convergence (absolue)
-
une extension critique du modèle de Solow pour intégrer le capital humain
- un apport de la nouvelle économie institutionnelle et un emichissement
méthodologique quant à la mesure des variables institutionnelles.
Les travaux empiriques ont mis en évidence la complexité de la crOIssance en
montrant que l'on ne pouvait plus se contenter de l'économique tout court pour
expliquer les performances économiques. Des facteurs tels que l'éducation, la santé,
les libertés civiles et politiques, les politiques économiques, les infrastructures, la
qualité des institutions, la corruption, la diversité ethnique, doivent être pris en
compte.
La croissance
n'est plus
considérée
comme
un
simple
processus
d'accumulation de capital physique.
Au plan méthodologique, la plupart des études utilisent des données en panel pour
avoir des échantillons suffisamment significatifs. Les modèles empiriques sont soit
une extension du modèle de Solow incluant le capital humain ( augmented-Solow
model), ou des
modèles à forme réduite (Alesina et Rodrick 1994), (Person et
Tabellini 1991) sans relation avec le modèle de Solow. Un petit nombre d'études
utilisent la méthode de la comptabilité de la croissance (Benhabib et Spiegel, 1994).
Ce présent chapitre sera constitué de deux sections: la première sera consacrée à la
revue de la littérature empirique et la seconde à l'application d'un modèle de
croissance endogène à l'économie sénégalaise.
151

Section 1 : Revue de la Littérature Empirique
Les problématiques de recherche sont aussi riches que variées, mais on peut tenter
de les regrouper dans les thèmes suivants:
- Croissance et capital humain
- Institutions politiques, Stabilité politique et sociale
- Politiques macro-économiques
1.1 Croissance et Capital humain
Le capital humain occupe une place de choix dans la théorie de la crOissance
endogène. Le développement ou l'augmentation du capital humain induit des taux
d'investissement en capital physique et humain plus élevés et donc des taux de
croissance plus élevés. En effet pour les tenants de la théorie du capital humain
(Romer (1986), Lucas (1988)), plus d'instruction et d'éducation poussent les
individus à réduire la natalité tout en les incitant à davantage investir dans la
production de biens et de ressources humaines ( santé, éducation).
Selon Romer l'apparition de nouvelles technologies de production sera bénéfique à
l'ensemble de l'économie de par les économies externes qu'elles induisent; la
concurrence ne constituant
pas un obstacle à la diffusion des connaissances. Dit
autrement
le capital humain d'une entreprise donnée ou d'une branche donnée
accroît non seulement
la productivité
de ces dernières mais les effets seront
bénéfiques à la productivité globale de l'ensemble de l'économie. C'est ce que
Lucas (1988) appelle aussi les externalités positives.
D'autres auteurs comme ( Azariadis et Drazen (1990), Becker, Murphy, et Tamura
(1990), Kremer (1993) ont aussi insisté sur le rôle du capital
152

humain en tant que source de crOIssance à long tenne. Le ruveau de
développement du capital humain dans une société est· en soi un facteur
détenninant pour la poursuite de l'accumulation du capital humain.
Dans le recensement effectué par Levine et Renelt (1992) sur les résultats
des estimations les plus récentes, ils trouvent que les taux d'investissement
en capital physique et en capital humain sont significativement corrélés aux
taux de croissance et dans un large échantillon d'études.
En ajoutant les taux de scolarisation primaire et secondaire au modèle de
Solow, MRW (1992) trouvent que le capital humain améliore sensiblement
les résultats, en atténuant le coefficient du capital physique obtenu dans le
modèle de Solow simple. ils montrent que le capital physique
et capital
humain expliquent presque 800/0 des variations de revenu par tête aussi bien
dans l'échantillon de 98 pays non pétroliers que dans celui de 75 pays
excluant quelques petits pays classés dans la série 0 de Surnmers et Heston.
R.Barro ( 1991) utilisant les taux de scolarisation primaire et secondaire, sur
un échantillon de 98 pays, pour la période 1960-85, établit une positive
corrélation entre croissance par tête et croissance du capital humain pour
un revenu initial en 1960 tenu constant. Alors que, toutes choses égales par
ailleurs, le revenu initial est négativement corrélé au taux de croissance par
tête. Ce qui fait dire à Barro que ses résultats dans un certain sens
corroborent 1'hypothèse néo-classique de la convergence.
Au Sénégal en dépit de l'in1portance des dépenses publiques destinées à
l'éducation et à la fonnation , le taux de scolarisation est relativement faible.
Ce taux se situe en dessous de la moyenne de l'Afrique subsaharienne.
153
pt--
zak

Parti de 0,4 en 1960, le nombre moyen d'années d'études de la population sénégalaise
des 15-64 ans n'atteint que 2,4 en 1990. Ce chiffre est inférieur à celui qu'obtiennent
Nehru, Swason et Dubey (1993) pour l'ensemble de l'Afrique subsaharienne, et qui est
de 2,54.
1.2 Les politiques macro-économiques
Elles
agissent directement sur l'accumulation
des
facteurs
de
production
ou
indirectement en créant un environnement plus ou moins favorable à l'investissement.
La stabilité macro-économique, c'est à dire une inflation faible, un surplus budgétaire
ou un déficit soutenable, un taux de change approprié, constitue un signal pour le
secteur privé concernant la direction et la crédibilité des politiques économiques. La
crédibilité
d'un gouvernement, c'est à dire son engagement à tenir le cap de la
stabilité macro-économique, est devenue pour le secteur privé un facteur déterminant
de leur stratégie d'investissement.
1.2.1 Inflation et Stabilité économique
La stabilité macro-économique, dans la mesure où elle tàcilite les anticipations et les
décisions d'investissement, encourage l'épargne et l'accumulation de capitaux privés.
Tandis que l'absence de stabilité crée une atmosphère d'incertitude qui rend difficile
toutes prévisions sur l'inflation ainsi que sur les rendements réels de l'investissement.
Ce qui provoque une mauvaise allocation des ressources et à la fuite des capitaux vers
des économies plus stables.
Sur le plan théorique l'impact de l'inf1ation sur la croissance peut paraître ambigu.
Selon la théorie des anticipations rationnelles, à court terme l'offre globale, peut
15-1

s'écarter de sa trajectoire de longue période, si le niveau
de prix de l'offre globale
anticipé est différent de son niveau courant. Mais comme l'économie s'ajuste sur
l'offre globale à long terme, c'est à dire à son taux naturel de production comme le
disent les classiques, on peut dire que le niveau général des prix n'a pas d'effet sur la
croissance économique à long terme.
Selon l'effet Tobin-Mundell, l'intlation, en entraînant les taux d'intérêt réels
à la
baisse,
provoque des ajustements de portefeuille. Alors les agents économiques
auront tendance à se dessaisir de leurs actifs monétaires au profit d'autres actifs. En
conséquence, l'anticipation d'une forte inflation pourrait avoir des effets positifs sur
les investissements réels et donc la croissance. Mais dans le contexte des pays en voie
de développement où les marchés financiers sont embryonnaires , les arbitrages se
feraient plutôt au profit d'actifs réels peu productifs (immobilier) ou de placements à
l'étrangers via
la fuite des capitaux. L'inflation donc dans les pays en voie de
développement encourage la fuite des capitaux et le développement du secteur des
non échangeables puisque l'économie devient moins compétitive.
Pour illustrer notre propos, nous pouvons comparer les performances économiques
dans les pays en voie de développement. Ainsi l'on peut noter que les pays asiatiques
ont à la fois réalisé des taux de croissance plus élevés et des taux d'inflation plus
faibles que leurs homologues africains et latino américains.
Levine et Renet (1992) ont montré que les pays à taux de croissance élevé avaient des
taux d'inflation plus faibles, des déficits budgétaires plus réduits et de plus faibles
primes sur le marché parallèle des changes. Fischer (1991), ayant étendu les travaux
antérieurs de Levine et Renet aux indicateurs macroéconomiques, trouvera que la
croissance était
155

négativement corrélée à l'inflation et positivement associée au surplus
budgétaire.
La corrélation négative entre inflation et croissance a aussi été mise en
évidence dans d'autres études [ Fischer (1983), Gregorio (1993), Gylfason
(1991), Barro (1995)]. Pour éviter les problèmes d' endogenéité de la
variable inflation, Cukierman et ai 1(1992) vont utiliser l'indépendance de la
banque centrale comme variable instrumentale. Puis, ils conclurent qu'en
utilisant les meilleurs indicateurs d'indépendance de la banque centrale,
l'inflation restait de manière significative négativement corrélée à la
crOlssance.
De Long et Summers (1992) avec la même méthodologie arrivent à la
conclusion selon laquelle une faible inflation est associée à une forte
crOIssance.
Levine et Zervos (1992) examinant toujours la problématique de Levine et
Renet, montrent que la variable inflation lorsqu'elle est adjointe à un
modèle de croissance simple peut être très
significative. mais seulement
dans les pays à forte inflation. Ils vont innover la méthodologie en
construisant un indicateur de politique macroéconomique avec le taux
d'inflation et le déficit budgétaire. Ainsi ils arrivent à montrer que la
crOIssance est positivement associée
à une bonne
politique macro-
économique (faible inflation + surplus budgétaire).
Plus récemment M. Bruno et W.Easterly (1998)
montrent, à travers un
panel de pays, qu'il existe bel et bien une corrélation sur la longue période
entre le taux d'inflation moyen et le taux de croissance moyen. Dans la
même étude ils montrent aussi que les périodes de crise inflationiste (>
400/0) correspondent toujours à des chutes de la croissance, alors que celle ci
]56
IiiJfJ;R,,~iSl'SS-_

a
tendance
à
repartir
plus
vigoureusement
pendant
les
périodes
désinflationistes .
1.2.2 Politiques Budgétaires
La politique budgétaire et l'engagement de l'état dans l'économie ont
bénéficié d'une attention particulière dans la nouvelle littérature sur la
crOlssance.
Toutes choses égales par ailleurs, un déficit budgétaire trop élevé aura des
effets d'éviction sur le secteur privé à cause d'un accès plus difficile au
crédit et d'une hausse des taux d'intérêt. Ces effets d'éviction qui
affaiblissent le secteur privé contribuent à l'appréciation du taux de change
réel, surtout lorsque le déficit se Emance par une création monétaire laxiste
(planche à billets).
Par ailleurs il est utile de noter que les pays développés ont une structure
budgétaire qui tranche avec celle des pays en voie de développement. En
effet dans les pays développés les recettes reposent essentiellement sur
l'impôt sur le revenu et l'impôt sur la consommation, tandisque dans les
PVD les taxes sur le commerce extérieur sont prépondérantes. Ce sont là
des données structurelles mises en évidence par Tanzi (1987, 1992) et
Easterly et Robelo (1993), pour
montrer en fait que l'impôt sur le
commerce extérieur avait un impact négatif sur la croissance.
Easterly et Robelo (1993) confirment aussi loi de Wagner (1890) selon
laquelle la ratio des revenus fiscaux ( sur le PIB) croit avec l'augmentation
du revenu par tête. Mais,· ils soulignent aussitôt que le poids des taxes sur
le commerce extérieur diminue et celui de l'impôt sur le revenu augmente, .
en même temps. Pour corriger la faiblesse du marché, la plupart des pays en
voie de développement s'étaient engagés dans leurs économies, en espérant
157

soutenir la croissance, mais de nombreuses études ont révélé que cela n'a
pas donné les effets escomptés.
Tout d'abord Saunders et Klau (1985) montrèrent qu'il existe une
corrélation négative entre les niveaux élevés de dépenses publiques et la
croissance économique, dans les pays de l'OCDE.
Landau (1986), utilisant les données des pays les moins avancés montra que
les dépenses publiques étaient négativement corrélées à la croissance.
Barro (1989) excluant les dépenses d'éducation et militaires arrive lui aussi
à la même conclusion concernant la consommation publique et la
crOIssance.
Selon Dervis et Petri (1987), les pays en voie de développement qui ont
enregistré les taux de croissance les plus élevés, entre 1966 et 1984, sont
ceux dont le ratio des dépenses publiques sur le PIB était le plus faible.
D'autres études ont mis en évidence une corrélation positive entre la
croissance du revenu par tête et les dépenses publiques, comme pour
corroborer la loi de Wagner [Gould (1983), Ranl (1986)].
B.B. NIANG (1999), utilisant un modèle macro-économétrique a montré,
par simulation sur la période 1980- 94, que l'accroissement des dépenses
publiques avaient un effet multiplicateur insignifiant sur le PIB et qu'il
engendrait de l'inflation et d'importants déséquilibres de la balance
courante.
Mais en fait ce qui est en cause ce n'est pas tant le niveau des dépenses
publiques que leur rythme de croissance ou la structure de ces mêmes
dépenses. Il s'est avéré indispensable au fur et à mesure de faire la
distinction
entre
les
dépenses
de
consommation
et
les
dépenses
d'investissement, par exemple.
158

L'effet des investissements publics est jugé positif dans la mesure où ils augmentent la
productivité du secteur privé ( Barro 1990), tandis que la consommation publique a
des rapports ambigus avec la croissance. Par exemple la consommation publique
(défense et éducation non comprises) a un impact négatif sur la croissance (Barro et
Wolf, 1989).Easterly et Robelo (1993) montrent aussi que l'investissement dans les
infrastructures de transport et de communication joue un rôle positif dans la
crOissance.
1.3 Les facteurs politiques et institutionnels
Ils ne sont pas en reste dans l'approche de la croissance endogène. Depuis une dizaine
d'années la mesure des institutions et leur introduction dans les estimations de
modèles de croissance ou dans les équations d'investissement, connaît une certaine
renaissance. Cependant des problèmes méthodologiques subsistent. Tout d'abord les
mesures institutionnelles sont difficiles à construire et à rendre adéquates pour
J'estimation
économétrique.
L'interprétation
et
la
spécification
des
termes
stochastiques posent des problèmes de validité des résultats. La faiblesse des séries
temporelles oblige à faire des estimations avec les données transversales.
Divers indicateurs sont ainsi utilisés pour mesurer l'instabilité politique parmi lesquels
les plus courants sont le nombre de coups d'Etat, de changements de gouvernement,
d'assassinats politiques.
Selon North (1990),
la production est affectée aussi
bien par les coûts de
transformation que par les coûts de transaction. Mais c'est sur ces derniers qu'il insiste
pour analyser l'impact des institutions sociales sur l'économie,
Il pense que des droits de propriété mal définis et mal appliqués, comme c'est le cas
dans beaucoup de pa'ys en voie de développement, contribuent à élever les coûts de
transaction et à favoriser les investissements dans les
159

technologies les moins coûteuses et les moins perfonnantes. Une protection
effective des droits de propriété semble indispensable pour que les
investissements puissent prendre en compte un horizon temporel de long-
tenne.
C'est ainsi que la politique a un grand rôle à jouer dans la définition d'un
cadre juridique efficace qui garantit les droits économiques des uns et des
autres de manière claire et précise. Ainsi la nature des institutions politiques
et des régimes politiques, leur capacité à réguler la société dans sa globalité
sont les facteurs détenninants de la qualité des institutions en général
(institutional quality).
La NEI redoute l'instabilité politique car elle débouche sur l'inefficience
institutionnelle qui a son tour augmente les coûts de monitoring10 comme
elle peut provoquer l'instabilité macroéconomique.
Dans cette optique la NEl pense que les Etats démocratiques garants des
droits politiques et des libertés individuelles sont les mieux appropriés à
protéger les droits de propriété, nous disons les droits économiques, et par
conséquent à minimiser les coûts de transaction (coûts de l'infonnation,
coûts de monitoring).
Des progrès ont été réalisés pour mesurer la qualité institutionnelle c'est à
dire le niveau de la corruption, l'efficience bureaucratique et administrative,
l'efficacité du système judiciaire, la stabilité politique, etc.
Et les Risk agencies jouent un rôle clef en ce qu'elles ont des bases de
données institutionnelles que la plupart des études empiriques utilisent; par
exemple (Mauro 1995, Knack 1996). De telles mesures sont subjectives car
elles ne sont que l'appréciation que ces risk agencies se font des pays, et
IOle monitoring représente toutes les actions et dispositions prises par l'entrepreneur pour sécuriser son
investissement et ses transactions: agents de sécurité, systèmes d'alanne, conseillers juridiques, etc
160
9.ZJ(Jd&
w=-w

c'est peut être là que se trouvent leurs limites en ternles d'objectivité ou de fiabilité.
Cependant, des mesures alternatives se développent suivant deux méthodes.
La première construit un indice d'instabilité socio-politique qui est une synthèse de
données sur les protestations politiques et sociales plus ou moins violentes (grèves,
manifestations). La seconde méthode quant à elle cherche à mesurer le nombre de
changements de gouvernement ou de majorités gouvernementales. Utilisant la
première méthode, Hibbs (1973) a trouvé que l'instabilité politique n'avait aucun
effet sur la croissance. Mais Veneris et Gupta (1986) en renouvelant cette méthode
synthétique montrèrent que l'instabilité politique avait bel et bien un impact négatif
sur le taux d'épargne donc sur l'investissement et la croissance.
Ben-Habib et Spiegel (1992) , utilisant une mesure similaire à celle de Veneris et
Gupta, vont corroborer ce résultat en montrant que l'instabilité socio-politique avait
un impact négatif sur l'investissement.
Barro( 1991) plutôt que de construire un indice synthétique va ajouter deux variables
politiques dans sa régression économétrique: la fréquence des coups d'état et le
nombre d'assassinats politiques. Ainsi il démontrait une fois de plus que l'instabilité
politique avait un impact négatif sur la croissance. Les mêmes résultats ont été
obtenus par Easterly et Robelo (1993).
Edwards et Tabellini (1991 )poursuivant dans la même lancée expliquent que
l'instabilité politique conduit à la "myopie de la politique fiscale", c'est à dire
qu'elle amène les gouvernements instables à s'endetter plus lourdement que les
gouvemements stables.
161

Poursuivant la recherche sur cette problématique, Godritch (1991) trouve
aussi que les investissements directs étrangers dans les pays en voie de
développement sont négativement affectés par les changements de majorité
gouvernementale.
Maintenant, s'agissant de la démocratie, malgré le développement de la
littérature empirique, la corrélation ne semble pas évidente entre la
croissance économique et la démocratie, toutes choses égales par ailleurs.
En prenant en compte les déterminants économiques de la croissance, il ne
semble pas que la démocratie ait eu un impact positif ou négatif dans la
croissance. Et c'est là une conclusion que nous retenons de plusieurs études
utilisant des données-panel [Helliwell (1992), Alesina et ali (1992), Alesina
et Rodrik. (1994)]. La preuve en est que plusieurs dictatures notamment
celles d'Asie du Sud Est ont plutôt bien fait en terme de croissance
économique, en tout cas beaucoup mieux que les régimes plus ou moins
démocratiques d'Afrique et de l'Amérique Latine.
L'on avance souvent que les libertés démocratiques augmentent les
pressions politiques sur l'Etat et favorisent les politiques redistributives.
Pour répondre à la demande des groupes de pression, la taille du
gouvernement augmente et les dépenses improductives prennent le dessus
sur les dépenses productives. Dans un tel contexte, les réponses aux chocs
externes peuvent être lentes à cause de la recherche de compromis. Ainsi
donc la survie du régime politique en place devient primordiale et
commande le rythme et l'application des politiques économiques.
[voir Krueger (1994), Bhagwati (1982), Mueller (1979), Alesina et Drazen
(1991) ].
162

Au Sénégal, malgré les deux phases du programme des départs volontaires
(3745 fonctionnaires), la masse salariale est demeurée élevée, à cause de la
pression syndicale. C'est ainsi qu'en 1991, la masse salariale qui ne devait
pas dépasser 125 milliards de FCFA a atteint 129,5 milliards. En effet dans
la fonction publique les syndicats d'enseignants et de la santé constituent
des groupes de pression très puissants. Ces syndicats ont bien profité de
l'ouverture démocratique pour faire accepter d'importantes revalorisations
salariales, pendant que le programme de stabilisation et d'ajustement
structurel
était
en
cours.
Craignant
l'instabilité
politico-sociale,
le
gouvernement avait fini par reculer malgré ses engagements avec le F11I et
la Banque Mondiale.
Beaucoup d'observateurs reconnaissent les progrès de la démocratie
sénégalaise dont le processus remonte en 1974. Mais son impact sur la
croissance économique est mal connue. En revanche les analystes politiques
reconnaissent que la démocratie sénégalaise a largement contribué à la
stabilité politique du Sénégal.
Sur le plan économique, le pluralisme politique a t-il influencé le cours de la
croissance économique? C'est une question à laquelle nous tenterons de
répondre.
1.4 Politiques Commerciales et Croissance
La limite commune à des modèles théoriques de croissance, en se focalisant
du côté
de l'offre,
est le peu d'attention accordé
à la demande.
Généralement ils évacuent le problème de débouchés en posant (1 = sY),
ce qui peut être interpréter comme une manière d'exogeneiser la demande,
donc de l'exclure comme déterminant de la croissance. L'on néglige ainsi
l'impact des exportations sur la croissance et l'accumulation du capital. Cela
]63

pose problème, car ce sont les pays en voie de développement les plus
perfomlants à l'exportation gui ont connu les taux de croissance les plus
élevés. L'introduction des variables d'ouverture tend à prouver cette
corrélation, avec l'idée que plus un pays est ouvert moins il y aura d'écart
entre les prix mondiaux et les prix intérieurs. Barro (1991), Summerset
Heston (1988), Dollar (1992).
L'année 1980 marque un tournant dans la politique commerciale du
Sénégal. Fut instauré le programme de promotion des exportations, avec
l'institution d'une subvention
équivalente à 250/0 de la valeur ajoutée
industrielle.
Elle a eu un impact très limité sur les exportations.
En effet, les exportateurs devaient faire face à des problèmes beaucoup plus
Sérieux pour rester compétitifs. La décision prise en 1990 de suspendre le
paiement de la subvention pour des raisons budgétaires a eu pour effet, du
moins dans le secteur de la pêche, de plonger beaucoup d'entreprises dans
des difficultés fmancières.
L'ouverture économique constitue un facteur de croissance d'où la nécessité
de politiques commerciales fondées sur elle . En effet de telles politiques
poussent les entreprises à la compétition et augmentent les opportunités
commerciales. Ainsi elles contribuent à l'allocation efficace des ressources
et à l'augmentation de la productivité grâce aux extemalités résultant de
l'accès aux technologies plus avancées [Grossman et Helpman (1989,1991),
Khan (1987), Lucas (1988), Romer (1986,1990)] .
En revanche, ]'existence de tarifs douaniers élevés et le contingentement
contribuent au développement d'activités de rente (rent-seeking activities)
au détriment d'activités réellement productives, ce qui au bout du compte
164

est préjudiciable à la croissance (Krueger 1974). En effet selon A.Krueger,
dans une "rent-seeking economy ", les entreprises ne sont pas incitées à
innover ou à investir dans les technologies avancées.
Par ailleurs les politiques protectionnistes contrairement aux politiques
d'ouverture contribuent à l'appréciation du taux de change réel , de sorte
que le taux de change effectif ne corresponde pas ( mésalignment) au taux
de change d'équilibre. L'économie devient moins compétitive, le secteur des
biens non échangeables se
développe
au
détriment
de
celui des
échangeables, les exportations baissent et les importations augmentent [El
Badawi et Soto (1995), Edwards (1988)].
Il existe plusieurs approximations de l'ouverture, mais les plus utilisées
sont: le ratio importations + exportations / PIB et la prime sur le marché
parallèle des changes. Pour P.Collier (1996) les restrictions commerciales
sont une des principales Causes de développement de marché parallèle des
changes en Afrique. Et en simulant des scénarios, il trouve qu'une prime de
1000/0 aurait un impact de -2,2% sur la croissance du revenu par tête en
Afrique.
Ghura.D et Grennes T.J (1993), après aVOIr estimé un modèle de
détermination du taux de change d'équilibre pour un groupe de pays de
l'Afrique subsaharienne, ont trouvé que pour ces derniers l'absence
d'ouverture ( PIB/[ X+M] croissant) conduisait via l'appréciation du taux
de change réel à des contre performance macroéconomiques.
Les
réformes engagées entre 1986 et 1988 dans le cadre de la nouvelle
politique industrielle en vue de rationaliser la structure tarifaire, de réduire
les taux tarifaires, de supprimer la plupart des restrictions quantitatives et de
réduire l'utilisation des prix de référence, se sont soldées par une plus
165
:iE:iJK.:;:;:;;;:;;;ro._.2fI!!ih:;;:.4-.5ti.,t92JL ,.&WZ.,._~.i9iaa:4L __. .G29.œwp ~Q

grande ouverture de l'économie. Mais , cette mesure de libéralisation trop
brutale avait eu des conséquences néfastes, car plusieurs entreprises avaient
fait faillite durant.
cette même période. Elles n'avaient que peu de ressources pour faire face à
la concurrence étrangère.
D'abord le retard technologique des entreprises sénégalaises vis à vis de
leurs concurrentes étrangères était très important, et à court terme on ne
voyait pas comment elles pouvaient obtenir les ressources financières
nécessaires à des investissements.
Ensuite le marché du travail n'était pas flexible pour que les coûts du travail
puissent baisser; le gouvernement craignant des troubles sociaux avait
différé la réforme du code du travail.
Finalement ce sont les difficultés budgétaires de l'Etat qui ont remis en
cause cette libéralisation du commerce extérieur plus que le souci de
protéger certains secteurs de l'économie. En effet, les pertes de recettes
douanières n'avaient pu être compensées.
166

Section 2
LE MODELE: Estimations et Résultats
Au delà d'une comptabilité de la croissance que nous ferons à travers nos
exercices de modélisation pour évaluer les sources de la croissance, notre
objectif majeur reste d'identifier les déterminants de la croissance de
l'économie sénégalaise, avec un accent particulier sur les variables
institutionnelles.
Compte tenu de l'importance que le capital humain revêt dans les modèles
de croissance endogène, un traitement méthodologique spécifique sera
nécessaire pour essayer de capter son influence dans la croissance de
l'économie sénégalaise. Raison pour laquelle, nous avons considéré un
modèle de base avec trois variantes que nous intitulerons modèles l, 2 et 3.
la variante 1 est une fonction de production classique sans capital humain
mais dans lequel le résidu pourra être estimé entre autres variables par le
capital humain.
La variante 2 partira en revanche d'une fonction de produçtion avec capital
physique et humain.
La variante 3 sera un modèle global où le résidu ne fera pas l'objet
d'estimation.
2.1
Le Modèle
Il s'agit de partir d'une fonction de production avec ses facteurs structurels,
puis de la modifier pour
y inclure un vecteur de variables susceptibles
d'influencer la croissance de l'économie sénégalaise.
Considérons la fonction de production suivante au temps t :
(1)
YU) = A(t)K(tt LI a
-
0< a<l
167

La notation est standard: Y c'est l'output, K le capital, L le travail et A
représente la productivité globale des facteurs (pGF).
Dans la pratique économétrique l'on admet qu'un grand nombre de facteurs
qui affectent la variable dépendante Y, mais qui ne sont pas inclus
explicitement comme variables indépendantes, peuvent être reflétés par un
résidu
non
stationnaire.
Par
ailleurs,
on
sait
que
les
problèmes
d'autocorrélation des résidus peuvent être dus à une omission de variables
indépendantes.
Partant de cette hypothèse, A ne représente pas seulement le progrès
technique mais aussi les institutions, le climat, la politique économique, etc.
La productivité globale des facteurs est un concept qui renvoie à un
ensemble de facteurs autres que ceux de production et qui influencent le
procès de production.
Dans cette approche économétrique le résidu (Et) capte la déviation de la
production courante par rapport à la production potentielle de long terme.
Ainsi en posant [Et= A(t) ], la relation empirique entre les f1uctuations de la
croissance d'une part , les politiques économiques et l'environnement
(social, politique, physique, .. ) d'autre part être saisie.
(2)
ACt) = A(O)e L O,.LI
En utilisant les logs naturels, l'équation (2) devient:
(3) log A(t) = log A(O) + qi i1log Xit +
+q n i1log Xnt +nt
où x est le vecteur des taux de croissance des différentes variables Xi et q est
le vecteur de coefficients liés à x
168

puis insérant par substitution (3) dans (1) nous obtenons:
(4-1) log Y(t) = log A(O) + a log K (t) +b log L(t) + qi L1log Xi. +..... + q
t
n ~ .
log Xnt +nt
Cette équation peut être réécrite sous une autre forme si l'on pose:
qi ~ log Xi.t = hi log XiI> d'où
(4-2) log Y(t) = log A(O) + a log K(t) +b log L (t)+ hi log Xit +....+ hn
logXnt + nt
Inclure le capital humain serait une simple extension du modèle, qm
donnerait la forme suivante:
(4-3) log Y(t) = log A(O) + a log K +b log L + c log H(t) + )+ hi log Xi.t
+....+ ho logXo. + nt
H étant le capital humain.
t
2.2 ~1éthodes et Procédures d'Estimation
2.2.1 Le Test de Racine Unitaire
Pour pouvoir faire de l'inférence statistique sur des variables aléatoires dont
on observe qu'une réalisation, on est obligé de supposer que la loi des sous
familles reste invariante au cours du temps. Le processus est alors
stationnaire en loi.
A partir du moment où comme le suggère l'inspection graphique, les séries
macro-économiques ne paraissent comporter ni une moyenne ni une
variance constante au cours du temps, la stationnarité ne doit plus être
présumée et doit être testée.
169

Soit le processus : ~y, = a + f3t + PY,-l + U,
u, ~ iid(O,a 2 )
Tester l'hypothèse de racine unitaire revient à tester p = 0 contre p < O. Il
suffit donc d'estimer les paramètres a ~ p par les moindres carrés ordinaires
(MCO).
Toutefois l'estimateur des MCO de p ne suit pas asymptotiquement une loi
normale. Une des caractéristiques de sa distribution est de dépendre du
modèle considéré, c'est à dire de la présence ou non d'un terme constant et
d'une tendance. Les procédures d'inférence classique ne nous permettent
donc pas de tester 1'hypothèse nulle p = O.
Au cours de ces dernières années, un nombre important de travaux, tant
théoriques qu'empiriques, ont été publiés sur les problèmes de racine
unitaire et il existe aujourd'hui de nombreux tests tant sous l'hypothèse
nulle de racine unitaire que sous l'hypothèse alternative. Cependant la
procédure de Dickey-Fuller (1981) apparaît à l'heure actuelle comme la plus
robuste.
La finalité de ces tests est de déterminer le degré d'intégrati,on des variables.
Une variable non stationnaire en niveau devra donc être différenciée d fois
pour devenir stationnaire. On dira alors qu'elle est intégrée d'ordre d.
En effet une régression de variables non stationnaires ou d'ordres
d'intégration
différents a de grandes chances de donner des résultats économétriquement
inconsistants, c'est à dire une régression fallacieuse ("spurious regression").
Pour éviter cette situation,
les méthodes
de
cointégration en tant
qu'extension des modèles VAR étudient les dynamiques de courte période
en différenciant les variables, tout en tenant compte de la relation de longue
période.
170

.-
2.2.2 Les l\\tléthodes de Cointégration
- Engle et Granger (1987) ont proposé de détenniner les relations de
cointégration existant dans un système par une méthode en deux étapes.
Dans une première étape, on régresse par les MCO les variables en niveau et
l'on regarde si le résidu de cette régression est stationnaire.
Pour le test de la relation de cointégration entre processus intégrés d'ordre l,
par exemple xt et yt, on estime par les MCO une régression statique de long
tenne entre les niveaux de ces variables. Si x et y sont cointégrés le résidu
est stationnaire selon le test de Dickey et Fuller.
Si on rejette l'hypothèse nulle de non cointégration, on estime par les MCO
un modèle en différence dans lequel le résidu retardé de l'équation
cointégrante est rajouté comme variable exogène.
étape 1 : estimation de la relation de longue période par les MCO
étape 2 : Prendre le résidu retardé de (1) défmi comme 2'_1 = (Y,-t = a- P'('-I)
et l'inclure dans une modèle à correction d'erreur de la fonne
où A(L) et B(L) sont opérateurs de retard et c est interprété comme le
coefficient d'ajustement par rapport à la relation de longue période.
- Johansen (1988) propose de tester directer dans le cadre d'un VAR en
niveau les relations de cointégration.
171

Si pour un processus multivarié il n'existe qu'une relation de cointégration,
la méthode Engle~Oranger en deux étapes et celle de Johansen sont
équivalentes. S'il existe plus d'une relation de cointégration, ce n'est plus le
cas, Johansen proposant, contrairement à Engle et Granger une estimation
jointe des paramètres de court temle et de long terme.
Soit le modèle vectoriel à correction d'erreur (VECM):
k-l
Lix, = l r f1
+
i
t _i
I1:(I_k + &1'
t = l, ... , T
i~l
r
est le vecteur de paramètres dynamiques et fT constitue la matrice des
paramètres de longue période du modèle. En fait fI = aW, où Wcontient
les vecteurs cointégrés ·et où les a représentent les effets feedback de la
longue période sur la courte période.
Le rang de la matrice fI indique le nombre de vecteurs cointégrés. Une fois
que les vecteurs cointégrés sont identifiés, il convient de tester leur
consistance statistique,
pUIS de les nonnaliser pour en donner une
interprétation économique.
Après aVOIr vérifié l'ordre d'intégration (1(.)) de nos variables, nous
procéderons à des estimations suivant les méthodes de Engle et Oranger
(ECM) ou de Johansen (VECM) afin de déterminer les vecteurs de
cointégration.
Rappelons que si la première méthode est valable que s'il n'existe qu'une
seule relation de cointégration, la seconde elle pennet d'en détecter plus
d'une. Ainsi la comparaison des résultats obtenus permettra de mieux
fonder nos conclusions.
172

2.3 Définition et mesure des variables
PIE = PIS réel aux prix constants de 1987
CAP = stock de capital physique
POP = population active dont l'évolution dans le temps peut être rapprochée avec
celle de la population totale
G/GDP= ratio des dépenses publiques sur le PIE
EXP = exportations
-
GINV = investissement public
REER = taux de change effectif réel
TOT = termes de l'échange
OPEN = mesure de l'ouverture selon les "Pen World Tables"
DEMOC = indice de la démocratie et des libertés
POLITSOC = variable Dummy de mesure de l'instabilité politico-sociale
PLUV = précipitations pluviométriques. C'est la pluviométrie en t(-l) qui détermine
la demande d'intrants des paysans en t(O)
HUM = stock de capital humain mesuré par le nombre moyen d'années d'études de
la population de 15 à 65 ans. Les données sur les stocks de capital proviennent de
Nehru et de Berthélémy et alii (op.cit).
Les données sont annuelles et la période d'estimation est de 1960 à 1994.
La plupart des données sont disponibles dans les comptes nationaux du Sénégal et
dans les publications statistiques de la Banque Mondiale (\\Vorld Tables) et du FMI
(IFS).
2.3.1 Mesurer l'instabilité sociale
Pour intégrer l'instabilité politique et sociale dans le modèle, nous avons tout
simplement introduit une variable durruny (POLITSOC). Cette variable tente de
capter les troubles sociaux et politiques majeurs et non les changements de majorité
gouvernementale. Pour une raison toute simple qui est qu'au Sénégal celle ci n'a
jamais changé de 1960 à 2000.
173

La réputation de stabilité politique du pays est liée à cela; un seul parti le gouveme
depuis son accession à l'indépendance. La variable POLITSOC prendra en compte
la «tentative» de coup d'Etat manqué de 1964,les grèves, les troubles post
électoraux, les arrestations et détentions de leaders politiques et syndicaux,
l'assassinat d'un haut magistrat du conseil constitutionnel lors du scrutin de 1993,
etc.
Qui plus est, depuis 1982 le pays fait face à une rébellion armée sécessionniste dans
le Sud. Conséquence de cette situation, le déplacement des populations et la
constitution de camps de réfugiés dans les pays voisins en Guinée Bissau et en
Gambie, un déclin de l'économie locale. Le secteur touristique sénégalais en a subi
les conséquences car cette région était la destination privilégiée des touristes.
Par ailleurs, à partir de 1979 les programmes de Stabilisation et d'Ajustement
structurel avec leurs cortèges d'austérité vont pour beaucoup contribuer à la tension
sociale.
2.3.2
Mesurer la Démocratie
Le Sénégal a toujours joui d'une image positive de multipartisme et d'un pays où
les droits de l' homme sont relativement bien respectés, surtout lorsqu'on le compare
à la plupart des pays africains.
Le multipartisme réapparaît en 1976 pour rompre avec le monopartisme instauré à
l'indépendance. Il était limité à quatre partis par la constitution jusqu'en 1981 où
avec l'avènement d'un nouveau Président de la république, il fut rendu intégral.
Malgré
cela
la
répression
politique
ou
les
restrictions
sur
des
droits
constitutionnellement reconnus continuent de subsister. Il s'agit des restrictions sur
les droits de manifestation, des procès contre la presse, d'arrestations de leaders
174

politiques et syndicaux. Mais l'on note une nette tendance à l'amélioration de la
démocratie sénégalaise malgré ces incidents.
Plusieurs facteurs doivent être soulignés afin d'apporter un éclairage sur l'évolution de
la démocratie sénégalaise.
Le contexte des Politiques d'Ajustement Structurel a été favorable à la fois aux
revendications et à l'élargissement des espaces de liberté par le régime, qui par ce
biais a atténué la tension sociale; ce fut la tactique du régime pour éviter que le
mécontentement latent ne débouche sur l'explosion sociale.
De même les contradictions internes à l'opposition sénégalaise et l'élargissement de la
majorité
gouvernementale
à certains partis,
dont
le
PDS
principal
parti
de
l'opposition, ont beaucoup aidé le régime à se maintenir malgré les turbulences.
L'expérience de multipartisme du régime et l'ouverture à l'opposition sont des traits
saillants du régime politique sénégalais. Ce qui explique sans doute pourquoi le
régime a survécu pendant que d'autres étaient renversés par le courant démocratique
traversant le continent depuis la fin des années 1980.
Par ailleurs le soutien moral et financier dont a bénéficié la démocratie sénégalaise de
la part de la communauté internationale n'a pas été négligeable.
Ce long processus peut être caractérisé de démocratisation et il existe des acqUiS
indéniables. C'est l'un des rares pays en Afrique où la presse privée est subventionnée.
En outre on pouvait dénombrer en 1994 28 partis politiques, 6 journaux indépendants
(3 sur le Web), 6 stations de radio privées.
175

Pour les besoins de l'analyse empirique, nous allons construire un indice de
la
démocratie
et
des
libertés
que
nous
appellerons
DEMOC.
n
DElldOC( = La iXi(
i~l
Le vecteur X est l'ensemble des variables qui composent l'indice avec un
vecteur CL de coefficients de pondération associés. Nous avons retenu les
variables suivantes:
- X 1 le nombre de partis politiques en t
- X2 le nombre de syndicats en t
- X3 le nombre de journaux privés en t
- X4le nombre de stations radio ou de TV privées en t
Ainsi nous aurons 4 variables et 35 observations pour la période de 1960 à
1994. Les pondérations que nous avons retenues en fonction de l'importance
de chacune des variables dans l'évolution des libertés au Sénégal sont les
suivantes: 0.5 pour les partis politiques, 0.25 pour la presse écrite privée,
0.15 pour les radios et TV privées, 0.10 pour les syndicats.
2.4
Analyse des Résultats
Il s'agit tout d'abord d'analyser les sources de la croissance et pour se faire
l'estimation de la fonction de production est nécessaire.
2.4.1 Modèle 1
EQ( 1) Variable endogène :LPlB(87) par les MCO 11960 à 1990
Variables
Coefficients
t-value
Constant
-1.1971
-4.018
LCAP
0.28952
1.897
LPOP
0.70251
5.690
R2 = 0.968159 F(2,28) = 425.68 [0.0000] DW = 1.82
176

Les résultats sont conformes à nos prévisions. Sur le plan statistique la
régression dans sa globalité reste significative eu égard au R2 et au F
statistique.
La valeur du Durbin-Watson indique des problèmes d'autocorrélation du
résidu; ce qui peut s'interpréter comme une omission de variables.
En effet dans l'esprit de notre modèle le résidu est assimilé, comme du reste
cela se fait en général, à la croissance de la productivité globale des facteurs
(pGF), et le fait qu'on puisse détecter cette autocorrélation est une invite à
analyser cette source de croissance qu'est le PGF, donc à faire entrer en
ligne de compte d'autres variables.
Mais tout d'abord nous pouvons constater comme pour tout pays africain au
Sud du Sahara que le facteur travail reste la principale source de croissance
et de loin devant le capital. La contribution du travail à la croissance est
d'un peu plus de 700/0 et celle du capital d'à peu près de 290/0; ce qui nous
laisse une productivité globale des facteurs nulle. La productivité globale
des facteurs sur la période tourne autour d'une moyenne de 0.00042 d'après
les résultats de l'estimation de la fonction de production et représentés dans
le graphique ci-dessous.
E"olution de la PGF
Evolution de la Productivité Globale des Facteurs
F-J~EJ
f
1
c
.05 f
t
1
o ~[
1
!
f
-.05
~,-_~r_.l.-._~---..-l-..-__,--_..._-,--~_..__,,-~_i_~__._l_.
'-----_.
~'_~_ L_~_~..L. _ _ ~_'--':
J'J60
1965
1970
1975
19~0
191'5
1990
1995
2000
177

Ces
résultats
corroborent
la
maUVaIse
performance
de
l'économie
sénégalaise et nous font dire encore une fois qu'il n'y a pas eu de croissance
du revenu par tête durant cette période. En effet la croissance de la
population, 3% en moyenne l'an, est restée au dessus de celle de la
production (2,5%) et il n'y a pas eu de croissance de la PGF, qui comme on
le sait est la source de croissance du revenu par tête à long terme. En
d'autres temles, on pourrait dire au sens néoc1assique qu'il n'y a pas eu de
progrès technique. Nous vérifions ce constat par l'application suivante qui
utilise les paramètres de l'estimation de la fonction de production (voir
encadré)
Application: Calcul de la PGF 1960 - 1994
Taux de croissance de la population
= 30/0
1 TalLx de croissance du PIS
= 2,56%
Taux de croissance du stock de capital = 2,55%
Taux de croissance de la PGF = 2,56% - 0.29 x 2,55 + 0.71 x 3% = -0,33 %
Le constat de non crOlssance du revenu par tête étant établi, poussons
l'analyse économétrique à une seconde étape, en y intégrant un ensemble de
variables susceptibles de déterminer de jouer un rôle déterminant dans cette
évolution.
Il s'agit en fait de voir quels sont les facteurs qui agissent significativement
sur la croissance de l'économie sénégalaise via la productivité globale des
facteurs, avec une attention particulière que nous attacherons aux variables
institutionnelles.
178

Nos variables n'étant pas stationnaires (voir résultats en annexe),
nous
utiliserons alternativement les méthodes de cointégration de Engle-Granger
et de Johansen.
EQ(2) Variable endogène PGF par les MeO / 1966 à 1990
Variables
Coefficients
t-value
Constant
-2.0668
-7.161
LGINV
0.11290
2.386
LG/GDP
-0.21765
-2.200
LPLUV
0.057378
2.032
LEXP
0.14843
3.282
LDEMOC
-0.086126
-1. 988
POLITSOC
-0.0098015
-0.783
AdjR2 = 0.760132 F(6,18) = 9.5069 [0.0001] DW = 1.78
- - - - - - - - - - ,
l
1
Test de Co-intégration sur les résidus de la relation de longue période de 1
!
l'équation 2
:
1
!
Critical values: 5%=-2.971 1%=-3.685; Constant included
t-adf
lag
1
IRES
-3.6734*
2
I~s -4.0623**
RES
-4.7037**
0
L'équation (2) constitue le point de départ de l'analyse économétrique de la
productivité globale des facteurs. Les variables y sont estimées en niveau
179

dans une première étape pour capter la dynamique de longue période. Après
quoi, le résidu retardé d'une période ect-l (voir encadré ci dessus), a été
réintroduit dans un modèle dynamique de courte période, mais cette fois ci
les variables sont estimées en différence première.
EQ(3) Variable endogène: logPGF par les MCO 1966 à 1990
Variables
Coefficients
t-value
Constant
-2.0668
-7.161
LGINV
0.11290
2.386
LG/GDP
-0.21765
-2.200
LPLUV
0.057378
2.032
LEXP
0.14843
3.282
LDEMOC
-0.086126
- 1.988
POLITSOC
-0.0098015
- 0.783
Adj.R2 = 0.760 l32 F(6, 18) = 9.5069 [0.0001] DW = 1.78
En
respectant toute
la
procédure
d'élimination
des
variables
non
significatives (voir annexe pour les détails), nous arrivons finalement au
modèle à correction d'erreur suivant:
EQ(4) Variable endogène : ~LogPGF par les MCO 1967 à 1990
Variables
Coefficients
t-value
i1LEXP
0.14249
3.963
L1LG/GDP
-0.22057
-2.924
ôLPLU
0.06014
3.098
L1LGIl'rV
0.13263
2.826
EeI 1
-0.93999
-3.718
R2 = 0.887922
DW = 1.59
180

Le coefficient d'ajustement élevé proche de -1 montre que la dynamique de
courte période de l'économie ne s'écarte pas durablement de sa trajectoire
de longue période. On peut retenir que en terme de cointégration que la
croissance (de la productivité) de l'économie sénégalaise est essentiellement
déterminée par les performances à l'exportation, les politiques macro-
économiques, et dans une moindre mesure par la pluviométrie.
Ainsi parmi toutes les variables que nous avons retenues au départ, il résulte
de l'analyse que seules ces 4 variables ont eu une influence significative sur
la dynamique de croissance de l'économie sénégalaise.
Les facteurs qui ont eu le plus d'impact sur la croissance de l'économie
sénégalaise sont captés par les dépenses publiques (lG/GOP). A 1%
d'augmentation du ratio des dépenses publiques, cetris paribus, correspond
une baisse du taux de croissance de la productivité globale des facteurs de
0.220/0. Cet impact négatif a une double signification.
Primo, l'augmentation de ce ratio a eu pour corollaire l'augmentation du
déficit budgétaire, on peut donc incriminer la politique du déficit budgétaire
comme facteur de contre performance. Secundo, compte tenu du poids du
secteur public dans l'économie, ce résultat incrimine l'engagement de l'Etat
dans l'économie; tout au moins il permet de voir que l'action de l'Etat dans
l'économie pour des raisons diverses a
été globalement inefficace. Les
dysfonctionnements institutionnels que nous avons évoqués (chapitre II)
tout le long de cette étude sont de nouveau confirmés par ce résultat.
Ainsi, cette variable en tant que mesure du dispositif institutionnel montre
que ce dernier a été inefficace. Néanmoins il convient de signaler que les
investissements publics (LGINV) ont eu des effets positifs. On en déduit
que ce sont les dépenses de fonctionnement qui ont
le plus affecté
l'économie sénégalaise.
181

Par ailleurs les résultats ne permettent pas d'établir de corrélation
statistiquement significative entre la croissance d'une part, le taux de change
réel, les termes de l'échange, la démocratie, l'instabilité sociale et
l'ouverture économique d'autre part. Cependant, on sait que dans un régime
de change fixe, l'augmentation des dépenses publiques et le protectionnisme
mènent à l'appréciation du taux de change réel. Nous pensons dOlic que
l'augmentation des dépenses publiques, dans ce contexte a contribué a la
perte de compétitivité de l'économie sénégalaise, en tout cas jusqu'en 1994
au moins date d'ajustement de la parité CFAJFF.
Le facteur DEMOC quoique non significatif est négativement associé à la
crOlssance de l'économie sénégalaise. Ce qui laisse penser que la
démocratie
sénégalaise
n'est
pas
encore
une
«institution
sociale
productive ». Lorsque nous mené des tests de causalité de Oranger sur nos
variables,
nous
avons
compris
que
l'accroissement
des
libertés
démocratiques avait augmenté les pressions politiques sur l'Etat et ainsi
favorisé l'augmentation des dépenses publiques ~ ce que les tests de
causalité ont bien révélé. C'est pourquoi, lorsque l'on ne tient pas compte
des dépenses publiques dans le modèle, la variable DEMOC devient
significative. (cf annexe)
2.4.2 Modèle 2 : la Prise en Compte du Capital Humain
L'introduction du capital humain va-t-il modifier les résultats?
182

EQ(5) Variable endogène LogPm(87) par les MeO 1960 à 1990
Variables
Coefficients
t-value
Constant
0.73961
0.567
LCAP
0.24363
1.601
LPOP
0.51680
3.012
LHUM
0.098711
1.522
R2 Adj = 0.970674
F(3,27) = 297.9 [0.0000]
DW = 1.88
Comme nous pouvons le constater, l'introduction du capital humain ne
modifie pas significativement les résultats obtenus antérieurement. Le
travail reste
le facteur de production le plus détenninant; ni le capital
physique, encore moins le capital humain ne semblent jouer des fonctions
significatives. Nous avons recalculé le taux de croissance moyen annuel de
la productivité globale des facteurs (TFPGH), et nous sommes retombés sur
le résultat antérieur: il est de 0.0007 (voir annexe chapitre). On en conclut
que l'importance des dépenses d'éducation, en moyenne 33% du budget de
l'état, ne s'est pas traduite par des gains de productivité. Cette situation est
imputable à une répartition inégalitaire des dépenses d'éducation au profit
des couches urbaines et de l'enseignement supérieur, mais aussi à un
manque de rationalisation des dépenses.
Nous avons continué notre démarche en estimant, compte tenu du résidu de
l'équation (5), un modèle à correction d'erreur. Nous retrouvons le même
vecteur de cointégration que dans le modèle 1avec des paramètres à peu
près équivalents. Nous trouvons que le coefficient d'ajustement est élevé;
ce qui montre que le processus d'ajustement à la dynamique de longue
période est rapide.
183

EQ(6) Variable endogène Alog PGFH 1967 à 1990
Variables
Coefficients
t-value
1\\ LPLUV
0.063706
3.216
~LGINV
0.12704
2.646
1\\ LEXP
0.13255
3.611
1\\ LG/GDP
-0.22979
-2.965
ECTH]
-0.85790
-3.279
R2 Adj = 0.877329
DW = 1.55
2.4.3 l\\'fodèle 3 : Extension de la Fonction de Production
C'est une synthèse méthodologique qui consiste à utiliser les paramètres du
modèle (1) de base pour calculer une nouvelle variable structurelle appelée
capacité. Cette variable est une mesure synthétique des capacités de
production; ainsi capacité a été calculée à partir de la formule suivante:
Capacité = [Capital]o3 . [Travail]o.7 ; les élasticités sont approximativement
égales à celles de l'équation Cl).
Après avoir obtenu capacité, nous avons estimé de nouveau la fonction de
production en une seule étape, mais en incluant les variables du vecteur de
cointégration . Ce qui donne les résultats suivants:
EQ(5) Variable endogène LogPIB(87) par les MCO 1968 à 1990
Variables
Coefficients
t-value
Constant
-1.1800
-1.738
lCapacite
0.67696
7.172
LG/GDP
-0.23379
-2.789
LEXP
0.15183
4.687
LGINV
0.17814
4.362
LPLUV
0.067571
3.148
R2 = 0.989932 F(5,] 7) = 334.3 [0.0000]
DW = 2.22
184
~".. l

C'est une confrrmation des résultats obtenus antérieurement qui montrent
une fois de plus que le dispositif institutionnel a été inefficace.
En effet toute augmentation d'un point de pourcentage du ratio des dépenses
publiques induisait une baisse de 0,23% du PIE, alors que, paradoxe, celle
d'un point des investissements publics n'augmentait le PIB que de 0.18%.
Les exportations quant à elles ont eu un impact très positif sur la croissance,
même si le Sénégal n'a pas su adopter une bonne politique de promotion de
celles ci. Avec 1%
de croissance des exportations, la croissance pouvait
gagner 0.15% de croissance.
La pluviométrie, comme nous l'avons déjà dit, n'a pas, relativement aux
autres facteurs, l'impact aussi important qu'on lui attribue dans le discours
officiel.
CONCLUSION
Dans cette partie, nous avons étudié les détenninants de la croissance de
l'économie sénégalaise, de 1960 à 1994, en considérant un modèle de
croissance endogène et des facteurs aussi différents que variés. Nous avons
pris en compte la problématique institutionnelle que nous avons tenté de
cerner à travers l'impact des politiques macroéconomiques, de la démocratie
et de l'instabilité politique.
Finalement les conclusions suivantes s'imposent:
L'économie sénégalaise a souffert de l'accroissement inconsidéré des
dépenses publiques et de son corollaire le déficit public. Nous aboutissons à
la même conclusion que la plupart des études, comme quoi les déficits
publics insupportables sont néfastes à la croissance. Dans le cadre du
\\85

Sénégal, comme nous l'avons montré dans les chapitres 2 et 3, les déficits
publics
avaient
pour
ongme
les
nombreux
dysfonctionnements
institutionnels. C'est à dire la faillite des entreprises publiques, les mauvais
choix de politique économique et l' irrational ité institutionnelle.
C'est en définitive, le degré d'implication de l'Etat dans l'économie à
travers de multiples institutions (structures et réglementation) que le modèle
a permis de capter. Les rapports entre le secteur privé et ces institutions ont
été néfastes en termes d'effets d'éviction du secteur privé, de politiques
fiscales et commerciales trop pesantes, de goulots d'étranglement, de
services publics à coût élevé et de mauvaise qualité (eau, énergie,
télécommunication) ,etc.
L'économie sénégalaise n'a pas bénéficié des effets de l'accumulation de
capital
humain
malgré
les
importantes
dépenses
d'éducation
qui
représentent bon an mal an entre 32 et 35% du budget de fonctionnement de
l'Etat. Cette situation est imputable à une répartition inégalitaire des
dépenses d'éducation au profit des couches urbaines et de l'enseignement
supérieur, et au détriment des populations rurales et de l'éducation de base.
Le plus souvent le contenu des programmes n'a pas été conforme aux
besoins de l'économie . Les disciplines littéraires ont été favorisées au
détriment des disciplines scientifiques et techniques.
Quoiqu'il en soit, la faible productivité de l'économie est avant tout liée aux
mauvaises performances des principaux secteurs de l'économie notamment
du secteur arachidier et des secteurs sous le contrôle de l'Etat. Le capital
humain ne pouvait être véritablement un facteur de productivité que si
l'économie restait compétitive. Mais puisque cette dernière s'est très vite
confrontée à un problème de débouché aussi bien sur le marché intérieur
qu'extérieur et à des institutions rigides et inefficaces, le capital humain en
186

aucun cas ne pouvait contribuer à la productivité. La preuve, dès le début
des années 80, le Sénégal a connu le phénomène du chômage des diplômés
de l'enseignement supérieur, dans toutes les disciplines. Le phénomène a
atteint aujourd'hui une ampleur inquiétante.
Les exportations ont joué rôle important, de même que les investissements
publics et dans une moindre mesure la pluviométrie.
La démocratie sénégalaise, tant citée en exemple en Afrique, n'est pas
encore une « institution sociale productive ». Son développement a accru les
pressions politiques sur l'Etat et sur les finances publiques. Elle pourrait
contribuer à la productivité de l'économie si les institutions devenaient plus
favorables à l'économie de marché, afm qu'elle ne soit plus une simple
intertàce ou lieu d'expression des conflits entre l'Etat et la société civile.
L'instabilité politique due à la crise casamançaise, de même que les tensions
issues des P.A.S., n'ont pas influencé la dynamique de fond de l'économie.
187

-
--
- - -
-- --.-
-

Tests de racine unitaire:
Critical values: 5%=-3.004 1%=-3.767; Constant included
t-adf
lag
LG/GDP
-1.1068
2
LCAP
1.0384
2
LPLUV
-2.5802
2
LInvP
-1.8448
2
LGInv
-1.2587
2
Lcapacity
1.4852
2
LEXP
-1.2341
2
LDEMOC
-0.65217
2
LRER
-0.87762
2
LiLPIB(87)
-4.6696**
2
&senpop
-4.1788**
0
i\\LG/GDP
-3.5032*
2
i\\LCAPHUM1
-3.1466*
0
i\\Glnv
-3.4564 *
2
i\\LEXP
-3.9641 **
2
L\\LRER
-3.4978*
2
i\\um POLINST
-3.8908**
2
i\\LDEMOC
-3.4373*
2
190

Tests de racine unitaire:
Critical values: 5%=-3.004 1%=-3.767; Constant included
t-adf
1ag
LG/GDP
-1.1068
2
LCAP
1.0384
2
LPLUV
-2.5802
2
LlnvP
-1.8448
2
LG[nv
-1.2587
2
Lcapacity
1.4852
2
LEXP
-1.2341
2
LDEMOC
-0.65217
2
LRER
-0.87762
2
ilLPIB(87)
-4.6696**
2
&senpop
-4.1788**
0
~LG/GDP
-3.5032*
2
~LCAPHUM1
-3.1466*
0
~Glnv
-3.4564 *
2
~LEXP
-3.9641 **
2
&RER
-3.4978*
2
~um POLINST
-3.8908**
2
~LDEMOC
-3.4373*
2
190

aucun cas ne pouvait contribuer à la productivité. La preuve, dès le début
des années 80, le Sénégal a connu le phénomène du chômage des diplômés
de l'enseignement supérieur, dans toutes les disciplines. Le phénomène a
atteint aujourd'hui une ampleur inquiétante.
Les exportations ont joué rôle important, de même que les investissements
publics et dans une moindre mesure la pluviométrie.
La démocratie sénégalaise, tant citée en exemple en Afrique, n'est pas
encore une « institution sociale productive ». Son développement a accru les
pressions politiques sur l'Etat et sur les fmances publiques. Elle pourrait
contribuer à la productivité de l'économie si les institutions devenaient plus
favorables à l'économie de marché, afm qu'elle ne soit plus une simple
interface ou lieu d'expression des conflits entre l'Etat et la société civile.
L'instabilité politique due à la crise casamançaise, de même que les tensions
issues des P.A.S., n'ont pas influencé la dynamique de fond de l'économie.
187

Annexe chapitre 4
Evolution œ la Productivité CioOOle des Facteurs, PŒ = TFP, PGFH = TFPh
I!
A
TFP -
HPh 1 A
.05r
;\\ /\\
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l
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11
L
Il
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V
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V
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1960
]965
]970
1975
1980
] 985
1990
1995
2000
Taux de croissance œla Productivité Ootale des Facteurs
[ ; - - - - .
i i - - - TFPgJ
.l r L - - -
\\
1\\
1 :
r
1 \\
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'1
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Il
'1
\\1
li
l
î
LL-.
]960
1965
1970
1975
1980
\\985
1990
1995
2000
188

EQ(lA) Modelling PGFh by OLS (using Sendata.in7)
The present sample is: 1966 to 1990
Variable
Coefficient
Std.Error
t-value
t-prob
Constant
-2.0925
0.27689
-7.557
0.0000
LEXP
0.15569
0.043394
3.588
0.0021
LPLUV
0.070451
0.027095
2.600
0.0181
LGINV
0.12243
0.045400
2.697
0.0148
LGIGDP
-0.13041
0.094929
-1.374
0.1864
LDEMOC
-0.09908
0.041559
-2.384
0.0283
POLITSOC
-0.0001
0.012003
-0.014
0.9890
RI\\2 = 0.771088 F(6, 18) = 10.105 [0.0001] \\sigma = 0.0221335
DW = 1.79
RSS = 0.008818027626 for 7 variables and 25 observations
189

Pairwise Granger Causality Tests
Date: 06/09/00 Time: 04:36
Sample: 1960 1994
Lags: 2
Nul] Hypothesis:
Obs
F-Statistic
Probability
LGGDP does not Granger Cause
25
0.85581
0.43992
LDEMOC
LDEMOC does not Granger Cause
LGGDP
4.78505
0.02003
EQ( 2A) Modelling LPIB(87) by OLS (using Sendata.in7)
The present sample is: 1968 to 1990
Variable
Coefficient
Std.Error
t-value
t-prob
Constant
-0.78781
0.86463
-0.911
0.3757
LGINV
0.17102
0.042459
4.028
0.0010
LG/GDP
-0.29252
0.11558
-2.531
0.0222
LPLUV
0.076073
0.02453
3.101
0.0069
LDEMOC
0.042779
0.0571
0.749
0.4647
LEXP
0.13348
0.040955
3.259
0.0049
lcapacity
0.61911
0.12293
5.036
0.0001
R/\\2 = 0.990273 F(6, 16) = 271.48 [0.0000] DW = 2.16
RSS = 0.005978522822 for 7 variables and 23 observations
191

EQ( 3A) Modelling )LogPGF by OLS (using Sendata.in7)
The present sample is: 1967 to 1990
Variable
Coefficient
Std.Error
t-value
t-prob
PartR/\\2
Constant
-0.0058522
0.013589
-0.431
0.6718
0.0102
LG/GDP
-0.19462
0.097710
-1.992
0.0618
0.1806
LEXP
0.088375
0.039699
2.226
0.0390
0.2159
LDEMOC
-0.061568
0.17688
-0.348
0.7318
0.0067
LGInv
0.21322
0.064483
3.307
0.0039
0.3779
LPLUV
0.088217
0.021801
4.046
0.0008
0.4763
R/\\2 = 0.832598 F(5, 18) = 17.905 [0.0000]
DW = 2.27
RSS = 0.01246413935 for 6 variables and 24 observations
192

CONCLUSION GENERALE
Nous avons cherché, tout le long de cette étude, à mettre en évidence
l'inefficacité du dispositif institutionnel mis en place au lendemain des
indépendances pour relever les défis du sous développement qui se posaient
alors au Sénégal.
Mais au delà de la problématique institutionnelle, cette œuvre resterait
incomplète, si elle n'avait pas permis de couvrir le champ plus vaste des
déterminants de la croissance de l'économie sénégalaise. Ainsi, avons nous
pu voir que, si le taux de croissance d'équilibre de l'économe sénégalaise
était restée très faible, c'est parce que le progrès technique ou la productivité
globale des facteurs avait été nul, de sorte, en moyenne, le taux de
croissance de la production était resté pendant très longtemps, en tout cas
jusqu'au
début
des
années
90,
en
deçà
du
taux
de
croissance
démographique ~d'où en permanence des déséquilibres macro-économiques,
internes et externes, sources d'endettement extérieur.
L'environnement climatique conditionne sévèrement le développement de
l'agriculture sénégalaise. Celle ci
reste encore fortement tributaire de la
pluviométrie. Les sécheresses cycliques , au delà des chutes de production
qu'elles
font
subir
à l'agriculture,
entraînent
de
graves récessions
économiques, parce que la population dans sa grande majorité est rurale et
que l'industrie agro-alimentaire dépend de l'agriculture pour ses inputs.
Cette influence détenninante de la pluviométrie est bien mise en évidence
par les résultats des estimations de notre modèle de croissance; aussi bien à
long terme qu'à court terme. Le potentiel productif sénégalais reste encore
très dépendant de l'environnement climatique, et l'économie ne semble pas
se remettre rapidement des chocs climatiques. Nos résultats ont bien mis en
193
w.

exergue le rôle déterminant de la pluviométrie sur les fluctuations de la
crOlssance.
Ainsi, au bout de nos investigations, nous avons comprIS que la stratégie
d'import substitution avait échoué et que, paradoxalement, c'est les exportations
et non le marché intérieur qui avaient joué un rôle déterminant sur la dynamique
de la croissance, à côté de facteurs tels que la pluviométrie, les investissements
publics et les dépenses publiques.
Les exportations ont le plus exercé un effet positif sur la croissance ,de sorte
que les années de croissance exceptionnelle ont été celles qui
ont aussi
enregistré
des
records
à
l'exportation.
Mas
malheureusement
l' effet
d'entraînement ne pouvait être durable dans la mesure où les secteurs concernés
étaient fortement lés aux produits de base, et non aux produits manufacturés.
Ces derniers n'ont pu tirer la croissance compte tenu de l'exiguïté du marché
intérieur, et les institutions n'ont pu s'adapter à cette réalité afin de réorienter
l'économie vers les marché extérieur; elles sont demeurées inertes et
gangrenées par des objectif plus clientélistes, politiques qu'économiques.
Ainsi, la dépendance de l'économie sénégalaise vis à vis des exportations tient
beaucoup plus de circonstances diverses que d'une stratégie bien posée.
La stratégie de spécialisation arachidière mIse en place dès ]' accession à
l'indépendance est très vite entrée en crise, et l'Etat a été incapable de sortir de
cette crise ou de changer de stratégie. Les réfonnes institutionnelles n'ont pas
été assez profondes pour remettre en cause les orientations stratégiques. Face au
renchérissement de l'huile d'arachide sur le marché mondial, à l'épuisement des
194

sols, à la baisse de la pluviométrie, la persistance à vouloir relancer coûte que
coûte la culture arachidière constitue une attitude on ne peut plus irrationnelle.
Un tel comportement découle de ce que nous pouvons appeler l'irrationalité
institutionnelle; c'est le cas lorsque un dispositif institutionnel mis en place par
l'Etat pour conduire une politique économique donnée et disposant de toutes les
informations nécessaires, n'est pas en mesure de faire des choix économiques
rationnels, encore moins d'anticiper sur les évolutions en cours. La crise de
l'agriculture (arachidière) que nous avons analysée illustre bien cet état de fait.
Les obstacles institutionnels à la croissance sont multiformes, même si, il nous
a été impossible de les cerner tous dans le cadre de cette étude. Notre objectif
s'est limité à montrer que l'engagement de l'Etat dans l'économe, n'a pas été à
la hauteur des espérances, loin s'en faut. Ainsi avons nous pu établir, aussi bien
à long terme qu'à court terme, la négative corrélation entre dépenses publiques
et croissance de l'économie. Comme du reste, nous avons aussi souligné les
graves dysfonctionnements du secteur public et ses conséquences néfastes sur le
secteur privé.
Mais à côté de cela, même si globalement l'engagement de l'Etat dans
l'économie a eu un impact négatif, de par l'excès de consommation publique, les
effets d'éviction du secteur privé, les dysfonctionnements et les déséquilibres
macro-économiques, il est apparu que les investissements publics avaient eu un
impact positif sur la croissance de l'économie sénégalaise. Ceci mérite d'être
bien souligné pour montrer que l'action de l'Etat peut être bénéfique SI
l'investissement public vient en complémentarité de l'investissement privé.
195

La démocratie sénégalaise, tant citée en exemple en Afrique, n'est pas
encore une « institution sociale productive ». Son développement a accru les
pressions politiques sur l'Etat et sur les fmances publiques. Elle pourrait
contribuer à la productivité de l'économie si elle n'est plus qu'un simple
lieu d'expression des conflits entre l'Etat et la société civile.
Nous avons mIS en relief tout au long de cette étude les obstacles
institutionnels structurels qui se dressent sur le chemin de la croissance de
l' éco~omie sénégalaise. Les conditions du décollage économique ne sont
pas encore réunies, d'où la nécessité de créer des institutions décentralisées
et démocratiques capables de jeter les infrastructures socio-économiques
d'une croissance durable. Bien entendu, les nouvelles institutions ne
pourront être efficaces que si, au préalable, une nouvelle philosophie
économique redéfmit les rapports entre le public et le privé, et cimente le
consensus ou pacte social de croissance.
Cette nouvelle philosophie devra insister sur la responsabilité individuelle,
rétablir l'équilibre entre le groupe et l'individu, le collectif et l'individu, le
public et' le privé. Car au Sénégal, le pouvoir politique a longtemps
entretenu la confusion des rôles entre le public et le privé ; ce qui a favorisé
la corruption et les arrangements informels et de plus en plus le déclin de
l'Etat de droit. Ces pratiques et habitudes qui
se sont sédimentées, qUI
prendront
du
temps
à
être
corrigées,
s'opposent
aujourd'hui
au
développement de l'économie de marché.
Des réformes institutionnelles d'envergure sont indispensables
pour
réhabiliter le rôle du secteur privé tato sensu. Moins d'Etat producteur, Plus
d'Etat bâtisseur, mais surtout un Etat qui
fasse
respecter les droits de
propriété privé et public.
196

Les entreprises publiques ne sauraient remplir leur mission de service public,
à moins que leur gestion ne soit confiée au secteur privé, ou à des organes
démocratiques de gestion regroupant des représentants de l'Etat et de la
société civile. Une nouvelle éthique de gestion doit prévaloir pour faciliter
une bonne gouvernance.
Les rapports entre le public et le privé doivent être redéfinis en terme de
complémentarité et non de substituabilité. Le secteur public doit aider au
développement du secteur privé. Le dispositif institutionnel à mettre en place
devra nécessairement créer un environnement d'hospitalité et non d'hostilité à
l'investissement. Pour ce faire, l'on doit créer des infrastructures matérielles,
instituer des procédures démocratiques de régulation, le consensus, le droit, la
compétence, la concurrence, compétition, bref une bonne gouvernance; pour
que le privé puisse se développer dans un environnement de politiques macro-
économiques rationnelles. Ainsi, la préoccupation constante de l'Etat serait de
faire réaliser des économies aux entreprises, notamment par la réduction des
coûts de transaction et d'acquisition de technologies.
Une des limites de notre travail réside d'ailleurs dans l'absence d'analyse de
la relation entre politique économique et coûts de transaction, alors que ces
derniers, sans nul doute, constituent un sérieux obstacle à la productivité;
qu'il s'agisse de la faiblesse du réseau routier sénégalais, de la lourdeur des
transactions administrati ves, douan ières, des délestages ,etc.
Sur le plan de l'orientation économique stratégique, il y a des ruptures à
opérer et notamment dans le domaine agricole:
197

a) Autant l'arachide d'huilerie appartient au passé, autant l'arachide de
bouche à l' avenir devant elle. Une reconversion est nécessaire si le
Sénégal ne veut pas continuer à accumuler des dettes paysannes, et à
collectionner ces musées industriels que sont les huileries. Il faut donc
préparer le désengagement par rapport à 1'arachide d'huilerie et se
consacrer davantage à l'arachide de bouche et aux cultures oléagineuses de
substitution. Le soja par exemple se prêterait bien à une agriculture
intensive.
b) Le Sénégal doit se toumer vers l'intensification de son agriculture, mais il
y a un
préalable, c'est à dire une réfomle foncière qui garantisse la
propriété privée sur la terre, pour que le monde rural puisse attirer des
capitaux. Sur cette question, un régime mixte semble mieux indiqué pour
ne pas aggraver le problème de la pauvreté en milieu rural à court et
moyen terme. On pourra donc réserver des terres aux ressortissants de
chaque communauté rurale pour qu'ils les exploiter sans se les approprier.
c) Il doit rompre avec les méthodes de production extensives et se toumer
résolument vers une agriculture intensive, rompre avec la dépendance
pluviométrique et promouvoir les techniques d'irrigation et de pompage de
l'eau. C'est donc une agriculture qui aura besoin d'investissements
conséquents, mais que le statut actuel de la terre ne favorise guère. Une
réforme du droit foncier qui sécurise les investissements et les transactions
sur la terre devra être mise en œuvre.
A un niveau plus global, le Sénégal étant de petite taille a tout intérêt à
s'ouvrir à l'économie mondiale, en s'appuyant sur une exploitation
rationnelle de ses avantages comparatifs. Compte tenu de l'avantage
comparatif du facteur travail et de la lutte contre la pauvreté, laquelle est
198

inséparable de la lutte contre le chômage et le sous emploi, il est nécessaire
d'adopter une stratégie et des choix d'investissement qui privilégient l'usage
de la main d'œuvre nombreuse et jeune. La participation des capitaux privés
étrangers au financement de l'économie sera indispensable. Le Sénégal a
besoin, dans le cadre d'une mondialisation bien comprise, de bénéficier des
technologies, du savoir faire ainsi que des réseaux mondiaux des firmes
multinationales. Elle a besoin, en partenariat avec les bailleurs de fonds
étrangers de réaliser des infrastructures de développement.
Pour développer les activités manufacturières intensives en main d'œuvre et
tournées vers l'exportation, il est recommandé de modifier le prix relatif du
travail et de veiller à ce qu'il ne s'apprécie pas, et de prendre toute mesure
pouvant inciter les investisseurs à substituer du travail au capital. Cette
politique a été adoptée en Corée du Sud entre 1960 et 1978, et dès la fin des
années 70 la Corée avait épuisée son excédent de main d'œuvre.
La croissance pourra être mieux tirée par les exportations si les barrières
douanières sont abaissées et si le taux de change réel n'est pas surévalué.
Nos pays ( de la zone CFA) ont eu la fâcheuse tendance à laisser le CFA
s'apprécier et ceci avait freiné la croissance dans le passé.
La perspective de l'intégration africaine et la création d'une monnaie
commune en 2004 au sein de la CEDEAü constituent un facteur de plus
pour l'érection d'un autre régime de change. Nous devons évoluer vers une
politique de change plus flexible pour tenir compte des taux de change
flottants, mais aussi dans l'intérêt de
promouvoir les exportations
manufacturières.
Compte
tenu
de
nos
structures
de
consommation
extraverties, une dépréciation du CFA, même si elle reste généralement
199

favorable aux exportations, peut toujours aller à l'encontre de la lutte contre la
pauvreté à court terme, mais à long terme elle favorise aussi une agriculture
de substitution aux importations alimentaires.
Par ailleurs, un programme de modernisation de l'administration publique,
condition sine qua non d'une bonne gouvernance devra être mise sur pied,
avec les objectifs suivants:
-
l'efficacité du service public par la modernisation des équipements et
l'informatisation. Dans ce cadre l'informatisation- connexion des services de
sécurité (Police, Gendarmerie) et des services du Ministère des Finances
seront
des
priorités.
11
faudra
garder
une
juste
proportion
entre
investissements publics et investissements privés, pour éviter à la fois les
effets de congestion et les effets d'éviction.
-
le relèvement de la pression fiscale qui est actuellement très faible de
l'ordre de 12%, par le renforcement des moyens de recouvrement ainsi que
par l'élargissement de l'assiette fîscale. Et dans ce cas, ceux qui payent des
impôts actuellement au Sénégal pourront voir leur taux diminuer. Cela
permettra aussi d'aller vers plus d'équité fiscale.
-
la revalorisation conséquente des fonctionnaires de l'Etat pour mieux les
motiver et moins les exposer à la corruption. Cela aidera à ta mise en place
d'une nouvelle éthique de gestion, d'hommes qu'il faut dans les institutions
qu'il faut.
200

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205

TabDe des Matières
INTRODUCTION GENERALE
1. Problématique et justification de l'étude
1
2. Objectifs de l'étude
8
3. Organisation de l'étude
9
CHAPITRE 1: CADRE THEORIQUE: La Nouvelle Economie
Institutionnelle et la Théorie de la
Croissance Endogène
11
Section 1 : La Nouvelle Economie Institutionnelle
13
1.1 Genèse de la Nouvelle Economie Institutionnelle
13
1.2 Coûts de Transaction et Institutions................................... 17
1.3 Les Droits de Propriété
24
1.4 Organisations Sociales, Politiques et Economiques
28
1.5 Asymétrie de l'Information, Etat et Marché
30
Section 2 : La Problématique Institutionnelle dans les Pays en
Voie de Développement.
34
2.1 Soubassements Théoriques et Idéologiques des
Institutions Modernes dans les PVD
35
2.2 Les Entreprises Publiques
37
2.3 Déficits Budgétaires et Inflation
38
2.4 Taux de Change et Politiques Commerciales
38
2.5 « Rent-seeking economy » ou Etat rentier.
.40
2.6 L'Etat Prédateur
43

Section 3 : Théorie et Modèles de Croissance Endogène
.44
3.1 Critiques du Modèle Néoclassique
44
3.1.1 Brève Présentation du Modèle Solow-Swan
~4
3.1.2 Aspects Théoriques et Empiriques de la Critique
45
3.2 Les Modèles de Croissance Endogène
.47
3.2.1 Le Modèle AK
47
3.2.2 Le Modèle à un Secteur avec du Capital Physique
et Humain
49
3.2.3 Les Learning by Doing Modèles, les Externalités
de la Science et de la Technologie
50
3.2.4 Le Modèle de Lucas
51
3.2.5 L'Etat et la Croissance
52
3.2.6 Le Modèle MRW
55
Conclusion
58
CHAPITRE Il : COMPTABILITE DE LA CROISSANCE DE
L'ECONOMIE SENEGALAiSE
60
Section 1 : Evolution des Agrégats Macro-économiques et
Facteurs de Contre Performance
60
1. Evolution du PiS
61
1.1 Les Caractéristiques de la Production
61
1.2 Evolution des Composantes de la Demande Globale
63
1.3 Etat, Société et Contre Performance
66
2. Evolution de la Compétitivité
69
2.1 Le Taux de Change Effectif Réel Multilatéral.
69
2.2 L'Evolution des TCER Bilatéraux
73

2.2.1 Par rapport aux principaux concurrents
sur les marchés d'exportation
73
2.2.2 Par rapport aux pays de l'UEMOA
76
Section 2 : Sources de Croissance ou
Sources de non Croissance
77
1. Analyse de la Productivité Globale de l'Economie
77
1.1 L'Evolution du Stock de Capital
78
1.2 Evolution de la Productivité Globale des Facteurs
80
2. La Productivité dans l'Agriculture
81
2.1 Facteurs Climatiques et Pédagogiques
,
83
2.2 Des Institutions et des Politiques Inefficaces
85
2.3 Le Tournant des années 1980 :
La Nouvelle Politique Agricole (NPA)
86
2.4 La Fonction de Production Agricole ou des
Méthodes de Production Extensives
89
3. La Productivité dans l'Industrie
95
3.1 Le Modèle
96
3.2 Résultats et Analyses
"
, 97
Section 3 : La Croissance Post-dévaluation
3.1. Le Secteur Agricole
101
3.1.1. La Filière céréalière: riz, mil, maïs.....................
101
3.1.2 La Filière arachidière............
101
3.1.3 La Filière cotonnière.........
103
3.1.4 La Filière horticole
,
104
3.2 La Pêche......
105
3.3 Le Secteur Manufacturier.......................................
106
3.4 Le Tourisme et l'Artisanat.........
108
Conclusion.................................................................
109

CHAPITRE m:CRISES DU SECTEUR PUBLIC ET DE LA
SPECIALISATION ARACHIDIERE.
11D
Section 1 : La Crise du Secteur Public
1.1 : Le Budget..
:
113
1.1.1 Les Recettes
113
1.1.2 Les Dépenses
115
1.1.3 Les Problèmes Budgétaires Structurels
116
1.2 Le Secteur Parapublic
118
Section 2 : L'Agriculture Sénégalaise et la Crise
de la Spécialisation Arachidière
125
2.1 Analyse de l'Agriculture Arachidière
125
2.2 Les Huileries et la Crise de la Spécialisation
131
2.3 La Particularité de la Filière Arachide de Bouche
134
2.4 L'Evolution Défavorable du Marché Mondial
des Oléagineux
:
138
2.5 Les Limites de l'Agriculture Extensive:
faible productivité, bas revenus
142
Conclusion
149
CHAPITRE IV : LES DETERMINANTS DE LA CROISSANCE:
APPROCHE ENDOGENE
151
Section 1 : Revue de la Littérature Empirique
152
1.1 Croissance et Capital Humain
152
1.2 Les Politiques Macro-économiques
154
1.2.1 Inflation et Stabilité Economique
154

1.2: 1 Inflation et Stabilité Economique
154
1.2.2 Politiques Budgétaires
157
1.3 Les Facteurs Politiques et Institutionnels
159
1.4 Politiques Commerciales et Croissance
163
Section 2 : LE Modèle: Estimations et Résultats
167
2.1 Le Modèle
167
2.2 Méthodes et Procédures d'Estimation
169
2.2.1 Le Test de Racine Unitaire
169
2.2.2 Les Méthodes de Cointégration
171
2.3 Définition et Mesure des Variables
173
2.3.1 Mesurer l'Instabilité Sociale
173
2.3.2 Mesurer la Démocratie
174
2.4 Analyse des Résultats
176
2.4.1 Modèle 1
176
2.4.2 Modèle 2 : La Prise en Compte du Capital Humain
182
2.4.3 Modèle 3 : Extension de la Fonction de Production
184
Concl,usion
185
Annexes chapitre 4
188
CONCLUSION GENERALE
193
BIBLIOGRAPHIE
201
ANNEXES
205

ANNEXES
1
BASE DE DONNEES
Années
PIBréel*
PIB réel par*
Population
PIE (prix 87)
Par tête
travailleur
En milliers
En milliards cfa
1960
1047
1062
3498
705.7
1961
1072
1084
3581
737.3
1962
1104
1113
3665
7612
1963
1134
1139
3751
791.1
1964
1133
1142
3839
810.8
1965
1143
1148
3930
844.7
1966
1155
1159
4023
869
1967
1120
1124
4117
858.4
1968
1171
1171
4214
912.4
1969
1036
1037
4313
852.6
1970
1146
1148
4158
925.6
1971
1137
1139
4279
924.3
1972
1133
1134
4405
983.3
1973
1062
1062
4535
928.4
1974
1062
1063
4669
967.4
1975
1123
Il 24
4806
1040.3
1976
1165
1166
4946
1133.1
1977
1156
1156
5089
1102.7
1978
1110
Il 10
5235
1059.1
1979
1174
1174
5385
1133
1980
1134
1134
5538
1059.7
1981
1139
1139
5695
1082.8
1982
1203
1203
5855
1248.8
1983
1188
1188
6019
1276
1984
1127
1127
6192
1225
1985
1163
1163
6375
1271J
1986
1155
1155
6565
1329.3
1987
1171
1171
6762
1382.4
1988
1172
1172
6968
1452.5
1989
1139
1139
7182
1432.1
1990
1145
1145
7404
1496.2
1991
1120
1120
7625
1508.6
* Source: Penn World Tables

Années
INVP
GINV
CAPITAL Physique
Capital
Humain
1960
34
72
1141
0.35
1961
30.3
64.1
1141
0.37
1962
30.9
65.5
1464
0.39
1963
27.6
58.4
1482
0.41
1964
29.7
62.9
1498
0.43
1965
28.1
59.5
1513
0.46
1966
23
48.8
1517
0.49
1967
24.8
52.6
1516
0.53
1968
25.9
54.8
1519
0.57
1969
26.4
56
1524
0.62
1970
32.7
69.3
1540
0.67
197I
33.7
71.4
1567
0.72
1972
38.4
81.3
1601
0.79
1973
37.5
79.4
1639
0.82
1974
40.6
86.1
1679
0.88
1975
42.1
89.1
1724
0.93
1976
40
84.7
1766
0.98
1977
44.4
71.3
1798
1.04
1978
36.6
77.5
1823
1.09
1979
38.7
89.5
1853
1.14
1980
56.4
78
1891
1.I9
1981
40.3
82.1
1925
1.25
1982
41.4
89.8
1956
1
1.3
1983
42.4
983
1994
1.36
1984
43.6
91.3
2032
1.41
1
1985
46.1
89
2065
1.47
1986
53.9
108.7
2111
I.S3
1987
57
113.9
2173
1.6
1988
55.7
122.6
2240
1.67
1989
57.2
121.8
2308
1.74
1990
55.9
\\24.\\
2373
1.82
1991
55.6
128.3
1992
1
57
133.3
1

Années
Termes de !'Ech
. Dép.Publ.(G)
M2/PIB
G/PIB
1966
70.92
148
11.88
0.1703107019
1967
80.31
152
11.99
0.177156]771
]968
10359
139
12.9]
0.152412280
1969
90.63
124
13. 1]
Q145539906103286
1970
99.49
141
13.95
0.152267818574514
1971
94.74
147
15.23
0.159090909090909
1972
89.41
150
14.78
0.152594099694812
1973
92.94
149
17.1
0.160560344827586
1974
123.38
160
19.13
0.165460186142709
1975
98.53
164
20.01
0.157692307692308
1976
91.38
178
21.74
0.157105030891439
1977
100.86
186
25.29
0.168631006346328
1978
110.2
198
29.29
0.186968838526912
1979
105.02
204
27.49
0.180052956751986
1980
78.93
225
26.58
0.20529197080292
1981
%.56
209
29.28
0.192982456140351
1982
82.88
218
28.22
0.174539631705364
1983
84.35
226
28.33
0.177115987460815
1984
9795
233
27.42
0.190204081632653
1985
100
240
25.35
0.18882769472856
1986
96.69
260
24.31
0.195635816403311
1987
96.66
273
24.1
0.19753979739508
1988
101.22
272
22.42
0.18732782369146
1989
104.55
282
23.82
0.196927374301676
1990
103.57
280
23.19
0.187040748162993
J991
106.02
264
23.31
0.174950298210736
1992
104.88
263
23.45
0.169349645846748
iéaszz

Années
DEMOC
LDEMOC
PLUV
1960
2
1961
1.681
0.519388854426479
3721
1962
1.4135
~346068898151508
3740
1963
1.2243
0.202369252097733
3836
1964
1
0
4432
1965
1.0839
0.0805656478395673
4064
1966
1.1748
0.161097920342328
3643
1967
1.2733
0.241611955597253
4956
1968
1.3801
0.322155960311857
2640
1969
1.4958
0.40266118077543
3541
1970
1.6213
0.483228296573886
2979
1971
1.7573
0.563778540218663
3869
1972
1.9047
0.644324515862377
2354
1973
2.0645
0.724888066344008
2884
1974
2.2377
0.80544855264709
2401
1975
2.4254
0.885996459240554
3519
1976
2.632
0.967744013463071
3519
1977
2.9375
1.07755887947028
2712
1978
3.2785
1.18738600072154
3676
1979
3.6591
1.29721721553517
2995
1980
4.0839
1.4070524142044
2482
1981
4.559
1.5171033012313
3380
1982
4.6985
1.54724330884098
3105
1983
4.8422
1.57736916290859
1972
1984
4.9903
1.60749602819676
3069
1985
5.143
1.63763656679278
3163
1986
5.3003
1.66776342272973
3009
1987
5.4624
1.69788825361798
3052
1988
5.6295
1.72802062826105
3924
1989
5.8017
1.75815097805423
3751
1990
5.9813
1.78863793564082
2967
1991
6.7917
1. 91570 127842223
2938
1992
7.7119
2.0427645904192
-9999.99
1993
8.7568
2.16983054140752
-9999.99
1994
9.9433
2.29689895752306
-9999.99
1995
11.0917
2.40619708086775
-9999.99
1996
12.5946
2.53326815066588
-9999.99
1997
14.5656
2.67866258420762
-9999.99

II
DIVERS
EQ ( 5 ) Modelling LARA by OLS
(using Pib.in7)
The present sample is:
1961 to 1992
Variable
Coefficient
Std.Error
t-value
t-prob
Constant
6.4422
0.25408
25.355
0.0000
LPLUV
0.075966
0.036926
2.057
0.0488
LARAPRIXR
-0.54148
0.25290
-2.141
0.0408
RA 2
0.237409
F(2,29)
4.5141
[0.0196]
DW = 1.92
RSS
1.635742555 for 3 variables and 32 observations
LARA = productionarachidière
LPLUV = pluviométrie
LARAPRIX = prix relatif de l'huile d'arachide sur le marché
mondial par rapport à l'huile de soja.

PGOIL
PSMEA
PSOIL
Groundnut ail; us
Soybean Meal; 44%,
Soybean ail; Dutch,
runners,
cif Rotterdam $MT
fob ex-mi 11
$MT
cif European $ MT
1960
327
78
224
1961
330
81
287
1962
275
89
227
1963
268
91
224
1964
316
89
233
1965
325
73
270
1966
296
87
262
1967
283
85
217
1968
271
98
178
1969
332
95
197
1970
378
103
286
1971
446
102
304
1972
426
129
241
1973
544
303
436
1974
1 058
184
832
1975
778
155
563
1976
691
198
438
1977
846
230
580
1978
1 079
213
607
1979
889
243
662
1980
859
259
598
1981
1 043
253
507
1982
585
218
447
1983
711
238
527
1984
1 017
197
725
1985
905
157
576
1986
569
185
342
1987
500
203
334
1988
591
268
463
1989
775
247
432
1990
964
200
448
1991
895
197
454
1992
610
204
429
1993
738
208
480
1994
1 023
193
616
-
1995
991
197
625
1996
897
268
552
1997
1 010
276
565
Source : FMI,