UNIVERSITE DE NANTES
FACULTE DE DROIT FT DES SCIENCES POLITIQUES
THESE DE [)OCTORAT
Ecole doctorale: " Normcs ct Société"
Discipline: Droit Public
Préscntée et soutenue publiqucment par
Jean Calvin AllA' A OYONO
Le 20 juin 1994, devant le jury ci-dessous:
M. René HOSTIOlJ,
Professeur à la faculté dc Droit ct dcs Sciences Poliliqucs de l'Université de NANTES.
M. Roger Gabriel NLEP,
Professeur à la faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de DSCHANG
M. André Hubert MESNARD,
Professeur à la facuIté de Droit ct des Scicnces Politiques de l'Université de NANTES.
M. Henri JACQUOT,
Professeur à la faculté de Droit. Economie ct Gestion de l'Université d'ORLEANS
M. Jean Claude HELIN,
Professeur à la faculté de Droit ct des Sciences Politiques de l'Université de NANTES.
Directcur de Thèsc : M. René 1I0STIOU

.,'1 ml1l1 pays,
{e C;y Jl1'E 'f\\ (J'lI Ji
que je vélière,
.Hl/IS fi mi Ifs ,
If m'a"rI1 permIS,
à tm1'ers ses 1!t1/CII rw.y ((11/ IIi!luoMrs,
d"approcher celte hallie sphère d'" sll1Joir juridique,
{nqud{r. me pamiJ.wil,
au tfdml de mo /ormlliion aw({éTllique,
si [oilliaille,
'1)aIl5 {;~5 lempêles {{II /t'.mj1s prÙI'IJl,
q/li .w,çcilell l,
à lori ou à raùol1,
des allil/ldes {{e rép/I[q'oll,
j'elltellrf.ç rf:50[ument y re 10/1 rner,
cOllln~ 1iCIIU r.1 marées,
pour [ui lé"lO~fJller,
en rel.our,
mon élliique palriotique,
au moyen de f'e"rrcice
dc ce pOli ({u sel7Jice pu Mie
qu 'l'Si ('wseigllel1lCIII el (a rcchC/'c!le 'lIl1i1!ersi1aires ,
2fante.~, fe 18 Avri( 1994

PRINCIPALES ABREVIATIONS UTILISEES

A.D.D.
Avant Dire droit.
A.J.D.A.
Actualité Juridique Droit Administratif.
A.P.
Assemblée Plénière.
Ar.
Arrêt.
C.A.
Chambre Administrative (de Yaoundé).
Casso
Cour de Cassation.
C.C.A.
Conseil du Contentieux Administratif.
C. Civ
Code Civile.
C. E.
Conseil d'Etat (Français).
C. F. J.
Cour Fédérale de Justice.
c.G.!.
Code Général des Impôts.
C.J.E.G.
Cahiers Juridiques de l'Electricité et du Gaz.
Concl.
Conclusions.
c.P.
Code Pénal.
CPP
Code de Procédure Pénale.
CS
Cour Suprême (Camerounaise).
CS/AP
Assemblée Plénière de la Cour Suprême.
CS/CA
Chambre Administrative de la Cour Suprême.
CS/S
Chambre Sociale de la Cour Suprême.
CTA
Code des Tribunaux Administratifs (Français).
D
Recueil DALLOZ.
DA
Droit Administratif.
E. C.
Etat du Cameroun.
E.D.C.E.
Etudes et documents du Conseil d'Etat.
Et s
Et pages suivantes.
Fasc
Fascicule.
G.A.J.A.
Grands Arrêts de la jurisprudence Administrati-
ve.
Ibid
Au même endroit.
J.C.A.
Jurisclasseur Administratif.
J.c.P.
Jurisclasseur périodique (semaine jUI·idique).
J .0.
Journal Officiel.
J.O.c.
Journal Officiel du Cameroun.
J.O.R.C.
Journal Officiel de la République du Cameroun.
J.O.R.F.
Journal Officiel de la République Française.
J.O.R.U.C.
Journal Officiel de la République Unie du Came-
roun.
Jt.
Jugement.
L.G.D.J.
Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence.

Mélo
Mélanges offerts à ....
Op. Cit.
Ouvrage Cité.
OR
Ordonnance de référé.
Ordo
Ordonnance.
OSE
Ordonnance de sursis à exécution.
PCA
Président de la Chambre administrative.
PUC
Presses Universitaires du Cameroun.
PUF
Presses Universitaires de France.
R.C.O.
Revue Camerounaise de Droit.
R.O.P.
Revue de Droit Public et de la Science Politique
Rec.
Recueil LEBON.
Rev. Adm.
Revue Administrative.
R.F.C.
République Fédérale du Cameroun.
R.F.O.A.
Revue Française de Droit Administratif.
R.J.A.
Revue Juridique Africaine.
R.J.E.
Revue Juridique de l'Environnement.
R.J.P.r.c.
Revue Juridique et politique Indépendance et
Coopération.
S.
Recueil Sirey.
T.A.
Tribunal Administratif.
T.C.
Tribunal des Conflits.
T. E.
Tribunal d'Etat.
T.G.r.
Tribunal de Grande Instance.
T. r.
Tribunal d'Instance.

INTRODUCTION

2
Le règlement .iuridictionnel élpproprié des litiges reléltifs élUX r~1Ïts méltérie/s ou
aux
actes juridiques
des
<lutmilés
éldmillistréltivcs
scrélit
plcincmcnt
réé!lisé,
deviendrait une techniquc de sécuriséltion SélllS I~lille, si cert(lins effets perturbélteurs
n'intervenélient
pas dans son évolutiun nOllllélle.
Selon
les cOllsidér,llions qui
animent en effet lél pensée de tout citoyen inléressé pm les plJénolllèncs juridiques.
la justice adminislr<ltive s'apparenle, élU céllllerouli el peut-être déllls d'éHltres Etélls
du continent Afl'icain, él llll f~lit susceptible d'une lecture plurielle. Tout élU Illoins,
elle peut être perçue comme un phénOJllène nouveélll, éllééltoire, voire quelque peu
idéaliste élll regélrd de l'environllelnenl socio-politique délllS lequel elle est élppelée é1
fonct iOllller.
La nouveélllté lient sÎlrement él l'idée que l'éldlllinistré, .iusticiable potentiel de
ladite justice, commence él peine él s'imprégner de ses rouages pélrélllèleineilt él lél
justice COlllnllllle des particuliers, en l'occurrence celle .iuc!iciélire, qui s'est déjél
traduite
él
ses
yeux
comme
1'illStitutioll
jllridictionnelle
fillllilière.
Cette
caractéristique prilllélire n'est-elle nullement propice il 1111 élllcrélge élccéléré du
modèle juridictionnel aclJnillistréltif, si l'on tienl en plus cOlllpte du réflexe de réserve
que suscite généralemcnt léJ marche vers l'inconllll ?
Pour ce qui est de sa dimension éllééltoire, en revanche, celle-ci semble relever
de deux données étroitement liées. Si l'on pélrt du principe selon lequel la justice
administréltive implique lél résolutioll, pélr ];1 voie juridictionnelle, cie contentieux
opposant l'élclministnltion ,1 ses ,ldlllillistrécs, él rélÎsoll cie l'élCtivité de 1,1 personlle
publique, on convient élÎsément que les princip,lLlX élctellrs du processus SOllt "entité
administrative ct le particulier. Dès lors, conl1l1enl s'empêcher de penser que la
justice élCllllinistr,ltive peut se révéler prohléméltiquc qUéllH.I on retient que le citoyen
camerounélis est pélric)is insellsible é'l 1;1 violéltion, pélr l'administrcltion, cie ses droits,
lTlotifpris de ce qu'il ignore l'ételldue, le COlltellu et les li1llites desdits droils '1 D,lI1S
l'hypothèse où il en est même conscient, n'éprouve-t-il pas cette peur qll,lsi-

,.'
viscérélle de 1';llltmité puhlique rOlldée sm le III)'tl1e l1islmique de 1';lllége;lllce
indéfectible élU cller'?! ';éH.llllillistr;llioll Il'est-elle PélS illvestie, de p;lr ses org;1I1es
centraux, des prérog<llives de PUiss;lllce pllhliqlle qui lui pellllcttcllt évclltllellelllellL
sur un plall juridiqlle 011 de l;lÇOIl inltll"lllelle, de Ill;lintenir lél justice illstitutiollllelle
en état li ',lsslijetl isscl11ellt COlllllle cel" est eOllr;lIlllllellt ct divcrSClllcllt éJllillné '12 .
Ces signes Cl1rélctéristiques, liés c'J 1<1 psychologie dc l'ml1nillistré ct ;'1 1,1 /()rte
présomption clc puissance illilllitée qui pèse sur l'ac\\lllinistréltion, péll'é1issellt ,1 priori
incolllpatibics et présentent assurélllell! l'illconvéniellt de tClllpércr 1;1 vérit;lhle
portée d'ullejustice éldlnillistr"tÎve. ]J,IIIS l',lhsolu, ces siglles peuvent cOllslitller 1I11e
1 Mélllrice KAMTO, POllvoir cl Droit Cil Arriqlle Noire. Bibliothèqlle Arricaille et
M;dg;lc"e. TOllle ,n. L.Ci.D.L
Pénis, 1()X7. Dalls le IlIèllle sells. voir r'''ilippe MANCiA, ill « 1</-I{l'yiol/sl"III' {Il rll.ï/(//lIi({Ire 10I/slil//I/01I//('{{1' ('II
Apiqllc », IUI'.IC., N"I . .l;lIl\\iier Anil I l)').1. l' ·17
2 Les argllllleilis théoriqlles sllsceplihles dejllslificr IIlle telle orielltatioll de 1;1 pellsée Ile rlllit d';lillellrs P;IS dél:illt
CClix-ci tielllleilt d'a!Jord :1 l':lbsellce de cOllséCl:ltioll cOllstitlltiollllelle (1'1111 IHlIlvoir .llldici:lire . « {'I1//IOl"ill; rie
{'Elnl, r/i,I"{IOS(' {'I/I"lidc " rlc III I:Ol/sllIlIlioll rllI ] .f//il/ {<)7]. l'sI C.\\"I"I'c;e l'Ill"..
{e l'n;sirlc'I/I rll' III {11;I'"h!iI{IC' (l'I)
{'As,\\'~I/1h/I;I' NI/liol/o{(' )~. Ellsuite. e'esl <<{l' {'I"/'sll{l'I/I rll' {I/ 1«;{'/lh/il{lll' (1{1Ii) ('sI gl11"'//11 rll' {'I/Ir/(;{I('l/rI(///("(' rll'
{'nllloril(; jllilicillil"c l'I IWlIlIlIl' {l'S IIll/gislrols» :llI:\\' lerllles de l'article .11
dc la conslilnlioll snsévotl"éc
Le
c:lractère csscntieilelllcili adlllillisiratir dc l'organislllc eh;lrgé de gércr 1;1 carrièrc des 1Il;lgislr'lts. le COllscil
slIpéricur de la 11l;lgislr;ltllre Cil l'ocCllrrellce. cOllrorlc Cil Il Il le propos. Riell :lli-dei;', d'ulle silllple Ihéorie juridiqne
rel:llive :i la lIIailllIIise des alltorités adulillistratives celltrales sur la Magistr:llure , eet Îlllperilllll ;l(llIIillislr;lIir a
pris 101llc sa dilllcnsioll cOllcrèlc Cil .Iam·icr l 'J')~ lorsque ccrt:lills persolllleis r"t;lgislrals rllrelll sllspendlls de lem
fonclion, au Illotir qu'ils s'élaielll légitilllelllclli obstillés :i dOllllcr 10111 leur scns :111 corollaire de /a règle dile du
service rail. ,i savoir 11111 bcsoill de pOllrsuivre 1';lccolllplisselllenl dll service pllblie qll;lI1d sa solde Il'esl pas
régulièrellleilt gar:1I11ie ;i la lill des illOis Fil sllhsl;1I1CC. le pOllvoir hiérMchiqlle de l'adluillislr;llioll s'appliqlle
même au.\\ melllb l'CS des j urid ict i011 s,
SlIr 111\\ 10111 :1II1re plall, le cOlllcllticlI\\ cie l'électioll présidelltielle cl'ocloure
1')lJ2 a sllscité Illle
crislallis<llioll pllblique cie l'idée d'Iln clirigisllle <ldlllinistratir;i l'égard cie la jllstice. 1'0rI 1111 le si souvellt décriée en
catimini. Dalls le corps lIIêllle de LDrrèlil~1 Co!!r SlIl1Ifulle Il=- 4/Çf2-2-(J.l..ili!J.:LQ.l:..LClbr~ <)<)~ rendll ;1 cc propos. il
<lpparaÎI que le désislelllcnl de l'lllle des parlies ayanl sollicité 1':llllllilalioll dll scrntin est Illoli\\'é par ces terllles
révél:ltcllrs emprlllltés ;1I1 jnge: « CO//Sirll;I'OI/I..
({IIC
{e,\\ O////O//CI'S co//lil//ICS rllI A/misll'I' rie {'WllIIi//isll'l1lin//
lel'rilol'io{1' ({IIi Il 'l'sI {lOS l'IS/' COIIIII/(' II//C I//llol'il(' r:tlI11'.l!,I;1' rie {'(III//O//(,(' {1111' {es lexIes 11{111{II:O/J!I'.1 .I1111S l'hllJio//
ferme ries il/slilllliol/s c!lIll'gh's rie 11l('lIl'ej/1I (/ I:es 1/1'11',1' rie {I('O\\'O('(llinl/ {c ('nl/I'oil/(; (i{ S 'l1gi! rie l '(II '(Ilf Il r!('/i'//sl'//1'
représenlol//) ({1I'i{ sel'l1i! iIlO{'{IOI'I/11/ ric sO//llwlln' III/l' I/(I/Ilc iIlSI(IIII:C l:nlllllW {Il \\")11'1' (( 'nlll' ,"'II{I/I;IIW) (/ 1111('
épreul'e rie ji)('ce 111'1'1; {e n;gil/ll' l'II fi{oce (IIrl/lle! l'!{I' l'Si ('o//slillllinlllll'!l('II/('1I1 ,\\'!r!>tIl,!!.II(;' ,
(hl 'il (1'!II'nlfl/)
consil/i;re {e fll'oh/hlll' {IO.I'; COlllllle (;'mll pn;Sellll'/lIl'lIl {!lllilil{lIl' cl <fil 'i{IllIIdroil dl',\\J)!ïlll1is {'o!>nl'rll'l' 111/1.1'1 ».
Il convient cie Illlancer les données. en précisant cependallt qlle ce tvpe de rapports de vertic:lIilé
s'<lppli(]lIellt Ilorlllalelllent elltrc le servicc de la jll,slice ct ses agellts. les actcs procédant :\\ la Illissioll dc jllstice.
c 'est-;Î-di rc cell.\\ qui décolllcni cles r:lpports ellt rc le jnge cl leinst iciable. Ile pOllv;lI1l jnridiqllelllcili êlre visés.

-1
Illlson dc déscspércr dc léHlilc .iusticc 1 ql/i, p()l/r(éllll, dcvrélit S'éllléllyscr COl1ll1le \\lll
mécélllisl1lc juridiquc régulétlcllr dcs rélppmls illégéllit;ùrcs /HIISS,111CC puhliquc -
administrés, ,lU - del,'l de toutcs les élppélrCnCeS, C'est SélllS doute le souci dc
contribuer ,1 1.111 rélpprochc1llcnt dcs positions discord,1Iltes qui .iustifie UIlC réllexioll
sur le thèmc de 1,1 cOlnpétence clii .j"~e ,Hllilillistl,ltir c,1InenHII1,lis, 1),lns Uil propos
introductif: on S'éltlélcllCI,l ,1 dénJ(ln[rcr succCsSiVCll1ellt 111ltérêt p,Jrticulicr dc l'étude
(1), à c1élilniter Ic sujct (II), ,1 opércr unc rétrospcctivc des instances contenticuses
aYélllt été cn charge de la.Îusticc éldmillistl,ltive (III), pour cn/Ill exposcr \\ln plélll
cohércnt éHl préscllt tl,lVélii (1 V).
1- INTERI~T DE L'ETUDE
L'étude cie la corllpétence cie 1,1 juridiction administrative ,Ill Call1croun
comportc un intérêt pluridilllcnsimlllcl qui pcut sc présclltcr sous dcs ,lSpcctS
théoriquc, pratiquc, orgéllliséltionnel ct st'ltistiqllC.
Sur lIll p1<ln théoriquc, clic telHI princip,llclllcllt ,1 délcnnillcr les repèrcs qUI
pennettent d'idcntifier et de circonscrirc son ch,lll1p d'intervelltioll. L'œuvre est
d'une importancc capitalc qUéllld on observc l'esprit qui sc dég,lge des Iloi'llIes
juridiques cameroun;ùses relélfives ,1 1,1 rép,lrtitioll des compétcnccs contcntieuses
entre les
juridictiolls cxist,lIltes:
ccs nonncs télllOigllClll
cl' UII écl,ltemcllt du
1 Le déséquilibre des rorces Cil présellcc d;lllS le processus de justice adlllillislr;l1i\\'C sc sitlle même au-del;\\ dll
cloisonnement nalional cl sc rencolllre. Cil Droit Frallçais. salis la 1'0 1'1 Ile du problème de l'e,\\éClllioll des décisiolls
du juge, Cesl dans celte optique qu'il hut placcr 1;1 loi rr;UH,:;lise lin Xo-5.l') du 1(, Juillet l')XO rd;lIive ;111.\\
astreintes pronollcées en malière adlllillislrati"e cl :\\ l'e"éculion des jngelllcllts p;lr les persollnes Illorales cie clroil
public (lO, clu 17 Jllillcl l')XO), Ou celle circulaire cie l'e,\\-premier ministre f'vlicllel IH1CARD Cil d;lle clu 1'\\
octobre IlJRR (lO, clu 15 Oclobre IlJXX) relal i\\e ;111 respecl des décisions du jnge acilni nisl 1';11 iL lequel respect
découle de l'II r:xigel/ccfrJ/lrlOlllellflllr' rie III rll;lIlorT"fie ef rie 1 F'fllf rie rlroif n, il jlllif rlr;jilllf rI'exr;r'lIfiflll, !!ollrsllif-
il, tOllf refard lIIis il l'exécllfion, {rllife eXI;r:llfifil/ il/coIII!!II;fe flII illcfl/ï'i'cfe, IN/r lI11e cflllcc:fil''1ll; III/Mirllll', rI'lIlle
décision de 10./iisficl' (/(llIlillisfrofll'l' sfillf ries o(li'lIses il 1I:tof rll' rlroif, ;IIil/((/lf l '((Ilff!/ïfl; rI,r ,/lIge, Ils fWIII'Cl/1
candllire les cifoyens il rlâ,\\'csf}(;rer rie lojllsfin! n, ("esl culin cI:uls le Illêlue coule"le qu'il clln,,;enl d'é"oquer celle
circubire du Ministre cie l'iutérieur du Ir) octobre IlJX') relalive;\\ l'e,,écution des clécisions cie juslice p:lr les
colleclivités lerritoriales ct lems élablisseilleilis publics (.l,O. du 20 lëVlier
l')')O). laquelle r:lit ll';lillellr,s
explicitelllent rérérence ail" le"tes juricliques ci-dessus IIlcul iOllnés,

.~
contenticux
éldillillistréllir
géllér;d,
ICql((:~1
se
pélrtélgc
elllre
1;1
jllrldictl()ll
traditiollllelleillellt spéciéllisée el les illsl;lIlces cOlllelllicuscs pélrédlèles qllc SOllt Ics
juridictions judiciaire ou lIlilitaire, et p,lrfùis même, de ]'absellce cie tout contrôle
juriclictiorillel. Quelle .imidictioll doit-on régulièrelllent sé1Îsir él propos de lei 01/ IcI
litige ,ldministréltil'? QI/elle csi 1;1 rr,1I1ge du COlltclltiel/x éldlllinistr;ltir cxelllptéc du
contrôle ,juridictionnel? L'éhélliche d'une théorie du droit de la cOlllpélence du ,juge
administr<ltir ,lU CéllllCrlllll1 revêt p,lr conséquellt 1111 intérêt pélrticlliier.
Déllls une perspeclivc nettemellt plus préltiqlle, unc tcllc recherche esl de
nature
él
mieux
guider
le justiciélhle
potentiel,
;1
lui
permettre
dïlltrodllire
régulièrement des requêtes cOlllentieuses, et, élu-delé'l, él contrihuer é'l rédllire, de
façon
considérahle,
la
qUéllllité
des
décisions
d'irrecevahilité
l'ondées
sur
l'incompétence de lél juridiction sé1Îsie. Dès lors qlle l'on convient qu'ulle « ù/(:e
direc'lrice ou nolion-cl<.; {mi(/ue SUSC('jJllhle de d(;IL'lïuinel' duns Inus les cus el (/
1
,
priori l'ordre ./uridiclionnel cOllljJaen/» nc I<JIlt point l'IlllélllilllÎté
, ou qu (( l'sI
doctri(]ales élttestent de lél néccssité d'épélrgner él ce
justici,lhlc he,llicoup de
déboires cOlltentieux qui SOllt
(i'<:~quelllllleilt les siells: Ile plus considérer. p;lr
exemple, que 1cl.iuric!iction éldministréltivc stéltue lIécessairelllcllt ;1 l'OCCélSioll de tout
litige mettélJlt en Céluse l'activité éJ(.II11illistrative, éviter cie déférer ,1 lél cellsure du
juge adminislratif une afbire tencbnt ,1 lél cOlld,lIlllléltion personllelle d'lIlle élutorité
administrative " el a fortiori, celle lIlettant personllellement en Célllse des perSOlllles
1 Jacques MOREAU. COl11pélCIlCe adl11Îllislralivc (réparlilioll des cOl11pélellCcs ellire Iejllc!ici;lire el 1';ldlllillislralirl.
Encyclopédie DALLOZ. Conlelltiellx acimillÎslralif. Tome 1. p 4X
2 Danicf CHABANOL. LI praliqlle dll cOllleliliell.\\ :Idmillislr:ilif t1e\\;1111
les 'rihllllal1.\\ :H/illillislr;ilifs l~1 les cOllrs
adlllillislrali"es d'appel. 2'"'''' édilioll. LlTEC. Paris. l')') 1.1'1.
3 Arrêl n° I)R/CFJ/CA y du 27 jall\\'ier 1')70. OB AM ETEME Josepil c.m.F.C
AI:l slIife d'lIl1e décisioll déElvor;11l1c
élllis'e :) SOli ellcolllre. le juge adlllillistralir. s;lisi par le requér:llIl. répolld que « II' n:(;Ol/rs liOW' n.,.(~.\\ i/I' 1'{II/I:{I;r
ne cons/ifl/l' /'ns 1IIII'n'(:(~,\\' cil/rI' 11',1' l'or/ies. 1110;,1' 1/11 IlI'occl.l' (;011/1'1' 1111 OC/l' oi/winis/rn/if". Voir ég;lIelllelil
-Jugemelll nO~ l/eS/CA du 21) lIlars 1')71). BAllA ):OUSSOUFA C/I~lal dll Camerollll:
-Jugemellt
0
1l 47/CS/CA cllI 27 Jllill Il)X2. NLEND EBEBE kUl clEt;)1 dll (';1 me rD Il Il :

de droil privé J ou, Cil tout CliS, s';lhslclIir de LI s;lisir ;1l1 sU.lcl dc cOlllcllticlI\\: qlli Ile
sont P;lS illscrits élll titre de Sél cOlllpétellce SUiVélllt les lilllites défillies pélr le Droil
positif.
De surcroît, y él-t-il r<liSOllllélhlelllclIt
licli de réllécliir ;)
propos d'une
arch itect ure j uri dict iOlllle Il e él dlll iIl istrélt ive co mp1èt eillellt i1Ilégrée délllS 1111 systèmc
juridictionnel lIélliOll<l1 peu mlliodoxe ? Il hllit Cil elTct souligner que le problèllle de
la eompétellce clu juge éH.llllillisfr;lt i r sc pose vérilélhlelllellt p<lr I,lpport ;1 lél
compétellce du juge judici;lire comme c'est le cas Cil Frallce, /lélYS d;1I1S lequel existe
effectivemellt, 1111 systèllle jllridictiollllei du;disle. Ainsi, lorSqll'lIl1 admillislré n'est
pélS ell élecnrd avec l'adlllinistratioll, il a deux juridictÎolls devéliit lesquelles il peut
intenter SOli recours, ];1 .Îuridiction éHllllillistréltivc ou 1;1 juridietioll .illdici;tire. Mais
laquelle doit-il régulièreillent s;lisir? Cette qucstion, liée é1
1;1 répélrtilion des
cOllséquellces contentieuses, implique dOliC de rechercher quels SOllt les litiges qui
relèvent de clJélculle des juridietiolls susdites.
Seulemellt, le problème de lél compétellce du .iuge é1cllllillistr;ltil' CéllllCI"<1I111élis
ne semble pas se poser dalls des termes idelltiques eu ég;lrd é1 1;1 spécificité du
système juric!ictiollllel1léltioll;l1. Ce demier Ile S';lpPéuellle guère ;l 1;1 fr;lditiOIl émglo-
saxOllne de l'ullité juriciictiollllelle qui COlls;lcre llll jllge exclusif~ t;mt ell ce qui
concellle 1<1 résolution des cOllllils OppOSélllt des personnes privées que pour ce qui
est des élff<lires lIlett;mt ell eéllise l'éldministT<ltion. lill'est pas Ilon p/IIS identique ;111
schélll<l opposé, celui fi'<I11Çélis ell l'occurrence, et précécleillmellt décrit de Illallière
sommaire, lequel, rélppelolls-Ie, part de lél règle selon ];H.luelle les juridictions de
l'ordre juc!iciélire Ile COllllélissent Ilullelllent des litiges illtéressélllt la plliss;lllce
publique,
cellX-CI
relevallt
~ll()rs
des
seules
juridictions
éldillinistratives.
-Jugemelll N° Il.'i/R5-X(, du Il seplemlJre l')X(,. EIlIIIl;) NU.lENCiUE c/EI;II du C;lIlleroull. Licll1('ll;llll .lAI' Elloch
TATA cl Capilaine RALLA ONDO\\lA.
1 Arrêt de fa cr.l c11l 1(, Illaj 1%7, COlllp;lgllie d'Assm<lllces Géllérales cl Sicm KEf"vIA VOU e/<:OIIiIIII",e IlIi.'le
mrale de Rallgoll cl SAFR!\\.

ï
L'org(Jl1iséltiol1
IOCéllc, ell
subsf,111CC,
11C correspolld
point p,JrElÎtel1lel11
,1 ccs
approches
c1'lssiqucs.
Célr
1,1
Cour
Sl/prêlllc
Céllllcroun,llsc
est
l'inslélllce
contenticuse ,lU seil1 de laquelle SOl1t intégrées ,1 1,1 fois les fOllll,ltions ,ldlllillistrative
et
judici'lÎre.
Il
s',lgit
en
cOllsequellce
d'une
strl/ctllr,ltion
Îl/rldictiollnelle
« !Jorn'/l/(' », 1,1 diversité d,1I1s l'unité (lU, illversélllellt, l'ullité illtégI,lllt lél diversité
'. Dès lors, 011 cOlllprencl aisément que les sel/ls juges en exercice ,HI céllllerolill et de
surcroît cie forllléltÎon \\lniquelllent judici,lire, c'-cst-é'l-dirc spéciéllisés cn droil privé 2,
~
soient cellx-Icl lllellleS qUI siègellt égédeilleili
pour le conlpte des
/ÙrIllélt ions
adlllinistlcltives de la Com Suprêllle, en ]',lbsence d\\1ll véritélhle .iugc éldlllillisllèltif'
D'où cette interrog,ltion qui est de s,lVoir ql/cl est l'intérêt de l'étude cie 1,1
cOlllpétence du .juge éldlllinistratir céllllCrollllélis délllS 1111 systèllle .iuridictionnel nI
1 L'illterprétatioll de l'édilïcejuridicliollllei Call1enlllllai~ dOlllle ;Iujourtilllli lieu ;\\ulle ClJlllrover~e doclrill;Jie. BOil
I\\ombre d"auteur~ Ilalioll;m" ou af'ricalli~le~ parlelll du ~v~lèllle d'unité de juridictioll laJ1(li~ qlle 1;1 thèse cOlllraire,
éllli~e par d"autre~, COIlCIIlI au dllali~Jlle.imidicti()llllel
l'oillt Il'e~1 cepelld;llli que~lioll cl';Hlhérer ;111\\ dile~ JloSili()ll~
pl\\i~qlle la qu;Ji; lical iOIl .<;U~llIelll iOllllée cnrre~polld i Ilcollte~lahIClIlCIl( ;III." dOllllécs réelles
2 Le M;lgistrat ail C;lI11Crollll Il'c~1 qll"1I11 prolc~~iollilei dll drnil privé. La li~le ci-;qll"l:~ des ellseigllcillellis que
reçoivellt Ic~ étudiallt~ de l'Ecole N;lliollale cl'i\\dlllilli~lralioll el de M;lgi~tralrure ([NMvl). divisiolljudici;lire, ell
est 1;] preuve:
-Pr<ll iql\\e du parquel :
-Exéculioll de~ déci~i~ion~ de .in~lice ,
-11lf'ractions:
-Déonlologie ,
-Courl pracl iee :
-Pr;]t ique jud ici;1 i re :
-Langues:
-Inf'orlllatique:
-Si Illulat ion cl" alld iellce :
-Prat iqlle cie l 'i nstmel ion.
-Prelilllinary invesligati(Jn~ :
-Conf'érencc~ ou thèllle~ prorc~sinnneis.
Dllrant le~ cieux années de f'orm;llion ;\\ ITNi\\M, la première esi cons;lcrée ;i ces cOllrs lhéoriqlles. ()e~
s\\;]ges praliqlle~ ail ~cin cle~ lrihlln;lIlx 011 coms de droil COlllllIllll. cl 11011 c(;lI1.<; le~ jmidictioll~ ;l<hllinislr;llive~. so1l1
suivis pelld;lnl la ~eeoncle, el préci~éllleili cie nli-~eplelll!lre ;\\lin tëvrier Le~ exalllens tellll;lIallx illlcrvell;11I1 clès le
Illois de Mar~.
Déj;\\ I"éluclianl pos(lIlanl ;'1 1;1 M;lgi~lralllre doil. clllr;lI1t ~on e"cle IIni\\'er~il;lire. ohtellir Illle licellce de tiroil
privé qui nïlllpo~e que qllelqlles Illois cie cOllr~ cie droil acllllillj~lralif'gc;néral Cil clemièllle allnée cie droil. l'al'
conséqucnl. la disproporl;oll qll'il \\' a enlre ~es eonll;lis~;lnee~ ell Illalière de droit pllhlic el les eXlgellces cI'lIl1e
applicalioll prof'essiollllelle cles 1I01l1le~ dll cOlllclltiellX ;ldnlinislr;Ifif' e~t 1lI;1l1ilcsle.
J Le prof'essclIr El 1POl IN-WOUM cxpl iqllc celle P()I~'\\';llellcc cles 11I;lgisl rais p;lr « ries rl/isol/s ri 'orrlr" 1('t'llIIil/II" (III
circonslollciel,
1<'/11//11 /)(11" <'X<'I11/,/" ri / 'i/lslI(!isllI/{:(' relolil'I' rllI /'('rSolllle! jllrlil;ioire 1'1 Il /'ill<'xisll"lIr:l" rf'llI/(,
instiflltio/l rf{:/iml/()fioll ries /IIo,\\!.Islrofs orl/llillisfrofi/" I/e !III/If lIil'l'ol/ ». in Rccllerchcs ~les ;1~J1_ecIS ;1c1l1cl.<; cie (;!

x
dualiste, ni llloniste, qui Ic rCllllrélit plut(lt liclir, puisquc céHélctérisé !Jéll' 1'c11~lcclllcnt
d'un ordre juridictionnel éldlllinistratif élU pro/it d'ull orclrc .iudiciélirc rcnforcé ou
consolidé.
Loin de la pure flclioll juridiquc, cct intérêt peut consistcr Cil ce quc le lion
moins extraordinaire schéma C<lIneroullais se situe dans ce qu'il convient d'élppeler
2
la trél(.iition juridiquc Alr'iC<IÎnc dcs Cuurs Suprêlllcs 1 qui ;1 vu le juur <1U Mélr<lC
pour ensuite aboutir ~ une cxpansion extrélterr;loriélle délllS plusicurs I)(IYS cI'All-iquc
fi-ancophone que sonl le Niger, /<1 C(lte-d'Ivuire, le Gabon, le Togo, 1<1 République
Centrafl'icaine, le Sénégal, l'Ile Méllgélche, le 13éllin, le MéJ1i, le Burkillél-Fasu elc ... ,
mais avec quelques pél1ticularités plus ou moins c1étenninéllltcs. SélllS qu'il suit
besoin d'épuiscr le tour clc lé1 question, l'évocéltion cie l'orgéllliséltion sénégalaise,
gabonaise et ccntrafr';célÎne du contentieux administratif surr~t ;l étayer j'illtérêt que
présellte 1<1 justice éH.lmiuistréltive C<1111emUllélise sous l'angle de S;1 cunceptiull.
Lél Constitution séllégéllaise du 7 Illms 1l)(>l, traitél/1t «du IJouvo,r/71diôairc »
dans son titre Vff, disposc, aux termes de l'élrticle RO, péll'élgrélpllC Icr, qu'(( il est
exercé pOl' la ('our Suprêl!7e ». Son challlp de compétence est étellc1l1 dans lél
mesure où elle «con/wÎt rie la cOl7sti/lltioI1J1OIi/(; des lois el ries ('n.l.!,ogel!7e/1ts
internationaux ainsi (/ue des con/lils de COl!7j7l..;lence enlre l 'exù'ulifel le Ic;gislatij.
Elle esl aussi juge de l'excc':s de I)ouvoir des autorilés exc;culivcs» CUlllllle Ic
dispose l'article 28 du texte constitutionnel. Sur les Illultiples détails inhérents él
cette Cour Suprêllle, il convient de se rélërer é1 une loi orgélllique Célr l'élrticle R4 cie
la Constitution fixe qu'« une loi orgcl/1ù/ue déterl!7ine les aulres compélenc:es de lu
Cour Suprême,
son orgonisatio/1 el la procédure suivie devant elle ». En
- - - ._._---_._---~----------------------
réception cln clroil aclnlÏnistralif clans les Etals d'Afrique_!!Qit:c:..d'e.\\QJ:.ession rrançaise: le cas dll Call1erOIlIl.
R.1.P.I.C. 1972. nOl, Juillel - seplClllbre. p. l(lX.
1 Gérilrcl CONAC et Jean cllI ROIS cie GAUDUSSON (SOIIS 1;1 direclion cie) . les ('oms Suprêllles cn Arrique ..\\
vo/illlles. ECONOM ICA, P;lris. l 'JXX
2 Olivier RENARD PA YEN. l'expéricllce M;lroca;ne cI'ullilé cie jmicliclioll el dc séparation cles conlcnlieux.
L.G.D.J .. Paris. 1%4

')
!'occurreIICC, il s'élgit de /'()rdOlllléIlICC N" ()()-17 du 3 scptclllbrc 1()()() pmlélllt loi
orgélllique sur 1" Cour Suprêllle ' qui prescrit truis sectiolls cOlltellticuses Cil SOli
sein: 1;1 sectioll judiciaire qui C(J1111élÎt des pOllrvois Cil CélSSéltiOll des éJllilires civiles,
péllélles et commerciélles; ];1 sectioll du cOlltelltieux éHlmillislréltif' COlllpétellte Cil
matière de recours pour excès de pouvoir, de pourvois Cil CélSSélliOll délllS les élfl'c1ircs
non pénéllcs 011 une personne III000élie de druil public est !Jélrtie, dc cOlllelltieux lisCéd
et électorril et de pourvois Cil CélSséllion des 1II,ltièrcs SOCiéllcs, « ces rlcl'llh~l'cs
représentant en pratique S()% des a/lf,ires S()IJIJ/lses» él
lé\\(Jite
sec! ion
du
cOlltentieux élChllillistréllif 2
A
que/ques pélrticulélrités près,
lél strllctur;ltioil du
cOlltentieux
él(lllIinistréltir sénégéllélis
présente
des
similitudes
p;lr
rélppmt
;Hl
contentieux céllllerollll<lÎs. Cel élénlcnt d'identité n'est PélS non plus ,lbsenl d,ms le
système juridictiollnel de lél cClltrélrriqlle lilllitruplJe.
C'est ell elTet 1,1 COllstitution dc lé! République ccntréd'ricélinc du 2X Ilovclllhre
198ô qui crée ulle Cour Suprêmc dOllt l' orgélllisélt i<J11 et le !()Ilct ionnemcllt SOllt
renvoyés ,1 une loi org'lIliquc. L'Onlollllélllce Il'' ~n -os 1 du 2X novelllbre 19X7 viellt
ainsi combler celte élllente. Aux termes de son arlicle l, léldite Cour Suprême
comprend qUéltre chéllllbres : les chéllllbres cOllslihltiollllelle, .iudiciaire. fillélllcière et
administrative. Cette intégratioll de lél juridiction m!Jllinistréltive élll sein de lél héllite
juridiction .iudiciélire
(l'unique
corps
de
1<1
Illélgistrélture
celltTélll'icélille
étélllt
constituée pélr les mélgistrélls cie l'ordre jllc!iciélire) relève d'clilleurs d'lIne trélditioll
juridictionnelle nationale qui COlls,lcrélit élllpél ra Vél lit une Cour Suprême connélissélllt
1 Milintcs rois modifiéc. p;)r rOrdOnll:IIICC Il'' (d·07 dll 2(, .Il1ill 1%1. p;)r les lois org:llliq11l;s d11 Il jlJillel 1')(,2. dll
5 Juin 11)(,4. du Il) févricr II)(,(). dlJ 21 scptcmbre 1')70. dll 12 m;lrs 1')71. dll 1) SCplCllillic 1')71 cl dn 24 révrici
1972.
2 JcHn C1audc GAUTRON - Miche ROIJCiEVIN BA VILLE. Drnil jlnhlic dll Séllégal. 2" L;ditioll. coll <In ('CIIIIC de
rcchcrchcs. d 'éludcs ct clc doculuclI1;1I iOIl sllr les iIls! itlll iOlls cl les législal ions A rric:li Iles. Edi 1iOlls A l'FI)()N.
Pmis. 1l)77. p..Il').
Poilr d'aulrcs élémcnls bibliographiqlles sur cc pays. voir
-Michel AURILLAC. La Cour Suprênlc dll sénég;lI. COllscil crEI:ll - Eludcs cl Documcllts. 1')(,1. Il 207.
-Alilin BOeKEL. Slll la difficilc gcstation cI'nll c1roil administralir Sénég;II:1is. Allnalcs Aflicaille,s clc 1;1 Facllllé dc
Droil cie DAKAR. 1')7.\\. p, 7 els,

III
en appel, ;IIIX terllles de 1;1 loi Il'' (,1-2 LI9 du 1.') lIove/libre 1()h l, des décisiolls
rene/ues ell pre/Ilier ressorl l-ei(ltiveillellt ;lUX liliges adillillistr;lli(s. La Cour élcluellc,
statuant au cOlltelllieux ;ldillillislréllil", cs! cOlllpélellte ell ce qui cOllcerne tOllt recours
ell allllul;ltion pour excès de pouvoir de l';lcfe ;ldJllillistJ,ltil' et IlIêllle le cOlltelllieux
de la respollsélbilité adlllillisll,llive 1. Ce problèllle celltTélf'·icélill des llHX!;llilés de
répartit;oll dcs C0111pétcnces cOlltenlieuses elllre ccs .iuric1icliolls éldillillisll,ltive el
judiciairc, qui s'illlbriqueill dans plusieurs p!lélses de leur slnrctur,ltiolL se 11I,1llifcste
également d<lns le contentieux C;:II11eroullais tel qu'on l'all,llyser;1 plus luill Cil détail.
Le système juridictiollllei gabulwis, qui Înst<lIlre ég;:i1clllcnt une Il;lIltC juridiction,
Il'échappe PélS nOIl plus ;1 ces règles pélrticulières d';:lgcllcelllcnt du cOlllcntieux
éle/minist ml if.
Une loi g;lbomlisc du 20 Ilovell1lne 1()()2 cOlls,lcrait dé.iù ulle Cour Suprême
au sein de 1<lquellc ét,licllt illlégrécs les c!l,lllIbres cOllsl itul iOllllelle, .iudici;lire,
administr,ltive et des cOlllptes. Le propre dcs réfillllles n'ét,llit pas Ilécess<lireilleill
. de fairc table ré.1SC dll p,lssé, le systèllle juric!icliollllci 1I0UVC,1I1 dég,lgé p,lr 1,1 loi lin ()
du 1cr .Juin 19.78 s,llIveg,lrdc lél sitUéltioll <lcquisc alltérieurement Cil réinstitu,lIIt ulle
Cour Suprême lIaliolléllc c1J,lrgéc, clllre éllllrcs, du COlllclllieux éldlllillistréllif élll
travers d'une cl1,lI11bre adlllinistr,ltive, juge Cil ,Ippcl des décisiolls relldues pélr les
sections élClminislTatives cles TribulI,lllX de prelllière inst,lIlce 2 .
Cet élperçu historiquc du Droit illlposc le const,l! de 1;1 IllllltÎfillICI;Ollllér/ité dcs
Cours Suprêllles en AtJ-iquc. L'idée est d',lIll,lIIt plus inléress;lIIte ,) élpprofillidir
qu'elle l<lisse ,1ppélr~Ître, cn filigr;lnc, lille technique singulière ou peu ordill,lire
d'orgallis~tion du cOlltentieux ,l(!Jllinistr,lliC ell dépit de l'élppé/rcllce ollllliprésellte
1 MANDA BA - BOR NOl J Fidèle. Le conlellt iell.\\ atlllli lliSI r:1I ir Cil ('cili rarriqlle ;lprès )a ré/llllllC jlltlici:li rc dll lX
Ilovembre l'JX7. 1ère partie. rec\\lcill'ENANT N° XIO. p..12(•. llèllle partic. I{cc\\lcill'ENANT N" XII. P ').1
2 MAX REMONDO. le Droil Adlllinistr:ltir Gaboll;lis. bibliothèqllc Arricaillc cl M;J1gaclJc. TOIIiC XLI V. LGJU.
P<lris. IlJR7. p. Il) 1 cts.

Il
clu p;lréllllètre ,iudici;lire, c'est-é]-dire des COllrs Sllprèllles cOllsidérées tclle tille
voûte exclusive d'ull édifice ,illridictiollllcl Olr le seul ,iuge exist;l"l est cclui
.iuclieiclire ; ce qui plclce corréléltivelllent les fOrllléltiolls cOlltentieuses éldlllillistréltives
dans une SitU;ltioll de dépelH.!;lnce org;l/lique, I,e Illodèle c;llllenlllll;lis, qui esl loill
d'écllélpper ;] celle c;lr;lc!éristique COlllllnlne ;J1L'H.li1es cours, peul dès lors servir de
base é] 1,1 réflexion élfin dc délllolltrer que 1cl ,justice ,ldlllinistr;l1ive p,lrviellt jout dc
même <1 se dél;lclJer par r,lpport ;1 celle ,iudieiélire, cl se f1',lyer un eheillill pllls ou
mOllls autonollle. Le choix Il' es! Ilullelllellt gr,l!uit pour 1;1 sirllple r;lisoll que 1;1
juridiction (lc!tllinisIT<l1ive e;llllenHllléllse n'existe pas qu';î 1rélvers les textes COllllIJe
certains pourraient le penser éventuellelllent ou COlllllle c'est réellenlellt le C<lS d,ms
des pays voisins '. SOli rélllaclJelllent orgélllique él UI1 ordre judiciélire Iléltioll;ll
consolidé Ile semble guère ;llfecter, clc IiH;on outr;lIlcière, son dévcloppclllcnl. Sélisic
à ]'oecélsioll d'tille C]Uéllltité 110n négligeélble dc litiges ;lc!lllinÎstr;ltifs, la .illridictioll
spécialisée ;1
tOllt Ilaturellenlellt
répliqué
p;lr une production jurispruden1iclle
6rrandissélllte 2, Illais CIICorC inféricure, qU;lIltit;lIivelllcllt, ;] cclle dcs juridictiolls
1 Cf. Palouki MASSINA, pl;lido~'er pour le IOllcliollllclllel11 de la jl1ridiclioll adlllil1iSlr:l1i"e :111 TOGO, Recueil
PENANT. 1l) l)(1 , pp. 4111 - 421. I.,"alllellr cOllclll1 par exelllple qll'/l iljilllf
IllIe les /")/11'011'\\ /111/>/;1'.\\ dOlll/('lIlloll1
leur ,1('11,1' OIiX difprell/.1 /exle.l re/II/ifi' il 1·orp,l1l1i.l'Il/ioll.lIlI/il'illire. oill.li {fil 'il 1'IIr/ide ,/-1 de III l'Ollol/illl/ioll dll 1)
jOl1vier /98D re/o/if il III ('0111' SIlI}/'(~I1/('.,. /1 ,1 'np,i/ .Iillll,lelllell/ de /'(~/"lndre 1/ /Ille II//en/e i/t' 1/1.1'/ it;e oi/lllinis/ro/I1,,'
qui den/l'lIrc nt:ll/e//clI/cn/ insn/isjài/t' n, p, 421
2 Elle téllloigne indllbilablelllel1l de cet allire intérêt stalistiqne qlle cOlllporte Ic thème de la c0l11pétence de 1;1
juridiction adlllillistr;llive ail Cameronll, Depllis les allllées XO, Ics slatistiques ci-après Il10ntrcnl qllC 1;1 Ch;lIl1hre
adminiSlrative de la COllr Snprême rClld 1111 110mbre croissallt de décisions et d0111 1;1 III(lH~llIle ;lIlllllellc :)\\'oisille 1;1
cenlail1e :
,Année judiciaire IlJXO - IlJX 1
Du jugement 11 0 1. Collectivilé AT ANCiA NA Mal hiell c!Elal dll C;lIl1erOIIlI aujllgelllent Il'' ,~7. ADOMO Mari i n el
autres c/Etat dll Call1erolln. Cc qlli I:lil 1111 lotal de 57 jllgelllenis parmi Iesqllels 7 lilrenl l'r;lppés cl';lppcl dev;1I1t
l'Assemblée Pléllière de la COIII' SlIprêlllc. 1<; ordonn;lIlces de slll'sis ;1 exéclltioll so1l1 ég;lIemcnl ;1 joi IId re ;1 1';lcl ir
de ln proclUCI jon jurisprllllcni ici le .
.Année judiciaire IlJX 1 - IlJX2
De ('ordonnance na I/OSE/PCA, MI3IALEU .Ic:IIl-1.ollis c/EI:11 dll C:lll1erOI1I1 ;111 jllgelllelli n" 7--1. MATC'IIArvl
Albert cl Elal du Ca Illeron n, <; 7 jngclllelll relldll,<';, 20 dl;cisiol1s rr:IPlll;eS d'Appel l'I 1,'1 ordollll:llICl'S di\\l'rscs prises
.Année jlldiciaire l ')X2 - l ')X.1
Du jugemel11 11°1. NJAPOUM née NC;ASSAM .Ic:1I111e clEI;I! dll ClIl1erOlln ail jllgcll1elll lin 1()(,. l'v1AlVlnlNCiO
DJOMBI Martin cf ;lIIlres c/Elat dll Cameroull (MINUH). UII 101;11 de 10(, .ÎlIgelllellls c1ollt' frappés d'appel cl IIl1l'
seule ordonllallce de référé,
,Anllée jlldieiaire l ')X.1 - IlJX:.I
Du jugemellt 11 0 1. ELOK AN EBONGUE Hllberl l'lM 1NUI·I ;111 jugemelll Il'' XX, NCII JI MKENCi '/e;1I1 c/IV' FJ'
soienl xx décisions. 1(, l'rappées [j'appel
.Année judiciaire 1()X,~ - l ')X<;

12
ac!ministréllives Il'élllyéJises,exemple pris du COllseil d'Eléll 1, qUI, LllIl-il le rélppeler,
existent depuis longtemps. Celle Ilulioll dc lilige l,lisse éW dClllcuréllll présélgcr lél
principélle orientMioll que l'on SUlvrél tout
élU
IOllg cie lél présente recherche
consacrée élll sujet de lél COlllpétellcc de lél jmi<.!iction éldlllin;str;ltivc CéJllICmlllléùsC.
011 jugelllellt 11° l, OTELE BI Y 1D 1 Dieudollllé clMI NFI au jllgellleili 11 0 1l 'J. FOD 1C clrvll Nr:f Cc qlli correspolld
<1 UIIlotal cie Il'J jugellleilts parflli Iesqllels .1(, rmellt rr;lppés d':lppel
.Année judiciaire 1')1-;5 - Il)X{j
Olljugellleni 11 0 l, ;\\BESSOLO Rodolphe c/MI NF! ;Ill,illgelllellt Il'' 157. S;\\IvlEIJ.lEI J ./c;IIl-.i:lcqlles e/FFNHA< ';\\Ivl
- MINAT 157 jllgelllellis relldus. 7X d'ellire ell,\\ serollt délërés :UI degré supériellr de ,imidielioll 7onlollll;lllees
rurent égalemellt relldues,
.Allnée jlldiciaire l ')X(, - l ')X7
011 jllgelllcili 11 0 1. rvlETSIE RaYlllolld c/MINDEF ;111 ,illgcluelll Il'' 12l). 1';\\(iIlE Il klll clMINI~1 Soielll 12l)
cJécisiollsjmidicliollllelles parllli lesquelles 4l) rllrcili rr:lppées d':Ippel. l 'J mdpnll:lllCCS ;', IIlelltiollller ég;t1efllellt.
.Anl1ée indiciaire !l)X7 - Il)XX
Du jngellleni 11° 1. BASSO Théodore cl alltres c/MINUH ;f11 jugelnenl 11° X,l. ESSEN(iUE Nicnl;ls clEI;lt du
CilmerOUI1. R, décisiolls au lola/ d(lIIt 2') rr;lppécs d':IppcL
.Année judiciaire l 'JXX - Il)Xl)
Oujugemenl 11° I/XX-X'J dn 27 oClobre l 'JXX ;lIl.ÎIIgeluelll Il'' 'J'I/XX-X') dll 2X seplellilJl'e l 'JX'J. 7FI JI JON(j Fr;IIH;ois,
Donc, l)4 jugelllenis (14 décisisolls Cil appcl). 'J orclollll:1I1ces Cil supplélllent,
.Année judici;lire l')X') - 1l)l)O
Oujugefllenl n° " I3ILUA Zacharie ;llIjllgelllelll Il'' ('('. BEI..lf.l1 Frall<;ois. Cc qlli correspolld :\\ (,(, jugelllCllts. lX
rurenl délërés cn ;Ippe/. (, onlonll;ulecs rendues p:lr l:ll'h;III1IJ1'e :Idillillistr:llil'c.
.Année judiciaire l ')l)O - l 'J'J 1
OU.ÎIIgcmelll na 1 Sté NGANKEU cl Cie ;111 jllgelllent nO 1.'I,I')l)-'J 1 dll 2(, seplelllbre l 'J'J l, Donc. 1,,(, jilgeilleilts
(40 rrappés d'appel) , 21 ordonnances l'ment rendlles .
.Allllée judicjill!~-l~~.LI~~~'N?
Oujugelllellt na l, ESSONU UU;\\M ;\\bel ;\\Ie:-;is clLI:l1 dll l';lnlcrollll alljllgellleilt n" (,o. lillilln des poplIl;lti(lIlS
dll Call1erClllI1 (lJPc.) clEt al dll C;lInerCllIll. Donc. (JO Décisiolls rendues (LX Cil ;Ippel J. 'J ordollllances ;'1
Ille Il tiOIl Ile !'.
.Allllée judiciaire 1l)'J2 - l')l),
Onjugelllellt 11° 1. Illlercolltielllal Bllsilless c/Elal dll (';lIlIernllll (MINS;\\NTE);1II jllgelllellt n" X.1. (il 11:1\\;\\1',,1;\\ -
MPELE Pierre clEtal dll Camerolln (MINDEr:) 'J décisions l'II l'Cil 1 rrappées d':lppel parllli les X4 rendlles Le
Présidellt de lil Ch:lmbre adlllinistralive rendit ég:llelllelli Il) ordonn;lIlces,
.Al1née jlldiciaire l'N, - 1'Jl)4
Jllsqll'all 25 j:lllvier 1')'J4, la CIWllbre adlllinisirali\\'e ;UII;I rendll Il décisisons (dll .illgenlelll Il'' l, /'Fr'IIJlZf~
Moïse clElal dll C:llllerOlln (MINUH) :lU jllgellleili Il'' Il, N(iOA EDJENCiTE Dielldollné e/l':lal dll Camerollil
(MPRA) ct illlCllne Ile l'III rrappée d'appeL 20 ordOllll:lnccs diverses rllrenl Cil ollire prises P;1I le Présidclll de la
Chillllbre AdllliniSlralive.
Source: Répertoire desjllgeillents de la Ch:lmbre ;Iciministralive cl I{egislre des ;Ippels cl oppositiolls
Ces slalisliqlles eontrediselll /;II:1leIllCIlI la thèse de M. MESCIIERI;\\KOfT qlli. il 1 a ellliroll !jllill/.e ;ms déFI.
concluait h;îlil'eilleni ;111 « t/(;c:lill de II1/iJl/('lirlll lit/III ill islrl1ll 1,,' ('rlIIIClllicllsr' (II/ ('l1l1f('rrlllll n. ill R.J.f' IC, 11° 4.
oclobrc - décembre )l)XO, pp. X25 - X40,
Il aurilil sflfel IlCII 1 élé jlldiciel!.\\ de laisser le IClIlps ;\\ la jllslicc adlllinisiralil'c C:IIllenlllll;lise Cil gesi;i:ion de
fOllctiOllller, lIécessairelllelll ail 1II00'ell de 1:1 [01111;11 ion .Illridiqlle progressive de ses aclellrs. ;Jlïll dl' rechercher si
elle'serail en régression 011 11011.
1 L'aclil'iléjllridicliollllelle esl ici très abolldanle. « I}f'(~" t/e I()()()() rC(I"r;ICS fll1r (fil ct 11111111/1 t/'lIffiwes illgc"r:s» si
l'on cn croil le Vicc-Présidenl de 1:1 hallie jmidietioll mlmillislralil'c: M;II'Ce:lIl LONG. (1 I,c ('(JlIscil t/'lé'llIl cl Irl
/imc/ioll crll/slllll1lil'(' . t/c 111 (:flllsri/ll1lirlll il III r!r;ôsioll ». R,r: D,;\\. septelllbre - oclohre l 'J'J2. P 7X7

11
Il - DELIJVIITATION DU SU.JET
L'une des élapes initiales de IOllle réllcxioll.iuridiqllc résidc d,1I1S 1,1 déllililioll
des notions cieL" du sujct. Quelles significations E1Ill-il rcspcctivclllent dOllller (llIX
conccpts de « (.'rJ/lI/)(;tcllce » ct de «jlll'idiclirJlI (/(/'lIillistl"utiFe » dont l'élSsociéltÎon
constitue 1c1 Illéll ièrc de l' élllé!lyse ')
Sur le COlicCpt de .juridiction cn généréll, lluelle qu'en soit ICI lIéltllre .illdiciélirc,
administréltive, constitutiollllcllc 011 lIIilitélÏre, il y ,1 liell clc relever qll'i1 s'agit icI
d'une lluestion .Îuridique pour 1ctqlle!le lél doctrine émet des ,lvis dillërellts. LI
controverse doctrillale nélÎt .Îllstelllent de ce que l'autorité cOlllpétellle Olllet tOl~iours
de préciser le critère retellu. Elle est encore ,11IIpli/iée ell raisoll de ici percée
soudéline de cert,lills org,lllislIles disciplillaires des ordres professiOllllels déllls le
champ .Îllridictiollllel. Biell plus, le COllseil cie Disciplinc Buc1gél,lire el COlllpt,lble
du Célllleroull, structure illlégrée d"IIS "'J(..!llIillistraljon élclive cenlrélle el cOlllposée
des
persolllleis
admillistratils,
bénélicie
curieusclllenl
de
lél
llllélliflc;llion
juridictionnelle 1 alors qlle Sél mission consiste ,1 s,1Ilcl iOllller les irrégulélrilés
cOlllmises par tout agent public ch;Jrgé du nl,lIliemcnt des limds publics ,HI llIoyen
d'une décision éH1l11inistréltive, léH/uellc pcul èlre déférée dCVéllll lél Chéllllbrc
Administrative de la Cour Suprêmc pé1r l'élgent Séll1cliol1né. Conséquemment, c'esl lél
frontière
même de
/;1
Ilot ion
d'élcte .Îuridictionncl,
opposée aux
élC!cS 110fl
juridictionnels, qui semble sourn'ir dc Ilou.
Quoi qu'il ell soil, une déflflition élélllclllaire de l'expressioll «/lIlïdictirJl1
administrative» devrait avoir pour poillt dc départ celle de cOlltelltieux éHllIlillistr;lliI'
1 Joseph
BINYOUM. Droil Adlllillistr:llir. (oms pul.\\copié. 1:lc\\lllé de droit cl des scienccs écollolllirllies de
l'université de Yaolllldé, p.
IXO.
Elltre alltre
des dévcloppemellis cOllsacrés ail Il (:(Jllln;/e ri!' /'(/('Iil'il(;
admi//islrali!'c n, 1';llllelir sOlls-litre par e.\\elllple . « I.e ('o//Irri/l' l"ri,/i(:liol/l/l'/ rI!'s/i//o//I:!'s ,mh/ill"l'S . l,l' ('o//s!'il
de tJiscipli//1'
/i//'~I!.(;loil'<'cl ('oll/llll/hI,' ». Ce cOllseil él:lIll,j1 ses .\\'ell.\\. « III/(:jllrirlidio// Slii gl'//<,ri.l' ».
LEKENE DONFACK El ielille Ch;l ries reprend Ilonr son comple IIlle telle approche. iIl « /'';//01/('<'.\\ Imhlill/Ws
Camerol1l1l/ises n, préracc de Relié CHIROUX. Coll. MOlldes Cil devellir. Berger LEVRAl JLT. série « ji-'Il'!//I.I' ,l,'
f?echerclw de /·II//i1",'rsill; ri,· J'I/OII//t/,; » Crollle V). Paris. l ')X7. P T1') els.

1·1
COnfOrlllémellt ;1I1X liglles directrices dégélgées p;lr 1;1 doctrinc
1,,1 .illridiction
administrative peut alors être elltelldue COll1l1le Uil org;lI1iS1lle tel Ic tribulI;d 011 1;1
CaUf,
compose de persu1lllels
aY;lI1t
1;1
qU;llilé
de
nl;lgistr;lt
ou
de JUge et
spécdlqllellle1lt
chargés, cOII/(lIl11élllent
;111
Ilo/mcs du
Droit
Adillinislr;ltir, dll
règlement des litiges soulevés P;lI' 1';lctivité ;H.llll;nistr;ltive Cil rClld;mt des décisions
recollvel1es cie (( / 'mllol'i/(~ de /0 choscjll,!.!,(;e ».
En revanche, la notiolJ de « COlll/)(;I('llCC » est neltement nlOlllS cOlltroversée
par-delà le car;lctère polysémique qlli est le siell, Allssi entell(l-oll p;lrler, ell droit
administratif général,
de
la
cumpétence
« ro/i017e
IClll/)oris»
d' Ilile
;lUtorilé
Cldlllinistr;ltive qui sigllifle SOli ;lptitllde jllridiqllc ;1 poser 1111 ;lcte ;l<llllinistr;ltil' dllr;lIlt
un Illoment déterminé, de 1;1 cOlllpétcnce « roliollC loci»
qlli tr';l(llIit les limites
territoriales ClallS lesqllelles s'illscrit l';lctivité de ladite <llllorité, 011, cnllll, de la
1 Le caractère jmidicliollllcl c1'1l1l nrgallislilc csl :li.Sl~IIlClll per',:ll lor.sqllc cc derllier héllélicie dlille qll;llific;l1illll
texlllelle pnwell;lIl1 de l';l\\Ilorilé COlllpélellte Il pClIt ;lIors s':lgir d'Ilile qll;llilic;ltillil illllllédi;l1e dalls le C;IS Ill1
l'orgilllisille est désigllé comme IIlle «jllrir!it:lioll i>. 011 eOlllllle ;1\\,;1111 1111 car;lclère «illrir!icli()lIlIl'! n. 011 COlllllle
étallt IIl1e « cO/Ir 011 1111 Irihl/lwl n. C'est le CIS dl' la jmidiclioll ;Idillillist raliv-e C;lIl1crollll;lisc. l'Il l'OCTIIlTCIlCC 1;\\
chillllbre admi llis1 rai ivc 011 ,. Assemblée pléllière qlli ,~Ollt des (lrJIt:l1 iOlls illtégrées ail sei Il de 1:1 ('om SlIprêlllc.
Ulle qllal if1catioll méd i;lte pelli. ;1 1ïllverse, réslllfer de cc qlle les décisiolls relldlles P;I r ledi 1 orgallisille soicilt
désigllées de «jllgelll(,lIls i>, ou COiIIlIle dotées de <<l'lIlIfnritc; de III c!lnse jllg(;e})
Ulle telle aflirlllalioll dll
cilrilctère juridictiollllei de l'orgallisllle est pérelllptoire pllisqu'elle Ile repose sur allCUIl 1'0 Ile/e Ille lit théorique (1I1
crilère explicilemelll retenu.
Cepelle/:lIl1. dans l'hypothèse oilulle qllaliflcJlion1extnclie 1:lil dél:1111. la jmisprlldencc dll Conseil d'EI:lt
Frilllçilis rait ;Jppcl ;1 deu.\\ eOllditions l1écessaires: il 1:1111 que l'orgallisme :1 qllali/icr dispose d'lIll I~..!!\\ilir:
décisiol1llel: Ile pell! par cOllséquent avoir de caractère juridicliollncl l'org;lllisllle qui Il';) qu'uil pOllvoir
d'exprimer des avis 011 rormuler des propositiolls (CE .. Il révrier 1()Xll, NAL. r{ec l' X2) Il r;lIlt ensllite qllil
s'ilgisse d'ulle ;l1lloritUQ)légia~. De 1:1ÇOIl :" Ile pas rcssllciter le s\\'slème de l'aclmillistraleur~iuge, le COllseil
d'Elill Il'admcl pas la compatibililéjuge ullique e1juridictioll (CE. 2ll Ilovelnbrc Inll. nOlJEZ ct UNEF, [{cc
p
690). si 1'011 Cil croit lïlllerprétatioll rormlllée p;lr le professeur CHAPUS :111 sujel de celte jllrisprlldellce.
L'h)lJOlhèse cllI juge exclusif esl toutci()is opérallte daus le cadre juridiqlle C;lIl1erLlIlIl:lis. cl 1I1élllC f'r;llIç:lis.
1101,11111 I1C Il 1 lorsqlle le Présidellt cil' la jmidiclioll :lcllllillistr:lti\\l' rcml dcs ordollllallccs di"crscs lclle. p;lr l'\\clllpic.
l'ordOl1nallcc de smcis;1 exéclltion d'ulle décisioll ;Idlllillisirative (Orci. N° I/USE/CS/I'CAIIY77 - InX, DJUI3ET
Mathieu efElal du Cilllleroul1). Sur l'ememble de la qucstioll. voir les repères bibliographiqlles ci-;lprès
-M. WALINE. 011 critère des actes jllridictiollllels, rUI.!'
1()". P S(,5: 1.:1 1l0tiOli dl' jmidictioll ct ~l'S
conséqllellces, R.D.P. l 'J47, p. (,X:
-R.BONNARD, La cOllccplioll Illaléricile de la fOIlCl;oll jllridicliolillelle. Mél. C';lrrl~ dl' M;t1herg. Sirey. l'in. p. '
-P.LAMPUE, La Ilotion d'aclejuridic1iollllcl. lU) l' 1')4f,. p.lX.
-J.CHEVALLlER, FOIlClioll cOlllellliellsc ct FOllctiolljllridictiollllellc, Mél. S\\;lssiIlOpOlilos. LGIU 1')74. p. 275.
-R. 'CHAPUS, Qu 'esl-cc qll 'une juridici iOIl '1 La répollsc de la jmisprudellce ;ld mi Ilist r;lt ive. Mél. El SEN MANN.
Editiolls Cujas, 1(JX5, p. 2fL~ : Droil du COlllelltieu.\\ ac!ll1illistratiL 2'''''" édi1ioll. DOIllat Droit pllblic, MOlllchrestiell.
Pmi s, l'J'JO, p. 7ll ct s

1':;
compétence « 1'01iO/]C I1lOlCl'ioc » qui est synonYllle des lIlatières élclJllillistréllives se
rapporl<1I11 cl Sél sphèrc d'in(crvclllioll. ()lIcl élSpccI dc Iél COlllpélcllCC <1evréH-oll
évoquer, s'agissallt de Icl.imidiction élc!lllinistralive 'J
La dimellsion IIlé1térieile de lé! cOlllpélellce Sl~lllhle être une oplj(1I1 heélllcollP
pl liS judicieuse puisqu'elle revêlun CélrélCtère illlporlélllt pén r<Jpport éHIX précédentes.
C'est Cil
enet
1é1 connélissélllce
précise,
et
nOll
é1pproxirlléllive,
des titres de
compétence d'une juridiction qui perlllet éHl juslicié1ble d'inlroduire Vé11élblelllent un
recours contenlieux f~lvorisé1l11 élÎnsi l' eXéllllell élU fOllll du 1it ige pén le juge qui pOlllTél
enfin imprimer une posit ion jurisprudentielle éHl problèllle de Droit posé. PéJr
conséquenl, lorsqu'on sc propose d'éllléllyser la compétence de la juridiction
administrative élU cameroull, il est principéllcmcnl questioll de l'enselllhic des
matières cOlltelltieuses
ou
litiges éldrllinislratiL"
dévolus
élU juge élc!lllillistralil'
national. JI est très rélre de rencontrer pmeille dé/lnitioll délllS Ics t::crils d';lIllclIrs
traitclllt du droit du contentieux adillillistr'éllil'. Ces demiers se hmnélnt é) fIxer le
lecteur sur le colltellu de lél nl;llière ()lI sur les « lerl'oills il 'U!)!)!i('(11101l » 1 tle Llditc
compétence juridictionnelle. Néanmoins, on s'en tiendrél cl Iél déflnitioll élbstr;;ile et
générale suggéréc, bquelle sc voudrélit cOlllplémentélirc de celle lcmbnce dOlllirlélnte
à l' énumérat ion.
A cc dernier propos, il f;Hlt dire que le droit c;lI11eroullélis de la compétence du
juge administralif est essenlielleillent d'origine textuelle, contrairement ;lU carm.;\\ère
«principalcmenl jurisprudcnliel » de son équivéllent français 2 C'esl en effet des
-o. GOHN. La cOlllradiclioll dalls la procédllre adlllillistr:lli"e cOlllellliellse. bibliolhèqlle de l)roit l'Ilhlie. TOII,e
CU, L.G.O.J.. Paris, l 'JXR, pp. 1.1. 2l el s.n, XI,
, Jacques MOREAU. compékllce administrative. op. cil.. Trailalll de la wlllpélence dll jllge adlllinislra!ir
Français, l'anlellr énllmères ses « 11'1'1'11;11,1' d 'rlIJIII;CIII;OIl JI qlle S01l1 les COli1e1l1 ienx liés ail « I)(,I'.\\(IIIIII'! Ji de la
fonction pnblique, :IUX « dOll/o;lIl's... 1"';\\.'1; (et) l'I/hI;r' >J. :1 l' «(/(./1' rld,I/jll;.\\/I'III;j'I/I/;lrt(,;I'ol JJ. :111.\\ '( ('01/11'01,1' >J cil'..
2 René CHAPUS, L'adlllinistratioll cl son juge. Cc qui challge
Eilldes el r)oclIllleuls dl! COllscil d'Etai nn 4'1.
Rapport public l 'J'J 1. La docllmellt:llioll Frallçaise. pp. 2:'i() - 271•. 1..':lIIlelll' précise que « la 11I/lllIlrtliol/ des lexll's
(en 101ll01;(>l'c) 1/'0 dl' IIOl'/c;c 1/1/1' 1/111II/1;11I1;,"e JJ

1(,
textes juridiques de Il,lture législ;ltive ou réglemenl;lire qui ont, en principe, toujours
défini le e;lclre contenlieux d;ms lequel se dev;lit d'intervenir le .iuge en C;IS de
saisine. Et pour rendre exhauslivemcnt compte du sujet, Uil ,lperçu des structures
ayant été successive/lient ch,ngécs de rendre I;ljustice ,ltltninistlëltive s'impose.
III
EVOLUTION
HISTORIQUE
DE
LA
,JURIDICTION
ADMINISTRATIVIL
L'histoire cie 1,1 juridiction ;lt!Jllinistr;ltive c,llneroun<lise est tribut,Jire de 1,1
double évolution politique et institutionnelle (jll';l connue le P;lYS. Aussi ,lc!Jllet-oll
élisélllent que les étapes natiollales de « /0 (Ù;ecllc!ollcc eo/ilirf/Ie, ... / 'mJlollol/lie
inlerne,
...
/ 'inc!(;j7cl1dollce
cl /0 (ùlér(lliol1,..
(el)
/0 1I10rehe l'ers / 'ul7Il(;
insli17.lliotll7el!e» 1 correspondent, respectivement, <1 1,1 création des Conseil clu
Contentieux 'H.llllinistlcllif, Tribun,ll d'Et,lt, Cour Fédér;'de de Justice ;IÎnsi que de
l'actuelle Cour Suprê/lle.
- Le Conseil du Conlcntieux Administr;llil'
L'esquisse d'une instance contentieuse, chargée de st,lhler il propos de litige,,>
conCertlllnt
]'administlëllion, est
COlls;lcrée ;lvec
le
Conseil
du
Contentieux
administJëltif dalls UII contexte singulier de colonis'ltion. C'est en end Illl décret
français clu 14 ;lVrii 1920 qui le crée ,lU même titre qu'un Conseil d'administration
clu territoire canleroumlÎs. Un ,lITêté du 1(l décembre 1921 vient p;lr<lchever son
processus de structlllëltion Cil t,mt qu'il fixe les règles procédulëlles dev;mt ledit
Conseil du contentieux. Toutes ccs opér,lt;ollS /Iortllatrices Ile tlëH.luis;lÎcnt qu'un
souci cie l'autorité colo/li;lle : procéder, dans l'ensemble des esp,lces géogr;lp1Jiques
conqllis 011 acquis, cl l'instauréltion cie conseils du contentieux ,ldministlëltif conlllle
ce fut prélllllbleillent le cas d;ms les territoires d'Outre-Mer de Nouvelle Calédonie,
1
P.F.
GONIDEC
cl
J.M
BRETON.
La
RéplIbliqllc
Ullic
dll
Call1Cnlllll.
ElIcyclopédic
Poli!iqllc
cl
COllstilllliollllCllc. séric I\\friqllc. 1.1.1\\.1'.. Ediliolls Bcrgcr - LCIî';II111. 2';"'0 Et! RcfondllC. P;lris. 1')7(,. pp 22-12.

17
de PolYllésie Frélllçaise, de Wétllis - cI-I:llttlllél, cie ... '. Si les detl.\\: COllseils élillSi
créés étélicllt séparés sur le plélll fÙllcliollllel, Cil l'occllrrcllcc l'éHlrllillistréltif el le
contelltiellX, il Y régnait néélllllloills IIlle dépCIIllélllCC organique. Aussi pouV,lÎt-OIl se
permetlre d'élllégller qu'ulle lcllc conslrllctioll inslitlltiollnclle prêtélil le Ilélllc él lél
critique, él sélvoir qlle l'éldrninistTéltion élctive, se COnf(lndanl avec la .i"ridicti(ln
admillislréltive, jOllait imllléllHluélblelllcll1 le r<îlc dc jllge et pélrtie él "()ccclsioll dc
procès aciministTéltifs. Un décret du 1:1 élvril 1()27, modifIé pélr 1111 éllitre Cil dale du :1
novembre 1928, viellt récl111éllélger la strllclure orgé1l1ique dll COllseil clu cOlltelltiellx
admillistratif ell prévoyant que le COlllll1issélÎre cie la République ou SOIl délégué
occupera désormais les fOllctions de Présidellt. Ce demier sera Cil outre assisté d 'UIl
Admillistrateur en chef des Colollies, de préférence licellcié en droit, du Chef des
Travaux publics élÎnsi que de deux nlélgistrats. Nonobstant cette velléité réf(mlliste,
« le
('onseil
du
("o///en/ieu.l;
ot!minis/roll!
(t!emcuroil)
/ l'IIJl1 / 0 ire
cie
l 'adminis/l'o/iol1 »2.
« l'au/o//omie re/o/ive du ('rJ/lseil du (,'on/en/ieux cle/minis/ra/ij'»' sera
franchie ci travers le Décret IlU 52-815 du 8 juillet 1952 pOrlél1lt modification du
décret du IJ avril 1927 réorgé1l1iséllll le Conseil d'éldmillistratioll et le C!lllseil du
Contentieux élcl1ninistTatifdans le (erritoire du C,lI11Cnlllll sous Ill,1I1d;lt f1',lI\\ÇélÎS d Les
dispositiolls de ]'article ]] (Ilouveau) ell SOllt révélatrices:
-a)
« !Jans le
territoire
du
Cameroull. .. ,
le
Conseil
du
Con/en/ieux
adminis/ra/il'es/ COIJl/)()S(: de :
1 Michel TAurIGNON. Conseil dll Conlenliell\\ acllllinis/ratir. Encyclopéclie DI\\LLOl. Conll;nfiell:\\. acllninislr:l\\if.
Tome l.
S'agissant cI'un reg:ml spéciriClue :ll'I\\frique Pr;lIlcopilone. voir
-François LUCHAIRE. « /'('.1' ('ollsei!s r/II cOlllcllliellX (lr/lllillislmli(». rUY.OM .. l '))(). p. 70) . Droi! d'Oulre-
Mer et cie la CoopéraI ion, Tilémis. r Ur.. Il){,() :
-Pierre LI\\MPUE. Lajllslicc ac!nlinislralive dalls les Elals d'I\\friqlle Francopholle. rUY.Ie.. 1%5. p. IX.
2 Jean-Clallde KI\\MDEM. COlllcllliell:\\ admillislra/iL co ms polycopié. Tome 1.. F:lcllllé de Droil cl des Sciences
EconomiClues de l'Université cie Yaoundé. anuéc universil:lire l ')X.~ - l ')X(,. (J. 20
J Ibid.
~ cfj.o. de la République Française dll 12 jui Ilel 1'))2. p. 702X

IX
« {In mogislrol dll sIege 01 Il 101'1l'nonl Il /0 ('ou l' d'Afi/le! de VA () ( IN/) /~',
Présidenl :
« j Jeux {Idminislroleur,\\' el/ ('he/ou odmillislroleurs de /0 /,'rCIIlce (Julre-A1er,
licenciés en droil, UJIIJ/JIOIII d/x Ollll(;e,\\' 11<' s('l'\\'iee,\\' e/kcl il\\·.
« j,es .Iimelions de ('ollJlllissuire du (;ollvernellJel/l fJn':s le ('ol/sei/ sonl
Preném! r;mg déms l'ordre cie Il jJn;sidclll, ('ol/sei//er,\\' (el) ('olllll1issoire du
Gouvernemenl », ces membres de juridictioll sont, d'après le même clécret Ilommés
pOlir ulle durée de deux élllS, rcnouvel<lble, péU éllTêté clu l-!élll!-CommissélÎrc, Par dclél
l'absence de consécratioll, par les dispositiolls suslllentiollllées, d'ulle véritable
SéPéll<ltion orgélllique entre lél juridietionjll(liciélÎre, l'administl<ltion ct le Conseil du
Contentieux m\\ministrc-ltif', l'enchevêtremellt cles compétences respectives de ceux-ci
était cepelldant soigneusel1lent écarté, Sur les é]ttributiollS du COI]seil clu COlltentieux
adlllinistréltil~ Il'Y Iiguré]ient PélS le contentieux des services publics de lé]
R&épublique FI<lnvélise ou tout recours pour excès de pouvoir qui étélit directclllent
porté devélllt la lJélllte juridiction éldillinistréltive Illétropolitnille, le Conseil d'Etélt en
l'occurrence l ,
En revélllche, le Conseil du contentieux été]it compétent en nléltière cie
contentieux des services locéltlx : contelltiellx cie Iél répression des contrélVentiolls cie
1 C.E. 12juillel 1956, Sieurs l'vl'PI\\YE, NGOM cl MOUMIE, Rer P TH: Recneil PENANT, N° (,44, Novelllbre
1956, p. TI4. Eu l'espèce. le Conseil d'Elat avait décl:1 ré 1ï ncompétence du Consei 1 dn Conlent iell" adllli nisl r:1t if
pour connaître d'lIlie requête Cil anillilalion dll déercl dll 1:1 juillet 1'.155 porlanl dissnlnliol; de l'L1.P.C Cette règle
de la compétence e"lclisive du Conseil d'Elal en la Illalière s':lppliqlle ail" juridiclions adminislratives des pays
Africains SOIIS cJomination Française, :1 l'exemple dll Conseil dll conlenliell" adlllinislr:ltif r'vla/gache
CE. 2 1Il:li
195R. Sienr FAHRJ. Recllcil PENI\\NT. 1(J,'N P 27
« ('ollsid(;l'mll (I" '(//(CIIII(' disl'0silioll I(;gislolil'(' Il '0 dOIlIl(" ('01111'("/('11('(' 1111 ( 'olls('il dll l 'OIl(('lIli('1I1' IIdll/lIIlSIl'llli/d('
!v!adago,\\'(:ol' 110111' cOlllloÎll'e des cOllr:lllsiollS dll ,,,'jelll' 1,>/1/1\\1 lelldmll ri l'Ollllllloliml 1)(1111' exn~," de 1101(l'oil' de
l'au/ol'iso/ioll (/(:cortfr;e 011 Sie/ll' nlil'!'!I,\\' INlr l'odlllillislrllll'IIr-lIll/in: de 'j'O/II/IIO/'il'e.
dmls l'('xerl'ir:e t/e scs
pOUlioirs de l'0lice, d 'jllsloller 11111' s/rllioll d(' \\'ellie d 'It vdro(',(lr/J lires l'II /Jortltll'(' rie 1" I.'"ie l'"/Jlilf"c. Il'11'. 1'01'
suite, le reIJII(;rolll esljimrl(; il t/cIIIII//(lel' l 'mllll/I"liOIl de 1'0/.,.,;1 SIISI'i,,'(; t/II ('onseil t/II cOlllclllieux "t/mill/sll'oli!'('11
fOl?f IJII 'il 0 SIOIII(' slIr lesdiles I:OIII:IIISioIlS cl Ifl(l' n:lll's-ci t/oivenl ,;II'e rcjr:l(;l'S (.'0111111"
Ilorlh:s d(,\\.'IIIII 11111'
juridiction illCOlllllélcllle 110111' en COlllloÎI/'(: Il.
Ali SurplllS, la connaissance en appel. par Icdil Conseil d'Et:l!. des décisions v:l!:llllclllenl rendnes deV:1II1 les
Conseils du contenliellx adminislratif, lradllit la sllprélll:ltie de la jllridiclioll Frallç:lise Sllr ces derlliers.

l')
vOllïe
cOlltelltieux électm,d 2, c(Jlltelllieux du st,ltUt des rOllctiollll,lires loc<l\\J.\\:,
cOlltelltieux
des
dOllllll,lges
de
Il,IV,IIIX
pllhlics,
cOlllclllicux
dOlll<llliéll,
ctc".
L'évolutioll de 1<1 sitmltioll politique du CéllllerOUII élll,lit engelldrer lé! cré,ltioll du
Tribllll,lI d'Et,11 sur les celldres du COllscil du cOlltclltieux ,J(llllillistr;llif'
- Le TribulI," d'Et;ll
Cette juridiction esi Cil d'ld creee é) la f;lVellr du nouve,lll stéltut politique du
Cameroull qui, progressivelllent el sCrrelllellt, ;lccède ;1 ulle autollomie illterne,
laquelle sera pélJ(lChevée pélr 1<1 proclél1lléltioll de l'llIdépelld,lIlce N<1tÎ01lélle le ICI
janvier
1960 .\\ Le décret Il'' 59-X~ du 4 JUill 1959 trélduit celle évolutioll
institutiollllelle en donnél1lt n,liss,lIIce ;) '.111 Tnblllléd d'Et;lt souver,lÎn 'l, préservé de
toute emprise en tant que ce dernier Ile cOllnaÎt plus en appel des c1écisiolls relldlles
par 1<1 juridiction Ilatioll<lle, c01ltr;lirelllcllt ,1 celle pr,ltiqlle ell viglleur Ù l'époque du
Conseil du contentiellx adllli1listl'éltif' Le cllélngeillent ,111lorcé est pélr élillellrs visible
d(Jlls les (Jctes juridictiollnels qui C<J11S,lerellt désormais l'cxpressioll «Etéll du
Cameroull» pour sig1lifïer l'illlplic,ltioll de l';\\dlllillistr,ltioll ;\\lI cOlltelltieux, ,d(ll's
que celle d'« Adminislrotion du territoire» dispal'<lît Cil Illêllle telllps que l'ex-
1 (( 7'n's (;Iolft' Il 1'('IJoqlte (IIIICC) Il;'tS de
ISO lilig('s}) si 1'011 en croit Ivl. Joseph DlNYOlHvl. ill Conleiltiell\\
admillistratif. cOllrs polycopié de li'lIl" ;l1l1lée de licence, FaCilité de Droil cl des Sciences Economiqlles de
l'Universilé de YAOUNDE. allllée IIniversit:lÎre l')') 1-1 ')'J2. p, (',
0
2 Arrêt 11
1151C.CA, du (, aoi]t 1')52, [lM NYOIlE clAbbé M[I'oNE'
« ('o/1sirlérolll qlle le ,\\'/ellr li,11 NrOI!I:' Nllhell, cOlldirlol ri l ','I,\\',\\'CIlIh!I;e lerriloriole rlOII,\\ 10 n;gio/1 rie III .\\'ollogo
IV/orililllc, a qlloli/[; pOlir sc IJolllvoir dellolllle (:ollseil rllI ('olliell/iellx ell IIlte rI'ohlellir l'IIIlIlIIlolioll ries (;Ier:lioll,\\'
dalls cellc rél;ioll » :
-Arrêlnol21/C.C.A, dll l') septellline 1')52. UELL cl U[JWY [YIDI clSOl'l'O l'I{ISO ['alll ,
-Arrêl
W
24X/C.CA
du
21
m:lÎ
, ')54,
GIRARD c/GUY AIW.
SOPPO l'I{IS(}
Alldré-I'vLirie /'vlBIDA.
KEMADJOU cl AHMADOU AHIDJO :
-Arrêt N° 254/C.C.A, du 10 déccmbre IlJ54, MA YIMATIP Théodore c/Adlllinislration du Terriloire,
J -Décrel N° 57-501 dll 1(, avril 1')57 portaul slatlll dll Call1erolln, .Iolllï1:l1 Orriciel de 1;1 République Fr:lIIç;lise dll
IR avril 1')57, p 4112,
-Ordonnance 11° 5X-I.175 du .1() décembre l '):;X port;lul sial lit dll Camerollu, Jonlllai Ollïciel de 1:1 Répllbliqlle
Française dll ,li déccmill'e l ')SX. P 121 Il ;J,:~\\l!:~iJ_i1l1J~~éil~IIh.1I1(;_(Lç-'.!l(IiI~~)liI(211I!al!Cç
, « f,,' Iw/'sl'lIl slollll, I/lli
assllre la fileine II/I/OIIO/lIie rie 1 Ijol rlII ('mlll'rollll, IIllWqllC 10 dcroi('rl' aO/'C dl' l 'r'\\:ollliioll rI('S IItslillliO/1s..
(jusqll'à) l'ocCl'ssio/1 rllI ('mlll'rOIlIl " l'illrll;I'I'IIIIIIII(ï' " )l,
Voir égn!Cmelll: M,D .. (1 le ,\\101111 rllI ('l7IlIeI'ulIlI ». Rccueil "ENA NT. Nt.> (,(,O. juin-juillet It)SX. pp, X_~-114.
toujous du même nulem aux initi:lles sllsmenlioUllécs, « I.es /lOIII'COIIX ,l/lIllIls rlII FO( i() cl rllI l'IIIIIC/'(}1111 )). I{cclleil
PENANT.I')SlJ.pp,17S-I')X,
,1 Voir JOli l'II;) 1Onïcicl dll Caillerolill. ")S'), p X12,

20
conseil du conlentieux, De l11el11e, /;1 cOlllpétence contcntieuse du TribuII;ll c1'Et;lt
suit le cours de IlIllI;llion génér;lle Cil dépil cl" S(;\\tisl11e de S;I struclurc mg;miquc.
Sur 1(1 composition du Tribllll;11 d'Elélt, trois membres 110111lllés p;lr décrct du
Premier Ministrc C,II11CroUII;lis dont UII Présidcnt et deux ;Issesseurs SOIlI clJ;lrgés dc
donner vie cl l'instance conlentieuse.
Le Présidellt
c1u Trilmnéll ;lins; que Ic
COllllllissélire du Gouvemement sont obligéltoirel11cnt licenciés ell droit. A ces lois
membres, il
convient
d';ljouler '"I
greffIer
OU;lIIt
;)
leur origine,
Ics juges
(Idministratifs du TribuII;ll c1'Et;l! ét;lient recrutés p;ullli
les 1()flctio)III;lires 011
cOlltractuels de l'Ac1l1linistrCltion et c1;ms 1;1 M;lgistnltlll'e.
Sur 1;1 cOlllpétence lJl(ltérielle du Trihun;ll d'Etat, /'artide ICI du décrel de.iuin
1959 Elil cie lui le juge du contenticux ;ldlllinistr;llil', Cil prcillicr ct dcmier rcssort,
défini ;linsi qu'il suit:
Les recours ell onnululioll I}()//I' e.rc(~s de Iiollvoir ('ollll'e Ics uclcs rlcs
diver,\\"es (/lliorilc:s adllli,.,isirolivcs, ('cs dipcrs udes IJeuve,.,1 (;Ire Ull(/(I'/(:'\\" I)(JJ./I'
incolllpc;lellcc, l'icc de j{Jl'/lh' ('/ de IJf'O(ùlul'(" c/(;IOIlI'II('III('111 de I}(JIII'oir, l'ioluliO!7
de la loi:
-I.es liliges re/oll/\\' (/IIX COIlIl'uls ('/ (II/osi-conlrols (/(llIlillislroli/\\ uillsi (Ill 'UIIX
concessions de service l}/(hliL' ;
-I.es litiges illléressal/l, ri 1111 lill'(, (/Uc/col/(lue, le dOlJJuine IJ/lhlic. j'oule/iJis,
l'adion
en
n:/7orolion
cles dOlllllloges
callsc;,\\"
ml dOlllOine puhlie IwUI
êll'e
poursllivie en même lellllis cl devanl IC)llgc de l 'oclion pllhli(llIe :
-Les litiges d'ordre indiFidlie/ COllcel'nonl les dl'oils des jimclio!llwircs de
l'Etal, des collectivilc:s locales el des (;lUhlissell7ents puhlics, el /W/(lIllIlJCnl, les
liliges
re/ulif.\\
ri lellr 1I0/lli1lUIIOIl,
1('lIr
(/l'{/II('('I//('III,
1('llr
d/,\\'('lfllill(',
lelll's
émolumenls el lellrs pensions;
-l,es aclioll,\\' IIlcl/alll ('1/ cml,\\'(' /ll Il',\\''j JOII,\\'ollflil(: d(',\\' /J(,I'SOIlIl('S fl/Ol'O/('S d('
droil lJUhlic émlIJ/(;,.ées à l'alinéa p,.dcàlenl :

21
-/'es r(;c()//rs en in/l'ljm;I(/IWII ('/ les r('(r)((l's en OjJj)/'(;('iOlioll de Il;golill; :
-/'es liliges (/Ili lui son cXf7rcs,\\'(;lIlcnl {(111'i/JlII;S !WI' IIlIe lOI ou un d(;cl'eI )) /
M,lIIirestelllent,1;] lecture dc ccs dispositions incite ;) conclure quc le Tribun;ll
d'Et,lt est une vérit;lhle juridiction ;l(lministr;ltive aY;lJlt plénitude de compétence
pour conllélÎtTe ,IllSS; bien du contcntieux de pleine juridiction qlle celui de l'excès de
pouvoir. Les except ions é', Sél compétence s0111 lout éllissi clrlssiqlles el COllcemell1
l'emprise et 1<l voie de I~it éldministr'ltive. L'institution juridictionnelle lilllctionncrél
ainsi de jllillet 1()S9 cl décembre 1l)()S.
Entre temps, le CéllllerOlIll orienléll sous llitelle interl1élliolléde élccède cl
l'indépendélflce le ll:r.iélflvier 1l)()O. Celte brève trél/lsilion cie l'éllllolloillie interne ,)1;1
Souverllineté inlernélt;onale accouclJe d'ulle Ilouvelle jllridiction N,ltion;lle, 1;1 COllr
Suprême en l'occurrence, qui nécessite ll/l <lllléll;lgement (les rllpports ;lVec le
Tribllll;11 d'Et;lt déj;) exist'lIlt.
-Du r<lpport entre 1<l preillièrc Cour Suprêllle du C,llllcnHIII illtlépend;lllt et le
Tribunéll d'Etal.
C'est 1<1 loi N° () 1 - 12 du 20.juin 19(,1 qui crée la prelnière Cour Suprêmc du
Cameroun Oriental indépendant, j;ldis ;ldillinistré pllr 1;1 France. Après conformation,
dans son élrticlc prcmier, dcs compétcnces susénulllérécs p;lr Ic décret dc 1()S!) ;HI
profit du Tribull;ll d' Etllt, l' llrticlc 2 dc 1<1 loi dc 19ô 1 c1ispos;lit :
« La (.'our SUjJrême cOl1naÎI des pm/J'I!ois el1 al1l1l1l{(lio/l f()!ï/l(;s conIre les
arrêls du J'rihul1al d 'hlal... :
I~ïle assure le l'esj7ec! de 10 cOll1jJ{;le!1ce de celui-ci Iml' les ((lIll'es
.furidic!ions».
1 ALIX terllles dll déerclli O ,"iX-144 dll 14 aoÎl1 l').~(' cOllsidéré Cil SOli arliclc (II, le TriiJlIllal cI'FI:11 csl CompélL:1l1 Cil
lIl<lt ière cie cOlllell! iellx l'cial ifs allx lII;]rchés pllbl ics cie l' [:1:11 cOllclli ;]11 C:llllelOlIll. Dc même. les CCllllclll iCII.\\
re1iltirs :\\ CCliX eOllel1l par dcs persolilles pllbliqlles locales (Colllllllllles. sYlldiclls cie COIllmlllle. elc :.. ) Illi SOIlI
dévoilis ;]IlX terIlles d" décrci 11° 5')-1 (,\\ de 1;] IIlème ;llllléc.

P,ll' celle disposition, la loi dc 1i)() 1 étélblit cc principe du double degré de
juridiction qui /ilis,lÏt délillil élll texle de 1()5() , lequel cOll/lail élU Tribunétl d'Eléll la
connaissance du m!ministratif en premier el dernier ressort 1. Bien plus, cette même
loi fait de la nouvelle Cour Suprême le juge des conllits cie compétence C0l11llle c'est
le cas en France élVec le Tribunal des conflits.
Toutcf~)is, l'expérience de la Première Cour Suprême clu Cameroun Oriental
allait touiller court avec l'instauration de la r'édération. Une autre orienléltioll clu
contentieux administratif, déllls l'optiquc de l'Etat lëdér(]l, émcrgc cn conséquence
de la réuniticé1tion du CélllJeroun Occidelltéll Anglophonc (sous éH.llllillistréltioli
Britanique)
avec
le
C(]meroulJ
Oriental
r;rallcophollc
(sous
élthllinislr,llion
Française).
-La Cour Féclérale de justice
Le renouve(]lI cie l'ordre juridictionllel Iwtionétl, cOllsécutil' cl la structure
Fédérélle cie l'Etat Camerounais, se traduit péH 1<1 création d'ulle COllr Fédér(]le de
justice exerçant les fonctions de juridiction constitutionnelle, adlllinislréltive 2 et de
réf,TLllation des con/lits de compétence entre Ics juridictions les plus élevées des Etélls
Fédérés. C'est en effet 1'(Jrticle :n de la constitution Fédéré11e clu 1cr septembre 19C> 1
.1 qui l'instituc et charge 1,Ic!ite Cour, délns les dispositions de SOli alilléél J, de
acles adminislralil" des OIlloritc;s.!(;dél'o!es ». Ce (jlli signitie que I(] Cour Fédér(]le
1 On conviendra. avec le Proressellr NLEP. fille « III SII//l'egnn/e dll I}/'il/cifle dll dOl/hie de,'2,n; de ./lIrlllicliol/ 11I'lIil
donc pOlir rnl/çol/ ln IJerle d'Illlllll/olllie de lojl/ridll'Iioll ndlllillislrnlil'e, Ini/llelle re/l'Fe elllllJIJeI d'lIl1c/llrididiol/
judicinire ».
la COllr SlIprêllle en l'ocCllrrence. « l's'\\"('lIlil'lll'l//l'lI/» composée de m:lgistrals jlldici:lires. ill
« L'adminislrnlioll pllhliq/le ('mllero/lnoise (colllrih/llioll à l'd/lde de'\\" s\\isléllles oFicoills d'mllllillislrolioll
publiqlle) ». Bibliolhèqlle ArrÎC:lille cl Malgache. l'ollie XLI. L(ilJ.J.. f':lris. l')X(,. p. 1(,(,.
2 Emile MBARGA : La COllr Fédérale de jllstice. jllge adlllillisiralir de droit COllllllllll (orgallis:i1ioll. compétellce.
procédure). Thèse Oroil. Paris. J')(,7. IS7 P:lgCS:
Marcel NGUINI. L<I COllr Fédérale dejllslice dll C:IIIlerDIIII. rtCI) .. N"J. jallvier - Jllill InS. pp 3S--JS. Reclleil
PENANT. 1n\\. pp . .137-.\\41).
.1Journal Orticicl de la Républiqlle dll C;lIl1erollll Cil dale dll l() septemhre J l)(, 1

de justice est érigéc ell ulle juridiclÎolI ,](Jlllillistr,llive Iëdér;Jlc. Se pose dUIIC CIl
principe le problèllle dc la .iuridiclÎOII cOlllpétellte pour COlllléJÎtre du cOlltclltieux
relatifllux élctes élClministréltifs élllis p,lr les llutorités de l'Etélt fédéré frllllcophone du
Cameroun Orielltlll '. L'Ordollll,lIICC N" ()2-0F-l du 12 .iélllvier 1<)()2 élYélll1 procédé é1
l'extension dc plcill droit dc 1,1 compétcnce cie lél Cour Fédéralc SCUICIIICllt pour ce
qui est « des recours /Jendonts devant 10 Cour ,....;II/Jrême et le 'l'ri/nll/CII d Ftot du
Camermll/ Orien toi »), 011 déduit élÎsélllellt que la COlllpétcllcC Cil 1;1 Illéltièrc rcssortit
au Tribun<ll d'Etat, notamment pour les recours lliturs ou postéricurs é1 l'Ordonnancc
susviséc. Lc fC)flctiollnelllent pratique dlldit Trihunal d'Et<lt jusqu'cil décembre 19()5
confinne cette position 2. QUllnt cl la Cour Suprêllle jadis chargée de cOllnélÎtre ell
appel des décisiolls rendues pm le TribulIlll d'Etllt suiv,lIIt lc décret de 1959, c'est
lm
autre décret
NU
ô4/D17/218 du
1<)
jUill
1<)()4 qui
villt
Illct1re 1111 él SOli
fonctionnement .Î, con fi rm élllt ainsi la prééminence de 1,1 Cour Fédérale de justicc
comme 1<1 juridiction lldlllinistralivc fédéralc. Cette structuratioll juridictiollllcllc
originelle, constitutiollncllement consacrée, scra toutefois retouchée par le CCllléll
d'une réforme législéltivc.
L<I Cour Fédér<lle de .justice a été réforméc pél!" le biais de cieux lois, cellc n°
65/LF/2() du 1<) novembre 1()65 portélllt réforme du contenlicux adlllinislréllif ,1
ct
celle N° 69-LF-l du 14 juin 1969 IIXélllt 1<1 composition, les conditions de sélisine et
la procédure devélllt I<ldite Cour. Aux ferllles de l'article l du texte législatif de
1965, « 10 (.'our /'éd(;rule de justice co1IIU1Ît de l'el/sem/J/e du contentieux
administratil à l'enconlre de 10 H(;/JU!J/i(/ue Féd(~rale, des L'lols !'àNrés, des
1 S'agissant a contrario des litiges il1lpliqll;llll les acles de alliorilés adl1linistratives de ("Etal fédéré dll Call1erOll1l
Occidelltal. 11111 dOllte qu'ils relèvenl de la compélellce des Iribllnan.': de la (1 ('II/ll///IJI/ 1.11\\1·» de Ir;lclilioll anglo-
saxonne. cr. /-J. N.!\\. Ellonchong. « ('l1Il/l'rllllll ('(JI/slillti/IIIIII/ /,,/11" . h'deroi/IIII ill 1/ lIIi.\\"l'd ('111111111111 /.1711" I/ild ('/,·i/
Law
,~VS/(~I/I ». Eclilions CEPER. Y!\\OlJNDE. 1% 7. pp 207-2.17
2
M. Jeall-Clallde KAMDEM parl;lge cc poiut cie vue lorsqu'il afTirl1le qlle I( /11 WIICC/llilJll IIII/ill/e dlJ/1 ('Ire
il1(erpn'lh~ resiriclivclllel/i CIJ/I/llle rl'l/(/11111 /0 ( '/;;/ (( 'IJllr ri;rI,;rl1/e rie Jllslice) il/r;IIIII/)('II'I/IC (/11 regllrd ries ncll's
des aU/IJrilb· des f//ols t;i'rlùr'.,·» : in cOllrs pol.\\'copié de contellliell.': adminislratif précité. p. 2:\\.
3 Décret
rc!alif au fonctiollllenleni de la Com Fédérale de Jllslice cn III;llièrc adlnillislrali\\'c. J.OI(FC. l'·'
septembre 1()(;4 .
.) Journal Officiel cie la République Féclérale cllI C;lIneroun. l'" déccmbre 1%5.

reprend in extenso ces mêllles dispositions. N'Yél-t-il PélS lieu de s'illtcrroger, au vu
de ces disp(lsitions, sur le prolllèll1e de constitutiolll1édité desdiles lois de 1()()5 et
1969 qualld 011 sélit que l'article:n de lél COllstitution ne pcrmct PélS ulle tclle
interprétéltion éllHlSivc des COlllpélcllces dc b ('our ') 1
Toujours est-il qlle ces lois opèrent IIne orgélllisation lJiérélrclJisée de 1;1 Cour
Fédérale statwlIlt éHl contellticlIX él<..hllÎIlÎstréltil", I;lqllelle continllc ;1 elllprllnter son
personnel ;1 la lllélgistr,lIure .judiciélire, voire élll sein de l'adlllinistréltion élctive : Une
Assemblée Plénière siégeant ù Y;)ollndé jOlie le rôle de juridiction d' élppel des
décisions rendues p;lr les deux clJéllllllres éldmillistréllives Cxistélntes, siégeélnt
respectivement cl Yaoundé pour l'Etélt Fédéré dll Céllllenluil Oricntéll ct él Buéél pour
l'Etélt Fédéré du Cameroun Occidcntal 2. Pcndant que l'illstélllce d'élppel étélit
composée du prcmier Président cie lél Cour I:édéréllc de jllSticc, de qlmlre .iuges
fédér,llIx titlll<ùres, ou sllpplé,1Il1s, dll procllrellr gélléréll <HI 1',lVOC;ll génér,t1 près lél
COUf, d'ull grefller, ch;lque clJéllllllre éldlllinistr,ltive cOl1lprenélit 1111 .iuge lëdéréil
titulaire 011 suppléant (président), lin représentant du pélrqllet ainsi qu' 1111 Greffier.
SlIr la qllcstion des compétences contentieuscs dévolues <) Iél Cour StéJtlJélJlt en
matière de contentieux éldministréltiL Oll pOllvait lire:
0)
« les recours l'Il 0/1/111101 ion /)our exC(~,\\' de /JrJl(1 1oir cl, ('II 1I1((li(~re 1/(J/1
répressive, les recours il1c:idel1ls ell ((/)p/'(~cioliol1 de légaliles. h'sl C()l1slillilild'('xC(~s
1 Lc Prorcsscllr Joscph OWONA pellsc :\\ cel ég:ml qll'{( 111/ l'l'II! l'IIiSllllllllh!CIJ/I'1/1 dlllllcr dl' 111 n;l.!.lIll1ril,; Il,' 1','
passe-linsse: 1(;gisl(/!i( l 'I/rlid"
33 de 111 ('lIl/slilll!illll Il 'I/IWU ('IIII/i(; 1/ ('elle-ci 1IIIe II/ l'!II/rgc dll n'lIlellliellx
ar/minislm!i[prlànl ». in Droit Adlllillisiralir spécial dc la f{épllhliqllc dll ClIllcrolill. [DICfT séric M;lIlllcls el
Trav:Hlx dc l'Univcrsilé dc Yaolllldé. r;lris. l'lX';. p, IX4,
è Au snjct dcs règlcs procéduralcs qll'appliqllcront ccs dCllx ch;lIl1hrcs adlllillisirali\\'cs. divcrgclllcs dc par 1;1 cliiIIIIC
juridiqllc proprc ;] IClirs orgalles rcspccliCs. l'arliclc 22 dc la loi de jllill Il)(,') fixe Ics principcs sllivan1.s . « 1"'11
at/end({l/! les 1/11',1'11/'(',1' d 'lIfiIJlir;Oliol/ (de la loi SIIS\\.'i,I',;eJ. III t:I/llIlI/>rl' lIt/millisll'lIlil'C dl'
rllOlll/dl; (11)I,/iII"I' 10
pror:hlllrl' 1I1111;rit:lll'('IIII'n!
l'II
l'lgII''I!r
dl'l'lIlfl
II'
Ji.,J)11I11I1
d'l'0/1I1
(1'1'111'
1(lIi
,'si
d'II,lllg"
rlIIIIS
III .lllslin'
admillislralil'e h'ollç:oisc), 1,0 ('!rolll/Jrl' ot/lllillisll'lllil'e rie lil{(;11 1I1ll,IiqllC ln I".on;dlll'e (:ll'ile t/I' rlroi!-r:olllllllill Cil
l'iguefll' pOlir les liliges cnlre I,or/inrliers »,

de j70IlVO/I', le vice de jiJlïlle, l'iIlCOIII/ii;{(JIICi', Ir! l'iolilfioll dl' Iii lOI, Iii l'iol'lfIOIl
d'unc dis/losifilm /'(;glelllelJfilire rlfijllicilhlc, le d(;f(}lllïJelllellf de lim/lJoir.
/1) «( les
acfiolls
l'II
illr/elllllisofioll
dll
/mYlldicl'
cOllse;
/1(1/'
1111
ocf('
el(Ii Il i 17 i.\\" f 1'(1fi/.
(.)
( les
litiges
cmlCClïlmlf
les
umfrofs
(wnif CCII.'( umclll
(, )
lIIellle
implicifemenf () sous l'empire dl/ dmif /7ril'e) Oll les concessiolls de serpice /Il/hlic
cl) «( les 1ifiges inf(;res.mnf le dO/lloille /!/I/1/ic.
e) «( les lifiges (I"i Illi sonf eXjl/'{~s,\\'(;lIwnfaffrilme;s lJUr Ir! loi ».
Cependé1nl, « la sl//lsfifufioll de Iii res/i(}l/.mhili/(; des Ilersollllcs /Ilorules dl'
droif l77.lh/ic ri cc/lc de leurs (/gcllfs (/Ilfcl/rs dcs dOl/lIl1i1,l!,!'s (,(/l'Si;S /Il(>1II1' dOlls
l'exercice de leuJ's jimetioll », les « C'lIljlrises» élinsi que les « voies de jaif
adminisfrilfil'cs» demeurent délns 1,1 spllère de cOlllpétence « des frilllllwu.': dc r/rnil
commun (/7Ii) sfafuenf cO/ljiJ/ïlle;/Ilellf (/1/ tlroif lm\\'(; ». r;,lut-il encore relever 1,1
coïncidence qUclsi-,lbsolue de ces llI<l1ières soumises él l',lppréciation de la Cour
avec celles qui
figuraient déjù ,lU titre de 1<1 cOlllpétence de 1,1 juridictioll
administrative antérieure? Visiblemellt, lél lllélrque d'llll conserVéllisllle du droit de 1;1
compétence contentieuse est élssez nette. Cette nptioll juridique ne serél PélS non plus
absente des préoccupations du législ<lteur lors cie la naissance cie l' élc1uelle Cour
Suprêllle, suite él l'instélllration d'un [t,lt CéllllerounélÏs
unitélire, lequel devéJit
définitivement exclure les
I(mdelllents du
Iëcléralisllle éllllSI qlle son élCqlllS
juridictionnel qU'd,lit 1,1 COtir l;édér,llc de .Juslicc.

-La NOllvelle COllr SlIprême ct I;ljllstice éHllllinistlcltivc
Le contentieux administratif déllls le Céldre de lél nouvelle Cour SUprêlllC
Camerounaise présente beaucoup plus d'élélllents de ChlSsicisllle que d'illnoveltion.
La nOllveéluté concerne
unÎquelllent
SOIl
habillélge juridiqlle,
notélllllllent
lél
Constitution consacrant la forllle IInilélil"e de l'Etat dès le 2 juin 1(>72 1 et qui porte
création d'une Cour Suprême natiollélle élU détrilllent cie l'ex-Collr Fédérétle de
justice SUivélllt les dispositions de lél Constitlltion fédér;de éllltérieure. Considérée
dans sa Jonction éldrninistré.ltive contentieuse, cette Cour SlIprêlne esl égédcmellt
structurée au moyen de textes nOllveélUX, témt sur le plan orgélllisationnei 2 qlle délns
la perspective procédurélle '.
En revanche, point n'est besoin d'étudier longllement tOllt cet arselléJl
nonnéltif pour se rendre compte que lél nouvelle juridiction mlministrative, intégrée
au sein de /<1 Cour Suprêllle, dégélge d'illlportantes silnilitudes par rélpport Ù
l'instance cOlltentieuse fédérale: c'est toujours une Asselllblée pléllière et une
chambre Cldministréltivc qui COllstituellt des /()J"fllations éH.lministl<ltives de la haute
juridiction nationale /1" Tandis qlle l'Asselllblée plénière, qui COllllélÎt en clppel les
décisions rendues par lél cllambre élclministrative cn premier ressort 5, se compose de
cinq lIIagistrats membres de la Cour (cl l'exception cie ceux qui ont connu du
jugement de l'a/Elire en premier ressort), dll Procllrellr Général 011 cie j',IVOCéll
général près la Cour Suprême ou 1111 suhstitut clu procureur près ladite cour; téllldis
que l'installce illtërieure qu'est 1<1 c11é.lIl1hre élc/ministrative s'organise autour (l'un
personnel relativement illlpnrtémt ell nombre: IlIl conseiller titlllélÎre 011 suppléélnt,
1 Cf. 1I0tcS v rclalivcs du Profcsscur Ilcmi JI\\C<)IJOT. Revlle C:llllerollllaisede Ihoil N"I, j;lIlvier 1'J71
2 Ordonllal"ICC N° 72-(, dll 2(, aOII!
1'172 porlan! Org:lllis:llion de !:I ('ollr SlIprêllle UOrÙJC'. 1\\0111 1'J72, pp 'J7-
101), modifiéc cl conlpléléc par !:Ilni N" 7(,-2X tllI I·~ décclllinc l ')H,.
J Loi N° 75-17 du X décclllbrc 1')75 fixalll 1:1 procédllrc dev;lIll la Com SlIprêmc slaillant Cil malièrc adillillisirali\\·c.
4 Exception f:life de la disparilion de la ch:lInlnc adlllillisfr:llive siége:lIll ;'1 Bilé:!. dans le Call1el(Hl1I ;llIglophnlle.
dUfélllt I"cxÎslellcc dc la Com Fédérale de justice L'ordre juridictionnel 110llvcall cOllsacre fîll:i/ernclii IIIlC sCli/c
ehainbrc admillistrativc siégcanl ;i ·Yaolilldé t01l1 COlllllle 1· I\\sselllhke Pléllière.
5 Article
10 (llouveau) de l'Ordollnance N°72-1) dll 21, aOII! 1'172: (/ /.0 ('0111" .\\·l/fI}"(;I//C. I:XrJI/SiH'lllel1f flOI/I"
l'exercice des COII//u'fellecs élllill/(;}"(;CS dmls {·orticll' 1) ci-dessl/s. C(}/lI/!I"('IIr! I{III' /1ssell/l>{('e {'/('/lic:I"(, .l/l,l!.(,o/lf ell
appel cl I/lle ('{/1111/1>1"1' OI//IIinisfl"aliFl'j/l,l!.nl/ll ell{II'Clil/el" I"ess/lrt »

président, ,lssisté de dellx Ill,lgisl r,lts ,IY,1I11 VOIX délibér,ll ive, choisis p;Jrllli les
mClgistrclls du siège des cours et des tribullélllX, un procureur général ou l'avocat
général 011 un substitut et enfin un grelfier. C'est dire que 1,1 présente juridiction
administrative emprunte son personllel, comme cela fut de tradition ;1 l'époque du
Tribunal d'D,lt el cie 1;1 COllr [7édér,1Ie de .illsticc, ,lllX .iuridictions de l'ordre
judiciClire. Ce classicisme structurel se rencontre égoleillent clons le contenu de 1,1
compétence m;ltériel1e dévolue ;1 l'actuelle juridiction admillistrative : l'orticle 9 de
l'ordonnonce N° 72-G du 26 ;loCit 1972 est ,1 pell près 1(1 reprise il] extenso des
matières énumérées au titre du champ d'intervention des jllges ,Hlministréltifs
antérieurs 1. Il obéit ;Hl Illême esprit des dispositions relatives ;1 la cOlnpétencc de
ces juges de l'ex cour fédér<lle. Se pose alors le problème de la systématisation ou
de la coordilléltion des éléments cie compétence contentieuse tels que défInis suivant
les dispositions de l'élrticle 9 susvisé,
IV - EXPOSE DU PLAN
La constélt,ltion 111;ljeure que 1'011 peut f~mlluler ,1 l'endroit cie \\;1 technique de
création cie la compétence clu juge <ldlllinistTCltif CClllleroulwis traduit simpleillent lin
procédé cie dévollltion essentiellement texluel. L';lI'ticle 9 de l'Ordonllance clu 2(l
Août 1972, qUI en est l'illustr<ltiolJ, déllote ,1 cet effet 1(1 volonté du législateur de
définir, Clvec plus de précision, tout litige susceptible d'être cléfëré dev,l1lt la
juridiction spécialisée cie l'administration. Elle est d'autélllt plus pl'Of(Jllcle que les
dispositions de l' Clrt icle 9 susdit obéissent ;1 une articulation double: le juge
administratif eX;l\\llinenl des f1",lctions bien circonscrites de litiges ,Hhllillistréltil~"
tandis que le reste clu contentieux de l'Cldministration Clppartienc!ra « 01lX 11'1 [)/111 0 1IX
1 Ccux du Tribunal cl cie la Cour fédérale de Juslice not;lmmenl, \\1 n'est tontefois pas nécess;lire cie reprmluire les
dispositions de ccl article <) d;lns ces dévcfoppemenls inlrodnclil"s. qlloiqn'il soit au centre des réfle.',ions de \\;1
préscnle IlIèse. Plnsiellrs raisons liellnelll ;\\ cc clio;,',;. l)'a!JorcL on évite ainsi cie tomber clans le lr;l\\'ers du clollble
cmploi parl"ois ennllyeux, Les lU:llières éllllllll;rée,s :III lilre cie I:l COlllpélelice des juridicliolls anlérienres crE cl
C.F.J.) élanl en errel identiques;l cclles qne définit l'article ') en qllestion an pro I"i t cie l;ljllridiclion aliminislralive
actuelle. Ensuite. cet article') esl rréqUemlllCl1\\ évoqné clans le corps cie la thèse. nol;lI11ment cha(jllc rois qu'il

2X
de dmit C()17I1J7/1l/ ». Telle est lïntcrprétéltion é') donncr él l'élrlicle () cie !'Orclonnélncc
de 1972.
Sur le contenu exact des lIIatières cOlllentiellses inscrites au titre de lél
compétence clu juge administratiC on relèver,l, distinctement, toutes les a/lilires qui
ont tTélit ,llJX actes juridiques de ),1 puiss,lIlce publique el que le lexte de
l'ordonnance trélc!uit par cles formules terminologiques différentes, ainsi que celles
qui sont en rapport élvec les fclits nléltériels imputables ,1lIX agissements cie
l'administréltion, <1 raison, soit du comportement de ses élgellts vis-él-vis cles t1sélgers
du service public, suit des préjudices que les biellS éldminislTélti fs génèrent, voire ccs
litiges qui entremêlent souvent ces céltégories contentieuses précédelltes. Aussi peut-
il paraître judicieux d'ém,dyser successivement tout le contentieux qUI se rapporte
aux élctes nOrlllélteurs stricto sensu (Pn~l11ière partie) ; ces multiples conteslaliolls
nées cie f~lÏts Illéltériels, élY<Jnt parl()is une nature hybride, prévues pélr des lextes
spécifiques élut l'es que le texte rélërelltiel, 011 créées par 1,1 jurisprudence IlIêllle, ct
qu'on regroupera déllls une rubrique illtitulée « les eSJ70ces de COIIlj7(;tcllcC (/ddittf.\\»
(Deuxième partie). Ainsi présentée, la compétence de la juridiction élc!lIlinistréltive
Camerollnélise s'apparente él celle des juridictions ac!lllinistr<llives 1'·al1çaises 1, ;l
cette différence près que la technique juridique utilisée pour Iél déterminer n'est PélS
un texte, lIJélis ce que l'on appelle en Frélllce « le systc)/Ilc dit de la clause g(~l1éralc
de compétence» 2. " n'est pas non plus Înintéressélnt de consacrer tlne mléllyse atlx
s'avère utile de preciser le cOlllell1l des lilrcs de cOilIpélellcc r111 jllge :ldlllillislr:llil' Elll'ill. l'illlégr;llilé des
dispositious du mème ;lrticle () IIgureul Cil allllexe de 1;1 Ihèse.
1 Cr. Jacques MOREAU. :Irlicle précilé.
2 Audré de LAUBADERE. TmÎlé dl' Droil Adrllillislratif. (,;' éditioll. LG[U .. ['n,. [';Iris. (J. -10->. Ledil s\\slèllie
implique la recherche des critères il partir desquels 011 pelll déduire la possibilifé pOlir le juge admillistr~lIif de
statuer. cOlllrairelllell1 ;1 la techlliqlle Call1erollll;lise qlli collsisle il déterminer dam IIll les/e les li/iges dévolus alldit
juge sans (]Ile soil précisé le fondemelll de pareille luélhode. Jacqueline MORAND-DEVILI..ER retrace 101lie
l'évolution hisloriqlle de l'option f7rallç;lise «'oms de Droit ArilIlinisll"alif. le éditioll. MONClfRESTIEN. Paris.
1993. pp. Iol-I'i).
La jmisprlldellcc dll COllseil d·Elal III d·abord appel ;'1 \\;1 Ihéorie dile de « l 'ITIIiI rléhi/clIl"» pOlir illterdire
au juge judiciaire cie coudalllller rElal ail paiemelll (rUile SOlllllle cI'argelll. COlld;lIllllalioll réservée ail jllge

2')
exceplions cl la CO/llpé/ence clu jugc éldlllinistrèltif (Troisième Iwrtie) conforrnélllenl
fi l'esprit du droit de ];1 compétence juridictionnelle qui procède ,111 p,Jr(age dll
contentieux se r,lpporlant ,1 l'adlllinistr,ltion, cntre les juridictions relevant d'ordres
distincts lJne expliccltion cl cctte option ticnt ,1 llll t:1it : j'on s'apercevra qlle ces
lTI<ltières él priori exclues du ClJéllllP de lél juridiction éldnlinistréltive génèrent
occ<lsionnellemcnt des hypothèses de compétence en Sil l~lVeur. Cctte Ilexibililé
imprévuc du droit découle sÎlrelllcnt des lilllites propres cl tOllt ce qui est délini
abstraitement. Ce qui laisse émerger un terraill fertile cl l'él1lalyse critique pOlir peu
que l'on Ülsse appel <l une théorie générélle clu droit de la compétence contentieuse
des juridiction, et Ilon plus él la déterrninèltioll pratique des compétences ,Ill moyen
d'ull texte juridique.
adlllinislratiC Abandollnée. cette théorie lit place ;111 crilère de la puissance 1JI!bli.!:l!~ qui. SOIIS Iimpuision de 1;1
doclrine. dislingll;lil Ics « Ile/es tI'ol/lodle;» qui sonl ulle Illanifeslalion des prérogalives de lJuiss:lncc IJlIblique
appartenant ;\\ 1';ldminislration des Il nc/es,r/e gl',I'/i(ll/» accomplis par celle dernière d;))),s les Inè))leS eondilion,s [j'le
les particlIliers. Si les premiers requièrcnt la compéteuce de l'adlllinislratiL les seconcls en re\\':111che sluscri\\'eul
dans celle dnjudiciaire. Sans pour aulanl perdre tout iulérêl. la distinclion fnt supplantée par la notion de senice
public qui. cllriellsemellt. la COlllplèle cl l'cIlI'icltil sans ('arf:libfir
Le critère dll service pllblic. lié allx ronclions assignées ;\\ l'Etat. vint déterminer la cOlllpélence de la
juridiction aclillinistralive;\\ travers les arrêts BLANCO (T.C. X révrier IRn). TERRIER (CE .. (, rénier l'J()]).
FEUTRY Cr.C. 2<) février ItJ()X) ct TI-IEROND (C.E.. 4 mars ItJlll). Une « lé-cole rll! service l'l!hllc>> sc COllslitlla
d'aillellrs ;HIlollr dn cloyell DUGUIT de Bordeal!.". ;) laqllelle s'opposail 1'« ('coll' rie f1l1i,l'SI1!1('(' I!{/Mill/le » chère au
doyen HAURIOU de TOlllollse. LI première csl IIlle doclrine des lins qn'est le bill dlntérèf gélléral propre ;\\
l'activité de service pllblic. la seconcle IIne doctrine des moyells : l'administralion IItilise des procédés dil1ërenls de
cellX des particllliers pOlir 1';leeolnplisselllent de ses missions. Le critère c111 service pllblic n'allail pas tarder ;\\
enlrcr Cil « cri.ll' » par la «!,ril'rlli.l'rllio/( » clonl il fil l'objet (Sr' le ) Le réSllll;lI Cil esl qu ';\\ cc jom. il est Ilia/aisé
de rechercher lin critère général de la compélence de la jllridiclioll administralive, III1C cOlnplélllclIl:lIilé s'él;1Il1
inslnllée ellire les critères de personllc publique. de service public ainsi qne de puissance plIbliqlle .
-Le critère organique de la présence au litige d'nne personne (lllbliqne reste inléressant car salir lexie ci'allribulion
de compélence ;) 1;1 jllridiction jlldiciaire. /'acIÎ<HI dirigée contre nllc personne pllbliqlle esl préslllllée relever cie 1;1
compélence du juge administralif qlli n'a pas compélence pOlir sl;llller ;\\ )'occasion dc litiges entre pe/sollnes
privées.
-Sur le critère c1u service public. la compélence de la jllridiction adlllinistrative esl écarléc pOlir Ics aClivilés
Fldlllillislralives Ile Colistilllallt pas des selvice,s publics.
Le critère cie 1:1 puissance publiqlle. lié ;\\ l'expressioll pills I;I/ge de 1:1 geslioll publiqlle. permel ail ,illge
administratif d'établir sa cOlllpélence contentiellse cn l'CS termes: Si des personnes privées 011\\ p:1r cxcmple élé
associées ;\\ la geslion cI'un service public. le jllge recherchera si cles prérogatives ou obligations spéci;lIcs hors c111
COllllllllll 0111 élé mises Cil oeuvre(puiss;lIlcc publiqlle) ct si le comportelllellt cles responsables clu service a été ou
nOI1 dirrérent de cclIIi cl'nne personlle privée (gestion puhliqne)

Prelll ière Partie
LE CONTENTIEUX DES ACTES NOIlJ\\1ATI~lJRS.

L'eX<1111en des textes juridiques atlribulit's de cOlllpétence <1 /<1 ,juridiction
administrative permet, assez aisément, de déceler les princip<lles matières qUI
pourraient être soumises ;1 1<1 censure du juge spécialisé de /'Administr;ltion. Ali
premier rémg des élélllents conslitutif" de 1;1 compétence méllérielle de Iél juridiction
administrative camerounaise, figurent les « ac/es admin islralif," ». Ce qui revient,
tout simplement, <l signifier que les actes qui interviennent ;1 1;1 suile des diverses
opérations norlllatriees de l'entité acllllinistr;üive et ayant pour but cie générer des
rapports de droit entre elles et leurs destinataires, relèveront de la compétence de la
juridiction
administrative
élU
CélS
ou
ils
;ll\\ront
préal,lblelllenl
suscilé
des
contestations de quelque llél{ure que ce soit. C'est ce qu'il convient alors d'entendre
par contentieux des életes nortnateurs, c'esl-él-dire les litiges qui trouvent leur origine
dans les actes juridiques de la puissance publique et donl la finalité première
consiste à ériger des situations juridiques <1 l'égard des élc!ministrés 1.
C'est clu reste ce qui apparaît c1,lÎrement chms l'ulle des formulations
constitutionnelles disposélnt que la Cour Suprême «esl c17(/I}:,(;e de slaluer
souveraincmcnt. .. slIr les recours ('n illdcll1nih; 011 cn cxcc~s de j7()/(jloir dirig(;.\\'
con Ire les acles admin iSlrall{.'· »2. A ce fOlldement constitutionnel viennent s';ljouter
les précisions de l'Ordonnance N° 72/() du 26 Août 1972 portanl Orgéllliséltioll de la
Cour Suprême. Dans son article 9, \\'on observe que « la Cour SUj7rêl77e connaÎI de
l'ensel77hle du conlenlieux adll1illislra/~1cl l'enconlre de l 'hlal, des collectivile;.\\'
publiques el h'lahiissemenls jJuhlics ». De surcroît, poursuit l'article précité de
1 Celle conceplion des actes norll1:l1ems esl Cil
prillcipe reslrictive. M;lis 011 lerr;1. c1aIls les c/évcJoppelllelils
SlIiv<HllS, t'lu'c1le évolue Cil rOllctioll de 1;1 place qlle le jllge ;l(lruillislratir laisse ;]UX ;lclcs dcs co/fectivités publiqlles
loc(lles, voire;\\ ceux cles elltilés privées parlicipanl ;\\ rexécutioll d'ulle luissiou de service pllblic
2 Tels SOIl\\ les termes cie rallide 12 alinéa 1 de 1;1 constilulion cn viguelll' du 2 juin l 'J72 cl c10nl les anlres alinéas.
Imil;]lIt également des al1ributions cie la
Cour SlIprême.
ne
rentrcllt
IIl1l1cmelit
clans
le
présenl cadre
cl' i nveslig'11 ion,

ladite
OrdO/l/l;111Ce
« oyun/ force
de
101»
,
« le
COIi/eli/leIiX
(/(llIIillis//'o/l/
comprend. .. les recours Cil ullmt/u/ioll I}()ur cxC(~s de IUJl/voir el en /llO/ière nOIl
répressive
les
reCOl/rs il/ciden/s en ofJfJrù'iolio/1
de Ic;gali/i;,
les oc/ions en
indemniso/ioll dll ercUudice COlISi; IHlr 1111 oc/e odminis/ra/t!, les Ii/lges (ïJ/lCeI'llOn/
les con/rats (à l'e.rceIJ/ion de cellx COIle/JiS III(~III(' il7lplici/elllell/ SOIIS / 'elll/Jrls(' dl!
droit erivi!) 07/ les CO/1cessions de servIces IwfJllcs ... ». Il Ile blit p<lr cO/lséque/lt,
plus cie doute sur les types d',lcles n()rJlI;lleurs dévolus ,1 1;1 cOlllpéte/lce de 1;1
juridictioll administrative: il s';lgit, d'IIlle part, des cO/llest;lIiolls relatives ;lUX
décisions miministratives (Chapitre 1) et
des
liliges COllccrtl;1Il1
les cOIIIT<lls
administratifs, d'éltltre pmt (Chapitre").
1 L'cxprcssioll est cmprlllltée;, l'article 21 cllI lexie cOllslillltiollllel dCjllill l 'l72

,2
CI-IAPITH.E 1
LES C:ON'rESTATU)NS I{ELATIVES AlJX
DECISI()NS An~/IINISTI{ATIVES.

33
Une double observation préliminaire mérite d'être faite
à propos des contestations liées aux actes administratifs uni-
latéraux: premièrement, les plus importants textes qui font
référence à la compétence matérielle de la juridiction admi-
nistrative (1) ne traduisent pas explicitement de l'unilatéra-
lité de ces décisions administratives. De manière tout à fait
vague, ils font plutôt allusion à un vocabulaire assez polysé-
mique en parlant "d'actes administratifs". Il n'est donc pas
risqué d'y voir quelque exagération de la part des auteurs qui
affi rment) sans nuance) que "l es litiges re lati fs aux actes ad-
ministratifs unilatéraux"
s'inscrivent au nombre des matières
soumises par le droit positif à la compétence du juge adminis-
tratif camerounais (2). Le propos exact, en vérité, consiste
plutôt à alléguer de la connaisance de telles décisions unila-
térales, par le juge concerné, en raison du raisonnement dé-
ductif d'un recours en annulation pour excès de pouvoir s'ap-
pliquant traditionnellement à pareille mesure. Le problème ré-
side en fait dans la rédaction imparfaite des textes qui pos-
tulent pour des "recours en annulation pour excès de pouvoir
contre les actes administratifs" sans insi.ster notamment sur
(1)11 s'ngit, entre nulres, de la constitulilln el de l'Ordonnance précitées respectivcment dan~ leurs di~l'''sitions 32 cl
9.
(2) Au hasard des tenanls de semhlnhle ;\\pproche, l'on peut notammenl éVlxluer les écrits de .
. Mr Roger-Gahriel NLEP J,' Administralion Publique Camerounaise," cOlltributioll ri ('étude des sV.I'tètncs Africaills
d'Administratioll Publiqucs"J3ihliolhèqlle I\\!"ricainc el t\\'lalgachc, LG.I).J, rari~, 19R(), p. 299 ,
. Ou encore, t\\'lr Joseph IlINYO\\ !f\\l Conlcnticu\\ Adluillislrali!", cours polycopié de 3èmc anllL'e de licence. F;lculté de
droit el des seiences économiques de l'Université de Y:\\()(JNI)[. !\\nlH'c ACHlémiqllc 199I1J()<)2, p. 22 •

34
leur caractère unilatéral. Loin de remettre en question la
compétence de la juridiction administrative en la matière ,
force est toutefois de reconnaître qu'elle l'est de façon tout
d fait implicite, ce qui peut être un défaut mineur.
Deuxièmement, l'une des carences majeures inhérentes d
ces textes juridiques, en l'occurrence la constitution et
l'Ordonnance du 26 Août 1972, est qu'ils ne fournissent pas de
définition, ne serait-ce qu'approximative, de l'acte adminis-
tratif unilatéral dont les éventuels litiges qu'il soulèverait
ressortissent d la compétence du juge administratif. Ce phéno-
mène n'est d'ailleurs pas nouveau (1). Dans le silence du
droit écrit se sont heureusement substituées d'autres méthodes
de définition. A cet égard, le contentieux juridictionnel de
la décision administrative unilatérale aura servi de tremplin
privilégié pour mieux apprécier les éléments théoriques et
concrets qui mettent en évidence la notion d'acte administra-
tif unilatéral.
SECTION 1 : ELEMENTS THEORIQUES ET REALITE DE L'ACTE AD-
MINISTRATIF UNILATERAL
Lorsqu'on parcourt l'évolution historique du jeune droit
administratif camerounais, l'observateur se rendra compte de
l'inactivisme de la doctrine publiciste d définir l'expression
de décision administrative unilatérale. Ce mutisme regrettable
est, convient-il de le rementionner, initié par les divers
:~"
textes attributifs de compétence d la juridiction administra-
tive. Le résultat en est qu'aujourd'hui, c'est principalement
par le biais de la jurisprudence administrative qu'un principe
de définition a pu être élaboré. Du développement d'un conten-
tieux juridictionnel né de contestations soulevées auprès du
juge administratif, l'on semble maintenant fixé sur la théorie
de
l'acte administratif unilatéral et partant, sur sa présen-
tation concrète.
(1) Les rédacteurs des textes antérieurs n'avaient pas non plus songé il y apporter des précisions uliles. C'est le cas,
notamment du Décret du 4 Juin 19S~) dt'finiss:1II1 la cOlnpélence du Trihun:li d'!:lal cn son arlicle /er, de l'Ordonnance
N° 61-0r:-6 du 4 octohre /9(; 1 organ;s:llIl la (',,"' Fédémlc d,~ .Justice :linsi que ses lexies fllodilïcatifs (I.ois des 19
novembre 1965 ct 14 juin 19(9).

35
5/51: LE PRINCIPE DE LA DEFINITION JURISPRUDENTIELLE
A travers maints auteurs publicistes en France, le Droit
administratif hexagonal offre une approche de la définition de
l'acte administratif unilatéral (1). La doctrine Française
s'accorde en effet à regarder l'acte administratif unilatéral
comme un acte udécisoire" qui, par le seul effet de la volonté
de l'administration et sans l'intervention du juge, met des
droits ou des obligations au compte des sujets actifs ou pas-
sifs qui sont généralement les particuliers. De cette ébauche
de signification, l'on retient un certain nombre d'éléments
principaux: l'acte administratif unilatéral, c'est d'abord un
acte juridique; l'unila.---téralité en est la condition deuxiè-
me, puis intervient son émanation de la part d'une autorité
administrative, pour enfin s'identifier à un mode de modifica-
tion de l'ordonnancement juridique par les obligations qu'il
impose ou par les droits qu'il confère.
c'est en raison du conformisme traditionnel que le juge
administratif camerounais a été amené à emprunter silencieuse-
ment, sans afficher explicitement l'origine d'un tel usage,
les sentiers battus des solutions françaises. Par suite, dans
la délicate oeuvre de définition de la notion d'acte adminis-
tratif unilatéral servant de surcroît comme critère à sa com-
pétence, ce juge allait inévitablement être confronté à un di-
lemne.
Opter pour une conception extensive ou restrictive au-
rait, selon le cas, contribué à élargir son domaine d'inter-
vention ou à restreindre sa sphère de compétence. Qu'est-il
advenu réellement?
(1) - Georges DUPUIS, Définition de l'acte uni/atér<ll, recueil d'éludes en homlllage il Charles EISENlvll\\N, Paris,
Cujas, 1975, p. 213.
- Georges VEDEL, Droit I\\drninistratif, 1'. U F Coll Thémis, 197(" 1'..137 .
- Charles EISENMAN, ('ours de Drllil adrllÎnisrralif, l'aris, 1.r;I).I., )')R3, 'I,'me II. Pl' (,7R, ('RI. ('R:"
(,RR, (;')1.
727, 737, 739
- Pierre DELVOI ,VE, l'Acte administratif, Paris, Sirey, 19R3, pp. 1 1 - 22.
- René CHAPUS, Droit administratif génér;I1, l'lIlle l, Montcilleslien, llè l:dilioll, l'ans, l ')xX, p 330 l,t P :n(, .
- Guy I3RAJl3ANT, le droit ndminislralif français. ['l'esses d,~ fa FOlldation Narjoll;l1c d,,, sciellces [loliliqllcs cl DAI,-
LaZ. Paris, 19R4. p. 215

36
La solution du juge national est contenue dans l'impor-
tante affaire NGONGANG NJANKE Martin (1) dont les faits se ré-
sument ainsi.
Le requérant est ancien combattant et perçoit de ce fait
une pension de la part de l'Etat. Dans l'impossibilité
de bé-
néficier de son droit, il introduit une requête contentieuse
en date du 14 Janvier 1966 tendant à obtenir la condamnation
de l'Etat à lui rembourser la somme de 622.000 Frs CFA qui lui
est due à titre de
pension d'ancien combattant et qui a été
versée à une autre personne. La juridiction administrative
d'alors, la Cour Fédérale de Justice, s'était déclarée incom-
pétente à connaître d'un tel litige au motif que, conformément
à son champ de compétence, "l'action en indemnisation n'est
pas basée sur un préjudice causé par un acte administratif".
Ce fut donc l'opportunité pour le juge de fixer les esprits
sur cette notion. L'assemblée plénière de la Cour Fédérale de
justice décida alors que ((l'acte administratif est un acte ju-
ridique unilatéral, pris par une autorité administrative, dans
l'exercice d'un pouvoir administratif, et créant des droits et
des obligations pour les particuliers". Si, poursuit le juge,
"le versement par un agent spécial d'une som/ne d'argent à un
particulier ne saurait constituer un tel acte", on déduit que
dans la présente affaire NGONGANG NJANKE Martin, l'action du
requérant semble plutôt fondée sur un préjudice non généré par
un acte administratif. D'où l'incompétence du juge saisi; ce
qui autorise le plaignant à se diriger vers le juge judiciai-
re. En marge de quelques observations liées à la formulation
jurisprudentielle de l'expression d'acte administratif unila-
téral (2), trois paramètres essentiels sont à considérer à cet
effet :
- La décision unilatérale a un rapport avec la notion d'acte
juri.di.que ;
(1) C.FJ.li\\ssemblée plénière, i\\rrêt N" 20 du 20 f,.,lars 1968. C· / e.
(2) D'une part, dire que" /'I/Cll' adlllillislratif est /111 aete jllridiqlle Il/Iill/t/1'al" est unc option réductionnislc et partielle
faisant l'éeonomie du contraI adminislratif qui, de toule !'videnec, l'Il esl 1111 l'.gakllleni. D'autre part, la conccption du
juge camerounais qui tend il privilégicr le qU;llilïcalif "I/dlllillistratij" Il'épouse pas tïdèlelllcnl les choix du I)roit fran-
çais qui y accordent une importance quelque peu relative de par le déclin du critère organique, parfaitemcnt répercuté
par la doctrine: Paul Si\\IJOl)I~IN, "{,ellt-oll dres.l'eI' le cOl/.\\Iat de déch dll critère orgalliqlle l'II droit admillistratif
frallçais 7", R.D.!' 1f)71, P 5Rf) cts. De même, l'llir, de ce même a!lleur, les ohservalions sur' "lfIissioll de service
public, prérogatives dl' p"is.I'lIfICl' I",blill"l' l'tllotioll d'alltorité ai/ministrol;",'" (il propos de la décisioll dll CE. du 27
~ovcmbre 1970, Agence ~vlaritime ~v[arscillc, frêl cl alllres, J.CP 197/ 12<1(7)

- Ce même acte administratif unilatéral "pris par une autorité
administrative dans l'exer'cice d'un pouvoir administratif"
consacre la prépondérance du critère organique;
- Enfin, c'est un acte créateur de "droits et d'obligations
pour les particuliers".
1 :
LE
RAPPORT
ENTRE
LA
DECISION
UNILATERALE
ET
L'ACTE
JURIDIQUE
La signification de l'acte administratif unilatéral éta-
blie par le jurisprudence NGONGANG NJANKE Martin pose la règle
selon laquelle, ladite mesure administrative s'identifie à ce
que l'on appelle acte juridique. Cet effort de définition du
juge camerounais pose tout de même un problème nouveau alors
même qu'il imaginait résoudre intégralement une question ini-
tiale. Qu'est-ce, en effet, un acte juridique?
En l'absence de précisions supplémentaires que l'on peut
constater dans le contenu de la décision de justice,
il
convient, par souci de clarification, de rechercher du côté de
la doctrine les propositions nécessaires. S'il y apparaît une
vision classique de la notion d'acte juridique, ce type d'ap-
proche n'est malheureusement que partiellement satisfaisante.
A: APPROCHE TRADITIONNELLE DE L'ACTE JURIDIQUE
L'expression d'»acte juridique H renvoie tout d'abord à
la notion même de l'acte qui, on le sait, constitue un terme
polysémique: s'agit-il simplement d'un document tel l'acte de
l'état-civil ou d'un processus ou opération telles les mul-
tiples phases de la confection du même acte de l'état civil?
en tout cas, la double dimension de la notion d'acte semble ne
plus faire de doute et comprend entre autres "l'instrumentum H
et le ttnégocium" tel que nous le décri. t le professeur HOS-
TIOU(l) sur la base des travaux duprofesseur EISENMANN (2).
(1) René l-IüSTlüU. Procédure et Forme~ de "acle admilli~tratif unilatéral en Droil Françai~, Bihliothèque de Droit pu-
blic, Tome aux, L.G.D.I, Pari~ J975.
(2) Charles EISENMANN, Cours de Droil administratif, 1.,Cr.UJ, I)ari~, 1<JX2, Tome 1 ; sur "1'iIl.l'/rumcll//IIn", voir
pp: 376. 396, 397. 404 ; sur le "Ilego/ill/II", voir p. 371).
Tome II, puhlié en 19R3. Sur "1 Ills/r/llnell/I/III ", voir pp
cl'), RR, 105, IR2, 1')7,204, 20(i, 215, 347,353 ct~, 403,
405,484,486, 511,613,618,638,639,679, 701, 710, 713 : au ~ujet du "Ilego/il/III" enfin, voir pp : 88, 104 cr~,
110.182 els, 197,204,206,215,225, 353 el~, 373, 374, 402, 403, 405, 613, 679, 709, 710.

Chronologiquement, un regard sur l'approche privatiste
de la notion d'acte juridique révéle un contenu généralement
identique qui veut que l'acte juridique équivale à l'acte ac-
compli pour réaliser un ou plusieurs effets de droit (1).
L'illustration inrnédiate, c'est-à-dtre ((le type même de l'acte
juridique"
dans le cadre du droit commun des personnes est le
contrat qui n'en est qu '" une catégo,.i e de l'acte juri di-
que"(2) .

Eu égard à la présence de l'acte juridique en droit pu-
blic, que peut-on retenir des réflexions de la doctrine?
Le Professeur DUGUIT estime pour sa part que ((l'acte ju-
ridique est une manifestation de la volonté en vue de pro-
voquer une modification de l'Ordonnancement juridique" (3).

Par la suite, cet éminent auteur précise que la modification
de l'ordre juridique dont il est question porte soit sur les
régIes de droit, soit sur les situations juridiques dont tout
citoyen est bénéficiaire. Le couple régles de droit/situations
juridiques constitue en effet les éléments de composition de
l'Ordonnancement juridique d'une structure sociale.
Prenant le relai de la thése publiciste, M. Henri JACQ-
UOT réaffirme que (( l'acte juridique est une moni festation de
volonté destinée à produire des effets de droit, c'est-à-dire
une manifestation de volonté qui a pour objet de modifier des
situations juridiques" (4). M. Joseph BINYOUM fait également
sienne ce~e conception de l'acte juridique qui prend appui sur
la finalité recherchée dans l'action de l'auteur de l'acte(S).
(1) PLANIOL, RIPEIU ct BOULANGER, Traité éll~lllentaire de Droil Civil. TI'IllC 1. p. 127, N" 275 (chapitre ~nr la
théorie des acles juridique~) ou encore, RélllY CA mULLA. l'acte juridique conjonctif en droil privé r:rauçai~.
Bibliothèque de Droil privé, 'l'oille 213, LG 0 ..1.. P<Jris 1990, pp ~ el il.
(2)Rémy CAI3RILLA, oll\\'r<Jge précil( p. 4.
(3) Léon DUGUIT. Tr<J ilé de Droil Cousl itutionllel, 2ô r:'dilioll, 1:' de IJ I{( le( .'1\\ 1< 1). l'aris l 'J21 . 'J()llIe l, p 21 <),
(4) Voir son élude sur "le colllcntietn: administratif au Camerol/n" ,1ère partie, I<.evue C<JIlJeroull<Ji~e de Droit, N° 7,
Janvier-Juin 1975, p 2~,
(5) Cours polycopié de "contentieux administratif' précité, pp 23 cl 24,

De fait, si les formules utilisées présentent én appa-
rence des variantes, elles répondent cependant à des idées
fondamentalement proches. Bien plus, 10 formulation de la doc-
trine privatiste semble manifestement moins rigoureuse que la
définition de l'acte juridique proposée par les publicistes.
l'explication réside dans le fait que l'expression effet de
droit qui en est le point de mire reste très imprécise du côté
privatiste. En revanche, celle d'ordonnancement ou d'ordre ju-
ridique parait assez claire, surtout quand on spécifie ses
données constitutives ou plus simplement ce qui constitue cet
ordre. Enfin, l'examen proprement dit de la notion d'acte ju-
ridique, au vu
de ces théories, semble dégager un constat:
il est assez évident de relever en effet le caractère essen-
tiellement psychologique qui l'entoure. les définitions propo-
sées se positionnent du point de vue de l'auteur de l'acte, au
moment où il le projette, le décide ou le concrétise. Tenir
exclusivement compte de l'individu agissant reviendrait à
faire référence à l'attitude intentionnelle. Ce qui ne peut
être qu'un défaut sérieux puisque l'élément central de concep-
tualisation est purement subjectif. L'acte juridique ici n'est
par conséquent pas caractérisé par une propriété intrinsèque.
Le revers d'une telle démarche intellectuelle est que l'on
prête le flanc à des objections qui condamnent et qui, corré-
lativement, appellent des éléments nouveaux de substitution.
B : CRITIQUE ET PRESENTATION NOUVELLE
la principale anomalie de l'approche traditionnelle de l'acte
juridique peut ainsi être dégagée : se référer aux expressions
telles que, actes accomplis en vue de ... , ou bien dans l'in-
tention de ... , ou encore dans le but de ... , est de nature à
entretenir un amalgame négatif entre acte et fait ou situation
et, au-delà, une confusion abusive entre acte juridique et si-
tuation juridique.
Des actes illicites sont parfois accomplis ou réalisés
par des individus afin de produire des effets de droit, de
provoquer une modification de l'Ordonnancement juridique. Ce-

lui qui, par exemple, s'emplolie à supprimer physiquement un
héri tier qUl le prime tend bien à réal iser des effets de
droit; il cherche à devenir premier héritier appelé. Et toute
la gamme variée d'actes de fraude à la loi s'inscrit parfaite-
ment dans la définition "intentionnaliste" de l'acte juridique
défendue par les classiques.
Pourtant, le propre du Droit n'est pas d'encourager les
situations illicites, fussent-elles à titre éventuel. Et le
législateur camerounais semble avoir assimilé cette philoso-
phie juridique tout récemment (1). C'est ce qui conduit, sans
doute, le professeur NLEP à minimiser "l'aspect volontaire de
l'auteur de l'acte". Tout naturellement, suggère-t-il, l'élé-
ment de forme est plutôt fondamental et n'est autre chose que
"celui qui se rattache à un processus ... qui permet de fa-
briquer du droit" (2). Ceci dit, une situation juridique est
traditionnellement fonction de l'existence ~'un acte juri-
dique. Concrètement parlant, la situation juridique du fonc-
tionnaire camerounais procède par exemple de l'acte juridique
qu'est le Statut Général de la fonction publique, c'est-à-dire
le décret N° 74/138 du 18 Février 1974 (3).
De même, il est nécessaire d'aboutir au résultat selon
lequel tout effet de droit est effet licite. Ceci dénierait la
qualité d'acte juridique à l'acte irrégulier par son objet ou
son fond. Corrélativement, l'acte accompli en vue de susciter
un effet de droit non licite ne saurait être considéré comme
un acte juridique. Pour y parvenir, l'on devrait à l'avenir
appliquer une méthode qui rappelle un certain nombre
d'exi-
gences scientifiques ainsi formulées par M. VENEZIA : "la ri-
gueur et la précision sont les attributs fondamentaux des con-
-----------~1Ë------
(1) Aux tennes de l'article 9 de la loi N° 91/020 du IG décembr~rixant les conditions d'élection des députés il
l'Assemblée Nationale. l'hypothèse du décès du dé[Juté titulaire du siège n'csl guère reg<lrdée au litrc dcs motirs de
remplacement [Jar son suppléant: "l'our c/raque siège ri poul'oir, il est prél'u Ul/ cal/didat titulaire etlill suppléal/t. I~
candidat et le suppléallt se l'réselltellt el/ même temps del'alltles électeurs de la rircoIIscriptioll.
Après leur élection, et da"s tous les cas de l'acallCC autres que le décès du titulaire, le suppléallt est appelé ri siéger ri
l'Assemblée Natiollale, ri la place du député, jusqu'à lafill du ma
Ilda de celui·ci... ".
(2) Roger·Gabriel NI.EI', ''l'Administratioll puhliql/(' Cnmcmullai.H· ... ", ()uvr<l~t' précill', p. lO 1 :
Voir plus explicitement Georges DUI'UIS, [Jrdace it l'ouITagc de l{eué IlOSTIOU, 'Pm,'édllre eljorllles dl' l'ae/(: ad·
ministratif unilatéral. .. ". précité.
(3) Toutefois, il est parrois de situations juridiques qui ne proviennent [Jas d'actcs juridiques mais de simples rails ma-
tériels. C'est le cas,par exemple,d'un acident de la circulation qui permel it 1<1 l'iclime de rcveudiqller,k~g<llel11ent,cer­
tains droits à l'égard de l'alilcur de l';]ccident,en I<lison de l'ohlif:ation de rl'[J;]raliotl qui pèse Sllr ce dernier.
L:application d'une telle origine de 1;] siwalion juridique es! confirmée [J<lr l'article 1382 du Co(/e Civil
"7'rJ/lljail
que/conque de l'homme, qui C(II/se à autmi /III dOl1ul1age, oblige cellii par laja/lte duql/el il nt arril'é, à le réparer"

41
cepts, des notions juridiques. Ne pourra être considérée c~/e
juridique une notion qui ne sera pas susceptible d'être défi-
nie avec précision,. définie,
c'est-à-dire, au sens étymo-
logique de ce terme, bornée, délimitée" (1).
Ce faisant, on est séduit par la thése du professeur EI-
5ENMAN qui propose de considérer l'acte juridique de façon po-
sitive et de voir en lui ttune donnée de l'ordre juridique,
quelque chose qui est prévu et réglementé par lui" . Une pers-
pective semblable incite finalement d présenter l'acte juri-
dique comme toute opération établie par l'ordre juridique et
permettant aux sujets d'en modifier les éléments. Le mérite de
cette présentation est de s'attacher d une finalité «objecti-
ve" , celle qui est foncti.on de l 'ordt'e juridique préétabl i,
et non plus d la finalité ttsubjective" qu'est la fin poursui-
vie par le sujet accomplissant un acte donné. L'acte juridique
ainsi perçu marque l'antinomie qu'il y a par rapport d l'acte
non juridique, distinction du reste élaborée dans l'une des
conceptions Kelsenniénes (2).
5i donc la condition d'acte juridique est imposée d tout
acte administratif unilatéral, le juge de l'affaire NGONGANG
NJANKE Martin a ensuite exigé l'incorporation d'un second élé-
ment qui postule l'interventi.on d'une autorité administrative
agissant és-qualité.
Il
L'ACTE
ADMINISTRATIF
UNILATERAL
EST
L'EMANATION
DE
L'AUTORITE
ADMINISTRATIVE
Le choix d'une telle formule par le juge de l'affaire
NGONGANG NJANKE Martin, position qui n'est plus depuis 1977
considérée comme un cas unique (3), signifie tout simplement
(1) Jean-Claude VENEZIA, sur le degré d'origin<,lité du contcnticux économiquc, mélanges ST/\\NISSOPOULOS, Paris,
L.G.D.J, 1974, P. 148.
(2) Hans KELSEN, Théorie pure du Droit. traduit par Charles EISEN/V/AN, DA LLOZ, Paris, J962, p. 343.
(3) Dans son jugement N° 23/CS/CA dn 3 février 1977. YEYAP NJOY,\\ Joseph Marie clElat dll Camcroun. le jugc
confirme,dans des termes presque similaires,quc "la décisioll admillis/rf/lil'(' ou exécutoire CJI foui acte juridique ulli·
latéral d'une admini.rlration qualifiée el a,çi.ualll l'II lalll que le Ile. susCel'li/.lle de I,rnduire l'ar lui-même des elfetç de
droitf"· Et de conclure ..... qu 'ils 'ellsuil de là que la chambre l'sI coml'élellle {,ollr cO/lltaÎlre de la requêle illiroduile
contre la décisioll a{{aquée (N° 2411IMINFOc!DAC du 28juil/el 1975 ['orlalll illlerdie/ioll au .l'ieur NJOYA de sc {mf-
valoir d'un quelcollquc droil d'illl'elllioll COllecm(I/11 la lec/rllique defolllc à f"irc l'errlllc) rllIAfillislrc d(~ {'illforll/alioll
el de la CU/Lure":

42
l'option pour le critère organique dans la définition de l'ac-
te administratif unilatéral. Au-delà des réflexions critiques
suscitées par la consécration jurisprudentielle de ce critè-
re(l), il est important de savoir qu'il découle de cette ju-
risprudence que, désormais, il n'y a que l'autorité adminis-
trative et elle seule, qui ait le pouvoir d'édicter un acte
administrati f.
Mani festement
étroi t
dans sa
formulation,
puisqu'il exclut sans équivoque toute autre entité génératrice
d'actes normateurs, ce principe du juge camerounais n'est tou-
tefois pas aussi ferme et absolu qu'on le croit. L'observateur
attentif de la jurisprudence administrative camerounaise décè-
le en effet des décisions de justice qui traduisent, plus ou
moins nettement, une certaine flexibilité jurisprudentielle.
A: VEXCLUSIVITE DE LA COMPETENCE DE VAUTORITE ADMINIS:
TRATIVE
Le fait pour le juge d'avoir tenu à mentionner le critè-
re organique revêt le mérite incontestable de distinguer celui
que l'on doit considérer comme autorité administrative de
celui qui n'a pas cette qualité ou qui ne l'est pas, tout sim-
plement (2). Car, dans l'esprit de la majorité des camerou-
nais,le député, le magistrat, l'officier de police, les agents
du secrétariat d'un ministère,
le greffier, le médecin et
autres sont confusément perçus comme telS. Cette dilution des
organes susceptibles d'émettre des actes administratifs unila-
téraux semble favorisée par la rédaction de l'article 9 de
l'ordonnance de 1972 qui précise que "la cour supréme connait
de l'ensemble du contentieux administratif à l'encontre de

l'Etat" , cet Etat qui a effectivement pour représentants
agi ssant en son nom, les
"autori tés" sllsci tées. Fort heureu-
sement' la pratique contentieuse révèle plutôt, avec discerne-
ment, que la juridiction administrative est compétente lorsque
(1) M. I31NYOUM souligne que" l'nptioll pour le aitèrc orgalliqllc a ('ollune ill('Ollvélliellt majeur de restreilldrc le
domaine d'illtervelltioll du juxe administratif cameroullais l'II rédulsallt .l'a cO/llpétellce al/ cOlltrôle des seuls services
publics administratifs cla.uiques"
(Cours [XJlycopié précité, p 2.'», tandis que le professellr NLEP (ouvrage précité, p
303) Y voit "UII choix délihéré qui \\'a dam le sellS d'ull amelluisemellt des dépellses de la puissallce publique l'II vue
d'un accroissement de.r moyen\\' d'ill/en'ell/if}1I de celle-ci l'our a.uurer le dé\\'e1oppemellt écollnmiqlle et socia/". Car,
note-t-il préalablement. vouloir admettre "que des actcs admillistrallf\\' pui.uellt émaller d'orxallismCJ II/'ivés CO/ll-
porte des risques certaills d'extclISinn de la res{'o/Habilité de i'admilllçtratioll. ccl/l'-ci résultc d'ull préjudice ('{[usé
par UII "acte administratif' et ne {'l'ut que se solder parulie hémorragie des denier.\\' {'ublics".

(2) SABOURIN (p), Recherches sur la notion d'autorilé administrative en droit 17rançais, hihliothèque de droit puhlic,
Tome LXIX, L.G. D..l., Paris, 19(,(,

le justiciable attaque une décision prise par une autorité ad-
ministrative qui peut être ( ;è le Président de la Républ ique,
les ministres, tous placés au sommet de la hiérarchie adminis-
trative; les gouverneurs d~5provinces, les préfets, les sous-
préfets, les maires, considérés comme les relais de l'adminis-
trat~on centrale; les fonctionnaires nantis d'un pouvoir de
décision et agissant dans l'excercice de leurs fonctions; ou
même les structures décisionnelles d'un établissement public
administratif comme l'université de YAOUNDE dont on connait
assez bien le pouvoir normatif de son chancelier et assez mal
la nature juridique des avis de son conseil d'administration
en matière disciplinaire et qui pourtant s'identifient à une
"véritable opération normatrice" qui, lorsqu'elle fait grief,
est soumise au contrôle de la juridiction administrative (1).
La qualité d'autorité administrative étant, on le constate,
reconnue aux agents du upouvoir exécutif" agissant à ce titre,
on ne peut qu'exclure)par voie de conséquence, les actes pris
par des personnes privées et ceux émanant des autres personnes
publiques, non administratives, du champ administratif.
Dans une décision NKONG Emmanuel c(Etat du Cameroun (2),
le juge administratif~faisant explicitement référence à une
assertion d'un conseiller d'Etat Français (3), faisait sien le
principe selon lequel ul a définition des actes administratifs
unilatéraux contre lesquels une action peut étre intentée
écarte les actes, décisions et mesures du corps du pouvoir lé-

gislatif ou judiciaire sur la base du principe de la sépara-
tion des pouvoirs". En application de cette maxime, les actes
des autorités législatives et judiciaires)que l'on nomme donc
à juste titre t~utorités publiques non administratives" , sont
exclus du champ de la décision administrative unilatérale.
(1) Jugement N° 401CS/Ci\\/80-81 du 30 Avril 19RI, Guirro Je~n-l)hiiJppe contre Ltat du Cameroun ; ob~erv~llon~
Roger-Gabriel NLEP, Reclieil Penant N° 777-778. juillel - déccmhre 19R2. pp 73-RI. L'infirrnation en ilppel de cc ju-
gement (Arrêt N° 16/1\\ du 13juin 19R5 par l'A~~.. rnhlé.. pl.Sni"r.. dl' la COllr SUf>rl'l1Iel n'a nullernent affcct.' Il' prohl<'-
me de forme porlant sur la '1ualificilliol1 juridique de~ nonne~ érnise~ par ledit Con~eil d'administriltil>ll. rui~que le
juge maintient que "cet avis impératif·.· qt/i a, par lt/i-même le caractère de dëcüiml faisllllt ,~rief est st/sce{JtilJle de
faire l'objet d'ull recours COli/Cil lie lU " , diln~ la formule du prernier juge.
(2) Jugement na I/CS/CA du 19 déccrnhre 197.".
(3) Il s'agit d'Une puhlicalion de ~'laximc U:;rOUI~Nr,U)~il prop()~ de la recevahillté du rccour~ contcnlicu~pilnlediln~
le journal de la cornmi~~ion internationale de~ jtlri~le~, "o/urne 8, N° 2 de Décemhre J(J67.

44
Pour ce qui est des actes émis par le législateur, il
est de jurisprudence constante)depuis l'arrêt N° 4/CFJ/AP du
28 octobre 1970, Société des Grands Travaux de l'Est c/Etat
Fédéré
au-- Cameroun orlef"Ytal ~ que--Tes-lois édictées par
l"ASsernblée Nationale et promulguées par le chef de l'Etat ne
seront jamais portées à la connaissance de la juridiction ad-
ministrative pour excès de pouvoir. En fait, dans cette espèce
relative au Contentieux Fiscal, ladite Société contestait une
imposition jugée erronée, consécutive à une disposition légis-
lative à caractère rétroactif insérée au Code Général des im-
pôts. Prenant pour argument une disposition constitutionnelle
fixant que "la loi ne peut avoir d'effet rétroactif",
la
requérante introduisit un recours contentieux tendant à l'an-
nulation partielle du rôle contesté.
Mais
le juge~saisi en premier ressort~rejetQ le re-
cours comme mal fondé, aux motifs "qu'il est généralement
açJmi
s que les pri ncipes contenus dans le préambu le de
la
constitution,
tel
le principe de la non rétroactivité des
lois, ont valeur de principes généraux du droit, c'est-à-dire
non pas supérieure, mais égale à celle de la loi ordinaire,
que par suite le législateur peut y déroger expressément, ce

qu'a effectivement fait le législateur; qu'à supposer même
que le principe de la non-rétroactivité des lois soit une
règle constitutionnelle, et que la loi (concernée), pour l'a-
voir méconnue, soit inconstitutionnelle, en l'absence d'un

contrôle de la constitutionnalité des lois par voie d'excep-
tion, il n'appartient pas ... au juge amninistratif de l'annu-

ler ni même d'en écarter l'application". En appel de cette dé-
cision de la chambre administrative de la Cour Fédérale de
justice, la société requérante obtiendra une réplique iden-
tique qui signifie confirmation par les juges de l'Assemblée
Plénière. Quelques mois après cet arrêt de principe, le juge
administratif camerounais aura encore l'occasion de rappeler
le caractère non déférable devant lui de l'acte émanant du lé-
gislateur classique (1).
(1) Arrêt N° IOSICI:.J/C:;\\Y dll Hdéccmhre 1'J7(), Clallde 11/\\IJJ:c!Uat dll ('a,"croun oriental.

Le problème de l'immunité juridictionnelle appliquée aux
actes du iilégislateur gouvernemental" reste entier cependant.
En l'absence d'une position jurisprudentielle définitivement
établie sur les Ordonnances présidentielles de l'article 21 de
la Constitution en vigueur (1), les controverses doctrinales
auront toujours libre cours et l'on assistera tout naturelle-
ment à des opinions partagées entre ceux qui y voient un pro-
longement du pouvoir législatif (2) et ceux qui tiennent à
nuancer une telle approche.
Les actes des autorités judiciaires par contre semblent
ne pas être matière à polémique et leur régime juridique,
clairement mais partiellement mis en évidence par le juge na-
tional, est fortement imprégné des conceptions de la jurispru-
dence administrative Française. C'est en effet une décision du
Tribunal des conflits du 27 novembre 1952 (3) qui avait permis
de mieux distinguer les choses: l'action engagée, par les of-
ficiers susvisés devant le tribunal civil de Cayenne et portée
par eux en appel devant la chambre d'appel détachée à Cayenne
de la Cour d'appel de Fort-de-France, tendait à obtenir la
condamnation de l'Etat au paiement de dommages et intérêts en
réparation du préjudice que leur aurait causé l'arrêt, pendant
une certaine période, du fonctionnement des juridictions au-
près desquelles ils exerçaient leurs fonctions en Guyane. Le
raisonnement du juge intervint en ces termes : iiconsidérant
que les actes incriminés sont relatifs non à l'exercice de la

fonction juridictionnelle mais à l'organisation même du servi-
ce pub lie de la justi ce ; .. , que l' acti on des ,'equérants met
en jeu la responsabilité du service public indépendamment de
toute appréciation à porter sur la marche même des services
judiciaires; qu'il appartient dès lors à la juridiction admi-
(1) L'article 21 de la con~titnlion dn 2 jnin 1972 di~r'()~e en effel (Ille "/'A.\\.w'III""~r Nalial/alr l'('{II alll()ri.l(~r /r
Présidcllt de la République, /,clld(/I/I {III dél(/i lilllité el .Il1r des objel.\\" détcr",il/L'.I, rl "relldre des ordnl/I/(/I/CCS 1/\\'(/111
force de loi" dans les matières définie~ à l'arlicle 20 <Iudit texte constitutionner, énumérant au pa~~age le domaine de
la loi.
(2) Eric BOEHLER, rénexions sur la naturejuri<liqllc de~ Ordonnances <le l'article 21 <Ic la c()n~tilllti()n <In 2jnin 1972,
R.CD., N° 5, p R ; M B1NYOI Irv! parIage l'opinion L'mi~c p;lr ccl alltellr (C()lII~ pnl\\'C"l'ié l'n'cil<', 1',2(,).
(3) Officiers Ivlinistériels de Cayenne, Ree, p 642.

46
nistrative d'en connaître et que c'est à bon droit que le pré-
fet a élevé le conflit dans l'instance ... ". C'est sur ce prin-
cipe de la distinction entre organisation et fonctionnement
des services judiciaires que le juge camerounais a fondé sa
position de principe dans une espèce TAGNY Mathieu (1).
Le Sieur TAGNY avait sollicité du juge administratif
qu'il condamne l'Etat à lui payer la somme de 366.081 F CFA en
réparation du préjudi.ce résultant de son incarcération. Il fut
débouté, motif pris de ce que ul es faits dont le requérant de-
mande réparation sont intimement liés à l'instruction de ma-
noeuvres subversives qui lui étaient reprochés et dont l'admi-
nistration avait pu, à juste titre, eu égard à la conjoncture
poli
ti que de l'époque se croi re vi ctime ; que ces fai ts, qui
ne sauraient être détachés de la procédure suivie devant le
juge judiciaire en vue de la manifestation de la vérité, ne
peuvent par conséquent, être déférés devant la juridiction ju-
diciaire".

On déduit tout simplement de cette jurisprudence l'in-
compétence du juge administratif pour connaître des actes des
autorités judiciaires relatifs au fonctionnement de la justice
judiciaire. Cette auto-interdiction de statuer sur des actions
de ce type est demeurée infléchi.e jusqu'à présent au regard du
développement du contentieux administratif au Cameroun (2).
En revanche, les mesures ayant trait à l'organisation
des services judiciaires et édictées par l'exécutif sont répu-
tées actes administratifs unilatéraux soumis à l'examen du
juge administratif: c'est désormais une effectivité pour les
(1) Arrêt N° 19/crJ/AP du tG ~'lars )%7.
(2) Chronologiqucmcnt, Ics décisions juridictionncllcs ci-après sont inlcr"cnucs .
. Arrêt N° 2l3/A/CrJ/A P du 18 AoOt 1972, Damc AOUA [-IAD.lA c!1~éruhliquc 17édéralc du Camcroun ,ohscrv;ltions
Henri JACQUOT, in RCD., N° 3, .ran\\·icr-juin 1973, r 54-
, Arrêt N° l3/CS/CA du Sjnin 1975, KOULOU Mauricc c1Etat du Camcroun
Pour l'annéc 1980 et la scule journéc du 2G Juin, trois décisions:
-- Jugement N° 43/CS/CA, MON[X)UJ30U Théodore c/Etat du (';lIl1C1oun.
- Jugement N° M/CS/CA, YOMJJl Alphonsc J3elll<lrd contre/El<lt du C:lIl;croun .
• Jugement N° 4S/CS/CA. NGUIAMI3A 1);lI1icl contre/Etal du Camcroun.
'
- Jugemcnt N° 6/CS/CA/84-85 dn25 octohrc l')~I, ~'Ii\\1vIA MU.AN(j Zacharie dUal du Cameroun _

47
actes concernant la carrlere du magistrat, lequel, dans le sys-
tème Camerounais, est un fonctionnaire (1).
L'importance accordée au critère organique dans la défi-
nition de l'acte administratif unilatéral exclut tout aussi
bien les actes de personnes privées. L'enchevêtrement qui ap-
parat t
pa rfoi. s "i névi tab 1e ent re secteu r pub1i c et secteu r
privé amène toutefois d relativiser, quelque peu, l'émanation
jadis absolument administrative de l'acte concerné. Et l'on
sait les réaménagements effectués par le juge administratif
Français en la matière (2). S'inspirant de ces réajustements
venus d'ailleurs, le juge administratif Camerounais n'a pas
hésité d fissurer le dogme de l'exclusivisme de l'autorité ad-
ministrative dans le processus d'émission des actes adminis-
tratifs uni.latéraux. Ce qui incite d conclure d une flexibili-
té certaine de sa jurisprudence.
(1) . Jugement non numéroté A DJ)/CS/CA du 2R j~nvicr l'JR2. TATSI NJ)A Manricc conlIe/Etat dn Cameroun
, Jugement N° 52/CS/CA du 20 m~i 1982, AI/\\ NGANA MI1A I~GA Ad~lhert clEtal du Cameroun
, Jugemenl N° 84/CS/CA du :10 juin 198:1, /\\li\\NC;ANA ~\\'fIlA I~GA Adalbcrl c/EI;II tin C'amcronn
(2) Une systématisation <.les décisions du Trihun~1 des conllits ct du Conseil d'I:I;ll démon Ire toute l't'volnlion de la
jurisprudence administrative, Vers la fin <.le la première moitié du siècle, le jugc admet que d(~s organismes privés qui
peuvent être des comités d'organis;Jtion, des assoeiation,~ régies par la loi du 1cr juillet 1')01, des fondations pri-
vées, syndicats professionnels, fédérations sportives, ;Jssocialions <.le chasse el autres, <.Ians la mesure oÎl ils sont
chargés d'une mission de service puhlic (gestion d'un service public administratif ou concessionnaire de services pu-
blics industriels et commerciaux). sont susceptibles <.l'énl'~llre un certain nomhre de décisions présenlant le caractère
d'actes administratifs relevant de la compétence <.le la juridiction ~<.Iministralive :
, CE. 20 décemhre 1935, Etablissements VI':ZIA, GA, W 56:
· CE. 13 mai 1938, Caisse primaire Aide el Protection Rec. p 417, RDP 1938, P 8.<0. conclusions LATOURNERIE;
· CE. 31 juillet 1942, MONPEURI: D, 1942, P 138, conclilsions SrGA I.AI' :
, CE. 2 avril 1943, IJOUGLJEN, S, 1944, P 1. conclusions LACIRANGE, note ~\\'ILSmE:
, CE. 14 mai 1948. SARClaS. s, 49.3.25 :
· CE. 28 juin 1948, MORAND. S. 47,3,19,
, CE. 4 février 1949, foERAY duffiUDRAY, rel', p, 50 ,
· CE. 13 janvier 1961, ~\\'IA(;NIER, RD,P l!)(il. p, 155. conclusions FOIJRNILI~,
· TC 15 janvier 1968, époux 13AR131ER, R,D,I) )')(i9, (l. 142 conclusions Jean KAIIN ct 1'J(,8, p wn, note Marcel
WALlNE: celle jurispru<.lcncc va au-delà dn précédent schéma relatif au service public a<.lrninistralif cl pose qlle <.Iésor-
mais, des règlements administratifs peuvcnl être émis par <.les personnes privées concessionnaires <.le services pu-
blics induslriels el commerciaux à con<.lirion que ces règlements concernent précisément l'Organisation <.lu service
public: "considérallt que le rèlliement, établi le 20 al'ril 1959, .. , par la com{'allnie natiollale Air-France {'ollr fira
les condiliolls de travail dll personlle/na1'igant cmrunercial, comporte, Ilotammellt Cil SOli article 72 - leque/ dispo-
se que le marialle des hôlesse,f de l'air elllraÎlle, de la parI des Îlllére.uées, la cessalion de leurs frJ//diolls - des dispo-
silions qui apparaisselll comme des élémell/s de l'orgallisalioll du senice exploité .. que ces di,fposiliollS cOllfèrellt
au.-dil acle dalls SOli ÎllléRra/ilé
//11 caradère admillistralif el relldelll ('OInrételltcs les jllrirlicliOlls admillislralil'cs
pour apprécier sa léRalilé",
· CE. 7 juillet 197R. t\\·linistre de la ()ualilt~ de la vic chie VAU.\\t\\f(lI~LT. /\\,1/);\\
l'n'J, N° G, P Vi, conclusions
ROUGEVIN-fiAVIILE:
· CE 6 novembre 1978, Caisse <.le crédit Mutuel <.les agenls <.lu Trésor puhlic, 1) l\\dm 1'.178, N° 3()8;
,TC 7 juillct 1980, PESClIAUD c/C,roupelllelll du Foothall (lrorcssionnel. D. l')RI, (l '12,
· c.E. 27 juillet 1984, Jacques KI:SSLU~ ct autres, 1\\.11),1\\. l'J~I, pp (,:12 - (,'-~5, collclusi;,llS I~\\UTI Jean-Mmie

48
B : LA FLEXIBILITE JURISPRUDENTIELLE
Au stade actuel de l'évolution de la jurisprudence admi-
nistrative Camerounaise, il n'est pas osé d'alléguer qu'il n'y
a plus de correspondance rigide entre la qualité juridique
d'une personne et les actes qu'elle est parfois amenée d édic-
ter. Le fondement de l'acte administratif clairement mis en
évidence dans les décisions NGONGANG NJANKE Martin et YEYAP
NJOYA Joseph-Marie est ébranlé du fait de la reconnaissance,
par le juge administratif, de l'immixtion d'organismes privés
dans le champ de la décision publique. Et ce n'est nullement
la rigoureuse restriction jurisprudentielle des catégories
concernées qui empêchera de persister sur la fin du monopole
de l'autorité administative d poser des actes administratifs
unilatéraux.
Les ordres professionnels, symbole du démembrement de
l 'autori té de l' admi ni stration,
semblent au j ou rd' hui être
considérés comme le reflet d'une parcelle de pouvoir transmi-
se, soit par l'administration elle-même soit par le législa-
teur, d une personne morale bien distincte, en tout cas, de
l'autorité administrative traditionnelle mais qui pourtant
participe au processus normatif administratif,
si l'on en
croit ces quelques décisions de justice administrative.
Dans une espèce Bernard AUTEROCHE bien connue (1), le
requérant, docteur en médecine, saisit la juridiction adminis-
trative pour qu'il soit sursis d l'exécution de la décision du
Conseil de l'Ordre National des Médecins, laquelle lui inter-
dit l'exercice de la Médecine du Travail en toute illégalité
puisque prise au mépris des droits de la défense.
(1) Arrêt N° 50/CFJ/CAY du 27 juiu l ')(i~. Ikrnard A IJTIJ~(XJ lE Clllllre Ual dll (';lIl1elOlIlI,

Sur Je fondement de Sil cOlllpétence <l connaître dll présent litige, le juge reconnaît
explicitement que le Conseil de l'Ordre National des médecins « cst hahilité à prcndrc
des décisions à carac/('re administratij,' susceptibles de recours devant la ('0/11' j'ëdéra!e
de justice ». Dans tlll cas voisin mettant en cause la décision d'un ordre professionnel 1, le
juge camerounais ,Hlra l'occasion de réélfflrmer sa prise de position, édifinnt ainsi
définitivement CCliX qui auraient pu voir d,ms le cas ALITEROCI·'E une décision isoléc.
Toutefois, si le jugc s'est clairement prononcé sur le problème de la naturc
juridique des actes émaJl(lIll des ordres prolèssionncls, le poil]( d'omhre demcure enlier
sur lil question de la nature juridiquc de ces organismes. Sont-ce des personnes privées ou
des personncs publiques? C'cst justement ce mulismc du jllge qui cst aU.iollrdïllli source
de controvcrses doctrinHles. r3ien plus, lorsque le législélteur se horne cl créer lin ordre
professionnel sans pour autant régler cette question en suspens, tel l'ordre des avocats 2,
on déduit que rien de déflniti f n'est encore envisagé. Ce qui donne libre cours cl des
interprélations subjectives.
Ce faisant, sous réserve de la « chose jugée» relativemenl aux actes cl caractère
administralif qu'un ordre professionnel po li rn1Ï1 émeUTe, une démnrche personnelle
voudrilit qu'il soil considéré au titre de personne privée chargée de gérer Ull service public
eorganiser et discipliner L1ne profession) dès 1ïnst<lIlt où il est organiquement différent des
institutions que sont J'Etal, les collectivités territoriales et les établissements publics. Au
surplus, l'ordre professionnel étillll appliqué à une profession dite libérale, comme en
témoigne l'article Icr de la loi de décembre 1990 sur ln profession d'avocat. sa
comptilbilité n'a aucun rapporl avec le Trésor public mais esl plutôt liée ;l un compte
bancaire à l'instar d'ull simple parliculier.
1 Arrêt N°7 /CS/ AP dn 11 lIlars 1l)77. FEUM 1 JANTOIJ Jacqnes c/Conseil de l'Ordre des Avocals.
2 En cfTc!. anClllle des qll<ltre-villgls dispo.~iliolls de 1;1 loi N° 1)0/5') clu l') décelllbre l 'JI)O porlalll orgallisation de la
profession (l'avoe<ll n'ellleure. pOlir ne point dire ne résoncl. le problème de la qllalilîcatiolljuridiqne de ce que J'on
appelle ordre professionnel alors lIlême que noIre droi! positif y esl tOlljonrs demeuré élonllallllllent silencieux. Ccl
étal inS;llisf<lis<ln! clu clroil se rencOlltre égaleillent (bns les lextes respectir~ régissant les autres ordres
professionnels existants. Cf. CAMEROUN - DROITS ET LIBERTES (recueil de nouvc;llL-'; lexies). Editions
SOPECAM. décembre (l)I)(). pp. /15. 12X. 152. 1(,5. J XX. 201 ct 214

Seulement, lorsqu'on suit au mot près le raisonnement
juridique et la décision finale du juge camerounais, on est en
droit de s'interroger sur son attitude face au problème posé
de la qualification de l'ordre professionnel. L'Affaire TIAKO
Félix (1) mérite à cet effet un examen attentif.
Le sieur TIAKO est pharmacien et suite à l'élection des
membres du bureau du Conseil de l'Ordre des pharmaciens du
Cameroun tenue le 30 septembre 1990, à l'hôtel SOFITEL à
YAOUNDE, il estime qu'elle est entachée d'irrégularités. Par
requête introductive d'instance en date du 10 Octobre 1990, il
saisit la juridiction de céans aux fins d'annulation de l'é-
lection concernée, motif pris de ce qu'il y a vice de procédu-
re en ce sens qu'ont participé à ce processus électoral des
membres suppléants du Conseil de l'Ordre, "alors que par défi-
nition, un suppléant ne peut venir qu'en remplacement du titu-
laire".
Abstraction faite du problème de la compétence du juge
administratif à statuer sur la présente contestation (2), ce
dernier le déclare fondé et, au fond, annule l'élection liti-
gieuse parce "qu'en tout cas, par principe et en règl e généra-
le, un membre suppléant ne peut siéger et de surcroît partici-
per à une élection qu'en cas d'empêchement du membre titulaire
qu'il supplée".
Le fait majeur dans cette décision est contenu
dans l'article 3 du dispositif de l'acte juridictionnel. Le
juge en effet "met les dépens à la charge du Trésor public" en
raison, sans doute, de la formule consacrée selon laquelle
"toute
personne
qui
succombe
est
condamnée
aux
dépens'~3).L'ordre professionnel des pharmaciens est-il de ce
fait assimilable à une administration classique dont on sait
le rôle de support financier que joue le Trésor Public quand
elle perd un procès administratif (4) ?
(1) Jugcmcnt N° 117/90-91 du31 mai 1991, TIAKO Félix contrc Conscil dc l'Ordre dcs phmmacicns du Camcroun.
(2) Cette catégorie dc litiges s'inscrit dans la mouvallce des litigcs qui SOllt e,xpressémcnl soumis il la Cour Suprêmc
par des lois spécilïques et sera ellaminé cn détail, plus loill,
(3) Article 1 alinéa Icr de la loi N° 75!l7 du 8 déccmbre 1975 fillanlla procédure devant la Cour Suprême statuant cn
matière administrativc.
(4) La rédaction des décisions dc la chambre administrative de la Cour Suprême fait automatiquement référcncc au
Tresor public lorsque la personne publique est déboulée.

" 1
On ne saurait y répondre positivcmcnt cn raIson du rail quc le .iugc même ne se
prononce toujours pas cxplicitemcnt sur le caractère public ou pnve de la personne de
l'ordre prorcssionnel dont /:1 préltique électorale cst vivemenl nl1se en cCluse. Somme
toute, cette décision de justice, qui ne règle véritablement pas l'intcrrogation rituclle, est
plutôt:'1 ranger dans les tiroirs d'unjugc qui baignc dans des contTadictions, ;J cause d'une
interprétéltion parfois erronnée du droit ndministrCllif de ICI part de non-spécialistes. Ln
preuve en est que l'article 101 CllinéCl 2 de la loi du R déccmbre 1975 fixélnt les règles de
« procédure administrative COl1lelltielfSC» 1 dispose que « les recm/rs fO/ï//(;,\\' Cil IllUtiàe
électorale Ile donnent fie/{ à OIlC/llle' condamnation allx dépens» en règle générale. Et
c'est ce que ce même juge applique ;Î l'occasion de la contestation relative ;J l'élection
présidentielle du Il octobre 1992 :'1 lui soumise 2 .. Si aucune condamnéltion aux dépens
n'est visible dans le corps de sa décision articulée en six élrticles, alors que les requérClnts
perdent le procès sur toute la ligne, on comprend méll ce manque de cohérence
jurisprudentielle qui est préjudiciélble ;J tous.
Au-delà d'une telle incohérence, un élcquis de télille est tOlit de même <1 relever: les
ordres professionncls, considérés, comme générélteurs d'Clctes norlllateurs unilatéréllix
susceptibles de recours contentieux, consfituent une brèche considérable <1 la situation
monopolistique tClnt arfirmée de l'autorité administrative'. Ce processus de déclin du
critère organique semble pm' ailleurs bien amorcé avec le CélS sans précédent. donc nOll-
1 Le jllge c;llllerollnais a déj;) Cil ;) définir cetle expression (bns lin Arrêt N° .Î 1. Cour fédérale de Jllstice dll 1.:1
novembre J ')(jG, EKINDI Joël en ces Icrllles: (( klll;s 'fil 'cs/-Cl' qll'IIIlC procér/llrc r:oll/l'Illil'II,IC nr/II/;Il;slrlllil:c ~
C'est dirons-llolls, les lI/or/llli/és finI' lesqllelles les jllgcs pCIIIICll1 êll'c sn;sis, les IIlor/l/lilc;s Seloll Ic,l'I/l/ellcs les
affn;rcs sonl ;lIslru;lcs cl cllfill Ic.\\' If/O r/II/i /,;,1' seloll lesf{lw//r's les r/';CI,I'IOI/.I' ./1II'id;('/;OIlIWllcs ,loil'('/I1 1/11"1'1'('11;,. ('1
surtoul les II/odlllilés scloll Icsqllelles Ics IIflà;I'c.\\' ,1'0111 ;lIlmrfuilcs»
Ces! du resle celle architectllre qlli ;1 élé
développée par la loi N° 75-17 dll X décembre 1ln." fixant 1:1 procédure devallt 1:1 CO\\ll' Suprêllie sl;llllalll Cil
l11illière admi nisl rat ive
2 Arrêt W 4/E/n-lJ3 du 14 octobre 1l)'J2. SDf. MDP. CRP, 1]fJ)C cl BELLO 130lJBA MAI'GAIH cOlllre Elal dll
Call1erolln (MINAT),
3 Cette orientation qlli décollle dll droit ,ÎlIrisprllclellliel aclminislralif ne semble cepellC!anl P;IS CClllfiflnée par
l'importanle prodllction normative législative de l'N() rela/ive allx orclres professionnels I,'explicalioll lienl ail /:Iil
que celle demière, trail<lnl de 1<1 procédme disciplinaire all sein de cClix-ci, fixe la règle de la cOlln;IÎss:lllce en
deuxième l'essor! des mesllres pllnitives infligées ;nlx professionnels 1';11' « If/IC (;/inll/h,.e rf'llfll",/» composée. ellire
mitres. d'un m<lgis/ral de la COllr Suprême. présidenl de ladile chambre, La décision rendue par la collégi;Jiilé dans
laquelle participe celle ;mtorilé p"bliq"ejlldiciaire, cl donc non administralive, esl « sll,w'cplih/c r/c "C(.'OIll'S r/C"""!
/n Cour ,')'uprèllle dnlls Icsfimu(~s dc r/mi/ (:OIf/III1II1 ». formllie ;111 denle\\ll';l11l floue qui ne précise par 1:1 natllre de
('Înst<lnce contentieuse visée,

veau, des fédérations sportives. En effet, le juge administra-
ti f camerounais, s' inspi rant sûrement de la jurisprudence
française PESCHAUO dont le prolongemp.nt s'est traduit avec
l'affaire des Girondins de Bordeaux (1), a retenu le principe
de la déférabilité des décisions prises par les fédérations
sportives que sont les FECAFOOT, FECAHANO, FECATENNIS, FECA-
BOXE, FECACYCLISME, FECAVOLLEY, etc ... (2)
Une application significative de cette règle a vu le
jour avec le jugement N° 48/88-89, Aigle Royal de OS CHANG (~l
pacha"
daté
du
25
mai
19.89
contre
l'Etat
du
Cameroun
(Ministère de la jeunesse et des s~.2rts2. La Fédération
Camerounaise de Football avait pris une décision portant re-
trait des points à l'A.S.Aigle Royal de OSCHANG au profit de
Diamant de YAOUNOE, laquelle faisait suite à l'incident surve-
nu au cours d'une rencontre de football opposant les deux
équipes. Par requête en date du 16 décembre 1987 enregistrée
au greffe de la chambre administrative le 21 janvier 1988 sous
le N° 234, le requérant, en l'occurrence l'Aigle Royal)saisit
le juge administratif pour qu'il annule la mesure contestée.
En guise de réponse, le juge déclare ce recours ((irrecevable
comme prématuré".
Car, l'acte litigieux ayant fait l'objet
d'une publicité par voie de radio le 22 novembre 1987, le juge
(1) Le juge Français a qualifié d'acte administratif, la décision rorlanl rétrogradation en deuxième divisi on de f,xlt-
bail, émanant de la ligne Nationale de foothall (organe de la F F Fl. snsccptihle par conséquent de recours devanl la
juridiction administrative. (CE
J.5 mai 1991, Association GirondinS de Bordeaux r;c., A.J. D.A., 1991, Il 724,
conclusions POCHARD) ; l'affaire des Girondins de Bordeaux, le Conseil d'Etat au secours du Mouvement Spor1if,
Rev. jur. et éco. sport, juillet 1991, commentaire r; Lachaume. Par suite de saisine simultanée du Trihunal de Grande
Instance de Bordeaux, le préfet de la région d'Aquitaine élève le conni! à l'issue duquel la haute juridiction tranche
pour la compétence du juge administratif: (TC, 1~ janvier 1992, préfet région d'Aquitaine, préfet de la Gironde
contre Association nouvelle des Girondins de Borde'tx, A ..l.D.A. N° 6, juin 1992, p 4.51, observa lions J.P 1'IIE-
,..
RON).
(2) Un modèle de décision de fédération sportive est contenu dans le journal "CAMEROON1RIDUNE; N° .5246 du
lundi 26 octobre 1992 en page 13 On J1Cutlire ccci:
"Décision du bureau exécutif national de la FECAr()()T (rédération Camerounaise de Foothall) statuant en dernier res-
c, sort, conformément à l'article 92 alinéa 4 des règlements généraux de la FECAFOOT sur l'appel interjeté par
Colombe de SANGMELlMA contre la décision N° 009/FCF/91-92/CNIID du 6 octohre 1992 de la commission natio-
nale d'homologation ct de discipline relative au match de la 26èmc journée ColomhclRacing du championnat
National de première division, saison 91-92. I.e nureau exécutif national reçoit: en la fonne, l'appel interjeté par la
Colombe de SANGMEI.lMA contre la décision sns-l11entj'lllllée ; quant au fond, considérant les pièces versées au dos-
sier, considérant les ar1icles 22 ct 21 des règlements généraux de la rECArOOT, considérant que l'arbitre n'a fait qu-
'une saine application de la loi .5 des lois du jeu. Par ces motifs, décide'
Ar1icle premier: confirme la décision de la commission nationale d'homologation cl de discipline de la rECAFCX)T
Article 2: la présente décision sera puhliée ct clllllmuniquée pafl,l"l oil \\les"irl sera ».
Et c' es! ce type de mesure d'une Fédéralion sportivc que la Colomhc dc SANG/dELI/,IA poulTait déf':rer ail juge ;ldinis-
lralif si elle s'estimait lésée, c'est-à-dire sanclionnée injustemcnt

ne peut que constater que ude toute évidence, la computation
des'délais (lui) permet de (voir) que la requête introductive
d'instance est prématurée car introduite dans les deux mois
seulement suivant la publication".
Ce faisant, si la demande-
resse avait scrupuleusement respecté les délais de procédure
contentieuse, on comprend implicitement que le juge adminis-
tratif l'aurait déclaré recevable en son recours, ce qui est
déjà synonyme de compétence à connaître du contentieux relatif
à une décision de fédération sportive. Ce raisonnement suffit
alors à assimiler la décision constestée à un acte administra-
tif même si le juge omet de se pencher explicitement sur la
question.
D'ailleurs, il ressort du dossier contentieux de la pré-
sente affaire que~par lettre N° 709/LIG/CS/CAY du 25 janvier
1988, le greffier en chef avait invité la demanderesse à régu-
lariser sa requête dans un délai de 15 jours en produisant,
entNautres, quatre copies du recours gracieux préalable dont
on~ignore pas l'importance'en matière de contestation juridic-
tionnelle des actes administratifs unilatéraux. On peut sim-
plement regretter que le juge administratif camerounais ait
escamoté, conme il est de tr'adi tion, la question tout aussi ca-
pitale de la qualification juridique d'une fédération sportive
alors que des occasions propices sont intervenues à cette fin.
Toutefois, à l'instar de l'ordre professionnel, la per-
cée de la fédération sportive dans la sphère administrative
constitue véritablement un élément supplémentaire d'assouplis-
sement de la définition organique de l'acte administratif uni-
latéral qui, enfin, fait appel à l'expression de udroits et
obligations pour les particuliers".
_11_1 : L'ACTE
ADMINISTRATIF,
CREATEUR
DE
DROITS
ET
D'O-
BLIGATIONS
La finalité créatrice d'un certain nombre de droits et
d'obI igations à la faveur et à la charge des administrés
constitue le troisième et dernier aspect que le juge de l'af-
faire NGONGANG NJANKE intègre dans sa logique de définition de
l'acte administratif unilatéral.
D'emblée,
rien ne semble
s'opposer à cette approche apparemment claire; la décision du
Président de la République portant par exemple désignation de
: .. - .~ --

tel ou tel fonctionnaire ù un emploi civil supérieur est déjù en soi UII droil de surcroît
renforcé par les avantages att(lchés ù /(1 fonction. Il en est de même de l'acte du ivlinistre
de l'Enseignement Supérieur accordant des bourses de formation il l'étranger. A l'opposé,
la soumission il une obligation administrative est unanimement perçue dans la décision
d'un Chef de département ministériel relative ù la suspension d'llli fonctionnaire qui
implique deux choses: ohligatioll de cesser temporairemcnt le service et inlcrdictioll de
percevoir sa solde en raison de l'ahsence de service l'ail, cette seconde conséquence de la
suspension administrative étant appelée « position (I/wtre
vingt»
dalls
le jargon
administratif camerounais.
Si donc « droits el o!JIigations p0/(r les INJ/'tic/lliers » pourraient être analysés Cil
tant que données positives et négatives de l'acte (ldministratif uniléltéral, il semhle
judicieux de signifier toutefois qu'un Ici schéma résiste assez mal ù la critique, en ce sens
qu'il soulève bon nombre de lacunes qui, corrélativement, nécessitcnt dcs solutions.
A: LES LACUNES DE LA CONCEPTION DU .JUGE AUMINISTRATIF
Visiblement, la première anom(llie dans la conception jurisprudentielle de l'acte
administratif uni latéral provient des conditions cUllIlr!(ltives prises <1 la lettre de sa forlllule
de «droits ct ohlipltiol1s». La question que l'on doit résoudre esl la suivante: l'acle
nOllllateur unilatéral est-il nécessairemcnt et impérativement sourcc d'un droit et d'une
obligation pour son destinéllaire? L'observation empirique des céltégories de décisions
administratives suffit il elle seule c1élns 1(1 recherche d'une réponse aussi précise que
possible.
Certes, J'on rencontre des mesures de l'administréltion qui s'inscrivent d,fns une
typologie dualiste. Le prototype mêJl1e d'une telle décision résidait, au temps où la
trésorerie publique c(lmerounaise était nantie, c1élllS l'acte administratif relatif élUX
mouvemenls de
personnels dans
la
Fonction
Puhlique.
Ilélr exemple,
l'orsqu'ull
fonctionnaire exerçélnt il Yéloundé étélit élflecté ù Zoélele, il hénéficiait. ipso facto, des
frais de déplacement (ce qui est 1.111 droit), et était également soumis à l'obligation de
rejoindre son posle de service, fllt-il délns cet éllTière PélYS tant houdé par les agenls
publics nostalgiques des aggloménllions urbaines.

Aujourd'hui, la décision de l'autorité administrative portant
augmentation tarifaire des services des postes et télécommuni-
cations est génératrice de contraintes financières supplémen-
taires et bien sûr garantie d'un droit à acheminement du cour-
rier postal par exemple. Autant d'illustrations prises au ha-
sard des innombrables mesur'es administratives existantes.
Néanmoins, elles ne sont pas toutes sous-tendues par
cette finalité binaire. L'acte administratif peut uniquement
créer un droit ou tout simplement imposer une contrainte. Il
en est ainsi des décisions des autorités administratives rela-
tives à l'augmentation du traitement des agents publics, à
l'octroi des bourses universitaires, aux évacuations sani-
taires dans des centres hospitaliers performants. A l'inver-
se,la décision administrative exclusivement à l'origine d'o-
bligations s'illustre par celle qui a trait aux réquisitions
de biens et personnes physiques, aux mesures préventives des
éventuels troubles à l'ordre public, etc ... Dans ces hypo-
thèses, peut-on encore convenir avec le juge que l'acte admi-
nistratif crée des droits et des obligations pour le particu-
lier?
De toute évidence, l'usage de la conjonction de coordi-
nation lIet" révèle plutôt une vision forcément partielle de la
décision administrative; ce qui constitue un défaut concep-
tuel loin d'être pourtant isolé.
En effet, énoncer la règle selon laquelle l'acte admi-
nistratif unilatéral est celui qui est à la base d'une créa-
tion de droits et d'obligations contribue à plonger les es-
prits dans un chemin intellectuel "--f(ün
d'amalgame5~Le
contrat, qu'il relève du droit public ou du droit privé, est
aussi un acte juridique générateur de droits et d'obligations.
En droit des obligations, le contrat de vente impose à l'égard
de l'acheteur l'obligation de payer le prix pour qu'il puisse
bénéficier de son droit d'acquisition de la chose vendue. De
même,
un
contrat administratif tel
le marché public de
construction d'une route pour le compte de l'administration
suscite pour le co-contractant le droit à la rémunération pour
accompl issement de 1 'obl igation de construire l'ouvrage.
Qu'est-ce qui finit donc par distinguer ces catégories d'actes

juridiques? Il s'agit là d'une lacune théorique qui vient
s'ajouter à la solution du juge camerounais dans l'affaire
NGONGANG NJANKE Martin. Ces éléments de critique appellent par
conséquent un réajustement de la théorie jurisprudentielle de
l'acte administratif unilatéral, lequel permettrait d'évoluer
dans le sens d'une précision naturellement résistante à l'ef-
fet de la critique potentielle.
B: LA NECESSITE D'UNE PRECISION THEORIQUE
A partir des éléments défectueux relevés, l'on devrait
reconsidérer un certain nombre d'idées reçues, les bousculer
sensiblement afin d'améliorer en précision l'édifice mis en
place par la jurisprudence.
Le schéma restrictif qui fait de l'acte administratif
unilatéral un acte créateur de droits et d'obligations a pour
implication de mettre en évidence deux conditions cumulatives
que les faits démentent parfois. A ce titre, les termes exacts
que le juge aurait pu utiliser peuvent être ainsi exprimés:
l'acte administratif unilatéral crée soit des droits ou des
obligations uniquement, soit des droits et des obligations à
la fois.
Quant à ce qui concerne sa confusion avec le contrat qui
a pourtant ceci de fondamental et de singulier qu'il supose un
accord plus ou moins concerté des parties, ou encore mieux Ilun
accord de volontés générateur de situations juridiques subjec-

.tives" (1), un bon agencement des termes composant la Ilchose
c1wJei:. " est à cul ti ver. Si l'on adhère à la thèse de M. Dl/PUIS
selon laquelle Ille contrat est un échange de consentements,
tandis que l'acte (unilatéral de l'administration) vaut sans
(l) André de LAUBADERE. traité éiémcllt;Jirc de droit ;Jdl1lilli~tr;Jlir. Pari~ LC;[).J. 1951. r. 41 ().

,,7
Le cO/1scnlclllelll de CCliX m,x(/,w/s il ;1I1j10S(' /1/((' /'(~g/c dc COlldllile» 1. on ne pCII( qlle
songer cl élméliorer la formulation jurisprudentielle en ces termes: l'acte adlllillistratif
unilatéréll est celui flui génère soit des droits ou des obligations uniquemelll, soit des
droits et des obligations :1 la fois. (Ill profil ou <1 la charge des tiers ef ;1 l'exclusion du
consentement de ceux-ci.
Au bout du compte. des indications aussI précises et complètes, jointes nu
caractère juridique de l'nete et de celui qui en est l'auteur. perrneHraient <1 lous de mieux
identifier la décision de l'administration 2
SIS fi: L'ACTE AllMINISTRATIF UNILATERAL DANS SA PERSPECTIVE
CONCRETE
Le problème flui semble benucoup plus important ici est de savoir comment se
présente, in concreto, la décision ndministrative uniléltérale. Car. au-de1<1 des vecteurs
d'une théorie jurisprudentielle difficilement accessible il l'entendement de nombreux
justiciables camerounélis. un trnvail didactique initié en des termes très prosaïques
s'impose afin de lelll' perllletlre de saisir utilelllent le juge ndIllÎnislr;ltir. Lll cl<lir. il est
fluestion de mettre il leur disposition une méthode d'identification nssez simple de la
décision adminislTative susceptihle d'être déférée au juge compétent.
En clroit administratif camerounaiS, la règle cardinale est qu 'j 1 n y ,1 pas en
principe de prescription impérative quant n la présentation f~lIlnelle des décisions
unilatérales. Ce libéralisme f~lit que dans ln pratique é'ldministrative quotidienne, l'c)l] en
renconh'e toute une dispnrité parf~)is confuse, mais fort heureuselllent systématisée par le
juge nationnl dans un jugement N° 5/CS/CA clu 29 novembre 1979, TCHUNGUI Charles
contre Etnt du C<lIlleroun.
1 (( Définition de l 'ncte IInilnl(;rnl» npcil. p 21:1.
2 SOUS le bénéfïce de l'enselllbie des relll:lI'(j1les qni précèdenl. on pel/I dire de la décisiol/ :H!lIlinistrati\\'C qn'elle esl
un acte jmidi(]lIe llnilatéral édicté 1)ar /':llltorilé acllllillislrative_.Q!Lllli!~~Jler~onne---'!Q!!.J~!!lJli@c_eha!gécde
l'exercice d'Ilne fonction adlllinistralive cl destiné:l produire des efTcls jmidicl!!-es CIl illlpo8'~~\\!.it~~dnilsou d~
obligations :lliernalivclllenl, soil des droits cl des obUg:"rlions conco/l}il:llllllleni. allprofïl 011 Ù la chargçdcsJjers,.-f)
ce à l'excll/sion dn consentelllent de cell:\\-ci.

Dans cette espèce qui met en lumière les perturbations
d'un justiciable face aux règles du contentieux administratif,
le requérant, en la personne du sieur TCHUNGUI, prétend faire
condamner l'Etat d lui rembourser les retenues opérées sur sa
solde au titre des droits d pension, alors même qu'il ne pro-
duit pas la décision administrative source de litige. La posi-
tion du juge administratif d cet effet est sans équivoque et
se présente ainsi :
"Attendu que le contentieux administratif, qu'il s'agisse du
recours en annulation ou de pleine juridiction, des litiges
portant sur les contrats administratifs ou des recours en ap-
préciation de légalité, porte sur des actes administratifs qui
peuvent être écrits ou verbaux, ou constitués en de simples

abstentions ou retards, pourvu qu'ils portent préjudice".
Ainsi
articulée
avec
limpidité,
la
formule
jurisprudentielle dégage une dichotomie qui veut que d'une
part, la décision unilatérale revête une des formes les plus
traditionnelles qu'est l'écriture ou encore quelques modalités
non matérialisées, d'autre part.
! : LE CLASSICISME DE LA PRESENTATION ECRITE
Il est de coutume que la décision) unilatérale, issue de
l'activité de la puissance publique, soit normalement écrite
ou rédigée. Cette pratique qui remonte aux origines de l'enti-
té administrative finit par conférer un caractère inamovible d
ce qu'il convient d'appeler la scriptomanie administrative. Le
contenu même de la décision rédigée parait en outre largement
plus déterminant sur le plan du contentieux, en ce sens qu'il
permet de distinguer tout écrit susceptible d'être valablement
soumi s d l ' examen j uri di ct ionne l
de celui qui
ne sau rai t
l'être tels les actes préparatoires par exemple, lesquels re-
vêtent eux aussi une forme écrite.
A: IJINAMOVIBLE SCRIPTüMANIE ADMINISTRATIVE
Les décisions unilatérales que l'administration est ap-
pelée d prendre sont de préférence écrites dans leur grande
majorité. La prolifération des archives qui, d l'entrée des
bureaux de services administratifs, éblouissent la vue de l'u-

sager du service public soucieux d'entreprendre des démarches
en ces lieux est édifiante. En dépit de l'image assez contro-
versée que cette IIpaperasserie" semble projeter auprès des ad-
ministrés' l'on admet tout de même qu'elle offre à tous la
possibilité réelle de rapporter plus facilement la preuve de
ce qui a été décidé par la personne publique. Le juge adminis-
tratif camerounais a maintes fois clamé que le justiciable ne
peut en aucun cas intenter un procès à l'administration s'il
n'établit pas la preuve de la décision administrative qui
n'emporte pas son adhésion. On comprend alors aisément l'im-
portance de la matérialisation des actes administratifs à tra-
vers la pratique rédactionnelle. Au surplus, ils sont désor-
mais authentifiés par la dénomination qu'on leur attribue; ce
qui n'est que de nature à mieux guider les assauts contentieux
des justiciables. Le dépouillement de la jurisprudence admi-
nistrative peut donc favoriser la classification ou la schéma-
tisation des décisions unilatérales susceptibles d'être sou-
mises à la sanction du juge.
Une démarche empreinte de beaucoup de clarté nécessite
que l'on opère une distinction entre les types de décisions
administratives couramment connues et celles qui
relèvent
quelque peu de la nouveauté, du moins aux yeux des camerounais
pour qui le droit public n'est pas du tout familier. Dans le
premier cas, on fait appel à ces variantes d'actes unilatéraux
que sont décrets et arrêtés émanant des hautes autorités admi-
nistratives tels le Président de la République, les Ministres,
les Gouverneurs de provi nces] les Préfets, etc. .. Un nombre re-
1ativement élevé de décrets présidentiels et ceux du Premier
Ministre, notamment en matière de fonction publique, ont fait
l'objet de débats contentieux devant la Cour Suprême statuant
en matière administrative (1). Il en est de même des arrêtés
ministériels et de ceux d'autorités administratives déconcen-
(1) Les décrets relatifs à la rév(x:at;on de fonctionnaires des cadres de la fonclioll (luhlique sont en règle gén6ale les
plus contestés. Citons,au hasard des décisions de justice, l'Anét N° IOIA du 27 oclohre 1972 de la cr·:.J. statuant en
assemblée plénière. EVINA ADA Christophe clEtat fédéré du Cameroun oriental: CS/AP, Arrêt du 24 t\\·lars 19R3, N.JI-
KlAKAM TOWA Maurice contre Etat du Cameroun, ou encore l'Arrêl N° 4{)IA/CS/AP du 23 juin l '.IR3. Elat du
Cameroun contre NDONGO André, etc...

trées, mais à la différence près qu'ils sont quantitativement
beaucoup plus déférés au juge administratif que les précé-
dents(l). Ceci est synonyme de vulgarisation desdites mesures
en tant que matière ressortissant à la compétence de la juri-
diction administrative. En conclusion, le débat sur les dé-
crets et arrêtés n'incite plus à de larges développements dès
lors que l'on semble avoir assimilé leur incidence contentieu-
se.
A contrario, le problème des mesures administratives qUl
ne portent pas le nom de décret ou d'arrêté semble entier. Car
il n'est pas du tout évident que ce second cas de décisions
unilatérales soient regardées par le justiciable potentiel
comme une matière pouvant éventuellement être sanctionnée par
la juridiction administrative. D'où l'intérêt de s'y attarder,
au plus grand bénéfice de ce justiciable indécis.
Tout d'abord, il est utile de rappeler que les décisions
des ordres professionnels et des fédérations sportives peu-
vent, si besoin est, être déférées au juge administratif. Et
pourtant, elles n'émanent nullement de l'autorité administra-
tive classique. La jurisprudence naissante déjà évoquée à ce
sujet précis semble inexorablement vouée à se développer sur
le double plan quantitatif et surtout qualitatif. Que penser
alors des autres aspects des décisions unilatérales prises
cette fois par l'autorité administrative en marge des tradi-
tionnels décrets et arrêtés ?
(1) Le c~~ de~ arrêté~ ~oumi~ au juge f:lil plllt6t ét:ll de la diver~itt~ de~ ~eclellrs d'intervcntion de~ :lll(orité~ admini~-
·tratives. Arbitrairement également, voir: TE Arrêt N° JJ4 du 21 m:li 19(,4, lIA 1.1 A )'Ol JSSOUFA contre Et:lt du
Cameroun (C'e~t un arrêté pronouçant uue sanction discirlill:lirc qui c~t ~OIIlC(~ de lilige). l'nur tT qui esl de l'alllllll:1-
tion d'un arrêté préfectoral. voir jugement ADJ) N° 57 du 27 avril 197("
Notvll;.NY N(;lJlSSI 1;.l1Iik cll:tat du
Cameroun. Ou encore N° I/A/CS/CA du 6 décclllore 1979, FOUDA Iluherl contre Etal du C:lmerouli. Et (nut récemment
le jugement ADD N° 70/90-91 du JI j:lnvier 1991, NOUFELE SII\\·IO D:lvid contre Etat du C:lmcroun. dans lequel le
requérant conteste l'arrêté du Mil1i~trc de la Justicc lui interdi~ant d'exerccr temporaircmcnt ~cs fonction~ nntarialc~.

Moins connues des justiciables ordinaires, certaines dé-
cisions sont revêtues du caractêre administratif soit lorsque
la juridiction administrative l'affirme explicitement, soit
quand elle déclare une requête contentieuse recevable. Dans
cette deuxiême hypothêse, on déduit logiquement que l'acte
soumis au juge est un acte administratif qui ressortit à sa
compétence matérielle. Ce problême de l'incidence de la rece-
vabilité d'un recours sur la compétence juridictionnelle a été
mis en relief dans une espêce SENDE Joseph (1).
La três célêbre décision MBEDEY Norbert a admis pour la
première fois qu'un ordre de recettes émis à l'encontre d'un
agent public soit considéré comme un acte administratif unila-
téral susceptible de recours contentieux devant le juge admi-
nistratif. Cette position jurisprudentielle a été à plusieurs
reprise confirmée (2).
La décision d'une administration fiscale portant sur des
impositions de toute nature est aussi un acte administratif à
part entiêre (3), tout comme une lettre administrative réfé-
rencée (4).
(1) Jugement de la CS/CA du 1er Février 19R5. SENDE Joseph contre Etal clu Cameroun: "Allendu qll 'il exi de lradi-
lion devanl les juridicliom adminislralil'ex d'exmniner xllccessivemelll lex qllesliom de compélence, puis celle de
procédure el. ellfin, le fond de l'affaire;
Attendu que ce procédé ,Iaero-xainl esl eXlrêmcmcnlloxiqlle l'"isq"e œ Il 'esl qllc dam la mesure ()lI le jllxe <:.'1 compé-
lent qu'il pourra valablemelll se saisir d'ull dossier, et ce /l'exl. e/lxllile, qlle si lex cO/lditio/lx de forme xo/l1 remplies
qu'il aura à slaluer sur le lilige prol'reme/ll dil".
(2) Arrêt N° 187/CFJ/CA y du 29 mars 1972, MI3EDEY Norbert clRéhuhlique Fédérale du Cameroun:
- Arrêt N° 9174- 75 du 28 novembre 1974. Ets KRITI KOS clCaisse de stahilisation du prix du cacao:
- Jugement N° 2175/CS/CAY du 19 décembre 1975, GACJIA Z.'lcharie clEtal du Camefllllll
- Jugement N° 33/CS/CA du 28 septembre 1978, OWOUND! Jean-Louis clEtat du Cameroull
- Jugement N°l 02/90-91 du 28 mars 1991, KOUEDI Jean Bosco cl Etat dn Cameroull
La surprise est toutefois de taille lorsque le juge dénie la qualilé J'acte administratif à un titre de perception émis par
le receveur central de J'Enregistrement et du timbre
Jugement N° 79/CS/CA dn 24 juin 1976, les Galeries MEKA
O1arIes dEmt du Cameroun.
(3) Arrêt N° 01174-75 du 2R novemhre 1974, NOMO Thérèse clEtat du ClJneroull. cr le même jour Arrêt W 6174-75,
Boulangeries réunies
(4) Jugement N° 26/CS/CA du 29 juin 1976, NGUIDJOL NGUfDJOL p.s. clEtat dn Cameroun ct le même jour, le juge-
ment N° 29 , ESSAMA Jacques clEtilt dn Camernnn :
- Jugement N° 551CS/CA du 22 avril 1979, 1\\'1I3ARGA Emile clElal du Cameruull ;
, Jugement N° 19/CS/CA du 3 f,;vrier 1977. l\\'ll3A RGA Richard cl Etat du Cameroull :
- Jugement N° 34/CS/CA du 2'\\ avril 19RO, I:SSOU(;Ol) !lelloÎt clElal du CamCfllll1l :
- Jugement N° 44/R6-H7 du 25 juin 19R7, NKO\\ Jlnl.! Thadée clElal du ('amen)""

62
Il en est de même pour une simple dépêche du Ministre de la
Justice, garde des sceaux, rejeL.·ant la candidature d'un ci-
toyen aux fonctions d'huissier de justice (1).
La délibération d'un jury d'examen organisé
par l'Etat
revêt, selon le juge administratif> le caractère d'acte admi-
nistratif susceptible de recours pour excès de pouvoir (2), au
même titre que la délibération d'un Conseil Municipal insti-
tuant une taxe sur le transport de pierres à l'intérieur du
territoire communal (3).
Sont toujours regardés par le juge administratif came-
rounais comme actes administratifs, un bulletin de liquidation
émis par le Chef de bureau des douanes à l'encontre d'un com-
merçant (4), une autorisation de l'inspecteur du travail don-
nant pouvoir à un haut responsable de l'administration ou au
directeur général d'une entreprise publique de production et
distribution de l'énergie électrique (SONEL) de procéder à des
licenciements (5), ou encore ce que l'on appelle une note de
service dans le langage administratif (6).
Dans le même ordre d'idées, de véritables décisions ad-
ministratives sont émises sous le couvert de la notion d'avis.
Lorsqu'on se trouve en face d'un avis conforme, le juge admi-
nistratif estime qu'il y a là décision susceptible de recours
pour excès de pouvoir alors que l'acte qui vient tout simple-
ment reprendre son contenu
est
une simple formalité.
(1) Jugement N° Jo/88-R9 du 25 h'lai 19R9, TAI LïNG rrançoi~ ciErat du Cameroull.
(2) Jugement N" 6O/CS/CA du 22 avril 1970. nlAKOLO M:lx clEt:lt du C:lmcrolili
- Jugement N° 29/82-83 du 24 février J98J, MBALLA AKOA Adolphe dEtal du C:lmeroun
}Y' )~;rl.'J Ict\\
(3) Jugement du 29 juin J9R9. Sté RAZEL C:llllerolin c/Conlnlune rurale de TIKO: oh~ervalion~ J~ogcr-Gahriel NIEl'.
Receuil Penant N° 807. octobre-décembre 1991, pp 394-397·
(4) Jugement N° 37/CS/CA du 29 mai 1980. RICA RDO GOMF2 clEtat du C:lnlerouli.
(5) Jugement N° 20/CS/CA du 29 janvier 1976. N DZI E Jo~eph clElat du Cameroun;
- Jugement N° 85/90-91 du 28 février 1991, NDZANA OLONGO Gilbert clEtal du Cameroun. Par conln:, le jugc préci-
se que la demande fonnulée par le Directcur Général de la SONEL :lfin de pouvoir liccncier le rCCjuéran! n'e~t pa~ un
acte administratif faisant grief. D'où l'irreccv:lhilité de S:l requête contenticuse JXlur cclle prétention
Plus récemment. le juge :l décidé que, constitue un acte administratif ~u~ceptiblc de recours en annulation JXlur excè~
de pouvoir. la décision par laquelle le Mini~tre du Travail et de la prévoyancc sociale autorise le licenciement des per-
sonnels d'une entrepri~e .
- Jugement N° 27/92-93 du 2R j;mvier 1993. C;OK I.E Simon· Pierre clEtat du Camcfl'un .
- Jugement N° 35/92-93 du 25 février 1993, NGAMlli TENE Ehénézer dUat du Camcroun.
(6) Jugement N° 76/90-91 du 31 janvier 1991, EWOI)O FOUDA Joscphinc c!Etat du Cameroun (1 À1 contcstation est
relative à Une note de servicc du secrétaire d'Etat ;1 la sanlé puhliquc portant exclusion définitivc de la rcquérante des
établissements de formation des personnel~ sanitaire~)
- Jugement N° 95/90-91 du 2R mars) 991. I):lnle NWATClICX.:K IH'C BONG Jacqueline clEtal du Cameroun (1 À1 reqlll'-
rante est gardienne de WiSOlI :i la note de service portanl affectalion de~ pcr~()nnels de l'adlllini~lratiofl pénitencière
l'envoie exercer loin de :s~~ ao:ilicile conjugal)
1

L'application de cette théorie est désormais réalité avec les
avis émis par le Conseil d'Administration d'un établissement
public administratif comme l'université de Yaoundé en matière
disciplinaire. L'acte adressé par le chancelier aux personnes
concernées par ce type j'avis n'étant en lui-même qu'une bana-
le correspondance de notification (1).
Quant au titre foncier, son contentieux devant la juri-
diction administrative révèle plutôt une théorie et~~~litique
jurisprudentielles paradoxales. Le moins que l'on puisse dire
est que les décisions de justice en la matière laissent l'ob-
servateur dans un état inconfortable de perplexité puisqu'on
note des exemples dans lequels le juge tranche explicitement
pour le caractère déférable du titre foncier (2), avec les
conséquences que cela comporte, et ceux qu'il se refuse déli-
bérément à examiner (3), sans que l'on soit convaincu du fon-
dement d'une telle approche discriminatoire. La leçon à tirer
de ce contentieux relatif au titre foncier, qui est pourtant
un réel acte administratif unilatéral (4), est qu'il semble
réaliste, du moins pour l'instant, de s'abstenir de provoquer
l'annulation juridictionnelle de ce titre de propriété immo-
bilière.
L'évolution positive du contentieux administratif
Camerounais dépendra de l'élimination de semblable pratique
flottante.
Enfin, une dernière frange de la décision unilatérale
qui n'est ni un décret, ni un arrêté, réside dans ce que l'on
appelle la circulaire. La détermination de sa nature juridique
est beaucoup plus complexe que toutes autres décisions préala-
blement mentionnées, puisqu'elle fait partie du régime des me-
sures d'ordre intérieur.
(1) Décision GUIFFO Jean-Philippe, pn~citée ; Jugemenl N° SO/CS/Ct\\ du 7 avril 1983. AKOt\\ Dominique
clUniversité de Yaoundé
, (2) Jugement N° 1175/CS/Ct\\Y, NKONCi Lmmannuel, précilé ; .Iugcnlcnt N" ·1/H9-,)() du 2H juin l 'J,)() , ATEnt\\
Barthélémy clElat du Cameroun, ou encore .Iugemenl N° 30/91·92 du 2(, mars 1992, Dame ~v1VENG NDY née MEN·
OOUGA Marguerile clElal du Cameroun
(3) Jugement N° 72/87·88 du Il août 1988, NrXJU~IJJE MJ\\LOBE clEtat du Cameroun
, (4) Les tennes d'une jurisprudence administrative récente renforcent celte thèse . .Iugemenl N° 77/t\\[)J)/92·93 du 26
, aoOI 1993, BINDZI Léonard clE1a1 du Cameroun
'"Allendu ", en eUel (qllc) le IlIre foncier élant lIfl acrc adminislralif
individuel, .. , son recollrs cOlllentielH doit êlre déclaré recel'ahle",

64
Le prlnclpe de la circulaire est qu'elle vise à ex-
pliquer ou à interpréter les textes législatifs ou réglemen-
taires; et,à ce titre,ne s'applique pas au simple particulier
mais plutôt aux agents du service soumis au pouvoir hiérar-
chique du supérieur. Or, sous ce prétexte, on sait que la hié-
rarchie peut en user autrement. C'est ce qui peut fonder la
formule selon laquelle "la circulaire est un pavillon qui peut
recouvri r toutes sortes de marchandi ses
ordre du jour,
conseil, recommandation, directive d'organisation et de fonc-
tionnement, règle de
droit'~l).
Afin de prévenir les éventuelles dénaturations des cir-
culaires,
le juge administratif françaisJdans sa décision
"Notre Dame d8 KREI5KER", distingue la circulaire interpréta-
tive de la circulaire réglementaire. La première catégorie se
borne à expliciter ou à interpréter la législation ou la ré-
glementation dans le service. Le juge déclare le recours irre-
cevable pour cette circulaire (2). Quant à la circulaire ré-
glementaire, elle peut être définie comme celle qui ajoute des
prescriptions nouvelles à la législation ou à la réglementa-
tion qu'elle est présumée clarifier. Dans ces cas, le recours
contentieux est déclaré recevable (3).
Cette approche a été reprise par le juge administratif
camerounais dans un arrêt du 27 décembre 1979, HAYATOU SOUAI-
BOU c/Etat du Cameroun : '~ttendu ... qu'en effet, dans l'ac-
tivité administrative, il est important de distinguer du point
de vue de l'étendue des effets, les actes qui intéressent di-
rectement l es parti cu li ers et ceux dont l'effet juri di qU,e
reste limité à l'intérieur de l'institution administrative
que ces derniers constituent une catégorie à part, à laquelle
(1) Citation tirée de~ cOllclusion~ du COlJ1lJ1i~silire du Gou\\'ernelJ1ent TI\\ICOT dal\\~ la décision du Conseil d 'E1at du 29
janvier 1954. In~titutioll Notre [)illJ1e du KREISKER, Grill\\d~ i\\lTêt~ de lil juri~prudellcc ildlJ1ini~triltive r:rançili~e. N°
90 ; voir égaiement Robert-Edouard CHARUER, "circulaires, instructions dc service et autres prétcndues mesures
d'ordre illtérieur".
lCr 1954 - 1 - J 169.
(2) CE Section. 26 ilvril 197R. 1-.1INJOZ, Rec r IR(' (circulilire du Mini~tre sc limililnl il c,~pliciter la réglemcntiltioll
en vigueur sur la procédure d'affectillion de~ flCr~onneJ~ infirmier~ dan~ les h('pilaux), (JlI encore C.I:. 19 juin 19HI,
Union Générale des Fédération~ de fonctionnilire~, l'CC p 273 (toujour~ une circulilire clu Mini~tre du Travail ~e bor-
nant à donner aux ~ervice~ une interprétation de la légi~lation en vigucur relative il l'élection de~ c()n~ei"er~ prud'-
hommes).
(3) CE. 16 octohre 1974, ~yndic;11 dc~ I-.f,'dccins des h')pil;\\IIX psychialliqllcs, rcc p ,IR(' (circulilire dll Ministrc de la
Santé publique fi.~ant le~ conditi()n~ dl' classelJ1ent dcs services puhllcs de psychiatrie hien plus quc la loi ne 1'ilJ1po-
se).

6S
on donne parfois le nom de l(mesures d'ordre intérieur" ;
que l'exemple le plus caractéristique est celui des circu-
laires et des instructions de service par lesquelles le supé-
rieur hiérarchique donne des directives aux subordonnés en ce
qui concerne l'interprétation des lois et règlements qu'ils
ont à appliquer;

qu'il s'ensuit cette conséquence;
ces directives ne constituent pas un acte administratif s'im-
posant aux administrés, elles ne sont pas elles-mêmes suscep-
tibles d'être attaquées par voie de recours pour excès de pou-
voi r".

Ceci dit, lorsqu'une circulaire de l'autorité adminis-
trative transgresse son cadre normal de clarification du droit
en vigueur pour devenir une circulaire pleinement réglementai-
re, le juge administratif camerounais n'hésite pas à l'assimi-
ler à un acte administratif faisant grief et, de ce fait, sus-
c~ptible de recours contentieux. L'état du droit jurispruden-
tiel permet de constater que le juge en fait une application
conséquente lorsqu'il déclare recevable le recours d'un justi-
ciable tendant à annuler pour excès de pouvoir la circulaire
N° 9009/0C5J du 12 mai 1979 du Ministre de la Justice ayant
entraîné la fermeture des bureaux de recouvrement du requé-
rant(1), ou encore quand il décide de statuer sur le cas d'une
lettre-circulaire N° 62/J2/84/MINEDUC/DEP du 8 mai 1981 éma-
nant du Ministre de l'Education Nationale qui informe les
requérants de la non-réouverture de leur établissement scolai-
re pour la rentrée de septembre 1981 (2).
(1) Jugement N° 43/82-83 du 7 avril 1983, KOUOII Emmalluel c/l:lal dn CamerOll1i
"Allel/dll qu'il fllJIJut 'I"e IWo
reille circulaire quijait manifestement grief cst susccfltible dc rccours pour cxcès de flOllI'oir .. qu'il s'cl/suit quc Ic rc-
cÇJurs de KOUOH Emmal/uel Christial/ l'st recevablc CI/ la forme".
(2) Jugement N° 14/84-85 du 15 novcmbrc 198'1. n\\NK/\\ Paul cl ZEBAZE Simon ci IOta 1du Camcroun .

66
Cette nomenclature exhaustive des catégories de déci-
sions administratives unilatérales écrites est la seule, sous
réserve de dénominations futures, à pouvoir valablement être
soumise au juge administratif. Tout acte de l'administration
qui revêt une formeicrite, et nonobstant
l'identification
par un nom quelconque qu'on lui attribue, n'est forcément pas
assimilable à un acte administratif unilatéral dont on sait
l'incidence contentieuse. Des justiciables camerounais ont pu
vérifier la justesse de cette allégation à propos des réserves
contentieuses émises contre une catégorie importante d'actes
rédigés par les autorités administratives.
Le juge a en effet décidé que lorsqu'une mesure écrite
laisse entendre que l'administration se dispose à prendre une
décision exécutoire, et ne constitue de ce fait qu'un élément
de la procédure administrative destiné à aboutir à l'acte
final, il n'y a pas lieu à recours pour excès de pouvoir. Car
ladite mesure fait partie de ce qui constitue "les mesures
préparatoi res".
Dans cette express ion sont regroupés d'après
les énumérations faites par la jurisprudence Cl),
"les avis
consultatifs,
les simples mesures d'instruction,
les ordres
d'enquêtes, les projets, les voeux, les déclarations, les in-
dications, les opinions, les recommandations, les intentions,

les procès-verbaux, etc. .. ". Ces multiples actes rédigés par
l'autorité administrative ne doivent donc pas être assimilés à
des décisions unilatérales pour la simple raison qu'ils proje-
tent ou préparent la décision finale qui sera exécutoire. L'on
peut comprendre qu'un simple usager du service public ne puis-
se point discerner ces données. Mais lorsqu'un magistrat hors
hiérarchie, qui fut de surcroît Président de la Chambre Admi-
(1) Voir jugements W':
42/CS/CA du 30 avril 1981. Dame MBOCK née ~vl0USSONGOJeannette cl SOI' MOTE Joseph clElal du Cameroun
o
et OMGBA ZING Martin.
054184-85 du 28 février 1985, Ki\\ "·lGO Léon clEtal du Cameroun,
067/84-85 du 14 mars 1985, i\\lf\\NGi\\Ni\\ NTONGi\\ SylvC'slre clEtal du Cameroun,
95/84-85 du 30 mai 1985, GNIDJEO clEtal du Cameroun.
o
095/85-86 du 7 août 1986, Mme NGOUESSE clElal du Cameroun,
- 50/89-90 du 26 juill cl 1990, ESSi\\ Mi\\ Joachim clElal du Cameroun.
·49/92-93 du 24 juin 1993. MBi\\LLi\\ MI3ALLi\\ Dieudonné clElal du Cameroun
"AI/cndll cn 41cl '1I1C Ic rCt:{J/lT.f
pour excès de pouvoir est une l'éritable action dir(lIée contrc lin acle admini.uralif c,réculoirc ;
qu'une mesure qui laisse entendre qlle l'administratifJ/l se di.çpO.fe
il l'relldre Ull adc Il'Cst pas dit ade administratif
exécutoire ;
que le recours pour excès de pouvoir dirigé cOlltre ulle mesure lai.wllt partir illtégrante d'une procédure admù,istrati-
ve· aboutissant à une décisioll .fUsccl'tible de laire ,lIriel Il 'est pas rcccwl!,lc, ladite me.l'lIre lai.wllt partie dc rc qlli
constitue les mesures préparatoires", telle le procès-verhal de la commission consultative staluant en malière d'oc-
troi du titre foncier.

67
nistrative pendant longtemps (1), vient à s'égarer dans ses
tâches ordinaires, l'on est encl in à mettre sa compétence
technique entre parenthèses. Les foi ts de l' espce méri tent
d'être relatés.
Dans son jugement N° 73/90-91 du 31 janvier 1991. OTTO Simon
PONDY contre Etat du Cameroun, le magistrat PONDY conteste la
lettre N° 118/DAG/SPM/MJ du 3 novembre 1987 par laquelle le
Ministre de la Justice, garde des sceaux, l'invite à (~rendre
toutes les dispositions nécessaires pour arrêter ses activités
judiciaires dès le 31 décembre 1987". Tout naturellement, ses
collègues rétorquent à juste titre que la mesure contestée
n'est qu'un acte préparatoire, ne pouvant lier le contentieux.
Dans la correspondance ministérielle, l'objet était pourtant
suffisamment précis : (~our me permettre de préparer le projet
de décret vous admettant en retraite à partir du 1er janvier
1988" ; encore que ledit décret n'est pas de la compétence du
Ministre de la Justice puisque, aux termes de l'article 170
alinéa 2 du décret du 18 février 1974 portant statut général
de la fonction publique, "la mise à la retraite est prononcée
par l'autorité investie du pouvoir de nomination",
en l'occur-
rence le Président de la République.
Ce qui fait finalement la différence entre les mesures
préparatoires et les autres catégories de décisions adminis-
tratives unilatérales, c'est précisément leur contenu respec-
tif, en tant qu'il peut éventuellement lier ou non, selon le
cas, le contentieux juridictionnel.
(1) Monsieur OTTO Simon PONDY a cffcctivclllcnt oCCllpé ccttc fonction durant trois annécs judiciaircs consécu-
li~es. 1983-19R4. 1984·19RS cl 19R5-19R(" Cc qui allrait dO lui permettre, norlllalenlcnl. dc maÎlriser nc serait-cc
que les règlcs élémcntaircs du contcntieux administratir.

B: LE CONTENU DE L'ACTE ADMINISTRATIF REDIGE
Il parait nettement plus instructif de minimiser dans
cette perspective descriptive l'acte préparatoire qui est in-
contestablement une modalité écrite de l'acte d'une personne
publique, et d'accorder plutôt la préférence aux autres modes
d'expression de la volonté de l'administration. Ce choix déli-
béré tient au fait que ces derniers actes écrits ont une réel-
le valeur contentieuse et permettent donc d'être toujours
connecté à l'objet de la recherche, à savoir les matières qui
ressortent de la compétence de la juridiction administrative.
Par la notion de contenu, il faudrait entendre tout dé-
tail figurant dans la rédaction proprement dite. C'est exacte-
ment ce que le professeur HOSTIOU appelle "les mentions de
l'écrit",
ce qui est lisible sur l' "instrumentum", et en un
mot la forme stri co sensu et rien qu' elle (1) : tic' est la
date,
les visas,
les motifs,
la présentation en articles,
la
formule exécutoire, les signatures . .. " (2). Quoiqu'aucun texte
juridique ne contraigne à un conformisme rédactionnel, la pra-
tique camerounaise veut cependant que l'acte normateur unila-
téral comporte une pluralité d'éléments d'inégale valeur juri-
dique dont certains conditionnent sa régularité formelle.
- Le titre
La notion de titre d'un acte administratif unilatéral
renvoie tout simplement à la dénomination. C'est le cas par
exemple du décret N° 90-1459 du 8 novembre 1990 portant créa-
tion du comité national des droits de l'homme et des liber-
tés(3).
Cette dénomi nation est précédée des deux derniers
chiffres du millésime de l'année où l'acte a été édicté, sépa-
rés ensuite d'un second nombre qu'est le numéro d'ordre au
moyen d'un trait d'union; parfois ce dernier fait place à une
barre verticale légèrement inclinée sur la droite. Enfin in-
tervient, à la suite des chiffres
SUSévoqués, la mention qui
(1) I.:amalgame opéré par M. Alain Serge ~\\'1ESC/rr:RIAKOITcsl criliquahle quanJ il fornlllic qlle "la not/on deforme
comprend traditionnel/ement deux élémentr : les mentiollS de l'ncte, " 'esl-à-dir<' ln mnnière dont il est ridiKé, el III
procédure, c'est-à-dire le proces.ws à mivre et les formalités n respecter pour le I,rendre réxulièrement", in le droit ad -
ministratif ivoirien, Editions Economica, paris, 1982, p 163.
(2) Préface de G. DUPUIS à la thèse de René IIOSTlüU, Procédure cl (ComIcs Je l' acle administratif unrliltéra/, op, cil,
JI. Voir également G. DUPlll S (éludes coordonnées pan, "sur ln forme et la {'rocédure de l'lIcte f/(Iministratl/",
Recherches de J'Universilé de Paris l, S'~lic Scicllces Jillidiqucs Adlllinislralinll puhlique. Fcnnolllica. Paris. l')?'), r.
9.
(3) Journal officiel de la république du Cameroun, 1el jilllVicr 1991, pp 3-tl.

69
énonce le contenu de l'acte administratif pris. C'est l'en-
semble de ces composantes qui fait le titre de l'acte.
Ce schéma assez simple n'est pas commun à tous les actes
administratifs rédigés. Certains éléments nouveaux, telles les
abréviations, sont susceptibles de figurer dans le titre même
de
l'acte.
Si
l'on
prend en
illustration
la
lettre

118/DAG/SPM/MJ du 3 novembre 1987 adressée au requérant OTTO
Simon PONDY, celui qui n'est pas habitué aux techniques admi-
nistratives ne sera pas en mesure de décrypter les initiales
littéraires attachées au titre de l'acte: le chiffre 118 si-
gnifie le numéro d'ordre de l'acte, DAG correspond à Direction
de l'Administration Générale, SPM au Service des Personnels
Magistrat, et MJ est tout simplement le sigle du Ministère de
la Justice.
Bien avant le titre qui est toujours présenté comme le
tout premier élément de forme de l'acte administratif, il
existe quelques mentions non moins importantes que l'on pour-
rait appeler le logo de l'acte administratif unilatéral; à
gauche, on peut lire la désignation de l'Etat émetteur de
l'acte normateur, en l'occu~ènce la République du Cameroun, et
d droite sa devise trilogique paix-travail-patrie qui a un
fondement constitutionnel (1).
- Les Vlsas
Le terme "visa" n'est nullement entendu ici sous l'angle
d'une autorisation préalable accordée par une autorité admi-
nistrative à une autre dans le but d'accomplir un acte bien
précis, tel "le visa préalable du Ministre de l'Administration
Territoriale aux actes de vente, par adjudication ou de gré à
gré, des terrains communaux" (2).
(1) Article 1er alinéa 5 de la constitution du 2 juin 1972.
(2) Article 70. alinéa 2 du Jécrê! N° Tl-91 du 25 mars 1977 délcrminilnt les [JOII\\·oirs de tutelle sur les COnlrlllllles. les
syndicats de communes et les élahlissemen!s communaux.

Il est plutôt question du fondement juridique de la me-
sure administrative édictée ou mieux la référence faite aux
différentes normes de droit supérieures dont elle découle et
en est l'application conséquente (1). La pratique administra-
tive camerounaise assimile les visas à la partie textuelle dé-
butant par la mention
((vu".
('est ainsi que le décret N°
76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du
ti tre foncier s'appuie sur une double ((base juridique"
le
premier "vu" fait référence au texte constitutionnel en vi-
gueur (2) alors que le second est relatif à l'Ordonnance N°
7/1 du 6 juillet 1974 fixant le régime domanial. C'est l'en-
semble ainsi constitué qui sert de fondement juridique au pré-
sent décrêt et porte donc le nom de visas. La mention de ces
antécédents juridiques conditionne-t-elle la régularité for-
melle dudit acte administratif réglementaire?
La position du juge administratif est que l'absence de
visa "ne saurait constituer un vice de forme de nature à en-
traîner son annulation; que les visas constituent une simple
pratique administrative ne présentant aucun caractère obliga-
toire" (3). Ceci signifie que la rédaction des visas dans le
texte administratif n'est pas une règle impérative pour l'au-
torité administrative. Qu'en est-il des motifs que l'on ren-
contre dans la lecture de l'acte administratif unilatéral?
(1) Cf. Georges DUPUIS, "les l'ims arrosés .l'II/' les artcs administratijf", in ~\\'1danges W Â UNE, TorllP.
1r. LG.D.I.,
Paris, 1974, p. 407. Le visa, d'<lprès ccl autcur cst "la mcntion de torH (les) antécédenLf. ba.fCS jllridiqlles et élé·
menls d'une procédure" de l'acte administratif.
(2) La constitution camerounaise du 2.juin 1972 est en effet un suppol1 normatif incontestable à la réglementation du
titre foncier défini eomme "la Ct'rtijicatinn officielle dt' la rmrriété immnbilière". D'une part. le préambule affilllle
que "la propriété est le droit d'user, de jouir et de disroser des biens garantis à cha clin par la loi. Nil 1Ile mllrait ell être
privé si ce n 'est l'our caLLfe d'utilité pllbliqlle et .\\'ous la condition d'lInc indemnité dnnt le.f modalités snnt fixées l'al'
la loi,"
"Le droit de propriété ne saurait être exercé contrairement à l'utilité sociale ou de manière à porter préjudice à la sûre-
lé, à la liberté, à l'exÎJtence ou à la propriété d'autru;". D'autre part, l'article 20 dc la constitution traitant du domaine
de la loi dispose clairement que le "régime de la "rnrriété mobilière et i1/Vnobilière" est fixé par le législateur Par
conséquent, le décret sur le titre foncier n'est qu'une application pme et simple des prévisions élaoorées par la nonTlc
fondamentale de l'Etat.
(3) Voir Ârrêt N° 651Cf'J dulO seplel11bre 1%9, EVINA ÂI)Â Christophe clEt.1l Fédéré du Cameroun Oricntal, in re-
cueil MBOUYOM. tome Il, pp 299-301, et en appel Â!Têl N° 10/Â du 27 Oel"bll; 1972 précité. Dans celle affaire, un
arrêté du Premier Ministre avail révoqué le requérant de ses fonctions de commis des services civils et financiers sans
en préciser le visa. Ce défaut d'élément formel pour le jugc n'entraîne pas l'annulation de l'acte administratif.
D'autres décisions de jllstice sont vellucs asscoir celle position jUrlsrrudcllticlle
- Ârrêt N° 55/CFJ/SCÂY avant dire
droit du 25 mars 1969, EMINl TINA Etienne cl r:lat Fédéré dll Camerolln Oriental: Jugement N° 12/CS/CA dll 24 avril
1980, NÂNA David c/Etat dll Carneroun, coufirmé ell appel par Ârrêt N° IXIA du 24 mars 19R4. précilé, Jugement N°
4O/CS/CA/79-80 du 29 mai 1980, ~10NKM\\'1 TI ENTCHEU David précité, etc. .

71
- Les Motifs
Selon le doyen BONNARD, "le motif est l'élément premier
de l'acte. Il est l'antécédent qui le précède et le provoque.
Il constitue sa raison d'être. Ainsi le motif de l'acte qui
consiste à accorder un secours d'assistance est la situation
d' indigence de l' ass i
sté. Le moti f d'une répress i on péna le est
l'infraction qui a été commise. Le motif d'une mesure de poli-
ce consiste dans le fait qu'il y a eu atteinte ou menace d'at-
teinte à la tranquillité, à la sécurité ou à la salubrité pu-

bliques" (1).
Les motifs de l'acte administratif sont faci.lement re-
connaissables à travers la formule des "considérants", laquel-
le fait état des raisons de faits et de droit qui justifient
le prise de décision. Ces éléments du bien-fondé de l'acte ad-
ministratif renvoient au principe bien connu de la motivation.
L'autorité administrative est-elle astreinte à l'obligation
d'indiquer sur l'acte administratif les motifs de son action?
Tout acte de l'administration doit-il avoir un motif sous-ja-
cent? L'administration ne peut-elle pas prendre de décision
sans motif ? Ces multiples interrogations inversées posent
ainsi le véritable problème qui est de savoir si la motivation
formelle doit être exprimée dans l'acte même, tel qu'il est
publié ou tel qu'il est notifié à l'intéressé.
(1) Auteur cité par Georges DUPUISin "Icsmotifsdcsactcsadministratifr". E.D.C.E.. 1974-1975. p. 13. On tient
également des professeurs EISENMANN ct de LAUBADERE. cités par G. DUPUrS dans l'article susdit. que les motifs
sont les "conditions de fond" qui autorisent ou imposent un acte administratif. ou encore "les faits objcctijr. anté-
rieurs et extérieurs à
1·acte".
Dans une junspmdence administrative récente. le juge national vient de définir la motivation en reprenant pour son
compte une définition doctrinale sans en spécifier r auteur. " y ressort ainsi que "la motivatioll. qui est T'lacée sous
le contrôle de la juridiction administratil'e. juge de la lé,lIalité. doit être écrite et comporter /'énoncé de.r considéra-
tions de droit et de fait qui constituent le fondement de la déci.rion. Elle doit être aUHi explicite et complète que po.r-

sible". : Jugement N° 31/92-93 du 25 février 1993. MOMO Pierre-rvlane clEtat du Cameroun ([GERA). Les termes de
cette définition sont intégralement repris dans une décision du même jour N° 35/92-93. NGAMBI TENE Ehénézer
clEtat du Cameroun. précitée.

7Z
Sur ce point, le droit écrit et la jurisprudence admi-
nistrative camerounais n'ont pas fixé un principe général de
la motivation. La règle générale est donc celle du caractère
facultatif de la motivation des actes administratifs unilaté-
raux contrairement à la pratique française considérablement
exigeante en la matière (1).
Cependant, dans le souci d'améliorer les relations entre
l'administration et les administrés et de fournir à ces der-
niers les informations auxquelles ils ont droit, des textes
importants commencent à lever progressivement la règle du se-
cret administratif avec l'appui d'un juge qui applique assez
rigoureusement ces assoupI issements tant revendiqués.
Des
textes relativement anciens et nouveaux figurent à l'actif de
cette réforme administrative.
L'obligation de motivation des textes administratifs a
été amorcée sur le terrain des décisions disciplinaires dès
1975 (Z). Et le juge administratif a maintes fois rappelé cet
impératif à la puissance publique en annulant tous ses actes
infligeant des sanctions disciplinaires sans motivation préa-
lable (3).
Le terrain de la tutelle administrative est par la suite
apparue comme second champ de prédilection du principe de la
motivation. C'est ainsi que l'article 11 alinéa 3 du décret N°
77-91 du Z5 mars 1977, déterminant les pouvoirs de tutelle,
oblige les autorités tutélaires, en cas de refus d'approba-
tion, à "indiquer les irrégularités constatées et les moyens
d'y remédier".
Bien plus, en cas d'annulation d'une délibération à
laquelle a pris part en son nom personnel ou comme mandataire
un conseiller municipal intéressé à titre personnel à l'objet
(1) Le législateur Français, à travers le loi N° 79-587 du Il juillet 1979 relative il la motivation des actes administra-
tifs, a étendu assez largement l'obligation de motiver. Sans aller jusqu'à la génér<lliser, celle loi l'a imposée pour la
grande majorité des décisions <ldrninislmtives nég<ltives ou déf<lvorahles. Il s'<lgil en toul C<lS d'un tnumant décisif
qui mène à la "traJl\\"l'arenrc" administrai ive.
Voir, SECTION DU RAPPORr et des Etudes du CONSEIL d'ElA/: "Etude ,wr la motivation de.\\" actcs administratifl"",
Etudes el Documents du Conseil d'Etal, 1986, pp. 13-27.
(2) Article 25 alinéa 2 du décret N" 75-577 du 12 aoOI 1975 fixanl les règles de la procédure disciplinaire dans la fonc-
tion publique.
(3)Jugement N° 12/CS/CA du 28 janvier 1982. Dame III NA/vi née NGO NJOf\\l Fidèle cI!'tat du CamerPlIIl,
- Arrêt N° 3/A/CS/Ar du 16 décembre 1982, ESSIMI Fabien clEtal du CIITlCroun.
- Jugement N° 73/CS/CA du 29 juin 1989, MBA RGA Raphaël c/Etat du Cameroun.

de ladite délibération, cette "annulation est prononcée par
arrêté ministériel motivé dans les deux mois qui suivent la
session au cours de laquelle la délibération incriminée a été

prise" (1)
Très récemment, la démocratisation de la vie publique en
fin 1990 a contribué à élargir', assez sensiblement, l'obliga-
tion de motivation des actes administratifs à travers des
textes historiques (2).
A titre d'exemples, la loi ND 90-52 du 19 décembre 1990
relative à la liberté de communication sociale prescrit en son
article 17 l'obligation de motiver les saisies et les inter-
dictions, par les autorités compétentes, d'un organe de pres-
se. Pour des raisons évidentes de transparence, cette loi pré-
cise comme motif desdites sanctions l' "atteinte à l'ordre pu-
blic
et aux bonnes moeurs". De même, la loi ND 90-53 de la
même année portant sur la liberté d'association dispose en son
article
13
alinéa
1
que
"le
Ministre
chargé
de
l'Administration territoriale peut, sur proposition motivée du
préfet, suspendre par arrêté, pour un délai maximum de trois
mois, l'activité de toute association pour trouble à l'ordre
public". L'alinéa 2 du même article, traitant de l'acte de
décès de l'association qui est synonyme de sanction suprême,
fixe que le même Ministre peut la "dissoudre (quand elle) s'é-
carte de son objet
et (lorsque ses) activités portent grave-
ment atteinte à l'ordre public et à la sécurité de l'Etat".
Ces décisions administratives sont effectivement intervenues
et ont donné lieu à un contentieux juridictionnel très récent
dont l'étude est détaillée dans le cadre de l'élargissement du
domaine contentieux de la juridiction administrative par dévo-
lution légale spécifique.
Toujours pour ce qui est de cette loi. sur les associa-
tions, l'article 30 dispose que la catégorie singulière qu'est
l'association religieuse n'est pas épargnée par les mesures
administratives de suspension (arrêté du Ministre chargé de
l'administration territoriale) ou de dissolution (décret pré-
(1) Arlicle 14 du décret du 25 mars 1977, préellé
(2) Journal orficicl de lOI I~épuhliqllc du COImcrOlIlI. 1er jalH'icr 1')')1. N° 1 SUPI'I('mcnlairc. illlilllié "sl','cjalli/>"rl"J"
pp 1-65.

74
sidentiel),
moti fs
respectivement pris
((pour
troubles à
l'ordre pub lie" et non respect de son ((ob}et i ni ti al".
La loi N° 90-55 du 19 décembre 1990 portant régime des
réunions et des manifestations publiques impose tout aussi
l'obligation pour l'autorité administrative de motiver sa dé-
cision d'interdire toute manifestation publique projetée, no-
tamment pour des rai sons de rftroub les graves à l'ordre pu-
blic".
Au surplus, la loi N° 90-56 du même jour, relative aux
partis politiques, établit en son article 8 alinéa 2 que ((tout
refus d'autorisation (d'existence légale d'un parti pol itique)

doit être motivé ... par tout moyen laissant trace écrite" par
l'autorité administrative compétente,
en l'occurrence le
Ministre de l'administration territoriale. La motivation impé-
rative s'applique tout aussi bien pour la mesure de suspension
de l'activité du parti politique (1) que pour celle extrême
relative
à la dissolution (2).
Enfin, aux termes de l'article 73 alinéa 2 de la loi N°
91/020 du 16 septembre 1991 fixant les conditions d'élection
des députés à l'Assemblée Nationale, la décision par laquelle
l'autorité administrative préfectorale rejette la déclaration
d'une candidature doit être motivée. Pareille obligation de
motiver régit la décision du Ministre de l'Administration ter-
ritoriale relative au rejet d'une déclaration de candidature à
la Présidence de la République, selon l'article 57 alinéa 2 de
la loi N° 92/010 du 17 septembre 1992 fixant les conditions
d'élection et de suppléance à ladite Présidence.
En résumé, les contraintes nouvellement imposées à l'au-
torité administrative relativement au problème de la motiva-
tion de ses actes, portent essentiellement sur les libertés
publiques. Ce qui semble déjà constituer un grand pas en di-
rection de la protection juridique des citoyens et ce dans
l'attente d'une éventuelle affirmation de la motivation géné-
ralisée des décisions administratives défavorables.
(1) Article 17, alinéa 1 de la loi susvisée
(2) Article 1R. alinéa 1 de la loi SUSV;Sl'C.

7S
- Le dispositif, la date et la signature
Le dispositif est cette partie de l'acte administratif
qUI s'identifie au contenu même dela décision, c'est-d-dire
les dispositions qu'elle renferme. C'est de fait un élément
formel indispensable d l'acte, sans lequel il y a non déci-
sion. Les actes administratifs placés au sommet de la hiérar-
chie des normes réglementaires et individuelles comme les dé-
crets et les arrêtés sont rédigés sous forme d'articles dis-
tincts ; alors que les autres actes de l'administration, cir-
culaire et lettre par exemple, ne présentent pas un dispositif
semblable mais plutôt un contenu uniforme dont on comprend ai-
sément d la lecture qu'il fait office de ce qui est disposé
par l'autorité administrative.
Le concept de date quand d lui fait appel d ce qu'on
nomne traditionnellement par le Itmoment" de l'acte. Cette men-
tion se rencontre le plus souvent dans l'acte administratif et
non systématiquement, en l'absence d'exigence textuelle et ju-
risprudentielle quant à son indication formelle.
Cependant, l'énonciation relative d la date revêt une
importance certaine, ne fusse que par rapport d la dimension-
temporelle de la compétence de son auteur, laquelle permet de
vérifier si l'autorité administrative ayant décidé avait, d ce
moment-Id, l'aptitude juridique d produire l'acte normateur.
Au surplus, le moment de l'émission d'un acte administratif
permet de savoir si ce dernier est intervenu dans les délais
prévus d cet effet, délais qui sont parfois purement indica-
tifs, voire de plus en plus impératifs. Quand bien même ils ne
sont pas prévus pour un texte, la mention de la date permet
égal ement de savoi r s i l a théorie
j uri sprudent i e Il e des
délaistlraisonnables" n'a pas été abusivement utilisée au dé-
triment de l'administré.
La signature est l'ultime indication formelle de l'acte
administratif unilatéral. Apposée comme dernière mention d la
fin de l'acte, elle signifie au moins deux choses: elle est
tout d'abord synonyme de l'effectivité de la prise de décision
et permet ensuite d'identifier ou de déterminer l'auteur de la
mesure administrative. C'est donc l'élément de signature, par
une autorité administrative bien précise, qui confère le ca-
ractère de validité à tout acte administratif.

76
En dépit de l'existence des rares cas où il est prévu
des arrêtés interministériels (1), le Droit public Camerounais
n'a pas encore consacré la formalité du contreseing dans la
pratique adm-inistrative. L'excessive centralisation de l'Etat
Camerounais débouchant jadis sur un exécutif fort et monocen-
tré
a toujours expliqué l'inexistence des autorités contresi-
gnataires dans l'administration publique. Et ce n'est pas le
changement de régime pol i tique récent issu de la réforme
constitutionnelle du 23 avril 1991 (2), laquelle institue un
exécutif bicéphal comme en France avec un Premier Ministre
Chef du Gouvernement responsable devant l'Assemblée Nationale,
qui parviendra à bousculer des réflexes de conservatisme.
Sûrement, l'inexistence du contreseing s'expliquerait par le
fait que la plus haute autorité administrative de l'Etat, le
Président de la République, le perçoit comme un partage de
compétences. A tort, puisque le contreseing associe tout sim-
plement les Ministres à l'émission de l'acte administratif,
gage d'une ((règle de bonne administration" (3). Ce faisant, le
mécanisme nouveau de collaboration entre le Premier Ministre
et son supérieur hiérarchique institué à travers la formule
révélatrice
((après
approbation
du
Président
de
la
République'~4) ne doit en aucun cas être rapproché de la tech-
nique du contreseing.
Quoi qu' il en soi t, l'absence du contresei ng dans le
vécu administratif Camerounais n'altère en rien la valeur ju-
ridique de la signature apposée sur l'acte administrati f.
Jointe aux autres éléments formels de l'acte, tous symbolisent
les spécificités existant entre l'expression écrite de la vo-
lonté d'une personne publique et les modes non rédigés de
l'acte unilatéral.
(1) Lesquels ne s'idelltifient guère au conlreseing cf. René HOSTIOU, "Procédure et formes de l'a cie administratif
unilatéral en Droit Français", op. cil. p. 215: "En droit administratif !rançais, le contreseing est /lne signature pré-
vue par la constitution (art. 19 et 22), apposée par le premier Ministre (lU un Ministre déterminé nu bas d'un acte
énliJnanl du Présidenl de la République 01/ du Premier Minislre"
(2) Loi constitl!lionnelle N° 91/001 du 23 Avril 1991 port~Jrll mcxlificalion des ;Hticles 5, 7, 8, 9, 26, 27 cl 34 de la
constitution du 2 Juin 1972.
(3) BRAIBANT, Conclusions sur Consei 1 d'Elat, 1cr fl:vrier 1%3, syndicat du personnel d'assurances de la région 1':1-
risienne, Revue de Droil Social, 1%3, l' 273, Rec l' 65.
(4) Décret N° 91/282 du 14 juin 1991 définissant les anributions du l'remier r-,·Iinistre , uotamllleni les anieles 2 ct ·1
qui subordonnent "exercice d'un certain nombre important de compétences à l'approbation préalable du Présidenl de
la République.

77
_1_1 : LES
MODALITES
NON
MATERIALISEES
DE
L'ACTE
UNILATE-
RAL
La rédaction des actes administratifs est fortement an-
crée dans
les
lJabi tudes de l'administration
publ ique au
Cameroun. Mais elle n'en demeure pas un principe exclusif dans
la mesure où la juridiction administrative a eu à connattre de
requêtes contentieuses mettant en cause des actes juridiques
non écrits, c'est-à-dire purement et simplement immatériali-
sés. La question pertinente qui vient immédiatement à l'esprit
est donc de savoir ce dont il s'agit exactement.
La réponse ne présente abso~umpnt rien d'original par
rapport au droit jurisprudentiel Français puisque le juge ad-
ministratif national avoue, une fois de plus et sans détour,
sa fascination pour les conceptions hexagonales, lesquelles
lui permettent précisément d'aborder le contentieux "con formé-
ment à la jurisprudence du Conseil d'Etat de France dont les
pr i n c i pal es
déc i s ion s i n spi r en t
l a
j uri s pru den c e
Camerounaise'tl). De ce fait, lorsqu'on parle de modalités non
matérialisées de l'acte normateur qu'est la décision adminis-
trative unilatérale, le juge Camerounais y voit une double
donnée explicite ou implicite que sont respectivement l'acte
oral ou gestuel et l'interprétation juridique que l'on doit
donner au silence de l'administration.
A : LES ACTES ORAUX OU GESTUELS DANS L'ACTIVITE ADMINIS:
TRATIVE
Il est vrai que ces actes ne permettent toujours pas aux
administrés d'établir convenablement la preuve de leur objet
devant le juge. Cependant, ce dernier ne s'est pas empêché de
leur attribuer la même validité normative que celle des actes
rédigés.
Pour ce qui est des actes gestuels tout d'abord, le pro-
fesseur NLEP fait successivement allusion à l'autorité de po-
lice administrative qui, au moyen d'une gestuelle manuelle et
d'un sifflet, règle la circulation piétonne et automobile
aux signaux lumineux,tricolores garnissant les intersections
(1) Jugement N° 28/CS/C/\\ du 29 jal1\\'ier 1976, NGUE l\\·lalhias clEtat du Cameroun Déjà. l'ex-Président de la Cour
Suprême du Cameroun. M. Marcel NGI !INJ, affi rmait 'Ille "r 'cs/ sur/ou/ Cil /all/ quc ju,,?c dll {'mr/cII/icIIX dmi/ri.I'/ra/if
que la Cour Fédérale de Justice a rClldu le l'lus ,r:rand nombrc d'arrêts, marqués très fortemcnt {'ar l'influencc des

conceptions inspirées de la juri,\\{'rudcncc du Come il d'Eta( Fwnçaü", in la Cour fédérale de Justice du Cameroun,
Recueil PEN/\\NT. 1973. P 347.

78
de la VOlrle moderne,
lesquels autori.sent aux uns et aux
autres d'avoir droit de circulation ou obligation de s'immobi-
liser; à la sonnerie du bureau d'un haut responsable adminis-
tratif intimant l'ordre au planton ou à la secrétaire de
s'exécuter; tous ces faits et gestes sont des actes unilaté-
raux de l'administration. Ce qui est tout à fait exact. Et
grâce à la hargne contentieuse de certains requérants, le juge
Camerounais a eu à qualifier comme tel certains gestes de
l'administration alors qu'ils ne revêtaient pas de caractère
écrit, ni même verbal.
Certaines opérations de salSle effectuées par la person-
ne publique ont constitué le champ de manifestation de l'acte
gestuel.
La déci sion de pri. nci pe émane de l' af foi re MEKA
Charles (1) : Celui-ci s'était pourvu devant le juge adminis-
tratif à l'effet de faire annuler la saisie et la vente, par
l'administration des douanes, de ses marchandises non encore
dédouannées. Et l'Assemblée Plénière de la Cour Fédérale de
Justice avait estimé que ce geste de l'administration suffi-
sai t
à fonder sa compétence.
Vint ensui te le cas KOUL0l!
Maurice (2) dans lequel le requérant intentai t
un recours
contentieux tendant à l'indemnisation du préjudice que lui
avait causé l'administration des douanes en vendant aux en-
chères publiques des marchandises frauduleusement importées.
Son recours avait été déclaré irrecevable pour forclusion.
Ce qui
laisse présager en
revanche que s' il
avai t
respecté les règles de procédure administrative contentieuse,
le juge administratif l'aurait déclaré recevable en la forme.
Ce qui est déjà synonyme de compétence. Plus récemment, la ju-
risprudence SIMPEX est venue valider le cas des actes adminis-
tratifs gestuels (3).
La Société SIMPEX-Cameroun avait sollicité la condamna-
tion de l'Etat à lui payer la somme de 30.003.754 Frs CFA en
réparation de l'énorme manque à gagner que lui avait causé la
saisie abusive de son bois par l'administration forestière.
(1) Arrêt N° I/MCrJI AI' du 1G octobre l ')(;R, M I:KA Charles clEtat du Cameroull,
(2) Jugement N° 19/CS/CA du 29 jaJl\\'ier 1976, KOlJ!.OU Maurice c/Et;tl du Call1eloull,
~3) Jugement N° 13 JICSICA du 26 septembre 199 J, Société SIMPE\\ - CA MERClUN clEtal <lu Camerouu

Ici encore, le juge administratif retient sa compétence, motif
pris de ce que la simple opération de saisie de bois est un
acte administratif générateur du dommage.
L'observation que l'on est susceptible d'apporter à ces
décisions de justice se r~~ume à la clairvoyance des juges.
Les diverses opérations d~~tèrit~ effectuées par l'administra-
tion douani ère)
.
ainsi que la saisie ~~ par l'administration fo-
restière sont toutes des actes juridiques bien distincts des
normes supérieures qui régissent l'activité douanière et celle
forestière. Car seule une norme générale permet de poser une
autre norme individuelle. Le douanier, en procédant aux ventes
pour défaut de dédouanement ou pour fraude à l'importation des
marchandises, pose incontestablement un acte administratif qui
a pour conséquence néfaste de priver les légitimes proprié-
taires de leur droit de propriété.Il en est de même, par ana-
logie, de la saisie de bois effectuée par l'agent forestier au
détriment de la Société SIMPEX-CAMERüUN.
L'expression verbale de l'autorité administrative a éga-
lement reçu validation jurisprudentielle en tant qu'acte admi-
ni strati f
suscept i bl e de recou rs
pour excès de pouvoi r.
L'affaire TONKAM Pierre révèle cet aspect de la construction
du droit administratif Camerounais par le juge (1). Le sieur
TüNKAM est propriétaire d'un terrain de 9 ha à AMBAM et l'Etat
décide d'y construire un aérodrome en 1957. Selon le requé-
rant, un arrangement simplement verbal avait été conclu entre
lui et l'administration en ce qui concerne les frais de dédom-
magement, allégation qui n'est de.( ~slt-'-IqS
démentie par la
partie adverse. Ce n'est qu'après plusieurs années d'illusions
qu'il décide de saisir la juridiction administrative pour
qu'elle condamne la personne publique à lui verser une indem-
nité globale de 7.350.000 Frs CFA au double titre de dommages-
intérêts et préjudice subi. Croyant valablement s'opposer aux
prétentions du requérant, l'administration soulève le problème
de l'incompétence de la juridiction administrative à statuer
sur un tel litige relatif Uà un acte administratif non écrit".
(1) Jugemcnt N° 8JCS/CA du 19 déccmhre 1975, TONKA/l.f Pierre clElal du Cameroun. Voir dans le même sens.
l'Ordonnance N° 12fOSEJPCA du 7 a<JdtI979. DEUD/E Joseph clUal du Camcroun.

Le juge argue en retour que uconsidérant qu'une décision
exécutoire en forme verbale susceptible de causer à autrui un
préjudice est un acte qui peut donner lieu à une action devant
la Cour Suprême ... ; qu'il s'ensuit que (cette) Cour Suprême
est compétente pour connaître des actions en indemnisation in-
tentées contre les décisions exécutoires verbales".
A l'appui
de son argumentation, le juge Camerounais fait explicitement
référence à la jurisprudence administrative Française sur la
nature juridique des actes verbaux de l'administration (1).
Quatre ans plus tard, .la décision TCHUNGUI Charles viendra dé-
finitivement sceller cette conception verbale de l'acte admi-
nistratif unilatéral (2) ; bien plus, ce sera également l'oc-
casion pour le juge administratif d'esquisser le problème cou-
rant des multiples abstentions de la puissance publique.
B : L'INTERPRETATION DOUBLE DU SILENCE DE L'ADMINISTA-
TION(3)
Il est assez fréquent que l'autorité administrative op-
pose purement et simplement son mutisme face à une demande de
l'administré. Ce qui provoque quelques problèmes d'ordre di-
vers: sur le plan de l'interprétation de cette attitude admi-
nistrative, doit-on considérer qu'elle est synonyme de refus
catégorique ou qu'elle signifie acceptation tacite? Sur le
terrain pratique du contentieux juridictionnel, y-a-t-il fina-
lement matière à contestation qui soi t de nature à fonder
l'intervention du juge administratif? Le juge de l'affaire
TCHUNGUI Charles répond en effet que ul es actes administrati fs
peuvent être ... constitués en de simples abstentions ou re-
tards", ce qui suffit à justifier sa compétence; mais, pour-
suit-il, "pourvu qu'ils portent préjudice". En revanche, il
(1). CE, 12 décemnre 1915, AnOé Artigue, Rec p 309;
. CE, 2 juin 1938, Castellani, Rcc.p.505,
(2) Jugement W 5/CS/CA du 29 novemnre 1979, TCHUNGUI Ch,lrles, précité.
(3) Cf. LAVEISSIERE Jean, Le Silence de l'administration, thèse droit, BORDEAUX l, 1979. L',llJteul émet le princi-
pe du "double virage du silence" de l'administration. D'un côté, il constitue une "parenthèse dalls la manifes/atioll
de la volonté adminirtrative" (p. 7). A u-delà de cet aspect classique, le silence "est aussi ab.~encc de divulgatioll de
celle-ci" . Pour une vision synthétique sur la question, \\"oir :
- JEZE (G), F_~~<li d'une théorie génémle de "anstenlion en droil p"nlic, RD.P, 1!)O."i, p. 7(,,1.
- GOl.J1ïEN01RE (R), Le Silence de l'<ldministratioll, Thèse. Paris, 1932
. FOUGERE (1.), Les secrets de "adnlinistr<llion. nullelins de l '1. 1. A. P, l ')(i7, p. ~ 1
- UEr-VEAUX (G), L'évolution aberrante de la pnxédure du silence, Rev. Adll1. 1l)()'·1. ". 25:1-
- DORLENCOURT-DETRAGIACHE (D) . Contrinlllion à une théorie de la carence en droil adll1inislr;llif fr<lnç;lis,
thèse, Paris II. 1972 .
.'PAtJrl (M): Lé décision implicite d'acceptation, RD.!' l'n.''. ". 1525
- Institut Intemaliol];ll des sciences adminislr;llive~, le secret administrati!' d;ll1~ les pay~ développés. Ed CUJAS.
Paris, 1977.

81
n'est pas dit que le silence de l'autorité administrative
équivaut automatiquement à un acte administratif puisqu'il
peut aussi correspondre à un défaut d'acte.
Dans un souci de clarification, le juge Camerounais af-
firmera alors, qu'en soi, Ille simple silence apposé par l'ad-
ministration ne saurait constituer une décision administrative
pui sque l a déci sion exécutoi re (sera) va i nement recherchée
parmi l
es pi èces du doss i er" (1) contenti. eux. Sachant qu' il
n'est toujours pas facile de vaincre l'inertie administrative,
des textes de nature législative et réglementaire y apportent
heureusement un début de solution en prévoyant que dans des
cas bien déterminés, cette inertie est constitutive d'actes
normateurs implicites de rejet ou d'acceptation.
1 : LE SILENCE PEUT CORRESPONDRE A UNE DÉCISION IMPLICITE DE
REJET
Le droit positif Camerounais n'offre, à l'heure actuel-
le, qu'un seul exemple qui corresponde à ce cas de figure, no-
tamment en matière précontentieuse où le mutisme opposé par
l'autorité administrative compétente à un recours gracieux
préalable à lui adressé semblait entraver les possibilités
contentieuses du justiciable. L'Ordonnance N° 72/6 du 26 août
19?2 fi.xant l'organisation de la Cour Suprême dispose en son
arti.cle 12 que Ille recours devant la Cour Suprême n'est rece-
vable qu'après rejet d'un recours gracieux préalable adressé
au Ministre compétent ou à l'autorité statutairement habilitée
à représenter la collectivité publique ou l'Etablissement pu-
blic en cause.

Constitue un rejet de recours gracieux le silence gardé
par l'autorité pendant un délai de trois mois sur une demande
ou une réclamation qui lui est adressée. En cas de demande
d'indemnisation,

l'autorité compétente dispose cependant,
après s'être le cas échéant, prononcée favorablement sur le
principe d'indemnisation, d'un délai supplémentaire de trois
mois pour en proposer le montant".
(1) Jugemenl N° 71185-86 du 29 mai 1986. NSANGOU Noël clEtal du Cameroun. Celle approche jurisprudenlielle
avait été établie un mois auparavant. par le jugemenl N° 54/85-86 du 24 avril 1986. KOUALOUEL IvlPOUH c!Elal du
Cameroun.

82
Ce qui revient a dire, en termes clairs, qu'il y a décision
implicite de rejet si et seulement si l'administration ne
donne aucune suite, au bout de trois mois, au recours adminis-
tratif adressé par l'administré, lequel a pour objet de recon-
sidérer l'acte ini tialement émis par elle. En revanche, le
délai de six mois est exclusivement applicable a une demande
d'indemnités, mais a la condition préalable qu'a l'intérieur
des trois premiers mois, l'administration s'y soit prononcée
favorablement; donc, la décision finale qu'appréciera le de-
mandeur interviendra normalement, dans ce cas précis, au bout
de six mois maximum. Par contre, si le silence persiste au
bout de trois mois sans que l'administration ne se prononce
favorablement sur la demande d'indemnités, ce délai minimal
suffit a générer la décision implicite de rejet. L'article 12
doit ainsi être récapitulé:
· ::

Objet du recours Délais impartis a
Incidence sur le plan
gracIeux préala- l'administration pour décisionnel aux termes
ble
y répondre
de l'article 12 de l'Or-
donnance de 1972
Reconsidérer une L'autorité adminis-
Il Y a ipso facto déci-
décision adminis trative a trois mois
SIon implicite de rejet
trative prise à
pour réagir. Si le
l'égard de celui silence n'est pas
qui formule le
levé , alors --->
R.G.P.
1 - - - - - - - - - - - + - - - -
Demande d'indem- L'autorité adminis-
Il Y a naturellement dé-
nisation consé-
trative a jusqu'a
ClSl0n implicite de re-
cutive à un pré- trois mois pour ap-
jet.
judice subi du
prouver le principe
fait d'un acte
même de l'indemnisa-
administratif.
sation. Si au con-
traire elle demeure
muette, alors --->
L'autorité adminis-
Il y a tout simplement
trative souscrit au
décision explicite qui
principe de l'indem-
ne rentre pas dans l'op-
nisation ; elle béné- tique de l'interpréta-
ficie alors d'une
tion du silence
prorogation de délais Mais on peut conclure
à une décision impli-
(trois mois) pour en cite de rejet si l'admi-
fixer le montant.
ne donne pas de suite, a
Conséquence --->
l'expiration des six
ois, a son accord préa-
lable.
'------------- ---------------- -----------------

84
En somme, la décision implicite de rejet partde l'idée
de vaincre l'inertie de l'administrationau1ho}'e~~esmécanismes
normati fs.
"Le demandeur,
estime le juge,
est tenu de pro-
voquer de la part de l'autorité une décision de refus d'accé-
der à sa demande" (1). Car tout requérant a l'obligation de
présenter devant le juge administratif la décision motivant
son recours contentieux (2). Mais inversement, le silence ad-
ministratif, lorsqu'il n'est pas constitutif de rejet, peut
traduire l'acceptation.
~ : LE SILENCE PEUT EGALEMENT SIGNIFIER UNE DECISION IMPLICITE
D'ACCEPTATION
Contrairement à l'interprétation négative du silence de
l'administration qui aboutit à la décision implicite de rejet,
le domaine d'application de la décision implicite d'accepta-
tion est considérablement large; ce qui ne peut que contri-
buer à multiplier les cas concrets d'interprétation positive
du mutisme administratif. Les terrains de la tutelle adminis-
trative, des libertés publiques et de l'organisation des pro-
fessions libérales offrent à cet effet beaucoup d'exemples de
décisions implicites d'acceptation dont il convient seulement
de mentionner les plus significatives.
Les rapports de tutelle entre les autorités administra-
tives centrales et les collectivités publiques décentralisées
trouvent leur fondement normatif dans la loi communale de
1974(3). Et c'est le très important décret N° 77-91 du 25 mars
1977 déterminant les pouvoirs de tutelle sur les communes ou
les établissements communaux qui met clairement en évidence un
type de décision implicite d'acception à propos de la tutelle
sur les actes.
(1) Jugement N° 79/90-91 du 31 janvier 1991, MI3A NDY Daniel dUal du CameroulI,
(2) L'article 5 de la loi N° 75-17 du 8 décernhre 1975 fixant la procédure dcvant la Cour SUprêmc ~tatlJallt en matière
administrative dispo~e en effet que "si le recours est dirigé cOlltre ulle déci.fioll d'ullc autorité admillistrativc, il cst
accompagné d'ulle copie dc ccllc déci.fioll".
(3) Loi N° 74/23 du .5 déccl11hrc J 97:1 porlant organi~atioll communale.

85
L'article 10 dit en substance que dans les quinze jours
suivant la session du Conseil Municipal, le chef de l'exécutif
municipal adresse au préfet, sous pli recommandé avec accusé
de récepti on, l es dé li bérati ons pri ses par le Consei l, aux
fins d'approbation.
Celui-ci soumet sans délai à l'approbation du gouverneur
ou du Ministre de l'Administration territoriale les délibéra-
tions portant sur les domaines dans lesquels leur approbation
est requlse.
Le Gouverneur et le Ministre disposent alors de deux
mois d compter du jour où la délibération a été enregistrée à
la préfecture pour se prononcer, favorablement ou non, sur la-
dite délibération. Si une décision n'est pas prise durant ce
délai, la délibération municipale est réputée approuvée. Au-
delà d'une telle décision implicite d'acceptation, l'on ne
peut manquer d'apprécier cet élément du système de décentrali-
sation qui consacre une tutelle sur les actes assez libéra-
le(l).
En matière de libertés publiques, les décisions impli-
cites d'acceptation ont eu libre cours dès la libéralisation
de la vi e pol i tique au Cameroun, notamment en fi n d'année
1990. C'est ainsi que le régime juridique des associations dé-
clarées, d travers la loi N° 90-53 du 19 décembre 1990 portant
sur la liberté d'association, révèle que "le silence du préfet
gardé pendant deux mois après le dépôt du dossier de déclara-
tion vaut acceptation et emporte acquisition de la personnali-
té juridique" (2). Une logique juridique similaire est ap-
pliquée au processus de création de parti politique : "en cas
de silence gardé pendant trois mois à CŒnpter de la date de
(1) Dans une perspective purement théorique, "on ne peut s'empêcher de relever une telle appréciation puisqu'aux
tennes de l'article Il du même décret du 2-'; mars 1977, 1';llItorilé de tutelle, en "occurrence le gouvemeur ou le mi-
nistre de l'administration lerritoriale, a "ohligation formelle de motiver sa décision de refus d'approbalion
Lil pré-
sente obligation de motivation il d'ailleurs été mentionnée comme exceplion ilU principe de la motivillion filcullalive
des actes administratifs unililtéraux, dans le cildre de l'étude des motifs. Ilien plus, l'ilutorité décentralisée conserve
intacte la possibilité d'un recours juridictionnel conlre le refus d'approhalion signifié. par l'autorité de tutelle, à
condition bien évidemment qn'elle "ilil
précédé d'un recours gr;lcienx préillilhle adressé ilU /'vfinistre de
l'Administration territoriille.
(2) Article 7, alinéa 3 de ladite loi.

86
dépôt du dossier (de demande de création) auprès des Services
du Gouverneur territorialement compétent, le parti est réputé
exister légalement"
(1). Ce qui est indubitablement synonyme
de décision implicite d'acceptation, à défaut d'une décision
administrative expresse. La législation sur les ordres profes-
sionnels favorise également l'émergence de pareille décision,
surtout pour ce qui est de l'organisation de la profession
d'avocat.
En effet, la loi dorénavant en vigueur (2), celle N° 90-
59 du 19 décembre 1990, aménage les conditions (3) donnant
droit à l'inscription au tableau du Barreau.
Et c'est le
Conseil de l'Ordre qui IIs tatue sur l es demandes d' inscription
au tableau dans les trente jours à partir de la réception de
la demande" (4). Et qu'advient-il au cas où la décision, quel-
le qu'elle soit, n'est pas prise dans les délais légaux?
L'article 7 de la loi fait place à un cas de décisi.on implici-
te d'acceptation pui sque ses termes sont les suivants : lIà dé-
faut de notification d'une décision dans le mois qui suit son
dépôt, la demande du postulant est réputée acceptée. Dans ce
cas, le bâtonnier procède d'office à son inscription au ta-
bleau".
Sans doute,
cette disposition
législative nouvelle
s'inspire-t-elle d'une ancienne loi sur la profession d'avocat
d'il y a plus de vingt ans (5) et qui avait donné lieu à la
jurisprudence AGBOR NKONGHO Mathias (6), mais cette fois-ci à
propos de l'admission au stage d'avocat.
(1) Article 7, alinéa 2 de la loi N" 90-S<i du 19 déccmbre 1990 relative aux parti~ politiques.
(2) Toutes les dispositions de la précédente loi N" 87-18 du l:'i juillet 1987 ont été abrogées au profit de nouvelles
dispositions législatives de décembre 19'X).
(3) Article 14 de la loi de 1990 qui exige la préscntation du certificat d'aptitudc il la profession d'avocat ct la presta-
tion de serment telle que libellée il l'articlc 15 de la présentc loi: "Je jure, comme al'ocat, d'exercer mes fOllctim!.f
de défense et de conseil en toute indépendance avec disnité. cOlIScience. probité et humanité, conformément aux
r~g/es de ".~ profession et dans le respect des cours et tribunaux et des lois de /a Nél'uhlique".
(4) Articld+- alinéa. FIe la loi du 19 déccmbrc 1990.
(S) Loi N° 72/LF/S du 23 mai 1972, notamment son article 7.
(6) Arrêt N° 76/CS/CA du 9 janvier 1976, AG130R NKONGHO Mathia~ clCiardc des sccaux, ~linistre de la Justicc ,
procès verbal de délibération de l'Asscmblée Ciénérale dela Cour Suprêmc, in Rccueil MBOUYOM, Tomc Il, pp 30-
36, conclusions MBOUYOM.

87
En l'espèce, le juge avait en effet considéré, s'appu-
yant sur la légis lation appl icable qui spéci fiai t
que le
Conseil de l'Ordre des avocats statue sur l'admission dans les
deux mois de la réception de la demande, qu'à partir du moment
où les conditions d'admission au stage étaient réunies (1), le
silence gardé par le Conseil de l'Ordre à l'expiration du
délai de deux mois entratnait l'admission d'office audit
stage. Ce cas de décision administrative implicite d'accepta-
tion était on ne peut plus évident à l'époque des faits, car
le Ministre de la Justice, garde des sceaux, exerçait cumula-
tivement les fonctions du Conseil de l'Ordre des avocats ainsi
que celles du bâtonnier.
En substance, cette interprétation binaire de l'inertie
administrative, tirée des hypothèses juridiques d'actes norma-
teurs implicites de rejet ou d'acceptation, inspire au moins
une réflexion: l'autorité administrative, en s'isolant dans
un silence dont on sait l'effet néfaste sur le plan conten-
tieux, n'a plus cette arme imparable qui empêchait le justi-
ciable potentiel de provoquer le contentieux juridictionnel de
sa décision unilatérale telle qu'ébauchée par l'arrêt NGONGANG
NJANKE Martin du 20 mars 1968 et confirmée huit ans après dans
l'espèce YEYAP NJOYA (2).
SECTION Il: LE CONTENTIEUX JURIDICTIONNEL DE L'ACTE ADMI-
NISTRATIF UNILATERAL
Le contentieux juridictionnel que peut susciter tout
acte administratif revêt un double objet: la décision admi-
nistrative que l'on conteste et le juge dont on sollicite
l'intervention afin qu'il résolve le litige. Le contentieux,
on le comprend, a toujours une final i té que l'on devrai t
considérer dans le cas présent comme le trait d'union entre la
demande d'un justiciable qui conteste la décision de l'admi-
nistration et le règlement que doit apporter la juridiction à
la situation confl ictuelle.
Au-delà de ces considérations
théoriques, la question importante ici est de dégager les mé-
(1) Spécialement les conditions de nationalité. de moralité cl de diplômc.
(2) Jugement N° 23/CS/CA du 3 février 1977. YEYAPNJO'{A Joseph-~1aric. précité.

thodes appropriées qui permettront à la juridiction adminis-
trative d'examiner valablement toute décision uni latérale
qu'on lui soumet, pour simple fait évident de contestation.
L'Ordonnance ND 72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisa-
tion de la Cour Suprême donne à cet effet la réponse dans la
lecture de son article 9, alinéa 2. On peut ainsi lire, entre
autres, que le contentieux administratif comprend "les recours
en annulation pour excès de pouvoir" et toutes "actions en in-
demnisation du préjudice causé par un acte administratiF". Ce
faisant, la détermination des orientations du contentieux ju-
ridictionnel de la décision administrative est largement fonc-
tion du contenu de l'action du justiciable devant le juge.
(ar, comme le disait si bien Raymond ODENT, "la cause juri-
dique d'une action intentée, de même qu'elle détermine l'ordre
juridictionnel compétent, détermine également la branche du
contentieux à laquelle cette action se rattache"
(1). Suite à
cet éclairage, il est impérieux pour tout justiciable camerou-
nais soumis à une décision administrative qui n'emporte pas
son adhésion, partiellement ou totalement, de pouvoir distin-
guer le contentieux de l'annulation du contentieux de la plei-
ne juridiction qui, on ne l'ignore point, ont tous deux leur
origine lointaine dans "les quatre branches du contentieux" de
LAFERRIERE (2).
SIS 1: LE CONTENTIEUX DE L'ANNULATION
Il peut tout simplement se définir comme toute demande
devant la juridiction administrative visant à ce que le juge
annule en intégralité ou partiellement la décision unilatérale
émise à l'encontre d'un administré par la personne publique ou
toute autre personne ayant ce pouvoir décisionnel. Ce conten-
tieux de l'annulation s'exerce par le moyen du recours pour
excès de pouvoir comme le prévoit justement l'article 9, ali-
néa 2 (a) de l'Ordonnance de 1972. Cependant, pour qu'un tel
(1) Raymond üDENT, contcnticux adl1lilli~lralif, Ic~ Cour~ du Droil, 19R l, f a~cicule 4, p 15, cité par Stéphane
DOUMBE-BILLE, in "Recours pOlir excès rie pouvoir el recollrs rie pleill con lelltielLr, à propos rie la 1l001I'elle frOIl'
li~re ", 1\\.J. D.A, N° l, 20 janvier 1993, p.3.
(2) Edouard LAr-ERRIERE, Traité de la juridiclion admilli~trativc. 2i:me édi lioll, 1\\37{ tome l, P .IS.

recours puisse juridiquement être examiné par le juge adminis-
trati f,
le justiciable qui l' introdui t
doi t
préalablement
s'assurer que les conditions de recevabilité du recours pour
excès de pouvoir sont réunies et que l'acte administratif
qu'il s'apprête à mettre en procès présente au minimum l'un
des cas d'ouverture du recours pour excès de pouvoir (1).
Certains éléments de spécificité du contentieux administratif
camerounais découlent d'ailleurs de l'analyse détaillée de ces
problèmes fondamentaux.
! : LES CONDITIONS DE RECEVABILITE DU RECOURS POUR EXCES
DE
POUVOIR
Les deux textes juridiques élémentaires qui organisent
le contentieux administratif au Cameroun ne fournissent que
des éléments partiels de réponse à ce problème (2). Afin de
suppléer aux imperfections du droit écrit, la jurisprudence
administrative a pu, à travers bon nombre de ses décisions,
élaborer quelques paramètres qui devront conditionner l'intro-
duction d'un recours en annulation des décisions administra-
tives. Ce qui dénote un certain degré de jurisprudentialité du
droit administratif Camerounais, monobstant de conclusions
souvent précipitées et sommaires à ce propos. La combinaison
de ces normes textuelles et jurisprudentielles produit finale-
ment une pluralité de conditions hétérogènes qu'il importe de
systématiser. Pour que le juge administratif puisse déclarer
la recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir, il faut
d'une part que le justiciable observe scrupuleusement les
règles qui se rapportent à la nature même de la décision en
procès. D'autre part, son recours contentieux doit nécessaire-
ment répondre aux exigences juridiques de la personne requé-
rante et de la périodicité légale, d'où la double dimension
personnelle et temporelle du recours en annulation d'une déci-
sion administrative unilatérale.
(1) GILL! (J P). r~l Cause juridiquc dc la dcmande en justice, l1ihliothèque de Dmil Puhlic. tOllle 4i l, I,C;n,J. Paris,
1962,
(2) Ordonnance N° 72/6 du 2(, aoOt \\c)72 fïxanll'organisalion de la Cour Supl('"!mc ct loi N° 75/17 dll R déccmhre 1<;75
fixant la procédure devant la Cour Suprême slaluanl en malière administralive,

A : LES REGLES INHERENTES A LA NATURE DE LA DECISION EN
PROCES
Si l'Ordonnance du 26 août 1972 se borne uniquement à
réserver "l es recours en annulation pour excès de pouvoir" des
actes administrati fs uni latéraux ou juge administrati f,
ce
dernier a le mérite de fixer on ne peut plus clairement le ré-
gime juridique de la décision contestée. L'on tient ainsi de
la jurisprudence que ces recours sont limités aux seuls actes
administrati fs "faisant grief". A l'analyse, cette maxime ap-
paremment unitaire pose plutôt deux conditions cumulatives.
1: LA LIMITATION DU RECOURS AU SEUL AcrE ADMINISTRATIF
Le recours pour excès de pouvoir est en effet destiné,
exclusivement, à l'acte unilatéral de l'administration au sens
de la jurisprudence NGONGANG NJANKE Martin. Par conséquent,
l'application de la théorie jurisprudentielle exclut catégo-
riquement les multiples actes de simples particuliers ou per-
sonnes privées, ainsi que ceux des personnes publiques non ad-
ministratives à l'instar des actes législatifs et juridiction-
nels. Plus brièvement, les actes qui revêtent un caractère ad-
ministratif aux yeux du juge et sont de ce simple fait suscep-
tibles de recours en annulation devant lui ont déjà fait l'ob-
jet d'une étude exhausti ve dans des développements anté-
rieurs(l). Il y a donc lieu d'éviter des explications inutile-
ment répétitives.
Il reste que le juge administratif a maintes fois tenu à
insister sur certains types de requêtes contentieuses sans
lien quelconque avec le recours en annulation des actes admi-
nistratifs usuels dans le contentieux de l'excès de pouvoir.
(1) Voir le présent chapitre. section 1 ct nnlallll11cnt la 55 " relativc il l'actc adnlllllslratif nnilatéral dalls sa pcrspccli-
ve concrète.

Sans doute déroutés par l'interprétation erronée de la
formule textuelle qui di t que IIl a Cour Suprême connaît de
l'ensemble
du
contentieux administratif à
l'encontre
de
l'Etat,
des
collectivités publiques et Etablissements pu-
blics", certains justiciables ont cru pouvoir mettre utilement
en cause les personnes physiques juridiquement représentatives
de ces entités plutôt que leurs actes. Ce fut par exemple le
cas de tel ou tel justiciable qui sollicitait, de la part du
juge, la condamnation personnelle d'une autorité administrati-
ve pour émission à son encontre d'une décision défavorable. En
guise de réponse, le juge administratif n'hésite pas de marte-
ler que Ille recours pour excès de pouvoir ne constitue pas un
procès entre les parties, mais un procès contre un acte admi-
nistrati
f" (1).
Pire encore est le cas où l'on met personnellement en
cause des personnes physiques n'agissant pas pour le compte
des personnes morales de droit public, ou même des personnes
morales de droi t privé. L'affai re Compag~i e d' assurances~éné­
rales et sieur KEMAYOU en est l'illustration parfaite (2).
Par requête introductive d'instance en date du 25 avril
1964, ces requérants sollicitent l'annulation de la décision
du tribunal d'Etat qui condamnait la Société Africaine d'assu-
rances (SAFRA), personne morale de droit privé, solidairement
avec la commune mixte rurale de BANGOU, à leur octroyer une
indemnité de 159.205 F CFA; montant estimé inférieur à la
somme exigée. La Cour Fédérale de Justice avait déclaré son
incompétence, en tant que juge administratif, à connaître de
la présente affaire motif pris de ce que, nonobstant la pré-
sence de la commune, le litige est aussi dirigé contre la
SAFRA qui est une personne relevant du droit commun. Et de
(1)- Arrêt W 98/CFJ/CAY du 27 janvier 1970, OBAM ETEME Joseph clRFC.
- Jugement N° 51/CS/CA du 29 mars 1979, BA BA YOUSsOt JFA clEtat du Cameroull,
- Jugement N° 47/CS/CA du 27 juin 1982, NL.END H3EIJE Jean e/Etiil du Cameroun:
- Jugement N° 115/85-86 du Il septemhre 19R(', Emma NDJENGUE c/Etat du Cameroull, Lieutenant JA f' enoch
ThTA et Capitaine BALLA ONIXRIA
(2) Arrêt de la crJ du 16 mai 1%7, COll1pagllle d' assurances g(~llérales et sieur KUvfYOl J e/Comlllllc mi.~te rurale de
Bangou et SAR<A.

suggérer aux requérants qu'elle était disposée à receVOlr la
cause et les parties devant sa section de YAOUNDE pour statuer
à nouveau, mais à la condition impérative d'exclure la SAFRA
du contentieux.
Quatre ans après,
le
juge admi nistrati f
confirme cette ferme position qui veut tout simplement qu'il
connaisse des actes des personnes morales de droit public dans
deux arrêts où l'on constate que l'Assemblée Plénière de la
Cour Fédérale de Justice annule, pour incompétence ratione ma-
teriae, les décisions prises par la chambre administrative de
BUEA et
qui
mettaient en
cause
des
personnes
de
droi t
privé(1).
Comme on peut le constater, le juge administratif exige
absolument que tout recours pour excès de pouvoir soit dirigé,
non point contre des personnes physiques ou morales, mais
contre un acte administratif qui de surcroît doit nécessaire-
ment "fai re gri ef".
~: LA LIMITATION DU RECOURS A L'ACTE "FAISANT GRIEF"
Lorsqu'on se propose de déférer un acte administratif au
juge, le justiciable doit avoir présent à l'esprit que "le ca-
ractère décisoire de l'acte attaqué est une condition néces-
saire à la recevabilité du recours, mais non une condition
suffisante. Il faut encore que la mesure soit susceptible de

faire grief ou de nature à faire grief" (2).
L'exigence de cet élément ne figure dans aucun texte at-
tributif de compétence à la juridiction administrative, mais
est plutôt une donnée du droit jurisprudentiel. Quelle en est
donc l'acception exacte?
(1) Arrêt N° 3/A/CF.I/AP du 28 oclohrc 1971. I~(lhert AI3UNA\\V clfrancis Tommy WILSON cl Dircclcur dcs Domaincs
et du cadastre;
Arrêt N° 6-A/CrJ/AP du 10 mars 1972, Cameroon Developmcnt Corporation (C.DC) c/SOCOPAO,
De même. l'actuelle Chambre Administralive de la Cour Suprême réitèrc qu'clic cs! incompétentc, au profit des tribu-
naux judiciaires, pour connaître d'un litige né enlre des pcrsonnes privées comme des associations
jugcment N°
43/92-93, ZCXJO MENYE Alphonse clEtat du Cameroun.
(2) Jean-Michel LEMOYNE de fORGES. Encyclopédie DALLOZ dc Cl)nlen(icu.~ adminislralif.

La doctrine française semble s'attacher aux caractères
de la décision pour la définir. Ainsi, "pour qu'un acte soit
consi dé ré comme de nature à fai re grief, il faut qu' il entrai-
ne des conséquences juridiques auxquelles seules peut s'atta-
cher le grief. L'acte sans conséquences juridiques, celui qui
ne modifie pas l'ordonnancement juridique, n'entre pas dans la
catégorie des actes faisant grief, quels que soient les effets
dommageables qu'il puisse emporter" (1). En somme, selon une
formule beaucoup plus simple, "c'est l'analyse des effets ju-
ridiques de la décision sur l'étendue des droits et des obli-
gations des administrés qui permet de déterminer si elle fait
ou non grief au requérant" (Z) ; et c'est en fonction de cette
logique que le Conseil d'Etat en France s'est constamment pro-
noncé. Quant au juge national, l'apparition de l'expression
d'acte administratif faisant grief se situe, assez nettement,
à l'époque de la Cour Fédérale de justice. Statuant au conten-
tieux administratif, l'une de ses illustrations émerge dans
l'affaire MEKA Charles (3).
Le requérant demandait une réparation pécuniaire pour
préjudice subi suite à la vente effectuée par le Service
Fédéral des douanes des marchandises qu'il avait importées
alors même que l'opération de dédouanement n'était pas accom-
plie. Après avoir reconnu le caractère d'acte administratif à
cette vente, le juge administratif avait ensuite estimé qu' "il
fait grief puisque le service des douanes n'a pas fait bénéfi-
cier au requérant les délais de paiements des frais de dédoua-
nement prévus par l'article 91 du Code des douanes". Et c'est
ainsi que cette expression d'acte faisant grief s'est enraci-
née dans le langage jurisprudentiel, nonobstant les bour-
rasques réformistes de la juridiction administrative. A défaut
d'avoir pu élaborer, jusqu'à l'heure, une définition générale
de ce principe, le juge Camerounais s'est toujours réfugié
(1) 1.M. AUBY et R DRA GO, l'mité dc Conlcnticu;r; administratif. 2èmc édition, paris, I..(;D1. 1975, TOlllc Il, p
169.
(2) Jean MICHEL, Manuel pratique de conlcnlieu;r; administratif. Ministèrc dcs affaires social cs et de l'emrloi, la do-
cumentation Française, 19R7, p.91.
(3) Arrêt N° l-A/CFJ/A P du 16 octobre 1968, ~\\'IEKA Charles c/Etal du Camcroun, rrécité

dans une approche empirique au cas par cas. Mais ce procédé
s'est révélé fort déroutant pour les justiciables dans la me-
sure où des actes administratifs de nature identique se sont
parfois vu appliquer des régimes contraires. Les mesures de
suspension administratives dans la Fonction publique sont édi-
fiantes à cet effet.
l'affaire BElINGA NOD Paul en est la première (1). Par
une
note
de
service ministérielle
(Santé et Assistance
Publique) du 14 décembre 1972, le docteur BELINGA NOO, en ser-
vice à l'hôpital laquintinie de Douala, est affecté à l'hôpi-
tal de Bamenda. Cette mesure ne lui est pourtant notifiée que
le 20 février 1973. Ce qui ne l'empêche de jouir, juste après
la prise de connaissance de la décision d'affectation, de son
congé annuel dont l'expiration est fixée au 22 mars 1973.
Entre temps, par décision N° 46/MFP/OR/SDAC/D/2 du 17 mars
1973, le Ministre de la Fonction publique le suspend de ses
fonctions pour une durée de trois mois avec suspension de
solde à compter du 14 décembre 1972 pour "refus persistant de
rejoindre Bamenda, son nouveau poste de travai 1".
Traduit devant le Conseil de discipline le 2 novembre
1973, il n'est pas proposé de sanction à son encontre puisque
la notification de la décision d'affectation était intervenue
tardivement. Aussi, après avoir rejoint Bamenda le 15 no-
vembre,
le Docteur BElINGA NDO demande au Mi ni stre de la
Fonction publique par lettre du 18 décembre 1973 de régulari-
ser sa situation administrative comme le prévoit la réglemen-
tation.
le 4 janvier 1974, par un rectificatif à la décision du
17 mars 1973, le Ministre de la Fonction publique répond en
portant la suspension du docteur BElINGA NDD à partir du 23
mars 1973, date à laquelle il aurait dû reprendre service.
C'est finalement toutes ces mesures de suspension que le
requérant défère devant la chambre administrative.
(1) Jugement N° 56/CS/CA du 22 anil 197(" I3ELlNGA NrX) Paul c!Etat du Cameroun.

Aprés avoir déclaré le recours recevable, le juge annule
le rectificatif du 4 janvier 1974, motif pris de ce que ce
dernier IIrepose sur des faits matériellement inexacts". Car il
est établi qu'à aucun moment, BELINGA NOO n'a refusé de se
rendre à Bamenda, la note de service lui assignant le nouveau
poste ne lui ayant été notifiée que le 20 février 1993. En
clair, la mesure administrative de suspension de fonctionnaire
fait grief puisque le juge déclare la requête contentieuse re-
cevable en la forme et statue sur le fond du litige soulevé
par le requérant. Seulement, il faudra attendre l'affaire Dame
BINAM (1) pour comprendre que le slogan de la
IIjusti ce à
double vitesse" peut paraî.tre fondé.
La requérante est Médecin Chef à la P.M.I. (2) Centrale
de Yaoundé et est accusée par ses supérieurs hiérarchiques de
IIcorruption active". En conséquence, le Ministre de la Santé
publique prononce à son encontre une suspension d'activité de
trois mois, assortie de la perte de sa rémunération durant
cette même période par décision N° 1023/D/MSP/SCY du 6 avril
1978. Suite à la procédure disciplinaire intervenue immédiate-
ment aprés, le Ministre de la Fonction publique prend un arrê-
té N° 024/A/MFP/DRISOAG en date du 13 février 1979 infligeant
à l'intéressée IIZ a sanction de retard à l'avancement pour une
période d'un an".
C'est l'ensemble de ces mesures que la
requérante soumet à l'examen juridictionnel.
Répliquant à la demande d'annulation de la mesure de
suspension, le représentant de l'Etat argue qu'elle doit être
déclarée irrecevable pour la simple raison que ladite décision
"est un acte préparatoire qui ne saurait être attaqué devant
le juge administratif".
Faisant sienne l'argumentation du re-
présentant de l'Etat, le juge décide de l'irrecevabilité de la
requête de dame BINAM en ce qui concerne la décision du
Ministre de la Santé publique, précisément dans l'article 2 du
dispositif de l'acte juridictionnel composé de quatre disposi-
tions.
(1) Jugement N° 12/CS/CA du 28janvier 1982. /)ilIne BINAi\\I. nl'e NerO NJOM Fidèle clEtal du Cameroun, noIe
Roger-Gabriel NLEp, Recueil Penanl. 1986, pp 347·360.
(2) Protection Maternelle et Infantile.

Comparée ~ la précédente jurisprudence, l'affaire Dame
BINAM traduit une certaine myopie du juge qui refuse de regar-
der cette suspension administrative comme une décision faisant
grief. Ne crée-t-elle pas l'obligation de cesser temporaire-
ment le service? Ne génère-t-elle pas l'obligation de ne
point percevoir de rémunération ? Il Y a incontestablement
acte administratif faisant grief,
nettement distinct par
exemple de la décision N° 118/DAG/SPM/MJ du 30 novembre 1987
par laquelle le Ministre de la Justice invite le Magistrat
OTTO Simon PONDY ~ ((prendre toutes l es di spos i ti ons néces-
saires pour arrêter ses activités judiciaires le 31 décembre
1987 (afin de permettre audit Ministre) de préparer le projet
de décret l'admettant en retraite à compter du 1er janvier

1988" (1).
Elevé est donc le risque de maintenir le justiciable po-
tentiel dans un état d'absence de définition de l'acte admi-
nistratif faisant grief. Car la maîtrise approximative des
méandres du contentieux entraîne des déboires contentieux.
Cependant, la tdche hautement complexe de rapprochement des
décisions juridictionnelles ayant trait à la notion d'acte
faisant grief peut aujourd'hui conduire ~ considérer que le
juge Camerounais détermine ce qui fait grief ou non en fonc-
ti.on de l'incidence effecti.ve que la décision administrative a
sur le requérant.
Cette posi tion est corroborée par ses
propres formules éparpillées: ainsi entend-on dire que les
recours contre les actes administratifs seront examinés (~our­
vu qu'ils portent préjudice" (2), ou encore que l'acte admi.-
nistratif qui ne fait pas grief est celui ((qui n'est pas de
nature à léser le requérant éventuel" (3).

(1) Voir jugement N° 73/CS/CA 90-91 du3] JanVIer 1991. UITO Simon P()ND'y', rrécilé
(2) Jugement N° 5/CS/CA du 29 novembre 1979, TClIUNC;Ul Charles, rrécilé
(3)' Jugement N° 54/CS/CA 84-85 du 28 février 1985, KA r-.IGO Léon, rrécité

97
En substance, une fois que l'on s'est assuré que l'acte
administratif émis à son encontre porte préjudice ou qu'il est
source de lésion, une condition de recevabilité du recours ju-
ridictionnel éventuel est pleinement remplie. Reste enfin à
~U7f..L·r
des condi tions beaucoup plus subti les '~ef~tves à la
personne requérante et à l'élément temporel de son recours
pour excès de pouvoir.
B : LA DOUBLE DIMENSION PERSONNELLE ET TEMPORELLE DU
RECOURS CONTENTIEUX
Le justiciable ne peut valablement solliciter la juri-
diction administrative s'il ne remplit pas les conditions de
qualité et d'intérêt pour agir. De mêmeJun respect globalement
strict des délais lui est imposé dans la formulation du re-
cours pour excès de pouvoir.
1: LA QUALITE ET L'INTERET POUR AGIR DE LA PERSONNE REQUERAN:
TE
Le juge de l'affaire SENDE Joseph rappelait en effet
"qu'il est de règle que le recours en annulation n'est rece-
vable que si le requérant remplit certaines conditions consis-
tant respectivement en la capacité d'ester en justice, l'inté-
rêt à l'annulation de l'acte attaqué
et la qualité pour le dé-
férer au juge administratif" (1).
A l'analyse de ce propos, on déduit tout d'abord que le
préalable à toute action juridictionnelle consiste à bien
s'assurer que l'on est une personne juridiquement capable.
Cette règle d'introduction d'instance s'applique indistincte-
ment devant les juridictions judiciaires ou administratives.
Pour ces dernières, il est utile de distinguer selon que l'on
est une personne physique ou une personne morale. Le principe
pour une personne physique requérante est de justifier de 21
ans révolus.
Comme toute obl igation juridique assortie de
sanction négative, tout défaut en la matière est regardé par
le juge administratif comme un motif d'irrecevabilité du re-
cours contentieux (2).
(1) Jugement du 1er février )<:lR.'i. précité. oh~crv;jlion~ ROf:er-(;;jhricl NI.EP. ReclIeil l'enanl N° 7')2. 19R(,. pp 4')7-
567.
(2) Arrêt N" 662, C.C.A. du 25 octobre 1957, KAMDEM NINYIM Pierre c!Etat du Cameroun.

98
Pour ce qui est des personnes morales, le régime Jurl-
dique diffère de celles relevant du droit privé d celles ré-
gies par le droit public. En règle générale, le principe de la
capacité juridique est également requis à la personne morale
privée. Celd signifie tout simplement que cette dernière doit
nécessairement avoir une existence juridique, être reconnue
par le Droit et non se mouvoir dans la clandestinité.
Cependant, une souplesse de la jurisprudence est percep-
tible dans cette rigidité normative, notamment lorsqu'on relè-
ve que le juge administrati f déclare la recevabi 1i té de
requêtes contentieuses initiées par des personnes morales de
fait comme une association dissoute (1) ou une association non
déclarée (2).
La question paraît quelque peu complexe quand on aborde
le régime des personnes morales de droit public énumérées par
l'Ordonnance du 26 août 1972 (3). D'une part, on peut aisément
convenir que la situation privilégiée de la personne publique
et la personnalité morale qui est incontestablement la sienne
suffisent d lui permettre d'ester en justice. Mais en re-
vanche,
on
s'explique
difficilement
le
souci
de
l'Administration publique d'institutionnaliser sa représenta-
tion en justice très tardivement, alors même qu'elle s'est
toujours constituée justiciable devant la juridiction adminis-
trative sans support normatif (4). Bien plus, quelle est la
valeur d'une juridicisation du système de défense des intérêts
étatiques en justice si la légèreté de l'autorité administrd-
tive en la matière t~'a jamais été sanctionnée ni par voie ad-
ministrative, ni par voie judiciaire" (5) ? Ces remarques sont
néanmoins secondaires par rapport au problème épineux de la
dimension personnelle du recours pour excès de pouvoir formé
par les personnes physiques ou morales de droit cOl11l1un.
(l) Arrêt Na 178. Cr-J/CA du 28 mars 1972. Eilel MOllELLE KOliLA c/Rép Fédérale du Camel\\1un .
(2) Jugement N" 8/CS/CAI79-80 du 29 novembre 1979, I:liles 13ANKA cl t,,1!30UENJ)LU Jean de Dieu clLlat du
Cameroun.
(3) 11 s'agit de l'Etat. des collectivités publiques cl Etablissements publics.
(4) Décret Na 841\\62 du 18 avril 1984 créanl des cellules juridiques auprès des t-.linislères . .1 () Re du J cr mai 1984.
Ce texte se veul raffiné par rapport au précédent décret N° 7~-S du 1() février 197~ relatif ~ la dt'fensc de l'I)at Cil Justi-
c~. modifié par le décret N° 73-648 du 18 oclobre 1973 •
(5) Joseph Marie B1POUN-WOUM. la représenlalion de l'Etat en justice. ReD, 1984. 2ème série, N" 28. p 56.

99
La qualité et l'intérêt pour agir doivent caractériser
la situation personnelle du requérant. Les développements que
la jurisprudence Camerounaise fait de ces notions ne sont tou-
tefois pas de nature à mieux fixer le justiciable.
Dans un premier temps, il y règne une confusion détes-
table tant dans l'histoire ,des décisions anciennes que dans la
lecture de la jurisprudence récente. En 1952 déjà, le juge si-
gnifiait que IIcons idérant que le sieur UM NYOBE Ruben, candi-
dat à l'Assemblée territoriale dans la région de la Sanaga-
Maritime,
a qualité pour se pourvoir devant le Conseil du
Contentieux en vue d'obtenir l'annulation des élections dans
cette région"
(1) ; quelques jours suivants, cette conception
sera reprise dans une espèce BELL et BEBEY EYIDI (2). De même,
dans un passé fort récent, le Président de la Chambre adminis-
trative de la Cour Suprême, statuant comme juge de référé,
rappelait qu'à partir du moment où lIil n'est pas contesté que
LELE Gustave soit aussi actionnaire à la BUC
et que la radia-
tion de cette banque lui cause personnellement préjudice, que
par conséquent la suspension de l'exécution des décisions at-
taquées lui profite nécessairement, ... qu'il s'en suit que
LELE Gustave a qualité pour agir dans la présente instan-
ce"(3).
Comme le di t si bien le professeur KAMTO,
III 'intérêt
et la qualité sont pourtant deux notions bien distinctes tant
dans leur fondement que dans leur régime juridique, même
si
e Il es se rapprochent dans leur foncti on procédura l e"
(4).
Quand bien même ce juge Camerounais finit par assimiler leur
autonomie respective en discernant qu'un requérant peut avoir
intérêt à l'annulation d'un acte (5) sans pour autant posséder
la qualité (6), la suite de son raisonnement semble de nature
à susci ter tout genre d'imbroglio. Perçues comme des règles
d'acceptabilité du recours pour excès de pouvoir, les notions
de qualité et d'intérêt sont-elles cumulatives ou alternatives?
(1) Arrêt N° 115/CCA du 6 août 1952, UM NYŒ3E Ruben c/Abbé MELONE.
(2) Arrêt N° 123/CCA du 19 septembre 1952, BELL ct BEBEY EYIDI c1S0PPO [)RISO Paul.
(3) Ordonnance de référé N° 7/0R
ICS/PCAI77-7R du :3 juin 197R, I,ELE Gustave clEtat du Cameroun,
(4) Maurice KAMTO, Droit administratif proccssuel du Cameroull, P U.C, Collection sciences juridiques ct poli-
tiques, Yaoundé, 1990, p.167.
(5) Arrêt N° 188/CFJ/CA Y du 28 mars 1972, WAI"lBO Télesphore cll:tat du Cameroun Oriental ou encore Jugement N°
75/82-83 du 26mai 1983, Syndical Natiollal des producteurs agricoles ct paysans Camerounais c/Elal du Cameroun.
(6) T.E. 8 mars 1%3, sieurs OLLE Mathieu ct ENGA/o,1f3A Emile clEtal du Cameroun ct Société Forestière du Dja cl
LOSO ;jugemenl W 20ICSICJ\\ du 27 avril 1978. MINYf::M Jean Ilaubert c/Etal du Cameroun.

I..("i, encore, le juge Camerounais oscille entre le oui et le non
de quoi enterrer le justiciable dans la perplexité.
Dans la formulation de sa décision NT5A AKA Phi.lippe, on
peut lire : IIAttendu qu' il est de jl/ri sprudence constante que
pour être demandeur en cassation, il fout avoir la qualité,
c'est-à-dire avoir été partie ou procès ayant abouti à la dé-
cision attaquée, et avoir intérêt à ce que celle-ci soit annu-
lée ... qu'il s'ensuit que (les requérants) faute de qualité,
et d'intérêt ne peuvent pas demander l'annulation dudit arrêt.
Que leur pourvoi est donc irrecevable" (1).
A l'inverse, l'argumentation du juge administratif dans
l'affaire Elites BANKA et MBOUENDEU Jean de Dieu est de nature
d faire penser qu'il privilégie l'une des deux conditions dans
l'examen de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir:
"attendu par a~lleurs que, si UBOUENDEU Jean de Dieu ne rap-
porte pas par la preuve de sa qualité pour agir devant la
Cour, il importe encore de considérer que la condition essen-
ti e Il e pour intenter un recours pour excès de pouvoi r est
l'existence d'un intérêt". On est ainsi tenté de s'interroger
s'il s'agit d'un usimple débordement de langage ... ou d'une
véritable innovation jurisprudentielle" (2). Oans l'attente
d'une clarification du juge, il reste que les concepts de qua-
lité et d'intérêt à agir sont à définir.
La définition que le professeur JACQUOT donne à la no-
tion de qualité marque vraissemblablement la confusion avec la
capacité d'ester en justice
en ce sens
que, pour lui,
ilIa
qualité est l'aptitude du requérant à exercer le recours" (3).
La qualité devrait précisément se définir comme le titre qui
permet au justiciable d'engager, en cas de besoin, un procès
administratif. C'est donc ul a protection d'un statut juridique
(qui) fonde la qualité" (4). Ainsi, comme le reconnaît le juge
Camerounais, la mère d'un enfant victime d'un accident de la
circulation causé par un véhicule administratif a qualité pour
saisir la juridiction administrative d'une demande en répara-
(1) Arrêl N° 13l1CS/AP du 22 juin 1978, NI'SA AKA Philirre el ABr:SSOU) Barthélémy clJvlinislèrc Puhlic ct
MBALLA Bibiane.
(2) Maurice KAlvITO. or cit. p 191.
(3) Henri JA~UOT, le contentieux administratif au Cameroun rteD. N° 7 cl H, 1975 p. 117.
(4) Jean Claude KAMDEM, Contentieux administratif. Tome 1, COlJrs pol ycopié. Université de Yaoundé, F D. S. E.,
Année universitaire 1985-1986, p 145.

101
tion du préjudice moral qu'elle subit du fait du décès de son
fils (1). A contrario, un locataire n'a nullement la qualité
dans une instance relative à l'expropriation, n'étant ni le
propriétaire du terrain, ni le propriétaire des bâtiments dé-
truits (2). De même, un candidat régulièrement écarté d'un
concours est sans quaI i té pour contester la val idi té des
épreuves (3).
Le concept d'intérêt, découlant indubitablement de la
maxime bien connue I~as d'intérét pas d'action", est nettement
précisé dans la jurisprudence administrative. Il y est tout
d'abord dit qu'il s'agit d'un lIintérét juridique", par opposi-
tion à l'intérêt simplement factuel. Ensuite l'intérêt pour
agir est déterminé par le préjudice ou la lésion essuyés, ce
qui permet au requérant de pouvoir en tirer un avantage pécu-
naire ou moral en saisissant le juge : IIcons idérant que pour
qu'un recours pour excès de pouvoir soit recevable,

il faut
que le recourant justifie d'un intérêt juridique à obtenir
l'annulation de l'acte attaqué, ce qui suppose qu'il a subi du
fait de cet acte, une lésion particulière ... , que cela suppose
aussi que l'annulation de l'acte attaqué doit profiter au
requérant" (4). La cloison entre les notions d'intérêt et de
qualité est-elle pour autant étanche à ce stade de l'analyse?
L'enchevêtrement desdites notions, notamment dans 1I1 eur fonc-
tion procédurale" comme le soul igne le professeur
KM·HO
Maurice, donne la pleine mesure de la complexité du problème,
tel qu'il apparaît même en droit français (5).
Enfin, loin de revêtir un caractère exclusivement per-
sonnel,
l'intérêt est collectif lorsqu'il concerne les ac-
tions exercées par des groupements tels que les syndicats (6),
matériel quand la décision attaquée porte atteinte au patri-
(1) Arrêt N° IQ/CFJ/APdu 10 mars 1967, Dame KWEDI EYOUM Augustine clEtat du Cameroun.
(2) Jugement N° 20/CS/CA du 27 avril 197R, MINYEM naunerl, précité.
(3) Arrêt N° 9/CFJ/SO\\Y du 1R octobre 1967, l'ECK PEKE Joseph clEtat li u Camcroun , le défaut de quai ité pour agi r
s'applique également à unc personne nc faisant plus panie d'Une cntrcprise publique et qui prétend agir au nom dc
celle dernière, jugemcnt NQ 53/92-93 du 24 juin 1993, NKOULOU Hubert (Camcroon Airlines) clEtat du Camcroun
(Mintransport):
"NKOVUJV Hubert n'a plus qualité pour agir au nom de la soriété CAMAIR (dès lors que) le
Conseil d'administratioll de la Société (.w.Hlitc) l'a démiL. de ses jOl/{:t;nll.r Cl l'a remplacé par Ur-:UUl lnsep" l't
concomitamment l'ancien directeur gélléral, KII'fITL, dOllt les actes jOllt l'objet du présent recours, a été démis ct
remplacé",

(4) Jugement N° 51/CS/CA du 29 mars 1979, BABA YOUSSOUrA ciErat du Camcroun, précité.
(5) Cf. René CHAPUS, Droit du Contenticu:r; administralif, IIè édition, op cil. L'auteur utilisc l'c:r;prcssion de "1 'ill-
lér:êl donnant qualité à agir",
A scs ycu:r;, c:r;pliquc-l-il, "l'intérêt lil.flljie l'exercice du re('ours. C'est de sa lésion que
le requérant tire le titre juridique qui "habilite à sairir /1.' juge".
r 276
(6) T.E., Arrêt N° 216 du 12 avril 196:1, syndical National des administrateurs civils clEtal du Camcroun, ou cncore
jugement du 31 mars 1977, Syndicat National dcs administrateurs civils clEtat du Camcroun.

102
moine du requérant (1), et moral en cas d'atteinte portée à la
réputation d'autrui (2).
En gros, cette dimension personnelle de la demande en
justice, notamment pour ce qui est ici du recours pour excès
de pouvoir, est une condition intangible de recevabilité de-
vant le juge administratif. Mais elle apparaît isolément In-
suffisante puisque tout justiciable doit en plus respecter les
délais impartis pour saisir la juridiction.
~: LA DIMENSION TEMPORELLE DU RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR
Par cette expression, il faut entendre que l'introduc-
tion d'instance par le biais du recours pour excès de pouvoir
est enserrée dans des limites temporelles. Faute de respect
des délais, le requérant agit tardivement et risque de se voir
déclaré Forclos. C'est du moins ce qui ressort de l'article 7,
alinéa 1 de la loi N° 75-17 du 8 décembre 1975 fixant la pro-
cédure devant la Cour Suprême statuant en matière administra-
tive : IISOUS peine de forclusion, les recours contre les déci-
sions administratives doivent être introduits dans un délai de
60 jours à compter de la décision de rejet du recours gracieux
visé à l'article 12 de l'Ordonnance N° 72-6 du 26 Août 1972".
Il importe par conséquent de savoir que c'est le résul-
tat de la saisine préalable de l'Administration émettrice de
la décision contestée qui conditionne le délai d'action devant
la juridiction administrative. Si l'Administration répond fa-
vorablement à la demande qui lui est adressée, le litige est
clos et il n'y a plus lieu à discussion juridictionnelle. Par
contre, lorsqu'elle persiste sur le contenu de la décision qui
fait problème, l'administré a donc intérêt à observer le délai
de saisine du juge au cas où il maintient sa volonté de pour
suivre le contenti.eux. Qu'est-ce donc cette phase pré-conten-
tieuse dont l'issue négative échoue, dans la plus part des
cas, devant le juge?
(1) Jugement W 30/CS/CA du 3] mars 1977, MAOKA TONGO ~1PONDO Guillaume c!Etat du Cameroun:
.. Reconsidérant qu'il est constant que le comportement de l'Administration qui a imposé à tort le requérant lui a
causé pendant 7 ans des troubles graves à us conditions d'existence et lui a occasionné les pretium doloris et flUlte-
riae susceptibles d'être réparés, qu'il sera fait une exacte appréciation dudit préjudice en le chiffrant à la ,mmlne de

/,B()(J,()()() F CFA",
(2) L'intérêt moral est appelé en langage technique pretium doloris comme le laisse entendre le jugement N°
36/CS/CA du 26 mai 1977, TEGUIA Gahriel c!Etat du Cameroun, lequel intervient à la suite de l'arrêt du 3J mars
1977, BIAKOLA Max clEtat du Cameroun,

103
Q : LE RECOURS GRACIEUX PREALABLE PRECEDE LA MARGE DU DELAI DU RE-
COURS POUR EXCES DE POUVOIR
L'article 12 paragraphe 1 de l'Ordonnance du 26 août
1972 dispose que ule recours devant la Cour Suprême n'est re-
cevab le qu'après rejet d'un recours graci eux adressé au
Ministre compétent ou à l'autorité statuairement habilitée à
représenter la collectivité publique ou l'Etablissement public
en cause". Cette institution constante dans l'évolution de la
procédure administrative contentieuse au Cameroun (1) peut
ainsi s'analyser en une technique d'agencement du procès admi-
nisistratif. A l'égard de l'administration, le recours gra-
cieux préalable tend à assurer sa protection contre des cita-
tions directes valables en droit judiciaire privé
il lui
permet par conséquent de s'informer sur l'objet du litige et
de prendre position par rapport à ce que l'administré reproche
à la décision administrative.
Quant au justiciable qui l'introduit, le recours gra-
Cleux préalable le préserve de la longue attente inhérente à
toute procédure juridictionnelle, alors que l'administration
peut régler le litige à l'amiable et dans des délais nettement
brefs. Ce recours pré-contentieux a donc quelque chose de fon-
damental et se distingue, contrairement à une certaine opi-
nion, à la règle de la décision préalable (2) qui, normale-
(1) L'Ordonnance N° 61/0F/6 du 4 oclobre 1961 obligeait déjà tout justiciable potentiel à saisir d'abord les autorités
administratives avant de sou meUre au juge administratif sa requête contentieuse. Les lois du 19 novembre 1965 et du
14 juin 1969 relatives à la réfomle du contenlieull administratif sous la Répuhlique Fédérale avaient par la suite
confirmé ce principe fondamental de procédure.
(2) Arrêt N° 19/CFJ/AP du 16 mars 1967, l'AGNY Mathieu ciEtat du Cameroun. "la règle de la dérision préalàlJle
consiste Il obliger les justiciables Il soumellre d'alJord leur réclamation à l'autorité administrative au lieu de saifir de
piano la juridiction administrative" ;
Jugement N° 711CS/CA du 13 mai 1976. BENE BELLA L'1mhcrt ciEtat du Cameroun: "cOluidérant que la procédure
de la décision préalable qui e.ft antérieure à la saisine de la juridiction administrative.... qu'il s 'ellSuit de là que la
requête formée au Président de la république constitue bien le recours gracieux
exi.~é par les textes".
Le professeur JACQUOT lient un raisonnemenl contigu car à ses yeull, le recours gracieull provient "de la règle dite
"de la décision préalable", en vigueur devant les juridictions
Françaises". in le contentieull administratif au
Cameroun, op cit, p 113.
En revanche, celte "règle dite de la décision préalable. en l'igueur devant le.r juridiction administratives françaises" ,
n'est guère assimilable au recours administratif préalable comme le soutient le Professeur JACQUOT Elle est plutôt
l'elligence d'une décision administrative nécessaire à la liaison éventuelle d'un contentieull juridictionnel. En l'ab-
sence d'une "décision préalable". le justiciahle ne peUl valahlement saisir Ic juge administratif, voir, C.E. 12 juin
1992, Mme I3ARllOLY (citée par YvcsGAUDl~lI,r, in rcvue de jurispmdencc administrative. R.D.r 1- 199Y.
janvier-février, p. 265): "ronsidérant que Mme RARTHOIXse l.>orne il derTUlnder la condamnation de l'Etat à lui l'er-
ser une somme de 50.000 F en réparation du préjudice rTUltériel et moral qu'elle a subi. Que. COITvne le soutient le
Ministre sans être contredit, ces concftHions n'ont pas été précédées d'Ilne derTUlllde préalable à l'admillistratioll et
que celle-ci n'u pa.r conclu au fond
SIIr les prétention.r de la reqllérante ail bénéfice des indemllité.f réclamées: qll 'aimi
1e contentieu.x n'a pas été lié : qlle ce.f COflclllSio/lr sont, par .ruite. mallije.ftemcflt irrecevable.f" Voir également.
BONNEAU (h), la règle de la décision préalahle devant les nouveaux trihunaux administratifs. D. 1955. chI'. p. Il

ment, est le fait d'une ttautorité administrative agissant dans
le cadre d'un pouvoi r admi ni strati f" (1)
, c'est que l'on
pourrait voir en lui ul a possibilité pour' les autorités admi-
ni strati ves d'assurer,
par une procédure de retroi t,
le
contrôle de leurs propres actes" (2). Bien plus, il se dé-
marque du recours hiérarchique qui est adressé au supérieur
hiérarchique immédiat ou éloigné de l'auteur d'un acte dont on
conteste le bien-fondé.
De cette spécificité du recours gracieux préalable dé-
coulent néanmoins b'on nombre de di fficul tés à la lecture du
texte de 1972. Ce recours est-il d'application générale à tout
litige soumis au juge administratif? Bien Dlus, lorsque la
règle du recours gracieux préalable s'applique, qui est habi-
lité d le recevoir ? et ~uelle est la garantie normative qui
sanctionnera le manquement éventuel du justiciable à saisir
préalablement l'autorité administrative? autant de points qui
méritent qu'on s'y attarde ~fin de mieux comprendre le méca-
nlsme.
- Le RGP (3) s'applique-t-il à la totalité des litiges
qui ressortissent à la compétence de la juridiction adminis-
trative ? En disposant que UZe recours devant la Cour Suprême
n'est recevable qu'après rejet d'un recours gracieux adressé"
à l'administration, l'article 12 paragraphe 1 de l'Ordonnance
du 26 Août 1972 suscitée fait dudit recours administratif un
principe impératif de procédure, à l'opposé de ce qui est en
vigueur en contentieux français (4).
Seulement, le caractère contraignant de la formalité
préalable du recours gracieux, avant toute saisine juridic-
tionnelle, est marqué, en droit positif national, par des ex-
(1) Elément de définition de l'acle administratif unilatéral esquissé par l'Arrêt NGONGANG NJANKE cl confirmé par
la décision YEYAP NJOYA Joseph Marie 0
(2) Conclusions du Commissaire du Gouvemement RIVEr à propos de l'arrêl dame CACIIET du C.E., 3 novembre
1922, p 552 ; GAJA, 6ème édition, 1974, n° 170, pp 170 ct s.
(3) Abréviation usuelle de "expression recours gracieux préalahle.
(4) Sous peine d'irrecevabilité, le caractère obligatoire du recours administratif préalable, avant tout recours conten-
tieux direct devant le juge, s'applique ici à titre exceptiQnnel comme c'est le cas, par exemple, des décisions de sus-
pension ou de retrait de l'autorisation prises par le préfet de région en vertu de la loi sur la réforme hospitalière du 31
décembre 1970, lesquelles décisions peuvent être déférées devant le Ministre de la Santé (C E. 1er avril 1992, 1\\·1
ABIT) ; ou encore des décisions des conseils de discipline des étahlissements puhlics locaux d'enseignement.
fesC]uelles doivent tout autant être déférées au recteur d'académie avant touf recours contentieux (CE. 13 mai 1992, M
et Mme BOUDIL et autres). Pour les références de celle jurisprudence. voir revue de jurisprudence administrative,
Henri OBERDORFF, R.DP. )-1993 (mai-juin), pp 826-827

ceptions croissantes de nature différente qu'il importe de re-
censer, approximativement:
L'article 12 de la loi N° 74-18 du 5 décembre 1974 re-
lative au contrôle des ordonnateurs, gestionnaires et gérants
de crédits publics et des entreprises d'Etat dispose que les
décisions du Conseil de discipline budgétaire et comptable ne
sont pas susceptibles de recours gracieux, elles peuvent sans
transition,
être
déférées
pour
annulation
devant
la
juridic.tion administrative qui applique tout naturellement
cette disposition (1) .
. Le juge administratif admet que le moyen tiré du dé-
faut du recours gracieux préalable couramment invoqué par le
représentant de la personne publique n'est plus opposable si
le litige administratif s'est précédemment déroulé devant une
juridiction judiciaire qui s'est déclarée incompétente (2).
Depuis la fin de l'année 1990, une série de textes lé-
gislatifs ont opéré un élargissement sensible des litiges ad-
ministratifs exemptés du recours gracieux préalable. Sont dé-
sormais directement déférables au juge administratif:
. La décision du Ministre de l'administration territo-
riale prise en vertu de la loi N° 90-53 du 19 décembre 1990
portant sur la liberté d'association et ayant trait à la sus-
pension ou à la dissolution d'une association est susceptible
de recours direct devant le juge administratif (3) ;
(1) - Jugement N° 27177-78 du 15 juillel 1978" NYEMECK NYEMECK Emmanuel cl Etat du Cameroun;
- Jugement N° 66/CS/CA du 25 septembre 1980, NGONG NOl Daniel clEtal du Cameroun;
- Jugement N° 2/CS/CA du 29 octoore 1981, NYEMECK NYEMECK Emmanuel c/Etal du Cameroun;
- Arrêt N° 2/A/CS/AP du 16 déccmore 1982. Procureur CÎénéral CS ct Etat du Cameroun clMINELl ELOMO Bernard-
Marie.
(2) Jugement N° 45/81-82/CS/CA du 27 mai 1982, DZIETIIAM Pierre clElat du Cameroun, confirmé en appel par
Arrêt N° 8/A du 17 novembre 19R1,
(3) Artide 13, alinéa 3: "Par dérnRntio/l à l'article 12 (qui ilTll'œe Il' R(i/') dl' l'nrdm,",mre N° 72/6 du 26 août 1972
fixant l'organisation de la Cour Suprême, le.r acte.r prél'ur aut a/illéa.r 1er et 2 r(de.uus (surpension ou di.uolution)
sont susceptibles de recours, sur simple requête, del'ant le Président de la juridirtion admùrÎ.ftrntil'e". Applicalion ju-
risprudentielle : Ordonnance du 26 septemore 1991, CA l'·LlBERTE clElal du Cameroun (MINAT) cl le même jour,
l'Ordonnance N° 19/0/PCA/CS, O.CDII (Organisation Camerounaise des droits de "homme) c/Etal du Cameroun
(MINAT)

. La décision du même Ministre refusant la légalisation
d'un parti politique dans les conditions prévues par la loi N°
90-56 du 19 décembre 1990 (1)
. Moins précise est la rédaction de la loi N° 90-52 d~
19 décembre 1990 relative à la liberté de communication socia-
le. En effet, ((la décision de censure (d'un organe de presse)
est susceptible de recours devant le juge compétent qui doit
statuer dans un délai d'un mois à compter de sa date de saisi-
ne" selon l'article 14 paragraphe 6. Il en est de même, aux
termes de l'article 17, alinéa 1 et 2, des mesures de saisie
ou d'interdiction de ces organe de presse et des mêmes mesures
pour ce qui est des organes de presse étrangers (article 22,
alinéa 7). Quel est précisément le juge compétent et ce der-
nier peut-il être saisi valablement, s'il s'agit du juge admi-
nistratif, sans accomplissement préalable du recours gracieux?
Le contentieux naissant en matière de censure des organes de
presse internes démontre la compétence de la juridiction admi-
nistrative. Car, appelé à trancher un tel litige, le juge des
référés a eu à formuler que ((la loi de 199@ sur la communica-
tion sociale ne prévoit pas la procédure de référé
et a confié
les litiges nés de la censure au juge du fond et non au juge
du provisoire" (2). Cette interprétation jurisprudentielle du
texte législatif notoirement imprécis ne fait plus de doute
sur le juge compétent. Quant à l'exception à la règle du re-
cours gracieux préalable, le texte législatif demeure muet sur
la question. Ce n'est que le contentieux juridictionnel des-
dites mesures qui viendra fixer le justiciable. Il est par
conséquent prudent de se garder de commentaires hasardeux, au
risque d'être pris à contre-pied par la jurisprudence future.
(1) Article 8. alinéa 3: "par dérogation à l'artidc 12 de l'Ordonnancc N° 72/6 du 26 août 1972 fixant l'orgalliwtion
de la Cour Suprême. le refus de J'autorisation (d'existence légale d'un parti politiquc) prévuc à J'alinéa
2 ci-dessus
est susceptible de recour.f sur simple requête devant le Président de la juridiction 'aminis/ra/ivc ".
(2)Voir recours contentieux N° 462/90-91 du 7 février 1991 du joumal
"le Afcs.Hlgcr" tendanl il "annulation pour
excès de pouvoir de la censure de son édition Française N° 212 pour ce qui est de certains articles, lequel aboutira à
J'ordonnance de référé N° 12/0R/CS/PCi\\l90-91 du 19 mars 1991 : dans une espèce similaire. Ordonnancc N°
13/0R/CS/PCA/90-91 du 25 avril 1991. Joumal "lc Afc.uagu" clElal du Cameroun (MINAT) Pour de plus amples dé-
veloppements, voir Hème partie, chapilre Il, Section 1 il propos de "élargissement du domaine contentieux de la ju-
ridiction administrative par dévolution légale spécifique

· Par contre, il ressort clairement de la combinaison
des articles 57 et 62 de la loi ND 92/010 du 17 septembre
fixant
les
condi tions d'élection et de suppléance à
la
Présidence de la République que le recours dirigé co~tre la
décision de rejet ou d'acceptation d'une déclaration de candi-
dature est exempté de la formalité du recours gracieux préa-
lable.
En marge de ces cas exceptionnels, comment peut-on dé-
terminer les autorités habilitées à recevoir le recours gra-
cieux préalable généralement requis en matière de procès admi-
nistratif ?
L'Ordonnance de 1972 utilise, rappelons-le, en son ar-
ticle 12 paragraphe 1, la formule de urecours gracieux adressé
au Ministre compétent ou à l'autorité statutairement habilitée
d représenter la collectivité publique ou 1'établissement pu-
b
li c en cause".
Aussi convi ent-i 1 de di sti nguer l' autori té
compétente pour examiner des recours gracieux lorsque l'admi-
nistration centrale est concernée de celles habilitées à rece-
voir lesdits recours pour les litiges mettant en cause les or-
ganismes administrati.fs décentralisés.
- Les départements ministériels sont l'une des compo-
santes de l'administration centrale de l'Etat Camerounais.
Lorsqu'un administré conteste leurs activités, il doit adres-
ser le recours gracieux préalable au ttMinistre compétent" d'a-
près l'article 12 de l'Ordonnance de 1972. Et pour que cette
expression ne soit pas sujette à interprétations erronée, deux
textes réglementaires (1) sont à la disposition de l'éclairage
du justiciable: ce sont ul es chefs de département directement
intéressés" par une contestation qui sont habilités à recevoir
des
recours
gracieux.
C'est
ainsi
que
le
Ministre
de
l'Education nationale pourra connaître de tels recours lorsque
l 'activi té
des
Services
centraux
ou
extérieurs
de
son
Ministère est mise en cause. Cette nette distinction de l'au-
torité compétente parmi tant d'autres a le mérite de proscrire
toute dilution des compétences dans l'esprit du justiciable.
Le juge administratif avait d'ailleurs affi.rmé il y a long-
(1) cf. Décret N° 73-5 du 10 révrier 197J rclatir il 'a dércnse de ITta' en justice I!ln<!ifit' par le décret N° 7:1-(,4X du 1X
octobre 1973 et décret N° 84- J62 du 18 avril J9&1. précités.

108
temps que le rapport d'un simple fonctionnaire, qui n'a aucune
quaI i té pou r représente r I ' Etat en 1a mati ère, ne 1i e pas
celui-ci (1). L'unique point d'ombre qui subsiste concerne
l'enchevêtrement des compétences entre les divers départements
ministériels. Il est en effet fréquent que le justiciable éta-
blisse assez difficilement la frontière entre les activités
ministérielles. Un tel imbroglio devrait logiquement favoriser
une souplesse jurisprudentielle en matière de recours gra-
cieux. On peut donc regretter que le juge de l'affaire ESSOMBA
NTONGA Gabriel. (2) n'en ait pas tenu compte: Candidat malheu-
reux au concours professionnel pour le recrutement des inspec-
teurs principaux de la jeunesse et des sports, le sieur ESSOM-
BA conteste les résultats dudit examen pour irrégularités dans
la correction des épreuves techniques. Il adresse une requête
au Ministre de la jeunesse et des sports afin que cette auto-
rité procède d l'annulation des épreuves. Le juge, saisi par
la suite, déclare que ESSOMBA l~e devait d'adresser le recours
gracieux au Ministre de la Fonction publique et à lui seul,
puisque l'organisation des concours lui incombe".
Une telle
raideur jurisprudentielle prête le flanc d la critique, en ce
sens qu'elle n'intègre pas dans son raisonnement les difficul-
tés liées d la détermination des limites de compétences entre
les autorités ministérielles.
Le mutisme du texte de l'Ordonnance de 1972, d propos de
l'autorité compétente en matière de recours gracieux lorsque
les Services administratifs supra-ministériels seraient visés,
a été interprété par le juge. Car il faut bien considérer la
Présidence de la République ainsi que sa pléiade de services
rattachés
comme
l'autre
composante
de
l'administration
Centrale de l'Etat.
(1) TE. JO févricr 1964, collcctivité BASSA oc Douala clElal OU Camcroun •
(2) CS/CA. Jugcment W 24177-78. ou JJ juillct J978.

Dans l'espèce BENE BELLA Lambert, jugement N° 71 du 13
mars 1976, le requérant est un commissaire de la police natio-
nale révoqué de ses fonctions pour avoir extrait des cellules
de la Brigade des enquêtes économiques et financièl"es deux in-
dividus fortement impliqués dans une sombre histoire de dé-
tournement de deniers publics; et ce, d l'insu de ses supé-
rieurs hiérarchiques. C'est la raison pour laquelle il décide
de saisir le juge administratif et ce d'autant qu'entre temps,
le recours gracieux adressé au Président de la République
n'avait nullement pu améliorer sa situation, c'est-d-dire la
levée de la mesure de révocation. Se fondant sur des disposi-
tions réglementai res qui placent la sûreté nationale ((sous
l'autorité du Président de la République",
le juge considère
que la requête adressée par le sieur BENE BELLA au chef de
l'Etat ((consti tue bi en 1e recours graci eux exigé par 1es
textes". La Sûreté Nationale étant effectivement l'un des ser-
vices rattachés à la Présidence de la République, on comprend
aisément la position jurisprudentielle sur ce problème du RGP.
Seulement, le juge administratif devait adopter,trois
années plus tard, une position déroutante dans une espèce si-
milaire, ESSIMI Fabien (1). Ce dernier avait également été ré-
voqué du corps de la Sûreté Nationale par décret signé du se-
crétaire général de la Présidence de la République. Le juge
considéra que son recours gracieux adressé au Président de la
Répub1i.que équivaut à une absence de recours gracieux entral-
nant l'irrecevabilité de sa requête contentieuse. La confirma-
tion en appel de ce jugement (2) constitue, d n'en pas douter,
une solution très critiquable. D'une part, d l'époque des
faits, l'article 4 du décret N° 77-48 du 14 février 1977 por-
tant statut spécial de la Sûreté nationale place ce corps
"sous l'autorité du Président de la République".
Pourquoi ne
pas admettre que le recours du requérant fut adressé d l'auto-
rité compétente? d'autre part, et d la lumière de l'interpré-
tation de l'article 12 de l'Ordonnance de 1972, le Secrétaire
Général d'un Ministère ne peut valablement instruire un re-
(1) Jugement N° I/CS/CAI79-80 du 29 novcmbrç 1979. nolc I~ogcr-C;abricl NLEP. I~ccllcil Pcn:tnt N° 779. janvicr-
mars 1983. pp 66- 72
(2) Arrêt N° 3/CS/AP du 16 décembre 1982. ESSIMI Fabicn clEtat du Camcroun

cours gracieux puisque le Ministre est le Chef de ce service
public. Et par analogie, la Présidence de la République étant
une administration au même titre, on doit considérer que le
recours gracieux est raisonnablement adressé d son chef, le
Président de la République. La perplexité dans laquelle nous
laisse le juge administratif (1) sera toutefois édulcorée dans
la perspective des autorités compétentes en matière des actes
des administrations décentralisées.
Le problème des collectivités publiques locales comme
les communes est abordé avec une grande simp1i ci té. La loi
communale du 5 décembre 1974 dispose en son article 62, alinéa
11 que le chef de l'exécutif communal est chargé de représen-
ter la commune en justice. Et aux termes de l'article 73, pa-
ragraphe 4, ul es actes communaux peuvent faire l'objet d'un
recours gracieux auprès de leur auteur"
qui n'est autre que le
Maire présidant le Conseil Municipal dont il est membre d part
entière. La combinaison de ces dispositions avec la formule de
(1) Elle est d'autant plus grandissante qu'une décision récente va tout d'abord en contradiction avec la jurisprudence
ESSIMI Fabien pour ensuite instaurer une pseudo-logique de compétence concurrente entre le Président de la
République et son Secrétaire Général, en matière de recours gracieux préalable formé contre la mesure de révocation
de personm(du corps de la SOreté Nationale: jugement N° 19/ADD/92-93 du 31 décembre 1992, ErFOUJ)()U Camille
c/Etat du Cameroun:
"AI/endu que pour al'oir adressé sa requête du 19 juil/ct 1988 au Secrétaire Général de la Présidence de la République
du Cameroun sic du Secrétaire d'Etat à la sécurité illtérieure incompétent pOlir y dOllller suite. EFFOU/)OU n'a pas st/-
tisfait au voeu de la loi, et son recours ne peut, dans ces conditions (.) qu'être rejeté;
Mais al/endu que contrairement aux cone/usions développées dans le rapport, le Ministère public pour ,fa part fait
valoir que la Cour Suprême en Assemblée plénière a décidé dans l'affaire ESSIAfI Fabien par Arrêt N° 13/AD/) du 13
mai 1982, que le recours gracieux exercé contre un acte administratif intéreSJant le personnel des cadres de la Sûreté
Nationale est valablement adressé au Président de la République ou au Secrétaire Général de la Présidence de la
République agissant par délégation;
Qu'il échet dès lors d'adopter dans le r:a.ç d'espèce œUr juriçpmdence dr la COIlr SlIlJrême :

- par ces motifs.
- Décide.
- Article 1er: le recours dll sieur EFFOUDOU Camille est recevable Cil la forme
",

l'ordonnance du 26 août 1972 qui parle de "l'autorité statu-
tairement habilitée à représenter la collectivité publique"

contraint le juge administrati f à tir'er les conclusions qui
s'imposent: le Maire a compétence exclusive pour représenter
sa collectivité en justice et, partant, pour recevoir les re-
cours gracieux préalables (1).
La l impidi té de cet "axiome jurisprudenti el" sera toute-
fois abusivement battu en brèche dans le cas des contestations
juridictionnelles des décisions d'un établ issement publ ic
comme l'institution universitaire. ~~~ugement N° 40 de la
chambre admni strati ve_~_~__~(J_t~__9~ }0 avri l 1981, GUIFFO Jean-=-
Philippe, marque le départ de cette élucubration jurispruden-
tielle.
Le sieur GUIFFO,
Assistant de Droit public à la
Faculté de Droit et Sciences économiques de l'Université de
YAOUNDE, se voit signifie~ par lettre N° 257/UY/ER/PEC du 18
janvier 1979 du Chancelier de l'Université, son renvoi pour
"insuffisances académiques".
Ayant
saisi
le
Ministre
de
l'Education Nationale d'un recours gracieux demeuré sans ré-
ponse, il saisit le juge administratif d'un recours tendant à
l'annulation du contenu de la lettre incriminée et à la re-
constitution subséquente de sa carrière. '~u prix d'un louable
et considérable effort de rassemblement et de recoupement des
différents textes qui régissent l'université de Yaoundé" (2),
(1) Jugement N° 6/CS/CAI79-HO du 29 novcmbre 1979, Stx:iété anonyme "Les IIrasseries du Cmnernull"
cll--:tat du
Cameroun.
Jugement du 29 juin 1989, Société RAZEL Cameroun ciComJTlune mrale de TIKO et Etat du Cameroun; note R.G.
NLEP, Recueil Penant N° 807, Octobre-Décembre 1991, pp 394-397 : "Allelldll que dalls le cas d 'espèce la Sociélé
requérante devait adresser son recours !?racierLt au Maire de la COITumme de TI KG, staluairemenl compétellt pour rece-
voir le recours gracie/H et rerr/sellter sa cn//eclil'ité
Cil justice;
Que pour avoir adressé sa requête du
2 jallvier 1985 au Millistre de l'Admillistration Territoriale. la Société requérall-
te n'a pas salisfait au voeu de la loi".
On se doit toutefois de relativiser J'effet probant d'une telle motivation juridique en ce sens que, sous "empire exclu-
sif de la loi communale du 5 décembre 1974, le Ministre de J'Administration territoriale, autorité de tutelle sur les
communes, a compétence, sous certaines conditions, pour recevoir le rccours gracicux préalable dirigé conlre "acte
administratif communal aux termes de "article 73, paragraphe 4. "les acles du maire ou de l'administrateur munici-
pal peuvent/aire l'objet d'un recours gracieux auprès de leur auteur. En cas d'insuccès, ils SOllt soumis à l'apprécia-
tion de l'autorité de tute//e .. les délais du recours conlelltieux ne courent qu'à partir de la dale de saisine de celle aulo ~
rité",
Il faut ce faisant que l'acte litigieux soit strictement l'émanation du maire, que j'administré concemé rar ledit acte ait
infructueusement saisi ce maire afin que sa requête administrative puisse être valablement considérée commc un re-
cours gracieux préalable lorsqu'il se décide ~ solliciter l'arhitragc du Minislre tie tutelle qui n'l'si aulrc quc celu; de
l'administration territoriale. Qui plus est, le décompte du délai d'un éventuel recours juridictionncl s 'effeetue ~ partir
de la date de saisine du Ministre.
(2) Voir observations Re;. NLF.P sur jugement (~UIFFO. précité. Il 79.

le juge administratif parvint à déduire la compétence de son
Chancelier pour recevoir le recours gracieux préalable (1) de
l'ensemble des pouvoirs de direction et de gestion de cet éta-
blissement public. Ce qui l'amena à conclure à l'irrecevabili-
té de la requête de Monsieur GUIFFO, motif pris de ce que le
recours gracieux adressé à une autorité incompétente à le re-
cevoir équivaut à un non recours. Interjetant appel de ce ju-
gement, l'Assemblée plénière infirma la décision des premiers
juges en déclarant la recevabilité de la requête contentieuse
: Uc'est d bon droit que le requérant a saisi le Ministre de
l'Education Nationale de son recours gracieux, ledit Ministre

étant compétent pour statuer sur tous les litiges relevant de
son département Ministériel ou tout établissement public placé
sous sa tutelle", (2)

Si l'on admet qu'il n'est de meilleur interprète de sa
pensée que son auteur même, l'on convient également que la ré-
daction de l'article 12 de l'ordonnance du 26 août 1972 n'est
pas du tout de nature à générer pareille interprétation erro-
née. On se demande comment le Ministre suscité peut représen-
ter l'université de YAOUNDE alors que le Décret N° 62/DF/1289
du
6 juillet 1962
portant organisation de
l'universi.té
Fédérale du Cameroun est abrogé au profit d'un autre texte ré-
glementaire, en l'occurrence le décret N° 73-477 du 27 août
1973 qui place l'université de YAOUNDE sous l'autorité d'un
Chancelier distinct de l'autorité Ministérielle. L'amalgame
jurisprudentiel est totalement inacceptable dans la mesure où
le recours du sieur GUIFFO était postéri.eur au décret de 1973
dotant l'université d'un statut autonome. L'on aurait pu tolé-
rer cette confusion avant le décret de 1973 et donc à l'époque
de la val idi té juridique du texte de 1962.
On peut par
conséquent déplorer que le juge d'appel ait annulé la décision
pourtant pertinente d'un premier juge. Le double degré de ju-
ridiction n'est nécessairement pas toujours garant des effets
escomptés. Le cas GUIFFO en est l'éclatante manifestation.
(1) "Attendu qu'il découle dc la combinaison des texte,r vi.ré.r ri·de.r.rus, que l'autorité compétente à représcrrter
l'Université de YAOUNDE: del'ant/a Chambre admirrütrntive etl'ar conréqllcnt habile (pour ainsi dire habilitée) à re-
,cevoir les recour.r gracieux de,r tl/cirions l'ri.re.r l'nr /,. Confci/ d'Admirri.rlratio" de /'Unil'cnité ou par '<0"
Chùndelier. est ce/urd", Jugement N° 40ICS!CA!80-81 du 30 avril 19R 1. GUI fTO Jean-Philippe. précilé,
(2) Arrêl infinnalif N° 16!A du 13juin 1985

L'imprécision du texte juridique régissant la juridic-
tion administrative semble, quelque peu, expliquer ces mul-
tiples dérapages. Mais il demeure vrai que tout justiciable
Camerounais est soumis, en règle générale, à l'obligation de
saisir préalablement l'administration, cette phase préconten-
tieuse n'étant guère une clause de style ou une simple myopa-
thie juridique.
- En effet, ai ns i que l' affi rme 1e professeu r NL EP ,
"seule l'analyse de la force juridique qui s'attache à la
règle du recours gracieux préalable peut donner la pleine me-
sure de la protection que cette formalité processuelle assure
à la puissance publique vis-à-vis des administrés n (1) .
. Dans la procédure administrative contentieuse, le re-
cours gracieux préalable est un moyen d'ordre public. Cela si-
gnifie tout simplement que cette formalité est impérative ou
obligatoire à l'encontre du justiciable qui intente un procès
administratif
devant
la
juridiction
administrative.
On
convient avec M. André HEURTE qu'il s'agit là d'un moyen t~ui
puisse et doive être suppléé par le juge, être par lui soulevé
d'offi ce n

(2). Si le texte de l'Ordonnance du 26 août 1972
reste muet sur le principe d'ordre public du recours gracieux,
le juge administratif est parvenu à l'instituer explicitement
tout en déclarant l'irrecevabilité des requêtes contentieuses
introduites en violation de l'article 12 de l'Ordonnance de
1972 instituant ledit recours (3). Cette position du juge met
définitivement un terme à une controverse doctrinale, un au-
(1) Roger-Gabriel NLEP, "L'Administration publique Camerounaise", ", op cil., P 267.
(2) "lA notion d'ordre public dalls la procédure administrative", RD,P', 1953, pp 615-648 : voir également C. DE-
BOUY "les moyens d'ordre public dans la procédure administrative contentieuse ", P. (J. F. 1980,
(3) cf - Jugement N° 12/CS/CAI77-78 du 27 avril 1978, ITEM Dieudonné clEtat du Cameroun dans lequel le juge après
un rappel des dispositions de l'article J2 de l'ordonnance de 1972 instituanl le recours gracieu:o:, posc "qu'il résulte
de ce texte que ce recours, organif! et prb'u par ulle düpositioll législative spéciale, revêt UII caractère obligatoire .-
qu'il s'ensuit que l'inobservation des difpo,rition.f Su.o'irées. peut être soulevée d'ol/ice par le juge ",
- Jugement N° 14/CS/CAI77-78 du même jour, ATANGANA ESSOMBA l'rotais c!Etal du Cameroun, ''l'inexécutioll
des dispositions de l'article J
2 de l'Ordonnance N° 72/6 du 26 août 1972 peut être JOulel'ée d 'olfire par le juge, "
- Jugement N° 30/CS/CAI77-7R du n juillet 197R, !\\ K!\\' i\\ .Jllies ciEl .. , du CmncfOull, "1" 'il importe de rnpl'e/er que
ces dispositions sont d'ordre public
.- 1U 'en conséquellcc. lel1r l'iolntioll l'eut être JOU levée d 'ol/ice {'ar le jl1,ge" etc ..

teur déniant ce caractère d'ordre publ ic au recours gra-
cieux(l) tandis qu'un autre concluait à ce principe d'ordre
public (2). Les seuls tempéraments à l'impératif du recours
gracieux avant tout recours contentieux résident dans l'énumé-
ration déjà mentionnée des décisions administratives directe-
ment déférables au juge de l'excès de pouvoir .
. L'exercice d'un recours gracieux obéit à des règles de
délais. Et la sanction de l'inobservation de ces délais est la
forclusion du requérant. Abstraction faite des recours gra-
cieux formés dans le contentieux parallèle (3) au contentieux
de l'annulation, l'article 12 (a) de l'Ordonnance du 26 août
1972 est assez précis sur la question : ilLe recours gracieux
doit, à peine de forclusion, être formé dans les deux mois de
publication ou de notification de la décision attaquée",
Ce faisant, lorsqu'un administré sollicite d'une autori-
té ministérielle quelle reconsidère un acte, son recours gra-
cieux doit être formé dans les deux mois suivant la publica-
tion des actes réglementaires (insertion au journal officiel
ou dans le quotidien national Cameroun Tribune), ou la notifi-
(1) Henri JACQUOT, le contenlieux administratif au Cameroun, précité, p 1 J5.
(2) Serge Alain MESCHERIAKOFF, le régime juridique du recours gracieux préalahle dans la jurispnldence administra-
live Camerounaise, R.e. D., Série Il, N° 15 et 16, 1978, P 47.
(3) L'article 12 de l'Ordonnance de 1972 dispose qu"'en cas de demande d'indemnisatiOIl, (le RG? doit, à peine de
forclusion. être formé) dans les six mois suivant la réalisation du dommage ou sa connai.uance" .. cf. Arrêt N°
7/A/CS/AP du 16 décembre 1982, I3AIIA NGUE Jean clEtat du Cameroun. La condition de délai est enfin portée il
quatre ans "en cas d'abstention d'une autorité ayant compétence liée... à partir de la date à laquelle ladite autorité
était défaillante",
cf: jugement N" 8/CS/CA du 5 novembre 1976, UBAM KOUANG Melchiade clEtat du Cameroun;
Jugement N° 24/92-93 du 28 janvier 1993, FONGA Jean-Claude clEtat du Camcroun.
Ce qui veut tout simplemcnt dire que le délai imparti au justiciahle alïn de fomler le reconrs gr:Jcieux est fonction de la
nature du litige administratif.

cation
(1)
pour
ce
qUl
est
des
actes
individuels.
L'inobservation de ce délai entraîne l'irrecevabilité de l'é-
ventuelle requête contentieuse pour forclusion (2). Les moda-
lités de calcul de ce délai sont parties d'une computation non
franche, ce que l'on a appelé le délai non franc, qui se cal-
culait de mois en mois sans considération du nombre de jours
qui composent les mois en question. Il était donc fréquent que
la jurisprudence eût inclu aussi bien "le Dies a quo", c'est-
à-dire le jour de publication ou de notification de la déci-
sion litigieuse, que "le dies a quem", c'est-à-dire le jour de
l'échéance du délai prescrit (3).
Mais depuis 1978, la chambre administrative a mis fin à
cette pratique en instaurant un délai franc qui se compte en
mois, de quantième à quantième, quelle que soit la durée dudit
mois(4). Ce délai de deux mois imparti à l'exercice du recours
gracieux préalable est toutefois prorogé dans trois hypothèses
précises (5).
La rlgueur des règles jurisprudentielles ne se limite
pourtant pas à ce stade car l'obligation d'adresser un recours
gracieux à l'autorité habilitée à le recevoir est d'applica-
tion stricte. Ce qui signifie que l'erreur sur l'autorité com-
pétente jouera au détriment de l'administré, le juge adminis-
(1) La notification est "la remise à l'intére.l'.fé de la copie in exten.fO de la pièce à notifier, ou, tout au moins. d'lin
écrit contenant tous le.r éléments néceuaire.r pour lui permelire de .re faire un compte exact de la me.rure pri.re à son
égard. ainsi que des motifs pour lesquels elle a été pri.re",
Arrêt W 636/C.C.A du 10 aoOl 1957, NDJOCK Jean clEtat
du Cameroun.
(2) Jugement N° 34/82-83 du 24 février 1983, I3ENG ELOUGA Jean Louis clEtat du Cameroun.
(3) Arrêt N° 173/CFJ/CAY du 8juin 1971, OWONO ESSONO Benoît clElat du Cameroun, et bien avant, les arrêts N°
137 du 26 janvier 1971 ALAI BELOBO Nestor el 144 du 21 mars de la même année, NKILI ABESSOLO Martin; ou en-
core jugement N° 69/CS/CA du 24 avril 1976. Af3ENELi\\NG Gustave clEtal du Cameroun
(4) Jugement N° 19/CS/CA du 27 avril 1978, NGONGANG Richard clElat du Cameroun, Jugement W 24/CS/CA du 13
juillet 1978, ESSOMBA !'.'TONGA Gahriel
clEtat du Cameroun ct enfin jurisprudence NYEMECK NYEMECK
Emmanuel du 15 juillet 1978, précitée. Cette position du juge n'est que la résurrection d'une ancienne conception qui
consacrait un délai franc ne tenant compte ni du "die.r a quo", ni du "die.r a '1"em", Arrêt du C.C.A. du 29 novembre
19.56, EXONG Yves Adolphe crrerrit~irc du Cameroun
(5) L'article 1033 du Code de procédure civile prévoit un délai de distance majoré d'un mois si le requémnt réside en
Afrique, et deulI: mois pour le reste du monde: Jugemenl W 46/CS/CA du 3ü avril 1981, OUMAROU Paul c1Etat du
Cameroun; Il Y a également l'hypothèse de "motifr graves" comme l'emprisonncment . Jugement N° 9/CS/Ci\\ du 28
j'anvier 1982, NGN AKOU Amos Raubert, ct cnfin la prorogation joue lorsque Ic délai légal ell:pirc un dimanche ou un
jour férié: Jugement N° 2ü/CS/CA du 27 janvicr 1983, GUEOAMA MPELE Pierrc etEtat du Camcroun

tratif ayant depuis longtemps érigé pour prlnclpe qu'un re-
cours gracieux préalable mal dirigé équivaut à un défaut de
recours qui emporte irrecevabilité de la requête contentieu-
se(l).
Cependant, quand bien même ce recours est initialement
orientée de façon erronée, le justiciable est épargné de cet
effet pervers à la condition que l'autorité inopportunément
saisie le transmette, à l'intérieur du délai requis, à son ho-
mologue compétent (2).
Enfin, en prevlsion d'un débat contentieux futur,
le
juge administratif a tenu à verrouiller le régime juridique du
recours gracieux en exigeant qu'il y ait identité d'objet et
de cause entre ce dernier et le recours pour excès de pou-
voir(3). Ce problème du lien entre ces deux recours s'explique
par le souci de baliser l'étendue exacte du litige car il est
tout fait contradictoire qu'un requérant saisisse le juge dans
des
termes
autres
que
ceux
précédemment
soumis
à
l'Administration.
En tout cas, ces longs développements consacrés à l'ins-
titutionnalisation d'une phase précontentieuse traduit l'im-
portance du recours gracieux préalable dans la procédure admi-
nistrative contentieuse au Cameroun. Et ce n'est qu'à l'issue
de l'accomplissement effectif (4) de cette formalité que l'on
entre, progressivement, dans la sphère du délai du recours
pour excès de pouvoir.
(
(1) Arrêt N° 108/CFJ/Al,I du R décembre 1970, NOUfACKDIE Joseph clEtat du Cameroun, conrirmé en appel par Arrêt
W 3/CS/AP du 27 octobre 1972, recueil MBOUYOM, lome Il, pp 118-139
Jugement N° 6/CS/CAITI-78 du 23 février 1978, ONANA Jacques Didier clEtat du Camcroun ;
Jugement N° 57/CS/CA du 31 juillet 1980, MAMA l'SALA François clEtat du Cameroun;
Arrêt N° 29/A/CS/AP du 24 mai 1983, OWONA ESSONO Guillaume clEtat du Cameroun, et plus récemment, jugemcnt
du 29 juin 1989, Société RAZEL Cameroun, précité.
(2) Arrêt N° I/A du 6 décembre 1979, FOUDA Hubert clEtat du Cameroun, précité. Pour une arfaire d'indemnité au titre
de la perte d'un tcrrain immatriculé, Ic sicur FOUDA avait malcncontrcusement saisi le Ministre de l'Administration
territoriale d'un recours gracieux. Fort heureusement pour lui, celle requête rut transmise au Ministre de "Equipement,
de l'Habitat et des Domaines.
(3) Faute de similitude totale, le juge considère qu'il ya là déraut de RGP entraînant l'irrecevabilité du recours:
Jugement ESSOMBA Al'ANGANA Protais, précité ;jugemenl N" 22177-78 du 27 avril 1978, NDJANA Pascal13ether
clEtat du Cameroun: jugemenl N" 40/88-89 du 25 mai 1989, ZENlIUE NC,OULOU Dagobert clEtat du Cameroun
(SESI).
(4) Le juge administratif dit que le RGP peut être prouvé sur la base du régistre administratir du courrier arrivée:
Jugement N" 9/A.D.D./CS/CA du 27 octohre 1988, KISOB ACHID! Jacob clEtat du Cameroun. Rompant avec l'arrêt
YOUMBI André (CS/AP, N° 1lA du 8 novemhre 1973) pour lequel "un pli remiJ à la poste Ile de\\'ielltla propriété du
ckstinataire qu'à la date de réception du pli par ce dernier et non à celle de SOli expédition
",
le juge administralir
admet désormais qu'en cas d'envoi d'un recours gracieux par pasle, "le cachet de la poste fait foi":
Arrêt N°
lIA/CS/AP du 27 novembre 1986, SE13A NOONGO Jean clEtat du Cameroun (OOSN).

117
b : LE DELAI PROPREM ENI DIT
Le problème de la dimension temporell.e de la requête in-
troductive d'instance est réglé par la loi N° 75-17 du 8 dé-
cembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême sta-
tuant en matière administrative. Les dispositions de son ar-
ticle 7, al inéa 1 sont ainsi formulées : ((sous peine de for-
clusion, les recours contre les décisions administratives doi-
vent être introduits dans un délai de
6@ jours à compter de la
décision de rejet du recours gracieux visé à l'article 12 de
l'Ordonnance ND 72-6 du 26 août 1972". Qu'il s'agisse d'un re-
cours en annulation pour excès de pouvoir ou d'une requête
contentieuse en indemnités, le droit commun du délai pour sai-
sir la juridiction administrative est de deux mois ou plus
précisément de 60 jours ; et ce délai légal court après le
rejet du recours gracieux préalablement adressé à l'autorité
compétente.
Faute d'attaquer la décision administrative en temps
utile, c'est-à-dire à l'intérieur du délai prévu, le juge ad-
ministratif déclarera la requête du justiciable irrecevable
pour forclusion (1). Ce juge adopte la même politique de dé-
compte qu'en ce qui concerne le recours gracieux, puisqu'il
affi rme qu'il s'agi t de dé lai s francs (2).
En réal i té, ce
n'est qu'une saine application de la loi du 8 décembre 1975
car, dans son article 7, al inéa 2, on peut 1ire que lices dé-
lais courent, pour les actes qui doivent être notifiés, du
lendemain du jour de leur notification à personne ou à domici-

le". Ceci revient à dire que l'on ne tient compte ni du jour
initial (dies a quo), ni du jour ultime (dies a quem), le
délai pour saisir le juge de l'excès de pouvoir commençant à
courir le lendemain de la décision de rejet du recours gra-
cieux préalable. Ce délai franc de 60 jours est impératif (3)
(1) Arrêt N° 16/A/CS/AP du 24 mars 19R3, ELONG TSOUNGUI Anloinc clEtal du Cameroun. Jugement N° 12/R8-89
du 27 octobre 1988, Révérand Docteur AMBADIANG de MENDENG clEtal du Cameroun, ct le même jour, jugement N°
6188-89, FOUMAN EKOUMA Jean-Louis;
Jugement N° 43/8&-89 du 25 mai 1989, DAROSA Guilhenne José c/Etal du Cameroull :
Jugement W 69/88-89 du 29 juin 1989, CHE Michaël NDE clElal du Cameroun (SESI).
(2) CS/CA jugement du 27 décembre 1979, ELOKAN EOONGUE Hubert ciElat du Cameroun.
(3) Jugement W 24/CS/CA du 13 juillet 1978, ESSOMI3A NTONGA Gabriel. précité, ou encore jugement N° 8/82-83
du 13 janvier 1983, ELA D MEONTEM Philippe clEtal du Cameroun.

et ne peut être suspendu, ni par les vacances judiciaires (1),
ni par l'existence de poursuites judiciaires pénales intentées
par le Ministère public antérieures à l'acte administratif dé-
féré au juge (2). La prorogation du délai susvisé est unique-
ment valable si et seulement si le requérant répond aux exi-
gences légales, en l'occurrence celles de l'article 8 de la
loi. du 5 décembre 1975 qui précise : "les délais ci -dessus (6@
jours prévus par l'article 7, alinéa 1) sont prorogés si le
requérant a, en temps utile:

1 0 déposé une demande d'assistance judiciaire,
2 0 Saisi une juridiction incompétente.
Dans ces cas, le recours contentieux est valablement introduit
dans les soixante jours qui suivent la notification de la dé-
cision statuant sur la demande d'assistance judiciaire ou d'un

jugement d' incompétence".
Ces deux cas de prorogation du délai contentieux ont
pour effet principal de maintenir la validité d'un recours
qui, en régime normal, mettrait le requérant en état de for-
clusion.
Sans doute,
les rédacteurs de cette disposition
étaient ani.més par·le souci louable d'édulcorer la gêne du
justiciable face à des règles contentieuses parfois ésoté-
riques et par conséquent difficiles à décrypter. Si tel est
vraiment le cas, on peut dire de cette philosophie du droit
qu'elle est la porte ouverte à une certaine justice sociale.
La réunion de toutes ces conditions de recevabilité du
recours pour excès de pouvoir est, en somme, un grand pas vers
la saisine du juge administratif. Mais il demeure vrai que,
pour un agencement optimal du contentieux de l'annulation de
décisions administratives, les justiciables doivent impérati-
vement s'assurer que leur requête introductive d'instance
s'appuie au minimum sur l'un des cas d'ouverture du recours
pour excès de pouvoir.
(1) Arrêt N° I3/A/CS/ AP du 26 mars 1977, MENDE Iienri Georges clElill du CilIllerouu.
(2) Arrêt N° 2/ A/CS/AP du 26 oclohre 1978, EAENGUE NNA Jeiln René clElilt du Cilllleroun : décision cnnfïmlillive du
jugement N° 39/CS/CA du 4 milrs 1976 ilYilnl décidé de l'irreccvilhilité du recours cn 'llHluliltion formé par le sieur
EBENGUE NNA pour forclusion. Ce dernier aVilit en efret adressé à "Adminislration un recours gracieux Irès tardif,
c'est-à-dire 6 ans après la notification de l'arrêté N° 128/CF/CAB/PM/FP3 du 13 juin 19(,4 le révocanl du grade de
commis des services civils et financiers.

_1
1 : LES CAS D'OUVERTURE DU RECOURS POUR EXCES DE POU-
VOIR
L'article 9, alinéa 2(a) de l'Ordonnance N° 72/6 du 26
août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême dispose
qu '" est consti tuti f d'excès de pouvoi r au sens du présent ar-
ticle
le vice de forme,
l 'i ncompétence,
la violation d'une disposition légale ou réglementai-

re,
le détournement de pouvoir".
Cette formule n'innove en rien par rapport aux anClennes
normes juridiques qui régissaient la défunte juridiction admi-
nistrative (1). De même, ces cas d'ouverture du recours pour
excès de pouvoi r en vigueur au Cameroun sont quasiment la
copie in extenso des moyens d'annulation des actes administra-
tifs unilatéraux forgés progressivement par le Conseil d'Etat
Français (2) et aujourd'hui exposés, dans une vue d'ensemble,
par la doctrine publiciste (3). Au-delà de la discrimination
terminologique, cas d'ouverture du recours pour excès de pou-
voir ou moyens d'annulation traduisent tous "l'expression ju-
ridique des arguments invoqués à l'appui de la requête. Ils
(1) L'article 14 de la loi W 69-LF- J du 14 juin J%9 relativc à la transformation de la Cour Fédérale de justice en une
véritable juridiction administrative nationille disposait déjil qu' "est (:mu/i/u/i! d'excès de {>oul'oir, le vice de forme.
l'incompé/ence. la viola/ion de la loi, la viola/ion d'une disposi/ion réglemen/aire apl'licaIJ/e. le dé/ournl'lncn/ de
pouvoir",
(2) CE. 28 mars 1807. DUPUY Briace, rec, p 75 (pour l'incompétence de l'auteur de l'acle) :
CE. 14 juillet 1811. Habitants de Mon!ilgnard, Rec, p 285 (pour la violation des fomles) ;
CE. 24 février 1864, LESI3ATS, Rec, p 209. conclusions l'IIOPITA L (pour le conlrôle du hut par le hiilis du détourne-
ment de pouvoir) ;
C.E,23 mars 1867, BIZET, Rec, p 271, conclusions AUCOC (pour la violiltion de la loi el des droits ilcquis).
(3) François GAZIER, Essai de présentation nouvelle des ouvcl1urcs du rccours pour e)(cès de pouvoir, Etudc.~ Cons
d'Etat 1951-77.
~arie José GUEDON. r.~'l classification des moyens d'annu\\illion des actes admilllstratifs, I\\.J.I)A., 1978. P 82.
Aehille MESTRE. Recours pour c)(cès de pouvoir (moyens d'annulation), Encyclopédie contenliell)( administratif. pp
1-13.

alimentent la discussion juridique" (1). Bien entendu, chacun
d'eux doit être perçu dans une signification assez étroite.
Seulement, dans la mesure où un cas d'ouverture n'est pas
autre chose qu'une illégalité attachée à la décision adminis-
trative que le justiciable soumet au juge administratif, leurs
effets postérieurs à l'examen juridictionnel engendrent de
possibles rapprochements qui, corrélativement, autorisent la
typologie binaire connue: le vice de forme et l'incompétence
sont des illégalités externes à la décision administrative
alors que la violation des normes positives écrites et le dé-
tournement de pouvoir rentrent dans le cadre des illégalités
internes.
A: LES ILLEGALITES EXTERNES A LA DECISION ADMINISTRATIVE
L'incompétence de l'auteur d'un acte administratif ou le
vice de forme que peut revêtir un tel acte sont traditionnel-
lement regroupés dans la rubrique des illégalités externes. Le
point d'intersection de cette classification réside, comme le
démontre la doctrine, au niveau des incidences de l'annulation
par le juge; car l'annulation externe en général n'empêche
nullement l'auteur de la décision en cause de la reprendre,
tout en respectant cette fois-ci les règles de compétence et
celles qui commandent sa forme, selon le cas. Ce qui n'est,
par contre, pas le cas de l'effet de l'annulation contentieuse
pour illégalité interne.
! : L'INCOMPETENCE
Historiquement élaborée par le juge administratif fran-
çais comme premier cas d'ouverture du recours pour excès de
pouvoir (2), l'incompétence de l'auteur d'une décision admi-
nistrative part de la notion de compétence.
La compétence d'une autorité administrative est condi-
tionnée par l'exigence du principe fondamental de l'habilita-
tion : toute compétence doit repos~r sur un titre juridique.
(1) Achille MESTRE, article précité, p. 2.
(2) CE. 28 mars 1807, DUPUY IJriace, Rec, p 75, précité.

Elle est par conséquent synonyme d'une aptitude juri-
dique, de préférence un texte écri t en vigueur, conférée à
l'autorité administrative afin d'émettre au nom d'une collec-
tivité publique telle l'Etat, une collectivité locale, un éta-
blissement public, voire un organisme privé gérant un service
public, des actes administratifs sur un territoire et pour un
temps donné. ('est la raison pour laquelle cette notion de
compétence est la résultante de trois éléments.
En langage technique en effet, on parle distinctement de
compétence ratione materiae par rapport aux matières sur
lesquelles elle porte, de compétence ratione temporis relati-
vement à la dimension temporelle de l'autorité habilitée à dé-
cider et enfin de compétence ratione loci traduisant le cas
d'une autorité administrative qui prend une décision dans son
ressort géographique.
A l'inverse, l'incompétence pourrait être définie comme
l'inaptitude juridique ne permettant pas à un individu d'é-
mettre un acte administratif. Tout comme la précédente défini-
tion dont elle découle,
la notion d'incompétence recouvre
aussi bien l'élément matériel que temporel et territorial (1).
Considérée par l'Ordonnance de 1972 comme un cas d'ouverture
du recours pour excès de pouvoir, l'incompétence est une irré-
gularité grave sanctionnée par le juge administratif. Le pro-
cédé normal de sanction juridictionnelle de l'incompétence est
l'annulation de l'acte administratif vicié à ce titre. Plus
grave encore, l'acte entaché d'incompétence est parfois consi-
déré comme nul et non avenu lorsque le juge administratif re-
court à la théorie de l'inexistence qui considère qu'un tel
acte n'est qu'un simple fait n'ayant jamais créé d'effet de
droit (2).
(1) Jean Marie AUBY, L'incompétence r;Hionc lcmporis, recherches sur l'application des actes administralifs dans le
temps, L.G.DJ. Paris, 1953 ,
G. LlET-VEAUX, L'incompétcncc ratione Loci, Rcvuc administrative, 1964, p 29 .
.(2) C.E. 18 janvier 1918, RROCARD, Rec, p 43.
c.E. 31 mai 1957, ROSAN Girard, Rcc. p. 355, conclusions GAZIER

122
Toutefois, les formes d'incompétence étant multiples, la
présentation d'une typologie simple des hypothèses d'incompé-
tence voudrait que l'on distingue l~ar ordre de gravité dé-
croissante l'usurpation de pouvoirs du simple empiètement de
pouvoi rs" (1)
L'usurpation de pouvoirs est en effet une illustration
de l' i ncornpétence. Ell e nat t dès l' instant où une per sonne
physique, publique ou privée, émet un acte administratif en
l'absence de tout titre juridique. C'est le cas d'un quel-
conque particulier qui, sans titre ni qualité et donc dénué de
toute autorité, agit en s'immiscant dans l'activité de l'admi-
nistration. Le juge administrati f Camerounais, comme il lui
est de coutume d'être à la remorque de la pensée juridique
française, apporte une exception considérable au principe de
la compétence par le canal de la célèbre théorie des fonction-
naires de fait (2), le but inavoué étant sans doute de légiti-
mer certaines usurpations de pouvoir.
Dans une ancienne décision Dame CIVRA (3), se fondant
sûrement sur l'idée d'apparence (4) qui suppose que le fonc-
tionnaire de fait ait pu passer aux yeux des administrés pour
un agent public régulièrement investi des pouvoirs qu'il a
exercés, le juge Camerounais dit ceci : "considérant que la
jurisprudence prétorienne du Conseil d'Etat décide que l'indi-
vidu, qui se fait irrégulièrement investir, ne doit pas pou-
voir invoquer à son profit un titre irrégulier; le fonction-
naire de fait peut cependant réclamer une indemnité égale à
l'enrichissement procuré par son fait au patrimoine investi".
Certes, cette décision date de l'époque du Conseil du
contentieux administratif parfois perçu comme l'incarnation de
la juridiction administrative coloniale, à juste titre. Mais,
peut-on encore formuler une critique valable lorsque le juge
proprement national atteste de la validité des actes accomplis
par le fonctionnaire de fait dans un souci d'intérêt général,
(1) Achille MESTRE, Recours polir excès de pOllvoir (moyens d'annulation), op cil p ,1.
,(2) Gaston GEZE, Essai d'une théorie f(énérale des fonctionnaires de fail. RD!'. 1C) 1·1, l' ,IX
(3) Arrêt N° 224/CCA. du 27 mars 1953.
(4) E. JOUVE. Recherches sur la notion d'apparencc en droit administratif rrançais, RD.P 1968, P 283.

c'est-à-dire quand la nécessité du fonctionnement des serVlces
publics est urgente? l'arrêt Dame KIEFFER_Marguerit~ articule
cet assouplissement aux règles de compétence en ces termes
sans équivoque : t~ttendu que ... les groupes d'auto-défense
avaient été constitués avec l'autorisation tacite du Maire de

NKONGSAMBA et du préfet du MUNGO, pour suppléer à l 'insuffi-
sance du service d'ordre.

Que l'auteur de cet accident, qui a été condamné pour
homicide par imprudence par le tribunal
correctionnel
de
NKONGSAMBA, doit donc être considéré comme ayant été en servi-
ce au moment des faits et que la jurisprudence concernant les
fonctionnaires de fait doit trouver son application en l'espè-
ce" (1)
La compétence d'une autorité administrative étant une
règle d'ordre public (2), sa violation est censurée par le
juge administratif même lorsque l'incompétence qui en est la
conséquence immédiate apparaît sous la forme d'un empiètement
de pouvoi. r .
Tout part du principe selon lequel l'autorité adminis-
trative doit respecter la répartition des compétences au sein
de l'administration. Par exemple, l'article 9 nouveau de la
consti tution en vigueur dispose que le Président de la
Républ ique "nomme aux emplois civi Is supérieurs" tandis que le
Premier Ministre "nomme aux emplois civi ls". Le décret N°
91/282 du 14 juin 1991 préci.sant les attributions de ce der-
nier procède à une énumération exhaustive des emplois civils
qui
sont de sa sphère de compétence,
à
l' excepti on des
Ministres, Secrétaires généraux de Ministères, Gouverneurs de
province, etc ... Si donc le Premier Ministre venait à émettre
(1) Arrêl N° 4/CrJ/J\\ss.pl, dll 4 novcmhrc 1<)(,S, KIFrrTR M~rgllerilc (dame) clEt;lI dll Camerolln.
(2) Arrêt N° 67R/C.C.J\\. du 27 décembre 19S7, sieur NDJOCK r~ul clEtal du Cameroun, "considérant que les règles
de compétence élnnl d'ordre {'"Mir. l'irrégulnrilé d'ufI nr/l' fil' {'rlll filrl' ('(JIll'crlr {'nr /'n{'{'r(Jhnlion ou les in.rtruc-
lions de l'auIorité cO/TI("'Ienle".
Dans le rm'nlc sens, t\\rrêl N° 3(,7/('(' t\\ du 3 septembrc l'JSS, t\\IlNYFM Marlial
crrerriloire du Cameroun.
;--:.-
.. ----_.

un acte administratif nommant ces derniers, il y a incontesta-
blement empiètement de pouvoir puisque cette compétence appar-
tient à l'autorité administrative suprême qui est le Président
de la République. Ce genre d'atteinte à la règle de réparti-
tion des compétences est normalement sanctionnée par le juge
qui, d'après la formule du Professeur HüSTlüU, dira qu' "est
irrégulière la décision d'une autorité administrative prise
dans une matière où le pouvoir décisionnel appartenait à une
autre autorité" (1). Schématiquement, il y a empiètement de
pouvoir dans trois hypothèses :
- L'autorité administrative inférieure décide au lieu et
place de son supérieur hiérarchique, de façon irrégulière,
cOrJ1Tle c'est le cas dans l'exemple ci-haut mentionné;
- Inversement, il peut y avoir empiètement sur les pou-
VOlrs d'une autorité inférieure (2) ;
- L'empiètement de pouvoir peut enfin jouer par rapport
à une autorité administrative hiérarchiquement égale, c'est-à-
dire ni supérieure, ni inférieure. C'est ainsi qu'un Ministre
ne peut statuer à la place d'un autre, que le préfet du Dja-
et-Lobo ne peut transgresser son champ géographique pour aller
décider dans le département du Wouri.
(1) René HOSTIOU, Procédure et forme~ de l'acte administratif unilatéral en droit Français, op cil, p 227 ; l'auteur
cite en outre M. F VINCENT pour qui "si une autorité adminütrative agit en dehors du domaine qui lui est préalable-
ment jUé, elle méconnaît le principe de III répartitioll df cnmpétences entrc les agnI/.\\' pubhcL La juridictioll atlmi-
nistrative sanctionne donc les empiètcmell/'\\ effectués par UIIC autorité sur le.f pouvoirJ d'une autre all/orité", in le
pouvoir de décision unilatérale des autorités adl11inistrative~, l3ibliothèque de droit public. Tome 70, L.GD.J. Pari~,
1966, p76,
(2) Arrêt sieur NDJOCK Paul ~uscité, "considérant ... qu'il est de jurisprudence ... qu '''lie autorité supérieure ne l'eut
pas en l'absence de düpositions législativc.\\' ou ré,r:lementaires le lui autorülIllt se .wbstituer à ulle autorité inférieu-
re pour faire un acte que celle-ci seule est habilitie à accomplir"


Toutefois,
la nécessi té de conci 1ier des questions
d'ordre pratique comme l'indisponibilité de l'autorité admi-
nistrative et le sacro-saint principe de la continuité du
Service public conduit d tempérer la raideur du principe de la
stricte répartition des compétences. Les modalités de cette
flexibilité qui autorisent d cet effet l'autorité administra-
tive inférieure d empièter légalement sur les pouvoirs du su-
périeur se traduisent par la suppléance, l'intérim et l'élé-
ment le plus important qu'est la délégation : Cette délégation
peut d'une part consister en une délégation de pouvoirs qui
dessaisit l'autorité supérieure délégante de sa compétence ou
en une simple délégation de signature qui ne fait pas du délé-
gataire l'auteur véritable de la décision et qui a un caractè-
re très personnalisé d'autre part. Ces deux variantes de délé-
gations nécessitent absolument un texte d'habilitation et un
acte de délégation qui ne peut être que partielle c'est-d-dire
que la délégation doit porter sur un nombre limité de ma-
tières(l).
Hormis ces exceptions, tout autre agissement de l'auto-
rité administrative susceptible de contredire la répartition
tant verticale que horizontale des compétences s'identifie d
l'incompétence que l'Ordonnance du 26 août 1972 classe au rang
des cas d'ouverture du recours pour excès de pouvoir, au même
titre que le vice de forme.
1 : LE VICE DE FORME
Si l'ordonnance du 26 août 1972 prévoit que le vice de
forme est constitutif d'excès de pouvoir, il reste d préciser
les modalités formelles qu'est tenu de respecter l'autorité
administrative lorsqu'elle édicte un acte, sous peine de voir
son action entachée d'illégalité. En réalité, la présentation
de ces modalités dépend de l'idée que l'on se fait de la no-
tion de ttvi ce de forme".
(1) Jugement N° ~6/CSIC!I du 6 mai 19R2, OYIE TSOC,O Jo~eph clEI;t1 du Cameroun
"Allendu que les pouvoirs que
le décret du 9 novembre J978 reconllaÎt au Secrétaire général de la l'rOI' il/ce Ile I/li confère {//ICWle autollomie l'is-à-
vis du Gouverneur dont il reçoit d'ailleurs délégation de signatllre qui ne dessai.nt par le délégant au profit exclusIf
du signataire délégué".

126
M. BINYOUM Joseph rapporte qu,non entend par vice de
forme le fait que l'autorité administrative n'a pas respecté
les formalités qui conditionnent la prise d'une décision" (1).
Ce qui lui permet de considérer comme telle la violation des
droits de la défense en matière disciplinaire, ou encore l'é-
conomie de l'avis préalable d'un organe consultatif clairement
répercutées par la jurisprudence administrative. Aussi peut-on
relever que cette approche d'identification du vice de forme
entraînant l'annulation de l'acte administratif s'inspire lar-
gement de la pensée juridique Française systématisée par le
Professeur HOSTIOU, à travers l'adoption d'une summa divisio
entre formalités facultatives et obligatoires (2). Qui plus
est, le raisonnement de M. BINYOUM est en parfaite connexion
avec la jurisprudence administrative Camerounaise qui dis-
tingue entre formalités substantielles et formalités non-sub-
stantielles (3) ; distinction qui, du reste, trouve sa source
originelle dans le droit Français (4).
Cependant, pareil schéma de définition semble porter à
confusion dans le mesure où il recouvre une illégalité à part
entière
qui
entache
la
procédure
d'émission
de
l'acte
administrati f,
le vice de procédure qui n'est pourtant pas
prévu par le texte de 1972. On sait tout de même que ce type
d'illégalité se confond avec la violation de la juridicité,
compte tenu du développement considérable du formalisme admi-
nistratif au Cameroun. Ce qui ne doit pour autant pas consti-
tuer un motif d'amalgame qui, à y regarder de très près, dé-
coule de l'usage abusif de la notion de formalité.
(1) Joseph BINYOUM, Contentieux administratif, op cit, p 114, dans l'esprit de cet auteur, le non respect des droits
de la défense consacré par le jugement BENE BEU.A L'Imbert, précité, ct l'arrêt N° 901CFJfCAY du 30 septemhre
1969, MESSOMO ATENEN Pierre est synonyme de vice de forme, de même que l'arrêt N° 122fCFJfCA y du 8 décemhre
1970, B1SSIONGOL Boniface qui annule un arrêté du Secrétaire d' Elat il l'enseignement portant exclusion d'un élève
de l'école de PITOA sans avoir recueilli au préalahle ravis du Conseil de discipline prévu par l'article 31 d'un décret
du 20 janvier 1966.
(2) René HOSnOU, Procédure ct Formes de l'acte administratif., op cil, p 217 ct s
(3) AlTêt W 55/A.0.OfCFJfCAY du 25 mars 1%9, EM[NI TINA, précilé;
Arrêt N° 65/CFJ/CAY du 30 septembre 1%9, EVINA AOA Chrislophe clElal du Cameroun,
Arrêt W 12I1CFJ/CAY du 8 décembre 1970, SITAMZE Urbain clEtal du Cameroun;
Jugement W 4O/CSfCAI79-80 du 29 mai 1980, MONKAM TIENTCIŒU, précilé;
Arrêt N° 18/i\\/CS/Ardu 24 mars 19R<l, NANA David, précilé
(4) Sur la principale division enlre formalilés facullalives cl obligatoires, le Professeur IIOSTIOU dit que [e non res-
pect des premières serail sans effet sur [a validilé juridique de racle adminislratif Quanl aux secondes, il opère une
sous-distinction: lorsque la formalilé obligaloire esl requise, l'acte qui ne "observe pas doil êlre annulé; si elle esl
simplement accomplie de façon défeclueuse, le juge administralif recherchera le caractère substanliel ou non de l' irré-
guarité. Le juge Français adhère d'ailleurs à celle présenlalioll doclrilla[e Cil cc sells qu'il dislillgue les fonnalilés
substantielles de celles qui ne [e sont point.

127
Par conséquent, une délimitation rlgoureuse du Vlce de
forme s'impose.
Ce faisant, par vice de forme, on devrait entendre l'i-
nobservation des règles de forme de l'acte administratif par
celui qui en est l'émetteur. Le vice de forme)stricto sensu)
est exclusivement relatif à la forme même de la décision admi-
nistrative unilatérale. Qu'est-ce qui peut finalement être re-
gardé comme tel 7.
Globalement, la présentation proprement dite de l'acte
administratif permet d'établir s'il y a vice de forme ou non.
Or ici, on sait déjà que la position jurisprudentielle est peu
formaliste. Si la décision administrative est, de préférence,
écrite dans la pratique Camerounaise, elle peut néanmoins re-
vêtir une forme verbale. Le jugement N° S/CS/CA du 29 novembre
1979. TCHUNGUI Charles c/Etat du Cameroun conforte cette as-
sertion car on y lit que "les actes administratifs peuvent
être écrits ou verbaux, ou constitués en de simples absten-
tions ou retards".

L'exception au principe de l'expression
orale doit nécessairement être prévue par un texte juridique
supérieur, à l'instar de l'article 8, alinéa 2 de la loi N°
90.56 du 19 décembre 1990 relative aux partis politiques qui
prévoi t que
"tout refus d' autorisati on (d'existence l éga l e
d'un parti politique émanant du Ministre de l'Administration
Territoriale) doit être notifié par tout moyen laissant trace
écrite".
Au-delà de cette considération générale, les divers élé-
ments du contenu de la décision administrative doivent en
outre être visés. Le titre, les visas, les motifs, le disposi-
ti.f, la date et la signature sont-ils susceptibles d'être
considérés comme vices de forme au cas où ils ne figurent pas
dans l'acte 7 en l'absence de tout rigorisme normati.f régis-
sant leur rédaction au Cameroun, seuls les motifs de l'acte
sont le paramètre déterminant car ils n'ont pas la même valeur
juridique que les autres éléments formels. Et encore faut-il
préciser que la régularité formelle ne joue que dans les cas

limités où la motivation des actes administratifs est impéra-
tivement requise dans le droit public Camerounais (1). Tout
vice de forme ne conduit donc pas automatiquement 6 l'annula-
tion de l'acte en cause.
En substance, il y a excès de pouvoir, au sens de l'ar-
ticle 9, alinéa 2(a) de l'Ordonnance de 1972, lorsqu'une déci-
sion administrative revêt l'une des illégalités externes que
sont l'incompétence de son auteur ou le vice de forme attaché
à ladite décision. Mais là ne s'arrête point l'excès de pou-
voir entraînant l'annulation juridictionnelle car deux autres
types d'irrégularités sont prévues par la même ordonnance et
sont par ailleurs rangées dans la rubrique des illégalités in-
ternes.
B: LES ILLEGALITES INTERNES A LA DECISION ADMINISTRATIVE
IILa violation d'une disposition légale ou réglementaire"
et
Ille détournement de pouvoir" interviennent chronologique-
ment à la suite de l'énumération du texte référentiel du 26
août 1972. La doctrine assimile ces cas d'ouverture du recours
pour excès de pouvoir à des illégalités internes pour la
simple raison que, par rapport aux effets de l'annulation
contentieuse d'un acte, son auteur ne pourra plus valablement
prendre la même décision jugée illégale. Cette conséquence est
alors la frontière que l'on dresse habituellement entre les
précédentes illégalités externes et celles-ci.
1: LA VIOLATION D'UNE DISPOSITION LEGALE OU REGLEMENTAIRE
D'emblée, on pourrait voir en cette formule Camerounaise
un mérite certain d'approche nettement précise, relativement à
l'expression de violation de la loi qui a libre cours dans le
droit Français. En effet, prise dans une signification large,
la violation de loi est susceptible de recouvrir l'intégralité
(I) Voir les développements sur le contenu de l'acle adJllllllstrali[ rédigé. Section l,Ide sa SS "

129
des cas d'ouverture du recours pour excès de pouvoir. Ainsi,
par exemple, de l'hypothèse de l'incompétence qui peut, à
juste titre, être observée comme la violation des règles rela-
tives à la répartition des compétences administratives.
Seulement, ces différences superficielles de terminolo-
gie se fondent toutes dans la traduction d'un seul et même
principe juridique qu'est le respect de la légalité. Dire que
la violation de la loi formelle ou d'un réglement administra-
tif sont constitutifs d'excès de pouvoir revient à subordonner
l'autorité administrative au droit qui régit son activité. Le
juge administratif a déjà eu l'opportunité d'affirmer ce prin-
cipe de légalité, ou plus exactement de juridicité, et de le
définir en ces termes : tt•••
les actes administratifs sont
soumis au principe de la légalité, principe fondamental dans
le droit administratif moderne;
... ce principe signifie que l'acte administratif doit
respecter les lois
formelles,
et cela,
du reste,
en deux
points de vue: d'une part, il ne doit pas enfreindre une dis-
position de la loi, d'autre part, il doit s'appuyer sur la
loi, c'est-à-dire que l'autorité administrative qui l'édicte
doit en avoir reçu de la loi compétence .
... Le principe de la légalité implique aussi une sou-
mission des autorités administratives au respect de toutes les
règles de droit qui s'imposent à elles, règles qui ne sont pas
seulement issues des lois formelles, mais aussi des sources
telles que les règlements ou encore les principes non écrits
que la jurisprudence considère comme s'imposant à l'adminis-
trati on

et
que
l'on
appe Il e
les
pri ncipes généraux du
droi t"(l)
Cette tendance jurisprudentielle
va donc au-delà des
dispositions textuelles de 1972 en fixant que même les règles
du droit jurisprudentiel s'imposent lors du processus d'émis-
sion de
la
décision administrative.
Bien
plus,
le
juge
Camerounais retiendra comme source d'illégalité la violation
(1) Jugement N° 62/CS/CA du 2.') septembre 19RO, société Assureurs Conseils Franco·Africains (ACTRA) clElat du
Cameroun (MINFI).

des stipulations contractuelles par un acte administratif unl-
latéral et annulera pareil acte (1).
Cette violation des
règles de droit que l'administration doit pourtant scrupuleu-
sement observer s'analyse en une pluralité de modalités:
- L'autorité administrative ou tout au moins l'auteur
d'un acte administratif agit sans se référer à la norme qui
canalise son action. L'exemple peut être tiré de ce décret
présidentiel révo~~9r.thun agent public de ses fonctions, pris
sans consultation~~dù~(ànseil de discipline pourtant prescrit,
par le décret N° 74/138 du 18 février 1974 portant statut
Général de la Fonction publique (2) ;
- En toute connaisance du texte applicable, l'auteur de
l'acte en vient à donner une interprétation jugée erronée (3);
- L'autorité administrative fonde sa mesure sur un texte
qui ne s'applique pas du tout au cas à régler, la jurispruden-
ce administrative qualifiant une telle irrégularité de itmanque
de base légale" (4) ;
Enfin, un acte pris en violation d'une disposition lé-
gislative ou réglementaire intervient quand son auteur se
tr~npe sur les faits justificatifs dudit acte: le langage ju-
risprudenti.el fait alors usage de l'expression "motifs maté-
riellement inexacts"
(5). Une telle défectuosité dans le fonc-
tionnement de l'administration entraîne inévitablement l'annu-
lation de ses actes au même ti.tre que le détournement de pou-
VOlr.
(1) CS/CA Jugement du 27 octobre J9RR. Compagnie Forestière Sangha Ouhangui (CFSO) . noIes KG. NLEP. recueil
Penant. W 806. juin-octobre 1991, pp 276-280.
(2) Arrêt W 40/A/CS/AP du 23 juin 1983. Elat du Cameroun c.lNIJONGO André.
(3) Jugement N° 55/CSICA du 22 avril 1976. MflA RGA Emile clElat du Cameroun
(4) Arrêt du Tribunal d'Etat du 2 décembre 1960, NGUENGANG Jean clElat du Cameroun Oriental;
Arrêt N° 31AICSIAP du 26 novembre 1981. Procureur Général près (le la Cour Suprême - Etat du Cameroun c/LELE
Gustave,
(5) Jugement N° 17ICS/CA du 3 février 1977, MINEU ELOMO Bemard-Marie clEtat du Cameroun.
Jugement N° 331CSICA du 31 mars 1977. KOnENA Samuel c/Uat du Camerolill .
Jugement N°37ICSICAI89-90 du 31 m,li 1990. ATEH A le:r;ander clEtat du Cameroun. "est entachie ri 'excès dc pou-
voir et comme telle susceptible d'être annulée par le jugc admi/liJiratij, /OlIlc décùio/l qui rCJ'0.I"C sur les faits 1/uaé-
rie/Jemenl inexacts" ;
Jugement N° 126/CS/CA/90-91 du 25 juillet 199], ITONIX) TOKO Blaise e/Elal du Cameroun
"est entachée d'cx-
cès de pouvoir .. , toutc décision reposant sur lcs faits qui .le rél'èlen/1Ilnlérie/lemell/ inexl1rLI" " ; Le juge conclut enfin
que l'erreur sur les fails molivanl une décision administrative "implique aUHi ce qu '011 appelle erreur de droit".

~: LE DETOURNEMENT DE POUVOIR
Le détournement de pouvoir est le quatrième cas d'ouver-
ture du recours pour excès de pouvoir prévu dans le conten-
tieux administratif Camerounais et visant, tout comme les pré-
cédents moyens d'annulation, d faire sanctionner par la juri-
diction administrative les éventuelles illégalités qui pour-
raient intervenir dans les décisions unilatérales des autori-
tés administratives. Il se produit lorsque ces dernières usent
de leurs pouvoirs en vue des fins autres que celles pour
lesquelles ils leur ont été confiés. C'est sans doute la rai-
son pour laquelle on peut définir ce motif d'annulation comme
une arme du contrôle juridictionnel de l'acte administratif
portant essentiellement sur le but poursuivi par son auteur.
Loin de se présenter sous une forme unique, le détournement de
pouvoir peut valablement être invoqué dans deux séries d'hypo-
thèses bien distinctes.
Le premier cas de détournement de pouvoir est suscep-
tible de se manifester dans le champ de la stricte application
du
principe
de
juridicité
qui,
rigoureusement
entendu,
contraint les agissements de l'administrateur dans les fron-
tières du schéma normatif prévu d cet effet. Il peut alors
s'agir de l'hypothèse où l'exercice des pouvoirs de police ad-
ministrative par l'autorité compétente sert de prétexte pour
infliger une sanction déguisée, ou encore de l'exercice du
pouvoir disciplinaire dans la fonction publique aboutissant d
une sanction négative alors que l'agent incriminé n'a nulle-
ment enfreint le code de déontologie administrative prévu dans
le statut général de la fonction publique. Ces exemples de ju-
ridicité biaisée traduisent bel et bien la manifestation du
détournement de pouvoir puisque l'auteur de la décision admi-
nistrative poursuit un but opposé à celui prévu par le droit.
Or, aux termes de l'article 71 de la Loi Communale du 5 dé-
cembre 1974, les pouvoirs de police doivent être exercés en
vue "d'assurer ... l'ordre, la tranquilité et la salubrité pu-
bliques" et par conséquent rien d'autre qui ne soit conforme à
cet esprit de la loi. De même, le décret du 18 février 1974
relatif au statut général des fonctionnaires institue un régi-
me disciplinaire dans ses dispositions 129 à 169 afin de pré-
server le bon fonctionnement du service public et non dans le
but de permettre d certains responsables de confondre la saine

relation hiérarchique et l'assujetissement outrancier' des
subordonnés. Le juge administratif vient confirmer cette ana-
lyse théorique lorsqu'il considère qu' "est entaché de détour-
nement de pouvoir l'acte accompli par l'administration dans un
but autre que celui en vue duquel les pouvoirs dont elle dis-
pose lui ont
été confiés" (1).
Une hypothèse toute différente de détournement de pou-
voir peut également émerger lorsque la norme juridique qui
régit l'activité de l'autorité administrative ne détermine pas
avec précision le contenu de la mesure à prendre ou qu'elle
lui laisse une certaine marge de manoeuvre soumise entièrement
d son appréciation; l'exercice de ce type de pouvoir qu'on
qualifie en droit administratif de discrétionnaire ne doit pas
pour autant constituer une liberté d'action qui permette à la
personne publique de décider dans son intérêt propre ou dans
l'intérêt d'un particulier, mais dans le but de résoudre les
problèmes de la collectivité.
La poursuite d'un but contraire à l'intérêt général est,
de ce fait, assimilable à un mauvais usage du pouvoir discré-
tionnaire auquel le juge ne manquera pas d'opposer sa censure.
('est ainsi qu'il considère comme entaché de détournement de
pouvoir et qu'il annule par conséquent un décret du Premier
Ministre portant expropriation et visant à réaliser un certain
nombre d'opérations au profit d'une fraction très limitée de
la population: "considérant que sont d'utilité publique les
opérations destinées à satisfaire les besoins de l'ensemble de
la population d'une collectivité territoriale ou tendant à
réaliser un objet d'utilité générale. Mais considérant en
l'espèce que la cité, le club et le terrain des sports en pro-
jet de construction tendent à servir l'intérêt de quelques
particuliers (le personnel de l'électricité du Cameroun) à
l'exclusion de l'ensemble de la population de Yaoundé; que
dès lors ces travaux ne présentent pas le caractère d'intérêt
général
pouvant justifier une déclaration d'utilité pu-
bl ique"(Z).
(1) Arrêt N° 120/CFJ/CAy du 8 décembre 1970, nlLA E Jean c/Elal du Cameroun Oriental.
(2) Arrêt N° 160IŒJ/CAY du Bjuin 1971, FOUVA MBALLA Maurice clElal du Cameroun Oriental.
Voir également, CS/AP, Arrêt du ) 6 ;\\oOt 1990, ;\\Ibert aNa NG;\\ rOR c1Etat du Cameroun, Recueil pr:NANT N° 812,
Mai-Septembre 1993, pp 245-250: "Est con,ffitutij de dé/ourncmcnt dc 1'0011'oir, un actc l'ris ct exécuté l'our un
motif déguisé visant à dOllner sa/isjac/ioll il UII /ier.r dans /'arbilralle d'un /iti,~e jOllcier".

133
c'est finalement sous ces deux aspects entérinés par la
jurisprudence administrative que doit être compris le motif de
détournement de pouvoir dans le contentieux de l'annulation
des décision~ administratives. Bien plus qu'un pouvoir d'annu-
ler la décision qui lui est déférée par le justiciable, ce
dernier dispose à travers le contentieux de la réparation
d'une toute autre voie destinée à faire sanctionner les actes
administratifs unilatéraux illégaux.
SIS II : LE CONTENTIEUX DE LA REPARATION
Le contentieux juridictionnel de l'acte administratif
unilatéral, qui fait partie des matières soumises à la compé-
tence du juge administratif, se développe aussi par le canal
des requêtes en indemnités consécutives aux contestations de
l'autorité de chose décidée. Ce volet du contentieux adminis-
tratif possède un double support normatif, constitutionnel et
législatif notamment.
L'article 32, alinéa 3 de la constitution en vlgueur,
ce 11 e du 2 j ui n 1972,
di spose en substance que la Cour
Suprême, lorsqu'elle est chargée du contentieux administratif,
statue souverainement sur les recours en indemnité dirigés
contre les actes administratifs. Plus explicite paraît la lec-
ture de l'article 9, alinéa 2(b) de l'ordonnance N° 72/6 du 26
août 1972 (1) qui fait allusion à la formule d'''actions en in-
demnisation du préjudice causé par un acte administratif". De
ces textes juridiques de référence découle l'importance à ana-
lyser, d'une part, les difficultés théoriques qui se posent au
recours en indemnisation du fait d'un acte administratif, et
d'autre part, les modalités pratiques de l'indemnisation re-
cherchée par les justiciables au regard de la jurisprudence
administrative.
Ù) C'est elle qui fixe l'organisation de la Cour Suprême el détermine dans son article 9 les grandes lignes des liliges
relevanl du contentieux administratif
' )

134
! : LES PROBLEMES THEORIQUES DU RECOURS EN INDEMNISA-
TION DU FAIT D'UN ACTE ADMINISTRATIF
Trois interrogations fondamentales méri tent quelques
clarifications:
· Quel est le sens preC1S à donner à la formulation de
l'article 9, alinéa 2(b) de l'ordonnance de 1972 ?
· Qu'est-ce qui est susceptible de justifier l'action en
indemnisation liée à une mesure de l'Administration?
· Les conditions de saisine du juge dans un tel conten-
tieux sont-elles antinomiques ou non par rapport au régime du
contentieux de l'excès de pouvoir?
A : L'INTERPRETATION DU PRINCIPE DES "ACTIONS EN INDEMNI-
SATION DU PREJUDICE CAUSE PAR UN ACTE ADMINISTRATIF"
Cette formule issue de l'article 9, alinéa 2(b) du texte
de 1972 tlayant force de loi" peut, a priori"paraître d'une
clarté irréprochable alors qu'à l'analyse, trois importants
concepts ou expressions en constituent l'armature. D'où l'in-
térêt d'esquisser quelques éléments de signi fication dans
l'attente d'une position jurisprudentielle curieusement absen-
te jusqu'à présent.
Tout d'abord, l'expression d'actions en indemnisation
apparaît au premier rang des éléments de l'axiome législatif.
Elle peut tout simplement signifier que le requérant qui sai-
sit le juge administratif doit lui adresser un type de recours
ou requête bien précis: le recours en réparation qui oblige
la juridiction saisie à accorder une indemnité si elle estime
le requérant fondé. En clair, l'incidence d'une action en in-
demnisation à l'égard du juge administratif est que ce dernier
interviendra en tant que magistrat du plein contentieux et non
plus comme juge de l'excès de pouvoir dans l'hypothèse du
contentieux de l'annulation. Ainsi pourrait se résumer toute
la différence, la propriété intrinsèque de l'action en indem-
nisation résidant finalement dans la prétention à obtenir une
réparation.

Vient ensuite la notion de préjudice qui, visiblement,
ne retient guère l'attention de la jurisprudence administrati-
ve qui se borne uniquement à en dégager les traits carctéris-
tiques plutôt que de fournir une acception générale et abs-
traite. Le préjudice pourrait toutefois s'analyser, dans le
contexte de la formule de l'Ordonnance du 26 août 1972, comme
un tort, une lésion ou la perte d'un droit du fait de l'admi-
nistration ; c'est en d'autres termes porter atteinte aux in-
térêts (1) de l'administré par le simple fait d'un acte admi-
nistratif.
La notion d'acte administratif, source du préjudice en
question, constitue l'ultime composante de l'axiome législa-
tif. Compte tenu des précédents développements consacrés à ce
concept, on ne peut que se limiter à rappeler qu'il est syno-
nyme d'''acte juridique unilatéral pris par une autorité admi-
nistrative, dans l'exercice d'un pouvoir administratif, et
créant des droits et des obligations pour les particuliers"(2)
ou d' "acte juridique unilatéral d'une administration qualifiée
et agissant en tant que telle susceptible de produire par lui-
même des effets de droi t" (3).
Ce faisant, l'interprétation intégrale de la règle des
"actions en indemnisation du préjudice causé par un acte dmi-
nistratif" signifie que, par rapport au problème de la compé-
tence de la juridiction administrative, le juge administratif
reçoit pouvoir, de par la loi, de connaître des recours en ré-
paration à lui adressé par les justiciables potentiels lorsqu-.
'ils
mettent
en
cause
des
décisions
unilatérales
de
l'Administration leur créant un préjudice. Plus simplement, la
réparation du préjudice né d'un acte de l'Administration est,
aux termes de l'article 9, alinéa Z(b) susvisé, du ressort de
la compétence matérielle de la juridiction administrative.
(1) Maurice KAMrO. Droit Administratif processucl du Cameroun. op cil, p 2l2.
(2) Arrêt N° 20/CFJ/AP du 20 rnills J96R. NGONG;\\NG NJi\\ NKE I\\f;-trtill. précité
(3) Jugement N° 23/CS/CA dll3 février 1977. YEY;\\PNJOY;\\ Joseph-Marie. précité

De toute évi den ce , l'accent étant ml s su r 1e 1i en de
causalité ou, mieux, sur la relation de cause à effet entre
l'acte administratif et le préjudice, la juridiction adminis-
trative, conformément à son champ de compétence, ne pourra que
se déclarer incompétente dans l'hypothèse contraire, c'est-à-
dire lorsque III 'action en indemnisation n'est pas basée sur un
préjudice causé par un acte administrati
f" (1)
En marge de cette question d'interprétation, il est tout
aussi intéressant d'analyser beaucoup plus amplement ce qUl
peut fonder une telle action en indemnisation.
B: LA DETERMINATION DU FONDEMENT D'UNE TELLE ACTION EN
INDEMNISATION
Le fondement normatif relevé doublement dans les dispo-
sitions constitutionnelles et législatives ci-haut mentionnées
n'est nullement celui qui interpelle la réflexion juridique.
Ce qui semble nettement plus attrayant, c'est de pouvoir éta-
blir la raison qui fait qu'un acte administratif soit à l'ori-
gine du préjudice. Car s'il est vrai qu'une action en indemni-
sation ne peut valablement être introduite que dans le but de
mettre en relief la responsabilité de la puissance publique,
il reste alors à en établir le fondement. L'observation de
deux cas contentieux pratiques mettant en cause la légalité
d'un acte administratif et la responsabilité conséquente de
l'Administration sont de nature à lever la difficulté.
L'Affaire NJIKIAKAM TOWA Maurice (2), tout d'abord, est
fortement révélatrice et les faits de l'espèce sont les sui-
vants : le requérant est ingénieur-statisticien en service au
Ministère de l'Economie et du plan. Par Arrêté N° 00S/CAB/PM
du Premier Ministre en date du 6 janvier 1978, il est affecté
à
BERTOUA en
qualité d'adjoint au
chef de
la
Division
Economique Provinciale de l'Est. Le défaut de notification par
l'Administration de cet acte d'affectation ne lui permet pas
(1) Arrêt NGONGANG NJANKE Martin, précité.
(2) Jugemenl N° 54/CS/CA/80-81 du 23 juin 1981

par conséquent de rejoindre son nouveau poste. Et pourtant,
par décision N° 449/MINEP/P du 10 juillet 1978 du Ministre de
l'Economie et du Plan, cette même administration en vient à
constater l'absence irrégulière du fonctionnaire. Entre temps,
un arrêté N° 179/CAB/PM du Premier Ministre en date du 16
Novembre 1978 le norrrne Directeur Adjoint des Etudes de la pla-
nification et des Statistiques au Minitère de la Santé pu-
bli que, sui te à des lirai sons de convenances personne Il es"
ayant décidé le fonctionnaire NJIKIAKAM à entreprendre des dé-
marches à cet effet.
Seulement,
par un autre arrêté N°
19Z/CAB/PM du 27 décembre 1978, le Premier Ministre rapporte
son acte précédent, et le 13 mars 1979, intervient un décret
79/113/PM de la même autorité, portant révocation de NJI-
KIAKAM TOWA de ses fonctions. C'est cet acte qu'il défère à la
Chambre administrative et demande à ce qu'il soit annulé pour
excès de pouvoir, d'une part, et que l'Etat soit, d'autre
part, condamné à lui verser des dommages-intérêts.
Sur le fond du litige, le tribunal de céans considère
qu'on ne peut parler d'absence irrégulière puisque la décision
d'affectation n'a
jamais été officiellement portée à
la
connaissance de l'intéressé et que la décision de révocation a
été prise sans consultation préalable du Conseil de discipli-
ne. Qu'il résulte de ces constatations que l'acte querellé en-
court doublement annulation et condamnation pécunai re de
l'Etat. L'appel interjetté par l'Etat n'inversera pas le cours
de la "chose jugée" puisque la décision des premiers juges est
"con fi rmée par adoption de mati fs". (1)
L'espèce MJOCK Georges Edward, révélée par un arrêt de
l'Assemblée plénière de la Cour Suprême du 19 juillet 1990,
viendra étayer le problème du fondement de l'action en répara-
tion des justiciables suite à l'application d'un acte adminis-
tratif contesté dans sa légalit~~Ici encore, le juge adminis-
tratif décide que la conséquence de l'annulation d'un acte ad-
ministratif implique l'octroi de dommages-intérêts pour répa-
rer le préjudice résultant d'une mesure d'exécution de la
(n Arrêl confirmatif de l'Assemhléc plénière de la Cour Suprême dll 24 mars 19XJ . ohservations ~ famice KAMTO.
recueil Penant, 1985, pp 347 à 3(,1.
(2) Voir Recueil I)ENANT, 11° 809, Illni ,'1 seplelllbre 1992. pp. 2.l i l-2.1(,. r;]pporlé par le l'résident de ladite cour.
M. DIPANDA MOUELLL

sanction
annulée,
le
Sl.eur
MJOCK,
chargé
de
cours
à
l'Université de Yaoundé, ayant en effet essuyé un "déplacement
d'office pour emploi équivalent du cadre de l'enseignement su-

périeur" par le chancelier de l'Université alors que cette dé-
cision
doit
être
prise
par
le Mi.nistre
de
l'Education
Nationale.
Le rapprochement de ces deux affaires montre assez alse-
ment que ul es actions en indemnisation du préjudice causé par
un acte administratif", selon la formule de l'ordonnance du 26
août 1972, trouvent leur fondement véritable dans l'illégalité
fauti ve de l' Admi ni stration. On en vi ent à conc lu re, sans
risque de se tromper, que l'exécution d'un acte administratif
illégal est constitutive d'une faute de nature à engager la
responsabilité de la puissance publique. La relation qu'il y a
entre l'acte illégal et la faute administrative qui en décou-
le, si le préjudice est établi, suffit à démontrer la justifi-
cation du contentieux de la réparation du fait des décisions
administratives. Cette assertion est du reste entérinée par
l'Assemblée Plénière de la Cour Suprême à l'occasion de l'af-
faire NJIKIAKAM TOWA Maurice. La lecture attentive du raison-
nement des juges d'appel, raisonnement qui n'est que l'écho de
celui formulé auparavant par le degré inférieur de juridic-
tion, est ainsi clairement exprimé: "considérant que pour al-
louer la somme de six mi Il ions de francs (CFA) au requérant à
titre de dommages-intérêts, les premiers juges constatent:
Attendu que suivant jugement 54/CS/CA/80-81 du 23
JUIn 1981, la Chambre administrative a invité NJIKIAKAM TOWA
Maurice à produire aux débats son dernier bulletin de solde;
Attendu, en effet, que dans ladite décision, la Chambre
administrative a admis le principe de l'indemnisation de l'in-
téresé, ayant estimé que le préjudice matériel subi par NJI-
KIAKAM TOWA Maurice s'analysait en la privation du traitement
de l'intéressé par la faute de l'administration qui l'a mis en

état de ne pas exercer sa fonction à la suite d'actes irrégu-
liers ;
... les premiers juges, par les constatations relevées
ci-dessus, ont suffisamment justifié leur décision qui mérite
d'être confirmée par adoption de motifs".

Ce principe de la réparation par l'Administration du
préjudice résultant de l'illégalité fautive de son acte n'est
qu'une confirmation des décisions antérieurement rendues par
la Chambre administrative de la Cour Suprême (1). Inversement,
il est admis que l'acte administratif légal ne peut constituer
une faute engageant la responsabi 1i té de la pui ssance pu-
blique(2), du moins jusqu'à présent, contrairement au régime
de responsabilité en vigueur en droit Français (3).
Le recours en réparation fondé sur l'illégalité fautive
commise par l'Administration, tel qu'érigé par le juge natio-
nal, n'est en réalité que le reflet des sentiers battus du
juge Français, et rappelle notamment la célèbre affaire qui
opposait la Ville de Paris au sieur DRIANCOURT (4).
Mr DRIANCOURT possédait un établissement d'appareils de
jeux sis à l'Avenue Victor Hugo à Paris, dans le 16ème arron-
dissement. Par décision du 7 décembre 1962 prise à la suite
d'une plainte émanant du Président de l'Association des Amis
de ladite Avenue, le préfet de police avait enjoint le sieur
DRIANCOURT de mettre fin à son exploitation. S'estimant lésé,
ce dernier avait saisi le Tribunal administratif de Paris aux
fins d'annulation de ladite mesure, pour excès de pouvoir. Par
jugement du 27 octobre 1964, il obtenait gain de cause et ce
jugement ne fut aucunément frappé d'appel. Par un second juge-
ment en date du 22 juin 1971, le même Tribunal parisien avait
condamné la Ville à payer une indemnité de 85.745 FF au sieur
DRIANCOURT.
Par requête N° 84.768, la Ville de Paris demandait l'an-
nulation du jugement du 22 juin 1971 qui l'avait condamné à
verser l'indemnité susvisée au sieur DRIANCOURT, en réparation
du préjudice né de l'exécution de la décision préfectorale du
7 décembre de l'an 1962.
(1) Jugement N" 3175/CS/C/\\y du J9 décembre 1975, l\\'lEN[>OUG/\\ Gérard dEtat du Camerouu ;
Jugement N° 48/CS/C/\\ du 4 mars 1976. '['AGNY KAMENI Joseph ciEtat du Cameroun;
Jugement N" 34/CS/C/\\ du 24 avril 19RO. ESSOUGOU Renoît, précité,
(2) Order N° 1174-75 or 281h Novembcrl974. I3lKANDi\\ Jean against the Camenxm Slatc.
(3) JEI\\NNE/\\ U. "Autour de l'arrêt commune de Gavarnie.' la resl'omabilité du fait des rèxlemellL~ léXll/emellt pri.r" ,
Mélanges SAYATIER. 1965. p. 375.
(4) CE. sec lion, 26 janvier 1973. Yille de Paris cisieur DRI/\\NCOURr, Rec , p 78, I\\1.DA, 1973. P 273

140
Sur le principe même de la responsabilité,le Conseil
d'Etat se prononça en ces termes clairs : ({considérant que
l'illégalité de la décision du préfet de police du 7 décembre
1962 a été constatée par un jugement passé en force de chose
jugée, que cette illégalité, à supposer même qu'elle soit im-
putable à une simple erreur d'appréciation, a constitué une

faute de nature à engager la responsabilité de la puissance
publique; que le sieur DRIANCOURT était en droit d'obtenir
réparation du préjudice direct
et certain qui a pu résulter de
l'application de cette décision illégale" (1).
Ce postulat jurisprudentiel amène le Professeur Jacques
MOREAU à préciser que la responsabilité de la puissance pu-
blique à raison des décisions entachées d'excès de pouvoir est
une responsabilité à base de faute de service et que les di-
verses formes d'illégalités fautives correspondent aux cas
d'ouverture en matière de recours pour excès de pouvoir (2).
Des justiciables Camerounais semblent peut être l'avoir com-
pris dans la mesure où bon nombre de requêtes contentieuses à
l'égard des actes administratifs sont doublement assorties de
prétentions en annulation pour excès de pouvoir et en condam-
nation de l'Administration au paiement de dorrrna,ges-intérêts.
Toutefois, poursuit l'auteur, si l'illégalité de l'acte
administratif est une condition nécessaire à l'existence d'une
faute, toutes les formes d'illégalités n'entraînent pas auto-
matiquement la mise en jeu de la responsabilité administrati-
ve; encore faut-i 1 que l' illégal i té invoquée ai t
causé un
préjudice. Or, tel n'est pas le cas pour toutes les formes
d'excès de pouvoir. Ce raisonnement nuancé à juste titre est
confirmé par la jurisprudence du Conseil d'Etat lorsqu'elle
(1) La responsabilité de l'administration du fait d'actes administratifs illégaux demeure, selon le droit jurispmden-
tiel, un principe cardinal inébranlé et, cc faisanl, constant. A la condition toutefois que le lien entre lesdites respon-
sabilités et illégalités soit prouvé, Car l'illégalité ne peut engager la responsabilité de l'administration que
lorsqu'elle est à l'origine du préjudice dont la réparation est recherchée comme "atteste une jurispmdence récente:
c.E. 17 avril 1992, THORY, ou 4 novembre de la même année, Maison de retraite de Lorgnes (citée par Yves GAUDE·
MET, revue de jurispmdence administrative, R.D, P W 1 - 1993, janvier-février, pp, 261-262),
A propos de plus amples développements relatifs il l'interférence entre l'acte juridique illégal, la responsabilité de la
puissance publique, le préjudice subi ct la réparation conséquente, on peut sc rért~rer il la bibliographie sélective ci-
après:
tfOHSEN KHALIL Kamel, "la notion d'illégalité et son rôle dal/s la rcs{)oll.mbilité de {'administratioll", thèse
Cdroit,Paris,1954;
- Jean-Claude HELlN, "Faute de service ct préjudire da 11." le cOlllel/lielU de la rcspoll.mbililé pour illéXalité" . Thèse
droi,t, Nantes, 1%9 ,
- DELBEZ (L), "De l'excès de pouvoir comme source de respolISalJililé" , RD,P, 1932. p. 440.
(2) "Dommages causés par des décisiol/s adminislralives enlachées d'excès de pouvoir", in J.C.A., N° 720

invoque par exemple l'illégalité tenant d un vice de forme
alors que la mesure administrative est justifiée au fond (1),
ou encore l'acte annulé parce que reposant sur un motif erro-
né, alors qu'un autre motif aurait pu le fonder légalement(2).
Fondamentalement repris dans le contentieux de l'indem-
nisation au Cameroun, on peut d'ores et déjà considérer que ce
principe suffit à résorber la question théorique du fondement
exclusif (3) des '~ctions en indemnisation du préjudice causé
par un acte administratif".

Il reste cependant à comparer
cette variante du contentieux juridictionnel de l'acte admi-
nistratif au contentieux de l'annulation.
Evidemment, le recours pour excès de pouvoir et le re-
cours en indemnité, ainsi que l'indique leur intitulé, sont
divergents sur le plan de la finalité poursuivie. Mais la
frontière entre eux paraît évanescente, puisque les conditions
de saisine du juge sont extrêmement proches aussi bien en ma-
tière d'annulation que lorsqu'il s'agit du contentieux de la
réparation.
C : LE RAPPROCHEMENT DES CONDITIONS DE SAISINE DU JUGE
DANS LES CONTENTIEUX DE L'ANNULATION ET DE LA REPARA-
TION
Le requérant qui intente une action en réparation du
préjudice né d'un acte de l'Administration doit incontestable-
ment réunir les conditions qui sont requises devant le juge de
l'excès de pouvoir. Tour à tour, son recours en indemnité
devra nécessairement s'appuyer sur une décision unilatérale.
(1) c.E., Section, 14 juin 1946, Ville de Marseille, Rec, p IR4.
(2) c.E., 15 juillet 1964, PRAT F1.0TrES., Rec, p 43R
(3) On peut aussi songer à développer la théorie de la responsahilité de la puissance publique il mison d'actes admi-
nistratifs légaux comme c'est le cas en droit Français. Ce contentieux qui marque la rencontre absolue entre les déci-
sions légales et celles non fautives est engagée sur la base de la responsabilité sans faute de l'administration dont on
sait que le fondement réside dans la rupture du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques (Michel
ROUGEVIN-SAVILLE, in Responsabilité sans f-aute, Encyclopédie DALLOZ Responsabilité de la puissance pu
blique).
Cependant, cette hypothèse où Je fonctionnemenl non fautif des services publics est il "origine de préjudices pour
les administrés n'est pas encore concrètement consacrée en contentieux administratif Camerounais Une explication
sociologique à celà tiendrait au fait que la nécessité d'une telle réparation ne s'est pas encore imposée il la conscicnce
deS justiciables, du juge administratif et même du législateur qui a l'hahitude de rrévoir les types de contentieux
auxquels pourraient être confrontées les administrations. En somme, la responsabilité administrative à r,liwn de ses
décisions est limitée à une responsabilité pour faute au Cameroun.

La loi N° 75-17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant
la Cour Suprême statuant en matière administrative dispose en
effet que IIs i le recours est dirigé contre une décision d'une
autorité administrative,

il est accompagné d'une copie de
cette décision" (1). Le juge de l'affaire TCHUNGUI Charles a
de surcroît raffermi cette règle de l'exigence de la décision
attaquée en ces termes : t~ttendu que le contentieux adminis-
tratif, qu'il s'agisse du recours en annulation ou de pleine
juridiction, des litiges portant sur les contrats administra-
tifs ou des recours en appréciation de légalité, porte sur des

actes administratifs qui peuvent être écrits ou verbaux, ou
constitués en de simples abstentions ou retards pourvu qu'ils
portent préjudice" (2). On comprend alors aisément que l'acte
administratif faisant grief dans le contentieux de l'excès de
pouvoir est synonyme d'acte administratif portant préjudice en
matière de recours en réparation. Ce qui est du reste conforme
à lettre de l'article 9, alinéa 2(b) de la loi du 26 août 1972
déterminant la compétence matérielle de la juridiction admi-
nistrative qui parle des t~ctions en indemnisation du préjudi-
ce causé par un acte administratif".

Au-delà du régime juridique de la décision en procès
proprement dite, tout recours en réparation du préjudice né de
la décision administrative est subordonné aux règles de la
double dimension personnelle et temporelle valables dans le
contentieux de l'annulation. C'est ainsi que celui qui solli-
cite la condamnation pécunaire de l'Administration devant le
juge administratif doit pouvoir justifier de sa qualité et de
son intérêt pour agir. Qui plus est, ce recours en réparation
est soumis au respect du délai général des recours contentieux
car il est dit que IIS0US peine de forclusion,
les recours
contre les décisions administratives doivent être introduits
dans un délai de 6@ jours à ccm~ter de la décision de rejet de
recours gracieux visé à l'article
12 de l'Ordonnance N° 72-6
du 26 août 1972" (3).
(1) d. Article 5.
(2) Jugement N° 5/rS/CA du 29 n(]\\'emhre 1979. rrécité
(3) cf Article 7. alinéa 1 de la loi N° 75-17 du 8 décemhre 1975 fi.nrlt la procédure devarilla Cour Suprême stalUan( en
matière administrative.

Ceci revient à réaffirmer le caractère contraignant et
incontournable du précédent contentieux qu'est le r'ecours ad-
ministratif gracieux préalable car, à titre de rappel d'une
disposition déjà évoquée, ule recours devant la Cour Suprême
n'est recevable qu'après rejet d'un recours gracieux adressé
au Ministre compétent où à l'autorité statutairement habilitée
à représenter la collectivité publique ou l'Etablissement pu-
blic en cause".

Ces conditions de recevabilité du recours contentieux,
valables aussi bien en matière d'excès de pouvoir qu'en ce qui
concerne le recours en réparation, n'épuisent pour autant pas
les éléments de rapprochement. Autant le justiciable qui défè-
re en annulation un acte administratif doit fondèr son recours
sur la violation par l'administration du principe de juridici-
té, ce qui correspond aux cas d'ouverture énumérés par l'ar-
ticle 9, alinéa 2(a) de l'ordonnance de 1972, autant toute
requête en réparation doit se fonder sur l'une des illégalités
fautives qui, on le sait, correspondent nécessairement aux
moyens d'annulation constitutifs d'excès de pouvoir. A ce
stade de la comparaison des conditions de saisine du juge, les
deux recours contentieux incitent à conclure à leur identité
pure et simple.
Toutefois, l'identité en question n'existe point sur
toute la ligne des éléments de comparaison, le délai pour for-
mer le recours administratif gracieux préalable présentant
quelques caractéristiques propres.
En effet, les délais d'exercice du recours gracieux va-
rient en fonction de la nature du litige: selon que le justi-
ciable sollicite du juge administratif qu'il annule un acte
qui lui fait grief, le recours gracieux doit être adressé à
l'autorité compétente dans les deux mois qui suivent la publi-
cation ou la notification à l'intéressé de la décision liti-
gieuse (1) ;lorsqu'on est en présence d'une demande d'indemni-
sation consécutive à l'application d'une décision préjudicia-
(1) Article 12 (a) de l'Ordonnance N° 72-6 du 26 aoOI 1972 fixant l'organisation de 1" Cour Suprême

144
ble, ce recours doit être exercé ((dans les six mois suivant la
réalisation du dommage (ou préjudice) ou sa connaissance" (1).
En définitive, si l'examen des problèmes théoriques liés
au contentieux de la réparation au Cameroun peut sembler com-
plémentaire à la formule très générale du texte de 1972, l'ap-
port jurisprudentiel en la matière est de nature à en renfor-
cer une compréhension optimale.
L'action en réparation du
préjudice né d'un acte fautif de l'administration ayant pour
finalité une indemnisation, il importe d'en scruter les moda-
lités pratiques.
ill: LES MODALITES PRATIQUES DE L'INDEMNISATION
Le juge administratif, saisi d'une action en indemnisa-
tion du préjudice subi par le fait d'un acte administratif,
doit précisément fixer le justiciable sur trois points : les
critères du préjudi.ce réparable, la forme d'indemnisati.on ac-
cordée de préférence et l'étendue de la réparation du préjudi-
ce.
A: LA FIXATION JURISPRUDENTIELLE DES CRITERES DU PREJU-
DICE REPARABLE
En application de la maxime législative des ttactions en
indemnisation du préjudice causé par un acte administratif",
le juge Camerounais s'est vu imposer le principe de la répara-
tion par l'administration du préjudice résultant de ses illé-
galités fautives. Mais en toute souveraineté, il a pu établir
que ce préjudice indemnisable, tel qu'élaboré par son homo-
logue Français, pouvait être matériel ou moral, voire même cu-
mulé dans son double aspect matériel et moral.
(1) Article 12 (b) de la même Ordonnance.

Le contentieux de 10 fonction publique qui est de loin
la matière génératrice du plus grand nombre de litiges admi-
nistratifs constitue en effet l'occasion de vérifier cette
ttpol itique jurisprudentielle". Si l'on y relève de prime abord
l'absence de définition abstraite de l'expression de préjudice
matériel et/ou moral, ce qui est, du reste, une lacune à com-
bler à l'avenir, force est de mentionner toutefois que le juge
apprécie au cas par cas chaque litige.
C'est ainsi qu'en matière d'acte administratif de révo-
cation irrégulière d'un fonctionnaire par exemple, il ressort
que le préjudice matériel pourrait s'analyser en la perte du
traitement que l'intéressé aurait dû percevoir, n'eût été la
faute de l'Administration l'ayant mis en réserve du service
effectif au moyen de l'application de la décision illégale.
Quant au préjudice moral, le juge semble le concevoir en fonc-
tion de l' impact psychologique néfaste que l'exécution de
l'acte de révocation produit à l'égard de l'agent sanctionné
irrégul ièrement. Cette indication théorique coïncide assez
nettement avec les formules utilisées par le juge de l'affaire
NJIKIAKAM TOWA déjà évoquée. Dans le souci de restituer fidè-
lement sa pensée, il estime en effet qu'il y a préjudice moral
lorsque UI 'intéressé vit une vie d'angoisse, ignorant la suite
qui sera réservée à sa requête (contentieuse) ainsi que son

avenir et celui de sa famille".
Dans d'autres décisions de
j usti ce on 1i t que ttl' attei nte à l'honneur et à l a réputa-
tion", ul a perturbation du mode de vie" constituent autant de
dommages moraux qui méritent d'être indemnisés.
Tout en transcendant cette summa divisio, le préjudice
indemnisable ou réparable, qu'il soit matériel ou moral, doit
en outre d'après les termes de la jurisprudence être '~erson­
nel, direct et certain" (1). Le caractère personnel du préju-
dice signifie que le dommage est limité au seul individu ayant
(1) Celte trilogie est lirée de l'Arrêl du 24 mars ] ()Rl, NJIKIAKAr-"l TOWA ~,lalllice ct raprclle vivement la !cllre de
l'Arrêt N° 352/CCA. du 12 juillet 1955, BIAO clTerri tuire du Cameroun
"colIsidérallL que pour qu 'ulle demallde
en dommages-intérêts puiue être accueillie par le tribu liai administratif, le demnnd,'ur doit 11011 seulement prouver la
faute de service, mnis aussi que celle Jaute qui met Cil jeu la re,fp{)/I,wbilité d'ulle admillistratie", publique ait ellf(elldré
des conséquences dorrvnageables pour lui et que le préjudice qui Cil est résullé est 11/1 préjudice certain, spécial, direct
et porte atteinte à une situation juridiquement protéf(ée",


fait l'objet de la mesure de révocation tandis que le préjudi-
ce direct est celui qui résulte immédiatement de la décision.
Le lien de causalité évident qui existe entre l'exécution de
la décision illégale de révocation et le dommage que celà
cause au fonctionnaire traduit, on ne peut plus parfaitement,
ce caractère direct du préjudice indemnisable.
Le juge administratif applique ces règles très rigoureu-
sement. Le fonctionnaire NJIKIAKAM TOWA qui avait cru devoir
valablement demandé réparation t~our lui-même et ses six en-
fants dont la scolari té et l'épanouissement ont été frustrés",
suite à l'acte de révocation pris à son encontre, s'est vu op-
posé par le juge une fin de non-recevoir partielle. Car s'il
est établi qu'il est personnellement touché par l'acte illé-
gal,
ilIa si tuation ne saurai t être la même pour ses enfants ;
qu'en effet, poursuit le juge, ceux-ci n'ont aucun lien ou
rapport personnels, directs
et certains avec l'administration,
employeur de leur père". Enfin, le caractère certain du préju-
dice moral ou matériel, lorsqu'il est prouvé, est sujet à in-
demnisation. Il désigne tout dommage qui a déjà sûrement été
réalisé, ce qui proscrit ipso facto tout droit à réparation du
préjudice éventuel. C'est cette conception restrictive que le
juge administratif adopte en écartant du champ de définition
du préjudice certain, tout droit à réparation pour le préjudi-
ce futur. Plus précisément, qu'il s'agisse du contentieux de
l'indemnisation du préjudice né d'un acte administratif ou de
tout autre litige en rapport à une toute autre activité admi-
nistrative dont la connaissance est de la compétence de la ju-
ridiction administrative, le préjudice réparable est celui qui
est '~ctuel" (1). En clair, l'expression de préjudice certain
équivaut à celle de préjudice actuel.
Il demeure cependant que le juge adopte des positions
qui prêtent ouvertement le flanc à la critique. Admettre le
principe des dommages moraux ou matériels tout en tirant
toutes les conséquences au plan pratique de l'indemnisation
(1) Jugement N° 35/CS/C/\\ du 22 février 1979, Caisse Nalionale de Prévoyancc Sociale ciLJrllled Carner(XHl
International Company

n'est qu'une chose normale. Par contre, admettre dans son rai-
sonnement que le préjudice invoqué par le requérant est indem-
nisable et y donner une suite qui n'est que parodie peut sem-
bler tout à fait paradoxal. Dans certaines de ses décisions en
effet, le juge Camerounais, ayant préalablement affirmé l'idée
d'un préjudice moral, se plaît à allouer en réparation dudit
préjudice la somme ud'un franc symbolique". Une telle propor-
tion dérisoire n'est pas de nature à garantir l'exemplarité du
contentieux de la réparation qui se doit pourtant d'être re-
gardé
comme
un
mécanisme
de
sanction
véritable
de
l'Administration.
La stratégie jurisprudentielle du Franc
Symbolique, qui se veut sans doute protectrice des deniers pu-
blics dans un contexte de crise de liquidités, ne devrait nul-
lement faire croire au juge qu'elle répare raisonnablement ce
préjudice qu'il a lui-même admis; il y a plutôt non-répara-
tion qui ne pourrait que traduire une certaine incohérence
dans la logique juridique. Ce faisant, si le juge administra-
tif ne se résoud pas à envisager l'indemnisation comme une
sanction punitive envers l'administration, cette dernière ne
sera forcément pas encline à faire preuve d'un maximum de ri-
gueur dans l'application de ses propres règles de droit; au
grand détriment des droits des administrés.
La réparation, lorsqu'elle est cette fois-ci réellement
appréciée et accordée par le juge,
revêt pratiquement une
forme exclusive.
B: LA CONSECRATION D'UNE FORME EXCLUSIVE DE REPARATION
En règle générale, la réparation accordée par le juge
administratif aux victimes des dommages causés par l'activité
des personnes publiques se fait soit en argent, soit en capi-
tal, soit en rente. Cependant, la pratique Camerounaise en la
matière consacre la forme unique de paiement en argent.
L'observation de la totalité des cas de condamnations juridic-
tionnelles à raison d'illégalités fautives de l'administration
confirme cette tendance exclusive. Et l'on explique cette pré-
dilection à réparer le préjudice par l'allocation de sommes
d'argent au moyen de l'interdiction faite au juge administra-
tif d'adresser des injonctions à l'administration. Le juge na-
tional qui a d'ailleurs repris pour son compte cette règle de

l'absence d'injonction s'est maintes fois gardé de s'aventurer
dans cette voie qui consiste pour lui, contrètement, ccà impo-
ser à l'administration une obligation de faire ou de ne point
faire" (1). Le Droit positif Camerounais contribue considéra-
blement à maintenir le juge dans cette position de faiblesse
afin que ce dernier ne puisse intimer des ordres aux autorités
administratives comme il le fait habituellement à l'endroit
des particuliers (2). La conséquence directe de cette prohibi-
tion est que le fonctionnaire illégalement sanctionné, par
exemple, et qui sollicite du juge qu'il condamne l'Etat à lui
verser des dommages-intérêts, ne doit uniquement s'attendre
qu'à une indemnisation financière du préjudice dont on se doit
d'analyser l'étendue précise.
c: UETENDUE DE LA REPARATION DU PREJUDICE
La réparation accordée à celui qui subi les effets de
l'exécution d'une mesure administrative irrégulière est faite
sur la base d'un préjudice préalable. De ce point de vue, on
peut s'interroger sur l'étendue de la réparation dudit préju-
dice : le juge répare-t-il intégralement le préjudice subi par
la victime? Peut-il réparer au-delà du préjudice? Ou tout au
moins, n'indemnise-t-il la victime que partiellement? La ré-
ponse à ces questions est contenue dans le contentieux de la
fonction publique avec notamment la difficulté née des agents
publics irrégulièrement révoqués et qui sont par suite réinté-
grés dans leurs fonctions.
D'emblée, la constatation que l'on tire de l'examen de
ces cas est que la jurisprudence administrative a connu à ce
propos une orientation polysémique.
Dans une toute première phase, le juge administratif re-
tient le système dit du "rappel de traitement", c'est-à-dire
que la réparation accordée à ces agents lésés à la sui te
d'actes illégaux correspond au total des traitements qu'ils
(1) Jugement N° 92/82-83 du 28 juillel 198.1, TCHOUANKEU Joseph clEial du Cameroun,
Jugement N° 52/84-85 du 28 février 1985, AKONO Claude clEtat du Cameroun,
Jugement N° 26/85-86 du 30 janvier 1986, B1SSIER Hugo clEtat du Cameroun;
Jugement N° 09/86-87 du 23 décembre 1986, NGHE BABOUGHE Thomas c/Commune urbaine de l3afoussam :
Jugement N° 02/92-93 du 31 décembre 1992, NGAMY Emmanuel clEtaf du Cameroun (MTPS): "AI/endll que le jllge
de, l'excès de pOli voir ne 'wllrait
(,) .Wn.f eXl'éder son poul'oir, ... donner des ,njolll'tiOfu à l'administration" tcllcs
l' altri bulion d'une bonne note à un fonctionnai rc,
(2) L'article 126 (b) du code pénal dispose, "est puni de la détention de six moi,f à cinq ails ... le magistrat qlli inti·
me des ordres 011 des défenses à des autorités administrative.I' ou exéclltives".

auraient perçus s'ils avaient été maintenus en service. Ce qui
justifie par conséquent la position du juge d'après laquelle
"lorsque le désinvestissement de la fonction provient du fait
de l'administration, notal1f11ent au cas d'une suspension i lléga-
le ou d'un déplacement d'office irrégulier, l'agent a droit au
traitement, bien qu'il n'ait pas exercé effectivement la fonc-
ti on pendant tout le temps que subs i ste l'empêchement "(1).
Cette approche de la réparation intégrale sera confirmée une
année après par Arrêt N° 277/C.C.A du 27 janvier 1954. YEM
MBACK Pierre c/Administration du Territoire. Mais la dispari-
tion du juge administrati f colonial au profi t du national
Camerounais contribuera à inverser la logique de l'indemnisa-
tion.
La philosophie jurisprudentielle nouvelle a ainsi consa~
cré la prise en compte de la règle du Service fait. Désormais,
tout fonctionnaire irrégulièrement sanctionné et à fortiori
révoqué, qui par la suite est réadmis dans sa fonction, ne
peut prétendre au rappel intégral de son salaire. Il pourra
uniquement recevoir une indemnité destinée à couvrir le préju-
dice réellement subi du fait de la sanction prise à son en-
contre, laquelle indemnité sera calculée en tenant compte des
ressources que le fonctionnaire a pu se procurer par un tra-
vail connexe durant toute la période de sanction. Ce principe
du droit au paiement intégral de son traitement en contre-par-
tie du service effectué sera affirmé par une abondante juris-
prudence (2) qui manifestement rappell~ la solution retenue
par le juge administratif français à propos de la décision DE-
BERLES. Dans ses conclusions sur cette affaire, le commissaire
du gouvernement PARODI avait en effet soutenu que l'annulation
par le juge de l'acte de révocation de l'agent public n'empê-
chait point de garder en mémoire que ce dernier n'avait effec-
,
(1) Arrêt W 192/C.C.A. du 5 déccmbre 1952, Damc REGENAUU: vcuvc OLLIVIER ch\\dministration du Tcrritoirc
(2) Arrêt N° 19/CFJ/AP du 16 mars 1967, l'AGNY Mathicu, précité: "En l'absence du service fait, un fonctionnaire
ne peut prétendre au paiement de sa solde, lorsqu'il a été désinvesti de sa fonction à la mite de son incarcération",
Arrêt dt; la CFJ/AP du 16 octohrc 1968, Etat du Camcroun c/l3ABA YOUSSOI!rA.
Arrêt N° 20l/CFJ/CA Y du 18 août 1972, Darnc MACKONGO Agnès Flore clElat fédéral ct Etat Fédéré du Camcroun
Oriental: "considérant .. , qu'il est de principe établi en jurisprudence administrative qu'en /'absenre de serl'ire fait,
J'agent public privé irrégulièrement de ses fonctions n'a pas droit au traitement qu'il aurait perçu s'il érait resté en

Jonction, mais peut prétendre à une indemnité tenant compte de toutes le,f cirronstances de l'espèce .. , que. compte
~nu de J'irrégularité qui entachait la décision attaquée .... l'al/oc(l{ion de 25 % par moù dl' la rémunération .. , pen·
dant toute la période de suspension de sa solde paraît pouvoir réparer sulfisrunment le préjudice subi par la demande·
resse"

150
tivement pas travaillé : "l'annulation de la mesure de désin-
vestiture ne supprime pas la réalité matérielle qu'est l'ab-
sence du service fait; or le droit au traitement est attaché,
non à la qualité d'agent public, mais au service fait" (1).
A la faveur d'un important dispositif normatif, le juge
sera contraint d'opérer un revirement de jurisprudence qui le
conduira à réhabiliter les conceptions du juge colonial, le
conseil du contentieux administratif et la théorie initiale du
rappel intégral du traitement. Un décret ND 75-459 du 26 juin
1975 fixait désormais en son article 20 que "le fonctionnaire
suspendu de ses fonctions par mesure disciplinaire recouvre
rétroactivement, en cas de faute non établie, la totalité de
sa rémunération".
Le juge administratif n'avait plus qu'à en
prendre note et à en tirer les conclusions nécessaires lors de
contestations futures.
D'abord, dans une ~iair~~ELINGA ZE Thomas du 3 février
1978, le fait que l'agent n'ait exercé aucun emploi de son
grade suite à une faute de l'Administration n'a pas du tout
empêché la chambre administrative de condamner l'Etat au ver-
sement à l'intéressé d'une "indemnité équivalente à son trai-
tement".
Ensuite, dans une espèce ND 65/CS/CA du 31 mai 1979,
ATANGANA ELOUNDOU Cyprien c/Etat du Cameroun, le juge adminis-
tratif considère que u .•• la mise à la retraite de façon pré-
cipitée de l'intéressé lui a effectivement fait perdre neuf
mois de son traitement net qui était de 76.178 F CFA par mois;
qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à l'intéressé une
indemnité équivalente à ces neuf mois de solde, soit le mon-
tant de 658.602 F CFA".
(1) Conclusions du Commissaire du Gouvernement PA ROI)I sur C. E.. 7 anil 1933. DEIlERLES. RDY. 1933, p.
624.

Enfin, l'affaire METOU Josué du ~uin 1982 est l'occa-
sion pour le juge d'asseoir fermement la (~olitique jurispru-
dentielle"
du recouvrement rétroactif de la totalité des rému-
nérations comme produit de la réparation : '~ttendu qu'il est
incontestable que METOU a subi un préjudice certain du fait de
son brusque licenciement alors et surtout qu'il était âgé de
45 ans, donc pouvant encore travailler pendant 5 ans avant son
admission à la retraite et qu'il est père de 24 enfants;
Qu'il y a par conséquent lieu de lui allouer à titre de
dommages-intérêts
la somme de
: 179.593 f
x
12
x
5
=
10.295.580 F CFA".
Doit-on finalement considérer, eu égard à cette position
tranchée découlant des présentes décisions, que le contentieux
de l'indemnisation née des actes administratifs irréguliers
consacre une réparation intégrale ?
Il eût été aisé de répondre positivement si l'arrêt de
l'Assemblée plénière de la Cour Suprême du 24 mars 1983, NJI-
KIAKAM TOWA Maurice
avai t agencé des idées pour le moins
concordantes.
A l'instar des premiers juges, ceux du degré superleur
de juridiction s'accordent à justifier le non-exercice, par le
requérant, de son service et par suite la perte de son traite-
ment à raison de ((la faute de l'Administration qui l'a mis en
état de ne pas exercer sa fonction à la suite d'actes irrégu-
liers". On peut alors penser qu'il soit équitable de lui oc-
troyer une réparation intégrale.
C'est dans ce sens que
l'Assemblée plénière décide du reste puisqu'elle convient que
"la réparation du préjudice matériel à allouer à NJIKIAKAM
TOWA Maurice répare intégralement toutes les conséquences ma-

térielles dommageables résultant de l'acte attaqué". Et pour-
tant, contre toute attente, le montant effectif de la répara-
tion qu'il alloue au requérant n'est pas à la mesure de l'é-
tendue de la réparation invoquée. La cour ayant en effet fixé
l'indemnité à 6.000.000 F CFA alors que 1 'intégralité du sa-
laire non perçu s'élève à 6.144.511 F CFA. On pourrait donc
déduire de cette espèce qu'elle consacre implicitement le re-
tour à la solution qui tient compte de la règle du service
fait, la réparation accordée par le juge étant inférieurement

152
chiffrée d la rémunération exacte non versée par les serVIces
de la solde.
L'incontestable pouvoir normateur du juge administratif
devrait être déployé d bon escient. Les conditions techniques
de la réparation méritent d cet égard une construction juri-
dique non point nuancée, mais harmonisée. Car la toute puis-
sance de l'administration menace constamment les droits des
administrés. Si le juge national ne parvenait pas d concilier
sa propension classique d ménager les deniers publics avec le
droit légitime des administrés d obtenir des indemnités sub-
stantielles, c'est le litige lié d l'acte administratif unila-
téral qui cessera de présenter des garanties sérieuses et au-
delà, tout le contentieux des actes normateurs de l'adminis-
tration dont en fait partie le contrat administratif.

[HHP lIRE Il
LE lllUi[ REtRII F nu
CONTROl RDMINISIRHTlf

154
Tout contrat en général, qu'il relêve du Droit public ou
du Droit commun, est l'émanation de valeurs apposées que sont
la norme et le consentement préalablei Le contrat administra-
tif s'inscrit parfaitement dans cette dialectique qui consti-
tue cependant l'élément déterminant de démarcation avec l'acte
administratif, puisque ce dernier procêde d'une manifestation
unilatérale d'autorité.
Le contrat administratif n'est pour autant pas exempt de
normativité (1) car il implique une rêgle juridique à part en-
tière que l'Administration est tenue d'observer.
Faute de
quoi, il est permis au co-contractant de la personne publique
administrative de se prévaloir de la violation d'une stipula-
tion contractuelle à l'appui d'un recours auprês du juge admi-
nistratif. C'est sans doute la raison pour laquelle, à travers
l'Ordonnance N° 72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de
la Cour Suprême, le législateur Camerounais a tenu à donner
une véritable force juridique à ces principes élémentaires.
(1) Denys de BECHILLüN. "I.e cOlltrat comme lionne da/l' if· droit J'1I1>1ic {'ositlf', Revue Française de Droit
Administratif. janvier-février 1992. pp 15-35

ISS
Ainsi, au chapitre des élélllellts dc l'aclion administrative susccplih1cs d'être
déférés devant la juridictioll administrative l'article 9, alinéa 2 ( l') fait référence aux
« litiges CO/lcel'nant les COlltl'trts (à / 'exccptio/l de CCliX COlle/liS lllèllle llllpllcitelllent sous
l'empire dll droit fJl'il'(') ()fI les concessio/lS de service Imh/ics ». Une double observation
s'impose à la rédaction de ce disposilifnonllatif.
D'ulle part, quoi qu'il ne soit explicitemcnt r~lit allusion au contrat administratif:
on comprend assez facilement que l"esl d'cux donl il est qucstion puisque le législnleur
entend exclure de ln sphère de compétence du juge administratif tous Ics cOlltrats de
l'administration qui relèvent du Droit COI1lI111ln des personnes, le Droit privé. Cc filisant,
tous les contrats conclus par la puissallce publique ne sont nécessairement P,lS des
contrats administratifs.
D'autre p;1I'1, les concessions de service public évoquées quoique dislinctes, sur le
plan de la théorie juridiquc, du contrat administratif ordinairc, n'en SOllt pas Illoins
proches en raison de J'exclusivité du marché public dans la sphère contractuelle. Elles ne
sont par conséquent qu'une modalité du contrat administratif L:intérèt qui découle d'une
telle formulation réside simp1cment dans la spécilïcation du type de contrat administrati l'
existant en Droit public Camerounais.
Quant au
fOlld
des
problèmes
posés
par les
litiges
relatifs
,1I1X
COlltr,)ts
administratifs, la problématique peul être ramenée <1 une double dimension technique:
l'analyse théorique de la notion de contrat administratif (Ill regard du droit positif et la
compétence contentieuse du,Îuge administratif en matière contractuelle.
SECTION 1 : LE CONTRAT ADMINISTRATIF DANS LI~ DIH)IT POSITIF
Poser
le
principe
de
la
compétence
de
la juridiction
administrative
en
matière de
contrats
,H1tllillistratils constitue déjù Ull pas de n,lIure ;) guider les
justiciables
potentiels. Mais ,il
l'inverse
du
précédent
acte normateur qu'est la
décision
llnilatérnle
de
l'ndministrntion,
l'acte
normilteur
contractucl
soufrre
en
permanence
d'une absence générale de défrnition.
Il
en
résulte tlne ccrtaine
imperfection du Droit positif. Le corollaire de cette défaillance est qu'il reste à

fixer l'usager du service public sur la typologie même des
contrats administratifs, même si, à l'observation des méthodes
de contractualisation, l'Administration Camerounaise consacre
une pratique peu orthodoxe comparativement à ce qui se passe
ailleurs.
SIS 1 : L'INDETERMINATION DE LA NOTION DE CONTRAT ADMINISTRA-
TIF
L'unique qualification jurisprudentielle remonte à l'é-
poque de l'exercice de la juridiction administrative colonia-
le, en l'occurrence le Conseil du Contentieux administratif.
Dans un arrêt du ZZ décembre 1951 rapporté par M. BINYOUM dans
son cours polycopié de contentieux administratif, les critères
de définition étaient ainsi perçus par le juge: "considérant
que le Conseil est bien compétent pour interpréter un contrat
passé par une administration publique, en vue de participer au

fonctionnement d'un service public et qui, par les clauses ex-
horbitantes de droit commun qu'il renferme, présente le carac-
tère de contrat administratif". (1)
Cette définition est jusqu'à présent restée lettre morte
puisque
l'arrêt
susvisé
n'a
pas
fait
jurisprudence,
le
Tribunal d'Etat, les sections administratives de la défunte
Cour Fédérale de justice et l'actuelle Cour Suprême n'ayant
nullement repris ces critères dans les litiges contractuels à
eux soumis. Ce qui signifie tout simplement qu'il s'agit d'un
cas manifestement isolé; le problème de la signification du
contrat administratif demeure par conséquent tout entier.
Ce vide de précisions n'est pourtant pas entièrement im-
putable au juge. Même les lois formelles et les textes régle-
mentaires qui sont la partie essentielle des sources norma-
tives du droit administratif Camerounais n'ont point songé à
définir le contrat administratif. Il en résulte une absence
générale de définition, tant des lacunes du droit écrit que de
la carence du droit jurisprudentiel.
(1) Arrêt N° R3/CC.;\\ dll 22 décemhre Ir)SI. I~FNI!C('r ci/\\dlllillislra!,oll dll ·1i',ril'"'T.

157
! : LES LACUNES DU DROIT ECRIT
Le mutisme de la loi et les particularismes de la norme
réglementaire sont principalement visés à ce sujet.
A : LE MUTISME DE LA LOI
Le texte constitutionnel du 2 juin 1972 devrait tout
d'abord retenir l'attention, tant il est vrai qu'une consti-
tution est avant tout le produit d'une loi constitutionnelle.
L'article 32 de la constitution dispose en effet, sans autres
formes de précisions, que la Cour Suprême est chargée de sta-
tuer souverainnement l~ur les recours en indemnité ou en excès
de pouvoir dirigés contre les actes administratifs".
Si l'on
convient que l'expression d' "acte administratif" recouvre à la
fois une dimension unilatérale, la décision administrative, et
celle bilatérale ou plurilatérale se traduisant ici par le
contrat, il apparaît évidemment que cette formule constitu-
tionnelle n'est pas de nature à résoudre le problème de défi-
nition du contrat administratif qui se pose.
Si l'on en vient maintenant à l'Ordonnance du 26 août
1972 qui a, aux termes de l'article 21, paragraphe 1 de la
constitution en vigueur, llforce de loi",
son article 9 pose
également un réel problème de définition. Car il dispose tout
vaguement que la juridiction administrative a compétence pour
connaître des lllitiges concernant les contrats Cà l'exception
de ceux conc l us même imp li
ci tement sous l' empi re du droi t
privé)". Bien plus, ce n'est nullement le fait de désigner in
concreto le contrat administratif par le biais des llconces-
sions de service public" que l'on pourrait prétendre être en
possession d'une définition abstraite. Un contrat de conces-
sion de service public n'étant qu'une modalité de contrat ad-
ministratif parmi tant d'autres, on ne peut que se résoudre à
l'idée d'un défaut d'acception textuelle de la notion de
contrat administrati f.
Et ce ne sont guère les conceptions
restrictives de la norme réglementaire qui viendront palier de
manière déterminante le mutisme regrettable de la loi formel-
le.

158
B : L'APPROCHE REDUCTIONNISTE DE LA NORME REGLEMENTAI-
RE
Dans le silence de la loi, on peut se diriger du côté
des opérations normatrices des autorités administratives pour
voir si la question du contrat administratif a reçu quelque
tentative de définition. A ce jour, seule a été consacrée la
réglementation des marchés publics. Et l'on retrouve sous une
telle qualification, un certain nombre de contrats passés par
les collectivités publiques dont l'objet est la réalisation de
travaux, fournitures et services. Un important dispositif ré-
glementaire prévu à cet effet fixe tout à tour les organes
compétents pour élaborer lesdits marchés et les procédures ad-
ministratives à suivre. Dans le premier cas, il y a une double
distinction entre organes consultatifs et organismes de déci-
sion ; alors que le régime procédural traduit par les méca-
nismes du choix du co-contractant de l'administration s'appuie
surla concurrence habituelle: les marchés sur appel d'offres,
par adjudication publique et de gré à gré.
L'ensemble de ces détails de l'activité contractuelle de
la personne publique résulte d'un paramètre unificateur qu'est
l'expression même de marché public. Ainsi, aux termes du dé-
cret N° 80-272 modifiant et complétant le décret N° 79-35 du 2
février 1979, portant réglementation des marchés publics, il
est clairement précisé qu' "un marché public est un contrat
écrit ... par lequel une personne de droit public ou de droit
privé s'engage envers une collectivité publique, ou un éta-
blissement public, ou un organisme parapublic à participation

majoritaire des intérêts publics, à réaliser un ouvrage pour
leur compte ou sous leur surveillance, ou à leur fournir des
biens et des services moyennant un prix".
Devrait-on alors
conclure que la norme réglementaire suscitée fournit la défi-
nition du contrat administratif?
Le mérite de ce texte est que son contenu est bien com-
patible avec la définition du contrat administratif qui, selon
la jurisprudence administrative Française, est un contrat
passé par une personne publique ou
pour
fl
le compte" d'une per-
sonne publique et qui soit est conclu pour l'exécution même du

service public, soit contient des clauses exhorbitantes du
droit commun ou est soumis à un régime exhorbitant du droit
comnun.
Cependant, on convient qu'un marché public n'est qu'une
présentation pratique du contrat administratif et que ce fait
parcellaire ne saurait rendre compte de la réalité globale. Ce
faisant, le décret relatif à la réglementation des marchés pu-
blics n'a qu'l'une conception restrictive du contrat adminis-
tratif",
pour reprendre la formule du professeur NLEP. Ce qui
constitue incontestablement une lacune supplémentaire des dis-
positions textuelles que la jurisprudence Camerounaise ne par-
vient malheureusement pas à combler.
_1
1 : LA
CARENCE
DU
DROIT
JURISPRUDENTIEL
Si l'on peut aujourd'hui constater même du côté de la
jurisprudence administrative une absence notoire de définition
du contrat administratif,
ce fait appelle nécessairement
quelque explication.
A:LEFAIT
Contrairement aux contestations juridictionnelles des
actes normateurs unilatéraux qui constituent l'essentiel de la
fonction administrative contentieuse au Cameroun, le juge ad-
ministratif semble ne pas avoir eu affaire aux litiges concer-
nant les contrats administratifs. Le juge ne pouvant valable-
ment s'auto-saisir, le litige contractuel et son développement
contentieux sont, par ce fait, subordonnés au grand hasard des
requêtes du justiciable. La rareté des recours juridictionne~
semble donc liée au défaut chronique de définition du contrat
administratif par la juridiction administrative. On pourrait
alors imaginer que l'Administration Camerounaise est scrupu-
leusement respectueuse des stipulations contractuelles qui la
lient avec ses co-contractants. Ce qui n'est pas de nature à
permettre au juge des contrats de participer normativement au
régime de l'action contractuelle de la puissance publique.

Ce constat de l'inactivisme jurisprudentiel d cerner,
sur le plan de la théorie juridique, la notion de contrat ad-
ministratif, contraste pourtant avec les opportunités réelles
qui auraient permis au juge de prendre position. En réalité,
un dépouillement systématique des minutes de déct~i~ de la
Cour Suprême statuant en matière d~ co'"'cfe....x(~ ~.L. prouve bel et
bien que le juge Camerounais a déjd examiné un certain nombre
de contestations qu'il a explicitement déclarées relatives aux
contrats administratifs. Abstraction faite de l'arrêt RENUCCI
du 22 décembre 1951 rendu par le Conseil du Contentieux admi-
nistratif et rapporté par M. Joseph BINYOUM, ces quelques dé-
cisions sont d retenir :
· Jugement N° 50/84-85 du 1er février 1985, TAMEGHI
Boniface (AMSECOM - AMSECONCOM) c/Etat du Cameroun;
· Jugement N° 53/87-88 du 31 mars 1988, Groupement d'en-
treprises DRAGAGES - SATOM c/Etat du Cameroun ;
· Jugement du 27 octobre 1988, Compagnie Forestière
Sangha Oubangui (C.F.S.O.) c/Etat du Cameroun (1);
· Jugement N° 72/88-89 du 29 juin 1989,
FOUDA ETAMA
c/Etat du Cameroun ;
· Jugement N° 44/89-90 du 28 juin 1990, Entreprise AMSE-
CDM c/Etat du Cameroun ;
· Jugement N° 110/90-91 du 30 mai 1991, Entreprise AMSE-
COM - AMSECONCOM (TAMEGHI Boniface) c/Etat du Cameroun.
· Jugement N° 28/91-92 du 26 mars 1992, AMSECOM-AMSECON-
COM c/Etat du Cameroun (MINFI) ;
· Jugement N° 01/92-93 du 31 décembre 1992, Société
Inter-Continental Business c/Etat du Cameroun.
Si l'on pouvait élaborer un palliatif efficace aux tares
combinées que sont la conservation défectueuse des minutes des
décisions de justice et le secret paradoxal qui entrave leur
mise à disposition au public auprès du greffe de la Chambre
administrative, sûrement que l'observateur pourrait encore dé-
tecter des litiges contractuels tranchés par le juge.
La conclusion qui s'impose est que l'hypothèse de la ra-
reté des recours contentieux en rapport avec les contrats ad-
ministratifs est à exclure. Il reste alors à expliquer la ca-
(1') Rapporté par le professeur Roger·(iabric! NUT, in Reclicii Pcnallt N° RO(" jllin.octobrc )<)<)1, pp 27(,·2RG.

rence manifestée par la jurisprudence camerounaise d définir
le contrat administratif alors que le juge n'a nullement été
privé de la matière nécessaire d cette tdche.
B : L'EXPLICATION
Au-deld de toute analyse purement spéculative, la seule
issue fiable permettant de savoir pourquoi le juge Camerounais
continue d'entretenir ce vide de définition de la notion de
contrat administratif consiste d lui soumettre cette interro-
gation. Livré d ses méthodes de travail, ce juge semble en
effet mieux placé que quiconque pour y répondre, et ce d'au-
tant que des cas litigieux de contrats administratifs indubi-
tables (puisqu'il s'est clairement toujours déclaré compétent
pour les examiner) ont été déférés d sa censure. Argument pris
de l'évidence de la nature administrative de ces contrats, on
peut opposer l'inutilité pour le juge administratif d'insister
sur une question qui ne fait pas problème.
En
revanche,
que di re des
mul tiples
contestations
d'ordre contractuel d lui soumises telles les simples contrats
de droit privé (1) ou encore ceux liant les administrations à
leurs agents non fonctionnaires au sujet desquels on n'ignore
point la controverse qui touche d leur véritable nature juri-
dique ? N'est-ce pas Id l'occasion propice de fixer définiti-
vement les esprits en donnant sa conception du contrat admi-
nistratif lorsque le contrat litigieux qu'il examine relève du
droi t
commun des personnes ou que sa fi 1iation juridique
baigne dans un clair-obscur?
Pour peu que l'on suive de près l'évolution de la jeune
jurisprudence administrative Camerounaise, on réalise immédia-
tement que ce fut dans des circonstances pareilles que le juge
national se prononça sur son approche théorique de l'acte ad-
ministratif unilatéral.
Dans son arrêt NGONGANG NJANKE Martin du 20 mars 1968,
l'Assemblée plénière de la Cour Fédérale de justice devait
examiner une requête tendant d la condamnation de l'Etat d
rembourser au sieur suscité la sOfTlTle de 622.000 F CFA, au ti-
(1) Order N° 4/74-75 of Ihe 281h lIovclnl>er 1974, DE SUi\\l~L7. d·AIJ.~IEJI)A 11d \\/I;cdcral Rcpuhlic "ICalllclUol1
III
a petition conceming private transaction as ordinary conlract hcl"'een thc pcliliollllcr and the Ivlinistry of rosts and
telecommunication. the court sa id she has no juridiction ln givc a decision 011 this retition.

tre de sa pension d'ancien combattant, laquelle somme d'ar-
gent, aux dires du requérant, avait été malencontreusement
versée à une autre personne. Motif pris de ce que UI 'action en
indemnisation (du requérant) n'est pas basée sur un préjudice
causé par un acte administratif", la Cour Fédérale de justice
se déclara incompétente dans la présente espêce, conformément
à son champ de compétence. Et de préciser alors sa propre ana-
lyse
de
l'acte administrati f
uni latéral
que
l'on
sai t,
puisque, conclut la Cour, ule versement par un agent spécial
d'une somme d'argent à un particulier ne saurait constituer un

te l acte".
Finalement, on s'explique assez difficilement l'attitude
abstentionniste du juge qui aurait pourtant pu se servir de la
méthode lumineuse du passé. Sa propension classique à s'inspi-
rer du droit jurisprudentiel Français étant désormais établie,
il ne lui reste peut être plus qu'à Utropicaliser" les élé-
ments de définition du contrat administratif tels qu'élaborés
de façon satisfaisante par le Conseil d'Etat. Dans l'attente
de cette entreprise future, l'actuelle carence de la jurispru-
dence s'expliquerait par la compétence technique jugée douteu-
se du juge national par la doctrine publiciste.
Néanmoins, le fait que le contrat administratif souffre
d'une indétermination généralisée de la part du droit positif,
c'est-à-dire celui qui est en vigueur et dont les sources
principales sont les droits écrit et jurisprudentiel, ne doit
pour autant pas masquer l'existence effective des méthodes de
contractualisation, quoique ces derniêres soient consacrées
sur des bases inégalitaires.
SIS II: LA REALITE DISCRIMINATOIRE DES METHODES DE CONTRAC-
TUALISATION
De tous les contrats administratifs conclus par la puis-
sance publique au Cameroun, le marché public émerge comme le
procédé de contractualisation du préférence. L'importance pra-
tique accordée à ce type de contrat témoigne de l'intérêt de
l'Administration Camerounaise à le doter d'un statut presque
privilégié.Il en résulte, au bout du compte, une tendance mo-
nopolistique véritable du marché public tandis que les autres

variantes contractuelles, consacrées sur le plan théorique,
sont réduites au rang de la marginalisation.
1 : LA TENDANCE MONOPOLISTIQUE DU MARCHE PUBLIC
Si la présentation du régime juridique d'élaboration des
marchés publics peut sembler superflue, il convient de signi-
fier tout de même qu'en tant que contrat administratif soumis
à la compétence du juge administratif des contrats, la très
large attention théorique et pratique qui entoure le marché
public est identifiée à travers deux éléments: la profiléra-
tion dont il a toujours fait l'objet dans l'activité quoti-
dienne de l'administration et le souci des rédacteurs de sa
réglementation de le définir avec une certaine précision,
c'est-à-dire le délimiter et le borner.
A: LA PROLIFERATION D'UNE TECHNIQUE CONTRACTUELLE
Des facteurs juridiques et économiques expliquent la
prolifération des marchés publics et partant, leur place de
, choix dans la mouvance des opérations contractuelles que pou-
rait effectuer l'dministration publique.
En effet, et d'une part, au regard du droi t
posi ti f
Camerounais des contrats, le volume impressionnant des textes
visant à réglementer les marchés publics démontre la volonté
administrative d'en faire des contrats administratifs de pre-
mier ordre. En l'espace de trois ans, tout un arsenal régle-
mentaire venu renforcer la matière relève, tour à tour, ces
présents actes normateurs du Président de la République:
· Décret N° 78-487 du 9 novembre 1978 portant création
de la Direction centrale des marchés ;
· Décret N° 79-35 du 2 février 1979 portant réglementa-
tion des marchés publics;
· Décret N° 80-272 du 18 juillet 1980 modifiant et com-
plétant le décret N° 79-35 du 2 février 1979 relatif à la ré-
glementation des marchés publics;
· Décret Na 80-273 du 18 juillet 1980 modifiant et com-
plétant le décret N° 78-487 du 9 novembre 1979 portant créa-
tion de la Direction Centrale des Marchés ;

· Décret N° 80-274 du 18 juillet 1980 portant création
des services provinciaux des marchés ;
· Décret N° 81-151 du 13 avril 1981 modifiant le décret
N° 79-35 du 2 février 1979 portant réglementation des marchés
publics;
· Décret N° 81-152 du 13 avril 1981 rendant obligatoire
la création des commissions spéciales des marchés au sein de
certains établissements et organismes para-publics;
· Décret N° 82-12 du 8 janvier 1982 modifiant le décret
N° 79-35 du 2 février 1979 portant réglementation des marchés
publics;
· Décret N° 82-13 du 8 janvier 1982 modifiant le décret
N° 80-274 portant création des services provinciaux des mar-
chés.
Ce vaste mouvement de détermination réglementaire du
marché public comme contrat administratif s'est achevé avec la
promulgation du décret N° 86/903 du 18 juillet 1986 modifiant
et complétant le décret N° 79/035 du 2 février 1979 portant
réglementation des marchés publics.
En tant qu'indicateur de l'importance que le droit posi-
tif Camerounais attache à la matière du marché public, ce pa-
ramètre juridique est étroitement lié à un fait économique,
tant il est établi que la norme juridique n'est que le reflet
d'une situation sociale.
En effet, la prolifération d'une
telle technique contractuelle s'est inscrite dans un contexte
de vitalité économique du pays permettant à l'Etat d'assurer
les besoins quotidiens des services administratifs et des usa-
gers du service public. C'est la raison pour laquelle l'obser-
vateur de la vie publique Camerounaise pouvait régulièrement
s'enquérir des nouvelles relatives aux ouvertures ou résultats
d'appels d'offres en vue de la conclusion des marchés publics
dans l'unique organe de presse quotidien d'informations natio-
nales et internationales, it(ameroon Tribune". Les difficultés
économiques annoncées et présentement bien palpables ne per-
mettent évidemment plus à l'Etat Camerounais, du moins momen-
tanément, d'engager à un rythme identique, la conclusion des
contrats administratifs relatifs aux marchés publics; ceci
expliquant également la rareté de diffusion de telles informa-
tions dans la presse.

Toutefois, ce déclin sensible n'entame en rien le carac-
tère privilégié du marché public puisqu'il reste dans la pra-
tique administrative, la méthode de contractualisation tradi-
tionnelle. Au demeurant, de tous les types de contrats admi-
nistratifs prévus dans le droit Camerounais, il est le seul ù
avoir reçu une esquisse de définition. Ce qui ne fait que cor-
roborer sa tendance à s'arroger une position indiscutable.
B : LA SIGNIFICATION DE L'EXPRESSION MARCHE PUBLIC
La définition du marché public conçue dans le droit pu-
blic Camerounais n'ayant véritablement pas changé depuis le
texte initial du 2 février 1979, on ne saurait s'empêcher
d'alléguer
que l'intervention du tout dernier décret de
juillet 1986 n'est pas de nature à opérer une révolution en la
matière. Ainsi, au sens de l'article 1er de ce dispositif ré-
glementaire, on entend par marché public "un contrat écrit par
lequel une personne de droit public ou de droit privé s'engage
envers une collectivité publique, ou un établissement public,
ou un organisme parapublic à participation majoritaire des in-
térêts publics, à réaliser un ouvrage pour leur compte ou sous
leur surveillance, ou à leurs fournir des biens et des ser-
vices moyennant un prix".
La premlere observation que l'on peut apporter est rela-
tive à la forme même de ce contrat administratif qu'est le
marché public: il s'agit, strictement parlant, d'un contrat
écrit. Ce qui semble exclure d'office de la sphère de conclu-
sion du marché public tout contrat oral ou verbal tel qu'il
est consacré par la jurisprudence administrative Française du
Conseil d'Etat (1).
Deuxièmement, ce décret du 18 juillet 1986 énumère ex-
plicitement la nature des parties au marché public. Les per-
sonnes envers lesquelles une personne publique ou privée sont
susceptibles de s'engager sont: une collectivité publique, un
établissement public et ce que ce décret nomme par organisme
parapublic à participation majoritaire des intérêts publics.
,(1) CE, 20 avril 1956, Epoux I3EI~:rIN, Rcc, r }(,7 , "considérant qu'il résulte de l'instruction que, par 11/1 contrat
verbal passé avec l'Administration le 2-1 novembre 194-1, les époux BERTIN s'étaient enRaRés"" le fitiRe relève de
la compétence de la juridiction administrative ",

Quand on parle de collectivité publique, on fait simple-
ment allusion aux collectivités territoriales que sont l'Etat
et la collectivité publique locale constituée au Cameroun par
l'institution comnunale uniquement.
L'interprétation juridique que l'on pourrait donner à
l'expression d'établissement public ne pose pas non plus de
problême majeur, nonobstant l'absence d'un texte normateur au
Cameroun pouvant servir de référence. A l'aide de la théorie
générale développée dans les ouvrages de Droit administratif,
la détermination du principe constitutif de l'établissement
public implique, de maniêre quelque peu sommaire, une sorte de
démembrement fonctionnel de l'administration classique dans le
cadre de la gestion d'un service public avec cette particula-
rité qu'il est doté d'une personnalité juridique nettement
distincte de celle de l'Etat.
Seule la formule complexe d"'organisme
parapublic à
parti cipation majori tai re des intérêts pub li cs" pose finale-
ment des difficultés de compréhension, notamment sur le plan
de la théorie juridique.
Le tout dernier élément d'observation à la définition
Camerounaise du marché public concerne doublement son objet et
la contrepartie attachée à la réal isation dudi t objet. Le
texte du 18 juillet 1986 édicte avec précision l'objet du
contrat de marché public qui peut être soit la réalisation
d'un ouvrage pour le compte ou sous la surveillance des per-
sonnes publiques ou parapubliques susvisées, soit la fournitu-
re des biens ou des services à ces mêmes personnes. La contre-
partie à effectuer en retour de ces multiples prestations
contractuelles réside dans le prix à payer par l'administra-
tion contractante. Cette précision réglementaire a l'avantage
de permettre la distinction du marché public d'un simple don
dont on sait la gratuité qui le caractérise.
L'ensemble de ces repères textuels à propos du contrat
administratif particulier qu'est le marché public aurait pour-
tant servi au juge des contrats à façonner une définition
abstraite et générale de l'expression de contrat administra-
tif, et ce d'autant que la large majorité des contrats liti-

gieux à lui soumis concernait justement les marchés publics.
Sa défai llance a, par conséquent, favorisé la primauté des
sources normatives réglementaires consacrant le monopole des-
dits marchés dans le champ contractuel des administrations et,
corrélativement, la quasi-marginalisation d'autres variantes
contractuelles existantes.
Il
LA
OUASI-MARGINALISATION
DES
AUTRES
VARIANTES
CONTRACTUELLES
EXISTANTES
Le droit positif prévoit la conclusion de contrats admi-
nistrati fs par lettre commande ou par simple facture.
Le
contrat par lettre-commande concerne "toute opération dont le
coût est compris entre 5 et 2@ mi II ions de francs (CFA)" tan-
dis que le contrat par simple facture intervient lorsque le
montant des prestations est inférieur à 5 millions de francs
CFA. Dans les deux cas, l'Administration s'adresse directement
au fournisseur.
Cependant, ces contrats administratifs ne sont vérita-
blement pas distincts des marchés publics puisqu'ils sont
régis par la même réglementation du 2 février 1979 jusqu'au
dernier décret de 1986. L'Administration est tout simplement
tenue de recourir à la procédure de passation des marchés pu-
blics lorsque le montant du contrat projeté est égal ou supé-
rieur à 20 millions et a contrario en est dispensée en deçà de
cette somme: ce qui justifie les procédés de la lettre-com-
mande ou de la simple facture.
Cette saine interprétation de la réglementation des
Marchés publics permet par conséquent d'aboutir à la conclu-
sion selon laquelle seules les concessions de services publics
partagent inégalitairement avec eux, le terrain contractuel
des personnes publiques.
('est l'article 9, alinéa 2ec) de l'Ordonnance du 26
août 1972 qui donne compétence à la juridiction administrative
pour connat tre des litiges relati fs auxdi tes concessions.
Quoique
cette
notion
reste
indéfinie dans
le
texte
de
l'Ordonnance, il ne fai.t plus de doute que la concession de
service public soit consacrée comme contrat administratif par
le droit positif. La juridiction administrative n'ayant jamais

statué sur un tel contrat, le problème de la définition du
contrat de concession reste donc à résoudre.
La concession de service public part de cette pratique
consistant à transférer à des personnes et à des fonds privés,
la gestion de certaines activités traditionnellement réservées
à l'Administration. Et pourtant, il n'a pas toujours été aisé
de qualifier juridiquement et convenablement ce contrat néces-
saire à l'exercice pratique du relais administrati f
: la
concession de service public.
Aujourd'hui, la doctrine convient avec M. Jean DUFAU que
"l a concession de service public est le contrat par lequel une
collectivité publique (l'autorité concédante) charge une per-
sonne morale ou physique (le concessionnaire) d'exploiter un
servi
ce pub li c,
à ses ri sques et péril s,
pour une longue
durée, moyennant une rémunération versée par les usagers du
service public"
(1). L'exposé minutieux des éléments de cette
définition dispense d'y revenir, sinon pour souligner ce que
révèle leur traitement par la jurisprudence administrative.
A ce propos, la doctrine encore, par l'analyse de M.
LIET-VEAUX, a pu systématiser les conditions jurispruden-
tielles qui doivent être remplies pour qu'on se trouve en pré-
sence d'une véritable concession de service public (2) :
la L'existence même d'un service public;
20 L'imputation des risques au concessionnaire
30 Le mode de rémunération du concessionnaire, qui se
fait par les taxes ou redevances perçues sur les usagers, qu-
'ils soient effectifs ou éventuels;
40 Le contrôle exercé par l'administration concédante;
Sa Les privilèges de puissance publique et avantages re-
connus par le contrat au co-contractant, à l'exemple des
droits d'expropriation, de police, d'occupation d'une voie pu-
b1ique, etc. ..
Telles sont les cinq carctéristiques se combinant pour
définir le contrat de concession de service public.
(1·) Jean DU1J\\U, "les cOllces.liolll de servic,. IJI//>/ir· ... ,illiis-ciassclir Administralif. r;ISCiCIlIc 5ln. pp 1·25, P .1.
(2) G. UEr-VEAUX, "Idelllijiealioll de la COlII,:.uioll de serl'ir:e p/lblic", Rcvuc administrative. ]9(,8, Pfl 715-717

A la lumière de cet éclairage, on peut simplement déplo-
rer certaines mauvaises qualifications juridiques de contrats
conclus par l'Administration Camerounaise sans que le juge ad-
ministratif soit en mesure d'en détecter les anomalies. Le ju-
gement Compagni e For~sti ~re ?_~_!1_g_~~=g_ubq~~glJj__CCF_?02_ du _}.l__Q~-
tobre 1988~st la parfaite illustration.
).
Un décret présidentiel du 11 mars 1975 avait autorisé le
Ministre de l'Agriculture à acquérir,
pour le compte de
l'Etat, une plantation industrielle de café robusta à Afia ap-
partenant à l'expatrié René BIAU décédé, afin de l'incorporer
à son domaine privé. La plantation ainsi acquise devait, aux
termes dudit décret, être exploitée selon l'une des modalités
suivantes :
· gestion directe par le département ministériel concer-
né,
celui de l'Agriculture, cest-à-dire l'exploitation en
régie stricto sensu ;
· mise à la disposition d'un organisme public spéciali-
sé, l'office national de participation au développement;
· bail de la plantation industrielle à un concessionnai-
re privé.
C'est à cette dernière formule que l'Administration ac-
corde finalement sa préférence et le 20 mai 1980, intervient
la conclusion d'un contrat entre l'Etat, représenté par le
Ministère de l'Agriculture, et la Compagnie Forestière Sangha-
Oubangui.
('est justement cette qualification juridique qui fait
problème car on se demande bien si le cas d'espèce est une
concession de service public telle que prévue à l'article 9,
alinéa 2ec) de l'Ordonnance du 26 août 1972.
La lecture intégrale des clauses contractuelles ne per-
met pourtant pas de retenir comme juridiquement valable la
qualification contractuelle adoptée par les parties.

Tout d'abord, le fait de transférer à l'Etat une exploi-
tation agricole, et ce dans des conditions totalement floues,
suffit-il à imprimer à la présente activité le caractère de
service public?
Ensuite, et surtout, puisque le mode de rémunération de
la compagnie contractante ne consiste pas en une redevance
perçue sur le public, y-a-t-il lieu à concession de service
public?
Enfin, la CFSO a-t-elle la charge de la réalisation et
de l'entretien de l'ouvrage appelé à fonctionner? La planta-
tion de café robusta existant bien avant la conclusion du
contrat, il faut dire que la CFSO n'a plus à réaliser le
moindre investissement.
Il sui t de ces remarques que le contrat passé entre
l'Etat et son co-contractant est de façon plus appropriée, et
nonobstant la quaI i fication retenue par ces derniers,
un
contrat voisin de la concession qu'est le contrat d'affermage.
M. Jean DUFAU en avait nettement perçu la nuance lorsqu'il af-
firmait que Utout comme la concession, l'affermage est le mode
contractuel de gestion d'un service public mais qui se dis-
tingue de la concession sur deux points principaux
: d'une
part les ouvrages nécessaires à l'exploitation ne sont pas
construits par l'exploitant ... Le fermier se borne à gérer
des ouvrages déjà réalisés.

D'autre part, le fermier ne conserve pas la totalité des
rémunérations perçues sur les usagers du service. Il verse à
la collectivité publique affermante une somme forfaitaire en
contrepartie du droit d'exploiter, alors que le concession-
naire conserve l'intégralité des redevances payées par les
usagers" (1).
Cette distinction des contrats administratifs d'afferma-
ge et de concession de service publ ic ou rnême de travai 1 pu-
blie est du reste très largement reprise par une récente juris-
(1) Article précité. p :;

prudence administrative en France (1).
Cette mise au point effectuée, c'est tout le problème de
la définition du contrat administratif général qui apparaît à
travers ces difficultés éprouvées, tant par les administra-
tions
contractantes
que
par
le
juge
administratif
des
contrats, à mieux discerner certaines spécificités de la réa-
lité contractuelle. L'exemple des conceptions issues du droit

positif Français pourrait servir d'orientation à l'avenir.
Hormis les cas de détermination textuelle du contrat adminis-
tratif, le juge Français l'identifie sur la base d'une dualité
de critères.
La prise en compte du critère organIque opère elle-même
une sous-distinction :
Les contrats conclus entre des personnes publ iques
sont présumés être des contrats administrati fs
le juge
considérant en effet uqu'un contrat conclu entre deux per-
sonnes publiques revêt en principe un caractère administratif,

impliquant la compétence des juridictions administratives pour
connaître des litiges portant sur les manquements aux obliga-
tions en découlant,
sauf dans
les cas où,
eu égard à son
objet, il ne fait naître entre les parties que des rapports de
droit privé"
(2).

Les contrats entre une personne publique et une ou
plusieurs personnes privées peuvent être des contrats adminis-
tratifs ; la présence d'une personne publique étant en effet
(1) CE. 29 avril 1987, commune d'EllancoUl1, [ec, p 153, I\\1.D.A. 1987, P 543, ohservations PRETOT; R.F.D.A.
1987, P 525, conclusions Yvcs ROBINEi\\U' ..... dans le cas de la concession, le concessionnaire a la charge de la
gestion du service à ses risques et périls et se trouve rénuméré directement auprès des u.ragus du servie.'e .. il a (liale·
ment en charge la réalisation et les frais d'établi.uemenl de l'in.ftallation.
En matière d'affermage, si la gestion s'opère bien aux risques et périls du fermier, qui est rémunéré au moyen d'une
redevance prélevée directement sur l'tHager, COlllJlIe dan.f la conces.fion, la c01/1paraüon s'arrête là
: en affermage en
effet, les frais d'établiSJement sont pri,< en char,çe par la collectivité, .<Cule la gestion du service étant conférée à
l'exploitant".
Ou encore, CE. 22 février 1989, société VIENDEST, cone/usions FOUQUET, Ics petites affiches, 1er juillet 1989,
p'7; CE. 19 avril 1989. société des transports urbains d'ANJOU, le Monitcur du 27 octobre 1989, p 119.
(2) T.C, 21 mars 1983, Union des Assurances de Paris, Rec, p 537 ; f) 1984, P 33, notc 1.B. AUBY et H.A. HU-
BRECHT; Rev Adl11 1983, Il .16R, notc n PlICITAll , A.3o.l\\ 19R3, P 35(). Conclusions D Li\\13ETOULLE
ce
type de contrat "passe, croyons-nO/JS, par l'affirmatioll d'Ulle présomption: un contrat entre deux personnes pu-
bliques doit être prémmé adminütratij, car il e.ft normalement la rencontre tic deux ge,flioll,f publique,L Mais celle
présomption n'a rien d'irréfragable et doit céder dam les ca,f où précifémellt le cOlltrat Ile répond à au cu Ile ge.flioll
publique. Quels .fOnt ces cas
? liserait léméraire de prételldre ell faire UII reCCllfemellt exhaustif ... si /'011 l'réfère une
approche synthétique. illlous paraitl'().<.filJle de dire
- el ce sera /Iolre prol'o.rilioll prillcipale ' qll'lll1 cOlltrat conclu
entre deux personnes publiques est Cil prillcipe adminütrallj et il Il 'Cil l'a autremellt que dans le.f Cil.\\' où les rapporLf
qu'il fait naître enlre les cocontrar.tanLf sont des rapports de droit privé".


une condition nécessaire (1). Cependant, il ne s'agit guère
d'une condition suffisante; encore faut-il que le contrat ré-
ponde aux critères matériels découlant de l'édifice jurispru-
dentiel (2).
Les contrats conclus entre personnes privées ne peu-
vent en principe être des contrats administratifs. Ils sont
normalement des contrats de droit privé dont le contentieux
relève des juridictions judiciaires. Il en est ainsi même
s'ils répondent aux critères matériels attachés aux contrats
administratifs (3).
Exceptionnellement, la jurisprudence admet les hypo-
thèses dans lesquelles une personne privée est considérée
comme représentant une personne publique, ce qui justifie le
caractère administratif du contrat qu'elle conclut. Au yeux de
la jurisprudence, cette notion de représentation correspond
elle-même à deux ordres de circonstances:
1 0
Le mandat, au terme duquel une personne pub 1i que
charge une personne privée de conclure, en son nom, un contrat
qui peut alors être administratif (4) ;
20 Les cas de contrats portant sur des travaux publics
relevant par nature de l'Etat (5). Ce faisant, le concession-
naire chargé de leur réalisation agit pour le compte de l'Etat
et les contrats qu'il passe avec des entrepreneurs, quoique
conclus entre personnes privées, sont des contrats administra-
tifs.
A ces considérations organiques s'ajoutent des critères
matériels qui doivent se combiner avec les précédents pour
qu'un contrat soit administratif.
Une analyse synthétique des données de jurisprudence
répute contrats administatifs soumis en cette qualité aux
règles du droit public et à la compétence de la juridiction
administrative, d'une part, tous les contrats, considérés dans
(1) T.c. 19 janvier 1972, SNe F. c/Entreprisc Solon ct IJarrault, Rec p 9'14 , R.DY 1972, P 465, conclusions Guy
BRAIPANT, A.JDA 1972, P 353, note .lM. DUr:AU
(2) C.E. 7 décemhre 19R4, Centre d'études maritimes aV<lnc.ées, Rec, lable, p (,(,7. I~ec p ·113
(3) c.E. 13 décembre 1%3. Syndicat des pr<tticiens de l'<lrl dentaire du Nord cl sieur Merlin, Rec, p 623 :
c.E. 17 juin 1985, Sociélé anonyme dl' P<lniagua, Rec, tahle, p 6R2.
(4) C.E; Seclion, 2 juin I%J. Le Duc, Rel' P 365, A.J.D!\\. 1961, P 345, conclusions Guy lJRAIIJANT. ou 14 oc-
tobre 1966, ville de Montdidier, Rec r 539, cl Irès recemmeJlt, TC 16 mil; 19R1. Srx:iélé <lnonyme l()ulousaine de
Transports c1Semvat, Rec table. p 77P-.
(5) T.c. 12 novcmbre 1984. Société d'économie mixte du Tunnel de Sainte-Marie-aux Mines c1Société anonyme
Tunnex, Rec, t.~hle, p 666 : A.J.D.A. 1985, P 156. Conclusions lJruno Genevois.

leur forme ou dans leurs clauses, qui ont pour objet d'asso-
cier directement le cocontractant d'une personne morale de
droit public à l'exécution même d'un service public et,
d'autre part, ceux des autres contrats passés par une personne
morale de droit public qui contiennent des clauses exhorbi-
tantes de droit privé. Cl)
Il
ne
reste
peut-être
plus
au
juge administratif
Camerounais qu'à méditer sur la pertinence de l'approche de
définition du contrat administratif élaborée par son homologue
français et à en tirer les conséquences qui s'imposent pour
mieux orienter, à dessein, un certain nombre de mécanismes
contentieux qui s'y attachent.
SECTION Il : LA COMPETENCE CONTENTIEUSE DU JUGE EN MA-
TIERE CONTRACTUELLE
La concl us ion d'un contrat admi ni strati f,
quel qu' i 1
soit, est génératrice de normes contraignantes pour chaque
partie signataire car on sait que ((les conventions légalement
formées ti ennent lieu de lois à l'égard de ceux qui
l es ont
faites".
Il peut toutefois arriver dans la phase pratique
d'exécution des stipulations contractuelles que ces dernières
soient à l'origine de contestations de la part du cocontrac-
tant de l'administration en général. Chargé d'examiner ces li-
tiges contractuels, le juge administratif Camerounais dispose
(1) Le contrat administratif il raison de son ohjet, \\'e~écution d'un service puhlic, correspond il trois circonstances:
. soit la personne publique confie au cocontractant l'exécution d'un service puhlic, CE. 20 avril 1956, Epoux
Bertin, Rec p 167 ;
. soit le contrat constitue une modalité d'e~écution du service public, CI:. l<l novembre 195R, r....1inistre de
l'Economie et des Finances clUnio!\\ r....teunière de la Gironde, Rec p 555 ;
, soit le contrat engage un employé pour participer directement il l'e~écution d'un Service public administratif, T.C
25 novembre 1%3, Dame Veuve MAZERAND c/Commune de Jonquière, Rec, p 792.
Le contrat est aussi administratif à raison d'éléments exhorbitants du droit coml1lun qui peuvent résider dans le conte-
nu du contrat (CE. 31 juillet 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges, Rec p 9(9), ou qui peuvent tenir au
régime auquel la loi a soumis les relations entre les parties du contrat (CE. 19 janvier 1973, Société d'e~ ploitation
électrique de la Rivière du Santi, Rec p 48). LAl formule par laquelle la Haute Assemblée explicite l'expression de
"claurt; exhorbilante de droit commun" est la suivante: "clause ayant pour objet de conférer aIL'\\: parties des droits
qui sont susceptibles d'être lihremel/t cOl/sel/tis par quicol/que dal/s le cadre des /r.is civiles et commerciales". Ce qui
fait sOrement dire au professeur VEDEL que "la très grande majorité des clauses ex!lorbitantes est cOllçtituée par des
stipulations qu'aucune impossibilité, aucul/e illicéité
1/ 'af/ec/eraiel/t dal/s lin ('ol//rat privé, mais qui y SOI/t inaccou-
tumées, et partant, peu vraisemhlables",
;n Remarques su~ noti~de cJa~se .exhorbi!ante, mélanges MESTRE,
Paris, Sirey, 1956, 54(,.

d'une certaine compétence contentieuse nécessaire au règlement
définitif de l'affaire. Cette compétence que l'on peut aborder
en termes de pouvoirs du juge administratif des contrats est
déterminée dans le nombre réduit de décisions qu'il a déjà eu
à rendre.
De l'analyse minutieuse de ces jugements de la chambre
administrative de la Cour Suprême, une double tendance se dé-
gage : d'une part, une certaine jurisprudence assez ferme,
puisque bien établie, distingue explicitement l'étendue de sa
compétence traditionnelle; alors que d'autre part, un juge-
ment qui demeure à présent un cas isolé oriente implicitement
l'aptitude que possède le juge des contrats à décider vers un
chemin contentieux nouveau. Et c'est justement de cette inno-
vation que ce cas isolé tire son importance.
sIS 1 : LA DISTINCTION EXPLICITE DE L'ETENDUE DE SA COl\\1PETENCE
Les juges de la Cour Suprême statuant en matière admi-
nistrative ont toujours affirmé, par le biais de certaines
formules consacrées, leur prédilection à connaître exclusive-
ment du
contenti eux de la
responsabi lité admi ni strati ve
contractuelle. Corrélativement, cette position tranchée permet
d'évacuer du champ de l'examen juridictionnel les requêtes des
justiciables ne coïncidant nullement de par leur objet avec la
final i té de la plénitude de juridiction. Il en résul te lo-
giquement un terrain contentieux insusceptible d'action juri-
dictionnelle auquel il semble judicieux de consacrer quelques
développements préalables.
1 :
LE
TERRAIN
CONTENTIEUX
INSUSCEPTIBLE
D'ACTION
JURI-
DICTION N ELLE
L'acte normateur contractuel peut-il être déféré au juge
aux fins d'interprétation et de résiliation lorsqu'une des
parties au contrat administratif éprouve des difficultés né-
cessitant une clarification de la stipulation contractuelle
voire même l'extinction prématurée de l'ensemble du contrat?
Le juge administratif oppose une fin de non-recevoir à
de telles demandes. De même, la contestation contractuelle à

l'appui du recours pour excès de pouvoir ne rentre pas dans
les éléments de sa compétence contentieuse.
A : L'INTERPRETATION ET LA RESILIATION DE L'ACTE NORMA-
TEUR CONTRACTUEL
-
S'agissant tout d'abord du problème de l'interprétation
des termes d'un contrat administratif, il faut dire d'emblée
que les parties audit contrat doivent s'atteler à y mentionner
des stipulations le plus clairement possible lors de la phase
de conclusion. Car un éventuel recours devant le juge adminis-
tratif tendant à ce qu'il soit précisé le sens de telle ou
telle stipulation risque d'être déclaré irrecevable en la
forme, le juge des contrats n'ayant en effet aucune compétence
à donner suite à une telle demande. Quel peut donc être le
fondement de cette privation du souci de justice à l'égard du
cocontractant de la personne publique?
En un mot, il est essentiellement normatif en ralson de
ce que l'Ordonnance du 26 août 1972 qui détermine la compéten-
ce de la juridiction administrative évoque uniquement en son
article 9, alinéa 2(a) la question des "recours incidents en
appréciation de légalité"
sans aborder celle relative au
contentieux de l'interprétation, tant pour ce qui est des
actes administratifs unilatéraux que des contrats administra-
tifs.
On ne saurait ainsi manquer de s'étonner au sujet des
allégations erronées de certains auteurs de Droit Public ten-
dant à prêter ce type de contentieux valable en France aux
termes pourtant explicites de l'Ordonnance susvisée (1).
Mais
la formulation de cet article 9, alinéa 2(a) n'in-
terdit pas formellement au juge administratif de développer un
contentieux de l'interprétation au Cameroun, à l'exemple de
l'alinéa 5 dudit article qui pose sans équivoque qu'''aucune
(1) notamment MM. Jean-C1;llIde KAI·...IDEr...1 ct JJcl11ard 1\\101\\10 d;Jns leurs cours fXllycopiés resrcctifs de conlentieuJI
administratif (3ème année de licence) et de Droit administratif (2éme :lnlll'e de licence).

cour ou tribunal ne peut connaître des actes de gouvernement".
Or, on sait qu'en Droit, tout ce qui n'est pas prohibé est
susceptible d'être permis. Que peut alors être la réaction du
juge s'il est saisi d'une demande en interprétation de stipu-
lations contractuelles alors même que ce contentieux est lais-
sé en suspens par le texte du 26 août 1972 ?
Une fois de plus,
le jugement Compagnie Forestière
Sangha-Oubangui du 27 octobre 1988 semble assez éclairant à êê
sujet; un contrat administratif avait été signé, rappelons-
le, le 20 juin 1980 entre le Ministre de l'Agriculture et la
Compagnie Forestière Sangha-Oubangui pour l'exploitation d'une
plantation de caféiers appartenant à l'Etat du Cameroun. Le
souci de veiller aux intérêts de l'Etat dans la gestion et
l'exploitation de ladite plantation aboutit à l'insertion au
contrat d'une clause spéciale prévoyant précisément qu' "un
agent de l'Administration sera détaché spécialement pour les

tâches nécessitées par l'exploitation. La rémunération de base
de cet agent continuera d'être à la charge du budget public.
Un indemnité de sujétion équivalente à celle de chef de servi-
ce de l'administration centrale et avec prise d'effet à comp-
ter de l'entrée effective en fonction lui sera versée par le

preneur qui s'engage en outre à mettre à sa disposition un
moyen de déplacement approprié. Au cas où ce moyen ne pourra
être fourni, une indemnité compensatrice lui sera versée pour
l'utilisation de son véhicule pour les besoins de service",
La mise à exécution de cette clause contractuelle sera à
l'origine du litige puisque, bien qu'une note de service ait
effectivement mis le nommé KOMfSINDI René à la disposition du
cocontractant, un arrêté du Ministre de la Fonction Publique
en date du 14 juillet 1980 vient bouleverser les termes de la
si tuation
de
cet
agent
publ ic
affecté
à
la
Compagnie
Forestière Sangha-Oubangui.
En effet, contrairement à la clause contractuelle du 20
JUln 1980, le présent arrêté dispose que "pendant la durée du
détachement, les 50 ldes et accessoi res de solde de l' intéressé
seront supportés par le budget de la CFSO"
, Le caractère mani-
feste de la remise en cause de cette clause incite la compa-
gnie
cocontractante à
saisir
le
juge administrati f
des
contrats.

177
S'étant finalement range a l'avis de la CFSO, la solu-
tion simple applicable à ce litige consistait en ce que l'Etat
procède au retrait de l'acte de détachement conformément au
régime jurisprudentiel déjà consacré (1).

Tel ne fut pourtant pas le cas car l'on n'ignore point
le penchant des autorités administratives Camerounaises à l'-
hésitation extrême qui masque mal leurs difficultés à maîtri-
ser les solutions juridiques aux problèmes quotidiens du ser-
vice public. C'est ainsi que, par requête en date du 30 juin
1986, donc six ans après la genèse de la contestation, l'Etat

"invite la cour à interpréter en faveur de la CFSO le détache-
ment du sieur KOMTSINDI René en ce sens qu'il s'agit d'un dé-
tachement spécial, essentiellement différent du genre de déta-
chement dont les formes processuelles sont prévues par les ar-
ticles 110 et suivants du statut général de la fonction pu-
blique" ; et, par voie de conséquence, à annuler l'arrêté du
14 juillet 1980,
"car ayant été pris en méconnaissance des
dispositions du contrat qui seul trace le cadre juridique de
l'exploitation de la plantation". Faisant suite à cette deman-
de de la personne publique, le juge administratif admet impli-
citement pour la première fois le principe du recours en in-
terprétation. Bien qu'occulté par l'article 9 de l'Ordonnance

de 1972, on convient avec le professeur NLEP dans ses observa-
tions sur cette décision qu' "il ne reste plus au législateur
qu'à en prendre acte et, dès lors, tirer les conséquences" ;
le jalon étant désormais posé.

(1) Inspiré par les solulions du Conseil d'Elal Français dans l'affaire Dame CACHET du 3 novembre 1922, le juge na-
lional affirme que le retrait d'un acte irrégulier créateur de droits est possible à la condition qu'il interviennent pour
des motifs d'illégalité dans les délais du recours contentieux (2 mois à compter de la publication ou de la notification
de l'acte) ; ou, lorsqu'un recours a déjà été formé, rendant toute la durée de l'instance, c'est-à-dire tanl que la juridic-
tion saisie n'a pas définitivemcnt statué sur le contenlieux . voir Arrêt N° 14/CFJ/AP '.lu 16 mars 1967, KOLLE
MOUANGUE clEtat du Cameroun; Rccueil M130UYOII.I, N° 12, lome J, pages 60-63, conclusions CORRE; ou encore
Arrêt N° 55/ADD/CFJ/SCA y du 25 mars 1969, sieur EII.IINI TINA clEtat Fédéré du Camcroun Oriental; ct cnfin juge-
ment N° 15ICS/CA du 25 novembre 1976, KFPAHOU Moise c/Ltat du Cameroun.

Parallèlement, la question d'un éventuel recours en ré-
siliation de l'acte normateur contractuel reçoit une position
assez ferme de la part du juge administratif. Ce dernier n'a
véritablement jamais été saisi d'une telle demande comme le
démontre bien l'affaire de la CFSO. Il en est de même des
autres décisions de contentieux contractuel précédemment ci-
tées. Un solide argument porte d'ailleurs à penser que le juge
camerounais n'est pas encore disposé à s'aventurer dans le
terrain contentieux de la résiliation des contrats administra-
tifs. Car il est carrément de tradition devant la Cour Suprême
statuant en matière administrative qu'il s'agit là d'un domai-
ne réservé sinon d'une fonction régalienne de l'administration
contractante. Aussi, entend-on le juge camerounais affirmer
avec une note singulièrement explicite à l'adresse des justi-
ciables que "le pouvoir de résiliation unilatérale dont dispo-
se l'Administration en matière de marchés publics est considé-
ré comme une prérogative exhorbitante".
On peut ainsi prévoir
que ce
juge appl iquera le même principe lorsqu' il
sera
confronté à d'autres types de contrats administratifs. Toute
éventuelle discrimination serait une innovation difficilement
justifiable quand on sait que son homologue Français a long-
temps posé que le pouvoir dont dispose la puissance publique
pour mettre fin au contrat qui le lie, en l'occurrence le pou-
voir
de
résiliation
unilatérale,
doit
être
rangé
parmi
lesUrègles générales applicables aux contrats administra-
tifs»(l). Et que même contractuellement, l'Administration ne
peut s'en priver (2).
(1) c.E. 2 mai 1958, Distillerie de MAGNAC-LAVAL, Rec, p 246, () 1958, P 790, note A. de LAUBADERE.
(2) c.E., 6 mai 1985, Associalion Eurolal Crédit foncier de france, Rec, p 141 . "considérant qu'il ressort des
clauses des conventions aimi intervellues, d'ulle part que l'Auociation r:'urolat sc voyait cOllférer un droit réel sur
un terrain appartenant à une col/ectivité publique, affecté à /111 service public, et destiné par les parties à être aména-
gl à cet elfet, el d'autre part que ladite association était autorüée d céder librement son "droit au bail" à toute per-
sonne de son choix, que le syndicat s'engageait par avancc à agréer et qui lui succèderait de ce fait dans la gestion du
service, sans autre formalité qu'une consultation préalable du syndicat .. qu'enfin, ['une de ces clauses interdisait la

résiliation du bail allant le remboursement complet du prêt accordé par le crédit foncier de France, sauf accord de cet
établissement bancaire, auquel devait être consentie par l'Association ulle hypothèque sur les immeubles qu'elle de-
vait construire, et alors même que ledit établi.ul'fI1(,lIt aurait refiué de se substituer pour la gestioll du service à l'ex-
ploitant défaillant .. que ces clauses, il/compatibles {I\\'ec les principe,r de la domanialité publique comme avec les lIé-
cessités du fonctionllement d'un service publir, doivent être regardées comme nul/es .. Qu'elles ont eu un caractère

déterminant dans la condusioll des rOllvelltions ct sont indivisibles des autres disposotiolls de ces conventiolls ;
qu'elles ont donc pour effet d'entacher de nu/llté /'en,remble desdites conventions".
~.' -' .

L'interprétation et la résiliation du contrat adminis-
tratif n'en sont pas moins les seules matières que le juge se
refuse à examiner. Le recours pour excès de pouvoir est tout
aussi inopérant pour résoudre le litige contractuel, du moins
en général.
B : LA CONTESTATION CONTRACTUELLE A L'APPUI DU RECOURS
POUR EXCES DE POUVOIR
"Il n'est possible, ni de demander au juge de l'excès de
pouvoir, juge de la légalité, d'annuler les contrats alors
qu'il a qualité pour annuler les actes administratifs, ni de
se prévaloir de la violation d'un contrat à l'appui d'un re-

cours pour excès de pouvoi r" (1). Ce propos d'une certai ne
doctrine publiciste en France, du reste corroboré par bon
nombre de décisions juridictionnelles du Conseil d'Etat en ma-
tière de contentieux contractuel, est généralement repris par
la jurisprudence administrative au Cameroun. Le juge national
veut tout simplement signifier à travers la réception de cette
maxime que les parties à un contrat administratif ne peuvent
prétendre à la résolution du litige contractuel, quel qu'il
soit, au moyen du traditionnel recours en annulation qui lui
est souvent adressé. Bien plus qu'une simple réception théo-
rique, le juge administratif Camerounais en a fait une appli-
cation pratique. Car en refusant explicitement d'annuler les
décisions du cocontractant administratif prises en méconnais-
sance des clauses d'un contrat administratif préalablement
conclu avec ses partenaires, ce juge érige en principe l'in-
terdiction de le saisir à l'appui du recours pour excès de
pouvoir (2).
Il est tout de même regrettable que le juge Camerounais
n'ait jamais eu à justifier exactement cette ligne jurispru-
dentielle. Mais on peut penser que l'obstacle principal qui
tient le recours pour excès de pouvoir à l'écart du conten-
tieux des contrats administratifs réside dans la nature même
(1) Georges VED[Lcrl'icrn: DLLVOI VE. Droitl\\umini~lralif, précis Thémis, PU F, !')<)O, Ilèllle édition. tome 1. l'
497.
(2) Jugement N° SO/M-RS du 1er février 19H5, TAMEGHI
Boniface (AMSECOl\\f-AMSECONCOM) clEtal uu
Cameroun, précité: "le juge des contestations n '(1 pas le pouvoir de prononcer l'annulation des mesures prises par
le Maître de l'ouvrage enVer.f l'entrepreneur, ... qu'il .wit de là que la juridiction administrative est incompétente à
connaître du présent litige". Celle même formule est reprise III e~lel1so dans les jugcmcnt~ ckjà cités des 2R juin
1990 el30 mai 1991 (toujours il propos de la même entreprise privée AMSECOl-.l-AMSECONCOMl

de ce recours : en effet, quand on sait que le recours pour
excès de pouvoir tend exclusivement à critiquer les problèmes
de légalité, c'est-à-dire de droit objectif, on convient que
ce mode de saisine du juge ne peut donc sJappliquer qu'aux
seules décisions unilatérales de l'dministration. Or, les élé-
ments de distinction de ces deux catégories d'actes normateurs
de la puissance publique étant acquis Cl), on peut aisément
comprendre la volonté du juge d'orienter toute contestation
relative au contrat administratif vers une voie contentieuse
plus appropriée. Dans un contrat de construction d'immeubles
par exemple, l'intérêt de l'entrepreneur agissant pour le
compte de l'Administration n'est-il pas de faire fructifier
financièrement son engagement en réalisant des bénéfices? Tel
est incontestablement le cas puisque le but recherché dans la
conclusion d'un contrat adminis~ratif ne saurait s'apparenter
à une oeuvre de bienfaisance ou;un don. Le prix à payer par le
Maître de l'ouvrage à son cocontractant étant capital, ce der-
nier a, par conséquent, tout intérêt à combattre un quelconque
agissement de la personne publique
de nature à com-
promettre les termes du cadre juridique de leur relation. D'où
le penchant du juge à accorder sa préférence au recours de
pleine juridiction.
Il
:
LE
CONTENTIEUX
DE
LA
RESPONSABILITE
ADMINISTRATIVE
CONTRACTUELLE
Les parties à un contrat administratif disposent du re-
cours de pleine juridiction devant le juge des contrats
lorsqu'une opération contractuelle connaît des dysfonctionne-
ments. Au Cameroun, cette voie contentieuse est celle que pré-
fère le juge car à la lecture de ses décisions, il est exprimé
que ule juge des contestations (des contrats administratifs)
n'a pas le pouvoir de prononcer l'annulation des mesures
prises par le Maître de l'ouvrage envers l'entrepreneur ;

qu'il lui appartient seulement de rechercher si ces actes sont
intervenus dans des conditions de nature à ouvrir au profit de
celui-ci un droÎt à indemnÎté". Rédigée dans des termes quasi-
(1) L'acle administratif unilaléral est la conjugaison de la norme de droil et J'absence de consentement de son destina-
taire; alors que le contrat administralif implique la "rè.~/c ct le cnnlc/ltemc/lI". Quant au fond de la distinclion. le se-
cond acte nomlaleur eSl porteur de droils cl nhli!!aliolls suhjecli\\'es tandis que le prl'cédelll lIlel cn relief des 'lueslions
de droit objectif.

ment identiques à ceux d'une certaine jurisprudence adminis-
trati ve Françai se (1), cette restri ction de la compétence
contentieuse du juge camerounais des contrats signifie que ce
dernier, saisi d'une requête du cocontractant, ne peut condam-
ner la partie adverse, s'il y a lieu, qu'au versement d'indem-
nités. Mais il reste à déterminer le fondement de l'action en
indemnité de la partie au contrat administratif qui s'estime
lésée dans sa phase d'exécution.
Le droit Camerounais de la responsabilité administrative
contractuelle est à ce sujet assez conforme au régime de la
responsabilité extra-contractuelle, et notamment en matière
d'"actions en indemnisation du préjudice causé par un acte ac-
ministratif (unilatéral)", selon la formule de l'article 9,
alinéa 2(b) de l'Ordonnance du 26 août 1972. Dans un cas comme
dans l'autre, il s'agit d'une responsabilité pour faute. Par
conséquent, le droit positif au Cameroun consacre une limita-
tion de la responsabilité de l'Administration à la responsabi-
lité pour faute. Valable dans le contentieux de l'acte unila-
téral,
cette règle l'est tout aussi pour le contentieux
contractuel (2). Ce qui implique forcément une identité des
conditions d'existence de la responsabilité des personnes pu
bliques, même si la responsabilité contractuelle se distingue
de sa voisine par les droits à indemnité octroyés par le juge
des contrats.
(1) C.E. 9 janvier 1957, sicur 1))\\ V)\\ J" )\\.! Trava\\l~, 1957 r, Il ' "('oll.l"idùlllll qll'Ji 1I1'1"lrlielll au jllge admillülralij
de rechercher si les me.wres pri-fes par l'admillislralioll à l'égard dl' l'Cil11'1'1'1'1'111': Il l' 1)11 dll fO/lnrüsellr sr,"1 illlerl'elllles
dans des conditions de nature à OUI'rir droit à indemnilé au profil de ces demiers " ,
(2) Dans fejugement TAMEGHI I30nifacc du Icr févricr 19R5,lc rcquérant saisillejugc pour "annulation dc la déci-
sion administrative portant résilialion du marché passé avec l'Etal ct à "ouverture d'un droit à l'indemnisation, Pour
ce Qui est de ce second ohjcl de l,] reqllête, le juge administratif y fail suite, "l'II l'ahscl1l'c dl' faule élahlic à l'encolltre
de l'entreprise (AMSECOM-AAfSECONCOAfJ dam l'exécutioll dll COlllra,",


A : LES CONDITIONS TECHNIQUES DE L'OUVERTURE DU DROIT A
L'INDEMNISATION
Le contrat administratif est le fondement normatif de la
responsabilité contractuelle de l'Administration (1) et de son
cocontractant. On peut définir cette dernière comme "la res-
ponsabilité qui incombe aux parties cocontractantes du fait de

leurs obligations: elle les amène à réparer les préjudices
découlant de ces obligations" (2).
Et le juge Camerounais
admet de manière tout à fait traditionnelle que les conditions
nécessaires à l'établissement de la responsabilité contrac-
tuelle se rapportent à la faute, au préjudice et au lien entre
ces précédents éléments.
- La faute est la première condition exigée par le juge
administratif
en
matière
de
contentieux
contractuel.
S'agissant de la définition de cette faute contractuelle, la
doctrine admet qu'elle pourrait s'analyser comme tout manque-
ment aux obligations nées du contrat administratif. C'est donc
aux obligations imposées par les stipulations du contrat admi-
nistratif qu'il faut nécessairement se référer pour savoir si
une faute a été commi se ou pas. Pui sque le manquement aux
obligations est constitutif de la faute contractuelle, on
convient que cette dernière peut être imputable indifféremment
au cocontractant de la personne publique tout comme à l'admi-
nistration contractante. A titre d'exemple, les obligations de
l'administration étant principalement
d'ordre financier, car
elle sollicite des travaux, biens et services en s'engageant à
payer le prix, leur inexécution peut fournir des illustrations
de faute: il peut s'agir d'un retard dans le paiement des
sommes dues au cocontractant. Les difficultés de trésorerie
traversées par l'Etat Camerounais actuellement offrent bel et
bien à ses partenaires, notamment en matière de marchés pu-
blics, l'opportunité d'engager devant le juge des contrats la
(1) "Sans contrat, il ne [Jellt y avoir de rcs[Jol/.mbilité cOl/tractlleUe des [Jusol/nes [JlIbliques el/ droit administratif .-
le contrat administratif cOllHilUe [Jar coméquel/t la source exclusive de la respolUaiJililé cOl/traelucUc dc l'adminis-
tratio,,", P TERNEYRE. in. la re~ponsabiJilé contractuelle des personnes publiques en droil adrninistrtir, Paris,
Economica. 1989, p 19.
(2) Pierre DEL VOLV E. Responsahililé conlraclllelie. in Encyclo[>édie DA LLOZ, Rc~ronsabililé de la puissance pu-
bique.

responsabilité de ce cocontractant administratif en raison des
retards chroniques dans le paiement du prix. Encore faut-il
que ces partenaires sachent qu'il s'agit ld d'un argument
contentieux considérable qui n'est pourtant pas l'apanage de
la personne publique. La faute contractuelle étant liée d l'i-
nobservation des clauses du contrat administratif, on peut
tout aussi imaginer que le cocontractant de la personne admi-
nistrative en tombe sous le coup, telle l'exécution hors délai
de l'objet du contrat alors que l'autre partie s'est acquittée
des obligations qui sont siennes aux termes dudit contrat.
La faute contractuelle peut en défi ni ti ve i nterveni r
tant du côté de l'administration que de celui de l'autre co-
contractant sans que cela suffise d ouvrir un quelconque droit
à l'indemnité.
- Le préjudice est en effet la condition supplémentaire
dans la responsabilité contractuelle pour faute. Et le juge
Camerounais est nettement plus accueillant d l'égard du préju-
dice matériel. Si l'on regrette qu'il n'y ait véritablement
pas encore une théorie jurisprudentielle bien élaborée des
conditions d'existence de ce type de responsabilité, il y a
tout de même lieu de penser qu'au regard des quelques juge-
ments rendus dans le contentieux contractuel, le juge national
ti enne compte du IIdomnum emergens" ou pertes immédi ates dans
l'exécution du contrat administrati f voire même du
IILucrum
cessons" qui implique la perte des bénéfices qu'aurait dû pro-
curer l'exécution normale du contrat.
- La faute contractuelle et l'existence du préjudice
sont enfin deux conditions cumulatives qui doivent s'interpé-
nétrer. Ce lien entre faute et préjudice doit ainsi produire
une relation de cause d effet, un lien de causalité qui fait
que la faute contractuelle soit la cause du préjudice matériel
subi par le cocontractant ou que ce préjudice soit l'effet de
la faute préalable. L'absence de ce phénomène est synonyme de
rupture du lien de causalité qui entratne exonération de res-
ponsabilité contractuelle. Deux circonstances particulières
mettent en évidence
ce cas de figure : la force majeure et le
fait du cocontractant, valables en droit Français, sont repris
pnr la jurisprudence camerounaise. En raison du caractère em-

bryonnaire de cette jurisprudence, il importe d'esquisser les
grandes lignes que la jurisprudence du Conseil d'Etat Français
fait de ces causes exonératoires.
Le fait du cocontractant peut en effet constituer une
circonstance de rupture du lien de causalité entre la faute
contractuelle et le préjudice.

UIl s'agit,
comme le dit le
Professeur DEL VOLVE,
du cocontractant victime du préjudice
qu'il
impute à l'autre partie et dont celle-ci se prévaut
comme cause exonératoi re".
La force majeure quant à elle se traduit par une tri-
logie: l'extériorité, l'imprévisibilité et l'irrésistibilité.
L'évènement dont se prévaut le cocontractant pour s'exo-
nérer de sa responsabilité doit lui être extérieur, indépen-
dant de sa volonté et de son activité.
L'évènement dont on se prévaut un'a pu raisonnablement
être envi sagé par le cocontractant au moment où il a trai-
té(l). Si cet évènement était prévisible, le cocontractant ne
peut faire appel ou invoquer la force majeure.
Enfi n,
l'évènement doi t mettre le cocontractant dans
"l 'impossibilité absolue d'exécuter le contrat" (2). Ce haut
degré d'entrave à l'exécution normale du contrat administratif
avait été auparavant signifié par le même conseil d'Etat qui
parlai t d'" impossi bU i té défi ni ti ve" afin d' isoler l' "imposs i -
bilité temporaire" sévissant en matière d'imprévision (3).
(1) CE. 17 décembre 1926, Société des chantiers industriels et maritimes de l' ANIX)UR. I~ec, Il 1124.
(2) CE., section, 5 novemhre 1982. SOCiété Prorétrol, Rcc Il 3RI . A.f.DA. l'JR3, P 259, conclusions Daniel LA·
BEfOUUE
(3) Cr., noIe P L\\I~(XJ\\JE SOIIS CL. () dl'cemhre 1()3~, ('ompagnie des Tramways de Cherhourg, Sirey 1933,111;9.
"il n 'y a imprévision l'II effet. qu 'l'II ,as de difficultés temporaires dom l'exécutioll du cOlltrat. l'al' là ellcore, l'im-
prévision s'oppose à la force majeure. Som doute, celle·ci l'eut-elle se traduire {laI' ulle impossibilité momelltallée
d'exécuter
le COlltrat, mais elle sera fréquemmellt u/le impossibilIté défilli/ive. La théorie de l'imprévisioll ùn·
plique, au ,ontraire. lIéCl'Haireml'lI1 que Il' hOlllel'l're.<lnl'lIl dl' l'écollomie du COl/lrat l'si l'uremelll temporaire: elle
n'est et ne l'eut être q 'w. ménll/i.rme Irf1ll.lilnir('.I. '(/1'1'('1 "'If"f'. d,'r r/(l/II\\('(/VJ dt' C!r,.1'/Joltrg 1'((1(ir1ll(' ('1/ lenncs !'arli·
culièrement lIets ".

C'est la réunion de toutes ces conditions qui permet au
juge administratif d'établir la responsabilité des parties au
contrat administratif, laquelle débouche tout naturellement,
sur l'octroi de droits à indemnité.
B : LES DROITS A INDEMNITE PROPREMENT DITS
Deux titres d'indemnisation ont jusqu'à l'heure retenu
l'attention du juge administratif Camerounais des contrats.
Leur particularité réside dans le fait qu'ils concernent
uniquement le droit à indemnité reconnu au cocontractant de
l'administration (1) pour des causes diverses liées à des in-
dicents d'exécution des stipulations contractuelles.
Le premier titre est relatif à l'indemnité pour respon-
sabilité de l'Administration. En cas de faute préjudiciable au
cocontractant, commise par la personne publique administrati-
ve, celle-ci voit généralement sa responsabilité contractuelle
engagée.
L'autre
ti tre
d' i ndemni sation
retenu
par
le
juge
Camerounais est propre aux marchés publics. C'est le cas des
indemnités pour sujétions imprévues ou prestations supplémen-
taires effectuées par l'entrepreneur. Le juge a déjà eu l'oc-
casion de les octroyer lorsque le cocontractant de l'adminis-
tration rencontre des difficultés d'ordre matériel ou qu'il
doit
s'investir supplémentairement pour la bonne exécution
du contrat conclu. C'est du moins ce que l'on peut retenir du
jugement N° 53/87-88 du 31 mars 1988, Groupement d'entreprises
DRAGAGES-SATOM dans lequel la juridiction administrative de-
vait examiner un recours en indemnisation tendant à la condam-
nation
de
l'Etat à allouer
aux
requérants
la
somme
de
424.507.530 F CFA représentant le coût de sujétions imprévues
du fait des déblais rocheux supplémentaires dans le cadre de
l'exécution d'un marché public.
(l) Tous les Iiti ges contractuels ont été portés allprès de la juridiction adrni nislrali\\'e par les cocon tractants de "admi-
nistration' Le juge ne pouvant s'auto-saisir, les éventuels droits ~ indemnilés reconnus à l'administration cocontrac-
tant seront sûrement définis lorsque celle-ci aura l'occasion d'invoquer auprès dll juge une faule préjudiciahle commi-
se par l'autre partie au contrat administratif.

Ces développements jurisprudentiels dénotent en tout cas
la véritable orientation Camerounaise de la compétence conten-
tieuse du
juge administrati f
en matière de
contentieux
contractuel.
La règle générale explicitement affirmée est
celle de la préférence de la plénitude de juridiction. Mais
les parties à un contrat administratif disposent-elles exclu-
sivement du recours en indemnité?
On peut aujourd'hui noter une certaine flexibilité de
jurisprudence par rapport à ce principe général qui témoigne
du glissement implicite vers le contentieux voisin qu'est
celui de l'excès de pouvoir.
sIS II : LE GLISSEMENT IMPLICITE VERS LE CONTENTIEUX DE L'EXCÈS DE
POUVOIR
Le recours pour excès de pouvoir tend à gagner, peu à
peu, la sphère du contentieux contractuel. Et cette avancée
progressive découle de la ferme détermination du juge camerou-
nais
à
normal iser
les
relations
juridiques
si
souvent
brouillées par la puissance publique au détriment de son par-
tenaire cocontractant. Doit-on alors conclure qu'il s'agit là
d'une étape décisive vers l'admission irréversible du recours
en annulation au profit du cocontractant de l'administration?
1 :
L'ETAT
DE
LA
JURISPRUDENCE
ADMINISTRATIVE
Une seule décision du juge administratif est à ce jour
intervenue dans ce sens. Il s'agit encore et décidément du ju-
gement Compagnie Forestière Sangha-Oubangui du 27 octobre
1988. la restitution fidèle du raisonnement des juges de la
Chambre administrative de la Cour Suprême impose que l'on ex-
pose minutieusement les faits de l'espèce dans les formules
mêmeS desdi ts juges.
La cour,
Attendu que par requête en date du 8 octobre 1985, enre-
gistrée le même jour au greffe de céans sous le numéro 14, la
.compagnie Forestière Sangha Oubangui, en abrégé CFSO, B.P. 24

Abong-Mbang, agissant poursuites et diligences de son direc-
teur, M.G. DROTZ, qui élit domicile en l'Etude de Maîtres
SIMON et BETAYENE, avocats à YAOUNDE, B.P. 43-24, a intenté
devant cette juridiction un recours tendant à l'annulation au
moins partielle de l'arrêté N° 004693/A/MFP/DP/SDPF/T du 14
juillet 1980 du Ministre de la Fonction publique portant déta-
chement auprès de la société requérante du sieur KOMTSINDI
René, technicien d'agriculture (recours N° 187/87-88) ;
Attendu que les faits de la cause sont les suivants
- un planteur expatrié, René BIAU, exploitait une plan-
tation industrielle de caféi~s robusta à Afia, arrondissement
de Doumé, département du Haut-Nyong ;
- René BIAU étant décédé, le Ministre de l'Agriculture
était, en raison, semble-t-il d'une succession mal assurée,
autorisé, par un décret en date du 11 mars 1975, à acquérir
cette plantation pour le compte de l'Etat, à l'incorporer au
domaine privé de l'Etat et à la gérer, soit directement, soit
en faisant bail à un concessionnaire, soit en la mettant à la
disposition de l'office national de participation au dévelop-
pement ;
- Le mode d'exp loi tation par bai l a été préféré aux
autres et un contrat de bail entre l'Etat (MINAGRI) et la CFSO
a été signé le 20 juin 1980. Le souci de veiller aux intérêts
de l'Etat dans la gestion et l'exploitation de la plantation
ont commandé l'insertion au contrat d'une clause qui stipule
qu' "un agent de l'administration sera détaché spécialement
pour les tâches nécessitées par l'exploitation. La rémunéra-
tion de base de cet agent continuera d'être à la charge du
budget public. Une indemnité de sujétion équivalente à celle
de chef de service de l'administration centrale et avec prise
d'effet à compter de l'entrée effective en fonction lui sera

versée par le preneur qui s'engage en outre à mettre à sa dis-
position un moyen de déplacement approprié. Au ces où ce moyen
ne pourra être fourni, une indemnité compensatrice lui sera
versée pour l'utilisation de son véhicule pour les besoins de
servi ce" ;


Attendu que le présent litige a pour orIgIne la non-
prise en considération, mieux la remise en cause de cette
clause par l'arrêté attaqué portant à titre de régularisation
le détachement auprès de la CFSO du sieur KOMTSINDI René qui
avait déjà été mis à la disposition de cette société par note
de service N° 850/MINAGRI du 13 décembre 1976 et y avait ef-
fectivement pris le service le 3 janvier 1977 ;
Attendu en effet que, contrairement aux termes de la
convention passée le 20 juin 1980 entre l'Etat et la CFSO, cet
arrêté stipule que upendant la durée de détachement,
les
soldes et accessoires de solde de l'intéressé seront supportés
par le budget de la CFSO" ;

Que la CFSO estime cet arrêté entaché d'excès de pouvoir
pour avoir été pris en violation flagrante de la convention du
20 juin 1980 qui fait la loi des parties ;
Attendu qu'après l'avoir longuement combattu, l'Etat du
Cameroun s'est finalement rangé à l'avis de la CFSO
Que c'est ainsi que par une requête en date du 30 juin
1986, enregistrée au greffe le lendemain 1er juillet 1986 sous
le N° 862, et qui fait l'objet du recours N° 237/87-88, l'Etat
du Cameroun invite la Cour à interprèter en faveur de la CFSO
le détachement du sieur KOMTSINDI René en ce sens que Ul e dé-
tachement dont il s'agit est un détachement spécial, essen-
tiellement différent du genre de détachement dont les formes
processuelles sont prévues par les articles 11@ et suivants du
statut général de

la
fonction publique"
d'une part,
et,
d'autre part, que tout acte individuel regardant les services
et les tâches d'exploitation de cette plantation appartenant à
l'Etat mais gérée par la CFSO doit être pris en application
des dispositions du contrat de bail qui seul lie l'Etat à la
CFSO
Attendu que s'agi ssant de l'a r rêté attaqué,
l'Etat
conclut sans
mbages à ce qu'il plaise à la cour : (~nnuler
cet acte au motif de violation de la loi, manque de base léga-
le, car ayant été pris en méconnaissance des dispositions du
contrat de bail qui seul trace le cadre juridique de l'exploi-
tation de la plantation de feu BIAU" ;

Que cette attitude de l'Etat équivaut à un acquiescement
de sa part ;
Qu'il y a lieu,
joignant les deux recours,
vu leur
connexité, de donner acte à l'Etat de ce qu'il acquiesce aux
faits exposés par la CFSO, d'annuler en conséquence l'arrêté
dont il s'agit dans toutes ses dispositions contraires à la
convention du 20 juin 1980 ;
Attendu qu'il échet de mettre les dépens à la charge du
Trésor public par application des articles 92 et suivants de
la loi N° 75/17 du 8 décembre 1975 ;
Par ces motifs,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière
administrative, à l'unanimité des membres et en premier res-
sort
Décide
Article 1er : Il est ordonné la jonction des deux re-
cours en raison de leur connexité.
Article 2 : l'arrêté N° 004693/A/MFP/DP/SDPFIT du 14
juillet 1980 dans toutes ses dispositions contrai res à la
convention du 20 juin 1980 est annulé.
Dépens à la charge du Trésor public.
Cette décision de la chambre administrative de la Cour
Suprême est importante à plus d'un titre : elle permet de
constater, au regard de la théorie juridique du contrat admi-
nistratif, l'incapacité tant de l'Administration que du juge
administratif à opérer la bonne qualification juridique du
lien contractuel dans la présente affaire; bien plus, elle
met en relief un régime de mobilité des agents publics non
conforme à la procédure normale. Ce qui est de nature à ren-
forcer la thèse d'une juridicité occulte dans le fonctionne-

ment quotidien du système administratif Camerounais (1).
Enfin, comment expliquer que le juge administratif se soit
naïvement fait embarquer sur un terrain contentieux non prévu
par l'article 9 de l'Ordonnance du 26 août 1972 alors que la
mise en oeuvre de l'opération du retrait de l'acte administra-
tif aurait suffi
à résoudre plus simplement le litige? On ne
reviendra évidemment pas en détail sur ces problèmes qui ne
cadrent guère avec la problématique à élucider.
Mais toujours est-il qu'en annulant l'arrêté de détache-
ment de l'agent public KOMTSINDI René pris par le Ministre de
la Fonction publique "dans toutes ses dispositions contraires
à

la convention du 2@ juin 198@",
le juge administratif
Camerounais opte ainsi implicitement pour la théorie de la dé-
tachabilité d'un acte administratif du contrat conclu par
l'Administration et la CFSO. On se rappelle que c'est une
clause interne audit contrat administratif qui est à l'origine
de la contestation, en ce sens que l'arrêté Ministériel déféré
au juge est pris en méconnaissance flagrante des termes de
cette convention qui fait la loi des parties. Dès lors, ce
juge aurait pu, conformément à sa formule classique, "recher-
cher si (ce détachement) est intervenu dans des conditions de

nature à ouvrir au profit (du cocontractant) un droit à indem-
nité".
Ce n'est pourtant pas ce cheminement qu'adopte la
chambre administrative puisqu'elle préfère la voie de l'excès
de pouvoir en examinant la légalité de l'acte d'exécution du
contrat. Ce faisant, le jugement CFSO constitue à n'en pas
douter un virage en douceur vers l'application du contentieux
de l'excès de pouvoir au litige contractuel. Peut-on finale-
ment présager l'irréversibilité d'une telle compétence conten-
tieuse du juge administratif Camerounais ?
Il
:
L'AVENIR
DE
LA
COMPATIBILITE
DU
LITIGE
CONTRACTUEL
AVEC LE RECOURS EN ANNULATION POUR EXCES DE POUVOIR
L'intervention depuis 1988 de la décision compagnie fo-
restière Sangha Oubangui peut à juste titre être perçue comme
une innovation jurisprudentielle. Elle permet désormais au li-
tige contractuel en général de disposer, aux fins de règlement,
(1) A l'exemple du jugement N° 52/88-89 du 29 juin 1989, 81U1v1LA Gahriel Ampère clEtat du Cameroun UvllNFlJ, on
peut s'apercevoir que l'adminislration ruh1iqlle Camerounaise se permet de prononcer il l'encontre d'un fonctionnai-
re' une sanction de mise en débet envers le Trésor Puhlic sur la hase du rapport d'enquêtes de police judiciaire a/ors
que la seule procédure valahle est l'investigation menée par le Conseil de Discipline Budgétaire et comptable.

d'une dualité d'action, le recours pour excès de pouvoir ou le
recours de plein contentieux qui réduit la compétence conten-
tieuse du juge aux questions d' i ndemni sation. Sans doute,
cette ori entation consacre dans l' hi stoi re du contentieux
contractuel la coexistence de ce que l'on nomme 'juge des
contrats"
et juge de l'excès de pouvoi r, du moment où l'on
admet cette distinction théorique au sein de la juridiction
administrative Camerounaise.
Toutefoi s,
il pourrai t
sembler exagéré d'accorder à
cette jurisprudence une portée débordant toute proportion me-
surée. Car lorsqu'on tient compte des solutions retenues par
le juge dans toutes ses décisions relatives aux contrats admi-
nistratifs, on en vient à déduire que la décision Compagnie
Forestière Sangha Oubangui n'est que l'instauration restricti-
ve du recours pour excès de pouvoir. Dans ce litige qui est
certes une première, il est uniquement question de l'examen,
par le juge de l'excès de pouvoir, de la légalité d'un acte
administratif relatif à l'exécution du contrat et déféré par
le cocontractant privé de l'administration.
En effet, d'autres aspects du problème du règlement du
litige contractuel par la voie du recours pour excès de pou-
VOlr relèvent encore de la simple spéculation.
Le juge national sera-t-il disposé à statuer sur un li-
tige similaire alors que la requête émane d'un tiers qui, bien
que n'étant pas partie au contrat, trouverait intérêt à faire
annuler l'acte d'exécution qui lui fait grief? le juge de
l'excès de pouvoir contrôlera-t-il la légalité des décisions
administratives relatives à la conclusion du contrat adminis-
tratif, déférées par une partie ou un tiers?
De plus, il est acquis que tout acte détachable dudit
contrat n'est pas forcément déférable au juge de l'excès de
pouvoir. C'est notamment le cas de décisions de résiliation de
contrats administratifs pour lequel le juge s'est tout récem-
ment prononcé, selon sa maxime bien établie: ttl e pouvoir de
rés il i er un i l atéra l ement l es marchés pub li cs dont di spose
l'administration constitue ne prérogative exhorbitante C... )
que le juge n'a pas le pouvoi r de prononcer l' annu lat i on des

mesures prises par le Maître de l'ouvrage envers l'entrepre-
neur, mais qu'il lui appartient seulement de rechercher si ces
actes sont intervenus dans des conditions de nature à ouvrir
au profi
t de ce l ui -ci un droi t à i ndemni tés" (1).
On conclut tout simplement à l'analyse des certitudes et
points d'ombre du contentieux contractuel que la jurisprudence
Compagnie Forestière Sangha Oubangui n'est pas la porte ouver-
te à tout recours pour excès de pouvoir. Moins elle est syno-
nyme d'admission générale du recours en annulation. Plus, elle
peut paraître comme une étape prometteuse vers l'application
du contentieux de l'excès de pouvoir aux contestations ayant
trait aux contrats administratifs (2).
CONCLUSION
PARTIELLE
On peut retenir au terme de l'analyse consacrée à cette
première phase de la recherche que tout litige soulevé par
l'opération normatrice de l'administration peut être soumis au
juge administratif. L'acte unilatéral et le contrat adminis-
tratifs sont donc deux éléments fondamentaux de la dimension
matérielle de la compétence de la juridiction administrative
au Cameroun.
Une remarque supplémentaire peut être faite à l'endroit
du contentieux juridictionnel de ces actes normateurs. Il y a
comme un développement plus élaboré de la décision unilatérale
(1) Jugement W 110/90-91 du 30 mai 1991, Entreprise AMSECOM-AMSECONCOM (l'AMEGHIBoniface) clEtat du
Cameroun. " était question d'un recours de ladite en/reprise tendant d'une part à l'annulation de la décision N°
014/CAB/PR du 12 juillet 1982 prise p<lr le secrétaire général de la Présidence de l<l République, portant résiliation du
marché N° 902/A0/81-82 du 17 mai 1982 rel<ltif à 1<1 construction de 50 logements à B1YEM-ASSJ (YAOUNDEl,et
d'autre part à l'allocation de domm<lges-intérêts chirfrés à 3()()()()().0(X) F CFA
(2) En droit Français, le recours pour excès de rouvoir est irrecevable contre tout acte de nature contractuelle. La règle
est de jurisprudence constante; l'annulation d'un contrat administratir ne peut donc être obtenue qu'à l'occasion d'un
litige de pleine juridiction porté devant le juge des contrats.
Ce principe d'irrecevabilité comporte néanmoins des limites avec la théorie de la délachabilité. La jurisprudence
admet en effet la théorie des actes détachables selon laquelle les actes administratirs uni latéraux qui peuvent être iso-
lés de l'opération contractuelle sont susceptibles d'être attaqués par voie de recours pour excès de pouvoir. 11 en va
ainsi, par exemple, des délibérations d'assemblées locales décidant de passer un contrat (C.E., 4 aoGt 1905, Martin,
Ree., p. 755, conclusions ROtdlEU : S.1906J,49, note lIA URIOlf : R. D. l' 1906, 249, note JEZE ; ou encore CE.
13 juillet 1968, Capus, D. 1%8, 674, cone/usions Bertrand , Je P 1%9, Il, 15719, note Ourliac et de Jug/artl, des
mesures d'approbation du contrat (CE, 25 avril 1951, Commune de Boisguillaume, Rec., p. (9) ainsi que du rcrns de
résilier un contrat (CE., 24 avril 1964, Sté anonyme de livrilisons industrielles ct commerciales, r~ec, p. 239 ; D
1964, 665, note Debbasch)
Pour une vue glohale de /il qlleslion, voir lluherl Charles, "aclc.< m/lachahle.<" cf "aclc.< délachable.<" en droil adminis-
t~atir Français (contribution il IIne théorie de l'opération administrative), bibliotbèque de Droit public, Tome UC"\\.X,
LGD.J., Paris, 1968: COLUARD, "La notiOIl d'acte délaclwblc", Mélanges t-,·lestre, 1956.

dans la mesure où le plus grand nombre de litiges administra-
tifs soumis à l'examen du juge ont généralement concerné ce
moyen privilégié de l'action des autorités administratives. Ce
qui a permis du reste de façonner un régime jurisprudentiel
assez satisfaisant de l'acte administratif. A l'inverse y le
contentieux naissant de l'acte narmateur contractuel demeure à
parfaire tant sur le plan primaire de la définition même du
contrat administratif qu'en ce qui concerne la fixation plus
osée des règles du contentieux contractuel. Encore faut-il que
les cocontractants de l'administration, voire même des tiers
n'étant pas partie au contrat, puissent avoir cette hargne
contentieuse nécessaire à la saisine de la juridiction admi-
nistrative. Mais au-delà de ces observations quelque peu cri-
tiques, il est désormais acquis, à l'analyse de la lecture de
l'article 9 de l'Ordonnance du 26 août 1972 et d'une pratique
juridictionnelle qui en découle, que le contentieux des actes
normateurs des personnes publiques se situe dans la sphère de
compétence du juge administratif. Il n'est pourtant pas l'u-
nique élément de compétence, puisque le même article 9 laisse
entrevoir des espaces additifs.

DeuHième Partie
LES ESPRC(S DE COMPETENCE RIUHTlfS

Parmi
les matières
dévolues à
l'examen
de
la
Cour
Suprême statuant au contentieux administratif, l'Ordonnance du
26 août 1972 fait référence, successivement, aux "litiges in-
téressant le domaine public" (1) et à ceux "qui lui sont ex-
pressément attribués par la loi" (2). Sans doute, la première
formule, qui est l'objet du Chapitre l, sous-entend que les
biens de l'Administration qui sont répartis dans son domaine

public, celui qui est soumis à un régime de Droit Public,
ainsi que les divers actes formels nécessaires à leur adminis-
tration, peuvent être au centre d'un contentieux dont le rè-
glement juridictionnel appartient alors à la juridiction admi-
nistrative (3). Quant aux "litiges qui lui sont expressément

attribués par la loi",
l'exacte détermination de ces derniers
n'est possible que par le biais d'une oeuvre de systématisa-
tion, les critères de compétence retenus étant en effet aussi
nombreux que les éléments de législation intervenus à ce titre
(Chapi tre II).

Il en résulte en tout cas, pour ce qui est de la compé-
tence matérielle de la juridiction administrative, des espaces
contentieux complémentaires,
parallèlement au traditionnel
contentieux des actes normateurs de l'Administration que sont
la décision unilatérale et le contrat administratif.
(1) Article 9, alinéa 2 (d).
(2) Article 9, alinéa 2 (e),
(3) Une exception à la compétcnce dc la juridiction administrativc, rclativcmcnt au contcnticux du domainc public,
est cependant d'ordre tcxtucllc ct ticnt cc faisant il ce quc "article 15 du décrct-Ioi du 9 janvier 1%3 conflc expressé-
ment les contraventions dc voirics il la connaissancc des tribunaux répressifs, lorsquc ccs dcrnières soulèvcnt dcs
contestations: cf. : MEVA' A M'EBOlJrOU Michel, "la protection de l'intégrité matérielle du domaine public au
Cameroun", rapport de licence, Université de Yaoundé, 1972, ronéotypé.
Celle règle Camerounaise de compétcnce juridict.ionnelle semble s'inspirer de "Ordonnancc Française du 27
Décembre 1958 qui confic aux juridictions judiciaires la protcction du domainc public T\\Hlticr. Pour l'application ju-
risprudentielle récentc de ce texle de l'Ordonnance, voir, T.c. 17 octobre 1988, Communc de Sainte-Geneviève-dcs-
Bois (décision rapportéc par Daniel Cf-IABANOL, in "la pratique du cOlltelltieux admill istra tif. .. ", précité, p.3l) .
"Considérant que l'actioll ellgagée par le Maire de Saillte-Gellel'ièl'e-des-Bois a pour objet l'expulsioll des per-
sonnes occupa lit sans autorisatioll, al'er leurs véhicules, deux parrs de statiolll/emellt qui cOllstituellt des dépell-
dances du domaille public routier tic la rOlnmUIlC
.. qu'il ré.wlte de l'article 6 de l'Ordo/lll{/lIre du 27 décembre 1958,
que ce litige ressortit aux juridictiollf de l'ordre judiciaire ... "


CHAPITRE 1
LE DOM.UNE PUBLIC

Le domaine public camerounais est juridiquement consacré
par l'Ordonnance N° 74/2 du 6 juillet 1974 fixant le régime
domanial. L'une des particularités de ce texte réside dans la
distinction fondamentale qui a toujours marqué le domaine pu-
blic et celui qui s'en détache, c'est-à-dire celui que l'on
qualifie de domaine privé. Il est en effet explicitement posé
dans le premier article que ul a présente Ordonnance régit le
domaine public, le domaine privé de l'Etat et des autres per-
sonnes morales de droit publ ic".
Si l'on cherche en vain la
désignation de ces personnes morales autres que l'Etat dans la
présente ordonnance, il convient cependant de se référer à
l'article 9, alinéa 1 de l'Ordonnance N° 72/6 du 26 août 1972
fixant l'organisation de la Cour Suprême pour comprendre qu'il
s'agit udes collectivités locales (communes) et des établisse-
ments pub li cs".
Pour revenir précisément au domaine public pour lequel
les éventuels litiges y afférents sont de la compétence du
juge administratif, une double constatation semble s'imposer:
le droit positif, tel qu'il résulte de l'Ordonnance N° 74/2 du
6 juillet 1974, dégage une approche binaire mais complémentai-
re de ce que l'on entend par domaine public; le volume res-
treint de jurisprudence sur un pan aussi important du droit
administratif témoigne encore d'une
réelle
faiblesse
du
contentieux juridictionnel.

seCTION
1 : LES APPROCHES DE DEFINITION
DU
DOMAINE PU-
BLIC DANS LA LEGISLATION NATIONALE
La définition du domaine public tel
qu'elle est tirée
de l'article 2, paragraphe 1 de l'Ordonnance de 1974 est la
suivante:
CCfont partie du domaine public,
tous les biens
meubles et immeubles qui, par nature ou par destination, sont
affectés soit à l'usage direct du public, soit aux Services
publics".
De toute évidence, l'on est en présence d'une accep-
tion générale et abstraite puisqu'elle fait appel au critère
du domaine public. Ce faisant, cette conception camerounaise
marque sa filiation par rapport à la formation historique du
droit français en la matière (1).
L'Ordonnance du 6 juillet 1974 va bien plus loin que
cette optique critériologique en procédant à une énumération
des composantes matérielles du domaine public; c'est une dé-
finition que l'on peut qualifier de descriptive. Il importe
par conséquent d'analyser amplement ces deux schémas de défi-
nition.
(1). Jean DUFAU. Le Domaine Public. collection l'actualité juridique. Editions du Moniteur. Tomes 1 ct Il. 3è édition.
Paris. 1990.
. Jean-Mane AUBY-Pierre BON. Droit administratif des biens, précis DALLOZ, Paris, 1991.

SIS
1:
L'ACCEPTION
GEN(~i{ALI~ ET ABSTI{AITI~: LE CI{ITEI{(~ OU
DOMAINE PUBLIC
Un rappel des termes de l'mticle 2 de l'OrdonlHlIlce du () juillet 1974 est utile pour
mieux comprendre le sens de la défInition camerounaise du domaine public: «/rJ/lII)(l/"lic
du domaine pllblic, lous les hiens mellh/es el il/llI/ellh/es qui, liaI' nolllre rm pur
destinalion, so1l1 alf(~Clés so;t à / 'usage dircct du 17lIh/ic. soil allx sCl'Fices fillhlics ».
Le critère de l'affectation du bien revêt ici une importance capitale, car la présente
formule juridique en fait un paramètre central, ce qui n'est que de nature il c"lsser au r;lIlg
de la subsidiarité le bien l'élisant l'objet de l'aITectation.
1: L'IMPORTANCE DU CRITI~I{E DE L'AFFECTATION
Tous les biens destinés il faire partie du clonwine public sont affectés soit éll'usage
direct du public, soit aux services publics. Cette double orientation des composantes
matérielles du domaine des personnes publiques soumis il un régime de droit public
appelle un certain nombre de précisions.
Mélis il convient de noter au préalahle que la législation cameroulléllse ne semble
pas faire grand cas de la
condition
d'élménagelllent
spécial
requise pélf
la
jurisprudence éldl1linistrative du Conseil d'Etat Frallçélis 1
l'anéllyse théorique de cette
notion d'aménagement spécial 2 révélant ainsi que sont exclus du domaine public, les
biens qui « n 'onl (:Ié l'ob/cl d'allCII}} (fJ1I(;Jjogell/el/l l}(lJ'liclllier »1. Cc choix n'csl
1 Voir c.E.. Assemblée. 22 avril I%(), siellr BERTHIER François Ree. p. 2(,4: R.D.P .. l%(), p. I22X, Conclusions
Henry: « considéronl... qlle ln IJlncc dile de 1>1 r'!'O!llnlellr... Cn/l.ll(/lie IlIIc IJrn/l/cllndc l!IIhliqllc offi:c/e;e l'II II/(I(/c
qunlÎle' à 1'lIsngc dll l'I/hlic cl nl//à/oge; il œlle ./ill .. l'or sllilc cl hil'l/ qI/ dIe 1/ 'oil IN/s le cl/rl/cNre
d'III/l' l'nic
publiqlle... elle Inil Cl'IWI/lIOIlI pol"!ic dl/ dll/II li il/(' 1)/lhlll:» : el récclllllleni. 2) mars Il)XX. S/\\
les mis. Droil
Administratir. l ')XR. N° 241.
2 P. SANDEVülR, ({ f-r/l1l1(inl1 d'o/l!él/lIgc/l!clI( ,Iï!h:iol dO/1s 10 dl;lclïl/il1ol/(i/l dll dll/llom!: fmhlic». /\\J.D./\\.,
1966. 1. p. X4.
J Yves BRARD, Droil Adminislralir des Biens et cie la fonction Pliblifjlle. Presses universilaires cie France.
Mémenlos Thémis, Paris. l ')X5, p. 1()I.

pas automatiquement critiquable, compte tenu du fait que cer-
tains biens affectés précisément à l'usage du public sont sus-
ceptibles d'être rangés dans le domaine public sans pour au-
tant avoir fait l'objet d'aménagements spécifiques. C'est donc
plutôt à ceux qui prétendent que ((l'aménagement spécial est
toujours nécessaire" (1) pour qu'un bien soit incorporé au do-
maine public qu'il convient de formuler d'éventuelles ré-
serves. Quant au droit positif camerounais, s'il consacre la
primauté du critère de l'affectation, il maintient expressé-
ment que cette opération d'affectation des biens doit se faire
au profit du public ou au bénéfice des services publics.
D'une part, en effet, l'affectation à l'usage du public
est requise comme condition nécessaire de l'appartenance d'un
bien d'une personne publique au domaine public. Ce critère de
l'affectation à l'usage du public dénote la volonté du légis-
lateur camerounais d'emboîter le pas à une jurisprudence admi-
nistrative française bien connue (2). Il s'agit bien évidem-
ment d'un préalable nécessaire et non suffisant. Car pour que
l'affectation d'un bien à l'usage du public soit perçue comme
une condition suffisante, l'Ordonnance du 6 juillet 1972 in-
si ste exprèssement su r le caractère di rect dudi t usage. Il
faut donc, en outre, que le public utilise directement ce bien
en lui-même, c'est-à-dire celui qui est intégré dans le domai-
ne public. L'affectation à l'usage direct exclut d'office
toute forme d'utilisation à travers quelque chose d'autre que
ce public. En pratique, cette condition est assez largement
réalisable dans bon nombre de cas. Mais force est de recon-
naître que son application n'est guère absolue, ce qui pose
vraisemblablement un problème dans la théorie camerounaise de
l'affectation à l'usage direct du public.
(1) r=rançois HERVOIJEr, "L'lIlilill' de la 1I0lioll d'omélla,r:emelll Jpt'cial dall.f la lhé()rie du domaine public", R.DY,
1983, p. 155
(2) C.E. Section. 28 juin 1935, MOUGAMAJ)OUSADAGNETOULL.A nvlARFCAR), Rcc, p. 734 ; D. 1936.3.20,
conclusions Latoumeric el note G. JEZE. "Collsidéranl. d'ulle parI. que ledil cimelière fail parlie, d'après les dispo-
silions de l'arlicfe
6 de l'arrêlé du 27 avril 1854. du domaine de la commune (de Nédou/I('adou) ... d 'aulre parI, qu'il
l'sI affecté à l'IHage du public, el qu'il doil l'Ire. dès Ion, compris par ICI dépendances du domaine public de la com-
mune dont il s'agit".


A titre d'illustration, l'usager du service public fer-
roviaire n'utilise pas directement le domaine public ferro-
viaire ; mais plutôt indirectement à l'occasion des presta-
tions qui lui sont fournies par la Régifercam. Peut-on encore
s'autoriser
à
penser,
conformément aux
dispositions
de
l'Ordonnance du 6 juillet 1974, que cette parcelle du domaine
public est directement utilisée par le public? Sûrement, il
n 'y a guère matière à polémique puisque les fai ts parlent
d'eux-mêmeso La réponse est par conséquent négative.
En revanche, ce même usager de la Régifercam utilise di-
rectement les biens du service ferroviaire quand il s'agit du
hall de la gare et des quais d'embarquement ou de débarque-
ment. La conclusion qui s'impose intellectuellement est que
l'usage direct par le public d'un bien incorporé au domaine
public n'est pas toujours intégralement observé. Ce qui veut
dire que cette condition n'est que partiellement remplie pour
certaines formes d'utilisations domaniales. Et l'on pourrait
se permettre de multiplier des situations analogues, notamment
celle de l'usager du service public de l'électricité (SONEL)
ou encore l'usager des postes et télécommunications. Le critè-
re de l'affectation du bien à l'usage direct du public est,
finalement, relativement concrétisable contrairement à ce que
prévoit le texte de l'Ordonnance de 1974. Et quand le public
se trouve dans des conditions de nature à entraver l'usage ef-
fectivement direct du bien affecté au domaine public, c'est le
service public proprement dit qui en fait alors usage.
L'affectation du bien "aux servi ces pub li cs" constitue
d'autre part la seconde modalité du critère qui fonde le do-
maine public dans la conception du droit positif camerounais.
Elle n'est en réalité qu'une reprise de la solution dégagée
dès 1959 par le juge administratif français (1). Elle signifie
0) c.E.. Il mai 1959, DAUPHIN, Rcc p. 2'.LI ,AJD.A )9<;9, p. 11:1, Chf C()~113ARNOUS cl GALABERJ: ct p.
228. noie OUrAU. I~CHAUME, p 275 , "['aUée des Alyscamps qui aflparllcfft à la vtlle d'Arlcs, cst affccté à un .1er·
vice public de caraC/ère cullUre! el lourisliquc el ... a fail l'ohjel d 'améffllgemellis spéciaux Cff l'ue dc cel usage ...
ainsi celle aUée a été incorporée au domaine public communal"

cette fois-ci que l'utilisation domaniale est faite, non plus
par le public, mais par les services publics même dans l'ac-
complissement de leur tâche de service public t "c'est-à-dire
une activité d'intérêt général exercée sous l'autorité d'une
personne morale de droit public" (1)
Le droit public camerounais privilégie donc le critère
de l'affectation dans la définition du domaine public, à Itin-
star du droit Français (2), et semble par là minimiser la na-
ture des biens faisant l'objet de ladite affectation.
LL: LA SUBSIDIARITE DE LA NATURE DU BIEN INCORPORE AU
DOMAINE
PUBLIC
L'esprit de ItOrdonnance du 6 juillet 1974 semble oscil-
ler entre des considérations primordiales et subsidiaires pour
ce qui est précisément de l'acception de Itexpression domaine
public. Si le critère de l'affectation en est l'élément prin-
cipal de définition sans lequel le domaine public camerounais
serait une matière indéterminée, le texte de l'Ordonnance
n'entend pas au contraire faire grand cas de la nature des
biens du domaine en question. Car il peut s'agir des biens
meubles ou immeubles. Peu importe, par conséquent, la nature
du bien qui est incorporé ou, pour reprendre les termes du
droi t posi ti f, "affecté" au domaine publ ic de l'Etat et des
autres personnes morales de droit public. Mais il reste que la
distinction des biens meubles ou immeubles susceptibles d'ap-
partenir au domaine public n'est pas abordée par l'Ordonnance
du 6 juillet 1974. Cette lacune est tout aussi perceptible
dans les ouvrages ou cours polycopiés camerounais de droit pu-
blic. Pour y remédier, le Code Civil apparaît comme le texte
juridique nécessaire à la fixation des règles, notamment dans
ses articles 516 à 536.
En effet, on tient tout d'abord de l'article 516 que
Utous les biens sont meubles ou immeubles". Ce qui répond
d'ailleurs parfaitement à la forme des biens affectés au do-
maine public par Itarticle 2 t paragraphe 1 de l'Ordonnance du
6 juillet 1974.
(1) Joseph O\\VONA, Droit Adrnilllstralir spécial de la Répuhlique du Call1en)UI1, S(;rie to.lanucls el Travaux de
l'Université de YAOUNDE, O)ICEE Paris, 1985, jJ. 118
(2) Manuel GROS, "{'affecta/ion. cri/ère central de la domanialité publique ", RD P, 1992, pp. 749-784.

Ensui te,
fi xant préa1ab1ement que
tt l es
bi ens
sont
meubles par leur nature ou par la détermination de la loi"(1),
le Code Civil définit que Usant meubles par leur nature, les
corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit
qu'ils se meuvent par eux-mêmes, comme les animaux, soit qu-
'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force
étrangère, comme les choses inanimées" (2). C'est le cas par
exemple d'un vélo, d'une automobile, d'un navire, d'un aéro-
nef, etc.
Et pour enfin marquer la différence qui existe entre de
tels biens meubles et des biens immobil iers, l'article 518
dudi t code di spose que UI es fonds de terre et l es bâtiments
sont inrneubles par leur nature".
En substance et à la lumière des dispositions du Code
Civil, la frontière entre un bien meuble et un bien immeuble
réside, pourrait-on dire, dans la mobilité, quelle que soit sa
provenance (3), ou le caractère statique de l'objet considéré.
A partir du moment où un bien peut changer de place, il est
meuble et pourrait par conséquent être incorporé au domaine
public qui du reste appartient exclusivement aux personnes mo-
rales de droit public; car on sait généralement que les biens
du domaine public sont inaliénables, imprescriptibles et in-
sai.sissables et qu'à ce titre, ils sont insusceptibles d'ap-
probation
privée
c'est-à-dire
qu'il
est
impossible
de
contraindre l'Administration à en perdre la propriété. Et dès
que l'on franchit la limite de la mobilité, tout bien est dé-
sormais dans la sphère des biens immeubles.
(1) Article 527 du Code Civil.
(2) Article 528 du Code Civil.
(3) Le Code Civil fixe delL" hypothèsrs de Illohilité n'aY,lIlt pas la même origine
il peut s'agir des "corps qui ... se
meuvent par elu-même, comme les allimaux... ou qui Ile puis.rellt l'hallser de place que par l'eJ/et d'ulle force étrallgè-
re. comme les choses illallimées".

Cette mise au point effectuée, il reste à interpeller le
législateur camerounais sur la confusion que peut générer sa
définition. Dire que "tous les biens meubles et immeubles ... "
font partie du domaine public peut être interprété qu'il y a
des biens tout à la fois meubles et immeubles. Ce qui est loin
de refléter la réalité. Or les mots ayant leur sens précis, le
texte camerounais doit plutôt parler de biens meubles ou im-
meubles. Et ce, d'autant plus que la définition descriptive du
domaine public contenue dans les articles 3 et 4 de cette
Ordonnance de 1974 ne corrobore guère sa logique d'amalgame
des biens. Aucun élément constitutif du domaine public ne per-
met pas en effet de conclure qu'il a le caractère d'un bien
meuble et immeuble à la fois.
sIs II : LA DEFINITION DESCRIPTIVE OU LA COMPOSITION DU DOMAINE
PUBLIC
Aux termes de l'article 2, paragraphe 3 de l'Ordonnance
N° 74/2 du 6 juillet 1974 fixant le régime domanial, "le do-
maine public se divise en domaine public naturel et domaine
public artificiel".
! : LE DOMAINE PUBLIC NATUREL
Les éléments du domaine public naturel sont déterminés
par l'article 3 de l'Ordonnance suscitée. C'est ainsi qu'il y
ressort que ce pan du domaine public général est constitutif
d'une trilogie puisqu'il se subdivise en :
- domaine public maritime;
- domaine public fluvial ;
domaine public terrestre et aérien.
S'agissant tout d'abord du domaine public maritime, il
comprend entreautres :
a) Les rivages de la mer jusqu'à la limite des plus
hautes marées ainsi qu'une zone de cinquante mètres mesurée à
partir de cette limite;

b) Les rives des embouchures des cours d'eau subissant
l'influence de la mer jusqu'à la limite des plus hautes ma-
rées, ainsi qu'une zone de vingt-cinq mètres à partir de cette
limite;
c) Le sol et le sous-sol de la mer territorial.
Ensuite, pour ce qui est du domaine public fluvial, il est
constitué par:
a) Les cours d'eau navigables ou flottables dans les li-
mites déterminées par les plus hautes eaux, ainsi qu'une zone
de vingt-cinq mètr~s à partir de cette limite;
b) Les marécages, à l'exception des plantations aména-
gées;
c) Les cours d'eau non navigables ni flottables dans les
limites déterminées par la hauteur des eaux coulant à plein
bord
d) Les lacs, les étangs naturels et les lagunes dans les
limites déterminées par la hauteur des plus hautes eaux.
Enfin, quant au domaine public terrestre et aérien, il
est respectivement constitué
par le sous-sol et l'espace at-
mosphérique situésau-dessus du territoire de l'Etat et de la
mer territoriale.
La présente énumération, par le texte de l'Ordonnance de
1974, des éléments constitutifs du domaine public naturel, met
en évidence la spécificité même de la matière: c'est que le
domaine public naturel est essentiellement perçu sous l'angle
de la nature stricto sensu (1).
Ce qui est déjà, par conséquent, révélateur de la parti-
cularité du domaine public artificiel dont on peut affirmer
qu'il est principalement l'oeuvre de l'homme.
(l}lacques CAILLOSSE, "Plaidover pour le domaine l'uNie "a/tlrel", 1<..1 1:., !'YX), N° ,1, p. 491

_,_,: LE
DOMAINE
PUBLIC
ARTIFICIEL
L'énumération de ses composants est issue de l'article 4
du texte de l'Ordonnance précitée. Ainsi, font partie du do-
maIne public artificiel:
a) Les routes nationales et une emprise de cent métres
de part et d'autre de l'axe de la chaussée. Cette emprise est
réduite à cinq mètres en ville, à partir du fossé;
b) Les routes provinciales et départementales et une em-
prIse de cinquante mètres de part et d'autre de l'axe de la
chaussée; cette emprise est réduite à cinq mètres en ville à
partir du fossé ;
c) Les pistes carrossables d'intérêt local et une empri-
se de vingt-cinq mètres de part et d'autre de l'axe de la
piste
d) Les pistes non carrossables ;
e) Les chemins de fer et une emprise de trente-cinq
mètres de chaque côté à partir de l'axe de la voie
f) Les ports commerciaux, maritimes ou fluviaux, leurs
dépendances et une emprise fixée compte tenu des études spéci-
fiques pour chaque port ;
g) Les ports militaires, maritimes ou fluviaux, leurs
dépendances et une emprise fixée compte tenu des études spéci-
fiques pour chaque port ; tous les ouvrages de défense ter-
restre, aérienne et maritime de la nation;
h) Les lignes télégraphiques, téléphoniques, leurs dé-
pendances et une emprise de deux cents mètres autour des
centres de télécommunications ;
i) Les alluvions déposé
en aval ou èn amont d'ouvrages
construits dans un but d'utilité générale;

j) Les monuments et édifices publics créés et entretenus
par l'Etat ou les autres personnes morales de droit public no-
tamment les halles, les marchés, le cimetière, les musées;
k) La concession des chefferies traditionnelles et les
biens y afférents et plus spécialement dans les provinces où
la concession des chefferies est considérée comme bien indivis
de la communauté dont le chef n'a que la jouissance.
C'est donc l'ensemble de ces éléments qui forme le do-
maine public camerounais. On sait désormais, d'après l'article
9, alinéa 2(d) de l'Ordonnance N° 72/6 du 26 août 1972 fixant
l'organisation de la Cour Suprême (1), que les éventuels li-
tiges y afférents sont compétemment examinés par la juridic-
tion administrative. Mais le peu de décisions de justice ren-
dues à cet égard ainsi que l'analyse minutieuse de leur conte-
nu permettent de déceler les signes d'un contentieux du domai-
ne public encore assez faible.
SECTION Il: LES INSUFFISANCES DU CONTENTIEUX
En guise de rappel, c'est l'article 9, alinéa Z (d) de
l'Ordonnance du 26 août 1972 qui charge expressément la juri-
diction administrative de la connaissance des Ulitiges inté-
ressant le domaine public". La question qui se pose désormais
est de savoir exactement quelle peut être la nature de ces
contestations.
En l'absence d'une clarification par ladite
Ordonnance à ce sujet, et notamment son article 9 qui a la
prétention de prévoir les litiges administrati.fs soumis à
l'examen du juge administratif, seule une observation attenti-
ve des décisions rendues par la Cour Suprême statuant en ma-
tière administrative peut permettre de lever l'incertitude qui
subsiste. Il ressort en tout cas de la pratique du contentieux
(1) Ccltc Ordonnancc dc 1972 a déjà été modifiéc par la Loi N" 76128 du 14 décembre 1976. Cependant. ce texte ma
dificatif ne porte guère à conséqucncc sur 1;1 compétence de la Cour Suprême statuant en matière administrativc
puisque seuls quelques disfX)sition.~ n'ayant aueun rapport a"cc les litiges administratifs dévolus à la ccnsure du jugc
administratif sont concernées p;)r la réfonne. en l'occurrence les mlicies 2. .'>.7,8. 10, n. 14 el 15.

administratif au Cameroun que cet aspect du problème demeure
embryonnaire. En témoignent, la faiblesse notoire qui est le
lot du contentieux des dommages causés aux particuliers par
les biens du domaine public ainsi que celle qui a trait au

contentieux des actes relatifs du domaine public.
SIS 1 : LE CONTENTIEUX THEORIQUE DES ACrES fORMELS
IILes litiges intéressant le domaine public", au sens de
l'Ordonnance Camerounaise précitée, ont déjà reçu une applica-
tion concrète de la part du juge administratif Français.
Ainsi, savons-nous par exemple que des opérations administra-
tives qui concourent à la constitution du domaine public sont
formalisées par le procédé de l'acte administratif unilatéral

relevant du contentieux de l'excès de pouvoir (1). Il reste
alors à scruter la position prise par le juge administratif
national sur ce problème du parallèle entre ul es litiges inté-

ressant le domaine public" et la décision administrative uni-
latérale.
Il convient de dire d'emblée que la juridiction adminis-
trative n'a jamais eu à connaître directement d'un recours en
annulation pour excès de pouvoir contre un acte unilatéral de
l'Administration relatif au domaine public. Cette absence de
saisine juridictionnelle en la matière conforte ainsi la thèse
des insuffisances du contentieux du domaine public. Mais enco-
re faut-il pouvoir démontrer, par le biais d'une analyse juri-
dique résistante, qu'une telle insuffisance est la résultante
du contentieux supposé théorique des actes formels dudit do-
maine. En termes beaucoup plus prosaïques, doit-on valablement
invoquer une théorie du contentieux juridictionnel des actes
formels du domaine public?

(1) Le recours pour excès de pouvoir peut être intenlé en vue de raire annufer une délimitation irrégulière pOlir erreur de
fait commise sur les limites naturelles réelles el aussi pour raire annufer un rdus de délimitation, le commissaire de la
Ré?ublique ayant l'obligation, lorsque le riverain le lui demande, de procéder;l 1:1 délimitation (CE., .'i pnvier 1955,
DECLOITRE, Rec, pl)
Ou encore à propos de la délimilalion du livage de la mer, le Conseil d'Ual a .,ugé que, l'administration se bornant ;l
constater une situation de rait susceptible d'être rnexlifiée par un phénomène naturel, des décisions ultérieures sur la
même demande émanant du même ri verain ne peuvent pas avoir un caractère "confirmatif" el sont di:s lors suscep·
tibles de faire "objet de nouveau:', recours pour C:'lcès de pouvoir «, révricr \\<)7(" Société villa I\\liral11ar, 1\\ ..lOi\\,
chronique de jurisprudence nOYON et 1\\lmc NA UWU.AERS, J 976, p 201 )

En dépit de la formule on ne peut plus vague de l'expre-
sion "l itiges intéressant le domaine publ ic" et du fait que la
juridiction administrative n'ait pas encore eu à s'y pencher
dans le sens de l'excès de pouvoir comme son homologue fran-
çais, il ne fait guère de doute que la compétence du juge ad-
ministratif s'étend sur des actes de délimitation et d'admi-
nistration (actes de classement ou de déclassement) du domaine
public. Cette conviction est tout simplement tirée de l'analy-
se de l'article 5 de l'Ordonnance N° 72/2 du 6 juillet 1974
fixant le régime domanial.
S'agissant tout d'abord des actes formels de délimita-
tion du domaine public, leur caractère administratif ainsi que
la compétence juridictionnelle qui en découle, celle du juge
administratif, sont établis en ce sens que selon le paragraphe
4 de cet article 5, il est disposé qu' "en cas de doute ou de
contestation sur les limites du domaine public. .. , il est sta-
tué par arrêté du Ministre responsable des Domaines, avec pos-
sibi lité de recours devant la juridiction compétente". Or on
sait déjà que seule la juridiction administrative est compé-
tente pour connai. tre des ((1 i tiges intéressant le domai ne pu-
blic" aux termes de l'article 9, alinéa 2 (d) de l'Ordonnance
du 26 août 1972.
Quant à ce qui concerne les actes d'administration du
domaine public tels les actes de classement ou de déclasse-
ment, leur nature juridique coïncide parfaitement avec la qua-
lité d'acte administratif unilatéral. Ceci est d'autant plus
vrai. pour ce qui est du domaine public artificiel notamment
car, d'après cet article 5 en son paragraphe premier, ((les im-
meubles destinés à faire partie du domaine artificiel sont
classés par décret". Qui plus est, ce décret de classement,
d'après les termes du paragraphe deuxième qui suit, "vau t dé-
claration d'utilité publique permettant de procéder,
le cas
échéant, à l'expropriation".
L'acte de classement est par
conséquent un acte admi.nistratif. Au demeurant, la juridiction
admini.strative a fort longtemps posé le princi.pe de sa compé-

210
tence pour examiner la régularité de tout acte' déclaratif d'u-
tilité publique (1). Et pour terminer, une décision relative à
la sortie d'un bien du domaine public est tout aussi adminis-
trative puisque le paragraphe troisième du même article 5 dis-
pose clairement que ul es dépendances du domaine public naturel
ou artificiel reconnues sans utilité compte tenu de leur af-
fectation initiale, peuvent être déclassées et intégrées par
décret au domaine privé de l'Etat ou des autres personnes mo-
rales de droit public".

A la lumière de cet éclairage normatif, il est donc per-
mis de conclure que les actes de délimitation et d'administra-
tion du domaine public revêtent un caractère administratif et
susceptibles d'être appréciés par le juge administratif.
Quoique leur contentieux demeure théorique du fait que des
actes afférents n'ont pas encore été déférés à ce juge, ce
vide n'entame en rien leur validité contentieuse. A supposer
qu'un justiciable saisisse le juge à cet effet, ce qui proba-
blement interviendra un jour, on peut prévoir que pareille
contestation relative au domaine public obéira aux règles
classiques du contentieux juridictionnel de l'acte administra-
tif unilatéral. Soit il sera question d'une requête introduc-
tive d'instance tendant à ce qu'il plaise à la juridiction ad-
ministrative d'annuler pour excès de pouvoir ... , soit il s'a-
gira du contentieux voisin qu'est celui de la réparation dont
on doit signaler qu'i.l est à double détente: d'une part, le
justiciable formera un recours en réparation devant le juge
admini.stratif
pour
Upréjudice
causé
par
un
acte
administratif", en l'occurrence celui qui a trait au domaine
public; cette action étant prévue par l'article 9, alinéa 2
(b) de l'Ordonnance du 26 août 1972 relatif à la compétence de
la juridiction administrative. Mais les possibilités conten-
tieuses de ce justiciable ne s'arrêteront nullement à la res-
ponsabilité de l'Administration pour faute, .laquelle faute en
droit Camerounais est liée à l'irrégularité de la mesure édic-
tée ; car il lui reviendra d'autre part, en dehors de toute
(1.) Arrêt N° 160/CFJ/CAY du 8 juin 1971. FOlJD!I ~\\'f1IA LL\\ I\\lauricc el Etal Fédéré du Cameroun Oriental, précité.
Revue camerounaise de Droit, N° 1. janvier - juin 1972. pp 40-41. observations 1'.lichel PROUZEl'.

mise en cause des actes formels du domaine public, de s'orien-
ter le cas échéant, vers ce chemin du même contentieux de la
réparation qui consiste d demander justice pour les dommages
causés par les biens meubles ou ilm1eubles du domaine public.
sIS Il : LA FAIBLESSE DU CONTENTIEUX DES DOMMAGES CAUSES AUX
PARTICULIERS PAR LES BIENS DU DOMAINE PUBLIC
L'expression de ltlitiges intéressant le domaine public"
dans l'Ordonnance du 26 août 1972 recouvre indifféremment les
contentieux de l'excès de pouvoir ou de pleine juridiction.
Dans ce dernier cas, l'on est en présence de l'hypothèse dans
laquelle l'usager du service public sollicite'la juridiction
administrative afin qu'elle répare le ou les dommages qu'il
prétend avoir subi par le fait de biens meubles ou immeubles
du domaine public. Se pose alors le problème juridique de la
responsabilité de la personne publique propriétaire du bien
mis en cause. Une action en réparation ne pouvant être engagée
que sur la base de la responsabilité de l'Administration, il
importe d'en établir le fondement.
La détermination du fondement d'une telle action en in-
demnisation réside dans le lien qu'il y a entre le droit de
propriété de l'Administration sur les biens du domaine public
et le principe même de sa responsabilité qui en découle. En
règle générale, des considérations d'hygiène, de santé ou de
sécuri té
s'attachent parfois d ces
biens
appartenant d
l'Administration. Et c'est d'ailleurs en raison de cela que le
domaine public peut continuer d répondre d son critère d'af-
fectation.
En cas de défai llance constatée,
c' est-à-di re
lorsque l'insuffisance d'hygiène, de santé ou de sécurité sont
à la base d'un dommage, cette insuffisance peut suffire d fon-
der la responsabilité de l'Administration.
~~".:'" ' ..

C'est en tout cas ce raisonnement qui semble emporter
l'adhésion du juge administratif camerounais. On relève cepen-
dant que sa jurisprudence à propos des dommages générés par
les biens du domaine public demeure assez pauvre, tant sur le
double plan quantitatif que qualitatif; même s'il est vrai
que cette lacune ne saurait lui être entièr'ement attribuée(1).

QUANTITATIVEMENT
Quatre décisions de justice forment à ce jour le droit
jurisprudentiel des dommages causés aux particuliers par les
biens du domaine public. Ce qui constitue un volume très léger
eu égard à l'inobservation courante par l'Administration du
droit de ses biens domaniaux, au laisser-aller du justiciable
potentiel face à ces agissements pourtant condamnables, et à
la relative ancienneté du fonctionnement de la juridiction

administrative au Cameroun.
La toute première espèce est contenue dans l'Arrêt
15/CFJI AP du 16 mars 1967, Dame_F_~~~_~_~~~ ~~!_i_~ ~/~épubl iq~~
Fédérale du Cameroun. Par requête en date du 3 novembre 1959
enregistrée le 14 du même mois au greffe du Tribunal d'Etat
sous le N° 661, requête présentée par Maitre CAZENAVE, avocat

défenseur à YAOUNDE, dame FERRIERE Marie, domiciliée à Nice
(France),
avai t
introdui t
un recours tendant à ce que la
République Fédérale du Cameroun soit condamnée à lui payer la
somme de 7.400.000 F CFA.
(1) Il est de règle que c'est l'usager du service puhlic qui doit se constituer justiciahle devant la juridiction administra-
tive plutôt qu'à cellc-ci dc s'auto-saisir Cc qui autorisc à tempércr la critiquc il l'égard du juge administratif et ce d'au-
tant que l'usager Camcrounais cst quotidicnncmcnt confronté il ccs cas précis de dommagcs causés par Ics hicns du do-
maine public. Quc penscr cn effct dcs inccssantcs innondations par lui cssuyécs pour canalisations défectucuscs ou
ineltistantes de la voie puhlique ? dcs nids de [JOulc qui jonchcnt le réscau roulier ct maintes fois dommagcablcs [JOUf
les véhicules tcrrestrcs ? du manquc de panncaux de signalisation routièrc rcsponsahle de plusicurs accidents? ces
quelques eltemples, pamli lanl d'aulrcs, sonl la manifcslalion de litiges relMifs ail domainc puhlic qu'il revicnt alors
aU}; victimcs de soumcllrc au juge administratif afin que celle variante dll cnntenlieu:o> administralif sortc de sa léthar-
gie.

A l'appui dudit recours, elle exposait que le 6 janvier
1958, entre 18 heures et 18 heures 15 mn, elle fit une chute
au moment où elle s'apprêtait à descendre l'escalier extérieur
de l'hôtel des P.T.T. à YAOUNDE après avoir préalablement
posté son courrier. L'explication liée à cette chute est que
l'une des marches de l'escalier de l'hôtel des Postes présen-
tait une grande cassure. Et il résulte du diagnostic établi
par le médecin - Commandant LAHITTE que ce désagrément avait
eu pour conséquence à l'égard de la victime une fracture de
l'humérus droit, une large plaie de la partie externe de l'or-
bite droite et la perte de vision centrale de l'oeil droit.
Forte de ces multiples incapacités physiques, la requérante
jugea utile de saisir le juge administratif, motif pris de ce
que le fait pour l'Administration de n'avoir pas pris les me-
sures nécessaires pour réparer la cassure en cause et prévenir
les accidents possibles constituait une faute engageant sa
responsabilité.
Par arrêt avant-di re-droi t N° 100/TE du 23 décembre
1960, le Tribunal d'Etat déclarai t recevable le recours de
dame FERRIERE et ordonnait, avant-dire-droit, une descente sur
les lieux pour informations supplémentaires;
Cependant, le Tribunal ne put vider sa décision en rai-
son de la création de la Cour Fédérale de justice qui avait
entrainé le dessaisissement d'office de toutes les affaires
pendantes devant ledit Tribunal d'Etat. Il ne restait plus à
la requérante qu'à se rapporter
A_1_
ces précédentes écritures
devant la nouvelle juridiction administrative. Ce qu'elle fit
d'ailleurs.
Dans son arrêt du 16 mars 1967, la Cour Fédérale de jus-
tice jugea selon les termes de l'article 1er du dispositif que
"le recours introduit par la dame FERRIERE le 11 novembre 1959
est recevable en la forme et la Cour Fédérale de justice est
compétente pour en connaître".

Quant au fond du litige, l'Etat Fédéral du Cameroun fut
condamné à payer à la requérante la somme de 1.110.000 F CFA
sur la base de sa responsabilité ainsi motivée par le juge:

IIAttendu qu' il résu l te de l' i nstructi on que, le 6 jan-
vier 1958, alors qu'elle descendait l'escalier extérieur de
l 'hôtel
des P. T. T.
à
YAOUNDE,
qu'elle venait de monter
quelques instants auparavant pour poster son courrier, la dame
FERRIERE a fait une chute qu'elle impute au défaut d'entretien

de cet escalier dont l'une des marches présentait une cassure
de treize centimètres de longueur, neuf centimètres de largeur
et six centimètres de profondeur ;
Attendu que, pour sa décharge, le défendeur invoque une
cause étrangère qui ne lui est pas imputable, ainsi que des
imprudences de la victime;
Mais attendu que s'il est constant que la dame FERRIERE
qui, quelques instants auparavant, avait aperçu la cassure in-
criminée en montant ledit escalier, a manqué d'imprudence en

ne l'évitant à la descente, et ce d'autant plus qu'elle n'in-
voque aucune circonstance ayant pu détourner son attention, il
n'en demeure pas moins que, dans les circonstances de l'espè-
ce, la présence même de cette cassure revêtait un défaut d'en-
tretien de cette voie publique, de nature à engager la respon-

sabilité de l'Etat;
Qu'il sera fait une véritable appréciation des circons-
tances de la cause en laissant à sa charge 5@ % des dommages".
Ainsi articulée, cette décision de la juridiction admi-
nistrative ne fait que concrétiser les dispositions textuelles
qui posent la règle de la compétence du juge administratif à
connaître des 1I1itiges intéressant le domaine public" et no-
tamment ceux qui sont relatifs aux dommages causés par les
biens qui en forment l'ossature. Bien plus, l'obligation d'en-
tretien est incidemment reconnue et imposée à la personne pu-
b1i que propri étai re d'un bi en de son domai ne pub l i c. Comme
sanction à cette contrainte, la personne publique est suscep-
tible de voir sa responsabilité engagée. Conformément à l'ana-

lyse introductive faite à propos du fondement de l'action à
l'indemnisation des dommages causés par les biens du domaine
public aux particuliers, les considérations de sécurité seront
également au Centre des préoccupations du juge de l'affaire
TCHANY Jean-Pierre. (1).
Le sieur TCHANY avait en effet saisi le juge administra-
tif d'un recours tendant à faire condamner l'Etat à lui payer
des dommages-intérêts résultant du préjudice qu'il prétendait
avoir subi à la suite d'une collision survenue sur la route
nationale N°
2, OüUALA-NKüNGSAMBA, entre le camion qu'il
conduisait et un autre véhicule.
D'après
le procès -verbal
de constat dressé par la
Gendarmerie, le requérant soutient que son véhicule qui rou-
lait à une vitesse normale sur le côté droit de la chaussée
s'était retrouvé subitement en présence d'un tas de sable et
d'une tranchée ouverte par les ouvriers de l'Administration
des Travaux publ ics qui procédaient à la réfection de la
route. C'est à la suite de dommages subis par son véhicule
qu'il décide d'engager, devant la juridiction administrative,
la responsabilité de l'Administration qui,a ses yeux,découle
de l'absence même des panneaux de signalisation susceptibles
de prévenir le routier sur la perturbation de la circulation.
Par décision avant-di re-droit du 15 novembre 1966, le
juge administratif se déclara compétent à examiner la présente
cause en ces termes :
"Attendu que l'action du requérant tend à la réparation
du donrnage subi par son véhicule du fait du mauvais état de la
route nationale Douala-Nkongsamba ... , qu'il s'agit là d'un li-
tige intéressant le domaine public. Par suite, la section du
contentieux administratif est compétente pour en connaître".
(1) Arrêt avant-di re-droit N° 25/CF.J/SCA y du 1S no'-el1lhre 1')(,6_ ,-idé par le jugement N° 113/CF.J/CAy du 2 dé-
cemhre 1970_

Vidant cette décision par un jugement du 2 décembre
1970, la juridiction administrative jugea sur le fond qu'il y
avait lieu à I~artage de responsabilités entre l'Etat et le
requérant par 1/2 pour chacun". Moti fs pris de ce qu'il Y
avait d'une part IIfaute des ouvriers pour défaut de signalisa-
tion des travaux de réfection", et d'autre part,
IIfaute du
sieur TCHANY Jean-Pierre pour excès de vitesse car les traces
de dérapages s'étalent sur 40 m alors que la visibilité était
mauvaise au moment de l'accident".
Au-delà de la solution du partage de la responsabilité
adoptée par le juge administratif, celle qui incombe ici à la
puissance publique est, tout comme dans la précédente espèce
dame FERRIERE, fondée sur les considérations de sécurité que
doivent offrir les biens du domaine public. Et une troisième
opportunité sera d'ailleurs offerte à la juridiction adminis-
trative afin d'asseoir sa jurisprudence en la matière.
Il s'agit en fait d'un cas voisin des précédents et ré-
vélé par l'affaire docteur DZIETHAM Pierre. Au crépuscule du 5
mars 1974, le docteur DZIETHAM, roulant à bord d'un véhicule
de marque Mercedes, tombe soudainement dans un pont en réfec-
tion. Il ressort des circonstances de l'accident, telles que
relatées
au
procès-verbal
de
constat
dressé
par
la
Gendarmerie, que l'entière responsabilité incombe au service
public des routes de BANGA~E. Qu'en effet, le pont étant de-
venu impraticable en raison des travaux, la route avait été
déviée à droite, à dix mètres dudit pont, sans aucun panneau
de signalisation conséquent.
Entre temps, la victime, le docteur DZIETHAM notamment,
est transportée dans divers organismes hospitaliers. Le dia-
gnostic des médecins est loin d'être réjouissant puisque l'ac-
cidenté souffre d'un traumatisme de la colonne cervicale en-
tratnant une incapacité permanente partielle d'environ 50 %.
C'est à la suite de cette péri.pétie que le sieur DZIE-
THAM Pierre assigne le 24 janvier 1976 l'Etat du Cameroun,
pris en la personne du Chef de subdivision des routes du NDE à
comparaître le 26 mars 1976 devant le Tribunal de Grande
Instance de Bangan;é statuant en matière civile et commerciale

pour obtenir réparation des nombreux préjudices subis (I.P.P.;
pretium doloris,
immobilisation, agrément, sportif, esthé-
tique, matériel, frais médicaux et hospitalisation).
Par jugement avant-di re-droi t en date du 14 février
1977, le Tribunal de Grande Instance retient sa compétence
dans cette affaire, nonobstant l'exception d'incompétence sou-
levée par le représentant de l'Etat du Cameroun.
Sur appel de ce dernier, la Cour d'Appel de BAFOUSSAM
infirmait le jugement du T.G.I. de Banga~é et déclarait donc
par arrêt N° 002/CIV du 12 octobre 1977 l incompétence ratione
materiae des juridictions de l'ordre judiciaire dans la pré-
sente cause.
Insatisfait, le Docteur DZIETHAM se pourvoit en cassa-
tion et la Cour Suprême de YAOUNDE, par un arrêt de rejet,
confirme la décision d'incompétence rendue le 12 octobre 1977
par la Cour d'appel de BAFOUSSAM.
Une te Ile auto ri té de uchose jugée" ne pouvai t
que
contraindre le justiciable DZIETHAM Pierre à agir autrement,
c'est-à-dire saisir la juridiction administrative. Le litige
fut finalement porté devant la Chambre administrative de la
Cour Suprême qui, tout naturellement, déclara la recevabilité
du recours sur la base de sa compétence à connaître d'une
contestation relative au domaine public. Quant au fond du pro-
blème posé, par jugement N° 45/CS/CA/81-82 du 27 mai 1982, la-
dite Chambre jugea la requête fondée et octroya au si.eur DZIE-
THAM une indemnité de 34.080.000 F CFA à titre de dommages-in-
térêts, motif pris de ce que l'absence de signaux de déviation
de la route pour cause de travaux de réfection du pont suffi-
sait à engager la responsabilité de l'Etat dans l'accident.
L'appel interjetê
par le représentant de la puissance pu-
bl ique par lettre du 28 jui.n 1982 ne parvint nullement à
convaincre les juges du degré supérieur de juridiction, c'est-
à-dire l'assemblée plénière qui, par arrêt N° 8/A/CS/AP du 17
novembre 1983, retint le même principe de la responsabiLité
admi. ni. strati ve dans 1a cause à e11 e défé rée.
Ce gen re de
contentieux du domaine public allait, une fois de plus, être

examiné par le juge administratif avec l'affaire ONDOUA ATAN-
GANA ; d'abord par un jugement avant-dire-droit N° 90/90-91 du
28 février 1991, pour enfin trouver une solution dans le juge-
ment N° 12/CS/CA/91-92 du 28 février 1992.
Une vue d'ensemble de ces quatre décisions traitant d'un
contentieux spécifique du domaine public peut sans doute dé-
boucher à quelques observations groupées: il est tout à fait
incontestable ici que la juridiction administrative ne fait
qu'appliquer
sainement
l'article
9,
alinéa
2(d)
de
l'Ordonnance du 26 août 1972 qui lui confère compétence d sta-
tuer sur ttl es li tiges intéressant le domaine pub lie". Poi nt
n'est donc besoin de formuler, à ce stade de l'observation,
quelque remarque de nature d critiquer la chose jugée.
Cependant, le traitement par le juge administratif des
faits de la cause relève quelque peu de la légèreté en ce sens
qu'un certain nombre de subtilités pr'opres aux contentieux ci-
dessus examinés semblent échapper à son raisonnement. Ce qui,
par voie de conséquence témoigne de l'insuffisance qualitative
de sa manière d'aborder le contentieux des danmages causés aux
particuliers par les biens meubles ou immeubles du domaine pu-
bl ie.
li.: QUALITATIVEMENT
Les limites qualitatives du contentieux camerounais des
dommages causés par les biens du domaine public découlent sans
doute de l'appréciation pour le moins maladroite que le juge
applique à l'expression législative de "litiges intéressant le
domaine public". Car, lorsqu'on analyse sérieusement les déci-
sions Dame FERRIERE, TCHANY Jean-Pierre, docteur DZIETHAM et
ONDOUA ATANGANA, on s'aperçoit que ce juge ne distingue pas
fermement la catégorie contentieuse que sont les dommages de
travaux publics de certains dommages éventuels qui, bien qu'a-
yant trait au domaine public,
sont toutefois distincts des
précédents. Ce qui implique que par dommages causés par les
biens du domaine public, il convient de distinguer ceux qui
relèvent de travaux publics et que le droit français par
-:---:-7----·-
.---

exemple a fort longtemps spécifiés (1) de ceux qUl ne le sont
point.
Certes, ces deux catégories de litiges trouvent tous
leur origine dans les biens du domaine des personnes adminis-
tratives et de ce fait, le juge peut être fondé intellectuel-
lement à faire l'amalgame entre domaine et travail public.
Plus clairement, on peut rapprocher les deux notions en ce
sens que d'une part, le travail public, considéré comme une
dépendance du domaine public, suffit à fournir la relation de
complémentarité ; d'autre part et en sens inverse, la donnée
nécessairement large qu'est tout domaine public intègre par-
fois certains aspects de la donnée restrictive qu'est le tra-
vail public. Mais là s'arrête le rapprochement et l'on peut
aujourd'hui regretter que la juridiction administrative came-
rounaise n'ait pas osé pousser son raisonnement jusqu'aux li-
mites souhaitables et souhaitées.
En effet, dans la première affaire dame FERRIERE Marie,
si les juges administratifs de la Cour Fédérale de justice
n'avai.ent pas compris que la cause était relative à un dommage
de travaux publ ics,
le rapporteur à l'instance avai t
par
contre effleuré le prob~ème,
e-x
"--f'o (Cu. rre lt.-U-
.
M. MBOUYOM~vait ainsi mené la discussion sur les
responsabilités des protagonistes:
UIl résulte de l'instruction que l'accident s'est pro-
duit le jour, au moment où la dame FERRIERE s'apprêtait à re-
descendre les escaliers de l 'hôtel des P. T. T. et qu'elle ve-
nait de monter quelques minutes auparavant.
L'Etat Fédéral invoque pour sa défense d'une part, une
cause étrangère qui ne lui est pas imputable, d'autre part,
des fautes et imprudences de la victime.
(1) C'est l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII qui déjà aflribuail le contentieux des travaux publics aux Conseils
de Préfecture. Aujourd' hui. cefle compétence rait partie des matières examinées par les juridictions administrali\\'cs
actuelles sur le fondement de cette ancienne législation.
Voir aussi. G. Ph. BLOCH, La notion de travail public en t.lnt que critère de compétence du juge administratif.
E.DC.E. 1962. P 73.

Ses arguments en faveur de la cause étrangère ne sem-
blent pas pertinents. En effet, l'examen de la cassure incri-
mée - longue de 13 cm, large de 9 cm et d'une profondeur de 6
cm - permet d'induire que l'existence de cette brêche sur cet
escalier ouvert au public, datait de plusieurs jours. L'Etat,
gardien de cet ouvrage, ne pouvait ignorer qu'en ne procédant
pas immédiatement cl la réparation de ladite cassure, il com-
mettai t
une faute de nature cl engager sa responsabi lité,
puisque, défaut d'entretien de l'ouvrage public et revêtait,
pour les usagers, un danger par son emplacement et ses dimen-
sions,

ladite cassure témoignait d'un caractère anormal et
dangereux.
Cependant, la dame FERRIERE qui, quelques instants aupa-
ravant, venait d'emprunter cette voie, devait voir cette cas-
sure. Elle n'invoque aucune circonstance ayant pu détourner
son attention; son attitude a dès lors manqué de prudence.

En conséquence, il sera fait une équitable appréciation
des circonstances de l'affaire, en laissant à sa charge 50 %
des donrnages".
L'évocation de la notion d'ouvrage public permet donc de
dire que le rapporteur MBOUYOM avait identifié la nature même
du litige, le dommage résultant de travaux publics. S'il avait
pensé à être plus explicite dans cette voie, c'est-à-dire af-
firmer qu'il s'agit là d'un dommage de travaux publics et en
définir l'expression, il est certain que le premier Président
M. CORRE l'aurait suivi dans son raisonnement puisque la somme
de 1.110.000 F CFA octroyée à la requérante n'est que le re-
flet du montant proposé par le rapporteur MBOUYOM. Le conten-
tieux des travaux publics avait alors manqué de s'affirmer
comme matière contentieuse spécifique à raison d'une analyse
assez légère des juges administratifs. Cette absence de dis-
cernement persistera avec les espèces TCHANY Jean-Pierre de
1970 et DZIETHAM de 1983 dans la mesure où des dommages subis
dans un accident de circulation du fait du mauvais état des
voies publiques seront perçus par le juge administratif comme
des tllitiges relatifs au domaine public", tout sommairement,
alors qu'il s'agissait là d'un terrain concret de dommages de
travaux publics .
.
..
' '-. . '

Le jugement du 28 février 1992. ONDOUA ATANGANA sera
l'occasion pour le juge camerounais de se défaire de cette
confusion. Le requérant avait en effet saisi le juge d'une
requête en date du 3 février 1989 et tendant à la condamnation
de l'Etat, le Ministère de l'Education Nationale notamment, à
lui payer la somme de 15.000.000 F CFA à titre de dommages-in-
térêts du fait que le mur du lycée d'Anguissa s'était affaissé
sur sa propriété. L'innovation viendra des termes qui servi-
ront à fonder la compétence de la juridiction administrative :
"Attendu qu'il s'agit bel et bien de l'exécution des
travaux publics dont la connaissance relève de la compétence
du juge administratif ... "
En dépit de cette affirmation, il demeure que le juge
camerounais ne parvient pas assez nettement à opérer toutes
les distinctions qui s'imposent dans le contentieux des dom-
mages causés parl;biens du domaine public aux particuliers. Il
y a par conséquent fort à craindre que sous le couvert de
l'expression "l i tiges intéressant le domaine pub li c", ce juge
n'en vienne à occulter indéfiniment, sans peut-être le savoir,
certaines subtilités du contentieux administratif. A la lumiè-
re de la théorie du contentieux des travaux publics élaborée
par le Conseil d'Etat Français et le Tribunal des conflits, on
sait pourtant que les notions de domaine et travaux publics
sont parfois parallèles.
La définition même du travail public est de nature à
fournir quelques éléments du hiatus intégral. Mais au préa-
lable, si l'on convient de la thèse de la simplification de
vocabulaire qui veut que travail public ou ouvrage public
soient des termes indifféremment désignés (1), on comprendra
que pour qu'un dommage soit qualifié de dommage de travaux pu-
blics, trois conditions sont à observer:
(I)CAPrrAJ'J"r. L, daunle notion de travail public. RD.!' 1929. P 9.)7

. Le caractère immobilier du travail ou de l'ouvrage est
la première condition de définition. Ainsi, sont inclus dans
les travaux publics tous les travaux intéressant les immeubles
par destination ou incorporation comme les lignes télépho-
niques et câbles sous-marins (1). Par conséquent, les travaux

ou ouvrages mobiliers ne peuvent être des travaux publics.
Même si le juge camerounais n'a pas jusqu'à présent eu affaire
à une contestation liée aux biens mobiliers, il est nécessaire
de préveni r que ce n'est pas parce que l'Ordonnance du 6

juillet 1974 dispose que les biens meubles font partie du do-
maine public qu'il s'agira d'un contentieux de travaux pu-
blics. Ce sera sûrement un litige intéressant le domaine pu-
blic si le bien mobilier en cause en fait partie et certaine-
ment pas l'inverse quan~ on se réfère au droit Français .
. Pour qu'un dommage relève des travaux ou ouvrages pu-
blics, il faut que le bien immeuble en cause poursuive un but
d'utilité générale (2). Ce faisant, on ne pourra pas parler de
dommages de travaux publics pour tout dommage résultant de
travaux exclus de la catégorie des travaux publics immobiliers

en conséquence de l'exigence d'un but d'utilité générale (3) .
. Une troisième condition alternative se résume ainsi
pour qu'un dommage soit de travaux publics, il faut que l'ou-
vrage ou le travail immobilier exécuté en vue d'un but d'inté-
rêt général soit en outre effectué pour le compte d'une per-
sonne publique ou bien, s'il est effectué au bénéfice d'une
personne privée, qu'il le soit pour la réalisation d'une mis-
sion de service public(4).

(l) C.E., 4 juin 1937. Compagnie Française des câbles télégr.. Rec .. p. 557 . ou encore 21 janvier 1927. Compagnie
Générale des eaU1\\:. D. 1928,3.57. note I3L.AEVOET: Cass Civ. 4 mars 1926. D. 1927, l, 125, note I3LAEVOf::T ;
c.E. 10 février 1978. Sté IvlULLER R.DP 1979, p. 543, /lote \\VALINE.
(2) c.E., 10juin 1921, Cne de 1\\·10NSEGUR, RD.P 1921, p. 3(,1, note JEZE. (,A W 167.
(3) c.E., 18 janvier 1924, Clsino de Sainl-l\\lalo, Rec., p. 58 .
c.E., 12juillct 1944, GODET, Rec. p. 206:
TC'., 20 janvier 1945. SUCHET. Rec, p. 275 (rravau.~ effectués dans un inlérêt pril'é cl notamment dans l'intérêt
d'une ambassade étrangère, flHure occupante).
(4) TC'., 28 mars 1955, EFnMIIT. G.A N° ,126: Revue Administrative 1955. p. 285, note LIEr-VEAUX: A.J.D.A.
'1955,11,332: ou bien repère bibliographique récent· Jean DUf0\\U. A propos de l'anêt EFFIMIEret de la notion de
Travau~ puhlics. C.J.EG., 1983, N° 374, p. 1.

Là ne s'arrête point la particularité des dommages de
travaux publics. Un ouvrage faisant partie du domaine public
ne génère nécessairement pas le contentieux des travaux pu-
blics puisque la notion même de travail public est indisso-
ciab le d'un mi nimum d'aménagement arti fi ci el.
Ai ns i ,
de
simples
espaces
maritimes
et
fluviaux
énumérés
par
l'Ordonnance de 1974 ne pourront provoquer des dommages de
travaux publics. La leçon à retenir de cette analyse de la ju-
risprudence Française est qu'à l'intérieur du domaine public
des personnes administratives, des contentieux de nature dif-
férente sont susceptibles de se manifester.
Plus significatif est le fait que des dommages de tra-
vaux publics trouvent un terrain d'élection en dehors même du
domaine public. Quoi qu'ils soient de portée limitée, on peut
tout de même identifier deux cas dans lesquels la notion de
travail public cesse de correspondre à celle du domaine pu-
blic, même immobilier exclusivement: c'est le cas d'une part,
des ouvrages publics dépendant du domaine privé des personnes
morales de droit public et de ceux appartenant à de simples
particuliers et dont le champ d'application réside dans la
concession de service public. Dans cette seconde hypothèse, le
juge Français affirme que les ouvrages '~ppartenant au conces-
sionnaire mais directement affectés par lui au fonctionnement
du service public"
se voient reconnaître la qualité d'ouvrages
publics susceptibles de générer des dommages relevant de la
juridiction administrative (1). Il en irait naturellement au-
trement s'ils étaient établis dans un intérêt privé (2).
Comme on peut le constater,
le
juge administratif
Camerounais est inévitablement appelé à discerner la nature du
contentieux qui lui est soumis lorsque le justiciable demande
réparation du fait de dommages causés par les biens du domaine
public. La consécration d'un contentieux autonome des ouvrages
publics s'impose d'autant plus que le domaine public à lui
(I)T.C 12 décembre 1955, ANE C.!EDr., cah. juri EG, 195(" .1:/, noie C/\\RI~()N.
(2)T.C 16novemhre 1928, MI7.GIER. D. 1932,~, 41. note l'FI'Y.
-.--------.
,
..

ZZ4
seul n'en est la source exclusive. Une telle démarche suffira
d combler la lacune du texte de l'Ordonnance du 26 aoOt 1972
qui ne prévoit guère le contentieux des dommages de travaux
publics et conduira peut être le législateur à ériger un texte
spécial en la matière. Cette pratique n'est nullement nouvelle
dans le Droit Public Camerounais en ce sens qu'en dehors des
textes de référence attributifs de compétence au juge adminis-
tratif, des normes juridiques dérivées sont venues accroître
les titres de compétence de la juridiction administrative.
Aussi épars que ces normes dont ils sont issus, ces titres de
compétence méritent un essai de systématisation .
. ',
....

225
CHAPITRE Il
ESSAI DE SYSTEI\\1ATISATI()N DES TITRES DE
C()1\\1PETENCE EPARS.
.;. ;. :.
..~.,.~~.'

c'est l'article 9 de l'Ordonnance N° 72/6 du 26 août
1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême qui, rappelons-
le, délimite la nature des litiges administratifs soumis res-
pectivement à la compétence du juge administratif ou du juge
judiciaire. Pour ce qui est de la compétence contentieuse de
la juridiction
administrative, il en ressort
une triple don-
née: le litige relatif à une décision administrative unilaté-
rale, au contrat administratif et celui qui a trait au domaine
public des personnes morales de droit public que sont l'Etat,
les Collectivités locales et les établissements publics.
L'article 9 du texte de l'Ordonnance de 1972 doit,
par
conséquent, être regardé comme le cadre général de la part du
contentieux administratif dévolu au juge administratif.
Toutefois, l'on observe que le juge administratif est
valablement saisi en dehors des critères de compétence définis
par le texte référentiel du 26 août 1972. Quoiqu'il n'y ait
toujours pas de cloison rigide entre ces critères nouveaux et
ceux du texte de l'Ordonnance, du moins fondamentalement, il
reste que la sphère du litige administratif réservée à la ju-
ridiction administrative est incontestablement sujette à évo-
lution. L'existence de critères épars en marge des prévisions
de l'Ordonnance du 26 août 1972 en est la manifestation. Aussi
peut-on les déceler dans deux séries d'hypothèses, c'est-à-
dire lorsqu'un texte particulier vient élargir le domaine
contentieux du juge administratif ou que ce dernier, de sa
propre initiative, juge nécessaire d'étendre sa compétence.

SECTION 1: L'ELARGISSEMENT DU DOMAINE CONTENTIEUX PAR
DEVOLUTION LEGALE SPECIFIQUE

Ce procédé de détermination croissante des matières sus-
ceptibles d'être déférées au juge administratif est conforme à
la
méthode
juridique
utilisée
en
droit
administratif
Camerounais en ce sens que, plutôt que de définir un ou plu-
sieurs critères généraux de compétence de la juridiction admi-
nistrative, c'est simplement par le biais de l'Ordonnance du
26 août 1972 que l'on a entendu résoudre le problème.
Et
conformément à cette logique de détermination textuelle de la
compétence du juge administratif, l'article 9, alinéa 2 Ce) de
ladite Ordonnance prévoit que la Cour Suprême statuant en ma-
tière administrative, connait en outre, "les litiges qui lui
sont expressément attribués par loi".
Ce faisant, à l'issue d'une analyse minutieuse des mul-
tiples actes juridiques intervenus à cet effet, il importe de
voir en quoi cette stratégie de dévolution légale spécifique
s'inscrit en supplément de ce qui est initialement prévu par
le texte de base qu'est l'Ordonnance de 1972. Une double in-
terrogation peut alors procéder de cette réflexion : Quel est
le schéma des catégories de litiges nouveaux? leur conten-
tieux présente-t-il des spécificités par rapport aux normes du
contentieux classique? autant de points qu'il convient de dé-
velopper.
SIS 1 : LE SCHEMA DES CATEGORIES DE LmGES
A ce jour, deux types de législation ont contribué à ac-
croi.tre le volume des 1i tiges administrati fs susceptibles
d'être
examinés
devant
la
juridiction
administrative.
Chronologiquement, il s'agit d'un certain nombre de lois trai-
tant des 1i tiges d'ordre financier ou,
si
l'on veut,
du
contentieux financier et de lois relatives à la régulation des
libertés publiques. L'importance du champ d'application des
textes relatifs aux libertés publiques commande toutefois que
l'on s'y attarde préalablement.

228
1 . LA
LEGISLATION
RELATIVE AUX LIBERTES PUBLIQUES
Les libertés publiques constituent sans doute le domaine
conflictuel sensible qui met régulièrement aux prises le ci-
toyen et la toute puissance administrative. Sur un plan théo-
rique tout d'abord, il est en effet malaisé de déterminer
assez précisément leur critère, même si ces libertés publiques
sont garanties par une loi ou toute autre norme juridique su-
périeure (1), tant et si bien que l'Administration est ensuite
parfois encline à agir au détriment des intérêts de l'adminis-
tré afin de préserver son image d'entité dominatrice.
Aussi convient-on assez souvent que ce soit le juge qUl
joue le rôle de force d'interposition dans le seul but de ra-
mener les protagonistes dans les 'Justes" limites de leurs ac-
tions respectives. Cette fonction désormais attribuée au juge
administratif Camerounais trouve aujourd'hui
un terrain
concret d'application dans un contentieux nouveau que l'on
pourrait nommer contentieux de l'agrément ainsi que dans le
contentieux électoral.
A: LE CONTENTIEUX DE UAGREMENT
Il est en effet très récent dans la mesure où ce n'est
qU'à la fin de l'année 1990 que les pouvoirs publics ont esti-
mé utile de lui donner un tournant décisif dans l'histoire de
contentieux administratif Camerounais (2). Et à la charge de
cette compétence contentieuse nouvelle du juge administratif,
trois régimes normatifs, et notamment des lois, sont principa-
lement visés: il s'agit successivement de ceux prévoyant les
litiges en relation avec la liberté d'association, la liberté
partisane, c'est-à-dire du parti politique, ou encore la li-
berté de publication des organes de presse.
(1) Jacques ROI3ERIIJEAN DUFFAR, l.ibertés publiques et droits de l'holllllle, D()Ill~l/J)roit public, 1::"liliolls MONT-
CHRESTIEN. quatrième édifian. Paris, 198R. pp 17-1 R
a) Voir Journal Officiel de la République du Cameroull, N° 1 (~upplél11clltalrc) du 1cr .l'II1\\'icr 1991. intitulé ",rpérial
liber lés".
pp 1-65,

1: LA LIBERTE D'ASSOCIATION
Le régime juridique de la liberté d'association est éla-
boré par la loi N° 90-53 du 19 décembre 1990,Et ce~ conformé-
ment aux
termes du préambule de la constitution du Z juin
1972 (1). D'après cette loi, la liberté d'association ttest la
faculté de créer une association, d'y adhérer ou de ne pas y
adhérer" (2). En outre, aux termes de l'article 2, ttl 'associa-
tion est la convention par laquelle des personnes mettent en
commun leurs connai ssances ou leurs activi tés dans un but
autre que de partager des bénéfices". Deux éléments se trou-
vent inclus dans cette définition Camerounaise de l'associa-
tion qui rappelle la conception Française en la matière (3) :
1 0
Un accord contractuel par lequel les associés s'o-
_
bligent : l'adhésion de chacun au statut constitue ce consen-
tement.
20
Un but autre que celui de partager des bénéfices:
_
l'association est obI igatoirement désintéressée
et pour
qu'il y ait association, il suffit que le but ne soit nulle-
ment lucratif.
Quant aux différentes associations prévues par la loi de
1990, il Y en a deux types: les associations déclarées et les
associations soumises à autorisation préalable.
Ce nécessaire aperçu théorique du concept d'association
permet de comprendre la génèse de la question de la compétence
du juge administratif. Dans l'esprit de la loi de 1990, elle
trouve son fondement dans les relations directes qu'une asso-
ciation peut avoir avec l'Administration, et notamment les
actes qu'une autorité administrative déterminée est parfois
amenée à émettre à son encontre.
L'article 13 dispose en
effet:
(1) Le texte du préambule déclare en effet que "la liberté d'e.tpressioll, la liberté de pre.ue, la liberté de réunioll, la li-
berté ... d'associatioll, la liberté syndicale sont garanties dans les conditions Ftées par la loi".
(2) Article 1er alinéa 2,
(3) L.:article 1er de la loi Française du Jer juillet 1901 dispose en effet que ''/'a.uociation est la convention par
laquelle deux ou plusiellrs persOllnes mel/ent en COIl/Imm, de façon penMnente, lellrs conllaissances 011 leurs activi-
tés, dans un bill autre qlle de parta,~er des bénéfices", 1.1 différence entre le droit rrançais elle droit Camerounais appa-
raît donc à travers le critère de la permanence de J'association pour le premier système alors qu'au Cameroun, même
'un rassemblement momentané telle une réunion peut il juste titre être interprétée C()IllJl1e répondant aux critères de dé-
finition de l'association,
-.----;--:---_.

"(1) Le Ministre chargé de l'Administration Territoriale
peut, sur proposition motivée du préfet, suspendre par arrêté,
pour un délai maximum de trois mois, l'activité de toute asso-
ciation pour troubles à l'ordre public.

(2) Le Ministre chargé de l'Administration Territoriale
peut également, par arrêté, dissoudre toute association qui
s'écarte de son objet
et dont les activités portent gravement
atteinte à l'ordre public et à la sécurité de l'Etat.
(3) Par dérogation à l'article 12 de l'Ordonnance N°
72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême,
les actes prévus aux alinéas 1er et 2 ci-dessus sont suscep-
tibles de recours, sur simple requête, devant le président de
la juridiction administrative".
En clair, les arrêtés ministériels de suspension ou de
dissolution d'une association sont susceptibles de recours
contentieux devant le juge administratif. L'Etat de la juris-
prudence sur cette matière dévolue par un texte particulier à
la juridiction administrative est aujourd'hui établi par deux
importantes décisions qui, on peut le constater, traduisent la
fermeté du juge à contraindre les parties prenantes au strict
respect de la loi.
La toute première illustration du contentieux de la pri-
vation par l'Administration de l'exercice de la liberté d'as-
sociation est révélée dans l'affaire Organisation Camerounaise
des
Droits
de
l'Homme
(O.C.D.H.)
cl Etat
du
Cameroun
(MINAT)(l).
L'O.C.D.H. avait en effet saisi la juridiction adminis-
trative d'un recours tendant à ce qu'elle annule l'arrêté N°
201/A/MINAT/DAP/SDLP du 13 juillet 1991, pris par le Ministre
de l'Administration Territoriale, portant dissolution de cer-
taines associations parmi lesquelles figurait l'O.C.D.H. La
question de sa compétence à statuer sur le présent litige
étant clairement établie, il importe de voir la manière dont
la juridiction traita les faits de la cause. Tous les moyens
d'annulation soulevés par la demanderesse avaient alors été
discutés et tranchés comme suit :
(1) Ordonnance N° 19/ü/PCA/CS du 26 seplembre 1991. suite au recours con!entieu!l N° 511190-91 du 21 août 1991.
,.
,

1° Sur le moyen de la violation des droits de la défense
L'O.C.O.H. avait tout d'abord prétendu qu'elle n'avait
pas été invitée à s'expliquer sur les faits qui lui étaient
reprochés préalablement à la prise de la sanction administra-
tive. Sur ce moyen tiré de la violation des droits de la dé-
fense, le juge le considère non fondé "car la loi du 19 dé-
cembre 1990 ne prévoit aucune procédure préalable à l'inter-
vention de l'arrêté de dissolution; quand bien même elle se-

rait prévue, le juge estime qu'il peut être amené à trouver
dans les circonstances particulières de l'affaire des motifs
de rejeter le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure
quand il ressort du dossier, comme en l'espèce, que la préten-

due irrégularité est sans influence sur le sens de la déci-
sion, alors surtout que le but visé par le législateur (res-
pect de l'ordre public) a été atteint en fait, et ce en réfé-
rence à la jurisprudence administrative du Conseil d'Etat du 4

juillet 1952, DECHARME, Rec. p. 362".
2° Sur la violation de la forme de l'acte de dissolution
L'arrêté contesté concernant plusieurs associations,
l'O.C.O.H. estimait que le Ministre aurait dû prendre un arrê-

de
dissolution
pour
chaque
association
concernée.
Contrai.rement à
cette argumentation,
le
juge adressa à
l'O.C.O.H. que "l'acte du Ministre demeure individuel quoique
collectif et régulièrement pris puisqu'il désigne nominative-
ment des personnes juridiques".
3° Sur la violation des règles de publicité
L'O.C.O.H. arguait que l'arrêté ministériel ne lui avait
jamai.s été notifié et que, si elle avait été mise au courant
de son contenu, c'était à la suite de démarches déplorables
effectuées dans des conditions obscures et par la lecture de
ladite décision par voie des ondes. En réponse, le juge dit
que "nonobstant la manière de connaissance effective de la dé-
cision ... , une jurisprudence Française (la considère) comme
valable lorsque l'intéressé en a simplement entendu la lecture
(C. E. 2 Mai 1945, BEAUVALLET)".
~",
.,
',.' .

On se doit tout de même de remarquer que cette concep-
tion nouvelle de la notion de notification empruntée au juge
français est totalement opposée à celle que le juge national
avait auparavant adoptée dans un arrêt du Conseil du conten-
tieux administratif. La notification, avait-il posé, est "la
remise à l'intéressé de la copie in extenso de la pièce à no-
tifier, ou, tout au moins d'un écrit contenant tous les élé-

ments nécessai res pour lui permettre de se fai re un compte
exact de la mesure prise à son égard, ainsi que des motifs
pour lesquels elle a été prise" (1).
4° Sur le moyen du détournement de pouvoir
L'O.C.D.H. soutenait enfin que la mesure ministérielle
avait été émise en violation des conditions susceptibles d'en-
traîner la dissolution d'une association, imposées par l'ar-
ticle 13, alinéa 2 de la loi N° 90-53 du 19 décembre 1990 (Le
ministre ... peut ... dissoudre toute association qui s'écarte
de son objet et dont les activités portent gravement atteinte
à l'ordre public et à la sécurité de l'Etat).
Sur ce point de droit assez délicat à apprécier, le Juge
administratif considera doublement que:
- "En s'associant, au sein de la "coordination des par-
tis politiques d'opposition et associations", aux pt!Jrtis poli-
tiques dont le but est la conquête du pouvoir, l 'D.C.D.H., or-

ganisme qui se veut défenseur des droits de l'homme, donc en
principe apolitique, s'est écarté de son objet humanitaire".
- "sa participation à ladite «coordination" dont les
mots d'ordre sont "vi Iles mortes" et «désobéissance civi le",
slogans qui par leur évocation même ne peuvent que troubler
l'ordre public, voire porter atteinte à la sécurité de l'Etat,
dénote la volonté manifeste de l 'D.C.D.H. de violer, au sens
de violation, la loi susvisée".

(1) Arrêt N° 636 du la Août 1957, NDJOCK Jean c!Etilt du Cameroun.

C'est dans ces mêmes circonstances que la juridiction
administrative sera appelée à trancher le litige CAP-Liberté
c/Etat du Cameroun (1) dans la mesure où l'arrêté de dissolu-
tion des associations frappera tout aussi celle dénommée CAP-
LIBERTE. Mais à la différence près que cette seconde espèce
présente deux particularités qui fondent ainsi la spécificité
de la décision rendue.
D'une part, contrairement à l'affaire O.C.D.H., l'asso-
ciation requérante CAP-LIBERTE avoue avoir été notifiée de
l'arrêté litigieux en date du 30 août 1991. Ce qui lui permet
assez aisément IIde se faire un compte exact de la mesure prise
à son égard, ainsi que des motifs pour lesquels elle a été
prise",
d'après la formule empruntée à la jurisprudence NDJOCK
Jean précitée.
La motivation de l'acte par le Ministre consiste dans la
IIparti cipati on avérée à des acti vi tés non conformes à 1eur
objet statutaire et troubles graves portant atteinte à l'ordre
public
et à la sécurité de l'Etat". Et c'est justement le
contenu de cette moti vation que le requérant CAP-LIBERTE
conteste devant le juge pour espérer obtenir l'annulation de
la mesure de dissolution.
- Sur l'élément de participation à des activités ... non
conformes à son objet statutaire, CAP-LIBERTE souligne le flou
qui persiste dans l'indétermination de ses activités suscep-
tibles d'être considérées comme parallèles à son objet. Etant
entendu que le simple fait, comme il est mentionné dans l'ar-
rêt attaqué, IId'avoir pris part aux travaux de la coordination
des partis politiques d'opposition et association" n'établit
pas ipso facto que CAP-LIBERTE s'est écarté de son objet sta-
tutaire. Et qu'enfin, le cadre dans lequel une association hu-
manitaire entend mener son action ne peut être fixé par le
Ministre.
(1) Ordonnance du 26 septemhre 1991, Comité d'action populaire pOlir la liherté el la démocratie (CA l'-LIBERTE)
c1/VfINAT, suite au recours N° S 1~/'X)-() 1 du S septemhre 1()') 1
~":". ~. .' "
.

- Sur le motif de troubles graves ... portant atteinte à
l'ordre public et à la sécurité de l'Etat, CAP-LIBERTE estime
qu'il n'y a pas lieu de considérer la mesure ministérielle en
raison de l'absence de faits bien établis à son encontre pou-
vant s'apparenter à de graves atteintes à l'ordre public et à
la sécurité de l'Etat; qu'en conséquence, cet arrêté doit
être annulé par ordonnance comme le prévoit la législation
spécifique à ce type de contentieux, en l'occurrence la loi du
19 décembre 1990.
Au-delà d'une argumentation apparemment séduisante déve-
loppée par le plaignant, sa requête introductive d'instance
tendant à ce qu'il plaise à la juridiction administrative
d'annuler l'arrêté de dissolution présente une certaine forme
d'anomalie contentieuse que constitue la seconde particularité
de cette espèce.
En effet, aucun motif d'annulation n'est ici juridique-
ment précisé par CAP-LIBERTE, contrairement à la stratégie
menée par l'a.C.D.H. qui, rappelons-le, avait invoqué quatre
moyens juridiques bien distincts. Une telle carence conduit
tout naturellement le juge administratif à faire appel à son
pouvoir d'interprétation de la demande en justice dans l'inté-
rêt du justiciable approximativement imprégné des exigences du
contentieux administratif. S'inspirant de sa décision prise à
propos de l'affaire a.C.D.H., le juge national estima utile de
faire intervenir le motif de détournement de pouvoir. Mais sur
le fond, il rejette la demande d'annulation de CAP-LIBERTE
dans des termes identiques à ceux de sa précédente décision
sur l'affaire a.C.D.H. :
- "En s'associant, au sein de la "coordination des par-
tis politiques d'opposition et associations", aux partis poli-
tiques dont le but est la conquête du pouvoir, CAP-LIBERTE,
organisme qui se veut défenseur des droits de l 'homme, donc en
principe apolitique, s'est écarté de son objet humanitaire".

- "Sa participation ci ladite "coordination" dont les
mots d'ordre sont "villes mortes" et "désobéissance civile",
slogans qui par leur évocation même ne peuvent que troubler
l'ordre public, voire porter atteinte à la sécurité de l'Etat,

dénote la volonté manifeste de CAP-LIBERTE de violer, (au sens
de violation), la loi susvisée".
En somme, la N° 90-53 du 19 décembre 1990 étend la com-
pétence matérielle de la juridiction administrative en ce sens
qu'elle lui permet de régler les différends pouvant naître
dans les rapports que l'Administration est appelée à entrete-
nir avec les associations légalisées, et notamment les actes
administrati fs
uni latéraux susceptibles de
priver
leurs
membres de toute vie associative. C'est cette même philosophie
qui caractérise le processus d'élargissement de la compétence
de cette juridiction à travers la législation relative à la
liberté partisane.
2: LA LIBERTE PARTISANE
Par l'expression de liberté partisane, il faut entendre
celle qui a trait à l'exercice des partis politiques dont la
spécificité, par rapport à la liberté d'association, réside
essentiellement dans la conquête du pouvoir politico-adminis-
trati f.
Cette liberté partisane est entourée de garanties
constitutionnelles. Aussi, peut-on lire aux termes de l'ar-
ticle 3, paragraphe 1 de la constitution du 2 juin 1972 que
"les partis et formations politiques concourent à l'expression
dU suffrage.
Ils se
forment et exercent leurs activités
conformément à la loi".
Pour des raisons liées au choix politique du système mo-
nopartisan, il a fallu attendre 18 années pour enfin permettre
à la liberté partisane, telle qu'ébauchée par le texte consti-
tutionnel, de se mouvoir normalement. C'est ainsi que la loi
N° 90-56 du 19 décembre 1990 relative aux partis politiques a
vu le jour dans le but de faciliter les éventuelles légalisa-
tions. Et l'élargissement de la compétence du juge administra-
tif tient doublement aux processus de création ou de fonction-
nement de ces partis politiques.
S'agissant de la création d'un parti politique, la loi
susvisée dispose en son article 4, alinéa 1 qu'elle est précé-
dée d'une udemande de création d'un parti politique" accompa-

gnée d'un dossier complet (1) que le postulant dépose auprès
des services du gouverneur territorialement compétent. Après
transmission,
dans de brefs délais, du dossier à la hiérar-
chie (2),
ul a décision autorisant l'existence légale d'un
parti
pol itique
est
prise
par
le
Ministre
chargé
de
l'Administration territoriale" (3).
Il faut cependant que cette décision ministérielle soit
défavorable pour qu'il y ait lieu, le cas échéant, de saisir
le juge administratif car, d'après l'article 8, alinéa 3 de la
loi N° 90-56, t~ar dérogation aux dispositions de l'article 12
de l'Ordonnance N°
72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation
de la Cour Suprême,

le refus de l'autorisation (d'existence
légale du parti politique) est susceptible de recours, sur
simple requête, devant le président de la juridiction adminis-
trative" (4).
Si l'on considère maintenant l'hypothèse du fonctionne-
ment du parti politique après sa légalisation, l'exercice quo-
tidien de la liberté partisane qui en découle peut éventuelle-
ment donner lieu à débat contentieux devant le juge adminis-
tratif. Il s'agit, plus précisément des sanctions administra-
tives qui pourraient être prises à l'encontre du parti poli-
tique dans les conditions prévues par les articles 17 et 18 de
la loi de 1990.
(1) Les pièces du dossier sont clairement énumérées par l'article 5 de la loi: demande timbrée munie d'indications né-
cessaire, bulletin N° 3 du casier judiciaire des dirigC<1nts, procès-verbal de l' Assemolée constitutive en triple exem-
plaires, statuts en triple exemplaires, engagement écrit avec signature légaliséc de rcspecter les principes républi-
caïns, programme politique du parti, et indication du siègc.
(2) L'article 6 de la loi dispose que "le gouverneur dispose d'un délai de quinze jours francs pour transmel/re au
Ministre chargé de l'Administration territoriale tout dossier comportant l'ensemble des pièces énumérées à l'article

5 ci-dessus".
(3) Article 7, alinéa 1 de la loi N° 90-56 du 19 déccmbre 1990 relative aux partis politiqucs.
(4) Au sujet de "application jurisprudentielle de ces dispositions, voir l'Ordonnance N° 02 (bis)/O/PCA/CS du 16 dé-
cembre 1992, u.pc. - Manidem clEtat du Cameroun (lvllNAT):
Par requête contentieuse directe datée du 4 décembrc 1992 el enregistrée au greffe de la chambre administrative dc la
Cour Suprême le 9 du même mois SOIIS le N° 172, le parti IX)litiqllc susnommé avait sollicité l'annulation dc la lettre
N° 6874/L1MINAT/DAP/SDLP/SACJ du 22 septembre 1992 par laquelle Ic l\\linislre de l'administration tcrritoriale re-
fuse la législation de l'U.P.C.- Manidem Après s'être implicitement déclarée compétenle à l'instance, à travers la re-
cevabilité du recours contentieux, ce qui esl du reste confomle aux disposilions légales de 1990 susévoquées. la
chambre administrative annule la décision attaquée pour illégalité el précisémcnt en raison de ce quc l'acte litigicux.
soumis à obligation dc molivation, n'est l'as juslifié par aucun des l1lolifs de rcflls pré\\"l~exp'icitcrncnt dans la loi de
1990 en son article 9.
--------
-.~.
"::'-'.~;<.. ";, :. -'"

Article 17 - (1) uLe ministre chargé de l'Administration
territoriale peut d'office suspendre par décision motivée pour
une durée de trois mois l'activité de tout parti politique

responsable de troubles graves à l'ordre public ou qui ne sa-
tisfait pas Cà certaines dispositions légales)".

(2) "Cette décision peut faire l'objet d'un recours de-
vant le juge administratif dans les conditions prévues à l'ar-
ticle 8, alinéa 3".
Arti.cle 18 - (1) "Tout parti politique peut être dissous
par décision du Ministre chargé de l'Administration terri-
toriale agissant en vertu de l'Article 17 ci -dessus"
(2)
"La décision de dissolution du Ministre chargé de
l'Administration territoriale est susceptible de recours de-
vant la Cour Suprême dans les conditions prévues à l'article
8, al inéa 3", lequel article parle de "simple requête devant
le président de la juridiction administrative".
Formulée dans de termes clairs, préci.s et concis, cette
loi du 19 décembre 1990 entend tout simplement élargir la
sphère de compétence de la juridiction administrative en lui
permettant de statuer sur les actes administratifs de suspen-
sion temporaire ou définitive émis à l'encontre des partis po-
litiques. De telles décisions n'ayant jamais été prises jus-
qu'à ce jour, la juridiction administrative n'a par conséquent
pas eu l'occasion de développer le contentieux juridictionnel
qui s'y attache. Elle a uniquement eu l'opportunité d'examiner
les requêtes d'une formation politique issue de la loi du 19
décembre 1990, sans que les problèmes juridiques posés aient
un véritable rapport avec la présente question de la compéten-
ce nouvelle du juge administratif. (1)
(1) Ordonnance de référé N" 08/91-92/0R/CS/PCA du 27 février 1992, Social Democratif front (S.DF.) c!MINA'I;
dans laquelle la requérante demande au juge des référés d'annuler une décision ministérielle fixant la clôture de l'in-
scription sur la liste électorale au J5 février 1992 ; ou encore, Ordonnance de référé W 09/0R/CSIPCA/91-92 du 27
février 1992, S.D. F. ctEtat du Cameroun dans laquelle il est demandé au juge des référés de suspendre l' e.~écurion du
décret présidentiel N° 92/102 du 15 janvier 1992 convoquant le corps électoral pour le 1er Mars 1992.
Parallèlement au contentieux initié par les formations politiques, l'on tiendra quelques mois plus tard de la juridic-
tion administrative que, conformément aux règles de répartition des compétences au sein de ladite juridiction, le juge
des référés administratifs est "incolllf'étent pour prendre une .folulion finale ail fond du litige, notamment ordonner
la ·suspen.rion de l'exécution d'une décision adminütratil'e S(lns f(llre préjudice (lU principal" : Ordonnance de référé
N" 16/0RlPCA/CS/91-92 du 4 juin 1992, SIENCHE Maurice er KEUMOGNI13oniface dEtat du Cameroun (MINFI).

Cependant, on peut désormais expliquer la léthargie du
contentieux juridictionnel des mesures de sanctions prises à
l'encontre de partis politiques par l'attitude complaisante du
Ministre habilité à agir à cet effet. Pour peu que l'on se
souvienne de la décision ministérielle dissolvant les associa-
tions des droits de l'homme(O.C.D.H. et CAP-LIBERTE)pour at-
teintes à l'ordre public et à la sécurité de l'Etat, il y a
véritablement lieu de penser que de tels motifs auraient tout
aussi pu fonder la prise de sanction à l'encontre des partis
politiques qui avaient collaboré avec elles dans les drama-
tiques opérations uvilles mortes" et udésobéissance civile".
Ce qui, par voie de conséquence, aurait éventuellement favori-
sé la saisine de la juridiction administrative. Bien plus, on
sait par exemple que le parti politique S.D.F.Jainsi que ceux
qui sont dans sa mouvance dans la ucoordination des partis po-
litiques d'oppositions" sont réputés bafouer la norme consti-
tutionnelle qui fait pourtant obligation aux partis politiques
de "respecter les principes de la démocratie, de la souverai-
neté et de l'unité nationales" (1). Le refus manifeste de par-
ticiper à l'élection législative de Mars 1992, la volonté de
se prévaloir de Sa propre turpitude en exigeant intempestive-
ment la réorganisation de nouvelles élections, et les inces-
santes revendications sécessionnistes ne sont-i Is pas les
preuves du mépris de la juridicité qui auraient permis au
Ministre de l'Administration du Territoire de sanctionner le
S.D.F. ? Plutôt que de dissoudre ladite ucoordination" comme
il le fit, le ministre était à plus d'un titre juridiquement
fondé à dissoudre ou tout au moins à suspendre le parti poli-
tique concerné. Dans l'inaction paradoxale du mini stre, on
est,
ce
faisant,
enclin
à
déduire
qu'aux
yeux
de
l'Administration, l'organisation associ.ative est une cible
assez facile au même titre que l'organe de presse tel qu'il
apparaît dans un contentieux récemment abordé par la juridic-
tion administrative.
(1) Article 3. paragraphe 1 de la cOflstitution du 2 juin 1972 .

239
3: LA LIBERTE DE PUBLICATION DES ORGANES DE PRESSE
La loi N° 90-52 du 19 décembre 1990 relative à la liber-
té de communication sociale procède également de cette tech-
nique de dévolution légale de nouveaux éléments de compétence
à la juridiction administrative. Dans ses dispositions géné-
rales, ce texte législatif rappelle tout d'abord que ilIa li-
berté de presse garantie par la constitution s'exerce dans le
cadre des dispositions de la présente loi" (1) qui IIs 'applique
à toutes les formes et à tous les modes de communication so-
ciale, notanrnent ... aux organes de presse . .. " (2).
La défini tion légale de cette expression 1I0rgane de
presse" IIdésigne tout journal, écrit périodique, magazine,
feui Ile d'information, destiné à la communication de la pen-
sée, des idées, des opinions, des faits d'actualité ou de so-
ciété,

paraissant à
intervalle régul ier" (3).
Sont par
conséquent exclues du champ de cette acception, IIl es publica-
tions à caractère scientifique, artistique, culturel, tech-
nique ou professionnel, quelle que soit leur périodicité" (4).
Des multiples obligations à la charge de chaque organe
de presse, figure celle relative lIau dépôt administratif Il aux
termes de l'article 14, paragraphe 1 de la loi (5). Quant aux
modalités du dépôt administratif, elles sont plurielles: soit
Ille directeur de publication (remet) au préfet, quatre heures
au moins avant la diffusion, deux exemplaires ou deux jeux de
morasses signés de lui" (6), soit il effectue parei l dépôt lIau
ministère chargé de l'Administration territoriale en ce qui
concerne le département du MFOUNDI et dans les services du
Gouverneur pour
ce qui est des départements des chefs-lieux de
provinces" (7).
(1) Article premier de la loi susvisée.
(2) Article 2, alinéa 1 de la loi susvisée
(3) Article 5, alinéa 1 de la loi susvisée.
(4) Article 5, alinéa 2 de la loi susmentionnée.
(5) Parallèlement à cc dépôt adminislratif. J'article 1~ dc la loi dispose qlle "ch<1ql/e or,ç<1ne de pre.r.re esl <1streint <1U
dépôt judiciaire.
A ce titre, le directeur de publication esllenu de remel/re <1U procureur de /<1 République. deux heures <11.1 moins <11'<1nlla
diffusion, deux exemplaires signés de chaque édilion ".
(6) Article 14, paragraphe 2 de la loi.
(7) Article 14, paragraphe 4.

Et c'est à partir du traitement, par les autorités admi-
nistratives désignées, de l'opération de dépôt que peut éven-
tuellement se présenter l'occasion de saisir le juge puisqu-
'aux termes des deux derniers paragraphes de l'article 14 de
la loi,
ttl es numéros de journaux ainsi déposés peuvent faire
l'objet de censure partielle ou totale pour atteinte à l'ordre
public ou aux bonnes moeurs.
La décision de censure, conclut le texte législatif, est
susceptible de recours devant le juge compétent ... ".
De même, reprend l'article 17 de la loi relative à la
liberté de communication sociale, "en cas d'atteinte à l'ordre
public ou aux bonnes moeurs,
la décision de saisie ou
d'interdiction (des numéros de journaux déposés) est suscep-
tible de recours dans les conditions prévues à l'article 14
ci-dessus". Et la loi dispose entr'autres que la saisie relève
de la compétence de l' autori té admi ni strati ve auprès de
laquelle le déposant s'est exécuté tandis que la décision
d'interdiction de l'organe de presse appartient exclusivement
au Ministre de l'Administration territoriale.
Ce régime juridique est, à quelques exceptions près, va-
lable pour l'organe de presse étranger que la loi du 19 dé-
cembre 1990 définit comme "tout organe de press~ publié en
quelque langue que ce soit ayant son siège hors du territoire
Camerounais" (1). Le distributeur de l'organe de preSè ex-ter-
ritorial est ainsi astreint au dépôt administratif (2) et doit
également s'attendre à ce que le Ministre de l'Administration
territoriale saisisse ou interdise éventuellement ses jour-
naux, et ce en toute discrétionnalité (3). Comme le prévoit la
loi, ttl 'interdiction et la saisie ... peuvent faire l'objet
d'un recours dans les conditions fixées à l'article 14 de la
présente loi" (4).
(1) Article 22.
(2) Article 23 : "chaque organe de presse étranger doit faire l'objet de la part des distributeurs d'un dépôt en deux
exemplaires auprès des miniHres chargés des Relations extérieures, de l'Administration territoriale, de
l'Information, et de la justice, vingt-quatre heures ail moins m'ant sa distribution et sa mire à la dirpositinn du pu-
blic' ..
(3) Cf Article 24, alinéa 1 el 2. La loi ne supordonne plus la prise de décisions de saisie ou d'inlerdiction il quelque
motif que ce soit, tel celui d'atleinte à l'ordre public par e~emple et qui condilionne les mesures de sanction des or-
ganes de presse nationaux.
(4) Article 24, alinéa 3 .
. ": . ..... .

Le problème de la détermination de la juridiction compé-
tente pour statuer sur les recours dirigés contre ces déci-
sions de sanction des organes de presse demeure ici toutefois
entier en raison de ce que l'article 14 en question fait va-
guement mention de l'expression "juge compétent". On est par
conséquent loin, dans le cadre du contentieux de la loi rela-
tive à la liberté de presse, des précisions contenues dans les
lois sur la liberté d'association ou les partis politiques qui
font explicitement allusion à la compétence de la juridiction
administrative. Qui du juge administratif ou de son homologue
judiciaire est compétent pour statuer dans pareil contentieux?
Dans un premier temps, on est tout naturellement tenté
d'interpréter cette formule sujette à confusion, notamment
celle sommai re de "juge compétent", en faveur du juge adminis-
tratif. L'Ordonnance du 26 août 1972 lui attribue en effet le
contentieux des actes normateurs et à ce titre, c'est tout lo-
giquement que la juridiction administrative est appelée à
contrôler les actes administrati fs unilatéraux de censure
(partielle ou totale), saisie ou interdiction des organes de
presse émis en vertu de la loi du 19 décembre 1990.
Cependant, ce raisonnement n'est guère strictement fondé
quand on se réfère à la théorie administrativiste du gardien-
nage qui implique que le juge judiciaire est le défenseur at-
titré des libertés fondamentales qui, généralement, sont mises
en péril par l'autorité administrative au moyen de la décision
unilatérale. Ainsi, la loi N° 90-55 du 19 décembre 1990 por-
tant régime des réunions et des manifestations publiques dis-
pose dans son article 8, que l'autorité administrative peut
interdi re "par arrêté" toute mani festation publ ique projetée
s' il estime qu' eIl e "est de nature à troub l er gravement
l'ordre public". Et dans ce cas précis,
"... l'organisateur
peut, par simple requête, saisir le président du tribunal de
grande instance compétent qui statue par Ordonnance dans un
délai de 8 jours de sa saisine,
les parties entendues en
chambre du Consei l".
~ - - - - - - - -
;".,~"'~ ::.~
" :
:. f'"

Il reste que, nonobstant cette hypothèse d'incompétence
exceptionnelle de la juridiction adm{~istrative, l'analyse de
certaines décisions rendues par la Cour Suprême laisse à pen-
ser que le contentieux des mesures de sanction des journaux
relève, en dépit des lacunes de la loi de 1990 en la matière,
du juge administratif.
l'une des toutes premIeres illustrations de ce conten-
tieux découlait déjà d'une affaire de saisie de journaux en
application de la loi N° 66-LF-18 du 21 décembre 1966 sur la
presse, abrogée dans toutes ses dispositions contraires à la
nouvelle loi de 1990 (1).
le Ministre de l'Administration territoriale avait en
effet procédé à la saisie administrative par arrêté "pour né-
cessités de l'ordre public", de deux livraisons du journal "Le
Messager". Par requête introductive d'instance en date du 7
août 1985 enregistrée le 8 du même mois au greffe de la
Chambre administrative de la Cour Suprême sous le N° 1037, le
directeur-rédacteur en chef de ce journal saisissait ainsi
cette "haute juridiction (afin) qu'elle use des prérogatives
que lui confèrent nos institutions pour prononcer un sursis à
exécution des décisions de saisie des éditions N°
63 et 65
prises par le Ministre". En rendant une ordonnance de rejet,
le juge administratif invoqua les motifs suivants:
t~ttendu qu'en tout état de cause, le requérant n'a nI
produit la ou les décisions litigieuses malgré l'expiration du
délai à lui imparti à cet effet, ni justifié de l'exercice
d'un recours gracieux, pas plus que l'introduction d'un re-

cours contentieux contre ces prétendus actes",
la connaissance approximative du droit du contentieux
administratif par le requérant n'aura toutefois pas permis au
juge administratif de se prononcer sur le fond du problème
posé. Et l'intérêt que l'on peut tirer de la motivation de sa
décision réside simplement dans la déduction de sa compétence
contentieuse pour connaître des actes administratifs de saisie
(1') Ordonnance du 26 l11<li 1986, Journal "LeMe.uat<cr" ciLlaI du Cameroun (MINAT): note Pierre-P<lu/ TCHINDJI,
Recueil Penant. 1990, pp 330-341.

243
de journaux. Bien plus, c'est dans des conditions semblables
que ce juge sera appelé, quelques années plus tard, à dire le
droit en application du texte législatif nouveau de 1990 sur
la liberté de communication des organes de presse.
Le journal "Le Messager" reviendra une fois de plus à la
charge pour solliciter devant la juridiction administrative le
règlement du litige qui l'oppose à l'Administration (1). Mais
par quelle voie de droit!
Par recours N° 462/90-91 du 7 février 1991, le direc-
teur-rédacteur en chef dudit journal saisit le juge des réfé-
rés administratifs, en l'occurrence le Président de la Chambre
administrative, pour qu'il annule pour excès de pouvoir, la
décision de censure de l'édition Française N° 212 frappant
certains articles. A l'appui de sa requête, le requérant af-
firme que les agissements du Ministre de l'Administration ter-
ritoriale constituent une violation de la loi, en ce sens
qu'il "cerne mal en quoi (les articles censurés) portent at-
teinte tant à l'ordre public qu'aux bonnes moeurs".
Reprenant pour son compte les arguments développés par
le représentant de l'Etat ainsi que par le procureur général,
le juge se déclare incompétent et renvoit le demandeur à mieux
se pourvoir aux motifs que
- "L'article 122 de la loi N° 75/17 du 8 décembre 1975
fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant en matière
administrative exclut du champ de compétence du juge des réfé-
rés admi ni strati fs tout litige intéressant le mai nti en de
l'ordre publ ic" (2).
(1) Ordonnance de référé N° 12/0R/CS/PCA/90-91 du J9 mars 1991, le journal "Le Messager" ctEtat du Cameroun
(MINAT).
(2) Extrait de loi sus-évoquée. Chapilre VII - Du référé administratif
Article 122· "Dans tous les cas d'urgence et sauf pour les litiges intéressant le maintien de l'ordre public. la sécurité
el la tranqui/ité publiques. le président de la chambre administrative ou l'Assemblée plénière. ou le magistrat qu'il
délègue. peut, après avis conforme du Ministère public, ordonner toutes mesures utiles sans faire préjudice au princi-
pal",

Il convient de noter cet aspect de la réception défectueuse, par la loi Camerounaise, de la nolion d'ordre public qui a
pourtant une signification assez claire dans la construction juridique française. L'ordre public classique y est en effet
constitué du triptyque sécurité, lranquilité el salubrilé publiques et non pas des juxtapositions incomplètes et erro-
nées reprises en droit Camerounais. Dans l'intérêt d'une plus grande clarté, le législateur nalional devrail par
conséquent rectifier la question et ce d'aulant plus que la même loi de 1975, lraitanl du sursis à exécution des déci-
sions administratives. dispose grossièrement en son article 1G, alinéa 2 que "xi i'exér'ution est de nature à causer un
préjudice irréparable et que la décision attaquée n'intéresse ni l'ordre public. ni la sécurité ou la tranquillté pu-
bliques, le président de la chambre administrative peut. après communication à la partie adverse et avis conforme du

Ministère public. ordonner le SlIrsis à exécution '.
Comble de défectuosité, le préambule de la conslilUtion en vigueur déclare que "tout homme a le droit de se fixer en
tout lieu et de se déplacer librement. sous réserve des prescriptio/ls légalex relatives à l'ordre, à la sécurité et à la
tranquilité publics".

- "La loi N° 9@-52 du 19 décembre 199@ sur la liberté de
communication sociale ne prévoit pas la procédure de référé et
a confié les litiges nés de la censure au juge du fond car le
juge du référé est juge du provisoire".

Une telle précision de la part du juge des référés
conduit par conséquent à interpréter la formule législative
de "juge compétent" en faveur du seul juge administratif. Un
mois plus tard, ce même juge des référés prendra la même déci-
sion toujours à propos d'un litige de censure de presse soule-

par
le di recteur-rédacteur
en
chef du
journal
"le
messager"(l) .
Ce faisant, il ne reste plus au justiciable potentiel,
qUI souhaite mener à bien une procédure contentieuse contre
une mesure administrative prétendue émise en violation du ré-
gime normatif des libertés, qu'à se conformer à la législation
afférente, comme c'est aussi le cas en matière de contentieux
électoral.
B : LE CONTENTIEUX ELECTORAL
Le processus électoral est l'un des terrains par excel-
lence de mani festation des libertés publ iques. En tant que
tel, le citoyen électeur et/ou éligible peut être confronté,
d'une manière ou d'une autre, à des agissements susceptibles
d'altérer l'orientation de son choix. C'est sous cette forme
que peut naître un contentieux électoral à la suite duquel se
posera le problème du juge compétent. La compétence de la ju-
ridiction administrative s'est ainsi récemment accrue à propos
de ce genre de contestations et en dehors de toute dévolution
expresse par l'Ordonnance de 1972. Ce qui revient à dire que
des textes particuliers ont nouvellement fondé l'i.ntervention
du juge administratif en la matière.
Parmi.
les matières
contentieuses additi.ves dévolues à ce dernier, on distingue
(1) cr Ordonnance N° 13/0R/CSIPCAI90-9 1 du 25 avril 1991 (recours W 470/90-9! du ZO mars de la même année).

les litiges concernant les élections à la fois politiques et
administratives de5contestations relatives aux élections sim-
plement administratives (1).
1: LES ELEOlONS POLITICû-ADMINISTRATIVES
Il s'agit d'élections qui se situent dans la sphère du
politique et dans celle de l'administratif. A ce titre, elles
ont pour but de mettre en place une ou plusieurs autorités pu-
bliques qui, soit exerceront la fonction d'autorité politique

et administrative, soit agiront au nom de la collectivité en
tant qu'autorités politiques uniquement. Dans le premier cas,
on fait allusion aux fonctions de Président de la République
et du Maire d'une commune. Quant au second, il est question de

l'autorité publique non administrative qu'est le législateur.
Les contestations liées aux élections permettant d'accéder à
ces fonctions sont soumises à l'appréciation du juge adminis-
tratif qui tient cette compétence des dispositions mêm~de la
loi électorale. Aussi convient-il d'analyser successivement le

contentieux de l'élection présidentielle et celui qui a trait
aux élections municipale
et législative, cette dernière jonc-
tion étant due à l'unicité du régime contentieux.
a : Le contentieux électoral présidentiel
Il découle de la loi N° 92/010 du 17 septembre 1992
fixant les conditions d'élection et de suppléance à la prési-
dence de la République.
La juridiction administrative peut
être appelée à dire le droit non point sur n'importe quel li-
tige relatif à ladite élection, mais sur un type déterminé de

contestations ainsi articulées par l'article 93 de la loi:
(1 lUne note justificative de la présente distinction n'est guère superflue. Le député à l'Assemblée Nationale est une
autorité politique et non administrnlive A ce titre, il rejoint partiellement le Présidenl de la République ainsi que le
maire d'une commune qui onl à la fois des fonclions politiques et administralives. La rencontre de ces aUlorités est
imposée par les législations relatives il leur processus de désignation respectif. Ic,s'luelles veulent que les éleClions
afférentes soient faites sous la conduite de partis politiques dont l'objectif principal réside dans la conquête du pou-
voir politique.
Quant aux élections dites "siml'temenl adminislralives" . elles ont pour but de susciter des personnels devant accom-
plir des tâches d'adminislration, à l'exclusion de toute intervenlion des partis politiques.
De ce point de vue, l'immixtion d'un parti politique dans llne opérillion électorZlle peut servir de crilère il la distinc-
tion ainsi émise.
- - - ~ - - - , .
:;.<;,., :-1°.;" .. -

"La Cour Suprême peut faire droit à toute requête adressée par
un éligible, un parti politique ou un candidat à l'effet d'an-
nuler les opérations électorales". Que faut-il entendre par
"opérations électorales" ? La loi du 17 septembre 1992 traite
cette expression dans son titre VIII et dispose qu'elle est
constitutive d'une trilogie: il s'agit tout d'abord des bu-
reaux de vote qui sont fixés par arrêté du Ministre de
l'Administration terri toriale (1), du déroulement même du
scrutin ensuite (2), ai.nsi que du dépouillement dudi.t scrutin
enfin (3)
Ce faisant, ce sont ces précédentes opérations électo-
rales que le justiciable potentiel pourra, le cas échéant, dé-
férer à la juridiction administrative pour débat contentieux.
Ce dernier est clairement organisé par la loi de 1992, notam-
ment dans son titre IX intitulé "du contentieux électoral", en
ces termes :
Article 93 : 1) ul a Cour Suprême peut faire droit à
toute requête adressée par un éligible, un parti politique ou
un candi dat à l'effet d' annu ler les opérati ons é lectora les. "
Article 94 : 1) "Par dérogation aux dispositions de
l'article 12 de l'Ordonnance N° 72/6 du 26 août 1972 fixant
l'organisation de la Cour Suprême, les contestations ou récla-
mations sont faites sur simple requête introduite au greffe de
la Cour Suprême dans un délai de 2 jours suivant la clôture du
scrutin.
2) Il en est donné acte par le greffier en chef.
3) Sous peine d'irrecevabilité, la requête doit préciser
les faits et les moyens allégués.
4) La requête est affichée à la Cour Suprême dans les
vingt quatre heures suivant son dépôt et communiquée par tout
moyen rapide aux intéressés qui disposent alors d'un délai de
vingt quatre heures pour déposer leur mémoire en réponse. Il
en est donné récépissé par le greffier en chef.
(1) Articles 77 et 78 du chapitre (traitant des bureaux de vote.
(2) Articles 79 à 84 du chapitre" relatif au déroulement du scnltin qui, au sens de la loi, est synonyme d'opération de
vote.
(3) Articles 85 à 92 du chapitre I1I parlant du dépouillement du scrutin.

Article 95 : 1) En tout état de cause, la Cour Suprême
doit avoir statué au plus tard soixante douze heures suivant
la clôture du scrutin.
2) En cas d'annulation contentieuse des opérations élec-
torales, le gouvernement informé convoque les électeurs pour
un nouveau tour de scrutin devant surveni r vingt jours au
moins et cinquante jours au plus suivant l'annulation.
Article 96 : La Cour Suprême, sans instruction contra-
dictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée,
les
requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui, ma-
nifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats
de l'élection.

Article 97 : Les décisions de la Cour Suprême relatives
aux opérations électorales, aux résultats des élections et aux
candidatures prévues à l'article 62 ci-dessus sont rendues en
premier et dernier ressort" (1).
La compétence de la Cour Suprême, on le constate, ne se
limite donc guère aux seules opérations électorales mais s'é-
tend, selon l'article 61 de la loi, aux "contestations ou ré-
clamations relatives au rejet ou à l'acceptation des candida-
tures ainsi que celles relatives à
la couleur, au sigle ou au
symbole adopté par un candidat ... , (formulées)
... par tout
candidat et par tout électeur inscrit sur les listes électo-
rales, dans un délai de deux jours suivant la publication des

candi datu res" .
Cependant, ces dispositions sur le contentieux électoral
peuvent prêter à confusion quand on sait que la Cour Suprême
Camerounaise est constituée de plusieurs formations relevant
de l'ordre judiciaire ou administratif. Ce qui revient à dire
que la compétence de la juridiction administrative n'est pas
explicitement posée par la loi de 1992. L'article 94, alinéa 1
constitue néanmoins un indice sérieux puisqu'il ne traduit
(1) Il convient de rectifier que ce n'est pas l'article 62 de la loi qui traite des candidatures, mais plutôt les disposi-
tions précédentes que sont les articles 52 à 60. L'article susvisé dispose principalement qu'un litige portant sur une
candidature est directement déférable devant la Cour Suprême sans qu'il soil besoin de satisfaire à la règle du recours
gracieux préalable imposée par l'article 12 de l'Ordonnance N° 72/6 du 26 août 1972.

autre chose que l'exception à la règle du recours gracieux
préalable valable dans la procédure administrative contentieu-
se. Aujourd'hui, seule la décision juridictionnelle rendue à
propos de ce contentieux sur l'élection présidentielle du 11
octobre 1992 permet de répondre définitivement à la question
de la compétence du juge administratif (1). Le juge étant le
meilleur garant du respect des règles électorales, il importe
de reproduire intégralement le contenu de la Itchose jugée"
telle qu'elle résulte de l'Arrêt N° 4/E/92-93 du 14 octobre
1992 (2).
Au nom du peuple Camerounais.
L'an mil neuf cent-quatre-vingt-douze et le quatorze oc-
tobre à vingt-trois heures quarante-cinq minutes ;
La Cour Suprême siégeant en Assemblée Plénière réunie
au Palais de Justice à YAOUNDE en la salle ordinaire de ses
audiences et composée de :
- MM. Alexis DrPANDA MOUELLE,
Président de la Cour
Suprême, Président,
- Jean MOMO MPIDJOUE, Conseiller
Nestor EBONGUE NYAMBE, Conseiller,
Salomon BISSOMBI, Conseiller,
Léonard ASSlRA ENGOUlE, Conseiller,
Hans NGALAME KOME, Conseiller,
Flaubert TCHEPTANG, Conseiller,
Abraham TCHUENTE, Conseiller,
Francis MONEKOSSO KINGUE, Conseiller,
Mme Lucie GWANMESIA, Conseiller,
Puis TAKAM ANDY, Conseiller,
Clément ATANGANA, Conseiller,
David MOUYEME, Conseiller.
(1) En marge du problème de la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur le contentieux de l'élec-
tion présidentielle, celle décision juridictionnelle permet de trancher la polémique qui a porté sur le caractère irrégu-
lier ou non du déroulement du scrutin.
(2) La reproduction intégrale dudil Arrêl, dans le corps de la thèse el non en annexe comme cela est d'usage, est com-
mandée par les observations qui seront immédiatement formulées par la suite

En présence de M. Martin RISSOUK à MOULONG, Procureur
Général, occupant le banc du Ministère Public;
Et avec l'assistance de Me Emile EVA, Greffier en chef.
A rendu en audience publique ordinaire conformément à la
loi, l'arrêt dont la teneur suit:
- Entre :
1) Le Social Democratie Front (S.D.F.), le Mouvement
pour la Démocratie et le Progrès (M.D.P.), le Conservative
Republican
Party (C.R.P.),
l'Union
des
Forces
pour
la
Démocratie au Cameroun (U.F.D.C.) représentés par Mes ENON-
CHONG, Avocat à Douala, AKERE MUNA, KISSOK et MBAH NDAM,
Avocats à Yaoundé.
2) - BELLO BOUBA Maïgari, Président de l'Union Nationale
pour la Démocratie et le Progrès (U.N.D.P.) représenté par Mes
NSEGBE Christian, Georges ZEBUS, MBAYIM et NGUEFACK, Avocats à
Yaoundé, demandeurSdu recours;
- d'une part.
- Et ,
Le Ministre de l'Administration territoriale représen-
té par MM. NGOLE Philip GWESE et BISSEK Raphaël, défendeu~au
recours
- d'autre part.
En présence de M. Martin RISSOUK à MOULONG, Procureur
Général près la Cour Suprême ;

- statuant sur les recours intentés par Mes ENONCHONG,
KISSOK, MBAH NDAM et MUNA pour le compte du Social Democratie
Front (S.D.F.) et du Sieur BELLO BOUSA Malgari, Président de
l'Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès (U.N.D.P.)
B.P. 5019 Nlongkak YAOUNDE, suivant requêtes en date des 12
octobre 1992 et 13 octobre 1992, dûment enregistrées le 13 oc-
tobre 1992 au greffe de la Cour Suprême dans les affaires les
opposant au Ministre de l'Administration territoriale
- L'Assemblée plénière de la Cour Suprême;
- Vu la requête en date du 12 octobre 1992, de Me ENON-
CHONG, Avocat à Douala agissant au nom et pour le compte des
partis politiques dénommés: Social Democratie Front (S.D.F.),
Mouvement
pour
la
Démocratie
et
le
Progrès
(M.D.P.),
Conservative Republican Party (C.R.P.), et l'Union des Forces
pour la Démocratie au Cameroun (U.F.D.C.) ;
- Vu la requête en date du 13 octobre 1992 de Mes AKERE
MUNA, KISSOK Frédéric et MBAH NDAM Joseph, Conseils du parti
politique Social Democratic Front (S.D.F.) ;
- Vu la requête en date du 13 octobre 1992 du sieur
BELLO BOUBA Maïgari, candidat du parti politique de l'Union
Nationale pour la Démocratie et le Progrès CU.N.D.P.) ayant
pour conseils Mes NSEGBE Christian, Georges ZEBUS, MBAYIM et
NGUEFACK, Avocats à Yaoundé ;
- Vu la loi N° 92/010 du 17 septembre 1992 fixant les
conditions d'élection et de suppléance à la présidence de la
République;
- Vu les mémoires en réponse de NGOLE Philip GWESE et
BISSEK Raphaël en date du 14 octobre 1992 assurant la défense
du Ministre de l'Administration territoriale;
- Vu les conclusions de M. le Procureur Général près la
Cour Suprême en date du 14 octobre 1992
- Oui le rapporteur en la lecture du rapport
- . - - ; - - - . - - - ; - - "
• • •, '
:
0-
. , "

- Oui M. le Procureur Général en ses conclusions ;
- Aprés en avoir délibéré conformément d la loi ;
- Considérant que les requêtes susvisées qui portent sur
le même objet ont été introduites dans les forme et délai de
la loi ;
- Qu'il y a lieu de les receVOlr et de les joindre comp-
te tenu de leur connexité;
- Considérant que le 14 octobre 1992, Sieur SIGA ASSAN-
GA, Secrétaire Général du S.D.F., a saisi la cour d'une lettre
dont la teneur suit
liMons i eur le premI el' Prés i dent de 1a Cour Suprême du
Cameroun à Yaoundé.
Objet: La non constitution d'un conseil par le candidat
NI John FRU NOl pour agi" en son nom ou au nom du S. D. F. aux
fins de présenter une requête qûelconque à la Cour Suprême.
Monsieur le Président, le Secrétaire Général du S.D.F.
et mandataire du candidat NI John FRU NOl conformément aux
statuts du S.D.F. vient par la présente vous informer que ni
le S.D,F. ni le candidat NI John FRU NOl n'a constitué un, ou
des consei ls pour présenter des requêtes auprès de la Cour
Suprême en ce qui concerne la régularité des élections prési-
dentielles anticipées du
11 octobre 1992. Docteur SIGA ASSANGA
Secrétaire Général".
- Considérant que cette lettre crée un certain doute sur
la réal i té du mandat donné aux avocats pour i ntrodui re des
requêtes en faveur du S.D.F. ;
- Considérant cependant que ce doute a été dissipé par
la requête de la même date de Me AKERE MUNA ainsi conçue :
II requ ête
aux fins de désistement. Monsieur le Pr'ésident de la
Cour Suprême. Le social Democratic Front (S.D.F.) parti poli-
ti que, ayant pour consei 1s Mes AKERE MUNA, KISSOK Frédéri c,
MBAH NDAM, Avocats au barreau du Cameroun, ayant domicile à la
SCP MUNA et MUNA - BP 3@7 - YAOUNDE, a l 'honneur de vous in-
--.-.-_......"

former qu' il a cru devoi r déposer une requête aux fi ns d' annu-
lation des élections.
Qu'au soutien de cette requête, une Kyrielle d'irrégula-
ri tés a été déjà exposée.
Que
l es annonces conti nues du
Ministre de l'Administration territoriale qui n'est pas viSÉ
comme une autorité chargée de l'annonce des résultats par les
textes applicables sans réaction ferme des institutions char-
gées de mettre fin à ces actes de provocation,
le convainc
qu'il serait inopportun de soumettre une haute instance comme
la vôtre à une épreuve de force avec le régime en place auquel
elle est constitutionnellement subjl~quée. Qu'il considère le
problème posé comme étant présentement politique et qu'il fau-
drait désormais l'aborder ainsi. Qu'il admire la qualité, sur-

tout le courage des magistrats qui siègent au sein de cette
ultime juridiction qu'est la Cour Suprême qui, incontournable-

ment est appelée à devenir un vrai pouvoir judiciaire".
tic' est pourquoi i l se dés i ste de sa requête aux fi ns
d'annulation des élections présidentielles déposée le 14 oc-
tobre
1992 avec toutes l es conséquences de dr'oi t ;
Profonds respects.
YAOUNDE, le 14 octobre 1992.
tlAKERE T. MUNA, Barrister at law".
- Considérant que le désistement desdits avocats est ré-
gulier ;
- Qu'il y a lieu de leur en donner acte;
- Considérant que du fait de ce désistement, le recours
de Me ENONCHONG pour le compte des partis M.D.P., C.R.P. et
U.F.D.C., lesquels agissaient à titre accessoire et solidaire
pour le compte du S.D.F., devient sans intérêt, l'accessoire
suivant le principal (accessorium sequitur principale) ;
- Qu'en effet le recours concerné étant indivisible, il
est juridiquement impossible de le fractionner ;

- Considérant que Malgari BELLO BOUBA fonde son recours
sur trois griefs dont le premIer est ainsi libellé
"Un rapprochement des chi ffres fournis par le Mi ni stre
de l'Administration territoriale permet de constater qu'après
le scrutin du 1er Mars 1992, 171.143 nouvelles inscriptions
ont été réalisées dans neuf des dix provinces de la République
(pièce N° 1) alors que les dispositions combinées des articles
58 de la loi N° 91/020 du 19 septembre 1991 et 42 de la loi N°
92/010 du 17 septembre 1992 prévoient que les opérations rela-
tives aux révisions des listes (addition et retranchement)
cessent au plus tard à la fin du mois de février; ce délai ne
.pouvant être prorogé au 30 Avril que si la commission départe-
mentale de supervision des opérations électorales a été sai-
SIe.
Par ailleurs, à la suite des révisions ainsi operees,
certains électeurs qui ont pourtant participé au scrutin du
1er mars 1992 ont pu participer au scrutin du 11 octobre 1992,
leurs noms ayant été omis des listes électorales et remplacés
par d'autres noms (pièce N° 2). Il en résulte une violation de
la loi que la haute juridiction doit sanctionner".
- Considérant qu'à l'appui de ce grief le recourant (1)
produit un document intitulé "tableau récapitulatif" non daté
ni signé, dépourvu de toute authenticité, lequel ne saurait
dès lors étayer ses allégations;
- Au demeurant, il ne précise pas les dispositions de la
Loi violée par les inscriptions querellées;
- Considérant que le deuxième grief du recourant tiré de
l'inexistence de bureaux de votes fictifs est ainsi conçu:
"Il se trouve que par arrêté N° 0422/A/MINAT/DAF du 23
septembre 1992, M. le Ministre de l'Administration territoria-
le fixait la liste des bureaux de votes. Or il a été constaté
notamment dans le département du Wouri que les bureaux de vote
autres que ceux de l'arrêté sus-évoqué ont été fixés par une

(1) A celle notioll de recourant tr~ditiollllellcmclIlaffectiollnée par k jUgl~ Cameroullais, il COllvicllt dc la suhstiluer il
celle de requér~lll. pour Ilne simple r~isoll liée il la
pureté du 1~llgage juridique

autre autorité (pièce N" 3) et c'est dans ces bureaux de vote
quecertai ns électeurs ont coorni s des fraudes (pi èces 4, 5 et
6) ; toutes ces irrégularités traduisent une violation de la
loi que la haute juridiction sanctionnera nécessairement par
l'annulation du scrutin".

- Considérant que le recourant, au soutien de ce grief,
verse au dossier des photocopies des pièces confectionnées par
on ne sait qui, et en tout cas peu lisibles et inexplicables;
- Considérant au surplus que les bureaux de vote allé-
gués fictifs par le recourant, et objet de la pièce N° 3
(N°29-A-3, Y-Z5, 22-V, 26-Z, 24-X, 27-AI, 19-5, 28-A-2 du
lycée de New-Bell, NKOMBAT 1, Ecole St Luc Kassalafam) jointe
au recours figurent dans l'additif N° 459 du 3 octobre 1992 à
l'arrêté N° 0422/AA/MINAT/DAF du 23 septembre 1992 du Ministre
de l'Administration territoriale;
- Qu'il en résulte que ce grief n'est pas fondé;
Considérant que le troisième grief, basé sur la supé-
riorité du nombre des suffrages exprimés sur celui des votants
est ainsi énoncé : ule dépoui llement du scrutin a révélé des
irrégularités notamment dans le département du Wouri où il est
arrivé très souvent que le nombre de bulletins contenus dans
l'urne soit supérieur au nombre de votants répertoriés à titre
d'exemple dans l'arrondissement de DOUALA 1er pour les bureaux
de vote N° 112-8, 159 bis, 200-F, 221-D, pour DOUALA 2ème N°
221, DOUALA 3ème N° 416, Bépanda TSF 453-C (cf pièces). Il
s'agit encore là d'irrégularités que la Cour Suprême sanction-

nera par l'annulation du scrutin du 11 octobre 1992".
- Considérant que contrairement aux prétentions du re-
courant, il appert de l'examen minutieux des procès-verbaux
des dépouillements de vote N° 29-A-3, Y-25, 22-Y, 26-X, 24-X,
27-AI, 19-F, 28-A du lycée de New Bell, NKOMBAT 1, Ecole St
Luc Kassalafam, produits par lui-même que dans chacun des bu-
reaux de vote considérés le nombre de votants est inférieur d
celui des inscrits ;
- Que ce grief est également non fondé

- Considérant en conséquence qu'il y a lieu de rejeter
le recours dont il s'agit
PAR CES f-IOTIFS,
DECIDE :
Arti.cle 1er
Les requêtes introduites sont recevables
en la forme.
Article 2 : Les recours sont joints.
Arti cl e 3
Donne acte à Mes
AKERE
MUNA,
KISSOK
Frédérick et MBAH NDAM de leur désistement pour' le compte du
Social Democratie Front (S.D.F.) ;
Article 4 : est sans intérêt le recours de Me ENONCHONG
pour le compte du M.D.P., C.R.P. et U.F.D.C.
Article 5 : Le recours de Matgari BELLO BOUBA n'est pas
.
fondé ; il est par conséquent ,'ejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera exécutoire avant enre-
gistrement.
- Ainsi jugé et prononcé en audience publique ordinaire
du quatorze octobre mi 1 neuf cent quatre .-vingt-douze les mêmes
jours, mois et an que dessus par la Cour Suprême siégeant en
Assemblée plénière en la salle de ces audiences où siégeaient
(les magistrats précédemment évoqués) ;
- En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le
Président, les Conseillers et le Greffier en chef
- Approuvant mot rayé nul
Le Président, les Conseillers, le Greffier en Chef.

Abstraction faite d'une certaine diatribe exprimée à
propos de l'élection présidentielle su~évoquée (1), il impor-
te, limitativement, de montrer en quoi cette décision de la
Cour Suprême met en relief la compétence de la juridiction ad-
ministrativej~rconnaitred'un tel contentieux électoral.
Rappelons tout d'abord que la loi N° 92/010 du 17 sep-
tembre 1992 fixant les conditions d'élection et de suppléance
à la Présidence de la République ne spécifie pas clairement
qui du juge administratif ou de son homologue judiciaire est
légalement habilité à trancher les difficultés nées de l'élec-
tion
présidentielle.
Car,
alors
que
la
Cour
Suprême
Camerounaise est composée de formations judiciaires et admi-
nistratives, l'article 93 de ladite loi, traitant du conten-
tieux électoral, dispose avec une note de laxisme que cette
tiCour Suprême peut faire droit à toute requête adressée par un
éligible, un parti politique ou un candidat à l'effet d'annu-
ler les opérations électorales". Or à la lecture de l'Arrêt N°
4/E/92-93 du 14 octobre 1992
rendu en appl ication dudi t
contentieux électoral, il y apparaît deux fois de suite que la
Cour Suprême a siégé en Assemblée Plénière, cette dernière
étant, d'après les termes de l'Ordonnance du 26 août 1972, le
juge d'appel des décisions rendues par la chambre administra-
tive (2). Quant à savoir la raison pour laquelle le juge admi-
nistratif d'appel a été directement saisi sans que les requé-
rants aient pu préalablement transiter par le premier juge, il
convient tout simplement de se référer au Code électoral qui
prévoi t
en son article 97 que
ul es décisions de la Cour
Suprême relatives aux opérations électorales ... sont rendues
en premier et dernier ressort".

(1) On peul en effel s'interroger sur le bien-fondé des critiques virulentes émises sur la régularité de ce sCflltin ct éma-
nant de certains Etats occidenlaux alors que la plus haute juridiclion Camerounaise a cu l'occasion de dire le droil en
ce qui concerne les prélendues irrégularilés invoquées devant elle. En fail, l'explicalion de celle allilude injusli fiée
réside dans l'ingérence démesurée qui lend à être le propre de ces puissances étrangères ct qui, par-deliJ loul, cons li lue
une réelle érosion de souverainelé de l'Elal Camerounais.
Surprenanle paraÎI lou! aussi la conteslalion aveugle el permanente d' nne formalion polilique nationale telle le
S. D. F. au mépris de la "chose jugée". Son refns manifeste de se pré va loi r de l'annulation juridictionnelle de l'élection
présidentielle qu'elle conlesle sans relâche signifie deux choses: soil celle fomlation politique manque de preuves
suffisanles de nature à emporter l'adhésion dn juge, soil elle maintienl sa siratél;ie traditionnelle de refus des institu-
tions républicaines afin de privilégier l'affronlemenl politique.
Cet arrêt de la Cour Suprême doil, dans tous les cas, pouvoir f<lire échec à unc \\cllc dérive polilico-p<lssionnelle.
(2) Aux lermes de "arlicle 10 (nouveau) de l'Ordonnance N° 72/6 du 26 aoOI 1977 fix:lIlt 1'organis:Jlion de la Cour
Suprême, modifiée par la loi N° 76/28 du 14 décemhre 197(j, "La CO/lr SUl'rême exclusil'emellt l'our l'exercice des
compétences énumérées il l'article 9 ci-denl/.r comprelld UIIC Aucmhféc l'/élliàc j/lgC(lIIt l'II al'pc/ etl/llC chamhrc ad·
rniniftrative jugeant en premier re.Lwrl".

Donc, nonobstant les imprécisions de la loi électorale,
cette décision de la Cour Suprême pose assez explicitement la
compétence matérielle de la juridiction administrative à exa-
miner la requête d'un justiciable tendant à l'annulation
contentieuse de l'élection présidentielle. Et c'est justement
pour manifester sa compétence que le juge administratif, en
l'occurrence l'Assemblée plénière de la Cour Suprême, a tout
d'abord déclaré recevables en la forme les requêtes intro-
duites par le
sieur Maïgari BELLO BOUBA et autres (1) pour
enfin trancher le litige au fond.
Il reste cependant qu'à la suite de cette contestation
contentieuse de l'élection présidentielle, les juges de la
Cour Suprême Camerounaise ont cru devoir valablement mettre en
doute la compétence de la juridiction administrative dans un
arrêt N° 1/PE/92-93 du 23 octobre 1992 relatif à la proclama-
tion des résultats de l'élection présidentielle du 1Us1obt~
1992 (2). S'appuyant sur un certain nombre de mentions conte-
nues dans le procès-verbal de la commission nationale de re-
censement général des votes, l'arrêt de proclamation des ré-
sultats sus-évoqués énonce successivement ceci :
"Considérant que le procès-verbal de recensement général
des votes relève diverses observations, contestations et ré-
clamations relatives aux opérations préparatoires et à celles
de déroulement du scrutin, notamment:
Le fonctionnement défectueux de certaines commIssIons
locales et départementales.
- L'impossibilité pour plusieurs citoyens d'exercer leur
droit de vote du fait de l'annonce des élections après la clô-
ture des listes électorales.
(1) Dans une espèce SENDE Joseph dll 1er f(~vrier 198:;, le jllge Camerounais a ell il préciser la relation qui existe entre
la question de la reeevahilité effecti\\"C d'lIne requête el celle de la eompélence juridictiollllelle . "ce Il 'cs/ que dalls la
mesure où le JURe es/ cmnpé/en/ qu'il pourra valah/clIIell/ se saisir d'un dmsier ... "
(2) Extrait de la loi N° 92/010 du 17 septcmhre 1992 fixitnlles conditions d'élection ct de suppléance à lit l'résidcncc
de la République
,Titre X : Proclamation des résllllitlS
Artide 98. paragritphe 1 : "A l'issue du scrulill, la Cour Suprême, ail CO/Jr.f d'une audia/l(:e sa/enlie Ile. proâame les
résultaL~ de l'élee/ion sur la base du procès 'l'aboi de la cammissioll na/iollale de recellSemell/ général des va/es ",

- Le refus opposé aux représentants de certains partis
d'accéder aux bureaux de vote.
- Le non-envoi ou l'arrivée tardive du matériel électo-
raZ.
- La délivrance irrégulière de certaines cartes électo-
raIes.
- La disparition des listes électorales des noms de cer-
tains électeurs, pourtant titulaires des cartes électorales
régulièrement délivrées.
Considérant qu'aucune disposition de la loi N° 92/@1@ du
17 septembre 1992 (fixant les conditions d'élection et de sup-
pléance à la Présidence de la République) n'habilite la Cour
Suprême cl apprécier les observations et réclamations ainsi re-
levées ni à les sanctionner le cas échéant;
Considérant par contre qu'aux termes de l'article 93 de
la loi précitée:
"La Cour Suprême peut faire droit à toute requête adres-
sée par un éligible, un parti politique ou un candidat à l'ef-
fet d'annu 1er les opérat ions é l ectora les".
Considérant qu'il résulte dudit article que la loi su-
bordonne la nullité éventuelle desdites opérations à l'exis-
tence d'un recours préalable ;
Considérant qu'au regard des articles 94 et 95, ladite
requête doit être introduite au greffe de la Cour Suprême dans
un délai de deux jours suivant la clôture du scrutin;

Considérant qu'en tout état de cause la Cour Suprême
doit avoir statué au plus tard soixante douze heures suivant
la clôture du scrutin ;
Que c'est dans ces conditions que la Cour a été prece-
demment saisie ... de deux recours sur lesquels elle s'est
prononcée par arrêt N° 4/E/92-93 du 14 octobre 1992".

Un tel raisonnement de la part des hauts magistrats
laisse franchement d désirer, tant il est étonnement opposé d
la lettre des dispositions relatives au contentieux électoral,
lesquelles, a-t-il été mentionné, tranche en faveur de la com-
pétence de la Cour Suprême statuant en matière de C-o-:.t...tr::-rt.~o--f~"I'1Àt.rT:l.li
pour connaître des litiges y afférents. Comment en effet ex-
f
pliquer que ces juges formulent d'abord que la loi du 17 sep-
tembre 1992 un'habilite (pas) la Cour Suprême à apprécier les
observations et réclamations" relevées dans le procès-verbal
de recensement général des votes pour ensuite alléguer que
c'est en raison desdites contestations qu'ils furent appelés d
se prononcer upar arrêt N° 4/E/92-93 du 14 octobre 1992" ? En
fait d'argumentaire paradoxal, c'est le principe même de la
compétence matérielle du juge administratif qui semble abusi-
.vement souffrir de flexibilité (1).
En réalité, les juges se devaient de formuler ainsi leur
deuxi.ème considérant:
uConsidérant qu'aucune disposition de
la loi N° 92/010 du 17 septembre 1992 n'habilite la Cour
Suprême à apprécier les observations et réclamations ainsi re-
levées ni à les sanctionner le cas échéant ... en l'état de la
procédure". Car au sens de l'article 98, paragraphe 1 de la
loi. électorale du 17 septembre 1992, ce présent arrêt rendu
par les magistrats de la haute juridiction ne vi.se qu'd pro-
clamer ul es résultats de l'élection sur la base du procès-
verbal de la commission nationale de recensement général des
votes". Par conséquent, l'acte juridictionnel de proclamation
des résultats du scrutin a pour objet exclusif de donner acte
au procès-verbal de la commission susmentionnée, le délai pour
agi.r devant le juge afi.n de contester tout incident ayant
émaillé les opérations électorales étant désormais épuisé.
(1) L'exemple éclatant peut être tiré de celle analyse de 1\\1 Il ELLO nOUBA Maïgari, candidat malheureux de
l'U.N.D.P. à l'élection présidentielle du Il octobre 1992' "le scrutin a éil marqllé par de nombrcuses irrégularités.
Dans certains burcaux de vote, il a fal/u al/endre des heures avant que les bul/ctins portant mon nom ne soient dispo-

nib/es. Plus que tout autre, mon parti a contesté lex résultats officiels. Mais c 'cst par la voie légalc, et non dans la
rue, que nous aVOTLf cherché à obtenir /'annlation de ces réwltaLf. Moins de quarante-huit hcures après leur publica-
lion, j'ai introduit un recours del'ant la Cour Suprême. Cellc-ci m'a débouté, ail mati! qu 'el/e était seulement habili-
tée à vérifier la procédure de dépouillement des l'otes"
in JEUNE A FRIQUE N° 1694 du 24 au 10 juin 1993, propos
recueillis par Philippe GAILLARD et Marc YARLèD, p 19
S'agissant justement de la demière phrase du propos de M. BELLO nOUllA, laquelle pourrait. à juste titre/Ire inter-
prétée comme un aveu implicite d'incompétence de la Cour Suprême, il raut dire qu' elle est totalement contraire au
senS exact de la décision de justice l'ay:!nt débouté. Plutôt qu'un arrêt d'irrecevabilité, la Cour Suprême a bien au
contraire déclaré sa requête recevable en la rorrne, ce qui est synonyme de compétence juridictionnelle ;\\ u surplus, le
requérant n'a pu obtenir gain de cause au matir que les arguments invoqués étaient dénués de tout rondement.

Ce faisant, une saine observation des prescriptions lé-
gales du contentieux électoral aboutit à la règle de la compé-
tence de la juridiction administrative.
Il reste à savoir si une telle orientation du droit de
la compétence juridictionnelle,
appl icable en matière de
contentieux lié à l'élection présidentielle, s'articule tout
aussi autour de ces contentieux voisins qui se rapportent aux
élections municipales et législatives.
b : Les contentieux électoraux municipaux et législatifs.
L'analyse concomitante des contentieux ayant trait aux
élections municipale et législative est incontestablement liée
à l'unicité du régime juridique desdites élections. En effet,
aux termes de l'article 22 de la loi N° 74/23 du 5 décembre
1974 portant organisation communale, il en ressort que ((les
dispositions relatives aux opérations électorales prévues par

la loi électorale des membres de l'Assemblée Nationale en vi-
gueur
sont
applicables
aux
élections
municipales".
Conformément à cette option du droit, l'article 1er de la nou-
velle loi spécifique aux élections communales, en l'occurrence
la loi N° 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d'élec-
tion des conseillers municipaux réitère: "les dispositions de
la loi N° 91/020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions
d'élection des députés à l'Assemblée Nationale sont appli-
cables mutatis mutandis à l'élection des conseillers munici-
paux, sous réserve de celles particulières fixées par la pré-
sente loi". L'observation que l'on peut formuler après lecture
de ces précédentes dispositions est qu'en principe, seules les
règles juridiques fixant l'élection des parlementaires sont de
nature à permettre la détermination de la juridiction compé-
tente en matière de questions contentieuses soulevées à l'oc-
casion des consultations électorales tant municipales que lé-
gislatives tout naturellement. Ces règles juridiques ((en vi-
gueur" sont contenues dans la loi N° 91/020 du 16 décembre
1991 (1). Et par rapport au problème des règles de compétence
juridictionnelle, on se doit de préciser quel est le juge ha-
bilité à trancher les réclamations éventuelles portant soit
(1) Celte récentc loi dc \\991 ;lhll'ge l'II >('11 ;Irliclc 122 le lexte k'gis\\alif alltt'rtC11I N° 72/1.1'/(; (ill 2() jllin 1972 ;lillsi
que les lextes modificatifs suhséqucnts

sur des questions d'éligibilité, soit à propos de la régulari-
té proprement dite des opérations électorales.
S'agissant tout d'abord du contentieux visant à déclarer
qu'un candidat ne satisfait pas aux conditions d'éligibilité
définies par les dispositions légales, la compétence matériel-
le du juge judiciaire est formellement prescrite dans le texte
législatif du 16 décembre 1991. Pour s'en convaincre, il suf-
fit de se reporter à l'article 19 alinéa 2 de la loi qui dis-
pose, sans ambiguïté, que etl'inégibilité (d'un candidat) est
alors constatée par
le Président du
Tribunal
de
Grande
Instance dans les trois jours de sa saisine par Ordonnance sur
requête,

à
la di l igence de toute personne intéressée,
le
Ministère public entendu". Au surplus, c'est à ce même juge
judiciaire qu'il échoit, statuant en tant que Magistrat près
la Cour d'Appel, d'examiner les décisions des commissions dé-
partementales de supervision des opérations électorables (1),
lesquelles décisions sont prises à la demande des électeurs
inscrits sur les listes électorales ou par toute personne in-
téressée à l'effet de constater les irrégularités commises par
l'administration dans l'établissement et la distribution des
cartes électorales.
Pour ce qui est en revanche du débat contentieux mettant
en cause la régularité même des élections, suite à la procla-
mation des résultats, la loi du 16 décembre 1991 le prive ex-
pressément de tout contrôle juridictionnel : "toute action ju-
diciaire relative à la contestation des résultats définitifs

des élections à cette assemblée est irrecevable d'ordre pu-
blic" (2). En conséquence, les justiciables potentiels ne peu-
vent valablement se prévaloir de l'annulation des opérations
électorales ni devant le juge de droit commun, ni par-devers
la juridiction administrative dont on pourrait penser, à
première vue, à solliciter l'intervention compte tenu des mul-
tiples actes administratifs prévus par la loi et ainsi édictés
lors de la période préélectorale.
(Il Article 4~ ;llin«'a 3.
(2) Article 120 ;lliné;l 2.

En effet, d'après 10 loi électorale du 16 septembre
1991, c'est successivement par décret qu'est fixé le nombre de
députés représentant chaque circonscription (1), par arrêté
que l'autorité administrative préfectorale "constate" la com-
position de la commission départementale de supervision sus-
évoquée (2), par arrêté que le Ministre de l'Administration
territoriale "constate", également, la composition de la com-
mission nationale de recensement général des votes (3), par
arrêté préfectoral qu'est fixée la forme des listes électo-
rales (4), par décret qu'est convoqué le corps électoral (S)
et, enfin, par arrêté du Ministre de l'Administration territo-
rial qu'est fixée la liste des bureaux de vote (6).
Mais en réalité, il s'agit assurément, dans la plupart
des cas, de mesures rentrant dans la catégorie des normes ju-
ridiques que l'on appelle "actes de gouvernement", lesquels
sont frappés du sceau de l'immunité juridictionnelle. Par an-
ticipation à l'étude consacrée à la théorie Camerounaise des
actes de gouvernement (7), on peut néanmoins brièvement rele-
ver que par jugement N° 7/CS/CA du 29 novembre 1979, ESSOMBA
Marc-Antoine c/Etat du Cameroun, la jurisprudence administra-
tive nationale, en l'absence de toute indication du droit tex-
tuel, considère les relations du gouvernement avec le parle-
ment comme l'un des domaines de manifestation desdits actes.
Ce sont les "actes qui ont trait aux rapports du gouvernement
avec le parlement", s'il faut reproduire fidèlement les termes
de la décision ci -dessus mentionnée. En Clppl ication de cet
élément théorique, "les actes portant convocation du corps
électoral
en vue des
législatives"
figurent expressément,
selon la même jurisprudence ESSOMBA Marc Antoine, au titre de
mesures regardées comme (~ctes de gouvernement". C'est encore
cette précédente décision de justice admi.nistrative qui permet
de classer toute la gamme des autres décisions administratives
(1) Article 4.
(2) Article 40 alinéa:3 Le préfer ne peul que constater la cOtnposition de ladite cOlllmission en raison de cc qlle l'ali·
néa 1er de cet article 40 prévoit déjà Ics membres qui y siègent.
(3) Article 44 alinéa 2.
(4) Article 48 alinéa 2.
(5) Article 67.
(6) Article 95 alinéa 1
(7.) Cf.. troisième partie de la prt;~cnt~·. tlll'sc traitant des ..1'.".,'1"/"".\\. '1 III ""11/"'10"·" dl' {a )lnididi"" IIdmilli.\\·'rllli·
ve". section Il du Chilpitre premier.

prévues par la loi électorale du 16 septembre 1991 au rang des
actes de gouvernement à l'exclusion, sans doute, des deux ar-
rêtés préfectoraux (1). L'explication en est que ces mesures
administratives s'inserrent parfaitement dans cette définition
générale du juge qui veut que soient considérés comme actes de
gouvernement, "les actes par lesquels sont déterminées les mo-
dalités de
l'élection à l'Assemblée Nationale".
Le problème de la répartition des compétences conten-
tieuses entre les juridictions judiciaire et administrative,
relativement auxdites consultations électorales, est pour le
moins résolu quand on se place sous l'empire de la loi du 16
décembre 1991 . L'intervention du juge de droit commun à l'oc-
casion d'un éventuel contentieux afférent y est prescrite,
nonobstant son champ d'application restreint. Quant à son ho-
mologue administratif, ces contentieux électoraux échappent
considérablement à sa compétence.
Toutefois, depuis une législation récente, cette tendan-
ce est inversée en faveur de l'accroissement des compétences
contentieuses de la juridiction administrative. C'est d'abord
la loi N° 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d'élec-
tion des conseillers municipaux qui, en son article 33, dispo-
se: "tout électeur et tout candicat a le droit d'arguer de
nullité les opérations électorales de la commune devant le

juge administratif". L'article 34 fixe la même règle de compé-
tence juridictionnelle en ces termes: " ... les contestations
font l'objet d'une simple requête devant la juridiction admi-
nistrative". Ensuite, la loi N° 92/003 du 14 août 1992 modi-
fiant certaines dispositions de la loi N° 74/23 du 5 décembre
1974 portant organisation communale comporte une série de dis-
positions dont la combinaison renforce le principe de la com-
pétence du juge administratif:
(1) Le préfet n'étant pas une aUlorité gouvernementale, les décisions qu'il peut prendre, même en relation avec
l'Assemblée Nalionale, ne remplissenl nullement les conditions requises dans la définition jurisprudentielle des
actes de gouvernement, lesquels, rappelons-le, peuvent être des "actcs qlli 011/ 'rait GIn rarporL~ dll GOllvernement
avec le Parlement".

Il ne s'agit cepembnl pas d'une positi,'n Iranchée compte tenu d'une jurispllltielH'c ;Hlminislralil'(~ Camcrounaise par-
fois peu orthodoxe. En effet, le juge national a eu il qualifïer certaines décisions de l'exécutif d' "actes de gouverlle·
ment" alors que ces dernières n'avaient rien de commun avec les critères de sa "prol're" théorie desdils acles : C'est le
cas notamment du décret parla ni convocation du corps électoral en vu,: de l','lcclion présidcnllclle ou de mcsures ad·
minislratives relatives il la répressioll du terrorisme nU il la d,'signatioll dl' cbcrs traditioullels (cl' : théoric jurisplII'
dentielle Camerounaise des acles de gouvernemenl).

-Article 5 (nouveau) "les organes du Conseil Municipal
sont .
. Le consei l municipal, organe délibérant;
. La municipalité composée du Maire et des adjoints, or-
gane exécuti f" (1).
- Article 52 (nouveau) : (1) t~ sa première session qui
se tient de plein droit le deuxième mardi après les élections,
le conseil municipal de la commune
urbaine ou
rurale élit en son sein le maire et ses adjoints".
(3)
ttAprès
l'élection
du
Maire, il est procédé à celle de ses adjoints".
- Article 53 (nouveau) : ttEn cas d'irrégularité dans
l'élection du maire ou des adjoints, l'autorité administrative
territorialement compétente ou un électeur de la commune peut
... saisir la juridiction administrative compétente en premiè-
re instance aux fins d'annulations".
En définitive, une telle orientation nationale du droit
de la compétence juridictionnelle au profit du juge adminis-
tratif rejoint les législations de certains états voisins (2).
Et c'est la sphère de compétence de la juridiction administra-
tive qui s'en trouve élargie, en ce sens que la quasi-totalité
du contentieux électoral lui est dévolu comme c'est le cas en
mati.ère d'élections simplement administratives.
(1) 1\\ convient de relever le caractère défeclucu.'I: de la rédaction du te:\\te législatif Car le Conseil Municipal ct la
Municipalité sont les organes de la Commune et non du Conseil Municipal comme cela est faussement dit dans la loi.
(2) Ainsi. en Côte d'Ivoire, les dispositions de la loi N° 80-1181 du 17 octobre 1980. modifiée et complétée par les
lois N° 85-1075 du 12 octobre 1985 et N° 90-1579 du 30 novembre 1990 habilitent la chambre anministrative de la
Cour Suprême Ivoiriellne à connaître du cl1utentiem: électoralnlllllicip.ll (voir, I-L\\\\I:\\DI KCJlIROUldt\\, "Dix lllU de
conlenlielLt électoral municipal en Côte-d'll'oire (l98l-l99l)", Hecueil PENt\\NT, N° 8n, octobre-décemhre 1993,
pp. 292-322), De même, en droit Gabonais, la loi N" 6 nu 1er juin 1978 confie à la Chamhre Administrative de la
Cour Suprême le double contentieu:l électoral municipal ct législatif. à l'e:lccption de requêtes relatives à l'inscrip-
tion sur les listes éleclorales, lesquelles, par coUlre, sont de la compétence du judiciaire (voir, \\/a:l RE\\IONDO, le
Droit Administratif Gabonais, F3ibliol/ièqllc :\\fric<llIle ct Mal~ache, "1"lllc XUV. LG.D), rari~, 10H7, p. :?OR)

2: LES ELECTIONS SIMPLEMENT ADMINISTRATIVES
Il s'agit des élections qui ont lieu sans la conduite ou
l'intervention d'un parti politique quelconque et dont l'objet
porte sur la désignation des représentants de certaines col-
lectivités fonctionnelles, contrairement d la logique qui a
1ibre cours dans les processus électoraux précédents.
Les
éventuelles contestations de la régularité de ces élections
administratives sont parfois soumises à l'appréciation de la
juridiction administrative d'après les dispositions des textes
particuliers qui
régissent lesdites collectivités.
Aussi
convient-il de distinguer le cas des élections au sein des
ordres professionnels de celui des élections concernant les
organismes consultatifs de l'Administration publique.
- Dans le cadre de sa mission d'organisation de la pro-
fession qu'il contrôle, l'ordre professionnel est préalable-
ment appelé d procéder d l'élection des membres de sa structu-
re dirigeante. Ceci est généralement valable pour tous les
ordres professionnels existants au Cameroun : ordre national
des architectes, des avocats, des pharmaciens, des médecins
pour ne citer que les plus connus. Afin de régler le problème
du juge compétent pour connattre des litiges électoraux éven-
tuels, le texte juridique régissant chacune de ces professions
libérales détermine explicitement la juridiction à saisir à
cet effet. Quand la contestation électorale n'est pas du res-
sort de la compétence de la juridiction administrative, c'est
tout naturellement le juge judiciaire qui est habilité à in-
tervenir en cas de saisine (1).
(l) A titre d'illustration. la loi N° 90-59 du 19 déccmbre 1990 portant organisation dc la profcssion d'avocat disposc
à l'article 54, alin~ 3: "Ioul avocal, à l'exclusion de ceux viçés à l'article 51 alilléa 5 (avocaLç stagiaires ou sus-
pendus), peut, par simple déclaration au greffe, déférer li la Cour d'Appel du siège de l'Ordre Ioule cOllleslalioll sur
les élections. dans un délai de dit jours li compter de la dale de la proclamation des résrlliali.
Le procureur général près la Cour d'Appel a le même droil dans le délai de 15 jOl/rs, à compler de la noillication ql/i
lui a été faire par le bâlonnier, du procès-verbal des élections
".

C'est ainSI que le domaine contentieux dll jllge administratif s'est cnricl1i avec Ic
texte législatifrelalifel l'exercice de la pro/Cssion de pllélrnJ;lcien. L',1I1icle W) de la loi NU
90/035 du 10 août 1990 Cil qllestion énonce ccci: « AIJ/'(~,\\' ci/mI"e élecliol7, le fJmcès-
verhal esl lIolifh; ri l '(Illloril(' de Ililel/e db' le Ilr1'lllicr jO/II' Olll'l'ah!e slIivonl la
pl'OCIUIIWlioll des n;slIlluls dll scmlill.
!>1'S col1ll'slalirJ/ls ('ol/cerllalll 11'.1' dccliolls Ih'lfvel1! ('Ire d(UiJn'cs ri la cl!rllllhre
adminisll'alil'c de la ('0111' SlIlm'lIIe, fiaI' 1(1111 111/(/l'/lIoc;el/ o)'m/I dmil de vole, dans /In
délai de 15jolll's slIivan/ le SCI'II/ill. 1> 'rfl//(Jl'ih; de /1I1e/le doil Cil (;11'1' illf{m//(;(' » 1.
En application de cette dévolution de compétence pell une nonne juridique alltre que
l'Ordonnance dll 2ô elOLlt 1972, la ,jlllidiction administrative a, cl cc jour, statué de1llS
l'unique an~lÎrc opposant le sielll TIAKO I~éljx au Conscil de l'Ordre des pllélrl11é1cicns du
Cameroun, par jugement Nn J 17/90-91 rendu le JI lllaL 199 L.
Les l'nits de celte décision de principe SOllt élIns! articulés, Lcs pl1,JrI11acicns
camerounélls nvaient procédé le JO septemhre 1990 il l'hôtel SOFITI~I~ el Ynoundé el
l'élection de renouvellement des IllClllhres du Bureau du Conseil cie l'Ordre. C'est cl la
suite de cette consultation électorale qlle le pharmacien TIAKO Félix êlvait introduit ulle
requête en date du 10 octobre 1990 tendant il ce qu'il plaise à la juridiction de céans
d'annuler ladite élection, A l'appui de son recours, le requérant (~lÎsait valoir le vice ayant
entaché la procédure en ce sens qu'avClient participé il ce processus électoral des membres
suppléants du Conseils de l'Ordre, « ,.. alors (I"e j70r d~/jlll/i()ll, arguait-il, IflISllllj7Ic;UIIIIIC
peu/ penil' CI" 'cn l'cll/j7lacelllelll d" li/Illaire ».
Sur la recevabilité de la requête contentieuse, ln chamhre administrative s'é[(lit
décléll'ée compétente éÎ statuer slIr le présent litige, Cil ,lpplicatÎon dc l'article g<) ci-dessus
évoqué et compte tenu dll fait que le sieur TIAKO Félix avait scrupuleusement observé les
dispositions relatives ,1 la procédllre confenl ieuse.
1 Cet éllolleé cie la cOlllpélellce jllridictiollllelle Cil lIlalière de colltell(iellx électoral relafil' :') "ordre proicssiollllci esl
idcIlliqlle1lleni reprocllli1 par les lois régissalll les ;lI/(res ordres proicssiollllcls
-Article ~5 de la loi Il'' ')O/()1l dll 10 aoÎII l')')() relati\\e ;\\l'cxcrcicc el:\\ l'org:lllisalioll de la pr(lrcssioll \\élérillairc.
-Article 27 dc la loi Il'' ')()/O~4 clll Jo aoÎlf 1()')() rc/ati\\e ;\\l'cxercice ct :\\ l'orgallisalioll de la prorcssioll de chirllrgicll
delltiste :
-Article 27 dc la loi Il'' 'IOj()](j dll 10 ;IOÎII 1t.J'JO rclali\\'e ;'\\ l'exercicc ct ;\\ l'orgallisalioll dc la prolcssioll de Médecill :
-Ar:ticic 2X de la loi Il'' ')0/0.17 dll 10 ;W(,I l'I'H) rc1;l/i\\c :\\ "cxercice cl :\\ 1'0rg;lIlis;llioll de 1;, proressioll d'c\\pcrt-
techlliqlle :
-Article 24 de la loi 11° ()O!O:IX dll 10 ;lOùl 1()')O rc!ali\\e ;\\ l'excrcice ct ;\\ 1'0rgallis;)lioll clc 1:1 proressioll d'c;,;pcrl-
comptable:
-Article 2R de la loi Il'' ()O/040 dll 10 aOIÎI J()90 rc!:lli\\e ;\\l'orgallisalioll de 1;1 profCssioll cl'lIrlJallislc:
-Article 2X de la Ini lin ()Oj()41 dll 10 ;wùl 1')')0 rc!;I(I\\C :\\l'c\\crcicc cl;\\ l'org;lI1isalioll de I:l prolCssioll d'archileclc.

Quant au fond, le requérant obtint galn de cause par an-
nulation conséquente de l'élection querellée. Motif pris de ce
IIqu 'en tout cas, par principe et en r'ègle générale, un membre
suppléant ne peut siéger et de sur'croît participer à une élec-
tion qu'en cas d'empêchement du membre titulaire qu'il sup-
plée". On observera furtivement et avec stupéfaction que le
juge administratif développa une telle motivation de son juge-
ment sous l'expression générique de IIv ice de forme" (1), au
delà de la justesse du fondement normatif de sa compétence
nouvelle.
- En matière de fonction publique, la gestion rationnel-
le des personnels fonctionnaires nécessite assez souvent l'a-
doption,
par l'Administration,
d'une approche méthodique
consistant à instituer des organismes consultatifs.
C'est
ainsi que le décret N° 74/138 du 18 février 1974 portant sta-
tut général de la fonction publique crée tout à tou~en son
article 17, le Conseil supérieur de la fonction publique, des
commissions administratives paritaires ainsi que des conseils
de santé.
Le Conseil superleur de la fonction publique, aux termes
de l'article 18 dudit statut, lIes t saisi pour avis ou sugges-
tion des problèmes d'intérêt général concernant la fonction
publique et les fonctionnaires.
Il émet éventuellement son avis sur les réformes du sta-
tut généra l et des statuts parti cu li ers".
Les commissions administratives
paritaires
dont
le
nombre correspond généralement à celui des cadres de la fonc-
/
tion publique sont consultées, à la lecture de l'article 25 du
décret sus-évoqué, IIsur toutes les questions à caractère indi-
viduel concernant les fonctionnaires du cadre ou du groupe de
cadres au sein desquelles elles sont instituées".
Plus concrè-
tement, une commission administrative paritaire a pour rôle
d'émettre IIde plein droit son avis en matière de qualification
des stagiaires, d'avancement, discipline, de déchéance des
droits à pension
et de réforme des fonctionnairës".
(1) N'étail-il pas judicicu:'t d'invoquer ici le motif de vice de procédure? Quoique ce demier Ile soil guère prévu par
l'Ordonnancc du 26 août 1972 au litre dc moyen d'annulalion, n'est-cc pas lil unc opportunité dOllt le .jugc adminis-
tratif se scrail servi afin dc l' inlr(xluirc dans le droil dn cnnlenliclI:<' :lcll1l;n;Slrrtlif ('alllclounais Cil raisoll de SOli l'0n-
voir normateur ?

Tous les problèmes médicaux susceptibles d'émailler la
carrlere du fonctionnaire sont enfin traités en étroite colla-
boration avec les conseils de santé.
Toutefois, au-delà du cloisonnement des tâches imparties
d ces organismes consultatifs de la fonction publique, les
textes particuliers précisant dans les détails leurs compé-
tences, organisation et fonctionnement respectifs ont ceci de
commun qu'une frange considérable des représentants des fonc-
tionnaires est issue d'une élection administrative préalable,
lorsque ces derniers ne sont pas simplement nommés par le
Président de la Républ ique ou le Ministre de la Fonction
Publique. Et c'est finalement par le truchement du contentieux
électoral qui en découle, le cas échéant, que la sphère de
compétence de la juridiction administrative s'en trouve ampli-
fiée puisque tout fonctionnaire concerné qui conteste la régu-
larité de ces élections peut déférer le litige au juge admi-
nistratif. Ce dernier n'a guère pu amorcer, jusqu'à présent,
le contentieux qui s'y attache, l'absence d'une requête ex-
pliquant en effet celà.
Par contre, la juridiction administrative a déjà consi-
dérablement développé un pan non moins important du conten-
tieux électoral à elle attribué par des textes juridiques spé-
cifiques, à savoir la contestation d'un certain nombre d'élec-
tions professionnelles à la chambre d' Agricul ture ou à la
chambre de Commerce (1).
En définitive, la tendance parallèle d'élargissement du
champ de compétence du juge administratif est la résultante de
tout le droit positif traitant des libertés publiques. Mais
cette amplification du domaine contentieux ne se résume guère
exclusivement aux contentieux de l'agrément ou des élections,
en ce sens qu'une législation relative aux litiges d'ordre fi
nancier vient procéder de cette technique de dévolution de
compétence à la juridiction administrative en dehors des gran-
(1) - Jug~ment N° 5/CS/CA/82-83 du 26 novcmhrc 1982, ESSOME Jcan ciElal du CanH~I()UIl ,
- Jugement N° 6/CS/CA:82-!B du 26 novcmhre 1982. MONTIIE Honoré c/Et<tl du C:1Il1CrOUIl ,
- Jugement N° 7/CS/CAlR2-83 du 3 déccmhrc 1982, NGALA TAWONG Ahcl c/Et:1l du :-::arncrollll .
- Jugement N° l/CS/CAl82-83 du 26 octohrc 1983. Darne NJAPOUM née NGASSAM JC;lnne ciEbt dll C:1mcroun :
- Jugcment N° 2/CS/CA/82-!n du 26 oclobrc 198~. NOlrrcrrOCÎOUINCl Jcan Samuel c/Elal du Cameroun:
.. Jugement N° 3/CS/CA/82-83 du 2(, octobrc 1983, KEUATSOPTI.TAKEUA l'iClTC c/Elal du Cameroun.
- Jugement N° 4/CS/CA/82-8.1 du 26 octohrc 19R.1, DJOMO David ciElat du Camcroull.

des
lignes
tracées
par
le
texte
fondamental
qu'est
l'Ordonnance du 26 août 1972.
Il :
LA LEGISLATION
RELATIVE AUX LITIGES D'ORDRE
FINANCIER
A côté du régime normatif ayant trait aux libertés pu-
bliques, la compétence matérielle de la juridiction adminis-
trative vient tout aussi s'étendre par le biais de lois rela-
tives aux finances publiques. Ces dernières soumettent à la
connaissance de celle-ci tout problème contentieux en rapport
avec la responsabilité qui peut incomber aux agents publics
chargés du maniement des fonds publics, ainsi que le conten-
tieux fiscal classique susceptible d'intéresser tout contri-
buable Camerounais, c'est-à-dire toute personne assujettie au
paiement des impôts.
S'agissant tout d'abord de cette variante du litige fi-
nancier qui met en cause la gestion indélicate ou du moins
présumée anormale des comptables publics, quels qu'ils soient,
c'est-à-dire qu'ils relèvent de l'Etat, des Collectivités ter-
ritoriales ou des Entreprises publiques, elle trouve son fon-
dement normatif récent dans la Loi N° 74/18 du 5 décembre 1974
relative au contrôle des ordonnateurs, gestionnaires et gé-
rants des crédits publics et des entreprises d'Etat.
Il
convient alors de souligner que le déclenchement de la saisine
juridictionnelle est éventuellement provoqué par la sanction
des responsabi lités desdi ts comptables par
"l e juge des
comptes", en l'occurrence le Conseil de Discipline Budgétaire
et Comptable (1) dont la compétence est ainsi précisée :
"Le Conseil de discipline budgétaire et comptable est
compétent pour sanctionner tout agent de l'Etat, d'une collec-
tivité publique locale, d'un établissement ou organisme public

ou para-public ayant la qualité d'administrateur de crédits ou
ayant agi en cette qualité, tout commissaire aux comptes, cen-
seur ou commissaire du gouvernement auprès d'une entreprise
d'Etat quel qu'en soit le statut, qui se rend coupable d'une

ou de plusieurs irrégularités prévues par la loi" (2).
(1) Mathieu MEI3ENGA . Le Conseil de discipline hudgétaire et comptable au Cameroull, t\\'16moire de Maîtrise, Droit
public. Université de YAOUNDE, 19lY1.
(2) Article 14 du décret N° 83-509 du 26 octobre 19R3 rclalif il l'organis;)(ion el au fonctionnement du Conseil de dis-
cipline budgétaire el compl:lhle, lequel décrel ahrnge le ,"~crel N° 78-,170 du .1 nl)\\'cl11hn~ l'nI' portaul :lpurement et
sanction des responsabilités des cornplables.

Bien au-delà des questions de procédure nécessaire à la
sanction même du comptable public, la compétence du juge admi-
nistratif se manifeste en ce que ce dernier se voit attribuer
la connaissance des décisions punitives prises à l'encontre du
mis en cause par le conseil (1) dont on a si souvent abusive-
ment perçu son caractère juridictionnel (2).
La législation du litige d'ordre financier consacre, ce
faisant, la possibilité, pour le comptable sanctionné, de ré-
parer les malversations commises au cours du maniement de
l'argent public, de recourir en réexamen de sa situation de-
vant la juridiction administrative (3). Le contentieux fiscal
procède également de cette dévolution légale de compétence au
juge administratif.
L'article 9 de l'Ordonnance du 26 août 1972 ne dispose
pas explicitement que le litige né de l'imposition peut être
déféré devant la juridiction administrative. Il faut toutefois
recourir au texte de l'Ordonnance N° 73/21 du 29 mai 1973 por-
tant Code Général des impôts et ses divers textes modificatifs
pour avoir une vue quelque peu dégagée sur cette question de
la compétence juridictionnelle. Défini comme une ((prestation
pécuniaire requise autoritairement
et sans contrepartie des
assujettis selon leurs facultés contributives par la puissance
publique en vue de couvrir les charges publiques ou d'interve-

nir dans le domaine économique et social" (4), l'impôt est
fréquemment payé bien au-delà du délai légal imparti aux con-
tribuables. En raison d'une telle exécution délibérément dif-
férée, les articles 246 à 248 du Code Général des impôts pré-
voient des sanctions graduelles allant du simple intérêt de
retard dans le paiement à l'extrême taxation d'office qui est
étab lie ou non. ((En cas de désaccord avec l'Inspecteur chargé
(1) Article 12 de la loi N° 74118 du.'i décemhre 1974 précitée, repris in extenso par l'article 19 du décret dll 26 oc-
tobre 1983 sur le conseil de discipline budgétaire ct comptable susmentionné: "Les décisions du Conseil ... peu-
vent faire l'objet de recours en annulation devant la juridiction adminiftrati,'e StlIlS que ce f'eCour.f ,mit .Ç/lSpen.fi[' ct
qu'il soit précédé de la formalité dll recours gracieux préalahle.
(2) LEKENE DONFJ\\CK Etienne-Charles, Finances puhliques Camerouuais<:s. l'.dilions Berger-! .evrault, série
"Travaux de recherche dl' l'UniverJilé de Yao/lndé (Tome V), collection Mondes en devenir, Paris, 19H7. p TN et sui-
vanles.
(3) Voir par exemple J\\ rrét N° 31 MeSI J\\ P du 17 novembre 19H1. ITEM Dieudonné cil état du Cameroull IlG I:I~J\\)
jugemenl N° 52/88-89/CS/CJ\\ du 29 juin 1989. BlUMLA Gabriel Ampère c!r-:tal du Cameroun (MINFI). précité.
(4) LEKENE OONI-J\\CK E.C. oU\\'J':Jge l'l'l'ciré. PP 41R-·n9. Dans le même sens. voir le;v;ique des termes juridiques de
Raymond GUILUEN el.Jean VINCLNT, sous la direction de Serge (;UINClI1\\RD el Gabriel ~IONTI\\(;NIEf{,1)1\\I.L07.,
Sème édition, Paris, 1990, [J. 2(,}

de l'assiette,
le contribuable taxé d'office ne peut obtenir
par voie contentieuse la décharge ou la réduction de la coti-
sation qui lui a été assignée qu'en apportant la preuve de
l'exagération de son imposition. Il supporte la totalité des
frais d'instance, y compris ceux de l'expertise s 'i l Y a
lieu".
Si ces termes de l'article 248 du Code Général des im-
pôts mentionnent la possi bil i té d'un recou rs contenti eux
contre l'imposition jugée excessive, ils présentent cependant
l'inconvénient de ne point régler l'exacte détermination de la
juridiction compétence pour trancher le problème posé.
Au demeurant, on ne sait guère si chaque type d'impôt
est concerné par cette éventualité du contentieux car le droit
Camerounais consacre tour à tour l'impôt sur les sociétés,
l'impôt sur le revenu des personnes physiques (taxe propor-
tionnelle et surtaxe progressive), l'impôt sur le chi ffre
d'affaires intérieur, l'impôt sur les activités, l'impôt sur
la fortune (les droits d'enregistrement), les impôts perçus au
profit des diverses collectivités, les taxes diverses (armes à
feu, crédit foncier, bétail, etc ... ).
Cependant, palliant l'imprécision des dispositions de
l'Ordonnance du 29 mai 1973, la juridiction administrative
s'est maintes fois déclarée compétente en matière de conten-
tieux fiscal, qu'il s'agisse de la contestation du montant des
impôts sur les revenus (1) ou de la taxe sur le chiffre d'af-
faires (2). Il s'agit là de décisions de justice se contentant
de retenir implicitement la compétence du juge administratif,
en statuant sur le fond du litige, mais sans en fournir la
justification.
(1) Arrêt N° 9/A/CFJ/AP du 27 octobre 1972, Etal Fédéré du Cameroull Orienlal cIl3JCJC;
Arrêt N° 16/A/CFJ/AP du 30 novembre 1972, Me MATIf> Benjamin e/Etal du Cameroun;
Arrêt W 3174-75/CAY/CS du 28 novembre 1974. EDINGER Prançois c/Etat du Cameroun;
Arrêt N° B/CS/AP du 24 mars 1983. MBOKA TONGa MPONOO Guillaume clEtal du Cameroun.
(2) CFJ/AP Arrêt N° 4/A du 28 janvier 1970. Société Générale des Grands Travall~ de l'Est (SOT.E) c1Etat du
Cameroun oriental:
CFJ/CAY Arrêt N° 94 du 27 Janvier 1970, Société Civile Immohilière de Djoungolo clElat du Cameroun,
CFJ/AP Arrêt du 25 avril 1970, Société BP "West Ajrica Uri" [)Quala clElat du Cameroun Oriental;
CFilAP Arrêt N° 1liA du 27 octobre 1972. Société Cam voyages clElat Fédéré uu Cameroun Oriental.
CFJ/AP Arrêt N° 121A du 30 novemhre 1972, A rRrCAUrO et Cie c/Elal rédéré du Cameroun Oriental.
CS/AP Arrêt N° IlIA du 9 novcmbrc 1978 N.lONKWE M(li~c c/EI:'1 du Camcr'"", .
CS/AP Arrêt N° 15/A du 19 juin I9RO, NJONKWE /l.hii~e clUal du Cameroun.

On peut d'ailleurs apprecler positivement cette interprétation
jurisprudentielle du texte de l'Ordonnance en faveur de la
compétence du juge administratif pour la simple raison qu'un
acte d'imposition n'est qu'un simple acte administratif émis
par quelque administration fiscale, que ce soit celle des im-
pôts,
de
l'enregistrement,
timbre et curatelle,
ou
des
douanes.
Par conséquent, ce n'est pas un hasard que d'alléguer
que le contentieux fiscal est attribué à l'examen de la juri-
diction administrative par un texte spécial parallèle au cadre
juridique général qu'est l'Ordonnance du 26 août 1972 dans son
article 9. A ce titre, le contentieux de l'imposition rejoint
les autres matières contentieuses inscrites dans le champ de
compétence du juge administratif par des lois spécifiques. Il
reste alors à dégager les propriétés inhérentes à cette métho-
de d'accroissement de la compétence juridictionnelle.
SIS II: LES SPECIFICITES DE LA TECHNIQUE DE DEVOLUTION DE COMPE:
TENCES PAR UNE NORME PARTICULIERE
Quand on considère que la combinaison des articles 9 et
10 (nouveau) de l'Ordonnance du 26 août 1972 fixant l'organi-
sation de la Cour Suprême est perçue comme le cadre général de
définition de la compétence matérielle de la juridiction admi-
nistrative, il peut sembler intéressant de s'interroger sur le
contenu réel des textes juridiques nouveaux attribuant à cette
dernière la connaissance de matières contentieuses nouvelles.
Sur un plan formel, "les litiges expressément attribués
par la loi" au juge administratif ne présentent guère d'origi-
nal i té
par
rapport à
ceux
préalablement spéci fiés
dans
l'Ordonnance de 1972. Car qu'il s'agisse des litiges d'ordre
financier ou de ceux ayant trait aux libertés publiques, on
constate que le justiciable met en cause une décision unilaté-
rale de l'Administration, voire un fait matériel.
Et à ce
titre, ces litiges nouveaux sont d'une nature identique aux
traditionnels actes administratifs qui, déjà, ressortissent à
la compétence de la juridiction administrative.

Cependant, là s'arrête tout repère d'intersection dans
la mesure où la différence fondamentale entre la compétence
classique du juge administratif et celle nouvellement définie
par un texte juridique spécial réside dans une perspective
processuelle. Aussi peut-on tirer de ces législations paral-
lèles aux normes du contentieux administrati f général une
évidente spécificité trilogique :
. D'abord, elles consacrent une érosion de la couverture
précontentieuse classique de l'Administration;
Ensuite, on y décèle une émergence certaine de la pro-
tection contentieuse du justiciable ;
. Enfin et corrélativement, c'est la tendance à la re-
cherche des équi libres dans la procédure contentieuse qUI
semble amorcée.
1 :
L'EROSION
DE
LA
COUVERTURE
PRECONTENTIEUSE
CLASSIQUE
DE
L'ADMINISTRATION
Le système de protection de la puissance publique contre
d'éventuels procès administratifs gravite autour du recours
administratif gracieux préalable qui consiste, pour tout jus-
ticiable potentiel, de soumettre avant tout le litige à l'ap-
préciation de l'Administration plutôt que de saisir directe-
ment la juridiction administrative. Cette phase transitoire
pré-juridictionnelle découle des dispositions de l'Ordonnance
N° 72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour
Suprême, notamment l'article 12 paragraphe 1 qui dispose: ilLe
recours devant la Cour Suprême n'est recevable qu'après rejet
d'un recours gracieux adressé au Ministre compétent ou à l'au-
torité statutairement habilitée à représenter la collectivité
publique ou l'Etablissement public en cause". Et les garanties
normatives qui s'attachent à cette formalité processuelle s'a-
nalysent en plusieurs conséquences frappant immédiatement le
contestataire désinvolte vis-à-vis des règles de la procédure
administrative contentieuse .
- D'abord, l'erreur sur l'autorité administrative compé-
tente pour recevoir le recours gracieux préalable est synonyme
t/.~6-'i«"-Q e& recours entratnant par là-même l' i rrecevabi li té de la
requête principale devant le juge ;

- Ensuite, ce recours gracieux impérativement adressé à
l'autorité administrative habilitée par la loi se trouve en-
serré dans de stricts délais dont l'inobservation entraîne la
forclusion du justiciable ;
- Bien plus, la dépendance du recours contentieux par
rapport au recours gracieux préalable, en ce qu'il yale
principe de l'identité d'objet voire de cause dénote la force
juridique d'une saisine préalable de l'Administration;
- Enfin, il est établi que la formalité processuelle du
recours gracieux est un moyen d'ordre public.
Aussi doit-on logiquement conclure que l'article 12 de
l'Ordonnance du 26 août 1972 n'est que le reflet d'une straté-
gie normative de protection de l'Administration contre la cen-
sure juridictionnelle. Conclusion qui s'impose d'autant plus
que face à un régime juridique du recours gracieux on ne peut
plus complexe dans sa mise en oeuvre, le juge administratif ne
se montre guère accomodant à l'égard d'une large majorité de
justiciables déroutés par les subtilités des normes du Droit
Public (1).
Mais à ce jour, et par le biais de lois spéciales attri-
butives de compétence nouvelle au juge administratif, on note
un déclin sensible de la traditionnelle protection préconten-
tieuse de l'Administration. La multiplication croissante des
exceptions à la formalité processuelle qu'est le recours gra-
cieux préalable en est la manifestation éclatante.
Déjà, dans le contentieux disciplinaire du maniement des
fonds publics, l'article 12 de la loi N° 74-18 du 5 décembre
1975 relative au contrôle des Ordonnateurs, gestionnaires et
gérants de crédits publics et des entreprises d'Etat dispose
que les décisions du Consei l de Discipl ine Budgétaire et
Comptable ne sont pas susceptibles de recours gracieux, elles
peuvent sans transition être déférées pour annulation
(1) Pour une vision plus exhausti"c de la question, se réf,'rer aux- dé"eloppemcnts C()llsacn~s Cil prcmière partie dc
lhèse, chapi Ire 1, Section Il ..

devant la juridiction administrative qui, tout naturellement,
applique cette disposition (1). Ce tempérament au principe de
la saisine préalable de l'Administration sera, quelques temps
après, créé par le juge même, dans une hypothèse bien distinc-
te. Ainsi a-t-il admis que le moyen tiré du défaut du recours
gracieux préalable n'est plus opposable si le litige adminis-
tratif s'est précédemment déroulé devant une juridiction judi-
ciaire qui s'y est déclarée incompétente (2).
La mesure de l'érosion de la couverture précontentieuse
classique de la puissance publique sera ensuite donnée par la
législation sur les libertés publiques. C'est le cas de la loi
N° 90-53 du 19 décembre 1990 sur la liberté d'association qui
di.spose en son article 13, alinéa 3 que IIpar dérogation à
l'article 12 de l'Ordonnance N° 12/6 du 26 août 1912 fixant
l'organisation de la Cour Suprême
(lequel article impose la
formalité processuelle du recours gracieux préalable),
les
actes prévus aux alinéas 1er et 2 ci-dessus (mesures ministé-
ri.elles de suspension ou de dissolution d'une association)
sont susceptibles de recours, sur simple requête, devant le
Président de la juridiction administrative".
(1) Jugement N° 66iCS/CA du 25 septemhre 1980, Nc;ONC; NDI Lhnicl clElat du Cameroun, précité: "!II/end" qu'il
ressort .. , de l'article} 2 de l'Ordonnance N° 72/6 du 26 août} 972 jLmnt l'organisatioll de la Cour Suprême que l'ap-
plication de la r~gle du recours gracieux est générale;
Qu'elle ne souffre de dérogation que dans le cas des dispositions de l'article 12 de la loi du 5 décembre 1974 ...
puisque le.r décision.r du Con.reil de Di.rcipline Budgétaire el Comptable ne .wnt pas susceptibles de recour.r gra-
cieux".
Cette entorse à la règle du recours gracieux préalahle sera reprise pilr le cadre réglementaire de la sanction des respon-
sabilités des ordonnateurs, gestionnaires et gérants des crédits puhlics et des entreprises puhliques, notamment le dé-
cret N° 83-509 du 26 octohre 1983 organisant le Conseil de Discipline Budgétaire et comptahle et fi!lant les règles
de son fonctionnement, lequel ahroge le décret N° 78-470 du 3 novembre 1978. C'est -Ju moins la conclusion qui
s'impose à la lecture de l'article 19.
1- "l.cs rlécisioll.f du Comci/llc sont l'as slHI'cplihle.r de recours grac'ietL\\:" ;
2- "Elles peuvent jaire l'objel de recours Cil a/mulrItion devonl la juridiction admillislmlive .railS ql/e ce recol/r.r soil
suspensif' .
(2) Jugement N° 45/8 1-82iCSiCA du 17 mai 19H1, IJZIETIIAM Pierre c![,tal dll ('ilfllerollll, collfirmé en arpcl rar ,mêt
N° SiA du 17 novembre 19H3, précités.

Dans des termes identiques sera rédigé
l'article 8,
alinéa 3, de la loi N° 90-56 du 19 décembre 1990 relative aux
partis
pol itiques
"par dérogation
à
l'article 12 de
l'Ordonnance N° 72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de
la Cour Suprême, le refus de l'autorisation (d'existence léga-
le d'un parti politique) prévu
à l'alinéa 2 ci-dessus est
susceptible de recours, sur' simple requête devant le Président
de la juridiction administrative". Et tout récemment, la rigi-
té de la règle du recours gracieux a été atténuée par la loi
N° 92/010 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d'élec-
tion et de suppléance à la Présidence de la République. Selon
la formule consacrée, son article 94 paragraphe 1 dispose tout
autant que t~ar dérogation à l'article 12 de l'Ordonnance N°
72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême,
les contestations ou réclamations (à l'effet d'annuler les
opérations électorales) sont faites sur simple requête intro-
duite au greffe de la Cour Suprême dans un délai de 2 jours
suivant la clôture du scrutin".
Ce faisant, parallèlement au problème de la compétence
juridictionnelle proprement dite, l'un des intérêts juridiques
majeurs des "litiges qui ... sont expressément attribués par la
loi" au juge administratif réside dans le constat d'évolution
progressive du régime dérogatoire au principe du recours gra-
cieux
préalable
tel
qu'esquissé
par
l'article
12
de
l'Ordonnance de 1972. Il n'est certes pas encore question de
l'affirmation d'un "droit de citation directe" dans le conten-
tieux administratif Camerounais. Mais force est de remarquer
cette propension de la technique de dévolution légale de com-
pétence à favoriser le déclin d'une telle formalité proces-
suelle dont le caractère protecteur vis-à-vis de la puissance
publique ne fait point de doute. Et c'est finalement le simple
justiciable qui parait, dans la foulée, bénéficier d'une pro-
tection contentieuse sous-jacente.
Il : L'EMERGENCE
D'UNE PROTECTION CONTENTIEUSE DU JUSTI-
CIABLE
La véritable protection juridictionnelle d'un administré
qui se constitue justiciable devant le juge administratif se
~rouve dans la capacité de ce dernier à organiser convenable-
ment les échanges de conclusions et d'arguments avec la partie

adverse. Sous cet angle, on comprend aisément que le principe
du contradictoire qui a pOlir finalité première la recherche de
la vérité, se réduit, en contentieux administratif, au respect
des droits de la défense (1).
Mais à côté de cet important paramètre procédural, le
juge administratif ne doit-il pas assurer la protection du
justiciable en statuant dans des "délais raisonnables"? Tel est
certainement le sens qu'un certain nombre de lois attribuant
des matières contentieuses nouvelles à la juridiction adminis-
trative ont voulu donner au problème de la célérité d'inter-
vention de l'acte juridictionnel, et partant, de la justice
administrative.
Problème d'autant plus serIeux que le contentieux admi-
nistratif camerounais n'échappe guère à la règle de l'effet
non suspensif du recours contentieux, tandis que la mesure ad-
ministrative en procès continue de produire ses effets si le
requérant ne convainc pas le juge dans sa demande de sursis à
exécution (2).
La dimension temporelle de la procédure de
l'acte juridictionnel a, à cet égard, maintes fois provoqué
bon nombre d'infortunes à certains justiciables Camerounais.
De l'étape initiale du mémoire ampliatif jusqu'à la décision
finale sur le fond, en passant bien évidemment par les mé-
moires en défense, en réponse, en réplique, la mise en rôle,
les renvois successifs voire excessifs ainsi que les proroga-
tions des délibérés, le juge administratif a très souvent os-
cillé entre le délai acceptable et celui qui ne l'est point.
Dans le premier cas, il a eu à rendre des décisions dont
la moyenne globale des délais tourne autour d'une seule année,
et pas plus. la chambre administrative de la Cour Suprême qui
est le passage quasi-incontournable de la juridiction adminis-
(1) Olivier GOH1N. La contradiction dans la procédure administrative contentieuse. Bibliothèque de droit public.
Tome CU. L.GDJ., Paris. 1988,
(2) Article 16 de la loi N° 75/17 du 8 décembre 1975. ri.~anlla procédure devant la Com Suprême statuant en matière
administrative: 1· "le recours ronlelllie/H cOlllre ulle décisioll adminll'Iralil'e n 'cn suspend plU l'exécution
2~ Toulefol5. si l'exéru/ioll esl de Iwlllre à ellllscr UII l'réjlldicc irrl'pllrllhl<' ct (j/IC la déci.<ion 1I1/"(juéc Il ïn/('I'(',I'se n{
l'ordre public, ni la sécurilé ou la Il'allqui/ilé pllhliqlle, le l'résidenl dc la Chamhre Adminislralive l'eu/, après cnm·

municalion à la parlie adverse el avis cOllforme du Atinll'Ière Public ordollner le sursis à exécutioll"

trative (1) offre en effet ces quelques exemples de jugements
pris au hasard
. Arrêt N° 157/CFJ/CAY du 23 mars 1971, MEDOU Gaston
c/Etat du Cameroun : requête enregistrée le 16 juin 1970 sous
le N° 296 ;
Jugement N° 7/CS/CA du 25 novembre 1976, ATANGANA
Valentin c/Etat du Cameroun : légèrement au-dessus d'une année
pour trancher le litige;
· Jugement N° 12/CS/CA du 25 novembre 1976, MONENTCHAM
Daniel c/Etat du Cameroun : recours contentieux enregistré le
25 mars 1975 ;
· Jugement N° l/CS/CA du 29 novembre 1979, ESSIMI Fabien
c/Etat du Cameroun : le décret de révocation que conteste le
sieur ESSIMI est daté du 19 septembre 1978 ;
· Jugement N° 34/CS/CA du 24 avri.l 1980, ESSOUGOU Benoit
c/Etat du Cameroun : requête enregistrée le 14 juin 1979 sous
le N° 763. En appel, recours N° 303/A du 7 juin 1980, audience
du 19 mars 1981, Arrêt confirmatif N° 18/A, etc.
Seulement, ces précédentes preuves de foncti.onnement ra-
pide de la juridiction administrative (2) contrastent forte-
ment avec l'impression générale que cette dernière dégage, à
savoir qu'elle dispose d'assez de temps pour fixer les justi-
ciables. Dans ce second cas, ses décisions peuvent intervenir
largement au dessus d'une année,
parfoi s au-de là de
la
cinquième année de sa saisine:
. Order N° 5/CS/CAY of 28th november 1974, KOUAMBELE
Bernard v/Federated State of East Cameroon : dans cette déci-
sion rendue par un juge anglophone, c'est un arrêté du 9 fé-
vrier 1967 révocant le sieur KOUAMBELE du service, avec perte
des droits à pension, qui fait l'objet de la contestation;
(1) En vertu du principe du d0uble degré dc juridiction. interdiction fonnelle csl faite il tout requérant. sous peinte d'ir-
recevabilité. de saisir directcmcnt l'Asscmblée Plénière sans préalahlement cn référer à la chamhre administrative.
"La Cour Suprême exclusivement pour l'exercice des compétence.f énumérées dans l'article 9 ci-dessus (traitant des
matières dévolues au juge administriltif) comprend une Arsemblée Plénière jll!(eant en appel et une chambre adminù-
trative jugeant en premier rCHort",
tlislXJSC l'article JO (llouveau) de J'Ordonnancc N" 72/6 du 26 an(Jt 1972 fiJlan(
l'organisation de la Cour Suprême, modifiée par la loi N° 76128 du 14 décembre 1974.
(2) Une illustration récente de la célérité qui entoure la procédure de l'acte juridictiollnel tient au fait que le Président
de la Chambre administrative, M. EOONGUE NYAMOE Nestor, rompt curieusemellt la lenteur classique en tranchant
une contestalÎon au haut de cinq mois de S<l saisinc <llors que des litiges simil<lires n'ont guère hénéficié d'un lei trai-
lement: Jugement N° 35/92-')3 du 25 février 199.~. NGA~·ml TENE FhénéF,er cI!:tat du Cameroun, l'récité, le recours
fUI en effet introduit le 22 septembre 1992 (recours N° 4611/92-93) l'our enfin connaître lin dénouement il la date su-
sindiquée.

279
· Arrêt N° 9/74-75 du 28 novembre 1974, Ets KRITIKOS
c/Caisse de Stabilisation du prix du Cacao: recours conten-
tieux introduit le 13 décembre 1962 ;
· Jugement N° 2/CS/CA du 29 octobre 1981, NYEMECK NYE-
MECK Emmanuel c/Etat du Cameroun : la requête est datée d'a-
vril 1975;
· Jugement N° 92/82-83 du 28 juillet 1983, TCHOUANKEU
Joseph c/Etat du Cameroun : la requête est introduite en dé-
cembre 1976 ;
.' Jugement N° 58/86-87 du 25 juin 1987, NTONE KINGUE
Gabriel c/Etat du Cameroun: Le juge administratif met 7 ans
pour trancher le litige;
· Jugement N° 44/86-87 du 25 juin 1987, NKOULOU Thadée
c/Etat du Cameroun : Le juge se donne huit ans pour statuer
sur le fond du litige;
· Jugement N° 3/87-88 du 29 novembre 1987, NKWEATTA
Emmanuel et autres c/Etat du Cameroun (MINAT) : 6 ans pour
simplement déclarer son incompétence rationae materiae dans la
présente cause ;
· Jugement N° 36/88-89 du 25 mai 1989, TALlYNG François
c/Etat du Cameroun : c'est un acte administratif émis le 13
septembre 1978 qui est déféré au juge ;
· Jugement N° 44/89-90 du 28 juin 1990, Entreprise AMSE-
CDM c/Etat du Cameroun: La décision litigieuse date du 12
juillet 1982 ;
· Jugement N° 3r/89-90 du 31 mai 1990, ATEH Alexander
c/Etat du Cameroun : c'est un arrêté présidentiel du 10 fé-
vrier 1981 portant révocation du sieur ATEH de ses fonctions
qui est ici contesté dans sa régularité;
· Jugement ADD N° 70/90-91 du 31 janvier 1991, NOUFElE
SIMa David c/Etat du Cameroun (Ministère de la justice) : dans
cette affai re, le notai re à la Sème charge du Tribunal de
première Instance de Yaoundé sollicite du juge qu'il annule
pour excès de pouvoir l'arrêté N° 09/SG/MJ du 5 janvier 1982
du Ministre de la Justice Garde des Sceaux lui interdisant
d'exercer ses fonctions jusqu'au terme des poursuites pénales
et disciplinaires engagées contre lui; et, au surplus, à la
condamnation pécuniaire de l'Etat pour voi.e de fai.t. Dans une
décision EWODO FOUDA Josephine (jugement N° 76/90-91) du même
jour, le juge administratif met près de SlX ans pour dire le
droit au fond ;

280
. Jugement N° 95/90-91 du 28 mars 1991, Dame NWATCHOCK
née BONG Jacqueline c/Etat du Cameroun: c'est une décision
administrative datant du 28 juin 1982 qui est source de
contestation ;
. Jugement N° 110/90-91 du 30 mai 1991, Entreprise AMSE-
COM-AMSECONCOM (TAMEGHI Boniface) c/Etat du Cameroun: un li-
tige datant de juillet 1982 est finalement résolu 8 ans après.
Les décisions susmentionnées témoignent tout simplement
de la périodicité avec laquelle sont examinées les affaires au
sein de la chambre administrative. Au détriment bien entendu
des justiciables qui ne peuvent que subir les lenteurs inces-
santes de la justice administrative. Sans doute soucieux d'y
remédier, le législateur Camerounais a aujourd'hui consacré le
principe du délai contraignant pour statuer à l'égard du juge.
La règle en soi n'est guère d'application générale. Mais il y
a tout de même lieu de penser que, dans tous les cas où le
juge administratif a l'obligation de statuer dans un délai
légal déterminé et bref, cette réforme de la procédure de
l'acte juridictionnel dénote une émergence de la protection
contentieuse du justiciable. La quasi-totalité des lois attri-
buant des compétences nouvelles à la juridiction administrati-
ve comportent cette innovation.
10
La loi N° 90-52 du 19 décembre 1990 relative
_
à la
liberté de communication sociale s'inscrit en première dans
cette optique de célérité des décisions de justice administra-
tive. Aux termes de son article 14, paragraphe 6, la décision
administrative de censure d'un organe de presse est suscep-
tible de recours devant le juge administratif "qui doit sta-
tuer dans un délai d'un mois à compter de la date de sa saisi-
ne". De même, les décisions de saisie ou d'interdiction de ces
organes de presse, tant en ce qui concerne la presse locale
(article 17) que pour ce qui est de la presse étrangère (ar-
ticle 24), peuvent toutes faire l'objet d'un recours conten-
tieux "dans les conditions fixées à l'article 14 de la présen-
te loi".

2°_ La loi N° 90-53 du 19 décembre 1990 portant sur la
liberté d'association procède tout aussi de ce régime législa-
tif de délai contraignant à l'égard des décisions que doit
rendre la chambre administrative. Aussi est-il fixé à l'ar-
ticle 13 alinéa 3 de la loi que le Président de la Juridiction
administrative est astreint de statuer "par Ordonnance dans un
délai de dix jours" sur toute requête tendant à l'annulation
de mesures ministérielles de suspension ou de dissolution
d'association. Seulement, le revers de cette garantie s'analy-
se en un rétrécissement du délai d'introduction du recours car
contrairement au
principe traditionnel de 60 jours, le délai
du recours en annulation issu de la présente norme législative
est fixé à "10 jours à compter de la date de notification à
personne ou à domici le".
3°_ La loi N° 90-56 du 19 décembre 1990 relative aux
partis politiques n'est guère en reste de la réforme. Le refus
d'autorisation d'existence légale d'un parti politique est,
aux termes de l'article 8 alinéa 3 de la loi, susceptible de
recours devant le Président de la Juridiction administrative
qui "statue par Ordonnance dans un délai de 30 jours". Sous
peine de forclusion, "ce recours doit intervenir dans un délai
de 30 jours à compter de la date de notification à personne ou
à domicile". Au surplus, les sanctions qui peuvent être prises
par le Ministre de l'Administration territoriale à l'égard
d'un parti politique, à savoir la suspension ou la dissolu-
tion, sont des mesures administratives susceptibles "de faire
l'objet de recours devant le juge administratif dans les
conditions prévues à l'article 8 alinéa 3" ci-dessus.
4°_ Vient enfin la loi N° 92/010 du 17 septembre 1992
fixant les conditions d'élection et de suppléance à la prési-
dence de la République. Du contentieux électoral y afférent,
il ressort de la combinaison des articles 93, 94 et 95 que
pour tout recours en annulation des opérations électorales in-
troduit devant le juge dans un délai de 2 jours suivant la
clôture du scrutin, la Cour Suprême doit avoir statué au plus
tard soixante douze heures suivant la clôture du scrutin. Ce
double délai légal de la saisine juridictionnelle et de l'in-
terventi.on de la "chose jugée" a récerrment reçu une stri.cte

application dans l'arrêt N° 4/E/92-93 du 14 octobre 1992,BEllO
SOUSA Maïgari et autres.
Autant
dire
en
substance
que
parallèllement
à
l'Ordonnance du 26 août 1972 dont l'article 9 constitue l'ar-
chitecture essentielle des matière~ contentieuses examinéps
par la juridiction administrative, la technique de dévolution
légale de compétence, initiée par intermitence, présente cette
propriété qu'elle garantit un fonctionnement rapide de la jus-
tice administrative, qu'il ne faut cependant pas confondre
avec une justice expéditive. A terme, c'est le justiciable
Camerounais qui bénéficie d'une protection contentieuse appré-
ciable face aux lenteurs habituelles de la machine juridic-
tionnelle. Ce faisant, et compte tenu de l'accroissement pro-
gressif des entorses à la formalité processuelle qu'est le re-
cours
gracieux,
véri.table
verrou
protecteur
de
l ' Admi ni st ration , l' espri t de tout cet a rsena l
l égi sI ati f
n'est-il pas de rechercher quelques équilibres dans la procé-
dure contentieuse ?
III : LA TENDANCE A LA RECHERCHE DES EQUILIBRES DANS LA
PROCEDURE
CONTENTIEUS~
La conception Camerounaise de certaines règles et pra-
tiques de la procédure administrative contentieuse est vrais-
semblablement à l'origine de l'inégalité persistante qui exis-
te entre le plaideur ordinaire et l'entité administrative. A
l'appui de ce reproche que l'on pourrai t nommer "deux poi ds
deux mesures",
on ne cessera de mettre en cause les effets
pervers du recours gracieux préalable ainsi que les lenteur
parfois exagérées du juge administratif dans la prise de déci-
sions, jugements et arrêts confondus.
Le principe même du recours administratif gracieux préa-
lable, prévu par l'article 12 de l'Ordonnance du 26 août 1972,
est le facteur explicatif essentiel du déséquilibre procédural
en raison de la complexité évidente
de
son
régime
juri-
dique (1). Le décrypter constitue en effet le problème épineux
auquel est généralement confronté ce plaideur ordinaire qui
n'est pourtant pas suffisamment imprégné des normes du Droit
administratif: quelle est la signification de ce recours et à
quelle autorité administrative doit-on s'adresser sans enfrein-
(1) Maurice KAMTO, Droit Administratif processliel du CilmeroulI, op, cil. L'auteur note ainsi en page 153 de son ou-
vrage que "le recollrs gracieu.x est le cas,re-tête dll cOlltentiellX administratif Camernllnais ",

dre les régIes de compétence? dans l'esprit du justiciable
règne parfois, inconsciemment, la confusion avec le simple re-
cours admi ni strati f hi érarchi que sans véri tab 1e i nc i dence
contentieuse(l). D'autre part, comment le justiciable peut-il
valablement se prévaloir du respect des délais qui s'y atta-
chent ? Les habitudes d'inertie administrative,
jointes à
l'expression non familière de rejet implicite, compliquent
d'autant plus la démarche du justiciable qui ne saisit généra-
lement la juridiction administrative qu'à l'issue d'une répon-
se expresse à sa requête administrative (2). Le résultat de
toute cette situation quasiment laborieuse est que le juge ad-
ministratif, si souvent zélé lorsqu'il s'agit de ((frapper"
l'administré justiciable, le déclare irrecevable pour défaut
de recours gracieux ou pour forclusion. Tout logiquement, on
en vient à la conclusion selon laquelle le mécanisme de saisi-
ne préalable de l'Administration avant tout recours conten-
tieux en excès de pouvoir ou en réclamation des droits subjec-
tifs n'est qu'une méthode biaisée de protection des actes des
autorités administratives dans l'éventualité d'un contentieux
juri.dictionnel.
Le second facteur de nuisance à l'égard du justiciable
rési.de dans les lenteurs de la IIchose jugée". La loi N° 75-17
du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême
statuant en matière administrative ne fixe guére de limite au
juge administratif pour ce qui est de l'intervention effective
de ses décisions. Ce libéralisme normatif est même curieuse-
ment valable dans le cadre de mesures d'urgence tels le référé
administratif ou le sursis à exécution. Et dans la pratique
juridictionnelle, on observe des Ordonnances de sursis à exé-
cution rendues 10 mois après la saisine du juge (3).
La
conséquence immédiate de ce pouvoir discrétionnaire par rap-
(1) Jugement N° 136JCr:J/SCAY du 2(, j;1I1vier 1971. NGOII Isaac clElilt Fédéral du Cameroun: ou encore, jugement N°
69/CS/CA du 24 avril 1976. ARENELANG Gustave clEtat du Cameroun, précité
(2) Jugement N° 65/CS/CI\\ du 22 avril 1976. EDIMO .Jean·Charies c/EI"'t du Camer<'llll . dam lin litige d'intégration
dans un cadre supérieur de la Fonction publique. la démarche du sieur EDIMO s' était ainsi étalée:
· Le 8 décembre 1966, il saisit le Ministre des Transports d'une demande d'intégration au choix sans réponse.
· Le 8juin 1967. il saisit le Ministre de la Fonction puhlique d'une demande similaire' silence absolu.
· Le 20 nC'vembre 1970, il adresse une "supplique" au Chef de l' Elat . aucune réponse
· Le 27 octobre 1972, nouvelle demande au Ministre de la Fonction publique et nouv('~'lU silence de la part de celle au·
torité.
· Le 14 avril 1973, nouvelle lellre de relance au même ministre de la Fonction puhlique qui sc résoud finalement à re·
jeter les prétentions du sieur EDlII-fO par leltre datée du 10 avril 1971
· Le 23 octobre 1974, ~<lisine dll juge <ldministralif qui déclare le requérant irrecevahle polir forclusion.
(3) Ordonnance N° 9/0Sr:JrCI\\/85·86 du 2(, mai 1986, JOllrllill "fr M".r.fat;a" c![lal dll C'lmeroun (~'flNAI"), précitée.
affaire N° 343/85·86 enregi~trée au greffe de la chambre at!millisllativc le R a"Ol 19R5 sous le N° 1037

port au temps indéterminé dont dispose le juge pour décider se
traduit par la perpétuation des effets néfastes de l'agisse-
ment administratif sur le malheureux justiciable.
Ce faisant, ce long propos introductif permet de prendre
la mesure exacte des tentatives d'équilibres amorcées par les
textes législatifs de décembre 1990 attribuant des matières
contentieuses supplémentaires à la juridiction administrative.
Il convient dans tous les cas de se garder de tout triompha-
lisme exagéré dans la mesure où il ne s'agit que d'une tendan-
ce à la recherche d'une protection minimale du justiciable et
non d'une réforme profonde des règles de procédure administra-
tive contentieuse plutôt largement favorables à la puissance
publique.
Sur un plan théorique, le champ d'application des excep-
tions à la formalité processuelle qu'est le recours gracieux
demeure restreint. Et si l'on fait le décompte des possibili-
tés juridiques de saisine directe du juge administratif, la
couverture précontentieuse traditionnelle de la puissance pu-
blique ne fléchit que dans huit cas de figure environ (1).
L'interprétation
jurisprudentielle
de
l'article
12
de
l'Ordonnance du 26 août 1972 à propos de l'obligation de sai-
sine préalable de l'Administration avant tout recours devant
le juge demeure donc valable : la règle du recours gracieux
est d'application générale et ne peut souffrir de dérogations
que dans la mesure où une norme juridiquement égale ou supé-
rieure à ladite Ordonnance le prévoit expressément (2).
(1) " convient en cffct d'appuycr qu'il ~'agil là d'unc évaillation appro:o;imativc qlland on rclève par e:o;emple quc la
loi N° 90-52 du 19 dé.{;cmhrc 1990 rclativc à la lihcrté dc communication ~oci;llc c~l d'lInc rédaction imprécisc à cc
sujet. tant en ce qui conccrne le recours juridictionncl con Ire la déci~ion dc ccn~urc d' lin organc dc pre~~c que celui re-
1atifs à la saisie ou l'interdiction dudit organc. Au ~urplu~, rien il l'hcurc actucllc nc permct dc prcndrc définitivcmcnt
position !JInt que le juge administratif n'a p;l~ "II l'occa~ion dc dire le clroil, du moin~ de f:lçon suffisanllnenl claire, en
application des termes de la loi du 19 décemhre 1990 ~u~\\,jséc.
(2) Jugcment N° 66/CS/CA du 25 ~cptcrnhre )9RO, NGON(; ND! Daniel ciEfal du Carneronn, précilé.

Quant à la question des tempéraments aux lenteurs de la
"chose jugée", les lois de décembre 1990 qui entendent pour-
tant contraindre le juge administratif à statuer dans des dé-
lais brefs et précis rencontrent parfois des difficultés d'ap-
plicabilité dues aux vieilles habitudes des juges. Le cas le
plus flagrant est celui qui découle du contentieux de la li-
berté d'association. Dans les Ordonnances O.C.D.H. et CAP-
Liberté précédemment évoquées, le juge administratif rend ses
décisions largement au-delà des 10 jours à lui fixés par l'ar-
ticle 13 alinéa 3 de la loi N° 90-53 du 19 décembre 1990 sur
la liberté d'association. Et ce n'est pas le souci de justifi-
cation esquissé par le juge concerné dans ces affaires qui
parviendra à effacer la violation du délai contraignant prévu
par la loi (1).
Quoiqu'il en soit, au-delà du problème de la réforme de
la procédure contentieuse générale, il convient tout de même
de garder présent à l'esprit que l'élargissement de la compé-
tence matérielle du juge administratif s'est opéré par le
biais de ces récentes normes législatives, en complément des
mati.ères définies par l'Ordonnance du 26 août 1972.
Et en
marge du droit écrit, c'est le juge administratif qui, par sa
jurisprudence, a contribué à parachever le stade actuel des
éléments de compétence de la juridiction administrative.
SECTION Il : L'EXTENSION JURISPRUDENTIELLE DE COMPETEN-
CE.
Le Juge administratif Camerounais a eu l'opportunité
d'élargir son domaine de compétence parallèlement à l'option
consacrée de détermination textuelle. Sur le fondement du tra-
ditionnel pouvoir normateur du juge, lequel pouvoir permit aux
membres de la juridiction administrative Française de définir,
(1) Le président de la chambre adminislr<tti\\"C avait invoqué un double cas de force l1l<tjeure afin de justifier" impossi-
biité de statuer dans le délai imparti, courant à compter de )' enregistremenl des requêtes contentieuses: bénéficiant
de son congé annuel à ,. époque du liti ge, ce demier ne pouvait g,uère êlre résolu, CU ég,<trd à l'inell:istencc d' \\111 prési-
dent adjoint près la chambre administrative.
Assurément, il s'agit là d'un argumentaire très Il'ger quand on sail qu'afin de respecter scrupuleusement la loi, le pré-
si dent de la chambre administrative se devait de faire appel à la commission rogaloire, celte règle de procédure qui
traduit la décision par laquelle un juge délégue ses pouvoirs il un <tutre pOlir qu'il puisse villahlement connaître d'un
dossier contentieux Question, somme loute, de renll'dier au silence r ...~judiciahle de la loi N° 75117 du R décembre
1975 relative aUII: règles de procédure administrative contentieuse, laquelle ne prévoit guère p<treil c<ts de figure né-
cessaire à un hon fonctionnement de l<t justice.

par eux-mêmes, le ou les critères à partir desquels ils pour-
raient être valablement saisis, on peut ainsi aisément com-
prendre cette méthode d'extension de compétence reprise par le
juge national. Toutefois, de cette auto-détermination conten-
tieuse des litiges administratifs supplémentaires à ceux pré-
vus par un texte spécial, une constatation semble s'imposer:
l'étendue de la fixation prétorienne de compétence est actuel-
lement réduite par rapport à l'extensibilité optimale de la
matière contentieuse dévolue à la juridiction administrative.
sIS 1 : L'ETENDUE DE LA DETERMINATION PRETORIENNE DE COMPE:
TENCE
La compétence matérielle que la juridiction administra-
tive s'est elle-même octroyée en dehors du cadre normatif pré-
établi est à ce jour circonscrite à la question de la respon-
sabi 1i té pécuniai re des agents pub 1i cs.
L' affai re MBEDEY
Norbert est à l'origine de cette position de principe qu'il
importe d'examiner amplement (1).
Le Sieur MBEDEY Norbert, administrateur civil en fonc-
tion à la préfecture du département du NKAM (YABASSI) comme
premier adjoint préfectoral, s'était vu émettre des ordres de
recette émanant du Ministre des Finances en raison du vol du
véhicule mis à sa disposition par l'Administration et du fait
qu'il avait fait voyager sa famille aux frais de l'Etat sur le
parcours CAMEROUN-BORDEAUX (FRANCE). Mécontent de ces mesures
ministérielles, il avait alors introduit un recours auprès du
juge administratif, lequel tendait, entre autres, à l'annula-
tion pour excès de pouvoir des ordres de recette d'un montant
global de 1.258.910 F CFA, à faire ordonner le remboursement à
son profit des sommes déjà perçues ou à percevoir, et enfin à
condamner l'Etat au paiement de la somme de 1.500.000 F en ré-
paration du préjudice moral et matériel qu'il prétend subir.
(1) Arrêt W 187/CFJ/CAY du 29 mars 1972. précité

S' agi ssant pa rti cul i èrement de l'ordre de recette N°
645.323 émis le 28 novembre 1968, chiffré à 518.000 F et re-
présentant le montant de la perte subie par l'Etat pour fait
de vol du véhicule administratif, le requérant MBEDEY estime
en effet que la saisie opérée sur sa solde manque de base lé-
gale et constitue une voie de fait en l'absence d'une quel-
conque décision de justice qui l'ordonne, après avoir formel-
lement reconnu sa responsabilité dans le vol dudit véhicule
Dans son mémoire en défense, l'Administration rejette de
tels arguments et prétentions en s'appuyant sur la loi de fi-
nances N° 61-11 du 14 juin 1961 qui dispose en son article 21:
"Les objets et matériels appartenant à l'Etat et qui se-
ront perdus ou détériorés en totalité ou en partie par les dé-
tenteurs ou les utilisateurs, à l'occasion du service ou hors

du service, feront l'objet d'une imputation en valeur, sur la
rémunération, le salaire
et le traitement des intéressés.
Cette imputation ne peut être écartée que si les inté-
ressés prouvent que les pertes ou les détériorations ne résul-
tent pas d'un défaut de soins ou de prévoyance de leur part.

Eventuellement, une sanction disciplinaire pourra être
prise à l'encontre de ces agents indépendamment de l'imputa-
tion en valeur prévue ci-dessus.
Les présentes dispositions sont applicables à tous les
agents de l'Etat, quels que soient leur mode de rémunération,
leur statut, leur grade, leur fonction et leur qualité".
Quoique cette norme législative vienne à fixer le prIn-
cipe de la responsabilité pécuniaire de tous les agents pu-
blics, elle omet néanmoins de préciser la juridiction compé-
tente pour examiner tout contentieux afférent. Cette question
de la compétence juridictionnelle sera tout aussi laissée en
suspend par les textes successifs relatifs aux matières dévo-
lues à la juridiction administrative (1).
(1) Celle hypolhèse précise d'imrulation il l'agent pllhlic du préjudice milléricl causé à l'Administration ne figure
guère à l'article 9 de l'Ordonnance dll 26 ao(1t 1'172. ni dans les di.<posilions des leXies .1nlérieu" Iraililnt du conten-
tieux relevant du juge ildl11inistr~lif.

Mai s en déc 1a rant recevab 1e en 1a forme 1a requête
contentieuse dans l'espèce et en y statuant sur le fond (1),
le juge administratif Camerounais règle, ce faisant, le pro-
blème de la détermination du juge compétent pour connaître des
actions de l'Administration contre ses agents, précisément
celles qui ont trait d leur responsabilité pécuniaire par de-
vers le procédé de l'ordre de recettes. Fondamentale est en
substance cette décision MBEDEY Norbert qui, non seulement re-
connaît une valeur juridique à l'ordre de recettes, contraire-
ment à une jurisprudence ancienne du Conseil du Contentieux
administratif (2), mais aussi consacre dans sa position de
principe la compétence de la juridiction administrative sur un
aspect précis du terrain de la responsabilité administrative.
Six années plus tard, cette règle de compétence sera déduite
de l'affaire OWOUNDI Jean-Louis clEtat du Cameroun (3).
('est l'occasion de rappeler que cette jurisprudence
nouvelle marque la mort du dogme antérieur de l'irresponsabi-
lité pécuniaire des agents publics. ('est du moins l'une des
conclusions que l'on tirait à la lecture de l'Arrêt du Conseil
du Contentieux administratif, N° 370 du 3 septembre 1955, ES-
SIND! ESSAMA c/Administration du Territoire.
(1) Reprenant en substance la thèse développée par la dércnse, l'Etat en l'occurrcnce, le jugc déclara Ic requérant
MBEDEY Norbert non rondé d<lns scs prétcntions.
(2) Arrêl N° .s02/CCA du 29 scptcmbre 1956, sieur U-;QUES R<lymond clAdminislralion du territoire: "considérant
qu'aux termes d'une jurisprudence bien affirmée...
11/1 ordre de rece/le ne constitue qu'un simple document intérieur de
l'Administration .. il n'a ni autorité sur le fond, ni force exécutoire et ne peut être confondu avec l'état exécutoire ...
,.. qu 'un acte de reversement est /111 ar.te qui énonr.e II/Iiquement les prétentiolls de l'Administration, et, en cas de
non-acquiescement par le débiteur, aucune contraillte /le peut être décernée contre lui par le Tré.wrier-payeur ou les
percepteurs. Ces fonctionnaire.r, n'étant pas juges de la validité de la aéance, exddent leurs poul'oirs lor.rqu'ils
proddent à la retenue d'office et doivent
u
bort/er à prm'of{uer de l'autorité compétentl' liII titre exécutoire, acte de
procédure régulier qui lie le cOlltentie[(X e/l cm d'opposition ".
(3) Jugement N° 33/CS/CA du 28 septembre 1978: En rait, suitc à "indemnis<ltion administr<ltivc de la concubinc
d'une victime de J'accident dc la circul<ltion causé par la raule du sieur OWOUND! Jean-Louis, l'Administration avail
émis à l'encontre de ce demier lin ordre de recelte dont le monlant cOlTespondail :1lI~ sommcs versées il la concubine
du défunt.
La requête en annulation duait ordre de recette, rormulée par OWOI !NDI, est rejctée par le juge administratir, motir
pris de ce que cet "ordre de recelle a été pris l'II npplù:atiOlI du pri/lcipe qui vel/l que l'Adminirtrntion possède u/le ac-
tion récursoire contre le fOllctioll/laire : que 1'I,,:'at ayant réparé le préjudice causé à fJgo }J\\S Elise par la faute COI/I-
mise dans le service, c'est à juste titre qll 'iI.r 'esl retourllé UJtltre le recouratlt pour recoul'rer les .<Off/mes déf'c/I.<ées".

Assurément, les arraires 1\\·IflFDEY Norbert cl nwnlJNDI .Jean LOllis consacrent implicilcrncnt le principe de la COJll-
pétence du juge administralir JXllH connaître des actions en resp(Jnsabilit~ péculliaire dcs agents publics. quoique les
ordres de recette respectivement émis ici ct lil par l'Administration n'aient p<.lint la même base juridique.

Le 1er mai 1952, le sieur NGOUMOU Thomas,
agent de
l'Administration au volant d'un véhicule administratif, avait
causé la mort du malheureux MBIDA ESSINDA au niveau du carre-
four WARDA. L'instruction de cet accident de la circulation
avait établi la faute exclusive du chauffeur NGOUMOU, lequel,
bien qu'effectuant un transport sur l'ordre de son supérieur
hiérarchique, roulait à une allure excessive, à une heure de
la journée où la circulation sur la voie publique était notoi-
rement intense et, au surplus, se trouvait en état d'ébriété.
Traduit devant le tribunal correctionnel de YAOUNDE, le
sieur NGOUMOU fut condamné le 29 décembre 1952 d quinze mois
d'emprisonnement pour homicide par imprudence et au paiement
de la somme de 600.000 F à titre de dommages-intérêts à
l'ayant droit du de cujus qui s'était constitué partie civile.
Par un arrêt en date du 10 juin 1953, la Cour d'Appel,
qui examina l'affaire en deuxième ressort, réduisit la peine
de prison d un an, mais tout en se rléclarant incompétente pour
ce qui est des réparations civiles au motif que l'accident
étant dû au mauvais fonctionnement d'un service public, la
responsabilité du Territoire se trouvait dès lors engagée.
Ainsi amené à se prononcer sur le litige, le juge admi-
nistratif, en réponse à la thèse du défenseur de l'administra-
tion selon laquelle la responsabilité de la puissance publique
se devait d'être dégagée en raison de l'accumulation par le
sieur NGOUMOU de plusieurs fautes détachables de sa fonction,
trancha en ces termes empreints de clarté :
"Considérant qu'un pareil raisonnement est absolument
erroné et se trouve infirmé aussi bien par la jurisprudence
constante du Conseil d'Etat que par le Tribunal des Conflits.
Considérant en effet qu'au terme de cette jurisprudence,
la puissance publique est entièrement responsable, vis-à-vis
des victimes, du préjudice causé par les falltes, même person-
nelles, commises pendant le service ou à l'occasion de celui-
ci par les agents de l'Administration.

Que si
des actions récursoires de
l'administration
contre
1es
fonctionnai res
sont prévues
par di fférentes
lois . .. , en règle générale le Conseil d'Etat a toujours affir-
mé l'irresponsabilité pécuniaire des fonctionnaires et agents
de l'administration.
Considérant que s'il est établi ... qu'aucune faute ne
peut être reprochée à la victime, la puissance publique doit
supporter intégralement les conséquences dommageables de l'ac-
cident, sauf son recours contre le conducteur de la voiture
pour autant que ledit accident engage la responsablité person-
nelle de
ce conducteur .
... Que dans le cas de l'espèce, les chefs de NGOUMOU,
qui ont confié à celui-ci le véhicule alors qu'il se trouvait
en état d'ivresse, ont commis également une faute de service.

Que dès lors, c'est à tort que le défenseur du territoi-
re a dénié la responsabilité de l'Administration dans ledit
accident et a estimé que le Conseil n'avait pas à se prononcer
sur le recours déposé par ESSINDI ESSAMA".
On peut aujourd'hui affirmer qu'une telle conception te-
nant à l'irresponsabilité pécuniaire de l'agent public envers
son employeur a fai t son temps au regard des principales
orientations de la jurisprudence récente, MBEDEY Norbert et
OWOUNDI Jean-Louis. Mais il reste que cette innovation juris-
prudentielle, regardée sous l'angle de l'émergence d'une com-
pétence nouvelle au bénéfice de la juridiction administrative,
peut à juste ti tre paraître encore restrictive en ce sens
qu'elle contraste avec une matière contentieuse pourtant lar-
gement extensible. En d'autres termes, le juge administratif
camerounais possède encore de bonnes possibilités pour étendre
son domaine de compétence plutôt que de se cantonner dans les
limites des grands principes fixés par le droit positif écrit.

SIS Il : L'EXTENSIBILITE OPTIMALE DE LA MATIERE CONTENTIEUSE
L'aire de compétence de la juridiction administrative
et, partant, les différents éléments de contentieux qui la
composent,
ne sont
~o:.A'j i ni tialement détermi nés par les
tâches jurisprudentielles ou doctrinales, mais plutôt par le
canal de normes juridiques rédigées. Or quand on sait les li-
mites ou les interstices que présentent généralement les pré-
visions de dispositions textuelles, la conclusion logique qui
s'impose est que le juge administratif peut optimaliser sa ma-
tière contentieuse de base ou en tirer le meilleur parti pos-
sible. Ce raisonnement syllogistique soulève ce faisant une
double interrogation: Dans quelle mesure les textes juri-
diques attributifs de compétence en faveur de la juridiction
administrative pourraient-ils permettre à la jurisprudence
d'élargir la compétence matérielle du juge administratif? Et
quelles en sont, corrélativement, les incidences sur un plan
concret ?
1 :
LA
NATURE
EVOLUTIVE
DU
DROIT DE
LA
COMPETENCE
DU
JUGE
On peut à juste titre marquer son insatisfaction devant
l'auto-détermination, par le juge administratif, des matières
susceptibles de renforcer quantitativement sa compétence au
regard même de l'armature juridique qui la canalise. Au pre-
mier rang de cette dernière figure l'une des normes de la
constitution du 2 juin 1972.
A la lecture de l'article 32 traitant des attributions
de la Cour Suprême dans laquelle est intégrée la juridiction
administrative, il est explicitement disposé qu'en matière ad-
ministrative, ladite cour "est chargée de statuer souveraine-
ment
... sur les recours en indemnité ou en excès de pouvoir
di r igés contre l es actes admi ni strati fs". Une si gni fi cation
large de cette article implique incontestablement que, sans
contrainte juridique apparente, la Cour Suprême statuant en
matière administrative joue discrétionnairement le rôle de
censure des actes administratifs lorsqu'elle est saisie soit
en annulation pour excès de pouvoir, soit pour octroyer une
indemnité au justiciable. Cette position libérale dont semble

tenir le juge administratif de la norme constitutionnelle
n'est-elle pas de nature à lui permettre d'amplifier sa compé-
tence ?
On peut en effet pencher pour une réponse positive dans
la mesure où, à la base, le texte constitutionnel ne prévoit
guère de définition en ce qui concerne les actes administra-
tifs en question. Dans cette hypothèse de vide juridique, le
juge administratif dit librement le droit tout en fixant les
justiciables potentiels sur l'orientation à tenir devant la
juridiction. Le choix d'une conception large de l'expression
d'acte administratif, unilatéral ou bilatéral, entraîne forcé-
ment le développement de son champ contentieux. Or, on sait
aujourd'hui que l'option restrictive qui est celle de la ju-
ri. sprudence admi ni strati ve Camerounai se en la mati ère ne
contribue qu'à restreindre le champ d'intervention de la juri-
diction administrative (1). Autant dire qu'une interprétation
extensive de son critère constitutionnel de compétence est
source d'extensibilité de la compétence. L'Ordonnance du 26
août 1972, qui reprend dans les détails les matières qui res-
sortissent à la compétence de la juridiction administrative,
permet tout autant au juge Camerounais d'envisager sereinement
plusieurs possibilités d'extension de ladite compétence.
Il convient préalablement de relever l'une des caracté-
ristiques majeures de ce cadre normatif de définition des ma-
tières déférables au juge administratif. Alors que l'article
32 du texte constitutionnel en vigueur se limite au conten-
tieux des actes administratifs, l'Ordonnance de 1972 prévoit
en supplément des contestations d'une toute autre nature : le
(1) Rappelon~ que la conceptioll re~tricti\\'c de la notion d'acte admilli~lratif IInilatt'ral découle de la cOII~écratioll, par
le juge admini~tratif, du critère organique. cr
Arrêt N° 20 CFJ/A!' du 20 m;u~ 196R, NGONGANG NJANKE Martin.
Cest. dit-il. "un acte juridique unilatéral pris par une autorité administrative dans /'exerrice d'un pouvoir adminif-
Iralif..·" ;
ou encore jugement N° 21/CS/CA du 3 févricr 1977. YEYAI' N.lOYA Jo~eph Marie dan~ lequcl le juge con~idère "ipe
lœdécision administrative ou exécutoire est tout acte juridique unilatéral d'ulle' admini.flratioll qualifiée et
a.~i.uallt
en lant que te/le... ".
Restrictive esl lout aussi la conceplion de l' acte admini~lratif bilatéral, en l'occurrence le contrat administratif, en ce
sens que le Droit positif Camerounais privilégie le marché public comme mélhode dc contractualisation.

domaine public ainsi que les litiges expressément attribués
par un texte juridique spécial. C'est dire que les rédacteurs
du texte de l'Ordonnance étaient sans doute conscients des li-
mites de la détermination constitutionnelle de compétence. Et
en prévoyant des matières contentieuses autres que celles de
la constitution, le juge administratif pourrait tout aussi
s'inspirer d'une telle pratique et ce d'autant plus qu'il dis-
pose d'un véritable pouvoir normateur.
Il est fréquent au Cameroun que la juridiction adminis-
trative se refuse à examiner des litiges administratifs à elle
soumis par le justiciable, sous prétexte que ces contestations
ne sont pas prévues dans les dispositions de l'article 9 de
l'Ordonnance du 26 août 1972 (1). N'est-ce pas là l'occasion
propice d'étendre son domaine de compétence afin d'éviter le
déni de justice ?
Assurément, l'Ordonnance de 1972 considérée dans son ar-
ticle 9 ainsi que l'article 32 de la constitution présentent
respectivement des limites et des failles que la juridiction
administrative se doit de rectifier dans le but de procéder à
un élargissement prétorien de sa compétence.
Ces précédentes normes constitutionnelles et législa-
tives démontrent par conséquent leur caractère perfectible,
lequel pourrait générer un certain nombre d'incidences sur le
plan pratique de la détermination jurisprudentielle de la com-
pétence.
(1) Au hasard des décisions de justice meltant en e:l:ergue le conformisme outrancier du juge administratif, voir:
Jugements W 39/CS/CA du 29 mai 1980, MBOMA Richard, N° 4/85-86 du 31 octobre 1985, ONAMBELE Raphaël et
75/85-86 du 26juin 1986, ZANGA ZAMBO Emest dans lesquels fa Cour de céans se déclare incompétente pour un
même problème d'interprétation de te:l:tes réglel11cllIaires. De même, dans un jugement N° 6S/CS/CA du 25 septembre
1980, NOAH Jean-Blaise, la Chambre administrative se déclare incompétente pour cOIlTlaÎtre d'un litige de réintégra-
tion dans la fonction publique avec toules les conséquences inhérentes à celà· "c'est en vain, dit-elle, qu'on cher-
chera
li classer les revendications de NOAH 1.B. SOlLJ l'empire" des dispositions délimitant le contenlieu:l: adminis-
tratif.
Pàr contre, il est tout à fail justifié que le juge administratif se déciMe incompétent pour e:l:aminer une requête tendant
à ordonner au Tribunal de Grande Inslance de BUI, donc une juridiction judiciaire, de statuer Slll un litige quelconque:
Jugement N° 33/CS/CA du 24 avril 1980, MENCJO Robert clEtal du Cameroun.

"
LES INCIDENCES SUR LE PLAN PRATIQUE
Il faut dire d'emblée qu'il n'est point question ici
d'inciter le juge administratif Camerounais d opérer une révo-
lution de tout le droit positif délimitant sa sphère de compé-
tence, ce qui serait d'ailleurs illusoire quand on garde pré-
sent à l'esprit l'influence considérable du droit administra-
tif Français sur son équivalent Camerounais, et que les règles
actuelles de détermination de la compétence de la juridiction
administrative ne sont qu'une reprise des grandes lignes défi-
nies par le Conseil d'Etat et le Tribunal des conflits en la
matière (1). Simplement, il paraît plus que jamais nécessaire
de le convier à méditer sur les réelles possibilités d'exten-
sion de sa matière contentieuse, en raison des failles et des
limites décelées à travers la technique de dévolution de com-
pétence par des textes spéciaux.
Certes, c'est la juri sprudence admini strati ve (Arrêt
MBEDEY Norbert) qui étend elle-même sa compétence à propos
d'un litige de responsabilité pécuniaire des agents publics
envers l'Administration et, dans une mesure moins retentissan-
te, sur le problème du contentieux de l'interprétation d'une
décision administrative (2). Mais, cette jurisprudence de la
juridiction administrative n'est pas encore d la mesure de sa
marge de progression qui, manifestement, demeure entière. A ce
propos, un élargissement considérable de son domaine de compé-
tence passe nécessairement par la stricte application de sa
compétence constitutionnelle qui veut qu'elle soit juge des
actes administratifs en matière d'annulation pour excès de
pouvoir ou en contentieux de l'indemnisation.
Ce régime
constitutionnel de la compétence jur'idictionnelle a pour prin-
cipal effet de permettre à la juridiction spécial isée de
l'Administration de statuer, en toute juridicté, sur toute
requête contentieuse mettant en cause l'activité normatrice de
la puissance publique, quelle qu'elle soit: décision adminis-
(1) Jacques MOREA U, compétence administrative (répartition des compétences entre le judiciaire et l'administratif).
Encyclopédie DALLOZ, contenlÎeu:\\ administratif. Tome 1
(2) Jugement de la ch;lInhre :ldlllinislr:ltive de 1:1 COUI Suprême dll 27 octohre l 'J~, Compagnie Forestière SA NGIIA
OÙBANGUI (C.r.S.O) c1Etat du Cameroun, précilé . noIe Rogcr-Gahriel NLU', Recueil l'ENANT N° H()(j. Juin-
Octobre 1991. pp 276-2R(,.

trative unilatérale, contrat administratif ainsi que l'acte
unilatéral détachable dudit contrat. Exception bien évidemment
faite des cas isolés où une loi, stricto sensu, vient déroger
à la règle de compétence sur le contentieux d'un acte adminis-
tratif précis (1). C'est alors l'occasion de mentionner que le
préalable nécessaire à l'exercice de cette compétence réside
dans la conception large ou restrictive que la juridiction ad-
ministrative donnera à la notion d'acte administratif. Dans
l'un ou l'autre cas, il s'agira d'élargir ou de restreindre
son domaine d'intervention. Au surplus, admettre fermement que
le contentieux des actes administratifs est du ressort de la
juridiction administrative contribue certainement à amenuiser
les multiples immixtions de la juridiction judiciaire dans le
fonctionnement quotidien de l'Administration. Car il faut bien
que cette dernière juridiction se cantonne désormais dans son
rôle de juge des litiges entre particuliers dès l'instant où
une justice administrative est mise en place avec ses propres
structures. Le juge admini.stratif peut donc étendre sa sphère
de compétence en bousculant le dogme de l'article 9, alinéa 4,
de l'Ordonnance du 26 août 1972 qui fixe la règle de
la com-
pétence du juge judiciaire en matière d'emprise et de voie de
fait administratives. L'intrusion des tribunaux et cours de
droit commun dans le fonctionnement de la puissance publique
peut se justifier lorsque cette dernière agit délibérément
sous l'empire du droit privé. En revanche, lorsque l'applica-
tion du droit public est en cause, c'est logiquement le juge
administratif qui est compétent. Le sacra-saint principe du
gardiennage ne peut éternellement jouer en faveur du juge ju-
diciaire dans la mesure où l'activité normatrice des
(1) Cf: Article 8 alinéa 3 de la loi W 90-55 du 19 décemhre 1990 portant régime des réunions et des manifeslations
publiques qui dispose que l'arrêté d'inlerdiclion d'une manifeslation puhlique est déféré auprès du Président du
Tribunal de grande instance tenitorialement compétent.
Le juge adminislratif Camerounais a loutefois parfois affirmé sa ferme volonlé de comhallre ces dérogalions légales
qui tendenl à le priver du contrôle de régularilé de cerlains acles administratifs. I;exemple le plus signifïcatif est liré
des actes de désignalion des chefs traditionnels pour lesquels la puissance puhlique lenle de se souslraire du contrôle
juridictionnel. Et dans sa décision du 29 mai 1980, MONKAM TrENTCllEU David, le juge adminislratif réplique que
"même dans l'hypolhèse où une loi dispose qu 'UII acle dOllné ne peUl faire l'objel d'aucun recours adminislrall! ou ju-
diciaire' celle dispos ilion ne saurail êlre inlerprélér CO/TUIIC exc/ualll le recourJ pour excès de pouvoir qui esl ouverl
même sans lexie conlre loul aele adminiJlralijfaisanl grief el qui (1 pour e1/el d'asJl/rer, cOllformélllC1l1 aux l'rillcipe.f
généraux, le respecl de la légalilé".

MaIheureusemenl, la postérilé jurisprudentielle de ce principe sera, COJllre Ioule alteule, baltue en brèche par le même
juge administratif. Pour plus de précisions sur celte dernière 4ucstioJl, se référer aux développements consacrés il la
théorie Camerounaise des acles de gouvernement.

personnes publiques administratives fait constamment face au
droit de propriété et aux libertés fondamentales des adminis-
trés. Le contentieux des atteintes irrégulières qui en découle
devrait par conséquent appartenir à la juridiction administra-
tive puisque la compétence juridictionnelle actuelle dévolue
au juge de droit commun ne convainc plus, et en tout cas, ne
fait pas l'unanimité (1).
Enfin, un tout autre aspect de l'extensibilité de la ma-
tière contentieuse du juge administratif se traduit dans les
limites que comporte toute norme de droit. On sait que l'ar-
ticle 9, alinéa 2, de l'Ordonnance du 26 août 1972 ne peut
réellement prétendre prévoir l'ensemble des litiges suscep-
tibles de s'inscrire dans le contentieux administratif.
La preuve en est que le juge Camerounais a maintes fois
clamé son incompétence à propos de litiges incontestablement
administratifs, sous prétexte qu'ils ne sont pas mentionnés
dans le texte de l'Ordonnance. Or, le déni de justice étant ce
qui peut arriver de pire au justiciable, on en vient à conclu-
re que pareil cas de figure est un moyen pour ce juge d'é-
largir sa compétence. En fait de méthode nécessaire à l'exten-
sion du domaine contentieux, l'alinéa 1 du même article 9 ne
fait-il pas de la Cour Suprême statuant en matière administra-
tive, juge IIde l'ensemble du contentieux administratif à l'en-
contre de l'Etat, des collectivités publiques (communes) et
établissements publics" ?
A l'évidence, le juge administratif est encore loin d'é-
puiser l'immense potentiel à l'appui duquel il peut valable-
ment s'auto-attribuer des éléments contentieux supplémentaires
et parallèles aux prévisions des dispositions textuelles. Il
ne lui reste plus, par conséquent, qu'à en prendre note et,
dès lors, à en tirer toutes les conséquences.
(1) M. l3INYOUM Joseph semble également aborder le prohlème de J'emprise ct ue la voie de fait au détriment de la
juridiction judiciaire lorsqu'il souligne "que la raison d'être de ces deux théories étant enelltiel/ement d'ordre hifto-
rique, sa réception par le législateur Camerounais est le résultat d'unc simple cOlltin8encc qui juridiquement Ile s'ex-
plique et ne se justifie pas. EII effet, poursuit-il, ces deux théories SOllt nées au 19ème siècle en France, c'est-à-dire à
une époque où on estimait que la juridiction administratil'e, dont la création était récellte, n'offrait pas assez de 8a-
ranties aux individus pour la protectioll de leurs droiLf et libertés ml mhne titre que les juridictions judiciaires" ; cours
de contentieux administratif précité, Il 70.

CONCLUSION
PARTIELLE
Le contentieux afférent au domaine public ainsi que bon
nombre de matières spécifiées par des textes juridiques autres
que l'Ordonnance du 26 août 1972 ou par le droit jurispruden-
tiel même constituent, en somme, des éléments de compétence
supplémentaires dévolus à la juridiction administrative.
Dans le cas des litiges relatifs au domaine public des
personnes morales de droit public, on doit simplement retenir
que ce type de contentieux s'articule en deux volets tout à
fait distincts, selon qu'il s'agisse de la réparation des dom-
mages que les biens matériels dudit domaine causent aux tiers
ou de l'annulation pour excès de pouvoir des actes administra-
tifs proprement dits de la domanialité publique. Et si ce der-
nier volet n'a encore nullement fait l'objet d'un quelconque
examen juridictionnel, c'est en raison de l)absence de saisine
préalable du juge par les justiciables potentiels.
Au surplus, la dévolution des espaces de compétence ad-
ditifs au profit de la juridiction administrative s'est essen-
tiellement opérée par le biais de textes particuliers et sub-
sidiairement au moyen d'une auto-détermination jurispruden-
tielle.
Dans tous les cas, la compétence de la juridiction admi-
nistrative se résume, au terme de la combinaison de ces précé-
dents développements, au contentieux des opérations norma-
trices de l'Administration et à celui des biens matériels qui
sont les siens et non nécessairement au contentieux de l'en-
semble de ses activités quotidiennes de service public. Car il
faut bien convenir que l'article 9 de l'Ordonnance du 26 août
1972 a tout aussi entendu exclure une frange considérable des
affaires mettant aux prises la puissance publique et les admi-
nistrés au profit exclusif de la juridiction judiciaire.

...
Troisième Partie
LES (H[[PTIONS fi LH COMPETENCE
DE Ln JUR 1Il 1[IH.BN ROM 1N1STRRIUJE

L'étude des exceptions à la compétence de la juridiction
administrative pose, essentiellement, deux interrogations lo-
giquement liées. D'une part, 'que devrait-on entendre par une
telle expression? C'est le problème de la définition théo-
rique qui est ainsi mis en relief. D'autre part, quel est le
contenu concret du principe de la définition abstraite? la
détermination des éléments constitutifs des règles déroga-
toires
à
la
compétence
du
juge administratif
est
par
conséquent le second problème posé.
La signification à donner à ce que l'on nomme ici lIex -
cepti ons à la compétence de la )uri di cti on admini strati ve"
est, sans doute, une difficulté mineure à résoudre. Car on
pour rai t
conveni r, assez ai sément, que ces exceptions i.m-
pliquent bon nombre de litiges administratifs qui, devant en
apparence relever du champ du juge administratif, lui échap-
pent. Autrement dit, il s'agit tout simplement des restric-
tions à la règle qui veut que la juridiction administrati.ve
soit automatiquement habilitée à intervenir, et donc compéten-
te , lorsque l'activité de la puissance publique est mise en
cause.
Ce précédent élément de théorie juridique ne revêt par
contre pas le caractère complexe de l'exercice qui consiste à
déterminer, in concreto, les matières contentieuses dévolues à
une juridiction autre que celle administrative. Le problème se
pose historiquement en France avec une nette acuité dès lors
qu'apparaissent des juridictions administratives distinctes
des juridictions de l'ordre judiciaire. A la question de sa-
voir quel juge saisir en cas de conflit avec l'administration
active, on s'y égare fréquement, litant est tourmentée la fron-
tière qui sépare les deux ordres de )uridiction" (1). C'est
donc à juste titre qu'un éminent auteur Français soulève le
caractère épineux de la question, tant il est vrai qu'une
lIidée directrice ou notion-clé susceptible de déterminer dans
tous les cas et a priori l'ordre )uridictionnel compétent" (2)
(1) Daniel CHA BANOL, "La pratiqlte dit cOlltelltielH ndmilli.l'/mlij ... ", op. cil. p. 3.
(2) Jacques MüREA. U, article précité. p 48

demeure loin de faire l'unanimité. le Contentieux administra-
tif Camerounais est-il à l'abri de cette difficulté majeure?
Il faut dire d'emblée que la question des litiges admi-
nistratifs exemptés du contrôle de l'ordre juridictionnel ad-
ministratif n'y est guère sujette à polémique, en raison de la
simplicité générale des règles de répartition des compétences
juridictionnelles. En effet, à l'opposé des solutions essen-
tiellement jurisprudentielles esquissées en droit Français, ce
sont des normes écrites qui, rappelons-le, s'il en était enco-
re besoin, définissent le domaine contentieux de chaque juri-
diction. Du moins substantiellement pour ce qui est de la com-
pétence du juge administratif. Aussi peut-on constater à la
lecture de l'alinéa 3 de l'article 9 de l'Ordonnance du 26
Août 1972 que
ul es tribunaux de droit commun connaissent,
conformément au droit privé, de toute autre action ou litige
... " parallèlement à la part du contentieux dévolu à la juri-
diction administrative (1). Au surplus, les actes de gouverne-
ment qui, sur le plan théorique, sont vraisemblablement des
décisions d'une autorité administrative et, par conséquent,
susceptibles de ufaire grief" ne peuvent faire l'objet de re-
cours juridictionnel (2).
Toutes ces formules du texte de l'Ordonnance témoignent
en tout cas du phénomène d'exclusion en matière d'attribution
de zone d'intervention au juge administrati f.
Au-delà des
frontières du champ d'influence de ce dernier, le droit posi-
tif Camerounais prévoit une double éventualité: soit son ho-
mologue judiciaire est compétent, soit il y a incompétence si-
mul tanée des deux ordres de juridiction. Les exceptions au
principe de la compétence du juge administratif, lorsque l'ad-
ministration est en cause, sont essentiellement d'ordre tex-
tuel, quoique la jurisprudence administrative ait à ce jour
accessoi rement déc la ré son incompétence,
hors texte, dans
quelques contentieux. Aussi convient-il de distinguer les ex-
ceptions prévues par un texte (Chapitre 1) de celles qui sont
jurisprudentiellement érigées (Chapitre II).
(1) Voir parlies 1 cl 1/ de la rréscnte thèse. lesquelles traduisent Ulle esquisse de théorie du droit de la compétencc ma-
térielle de la juridiction administrative Camerounaise
(2) L'article 9 de l'Ordonnance du 26 ÂoOt 1972 qui déterminc la compélcncc respective des juges administratifs ou
judiciaire, en matière administrative. dispose. aux termes de son alinéa 5. qu' "aUClllle Cour ou Trii.Jtllla/lle reui
connaître des actes de Gouverllemelll"

[HHP BIRE 1
LES (H[(PIIONS PHR DES DISPOSITIONS IEHTUELLES :
UN CHAMP D'RPPL ICHTION LHRIiiE

L'article 9 de l'Ordonnance N° 72/6 du 26 Août 1972
fixant l'organisation de la cour suprême est, sans conteste,
caractéristique d'une dichotomie du droit de la compétence ju-
ridictionnelle en matière de contentieux administratif. D'une
part, ce sont les dispositions de son alinéa 2 qui constituent
le fondement normatif de base de la compétence de la juridic-
tion administrative, ainsi que des matières qui s'inscrivent à
cette dernière. D'autre part, les alinéas 3, 4 et 5 dudit ar-
ticle définissent explicitement la part du contentieux échap-
pant à tout contrôle du juge administratif.
l ,,-tfr"~s<>"-.....t
"'j)
S'agissant précisément de ce volet du contenti.eux~ladmi-
nistratimti~ui échappe à la juridiction administrative, il im-
porte préalablement de reproduire fidèlement les termes de
l'Ordonnance de 1972 afin de mieux tirer les conclusions qui
s'imposent:
Article 9, Al inéa 3 - ((les tribunaux de droit commun
connaissent, conformément au droit privé, de toute autre ac-
tion ou litige, même s'il met en cause les personnes morales

énumérées au paragraphe p,remi er Ci l s'agi t de l'Etat, des
Collectivités publiques et:1tablissements publics), la respon-
sabilité de ladite personne morale étant à l'égard des tiers,
substituée de plein droit à celle de son agent auteur des dom-

mages causés même dans l'exercice de ses fonctions".
Alinéa 4 - ((Ils connaissent, en outre, des emprises et
des voies de fait administratives et ordonnent toute mesure
pour qu'i l
y soit mis fin.
Il est statué sur l'exception
préjudicielle soulevée en matière de voie de fait administra-
tive par l'Assemblée Plénière de la Cour Suprême".
Alinéa 5 - (~ucune Cour ou tribunal ne peut connaître
des actes de Gouvernement".

De toute évidence, ces dispositions du texte de l'Ordonnélnce sont susceptihles de
faire l'objet d'une leclure double. D'unc p,lIL elles dégilgent une I"raction considérable de
l'action administrative soumise au challlp contentieux du juge judiciaire. En I<lIlgage
technique, on peut ce faisant parler de la compétence dudit juge judiciaire en 1lléltière de
contentieux de J'Administralion 1 (section 1). [J'autre part on constale, cl la lecture de
l'alinéa 5, qu'unc autre fraction de l'activité de l'adlllinistT<llion, en rOCCUllence les
« acles de gO/Il'el'llemcnf », est soustraite des sphères cie compélence respective des juges
administratifs et judiciaires, cl dans lous les cas, souslraite ù la conlwissélnce de l'édil"ice
juridictionnel classique (section").
SECTION 1: LA COMPE,TENCE DU .JlJGE .JUDICIAIRE EN MATII~RE DE
CONTENTIEUX DE L'ADMINISTRATION
Le problèmc de fond cl résoudre ici esl de SélVOlr quelles sonl précisélllent les
matières contentieuses me1t"nt en cause l'activité des personnes publiques et qui, d'''près
le Droit call1eroull(Jis de la répartition des compétences juridictionnelles, sonl susceptibles
d'être examinées par le traditiollneljuge des particuliers. La combinaison cles alinéas :3 el
4 de l'article 9 du texte de l'Ordonllance de 1972 fournit la réponse, en cc sens qu'il en
découle explicitcment 'Ille des actions en responsabilité de la puissallce publique
ressortissent il 1" compétence des « frihllllallx de dm1f COI/lili/III ». Mais au-delù de
l'affirmation expresse d'une telle compétence, il se pose véritahlement en droit
cameroullais le problème des recours en interprétation ou en appréciation de la légalité
des actes administratifs. L'ensemble de la doctrine ainsi que cert"ins éléments de
jurisprudence administrative paraissent cn cflet loin dc convenir <1 propos de l'ordre
juridictiollnel compétent en la matière. " importe de confronter les différentes analyses él
la lumière des dispositions de l'Ordonnance du 26 aont 1972 "fin de rechercher si le juge
judiciaire y est habilité il statuer ou non.
1 Le pnrtis:lII de la pureté du langage .illridirl'Ie décèlera ici 1:1 volonté de maîtriser les sublilités du COlllclllieux
illlpliqu(Jnl la puissauce publique ct qlli sc traduisenl par la distinction eOlllenlielL\\ adluinistr:lllr cl conlentiellx de
)'Administr(Jtion. Le premier. stricto sensll. renvoit :1 ces conteslations liées ;1 "activité administrative. défcrées
dev(Jnt I(J juridiction administrative et trnnchées :111 moven des procédures spécifïques de droit public Ouant ail
second. le contentieux de l'Administration ell l'occurrence. on esl en présence d'Ulle e.\\IHeSsion dOllt (a
signifïcatioll est nellement pllls large, en cc sens qlle celle-ci intègre. ;1 la fois. les données sus-illdiqllées aillsi qlle
le conlentieux judiciaire de J'Administration pOlir leqllel l'application du droil privé est requise. Cc jell de illois.
non sans inlérêt lhéoriqlle. s'inspire de ';1 dieholomie que l'on rait enlre le droit adlninislralif et Ic droit de
l' Admi nist l'al ion.

SIS 1 ; LES AGIONS EN RESPQNSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE
L'Ordonnance du 26 Août 1972 confère compétence au juge
judiciaire
pour
connaître
certains
litiges
tendant
à
mettre
en
cause la responsabilité des personnes morales de droit public. Ces
litiges sont de nature variée. Cependant, on pourrait les systéma-
tiser au moyen d'une double classification.
D'une part,
la relation
qui existe entre l'agent d'une administration ayant causé un dom-
mage,
le
tiers
victime dudit dommage,
ainsi
que
l'administration
qui emploie
l'agent auteur du
préjudice,
donne
la pleine mesure
d'un cas contentieux relevant de la juridiction judiciaire. Selon les
prévisions de l'article 9, alinéa 3 de l'Ordonnance suscitée, la vic-
time saisit le juge judiciaire contre la puissance publique en rai-
son de ce qu'elle se substitue automatiquement à la responsabili-
té de son agent. Cette hypothèse de la substitution de responsa-
bilité génère assurément
un
contentieux
d'une
large portée dans
la
mesure où
la nature des dommages que pourrait causer tout
agent public n'est nullement précisée par le texte.
D'autre part, à
côté de ce
contentieux
général,
le
texte
de
l'Ordonnance érige
clairement des contentieux spécifiés tels que l'emprise et la voie
de fait administrative. Par conséquent, on peut dire qu'en matière
de
contestations
en
responsabilité
de
la
puissance
publique,
le
juge
judiciaire
connaît
respectivement
du
contentieux
général
des
cas
de
substitution
de
responsabilité
ainsi
que
certains
contentieux
spécifiés.
1 : LE CONTENTIEUX GENERAL DES CAS DE SUBSTITUTION DE
RESPONSABILITE.
Ce
contentieux
dévolu
à
la
juridiction
judiciaire
marque
l'effacement
pur
et
simple
de
l'agent
auteur
du
dommage
et
consacre la responsabilité de l'administration à l'égard de la victi-
me. Sa base juridique découle, rappelons-le, de l'article 9, alinéa 3
de l'Ordonnance du 26 Août 1972 qui dispose : "les
tribunaux
de
droit
commun
connaissent,
conformément
au
droit
privé,
de
toute
autre
action
ou
litige
(parallèle
au
contentieux dévolu
au
juge
administratif),
même
s'il met en
cause
les
personnes mo-
rales
énumérées
au paragraphe
premier
(personnes
morales
de
droit public),
la
responsabilité de ladite personne morale étant à
l'égard des tiers.
substituée de plein droit à celle de son agent
auteur des dOI/1I"'Ll(Y{~ causés même dans l'exercice de ses fonc-
tions ".

On peut préalablement souligner que ce pan constant du
contentieux
Camerounais
oLe la responsabilité administra-
tive (1) rappelle largement
la loi Française N° 57-1424 du
31 décembre 1957 attribuant aux tribunaux judiciaires compé-
tence pour statuer sur les actions en responsabilité des dom-
mages causés par tout véhicule et dirigées contre une personne
morale de droit public (2). Le texte de cette dernière loi est
ainsi articulé :
Article 1er - ttpar dérogation à l'article 13 de la loi
des 16-24 Août 1790 sur l'Organisation judiciaire (3),
les
tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour
statuer sur toute action en responsabilité tendant à la répa-
ration des dommages de toute nature causés par un véhicule
quelconque.
Cette action sera jugée conformément aux règles du droit
civil, la responsabilité de la personne morale de droit public
étant, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent,
auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions.
La présente disposition ne s 'appl ique pas aux dommages
occasionnés au domaine pub li c".
(1) Les lois des 19 Novembre 1965 ct 14 Juin 1969 portant respectivement sur la réforme du contentieult administra-
tif et sur la composition. les candi lions de saisine et la procédure devant la Cour Fédérale de Justice statuant en ma-
tière administrative disposaient, dans des termes identiques à ceult de l'ordonnance susmentionnée, que "les tribu-
nDla de droit commun connatuent. conformément au droit privé. de toute autre action ou litige. même s'il met en
cause les personnes morales de droit public énumérées au paragraphe premier. la responsabilité de ladite personne
morale étant à l'égard des tiers, substituée de plein droit à celle de son agent même dans l'exercice de ses fonctions".
(2) Cette loi du 31 décembre 1957 a été wccessivemenl renforcée par une série de telttes législatifs et réglementaires:
· Décret N° 58-1285 du 22 décembre 1958 relatif à la compétence eltclusive des tribunaux de grande instance, pour
connaître des actions en responsabilité délictueHe ou quasi-délictueHe portées devant les tribunault judiciaires et ré-
sultant de dommages causés par les véhivules ;
· Décret N° 60-22 du 9 janvier 1960 modifiant le décret du 22 décembre 1958, précité;
· Loi N° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à r amélioration de la situation des victimes d' accidents de la circulation et
à l'accélération des procédures d'indemnisation (dite Loi BADINTER) :
· Décret N° 86-15 du 6 janvier 19R6 pris pour l'application de la loi du 5 juillet 1985. précitée.
S' agissant des nombreux commentaires de doctrine:
· J.M. AUBY, commentaire de la loi du 31 décembre 1957. D. 1958.299.
· EP. BENOIT, La loi du 31 décembre 1957. J.c.p 58. 1 J444.
· M. WALlNE, r interprétation jurisprudentielle de la loi du 31 décembre 1957, R. D. P 1960. P 1198.
· J MOREAU, Dommages causés par les véhiculcs administratifs. jurisclasseur ;l(~minis(ra(if. fascicule 710.
· A. GUIU-OT. la délimitation allribuéc ilU,' tribunau:.. judiciaires par la foi du 31 décembre 1957. J.c.P
1962.11703.
· HAMMAOUI, A la recherche du critère d' applicalion de la loi du 31 décembre 1957 cn cas dc dommage ayant un lien
avec une opération de travaUlt publics. Rev. Trim. Dr. Civ. 1970. p. 268
(3) II s'agit de la célèbre formule des révolulionnaircs français scion laquclle "{es fonctiollr judiciaircs sont dis-
tinctes et demeureront toujours séparées de.r fOllctiollr admillistmlil'c.f. {.cs ju,~cs IIC pourrollt. Il pcinc de forfaiture.
troubler, de quelque manière que ce soit. les opératiollr des corps administratijr. ni citer del'ant eux {es admillistra·
teurs pour raison de leurs fonctions"


Article 2 - "L.a juridiction administrative reste compé-
tent pour statuer sur les actions dont elle a été saisie, an-
térieurement à la publication de la présente loi, à l'occasion
des donrnages visés à l'article premier ci-dessus" (1).
L'innovation du texte national réside dans sa portée ma-
ni festement plus générale puisqu' il ne s'arrête guère aux
seuls dommages causés par les véhicules. On y retrouve par
contre les trois principes directeurs posés par le législateur
français, à savoir, la compétence des juridictions de l'ordre
judiciaire, l'application des règles du droit privé et surtout

la substitution de l'administration à l'agent auteur du domma-
ge. Trois questions méritent d'être analysées par rapport à la
réception du système normatif français:
Quel est le domaine d'application des dispositions de
l'article 9, alinéa 3 ?
Quelles sont les conditions préalables à la substitu-
tion de responsabilité?
Convnent fonctionne concrètement ladite substitution?
(1) Celte loi française du3! décemhre 1957 qui confie aux trihunaux de l'Ordre judiciaire la counaissance des actions
en responsabilité tendant à la réparation des dommages de loute nature causés par un véhicule, quels qu'ils soient,
semble aujourd'hui faire l'objet d'une application abusive et, ce faisant, nuisihle à la délimitation judicieuse des
champs contentieux des juridictions administratives et judiciaires. Car, aux tennes d'une jlJlisprudence récente. la ju-
ridiction judiciaire est compétente même si les dommagcs évoqués s'ilppilrenlcnt à CCliX de travalJ)( puhlics cn raison
du fait
qu'ils trouveutlellf origine dans un véhicule participallt à l'e.'(écution d'un travail public; CE. 16 novemhre
1992, S.A. Entreprises RAZEL frères, R.DP. (3-1993), note J.M. AUBY, pp 818-824 :
"Considérant qu'il résulte de l'instruction, cl notamment du CO/lftat d 'huissier du 27 septembre 1979 et du rapport de
l'expert nOlTlmé par les premiers juges. que les désordres al/ectant l'immeuble des époux GIRARD sont imputables,
d'une part, aux vibrations prOl'oquées par les engins de chantiers, et, d 'alllre part, mu tirs de mine qui ont été pra·

tiqués .. que les engins de chantiers constituent des véhicules au sens des dispositio/l.f de la loi du 31 décembre 1957;
que celle loi allribue d'une matièle générale aux tribunaux de l'ordre judiciaire la connaissance des actions en res-
ponsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule sans comporter d'exception
notamment lorsque les dommages Ollt été causés par un véhicule participant cl l'exécution d'ull travail public .. que
les conclusiollf tendant à la réparation des dommages cfIILfé.r par les viIJrati()/J.Ç prm'oquécs par les engins de chan-
tiers ne relèl'ent donc pas de la compétence de la juridiction administrative .. que, par suite, l'elltreprise requérante et

la société des autoroutes du sud de la France. par la voie de l'appel provoqué, JOnt fondées à demander la réformation
du jugement allaqué en tant que. par ledit jugement, le tribunal administratif de Poitiers s'est reconnu compétent

pour statuer sur la del/u/llde de réparatioll des préjudices causés par les engins".
N'eOt-il pas été plus conrormes au.'( normes juridiqnes de répartition des compétences contentienses enfre les dell.,(
ordres de juridiction de considérer "objet de l'activité du véhicule, de l1Iilnière il raire apparaître que la contestiltion
est relative à l'cxécution d'un travail puhlic pour lequel seule la juridiction administrative est compétente à slatuer?

307
A: LA DEUMITATION DU DOMAINE D'APPUCATION
L'article 9, alinéa 3 de l'Ordonnance du 26 Août 1972
comporte, à la fois, certitude et incertitude. Dans le premier
cas, il est clairement fait référence à la compétence du juge
judiciaire pour connaître du contentieux de la responsabilité
de la puissance à raison des dommages causés par les agents
administratifs aux tiers. L'incertitude, quant à elle, consis-
te en ce que la nature de ces dommages n'est nullement déter-
minée. Ce 'qui implique qu'il se pose évidemment un problème de
délimitation du champ d'application de l'article 9, alinéa 3
susmentionné.
Toutefoi s,le regroupement des dommages suscepti b1es
d'être déférés au juge judiciaire passe nécessairement par
l'exclusion préalable de ceux qui ressortissent à la compéten-
ce
de
la
juridiction
administrative.
Car
le
texte
de
l'Ordonnance dispose que
UZes
tribunaux de
droit commun
connaissent ... de toute autre action ou litige" à la suite de
l'énumération des matières dévolues au juge administratif.
1: LES DOMMAGES EXCLUS DE LA COMPETENCE DU JUGE JUDICIAIRE
Il s'agit tout simplement des dommages prévus dans la
part du contentieux administratif de la responsablité apparte-
nant à la juridiction administrative. Quoique cet aspect du
problème ait été largement abordé dans les développements pré-
cédents, il importe néanmoins d'opérer une rétrospective qui
se veut synthétique.
En effet, devant le juge administratif, les actions en
responsabilité tendant à la réparation par l'administration
des préjudices que ses agents ou ses biens causent aux admi-
nistrés sont susceptibles d'avoir une double origine. D'abord,
un simple acte juridique administratif peut être générateur
d'un dommage. Il revient dès lors à celui qui s'estime victime
de saisir la juridiction administrative puisque l'article 9,
alinéa 2 (b) de l'Ordonnance du 26 août 1972 lui confère com-
pétence pour examiner UZes actions en indemnisation du préju-
dice causé par un acte administratif",
Dans cette hypothèse de
l'acte juridique dOOll1ageable, i.l peut être question de la res-

ponsabilité administrative extra-contractuelle dès lors que
l'on met en cause une décision unilatérale de l'administra-
tion. Il peut tout aussi s'agir de la responsabilité adminis-
trative contractuelle dès lors que le cocontractant s'estime
lésé dans l'exécution d'un contrat administratif, par exemple.
La compétence de la juridiction administrative ne se li-
mite toutefois pas à la connaissance des dommages causés par
les actes normateurs unilatéraux ou bilatéraux car bon nombre
de faits matériels sont tout aussi la source des actions en
responsabilité contre la puissance publique. L'exemple le plus
significatif qui met en évidence l'intervention du juge admi-
nistratif découle d'une catégorie précise de
fflitiges inté-
ressant le domaine public", selon la formule de l'article 9,
alinéa 2 Cc) de l'Ordonnance de 1972. Les dommages causés aux
particuliers par les biens du domaine public résultent néces-
sairement d'un fait matériel et non plus d'un acte administra-
tif. De même, dans la catégorie particulière des dommages de
travaux publics, le préjudice peut émaner d'une banale opéra-
tion,matérielle de l'administration: c'est le cas d'un piéton
qui, pour cause de réfection d'un trottoir, se fait fracturer
la jambe parce que les agents du service public des travaux
routiers ont omis de procéder à la signalisation nécessaire.
Dans l'un et l'autre cas, la victime est fondée à demander ré-
paration devant la juridiction compétente, celle administrati-
ve en l'occurrence.
On retient par conséquent, au terme de cet aperçu, que
bon nombre de dommages causés par l'administration relèvent de
la compétence du juge administratif et, dès lors, il y a comme
un éclatement du contentieux de la responsabilité administra-
tive en droit camerounais. Ce qui conduit à convenir que les
dommages déférables aux tribunaux de droit commun sont ceux
qui ne s'identifient pas à ceux prévus, par l'article 9 alinéa
2 de l'Ordonnance du 26 août 1972, en faveur de la juridiction
administrative.
2: LES DOMMAGES DEFERABlES AU JUGE rUDICIAIRE
Il n'est point aisé de dresser une liste exhaustive des
éventuels dommages causés par les agents de l'administration.
L'explication tient au fait que leur nature respective peut

être extrêmement diversifiée. Aussi peut-on imaginer qu'un
dommage susceptible de donner lieu à débat contentieux devant
la juridiction judiciaire résulte par exemple d'un acte de né-
gligence de la part de l'agent public, de la perte d'un dos-
sier constitué par l'administré, de simples injures, de coups
et blessures, d'un refus de servir l'usager, de blocages admi-
nistratifs divers, etc ... En règle générale, l'article 9, ali-
néa 3 de l'Ordonnance du 26 août 1972 qui confère compétence
au juge judiciaire pour connaître des actions en responsabili-
té de la puissance publique s'applique à l'ensemble des dom-
mages causés par les agents de l'administration, à l'exception
cependant de ceux qui ressortissent à la compétence du juge
administratif. Ces dommages déférables au juge judiciaire ont
une propriété intrinsèque: ils sont exclusivement causés par
un fait matériel tandis que ceux examinés par la juridiction
administrative sont essentiellement causés par un acte norma-
teur. Si l'on consent à faire un essai de détermination limi-
tative des dommages dévolus à la compétence des tribunaux de
droit commun, on peut, à juste titre, faire tout d'abord allu-
sion à ceux impliquant un véhicule administratif dans un acci-
dent quelconque. Car il faut avoir présent à l'esprit que
l'article 9, alinéa 3 du texte ge l'Ordonnance de 1972 est la
réception de l'article 1er de&loi Française du 31 décembre
1957, lequel attribue pleine compétence au juge judiciaire
pour statuer sur les actions en responsabilité dirigées contre
une personne morale de droit public à raison des dommages cau-
sés par tout véhicule, même administratif. L'affaire OWOUNDI
Jean-Louis du 28 septembre 1978 illustre parfaitement ce pro-
pos : rappelons brièvement que le tribunal
correctionnel
d'EDEA avait condamné le sieur OWOUNDI, Chauffeur en service
au commissariat de NGAMBE, à payer 30.000 F d'amende et 1,5
millions de F de dommages-intérêts à Ngo VAS Elise parce qu'il
avait été reconnu responsable de l'accident de circulation
ayant causé le décès de MBOCK TSAMA, Concubin de Ngo VAS.
L'intervention du juge administratif dans cette affaire
résultait toutefois du jeu de relations internes de la fonc-
tion publique, entre la puissance publique et son agent, en

l'occurrence
la
substitution
de
responsabilité
et
ses
conséquences éventuelles (1). Bien avant, cette affaire OWOUN-
DI, une abondante jurisprudence administrative avait déjà cor-
roboré le principe de la compétence des juridictions judi-
ciaires pour statuer sur les actions en responsabilité pénale
ou civile des conducteurs de véhicules administratifs (2). A
ce jour, on peut même alléguer que le contentieux global des
accidents de la route est résolument dévolu au juge judiciaire
qui, par le biais d'une ordonnance du 13 décembre 1989 (3),
peut intervenir afin de favoriser une indemnisation rapide des
victimes (4).
Parallèlement au dommage causé par le conducteur du vé-
hicule administratif, une toute autre nature de dommage défé-
rable au juge judiciaire réside dans le défaut de prévention
des risques susceptibles d'entourer certains activités des
agents de l'administration. L'affaire DIKONGUE Félix c/Etat du
Cameroun (Mineduc et OSSUe) en est l'illustration (5).
(1) Après avoir dédommagé la concubine du défunt, r El;,l avait émis un ordre de recette du même manIant à rencontre
du sieur OWOUNDI. lequel saisit la chambre administrative au;w; fins d'annJation dudit ordre de recettc r,a motivation
d~ jugement de rejet s' articule ainsi qu'il suit: "la réparation directe par l'Etat du préjudice subi par Ngo YAS Elise dé-
coule du principe qui veut que l'administration couvre son agent à raison des dommages qu'il peut causer dans l'exer-
cice de ses Jonctions
.. que, de même, l'ordre de recelle a élé pris en application du principe qui veut que l'administra-
tian possède une action récursoire .. que l'Etal ayant réparé le préjudice causé à Ngo YAS Elise par la faute cOflvnise
dans le senoÎCe. c'est à jusle titre qu'il s'esl retourné contre le recourant pour recouvrer les sonvnes dépensées",
(2) Arrêt N° 608/C.C.A. du 29 juillet 1957, PASSAUS Alexandre clElat du Cameroun,
, Arrêt N° 19/CFJ/CAY du 4 novembre 1966. THOM aTTO clCaisse de stabilisation du prix du cacao;
, Arrêt N° 8/CJF/AP du 16 mars 1967, I3IAU Georges ct compagnie d'assurances générales clEtat du Cameroun;
, CS/Cam. or, Arrêt du 18 juillet 1967, UTry Ilemlan clEtat du Cameroun;
, Arrêt W 69/CFJ/CAY du 30 septembre 1969, TCHAPCHET Emcst clCommunc de NGOULEMAKONG;
, CFJJAp, Arrêt N° 1 du 15 octohre 1969, BOUD Joseph clEtat du Cameroun:
, Arrêt N° 70/CFJJCAY du 30 septemhre 1969, Agence Camerounaise d'assurances ct semmaritine c/Etat du Cameroun
oriental ;
, Arrêt N° 79/CrJ/CAY du 30 septemhre 19('9, ETOTA Emile clUat du Cameroun oriental;
. Arrêt N° 8l1CFJJCAY du 30 septembre 1969, MJ3IDA Antoine clEtat du Cameroun oriental;
, Arrêt N° 94JCFJ/CAY du 27 janvier 1970. nWA nE François c/Répuhlique Fédérale du Cameroun.
(3) c r. commentaire de M. François ANOlJKAIIA, juridis info, numéro 3 spécial, juillet-<wOt-septemhre 19<JO, pp 43
el s.
(4) Victor-Emmanuel BOKA I.U, l'indcmnisation des victimes d' ~ccidents de la circulation en droit c~mernunais,
Recueil PENANT N° 811. Janvier-Avril 1993, pp 27-S2
(5) Jugement N° 4û/CS/CAJ&;-87 du 21 mai 1987

A l'occasion d'une compétition sportive des scolaires
organisée le 27 janvier 1962 à NJOMBE par l'inspection dépar-
tementale de la jeunesse et sports, un jeune élève de 12 ans
est victime d'un accident ou cours de l'épreuve du saut en
hauteur. Munie d'une assurance scolaire obligatoire, la victi-
me aurait dû simplement chercher à bénéficier de cette couver-
ture préalablement souscrite. Cependant, contre toute attente,
le sieur DIKONguE Félix, parent de l'accidenté, préféra utili-
ser la voie juridictionnelle. Par requête en date du 8 août
1983, le requérant saisit la chambre administrative de la Cour
Suprême afin qu'elle condamne l'Etat à allouer à la victime la
somme de 35.000 000 Frs à titre d'indemnisation. L'argument
pris
à
l'appui
de
cette
action
en
responsabilité
de
l'Administration est tiré de ce que, aux yeux du requérant,
l'enseignant chargé d'assurer l'épreuve du saut en hauteur
n'avait pas préservé les élèves d'un éventuel accident.
Le juge administratif se déclara incompétent en estimant
que "cette action ne rentre pas dans les prévi s i ons de l' ar-
ticle 9, alinéa 2 de l'Ordonnance N° 72/6 du 26 août 1972 qui
énumère de façon exhausti ve les litiges ressorti ssant à la
compétence de la juridiction administrative".
Au surplus,
poursuit-il, "il s'agit plutôt ici d'un des cas de substitu-
tion de responsabilité de l'Etat à celle de son agent vis-à-
vis de la victime, tels que prévus à l'alinéa 3 du même ar-
ticle
9 ... , lesquels sont de la compétence expresse des tribu-
naux judi ciai res".
La motivation de cet acte juridictionnel tranche ce fai-
sant le problème de la cloison qui existe entre les alinéas 2
et 3 de l'article 9 du texte de l'Ordonnance de 1972. Elle est
strictement étanche en ce sens que la juridiction administra-
tive ne peut connaître des faits litigieux attribués aux tri-
bunaux judiciaires, et vice-verso, Ceci a pour conséquence po-
sitive d'éliminer le double emploi juridictionnel.

La jurisprudence DIKON9UE Félix fournit en définitive
l'un des multiples exemples de dommages causés aux tiers par
les agents administratifs et donnant lieu à substitution de
responsabilité (1). Mais il reste que l'Ordonnance de 1972
n'entend la faire jouer au bénéfice de l'auteur du dommage
qu'à certaines conditions.
B : LES CONDITIONS PREALABLES A LA SUBSTITUTION DE RES-
PONSABILITE
-
L'article 9, alinéa 3, de l'Ordonnance du 26 août 1972
fixe deux conditions cumulatives pour que la personne morale
de droit public puisse se substituer à la responsabilité en-
courue par l'agent fautif: l'une est sans équivoque tandis
que l'autre est susceptible de prêter à confusion.
- La condition claire, liée à la personne de l'auteur du
dommage, est que ce dernier doit avoir la qualité d'agent
d'une personne morale de droit public;
- L'agent visé doit avoir ensuite causé le dornnage llmême
dans l'exercice de ses fonctions" ; c'est la condition consa-
crée dans une formule équivoque.
1: L'AUTEUR DU DOMMAGE
Pour que la responsabil i té d'une personne moral e de
droit public soit llsubstituée de plein droit" à celle de l'au-
teur du dommage, ce dernier doit avoir la qualité d'agent de
ladite personne morale, donc d'agent public. Cette expression
d'agent public reste cependant à définir. S'agit-il de l'agent
public lato sensu ou stricto sensu?
(1) Le jugemcnt N° 24/CS/CA/!{O-R 1 du 1R déccmhre 19RO, TCHj\\Nj\\ l'CI/ANA j\\ hmham clEtat du Camcroun avait
déjà mis en évidence ces principes de l'affaire DIKONGUE.
Un jeune élève d'un él."lhlisscment scolaire public s'était blessé à l'occasion de travau, de nettoyage des abords de
l'école effectués par un groupe d'élèves. Le juge administratif s'était alors vu saisi d'ulle requête tendant il réparer le
dommage subi par la victime, laquelle requête imputait la cause de l'accident à l'enseignant chargée de la supervision
des travaux el qui aurait manqué de vigilance à l'égard dudit élève.
Pour clore la contestation devant son instancc contentieuse, le juge administratif sc déclare incompétent pour sta-
tuer; motif pris de cc que, conformémcnt il l'article 9 alinéa 3 de l'Ordonnancc de 1972, il s'agit d'un cas de substilu-
tion de responsabilité de l'Etat à celle de son agent qui ressortit à la compétcnce des tribunau, de /' ordrc judiciairc.

Il convient sans doute de l'entendre dans un sens plutôt
large. Car on sait l'hétérogénéité qui caractérise les person-
nels de l'Administration de par leur statut juridique, leur
fonction, leur grade, leur rémunération etc ... S'agissant seu-
lement de la situation juridique des agents publics, on dis-

tingue ceux qui sont dans une position statutaire de droit pu-
bli c
(1)
de
ceux
qui
sont
soumi s
à un
statut
de
droi t
privé(2). Dans la première catégorie sont rangés les agents
titularisés, notamment les fonctionnaires, et les agents non
titularisés comme les stagiaires. Les contractuels d'adminis-

tration, les décisionnaires, les journaliers, tous générique-
ment appelés "travailleurs" (3), relèvent du deuxième cas de
figure.
Mais au-delà de cette traditionnelle surnma divisio, la
jurisprudence administrative a eu l'opportunité d'assimiler
les collaborateurs occasionnels de l'administration à de véri-
tables agents d'une personne morale de droit public.
Cette
collaboration peut avoir été forcée, par le biais de la réqui-
sition notamment (4), tout comme elle peut au contraire revê-
tir un caractère bénévole.
L'arrêt N° 237/CCA du 10 juillet 1953, NDOUNDA Thomas
c/Administration du territoire marque la reconnaissance expli-
ci te de la collaboration vo lontai re : "cons i dérant que le
sieur NDOUNDA prêta son assistance bénévolement; qu'il appar-
tenait dans ces conditions à MANGA de prendre les dispositions

utiles afin d'éviter tout accident ... ; qu'aux termes d'une
jurisprudence constante,

l'accident engage la responsabilité
de l'Etat du moment que la victime n'a pas commis de faute et
qu'aucun cas de force majeure n'est allégué".

Cette jurisprudence nationale s'aligne sans conteste sur
la conception du conseil d'Etat Français qui veut que le tiers
victime des dOOl11ages d'un acte de collaboration bénévole soit
(1) Décret N° 741138 du 18 février )97,~ portant statul général de la Fonction Puhlique.
(2) Loi N° 921007 du 14 aoOt 1992 portanl nouveau code du travail.
(3) Article 1er du décret N° 781474 du 9 novemhre 1978 fixant les conditions CO/ll/lluncs applicahles aux agents de
J'Etat relevant du code du Travail (lexIe pris en applicalion de "ancien cod,~ du Travail N° 7'1-1'1 du 27 novemhre
1974).
(4) Arrêt N° 281C.C.i\\. du Il août 19."0, NU:I\\II\\IIJOMZOI\\! c/i\\dministration du Territoire

protégé par l'engagement de la responsabilité de l'administra-
tion (1). Confirmé~ quelques années plus tard (2), elle té-
moigne en tout cas~a volonté du juge administratif d'étendre
sensiblement le champ d'application de la qualité d'agent pu-
blic, laquelle n'est toutefois pas suffisante pour que la res-
ponsabilité de l'administration se substitue à celle de son
agent. Encore faut-il que la responsabilité de cet agent se
fonde sur un acte dommageable commis "même dans l'exercice de
ses foncti ons".
2: LES ORCONSTANCES RELATIVES A LA REALISATION DU DOMMAGE
D'après le texte de l'Ordonnance de 1972, les juridic-
tions judiciaires "connaissent, conformément au droit privé,
de toute autre action ou litige (après qu'eurent été retran-
chés ceux dévolus à la compétence de la juridiction adminis-
trative), même s'il met en cause les personnes morales (de

droit public),
la responsabilité de ladite personne morale
étant à l'égard des tiers, substituée de plein droit à celle
de son agent auteur des dommages causés même dans l'exercice

de ses fonctions". Si l'on se prive momentanément de l'analyse
théorique relative à la seconde condition de mise en oeuvre de
la substitution de responsabilité, il convient de souligner
préalablement que cette longue formule de l'Ordonnance du 26
août 1972 présente une anomalie.
(1) 5 Mars 1948, sieurs MARION, MARLETrE, PONS/N, MALET DE COUPIGNY ct Commune de Saint Valéry-sur-
somme, Rec., pp 113-114 :
"Considérant qu'il rémlle de l'illstruction que, le 20 mai 1945, le maire et la plupart des Conseillers municipaux de
Saint Valéry-sur-somme ayant. devant l'imminence de l'invasion allemande, quitlé le territoire de la ConunUlre, les
requérants ont constitué sous le nom de "Comité des intérêts valériens" une municipalité de fait qui s'est chargée
spontanément d'assurer le fonctionnement des services puhlics de l'administration de la ville .. que l'un des actes du
comité des intérêL5 valériens, qui, selon ses allégatioll..r se proposait d'éviter le pillage et d'assurer le ravitaillement
de la papulah'on et la reprise de l'activité économique, a consisté
d procéder à la réquisition et à la vente des denrées
et marchandises constituant les stocks de divers magasins de la ville ..
Considérant que ces actes n'étaient pas étrangers à la compétence légale des autorités municipales .. que, da 11..5 la me-
sure où les circoll..flances exceptionnelles nées de l'invasion leur conféraient UII caractère de nécessité et d'urgence,

ils devaient, bien qu'émanant de l'autorité de fait suhstituée auxaites autorités, être regardés comme des actes adJlli·
nistratifs ..
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il appartenait au Conseil de préfecture, en \\'ertu du décret du 5 mai
1943, de statuer sur l'action ell garantie par laquelle les membres du comité des intérêL5 valériell..5 demandaient
d être
couverts par la ville des condamnations civiles prononcées contre eux par les trihunaux judiciaires au profit de cer:
tains commercants lésés par cel/es des réquisitions qui revêtaient, dans les conditiolls sus-rappelées, le caractère
d'actes administratifs
.. que par .ruite, c'est à tort que le conseil de préfecture de Rouen a déclillé sa compétence dans
l'instance engagée, aux Jins ci-des.rus indiquée.l", par 10 membres du comité d('.1" intérêLI" l'alériens ('t que l'arrêté at,

taqué en date c(u 1er juillet 1941 doit être anllulé"
(2) Arrêt N° 645/C.CI\\. du 6 septembre 1957, KpWANG ESSIANE dUal du Cameroun.

Il Y a en effet une transposition assez défectueuse des
termes de la loi Française du 31 décembre 1957 (1) dans
l'Ordonnance Camerounaise de 1972. Alors que le droit Français
entend protéger la responsabi lité de l'agent publ ic à la
condition que ce dernier ait causé un dommage IIdans l'exercice
de ses fonctions", le texte national fait jouer la substitu-
tion de responsabilité à l'occasion de dommages causés IImême
dans l'exercice de ses fonctions".
Cet écart de conception a
pour conséquence immédiate de suggérer que l'agent public
Camerounais est automatiquement couvert, par la personne pu-
blique qui l'emploie, dans deux hypothèses bien distinctes:
soit lorsqu'il cause au tiers quelque dommage au cours du ser-
vice, soit lorsqu'i l pose un acte préjudiciable en dehors
dudi t servi ce. L'adjonction du vocable Umême" est mani feste-
ment de nature à autoriser une telle interprétation du texte.
L'administration peut-elle se permettre d'endosser la respon-
sabilité de ses agents pour des préjudices qu'ils causent en
dehors de leurs fonctions administratives? Cela est invrai-
semblable quand on imagine les dangers qu'une telle option
comporte tels que l' i rresponsabi lité absolue des agents pu-
blics ainsi que l'hémorragie des deniers publics à la suite
d'une condamnation contentieuse.
Il Y a ce faisant lieu de penser qu'au-delà d'une dange-
reuse erreur de rédaction (?), l'Ordonnance de 1972 impose
comme seconde condition à la substitution de responsabilité,
la commission du dommage par l'agent public dans l'exercice de
ses fonctions. L'affaire LIllY Hermann, objet d'une décision
du 18 juillet 1967, constitue, à ce jour, l'élément jurispru-
dentiel susceptible d'appuyer ce propos. Les faits de l'espèce
sont les suivants :
Le sieur LIllY Hermann, chauffeur de l'administration,
cause un accident de la circulation en entrant en collision
avec la motocyclette conduite par Mr M'BELECK Paul.
(1) A tilre de rappel, il s'agit du le~le qui confie au~ IribunalL~ judiciaires compétence pour statuer sur les actions en
responsabililé des dommages causés par toul véhicule el dirigées contrc une pcrsonne morale de droit public, el dont
la rédaction inspire inconleslablement l'alinéa 3 de l'article 9 dc l'Ordonnance Camerounaise Irailanl de la compé-
Il?nce du juge judiciaire cn m<llière dc conlcnliell:\\ adrninislratif, du moins partiellemcnt

Traduit par cette dernière victime devant le Tribunal
correctionnel de DOUALA, l'agent public LITTY Hermann est dé-
claré coupable du délit de blessures involontaires au sens de
l'article 320 du code pénal. Devant le même Tribunal, M. M'BE-
lECK se constitue partie civile et demande réparation à l'ad-
ministration pour préjudice subi du fait de son agent, sur la
base de l'article 14 de la loi du 19 novembre 1965 (repris in
extenso par l'Ordonnance de 1972). Le requérant obtient fina-
lement gain de cause puisque la juridiction saisie condamne le
sieur LITTY Hermann à lui payer des dommages-intérêts.
La Cour d'Appel de DOUALA, appelée à statuer sur le même
litige, retient, par arrêt N° 752/8 du 8 juillet 1966, la res-
ponsabilité civile de LITTY Hermann et refuse cependant de dé-
clarer l'Etat civilement responsable des agissements de son
agent: cela faute commise par LITTY, en tant que chauffeur de
l'administration, et constitutive du délit de blessures invo-
lontaires, était détachable du service".
On convient alors avec le professeur Henri JACQUOT que
par le biais d'une telle motivation de sa décision, le juge
judiciaire Camerounais "introduisait implicitement la distinc-
tion du droit administratif français entre la faute de service
et la faute personnelle, et ... limitait le jeu du mécanisme de
subs
ti tuti on au cas de faute de servi ce" (1).
En cassation, cette interprétation de l'article 14 de la
loi du 19 novembre 1965 sera rejetée par la haute juridiction
dans ces termes :
"La Cour d'Appel de Douala devait . .. rechercher au re-
gard des règles du droit privé, et non du droit administratif
comme elle l'a fait, si la responsabilité civile de l'Etat fé-
déré du Cameroun oriental était engagée du fait de son agent
LITTYet, dans l'affirmative, la substituer de plein droit à
celle de LITTY".
(l) Le contentieux administratif au Cameroun. op. cil.. r 13G

Ainsi, le juge d'appel avait pour tâche exclusive de
dire si oui ou non le dommage est causé par un agent de la
personne publique agissant en cette qualité, c'est-à-dire dans
l'exercice de ses fonctions et, dans l'affirmative, engager de
façon stéréotypée la responsabilité du commettant qui est la-
dite personne publique.
Une double conclusion peut être tirée de cette décision
de la Cour Suprême du 18 juillet 1967 :
- D'une part, l'arrêt de cassation marque le rejet, dans
les rapports entre l'agent public auteur du dommage et la vic-
time, de la théorie jurisprudentielle Française qui opère une
différenciation de nature entre les fautes, en l'occurrence la
faute de service et la faute personnelle (1). Ce qui est va-
lable en droit Camerounais, c'est que l'agent mis en cause ait
été dans l'exercice de ses fonctions administratives d l'in-
stant où il générait l'acte dommageable vis-d-vis du tiers. Et
ce n'est qu'à cette condition supplémentaire que son employeur
pourra automatiquement se substituer d sa responsabilité.
- D'autre part, la juridiction jUdiciaire a compétence
pour apprécier souverainement si l'agent était ou non dans
l'exercice de ses fonctions. Ce qui entraîne, en conséquence,
que l'exp ress i on "dans l' exere i ce de ses
fonet ions"
sera
toujours définie par les tribunaux de droit commun et ce, sur
la base des règles de droit privé.
En droit Camerounais, la mise en oeuvre des cas de sub-
stitution de responsabilité de l'administration d celle de ses
agents procède finalement de la réunion de deux conditions
préalables: il faut que le dommage causé d un tiers émane
d'un agent public agissant dans l'exercice du service
(1) - oouc RASY, Les Frontières de la faute personnelle et de la faute de service en droit administratif Français, bi-
bliothèque de droit public, l(lme XLIII, L.G.D..J., Paris, 1963 ;
- Michel PAILLET, 1..3 Faute ou service public en droir administratif Français. bibliothèque de Droit Public, Tome
CXXVI, L.G.D.l. Paris, 19HO.

318
C : LA MISE EN OEUVRE DE LA SUBSTITUTION DE RESPONSABILI:
TE
la technique proprement dite de la substitution de res-
ponsabilité se réalise à travers le principe de l'endossement,
par la puissance publique, de la responsabilité de son agent
fautif. Toutefois, ce principe de protection de l'administra-
tion à l'égard de son agent doit être tempéré au regard de la
réalité des relations internes de l'administration et, notam-
ment, la possibilité dont elle dispose pour faire supporter à
l'agent préalablement couvert les conséquences de son acte
donmageable.
1: LE PRINCIPE DE L'ENDOSSEMENT PAR LA PUISSANCE PUBLIQUE DE
LA RESPONSABILITE DE SON AGENT FA UTIF
l'automaticité de l'endossement, par la personne morale
de droit public, de la responsabilité de son agent pour un
dommage causé aux tiers a été établie par la non moins célèbre
décision Büllü Joseph c/Etat du Cameroun (1) :
"Attendu que EDZIMBI était régulièrement en service au
moment où il a occasionné l'accident dont BOLLO a été victime;
que la condamnation pénale intervenue contre EDZIMBI de ce
fait
établit sa responsabilité (civile) et par voie de
conséquence celle de l'Etat fédéral".
Reflet d'un régime législatif qui veut que la responsa-
bi lité de l' admi ni stration soit "substi tuée de pl ei n droi t à
celle de son agent auteur des dommages causés (aux tiers)",

cette solution jurisprudentielle suscite l'effacement pur et
simple de l'agent à l'égard de la victime. Aussi peut-on pen-
ser qu'au fond, cette dernière ne connaît que la personne mo-
rale de droit public.
le mécanisme de l'endossement automatique de la respon-
sabilité de l'agent présente, en droit Camerounais, une origi-
nalit~ certaine par rapport à la solution adoptée en droit ad-
ministratif Français. Pour mieux comprendre cette dernière, il
est nécessaire de reproduire cette longue citation du profes-
seur René CHAPUS :
(1) Arrêt W I/en/AP du 15 octobre 1%9
..

{(Quand un dommage a été causé par l a faute d'un agent
public, plusieurs questions se posent.
La première est de savoir si cette faute engage, au pro-
fit de la victime, la seule responsabilité de la personne pu-
blique dont l'agent relève ou la seule responsabilité person-
nelle de cet agent, ou encore l'une
et l'autre de ces respon-
sabilités, au choix de la victime.

Si la responsabilité incombe à la personne publique,
est-elle tenue d'en supporter définitivement la charge, ou
peut-elle, après avoir indemnisé la victime, la reporter sur
l'agent auteur de la faute? C'est une seconde question.
Enfin, si la faute de l'agent a engagé sa propre respon-
sabilité, est-il tenu de la supporter définitivement, ou peut-
il exercer une action récursoire contre la personne publique?
On voit que cette troisième question est symétrique de la pré-
cédente.
Ces questions n'ont en elles-mêmes rien de spécifique,
en ce sens qu'elles sont les mêmes que celles qui se rappor-
tent
d la mise en oeuvre de l'article 1384, 01.5 C.civ., rela-
tif
d la responsabilité des commettants du fait de leurs pré-
posés.
Mais (réserve faite du reglme spécial de responsabilité
des comptables publics) elles reçoivent en droit administratif
des réponses originales qui tiennent au fait que l'état du
droit est dominé par une distinction qui lui est propre entre

deux catégories de fautes, celles des fautes personnelles et
celle des fautes de service" (1).
(1) Droit .\\dministratif Général, DomaliDroit puhlic, Editions Monschrcsticn, Tome l, 'lbnc édition. Paris. 1988. p.
855.

Cette distinction, en droit Français, est la solution
retenue pour la première fois
dans
le célèbre arrêt du
Tribunal des Conflits, PELLETIER (1), à propos d'une action en
responsabilité exercée en vue de la condamnation personnelle
de certaines autorités publiques à réparer le préjudice causé
par l'interdiction et la saisie d'un journal.
Or en droit Camerounais, la solution est tout autre. Il
faut et il suffi t que l'agent soit udans l' exerci ce de ses
fonctions" au moment où il cause un dommage au tiers pour que
l'administration dont il relève se substitue ipso facto à sa
responsabilité.
Il convient cependant de souligner que l'endossement de
ladite responsabilité par l'administration est précédé d'une
phase non moins importante, celle de l'établissement de la
responsabilité même de l'agent, et qui ne peut prendre effet
que par les poursuites personnelles dont il est l'objet. En
effet, la victime ne peut, valablement, mettre directement en
cause la personne morale de droit public pour la simple raison
que le rôle de la juridiction judiciaire se cantonne dans l'é-
tablissement de la responsabilité de l'agent public, laquelle
sera automatiquement endossée par l'administration.
A l'occasion de l'affaire PASSALIS Alexgndre c/Etat du
Cameroun, le juge administratif a pris une position on ne peut
plus claire à ce propos :
Uconsidérant que les juridictions répressives ... ne peu-
vent statuer sur les actions civiles en réparation du domma-
ge ... qu'accessoirement à l'action pénale dirigée contre l'au-
teur de cette contravention.
Qu'une acti on ne peut éga l ement être exercée contre
l'employeur civilement responsable devant la juridiction ré-
pressi ve qu' accessoi rement aux poursui tes exercées contre
l'auteur de l'infraction" (2).
(1) Arrêt du 30 juillcl IHn, GA. N° 2, p. ') cl s. , cOllclusiolls Da\\id, 1) IH7-1, J S
(2) Arrêt N° G08/C CA. du 2') juillet 1957

Se pose ensuite le problème de la détermination de la
juridiction judiciaire compétente car l'Ordonnance du 26 août
1972, ainsi que les lois antérieures, disposent tout vaguement
que la responsabilité de l'agent est appréciée par fIles tribu-
naux de droit commun".
Mais de quel juge s'agit-il
précisé-
ment? du juge civil ou du juge répressif?
On peut dire que l'action de la victime tendant à l'éta-
blissement de la responsabilité de l'agent administratif res-
sortit à la compétence concurrente des deux juges.
Devant le juge civil, la responsabilité de l'agent est
établie sur la base des règles fixées par l'article 1382 du
Code Civil. Ce qui implique que la victime doit prouver la
faute qu'elle reproche à l'agent. Bien plus, elle doit être à
même d'établir la relation de cause à effet entre cette faute
et le préjudice subi.
Dans l'affaire LIllY Hermann c/M'BELECK, la Cour Suprême
a montré que le litige peut intégralement se dérouler devant
le juge répressif. Rappelons tout simplement que, victime d'un
accident de la route, le sieur M'BELECK avait engagé des pour-
suites contre LIllY Hermann, conducteur du véhicule adminis-
tratif, devant le tribunal correctionnel de DOUALA qui condam-
ne finalement le mis en cause pour délit de blessures involon-
taires. Devant la même instance contentieuse correctionnelle,
le sieur M'BELECK s'était, dans une deuxième phase, constitué
partie civile pour mettre directement en cause l'administra-
tion.
Incontestablement, pareille solution permet d'éviter à
la victime
"la multiplication des instances juridiction-
nelles" (1) ou mieux,
III 'inconvénient de la dualité de re-
cours" (2), et dans tous les cas, ilIa longueur (d'une) procé-
dure préjudiciable" (3).
(1) Roger-Gabriel NLEP, "l'Administratioll publique Carlleroll/laise ... ", op. ciL. p. 358
(2) Jean-Claudc KAl\\ll)El\\l, Cours polyen"i,' dc cnl1lCl1licux adminislralir, "1' CIL. tome Il, p. 191.
(3) Joseph I3INYOUM, cours polycopié Jc contenticux aJmil1;slralir. op ciL. p ltl<l

S'il faut par conséquent respecter la chronologie de la
mIse en oeuvre de la substitution de responsabilité, la procé-
dure est double: l'établissement de la responsabilité de l'a-
gent public et, l'endossement de ladite responsabilité par la
personne morale de droit public qui l'emploie. Ce procédé ap-
pl icable au contentieux de la responsabi 1i té des agents
publics devant "l es tribunaux de droit cOImIun" a le mérite de
favoriser les tiers victimes des agissements administratifs
pour la simple raison liée à la solvabilité du patrimoine de
l'administration. Mais, on peut inversement convenir que l'en-
dossement automatique de la responsabilité de l'agent ainsi-
que les conséquences que cela entratne comportent un risque
certain à terme : la préservation absolue des intérêts finan-
ciers particuliers des agents publics au détriment des deniers
publics.
C'est pour endiguer cet inconvénient majeur que le jeu
de relations internes de l'administration, en dehors de toute
intervention des "tri blJnaux de droi t commun", permet une ac-
tion de la personne publique contre son agent.
2: L'ATTENUATION ()U PRINCIPE DE L'ENDOSSEMENT DE LA RESPONSA-
BILITE : L'ACTION DE LA PERSONNE PUBLIQUE CONTRE SON AGENT.
Lorsque l'administration a été amenée, par une décision
du juge judiciaire, à indemniser les tiers victimes d'actes
dommageables provoqués par ses agents, elle détient le pouvoir
de se retourner contre ces agents afin que ce soient eux qui
supportent les conséquences financières des préjudices causés.
Cette action dont dispose la puissance publique contre son
agent témoigne des limites du mécanisme de substitution de
responsabilité érigé par l'article 9, alinéa 3 de l'Ordonnance
du 26 août 1972. Assurément, cette substitution de responsabi-
lité en droit Camerounais s'identifie à une protection appa-
rente de l'agent public dans la mesure où elle présente un re-
vers sur lequel il convient de s'interroger doublement:
Quel est le support normatif en vertu duquel l'adminis-
tration engage, vis-à-vis d'elle-même, la responsabilité de
son agent ?

Comment se traduit, concrètement, cette action admini~­
trati ve en recouvrement des sommes versées au tiers <_/'~,o'.A.-.(
~dommage causé par l'agent public?
Toutes ces questions ne sont point réglées par un texte,
contrairement au régime de responsabilité de l'agent public à
l'égard de l'administration en cas de préjudice direct causé à
celle-ci (1). C'est finalement au juge administratif qu'il est
revenu de résoudre les difficultés se rapportant à cette ma-
tière. L'ensemble des solutions retenues à cet effet a connu
une lente évolution.
On se souvient que la jurisprudence ESSINDI ESSAMA (2)
avait tout d'abord établi, successivement, que ilIa puissance
publique est entièrement responsable vis-à-vis des victimes du
préjudice causé ... par les agents de l'administration", que
III'irresponsabilité pécunaire des fonctionnaires et agents de
l'administration" est la règle générale, et que ilIa puissance
publique doit supporter intégralement les conséquences domma-
geables de l'accident (causé par l'agent public NGOUMOU Thomas
au volant d'un véhicule administratif)".

Ce frein jurisprudentiel à l'action de la personne mora-
le de droit public, qui, après avoir indemnisé la victime du
dommage causé par l'agent public, décide unilatéralement de
recouvrer les frais d'indemnisation versés, sera battu en
brèche
23
années plus
tard sous
l'impulsion
de la doctri-
ne (3).
(1) C'est celui qui est institué par la loi des finances N° 61-11 du 14 juin 1961 en son article 2J paragraphe 1er'
"Les objf!Lf f!t matériels appartenant à l'Ftat et qui seront l'crdus ou détériorés en totafité ou en partie par le.f déten-
teurs ou par les utilisateurs, cl l'occasion du Jl'n'ice ou lors du service, feront l'objet d'une imputation en valeur, .fur
la rémunéra/ion, le salaire ou le traitement des in/ére.f.fés".
Cette hypothèse est ce faisant à distinguer avec celle de l'article 9 alinéa 3 de J'Ordonnance du 26 aoOt 1972 qui génè-
re l'action récursoire de l'administration corJlre son agent après qu'clic ait réparé le préjudice que l'agent cause à un
tiers. JI s'agit donc distinclement des aclions récursoires rour préjudice causé il l'administration ou pour dommage
causé à un tiers. On peut simplemenl déplorer que certains auteurs ne perçoivent l'autonomie de ces deux cas de figure
(notamment M. Joseph R1NYOIJM dans son cours polycopié de droit administratif, pp. 17(,-177)
(2) Arrêt W 3701C.C.A. du 3 sr.ptemore 1955, précité.
(3)Notamment le proresseur Ilenri JACQUOT qui affirme
"l.lJrsque par leur faute personnelle, les agenlf l'muent de
gravf!s dorrunages à 1Etat, il est souhaitable que leur resl'omabifilé pécuniaire soit mise en jeu. C'est le seul I1UJyen
de procéder à une véritable moralisation de la fOf/ction publique ", in le contentieu.~ administralif ail Cameroun, op.
cil, p. 137.

L'affaire OWOUNDI Jean-Louis du 28 septembre 1978 sera
alors une réelle opportunité pour que le juge administratif
définisse tout le régime juridique de l'action de la puissance
publique contre son agent au cas où ce dernier cause un domma-
ge à un tiers.
Le sieur OWOUNDI avait en effet sollicité l'annulation
contentieuse de l'ordre de recette émis par l'administration à
son encontre, lequel ordre de recette avait été pris après que
l'administration eût préalablement indemnisé la concubine
d'une victime de l'accident de la circulation causé par OWOUN-
DI.
IILa réparation directe par l'Etat du pré)udice subi par
Ngo YAS Elise découle, estime le )uge administratif, du prin-
cipe qui veut que l'administration couvre son agent à raison
des dommages qu'il peut causer dans l'exercice de ses fonc-
tians; que, de même, l'ordre de recette a été pris en appli-
cation du principe qui veut que l'administration possède une

action récursoire contre le fonctionnaire; que l'Etat ayant
réparé le préjudice causé à Ngo YAS Elise par la faute commise
dans le servi ce,
c'est à juste ti tre qu' i l s ' est retourné
contre le recourant pour recouvrer les sommes dépensées".
Le principe de l'action récursoire est le fondement nor-
matif de la responsabilité de l'agent public à l'égard de
l'administration. Au surplus, cette action de la puissance pu-
blique se traduit, concrètement, par l'émission d'un ordre de
recette susceptible d'être déféré devant le juge administratif
et non par-devers son homologue de l'ordre judiciaire.

Cette jurisprudence nationale s'inspire indubitablement
de la conception du droi t
jurisprudentiel Français selon
laquelle toute personne morale de droit public, une fois ti-
rées les conséquences d'une condamnation de son agent devant
la juridiction judiciaire, peut éventuellement se retourner
devant le juge administratif, contre ce même agent, dans le
cadre de l'action récusoire exercée à l'encontre dudit agent
fautif (1). La compétence juridictionnelle est certes concur-
rente en apparence, mais doit être soigneusement distinguée.
D'un côté, la juridiction judiciaire intervient quand il
s'agit de l'hypothèse même d'une substitution de responsabili-
té visant à réparer les dommages subis par le tiers. Tandis
que de l'autre, la juridiction administrative est compétente
pour trancher la si tuation confl ictuelle née des rapports
post-judiciaires entre l'administration et son agent. C'est du
moins ce qui ressort de l'arrêt MORITZ pour lequel ce genre de
litige ne peut trouver sa solution IIque dans les principes du
droi t pub lie", dès lors qu' il a trai t
lIaux
rapports de droi t
public entre l'administration et ses agents".
On peut donc réitérer, au terme de cette analyse, que la
compétence du juge judiciaire en matière de contentieux admi-
nistratif concerne bel et bien le contentieux général des di-
vers cas de substitution de responsabilité. Bien plus, cette
compétence matérielle de la juridiction judiciaire s'étend
considérablement, en ce sens que l'Ordonnance du 26 août 1972
lui attribue en supplément la connaissance de certaines ac-
tions en responsabilité de la puissance publique qui ont cette
fois-ci le mérite d'être spécifiées.
(1) c.E. Ass. 28 juillet 1951, U.IUJEU r cl DILV Il.LE (2 ~rrêl.~) Rec, pp. '1(,4 el M,5 ,
Dans Je même sens, voir TC. 26 mai 1957, Sieur 1\\.10RITZ, Rec, p. 7()R ,J.CI' 19.'),1, N° Rl14. note C;. VEDEL;
Ou encore. récemmenl, TC. 21 janvier 19R5, Ilospice du Châteaulleuf-elu-Pape cl C'ornnlllne ou Châteaulleuf-ou-I'ape
c/Lucien JEUNE. ROI' 19H5, p. IlYi, note R J)I~M;O

JI
• LES CONTENTIEUX SPECIFIES
Le juge judiciaire a compétence pour statuer sur les li-
tiges concernant les atteintes administratives au droit de
propriété et aux libertés. Cette dévolution de compétence ré-
sulte de l'article 9 de l'Ordonnance du 26 août 1972 qu'il
convient
cependant
de
distinguer
de
l'article
13
de
l'Ordonnance N° 74/3 du 6 juillet 1974 relative d la procédure
d'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités
d' i ndemni sation,
1eque 1 di spose spéci fi quement que
toute
contestation de l'indemnité de ladite expropriation est défé-
rée au "Tribunal de première instance du lieu de situation de
l'immeuble".
A : LES ATTEINTES ADMINISTRATIVES AU DROIT DE PROPRIETE
ET AUX LIBERTES
Il s'agit précisément de celles qui sont prévues par
l'Ordonnance de 1972. Aux termes des dispositions de l'article
9, alinéa 4 du texte susvisé, les tribunaux de droit commun
"connaissent, en outre, des emprises et des voies de fait ad-
ministratives et ordonnent toute mesure pour qu'il y soit mis
fin". De cette formule apparaît la réception, par le droit po-
sitif national, de deux théories jurisprudentielles françaises
qu'il importe d'examiner.
1 : L'EMPRISE
L'Ordonnance du 26 août 1972 présente l'avantage d'at-
tribuer expressément la connaissance du litige se rapportant d
une emprise, d'origine administrative, au juge judiciaire. Ce
qui implique que la juridiction administrative ne peut vala-
blement statuer dans pareil cas contentieux lorsqu'elle est
malencontreusement saisie par un justiciable. Le juge adminis-
tratif Camerounais a, en tout cas, toujours marqué son respect

à l'égard de cette règle de dévolution de compétence au profit
des tribunaux de droi t commun en se déclarant incompétent
chaque fois qu'une question d'emprise lui était déférée (1).
Une telle position jurisprudentielle est du reste assez proche
du droit français de la compétence juridictionnelle en matière
d'emprise (2).
Il demeure toutefois que l'Ordonnance du 26 août 1972
qui soumet le contentieux de l'emprise à l'appréciation du
juge judiciaire soulève moultes interrogations dans sa formu-
lation évasive. Qu'est-ce qu'une emprise tout d'abord 7, en-
suite, la compétence des tribunaux de droit commun s'applique-
t-elle indistinctement selon qu'il s'agit
de l'emprise ré-
gulière ou de l'emprise irrégulière 7 enfin, quel en est le
régime juridictionnel, c'est-à-dire l'étendue des pouvoirs du
juge judiciaire 7
Dans l'affaire MEDOU Gaston du 23 mars 1971, le requé-
rant, par recours contentieux en date du 26 mai 1970 enregis-
tré le 16 juin 1970 au greffe de la chambre administrative
sous le N° 296, avait sollicité la condamnation de l'Etat
Fédéral du Cameroun afin de lui payer la somme de 15.300.000 F
CFA à titre de dommages-intérêts pour réparation du préjudice
subi du fait de la dégradation de sa concession par les unités
de l'Armée de Terre. La Cour Fédérale de justice considéra en
effet "que les éléments des forces armées ont pris possession
de la concession du sieur MEDOU
et qu'ils l'ont occupée pen-
dant huit mois à la suite d'un ordre de l'autorité préfectora-

le du DJA et LOBO ; que cette occupation d'une propriété pri-
vée immobilière constitue une emprise qui, de surcroît, se
trouve être irrégulière comme n'ayant pas été précédée d'une
réquisition régulière des autorités militaires ni des autori-
tés civi les".

(1). Arrêt N° 157/CPJ/CAY du 23 mars 1971, t'-IEDOU Gilston clUal Fédéral du Cameroun, précité;
· Jugement N° 22/CS/CAI78-79 du 30 novembre 1978, Ali\\NGANA NTONGA Sylvestre c/Etat du Cameroun;
· Jugement N° 46/CS/CA du 27 mili 19R2. Mme veuve André TESTAS née Mathilde Jeanne TlJYTELEARS clEtat du
Cameroun:
· Jugement N° 18/CS/CA du 28 novemhre 1985, KAMDEM WAFO Michel cll:tal du Cameroun;
· Jugement W 56/85-86 du 24 avril 1986, KOUM JEMBA Joseph clEta\\ du Cameroun,
(2) Georges MALEVILLE, Détermination des compétences des juridictions administratives ct judiciaires (e:,<tension
de la compétence des tlibullilU:'< judiciaires en cas d'emprise ou de voie de fail). Jurisclilssellf ildministratif, fascicule
605.

Au sens de la jurisprudence MEDOU Gaston, il y a emprise
lorsque l'administration occupe ou prend possession d'une pro-
priété privée immobilière, ne fûl-ce que provisoirement. Peu
importe que l'atteinte portée à la propriété privée immobiliè-
re soit permanente ou momentanée, régulière ou irrégulière. De

ce point de vue, l'emprise régulière ou l'emprise irrégulière,
distinction qui n'existe pas dans la législation Camerounaise,
se reconnaissent en deux points essentiels : le premier est
relatif à son objet, car il faut convenir avec le juge qu'une
emprise concerne exclusivement un bien privé immobilier et non
une propriété mobilière. Le second paramètre caractéristique

de l'emprise est relatif à sa finalité, en ce sens que l'agis-
sement de l'administration vise à déposséder le propriétaire

de son bien immobilier. La réunion de ces conditions constitue
par conséquent cet ensemble que l' on appelle empri se.

Des
exemples classiques d'une telle mainmise de la puissance pu-
blique sur un bien privé immobilier se rencontrent soit avec

un ouvrage public construit par erreur sur une propriété pri-
vée (1), soit avec une délimitation irrégulière du domaine pu-
blic (2).

En substance, cette conception camerounaise de la théo-
rie de l'emprise s'apparente largement avec la définition
Française selon laquelle uil y a emprise lorsque l'administra-

tion porte atteinte à une propriété privée i".,l1obi l ière sous la
forme d'une prise de possession régulière ou irrégulière, mo-
mentanée ou définitive" (3). L'emprise ainsi perçue, consti-
tue, lorsqu'elle est irrégulière (4), un titre de compétence

judiciaire aux termes de l'article 9, alinéa 4 de l'Ordonnance
du 26 août 1972. Mais il reste à déterminer l'étendue de cette
compétence judiciaire au regard de la nature du contentieux
qui est susceptible de s'attacher à l'emprise.
(1) T.c. 3 novemhre 1958, Dame ROUAULT; même date, COU1U ..EAUD, Hec., p. Sl . au Cameroun. CS/CA, juge-
ment N° 22 du 30 novemhre 1978. ATANGANA NTONGA Sylvestre, précité (construction de la route YAOUNDt::r
08ALA sur certaines p<lrcelles de tcrains il11n1<llricult'cs <lrr<lrtefl<lnl il ATANGANA NTnN('A).
(2) C.E, 5janvier 1966, Epoux Mi\\JHA1: Rec. p. 2.
(3) André de LAUBADERE, JC<1n-C1<1ude VENFZrA, Yves (;A lJDI:,\\1Er, in Traité de droit <ldminislr<ltif. Tomc 1. 11 è édi-
tion, L.G. D.1 .. Paris, 1990, p. 329.
(4) Quoique la législation Carnerounnisc ne distinguc pas l'emprisc régulière dc l'emprise irrégulière, 1<1 jurisprudence
administrative. dans une formllie consacréc. dit que "/a compétc/lce dcs IribwJau" de l'ordre judiciaire (s'applique) à
l'emprise immobilière irrégulière", cf :décisions MElX)lJ (J<lslon ou i\\(ANGANA NTONGA Sylvestre, précitées

La jurisprudence administrative Camerounaise s'accorde
sur le principe selon lequel le titre de compétence des tribu-
naux de droit commun s'applique au contentieux des indemnités
dues par l' admi ni stration au propriétai re lésé. En d' autr'es
termes, la juridiction judiciaire a compétence pour indemniser
tous les préjudices se rattachant à l'emprise irrégulière (1).
Au surplus, cette même juridiction de droit commun peut
adresser des injonctions à l'administration, notamment pronon-
cer son expulsion, dans le but de mettre un terme à l'emprise
irrégulière. Car rappelons que le texte de l'Ordonnance du 26
août 1972 dispose que les tribunaux de droit commun connais-
saient des emprises "et ordonnent toute mesure pour qu'il y
soit mis fin". Il s'agit là d'un pouvoir exceptionnel visant d
imposer, à l'administration une obligation de faire ou de ne
pas
faire,
et dont
la
juridiction administrative s'est
toujours refusée à user (2).
Par contre, les tribunaux de droit commun ne peuvent pas
apprécier la légalité des actes ayant créé une emprise. Même
si l'Ordonnance du 26 août 1972 ne fait guère allusion à ce
titre de compétence, le juge administratif, dans l'affaire
KOUM JEMBA Joseph du 24 avril 1986, a considéré que "s'il ap-
partient au juge administratif de constater l'existence d'une
emprise, d'en apprécier le caractère régulier ou irrégulier,
seul
le juge judiciaire a compétence pour octroyer des dom-
mages-intérêts" à titre de réparation. Lorsque le problème du
contrôle de légalité se pose devant le juge judiciaire, on
doit par conséquent déduire qu'il s'agit d'une question préju-
dicielle devant laquelle ce juge de droit cOlmlun doit surseoir
à statuer et qu'il doit renvoyer au juge administratif.
(1) "La compétence des Iribunmn de droil commun esi !Orale el s'élend.rur l'cl/scmble du préjudice résullanl de l'em-
prise immobilière irrégulière" 'l'clic est la fomlllic quc Ic juge administratif a constamment utilisée à l'adresse des
justiciables l'ayant saisi par ignorance des règlcs de compétcncc juridictionncllc sur Ic contcnlicu;r,. dc l' cmprise.
Dans sa récente décision KOUM JEMBA Joseph, il y ressort c:r..plicilcmcnt que "scullc ju~e judiciaire a compétence
pour octroyer des dorwnages-intlrêLf"
(2) Jugement N" 9/86-87/CS/CA du 23 décembre 1986, NGHE BABOUGIIE Thomas c/Commune urbaine de BAFOUS-
SAM, précité (La juridiction administrativc sc déclarc inCl)mpélcnte pour adresser des injonctions à l'administration
en ordonnant, comme l'y invite Ic rcquérant, "cnlèvcment dcs bomcs Implantécs sur son terrain ainsi que l'arrêt im-
médiat des travau;r,. cntrcpris sur cc terrain par ladite municipalité).

En somme, l'emprise lorsqu'elle est irrégulière, consti-
tue une atteinte administrative portée à une propriété privée
immobilière et dès lors déférable devant les tribunaux de
droit commun. Cette compétence juridictionnelle s'applique
tout aussi en matière de voie de fait administrative.
2: LA VOIE DE FAIT
C'est également l'article 9, alinéa 4 de l'Ordonnance du
26 août 1972 qui dispose, comme c'est le cas de l'emprise, que
les tribunaux de droit commun llconnaissent, en outre, ... des
voies de fait administratives et ordonnent toute mesure pour
qu'il y soit mis fin". Il se pose alors le double problème ju-
ridique de la signification de la notion de voie de fait admi-
nistrative ainsi que des méandres de son régime juridiction-
nel.
Loin d'être une création du droit positif Camerounais,
la voie de fait administrative trouve sa source originelle
dans la jurisprudence administrative française, selon qu'il
s'agi~
de décisions du Tribunal des conflits ou de celles du
Conseil d'Etat.
Dans le premier cas, le Tribunal des conflits avait dé-
fini la voie de fait comme une llmesure manifestement insuscep-
tible de se rattacher à l'application d'un texte législatif ou
réglementai re"

(1). A quelques di fférences termi nologiques
près, le Conseil d'Etat reprenait fondamentalement que par
voie de fait administrative, il faut entendre toute l~esure
manifestement insusceptible d'être rattachée à l'exercice d'un
pouvoir appartenant à l'administration" (2). Le Tribunal des
(1)T.C., 4juin 1940, SCHNEIDER, Rcc., p. 2<18, ou 17 février 1947, Consorts PERRIN, Rec., p. 501 ;
(2) C.E., 18 novembre 1949, CARLlER, Rec., p. 490 , R.DP 1950, p. 172, conclusions GAZIER, note M. \\VALI-
NE, p. 181 ; J.c.p 1950, Il, 5535, note VEDEL, S. 1950,3, p. 49, note DRMiO'
"considérant qu'il résulte de l'imtruction qlle le cmruniHaire de police de Chartre.ç a procédé le 29 scptembre 1938,
sur l'ordre du préfet d'F..ure etl.nir, à la SIIisie de plusieurs plaque.ç photographiques appartenant au sieur CAI?UEI? et
sur lesquelles celui-ci venait dc l'rendre des vues extérieures de la Cathédrale de Chartre.ç .. que cette saisie, qui appa·
rait dans les circonstances de l'affaire cO/rune manifestement i/l.wscepti!Jle d'être rattachée à l'exercice d'un pouvoir
appartenant à l'administration, cOlLHitue une l'oie de fait .. que, dès Ion, les tribunalH judiciaires sont seuls compé-
lents pour statuer sur l'action ... "

conflits s'alignera du reste sur cette position du Conseil
d'Etat afin, sans doute, d'uniformiser, dans des termes iden-
tiques, la traduction littérale de la voie de fait administra-
tive (1).
Une telle identité de conception est aujourd'hui vé-
rifiée dans les conditions même d'existence d'une voie de
fait. Une analyse des décisions se rapportant au contentieux
de ladite voie de fait devant ces deux hautes juridictions
fait apparaître ces quelques préalables:
- D'abord, en règle générale, la qualification de voie
de fait peut résulter de ce que l'administration procède d
l'exécution matérielle d'une décision, telle l'exhumation de
corps enterrés dans un cimetière (2)
- Ensuite, la formule retenue par la jurisprudence afin
de caractériser la voie de fait consiste en une irrégularité
"manifeste" commise par l'administration. Ce critère témoigne
en tout cas de la grossièreté de l'agissement reproché à l'au-
torité administrative;
- Enfin et surtout, la voie de fait se définit par son
objet: il s'agit d'une atteinte au droit de propriété ou d
une liberté publique.
Dans cette troisième perspective, il est aisé de consta-
ter que la voie de fait déborde considérablement le cadre du
concept de l'emprise. Comme l'emprise, en effet, la voie de
fait touche tout aussi la propriété immobilière. A la diffé-
rence de l'emprise, la voie de fait est susceptible de porter
atteinte d la propriété mobilière (3). Bien plus, la voie de
fait peut consister en une atteinte d la liberté individuelle
(1)T.C 27 juin 1966, GUIGON, D. 1968, P 7, notc IX)UENCE : A.JDA 19(,(" p. 547, note A. dc LAUI3ADERE:
J.CP. 1967, H, 15135, Conclusions L1Nl:xJN; ct plus récemment, T.C 9 juin 1986, EUCA1: Rcc., p. 30l :
"considérant que l'ordre de retirer son passeport à M. EUCAT. au motif qu'il était redevable de lourdes impositions et
n'offrait pas de garanties de solvabilité. Ile découle ni de poursuites l'éllales, IIi de la mise à exécUlioll d'ulle
contrainte par corps: qu'ulle telle mesure, qui porte atteinte à la liberté ci-dessus défillie, e.rt manifestement ill.fUS-
ceplible de se rattacher à l'exercice d'ull pouvoir conféré par la loi à l'administration l'our assurer le recouvrement
d'implJLf direCLf : qu'elle cOllstitue dOliC une voie de fait".
Par contre. le retrait d'un passcport n'cst guère constilutir de voie de rait si l'administré rait l'objet d'une condamna-
tion pénale impliquant au besoin la contrainte par corps' 12 janvier 1987, GRIZIVATZ, Rec. p 443.
(2) TC 25 novembre 1963, commune de Saint Just Chaleyssin, Rcc.. p. 793, conclusions CI IARDEA U.
(3) Jurisprudence CARLlER, suscitée: ou CE. 10 octobre 1%9, consorts MUSELlER, Revue adminislrative, J 970,
p. 29, conclusions BRAmANT, RDP 1970, p. 77'1, noIe WALINE. D. 1970, chrono BOeKEL, p 29

ou même d une liberté publique quelconque (liberté de presse,
de culte, inviolabilité du domicile, etc. .. ). Dès lors que
l'on peut isoler des cas de voie de fait sans emprise, la
théorie de la voie de fait ne fait pas double emploi avec
celle de l'emprise et ne saurait se confondre avec elle,
contrairement à une certaine opinion (1).
C'est d peu près sous cette forme que la théorie de la
voie
de
fait
a
été
érigée
par
le
juge
administratif
Camerounais. A ce jour, l'état du droit jurisprudentiel sur
cette question est constitué par cinq décisions susceptibles
d'une classification duale.
La voie de fait administrative constitutive d'une at-
teinte portée d un droit de propriété mobilier ou immobilier
fut tout d'abord amorcée dans l'affaire Max Keller NDONGO (2).
La réquisition donnée par le Secrétaire d'Etat aux Finances du
Cameroun Oriental au Commissaire Central de YAOUNDE de saisir
une voiture alors que celle-ci avait été achetée par le requé-
rant au cours d'une vente aux enchèrespubliques avait été qua-
lifiée, par le juge administratif, Ilde voie de fait, c'est-à-
dire un acte tellement irrégulier qu'il perd son caractère ad-
ministrati f ... ".
Tel fut ensuite le cas de la salSle des marchandises ap-
partenant d un contribuable récalcitrant. Le 18 août 1964, le
sieur MVE NDONGO, Préfet du département de la BOUMBA-NGOKO,
avait fait saisir, de sa propre initiative, 3.782 Kg de cacao
et autres marchandises appartenant au sieur NGADA Victor, com-
merçant à YOKADOUMA, au motif que celui-ci était redevable
vis-à-vis de l'Etat d'une somme de 400.000 F.CFA. Alors qu'au-
cune disposition législative ou réglementaire n'autorisait
l'autorité préfectorale d procéder une telle saisie, notamment
(1) P. LAROQUE, Note sous TC, 4 Juillet 1934, curé de Réa/Illont, S. 1935,3, (7
(2)· C FJ/S.C A. Y., A rrêt N° 20 du 4 novemhre 196(" Décisioll coullmlative., de l'Assemhlée Plénièrc de la Cour
Fédérale de Justice N° 8 du 1G octohre 1968, contre "Etat fédéré du Cameroun oriental.

les articles 261 d 275 du Code Général des impôts sur le "re-
couvrement des impôts et poursuites", le juge administratif
estima que "1 a mesure i ncrimi née. .. consti tue une voi e de
fait", tout en précisant dans une double formule révélatrice
qu' i l s ' agi t d' "actes te 11 ement i rrégu li ers qu' ils perdent
leur caractère administratiF" ou, conformément au vocabulaire
consacré par le juge français, de "décision manifestement in-
susceptible d'être rattachée à l'exercice d'un pouvoir appar-
tenant à l'administration" (1).
Le juge administratif usa enfin des mêmes formules pour
caractériser la voie de fait administrative d propos de la
saisie de bien mobiliers et immobiliers de la Société NANGAH
COMPANY Ltd, pratiquée le 15 juillet 1982 par le Trésorier -
payeur de BUEA, au motif que ladite société n'avait donné au-
cune suite au commandement qui lui avait été servi le 22 juin
1982 et visant d payer au fisc l'énorme somme de 970.710.967
F.CFA (2).
Bien au-deld de la violation, par la puissance publique,
du droit de propriété privée mobilière ou immobilière, la voie
de fait administrative sera jurisprudentiellement consacrée
sur le terrain des libertés publiques ou individuelles (3).
On se souvient, d'une part, que le juge de l'affaire
Dame BINAM née NGO NJOM Fidèle (4) avait qualifié de voie de
fait administrative, une décision de suspension de fonction-
naire au
regard des conditions de mise en oeuvre de sa publi-
cité (5):
(1) Arrêt W IO/CFJ/AP du 17 octohre I%R.
(2) Jugemeni''i5/CS/CA/86-87 du 29 janvier 1987, NANGAII Company Ltd clEtal du Cameroun
Un récent dépouillement de la jurisprudence résultant des décisions rendues par la chambre administrative consacre un
quatrième cas de voie de rait sur le terrain de la propriété privée mobilière; jugement W 39/92-93 du 29 avril 1993,
ENA MI3ALLA Hubert C/Communaulé Urbaine de Yi\\OUNDE: ?'t propos d'un litige relatir il la mise à la rourrière d'un
véhicule de particulier par les services de la municipalité, le juge administratir se déclare incompétent pour connaître
d'un tel recours mellant en exergue la "voie de fait adminl~çtrative", laquelle se résume, comme cela est de tradition
dans son vpcabl!laire jurisprudenliel, à "/III acte tellement irrégulier qu'il perd tOllt caractère administratif".
(3) Il raJl:rel~~;:Sque le traditionnel dyptique libertés publiques-libertés individuelles n'est guère exempt de critique
dans la mesure où le premier concept s'oppose à celni de lihcrtés privées tandis qu·; le second a pour contraire le
concept de libertés collectives.
(4) Jugemenl W 12/CS/CA du 28 janvier 1982. précité.
(5) En erret, la mesure de suspension prononcée à l'enconlre,du Dr. I3IN;\\~l avait rait l'ohjet du titre des deux grandes
éditions du journal parlé de Radio-Cameroun dans la journée du 6 avril 1978. Au surplus, le grand quotidien national
d'informations écrites, Ci\\MEROON·TRIIlUNE N° Il,10 du H avril de la même année. avait publié ell troisième page
ladite mesure en ces tenlles
"'J'ollr corrul'lioll <lcli,·", 1<11 docl,'ur ('sc SIU/,,,"du ci" .,·"s jOlleriolls··, loul "Il cilanl I\\lltll\\'-
melllie docteur I3INAM. née NGO NJOM Fidèle.

'~ttendu ... qu'il ya lieu de constater que la publici-
té accordée à la décision ND 1023/D/MSP/DAG/SCX du 6 avril
1978 porte atteinte à l'inviolabilité de la personne qui a
droit
à son intégrité tant physique que morale;
Que cette atteinte à une liberté individuelle consti-
tue ... une voie de fait administrative qui donne compétence au
juge judiciaire pour statuer .
.. ".
Plus récemment, la chambre administrative de la Cour
Suprême s'est déclarée incompétente pour connattre d'une af-
faire constitutive de voie de fait administrative, notamment
l'arrêté ND 09/SG/MJ du 5 janvier 1982 prise par le Ministre
de la Justice, garde des sceaux, interdisant un notaire à la
Sème charge du T.P.I. de YAOUNDE d'exercer ses fonctions jus-
qu'au terme des poursuites pénales et disciplinaires engagées
contre lui (1).
Si l'on ne peut que souscrlre au contenu de ces précé-
dentes décisions de justice administrative qui réitèrent la
compétence matérielle de la juridiction judiciaire pour sta-
tuer sur tout contentieux se rapportant à une voie de fait, ce
qui est du reste conforme aux règles de répartition des compé-
tences
juridictionnelles
prévues
par
l'article
9
de
l'Ordonnance du 26 août 1972, il convient toutefois de tracer
les limites du pouvoir d'intervention du juge de droit commun.
En cas de voie de fait, le juge judiciaire dispose de
pouvoirs assez étendus. Il a en effet compétence exclusive
pour se prononcer sur la réparation des dommages nés de l'ac-
tion administrative (2). Il dispose en outre du pouvoir d'a-
dresser des injonctions à l'administration en vue de faire
cesser la voie de fait par des expulsions, des destructions,
des restitutions etc ... (3).
(1) Jug::ment ADDl7ü/CS/CA/'XJ-91 du 31 janvier 1991. NOUIlLE SIMO David clElal du Cameroun (Ministère de la
Justice), précité.
(2) Jugement N" 12/CS/CA du 28janvier 1981. Darne IJINAM, précité.
"Attendu ... que celle alleinte à une liberté indil'iduelle constitue ... une l'oie de fait odmùri.flratil'e qui donne compé-
tence aujuge judiciaire {'our .flatuer.wr la demande en d011l1na8e.f-intfrfLf {'réuntéc {'or Ir docteur HINA/t.f'.
(3)'L'arlicle 9. alinéa 4 de l'Ordonnance du 26 aoOI 1971 dispose que les Iribul1au.~ de droit comlllun "connaissent.
des voies de fait administratives et ordonnent toute memre l'our qu'il y .fOit mis fin . ..

Toutefois, le juge judiciaire n'a nullement le pouvoir d'annu-
ler l'acte administratif constitutif de voie de fait. Car, aux
termes de l'article 9, alinéa 4 de l'Ordonnance du 26 août
1972, "il est statué sur l'exception préjudicielle soulevée en
matière de
voie de
fait
administrative par
l'Assemblée
Plénière de
la Cour Suprême",
laquelle Assemblée est, au
Cameroun, le degré supérieur de la juridiction administrative.
Cette option du droit Camerounais entraîne la même conséquence
tant à l'égard du juge judiciaire que de son homologue admi-
nistratif de premier ressort:
Devant le juge judiciaire, s'il se pose le problème de
la constatation de la voie de fait et de l'appréciation de
l'irrégularité de l'acte administratif générant ladite voie de
fait, ce dernier doit renvoyer cette appréciation au juge ad-
ministratif d'appel, l'Assemblée Plénière de la Cour Suprême
en l'occurrence, à titre de question préjudicielle;
Si c'est la chambre administrative de la Cour Suprême
qUI est saisie du problème, elle doit se déclarer incompéten-
te, puis surseoir à statuer et renvoyer la question devant la
même Assemblée Plénière qui tranchera sur l'existence ou non
d'une voie de fait dans l'activité administrative. Une juris-
prudence récente illustre cette seconde hypothèse.
Dans le jugement NANGAH COMPANY Ltd du 29 janvier 1987,
on rappelera que le recours contentieux du justiciable tendait
à faire déclarer l'illégalité de la saisie de ses biens mobi-
liers et immobiliers par le trésorier payeur de BUEA et à
condamner l'administration à réparer le préjudice subi évalué
à 3.000.000.000 F CFA.
"En application de l'article 9, alinéa
4 de
l'Ordonnance du 26 août 1972,
rétorqua
le juge,
la
chambre administrative se déclare incompétente pour statuer
sur les questions préjudicielles soulevées en matière de voie
de fait administrative".

Tel fut encore le cas du jugement avant dire droit NüU-
FELE SIMO David du 31 janvier 1991 dans lequel le requérant,
notaire de son état, sollicitait la chambre administrative aux
fins, entre autres, d'annulation de l'arrêté ministériel lui
interdisant d'exercer ses fonctions jusqu'aux termes des pour-
suites pénales et disciplinaires engagées contre lui. A l'ap-
pui de sa requête, Maître NOUFELE argua que la décision du
Ministre de la Justice, garde des Sceaux de la République,
était une pure voie de fait. La chambre administrative de la
Cour Suprême se déclara incompétente dans la présente instance
et décida dans l'article 2 du dispositif de l'acte juridic-
tionnel "qu'il est sursis à statuer sur la question préjudi-
cielle de voie de fait". Cet état du droit Camerounais marque
en tout cas la restriction de la compétence juridictionnelle
sur ce problème précis de la voie de fait, alors qu'en droit
Français, le juge administratif partage avec le juge judiciai-
re le pouvoir d'annuler l'acte administratif constitutif d'une
telle atteinte administrative au droit de propriété et aux li-
bertés (1).
En somme, les atteintes administratives classiques au
droit de propriété et aux libertés que constituent l'emprise
et la voie de fait ressortissent à la compétence matérielle du
juge judiciaire. Et ce n'est guère un hasard si ce dernier de-
meure compétent pour statuer sur tout litige relatif à l'in-
demnisation d'une expropriation pour cause d'utilité publique,
puisqu'une telle opération étatique implique tout autant une
évidente érosion du droit de propriété.
(1) T.c. 27 juin 1966, GUIGON, précité:
"considérant ... qu'en raison de la gravité des alleintes ainsi portées à l'inviolabilité du domicile, ces décisiolU,
manifestement insusceptihles de se rallacher à l'exercice d'/III pouvoir appartenant à l'administration, étaient
constilutives d'une voie de fait et doil'ent, par .ruite, être re,lIardées cOl/vne des ac/es nllis et non avenlls
.. qll 'il appar-
tienttant à la juridiction administrative qu
'd l'autorité judiciaire de cOllstater celle lIullité... "
TC. 8 mai 1968, THOREL, Rec. p. 285 ;
"Considérant qu'il appartient à la juridiction administratil'e de connaître du recours pour exci!s de pouvoir, lequel
n'est accompagné d'aucune conclu.çion au.t fins d'indemnité, dirigé contre la décision administrative susmention-
née, sail en vue d'en prO/loncer l'annulation dalH le cas ml elle se rhélerait illégllle soit pour la déclarer nulle et
non avenue dans le cas où elle Jerait constitutive d'une voie de fllit .. que, dès lors. c'est à tort que, par le jugement at-
laqUé, le trihunal administratif a rejeté la demande du sieur THORF:1. cOI/une portée de\\'(l/It une juridiction ilrcompé-
tente pour en connaître
... ".

B : LE CONTENTIEUX DE L'INDEMNISATION TENANT A L'EXPRO-
PRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE
('est l'Ordonnance N° 74/3 du 6 juillet 1974 relative à
la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique et
aux modalités d'indemnisation qui, en abrogation du droit an-
térieur (1), fixe actuellement les règles contentieuses en la
matière. Il en ressort explicitement que la compétence de la
juridiction judiciaire se limite au règlement des questions de
réparation pécuniaire. Quant aux opérations normatrices pro-
prement dites initiées par les autorités administratives au
cours de l'expropriation, il est juridiquement justifié de dé-
duire que le contentieux qui s'y attache appartienne pleine-
ment à la juridiction administrative, en ce sens qu'il soulè-
ve, entre autres, des questions d'excès de pouvoir.
1 : PRINCIPE: LA COMPETENCE JUDICIAIRE EN MATIERE DE REPARA-
TION DU PREJUDICE.
L'expropriation pour cause d'utilité publique en elle-
même n'est nullement définie par l'Ordonnance du 6 juillet
1974. Cette lacune majeure du texte juridique est néanmoins
comblée par une définition doctrinale selon laquelle l'expr'o-
priation s'identifie à "une procédure unilatérale de droit pu-
blic par laquelle une collectivité publique appréhende la pro-
priété d'un immeuble ou d'un droit réel immobilier
et excep-
tionnellement un droit incorporel dans un but d'utilité pu-
blique et moyennant une indemnité juste et préalable". (2).
(1) Loi N° 66-2/Lrt44 du JO juin 1%6 relative à l'expropriation pour cause d'utilité puhlique. JI faut cn outre souli-
gner que le texte nouveau du 6 juillet J974 a été récemment complété par la loi N° 85-09 du 4 juillet 1985 relali ve,
elle aussi, à r expropriation pour cause d'utilité publique et au.' modalités d'indemnisation. A ux termes de l'article 4,
alinéa 2 de la loi susvisée, ''l'exprnpriatioll ou\\'re droit à une indemnisatioll préalahle". Celte disposition comble
ainsi partiellement Ja lacune de l'Ordonnance de 1974 qui n'avait guère qualifié ladite indcmnisation ni de "préa-
lable" ni de "juste" comme cela est de tradition en droit rrançais.
(2) Joseph OWONA, Droit Administratif spécial de la Républiquc du Cameroun, op. cit., p. 98 ; du même auteur:
Lexpropriation pour cau.~e d'utilité puhlique, chal' XVI, Torne V de l'Encyclopéd:e juridique de "Afrique, Les
Nouvelles Editions Africaines, A bidjan, Dakar, Lomé, 1982, pp 27 J - 293.
Bien avant celte définition proposée par la doctrine, le juge administratif Camerounais avait déjà considéré que
"l'expropriation l'our cause d'utilité publique est une opératioll adlllillistf({tive par laquelle l'administration
contraint un particulier à lui céder la propriété de son immeuble dont elle a be.ro;', l'our la réalisation d'ull objet
d'intérêt généra/" (Arrêt rOUDI\\ Mf1A LI.A 10- !a lIIi cc dll R jllill 1')71. l'n'cité. 110tC Io-lichel PROIJZET, ReD., 197'2, N°
i. janvier-juin, p. 40)

L'expropriation pour cause d'utilité publique est donc
un mécanisme étatique exhorbitant d'acquisition des sols (1),
fondé sur la poursuite d'une fin utilitaire suprême (2), et
nécessitant une indemnisation du particulier désormais privé
de son droit de propriété (3).
La question qui peut se poser est de savoir si l'indem-
nité octroyée à l'administré compense incontestablement les
dommages intervenus à la suite de la spoliation de sa proprié-
té. Dans la négative, quelle est la garantie que l'Ordonnance
du 6 juillet 1974 offre à l'exproprié afin de recueillir une
indemnité à la mesure des biens cédés? Cette garantie est, en
dernier recours, juridictionnelle dans la mesure où l'ordon-
nance susvisée lui permet d'assigner l'Etat devant le juge ju-
diciaire. La ccrnbinaison des articles 11, 12 et 13 du texte de
l'Ordonnance procède à cette dévolution dudit contentieux à
la juridiction de droit COOVl1un en ces termes:
(1) L'Etat Camerounais a maintes fois fait usage de celte technique d'expropriation dans le but de réaliser ces opéra-
tions ci-après:
· Construction du chemin de fer tranSC:lfllcHlunais (Décret N° (yl-IR7/COR du \\6n(wcflIhre 1'X>'1) ;
· Installation des services d' hygiène mohile et de la pharmacie centrale d'approvisionnement (Décret N° (>8-
119/COR du 6 aoOt 1968) ;
· Etablissement des services administratifs non nomément désignés (Décret N° 71-131 /COR du 30 juin 1971) ;
, Travaux d'extension de l'aérodrome de YAOUNDE (Décret N° 71-1 53/COR du 13 aoGt 1971) ;
, Aménagement d'un collège d'enseignement technique (Décret N° 71-\\75/COR du R octobre 1971) ;
· Exécution du plan palmier (Décret N° 71-21O/COR du 1er Décembre 1971) ;
, Extension d'un collège d'enseignement secondaire (e. ES.) et de la délégation provinciale de "Education Nationale
du Centre à Elig ESSONO (YAOUNDE): Décret N° 85-1624 du 21 novembre 1985, etc ..
(2) Article 12 de l'Ordonnance N° 74/1 du 6 juin 1974 fixant le régime foncier: "four la réalisation des objectifs
d'intérêl général, l'Elat peut recourir à la procédure d'expropriation, Celle procédure est engagée soit directement
lorsqu'elle vise à réaliser des opérations d'intérêt public économique
01/ social, soil indirectement à la demande des
comnwnes, des établissement.r publics ou de concessionnaires de service publù.'
"
(3) Le préambule de la constitutioll du 2 juin 1972 affimle que "la pmpriété est le droit d'user, de jouir et de disposer
des biens garantis à chacun par la loi. Nul ne saurait en être pril'é si ce n'est pour C!lIIse d'utilité publique et sous la
condit'on d'une indelllnisation dOllt les lIIolialitfs SOllt fi'-üS par la loi".


"En cas de contestation sur le montant fixé par le dé-
cret d'indemnisation,
l'exproprié adresse une réclamation au
Préfet du département du lieu de l'expropriation qui en saisit
la commission prévue à l'article 4 ci-dessus (1).
Le Président de la commission notifie aux parties inté-
ressées le jour, l 'heure et le lieu de la réunion. Les parties
sont entendues par la commission. Celle-ci ne peut valablement
délibérer que si trois membres au moins dont le Président,
sont présents.

Un procès-verbal est établ i et adressé au
Ministre chargé des Domaines,
qui en cas de rejet de
la
contestation, notifie aussitôt sa décision au requérant.
S'il n'est pas satisfait de la décision du Ministre, il
saisit,
dans
le mois de
la notification,
le Tribunal
de
première
instance
du
lieu
de
situation
de
l'immeuble.
Conformément à la procédure et sous réserve des voies de re-
cours de droit commun, le Tribunal confirme, réduit ou augmen-
te le montant de l'indemnité suivant les règles d'évaluation

fixées par la présente Ordonnance (2)".
(1) Il s'agit précisémenl de la commission J'évillualion composée du Préfet du département intéressé ou son représen-
tant (Président), du représentant départcmental Ju Scrvice Jcs Domaines (Sccrétaire), J'un géomètrc du Cadastre, J'un
tcchnicien de la Construction ct d'un tcchnicicn Je l'Agriculture (membres) Sa compétence consiste, entre autres, à :
· déterminer la consistance dcs hicns objets de l' c"proprialion,
· invcntorier les divers droits mis en causc el J'en idcntilïer les titulaircs,
· expertiser les éléments matérialisant la mise en valeur,
· procéder au bornage du terrain en cause.
(2) Ces règles sont décrites dans les arlicles Ret 9 qui, cn subslance, disposenl quc l'indcmnité J'c:o;propriation rx>rte
sur le dommage matériel Jircct, immédiat ct ccrlain causé ra, l'éviction. Au surplus. celte indclllnitl' rcpn.~c sur la va-
leur des cultures détruites déterminées conformémcnl au" barèmcs cn vigueur, la valcur des constructions ct autres
aménagements ainsi que celle du lcrrain vierge.

Tirant les conséquences des présentes dispositions, le
juge administratif a constamment opposé son incompétence maté-
ri.elle face aux requêtes contentieuses à lui adressées et

concernant la contestation de l'indemnisation en matière d'ex-
propriation pour cause d'utilité publique (1). Car en applica-
tion des règles de répartition des compétences juridiction-
nelles prévues à l'article 9 de l'ordonnance du 26 août 1972,

il connaît principalement du contentieux de l'excès de pouvoir
contre les décisions administratives. Seul le contrôle de ré-
gularité des actes administratifs de la procédure d'expropria-
tion lui incombe.

2: LIMITES: LE CONTROLE DE REGULARITE DES ACTES ADMINISTRA:
TIFS DE LA PROCEDURE D'EXPROPRIATION.
Considérée comme une procédure administrative unilatéra-
le, l'expropriation pour cause d'utilité publique est décidée
par
la voie de l'acte administrati f,
lequel
justi fie en
conséquence l'intervention éventuelle de la juridiction admi-
nistrative compétente en matière de contentieux des actes nor-
mateurs de l'administration.
0) C.FJ.JC.A.Y., arrêt N° 192 du 25 mai 1972; DJOKO Siméon c/Etat du Cameroun,
· Jugement N° 55/CS/CA du 30 septemhre 1982, KOUANG Guillaume c/Etilt du Cilmeroun ,
· Jugement N° 93/82-83 du 28 juillet 1983, MONVOISIN Robert Louis et Entreprise Générale de Constructions des
Travaux publics ciEtat du Cameroun:
· Jugement N° 70/85-86 du 29 mai 1986, Mme veuve ONGONO Régine ciEtat du Cameroun,
· Jugement N° 21/86-87 du 26 mars 1987, MPOUMA MESSACK ciEtal du Cameroun.
· Jugement N° 32/86·87 du 30 avril 1987, Capitaine RMvf-CAYA Albert ciElat du Camcroun ;
· Jugement N° 59/88-89 du 29 juin J 989, fANKWE John ciEtat du Cameroun (tvllNUII). Saisi d'une requête lendant au
paiement de la somme de 5000.000 r. C.FA. à titre d'indemnisation pour expropriation, le juge administratif aflïr-
me que "les litiges né.r de l'expropriation n'entrent pas dans le domaine du cOl/tentieux administratif (défini à l'ar-
ticle 9, alinéa 2 de l'Ordonnance du 26 août 1972) et échappent donc il la compétence de la juridiction de céam". Un
tel raisonnement est faux dans la mesure où seul le contentieux de l'indemnisation en matière d'expropriation pour
cause d'Ulilité publique relève de la juridictioll judiciaire, tandis que le litige sc r:lpportant au contrôle de légalité des
actes administratifs d'une opération d'expropriatioll ressortit à son champ de compétencc.

341
a : les actes administratifs
Au rang des actes administratifs de la procédure d'ex-
propriation figure le décret d'expropriation Cl) susceptible
de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir émanant de
la personne expropriée. En raison de son caractère annulable
par le juge administratif, ce décret peut juridiquement être
attaqué sur la base des moyens prévus à l'article 9, alinéa 2
Ca) de l'Ordonnance du 26 août 1972. S'agissant tout d'abord
des moyens d'illégalité externe, l'incompétence matérielle de
l'auteur de l'acte est désormais susceptible de constituer un
argument contentieux considérable depuis que l'exercice du
pouvoir réglementaire est partagé entre
le
Président
de
la
République et le Premier Ministre (2). Seul ce dernier a en
effet compétence pour
prendre un décret d'expropriation,
puisqu'aux termes de l'article 2, alinéa 2 du décret N° 91/282
du 14 juin 1991 définissant ses attributions, uil prend égale-
ment des actes individuels sous forme de décret ... concer-
nant. .. les expropriations et incorporations au domaine privé
de l'Etat, (ainsi que) l'indemnisation des victimes des me-
sures d'expropriation pour cause d'utilité publique".
En marge de cette question théorique des règles de com-
pétence, le décret d'expropriation ainsi émis par le Premier
Ministre peut être déféré au juge administratif sur la base
d'un moyen d'illégalité interne, tel la violation d'une dispo-
sition légale, car un tel décret est conditionné par la procé-
dure préétablie dans l'Ordonnance N° 74/3 du 6 juillet de
1974.
Il faut d'autre part et surtout relever que l'acte admi-
nistratif d'une opération d'expropriation concerne parallèle-
ment l'arrêté déclaratif d'utilité publique pris par l'autori-
té administrative ministérielle (3). Le contrôle juridiction-
(1) L'article 1er, paragraphc 1 dc l'Ordonnancc N° 7,11:1 du fi juil/cI 1')7·\\ rclalin' ;'\\ la pnx:édurc d'cxpropriation pom
cause d'utilité publique ct aU,~ modalités d'indemnisation dispose que ''l'exprnpriation pour cause d'utilité publique
est prononcée par décret au tenne de la procédure définie par la présente ordonnance"

(2) Cr. article 9 (nouveau), paragraphes 4 et 5 de la constitution du 2 juin 1972 (Loi de révision constitutionnelle N°
91/001 du 23 avril 19(1)
(3) Article 4, paragraphe 1 de l'Ordonnance N° 74/3 du (, Juillcl 1')7·1
"I.e Mini,rlre chargé des /){)mtlln(~s prend lm
arrêfé déclarant d'utilité publique les travaux projetés et prescrit une enquête préalable qui est conduite par le Préfet
du département où est situé /'immeuble cl exproprier",

nel qui s'y attache consiste essentiellement à sanctionner
tout détournement de pouvoir de la part de l'administration.

On peut en effet légi timement penser que ((sous le couvert de
la notion éminemment abstraite d'utilité publique" (1), l'au-
torité administrative y trouve un
Itdomaine d'élection des
excès de pouvoirs" (2), susceptible "d'ouvrir la voie à beau-
coup d'abus qui suscitent le mécontentement des populations"
(3). Pour palli.er cette
Itextensibilité indéfinie" (4) de la
notion d'utilité publique, la juridiction a~ministrative, dans
sa décision FOUDA MBALLA Maurice du 8 juin 1971, a annulé pour
cause de détournement de pouvoir un acte déclarant d'utilité
publique une opération d'aménagement urbain visant exclusive-

ment à satisfaire les intérêts particuliers du personnel d'un
concessionnaire de service public au détriment de l'intérêt
général des populations de la ville de YAOUNDE.
Toutefois, dans cette seconde hypothèse du contrôle de
régularité de l'acte administratif de la procédure d'expro-
priation pour cause d'utilité publique, le juge administratif

Camerounais a étalé les limites de son contrôle, et non des
moindres, à l'occasion d'une requête contentieuse visant à
sanctionner le non-respect de la destination d'utilité pu-
blique, laquelle fonde justement toute opération d'expropria-

tion.
b : Le non-respect de la destination d'utilité publique et le problème de la
rétrocession.
L'affaire Dame veuve ONGONO Régine, qui en est la par-
faite
illustration, mérite
d'être
examinée
dans les dé-
tails (5).
(1) Michel PROUZEr. l' cxpropriation pour causc d'utilité puhliquc au Camcroun Oricntal, RC.D. N° l, janvicr-juin
1972. p. 28.
(2) Alexandre Dicudonné TJOUEN, Droits domaniaux Cl Icchniqucs foncières cn droit Camerounais (étude d'une réror-
me législative), Economica. paris. 19R2, p 79
(3) Maurice KAMTO. Introduction au droit de l' Urb:mismc du Camcroun, R DP. 198B, P 1625
(4) Joseph OWONA. Droit adrninistratir spéciaL, op. cil. p 102.
(5)" Jugement N° 12/C5/CA/83-84 du 26 mai 19~q dElal du Camcroull ; nolc t\\lauricc KA l'vITO, Rccucil PENANT
1989. pp 517-527.

A l'époque de l'Etat Fédéral, le décret N° 66/132/COR du
23 mai 1966 pris par le Premier Ministre de l'Etat Fédéré du
Cameroun Oriental avait déclaré d'utilité publique les travaux
d'extension de l'aérodrome de YAOUNDE sis à Ekounou, et par
décret N° 71-153/COR du 13 août 1971, la même autorité admi-
nistrative allouait aux personnes expropriées des indemnités
pour destructions de cases et arbres fruitiers. La dame veuve
ONGONO Régine était concernée par les mesures d'expropriation
puisqu'elle avait été indemnisée à hauteur de 2.047.840 F CFA
à raison de la démolition de ses constructions.
Cependant, une décennie plus tard, l'Etat n'avait guère
entamé, sur les terrains expropriés, les travaux d'extension
de l'aérodrome pour lesquels il avait recouru à la cession
forcée de la propriété immobilière. Dame veuve ONGONO Régine
conclut alors à l'abandon du projet d'aménagement en se fon-
dant sur "le fait que les maisons touchées par l'expropriation
ne sont pas détruites et que l'Etat a maintenu sur les lieux
le sieur MASSOT Jean dont il perçoit les loyers". Au surplus,
elle ne peut s'empêcher "de se demander si, sous le couvert de
l'expropriation, l'Etat a acheté ses maisons afin de les louer
à son tour et d 'y réa liser des bénéfi ces".
Aussi s'estime-t-elle légitimement fondée à demander à
l'Etat de lui rétrocéder ses constructions. Le 13 novembre
1980, elle adresse en ce sens un recours gracieux au Premier
Ministre de l'ex-République unie du Cameroun. Interprétant le
silence de l'Administration au bout de trois mois comme une
décision implicite de rejet, ce qui est du reste conforme au
droit positif, elle saisit la chambre administrative d'un re-
cours contentieux le 13 février 1981, enregistré le même jour
sous le N° 341 au greffe de ladite juridiction, lequel tend
doublement à l'annulation des deux actes administratifs de la
procédure d'expropriation ai ns i
qu'à la rétrocession par
l'Etat de ses immeubles.
Le juge administratif déclare la requérante irrecevable
en son recours, tout en motivant sa décision en ces termes
qu'il importe de reproduire :

ttAttendu que des
dispositions
de
l'article 12 de
l'Ordonnance N° 72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de
la Cour Suprême,
il découle que le recours devant la Cour
Suprême n'est recevable qu'après rejet d'un recours gracieux
adressé au Ministre compétent où cl l'autorité statutairement
habilitée à représenter la collectivité publique ou l'établis-
sement public en cause;
et que, d'autre part, le recours gra-
cieux en annulation d'un acte doit,
obligatoirement,
être
formé dans les deux mois de la publication ou de la notifica-
tion de la décision attaquée ;
Que par ailleurs, aux termes de l'article 7 de la loi N°
75/17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour
Suprême statuant en matière administrative,
les recours ...
contre les décisions administratives doivent, sous peine de
forclusion, être introduits dans un délai de soixante jours à
compter de la décision de rejet du recours gracieux;
Attendu qu'il suit de ce que dessus que les recours gra-
cieux du 13 novembre 1980 et contentieux du 13 février 1981
intentés en l'espèce par la demanderesse sont manifestement
tardifs pour avoir été formés plusieurs années après la publi-
cation au Journal Officiel
- suivie de l'exécution pour ce qui
est du décret N° 71/153/COR
- des actes attaqués ;
Attendu qu'au surplus, les problèmes domaniaux sont du
ressort du Ministre de l'Urbanisme et de l'Habitat; qu'il
s'ensuit que le recours gracieux adressé le 13 novembre 198@
au Premier Ministre de la défunte République Unie du Cameroun,
l'a été à une autorité incompétente;
Attendu que, de jurisprudence bien établie, ceCI équi-
vaut cl l'absence de recours gracieux préalable, et rend l'ac-
tion irrecevable".

On peut brièvement faire remarquer à la suite de ce ju-
gement de la chambre administrative que le juge Camerounais
s'est borné à examiner des questions de forme (1), à savoir
notamment si la requérante avait scrupuleusement observé les
règles de la dimension temporelle du recours contentieux ainsi
que celles qui ont trait à la formalité processuelle qu'est le
recours administratif gracieux préalable. Tout naturellement,
la chambre administrative ne pouvait qu'aboutir à une décision
d'irrecevabilité dans la mesure où Dame veuve ONGONO Régine a
actionné l'Etat en justice en contravention de ces quelques
normes de procédure dministrative contentieuse.
Néanmoins, une telle analyse est très superficielle, et!
partant, prête le flanc à la critique, en ce sens que lé pro-
blème fondamental posé par la requérante est purement et sim-
plement occulté: c'est celui de la rétrocession des immeubles
expropriés en raison du non-respect manifeste de la destina-
tion d'utilité publique par l'administration.
Il est clair que le juge de la présente espèce n'a guère
compris que la requérante ne pouvait valablement agir dans les
délais prévus par la loi puisque l'acte juridique de la procé-
dure d'expropriation ne faisait nullement grief à l'époque.
Dame veuve ONGONO Régine souligne d'ailleurs dans sa requête
que "l'utilité publique qu'il visait était certaine". Et c'est
seulement après une décennie que l'acte d'expropriation a gé-
néré ce préjudice qui, par voie de conséquence, appelle les
démarches admininistratives et contentieuses pour y mettre
fin. Comme conclut si bien le professeur KAMTO, "c'est donc le
préjudice qui est tardif et non pas le recours. Et c'est cette
tardivité dans l'apparition du préjudice qui fonde et ouvre en
droit la procédure de rétrocession mise en oeuvre en l'espèce
par la requérante".
(1) La primauté des paramètres conlenlieu:\\ fonllcls sur l'analyse au fond des litiges constitue un dogme en matière de
procédure de l'acte juridictionnel dans le contenlieu:\\ administratif CameroUJwis. Vuir à cet effet le jugement N°
13/92-93 du 31 décembre 1992, NTI MI3ENA Elie dUal du Cameroun· "A/lendu que ftl forme l'rime sur le fOlld (.) que
le recours de l'intéressé sem examiné toLll d'abord du poillt de vue de la recevabilité" et ce n'est que dans le cas où
cette dernière sera juridiquement valable que le juge st.atuera au fond de la contestation:
Voir en outre, dans Je même sens, le jugement N° 30/92-93 du 25 février 1993, ZElA NOU/vtENDJA LA André c1Elal
du Cameroun (MINA1')

L'opportunité était ainsi offerte au juge administratif
de fixer en jurisprudence cette question de la rétrocession
qui fait défaut au droit administratif Camerounais. Il ne l'a
pas fait. Et il Y a fort à craindre que cette jurisprudence,
qui vient renforcer la stratégie administrative Camerounaise
de l'absence de sanction en matière d'expropriation lorsque
cette dernière n'a pas reçu la destination d'intérêt général,
ne soit longuement maintenue au détriment des droits des vic-
times de l'expropriation pour cause d'utilité publique (1).
L'inquiétude qu'elle soulève est d'autant plus persistante
quand on sait que, par recours contentieux distinct de celui
du 13 février 1981, la même Dame veuve ONGONO Régine avait
porté le même débat devant la juridiction administrative,
contre les mêmes actes administratifs de l'opération d'expro-
priation, mais cette fois-ci à propos d'autres immeubles ex-
propriés. A la saisine de la requérante demandant au juge ad-
ministrati f d'ordonner la rétrocession par l'Etat de sa
concession ainsi que le remboursement du montant des loyers
perçus par l'Etat devenu propriétaire, le juge Camerounais se
réfugie dans un choix simpliste consistant à se déclarer in-
compétent en matière d'indemnisation consécutive à l'expro-
priation pour cause d'utilité publique. (2).
Finalement, on ne saurait manquer de s'interroger sur
cette attitude du juge administratif Camerounais qui a pour-
tant le traditionnel réflexe de s'inspirer de la culture juri-
dique Française, laquelle est résolument favorable aux garan-
ties octroyées à l'exproprié chaque fois que la cession forcée
de son immeuble se révèle biaisée (3). Le texte Français ac-
(1) Cf. jugement N° 56/92-93 du 24 juin 1993, DZOU ESSOMBA Charles clEtat du Cameroun. Celle décision ne rait
que confirmer ladite crainte dans la mesure où elle démontre, à travers les pièces de l'instruction de l'arraire, la fenne
volonté de l'administration de ne point réserver de suite favorahle aux demandes de rétrocession des terres expro-
priées. nonohstant le non-respect de leur destinai ion d'utilité puhlique. Et, parad[).~alement, le caractère évident du
droit à réparation de la victime expropriée Il'est nullement pris Cil compte par le juge.
(2) Jugement N° 70185-86 du 29 mai 1986, Darne veuve ONGONO Régine c/Etat du Cameroun, précité.
(3) . P. MAGNIER, les conditions d'ouverture du droit de rétrocession en matière d'expropriation pour cause d'utilité
publique, Cah. jur. éJec. Gaz, 1963, p. 27 et s ;
· P.1..Ar-DRTE, La rétrocession de 1'illllTleuhle exproprié, AIIJI. fac Clcnllonl Ferrand. l ')(,R, P 182 ct s .
· M.P.DESWARTE JULlEN, La rétrocession en droit public, A.JD.A. 1975, p. 325;
· R. HOSTIOU, Code annoté de J'expropriation, Lilcc, 1989. p. 29.
· Casso Civ. III, 19 révrier 1992, OPHLM de la ville de PANTIN, Droit Administrallr. W 4, avril 1992, N° 199. à pro-
pos d'un contentieux mellant en jeu les questions d'exproprialion, de rétrocession et d'indemnisation, la haute juri-
diction judiciaire pose le principe d'tlne "illd"/nllilé ('('/nI"'IIS1Hri,'" d,' jOllisSlllIO' (,OIlSÙlIlil'C à l'i/n/'f's.ü/lililé d"
rétrocéder le terrain exproprié"

tuellement applicable en matière de rétrocession est la loi du
2 avril 1960, notamment l'article L. 12-6 du code de l'expro-
priation qui dispose :
"Si les immeubles exproprIes en application du présent
code n'ont pas reçu dans le délai de cinq ans la destination
prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens
propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent

en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à
compter de l'Ordonnance d'expropriation, à moins que ne soit
requise une nouvelle déclaration d 'uti li publique".
On comprend alors aisément que "les fonctions assignées
à la rétrocession sont relatives, d'une part, à la garantie
accordée par la loi au propriétaire dépossédé: l'administra-

tion a l'obligation de donner (et de maintenir) au bien expro-
prié l'affectation d'utilité publique; c'est le suivi de la
déclaration.
D'autre part, l'effectivité de
ce SUIVI, de cette obligation,
est maintenue par la sanction susceptible d'être infligée à
l ' administrati on" (1).
Au-deld de la lacune que présente le droit administratif
Camerounais sur la sanction de l'expropriation, on doit tout
de même retenir, en substance, que le contentieux inhérent d
la cession forcée des immeubles au profit de la puissance pu-
blique est partagé entre deux ordres de juridictions: l'ordre
administratif connait exclusivement du litige se rapportant d
la légalité ou~l'illégalité des décisions unilatérales de
l'administration qui fondent juridiquement ladite cession,
tandis que l'ordre judiciaire voit sa compétence contentieuse
se limiter au règlement des problèmes d'indemnisation.
Cette même logique de répartition des compétences entre
le juge administratif et le juge judiciaire, ou mieux de com-
pétence concurrente, semble tout aussi prévaloir lorsque se
pose le problème délicat des questions accessoires,
inci-
dentes, ou si l'on veut, préjudicielles.
(1) J.M. AUBY. Les fonctions de la rélrocession aux anciens propriétaires des immeubles expropriés. D. aum. N° 2.
Février 1991. p. 1

sIS Il : LE PROBLEME DES REGLES DE COMPETENCE EN MArlÈRE DE
QUESTIONS PREJUDICIELLES
Edouard LAFERRIERE affirmait que Hpour qu'il y ait ques-
tion préjudicielle, il faut d'abord qu'il y ait une question,
c'est-à-dire une difficulté réelle, soulevée par les parties
ou spontanément reconnue par le juge, et de nature à faire
naître un doute dans un esprit éclairé" (1).
L'hypothèse en cause consiste en ce qu'il peut advenir
qu'une difficulté contentieuse, ayant trait à l'activité de
l'administration, soit mise en relief, à l'occasion d'un pro-
cès devant un tri bunal de droi t commun sans en consti tuer
l'objet principal, au titre de question accessoire.
L'exemple classique est généralement tiré d'un litige de
droit privé, mettant au prise deux particuliers, et valable-
ment soumis à l'appréciation d'une juridiction judiciaire.
Durant ce procès, l'une des parties argue qu'une quelconque
décision administrative invoquée contre elle,.a été prise en
violation du principe de légalité ou n'a guère la significa-
tion que lui prête la partie adverse. Une telle prétention
n'est qu'une question incidente. Cependant, elle peut condi-
tionner l'issue finale du litige. S'il est établi que cette
question accessoire ressortit en elle-même au contentieux ad-
ministratif, se pose tout naturellement un problème d'agence-
ment de la compétence juridictionnelle: la juridiction judi-
ciaire est-elle habilitée à la résoudre? doit-elle la ren-
voyer devant la juridiction administrative et surseoir à sta-
tuer dans l'attente d'une réponse de celle-ci?
Dans le premier cas de figure, HIa question sera consi-
dérée comme simplement préalable (et) on rencontrera là un
nouveau titre de compétence judiciaire en matière d'activité

administrative de service public" (2).
(1) Traité de la juridiction administmtive, 2è édition, lome r. p t19R
Voir dans le même sens. la définition de RODENT qui pose qu' "ul/e questiOI/ (!Jt dite l'réjudicielle lorsque Ja .1'0111-
lion doit précéder l'examen au fOI/d, et lorsqu'elle doit être lral/chée l'ar une juridictiOI/ aulre que celle coml'étel/le
sur ['aclion principale",
in Cours de contentieu,'; administratif, 1%1 - 1%2. p. (6
(2) A. de LAUBADERE. J.e. VENEZIA. y GAUDEMET, Traité de droit administratif. op. ciL, p 339.
Autrement dit. il n' y a pas de question préjudicielle puisque le juge judiciaire saisi est habilité à résoudre la question
incidente et à fortiori le litige principaL Celte intégralité de compétence juridictiollllelle se traduit par le principe de
procédure bien connu d' après lequel "le juge de l'actiol/ eJt juge de l'exceptio,,''

S'agissant au contraire du renvoi devant le juge admi-
nistratif impliquant par là-même pour le juge judiciaire l'o-
bligation de surseoir à statuer, la question est dite préjudi-
cielle et se pose en termes de savoir si la juridiction judi-
ciaire a compétence ou non soit d'interpréter la décision ad-
ministrative en cause, soit d'en apprécier la légalité.
1 : LE CONTENTIEUX DE L'INTERPRETATION DES DECISIONS AD-
MINISTRATIVES
Selon R. ODENT, ((interpréter le sens d'un acte adminis-
tratif, c'est s'attacher à suivre le plus exactement possible
les intentions de ses auteurs" (1). Le contentieux de l'inter-
prétation est cette tâche juridictionnelle qui consiste à dé-
terminer précisément la signification du contenu d'une mesure
administrative, laquelle paraît obscure à son destinataire. Le
problème qui se pose désormais est de savoir quel est l'ordre
juridictionnel compétent en la matière.
En
ce
qUl
concerne
la
juridiction
administt'ative
Camerounaise, il faut dire d'emblée que sa compétence à ce
sujet a évolué. Dans un premier temps, elle était habilitée à
connaître de requêtes tendant à interpréter des décisions ad-
ministratives. C'est du moins ce qui apparaît explicitement à
l'article 1er d'un décret du 4 juin 1959 portant création du
défunt Tribunal d'Etat ainsi que la définition de sa compéten-
ce : ilLe contentieux administratif comprend ... les recours en
interprétation et les recours en appréciation de légalité".
Depuis lors, ce chef de compétence a disparu de la sphè-
re d'intervention du juge administratif. L'article 9, alinéa 2
de l'Ordonnance du 26 août 1972 portant organisation de la
Cour Suprême qui a vocation à déterminer avec précision les
matières contentieuses qui ressortissent à la compétence de la
juridiction administrative corrobore cette assertion, dans la
mesure où il ne prévoit guère ce contentieux de l'interpréta-
tion. Et c'est tout normalement que la jurisprudence adminis-
trative actuelle est orientée dans ce sens.
(1) Raymond ODENT, COlllelltiell~ adl1l"li~lrallf, I.e~ (:,""S de dloil. Fascicules 1-.\\, p. V,'), l'asciculc II.

Le jugement N° 39/CS/CA du 29 mai 1980. MBOMA Richard
c/Etat du Cameroun
constitue la décision de principe.
Le
requérant avait saisi la juridiction administrative aux fins
d'interprétation des dispositions de l'article 25 du décret N°
66/DF/53 de février 1966 portant statut général de la fonction
publique. Le juge s'est alors déclaré incompétent au motif que
"le contentieux administratif Camerounais ne prévoit pas de
recours principal en interprétation d'une disposition législa-
tive ou réglementaire, même le recours en appréciation de lé-
galité (qui est cependant prévu) n'étant qu'incident".
En
appel, l'Assemblée plénière de la Cour Suprême confirma la dé-
cision des premiers juges (1). La jurisprudence est demeurée
constante à ce propos (2).
Toutefois, il est à noter que ce problème du recours en
interprétation est aujourd'hui l'objet d'une jurisprudence que
l'on peut qualifier de dissidente. On se souvient en effet que
dans sa décision du 27 octobre 1988, Compagnie Forestière
Sangha Oubangui c/Etat du -Camerolùl~-- fa chambre-- adiJ1fnTstrati ve
de la Cour Suprême avait implicitement admis le principe du
recours en interprétation (3). Cette décision timide, parce
qu'implicite, est restée isolée jusqu'à l'heure. Ce qui n'est
par conséquent pas suffisant pour bouleverser toute la juris-
prudence antérieure relative à l'incompétence matérielle du
juge administratif.
(1) CS/AP, Arrêl N° 35/A du 25juin 1983.
(2) .Jugement N° 119/84-85 du 12 septembre 1985, rODle cll)at du Cameroun:
. Jugement N° 4/85-86 du 31 octobre 1985. ONAMBELF. Raphaël clElat du Cameroun, précité. Le requérant avait
saisi la juridiction de dire "le sell.ç cl dOllner cl la porlée des dispos ilions du dé",ct (,21DF/289 du 26 juil/el 1962 el
aux articles 12 et 13 d'un décret du 18 oclobre 197fi ". Reprenant pour son comple l'argumentation développée par le
représentant de l'Etat, M. BI NYOUM Joseph en "occurrence, la ch;lmbrc administrative s'ét;lÎt déclarée incompéten-
te au matir que "la compétence de la Cour Suprême statuanl en matière adminùtratil'e est définie par l'article 9. ali-
néa 2 de l'Ordonnance 7216 du 26 aofit 1972 qui ne prévoit par de recours prillnral Cil inlerpré/alion d'unc dispo-
sition législali\\'e ou réglemenlaire"
. Jugement N° 75/85-86 du 26 juin 1986. ZANGA ZAMBO Ernes! clEtat du Cameroun.
(3) Cr. 1ère partie, Chapitre Il, conlrat administratir ct contentieux de l'excès de pouvoir.

Peut-on alors déduire de cette position jurisprudentiel-
le que le justiciable Camerounais ne dispose d'aucun recours
juridictionnel tendant à l'interprétation d'une décision de
l'administration? Autrement dit, l'article 9 de l'Ordonnance
72/6 du 26 aout 1972, qui fixe les règles de répartition de
compétence entre la juridiction administrative et judiciaire,
"ne retient-Cil) guère, contrairement au système français, les
recours en interprétation" (1) ou "laisse-(t-i 1) en suspens le
problème de l'interprétation des décisions administratives"
(2) ?
En réalité, le problème ne se pose nécesairement pas tel
que voudrait nous le faire croire la doctrine. Il suffit tout
simplement de procéder à une lecture réfléchie des disposi-
tions dudit article 9 : à la suite de l'énumération, dans l'a-
linéa 2, des matières contentieuses déférables au juge admi-
nistratif, lesquelles ne prévoient certes pas de recours en
interprétation, l'alinéa 3 dispose clairement que ul es tribu-
naux de droit CO/TJT1un connaissent, conformément au droit privé,
de toute autre action ou litige". Sans qu'il soit besoin de
spéculer longuement, une telle articulation juridique suffit à
fonder la compétence du juge judiciaire en matière de conten-
tieux de l'interprétation. Car, rappelons-le, ce litige n'est
pas attribué au juge administratiF . Au surplus; la philoso-
phie générale des règles de répartition des compétences juri-
dictionnelles prévues à l'article 9 susvisé se résume ainsi:
la juridiction judiciaire a compétence pour connaitre des
mises en cause de l'activité des personnes publiques adminis-
tratives lorsque le litige ne coïncide pas dvec la part du
contentieux dévolu à la juridiction administrative.
(1) Voir noIe R.G. NLEP sous CS/Cil, 27 oc(ohre 1988, Compagnie Foreslii;re Sangha Ouhangui c/Elal du Cameroun,
Recueil PENil NT N° R06, Juin-oclohre 1991, p 2Ro.
(2) Joseph BlNYOUM, Contentieux ,Hlminislratif, cours polycopié p"'.cité'. p. 7.'

Autant dire que le droit positif Camerounais de la ques-
tion préjudicielle, celle de l'interprétation des actes admi-
nistratifs (1), rejoint la conception juridique française, du
moins dans son principe. Selon le droit français en effet, les
tribunaux judiciaires, statuant en matière civile ou pénale,
ont toujours été compétents pour interpréter les décisions ad-
ministratives réglementaires, mais non les actes administra-
tifs individuels.
S'agissant du cas des règlements administratifs, la com-
pétence desdits tribunaux a été admise par l'arrêt sieur SEPT-
FONDS du Tribunal des Conflits (2). La justification du prin-
cipe de la compétence judiciaire s'était alors inspirée des
idées développées par l'avocat général MATTER, caractéri s-
tiques de la double nature du r:èglement administrati f : ((5'i l
constitue un acte administratif en raison du caractère des or-
ganes dont il émane, il participe également de l'acte législa-
tif puisqu'il contient des dispositions d'ordre général et ré-
glementaire". Une telle conception du réglement participant du
caractère de la loi, justifiant ainsi. la compétence judiciaire
dont on sait que le champ d'application est constitué par
l'interprétation des lois, avait déjà émise par la Cour de
Cassation (3).
(1) Le contentieux de l'interprétation soulevé devant la juridiction administrativc csl tout aussi unc qucslion préjudi-
ciee. Car il s'agit là d'un titre de compétcnce judiciairc quc Ic juge administratif ne peut valablement examiner. Le
mécanisme préjudiciel est ce faisant applicable à ce dernier tout comme à son homologue judiciaire. Cette hypothèse
d'école s'est par e.~ernplc réalisée en Francc au cours de l'année judiciaire 1%8-1 %9, si "on en croit Guy BRAI-
BANT: "l.e Conseil dFlal à r('nvow'. dil-il. /1 f{II('.Uimu alU Iril>lIIla/H jlldiriair('.\\' ('1 il ('n a examinr I() qui Illi
avaienl élé renvoyées par ces Iribllnaru", in Ic Droit Adminislr<ltif r;ran~'ais, Presse~ de la Fondation Nalionale des
Sciences politiques et DALLOZ, 1984. p 455.
(2) 16 juin 1923, Rec, p 49R, S. 1923,3,49, note IIAURIOU , D. 1924,3,4 J. Conclusions MAlTER, GA., W 44.
(3) Cr. CASSo Cil'. 14 février 1922, S. 1922, 1. 2'li, noie DI JCi UIT La haute juridiction judiciaire avait en effct posé
qu~ le règ\\cment "Ile constitue IW5 11/1 acte admillistratij srér;a/ cr indil'idller. /I.\\;lIS un acte "do/ll les dü{>orili{}/Is
générales parlicipenl ainsi dll caractèn, de la loi"


L'interprétation des actes administratifs individuels
échappe au contraire aux tribunaux judiciaires et de ce fait
constitue une question préjudicielle, laquelle impose d ces
derniers le renvoi de l'affaire au juge administratif mais d
la condition qu'il yait "une difficulté réelle, soulevée par
les parties en présence ou spontanément reconnue par le juge"
d'après la formule devenue célèbre de LAFERRIERE, c'est-d-dire
que l'interprétation de l'acte en cause fasse problème.
En droit Camerounais, une toute autre hypothèse de la
question préjudicielle est susceptible d'apparaître d propos
de l'appréciation de val idi té des actes admi ni strati fs.
Il
reste alors d en préciser le régime juridictionnel.
Il
:
LE
REGIME
JURIDICTIONNEL DU
CONTENTIEUX
DE
L'APPRE-
CIATION
DE
LEGALITE
DES
ACTES
ADMINISTRATIFS
En
règle
générale,
les
tribunaux
de
droi t
commun
Camerounais ne peuvent valablement déclarer qu'une décision
administrative est illégale ou non. Car d'après l'Ordonnance
du 26 août 1972, le recours pour excès de pouvoi r di rigé
contre un acte administratif ressortit d la compétence de la
juridiction administrative. Quand bien même la question se po-
serait, d'une manière ou d'une autre, devant eux, ils doivent
la renvoyer devant la juridiction administrative, la chambre
adminisrative en l'occurrence et exceptionnellement directe-
ment devant l'Assemblée plénière de la Cour Suprême, juge ad-
ministratif de dernier ressort, en cas de voie de fait admi-
nistrative (1). C'est du moins l'interprétation que l'on doit
donner d l'article 9, alinéa 2 (a) de l'Ordonnance susvisée,
lequel détermine l'une des matières contentieuses dévolues à
la juridiction administrative en ces termes : "les recours en
annulation pour excès de pouvoir,
et en matière non répressi-
ve, les recours incidents en appréciation de légalité".
(1) r.appelons que "article 9, aliné:J " de l'Ordonnance N° 72/6 du 2(, :Jotît 1972 porlant org:Jnis:Jtion de 1:J'our
Suprême dispose que les lrihunau;<; de drnil C0I1I111UI1 "cOIlllaiucllt ... dcs l'oies dl' lait (ldmillistmtil'cs (ct 111 ') il l'st
slalué sur l'exception préj/ulicie/le srmlel'ée Cil matière de l'oie de lait admillistmt/I'e par l'Assemblée pléllière de la
Cour Suprême"


Cette formule démontre en tout cas que l'appréciation de
val idi té des actes administrati fs consti tue une question
préjudicielle lorsqu'elle est soulevée devant le juge judi-
ciaire ; ne pouvant régulièrement la trancher lui-même, ce
dernier doit surseoir à statuer et procéder au renvoi devant
son homologue administratif, sauf quand il statue en tant que
juge répressif (1).
Ce régime juridictionnel n'est guère absolument favo-
rable au juge administratif cependant. Dans certains cas res-
treints, l'exception d'illégalité doit être soulevée devant le
tribunal judiciaire. L'incompétence exceptionnelle de la juri-
diction administrative pour connaitre d'une affaire d'appré-
ciation de validité d'un acte administratif, ou si l'on veut,
la compétence dérogatoire du juge judiciaire aux fins de pa-
reille appréciation émanent soit de la jurisprudence soit
d'une disposition textuelle (2).
Dans le jugement N° 3/87-88 du 29 octobre 1987. NKWEATTA
Emmanuel et autres c/Etat du Cameroun (MINAT), les requérants
avaient saisi la chambre administrative pour qu'elle annule,
avec toutes les conséquences qui en découlent, l'arrêté pré-
fectoral N° 406/1981 du 9 octobre 1981, pris par le préfet du
FAKO, et ordonnant la garde à vue de 7 jours des intéressés.
Cette mesure privative de liberté fut du reste confirmée par
le Ministère de l'Administration territoriale par arrêté N°
158/DAP/AA du 21 octobre de la même année et plusieurs fois
prorogée.
Le juge administratif s'était alors déclaré incompétent
pour statuer, motif pris de ce que ul a juridiction judiciaire,
en tant que gardienne des libertés individuelles, est toujours
exclusivement compétente pour apprécier la légalité des actes

administratifs qui sont à l'origine des atteintes dont elles
peuvent fai re l'objet".
(1) Arrêt N° 89/CFJ/SCAY du 30 ~eplemhre 1%9, ~·ŒSSO~10 ATENEN Pierre cll:lat du Cameroun, précité
"Considéra1l1 que les recours indde1lLf Cil apl/ridalion de légalilé Ile .\\'0111 recevables que ,HIr rellvoi d'u1I Iribunal de
l'ordre judiciaire, qui ne pnu\\'a1lI, .muf en mlllière ripreHive, apprécier la ligalilé d'ull acle adminülralij. esl lenu
lorsqu'il est saisi d'un /ili8e d01l1 la JOIUlian dél'elld de la queJlion de la lé8alilé d'ull IIcle admillislralij. de JUrJeoir à
sl~lueT jlLfqu'à re que la juridiclioll admillislraliv{' J{' l'fOIIOIlC{' IUr le problème de la ft'8a Iilé ..
(2) Thicrry CATIIALA, Lc contrôlc de la légalih3 adrninislralivc par les tlihunaux judiciaires, bibliolhèque de droit pu-
bic' Tome LXVII, L.GD.J, Paris, )<)(>6.

C'est sans doute par rapport à ce principe de gardienna-
ge des libertés que des dispositions textuelles ont entendu
déroger à la règle de la séparation des autorités administra-
tives et judiciaires. Aux termes de l'article 8, alinéa 3 de
la loi N° 90-55 du 19 décembre 1990 portant régime des ré-
unions et des manifestations publiques, f~n cas d'interdiction
de la manifestation (par décision du chef de district ou du
sous-préfet), l'organisateur peut, par simple requête, saisir

le Président du Tribunal de grande instance compétent ... ".
Si l'intéressé saisit malencontreusement la juridiction
administrative afin qu'elle se prononce sur l'illégalité de
l'acte de prohibition, il doit de toute évidence s'attendre d
un jugement d'irrecevabilité fondé sur le motif d'incompéten-
ce, car il s'agit d'une question préjudicielle soumise au
ifrenvoi d'une juridiction à l'autre" (1), le tribunal de gran-
de instance susmentionné désignant cette dernière.
On peut finalement conclure à l'analyse du problème des
questions préjudicielles qu'il s'agit là d'une théorie conci-
liatrice de données paradoxales. Car comme aime à le dire D.
GRANJON,
flle mécanisme des questions préjudicielles apparaît
comme la sanction du principe de séparation des ordres juri-
dictionnels (tout comme il) est le résultat ,d'une véritable
collaboration entre les deux ordres" (2).
Mais il est des hypothèses où cet édifice juridictionnel
classique
est
privé
de
tout
point
d'intersection.
L'incompétence simultanée de la juridiction administrative
ainsi que des tribunaux de droit commun, en dehors de tout cas
de conflit négatif, se manifeste lorsqu'un texte leur sous-
trait expressément la connaissance de certaines activités li-
tigieuses de la puissance publique.
(1) Guy BRAlBANr, le droit adrninislrillif Françilis, op. Cil. p. ,155.
(2) Daniel GRANJON. les queslions préjudicielles. AJDA. I96R, p 79.
Voir également Claude DURAND, Les raprorts enlre les juridictions mlministratil'e el judiciaire, bibliolhèquc de droit
public. lbmc Il. LG.DJ, Paris. 195(;.

356
SECTION 81 : LA SOUSTRACTION DE L'ACTIVITÉ ADMINISTRATIVE
A TOUT CONTROLE JURIDICTIONNEL CLASSIQUE.
L'analyse du régime juridictionnel des litiges adminis-
tratifs démontre qu'il existe des situations de compétences
concurrentes ou partagées entre le juge administratif et son
homologue judiciaire. Le juge spécialisé de l'administration
examine une part importante du contentieux mettant en cause la
puissance publique, tandis que le magistrat judiciaire, civil
ou répressif, dont la mission initiale et principale consiste
à sanctionner les faits punissables commis par des personnes
privées, connait à titre exceptionnel d'une autre frange du
contentieux administratif. Cette logique de répartition des
compétences contentieuses signi fie-t-elle pour autant que
l'intégral ité de l'activité administrative est soumise au
contrôle juridictionnel ?
A cette question, force est de convenir, conformément à
l'orientation fixée par le droit positif Camerounais, qu'il y
a lieu de répondre par la négative. Car une activité bien dé-
terminée de l'administration,
susceptible de surcroît de
ttfaire grief" aux administrés, échappe incontestablement à la
censure des juges administratifs ou judiciaires, et ce faisant
à l'édifice juridictionnel traditionnel: Cette activité est
couramment appelée ttactes de gouvernement". L'Ordonnance N°
72/6 du 26 août 1972, qui est le texte juridique fondamental
traitant de la frontière entre les juridictions administra-
tives et judiciaires relativement à leur compétence matériel-
le, préserve formellement lesdits actes contre toute discus-
sion juridictionnelle.
En revanche, il s'agit là d'un exemple isolé d'une acti-
vité de la puissance publique soustraite à tout contrôle juri-
dictionnel. L'entrave juridique opposée à l'action des juges
ordinaires peut en effet masquer l'émergence d'un juge d'ex-
ception. C'est aujourd'hui le cas de la juridiction militaire
qui a compétence pour trancher les problèmes spécifiques de
l'administration militaire.

SIS 1 : LA PRÉSERVATION DES ACTES DE GOUVERNEMENT CONTRE
TOUTE CONTESTATION JURIDICTIONNELLE
L'Ordonnance N° 72/6 du 26 Août 1972 fixant l'organisa-
tion de la cour suprême est on ne peut plus claire sur la
question de la justiciabilité ou de l'injusticiabilité des
actes de gouvernement. Dans le chapitre IV relatif à la saisi-
ne et à la procédure de ladite cour en matière administrative,
il est exposé à l'article 9, alinéa 5 qu' '~ucune cour ou tri-
bunal ne peut connaître des actes de gouvernement".
Le princi-
pe même de cette disposition est par conséquent sans équi-
voque. Cependant, son contenu n'étant nullement spécifié par
le législateur qui est demeuré muet sur ce que devrait dési-
gner l'expression d'actes de gouvernement, l'intérêt juridique
d'une telle disposition consiste à scruter l'état de la juris-
prudence en la matière afin de se faire une opinion exacte.
L'introduction de la théorie des actes de gouvernement
dans l'ordre juridique Camerounais est le fait complémentaire
du législateur et du juge national. Mais force est de mention-
ner/préalablement/qu'en droit Français, elle est uniquement
issue d'une recherche jurisprudentielle qui, de toute évi-
dence' semble avoir considérablement inspiré
te
droit posi-
ti f --fo e.af.

358
1 - LA GENESE D'UNE THÉORIE JURISPRUDENTIELLE EN DROIT FRAN:
CAlS.
Il ne fait aucun doute que la théorie des actes de gou-
vernement est d'origine jurisprudentielle. C'est en effet le
juge administratif Français qui, le premier, tente de déblayer
les contours et les détours d'une notion nouvelle pour aboutir
aujourd'hui à un stade élevé de maturation. Quoiqu'on soit
tenté de mentionner une quelconque contribution du droit écrit
en la mati~re, force est de se résoudre d l'évidence: l'ap-
port dudit droit est d'une portée extrêmement faible (1).
Un aspect purement formel attire préalablement l'atten-
tion de l'observateur de l'état du droit jurisprudentiel sur
le thème des actes de gouvernement: c'est que les juges du
Conseil d'Etat et du Tribunal des Conflits utilisent l'expres-
sion d'
((acte échappant par leur nature au contrôle des
Tribunaux" plus volontiers que celle d'''acte du gouvernement"
qui est en revanche l'apanage fréquent de la doctrine publi-
ciste. L'usage en est aussi fait par les commissaires du gou-
vernement dans leurs conclusions.
Néanmoins,
l'expression
"acte de gouvernement" fut une fois affirmée dans le vocabu-
laire jurisprudentiel (2). Qu'est-ce donc qu'un acte de gou-
vernement ?
(1) Un seul te;o;te pourrait en effet être regardé sinon comme la source, du moins comme telle la confirmation de la
théorie jurisprudentielle: c'est l'article 26 de la loi du 24 mai 1872 aux termes duquel "Les ministres (mt le droit de
revendiquer devant le Tribunal des Conflits, les affaires portées tÎ la section du contentieux et qui n'appartiendraient
pas aux tribunaux administratifs". L interprétation de ce texte, qui auparavant suscita de vives controverses doctri-
naes' puisqu'attribuant au trihunal des connits une compétence très différente de ses tâches ordinaires, porte néan·
moins, dans une moindre mesure, il croire qu'il vise bien la catégorie des <lcles de gouvernement et organise une stra-
tégie contentieuse pour l'exécutif visant il empêcher que les tribunaux adrninistratifs ne consentent de connaître de
tels actes.
(2) - T.c. 24 Juin 1954, IlAHI3ARAN, 712 , l' 1.:..2 mars 1')(,2, I~uhin de Scr\\ens, (;1\\ N" J(}I

Les étapes de la définition de l'expression marquent
tout d'abord l'émergence d'une tentative de définition ration-
nelle. Cette conception originaire est illustrée dans un arrêt
du Second Empi re, Duc d' Aumal e et Mi che l
Lévy
(1). Etai t
considérée comme acte de gouvernement, toute mesure inspirée
par un but politique. Ce qui signifie que
lldès lors qu'un
acte émanant du pouvoir exécutif paraissait avoir été inspiré
par un mobile politique, il était considéré comme un acte de
gouvernement dont le Conseil d'Etat se refusait à contrôler la
juridicité
ou
à
en
apprécier
les
conséquences
dommageables"(2). Le critère du mobile politique entraînait
donc que n'importe quel acte était ainsi susceptible de deve-
nir acte de gouvernement dès lors que le gouvernement en dis-
posait ainsi. Cette conception fut abandonnée à la fin du XIXè
siècle par la célèbre jurisprudence Prince NAPOLEON (3) : dans
cette espèce, le Conseil d'Etat affirme sa compétence pour ap-
précier la légalité du refus ministériel de rétablir le nom du
requérant sur la liste des généraux publiée par l'Annuaire
Militaire, en dépit du caractère politique, expressément in-
voqué par le Ministre, de ce refus. Des arrêts confirmatifs
interviendront quelque temps après (4). Le critère tiré du but
politique poursuivi éliminé, on tentera de définir l'acte de
gouvernement par la notion de fonction gouvernementale et à
opposer d'après leurs objets différents, les notions de llgou-
verner" et lladministrer". L'expérience tourne toutefois court
au vu d'une élaboration jurisprudentielle éphémère.
Aujourd'hui, on est passé à une conception purement em-
pirique, c'est-à-dire celle qu'admet la jurisprudence adminis-
trative : sont des actes de gouvernement, ceux que le Conseil
d'Etat et le Tribunal des Conflits estiment devoir être, pour
des raisons d'opportunité,
soustraits à toute di.scussi.on
juridictionnelle. Ce qui veut dire que l'évolution actuelle de
(1) c.E. 9 Mai 1867, Duc D'Aumale, Rec. 472, Conclusions AUC()(:, S 1867.2.124 Le CE. considère ici que la
saisie d'un ouvrage du Duc el le refus de lui restituer les cxempklircs saisis c!oivcnl être considérés comme des "Al'lrs
politiques", insusceptibles d'être déférés pM-devers le Conseil d'Elal. pour excès de pouvoir.
(2) Roger Gabriel NLEP, ouvrage cité, P. 289
(3) c.E. 19 Novembre 1875, Prince NAPOLEON, D 1875.3.18. Conclusions Dam.l.
(4) T.c. 5 Novembre 1880, MA RQUINY, D 1880.3. J21 ; el CE. 20 Mai J887, I)uc d'Aumale el Prince t'dUraI

la notion d'acte de gouvernement s'est faite dans l'optique
d'une restriction de son champ d'application. L'acte de gou-
vernement étant une fissure à la règle cardinale de la soumis-
sion de la puissance publique au droit, on ne parle plus que
d'une liste jurisprudentielle, dont l'observation fait ressor-

tir deux domaines d'application et, au-delà, un régime juri-
dique relativement uniforme.
A· LE DOMAINE DE L'ACTE DE GOUVERNEMENT
Les formules usuelles de la jurisprudence, traduites
d'une part par UZes actes du pouvoir exécutif concernant ses
rapports avec Ze Parlement" et par ul es actes du gouvernement
français dans ses rapports avec les organisations internatio-
na Zes
et
1es
Etats étrangers Il
d'autre part,
donnent une
première idée de ce que sont les actes de gouvernement.
En
dépit de la volonté de certains de réajuster le distinguo ju-
risprudentiel (1), les formules ainsi construites conservent
sans conteste leur valeur.
1: LES AcrES RELATIFS AUX RELATIONS OU GOUVERNEMENT AVEC LES
CHAMBRES PARLEMENTAIRES
Le caractère d'acte de Gouvernement des mesures de cet
ordre a été affi rmé
par
le
Consei l
d'Etat.
Doi vent
par
conséquent être mentionnés au moins cinq types de décisions :
- Les décrets portant convocation ou clôture des ses-
Slons
parlementaires
ou
prononçant
la
dissolution
de
l'Assemblée Nationale (dans le régime constitutionnel présent,
il est plus précisément question de sessions extraordinaires);
(1) René CHAPUS, Droit Adminislratif Général, Tomc J, 4èmc édition, Monlchrcsticn, Paris 1988 Lcs précisions dc
l'auteur portent plutôt sur la SUlJ1rna divisio "acles de gOllvenremenl dans l'ordre interne" ct "acte de gOllvenrement
dans l'ordre international". "On doit, hien entendu, pOllrsuit-i/, prendre en considération la formule jurisprudenliel-
le précitée. Mais on ne pellt s'en tenir tl elle". 1: c"plicafion cn pst quc Ics "Ildes accmnplis par le goul'ernl'ment
dans ses rapports avec le Parlement il/llstrent ce qlle sont principalement, les ades de gouvernement dans l'ordre in-
terne"
, p 598 ;
- Du même auteur, voir "/'acte de gOUl'enrement, mO/Ulre ou \\';clime", D. 1~)'iR, Chrono p. 5.

- Les actes par lesquels le Gouvernement collabore d
l'élaboration des Lois, en particulier les mesures prises dans
l'exercice de son droit d'initiative des lois: dépôt ou re-
trait de projets de lois, abstention ou refus d'en déposer(l);
les
décrets
de
promulgation
des
lois.
L'espèce
Desreumeaux est la décision juridictionnelle de principe (2).
Il s'agissait d'une requête du Sieur Charles Desreumeaux,

juge de paix d Argenteui l,
tendant d ce qu' il
plaise au
Conseil d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 9 juillet
1931 promulgant la Loi relative au classement des juges de

paix. La réponse du juge fut articulée dans un considérant
sans ambiguïté :

tiCons i dérant que l es décrets de promu 19at ion des Loi s
sont des actes relatifs aux rapports du pouvoir exécutif avec
le Parlement; que comme tels,
ils ne peuvent faire l'objet
d'un recours contentieux devant le Conseil d'Etat; que, dès
lors, le pourvoi formé par le sieur Desreumeaux contre le dé-
cret de promulgation de la loi relative au classement des jus-
tices de paix doit être rejeté conrne non recevable ti .

Ce n'est que quatre décennies après la jurisprudence
susvisée que le Conseil d'Etat s'est évertué d clarifier
l'acception de la notion de promulgation (3).
(1) c.E. 17 février 1988. Prévost et alltres (~lcllÙ(]I1-flellc\\'l!e). l,l') , Il) m;lIs 1')47. l'anagcl, 11(, (omission par lin
ministre de demander des crédits al! l'arlcmcnt : 29 novcmhrc l ')(,X. lallagralld. p. (,()7 ou RDP 1959 p. (,R6 . noie M.
WALINE.
(2) c.E. 3 novembre 1931, Rec, p. 993
(3) La promulgalion est ''l'ade par Icqllelle Chef tic l'/;:Ial altcsle l'exislclle,' de la loi el dOlllle l'ordre mH aulorilés
publiques d'obserller el de jaire ob.ren'er celle loi". Voir CE. Auem""'e. R jél'rier 197-1, commulle de MOlllory.
Sieurs E.rpelelle, Allhape el au Ires el Commu/les de lA/ille, Sieurs Ulhurry, /ligue el aulres. , p. 93. Al 1974. p. 192.
Chro/lique M. FRANC ET M. IJOYON. lC!'

1974. N° J7703. /Iole G. U/n:VT:AUX, lWl' 197-1. l'
151/,
Cone/usiolls Rougellin.Raville .. le comminaire du Goul'ernemelll, dalls ses cO/lc!usiolls. lielll à marquer la si-
gnificalio/l en droil public frallçaÎS "c.r lenneJ prnmulguer el publier des lois. l'romlllgalio/l el !'ublicalioll cO/lsli-
luènl en ejjel deux acles juridiques 0Pl)osés car s 'agLuallt du prcmicr.
c 'Cstlill "acte juridiquc entièrcml'/II dislillrt dc
la publicalion el qui a un olJjel dijjérelll .' la promll(~alioll ni le dcrnier aele de la procédllrc lé8islatil'c. alors que la
publicalio/l esl la cOlldition matérielle de l'oppombililé de la loi aiL\\' ciIOYCIIS" r. 1514

- la notion d'acte de gouvernement a été étendue, sous
le régime de la Constituti.on de 1958,
à
la décision par
laquelle le Président de la République décide de soumettre un
projet de loi au référendum, et transférant ainsi du Parlement
au Peuple l'exercice du pouvoir législatif. C'est ce qui res-
sort de la jurisprudence Comité des chômeurs de la Marne : la
requête tendait à l'annulation pour excès de pouvoir du décret
N° 69-299 en date du 3 avril 1969 et portant organisation d'un
référendum. Le Conseil d'Etat estimait alors qu'il ne lui ap-
partient pas, statuant au contentieux, de se prononcer sur la
légalité du décret en question (1).
5i donc le décret présidentiel soumettant un projet de
loi à référendum rentre dans la catégorie des actes de gouver-
nement, ceci est tout aussi valable pour la décision prési.den-
tielle qui met en application l'article 16 de la constitution
qui a pour effet de provoquer la réunion du Parlement, d'ex-
clure la possibilité de dissoudre l'Assemblée Nationale et
d'investir
le
Président
de
la
République
du
pouvoir
Législatif. La décision Rubin de 5ervens et autres vient le
confirmer (2).
Les requérants,
Sieurs Rubin de 5er'vens,
Coi quand,
Bone11 i ,
Bes i neau,
Ysqui erdo,
Bore 1 ,
Estoup,
Durand, Ruel, Picot d'Aligny d'Assignies, Carete (incarcérés à
la prison de la Santé à Paris) avaient sollicité au principal
l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision du Président
de la République en date du 3 mai 1961 instituant un Tribunal
Militaire, et subsidiairement à ce qu'il soit sursis à son
exécution. Le rejet du pourvoi pour incompétence de la juri-
diction fut motivé ainsi qu'il suit:
(1) c.E. 29 avril 1970, Rec p. 29
(2) c.E. Assemblée Plénière, 2 mars )9(;2, I~ec., p. 1·~3

ltConsidérant que, pOl' décision en date du 23 avri 1 1961,
prise après consultation officielle du Premier Ministre et des
Présidents

des
Assemblées
et
après
avis
du
Conseil
Constitutionnel, le
Président de la République a mis en ap-
plication l'article 16 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
que cette décision présente le caractère d'un acte de gouver-
nement dont il n'appartient pas au Conseil d'Etat ni d'appré-
cier la
légalité ni de contrôler la durée d'application
... ". (1)
Aux termes de cette jurisprudence, la théorie des ltactes
de gouvernement" s'applique par conséquent dans le cadre in-
terne des rapports constitutionnels entretenus par les pou-
voirs publics. Mais au-delà, on la rencontre dans' les rela-
tions juridiques transnationales.
2: LES ACTES RELATIFS AUX RELATIONS INTERNATIONALES
Les transactions interétatiques offrent un autre terrain
d'élection de la théorie
jurisprudentielle des actes de
Gouvernement. Seulement, par rapport au domaine préalablement
évoqué, le cadre international revêt une réelle particularité
de complexité qui s'articule autour des mesures d'exécution
sous-jacentes aux actes initialement pris d'un ccrnmun accord.
En règle générale, les actes émis en vertu d'une rela-
tion directe d'Etat à Etat rentrent dans la catégorie des
actes de gouvernement (2). Aussi devront être considérés c~nme
tels, selon la jurisprudence administrative:
- les actes pris par le gouvernement et qui se ratta-
chent à la négociation ou encore à l'exécution des accords in-
ternationaux. Ne pourront être valablement soumis au juge, ni
un litige provoqué par une mesure du
Ministre intéressant la
négociation d'un accord international (3), ni une contestation
contre l'acte de ratification ou
d'approbation d'un tel ac-
cord (4), ni un recours contre le refus gouvernemental de se
(1) Quant au problème préci~ ~olJ'evé par la déci~ion allaqllée. le juge e~lime qlle "la décüion en dole du 3 mai 1961,
instituant un tribunal militaire à cOIItfJétencc .fpéciale et criant ai/Hi /11I ordre de juridictioll au sens de Far/ide 34 dl'
la Constitution, porte sur des matières législative.f et a été prise l'or le r'réfident de la République pendant une pé·

riode d'application de.r rouvain exceptionnel.r .. ql/'l'Ile rré.fentc dO/f{' le ("(lraC/l're d'un acte léf?ülatif dOllt il
n'appartient pas au juge admini.rtratiJ de connaître
".
(2) c.E. 26 février 1975, l.emaître. JCP 1976· Il· IR37(,
(3) CE. Sec!. 13 juillel 1979, Copare:,;, I~ec, p 119, A.J l ')HO. p. 371, cOllclusiolls 1\\ Ilacquel.
(4) c.E. 5 février 1926, Dame Caraco. Rec p. 125 . D. 1927.11, Ilote J. Devcau,

conformer aux obligations financières mises à sa charge par un
traité (1), ni une réclamation de dommages-intérêts fondée sur
le fait que le gouvernement aurait méconnu l'obligation, en
vertu d'un traité, de protéger une dynastie étrangère (2), ni
un recours contre l'interprétation ministérielle d'un trai-

té(3).
- Ensuite,
la jurisprudence administrative donne des
concréti sations
de
l'acte
de gouvernement
s'agi ssant
de
l'exercice même de la fonction diplomatique.
La décision
Bastide
en consti tue une parfaite i Il ustration (4)
dans
cette affaire, le requérant mettait en cause l'insuffisante
protection du Consul de France lors de son arrestation et em-
prisonnement susbséquents par la police locale.
Le Conseil
d'Etat avait déclaré irrecevable sa demande d'indemnité formée
contre l'Etat au motif que les questions soulevées par le
pourvoi se rattachent à l'exercice du pouvoir souverain dans
les rapports entre la France et un gouvernement étranger et ne

peuvent de ce seul fait être discutées par voie contentieuse.
La jurisprudence sur cette question est nettement constante et
le Conseil d'Etat a toujours estimé qu'une demande d'indemnité

faisant suite au non-exercie ou à l'exercice insuffisant du
droi t
de protection diplomatique par l'agent diplomatique
françai s à l'étranger ne peut fai re
l'objet d'un
examen
contentieux devant la juridiction administrative (5). La même
fermeté jurisprudentielle s'applique aux mesures et comporte-
ments des autorités françaises dans la conduite des relations
diplomatiques (6). Dans le même ordre d'idées, tout acte du
(1) CE. Sect 29 novembre 1974, CilnÎno, Rec p. 597
(2) CE. 16 mars 1962, Prince Sliman lJey, Rec p. 179. Il 1962. p. 179. note V Silveril.
(3) CE. 14 janvier 1987, Société navale cl commerciale Dclrnas-Vieljeux, Rec r 4.
(4) CE. 31 MAI 1918, Bastide. Rec p. 525
(5) Voir CE. 1er juin 1943, Corbier. Rcc r
104 ; 22 avril 1953, Dlle IltJrrNFR, Rec p. 184 ct également jurisrru-
dence Corare,; précitée; CE. 2 mars 1%6. Dilme Cramenccl, Rec. p. 157, Al 1%6. p. 350. Chronique lI'. PUISSO-
CHET et J.P. LECAT
(6) Ne peuvent ainsi faire l'objet de recours contentieux les litiges prov<xjués rilr diverses autres interventions ou pM
l'abstention ou le refus délibéré de les pratiquer
CI'::. 29 octobre 1954. Taurin ct Merienne, Rec. p. 566, D 1955, p.
361, note F-P. Benoît (intervention tendant à obtenir des indemnités ilU rrofit des ressortissants français). CE. 1er
mars 1967, Maugein. Rec. p. 97 (demande à un gouvemement étranger qu'il mette fin au,; fonctions ex.ercées aurrès
de lui par un fonctionnaire frilnçilis) . CE. 26 juillet 1985. Dame Solis Estarita, 1\\1 1985, p. 628. Observations L.
Richer (envoi à une ambilssage étrangère d'une "noIe verbale" relative à un décret d'extradition) ; C. E. 25 mars 1988,
Société Sapvin. DA 1988. N° 286 (refus d'engager des négociiltions avec un Etilt rour en obtenir l'exécution d'une
décision de justice). C acte de gouvernement dans les relillions internationales reu! aussi s'appliquer à une affaire d' é-
missions radiophoniques: l'ordre émis rilr le gouvernement frilnçais afïn de brouiller des émissions de Radio
Al)dorre, station implantée en tenitoile étranger. échilppe ~l loul cotltrC,!l' juridictionnel. TC 2 février 19-"0, Sociél<'
de gérance ct de rublicité du posle de radiodiffusion "Radio Andorre .... Rcc. p. 652 . RDP 1950. r. 418, Conclusions
ROdent, noIe M. Waline.

gouvernement relatif d un fait de guerre s'inscrit dans la ca-
tégorie des actes de gouvernement. Des décisions anciennes et
re 1ati vement
récentes vi ennent cor robore r ce
cas
préc i s
d' "actes de gouvernement" (1).
- Enfi n, la jurisprudence admi ni st rati ve a admi s que
l'acte de gouvernement trouve une application dans les rela-
tions du Gouvernement français avec les organisations interna-
tionales.
La décision de pri.ncipe intervient en 1952 avec
l'Arrêt GENY Jean du 9 Janvier. Il s'agissait d'une contesta-
tion tendant d l'annulation du refus ministériel de soumettre
un litige d la Cour de Justice Internationale de La Haye. Le
Conseil d'Etat avait alors considéré" que les questions sou-
levées par lesdites conclusions se rattachent à l'exercice des
pouvoirs du gouvernement dans les relations de l'Etat français
avec un organisme international ; que ces questions ne sont
pas de nature à être portées davant le Conseil d'Etat statuant
au contentieux; que dès lors,

les conclusions susvisées ne
sont pas recevables ". De même, sont insusceptibles de recours
juri.dictionnel des décisions telles que le refus de présenter
des candidatures d des emplois dans des organismes internatio-
naux (UNESCO) (2), ou encore le refus de communiquer à un syn-
dicat des propositions adressées à un tel organisme (3), ainsi
que le vote du représentant français au sein d'un organisme
international, en l'occurrence le Consei.l des Communautés
Européennes (4).
(1) CE. 5 mars 1926, Panisse, Rec. p 245 et 30 mars 1966, GUYOT cl sté 1gnazio MESSINA, Rec p. 259.
Récemment, la haule juridiclion a cu à reconlïnner celte hYJXJlhèse dans une espèce Sieur Paris de la Hollardière ct
autres (CE. Ass. Il juillet 1975 Rcc p. 423)
c'est un décrel du 4 juillet 1973 créant une ZOne de sécurité autour de
,'altol de Mururoa, en Pol ynésie Française durant des essais nucll~;lIrCS el lin arrêté du même jour, par lequel le
Ministre des Armées suspend la navigation maritime dans la 7.Olle concern\\~e à par1ir du II juillet 1973 qui sont mis
en cause par les requérants. Le Conseil d'Etat estime que ces décisions qui "se rattachent aux reiations illtemalio-
nales de la Frallce ... ne sont ['as de nature à être déférées à la juridiction administratil'e ".
(2) CE. 20 février 1953, WEISS, Rcc Il 87.
(3) CE 10 février 1978. CFDT, Rcc p. 61 : A.J 1l)7l{, IR, r 217 nhscrvalIOII~ l' D[LVOLVI~
(4) CE. Ass 23 novcmbre !'.rn4, Associaliun "les VerL\\""' l'arti écolngiste cl aulres. I~cc. p. 3H2 ou I).A. J '.!H5. N° SI

L'état du droit jurisprudentiel relatif aux actes de
gouvernement dans "l'ordre international", nécessite ~outefois
une analyse plus cri ti que,
comparati vement au
régime de
"l'ordre interne" qui concerne les relations du gouvernement
avec le parlement. Car, à observer attentivement la réalité
des faits, un accord international en lui-même intéresse à
coup sûr les relations de la France avec un quelconque Etat
étranger. Seulement, il ne constitue pas strictement un acte
de gouvernement en ce sens qu'il n'est point un acte de droit
interne; il n'émane par conséquent pas de la seule volonté du
gouvernement
français,
mais
d'une
action
concertée.
Assurément, la sphère d'intervention du juge administratif
ainsi que celle qui marque son incompétence sont à repréciser
dans une telle mouvance de glissement perpétuel. En termes
plus prosaïques, certains auteurs estiment alors que udes pro-
blèmes très délicats surgissent lorsque l'on passe des actes
qui réalisent directement l'exercice des relations internatio-

nales aux mesures d'application et d'exécution de ces actes,
en particulier, aux mesures d'exécution des traités. Jusqu'où

se prolonge à cet égard le domaine de l'acte de gouverne-
ment"Cl)?
Aux yeux de la doctrine, la technique de la détachabili-
té suffi t à être prise en compte, procédé selon lequel
ude
nombreux actes et comportements doivent être considérés comme
détachables de l'exécution des traités et des relations inter-
nationales en général,
et par suite comme susceptibles de
contestation devant la juridiction administrative" (2). Une
distinction mérite ainsi d'être faite entre les
affaires dont
le juge ne pourrait connaître et celles qui pourraient lui
être déférées nonobstant leur arrière-plan international. Mais
la difficulté supplémentaire, somme toute, consiste à spécifi-
cier aussi nettement que possible l'essence même de l'acte dé-
tachab le d'un acte de gouvernement dont il est issu.
Le
Conmissaire du gouvernement ODENT en a esquissé la résolution
(1) A. de LAUJ3ADF.RE. Je VENEZIA et Yves GAUDI:l-.lIèl' in Tr;lIté de DrlJil/ic!minislralif. Torne 1. 9èrne édition,
L.G.D.l.
1984, r 300.
(2) René CHAPUS, Druit Adlllinistratir Général. '1fllTle 1. ,lèlllC l'rhr;lJll. I\\fontchréticn. 19RR, r 601

du problème en ces termes très séduisants
uil y a acte déta-
chable et non pas acte de gouvernement dès l'instant que les
autorités françaises jouissent d'une certaine indépendance
dans le choix des procédés par lesquels elles exécutent leurs

obligations internationales, qu'elles ont l'initiative des
moyens grâce auxquels elles se conforment auxdites obliga-
tions" (1).
A la lumière de ce raisonnement, le Conseil d'Etat a
tout naturellement appliqué cette notion dérivée de mesure dé-
tachable et éliminé la notion mère d'acte de gouvernement dans
plusieurs de ses décisions. En conséquence, les difficultés
nées, par exemple, à l'occasion de la décision du CŒnmissaire
Général privant une maison de commerce de la faculté de rece-
voir les certificats d'origine permettant l'importation en
franchise en Allemagne usont de nature à être soumises à la
juridiction contentieuse"
(2). Des décisions de justice plus
significatives ont été élaborées afin de distinguer l'acte dé-
tachable de l'acte de gouvernement proprement dit (3).
(1) Conclusions d;lI1s l':lff:lire Radiodiffllsioll Frauçais(' ('(luire Soci.'lé de gl'rauce el de l'uhlicill' (T<' :'. février
1950), RD,P, 1950, p. 427, Ilote dejnrisprudencc Marcel WALINE
(2) CE. 27 juin 1924. Godschmidt ct Strauss, Rec. P 607.
(3) Voir, par exemple. CE. 5 février 1926, Dame CARACO, précité; Assemblée. 7 janvier 1944. Sieurs LECOQ ct
autres. Rec. p. 5 ; RDP 1944, p. 325 note JEZE.
De façon beaucoup plus détaillée, il importe de retenir entre autres que:
• _ le Décret portant répartition de l'indemnisation en vertu de l'accord diplomatique conclu entre la République
Française ct l'elC-République rédérale d' Allemagne. aujourd' hui réunifiée il l'elC-RDA est détachable dudit accord pour
l'application auquel il a été pris. Cc qui implique aulC yeulC du juge que "sa légalité pCllt dès lors être dircutée par voie
de recours pour exâs de pouvoir" : CE. Section, 13 mars 1964. Vassile, Rec p. 178
_ Une obligation de réparation incombant à l'Etat d'un fait d'une sentence arhitrale est dl'tachable du traité en appli-
cation duquel la sentence a été rendue. c.E. Section, 29 novembre 1974, CANINO, Rec. p. 597
_ Le pennis de construire une ambassade est un acte détachahle des rapports internationaux: CE. Section 22 décemhre
1978, Van/ANI·/ NGHIA, Rec p. 521 ; A.J.D.A. 1979, N° 4. p. 36, Conclusions Genevoix,
_ Dans une espèce de section du 17 septemhre 1982, Société Radio tvlonte-Carlo ct autre, Rec. p. 418. le Conseil
d'Etat retient que l'autorisation :lccordée il une st:llion de radiodiffusion étrangè.re ct visant à installer son émetteur
radio sur le territoire français "ne peut être regardée comme se rattachant à l'activité internationale ou diplomatique
du Gouvernement. Que, par suite, la demande du syndicat des cadres de l'office de radio-télévirionfrançaise, dirigée
contre celle autorisatioll. relève de la compétenec de la juridicfiOlI admil1isfrali\\'e".

- La mesure de protection d'un diplomate étral1ger en rr:lncc, en raisoll de la contuile des relations intemationalcs.
est regardéc comme détachable de celte dernière activité. P:lr suite, la mise en jeu :Ie la responsabilité de l'Etat du fail
d'une éventuelle insuffisance de protection ne met nullement en cause les rapports internation:lux de la France. 1)' où
il suit que cette contestation est de la sphère de compétence du juge administratif
CE 29 avril 1987, YENER ct
EREZ, Rec p. 152.
. La détachabilité a été également :lppliquée ~ unc décision d'interdire l'exportation du matériel nucléaire il destina·
tion du Pakistan. C est un "acte détachahfe de fa conduite des relatiOlls dlj1fmnatiques de fa France, précise fI' juge.
Que, par suite, la juridiction administrative
cJI compétente pour connaître de fa demande de fa Société ROBATl-:L
S.L.P.I. tendant
à la réparation du préjudice que lui aurait causé la dite décision" . CE 19 février 1988, Société RO-
BATEL S.L.PI. Rec. p. 75.

En substance, l'acte de gouvernement, considéré dans le
prisme des relations internationales, n'est guère d'identifi-
cation aisée au regard de l'état de la jurisprudence adminis-
trative. Le Professeur Marcel WALINE avait néanmoins esquissé
un schéma en ces termes ci-après : "la convention internatio-
nale elle-même, ni son interprétation officielle, ne peuvent

faire l'objet d'aucun recours.
Les actes d'application peuvent faire l'objet d'un recours à
la triple condition:
1°) Que la mesure soit intervenue uniquement dans les
rapports de l'Etat français avec ses propres nationaux ;
2°) Que son jugement ne soit en aucun cas susceptible de
répercussion sur l'Etat étranger et ses nationaux
3°) Qu'il ne puisse aboutir en aucun cas à la constata-
tion juridictionnelle d'une situation irrégulière où se se-
raient trouvés les agents d'un Etat étranger par rapport au
droit interne français, celui-ci ne leur étant pas applicable
(sauf la réserve des lois de police
et de sûreté en ce qui
concerne les personnels autres que les diplomates" (1). Et de
suggérer implicitement que la distinction de l'acte de gouver-
nement de ceux qui en sont issus par la technique de la "déta-
chabilité"
s'inspirerait en général des parallèles que l'on
peut établir entre les mécanismes du droit international et
ceux du droit interne (2), question qui ne fait cependant pas
corps avec notre champ d'investigation.
(1) Marcel WALlNE,. note sous Conseil d'Etat, 28 janvier 1948, Sieur Lecanu, Rec, p. 41, RD.r 1948, p. 472'
dans cefle espèce, on note la détachabilité des décisions par lesquelles en conséquenccs d'accords intemationauJl, le
gouvernement français assure lui-même la réparation des dommages imputables à des Etats étrangers.
(2) L'auteur pose l'interrogation suivante' "peut-oll soutellir, dam ces cOlldition.<, que la distinctioll du traité et de
ses mesures d'exécution doit se calquer dorénavallt sur la distillction de la l(Ji et de .<es mesures d'exécution, et qu-

'ainsi loute mesure d'application, quelle qu'elle soit, est désormaÎ.f susceptible de recours contelltieux, comme est
susceptible de recours taUle mesure admillÎ.ftratil'e d'applicatioll de la loi. à l'ex('('ptio/l du druet de promulgatioll,
mais y compris les réglemellts d'administration publique"? ibid, pp 477-478.

Au-deld de ces réaménagements techniques apportés d la
théorie
jurisprudentielle
initiale
des
"actes
de
gouvernement", on retiendra néanmoins que lesdits actes trou-
vent leur terrain d'application, soit dans les rapports du
pouvoir exécutif avec le pouvoir législatif, soit dans les re-
lations directes d'Etat d Etat et même avec les organisations
internationales. Mais la véritable propriété intrinsèque des
ttactes de gouvernement" est sans doute perçue à travers la
force juridique qui leur est conférée, celle de l'immunité de
juridiction.
B - LE REGIME D'IMMUNITE JURIDICTIONNELLE DE L'ACTE DE
GOUVERNEMENT
"Le régime juridique de l'acte de gouvernement est ca-
ractérisé
par l'immunité
juridictionnelle dont
il bénéfi-
cie" (1). Cette assertion ne peut que conforter dans son en-
semble, la thèse de l'injusticiabilité d'une certaine activité
de l'entité administrative. La paralysie du contrôle juridic-
tionnel de l'administration, pour ce qui est de la théorie des
actes de gouvernement, doit cependant être nuancée. Car il
faudrait distinguer selon que l'on est en présence d'une immu-
nité totale ou lorsque cette dernière présente quelque fissu-
re. Ainsi entendues, les règles régissant l'immunité juridic-
tionnelle de l'acte de gouvernement révèlent une réalité gra-
duelle.
1- LA REGLE DE L'IMMUNITE ABSOLUE
La règle de l'immunité absolue signifie que l'acte de
gouvernement, tant dans "l'ordre interne" que dans "l'ordre
international", ne peut être soumis à la sanction juridiction-
nelle ; exception bien évidemment faite des actes susceptibles
d'être considérés comme détachables. Le principe de l'immunité
absolue n'appellerait pas de développements au regard de la
théorie jurisprudentielle du domaine des actes de gouvernement
déjà étudiée. Il ressort tout simplement des principes établis
(l).A. de LAUI3ADERE, Je VENEZ!.·\\ ct Y (;AIII)U"f1.T. 'l'rai'" dl' 1),0;1 :\\dll1;n;~I'atir, TOll1e J, Slème édition,
L.G.D.l 1984, p. 301.

par le juge que les recours en annulation dirigés contre ces
actes sont irrecevables. Ce qui leur confère en conséquence
une ümtunité totale. Le contentieux de la légalité est donc la
phase du contentieux juridictionnel qui est frappée de l'abso-
lutisme immunitaire, en ce sens que l'acte de gouvernement ne
peut être attaqué en annulation par le biais du recours pour
excès de pouvoir. Bien plus, "sa régularité ne peut pas davan-
tage
être
critiquée
sous
la
forme
de
l'exception
d'i Il éga 1i té "(1).
Toutefois, le contentieux de la responsabilité semble
être aujourd'hui retenu comme le champ de développement d'une
certaine flexibilité du régime d'immunité juridictionnelle des
actes de gouvernement.
2 - LES LIMITES A LA REG LE
Après avoir jugé.
pendant longtemps que les conventions
et traités internationaux, considérés comme des actes de gou-
vernement, ne pouvaient, par leur nature, ouvrir droit dune
réparation à la charge de l'Etat lorsque leur exécution cau-
sait un préjudice (2), le Conseil d'Etat a admis le principe
d'une telle indemnisation sur le fondement de l'égalité des
citoyens devant les charges publiques (3). La toute première
action en responsabilité, déclarée recevable par le juge, in-
tervient en 1966 dans une espèce Compagnie Générale d'énergie
radio-électrique (4). Les faits de la cause remontent
(~
l'instant où la compagnie requérante, propriétaire des instal-
lations du "Poste Parisien", util isées par les Allemands pen-
dant l'occupation, tenait de l'article 53 de la Convention de
La HAYE du 18 octobre 1907 un droit à réparation du préjudice
subi., à la charge de l'Allemagne. Seulement,les accords si.gnés
0) A. de LAUI3ADERE. Je VENEZ/A. y GAUDEMET, op. cil., p 301.
(2) CE. 5 décembre 1884. Société nelgc des chelllill~ dc fer. Rcc. p. RH7 .
CE. 5 mars 1926. Général Gramat. Rec p. 243 ;
CE. Section, 1er juin 1951. Société des étains ct Wolframs dllJè1l1kin. Rel'.. p 312 ,
CE. 14 février 1%2, D'ARGENCE, Rel'.. p 107 ,
CE. Section 26 avril J%3, LAURENT. Rec p 2.17
(3) Voir MM. PUISSOCllEr ct LECAl Chronique générale de jllmprlldence adlllillistrati\\'(; française. A.l.DA
1')(;0,
pp 349-351.
(4) CE. Assemblée. 30 mars 19(>6, Compagnie g,~nérale d' '~lIergie radio-électrique. Rel'. p. 257.

d Paris le 14 janvier 1946 et d Londres le 27 février 1953
entre les Alliés et l'ex-République Fédérale d'Allemagne ont
eu pour effet de différer "jusqu'au réglement définitif du
problème des réparations, l'examen des créances issues de la
deuxième guerre mondiale des pays qui ont été en guerre avec

l'Allemagne et des ressortissants de ces pays à l'encontre du
Reich". En empêchant, jusqu'à une date indéterminée, la compa-
gnie de réclamer d l'Etat Allemand l'indemnité qui lui est
due, ces accords signés par la France lui causent un préjudice
qui engage la responsabilité de l'Etat Français.
Préalablement d la saisine du juge, la compagnie opte
pour une démarche administrative en saisissant le Préfet de la
Seine afin que ce dernier lui accorde effectivement l'indemni-
té. C'est alors qu'intervient une réaction négative de l'auto-
rité administrative, formalisée par une décision du rejet en
date du 4 octobre 1950. Usant de l'argument juridictionnel,
ladite compagnie soumet le litige au Tribunal administratif de
Paris qui, par jugement du 6 janvier 1960, la déboute dans sa
demande tendant d l'annulation de la décision préfectorale. En
appel, la haute juridiction doit se prononcer sur la question
de savoir s'il y a effectivement préjudice d l'endroit de la
requérante du fait de conventions internationales. L'issue du
prob l ème est contenu dans un "consi dérant" clai rement rédigé
en ces termes :
"Considérant que la responsabilité de l'Etat est suscep-
tible d'être engagée, sur le fondement de l'égalité des ci-
toyens devant les charges publiques, pour assurer la répara-
tion des préjudices nés de conventions conclues par la France

avec d'autres Etats et incorporées régulièrement dans l'ordre
juridique interne, à la condition d'une part que ni la conven-
tion elle-même ni la loi qui en a éventuellement autorisé la
ratification ne puissent être interprétées CŒlrne ayant entendu

exclure toute indemnisation et d'autre part que le préjudice
dont il est demandé réparation soit d'une gravité suffisante

et présente un caractère spécial".

372
Le principe d'une telle indemnisation étant admis, la
jurisprudence le soumet à deux conditions cumulatives: l'in-
demnisation du préjudice ne doit pas être exclue ni par la
convention elle-même ni par la loi qui en autorise éventuelle-
ment la ratification; le préjudice qui doit être d'une gravi-
té suffisante doit également revêtir un caractère spécial.
La défaite contentieuse essuyée par la compagnie requé-
rante (1) avait alors suscité un scepticisme hâtif chez cer-
tains pour qui il y avait '~eu de chances ... pour que cette
juri sprudence fasse peser sur l es
fi ncances pub li ques une
charge importante Il (2). A tort, puisque quelque temps après,
et dans une espèce fort similaire, le Conseil d'Etat accordait
sur le fond du litige une indemnisation du fait de la respon-
sabilité de l'Etat pour application par les autorités fran-
çaises d'une convention internationale réguli~rement incorpo-
rée dans le droit interne (3).
Ainsi élaborée par le juge administratif français, la
théorie des "actes de gouvernement", on le constate, présente
d'une part un champ d'application double et d'autre part un
régime d'immunité juridictionnelle irréfragable par principe
et
exceptionnellement
ébranlable.
Abstraction
faite
de
quelques détails subtils relevés dans la conception hexagonale
des "actes de gouvernement", c'est dans ses éléments essen-
tiels que cette dernière a été transposée dans l'ordre juri-
dique au Cameroun.
(1) Le juge avait en effet estimé que la requérante n'(:tait pas foudée il soutenir "auuulation du jugemcnt du Tribunal
administratif de Paris puisquc l'inslruction de l'affaire n'avait nullemeut établi la c'.lIldilioll de caractère spécial; la
généralité des accords susmentionnés et le nombre élevé de 'ressorliss;mls français vidimes de domm<lges <lll<llogues
ne pennettaient pas, en effet, de regarder le dommage allégué par la requérante COTllme présenta ni un caractère spécial
de nature à engager la responsabilité sans faute de l'Etat em'ers la Compagnie.
(2) MM. PU 1SSOCHET et LECi\\I: chronique précitée, p. 351
(3) Décision de section, du 29 octobre 1979, ~1inistre des affaires élraugères contre Dame Burgat, Sieur Lctourneur et
Dame Loiseau, Rcc. p. 452. En appel d'un jugement du Trihunal administratif de l'aris conciamn<lnt l'Elat ;'1 p;lyer aux
requérants la somme de 12574,17 F cn réparation de pr~juciices impulables il l'application d'une con\\'eulion inlema-
tionale, le Conseil d'Etat porta le montant il 30 000 F en raison de la réunion, dans les circonstanccs de l'aff<lirc, dc
conditions préalablement imposées dans S<l jurisprudcnce de principe Je J'HiC), en 1',x,cllITcnce l'Arrêl COl1lp<lgn;e
Générale d'énergie r<ldio-électrique du :'0 mars, précité.

Il
-
LA
TRANSPOSITION
THEORIQUE
DANS
L'ORDONNANCEMENT
JURIDIQUE
CAMEROUNAIS
Le droit positif au Cameroun semble, de toute évidence,
avoir parachevé l'intégration de ce qu'il est aujourd'hui
convenu d' appe1er ((actes de gOLJvernement" dans quelques -unes
de ses composantes juridiques. Pareil mouvement de réception
et d'édification de la norme de droit est progressivement de-
venu familier, puisque, loin de présenter un caractère isolé,
il s'inscrit plutôt dans une stratégie globale de mimétisme
des
éléments
fondamentaux de
la culture juridique
françai-
se (1). L'application des règles du droit administratif fran-
çais au Cameroun par le juge spécialisé de l'Administration
révèle cette identité de solutions jurisprudentielles, compa-
rativement au règlement des problèmes liés à l'activité de la
((puissance publique" en France (2). L'on finirait ainsi par
adhérer au discours pamphlétaire dirigé contre un juge came-
rounais ((peu enclin à l'originalité" , motif pris de ce qu' ((un
examen des décisions rendues par les juridictions administra-
tives montre qu'elles font leurs, de manière spontanée,
les
principales règles du droit administratif français" (3).
S'agissant de la conception camerounaise des ((actes de
gouvernement" essentiellement ébauchée par le juge administra-
tif,
il convient nécessairement d'y greffer une certaine
"touche" du législateur national: la transposition de ladite
théorie, du droit Français vers le droit Camerounais, est vé-
ritablement l'oeuvre conjuguée de la jurisprudence administra-
tive ainsi que de5dispositions législatives érigées soit par
le législateur initial, soit par le législateur par habilita-
tion (4).
(1) Joseph-Marie nll-"'(JUN- WOUM, "Recherches.rur les arrectr actuels de la récerlion du droit adminütratif dans les
EtaLr d'Afrique noire d'exrreHlon française. le car du Cameroun ", RJP.I.C, N° 3, 1972, pp. 359-387
(2) A titre d'illustration supplémentaire, le contenlieux de la fonction Publique, qui est de loin la matière génératrice
des litiges administratifs, donne l'opportunité il la juridiction administrative de reprendre pour son compte le princi-
pe des droits de la dércnse en droit disciplinaire, affirmé dès le 19 juin 1903 par le Conseil d'Etat dans l'affaire LE1X)-
CHOWSKI et réaffirmé dans sa jurisprudence TERY du 20 juin 1913, (ii\\ N° 31
Le juge nationalmainlient ferme-
ment en effet l'impéralif préalahle à la prise de la san clion disciplinaire qui consiste il porter il la connaissance du
fonctionnaire, les griefs contre lui nrticulés, doms le hut de lui pcnnellre de présenler ses moyens de défense: CCi\\,
Arrêt N° 655 du 25 octohre 1957, ErJONCiUE Jean-i\\dalhcrt, CfJIi\\r, i\\nêt N° 11 du 1(, mars 1%7, /o.·ji\\KOIJf3r: ErEE
Albert et la même année, Arrêt N° 11 du )8 oclohre, MPESSA Slanislas , CS/CA, Jugemenl N° 71 du 13 mai 1976.
BENE BELLA Lambert; CSI ;\\1), i\\ rrêl N° 1Rli\\ du 2<1 mars l 'JR4, Ni\\Ni\\ David.
(3) lM. B1POUN WOUM. op cil. , p. 3(;J
(4) L'article 9, alinéa 5 de l'Ordonnance N° 7'2.iG du 26 noOI 1972 rix<l111 l'Nf.<lrmalion de la Cour Suprêmc disposc
quO "aucune Cour ou Tribullal Ile peUl conf/aÎtre de.r actes de !i0llvemnnent"

374
A - LES DONNEES DE LA RECEPTION JURISPRUDENTIELLE
L'Etat de la jurisprudence administrative relativement
aux actes de gouvernement est le produit de quatre grandes dé-
cisions de justice qui ont permis au juge d'asseoir un certain
nombre d'idées dont la plus importante consiste à déterminer
quels types d'actes constituent des actes de gouvernement. A
l'occasion de litiges mettant en jeu cette notion curieusement
et toujours invoquée par les représentants de la puissance pu-
blique en justice (1), il apparaît clairement que c'est à pro-
pos de la désignation des chefs traditionnels que le juge a
été sollicité dans le but d'harmoniser des positions bien
tranchées.
L' affai re
KOUANG Gui llaume-Charles
contre
Etat
du
Cameroun en est le précédent initial dont les faits de l'espè-
ce sont ainsi rapportés (2). A la suite du décès constaté le
17 octobre 1976 de LINGaM KOUANG Albert, chef du village Song-
Bassong de l'arrondissement Bassa d'Eséka, la vacance du poste
à pourvoir à la chefferie est ouverte et met en compétition le
fi 1s du chef défunt, KOUANG LINGaM Albert contre l'un des
frères du de cujus, KOUANG Guillaume, le requérant
Le scrutin organisé le 28 mars 1977 consacre l'élection
de KOUANG LINGaM Albert par 27 voix contre 10 à son adversai-
re, KOUANG Guillaume. Un arrêté N° 28S/AP/ONE/BR/E2 du préfet
du NYONG-et-KELLE en date du 15 novembre 1977 viendra entéri-
ner ces résultats en désignant KOUANG LINGOM Albert comme nou-
veau chef du village susvisé.
Intimement convaincu du caractère irrégulier du scrutin,
KOUANG Guillaume, candidat malheureux, saisit la chambre admi-
nistrative de la Cour Suprême par requête en date du 3 juin
1978, enregistrée au greffe de ladite chambre sous le N° 465
du même jour, à l'effet de faire annuler tant l'arrêté préfec-
toral N° 285/AP/ONE/BR/E2 du 15 novembre 1977 que celui, rec-
'tificatif, N° 13/RA/DNE/BR/2 du 20 janvier 197R au motif que
73 notables avaient été injustement écartés par une fraction
- - - - - - - - - - - -
(1) Les représentants dc l'Etilt cn justice onl toujours cm judicicu.~ de miscr sur le bouclier qu'cst "acre dc gouvcrnc-
ment, enlouré d'une immunité juridictionncllc ahsoluc, pilrcc qu'il impliquc Ic 1101l-e~all1el1 au fond par le'jugc des
contestations mettant ·en callse cette notion,
(2) Jugement AD.D N" (>6/CS/CA. 78-79 du 31 mai 1979

partisane du jury (1) alors même que ces derniers l'avaient
investi par procès-verbal signé par les membres du conseil de
famille détentrice de la chefferie concernée.
En défense, le représentant de l'Etat soutient au prln-
cipal dans ses écritures des 1er septembre, 20 octobre, 22 no-
vembre,
8 décembre 1978 l'exception d' incompétence de la
chambre administrative de la cour suprême au motif que l'acte
de désignation du chef traditionnel n'est rien d'autre qu'un
acte de gouvernement bénéficiant d'une totale immunité juri-
dictionnelle de par l'article 9 alinéa 5 de l'Ordonnance N°
72/6 du 26 août 1972 portant organisation de la cour suprême,
lequel article fonde les dispositions du décret N° 77/245 du
15 juillet 1977 dont l'article 16 dispose que "seule l'autori-
investie du pouvoir de désignation se prononce en premier
et dernier ressort".
Le juge administratif réfute cependant l'exception d'in-
compétence soulevée. Il déclare recevable le recours de KOUANG
Guillaume car la décision sanctionnant la désignation du chef
demeure à ses yeux un simple acte administratif. Ce jugement
de recevabilité est synonyme de compétence juridictionnelle.
Bien plus, le juge précise que l'on parlera "d'acte de gouver-
nement lorsque la réclamation tient à une question politique
dont la décision appartient exclusivement au gouvernement".
La
décision contestée dans la présente espèce n'émane manifeste-
ment pas d'une autorité gouvernementale. D'où une absence to-
tale de connexion avec ce que l'on appelle "l'acte de gouver-
nement". Enfin, conclut le juge administratif, c'est "la ma-
tière à laquelle ils sont relatifs qui déterminent les actes
de gouvernement.Ainsi, les actes qui ont trait aux rapports du

gouvernement avec le parlement et ceux à caractère internatio-
nal ou diplomatique, c'est-à-dire qui intéressent les rapports
du Gouvernement Camerounai s avec l'étranger ne peuvent fai re
l'objet d'un débat par la voie contentieuse. Ces actes échap-
pent à la compétence de toute juridiction.". Cette solution,
indubitablement inspirée par les formules du juge Français,ve-
nait ainsi consacrer la transposition par la jurisprudence na-
(1) Le requérant estimc cn effel que le sous-préfet d'Eséb, président du jury. a,·;";t été supplanté dans sa tâche par les
responsables de J'U.N.e. et de l'O.FU.N.C-Union Nationale Camerounaise, ex-parti unique et son démembrement
féminin de J'organisation des femmes - lesquels faisaient également partie du jury de désignation du chef.

376
tionale du prInCIpe des actes de gouvernement dans le droit
positif camerounais. L'amorce de la théorie devait du reste
être corroborée, six mois plus tard, dans un litige similaire,
ESSOMBA
Marc-Antoine
contre
Etat du Cameroun (1). Les faits
de l'espèce sont les suivants.
Suite au décès, le 17 décembre 1972, de ESSOMBA NSEGUE
Marc -Antoi ne,
chef de groupement Mvog Fouda Mballa,
une
consultation est organisée le 24 mars 1976 sous la présidence
du préfet de La MEFOU afin de pallier la vacance de l'institu-
tion ancestrale. A l'issue de ladite consultation, Monsieur
TSOUNGUI ESSOMBA Joseph est désigné chef de groupement Mvog
FOUDA MBALLA. Cette désignation est homologuée par un arrêté
N° 84/A/MINAT/DOT du 25 mai 1977 du Ministre d'Etat chargé de
l'administration territoriale.
C'est cet arrêté ministériel que conteste le planteur de
NKONGNTSAM par requête en date du 27 septembre 1977 enregis-
trée le lendemain au greffe de la chambre administrative sous
le N° 578 pour excès de pouvoir.
A l'appui de son recours en annulation, le requérant, en
sa qualité de descendant direct du défunt chef, estime avoir
été injustement écarté de la consultation ayant abouti à la
désignation du chef. Le requérant estime en effet d'une part
que le chef désigné ne descend pas de la Famille MVOG NSEGUE
du groupement Mvog FOUDA MBALLA, mais plutôt de la Famille
Mvog NGA MBARGA du même groupement. D'autre part, le préfet
chargé d'organiser la procédure de désignation du chef avait
purement et simplement écarté sa candidature en le traitant
d'aliéné mental et
~ faik.
pression sur les notables afin
que ceux-ci portent leur choix sur le candidat TSOUNGUI
Joseph.
En réplique aux griefs du requérant, le représentant de
l'Etat conclut à l'incompétence de la Cour, l'acte attaqué
constituant un acte de gouvernement.
Pour le juge administratif, l'acte mIS en cause "n'est
(1) Jugement N° 7/CS/Ci\\.-79-RO du 29 novembre 1979

377
qu'un simple acte administratif pris dans le cadre des attri-
butions dévolues à l'autorité investie du pouvoir de désigna-
tion ; qu'il s'en suit que la Cour 5urpême est compétente à
connaître du présent recours". Et de réitérer comme il l'avait
fait six mois auparavant que ul'on parle d'acte de gouverne-
ment lorsque la réclamation porte sur une question politique
dont la décision appartient exclusivement au gouvernement".
Qu'il s'agit, schématiquement, des t~ctes qui ont trait aux
rapports du gouvernement avec le parlement et ceux à caractère
international ou diplomatique . .. ".
('est le statu-quo jurisprudentiel qui prévaut si l'on
se réfère à la summa divisio initiée depuis la précédente af-
faire KOUANG Guillaume. La nouveauté, dans cette décision,
tient cependant au fait que le juge administratif rentre pro-
gressivement dans des détails tout à fait compatibles avec la
division binaire, lorsqu'il exprime clairement que, par actes
de gouvernement, l'on désigne ces t~ctes par lesquels sont dé-
terminés les modalités de l'élection à l'Assemblée Nationale,
Zes actes portant convocati on du corps é 1ectora 1 en vue des
Zégislatives,

les décisions
du gouvernement relatives à
l'exercice de son droit d'initative des
lois,
les actes
concernant l'élaboration des traités et accords internatio-
naux". (1)
La notion d'acte de gouvernement semblait alors suivre
une évolution linéaire lorsqu'il était question des contesta-
tions liées à la désignation des chefs traditionnels. Il a
tout simplement suffi que le litige soumis à la sanction juri-
dictionnelle soit de nature différente ou qu'il se déplace sur
un terrain nouveau pour que l'on constate une destabili.sation
dans le raisonnement du juge admi.nistratif. L'affaire ESSOUGOU
Benoit procède de ce changement de conception (2).
(1) Le décret de convocation du corps électoral en vue de l'élection présidentielle est, au même litre que celui relatif à
l'élection législative, un acte de gouvcrnement inSlisceptible d'action juridictionnellc. Celle catégorie nouvells.sans
relation véritable avec les dcu)!: grands domaines de la théorie traditionnclle dcs actcs de w'uverIlcnlent est Ic produit
d' :.II1e elttension jurispmdentielle récente.
,J
-Ordonnance de référé N° I10R/I'CJ\\ICS/9'2-9~ du :'. octobre 1992. Union IXmocratiqlle Camerounaise (l J.D.Cl c!r:tat
du Cameroun (NfINJ\\T) ;
- Ordonnance de référé N° 2/0R/CS/PCJ\\1I2-9:J du 2 octohre 1992. Social Democratic Front (S.D.F) clElat clu
Cameroun (MIN AT) ,
- Ordonnance de référé N° 3/01~/CS/PCA/92-9~ du :2 octohre 1992. Socinl J)enl(x:ratÎe Front (S.D.le.) ct Union des
Forces Démocratiques du Cameroun (U.FDe) c/Eta! du Cameroun (1\\llNAT)
(2) Jugement N° 34/CS/CJ\\-79-S0 du 24 avril 1980

Le sieur ESSOUGOU Benoit, docteur en médecine, obtient
du chef de l'Etat l'autorisation de s'installer en clientèle
privée par lettre du 25 septembre 1968, à l'issue de l'accom-
pl issement effecti f de son engagement décennal au sein de
l'Administration. Une autre lettre du 28 septembre 1968 du
Commissaire Général à la Santé Publique lui permet d'exercer à
Yaoundé. Ces documents lui permettent en outre de s'inscrire
au tableau de l'Ordre des Médecins, inscription qui lui est
notifiée par lettre N° 1039/CNO/PR du 30 octobre 1968 émise
par le président dudit ordre. Le 28 juillet 1970, le Tribunal
Crimi ne l
Spécial de Yaoundé condamne le docteur ESSOUGOU
Benoît à l'emprisonnement à vie pour détournement de deniers
publics. L'intéressé est libéré huit ans après sur remise de
peine par décret N° 78/356 du 21 août 1978. Pendant son incar-
cération, un décret présidentiel N° 73/656 du 22 octobre 1973
fixant les conditions de création et de fonctionnement des
formations sanitaires est pris. Les modalités d'application
dudit décret sont fixées par l'arrêté N° 87/A/MSAP du 11 dé-
cembre 1973 du Ministre de la Santé publique. Dans son article
2 notamment, il est dit que ules responsables de ces forma-
tions sanitaires devront adresser, conformément aux disposi-

tions de l'article l@-a du décret susmentionné, dans un délai
de deux mois pour compter de la date de publication du présent
arrêté, un dossier comprenant une copie de l'acte d'autorisa-

tion d'ouverture,
les plans des locaux et éventuellement la
capacité hospitalière, le statut de la formation et la compo-
sition du conseil d'administration s'il
y a lieu, le budget de
fonctionnement et le rapport détaillé des activités du dernier
exercice, la liste nominative des personnels employés avec in-
dication de leur qualification professionnelle, leur curricu-

lum-vitae complété, le cas échéant, pour la copie conforme des
diplômes obtenus, le réglement intérieur de la formation".
A sa sortie de prison, le docteur ESSOUGOU Benoit intro-
duit le 23 octobre 1978 une demande de reconduction d'autori-
sation d'exercer en clientèle privée à Yaoundé conformément à
la procédure en vigueur. Par lettre N° 802/6/MSP/DS du 26 fé-
vrier 1979 noti fiée à l'intéressé, le Ministre de la Santé
Publique rejette cette requête. L'échec de la démarche admi-
nistrative incite alors le docteur ESSOUGOU Benoit à saisir la
chambre administrative de la Cour Suprême par requête écrite

en date du 14 juin 1979 enregistrée au greffe le même jour
sous le N° 763 et tendant à l'annulation de la décision conte-
nue dans la lettre de refus du Mi ni stre. En même temps, il
sollicite la condamnation de l'Etat au paiement de dornmages-
intérêts estimés à 480 000 000 de FCFA (1) correspondant à
vingt années d'activités qu'il juge encore pouvoir réaliser.
Pour ce qui est du motif d'annulation, le requérant invoque
l'excès de pouvoir découlant de ce que son incarcération n'est
qu'un simple arrêt de travail, le tribunal criminel spécial
n'ayant pas affirmé qu'il était interdit à l'avenir d'exercice
de sa profession médicale.
En réponse à ces conclusions et outre les autres moyens
relevés par le représentant de l'Etat, ce dernier oppose l'ar-
gument de l'incompétence de la Cour dans le présent litige car
à ses yeux, la décision attaquée lIest un acte de gouvernement
insusceptible de recours" contentieux.
Le refus ministériel adressé au sieur ESSOUGOU rentre-t-
il dans la catégorie des actes de gouvernement? Telle est ma-
nifestement l'interrogation centrale, ou plus exactement le
problème juridique posé dans la présente espèce. Pour sa part,
le juge administratif se prononce explicitement par une répon-
se négative, ne voyant pas en quoi un refus ministériel de re-
conduction d'agrément à une profession libérale pourrait s'ap-
parenter à l'acte de gouvernement classique. Cette position
jurisprudentielle est satisfaisante dans son principe. En re-
vanche, elle est susceptible de prêter le flanc à la critique
quant à ce qui concerne l'acceptation que le juge donne à la
notion sujette à controverse.
En effet, le juge de l'affaire ESSOUGOU
nous éloigne
des précisions apportées par la jurisprudence antérieure, dans
la mesure où il définit l'acte de gouvernement par des for-
mules telles qu'Ill 'acte ayant un caractère essentiellement po-
litique ll ou encore III 'acte se rattachant à l'exercice dans des
(1) Depuis le 12 janvier de l';Jnnéc en cours, il y ;J eu moc!ific;Jlion dc p;Jrité cntrc Ic Franc Fr;Jnç;Jis el le Fr;Jnc CFA
(Communauté f-inancière Afric;Jinc), morlll;Jie aY;Jnt cours lég;J1 au Camcroun cl d;Jns 13 ;Jutrcs EI;Jls africains"
Désormais, Ull franc Cf-A correspond i. O,O! /-r;Jnc f'r;Jnpis ;Jlors que, jusqu';llI Il j;Jll\\"icr demier, celte même unité
valait 0,02 f-ranc hcx;Jgonal. f_a 1ll0nn;Jie /oc;Jle ;J donc (;Ié dév;Jluée de 50 'X) pal rapport au Franc Fr;Jnç;Jis qui, corré-
lativement , est réévalué de 100 %

matières du gouvernement".
L'inconvénient maJeur provient
évidemment de ce que l'usage de notions aussi vagues contribue
à introduire des éléments nouveaux qui ne sont de surcroît
guère précisés dans leur signification. Et l'on convient avec
M. MBOME François que Ucette approche des juges camerounais
rappelle étrangement l'état du droit en vigueur en France sous
le Second Empire" (1), lequel auteur achève qu'en procédant de
la sorte, ule juge fait un beau cadeau à l'administration ...
en ajoutant le critère combien vague et dangereux du mobile
poli ti que".
En l'état actuel de la jurisprudence administrative,
l'affaire ESSOUGOU, confirmée en appel (2), demeure le cas
isolé perturbateur ayant momentanément rompu la clarté aupara-
vant maintenue par la juridiction administrative lorsqu'elle
fut confrontée aux contestations relatives aux actes adminis-
tratifs de désignation des chefs traditionnels. Le litige op-
posant l'Etat du Cameroun à M. MONKAM TIENTCHEU David (3) et
portant sur le classique problème de désignation des chefs
traditionnels constituera alors l'occasion de raffermir l'uni-
té des conceptions de la jurisprudence administrative en ma-
tière d'acte de gouvernement.
Dans une sphère géographique Bamiléké où l'institution
de la chefferie traditionnelle demeure encore fortement ancrée
dans ses fondements sociologiques, c'est encore une décision
ministérielle qui sera à l'origine du débat contentieux. Par
arrêté N° 57/A/MINAT/DOT du 5 avril 1978, le Ministre d'Etat
chargé de l'Administration territoriale désigne M. POKAM NIT-
CHEU Gabriel Olivier,âgé de dix ans, comme chef de groupement
Banka dans l'arrondissement de Bafang.
Par requête écrite en date du 15 décembre 1978, enregis-
trée le même jour au greffe de la chambre administrative sous
le N° 199, le sieur MONKAM TIENTCHEU David, fils du chef dé-
funt, agissant tant en son nom que pour le compte des autres
(1) Voir ses observations sous ICJugcmcn( N° 3'1/CS/CA79-RO du 2<.1 aVili 19RCI. doclcur ESSOl!C;Ol! rrécilé. recueil
Penan!. 1989, p. 136.
(2) Recours N° 30311\\ du 7 juin 1980. audiencc du 19 mars 1981. Arrêt N° IR/A cOlllïnnalif
(3) Jugement N° 40/CS/CA 79-80 du 29 mai 19RO.

enfants du de cujus, demande l'annulation de l'arrêté ministé-
riel susévoqué. Les motifs invoqués sont relatifs à des irré-
gularités formelles et procédurales entachant la décision du
Ministre. Au surplus,
le chef désigné ne rempl it pas les
conditions requises par la coutume bamiléké pour exercer ses
fonctions, en ce sens qu'il a été désapprouvé par l'énorme
majorité de la population Banka.
Dans son mémoire en défense du 23 janvier 1979 adressé
au greffe de la juridiction, le représentant de l'Etat conclut
à l'irrecevabilité de la requête pour défaut de qualité du
requérant, lequel ne fournit aucune justification de son titre
de représentant en la cause des autres enfants. Fidèle à sa
stratégie contentieuse, la défense des intérêts de l'Etat en
justice soutient en plus que l'acte de désignation d'un chef
traditionnel est un acte de gouvernement insusceptible de don-
ner lieu à un contrôle juridictionnel, conformément à l'ar-
ticle 9 de l'Ordonnance N° 72/6 du 26 aoat 1972. La désigna-
tion de POKAM NITCHEU Gabriel Olivier rentre-t-elle dans la
catégorie des actes de gouvernement ?
La réponse du juge est négative. En effet, tout en rap-
pe lant ses propres
jugements N° 66/ADD/CS/CA/78-79 KOUANG
Guillaume Charles et 7/CS/CA/79-80 ESSOMBA Marc-Antoine des 31
mai et 29 novembre 1979, la Chambre administrative se déclare
compétente en l'espèce au motif que l'acte litigieux n'est
qu'un simple acte administratif.
('est finalement l'ensemble de ces décisions de justice
administrative qui fonde la réception de la théorie juridique
Française des lIactes de gouvernement". Une fois acquise, ladi-
te théorie s'impose tant à l'égard des administrés qu'à l'a-
dresse de la puissance publique en raison du sacro-saint prin-
cipe de l'autorité de ffchose jugée". Il peut néanmoins sembler
intéressant d'examiner le degré d'adhésion du juge judiciaire
vis-à-vis de la conception de son homologue administratif.
Puisque, sous la dictée du hasard des requêtes contentieuses,
celui-ci s'est trouvé confronté à une espèce en rapport avec
la question de l'acte de gouvernement.

C'est à propos de l'approbation, par les autorités de
tutelle, des actes des organismes subordonnés à la tutelle du
pouvoir central de l'Etat que le magistrat judiciaire s'est
prononcé sur l'expression controversée d'acte de gouvernement.
L'espèce TSANGA Soter (1) était au centre d'une cause juri-
dique dont les faits peuvent ainsi se résumer: la réorganisa-
tion de la Banque Camerounaise de Développement, en abrégé
B.C.O., avait entrainé une vaste suppression d'emplois. A cet
effet, la direction de l'institution bancaire procède, par dé-
cision N° 72/209/0F de l'an 1972, au licenciement d'un nombre
important de personnels, cadres et simples agents confondus.
Le
sieur TSANGA
Soter,
qUl
occupai t
le
poste
de
Secrétaire Général, décide d'assigner son employeur en justice
pour licenciement abusif. A l'appui de cette prétention, le
requérant soutient que la décision contestée viole diverses
dispositions du statut régissant les agents de la B.C.O.
Le Tribunal de grande instance de Yaoundé, statuant en
matière sociale, tout comme la Cour d'Appel de la même ville
jugeant en appel, tranchent le litige en donnant gain de cause
à TSANGA Soter. C'est alors que la B.C.O. se pourvoit en cas-
sation de l'arrêt de la Cour d'Appel.
Des multiples moyens de cassation invoqués par la partie
demanderesse figure, entre autres, la violation de l'article
9, alinéa 5 de l'Ordonnance N° 72/6 du 26 Août 1972 fixant
l'organisation de la Cour Suprême, laquelle violation consiste
"en ce que les mesures de sauvegarde prises par le Conseil
d'Administration de la Banque Camerounaise de Développement,
Société d'Etat, dont les deniers ont le caractère de deniers
pub li
cs et dont le di recteur généra lest nOl1l11é par décret pré-
sidentiel,

ont
été
approuvés
par
le
Président
de
la
Répub li que, chef de l' exécuti f, et comme te l consti tuent un
acte de gouvernement. "
(1) Arrêt N° 2915 du 14 juillet 1977 de la Chambre sociale de la Cour Suprême du CAI'vIEW)UN.

La Chambre Sociale de la Cour Suprême rejette pareil ar-
gument juridique, retient au contraire sa compétence et décide
en conséquence "que le licenciement d'un employé ne peut ...
être un acte de gouvernement ; que
l' approbati on par
le
Président de la République de la suppression d'un poste à la
Banque Camerounaise de Développement peut être considérée
comme un tel acte, mais ne saurait en aucun cas faire écarter
1es règ 1es devant être app 1i quées aux termes du Code du
Travail et du statut du personnel de la B.C.O.
lors d'un li-
cenci ement".
Il convient de s'attarder quelque peu sur ces observa-
tions préalables.
Le licenciement du sieur TSANGA Soter est signifié par
la décision N° 72/209/DF de la direction de la B.C.D. Cette
mesure équivaut par conséquent à un acte de licenciement qu'il
faut nécessairement distinguer de la mesure présidentielle
d'approbation dudit acte. Le problème juridique qui se pose
est de s'interroger sur la nature juridique respective de ces
actes parallèles.
Pour ce qui est de la décision de licenciement, il est
clair qu'à partir du moment où les agents de la Banque
Camerounaise de Développement sont régis, du point de vue sta-
tutaire, par les règles du Code du Travail, il ne fait aucun
doute qu'elle relève du droit du travail. C'est pour cette
raison que le juge estime dans cette affaire tique le licencie-
ment d'un employé ne peut . .. être un acte de gouvernement".
Quant à la mesure présidentielle d'approbation d'un tel
licenciement, le juge judiciaire reste assez flou sur sa natu-
re j uridi que. Simp1ement, il émet l' éventual i té que l'acte
d) approbation en questi.on "(pui sse) être consi déré comme" un
acte de gouvernement.

La conclusion qui s'impose est que cette jurisprudence
judiciaire n'apporte rien de substanciel à la problématique de
la définition de l'acte de gouvernement. Il n'est donc pas
exagéré d'alléguer qu'à ce jour, seul le juge administratif
Camerounais doit être regardé comme l'auteur principal de la
conception juridique nationale ((des actes de gouvernement",
laquelle s'identifie résolument à ((une théorie d'essence pu-
bliciste" (1).
Accessoirement cependant, le législateur est parvenu à
marquer de son empreinte, de manière non moins significative,
le processus d'édification du droit des ((actes de gouverne-
ment".
B - LA CREATION D'UNE NOUVELLE VARIANTE D'ACTES DE GOU-
VERNEMENT PAR LE LEGISLATEUR.
-
Lorsqu'un arsenal législati f spontané est destiné à
exempter, circonstanciellement ou à titre définitif, un cer-
tain nombre de décisions de la puissance publique de tout
contrôle juridictionnel, on est tout naturellement enclin à
établir quelque lien avec l'acte de gouvernement classique qui
se caractérise principalement par une immunité de juridiction.
C'est du moins ce que semble mettre en relief cet observateur
averti de l' acti vi té normatri ce au Cameroun.
Le professeur
NLEP note en effet que ((dans leur volonté sans cesse affirmée
de considérer comme priorité des priorités la recherche de
l'unité nationale,
les dirigeants camerounais, en butte aux
rivalités tribales longtemps cristallisées par une guerre ci-
vile à peine voilée, et en tout cas entretenue par une organi-
sation anarchique des chefferies traditionnelles, ont conféré

à certains actes de l'exécutif une immunité juridictionnelle.
Et le fait que le législateur, par des lois traitant des ma-
tières sans rapport aucun avec les deux domaines retenus par

la théorie classique des actes de gouvernement, ait néanmoins
exclu tout recours contentieux les concernant, a conduit cer-
tains auteurs à y voir une extension de la notion d'acte de
gouvernement". (2)
(1) Le:l.prcssion est du professeur Roger-Gabriel NLLI'
(2) Roger-Gabriel NLEI', op. cil. p. 294.

La densi té et la clarté du propos sont révélatrices
d'une certaine stratégie de l'autorité législative visant à
contribuer à l'élaboration d'un droit de la théorie des actes
de gouvernement déjà amorcé par la jurisprudence administrati-
ve. A ce jour, la protection des actes des autorités adminis-
tratives ayant trait au terrorisme ainsi que les mesures de
désignation des chefs traditionnels contre tout débat juridic-
tionnel procède de cette fin. S'agissant particulièrement des
actes administratifs de désignation des autorités tradition-
nelles, la position du juge est qu'ils ne peuvent en aucun cas
constituer des actes de gouvernement. Or il en va autrement
dans l'esprit du législateur qui entend les munir de la spéci-
ficité des actes de gouvernement, en l'occurrence l'absence de
contrôle juridictionnel. Il en résulte, ce faisant, un risque
réel de conflit normatif si l'on consent à faire l'économie du
principe de la hiérarchie des règles de droit.
Oans la chronologie des faits, la cascade de déboires
'contentieux essuyés par l'Etat au travers de la jurisprudenc~
administrative KOUANG Guillaume-Charles, ESSOMBA Marc-Antoine
et MONKAM TIENTCHEU David conduit sans doute l'administration
à en découdre définitivement contre les justiciables hargneux
qui se permettent d'entraver la mise en place de ses relais
territoriaux. Dès la fin du premier semestre de 1979, une loi
met fin au contrôle juridictionnel des actes de désignation
des chefs traditionnels (1). Aux termes de son article 1er, il
est fixé que i~ar dérogation à l'article 9 de l'ordonnance N°
72-6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême,
les contestations soulevées à l'occasion de la désignation des
chefs traditionnels sont portées devant l'autorité investie du
pouvoir de désignation qui se prononce en premier et dernier
ressort"
(2).
(1) Loi N° 79-17 du 30 juill 1979 relati\\'c aux contcstations soulcvécs à l'occasion dc la désignation des chcrs tradi-
tionnels, publiée dans Ic ]oumal Orricicl dc la Républiquc Unic du Camcroun, 1cr juillct 1979, p.52.
(2) C'est ce qui ressorl dc l'csprit dc l'articlc 1er dc la loi dc 1979 cn scm :Jliné:J 1 L':J/iné:J 2 de ":Jrliclc 1er susvisé
renrorce l'exclusivislllc de l':Jutroité :Jdrninistmllve en cc scns quc "la déci.rionl'n~\\c pc'" être raIJIJort':" par 1'{lUton'-
té 'compétente si celle-cf estime ql/'dle cl {'té indltite Cil l'rrl'llr''

A l'adresse de la juridiction administrative qui s'était
auparavant reconnue compétente en matière de contentieux des
actes de désignation des chefs traditionnels, motif pris de ce
que lesdits actes n'étaient que de simples décisions adminis-
tratives susceptibles de recours en annulation pour excès de
pouvoir, la loi N° 80-31 du 27 novembre 1980 dessaisissant les
juridictions des affaires relatives aux contestations soule-
vées à l'occasion de
la désignation
des
chefs
tradition-
nels (1) vient conforter la précédente. L'article 1er dispose
en effet : "les juridictions de droit commun et de l'ordre ad-
ministratif sont dessaisies d'office de toutes les affaires
pendantes devant elles et relatives aux contestations soule-
vées cl l'occasion de la désignation des chefs traditionnels".
L'a rti cl e Z cane lut enfi n que "ces affai res seront rég l ées
conformément aux dispositions"
de la loi du 30 juin 1979,
lesquelles font de l'autorité investie du pouvoir de désigna-
tion l'instance exclusive du règlement des litiges afférents.
La combinaison de ces normes législatives implique que les re-
cours en annulation des actes administratifs désignant les au-
torités coutumières ou ceux en réparation ne peuvent plus être
réglés par le juge, que celui-ci relève de l'ordre judiciaire
ou de l'ordre administratif.
Le problème fondamental qui se pose consiste à éclaircir
le sort réservé aux actes administratifs de désignation des
autorités coutumières face à un tel verrouillage législatif:
y-a-t-il lieu de les rapprocher des actes de gouvernement cou-
rants ?
Avant ces lois et donc jusqu'à la décision MONKAM TIENT-
CHEU David, le juge administratif s'est toujours prononcé en
faveur de la recevabilité d'une requête contentieuse relative
à l'acte de désignation de l'autorité traditionnelle et de
l'examen au fond du litige.
(1) Tels sonl les lermes c:-;acls de l'inlitulé de ladite loI.

Maintenant, sur la portée précise des dispositions de la
loi du 27 novembre 1980, il convient de dire que telle qu'elle
se présente, cette loi ne concerne que les cas soumis au juge
avant son entrée en vigueur. Car seules sont évidemment visées
"toutes les affaires pendantes" devant les juridictions. Il
est exactement question des contestations en cours de jugement
auprès du juge administratif jusqu'à la loi concernée. Telle
est la véritable interprétation à donner à la loi N° 80-31 du
27 novembre 1980. En conséquence, les actes admi ni strati fs
portant désignation des chefs traditionnels et soumis au juge
sous l'empire de la loi susvisée peuvent être assimilés aux
actes de gouvernement dans la mesure où le législateur les
prive de tout examen juridictionnel.
En revanche, lorsque la loi du 27 novembre 1980 dispose
que toutes les juridictions ((sont dessaisies d'office de
toutes les affaires pendantes devant elles, et relatives aux
contestations soulevées à l'occasion de la désignation des

chefs tradi tionne ls", cela sous-entend qu'une contestation fu-
ture n'est guère concernée. Reste à savoir si le juge adminis-
tratif adhère à cette interprétation, celle qui veut que les
actes de désignation des chefs traditionnels à lui déférés
postérieurement à la loi du 27 novembre 1980 puissent être va-
lablement examinés s'ils répondent par exemple à l'un des cas
d'ouverture du recours pour excès de pouvoir prévus à l'ar-
ticle 9 de l'Ordonnance du 26 août 1972.
L' affai re NGOONG MANDENG Ch ri stophe contre Etat du
Cameroun, déclenchée en 1983 grâce à l'intrépidité d'un justi-
ciable sans doute déterminé à tempérer l'effet intimidateur
des lois de 1979 et 1980 susmentionnées, donne à la juridic-
tion administrative l'occasion de se prononcer (1). Le requé-
rant saisit la chambre administrative de la Cour Suprême aux
fins d'annulation de l'arrêté N° 116/AP/AOS/RRP du 22 juin
1983 du préfet du NYONG-et-KELLE portant désignation de M.
NYOBE Maurice en quaI i té de chef du vi llage de NANOYOI. Le
juge se déclare incompétent au motif que ((la loi N° 79-17 du
(1) Jugemenl W GO/CS/CA - 85-86 du 15 mai 1986. NGCX)NG 1v!ANDENC; Christophc contrc E1at du Camcroun.

3@ JUIn 1979 dispose que par dérogation à
l'article 9 de
l'Ordonnance N° 72-6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de
la Cour Suprême, les contestations soulevées à l'occasion de

la désignation des chefs traditionnels sont portées devant
l'autorité investie du pouvoir de désignation qui
se prononce
en premier et dernier ressort". Ce même juge achève tout en
rappelant que la loi du 27 novembre 1980 dessaisit d'office
les juridictions de l'ordre administratif et de droit commun.
Par cette décision, le juge administratif reconsidère
toute sa jurisprudence antérieure à propos du même litige et
confère ainsi aux lois de 1979 et 1980 une portée plus ample.
Le juge n'a finalement pas compris que ces lois ne s'ap-
pliquent nullement aux litiges susceptibles de naître à propos
de désignations futures.
En interprétant lesdites lois dans le sens d'une paraly-
Sle permanente et non dans le sens de l'exemption momentanée
qUl s'impose logiquement, la juridiction administrative a fini
par poser implicitement que l'acte de désignation du chef tra-
ditionnel est désormais assimilable à un acte de gouvernement,
puisqu'immunisé contre la censure du juge. Cette position ju-
risprudentielle sera d'ailleurs confirmée dans trois autres
espèces (1).
On est fondé à conclure que le législateur Camerounais
crée une nouvelle variante d'actes semblables aux actes de
gouvernement, quoi qu'elle soit totalement opposée aux élé-
ments constitutifs de la théorie traditionnelle. Et en hissant
les actes ayant trait au terrorisme, qu'il s'agisse de l'acte
terroriste proprement dit ou de l'acte de répression du terro-
risme, au rang de mesures exemptées de tout contrôle juridic-
tionnel, il y a assurément là une raison valable d'aboutir à
la même conclusion.
(1) Viennent ensuite dans l'intervalle de si:o; Illois, par la seule année 19W), les jngcmcnts N° 39JCS/C/\\ - !\\R-R9 du 25
mai 19H9. EGBE BESONCI Alfrcd cOlrlrc Liat du Call1croun, (I,/C 'SICA ~~·W) dll 2') jllin l')X'), NKFlJ Simon NC;A WL
contre Elat du Cameroun ct 1(,ICSICA X9-'XI du TI 11<1"c11lhle 1<JX9, LYUNG EC;llL ~larlin con\\re Elat 011 Cameroun.

En effet, la loi N° 64/LF/16 du 26 juin 1964 sur la ré-
pression du terrorisme attache à la matière le principe de
l'immunité de juridiction en ces termes:
"Est irrecevable, nonobstant toute disposition législa-
ti ve contrai re,
toute acti on di rigée contre la Répub li que
Fédérale,
les Etats fédérés et les autres collectivités pu-
bliques dans le but d'obtenir la réparation des dommages de
toute nature occasionnés par des activités terroristes, ou la
répression du terrorisme".
La forme unitaire actuelle de l'Etat camerounais n'aura
pour autant rien enlevé à la force juridique de cette disposi-
tion textuelle (1) qui, on le constate, génère le régime de
"1 'irresponsabi lité de l'Etat du fait de répression du terro-
risme" (2). Si cette loi de juin 1964 ne vise que le conten-
tieux de l'indemnisation, il reste qu'elle prévoit tout de
même une solution purement administrative menée par le chef de
l'Etat, à l'égard de tout citoyen éventuellement privé du
droit de saisine juridictionnelle. Seule la plus haute autori-
té administrative de l'Etat en effet t~eut accorder aux vic-
times du terrorisme ou de sa répression,
parti cul ièrement
dignes d'intérêt ou susceptibles d'apporter une contribution
spéciale au développement économique ou social du pays, des
secours dans la limite des crédits ouverts à cette fin ou une

ai de socia l e sous toute autre forme que ce soi t" (3).
La
consécration du caractère administratif de la réparation des
dommages est encore renforcée pour l'activisme dévolu à l'au-
torité préfectorale, seule compétente pour recevoir des "de-
mandes accompagnées de toutes pi èces justi
fi cati ves". Après
leur instruction, il "les transmet, avec ses propositions, à
une commission nationale qui formule un avis sur le vu duquel
le Président de la République statue souverainement ... ".
On
pourrait
alors
s'interroger
de
concert
avec le Professeur
(1) Il ressort de l'article 38 de la constitulion du 2 juin 1972 que "la législatloll résultallt des lois et ri'.r:lemellls ap-
plicables dans l'Etat fédéral du Cameroun et dans les EtaL~ fédérés à la date de pri.~e d'effet de la présellte cO/lstitutùm
reste en vigueur dans se.~ dispositions qui Ile SOllt pas contraire.~ aux stipulations de celle-ci, tant qu 'ellc Il 'aliTa pas
été modifiée par l'oie législative 011
ré.~lementaire ".
(2) Joseph OWONA, Droit Administratif Spécial de la Répuhlique du Cameroun. I:I)I(TF. Série 1\\lanucls el Travaux de
l'Université de Yaoundé, 1985, p. 231
(3) Termes de l'article 2 dc la loi N° (,.liLFi 16 du 26 juin 1964 susmenlicmnéc.

,'J( )
OWONA Joseph ct rechercher si 1;1 décisioll élllélllélllt du [Jrésidellt cie lél République
« ne cOlIslillte I)as lfll acte de l-~ol/l'eI'lJell/elll de IJ!fJe 1I0l/Velfll, rll/ /(111 rie son
carac/(:re sOl/lleroin souligm; avec insislmlce uhverhiale !Jal' 1'arllcle 2 de la loi cll/
26./1Iill 1')6,", » 1.
Au-del<1 de 1;1 supputatioll, le .illge <Jcllllillistratil' <J déjél ell j'occasioll de dire le
droit c1alls f.Ille espèce Société Forestière cie 1;1 SANAGA él lui soulllise 2
Après avoir entendu M. le Premier Président Rapporteur CORRE en lél
lecture de son r<lpport et en ses conclusions, M. le Procureur C1énéré11 NClUINI
Marcel, la Cour, dans celte afhlire, s'est retrallchée dalls ulle positioll Il)rt silllpliste
en tirant les conséquences de la Loi NU ()4!Ll~ïl () du 26 juin )964 Cil ces termes:
« Allellr/II (Ille celle j,OI dis/)()se ell son orllcle fJremier :
est irrecevohle //()l1ohslonl Ioule disl}{)silion h:gislolive ClJIIln"re, lOI/le
action
dirigée conlre la /?élJUhlique rëdérale, les h'lals I;édérés el les aulres collectivilés
puhli(IUCS dans le huI d 'ohlenir la n"p((rOI IOn des dO/Il//lages de lOI/le /1(llure
occasiONnés !J0l' des aclivil(;s lerrorisles ou Imr la r(~!Jression du lerrorisme ».
Attendu d(~s lors (/11 'il Y 0 lie1l de dà:lal'er irrecevohle, le recours de la
« S'oci,;/(; I;'oresl i(~re de la ,')'anogo ».
fJar ces molif,\\', d(;clare irrecelloh/e ledil recours.
J
Citation lirée de ~on arliclc ;\\ propo~ de « lïn~liluli(lnnali~alion cie la légalilé d'e.\\ceptioll (I;,n~ le clroil public
ca/l1erollllaj~ H, Re'D, N°(,.,illillel - décelllbre 1')7..J. P 12().
Cependant. Illle approche be;llIcollp plll~ .illdiciell~e cOIl~i~lerail i, regarder le problèllle ~Oll~ ccl a~peel de
la Ilorme législative qui vielll elltraver l'e.'\\ercice dll recours contelliiell.'\\. Ali delllelll'all1. ~lIr le rOllc!emcnl de la loi
du 30 jllill 1lJ7') Imilant des reeour~.inridictionnel~ contre le~ acte~ de désignai ion de~ cilcr~ tradilionnels. la Iiléorie
dite cie ({ l '(;cmnlc;gislllli/» parail Ilellemellt plll~ opérallie qne la théorie de~ acles cie gOllvernelllcllf CIl' le réginlc
d'immulliléjnriclictionnelle rencolllré par ci cl par 1;\\ esl ~illlplemelll le I;lil de la loi.
-
.
2 Arrêt
N°':;/CFJIAP dll 1.') mars l ')(i 7. Sociélé Foresl ière cie la SANAGA eont re Elal dll (';11 Ile 1'011 Il. recueil
MBOUYOM. N° 23, tOllle 1. p. Il)!)
.~:•• I::"':-

La théori e Camerounai se des "actes de gouvernement"
revêt ~ijO ILc~et
aspect ordinai re d'être calquée sur le
schéma classique du droit français ainsi que cette particula-
rité d'intégrer des actes nouveaux, sans rapport direct avec
les deux domaines propres à la théorie traditionnelle. Dans
l'un et l'autre cas, la jurisprudence administrative et le lé-
gislateur ont érigé en règle que l'ensemble de ces actes ne
pourront être déférés ni devant le juge de droit commun, ni
devant le juge administratif. Destinée à neutraliser l'édifice
juridictionnel pour tout contrôle de l'administration, pa-
reille juridicité exceptionnelle trouve un tout autre terrain
d'application voilé avec l'émergence des 'Juridictions spécia-
lisées" (1), à l'instar de la juridiction militaire chargée du
règlement des problèmes de l'administration militaire.
SIS II: LA JURIDICTION MILITAIRE ET LE REGLEMENT DES PROBLEMES
DE L'ADMINISTRATION MILITAIRE
Les actes litigieux tenant à l'organisation et au fonc-
tionnement des services de l'administration civile sont prin-
cipalement soumis à la censure de la juridiction administrati-
ve. A l'opposé, l "'administration mi litaire" quant à elle gé-
nère également des contentieux dont le règlement est de la
compétence d'une juridiction sui généris que l'on appelle ju-
ridiction militaire. ('est ce dernier axiome qui semble du
reste se dégager de la philosophie générale de l'Ordonnance N°
72/5 du 26 août 1972 portant organisation judiciaire militai-
re, substantiellement modifiée par la loi N° 90-48 du 19 dé-
cembre 1990. Les particularités inhérentes au service adminis-
tratif militaire étant le fondement de l'instauration de l'u-
nique
Tribunal
Militaire
existant
(2),
il
s'avère
par
conséquent nécessaire de scruter ces divers contentieux sus-
ceptibles de faire l'objet d'un déféré devant ledit tribunal
(1) Joseph OWONA, Droit admilli~tralir~pécial de la I~épllhliqlle du Cill11ernUn, Ouvrage précité, p. 194
(2) L'ordonnance N° 72/5 du 2G août 1972, cl·haut mentionnée, di~p(lse en erret dans son article 1er 'lu' "il cst créé
un Tribunal Militaire dont le rC.Hort s'ifcnd sllr tOlit Ic tcrriloir(' dc la Réf'ub/iqu(''' Ft aux termes de i'illinéil 2 du
même article, il csl précisé qlle ledit I"nl"III:11 "sic'gl' ri l'II()IJNI.J/:"·

et d'analyser les structures qui concourent à l'examen du
contentieux général sous le double angle organique et fonc-
tionnel. Bien au-delà de ce schéma purement descriptif, il pa-
raît tout aussi intéressant de mener une brève réflexion sur
le degré d'originalité de la justice militaire comparativement
aux deux ordres juridictionnels préétablis.
1 -
LA
COMPETENCE
MATERIELLE
DU TRIBUNAL
MILITAIRE
Les mati ères qui
ressorti ssent à
la compétence du
Tribunal Militaire font l'objet d'une énumération à l'article
5 du texte initital de 1972. Aux termes de cette disposition,
l'on reti ent que III e Tribunal Mi litai re est seu l compétent
pour connaître à l'encontre de toute personne majeure de 18
ans :
1) des infractions purement mi litaires prévues au code
de justice militaire;
2) des infractions de toute nature commises par des mI-
litaires, avec ou sans co-auteurs ou complices civils, soit à
l 'i ntéri eur d'un étab li ssement mi li tai re, soi t dans le servi-
ce;
3) des crImes et délits contre la sûreté de l'Etat;
4) des infractions punies par la loi de la peine de la
détention ;
5) des infractions prévues par l'Ordonnance N° 62/0F/18
en date du 18 mars 1962 portant répression de la subversion,
6) des infractions à la législation sur les armes;
7) des infractions de toute nature où se trouve impl iqué
un militaire ou assimilé, perpétrées dans une région soumise à
l'état d'urgence ou d'exception,
8) de toutes in fracti ons connexes à ce 11 es prévues CI-
dessus".

393
Cependant, la réforme législative intervenue dix-huit
ans après, par le biais de la Loi N° 90-48 du 19 décembre 1990
modifiant l'ordonnance N° 72/5 du 26 août 1972 portant organi-
sation judiciaire militaire, a résolument opté pour une sen-
sible compression du champ contentieux de la juridiction mili-

taire (1). Le fait mineur à cette réforme consiste en ce que
les lIinfractions punies par la loi de la peine de la déten-
tion" ainsi que celles relatives lIà la législation sur les
armes" disparaissent et ne font plus partie des actes soumis à
la sanction du Tribunal Militaire. Au surplus, IIcr imes et dé-

lits contre la sûreté de l'Etat" et lIinfractions prévues par
l'Ordonnance N° 62/0F/18 en date du 18 mars 1962 portant ré-
pression de la subversion" ne sont également plus inscrits au
titre des matières contentieuses dévolues à la compétence de
la juridiction militaire
et c'est justement ces deux der-
niers éléments qui sont à la base du fait majeur de l'action
réformatrice du législateur (2).
Quoi qu'il en soit, la réforme issue de la Loi de 1990
ne remet nullement en cause l'existence du Tribunal Militaire
et, corrélativement, l'intégralité des faits punissables à lui
soumis. Ce qui appelle quelques observations liminaires.
(1) L.:articlc 5 (nou\\'cau) dc l'Ordonnance du 26 aollt 1972 disrxJsc:
"ù Tribunal militaire est seul compétcnt pour connaître à l'cncolltrc de toute pCT.l'tlllnC majeurc dc 18 (/n... :
- des infractions purement militaires prévues au code de Justice Militaire;
- des infractions de toute nature commises par les militaires avec ou sam co-auteurs ou complices civils, soit à l'in-
térieur d'un établissement militaire, soit dans le se/Tice :
- de toutes les infractions de toute nature où se trouve impliqué lm militaire ou assimilé, perpétrées dans ulle région
soumise à l'état d'urgence nu d'exceptirJ/l :
- de toutes les infractions connexes à celles prévues cÎ-dessll.f ".
(2) D'une part, la loi N° 90-60 du 19 décembre 1990 portant création et organisation dc la Cour dc SOreté dc l'Elal
vient justilïer Je transfert "des crimes et déliLf contre la sureté de l'Etat" du Trihunal Mil itaire l'crs la juridiction nou-
veHement érigéc dont la composition révèle une donnée trilogique (magistrats de "ordrc judiciairc. magislrals mili-
taires et personnalités désignécs par Ic Présidcnt dc la Républiquc) Jans l'article 2 Je la loi sus-viséc : quant à la cOln-
pétence même dc laditc cour, l'article 4 de la loi fixc quc "la Cour de sureté de l'Dat est seule compétente pour
connaître des crimes et déliLf contre la Sûreté intérieure et extérieure de l'Etat et des illjmctions connexes"
D'autre part, la Loi N° 90-46 du 19 déccmhre 1990 cst intcrvcnuc afin d'abroger l'Ordonnancc N° 62-0F-18 du 12
mars 1962 portant réprcssion dc la Sil hvcrsion "ainsi quc tOlU se... textes lIIot/ijiratijr m/JJéquenLf". 1; C!\\ pl ication
d'une telle abrogation ticnt au fait quc cc dont on a souvcnt appelé "suhversion" est incomralible av cc lcs réalités
d'un conte!\\te de libéralisation dc la VIC politiquc, Icsqucllcs ont pour corollaircs le rhénomène du nlultirartismc, la
liberté d'e!\\rression, etc... Le rassagc r(ccnt au Camcroun du régimc dc l'unanimismc rolitiquc à cclui du rluralismc
politiquc permet désormais au citoycn de s'c.~prirner librement, sans risqucr quclqucs intimidations émanant dll pou-
voir. Conséquemmcnt, toute action visalll ;) S'1per Ic~ imtitliliolis étahlies, en l'occmrcncc la suhversion, devrait
normalemcnt être regardée comme Illle simple COlltestatioll tolérée ('.1 11011 plus n'primée ou cntraÎllallt des rerrés-
sai Iles.

Lorsque l'on examine, élément par élément, le bloc de
compétence matérielle du Tribunal militaire, il s'en dégage
une simple évidence de contentieux exclusivement répressif.
Telle est la philosophie d'ensemble de l'article 5 susévoqué.
Ce contentieux répressif concerne indifféremment le militaire
proprement dit ainsi que le citoyen dépourvu de cette qualité,

qu'il soit national ou étranger.
Le simple citoyen, d'une part, est en effet susceptible
d'être regardé comme justiciable potentiel devant la juridic-
tion militaire en ce sens que cette dernière est seule compé-
tente
'~our connaître, à l'encontre de toute personne majeure
de 18 ans", des infractions énumérées par le texte législatif
du 19 décembre 1990. Bien plus, et d titre d'argument supplé-
mentaire tenant d la possible comparution du citoyen, cette
même loi fait allusion d des vocables tels que "co-auteurs ou

complices civils" dans le processus d'identification des per-
sonnes physiques pouvant éventuellement tomber sous le coup
desdites infractions. La restriction légale relative d l'dge
permet toutefois au citoyen camerounais d'échapper d la compa-

rution devant le Tribunal Militaire et non devant la justice
commune (1). Le ressortissant étranger, qui est également jus-
ticiable virtuel devant la justice militaire, bénéficie tout

aussi des exemptions de deux ordres (2).
D'autre part,
s'agi ssant exactement du mi litai re,
il
convient de noter qu'il est le principal élément visé par la
mise en place d'une telle répression d'exception. De par sa
qualité de fonctionnaire (3), il est virtuellement assujetti a
(1) A la suite de "article 5 Irailant de la compétencc du Tribunal militaire, il est en effet dit dans l'article 6 de
l'Ordonnance N° 72/5 du 26 aOlÎt 1972 que "les mineurs dl' 1-1 à IR ans, auteurs ou ,om('lices des fai(ç vùés à l'ar-
ticle 5, relèvent de la com('téence des juridictions de droit comm/lll".
(2) L'ar1icle 7 de "Ordonnance N° 72/5 du 26 aoOt 1972 portanl mgill1isation judiciare militaire pose la règle de la
justiciabilité des étrangers par-devers le Tribunal f..tilitaire, en tant qu' "auteurs ou cOI/l('lrces des faits visés Il l'ar-
ticle 5" ; sous réserve d'une "conl'enlion inlernalionale ('révoyanl un ('rivilège de juridiclion" el sauf applicabilité
"des règles de l'immunilé di('lomalique".
(3) Le décret N° 741138 du 18 février 1974 porlant st;Hul générill de la fonction publique "s'ap('lique auxfonclion-
,mires"
en règle générale (article 2, aL 1cr). S'agissant du militaire, l'article 3, alinéa 2 dudit décret dispose que son
statut particulier "doil s'ins('irer des dis('osilio/lS du ('résenl décret. En cas de silence ou de l'ide juridique, le slalut
général lui l'sI a('('Ii,able" Au surplns, "observation de /.1 prilliqlle administrative illl Cameroun fait incontestable-
ment du militaire un fonctionnaire il [Jart elllière faisant l'ohjet d'une nomination "dans /111 em{,loi ('erm(/lIelll" ct
d'une titularisation "dal/s un !irade de la hiérarchie de.\\' Adl/linislralirms de l'LIaI" , scion les formules de l'article 2 du
décret ci-haut mentionné.

un contentieux répressif double : celui qui résulte spéciale-
ment de la'mise en oeuvre de la justice militaire et s'appa-
rentant par là même à une véritable répression disciplinaire
dans la fonction publique militaire, ainsi que celui qui a
trait à la répression disciplinaire dans la Fonction Publique
générale (agents publics civils ou militaires) et pour lequel
seule la juridiction administrative et non plus le tribunal
militaire a plénitude de compétence pour statuer (1).
Une fois identifiées les personnes physiques potentiel-
lement justiciables devant le tribunal militaire, il est né-
cessaire de comprendre la conception structurelle destinée à
connaître concrètement des faits punissables prévus par la
loi.
1\\ - LES STRUCTURES ORGANIQUES ET FONCTIONNELLES
La justice militaire au Cameroun est rendue par une ju-
ridiction spéciale appelée IITribunal Militaire ll dont l'organi-
sation et le fonctionnement obéissent à un aménagement assez
simple.
Sur le plan organique, l'Ordonnance de 1972 consacre
la
création d'un seul Tribunal Militaire dont le ressort territo-
rial est total. La Ville de YAOUNDE, siège des institutions
républicaines, a été ainsi choisie pour abriter la juridic-
tion. La question qui pourrait se poser est de savoir si elle
est capable, à elle seule, de satisfaire aux exigences de la
justice. Les multiples inconvénients inhérents à cette option
ont sans doute incité le législateur à assortir de deux déro-
gations importantes le principe de l'unicité du tribunal
c'est ainsi que, d'une part, l'alinéa 2 de l'article premier
de l'Ordonnance N° 72/5 du 26 août 1972 portant organisation
(1) Le jugement N° 37/89-'XJ du 31 mai 1990 de la chambre admininistrative de la Cour Suprême, ATHI Alexander,
illustre parfaitement le cas d'un militaire ayanl été révoqué de ses fonctions p;n ;mêlé N° 041/CArI/PR du la février
1981 pour fait de corruption et qui sollicite de la juridiction administrative qu'elle annule ladite mesure. La répres-
sion disciplinaire chez le militaire ou assimilé est bel cl bien il double sens ct peut donc échouer, dans des GIS autres
que ceux prévus par les textes régissant la justice militaire, dev;lI1t le juge administratif plutôl que chez le Juge mili-
taire. Des précédents jurispn,dentiels ont d'ailleurs montré que la jUridiction administrative avait cu l'occasion de
statuer sur des griefs d'inobservation dl' la dl'ontologil' admiuisllativl' Il'Ic\\'l'" Il'''lx'ctivl'mcnl il l'cllcolltre des gen-
dames ct gardiens de la pai" en raislll1 de la compétencc iuopér;lIlte de la jlllldiction militaire
CS/AI' Arrêt du 2.1
juillet 1981, /\\,1VON1X) Simplice; el CS/CA. .Jugement du 2,1 février 19R.l, NIB ,\\ Chrysantus.

judiciaire militaire prévoit la mobilité dudit Tribunal, en ce
sens qu'''il peut tenir des audiences dans toute autre localité
sur décision du Président de la République, ou, par délégation
spéciale, du Ministre des Forces Armées".
La fréquence des
changements de dénomination des départements ministériels est
aujourd' hui source de dispari tion du Ministère des Forces
Armées. Tout porte alors à penser qu'il s'agit désormais du
Ministre délégué à la Présidence de la République chargé de la
Défense (1). Bien plus, la seconde dérogation qu'il ne serait
pas exagéré de qualifier de majeure, à côté de la précédente,
est consacrée à travers l'article 2 du même texte juridique.
Un réel démembrement de la juridiction militaire y est ainsi
prévu dans la mesure où les termes de cette disposi tion
évoquent qu' "un ou plusieurs autres tribunaux militaires peu-
vent, en cas de besoin, être créés par décret qui en fixe le
nombre, le siège et le ressort". Au-delà de cet édifice struc-
turel primaire, les personnels chargés d'animer la juridiction
militaire se répartissent en une organisation fortement hié-
rarchisée au regard de l'article 3 de l'Ordonnance du 26 août
1972. Seulement, l'économie générale
de ce dernier texte ju-
ridique impose un véritable diptyque dans l'organisation tem-
porelle du Tribunal Militaire.
En
temps
normal,
cette
juridicti.on
comprend
entre
autres:
Un Président,
Deux assesseurs titulaires et leurs suppléants,
Un commissaire du
Gouvernement et un ou plusieurs
substituts,
Un ou plusieurs juges d'instruction,
. Un ou plusieurs greffiers.
(1) Le récent lexIe modificatif de "Ordollnance de 1972 qu'cstla Lui N° 'X)-<1R du 19 déccmbre 1990 l'ail d'ailleurs ex-
plicitement référence à cc Minislre dans la rédaction de son article 1() 1I0U\\'Cau, Icquel di ,['ose que "dam le cadre de,f
infractions (.fUsceptibles d'être déférées au Trlbrmal Militaire), les Officiers de pollcc judiciaire IIC pcuvellt procéder
de nuit à des visites domiciliaires, IJ<'rquÙltiolJ.l' ct Vli,flcs 'Ille sur ordre à:rlt du
,~Ii"lst,.c chanté dc III défense ",

Le Président du Tribunal Militaire peut être, soit un
Magistrat de l'Ordre judiciaire, soit un Magistrat Militaire
ou un officier des Forces Armées. Lorsqu'il est empêché, le
Président est remplacé par le Magistrat de l'Ordre judiciaire
ou l'Officier des Forces Armées le plus ancien dans le gr~de
le plus élevé.
Les assesseurs titulaires et leurs suppléants ont voix
délibérative et peuvent être, soit des magistrats de l'Ordre
judiciaire, soit des officiers ou sous-officiers des Forces
Armées.
La volonté de marquer le caractère mi litai re du
Tribunal est garantie par le fait que l'un des assesseurs ti-
tulaires est ((toujours un membre des Forces Armées".
Le Commissaire du Gouvernement et son ou ses substituts
sont exclusivement chargés de soutenir l'action publique.
Quant à leur émanation, il convient tout simplement de men-
tionner que ce sont des magistrats de l'ordre judiciaire ou
magistrats militaires ou même, le cas échéant, des officiers
des Forces Armées.
Enfin, l'Ordonnance de 1972 régissant la justice mili-
taire prévoit que le ou les juges d'instruction sont "chargés
d'instruire les affaires nécessitant une information préa-
lable" alors que la fonction de greffier revient soit à un
personnel civil ou naturellement aux militaires. Cette même
Ordonnance de 1972 "ayant force de loi" (selon l'expression de
l'article 21 de la constitution en vigueur), dispose en son
article 4 alinéa 1 que ul es membres du tribunal militaire sont
nommés par décret".
En ce qui concerne spéci fiquement les
membres dudit tribunal dotés de la qualité d'agents publics
militaires, parallèlement aux membres civils issus essentiel-
lement de l'ordre judiciaire, l'Ordonnance du 26 août 1972 su-
sévoquée di spose qu' ils "doi vent au moi ns avoi l' 1e grade de
l' i ncu 1pé 1e plus gradé".
Sans doute, on y voi t dans cette
formule la survivance de la rigoureuse hiérarchie au sein de
l'administration militaire, laquelle hiérarchie a pour effet
de priver le supérieur d'éventuelles injonctions du subordon-
né.

En somme,
ce n'est que dans l' hypothèse ou l'Etat
connait une période de paix sociale et politique, ou mieux de
stabilité institutionnelle, que le Tribunal Militaire obéit à
semblable organisation. Qu'en est-il alors lorsque cette paix
est troublée ?
Dans un premi er temps, l'Ordonnance du 26 Août 1972
avait façonné une organisation spéciale du Tribunal Militaire
par
rapport
à
l'état
de
crise
des
insti tutions
de
la
République, lequel état confère traditionnellement au Chef de
l'Etat des pouvoirs tout aussi spéciaux (1). Le moins que l'on
puisse dire est que l'hybridisme organique constaté dans la
composi tion de la juridi ction mi 1i tai r'e en période normale n'a
désormais plus libre cours, un personnel strictement militaire
étant de plein droit institué au détriment du personnel civil.
('est du reste ce qui se dégage de l'interprétation de l'ar-
ticle 31 de l'Ordonnance : tien temps de guerre, ou lorsque
l'état d'exception ou d'urgence est proclamé, les magistrats
de l'ordre judiciaire, membres des juridictions militaires,
sont remp lacés par des offi ciers supéri eurs

des
Forces
Armées".
Aujourd'hui, cette militarisation des effectifs de la
juridiction militaire en temps de circonstances exception-
nelles est toutefois privée d'effets de droit depuis 1990. Car
la loi N° 90-48 du 19 Décembre 1990 modifiant l'Ordonnance N°
72/5 du 26 Août 1972 portant organisation judiciaire Militaire
consacre un article 31 nouveau qui dispose clairement que tll es
crimes et délits contre la sûreté de l'Etat relèvent de la
compétence de la Cour de la Sûreté de l'Etat".
Cette réforme
intervient en effet en raison de la création de ladite cour
par la loi N° 90-60 du 19 Décembre 1990. Ce qui signifie tout
simplement que le Tribunal militaire de même que les autres
juridictions existantes sont complètement inopérantes lorsque
(1) L'article II de la constitution du 2 Juin 1972 dispose que "le l'résidellt de la {(/l'ubllque peutlor.rque le,\\" cirrrms-
tances l'exigel/t, l'roc/amer par décret l'état d'ur,~el/ce qui lui cOllfhe des poul'oirs sl'éeiaux dal/s les cOllditiollS
fixées par la loi,"nolammenl celle N° 9O-,n du J 9 Décembre 1990 relative il l'état d'urgence
"El/ cas de périlsm!'e
menaçal/t l'il/tégrité du territoire, /a vic, l'il/dé/ J<'Irdallee ou les il/stitutiol/s de la lIatiol/, poursuit {a düpositiol/
cOfLJtitutiollnelle.le Présidel/t de {a {(épubliqtlC {'l'lit {Jroc/amer l'ar déc-ret l'l'tat d'e,H'c/Jtir", ct I,rel/dre tOllle,l' me-
sures qu'il juge nécessaires
",

399
le citoyen ou' un groupe de citoyens portent atteinte, notam-
ment par des actes de vandalisme, à la sûreté de l'ordre répu-
bl i cai n.
C'est l' occasi on de conven i r fe rmement avec
le
Professeur Augustin KONTCHOU KOUOMEGNI, Ministre Camerounais
de la Communication et porte-parole du Gouvernement, à propos
de la légalité du transfert de personnes interpellées récem-
ment à Bamenda, région alors soumise à état d'urgence, vers
Yaoundé. Cette opération administrative, critiquée à tort par
méconnaissance des règles du droit public, se justifiait pour-
tant comme l'affirme le Ministre par la compétence matérielle
de l'unique cour de sûreté de l'Etat siègeant à Yaoundé, en
tant que seule juridiction habilitée à connaître des faits ar-
ticulés contre les personnes transférées et ayant fondé la
proclamation de l'état d'urgence (1).
Pour ce qui est maintenant de la dimension fonctionnelle
de la juridiction, analogiquement perçue sous l'angle de la
procédure militaire contentieuse, l'analyse de l'Ordonnance du
26 Août 1972 la résume à un triptyque classique portant sur la
saisine, l'instruction et le jugement.
Qui est autorisé, d'après l'Ordonnance de 1972, à salSlr
le Tribunal Militaire? le droit de saisine, très limité au
demeurant, consacre uniquement l'intervention de quelques au-
torités publiques: l'autorité administrative et celle judi-
ciaire. L'article 8 alinéa 2 dispose en effet que ul e Tribunal
Militaire est saisi par voie de citation directe à la requête
du Ministre des Forces Armées, soit par une Ordonnance de ren-
voi du juge d'instruction,
soit par un arrêt de
la Cour
d'Appel". Le droit de saisine du Ministre chargé des Armées se
résume à l'exercice de l'action publique devant le Tribunal
militaire lorsqu'il délivre par exemple lCun ordre de mise en
jugement directe s'il estime que l'affaire est en état d'être
jugée"
(2).
La possibilité pour le simple citoyen de se
constituer justiciable initial auprès de cette juridiction est
(1) Misc au point radiophoniquc cn datc du Samcdi 2 Jan\\'icr 199::1 sur Ics ondcs de Radio France Intcrnalionallors de
l'émission quolidiennc Afriquc Midi à 1::1 h 41 mn, voicI consacré à la situalion politiquc au Camcroun
(2) Article Il. alinéa 2 dc l'Ordonnancc dc 1972,

formellement écartée, et ce d'autant que l'exclusivisme de
l'autorité étatique se renforce inéxorablement par le fait que
ul es pouvoirs du Ministre des Forces Armées peuvent par dé-
cret, être délégués à certaines autorités civiles ou mili-
taires"
(1). Il ne lui reste finalement que le moyen de se
constituer partie civile comme le prévoit l'article 17 de
l'Ordonnance de 1972, tant
au
It
cours de l'information que de-
vant la juridiction de jugement ff •
L'instruction des affaires soumises au juge militaire
comporte, quant d elle, trois phases considérablement complé-
mentaires
La premlere est relative aux officiers de police judi-
ciaire dont les enquêtes préliminaires sont consignées sur
procès-verbaux transmis au commissaire du Gouvernement et,
pour simple information, au Ministre de la Justice. Ils agis-
sent d ti tre principal dans l'intérêt du Ministre de la
défense puisque c'est sur la base de leurs enquêtes que ladite
autorité apprécie la mise en oeuvre ou l'abstention de son
droit de citation directe auprès du Tribunal Militaire. Dans
le cadre de leurs investigations en rapport aux faits punis-
sables par le juge militaire, ces officiers sont astreints au
strict respect de la légalité (2).
La seconde phase fait appel au Juge d'instruction mili-
taire qui prépare le futur débat contentieux, lequel inter-
vient juste avant le jugement final du Tribunal. D'où l'inser-
tion de l'expression d' "instruction préparatoire"
dans le
texte de l'Ordonnance de 1972. La lecture de son article 12
révèle que le juge procède d tous les actes d'instruction né-
cessaires. A l'issue de l'instruction, il peut rendre une or-
donnance de non-lieu s'il estime que le fait visé ne constitue
ni crime, ni délit. Il prononce au contraire une Ordonnance de
(1) Les termes sont ceux du même article II ci-haul menlionné.
(2) C'est ainsi qu'ils ne peuvent procéder de nuil il des visiles domiciliaires, perquisitions el saisies que sm ordre écril
du Ministre chargé de la défense. Les gardes il vue des suspects auxquelles ils procèdent sont tenues il l'information
quotidienne des Il.'linistres de la défense el de la Jw,lice cl ne sauraient excéder le délai de 4R heures à partir de leur ar-
restation sans "autorisation écrite du Commissaire du Gouvernement Comme loute ohligation juridique, la répres-
sion,des officiers de police judiciaire rour d'éventuels actes transgressant ces rrescriptions réside dam l'application
de sanclions pénafes ou disciplinaires et oonne lieu il réparalion (Cf. Article 10 nouveau du lexte législatIf modifica-
tif. de Décembre 1990)

renvoi de l'inculpé devant le Tribunal Militaire au cas où il
estime que l'inculpation est suffisamment établie. Ces actes
sont naturellement signifiés à l'inculpé et au Commissaire du

Gouvernement qui en porte connaissance au Ministre chargé de
la défense.

L'ultime étape de l'instruction est ce que l'Ordonnance
de 1972 appelle la I~rocédure devant la juridiction de juge-
ment". Tout d'abord, l'article 15 dudit texte dispose que les
dates d'audience sont conjointement fixées par le Ministre
chargé de la défense, le Président du Tribunal et le commis-
saire du Gouvernement. Ensuite, les droits de la défense de
l'inculpé sont à

la discrétion du Président du Tribunal
puisqu' il IIpeut (lui) désigner d'office s 'i l Y a lieu un avo-
cat". Afin de garantir l'impartial ité des juges, les condi-
tions de récusations sont prévues (1). Enfin, le Président du
Tribunal dirige les débats et assure la police de l'audience.
Ces débats pendant lesquels il est procédé à l'interrogatoire

de l'inculpé et à l'audition des témoins sont généralement pu-
blics, exception faite du cas de danger I~our l'ordre public
et les bonnes moeurs" : le Président ordonne le huis -clos par

jugement rendu en audience publique. C'est après les réquisi-
tions du commissaire du Gouvernement que le Président du
Tribunal suspend l'audience (2), afin de rendre le verdict qui
s'imposera.
Le rituel précédent de l'issue de la procédure militaire
contentieuse veut que le Tribunal se retire dans la salle des
délibérations où il délibère à huis -clos et hors la présence
du Commissaire du Gouvernement et du greffier. Durant ce mo-
ment, aucune communication n'est autorisée, légalement, avec
(1) L'article du 18 du tcxte de 1972 dispose que "tout membre du Tribu 11111A-fi!itai,.cIJelll êtrc récuré:
a) S'il est parenl, cOlljoillt ou allié de /"illculpé,
b) S'if l'sI cilé COITllne témoill dalls l'alfaire sOIlmise (lU Tribu lia l,
c) S'il y a molif sérieux d'illimitié ou de relatiolls d'amilié elltre l'illculpé cl lui"
Lorsqu'un juge militairc désigné sait pertincmment "qu'il exifte l'II J(l persolllle ulle ,mise de rénuatioll, (il) est lellu
d'en informer le Iribullal qui décide s'il doil s 'abstellir" , poursuil "aliné,1 2
(2) Une cl\\ccption non négligcahle est prévue par "arlicle 24 de "Ordonnance de J972 et consistc cn ce qu' "1II'IUlI la
suspension d'audiellce, la partie cil'ile ct le commis,wire du Gouvernemellt di.l'I'osellt d'ull droit de réplique, mais
l'in'culpé ou son avocal (Jllt toujours la {Jarole ln dl'rlliers"


l'extérieur; les membres du Tribunal ne peuvent non plus se
séparer avant que le jugement~'Soit rendu. Le délibéré est
alors suivi du vote à la majorité des voix, lequel consacre
enfin le jugement lu en audience publique par le Président du
Tribunal. Frappés d'un délai d'appel qui est de dix jours à
compter du prononcé du jugement, les recours en second examen
des jugements du Tribunal Militaire sont adressés à la Cour
d'Appel de Yaoundé, ou, lorsqu'il existe plusieurs Tribunaux
Militaires, devant toute autre cour d'Appel compétente.
Au terme de ce parcours rapide de la justice militaire,
il peut paraître intéressant de clore l'étude en procédant à
une brève réflexion sur le degré d'originalité de la structu-
ration d'une catégorie juridictionnelle apparemment distincte
des juridictions classiques et avec lesquelles elle partage la
connaissance du contentieux administratif.
III : REFLEXIONS SUR LE DEGRE D'ORIGINALITE DE LA
STRUC-
TURATION
DU
TRIBUNAL
MILITAIRE
Sans qu'il soit besoin d'analyser en profondeur les deux
textes juridiques régissant la justice militaire, on peut al-
léguer, en toute sûreté, et sans risque aucun de se tromper,
que la conception même de la juridiction militaire ne présente
nullement de propriété intrinsèque déterminante par rapport
aux autres ordres de juridictions qui se partagent tradition-
nellement la connaissance des litiges administrati fs.
Ce
constat d'autant plus évident s'appuie sur le fait que les di-
vers éléments structurels du Tribunal Militaire sont, pour-
rait-on dire, essentiellement identiques à ceux de la justice
commune des particuliers menée par les juridictions judi-
ciaires lors du procès civil ou pénal.
D'une part, il y a une réelle dépendance organique en ce
sens que les Magistrats de l'ordre judiciaire participent de
son organisation. Et pas à un degré moindre, car le titulaire
de la Présidence du Tribunal Militaire peut être, selon les
textes, un magistrat judiciaire. Les interventions des offi-
ciers de police judiciaire sont un surcroît d'emprunt des mé-
thodes d'investigation propres au juge judiciaire répressif.

D'autre part, la transposition 6 la justice militaire
des concepts familiers du Droit Commun constitue l'illustra-
tion parfaite du phénomène de plagiat: c'est ainsi que les
vocables de crimes, délits, infractions, mandat de dépôt, in-
culpation (1), détention, prestation de serment et jugement
par défaut apparaissent très nettement dans le schéma organi-
sationnel et même procédural de ladite justice. L'article 8,
alinéa 3 de l'Ordonnance du 26 Août 1972 dispose d'ailleurs
que "la procédure applicable devant le Tribunal Militaire est
celle du droit commun, sauf prescriptions contrai res de la
présente Ordonnance". Or,
puisqu'aucune procédure originale
n'y est imposée 6 la lecture de la totalité des dispositions
du texte, on comprend aisément qu'il s'agit de la procédure
pénale telle que mentionnée expressément par le Titre II de
l'Ordonnance. Ce qui semble justi fier cette parenté réside
dans le fait que, contrairement au procès administratif qui
est exclusivement dirigé contre un acte administrati f, les
procès militaires et judiciaires sont intentés contre des per-
sonnes, physiques ou morales de droit privé voire de droit pu-
bl ie.
Cette marque de dépendance dans la structuration de la
juridiction militaire atteint son paroxysme 6 travers le méca-
nisme d'achèvement absolu de ses litiges. Car on sait que les
textes soumettent l'examen en appel des décisions du tribunal
militaire auprès des Cours d'Appel. Que reste-t-il finalement
6 l'ordre de juridiction militaire?
L'unique élément d'originalité, sur un plan strictement
objecti f,
réside dans la gratui té de
sa procédure (2).
Subjectivement, l'instauration d'un ordre de juridiction mili-
taire suggère globalement l'idée d'une solide percée d'un
droit de l'administration exceptionnel (3) ou, si l'on veut,
"la permanence d'une juridicité d'exception" comme le note le
Professeur NLEP.
(1) L'article 80-1 du Code de procédure pénale rCrançai~, issu de la loi N° 93-2 du cl jall\\'1cr 1993 porlant réforme de la
procédure pénale, consacre la nolion de "misc Cil cxamc" " au délriment de celle "i,,('uIIJlltirm" encore cn vigueur dans
le contenlieu;r; Camerounais
(2) La lettre de l'article 30 de l'Ordonnancc de J 972 révèle que "pour loul jluticiable de la juridiclioll mililaire, la
prçcédure esl !:raluile 10111 del'alll Ic Trihllllai quc dC\\'(/II1 la Cotir d 'II{ll'd cl la Cour SUl'rêmc, {-".l' aeles de {'rocédure
ainsi que les jugemellLf el arrêLf JOIII dispemés dc lous droiLl' ct de la formalilé d 'cllre.ÇiJlremelll",
(3 )Joseph OWONA, "L 'illslilutiollnalisalioll de la légalité d'exccplion dans le Vroil public Cameroullais", Revue
Camerounaise de Droil, N° 4,1973, pp 104-123 ,RJPfC, 1975, pp, 3-48

404
Quoi qu'il en soit, qu'il s'agisse des interventions du
juge judiciaire dans le fonctionnement de la puissance pu-
blique administrative, de la théorie des actes de gouvernement
ou même de la mise en place d'une juridiction militaire char-
gée de la connaissance du contentieux de l'administration mi-
litaire,
on se doit de conclure que toutes ces matières
constituent, aux termes des prescriptions du droit positif ré-
digé, des champs contentieux pour lesquels le justiciable po-
tentiel ne peut valablement saisir la juridiction administra-
tive pourtant destinée à avoir un droit de regard sur l'essen-
tiel du contentieux administratif. Les dispositions textuelles
ne sont néanmoins pas l'unique facteur de restrictions à la
compétence du juge administratif. Car ce dernier a, par lui-
même,
tout auss i tracé,
dans des proportions encore res-
treintes cependant, les limites de l'activité administrative
insusceptible de faire l'objet de quelque débat contentieux
par-devers lui.

[IIRP lIRE Il
LIES EH[(PTUJNS JUIUSPRUDENIIElLlES :
UN CHaMP D'HPPll [HTI ON RESTRE 1NT.

N'est-il pas outré de soutenir la thèse de la jurispru-
dentialité des exceptions à la compétence de la juridiction
administrative quand on a préalablement mentionné que les
règles de répartition des compétences contentieuses entre la-
dite juridiction et son homologue judiciaire sont d'origine
textuelle? Aussi superfétatoire qu'elle puisse paraître de
prime abord, cette question est pourtant digne d'intérêt pour
peu que l'on s'évertue de sonder le véritable esprit des dis-
positions textuelles afférentes,
notamment l'article 9 de
l'Ordonnance N° 72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de
la Cour Suprême.
Rappelons qu'aux termes de cette disposition, la Cour
Suprême, au sein de laquelle sont intégrées les formations ju-
diciaires
et administratives,
((connaît de
l'ensemble du
contentieux administratif à l'encontre de l'Etat, des collec-
tivités publiques et Etablissements publics" (1). Lorsqu'elle
siège en matière de contentieux administratif mettant en cause
ces précédentes personnes morales de droit public existant
dans le système administratif Camerounais, la haute juridic-
tion fonctionne sous l'étiquette d'un juge administratif ou
d'un magistrat judiciaire, selon que le litige déféré relève
de la compétence de l'un ou de l'autre.
S'agissant du champ d'intervention dévolu à la juridic-
tion administrative, l'alinéa 2 de l'article 9 procède à une
énumération des litiges déjà amplement développés, lesquels se
résument néanmoins à l'essentiel du contentieux des opérations
normatrices de la puissance publique administrative (qu'elles
soient contestées en elles-mêmes ou dans leurs conséquences
dommageables), au contentieux du domaine public, ainsi qu'à
la pluralité de contentieux se rapportant aux divers titres de
compétence épars
clairement systématisés (2).
(1) Alinéa J de l'article 9 susvisl'.
(2) Pour plus de prl'cisions il ce sujet, sc référer allx pallies 1 et " de la présellte recherche

La cO~R*tence de la juridiction judiciaire en matière de
contentieux~~dministratimlest,quant d elle;déterminée par les
alinéas 3 et 4 du même article 9. Dans une formule peu ordi-
naire, il est mentionné que ((les tribunaux de droit commun
connaissent, conformément au droit privé, de toute autre ac-
tion ou litige ... "
ainsi que des matières contentieuses spéci-
fiées qui s'articulent successivement autour des variables at-
teintes administratives au droit de propriété et aux libertés,
d la réparation des dommages causés aux administrés par les
agissements des agents publics, etc ... (1).
Une telle méthode d'élaboration de la compétence conten-
tieuse
fait
incontestablement
du
((juge
administratif
Camerounais (un) juge d'attribution par détermination de la
loi" (2). En revanche, elle lui permet implicitement d'étendre
sa sphère de compétence ou même de décliner son habilitation
pour connaître d'une affaire. Une bonne raison peut être tirée
de la lettre même du texte de l'Ordonnance de 1972 qui formule
que le juge administratif doit se déclarer incompétent au pro-
fit du judiciaire pour ((toute autre action ou litige" sans
rapport aucun avec les matières prévues pour son compte. De
quelle ((autre action ou litige" s'agit-il précisément? l'éta-
blissement d'une liste exhaustive d ce propos n'ayant guère
été faite dans l'article 9 de l'Ordonnance de 1972, on est
forcément enclin d conclure que les interstices d'une disposi-
tion textuelle sont de nature d générer une certaine dose de
pouvoir discrétionnaire chez le juge administratif. Au demeu-
rant, il ne s'en est pas privé et a déc l i né sa compétence
lorsque le texte de l'Ordonnance s'est révélé silencieux ou
d'une rédaction imprécise sur son domaine de compétence. ('est
d ce
j ou r
respecti vement
l es
cas du
contenti eux de
la
responsabilité du service public de la justice et du conten-
tieux des actes à caractère privé de l'administration.
(1) Cf : section 1 du chapitrc 1 rclcv;H1t dc la lIlèllle flilrtic dc la thèse
(2) Maurice KAMTO. "La jOl/clioll admi/li.r(ra(i\\'(~COII(cII(;rusc de la Cour SUf'n'lI/c du CamerouII". les cours slIflrêmcs
en Afrique. sous la direction dc G. CONAC cl.l. DUBOIS de GA UDUSSON. '](JIlIC III. Economica. Paris J 988. p. 39.

SECTION 1 : LE CONTENTIEUX DE LA RESPONSABILITE DU SERVI-
CE PUBLIC DE LA JUSTICE
Hormis la notion de contentieux qui, par définition, im-
plique essentiellement tout litige ou prétentions opposées
entre des parties, l'expression de responsabilité du service
public de la justice pose un réel problème de délimitation,eu
égard à l'étendue même de ce qui est considéré comme service
public de la justice. Quand on affirme que le juge administra-
tif Camerounais s'est auto-investi, dans le silence des normes
juridiques traitant de sa compétence, à ériger la règle de son
incompétence matérielle pour statuer sur les actions en répa-
ration dirigées contre ledit service public, il convient préa-
lablement de préciser la catégorie du service public de la
justice concernée ainsi que ce que le justiciable reproche
exactement à cette dernière et que la juridiction administra-
tive qualifie donc de matière contentieuse exclue de son champ
de compétence.
L'étendue de la notion de service public de la justice
péut en effet correspondre à l'ensemble des ordres de juridic-
tion, au département ministériel de tutelle qu'est le ministè-
re de la justice, au Conseil supérieur de la Magistrature (or-
ganisme administratif chargé de la gestion de la carrière des
personnels magistrats), voire à la police judiciaire qui a
pour mission de constater les crimes ou les délits, de recher-
cher et d'appréhender les auteurs en vue de les remettre à la
justice (1). Quel est alors, parmi tous ces services, celui
pour lequel le juge administratif se déclare incompétent pour
connaître des actions en responsabilité?
Au surplus, il s'avère tout aussi important de détermi-
ner ce que l'on est susceptible de mettre concrètement en
cause à propos desdits services. En d'autres termes, le juge
administratif a-t-il eu à décliner sa compétence contentieuse
relativement à l'organisation ou au fonctionnement du service
public de la justice?
(1) El peul-être au Pré~ldcl1t de la R("Pllhliqllc dal1~ l'exercice du droil de ~r,îce ,cr Clalldc-Gille~ GOl)R, Ic c0l11el1-
lieu", de~ ~er\\'ice~ jlldiciaire~ ct le juge adJ1lini~lr"tir, hihliothè.qllc dc droll pllhlic, Tome XXVI. 1. G.I).J, Pari~,
1960. pp 93-99

A cette double interrogation, l'état de la jurisprudence
administrative démontre qu'à ce jour, les demandes en répara-
tion des justiciables qui se sont vues opposer le véto juri-
dictionnel concernent la mise en cause de l'exercice de la
fonction juridictionnelle proprement dite. Conséquemment, des
questions contentieuses théoriques demeurent en suspens.
SIS 1 : L'ETAT DU DROIT JURISPRUDENTIEL DES CONTESTATIONS PRO-
VOQUEES PAR L'EXERCICE DE LA FONCTION JURIDICTIONNELLE
Sans l'aide d'un texte juridique quelconque, le juge ad-
ministratif a exclu de sa zone de compétence toute requête
contentieuse tendant à la réparation des conséquences domma-
geables liées à l'activité juridictionnelle. Cette position de
principe a été appliquée et réaffirmée à propos de la procédu-
re judiciaire exclusivement. En revanche, la jurisprudence de-
meure indéterminée relativement à la mise en cause des procé-
dures juridictionnelles parallèlement existantes. Il en résul-
te, schématiquement, un régime contentieux achevé et un autre
latent voué à être résolu.
1 : LA QUESTION RESOLUE
Tout débat contentieux relatif à la réparation des dom-
mages causés par le fonctionnement de la juridiction judiciai-
re relève, non point du champ d'investigation du juge adminis-
tratif, mais du seul contrôle du juge judiciaire. Le juge ad-
ministratif Camerounais s'y est clairement prononcé au terme
d'une abondante jurisprudence. La déci sion de pri ncipe fut
établie à l'occasion d'une affaire opposant le sieur MFOUMOU
Jean-Baptiste à l'Etat du Cameroun (1).
(1) CFJ/AP, Arrêt N° 17 du 1(, IT1;JIS 1')(,7

410
Il s'agissait en fait d'une requête tendant, d'une part,
au paiement de la somme de 100.000 Frs CFA à titre de dommages
intérêts en raison de l'exercice contre le sieur MFOUMOU d'une
action j udi ciai re achevée par un acqui ttement et, d'autre
part, au remboursement d'une autre somme d'argent de 78.000
Frs CFA représentant les frais attachés à sa défense dans la
procédure pénale.
Le juge administratif, saisi à cet effet, s'était tout
simplement déclaré "incompétent pour connaître des deux ac-
tions en indemnités ... , le contentieux soulevé par le fonc-
tionnement de la justice ne (ressortant) pas à la compétence

de la juridiction administrative".
Nettement plus précis sera le contenu de la décision
TAGNY Mathieu rendue le même jour (1). Appelé à examiner une
requête tendant à la condamnation de l'Etat au paiement de la
somme de 336.081 Frs CFA en réparation du préjudice résultant
de l'incarcération du justiciable, en l'occurrence le sieur
TAGNY Mathieu, le juge administratif, conformément à sa posi-
tion prise quelques heures auparavant, se déclarera incompé-
tent "pour connaître des actes intervenus au cours d'une pro-
cédure judiciaire" et non plus du "contentieux soulevé par le
fonctionnement de la justice" qui, de toute évidence, consti-
tue un thème très vaste.
La jurisprudence administrative aura par la suite l'op-
portunité de raffermir cette précédente règle et partant, de
préciser à l'adresse des justiciables, la matière contentieuse
qui lui. échappe à l'occasion de la mise en cause du foncti.on-
nement du service public de la justice. L'affaire AOUA HADJA
contre l'Etat Fédéral du Cameroun en est l'illustration (2).
(1) C.FJ.lAP. Arrêt N° 19 du 16 mars 1967.
(2) C.FJ.lCAY. Arrêt N° 21:'1/A du 18 aotÎl 1972

411
A propos d'un litige qui oppose initialement la requé-
rante AOUA HADJA à son ex-époux qui n'est autre que M. ALHADJI
SALI, et notamment la restitution à la première d'une somme de
450.000 Frs CFA et de 15 boeufs d'une valeur de 30.000 Frs la
tête, AOUA HADJA saisit le tribunal de Grande instance de
NGAOUNDERE afin de régler le contentieux. Pour des raisons in-
connues, ladite juridiction judiciaire participe à l'étouffe-
ment du litige en le classant purement et simplement.
Elle s'oriente vers la jurudiction administrative au
moyen d'une requête en date du 21 août 1970 déposée au greffe
de la chambre administrative de la Cour Fédérale de justice
sous le N° 372 et demande à cette dernière de condamner l'Etat
du Cameroun pour la carence manifestée par les autorités judi-
ciaires en lui attribuant, à titre de réparation du préjudice
subi, la somme de 900.000 Frs CFA de dommages-intérêts ainsi
que celle de 1.000.000 Frs CFA à titre de restitution des
biens.
IIConsidérant, estime le juge administratif, qu'il res-
sort du dossier que dame AOUA HADJA se plaint de ce que les
autorités judiciaires auraient catégoriquement refusé de rece-
voir son action. Un tel grief qui met en cause le fonctionne-
ment du Service judiciaire ne peut être interprété comme une
violation de la loi par l'Etat. Au surplus, le principe de la
séparation des pouvoirs interdit au juge administratif de sta-
tuer sur des actions qui mettent en cause le fonctionnement

des tribunaux judiciaires; qu'il échet par suite à la cour de
se déclarer incompétente pour connaître du recours de dame
AOUA HADJA".
Depuis lors, la juridiction administrative a sans cesse
repris dogmatiquement que IItous les actes intervenus au cours
d'une procédure judiciaire ne peuvent être appréciés soit en
eux-mêmes, soit dans leurs conséquences (dommageables), que
par l'autorité judiciaire" (1). Cette formule jurisprudentiel-
le appelle une double remarque.
(1) . Jugement N° ,O/CS/CA du 2(, juin 19RO, 1\\·IONIX1UI30U Théodore clr:tal du Cameroun: le même jOli!', voir juge-
ments N° 44, YOMBI Alphonse-Bernard et 45, NGUIAl\\lI3A Daniel ,
. Jugement N° 6/84-85 du 25 octobre 1984, I\\If\\fvlA MEL.;\\NG Zacharie contre Elat du Cameroun.

D'une part, le déclinatoire de compétence ainsi opere
par le juge administratif au profit exclusif et déclaré du ju-
diciaire ne se limite pas à l'exercice même de la fonction ju-
ridictionnelle de ce dernier dès lors qu'une interprétation
large de l'express ion "tous l es actes intervenus au cours
d'une procédure judiciaire"
permet tout naturellement d'inclu-
re l'activité de la police judiciaire, laquelle précède assez
souvent l'activité du juge judiciaire. On peut donc aboutir à
cette première observation selon laquelle la juridiction admi-
nistrative se refuse à connaître de toute action contentieuse
visant à réparer les conséquences dommageables du fonctionne-
ment des structures judiciaires juridictionnelles ou extra-ju-
ridictionnelles (1).
Au-delà même du simple contentieux de la réparation, on
se doit d'autre part de relever que la mise en cause du fonc-
tionnement des tribunaux de droit commun, matière litigieuse
exclue du champ d'investigation de la juridiction administra-
tive, peut tout aussi être effectuée au moyen d'un contrôle de
régularité de la décision rendue par la juridiction judiciai-
re. Car le juge administratif dit en effet que "(les) actes
(du juge judiciaire) ne peuvent être appréciés soit en eux-
mêmes ... que par l'autorité judiciaire". Le contentieux rela-
tif au fonctionnement ou à l'activité des services judiciaires
peut sous-tendre la recherche d'une indemnisation à raison des
dommages par eux causés, le contrôle de la régularité des
actes juridictionnels proprement dits, voire leur interpréta-
tion même (2). Toutes ces actions susceptibles d'être inten-
tées par les justiciables potentiels doivent l'être par-devers
la seule juridiction judiciaire. Un tel régime contentieux
achevé par la jurisprudence administrative masque cependant
l'existence d'une autre question contentieuse que le juge sera
éventuellement appelé à résoudre.
(1) Le juge administratif Français a d'ailleurs cu J'occasion de dire le dm;t dans cc sens/quand il nole que le litige
concernant le fonctionnement de la justice judiciaire reut aussi résulter de la nOlalion dd' commissaires de rx)licc en
qualité d'oflïciers de rx)lice judiciaire. Et il ne se recollnaÎt pas cOIllIx'tCllt pour staluer sur des COllc/usiolls duig<;cs
contre un tel acte (r.A. de LYON, Il mars 1991, Sieur Jacques VERMARE, Droit Administratif, mai 1993, N° 2JO).
(2) Jugement N° 26/CS/CA/82·83 du 24 février 1983, D.lEUMO Louis Roger cOlltre conHllune urbaine de Douala

Il . LA QUESTION EN SUSPENS
Quelle est la juridiction compétente pour trancher le
contentieux qui peut se rapporter aux actes intervenus au
cours de la procédure administrative contentieuse? Ce problÈ-
me mérite en effet d'être résolu pour l'intérêt même des jus-
ticiables qui savent désormais que la compétence juridiction-
nelle en matière de litige afférent à la procédure judiciaire
est exclusivement judiciaire.
A première vue, on pourrait être fondé à postuler pour
la compétence du juge administratif au moyen d'un simple rai-
sonnement déductif qui veut qu'à partir du moment où seule la
juridiction judiciaire est habilitée à examiner les contesta-
tions provoquées par ses actes, son homologue administratif
soit tout aussi compétent pour apprécier ses propres déci-
sions, en elles-mêmes ou dans leurs conséquences dommageables.
Un second argument juridique relatif au principe de la sépara-
tion
des
ordres
de
juridictions
(lequel
n'est
que
la
conséquence du principe originel de la séparation des autori-
tés adm"i ni strati ves et j udi ci ai res) contribue à renforcer
cette position. Le présent cas de figure aboutit à un titre
nouveau de compétence reconnu au juge spécialisé de l'adminis-
tration puisque l'article 9 de l'ordonnance N° 72/6 du 26 août
1972,qui a vocation à fixer les règles de répartition des com-
pétences entre les juridictions administratives et judiciaire~
reste muet sur la question. Mais c'est en raison du mutisme
des dispositions textuelles qu'il peut paraître justifié de
relativiser la solidité d'une telle prise de position.
En effet, le problème de la détermination de la juridic-
tion compétente pour connaître des litiges concernant les
actes de la procédure administrative contentieuse, en l'occur-
rence les décisions du juge administratif, peut inversement
aboutir à la solution d'incompétence pure et simple. Saisi
d'Une requête contentieuse tendant par exemple à réparer les
conséquences dommageables d'une décision de la juridiction ad-
ministrative, on peut tout aussi penser que le juge adminis-
tratif trouve en ce contentieux une matière exclue de son ter-
rqin d'action eu égard à l'esprit général de l'article 9 du
texte de l'ordonnance de 1972.

414
Dans un premier temps, cette disposition énumère les
éléments contentieux déférables devant la juridiction adminis-
trative. Ensuite, elle pose la règle de la compétence des tri-
bunaux de droit commun pour ((toute autre action ou li tige". Ce
qui signifie que les juridictions de l'ordre judiciaire sont
habilitées à statuer à l'occasion d'une contestation n'ayant
aucun lien avec les compétences préalablement identifiées au
profit de l'ordre administratif. Or la question contentieuse
n'étant guère prévue dans les matières dévolues au juge admi-
ni strati f, ce dernier peut être fondé à l' assimi 1er à ((toute
autre action ou litige" et partant, se déclarer incompétent au
profit du juge de droit commun.
Il s'ensuit que la détermination du reglme contentieux
des actions mettant en cause les actes de la procédure admi-
nistrative contentieuse demeure, en droit public Camerounais,
très controversée. L'affrontement des thèses favorables ou dé-
favorables à la compétence contentieuse du juge administratif
demeure aujourd'hui alimenté par l'absence de prise de posi-
tion de ce dernier sur ce sujet. Encore faut-il que ce juge
soit saisi d'une requête traitant du problème. Ce qui n'est
pas encore le cas. Une telle lacune conjuguée de dispositions
textuelles et du droit jurisprudentiel laisse finalement libre
cours à la spéculation. Et ce n'est guère le volume de ques-
tions contentieuses théoriques en suspens qui échappera à la
mouvance conjecturale tant que l'état du droit restera inexis-
tant ou insatisfaisant. Cet état insatisfaisant du droit posi-
tif s'applique également au contentieux de la responsabilité
due à l'organisation des juridictions.
SIS II: LE PROBLEME THEORIQUE DU CONTENTIEUX DE LA RESPONSABI:
LITE DUE A L'ORGANISATION DES JURIDICTIONS.
La mise en jeu de la responsabilité du service public de
la justice, relativement à l'organisation stricto sensu d'une
juridiction, quelle qu'elle soit, relève-t-elle ou non de la
compétence matérielle du juge administratif? Il n'est point
aisé d'émettre un avis définitif sur cette question. Deux rai-
sons essentielles expliquent cette difficulté: d'une part,
l'article 9 de l'Ordonnance N° 72/6 du 26 août 1972 ne suggère
rien d'explicite. D'autre part, la juridiction administrative
Camerounaise n'a nullement encore été soumise à pareil débat
contentieux qui lui permettrait de dire s'il s'agit d'une ex-

415
ception à sa compétence ou au contraire d'un titre nouveau de
compétence.
Le signe du caractère insatisfaisant de l'état du droit
positif n'a d'ailleurs jamais été propre au contentieux admi-
nistratif national. En droit Français par exemple, il a fallu
faire usage de plusieurs voies de recours contentieux pour que
soit déterminée exactement la compétence juridictionnelle af-
férente à ce cas de figure :
"Considérant que l'action engagée par les officiers mi-
nistériels de Cayenne devant le tribunal civil de Cayenne et
portée par eux en appel devant la chambre d'appel détachée à
Cayenne de la Cour d'Appel de Fort-de-France, tend à obtenir
la condamnation de l'Etat au paiement de dommages et intérêts
en réparation du préjudice que leur aurait causé l'arrêt, pen-
dant une certaine période, du fonctionnement des juridictions

auprès desquelles ils exerçaient leurs fonctions en Guyane;
Considérant que les actes incriminés sont relatifs non à
l'exercice de la fonction juridictionnelle mais à l'organisa-
tion même du service public de la justice; que l'action des
requérants a pour cause le défaut de constitution des tribu-

naux de première instance et d'appel dans le ressort de la
Guyane, résultant du fait que le gouvernement n'a pas pourvu
effectivement ces juridictions des magistrats qu'elles compor-
taient normalement; qu'elle met en jeu la responsabilité du

service public indépendamment de toute appréciation à porter
sur la marche même des services judiciaires; qu'il appartient
dès lors à la juridiction administrative d'en connaître
et que
c'est à bon droit que le préfet a élevé le conflit dans l'ins-
tance . .. " (1).
(1)T.C..27 Novembre 1952. ofTicicls I11lllistélicls de C;J)'CIlIlC. Rcc .. r 642

416
La haute juridiction Française pose la distinction entre
organisation et fonctionnement d'une juridiction de l'ordre
judiciaire, ainsi que le principe de la compétence juridic-
tionnelle qui s'y rattache: si le fonctionnement du service
public judiciaire relêve du seul contrôle du juge judiciaire
(cela est certes affirmé implicitement), l'organisation de ce
service en revanche entre dans le champ d'investigation du
juge administrati f.
Dans la jurisprudence du Tribunal des
Conflits, la notion d'organisation du service ne se limite pas
aux mesures consistant à le créer ou à le supprimer, mais s'é-
tend aussi à celles destinées à lui permettre de fonctionner,
à l'exemple des décisions concourant d constituer le conseil
supérieur de la magistrature (1), des mesures relatives d la
carrière des magistrats, qu'elles touchent d l'exercice du
pouvoir disciplinaire (fût-il motivé par des faits directement
liés d l'exercice de la fonction) (2), d l'avancement (3) ou d
la notation des magistrats (4).
Loin d'être identifiée d une simple hypothèse d'école,
la question de la responsabilité du service de la justice, en
raison de l'organisation défectueuse dudit service et ce fai-
sant préjudiciable aux justiciables, est fréquemment observée
au Cameroun. Une illustration édifiante)parmi tant d'autre~
peut être tirée des affaires O.C.D.H. et CAP-liberté évoquées
à
propos du contentieux de la 1iberté d'association (5).
Rappelons que la loi N° 90-53 du 19 décembre 1990 sur la li-
berté d'association confère compétence au juge administratif
pour connaître des litiges relatifs aux mesures administra-
tives de suspension ou de dissolution émises d l'encontre des
formations associatives, lequel juge a l'obligation légale de
stdtuer par ordonnance dans un délai de 10 jours. Saisi de
(1) 17 avril 1953, rALCO et VIDAILLAC, Rec, p 175.
(2) 14 Novembre 1975, ROUSSEAU, Rec, p 1')4.
(3) 5 Novembre 1976, LYON-CAEN, Rec, p. 472.
(4) 13 Novembre 1987, BA LJHA IN, Rec, p. 95: "Considérallt, en deuxième lieu, que si, contrairement cl ce que sou-
tientle Ministre de la Justice, il appartient au COllseil dEtat de se pronollcer sur le biell-folldé du moyen tiré par M.
BAUHAIN de ce que l'appréciatioll de.ra manière de serl'ir comme juge au tribunal de ,grande instance de Ba.Hia serait

entachée d'erreur manifeste, il ne ressort pa.s des pièces du dossier que le premier présidellt de la Cour d'appel (de
Bastia) ait commis une telle erreur lorsqu'il a flTOcédé à la lIotatioll du requérallt... ..
.(5) Cf: Ordonnances N° 19/0/PCA/CS du 26 septembre 1991, OCDII. (Organisation Camerounaise des droits de
l'Homme) clEtat du Cameroull (1I.f1NA'1') et N° 26/0/PCA/CS de la même date, CAP-Liberté (Comité d'action populaire
pour la liberté et la démocratie) clEl;tt du Cameroun (MINAT).

telles requêtes, le Président de la Chambre administrative de
la Cour Suprême avait rendu ses décisions largement au-delà du
délai légal imparti, motif pris de ce qu'il jouissait réguliè-
rement de son congé annuel à l'époque de la saisine juridic-
tionnelle. Au surplus, l'inexistence d'un président adjoint
près la chambre administrati ve ne pouvai t
que mettre le
contentieux en état de souffrance. Conséquemment, les requé-
rants n'avaient plus qu'à attendre son retour pour que les af-
faires puissent connaître le dénouement espéré. A la suite de
ces péripéties, on peut donc réellement se poser la question
de savoir quelle aurait été la juridiction compétence pour ré-
parer le préjudice éventuel issu d'une telle organisation dé-
fectueuse de la juridiction au cas où les justiciables au-
raient eu la présence d'esprit de formuler une telle préten-
tion. Pour esquisser une solution d ce problème qui se pose
probablement devant les juridicti.ons de droit commun,
il
semble judicieux de s'interroger préalablement sur les règles
de compétences en matière d'organisation des juridictions.
La norme fondamentale de l'Etat qu'est la constitution
du 2 juin 1972 dispose, entre autres, que l'organi.sation judi-
ciaire du Cameroun, telle la création des ordres de juridic-
tion, entre dans le domaine de la Loi (1). Cependant, dans
cette matière qui ressortit d la compétence du législateur,
ilL 'Assemblée Nationale peut autoriser le Président de
la
République, pendant un délai limité et sur des objets détermi-
nés, à prendre des ordonnances ayant force de loi" (2). Aussi,
l'organisation judiciaire nationale est-elle régie par ordon-
nance N° 72-4 du 26 août 1972, maintes fois modi fiée (3).
Nonobstant les avatars subis par ce texte juridique initial du
26 août 1972, la notion d'organisation judiciaire n'a guère
uniquement correspondu d la juridiction ou magistrature judi-
ciaires. Bien au contraire, elle a toujours été envisagée lar-
gement, englobant d la fois toutes les juridictions, quel que
(1) Article 20, alinéa 3
(2) Article 21, Paragraphe premier.
(3) Cf Ordonnances N° 72/21 du 19 octobre 1972,7319 du 25 avril 1973 (JO. du 30 juillel 1973, p 106) ainsi que
les lois W 76117 du 8 juillet 1976 (JO du 15 juillet 1976, r 85).8313 du 21 juillet 1983 (JO. aoOt 1983. p. 1913).
89/017 du 28juillct 1989.8<)/019 du 2<) d6ccll1hr{' )989, 'Xl/,'\\l{ dll l') d6cctllhrc l'I<Xl (.Indu 1er janvi{'r 1991. N° 1
supplémentaire, intitulé "spé";a/ /ibNlh", p. ,14).

soit l'ordre duquel elles relèvent (1). Il est donc loisible
d'interpréter les termes d"'organisation judiciaire", utilisés
par le texte de l'Ordonnance, dans le sens plus approprié de
l'organisation juridictionnelle.
Si l'on se base en conséquence sur le paramètre selon
lequel l'organisation des juridictions relève de la loi, toute
action contentieuse visant à mettre en jeu la responsabilité
du service de la justice à raison de l'organisation préjudi-
ciable qui le caractérise doit forcément être dirigée contre
la loi. Seulement, le principe juridique de l'injusticiabilité
de la loi étant établ i, sous réserve de l'introduction au
Cameroun du chemin contentieux restrictif de la responsabilité
du fait de lois consacré en droit Français (2), il reste alors
à rechercher une toute autre voie de droit permettant d'obte-
nir réparation.
Ce tout autre moyen juridique découle (paradoxalement 7)
de l'article 37 de l'Ordonnance du 26 août 1972 portant orga-
nisation judiciaire qui dispose que 1I1es modalités d'applica-
tion de la présente ordonnance sont en tant que de besoin

fixées par décret". De même, l'Ordonnance N° 72/6 du 26 août
1972 traitant particulièrement de l'organisation de la plus
haute juridiction Camerounaise qu'est la Cour Suprême dispose
en son article 21 que c'est par le canal réglementaire que les
structures organiques de ladite cour sont agencées,
lien tant
que de besoin". Or, le décret étant un simple acte administra-
tif, la compétence de la juridiction administrative semble
s'imposer logiquement dès lors que l'article 32, alinéa 3 du
(1) Carticle
premier nouveau (Loi mexlificillivc du ]9 décemhre 19(0) di~po~c
"{(/ jlutire est rendue ail nom ,III
peuple Camerounais par:
, Les juridictions de droittraditionncl ;
, Les tribunaux de première instance ;
. Les tribunaux de grande instancc ;
. Les tribunaux militaires;
, Les cours d'appel;
, La Cour de sûreté de l'Etat;

, La Cour suprême.
(2) C.E., 14 juin 1948. Sociélé Iii Ileurellc, G.A, N° 59. Scion celle illustrc juri~prlldcnce, la jll~ticiilhilité de Iii loi
est. ouvert.e sur le terfilin de la respCH1~ilhtlité silns fanle dl' la puissance puhlique. ~ la condition q1le le dommage callsé
par celle loi à 1111 particulier revête lin double caractère spécial cl anormal OUHall{ ainSI dro;t il indemnité

texte de la constitution l'habilite à statuer (~ur les recours
en indemnités ... dirigés contre les actes administratifs" et
que l'article 9, alinéa 2 (b) de l'Ordonnance N° 72/6 susvisée
achève en lui conférant compétence à propos des ((actions en
indemnisation du préjudice causé par un acte administratif».
De ce point de vue, la demande en réparation du dommage résul-
tant de ce que l'administration n'aurait pas convenablement
pourvu les juridictions des magistrats nécessaires à la satis-
faction de l'exigence de justice constitue un titre nouveau de
compétence au profit du juge administratif. Mais abordé sous
un autre angle, le problème est susceptible de glissement vers
un raisonnement parallèle.
En effet, contrairement à la compétence supposée de la
juridiction administrative, la question contentieuse peut tout
aussi lui échapper et s'inscrire au titre du domaine de la ju-
ridiction judiciaire. Une exégèse littérale du droit de la ré-
partition des compétences contentieuses entre les deux ordres
de juridiction commande une telle analyse. D'un côté, l'ar-
ticle 9 de l'Ordonnance N° 72/6 du 26 août 1972 ne prévoit pas
explicitement ce litige lorsqu'il procède à l'énumération des
contestations soumises à l'appréciation du juge administratif.
De l'autre façade, ce même article dispose que ce sont ((les
tribunaux de droit commun (qui) connaissent de toute autre ac-
tion ou litige" dès l'instant où la contestation ne s'apparen-
te pas aux éléments de la zone du premier juge. Cette formule
de ((toute autre action ou litige" peut être relative, poursuit
l'article 9, à la responsabilité de l'administration à raison
des dommages que ses agents causent aux tiers. Le justiciable
qui subit un préjudice résultant de la défection des magis-
trats qui ne sont autre que des agents de l'administration
n'est-il pas ce faisant fondé à engager la responsabilité de
la puissance publique devant le juge judiciaire?
Al' évi dence,
toutes
ces
hypothèses
de
compétence
concurrente ou d'incompétence du juge administratif au bénéfi-
ce du judiciaire et vice-versa participent de l'état insati-
fai sant des normes écri tes re lati ves à la répar·ti tion des com-
pétences entre les deux juges. Aussi est-on amené à relativi-
ser l'effet de précision recherché à travers la détermination
textuelle des compétences d'une juridiction. Car il faut déci-

420
dément que la jurisprudence s'investisse souvent à la suite
des dispositions du texte pour que l'on puisse avoir une vue
dégagée sur des questions juridiques. Le principe selon lequel
le contentieux des actes à caractère privé de l'administration
constitue une exception à la compétence de la juridiction ad-
ministrative résulte d'une telle contribution jurisprudentiel-
le.
SECTION Il : LE CONTENTIEUX DES ACTES
DE DROIT PRIVE:
DE l'ADMINISTRATION
La j uri sprudence admi ni strati ve a eu à generer bon
nombre de décisions qui laissent à penser que les actes émis
par l'administration agissant comme une simple personne de
droit privé, et donc dépouillée de ses prérogatives de puis-
sance publique, ne relèvent pas du champ d'investigation de la
juridiction administrative. Certaines de ces décisions de jus-
tice trai te nt tout naturellement des actes administrati fs
contractuels conclus en application des règles du droit com-
mun. Le principe jurisprudentiel de l'incompétence du juge ad-
ministratif pour statuer sur tout litige relatif au contrat de
droit privé de l'administration peut s 'expl iquer à partir
d'une rédaction pour le moins lacunaire du droit de la répar-
tion des compétences contentieuses entre les juridictions. Aux
termes de l'article 9, alinéa 2 Cc) de l'Ordonnance du 26 août
1972, on peut en effet lire que font exclusivement partie du
contentieux administratif dévolu à la juridiction administra-
tive, "les litiges concernant les contrats Cà l'exception de
ceux conclus C,) même implicitement C,) sous l'empire du droit
privé) ou les concessions de services publics".
Au surplus, sans pour autant se fonder sur un texte ex-
plicite, le juge administratif a, par lui-même, fixé que tout
acte de gestion du domaine privé de l'Etat échappe à sa compé-
tence. Cette seconde exception à la compétence de la juridic-
tion
administrative
découle
néanmoins
de
l'esprit
de
l 'Ol1donnance
de 1972 qui
entend
uniquement
réserver
la
connaissance du contentieux du domaine public au juge spécia-
lisé de l'administration. Sur la base d'une simple déduction,
les modalités d'administration du domaine privé de la puissan-
ce publ ique consti tuent, en cas de litige, un contentieux
privé du contrôle du juge administratif au même titre qu'un

421
contrat non administratif. Et aux yeux de la jurisprudence,
l'ensemble de ces actes revêt la particularité de s'identifier
à des normes de droit privé liant l'entité administrative. De
ce point de vue, ces normes sont par conséquent exceptées des
matières appartenant à la Cour Suprême statuant en qualité dé
juridiction administrative.
SIS 1 : LES ACTES DE GESTION DU DOMAINE PRIVE DE L'ETAT
Le contentieux Camerounais de la gestion du domaine
privé de l'Etat déféré devant la juridiction administrative
est, jusqu'à ce jour, la résultante d'un nombre très réduit de
décisions de justice. Nonobstant un tel acquis quantitatif né-
gligeable de prime abord, une première tendance jurispruden-
tielle semble fermement s'établir relativement au régime dudit
contentieux. Celle-ci se résume à l'incŒnpétence matérielle du
juge administratif pour examiner le procès fait à l'acte de
l'administration qui se rattache à la gestion du domaine privé
de l'Etat. En d'autres termes, seul le litige provoqué par une
décision
unilatérale de l'administration est aujourd'hui
considéré comme la composante exclusive du contentieux du do-
maine privé. Il reste qu'au regard des règles générales de ré-
partition des compétences contentieuses, ce principe même de
la position du juge appelle incontestablement quelques élé-
ments d'analyse critique.
1 :
LE
PRINCIPE DE
LA
POSITION JURISPRUDENTIELLE
L'étude du contentieux juridictionnel de l'acte de ges-
tion du domaine privé de l'Etat semble préalablement indisso-
ciable de l'effort de définition de cette notion clé qu'est le
domaine privé.
C'est en effet l'Ordonnance N°
74/2 du 6
juillet 1974 fixant le régime domanial qui ((régit le domaine
public, le domaine privé de l'Etat et des autres personnes mo-
rales de droit public" (1). S'agissant précisément du domaine
privé de l'Etat, le texte de l'Ordonnance se borne à énumérer
(1) Article premier de l'Ordollll;JIlCC susviséc.

l'intégralité des biens qui le composent, plutôt que de déga-
ger un critère à partir duquel il serait loisible d'élaborer
une définition abstraite ou générale. Au sens de l'article 10
de l'Ordonnance, cinq catégories de biens ainsi désignés for-
ment la structure matérielle du domaine privé de l'Etat:
"1° - Les biens meubles et immeubles acquis par l'Etat à
titre gratuit ou onéreux selon les règles du droit commun;
2° - Les terrains qui supportent les édifices, construc-
tions, ouvrages et aménagements réalisés et entretenus par
l'Etat;
3° - Les i~neubles dévolus à l'Etat en vertu:
de l' arti cIe 120 du Trai de Versai Il es du 28 JUI n
1919,
de la législation sur les séquestres de guerre,
. d'un acte de classement intervenu par application des
législations antérieures à la présente Ordonnance,
du déclassement du domaine public,
, de l'expropriation pour cause d'utilité publique
4° - Les concessions rurales ou urbaines frappées de dé-
chéance ou du droit de reprise ainsi que les biens des asso-
ciations dissoutes pour faits de subversion, atteinte à la sû-
reté intérieure ou extérieure de l'Etat;

5° - Les prélèvements décidés par l'Etat sur le domaine
national par application des dispositions de l'article 18 de
l'Ordonnance fixant le régime foncier", A cette architecture
essentielle, il convient d'ajouter les biens éventuellement
incorporés
selon
les
prévisions
de
l'article
11
de
l'Ordonnance (1).
(1) Lequel dispose qu' ..à parlir dl' l'clllrée Cil l'iglleur de la pré.w'flle OrdOllllllllce cl pC Ildtl Il 1 1I111? périodc Irtlllsilaire de
2 ans, pou1'1'0
III, tIprès mire l'JI demellre 1'1'.1'/,'" .1'(111.1' 11/1'1. rire illcor!'",.res dI/liS h' dlllll(lillc {>ril'r' de l'I':/(ll 1'1//1.1' ill'
dem;'lilé, les propriélés de.1' zalles rurales qui, depui5 10 11/15, Il '0"1 fail l'ohjel d'allcIIII elllrelien ni d 'tIuculle régéllé-
ration ".

Les biens du domaine privé de l'[tat aillsi identifIés peuvent faire l'objet d'une
affectation, d'une cession ou attribulion. C'est du Illoins ce que révèle la lecture de
l'article 12 de l'Ordonnance du (l jui Iiel 1974, lequel dispose en enel que « le dOlilnille
privé de l 'F'lal pelll êll'e :
.qfl'ecle; ri des serFices Imhlics :
. (Ù/(; (1I1X Iwrs()/I/Ies II/ora/t's de droil /)llhlil' .-
.al/rilmé Cil l)(7rlicipolioll ml CO/7//(f1 des socie;lés avec c/roil de Ihllcor/)()/'Olioll CIII
dmnaine /JI'ive; (/c! / 'FIaI en CliS de dissolulioll, làillile 011 lit/llic/Olioll desdiles soc/r;lés :
.al/ri/71fe; en/ollissallcc ()/I Cil Ilropriae; à cles /7crsolllles 17hvsic/lles O/( IIw/'(t/es .-
.al/rihlle; Cil jOllissCII/cc ml en I)f'{)!)/,/(;/e; (/IIX organisllles inlernalionollx donl le
(.'0 me/'() Iln es1 III CIII h l'C :
diplomaliqlles 011 cOlI.\\'IIlail'cs occre;di/c;cs (/II ('olll('rolln ».
En application de ces différentes alinéations des biens du domaine privé de l'Etat
le même article 12 achève en disposant que « les IIwdalilés dc ces IIfTeclal/olls, ccssiolls
el al/rilmlions solll fi'((;es par décrel ». [t él ce jom, le décrel en vigueur est celui
N°76/J67 du 27 avril 1976 f1xanlles Illodalités de gestioll du domaine privé de l'Eta\\. Ce
texte réglelllciltaire él ceci de singulicr qU11 fIxe en son article .lI que « /cs ({cles de
geslion dll dOlllaine prive; sonl jàils en la I(mlle adminislralive» 1. La question qui se
pose est de savoir si la natme administrative desdils actes de gestion suffira il emporter la
compétence du juge administratif ou, par extraordinaire, celle de SOlI homologue
judiciaire.
., A première vue, point n'est bcsoin de rechercher IOllguelllent la cOlllpétence de la
juridiction administrative l'II la matière quand on sait que le contentieux des actes
administratifs (qu'ils soicnt conlcslés en eux-mêmes (lU dans
lems conséquences
dommageables) lui est, dans la plupart des cas, dévolu. Mais celte analyse est contreditc
par toutes les décisions jllrispruc!enlielles Ir;liléllll dll contenlieux cie la gestioll du dOli1aine
privé de l'Etat.
1 Le propre des réformes
normalives n"élanl P:1S nécessairemenl de faire 1ahle r:lse dll droit alllériellr" cette
disposition est reprise. in ex[enso" dans la rédaclion de 1"arlicle li 1l0llVeall dll décret N° I)O//4XO dll 1) novembre
1990 modilïant cl complétant cerlailles disllosiliolls dll décrel illitial dll 27 ;lvril l 'J7(,

L' affai re AZOMBO NSOMOTO Vi ctor c/Etat du Cameroun
Oriental constitue l'amorce d'une telle position de prIncIpe
de la jurisprudence administrative Camerounaise (1). Relevant
le caractère discrétionnaire qui entoure la gestion dudit do-
maine, le juge administratif, en l'absence de toute disposi-
tion textuelle lui prohibant la connaissance du contentieux
susceptible d'y émerger, y avait trouvé un moti.f suffisant
pour décliner sa compétence contentieuse:
"Attendu que le terrai n dont le requérant demandai t
l'attribution fait partie du domaine privé de l'Etat. Qu'à ce
titre, l'Etat peut en disposer comme il l'entend. Que ni les
promesses verbales que le requérant prétend avoir reçues de
certains agents publics relatives à la cession de cette par-
celle à son profit, ni les circonstances que l'Etat a, pendant
plusieurs années, toléré son installation sur lesdits lieux ne
sont de nature à lui en conférer la propriété".

Plus significative sera la jurisprudence postérieure.
Fidèle à son principe initial de l'incompétence de la juridic-
tion administrative pour connaître d'un litige relatif au do-
maine privé de l'Etat, le juge administratif fondera celle-ci
sur le fait que l'acte de gestion du domaine privé a le carac-
tère d'un acte de droit privé et ce, en dépit de ilIa forme ad-
ministrative" exclusivement requise par l'article 31 du décret
du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion dudit domai-
ne. L'espèce NTONE KINGUE Gabriel cl Etat du Cameroun i.llustre
parfaitement cette base nouvelle dont se sert le juge afin de
soustraire délibérément le contentieux de la gestion du domai-
ne privé de l'Etat de son champ d'action (2).
(1) CFJ/SCAY, Arrêt N° 1(, du '!Il<HTnlhre 1')(,(,.
(2}Jugement N° 58/R(,-R7 de la chamhre adlllillislrali\\T de la Cour SUl'll'lllC Cil ,Lill' llil:''i juill 19H7, l''''cill'.

Les prémices du contentieux remontent à un arrêté mlnlS-
tériel N° 000539/MINFI/DO/AF du 2 novembre 1979 portant attri-
bution, à titre définitif, d'un terrain domanial de 12.041 m2,
sis à DOUALA,
à
Messieurs EBOUMBOU DIN Emmanuel,
KINGUE
EBONGUE Abel, MBIMBE EKWE Albert, EBONGUE LOTTIN Conrad et
MANDENGlIE EBOUMBOU Roger. Le terrain domanial ainsi attribué
en propriété à ces personnes physiques devait être prélevé sur
le titre foncier N° 2741 appartenant au département du Wouri,
lequel titre correspondait à la certification officielle du
domaine privé de l'Etat.
S'estimant en présence d'un simple acte unilatéral de
l'administration, le sieur NTONE KINGUE Gabriel, requérant en
l'espèce,
agissant
solidairement
avec
la
collectivité
Bonantonè, saisit la chambre administrative de la Cour Suprême
d'un recours tendant à ce qu'il lui plaise d'annuler ledit
acte ministériel au cas où elle estimerait opérant l'un des
moyens d'annulation pour excès de pouvoir prévus par le droit
du contentieux administratif Camerounais.
Une ancienne jurisprudence administrative d'il y a 13
ans avait auparavant, dans une espèce similaire, posé le prin-
cipe selon lequel le citoyen n'a aucune qualité pour critiquer
par voie de recours pour excès de pouvoir un acte d'adminis-
tration de son domaine privé par l'Etat ou pour demander à
l'Etat d'effectuer le retrait de pareille décision (1).
Abandonnant cette voie du jugement d'irrecevabilité fondé sur
le défaut de qualité pour agir, la chambre administrative em-
pruntera un chemin parallèle dont les termes sont ainsi clai-
rement articulés :
(1) cr: TE, 8 mars 1%3, OLLE t\\lalhicll cl ENCiAMBA [mile l'JEtaI du C'<llllcroUIi el Société Forcstièrc du Dja ct
Lobo, précité.

426
ttContrai rement à ce que le requérant serai t tenté de
croire, ... la forme administrative utilisée n'a pu avoir pour
effet d'enlever à l'acte attaqué son caractère d'acte de droit
privé pour lui conférer le caractère d'un acte administratiG
soumis à un régime de droit public et relevant de la juridic-
tion administrative, cette forme étant la seule valable comme
prescri te par le décret N° 76/167 du 27 avri l 1976 fixant les
modalités de gestion du domaine privé de l'Etat, lequel pré-
voit en son article 31 que "les actes de gestion du domaine
privé sont faits en la forme administrative" ;
UQu'il appartient donc, conclut-il, au requérant qui se
croit autorisé de contrôler les actes de l'Etat concernant la
gestion de son domaine privé de se pourvoir devant la juridic-
tion compétente en la matière", en l'occurrence la juridiction
judiciaire d'après une jurisprudence antérieur'e de la chambre
administrative (1).
Le contentieux juridictionnel de l'acte de gestion du
domaine privé des personnes morales de droit public autres que
l'Etat (2) n'a pas encore été déféré devant la censure du juge
admi.nistratif. Mais par extrapolation, on pourrait également
se permettre, du moins provisoirement, de lui appliquer ce
précédent principe jurisprudentiel issu d'un contentieux voi-
si.n. Car l'acte de gestion du domaine desdites personnes mo-
rales est soumis à une autorisation étatique préalable, en ce
sens qu'il ne peut juridiquement exister qu'à la condition de
(1) "Les conséquences de la ,lJeslion du domaine privé de l'Elal ne peul'enl êlre appréciées que par les Irihunaux de
l'ordre judiciaire".
Cette formule jurisprudentielle est conlenue dans deux décisions rendues le 28 novemhre 1985 par
le juge administratif de premier degré, à savoir les jugements N° 16/85·H(,. KMvfl)EM WAFO Michel clEtat du
Cameroun et 17/85·86, FOSSf Antoine clEtal du Cameroun.
(2) L'Ordonnance N° 74/2 du 6 juillet 1974 traite tout aussi du domaine pri\\'é des personnes morales de drlJit puhlic
infraélalique (collectivités el Etablissements puhlics), el énumère ce faisant en SlJn article 13. paragraphe 1 les biens
qui s' y lrouvent. II s'agit enlre aulres .
..·des biens el droiLr immohi/ier.r acquis par des voies de droil pril'é.
. des biens el droilS immohiliers l'rovellal/I du domail/c privé dc /'l:'tal cl lral/sjàh (Ill domail/c privé dC.fdiles peT'
sonnes morales,
. des biens el draiLr invnahiliers acquis dal/,f les rondi/ioJI.Ç visées il l'arlicle 18 de rOrdal/nal/ce jiwl/l le réRimc
foncl:er",
\\.

l'exercice d'une tutelle normative par l'autorité administra-
tive centrale (1). Mais par-delà ce menu détail, l'affaire
NTONE KINGUE Gabriel, considérée dans l'orientation que la ju-
ri sprudence admi ni strati ve entend donner au
contentieux
Camerounais de la gestion du domaine privé de l'Etat, semble
prêter le flanc à la critique au regard des multiples limites
qui sont les siennes.
Il
: ELEMENTS D'ANALYSE CRITIQUE
Au-delà des divergences terminologiques qui apparaissent
dans toute la jurisprudence administrative naissante relative
au domaine privé, il faut dire d'emblée que les formules ju-
risprudentielles Camerounaises tendent à unir contentieux du
domaine privé et compétence judiciaire. L'option d'un tel ré-
gime contentieux peut,certes,s'appliquer largement sans pour
autant exclure l'existence d'hypothèses de compétence de la
juridiction administrati ve.
L' affai re NTüNE KINGUE Gabriel
offre à cet effet une brèche assez évidente de la manifesta-
tion d'une compétence extra judiciaire.
Comme le rappelle le juge de cette affaire, l'article 31
du décret du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du
domaine privé de l'Etat dispose: "les actes de gestion du do-
maine privé sont faits en la forme administrative". Que signi-
fie donc cette expression de "forme administrative" ? est-ce à
dire que les actes des autorités administratives auraient une
forme particulière distincte par exemple des actes de simples
particuliers? Le juge administratif concerné par le dossier
contentieux n'estime guère utile de s'attarder sur cette ques-
tion préalable, laquelle semble du reste mineure. Car à propos
d'une espèce TCHUNGUI Charles dans laquelle le requérant avait
demandé la réparation, par l'administration, d'un dommage pé-
cuniaire résultant des retenues opérées sur sa solde sans que
ne soit produit l'acte administratif litigieux, le juge avait
adressé au demandeur le préalable ci-après
(1) L'article 13, paragraphe 2 de l'Orùonnance ùe 1974 susmentionnée dispose en erret: "les actes d'aliénalion du
domaine privé des personnes morales de drait public au Ires que l'nat doivenl êlre rel'élus, à peine de lIu/lité, du vüa

du Minislre chargé des Domaines. Celle régie esl ùnr'éralive à pci/le de /I/I/lil<' dc.r aclt'S ellfreigllll/li celle régie préll-
lable" .
•O!.,.....œ

"Attendu que le contentieux administratif, qu'il s'agis-
se du recours en annulation ou de pleine juridiction, des li-
tiges portant sur les contrats administratifs ou des recours
en appréciation de légalité, porte sur des actes administra-
tifs qui peuvent être écrits ou verbaux, ou constitués en de
simples abstentions ou retards pourvu qu'ils portent préjudi-
ce"
(1).
Dans l'affaire NTONE KINGUE Gabriel, ce n'est ni le Sl-
lence momentané ou définitif de l'administration qui est mis
en cause, ni une décision verbale, mais plutôt un acte admi-
nistratif
(unilatéral)
écrit
puisque
c'est
l'arrêté

000539/MINFI/DO/AF pris par l'autorité ministérielle en matiè-
re de gestion du domaine privé de l'Etat qui est déféré à la
censure juridictionnelle. Le requérant conteste en tout cas
une décision administrative. On est,ce faisant 7 dérouté quand
le juge administratif assimile ladite décision à un acte de
droit privé en ces termes explicites: "Contrairement à ce que
le requérant serait tenté de croire, ... la forme administra-
tive utilisée n'a pu avoir pour effet d'enlever à l'acte at-
taqué son caractère d'acte de droit privé pour lui conférer le
caractère d'acte administratif, soumis à un régime de droit

public et relevant de la juridiction administrative ... ". Cette
solution de la jurisprudence est donc critiquable et se devait
d'intervenir dans le sens de la compétence de la juridiction
administrative au regard des dispositions textuelles sur la
répartition des compétences contentieuses entre les juridic-
tions, lesquelles chargent le juge administratif de l'essen-
tiel du contentieux des actes administratifs unilatéraux ou
bi.latéraux.
Au
surplus,
aucune
norme
du
droi. t
posi. ti f
Camerounais ne prive les actes de gestion du domaine privé des
personnes publiques administratives de tout recours juridic-
(1) cr: Jugement N° SteS/CA du 29 novembre 1979 clElill du Cameroun, précité Sur l'identification concrète de l' ac-
te administratif unilatéral consacrée par le droit positif et Iii pratique administrative Camerounaises, se référer aux dé-
veloppements du chapilre premier intégré à la première panle de la thèse, sous-section rI de la section r

tionnel comme c'est le cas des décisions administratives qui
s'insèrent dans la théorie des ((actes de gouvernement". A l'é·-
vidence, le juge national,
pourtant traditionnellement inspi-
ré par la jurisprudence administrative française,
n'a cette
fois-ci guère médité sur la position du Conseil d'Etat qui
veut que la juridiction administrative connaisse des recours
dirigés contre les décisions administratives, telle une déli-
bération du Conseil Municipal, portant sur la gestion du do-

maine privé quel qu'en soit l'objet; cette compétence de la
juridiction administrative s'étendant même au contrôle au fond
de l'acte (1).
De ce point de vue du droit jurisprudentiel français,
c'est tout un dogme classique qui se fissure progressivement:
le raisonnement selon lequel la personne publique détentrice
d'un
domaine
privé
gère
ou
administre
ledit
domaine
à
l'exemple du simple propriétaire privé gérant son p~!s~oi~e
ne débouche pas forcément sur la conclusion simpl iste'
?Ses
mesures sqht toutes des actes de droit privé,
relevant par
suite des tribunaux de l'ordre judiciaire (que ces mesures
soient attaquées en elles-mêmes ou dans leurs conséquences
dommageables). Si la jurisprudence administrative Camerounaise
demeure attachée à cette considération traditionnelle, son ho-

mologue français a, quant à lui, tenu à nuancer les choses en
(1) CE., section, 17 octobre 1980, GAILLARD, Rec., p 378: AJ 1981, r 112, cOllclusiolls D. LA 13 E'TOUL LE :
"Considérant que la demande M GAIIL4RD tend à l'annulation de la délibération du Conseil municipal de Pannece
en date du 23 février 1979 refusant de lui vendre une parcelle du terrain callununal, ensemble la décision implicite du
préfet de Loire-Atlantique refusant d'annuler celle délibération .. que la juridiction administrative est compétente
pour connaître de telfes cone/usions dirigées contre les décisions adminÎJtratil'es : que, par suite, M. GAILLARD est
fondé à soutenir que c'est à tart que, par le jURelnent allaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande
connue portée devant une juridiction Îlrcompétente pour en cOllnaÎtre, que le JURemellt doit être annulé ..
Considérant que l'affaire est en l'état, qu'il y a lieu d'ùoquer et de .rtlltUcr illunédilltementsur la demande présentée
par M. GAILl.ARD devant le tribunal administratif de Nantes ..
Considérant qu'il ne ressort prL\\' des pièces du do.rsier que la délibération al/aquée. laquelle a d'ailleurs été prise après
une enquête auprès de la population, .foit entachée d'une erreur matérielle ou d'une errcur mallljl'5te d'appréciation;

Considérant que le détournement de /,oul'oir allégué n 'l'.rt f'"S <'II/hli ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la dl'lI1ande présentée par M. CAifLAUD devant le 'l'hill/na 1adminis-
tratif de Nantes ne saurait être accueillie...
".

distinguant les décisions susceptibles d'être quaI i fiées
d'actes de droit privé (1) de celles qui ne le sont guère (2),
sans que cela mette en péril la compétence dite de principe
des tribunaux judiciaires ou n'amplifie démesurément les in-
terventions supposées exceptionnelles de la juridiction admi-
nistrative dans la connaissance du contentieux afférent à la
gestion du domaine privé. Antérieurement à l'affaire NTONE
KINGUE Gabriel,
la jurisprudence administrative nationale
avait déjà fait preuve d'un manque de subtilité à propos du
même problème de la fixation du régime contentieux de la ges-
tion du domaine privé.
(1) Le régime contentieuJl. français de la gestion du domaine privé semble considérablement tourmenté compte tenu
de la quantité élevée des décisions rendues par la juridiction des conOits en la matière. Toutefois, bon nombre d'arrêts
rendus par le Conseil d'Etal démontrent que les litiges générés par une décision sont par1agés entre les deux ordres de
juridictions. Sont à ce jOllr considérées comme des actes de droit privé, relevant par suite de l'ordre judiciaire, cer-
taines mesures administratives non réglementaires (traitant bien sflr de la geslion du domaine privé) qui ne sont pas
détachables de cette gestion. C est le cas précisément des décisions par lesquelles la personne publique octroi ou re-
fuse à un tiers :
· Une permission de voirie sur le chcmin rural (CE. 20 j,lllvicr 19R4, Soc. Civ du domaine dc Dernd, !(ec. p. 12 ;
R.O.P 1984, P 17(8) ;
· L'autorisation d'occuper une dépendance du domaine privé pour y édifier, par c.~elllple, une c(lnstruclion légère
(C.E., 23 février 1931, Orne Grand D'Esnon, Rec., p 817) ,
· Ou encore l'autorisation d'utiliser le domaine privé pour y circuler ou chasser (e E, 9 janvier 1942, Soc des
Sablières de Féron, Rec., p. 17; section, 15 février 1963, Chaussé, Rec. p 93 ; AJ 1%3, P 413).
Tout récemment, le Conseil d'Etat a considéré qu'est un acte de gestion du domaine privé, relevant des tribunaux judi-
ciaires, la décision par laqnelle l'administration se prononce sur une demande de transfert d'une autorisation d' occu-
per une dépendance du domaine privé (13 novembre 1987, Ome AMIOT et COURflN, Rec. p. 358).
(2) La décision non réglementaire et détachable de la gestion du domaine privé est un acte administratif pour lequel le
litige qui 8' y attache est dévolu à la juridiction administrative. C est le cas des décisions relati ves aux demandes d'au-
torisation de coupes de bois dans une forêt domaniale puisqu'elles sont regardées comme relatives à ''/'e:rercice d'un
servù::e public de protection de la forêt. présentant un caractère administratif' et, par suite, comme détachables "des
opérations de gestion du domaine privé"
(CE, 3 mars 1975, Courrière et autres, Rec. p 165 ; A.J. 1975, p. 233,
chronique MM. FRANC ct nOYON). Sur la distinction entre Service de gestion de la forêt et service de protection de
la forêt, le Conseil d'Etat avait auparavant affirmé que cc dernier service "n'a 1'(15 1(1 charRe de surveiller ou de proté-
ger les animaux" vivant dans la forêt (section, 20 juillet 1971, Cons Solusse!, Rec., p 546 ; AJ 1971, P 527, chro-
nique O. LABETOULLE et P CAI3ANES) Mais en règle générale. les cas de détacha hi lité ou de non-détachahilité sont
simplement affirmés sans hase de distinction aucune, cc qui explique mal et fragilise ainsi fa compétence du juge ad-
ministratif dans le présent eontentieu:r;, en dépit du caracti:re supposé eJl.ceptionnc\\ de la dite compétence.
En revanche, les décisions réglementaires relatives il la gestion du domaine privé sont toujours détachahles de cette
gestion. C est le cas nok1mment des réglements pris pour fixer le montant des loyers dans les immeubles du domaine
privé (C.E., 30 mai 1947, Sussel et Bille, Rec. p 230), pour déterminer les conditions de participation à une adjudi-
cation (C.E., section, 9 juillet 1948, Bourgade, Rec., p 314) ou les catégories de personnes autorisées à chasser dans
le domaine privé (C E, Section, 15 février 1963, Chaussé, précité).
Cest enfin le cas d'un régle/TIent destiné à maintenir l'ordre puhlic sur le (k'mainc privé (Cr:., 14 Juin 1929, Dlle
Rogier, Rec., p 314) ou même des décisions (de caractère réglementaire) prises par les maires relativement il la circu-
lation sur les chemins rurallx (C.E., Il mai 1(~7, Bilan. 1)1\\ 1'M7. N° 3X'J)

itLes conséquences de la gestion du domaine privé de
l'Etat ne peuvent être appréciées que par les tribunaux de
l'ordre judiciaire". Ce genre de formule péremptoire tirée des
décisions KAMDEM WAFD Michel et FOSSr Antoire en date du 28
novembre 1985 démontre en effet, une fois de plus, que le juge
admi ni strati f Camerounai s manque de méti culos i té dans son
traitement du contentieux de la gestion du domaine privé de
l'Etat. Abstraction faite des litiges provoqués par des déci-
sions qui, à ses yeux, semblent toutes relever du droit privé,
la formule du juge ci-dessus reproduite ne tient manifestement
pas compte de l'existence d'hypothèses des litiges d'ordre
contractuels. Ce qui est tout à fait critiquable quand on se
remémore la
règle contentieuse qui veut que les litiges
contractuels soient partagés entre les deux ordres de juridic-
tions. Le procédé de contractualisation n'étant pas exempté de
la gestion du domaine privé, il est utile de rappeler au juge
national que conformément à l'article 9 al inéa 2 Cc) de
l'Ordonnance du 26 août 1972, lequel lui confie la connaissan-
ce du contentieux des contrats administratifs, il est habilité
à apprécier les conséquences de la gestion du domaine privé de
l'Etat, à la condition préalable que le~dites conséquences
trouvent leur origine dans le contrat administratif. Dans le
cas opposé, c'est-à-dire s'il s'agit de la mise en cause d'un
contrat relevant du droit commun, sera alors revêtue d'une
réelle force probante sa formule consacrée selon laquelle ul es
conséquences de la gestion du domaine privé de l'Etat ne peu-
vent être appréciées que par les tribunaux de l'ordre judi-
ciaire". Tant que le juge Camerounais n'aura pas intégré ce
discernement dans son raisonnement, la jurisprudence s'expose-
ra continuellement à la critique et ne sera sûrement pas de

qualité identique à la jurisprudence administrative française
qUl a par contre su se remettre en cause (1).
En revanche, la considération de la jurisprudence natio-
nale qui veut que le contentieux de la gestion du domaine
privé soit dévolu aux tribunaux de droit commun ou, plus sim-
plement, celle qui pose la règle du caractère judiciaire du
contentieux du domaine privé trouve un champ d'application in-
contestable lorsque ledi t contentieux est suscité par des
faits matériels et non plus par des actes administratifs uni-
latéraux ou bilatéraux (décisions ou contrats).
L'esprit général de l'article 9 de l'Ordonnance du 26
août 1972 permet en effet le développement d'une telle compé-
tence juridictionnelle, en ce sens que ses dispositions ne
prévoient pas le litige du domaine privé au titre de la compé-
tence du juge administratif, mais tranchent plutôt que Ul es
tribunaux de droit commun connaissent ... de toute autre action
(1) Le conlentieux contractuel français du domaine privé a en effet suhi une certaine évolution. Parti du régime du ca-
ractère exclusivement judiciaire, ce dernier principe de compétence connaît <lujourd' hui une réelle nexibilité.
Selon une jurisprudence initiale, les contrats conclus pour la gestion du domaine privé étaient invariablement regar-
dés comme ceux relevant du droit privé et cela en raison de leur "objct". Par suite, même s'ils conten<lient des cJ<luses
exhorbilanles de droit commun, les litiges qu'ils généraient entraient dans le champ d'investigation des tribunaux de
l'ordre judiciaire:
, C.E. section, 26 janvier 1951, Soc. anonyme minière. Rec, p 49; S; 1951.3:n ,
· T.c' 24 janvier 1952, conservateur des eaux et forêts de la Corse, Rec., p. 613.
A ce jour, une jurispmdence bien établie veut que \\c,q contmts conclus pour la gestion du domaine privé soient, à l'in-
star de ceux conclus pour les besoins des services publics, des contrats administratifs s'ils contiennent des clauses
exhorbitantès, et leur contentieux est <llors examiné par le juge administratif.
Jurisprudence favorable à la qU<llifîcalion de contrat administratif en raison de J'e:o:islence de clauses exhorbitantes :
,T.C. 17 novembre 1975, Lcclert, Rec. p 800·, D. 1976, P 340, note J. ROCHE; lep 1977, N° 18539, Note J)
TRUQ-lEf;
· c'E. 20 janvier 1980, Ville de Paris, Rec. p 55 ;
· C.E. 29 février 1980, Rivière, Rec., p 122 ; DA 1<)R(), N" 144 :
,TC. 17 octobre 1988, Dlle Jean, Rec p 493 ;
· TC. 28 octobre 1988, Administration des imp0lS clJean (v. ouvrage de Dnnie/ CIIA nANOL, précité, p 32)
Jurisprudence favorable au carnctère privé des contmls qu' nprès avoir relevé l' absencc desdites c1nuses
, c.E. section, 17 décembre 1954, Grosy, Rec. p 674, D 1')56, P 527, note M. I{()(J(;EVIN-BAVILI.E,
· TC. 13 janvier 1958, GALY, AJ 1958, p. 185,
,T.c. 20 janvier 1986, Soc. IILM Cnrpi, RDP 1986, p. 1721 ,
· CE. 12 décembre 1986, Ville de Rosny-sous-Bois, DA 1987, N° 87 ;
· CE. 4 novembre 1987, chambre de commerce de I3ordcau)(, R.D.P 1988, p. 140') ;
· c.E. 20 novembre 1989, DELOUCIIE (v ouvrage de D. CIIAJ3ANOL, précilé, r 32)
,c'E. 7 juin 1991,1\\1 RICHARD: "relh'e dujugcjudicillire le cnntentiClH d'un ('ontrat dc vente d'un bicn du dmnai-
ne privé d'un établiHement public Ildministrllll! ne comportllnt Ilucune clausc exhorbitllnte du droit commun"
(voi r,
R. D. P 1992, revue de jurisprudence ndministrative par lM. ;\\ UI3Y, r
257)
En dehors du cadre jurisprudentiel, plusieurs dispositions législatives intércssnnt la gestion du domaine privé vont
dans le sens de la compétence du juge administratif en lui allribunnt Ic contenticux, pnr exemple, des ventes d'il11-
m~ubles du domaine étntique (même en l'ahscnce des clallses cxhorhrtantes). Cirons IIlllilativement 1';lIticlc 4 de ln
loi du 28 pluviôse an VlII qui a d' nilieurs récemment rcçu Ulle applicatioll JUlisprudclltiellc
· CE. 15 février 1989, Vnndal, Rec p. 56; DA 19R9, W 172.

ou li tige". Dès lors que l' essentie l de ce vague et vaste
contentieux réservé à la juridiction judiciaire coïncide avec
les actions en responsabilité dirigées contre la puissance pu-
blique, on peut facilement concevoir que la responsabilité en-
courue par l'Etat du fait de dommages imputables aux faits ma
tériels relevant de son domaine privé rentre également dans le
champ d'appréciation de ladite juridiction. Se pose alors le
problème de la détermination des dommages résultant desdits
faits matériels et susceptibles d'engendrer des demandes en
réparation devant le juge judiciaire.
Il n'apparait point aisé de présenter une liste exhaus-
tive à cet effet, en raison du caractère pluriel ou divers des
dommages en question. Au surplus, le contentieux Camerounais
n'a jusqu'à présent pas encore été analysé sous cet aspect de-
vant la juridiction administrative. Ce qui aurait au moins
permis d'établir une première nature du dommage imputable au
domaine privé. On peut néanmoins penser qu'il s'agirait de bon
nombre de dommages causés par les biens dudit domaine privé de
l'Etat, à l'exemple d'un incendie qui se déclare sur le domai-
ne privé en causant des dommages à un bien appartenant à l'ad-
ministré limitrophe, ou de branches d'arbres dont la chute
cause des blessures au promeneur de la forêt domaniale, à ce
piéton dont l'état défectueux du chemin domanial qu'il emprun-
te provoque une fracture de la jambe, voire aux dommages cau-
sés à des cultures et aux hommes par des animaux provenant de
la forêt domaniale (1). On éprouverait sans doute des diffi-
cultés à quantifier fictivement les cas déférables au juge de
(1) La complainte de jeunes ruraux du Nord-Cameroun concrétise celle hypothèse de responsabilité encourue par
l'Etat du fait de dommilges imputilbles aux biens de son domaine privé: "Depui-r troif aIlS, des troupeau.f d'éléphants
viennent régulièrement dans les villages de Medjivin, au Nord·Cameroun, au moment des récoltes et saccagent les

champs, Quand on les chasse, ils deviennent agressljr ct vont jusqu'à tuer des personnes. Ln destruction de nos cul-
tures a causé une grande famine dam la région. Après le passage des éléphants, l'année dernière, une délégation de
nos aînés
a alerlé les lamidos, le sous-préfet ainsi que le préfet. F.lle s'est rendue par la suite chez le gouvert/eur de
Maroua. Mais tout cela est resté .fa!H suite. Les éléphanLr smlt-ils "lus importtlnLf que les personnes? car, lorsque
nous tuons ces pachydermes sans permis, nous sommes condamnés par la justice. Quand les éléphanLr tuent des
hommes, rien ne se l'a
He du côté des autorités. C'est pourquoi nOlu nous sommes décidés à alerter (votre journal)
dans l'espoir d'être mieux entendus",
ln Jeune Afrique Economie, N° 171, septembre 1993, l' 13.
Ne serdit-on pas fondé à alléguer que la justice judiciaire Camerounaise a compétencc pour examiner des requêtes diri-
gée~ contre l'Etil! ct tendant il la réparation des r;wages ct préjudices cauSl's respcc:ivement aux cultures ct aux per-
sonnes physiques par le fait des animaux provenant de la forêt domaniale') Celle /c.gle de la compétence jUrIdiction-
nee a en tout cas déjà été consacrée en droit Français
, TC.29 mai 1967. Serrurier, Rel' p. 654 ,
, c.E. section, 20 juillet 1971. Cons. Ilolusset, précité. en l'espèce, accident mnnel résultanl du ciJoc entre un cerf
etlJne automobile circulant sllr lInc rnule nationi11e aux enviIOns dc la fnrêl de i'tllllainchleall ,
, TC. 6 janvier 1975, Cons Apap. Rec. p. 792 ; AJ 1')75, P 241, noIe Franck ~'fO[)[RNE

droit commun. Ce qui signifie que le dommage résultant d'un
fait matériel du domaine privé a un champ de manifestation
très large.
Mai s le fait que le caractère j udi ciai re du
contentieux du domaine privé s'applique considérablement à ce
propos n'est pour autant pas de nature à éclipser l'existence
de quelques dommages relevant de la compétence du juge admi-
nistratif.
Les dommages de travaux publics sont eux-mêmes révéla-
teurs. Car il faut bien convenir que relèveront de la juridic-
tion spécialisée de l'administration, tout contentieux lié à
un dommage occasionné par le fonctionnement d'un ouvrage pu-
blic bâti sur le domaine privé, ainsi que tout litige provoqué
par l'exécution sur ce domaine de travaux qualifiés de publics
(travaux publics).
Inversement, défense itérative faite à
cette dernière juridiction de connaître de tout dommage surve-
nu du fait d'un ouvrage du domaine privé n'ayant pas le carac-
tère d'un ouvrage public (1). La jurisprudence administrative
nationale n'étant guère instructive sur le thème de l'identi-
fication des compétences contentieuses du juge administratif
en matière de domaine privé, c'est encore son homologue hexa-
gonal qui fournit une toute autre catégorie de dommage impu-
table audit domaine et susceptible de donner lieu à débat de-
vant la juridiction administrative. Il peut s'agir, d'après
(1) T.c. 2 décembre 1%8, TOCZE, Rec, p. 805' "COllfidérant qu'à la suite d'un incendie survenu dans une ancienne
décharge publique créée par les communes de Chevilly-Larue (Val-de-Marne) et de l'Hay-les-Roses (Val-de-Marne)
sur un terrain faüant partie de leur domaine privé, le sieur rOCZE, exploitant un champ de pommes de terre, a pré-
lendu qu'une partie de sa récolte avait été endollvnagée par des fumées acides propal!ée.r par la combustion d 'ordures :

qu'il a formé. pour troubles de voisinage. une action en indemnité contre les COlwnunes susmentionnées, prises en
leur seule qualité de propriétaires...
Considérant que le dOlwnage allégué par le sieur rOCZE. survenu dans un dépôt d'ordures n'avant pas en l'espèce le
caractère d'un ouvra.lJe public. aurait, s'il était établi. l'our origine les conditions de gestion du domaine l'rivé des
communes intéressées et que les conséquences de cetle gestion /le peul'ent être ap/"ériées que par les tribunaux de
l'ordre judiciaire...
".
ou encore, T.c., 18 mars 1991, Ivlme BA 1~:rOU
"compétence duju!le judiciaire pour COI/naître d '1111 dommage ayant
son origine dans ulle dépendance du domaine l'rivé de la cmnmune Ile ('(H/stitllallt p(U 1111 travail public" (voir. R.D.P
1992, revue dejurispmdencc administrative par lM. AUny, p 2,';7).

une abondante jurisprudence du Tribunal des Conflits et du
Conseil d'Etat, des dommages imputables à l'exercice, sur le
domaine privé, des services publics administratifs chargés

de
la
lutte
contre
l'incendie et autres (1).
En somme, "la politique jurisprudentielle" Camerounaise
qui semble inexorablement orienter l'intégralité du conten-
tieux afférent au domaine privé des personnes morales adminis-
tratives vers la compétence des juridictions de l'ordre judi-
ciaire est manifestement contestable à plus d'un titre. D'une

part, le fait d'assimiler tout acte de gestion dudit domaine à
un acte de droit commun est erroné puisque la décision unila-

térale et le contrat administratif peuvent participer d'une
telle gestion et, fonder l'intervention de la juridiction ad-

ministrative. D'autre part, les dommages résultant de faits
matériels relatifs au domaine privé peuvent affecter des tiers
qui se verraient, d'une matière ou d'une autre, tentés d'ini-
tier des demandes d'indemnisation
entrant dans le champ du
plein contentieux dévolu au juge administratif. La considéra-
tion qui veut par conséquent que le contentieux de la gestion
du domaine privé soit une exception à la compétence de la ju-
ridiction administrative n'est guère aussi convaincante que
celle
qui
établ i t
l'incompétence de
cette même
instance
contentieuse en matière de contrats de droit privé conclus par
la puissance publique.
(1) T.C. 3 novembre 1950, Cons GIUDICELLl, Rec. p. 534: "Considérant qu'à l'appui de leur requête tendant à faire
déclarer l'Etat responsable du préjudice qu'ils ont subi lors de l'incendie de forêLr survenu aux environs de Solaro

(Corse), dans la nuit du 28 al/ 29 septembre 1940. les Consortr GIUDICELU font valoir que la propagation de cet
incendie est imputable à l'administration des eaux et forêtr. qui n'aurait pas assuré une sun-eillance suffisante des
forêts atteintes et dont le préposé aurait né.çligé de prévenir l'extension des fovas d'incendie qui lui al'Gient été si·
gnalés ; qu'ainsi le présent litige concerne l'exécution d'un service public e/ non l'accomplissement d'actes pure-
ment domaniaux; que dès lors, la requête relève de la compétence de la juridiction administrative et qu'elle est rece·

l'able",
C.E 3 mars 1975, sieurs Antoine Counière ct ;llItres, Rec p. 165: "Considérant que si les contestations auxquelles
donnent lieu la gestion des forêtf de l'Ftat par l'Office National des Forêts relèvent en principe des tribunaux de
l'ordre judiciaire en raison de l'appartenance de ces forêts au domaine l'rivé et, au surplus, du caractère industriel et
commercial dudit office, la décision par laquelle le ministre de l'agriculture e/, le cas échéant, les représentantf de
1'0Jfice national des forêts, agissant par délégation du minis/rI', autorisent, conformément au code forestier et à

l'ordonnance réglementaire du 1er août 1827 modifiée, l'assielle des COI/l'es de hois dans lesdites forêtr se ralla-
chent à l'exécution d'une mission de sen'ict' public de protection de la forêt. présentant/lM caractère administratif
et constitue un acte administratif détachable des opérations de gestion du donwine privé .. qu'une telle décision est
susceptible d'être déférée à la juridiction administrative par voie de recours l'our excè.f de pouvoir; que, par mite,

c'est à bon droit que le tribunal administra/if (de Mon/pel/ier. par jugement du 2R octobre 1971) s'est reconnu com·
pétent pour statuer sur la demande des sieurs Courrière et autres tendant à l'annula/ion de la décision p(/r laquelle le
directeur régional de l'office des forêLr, agissant l'ar délé,çaliOlI du Mi/li.flre de {'t1.'iricullure, a aUlorisé t'assielle de
coupe de bois dans la forêt domaniale des corbières occidentales".


SIS II ; LES CONTRATS DE DROIT PRIVE CONCLUS PAR LA PUISSANCE
PUBLIQUE
A l'occasion de contentieux contractuels soumis à l'examen
de
la juridiction
administrative,
cette
dernière
s'est constamment
opposée de statuer sur la forme et le fond des requêtes mettant
en cause les contrats de droit privé, nonobstant la présence audit
acte contractuel de la personne publique.
Par-delà le simple aveu
d'incompétence,
le juge administratif s'est
même permis
le
luxe,
dans les détails de la motivation de ses décisions, de fixer défini-
tivement les requérants· sur la juridiction à saisir en la matière.
Cette position jurisprudentielle est loin d'être
l'apanage de
l'actuelle
Cour
Suprême
statuant
en
matière
administrative
puisqu'elle avait déjà été affirmée à l'époque de la défunte Cour
Fédérale
de
justice
(1).
Quant
au
fondement
de
la
règle
qui
exempte
le
litige
contractuel
de
droit
privé,
auquel
l'administra-
tion
est partie
prenante,
du
champ
d'intervention du juge admi-
nistratif, on peut tout simplement dire que la jurisprudence admi-
nistrative
a judicieusement
exploité
un
droit
textuel
de
réparti-
tion des compétences contentieuses assez
lacu naire dans sa
ré-
daction (2).
Malgré la limpidité apparente qui caractérise ce prin-
cipe
jurisprudentiel
de
l'incompétence
de
la
juridiction
adminis-
trative
relativement au
litige se
rapportant
aux
contrats de privé
concl us
par
l'adm in istration,
il
n'est pas
inintéressant d'auscu lter
de près ce problème particulier du contrat liant l'Etat à ses agents
non
fonctionnaires
et
que
la
jurisprudence
administrative
consi-
dère dogmatiquement, à tort ou à raison, comme relevant du droit
privé (donc du droit Civil des contrats).
(1) CFJ/CAY, Arrêt W 16 du29 déccmbrc 1964, MESSINA EBOUE Félix c/Elat du Camcroun:
CFJ/CAY, Arrêt du 15 révricr 1966, ~10NDO Hcnri William clEtal du Camcroull :
CFJ/SCAY, Arrêt N° 13 du,j novcmhre 1966, EIX)!) EffOA Tl~njamin l'jEtai du Camcroun:
CFJ/SCAY, Arrêt N° 26 du 15 novcmbrc 1966, ATANGANA Martin Camillc l'jEtai du Cameroun; voir égalcmcnt l'ar-
rêt rendu cc mêmc jour, EKI NDI Joël clEtat du Cameroun, précité.
(2) Cc droit tcxtucl dc -la répartition des compétenccs cntrc Ics jugcs adminislralirs ct judiciaircs a cn crrct toujours
voulu quc Ic prcmicr connaissc cxclusivcmcnt dcs contrats administratirs (cc qualiricatir n'cst d'aillcurs pas c)(plici-
tement mcntionné), "à l'exceptioll, poursuit-il, de ceux l'one/us r,) mime imp/iCitemenJ r,) sous l'empire du droit
privé". Par sirnplc déduction liréc dc l'CS précédcntcs dispositions, le jugc adminislratir a tout naturcllcmcnt compris
que tout actc contractucl de droit privé rH' relevait pas de son champ d'action.

1 : ENONCE DE LA REGLE ET DETERMINATION DE LA COMPETENCE
JURIDICTIONNELLE
A l'instar
de
la
décision
uni latérale,
le
procédé
contractuel constitue un tout autre moyen dont dispose l'admi-
nistration dans l'accomplissement des tâches qui lui sont dé-
volues. Quand la personne publique administrative ne peut ju-
ridiquement décider, c'est-à-dire entreprendre des '~trictesff
relations de verticalité avec les particuliers (1),
il lui
reste l'hypothèse d'envisager des rapports horizontaux avec
eux, lesquels se traduisent matériellement par le contrat.
Si l'on fait l'économie du contrat administratif pour
lequel les litiges afférents ressortissent d la compétence de
la juridiction administrative, le contrat de l'administration

conclu sous l'empire des règles du droit commun n'appartient
pas en revanche, lorsqu'il soulève également des difficultés

d'exécution ou génère un conflit en cas d'extinction, d l'ap-
préciation de cette dernière instance contentieuse. La juris-
prudence administrative Camerounaise a en effet eu l'opportu-

nité de poser et de consolider ce principe d'incompétence d la
suite des requêtes formées par les justiciables et tendant au

règlement d'un contentieux contractuel considérablement varié.
Les décisions de la chambre administrative de la Cour Suprême
révèlent ainsi qu'il peut concrètement et schématiquement s'a-

gir de difficultés liées d l'exécution des contrats de vente
de fournitures (2), de vente d'immeuble (3), de location d'im-
meuble (4), et dans une large majorité, de contrats liant
l'administration d une frange bien déterminée de ses agents
(l) LEFEBURE (m), Le pouvoir d'action unilatérale de "Administralion en droit A nglais el Français, bibliothèque de
droit public, TomeX-XXV, L.G.DJ., Paris, 1961 :
VINCENT (F). Le pouvoir de décision unilatérale des Olut(lrités administrOltives, bibliothèque de droit J'ub/ie, Tome
LXX. L.G.DJ., Paris, 1966.
(2) Order N° 4174- 75 of the 28 th novcmber J974, DE SUI\\ RE?: [y I\\LI./'. 11:11)1\\ v!l:cderal I~cpublie of Cameroon, afo-
rementioned.
(3) Jugement N° 69/CS/CA du 30 septembre 1982, KIII\\·IGUE MOlurice clEtat du Cameroun
(4) Jugement N° 26184-85 du 31 janvier 1985, EKORO Jacques clEtal du Cameroun,
Jugement N° 112/90-91 du 30 mai 1991, KONTCIIOU David clEtat du Cameroun.

que l'on quaI i fie de IIcon tractuels
d'administration"
au
Cameroun (1). Dès lors que ces divers contrats sont conclus
dans des conditions de droit privé et en dépit de l'implica-
tion de l'administration,
prise en sa qualité de partie
contractante, la jurisprudence administrative les considère
comme des contrats de droit commun relevant par sui te du
contrôle des juridictions de l'ordre judiciaire et non de la
juridiction administrative qui connait uniquement du conten-
tieux des contrats administratifs.
Pour peu que l'on se souvienne que le juge administratif
est généralement compétent lorsque l'application du droit pu-
blic est en cause et que son homologue judiciaire est habilité
à statuer quand il s'agit du droit privé et partiellement du
droit public, la correspondance des expressions IIcon trats de
droit privé" et lIexception à la compétence de la juridiction
administrative" ne souffre apparemment d'aucune critique. Mais
la question qui peut se poser est de savoir si ce raisonnement
qui semble guider toute la jurisprudence administrative résul-
tant du contentieux contractuel est simpliste ou au contraire
suffisamment réfléchi.
(1) De tous les contrats regardés par la jurisprudence administrative comme relevant du droit privé, ccu,; conclus par
la puissance publique avec ses personnels dépourvus de la qualité de fonctionnaire constituent de loin la matière
contentieuse la plus soumise à l'e,;amen de la juridiction administrative.
Au hasard des décisions de la chambre administrative traitant de cc dernier contentieu,; contractuel, voir entre autres:
· CFJ/CAY. Arrêt de 1971, BESSAI...A Léonard clElat du Cameroun;
· Jugement N° 24/CS/CA du 3 février 1977, NGANSO Jean-Pierre clEtat du Cameroun:
· Jugement N° 42/82-83 du 7 avril 1983, MENYANA Martin Nathan clElat du Cameroun:
· Jugement W 57/CS/CA/82-83 du 28 avril 1983, YEYAPNJOYA Joseph-Marie clElal du Cameroun;
· Jugement W 59/82-83 du 14 juillet 1983, NJIMOLUII NSANGOU AYOUIJA clEwt du Cameroun:
· Jugement du 26 avril 1984, RIKAM à NWAE Hamadou dEtat du Cameroun:
· Jugement W 10/85-86 du 31 octobre 1985, MEYONG BA LAM Alfred clEmt du Cameroun;
· Jugement W 21/85-86 du 30 janvier 1986, NGUENA Antoine clUniversité de YAOUNDE:
· Jugement N° 117/85-86 du Il septembre 1986, MENDOUA MrduLA Céci le clElat du Cameroun:
· Jugement W 62/86-87 du 25 juin 1987, NTEMAMEU SIMa Osée c/Etat du Cameroun;
· Jugement N° 76/87-88 du 15 septembre 1988, NDIM ANONG Robert clEtat du Cameroun;
· Jugement W 08/88-89 du 27 octobre 1988, BIBI Joseph clEtat du Cameroun:
· Jugement N° 44/88-89 du 25 mai 1989, TIMvfAGO Boniface clEtat du Cameroun.
· Jugement N° 92188-89 du 20 Juille! 1989, KOUO EYANGO Philippe clCommune Urhaine dc IXXIAI.II ,
· Jugement N° 45/89-90 du 28 juin 1990, MI3I1L1..A OWONA Rigohert clEtat du C;Jl1lcmun .
· Jugement N° 36/90-91 du 29 novembre 1990, NJIKI Isaac clEtat du Cameroun.
· Jugement N° 42/90-91 du 29 novembre 1990, Dame KWISIIWE née SIMO Jeanne clE!;J! du Cameroun,
· Jugement N° 132/90-91 du 26 septembre 1991, NTAII Alphonse clEtat du Cameroun

D'une part, on peut en effet légitimement se demander sur
quelles bases le juge administratif Camerounais conclut si facile-
ment à la compétence de
la juridiction judiciaire
pour connaître
du contentieux des contrats ci-dessus évoqués alors qu'il n'a ja-
mais
fixé
en
jurisprudence
la
notion
de contrat administratif qui
est de son ressort de compétence, et a fortiori celle de contrat de
droit privé qui ne l'est point. N'aurait-il pas été bien pensé de la
part du juge de réfléchir sur ce préalable épistémologique portant
sur la détermination de la frontière entre les contrats administra-
tifs
et judiciaires
pour enfin
conclure judicieusement que tel
ou
tel
litige contractuel
s'inscrit au
titre
de
la compétence
de telle
ou telle juridiction
?
D'autre part, et bien au-delà des principes de la théorie ju-
ridique des contrats de l'administration, on ne saurait manquer de
s'interroger sur
le
bien-fondé de
cette
jurisprudence
administra-
tive
relative
au contentieux
contractuel
exclu
du champ du juge
administratif alors que les textes traitant du
régime juridique de
certains contrats, de surcroît déférés à ce juge, se révèlent d'une
ambiguïté déconcertante,
de
manière
à susciter dans
l'esprit de
l'observateur une
réelle
incertitude quant à leur véritable
nature
juridique.
L'exemple
du
lien
professionnel
existant,
par
voie
de
contrat,
entre
l'administration
et
ses
agents
non
fonctionnaires
démontre
spécifiquement
cet
état
quasi-expéditif
du
droit
juris-
prudentiel
Camerounais.
Il : LE PROBLEIVIE PARTICULIER DES CONTRATS LIANT L'ETAT A
SES AGENTS NON FONCTIONNAIRES

Quel est, en droit positif Camerounais, le régime applicable
aux personnels non fonctionnaires de l'Etat liés à ce dernier par
voie
contractuelle
?
A travers
cette
interrogation
fondamentale
se posent
les
problèmes sous-jacents de
la détermination
de
la
situation
juridique
de
celui
que
l'on
appelle
communément
au
Cameroun "agent
contractuel
d'administration", de la nature juri-
dique du contrat qu'il conclut avec la puissance publique, ainsi que
du juge compétent pour connaître
d'un
éventuel
contentieux
ré-
sultant de l'exercice du lien professionnel.

Selon le droit jurisprudentiel administratif, rappelons
en effet que la question a maintes fois reçu une réponse
jusque là inflexible et exprimée dans une formule résolument
classique : à ce "cadre contractuel d'administration" (1) en
service à l'Ecole Nationale des Educateurs et Assistants
Sociaux qui saisit la juridiction administrative d'un recours
tendant au
((pai ement des i ndemni tés de stage effectué en
France pour une durée de six mois", l'instance contentieuse
interpellée par le justiciable se déclare "radicalement incom-
pétente pour connaître du présent litige né à l'occasion de
l'exécution d'un contrat régi par le Code du Travail, lequel
relève du droit privé" (2). Par ce raisonnement se trouve ré-
solus les problèmes posés. Un "agent contractuel d'administra-
tion" se trouve dans une si tuation de droi t
pri vé et le
contrat qui le lie à l'Etat relève du droit privé, de sorte
que l'examen juridictionnel du litige né dudit acte contrac-
tuel ressortit à la compétence des tribunaux de l'ordre judi-
ciaire. Pourtant, les choses paraissent plus complexes que ne
le laisse entendre la jurisprudence. Il suffit d'observer la
lettre de certaines dispositions textuelles relatives au dr'oit
de la Fonction publique pour pouvoir relativiser la position
du juge.
-
Le décret N° 74/138 du 18 février 1974 portant statut
général de la fonction publique permet tout d'abord d'entamer
l'analyse juridique. Ce texte dispose ainsi dans son article
2, alinéa premier que "le présent statut s'applique aux fonc-
tionnaires". En revanche, poursuit-il à l'article 3, alinéa
premier, "le présent statut ne s'applique pas" à des catégo-
ries nommées d'agents au service de l'administration parmi
laquelle celle des "agents relevant du Code du Travai l". Mais
qui est -ce donc cet agent ure levant du Code du Travai l" ou,
selon la formule jurisprudentielle, l'agent ((régi par le Code
du Travai l"
?
(1) L'eltpression cst cmpruntée itU jugc itdministratif [t il y a I~ du reslc une conrirrllation jurisprudcntielle d'ullc tcr-
minologie informelle en cours dans l'administration publique Citl11erounaise, litquelle voudrait que tout agent lié à
l'Etal par un contrat. quel que soit sa nature, soit qualilïé d' "a,~cllt cOlltrarluc/ d'admillistralioll"
(2) CS/CA, jugement N° 08/88-89 du 27 octobre 1988, fllIl! Joseph clUat du Cameroun, précité

441
Le reglme normatif de cet agent est indiscutablement
contenu dans la loi N° 74/14 du 27 novembre 1974 portant Code
du Travail ainsi que dans le décret N° 78/4~4 du 9 novembre
1978 fixant les conditions communes applicables aux agents de
l'Etat relevant du Code du Travail, modifié et complété par le

décret N° 82/100 du 3 mars 1982 (1). S'agissant distinctement
de la loi de 1974, l'alinéa premier de son tout premier ar-
ticle dispose clairement que "la présente loi (c'est-à-dire le
Code du Travail) régit les rapports du travail entre les tra-
vailleurs et les employeurs, ainsi qu'entre ces derniers et
leurs apprentis". Deux raisons essentielles permettent alors
d'affirmer que les agents contractuels de l'Etat sont soumis
aux dispositions du présent code: d'une part, l'article 1er
du décret du 9 novembre 1978 les désigne sous l'appellation de

"travailleurs", et donc dans le terme identique d celui utili-
sé par la loi du 27 novembre 1974, laquelle entend régir "les
rapports entre les travailleurs et ... ". D'autre part, l'alinéa
3 de l'article 1er du Code du travail exclut expressément de
son champ d'application "les personnes relevant du statut de

la Fonction publique" ainsi que bon nombre de fonctionnaires
soumis d un régime défini par des statuts spéciaux, et donc
autres que le statut général (2). En revanche, la catégorie
des agents de l'Etat dépendant du code du travail n'y est
guère concernée. L'article 138 de ce code aborde au surplus,
de façon déterminante, le problème du régime contentieux ap-

plicable lors des rapports conflictuels entre travailleurs et
employeurs:
ul es différends individuels pouvant s'élever à
l'occasion du contrat de travail entre les travailleurs et
leurs employeurs ... relèvent, soit de la compétence du tribu-
(1) En dépit de l'abrogation de celte loi de 1974 par le nouveau CCX!e du Travail, en J'occurrence la loi N° 92/007 du
14 aoOt 1992, elle peut être considérée comme toujours juridiquement valable, du moins partiellement, en cc sens que
le nouveau leltte met hors d'effet de droit seulemenlles dispositions de la loi de 1974 qui sont contraires ault siennes.
Aussi peut-on lire à l'alinéa 1 de l'article 176 de la nouvelle loi que "sont abrogée.r toutes les difpositiolls anté-
rieures contraires à celles de la présente loi, IlOtaITUncnt celles de la loi N° 7-1/1-1 du 27 1I01'embrc 1974 portant code
du travai/" . Au surplus, dans J'altenle d'un teltte d'applicalion du nouveau code du travail, le décret N° 78/474 du 9
novembre 1979 demeure en vigueur ct correspond cc faisant à la norme d'application du teltte législatif relatif ault
"travailleurs" employés par l'Etal. C'est la raison pour laquelle l'alinéa 2 de l'article susmentionné dispose: Les
actes réglementaires en application de la loi N° 74114 du 27 novembre 1974 su.rvisée... demeurent en vi!lueur tant
qu'ils n'ont pax été abrogés ct remf'lacés".
l'our plus de précisions au sujet du nl'lIveau C\\xle du travail, voirie com-
mentaire du Professeur Paul-Gérard POUGOU[, in juridis-illfo (rcvue de législation et de jurisprudence
Camerounaises), N° 12, oet-lIov-déc. 1992, p. Yi : commentaire précédé de la reproduclion in exlenso du nouveau
code du travail.
(2) Il s'agit des personnels magistrat, militaire, de la sûrelé nalionale, de l'administralion pénitentiaire ct des agents
non fonclionnaires que sont les "auxiliaires d'Ildlllini.rtrlltion", tels que le reprenncnt également les dispos ilions de
la loi nouvelle de 1992.

442
nal de premzere instance ... , soit du tr'ibunal de grande ins-
tance ... ", ou en règle générale du champ d'investigation du
juge judiciaire (1).
De ce point de vue de la loi de 1974, on comprend aisé-
ment que le juge administratif ait facilement conclu au régime
de droit privé de l'agent contractuel de l'Etat, avec toutes
les conséquences qu'une telle conclusion comporte. Sous l'in-
fluence de la norme du Code du Travail, le raisonnement du
juge est en effet limpide et irréprochable: si les contrats
conclus en droit Camerounais entre les travailleurs et leurs
employeurs sont considérés comme relevant du droit privé, et
dès lors que la catégorie des agents contractuels de l'Etat
est regardée comme des travailleurs au sens de la loi, tout
différend opposant lesdits agents contractuels à l'Etat appar-
tient à l'appréciation des tribunaux de droit commun conformé-
ment aux dispositions de l'article 138 du Code du Travail.
Telle est en somme la dialectique traditionnellement
emlse par le juge administratif à l'occasion du contentieux
soulevé par les agents contractuels de l'administration. Et la
conclusion qui s'impose logiquement à lui consiste simplement
à se déclarer incompétent en la matière. Mais à l'analyse,
cette dialectique n'est véritablement pas implacable compte
tenu du caractère expéditif de la méthode empruntée par le
juge. On s'interroge en effet sur la fiabilité d'une démarche
qui consiste à prendre exclusivement en considération le Code
du Travail qui a un champ d'application large, le travailleur
d'une structure professionnelle privée ainsi que celui rele-
vant de l'Etat en l'occurrence, alors qu'un texte spécial
censé régir les rapports de travail au sein des administra-
tions de l'Etat se devait également d'être perçu comme un ins-
trument juridique exploitable. En faisant l'économie du décret
du 9 novembre 1978 dont les dispositions traitent pourtant de
la situation spécifique des agents contractuels de l'Etat, le
juge s'est malheureusement fondu dans une vision restreinte
empêchant cette faculté de pouvoir identifier les paradoxes ou
les incohérences des dispositions textuelles supposées être
complémentaires.
(1) L'article 131 du Codc dc 1992 n'innovc véritahlement ras CIl matière dc cOIllr<'(ence juridictionnellc puisqu'il
parle de différends individuels rclevant "de la compétcnce dcr IribllllllllX slllillani cn mnlièrc sociale conformément à
la législatioll portant organisatioll judiciaire ".

Les dispositions du décret du 9 novembre 1978 confir-
ment-elles la compétence du juge judiciaire, telle que requise
par le Code du Travai l, même s' il est question des
IItra-
vailleurs" de l'Etat? rien dans le texte réglementaire ne
permet en effet de fournir une réponse positive. Il s'agit là
d'une distorsion regrettable.

En matière de droit comparé,
cette orientation du droit national est visiblement éloignée
du droit gabonais par exemple qui a l'avantage de préciser le

régime contentieux des relations entre l'Etat et certains de
ses agents contractuels (1). Mais somme toute, ce grief semble
mineur quand on relève parallèlement l'inégale clarté qui ca-
ractérise la loi et son décret d'application, notamment à pro-
pos de la nature juridique du contrat de travail.
Dans le cadre du code du travai l,
le contrat conclu
entre le travailleur et son employeur est indiscutablement un
contrat de droit privé par détermination de la loi. Ce carac-

tère résulte indirectement de ce que le législateur attribue
le contentieux pouvant naître du lien professionnel de ceux-ci
soi t au tribunal de première instance, soi t au tri bunal de
grande instance ou, en tout cas, aux juridictions de l'ordre
judiciaire. Ceci est du reste confirmé par la jurisprudence
administrative qui a toujours posé le principe de l'incompé-
tence du juge administratif pour connaître d'un litige trou-
vant son origine dans l'exécution du contrat de l'agent de
l'Etat, motif pris de ce que le contrat litigieux est un
IIcon trat régi par le code du travail,
lequel relève du droit
privé". Que nous réserve en revanche le texte réglementaire du
9 novembre 1978 relatif aux dispositions applicables à la ca-
tégorie
Jistincte des IItravai lIeurs" de l'Etat?
(1) Le décret gaoonais du 20 aoOt 19RO fixanl les conditions d'emploi d'cnseignants contractuels dispose expressé-
ment en son article 9: "les liti8e.f qlli pOllrront naitre de l'application du présent décret sont de la compétence de la
juridiction administrative ". Par celle disposition, le prohlème de la nature privée nu administrativc du contrat conclu
entre le particulier et Ic ministèrc de l'Education nationale ou dc l' Enseignemcnt Supérieur se trouve résolu. fi s'agit
d'un contrat administratif par dé:crmination tcxtuelle. Cclle qualification résultant implicitcmcnt dc l'altnhution du
contentieux au juge spécialisé de l'Administration. Pour plus de précisions, voir Guillaumc PAMBOU TCHIVOUN-
DA, note sous les décisions TA YLOI~ Donald Finden dcs 24 mars ct 2(, mai 19R9 rendues par la chamhre administrati-
ve' de la Cour Suprêmc Gabonaisc, Reclleil PENANT, 1990, pp 1 17-11H.

444
Aux termes de l'article 2 de ce texte réglementaire,
lIes t
défini contrat de travai 1. .. tout accord de préférence
écrit, contrat, décision ou tout acte administratif en tenant
lieu, conclu entre l'administration et une personne, et par
lequel celle-ci s'engage à mettre son activité professionnelle

au service de l'administration moyennant rémunération". Il
faut être dépourvu de connaissances techniques juridiques pour
ne point s'insurger devant ces dispositions qui manquent de
rigueur conceptuelle. Alors que la loi portant code du travail
parle du contrat de droit privé, le texte du décret reste cu-
rieusement imprécis sur la nature juridique (privée ou admi-
nistrati ve) du contrat que doi t
passer le travai lleur de
l'Etat. Il y a,ce faisant,une différence de degré entre la
norme législative et celle réglementaire. Au surplus, le sta-
tut juridique du particulier postulant à la fonction de tra-
vailleur de l'Etat souffre cruellement de précision.
Car
lorsque le décret vise littéralement l '''acte administratif...
conclu entre l'administration et une personne", on se demande
s'il est question d'une personne physique exclusivement ou
tout aussi bien d'une personne morale. La conséquence pratique
résultant de cette imprécision est somme toute négligeable au
regard du contentieux juridictionnel des contrats des agents
de l'Etat, lequel permet aujourd'hui d'identifier la personne
concernée. Mai s par-de là ces éléments secondai res, comment
peut-on se priver d'observer d'un oeil interrogateur l'imbro-
glio qui règne entre le contrat et la décision administrative?
ft pourtant, les règles du droit administratif démontrent
qu'il existe une cloison étanche entre ces notions, laquelle
ne permet guère cet enchevêtrement excessif qui caractérise
les dispositions du décret de 1978 : la décision administrati-
ve est un acte unilatéral de l'administration qui vaut sans le
consentement de l'administré,tandis que le contrat implique
nécessai rement
un
accord de volontés
entre
les
parties
contractantes.

4-45
La réalité est donc qu'il existe une incompatibilité no-
toire entre le code du travail et le décret susvisé. Ce qui
aurait dû attirer l'attention du juge pour un bon traitement
du

content i eux
cont ractue l
opposant
l'Etat
à
ses
agents
contractuels. Car il faut bien convenir que contrairement aux
dispositions de la loi portant code du travail, le problème de
la nature juridique du contrat conclu par ceux-ci demeure en-
tier dans l'optique du décret du 9 novembre 1978. La résolu-
tion de ce problème appe lant des solutions appropriées, le
professeur Maurice KAMTO suggérait déjà que le juge adminis-
tratif se devait de faire appel au moyen procédural qui est en
son pouvoir, à savoir solliciter l'administration émettrice de
la norme imprécise, afin qu'elle se prononce clairement sur le
sens que l'on doit donner à ladite norme (1).

Cependant, en application du principe de la hiérarchie
des normes juridiques,
le juge administratif n'est-il pas
contraint de se référer aux dispositions de la loi (stricto
sensu) et ce en dépit des interprétations que l'administration
pourra donner à son règlement ? Cette interrogation amène donc

à suggérer qu'un règlement judicieux des problèmes posés par
le contentieux contractuel des agents de l'Etat passe néces-
sairement par la remise en cause du texte du code du travail

qui parait peu probant à l'égard du régime d'un particulier
privé au service de l'Etat. La théorie juridique des contrats

de l'administration telle qu'elle est élaborée par la juris-
prudence administrative Française peut à cet effet servir de
base de réflexion au juge national qui n'a encore curieusement

pas songé à construire sa propre conception de l'acte juri-
dique contractuel.
(1) A propos d'une décision de la chambre adminislralive qui s' inscril dans la ligne jurisprudenlielle des décisions
prises sur le seul rondement de la loi relalive au Code du Travail (el donc sans considéralion du décrel de 1978) arin de
déclarer l'incompélence du juge adminislralir dans le conlenlieu:\\ contractuel des agenls de l'Etal, le prorcsseur
KAMTO signirie en errel qu'il "Ile comprend pas qu 'l'II l'espèce, le Juge administratif n'ait pas soulevé une question
consistant à la recherche préalable du sens exact de la lIotioll de COlltrat de travail telle qu'elle est contenue dans le
décret sus-évoqué, En effet, pourmit-il, la chambre admillistrative aurait dû surseoir à statuer et S'l'II référer à l'admi-
nistration compétente, l'II l'occurrellcl~ le Millistère de la FOllctioll Publique initiateur du décret, pour obtellir une
meil/l'ure interprétation de la définition de COlltrat de travail, EII faisant apparaître d'abord la lumière sur la nature ju-
ridique du contrat de travail public avant de se prononcer sur 5011 jugemellt définitif, le juge administratif aurait rem-

pli efficacement celles de ses missioll.f qui consistellt à éclairer et à dire le droit,
On 'comprend d'autant plus mal SOli silellce qu'il est l'II SOli pouvoir de soulel'er d'office le rellvoi de toute questioll
d'interprétation devant l'autorité compétellte, cOlle/ut-il"
; voir sa noIe sous le jugement du 26 avril 1984, RlKAM à
NWAE Harnadou clElat du Cameroun, Recueil PENANT 1987, p, 3(j3,

Selon le juge Français en effet, le critère organique du
contrat administratif ne permet en principe pas que soient re-
vêtus d'un tel caractère, tous les contrats conclus entre des
personnes privées. Ces contrats sont normalement des contrats
de droit privé dont le contentieux relève des juridictions ju-
diciaires. Il en est ainsi même s'ils répondent aux critères
matériels attachés aux contrats administratifs. A partir de
cette considération, le Code Camerounais du travail est sans
doute convaincant en tant que ses dispositions régissent le
contrat passé entre le travailleur et l'employeur privés. En
revanche, ce code l'est moins quand il s'agit du travailleur
privé en relation contractuelle avec l'employeur public. Car
c'est toute la frontière entre les contrats administratifs et
privés qui se retrouve manifestement brouillée. Dès lors que
l'on tient de la même jurisprudence hexagonale que le contrat
conclu entre une personne privée et une autre personne pu-
blique peut être regardé comme contrat administratif, la pré-
sence de la puissance publique au contrat de l'agent de l'Etat
n'est-elle
pas de nature à alerter l'attention du
juge
national? te contentieux contractuel des agents de l'adminis-
tration aurait-il été abordé h6tivement si la chambre adminis-
trative de la Cour Suprême Camerounaise avait préalablement
distingué, dans l'amalgame des dispositions du code du tra-
vai 1, le contrat passé entre l'Etat et son travai lleur de
celui conclu par des personnes privées ? Quoi que la présence
d'une personne publique soit une condition nécessaire et hon
nécessairement suffisante, il reste vraiment à rechercher si
le contrat de l'agent de l'Etat ne répond pas aux critères ma-
tériels, du moins à l'un d'eux, complémentaires du précédent
critère organique.
Une analyse synthétique des données de la jurisprudence
Française répute contrat administratif,
d'une part,
tout
contrat, considéré dans sa forme ou dans ses clauses, qui a
pour objet d'associer directement le cocontractant de l'admi-
nistration à l'exécution même du service public et, d'autre
part, celui passé par la personne publique qui contient des
clauses exhorbitantes de droit commun.

447
Vu sous cet angle, le juge administratif Camerounais se
doit normalement de cultiver le réflexe de prudence lorsqu'il
trai te la question contentieuse du contrat de l'agent de
l'Etat. Dans quelle mesure peut-on en effet valablement consi-
dérer ce dernier contrat comme relevant du droit privé alors
que les termes dudit contrat confient à l'agent l'exécution
des tâches dévolues à l'Etat, lesquelles ont pour spécificité
le Service Public? Le fonctionnaire est-il absolument plus
techniquement qualifié que l'agent contractuel, de manière à
ce qu'un tel écart des compétences techniques soit à la base
d'une juridicité discriminatoire (position statutaire de droit
public - position contractuelle dite de droit privé) ? Les
textes même de l'administration reconnaissent parfois l'inver-
se (1). Au demeurant, ces deux catégories d'agents publics
(fonctionnaire et contractuel) remplissent indistinctement les
mêmes missions inhérentes à l'activité quotidienne de l'admi-
nistration.
Le droi t textuel Camerounais a déjà remarquablement
amorcé l'unification des normes applicables à la catégorie des
agents contractuels de l'Etat puisque le décret du 9 novembre
1978 est indifféremment opposable à tous ces agents. Ce qui a
pour avantage d'exclure d'office l'hypothèse d'un débat sur la
nécessité d'unifier le régime juridique des travailleurs de
l'Etat comme cela a libre cours dans d'autres pays d'Afrique
noire Francophone. Mais il reste à reconsidérer que le tra-
vailleur de l'Etat relève plutôt du droit public que du droit
commun puisque le contrat qu'il passe avec son employeur rem-
(1) Le décret N° 78/474 du 9 novembre 1978 Iîxanl les dispositions communes applicables aux agenL~ de J'Elat rele-
. vant du Code du Travail définit les cas suivant lesquels celle calégorie d'agents esl recrul·~c. Aussi peul-on lire, enlre
autre, que la postulation aux emplois d'agents cOlllractuels illtervielll "lorsque le recrutement du personnel intéressé.
ne peut, pour des questions d'ordre pratique, obéir aux modalités de recrutement des fonctionnaires définies par le
statut général de la Fonction Publique"
ou, surtout, "pour l'exécution des tâches d'une haute technicité requérant des
diplômes ou titres ne pouvant être da.ués dans l'II/Ie des caléJorics définies par le statut Jénéral... ".

448
plit largement les critères d'un contrat administratif (1).
Conséquemment, le contentieux contractuel qui en découle ren-
trera dans le champ de compétence de la juridiction adminis-
trative pour ne plus être une exception comme cela est préten-
dument de tradition.
(1) La solution jurisprudentielle française au problème de la qualification juridique d'une relalion contracluelle de lra-
vail dans les administrations publiques est pour le moins nuancée, complexe el contestable comme l'alleste si bien
le professeur Georges DUPUIS dans son introduction à r ouvrage du CERAP (Centre d'études et de recherches sur rad-
ministration publique, Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne),intitulé le contrôle juridictionnel de l'administra:
tion - bilan critique, Economica, 1991, pp 9 - 10. Ces caractères tiennent au fait que tous les contralE d'engagement
de personnels dans un service public administratif notamment ne sont automatiquement guère considérés comme
"relevant du droit public" JXJlIr reprendre l'expression classique de la jurisprudence administrative ou, plus exacte-
ment, du droit administratif.
En revanche, lorsque les fonctions dévolues aux agents contractuels dudit service les font participer à r exécution du
service public, ces derniers sont généralement dans une situation de droit administratif sans qu'il soit besoin de re-
chercher si des clauses exhorbitantes sont contenues dans le contrat conclu: dès lors, la juridiction administrative
est compétente pour connaître d'éventuels litiges afférents il ces contrats administratifs ainsi déterminés par un critè-
re jurisprudentiel:
· c.E. 4 juin 1954, sieurs Vingtain et Affonit, Rec., p. 342, conclusions CIIARDEAlJ. A propos de la qualification
des contrnts des agents des services publics, le commissaire du gouvernement estime "qu'il n'est pas d'autre moyen
que de revenir à la vieil/e notion de collaboration au fonctionnement d'un service public". Ce faisant, conclut-il,
"re/~vent du droit public Ious les agents, quelles que soient les c/ause.ç de leur contrat. qui Ollt pour miuil}n d'assurer
le fonctionnement du service public adminiçtratij dont i/.ç font partie, qui collaborent al/ Imt poursuivi par ce servi-
ce,
"Ne re/~vent du droit privé que les cOlltractudç engagés pOlir des tâches qui ne sOflt que l'acr:e.uoire, l'annexe de la
mission de service public, c'est-à-dire pratiquement le petit personnel d'exéC'Ution . ouvriers, femmes de service,
collaborateurs occasionnels, payés à l'hel/re ou
d la journée".
Pour celle dernière variante d'agents dont le litige contractuel ressortit à la compétence du juge judiciaire, la jurispru-
dence spécifie qu'il peut s'agir, par exemple, des concierges et ouvriers d'entretien de résidence universitaire (TA. de
Grenoble, 22 juin 1984, Tardieu et autre, Rec, p. 533) ou, d'un agent contractuel engagé par le département en qualité
d'employé de maison au service du préfet (r.A de Nantes, 21 février 1985, Gaultier, Rec. p. 541).
· C.E. 23 novembre 1959, Demoiselle Santelli, Rec. p. 871 : "Considérant que la demoiselle SANTEUJ, docteur en
médecine, (effectuait un travail consistant à faire) au dispensaire de la Jonquière les priçes de sang à l'occa.çion des
examens prénuptiaux et prénataux
.. qu'ainsi (elle) participait à l'exécution du service public de la santé .. qu'il suit de
Ul que, nonobstant la double circonstance que l'intéressie était rémunérée à la vacation et qu'elle avait conclu avec
le département de la Seine un contrat ne contenant aucune clause exhorbitante de droit commun, le lien qui unissait
la demoiselle SANTEUJ àl'office public d'hygiène sociale (dudit département) était Wl lien de droit public .. qu'ainsi
les difficultés nées de la résiliation dl/tit contrat relèvent de la compétence de la juridiction adminütratil'e
".
· T,C. 25 novembre 1963, Dame veuve /I,·1AZERAND clCommune de Jonquières, Rec.. p. 792: "Coll.fidérant. cn rc-
vanche, qu'en créant en 1952, dans l'intérêt général des habitants. une garderie d'enfants qui fonctionnait pendant
l'année scolaire et pendant la période des vendanges, la commune de Jonquières a. quelque soit le nombre des en-

fants qui devaient fréquenter cette garderie, crée un service public municipal .. que. chargée de cette garderie, la dame
veuve MAZERAND a directement collaboré au fonctionnement de ce service: que, par mite. le contrat qui la liait à la
commune a pris, dès le jour où celle garderie lui a été confiée. Ic caractère d 'UII contrat de droit public .. que les diJ/i-
cuités relatives à l'exécution et à la résiliation de ce cOlltrat relèvent, dès lors, de la compétence de la juridiction ad-
ministrative" .
_T.C. 15 janvier 1979, Dame Le Cachey et Guiguère et autres c/Ville de Toulouse, Rec. p. 561, Conclusions MORI-
SOT: "Considérant que la Ville de Toulouse qui, par 1'0rRani.wtion et la ReJtioll du théâtre municipal et l'orchestre
régional du Capitole, a.JJume une müsion de sCrl'ice public, la remplit dan.ç des Co ",ditiOlI ç exclusives de tout carac-
1ère industriel ou convnercial
.. que le personnel artistique engagé par elle pour assurer les activités de ces théâtres et
orchestres participent directement à l'cxécution dudit service public .. que dès lors. Ic.ç litiges concernant l'exécu-
tion ou la rupture des contraH passés entre la Ville de Toulouse. Mme Le Cachey ct Mme Guiguère et M. Fégelé sont
de la compétence des tribunaw.: adminütratijç"
,T.c. 19 avril 1982, O.PILL.M. de S;Jint Ouen ciMme FOUILLEUL cl autre~, Rec, p. 561
· T.C 5 décembre 198..1, Ferdinand ciMinistre de r Agriculture. Rec. p. 660.
, T.c. 21 mai 1986, Mme RUR1NE, Rec p. 448 (agent contractuel dactylographe à la direction départernenl.lle de
r agriculture de la Guadeloupe "a en celle qualité participé directement à l'exécution d 'un service public" l.

· c.E. 27 février 1987. Commune de Grand-l3ourg de Marie-Galante clMme Pl STOL, Rec, p. 80.
· TC. 29 juin 1987, AUNGENER, Rec. p 451
· TC. 19 décembre 1988, Ville de Cannes clrONCE, Rec p.497
, TC. 6 mars 1989, Mme WAHL c/Commune d'Oltingue, Rcc. p. 541.
· TC. 19 février 1990. Mme GOUMAS c/Chambre de Commerce ct d'industrie de Marseille, Rec. p. 638
, T,C. 4 novembre 1991, Mlle GUEREQUIZ, Rec. p. 775 (La requérante est un agent de service lié à une caisse des
écoles. En raison des fonctions de collecte de tickets représentant le pri;l; <.les repas et de service des repas aU;l; enfants
quO elle exerce, elle est considérée comme agent public contractuel)

450
CONCLUSION 6ENERHlE

451
La juridiction administrative au Cameroun n'a pas l'ex-
clusivité de la connaissance dUJ~L~&
administratif. En
d'autres termes, elle n'est pas automatiquement habilitée à
statuer à l'occasion de tout litige relatif à l'activité de
l'administration. Son statut classique de juridiction spécia-
lisée n'exclut cependant pas la réalité du partage de compé-
tences en la matière. Tel est le premier élément de conclusion
qui semble s'imposer à l'issue de la réflexion sur les prin-
cipes juridiques de répartition des compétences contentieuses
administratives entre les juridictions. Il tient justement au
fait que le droit positif national s'efforce de circonscrire
les limites dans lesquelles peuvent respectivement intervenir
le juge administratif, le juge judiciaire ainsi que leur homo-
logue
militaire.
Corrélativement,
les
limites
au-delà
desquelles ces juges ne peuvent régulièrement être saisis s'en
trouvent fixées. Elles se traduisent au demeurant par l'inter-
diction faite aux Cours et Tribunaux de "connaître des actes
de gouvernement".
Si l'on met délibérément de côté le tribunal militaire
pour ne considérer que les "deux ordres" de juridiction, pa-
reille coexistence juridictionnelle pourrait se révélerapaci-
fique).Elle peut aussi être source potentielle de conflits de
compétence. Dans le premier cas, le caractère~pacifique»semble
en effet découler de l'interprétation que l'on donne à l'es-
prit général de l'article 9 de l'Ordonnance de 1972 qui, après
distinction préalable des éléments de contentieux dévolus au
juge administratif, confie enfin au juge judiciaire l'examen
de "toute autre action ou litige". Dans le second, le caractè-
re conflictuel peut émaner des limites que présente la précé-
dente approche apparemment séduisante et exempte de toute cri-
tique. Cette théorie juridique de répartition abstraite des
contentieux, qui n'est fondée sur aucun critère ou idée direc-
trice susceptible d'englober tous les titres de compétence
énumérés, est minée par ses contradictions internes et résiste
faiblement à l'analyse minutieuse. Incontestablement, le ré-
sultat s'analyse en une définition imparfaite, voire défec-
tueuse de la frontière cloisonnant les juridictions. La juri-

diction judiciaire ne s'arroge-t-elle pas la connaissance d'un
pan important du contrôle de la légalité administrative alors
que l'Ordonnance du 26 août 1972 attribue le contentieux des
actes normateurs à la juridiction administrative? Le conten-
tieux né du domaine privé de l'administration, a priori écarté
du champ du juge administratif par ladite ordonnance, n'a-t-il
pas démontré que le sacro-saint principe de la compétence ju-
diciaire n'allait pas jusqu'à exclure des hypothèses de compé-
tence de la juridiction administrative? N'a-t-il pas été
prouvé que le contentieux contractuel des agents de la fonc-
tion publique Camerounaise se devait d'être examiné par le
juge administratif bien que la lettre des dispositions du Code
du Travail soient agencées à la faveur du judiciaire ? Ces
exemples témoignent de la nécessité d'instituer un mécanisme
régulateur puisqu'ils impliquent des terrains favorables à des
conflits de compétence. Reste alors à savoir la solution que
fournit le droit Camerounais face à ce problème.
Tout naturellement, on ne s'étonnera pas que la tech-
nique nationale de résorption desdits conflits soit intégrée
au sein de la Cour Suprême, voûte unique d'un édifice juridic-
tionnel polyvalent. De même, on sera moins surpris qu'aucun
conflit d'attribution ne se soit effectivement posé, la dépen-
dance organique de la juridiction administrative vis-à-vis de
la
juridiction
judiciaire expl iquant
probablement
cela.
N'empêche qu'il est tout de même intéressant de décrire ce
tribunal des conflits local.
L'article 15 (nouveau) de l'Ordonnance N° 72/6 du 26
août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême fait de
l'Assemblée plénière le juge des conflits. C'est donc le juge
administratif d'appel qui fait office de régulateur de ((ten-
sions" puisque, conformément aux dispositions de l'alinéa 3,
sa ((décision est attributive de compétence". Qui est compétent
pour élever le conflit? Quelle en est la procédure? La ré-
ponse à ces questions est tributaire de la description du ré-
gime juridique à double détente qui forme l'économie générale
de l'article 15.

L'étape initiale du conflit se déroule devant la juri-
diction saisie en premier ressort. Sur la nature de ladite ju-
ridiction, l'alinéa premier prévoit qu'il s'agit de la chambre
administrative ou de la juridiction civile. La juridiction ré-
pressive y est donc exclue, implicitement, compte tenu de la
formule
((toutes juridictions non répressives"
utilisée par
l'Ordonnance. Sur les personnes habilitées à déclencher le
processus, le texte de l'Ordonnance garde un mutisme et fixe
seulement le principe selon lequel la juridiction saisie doit
((immédiatement statuer par décision avant dire droit distincte
sur les exceptions d'incompétence fondées sur l'article 9 (de
l'ordonnance susdite) sans pouvoir en aucun cas joindre l'in-
cident au fond". Les règles de compétence ayant un caractère
d'ordre public, l'alinéa 2 de l'article 15 dispose que les ju-
ridictions saisies I~euvent relever d'office une incompétence
pour le même moti f (et) dans les mêmes formes".
La deuxième étape du conflit ne laisse en revanche aucun
point d'ombre sur les règles applicables. Les décisions avant
dire droit rendues par les juges en premier ressort upeuvent,
dans le délai de 1@ jours de leur notification,
faire
l'objet (,) de la part de toutes les parties (,) y compris le
ministère public (,) d'un pourvoi devant l'Assemblée Plénière
dont la décision est attributive de compétence" (1). Ainsi,
les parties (demandeur et défendeur) et le ministère public
figurent, explicitement cette fois-ci, au titre des personnes
habilitées à soulever l'exception d'incompétence. Au surplus,
l'Assemblée plénière de la Cour Suprême est l'organisme juri-
dictionnel qui prend la décision qui s'impose, c'est-à-dire
celle qui attribue la compétence à l'une ou à l'autre des ju-
ridictions en conflit. L'Assemblée plénière peut-elle finale-
ment jouer le rôle de juge de fond? Cette hypothèse n'est pas
prévue par l'Ordonnance de 1972. Y aurait-il débordement de
ses prérogatives juridiques au cas où elle s'obstinerait néan-
moins à exercer ce contrôle au fond? Le texte de l'Ordonnance
ne le lui interdit pas formellement.
(1) Celte disposition qui d6collie de l'aiirl('a:- de l'article 15 n'''JJlet pas de si!,!naler que la CL'iérité de la l'roCl'dure dll
pou'rvoi intervient par déro!,!ation à l'aliJll;a (, de l'article 1·) (nOU\\Tall) de "ordonnance de )972, /cllue/ dispose,
"l'appel d'une décisioll {ll'allt dire droit Ile peut être illterjeté que cOlljoifltemellt {l1'eC l'appel à l'ellcolltre de la déci-
sion définitive sur le fond",

Quoi
qu' il en soi t,
l'Assemblée plénière de la Cour
Suprême est sans conteste l'arbitre national des conflits de
compétence. Ce pouvoir qu'on ne saurait lui discuter permet,
lorsqu'il est mis en oeuvre, de discerner les contentieux qui
s'inscrivent au titre de la sphère de compétence des juridic-
tions administrative et judiciaire.
Par-delà la question relative à l'identification complè-
te des matières contentieuses soumises à l'appréciation de la
juridiction administrative, le thème de la présente recherche
soulève également un problème peu ordinaire, lié à l'efface-
ment d'un véritable ordre juridictionnel administratif, et qui
se pose sous la forme de la compétence technique des person-
nels appelés à développer les règles générales du contentieux.
Quand on relève, plus précisément, que parler de juge adminis-
tratif au Cameroun n'est qu'une simple clause de style, motif
pris de ce que c'est le magistrat de formation judicia"ire qui
statue réellement en matière de litiges administratifs, on ne
peut se satisfaire d'occulter cette problématique susceptible
d'alimenter le second élément de conclusion : le dédoublement
fonctionnel du juge judiciaire constitue-t-il une entrave sé-
rieuse au règlement judicieux du procès impliquant la personne
publique administrative?
L'opinion dominante est celle qui a toujours été répan-
due et émise sans équivoque. Exprimée au travers de formules
plus ou moins critiques, cette thèse classique ne trouve aucun
mérite à l'option nationale qui place le magistrat judiciaire
au centre même de l'exercice de la justice administrative ou
de la fonction administrative contentieuse. Du moins, les au-
teurs de cette tendance voient en la formation de base du juge
un obstacle qui ne convient pas à l'émergence d'un droit admi-
nistratif proprement national, voire un handicap de nature à

455
ruiner la qualité du contentieux administratif Camerounais(l).
Plusieurs éléments justificatifs d'une telle position tranchée
ont souvent été mis en relief de manière éparse et diffuse, en
l'absence d'une étude spéci fique à ce suj et.
Une approche
beaucoup plus synthétique et ordonnée des critiques adressées
au juge statuant en matière de contentieux administratif peut
néanmoins s'articuler en trois points, étroitement liés: la
prédominance de la formation privatiste reçue aboutit parfois

malheureusement au règlement du litige administratif au moyen
des règles du droit civil ou pénal ; ensuite, lorsque le ma-
gistrat judiciaire s'applique à suivre les normes du droit pu-

blic qu'il maîtrise insuffisamment, sa jurisprudence se révèle
souvent incohérente; le traitement contentieux qu'il réserve

aux litiges s'avère enfin, dans certains cas, superficiel, ce
qui est synonyme de raisonnement simpliste.
- Sur le grief tenant à l 'appl ication des règles du
droit privé au détriment de celles du droit public, ou plus
exactement du droit administratif, le contentieux de la res-
ponsabilité administrative est

le domaine où
cela a été
constaté. Il convient à cet effet de présenter l'affaire MBE-
DEY Norbert si souvent évoquée comme l'exemple typique d'une
influence de la formation de base du juge Camerounais (2)
:
Dans ce litige relatif au recouvrement des créances de l'Etat,
et pour lequel la chambre administrative de la Cour Fédérale
de justice antérieure s'était déclarée compétente, le juge na-
tional avait "consacré le principe d'une responsabilité pécu-

niaire des fonctionnaires vis-à-vis de l'Etat pour les objets
(1) Le Professeur Joseph-I\\brie 131 POUN- WOUM estime p<lr exemple que le juge <ldministrati r Camerounais, de fomla-
tion judiciaire, est "un juge lion cnc/in à l'originalité" cbns la mesure où il "vit davalltaRe dans l'univers du juge
Français",
article ci-dessus cité, pp. J7R-~H().
Le Professeur Roger-Gabriel NLEP pense pour S<l part qu' "il est permis de douter que des juges judiciaires de jonna-
tion puissent disposer de la perspicacité nécessaire pour déterminer la voie cOlltentieuse la plus appropriée"
pour le
justiciable. compte tenu de leur "connaissance approximative du contentieux administratij. .. " (voir sa nolc au sujel
de la jurisprudence Sociélé RAZEL CAMEROUN cl Communc I1Irale de TIKO et Elat du C<lmeTOllll, précitée p. 283)
M. BINYOUM Joscph qU<lnl;\\ lui reprcnd qu' "on peut douter (que) ces AfaR istra Lf, élant dl'nné (leur) jormation pri-
vatiste, (puissent) mieux pénétrer les problhnes du contentielH administratif... " (contenticux administratif. cours
polycopié précité, p. 17).
M. KAMDEM Jean-Claudc est par contre cXlrémisle dans la critiquc: "une chose est sûre, écrit-il, c 'est que le JURe
judiciaire ne peul ~'alahlement conllaÎtre du contelltieux administratif" f..'cxplic<ltion en esl, poursuit-il, que "le juge
judiciaire n'a ni les con lia irH/llces
, fli la tO/lrllure d'csl'rit fI<,,,'ssaircs 1'(Jur trelfl,'hcr les litiges Iltilllilli.rtrl1tljr"
ln
contenticux <ldministralir '1(lIlle l, cours polycopié précilé, pp ."i7-."iH
(2) Arrêt N° 1871CFJICAY du 29 m<lrs J 972 clRépubllque Fédér<lle du Cameroull, précité
S~;:ZX.k_

confiés à leur garde" (1), sur le fondement de l'article 1384
du Code Civil. Ce dernier dispose en effet qu' '~n est respon-
sable non seulement du dommage que l'on cause par son propre

fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des per-
sonnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa
garde". Cette transposition de la solution civiliste en droit
administratif se renouvelera quelques années après, dans une
espèce NKONDOCK Emile-Valentin (2), sans que le juge national

tienne compte de la spécificité du problème de la responsabi-
lité administrative qui, sous d'autres cieux, aboutit dune
distinction faute personnelle - faute de service, ou encore d
la combinaison desdites fautes.

- S'agissant du reproche tenant d une jurisprudence ad-
ministrative élaborée de façon incohérente, deux problèmes de
droit suffisent d conforter la thèse de la dévalorisation du
dédoublement fonctionnel: la question de l'autorité compéten-
te pour examiner le recours gracieux préalable avant tout re-
cours
juridictionnel
lorsque
les
services administrati fs
supra-ministériels seraient visés ainsi que celle traitant du
contentieux du titre foncier sont principalement révélatrices.
Rappelons, d'une part, que l'Ordonnance du 26 août 1972, en

son article 12 paragraphe 1, dispose:
ul e recours devant la
Cour Suprême (statuant en matière de contentieux administra-
tif) n'est recevable qu'après rejet d'un recours gracieux
adressé au Ministre Compétent ou à l'autorité statutairement
habilitée
à
représenter
la
collectivité
publique
ou
l'Etablissement public en cause". Une telle formule présente
l'inconvénient de demeurer muette d propos de l'autorité com-
pétente en matière de recours gracieux traités dans le cadre

de l'administration supra-ministérielle par exemple. Car il
faut bien consi.dérer que la Présidence de la République ainsi
que sa pléi~e de services rattachés constituent l'autre com-
posante de l'administration centrale de l'Etat (3). Les ser-

(1) Joseph OWONA. Droit Administratif spécial de la Républiquc du Camcroun, op. cit., p. 234.
(2) Jugement N° n/CS/CA du 26 mai 19R3 c!Etat du Camcroun .
"Attendu, .. , que NKONDOCK se plaillt d'iIII dommage qui aurait été callsé cl SOli épollse el li lui-même par 1111 préposé
de l'EUlI dalls les fonctiolls ou cl l'occarioll des fOllctiolls atnquelles celui-ci l'a employé,
Que l'action du recourant (du reqllérant l'lu.!' exactement) étant ainsi fOlldée sur
1111 ql/(ui-délit, elle relève de la compé-
tence du juge judiciaire".

(3) Lorsque l'article 12 slIsé\\'oqllé parlc dc "Minlstrc compétcllt" ou de "l'al/torité statutairement habilitée cl repré-
'senter la collectivité pulJlique ou /Ttl/li/issemcnt public Cil CIl/HC", Il dlSlln~lIe ain.'" implicitcmcnt l'autorité compé-
tente pour examiner des rccours gracicux lorsque l'Administration Centralc cst concernéc dc cellcs habilitécs il recc-
voir lesdits recours pour Ics litigcs metL.lnt en causc Ics organismes administratifs décentralisés.
OJ2dQWi&C_U=
.. _ _ rE··.
. _

vices de la Police Nationale étant une structure liée à ladite
Présidence, le juge administratif prêtera le flanc à la cri-
tique relativement au problème de l'autorité habilitée à exa-
miner tout recours gracieux consécutif à une mesure de révoca-
tion de fonctionnaire de police.
Chrono l ogi quement,
le
juge de
l'espèce
BENE
BEL LA
Lambert tranchée le 13 Mars 1976 (1) dira, à la suite d'un
contentieux de révocation du Commissaire de police BENE BELLA,
que la requête adressée par le requérant au Président de la
République IIcons titue bien le recours gracieux exigé par les
textes", sur la base des dispositions réglementaires qui pla-
cent la Sûreté Nationale IIS0US l'autorité du Président de la
Républ ique".

Toutefois, le juge administratif devait adopter, trois
années plus tard, une position déroutante dans une espèce si-
milaire ESSIMI Fabien (2). Ce dernier avait aussi été révoqué
du corps de la Sûreté Nationale par décret signé du Secrétaire
'~
Général de la Présidence de la République. Le juge considère
que son recours gracieux adressé au Président de la République
équivaut à une absence de recours gracieux, au motif qu'il est
adressé à une autorité non habilitée. La confirmation en appel
de cette décision consacre donc la compétence du Secrétaire
Général de la Présidence (3) et non plus celle de l'autorité
administrative Suprême,comme ce fut le cas dans l'affaire BENE
BELLA.
La perplexité dans laquelle le juge National plonge les
justiciables est d'autant plus grande qu'une décision récente,
en contradiction avec les termes mêmes de la jurisprudence ES-
SIMI Fabien, instaure, en matière de recours gracieux préala-
(1) Jugemenl N° 71 ICS/CA c/Etal du Camerolln. précitl'.
(2) Jugement N° I/CS/CA/7<)-80 du ~9 novembre 1979 c1Etat du Cameroun, précilé : noie I~oger-Grabricl NLEP,
Recueil PENANT N° 779. Janvier-mars 1983, pp 66-72.
(3) Arrêt N° 3/CS/AP du 16 décembre 1982, ESSIMI Fabien clElal du Cameroun, précilé.

lable formé contre la mesure de révocation du personnel du
corps de la Sûreté Nationale, des compétences concurrentes
entre
le Président de
la
Républ ique et son
Secrétaire
Général(l).
Le contentieux Camerounais du ti tre foncier
révèle
d'autre part certains dysfonctionnements dans la politique ju-
risprudentielle alors même que les textes sont, contrairement
au précédent problème du recours administratif gracieux préa-
lable, d'une clarté irréprochable. En effet, aux termes du
Décret N° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'ob-
tention du titre foncier qui tiest la certification officielle
de
la propriété immobilière" (2),
ledit titre tiest inat-
taquable, intangible, définitif" (3). Ce qui signifie que l'on
ne peut valablement le déférer directement devant le juge ad-
ministratif sous peine de se voir opposer un jugement d'irre-
cevabilité fondé sur l'incompétence de la juridiction, excep-
tion faite des méthodes indirectes instaurées par le Décret
susmentionné (4). Mais on en vient toujours à se demander sur
quel fondement la juridiction administrative se permet de ré-
server un traitement discriminatoire et, ce faisant, incohé-
rent au contentieux du titre foncier, en rendant des déci-
(1) Jugement N° 19/;\\00/92-93 du 31 décembre 1992, EFFOUrx)U Camille ciEtal du Cameroun précilé :
"Attendu que pour al'oir adressé sa requête du 19 Juil/el 1988 au Secrétaire Gélléral de la Présidence de la République
du Cameroun sic du Secrélaire d'Etal à la Sécurilé inlérieure incompélenl pour y donner sllile, EFFOUDOU n 'a pas sa-
tisfail au l'oeil. de la loi, el son recours ne peUl, dans ces condilions, qu 'êlre rejelé ;

Mais attendu que conlrairement aux conclusioll.f dél'oloppées dans le rapporl, le Aliniflère public l'our sa part fait
valoir que la Cour Suprême en Arsemblée a décidé dans l'affaire ESSIMI Fabiell par Arrêt N° 1JIADD du 13 Mai
1982. que le recours gracieux exercé colllre un acle adminislrali! intéressalll le personnel des cadres de la Sûreté
Nationale esl valablemellt adressé au Présidelll de la République ou au Secrélaire Gélléral de la Présidence de la
République agissant par délégation;
Qu'il échet dès lors d'adopter dans le cas d'espèce celle jurisprudellce de la Cour Suprême".
,
(2) Article 1er, paragraphe 1. (voir décret n°<)()/1482 du 9 novelllh,~e 1990 Illuclillitnl et complétant cerlainl's
(3) Article 1er, paragraphe 2.
disp(lsiliolls du décret susvisé. les <I~llclcs 12,:1 -l6r
(4) Aux termes de l'article 2, on peut lire:
'Toute personne donl les droilS onl élé lésés par suile d'une i/lvnalriculalioll n'a l'ilS de recours sur l'immeuble, mais
seulement ell cas de dol, une actioll persOllnelle ell dommages-illlérêLf conlre l'au leur du dol.
L'action est porlée devalll la juridiclion cil'ile du lieu de SiItWliOIl de l'i/lvneub/e.
Tou lefois , le Afinislre chargé de.f Domailles l'cul, Cil CilS de !aule dC' l 'odmilli.flrolioll, résu/lalll lIolammelll d'lIIle irré-
gularité cOl7vnise au cours de la procédure d'oblelliion du lilre joncier, el (l// ,'U des actes lllllhel/liques l'rodlliLf, procé-
der au relrail du lifre fOI/cier irré!iulièremenl délivré,
La décision du Minislre est susceplible de recours del'anl la juridiclion adminislralil'e cOlnpétenle".


sions qui confirment son caractère inattaquable (1) ainsi que
d'autres qui disent un droit contraire au texte réglementaire
de 1976 (2). Pareille application désinvolte de la règle de
droit constitue par conséquent un terrain fertile au pamphlet
dirigé contre le juge administratif Camerounais, au même titre
que le raisonnement simpl iste qui caractérise parfois son
traitement contentieux des affaires.
Bon
nombre de déci s ions
rendues
pa r
la
Chambre
Administrative témoignent enfin d'une instruction contestable
des dossiers contentieux. Sans qu'il soit besoin de revenir en
détail sur ces dernières, une double catégorie de jugements
suffit à étayer le propos. D'une part, le contrôle de régula-
rité des actes de la procédure d'expropriation pour cause d'u-
tilité publique, qui a déjà été longuement développé, étale
toute
la
dimension
simpliste
du
raisonnement
du
juge
Camerounais
privilégiant le rigorisme des normes procédu-
rales qui veut que tout requérant soit déclaré irrecevable
pour forclusion au cas où il saisit la juridiction au-delà du
délai prévu, le juge en vient ainsi à passer sous silence le
véritable problème posé par le requérant, en l'occurrence
celui de la rétrocession des terres expropriées, alors que ces
dernières n'ont nullement reçu leur destination d'utilité pu-
blique. En réalité, le juge se devrait de trancher dans un
(1) Voir par exemple:
- Jugement W 69/87-88 du Il AoOt 1988, MINELI ELOMO Bernard clEtal du Cameroun (MINUH);
- Jugement N° 72/87-88 du Il AoOt 1988, NDOUMBE MALOBE c/Elat du Cameroun, précilé;
- Jugement N° 18/91-92 du 30 Janvier 1992, EYANA ASSOUGA Guillaume c!Etal du Cameroun
(2) Contrairement aux dispositions textuelles, les jugements ci-après procèdent à une annulation contentieuse du
Titre Foncier:
- Jugement N° I1751CS/CAY du 19 décembre 1975, NKONG Emmanuel clE1a1 du Cameroun, précité;
- Jugement W 4/89-90 du 28 juin 1990, ATEOA Barthélémy clElal du Cameroun, précité;
- Jugement N° 10/91-92 du 26 décembre 1991, BOLLO ETOGO clEtat du Cameroun;
- Jugement N° 30/91-92 du 26 mars 1992, Dame MVENG NDY née MENDOUGA Marguerite clEt;lI du Cameroun, pré-
cité;
- Jugement N° 77/ADD/92-93 du 26 aoOt J 993, OINDZI Léonard cll.:tat du Cameroun, précité.
Linobservation, par des requérants, de certaines règles élémentaires de procédure contentieuse n'aura malheureuse-
ment guère permis au juge administratif de dire un droit plus cohérent au sujet du contentielL~ relalif au titre foncier:
- Jugement W 25/92-93 du 28 janvier 1993, TAYOU Jean cl8at du Cameroun (MINUll);
- Jugement N° 29/92-93 du 28 janvier 1993, Colonie des Pionniers du Développement Communautaire de NGUlBA S-
SAI. DOUALA IIIème cll::tat du Cameroun;
- Jugement W 37/92-93 du 29 avril 1993, NDZE NC,E1l Thadeus clEtal du Cameroun (~lINUH) ,
- Jugement N° 40/92-93 du 29 avril 1993, CI-Il Simon TM11 EN cl[';tal du Cameroun (~llNUII) ,
- Jugement N° 42/92-93 du 24 juin 1993, ONANA 131:1.000 Ignace clEtat du Cameroun (MINUII) ;
- Jugement N° 55/92-93 du 24 juin 1993, FOSSI Jean dit MIM DEITEU clEtat du Cameroun (!'vflNUII) ;
Malgré la dangc;...reuse nc)(ihllilé jurisprudentiellc qui caractérise le contcrllieu)( nation;,1 du Titre FonCier, le juge ad-
ministratif applique scrupuleusement, confonllémenl au:.. dispositions du décret de 197(" le plincipe scion lequel

sens équitable en considérant non point la tardivité du re-
cours contentieux, mais la tardivité inquiétante de l'effecti-
vité de l'opération administrative projetée, laquelle condi-
tionne au demeurant ce retard dans la saisine de la juridic-
tion administrative. De même, la question de la qualification
juridique des contrats de travail liant l'Etat et ses agents
est abordée avec beaucoup de IIl ax isme" par le juge administra-
tif. En se plaçant uniquement sous l'empire des dispositions
du Code Camerounais du Travail qui posent le principe selon
lequel tous les contrats conclus entre les employeurs et leurs
emp loyés sont des contrats de droi t pri vé, ce qui emporte
conséquemment la compétence des juridictions judiciaires, le
juge Camerounais omet de considérer la spécificité de la rela-
tion de travail Administration-agents publics. Un travailleur
du public, du moment où il participe à l'exécution même d'un
service public sur le fondement d'un contrat préalable, doit,
au regard des règles du droit administratif référentiel, en
l'occurrence le droit Français, être regardé comme relevant du
droit public, de sorte que tout litige né de l'exécution de ce
contrat administratif relève de la compétence de la juridic-
tion administrative. Contrairement à cette logique juridique,
toute la jurisprudence administrative Camerounaise est plutôt
orientée dans le sens de l'incompétence matérielle de la juri-
di ction admi ni strati ve,
pri vant ainsi
les agents publ i cs
contractuels de l'usage d'une voie contentieuse la mieux in-
diquée.
Le traitement superficiel des affaires, l'incohérence de
la jurisprudence à propos d'un même problème de droit ainsi
que l'application des règles du droit commun au détriment de
celles du droit administratif constituent des griefs qui, com-
binés, favorisent la critique du juge administratif de forma-
tion judiciaire, quant à sa faculté à examiner les problèmes
du contentieux administratif.
l'annulation du litre foncier ne peut intervenir que de façon dérivée, c'est-il-dire après que le Ministre chargé des
Domaines eut procédé à un éventuel rClrail administratif du titre au moyen d'un arrêlé ordonnanl ledit relrail .
- Jugement N° 03/89-'Xl du 23 novembre 1989, POUKE Pierre c/Etal du Cameroun (~f1NUI/) .
-.Jugemenl N° 74/90-91 du 31 pl1vier \\')91, FOUDA ETOUNDI André cl l);lI11e Veuve ~lIlAN(; KOLl.O l'JEtat du
Cameroun (MINUH).
. .:"",..0:;:;;;;0<=;
M4,sav.;,hl&
,

On devrait cependant adopter une position plutôt nuancée
par rapport à la problématique du dédoublement fonctionnel des
magistrats Camerounais. Cette thèse nouvelle, sans s'opposer
catégoriquement à celle classique, prend appui sur d'autres
arguments susceptibles de mettre en lumière certaines qualités
propres auxdits juges et que l'on a tendance à oublier.
L'indulgence doit guider toute réflexion au sujet de ces
juges de formation privatiste ne bénéficiant guère de bonnes
conditions d'exercice de leurs fonctions. Comment peuvent-ils
judicieusement accomplir l'oeuvre de justice administrative
dans un contexte où la spécialisation est absente des préoccu-
pations des décideurs? Au niveau du degré initial de juridic-
tion qu'est la Chambre administrative, il n'existe pas de
juges inamovibles, mais plutôt un membre permanent entouré
d'Assesseurs occasionnels (Vice-Présidents de la Cour d'Appel
de Yaoundé), en l'occurrence le Président, et dont la durée en
son sein, qui excède rarement trois ans (1), est fonction de
la volonté de la hiérarchie judiciaire. Ce qui n'est guère de
nature à permettre à ces magistrats judiciaires une bonne im-
prégnation du droit du contentieux administratif. De sorte que
la qualité des décisions de justice administrative rendues pa-
raît tributaire du potentiel de connaissances juridiques que
peut avoir le Président de la Chambre administrative en matiè-
re de droit public.
(1) Les magistrats ci-dessous désignés, ainsi que leur durée respeclive au sein de la Chambre Administrative, se sont
succédés en qualité de Président, voire de Président-Rapporteur de ladite instancc contentieuse:
- Cour Fédérale de Justice, seclion du contentieux administratif de Yaoundé, 1966-1970. François-Xavier ~\\'fI30UYOM
et MBAYA Jean-Rémy:
1970 - 1971 -> FOUMAN AI0\\~vIEJean:
1971 - 1972 -> Eoo'O ENGOLA Piene
- Cour suprême. Chambre Administrative
1974
-> S.M.L. ENDELEY :
1975 - 1977 -;> M1NLO Daniel:
1978 - 1983 -> MOMO MPIJOUE Jean:
1983 - 1986 -> orro Simon PONDY.
1986 - 1988 -> ONOMO FOUOA Ilinjanlln .
1988 - 1989 -> RISSOUK à ~vfOUL()NG t\\1:utin ,
1989 - 1990 -> Joseph NOt\\fO AWONO. RISSOUK à t\\fOULONCi t\\brlin. Joseph NOt\\ 10 AWONO et enfin RISSOUK
à MOULDNG :
'1990 - 1994 -> [BaNGUI: NYAt\\11l1C Nestor
Le record de longévité au tilre de Président de la Chambre Administrative esl donc à cc jour délenu par M. MO MO
MPIJOUE, actuellement conseiller à la Cour Suprême.
",%:./îlGbl!i5)UZ#_.4.
Z·.. AJCNAuz;;e

462
En dépit des inconvénients que génèrent de telles condi-
tions de travail pour le moins défavorables, le juge national
s'est quelqu~ois efforcé de rechercher cette voie du compro-
mis que semblent d'ailleurs emprunter les commentateurs, y
compris ceux-Id mêmes qui sont les plus critiques d son égard.
C'est celle qui consiste d évoluer dans le sillage de la ju-
risprudence du Conseil d'Etat Français. Pour ceux qui lui re-
prochent ce choix, on pourrait rétorquer que ce réflexe tra-
duit une reconnaissance implicite des lacunes qu'il présente
en matière de règles du contentieux administratif. En évoquant
le "modèle référentiel" comme cela est de tradi tian dans sa
jurisprudence, le juge national évite ainsi d'opter pour l'ap-
plication, somme toute mineure, des règles du droit civil ou
pénal dans la résolution des litiges administratifs. Même le
partisan le plus acharné de la critique d l'égard du juge
Came rounai s convi endra que chois i r la voi e du miméti sme
constitue un moindre mal par rapport d la percée du droit
Commun dans le champ du contentieux administratif.
A cet
effet, nul ne peut d'ailleurs contester le fait que tous les
auteurs administrativistes nationaux ont si souvent considéré
la jurisprudence administrative hexagonale comme le droit dont
il importait de s'imprégner lorsque le nôtre présentait des
défectuosités. Les notes de jurisprudence ainsi que les di-
verses publications existantes en sont l'illustration. Qu'est-
ce donc ce théoricien du droit qui s'oppose d ce que le prati-
cien du même droit partage ce qu'il estime positif? Bien au-
deld des suggestions de la culture juridique Française, le
juge Camerounais a déjd pris l'initiative quoique timide, de
promouvoir un certain droit administrati.f authentique sur le
plan de la solution ou sur celui de la démarche intellectuelle

menant au règlement du contentieux (1). Un juge techniquement
limité peut-il donc imaginer de telles approches novatrices?
Cette brève mise au point est en tout cas de nature à
tempérer la force des griefs dirigés à l'encontre du juge na-
tional. Elle démontre sans doute que le dédoublement fonction-
nel qui est l'une de ses caractéristiques principales, comman-
dé au demeurant par la nature Itbaroque" du système juridic-
tionnel Camerounais, n'est pas automatiquement nuisible à un
développement normal du droit du contentieux administratif.
L'observation que l'on peut être amené à émettre sur ce sujet
n'est-elle pas en définitive fonction de la sélection opérée
(1) La jurisprudence relative à la règle du recollls administratif gracieux préalable démontre manifestement cet effort
d'innovation dans le dénouement des litiges. Si celte formalité n'est pas propre au droit national, encore qu'c1le
n'est qu'exceplionnellement exigée dans le contentieux français, elle fournit cependant "une jurifprudence propre-
ment eamerounaise dans son esprit" comme le note le professeur KAMTO (la fonction administrative conlentieuse
de la Cour Suprême du Cameroun. op cil.. p. (4). L'analyse de son régime Juridique établit en erfet que ledit recours a
un "caractère d'ordre public" de même qu' i1 est soumis à des règles de délais impératifs (rx)ur plus de précisions, se ré-
férer aux précédents développements). Voir Alain-Serge MESCIiERIAKOFF, "le régimejuridique du recours gracieux
préalable Mns la jurisprudence administrative Camerounaise ", article précité, pp. 42-55),
Lhypothèse dans laquelle le juge Camerounais a su se démarquer du raisonnement traditionnel s'est, quant à elle,
concrétisée dans la célèbre affaire LELE GUSTAVE (CS/AP, Arrêt W 3/A du 26 novembre 1981, Procureur Général près
la Cour Suprême et EIM du Cameroun c1LELE Gustave), En l'espèce, le sieur LELE Gustave avail créé une institution
bancaire dénommée Banque Unie du Crédit (B. U.c.) en association avec l'Etat du Cameroun. Quelque temps après la
mise en service de la banque, une décision administrative ordonnant sa fenneture intervint au motif que la banque ne
remplissait pas la totalité des conditions légales prévues par la réglementation en vi gue"r C est cet acte de femleture
que LELE Gustave défère devant la Chambre Administrative. qui lui donne d'ailleurs gain de cause. Le l\\·linistère
Public (Procureur Général) el l'Etat du Cameroun. pris ici en la personne du /\\'linistre des Finances, font appel du juge-
ment de la Chambre Administrative devant l'Assemblée Plénière, laquelle juge cc recours non fondé et confinne ainsi
la décision juridictionnelle des premiers juges.
Par-delà r argument juridique invoqué en r espèce pour débouter le Ministère Public ainsi que l'administration, l'ab·
senee de base légale à la décision administrative de femleture de la BUC. le juge d'appel développa en outre un plai-
doyer sans précédent en faveur des initiatives Camerounaises susccptihles de partici pcr à la croissance économique
du pays. Relevant clairement, sur le fondement d'un constat préalable, que la Banque Unie du Crédit "follctionnait à
la satisfaction de sa clientèle et de ses associés qui ne se sont jamais plaints", "Assemblée Plénière de la Cour
Suprême tira cette conclusion ci-après:
"Qu'il suit de là que l'acte prLf par le Millislre des fin ail ces avec la légère lé si biell souligllée par la Chambre admi·
nistralive corroborée par le désistemellt déjà signalé (de l'administralionJ, anéalltit la première et unique iniliative
essenliellement privée des hommes d'affaireJnatiollaux dam le domaine bancaire.
Que pourtallt, Ile peut être ('(Jlltesté l'il/térêt social de relie initiatil'e qui répolld parfaitemellt et justement aux exi-

gences du développemellt autocentré et de la Maîtrise du dél'eloppement, fOl/demel/t de i"actioll économique et so-
ciale de ['Elal Cameroul/ais",
pour reprendre lilléralclllenl celle formule chère ail défunt Président de la République
AHMAOOU AHIDJO

parmi les décisions jurisprudentielles? Ce n'est vraisembla-
blement pas un hasard si le Professeur NLEP, partisan de la
thèse classique comme cela a été précédemment indiqué, se ra-
vise, dans certains cas, à reconsidérer sa position de princi-
pe en tenant un discours presque dithyrambique à l'égard du
juge (1) et, ce faisant, proche de la thèse nouvelle.
Si le problème des effets négatifs et positifs du dédou-
blement fonctionnel en question suscite une controverse, géné-
ratrice des prises de position partisanes, celle-ci s'estompe
en revanche lorsqu'on le déplace vers un terrain qui semble
faire l'unanimité pour le moment, la stratégie politique en
l'occurrence. Il apparaît en effet évident d'attirer l'atten-
tion des autorités publiques afin qu'elles consentent à insti-
tuer une juridiction administrative organiquement autonome,
composée de juges spécialisés (2). Le regard désapprobateur ou
approbateur que le critique focalise sur cette problématique
du juge Camerounais n'est pas raisonnablement dissociable de
son orIgIne.
(1) Cf. note de jurispmdence sous jugement GUrrTO Jean-Philippe du 30 avril 1981, précitée, p, 81. Celte décision,
écrit-il, "met en exergue une certaine maîtrise du contentieux administratif par des juges qui ne sont pourtant pas pu-
blicistes de formation", Dans une autre note de jurisprudence (Affaire Dame BINA M née Ngo NJOM Fidèle du 28 jan-
vier 1982, précitée, pp, 360 et 354), le Professeur NLEP apprécie "tout le mérite du juge administratif (de fomUltion
privatiste) d'avoir rappelé aux autorités investies du pouvoir disciplinaire" l'étendue et les limites "de leurs préro-
gatives juridiques",

(2) Les 28, 29, 30 Mars 1989 s'était tenu, dans les loc;JUX de l'Ecole Nalionale d'Administration ct de ~1;Jgistr;Jture,
un séminaire sur "le contentieu>:: et la défeme de l'Etat en justice ", Organisé pM le Ministère de la Fonction publique
et du Contrôle de l'Etal, ledit sémil1ilire avait regroupé tous les départements ministériels ;Jinsi qu'une qU;Jrantaire
d'organismes publics et para-publics, Entre autres des suggestions avancées à l'issue de l'échange d'idées enlre sémi-
naristes figuraient:
, Le souhait "d'affecter de manière permanente certaill.r /TUlgistraLl' à la chamhre admil/Lrtrative, Ce qui ouvrirait la
voie à la spécialisation et par conséquent garantirait un meilleur suivi du contentieux administratif',
, Lamorce d'une "prospection (de) voies de spécialisation des juges en /TUltière de contentielH administratif par delLt
moyens :
a) ouvrir une section "magistrature administratil'e" à 1'[:NAM réservée aux étudiants ayant satisfait à un COli cours
dont les épreuves seraient basées essentiellemellt sur les matières de droit public,

b) Explorer la possibilité d'illtégrer l'II qualité de magistrats à la Chambre admillistrative de la Cour Suprême, sur
leur demande et au prorata des places dispo IlilJles, certaills agellts publier (cadres administratifs et enseigllants de
droit) sur présentation de certains titres unil'ersitaires. tral'aux et justifiant d'une expérience professio/llrelle dalls

leur corps d'origille ",
On peut aujourd' hui déplorer que cc projet de réforme soit reslé !CUre morte ct cc d'autant que les séminaristes avaienl
"instammellt" demandé "au ministre de la fOllction publique ct du contrôle de l'/:'tat dc bicII l'ouloir soumel/re à la
lecture du Président de la République. Chef de l'Admillistratioll et /lfagistrat Suprême, (le rapport filial du séminaire)
afin que cet/e haute autorité soit ail fait des problèmes concreLr qui se posellt l'II matière de contelltieux et de défense
de l'Etat l'II juflice, et de pouI'oir Cil tirer toules les cOllséquences utiles"

HNNEHE
. " "
"
.
li
,,,,,J.lliili&'!!Z&Z&""\\PiiCM2-it&t&ZZ

Extrai t
de l'Ordonnance N°
72-6 du 26 août 1972 portant
organisation de la Cour Suprême, modifiée par la loi N° 76/28
du 14 décembre 1976.
Chapi tre
IV : SAISINE
ET PROCEDURE DE LA COUR SUPREME
EN
MATIERE
ADMINISTRATIVE
Article 9 :
1)
La Cou r Suprême connai. t
de l' ensemb le du contenti eux
admi ni strati f
à
l'encontre de l'Etat,
des
coll ecti vi tés
publiques et Etablissements publics.
2) Le contentieux administratif comprend
a) Les recours en annulation pour excès de pouvoir et, en
matière non répressive, les recours incidents en appréciation
de légalité. Est constitutif d'excès de pouvoir au sens du
présent article
- Le vice de forme ;
- L' i. ncornpétence ;
- La vi.olation d'une disposition légale ou règlementai-
re
- Le détournement de procédure.
b) Les actions en indemnisation du préjudice causé par un
acte administratif.
c) Les litiges concernant les contrats Cà l'exception de
ceux conclus C,) même implicitement C,) sous l'empire du droit
privé) ou les concessions de service public.
d) Les litiges intéressant le domaine public.
e) Les litiges qui lui sont expressément attribués par la
loi.

3) Les Tribunaux de droit commun connaissent C,) conformément
au droit privé C,) de toute autre action ou litige,même s'il
met en cause les personnes morales énumérées au paragraphe

premier, la responsabilité de la dite personne morale étant
C,) à l'égard des tiers C,) substituée de plein droit à celle

de son agent auteur des dommages causés même dans l'exercice
de ses fonctions.
4) Ils connaissent, en outre, des emprises et des voies de
fait administratives et ordonnent toute mesure pour qu'il y
soit mis fin.
Il est statué sur l'exception préjudicielle
soulevée
en matière de voie de
fait
administrative
par
l'Assemblée Plénière de la Cour Suprême.
5) Aucune Cour ou Tri bunal ne peut connai. tre des actes de
Gouvernement.
Article
10
(nouveau) .
La
Cour
Suprême
C,)
exc lus i vement
pou r
l' exerci ce
des
compétences
énumérées
dans
l'article
9
ci-dessus
C,)
comprendC,) une Assemblée Plénière jugeant en appel et une
Chambre Administrative jugeant en premier ressort.
li:.1h:
En marge de la critique de fond, largement contenue dans les développements internes de la thèse, quelques correctifs
de forme s'imposent pour une bonne lecture ainsi que pour une compréhension facile du lexte de l'Ordonnance
su~mentionné. Ils apparaissent, d'une part, au travers de ce souci de respecter les règles lilléraires relatives à la
ponctuation, notamment avec ces virgules inscrites entre parenthèses mais
omises par les rédacteurs de
l'Ordonnance. D'autre part, dans le bul de clarifier cr.1 esprit général de répartition des compétences entre les juges
administratif et judiciaire en matière de contentieu~<'administralip~on se doit de préciser les formules du texte ainsi
,.,
.
t
qu 1 SUit:
.
Article 9,
al.
2 : Le contentieux administratif dévolu aux formations contentieuses administratives de ladite
Cour comprend : ...
. Article 10 (nouveau) : La Cour Suprême, exclusivement pour l'exercice des compétences énumérées dans
l'article 9, alinéa 2, ci-dessus, comprend, ...
Celle mise au point permet, en somme, de distinguer aisément la chambre administrative et l'Assemblée plénière,
formations contentieuses administratives intégrées ail sein de la Juridiction SlIpri'.mc, des tribunau.~ judiciaires qui
connaissent parallèlement d'une part importante des litiges administratifs (alinéas l ct <-1) au même litre que les
précédentes instances contentieuses spécialisées.
\\

468
JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE NATIONALE CITEE
,.
'
iii&iiIii!i!:li..1Jiit!'SL;iC_,iJmg&lCiQÙÎÎLXAl_i,!lttLl:J.

Les chiffres entre parenthèses renvoient aux pages de la thèse.
Quant à la lecture des sigles, bien vouloir se référer à la liste des
principales
abréviations
utilisées.
· ABENELANG Gustave, jt. N° 69/CS/CA du 24 avril 1976 (115,283)
· AFRICAUTO et Cie, Ar. N° 12/NCFJ/AP du 30 novembre 1972 (271)
· AGBOR NKONGO Mathias,Ar.N° 76/CS/CA du 9 janvier 1976 (86)
· AGENCE CAMEROUNAISE d'ASSURANCES et SEMMARITIME, Ar. N°
70/CFJ/CAY du 30 septembre 1969 (310)
· AIGLE ROYAL de DSCHANG "EL PACHA", jt. N° 48/88-89 du 25 Mai
1989 (52)
· AKA'A Jules, jt. N° 30/CS/CA/77-78 du 13 juillet 1978 (113)
· AKOA Dominique, jt. N° 50/CS/CA du 7 avril 1983 (63)
· AKONO Claude, jt. N° 52/84-85 du 28 février 1985 (148)
· ALAI BELOBO Nestor, Ar. N° 137/CFJ/CA du 26 janvier 1971 (115)
· AMSECOM-AMSECONCOM, jt. N° 28/91-92 du 26 mars 1992 (160)
· ANDRE TESTAS (dame veuve) née Mathilde Jeanne TUYTELEARS,
it N° 46/CS/CA du 27 mai 1982 (327)
· AOUA HADJA, Ar. N° 213/A/CFJ/AP du 18 août 1972 (46,410)
· ATANGANA ELOUNDOU Cyprien, jt. N° 65/CS/CA du 31 mai 1979
( 150)
· ATANGANA ESSOMBA Protais, jt. N° 14/CS/CA/77-78 du 27 avril
1978
(113,116)
· ATANGANA Martin Camille, Ar. N° 26/CFJ/SCAY du 15 novembre
1966 (436)
· ATANGANA MBARGA Adalbert, jt. N° 52/CS/CA du 20 mai 1982 (47)
· ATANGANA MBARGA Adalbert, jt N° 84/CS/CA du 30 juin 1983 (47)
· ATANGANA NTONGA Sylvestre, it. N° 22/CS/CA/78-79 du 30
novembre
1978
(327)
· ATANGANA NTONGA Sylvestre, jt. N° 67/84-85 du 14 mars 1985
(66)
ATANGANA Valentin, jt. N° 7/CS/CA du 25 novembre 1976 (278)
· ATEBA Barthélémy, it. N° 4/89-90 du 28 juin 1990 (63,459)
·
ATEH
Alexander,
jL

37/CS/CA/89-90
du
31
mai
1990
(130,279,395)
· AZOMBO NSOMOTO Victor, Ar N° 16/CFJ/SCAY du 4 novembre 1966
(424 )

· BABA YOUSSOUFA, Ar. N° 334/TE du 21 mai 1964 (60)
· BABA YOUSSOUFA, jt. N° 51/CS/CA du 29 mars 1979 (5,91,101)
· BAHA NGUE Jean, Ar. N° 7/A/CS/AP du 16 décembre 1982 (114)
· BELINGA NDO Paul, jt. N° 56/CS/CA du 22 avril 1976 (94)
· BELINGA ZE Thomas, jt. (non numéroté) du 3 février 1978 (150)
· BEll et BEBEY EYIDI, Ar. 123/C.C.A. du 19 septembre 1952 (18,99)
· BEllO BOUSA Ma"lgari et autres, Ar. N° 4/E/92-93 du 14
octobre
1992
(3,51,248,256,282)
·
BEN E
BEllA
Lambert,
jt.

71/CS/CA
du
13
mars
1976
(103,109,126,373,457)
· BENG ElOUGA Jean-louis, jt. N° 34/82-83 du 24 février 1983 (115)
· BERNARD AUTEROCHE, Ar. l'Jo 50/CFJ/CAY du 27 juin 1968 (48)
· BESSAlA léonard, CFJ/CAY, Arrêt (non numéroté) de 1971 (438)
· BIAKOlO Max, jt. N° 60/CS/CA du 22 avril 1976 ; en appel,
Ar. du 31 mars 1977 (62,102)
· BIAO, Ar. N° 352/C.C.A. du 12 juillet 1955 (145)
· BIAU Georges et Cie d'Assurances Générales, Ar. N° 8/CFJ/AP
du 16 mars 1967 (310)
· BIBI Joseph, jl. N° 08/88-89 du 27 octobre 1988 (438,440)
· BIKANDA Jean, Order N° 1/74-75 of the 28th november 1974
( 139)
· BllAE Jean, Ar. N° 120/CFJ/CAY du 8 décembre 1970 (132)
· SINAM (dame) née Ngo NJOM Fidèle, jl. N° 12/CS/CA du 28
janvier
1982
(72,95,334,464)
BINOZI léonard, jt. N° 77/AOO/92-93 du 26 août 1993 (63,459)
BISSIER Hugo, jt. N° 26/85-86 du 30 janvier 1986 (148)
BISSIONGOl Boniface, Ar. N° 122/CFJ/CAY du 8 décembre 1970
( 126)
·
SIUMlA
Gabriel-Ampère,
jt.

52/CS/CA
du
29
juin
1989
(190,270)
· BOllO ETOGO, jl. N° 10/91-92 du 26 décembre 1991 (459)
· BOllO Joseph, Ar. n° 1/CFJ/AP du 15 octobre 1969 (310,318)
· BOULANGERIES REUNIES,Ar.N° 6/74-75 du 28 novembre 1974(61)
· HWABE François, Ar. N° 94/CFJ/CAY du 30 septembre 1970 (310)

· CAISSE NATIONALE de PREVOYANCE SOCIALE, it. N° 35/CS/CA du
22 février 1979 (146)
· CAMEROON DEVELOPMENT CORPORATION, Ar. N° 6-A/CFJ/AP du 10
mars 1972 (92)
· CAP-LIBERTE, Ordo N° 26/0/PCA/CS du 26 septembre 1991
(105,233,416)
· CHE Michael NOE, jt. N° 69/88-89/CS/CA du 29 juin 1989 (117)
· CHI Simon TABIEN, jt. N° 40/92-93 du 29 avril 1993 (459)
· CIVRA (dame), Ar. N° 224/C.C.A. du 27 mars 1953 (122)
· CLAUDE HALLE, Ar. N° 105/CFJ/CAY du 8 décembre 1970 (44)
· COLLECTIVITE BASSA de DOUALA, Ar. (non numéroté) du 10
février
1964
(108)
· COLONIE des PIONNIERS du DEVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE de
NGUIBASSAL DOUALA IIlè, jt. N° 29/92-93 du 28 janvier 1993
(459)
ND1-
· COMPAGNIE FORESTIERE SANGHA OUBANGUI, jt.de la CA/CS du 27
''1'-
octobre
1988
(130,160,176,186,294)
· COMPAGNIE d'ASSURANCES GENERALES et Sieur KEMAYOU, Ar. de la
CFJ en date du 16 mai 1967 (5,91)
· DAROSA Guilherme José, it. N° 43/88-89/CS/CA du 25 mai 1989
( 117)
· DE SUAREZ d'ALMEIDA Ltd, Order N° 4/74-75 of the 28 th
november
1974
(161,437)
· DEUDIE Joseph, Ordo N° 12/0SE/PCA du 7 aoul::'1979 (79)
DIKONGUE Félix, iL N° 40/86-87 du 21 mai 1987 (310)
DJEUMO Louis Roger, jt. N° 26/CS/CA/82-83 du 24 février 1983
(412)
DJOSET Mathieu, Ordo N° 1/OSE/CS/PCA/1977 -1978 (13)
· DJOKO Siméon, Ar. N° 192/CFJ/CAY du 25 mai 1972 (340)
· DJOMO David, jt. Ne 4/CS/CA/82-83 du 26 octobre 1983(266)
· DZIETHAM Pierre, jt. N° 45/81-82 du 27 mai 1982 ; en appel,
voir Ar. N° 81 AICSIAP du 17 novembre 1983 (105,216,217,275)

· DZOU ESSOMBA Charles, jt. N° 56/92-93 du 24 juin 1993 (346)
· EBENGUE NNA Jean-René, Ar. N° 2/AICS/AP du 26 octobre 1978 ;
décision confirmative du jt. N° 39/CS/CA du 4 mars 1976 (118)
· EBONGUE Jean Adalbert, Ar. N° 655/C.C.A. du 25 octobre 1957
(373)
EDIMO Jean-Charles, jt. N° 65/CS/CA du 22 avril 1976 (283)
EDINGER François, Ar. N° 3/74-75/CS/CAY du 28 novembre 1974
(271 )
· EDOU EFFOA Binjamin, Ar. N° 13/CFJ/SCAY du 4 novembre 1966
(436)
· EFFOUDOU Camille, jt. N° 19/ADD/92-93 du 31 décembre 1992
(110,548)
· EGBE BESSONG Alfred, jt. N° 39/CS/CA/88-89 du 25 mai 1989 (388)
· EITEL MOU ELLE KOULA, Ar. N° 178/CFJ/CA du 28 mars 1972 (98)
EKINDI Joël, Ar. N° 31/CFJ/CAY du 15 novembre 1966 (51,436)
EKOBO Jacques, jt. N° 26/84-85 du 31 janvier 1985 (437)
EKONG Yves Adolphe, Ar. (non numéroté/C.C.A. du 29 novembre
1956 (115)
ELAD NFONTEM Philippe, jt. N° 8/82-83/CS/CA du 13 janvier
19B3 (117)
· ELITES BANKA et MBOUENDEU Jean-de-Dieu, jt. N° B/CS/CA du 29
novembre
1979
(98)
· ELOKAN EBOI\\JGUE Hubert, jt. (non numéroté)/CS/CA du 27
décembre
1979
(117)
· ELONG TSOUNGUI Antoine, Ar. N° 16/A/CS/AP du 24 mars 1983
(117)
· EMMA NDJENGUE, jt. N° 115/85-86 du 11 septembre 1986 (5,91)
· EMINI TINA Etienne, Ar. N° 55/CFJ/SCAY/ADD du 25 mars 1969
(66,126,177)
· ENA MBALLA Hubert, jt. N° 39/92-93 du 29 avril 1993 (333)
· ENTREPRISE AMSECOM-AMSECONCOM, jt. N° 44/89-90 du 28 juin
1990
(160,179,279)
· ENTREPRISE AMSECOM-AMSECONCOM (TAMEGHI Boniface), jt. N°
110/90-91
du
30
mai
1991
(160,179,192,280)
ESSAMA Jacques, jt. N° 29/CS/CA du 29 juin 1976 (61)
ESSAMA Joachim, jt. N° 50/89-90 du 26 juillet 1990 (66)
q!U!umZ.,.~CA.
_~
" .....,

· ESSIMI Fabien, Ar. N° 3/A/CS/AP du 16 décembre 1982
décision intervenant en appel du jl. N° 1/CS/CA du 29
novembre
1979
(72,109,278,457)
ESSINDI ESSAMA, Ar. N° 370/C.C.A. du 3 septembre 1955 (288,323)
· ESSOMBA Marc-Antoine, jl. N° 7/CS/CA/79-80 du 29 novembre
1979
(262,376,381,385)
· ESSOMBA NTOI\\lGA Gabriel, jl. N° 24/CS/CA du 13 juillet 1978
(108,115,117)
· ESSOME Jean, jl. N° 5/CS/CA/82-83 du 26 novembre 1982 (268)
· ESSOUGOU Benoît, jl. N° 34/CS/CA/79-80 du 24 avril 1980 ; en
appel, Ar. confirmatif N° 18/A/CS/AP du 19 mars 1981
(61,139,278,377,380)
· ETABLISSEMENTS KRITIKOS, Ar. N° 9/74-75 du 28 novembre 1974
(61,279)
· ETAT du CAMEROUN clBABA YOUSSOUFA, Ar. de la CFJ en date du
16 octobre 1968 (149)
· ETAT du CAMEROUN c/NDONGO André, Ar. N° 40/A/CS/AP du 23
juin
1983
(59,130)
· ETAT FEDERE du CAMEROUN ORIENTAL c/BICIC, Ar. N° 9/A/CFJ/AP
du 27 octobre 1972 (271)
· ETOTA Emile, Ar. N° 79/CFJ/CAY du 30 septembre 1969 (310)
· EV/NA ADA Christophe, Ar. N° 10/A/CFJ/AP du 27 octobre 1972;
décision intervenant en appel de celle N° 65/CFJ/CAY du 30
septembre
1969
(59,70,126)
· EWODO FOUDA Josephine, jt. N° 76/90-91 du 31 janvier 1991
(62,279)
EYANA ASSOUGA Guillaume, jl. N° 18/91-92 du 30 janvier 1992
(459)
EYONG EGBE Martin, jl. N° 16/CS/CA/88-89 du 23 novembre 1989
(388)
F
· FANKWE John, jl. N° 59/88-89 du 29 juin 1989 (340)
· FERRIERE Marie (dame), Ar. N° 15/CFJ/AP du 16 mars 1967 (212)
· FEUMI JANTOU Jacques, Ar. N° 7/CS/AP du 31 mars 1977 (49)
FODIC, jt. N° 119/84-85 du 12 septembre 1985 (350)
FONGA Jean-Claude, jl. N° 24/92-93 du 28 janvier 1993 (114)
FOSSI Antoine, jl. N° 17/85-86 du 28 novembre 1985 (426,431)

· FOSSI Jean dit MBA DEFFEU,jt N°55/92-93 du 24 juin 1993 (459)
· FOUDA ETAMA, jt. N° 72/88-89 du 29 juin 1989 (160)
· FOUDA ETOUNDI André et dame veuve MBANG KOllO, jt. N° 74/90-
91 du 31 janvier 1991 (460)
· FOUDA Hubert, Ar. N° 1/A/CS/CA du 6 décembre 1979 (60,116)
· FOUDA MBAllA Maurice, Ar.
N° 160/CFJ/CAY du 8 juin 1971
(132,210,337)
FOU MAN EKOUMA Jean-louis, jt. N° 6/88-89 du 27 octobre 1988
(117)
G, H, r, J
· GACHA Zacharie, jt. N° 2/75/CS/CAy du 19 décembre 1975 (61)
· GIARD c/GUARD, SOPP~ PRISO, André Marie MSIDA, KEMADJOU et
AHMADOU AHIDJO, Ar. N° 248/C.C.A. du 21 mai 1954 (18)
· GNIDJEO, jt N° 95/84-85 du 30 mai 1985 (66)
· GOKlE Simon-Pierre, jt. N° 27/92-93 du 28 janvier 1993 (62)
· GROUPEMENT d'ENTREPRISES DRAGAGES-SATOM, jt. N° 53/87-88 du
31
mars 1988 (160,185)
· GUEBAMA MPElE Pierre, jt. N° 20/CS/CA du 27 janvier 1983 (115)
· GUIFFO Jean-Philippe, jt. N° 40/CS/CA/80-81 du 30 avril 1981
(43,63,11 2,464) 1\\ I-re k d lJ l'le m e. h 01'1"1 ~J "/1 G/1\\ e n do.~- ,~- d!..:1 :?) JÙin /i'J3'S P-'l1i;
· HAYATOU SOUAl BOU, Ar. du 27 décembre 1979, non numéroté (64)
ITEM Dieudonné, jt. N° 12/CS/CA du 27 avril 1978 (113)
ITEM Dieudonné, Ar. N° 3/A/CS/AP du 17 novembre 1983 (270)
ITONDO TOKO Blaise, jt. N° 126/CS/CA/90-91 du 25 juillet
1991
(130)
E
· JOURNAL "le Messager", Ordo N° 9/0S/PCA/85-86 du 26 mai 1986
(242,283)
· JOURNAL "le Messager", Ordo de référé N° 12/0R/CS/PCA/90-91
du 19 mars 1991 (106,243)
JOURNAL "le Messager", Ordo de référé N° 13/0R/CS/PCA/90-91
du 25 avril 1991 (106,244)
. KAMDEM NINYIM Pierre, Ar. N° 662/C.C.A. du 25 octobre 1957 (97)
. KAMDEM WAFO Michel, jt. N° 16/85-86 du 28 novembre 1985
(426,431)

· KAMDEM WAFO Michel, jL N° 18/CS/CA du 28 novembre 1985
(327)
KAMGUE Maurice, jt. N° 69/CS/CA du 30 septembre 1982 (437)
· KAMGO Léon, jt. N° 54/84-85 du 28 février 1985 (66,96)
· KEPAHOU Moïse, jt. N° 15/CS/CA du 25 novembre 1976 (177)
· KEUATSOP TETAKEUA Pierre, jt. N° 3/CS/CA/82-83 du 26 octobre
1983 (266)
· KIEFFER Marguerite (dame), Ar. N° 4/CFJ/AP du 4 novembre
1965 (123)
· KISOB ACHIDI Jacob, jt. N° 9/ADD/CS/CA du 27 octobre 1988 (116)
· KOBENA Samuel, jt. N° 33/CS/CA du 31 mars 1977 (130)
· KOLLE MOUANGUE Louis, Ar. N° 14/CFJ/AP du 16 mars 1967 (177)
· KONTCHOU David, jt. N° 112/90-91 du 30 mai 1991 (437)
· KOUALOUEL M POUH, jt. N° 54/85-86 du 24 avril 1986 (81)
· KOUAMBELE Bernard, Order N° 5/CS/CAY of the 28 th november
1974 (278)
· KOUANG Guillaume-Charles, jt. ADD N° 66/CS/CA/78-79 du 31
mai
1979
(374,381,385)
· KOUANG Guillaume-Charles, jt. N° 55/CS/CA du 30 septembre
1982
(340,385)
· KOUEDI Jean-Bosco, jt. N° 102/90-91 du 28 mars 1991 (61)
· KOULOU Maurice, Ar. N° 13/CS/CA du 5 juin 1975 (46)
· KOU LOU Maurice, jt. N° 19/CS/CA du 29 janvier 1976 (78)
· KOUM JEMBA Joseph, jt. N° 56/85-86/CS/CA du 24 avril 1986
(327,329)
· KOUOH Emmanuel, jt. N° 43/82-83 du 7 avril 1983 (65)
· KOUO EYANGO Philippe, jt. N° 92/88-89 du 20 juillet 1989 (438)
· KPWANG ESSIANE, AR. N° 645/C.C.A DU 6 septembre 1957 (314)
· KWEDI EYOUM Augustine (dame), Ar. N° 10/CFJ/AP du 10 mars
1967 (101)
KWISHWE (dame) née SIMO Jeanne, jt. N° 42/CS/CA/90-91 du 29
novembre
1990
(438)
· LELE Gustave, Ordo N°7/0R/CS/PCA/77-78 du 3 juin 1978 (99)
· LEQUES Raymond, Ar. N° 502/C.C.A. du 29 septembre 1956 (288)
· LES GALERIES MEKA Charles, jt. N° 79/CS/CA du 24 juin 1976 (61)
· L1BAM KOUANG Melchiade, jt. N° 8/CS/CA du 5 novembre 1976
(1 ,1 4)

L1TTY Hermann c/MBELECK, Ar. (non numéroté) CS/Cameroun
Oriental du
18 juillet 1967 (310,315,321)
· MACKONGO Agnès Flore (dame), Ar. N° 201/CFJ/CAY du 18 août
1972 (149)
· MAKOUBE EPEE Albert, Ar. N° 11/CFJ/AP du 16 mars 1967 (373)
MAMA MELANG Zacharie, jt. N° 6/CS/CA/84-85 du 25 octobre
1984
(46,411 )
MAMA TSALA François, jt. N° 57/CS/CA du 31 juillet 1980 (116)
MATIP Binjamin (Me), Ar. N° 16/A/CFJ/AP du 30 novembre 1972
(271 )
· MAX KELLER NDONGO, Ar. N° 20/CFJ/SCAY du 4 novembre 1966 ;
en appel, Ar. N° 8 du 16 octobre 1968 (232)
MAYJ MATIP Théodore, Ar. N° 254/C.C.A du 10 décembre 1954 (18)
MBALLA AKOA Adolphe, jt. N° 29/82-83 du 24 février 1983 (62)
MBALLA MBALLA Dieudonné, jt. N° 49/92-93 du 24 juin 1993 (66)
MBALLA OWONA Rigobert, jt. N° 45/89-90 du 28 juin 1990 (438)
MBANDY Daniel, jt. N° 79/90-91 du 31 janvier 1991 (84)
MBARGA Emile, jt. N° 55/CS/CA du 22 avril 1979 (61,57)
MBARGA Raphaël, jt. N° 73/CS/CA du 29 juin 1989 (72)
MBARGA Richard, jt. N° 19/CS/CA du 3 février 1977 (61)
MBEDEY
Norbert,
Ar.

187/CFJ/CAY
du
29
mars
1972
(61,286,455)
· MBIDA Antoine, Ar. N° 81/CFJ/CAY du 30 septembre 1969 (310)
· MBOCK née MOUSSONGA Jeannette et SOP MOTE Joseph, jt. N°
42/CS/CA du 30 avril 1981 (66)
· MBOKA TONGO MPONDO Guillaume, jt. N° 30/CS/CA du 31 mars
1977 (102)
· MBOKA TONGO MPONDO Guillaume, Ar. N° 13/CS/CA du 24 mars
1983 (271)
· MBOMA Richard, jt. N° 39/CS/CA du 29 mai 1980 ; en appel,
Ar. confirmatif N° 35/A/CS/AP du 25 juin 1983 (293,350)
MEDOU Gaston, Ar. N° 157/CFJ/AP du 23 mars 1971 (278,327)
MEKA Charles, Ar. N° 1/A/CFJ/AP du 16 octobre 1968 (78,93)
M ENCJO Robert, jt. N° 33/CS/AP du 24 avril 1980 (293)
MENDE Henri-Georges, Ar. N° 13/A/CS/AP du 26 mars 1977
(11 8)

MENDOUA MFOULA Cécile, jt. N° 117/85-86 du 11 septembre
1986 (438)
MENDOUGA Gérard, jt. N° 3/75/CS/CAY du 19 décembre 1975
( 139)
MENYANA Martin Nathan, jt. N° 42/82-83 du 7 avril 1983
(438)
· MESSINA EBOUE Félix, Ar. N° 16/CFJ/CAY du 29 décembre 1964
(436)
· MESSOMO ATENEN Pierre, Ar. N° 89/CFJ/CAY du 30 septembre
1969
(126,354)
METOU Josué, jt. (non numéroté) du 30 juin 1982 (151)
MEYONG BALAM Alfred, jt. N° 10/85-86 du 31 octobre 1985
(438)
MFOUMOU Jean-Baptiste, Ar. N° 17/CFJ/AP du 16 mars 1967
(409)
MINELI ELOMO Bernard-Marie, jt. N° 17/CS/CA du 3 février
1977 (130)
MINELI ELOMO Bernard-Marie, jt. N° 69/87-88 DU 11 août 1988
(459)
MINYEM Jean-Flaubert, jt. N° 20/CS/CA du 27 avril 1978 (99,101)
MINYEM Martial, Ar. N° 367/C.C.A. du 3 septembre 1955 (123)
MJOCK Georges Edward, CS/CA, Ar. du 19 juillet 1990 (137)
MOMO Pierre-Marie, jt. N° 31/92-93 du 25 février 1993 (171)
MONDO Henri William, CFJ/CAY, Ar. du 15 février 1966 (436)
· MONDOUBOU Théodore, jt. N° 43/CS/CA du 26 juin 1980 (46,411)
· MONENTCHAM Daniel, jt. N° 12/CS/CA du 25 novembre 1976 (278)
· MONKAM TIENTCHEU David, jt. N° 40/CS/CA/79-80 du 29 mai 1980
(70,126,295,380,385)
· MONTHE Honoré, jt. N° 6/CS/CA/82-83 du 26 novembre 1982 (266)
· MONVOISIN Robert Louis et Entreprise Générale de Construc-
tions et Travaux Publics, jt. N° 93/82-83 du 28 janvier
1983 (340)
· MPESSA Stanislas, Ar. N° 11/CFJ/AP du 18 octobre 1967 (373)
· MPOUMA MESSACK, jt. N° 21/86-87 du 26 mars 1987 (340)
· MVE NDONGO et Procureur Général c/NGADA Victor, Ar. N°
10/CFJ/AP du 17 octobre 1968 (332)
· MVENG NDY née MENDOUGA Marguerite, jt. N° 30101-92 du 26
mars 1992 (63,459)
· MVONDO Simplice, CS/AP, Ar. du 23 juillet 1981 (395)

· NANA David, Ar. N° 18/A/CS/AP du 24 mars 1984 (70,126,373)
· NANGA
Compagny
Ltd,
jl.

15/CS/CA du
29 janvier
1987
(333,335)
· NDIM ANONG Robert, jl. N° 76/87-88 du 15 septembre 1988 (438)
· NDJANA Pascal Bether, jl. N° 22/77-78 du 27 avril 1978 (116)
· NDJOCK Jean, Ar. N° 636/C.C.A. du 10 août 1957 (115,232)
· NDJOCK Paul, Ar. N° 678/C.C.A. du 27 décembre 1957 (123,124)
· NDOUIVIBE MALOBE, jl. N° 72/87-88 du 11 août 1988 (63,459)
· NDOUNDA Thomas, Ar. N° 237/C.C.A. du 10 juillet 1953 (313)
· NDlANA OLONGO Gilbert, jl. N° 85/90-91 du 28 février 1991
(62)
· NDlE NGEH Thadeus, jl. N° 37/92-93 du 29 avril 1993 (459)
· NDllE Joseph, jl. N° 20/CS/CA du 29 janvier 1976 (62)
NGALA TAWONG Abel, jl. N° 7/CS/CA/82-83 du 3 décembre 1982
(266)
NGAMBI TENE Ebénézer, jl. N° 35/92-93 du 25 février 1993
(62,70,278)
NGAMY Emmanuel: jl. N° 02/92-93 du 31 décembre 1992 (148)
NGANSO Jean-Pierre, jl. N° 24/CS/CA du 3 février 1977 (438)
· NGHE BABOUGHE Thomas, jl. N° 09/86-87 du 23 décembre 1986
( 148,329)
NGNAKOU Amos Flaubert, jl. N° 9/CS/CA du 28 janvier 1982
(115)
NGOH Isaac, jl. N° 136/CFJ/SCAY du 26 janvier 1971 (283)
NGONG
NDI
Daniel,
jt.
N° 66/CS/CA du
25
septembre
1980
(105,275,283)
· NGONGANG NJANKE Martin, Ar. N° 20/CFJ/AP du 20 mars 1968
(36,104,135,136,161,292)
· NGONGANG Richard, jl. N° 19/CS/CA du 27 avril 1978 (115)
· NGOONG MAN DENG Christophe, jl. N° 60/CS/CA/85-86 du 15 mai
1986 (386)
· NGOUESSE (dame), jl. N° 95/85-86 du 7 août 1986 (66)
· NGUE Mathias, jl. N° 28/CS/CA du 29 janvier 1976 (77)
· NGUENA Antoine, jl. N° 21/85-86 du 30 janvier 1986 (438)
· NGUENGANG Jean, Ar. (non numéroté)/TE du 2 décembre 1960
(125 )
· NGUIAMBA Daniel, jl. N° 45/CS/CA du 26 juin 1980 (46,411)
· NGUIDJOL NGUIOJOL p.s., jl. N° 26/CS/CA du 29 juin 1976
(6,1 )
.. - .. ,
.
iii!bi{illtk),.·._k,""sœ_._-_~ **. iW#i

· NIBA Chrysantus, CS/CA, jl. du 24 février 1983 (395)
· NJAPOUM (dame) née NGASSAM Jeanne, il. ND 1/CS/CA/82-83 du
26 octobre 1983 (266)
· NJIKI Isaac, jl. ND 36/90-91 du 29 novembre 1990 (438)
· NJIKIAKAM TOWA Maurice, CS/AP, Ar. du 24 mars 1983 ; Déci-
sion confirmant,
en dernier ressort,
le jugement ND 54/CS/CA/
80-81
du 23 juin
1981
(59,136,145,151)
· N..IIMOLUH NSANGOU AYOUBA, jl. ND 59/82-83 du 14 juillet 1983
(438)
· NJONKWE Moïse, Ar. ND 11/A/CS/AP du 9 novembre 1978 (271)
· NJONKWE Moïse, Ar. N° 15/A/CS/AP du 19 juin 1980 (271)
· NKFU Simon NGAWE, jl. ND 66/CS/CA du 29 juin 1989 (388)
· NKILI ABESSOLO Martin, Ar. ND 144 du 23 mars 1971 (115)
· NKONDOCK Emile-Valentin, jl. ND 72/CS/CA du 26 mai 1983 (456)
·
NKONG
Emmanuel,
jl.
ND
1/CS/CA
du
19
décembre
1975
(43,63,459)
NKOULOU Hubert, jl. ND 53/92-93 du 24 juin 1993 (101)
· NKOULOU Thadée, jl. ND 44/86-87 du 25 juin 1987 (61,279)
·
NKWEATTA
Emmanuel,
jl.

3/87-88
du
29
octobre
1987
(279,354)
· NLEM MBOMZOM, Ar. ND 28/C.C.A. du 11 août 1950 (313)
· NLEND EBEBE Jean, jl. ND 47/CS/CA du 27 juin 1982 (5,91)
· NOAH Jean-Blaise, jl. ND 65/CS/CA du 25 septembre 1980 (293)
· NOMENY NGUISSI Emile, jl. A.D.D. ND 57/CS/CA du 27 avril
1976 (60)
· NOMO Thérèse, Ar. ND 1/74-75 du 28 novembre 1974 (61)
· NOUFELE SIMO David, jl. A.D.D. ND 70/90-91 du 31 janvier
1991
(60,279,334,336)
· NOUTACKD/E Joseph-Le Brun, Ar. ND 108/CFJ/CAY du 8 décembre
1970, en appel Arrêt confirmatif ND 3/CS/AP du 27 octobre
1972 (116)
NOUTCHOGOUING Jean-Samuel, il. ND 2/CS/CA/82-83 du 26 octo-
bre 1983 (266)
· NSANGOU Noël, jl. ND 71/85-86 du 29 mai 1986 (81)
NTAH Alphonse, jl. ND 132/CS/CA/90-91 du 26 septembre 1991
(438)
NTEMAMEU SIMO Osée, il. ND 62/86-87 du 25 juin 1987 (438)
NTIMBENA Elie, jl. N° 13/92-93 du 31 décembre 1992 (345)
NTONE KINGUE Gabriel, jl. ND 58/86-87 du 25 juin 1987 (279,424)
· NTSA AKA Philippe et ABESSOLO Barthélémy, Ar. ND 131/CS/AP
..
~
,
" .
3tiSMZ

du 22 juin 1978 (100)
· NWATCHOCK (dame) née BONG Jacqueline, jt. N° 95/90-91 du 28
mars
1991
(62,280)
· NYEMECK NYEMECK Emmanuel, jt. N° 27/77-78 du 15 juillet 1978
(105,115)
· NYEMECK NYEMECK Emmanuel, jt. N° 2/CS/CA du 29 octobre 1981
(105,279)
Q
· OBAM ETEME Joseph, Ar. N° 98/CFJ/CAY du 27 janvier 1970
(5,91 )
· O.C.D.H. (Organisation Camerounaise des Droits de l'Homme),
Ordo N° 19/0/PCA/CS du 26 septembre 1991 (105,230,416)
· OLLE Mathieu et ENGAMBA Emile, T.E., 8 mars 1963 c/Société
Forestière du DJA et LOBO (99,425)
· ONAMBELE Raphaël, jt. N° 4/85-86 du 31 octobre 1985 (293)
· ONANA BELOBO Ignace, jt. N° 42/92-93 du 24 juin 1993 (459)
· ONANA Jacques Didier, jt. N° 6/CS/CA/77-78 du 23 février
1978 (116)
· ONDOUA ATANGANA, jt. A.D.D. N° 90/90-91 du 28 février 1991
suite : jt. N° 12/CS/CA/91-92 du 28 février 1992 (218,221)
· ONGONO Régine (dame veuve), jt. N° 12/CS/CA/83-84 du 26 mai
1984 (342)
· ONGONO Régine (dame veuve), jt. N° 70/85-86 du 26 mai 1986
(340,346)
· ONO NGAFOR Albert, CS/AP, Ar. du 16 août 1,990 (132)
· OTTO Simon PONDY, jt. N° 73/90-91 du 31 janvier 1991 (67,96)
· OUMAROU Paul, jt. N° 46/CS/CA du 30 avril 1981 (115)
· OWONA ESSONO Guillaume, Ar. N° 29/A/CS/AP du 24 mai 1983
( 116)
· OWONO ESSONO Benoît, Ar. N° 137/CFJ/CAY du 8 juin 1971 ("hi,5)
· OWOUNDI Jean-Louis, jt. N° 33/CS/CA du 28 septembre 1978
(61,288,309,324)
· OYIE TSOGO Joseph, jt. N° 36/CS/CA du 6 mai 1982 (125)
P, Q, R
, "
'.
.
,
4.5&,.3
PD,

· PANKA Paul et lEBAlE Simon, jt. N° 14/84-85 du 15 novembre
1984 (65)
· PASSALIS Alexandre, Ar. N° 608/C.C.A. du 29 juillet 1957
(310,320)
· PECK PEKE Joseph, Ar. N° 9/CFJ/SCAY du 18 octobre 1967 (101)
· POUKE Pierre, jl. N° 03/89-90 du 23 novembre 1989 (460)
· PROCLAMATION DES RESULTATS DE L'ELECTION PRESIDENTIELLE DU
11 octobre 1992, Ar. N° 1/PE/92-93 du 23 octobre 1992 (257)
· PROCUREUR GENERAL près la Cour SUPREME - ETAT DU CAMEROUI\\I
c/LELE
GUSTAVE,
Ar.

3/ A/CS/ AP
du
26
novembre
1981
( 130,463)
· PROCUREUR GENERAL près la COUR SUPREME - ETAT DU CAMEROUN
c/MINELI ELOMO Bernard-Marie, Ar. N° 2/A/CS/AP du 16 décem-
bre 1982 (107)
RAM-CAYA Albert (Capitaine), jl. N° 32/86-87 du 30 avril
1987 (340)
· REGENAULT (dame), veuve OLLIVIER, Ar. N° 192/C.C.A. du 5 dé-
cembre
1952 (149)
· RENUCCI, Ar. N° 83/C.C.A; du 22 décembre 1951 (156)
· Révérand Docteur Grégoire AMBADIANG de MEN DENG, jL N°
12/CS/CA/88-89 du 27 octobre 1988 (117)
· RICARDO GOMEl, jl. N° 37/CS/CA du 29 juin 1980 (62)
· RIKAM à NWAE HAMADOU, CS/CA, jl. du 26 avril 1984 (438,445)
· ROBERT ABUNAW c/Francis Tommy WILSON et Directeur des Domai-
nes et du Cadastre, Ar. N° 3-A/CFJ/AP du 28 octobre 1971 (92)
· SEBA NDONGO Jean, Ar. N° 1/CS/AP du 27 novembre 1986 (116)
· SENDE Joseph, CS/CA, jl. du 1er février 1985 (61,97,257)
SIENCHE
Maurice
et
KEUMOGNI
Boniface,
Ordo

16/0R/CS/PCA/91-92 du 4 juin 1992 (237)
· SITAMlE Urbain, Ar. N° 121/CFJ/CAY du 8 décembre 1970 (126)
· SOCIAL DEMOCRATIC FRONT (S.D.F.), Ordo N° ü8/91-9210R/CS/PCA
du 27 février 1992 (237)
· SOCIAL DEMOCRATIC FRONT (S.D.F.), Ordo 09/0R/CS/PCA/91-92 du
27 février 1992 c/Présidence de la République (237)
· SOCIAL DEMOCRATIC FRONT (S.D.F.), Ordo N° 2/0R/PCA/CS/92-93
du 2 février 1992 (377)
· SOCIAL DEMOCRATIC FRONT (S.o.F.) et UNION DES FORCES DEMO-
-;-;---.- - - - ---

CRATIQUES DU CAMEROUN (U.F.D.C.), Ordo N° 3/0R/CS/PCN92-93
du 2 octobre 1992 (377)
· SOCIETE ANONYME "Les Brasseries du Cameroun", jt. N°
6/CS/CA/79-80 du 29 novembre 1979 (111)
· SOCIETE ASSUREURS CONSEILS FRANCO-AFRICAINS (ACFRA), jt. N°
62/CS/CA du 25 septembre 1980 (129)
· SOCIETE B.P. "West Africa" Ltd DOUALA, CFJ/CAY, Ar. du 25
avril 1970 (271)
· SOCIETE CAMVOYAGES, Ar. N° 11/A/CFJ/AP du 27 octobre 1972
(271 )
· SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE de DJOUNGOLO, Ar. N° 94/CFJ/AP du
27 janvier 1970 (271)
· SOCIETE FORESTIERE de la SANAGA, Ar. N°5/CFJ/AP du 15 mars 1967
(390)
· SOCIETE DES GRANDS TRAVAUX de l'EST (S.G.I.E.), Ar. N°
4/CFJ/AP du 28 octobre 1970 (271)
· SOCIETE INTER-CONTINENTAL BUSINESS, jt.
N° 01/92-93 du 3
décembre 1992 (160)
1\\1° i-)'6 'c'-'!( p\\
· SOCIETE RAZEL-CAMEROUN, CS/CA, jt. du 29 juin 1989 c/Commune
Rurale de TIKO et Etat du Cameroun (62,111,116,455)
· SOCIETE SIMPEX-CAMEROUN, jt. N° 1311CS/CA du 26 septembre
1991
(78)
· SYNDICAT NATIONAL des ADMINISTRATEURS CIVILS, Ar. N° 216/T.E
du 12 avril 1963 (101)
· SYNDICAT NATIONAL des ADMINISTRATEURS CIVILS, CS/CA, jt. du
31 mars 1977 (101)
· SYNDICAT NATIONAL des PRODUCTEURS AGRICOLES et PAYSANS
CAME
-ROUNAIS, jt. N° 75/82-83 du 26 mai 1983 (99)
l
· TAGNY KAMENI Joseph, jt. N° 48/CS/CA du 4 mars 1976 (139)
· TAGNY Mathieu, Ar. N° 19/CFJ/AP du 16 mars 1967 (46,103,410)
· TAMEGHI Boniface (AMSECOM-AMSECONCOM), jt. N° 50/84-85 du
1er
février
1985
(160,179,181)
· TALLYNG François, jt. N° 36/88-89 du 25 mai 1989 (62,279)
· TATSINDA Maurice, CS/CA, jt. du 28 janvier 1982 (47)
· TAYOU Jean, jt. N° 25/92-93 du 28 janvier 1993 (459)
.' TCHANA TCHANA Abraham, jt. N° 24/CS/CA/80-81 du 18 décembre

1980 (312)
· TCHANY Jean-Pierre, Ar. A.D.D. N° 25/CFJ/SCAY du 15 novembre
1966 ; suite : jt. N° 113/CFJ/CAy du 2 novembre 1970 (215)
· TCHAPCHET Ernest, Ar. N° 69/CFJ/CAY du 30 septembre 1969 (310)
· TCHOUANKEU Joseph, jt. N° 92/82-83 du 28 juillet 1983 (148,279)
·
TCHUNGUI
Charles,
jt.

5/CS/CA
du
29
novembre
1979
(57,80,96,127,142,428)
· TEGUIA Gabriel, jt. N° 36/CS/CA du 26 mai 1977 (102)
· THOM OTTO, Ar. N° 19/CFJ/CAY du 4 novembre 1966 c/Caisse de
Stabilisation du prix du cacao (310)
TIAKO Félix, jt. N° 117/90-91 du 31 mai 1991 c/Conseil de
l'Ordre des Pharmaciens du Cameroun (50,266)
TIAMAGO Boniface, jt. N° 44/88-89 du 25 mai 1989 (438)
TONKAM Pierre, jt. N° 8/CS/CA du 19 décembre 1975 (79)
· TSANGA Soter, Ar. N° 29/CS/S du 14 juillet 1977 c/Banque
Camerounaise de Développement (B.C.D.) (382)
U, V, W, X, Y, Z
· UM NYOBE Ruben c/Abbé MELONE, Ar. N° 115/C.C.A. du 6 août
1952 (18,99)
· UNION DEMOCRATIQUE CAMEROUNAISE (U.D.C.), Ordo N° 1/0R/PCN
CS/92-93 du 2 octobre 1992 (377)
· U.P.C. (Union des Populations du Cameroun) - MANIDEM, Ordo
N° 02 (bis)/O/PCA/CS du 16 décembre 1992 (236)
· WAMBO Télesphore, Ar. N° 188/CFJ/CAY du 28 mars 1972 (99)
· YEM MBACK Pierre, Ar. N° 277/C.C.A. du 27 janvier 1954 (149)
· YEYAP NJOYA Joseph-Marie, jt. N° 23/CS/CA du 3 février 1977
(41,87,104,135,292)
· YEYAP NJOYA Joseph-Marie, jt. N° 57/82-83 du 28 avril 1983
(438)
· YOMBI Alphonse, jt. N° 44/CS/CA du 26 juin 1980 (46,411)
· YOUMBI André, jt. N° 1/A/CS/AP du 8 novembre 1973 (116)
· ZANGA ZAMBO, jt. N° 75/85-86 du 26 juin 1986 (293,350)
· ZELA NOUMENDJALA André, jt. N° 30/92-93 du 25 février 1993
(345)
· ZENGUE NGOULOU Dagobert, jt. N° 40/88-89 du 25 mai 1989 (116)
· ,ZOGO MENYE Alphonse. jt. N° 43/92-93 du 24 juin 1993 (92)

483 ais
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
1li!!tA:-:.. &*2%
. SQ

1. OUVRAGES GENERAUX
· AUBY (j.m.) et DRAGO (r),
Traité de contentieux
administratif,
L.G.D.J.,
3ème
édition,
Paris,
1984.
· CHAPUS (r),
-
Droit
du
contentieux
administratif,
Domat
Droit
Public,
Mon-
chrestien,
2ème édition,
1990.
- Droit Administratif Général, Tomes 1 et 2, 4ème édition
Domat
Droit Public, Monchrestien, Paris, 1988 et 1990.
· EISENMANN (ch),
Cours de Droit Administratif, Tomes 1 et 2, L.G.D.J., Paris,1982 et
1983.
· ENCYCLOPEDIE JURIDIQUE de l'AFRIQUE,
(11
volumes), Nouvelles Editions Africaines, Dakar - Abidjan Lomé,
1982 ; Tome 1 : l'Etat et le Droit, Tome 4 : Organisation judiciaire,
procédures
et voies d'exécution.
· GAUTRON (j.c)
ROUGEVIN - BAVILLE (m),
Droit public du Sénégal, Etitions A. PEDONE, Paris, 1977.
· KAMTO (m),
Droit
Administratif
processuel
du
Cameroun,
Coll.
Sciences
juridiques et politiques, P.U.C., YAOUNDE, 1990.
· lAFERRIERE (ed),
Traité
de
la
juridiction
administrative
et
des
recours
con-
tentieux,
2ème édition,
Berger-Levrault,
Paris,
1896.
· lAUBADERE (A. de),
Traité théorique et pratique des contrats administratifs,
Tomes
1,
2 et 3, L.G.D.J., Paris, 1956.
· LALIBADERE (A. de) - VENEZIA (j.c) - GAUDEMET (y),
Traité de Droit Administratif, Tomes 1 et 2,
11è édition,
L.G.D.J.,
Paris, 1990.
~\\~---;-:--~:- •.-
M'MiJliiiJf.f!tUS,~~!iJ!i!Z:z::.4Z;_· :;2&&,"'.

· LECLERC (e) - CHAMINADE (a),
Droit Administratif, Coll. C.F.P., L1TEC, 3ème édition, Paris, 1992.
· MESCHERIAKOFF (A-S),
Le Droit Administratif Ivoirien, Editions Economica, coll.
la vie du
droit en Afrique, Paris, 1982.
· MORAND - DEVILLER (j),
Cours
de
Droit
Administratif,
3ème
édition,
Monchrestien,
Paris,
1993.
· OWONA (D,
Droit Administratif spécial de la République du Cameroun,EDICEF,
Série Manuels et Travaux de l'Université de Yaoundé, 1985.
· REMONDO (m),
Le
Droit
Administratif
Gabonais,
Bibliothèque
Africaine
et
Malgache, Tome XLIV, L.G.D.J., Paris, 1987.
· VEDEL (g) - DELVOLVE (p),
Droit Administratif, Tomes 1 et 2, Coll. Thémis Droit Public, 12ème
édition, PUF, 1992.
Il - COURS POLYCOPIES
· BINYOUM (j),
- Droit Administratif, 2ème année de licence,
Faculté de Droit et
des Sciences Economiques, Université de Yaoundé, 1984.
-
Contentieux
Administratif,
3ème
année
de
licence,
Faculté
de
Droit et des Sciences Economiques, Université de Yaoundé, 1992.
·
KAMDEM
(j.e.),
Contentieux Administratif, Tomes 1 et 2,
Faculté de Droit et des
Sciences Economiques, Université de Yaoundé, 1986.
· MBARGA (e),
Cours de Droit Administratif Camerounais, Université de Yaoundé.
· MOMO (b),
Droit Administratif, 2ème année de licence, Faculté de Droit des
»

Sciences Economiques, Université de Yaoundé, 1986.
III - OUVRAGES SPECIAUX
· ARDANT (p),
La responsabilité de l'Etat du Fait de la Fonction JuridicJionnelle,
Bibliothèque de Droit Public, Tome III, L.G.D.J.
· BRETON (j.m.),
Le Contrôle d'Etat sur le Continent Africain,
Bibliothèque Africaine
et Malgache, Tome 29, L.G.D.J., Paris, 1978.
· BRETTON (ph),
L'autorité
judiciaire
gardienne
des
libertés
essentielles
et de
la
propriété privée,
Bibliothèque de Droit Public,
Tome 58,
L.G.D.J.,
Paris, 1964.
· CATHAlA (t),
Le
Contrôle
de
la
légalité
administrative
par
les
tribunaux
judiciaires, Bibliothèque de Droit Public, Tome 67, L.G.D.J., 1966.
·
CERAP
(Centre
d'Etudes
et
de
Recherches
sur
l'Admi-
nistration
Publique,
Université
de
Paris
1
(Panthéon-
Sorbonne)
),
Le
Contrôle
juridictionnel
de
l'administration
-
Bilan
critique,
Economica, Paris, 1991.
· CHABANOl (d),
La
pratique
du
contentieux
administratif
devant
les
tribunaux
administratifs
et
les
Cours
administratives
d'appel,
2ème
édition,
UTEe, Paris, 1991.
· CHARLES (h),
"Actes
ra ttachables"
et
"Actes
détachables" en
d ra it
ad m i-
nistrat;f
Français
(Contribution
à
une
théorie
de
l'opération
administrative). Bibliothèque de Droit Public, Tome LXXX, L.G.D.J.,
Paris, 1968 .
.J-'~-:-:­
Si)e..!: _ ., $

· DESFORGES (c),
La compétence juridictionnelle du Conseil d'Etat et des Tri-bunaux
administratifs, L.G.D.J., Paris, 1969.
· DOUC RASY,
Les Frontières de la faute personnelle et de la Faute de service en
droit administratif Français, Tome XLIII, L.G.D.J., Paris, 1962.
· DUEZ (p),
Les
actes
de
Gouvernement,
Bibliothèque
de
l'Institut
Inter-
nationnal
de
Droit public,
Tome
VII,
Librairie
du
Recueil
Sirey,
Paris, 1935.
· DUFAU 0),
Le domaine public, coll. l'actualité juridique,
Editions du Moniteur,
Tomes 1 et 2, 3è édition, Paris, 1990.
· DUPUIS (g), études coordonnées par :
Sur la forme
et la procédure de
l'acte administratif,
Recherches
de
l'Université
de
Paris
1 Panthéon-Sorbonne,
Série
Sciences
Juridiques-Administration Publique,
Ed.
Economica,
Paris 1979.
· DURAND (cl),
Les
rapports
entre
les
juridictions
administrative
et
jud~iaire,
Bibliothèque de Droit public, Tome Il, L.G.D.J., Paris, 1956.
· FANACI (p),
La justice administrative, Coll. que sais-je ? PUF, 1980, N° 1806.
· FOUGERE (1),
Le Conseil d'Etat, Ed. du C.N.R.S., Paris, 1975.
· FRAYSSINET 0), GUIN (j.p) et BLUM (1),
Administration
et
justice
administrative
face
aux
administrés,
P.U.F., Paris, 1972.
· GOUR (c.g),
Le
Contentieux
des
services
judiciaires
et
le juge
adminiuratif
(problème de compétence), Bibliothèque de Droit Public, Tome 26,
L.G.D.J., Paris, 1960.

~7"'''- :m"ZW"
· HOSTIOU (r),
Procédure
et
formes
de
l'acte
administratif
unilatéral
en
droit
Français, Bibliothèque de Droit Public, Tome CXIX, L.G.D.J., Paris,
1975.
· JEAN MICHEL,
Manuel
pratique
de
contentieux
administratif,
Ministère
des
Affaires
Sociales
et
de
l'Emploi,
La
Documentation
Française,
Paris, 1987.
· KESSLER (m.c),
Le Conseil d'Etat, A. Colin, Paris, 1968.
· KLEIN (c),
La police du Domaine public, L.G.D.J., 1966.
· 'LANDON (m.c),
- Histoire abrégée du recours pour excès de pouvoir des angines à
1954, Bibliothèque de Droit Public, Tome IL, L.G.D.J., Paris, 1962 ;
- Le recours
pour excès de pouvoir depuis
1954 (Douze ans de
jurisprudence), Bibliothèque de Droit public, Tome LXXXIII L.G.D.J.,
Paris, 1968.
· LEFEBURE (m),
Le pouvoir d'action
unilatérale de l'administration en droit Anglais
et Français, Bibliothèque de Droit public, Tome XXXV L.G.D.J., Paris,
1961 .
· MAESTRE (i.e),
La
Responsabilité
pécuniaire
des
agents
publics
Français,
Bibliothèque de Droit public, Tome 50, L.G.D.J., Paris, 1962.
· MANGIN
(f),
L'organisation
judiciaire
des
Etats
d'Afrique
et
de
Madagascar,
L.G.D.J., Paris, 1962.
· MAZERES (j.a),
Véhicules
administratifs
et
Responsabilité
publique,
Bibliothèque
de Droit public, Tome 47, L.G.D.J., Paris, 1962.
,; ... ,
:
&:ili!i!ii!&.htAjj·
EtZi.L4so.'--ÙNA..

· MESTRE (a),
Le
Conseil
d'Etat protecteur des
prérogatives de
l'administration,
Bibliothèque de Droit public, Tome 116, L.G.D.J., Paris, 1974.
· NLEP (r.g),
L'Administration
publique
Camerounaise
"Contribution
à
l'étude
des
systèmes
africains
d'administration
publique",
Bibliothèque
Africaine et Malgache, Tome XLI, L.G.D.J., Paris, 1986.
• PAILLET (m),
La
faute
du
service
public
en
Droit
Administratif
Français,
Bibliothèque de Droit public, Tome CXXXVI, L.G.D.J., Paris, 1980.
· PUYSOYE (j),
Le
contentieux
ad mi n istratif
co mpétence
de
la
j u ridictio n
administrative
et
pratique
de
la
procédure
contentieuse,
Ejus,
Paris, 1969.
· RENARD-PAVEN (0),
L'expérience Marocaine d'unité de juridiction et de séparation des
contentieux, L.G.D.J., Paris, 1964.
· RICHER (1),
La faute du service public dans la jurisprudence du Conseil d'Etat,
Economica, Paris, 1978.
· RIVERO (j),
Le pouvoir et les administrés devant le Juge, E.N.A., Paris, 1955.
· ROBERT (j),
Les
violations
de
la
liberté
individuelle
commises
par
l'ad-
.ministration
(le
problème
des
responsabilités),
Bibliothèque
de
Droit public, Tome l, L.G.D.J., Paris.
· SABOURIN (p),
Recherches
sur
la
notion
d'autorité
administrative
en
droit
Français,
Bibliothèque de Droit public, Tome LXIX, L.G.D.J., Paris,
1966.

. TEBOUL (g),
Usages
et
coutume
dans
la
jurisprudence
administrative,
Bibliothèque de Droit public, Tome 153, L.G.D.J., Paris, 1989.
. VINCENT (f),
Le
pouvoir de
décision
unilatérale des
autorités
administra-tives,
Bibliothèque de Droit public, Tome LXX, L.G.D.J., Paris, 1966.
IV - THESES ET MEMQIRES
· BINYOUM (j),
Le contentieux de la légalité en droit administratif CamEH"ounais,
Thèse Droit, Toulouse, 1979.
· DORlENCOURT-DETRAGIACHE (d),
Contribution
à
une
théorie
de
la
carence
en
droit
administratif
Français, Thèse Droit, Paris Il, 1972.
· HELIN
(j.e),
Faute
de
service
et
préjudice
dans
le
contentieux
de
la
responsabilité pour illégalité, Thèse Droit, Nantes,
1969.
· LAVEISSIERE (j),
Le silence de l'Administration, Thèse Droit, Bordeaux l, 1979.
· MBARGA (e),
La Cour Fédérale de Justice, juge administratif de droit commun :
organisation, compétence, procédure, Thèse Droit, Paris, 1967, 157
pages.
· MEVA'A M'EBOUTOU (m),
La
protection
de
l'intégrité
matérielle
du
domaine
public
au
Cameroun, mémoire de licence, Yaoundé, 1972, ronéotypé .
. MOHSEN KHALIL KAMEL,
La
notion
d'illégalité
et
son
rôle
dans
la
responsabilité
de
l'Administration,
Thèse
Oro it,
Paris,
1954, (dactylog raphiée).

. ZE MEKA (r),
La procédure du contentieux administratif au
Cameroun,
Mémoire
de Master's degree de Droit public, Université de Yaoundé, 1983.
v - NOTES DE JURISPRUDENCE
. KAMTO (m),
- Note sous
CS/AP,
24
mars
1983, NJIKIAKAM
TOWA
Maurice,
recueil PENANT, 1985, pp. 347-361 ;
- Note sous CS/CA, 26 avril 1984, RIKAM à NWAE HAMADOU, recueil
PENANT, 1987, pp. 357-367 ;
- Note sous CS/CA, 26 mai 1984, ONGONO Régine (dame veuve),
recueil PENANT, 1989, pp. 517-527.
· lAMPUE (p),
Note sous Cour Suprême du Cameroun, 30 novembre 1972, recueil
PENANT, 1975, pp. 384-388.
· MBOME (f),
Note sous CS/CA, 24 avril 1980, Docteur ESSOUGOU Benoît, recueil
PENANT, 1989, pp. 137-157.
· NLEP (r-g),
- Note sous CS/CA,
29
novembre
1979,
ESSIMI
Fabien,
recueil
PENANT, N° 779, janvier-mars 1983, pp. 66-72 ;
- Note sous CS/CA, 30 avril 1981, GUIFFO Jean-Philippe, recueil
PENANT, N° 777-778, 1982, pp. 73-81 ;
- Note sous CS/CA, 28 janvier 1982, Dame BINAM née Ngo NJOM
Fidèle, recueil PENANT, 1986, pp. 347-360 ;
- Note sous CS/CA, 1er février 1985, SENDE Joseph, recueil PENANT,
N° 792, 1986, pp. 497-507 ;
- Note sous CS/CA, 27 octobre 1988, COMPAGNIE FORESTIERE
SANGHA OUBANGUI, recueil PENANT, N° 806, juin-octobre 1991, pp.
276-286.
- Note sous CS/CA, 29 juin 1989, Société RAZEL-CAMEROUN, recueil
PENANT, N° 807, octobre-décembre 1991, pp. 394-397 .
. PAMBOU TCHIVOUNDA (g),
Note sous Cour Suprême Gabonaise/C.A., TAYLOR DONALD

FINDEM,deux arrêts des 24 mars et 26 mal 1989, recueil PENANT,
1990, pp. 117-138.
· PROUZET (m),
Note sous CFJ/CAY, Arrêt N° 160 du 8 juin 1972. FOUDA MBALLA
Maurice,
Revue
Camerounaise de
Droit,

1, janvier-juin
1972,
pp. 40-41.
· TCHINDJI
(p.p),
Note sous CS/CA, 26 mai 1986, Journal "Le
Messager",
recueil
PENAI\\JT, 1990, pp. 331-341.
VI - ARTICLES
· AUBY (j.m),
Emprise irrégulière et voie de fait, J.C.P., 1955.1.1259.
· BENOIT (f-p),
Juridiction
judiciaire
et
juridiction
administrative,
J.C.P.,
1964.1.1838
;
- Les Fondements de la justice administrative, Mélanges WALlNE,
1974, p. 283.
· BINYOUM (j),
Bilan
de
vingt
ans
de
jurisprudence
administrative
de
la
Cour
Suprême du Cameroun, 1ère partie (1957-1965), R.C.D., N° 15 et N°
16, Série Il, 1978, pp. 23-41
; Ilème partie (1961-1972), p. 54.
·
BIPOUN-WOUM
(j.m),
-
Recherches
sur
les
aspects
actuels
de
la
réception
du
droit
administratif dans les Etab":.,d'Afrique Noire d'expression Française
: le cas du Cameroun, R.J.P.I.C., 1972, N° 3, juillet-septembre, pp.
359-389
;
- La représentation de l'Etat en justice, R.C.D"
2è série, 1984, N°
28, pp. 17-57.
· BLOCH (g-ph),
La notion de travail public en tant que critère de compétence du
Juge administratif, E. D. C, E., 1962, p. 73.
--
-;-----~-
--;--
.. ' ~'~'''-'' .... ~.
œS;CJUN3i.
_aab!iL,.9W!4'.~.- .

· BOCKEl (a),
Le juge et l'Administration en Afrique Noire Francophone, Annales
Africaines de la Faculté de Droit de Dakar, 1971-1972, p. 9 et s.
· BOEHlER (e),
Réflexions sur la nature juridique des ordonnances de l'article 21
de la constitution du 2 juin 1972, R.C.D., N° 5, p. 8.
· BOKALLI
(\\1. [J,
L'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation
en droit
Camerounais,
recueil
PENANT, N° 811, janvier-avril
1993, pp. 27-
52.
· BOUlOUIS (D,
Sur
une
catégorie
nouvelle
d'actes
juridiques
:
les
directives,
recueil
d'Etudes
en
hommage
à
Charles
EISENMANN,
Editions
Cujas, Paris, 1975, p. 191.
· BRARD (y),
Réflexions
sur
le
Code Gabonais des juridictions
administratives,
R.J.P.I.C., N° 3 et N° 4, juillet-décembre, 1985, p. 916.
· BRETTON (ph),
Remarques
sur
quelques
difficultés
que
pose
la
régulation
des
compétences
par
le
Tribunal
des
Conflits,
Mél.
Michel
STASSINOPOULOS,
Coll.
problèmes de droit public contemporain,
L.G.D.J., Paris, 1974, pp. 47-76.
· BUFFADEAU (t),
La délimitation
de
la compétence
de
la juridiction
administrative
par
la jurisprudence
du
Tribunal
des
Conflits,
Livre
jubilaire
du
Conseil d'Etat, recueil Sirey, Paris, 1952, pp. 143-160.
· CAPS (s.p),
La
notion
d'ouvrage
public
tendances
de
la
jurisprudence
récente, R.D.P., 1988, pp. 1671-1720.
· CHAPUS (r),
L'administration
et
son
juge.
Ce
qui
change,
Etudes
et
documents du Conseil d'Etat, N° 43, Rapport public 1991, La

Documentation Française, pp. 259-276 ;
- Qu'est-ce qu'une juridiction
?
La
réponse
de
la jurisprudence
administrative,
Mél.
EISEI\\JMANN,
Paris,
Editions
Cujas,
1975,
p.
233.
· CHEVALLIER (j),
L'interdiction
pour
le
juge
administratif
de
faire
acte
d'administrateur, A.J.D.A., 1972.1.67
Fonction
contentieuse
et
Fonction
juridictionnelle,
Mél.
STASSINOPOULOS, Paris, L.G.D.J., 1974, p. 275.
· DELBEZ (1),
De
l'excès
de
pouvoir comme
source
de
responsabilité,
R.D.P.
1932, p. 440.
· DENOIX de SAINT MARC (r),
Les
Fédérations
sportives
devant
le juge
administratif,
R.F.D.A.,
janvier-février 1985,
p.
66.
· DUFAU (j),
La concession de service public, J.C.A., Fascicule 530.
· DUPUIS (g),
Sur la concession de service public, DALLOZ, 1978, chrono p. 222 ;
- Définition de l'acte unilatéral, Mél. EISENMANN, Ed. Cujas, Paris,
1975, p. 205.
· EISENMANN (ch),
- Sur la compétence des juridictions, DALLOZ, 1948, chronique XIII
- Le Droit Administratif et le principe de légalité, E.D.C.E., 1957, p.
25 ;
-
Le
rapport
entre
la
compétence
juridictionnelle
et
le
Droit
applicable
en
droit administratif
Français,
Mél.
Jacques
MAURY,
Toulouse, DALLOZ-SIREY, 1960.
· FERRARI (p),
Essai
sur
la
notion
de
co-auteurs
d'un
acte
unilatéral
en
droit
administratif Français, Mél. EISENMANN, Ed. Cujas, Paris, 1975, p.
215.
_._----•.._-.
~.' o'
' .
' - ' .
!SiE.a..

· FOUGERE (I),
Les secrets de l' Admin istration, Bulletin de l'I.I.A. P., 1967, p. 21.
· GOHIN (0),
Le contentieux administratif. Coll. documents d'études, N° 2-09 et
2-10, Paris, La Documentation Française, 1988.
· GONIDEC (p.t),
Contrat et recours pour excès de pouvoir, R.D.P., 1950, p. 58.
· GRANJON (d),
Les questions préjudicielles, A.J.D.A., 1968, p. 75.
· JACQUOT (h),
Le contentieux administratif au Cameroun,
R.C.D.,
N° 7 et N° 8,
1975.
· JEANNEAU,
Autour de l'arrêt commune de Gavarnie : la responsabilité du fait
des règlements légalement pris, Mél. SAVATI ER, 1965, p. 375.
· JEZE (g),
Essai d'une théorie générale de l'abstention en Droit Public R.D.P.,
1905, p. 764.
· JOSSE (p-I),
Extension
et limites
des compétences
du
Conseil
d'Etat sur les
actes,
sur
les
juridictions
et
sur
les
ordres,
Livre
jubilaire
du
Conseil d'Etat, Recueil Sirey, Paris, 1952, pp. 161-175.
·
KAMDEM
(j-c),
L'intérêt
et
la
qualité
dans
la
procédure
administrative
contentieuse, R.C.D., 2è série, 1984, N° 28, pp. 59-72.
· KAMTO (m),
- Introduction au Droit de l'urbanisme du Cameroun,
R.D.P.
1988,
pp. 1609-1664 ;
- La fonction
administrative contentieuse de la Cour Suprême du
Cameroun, in les Cours Suprêmes en Afrique, (sous la direction de
Gérard CONAC et Jean DUBOIS de GAUDUSSON), Tome III, Economica,
~~.----. " ,
.
L?!J?S.\\!f&&.3LA._
~W;gM" o.
,

Paris, 1988, pp. 31-67.
· LAMPUE (p),
La
justice
administrative
dans
les
Etats
d'Afrique
Francophone,
R.J.P.I.C., janvier-mars 1965, pp. 3-31.
· LEGAL (h),
Les pouvoirs du Président de la Juridiction administrative, R.F.D.A.,
juillet-août
1993,
p.
760.
· L1ET-VEAUX (g),
Réflexions
sur
la
séparation
des
contentieux,
Revue
Administrative, 1956, p. 369 ;
L'évolution
aberrante
de
la
procédure
du
silence,
Revue
Administrative, 1964, p. 253 ;
Identification
de
la
Concession
de
Service
public,
Revue
Administrative,
1968,
pp.
715-717.
· LUCHAIRE (f),
Les Conseils du contentieux administratif, R.J.P.O.M., 1956, p. 705.
· MALEVILLE (g),
Détermination
des
compétences
des
juridictions
administratives
et
judiciaires
(extension
de
la
compétence
des
tribunaux
judiciaires en cas d'emprise ou de voie de fait), J.C.A., Fasc. 605.
· MAMADI KOUROUMA,
Dix
ans
de
contentieux
électoral
mun icipal
en
Côte-d'Ivoire
(1981-1991), Recueil PENANT, N° 813, octobre-décembre, 1993, pp.
292-322.
· MANDABA-BORNOU (f),
Le
contentieux
administratif
en
Centrafrique
après
la
réforme
judiciaire du 28 novembre 1987,
1ère partie,
Recueil
PENANT N°
810, p. 326 ; Ilè partie, Recueil PENANT, N° 811, p. 93.
· MANGIN (9),
L'organisation
judiciaire
des
Etats
d'Afrique
et
de
Madagascar,
R.~.P. d'O.M., 1962, N° 1.

. MASSINA (p),
Plaidoyer
pour
le
fonctionnement
de
la
juridiction
administrative
au TOGO, Recueil PENANT, 1990, pp. 403-421 .
. MATERI YEM GOURI,
- Le bilan de l'unité du droit administratif dans les Pays d'Afrique
Noire Francophone, Recueil PENANT, 1988, pp. 293-307.
- La Responsabilité Civile de l'Etat : une application maladroite du
droit administratif par le juge judiciaire Africain,
R.J.P.I.C.,
N° 3,
juillet-septembre
1987,
pp.
199-214.
.
MBOUYOM
(f-x),
Les
mécanismes
juridiques
de
protection
des
droits
de
la
personne (au Cameroun),
R.J.P.I.C.,
1982,
pp.
56-72
(intervention
au
XIVè
Congrès de
l'Institut International de
Droit d'expression
Française), I.D.E.F., MONTREAL (CANADA). du 12 au 19 septembre
1981.
· MESCHERIAKOFF (a-s),
Le
déclin
de
la
fonction
administrative
contentieuse
au
Cameroun, R.J.P.I.C., N° 4, octobre-décembre, 1980, pp. 825-840 ;
-
Le
régime
juridique
du
recours
gracieux
préalable
dans
la
jurisprudence administrative Camerounaise,
R.C.D., série Il,
N° 15
et N° 16, 1978, pp. 42-55.
· MORANGE(7),
L'irresponsabilité
de
l'Etat
législateur
évolution
et
avenir,
D.
1962, p. 163.
· MOREAU (j),
- La cause de la demande en justice dans le contentieux de la
responsabilité
administrative
extra-contractuelle,
Mél.
Michel
STASSINOPOULOS, Coll. problèmes de Droit public contemporain,
L.G.D.J., 1974, pp. 77-94 ;
- Dommages causés
par des décisions administratives entachées
d'excès de pouvoir, J.C.A., N° 720 ;
-
Compétence
administrative
(répartition
des
compétences
entre
le judiciaire
et
l'administratif),
Encyclopédie
DALLOZ,
contentieux
Administratif,
Tome
1.
---_._---. _..
<.i*", ".
.
".
'ZlLîJih{O.J'M!fJ,g§?~ - SfiZ!F~.aaEl.k_ . _.

· NGONGANG WANDJI (a),
Les
traits
caractéristiques
de
la
responsabilité
de
l'Administration
publique Cameroun2,ise du fait de ses agents, R.J.P .I.C., 1973, pp.
839-848.
• NGUINI
(m),
La Cour Fédérale de Justice du Cameroun, Recueil PENANT, 1973,
pp.
337-349.
· OWONA (j),
- La nouvelle constitution Camerounaise du 20 mai 1972 : de l'Etat
Fédéral à l'Etat Unitaire, R.J.P.I.C., janvier-mars 1973, pp. 3-40 ;
-
L'institutionnalisation
de
la
légalité
d'exception
dans
le
droit
public Camerounais, R.C.D., n° 4, pp. 104-123 ; R.J.P.I.C., 1975, pp.
3-49 ;
- La
Réforme politique et constitutionnelle de la
République
Unie
du Cameroun, R.J.P.I.C., octobre-novembre 1975, pp. 486-510.
· PAUTI (m),
La décision implicite d'acceptation, R.D.P., 1975, p. 1525.
· PINTO (r),
La
répartition
des
compétences
entre
la
juridiction
administrative
et
la
juridiction
judiciaire
en
matière
de
contentieux
administratif,
A.J.,
1954.1.1.
· PROUZET (m),
L'expropriation
pour
cause
d'utilité
publique
au
Cameroun
Oriental, R.C.D., N° 1, janvier-juin, 1972, pp. 27-33.
· RIVERO (j),
Le Conseil d'Etat, Cour régulatrice, D. 1954, Chrono 157.
· SCHWARTZ (r),
L'actualité du droit public et de son Juge, Revue Administrative, N°
267, mai-juin 1992, p. 197.
· SINDJOUN (1),
Esquisse de théorie du
Droit
Administrat;f Camerounais
(à propos
du
droit
administratif
processuel
du
professeur
KAMTO),
Recueil
PENANT, N° 813, octobre-décembre, 1993, pp. 323-329.

· TOURDIAS (m),
Le
Tribunal
administratif,
juge
de
droit
commun
en
matière
administrative depuis 1954, J. C. P.,
1960.1.1580.
· VEDEL (g),
La juridiction
compétente
pour
prévenir,
faire
cesser
ou
réparer
la voie de fait administrative, J.C.P., 1950.1.851.
· VINCENT (j.y),
Acte
administratif
(généralités,
définition,
auteur,
formes
et
procédure),
J.C.A.,
Fasc.
107,
(Information
des
administrés,
publicité,
motivation),
Fasc.
108.
· WALINE (m),
Le pouvoir normatif de la jurisprudence, Mél. SCELLE, 1950, p. 627.
· WEIL (p),
A propos de l'application par les tribunaux judiciaires des règles
du
droit
public
ou
les
surprises
de
la
jurisprudence
GIRY,
Mélanges EISEN MANN.
'.~ .,' ",'
.".: . .~.
.
~~k&iîtWMiJ&iflJlli!!16Z_'.4.wa;,,&;..•.•4.iA

TABLE DES MATIERES
.':' .:.. ". ' ~~.: . "~
.
aili1t14iii&.:l!I·.~-a",Œ'iiibei'~m;gé!'dUi,ii&td2&!4&Jj;g ,5&,,;:;; " lA

Page
INTRODUCTION
,. Intérêt de l'étude
4
11- Délimitation du sujet
1 2
11I- Evolution historique de la juridiction administrative
1 5
1V- Exposé du plan
27
eremière Partie : LE CONTENTIEUX DES ACTES NORMATEURS
29 bis
CHAe.ITRE 1 : LES CONTESTATIONS RELATIVES AUX DECI-
SIONS ADMINISTRATIVES
32
SECTION 1: ELEMENTS THEORIQUES ET REALITE DE L'ACTE
ADMINISTRATIF UNILATERAL
34
SIS 1 : Le principe de la définition jurisprudentielle.
3 5
1: LE RAPPORT ENTRE LA DECISION UNILATERALE ET L'ACTE
JURIDIQUE
3 7
A
Approche traditionnelle de l'acte juridique.
37
S
Critique et présentation nouvelles.
39
1\\ : L'ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL EST L'EMANATION DE
L'AUTORITE ADMINISTRATIVE
4 1
A : L'exclusivité de la compétence de l'autorité admi-
nistrative
42
8
: La flexibilité jurisprudentielle.
48
III : L'ACTE ADMINISTRATIF, CREATEUR DE DROITS ET D'OBLIGA-
TIONS
53
A
Les lacunes de la conception du juge administratif.
54
S
La nécéssité d'une précision théorique.
56
- .
~.-.
----_._-".

SIS 2 : L'acte administratif unilatéral dans sa perspective
concrète.
57
1: LE CLASSICISME DE LA PRESENTATION ECRITE.
58
A
L'inamovible scriptomanie administrative.
58
B
Le contenu de l'acte administratif rédigé.
68
Il : LES MODALITES NON MATERIALISEES DE L'ACTE UNILATERAL.
77
A : Les actes oraux ou gestuels dans l'activité adminis-
nistrative.
77
B : L'interprétation double du silence de l'Administra-
tion.
80
1 : Le silence peut correspondre à une décision impli-
cite de rejet.
8 1
2 : Le silence peut également signifier une décision
implicite
d'acceptation
8 4
SECTION" : LE CONTENTIEUX JURIDICTIONNEL DE L'ACTE ADMI-
NISTRATIF UNILATERAL.
8 7
SIS 1 : Le contentieux de l'annulation.
88
1: LES CONDITIONS DE RECEVABILITE DU RECOURS POUR EXCES
DE POUVOIR.
8 9
A : Les règles inhérentes à la nature de la décision en
procès
90
1 : La limitation du recours au seul acte administra-
tif.
9 0
2 : La limitation du recours à l'acte "faisant grief".
92
B : La double dimension personnelle et temporelle du re-
cours
contentieux.
97
1 : La qualité et l'intérêt pour agir de la personne
requérante.
97
2 : La dimension temporelle du recours pour excès de
pouvoir.
102
a : Le recours gracieux préalable précède la marge

du délai du recours pour excès de pouvoir.
1 03
b : Le délai proprement dit.
1 1 7
Il : LES CAS D'OUVERTURE DU RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR.
1 1 9
A : Les illégalités externes à la décision administrative.
1 20
1.
L'incompétence
1 20
2. Le vice de forme.
1 25
8 : Les illégalités internes à la décision administrative.
1 28
1. La violation d'une disposition légale ou réglemen-
taire
128
2. Le détournement de pouvoir.
1 31
SIS "
: Le contentieux de la réparation.
1 33
1. : LES PROBLEMES THEORIQUES DU RECOURS EN INDEMNISATION
DU FAIT D'UN ACTES ADMINISTRATIF.
134
A : L'interprétation du principe des "actions en indem-
nisation du préjudice causé par un acte administra-
tif".
134
8 : La détermination du fondement d'une telle action en
indemnisation.
136
C : Le rapprochement des conditions de saisine du juge
dans les contentieux de l'annulation et de la répara-
tion.
141
III : LES MODALITES PRATIQUES DE L'INDEMNISATION.
144
A : La fixation jurisprudentielle des critères du préju-
dice
réparable.
144
8
La consécration d'une forme exclusive de réparation.
147
C : L'étendue de la réparation du préjudice.
148
CHAPITRE" : LE LITIGE RELATIF AU CONTRAT ADMINIS-
TRATIF.
153
SECTION 1 : LE CONTRAT ADMINISTRATIF DANS LE DROIT POSITIF.
1 5 5
SIS 1 : L'indétermination de la notion de contrat administratif
1 56
.-._._._~_.
.
iliiiiïéwtr; li ·3 :LiJ_&iiiiitia.taa4ll&""gJUZ/}JiŒ.a...,&_zs.~.

1: LES LACUNES DU DROIT ECRIT.
1 57
A : Le mutisme de la loi.
1 57
B : L'approche réductionniste de la norme réglementaire.
1 58
Il : LA CARENCE DU DROIT JURISPRUDENTIEL.
1 59
A : Le fait.
1 5 9
B : L'explication.
1 61
SIS "
: La réalité discriminatoire des méthodes de contrac-
tualisation.
162
1: LA TENDANCE MONOPOLISTIQUE DU MARCHE PUBLIC.
1 63
A
La prolifération d'une technique contractuelle.
163
B
La signification de l'expression marché public.
165
Il : LA QUASI-MARGINALISATION DES AUTRES VARIANTES CONTRAC-
TUELLES EXISTANTES
1 6 7
SECTION": LA COMPETENCE CONTENTIEUSE DU JUGE EN MATIERE
CONTRACTUELLE
173
SIS 1 : La distinction explicite de l'étendue de sa com-
pétence.
174
1: LE TERRAIN CONTENTIEUX INSUSCEPTIBLE D'ACTION JURIDICTION-
NELLE.
174
A : L'interprétation et la résiliation de l'acte normateur
contractuel.
175
B : La contestation contractuelle à l'appui du recours
pour excès de pouvoir.
1 79
Il : LE CONTENTIEUX DE LA RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE
CONTRACTUELLE.
180
A : Les conditions techniques de l'ouverture du droit à
l'indemnisation.
182
B : Les droits a indemnité proprement dits.
1 85
-----_.-.
,
'~..
~


, o.
ililDii~Gl'J2i1ii!\\CiZl!SZiU[
..'L ..,,%2!J;J5lii.M~ .4

SIS "
: Le glissement implicite vers le contentieux de
l'excès de pouvoir.
186
1: L'ETAT DE LA JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE.
186
Il : L'AVENIR DE LA COMPATIBILITE DU LITIGE CONTRACTUEL AVEC
LE RECOlIRS EN ANNULATION POUR EXCES DE POUVOIR.
190
CONCLUSION PARTIELLE.
1 92
Deuxième Partie : LES ESPACES DE COMPETENCE
ADDITIFS.
194
CHAPITRE 1 : LE DOMAINE PUBLIC.
1 96
SECTION 1: LES APPROCHES DE DEFINITION DU DOMAINE PUBLIC
DANS LA LEGISLATION NATIONALE.
1 98
SIS 1:
L'acception générale et abstraite:'
LE CRITERE DU
DOMAINE' . PUBLIC
199
1: L'IMPORTANCE DU CRrrERE DE L'AFFECTATION.
199
Il : LA SUBSIDIARITE DE LA NATURE DU BIEN INCORPORE AU
DOMAINE PUBLIC.
202
SIS Il : La définition descriptive ou la composition du
domaine
public.
204
1: LE DOMAINE PUBLIC NATUREL.
204
Il : LE DOMAINE PUBLIC ARTIFICIEL.
206
SECTION Il : LES INSUFFISANCES DU CONTENTIEUX.
207
SIS 1 : Le contentieux théorique des actes formels.
208
SIS Il : La faiblesse du contentieux des dommages causés aux
particuliers par les biens du domaine public.
211
1: QUANTITATIVEMENT.
212
\\1 :,QUALITATIVEMENT.
218

.CHAPITRE II : ESSAI DE SYSTEMATISATION DES TITRES DE
. !COMPETENCE EPARS.
225
SECTION 1: L'ELARGISSEMENT DU DOMAINE CONTENTIEUX PAR DEVQ
! . '

LUTION LEGALE SPECIFIQUE
227
SIS , : Le schéma des catégories de litiges.
227
1: LA LEGISLATION RELATIVE AUX LIBERTES PUBLIQUES.
228
A : Le contentieux de l'agrément.
228
1
La liberté d'association.
229
2 : La liberté partisane.
235
3 : La liberté de publication des organes de presse.
239
B
Le contentieux électoral.
244
1.
Les
élections
politico-administratives.
245
a : le contentieux électoral présidentiel.
245
b : les contentieux électoraux municipaux et légis-
la tifs.
260
2 : les élections simplement administratives.
265
\\1 : LA LEGISLATION RELATIVES AUX LITIGES D'ORDRE
FINANCIER.
269
SIS Il : Les spécificités de la technique de dévolution de
compétences par une norme particulière.
272
1: L'EROSION DE LA COUVERTURE PRECONTENTIEUSE CLASSIQUE
DE L'ADMINISTRATION.
273
Il : L'EMERGENCE D'UNE PROTECTION CONTENTIEUSE DU JUSTI-
CIABLE.
276
III : LA TENDANCE A LA RECHERCHE DES EQUILIBRES DANS LA PROCE-
"
DURE CONTENTIEUSE.
2 8 2
SECTION" : L'EXTENSION JURISPRUDENTIELLE DE COMPETENCE
2 8 5
SIS , : L'étendue de la détermination prétorienne de compé-
tence.
286
. -
~--'-'~---
1
~'_. •

1M''4'+5f,;;**&- *
iUIJ§li.iasMaa..d4...Z&;&.JL.... ~YL,;i;:;l_ "'~. .

SIS Il : L'extensibilité optimale de la matière contentieuse.
291
1: LA NATURE EVOLUTIVE DU DROIT DE LA COMPETENCE DU JUGE
291
Il : LES INCIDENCES SUR LE PLAN PRATIQUE.
29 4
CONCLUSION PARTIELLE.
297
Troisième Partie : LES EXCEPTIONS A LA COMPETENCE
DE LA JURIDICTION ADMINISTRAllVE.
298
ÇHAPITRE 1 - LES EXCEPTIONS PAR DES DISPQSITIQNS
IEXTUELLES : UN CHAMP D'APPLICAllON LARGE.
301
SECTION 1: LA COMPETENCE DU JUGE JUDICIAIRE EN MATIERE DE
CONTENTIEUX DE L'ADMINISTRA,!'ION
303
SIS 1 : Les actions en responsabilité de la puissance
~........
.....,
publique.
304
.'
1: LE CONTENTIEUX GENERAL DES CAS DE SUBSTITUTION DE RES-
PONSABILITE.
3 0 4
A : La délimitation du domaine d'application.
307
1 : Les dommages exclus de la compétence du juge
judiciaire.
307
2 : Les dommages déférables au juge judiciaire.
308
B
Les conditions préalables à la substitution de
respo nsab i1ité.
312
1 : L'auteur du dommage.
312
2 : Les circonstances relatives à la réalisation du
dommage.
314
--,.'-
,
C : La mise en oeuvre de la substitution de responsabili-
té.
318
1
Le principe de l'endossement, par la puissance
publique, de la responsabilité de son agent
fautif.
318
2
L'atténuation au principe de l'endossement de la
responsabilité : l'action de la personne publique
.... -.- - - - : - - ..
- '
iÈiiiiEsüi:::4&z::i~mS\\îh:iu!t\\!à"'Y!'l""hCf5,)<ika A

contre son agent.
322
Il : LES CONTENTIEUX SPECIFIES.
326
A : Les atteintes administratives au droit de propriété
et aux libertés.
326
1 : L'emprise.
326
2 : La voie de fait.
330
S : Le contentieux de l'indemnisation tenant à l'expro-
l'expropriation
pour cause d'utilité
publique
337
1 : Principe : la compétence judiciaire en matière de
réparation
du
préjudice
337
2 : Limites : Le contrôle de la régularité des actes
administratifs
de
la
procédure
d'expropriation.
340
a : Les actes administratifs.
341
b : Le non-respect de la destination d'utilité pu-
blique et le problème de la rétrocession.
342
SIS Il : Le problème des règles de compétence en matière de
questions
préjudicielles.
348
1: LE CONTENTIEUX DE L'INTERPRETATION DES DECISIONS ADMI-
NISTRAriVES.
349
Il : LE REGIME JURIDICTIONNEL DU CONTENTIEUX DE L'APPRECIA-
TION DE LEGALITE DES ACTES ADMINISTRATIFS.
353
SECTION" : LA SOUSTRACTION DE L'ACTIVITE ADMINISTRATIVE A
TOUT CONTROLE JURIDICTIONNEL CLASSIQUE.
356
SIS 1 : La préservation des actes de gouvernement contre
toute
contestation
juridictionnelle.
357
1: LA GENESE D'UNE THEORIE JURISPRUDENTIELLE EN DROIT
FRANCAIS.
358
A : Le domaine de l'acte de gouvernement.
360
1
: Les actes
relatifs aux relations du gouvernement
avec
les chambres parlementaires.
360
2 : Les actes relatifs aux relations internationales.
363
.: ...", -:'.
.;.
"éMU
. a4i.'1_.mdl~aM!i&anM;;uçc.\\i1JJA

B : LE REGIME D'IMMUNITE JURIDICTIONNELLE DE L'ACTE DE
GOlNERNEMENT.
36 9
1 : La règle de l'immunité absolue.
369
2 : Les limites à la règle.
370
-II : LA TRANSPOSITION THEORIQUE DANS L'ORDONNANCEMENT JURI-
DIQUE CAMEROUNAIS.
373
A : Les données de la réception jurisprudentielle.
374
B :La création d'une nouvelle variante d'actes de gouverne-
ment par le législateur
384
SIS Il : La juridiction militaire et le réglement des pro-
blèmes de
l'adminis
--tration
militaire.
391
1: LA COMPETENCE MATERIELLE DU TRIBUNAL MILITAIRE.
392
Il : LES STRUCTURES ORGANIQUES ET FONCTIONNELLES.
3 9 5
III. : REFLEXIONS SUR LE DEGRE D'ORIGINALITE DE LA
STRUCTURATION DU TRIBUNAL MILITAIRE.
402
CHAPITRE Il - LES EXCEPTIONS JURISPRUDENTIELLES
UN
CHAMP D'APPLICATION RESTREINT.
405
SECTION 1: LE CONTENTIEUX DE LA RESPONSABILITE DU SERVICE
PUBLIC DE LA JUSTICE.
408
SIS 1 : L'état du droit jurisprudentiel des contestations
provoquées par l'exercice de la fonction juri-
dictionnelle.
409
1: LA QUESTION RESOLUE.
409
Il : LA QUESTION EN SUSPENS.
41 3
. SIS Il : Le problème théorique du contentieux de la res-
ponsabilité due à l'organisation
des juridictions.
41 4

SECTION Il: LE CONTENTIEUX DES ACTES', DE DROIT PRIVE DL
L'ADMINISTRATION.
420
SIS 1 : Les actes de gestion du domaine privé de l'Etat.
421
1. LE PRINCIPE DE LA POSITION JURISPRUDENTIELLE.
421
II. ELEMENTS D'ANALYSE CRITIQUE.
427
SIS Il : Les contrats de droit privé conclus par la puissance
publique.
436
1. ENONCE DE LA REGLE ET DETERMINATION DE LA COMPETENCE
JURIDICTIONNELLE.
437
II. LE PROBLEME PARTICULIER DES CONTRATS LIANT L'ETAT A SES
AGENTS NON FONCTIONNAIRES.
4 3 9
I~
CONCLUSION GENERALE.
450
','
ANNEXE.
465
JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE NATIONALE CITEE.
468
,
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE.
483Bis
" ,
..
TABLE DES MATIERES
500
, '
,.
. ;