UNI VER S 1 T EDE
POl T 1 ERS
FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES SOCIALES
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CON TRI BUT ION
A L'E T U D EDE S
A U TOR 1 TES
A D MIN 1 S T RAT 1 V E S I N D E PEN DAN TES
THESE POUR LE DOCTORAT EN DROIT
PRESENTEE ET SOUTENUE PAR
SALL BABALY
JURY :
PRESIDENT - MONSIEUR HUBERT-G~RALD HUBRECHT, PROFESSEU~ À
L'UNIVERSIT~ DE BORDEAUX 1
SUFFRAGANTS - MONSIEUR JEAN DU BOIS DE GAUDUSSON, PROFESSEUR
À L'UNIVERSIT~ DE BORDEAUX
- MONSIEUR JEAN-FRANÇOIS LACHAUME, PROFESSEUR À
L'UNIVERSIT~ DE POITIERS
- MONSIEUR YVES MADIOT, PROFESSEUR À L'UrHVERSIT~
DE POITIERS
- MONSIEUR JEAN-LoUIS GOUSSEAU, MAîTRE DE CONFËRENCES
À L'UNIVERSIT~ DE POITIERS
MAI 1990

"La
Faculté
n'entend
donner
aucune
approbation ni improbation aux opinions émises
dans
les
thèses
ces
opinions
doivent
être
considérées
comme
propres
à
leurs
auteurs".

A V A N T
PRO P 0 S
Ces
recherches
o~t
été
e~treprises da~s
le
coura~t de
l'a~~ée
1985.
A l'époque,
le mouveme~t de créatio~ des Autori tés Admi~istratives I~dé­
pe~da~tes était, certes, déjà importa~t mais il ~e recouvrait pas e~core cette qualité
qu'o~ lui prêterait aujourd'hui: la co~sjsta~ce.
C'est dire que la lo~gue recherche, de la part du législateur, du modèle
adéquat de l'"autorité indépendante" a affecté ~otre travail.
Cepe~da~t malgré
tous
~os efforts
pour
couvrir
l'e~semble des phases
de constructio~
de la catégorie nouvelle, nous n'avons pu tenir compte dans l'étude,
des nouvelles dispositions issues des lois
des 17 janvier et 2 août 1989 qui, respec-
tiveme~t, instituent le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel à la place de la Commission
Nationale de la Communication et des Libertés et modifient le statut de la Commission
des Opératio~s de Bourse.
En effet,
ce
travail
était déjà à son stade final
lorsque les
textes
précités furent votés; il était alors difficile, sauf à envisager une refonte totale,
d'intégrer les analyses qui leur sont relatives.
Nous avons décidé de leur consacrer une place à part dans ~n addendum ;
celui-ci nous permettra par ailleurs d'esquisser, à partir de la jurisprudence récente
du Conseil Consti tutionnel,
une théorie que
l'on pourrai t co~s idérer comme générale
pour les nouveaux organismes (*).
(*)
Oécisio~s 248 OC du 17 janvier 1989 et 260 OC du 28 juillet 1989 relatives respec-
tivement
au Conseil
Supérieur de
l'Audiovisuel et à
la Commissio~ des
Opératio~s de Bourses.

LISTE DES ABREVIATIONS UTILISEES *
A. A. 1.
Autorités Administratives Indépendantes
A.P.A.
Administration Procedure Act.
C.N.LL.
Commission
Nationale
de
l'Informatique
et
des
Libertés
C. A. O. A.
Commission r1'Ar:r:ps 311)( nnrllments Arlministratifs
C.N.C.L.
Commission
Nationale
de
la
Communication
et
des
Libertés
C.O.B.
Commission des Opérations de Bourse
C.B.V.
Conseil des Bourses de Valeur
C.M.T.R.
ou
C.M.T.
Conseil
des
Marchés
à
Termes
Réglementés
C.R.T.C.
Commission
de
la
radio
diffusion
et
de
la
Télévision
Canadienne
C.T.P.P.
: Commission pour la Transparence et
le Pluralisme de la
Presse
Cons. Const.
ou C.C.
Conseil Constitutionnel
C.E.
: Conseil d'Etat
Casso
: Cour de Cassation
C.A.
Cour d'Appel
A.L.D.
Actualités Législatives Dalloz
A.J.D.A.
ou
A.J.
Actualité
Juridique
du
Droit
Administratif
C.J.E.G.
Cahiers
Juridiques
de
l'Electricité
et
du
Gaz
Chrono
Chronique
O., D-S.
Dalloz, Dalloz-Sirey.
E.D.C.E.
Etudes et Documents du Conseil d'Etat
G.A.J.A.
Les
Grands
Arrêts
de
la
Jurisprudence
Administrative
Gaz.
Pal.
Gazette du Palais
La Doc. Fr.
: La Documentation Française
J.C.P.
éd.
G.
ou
éd.
E.
Semaine
Juridique
(Juris-classeur
Pério-
dique) édition Générale ou édition Entreprise.
Rec.1
Ou
R.I
Recueil
des
décisions
du
Conseil
d'Etat
(Lebon)
Rev.
Adm.
ou R.A.
Revue Administrative
Rev.
des Sociétés
Revue des Sociétés
R.D.P.
Revue du Droit Public
R.F.D.A.
Revue Française de Droit Administratif
R.F.S.P.
Revue Française de Science Politique.
* Les premiers chapitres de ce chapitre contiennent des abréviations
que
l'usage
ne
consacre
pas
s'agissant
de
l'emploi
de
certains
mots
ou
termes
dans
le
corps
même
du
texte.
Nous
en
exprimons
ici
le
regret.
Ces mots
et
termes
sont
reproduits
en
tête
de
notre
liste.

RESUME DE LA THESE
Nous assistons,
depuis
une dizaine d'années,
à la création systématique
au
sein
ou
aux
côtés
de
l'administration
centrale
d'organismes que
le
législateur
qualifie
d'indépendants
ou
que
les
commentateurs
considèrent
comme
tels.
Ces autor ités
font
aujourd' hu i l ' objet,
avec d' aut res
i ns ti tut ions dont
les
pouvoirs
et
les missions
sont
plus
indéterminés,
d'une classi fication
sous
le
vocable d "'Autorités Aaninistratives Indépendantes".
Cette
démarche
privilégie
assurément
la
dimension
socio-politique
du
mouvement qui ne corrobore pas l'idée de base contenue dans la création des nouvelles
autorités, même si par ailleurs elle a l'avantage de mettre l'accent sur la transfor-
mation latente qui
s'opère au niveau de l'exercice du pouvoir au sein de l'Etat. En
effet
la
création
des
autorités
indépendantes
est
d'abord
fondée
sur
la nécessité
de soustraire certains secteurs d'exercice des
libertés et des droits essentiels aux
influences de nature politique ou autres.
En
ce
sens,
l'analyse
juridique
de
la
nouvelle
catégorie d'organismes
non seulement infirme la démarche précédemment citée mais relativise surtout l' indépen-
dance qui s'attache à leur statut.
Elle n'en laisse pas moins subsister
la contradiction entre les données
constitutionnelles
relatives
à
la
dépendance
des
organes
administratifs
à
l'égard
du pouvoir exécutif et cette
indépendance organique et fonctionnelle,
sauf à ramener
cet te dernière à une simp le autonomi e ; ce qui ne saura it être sati s fai sant eu égard
aux objectifs qui leur sont fixés.
LISTE lES MOTS--QES
Autorités Aaninistratives Indépendantes, autorité, autonomie, conseil, contrôle, consen-
sus, défense, dépendance,
droits,
Etat, équité,
indépendance,
intervention, juridic-
tion,
légitimité,
libertés,
législateur,
médiation,
pouvoirs,
politique,
réglement,
régulation, sagesse, sanction, statut.

A mes Parents.
A Mary.
Remerciements et gratitude à Monsieur le Professeur Hubert
Gérald HUBRECHT dont les conseils et la disponibilité nous ont permis
de mener à terme cette recherche.

1 NT R 0 DUC T ION
G E N E R ALE

Le Président de
la République,
que
l'on interrogeait lors
d'une émission
télévisée du
début
de
l'année
1989 sur
la politique
économique du gouvernement, définissait la démarche qui devait guider
les
pouvoirs
publics en
la
matière
dans
les termes suivants
"ni
nationalisation, ni privatisation" (1).
Ce sont là des propos qui résument parfaitement la volonté
politique nouvelle de cantonner l'Etat dans certains secteurs précis
à une fonction d'arbitre.
En
effet,
on
s'éloigne
de
plus
en
plus
aujourd'hui
de
l'image
traditionnelle
d'un
Etat
gestionnaire
omnipotent,
centra-
lisateur.
Toutefois l'objectif final n'est pas l'Etat "minimal" ; il
s'agit
plutôt
d'atteindre
un
stade
dans
lequel
l'intervention
de
l'Etat
ne
serait
plus
synonyme,
dans
certains
domaines,
d'action
politique partisane des gouvernants.
Les
principaux
instruments de ce changement sont aujourd'
hui
const i tués
par
des
autorités
que
le
législateur
crée
avec
un
statut indépendant au sein de l'administration centrale.
En
réalité,
il
s'avère
que
le mouvement de transformation
du "visage" classique de l'Etat dépasse le cadre sectoriel précédem-
ment visé pour englober l'exercice du pouvoir dans toutes ses dimen-
sions
quotidiennes
ce
qui
explique
le
regroupement
opéré
par
la
doctr ine
entre
les
autorités
préci tées
et
d'autres
organismes
plus
ou moins nombreux et au statut plus incertain, sous le vocable d'''Au-
torités Administratives Indépendantes".
(1) Magazine d'actualités de T.F.1
du
12 février
1989.

- 2 -
L'intérêt
et
l'objet
de
ce
travail
apparaissent
ainsi
clairement : cerner autant que possible tous les aspects du processus
en cours et en évaluer les chances d'aboutissement. Pour ce faire ce-
pendant,il nous faut privilégier,parmi toutes les approches possibles
celle qui permet de mettre réellement en exergue le caractère novateur
des autorités indépendantes.
1.
L'intérêt
de
l'étude
des Autorités Administratives
Indépendantes
Contrairement
aux
présupposés
de
la
démocratie
libérale,
les
rapports
entre
l'Etat
et
la
société
se
sont
presque
toujours
articulés
en
France
et
en
Europe
de
façon
générale,
autour
de
la
prééminence
des
concepts
d'''ordre''
et
d'''autorité''
sur
la
notion
de "liberté" qUI sont les deux termes de
la dialectique du
pouvoir
(2) .
C'est que l'Etat est tenu pour l'instrument le plus parfait
pour la réalisation de la volonté générale
;
il représente la forme
de
structure
la
plus
appropriée
pour
porter
cet
intérêt
vers ses
objectifs.
En d'autres termes dans la mesure où il remplit la fonction
à la fois de
fédérateur et de médiateur entre les multiples intérêts
des
individus
et
des
groupes
sociaux
pour
le
bien-être
de
tous,
son action doi t
être sous-tendue par la cohérence et la discipline,
en un mot par l'ordre (3).
(2)
C'est d'ailleurs,
en quelque sorte,
ce que montre Friedrich A.
HAYEK dans
les
2 volumes de son "DROn, LEGISLATION ET LIBERTE" traduit de l' anglai s par R. AUDOUIN,
Paris,
P.U.F.,
1981
voir
en
particulier
le
volume
1
"Règles
et
Ordre".
(3)
Ce que résume parfaitement les propos suivants de M.
HAYEK . "
l'ordre dans
la société doit reposer sur la relation de commandement et d'obéissance, c'est-à-dire
sur une structure hiérarchique
de la société entière où ce que chacun doit faire est dé-
terminé par la volonté de ses supérieurs et, finalement, par la volonté d'une autorité
suprême", vol. 1, op. cit., p. 42.

- 3 -
Il en est résulté pendant longtemps, de la part des autori-
tés
politiques
nationales,
une
action
de
canalisation
extrême
de
l'ensemble
des
activités
sociales
par
l'appareil
étatique.
Il
est
vrai que cette donnée révèle régulièrement depuis
le début de cette
décennie,
à
la faveur d'une prise de conscience relative à l' hyper-
trophie
de
l'Etat
et
à
ses
limites,
une grande mutabilité dans
le
domaine
administratif
toutefois,
dans
son
aspect
politique,
à
savoir
la plénitude et l'exclusivité de l'exercice du pouvoir,
elle
est toujours apparue comme immuable.
Or
on
assiste
aujourd'hui
à
des
faits,
tels
que
l'appel
à
des
personnalités
étrangères
à
l'Etat
pour
résoudre
les conflits
qui
l'opposent
à
ses
agents
ou
la création d' autor i tés
administra-
tives
réputées
indépendantes,
qUl
tendent
à
remettre
en
cause
le
pouvoir politique dans ce qu'il avait de plus marquant
l'omnipré-
sence.
Ce processus est interprété par maints auteurs comme étant
révélateur d'une crise de l'appareil étatique dans tous ses aspects.
Cette
thèse
est
notamment
soutenue
par
les
sociologues
qui,
tout
en n'excluant
pas
l'exercice
du
pouvoir au sein de l'Etat de leurs
analyses, préférent s'en tenir de façon globale aux retombées sociales
de l'avènement de la société post-industrielle (4).
Quant aux spécialistes du droit et de la science politique,
leur attention se trouve portée sur la crise spéci fi que de la légi-
timité de l'Etat (5).
(4) A ce propos,
voir M.
CROZIER,
La Société Bloquée, Seuil 1970 et tout récemment,
Etat Modeste Etat Moderne.
Stratégies pour un autre changement, Fayard 1987 et enfin
un article consacré à "l'Etat bloqué" in "Le Débat" nO 53,
janvier-février
1989,
p. 36.
(5) Plusieurs auteurs s'interrogent aujourd'hui sur les acquis et les futures conquêtes
de l'Etat de droit en France.
Cf. en ce sens, MM. B. BARRET-KRIEGEL, Rapport sur l'Etat et la Démocra-
tie, La Doc. Fr. 1986 ; Dominique COLAS (sous la direction de), Compte Rendu des Travaux
de
la Mission sur
la Modernisation de
l'Etat,
P.U.F.
1987 et
enfin
J.
CHEVALLIER,
"L'Etat de droit", R.D.P. 1988, p. 313.

- 4 -
En
fait,
comme
l'affirme S.
Rials,
c'est
peut-être moins
cette légitimité qui est en cause que celle "d'une configuration de
l'Etat à un moment donné" (6).
Il est certes difficile de traduire le fort taux d'absten-
tion
des
électeurs
lors
des
différentes
consultations
électorales
de 1988 par
l'idée
de
rejet
de
l'Etat,
structure politique,
alors
même
que
son
intervention
est
toujours
autant
sollici tée.
C'est, en vérité,
le vécu de l'idée de l'Etat, sa représen-
tation qui sont incriminés.
En
d'autres
termes,
ce
sont
à
la
fois
l'exclusivité dans
la
gestion
du
pouvoir,
l'unicité
de
la
légitimité
politique
dans
l'Etat
et
la
prétention
de
celui-ci
à
"l'avant-gardisme"
dans
la
quête de la liberté qui sont mises en cause.
On est donc en présence d'un phénomène qui dépasse largement
le problème des nouveaux organismes pour affecter toute la "charpente"
de
l'Etat
c'est
la
relecture
des
fondements
de
la
Démocratie
Républicaine.
A cet
égard,
ce
sont
d'abord
la
Déclaration
de
1789
et
les premiers auteurs libéraux qui sont "revisités" (7).
L'exigence
nouvelle
se
résume
à
l'avènement
d'un
Etat
"modeste" et qualitatif que
cependant
seules
les Autorités Adminis-
tratives
Indépendantes
semblent
pouvoIr
réaliser
aujourd'hui.
(6)
"L'Etat en questions",
Dialogues
avec
Claude RIVELINE
in Rev.
Adm.
nO
248,
p.
105.
(7)
Voir les nombreux ouvrages et articles
récemment publiés qui
s'y rapportent,
en
particulier ceux
des
auteurs suivants
: P.
MANENT, Histoire
Intellectuelle du libé-
ralisme,
collection
"Pluriel" chez CALMANN-LEVY,
1987
; P.
BOURETZ,
"L'héritage des
droits de l'homme France/Etats-Unis" in revue "Esprit" nO 142, p. 80 et L. COHEN-TANUGI,
La métamorphose de la Démocratie, éd. ODILE JACOB, 1989.

- 5 -
2
-
L'objet
de
l'étude
des Autorités
Administratives
Indépendantes
Dans
le
domaine
juridique,
les
nouvelles
institutions
symbolisent
mieux
que
tout
autre
facteur
cette
évanescence,
dont
il était question précédemment, des repères classiques dans l'exercice
du pJuvoir au sein de l'Etat.
Le
premier
élément
que
l'on
peut
mettre
en exergue à
cet
égard est relatif à l'incertitude qui affecte la notion même d'''auto-
rité administrative indépendante".
En
effet,
aux
termes
de
l'article
20
de
la
Constitution
de
la
Ve
République,
le
gouvernement
dispose
de
l'administration
et des autorités administratives.
Or,
voilà
que
forgé
à
l'origine pour
un
cas
particulier,
la
création
en
1978
d'une
institution
chargée
de
prévenir
et
de
garantir la société contre
les dangers que
recèle un
certain usage
de
l'informatique,
le
nouveau
concept
que
rien
ne
disposait
à
la
fortune
qu'il
connaît
se
trouve
aujourd'hui
étendu,
par
un
effet
d'analogie, à
beaucoup
d'autres
organismes
plus
ou
moins
récents.
Le
législateur
a
fini
lui-même
par
rejoindre
la
doctrine
dans
cette
démarche,
alors
qu'il
s'avère
manifestement
qu'aucun
élément
juridique
ne
pouvait,
jusqu'à
une
date
récente,
assurer
dans
les
textes
constitutifs
l'homogénéité
de
ces
autorités,
pas
même
les
objectifs
qu'il
leur
a
assigné
dans
des
domaines
aussi
di vers
:
les rapports administration /
administrés,
le marché écono-
mique et financier et l'exercice de certaines libertés fondamentales.
La
seule
justi fication
que
l'on
a
pu
avancer
pour
l'existence
de
la catégorie réside dans le fait que ce sont des autorités, adminis-
tratives et "indépendantes".
Ce sont tout d'abord des autorités.

- 6 -
Le
premIer
organisme
à
être
créé
par
le
législateur
sous
le vocable d'"autorité administrative indépendante" fut,
nous l'avons
dit,
la
Commission
Nationale
de
l'Informatique
et
des
Libertés
(loi
du 6 janvIer 1978).
Sa
création
s'explique
comme
le
dit
Jacques
Chevallier
par
"le
souci
de
protéger
les
citoyens
contre
les
risques
que
le
développement de l'informatique
fait courir aux libertés individuel-
les"
;
cet
objecti f
ne
pouvant
être
mené
à
bien
que
SI
la mission
de
contrôle
et
de
régulation
du
secteur
est
confiée

un
organe
original ... , capable de résister aux pressions de toute nature" (8).
Le
législateur
va
utiliser
par
la
suite
la
notion
pour
qualifier
les organismes qu'il
institue en matière de presse écrite,
de communication audiovisuelle et de concurrence économique,
toujours
dans
l'optique
de
réguler
lesdits
domaines
en
dehors
de
certaines
contingences
de
nature
poli tique
ou
autre
ce
sont
la
Commission
pour la Transparence et le Pluralisme de la Presse (loi du 23 octobre
1984),
la
Commission
de
la
Concurrence
(loi
du
30
décembre
1985)
et
la Commission
Nationale de
la
Communication
et
des
Libertés
(loi
du 30 septembre 1986)
(9).
La
caractéristique
majeure
de
ces
autorités
est
qu'elles
disposent
toutes de
pouvoirs
d'ordre
juridique variés.
Elles peuvent
ainsi
prendre
des
décisions
tant
réglementaires
qu'individuelles
concernant
respectivement
leurs
secteurs
d'activités
et
les
profes-
(8) "C.O.B., C.N.I.L., C.N.C.L. et Cie: la "philosophie" des autorités administratives
indépendantes", Regards sur l' actual ité déc. 1988, nO 146, p. 13.
(9) Sur les aspects historiques du mouvement, voir Catherine TEITGEN-COLLY, "Les autori-
tés administratives indépendantes:
histoire d'une institution",in Les Autorités Ad-
ministratives
Indépendantes
(colloque de Paris des
11
et
12 juin
1987), P.U.F.
Les
voies du droit, 1988, p. 21.

- 7 -
sionnels qui y exercent.
Certaines d'entre elles,
remplacées aujourd'
hui
par
d'autres
institutions
de
même
nature,
béné ficient
même
de
prérogatives de sanction pécuniaire (10).
Cette
catégorie
s'étoffera,
par
le
fait
de
la
doctrine
notamment,
de
plusieurs autres organismes qui ne disposent pas exac-
tement des mêmes pouvoirs que les précédents
les leurs sont divers ;
parfois
d'ordre
juridictionnel
comme
dans
le
cas
de
la
Commission
des
Sondages
ou
de
la
Commission
bancaire,
ils
se
limitent
plus
souvent
à
des
simples
propositions
(avis)
comme
pour
la Commission
d'Accès
aux
Documents
Administrati fs,
la
Commission
de
la
sécurité
des
Consommateurs,
la
Commission
des
clauses
abusives
ou
même
le
Médiateur (11).
Cependant
dans
la mesure où ces institutions n'ont d'auto-
ri té que morale (leur force
résiderait dans la compétence des person-
nali tés
qui
les
composent
et
dans
le
respect
que
ceUX-Cl
suscitent
pour
leur
sagesse
elle
leur
permettrait
de
contribuer,
comme
les
autres
organismes
du
reste,
à
l'amélioration
des
règles
juridiques
d'encadrement),
se
pose
nécessairement
le
problème
de
la
justesse
de
leur
rattachement
à
la
catégorie
des
"Autorités Administratives
Indépendantes".
La
question
n'est
d'ailleurs
pas
absente
des
analyses
de la doctrine qui répertorie ainsi suivant les auteurs de 5 (concep-
tion
restrictive)
à
environ
20
autorités
(conception
extensive)
( 12) •
(10) Ce sont le Conseil de la Concurrence,
le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et
la Commission des Opérations de Bourse.
(11)
Cf.
à ce propos l'étude de
la Commi ssion du rapport et des études du Conse i l
d'Etat, publiée in E.D.C.E., 1983-84, 1'0 35, p. 39.
(12) Voir notamment pour les deux thèses P. SABOLIRIN : "les autorités administratives
indépendantes", A.J.D.A., 1983, p. 275 et l'étude précédemment citée du Conseil d'Etat.

- 8 -
Si
les analystes
sont
ainsi
di visés
à
propos
de
la prise
en compte ou non, pour la classification, de l'existence d'un pouvoir
juridique,
ils sont par contre presque tous d'accord pour reconnaître
à
l'ensemble
des
organismes
un
caractère
administratif.
Le
fait
pour
le
législateur
de
ne
pas
ranger
expressément
les
autorités
qu'il crée dans l'une des catégories que le droit public offre habi-
tuellement,
ne
fait
nullement
problème à
leurs
yeux
dans
la mesure

à
prime
abord
elles
apparaissent
comme
des
organes
de
l'Etat.
En
effet,
elles
sont
le
fruit
de
l'initiative
publique,
elles
n'ont
ni
de
personnalité
morale
nI
de
patrimoine
propre
et
ne fonctionnent que grâce au concours financier et humain de l'Etat.
Il
s'agit
dès
lors
de
déterminer
leur
place
simplement
à
partir
de la répartition trilogique des pouvoirs qu'établit le texte consti-
tutionnel.
Cette
opération
se
révèle
elle-même
facile
en
effet,
comme les organismes ne présentent pas les attributs qui caractérisent
habituellement
les
organes
législatifs
ou
juridictionnels,
ils
ne
peuvent relever alors que de la branche exécutive.
Cette
logique
s'appuie
d'ailleurs
sur
la
jurisprudence
administrative et sur de nombreuses opinions doctrinales, qui consa-
crent
une
conception
extensive
de
l'ensemble
administratif.
Toutefois
au
rattachement
sus-visé
semble
s'opposer
l'af-
firmation de l'"indépendance" des autorités dans leurs textes consti-
tutifs. Cette indépendance s'y manifeste sur deux plans.
D'un point de
vue
organique,
tout
d'abord,
la désignati on
de leurs membres est soumise au respect de règles précises qui permet-
tent
de
sauvegarder
la
liberté
de
ceux-ci
dans
l'exercice
de
leur

- 9 -
mandat (13).
Au
plan
fonctionnel,
ensui te,
les
organismes
béné ficient
d'une
autonomie
de
gestion
administrative
et
financière
qUl,
dans
certains cas,
ne constitue qu'une conséquence logique de leur affran-
chissement de tout lien de tutelle ou de hiérarchie.
Sur
la base de
tout ce qui
précède,
il apparaît clairement
que
nous
sommes
en
présence
de
deux
logiques
qui,
à
pr ime
abord
s'affrontent.
La
première
est
celle
de
la
Consti tut ion
et
veut
que
les
nouvelles
autorités
soient
sous
la
dépendance
du
gouvernement
alors
que
la
seconde,
fondée
sur
leurs
textes
constitutifs,
implique
le
bénéfice
d'une
liberté
qUl
ne
puisse
être
entravée
par
l'existence
d'un quelconque lien de soumission (hormis bien sûr celui qui concerne
l'indispensable contrôle juridictionnel).
La
nécessité
de
l'octroi
de
cet te
indépendance ne
saurait
faire
de
doute
car,
comme
le
dit
J.
Chevallier,
la
création
des
Autorités Administratives Indépendantes concerne "des secteurs sociaux
sensibles,
touchant
de
près
aux
libertés
et
exposés
aux
pressions
de pouvoirs de toute nature",
qu'il
faut
ainsi
préserver de l'inter-
vent ion
classique
de
l'Etat
parfois
lourde
de
menaces
( 14) .
Mais,
il
va
de soi que
les dispositions consti tutionnelles
priment sur celles du législateur.
(13) Dans un arrêt récent, le Conseil d'Etat invoque pour la première fois l'indépendan-
ce statutaire des nouveaux organismes.
En effet, dans la décision en assemblée du 7 juillet 1989, M. ORDONNEAU,
la juridiction administrative affirme que l'idée d'indépendance contenue dans la loi
du 19 juillet 1977 sous-tend une garantie de stabilité des membres composant la Commis-
sion de Concurrence.
Aussi
le gouvernement ne peut mettre fin à leur mandat avant
le terme normal prévu à cet effet par la loi.
Voir
req.
nO
56627
et
A.J.D.A.
octobre
1989,
pp.
598
et
643.
(14) in Regards sur l'actualité nO 142, op. cit.

- 10 -
On
se
trouve
ainsi
en
présence
d'une
contradiction
que
la
jurisprudence
du
Conseil
Constitutionnel s'appliquera
à
lever
totalement en réduisant progressivement l'indépendance des organismes
en
une
simple
autonomie
n'excluant
pas
le
contrôle
gouvernemental.
Elle
confirme
en
cela
la
position
du
Conseil
d'Etat
qui
avait suscité des analyses réservées de la part de quelques auteurs
à
l'occasion
de
la
décision
Rétail
(10
juillet
1981)
relative
au
Médiateur qui, il faut le reconnaître, est une autorité particulière.
Cependant un problème subsiste relativement à l'insuffisance
de
ce concept
d'autonomie
qui,
compte
tenu
des
multiples
liens
de
dépendance
(matérielle,
personnelle
et
budgétaire)
existants
entre
les
nouvelles
autorités
et
le
gouvernement,
tendrait
à
recouvrIr
un processus de dilution des Autorités Administratives Indépendantes
dans
les
structures
classiques
de
l'administration
ce
qUI
irait
à l'encontre des objectifs proclamés par le législateur.
On
le
voit,
l'expérience
des
autorités
indépendantes dans
le système politique français est affectée d'une certaine fragilité;
de
ce point de
vue elle di ffère de celle des pays anglo-saxons qui
d'ailleurs a servi de modèle d'inspiration.
Ainsi aux Etats Unis d'Amérique par exemple, aucune disposi-
tion de la Constitution fédérale ne s'oppose formellement à l'affir-
mation
de
l'indépendance
des
"regula tory agencies"
à
l'égard
des
autorités politiques en général et de l'exécutif
fédéral en particu-
lier.
Par
ailleurs
l'insertion
de
ces
agences
dans
le
cadre
institutionnel normal s'est faite de façon relativement facile grâce
notamment
à
l'existence
du
système
des
contre-pouvoirs
entre
les

- 11 -
hautes autorités de l'Etat et à l'appui d'un juge qui,
de son côté,
a su cultiver son indépendance.
C'est justement l'émergence de ces deux facteurs en France
qui nourrit l'espoir d'une évolution favorable à l'intégration défi-
ni ti ve
des
Autorités
Administratives
Indépendantes
dans
le
système
politique.
En
effet
l'attachement
dont
le
Conseil
Constitutionnel
semble faire preuve à propos de l'indépendance des nouveaux organis-
mes, dans ses récentes décisions, peut s'interpréter comme une volonté
consistant
à
les
ériger
progressivement
en
"institutions
contre-
pouvoirs" (15).
Toutefois
à
l'heure
actuelle,
rien
ne
permet
de
garantir
une linéarité absolue de ce processus
l'image des Autorités Admi-
nistrati ves
Indépendantes est
entachée d'un grand
flou.
Elle recèle
l' ambigul té d'organes à la fois "alibis" et contre-pouvoirs du poli-
tique.
Ces deux caractères révèlent la double dimension, juridique
et
sociologique,
que
doit
emprunter
l'approche
théorique
de
cette
catégorie d'organismes nouveaux.
3. La méthodologie
L'incertitude conceptuelle qui affecte la nouvelle catégorie
d' autori tés
apparaît
d'emblée
aux
yeux
de
celui
qui
en
entreprend
l'étude.
(15)
Cf.
les décisions 248 OC du
17 janvier
1989
(J.O.
du
18 janvier 1989, p.
754)
et
260 OC du
28 juillet
1989
(J.O.
du
1er août
1989,
p.
9676)
et nos commentaires
in addendum.

- 12 -
Elle
ne
fait
cependant
que
refléter
l'embarras
de
leur
concepteur, le législateur, dans sa démarche.
Elle
laisse
aussi
transparaître
l'obscurité
qui
gouverne
leur statut organique et fonctionnel.
On comprend en ce
sens
qu'il
soit difficile d'appréhender
de façon globale le mouvement des "Autorités Administratives Indépen-
dantes" sous l'angle exclusif du droit; d'autant plus que le proces-
sus
qui
est
en
cause
dépasse
le
sous-ensemble
composé
des
seules
autorités
disposant,
d'un
réel
pouvoir
juridique
et
d'un
statut
adéquatement
protégé
pour
recouvrir
d'autres
organismes
qUl
n'en
symbolisent pas moins dans leurs fonctions une nouvelle façon d'exer-
cer le pouvoir dans l'Etat.
Notre démarche revêtira aussi une dimension socio-politique.
Pour autant cet te
recherche,
dans
la mesure où elle se doit d'être
tout d'abord juridique, ne pourra faire l'économie d'une étape primor-
diale consistant à circonscrire le mouvement en fonction des caracté-
ristiques des organes qui le composent.
Le
recoupement
de
ces
données
permettra,
sur
la base
des
enseignements
du
droit
positif,
d'assigner
autant
que
possible
aux
diffé~entes
autorités
ou
groupes
d'autorités
une
place,
dans
le
substrat institutionnel et normatif.
Toutefois il s'avère nécessaire
de replacer ensuite ces analyses dans le cadre global du fonctionne-
ment du système politique lui-même.
Nous
nous
proposons
ainsi
de
dégager
tout
d'abord
les
traits
marquants
de
la
nouvelle
catégorie
avant
d'en
mesurer
les
apports présents et à venir.
PREMIERE PARTIE - LA NATURE DU PHENOMENE
DEUXIEME PARTIE - LA SIGNIfICATION DU PHENOMENE.

- 13 -
PRE MIE R E
PAR T 1 E
LA NATURE DU PHENOMENE
Il est habituel, en présence d'une ou de plusieurs institu-
tions nouvelles, d'essayer de les rattacher aux catégories existantes.
Cette
démarche
permet
notamment
de dégager
la nature
juridique des
instances
concernées,
si
celle-ci
n'est
pas
clairement
spécifiée.
Elle consistera dans le cas présent à étudier tour à
tour
les caractéristiques organiques (Titre 1) puis fonctionnelles (Titre
II)
des Autorités Administratives Indépendantes tout en les confron-
tant
aux
données
classiques
du
droit
positif
en
la
matière.

T 1 T REl
LES DONNEES ORGANIQUES

- 14 -
Depuis
Montesquieu,
le
droit
positif
frélrlçélis
n'est
censé
consacrer que l'existerlce de trois pouvoirs: le législéltif, l'exécu-
tif et le judiciaire. Aussi lél création par le pélrlemerlt de nouvelles
irlSt itutiorls
ne
semble
PélS
devo ir,
a
pnOrl,
sort i r
de
ce
schémél.
Cette démélrche s'appuie sur un précédent
:
les propos du commissaire
du gouvernemerlt 8éludolrl à propos de la nature du Conseil Corlstitution-
nel
(1).
Cependant
i l
est
possible
que
certélins
de
ces
nouveaux
orgélrlismes
mani festent
des
caractéristiques
jusque

inconnues.
Il
s'agira
alors
d'évaluer
l'ampleur
de
la
nouveauté
et
voir précisément si elle remet en cause la théorie des trois pouvoirs,
comme le soutient
une
partie de
la doctrine,
ou si elle révèle tout
simplement un malaise des structures traditionnelles.
En
tout
état
de
cause,
cet te
analyse
sera
d'abord
menée
sur
la
base
de
l'appartenance
des
A.A.l.
à
l'une
des
catégories
de
la trilogie
(Chapitre
1).
Nous
verrons ensuite la place qu'eUes
occupent
à
l'intérieur
du
sous-ensemble
ainsi
défini
(Chapitre
II).
(1) Ce sont les suivants: "Depuis que Montesquieu, au Livre VI de l'Esprit des Lois,
a formulé le principe de la séparation des pouvoirs, nos Constitutions successives,
respectant les canons
classiques de la science politique aussi bien d'ailleurs que
la nature des choses,
ont toujours réparti les organes supérieurs de l'Etat selon
la classification ternaire traditionnelle et tout porte à croire que les constituants
de 1958, à l'instar de leurs devanciers, n'ont nullement entendu, en créant le Conseil
Constitutionnel, donner naissance à un être hybride et juridiquement monstrueux qui
représenterait un quatrième pouvoir de nature innommée •••
"Comme
les
attributions
du
Conseil
Constitutionnel,
de quelque
point
de vue qu'on les analyse, ne ressortissent manifestement ni à la puissance de l'exécutif
ni davantage à celle du législati f,
force est nécessairement de conclure [ ... ] que
celles-ci sont de nature juridictionnelles
"
Concl. sous C.E. Ass. du 12 décembre 1969, A.J.D.A., 1970, II, p.
103.

- 15 -
CHA PIT REl
L'A.A.I. DANS LA THEORIE DES TROIS POUVOIRS
Il
existe
en
droit
des
notions
qu'il
est
plus
facile
de
définir
par
ce
qu'elles
ne
sont
pas
que
par
ce
qu'elles
sont.
Le
concept
d'''autorité
administrative indépendante"
est
de celles-là (1).
L' entreprise
se
révèle
d'autant
plus
ardue
qu'il
s'agit d'organismes administratifs vuués
à demeurer hors de l'emprise
gouvernementale, alors que la Constitution de la Ve République soumet
l'activité administrative à la direction de l'exécutif.
Pourtant
la
nature
administrative
des
A.A.I.
ne
semble
pas pouvoir faire de doutes dans la mesure o~ ces institutions n'ap-
partiennent ni aux organes législati fs
(Section 1) ni aux structures
juridictionnelles (Section 2).
SECTION 1 - L'A.A.!. N'EST PAS LIN ORGANE LEGISLATIF
Quant
peut-on
affirmer
qu'une
institution
a
une
fonction
législative ?
Les
A.A. 1.
constituent-elles
des
organes
parlementaires
?
(1)
Notons que la notion d"'autorité administrative" dont l'expression A.A.I. émane
en partie, a fait elle-même l'objet d'un âpre débat doctrinal autour de sa définition
(voir infra, p. 123 et s.).
Elle ne bénéficie d'aucune base textuelle, tout au moins pour sa signifi-
cation
et
les
critères
qui
ont
été
dégagés
à cet
effet
restent
très
discutés.
Voir en ce sens, les travaux de M. M. sABOURIN, "Recherches sur la notion
d'autorité
administrative en droit
français"
L.G.D.J.,
1966,
DEL CROS ,
"L'unité de
la personnalité juridique de l'Etat", Paris 1974, et AUBY (J.B.), "La notion de personne
publique en droit administratif", Université de Bordeaux l, 1979.

- 16 -
Leurs actes sont-ils du domaine législatif?
Trois questions auxquelles
il n'est
pas aisé de répondre,
compte tenu du flou qui peut entourer la notion d'acte législatif (2).
Dans le cas des A.A. 1.
on peut cependant interroger leurs
textes
constitutifs
pour
saVOIr
SI
ceux-ci
les
rattachent
à
l'un
des deux organes définis à l'article 24 de la Constitution de 1958
comme
composant
le
Parlement,
c'est-à-dire
l'Assemblée
Nationale
et le Sénat.
Mais les lois ne contiennent aucune disposition permettant
de soutenir cette thèse.
De même
les termes des débats parlementaires n' autor isent
pas une telle interprétation.
On
comprend
en
ce
sens
que
la
position
dominante
de
la
doctrine
et
de
la
jurisprudence
consiste
à
écarter
radicalement
l'hypothèse d'une affiliation des A.A.1.
à
la sphère parlementaire.
Cependant
cette
affirmation
ne
saurait
s'étendre
à
tous
les
orga-
nismes.
Il
faudrait
réserver au mOIns un cas : celui du Médiateur dont les
liens
fonctionnels
avec
le
Parlement
autor isent
plus
que
dans
les
autres
cas
de
défendre
la
thèse
d'un
rattachement
à
la
fonction
législative.
(2) Cf. MM. AUBY (J.M.) et DRAGO, Traité de Contentieux Administratif, T.
1, 3e éd.,
Paris, L.G.D.J., p. 118 et s.

- 17 -
§ 1.
La position dominante de la doctrine et de la juris-
prudence
Pour répondre aux questions précédemment posées, la doctrine
et la jurisprudence prennent indi fféremment en compte des considéra-
tions
de
nature
organico-formelle
et/ou
matérielle
ou
enfin
des
considérations afférentes à l'absence de contrôle juridique. Néanmoins
la
plupart
des décisions de
justice se
fondent sur ce dernier élé-
ment
une
démarche
qui
est
par ailleurs reprise
par
la doctrine.
A. La doctrine
Pour
cerner
les
notions
d'''activité
parlementaire"
ou
d'''acte
législatif",
les
auteurs
estiment
en
général
plus
facile
de déterminer d'abord ce qu'est un organe législatif.
Cela se comprend aisément dans la mesure où la Constitution
n'en dénombre que deux; lesquels sont directement issus de la volonté
souveraine de la collectivité nationale.
Ils
partent
aussi
d'un
pr inc ipe simple qui
veut que
tout
recours portant sur les activités
de telles institutions soit irre-
cevable
devant
le
juge
administratif
(3)
sauf
si
celles-là
ont
trait
aux
dispositions
de
l'article
8
de
la
loi
organlque
du
17
novembre 1958. Elles concernent les dommages causés par les services
des
assemblées
parlementaires
et
les
litiges
d'ordre
individuel
intéressant leur personnel.
Cependant
certains
auteurs
vont
au-delà
de
ce
critère
organique.
Ainsi M.
Alibert ramène-t-il les activités parlementaires
essentiellement à des "lois formelles" (4).
(3)
Voir
les Concl.
du Commissaire du Gouvernement Guldner SOus C.E.
31
mai
1957,
S. 1957.J.244.
(4) Cité in J.M. AUBY,
"Le contentieux des actes 1Jarlementaires et la loi organique
du
17 novembre
1958 relative au
fonctionnement des assemblées parlementaires", A.J.
1959, p. 101.

- 18 -
C'est
aussi
le
cas
des
Pr.
Auby
et Drago qui se montrent,
par ailleurs,
plus précis en énumérant
les aspects
formels et maté-
riels.
Selon eux
la
loi
est
"un acte
élaboré selon
une
certaine
procédure
réglementée
par
la
Constitution
et
présentée
selon
une
certaine
forme"
(S).
En
d'autres
termes
les
lois
sont
les
actes
qui
interviennent,
depuis
1958,
dans
le
champ
de
l'article
34
de
la loi fondamentale.
Pour
le
Doyen
Hauriou,
enfin, les
actes
parlementaires
sont
ceux
qui
"émanent
d' autorités
qui
ne
sont
pas
comprises
dans
la hiérarchie ou
la
tutelle
administrative et
qui
ne
relèvent
pas,
par conséquent, du contrôle du juge administratif" (6).
Il
apparaît,
au
vu
des
critères dégagés
par
ces auteurs,
que
les actes des A.A. I.
ne
peuvent être qualifiés de "législatifs"
pas
plus
que
les
organismes
eux-mêmes
ne
sont
parlementaires.
Pour
forger
une
opinion définitive sur
le sujet
il suffit
d'ajouter
qu'ils
font
entièrement
l'objet
d'un
contrôle
juridic-
tionnel (7).
Il
faut
néanmoins
réserver
le
cas
du
Médiateur
qui
non
seulement
est, comme
les
autres
nouveaux
organismes,
placé
hors
hiérarchie
et
hors
tute lIe
mais
bénéficie
en
outre
d'une
immunité
juridictionnelle quant à une partie de ses actes.
(5) Op. cit., p. 123 et s.
(6) Cité par le Pro AUBY, article précité.
Cette définition reflète une VlSlon stricte de la théorie des trois pou-
voirs, qui est aujourd' hui remise en cause.
Nous y reviendrons,
infra, Chapitre 2,
Section 2, § 3.
(7) A ce stade de l'étude nous pouvons simplement souligner (nous y reviendrons plus
loin) que le juge administrati f a décidé, nonobs tar>t le caractère autonome de leur
fonctionnement, d'accueillir les recours intentés contre les actes des nouveaux orga-
... / ...

- 19 -
La
réponse
è
cette
question
nécessite
de
s'orienter
è
présent vers l'analyse de la jurisprudence.
Les données ont un lien incontestable avec les précédentes,
elles nécessitent cependant un examen autonome.
Le
juge
administratif
se
sert
essentiellement
de
deux
critères
pour
déterminer
la
nature
législative
d'un
acte
et
par
là même celle de l'organisme qui en est l'auteur.
A propos du premler critère, organique,
il se borne è dire
que
l'acte
en
cause
n'émane
pas
d'une
autorité
administrative.
On
peut
trouver
une
illustration
a
contrario
de
cette
attitude dans la décision Labbé et Gaudin,
précédemment citée, dans
laquelle il laisse entendre que la H.A.C.A. n'est pas une institution
parlementaire au motif que l'acte attaqué ne touche pas aux rapports
du gouvernement et du Parlement et que la présence de parlementaires
parmi ses membres reste sans influence sur la compétence du juge (8).
(suite de la note 7 page précédente)
nismes. Il se fonde en cela sur leur nature administrative.
Voir en particulier
les cone!.
des commissaires de Gouvernement Franc
et Roux respectivement sous C.E. Ass. du 10 juillet 1981, Retail, Rec. nO 05-130 et C.E.
Ass. du LU mal 1985, M.M. LABBE et GAUDIN,- R.F.D.A. 1" (4), juill-août 1985, p. 554.
Pour chacun des nouveaux organismes, voir les quelques décisions suivantes: Commission
des sondages, C.E. Ass. 22 décembre 1982, D'Orcival, Rec. p. 437 ; l'ancienne H.A.C.A.,
LABBE et GAUDIN précitée ; C.A.D.A., C.E. Sect.
19 février 1982, Mme Commaret, Rec.
p. 78 ; C.N.LL., C.E. Ass., 12 mars 1982, Confédération Générale du Travail, R.D.P.,
1982, p.
1696 ; Médiateur, Rétail, op. cit.
; C.O.B. T.G.L Paris 20 janvier 1988,
Rec. O.S. 1988, jurisprudence, p. 431
; C.N.C.L., C.E. ordonnance de référé 16 mars
1988 et 21 juin 1988, R.D.P. 5.88, p. 1373 ; Conseil de la Concurrence, C.E. 30 Octobre
1987, Societé J.V.C. Vidéo-France,
R.F.D.A.
4 (1),
janv.-fév.,
1988, p. 69, et pour
l'ancienne Commission de concurrence, C.E.
1er février
1985, S.A. Miele, Rev. Adm.
1985, p. 257.
(8) Voir les concl. de M. ROUX, op. cit.

- 20 -
La
brièveté
des
considérants
du
C.E.
est
bien
connue.
On
la
retrouve
en
effet
dans
d'autres
domaines
juridictionnels
elle est cependant,
dans le cas des nouveaux organismes particuliè-
rement
critiquable
dans
la
mesure

elle
est
à
l'origine
sinon
de la confusion du moins de l'obscurcissement qui affecte la théorie
des "trois pouvoirs".
Le
second
indice
dont
se
sert
le
juge
est
matériel.
Il
concerne
l'organisation,
le
fonctionnement
et
les
activités
des
assemblées
parlementaires
ce
sont
l'autonomie et
la souveraineté
de
gestion
qUI
sont
recherchées.
La
jurisprudence
considère
comme
caractéristiques
déterminantes
de
ces
institutions, l'élection
au
suffrage universel et l'absence de tutelle.
C'est
dans ce
sens
que
le
C. E.
a rendu sa décision dans
l'affaire Rétail
en
affirmant
que
le
Médiateur
n'est
nI
nommé
par
le Parlement ni responsable devant lui (9).
Cet te
position
peut
se
fonder
sur
un
précédent
c'est
la
décision du
C. E.
Section du
3 Juillet 1953, Royer que confirme
celle du C.E.
Assemblée du 27 Février 1970,
Sieur Sard Ali Tourqui
et autres (10).
Cependant
cette
jurisprudence doit
être
lue
à
la
lumière
de celle qui existait avant l'avènement de la Constitution de 1958.
La
précision
porte
sur
un
organisme
qUI
est
cité
dans
le
texte
fondamental
de
la
IVe
République
et
qui
intervient
sous
forme d'avis consultatif dans le fonctionnement des assemblées parle-
mentaires.
(9) Cf.
les notes sur cet arrêt in A.J.D.A.
20 Octobre 1981, p. 467 et R.D.P.
1981,
p. 1687.
(10)
C.E.
Sect.
3 Juillet 1953, BOYER,
LEBON p.
335 cane!. LETOURNEUR et C.E.
Ass.
27 Février 1970,
Sieur Sa·id Ali Tourqui et autres, A.J. a,ni! 1970, pp. 220 et 231.
Voir par ailleurs C.E. du 19 Mars 1954, Chambre de Commerce de Brazzaville
et autres, Lebon p. 166.

- 21 -
Il
s'agit
du
Conseil
Economique
à
propos
duquel
le
C.E.
infirma
la
décision
du
tribunal
administratif
qUl
lui
conférait
une nature législative (11).
Il
apparaît,
au
vu
de
ces
données
jurisprudentielles,
que
les
A.A.1.
ne
peuvent
être
considérées
comme
des
institutions
parlementaires.
On
ne
peut
même
pas
démontrer
l'existence
de
liens
les
rattachant
au
Parlement.
En
effet
elles
ne
sont
pas
issues
du
suffrage universel et elles restent de surcroît soumises à une
forme
de tutelle gouvernementale.
Cette
analyse
globale
fait
cependant
l'objet
de
critiques
récurrentes
s'agissant
du
Médiateur
qUl,
de
toutes
les
A. A. 1.
est
incontestablement le plus proche du Parlement.
§
2.
Les
incertitudes
spéci fiques
relatives
au
Médiateur
En
rapportant
l'ensemble des critères précédemment dégagés
au
cas
du
Médiateur
on
s'aperçoit
que
celui-ci
est
très
proche
du
Parlement.
Cependant
cette
proximité
ne
saurait
conférer
à
l'insti-
tution une nature législative.
A. Le Médiateur est proche du Parlement
Les
facteurs
de
rapprochement
entre
l'organisme
et
les
instances
législatives
sont
statutaires
et
fonctionnels.
Ils sont tantôt généraux, dans la mesure où ils s'étendent tradition-
nellement
à
tous
les
Ombudsmen,
tantôt
spéci fiques
au
Médiateur
qui
constitue
une
adaptation
française
de
ce
type
d'institution.
(11) Cf. LA. Paris 13 Juillet 1955, DUHEN, Rec. Il, p. 50 et C.E. 17 Mai 1957, SIMONET,
Rec. p. 314, Concl. HEUMANN.
Notons que
l'ordonnance du 29 Décembre
1958 est venue préciser défini-
tivement la nature consultative du Conseil Economique et Social.

- 22 -
1 D • Le poids de la tradition
Le modèle nous vient des pays nordiques,
plus
précisément
de
la
SUEDE

il
naquit
pour
la
première
fois
en
1713
(12).
Dans
ce
pays,
l'ombudsman
est
une
personnalité
nommée
par le Parlement et révocable par lui ; elle rend par ailleurs compte
périodiquement
de
ses
activités
devant
l'instance
législative.
A
ses origines l'institution était conçue comme un élément de l'équili-
bre entre les pouvoirs publics.
Mais sa mission allait se concentrer au
fil
des ans,
sur
la protection des citoyens et le contrôle de l'administration. L'ad-
ministré,
victime d'une
injustice,
ou tout simplement porteur d'une
doléance
peut
s'adresser
directement
à
elle
pour
faire
respecter
ses
droits
ou
se
faire
entendre
auprès
de
l'administration.
L'ombudsman en Suède est "l'oeil" du Parlement, son instru-
ment de contrôle pour le respect des droits des citoyens par l'admi-
nistration.
Dans
le même
ordre
d'idées,
on peut citer le Commissaire
Parlementaire pour l'administration en Grande Bretagne qui constitue
une tentative d'acclimatation de l'ombudsman nordique
dans le système
britannique.
Sa création remonte à 1967 et son rôle consiste à seconder
le
Parlement
britannique
en
examinant
les
plaintes
des
individus
ou personnes morales qui estiment être victimes d'une maladministra-
tion.
(12) Cf. MM. G. BRAIBANT, N. QUESTIAUX et C. WIENER, Le contrôle de l'Administration
et
la
Protection
des
Citoyens
(Etude
Comparative), Paris,
CUJAS,
p.
71
et
s.

- 23 -
Il n'est pas nommé par le Parlement malS il agit sur l'ini-
tiative d'un de ses membres,
lui adresse un rapport annuel sur ses
activités et est révocable par les deux chambres.
La création du Médiateur en France s'inscrit dans le même
esprit même si elle s'en sépare par son statut et son fonctionnement.
C'est d'ailleurs ce que reconnaît formellement le titulaire
actuel
de
la
charge,
M.
Legatte,
dont
la
position
reflète
l'état
de
la question chez
les analystes
(13).
Ainsi
EL
Malignier affirme
que le législateur n'a pas voulu totalement rompre avec les origines
nordiques et n'a pas par conséquent "entendu discriminer les députés
et les sénateurs"
(14).
Ceci se véri fie par ailleurs dans le statut
du Médiateur et à travers son fonctionnement.
2°. Les facteurs de rapprochement statutaires
et fonctionnels
Ils se mesurent à l'aune des critères précédemment évoqués
et principalement du critère matériel.
Celui-ci recouvre deux aspects.
1. Pour l'organisation et le fonctionnement de ses services le Média-
teur bénéficie d'une indépendance quasiment égale à celle des assem-
blées législatives
(la réserve tenant ici à son rattachement budgé-
taire aux services du Premier ministre).
2.
Il bénéficie pour ses actes fonctionnels d'une immunité
juridic-
tionnelle.
Il
ne
peut
donc,
tout
comme
les
parlementaires,
être
(13) Voir sa communication, "Le Médiateur est-il une autor Hé administrative indépen-
dante?~dans le compte rendu du Colloque des 11 et 12 juin 1987: Les autorités adminis-
tratives indépendantes, Paris, P.U.F., "Les Voies du Droit", juillet 1988, pp.
135,
251 et s.
(14) Bernard MALIGNIER, Les Fonctions du Médiateur, Travaux et Recherches de l'Univer-
sité de Paris 2, P.U.F., p. 20.

- 24 -
poursuiv i
dans
ce
cadre
(article
3 de
la
loi
du
3 Janvier
1973,
complétée par celle du 24 décembre 1976).
Etant
entendu
ici
que
l'affirmation
selon
laquelle
le
juge
pourrait
connaître
des
litiges
relatifs
à
ses
rapports avec
les agents qu'il emploie ou à
la survenance d'un dommage résul tant
de
l'exercice de ses
fonctions,
est aussi valable pour les organes
parlementaires (15).
De fait il nous semble qu'il aurait été tout aussi satis-
faisant pour l'esprit du droit si l"'affaire" Retail avait été résolue
par le juge dans le sens d'une reconnaissance de la nature législative
du Médiateur (16).
Dans
tous
les
cas
un
auteur
tel
que
le
Doyen
Hauriou
n'aurait
pas
renié
cette
solution
vu
que
le
Médiateur
ne
relève
ni
de
la
hiérarchie
ni
de
la
tutelle
administrative
et
qu'il
ne
relève
pas
(de
surcroît)
du
contrôle
juridictionnel
(17).
Ainsi
on
peut
établir
à
maints égards un parallèle entre
la
situation
du
Médiateur
et
celle
des
assemblées
législatives.
D'ailleurs
pour
le
Pro
Gaudemet
si
l'organisme
doit
trouver
une
place
dans
la
classification
trilngique
des
pOUVOlrs
dans
l'Etat
(qu'il réfute par ailleurs,
nous le verrons),
c'est à la catégorie
législative qu'il faudrait songer (18).
Cependant rien dans les textes ne corrobore cette affirma-
tion.
Le
juge
lui-même dénie au Médiateur le caractère législati f,
position que partage du reste M. Legatte lui-même.
(15) Pour la situation des collaborateurs et du personnel des services des assemblées
par lementaires,
cf.
l'article· 31
de
la
loi du
13 jui llet
1983 modifiant
l'article
8 al. 3 de l'ordonnance du 17 novembre 1958.
(16)
En sens contraire,
voir la thèse implicite de J.P. COSTA, cité infra, p.28 .
(17) Voir supra, p.
18.
(18) Y. GAUDEMET, "Toujours à propos du Médiateur
"
A.J.D.A. septembre 1987, p. 520.

- 25 -
Néanmoins
à
défaut
d'une
telle
reconnaissance,
la
thèse
relative
au
rapprochement
entre
cette
institution
et
le
Parlement
suscite l'adhésion totale.
Il
faudrait alnSl ajouter aux facteurs précédemment réper-
toriés celui qui est relati f à sa mission : veiller au bon fonction-
nement des services publics soit comme le dit le Médiateur lui-même,
veiller "à la meilleure utilisation des moyens dont dispose le service
public"
et
qui
sont
précisément
octroyés
par
le
législateur
(19).
C'est
dire
que
l'institution
constitue
un
"prolongement"
du
contrôle
parlementaire
de
l'administration,
un
"intercesseur"
entre le législateur et celle-ci (20).
A cet égard on peut faire un rapprochement entre la fonction
que le Médiateur remplit et le rôle traditionnel de l'élu intervenant
pour "ses électeurs" auprès d'un service administratif.
D'ailleurs pour le saisir, la loi fait obligation à l'admi-
nistré
de
faire
sa
réclamation
par
le
truchement
du
par lementaire
et c'est par celui-ci que le Médiateur répondra.
Cependant il ne s'agit là que d'une simple action de décan-
tation
qui
ne
saurait
donc
valoir
d f acte
de
reconnaissance
de
la
nature législative pour le Médiateur.
R. l~__~~~~~~~~~_~~~~~_P~~ __~~_~~~~~~~~~~~_P~E~~~~~~_
taire
Si
le
législateur
français
s'est
bien
inspiré,
dans
la
création
de
l'organisme,
du
modèle
suédois,
il
s'est
en
revanche
(19) P. lEGATTE, "le Médiateur de la République. Situation actuelle", Rev. Adm., Sep-
tembre-octobre 1986, p. 431.
(20) Y. GAUDEMET, op. cit.

- 26 -
gardé
d'en
faire,
comme
dans
le
pays
originel,
son
instrument.
Il a certes voulu garder quelques liens avec le Médiateur,
parmi
lesquels
il
faut
d'ailleurs
ajouter
le
rapport
annuel
qu'il
reçoit du
titulaire de
la
fonction
comme il
le
fait
du reste pour
toutes lesA.A.l.,
malS
il
n'a
manifesté
aucune
intention
formelle
ou
tacite
de
rattacher
celui-ci, dans
les
textes,
à
son
pouvolr.
Ce
rattachement
serai t
par
ailleurs
inopportun
au
regard
du fonctionnement de cette autorité.
1°. L'absence de rattachement du Médiateur
au
Parlement. Les textes et le fonctionnement
La
loi
du
3 Janvier
1973
qUl a institué le Médiateur ne
définit pas sa nature juridique.
Aussi
lorsqu'un
citoyen,
M.
Rétail,
après
une
seconde
tentative
infructueuse
pour
le
persuader
d'intervenir
auprès
de
la C.0.8. en 1976, intenta un recours à son encontre auprès du C.E.,
celui-ci
se
trouva
confronté
au
problème
de
quali fication
de
la
nature
de
l'institution.
De
sa
résolution
dépendaient
l'accueil
du
recours
et
éventuellement
l'examen
de
la
réponse du
Médiateur.
En clair
si
le
juge administratif
le rangeai t
parmi
les
organismes
législatifs
il
s'ensuivrait
un
rejet
du
recours
de
M.
Rétail
et
pour
le
futur
une
immunité
juridictionnelle
totale pour
ses actes.
Al' inverse,
si c'est la nature administrative ou jur idic-
tionnelle
qui
est
retenue,
le
contrôle
du
juge
s'exercerait.

-
27 -
La décision rendue el, A::,::,elllblée le 10 julilet 1981 retIent
le
caractère
administrati f.
Ne
nous
prononçons
pas
pour
le
moment
sur les raisons et les inconvénients autres que ceux qui s'attachent
au rejet de la nature législative.
Celui-ci
est
principalement
motivé,
a
contrario,
par
le
fai t
que
le Médiateur ni est ni issu du Parlement ni nommé par lui,
et que celui-ci n'a pas la faculté de le destituer.
Mais il existe par ailleurs une autre raIson qui s'oppose
à son rattachement : c'est que la loi lui confère un régime de totale
indépendance
qUI
s'appuie
sur
les
dispositions
des
articles
1er
(il ne reçoit aucune instruction d'aucune autorité), 2 (il est inamo-
vible) 4 et 5 (il bénéficie d'immunités et est astreint à des incompa-
tibili tés). Cette irlterprétation est étayée, du reste, par les termes
des débats parlementaires (21).
D'ailleurs M. LEGATTE cite à ce propos le Garde des Sceaux,
M.
PLEVEN
qui
affirmait
à
l'époque que l'institution est originale
parce que située aux confluents des différents pouvoirs (22). En réa -
lité si
la décision Rétail a
fait
l'objet de critiques au sein de
la doctrine c'est moins parce qu'elle rejetait la nature législative
du Médiateur que parce qu'elle consacrait son caractère administratif.
Il nous semble cependant inopportun de rattacher le Médiateur
au Parlement.
(21)
Cf.
J.O.
Déb.
Sénat,
2 oct.
1975,
p.
2735
; J.O.
Déb. A.N.
15 Décembre
1973,
p.
114
;
J.O.
Déb.
Sénat,
20 Décembre 1973 et J.O.
Déb. A.N.
21 Décembre 1973, p.
118.
La
loi
du
3
Janvier
1973
a
été
publiée
au
J.O.
du
4
Janvier
p.
164.
(22)
Voir Communication et interventions à l'occasion du colloque sur les A.A.I, op,
ci t.

- 28 -
2°.
Le rattachement au Parlement est inoppor-
tun
Selon
M.
J.P.
Costa, reconnaître
la
nature
législative
au
Médiateur
équi valai t
à soustraire
tous ses actes à
l'application
d'un
principe
fondamental
du
système
juridique
français
selon
lequel
toute
autorité
est
astreinte
au
contrôle
d'un
juge
(23).
Or
celui-ci s'avère indispensable dans certaines hypothèses
notamment
celle
qui
l'opposerait
à
ses
collaborateurs ou
celle qui
verrait
la
survenance
d'un
dommage
résultant
de
ses
fonctions
d'où
la nécessité pour l'auteur de préserver l'institution du ratta-
chement parlementaire.
Il
nous semble
cependant
que
le
caractère
inopportun d'un
tel
lien
réside
dans
une
autre
ralson,
plus
décisive
celle-là.
C'est
celle
qui
voudrait,
conformément
à
l'esprit
et
à
la
lettre
des
textes
constituti fs, que
le
Médiateur
fonctionnât
en
'/ dehors
de
tout
lieu
de
rattachement.
D' ailleurs
la
réussi te
de
sa
mission
d'arbitrage en
dépend
puisque
celle-ci
suppose
la confiance
que
les
di fférentes
parties,
les
administrations
et
les
citoyens,
placent
dans
l' insti tut ion .
Or
il
est
hautement
probable
que cette
confiance
serait
rompue
du
côté
de
l'Administration
si
on
arrivait
à
reconnaître
au
Médiateur
le caractère législatif.
Car cela signi-
fierait
le ranger dans le parti du parlement contre celui de l'Admi-
nistration.
Il
faut
en
effet
reconnaître
que
le
contrôle
du
bon
fonctionnement de celle-ci est une attribution politique traditionnel-
le
du
législateur
et
que
si
le
Médiateur
a
été
créé
c'est
parce
qu'il n'a jamais été concluant.
(23) J.P. COSTA, "Le Médiateur peut-il être autre chose qu'une autorité administrative?~
A.J.D.A. 20 Mai 1987, p. 341.

-
29 -
La
loi
de
1973
initie
donc
une
autre
vOle,
celle
de
la
persuasion morale. Elle ne définit pas pour autant la nature juridique
du Médiateur; d'o~ une situation statutaire obscure
et très discutée
qui demande à être clarifiée
(24).
Dans tous les cas l'intervention
du législateur ne pourra se
faire
dans
le sens d'une qua l i fication
juridictionnelle.
SECTION 2 - L'A.A.I. N'EST PAS UNE JURIDICTION
La
difficulté
provient
ici
de
ce
que
la
définition
de
la jurisprudence reste très incertaine.
Le juge s'y est souvent employé, en l'absence d'une quali-
fication
législative
formelle.
l'lais
le
choix
de
tel
critère
ou de
tel autre s'avère souvent aux yeux de la doctrine comme trop simpli-
ficateur (25).
En effet pour beaucoup d'auteurs la méthode juridictionnelle
la moins critiquable serait la qualification par "faisceaux d'indices~
Cependant
même
cette
dernière
ne
peut
être
tenue
pour
totalement
satisfaisante
notamment
depuis
que
sont
apparus
au
début
de
ce
siècle
au
sein
de
l'administration
des
organismes
répondant
à
la
caractéristique
première
des
tribunaux, celle
de
n'être
soumis
à
aucun contrôle
hiérarchique ou de tutelle.
(24) Voir en ce sens le rapport annuel du Médiateur 1987, pp. 6 et 7 ; MM. GAUDEMET
et
COSTA,
précités
et
enfin
les
débats
in
Colloque
sur
les
A.A.I.
op.
cit.
Notons que
le
législateur
est
intervenu
tout
récemment pour conférer
au Médiateur une qualification juridique,cf. l'addendum.
(25) Voir A.S. DULD BDUBOUTT, L'Apport du Conseil Constitutionnel au Droit Administratif
Paris, Economica 1987, pp. 38 et s.
A propos des critères
juridictionnels,
cf.
PI.
R.
CHAPUS,
"Qu'est-ce
qu'une juridiction 7". La réponse de la jurisprudence administrative, Mélanges Eisenmann
p. 265.

- 30 -
D'ailleurs
la
clarification
n'a
souvent
été
obtenue
que
grâce à une intervention du législateur.
Dans
le
cas
des
A. A. 1.,
il
est
certain
que
de
nombreux
facteurs
de
rapprochement
peuvent
être
mlS
en
évidence
et
l'ont
été par la doctrine entre les A.A.I. et la fonction juridictionnelle.
Cependant
ces
facteurs
ne
sauraient
être
décisifs
non
seulement parce que le législateur a pris soin de qualifier expressé-
ment
certaines
de
ces
institutions, d'administratives
mais
encore
parce que les éléments de divergences sont incontestables et finale-
ment prédominants.
§ 1. Les facteurs de rapprochement
Ils sont tout d'abord d'ordre historique car à des décennies
près,le discours d'assimilation de quelques maîtres d'hier est repris
aujourd'hui dans la doctrine avec quelques variantes.
Ils sont ensuite de nature formelle.
Et ils tiennent enfin à une certaine communauté fonctionnel-
le entre les juridictions et les A.A.I.
A. L' histoire
Pour
le
Doyen
Haur iou,
on
l'a
vu,
la marque
distinctive
première
d'une
juridiction
(comme
d'un
organe
parlementaire)
est
d'être
placée
hors
de
liens
de
tutelle
et
de
hiérarchie
(26).
(26) Voir supra p.18. Nous aurons par ailleurs souvent l'occasion de revenir sur tous
les organismes qui seront évoqués dans ce mouvement,soit à l'occasion de la référence
historique
des
A.A.I., soit
lors
de
l'étude
de
la
théorie
des
trois
pouvoirs.

- 31 -
Cette
posi tion
re flète
la
pensée
d'une
plus grande partie
de
la
doctrine
de
la
fin
du
sièc le
dernier
au
début
du
nôtre.
La
conséquence
en
est
que
pour
les
auteurs
et
dans
la
jurisprudence
de
l'époque,
tous
les
organismes
qui
sont
créés
avec
cette
caractéristique,
appartiennent
aux
catégories
parlementairE
ou juridictionnelle.
Seulement
comme
il
leur
était
facile
d'écarter
la
nature
législative,
compte
tenu
de
tous
les
critères
que
nous
avons
déjà
évoqués, ils retenaient tout simplement l'appartenance de ces organis-
mes aux instances juridictionnelles.
C'est ainsi que le Doyen Laferrière voyait dans les conseils
de révision des "quasi-juridictions" (27). Cependant la reconnaissance
juridictionnelle
de
ces
organismes
semble
plus
affirmée
chez
le
commissaire
du
gouvernement
Tncot
qUl,
dans
ses
conclusions
sous
l'arrêt Brunet, leur attrlbuait impllcitement le caractère juridiction-
nel en se fondant notamment sur je fait qu'ils constltuent des "aut.ori-
tés indépendantes dont les décisions [qui sont] définitives, ne sont
soumises au contrôle d'aucune instance hiérarchique ou de tutelle" (28).
Tel
est
aussi
le
cas
des
jurys,
dans
lesquels
le
Doyen
Hauriou
voyait
"quelque chose
de
la
juridiction" mais
que
quelques
textes réglementaires comme l'arrêté du 3 mars 1952 relatif à l'agré-
gation
de
Médecine
et
une
certaine
jurisprudence
comme
l'arrêt
du
C. E.
du
9
août
1893,
Joubert
de
la
Mothe
quali fiaient
simplement
de "juges" de concours (29).
(27)
Cf.
son Traité de
la Juridiction Administrative,
T.
2,
2e
éd.,
Paris,
Berger
Levrault, p. 447.
(28)
Concl.
TRICOT,
sous
C.E.
31
Janvier
1958,
BRUNET,
R.D.P.
1958,
p.
752.
(29) Cf. P. SADRAN, Le Régime Juridique des Concours dans la Fonction P'ublique, Thèse
Université de Bordeaux I, 1972, p. 352 et s.

- 32 -
Il est vrai que dans la matière ces positions s'inscrivent
dans
la
même
ligne
que
celle
qui
fut
tracée
par
les "commissions
administratives à caractère juridictionnnel"
(30).
La
création
de
ces
organismes
est
consécutive,
à
partir
de la fin du XIXe siècle, à l'accroissement des activités administra-
tives.
Le
législateur
d'alors
entendait
décharger
les
tribunaux
ordinaires
et
apporter
aux
justiciables
et
à
l'administration
le
maximum
de
garanties,
en
confiant
à
des
spécialistes
le
jugement
de questions complexes et nouvelles.
Leur
caractère
autonome
ajouté
à
l'autorité
de
"chose
jugée"
que
l'on
attachait
à
leurs
décisions
leur
valurent,
dans
la jurisprudence et la doctrine de l'époque, le label de juridictions
(31). Et cela, en dépit de ce que M. Arnaud nomme le caractère hétéro-
clite
et
singulier
(absence
de
magistrat)
de
leur
composition
et
de la légèreté de la procédure déployée devant eux.
Or, il se trouve que non seulement les A.A.I. sont placées
hors
hiérarchie
et
hors
tutelle
mais
aussi
elles
accueillent
en
leur sein des magistrats et observent des procédures parfois pleine-
ment contradictoires.
Ce
qui
semble,
en
fonction
du critère
formel
dégagé
par
M.
Decocq s'appuyant
en
cela sur
les
cours
de
Droit
Administrati f
du Pro Eisenmann de 1951-1952, satisfaire pleinement la nature d'ins-
tance juridictionnelle (32).
(30) Voir P. ARNAUD, Les Commissions Administratives à Caractère Juridictionnel, Thèse
Paris, 1938, pp. 12 et s.
(31) Ibid., p. 137 et s.
(32) Cf. Le rapport de M. André DECOCQ aux "Entretiens de Nanterre" des 11 et 12 mars
1988 à propos du "Nouveau droit de la concurrence : un changement de cap souvent passé
inaperçu",
J.C.P.,
éd.
E.
nO
43,
supplément
du
27
octobre
1988,
p. 23
et
s.

- 33 -
Si
l' insti tution
des
A. A. 1.
est
bien
conforme,
comme nous
tenterons
de
le
montrer
dans
la
seconde
partie
de
ce
travail,
à
l'idée
d'amélioration
et
d'ajustement
des
mécanismes
de
l'Etat
de
Droi t
en France,
alors on peut
dire
que
le phénomène s' inscr i t
dans
une
perspective
de
juridictionnalisation
progressive
de
matières
anciennement
régies
par
la
norme
administrative
et
que
la
justice
et
l'équité
commandent
de
transférer
sous
l'autorité
d'un
juge
ou
d'une autre personnalité indépendante.
D'ailleurs
les
sentiments
de
quelques
auteurs
vont
dans
ce
sens,
notamment
en
ce
qui
concerne
le domaine de
la concurrence
où la création du Conseil de concurrence tend à rejoindre l'aspiration
des professionnels à être régis par une "magistrature économique" (33).
(33) Cf. Xavier DELCRD5, Rapport de synthèse aux "Entretiens de Nanterre", op. ci t.
p. 29.
L'expression
"magistrature
économique"
fait
partie,
selon MM.
DELCRD5
et RIGAUD "de ces termes à la mode qui font fortune par leur ambigu!té même" (Les
Institutions Administratives Françaises. Le fonctionnement, p. 123).
Pour ces auteurs "elle traduit l'idée d'un contrôle juridique moins formel,
plus adapté aux réalités du marché que la magistrature ordinaire, mais aussi l'aspira-
tion à la définition d'une norme, à la fois éthique et pratique, qui, jusqu'ici, manque
incontestablement dans le droit économique". De façon plus concrète,
elle viserait
à "interposer entre une administration· interventionniste et tentée par l' arbi traire,
et des professions plus ou moins bien organisées et soucieuses des droits acquis et
la satis faction immédiate des revendications, la garantie d'une autorité indépendante
à vocation arbitrale et à pouvoir de suggestion".
De fait, cette idée a ses origines dans les écr its datant de la fin des
années 1950, notamment dans ceux de M.F. BLOCH-LAINE qui prônait l'avénement d'une
"économie concertée" consistant à mettre côte à côte représentants de l'administration
et représentants des catégories professionnelles ou sociales intéressées pour l'élabora-
tion d'une politique commune d'objectifs et de moyens.
Cf. en ce sens MM. A. DE LAUBADERE et P. DELVDLVE, Droit Public Economique,
Dalloz, 5e édi., p. 48 et s.

- 34 -
En fait pour une autre partie de la doctrine le législateur
n'a pas été au bout de sa logique qui devait impliquer une juridic-
tionnalisation
pure
et
simple
de
certaines
A.A.1.
déconnectées
de
la
hiérarchi e
administrative et constituant un ordre
juridique
spéci fique (34)
Certains auteurs
trouvent,
cependant,
raisonnable
la sou-
plesse
dont
la
loi
fait
preuve
en
ne
condamnant
pas
précisément
la reconnaissance de la nature juridictionnelle de certains nouveaux
organismes
comme le Conseil de concurrence (35).
Pour M. Decocq par exemple il n'est pas difficile d'établir
le caractère juridictionnel du Conseil de concurrence.
Pour
ce
faire,
il
se
fonde
sur
le
Pro
Eisenmann
qu'il
cite
"La possibilité de
recourir à des juges pour faire trancher
des questions ou des conflits de Droit, au moins en dernier ressort,
est
depuis
fort
longtemps
considérée
(il
v~rait même mieux dire:
sentie
par
les
intéressés)
comme
la
meilleure
garantie
possible
de
recevoir
leurs
droits,
de
voir
respecter
en
leur
personne,
le
Droit".
Ce
qu'il
traduit
dans
les
termes
suivants
"L'appel
au
juge"
ne
tient
pas
à
ce
que
l'on
croirait
que,
de
la
sorte,
des
décisions
d'une
essence
nouvelle
vont
être
rendues
ilexprlme
l 1 aspiration à ce que les décisions en question soient prises dans
des
conditions,
c'est-à-dire
plus
précisément
par
un
organe
et
suivant une procédure présentant certains caractère~I(36).
Dans le cas des nouveaux organismes le législateur a entendu
satisfaire
ces
conditions
il
a
prévu
la
présence
de
magistrats
au sein des A.A.1.
et il a quasiment juridictionnalisé la procédure
utilisée devant elles.
(34) En ce sens, cf.
le Pr. Roland DRAGO, "Le Conseil de la Concurrence", J.C.P. Ed.
E. , 1987, nO 27, 14987.
(35) X. DELCROS, op. cit.
(36) A. DECOCQ, rapport précité.

- 35 -
1°. la composition
Nous
rapportions
dans
les
1 ignes
précédentes
l'étonnement
de
M.
Arnaud
à
propos
des
commissions
administratives
du
début
du
siècle que
l'on quali fiait
de
juridictions alors qu'elles ri' accueil-
laient
pas
en
leur
sein
des
magistrats
en
qualité
de
membres.
le
Président
Tricot
éprouvait
url
sentiment
arlalogue
à
propos
des
conseils
de
révision dont
il
faisait
remarquer
"C'est
une
bien étrange
juridiction
que
les
conseils
de révision
leur
composition
n'est
pas
celle
d'un
tribunal
un
préfet,
deux
élus
locaux, un officier général ou supérieur, pas un seul magistrat" (37).
Il apparaît ainsi que dans la qualification juridictionnelle
d'un
organisme,
la
présence
de
magistrat
(s)
demeure
url
élément
fondamental.
Aussi lorsque le législateur prévoit dans les textes consti-
tutifs
que
les
magistrats
siégeront
aux côtés d'autres
membres
au
sein des A. A. 1., le fait ne peut être tenu pour arlOdin.
Il traduirait
plutôt
à
défaut
d'une
reconnaissance
de
la
nature
juridictionnelle
de nouveaux organismes,
le désir de construire un lien de continuité
entre ceux-ci et les juridictions.
Ainsi,
la loi du 6 Janvier
1978 prévoit,
dans son article
8,
la
présence
d'au
moins
quatre
hauts
magistrats
parml
les
dix-
sept membres de la C.N.l.l. (38).
(37) Notons que malgré son étonnement, l '21 .1_ ellf snusu j'tell t à la reconnaissance juridic-
tionnelle de la nature des conseils.
(38) Loi na
78-17 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, J.O. du
7 janvier 1978, p. 227.

- 36 -
Il
en
est
de
même
pour
la
loi
nO
78-753
du
17
juillet
1978
instituant
une
Commission
d'Accès
aux
Documents
Administrati fs
1
dont le décret d'application du 6 décembre 1978 fixe à deux le nombre
de
magistrats
(qui
viennent
de
la
Cour
des
Comptes
et
de
la
Cour
de
Cassation)
auxquels
s'ajoute
le
Président,
un
consei 11er
d' état
honoraire ou en activité (39).
Tel
est
aussi
le
cas
de
la
Commission
des
Opérations
de
Bourse dont le Président appartient au C.E.
(40).
On peut par ailleurs citer dans le même sens,
les diffé-
rents
textes
qUl
se
sont
succédés
en
matière
de
concurrence.
Ce sont l' anc ienne loi du 19 jui llet 1977 dans son article
2,
celle du
30 décembre
1985 portant
amélioration de
la cuncurrence
et
enfin
l'ordonnance
du
1er
décembre
1986
relative
à
la
liberté
des prix et de la concurrence (41).
Ce
texte
institue un Conseil
de
la Concurrence à
la place
de
l'ancienne Commission de
Concurrence et
fixe
le nombre
de magis-
trats
appelés
à
siéger
en
son
sein
à
sept,
en
plus
du
Président
et des deux vices-présidents.
La
même
démarche
lnsplre
le
législateur
dans
d'autres
domaines,
notamment
dans
celui
de
la
communication
audiov isisuelle
et écrite.
(39) Loi du 17 juillet 1978 relative à la communication des documents administratifs
J.O.
18 juillet 1978, cf.
par ailleurs la loi du 11 juillet 1979, J.O.
12 juillet
1979 plus le rectificatif au J.O. 13 juillet 1979.
(40) Notons que l'ordonnance nO 67-833 du 28 septembre 1967 (modifiée par les lois
du 23 décembre 1970 et 22 janvier 1988) publiée au J.O. du 29 septembre 1967 (p. 9589)
ne prévoit pas expressément la présence de magistrats parmi les cinq membres
; en
fai t rien n' empêche les pouvoirs publics de les appeler au sein de cette insti tution
dont
M.
Donnedieu
de
Vabres,
par
ailleurs
Conseiller
d'Etat
fut
le
Président.
Le Parlement a adopté récemment une loi, celle du 2 août 1989, qui modifie
la composition de la C.O.B .. Désormais on retrouve au sein de cet organisme 3 magistrats
Voir infra, notre addendum.

- 37 -
La loi du 29 juillet 1982, bien que ne prévoyant pas expres-
sément
la
nomination,
n'excluait
pas
pour
autant
la
présence
de
magistrats parmi les neuf membres de la H.A.C.A. qui est créée suivant
le modèle du Conseil Constitutionnel (42).
Quant
à
la
loi
du
23
octobre 1984,
elle
fixait
dans son
article
16
le
nombre
de
magistrats
à
trois
pour
un
total
de
SlX
membres au sein de la Commission pour la Transparence et le Pluralisme
de la Presse (43).
Les compétences de ces deux organismes dissous sorlt aujourd'
hui dévolues au Conseil de la Concurrence et à la Commission Nationale
de
la
Communication
et
des
Libertés
dont
la
loi
du
30
septembre
1986 fixe (article 4) la composition à treize membres parmi lesquels
on compte trois hauts magistrats (44).
Notons enfin qu'il ne s'agit là que d'exemples significatifs
dans la liste des A.A.I.
Les cas ainsi
répertoriés donnent
une première
indication
satisfaisante de la continuité qui existe entre les nouveaux organis-
mes
et
les
tribunaux.
Recherchons-en
d'autres
à
travers
l'étude
de la ou des procédures observées devant les A.A.I.
2°. La procédure
Elle
obéi t
à
un
ensembl e
de
règles
générales
que
l'on
désigne sous le vocable de "droits de la défense".
(41) Cf. respectivement la loi de 1977 relative au contrôle de la concentration écono-
mique et à la répression des ententes illicites et des abus de position dominante,
J.O. du 20 juillet 1977 ; le J.O. du 31 décembre 1985, p. 15.513 pour la loi de 1985
et
le
J.O.
du
9
décembre
1986,
p.
14773
pour
l'ordonnance
du
1er
décembre.
(42) Loi du 29 juillet 1982 relative à la Communication Audiovisuelle,
J.O. du 30
juillet 1982, p. 2431.
(43) Loi du 23 octobre 1984 relative à la limitation de la concentration, à la transpa-
d
-'..

- 38 -
Dans
cette
matière,
il
faut
cependant
distinguer
deux
situations,
selon que
l'administré est
devant
le
juge ou qu'il est
opposé à l'administration.
Au
juridictionnel,
le
principe
général
(il
joue
même
en
l'absence
de
texte)
du
respect
des
droits
de
la
défense
implique
la garantie absolue du caractère contradictoire de la procédure (45).
Cette
mesure
signifie
que
l'individu
miS
en
cause
dans
un
procès
doit
disposer
d'une
information
suffisante
et
pouvOir
se
défendre
(éventuellement
par
l'intermédiaire
d'un
avocat) .
L'information suffisante
requiert
notamment
le
droit
pour
ce
justiciable
de
connaître
toutes
les
pièces
"qui
passent
sous
les yeux" du juge et de pouvoir les discuter.
Les
règles
ainsi
définies
font
l'objet d'une surveillance
scrupuleuse dans
la jurisprudence
d' ailleurs celle-c i en a élargi
le
sens
au
fil
des
ans.
Théoriquement
en
matière
administrative
la perception du principe des droits de
la défense n'est pas moins
stricte que devant le juge.
Selon le commissaire du gouvernement Genevois il "implique
qu'une
mesure
individuelle
d'une
certaine
gravité,
reposant
sur
l'appréciation d'une situation personnelle,
ne peut être prise par
l'administration
sans
entendre
au
préalable
la
personne
qui
est
(44) Loi du 30 septembre 1986 portant liberté de communication, J.O. du 1er octobre
1986, p. 11755, complétée par celle du 1er aoOt 1986 relative à la réforme du régime
juridique de la presse, J.O. du 2 aoOt 1986, p. 9529.
La loi du 30 septembre préci tée a subi des modi fications avec l'adoption
récente d'un nouveau texte, celui du 17 janvier 1989, qui substitue le C.S.A. à la
C.N.C.L. Le législateur est revenu pour la composition de la nouvelle instance à la
formule de l'ancienne Haute Autorité. Voir. infra, notre addendum.
(45) Cf. les concl. du Commissaire du Gouvernement N. Questiaux sous C.E.
13
décembre
1968, Association syndicale des propriétaires de Champigny-sur-Marne et aussi la note
de M. WALINE, R.D.P. 1969, p. 512 et s.

- 39 -
susceptible
d'être
lésée
dans
ses
intérêts moraux ou matériels par
cette mesure, sauf si cette dernière constitue par nature une mesure
de police" (46).
En fait
les trois dimensions que recouvre cette définit.ion,
à
savoir
l'avertissement
préalable,
la
communication
des
griefs
ou
moti fs
et
la
présentation
d'une
défense
(le
tout
enfermé
dans
un délai suffisant)
(47) ont toujours
fait.
l'objet d'une interpréta-
tion
souple de la part du C.E.
(48).
Avec l'avènement des A.A.I.,
le législateur tient désormais
à réaffirmer dans le texte de loi le caractère pleinement contradic-
toire
de
la
procédure.
Du moins
c'est
ce
qu'il
a
décidé
depuis
le
1er
décembre
1986
à
l'occasion
du
vote
de
l'ordonnance
relative
au
nouveau
droit
de
la
concurrence
(articles
12,
18
et
26)
(49).
(46) Concl.
sous C.E. 9 mai 1980, Société des établissements CRUSE fils et frères,
A.J.D.A., 1980, p. 482. Voir dans le même sens, l'article de M.M. GEORGEL et HUBRECHT
sur les sanctions administratives, J.Cl. adm. fascicule 202.
(47) Vpir dans ce sens les précisions et clarifications apportées par le décret du
28 novembre 1983 relatif aux relations entre l'administration et ses usagers, A.J.D.A.,
1983, p. 695.
Cf. par ailleurs les articles de MM.
J.M.
AUBY et MAISL et autres à
l'A.J.D.A. 1984, pp. 124 et 137.
(48) Cf. la jurisprudence citée par M. GEORGEL et le Pro HUBRECHT, Ibid. Voir par ail-
leurs, infra p. 342 et s.
(49)
Avant cette date il était rare que le législateur consacrât des dispositions
formelles à propos de la procédure dans les textes constitutifs des A.A.I. Le fondement
de cette attitude se trouve peut être dans le fait que le plus souvent, l' indi vidu
qui intervient dans les domaines de la C.N.LL.
ou de la C.N.C.L. par exemple, le
fait pour des informations relatives à sa personne (article 11 de la loi de 1978 dans
le cas du premier organisme et 42 de la loi du 30 septembre 1986 pour la C.N.C.L.).
Ce sont les décrets et réglements intérieurs qui organisent dans la plupart
des cas les procédures applicables devant ces autorités.
C'est le cas des décrets du 1er décembre 1986 (J.O. du 2 décembre) et
du 29 septembre 1987 (J.O. du 30 Septembre) pour la C.N.C.L., alors que le réglement
intérieur (délibération du 10 février
1987, J.O.
du 18 mars 1987) remplit la même
fonction en ce qui concerne la C.N.I.L.
. .. 1 ...

- 40 -
On
peut
imaginer
qu'une
telle
position
se renouvellera
lorsqu'il aura à créer de nouvelles A.A.I.
qu'il dotera de pouvoirs
de
sanctions
analogues
à
ceux
du
Conseil
de
Concurrence
(50).
En fait on peut VOIr à travers ce renforcement des garanties
procédurales
le
souhait
du
Parlement
de
rapprocher
les
règles
de
conduite
des
litiges
devant
les
nouveaux
organismes
des
eXIgences
juridictionnelles.
En
tout
cas
selon
Bruno
Genevois,
tel
est
le
but
qu'a
visé le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 23 janvier 1987
(51) .
De ces considérations on peut tirer l'analyse selon laquelle
le législateur entend promouvoir une nouvelle institution à mi-chemin
entre
l'organisme
administratif
traditionnel
et
la
juridiction.
Et le Conseil Constitutionnel l'aura avalisé dans sa décision précitée
en
insistant
sur
la
nécessité
du
strict
respect
des
droi ts
de
la
défense.
Du
reste
la communauté entre
les
A. A.1.
et
les
iriS tances
juridictionnelles
se
fortifie
sur
d'autres
plans notamment
celui
des fonctions.
(suite de la note 49 page précédente)
Voir par ailleurs le décret du 25 octobre 1977 (J.O. du 26 octobre, p.
5223) pour l'ancienne Commission de Concurrence.
Cela ne signi fie,
cependant
pas, un moindre intérêt du législateur et
les débats parlementaires en attestent.
Cf. par exemple en ce qui concerne la loi de 1977 relative à la concurrence
le rapport de M. LE THEULE à l'A.N. nO 2954, p. 80 et le compte rendu des débats au
J.O. du 20 juillet 1977, p. 3833 et pour la loi de septembre 1986 portant liberté
de communication le Rapport Pericard, T.I., A.N. nO 339, p. 95 et Rapport supplémentaire
de M. GOUTEYRON au Sénat, nO 415, p. 35 et s.
(50)
Il s'agit des sanctions administratives qui semblent aujourd' hui tolérées même
si dans le principe elles vont à l'"encontre du monopole juridictionnel de la répres-
sion;
à ce propos voir infra.
La prévision relative à la position du législateur se trouve confirmée
aujourd'hui avec le vote de textes récents; cf. notre addendum.
(51) B. GENEVOIS, "Le Conseil Constitutionnel et le principe de séparation des autorités
administratives et judiciaires", R.F.D.A. 1987, p. 287.

- 41 -
C. La Communauté fonctionnelle
Les
quali ficati fs
employés
par
les
auteurs
à
propos
de~;
fonctions
qu'exercent
les
nouveaux
organismes
s'inscrivent
dans
une
ligne
dont
les
deux
p61es
extrêmes
se
rattachent
d'une
part
à
l'administration
et
d'autre
part
aux
juridictions,
ainsi
qu'en
attestent par exemple les termes suivants : "une fonction juridiction-
nelle de régulation", une "sorte de précontentieux", une "juridiction
nalisation très accusée" (52).
En
fait
il
existe
une
unanimité
sur
une
caractéristique
des A. A. 1.
l'exercice d'un r61e préjuridictionnel qui se manifeste
par une collaboration certaine avec les juridictions et que favorise
par ailleurs une quasi_identité des missions.
1°. Les finalités
Se Ion
la
Commission
du
Rapport
et
des
Etudes
du
C. E. ,
dans une étude qu'elle a consacré aux A.A.l., le législateur a globa-
lement assigné aux nouveaux organismes deux objectifs: "faire assurer
le respect de certains droits,
de certaines libertés,
de certaines
procédures" et "garantir l'indépendance et le fonctionnement régulier
de telle ou telle catégorie d'institutions" (53).
Il
faut
cependant préciser que ces mlSSlons de sauvegarde
constituent avant tout des "garde-fous" contre les excès et déviations
(suite de la note 51 page précédente)
Cf.
Décision
nO
86-224
D.C.,
J.O.
25
janvier
1987,
p.
924,
La question connaît aujourd' hui
de nouveaux développements
à la faveur
des décisions récentes du Cons. Const. voir. Infra, l'addendum.
(52)
Cf.
respectivement
les
articles de MM.
JEAN TET ,
"L'esprit du nouveau droit de
la Concurrence~ J.C.P. Ed. G., nO 9,3277, GAUDEMET, note sous C.E. 13 mars 1981 S.A.R.
Armand PELLERIN,
R.D.P.
1981,
p.
1428 et DRAGO,
"Le Conseil de la Concurrence",
op
cit.
(53)
Voir GAZIER et Cannac,
"Les Autorités
Itlministratives Indépendantes",
E.D.C.E.,
1983-84, p. 13.

- 42 -
de
l'action
administrative
même
si
elles
le
sont
aussi
pour
des
risques venant d'autres entités.
Ceci est aussi vral dans les cas de
la C. N. 1. L.,
chargée
de prévenir les atteintes éventuelles des applications de l'informa-
tique à la vie privée (article 6 de la loi de 1978) et de la C.N.C.L.,
appelée
à
préserver
la
liberté
et
le
caractère
pluraliste
de
la
communication
(articles 1,
2 et 3 de l a loi de septembre 1986) que
dans
celui du
Conseil
de
Concurrence,
auquel
incombe
la
charge
de
garantir
le libre jeu économique
(ordonnance du 1er décembre 1986).
Ces
considérations
justifient
valablement
la
conclusion
du Pr.
Gaudemet selon laquelle les A. A. 1.
ont,
tout comme le juge,
pour objet
"le contrôle de l'action administrative, et, de façon
corollaire,
la
sauvegarde
des
droits
des
administrés"
(54).
L'action des
nouvelles instances est d'autant
plus impor-
tante qu'elle se situe en amont de l'étape juridictionnelle et qu'elle
intervient dans le sens d'un réglement conforme au droit des litiges.
Il
faut
bien entendu mettre à part le cas du l'1édiateur qui connaît
plus des comportements que des actes des administrations et qui béné-
ficie
d'une
marge
pouvant
aller
au-delà
du
droit.
Il
peut
aussi
se saisir d'un différend avant ou après l'intervention du juge (55).
Ceci
n'autorise
cependant pas à le présenter conformément
à l'opinion de M.
Pierot,comme un rival de celui-ci (56). En fait
.,
comme
toutes
les
A.A.I.,
il
noue
des
relations
privilégiées
avec
les juridictions.
(54)
"Le Médiateur est-il une autorité administrative ?", Mélanges CHARLIER, Paris,
éd. de l'Université et de l'Enseignement Moderne, 1981, p. 117.
Dt ailleurs les textes de base réservent souvent la possibilité pour les
juridictions de consulter les nouveaux organismes et inversement la saisine du juge
par les A.A.I. soit pour avis,soit pour faire respecter le droit. Certaines d'entre-
elles peuvent même être appelées à déposer des conclusions et à intervenir oralement
devant
l'audience par
l'intermédiaire de leur Président
; c'est
le cas du Conseil
de
la
Concurrence
et,
depuis
une
date
récente,
celui
de
la
C.O.B.
voir
infra.
(55) Cf. en ce sens le rapport du Médiateur au Président de la République et au Parle-
ment
pour
l'année
1986,
Direction
des
J.O.,
p.
11
à
13
et
p.
22.

- 43 -
2°. L'alliance fonctionnelle
Elle se fonde sur le rôle que remplissent
les A. A. 1.
avant
la
saisine
du
juge
et
sur
le
concours
que
les
deux
insti tutions
peuvent se prêter mutuellement.
En cas de litige devant les A.A.l., deux situations peuvent
se présenter.
La première, c'est l'extinction du conflit et
l'accep-
tation
d'une
solution
conforme
au
droit.
On
fait
alors
l'économie
d'une
charge
supplémentaire
pour
le
juge.
Cette
hypothèse
pourrait
s'appliquer au Conseil de la Concurrence, par exemple.
Il
peut
cependant
arriver
que
les
problèmes
ne
soient
pas
résolus
à
ce
stade,
quand
ils
opposent
deux
particuliers.
Le
litige
peut
aussi
concerner
directement
l'A.A.l.
Ce
sera
alors
au
juge de trancher.
Dans
ces
deux
cas
le
travail
de
celui-ci
se
trouve
néan-
moins
allégé
du
fait
que
l'autorité
a
accompli
un
certain
nombre
d'actes auxquels le juge devait se livrer lui-même dans la recherche
de la solution.
Pour
d'autres
organismes,
comme
la
C. N. 1. L.
par
exemple,
qui
ne
tranche
pas
à
proprement
par 1er de
di fférends,
le
résul tat
est
sensiblement
le
même
car
il
s'agira
là-aussi
d'une
sorte
de
pré-instruction.
Par delà cet
aspect
juridique
de
l'apurement,
il
y a
les
possibilités de conciliation et de médiation.
(56)
Cf.
"Le Médiateur
rival ou allié du
juge administraU f
?"
. , Mélange Waline,
T. II, p. 683.

- 44 -
Ces
deux
fonctions
peuvent
être
remplies
par
l'ancienne
H.A.C.A. dans l'hypothèse prévue par l'article 18 de la loi de 1982,
par la C.N.l.l. (article 21 al. 6, loi du 6 janvier 1978) et éventuel-
lement
par
le
Médiateur.
Celui-ci
intervient
alors
en
complément
par rapport à l'action du juge (articles 11 et 12 de la loi de 1976).
Dans
le
même
ordre
d'idées,
on
peut
aussi
évoquer
les
rôles
de
la
C.A.D.A.
(article
7 de
la
loi
du
17 juillet 1978)
et
de la Commission des clauses abusives (57).
Au plan de la consultation, il y a lieu de souligner l'aide
que
les
nouveaux
organismes
apportent
aux
juridictions
sur
leur
demande.
Elle
est
prévue
dans
les
textes
constitutifs,
notamment
pour
les
autor i tés
sui vantes
la
C.N.Ll.
(article
11
de
la
loi
de 1978), l'ancienne commission de transparence et pour le pluralisme
en matière de presse (article 24,
loi d'octobre 1984) et la C.N.C.l.
(article 17 alinéa 2, loi de septembre 1986).
De
fait
leur action va parfois au-delà de cette dimension
pour recouvrir, à la faveur de leur possibilité de saisine du parquet
pour le déclenchement des poursuites judiciaires,une quasi-association
à l'activité juridictionnelle (58). Un fait que l'on peut considérer
comme réel et plus entier dans le cas du Conseil de la Concurrence
(articles 26 et 36, 30 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et notam-
ment
les
articles
9
et
11
du
décret
du
28
décembre
1986) .
(57)
Loi
na
78-23
du
10
janvier
1978
sur
la
protection
et
l'infor mation
des
conso m mateurs
de
produits
et
de
services,
J.O.
du
11
janvier
1978.
(58)
A
propos
de
la
saisine
du
parquet,
cf.
les
articles
21,
4 0
de
la
loi
de
1978
pour la
C.N.LL.,
4
aL
1
de
l'ordonnance
de
1967
pour la
C.O.B.
et
17
aL
2
en
ce
qui
concerne
la
C.N.C.L.
(loi
de
septembre
1986).

- 45 -
Cependant
quelle
que
soit
la
proximité
de
la
relation
qUl
existe entre
l'A.A.!.
et
le
Juge,
on
ne
doit
pas oublier
que
celui-ci
détient,
en
principe,
le
monopole
de
la
répression.
Il
nous semble
que
le
législateur a entendu le rappeler,
au-delà
du
cas
des
sanctions
administratives
que
nous
étudierons
dans
le paragraphe suivant,
à travers des dispositions comme celles
qUl
permettent
aux
nouveaux
organismes
de
saisir
le
parquet
aux
fins de déclenchement des poursui tes judic iaires (58 bis).
Il s'agit
là d' un
facteur
qui
permet
d'établir
la
différence entre
les
deux
instances.
§ Z. Les facteurs de divergence
Nous avons déjà souligné la di fficulté qu'il Y a à cerner
la notion de juridiction.
Il semble que ce fait sait lié, dans la doctrine, à l'absence
de critère rationnel de l'acte juridictionnel.
En tout cas telle estl 'opinion de O. Bouboutt qUl en entre-
prend dans sa thèse la démonstration en se livrant à un examen criti-
que des principaux critères utilisés (59).
Pour notre part nous reprenons ces indices pour les appli-
quer un à un à la situation des A.A.I.
(58 bis)
Il arrive cependant que le législateur adopte, comme dans le texte récent
qu'il consacre à la C.O.B.
(loi du 2 août
1989)
une attitude contraire consistant
à octroyer
à l'autorité outre un pouvoir de sanction pécuniaire, une possibilité de
saisine du juge au pénal doublée d'une représentation des intérêts de la partie civile.
Ses dispositions
sont
alors
censurées
pour
violation
des
normes constitu-
tionnelles. A ce propos, cf. infra., l'addendum.
(59) L'Apport du Conseil Constitutionnel au Droit Administratif, op. cit., p. 38 et s.

- 46 -
Le
premier
est
emprunté
à
A.
Merkl
il
concerne
la
théorie de "l'indépendance fonctionnelle".
Ce premler indice est
évidemment présent dans notre hypo-
thèse puisque par définition nous nous intéressons à des organismes
dont
le
législateur
dit
qu'ils
sont
organiquement
et
fonctionnel-
lement indépendants du pouvoir.
Par ailleurs dans le cas précis du Conseil de Concurrence
on
peut
faire
remarquer
que
la situation
fonctionnelle des membres
n'est
en
rien
moins
enviable
que
celle
des
juges
(60).
Le
second
critère
consiste
à
déterminer
l'existence
de
"formes distinctes" dans la procédure qui se déroule devant les
A.A.l.. Il
est
attribué
à
R.
Carré
de
Malberg.
L'évocation
de
ces
"règles
procédurales
particulières"
existe,
nous
l'avons
vu,
dans
le cas des nouveaux
organismes.
-
Le dernier indice,
dé fendu jadis par G.
Jèze,
s' at tache
à
la
"force de
vérité
légale" ou
"l'autorité de chose
jugée"
qui
caractériserait,
selon
certains
auteurs,
les
jugements
alors
que
pour d'autres elle serait contenue dans la nature même de la fonction
juridictionnelle (61).
Nous
nous
rangeons
du
côté
des
premiers
pour
la
raison
suivante
la
fonction
des
nouvelles
autorités
consiste
aussi,
à
l'instar du
juge. à dire le droit.
Et
l'argument qui a parfois été
avancé dans le cas du Conseil de Concurrence selon lequel cet orga-
nisme
ne
serait
pas
juridictionnel
parce
qu'il
joue
par
ailleurs
un
rôle
consultatif
important,
n'est
pas
du
tout
décisif.
(60) C'est d'ailleurs son indépendance fonctionnelle qui est souvent à la base du
rapprochement que les auteurs font entre cet organisme et les juridictions. Cf. R.
ORAGO, op. cit., et infra dans l'étude monographique des autorités.
(61) Cf. MM. LASSERRE et OELARUE, Chr. gén. de la jurisprudence administrative française
A.J.D.A. 1984, p. 82.

- 47 -
En
effet
le
C.E.
remplit
une
fonction
similaire
auprès
de
l'exécutif.
Donc
la
véritable
différence
entre
l'A.A.l.
et
le
juge
doit
être
recherchée
du
côté
de
l'autorité
qUl
s'attache
à
leurs décisions respectives.
A ce propos,
il
nous
semble
plus
approprié
de
se
référer
aux
comparaisons
que
font
MM.
Vedel
et
Delvolvé
entre
"l'autorité
de
chose
décidée"
et
"l'autorité
de
la chose
jugée"
plutôt
que
de
citer
les
définitions
plus
ou moins
abstraites
du
second
terme
par
différents auteurs (62).
Selon
les
Pro
Vedel
et
Delvolvé,
"Quand
un
jugement
est
à
l' abr i
de tout
recours
(appel
ou
cassation), il acquiert
autorité
de chose
jugée.
Il a
"force de vérité légale"
;
son dispositif est
définitivement
incorporé
à
l'ordonnancement
juridique
et
ce
qu'il
décide
ne
peut
plus être critiqué ni
directement ni
indirectement,
sous
réserve
de
ce
que,
normalement,
l'effet
de
chose
jugée
est
"relati f",
et
ne
joue qu'à
l'égard
des
parties
au
jugement"
(63).
Or,
poursui vent
les
auteurs,
une
décision
exécutoire
peut
non
seulement,
faire
l'objet
d'un
recours
pour
excès
de
pouvolr
dans les limites du délai
(c'est-à-dire deux mois en cas de réponse
de l'autorité administrative ou quatre quand elle observe le silence),
mais
aussi
être
retirée
ou
abrogée
dans
le
même
temps.
Hors
délai
elle
peut
par
ailleurs
être critiquée
à
l'oc-
casion d'un autre recours. La spécificité de la décision juridiction-
nelle réside, donc, dans l'impossibilité,en dehors des voies juridic-
tionnelles
habituelles,
d'être
remise
en
question.
Cependant,
dans
(62) Voir not. LASSERE et DELARUE, Ibid.; J.P. THERY, concl. sur C.E. Ass. 8 Janvier
1971, Min. de l'Intérieur cl Dame DESAMIS, A.J.D.A. mai 1971, p. 297, et les commen-
taires de MM. FAVOREU et CARCASSONNE à propos de la décision du Cons. Const. du 22
juillet 1980, respectivement à la R.D.P. 1980, p. 1627 et dans l'A.J.D.A. du 20 septem-
bre 1980, p. 480.
(63) G. VEDEL et P. DELVDLVE, Droit Administratif, Paris, P.U.F., ge édition, p. 281
et s.

-48 -
la doctrine,
certains auteurs
considèrent
que
la notion
d' autor i té
de chose jugée est difficilement maniable compte tenu de son obscurité
et du cercle vicieux sur lequel elle débouche.
Aussi le Pro Eisenmann l'exclue-t-il des facteurs potentiels
de
comparaison
entre
les
décisions
juridictionnelles
d'une
part
et
administratives
d'autre
part,
en
affirmant
"les
limites

est
enfermé
aujourd'hui
le
pouvoir
de
retrait
de
leurs
décisions
par les autorités administratives C... ) aboutissent à ce que nombre
d'actes administratifs sont aujourd'hui aussi intangibles et défini-
tifs que les jugements pour lesquels on emploie la formule empreinte
de solennité
"(64).
Il
nous
semble,
pourtan~ que
c'est
bien
de
ce
côté - là
que résident les divergences entre les deux instances.
Car le juge administratif accepte d'un point de vue général
d' accueillir
le
recours
pour excès de
pouvoir contre les décisions
administratives des nouveaux organismes alors que le juge judiciaire
connaît
des
sanctions
administratives
qu'applique
le
Conseil
de
Concurrence aux entreprises (64 bis).
Il
ne
s'agit
cependant
point
"d'appel" même si
le
texte
de l'ordonnance peut prêter à confusion.
De ce
point de
vue,
les tribunaux ne
font qu'interpréter
fidèlement la volonté du législateur.
(64) Cf. Son cours de Droit Administratif, Paris, L.G.D.J. 1982, T. I, p. 108 et s.
(64 bis) Avec l'adoption de la loi du 2 Août 1989 relative à la C.O.B. on peut aujourd'
hui dire que ce juge est compétent à l'égard de l'exercice des pouvoirs de sanction
de toutes les "autorités de marché". Voir addendum.

- 49 -
L'article 34 de la Constitution de 1958 donne la compétence,
pour
ce qui
est
de
la
création de nouveaux ordres de
juridiction,
au
législateur.
Ceci
implique,
compte
tenu
du
caractère
sensible
des
domaines
(ils
sont
souvent
relati fs
aux
droits
et
libertés du
citoyen) d'intervention des A.A.l., qu'il n'appartient qu'au parlement
d'instituer celles-ci en juridictions.
Or
il
ne
l'a
pas
fait
dans
le
cas
des
premiers
textes
instituant les nouveaux organismes, pas plus qu'il rl'a donné l'autori-
sation au
gouvernement
de
le
faire
en ce qui concerne la dernière
autorité créée,
le Conseil de la Concurrence.
Telle est
l'interpré-
tation que nous avons retenu
de la décision nO 86-207 DC du Conseil
Constitutionnel des 25 et 26 juin 1986 qui précise que la loi d'habi-
litation du 2 juillet 1986 portant diverses mesures d'ordre économi-
que
et
social,
pour
laquelle
il
était
saisi,
n'est
pas
contraire
à la Constitution dans les limites qu'elle assignait à l'habilitation,
à savoir "la modification ou l'abrogation des dispositions spécifiques
de la législation économique relative au contrôle des concentrations,
à la concurrence et aux prix ainsi qu'à la répression des infractions
économiques
contenues
dans
les
ordonnances
du
30
juin
1945,
dans
la loi nO 77-806 du 19 juillet 1977 et dans les dispositions législa-
tives particulières sur les prix" (65).
Par
ailleurs
un
peut
trouver
dans
les
lois
constitutives
des dispositions qui
inclillf'Ilt à penser que la volonté parlementaire
n'a jamais été de conférer le caractère juridictionnel aux décisions
des A.A.l.
Ainsi, à titre illustrati f,
il Y a lieu de ci ter l'article
42 alinéas 4 et suivants de la loi du 30 septembre 1986, selon lequel
"le
recours
formé
contre
les
décisions de
retrai t
prononcées sans
(65) Loi nO 86-793 du 2 juillet 1986, J.O. du 3 juillet 1986.

- 50 -
mise en demeure préalable est suspensif ( ... ) : le juge administratif
statue dans les trois mois" et l'article 15 de la loi du 6 juillet
1987
modi fiant
l'ordonnance
du
1er
décembre
1986
qui
dispose
que
"les
décisions
du
Conseil
de
la
Concurrence
( ... )
sont
notifiées
aux parties ( ... ) qui peuvent ( ... ) introduire un recours en annula-
tion
ou
en
réformation
devant
la
Cour
d'appel
de
Paris"
(66).
Il
est
précisé
plus
loin
que
ce
recours
n'est
pas
suspensi f.
On
peut
enfin
déduire
de
l'insistance
du
législateur
sur
le caractère contradictoire de
la procédure à
respecter devant
le Conseil
de Concurrence
une
indication a contrario de
la nature
non juridictionnelle de cet organisme, dans la mesure où le contraire
aurait
rendu
inutile
la
précision.
D'ailleurs
d'un
point
de
vue
général il paraît difficile de pouvoir conférer une telle orientation
aux débats parlementaires qui se sont tenus à l'occasion de l'institu-
tion des différentes A.A.I.
(67). Ce qui semble justifier la qualifi-
cation non juridictionnelle des actes des nouveaux organismes retenue
par le juge.
A. Le point de vue du juge
-----------------------
La position des tribunaux en général et du juge administra-
ti f en particulier,
à
propos de
la nature
jur idietionnelle
ou
non
des nouvelles autorités est facile à établir d'emblée.
(66) Loi nO 87-499 du 6 juillet 1987 transférant le contentieux des décisions du Conseil
de
la
Concurrence
à
la
juridiction
judiciaire,
J.O.
du
7 juillet
1987,
p. 7391.
(67) Voir par exemple,
le document nO 308 du Sénat, annexé au P. V. de la séance du
11 mai 1984 relatif au projet de loi sur la presse ; cf. par ailleurs l'exposé des
motifs du projet de loi sur la communication audiovisuelle et les documents précédem-
ment cités relatifs aux débats qui ont suivi.

- 51 -
En effet
sans qu'il
soit
nécessaire de
faire
appel
à
un
ensemble d'indices, on peut se borner à relever que la majeure partie
des A.A.I a aujourd'hui
fait
l'objet,
pour une fois au moins, d'un
R.E.P. devant le juge administratif aux fins d'annulation essentiel-
lement (68).
Le
même
régime
s'applique
au
Conseil
de
la
Concurrence
dont les décisions peuvent être déférées, pour annulation ou réforma-
tion,
devant
la
Cour
d'Appel
de
Paris.
D'ailleurs
cette
instance
a eu à annuler récemment une décision du Conseil de la Concurrence
du
17
mai
1988
sur
sais ine
d'un
recours
formé
par
la
S. A. E. D. E.
(69).
Il s'avère indispensable,
cependant, de tenter de dissiper
tous les doutes qui subsistent encore à propos du prétendu caractère
juridictionnel
des
actes
de
cet
organisme
en
faisant
appel
à
la
jurisprudence récente du Conseil Constitutionnel.
A ce
propos nous examinerons particulièrement
la décision
du
23
janvier
1987 pour en relever
les
indices de
négation de
la
nature
juridictionnelle
du
Conseil
de
la
Concurrence
(70) .
Ce
qui
nous
conduira
à
examiner
la
question
du
pouvoir
de sanct ion attribué aux nouvelles autorités.
Le Conseil Consti tutionne l
fut
saisi
le
24 décembre 1986
par un groupe de députés socialistes de la conformité à la Constitu-
tion de la loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux
(68) Voir à ce propos la note nO 7 supra.
(69) Voir C.A. Paris (1ère Chambre) 30 juin 1988, Société d'Exploitation et de Distri-
bution d'Eau c ./Conseil de la Concurrence,
A. J.O. A.
20 décembre 1988, p.
774. Pour
les faits voir infra, p.301
et s.
(70) Décision nO 86-224 D.C. du 23 janvier 1987 relative à la loi transférant à la
juridiction
judiciaire
le contentieux des décisions
du Conseil
de
la Concurrence,
J.O.
25 janvier 1987, p. 924, R.F.D.A. 3 (2)
1987, p.
299 en annexe du Commentaire
... / ...

- 52 -
des décisions du Conseil de la Concurrence, texte voté
le 20 décembre
1986
et
qui
est
devenu
par
la
suite
la
loi
du
6
juillet
1987.
Rappelons
qu'initialement
l'ordonnance
du
1er
décembre
1986,
objet
de
la modi fication
de
la
loi
précitée,
prévoyait
que
le
recours
contre
les
attributions
du
Conseil
de
la
Concurrence
se
ferait
devant
le
C.E.
mais
sans
effet
suspensif.
Précisément
étaient
en
cause
les
dispositions
suivantes
des
articles
12,
13,
14 et
15
:
la possibilité pour
l'organisme de prendre des mesures
conservatoires,
à savoir ordonner à des entreprises coupables d' in-
fractions de suspendre leurs pratiques et éventuellement leur enjoin-
dre
d' Y mettre
fin,
et
enfin
d'infliger
des
sanctions
en
cas
de
récalcitrance.
L'objet du recours des députés socialistes fut alors entre
autre
la conformité à la constitution du tranfert à la Cour d'Appel
de
Paris des décisions du Conseil
de la Concurrence
(article 1 de
la loi votée le 20 décembre 1986).
Dans
sa décision,
le
Haut
Tribunal
affirme
expressément
que
le Conseil
de
la Concurrence est
un organe administrati f
(17e
considérant) (71).
Ceci
exclut
le
caractère
juridictionnel
de
ses
actes.
Une
telle
position
apparaît,. en
effet,
clairement
à
la
lecture
des
considérants
suivants,
c'est-à-dire
les
1ge,
20e,
21e
et 22e.
Il
considère
que
la
loi
déférée
a
pour
effet
de
pr i ver
le
justiciable
d'une
des
garanties
essentielles à sa défense dans
la mesure où le transfert ne permettrait pas à la Cour d'Appel de
de B. GENEVOIS, A.J.D.A.
1987, p. 345 suivie de la note du Pr. J. CHEVALLIER. Cf.
par ailleurs les commentaires de MM. F. LUCHAIRE et C. BOLZE, respectivement aux Rec.
O.S. des 10 mars 1988, p. 117 et 9 juin 1988, p. 169. Cf. par ailleurs, nos analyses
infra.
(71) Nous reviendrons dans le chapitre suivant sur cette qualification, nous examinerons
en particulier l'argumentation de la Cour.

- 53 -
différer l'exécution d'une décision du Conseil de Concurrence suscep-
tible
de
porter
gravement
atteinte
aux
droits
individuels
alors
que
la
disposition
initiale
selon
laquelle
le
recours
devant
le
C.E. n'était pas suspensif, ne faisait pas obstacle à la possibilité
pour ce
tribunal
d'accorder,
à
la demande
du
réqu érant,
le sursis
à exécution.
Il
faut
préciser
que
cette
disposition
était
transférée
telle
quelle,
dans
le
cadre
de
la nouvelle compétence de
la Cour
d'Appel
ce qui est à l'origine de la violation des droits de la
défense,
donc
de
l'inconstitutionnalité
de
la
loi
déférée.
En ce sens le 22e considérant mérite d'être cité
"Consi-
dérant que, compte tenu de la nature non juridictionnelle du Conseil
de
la Concurrence,
de
l'étendue des
injonctions et
de
la grav Hé
des
sanctions
pécuniaires
qu'il
peut
prononcer,
le droit
pour
le
justiciable formant un recours contre une décision de cet organisme
de demander et dl obtenir,
le cas échéant,
un sursis à l'exécution
de la décision attaquée constitue une garantie essentielle des droits
de la défense".
Il
s'avère ainsi
que le Conseil de la Concurrence
ne peut bénéficier de la quali fication de
juridiction,
même si par
ailleurs l'ordonnance du 1er décembre lui reconnaît le pouvoir quasi-
juridictionnel
de
sanctionner
financièrement
les
entreprises.
On
aura
ainsi
noté
la
reconnaissance
implicite
par
le
Conseil Constitutionnel de la constitutionnalité du pouvoir de sanc-
tion attribué au Conseil de la Concurrence (72).
Ceci
aura
pour
effet
de
dissiper
le
doute
qui
pouvait
entourer l'exercice d'un tel pouvoir par une A. A. 1. à la sui te de
(72) D'ailleurs, selon Bruno GENEVOIS, in "Réforme du droit de la concurrence et respect
des règles et principes de valeur constitutionnelle", op. ciL,
le texte reconnaît
dans ce cadre à l'organisme des pouvoirs qui vont bien au-delà des sanctions administra-
tives habituelles.

- 54 -
la décision de la Cour des 10 et 11 octobre 1984 relative aux pouvoirs
de sanction de l'ancienne Commission de la Transparence et du Plura-
lisme de la Presse (73).
Rappelons les circonstances dans lesquelles celle-ci inter-
vi nt .
La
Cour
constitutionnelle
fut
saisie
en
1984, à l'issue
du
vote de
la loi
visant
à
limiter
la concentration et
à
assurer
la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse,
par
des
députés
et
sénateurs
de
l'opposition
qui
contestaient
la
conformité à la Constitution, du texte précité.
Les
parlementaires
mettaient
particulièrement
en
cause
les dispositions
des
articles
19 et
20 permettant
à
la commission
de suspendre des avantages fiscaux et postaux d'une entreprise coupa-
ble d'infraction,
alors même
que
la juridiction saisie n'avait pas
encore rendu sa décision.
Ce qui revenait à ériger cette instance en "tribunal d'ex-
ception" (74). Dans sa décision, le Conseil Constitutionnel déclare:
"(. •• )
à
supposer même qu'elles [les dispositions de la loi ] aient
pour objet de réprimer des abus au sens dudit article 11 [Déclaration
de 1789], cette répression ne saurait être confiée à
une autorité
administrative".
Compte tenu du caractère insolite et contestable du pouvoir
de
sanction
des
autorités
administratives
(il
porte, nous
l'avons
dit,
atteinte
au
monopole
juridictionnel
de
la
répression,
et
il
(73) Décision nO 84-181 D.C.
des 10 et 11 octobre 1984 relative à la liberté de la
presse, A.J.D.A. 20 décembre 1984, note J.J. BIENVENU. Cf. par ailleurs dans la même
revue (p.
644)
l'article de J.C.
MASCLET,
"La loi sur les entreprises de presse".
(74) Les propos sont de M.
PERICARD,
député,
J.O.A.N.
débats séance
10 juin 1986,
p. 2024.

- 55 -
est
susceptible
d'amoindrir
la
garantie
des
droits
de
la
défense
du justiciable), cette décision pouvait soulever quelques interroga-
tions quant à sa portée.
De
façon
plus
précise,
certains
auteurs
se
demandaient
si
cette
interdiction
se
limitait
à l'intervention de
la C. T. P. P.
dans le domaine spécifique de
la liberté fondamentale de
la presse
ou
si
elle
devait
au
contraire
se
comprendre
comme
s'étendant
à
l'administration en général
(75) .
Il est vrai que la généralité de la formule employée pouvait
prêter à confusion.
Il reste cependant que le principe des sanctions administra-
tives était déjà contenu dans la jurisprudence, celle du C.E. notam-
ment (76). D'ailleurs le Conseil Constitutionnel entendait se placer
dans
la
première
hypothèse
puisqu'il
déclarait
en
substance
que
l'exercice par la C.T.P.P. du pouvoir que lui conféraient les articles
19 et 20 de la loi en cause équivalait à l'établissement d'un régime
d'autorisation préalable dans un secteur où ce mécanisme est exclu.
En
guise
de
résumé
il
nous
paraît
important
de
mettre
l'accent
sur
l'ambigulté
des
caractéristiques
qui
affectent
les
A.A.!.
Celles-ci n'ont pas de liens organiques avec le Parlement ;
néanmoins,
leurs
activités
et
préoccupations
sont
assez
proches
(75) Voir M. HUBRECHT, op. ciL et infra p. 3l~0
et s.
(76) A propos de la jurisprudence, cf. l'évocation qui en est faite par le Commissaire
du gouvernement Thery dans ses concl. sous C.E. 8 janvier 1971, op. ciL Notons par
ailleurs que c'est là une pratique ancienne qui remonte à la période de la seconde
guerre mondiale et qui s'est poursuivie au-delà avec l'assentiment tacite de la juris-
prudence.
La majeure partie de la doctrine la considère du reste comme établie
aujourd'hui. Voir B. GENEVOIS, Commentaire sous la décision du Cons. Const. du 30 dé-
cembre 1987, R.F.D.A. 2-1988, p. 350.

- 56 -
de celles des parlementaires. D'ailleurs elles doivent leur en rendre
périodiquement
compte.
Elles
peuvent
par
ailleurs
leur
servir
de
conseiller.
Les
nouveaux
organismes
s'avèrent
aussi,
en
définitive,
dépourvus de la nature juridictionnelle ; ce qui paraît moins évident
pour beaucoup d'auteurs. Les raisons en sont diverses.
Les autorités
nouvelles ne sont
pas soumises au
principe
de
subordination
et
de
hiérarchie
en
cela
elles
rejoignent
les
juridictions.
Par
ailleurs,
comme
celles-ci,
elles
s'emploient
en
général, à défendre l'individu.
Il s'agirait en somme, pour ces deux catégories d'institu-
tions,
d'une
même
logique
institutionnelle
et
fonctionnelle.
Nonobstant ces facteurs, une autre logique, celle de l'his-
toire
commande
de
ranger
les
A.A.I.
dans
la
troisième
catégorie
qui comprend l'exécutif et son appareil d'exécution, l'administration.
Dans
tous
les cas il
reste
acquis,
compte
tenu de
leurs
caractéristiques précédemment évoquées, que leur nature administrative
ne saurait être parfaite et entière.

- 57 -
CHA PIT R E
2
L'A.A.I. DANS L'ORGANIGRAMME ADMINISTRATIF
Dans
sa
décision
du
23
janvier
1987
précédemment
citée,
le Conseil Constitutionnel aborde incidemment, à travers le transfert
à
la
juridiction
judiciaire
du
contrôle
des
décisions
du
Conseil
de la Concurrence, la nature juridique des A.A.I.
Le
cheminement
de
sa
pensée
aboutit
à
quali fier
celles-
ci
d'instances
administratives.
En
effet
dans
le
15e
Considérant,
la cour constitutionnelle dégage ce que M. Luchaire appelle un "noyau
dur"
d'organismes
ou
d'autorités
caractérisées
par
l'exercice
de
prérogatives
de
puissance
publique
et
relevant
de
la
compétence
du juge administratif (1).
Le Conseil de la Concurrence, en tant qu'A.A.I., appartien-
drait logiquement à cet ensemble, n'eOt été l'intervention du légis -
lateur qui, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice,
l'a réservé à la compétence du juge judiciaire (2). Ils'agit cependant
de déterminer
la
place des nouveaux
organismes
au
sein du
"noyau"
ainsi constitué: le pouvoir exécutif, ses agents et les collectivités
territoriales de
la
République
ou
les organismes et
autorités qui
leur sont liés soit par des relations d'autorité soit par des rela-
tions de contrôle.
(1)
F.
LUCHAIRE,
"Le Conseil Constitutionnel
:
Inconstitutionnalité d'une
loi qui
supprime toute possibilité d'obtenir le sursis à exécution d'une décision du Conseil
de la Concurrence", note sousCons.Const. du 23 janvier 1987, v. Rec. O.S. nO 10,10 mars
1988, p. 117, op. cit. Pour la confirmation de la position du Cons. Const. relative
à la nature juridique des autorités indépendantes, voir infra ses décisions récentes
in addendum.
(2) Rappelons que les décisions de plusieurs A.A.I. ont fait l'objet d'un R.E.P. devant
le C.E. (cf. note nO 7, chapitre 1). Nous pouvons par ailleurs retenir que cette compé-
tence du juge administratif a toujours fait l'objet, dans la doctrine et dans la juris-
prudence,
d'un
rattachement avec
la nature administrative de
l'organisme en cause,
à l'occasion d'un recours.

- 58 -
On
peut
d'emblée
écarter
leur
appartenance
à
l'exécutif
qui est composé,
en tant que tel du chef de l'Etat et des membres
du gouvernement
; on peut en
faire
de même en ce qui concerne les
collectivités territoriales.
L'A.A.I.
ne
dispose
pas
de
la
personnalité
morale.
Elle
est
une
autorité
centrale
dépourvue
de
lien
particulier
avec
les
collectivités
décentralisées.
Est-elle
pour
autant,
à
l'image
des
administrations centrales, sous l'autorité du gouvernement?
Il ne le semble pas ; sa qualification d'autorité "indépen-
dante" s'y oppose (3).
Celle-ci ne serait cependant pas incompatible,
selon le Conseil Constitutionnel, au devoir de contrôle que la Cons-
titution dicte à l' exécuti f (4).
Ce contrôle n'épouse pas néanmoins
les contours classiques de la surveillance qu'exerce le gouvernement
sur les instances administratives.
D'où l'atypisme des nouveaux organismes (5.2) qui ne ressor-
tiraient
ni
aux
principes
traditionnels
ni
aux
formes
récentes
de l'administration (5.1).
-
SECTION 1 - DES PRINCIPES CLASSIQUES ET DES NOUVELLES FORMES DE L'INS-
TANCE ADMINISTRATIVE
Il
est
rare
de
trouver
dans
les
écrits
des
auteurs
une
définition claire et précise de l"'administration~'
On
s'en
tient
généralement
dans
la
doctrine,
à
quelques
indices d'ordre matériel et/ou organique qui
permettent de
déceler
le sens de l'activité administrative.
(3) De fait pour le juge et pour beaucoup d' auteurs le contenu du concept se ramène
à l'autonomie, voir infra.
(4) Cf. Décision nO 86-217 OC du 18 septembre 1986, loi relative à la liberté de commu-
nication, J.O. du 19 septembre 1986, p. 11294.

- 59 -
Le Pro Rivera en faisait la description suivante : "activité
par
laquelle
les
autorités
publiques
pourvoient,
en
utilisant
le
cas échéant les prérogatives de la puissance publique, à la satisfac-
tion des besoins d'intérêt général" (5).
Une
telle
définition
n'est
cependant
pas
satisfaisante
dans la mesure où elle n'envisage pas tous les cas d'administration.
D'ailleurs
les
analyses
de
plusieurs
auteurs
montrent
que
la
première
caractéristique
de
l'ensemble
administratif
est
la
diversité
de
ses
composantes,
son
caractère
hétéroclite.
Aussi
la meilleure
approche,
dans une étude dont
il
est
l'objet, nous semble être celle dégagée par le Conseil Constitutionnel
dans
sa décision précitée du
23
janvier
1987 qui
impliquerait une
distinction entre
les
organismes ou
autorités sous
le contrôle du
pouvoir
exécutif
et
les
instances
restant
sous
son
autorité.
§ 1. Les organismes ou autorités sous contrôle gouvernemental
Traditionnellement, la majorité de la doctrine a pris l'habi-
tude
de
désigner
les
relations
que
le
pouvoir
central
entretient
avec
les collect i vi tés
terr i tor iales sous
le
vocable
de
"tutelle".
En fait ces liens sont qualifiés de "contrôle administratif"
dans
le
texte constitutionnel
de
1958,
concept
repris
par
la
loi
du 2 mars 1982 relative à la décentralisation (6).
(5)
J.
RIVERO,
Droit
Administratif,
Précis_ Dalloz
11e
éd.,
Paris,
p.
14.
(6) Loi nO 82-213 relative aux droits et libertés des communes, des départements et
des régions, J.O. du 3 mars 1982, p. 730.

- 60 -
Il s'avère cependant que
la situation des autorités locales
n'est pas tout à fait la mêm~ avant et après 1982.
Ceci tend
à
faire penser que l'emploi du mot "tutelle"
serait plus
judicieux
que
celui
de
"contrôle
administratif".
En
tout
cas
la surveillance du pouvoir exécutif se révèle
aujourd'hui
moins
pesante
sur
les
collectivités
locales
que
sur
les entreprises et établissements publics qui conservent leur ancien
statut.
A. Les collectivités territoriales
La Constitution de la Ve République dispose dans son article
72
al inéa
2
"Ces collectivités s'administrent
librement par des
conseils
élus
et
dans
les
conditions
prévues
par
la
loi".
La
liberté
et
l'autonomie
que
confèrent
ces
dispositions
font
l'objet d'une protection particulière par le Conseil Constitu-
tionnel (7)
Elles
ne
sont
cependant
pas
illimitées dans
la mesure où
"les intérêts propres" des personnes morales décentralisées doivent
se conjuguer avec le droit de regard de l'exécutif, au nom du carac-
tère unitaire et indivisible de la République (8).
(7) Cf. L. FAVOREU, "Le Conseil Constitutionnel, l'autonomie locale et le C.F.P.C.",
les cahiers du C.F.P.C., 1978, nO 1, p. 105.
(8) Les mots soulignés représentent les trois facteurs constitutifs, selon la majorité
des auteurs" de
la décentralisation.
Cependant, ils ne co!ncident pas toujours d'un
auteur à un autre.
Voir MM.
DE LAUBADERE,
Traité élémentaire de Droit Administrati f,
T.
l,
5e éd., Paris L.G.D.J., p. 85 et s.
. .. 1 ...

- 61 -
Cette situation se traduit,à l'article 72 alinéa 3 du texte
fondamental,
par
l'existence
du
"contrôle
administratif",
terme
générique
en
ce
qui
concerne
aussi
bien
ses
destinataires
(il
est
susceptible de s'appliquer à d'autres personnes morales ou à d'autres
organismes) que son contenu (9).
Dans
le cas des autorités
locales il semble
recouvri r
deux
hypothèses (10).
-
Dans
la
première,
il
s'agit
de
donner
à
l'instance
de
contrôle le pouvoir de remédier directement
(au besoin par
la sanc-
tion) à l'action défectueuse ou à l'inaction des collectivités décen-
tralisées, ou/et
ne
permettre,
seconde
hypothèse,
à
cette
instance
que
la
possibilité
de
déclencher
un
contrôle
extérieur
(comme
celui
qu'exerce le juge, on sera alors en présence d'un contrôle judiciaire
à l'image de celui qui existe en Angleterre).
Dans la doctrine,
selon qu'on limite le contrôle au premier
ou
au
second
aspect
ou
qu'on
les
associe
dans
un
même
mouvement,
on
est
partisan
de
la
conception
restrictive
ou
de
la
conception
extensive.
Le
courant
restricti f
est
bien
implanté
en
France
(11)
ce
qui
semble devoir
s'expliquer
par
le
fait
que
pendant
longtemps
les
rapports entre
le pouvoir central et les collectivités territo-
(suite de la note 8 page précédente)
- BOULOUrS, Tutelle Administrative, Répertoire Dalloz, p. 1013.
- WALINE, Droit Administratif, Paris S., ge éd., 1963
- BENOIT, "Le Droit Administratif Français", D. 1968, p. 136
- DEBBASCH, Droit Administratif, Paris, Cujas 1971
RIVERO,
Précis
de
Droit
Administratif,
Paris,
Dalloz,
6e
éd.,
1973
- VEDEL, Droit Administratif, Paris, P.U.F., 4e éd., 1973
-
AUBY
et
DUCOS-ADER,
Institutions
Administratives,
Paris,
Dalloz,
1973,
p.
89.
Et pour une vue d'ensemble des positions des auteurs, S. REGOURD, L'Acte
de Tutelle en Droit Administratif Français, Paris, L.G.D.J., 1982.
(9) Sur la généralité du concept, cf. MM. CHAPUS, Droit Administratif Général, Paris,
Montchrestien, 1985, p. 279 et s. et G. MELLERAY, La Tutelle de l'Etat sur les Communes,
0""' .... .; ....
c;...........
1nn1
_ _
I.n
/ 1
.... .&-_

- 62 -
r iales
s'épuisaient
dans
le
cadre
de
la
première
hypothèse.
Cette
pratique
fonde
certainement
la
position de certains
auteurs
qui
ont
critiqué
la
décision
du
Conseil
Constitutionnel
du
22
février
1982
reconnaissant
la
constitutionnalité de
la
loi
du 2 mars 1982 (12).
C'est
le
cas
de
Mme
Le
Bos-Le
Pourhiet
qui
conteste,
en
particulier, la constitutionnalité du transfert du pouvoir d'annulation
du préfet
au
juge,
à
propos
des actes des autorités locales
(13).
Selon le Conseil Constitutionnel ce transfert,
objet essen-
tiel du vote de la loi de mars 1982,
ne serait pas contraire à la
Constitution dans la mesure où le représentant du gouvernement serait
informé des décisions
de
la collectivité locale et disposerait des
moyens
(parmi
lesquels,
le
R.E. P.)
de
faire
respecter
la
légalité
et les intérêts supérieurs de l'Etat (14).
Une
telle
position
peut
se
prévaloir d'arguments solides.
Parmi ceux-ci on peut d'abord relever que cette modalité de contrôle
n'est pas exclue par le texte constitutionnel de 1958 (ni d'ailleurs
par celui de
1948).
Il
faut ensui te souligner que l'interprétation
de
la
Cour
Constitutionnelle
a
une
portée
finaliste
qui
rejoint
un principe fondamental du système juridique français : toute action
administrative relève,
en dernière instance, de la sanction juridic-
(10) CHAPUI5, Ibid.
(11) Voir MELLERAY, op. cit., p. 48.
(12) Cons. Const. 25 février 1982. J.O. p. 759.
(13)
Cf.
"La
décentralisation
et
ses
symboles",
Rev.
Adm.,
1983,
p.
437
et
s.
(14)
Précisons que
la Haute Cour avait déclaré inconstitutionnelles les premières
dispositions qui
prévo\\lClient
le CClractRre exp.cutoire de plein droit des actes des
autorités locales, c'est-à-dire avant même que le Préfet ne soit informé de leur exis-
tence.

- 63 -
tionnelle.
Notons enfin que
le
recours du préfet
n'est
rien d'autre
que
le pendant de
la possibilité
pour
l'autorité
locale de déférer,
pour
excès
de
pouvoir
devant
le
juge
administrati f,
les
actes
de
l'autorité de tutelle.
Aussi_
la
réforme
de
1982
ne
fait
que
promouvoir
l'autre
aspect
du
contrôle
du
pouvoir
exécuti f
à
l'égard
des
colleeti v i tés
locales.
S'agit-il
pour
autant
d'un
abandon
total
des
procédés
de
la
tutelle,
tels
qu'ils
étaient
traditionnellement
mis
en
oeuvre?
Nous ne le pensons pas.
C'est
ce
que
nous
allons
tenter
de
montrer
en
étudiant
l'exercice du pouvoir de contrôle avant et après 1982.
1°.
L'exercice
du
pouvoir
de
contrôle
avant
mars 1982.
Dans la doctrine,
l'étude de la "tutelle" est souvent faite
parallèlement
à
celle
du
contrôle
hiérarchique
et
à
ses
fondements
au sein de l'administration centrale (15).
P-lusieurs auteurs avouent
cependant
la di fficulté à trouver
un
critère
précis
pour
di fférencier
les
deux
formes
de
contrô-
le (16).
Ainsi, pour MM. Venezia, Gaudemet, Chapus, Richer et Melleray,
la mise en oeuvre du
pouvoir de
tutelle par les autor ités centrales
de
l'Etat sur les personnes
renvoie
fidèlement
à
l'image du pouvoir
(15) A propos du pouvoir hiérarchique, voir infra
(16) Cf. par exemple MM. VENEZIA et GAUDEMET, Traité de Droit Administratif, 1. 1,
ge éd., Paris, L.G.D.J., p. 98 et s., et G. MELLERAY, op. cit.

- 6L~ -
disciplinaire
que
ces mêmes
organes
exercent
à
l'égard des agents
de la fonction publique (17).
Certes
le
contrôle
hiérarchique
est
plus
étendu
que
le
contrôle de tutelle,
i l n'empêche que l'on retrouve dans le second
quasiment
tous
les
attributs
que
le
premier
confère,
à
savoir
le
droit de suspension, le droit de révocation et la dissolution (articles
L 121 à L 126 du Code des Communes, dans le cas des assemblées loca-
les) (18).
A propos
du
contrôle
des
actes des autor i tés
locales,
la
doctrine s'accorde pour reconnaître aux collectivités une part d'auto-
nomie
qui
fait
qu'elles
ne
reçoivent
ni
instructions,
ni
ordres
de la part du titulaire du pouvoir de contrôle. Cette liberté serait
cependant réduite au néant Sl on inclut, comme Venezia et Gaudemet,
le pouvoir de réformation des "actes locaux" parmi les attr ibutions
de
l'autorité
centrale,
ce
que
contestent
d'autres
auteurs
comme
Chapus et Melleray (19).
Il reste que,
dans le fond,
on retrouve ici à peu de dif-
férences près,
les mêmes procédés que dans la relation hiérarchique:
ce sont les pouvoirs d'appréciation préalable, de suspension, d'annu-
lation et de substitution.
Les deux derniers pouvoirs cités n' exis-
tent
plus officiellement depuis le vote de la loi du 2 mars 1982.
(17) Voir L. RICHER, "La notion de tutelle sur les personnes en droit administratif",
R.D.P.,
1979,
p.
971
et
tous
les
autres
auteurs
dans
leurs
ouvrages
précités.
(18) Pour la dissolution des assemblées locales, cf. M. Y. MADIOT, "La dissolution
des conseils municipaux", R.D.P. 1974, p. 373.
(19) A propos de la première tendance doctrinale, voir aussi Mme LE BOS-LE POURHIET,
op. cit. Cet auteur affirme que les lois de 1982 ont laissé intact l'ensemble de ces
attributions. En fait ce sont là des hypothèses qui s'intègrent dans le cadre du pou~oir
de substitution de l'autorité de tutelle.

- 65 -
2°. L'exercice du contrôle administratif depuis
mars 1982
Le renouveau du concept de "contrôle administratif" symbolise
selon
les
termes
de
la
circulaire
du
22
juillet
1982
du ministre
de l'Intérieur et de la Décentralisation,
la volonté du législateur
de
promouvoir
de
nouvelles
conditions
d'exercice
du
contrôle
de
légalité des
actes
des
autorités décentralisées
(20).
Les lois des
2
mars
et
22
juillet
1982
entendent suppr imer,
en effet,
les
mani festations
de
la
tutelle
dans
ses
formes
les
plus énergiques,
à
savoir
les
interventions
a
priori
et
par
opportunité
(21).
En
fait
l'ambition
qUl
sous-tend
cette
réforme
est
plus
vaste
il
s'agit
d'une
tentative
de
bouleversement
des
rapports
centre/périphérie dans tous leurs aspects ,par divers textes relatifs
notamment
à
la
fonction
publi9ue
territoriale
et
aux
transferts
des
compétences
de
11 Etat
au
profit
des
collectivités
décentrali-
sées (22).
Cependant dans
la
pensée
de
plusieurs auteurs,
ceci
n'est
qu'une apparence (23). La réalité consisterait en une simple profes-
sion de foi politique ne visant que les symboles du pouvoir de tutel-
le et non
son contenu.
A la
lecture
des
nouveaux
textes,
cette
opinion
apparaît
comme
juste,
du
moins
n'est-elle
pas
dépourvue
de
fondement.
(20) La circulaire du 22 juillet 1982 est relative aux nouvelles conditions d'exercice
du contrôle de légalité des actes administratifs des autorités communales, départemen-
tales et
régionales.
Elle s'adresse aux
Commissaires de
la République
(Préfets).
(21)
La
loi
du
22
juillet
1982
est
publiée
au
J.O.
du
23
juillet
p.
2347.
(22)Ce sont les lois des 7 janvier et 22 juillet 1983, publiées respectivement au J.O.
du 9 janvier 1983, p. 215, A.J.D.A. Spécial "Décentralisation" (bis) de février 1983,
commentaire de CHAPUISAT et BOUYSSOU· et à l' A.J.D.A. de septembre 1983, pp. 466 et
492 avec le commentaire de HAMON et SOULOUMIAC.
(23) Cf. Pro CHAPUS et Mme LE BOS-POURHIET, op. cit.

- 66 -
On
peut
en
effet
noter
que
le
mouvement
de
réformes
ne
touche
pas
certains
domaines,
notamment
ceux
qui
sont
relati fs
au
pouvoir de substitution du préfet en matière de police et au pouvoir
disciplinaire à l'égard des autorités locales.
Dans
l'ensemble,
la
doctrine
dénonce
la
persistance
de
ce qu'elle appelle une tutelle de
facto ou insidieuse dans le sec-
teur
de
l'urbanisme
et
à
l'occasion
de
la
répartition
des
compé-
tences( 24) .
C'est cependant, dans les matières budgétaires et techniques
ou
en
ce
qui
concerne
les
relations
entre
collectivités
locales
elles-mêmes, que
la
tutelle
de
l'Etat
semble
conserver
son
aspect
"paternaliste" d'hier (25).
Aussi la réforme de 1982 est-elle souvent tenue pour insuffi-
sante et pour être à l'origine d'une complexification supplémentaire
des
relations entre
le
pouvoir
central
et
le
pouvoir
local
(26).
Il ne faudrait pas néanmoins passer sous silence son caractè-
re positif qui réside dans la réaffirmation de la fonction régulatrice
du juge à propos de l'unité fonctionnelle de l'Etat.
CI est d'ailleurs dans le cadre de cette logique qu'il faut
replacer le mouvement des A. A. 1 .
Car,
en défini ti ve,
ce qui paraît
essentiel, aux yeux du législateur et des membres du Conseil Constitu-
tionnel,
c'est
la mise en oeuvre de la fonction de sauvegarde des
intérêts de la République par le pouvoir exécuti f et ses représen-
tants, au besoin devant le juge.
(24) Cf. no t. MM. J.B. AUBY,
"La répartition des compétences (Vie des collectivités
territoriales)". Rev. Adm. 1983, p. 176 et Y. M. DANAN, "L'urbanisme en décentralisation
surveillée. Chassez la tutelle,
elle revient au galop
!".
Le Moniteur des T. P.
nO
12, 18 mars 1983, p. 44.
(25)
Voir MM.
BaUZELY,
"Relations entre collectivités l'ocales" , Rev.
Adm.
1983, p.
2t14, J.F. AUBY, "La décentralisation fait-elle naître de nouvelles tutelles ?", A.J.D.A.
1984, p. 412 et SAIDJ, "Les compétences mises en oeuvre dans le contrôle budgétaire",
A.J.D.A. février 1985, p. 60.

- 67 -
S'il fallait cependant émettre un regret à propos des textes
de
1982,
c'est
de
voir
"la
décentralisation
par
services"
exclue
de leur objet.
B.
Le
contrôle
de
l'Etat
dans
la
"décentralisation
par services"
Les
pouvoirs
publics
avaient
eu,
au
moment
du
vote
des
lois
précitées,
l'occasion
d'alléger
la
tutelle de
l'Etat sur
les
entreprises et établissements publics et par conséquent de désarmer
les critiques classiques de la doctrine.
Ils
n'en
ont
cependant
pas
tiré
profit,
laissant
ainsi
entière
la
question
de
l'emploi
du
concept
de
décentralisation,
dans ces matières. En fait la présence de l'Etat est ici telle qu'on
n' hési te pas à lui imputer la responsabilité de la mauvaise gestion
des secteurs industriels et commerciaux.
1°. Le pouvoir de tutelle sur les établissements
publics
La notion d'établissement
public
est
parmi
celles qui
ont
soulevé le plus de controverses dans le droit administratif français.
Celles-ci
sont
relatives
aussi
bien
à
sa
définition
qu'à
sa place au sein des organismes publics (27).
(26) M.
DELCROS note que la frontière qu'ont voulu établir les auteurs du texte de
mars 1982 entre le contrôle de légalité et le contrôle du budget, apparaît en définitive
très mouvante,
voir "le contrôle de légalité des actes administratifs des autorités
communales, départementales et régionales", E.D.C.E., nO 38, p. 23.
(27) Notons cependant que depuis la décision de la Cour de Cassation du 5 mars 1956,
Caisse d'Epargne de Caen
(O.
1956-1-121),
la doctrine considère les établissements
publics comme faisant partie intégrante de l'Administration.
. .. f ...

- 68 -
Car
les
auteurs
conçoivent
l'établissement
public de
plu-
sieurs façons.
On peut cependant s'accorder pour le décrire de la manière
la plus large : à savoir : "toute personne publique autre que l'Etat
et
les
Collectivités
territoriales"
ou
"un
service
public
auquel
pour des raisons de décentralisation, ont été reconnues la personna-
lité morale et l'autonomie financière" (28).
On
retrouve
dans
la
dernière
citation,
les
deux
facteurs
(nous les avons souligné) qui, avec les concepts d'affaires et d'or-
ganes propres, fondent la relation de décentralisation.
Dans le cas des établissements publics, le facteur "d'organes
propres" est réputé inexistant, car il dissimule une présence effecti-
ve de l'Etat (29).
De
fait
le contrôle de tutelle varie beaucoup suivant les
organismes, en partant d'un schéma de base qui peut être le suivant:
une
subordination
organique
par
la
nomination
en
conseil des ministres (le plus souvent) du directeur de l'établisse-
ment, par la présence de représentants des pouvoirs publics au sein
du
Conseil
d'Administration
et
par
la
désignation
d'un
comptable
public.
une
surveillance,
d'un
point
de
vue
fonctionnel,
qUl
est exercée par des contrôleurs
financiers
(membres de
la Cour des
comptes) et techniques (commissaires du gouvernement).
(suite de la note 27 page précédente)
Il existe par ailleurs une liste des établissements publics de l'Etat à
caractère administratif Que publie le décret du 18 janvier 1984 (J.O. 20 janvier 1984,
p. 346). Quant aux E.P.I.C., ils sont désormais compris dans les entreprises contrôlées
majoritairement par l'Etat et dont le répertoire est confié à l' LN.S.E.E.
(décret
du 22 octobre 1984, J.O. 28 octobre 1984, p. 3380).
(28) Cf. MM. VEDEL et DELVOLVE, Droit Administratif, Paris, P.U.F. 1982, pp. 904 et
1007 et d'un point de vue général le Pr. LACHAUME, Grands Services Publics, Paris,
Masson, 1989, p. 137 et s.

- 69 -
Il
faut
cependant
noter
que
ces
modalités
se
révèlent,
depuis quelques années, comme insuffisantes
ce qui a conduit l'Etat
à
rechercher
d'autres
formes
de contrôle,
comme celle qui consiste
à
définir,
dans
une
convention
signée
individuellement
avec
les
entreprises,
les
possibilités
et
objectifs
à atteindre pendant
une
période donnée (30).
2°.
Le
pouvoir de tutelle sur les entreprises
publiques
On
est
en
présence,

aussi,
d'une
matière
confuse

textes,
jurisprudence et doctrine ne sont ni précis ni concordants.
Le
seul
texte
auquel
on
peut
se
référer
demeure
le
décret
du
22
octobre 1984 (31).
On
pourrait
cependant
faire
trois
constats,
à
propos
de
ces entreprises.
- 1. Elles ont une personnalité morale,
2.
Elles
exercent
une
activité
industrielle
et/ou
commerciale,
- 3. Leurs rapports avec les pouvoirs publics sont assujettis
à un certain contrôle.
Ce dernier
est
variable
suivant
la nature
de
l'entreprise
et
la
part
que
l'Etat
détient
dans
le
capital
de
celle-ci.
(29) A propos de la polémique concernant le caractère décisif des 3 critères de la
décentralisation dans le cas de
l t établissement public ou sur l' homogénéité de la
notion elle-même, Cf. MM. DRAGO, Les Crises de la Notion d'Etablissement Public, Paris,
Pedone 1950 j RIVERO ,Précis de Droit Administratif, 6e éd., 1973; J. CHEVALLIER, "Les
transformations du
statut d'établissement
public" Dr.
soc.
1978-81
et S.
REGOJRD,
in thèse précitée, p. 233 et s.
(30) Ces constatations sont tirées de l'étude qui a été menée en 1967 par M. S. NORA
sur l'aspect financier du fonctionnement des établissements publics. On peut par ail-
leurs se reporter au rapport de l'Assemblée Générale du C.E. du 15 janvier 1971, relatif
à "la Réforme des établissements publics", La Doc. Fr., voir par ailleurs pour une
vue récente sur la question,
E.D.C.E.
1985, compte rendu de la section du Rapport
et des Etudes,
"Les établissements publics nationaux : catégories et spécificités".

- 70 -
Ainsi
la tutelle
s'avère le
plus
souvent
pesante
pour
les
entreprises où les pouvoirs publics ont une participation financière
plus
ou
moins
importante,
alors
qu'elle
est
légère


la
part
de l'Etat est insignifiante (32).
Cependant
elle
existe,
généralement,
suivant
un
modèle
qui
fait
intervenir d'une part
le gouvernement
(au moyen des orien-
tations
de
la
politique
économique
et
sociale,
des
subventions
et
grâce à
la présence de
représentants)
et
d'autre
part
le
parlement
(intervention
de
commissions
permanentes
ou
"ad hoc" de
contrôle).
Par
ailleurs
les
entreprises
publiques
restent
toujours
en
rapport
avec
diverses
instances
publiques
te] s
que
la
Cour
des
Comptes,
qui
assume
aujourd'hui
l 'héritage
de
la
Commission
de
Vérification
des Comptes,
le Haut
Conseil
du
Secteur
Public et
le ministère des
finances.
En
définitive
ce
qu'il
faudrait
retenir
du
contrôle
pu-
blic
à
l'égard
des
différentes
personnes
morales
étudiées,
c'est
la
disparition
d'une
image
flottante
de
l'Etat
voguant
entre
le
libéralisme et le nécessaire interventionnisme. Entre ces deux pôles,
le
choix
s'est
aujourd 1 hui
porté
sur
le
premier
malgré
l'effet
de
craquèlement
qui
semble
se
dégager
des
structures
classiques
de
l'administration.
§ 2.
Les organismes et agents sous autorité gouvernementale
Nous
avons
vu
que
"l'administration"
désigne
un
ensemble
de
moyens
matériels
et
humains
destinés
à
assurer
la
satisfaction
(31) op. cit., note 27 ,supra.
(32) Pour de plus amples développements sur la question, voir MM. A. DE LAUBADERE,
et P.
DELVOlVE, Droit Public Economique, Précis Dalloz 1983, p. 657 et s., F.M. DE
FORGES,
Les
Institutions
Administratives
Françaises,
Paris P.U.F.,
1985,
p.
53 et
s.
et enfin B.
JEANNEAU,
Droit des Services Publics et des Entreprises Nationales
Précis Dalloz 1984.

- 71 -
des
besoins
d'intérêt
général.
De
ce
point de
vue
il est
logique
qu'elle
soit
à
la
disposition
des
autorités
qui
sont
chargées
de
conduire la politique de la Nation.
C'est ce que les Constituants de 1958 ont tenu à affirmer
à l'article 20 du texte constitutionnel : ilLe Gouvernement détermine
et conduit la politique de la Nation ••• Il dispose de l'administra-
tion ••• ".
Pour
autant
ils
n'ont
pas
jugé
nécessaire
d'enfermer
le
pouvoir exécutif et son subordonné dans des liens précis et contrai-
gnants.
La
forme
de
relation
pouvant aimsi
exister entre les deux
dépendra des impératifs politiques conjoncturels.
Elle connaît ainsi une certaine évolution qui va de la centra-
lisation pure et parfaite d'hier à une grande autonomie de l'instance
administrative
contemporaine
tout
en
passant
par
des
formes
de
gestion mixtes qui
attestent
par ailleurs de la force d'adaptation
de cette structure.
A. La structure administrative classique : la hiérarchie
Dans
la
doctrine
classique,
il
est
rare
de
trouver
une
définition stricto sensu du concept de hiérarchie.
Les auteurs préfèrent
plutôt
sien tenir
à
une description
de l'organisation hiérarchique.
Celle-ci est appréhendée sous la
forme d'une subordination
de
compétence s des
autorités et
agents administrati fs
au sein dl une
personne morale donnée.

- 72 -
C'est ce que révèlent par exemple les écrits du Doyen Hauriou
desquels Serge Regourd relève les propos suivants : la "hiérarchie si-
gnifie en soi, superposition de degrés dans une organisation autoritai-
re des agents" (33). Quant aux textes officiels, ils procèdent aussi
de la même démarche. C'est ainsi qu'on peut lire dans un texte récent,
la
loi
du
13
juillet 1983 relative à la fonction publique étatique:
"tout fonctionnaire,
quel que soit son rang dans la hiérarchie, est
responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit
se
conformer
aux
instructions
de
son
supérieur
hiérarchique
••• ".
En
fait
cette disposition
constitue un
condensé des posi-
tions des auteurs qui s'articulent toutes autour du concept d'obéis-
sance. Aussi pourrait-on proposer comme définition générale et sommai-
re de la relation hiérarchique,
un rapport qui permettrait, à propos
d'un acte donné, à une autorité de faire prévaloir son point de vue
sur un agent situé en dessous de lui. La question se pose cependant de
savoir si cette hypothèse intègre les cas où le supérieur inter vient
sur
le
fondement
d'une
obligation
légale
ou
réglementaire.
Pour le Pro Eisenmann la réponse est négative, car le supé-
rieur ne
ferait alors que surveiller l'exécution de la volonté d'un
autre.
Selon
l'éminent
auteur, l'autorité
hiérarchique
n'existe
que
là où le supérieur ferait
prévaloir sa volonté personnelle dans ses
rapports
avec
l'agent
inférieur,
soit
en
le
dirigeant
soit
en
le
corrigeant (34).
Ces analyses,
qui ont été faites en réaction aux positions
des auteurs n'établissant aucune différence entre les cas d'application
pure et simple des lois et ceux où le supérieur imposerait sa volonté
(33) L'Actede Tutelle ... , op. cit., p. 44.
(34)
Cf.
C.
Eisenmann,
Cours de Droit Administratif,
T.
II,
Paris,
L.G.D.J.,
1983,
p.
260 et s et "La centralisation et
la décentralisation
: principes d'une théorie
juridique", R.D.P., 1947, nO 49 et s.

- 73 -
personnelle
à
l'agent
subalterne,
ne
semblent
pas
avoir
emporté
aujourd'hui l'adhésion totale de la doctrine.
Les raisons de la réticence de celle-ci peuvent être tirées
du droit positif.
En effet,
il nous semble tout d' abord di fficile de pouvoir
toujours
isoler,
comme
le
fait
M.
Eisenmann,
les
deux
hypothèses.
Celles-ci
coexistent
souvent
dans
un
même
acte
administrati f.
Par
ailleurs
accepter
la
démarche
de
l'éminent
Professeur
consistant à rechercher pour toute action ou tout acte administratif
le
véritable
auteur
équivaut
à
repousser
dans
les
litiges,
toute
autre
responsabilité
que
celle
du
législateur
ou
du
constituant.
Ce qui ôterait toute effectivité à l'état de droit car pour l'adminis-
tré,
les
chances
d'obtenir
réparation
des
dommages
qui
lui
seront
causés
par
l'administration
seront
pour
ainsi
dire
nulles
(35).
Ceci
ne
diminue
cependant
en
rien
le
mérite
de
Charles
Eisenmann
d'avoir
su
renouveler
les
analyses
doctrinales
relatives
à la notion de hiérarchie qui jusque-là, étaient fortement unanimes.
C'est
d'ailleurs
cette
brèche
qui
nourrit
encore
aujourd'hui
la
di versi té
des
posi tions à
l'égard
des
fondements
et
du
contenu
du
concept.
1°.
Les fondements de la notion de hiérarchie
Les auteurs sont peu prolixes sur le sujet.
(35)
Sur
les
développements
relatifs
à
l'Etat
de
droit,
cf.
lnfra,
2e
partie.

- 74 -
Tout
au
plus,
y fait-on parfois allusion à travers l'étude
des
pouvoirs
que
le
supérieur
hiérarchique
détient
sur
l'agent
qui
lui est subordonné (36).
On peut néanmoins,
selon M. Groshens, dégager
trois
sortes
d'approches
dans
les
écrits
des
auteurs
"administrati-
vistes" (37).
Pour la première tendance, représentée par le Pro Laferrière,
le
fondement
du
POUVOH
hiérarchique
résiderait
dans
l'organisation
politique de l'Etat.
Ainsi, en France, c'est la responsabilité du ministre devant
le
Parlement
qui
justi fie
son obéissance
par
les
autorités adminis-
tratives
dans
la
gestion
des
affaires
gUl
leur
sont
confiées.
Dans
le
second
courant,
dont
la
direction
est
attribuée
au
Doyen
Hauriou,
on
estime
que
c'est
l'idée
de service
public,
en
tant
que
fin
de
l'organisation
administrative et
de
son action,
qui
constitue la base du pouvoir hiérarchique.
Enfin
pour
d'autres
auteurs,
comme
le
Doyen
Duguit,
ce
fondement
est
une
garantie
législative
des
administrés
puisqu'il
postule
une
limite
aux
fonct ions
des
différentes autor i tés adminis-
tratives.
On
retrouve
par
ailleurs
une
idée
semblable sous
la
plume
du Commissaire du gouvernement Delvolvé dans ses conclusions sur l' af-
(36) Cf. Les auteurs suivants: WALINE, Droit Administratif ge éd., Paris, Sirey, 1963,
p. 290 et s.
; VEDEL etDELVOLVE, Droit Administratif, Paris, P.U.F., 1982, p. 853;
DE LAUBADERE, VENEZ lA et GAUDEMET, Manuel de Droit Administratif, 12e éd., Paris, L.G.D.J
1982, p. 170 et s. ; BRAIBANT, Le Droit Administratif Français, Paris, Presses F.N.S.P.
et Dalloz,
1984, pp. 27, 28, 58 et s.
; CHAPUS, Droit Administratif Général, Paris,
Montchrestien,
1985, p. 267 et s. et enfin LIET-VEAUX et GEORGEL, J. Cl. adm. fasc.
nO 660, nO 81 et s.
D' un point de vue général, on peut se reporter à l'ouvrage de DI MALTA
qui est devenu aujourd'hui un classique en matière de hiérarchie.
Essai
sur
la
Notion
de
Pouvoir
Hiérarchique,
Paris,
L.G.D.J.,
1961.
(37)
Voir GROSHENS,
"A propos du pouvoir hiérarchique dans
l'Administration",
A. J.
1966, p. 143.

- 75 -
faire QuéraIt (38).
Comme
on
le
voit,
les
analyses
des
spécialistes
du
droit
de l'administration s' avèrent peu appro fondies sur la question, aussi
se tourne-t-on du côté de la science administrative pour en recueillir
des éléments plus substantiels.
Parmi
les
auteurs
concernés
par la matière,
on peut ci ter
M.
Debbasch
qui
replace
l'idée
de
hiérarchie
dans
la
recherche
de
l'intérêt général, objectif du pouvoir politique duquel dépend l'ad-
ministration(39).
J. Chevallier et D. Loschak s'inscrivent dans la même démar-
che.
Ils
considèrent
que
l' expl ication
de
la hiérarchie
doit
être
recherchée, ni dans le principe de légalité ni dans celui de l'effi-
caci té
comme
le
pensent
respectivement
Dugui t
et
Weber,
mais
bien
dans les concepts d'intérêt général et d'unité politique de l'appareil
d'Etat (40).
Nous adhérerions volontiers à cette position car le problème
du fondement de la hiérarchie se rapporte tout simplement à la forme
de
gestion
des
affaires
publiques
que
les
gouvernants
jugent
la
plus apte à fournir les résultats escomptés.
C'est d'ailleurs ce
que dit en substance Charles Eisenmann
dans ses analyses précédemment citées.
Toutefois
il
nous
paraît
plus
conforme
à
la
réalité
de
fonder
le
concept de
hiérarchie
à
la
fois
sur l'intérêt général et
sur les principes de légalité et d'efficacité.
On
parvient
ainsi, à
réconcilier
les di fférentes
positions
doctrinales.
(38) Concl. sous C.E. 30 juin 1950, QUERALT, Droit Social 1951, p. 246 et s.
à propos
du texte de l'arrêt cf. Sirey, Lois et arrêts,
1951,3,85 et la note de J.M. AUBY.
(39) Cf.
DEBBASCH,
Science Administrative,
4e éd., Paris,
Dalloz,
1980,
p. 52
et s.

- 76 -
En définitive,
on peut retenir que l'organisation hiérarchi-
que
constitue
une
donnée
historique dont
la nécessité était dictée
par
l'efficacité
et
la
légitimation
de
la
structure
étatique.
D'ailleurs la création des Autorités Administratives Indépen-
dantes
confirme
bien
cette
analyse
dans
la
mesure

l'avènement
de
ces
organismes
atteste
l'existence
d'une
évolution
scienti fique
et technique à laquelle l'Etat doit aujourd'hui faire face (40 bis).
Ainsi
cette
adaptation
implique
deux
actions
de
sa
part:
ré former ses moyens
juridiques classiques et en forger de nouveaux.
2°. Le contenu de la notion de hiérarchie.
I l évoque
à
la
fois
les
pouvoirs
qu'un
agent
détient
sur
un
autre
qui
lui
est subordonné
et
leurs
modalités
d'application.
Dans
la doctrine
l'analyse
de
ces questions
est
cependant
menée de
façon parallèle aux
implications de
la relation de
tutel-
le (41).
Une
majorité
d'auteurs
distingue
deux
rubriques,
à
propos
des
attributions
hiérarchiques,
d'une
part
les
pouvoirs
sur
les
personnes
et
d'autre
part
les
pouvoirs
sur
les
actes
(42).
Il
existe
néanmoins
une
minorité
importante
qui
milite
pour une approche plus restrictive qui ne couvrirait que les pouvoirs
sur
les
actes.
Elle
regroupe d'éminents auteurs comme Jeze,
Waline
ou
Vedel.
Bien
sûr,
ceci
a
pour
conséquence
de
rendre
difficile
une
énumération
indiscutée
de
ces
pouvoirs,
mais
il
nous
semble
possible d'en donner une configuration générale.
(40) Cf.
J. CHEVALLIER et D. LOSCHAK.
Science Administrative T.
II,
L .G.D.J.,
1978,
p. 7 et s.
(40
bis)
Voi r
infra,
Chapitre
1er
de
la
Seconde
Partie,
Section
1.
(41) Cf. S. REGOURD, thèse précitée, p. 38 et s.
(42) Ibid., voir par ailleurs DI MALTA, op. cit., pp. 1 et 2.

- 77 -
Ainsi
concernant les personnes,
on peut dire que le pouvoir
hiérarchique
consiste
dans
la
possibilité
pour
une
autorité
ou
un
agent
de
déterminer
la
situation
de
fonction
d'un
autre
agent dans
les limites des textes attributifs (43).
Ceci
signi fie
que
le
premier garde la latitude d'organiser
l'emploi
du
second
comme
il
l'entend et de
lui
donner
des
instruc-
tions.
Le premier aspect peut inclure ou non, suivant les auteurs,
le
pouvoir
de
priver
le
subordonné
de
cet
emploi
(44) .
A propos des actes, on peut résumer les pouvoirs du supérieur
hiérarchique par deux attributions
: l'instruction et la réformation
(45).
Ces concepts
impliquent
un contrôle ou
une
surveillancequi
comprend la définition des actes et éventuellement,
leur annulation,
leur
approbation
ou
même
leur substitution dans
certains
cas
(46).
L'existence
d'une
aussi
large
gamme
de
moyens
permet
de
moduler le contrôle au sein de l'administration en
fonction des sec-
teurs
concernés
et des
objecti fs
que
les
pouvoirs
publics cherchent
à atteindre.
Il
est
classique
dans
ce
domaine
de
mettre
en
parallèle
le caractère strict de l'exercice du pouvoir de tutelle etla souplesse
du pouvoir hiérarchique (il est de droit commun) qui a permis naguère,
d'accentuer la centralisation au sein de l'administration.
(43) Sur les limites du pouvoir hiérarchique, voir GROSHENS et RIVERO,
A. J.
1966, op.
cit.
(44)
Certains auteurs "dualistes" convne ROLAND excluent le pouvoir disciplinaire des
attributions hiérarchiques. Sur des développements approfondis relatifs à la question,
voir
EISENMANN,
Cours
de
Droit
Administratif,
op.
cit.,
p.
221
et
s.
(45) Cf. EISENMANN, ibid et WALINE, op. cit.
(46) Voir les auteurs cités à la note 36~ not. DI MALTA, BRAIBANT et VENEZ lA et GAUDEMET.

- 78 -
Paradoxalement Cl est
sur
cet te même
souplesse que se sont
fondées les autorités étatiques pour créer des instances administra-
tives autonomes.
R. Les nouvelles formes de la structurR rlriministrative
----------------------------------------------------
Elles représentent une évolution de l'organisation administra-
tive française par rapport au modèle centralisé, hérité de la période
Napoléonienne,
et
concernent
des
organismes
tels
que
le
Jury,
les
"colllTlissions administratives à caractère juridictionnel" ou les admi-
nistrations de missions (47).
A vrai
dire
les
deux
premières
instances
remontent,
du
point de
vue de
leur création,
au siècle dernier.
Elles ne doivent
d'ailleurs
leur
label
de
"nouveauté"
qu'à
l'originalité
d'exister
au sein de la structure administrative en dehors des liens de hiérar-
chie ou de tutelle.
Ceci
leur
valut
à
l'époque
d'être
quali fiées
de
jur idic-
tion ou de "quasi-juridiction" (48).
C'est
cet
"atypisme"
qui
les
rapproche
des
A.A.!.
à
tel
point
qu'on
peut
estimer
la
filiation,
entre
les
deux
catégories,
fondée.
Elle l'est dl autant plus qu'il existe une autre communauté
d'inspiration afférente celle-là aux circonstances de leur apparition.
Pour les jurys de concours, il s'agit de garantir l'indépen-
dance
du
recrutement
dans l'administration, donc
tout
comme dans
le
phénomène des A.A.I.,de mettre certains secteurs ou actes de l'adminis-
(47) Voir supra p.32.
(48) Ibid.

- 79 -'-
tration
à
l'abri des
influences de toutes sortes qui ne soient pas
liées à la compétence et à la conformité au droit.
Quant aux cas des "Convnissions administratives à caractère
juridictionnel"
et
des
administrations
de
mission,
le
législateur
d' hier,
tout
comme
celui
d' aujoud' hui
pour
les
A. A. 1.
entendai t
promouvoir, d'un point de vue général, une application plus effective
des
principes
de
l'état
de
droit
et
permettre
à
l'administration
de
fonctionner
d'une
manière
plus
adéquate
et
plus
rentable.
1°. Les jurys de concours
Il est sans doute inutile de s' apesantir longuement, aujour-
d'hui,
sur
le
problème
de
la
nature
juridique
de
ces
organismes.
On
peut
en
effet
considérer
le
débat
comme
clos dans
la
mesure
où leur caractère
administratif ne
fait
plus de doute
(49).
Il
s'avère par
contre
intéressant
de
faire
l'historique
de la question pour pouvoir établir avec exactitude le rapprochement
qui existe entre les A.A.I. et les jurys.
Cette
démarche
nécessite
de
rappeler
d'abord
brièvement
en quoi consiste un jury. C'est un groupe de personnalités (fonction-
naires ou non) dont le nombre varie et que l'administration choisit
pour procéder au recrutement de ses agents. Les membres ainsi désignés
examinent
librement
la
situation
des
postulants
dont
l'admission
ou
non
se
fait
seulement
sur
la
base
de
la
compétence.
Ceux qui
composent le jury ne reçoivent aucune injonction de la part de l'auto-
rité administrative,
ainsi même en tant que fonctionnaires ils sont
(49) Cf. SADRAN, thèse précitée, p. 352 et s.

- BO -
placés en dehors de liens traditionnels de tutelle ou de hiérarchie
pendant toute la durée du concours.
Sur
la
base
de
ces
éléments,
ils
furent
considérés
par
certains auteurs, au XIXe siècle, comme des j~ges.
Cependant
force
était
de
reconnaître
que
leurs
décisions
ne bénéficiaient pas de l'autorité de chose jugée. Car, s'il est vrai
qu'une partie de leurs actes échappait à la connaissance de l'autorité
administrative
et
même
au
juge,
il
n'en
demeurait
pas moins qu'un
recours administrati f,
devant
le supérieur hiérarchique était ouvert
à leur propos (50).
La
spécificité
de
ces
instances
demeurait
néanmoins
en
ce qu'elles disposaient d'un pouvoir souverain qui les di fférenciai t
d3s "simples services avec ou sans individualisation dont les décisions
peuventêtre
remises
en
cause
par
l'exercice
de
l'autorité
hiérar-
chique" (51).
Ce sont ces traits que nous retrouvons aujourd'hui à propos
des
A.A.!.
qui
sont
qualifiées
d'organismes
"indépendants"
(52).
Il
faut
cependant
préciser que
le
degré
d'autonomie
est
plus
élevé
dans
ce
cas
que
dans
celui
des
jurys car
les nouveaux
organismes bénéficient, dans leurs textes constitutifs, d'une indivi-
dualisation
matérielle
et
même
parfois
juridique
que
les
seconds
n'ont jamais eu.
(50)
Ibid.
Voir par ailleurs SILVERA et SALON, La Fonction Publique et ses Problèmes
Actuels, Paris, Ed. de l'A.J., 1976, p. 217 et s. ; R.D.P. 1981, p. 1382 et enfin T.A.
d'Orléans, ROSPNVALLON 14 avril 1972, Rec., p. 867.
(51) SADRAN, op. cit., p. 360.
(52) Voir infra.

- 81 -
D':mc à peu de di fférences
près, on peut dire que les jurys
préfigurent
les
A. A. I.
On pourrait
aussi
en dire
de même
pour
les
"commissions- j ur idict ions '.'
2°. Les "Commissions administratives à caractère
juridictionnel"
Leur
création
s'échelonnait
sur
tout
le
XIXe
siècle
dans
des
domaines
aussi
di vers
que
l'ouverture
des
écoles,
l'assistance
publique
et
la
réalisation
de
grands
travaux
publics
(53).
L'objectif
majeur
que
le
législateur
poursuivait
alors
était de
faire
face
à
l'accroissement des activités administratives
et corrélativement de soulager le C.E. qui accusait un retard considé-
rable
dans
le
jugement
des
affaires
qu'on
lui
soumettait.
En fait ceci n'était que la conséquence de ce que des lois
intervenaient sans cesse pour conférer de nouveaux droits ou devoirs
aux citoyens.
D'où le choix du législateur de créer des commissions
chargées d'en appliquer les dispositions.
On peut dès à présent noter l'identité des contextes origi-
nels entre ces commissions et les A.A.I.
Une autre similitude entre ces deux catégories d'organismes
est relative
à
la mixité des aspects administrati fs et des aspects
juridictionnels de leurs fonctions.
Le
dernier
facteur
de
ressemblance
concerne
enfin
leur
caractère
sinon
juridictionnel
du
moins
quasi-juridictionnel.
(53)
Cf.
M.
ARNAUD,
thèse précédemment citée,
p.
12 et s.,
voir aussi supra
p. 32.

- 82 -
O~ relève à ce propos trois éléments.
Le premier est relatif à leur composition. Elle fait généra-
lement
intervenir
comme m3mbres
des magistrats et d' aut res personna-
lités.
C' est le schéma que le législa teur a a-::Jopté pour les A. A. 1.
On
retrouve
quasiment
le
même
pour
les
commissions.
Car
s'il
est
vrai
que
certaines
d'entre
elles
comme
les
con se i Is
de
rév ision ne
comptent
pas
de
magistrats
en
leur
sein, il
n'en
demeure
pas
moins
que
la
règle
générale
est
celle
qui
fait
coexister
des
membres
de
droit,
des
membres
nommés
(parmi
lesquels
des
conseillers
d'Etat)
et des membres élus.
Quant
aux règles de procédure qui conduisent à leurs déci-
sions,
c'est
le
second
élément,
elles
sont
très
proches
dans
les
deux cas de celles que l'on observe devant les instances juridiction-
n311es.
Ainsi
les
commissions
du
XIXe
siècle, dont
M.
Arnaud
dit
de la procédure qu'elle est peu sûre,. se situent presqu'au mêm3 niveau
que les juridictions de l'époque dont la procédure e:3t "inquisitoriale",
"secrète" (peu de précisions législatives à ce sujet).
D'ailleurs certaines d'entre
elles
(c'est
alors
un critère
suffisant pour
leur quali ficatio~l juridictiolÎnelle)
se
plient,
comme
les juridictions, à la règle de "l'ultra petita".
Aujourd' hui, on relève chez
les A. A. 1.
le souci du législa-
teur de promouvoir plein3ment le respect, comme pour les juridictions,
du principe du contradictoire.
Le
troisième
élément
intervient
à
propo3
de
la
nature
de
leurs décisions.
Il s'agit précisément de savoir si elles bénéficient
de l'autorité de la chose jugée.

- 83 -
Pour
les A. A. 1.
nous avons déjà vu qU2 la réponse à cette
question est négative.
Il
n'en
est
cepend3nt
ainsi
que
parce
que
le
législateur
est précis dans ses textes : les A.A. 1.
relèvent du contrôle du juge
adninistratif sur la base d'un R.E.P.
Or
il
ne
l'est
pas
toujours.
Ainsi
pour certaines commis-
sions, aucune disposition ne fut consacrée à ce sujet.
Ce qui
laissait
planer
un
doute sur le caractère de le:Jrs
d,§Cisions dans la mesure où celles-ci pouvaient bénéficier des attr i-
buts
de
l'acte
juridictionnel
tels qu'ils se dégagent
de la défini-
tion
que
M.
Arnaud
donnait
de
l'expression
"autorité
de
la
chose
jugée": "Une fois qu'une question a été tranchée par une telle commis-
sioCl,
elle
l'est
définitivement.
La constatation de
droit
ne
pourra
pas être
modifiée
par
cette
commission,
ni
par
aucun
autre
organe
administratif
ou
judiciaire
et
la
décision
devra
être
exécutée
par
toutes
les autorités de l'Etat"
(54).
En
fait,
selon M.
Arnaud
le C.E. conférait parfois implicitement dans ses arrêts la qualifica-
t ion
juridictionnelle à ces décisions puisqiJ' il se comportait à leur
égard en juge d'appel.
L'auteur reconnaissait en définitive la nature
juridiction-
nelle de quelques unes des commissions.
Ceci n'est pas sans nous rappeler le cas de certaines A.A.I.
comme
le
Conseil
de
la
Concurrence
que
certains
auteurs
n' hési tent
pas
à
qualifier
de
juridiction
(55).
Il
faudrait
e;lfin signaler
la
cri tique
récurrente
qui
accompagne
l'émergence
de
telles
instances.
(54) Cette définition de l'autorité de la chose jugée rejoint celle qui
est donnée
par MM. VEDEL et DELVOLVE 1 voir supra p. 47 .
(55) Voir supra la position de M.DECOCQ, p.34

- 84 -
Elle consiste à dénoncer la déjuridictionnalisation progres-
sive de certaines matières (56).
On
le
voit, l' id~ntité entre les "coll1llissions-juridictions"
et les A. A. I.
semble totale.
Elle autorise ain3i,
plus que pour les
jurys de concours,
l'emploi du con~ept
de "filiation" entre les deu'(
catégories d'organismes.
Ce
mot
ne
saurait
cependant
convenir
pour
caractériser
les
rapports
qui
lient
les
Autorités
Administratives
Indépendantes
aux
administrations
de
mission
ceux-ci
se
ramènent
à
une
simple
identité du contexte originel de leur mise en place.
30. Les administrations de mission
On désigne sous ce vocable des cellules inst ituées au sein
d~ l'administration ou des organismes de même nature créés pou~ mener
à bien des tâches ponctuelles, en principe (57).
Cela
a
été
le
cas
lorsqu'il
s'est
agi
de
promou'/oir
les
intérêts
touristiques,
culturels
ou
économiques
de
grandes
rég.ï.ons
françaises,
ou tout simplement ceux de l' Etat dans certains secteurs
précis, comme celui des musées par exemple (ORSAY).
Il
s'agit
plus
précisé:nent
d'assurer
une
exécution
rapide
et efficiente des travaux par U'le concentration judicieuse des moyens
matéciels et humains.
(56) A propos de la création des "Cocnmissions ... " M. ARN!~UD parle de solution déma::;pgi-
qJe et p3resseuse.
Pour les A. A.!., cf. le rapport d = synthèse de X3V ier DELCROS aux "Entre-
tiens de Nanterre" et infra.
(57) Le concept d'''administration de mission" a
fait son apparition dan"
le lan;J3ge
juridique à la suite d'un article de M. Edgar PISANI à la R.F.S.P.de 1956.L'auteur y
développait une conception nouvelle relative à la gestion administrative. Il préconisait
le maintien des structures classiques de l' adllinistratio'l tout en créant de nouvelles
... f ...

- 85 -
Ainsi
on
arrive
à
éviter
les
lou~deurs administratives
classiques
qui
paralyse~t
l'ap~areil d'Etat
et
rendent
difficile
(ou tout au moins retardent) son adaptation à l'évolution de la so~ié­
té.
De
ce
point
de
vue,
on
peut
associer
ces
organismes
et
les A.A.1.
dans un même mJuvement qui révélerait la nécessité d'u,e
autre méthode
d~ gestion des affaires publiques,
la mise en oeuvr2
d'un nouvel état d'es~rit (58).
Celui-ci
s'avère
cependant
plus
pi:'ofond
dilns
le
cas
des
nouvelles autorités que dans celui
des
administrations de mission,
car pour ces dernières il n'existe pas de processus d'autonomisation.
On pourrait par ailleurs établir un autre parallèle à propos
de la durée de
fonctionnement d,~s deux catégories d'administrations.
Les administrations de mission subsistent rarement au-delà de l'objec-
tif pour lequel elles ont été créées.
Certaines
d'entre
elles
ont
néanmoins
continué
d'exister
sous
forme
d' établissement
public
(musée
d'ORSAY)
ou
en
conservant
leur
structure
initiale
(Commiss3riat
Général
au
Plan). Quant
aux
nouvelles autorités elles sont con;~es pou~ durer car elles s'inscri-
vent
dans
une
nouvelle approche de
gestion des
al"faires publiques.
Il s'agit cepen::iant là d'un principe qui pourrait souffrir
d'une exception prévisible dès à présent : la disparition de la C.A.D.A
lorsque
la
communication
administrative
entrera
dans
les
moeurs.
plus moderl"'es et plus spécialisées pour
la prise el"' charge des objecti fs I"'ouveaux.
Notol"'s
cepel"'dal"'t qu 1 i l n' est
pas
toujours ai sé de différencier administrations de
qestion et administrations de mission.
Cf.
MM.
DE BAECQUE et HO:-LEAUX,
"Les problèmes posés par la diversité
de l'organisation des administrations centrales;' E.D.C.E.,
nO
34,
p.
105 et RIGAUD
et DELCROS, Les Institutions Administratives Françaises. Les structures, Paris, Presses
de la F.N.S.P. et Dalloz, p. 179 et s.

- 86 -
Le point commun entre les A.A.I. et les autorités et ocganis-
mes
qui
vienn3nt
successivem3nt
dl être
étudiés
est
qiJ 1ils
relèvent
tous, en tant que parties de lladministration,du contrôle du pouvoir
exécutif.
Cette
relation
est
par
ailleurs
renforcée
par
11 objedi f
qu'ils poursuivent
: l'amélioration du
fonctionnement de l'adminis-
tration.
Néanmoins
dans
le
cas
des
organismes qui
ont
précédé
les
Autorités
Administratives
Indépendantes, les
pouvoirs
publics
nlont
pas voulu approfondir la spécificité statutaire.
Celle-ci aboutit, p~ur les no~velles autorités, à ~ne fissure
de l'e~semb18 administratif.
(58) Ceci explique certainement la qualification d'"administration de mission" attribuée
parfois à certaines autorités nouvelles telle que la C.O.B. Ainsi l'avaient fait son
ancien président M. Jean Donnedieu
de Vabres (Rev. adll. 1930, p. 237) et ses membres
dans le 1ge rappo::'t au Président de la République, 1986, Direction d:!s J.O., p. 1<31.

- 87 -
SECTION II - DE LA SPECIFICITE DE L'A.A.I.
La
créat ion
des
autorités
nouvelles
relève,
d,~
la
part
du ParlBment , d'une singulière démarche.
En effet, pour la première fois dans l'histoire des institu-
tions
françaises,
le législateur enten::i promouvoir d~ manière systé-
matique l'existence d'instances dotées d'un statut d'autonomie pJussée
au sein de l'administration.
Cette volonté,bien qu'elle ait p~ apparaître comme discutable
du point de vue de sa constitutionnalité, a bénéficié dB la cau':-ion
d,~ la jurisprudence et d'une partie de la doetrin3.
La
division
de
cette
dernière
manifeste
l'originalité
de l'expérience actuelle qui, tout en s'inspirant d'exe~ples étrangers,
n'en épouse pas eAacte~ent le3 mêmes caractéristiques.
§ 1. Les données textuelles
La lecture des texte3 de lois relatifs aux nouveaux orga~isme3
provoque
2hez
l'analyste
des
impressions
contra::iictoires:
celles
d'être en présence d'institutions à la fois administratives et distan-
tes
du
pouvoir
exécut if,
duqu~l relève,
aux
terme:,
d~ l'article 20
de
la
Constitution
de
1958,
toute
instance
d'une
telle
nature.
A.
~~i~~tit~t!Q~ __~~~_~~l~ __ ~~ __~~i~_~~~__ §tI~ft~I~§
administratives centrales
La
quali fication
administrative
des
A.A. 1.
p3ut
se
fonder
sur
une
interprétation
des
dispositions
législa:ives
portant
d'une

- 88 -
part sur leur pouvoir réglementaire et d'autre part sur les modalités
dJ contrôle juridictio'lnel de leurs actes (59).
1°. L'interprétation des dispositions relatives
au pouvoir réglementa ire d,~s A. A. 1.
Dans
la
plupart
des
~extes
constitutifs
le
législateur
prévoit
la
possibilité
pour
les
n~uvea~x org3'lismes
d'édi2ter
des
réglements. Cette disposition rejoint ainsi les nombreuses exceptions
au principe de l'exercice exclusif d~ ce pouvoir par le Premier Minis-
tre
ou
par
les ministrea,
dans
les cas de
délégation
(articles
21,
et 37 de la Constitution de 1959).
En
effet
la
doctrine
rece=1se
aujourd'hui
d~
nomb~euses
hypothèses O'J le pouvoir
ré';Jlementaire
de
tel
ministre
ou de telle
autre autorité:;' éte:ld au-delà du service qui
lui est confié ou de
la catégorie d'individus relevant de sa co~pétence (60).
Cependant ces prérogatives obéiss~nt, à l'image des instan=es
qui
les
exercent,
au
re:3pect
du
principe hié;:-archique qUl
gouvern3
les relations au sein de l'administration.
Ceci signifie que la compétence gé=1érale,en ce qui CO'lcerne
les
affaires
publiques
touchant
l'ensemble
du
territoire
national,
appartient au Gouvernement.
(59) Ces analyses ne porteront
que sur ceux des n:luveaux orga:lisme:;; qui bénéficie:lt
réellement du Label d "'autorités administratives indépendan:es", c' est-à -dire des autor i-
tés qui dispose:lt d'un pouvoir de décision et relèvent du contrôle du juge administra-
ti f.
L'examen du statut des organismes con.;;ul ta: ifs,
qJi n'ont pas 8:l tant que tel
un caractère
administrati f et dont l'indépendnce ou l'autO:lomie ne revêtent pas un
intérêt p3rticulier p:lur notre étud,~, sera entrepris plus loin.
Cf.
infra pour la subdivision relative aux deux catégories d'in:;;tances.
(60) Cf. par exemple les auteurs suivants: MM. J.F. LACHAUME, La hiérarchie des ~stes
Administatifs
Exécutoires
en Droit Public Français,
Thèse Univ.
dl~ Poit iers, 1966,
J.C. DOUENCE, Recherches sur le Pouvoir Réglementaire de l'Aj,ninistration, Paris 1968 ;
... / ...

- 89 -
Donc
tout
autre
pouvoir
réglementaire
est
secondaire
et
doit être exercé en conformité avec
les
texte:3
intervenant dans ce
cadre. C'est dans cette perspective que le législateur a conçu l'inter-
vention
d,~
nouveaux
organismes
publics
au
sein
d,~
l'Etat aux
fins
soit d' ajuste:nent ou d' amélioration soit de promotion des procédures
de protection des droits et libertés du citoyen (61).
Dans
son
esprit
l'institution,
pour
la
première
fois
en
1978,
d'une
"autorité
administrative
indépendante",
la
C.N. 1. l., ne
bouleverse e:l rien cette d')ïnée puisque l'ex8rcice p3r cet organisme
dé son pouvoir réglementaire se fait sous l'encadrement d'un commissaire
du gouvernement désigné par le Premier ministre pour informer l'exécu-
tif
et
provoquer
éventuellement
une
seconde
délibération
(articles
6 et 9 de la loi du 6 janvier 1978).
On
peut
rétorquer
ici
que
ce
représentant
de
l'Etat
ne
dispose pas de véritable pouvoir d'empêchement à l'égard des décisions
de la C.N.I.l. En fait la réalité est que le texte de 1978 n'organise
pas de transfert de compétences du gouvernement au profit de la Commis-
sion.
Il ne prévoit tout au plus qu'une association de cet organis-
me à la prise de certaines décisions concernant les personnes publiques
(le
gouvernement
pourrait
dJailleurs
s'en
dispenser,
article
15
de
. la
loj). Cependant
le
législateur allait être confronté au
problème
de conciliation de l'autonomie des nouvelles autorités avec la compé-
tence
générale
du
Gouvernement
en
ce
qui
concerne
les
réglements,
surtout lorsqu'il entend comme dans
le cas de
la H. A. C. A.
conférer
aux organismes qu'il crée des prérogatives réglementaires.
J.M. DUFFAU, Pouvoir réglementaire Autonome et Pouvoir Réglementaire Dérivé, Th. Paris
2,
1976 et enfir.1
VEDEL et DELVOLVE, Droit Administratif ge éd., op. ciL, pp. 288
et s.
(61) Voir infra pour les attributions des A.A.l.

- 90 -
S'en faisant l'écho dans le cadre des discussions du projet
de
loi
relatif
à
la
communication
audiovisuelle
devant
le
Sénat,
le rapporteur de la Commission des Affaires Culturelles, après avoir
envisagé au
passage
une
éventuelle
modi fication
de
la Constitution
dans l'hypothèse d'une pleine autonomie de la H.A.C.A., conclut à pro-
pos
de
l'article
13,
au
caractère
subordonné
de
ce
pouvoir
(112).
Ce qui se traduisit,
du reste dans
le texte de la loi du
29 juillet 1982, par les dispositions des articles 14 et 17 qui recon-
naissent
à
l'organisme
précité
l'exercice de
prérogatives réglemen-
taires dans le respect des lois et réglements et de la noti fication
au
gouvernement
qUl
pourrait
demander
éventuellement
une
seconde
délibération.
La
C.N.C.L.
qui
a
hérité
des
compétences
de
la
H.A.C.A.
se retrouve dans la même situation que sa devancière.
Les décisions
qu'elle
prend
sur
le
fondement des articles
22, 27 et 34 alinéa 2 de la loi du 30 Septembre 1986 et qui présentent
un caractère réglementaire doivent être transmises au Premier ministre,
lequel
peut demander une seconde délibération dans les quinze jours
suivant leur réception (62 bis).
D'ailleurs pour le Conseil Constitutionnel,ces actes doivent
en outre se conformer aux dispositions législatives et réglementaires
existantes dans leur domaine d'intervention (63).
(62) Cf. Doc. nO 363, Sénat, Annexe au P.V. de la séance du 28 mai 1982. Rapport fait
au nom de la Commission des Affaires Culturelles sur le Projet de loi relatif à l'ins-
titution de la H.A.C.A. par Charles PASQUA, p. 129 et s.
(62 bis) La nouvelle instance de régulation creee par la loi récente du 17 janvier
1989 n'est plus astreinte à cette condition pour l'exercice de son pouvoir de réglemen-
tation. Celui-ci obéit cependant à des limites constitutionnelles strictes. Voir infra,
addendum.
(63) Décision nO 86-217 OC du 18 Septembre 1986, Loi relative à la liberté de communica-
tion, op. cit., 56e Considérant.

- 91 -
Cette
subordination
du
pouvoir
réglementaire
des
A.A.l.
est encore
plus
affirmée
dans
le cas
de la C.O.A.
dont
la création
remonte
à
1968
elle
doit
associer
le
commissaire
du
gouvernement,
nommé en son sein,à ses travaux et transmettre ses décisions réglemen-
taires pour approbation au gouvernement (64).
Il
faut
cependant
réserver
lCl
les développements
relati fs
aux
autorités restantes à
savoir
le
Médiateur,
l'ancienne commission
pour
la
Transparence
et
le
Pluralisme
en
matière
de
Presse
et
le
Conseil de la Concurrence.
Ces organismes ne disposent
pas, en effet, du pouvoir régle-
mentaire.
Le
Médiateur
et
le
Conseil
de
la Concurrence peuvent
être
présentés comme des autorités arbitrales.
Quant à la C.T.P.P. ,le législateur la concevait initialement
sous
la
forme
d'une
instance
de
répression
en
matière
de
presse
ce que condamnait d'ailleurs, dans un sens,le Conseil Constitutionnel.
Il faut néanmoins préciser que pour le Conseil de la Concur-
rence
l'existence dl une autonomie poussée n'affecte en rien les res-
ponsabilités
qui
sont
celles
du
gouvernement
quant
à
la
définition
de
la poli tique concernant
le secteur de la concurrence,
l'organisme
n'intervenant ici qu'aux fins de son application (65).
Elle reste au moins dépendante de ce point de vue.
De fait
on
peut
dire,
d'un
point
de
vue
général
et
au-delà
de
la
mise
en
évidence
d'une
éventuelle
dépendance
matérielle
et
financière,
vis-
(64) Cf. l'article 3 du décret nO 68-30 du 3 janvier 1968 pris en application de l'ordon-
nance du 28 Septembre 1968, J.O. du 4 Janvier 1968, p. 532. Cette situation prévaut
toujours malgré l'affirmation d'une plus grande autorité et d'une plus grande autonomie
de l'organisme par plusieurs textes récents. Voir infra.
(65) En réalité la création de cet organisme.,même si elle révèle un début de changement
de mentalité, ne semble pas devoir signifier le renoncement de l'Etat à son rôle direc-
tionnel dans le domaine économique, voir infra.

- 92 -
à-vis de l'exécutif, que le législateur et le Gouvernement, initiateurs
des textes constitutifs des nouveaux organismes, ont entendu instituer
ceux-ci au sein de l'administration (66).
Ce que confirme du reste l'interprétation des dispositions
législatives
relatives
au
contrôle
juridictionnel
des
A.A.I.
20 • L'interprétation des dispositions relatives
au
contrôle
juridictionnel
des
A.A.I.
L'examen
des
textes
insti tuti fs
fait
ressortir
une
preuve
supplémentaire de la volonté du législateur de conférer aux nouveaux
organismes la nature administrative.
Le
Parlement
a,
en
effet,
voulu
astreindre
les
A.A.l.,
à l'instar des autorités administratives traditionnelles, au contrôle
du
juge
administratif,
sans
pour
autant
changer,
par
ailleurs
les
règles classiques de la représentation de l'administration à l'instance
juridictionnelle.
a)
Le contrôle juridictionnel des A.A.!.
Le
législateur
s'est
rarement
prononcé,
à
l'occasion
du
vote des textes récents, sur le contrôle juridictionnel des décisions
des nouveaux organismes.
Il a cependant
désigné dans la loi du 23 octobre 1984
et
dans
l'ordonnance
du
1er
décembre
1986
le
juge
compétent
pour
accueillir les recours intentés à l'encontre des actes de la Commission
(66)
Voir l'étude monographique de quelques autorités, infra T. II.

- 93 -
de
Transparence
pour
le
Pluralisme
de
la
Presse
et
du
Conseil
de
la Concurrence (67).
POLIr
le
premier
organisme
cité,
la
compétence
revient
au
juge
administrati f
alors
que
le
second
relève
du
juge
judiciaire.
·Nous avons par ailleurs vu à propos de ce dernier cas qu'une
telle disposition ne devait sa validité constitutionnelle qu'au souci
d'une
bonne
administration
de
la
justice qui
la sO\\Js-tem de
la part
du législateur
; ce qui revient à en faire une exception au principe
de
la
compétence
du
juge
administrati f (68).
L'absence
de
rappel
de
ce
principe
dans
les
lois
portant
création
des
autres
autorités
n'a
pas
empêché
le
C.E.
d'accueillir
les
recours
pour
excès
de
pouvoir
dirigés
contre
leurs actes
(69).
Cette
décision
de
la
haute
instance
administrative
trouve
son fondement dans les textes existants dont l'examen permet d'expliquer
le silence du législateur.
Aux
termes
de
l'article
32
de
l'ordonnance
du
31
juillet
1945
relatif
au
C. E.
ne
peuvent
être
attaqués
par
voie
de
R. E. P.
que les actes des autorités administratives.
Ceci
implique
deux
conditions
à
savoir
qu'il
s'agisse
d'actes
ressortissant
à
la
compétence
du
juge administrati f
et
que
ce
soit
des
actes
administratifs
unilatéraux
faisant
grief.
(67) Cette précision serait due _ à notre avis, à l'absence de caractéristiques propres
aux autorités administratives dans le statut de ces organismes,comme le pouvoir réglemen-
taire par exemple.
Elle peut par ailleurs être interprétée dans le sens d'une atténuation
des risaues de confusion entre ces autorités et les instances juridictionnelles, que
certaines prérogatives, comme le pouvoir de sanction par exemple, peuvent favoriser.
(68) En fait le Conseil Constitutionnel n'admet l'exception que dans la mesure où elle
remplit les trois conditions suivantes :
-
la loi du 6 janvier 1987 vise à unifier les règles de compétences.

- 94 -
Le premier principe vise les décisions des hautes autorités
politiques de l'Etat
(Président de la République, Premier ministre)"
des
autorités
qUl
en
dépendent,
des
collectivités
décentralisées
et exceptionnellement des personnes morales de droit privé chargées
d'une mission de service public.
Quand au second, il sous-tend la mise en oeuvre des préroga-
tives de décision individuelle ou réglementaire. Les A.A.I. satisfont
à ces deux conditions.
D'un point de vue constitutionnel en effet, elles ne peuvent
relever que de l'exécutif puisqu'elles n'appartiennent ni au parlement
ni aux instances judiciaires.
Elles
disposent
ensuite
de
prérogatives
juridiques
dont
l'exercice
est
susceptible
de
porter
atteinte
à
la
situation
des
individus ou des groupes de personnes (70).
Par ailleurs la compétence du C.E. ne pourrait se justifier
à
leur égard que dans la mesure où on serait en présence d'une des
hypothèses contenues dans les décrets des 30 Septembre et 28 Novembre
1953 et 30 Juillet 1963.
Or
la
situation
des
A.A.I.
se
rattache
manifestement
à
celle des organismes collégiaux à compétence nationale.
On
le
voit
la
combinaison
de
la
compétence
du
C.E.
et
du
REP intenté à
l'encontre de
leurs décisions
permet
de conclure
- Cette mesure est justifiée par les nécessités d'une bonne administration
de la justice.
- et il ne s'agit que d'un aménagement précis et limité. Cf. supra p. 51 .
(69) Voir supra note 7 p. 18 et infra § 2 du présent chapitre.
(70) cf. infra T. II pour l'analyse fonctionnelle des autorités.

- 95 -
à la nature administrative des nouvelles instances. Cette affirmation
peut
se
vérifier
par
ailleurs,
en
ce
qui
concerne
notamment
leur
représentation devant le juge.
b)
La
représentation
juridictionnelle
des A.A.l.
Le droit positif consacre, en France, l'existence du mono-
pole
de
la
représentation
de
l'Etat
devant
les
tribunaux,
qu'ils
soient judiciaires ou administratifs.
Devant les juridictions judiciaires, ce rôle échoit, selon
l'article 38 de la loi de finances du 3 avril 1955, à l'agent judi-
ciaire du Trésor.
Devant
le
juge
administratif,
il
est
dévolu,
en
vertu
des articles 16 du décret du 22 juillet 1806, 40 et 43 de l'ordonnance
du
31
juillet
1945
aux
ministres
intéressés ou aux
fonctionnaires
délégués à cet effet.
En gardant le silence à cet égard à l'occasion de la création
des
A.A.I.,
le
législateur
entend
confirmer
le
principe.
La seule
exception
qu'il
a
consenti
à
faire
se
trouve
dans
la
loi
du
30
Septembre
1986
dont
l'article
20
dispose
que
le
Président
de
la
C.N.C.L.
a qualité pour agir en
justice au nom de l'Etat,
dans le
cadre
de
l'accomplissement
des
missions
confiées
à
cet
organisme
(71) .
(71) Pour les autres organismes la règle classique de la représentation de l'Etat,
à l'occasion des litiges mettant en jeu l'exercice de leur pouvoir de décision et
pouvant engager éventuellement la responsabilité publique, est maintenue. Voir en ce
sens, la décision du C.E. Sect. du 22 juin 1984 Société Pierre et Cristal et autres cl
Etat, suivie de la note du Pro DAIGRE, en ce qui concerne la C.O.S. par exemple, Rev.
des Sociétés
1985,
p.
634.
Notons cependant l'existence de dispositions permettant
au Président de certaines autorités de collaborer à l'instance de jugement sous forme
de dépôt de conclusions ou d'interventions orales, sur invitation de la juridiction .
... 1 ...

- 96 -
Somme toute il ne s'agit ici ,et les discussions parlementai-
res
précèdant
le
vote
de
la
loi
le
démontrent,
que
d'une
brèche
qUl
ne
remet
nullement
en cause
ce principe du monopole qui sous-
tend par ailleurs l'unité de nature entre les organismes représentés
et
l' autor i té
les
représentant
devant
le
juge
administrati f
(72).
Ceci ne
ferait cependant
pas obstacle ,selon les parlemen-
taires, à
l'intervention
des
diverses
A.A.l.
dans
le
cours
de
la
justice (73).
L'objectif poursuivi étant, dans ce cas, de ménager l'auto-
nomie des nouveaux organismes dans leur fonctionnement.
En
fait
l'emploi
de
ce
terme
tend
à
minorer
le
statut
d'indépendance que le législateur a paradoxalement voulu leur consa-
crer.
Il en est ainsi de la C.O.B. depuis l'adoption de la loi n088-70 du 22
janvier 1988 qui est relative aux bourses de valeurs (article 18, cf. J.O. 23 janvier
1988, p. 1111). Une loi précédente, ce Ile du 14 décembre 1985 (J.O. 15 Décembre 1985)
permettait déjà à cet organisme de pouvoir introduire une action en justice contre
les auteurs d' infractions aux
textes en vigueur
(articles 29 et 4-2 du Titre IV).
Pour de nouveaux développements relatifs à la question,
voir addendum.
Cf. par ailleurs, pour les organismes administratifs autonomes en général,
les conclusions de M.
ROUX sur C.E.
10 janvier 1986, Chambre régionale des - Comptes
d'Ile-de-France, R.F.D.A.
2 (3), mai-juin 1986, p. 396 et la note du Pr. J.M. AUBY
sous C.E. 23 mars 1984, Organisme de Gestion des écoles catholiques de Cou~ron, R.D.P.,
1984, p. 1125.
(72) Cf. Le rapport supplémentaire fait au Sénat par M GOUTEYRON au nom de la Commis-
sion spéciale à propos du projet de loi
relati f à la liberté de la communication,
Doc. nO 415, T. 1, P 41 et s.
(73) Cette intervention existe d'abord sous la forme de saISIne du parquet pour des
poursuites
judiciaires à
l'encontre des personnes physiques ou morales violant les
textes et ensuite par des interventions éventuelles (cas de la H.A.C.A., cf. décision
LABBE et GAUDIN) pouvant recouvrir une vraie participation à l'instance juridictionnelle
(cas du Conseil de la Concurrence).
Sur ce point, voir infra et addendum.

- 97 -
L'élargissement
constant
des
missions
de
l'Etat
dans des
domaines de plus en plus techniques se heurte depuis quelques années
à une revendication relative non seulement à un respect plus effectif
des espaces de liberté mais aussi à leur accroissement (74).
La
réponse
des
pouvoirs
publics
consiste
aujourd'hui
à
créer
des
instances
administratives
qUl
ne
soient
inféodées
ni
à
l'administration traditionnelle ni au pouvoir politique.
Ceci
se
traduit dans
les textes de lois par la mise à
la
disposition des
A.A.!.
de moyens et garanties aussi bien matériels
que
juridiques, leur
permettant
de
garder
une
certaine
distance
à
l'égard des institutions administratives classiques.
1°. Les moyens
Ils sont d'ordre matériel et humain.
Cependant
leur
importance
varie
souvent
d'une
autorité
à
une autre et d'une année à l'autre dans le sens de l'augmentation
(tendance à la croissance des A.A.l.). De fait,ces constats remettent
en cause les prévisions initiales d'une certaine partie de la doctrine
qui tendait à rapprocher les nouveaux organismes des administrations
de mission en se
fondant
sur
la légèreté de
leur
structure et
la
faiblesse de leurs
coûts
(75).
(74) Voir infra notre seconde partie
(75) Cf. en ce sens la Commission du Rapport et des Etudes du C.E. à propos des A.A.l.,
op. cit., p. 20.

- 98 -
Il existe par ailleurs une véritable échelle d'indépendance
des
instances
nouvelles
qui
se
traduit,
au-delà
des
dispositions
textuelles relatives aux moyens financiers,par le degré d'autonomie
à l'égard de l'administration au plan matériel (locaux et personnel).
a)
Les
crédits
de
fonctionnement
des
A.A.!.
La
variété
des
dispositions
législatives
qUl
leur
sont
consacrées et leur volume suivant les organismes témoignent de l'ori-
ginalité
comme
de
l'importance
que
les
pouvoirs
publics
accordent
à certains d'entre eux. On peut en faire le constat à travers l'ana-
lyse de trois éléments :
- Le premier est relatif aux sommes allouées.
Leur
volume
peut
doubler,
voire tripler
d'un
organisme
à un autre.
Ainsi
le
premier
budget
de
la C.N.C.L.
s'élevait
environ
à
156
millions
de
francs, alors
que
ceux de
la
C. N. l . L.
et de
la
C. O. A.
étaient,
pour la même période,
respeeti vement de
13 830
105
et de 63 534 998 francs (76).
On note par ailleurs un accroissement continu des dotations
financ ières au
fil
des
ans,
fait
que
l'on peut observer à travers
deux
exemples : ceux
de
la
C.o.A.
et
du
Médiateur
(77) .
(76)
Ces données concernent
la période
1986-1987.
les chiffres relatifs au budget
de la C.N.l.l. représentent une prévision pour 1986.
Cf.
respectivement
les
rapports de
la C.N.C.l.
pour
1986-1987,
de
la
C.N.l.l. qui s'étale de janvier 1985 à décembre 1985 et de la C.O.B. pour 1987, publi-
cations de la Doc. Fr.
Notons
cependant
qu'en ce qui
concerne
le dernier organisme cité,
le
montant susvisé représente l'ensemble des recettes perçues dans l'année au titre de
redevances diverses acquittées par les personnes physiques ou morales ayant fait appel
à ses services (Décret du 31 juillet 1985).
... / ...

- 99 -
Pour
le
premier,
le
1ge
rapport
révèle
que
le
budget
a
quadru plé en l'espace de dix ans et
triplé de volume en sept ans
ce qui donne les chiffres suivants: 14 millions en 1977, 19 300 000
et
49
644
520
francs
pour
l'ensemble
des
recettes
de
1986.
Dans
le
cas
du
Médiateur,
en
l'absence
de
données
plus
actuelles,
nous
pouvons
citer
les
statistiques
contenues
dans
le
rapport
pour
1986 qui donnent un montant de 2 500 000 francs
pour
l'année 1976 alors
que celui-ci
était
de
1 200 000 en
1973
(78).
Il
est
certain
que
le
volume
du
budget
actuel
dépasse
de
loin celui
de
1976, d'autant
plus que
les
rallonges
importantes
consenties par le gouvernement en 1986 et 1987 ont été jugées insuf-
fisantes par M. Legatte lui-même (79) .
En
fait
ce
sentiment
d'impuissance
peut
être
étendu
aux
autres autorités eu égard à la modicité de leurs moyens comparative-
ment à leurs homologues étrangers, alors que l'on retrouve les mêmes
missions en France et à l'étranger (80).
En effet les termes du 1ge Rapport de la C.O.B. (1986) semblent exclure
le bénéfice de l'allocation financière que cette autorité percevait de l'Etat avant
le vote de la loi du 29 décembre 1984 autorisant le prélèvement des redevances. Celles-
ci s'élèvent à 0,15 ~ du montant des émissions imposables, 0,015 ~ "du montant de l'actif
net en ce qui concerne les sociétés civiles de placements immobiliers
et les orga-
nismes de placement collectif en valeurs mobilières et enfin à 15 000 F pour le dépôt
de documents d'information et de projet de divers contrats-types.
(77)
Les rapports des autres autorités ne contiennent pas de données permettant de
faire une telle comparaison.
Cf. le dernier rapport de la H.A.C.A. pour septembre 1985 à juillet 1986.
1er rapport de la C.N.C.L., op. cit .
. Rapport de la Commission de la Concurrence au Ministre chargé de l'écono-
mie pour 1986.
Pour la C.N.LL., voir infra p. 157 .
(78) Cf. Rapport du Médiateur au Président de la République et au Parlement pour 1986,
la Doc. Fr. p. 39 et s.
(79) Cf. Le rapport pour 1986 op. cit., p. 46. Précisément le Médiateur évoquait la
vétusté du matériel informatique. En fait l'insuffisance des moyens est générale pour
toutes les A.A.JJ.Voir en ce sens,en ce qui concerne la C.O.B., les entretiens accordés
r,Jar son Président au journal "Le "Monde", des 18 et 19 décembre 1988.
(80)
Voir
infra
§
3
pour
les
développements
relatifs
aux
systèmes
étrangers.

- 100 -
Ainsi
la
F.C.C.
américaine
bénéficie d'environ
quatre
fois
plus
de
ressources
financières
de
la
part
du
gouvernement
fédéral
(540
millions
de
francs)
que
la
C.N.C.l.
à
l'égard
du
Parlement
français (156 millions de francs)
(81).
De
même
une
comparaison
des
chiffres
entre
l'organisme
anglais
chargé
de
la
communication
audiovisuelle
Cl' I.A.A.) et la
C.N.C.l.
révèle
un
avantage
du
premier
sur
le
second
(82) .
Par
ailleurs
un
renouvellement
de
la
même
analyse
dans
le
secteur
économique
en
ce
qUl
concerne
la
S. E. C.
américaine
et
son
homologue
français
la
C. O. B.
donnerait
le
même
résultat.
- le second élément marquant, en ce qui concerne les crédits,
est
leur
rattachement
aux
chapitres
budgétaires
des
ministères.. A
cet égard les départements choisis correspondent aux domaines d'inter-
vention des A.A.l.
C'est ainsi que la C.N.l.l. et le Conseil de la Concurrence
(comme
l'ancienne
commission
de
la
concurrence)
relèvent
respecti -
vement
des
ministères
de
la
justice
(article
7 de
la
loi
de
1978)
et de l'économie et des finances
(article 4 alinéa 4 de l'ordonnance
de décembre 1986) (83).
(81) Ces don~ées sont tirées du compte rendu des ge Journées de l'Institut pour le
Développement
de
l'Audiovisuel
et
des
Télécommunications
en
Europe
(l'I.D.A.T.E.)
qui se sont déroulées du 18 au 20 novembre 1987 à Montpellier,
in "Le Monde" du 26
novembre 1987.
Notons cependant que le budget de la C.N.C.L. est plus élevé que celui
de son homologue canadien (le C.R.T.C.).
(82) Sieur Norman CHESTER estime les dépenses relatives aux QUANGOS (Quasi autonomous
non
governemental
organisations)
et
à
d'autres
organismes
similaires
(les "Fringe
Bodies") financés par le gouvernement anglais à 2 367 000 000 en monnaie de ce pays
(statistiques de 1975).
Cf. "Fringe Bodies, Quangos and AlI That", in Public Admini stration Review,
vol. 57, 1979, p. 51 et s.
(83) On peut citer aussi le rattachement de la C.O.B. au ministère de l'économie sur
la base des dispositions contenues dans le titre II, relatif au régime financier, du
décret du 3 janvier
1968 portant organisation administrative et financière de cet
organisme, op. cit.

- 101 -
Dans le même ordre d'idées il y a lieu de citer l'ancienne
H. A. C. A.
et
le Médiateur
dont
le
rattachement
au
budget
du
Premier
ministre obéissait
à
l'origine au souci d'une plus grande autonomie
qui s'est révélée fictive dans les faits.
En
effet
Mme
Cotta,
qui
fut
Présidente
de
la
H.A.C.A.
et M.
Legatte,
l'actuel Médiateur nous apprennent chacun,
l'inconvé-
nient que cette technique juridique génère : le glissement progressif
de
ces
organismes
vers
la
position de
simple service administratif
du Premier ministre (84).
De ce
point de
vue,
en effet,
on peut dire que
le risque
de
récupération
au
sein
des
administrations
classiques
est
général
à
toutes
les
autorités
précédemment
citées
même
s'il
ne
s'avère
être
qu'une
conséquence
involontaire
de
la
réaffirmation
du
rôle
du
législateur dans
les
textes
:
contrôler
les
finances
de
l'Etat.
C'est la conscience de la perte probable de l'autonomie des nouveaux
organismes qui explique de
la part des parlementaires,
l'inscription
directe
des
crédits
de
la
C.N.C.L.
au budget
général
de
l'Etat
et
le souhait
initial des sénateurs de voir l'organisme
fixer
lui-même
le montant de ses ressources devant
figurer
dans la partie relative
aux
charges
communes
CT i tre II réservé aux Pouvoirs Publics) (85).
-
La troisième et dernière
remarque porte sur le contrôle
financier des A.A.l.
Les
textes
constitutifs
des
nouvelles
instances
excluent
dans
leurs
dispositions
l'application
de
la
loi
du
10
août
1922
relative au contrôle financier à priori.
(84) Cf.
Michèle COHA,
Les Miroirs de Jupiter, Fayard 1986, p. 83 et le Rapport
du Médiateur pour 1987, La Doc. Fr. p. 6.
(85) Voy. Les doc. nO 339, J.O.A.N., Rapport de M. PERICARD, T. 1 p. 87 et nO 415,
Rapport supplémentaire de M. GOUTEYRON , T. 1, p. 19.

- 102 -
Ainsi
les A. A. I.
pourTont
soumettre
leurs comptes directe-
ment à la Cour des Comptes (86).
Ceci
découle
logiquement
de
la
liberté
que
leur confèrent
les
lois
et
décrets
de
disposer
de
leurs
crédits
en
fonction
des
priorités qu'elles se sont fixées.
Ce
sont
par
ailleurs
leurs
présidents qui
assurent
le
rôle
d'ordonnateurs des dépenses et des recettes.
En définitive,
le statut
financier
des nouveaux organismes
n'inspire
qu'un
sentiment
mitigé
car
l'impression
dominante
reste
la
confrontation
entre
leur
autonomie
consacrée
par
les
textes
et
la
réalité
administrative
qui
est
faite
de
contraintes,
de
freins
~ leur épanouissement.
Parmi
ces
pesanteurs
on
retrouve
notamment
le
facteur
humain.
b) Le personnel des A.A.I.
Son
importance
en
nombre
var ie
d'un
organisme
à
un
autre
et suivant les années.
En
fait
cet élément ne fait
que refléter l'envergure géné-
rale
et
la
diversité
des
missions
assignées
à
chaque
autorité.
Ainsi
pour
la
C.N.C.L.
les
emplois
inscrits
au
budget
de
1987
s'élèvent
à
223
(96
titulaires
et
127
contractuels)
(87).
(86) La loi du 29 juillet 1982 relative à l'ancienne Haute Autorité garde le silence
sur le régime financier applicable à cet organisme.
Ce fait serait à l'origine du
. glissement que dénonce Mme COlTA.

- 103 -
Ce
chiffre
paraît,
cependant,
démesuré
en
comparaison
de
ceux
du
Médiateur
et
de
la C. o. B.,
qui
sont
respectivement de
59
et
135
(pour
1986
ils
étaient
de
55
et
105)
(88).
Il est
par ailleurs
intéressant de noter que ce personnel
provient
dans
sa
grande
majorité,
des
services
de
l'Etat
(89).
De
fait certains parmi ces agents,
comme les contractuels
de droit privé du reste, ne sont sollicités que ponctuellement (90).
Dans l'ensemble, hormis le cas de la C.N.C.L. ,on a l'impres-
sion de se trouver devant un système de "vases communicants" entre
les
services
de
l'administration
centrale
et
les
A.A.I.
Même
le
Conseil
de
la
Concurrence
qui
bénéficie
d'un
statut
d'autonomie
plus
effective
ne
semble
pas
devoir
s'écarter
de
ce
schéma
dans
la mesure où
il
suit
une
pratique identique à celle de l'ancienne
commission
de
concurrence,
en
ce
qui
concerne
les
enquêtes.
La
signification
de
cet~piphénomène
n'est
autre
que
le glissement auquel on a précédemment
fait allusion et qui semble
inexorable aujourd 1 hui,
des nouveaux organismes vers les structures
administratives traditionnelles.
(87) Cf. le Rapport pour 1986-87, p. 194 et s.
Notons cependant que
les
travaux parlementaires
précèdallt
le vote de
la loi du 30 Septembre 1986 prévoient à terme le chiffre de 500 agents pour la C.N.C.L.
Voir le doc. nO 415 du Sénat, op. cit., p. 15.
Cette
projection prend
certainement en compte l'intégration prochaine
de quelques agents des télécommunications.
De fait les chiffres donnés dans le Rapport précité (223) n'étaient que
de 187 quelques mois auparavant.
Cf. les travaux de l'I.D.A.T.E., "Le Monde" du 26 novembre 1987, précité.
(88) Ces données n'incluent, en ce qui concerne le Médiateur, ni les membres du Cabinet
ni les délégués départementaux (101 en 1986). Elles excluent aussi (sauf lorsqu'ils
appartiennent aux six délégations régionales), dans le cas de la C.O.B., les agents
de la Banque de France auxquels cet organisme fait appel.
(89) Il en est ainsi pour le Conseil de la Concurrence (enquêteurs), pour la C.N.C.L.
(voir la liste répertoriée dans le doc.
nO 415 op. cit.) et pour le Médiateur.
... / ...

- 104 -
Ce
mouvement
est
d'autant
plus
facilité
qu'il
n' y
a
pas
d'homogénéité dans le statut de ce personnel à l'égard des Présidents
des
autorités.
Seuls
les
textes
relati fs
au
Médiateur
(article
15
alinéa
3,
loi
de
1973),
à
la
C.N.LL.
(article
10 alinéas1
et
3,
loi de 1978) et
à la C.N.C.L.
(article 7 alinéa 1,
loi de septembre
1986) disposent que ces agents sont nommés et placés sous l'autorité
des
Présidents,
les
autres
gardent
le
silence
sur
le
sujet.
On
ne
peut,
enfin,
manquer
de
mettre
l'accent
dans
une
portée
comparatiste,
sur
la
faiblesse
du
nombre
de
collaborateurs
des
organismes
français
par
rapport à
ceux des autorités étrangères
similaires.
A cet égard on peut citer
les cas de la F .C.C.
américaine
et
de
la
C. R. T. C.
belge dont
les agents représentent respectivement
environ
dix
fois
(1800)
et
deux
fois
plus
(400)
que
les
chiffres
de la C,N.C.L.
(91).
La
même
opération
peut
être
faite
pour
toutes
les
A. A. 1.
par rapport aux Quangos anglais (92).
D'ailleurs pour cet organisme,
les agents de catégorie C et D ont été
intégrés dans le corps des fonctionnaires de l'Etat pour être ensuite considérés à
la
disposition
du
Médiateur
alors
que
c'est
celui-ci
qui
les
avait
nommés.
Cf. le Rapport pour 1986, op. cit., p. 39 et s.
(90) La loi du 11 juin 1983 relative à la fonction publique dispense les A.A.!. de
l'obligation de n'employer que des fonctionnaires titulaires.
Ceci constitue, par ailleurs un élément supplémentaire bien qu'implicite
dans la reconnaissance de la spécificité de ces organismes.
(91) Voir "Le Monde" du 26 novembre 1987, op. cit.
On peut aussi faire le rapport entre les agents à la disposition de l'Offi-
ce Fédéral des Cartels en Allemagne (245) et ceux du Conseil de la Concurrence dont
le nombre est largement inférieur.
(92) Sieur Norman CHESTER dans son article précité, estimait le nombre d'agents employés
par les "Quangos en 1975 à 184 000. Voir par ailleurs la communication de M. F. MODERNE
sur
les "Modèles étrangers"
au Colloque
sur les A.A.!.,
op.
cit.,
p.
186 et s.

- 105 -
Il est vral qu'en France,
le SOUCl demeure de ne pas VOlr
les
nouveaux
organismes
secréter
une
nouvelle
bureaucratie
on
ne
pourrait
cependant
réusslr
le
parl
d'un
meilleur
fonctionnement
de l'Etat de Droit qu'en garantissant aux A.A.l. des moyens adéquats,
y compris au plan juridique.
2°. Les garanties
Elles
sont
contenues
dans
des
dispositions
juridiques
destinées
à
la
fois
à
mettre
les
nouvelles
institutions
à
l'abri
des
pressions
de
nature
publique
ou
privée
et
à
leur
assurer
la
crédibilité auprès des citoyens.
De
fait
l'esprit
d'indépendance
qUl
préside
à
leur
nalS-
sance
se
traduit
de
plusieurs
manières
dans
les
textes.
Le
choix
de
la
dénomination
d'''autorité
administrative
indépendante"
peut
s'adjoindre,
de
la
part
du
législateur, d'une
interdiction
pour
l'autorité
de
recevoir
des
instructions
et
de
façon corollaire d'une obligation pour les autorités administratives
classiques
de
ne
pas
en
donner
(exemple
de
la
C.N.l.L.)
(93).
Ces
éléments
peuvent
cependant
exister
dans
une
loi
sans
que celle-ci qualifie l'organisme en cause d "'A.A. 1." (cas du Média-
teur).
On
peut
par
ailleurs
ne
retrouver
nl
la
qualification
ni
les
facteurs sus-visés sans pour autant que l' espr i t
d'indépendance
de
l'institution soit
amoindri
(situation du Conseil
de
la Concur-
rence) .
(93) la qualification d'A. A.r. introduite pour la premere fois dans la loi de 1978
(article 8, alinéa 1) créant la C.N.l.l. a été conférée par la suite à la Commission
de Transparence pour le Pluralisme de la Presse (loi de 1984, article 16, alinéa 1),
à la Commission de Concurrence (loi du 30 Décembre 1985 modifiant celle de 1977) et
à la C.N.C.L. (article 4 alinéa 1, loi 30 Septembre 1986).

- 106 -
C'est
dire
que
la
réali té
de
cette
"indépendance"
est
diversement
appréciée
et
vécue
au
sein
des
divers
organismes.
Toutefois les dispositions textuelles traduisent dans l'en-
semble le souci des pouvoirs publics d'assurer à la fois le prestige
des nouvelles autorités, la liberté de leurs membres et la protection
corrélative du citoyen.
a) Les dispositions relatives au presti-
ge de l'institution
Elles
concernent
tout
d'abord
la
composition
des
A.A.I.
Le nombre de leurs membres s'élève rarement à moins d'une
dizaine sauf pour la C.0.8.
et
la Commission des Sondaqes dont les
chiffres sont de 9 personnes pour chacune (Ordonnance de 1967, article
2 et
décret
du
25
janvier
1978).
Ainsi
on
en
compte
17
pour
la
C.N.LL.
(article 8,
loi de
1978),
13 pour la C.N.C.L.
(article 4,
laide Septembre 1986) et 16 pour le Conseil de la Concurrence
(arti-
cle 2 de l'ordonnance de DécembLe 1986) (94).
On
pourrait
cependant
s'interroger
sur
la
pertinence
du
choix
d'un
nombre
Sl
élevé
de
membres
lorsque
l'on
sait
que
des
structures
beaucoup
plus
légères
pourraient
s'acquitter
des
mêmes
tâches avec plus d'efficacité, comme c'est le cas à l'étranger (95).
Peut-être,
dans
l'esprit
du
législateur
l'inconvénient
que présente cette lourdeur est largement contrebalancé par la diver-
sité
des
origines
et
le
mode
de
désignation
de
ces
membres.
(94)
Le
cas
du
Médiateur,
institution
personnalisée
est
à
mettre
à
part.
Par ailleurs, en ce qui concerne la C.N.C.L. le projet initial du gouver-
nement
fixait
le nombre de membres à 9, comme pour l'ancienne H.A.C.A. mais plus
que pour ceux de la C.T.P.P. (6).
Cf. J.G.A.N. débats des 4 et 5 août 1986, Rapport de M. PERICARD au nom
de
la
Commission
des
Affaires
Culturelles,
Familiales et
sociales,
T.
1,
83.
(95) Voir infra § 3.

- 107 -
En effet
le
choix des corps d'origine
fait
ressortir trois
éléments primordiaux :
-
le souci de leur garantir l'indépendance en faisant appel
à
des
personnalités
appartenant
aux
plus
grands
corps
de
l'Etat
(magistrats de
la Cour de
Cassation,
membres du C. E.
par exemple)
;
-
celui
de
la
compétence
technique
par
la
nomination
de
personnes
issues
du
secteur
géré
par
l'organisme
en
cause
et
enfin
la
dimension
démocratique
avec
la
présence
de
parlementaires
ou/et
de
personnalités
qu'ils
ont
choisies.
Il
ne
s'agit
là,
néanmoins,
que
d'un
modèle
de
base
dont
les
variantes
peuvent
comprendre
des
membres
d' instances culturelles
(comme
l'Académie
Française
pour
la
C.N.C.l.)
ou
représentatives
d'autres
secteurs
(exemple
du
Conseil
Economique
et
Social
pour
la C.N.l.l.) (96).
la formule peut par ailleurs s'épuiser dans la forme profes-
sionnelle
par
un
recours
exclusif aux
magistrats,
par
exemple
(cas
de la Commission des sondages).
Une
telle
solution
s'avère,
cependant,
rare
même
si
plu-
sieurs des
domaines
concernés
par
les
nouvelles autorités touchent,
comme
c'est
le
cas
pour
les
sondages,
à
la
politique.
Aussi
en
définitive
on
est
enclin
à
penser
que
l'élément
le
plus
marquant
dans
la
composition
des
A.A.l.
reste
le
poids
du
pouvoir politique dont les manifestations résident dans sa représenta-
tion
soit
par ses
propres
membres
soit
par
des
personnalités qu'il
nomme.
(96) C'est par ailleurs cette formule élargie Qui a eu les faveurs du législateur
pour l'institution du Conseil de la Concurrence.

- 108 -
Une telle
formule
n'est
certes pas inconnue dans d'autres
pays car
elle
présente
l'avantage de maintenir
l'équilibre au sein
de l'autorité (97).
Cependant
cette
prépondérance
du
politique
présente
deux
inconvénients majeurs.
Le
premier
est
la
politisation
excessive
du
choix
des
membres
des nouveaux organismes
qui se manifeste
jusqu 1 au sein des
grands corps de l'Etat (98).
Le second réside dans l'allégeance qui pourrait s'instaurer
entre l'organe politique qui nomme et la personnalité désignée (99).
Selon le Pro Chapus, être indépendant pour une personnalité
nécessi te la réunion de deux conditions
"n 1 avoir rien à craindre
ni à espérer, vouloir être indépendant" (100).
Dans
le
cas
des
A.A.l.,
les
membres
peuvent-ils
l'être
si de leur nomination le pouvoir politique semble attendre en retour
l'adoption
d'un
comportement
révérencieux
(attitude
dénoncée
par
certains en ce qui concerne l'ancienne H.A.C.A.) (101) ?
(97) Cette idée est à l'origine du choix du modèle de la H.A.C.A., à savoir la désigna-
tion des 9 membres par les trois plus hautes autorités politiques de l'Etat
Président
de la République et les Présidents de l'Assemblée Nationale et du Sénat à raison de
3 personnes chacun.
On retrouve la même pratique aux Etats-Unis, par exemple, voir infra.
(98) Cf. La communication et l'intervention du Président NICOLAY au Colloque sur les
"A.A.I." des 11 et 12 juin 1987.
(99) Deux exemples peuvent être cités à ce propos.
Le premier concerne la H.A.C.A. dont,
selon les dires de son ancienne
Présidente Mme COTTA, certaines autorités politiques attendaient de la part de ses
membres
yu'ils
soient
une
simple
instance
d'enregistrement
de
leurs dpcisions:
Tel est le ~as d'un Premier ministre qui n'a pas hésité
à
faire savoir
à Mme COTTA qu'il avait son candidat pour
la présidence de la chaîne publique A2.
Cf.
M.
COTTA,
Les
Miroirs
de
Jupiter,
Fayard,
1986,
p.
176.
Le second exemple est relatif au successeur de la H.A.C.A., la C.N.C.L.
Un des membres de cet organisme, M. DROIT a été inculpé une première fois pour avoir,
semble-t-il, usé de son influence et de son crédit au
profit
d'une chaîne de radio
et une seconde fois pour avoir reçu une somme d'argent de la part du journal pour
lequel il travaillait auparavant.
...1 ...

109 -
D'ailleurs
peut-on dire
qu'ils en
aient
la
volonté
lors-
qu'ils
entretiennent
des
liens
que
les
textes
réprouvent
avec
les
milieux économiques (cas précité de M. Droit) ?
Dans
ces
hypothèses,
le
moins
qu'on
pUlsse
dire
est
que
la réalité finit par avoir raison des garanties ,les meilleures soierlt-
elles,
que la loi a voulu tisser autour de Iél liberté des personnes
désignées pour siéger au sein des instances nouvelles.
b)
Les
facteurs
de
(jarantie
de
la liberté des membres des A.A.I.
Ce
sont
le
bénéfice
d' indennités
substantielles
et
la
maîtrise du réglement intérieur de l'orqanisrne.
Logiquement
le
rôle
d'arbitrage
assigné
aux
autorités
dans certains domaines sensibles ne peut se concevoir sans
l,n effort
du législateur pour mettre leurs membres à l'abri des tentatives maté-
rielles ou financières qui menacent l'assise morale de l'institution.
Cette
interprétation
découle
des
dispositions
contenues
dans la loi du 30 septembre 1986 octroyant aux membres de la C.N.C.L.
des
indemnités
correspondant
à
celles
du
grade
le
plus
élevé
dans
la fonction publique (classement hors échelle).
(suite de la note 99 page précédente)
Ces
deux
affaires
ont
été
conclues
par
un
non-lieu
récemment.
Il reste cependant à faire état des liens politiques que la presse établit
entre ces affaires et certains regroupements de même nature.
Cf. La Revue Pouvoirs nO 45, p.
186 ; M. J. ROBERT, "De l'indépendance
des juges", R.D.P.
'988, p. 3 et les différents articles parus dans la presse dans
le
courant
du
mois
de
février
1988,
notamment
dans
"Le Monde"
et
"Libération".
(100) Cf. Pro R. CHAPUS, Droit Administratif Général, T. l, 4e éd., Paris Montchres-
tien, 1988, p. 306 et s.
(101) Voir note précédente, nO 99.
Notons
cependant
que
la
critique
relative
à
l'absence d'indépendance
de la H.A.C.A. faite notamment par l'opposition politique a été réfutée par Mme COTTA,
qui affirme dans son livre précité que l'organisme en cause est souvent parvenu
à
préserver sa liberté de fonctionnement.

- 110 -
On
tiendrait cet
élément
pour
déterminant
s'il
n'y
avait
le "Cas Michel Droit" précité.
Il
reste
cependant
à
mesurer
l'indépendance
au
plan
de
la liberté de fonctionnement interne des A.A.I.
A priori
laisser
de
tels
organismes
entièrement
maître
de leur réglement intérieur n'est que simple logique
(102). En fait
il
ne
semble
pas
que
ceux-ci
bénéficient
d'un
égal
pouvoir en ce
sens.
Autant
celui-ci
peut
être
total
au
sein
de
la
C.N.C.L.
et
de
la
C. N. 1. L.,
pour
d'autres
organismes
il
reste
très
limité
(103).
C'est
le
cas
pour
le
Conseil
de
la
Concurrence
dont
la
déclaration
de
démission
d'un
des
membres
appartient
au
ministre
chargé de l'économie (article 3 al.
2 de l'ordonnance de 1986),alors
que
cette
prérogative
revient
à
ceux
des
autorités
précédemment
citées.
De
même
ils
fixent
eux-mêmes
leur
réglement
intérieur
et élisent leur président.
Une
telle
différence
est
par
ailleurs
accentuée
par
la
possibi l i té
de
renouve llement
du
mandat
qui
n'existe
pas
pour
les
membres
de
la
C.N.C.L.
contrairement
à
ceux
des autres autorités.
(102) Cf. M. TSIROPINAS, "Aspects des problèmes de la centralisation et de l'autonomie
administrative", Mélanges SEFERIADES, vol.
II, Athènes 1961, p. 733 et infra T.
II.
(103) Le texte concernant l'ancienne H. A. C. A.
est muet sur le sujet; en fait, comme
nous le montre Mme COTTA, cet organisme voyait ses marges de fonctionnement sensiblement
réduites par les interventions des services du Premier ministre.

- 111 -
Théoriquement
cette
remarque
militerait
en
faveur
d'une
plus grande liberté fonctionnelle des membres de la C.N.C.L. par rap-
port aux personnalités des
autres
organismes,
d'autant
plus qu'ils
bénéficient d'une
assez
grande
marge
temporelle
(neuf ans)
que les
autres
n'ont
pas
(leur
mandat
ne
dure
que
cinq
ans
ou six ans).
En
fait
l'indépendance
des
A.A.!.
ne
saurait
se
ramener
à
cet
unique
facteur,
il
en
existe
d' autres
qui
sont
relati fs
à
la protection du citoyen
celle-ci est importante puisqu'elle est à
la base du crédit que les nouveaux organismes peuvent et doivent avoir,
dans la poursuite des objectifs qui leur sont assignés, auprès du pu-
blic.
Les
dispositions
relatives
à
la protection du citoyen.
Elles sont au nombre de trois.
La première consiste dans le refus d'accorder aux personna-
lités choisies une immunité fonctionnelle.
Celui-ci
est
valable
pour
tous
les
organismes
sauf
le
Médiateur,
ce qui de la part du législateur s'avère logique compte
tenu de leur nature non politique et du fait même que leurs actions
tendent à s'inscrire dans l'Etat de Droit (104).
La
seconde
postule
le
respect
du
secret
professionnel
pour
toutes
les
affaires
dont
les
membres et
leurs collaborateurs
ont connaissance dans le cadre de leur travail (105).
(104) Ce que M. PEYREFITTE exprimait très bien à propos de la C.N.I.l., lors des débats
parlementaires consacrés au pro,iet de la loi de 1978. En effet selon le Ministre de
la justice de l'époque : "il n'est pas souhaitable que les membres de la Commission
échappent à la loi pénale s'ils commettent des infractions". Cf. J.O. déb. Sénat 1977,
p. 2786.
(105) les organismes peuvent cependant évoquer dans leur rapport annuel les cas auxquels
ils ont été confrontés dans leurs missions.

- 112 -
Quant
à
la
troisième,
elle
concerne
certaines
incompati-
bilités liées aux fonctions.
le
principe
est
ici
que
l'exercice
d'un
mandat
au
sein
d'une
A. A. 1.
empêche
d'occuper
un
que lconque
aut re
emp loi
pub lic/
privé ou d'avoir une autre charge élective.
Enfait,il n'est consacré que là où tous les membres travail-
lent
à
plein
temps
et
reçoivent
une
bonne
rémunération
(C.N.C.l.
ou C.N.I.l.), car à défaut de telles conditions (Conseil de la Concur-
rence)
ceux-ci
conservent
un
emploi
ou
même
des
intérêts
dans
un
secteur
donné,
parfois
même
dans
celui
de
l'autorité
à
laquelle
ils appartiennent.
Dans
le
domaine
de
la
concurrence
cependant,
permettre
une
telle
pratique signi fie
favoriser
les tentations et livrer les
personnalités à diverses pressions, si ce n'est les pousser à devenir
acteurs
des
situations
qu'elles
sont
appelées
à
trancher.
En
définitive
la
volonté
du
législateur,
telle
qu'elle
se manifeste à travers les textes constitutifs des nouveaux organismes,
paraît très équivoque.
En effet, tout en étant orientée vers l'autonomie des Autori-
tés
Administratives
Indépendantes,
e Ile
a
tendance
à
imprimer
des
limites
à
la
logique
que
cette
démarche
sous-tend
car
certaines
dispositions textuelles ne font que renforcer les liens de dépendance
qui unissent ces autorités à l'appareil exécutif.
Ceci
a
pour
effet
de
créer
autour
du
concept
d' "Autorité
Administrative
Indépendante"
une
confusion
qUI
ne
favorise
point
sa
perennité,
enjeu
immédiat
de
l'"indépendance"
de
l'institution
nouvelle (106).
(106) Si
l'on en juge, en effet,
par la dissolution de la H.A.C.A.,
de la C.T.P.P.
et de la Commission de Concurrence et leur remplacement par la C.N.C.L. et le Conseil
... / ...

- 113 -
Cette fragilité reflète par ailleurs les problèmes théori-
ques que soulève sa perception dans la doctrine et chez les juges.
§
2.
Les
positions
jurisprudentielles
et
doctrinales
L'analyse
des
décisions
juridictionnelles
relatives
aux
nouveaux organismes révèle que seule une qualification administrative
de leur nature serait conforme au droit positif.
La position du juge est largement partagée par la doctrine.
On trouve cependant quelques auteurs qui refusent une telle réduction
sinon de l'indépendance du moins de l'autonomie de certaines autori-
tés.
Suiv2nt
leur
raisonnement,
la
spécificité
conférée par
lé législateur à ces instances en ferait ou un pouvoir de type nouveau
ou au moins une institution en dehors des trois pouvoirs tradition-
nellement reconnus (107).
A. Le caractère administratif des A.A.l. est conforme
au droit positif.
Nous
passerons
d'abord
en
revue
les
enseignements
de
la
jurisprudence à cet égard selon qu'ils viennent du C.E. ou du Conseil_
Constitutionnel~avant d'examiner ceux de la doctrine.
1°. La jurisprudence.
a) Les décisions du C.E.
A chaque
fois
que
la haute instance administrative a été
confrontée à
des
recours
émanant
de
particuliers
à
l'encontre
des
de la Concurrence lors du changement de législature en 1986, l'existence des nouveaux
organismes s'avère bien fragile.
Cf. Pierre NICOLAY, "Les Autorités Administratives Indépendantes : réflexion
prospec-
tivp"- rnmlTl1lniriltion oréritée o. 5.

- 114 -
actes des nouveaux organismes, elle a reconnu sa compétence conférant
ainsi
d'emblée
à
ces décisions
le caractère administrati f et exécu-
toire (108).
En fait elle s'est rarement posée la question de la receva-
bilité
quitte
à
justi fier
ce
refus
par
une
évocation
a
posteriori
implicite
ou
explicite
de
la
théorie
des
trois
pouvoirs.
La première occasion qui a été fournie au C.E. de connaître
des
décisions
des
nouveaux
organismes
fut
le
dépôt
d'un
recours
par M. Retail à l'encontre de la réponse du Médiateur lui
signifiant
une
seconde
fois
son
refus
(après
l'échec consécutif à
sa première
demande
datant
de
1973-74)
de
procéder
à
un
contrôle
des
avis
de
la C.O.B.
Cependant,
avant
d'examiner
le
recours
de
M.
Rétail,
le
juge devait auparavant
résoudre
le
problème de sa compétence, autre-
ment
dit,
savoir
si
le
Médiateur
est
une
autorité
administrative.
La
réponse donnée
par
son
Assemblée, le
10 juillet 1981, est quelque
peu
elliptique
le
Médiateur
est
une
autorité
administrative
"en
raison notamment
de
son
mode
de
nomination"
(décret
en
Conseil
de
Ministres) (109). Le recours aux conclusions du Commissaire du Gouver-
nement Franc nous éclaire néanmoins sur sa démarche.
Le
premier
point
du
raisonnement
de
M.
Franc
consistait
à
déterminer
la
place
de
l'institution
au
sein
des
trois
pouvoirs
traditionnels.
Il déclare en substance
"Ce n'est pas céder néces-
sairement
à
un
cartésianisme
coupable
que
de
tenter
de
rattacher
cette institution à l'un des trois pouvoirs sur lesquels est fondée
(107) Cf. supra p.14.
(108)
Rappelons, en effet, qu'une interprétation cumulative des dispositions de l'or-
donnance de 1945 permet de lier la compétence du C.E. à la nature administrative et
des actes qui lui sont déférés et de leur auteur.
(109) C.E. Ass.
10 juillet 1981, RETAIL, Concl. FRANC req. nO 05-130, R.D.P.
1981
p. 1695 et A.J.D.A. octobre 1981, p. 486.

- 115 -
notre organisation étatique depuis que notre pays connaît des cons -
titutions
écrites
et
que
Montesquieu
inspire
plus
ou
moins
leurs
auteurs" (110).
Il
va
ensuite
successivement
écarter
le
rattachement
au
pouvoir judiciaire et au pouvoir législatif.
Selon lui,on ne saurait assimiler le Médiateur à une juri-
diction
parce
qu'il
ne
rend
pas
des
jugements; son
rôle consiste
seulement
à
faire
des
recommandations
ou
propositions
de
réforme.
Il
ne
relève
pas
non
plus
du
pouvoir
législatif car
il
n'est
m
désigné
par
le
Parlement
ni
responsable
devant
lui.
Alors
"faute
de
mieux"
le
commissaire
du
gouvernement
va conclure au rattachement du Médiateur au pouvoir exécutif. D'ail-
leurs
le caractère administrati f
de cet organisme
serait
confirmé,
selon
lui,
par
l'inscription
de
ses
crédits
au
budget
du
Premier
ministre.
La décision du C.E.
a fait l'objet de plusieurs critiques
dans
la doctrine
il
est
vraiqu'il
n'existe dans
la loi de 1973,
relati~au Médiateur, aucune disposition définissant la nature juridi-
que
de
cet
organisme
et
les
recours
ouverts
à
l'encontre
de
ses
actes.
Une telle circonstance devait cependant se reproduire quel-
ques années plus tard, précisément lorsqu'à propos de l'émission "Par-
lons France"les Présidents dès groupes parlementaires du Rassemble-
ment pour la Réplhlique et de l'Union pour la Démocratie Française,
insatisfaits
de
la
recommandation
faite
par
la
H.A.C.A.
pour
la
disposi tion
de
temps
d'antenne, intentèrent
un
recours
contre
cet
acte devant le C.E.
( 110) Les conclusions du commissaire du gouvernement Franc sont publiées à la R. D. P.
1981, op. ciL, p. 1441.

- 116 -
Dans la décision en Assemblée du 20 mai 1985 qu'il a consacré
à cette affaire,
le C.E.
garde le silence sur la nature de l'orga-
nisme
et
sur
celle
de
ses
actes,
se
contentant
simplement
de
ne
pas faire droit aux prétentions des requérants (111).
Cependant l'examen des conclusions du commissaire du gouver-
nement
Roux
permet
de
faire
ressortir
certains
éléments
capitaux.
Selon
M.
Roux
en
effet, le
caractère
administratif
de
la
H.A.C.A.
ne fait aucun doute pour plusieurs raisons.
D'abord parce que ses neuf membres sont nommés par décret
du Président de la République.
Il estime ensuite que la haute
juridiction doit appliquer
son
contrôle, comme eUe l'a
déjà
fait
à
l'égard
des
organismes
de
même
nature comme
la commission
de
droit
de
réponse,
la
C. N. 1. L. ,
la commission dessondagesou le Médiateur.
Il
trouve
enfin
que
la
Haute
Autorité
est
une
instance
nationale compétente sur l'ensemble du service public.
M.
Roux
ne
fait
pas expressément référence
à la classi-
fication tripartite des pouvoirs de l'Etat. Néanmoins son argumenta-
tion reflète une élimination successive du rattachement de la H.A.C.A.
au Parlement ou aux juridictions.
D'ailleurs le premier a été clairement envisagé puis repous-

à
cause
de
l'absence
de
liens
directs entre
l'organisme et
le
législateur et du fait que son acte ne touche pas aux rapports entre
gouvernement et Parlement.
Quant au second s'il est éc arté,
c'est probablement parce
que,
à l' év idence,
la H. A. C. A.
ne rend pas de jugements. La discré-
tion du C.E. déjà faite s'agissant des A.A.I. dont les textes institu-
(111)
C.E.
Ass. ,20 mai
1985 MM.
LABBE
et
GAUDIN,concl.
Michel ROUX.
R.F.D.A.
1985
pp.
565
et
554,
Rec./
Dalloz
Sirey
1986
note
N.
GRIESBECK,
p.
12.

- 1 Î 7 -
tifs ne disent rien ni sur leur nature juridique ni sur les modalités
du
contrôle
de
leurs
actes, se
mue
en silence absolu
lorsque l'un
des deux éléments est précisé par le législateur.
C'est
ainsi
que
le
C.E.
s'abstient
dans
sa
décision
du
12 mars 1982 (112) de relever que la C.N.I.l. constitue une autorité
administrative
et
se
contente
simplement
de
Vlser
l'article
6 de
la loi du 6 janv ier 1978, relati f au pouvoir réglementaire de cette
institution (113).
Il n'est pas plus explicite en ce qUl concerne la Commis-
sion des sondages.
là encore,
seule
la
lecture des
conclusions de
M.
Robineau permet de décrypter l'arrêt du 22 décembre 1982 (114).
le Commissaiœdu gouvernement y rappelle les dispositions de l'article
10 de la loi de 1977 et du décret du 25 janvier 1978 qui reconnaissent
la compétence du C.E.
Il
fait
par
ailleurs
référence
aux
débats
parlementaires
qui
attesteraient du caractère d'autorité administrative collégiale
de la Commission des sondages.
Il
évoque
enfin
le
contrôle
de
la
juridiction
sur
des
organismes similaires comme la C.N.I.l.
Dans le même ordre d'idées, on peut citer aussi la C.O.B.,
"institution
spécialisée
de
l'Etat",
dont
les actes
relati fs
à la
délivrance
de
visas
et
d'informations
sont
susceptibles
de
faire
grief.
D'ailleurs
le
C.E.
a
eu
à connaître
de
ses
conditions
de
fonctionnement.
(112) C.E. Ass., 12 mars 1982 Confédération Générale du Travail, R.O.P. 1982, p. 1703.
(113) De fait,
en l'espèce, c'est la compétence réglementaire de la commission au
titre de l'article 17 de la loi qui était contestée. Le C.E. reconnait celle-ci mais
censure la délibération incriminée dans le recours.
C'est, outre la qualification d'''A.A.L'', la reconnaissance de ce pouvoir
qui fonde la recevabilité du REP et par la même occasion le caractère administratif
de la C.N.LL.
. .. f ...

- 118 -
Dans
son
arr@t
du
22
juin
1984,
la
haute
juridiction
s'est cependant contentée de rejeter le recours de la société Pierre
et
Cristal
tendant
à
condamner
l'Etat
au
versement
d'indemnités
en se fondant sur l'absence de faute lourde de la part de la C. O. B.
(115).
Dans
des
décisions
récentes
le
C.E.
a
eu
à
connaître
des litiges relatifs à de nouvelles A.A.l.
la C.N.C.L. et le Conseil
de
Concurrence.
Pour
la
première
citée,
il
est
vrai,
son
travail
se trouvait simplifié par la loi du
30 septembre 1986 qui qualifie
l'organisme d'A.A.l.
Du
reste
le
problème qui
se
posait
ne concernait
pas
ses
actes
proprement
dits.
I l
s'agissait
plutôt
de
l'exercice
de
son
pouvoir
de
contrôle
et
de
sanction
à
l'égard
des
entreprises
de
communication
coupables
d'infraction
dans
le
cadre
de
la
loi,
lui
permettant
de
saisir
le
président
du
C.E.
en
référé
(116).
Le
Conseil
de
la
Concurrence
ne
bénéficie
pas, quant
à
lui, de la qualification d'A.A.l. dans l'ordonnance de décembre 1986.
Mais ce texte soumet ses décisions relatives aux mesures conservatoi-
res au contrôle du C.E.
Dans
les
conclusions
qu'elle
a
rendues
sous
l'arr@t
du
30
octobre
1987,
Société
J.V.C.
Vidéo-France,
Mme
Martine
Laroque
n'hésite
cependant
pas
à
qualifier
le
Conseil
de
la
Concurrence
Cf.
Les concl.
du Commissaire du gouvernement Dondoux,
A.J.D.A.
1982,
p.
541
et
la
note du Pr.
J.M.
AUBY sous
la même décision,
R.D.P.
1982,
p.
1696.
(114) Cf. Concl.
et C.E.
Ass.
22 décembre 1982, François d'ORCIVAL, A.J.D.A. 20 mai
1983 p. 321 et s.
(115) C.E. Sect. 22 JUIn 1984, Société PIERRE et CRISTAL, Société GIMIF et M. JANNES
c. Etat, note M. J.J. DAIGRE, Rev. des Sociétés 1985, p. 634.
(116)
Cf.
C.E.
Ordonnances de
référé,
16 mars
1988,
C.N.C.L.
c.
T.F.1.
et 21
juin
1988,
C.N.C.L.
c.
La Cinq et C.N.C.L.
c.
M.6,
note Y. GAUDEMET , R.D.P.5.
1988, p.
1373 et s.

- 119 -
d'A.A.!. (117).
Cette occasion lui est fournie par la comparaison qu'elle
établit entre cet organisme et son devancier, la commission de concur-
rence, laquelle n'avait précisément dans le domaine en cause, contrai-
rement au Conseil, aucun pouvoir de sanction.
Son rôle se limitait simplement à donner un avis au minis-
tre de l'économie (118).
Le
Commissaire
du
Gouvernement
quali fiera
plus
loin
les
mesures
conservatoires
de
"mesures
administratives".
Elle
évoquera
par
ailleurs
implicitement
la
nature
administrative
du
Conseil
de
COncurrence
en
parlant
de
la
procédure
contradictoire
déployée
à
l'instance et de son respect (119).
Au sortir de
l'analyse
de
toutes ces décisions,
on peut
retenir la volonté du juge administratif de ne pas voir lui échapper
le
contrôle
des
nouvelles
autorités,
entreprise pour
laquelle
il
bénéficie du soutien du juge constitutionnel.
b) Les décisions du Conseil Constitu-
tionnel
L'intervention
de
la
Haute
Cour
Constitutionnelle
dans
le
débat
relati f
aux
nouveaux
organismes
est
très
récente.
Sa
contribution
s'est
faite
sous
la
forme
de
décisions
ponctuelles
concernant
certains
organismes
dont
le
cas
lui
a
été
(117) Concl. M. LAROQUE sur C.E., 30 Octobre 1987, Société J.V.C. Vidéo-France, R.F.O.A.
1988, op. cit. p. 62.
(118) Cf. La loi du 19 juillet 1977 op. cit. not. dans son article 1er et son Titre II
et
par
ailleurs
les
articles
50
à
59
de
l'ordonnance
de
1945
sur
les
prix.
(119) Concl. LAROQUE, précitées.

- 120 -
soumis par les parlementaires, ce sont les suivantes.
Décision nO 84-181 D.C.
des 10 et 11 octobre 1984 ; Décision nO 86-
210 D.C. du 29 juillet 1986 ; Décision nO 86-217 D.C. du 18 septembre
1986 et la dernière Décision nO 86-224 D.C. du 23 janvier 1987 (120).
De ces décisions, on retient deux enseignements fondamentaux
sous
la
forme
d'un
principe et
son corollaire
:
la nécessité d'un
encadrement
juridictionnel,
fondé
sur
leur
caractère administrati f,
des
autorités
administratives
indépendantes
et
la
banalisation
de leur indépendance.
Dans le premier cas, relatif à la création de la C.T.P.P.,
le Conseil Constitutionnel censure notamment les dispositions relati-
ves aux articles 19 et 20 en ce qu'elles permettaient à la Commission
de
sanctionner
les
entreprises
coupables
de
violations
de
la
loi,
avant même que le juge ne soit saisi.
De
façon
précise, il
condamnait
l'effet
qu'auraient
pu
produire
les
dispositions
précitées
l'introduction
tacite
d'un
régime d'autorisation
préalable que
l'article
11
de
la Déclaration
de 1789 interdit (5e et 7e Considérants) (121).
Dans
la
décision
du
18
septembre
1986
consécutive
au
vote de la loi
instituant la C.N.C.L.,
en remplacement de la Haute
Autorité,
le
Conseil
évoque
directement
le
caractère
administratif
de
cette
autorité
en
affirmant
qu'elle
sera

l'instar
de
toute
autorité administrative, soumise à un contrôle de légalité qui pourra
être
mis
en
oeuvre
tant
pal"
le
Gouvernement,
qui
est
responsable
devant
le
Parlement
de
l'activité
des administrations
de
l'Etat,
que
pal"
toute
personne
qui
y
aurait
intérêt"
(23e
Considérant).
(120)
Voir Décision
des
10 et
11 octobre 1984. A.J.D.A.
1984, p. 684 ; Décision du
29 juillet 1986, J.Ù. 30 juillet 1986, p. 9393 ; Décision du 18 septembre 1986, J.O .
... f ...

- 121 -
Le
contrôle
du
juge
administratif
s'avère
d'ailleurs
indispensable pour cet organisme qui dispose, par ces recommandations,
du pouvoir d'édicter des décisions à caractère obligatoire,
suscep-
tibles
de
faire
grief
(14e
considérant).
Il
l'affirmait
déjà, du
reste, dans
une
décision
précédente,
celle des
25 et
26
juin
1986
(122).
Cependant
outre
cet te
surveillance,
la
Commission
devra
par
ailleurs
et
malgré
la dénomination
"d'autorité
administrative
indépendante", être
soumlse
dans
sa
gestion
au
droit
de
regard
du
gouvernement.
Les
A. A. 1.
se
voient
ainsi
ravalées
au
rang
de simples
autorités administratives au sens de l'article 20 de la Constitution
de
1958.
Le
législateur
peut
en
effet
les
supprimer
à
condition
que
cette
suppression
n'aboutisse
pas
à
priver
les
administrés
de
garanties pour l'exercice d'une liberté fondamentale.
Le Conseil Constitutionnel le laissait d'ailleurs entendre
dans
sa
décision
du
29
juillet
1986
relative
à
la
disparition de
la C.T.P.P.
Rappelons enfin la reconnaissance de la nature administra-
tive
de
la
dernière
"née"
des
nouveaux
organismes
le
Conseil
de
Concurrence dans la décision du 23 janvier 1987 (123).
du 19 septembre 1986, p. 11294 ; Décision du 23 janvier 1987, J.O. du 25 janvier 1987,
p. 924.
Notons cependant que ces décisions ont été précédées par celle du 26
juillet 1984 relative à la loi portant exploitation des services de radiotélévision
mis à la disposition du public sur réseau cablé, Rec. p. 63.
(121) Cf. Supra p. 54 et s.
(122) Cette décision est relative à la loi d'habilitation du 2 juillet 1986 portant
diverses
mesures
d'ordre
économique
et
social,
op.
cit.
supra p. 51 et s.
(123) Voir supra, p. 51 et s.

- 122 -
Ca4actère
qui
le
plaçait
logiquement
sous
le
contrôle
du
juge
administratif
si
le
législateur
n'avait
pas
préféré
dans
le
souci
d'une
bonne
administration
de
la
justice,
confier
celui-
ci
à la compétence
du
juge
judiciaire.
Certains auteurs se
posent
des
questions
sur
la
solidité
de
la démarche
ainsi
suivie
par
le
Conseil Constitutionnel (124).
2°. La doctrine
Les auteurs adhèrent, dans leur grande majorité, à la solu-
tion
initiée
par
le
Conseil d'Etat, sur
l'initiative du Commissaire
du gouvernement Franc,à l'égard des A.A.I. dans sa décision relative
à l'affaire Rétail, même si certains d'entre eux émettent des doutes
sur le caractère administratif du Médiateur.
De
fait
dans
leurs
écrits,
ils
adoptent
une
démarche
classique qui s'inscrit dans le droit positif
démontrer en premier
lieu
que
ces
organismes
représentent
l'Etat
pour
enfin
conclure
qu'ils ne peuvent appartenir qu'à la catégorie résiduelle de l'admi-
nistration.
a)
Les
A.A.I.
"représentent"
l'Etat
Devant le laconisme du législateur à l'égard de la qualifi-
cation
des
nouveaux
organismes,
la
doctrine
s'est
heurtée
dès
le
début
à
un
problème
théorique
consistant
à
déterminer
leur
place
exacte, au sein de l'Etat (125).
(124)
Cf.
Catherine
TEITGEN-COLLY,
"Les autorités
administratives
indépendantes
:
histoire d'une institution", communication au colloque des A.A.1. op. ciL, p. 66.
(125) Le législateur n'a conféré la qualification d'A.A.l. qu'à certains des nouveaux
organismes, cependant il établit souvent lors des travaux préparatoires au vote une
assimilation
entre
ceux
qu'il
qualifie
de
telle
et
les
autres
autorités.
Voir par exemple FOYER, débat relatif à la Loi du 6 janvier 1978, J.O.
déb. A.N. 4 octobre 1977, p. 54.

- 123 -
Il
s'agissait
en
l'occurrence
de
confronter
les
disposi-
tions
législatives
aux
données
traditionnelles
du
droit
positif
français.
Pour cela il
fallait
recourir au concept d'autorité admi-
nistrative et à l'analyse précise de son contenu.
La notion d'autorité administrative ne
fait
l'objet d' au-
cune
définition
textuelle
et,
on
le
sait,
les
critères
proposés
par
la
doctrine
s'avèrent
le
plus
souvent
imprécis
et
discutés.
Les
auteurs
classiques,
partisans
pour
la
plupart
de
l8
thèse
uni taire
s'évertuaient
à
la
cerner, sans
succès, à
partir
de la conception organique (126). L'approche matérielle plus utilisa-
ble
il
est
vrai,
ne
donnait
pas
toujours, elle
non
plus,
entière
satisfaction (127).
Il
est
vrai
que
la
di fficul té
d'une
telle
démarche
est
qu'elle
nécessite
de
trouver un élément assurant
l'uni té du concept
d'administration.
Ce
facteur
existe
c'est
la
représentation
de
l'Etat
par
l' autor i té
administrative
(128) .
On
trouve
la
mise
en
oeuvre
de
cette
technique
d'identification
appliquée
aux
A.A.!.
chez
des
auteurs
comme
MM.
Sabourin,
Chevallier,
Cannac
et
Gazier
(129).
(126)
Tel
est, par
exemple, le
cas
du
Doyen
HAURIOU,
op.
cit.
supra
p.
18.; Cf.
par
ailleurs
des
auteurs
comme
MM.
BATBIE,
BONNARD
et
ROLLAND ou VIVIEN cités
tous par
P.
SABOURIN dans
sa
thèse,
La Notion
d'Autorité
Administrative
en
Droit
Administratif
Français,
L.G.D.J.,
1966,
p.
15 et s.
(127) Ainsi,
certaines
définitions
de
l'autorité
administrative
ou
de
l'administration, comme
celle
du
Pro
RIVERO
par
exemple
(supra
p.
59),
ne
couvraient
pas
toutes
les
situations
dans
lesquelles
des
personnes
morales
privées
intervenaient pour
le
compte d'une
personne
publique.
Tel
était
le
cas
pour
l'affaire
MONPEURT
(C.E.
31
juillet
1942
G. A. J . A.
1978 ,
P .
269 )
que
M.
LAVl AL LE
a
in ter pré t ée dan s i e
sens d'une assimilation des corporations à des commissions administra-
... / ..

- 124 -
En
fait
parmi ceux-ci, seul P.
Sabourin s'attache à démon-
trer longuement la fonction de représentation des nouveaux organismes
à
l'égard de l'Etat,
les autres se contentant simplement de relever
leur
caractère
public
en
se
référant
au
fait
qu'ils
sont
créés
à
l'initiative des pouvoirs publics, bénéficient de crédits et utilisent
des
moyens
matériels
et
humains
que
ceux-ci
mettent
à
leur
dispo-
sition (130).
Dans
l'article
historique
qu'il
leur a consacré en 1983 et
qui
constituait
la
première
approche
globale
du
phénomène,
le
Pr
Sabourin examine
les nouvelles autorités une par une pour constater
leur
appartenance
à
la structure
étatique sur
le
fondement
de
deux
éléments essentiels.
Le
premier
tient
à
l'absence
de
personnalité
morale
alors
que
le
second
est
relatif
à
l'imputation
sur
le
patrimoine
de l'Etat de tous les dommages qui surviennent à l'occasion de l'exé-
cution de leurs décisions réglementaires ou individuelles.
L'auteur
va
d'ailleurs
confirmer
ultérieurement
cette
analyse,
dans
une
communication
faite
au
Colloque
sur
les
A.A.I~
en
affirmant
que
celles-ci
ne
peuvent
que
représenter
l'Etat parce
qu'elles
sont
ignorées
de
la
Constitution-, qu'elles
ne
bénéficient
pas de
la personnalité morale et enfin que le
juge veille sur leur
tives. Cf. J.B. AUBY, La Notion de Personne Publique en Droit Administratif, thèse
Université Bordeaux l, 1979, p. 278.
En fait la clarification qu'apporte le C.E. quarante ans après, infirme
cette thèse et consacre le caractère privé de tels organismes. Cf. C.E. 7 décembre
1984, Centre d'études marines avancées et M. COUSTEAU, Concl. 0.0. DE LAMOTTE, R.F.D.A.
1985, p. 381 et s.
Voir par ailleurs, SABOURIN, 00. cit.
(128) Cf. SABOURIN et AUBY (J.B.) précités.
C'est par ailleurs l'interprétation qu'on peut donner du sens de la
décision du C.E. dans l'affaire Amadou Robert,26 juillet 1985 concl. JEANNENEY, R.F.D.A.
1986, p. 179.

- 125 -
rôle de représentant de l'Etat (131).
Au sein de cette structure étatique elles ne relèveraient
cependant que de l'administration, perçue comme un ensemble hétéroclite,
car elles ne sont ni législatives ni juridictionnelles.
Les
nouvelles
autorités
trouveraient
ainsi
leur
place
au
sein
des
trois
pouvoirs
traditionnels
parce
que
la
troisième
catégorie
comprenant
l'administration
subordonnée
à
l'exécutif est
devenue
"élastique"
du
fait
de
l'élargissement constant
du
concept
d'autorité administrative (132).
Les A. A. 1. seraient alors une nouvelle variété d'autorité
administrative selon une thèse défendue surtout par le Pro Chevallier
et
à
laquelle
adhèrent
implicitement
beaucoup
d'auteurs
(133).
b)
L'étude
des
A.A.l.
en
fonction
de
la
théorie
des
trois
pouvoirs
Pour
la plupart des
analystes,
le phénomène
nouveau
des
A.A.l., quelle
que
soit
son
originalité, ne
peut
être
étudié
qu'à
partir des données' du droit
posi ti f,
c'est-à-dire la classi fication
des pouvoirs de l'Etat en trois catégories: le législatif, le judi-
ciaire et l'exécutif.
(129) Voir respectivement MM. P. SABOURIN, "Les autorités administratives indépendantes.
Une catégorie nouvelle", A.J.D.A. 1983, p. 275 ; Y. CANNAC et F. GAZIER, "Les autorités
administratives indépendantes", E. D.C.E. nO 35, 1983/84 p. 13 et s. et J. CHEVALLIER,
"Réflexions
sur
l'institution des
autorités
administratives
indépendantes" ,
J. C.P .
1986 éd. G, l, 3254.
(130) CANNAC et GAZIER et CHEVALLIER, op. cit.
(131) P. SABOURIN , "Les autorités administratives indépendantes dans l 'Etae' ,Colloque
de Paris des 11 et 12 juin 1987, op. cit, p. 93 et s.
(132) Ibid.
(133) Voir infra p.126.

- 126 -
Ils
trouvent
d'autant
plus
de
ralsons
de
le
faire
que
cette
méthode
n'a
jamais
été
infirmée
ni
par
les
auteurs
ni
par
le juge.
Elle sous-tend une unanimité solide qu'aucune thèse doctri-
nale n'arrive à ébranler. Pas même celle qui attribuait, contrairement
à
Hauriou,
à la notion d'"autorité administrative" une double dimen-
sion: celle de l'autonomie et celle de la subordination (Lafferrière,
Rigaud et Tricot).
C'est précisément le triomphe de ce caractère polycentrique
du concept qui explique 18 compatibi li té des nouveaux organismes avec
les données institutionnelles.
Comme
l'écrit
le
Pro
Chevallier: "Administration et acte
administratif constituent des catégories purement résiduelles, englo-
bant tout ce qui,
dans 11 Etat,
ne relève pas dl une des catégories
précédentes"

savoir
le
législatif
et
le
judiciaire)
(134).
En
fait, la majorité
des auteurs adhèrent à cette thèse,
implicitement ou de façon explicite.
On peut citer en ce sens H. Maisl pour lequel, les A.A.I.
"sont
dans 11 administration
mais
à
la charnière de di fférents
courants et de différents intérêts" (135).
C' est le cas aussi de C.
Teitgen-Colly qui les considère
comme des
"organismes publics dépourvus de
la personnalité morale,
qui sont
conçus comme
ni étant
ni subordonnés au pouvoir exécuti f,
ni des prolongements du pouvoir législati f ou judiciaire ••• " (136).
(134) J. CHEVALLIER, op. cit.
(135)
Cf.
H.
MAI5L,
"Les autorités
administratives
indépendantes
:
protection des
libertés
ou
régulation
sociale?", communication
au
colloque
précité,
p.
75
et
s.
(136) Catherine TEITGEN-COLLY, "Les autorités administratives indépendantes : histoire
d'une institution", Colloque précité, p. 21 et s.

- 127 -
On peut enfin ranger dans le même courant d'autres juristes
comme
Hubac
et
Pisier
et
J.P.
Costa
qui
avancent
respectivement
le
principe
de
la
nature
administrative
des
nouvelles
autorités
conformément
à
la
tradition
juridique
et
politique
et
à
la
règle
selon
laquelle
le
législateur
n'a
jamais
créé
de
quatrième
pou-
voir (137).
En somme pour tous ces auteurs l'élasticité contemporaine
du
concept
d'autorité
administraive
autoriserait
l'insertion
des
A.A.I.
dans
la
structure
administrative,
ce
que
refusent
pourtant
d'autres analystes.
A -_~~_E~~~~~_~~_~~~~~_~~_l~_~~~~E~~_~~~_~:~~~_e~~-
voirs
Elle
est
consécutive
à
la
décision
Rétail
(138) .
Pour
certains
auteurs
en
effet
c'est,
au-delà
même
de
la reconnaissance du caractère administratif du Médiateur, le raison-
nement du C.E. à travers les conclusions du commissaire du gouverne-
ment
Franc
consistant
à
procéder
par
élimination
successive
des
pouvoirs
législati f
et
judiciaire
qui
est
contestable
(139) .
Il
l'est d'autant
plus
qu'il a acquis valeur de symbole
et
de
référence
pour
toutes
les
nouvelles
autorités
(140) .
Pour ces analystes, affirmer l'existence de trois pouvoirs
seulement
et
inférer
la
nature
administrative des
A. A. 1.
à défaut
(137) Cf. S. HUBAC et E. PISIER, "Les autorités face aux pouvoirs", colloque précité,
p.
117 et s. et J.P. COSTA, "Le Médiateur peut-il être autre chose qu'une autorité
administrative 7" A.J.D.A., 1987, p. 341.
(138) C.E. 10 juillet 1981, Rétail, précité.
(139) A propos du rejet de la nature administrative de l'institution voy. Les argumenta-
tions reproduites in supra p. 21 et infra p. 203 et s .
(140) Rappelons que cette démarche a, par ailleurs, guidé le C.E. dans d'autres déci-
sions relatives aux organismes nouveaux, voir supra.

- 128 -
de
pouvoir
démontrer
l'appartenance
aux
catégories
législative
et
judiciaire
constitue
un
syllogisme
dont
la
majeure
apparaît
mOlfls
comme
une
vérité
révélée
que
comme
un
simple
postulat
(141).
En
tant
que
tel
il est
susceptible
d'une
infirmation
qui
passe en l'occurrence
par
la mise en
valeur de
l'indépendance
des organismes (Orago et Rials) (142).
Car
la
reconnaissance de
leur nature administrative est,
en effet, en contradiction avec la volonté législative qui les main-
tient hors de la direction du gouvernement.
Comme
celle-ci
doit
peser,
aux
termes
des
dispositions
constitutionnelles de
l'article 20,
sur chaque autor ité administra-
tive
il
faut
bien
convenir
que
le
Parlement
a entendu créer dans
différents
secteurs
un
"pouvoir"
indépendant
des
autres
pouvoirs.
Les
A. A. 1 .
représenteraient
ainsi
chacune,
se Ion
le
Pr.
Orago, un "ordre juridique spécifique" à l'intérieur de l'Etat (143).
Ou reste le droit positif n'enseigne-t-il pas qu'il existe
d'ores
et
déjà
des
autorités
échappant,
par
leurs
fonctions,
à
la classification trilogique ?
Tel
le
Conseil
Constitutionnel,
par
exemple
(144).
Cet organe est créé par la constitution de la Ve République
et régi à la fois par son titre VII
(articles 56 à 63) et par les
dispositions
résultant
de
l'ordonnance
portant
loi
organique
du
4 février 1959, de la loi organique du 26 décembre 1974 et des décrets
(141) Cf. MM. P. LEGATTE,
"Le Médiateur de la République. Situation actuelle", R.A.
1986 p.
431.
et "Le Médiate IIr
est-il une autorité administrative ?", Communication
au Colloque sur les A.A.L,
p.
135; Y. GAUDEMET, "Le Médiateur est-il une autorité
administrative ?"Mélanges CHARLIER
1981,
p.
117 et
"Toujours
à propos du Médiateur... "
A.J.D.A.,
1987, p. 520 ; S. RIALS, note sous C.E. Ass.
10 Juillet 1981, RETAIL, R.A.
1981, p. 493.
(142)
R.
DRAGO , "Le Conseil de la Concurrence, op.
cit.
et S.
RIALS,
note précitée
(143) Ibid.
(144)
Cf.
J.M.
AUBY,
note
sous
la
décision
RETAIL
et
GAUDEMET,
op.
cit.

- 129 -
du 13 novembre 1959 pris pour son application,
sans compter celles
qui le concernent dans d'autres articles de la Constitution ou d'au-
tres textes législatifs ou réglementaires.
Ses
compétences
se
subdivisent
en
trois
catégories
en
fonction de leur nature :
Les
attributions
consultatives
pour
les
cas
qui
sont
expressément prévus par la Constitution,
les
attributions administratives qui
concernent essen-
tiellement toutes les procédures relatives aux consultations électo-
rales pour la présidence de la République d'une part et référendaires
d'autre part,
. enfin les attributions juridictionnelles que l'on consi-
dère qénéralement comme les plus importantes et qui sont relatives,
quant à elles, aux actes post-électoraux (examens des cas d'incompa-
tibilité
parlementaire,
des
réclamations
... )
et
au
contrôle,
à
la
régulation de
"l'activité normative
des pouvoirs publics"
(145).
La nature
juridique du
Conseil
a longtemps
fait
l'objet
de
discussions
au
sein
de
la
doctrine.
Toutefois
le
débat
était
circonscrit
au
second
aspect
de
ses
fonctions
juridictionnelles
le contrôle de la conformité constitutionnelle des textes législatifs.
Aujourd'hui, c'est la reconnaissance de son caractère juridictionnel,
et non pas politique, qui prévaut chez la majorité des auteurs (146).
Néanmoins il est important de préciser que le Conseil Constitutionnel
demeure une juridiction spécifique.
C'est
d'ailleurs
cette
spécificité
qui
est
à
la
base
de l'évolution qui l'a mené à son rôle actuel de régulation de l'acti-
vi té
politique
des
plus
hautes
instances
de
l'Etat,
en
plus
de
(145)
Voir L.
FAVOREU,
"Le Conseil Constitutionnel régulateur de
l' acti vi té norma-
tive des pouvoirs publics", R.O.P. 1967, p. 5.
(146) En ce sens, MM. OEBBASCH, BOURBON, PONTIER et RICCI, La Ve République, Paris,
Economica 1985, p. 193 et s.

- 130 -
celui qu'il est censé exercer exclusivement (147).
Ainsi le cas de cet organe peut bien illustrer la réalité
du
système
institutionnel
français
qui
ne
saurait,
selon
certains
auteurs,
être
ramenée
à
un
rattachement
pur et
simple
"en bloc de
chaque institution publique" (148).
Le fonctionnement de ce système se révèlerait, au contrai-
re,
plus subtil et complexe,
il
tiendrait en un
"agencement subtil
de
"pouvoirs" et d' "autorités"
plus ou moins
indépendantes
(149).
La
triade
du
Baron
de
Labrède
ne
serait
ainsi,
selon
Gaudemet,
qu 1 une
"simple
distinction
intellectuelle
des
fonctions"
dont
on
pourrait
d' ailleurs
se
demander
avec
J. P.
Costa
si
"elle
suffit
encore
à
décrire
l'ensemble
des
catégories
de
notre
droit
public" (150).
Que
faut-il
penser
de
ces
di fférentes
analyses
?
Il
est
certain
que
la
création
des
nouveaux
organismes
mani feste
la volonté des pouvoirs publics de
procéder à
un certain
réaménagement de l'exercice traditionnel du pouvoir.
Pour cela il a fallu concevoir des autorités qui ne ren-
trent
pas
dans
le
moule
institutionnel
classique
(le
Médiateur
et
le Conseil de la Concurrence par exemple) (151).
(147) La fonction d'arbitrage qu'il remplit à l'égard des rapports entre les autorités
politiques de l'Etat fait aujourd'hui du Conseil Constitutionnel le pilier du système
politique français. Il est le garant du bon fonctionnement de la démocratie républi-
caine. Pour certains auteurs cependant il ne s'agit là que d'un stade auquel une évolu-
tion prenant sa source dans son rôle normatif originel l t aurait conduit. Il
en est
notamment ainsi pour Louis FAVOREU dont les écrits reflètent parfaitement l'évolution
préci tée, cf. son article précité et son ouvrage récent, La Politique Saisie par le
Droit.
Alternances, Cohabitation et Conseil Constitutionnel, Paris, Economica 1988.
Nous pensons toutefois que son rôle actuel se confond avec sa fonction
normative
initiale
qui
recouvrait
en
puissance
la
dimension
politique.
(148) GAUDEMET et LEGATTE, op. cit.
(149) Cf. S. RIAL, op. cit.
De fait, certains auteurs adjoignent au cas du Conseil Constitutionnel
l'exemple du C.E. comme étant aussi constitutif
de ces autorités qui exercent des
compétences à la fois juridictionnelles et administratives.

- 131 -
Seulement pour
la majorité de
ces
instances la question
qui se pose est de savoir s'il convient de définir la notion d'autori-

administrative
de
façon
stricte
(c'est-à-dire
autorité
soumise
à
la direction
du
gouvernement)
ou
dans
une
acception
plus
large
telle que celle sur laquelle repose la jurisprudence du C.E. depuis
des années (152).
Dans le premier cas on doit admettre que les A.A.I. s'ins-
crivent dans un mouvement de remise en cause de la théorie des trois
pouvoirs.
Ce que n'infirmerait
nullement le cas du Conseil Consti-
tutionnel qu'un auteur,
M.O.
8ouboutt,
a pu qualifier par ailleurs
d'A.A.!.
(153).
Ce
qu'elle
n'est,
évidemment,
pas
pour
toutes
les
raisons que nous avons précédemment évoquées même si un rapprochement
peut être tenté entre eux,
compte tenu du fait que certaines parmi
les
autorités
nouvelles,
exercent
aussi
des
compétences
qui
sont
à
la
fois
de nature consultative,
administrative et
quasi- juridic-
tionnelle.
Cependant dans l'hypothèse où le concept d'autorité admi-
nistrative
serait
entendu
de
façon
souple,
c'est-à-dire
que
les
dispositions de l'article 20 de la Constitution puissent être consi-
dérées comme respectées même par l'existence d'une simple possibilité
pour
le
gouvernement
de
déférer
les
actes
d'un
organisme
public
qu'il
estime
illégaux
devant
le
juge
administratif,
l'insertion
des A.A.I. dans la classification trilogique peut alors être envisagée
sans problème (154).
(150) Y. GAUDEMET, op. cit. et J.P. COSTA: "Le médiateur peut-il être autre chose
qu'une autorité administrative?", A.J.D.A. 1987, p. 341.
(151) Pour la nature juridique de ces organismes, voir infra le Chapitre II de notre
second Titre.
(152) Cf. Pro AUBY, note sous l'arrêt RETAIL, précitée et supra pour nos analyses.
(153) A.S.O.
BOUBOUTT, L'Apport du Conseil Constitutionnel au Droit Administratif,
Thèse précitée, p. 72.
(154) Notons que dans ses décisions relatives respectivement à la loi du 2 mars 1982
et à la création de la C.N.C.L., le Conseil Constitutionnel semble se satisfaire d'une
telle modalité de la prérogative gouvernementale de contrôle.

- 132 -
De ce fait
leur existence au sein de l'Etat ne se heur-
terait à aucune difficulté théorique majeure. Cette dernière position
est au demeurant confortée par
l'analyse des expériences étrangères
comparables.
§ 3. Les données comparatives
Il
n'est
pas aisé de
se
livrer
à
une
étude comparative
des
di fférentes
expériences
d' insti tution
d' autor i tés
indépendantes
au sein de l'Etat, ce que démontre par faitement le Pr. Moderne dans
une étude qu'il a consacré au sujet (155).
Ceci tient à l'existence de deux facteurs, au moins.
Le
premier
est
l'ancienneté
respective
des
organismes
selon les pays.
En
effet
le
phénomène
se
caractérise
dans
le
système
anglo-saxon,
par
sa
grande
longévité,
laquelle
permet
d'expliquer
son inscription définitive dans les moeurs alors que pour les pays
de l'Europe Continentale il constitue un fait relativement récent (15~.
Le second facteur concerne la diversité des caractéristi-
ques
qui
affectent
chacune
des
expériences
nationales
en
fonction
des particularités propres à chaque système politique et à son fonc-
tionnement.
Ces considérations ne constituent cependant pas un obstacle
dirimant à une tentative d'analyse parallèle des différents modèles
nationaux.
(155) F. MODERNE,
"Etude Comparée" des modèles étrangers, communication au Colloque
sur les A.A.!., op. cit., p. 186 et s.

- 133 -
Une telle étude peut notamment être menée sur les circons-
tances
d'apparition
des
autorités,
sur
leur
place
au
sein
de
la
structure
étatique
(problème
de
la
nature
juridique)
et
sur
les
modalités
du
contrôle
qui
s'applique
à
leurs
activités
(problème
de l'indépendance) (157).
Toute fois,
ces
données
ne
concerneront
ic i
qu'un nombre
limité de pays car seuls les Etats Occidentaux connaissent, à propre-
ment parler, l'existence du phénomène (158).
C'est dire que ceux dont le régime politique est qualifié
de soc ialiste et ceux du "Tiers Monde" sont exclus de notre propos.
Les raisons en sont les suivantes
Dans
le
système
socialiste
l'Etat
se
confond
avec
la
société, avec le peuple.
Il n'a pas d'autonomie propre et son fonc-
tionnement est réputé s'exercer sous le contrôle constant et permanent
des organisations politiques représentatives des "masses".
Ceci exclut, en théorie,
pour la structure administrative
l'apparition
de
dysfonctionnements
dont
la
correction
appellerait
la création d'autorités indépendantes.
Il
existe
cependant
dans
certains
pays
des
institutions
dont le modèle s' apparente aux ombudsmen
ce sont les procureurs
(Prokuratura
en
U.R.S.S.
ou
"médiateur"
en
Pologne).
En
réalité,
leur fonction confine le plus souvent à un contrôle de type juridic-
tionnel.
Pour les pays du Tiers-Monde,
c'est surtout le phénomène
de
mimétisme
qUl
prédomine
en
matière
d'organisation
politique
(156) Notons cependant à propos des pays anglo-saxons, Etats Unis et Grande Bretagne
notamment,
l'adoption
ponctuelle
de
politiques
destinées
à
réduire
l'influence ou
le nombre des autorités indépendantes. Cela ne remet,
toutefois, pas en cause,
leur
assise institutionnelle.
Cf.
En ce sens, M. RUFFAT,
"Le débat sur la réglementation économique
fédérale. Rationalisation ou désengagement ?", R.F.S.P. 1980-2, p. 834 et J. FlALAlRE,
"L'évolution récente des Quangos en Grande Bretagne : l'exemple de l'University Grants
Commit tee", Rev. Adm. 1987, p. 365.
( 157)
Nous aborderons ces di fférents
points
de
façon ponctue Ile dans les analyses
relatives aux A.A.l., infra.

- 134 -
de
l'Etat.
Ce qui
suppose
qu'à moyen
ou
long
terme
il
pourrait
y
avoir, ainsi
qu'il
en
a
été
pour
d'autres
institutions
publiques,
une tentative J'''acclimatation'' Jes autorités indépendantes.
Pour le moment, seul le modèle de l'ombudsman ou du méJia-
teur faitçà et là l'objet Je reproJuctions
(Zambie et Ghana, notam-
ment) (159).
D'une manière générale on peut consiJérer que les contrôles
auxquels
l'administration
est
soumIse
Jans
ces
Etats,
Jes
points
df: vue interne et externe (par les tribunaux) sont amplement perfec-
tibles pour ne pas susciter d'autres variantes.
Du
reste
la
structure
et
le
fonctionnement
Je
l'Etat
Jans
le
Tiers-Monde
s'accomoJent
mal
de
l'existence
J'instances
indépenJantes,
telles
que
nous
en
connaissons
en
OcciJent.
Ainsi
les
analyses
qUI
vont
suivre
portent
d'une
part
sur les premiers modèles anglo-saxons et d'autre part sur leur déve-
loppement contemporain en Europe Continentale.
A. Les modèles anglo-saxons
Le
système
anglo-saxon
est
caractérisé
par
l'existence
d'une structure administrative moins hiérarchisée, mOIns centralisée
que celle des pays continentaux de 1 t Europe telle que M. Weber l'a
décrite.
( 158) Certains pays nordiques, comme la Suède et la Finlande, peuvent être intégrés
dans ce mouvement.
Ils sont, cependant, écartés de cette étude car leur expérience relative
aux autorités indépendantes se résume aux seuls Ombudsmen, autorités constitutionnelles
ou législatives assez dissemblables des A.A.I., même si celles-ci incluent le Médiateur.
(159) Dans d'autres pays comme le Sénégal par exemple, on en est pour le moment, en
ce qui concerne la doctrine, qu'au stade de l'interrogation sur l'opportunité d'adopter
Ou non le modèle.
Sur toutes ces questions voyons MM.
Robert MARTIN,
"The Ombusman in
Zambia", The Journal of Modern African Studies 15, 2 (1977), p. 239 ; C.1. THIAM,
"Faut-il créer un Ombudsman au SENEGAL 7", Annales Africaines 1983, p. 84 et enfin
toute une série d'articles consacrés à la prospective de l'Etat en Afrique in Mélanges
P.F. Gonidec,
l'Etat Moderne Horizon 2000 (aspects internes et externes) L.G.D.J.,
Paris 1985.

- 135 -
Aussi
dans
ces
"espaces
administratifs
ouverts"
selon
l'expression
du
Pro
Moderne,
la création
d'autorités
indépendantes
relève moins d'une opération de greffe difficile que d'un fait d'ordre
"naturel" (160).
C'est
le
cas
de
la
Grande
Bretagne

l'insertion
des
Quangos pose relativement mOIns de problèmes compte tenu du caractère
décentralisé
de
la
gestion
des
affaires
du
royaume
(association
de
la
population
locale
et
des
professionnels
au
pouvoir)
(161).
Pour
les
Etats
Unis,
la
longue
période
d'existence
des
agences
de
régulation
peut
accréditer
l'idée
selon
laquelle
ces
organismes participent de l'équilibre que les constituants américains
ont voulu instaurer entre les différents pouvoirs.
Ceci
expliquerait
peut-être
la
plus
grande
autonomie
dont
semblent
bénéficier
les
"régulatory
agencies"
par
rapport aux
"Quangos".
1°. Les agences de régulation améri-
calnes
Leur
nombre
est
important.
Il varie d'une dizaine à une
cinquantaine
selon
les
documents
et
rapports
officiels
(162).
On
les
retrouve dans
des domaines aussi divers que ceux
de
la
communication,
du
commerce
entre
les
Etats
de
l'Union,
de
l'énergie
ou
encore
des
échanges
boursiers,
de
la consommat ion et
de l'immigration.
(160) Cf. F. MODERNE, op. cit.
(161) Ibid.
Voir par ailleurs MM.
H.
MACHIN,
"L 1 expérience britannique", communication au
colloque de Paris, op. cit., p. 235 et J. FIALAIRE, op. cit.
(162)
Voir
Michael
H.
Davis,
"L'expérience
américaine
des
"independent
regulatory
commission s" ,communication au colloque précité, p. 222.

- 136 -
Cependant
les
commissions
les
plus
connues
et
citées
à
l'extérieur sont
par exemple
l' Interstate
Commerce
Commission
(I.C.C.)
pour
le
Commerce
extérieur,
la
Federal
Trade
Commission
(F.C.C. pour la Communication) et la 5ecurity and Exchange Commission
(5.E.C. dans le domaine boursier).
Leur créat ion s'étale de la fin du XIXe siècle à l'après
seconde
guerre
mondiale
et
s'inscrit
dans
le
cadre
de
différents
enjeux liés à la nature du régime politique (présidentiel avec sépara-
tion rigoureuse et équilibre des pouvoirs).
Pour
beaucoup
d'auteurs
la
justification
de
celle-ci
réside
souvent
dans
la
lutte
pour
la
prédominance
que
se
livrent
le Congrès et la Présidence (163).
Ainsi
cite-t-on
souvent
les
exemples
de
l'I.C.C.
(la
première grande agence à être créée en 1889) et de la 5. E. C. ,insti-
tuées par le Congrès pour marquer respectivement sa défiance à l'égard
du Président Harrison et réduire l'influence du département de l'exé-
cuti f
qui
prend en
charge
les affaires
relatives aux
transactions
boursières.
Cependant pour F. Moderne, ce sont en réalité des considé-
rations très diversifiées qui ont présidé à la naissance des commis-
sions. Parmi celles-ci on trouve aussi bien la volonté de neutraliser
politiquement
une
administration
que
le
souhait
de
promouvolr
la
compétence professionnelle, ou d'assurer une stabilité institutionnel-
le ou enfin de favoriser la cohérence et la rationalité de l'action
administrative (164).
En
fait
i l
nous
semble
que
tous
ces
éléments
peuvent,
en définitive, être ramenés, comme en France, à l'idée de protection
de l'administré, du consommateur, en somme du citoyen; interprétation
(163) Cf. M. RUFFAT,
"Le débat sur la réglementation économique fédérale", op. ciL,
F.
MODERNE,
COlT1Tlunication précitée et différents articles consacrés aux Etats Unis
dans "Pouvoirs" nO 29, 1984.
(164) F. MODERNE, ibid.

- 137 -
que
renforcent
la création
récente
d'agences
chargées
de
garantir
les droits des minorités ou des couches défavorisées de la population
américaine et l'orientation actuelle des débats relatifs aux commis-
sions
dans
le
sens
de
la
protection
de
ces
groupes
(165).
Une telle analyse est d'autant plus fondée qu'elle semble
confirmée par la place qu'on assigne aux Commissions dans la charpente
institutionnelle de l'Etat fédéral américain.
En effet
les
agences
de
régulation n'appartiennent
pas,
contrairement
aux
autorités
indépendantes
européennes
qUI
sont
de
nature
essentiellement
administrative,
à
l'exécutif
fédéral
(166).
Elles apparaissent plutôt comme des organismes "sui gene-
ris"
dotés à
la
fois de compétences
"législatives" et
juridiction-
nelles
(ce
sont
le
"rule
making"
et
l' "adjudication")
et
soumis
à l"'A.P.A.", une loi de 1946 qui fixe les règles de procédure appli-
cables
aux services
"administrati fs"
(167).
La
combinaison
de
ces
compétences diverses ad' ailleurs
la valeur d'un symbole pour
leur
second caractère fondamental: l'indépendance.
En effet elle efface le tracé des limites que le principe
de la séparation des pouvoirs permet d'établir entre les organismes
publics
relevant
soit
de
l'autorité
du
Congrès
soit
de
celle
du
Président fédéral. C'est d'ailleurs l'argument principal d'inconstitu-
tionnalité qu'une partie de
la
doctrine
opposait,
il
y a quelques
années, à la formule des "regulatory agencies".
Cependant plusieurs auteurs américains s'accordent aujour-
d'hui pour trouver dans l'impossibilité pour le Président de démettre
les
membres
des
Commissions
sans
motif
valable,
le
fondement
réel
(165) Cf. M. RUFFAT, op. cit. et le dossier
qui fut consacré au "Secteur Public aux
Etats Unis" par M. TUROT dans "Notes et Etudes Documentaires" nO 3941-3942 du 14 novem-
bre 1972, La Doc. Fr. p. 40 et s.
(166) Celui-ci ne comprend, selon le Pro M.H. Davis (op. cit.) que les 13 départements
ministériels.
(167) Ibid.
Voir par ailleurs K.C. DAVIS, Administrative Law and Government, West
Publishing Co, 1960, op. cit. p. 11 et s.

- 138 -
de leur indépendance (168).
Cette
interprétation
découlerait
d'une
décision
de
la
Cour
Suprême
des
Etats
Unis
datant
de
1935,
Humphrey's
Executor
v.
E.U.
dans
laquelle
ce
tribunal
déniait
au
Chef
de
l'exécutif,
M.
RooseveH
à
l'époque,
le
droi t
de
révoquer
d iscrét ionnairement
un membre de la F. T. C. (169).
En
fait
il semble que
la
jurisprudence de
la Cour s'est
établie
depuis sur
la position qui consiste à savoir si le légis-
lateur
a
entendu
créer
ou
non
une
instance
quasi-judiciaire.
En
cas
de
réponse
positive
il
n'existe
pas
de
pouvoIr
discrétionnaire au
profit
du
Président
pour démettre un membre des
Commissions (170).
Cette
volonté
du
Congrès
peut
se
traduire
aUSSI
par
la
nomination
d'un
collège
directorial
suivant
le
modèle
bipartisan.
Cette direction ne reçoit aucune instruction de l'exécutif.
Toutefois,
selon
certains
auteurs,
cette
indépendance
ne serait pas sans limites. Il y a non seulement différents 'contrôles
de
nature
politique ou
financière
qui
pèsent
sur
les
agences mais
aUSSI,
depuis
peu,
l'adoption
de
mesures
d'évaluation
ponctuelle
qui
peuvent
aboutir
à
la
suppression
de
certaines
d'entre
elles,
les mOIns performantes (171).
En
effet,
Outre
Atlantique
l'enjeu
majeur
reste
aujour-
d'hui
leur
utilité.
Tel
est
également
le cas pour
les Quangos,
en
Grande Bretagne.
(168) Les motifs qui sont considérés comme tels sont: l'insuffisance ou la négligence
professionnelles
et
la
faute
grave.
Voir
M.
DAVIS,
communication
précitée.
(169) La Cour a d'ailleurs confirmé sa position dans plusieurs décisions postérieures.
Parallèlement à cett démarche relative à la protection de l'indépendance des agences
contre le pouvoir du Président, la Cour Suprême a aussi rendu d'autres décisions allant
dans le même sens mais à l'égard, cette fois-ci, du Congrès. Voir M. H. DAVIS précité.
(170) Ibid.
(171) Cf. F. MODERNE, M. DAVIS et M. RUFFAT, op. cit.

- 139 -
2 0 •
Les
Quangos
en
Grande
Bretagne.
M.
Nevil
Johnson
les définit comme des "agences publiques
établies
par
un
statut
ou
une
décision
ministérielle
et
chargées,
è la place des autorités administratives ou autorités élues tradition-
ne Iles, de tâches exécut ives" (172).
Ces mots
indiquent clairement la place qui
leur est assi-
gnée
au
sein
des
institut ions
anglaises.
Le
terme
Quangos
désigne
une
catégorie
non
homogène
d'organismes
(au
nombre
de
500 environ)
ayant
pouvoir
de
décision
et
de
corps
intermédiaires
dont
le
rôle
se
limite
è
donner
des conseils
ou
è arbitrer des confl its au seIn
de
l'administration
(173).
Cela
ne
suffit
cependant
pas
pour
en
faire de simples services administratifs.
En effet
la particularité du système administratif britan-
nIque
tient
è
l'existence
d'un
prIncIpe
traditionnel
qUI
est
le
partage du pouvoir avec les élus locaux et les corps professionnels,
les
départements ministériels
s' y
contentant
de
définir
les grandes
lignes
et
de
coordonner
les
actions
des
organismes
publics.
Ceux-
ci
bénéficient
par
ailleurs
tac i tement
d'une
grande
autonomie grâce
è l'inflexion du principe de la responsabilité politique des ministres
devant le parlement.
Cependant
cette
liberté
reste
néanmoins
encadrée
par
divers contrôles,
judiciaires
bien
sûr
malS
aussI
pol itiques.
En
fait
la
marge
de
fonctionnement
des
Quangos,
dont
les
plus
connus
restent
la
B.B.C.
et
l'LB.A.,
s'avère
aujourd'hui
bien étroite dans
la mesure

les
autorités politiques ont
souvent
tendance
è
s'intéresser
de
près
è
leurs
activités
(cJ ientéJ isme
politique
dans
les
nominations,
mesures
de
dissolution)
(174).
(172) Voir son éditorial, "Quangos and the structure Of British Governement" au Journal
of
the Royal
Institute of Public Administration
1979,
vol.
57,
op.
cit.
p.
379.
(173) Ibid.
(174) Cf. MM. MODERNE, MACHIN et FIALAIRE, op. cit.

- 140 -
En définitive
l'''indépendance'' dont
Ils peuvent bénéficier
n'est
qu'implicite,
donc
susceptible
d'être
sinon
remise
en
cause,
du
moins
réduite
en
période
de
crise
pol it ique.
Le
récent
confl it
des
Malouines en
const itue
une
i 11 us! rat ion
parfa i te.
Pendant cette
période
les
programmes
de
la
chaîne
publique
de
télévision
B.B.C.
firent
l'objet d'un contrôle étroit
COllfinant à
la censure.
On
peut
aussi citer comme allant dans
le même sens le projet de Mme Thatcher
de faire disparaître l'LB.A. au profit d'une autorité moins autonome
(175).
De
ce
point
de
vue, l'expérle'nce
anglaise'
se
situe
crI
deçà
des
modèles
cont inentaux
récents
qUI,
parfois,
prévu ient
de's
dispositions
juridiques
garantissant
l'indépendance
effective'
des
autorités.
B. J_e_s__ ~~~~!~~_!_x.P!Li.~n_e!~!!~_x__~~~_p~l'~ __d_f·__ ! ~~~!:~E~
continentale.
Dans
l'Europe
continentale, l'existence
d'autorités
dites
indéperldantes relève d'une expérience encore balbutIante pour beaucoup
de'
pays
(France,
Espagne,
et
même
la
R.F .A.
dans un certain sens).
On
est
certes,
ICI,
en
présence
d'une
innovation
dans
la mesure o~ les nouveaux organismes peuvent bénéfiCIer d'une affir-
mat ion
juridique
de
leur
"indépendance"
et
prendre
en
charge
des
tâches
traditiorlnellement
dévolues
aux
administrations
classiques.
Mais
celle-ci
ne
va
pas
jusqu'à
ébranler
les
fondements
des structures polit iques et administ rati ves cl assiques.
D'ailleurs
ces
dernières
conservent
encore,
à
l'oppcsé
du
système
anglo-saxon,
des
liens
très
étroits
avec
les
instances
nouve Iles, d' o~ la contestat ion de leur autorlomie.
(175) Voir "Libération" du 16 novembre 1988.

- 141 -
Dans certairls pays, les textes institutifs de ces organismes
les rattachent expressément à l'ensemble exécutif.
Ces
cons idérat ions
just i fient
J' anal yse
de
l' expér ierlce
canadlenne
au
se Hl
de
cette
catégorie
aux
côtés
de
la
R.f.A.
et
de l'Espagne (176).
En
réalité
les
exemples
d'A.A.l.
s'avèrent
limltés
en
ce
qUl
concerne
ces
deux
derniers
pays
ils
se
résument
souvent
al'lX
institutions
financières
telles
que
les
banques
centrales
et
plus rarement aux orgarlismes chargés des questions relatives à l'envi-
ronnement
(177).
En
Républiqup
Fédérale
Allemande,
il
y
eut
très
tôt
un
mouvement doctrinal
favorable à l'ex istence d'un espace admimst rat i f
neutre au sein de ] 'Etat (178).
Bien
que
divisés
à
propos
de
la
compatibilité
ou
non
de
ces
institutions
autonomes avec
le
principe de
la
responsabil ité
ministérielle devant le parlemerlt,
]a plupart des auteurs n'en recon-
naissent
pas
moins
leur
utilité
dans
la
mesure

elles
peuvent
constituer
un
contrepoids
aux
coalitions
partisanes
qUl,
souvent,
freinentles
actions
de
l'Etat.
C'est
donc
l'idée
de
"neutralité
politique"
que
l'on
retrouvera
du
reste
dans
l'expérience
française
qUl
constitue
la
base
institutionnelle
des
nouvelles
autorités
en
R.F.A.
(179).
Cette
problématique
appara ît
clairement
dans
le
cas
de
1a
Banque
Fédérale
allemande,
par
exemple.
Cependant
l'autonomle
reste
très
relative
pour
d'autres
organismes
comme
le Bundeskartel-
lamt
qui
est
chargé
du
contrôle
de
la
Concurrence
et
se
trouve
(176) Le Pro F. MODERNE la rattache, quant à lui, au système anglo-saxon pour la raison
qui tient à son rapprochement avec l'expérience américaine.
(177) F. MODERNE, op. cit.
(178) Ibid.
(179) Voir infra pp. 235, 273 et s.

- 142 -
soumis è la tutelle de l'exécutif (180). En règle générale les autori-
tés
indépendantes
de
la
R. F . A.
disposent
cependant
d'une
liberté
plus large que leurs homologues espagnols.
En
effet
dans
ce
pays
récemment
venu
è
1a
démocrat ie,
les
discussions
relatives
è
l'institution
d'autorités
indépendantes
dans
1e
cadre
de
l' é 1aborat lOn
de
1a
Const i tut ion
de
1978,
n'ont
pas permis de dépasser les pesanteurs liées au principe traditionnel
de
la
responsabil ité
politique
de
l'exécutif devant
la
Chambre
des
députés. Ainsi la télévision espagnole demeure erlcore sous le contrôle
direct
du
gouvernement,
lequel
en
nomme
et
destitue
le
directeur
général.
La
reconnaissance
du
caractère
indispensable
de
tels
organismes
s'est
cependant
traduite
dans
la
création
du
Conseil
de
Sécurité
Nucléaire
et
dans
le
renforcement
de
l'autonomie
de
la Banque d'Espagne (181).
Au CANADA,
l'existence de
"régies è
fonction régulatrice"
et
d'organismes
è
"fonction
adjudicative"
est
plus
ancienne
ce
qUl
s'explique par
la proximité des Etats Unis et
l'effet d'exemple
produit par ce modèle au plan institutionnel
(182).
D'ailleurs
les
similitudes
avec
le
système
américain
s'étendent aUSSl bien è l'hétérogénéité du mouvement qu'aux fonctions
proprement dites rempl ies par ces autor ités (mé 1ange d'actes adminis-
tratifs
et
judiciaires,
pouvons
réglement.aires
et
d'enquêtes
etc.) (183).
(180) Voir infra p. 185 et s.
(181) Cf. F. MODERNE, article précité.
(182) Ibid.
(183) Ibid.

- 143 -
L'exemple
d'institution
la
plus
fréquemment
citée
pour
ce
pays
est
la
C.R. T.C.
Celle-ci
symbo] ise
parfaitement
à
]a
fois
par
l'indépendance
de ses membres
(qu 'on rIe
peut
dest ituer
que
pour
motifs
légitimes)
et
sa
dépendance
à
l'égard
de
son
ministère
de
tutelle,
] 1 insertion
des
organismes
autonomes
canadierlS
au
Self)
de ] 1 exécut if.
L'analyse
des
expénences
des
pays
de
]' Europe
Cont lnen-
tale révèle une ambiguité certaine. Ces Etats, à ] 'image de ]a France
dont nous étudierons ]e cas plus
loin,
sont partagés entre ]a néces-
sité contemporaine de recourir à de tels organismes et urlC tradition
politique plus ou moins centrallsatrice.
En
théorie,
seuls
les
Etats
Unis
(et
] a
Grande
Bretagne
dans une moindre mesure) échappent à une telle contradiction. Pourtant
en
considérant
les
différentes
tentat ives
récentes
de
contrôle
des
"regulatory agencies", on peut être tenté de minimiser aussi] 'origi-
nalité de son expérience.

- 144 -
CONCLUSION DU TITRE 1
L'étude des A.A.I.
au plan organique, permet difficilement
de
conclure
au
caractère
administratif
des
nouveaux
orgarlismes.
Ceux-ci appartierlnent pourtant, dans le cadre actuel du droit positif,
à
l'ensemble
administrat i f
faute
de
POUVOH
être
rangés
dans
une
autre catégorie. A ce titre,
ils relèvent du contrôle gouvernemental,
lequel
est
surtout
perçu
dans
une
dimension
juridict ionnelle
qUl
ne
mettrait
pas
en
cause
l"'indépendance"
des
nouvelles
autorités.
Dans
cette
perspective, l'aspect
politique
des
rapports
entre
les
A.A.!.
et
les
pouvoirs
publics
est
complètement
occulté.
Or,c'est
là le
facteur
révélateur par excellence de la contradiction
du phénomène des A.A.I.
avec
le
système politique dans
lequel
elles
s'insèrent
et
par
conséquent
celui
qui
va conditionner
leur avenir.

- 145 -
TITRE II - LES DONNEES FONCTIONNELLES
L'extension
et
la
diversification
de
l'intervention
de
l'Etat
tout
au
long
de
not re
s ièc le
ont
nécess ité
une
adaptat ion
corrélative
des
formes
et
des
modalités
de
l'action
publique.
Les pouvoIrs publics s'y sont toujours attelés sans jamals
arriver
à
assoupI ir
opportunément
cette
dernière
à
la
hauteur
des
deux
premières.
D'o~
des
ruptures
fréquentes
qUl
engendrent
des
mouvements sociaux
dont
le
plus
remarquable
fut
celui
de
1968.
La
seule solution qUI s'offrait alors aux autorités de l'Etat consistait
à
donner
une
orientation
plus
démocratique
à
leurs
intervent ions.
Elles
le
firent
notamment
dans
trois
direct ions
- l'élargissement du processus décisionnel à des personna-
lités extérieures à l'administration,
la
régulation
de
certaines
activités
professionnelles
en association avec les intéressés,et
-
l'amélioration des relations Administration
/
adminis-
trés.
L'efficacité
et
la crédibilité de
l'action état ique com-
mandant,
on assiste
à
la création successive d'organismes dans ces
différents domaines.
Ainsi
la mise en place
étalée dans
le temps de ce qu'on
appelle
aujourd'hui
les
A.A.l.
participe
bien,
d'un
point
de
vue
sociologique,
d'un
même
mouvement
tendant
à
améliorer
la
gestion
de l'intérêt public (Chapitre 1).
Cependant
cette
série
de
réformes,
pour
relever
d'un
phénomène
commun,
n'en
recèle
pas
mOIns
de
particularités
propres
à
chaque
secteur
selon
que
les
changements
y sont
hardis
ou
non
(Chapitre 2).

- 146 -
CHAPITRE
1
L'ANALYSE
SOCIOLOGIQUE DU
PHENOMENE DES
A.A. 1.
UNE COMMUNAUTE DE CARACTERISTIQUES GENERALES.
M.
Donnedieu
de
Vabres
suggérait
implicitement,
dans
un article consacré à
la C.D.B.,
de
relativiser
le concept d'auto-
nomie
souvent
attaché
à
certains
des
nouveaux
organismes pour
les
considérer tous dans un même mouvement conformément à l'esprit prési-
dant à leur création (1).
La
Commission
du
Rapport
et
des
Etudes
du
C.E.
allait,
quelques
années
plus
tard,
abonder
dans
le
même
sens
en
publiant
une
liste
des
A.A.l.
qUI
répertorie
sans
les
séparer
aussi
bien
les simples Commissions consultatives que les autorités ayant pouvoir
de décision (2).
Si
une
telle
position, d'ailleurs
adoptée
comme
nous
le
verrons par d'autres auteurs,
tend à obscurcir la catégorie nouvelle
en gommant ses aspérités internes, elle reste significative cependant
dans
la mesure
où elle met
l'accent
sur
certains
facteurs
communs
relatifs aux missions (5.1), à l'organisation (5.2) et aux fonctions
(5.3) des nouvelles institutions.
SECTION 1 - LES MISSIONS.
Elles couvrent trois grands secteurs. Ce sont l'information
et
la
communication,
la
régulation
de
l'économie
de
marché
et
la
lutte contre la bureaucratie (3).
(1)
Voir
article
précité,
"La
C.O.B.
une
administration
de
mission.
(2) cf. "Etude sur Les Autorités Administratives Indépendantes", précitée, pp. 7 et 8.
Pour la classification des différents organismes, voir nos développements,
infra, Ch. II.
(3) Cf. le document du C.E. précédemment cité et M. Chevallier (J.) dans ~es analyses
relatives aux nouvelles autorités in J.C.P. 1986, op. cit.

- 147 -
§ 1. L'information et la communication.
Il
s'est
agi
pour
le
législateur d'ajuster
le droit
aux
faits
SOCIaux
ou
plus
exactement
au
progrès
des
techniques
dans
ce domaine.
En effet,
l'évolution technologique dans notre ère post-
industrielle est
si
rapide
que
chaque
jour apporte des
innovations
"qui permettent de faire dans le domaine du traitement de l'informa-
tion ce qui eût
é té jusqu'ici, sinon inconcevable, du moins pratique-
ment impossible
Il
(4).
AUSSI a-t-il paru nécessaire de prévenir les abus pouvant
découler de cette situation en aménageant les dispositions de l'arti-
cle 11 de la Déclaration de 1789 relatifs à la liberté de communica-
tion.
Cependant
un
encadrement
juridique
efficace
ne
saurait
se
conceVOIr
en
dehors
de
la
collaboration
des
milieux
intéressés.
Les
résultats
atteints
aujourd'hui
par
la
C.N.I.L.
le
prouvent
amplement.
En
effet
le
vote
du
texte
constitutif
de
cet
organisme,
la
loi
du
6
janvIer
1978,
fut
précédé,
à
l'initiative
de
la Commission
lnformat ique
et
Libertés,
de
larges consul tations
avec les professionnels et usagers. D'ailleurs cette instance était
elle-même composée de personnalités venant d'origines diverses (hauts
magistrats,
fonctionnaires,
professionnels,
juristes
etc.).
Aux termes de
la
loi
de
1978 la vocation de
la C.N. LL.
se
définit
doublement
par
la
protection
des
droits
de
l'individu
et
par
l'information
relative
aux
choix
de
civilisation
induits
par l'informatisation de la société.
En
réalité,
le
souci
des
pOUVOirs
publics
d'endiguer
les risques générés par
les nouvelles techniques sur
la
vie
privée
des
individus
s'est
concrétisé
bien
avant
la
mise
en
p lace de
la
(4)
Voir
le Rapport de
la Commission
In formatique et Libertés.
Paris,
La Doc.
Fr.
p. 7.

- 148 -
C.N.I.l. par la création d'une Commission des Sondages.
Cette
autorité
est
chargée,
suivant
les
dispositions
de
la loi du 19 juillet 1977 et de son décret d'application du 25 janvier
1978, de veiller è la régularité et è la transparence des consultations
organisées
auprès
des
citoyens
pour
recueillir
leurs
opinlons
au
sujet
d'une
élection
politique
ou
d'une
opération
référendaire.
Par
la
suite
divers
organismes
vont
se
succéder
au
fil
des
législatures
dans
le
but
d'ajuster
l'encadrement
juridique
du
pflnClpe
de
la
1 iberté
de
la
commun icat ion
è
1a
réal i té
nouve Ile
née
du
développement des matériaux techniques.
Ainsi
le législateur
crée respectivement en 1982 et 1984 la Haute Autorité de la Communica-
tion Audiovisuelle (loi du 29 juillet) et la Commissiorl de Transparence
pour le Pluralisme de la Presse qui sont chargées, comme leur intitulé
l'indique,
de garant ir
le
respect de la liberté,
de la transparence
et du pluralisme de l'information dans les domaines de l'audiovisuel
et de la presse.
l'année
1986
verra
la
dissolution de
ces
deux
autorités
et le remplacement de la H.A.C.A. par la C.N.C.l.
(loi du 30 septem-
bre) (5).
En
fait
l'institution
de
telles
instances
constitue
un
événement majeur
dans
la mesure

les hommes
polit iques acceptent
désormais de séparer l'information et ses supports de l'Etat, donnant
ainsi au concept de liberté contenu dans la Déclaration de 1789 son
vrai sens (6).
(5) Le législateur de 1986 a voté deux lois (1er août et 27 novembre) relatives aux
dispositions pour
la transparence et le pluralisme de la presse, en remplacement du
texte du 23 octobre 1984. Par ailleurs les compétences en matière de concurrence sont
partagées entre la C.N.C.L. et le Conseil de la Concurrence.
(6) On observe le même fait dans les autres pays européens. Celui-ci est en réalité
relativement ancien pour certains d'entre eux comme la Grande Bretagne avec l' LB.A.
Voir par ailleurs les cas du CANADA (C.R.T.C.), de la R.F.A. (le Conseil
Allemand de la Presse),
et
de
la Suède ("Commission du bon usage de la Presse" et
Ombudsman) .
Cf. pour le CANADA, P. TRUDEL, Droit de l'Information et de la Communica-
tion.
Notes
et
Documents,
Montréal,
Thémis,
1984,
pp.
285,
554
et
s.

- 149 -
C'est
à
une
action
semblable
que
l'on
va
par
ailleurs
assister dans le domaine économique.
§
2.
La
régulat ion
de
l'économie
de
marché
Dans
le
système
libéral,
qUI
gouverne
par
ailleurs
les
relations sociales, dans la quasi-totalité des pays de l'Europe Occi-
dentale,
l'Etat
n'est
censé
assurer,
dans
l'économie,
qu'un
rôle
minimal,
celui
d'acteur
revenant
en
principe
aux
citoyens.
Le cas de la France en constitue d'ailleurs une illustration
parfaite (7).
L'arbitrage
étatique
sur
les
règles
du
jeu
économIque
se traduit pour l'essentiel par une protection du consommateur contre
la pUIssance
des groupes nationaux ou étrangers et une orientat ion
générale du secteur dans le sens de la prospérité. Dans cette perspec-
tive
le
meilleur
moyen
dont
disposent
les
pouvoirs
publics
reste
le
contrôle des circuits
financiers
et
de
protection des biens par
l'intermédiaire d'organismes. En fait l'institution de ceux-ci remonte
au second conflit mondial.
Ainsi
la
Commiss ion
de
contrôle
des
banques,
aujourd' hu i
remplacée
par
la
Commission
banca ire,
voit
le
Jour en
1941
par
le
vote des lois des 13 et 14 juin (8).
Sa
mission
consistait
alors
à
moraliser
la
profession
et à veiller, au sens général, au bon fonctionnement du système ban-
caire en y maintenant la discipline.
(7)
Il existe ici une certaine constance que la parenthèse "Vichyste" (vote de lois
dirigistes) n'altère point.
(8) La Commission bancaire est creee par la loi du 24 janvier 1984 (J.O. du 25 janvier,
p.
390)
relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, qui
lui
assigne les rôles de surveillance et de contrôle des professionnels,
dans son Titre
III, Chapitre 1, articles 37 à 50.

- 150 -
Elle
fut
cependant
conduite,
au
fil
des
années,
à
assumer
par ailleurs la sauvegarde des
intérêts des particul iers
(déposants
et emprunteurs) (9).
De même l'actuel Conseil de la Concurrence descend histori-
quement de l'ancienne Commission Technique des Ententes et des Posi-
tions Dominantes créée dans l'après-guerre, en 1953, dont la Commis-
sion de Concurrence prit le relais en 1977 (10).
Dans le cas de la première commissIon, les autorités publi-
ques entendaient év iter
la concent rat ion de
la pu issance économique
entre les mains de quelques groupes quise rendraient ainsi facilement
maîtres d'une économie "anémiée".
Par
contre
pour
la
période
qUI
débutait
dans
les
années
soixante-dix,
il s'agissait surtout de favoriser l'ouverture économi-
que
par
le
recul
du
corporatisme
et
du
protectionnisme.
Aussi
l'adoption
récente
d'une
ordonnance
(1er
décembre
1986) relative à la liberté des prix et de la concurrence s'inscrit
dans le droit fil d'une longue évolution.
Toutefois
libéralisme
n'étant
pas
synonyme
d'anarchie,
la position de retrait de l'Etat devait être compensée par l'insti-
tution d'une autorité chargée de veiller aux
fondements du jeu éco-
nomIque,
lesquels
incluent
notamment
les
droits
et
intérêts
des
particuliers et des groupes.
En
fait
la
mission
assignée
aujourd'hui
au
Conseil
de
la
concurrence va au-delà de celle de simple expertise qui caractérisait
ses
devanciers,
pour
recouvrir
une
certaine
dimension
répressive
(9) Pour l'historique, voir le rapport de la Commission de contrôle des Banques pour
l'année 1982, Paris, la Doc. Fr., p. 5 et s.
( 10) La Commission de Concurrence
fut ér igée par la sui te en A. A. 1. par la loi du
30 décembre 1985, op. cit.

- 151 -
au profit du maillon le plus faible de
la chaîne
(Je marché)
les
consommateurs.
L'intérêt
des
pouvoIrs
politiques
pour
cette
catégorie
se révèle par ailleurs dans la mise en place de commissions relatives
d'une
part
aux
clauses
abusives
et
d'autre
part
à
la
sécurité des
consommateurs pour recenser les prestations anormales et les produits
inaptes
que
les
professionnels
seraient
tentés
de
leur
proposer
( 11 ) .
Néanmoins
cette
préoccupation
ne
saurait
être
exclusive
sous
peme
de
porter atteinte
à
d'autres
objectifs
globaux,
comme
l'équilibre du système économique lui-même.
C'est ce pari que l'Etat a voulu réussir dans les secteurs
de la Bourse et des marchés réglementés en confiant pour l'essentiel
aux
professionnels
le
soin
de
garantir
le
bon
fonctionnement
de
la branche.
Ainsi
le
législateur
instituait
récemment
le
Conseil
des
Marchés à Terme et le Conseil des Bourses de Valeurs (12). Cependant
ces
organIsmes
fonctionnent
pour
l'essentiel
sous
la
tutelle
de
la C.O.B. et du ministère chargé de l'économie et des finances (13).
(11) Ces organismes, crees respectivement par les lois des 10 juillet 1978 et 21 juillet
1983,
nt ont
qu 1 un
rôle consul tati f auprès des hautes autorités de l'Etat qui
sont
maîtres des décisions à prendre.
(12) Ces autorités professionnelles sont créées par les lois nO 87-1158 du 31 décembre
1987 et nO 88-70 du 22 janvier 1988 relatives respectivement aux Marchés à Terme Régle-
mentés de Marchandises (J.O. 5 janvier 1988, p.
161) et aux Bourses de Valeurs (J.O.
23 janvier 1988, p. 1111).
Le premier texte abroge la loi du 8 juillet 1983 créant la Commission des
Marchés
à
Terme
Réglementés
de
Marchandises
(J.O.
9
juillet
1983,
p.
2125).
(13)
Les lois précitées renforcent par ailleurs
les compétences et les pouvoirs de
la C. O. B.
.
Elles organisent
aussi
une collaboration étroite entre
les différents
organismes qui interviennent dans le secteur économique et financier (Banque de France,
Commission bancaire,
C.O.B.,
Conseil des Bourses de Valeurs et Conseil des Marchés
à Terme).
Voir p. 173 et s, infra.

-
152 -
En
fait.
quelle que
soit
]' influence de cet.t.e aut.orit.é sur
les dits sect.eurs, il
est.
cert.ain que
les
professionnels
bénéficient.
aujourd'hui de plus de libert.é de manoeuvre dans leurs act.ions gr§ce
à l'allègement des procédures bureaucrat.iques,not.amment..
§ 3. La lut.t.e cont.re la bureaucrat.ie
Elle est. axée sur les rapport.s ent.re l'administ.rat.ion publi-
que et. ses usagers.
Elle t.end surt.out
à
faire
valoir
l'information
et à mettre réellement l'institut ion administrative à la disposition
des
administrés
en
permettant
de
redresser
les
torts
dont
ceux-ci
sont souvent victimes.
En
effet
il
s'avérait
urgent
de
freiner
les
tendances
de
l'administration au secret et à "l'autocratie",que la doctrine dénonce
comme premiers facteurs de la "mésadministration".
Pour
ce
faire,
le
législateur
devait
aussi
tenir
compte
de la relative inefficience du contrôle juridictionnel devant certai-
nes pratiques (14).
Il entreprit ainsi de créer en 1973 un Médiateur qUI recevra
les
réclamat.ions
dirigées
à
l'encontre
du
mauvaIS
fonctionnement
du
service
public
pour
ensuite
les
satisfaire,
dans
la
mesure
du
possible, dans le sens de l'équité.
Il allait ensuite mettre en place en 1978 une autre Commis-
sion,dénommée Commission d'Accès aux Documents Administratifs,chargée
de
garantir
le
respect
du devoir
des administrat ions et organismes
gérant
un
service
public
(donc
droit
corrélatif
de
l'administré)
(14) Pour une vue générale sur ces questions, Voir par exemple M. M. LINOTTE, Commen-
taire relatHà la loi du 17 juillet 1978, R.O.P. 1978, p. 1417, BRAIBANT, QUESTIAUX
et WIENER, Le Contrôle de l'Administration et la Protection des Citoyens (étude compara-
tive), Publication de la bibliothèque de l'I.I.A.P., p. 17 et s.

- 153 -
de communIquer les documents qu'ils détiennent (15).
L'analyse
de
ces
différentes
missions
fait
ressortir
une
ligne
directrice
qUI
est
d'une
part
l'exigence
d'une
plus
grande
démocratisation
et
d'autre
part
la
nécessité
d'une
adaptation
de
la
structure
politique,
l'Etat; ce
qUI
se
traduit
du
reste
dans
la forme organisationnelle des nouvelles autorités.
SECTION Z - L'ORGANISATION
En matière d'organisation interne, la doctrine mesure généra-
lement le degré d'autonomie des organismes ~ l'aune de deux principes:
ceux d'autonomie et d'hétéronomie (16).
Le
premier
évoque
l'indépendance
d'une
institution
qUI
se serait dotée dl un statut propre
alors que le second est re lati f
au cas où cette instance ne doit sa forme structurelle qul~ l'inter-
vention d'une autorité extérieure.
Nous
analyserons
tout
d'abord
la
situation
individuelle
(ou
suivant
les
groupes)
des
A.A. 1.
en
fonction
de
ces
règles
de
base pour ensuite faire ressortir les similitudes qui existent entre
elles.
(15) Cf. Les lois des 17 juillet 1978 et 11 Juillet 1979.
!On
fa i t
les pouvo i rs pub li cs
se sont
oréoccupés
très
tôt de ce problpme
puisqu'une
Commission
de
Coordinat ion
chargée
de
son
étude
fut
i,-,st i tuée dès
1971
(décret du 13 juillet).
Voir
sur
l'historique,le
1er rapport de
la C.A.O.A.
(1979-80),
Paris,
la
Doc. Fr., p. 5 et s.
(16)
Voir par exemple M.
TSIROPINAS,
Aspects des
problèmes de
la ce,-,tralisatio,-, et
de
l'Auto,-,omie admi,-,istrative,
Méla,-,ges
SEFŒIAOES,
Vol.
II,
Athè,-,es
1961,
p.
733.

- 154 -
§ 1.
la
portép dps prlflclpes d'autorlOm](' pt
d'hétéro-
rlomle
Au
regard
de
1a
déflfll t lon
précédemment
proposép
l]
PX lSt e
entre
les
orgarllsmes
slmplement
consultatifs
comme
la
C.A.D.A.
et
ceux
qUl,
comme
la
C.N.l.l.,
disposent.
d'un
pouvolr
de
déclslOn,
une
communauté
certair,e
résidant
dans
leur
liberté
d'orgarllsatlOn
int.erne (17).
Seulement dans le cas des premiers, celle-ci est. sans consé-
quence
dans
les
rapports
qu'ils
entretiennent
avec
les
pouvolrs
publics
dans
la
mesure

ceUX-Cl
demeurent
seuls
maîtres
de
la
décision ayant donné 1 leu à l'avis.
Aussi
on
peut.
se
borner
à
donner
quelques
exemples,
qUl
serontd'ail leurs
développés
plus
loin,
t.enant
lieu
de
loi
commune
pour toutes les autorités.
Ainsi
la
C.N.Ll.
s'est
dotée
elle-même
d'un
réglement.
lnt.éneur
par
une
délibération
du
10
février
1987.
De
même
c'est
sur le fondement. de la même libert.é que la C.N.C.l. a créé par déci-
sion
du
17
avril
1987
un
comité
de
la
communication
publicitaire
radiodiffusée et télévisée.
En
fait
ces
actes
traduisent
la
liberté
conférée
en
la
mat.ière
aux
A.A.l.
par
leurs
text.es
institutifs.
Ainsi
l'article
4
du
décret
du
1er
décembre
1986
relatif
à
l'organisatlOn
et
au
fonctionnement
de
la
C.N.C.l.
dispose
que
cet
orgarllsme édicte
son
réglement
intérieur
notamment
pour
les
point.s
concernant
les condi-
1. ions de
fonctionnement,
1es règl es de procédures appl icabl es,
l'orga-
n isat ion et le fonct lOnnement de ses serv lces.
(17) L'analyse ne porte ici que sur l'aspect interne de l'autonomie des nouveaux orga-
nismes. Les développements relatifs à leur indépendance et à la classification qui
en découle seront abordés infra.

- 155 -
Pour
le
Conseil
de
la
Concurrence,
c'est
l'art.icle
4
de
l'ordonnancede
1986
qUI
laIsse
à
ses
membres
le
Joisir
de
sIéger
soit en
formation
pJénière,
soit
en section ou en commission perma-
nente (18).
Cependant
cette
aut.onomie
interne
rIe
saurait
être
sans
limites
car
les
dispositlOns de
J'article
précité arrêtent
par aiJ-
leurs
1es
modal ités
re J at ives
aux
convocat Ions
des
réun ions et
aux
quorums.
De
fait
ceJa n'infirme
pOInt
l'existence de
pnncipe d'une
large identité de structures internes entre Jes A.A.I.
§ 2. L'Identité organisatlOnneJJe
On
peut
en
admeUre
la
réal ité
sous
réserve
cependant
de
quelques
remarques
tenant
aux
fonctions
des
organIsmes
(consulta-
tifs ou à pouvoIr de décision).
La première porte sur la périodicité des travaux, qUI dépend
elle-même
de
l'importance
du
secteur
géré
et
de
la
compJexité
des
affaIres qu'on doit y résoudre.
En effet certaines
instances,
comme
Ja C.A.D.A.,
la Commis-
sion des clauses abusIves ou la Commission de sécurité des consomma-
teurs ne se
réunissent que
ponctuellement
à
la
faveur
d'une enquêt.e
ou d'un avis requis par Ja survenance d'un problème, dans leur domaine
d' aet. ivités.
Alors
que
pour
les
aut orités
intervenant
dans
Jes secteurs
de l'informatique, de la communication audiovisueJJe ou de la concur-
rence,
1a
fréquence
des
1 i tiges et
des quest ions souJ evées commande
(18) Le décret du 29 décembre 1986 (J.O. 30 décembre) fixant les conditions d'applica-
tion de ce texte précise, dans son article 5, que le Président arrête le nombre et
la composition des sections.
En ce qui concerne la C.O.B.
l'ordonnance de 1967 et le récent décret du
30 septembre 1987 (J.O. 1er octobre 1987, p. 11449) modifiant celui du 3 janvier 1968
sont muets sur la question.

-
156 -
la
mise
en
place
de
structures
plénières
et
permanentes
(19).
De même,
et
c'est
la seconde
remarqlJe qui découle du
reste
de
la
première,
une
prise
de
décision et
son suivi
requièrent
plus
de personnel qu'un simple acte de consultation.
Aussi
il
s'avère
normal
que
la
C.N.l.l.
dispose
de
plus
de
collaborateurs
que
la
C.A.D.A.,
par
exemple
(20).
En
faIt
au-
de là de ces données,
on
ret ient surtout
1es facteurs de converger1ces
des différentes institutions. Ainsi au plan wterne, on peut constater
une
subdlvision
en
services,
secteurs ou
format ions
dont
le
nombre
var ie en fonet ion des dossiers à étudier.
Dans les cas de la C.N.C.l. et du Conseil de la Concurrence,
par exemple,
on a trois
formatlons d'études,
au mirllmum sans compter
les
commissions
plénières.
On
peut
par
all leurs
retrouver
le
même
schéma pour
la
Commission des clauses abusives que
les dispositions
du
décret
du
25
février
1981
autorisent
à se réunir au
choix
selon
les modal ités plénières ou non (sous-commissions) (21).
Le
second
constat
de
similitude
concerne
la
répartition
des col laborateurs ent re
les di fférentes
structures dl r 19ées chacune
par un membre de l'organisme.
Il
existe enfin un autre facteur général
relatif à l'augmen-
tat ion
constante
de
leur
personnel
et
des
dépenses
qUl
leur
sont
consacrées.
Ce constat peut être fait
à
travers le tableau suivant,
qui
reproduit une évolution des statistiques de
la C.N.LL.
de
1984
à 1986 (22).
(19) De fait dans certains cas il n'existe que des
embryons
de serv ices pour les
commissions consultatives
ce sont alors les agents de l'Etat qui assurent le secré-
tariat des réunions.
(20) Certains organismes comme la Commission des Clauses abusives ou la Commission
de Sécurité des Consommateurs recourent, dans le cadre de leurs enquêtes et pour des
raisons tenant au manque de personnel, aux fonctionnaires du ministère de la consomma-
tion.
(21) C'est sur ce fondement que cette commission s'est dotée d'un réglement intérieur,
cf. J.O. doc. adm. du 4 avril 1981, annexe II.
(22) Cf. le 6e Rapport d'activité de la C.N.l.L. (1985), op. cit., p. 12.

- 157 -
1984
1985
1986
Personnel
7 846 532
8 098 158
8 516 980
Fonctionnement
5 450 522
5 333 530
5 313 125
Total
13 297 054
13 431 688
13 830 105
(prévision)
La
remarque
que
l'on
peut
faire
concerne
le
rlsque
d'une
lourdeur progresslve dans
la gestion des nouvelles autorités, c'est-
~-dire
un
retour
aux
défauts
classiques
de
l'administration
que
le législateur a voulu éliminer.
SECTION 3 - LES FONCTIONS
La création de la plupart des organismes répond ~ la nécessl-
té d'adapter les structures de l'Etat à l'évolution rapide des scien-
ces et
des techniques à laquelle s'est. jOlnt.e l'exigence de démocra-
tlser davantage la gestion publique.
Aussi
les
nouvelles
aut.orités
se
sont
vues
asslgnées
un
rôle
double
auprès
du
gouvernement
et
des
autorités
publ iques
en
général
en qualité
d'auxiliaires,
dont
on
recueille
les
aVlS
et
qui dispensent
une a lde t.echn ique,
tout d'abord; puis comme experts
dont
la
compétence
et
la
représent.ativlté
permettent
d'améliorer
les
règles
d'encadrement
juridique
des
différents
secteurs
de
la
société.
§ 1. La gest ion des Hltérêts publ lCS
L'action des A.A.1. dans ce domaHle révèle plusieurs
dimen-
sions.

- 158 -
La
première
est
représentée
par
les
fonctions
d'aide
et
de
conseil
auprès
des
pouvoirs
publ ics
le
but
recherché
par
le
législateur,
étant
ici,
l' amél iorat ion
de
la
quaI dé
technique
des
décisions qui
interviennent dans
les secteurs respectifs des autori-
tés.
Il
s'agit ensuite d'assurer, par le truchement de ces insti-
tut ions une
large concertat ion afin d' aboutir à
un choix consensuel
ou,
à
tout
le moins,
largement
partagé
par
les
pr inc ipaux
intéres-
sés.
En fait ces différents mécanismes se confondent dans la consul-
tation
tantôt
obligatoire
tantôt
libre
que
les
textes
prévoient
au
profit de
plusieurs autorités
nationales ou locales,
administra-
tives ou judiciaires.
Cependant
les
dispositions
législatives
réalisent
parfois
sinon
un
transfert
de pouvoir des
instances classiques aux nouveaux
organismes,
du
moins
une
véritable
association
des
premIers
aux
décisions que prennent habituellement les seconds.
Ainsi,
en
matière
de
communication,
la
loi
de
septembre
1986 oblige
le gouvernement à
recueillir
l'avis de
la C.N.C.L.
dans
les principaux cas suivants :
-
définition de
la posit ion de la France dans
les négocia-
tions internationales relatives aux télécommunications et à la radio-
diffusion (article 9),
-
pour
tout
projet
visant
à
rendre obligatoire
les normes
relatives aux matériels et techniques de télécommunications et radio-
diffusion (article 12),
-
pour
l'attribution des
bandes de
fréquences aux adminis-
trations de
l'Etat et à
la Commission
par le Premier ministre (ar-
ticle 21),
avant
la
publ ication
des
décrets
qUI
fixent
un
certain
nombre
de
règles
générales d'une part pour l'exploitation de chaque
catégorie
de
services
de
communication
audiovisuelle
diffusés
par
voie
hertzienne
terrestre
ou
par
satellite,
d'autre
part
pour
les
services
de
radiodi ffusion
sonore
et
de
télévision
distribués
par
cable (articles 27-1 et 33),

- 159 -
-
pour
les
demandes d' autorisat ion
au ministre
des
Postes
et
télécommunications
concernant
l'installation
et
l'exploitation
des réseaux ouverts à des tiers,
quelqu'en soit le support
(article
10, 2°),
en
matière
de
concurrence
pour
les
activités
relatives
à l'audiovisuel (article 17) et enfin
- dans la confection des cahiers des charges des sociétés et établis-
sements publics (article 13) (23).
Il
en
est
quasiment
de
même
dans
les
domaines
couvrant
l'informatiqueou la concurrence, dont le caractère technique commande
la
sollicitation
de
la
C.N.I.L.
et
du
Conseil
de
la
Concurrence
(24).
Dans
d'autres
cas
l'intervention
des
nouveaux
organismes
à
la
demande
des
pouvoirs
publics
traduirait
plutôt
de
la
part
de
ceux-ci
1a volonté
d'asseoir
leurs
décisions
sur
une
base consen-
suelle
aUSSI
large
que
possible
(cas
des
commissions
consultati-
ves) (25).
Ainsi l'association des A.A.I. à la prise de décisionsinté-
ressant
les
di fférents
secteurs
de
la
vie nat ionale apparaît dans
l'ensemble
satisfaisante même
si
on
peut
regretter qu'elle ne soit
pas
toujours
élargie aux
collectivités
territoriales ou
à
d'autres
instances
(26).
Une
omission dont
les autorités peuvent
d' ailleurs
susciter la réparation.
(23) Une obligation semblable pesait sur le gouvernement à l'égard de la Haute Autorité,
dans le cadre de la loi de 1982.
De fait celle-ci prescrivait une obligation générale pour tout ce qui tou-
chait à la communication audiovisuelle.
Par contre en matière de presse écrite la consultation de la C.T.P.P. était
simplement facultative.
Il s'avère ainsi qu'hormis ces cas de compétence consultative, la C.N.C.L.
exerce son pouvoir d'autorisation et de contrôle (y compris technique) sur l'ensemble
du secteur de la communication radiotélévisée. Voir infra.
(24) Voir par exemple les articles 6,
15, 24 de la loi du 6 janvier 1978, 5 et 38
pour l'ordonnance du 1er décembre 1986.
(25) La saisine pour avis de certains organismes comme la C.A.D.A.,
la commission
des clauses abusives et la commission de sécurité des consommateurs, est souvent facul-
tative.

- 161 -
Cet
organIsme
insiste
par
ailleurs,
une
nouvelle
fois,
sur une recommandation qu'il a déjà faite en 1981, à savoir la néces-
sité de
renforcer
les
bornes
prot.ect.rices contre
les dét.ournements
de finalité dans l'automatisation des t.itres de séjour pour étrangers.
la
suggest ion
relative
à
la
pr ise
en
compt.e
du
principe
de
proport.ionnalit.é dans
l'évaluation
des
dispositions de sécurité
pour chaque traitement automatisé et les risques part icul iers d' at-
teintes
à
la
personne
humaine,
va
aussi
dans
le
même
sens
(29).
On peut citer par ailleurs d'autres exemples de recommanda-
tions
faites
par des
organismes
similaires à
la
C.N.l.l.
comme
la
C.O.B.
(1ge
rapport),
l'ancienne
Haute
Autorité
(4e
rapport)
ou
la Commission de Concurrence (ge rapport.) et relatives respectivement
à
la privat isation ou au droit de vote par correspondance dans les
assemblées générales d' act ionnai res,
à la modi ficat ion du code élec-
toral dans sa partie concernant le fonctionnement des radios locales
privées pendant les campagnes électorales,et. à la vigilance de l'admi-
nistration
dans
la
surveillance
de
certains
secteurs
particuliers
(manutention ... etc.) (30).
Ce rôle d'initiateurs de réformes est étendu aux commissions
consultatives
qui,
comme
la
C.A.D.A.,
la
Commission
des
clauses
abusives et la Commission de sécurité des consommateurs, consignent
chaque année dans leurs rapports d' ac.tiv~tés des
propositions allant
(suite de la note 27 page précédente)
Pour les deux derniers organismes, ce sont la C.N.C.l. et le Conseil de
la Concurrence qui ont hérité aujourd'hui de cette charge.
(28) Cf. le 6e rapport de la C.N.l.l. (op. cit., p. 65 et s.)
(29) Voir par ailleurs la délibération nO 85-07 du 19 février 1985 qui porte adoption
d'une recommandation sur les traitements automatisés d' informations médicales nomina-
tives utilisés à des fins de recherche et dans laquelle la C.N.l.l. propose des mesures
concrètes allant dans le sens du respect du patient.
Annexe 23, 6e rapport, p. 303.
(30) Pour la Commission des Marchés à Terme de Marchandises, cf. son rapport au Prési-
dent de la République et au Parlement pour l'année 1985, J.O. doc. adm. nO 156 du
13 novembre 1986.

- 162 -
dans
le
sens
d'une
modification
de
certains
textes
(31) .
Ainsi la C.A.D.A. a demandé et obtenu que soient améliorées
l'information et la coordination erl matière de communication adminis-
trative (32).
Quant
aux
deux
autres
commissions,
elles
ont
préconisé,
dans leurs rapports de 1986, l'élimination de certaines dispositions
abusives
contenues
dans
les
contrats
de
location avec
promesse de
vente et un plus grand rèspect des droits de défense du consommateur.
En
fait
dans ces deux
cas
les
recommandat ions s'adressent
en priorité aux professionnels qui se voient ainsi obligés de s'exécu-
ter soit pour conserver une bonne image de marque auprès de l'opinion
publ ique
soit
pour
ne
pas
encourir
une
intervention
contraignante
du gouvernement reprenant
à son compte les propositions des autori-
tés.
Ces mesures ne sont pas pour autant toujours suivies d'ef-
fets, qu'elles s'adressent aux pouvoirs publics ou aux professionnels.
De toutes les autorités,il n'y a que le Médiateur qui obtien-
ne des
résultats tangibles
en ce
doma ine.
Un exemple nous en est
fourni
par
la
satisfaction
rapide
de
sa
demande
d'indemnisation
des victimes d'attentats, pour dommages corporels (33).
(31) Voir en ce sens le 1er rapport (1979-80) de la C.A.D.A., le rapport de la Commis-
sion des clauses abusives pour 1986 et le premier compte rendu annuel des activités
de la Commission de Sécurité des Consommateurs (J.O. doc. adm. nO 20 du 11 mars 1986).
(32) Cette demande a abouti à la mise sur pied auprès du Premier ministre d'un groupe
consultatif chargé de l'application de tous les textes qui sont intervenus dans cette
matière.
Cf. le rapport pour 1979-80 op. cit., p. 65 et s.
(33) Cf. Le rapport du Médiateur au Président de la République et au Parlement pour
1986, op. cit., p. 113 et s.

- 163 -
L'analyse des différents organismes nous a permis de consta-
ter, tout au long de ce chapitre,
l'existence d'une large communauté
s'étendant aux missions et à l'organisation interne.
De fait, lorsqu'on franchit ce palier pour passer à l'examen
de
la
mise
en
oeuvre
des
compétences
et
fonctions
on
trouve
une
diversité de caractères qui rend difficile un quelconque regroupement.

- 164 -
CHA PIT R E
2
L'ANALYSE JURIDIQUE: UN "MOUVEMENT" HETEROGENE
La
notion
d "'Autorité
Administrative
Indépendante"
n'a
fait
l'objet,
nous
l'avons
vu,
d'aucune
définition
de
la
part
du
législateur qui l'utilisait la première fois en 1978, pour qualifier
la
C.N.I.L.
Le
Parlement
l'emploiera
par
la
suite
pour
d'autres
organismes, en réalité peu nombreux.
C'est
plutôt
la
doctrine
qui,
s'en
emparant,
va
l'étendre
à
plusieurs autorités
ou
commissions par un effet de décomposition
du
concept.
Ainsi,
le
document
de
la Commission du Rapport et des
Etudes du Conseil d'Etat répertorie dix-huit "Autorités Administrati-
ves Indépendantes" parmi lesquelles on retrouve des organismes aussi
di vers que la Commission Bancaire,
le Conseil Supérieur de l'Agence
France-Presse ou la C.A.D.A. (1).
Selon ses auteurs,
l'analyse statutaire de ces institutions
révèle
l'existence
d'un
élément
fédérateur
l'autorité,
morale
ou juridique, dont elles bénéficient dans le cadre de leurs fonctions
auprès des pouvoirs publics et des citoyens concernés.
De
façon
précise,
seule
leur
importe
l'adhésion
finale
que
les
organismes suscitent
auprès
du
groupe
social,
destinataire
pour l'application de la norme.
Ces
considérations
sont
partagées
par
d'autres
analystes
comme H. Maisl et C. Teitgen-Colly (2).
(1)
Or ces trois organismes ne peuvent, en partant de la définition doctrinale des
Autorités Administratives Indépendantes,
nullement être considérés comme appartenant
à la catégorie.
En effet,
la Commission Bancaire ne saurai t être réduite à une autori té
administrative indépendante alors même qu'elle remplit, dans certains cas, des fonctions
juridictionnelles.
De même, pour le Conseil Supérieur de l'A.F.P. le bénéfice de la personnalité
morale constitue un obstacle sérieux à son intégration au sein des autorités nouvelles .
... f ...

- 165 -
Cependant parmi tous ces partisans d'une conception extensive
de la notion d'autorité administrative indépendante, c'est le Profes-
seur Timsit qui va affiner le plus son analyse en replaçant le mouve-
ment dans le cadre d'une nouvelle vision de la création et de l'appli-
cation de la règle de droit (3).
Une telle approche est purement sociologique car elle privi-
légie l'esprit qui préside à la mise en place de la nouvelle catégo-
rie.
Elle
ne
tient
compte
ni
du
pouvoir
réel
ni
de
la
place
que
chaque
commission
occupe
dans
l'ordonnancement
juridique
(4) .
Or ce sont précisément ces deux
facteurs qui conditionnent
l'avenir
des
Autorités
Administratives
Indépendantes.
Autrement
di t
leur
enjeu est
le
suivant
la
reconnaissance
et
la
garantie
réelles de
leurs
compétences
juridiques et
de
leur
"indépendance".
Telle
est
d'ailleurs,
en
substance,
l'argumentation
que
les
défenseurs
de
la
conception
étroite
développent
à
l'encontre
de la thèse précédente.
En effet pour des auteurs comme MM. Sabourin, Drago, Nicolay
et Dugrip l'élément déterminant dans la création de J'autorité admi-
nistrati ve indépendante reste l'indépendance statutaire et fonction-
nelle que le législateur lui confère afin de lui permettre d'exercer
son
pouvoir
de
décision
réglementaire ou individuelle à
l'abri des
pressions diverses et en dehors du "carcan" administratif tradition-
(suite de la note 1 page précédente
L'originalité de la C.A.D.A.
réside, quant à elle, dans le fait qu'elle
n'exerce aucun pouvoir de décision; ce qui n'est pas le cas pour les institutions
nouvelles qui se voient reconnaitre par ailleurs, comme elle, une compétence consulta-
tive.
(2) Cf. Leurs communications au Colloque de Paris des 11 et 12 juin 1987, op. cil.
(3) Voir son article consacré à "(De) l'engendrement du droit" à la R.D.P. 1. 1988,
P.39
et
la
synthèse
qu'il
a
présenté
lors
du
Colloque
précédemment
cité.
(4) Nous reviendrons plus loin sur la position de G. TIMSIT, infra Chap. 2 du Titre
1 et tout le long du Titre 2 de la Seconde Partie.

- 166 -
nel (5).
Ils ne retiennent dès lors,
dans la catégorie, qu'un nombre
limité
d'organismes
à
l'instar
de
la
C.N.C.L.,
de
la
C.N.LL.
ou
du Conseil de la Concurrence (6).
En
dehors
des
domaines
d'intervention
de
ces
autorités,
il
s'avère
que
le
législateur
s'est
surtout
attaché
à
reproduire,
en l'améliorant parfois, le modèle classique de la structure adminis-
trative (Sect. 1).
Par
contre,
concernant
les
secteurs
précédemment
ci tés
il s'est agi de promouvoir de véritables contre-pouvoirs
(Sect.
2).
SECTION 1 - LA SIMPLE REPRODUCTION DU MODELE ADMINISTRATIF CLASSIQUE
Elle
concerne
surtout
les
nouvelles
commissions
consulta-
ti ves.
A propos de celles-ci,
s'il est vrai que leur fonctionnement
ne confirme pas toujours le bien-fondé de
la boutade de Clémenceau
relative à l'autorité administrative prompte à s'entourer d'organismes
consultatifs dont il n'est tenu aucun compte des avis, il n'en demeure
pas
moins
qu'elles
empruntent
aux
structures
classiques
de
même
nature certaines caractéristiques principales.
(5)
Cf.
respectivement
MM.
SABOURIN,
"les autorités administratives
indépendantes,
une catégorie nouvelle" et communication au Colloque de Paris, op. ciL; R. DRAGO,
"le Conseil de la Concurrence", article préci té ; P. NICOlAY in Communication au Collo-
que précité et O. DUGRIP, "les autorités administratives indépendantes en droit écono-
mique
: quelle séparation du politique ?" J.C.P. éd. E, 1'0 26, supplément 3.88, p.
31.
(6) En fait ces auteurs ne sont pas toujours d'accord entre eux quand il s'agit de
dresser une liste exhaustive des nouveaux organismes réellement indépendants du pouvoir.
Ainsi pour R.
DRAGO,
seules en
font partie les autorités suivantes : la
C.O.B., la C.N.C.l. et le Conseil de la Concurrence.
Il en exclut donc
la C.N. I.l que certains analystes considèrent pourtant
comme le symbole des autorités indépendantes. Par contre, pour le Président NICOlAY,
c'est bien le Conseil de la Concurrence qui incarne le mieux ce que peut être la dépen-
dance des nouveaux organismes à l'égard du gouvernement.
Pour nos analyses, voir la Section 2, infra.

- 167 -
Cependant il
faut dire que cette représentation des rapports
entre
l'autorité
administrative
et
les
commissions
consultatives
est
exagérée.
En
effet elle occulte
totalement
l'importance du
rôle
que
celles-ci
remplissent
auprès
de
celle-là
garantir
la
qualité
technique
de
la
décision
tout
en
assurant
à
la
règle
un
accueil
favorable
auprès
du
groupe
destinataire
dont
l'aval
aura
été
préa-
lablement
obtenu
par
l'intermédiaire
de
ses
représentants
au
sein
de l'organisme consulté.
C'est
d'ailleurs
le
ren forcement
de
ces
deux
facteurs
qui
fonde,
en partie,
l'originalité des nouveaux organismes consultatifs.
La
reproduction
concerne
aussi,
quoique
dans
une
moindre
mesure,
les
autorités
de tutelle des
professions
libérales.
En
fait
si l'on envisage ici le mouvement de création des institutions nouvel-
les dans le temps, l'action précitée serait limitée aux seules Commis-
sions
des
Marchés
à
Termes
et
des
Bourses
de
Valeur, plus
récentes
que
la
Commission
bancaire
et
la
C. O. B.
Mais
tous
ces
organismes
ont
fait
dernièrement
l'objet
de modi fications
législatives di verses
et s'inscrivent dans le cadre d'une politique traditionnelle d'inter-
vention indirecte de
l'Etat dans
les secteurs de
l'économie de mar-
ché (7).
§ 1 - Les Commissions consultatives
On en dénombre trois
La C. A. D. A.,
la
Commission
des
Clauses abusives
et
la Commis-
sion
de
sécurité
des
consommateurs.
Celles-ci,
à
la
di fférence
des
autres
autorités,
n'émettent
que
des
avis
qui,
le
plus
souvent,
ne
lient
juridiquement
ni
l'administration
ni
le
citoyen.
(7) Le mouvement de rapprochement, amorcé par les différentes modifications législa-
tives qui
se sont succédées depuis
1985 pour
la C.O.S.,
vers un statut d'autorité
indépendante arrive aujourd'hui
à
terme avec
l'adoption de la
loi
du 2 août
1989,
cf. notre addendum.

- 168 -
A pr ior i,
e Iles
se
présenten t
donc
comme
les
institutions
classiques
d'accompagnement
de
l'administration
active
auxquelles
l'enseignement
du
droit
nous a
habitué.
De
fait
si
le
législateur
a bien voulu sacrifier au respect des principes généraux de la consul-
tation
en
droit
administrati f,
il
n'en
a
pas
moins
innové
en
la
matière
en
conférant
plus
de
poids
aux
avis
que
ces
commissions
émettent.
A -
Le
respect des principes généraux de la consul-
tation en droit administratif français
Du début du sièc le à nos jours,
beaucoup d'auteurs se sont
intéressés
à
ce
que
le
Doyen
Hauriou
a
appelé
"l'administration
consultative" (8).
Le maître de Toulouse subdivisait l'Administration Publique
en trois branches distinctes ou confondues: l'administration délibé-
rante,
l'administration
consultative
et
l'administration
exécutive.
Cette analyse n'a toutefois été confirmée ni par la doctrine
postérieure ni par le droit positif.
Les
raisons
de
ce
rejet
implicite
se
trouvent
peut- être
dans
l'attitude
du
juge
consistant
à
rechercher
le
plus
souvent
dans
un
litige,
la
source
juridique
de
la
décision
contestée,
en
l'occurrence
l' autori té
administrative
qui
en
est
l'auteur,
plutôt
que de s'attarder sur les différentes étapes du processus qui conduit
à celle-ci (9).
(8) Cf. son Précis de Droit Administratif et de Droit Public, 12e éd., p. 115 et s.
et d'un point de vue général: La consultation dans l'Administration Contemporaine,
ouvrage collectif sous la direction de M. LANGROD, Paris, Cujas 1972 et M.M.G. ISAAC,
La
procédure Administrative non Contentieuse,
Paris,
L.G.D.J.,
1968 ; R.
HOSTIOU,
Procédure et Formes de l'Acte Administratif unilatéral en droit français, Paris, L.G.O.J.
1975.
(9) Cf. MM. LANGROD et HOSTIOU dans leurs ouvrages respectifs op. cit., pp. 65 et 25.

- 169 -
Les
analyses
doctrinales
reflètent
d'ailleurs
amplement
cette position jurisprudentielle.
Ainsi M. Hostiou définit l'avis consultatif comme une "forma-
lité préalable à l'émission de certains actes unilatéraux, consistant
en une consultation prévue ou non prévue, se traduisant par une propo-
sition dépourvue de tout effet normateur que l'auteur peut ou doit
solliciter, selon les hypothèses, sans qu'une telle opération traduise
un partage de compétence" (10).
Pour
le
Professeur
Auby
aussi
iJ
s'agit
d' "une
formalité
de
procédure
comportant
l'expression
d'une
opinion ou
l'expression
cohérente
d'opinions
di verses
et
destinée
à
éclairer
une
autorité
sur le principe ou les modalités de l'exercice de sa compétence" (11).
Ces
propos
ne
différencient
cependant
pas
clairement
les
di fférentes
formes
de
consultation et
leurs effets sur la décision
à prendre.
En effet l'avis résulte d'une formalité qui peut revêtir
plusieurs dimensions, dont deux sont fondamentales.
La
première
est
dite
obligatoire
lorsque
l'autorité
qui
entend édicter une norme est tenue de solliciter au préalable l'avis
d'une commission.
Dans ce cas l'obligation peut aussi s'étendre à la conformité
de la norme,
au contenu de l'avis ainsi donné. On est alors en pré-
sence
de
l' "avis conforme",
d'une
hypothèse
de
"co-décision"
selon
une partie de la doctrine.
L'avis peut aussi être facultatif;
c'est la seconde dimen-
sion
qui
postule
la
liberté
de
l'autorité
administrative.
(10) R. HOSTlOU, ibid., p. 26.
(11) J.M. AUBY, "Le régime juridique des avis dans la procédure administrative", A.J.O.A.
1956.1.65.

- 170 -
Toutefois
cette
liberté s'entend de
deux
façons.
Elle
est
entière dans
les cas où l'auteur de
la décision n'est pas tenu de
procéder
à
une
consultatio",
avant
de
prendre
l'acte
juridique.
Elle est
par
contre
limitée
si
le texte de base exige de
solliciter
l'avis
d'une
commission
ou
d'une
autre
autorité
tout
en
ne
contraignant
pas
"le
consultant"
à
suivre
cet
avis.
On
le
voit,
les
rapports
entre
l'autorité
administrative
"consultante"
et
la
commission
"consultée"
sont
multi formes.
Néan-
moins dans
la majorité des cas,
la
jurisprudence du Conseil d'Etat
ne retient l'avis qu'en tant que formalité destinée à éclairer l'auto-
rité administrative bénéficiaire du pouvoir de décision ; autrement
dit il reste une simple proposition (12).
De
fait
les
cas
de
consultation
prévues
par
les
textes
en
ce
qui
concerne
les
nouvelles
commissions
s'interprètent
comme
telle (13).
Il nous semble di fficile,
eu égard à toutes ces considéra-
tions et
parallèlement
à
la
méthode
que
le
Conseil d'Etat
utilise
pour définir l'autorité administrative, d'accueillir la qualification
d'autorité
administrative
indépendante
pour
ces
commissions
(14).
Quant
à
leur
indépendance,
quand
bien
même
elle
serait
une condition remplie sur la base d'une étude organique et fonction-
nelle,
elle reste ici sans grande influence car l'autorité adminis-
(12) Voir en ce sens sa décision du 13 mars 1981, S.A. Armand Pellerin, suivie de
la note de Gaudemet, op. cit.
(13)
Il en est par exemple ainsi de ceux qui sont prévus aux articles 5 de la loi
du 17 juillet 1978 pour la C.A.D.A. et 2 de la loi du 21 juillet 1983 pour la Commis-
sion de Sécurité des Consommateurs.
Toutefois
concernant
les
autres
autorités
les
nouvelles
lois
prévoient
parfois des cas d'avis contraignants,
exemple
:
la consultation prévue à l'article
10 Il de l'ordonnance du 1er décembre 1986 auprès du Conse il de la Concurrence pour
la validation de certairs accords de position dominante par le ministre de l'économie.
(14) Nous avons déjà vu que le pouvoir d'édicter des actes faisant grief est considéré
comme la caractéristique principale de l'autorité administrative.

-
171 -
trative consultante conserve
l'entière maîtrise de la décision
(15).
Toutefois ces organismes bénéficient d'une autorité certaine
auprès
des
pouvoirs
publics
ce
qUl
les di fférencie
de
la plupart
des commissions classiques.
8
L' originali té
des
nouvelles
commissions
consul-
tatives
Elle
tient
dans
l'existence
de
trois
facteurs
principaux.
Le
premier
est
relatif
à
leur
création
par
la
voie
législative.
Le
second
concerne
l'obligation
pour
les
autorités
gouvernementales
de
solliciter
leurs
avis
toutes
les
fois
qu'elles entendent édicter
une
norme
affectant
les
rapports
entre
les
administrations
et
les
citoyens.
Le
dernier
porte,
enfin,
sur
le
caractère
solennel
que
les
textes
confèrent à cette consultation.
En
effet
au
regard
de
ces
trois
points
l' originali té
des
statuts de la C.A.D.A., de la Commission de Sécurité des Consommateurs
et
de
la
Commission
des
Clauses
abusives
est
saisissante
compara-
tivement à ceux des Commissions plus anciennes.
Il en est d'abord ainsi parce que ces dernières ont souvent
vu
le
jour
à
l'initiative
de
l'administration
elle-même
(16).
(15) Certains auteurs préconisent bien de mesurer l'autonomie des commissions consul-
tafives au moyen de quelques principes fonctionnels relati fs notamment aux conditions
de leur constitution, de leurs réunions et de leurs délibérations, cf. par exemple
J.C. CHRETIEN,
in ouvrage collecti f publié sous la direction de LANGROO, op. ciL,
p. 144. Nous avons d'ailleurs eu à constater dans le chapitre précédent que les nouveaux
organismes satisfont à ce critère.
Néanmoins dans le cadre d'une étude principalement axée sur l'analyse juridi-
que
de
l'autorité
des
nouvelles
institutions
ce
facteur
demeure
accessoire.
(16)
M.
Guy ISAAC nous le rappelle opportunément : le législateur intervenait peu
dans ce domaine . Il laissai t le plus souvent au gouvernement le soin de créer des
instances consultatives, dans le cadre d'application des lois.
Cf.
La
Procédure
Administrative
Non
Contentieuse,
op.
cit.,
p.
250.
et s.

- 172 -
Ensuite, parce que les hypothèses où la décision de l'autori-
té administrative est obligatoirement précédée d'un avis se révèlent
aujourd'hui plus nombreuses que d'ordinaire (17).
Par ailleurs,
cette saisine des nouvelles commissions n'est
pas
ouverte
qu'aux
seuls
pouvoirs publics,
elle s'étend à d'autres
personnes
morales,
publiques
ou
privées,
professionnelles
ou
non.
Notons enfin que les avis qui s'en suivent comme les autres
activités
rentrant
dans
leurs
compétences
légales
sont
portés
à
la connaissance du public.
Cependant
la
publication
ponctuelle des
avis,
c'est-à-dire
en dehors du cadre annuel du rapport,
reste aléatoire pour certains
organismes parce que conditionnée par l'accord du ministre de tutel-
le
(18).
Ceci
constitue
d'ailleurs
un
des
éléments
d'appréciation
de la plus grande dépendance des commissions consultatives comparati-
vement aux autres autorités nouvelles à l'égard de l'administration
active et finalement de la prédominance dans leur statut des caracté-
ristiques
classiques
propres
aux
organismes
consultatifs.
On
peut
ainsi constater que la C. A. D. A.,
la Commission des clauses abusives
et la Commission de sécurité des consommateurs ne disposent d'aucun
personnel propre; elles font toutesappel, dans leur fonctionnement,
aux agents publics des départements ministériels.
En définitive elles ne semblent exister que dans la perspec-
ti ve
de
leur
collaboration
à
la
gestion
administrative
classique.
De
ce
point
de
vue
la
qualification
d'autorité
administrative
au
sens où on l'entend juridiquement ne convient point à leur situation.
(17) Hormis bie~ sûr les cas d'intervention systématique des commissio~s consultatives
dans le champ d'application des libertés ou des droits fondamentaux.
(18) Tel est notamme~t le cas pour la Commission des clauses abusives et pour la Commis-
sion de sécurité des consommateurs à l'égard du Secrétaire d'Etat chargé de la Consom-
mation.
Ainsi
la prétendue règle
tac ite de la publication systématique des av i s
de ces organismes ne se vérifie pas toujours. Un exemple nous en est d'ailleurs fourni
en
1986 pour la recommandation de la Commission des clauses' abusives relative aux
clauses
d'exonération
de garantie dans
les actes de
vente de
biens
immobiliers.

- 173 -
Par
contre
celle-ci
se
justi fie
bien
pour
les
organismes
de tutelle des ordres professionnels.
§
2.
Les
autorités
de
tutelle
des
professions
libérales
Le
caractère
libéral
de
l'Etat
français
se
manifeste
de
prime
abord
par
l'existence
du
principe
de
la
liberté
du
commerce
et
de
l'industrie,
défini
à
l'origine
en
termes
très
généraux
par
la
loi
des
2 et
17
mars
1791
et consacré
récemment sur
le plan de
la
constitutionnalité
par
l'importante
décision
du
Conseil
Consti-
tutionnel
relative
aux
nationalisations
de
1982
(décision
du
16
janvier 1982). La mise en oeuvre de ce principe doit cependant obéir
à
un
certain
nombre
de
limitations
tant
législatives que
réglemen-
taires.
Celles-ci concernent par exemple
l'organisation et
le fonc-
tionnement
de
certaines
professions ou
la protection de
la sécurité
et de la santé publique.
De
fait
elles
permettent
surtout
aux
autorités
politiques
d'imprimer une certaine directive à la politique économique de l'Etat.
Le
maintien
d'un
tel
cadre
exige
néanmoins
plus
qu'une
présence dont
les
effets
se
limitent
au
seul plan de la
création
de
la
norme
juridique.
Il
nécessite
un
représentant
qui
soit
à
la
fois
agréé
par
l'Etat
dont
il
applique
les
décisions
dans
le
sens
de l'intérêt général et par les agents économiques dont il est souvent
issu.
La
création
d'ordres
professionnels, soumis
eux-mêmes
à
la
tutelle
d' organismes
sectoriels, permet
de
satis faire
ces
condi-
tions.

- 174 -
A. La prééminence de l'intérêt général
Créés à l'origine pour entretenir des relations de confiance
entre
le professionnel
et
l'usager,
les ordres sont ensui te amenés
à
servir
de
relais
à
l r intervention
publique
dans
les
di fférents
secteurs de l'économie.
Ces
organismes
d'ordre
privé
vont
béné ficier
à
cet
effet
des prérogatives de puissance publique qui leur permettent d'exercer
deux types de fonctions administratives: ce sont d'une part l'organi-
sation et le fonctionnement des professions et d'autre part le main-
tien de la discipline en leur sein.
Ils
disposent
ainsi
du
pouvoir
de
poser
des
règles
tant
générales qu'individuelles, y compris celui de sanctionner les membres
qui contreviennent aux dispositions contenues dans les codes déonto-
logiques. La double représentation des ordres, à la fois comme défen-
seurs d'intérêts
professionnels
et
interlocuteurs
voire
conseillers
des
autorités
publiques,
tient
lieu,
malgré
son
ambivalence,
de
loi quasi générale (19).
Cependant la fragilité de cet équilibre se révèle rapidement
en période de crise car celle-ci est souvent propice au réveil des
réflexes corporatistes nuisibles à l'intérêt public.
D' ailleurs
l' histoire de
l'Ancien Régime à nos jours nous
en offre
des exemples
à
propos
desquels la réaction de l'Etat
fut
diverse
dissolution
des
groupements
ou
institution
d'organismes
chargés de maintenir les liens avec les milieux professionnels (20).
(19) Ef'
fai t,
les professiof'f'els disposef't
de structures plus appropriées pour la
défef'5e de leurs if'térêts : les syf'dicats.
(20) Cf. la thèse de M. BAZEX, Le statut Administratif des Organismes Professionnels,
Faculté de droit et des sciences économiques de Toulouse, 1967.

- 175 -
C'est
dans
cette
seconde
perspective
que
s'inscrivit
la
création
de
la
Commission
de
contrôle
des
banques
pa~
les
lois
des 13 et 14 juin 1941.
Seulement
l'émergence
des
organismes
ne
se
réduit
pas
à
ce
facteur.
Elle
s'explique
aussi
par
la
nécessité
de s'adapter
aux nouvelles conditions économiques consécutives notamment à l'élar-
gissement des marchés.
Ainsi
furent
tour
à
tour
créés
la C. O. B.,
la
Commission
des Marchés à Terme Réglementées puis le Conseil des Marchés à Terme
et
tout
récemment
le
Conseil
des
Bourses
de
Valeurs, l'objectif
étant
ici
double
aider
les
organismes
professionnels à
assainir
leurs secteurs respecti fs
et renforcer le contrôle étatique en leur
sein.
B.
La
réaffirmation
de
la
Puissance
publique
------------------------------------------------
Elle
s' inscr i t
dans
une
sorte
de
paradoxe
qui
oppose
la
réalité
des
faits
à
la
réaffirmation
constante
du
principe
d'une
gestion libérale de l'économie.
Les propos tenus récemment par le ministre chargé de l'éco-
nomie sur la nécessité de laisser aux intéressés le soin de moraliser
eux-mêmes le secteur boursier et le souhait qu 1 i l émet,
à
l'opposé,
de voir se renforcer les pouvoirs de la C.O.B. à l'égard des groupe-
ments
professionnels,
en
constitue
une
illustration certaine
(21).
(21) Cf. son intervention relative au rapport "Deguen" qui étudie les conditions propres
à améliorer la sécurité des instruments financiers et des marchés à terme, "Le Monde"
des 15 et 16 mars 1988.
Ces propos se concrétisent aujourd'hui par l'institution du Conseil des
Marchés à Terme et du Conseil des Bourses de valeurs respectivement par les lois des
31 décembre 1987 et 22 janvier 1988.
Ces textes combinent à la fois une plus grande représentativité des pro-
fessions concernées (cas du C.M.T. par rapport à l'ancienne(C.M.T.R.),leur auto-orga-
nisation et leur auto-surveillance (C.B.V.) et une plus grande manifestation de la
puissance publique (tutelle gouvernementale à l'égard de leurs décisions et renforce-
ment des pouvoirs de la C.O.B.).

- 176 -
De
fait
alors
que
la
demande
des
professionnels
portait
sur
l'institution
d'un
organe
totalement
indépendant,
de
type
magistrature économique,
l' Etat s'est quant à lui contenté de créer
des
organismes
fortement
liés
à
ses
instances.
lIen est ainsi de
la Commission bancaire,
composée en majorité de hauts fonctionnaires
(le
gouverneur
de
la
Banque
de
France et
le
directeur
du
Trésor)
et
de
personnalités
nommées par
le ministre de l'économie
(quatre),
matériellement
et
humainement
dépendante
de
la
Banque
de
France,
institution monétaire centrale de l'Etat dont elle se charge d'appli-
quer la plupart du temps, les directives (22).
C'est aussi le cas pour la C.D.B., pour l'ancienne C.M.T.R.
et pour le nouveau C.M.T. Les membres de ces organismes sont désignés
par
le gouvernement et souvent
reconduits
dans
les
mêmes condi-
tions (23).
De
fait
la tutelle gouvernementale à l'égard de ces orga-
nismes va bien au-delà de cet aspect organique pour recouvrir l'élé-
ment fonctionnel.
En
effet
la
Commission
bancaire,
la
C.D.B.,
la
C.M.T.
et le C. B. V.
béné ficient
dans
le cadre de
leurs missions publiques
de
surveillance des
secteurs
financiers,
d'importantes
attributions
administratives. Celles-ci sont relatives à la bonne tenue (organisa-
tion et fonctionnement) des places financières dans le cas des trois
dernières
autorités,
alors
que
pour
la
commission
bancaire,
elles
consistent
surtout
à
assurer
l'application
de
la
politique
fidu-
ciaire par l'envoi de circulaires et instructions aux établissements
(22) Loi nO 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des éta-
blissements
de
crédits,
article
38,
J.O.
du
25
janvier
1984,
p.
390.
(23) Cf. l'ordonnance de 1967 (article 2) pour la C.O.S. et la loi du 8 juillet 1983
pour la C.M.T.R. (article 2).
La
composition
de
cet
organisme
s'établit
comme
suit
:
un Président,
nommé par décret, 2 membres désignés par le ministre chargé de l'économie et par le
ministre chargé du commerce,
le Président de
la chambre de commerce et d' industrie
de Paris et le Président de la C.O.S.
. .. / ...

- 177 -
de crédits (24).
Les commissions exercent par ailleurs un pouvoir individuel
de
décisions.
Ainsi
la
C.o.B.
reçoit
compétence
pour
délivrer
un
visa
pour
tout
document
relati f
à
certaines
opérations
en
bourse
comme
l'appel
public à
l'épargne
ou
le
placement de
contrat
négo-
ciable.
Pour le C. M. T.
et le C. B. V.
ce pouvoir consiste respecti-
vement
à
admettre,
inscrire
ou
radier
le
contrat
et
les
valeurs
mobilières sur
le marché
ou en Bourse
(l'enregistrement du contrat
sur
le
marché
est
fait
par
une
chambre
de
compensation) .
Dans le cas de la Commission bancaire, enfin, cette décision
se traduit par l'examen des comptes de résultats de chaque établis-
Éement financier (25). Ces institutions remplissent par ailleurs, à la
di fférence
des autres
"autorités administratives
indépendantes",
lin
rôle juridictionnel ou para-juridictionnel important. Ainsi la commis-
sion bancaire est-elle appelée à exercer la fonction de juridiction
administrati ve à çhague
foi~ 9u' elle est confrontée à une situation
consécuti ve
à
la
mauvaise
gestion ou à
la
violation des
textes
de
la part
d'un établissement de crédits
(articles 44 à 48 de la loi
du 24 janvier 1984).
Dans le même ordre d'idées le C. M. T. et le C. B. V.
peuvent
exercer
des
pouvoirs
disciplinaires
SOLIS
le
contrôle
de
la
Cour
d'Appel
de
Paris
dans
les
hypothèses
prévues
respectivement
aux
(suite de la note 23 page précédente)
Voir J.O. du 9 juillet 1983, p. 2125 et J.C.P. éd. G. 1983-2, 54461-54462.
Pour la composition du Conseil des Marchés à Terme, la loi du 31 décembre 1987 renvoie
à la procédure de décret en Conse il d'Etat (article 1er de la loi et nouvel article
5 de la loi de 1885). On peut imaginer cependant que celle-ci ne di ffèrera pas de
l'organisation de l'ancienne commission.
Quant au C.B.V., il reste une simple émanation des professions intéressées.
Il est néanmoins assisté, dans l'exercice de ses missions, d'une institution financière
spécialisée,
la Société des Bourses Françaises dont
les statuts sont approuvés par
le Ministre de l'économie et des finances qui en nomme par ailleurs le directeur général
(articles 5 et 10 de la loi du 22 janvier 1988).

- 178 -
articles 3 (loi du 31
décembre 1987) 8, 9 et 10 (Loi du 22 janvier
1988).
Pour la C.O.B. ce pouvoir consiste essentiellement à déclen-
cher les poursuites judiciaires en saisissant le Président du Tribunal
de Grande
Instance de Paris
(loi 14 décembre 1985) ou le Procureur
de la République
(loi 22
janvier 1988).
Le
facteur
principal reste
néanmoins
leur dépendance
directe
ou indirecte à
l'égard du Minis-
tère chargé de l'économie.
Ainsi les réglements de la C.O.B.
, du C.M.T. et du C.B.V.
relati fs
aux
di fférentes
places
financières
sont
soumis
avant
leur
publication à l'homologation de ce département ministériel. Le Minis-
tre bénéficie en outre de la possibilité de tenir en échec, de façon
définitive
(par
l'intermédiaire
de
la
C.O.B.)
ou
momentanée
(le
commissaire
du
gouvernement
peut
notamment
demander
une
seconde
délibération), les décisions des organismes professionnels.
En fait, bien qu'il s'agisse ici de secteurs où la politique
libérale de l' Etat est censée se mani fester en pr ior i té,
la tutelle,
souvent pesante, de la part des autorités publiques n'est pour autant
pas contestée.
Ceci
s'explique
par
la
double
nécessité
de
pallier à
la
défaillance
de
l'autodiscipline
dans
les
professions
et
d'élargir
l'accès des marchés
financiers
aux
larges couches de la population
(26).
De
fait
cette
idée
qui
postule
l'existence
de
domaines

(24) Le fondement de leur pouvoir réglementaire respectif se trouve dans les dispo-
sitions des articles suivants : 40 de la loi de janvier 1984 (Commission bancaire),
4-1 nouveau de l'ordonnance de 1967 (31 de la loi du 14 décembre 1985) pour la C.O.B.,
6 de la loi du 28 mars 1885 (2 de la loi du 31 décembre 1987) pour le C.M.T. et 6
de la loi du 22 janvier 1988 pour le C.B.V. Les décisions prises dans ce cadre relèvent
de la compétence du juge administratif.
(25) Pour tous ces organismes, voir textes précités.
En ce qui concerne la C.O.B., cependant,certaines modifications ont été
apportées par
la
loi
du
14 décembre
1985,
op.
cit.,
J.O.
du
15 décembre
1985.
(26) Pour le premier cas de nécessité, voir l'article du "Le Monde" daté du 3 mars
1988 relatif à l'affaire PUGET-BOSCHER, selon lequel le syndicat des agents de change
refusait de prendre des sanctions disciplinaires rigoureuses conformément aux recomman-
dations de la C.O.B. contre ces deux "charges" qui sont coupables de violation du
principe de neutralité lors d'achats de titres en 1987.

- 179 -
l'intervention directe
des
pouvoirs
publics
est
indispensable,
perd
du terrain à
l' heure actuelle,
notamment dans le domaine économique
qui voit l'institution en son sein d'un contre-pouvoir.
SECTION 2 - L'INSTITUTION DE CERTAINS "CONTRE-POUVOIRS"
la création d'autorités à vocation autonome dans certains
secteurs traditionnellement centralisés semble procéder d'une nouvelle
philosophie de l'Etat qui prend le contre-pied d'une longue politique
d'interventionnisme.
Cette
approche
tendrait
à
conjuguer
harmonieusement
le
respect
des
droits
et
libertés
des
individus
et
la
recherche
de
l'intérêt général.
C'est
d'ailleurs
en
substance
l'idée
qu'expriment
les
auteurs
du
6e
rapport
de
la
C.N.l.l.
lorsqu'ils
affirment
qu'il
s'est agi, pour les responsables
politiques, de trouver des contre-
poids
(ou à tout
le moins de renforcer ceux qui existent)
au déve-
loppement
de
trois
pouvoirs
la
bureaucratie,
les
médias
et
les
sciences (27).
De
fait
l'image
que
11 Etat
de
la
fin de ce siècle offre
est celle d'une structure politique en quête de renouveau, bousculée
à
la
fois
par
l'accumulation
prodigieuse
de
moyens
scientifiques
et techniques très variés et par la demande d'élargissement de l'es-
pace libertaire des individus qu'elle provoque.
Aussi
la
création
d'organismes
en
dehors
du
champ
d' in-
fluence
traditionnel
du
politique
relèverait
plus
d'un
impérati f
d'adaptation que d'une volonté radicale de changement.
(27) Cf.
la préface du Président FAUVET, 6e rapport de
la C.N.LL.,
op.
cit.,
pp 5
à 7.

- 180 -
Ceci
expliquerait
par fai tement
le
caractère
incomplet
du transfert de compétences du gouvernement aux Autorités Administra-
tives Indépendantes et la subsistance de quelques liens de dépendance
entre
les
deux
un
phénomène
que
l'on
saisi t
bien
dans
les
cas
de la C.N.I.l. et de la C.N.C.l. (28).
Certes
l'innovation
va
plus
loin
dans
certains
domaines
tels que ceux de la concurrence ou de l'administration avec la mise
en place du Conseil de la Concurrence et du Médiateur
elle n' at-
teint
cependant
jamais son
aboutissement
logique,
celui
qui
ferait
perdre
à
l'institution
administrative
ses
pouvoirs
traditionnels.
§ 1 - la C.N.I.l.
Dans
les
conclusions qu'elle
rendait
un an après sa mise
en place en 1974 par le Garde des Sceaux,
la Commission Informatique
et
libertés
proposait
la
création
d'un
"Organe
de
la
conscience
sociale face à l'emploi de l'informatique" (29).
Cette
proposition
semble
suffisamment
vague
pour
pouvoir
viser
l'institution
aussi
bien
d'une
"autorité
dotée
de
pouvoirs
juridiques
importants"
que
d'un
simple
"comité
permanent"
(0).
Aussi
le
vote
par
le
législateur
d'une
loi
du 6
janvier
1978
qui
n'entend
nullement
bouleverser
l'ordre
des
compétences
gouvernementales
en
matière
d'informatique,
avec
la
mise
en
place
d'une
autorité
administrative
se
bornant
simplement
à
mettre
les
pouvoirs publics devant leurs responsabilités dans les choix politi-
ques, ne va point à l'encontre du souhait des sages.
(28) Le fait n'est d'ailleurs pas propre à la France, on peut l'observer aussi comme
nous le verrons dans d'autres pays européens.
(29) Cf. le rapport de la C.LL. , op. cit.
(30) Les deux termes sont contenus dans le rapport précité.

- 181 -
Dans
cette
optique
le
statut
et
le
fonctionnement
de
la
C. N. 1. l.
répondent mal aux espoirs que l'on peut logiquement fonder
sur
une
instance
devant
éclairer les choix culturels d'une société
essentiellement dominée par la technique.
la
qualification
d'"autorité
administrative
indépendante"
conférée
à
la
C.N.l.l.
par
le
Parlement
est
censée
correspondre
au
souhait de
la Commission de
1974
relati f à
l' insti tut ion
d'une
"autorité administrative collégiale
•••
distincte d'autres institu-
tions de l'Etat •.. ".
la
question
était
cependant
de
savoir comment
constituer
dans
les
faits
cet organisme
administrati f
d'un
type
nouveau
?
la
réponse se subdivise dans la loi du 6 janvier 1978 en deux parties.
la C.N.l.l. se définit tout d'abord selon le modèle adminis-
trati f classique,
c'est-à-dire comme un organisme doté d'un pouvoir
de décision réglementaire et individuelle.
Les
règles générales qu 1 elles
fixent sont relatives d'une
part
aux
formalités
simples
requises
pour
la
création
de
traite-
ments automatisés courants et d'autre part à la garantie de la sécu-
rité des traitements (standards) (31).
Quant aux règles individuelles, elless'adressent essentiel-
lement aux détenteurs de fichiers publics ou privés, qu'elles obligent
à satis faire selon les cas aux conditions posées par la déclaration
(31) Cf. les articles 17 et 21.3° de la loi.

- 182 -
ou la demande d'avis (32).
la
commission
est
cependant
aussi
une
instance
atypique
dans la mesure où elle est suffisamment détachée du cadre hiérarchique
ou
tutellaire
habituel
pour
pouvoir
imposer
son
autorité
morale
à
la
fois
aux
professionnels
et
à
l'administration
classique.
Elle
peut
d'ailleurs,
le
cas
échéant,
utiliser
d'autres
pouvoirs pour faire respecter les dispositions législatives (investi-
gations,
enquêtes,
avertissements,
demandes
de
recti fication
et
saisine
du
parquet).
De
fait,
elle
entend
surtout
promouvoir
la
méthode
consensuelle
dans
le
cadre
de
sa
mission
protéger
les
libertés
individuelles
et
favoriser
le
développement
harmonieux
de
l'informatique.
Elle
assume
ainsi
le
rôle
que
lui
destinaient
les membres de la C.Ll., à savoir de devenir "un centre d'informa-
tion, de consultation, de confrontation, de réflexion et si possible
de concertation (33).
Cependant
la
prépondérance
de
cet
aspect
consensuel
de
la
C.N.l.l.
par
rapport
à
ses
attributions
juridiques
risque
de
ravaler l'organisme au seul rang de conseiller.
En
effet
si
cette
autorité
arrive
à
s'acquitter
de
sa
tâche à l'égard des détenteurs de fichiers privés avec plus ou moins
de bonheur, par contre à l'égard des personnes publiques son influence
s'avère
peu
décisive du
fait
de
son
caractère administrati f
et
de
l'absence de moyens de contraintes véritables.
la qualification administrative n'est pas en soi un handicap
car hormis le cas des Etats-Unis, toutes les législations occidentales
(32) La déclaration concerne la mise en place des traitements courants qui ne comportent
manifestement pas d'atteinte à
la vie privée ou aux
libertés
(article
17 précité);
quant à la demande d'avis, elle reste obligatoire pour tous les autres traitements,
à l'exception d'une part de ceux que le législateur autorise et d'autre part de ceux
qui
sont uti li sés sur la base du répertoire national d' identi fication des personnes
physiques Ou qui font état, dans leurs données, des origines raciales, des opinions
philosophiques ou
religieuses ou enfin des
appartenances
syndicales
des personnes
(articles 18 et 31).
... / ...

- 183 -
l'ont consacrée (34).
Ce qui l'est plutôt, c'est la signification que l'on donne
au
concept
d'''indépendance''
que
le
législa teur
lui
confère.
B - l'analyse fonctionnelle: une autonomie relative
Il est facile de souligner le contraste entre ce qui est
proclamé,
c'est-à-dire
l'affirmation
selon
laquelle
la
C.N.l.l.
se situe en dehors
de
tout
lien
de
hiérarchie ou de tutelle et la
réalité de sa dépendance financière notamment et de la neutralisation
de
son
pouvoir
juridique
devant
les
décisions
administratives.
la loi de 1978 charge la commission de veiller au respect
des
dispositions
qui
tendent
à
garantir
la
bonne
utilisation
de
l'in formatique
à l'égard des
droits
et des
libertés
individuelles,
particulièrement.
Or
certains
articles
du
même
texte
permettent
à l'administration (centrale ou locale) de passer outre ses recomman-
dations ou avis par un recours aux décrets en Conseil d'Etat (arti-
cle 15).
Envisageons
une
hypothèse
simple
celle
de
la
création
par
un
département
ministériel
d'un
fichier
de
traitement
usuel
soumis à
la
procédure
de
déclaration simplifiée que la Commission
rejette
pour
non
conformité
aux
conditions
posées
par
l'article
19 de la loi.
suite de la note 32 page précédente)
Cependant
dans
les deux cas,
l'une et
l'autre doivent satisfaire aux
conditions posées à l'article 19. Pour une décision récente du C.E., à propos des
dispositions de l'article 31, Voir C.E.S. 5 juin 1987, M. Kaberseli, concl. Ruymbeke.
R.F.O.A. 4 (1), janv.-Fév. 1988, p. 80
(33) Rapport précité.
(34) Aux Etats-Unis il n'existe pas de Commission chargée de garantir le respect des
droits et libertés de la personne à l'égard de l'informatique. Le contrôle du droit
d'accès
individuel
est
confié
aux
tribunaux
par
le
"Privacy
Act"
de
1974 .
... f ...

- 184 -
Même si la Commission estime qu'il ne s'agit pas, en l'es-
pèce,
d'autorisation mais
d'un simple acte de constat,
il est clair
qu'aux
termes de
la
loi
la mise en oeuvre
d'un tel traitement doit
être écartée (35)~
Le
gouvernement
peut
néanmoins
décider
de
son utilisation
avec
l'accord
du
Conseil
d'Etat
auquel
cas
on
assisterait
à
une
violation
de
l'esprit
de
la
loi
1978.
Ce
fait
serait d'autant plus
déplorable
qu'il
ne
prend
pas
en
compte
les
risques
encourus
par
les
citoyens
pour
la
mise
en
oeuvre
de
ce
traitement
(36).
Par
ailleurs
on
peut ci ter
un second
facteur,
réel celui-

c'est
le
rattachement
budgétaire
de
la
C. N. 1. L. aIl
ministère
de
la
justice
(article
7,
loi
du
6
janvier
1978).
Il
suppose
que
le
bon
fonctionnement
matériel
de
la
Commission
dépende
non
pas
de
ses
besoins
effecti fs
mais
plutôt
des
impérati fs
dudi t
départe-
ment ministériel.
Dans
le
même
ordre
d'idées
cet
organisme
reconnaît
dans
plusieurs
de ses
rapports
les di fficutés
qu'il
rencontre
pour
faire
respecter les dispositions textuelles (37).
Ceci
pose
le
problème
de
son
e fficaci té
dans
la
mesure
où,
nous
l'avons
vu,
on
privilégie,
en
ce
qui
concerne
l'exercice
de ses fonctions,
le consensus par rapport à tout autre moyen juridi-
que, comme les pouvoirs de sanction par exemple.
Par contre de tels organismes sont nombreux en Europe, notamment en Suède
("Data lnspektion"), en Grande Bretagne depuis
1974 et en Autriche. Cependant pour
la R.F.A. et le Canada, c'est la formule personnalisée, choix d'un Commissaire pour
assurer le contrôle, qui prévaut.
De fait malgré la grande variété des formes d'instance, les différents
pays
coordonnent leurs activités au sein de conférences annuelles.
(35) le législateur affirme ainsi à l'article 17 : "Dès réception de ce receplssé
(celui de la C.N.l.l.) le demandeur peut mettre en oeuvre le traitement". Ces disposi-
tions impliquent que dans le cas contraire, ce traitement ne peut être mis en oeuvre.
(36) A priori on peut considérer que l'accord du Conseil d'Etat pour la mise en oeuvre
de ce traitement signifie que de tels risques sont nuls. En fait il n'en est rien,
le Conseil n'intervient
ici
que dans le cadre de ses attributions administratives
qui postulent parfois l'existence d'une solidarité fonctionnelle entre cette institution
et l'administration. Cf. infra notre seconde partie.

- 185 -
De toutes ces analyses il ressort qu'on ne peut formelle-
ment conclure à une véritable originalité de la C.N.LL.
à
l'égard
de l'administration classique ; ce qui est par contre le cas s'agis-
sant du Conseil de la Concurrence.
§ 2 - Le Conseil de Concurrence
une instance d'expertise
et d'arbitrage du marché
Sur le fondement des principes révolutionnaires, la liberté
et l'égalité, l'intervention de l' Etat dans le jeu économique a tou-
jours été perçue comme une nécessité.
Ceci est d'ailleurs parfaitement explicité par Mario Rotondi
lorsqu'il affirme: ..... la libre concurrence,prise dans son contenu
juridique, n'est pas l'affirmation d'une liberté absolue et irrépres-
sible dans
l'exercice
de
la concurrence commerciale
(inconciliable
avec l'existence de quelque ordre juridique que ce soit qui, toujours
et
nécessairement
assigne
des
limites
à
la
liberté)
mais
plutôt
l'affirmation de l'égalité de tous les citoyens dans l'exercice d'une
activité économique de production ou d'échanges, vis-à-vis des effets
du phénomène de la concurrence et de là aussi l'a ffirmation de ses
limites,
les unes internes (naturelles,
qu'on ne saurait supprimer)
les autres externes,
et notamment de ses limites juridiques fixées
par le pouvoir souverain de l'Etat .. (38).
(37) Cet aveu est relatif à l'insuffisance de moyens juridiques pour sanctionner cer-
tains comportements telles les ententes révélées par la Commission dans son 6e rapport
(p. 65 et s.) entre services de police et regroupement professionnel de commerçants
au sujet de fichier de chèques volés.
(38) Cf. M. RDTDNDI, "L'évolution de la réglementation de la concurrence et l'expérience
des Etats Unis. De la liberté de la concurrence à l'égalité dans la concurrence",
Mélanges DABIN, Paris, Sirey 1963, p. 837.

- 186 -
Cette
image
d.' arbi tre
va
cependant
s'évanouir
au
fur
et
à
mesure
que
la puissance publique
investissait
les di fférents
sec-
teurs de l'économie nationale.
L'Etat
qui
devient
ainsi
acteur,
et
de
surcroît
avec
des
moyens auxquels l'investisseur privé ne peut prétendre,
tend à réin-
troduire l'inégalité qu'il était censée combattre.
Il
fallut
alors
trouver
un
nouvel
arbitre,
qui
ne
soit
p'as
partie
prenante
du
libre
jeu économique
et
qui
puisse
garantir
son bon fonctionnement.
Le
rôle
échoit
depuis
1977
à
des
instances
ou
plutôt
à
une
instance
qui
est
passée
par
plusieurs
stades
dont
le
dernier
que
l'on connaît
actuellement
a
pour
symbole
le
Conseil
de
Concur-
rence,
un
organisme
béné ficiant
de
plus
d'autonomie
que
ses
prédé-
cesseurs (39).
Cependant

aussi,
il
semble
que
le
législateur
ne
soit
pas
allé
au bout
de
la
logique
qui
consistait en
la mise en place
d'une
magistrature
économique
car
non
seulement
la
loi
permet
à
l'administration de conserver certains de ses pouvoirs traditionnels
mais elle risque aussi de soumettre la nouvelle autorité à l'influence
des
pouvoirs
publics.
Il
reçoit
d'ailleurs
à
cet
égard
l' ava l
du
Conseil
Constitutionnel
qui,
dans
sa
décision
du
23
janvier
1987,
range
le
conseil
de la concurrence parmi
les organismes administra-
ti fs.
A. L'institution d'une autorité autonome
Le contrôle administratif de
la concurrence a suivi depuis
quelques
années
une
courbe
d'évolution
qui
tend
à le
rapprocher
des procédures juridictionnelles.
(39) Avant
1977 c'est le gouvernement qui procèd ait lui-même à la mise en place de
tels organismes, auprès du ministre chargé de l'économie.

- 187 -
Pour
autant
le
législateur
n'a
accédé
que
partiellement
aux demandes des professionnels dans la mesure où l'autorité à laquel-
le échoit une telle charge est toujours restée plus proche de l'admi-
nistration que des juridictions (40).
I l
en est
allé
ainsi
de
la Commission de
la Concurrence
instituée
par
la loi du 19 juillet 1977 pour prendre le relais de
la
commission
technique
des
ententes
et
des
positions
dominantes
qui ne remplissait quasiment qu'un rôle consultatif auprès du ministre
chargé
de
l'économie
(décret
du
23
novembre
1968)
(41) .
I l
faut
cependant
dire
que
l'un
des buts
principaux que
poursuivait
le
législateur,
par
le
vote
du
texte
de
1977,
était
de renforcer le contrôle administrati f et de le rapprocher le plus
possible
de
celui
qui
est
exercé
par
les
instances communautaires
de l'Europe.
Ceci
peut
d'ailleurs
constituer
un
indice
supplémentaire
dans la qualification administrative de la commission de concurrence
(42).
De fait celle-ci avait d'abord un rôle consultati f général
pour
tout
ce qui
concerne
la concurrence
(article
1 de
la
loi
de
1977) .
(40) On connaît les critiques qu'ont formulées en ce sens les professiof'f'els et les
juristes, f'otamment après le vote de la loi du 30 décembre 1985.
Ce lles-ci constitueront d'a i lleurs par la su ite le fondement des propo-
sitions du groupe de travail qui fut chargé de préparer le projet relatif à l'ordonnan-
ce de décembre 1986.
(41) La loi nO 77-806 du 19 juillet
1977 relative au contrôle de la concentration
économique et à la répression des ententes illicites et des abus de position dominante
et son décret d'application du 25 octobre 1977 sont publiés aux J.O. des 20 juillet
1977, p. 3833 et 26 octobre 1977, p. 5223.
(42) Les autres indices ont été relevés précédemment (trilogie des pouvoirs, compétence
du juge administratif, en particulier).
Un rapprochement peut par ailleurs être fait ici avec la nature administra-
tive de la Commission européenne de contrôle de la concurrence, en se fondant sur
les dispositions des articles 85 et 86 du Traité de Rome (25 mars 1957) et du réglement
nO 17/62 du 6 février 1962.
. .. / ...

- 188 -
Elle était
par
ailleurs
saisie
pour
instruire
toutes
les
affaires
relatives
à
cette
question
avant
d'indiquer
au
ministre
de l'économie les mesures qu'il y avait lieu de prendre et transmettre
éventuellement les dossiers au parquet, à des fins de poursuite judi-
ciaire.
Cette
compétence
consultative
à
l'égard
des
dispositions
qui portent sur la concentration économique,
les ententes illicites
et
l'abus
de
position
dominante
est
cependant
considérée
par
les
auteurs
comme
une
réelle
participation
au
pouvoir
de
décision
du
ministre (43).
Ils se fondent,
pour cela,
sur la contrainte que le texte
de 1977 faisait peser sur cette autorité tant pour solliciter l'avis
de
la
commission
que
pour
prononcer
sa
sanction
dans
les
limites
fixées par celle-ci.
A vrai dire cette obligation était relative car le ministre
pouvait la tenir en échec en s'abstenant tout simplement de prendre
la
décision
ce
qu'il
lui
arrivait
souvent
de
faire
(44).
Par
contre
la
dépendance
de
cet
organisme
à
l'égard
du
département ministériel chargé de l'économie est quant à elle, réelle
et
nous
avons
pu
le
constater
autant
pour
le
budget
que pour
le
personnel (enquêteurs, par exemple).
Cette
faiblesse
des
moyens
de
la Commission est
demeurée
quasiment
en
l'état
même
après
le
vote
de
la
loi
du
30 novembre
1985 portant amélioration de la concurrence.
(suite de la note 42 page précédente)
Cf.
M.M.
S.
GOLDMAN et A.
LYON-CAEN, Droit Commercial Européen, Précis
Dalloz 4e éd., 1983, p. 757 et s. Voir aussi le Guide de la C.E.E. pour les petites
et moyennes entrepri ses, "Règles de concurrence de la Communauté Européenne", Documen-
tation Européenne, périodique 1983/84, Luxembourg.
(43) Cf. en ce sens le commentaire du Pr.
D. Linotte à la R.D.P.
1978, p. 225,par
exemple.
(44) Voir en ce sens le rapport de la Commission de Concurrence pour
1984, La Doc.
Fr., pp. 5, 23 et s.

- 189 -
Ce texte,
malgré la nouvelle dénomination d'Autorité Admi-
nistrative
Indépendante
qu'il
conférai t
à
l'organisme,
apporta
peu
de
changements
statutaires
(pour
ne
pas
dire
aucun)
(45) .
On assista certes à un renforcement des pouvoirs d'enquête
et de contrôle mais cela ne bénéficiait en dernière instance qu'au
ministre,
auquel
échoyait
par
ailleurs
la
possibilité
d'infliger
parfois
une
sanction
pécuniaire
(de
200 à
500 000
F)
suivant
une
procédure simplifiée (46).
De même le législateur de 1985 n'a pas saisi cette occasion
qui s'offrait ainsi à lui, d'améliorer les rapports entre l'organisme
et le juge, en permettant notamment à ce dernier de saisir la Commis-
sion
de
concurrence
à
chaqu~
fois
que
la
nécessité
s'en
faisait
sentir (47).
En
définitive
les
textes
de
1977
et
de
1985
faisaient
de la Commission beaucoup plus un conseiller du ministre de l'écono-
mie qu'une autorité arbitrale chargée du contrôle de la concurrence.
C'est
cette
tendance
qu'a
voulu
inverser
le
législateur
en
instituant
un Conseil
de
la Concurrence qu'il
rapproche
un
peu
plus du juge.
L'ordonnance
du
1er
décembre
1986
fortifie
d'emblée
la
posi tian de cet organisme en lui confiant des pouvoirs de décision
propres qui s'imposent à tous, y compris le ministre chargé de l'éco-
nomie (48).
(45) Les nouvelles dispositions légales introduites par le texte de 1985 sont relatives
pour la plupart d'entre elles,
à l'abrogation de certains articles de la loi Royer
(articles
37 à 41)
et à l'assoupI i ssement des incriminations pour refus de vente.
Cf.
Le Commenta i re de la loi du 30 septembre
1985 par MM.
DE LEYSSAC
et GAVALDA, R./D. Sirey 1986, chrono p. 187.
(46) La dépendance de la commission à l'égard de la D.G.C.C. en la matière persiste
toujours.
(47) Voir DE LEYSSAC et GAVALDA, op. cit.
(48) Le Conseil de la Concurrence peut, par ailleurs, être saisi à titre consultatif
par le gouverl"'emel"'t,
les commissiol"'s parlemel"'taires, les collectivités territoriales,
les
organisations
professionnelles
ou
de
consommateurs
etc.
(article
5).

- 190 -
C'est notamment le cas pour les questions qui sont relatives
à
des
pratiques
anticoncurrentielles
(titre
III
articles
7 à
27)
(49).
Celles-ci
peuvent
concerner
soit
des
actions
concertées,
des conventions, des ententes expresses ou tacites ou bien des coali-
tions,
ayant
toutes
pour
effet
"d'empêcher,
de
restreindre
ou
de
fausser le jeu de la concurrence sur un marché" soit d'autres types
d'accords
fondés
sur
une
position
dominante
et
pouvant
produire
le
même
résultat
(y
compris
sur
les
prix)
(articles
7
et
8).
Dans
ces
cas
et
sur
la
base
d'une
saisine
du
ministre
ou
des entreprises concernées,
le Conseil prononce,
à
l'issue d'une
procédure
pleinement
contradictoire,
le
cas
échéant
des
sanctions
ou
des
injonctions
et
transmet,
en
cas
de
besoin,
le
dossier
au
parquet (50).
Cependant
pOLIr
les
concentrations économiques,
c'est
tou-
jours la compétence du
ministre de
l'économie qui s'applique.
Elle
consiste
notamment
dans
la
possibilité
de
faire
des
injonctions
ou de prendre des sanctions pécuniaires à l'encontre des entreprises
coupables
après
un
avis
du
Conseil
de
la
Concurrence
(51).
Pour certains auteurs l'ordonnance de 1986 réalise désormais
un partage de compétences entre le ministre et le nouvel organisme,
en matière de concurrence (52).
(49) La compétence contenti euse du Conse il re lève du cont rôle de la Cour d' appe l de
Paris (loi complémentaire et
rectificative du 6 juillet 1987, op. ciL). Elle est
par ailleurs concurrencée par celle du juge pénal dans les cas d'imputabilité indivi-
duelle.
(50) Dans l'hypothèse d'un rejet de la demande du ministre, celui-ci n'a aucun autre
moyen que celui de se pourvoir contre la décision du Conseil de la concurrence devant
le juge.
(51) Si l'action litigieuse relève d'un autre secteur que celui du ministre de l'éco-
nomie celui -ci exerce les pouvoirs préci tés en accord avec le mini st re dudit secteur
(article 43).
(52) C'est l'opinion de M. Donnedieu de Vabres, par exemple; voir infra p. 232 et s.

- 191 -
En
réalité
on est
là en présence d'une situation inédite
qui
fait
du Conseil de
la Concurrence une autorité à part entière,
chargée en relation étroite avec le juge, de régenter l'ordre écono-
mique.
D'ailleurs
il
suffit,
pour
s'en
convaincre,
d'examiner
les
législations
des
pays
voisins.
D'abord
celle
de
l'Allemagne
Fédérale
(R.F .A.)

le
rôle d'animateur principal de la politique
économique
en
matière
de
concurrence
revient
au
ministre fédéral
de l'économie (53).
Le
"Bundeskartellamt"
ou
Office
Fédéral
des Ententes, qui
y est le pendant du Conseil de la Concurrence, s'occupe essentielle-
ment du contrôle des fusions et ententes entre les entreprises (en-
registrement,
enquêtes,
injonctions
et
éventuelles
sanctions
pécu-
niaires) .
Il
exerce
ses
attributions
sous
l'autorité
hiérarchique
du ministre fédéral. Celui-ci peut notamment revenir sur ses décisions
en
autorisant
un
projet
de
concentration
qu'il
a
déjà
refusé.
Le
pouvoir de cet organisme paraît ainsi très limité
ce qui constitue
une
indication
sérielfsP-
à la
fois
sur sa dépendance à l'égard du
ministre précité et sa nature administrative.
Il
est
vrai
que
celle-ci
est
contestée
par
un
courant
doctrinal qui privilégie le fait que ses décisions soient susceptibles
d'appel et de révision devant la Cour d'appel de Berlin et la Cour
fédérale de justice.
De ce fait ce sont plutôt les tenants de la première thèse
qui
semblent
l'emporter
puisque
les
modifications
récentes
de
la
loi
de
1957
st orientent
dans
le
sens du ren forcement de la nature
administrative (54).
(53) Le texte de base en la matière reste la loi du 27 juillet 1957, plusieurs fois
modifiée (1966, 1973, 1976 et plus récemment).
(54) Voir M. PEDAMON, "De quelques traits essentiels du droit allemand de la concur-
rence", cahiers du droit de l'entreprise nO 26, supplément du 25 juin 1987, p. 27 ;
"La Politique de
la Concurrence en Allemagne Fédérale", Revue de la Concurrence et
de la consommation, nO 7 juin 1979, p. 20.

- 192 -
On
retrouve, schématiquement,
la
même
situation
en
Grande
Bretagne (55).
L'Office
du
Commerce
Loyal
("Office
of
Fair
Traiding")
y est
chargé
du
contrôle
relati f
aux
monopoles et abus de position
dominante des entreprises (surveillance et enquêtes).
Il a la possi-
bilité d'adresser des injonctions à celles-ci et de saisir les tribu-
naux, à des fins de poursuites judiciaires.
Il
reste cependant sous
la dépendance du Secrétaire d'Etat
qui
nomme
par
ailleurs
un
directeur
général,
à
sa
tête.
De
fait
l'impression
qui
prévaut
sur
ces
analyses
comparatives
est
que
le
législateur français a eu plus d'audace que ses homologues européens.
Il en va d'ailleurs de même à l'égard du Congrès américain
car
la
F. T. C.
ne
dispose
dans
son
action,
mis
à
part
le
recours
au
juge,
que d'une simple possibilité d'injonction pour
faire cesser
un comportement illicite.
Malgré
tout,
on
ne
peut
pas
dire
que
le
Conseil
de
la
Concurrence soit vraiment placé en dehors des structures administra-
tives.
B.
L'autonomie
fonctionnelle
du
Conseil
de
la
Concurrence est relative
Une partie de la doctrine plaide, à propos de l'institution
de cette autorité nouvelle et
de certaines autres, pour
la
reconnais-
sance d'un ordre
juridique spécifique
(56).
De
fait
cela correspond
,
plus
au
souhait
des
professionnels
qu'à
la
réalité
qui
se
dégage
des textes.
(55)
La concurrence y est regle par le "Restrictive Trade Practices Act" du 2 août
1956 (modi fié successivement en
1948,
1953,
1956,
1968 et
1973) et le "FaIr TradIng
Act".
(56) Cf., nol. le Pr. DRAGO, op. cil.

- 193 -
Celle-ci consacre deux choses.
La
première,
que
beaucoup
d'analystes
ne
mettent
plus
en
doute
c'est
la
nature
administrative
de
l'organisme,
déduite
de
la
trilogie des
pouvoirs
et
confirmée
par
le
juge consti tution-
nel (57).
La seconde, moins visible et néanmoins réelle,est sa dépen-
dance
pour
le
budget
et
pour
le
personnel
(enquêtes)
à
l'égard du
ministère de l'économie (Titre VI, articles 45 et suivants, ordonnance
1986) (58).
Ces
deux
facteurs
augurent
une
récupération
fonctionnelle
du
Conseil
que
le
législateur
aurait
peut - être
pu
désamorcer
en
partie en choisissant d'inscrire directement, comme pour la C.N.C.L.,
les
ressources
de
l'autorité
au
budget
général
de
l'Etat.
En
fait
sa
banalisation est d'ores et déjà acquise,
après
la
décision
du
Conseil
Constitutionnel
du
23
janvier
1987.
§
3.
L'institution
de
la
C.N.C.L.
et
la
matérialisation
du
principe
de
la
liberté
de
communication
L'image
qui
se
dégage
du
débat
relatif
à
la
notion
de
liberté
de
communication
depuis
1982,
ressemble
fort
à
celle
d'un
pays
qui
s'étant
longuement
assoupi
devant
un
de
ses
plus
beaux
"joyaux",
se réveille subitement pour en découvrir toutes les splen-
deurs.
(57) Voir supra.
(58) L'insuffisance du nombre de ses enquêteurs oblige le Conseil de la Concurrence
à faire appel à ceux du ministère. Mais cela est une constance, nous l'avons vu, pour
tous les organismes qui se sont succédé's
depuis 1977. Cf. Les différentes communica-
tions faites aux Journées d'Etudes de droit de la concurrence organisées par le Centre
Paul Roubier de Lyon (les 24 et 25 mai 1984) et en particulier celle de Me JEANTET.

- 194 -
L'allusion
porte
évidemment
sur
l'attitude
d'une
bonne
partie de la doctrine à l'égard des implications logiques des diffé-
rentes
dispositions
que
la
Déclaration
des
Droits
de
l'Homme
et
du Citoyen contient.
En fait ce n'est pas tant l'oubli qui affectait les dispo-
si tions de l'article 11
de cet te Charte que le système de monopole
public
qui
voilait
certains
de
leurs
aspects
(59).
En
effet,
si
celles-ci
produisaient
leurs
pleins
effets
dans
la
presse
écrite
depuis
l'adoption de
la loi
du 29
juillet 1881,
il n'en était pas
de même pour la radio et la télévision.
Diverses
lois
permettaient
aux
autorités
publiques
de
détenir
la
propriété
exclusive
de
ces
moyens
de
communication
et
le droit d'en réglementer l'utilisation (60).
La première d'entre elles
fut
la loi du 30 juin 1923 qui
instaurait dans son article 85 le monopole de l'Etat sur la radio (61).
Cette
mainmise
des
autorités
publiques
va être confortée
par
la
suite,
avec
l'apparition
de
la
télévision
par
différents
textes
dont
les
plus
récents
sont
l'ordonnance
du
4
février
1959
et les lois des 27
juin 1964,
3 juillet 1972 et 7 août 1974 (62).
L'explication
officielle qui sous-tendait
ce
fait
évoquait
l'intérêt
général
et
les
vertus
du
service
public
(63).
(59) L'article 11 de la Déclarat ion de 1789 di spose : "La libre communication des
pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme: tout citoyen
peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté
dans les cas déterminés par la loi".
A propos du monopole public sur la communication, cf. M. Patrick WACHSMANN,
LES MONOPOLES PUBLICS, Thèse de Doctorat d'Etat soutenue à l'Université de Strasbourg,
novembre 1982, p. 230 et s.
(60) Le monopole public, a tout d'abord existé sur les postes avant de s'étendre à
la radio. Voir WACHSMANN précité.
(61)
Cette
loi
fixait
le budget
général
de
l'exercice de
1923.
WACHSMANN,
ibid.
Ce monopole
revêtait
surtout
un caractère technique
La véritable
mainmise n'apparaitra qu'avec l'ordonnance du 23 mars 1945.

- 195 -
En
réalité,
les
raisons
étaient
plus
pFosaiques,
elles
résidaient dans la nature de ces moyens de communication,
formidables
instruments
de
propagande
idéologique
pour
une structure
poli tique
comme l'Etat (64).
La
radio
et
la
télévision
permettaient
ainsi
au
pouvoir
de mettre une chappe sur la société civile. Cependant certains membres
de
celle-ci
ne
tardèrent
pas à
partir en guerre contre le système
du
monopole.
Une
campagne
qui
sera
couronnée
de
succès
grâce
au
développement de
la technique
(multiplication du matériel et abais-
sement des coûts de production et d'exploitation de la communication
radio-télévisée) (65).
De
fait
il ne s'agira,
l'expérience l'a prouvé,
que d'une
victoire relative.
La
création
de
la
Haute
Autorité
n'aura
pas
permis
de
dégager totalement
la communication audiovisuelle sinon de l' empr i-
se
politique
du
moins
des
tentatives
gouvernementales
d'accapare-
ment.
D'ailleurs
l'émergence
en
1986
d'un
nouvel
organisme,
la
C. N. C. L., que
le
législateur
va
quali fier
d' autor i té
administrative
indépendante
et
qu'il
va
doter
d'importants
moyens
juridiques
et
matériels le prouve.
(62) Dans ces lois successives le législateur emploie des termes dégressifs. Il passe
du concept d'"autorité " à celui de "contrôle". On ne peut pas pour autant interpréter
ce
fait
comme étant const ituti f
d'un
allègement du contrôle gouvernemental sur la
communication. Voir infra p. 226 et s.
(63)
Cela cachait une méfiance à l'égard de la gestion privée qui ne serait animée
que par des raisons liées au profit.
(64) Ainsi instruites par l'expérience du second conflit mondial, les autorités gouverne-
mentales
renforcèrent
leur
emprise
au
lendemain de
la
libération
. Cf.
WACHSMANN,
op. cit.
(65)
Les protagonistes de cette bataille appartenaient à différentes couches de la
société. Ainsi à côté des entrepreneurs privés et des tenants de la liberté d'expression
on trouvait des militants de partis politiques désireux de disposer d'une nouvelle
tr ibune pour la propagation de leurs idées. Toutes ces personnes alla ient d'ai lIeurs
recevoir un appui au plan interhational avec l'adoption de la Convention Européenne
des Droits de l'Homme.
Sur toutes ces questions,
voir.
P.
WACHSMANN,
op.
cit.,
p.
239 et s.

- 196 -
Cependant il Y a à craindre là-aussi que l'objectif précé-
demment
ci té
ne
soit
pas
atteint
compte
tenu
de
la
coexistence
de
deux
facteurs
antinomiques
dans
le
statut
de
cette
autorité
le
caractère
administrati f
et
l'a ffirmation
d'une
"indépendance"
à
l'égard du pouvoir.
A.
La
C.N.C.L.
est
une
autorité
administrative
La nécessité d'une distanciation administrative et politique
entre l'Etat et l'information est ressentie très tôt dans les milieux
du pouvoir.
On
en
trouve
déjà
une
manifestation
sous
la
Présidence
de
M.
Pompidou
avec
l'investiture
de
M.
Arthur
Conte
à
la
tête
de
l'O.R.T.F.
(66). Par ailleurs dans le même ordre d'idées,
une commis-
sion
de
ré flexion
sur les institutions de
la communication audiovi-
suelle
fut
instituée
quelques
années
plus
tard
avec
l'avènement
des socialistes au pouvoir en 1981,
sous la direction de M.
Moinot.
Cet te
instance
proposait
alors,
à
l'issue
de ses
travaux,
la
création
d'un
"Haut
Conseil"
qui
représenterai t
une
sorte
de
cour
suprême
de
la
radio-télévision
s'appuyant
soit
sur
le
Conseil
Constitutionnel soit sur sept ou huit sages parmi lesquels on pourrait
trouver
d'anciens
Premiers
ministres
et
de
présidents
de
cour
et
deux ou trois autres hautes personnalités (67).
(66) M. CONTE était appelé à ces fonctions pour soustraire l'information d'une trop
grande influence du gouvernement.
De fait
il semble qu'il n'a accepté sa nomination
que sous cette condition.
Cf.
Mme M. COTTA, Les Miroirs de Jupiter, op. cit., p.
49 et s. Cette
tentative fut aussi
à la base de la constitution d'une commission d'étude présidée
par M. Lucien Paye pour étudier l'avenir de l'O.R.T.F. Dans les conclusions qui furent
rendues à l'époque figurait
la proposition de créer une instance spécifique chargée
de garantir l'impartialité et l'indépendance du service public. Malheureusement celles-
ci
n'ont
pas
été
suivies
par
le
gouvernement
de
M.
J.
CHABAN-DELMAS.
(67) M. COTTA, Ibid.

- 197 -
De
fait
une telle proposition ne suscitait point un grand
enthousiasme
auprès
du
pouvoir
politique car elle tendait à priver
le ministre de l'information de son pouvoir de contrôle et de surveil-
lance sur la communication.
Aussi
l'institution
qui
sera
mise
en
place
en
1982
ne
consti tuera qu'une forme expurgée du "Haut Conseil" proposée aupara-
vant.
La
loi du 29 Juillet 1982 ne consacre en effet qu'une Haute
Autorité aux pouvoirs mal définis et surtout insuffisamment affirmés
(68).
La C. N. C. L.
qui succède à cet organisme à partir de 1986
bénéficie de la part du législateur d'un accroissement de ses moyens
juridiques
et
matériels.
Cependant

aussi
l'analyse
statutaire
et
fonctionnelle
révèle
d'une
part
que
le
gouvernement
continue
d'exercer
toujours
des
attributions
importantes
en
la
matière
et
d'autre
part, en
ce
qui
concerne
ses
compétences, que
la
nouvelle
autorité
reste
soumise
à
la
hiérarchie
traditionnelle
des
actes
administratifs (69).
Trois exemples viennent étayer cette affirmation.
Le
premier concerne d'un
point de vue général
le pouvoir
de contrôle de la C. N. C. L.
à l'égard des secteurs public et privé.
Celui-ci
ne
peut
s'exercer
que
sous
des
conditions
bien
définies
par
décret
en
Conseil
d'Etat
et
afférentes
notamment
au
retrait de fréquences attribuées aux sociétés nationales, à la fixa-
(68)
Nous n'entendons évoquer
ici que les divers contrôles qui pesaient sur cette
autor ité ; les autres aspects seront abordés plus loin (c f.
infra, p. 226
et s.).
Le pouvoir de contrôle du parlement se manifestait d'une part par le biais de la fixa-
tion des montants relatifs à la redevance et à la publicité et d'autre part par l'exis-
tence d'une délégation parlementaire pour
la
communication audiovisuelle dotée de
certaines attributions.
Quant à l'intervention gouvernementale, elle consistait notamment à arrêter
le contenu des cahiers des charges et des statuts des établissements publics, à nommer
leurs dirigeants,
à
répartir
le produit de la redevance et à autoriser l'émission
des radios privées.
. .. f ...

- 198 -
tion
des
règles
applicables
en matière
de
programmation,
d' exploi-
tation
et
d'établissement
des
différentes
catégories
de
services
de communication audiovisuelle.
Les
deux
autres sont
relati fs
respectivement aux
fréquen-
ces
et
aux
installations
de
télécommunication
dont
la
répartition
et l'utilisation restent du domaine gouvernemental (70).
Par ailleurs pour
les
fréquences
qui
lui sont attribuées,
la
C.N.C.L.
n'en
donne
l'usage
que
suivant
le
respect
des
règles
édictées par décret. En fait toutes ces données découlent logiquement
du
caractère
administrati f
de
l' auto ri té
nouvelle,
laquelle
nature
juridique sous-tend aussi
d'autres
obligations
comme
les
contrôles
politiques
et
budgétaires
que
les
autorités
étatiques
exercent
à
son égard (71).
D'ailleurs
de
ce
point
de
vue,
le
modèle
français
est
comparable
à
ceux
de
ses
partenaires
proches,
Grande
Bretagne
et
(suite de la note 68 page précédente)
Pour
une
analyse
plus
complète,
cf.
les
auteurs
suivants
: MM.
J.
CHE:VAlLIER,
"le statut de la communication audiovisuelle", A.J.D.A.,
1982, p. 555
le Pro MORANGE, "les pouvoirs de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle",
R.D.P. 1983.6. p. 1509 et D. lINOTTE, "Radio et Télévision en France", Ann. E:ur. d'Admin
publique, Vol. VII, 1984, p. 149.
(69)
Ceci
lui
vaut
la qualification d'autorité administrative nouvelle de gestion,
voir infra, p.226 et s.
(70)-Pour justifier la compétence gouvernementale relative à la répartition des fréquen-
ces, les autorités évoquent souvent les règles juridiques internationales. En réalité
celles-ci ne s'opposent pas à ce qu'une telle charge incombe à une autorité nationale.
Aussi cette attribution aurait pu relever de la C.N.C.l. d'autant plus que celle-ci
est appelée à remplir parfois la fonction de représentation de l'E:tat à l'étranger.
L'article 10 de la loi de septembre 1986 ne confère à la C.N.C.l. le pouvoir
de réglementation qu'à l'égard des infrastructures de télécommunications non réservées
à l'Etat.
Il est prévu qu'une loi interviendra, au plus tard le 31 décembre 1987,
pour lui confier la compétence sur l'ensemble du secteur.
De fait ce texte n'a jamais été voté et la C.N.C.L. est toujours restée
dépendante de la D.G.T. pour l'exercice de ses missions.
(71)
Ceci est à mettre en rapport avec nos analyses précédentes, supra, p.57
et S.
Voi r
par
ai lleurs
les
développements
contenus
aux
pages
235"
et
S. ,
infra.

- 199 -
R.F.A.
par
exemple,
ou
lointains
tels
que
les
Etats-Unis
(72).
Ainsi,
en Grande Bretagne le Cabinet exerce divers pouvoirs
(d 1 ordre
financier,
technique
et
même
poli tique)
sur
la
B. B. C.
et
l' 1. B. A.
Plus
précisément
ses
compétences
sont
réparties
entre
le
"Home Secretary" qui
gère
l'ensemble des opérations de communication
(enquêtes,
contrôle
des
programmes
et
fixation
des
redevances
pour
la
B.B.C.,
détermination
de
la
capacité
d'emprunt
pour
l'I.B.A.)
et
le
"Post
Master
General", auquel
reviennent
la
désignation
des
12
membres
du
Conseil
des
gouverneurs
(nomination
par
la
Reine)
et la répartition des fréquences.
De
même
en
R.F.A.
c'est
la
compétence
gouvernementale
qui
prévaut pour ce qui
est du
contrôle des
installations techniques
et
de
la
répartition
des
recettes
provenant
de
la
redevance
et
de
la
publicité
entre
les
différents
"lander", même
si
par
silleurs
la
loi
fondamentale
réserve
à
ceux-ci
une
at tr ibution
générale
en
la matière (73).
On
peut
enfin
citer
le
cas
de
la
F .C.C.
américaine
dont
plusieurs
auteurs
reconnaissent
la
nature
administrative
eu
égard
au caractère des procédures qu'elle met en oeuvre et à la compétence
générale
de
principe,
du
locataire
de
la
Maison
Blanche
pour
tout
ce
qui
touche
le
fonctionnement
des
services
publics
(74).
Il apparaît
ainsi
que
les législations modernes en matière
de
communication
(audiovisuelle surtout)
tiennent
encore pour néces-
saire
sinon
un
droit
de
regard
du
moins
une
faculté
d' intervention
de
l'Etat.
Pourtant
elles
consacrent
souvent,
aussi,
l'indépendance
des institutions de contrôle.
(72) La reconnaissance de ces contrôles par les auteurs est souvent liée à la nature
administrative des organismes
évoqués
ce qui
ne contrarie pas l'existence d'une
certaine
indépendance,
notamment dans
le système anglo-saxon.
Voir supra,
p.132
et
s.
(73) La législation de base qui
date des années cinquante, cannait une évolution
depuis
quelques
années.
On
s'achemine progressivement
vers un abandon du monopole
public.
. .. f ...

- 200 -
De
fait
si
la
coexistence
de
ces
deux
facteurs
s'avère
possible dans le système anglo-saxon pour des raisons que nous avons
déjà
évoquées,
elle
se
heurte
à
plusieurs
difficultés
ailleurs,
comme en France (75). Dans ce pays,
"l'indépendancell de la C.N.C.L.
a du mal
à
s'affirmer
dans
les
faits car son
fonctionnement
révèle
que
ses membres
ne
sont
pas
à
l' abr i
des in fluences poli tiques ou
économiques.
La
difficulté
qu'il
y
a
à
organiser
une
distanciation
de cette autorité à l'égard du gouvernement tient d'abord à sa nature
juridique (76).
En
ce
sens
le
concept
d'indépendance
est,
nous
l'avons
dit
et
le
juge
l'a
confirmé,
synonyme
d'autonomie
(77) .
En
fait
celle-ci
s'avère
très
relative
dans
le
contexte
du système politique français tel qu'il fonctionne depuis l'avénement
de la IVe République au moins.
Nous
voulons
parler
de
la
pratique
des
nominations
de
personnalités dans les emplois supérieurs
à la discrétion du gouver-
nement.
Bien
sûr,
les
statuts
des
nouvelles
autorités en écartent
l'application dans la mesure où ils organisent les modalités relatives
au choix de~ membres.
En
réalité
l'esprit
de
la
pratique
susvisée
imprègne
en
profondeur
le
fonctionnement
des
institutions
car
d'une
manière
ou d'une autre la méthode est toujours présente.
(suite de la note 73 page précédente)
Cf.
en ce sens M.
FROMONT,
"La liberté de communication et ses limites
en Allemagne Fédérale. A propos de l'arrêt de la Cour Constitutionnelle du 4 novembre
1986",
R.F.D.A.
3
(3),
mai-juin
1987,
p.
415 et "Radio et Télévision en République
Fédérale d'Allemagne", Ann. Eur. d'Adm. pub. 1984, p. 17.
(74)
Cf.
not.
MM.
K.C.DAVIS,
op.
cit.,
p.
102 et s.
et M. DAVIS, Communication au
Colloque de Paris,
op.
ci t.
et F.
MODERNE,
"Etude comparée" des modèles étrangers,
op; ci t.
(75) Voir supra, p. 132 et s.

- 201 -
Cela
signi fie
en
clair
que. le
système de
péréquation dans
le
choix,
par
les
plus
hautes
autorités
politiques
de
l'El:st,des
membres
devant
composer
les
Autorités
Indépendantes,
comme
dans
le
cas
de
la
Haute
Autorité,
bien
qu'il
ne
soit
pas
condamnable
en soi,
aboutit à une sorte de "modus vivendi" souvent préjudiciable
au
bon
fonctionnement
de
l'organisme
parce
que
de
nature
fragile
(78) .
D'ailleurs quand il s'est agi de désigner les personnalités
qui
siégeront
à
la
C.N.C.L.,
le
phénomène
de
politisation
s'est
manifesté
de
nouveau
dans
certains
corps
comme
le
Conseil
d'Etat
(79).
De façon précise l'enjeu consiste pour les principales familles
politiques,
la
gauche
d'un
côté
et
la
droite
de
l'autre,
à
avoir
au
sein
des
instances
nouvelles,
notamment
pour
celles
qui
ont
en
charge
des
secteurs
dits
sensibles
comme
la
communication
audiov i-
suelle,une majorité acquise à leurs idées afin de les faire triompher
plus facilement.
Il est vrai qu'une "indépendance" se mérite et qu'il revient
surtout
aux
membres
de
la
cultiver.
Mais
ceux-ci
peuvent-ils
nager
à contre-courant ?
Une
institution
et
quelques
hommes
ne
peuvent pas changer
un
système
surtout
s'ils
ne
disposent
pas
de
moyens
de
le
faire.
Par
ailleurs
"l'aliénation"
politique
n'est
pas
la
seule
à
guetter
ces
personnalités,
il
existe
aussi
une
autre
influence
qui
pèse
sur eux et qui
vient
des milieux
économiques desquels certains sont
issus.
(76) Cf. supra T. 1, Ch. 2, p. 57 et s.
(77) Voir supra p. 57
et s.
(78) Il s'agit, comme nous le verrons plus loin avec la thèse de M. Manent (p. 169),
d'une sorte d'entente tacite entreles principales forces politiques,traditionnellement
opposées, pour placer la communication hors de l'influence d'un seul camp politique.
De fait une telle formule est souvent vouée à l'échec.; on l'a du reste
vu
pour
la
H.A.C.A ..
Il en est de même
pour
la
R.A.I., dans
le
cas
étranger.
(79) Cf. la communication du Président NICOLAY au colloque sur les A.A.I. citée supra.

- 202 -
Pour
illustrer
ces
propos,
il
Y a
lieu
de
rappeler
les
nombreuses
affaires,
parmi
lesquelles
celle
de
M.
Droit,
qui
ont
éclaboussé
dans
le
courant
de
l'année
88
la
C. N. C. L.
(80).
D'ailleurs ces faits ont
largement contribué à discréditer
l'autorité de cet organisme à l'égard des chaînes privées de télévi-
sion
qui
violent
régulièrement
les
dispositions
de
la
loi
du
30
septembre 1986 et leurs engagements.
En réalité la C.N.C.L. semble désarmée devant ces situations
même
si
par
ailleurs
elle
dispose
d'une
gamme
variée
de
pouvoirs
lui permettant de procéder au retrait des autorisations ou de saisir
le
Président
de
la section
du
Conseil d'Etat en
référé
pour
faire
condamner
les
sociétés
coupables
de
violations
des
textes
(81).
Car
ces
moyens
ne
s'avèrent
pas
toujours
appro-
priés. En effet le premier reste peu utilisable eu égard aux consé -
quences
graves
que
cela
entraînerait
pour
le
coupable
et
pour
le
"paysage audiovisuel"
en
entier
alors
que
le
second
ne
permet
pas
d'apporter
une
réponse
rapide
sous
forme
de
sanction
(81
bis).
(80) Rappelons les faits: on reprochait à M. Droit d'avoir continué à percevoir des
émoluements de la part de la direction du journal où il travaillait avant sa nomination
à la C.N.C.L.
L'autre reproche qui lui a été fait est d'avoir favorisé, lors de l'attri-
bution
des
autorisations
pour
l'émission
des
radios privées,
certaines stations.
Cependant ces affaires ont abouti à un non-lieu devant le juge, cf. p.
107 et s,
supra.
(81) Elle a aussi la possibilité de mettre en oeuvre d'autres pouvoirs
mise en demeure
aux sociétés de respecter leurs obligations, mise en garde doublée d'une mise en demeure
de faire cesser les comportements contraires aux dispositions
textuelles relatives
au domaine de la concurrence, suspension ou retrait de l'autorisation pour un mois.
Le retrait définitif de l'autorisation peut se faire sans une mise en
demeure préalable en cas de modi fications substantielles des données
ini tiales de
l'accord.
Rappe Ions par a i lIeurs que le Prés i dent de la C. N. C.L. a pu récemment
mettre en oeuvre son pouvoir de saisine du Président de la section contentieuse du
Conseil d'Etat à l'encontre de TF 1, de "La Cinq" et de "M 6", cf. les ordonnances
de référé des 16 mars et 21 juin 1988, R.D.P. 1988, p. 1373.
La H.A.C.A. de son côté, ne bénéficiait que d'un pouvoir de suspension
de 6 mois au plus et de retrait des autorIsations. Ces mesures étaient entourées de
conditions qui rendaient difficile leur mise en oeuvre.

- 203 -
Il est certain que les décisions de cet organisme auraient
eu
plus
d'impact
auprès
des
chaînes
si
le
législateur
lui
avait
permis d'infliger, comme certaines autorités nouvelles, des sanctions
en cas de violation de certaines règles.
Le Médiateur ne bénéficie pas d'une attribu,tion semblable,
ce
qui
ne
l'empêche
cependant
pas
d'être
réellement
indépendant.
§
4.
Le
Médiateur,
une
autorité
de
type
nouveau
La création de la fonction procède d'une volonté du législa-
teur
d'améliorer
les
rapports
que
l'administration
entretient
avec
ses usagers.
En réalité
le souci des pouvoirs publics à cet égard est
constant.
Ainsi
la
tendance
fut
souvent
autant
à
l'amélioration
du
contrôle
interne
de
l'administration
qu'à
l'élargissement
de
son
contrôle
juridictionnel.
Cependant
avec
le
vote
de
la
loi
de
1973,
les
autorités
publiques
entendent désormais à la
fois ouvrir
une
voie
nouvelle,
autre
que
celle
qui
consiste
à
con férer
à
la
relation
précédemment
visée
une
dimension
uniquement
conflictuelle,
et atténuer les inconvénients
inhérents aux susdits contrôles (82).
Ainsi la mission essentielle du Médiateur, organisme person-
nalisé placé en dehors des structures classiques,
consistera à ins-
taurer
la
concertation
entre
le
citoyen
et
l'administration
tout
(81 bis)
Cf.
le rapport d'information sur l'application de la loi du 30 septembre
1986 présenté par M. ADRIEN GOUTEYRON au nom de la C.A.C. devant le Sénat. Doc. nO
20, annexe au P.V. de la séance du 11 octobre 1988, p. 105 et s., Voir aussi, le 1er
rapport de la C.N.C.L. , op. cit., p. 212 et s.
(82)
Les défauts des contrôles dits externes ou internes tiennent
respectivement à
ce que les premiers méconnai ssent parfoi s
les impérati fs de l'organisation adminis-
trative alors que
les seconds ne permettent ni de déceler ni d'empêcher toutes les
erreurs.
Sur la question, cf. l'ouvrage collectif de BRAIBANT, QUESTIAUX et WIENER,
op. cit., p. 281 et s.

- 204 -
en veillant au besoin à l'amélioration des règles juridiques d'enca-
drement (83).
Le
Médiateur
s'inscrit
cependant
dans
un
modèle
général
qui
rassemble
les
ombudsmen
des
pays
nordiques
et
les
procureurs
généraux en vigueur dans le système socialiste (84).
L'institution
se
caractérise
généralement
par
une
réelle
indépendance statutaire et
fonctionnelle
; ce qui
recouvre une cer-
taine originalité par rapport aux composantes habituelles de l'Etat
(85).
En France
le juge administrati f suprême
reconnaît
l'exis-
tence
de
ce
facteur.
Mais
en
affirmant
la
nature
administrative
du Médiateur dans sa décision Rétail, il refuse d'en tirer les consé-
quences
logiques
comme
semblent
l'y
inviter
les
textes
(86).
A. Le Médiateur n'est pas une autorité administra-
------------------------------------------------
tive
Le point de départ du raisonnement de M. Franc, commissaire
du gouvernement sous
l'affaire Rétail,
est un postulat
:
l'apparte-
nance de l'institution à
l'un des
pouvoirs de
la triade classique.
Or
elle
ne
rentre
ni
dans
la
catégorie
législative,
ni
dans
la
catégorie
juridictionnelle.
Dès
lors,
une
seule
conclusion
s'impose,
selon
lui
elle
relève
de
la
dernière
catégorie
et
a
(83) Voir supra p. 160
et s.
(84) Cf. MM. HERMAN et MENDEL en collaboration avec l'Union Parlementaire, "Les Parle-
ments dans le Monde. Recueil des données comparatives", Paris, P.U.F.,
1974, p. 814.
(85) Il n'y a peut être que les modèles des pays de l'Est qui font exception à cette
règle,
compte tenu de l'organisation politique particulière des
régimes socialistes.
(86) Voir supra, pp. 25,113 et s.

- 205 -
un
caractère administratif
(87).
Admettons
que
ces analyses soient
valables (88).
Encore
faut-il
véri fier
que cette quali fication est
juste
en faisant appel, ainsi que nous l'avons fait pour les autres organis-
mes, aux critères permettant habituellement de reconnaître une autori-
té administrative.
De
fait,
il s'avère que cette méthode infirme la démarche
du
Conseil
d' Etat.
Il
en
est
d'abord
ainsi
d'un
premier
facteur,
le pouvoir réglementaire que les autorités administratives subordon-
nées
exercent
de
façon
limitée
conformément
aux
règles
normatives
supérieures
(y
compris
celles
que
prend
le
Premier
ministre,
en
vertu de ses attributions réglementaires générales) et sous le contrôle
du juge.
Le Médiateur en est dépourvu.
Il peut évoluer, par ailleurs du point de vue de ses fonc-
tions, au-delà même du cadre strict du droit.
Ce second facteur sous-tend de la part du Médiateur la possi-
bilité de régler les litiges qui lui sont soumis ou à tout le moins
de faire des propositions allant dans ce sens en se fondant notamment
sur
des
concepts
quelques
fois
éloignés
du
droit,
comme
l'équité
(article 9 de la loi de 1973). Or le propre de l'acte}de la décision
administrative n'est-il pas d'intervenir dans les limites du droit?
De même i l apprécie souverainement
ce
qui
rentre
dans
son domaine
de compétence ou non (89).
(87) Ibid., p. 113 et s.
(88) Pour la réfutation de ce raisonnement dans la doctrine, voir supra p. 127 et s.
(89) Notons cependant l'hypothèse soulevée par certains auteurs, selon laquelle une
appréciation erronée de la loi en ce qui concerne sa compétence serai t susceptible
d'engager la responsabilité de l'Etat sur la base d'un R.E.P.
En fait on ne sait pas dans quelle mesure le Conseil d'Etat prendra en
considération cet élément car la loi dresse un écran parlementaire entre le Médiateur
et le citoyen qui le saisit.

- 206 -
Il faut aussi rappeler, dans le même ordre d'idées, l'affir-
mation de son immunité
juridictionnelle qui
fait d'ailleurs l'objet
d'une reconnaissance implicite dans la décision Rétail. Ce qui pour-
rait
impliquer
que
le
Conseil
d'Etat
n'a
accueilli
le
recours
à
son
encontre
que
pour
pouvoir
lui
conférer
une
nature
administra-
tive (90).
Notons enfin
la
raison
invoquée
par
M.
Legatte
qui
est
relati ve
aux
dispositions de
l'article
12
de
la
loi de 1973 selon
lesquelles obligation est faite aux autorités publiques de faciliter
le
travail
du
Médiateur.
L'actuel
titulaire
de
la
fonction
fait
remarquer, à juste titre, qu'une telle exhortation serait une redon -
dance
dans
le
cadre
normal
d'une
relation
hiérarchique,
car
elle
fait partie du processus régulier des rapports entre autorités admi-
nistratives (91).
Au vu de ces données, il apparaît clairement que l'institu-
tion bénéficie d'un prestige et d'une liberté que n'ont généralement
pas les instances administratives.
B.
Le Médiateur
est
une
institution
indépendante
------------------------------------------------
Le
prestige
dont
la
fonction
est
entourée
ne
se
limite
pas aux diverses garanties que nous avons déjà énumérées,
lesquelles
existent
aussi
pour
les
membres
des
autres
organismes
(92) .
Il
est
réconforté
par
l'interdiction
absolue
pour
toute
autorité
de
donner
des
instructions
ou
ordres
au
Médiateur.
(90)
Il Y a lieu d'évoquer ici un argument supplémentaire : l'étroitesse des liens
qui unissent le Médiateur au Parlement et que certains auteurs considèrent comme fonda-
mental. Voir supra, p. 21 et s.
(91) Cf. Son rapport pour 1986, op. cil., p. 10.
(92) Voir supra p. 105 et s.

- 207 -
Si
on
combine
cette disposition avec celle qui
lui
permet
dt exercer ses
fonctions
éventuellement en marge du droit,
on mesure
alors
toute
l'importance
que
le
législateur
lui
accorde
parmi
les
institutions publiques.
Ceci
est
du
reste
attesté
par
les
possibilités
qui
lui
sont 0 ffertes de
requér i r d ' une
part,
nous
l'avons di t,
les agents
et
certaines
hautes autorités
de
l' Etat
et
d'en
appeler,
d'autre
part, directement aux citoyens si la gravité d'une situation l'exige.
De
fait,
i l est
rare
de
trouver autant d'éléments
réunis
dans les modèles étrangers comparables (93).
En définitive,
l'action du Médiateur est comparable à celle de l'ar-
bi tre
qui,
en
droit
international,
reçoit
des
parties
en
li tige,
compétence pour statuer "ex aequo et bono".
(93) Ainsi, pour prendre quelques exemples,
les Ombudsmen suédois et la Commission
parlementaire pour l'Administration en Grande Bretagne se voient-ils assigner un cadre
de fonctionnement précis et juridiquement limité.
De même l'institution en Zambie, qui se rapproche du Médiateur, bénéficie
d'un prestige moindre car cette commission d'investigation n'intervient que pour des
affaires relatives aux comportements du gouvernement, du parti ou de l'administration
et en dehors des cas d'auto-saisine,
à
la demande du Président de la République.

- 208 -
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
De
la
triade
des
pouvoirs
constitutionnels
généralement
enseignés dans les facultés de droit, il apparaît que seule la troi-
sième catégorie,composée de l'Exécutif et de son "subordonné" l'admi-
nistration,peut accueillir les nouveaux organismes.
Est-ce à dire que les "Autorités Administratives Indépen-
dantes" comportent les principaux traits qui caractérisent habituel-
lement l'autorité administrative?
Il est certain en ce sens que la qualification administra-
tive
peut
être
d'autant
plus
facilement
défendue
que
l'ensemble
administratif est attractif.
Pourtant l'étude de leur fonctionnement suscite un certain
nombre de doutes relatifs à la reconnaissance de leur "indépendance".
On appréhende ainsi tout le
flou qui entoure la notion d' autori té~
administrative indépendante dont les conséquences ne peuvent épargner
les voies et moyens permettant d'améliorer l'Etat de droit en France,
Pour
le
moment,
en
effet,
seule
cette
dernière
donnée,
la
signification
du
phénomène,
est
claire; ce
qui
constitue,
en
soi, une nouveauté importante.

\\
D EUX 1 E ME
PAR T 1 E
LA SIGNIFICATION DU PHENOMENE

- 209 -
L'institution
des
Autorités
Administratives
Indépendantes
trahirait-elle
aussi
la
Constitution
de
1958,
dans
son
esprit
et
dans sa lettre? (1)
As' en
tenir à
une
interprétation
stricte
des
décisions
que le Conseil constitutionnel a rendues à propos des nouveaux orga-
nismes,
la réponse serait négative (2). Pourtant le concept en lui-
même
révèle
un
paradoxe,
celui
de
structures
administratives
que
le
législateur
a
voulu
autonomes
alors
que
le
texte
fondamental
de
la
Ve
République
place
toute
autorité
administrative
sous
la
direction du gouvernement.
Nous
avons
par
ailleurs
pu
constater
que
les
Autorités
Administratives
Indépendantes
tendent
à
affirmer
dans
leur
fonc-
tionnement leur autonomie à l'égard du pouvoir exécutif et qu'effec-
tivement
elles
se
retrouvent
à
mi-chemin
entre
l'administration
traditionnelle et les instances juridictionnelles.
De
ces
données
on
peut
retenir
l'idée
selon
laquelle
il
existe un glissement qui ne ferait cependant que re fléter l'instabi-
li té
des
rapports
actuels
entre
l'Etat
et
la
société
et
que
les
autorités
ont
pour
objet
de
corriger.
En
effet
ces
relations
ont
été
affectées
non
seulement
par
l'évolution
technique
mais
aussi
par
les
effets
d'un
exercice
monopolistique
du
pouvoir
politique.
Le
résultat en est
l'existence d'une crise plus ou moins
larvée que plusieurs auteurs €ssaient
d'englober
sous des
formules
générales telle
que
la
"crise idéologique" ou
le
"retour à
l'Etat
de
droit en
France"
ou
encore
"Vers
une
autre
administration
?"
( 1) Le Pr. Luchaire aurai t, selon Dominique Rousseau, soutenu dans "Le Monde" du 28
sept~mbre
1978 l'idée, d'une trahison de ce texte dans les rapports entre les hautes
institutions politiques de l'Etat.
Cf. M. D. Rousseau : "De l'Etat de droit à l'Etat poli tique 7", in Travaux
de la Mission sur la Modernisation de l'Etat dirigés par M. Dominique Colas, Paris
P.U.F., novembre 1987, p. 171.
(2) Voir par exemple les décisions des 18 septembre 1986 et 23 janvier 1987, citées
supra.

- 210 -
Aussi
si
l'encadrement
habituel
des
institutions
convient
aux
nouvelles
autorités,
cela
ne
peut
se
faire
qu'au
prix
d'une
adaptation non exempte de critiques.
On ne
peut
dès
lors
écarter
l'idée
d'un
in fléchissement
des normes constitutionnelles.
Ceci nous amène à dire que la création des nouvelles autori-
tés
pose
le
problème
d'un
infléchissement
de
l'Etat
de
droit
sur
deux
plans: dans
la production
et
dans
l'exécution
de
la règle de
droit
tout
d'abord
et
ensuite
au
nlveau
de
sa
sanction.
Il s'agit précisément de soulever la question de la trans-
formation
latente
de
l'exercice
du
pouvoir
étatique dans
l'optique
de
la perte de son caractère exclusif.
Il convient donc de montrer
qu'une nouvelle donnée socio-politique (Titre 1) a engendré la néces-
sité
de
rechercher
un
autre
mode
de
gestion
des
Conflits
(Titre
2) •

- 211 -
TITRE 1 - UNE NOUVELLE DONNEE SOCIO-POLITIQUE
MM.
Rigaud et Delcros nous le rappelaient dans un ouvrage
récent
l'administration
a
subi
une
très
grande
transformation,
en l'espace d'un demi-siècle (1).
On réalise en effet aujourd'hui la profondeur du changement
qu'a
subi
cette
structure
par
la
souplesse
de
ses
règles
et
par
son
ouverture
aux
mouvements
associatifs
et
autres
groupements
à
caractère professionnel.
La
logique
voudrait
que
des
réformes
d'une
telle
ampleur
produisent des résultats probants. On peut, il est vrai, se féliciter
d'avoir
bousculé,
en
France,
une
forte
tradition
centralisatrice.
Mais
à
en
croire
olusieurs
analyses
doctrinales,
l'Etat
"étouffe" , plus ~'Je j8m ::l:ï. Q ,1.8. snciAt.p. (7.).
En
fait
il
s'agit
moins
d'une
dénonciation
de
l'échec
des
réformes
entreprises
jusque -là
que
le
constat
de
la
passivité
des
pouvoirs
publics
devant
11 at tente
suscitée
par
l'évolution des
techniques.
Cette dernière
révèle les limites de l'action de llEtat
en
même
temps
qu'elle
ouvre
de
nouvelles
aires
de
liberté.
Aussi
les
dirigeants
poli tiques
sont-i Is
écartelés
entre
le maintien du modèle de régulation étatique classique et la promo-
tion dlune autorégulation de la société civile (3).
(1)
Jacques RIGAUD
et
Xavier
DELCROS,
Les
Institutions
Administratives Françaises.
Les
structures,
Paris,
Presses
de
la
F .N.S.P.
et
Dalloz,
1984,
p.
15
et
s.
(2)
Voir par exemple,
MM.
Michel CROZIER, La société bloquée, Paris, Seuil 1970 et
Etat Modeste, Etat Moderne. Stratégies pour un autre changement, Paris, Fayard, 1987,
Laurent COHEN-TANUGI, Le droit sans l'Etat. Sur la Démocratie en France et en Amérique
Paris, P.U.F.
1985 j Evelyne PISIER et Pierre BOURETZ, "Le retour des Sages",
in la
revue Esprit nO 3 et 4, 1988, p. 155.
. .. / ...

- 212 -
Cette
alternative
inspire deux
courants de pensée doctri-
naux:
l'un milite pour l'avènement effectif d'une "société contrac-
tuelle"
et
l'autre
pour
le
maintien
d'une
"société
consensuelle"
dont l'équilibre appartiendrait toujours à l'Etat, institution repré-
sentative par excellence (4).
Dans
le
premier
groupe
on
trouve
des
auteurs
qui,
comme
Michel Crozier ou Laurent Cohen-Tanugi, plaident pour la disparition
de
la
prééminence
de
l'Etat
dans
les
relations
sociales
(5).
La seconde tendance est dominée par les écrits de certains
analystes
comme
R.E.
Charlier
qui
s'appesantissent
d'une
part
sur
l'existence
d'un
intérêt
supérieur
du corps social et d'autre part
sur la possibilité d'une gestion logique et efficace de cet intérêt
par l'Etat (6).
L'institution
des
Autorités
Administratives
Indépendantes
ne révèle pas un choix en faveur de l'une ou de l'autre des thèses,
mais constitue plutôt une solution mixte que nous appelons "régulation
mixte".
(suite de la note 2 page précédente)
Cf.
par ailleurs R.F.A.P.
1'0
3,
juillet -septembre 1977 et 26, avril-
juil' 1983, qui reproduisel't Ul' résumé respectif des Colloques d'Aix-el'-Provel'ce (26-
27 l'ovembre 1976) et de l' I.F .S.A.
(jal'vier 1983) et el'fil' les travaux de la Missiol'
relative à la Modernisatiol' de l'Etat, op. cit.
(3) Par
régulatiol' étatique l'OUS el'tel'dol's la productiol', l'applicatiol' et la sal'ctiol'
des l'ormes juridiques par l'Etat. Qual't à la défil'itiol' du COl'cept de régulatiol' lui-
même, l'OUS renvoyol's aux pages suival'tes.
(4) Les coural'ts l'e SOl't pas formellemel't identifiés el' tal't que tels par la doctril'e.
Nous les avol's classés ail'si el' fOl'ctiol' des idées gél'érales que les auteurs professel't
et sur la base des comparaisol's qu'al' peut faire el'tre elles.
(5) Cf. M. CROZIER, Etat Modeste ... et L. COHEN-TANUGI, op. cit.
(6) M. R.E. CHAR LIER , L'Etat et SOl' Droit. Leur logique et leurs il'col'séquel'ces, Paris,
Ecol'omica 1987.
De la positiol' de cet auteur,
al' pourrait rapprocher implicitemel't M.
DEBBASCH dOl't les al'alyses reproduisel't sal's la récuser l'image d'ul'e admil'istratiol'
à la pointe de la tral'sformatiol' de la société. Cf. SOl' il'troductiol' au Colloque d'Aix-
el'-Provel'ce sur les "formes l'ouvelles de l'admil'istratiol' dal's la régiol' provel'çale",
op. cit., p. 16.

- 213 -
Une telle position peut d'ailleurs se prévaloir des analyses
d'auteurs comme MM. Timsit et Chevallier (7).
De
fait
la
naissance
d'une
"administration
de
troisième
type"
(Chapitre 1)
traduit la recherche de
finalités sinon contra -
dictoires du moins divergentes
l'émergence d'une nouvelle légitimité
de
l'Etat
par
le
biais
de
son
désengagement
(Chapitre
II).
(7) Cf. G. TlMSlT, synthèse des travaux du colloque sur les A.A.l., op. cit., p. 310
et "Sur l'engendrement du droit", R.D.P. 1, 1988, p. 39 et J. CHEVALLIER, "L'Etat de
Droit", R.D.P. 2, 1988, p. 313.
Cet auteur aurai t
logiquement trouvé place au sein de la première ten-
dance eu égard à l'analyse critique qu'il fait de l'exercice du pouvoir, n'eût été
la nuance qu'il
apporte en a ffi rmant
la nécess i té d'une présence étatique dans
la
régulation sociale.

- 214 -
CHA PIT R E l
L'EMERGENCE D'UNE "ADMINISTRATION DE TROISIEME TYPE"
Pour
comprendre
l'impact
que
l'institution
des
Autorités
Administratives
Indépendantes
produit
dans
le
fonctionnement
de
l'administration,
il nous semble indispensable de remonter au fonde-
ment
poli tique
du
système
libéral
a fin
de
saisir
l'ampleur de
son
évolution dans le temps.
Le postulat de base de la démocratie occidentale est l'in-
terdiction
faite
à
l'Etat
d'aller
au-delà
de
son
rôle
correctif
dans le fonctionnement régulier de la vie sociale.
Cet te
intervention exceptionnelle ou "minimale" est connue
dans le vocabulaire des sciences sociales, sous le vocable de "régu-
lation"
(8).
En
fait
la
régulation
est
assurée
par
l'institution
administrative
chargée
d'exécuter
les
lois
que
le
parlement
vote.
Ce
rôle
d'exécution
serait exclusi f
de
tout
autre,
dans
la pensée
de la doctrine classique (9).
Ce raisonnement aboutit, naturellement à la double subordi-
nation organique
et
fonctionnelle,
de
l'administration
au
pouvoir
politique.
Cependant
la
Constitution
de
1958
est
venue
bousculer
cette
image de
neutralité
et
de
docilité
en
consacrant
un
pouvoir
gouvernemental
autonome (article 37) (10).
(8) Le concept est emprunté au langage des sciences physiques et il désigne l'action
qui vise à rétablir le fonctionnement correct d'un système. Son usage dans les analyses
socio"':juridiques
nous
vient
des
Etats
Unis
d'Amérique

les auteurs s'en servent
pour caractériser l'intervention des autori tés
fédérales en matière de contrôle des
activités économiques. Cf. MM. M. CROZIER, Etat Modeste ... et L. COHEN-TANUGI, op.
cil.,
B.
GUILLOU et J.G.
PADIOLEAU, La Régulation de la Télévision, Paris, La Doc.
Fr. et laC.N.C.L., 1988, in Avant-Propos.
(9) Nous ne consacrons pas de longs développements à la question. Nous nous en tiendrons
à quelques idées indispensables à notre démonstration. Pour de larges extraits, cf.
J. CHEVALLIER et D. LOSCHAK, Science Administrative.Théorie Générale de l'Institution
Administrative, Paris, L.G.D.J. 1978, T. 1, p. 190 et s.

- 215 -
Le fait aura dans la pratique deux conséquences
le déve-
loppement du pouvoir administratif d'une part et d'autre part l'anéan-
tissement
du
mythe d' une
administration distincte
du
pouvoir
poli-
tique.
C' est
à
l'idée
de
juguler
la
première
et
de
donner
une
véritable traduction à la seconde que répond la création des nouveaux
organismes.
De
façon
plus
précise
le
mouvement
peut
être
sc~ndé
en deux temps.
1.
Les Autorités Administratives Indépendantes bénéficient de compé-
tences
anciennement
dévolues à
l'autorité
administrative
classique.
2.
Elles
reçoivent
la
mission
de
réguler
ou
d'arbitrer
certains
secteurs où les droits et libertés du citoyen sont souvent en cause.
Le problème de leur responsabilité politique reste, cepen-
dant,
à
résoudre
dans
la mesure

on
leur
reconnaît
formellement
l'indépendance ; ce qui revient à poser le problème de leur confor-
mité
vis-à-vis
des
règles
classiques
de
la
représentation~
SECTION
1
L'EXERCICE
DES
COMPETENCES DE
L'ADMINISTRATION
CLAS-
SIQUE
La
dépossession
dont
il
est
question
constitue
un
fait
majeur
dans
le
fonctionnement
de
l'administration
dans
la
mesure

les
autorités
nouvelles
sont
des
institutions
indépendantes
du
gouvernement.
(10) Sous réserve de l'analyse sociologique que nous ferons plus loin, de la position
de l'administration à l'égard du pouvoir politique, il nous semble pouvoir néanmoins
affirmer ici que le texte constitutionnel de la Ve République justifie a postériori
l'allégeance politique des agents nommés dans les emplois supérieurs par le Gouverne-
ment.
Pour l'argumentation,
on peut
souligner que maints textes et décisions
de
jurisprudence
tendent
à
protéger
les
fonctionnaires
des
conséquences politiques
qui découleraient de leur soumission hiérarchique au gouvernement
; or
il n'existe
rien de tel pour les cadres supérieurs.

- 216 -
Cette
a ffirmation
est
cependant
relative
car
le
fait
ne
se vérifie pas pour tous les organismes.
En
effet,
pour
certains
d'entre
eux,
comme
la
C.A.D.A.
ou
le
Médiateur,
il
s'agit
comme
nous
l'avons
vu,
non
pas
d'une
remise
en question mais
d'une
amélioration
du système
fonctionnel.
On peut en dire de même pour la C. O.B.
d'avant 1989,
ou pour l' an-
cienne
Commission
des
Marchés
à
Terme
auxquelles
le
législateur
a
octroyé
des
pouvoirs
dans
des
domaines
relativement
nouveaux.
La
dépossession
est
néanmoins
réelle
dans
les
secteurs
les
plus
importants,
ceux
qui
sont
couverts,
en
particulier
par
la C.N.C.L. et le conseil de la concurrence.
Elle est censée,
en fin,
sinon corriger,
du moins diminuer
les avatars habituels de l'administration.
§
1.
Les
avatars
fonctionnels
des
administrations
tradi-
tionnelles
On dit souvent de l'administration qu'elle est en situation
de
"bouc émissaire"à
l'égard
du personnel poli tique dans la mesure
où elle endosse les critiques qui
lui sont adressées alors que son
rôle consisterait simplement à exécuter ses décisions.
Il nous semble qu'une
telle présentation la discuple trop
facilement.
Car s'il est
vrai
que
l'administration est
le
"fer de
lance"
du
gouvernement
et
qu'à
ce
titre
elle
apparaît
comme
"le
visage quotidien du pouvoir"aux yeux des citoyens, elle n'en constitue
pas
moins
une
force
qui
poursuit
des
inté:rêts
propres'.
Ainsi
les "maux" dont elle peut souffrir prennent racine à la fois
dans son fonctionnement interne et dans la façon dont elle est struc-
turée par les responsables politiques.

- 217 -
Ce
sont
des
défauts
qu'on
nommerait
classiques
et
qui
ont
du
reste
fait
l'objet
de
plusieurs
dénonciations.
Cependant
avec les nouvelles technologies,
ils prennent aujourd' hui une enver-
gure nouvelle.
Un
des
enseignements
que
les
hommes
poli tiques
ont
tiré
des événements de mai
1968
fut
la nécessité de
ré former
l'adminis-
tration
d'ailleurs
les
gouvernements
successifs
en
ont
souvent
fait une priorité.
Mais
force est de constater avec Jacques Menier et Céline
Wiener que "les réalisations se sont rarement trouvées à la hauteur
de l'objectif proclamé" (11).
Ces auteurs imputent cet échec à une double cause : "l' ab-
sence d'une volonté politique réelle de changement (et), l'appréhen-
sion
insuffisante
de
la
nature
et
de
l'importance
véritable
des
enjeux" (12).
Ainsi
ils
mettent
l'accent
sur
deux
séries
de
facteurs:
d'une part le réajustement structurel qui doit impérativement accom-
pagner
la
volonté
de
réforme
et
d'autre
part
la
sous-estimation
de l'administration en tant que pouvoir organisé.
Les
facteurs
d'ordre
structurel
C'est
faire
un
mauvais
procès
au
pouvoir
politique
que
l'accuser de ne pas vouloir
le changement dans la
façon d' adminis-
trer.
(11) Cf.
article "Vers une autre Administration ?" colloque de
l'I.F.S.A., R.F.A.P.
nO 26, op. cit., p. 239.
(12) On retrouve par ailleurs de telles analyses sous la plume de M. CROZIER. Voir
not. La société Bloquée, op. cit., pp. 20, 77 et 5., Etat Modeste, op. cit., pp. 15,

- 218 -
Une
telle
thèse
est
en
effet
vite
démentie
par
les
nom-
breux
textes
intervenus,
depuis
le
début
des
années
soixante
dix
dans
le
but
précis
d'améliorer
le
fonctionnement
de
l'Administra-
tion (13).
Il
est
cependant
vrai,
ainsi
que
nous
l'avons
dit,
que
les
résultats
escomptés
sont
rarement
atteints
du
fait
de
l'enra-
cinement
du
mal
dans
la
structure
de
l'administration,
elle-même.
Mais
il
nous
paraît
singulièrement
di fficile
de
bouleverser
en si
peu
de
temps
une
organisation
aussi
bien
hiérarchisée
et
chargée
d'histoire (plusieurs fois centenaire) que l'Administration Française.
Pour
illustrer
ce
propos
et
voir
dans
quelle
mesure
le
législateur
entend
corriger
les
dysfonctionnements
par
le
recours
aux
Autorités
Administratives
Indépendantes,
nous
prendrons
trois
exemples
parmi
tous
les
facteurs
que
les
auteurs
relèvent
comme
susceptibles d'éclairer le malaise administratif.
a)
La
hiérarchisation
rigoureuse
des hommes et des fonctions
Elle morcelle l'administration en plusieurs entités, parfois
concurrentes à la tête desquelles est placé un individu (généralement
le ministre) omniprésent dans tous les domaines.
Ce modèle bien connu des spécialistes sous le qualificatif
de "wébérien" fait
converger toutes les ini tiati ves vers le sommet.
C'est
là,
on en conviendra,
un
schéma décisionnel
qui
s'avère mal
adapté
à
la nécessité
de
prendre
des
décisions
rapides,
en parti-
culier s'agissant du domaine économique.
(13) Comme exemple, nous pouvons citer les lois des 3 janvier 1973 et 17 juillet 1978
qui créent respectivement
le Médiateur et
la C.A.D.A.
ou
le décret du 28 novembre
1983 relatif aux
relations
entre
l'administration et
les usagers.
Cf.
le Chapitre
1 de notre T. 2, supra.

- 219 -
Il
est
vrai
que
l'assouplissement
progressi f
d'une
telle
règle
tend
à
diminuer
ses effets
archaïques,
il
n'en
subsiste
pas
moins
une
certaine
pérennité
de
son
esprit
dans
le
fonctionnement
du système administratif (14).
Ceci
expliquerait
d'ailleurs
la
difficulté
d'instaurer
durablement
des
relations
suivies
tant
entre
les
administrations
elles-mêmes qu'entre celles-ci et les citoyens.
D'où
l'existence
à
la
fois
des
problèmes de
coordination
nécessitant
d'interminables
arbitrages
et
des
relations
souvent
difficiles entre l'agent public et l'administré.
b) Il n'est ainsi guère surprenant
que les rapports entre ces deux parties soient empreints d'une incom-
préhension, profonde dans certains cas.
Cette
incompréhension
n'est
cependant
que
le
reflet
du
formalisme
excessi f
et
du
modèle
autoritaire,
voulus
par
la norme
juridique pour ces rapports (15).
Il en est par exemple ainsi pour l'acte d'imposition auquel
le
citoyen
doit
se
plier
annuellement
sans
aucune
possibilité
de
contestation
préalable,
même
dans
les
cas où celle-ci
se
justi fie
pleinement (16).
(14) E~ ce se~s cf. MM. DELCROS et RIGAUD, Les I~stitutio~s Admi~istratives Fra~çaises.
Les structures, op. cit., p. 32.
( 15) Pour des développements relati fs à ces "travers" admi~is trati fs, ~ous re~voyo~s
à la lecture du rapport établi e~ 1978 par la Commissio~ du bila~ "Bloch-Lai~é" que
cite~t MM. RIGAUD et DELCROS, op. cit., p. 39.
(16) Or o~ co~naît l'ampleur des difficultés que le citoye~ peut re~co~trer pour saisir,
après ,le juge et faire reco~naître so~ droit.

- 220 -
Aussi
la
boutade
classique
qui
dépeint
le
fonctionnaire
de bureau réfugié derrière les textes cache en réalité le caractère
peu flexible du droit lui-même.
Celui-ci
apparaît
alors
comme
un
frein
pour
l'adaptation
de l'administration au rythme d'évolution de la société. L'institution
du
Médiateur
permet
d'ailleurs,
nous
l'avons
vu,
d'en
contrecarrer
les méfaits.
Mais
ce
conservatisme
n' est
pas
toujours
imputable
à
la
norme juridique. Il provient aussi de la peur du changement de l'admi-
nistration
et
de
sa
volonté
de
résistance
que
nous
retrouverons
plus
loin.
C'est
en
définitive
celle-ci
qui
conditionne
souvent
la réussite d'une réforme.
On peut en voir la preuve dans l'administration des Télécom-
munications qui constituait le butoir "type" des innovations d'avant
1970.
Ce
secteur
apparaît
aujourd'hui,
à
l'issue
d'une
profonde
mutation
au
plan
de
ses
relations
publiques
notamment,
au
premier
rang des "administrations modernes".
c)
Une
telle
transformation
ne
serait
cependant
possible
au
sein
d'autres
structures
publiques
que si les autorités étaient convaincues de l'insuffisance des moyens
de contrôle et d'évaluation des rendements fonctionnels.
Si en effet
l'intérêt
de
toute
action
administrative
se
mesure
à
son
taux
de
satisfaction
auprès
des
citoyens,
on
appréhende
facilement,
dans
les
faits,
la fausseté de la théorie selon laquelle les administrés
demeurent
au
centre
des
préoccupations
de
l'administration.
Car
ces
derniers
ne
sont
dans
la
très
grande
majorité
des cas réellement consultés ni au stade de préparation des décisions
ni
après
l'exécution
de
celles-ci.
De
fait
dans
le
premier
cas,
leur sollicitation se résume à la saisine par les autorités ministé-

- 221 -
riel les
de
comités
qu'elles
instituent
à
leurs
côtés
et
dont
la
représentativité n'est souvent pas très large (17).
La manifestation de leur présence est encore plus abstraite
lorsqu 1 il
s'agit
dans
le
second
cas
des
contrôles
internes
ou ex-
ternes.
Le contrôle
interne procède souvent d' une démarche qui doit
permettre
à
l'administration
de
se
mettre en
cause,
elle-même j ce
qui n 1 est jamais chose aisée (18).
Quant aux contrôles dits externes, ils sont exercés généra-
lement par les parlementaires ou par les tribunaux afin de sanctionner
éventuellement
les
abus
que
commettent
les
administrations.
Ils
ne
débouchent
cependant
pas
sur
une
évaluation
cri tique
d'ensemble
de leurs actions.
Il
reste
certes,
la
possibilité
de
recueillir
l'avis des
administrés
au
moyen
des
sondages
d'opinion,
mais
leur
caractère
limité et leur manque de fiabilité interdisent d'en faire un instru-
ment de mesure adéquat
(19).
La
relativité du succès de toutes ces
démarches
tient
bien
sûr
à
leur
manque
d'adéquation
par
rapport
à
l'organisation de l'administration française mais aussi à la réac-
tion du pouvoir administratif.
20 •
Les
facteurs
liés
à
l'existence
d'un
pouvoir administratif
Le concept de
"pouvoir" désigne,
selon
le "Petit Robert",
la possibilité ou la capacité d'agir sur quelqu'un ou bien sur quelque
chose.
Rapporté à l'administration,
il signi fie que celle-ci cons ti-
(17) Les membres de ces organismes proviennent tous des organisations professionnelles
ou d'usagers dites "les plus représentatives". Or les critères qui fondent l'attri-
bution d'un tel label ne sont souvent pas à l'abri de critiques justifiées. Il est
en effet avéré que ces groupements sont souvent loin de rassembler la majorité des
individus qui entrent chaque jour en relation avec l'administration. Sur la question,
voir M. C. HENRY-HEININGER, "La participation des Usagers", R.F.A.P, nO 26, op. cit.,
p. 190.

- 222 -
tue
une
force
capable
sinon
de
poursuivre
des
objecti fs
di fférents
de ceux que lui fixe
le pouvoir politique,
du moins de les infléchir
dans le sens de ses intérêts propres.
Ainsi
perçu,
le
"pouvoir
bureaucratique"
est
considéré
par
les
auteurs
classiques
comme
une
déviation
de
la
démocratie
(20) .
En
effet
dans
la
pensée
d'un
grand
"Constitutionrmliste"
comme Duguit c'est au seul pouvoir politique,
investi de
la volonté
populaire,
de
traduire
les
données
sociales
en
actions
concrètes.
Et c'est uniquement au stade de la réalisation de celles-ci qu'appa-
raît l'institution administrative.
C'est
par
ailleurs
à
une
position
similaire
qu'aboutit
l'analyse
de
Carré
de
Malberg,
selon
laquelle
le
pouvoir
politique
constitue
l'élite qui
formule
la norme
juridique que doit appliquer
l'administration.
Du
reste
une telle
perception
de
l'administration
subsiste
chez
beaucoup
d'auteurs
contemporains
à
l'image
de
MM.
Rigaud
et
Delcros selon lesquels elle est "un ensemble d'organes, de techniques
et d' hommes mis à la disposition d'un pouvoir poli tique responsable
pour
exercer
une
fonction
sociale
de
services
d'intérêt
général"
(18) Ce que montrent par ailleurs les rapports annuels de la Cour des Comptes, notamment
le dernier dont des extraits sont reproduits et commentés à la Rev. Adm. nO 245, 1988,
p. 449.
Voir aussi, DELCROS et RIGAUD, op. cit., p. 43.
(19) A en juger par le nombre de décisions de recU fication prises, chaque année,
par la Commission des sondages les conditions exigées par la loi sont rarement remplies.
Voir. la rubrique "l'actualité et le droit" tenue par O. SCHRAMECK et X. DELCROS in
A.J.D.A. dont le numéro du 20 juin 1988, p. 386 est consacré à la Commission des Sonda-
ges.
(20) Cf. CHEVALLIER et LOSCHAK, op. cit., p. 534 et s.
(21) op. ci t., p. 14 .

- 223 -
Cette
définition
semble,
bien
sûr,
confirmer
la
thèse
classique de
la
distinction
entre
administration
et pouvoir poli ti-
que.
Cela
ne
surprend
guère
dans
la
mesure

cet te
approche
est
exclusivement juridique. Elle se fonde sur les dispositions de l'arti-
cle 20 de la Constitution de 1958 dont nous avons souvent f8it état
dans nos analyses.
Or il s'avère que
la description
juridique n'est
pas
toujours
le
meilleur
moyen
pour
rendre
compte
de
la
réalité
d'une
situation.
Aussi
est-il
indispensable
de
recourir
en
matière
d'"organisation" à la sociologie (22).
Celle-ci
nous
montre
le
caractère
mythique
de
la
théorie
de
la représentation du peuple par
les organes poli tiques de
l'Etat
et
les conséquences qui en ont été
tirées par les auteurs précédem-
ment
ci tés, notamment
la
distinction
entre
le
pouvoir
poli tique
et
le pouvoir administratif (23).
Selon Max Weber,
cette
représentativité cache, .en réalité,
la
domination
d'un
groupement
"de
caractère
institutionnel",
et
ne serait pas,contrairement à l'analyse de M.
de Malberg,
le produit
d'un
"équilibre de forces"
(24).
Par
ailleurs,
poursuit-il,
lorsque
les auteurs parlent d'"appareil d'Etat" ils ne désignent pas seulement
par là le pouvoir politique, celui qui commande, mais aussi l'institu-
tion administrative qui "obéit".
A la vérité,la thèse qui professe une distinction tranchée
entre
les
deux
composantes
est
battue
en
brèche
depuis
longtemps.
Sur
un
autre
plan,
de
même
que
l'Etat
en
tant
qu'institution
tend
à
une
certaine
autonomie
par
rapport
à
la
société
qu'il
est
censé
représenter,
l'administration
sous-système
de
l'Etat,
oeuvre
dans
le
sens
de
sa
libération
du
pouvoir
politique.
Et
elle
y
réussit,
(22) Cf. CROZIER op. cit., CHEVALLIER et LOSCHAK, op. cit., et en particulier la biblio-
graphie qu'ils ont établie, des auteurs ayant approfondi le sujet, op. ci t. Vol. 1,
p. 28R et s., Vol 2, p. 11 et s.
(23) CHEVALLIER et LOSCHAK, ibid.
(24) CHEVALLIER et LOSCHAK, ibid p. 200.
Notons que dans la pensée de M. WEBER et des auteurs marxistes en général,
... 1 ...

- 224 -
portée, par son unité et sa permanence (25).
Ce résultat s'explique par la procédure qui fait intervenir
les
organes administrati fs
dans
ce qu'on pourrait appeler
la phase
de transcription des valeurs et idéaux dl une société donnée
; phase
pendant laquelle ils acquièrent des intérêts propres qu'ils intègrent
dans leur travail d'écriture (26).
Ainsi on comprend aisément le rôle de "frein" ou d' "accé-
lérateur" que peut jouer l'institution administrative dans une réfor-
me,
selon
que
celle-ci
porte
ou
non
atteinte
à
ses
intérêts.
Mais
les
réformes
en
France
ont
souvent
pour
objectif
d'ouvrir
plus
largement
l'administration
à
la
société,
celle-là,
de peur d'y perdre ses "privilèges", développe une réaction défensive.
Cette dernière consistera la plupart du temps à récupérer les innova-
tions structurelles, comme dans le cas du Commissariat au Plan (27).
Cette administration qui, à ses débuts,
inaugura des méthodes infor-
melles
et
simples
de
travail,
a
fini
par sombrer
dans
la
routine
des organes classiques.
Cet
échec
légitime,
entre
autres
raisons,
la
volonté
des
pouvoirs
publics
de
s'orienter
vers
de
nouvelles
expériences
institutionnelles.
Cette
recherche
s'avère
d'autant plus
urgente
que
les
technologies
nouvelles
ont engendré
des
facteurs
aggravant
les cas de "Maladministration".
(suite de la note 24 page précédente)
l'institution étatique est
la manifestation de
la domination d'une classe sur une
autre. Et les organes de l'Etat, à savoir les structures et les hommes,sont tous portés
vers le maintien de cette domination. Donc il n'y aurait pas lieu de faire une distinc-
tion entre le pouvoir politique et le pouvoir administratif. Pour les effets relatifs
à la théorie de représentation dans l'Etat, voir infra.
(25) Les individus qui composent
l'administration sont regls par les mêmes textes,
lesquels les enserrent dans ce qu'on pourrait appeler "un cadre de vie" de leur entrée
dans la fonction publique à leur retraite. A cet égard et d'un point de vue général,
on peut parler d'une application dévoyée des normes. Voir infra.
(26) Pour paraphraser M. Dominique ROUSSEAU, op. cit., p. 207.
(27) Cf. M. CROZIER, op. cit., p. 101.

- 225 -
B.
Les
répercussions
des
nouvelles
technologies
----------------------------------------------
sur l'administration
La
fulgurante
évolution
technique
à
laquelle
nous
avons
assisté
ces
dernières
années,
a
beaucoup
influé
sur
le
fonction-
nement
de
l'administration
française.
Ses
conséquences
comportent
des aspects aussi bien positifs que négatifs.
Les
premiers
ne
sont
pas
négligeables
et
font
d'ailleurs
l'objet d'analyses approfondies de la part de certains auteurs comme
M.
Hertzog
(28).
Nous
n'étudierons
cependant
ici
que
les
seconds
dans la mesure où ce sont eux qui aggravent les déficiences du fonc-
tionnement de l'administration. L'inconvénient majeur dans ce domaine
reste
l'accroissement du caractère abstrait
de
la décision adminis-
trative.
Les
dangers
que
représente
une
administration
prenant
des mesures sur la base de l'uniformisation des situations des admi-
nistrés
sont
assez
connus
et
décriés
pour
ne
pas
nécessiter
une
analyse plus poussée.
Ces dangers ont été cependant considérablement
accrus par l'usage des données informatiques.
D'où
l' appari tion d' une nouvelle concentration de pouvoirs
discrétionnaires que le juge ne peut ou ne veut souvent pas contrôler,
même si une telle emprise fait courir des risques réels aux individus,
ainsi
que nous le montre le rapport de la C. 1. L.
au
Premier Minis-
tre (29).
La
seconde
conséquence
des
nouvelles
technologies
est
la
dépossession
de
la
maîtrise
du
processus
décisionnel
par
le
pouvoir politique au profit de la "technocratie".
(28) R. HERTZOG, "L'impact des nouvelles technologies sur l'administration", R.F .A.P.,
nO 26, op. cit., p. 335.
(29) cité supra.

- 226 -
En
effet
l' avénement
de
nouveaux
moyens
et des
paramètres
techniques qui
permettent d'évaluer
l'opportunité d'une action
favo-
rise
l'ascendant
des
spécialistes
sur
les
élus.
D'où
la
régression
des valeurs fondamentales comme l'égalité ou la liberté dont certains
auteurs se font l'écho (30).
Il faut par ailleurs mettre l'accent sur d'autres conséquen-
ces
la multiplication
des
organismes
administrati fs,
la complexi-
fication
des
procédures
et
le
gaspillage
des
deniers
publics
(31).
Le
législateur
entend
remédier,
désormais
à
cet
ensemble
de
facteurs
négati fs
en créant de nouvelles institutions administra-
tives qui
fonctionneront de manière plus souple et plus indépendante
que les anciennes structures.
§ 2. Les exemples de la C.N.C.L. et du Conseil de la Concur-
rence
Le
choix
des
domaines
de
la
communication
audiovisuelle
et de la concurrence permet de mieux illustrer l'importance du chan-
gement
induit
par
la
création
des
nouveaux
organismes
(32) .
(30)
Il s'agit en fait d'une référence de moins en moins fréquente à ces valeurs.
Cf. RIGAUD et DELCROS , T. 1, op. cit., p. 31.
(31) Nous n' insis tons pas sur toutes les transformations subies par l' adminis tration
elle-même. la seule qui nous semble importante a déjà été abordée; c'est l'avénement
de l'Etat technocratique qui est à l'origine de l'extension du domaine de réglemen-
tation de l'administration.
(32) En fait le cas de la C.N.C.l. est, dans cette illustration, beaucoup plus saisis-
sant que celui du Conseil de la Concurrence dont le rôle est principalement orienté
vers la régulation.
Nous remarquons cependant que cet organi sme s' appropr ie aussi, dans son
domaine, les compétences classiques de l'administration. Concernant les autres autorités,
seul le cas de la C.N.I.l. aurait pu nous intéresser ici mais il faut admettre qu'en
matière d'informatique aussi, la loi ne réalise pas de véritable transfert de compé-
tences anciennement dévolues à l'administration.
En effet le seul fait notable dans ce cadre reste l'hypothèse d'un partage
du pouvoir réglementaire entre le gouvernement et la C.N.Ll. (article 31 de la loi
... / ...

- 227 -
En
effet
le
législateur
a
doté
ceux-ci
de
compétences
qui,
hier
encore
étaient
considérées
comme
appartenant
logiquement
au Gouvernement. Certes,
la loi du 30 septembre 1986 et l'ordonnance
du 1er décembre de la même année ne constituent que l'aboutissement
normal
de
processus
entamés
avec
les
lois
des
29
juillet
1982
et
19 juillet 1977.
De même aucun texte n'interdit au parlement ou au gouverne-
ment
de
créer
des
organismes
administratifs
qui
hériteraient
des
compétences
de
l'administration
classique
sauf
à
le
faire
hors
de leurs domaines respectifs.
Cependant si l'on tient compte des pesanteurs qui caracté-
risent
l'organisation
administrative
française
on
peut
douter
que
les résultats auxquels ont conduit
les processus précédemment cités
puissent
s'imposer
facilement
(33).
Le
triomphe
à
court
terme
des
institutions nouvelles est d'autant plus difficile qu'elles dépassent
le cadre strict
de
l'administration
pour englober tous
les rouages
de l'Etat.
Toutefois,
la
dépossession
de
l'administration
dans
les
domaines
de
la
communication
audiovisuelle
et
de
la
concurrence
revêt
un caractère
particulier
dans
la mesure où
la responsabilité
politique
du
gouvernement
à
propos
des
autorités
nouvelles
semble
ne pas pouvoir être directement mise en cause.
A. Le domaine de la communication audioviduelle
C'est
celui

l'évolution
a
été
la
plus
remarquable,
et ce au moins à deux points de vue. Au plan de la rapidité d'abord,
car on ne si tue le commencement de
la courbe qu'en 1974
ensuite
du 6 janvier 1978) ; les autres pouvoirs qui sont conférés ~ l'organisme (enquêtes,
avertissements aux détenteurs de fichiers,
dénonciations au parquet
... ) n'ayant en
soi rien d'original par rapport ~ ceux d'une autorité administrative plus classique.
(33) D'autant plus que, nous l'avons vu, les différents textes constitutifs contiennent
des dispositions qui permettent éventuellement au gouvernement d'atténuer l'autonomie
des nouveaux organismes.

- 228 -
du
fait
de la résistance du gouvernement à chaque étape symbolisée
par une ré forme.
1°. Avant 1974
Sous lesllle et IVe Républiques, la radio puis la télévision
constituaient une simple régie gérée directement par l'Etat et rele-
vant
du
Ministre
des
P. T. T.
Avec
l'avénement
de
la
Ve
République,
la R. T. F.
(Radio Télévision Française) connut une autonomie progres-
sive qui
se cristallisa autour d'un E.P.I.C.
placé sous l'autorité
du
ministre
de
l'information.
Ce
lien
fut
transformé
en
tutelle
(loi de 1964 et décrets de 1968 et 1969) et le demeura jusqu'à l'avé-
nement du statut de 1974 (34).
2°. De 1974 à 1986
Cette période contient une date
importante
l'année 1982
qui voit l'institution de la Haute Autorité.
I l faut cependant noter que la loi du 29 juillet a laissé
subsister
des
prérogatives
essentielles
au
profit
du
gouvernement
et
du
parlement.
Ceci
autoriserait donc
une analyse d'ensemble des
statuts de 1974 et de 1982.
Le premier est
caractérisé
par
le monopole de
11 Etat
qui
s'affirme par l'éclatement des structures en plusieurs établissements
publics,
lesquels
contrôlent
l'ensemble
du
système
radiotélévisé
hormis
le
cas
anodin
des
radios
périphériques
privées.
Le second s'illustre par la création de la H.A.C.A. L'évé-
nement est important en soi dans la mesure où pour la première fois,
il est fait état de la nécessité de remettre en question le monopole
de l'Etat sur les moyens de l'information (35).
(34) Nous ne nous étendons pas longuement sur cette période qui fait l'objet par ail-
leurs d'études approfondies.
Nous nous
limitons à un
résumé succinct d'une partie
de l'article du Professeur LINOTTE publié dans l'annuaire européen de l'administration
publique
1984,
volume
VII,
p.
149.
Voir
par
ailleurs
supra
p. 193
et
s.

- 229 -
Par ailleurs cette institution avait
la charge de veiller
au
respect
des
missions
de
service
public
définies
notamment
aux
articles 5 et 14 de la loi de 1982. Il lui incombait aussi d'assurer
la tutelle sur l'ensemble du système de la communication en délivrant
des autorisations à des personnes privées intéressées, au plan local,
à la radio diffusion sonore par voie hertzienne et à la radio-télévi-
sion par câble ou en nommant les responsables des sociétés nationales
(articles 16 et 17). Toutes missions qu'il était difficile d'imaginer
jusqu'alors hors du pouvoir gouvernemental, étant donné que la radio
et
la
télévision
constituaient
la
"voix
de
la
France"
(36).
En
réalité
le
gouvernement
n'a pas été dépouillé de tous
ses pouvoirs.
Il
lui
est
resté,
en
effet,
l' autor isation
pour
les
services
de
radio
et
télévision
ayant
une
grande
couverture,
la
compétence
technique
d'établissement
et
d'attribution
des
plans
de fréquence et diverses autres compétences qui vont de l'organisation
et du financement des établissements à la nomination de leurs adminis-
trateurs et présidents(37).
C'est
dans
ce
contexte
qu'est
intervenue
la
loi
du
30
septembre 1986.
30. Depuis 1986
L'institution de
la C.N.C.L.
s'inscrit,
nous l'avons dit,
dans le cadre de l'éclosion du mouvement libéral. L'ampleur de celui-
ci
nous
a,
par
ailleurs,
permis
de
déceler
les
insuffisances
de
(35) Il était de moins en moins admis que le gouvernement fasse de la télévision un
moyen de propagande à son seul profit - ce qui donne, compte tenu du phénomène partisan,
une nette coloration politique à un service considéré comme public.
(36)
Pour
paraphraser
le Président
Pompidou,
propos
rapportés
par D.
LINOTTE,
op.
ciL, p. 166.
(37) Cf. MM. le Professeur MORANGE, "Les pouvoi rs de la Haute Autor ité de la Communica-
tion audiovisuelle,
R.D.P.,
1986,
6,
p.
1509. Ch. DEBBASCH,
"La fin du monopole de
l'Etat
sur
l'audiovisuel.
Mythe ou réalité ?,
Mélanges PEQUIGNOT,
T.
l,
mai
1984,
p. 135.
. .. / ...

- 230 -
la loi du 30 septembre 1986 en ce qui concerne la déconnection des
moyens d'information du pouvoir gouvernemental (38).
Cela ne doit, cependant, pas faire perdre de vue les efforts
qui ont été accomplis et qui ont constitué un "pas décisif" mesurable
sur plusieurs plans.
Aux termes de
la
loi
du 30 septembre,
la C. N. C. L.
assure
le
respect
des
principes
fondamentaux
régissant
le
service
public
de
la
communication
audiovisuelle
(comme
celui
du
pluralisme
par
exemple).
D'un
point
de
vue
général
on peut
ainsi
se demander
si
une telle disposition ne consacre pas à terme un désengagement total
qui
mettrait
en
cause
la
fonction
gouvernementale
de
représentant
de l'intérêt général (39).
Ce transfert de compétences aboutit à une situation inédite
pans le cadre strictement administratif:
le gouvernement n'a aucun
moyen
juridique,
hormis
celui
de saisir la justice,
de sanctionner
la faute ou tout simplement la mauvaise gestion de la C.N.C.L. (40).
On
pourrait
certes établir
un
rapprochement
entre
ce cas
et
ceux
de
la
jurisprudence
Commune de
Saint-Blancard
(41)
et
des
Conseils
de
révision
(42).
Mais
celui-ci
ne
saurait
être
poussé
au-delà du seul lien que constitue l'appartenance à l'ensemble admi-
(suite de la note 37 page précédente)
D. LINOTTE, op. cit.
Voir aussi nos développements supra p. 196 et s.
Pour ceux qui
sont
dévolus
à la C.N.C.L.,
voir supra p. 157
et s.
(38) Voir supra,
p. 19:5 et s.
(39)
Nous aborderons à la section suivante - infra - les conséquences politiques de
ce fait.
(40) L'allusion porte ici sur l'hypothèse d'un mandat de l'administration à un organisme
privé pour gérer un service public. On sait que l'assimilation de la personne privée
à son mandant ne s'arrête qu'au plan
fonctionnel, d'où l'exclusion de tels rapports
du cadre administratif.
(41) Il s'agit de la décision du C.E. du 10 novembre 1911. S. 1912 111.1. note HAURIOU,
évoquée dans les Conclusions du Commissaire du gouvernement RIGAUD, R.D.P., janvier-
février 1969, p. 700, op. cit.

- 231 -
nistratif parce que dans le premier, il est question "d'une collecti-
vité ou d'un organisme décentralisé" et dans
le second d'organismes
qui n'ont pas reçu la qualification d'indépendance dans leurs textes
instituti fs.
Il faudrait par ailleurs mentionner les cas spéci fiques
de
transfert
au
profit
de
la C.N.C.L.
des compétences précédemment
ci tées que
le gouvernement avait continuées d'exercer après le vote
de la loi du 29 juillet 1982 (43).
La
singularité
de
la
place
qu'occupe
la
C.N.C.L.
dans
le dispositif administratif en matière de communication audiovisuelle
estdu reste confirmée par les articles 9 et 20 de la loi du 30 sep-
tembre
1986.
Ceux-ci
disposent
d'une
part
qu'elle
représente
le
pays
(aux côtés du gouvernement)
dans les négociations internationales
et d'autre part que son président agisse en justice au nom de l'Etat
(et
ce
contrairement
aux
règles
traditionnelles
qui
gouvernent
la
représentation
de
l'Etat
devant
les
tribunaux).
Mentionnons,
enfin, que le flou relevé par le Professeur Morange et qui affecterait
ses
rapports
avec
le
gouvernement
dans
le
cadre
des
dispositions
des articles 12 et 17 afférentes à son pouvoir réglementaire pourrait
bien lui profiter (44).
Il
s'agit
précisément
de
savoir
si
les
recommandations
qu'elle
prend sur
la
base des
articles
précités
s'imposent ou
non
au gouvernement. La réponse n'a pas été donnée par le Conseil Consti-
tutionnel
dans
sa
décision
du
18
septembre
1986
(45).
On
pourrait
(42) Ibid. Voir par ailleurs nos développements supra. Chapitre l, T. l de la Première
Par tie.
(43)
A ces nouvelles
compétences s'ajoute pour
la C.N.C.L.
la surveillance du jeu
de la Concurrence dont elle est chargée par la loi du 27 novembre 1986. (J. O.
du 28
novembre p. 14297)et qu'exerçait auparavant au titre du droit commun de la concurrence
la direction générale de la concurrence et des
prix
du ministère de l'économie.
(44)
Jean MaRANGE,
"La Commission Nationale de la Communication et des Libertés et
le droit de la communication audiovisuelle", R.F.D.A.
3 (3), mai-juin 1987, p.
372.
(45) Décision nO 86-217 D.C. du 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de commu-
nication op. cit., J.O. du 19 septembre 1986, p. 11294.

- 232 -
néanmoins
considérer
que
pour
cet te instance la question doit être

résolue
dans
le
même
sens
que
celui
qu'elle
a donné
de
l'article
13 à propos duquel elle dit que le pouvoir réglementaire de la C.N.C.L
est subordonné à celui du gouvernement. Cette position est cependant
récusée implicitement par M. Autin, membre de la C.N.C.L. qui consi-
dère
au
contraire
que
cet
organisme
conserve
son
entière
liberté
même
dans
le
cas
de
demande
d'une
nouvelle
délibération.
Ce
qui
signifie que dans l'exercice de son pouvoir réglementaire la C.N.C.L.
peut
faire
plier
le
gouvernement
à
sa volonté
(46).
Dans tous
les
cas,
la discussion relative à ce point de
vue ne
remet pas
fonda-
mentalement
en
cause
la
réalité
d'un
transfert
(par
contre
elle
peut
bien affecter sa
signi fication)
qui,
à l'image de ce qui est
intervenu dans le secteur de la concurrence,
atteste d'un véritable
changement de mentalité.
L'ordonnance du 1er décembre 1986 intervient dans le cadre
d'une
loi
du
2
juillet
1986
qui
habilite
le
gouvernement,
mis en
place au lendemain des élections législatives de mars 1986,à prendre
diverses
mesures
d'ordre
économique
et
social
allant
dans
le sens
d'une politique plus libérale.
On
comprend dans
ces
conditions que le texte précité ait
apporté des changements notables dans les rapports économiques (47).
Parmi les innovations majeures on peut ci ter l' insti tution
d'un Conseil de la Concurrence qui est chargé d'assurer la discipline
Idans
le
domaine
de
la
concurrence.
L'analyse
des
compétences
de
(46)
Cf.
compte
rendu du Colloque sur
les Autorités Administratives
Indépendantes,
débats, op. cit.
(47) L'ordonnance a,
en effet,
abrogé tout ou partie des principaux textes dans le
domaine économique, notamment l'ordonnance du 30 juin 1945 sur le prix, la loi "Royer"
du 27 décembre 1973 et bien sûr les loi s des 28 septembre 1967 et 19 jui llet 1977.

- 233 -
cet
organisme
dans
nos
développements
ultérieurs
nous
a
permis
de
situer la ligne de partage opérée par l'ordonnance entre ses pouvoirs
et
ceux
du
ministre
de
l'Economie.
Celui-ci
ne
garde
plus
qu'une
prérogative
de
contrôle
à
propos
des
concentrations
d'entreprises
ti tre
V de
l'ordonnance
du
1er
décembre
1986
(48).
C'est
le
Conseil qui hérite désormais des pouvoirs de sanction ou d'injonction
aux entreprises coupables d'entente ou d'abus de position dominante.
Il lui revient aussi de saisir le juge pénal.
L'esprit
d'une
telle
réforme est-il
de substituer complè-
tement
le
Conseil
de
la
Concurrence
au
ministre
de
l'économie
?
Selon
Fernand
Charles
Jeantet,
le
ministre
perd
l'essen-
tiel des pouvoirs de décision qu'il détenait avant la ré forme (49).
D'ailleurs
dans
la
pensée
de
cet
auteur,
l'ordonnance
du 1er décembre donne un coup d'arrêt au "glissement vers une concep-
tion
purement administrative"
que
l'on
observait
dans
le
droi t
de
la concurrence.
Pour un autre auteur, M. Dugrip, le transfert des compéten-
ces
symbolise
un
désir
de
dépolitisation
de
l'interventionnisme
étatique dans le domaine économique (50).
L'un
et
l'autre
résument
parfaitement
l'apport
essentiel
du
texte
précité
par
rapport
aux
systèmes
institués
par
les
lois
de
1953 et 1977
qui
créèrent
la
Commission
technique
des
ententes
et la Commission de Concurrence.
Le
premier
organisme
cité,
à
caractère
technique,
avait
une
compétence
purement
consultative.
Quant
au
second,
il
était
simplement
associé
(et
dans
certains
cas
seulement)
aux
pouvoirs
(48) Le Conseil de concurrence peut
éventuellement être aSSOCIe à l'exercice de ce
pouvoir au moyen de la consultation (article 38 de l'ordonnance.)
(49) L'esprit du nouveau droit de la concurrence,
La semaine
juridique,
Ed. G,
na
9, 1987, 3277.
(50) Cf. O. DUGRIP, "Les autorités administratives indépendantes en droit économique:
quelle séparation du politique 7" op. ciL

-
234 -
de décision du ministre de l'économie (51). Autant dire que pendant
ces deux périodes
l' initiati ve
de
la
sanction et parfois celle
du
déclenchement
de
la
procédure
appartenaient
à
cette
autorité.
Or nous l'avons vu,
l'ordonnance du 1er décembre inaugure
une nouvelle orientation qui tend à imprimer un caractère plus juri-
dictionnel
qu'administratif
aux
procédures
en
vigueur
en
matière
de
concurrence.
Aussi,
il
nous
semble
possible
d'affirmer
qu'on
est,
non pas en présence d'un partage de compétences dans le droit
commun de la concurrence entre le ministre de l'économie et le Conseil
de la Concurrence, comme le laisserait entendre le Président Donnedieu
de
Vabres,
mais
bien
d'un
renversement
de
situation
qui
ne
fait
du
ministre
qu'un
simple
collaborateur du Conseil
pour
ce qui
est
de la "répression" (52).
Cette
thèse
est
d'ailleurs
corroborée
par
les
écrits
du
même auteur qui reconnaît l'impact des avis de l'ancienne Commision
de
la Concurrence auprès
du
ministre
;
ce qui s'explique par
leur
caractère consensuel et par la publicité dont ils faisaient l'objet
à travers les médias (53).
Cette
position,
transposée
mutatis
mutandi
dans
le
cas
du Conseil de la Concurrence,
fonde une quasi-obligation du ministre
dans ses consultations auprès
de
l'organisme en matière de concen-
tration des entreprises.
Aussi
les
mots
du
Professeur
Drago,
selon
lesquels
le
Conseil de la Concurrence est désormais "maître de son destin" acquiè-
rent-ils tout leur sens (54).
(51) Ces pouvoirs consistaient d'uné part à infliger des amendes en cas de faute, aux
entreprises coupables en matière d'ententes ou d'abus de position dominante, et d'autre
part à s'opposer aux concentrations qui porteraient atteinte au jeu de la concurrence.
(52) "La nouvelle autorité : le Conseil de Concurrence". la Semaine juridique, cahiers
de
droit
de
l'entreprise
nO
1,
1987,
supplément
du
19 mars
1987,
p.
28.
(53) "La Conmission de la concurrence et le Conseil de la concurrence", Les Autorités
Administratives Indépendantes, ouvrage publié sous la direction de MM. Claude-Albert
COLL lARD et Gérard TIMSIT, Paris, P.U.F., Les voies du droit, juillet 1988. op. cit.,
p. 173.

- 235 -
Il faut cependant noter qu'une telle réforme pose problème,
à
l'instar
de
certaines
autres
(celles
qui
instituent
notamment
la C.N.LL. et la C.N.C.L.),
dans la mesure où elle tend à conférer
une
autonomie
fonctionnelle
à
une
autorité
censée
intervenir
dans
un domaine qui reste sous la responsabilité politique du gouvernement.
SECTION 2 - L'INSTITUTION DES AUTORITES ADMINISTRATIVES INDEPENDANTES
ET LE PRINCIPE DE LA RESPONSABILITE POLITIQUE DE L'EXECUTIF
Selon
le
Président
Donnedieu
de
Vab res,
"dès
lors
que
le parlement a, de
façon
conforme à
la Constitution,
délégué à
une
autorité indépendante
le pouvoir de décider,
le gouvernement n'est
pas responsable du contenu de ces décisions" (55).
A lire
ces propos,
on serait tenté de conclure que les
autorités
nouvelles
sont
totalement
indépendantes
du
contrôle
du
gouvernement; ce qui serait inconcevable (56).
Car,
et
c'est
l'auteur
qui
le
dit
lui-même
en
parlant
du
Conseil
de
la
Concurrence,
le
caractère
administratif
de
ces
organismes
les
voue
à
une
simple
mise
en
oeuvre
de
la
politique
gouvernementale dans leurs domaines respectifs (57).
On
le
voit,
il existe dans ces analyses,
assez représen-
tativesdu reste des écrits de la majorité des auteurs, une contra-
diction entre la réalité de
"l'indépendance" des Autorités Adminis-
(54)
R.
DRAGO,
"Le
Conseil
de
Concurrence",
J.C.P.,
Ed.
E.
nO
27,
14987.
(55)
Intervention dans
le cadre des
discussions
du colloque
relatif aux Autorités
Administratives Indépendantes, op. cit., p. 289.
(56) On laisse ici de côté le problème du contrôle juridictionnel qui s'avère, quant
à
lui,
nécessaire dans tout Etat de Droi t malgré la dénonciation dont
fai t parfois
l'objet "l'impérialisme du C.E.".
En ce sens, voir par ex. M. Jacques ROBERT, "De l'indépendance des juges",
R.D.P. 1-88, p. 3.
(57) Ibid., p. 287.

- 236 -
tratives
Indépendantes ou pour le moins le souhait que la doctrine
en
formule
et
sa
conformité à
l'égard des enseignements classiques
du système politique français.
En fait tout porte à croire qu'on est en présence de deux
impérati fs
inconciliables.
D'où
les
malaises du
juge et
du commen-
tateur.
Le
premier
a,
pour
l'instant,
nettement
privilégié
la
cohérence
juridique
du
système
au
détriment
de
l'indépendance
des
organismes,
alors
que
le
second
est,
quant
à
lui,
partagé
entre
l'existence ou non d'un contrôle politique à l'égard de ces autorités.
§
1.
Les
Autorités
Administratives
Indépendantes
font
l'objet d'un contrôle politique
Dès
l'institution
des
premières
Autorités
Administratives
Indépendantes,
les "faiseurs de système" se réjouirent de l'avènement
d'un nouveau champ d'expérimentation propre à fournir des "synthèses
savantes".
Cependant
lorsqu'il s'est agi de mesurer concrète-
ment la part d'innovation contenue dans le phénomène, il fallut bien
revenir à cette circonspection prônée par M. Braibant dès 1981
(58).
En
effet
la
plupart
des
auteurs
récusent
aujourd'hui,
de façon expresse ou tacite, l'indépendance des Autorités Administra-
ti ves
Indépendantes
(59).
Seulement
ils
le
font
non
pas
au
regard
des dispositions constitutionnelles mais en fonction de l'organisation
des pouvoirs publics en France.
(58)
L'auteur soulignait en effet
la
relativité naturelle de l "'indépendance" d'une
autorité administrative à
l'égard du gouvernement dans
un
article intitulé "Droit
d'accès
et
droit
à
l'information" publié dans
les Mélanges offerts à M.
Charlier,
op. cit., p. 703.
(59) Cf. not. MM. COLL lARD , DUPUIS, MAISL et SABOURIN, in Les Autorités Administratives
Indépendantes, Colloque précité, pp. 9, 13, 75, 108, 251 et s.

- 237 -
Un tel raisonnement leur permet d'établir le contrôle poli-
tique
des
instances
nouvelles
sans
devoir
expliquer
la
contradic-
tion entre l'indépendance que leur confèrent les textes et les termes
de l'article 20 de la Constitution de 1958.
Cette
dissonnance
fait
néanmoins
problème
elle
appelle
de ce fait quelques observations.
On peut résumer l'analyse des auteurs relative au contrôle
politique des Autorités Administratives Indépendantes autour de deux
données.
La
première
réside dans
le
fonctionnement
même du système
politique qui est exclusivement bâti sur la prééminence des autorités
poli tiques.
Cela
signi fie
en clair que
la responsabi lité de
l' organi-
sation et du fonctionnement des structures de l'Etat incombe en der-
nière instance aux élus, le Président de la République et le Parlement,
desquels le gouvernement dépend et qui doivent par ailleurs en répondre
devant leur mandant.
Il en découle pour le moins, comme le montre bien Catherine
Teitgen Colly, une soumission virtuelle des Autorités Administratives
Indépendantes
au
pouvoir
politique
(60).
M.
Sabourin
va
plus
loin
encore
en
affirmant
que
cette
soumission
au
pouvoir
poli tique
est
incontestable (61).
(60) Voir son article , "Histoire d'une Institution", communication au Colloque préci-
té, p. 47.
(61)
Voir
"Les
Autorités
Administratives
Indépendantes
dans
l'Etat",
op.
clt.,
p.
93 et s.

- 238 -
Ainsi
concernant
la
création
des
nouveaux
organismes,
cet
auteur
fait
observer
que
If initiative
revient
au
gouvernement qui,
en
l'absence de
limitations constitutionnelles,
peut en user libre-
ment
il
en
est
d'ailleurs
de
même
pour
leur
suppression.
Il
souligne
par
ailleurs
que
c'est
encore
cette
classe
politique
qui
procède
au
choix
des
membres
devant
siéger
au
sein
des instances; d'où une possibilité d'alignement politique des seconds
à l'égard de la première catégorie.
De
fait,
on
retrouve
quasiment
les
mêmes
arguments
chez
la
plupart des
auteurs,
notamment
dans
leurs
analyses
relatives au
Fonctionnement
des
Autorités
Administratives
Indépendantes
(62).
Ils
font
ainsi
remarquer
que
ces
autorités
dépendent
du
gouvernement
au
triple
plan
matériel,
humain
et
juridique
(63).
Les moyens matériels et humains de provenance gouvernementale
sont d'une part les locaux et les machines et d'autre part le personnel
administratif.
Leur
subordination
juridique
est
relative,
quant
à
elle, à la soumission de leur pouvoir de décision à l'égard du pouvoir
réglementaire général du gouvernement.
D'ailleurs à
ce
propos
les
analystes
invoquent volontiers
les
décisions
des
juges
administrati f
et
constitutionnel,
qui
leur
servent,
dans le même temps, de second fondement pour leur raisonne-
ment (64)
Ainsi
pour
MM.
Colliard,
Dupuis,
Mais1
et Drago,
l' exis-
tence
d'un
contrôle
politique
réel
des
Autorités
Administratives
Indépendantes
découle
de
la
fausseté
de
leur
"indépendance"
(65).
(62) Cf. MM SABOURIN, C. TEITGEN-COLLY, ibid et J. CHEVALLIER, "Réflexions sur l'insti-
tution
des
autorités
administratives
indépendantes",
in
J.C.P.
1986,
op.
cit.
(63) Voir nos développements, supra Ch. 2 du T. 1 et T.2.
(64)
Nous
renvoyons à l'analyse de ces décisions, supra jnot. Celles
du Cons. Const.
des
18 septembre 1986 et 23 janvier
1987 et C.E. Ass. 20 Mai
1985, Labbé et Gaudin.
(65)
Cf.
MM.
COLLIARD,
DUPUIS,
MAISL
in Les Autorités Administratives
Indépendantes
colloque précité et R. DRAGO "Le Conseil de concurrence", op. cit.

- 239 -
Cet te dépendance à l'égard du gouvernement serait dès lors
la conséquence logique de leur nature administrative.En fait il nous
semble
que
cette
doctrine
s'inspire
totalement
de
la
thèse
émise
par
le
Conseil
d'Etat
à
l'occasion
de
l'arrêt
Rétail
et
confirmée
depuis lors par le juge Constitutionnel lui-même (66).
On ne doit cependant pas oublier que des analyses semblables
sont
faites
aussi
concernant
les
expériences étrangères,
y compris
celles des Etats Unis
et
de
la Grande Bretagne qui
font
figure
de
pionniers en la matière (67). En Grande Bretagne la dépendance politi-
que des Quangos à l'égard des ministères semble ne pas faire de doute
eu
égard
au
système
de
nomination
de
leur
collège
directorial
par
les chefs des départements administratifs (68).
Aux Etats Unis même,d
'éminents auteurs envisagent l'hypo-
thèse
selon
laquelle
les
agences
de
régulation
appartiendraient
au
domaine
politique
du
Président
(69).
Ce
que
ne
manque
d'ailleurs
pas d'accréditer
le contrôle budgétaire que la cellule de la Maison
Blanche exerce sur ces autorités (70).
Néanmoins
ce
constat
de
rapprochement
avec
l'étranger
ne
saurait
justifier
que
la
doctrine
s'aligne
totalement
derrière
le
juge
qui,
en
la
circonstance,
adopte
une
position
conservatrice.
Car
ce
faisant
elle
s' interdit
à
la
fois
de
relever
le
caractère
atypique
des
Autorités
Administratives
Indépendantes
et
de
dénoncer
l'obsolescence
de
l' édi fice
institutionnel
et
juridique
du
système
français,
sous
peine
de
nuire
à
sa
cohérence.
(66) voir nos analyses consacrées à la question, supra.
(67) Cf. nos analyses relatives aux données comparatives (supra, p. 132 et s.) et les
références bibliographiques qu'elles contiennent.
(68)
voir en ce sens M. Jacques FIALAIRE, "L'évolution récente des Quangos en Grande
Bretagne ... ", op. cit.
(69)
Cf.
K.C.
Davis,
Administrative
Law
and
Government,
précité,
p.
20
et
s.
(70) Sur cette question, voi r Michèle Ruffat,
"Le débat sur la réglementation écono-
mique
fédérale.
Rationalisation ou
désengagement
?"
R.F.S.P.
1980.2.
p.
834.

- 240 -
B. La critique
La
position
de
la
doctrine
qui
s'inspire
d'ailleurs
des
thèses gouvernementales en la matière, relève en réalité d'un "équili-
brisme" fragile (71).
En effet,
tout en étant
fortement
attachés à la hadi tion,
en
l'occurrence
le
souci
de
ne
pas
voir
les
nouvelles
institutions
échapper
dans
l'exercice
de
leur
pouvoir
au
contrôle,
les
auteurs
n'en
rejettent
pas
pour
autant
une
expérience
nouvelle
qui
s'avère
nécessaire de surcroît.
Ainsi
s'expliquent
les
prises
de
position
contradictoires
de
certains
d'entre
eux,
comme
le
Président
J.
Donnedieu
de
Vabres
qui
voit
dans
le
Conseil
de Concurrence
à
la
fois
un instrument de
la
politique
économique
du
gouvernement
et
un
organisme
sur
lequel
ne pèse aucun contrôle politique (72).
On
peut
par
ailleurs
citer
H.
Maisl
qui
reconnaît
dans
un
même
mouvement
le
caractère
excessi f
du concept
"dl indépendance"
des autorités au plan juridique et sa réalité dans le domaine politi-
que (73).
Or,
on
sait
bien
qu'il
est
di fficile
de
séparer
les
deux
d'autant
plus
que
le
juridique
reste
une
création
du
politique.
De
fait c'est précisément parce qu'en France le pouvoir politique régente
tout
et
que
cela
a
conduit à des déviations dans
la mise en oeuvre
de l'Etat de droit que le besoin de créer les Autorités Administratives
Indépendantes s'est fait sentir.
(71) Dans des propos tenus devant le Parlement à l'occasion des débats qui précédaient
le vote de la loi du 30 septembre 1986, M. Léotard, ministre de la Culture et de la
Communication réaffirmait l'attachement du gouvernement à la fois au caractère adminis-
tratif et à l'indépendance de
la C.N.C.L.
Voir par exemple les comptes-rendus des
séances des 1er juillet 1986 pour le Sénat et 4 août 1986 (1ère séance)pour l'Assemblée
Nationale, J.O. respectifs pp. 2132 et 3991.
(72) op. cit.
(73) Cf. Actes du Colloque, op. cit., p. 75 et s.

- 241 -
Il
serait
ainsi
dommageable
d'arrimer
ces
instances
aux
auto ri tés poli tiques
;
car ce
faisant
on retomberait tout simplement
dans
les
travers
qu'on
s'évertue
à
éliminer.
Cette
idée
est
d' ail-
leurs parfaitement élucidée par le Médiateur dans ses critiques relati~
ves à la décision du Conseil d'Etat Rétail (74).
En
tout
état
de
cause,
on
ne
peut
que
prendre acte de la
consécration par le législateur de leur "indépendance" ; ce qui préfi-
gure
la
di ffraction
ou
le
pol ycentr isme
du
pouvoir,
donc
à
terme
sinon
la
remise
en
cause
du
moins
la
fissure
du
système
poli tique.
§ 2.
La
réalité
du
problème
de
la
responsabilité politigue
Malgré
les
remous
du
début
des
années
soixante - dix,
on
peut
s'accorder
pour
dire
que
le
fonctionnement
des
institutions
publiques
françaises
continuait
d'osciller
tant
bien
que
mal
entre
deux pôles opposés
la logique du système représentatif traditionnel
et l'exigence de la démocratie administrative (75).
Seulement dans une période de crise du modèle de démocratie
unitaire
comme la
nôtre,
ce
mouvement
de
balancier
révèle
vite
les
limites
de
l'application
concrète
de
l'Etat
de
droit
(76) •
Dès
lors
les
autorités
publiques
sont
sommées
d'imaginer
un moyen de correction,
ne serait-ce qu'au prix d'un sacrifice, comme
l'"auto-défiance", par exemple (77).
(74) Voir supra pp. 25, 127 et s.
(75) Pour l'approfondissement de la question, cf. M.C. HENRY-MEININGER, "La participa-
tion
des
usagers",
colloque
I.F.s.A.,
R.F.A.P.
nO
26,
op.
cil.,
p.
190.
(76) La mise en cause de ce modèle s'est notamment traduite sous la forme de mouvements
de
contestation
comme
i l
y
en
eût
pour
"l'école
libre"
et
les
radios
privées.
Voir
les
développements
qui
y sont consacrés par MM. L. COHEN-TANUGI,
Le Droit sans
l'Etat,
op.
cil.,
p.
16 et s.
j
M. CROZIER, La société bloquée, op.
cil., p. 20 et s. et Etat Modeste ... op. cil., p. 67 et s.
j
J. RIGAUD et X. DELCROS ,
Les Institutions ... Les structures, op. cit., pp. 62 et 89.
(77) Cf. Pr. RIVERO, "Questions" in conclusions du Colloque sur les Autorités Adminis-
tratives
Indépendantes,
op.
cil.,
p.
309 et P.
BOURETZ,
article
in "Libération" du
21 janvier 1988.

- 242 -
C'est
l' insti tution des
Autorités
Administratives
Indépen-
dantes,
destinées
à
jouer
le
rôle
de
contre-pouvoirs.
On
pourrait
par ailleurs approfondir cette idée et dire que ces autorités consti-
tuent
une
sorte
d'étape
nouvelle dans
l'évolution de
la théorie de
la séparation des pouvoirs (78).
Il
semble
que
pour
le
Baron
de
Labrède,
cette
théorie
sous-tend
un
compromis
entre
le
"vouloir"
du
pouvoir
législatif
et le souhait du pouvoir exécutif.
Pour M.
Manent,
ce couple est aujourd'hui relayé par l'op-
position et la majorité dont l'entente se fait désormais sur ce qu'el-
les
ne
veulent
pas
(79).
C'est
ce
qui
a
permis
selon
l'auteur
la
création de
la
C.N.C.L.
en dehors de
toute sphère d'influence.
Une
telle thèse est fort séduisante. Elle laisse cependant de côté l'obli-
gation pour le gouvernement en place de diriger l'action administra-
tive.
A.
Le fonctionnement traditionnel du système poli-
----------------------------------------------
tique français
Dans un ouvrage récent qu'il consacre à l'étude comparative
des systèmes politiques français et américain, M. Laurent Cohen-Tanugi
annonce
la
faillite
prochaine
du
modèle
de
régulation
étatique
en
France et corrélativement son
remplacement par celui de la "société
contractuelle" (80).
Parmi
les
signes
annonciateurs
de
cet
évènement
l'auteur
cite
la
création
des
Autorités
Administratives
Indépendantes
qui
devront ainsi à terme renverser la primauté du politique sur le juri-
dique.
(78) Voir en ce sens M. Pierre MANENT, Histoire intellectuelle du Libéralisme, Collec-
tion "Pluriel", Calman-Lévy 1987, p. 119 et s.
(79) Ibid.
(80) Cf. Le Droit sans l'Etat, précité.

- 243 -
De
fait
une
telle
analyse
que
nous
partageons
aussi
doit
cependant
faire
l'objet d'une
précision supplémentaire
:
c'est
l' in-
suffisance
de
la
solution
adoptée
pour
sortir
l'appareil
public
de
la "crise"
qu'elle traverse (81). Car l'autorité politique ne délègue
à
l'autorité
nouvelle
qu'un
pouvoir
de
décision
formel
ce
qui
ne
permet
nullement
de
s'attaquer
à
l'origine
du
dysfonctionnement,
à
savoir
le
poids
de
l'étau
étatique
sur
la
société
ci vile
(82).
En effet un tel aménagement ne concerne que l'ordre juridi-
que.
Il
laisse
intact
le
système
poli tique
lui-même
qui
demeure
la
source principale de tout pouvoir dans l'Etat.
Plusieurs
représentants
de
la
doctrine
nous
le
rappellent
opportunément
la
tradition
politique,
en
France,
repose
sur
le
principe
de
la
souveraineté
nationale
dont
le
respect
est
assuré
par la subordi nation de l'Administration à l' Exécuti f et par la respon-
sabilité de celui-ci devant le Parlement (83).
En
d'autres
termes
ce
sont
aux
autorités
politiques
que
revient
en
priorité
la
charge
de
représenter
la
nation.
Ceci
implique,
au
niveau
de
la
sphère
administrative,
que
toute
institution
qui
se
manifesterait
par
l'exercice
de
préroga-
ti ves
de
puissance
publique
soit
placée
sous
la
responsabilité
du
gouvernement
(exemple
manipulation
et
engagement
des
deniers
pu-
blics) (84).
(81) Celle-ci est relative à la représentation politique.
Voir L.
COHEN-TANUGI, op. ciL, Dominique ROUSSEAU,
"De l'Etat de droit
à l'Etat politique,
in l'Etat et son Droit,
op.
cit.,
p.
171
et
les contributions
de différents auteurs in les Autorités Administratives Indépendantes, colloque précité,
not. celles de H. Maisl et de S. Hubac et E. Pisier.
(82)
A propos
du
poids
de
cet
"étau",
cf.
Cohen-Tanugi
et
Crozier,
op.
ciL
(83)
Cf.
en ce sens MM. CHEVALIER et LOSCHAK, Science Administrative,
T.
1, p.
177,
RIGAUD et DELCROS, J. CHEVALIER in J.C.P.
1986 et les communications reproduites dans
l'acte
final
du
colloque consacré aux Autorités Administratives
Indépendantes,
op.
ci L

- 244 -
Cette conception des rapports publics est du reste amplement
partagée par les pays de l'Europe Occidentale (85).
Cependant dans le cas de la France, la logique de rattache-
ment
des
Autorités
Administratives
Indépendantes
semble
contrariée
par l'affirmation de leur "indépendance", notamment au plan fonction-
nel.
B. 1~__~~gj_~~~_r~~~t~~~~~~~~_2~~_8~1~Ej1~~_~j~j~j~~_
~~~~!~~~_!~2~~~~2~~~~~
L'évocation
des
positions
de
la
doctrine
qui
soutiennent
l'encadrement
déjà
réalisé
ou
sous-jacent
des
nouveaux
organismes
nous a permis de constater qu'un
tel
fait
se résumait comme le dit
Mme
Teitgen-Colly à
"un
dérapage,
une dérive par rapport au modèle
souhaité" (86).
Celui-ci consiste,
rappelons-le, à introduire certains chan-
gements au sein de l'ordre juridique,
notamment celui qui donne aux
autorités
nouvelles
la
possibilité
d'affirmer
leur
"indépendance"
à l'égard des autorités gouvernementales.
Le
rôle
que
le
législateur
entend ainsi
leur
faire
jouer
apparaît
clairement
s' ér iger
en
intercesseurs entre
les
citoyens
et les pouvoirs publics, à chaque fois que les circonstances l'exigent,
dans
les
domaines
qui
touchent
aux
droits
et
libertés du citoyen
(exemple
en
informatique
ou
dans
la
communication
audiovisuelle)
(87).
Une
telle
fonction
n' est cependant pas impartie à toutes les
instances.
(84) Voir supra à propos de la défjnition de l'Administration par le Doyen VEDEL dans
son ouvrage, Droit Administratif, ge éd., P.U.F., préface. Cf. par ailleurs M. BRAIBANT
à propos de la C.N.C.L.,
intervention au Colloque sur les Autorités AdminIstratives
Indépendantes, op. cit., p. 289.
(85) cf. supra p. 132 et s.
(86) Cf. son article au colloque précité, p. 47.
(87) voir supra T. II, 1ère partie.

- 245 -
Ainsi certaines d'entre elles comme la C.A.D.A., se situent
plus du côté de l'administration que celui de l'administré. En réalité
pour
les
autres
"Autorités
Administratives
Indépendantes",
la
mise
en oeuvre des tâches qui leur sont imparties s'avérera pour le moins
di fficile
dans
la mesure où
les trans formations
précédemment
visées
ne touchent pas l'ordre politique.
Un
espoir
subsiste
toutefois
l'adhésion
de
l'ensemble
du personnel politique à la finalité qui sous-tend le phénomène nou-
veau. Cela signifierait que les hommes politiques auront compris qu'il
y va de leur propre intérêt de susciter le perfectionnement de l'Etat
de
droit
en
s'abstenant
d'exercer
leurs
compétences
dans
l'unique
but de détourner le mouvement des Autorités Administratives Indépen-
dantes des objectifs initiaux.

- 246 -
CHA PIT R E
2
LE ROLE DES AUTORITES ADMINISTRATIVES INDEPENDANTES DANS LE
PERfECTIONNEMENT DE L'ETAT DE DROIT
J.P. Henry définit l'Etat de droit
comme "un système d'orga-
nisation
dans
lequel
l'ensemble
des
rapports
sociaux
et
politiques
sont soumis au droit" (1).
Cette
définition
est
exhaustive.
Elle
occulte
néanmoins
la place
réelle que
l'Etat
occupe
au
sein
du disposi ti f
car c'est
cette
structure
politique
qui
crée
la
norme
juridique
à
laquelle
elle est censée obéir (2).
La précision est d'importance.
En effet la sus-dite formation ne se présente plus aujourd'
hui dans l'unique fonction "de promotion et de sécurisation collective",
elle est aussi un agent potentiel d'oppression et surtout un entrepre-
neur dont l'intérêt ne cOlncide pas toujours avec celui de la société
en général (3).
C'est d' ailleurs ce que les acteurs économiques ont 'compris
puisqu 1 ils
ont
demandé
et
obtenu
la
mise
en
place
d' une
autorité
de
régulation
impartiale
dans
leur
domaine
professionnel
(4).
(1) Cité in J. CHEVALLIER, "L'Etat de droit", R.D.P. 2.88 p. 313.
(2)
La création des Autor ités Admini s trati ves
Indépendantes
tend sinon à renouveler
du moins à prolonger le débat classique entre les tenants de l'autolimitation et les
auteurs qui
soutiennent
la
thèse de
la
limitation objective de
l'Etat.
Voir
infra.
(3) Cf. J. CHEVALLIER, op. cit. et
J. CAPRION, "Etatde droit vu par le juge administra-
tif", in l'Etat et son Droit, op. cit., p. 133.
(4) Cf. O. DUGRIP, "Les Autorités Administratives Indépendantes en Droit Economique
Quelle séparation du Politique ?", op. cit.

- 247 -
L'institution
des
Autorités
Administratives
Indépendantes
apparaît ainsi comme le parallèle du rejet de la conception monolithi-
que de l'intérêt général.
De
façon
plus précise,
elle répond au dépérissement d'une
certaine idée de l'Etat en essayant de promouvoir une autre approche
de l'action publique, la neutralité.
I l
existe
toutefois
une
autre
interprétation,
celle
de
D.
Rousseau notamment,
selon laquelle le mouvement se fonderait sur
le
décalage
qui
existe
entre
les
idéaux
et
sentiments
collectifs
et
leur
traduction
dans
les
faits
par
le
pouvoir
politique
( 5 ) .
Cette
opinion
semble,
il
est
vrai,
mieux
concorder
avec
l'actualité
le
recul
de
la participation des citoyens aux diffé-
rents scrutins qui ont eu lieu en 1988.
Dans
tous
les
cas,
l'institution
des
"autorités
indépen-
dantes"
aura
pour
effet
immédiat
de
rehausser
l'image
de
l'Etat.
Car qu'elle apparaisse comme expression d'un réajustement de l'appli-
cation
du
droit
ou
tout
simplement
comme
phénomène
d'occultation
des
rapports
avec
la
société
ci vile,
le
résultat
sera
toujours
le
même.
Cependant dans ce dernier cas,
la démysti fication pourrait
entraîner
la
dépréciation
du
rôle
de
l'Etat
dans
la
société.
(5) D. ROUSSEAU, "De l'Etat de droit à l'Etat politique", op. cit.

- 248 -
SECTION 1 - LES AUTORITES ADMINISTRATIVES INDEPENDANTES: L'EXPRESSION
D'UNE VOLONTE DE REAJUSTEMENT DE L'ETAT DE DROIT
Le concept d' Etat de droit" semble renaître dans l'univers
de la pensée par un effet de mode relative à la crise de l'Etat (6).
En effet,
malgré
la
persistance d'importants
îlots "d' in-
fra-droit .. ,
son application a toujours fait l'objet,
de la part des
auteurs, d'un jugement positif (7).
Aussi dans la majorité de la doctrine tout se passe comme
si son évolution linéaire s'est tout à coup figée et que le problème
principal
consiste
aujourd'hui
à
rétablir
les
conditions
qui
ont
jusque-là permis son épanouissement.
On retrouve de
tels propos notamment sous la plume du Pr.
Chevallier
mais
ils sont con formes au discours dominant qui
voit
dans les Autorités Administratives Indépendantes un nouvel instrument
de perfection de l'ordre juridique (8).
De façon plus implicite, les analystes affirment l'incapacité
pour le juge à jouer dans la société actuelle le rôle de moteur qui
fut
longtemps
le
sien
en
matière
de
protection
des
droits et
des
libertés
des
individus.
Ils
reconnaissent
toutefois
qu'il
a
bien
géré le patrimoine légué par les "révolutionnaires" de 1789 ; mieux,
il l'a enrichi, dans certains cas.
(6) Cf. les nombreux articles qui sont consacrés aujouI::j'~,:J~ 2. ]a question, notamment
ceux qui sont
reproduits dans
les Travaux de la Mission relative à la Modernisation
de l'Etat,
sous la direction de Dominique COLAS,
l'Etat et son Droit,
op. cit. Voir
en
particulier ceux
de MM.
MIAILLE,
ROUSSEAU
et
AUTIN
respectivement aux pp.
145,
171 et 215.
(7)
Voir
MM.
B.
BARRET-KRIEGEL,
L'Etat
et
la
Démocratie,
La
Doc.
Fr.
1986
;
J.
CHEVALLIER, "l'Etat de Droit", op. cit. et la revue Pouvoirs nO 46, 1988, "Droit Admi-
nistratif
- Bilan critique".
(8) Ibid.

- 249 -
De
façon
globale
la
doctrine
circonscrit
le débat
autour
de
certains
facteurs
relatifs
surtout
à
l'évolution
technologique
ou au renouveau idéologique.
Nous pensons cependant que les fondements de la crise doivent
être recherchés dans la tradition politique (9).
Car il est bien évident que la création des nouvelles auto-
rités
s'inscrit
dans
une
mouvance
inverse
la
"démythification"
de l'Etat de droit.
En d'autres termes l'objectif est désormais de mieux s'appli-
quer à traduire ses postulats dans les faits.
L'étape
ultime
d'une
telle
évolution
pourrait
bien
être
ce
que
le
Pr.
Timsi t
appelle
le
"sociocentrisme"
(10).
Mais
pour
l'instant,
la
réalité
contemporaine
n'est au
mieux
que
celle d'une
régulation mixte Etat/Société.
§
1.
La
tradition
la
distribution
"statocentrique"
du
pouvoir
La
mise
en
cause
de
la
responsabilité
du
juge
à
propos
de
l'application
insuffisante
ou
défectueuse
des
règles
de
droit
est par fai tement compréhensible.
Les conséquences de cet te responsa-
bilité se font ressentir il est vrai, sur le patrimoine et la personne
du
citoyen,
de
manière
immédiate
et
par fois
lourde
(11) .
(9) Nous avons évoqué quelques aspects de la crise, notamment à propos de l'analyse
des fonctions des nouveaux organismes. Nous aurons cependant l'occasion d'y revenir.
(10)
Voir
M.
Gérard
TlMSn,
"Sur
l'Engendrement
du
Droit",
R.D.P.
1.88,
p.
39.
L'auteur oppose le concept de "sociocentrisme" qui désigne schématiquement
un système dans lequel la production normative émane de la société, à celui de "stato-
centrisme" dans lequel, ce rOle est tenu par l'Etat.
(11) Pour la majorité des auteurs que nous avons cité dans ces développements la crise
est celle du système juridique lui-même: c'est, en d'autres termES une mise en cause
de ceux qui sont habituellement chargés d'appliquer le droit.

- 250 -
Il faut cependant en relativiser la teneur car comme l'expli-
que
L.
Cohen- Tanugi,
la
fonction
juridique
subit
la
domination
de
la fonction politique, en France (12).
Aussi la juridiction doit souvent composer avec le pouvoir
politique, sous peine de porter atteinte à la volonté du peuple qu'il
représente.
L'affirmation
simplifie
trop,
peut-être,
les
rapports
entre les institutions de l'Etat, elle n'en donne pas moins une idée
exacte.
Le pouvoir étatique gît au sein du
poli tique
; cela est
une constante qu'on observe de la Révolution Française à nos jours.
Sans
prétendre
résumer
tous
les apports de
1789,
on peut
se borner à relever que l'objectif majeur poursuivi alors était l'éli-
mination du pouvoir royal et le transfert de l'expression de la souve-
raineté nationale aux députés.
On connaît
l'in fluence
de
J. J.
Rousseau
sur
les
idées de
l'époque ; elle aboutit à consacrer la suprématie de la loi au sein
de l'édifice normatif.
Celui-ci
comportait,
bien sûr,
dans ses étages supérieurs
des droits et des principes, notamment ceux que proclament la Décla-
ration et
la Constitution,
auxquels
la norme
législative
devait se
soumettre.
Cette
hiérarchie
n'était
cependant
que
formelle
car
dans
l'esprit des "Révolutionnaires" la loi ne saurait passer outre, elle
ne saurait faire mal.
(12) Cf. Le Droit sans l'Etat, op. cit., p. 6 et s.

- 251 -
D'ailleurs
une
telle
illusion
apparatt
clairement
comme
l' écri t
le Pr.
Chevallier,
dans le
fait que la Déclaration "renvoie
systématiquement à la loi pour la délimitation concrète des conditions
d'exercice des droits proclamés et
la délimi tation de leur étendue"
(13).
Ce qui
rendait alors
factice,
selon
l'auteur,
"la prééminence
accordée aux droits de l'homme et leur mise hors d'atteinte des pou-
voirs institués".
Il
en
découle
une
instabilité
potentielle
qui
se
fonde
sur l'effet de conjonction entre la théorie de la souveraineté natio-
nale et le principe de l'infaillibilité de la loi et qui va d'ailleurs
se concrétiser par l'absence de garantie dans l'application du droit.
Cette affirmation est sous-tendue
par
le
fait
que
les deux
éléments précités aboutissent respectivement à exclure toute respon-
sabilité directe de l'élu devant ses électeurs et à empêcher le con-
trôle a posteriori de la loi (14).
On
peut
ainsi
s'accorder
facilement
avec
J.
Chevallier
pour dire que le socle sur lequel
repose le droit public français
reflète le caractère monolithique du pouvoir démocratique.
Le légis-
lateur aurait raison dans tous les cas parce qu'il était censé traduire
fidèlement
la
volonté
de
la
Nation,
laquelle
ne
pouvait
être
que
le bien,
même lorsqu'il s' agissai t
de tenir une décision de justice
en échec (15).
(13) "L'Etat de droit", op. cit.
(14)
En
fait,
même
la reconnaissance du contrôle a priori a été tardive.
Celui-ci
ne
s'est
par
ailleurs
réellement
affirmé
qu'à
partir
des
années
soixante- dix.
( 15)
L'allusion porte
ici
sur
la possibi li té de vote d'une loi
pour entér iner une
situation qui est non conforme au droit et déjà sanctionnée par le juge. D'un point
de vue général, il y a une large mise en cause du législateur français par les auteurs
à propos de la construction de l'Etat de droit. Ceci ressort des reproches ambivalents
qui
lui sont
faits aussi bien pour
le caractère trop général des lois que pour la
trop grande précision de certains textes.
Le premier reproche aurait tendance à renforcer le pouvoir discrétionnaire
de l'administration.
Voir sur ce point, G.
TIM5IT,
article précité et J.L. AU TIN , "Illusion
et vertus de l'Etat en droit administratif",
in l'Etat et son Droit,
op.
cit.,
p.
145.

- 252 -
Les effets de ce monopole trouvaient par ailleurs une aggra-
vation dans le caractère trop général des textes votés ; ce qui permet-
tai t
à
l' Exécuti f et à son administration de béné ficier d'une marge
de
manoeuvre
importante
à
l'occasion
de
leur
mise
en
oeuvre.
Il
va
s'en
dire
que
la
vigilance
du
juge
administratif
ne
suffisait
pas
toujours
dans
ces
conditions
à
contrecarrer
les
actions illégales (ou disons à la limite de la légalité) de l'adminis-
tration (16).
De
façon
plus
précise,
on
peut
même
soutenir
que
parmi
les fondements de l'Etat français il n'y a pas de dispositions claires
permettant aux
tribunaux de contraindre celui-ci à
respecter l'Etat
de droit.
D'ailleurs,
interdiction
leur est
faite
de s'ingérer dans
les affaires administratives
(loi des 16 et 24 août 1790)
si leurs
membres ne relèvent pas de l'ordre administratif.
En
définitive,
il
s'avère
exact
d'affirmer,
ainsi
que
le
Pr. Morange le fait à propos de la Déclaration de 1789, qu'il s'est
agi beaucoup plus de dénoncer les injustices passées que d' insti tuer
des
voies
concrètes
qui
soient
susceptibles
d'empêcher
l'Etat
d'y
porter atteinte lui-même, à l'avenir (17).
Ceci expliquerait les relations hiérarchiques qui s'étaient
alors instaurées entre l'Etat et la société (18).
(16)
D'ailleurs ce
juge a des affinités particulières avec l'administration.
Voir
infra.
(17) J. MaRANGE, Libertés Publiques, P.U.F., 1985, p. 1.
(18) Les auteurs expriment ce fait de plusieurs façons. Cf. MM. COHEN-TANUGI, CROZIER
et M.C. HENRY-MEININGER, op. cit. De fait, c'est dans la conception de l'intérêt général
que cette ascendance de l'Etat sur la société apparait le mieux. Car le concept précité
représente aujourd' hui ce qu 1 on appelle une "Auberge Espagnole" Où l'Etat range ce
qu'il veut.
Aussi il serait nécessaire de le réinventer. Voir infra.

- 253 -
Mais
celles-ci,
contrairement
à
tous
les
rapports
d'une
telle
nature,
ne
faisaient
l'objet
d'aucun
encadrement
juridique
(du moins celui-ci était ignoré)
dans
la mesure où
le comportement
de l'Etat était libre.
Ce qui n'étonne pas outre mesure car le Parlement assumait
à
l'époque
non
seulement
le
rôle
d'impulsion
de
l'Etat
de
droit
mais symbolisait aussi le pouvoir étatique.
Il
perdra
néanmoins
cet te
prépondérance,
à
la
faveur
du
phénomène majoritaire, au profit de l'Exécutif.
L'effet
de
cette
mutation
sur
la
garantie
réelle
d'une
bonne
mise
en
oeuvre
de
l'Etat
de
droit
reste
cependant
minime.
B.
L'avènement
de
la
Constitution
de
1958
et
L'introduction
de
l'exécutif
dans
le
processus
normatif
remonte certes, bien avant
la Ve
République.
Mais
il
est
important
de
noter
que
le
pouvoir
législatif
garda
sa
prééminence
jusqu'à
la
fin
de
la
IVe République au
cours de laquelle on l'a vu
faire
et défaire les gouvernements.
Dans ces conditions il était logique pour les Constituants
de limiter le pouvoir parlementaire en créant une cour constitution -
nelle et de procéder dans le même temps à un rééquilibrage des compé-
tences en
faveur
de
la
branche
exécutive
(19).
Celle-ci
bénéficia
(19)
Cf.
L.
FAVOREU,
"Le contrôle
de constitutionnalité des normes
juridiques par
le Conseil constitutionnel",
Rapport présenté par la délégation
française à la VIle
Conférence
des
cours
constitutionnelles
européennes
(Lisbonne,
26-30
avril
1987),
R.F.O.A. 1987, p. 844

- 254 -
alors,
en
plus
de
la
traditionnelle
application
des
lois,
d'une
certaine initiative dans la production normative (20).
Mais dans les faits, cette prérogative se révèlera préjudi-
ciable
au
système
démocratique
dans
la
mesure

par l' effet
du
"parlementarisme
majoritaire
rationalisé",
le
parlement
ne
jouera
plus
son
rôle
de
contre-pouvoir
à
l'égard
du
gouvernement
(21).
Celui-ci
assurera
désormais
de
façon
quasi-exclusive
la
fonction de création des normes juridiques et celle de représentation
de
la
structure
politique
nationale.
D'où
une
sorte
de
confusion
entre
le
droit
et
l'Etat
ou
pour
être
plus précis
la disparition
du premier dans le second.
Il
faut
cependant
dire
que
cette
situation
n'a
jamais
dérangé
outre mesure
la
doctrine classique qui était beaucoup plus
sédui te,
comme le montre si bien Michel HALBECQ,
par CREON que par
ANTIGONE (22).
D'ailleurs,
aux
yeux
d'illustres
auteurs
comme
Hauriou
et Carré de Malberg la nécessaire soumission au droit était corroborée
par
le
caractère
élitiste
et
unilatéral
de
la
production normati-
(20) Ce type d'évolution n'est d'ailleurs pas propre à la France, il se retrouve aussi
pour des raisons diverses dans presque tous les Etats Occidentaux.
(21) Le "parlementarisme majoritaire rationalisé" désigne, en droit constitutionnel,
la situation dans laquelle le chef du gouvernement bénéficie d'une majorité parlemen-
taire acquise et dévouée du fait même qu'il dirige la formation dont cette majorité
est issue.
Il est vrai qu'en France on ne peut pas interpréter la fonction de contre-
pouvoir que le Parlement remplit surtout depuis 1958 de la même façon qu'aux Etats-
Uni s,
par exemple où
le Congrès et
le Président se neutrali sent mutuellement. Car
dans le système français c'est le souci d'un bon fonctionnement des institutions sur
la base d'une collaboration, qui prédomine.
(22)
Michel HALBECQ,
L'Etat,
son Autorité,
son Pouvoir
(1880-1962),
Thèse Sciences
Politiques, Université de Paris, Faculté de Droit et des Sciences Economiques, L.G.D.J.,
1964, pp. 8 et suiv.

- 255 -
ve
(23).
Cette
position
reflète
par
ailleurs
à
la
fois
l'adhésion
à
la
conception
kelsenienne
du
droit
et
l'influence
hégélienne
de
la théorie de l'Etat (24).
De
cette
confusion
entre
l'Etat
et
le
droit
surgit
une
donnée
qui
sera
perçue
comme
immanente
c'est
la
domination
du
droit
par
le
politique qui apparaît d'ailleurs clairement à
travers
la
bataille
que
se
livrent
les
autorités
poli tiques
autour
de
la
Constitution, enjeu plus que cadre de délimitation des pouvoirs (25).
Ainsi
en
arrive-t-on
à
une
sorte
de
renversement
de
la
définition plus haut citée, de l'Etat de droit par J.P. Henry, situa-
tion
dans
laquelle
le
droit
apparaît
plus
que
jamais
figé.
C'est
ce
caractère statique
que
dévoilent
les
découvertes
scienti fiques
et
techniques contemporaines parce qu'elles permettent
de
mesurer
le
fossé
qui
existe
entre
les
exigences
d'une
société
moderne et le contenu des droits classiques.
Dans
ce
domaine
précis
si
la
responsabilité
précédemment
évoquée des auteurs classiques est établie,
on peut aussi s'interro-
ger sur celle d'une
partie
de
la
doctrine actuelle dont
les propos
sur l'achèvement de l'Etat de droit ont pu avoir pour effet de sonner
une
sorte
de
trève
dans
le combat
mené
jusque

pour
la
conquête
de droits nouveaux (26).
(23) M. HALBECQ en fait parfaitement la démonstration dans son ouvrage précité,notam-
ment
aux
pages
100
et
s.
pour
HAURIOU
et
387
et
s.
pour
CARRE
DE
MALBERG.
Quant à DUGUIT,
à l'opposé de ces auteurs,
il soulignait
la nécessité
de la traduction fid~le dans le droit positif de la donnée sociale. Notons que dans
la remise en question des rapports entre le droit et l'Etat consécutive à l'institution
des Autorités Administratives Indépendantes,il y a une sorte d'infirmation de la théorIe
de
l'autolimitation et une
relance parallèle de celle qui
est ch~re à cet auteur,
à savoir l'importance de la donnée objective dans la création de la norme. Nous y
reviendrons.
(24) Voir TIMSIT, "Sur l'engendrement du droit", précité.
(25)
Cf.
D.
ROUSSEAU,
"De l'Etat de droit
à l'Etat politique", op.
cit.,
p.
171.
(26)
Certains auteurs comme B.
BARRET -KRIEGEL et E. PISIER ont cru devoir parler a
pr ior i
de victoi re et même d' ach~vement de l'Etat de droit à propos de la création
du Conseil Constitutionnel.
Voir
J.
CHEVALLIER,
"L 'nat
de
droit",
précité,
not.
p.
338
et
s.

- 256 -
A cet égard, il faudrait parler d'une double erreur straté-
gique.
La première est
relative à un oubli
: l'Etat de droit cons-
titue, selon les mots du Professeur Chevallier, un mouvement progres-
sif de rationnalisation.
La
seconde
porte sur
la
non-dénonciation
de
la déviation
que l'on a observé à propos du choix originel du modèle de société
libérale. En effet selon Burdeau parmi les deux visages que présente
la notion de liberté, à savoir d'une part "l'absence de contrainte"
et
d'autre
part
"la
faculté
de
participer
à
l'établissement
des
règles nécessaires au maintien de l'ordre social",
la France a opté
pour le second (27).
Or il s'est avéré que les autorités publiques s'évertuaient
plus
à
maintenir
cet
ordre
par
le
haut
(action
des
gouvernants)
que par le bas (participation des citoyens à l'élaboration des règles
nécessaires) .
Aujourd' hui
c'est
sur
ce
même
terreau
de
la
liberté que
se
fonde
la
contestation
du
monopole
étatique
sur
la
production
normati ve et que la création des Autorités Administratives Indépen-
dantes a précisément pour objet de désamorcer.
§
2.
La
nouveauté.
De
l'avènement
du
"sociocentrisme"
Pierre
Bouretz
nous
décrit,
dans
un
article
récent
sur
"l'héritage
des
Droits
de
l'Homme
en
France
et
aux
Etats
Unis",
l'évolution des modèles de société dans les deux pays (28). L'auteur
(27)
G.
BURDEAU,
les
Libertés
Publiques,
4e
éd.,
1972,
Paris,
l.G.D.J.,
p.
1.
(28) Cf. la revue Esprit nO 142 du 28 septembre 1988, p. 20.

- 257 -
insiste, à juste titre, sur les révolutions qui, de part et d'autre,
ont
jeté
les
fondements
d'une
pratique
de
ces
droits.
Celle-ci
a
permis d'un côté
l'instauration d'une
"démocratie unitaire" inspirée
par le contrat social de Rousseau,
et de l'autre un type de "société
contractuelle"déjà décrit
par A. de Tocqueville (29).
Si
l'on considère
alors
la
Communauté
de
philosophie
des
Droi ts
de
l' Homme
dans
les
deux
Etats, on
s' aperçoi t
que c'est
la
pratique
du
pouvoir,
di fférente
de part et d'autre de
l'Atlantique
qui
fonde
soit
l'emprise
de
l'Etat
sur
la société ou au contraire
le poids de celle-ci dans l'exercice de ce pouvoir.
Dès
lors
il
s'avère
normal
en
France,
que
la
faillite
du
"Tout
Etat"
inaugure
l'avènement
de
la
société
civile, (entre
autres)
par
le
canal
des
Autorités
Administratives
Indépendantes,
comme
véritable
partie
prenante
dans
le
processus
normati f.
Il s'agit peut-être là, du début de la phase dans laquelle
l'Etat se
contenterait
d'être
un
"Etat modeste" qui
prendrait acte
de la faillite du politique et d'un retour aux sources libérales (30).
A.
De la
failli te du Pouvoir ou
la dé fai te des
Le
rôle
de
garant
de
l'intérêt
général
joué
par
l'Etat
dans une démocratie libérale est essentiellement sous-tendu parI' idée
selon laquelle il arbitre les intérêts des individus ou des groupes.
(29)
Voir L.
COHEN-TANUGI.
Le Droit
sans
l'Etat,
précité,
Chap.
1,
p.
5 et suiv.
(30) Celui-là même dont nous parle M. CROZIER dans son ouvrage précité "Etat Modeste,
Etat Moderne". Un Etat qui ni interv iendrait pas partout et dans tout mai s se conten-
terait
de
laisser
agir
les
individus
pour
garantir
ensuite
leur
accord.

- 258 -
Autrement
dit
il
doit
d'une
part
se
borner
à
constater
l'accord
que
ceux-ci
passent
entre
eux
(ou à
défaut
reconnaître
simplement
une
décision qui
bénéficie
de
l'accord
de
la majorité)
et d'autre
part veiller au respect de cet accord (31).
Aujourd'hui
ce
sens
s'est
considérablement
élargi
(peut-
être même s'est-il dénaturé) du fait de la mondialisation de l'écono-
mie et par ailleurs d'une demande d'intervention des pouvoirs publics
de
la
part
du
citoyen.
Certes
ces
deux
facteurs
sont
réels
mais
ils
ne suffiraient à
expliquer
l' hypertrophie croissante de
l'Etat
qui asphyxie la société (32).
La
réalité
est
que
le
système
politique
est
malade
de
ses origines. En effet la transcendance des intérêts des particuliers
en
une
volonté
générale
exprimée
par
des
représentants ne
pouvait
tenir
face
à
la
réalité
de
l'exercice
du
pouvoir
dont
la
nature
incline par définition à la corruption.
Aussi
celui-ci
aura
vite
fait
d'opérer
une
inversion
de
l'équation
suivante
tirée
des
analyses
des
auteurs
classiques
Intérêt Général
~
Raison (de la personne transcendante, la
(expression)
Nation,))--~)dont les représentants se font le porte-parole ~elle de-
vient : n~rrésentants---tC dptentellrs) de J!3 REÜs0n
)
Intérêt.
(donc ce qu'ils expriment est
~orCPMent)
général (33).
(31) Quoiqu'en aient dit ROUSSEAU et SIEYES dont les analyses sont marquées par l'ex-
clusion entre intérêts particuliers et intérêt général. Une position qui fait l'objet
d'une bonne critique de la part de Mar ie-Pauline DESWARTt (Voi r "Intérêt Général Bien
Commun", R.D.P.
5.
1988,
p.
1289) qui,
cependant,
finit par retomber dans
le même
"piège" de la "personne transcendante" en préconisant
le remplacement de la notion
d "'Intérêt Général" par celle de "Bien Commun".
Nous verrons qu 1 en réali té intérêt
général et intérêts particuliers ne s'excluent pas forcément.
(32) Cf. RIGAUD et DELCROS, op. cit. p. 26.
(33)
En fait cet
Intérêt Général
se morcelle en réalité en plusieurs intérêts qui
ne sont rien de plus que ceux des représentants du fait même de l'opération d'interpré-
tation
qui
a
lieu
lors
de
la
conception
d'une
loi
ou
d'un
réglement.
Cf.
J.C.
RICCI,
"Droit et loi chez les légalistes",
in "La philosophie
à l'épreuve du Phénomène Juridique: Droit et Loi", Ve Colloque de l'Association Fran-
.... f ...

- 259 -
Seulement
ce
défaut
originel
n'excluait
nullement
une
possibilité
de
dépassement
dan~
l'exercice
du
pouvoir.
Et
c'est
parce que le pouvoir politique n'a pas su créer les conditions d'élar-
gissement de l'Etat de droit qu'il porte aujourd'hui une part essen-
tielle de responsabilité dans la crise.
Celle-ci est par ailleurs patente dans un interventionnisme
croissant,
dépourvu
de
justi fication
solide
et
qui
engendre de ce
fai t
des décisions dans lesquelles
le citoyen ne se reconnaît pas.
Il
est
vrai
qu'une
telle
situation
a
toujours
prévalu
dans
les rapports
entre
l'Etat
et
la société mais elle s'est exa-
cerbée
avec
l'avènement
des
lois
de
Vichy
(34).
Le
Président
de
Gaulle
a
tenté,
dans
un
sens,
d'atténuer
les
effets
de
celles-ci
en introduisant à la "Libération", le concept de "participation". Mais
cette notion était synonyme de concertation se limitant à des parte-
naires choisis au
sein des groupements
organisés dans
le monde du
travail ,comme les syndicats.
On le sait,
cela a contribué à
la naissance de la fronde
des "inorganisés" en mai 1968 (35).
Après cette date, on développe dans les cercles des intel-
lectuels,
le thème de l'autogestion qui postule une prise en charge
par
les
intéressés
de
leurs
propres
affaires.
Mais
sa
traduction
dans les faits est limitée à certains secteurs et béné ficie surtout
aux technocrates.
De
sorte
que
s'il
y
a
eu
élargissement
dans
l'exercice
du pouvoir,
il s'est borné à une collaboration entre la "technocra-
tie" et le politique. D'oD l'abstraction, dans la conduite des affai-
(suite de la note 33 page précédente)
çaise de Philosophie du Droit, Aix-en-Provence, 22-23 mai 1985, Collection des Publi-
cations du Centre de Philosophie du
droit,
Faculté de Droit Aix-Marseille,
P.U.F.
Aix-en-Marseille 1987, p. 105.
(34)
Celles-ci
sont votées au début des années quarante et
fondent
la présence de
l'Etat dans quasiment toutes les branches de l'économie nationale.
(35) En fait le mouvement ne s' es t pas seulement limité aux jeunes et aux "marginaux" -
personnes n'appartenant à aucune structure publique - mais il s'est aussi élargi aux
sy,..,dicats.

- 260 -
res
publiques
par
rapport
à
la
base
du
pouvoir
(la société),
qui
va
conduire
à
un
échec
dans
un
environnement
international
dominé
non plus par des entités (les Etats) mais par les forces du marché
(individus ou groupes d'individus) (36).
Cet échec n'est cependant que le reflet de celui qui existe
à l'intérieur des frontières nationales et dont l'expression a culminé
dans des faits qui polarisent aujourd'hui l'attention des analystes:
manifestations
politico-religieuses
comme
le
conflit
de
l'école
libre,
d'ordre
libéral,
syndical
comme
le
mouvement
des
étudiants
ou comme celui qui a eu pour thème les radios privées. A ces signes
vient s'ajouter un fait récent,
la désertion des urnes qui a atteint
en 1988 des "taux records" lors des différentes consultations électo-
raIes.
Il
est
vrai
que
cette
crise
de
confiance
vis-à-vis
de
la représentation politique trouve sa source, ainsi que nous l'avons
vu,
dans
les
fondements
même
du
système
à
savoir
la
sublimation
de la volonté des gouvernants en tant qu'intérêt d'un être transcen-
dant (37). On ne saurait pour autant oublier, comme nous avons voulu
le montrer
précédemment
et
suivant
les analyses de M.
CROZIER, que
le
principal
problème
dans
l'exercice
du
pouvoir
a
toujours
été
sinon
une
absence
de
volonté
du
moins
une
incapacité
des
hommes
politiques
à
promouvoir
une
réelle
participation
des
citoyens
à
la gestion des affaires du pays (38).
L'absence
de
mandat
impératif,
soulignée
par
ailleurs,
et l'inversion de l'équation posée dans les développements antérieurs,
ont
produi t
une
"classe
politique"
coupée
de
sa
base
et
dont
la
(36)Voir COHEN-TANUGI, op. cit., p. 16
M. CROZIER, "Etat Modeste
" précité, pp. la
et 67.
(37)
Une telle situation est résumée sous la plume de COHEN-TANUGI (voir supra) par
l'"insuffisance de culture juridique" qui se traduit par la prédominance du politique
sur
le juridique dans
le
réglement des conflits.
Cf.
aussi M.P.
OESWARTE, op.
cit.

- 261 -
fonction sera désormais synonyme, aux yeux de l'électeur, d'intrigues
et de combines.
Il ne reste plus alors,
comme ultime solution (à dé faut d'un boule-
versement
du
système
politique
lui-même,
qui
n'est
pas
à
l'ordre
du jour) qu'à initier une autre forme de médiation entre les citoyens
et le pouvoir (39).
D'où la création des Autorités Administratives lndépendan-
tes.
Ces
organismes,
plus proches en apparence des administrés
que
de
l' "Etat",
parce
que
composés
d' "hommes
du
terrain"
et
de
sages
indépendants
des
principaux
rouages
du
pouvoir,
rempliront
ce rôle de représentation.
Ils apparaissent alors, selon les mots de Jacques Chevallier
comme des institutions "Janus" (40).
Cette ambivalence se manifeste à deux niveaux
- Au plan des objectifs tout d'abord.
Les autorités nouvelles, puisqu'elles réunissent des spécia-
listes dans un domaine précis,
qui de surcroît constituent la voix
du citoyen, sont censées contribuer à fixer le but à atteindre pour
l'amélioration de la vie sociale.
Un exemple précis peut être trouvé dans la démarche suivie
par la C.N.I.L. dans le cadre de sa fonction d'orientation et d'aide
pour l'in formatique
(41).
On peut également citer le cas du Comité
(38) Ceci expliquerait certaines des imperfections contenues dans les normes Qu'ils
crëent, commè le montre J.V. CHEROT à propos de l'ordonnance de 1945 sur les prix. Voir
"La loi et le droit administratif" in Acte du Ve Colloque de l'Association Française
de Philosophie du Droit, op. cit., p. 15.
(39) On peut en effet considérer que l'expérience des administrations de mission avait
pour objet d'alléger la machine administrative, aussi bien dans l'intérêt de l'Etat
que dans celui des citoyens, et de permettre une mei lleure collaboration entre ces
deux organes. Il ne nous semble pas aujourd'hui que le résultat ait été atteint comme
le prouve du reste l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui
l'administration
active (structures classiques et modèles contemporains d'amélioration), ce qui constitue
par ailleurs le signe évident de l'impuissance du pouvoir politique.
(40) J. CHEVALLIER, "C.O.B., C.N.LL., C.N.C.L. et Cie: la "philosophie" des autorités
administratives
indépendantes",
in Regards sur
l'Actualité,
décembre
1988 na
146,
p. 13.

- 262 -
d'éthique médical qui,
tout en n'appartenant pas d'un point de
vue
juridique à la catégorie des autorités administratives indépendantes,
s'en rapproche sociologiquement.
- Quant aux voies et moyens, ensuite.
Ils
renvoient
précisément
aux
méthodes
employées
au
sein
de
ces
instances pour
produire
la norme et convaincre de sa bonne
application. Il s'agit pour ces organismes d'user plus de la consulta-
tion,
de
la
négociation,
du
Conseil
et
des
bons
officies
que
de
la
contrainte,
dans
leurs
relations
avec
les
destinataires
de
la
règle de droit (42).
Dans
le
même
ordre
d'idées,
on
peut
rappeler
leur
rôle
d'inspirateur
pour
la
législation.
Nous
n'entendons
cependant
pas
en traiter ici sauf à rappeler qu'il constitue sinon le seul véritable
dénominateur commun des autorités du moins l'un des éléments fédéra-
teurs de la catégorie nouvelle (43).
Pour
l'illustration
de
cette
fonction
on
se
référera
au
récent décret du 2 septembre 1988 qui est relatif à
l'amélioration
de
la
procédure
administrative
contentieuse,
dont
le projet a été
inspiré par le Médiateur (44).
Une
telle
action
s' inscr i t
dans
le
registre
des conseils
que
prodiguent
les autorités administratives indépendantes aux pou-
voirs
publics
et
que
ceux-ci
suivent
aisément
dans
le
processus
de création de la norme parce qu'ils sont le fruit d'une négociation
avec les intéressés destinataires de cette norme. C'est par ailleurs
dans le même sens qu'il faut situer l'accueil de la règle par l'usager
dont Kelsen lui-même reconnaît la qualité d'organe dans la production
du droit (45).
(41) Cf. supra Chapitre 1 du Titre Il de la 1ère partie.
(42) Voir les Actes du colloque de paris, op. cit.
(43)
Nous
renvoyons
au
Chapitre
1,
Titre
Il
de
la
1ère
partie,
op.
cit.
(44) Décret nO 88-907 portant diverses mesures relatives à la Procédure administrative
contentieuse, J.O. 3 septembre p. 11252.

- 263 -
Ces
considérations
qui
portent
sur
le
droit
qui
se
fait,
peuvent
être étendues à celui qui existe et dont l'application se voit ainsi
améliorée
grâce
à
l'intervention
sollicitée
ou
non
des
nouvelles
autorités.
Celles-ci
nous
apparaissent
en
fin
de
compte
comme
un
palliati f du pouvoir normal,
celui auquel l'administré est confronté
dans le quotidien,
et qui ne
joue plus ainsi son rôle traditionnel
(ou qui en tout cas le
fait aujourd'hui avec un certain recul) que
ce
soit
de
manière
délibérée
ou
tout
simplement
par
faillite.
On peut cependant écarter la dernière hypothèse en privilé-
giant
la
thèse
selon
laquelle
le
pouvoir
politique est
victime
du
système
dans
lequel
il
évolue
et
qui
ne
lui
permet
nullement
de
promouvoir
les
conditions
d'élargissement
de
l'Etat
de
droit
et
qui
tend
souvent
à
sécréter
des
règles
sans
prise sur
les
faits.
Auquel
cas
on pourrait
interpréter l'institution des nou-
veaux
organismes
comme
une
sorte
de
retour
aux
sources
libérales
de
l'Etat,
afin
de
saisir
le
sens
réel
de
ses
notions-clés.
B.
Un
retour
aux
sources
libérales
de
l'Etat
Il implique une correction dans la pratique de la démocra-
tie en France.
John CRABB situe la philosophie du droit occidental
"à partir de la notion de
la justice d'Aristote comme un idéal dont
l'appréciation
est
à
la
portée
de
chaque
individu
en
fonction
i::le
sa nature humaine" (46).
(45) Cf. TIMSIT, "Sur l'engendrement du droit", op. cit., p. 53.
(46) J. CRABB, '~e droit et la loi en droit occidental et dans la Constitution améri-
caine",
in Actes du Ve Colloque de l'Association Française de Philosophie du Droit,
op. ci t., p. 37.

- 264 -
C'est dire que l'idée de justice est le fait des individus
et non des institutions même si,
par ailleurs,
sa réalisation passe
par
celles-ci.
De
même
on
admet
que
son
évolution
doit
la
mener
à une institution indépendante dans la société parce qu'elle constitue
une
"priorité dans les conceptions
fondamentales de la civilisation
occidentale".
En France,
on l'a vu,
l'idée de
"Raison" qui est contenue
dans la
justice est considérée comme
le
fait
exclusi f
des
représen-
tants de la Nation.
D'où
la
déviation
du droit
qui se métamorphose,
à
l'image
de ce qui existe selon l'auteur,
dans les systèmes juridiques autres
qu'occidentaux, en
"instrument
au
service
de
la
politique
(ou
de
l'idéologie)
gouvernementale"
(47).
Le
résultat
est
résumé
par
le
Pr.
Chevallier
:
c'est
la mutation de l'Etat de droit en Etat légal
(48)
celui-là même
qui
n'admet
que
la
loi
comme
source
du droit
positif (49).
Ceci
renforcerait
l'omnipotence
fonctionnelle de la repré-
sentation
et
expliquerait
par
8illeurs
que
ce
ne
soient
plus
la
raison
et
l'intérêt
général
qui
fondent
la
règle
mais
l'inverse.
Cependant
un
autre
aspect
de
la
déviation dans l'exercice
du pouvoir existe, il se situe au plan moral.
Selon
Mme
Marie-Pauline
Deswarte,
pendant
longtemps
le
pouvoir politique a ignoré les finalités de son action pour se préoo-
cuper uniquement de son aspect utilitaire (50).
(47) Ibid.
(48) J. CHEVALLIER, propos précités "L'Etat de droit".
(49) cf.
à ce propos les aroalyses des "légalistes"reproduites dans l'article de J.C.
RICCI précité.
(50)
Cf.
Marie-Pauline DESWARTE,
"Irotérêt Général, Biero Commuro", R.D.P.
5,
1988, p.
1289.

- - - -
- _ . _ - - - - - - -
- - -
- 265 -
Aussi
le
droit
se
trouve
réduit
à
une
vision simplement
utilitaire de la vie en société et le juge en est réduit à le cons-
tater (51).
Il
apparaît
ainsi
à
travers
l'analyse
des
deux
aspects
que
c'est
essentiellement
dans
la
phase
de
passage
des
intérêts
particuliers à
l'Intérêt
Général
que
les notions
de
justice et de
liberté recouvrent une signification autre que celle qui est ordinaire
et commune à l'usager moyen et ce par le biais de la représentation
politique.
Il
semble
dès
lors
logique
que
ce
processus
qui
aboutit
à
la
création
d'un
droit
qui
soit
le
fait
exclusi f
de
l'Etat et
la marque
d'un
Intérêt
Général hypothétique,
soit
rejeté à travers
les mouvements sociaux précités.
Par ailleurs parallèlement à ceux-ci on assiste à l'émer-
gence d'une
forme
inédite de
regroupement à vocation représentative
et de façon concurrentielle par rapport aux institutions classiques
ce
sont
les
"coordinations".
Il
s'agit
désormais,
et
cela
tend
à
devenir une règle,
pour un groupe d' indi vidus unis par un lien réel
quelconque,
tangible
(professionnel
par
exemple)
de
se
constituer
en
une
structure
autonome
et
atypique
(l' hypothèse est
celle d'un
conflit avec les pouvoirs publics).
Cela s'accompagne en général, pour la résolution du conflit,
d'un
appel
à
un
personnage
étranger
par
rapport
aux
institutions
officielles (disons un indépendant vis-à-vis du pouvoir
), un média-
teur.
On
assiste
alors
à
une
sorte
de
confrontation
des
di verses
prétentions (appelons-les intérêts) d'où surgira un Intérêt amplement
partagé, déterminé librement et démocratiquement.
(51)
On retrouve ici aussi
le poids de la tradition légaliste en France. Voir J.C.
RICCI précité.

- 266 -
Se
pose
alors
la
question
de
savoir
si
l'on
n'est
pas
entré
en
France
dans
la
phase
majeure
du
consumérisme
tel
qu'il
est vécu au Etats Unis d'Amérique (52).
Comme
nous
le
montrent
Michèle
Ruffat
et
Laurent
Cohen-
Tanugi la représentation des divers "intérêts publics" est largement
assurée
devant
les
tribunaux
et
au
sein
de
toutes
les
instances
comme
les agences de
régulation,

le pouvoir de l'administration
est en jeu,par les "public interest lawyers" appelés aussi "mouvement
pour l'intérêt général" (53).
C'est

une
forme
de
réelle
concertation qui
est
celle
que le Pr. Timsit dénomme le "dialoguisme", mettant en rapport celui
qui produit la norme et celui qui la reçoit (54).
Il s'agit en somme de prendre le contre -pied de Rousseau
et de considérer qu'au lieu que chacun aliène sa liberté à l'Etat,
toutes
les
personnes
ou
groupes
confrontent
leurs
intérêts
pour
mieux faire ressortir la décision qui s'impose.
On est certainement en présence d'un début de morcellement
du
"collectif"
de
Hobbes
et
de
Rousseau
car
il
nous
semble
vrai
que
le
droit
est
mieux
protégé
quand
il
y
a
plusieurs
créateurs
(donc
protecteurs au
premier
che f)
que
s'il
n' y en a qu' un seul.
C'est peut être aussi
une consécràtion moderne du "Duiguisme" dont
les
enseignements
font
du
social
le
fondement
de
la
norme
(55).
(52) Par opposition à la phase mineure dans laquelle étaient maintenus les consommateurs
en France, du fait du nombre limité de possibilités qui leur étaient ouvertes par les
anciens textes pour défendre leurs droits. Du fait de nouvelles dispositions législa-
tives (loi du 5 janvier 1988) et réglementaires (décret du 4 mars 1988) et surtout
d'une nouvelle jurisprudence
(Cass.
16 juillet
1987) on assiste actuellement à une
avancée significative dans ce domaine.
Voir
le
rapport
de J.
CALAIS-AULOY aux "Entretiens de Nanterre",
"Les
nouvelles perspectives du droit de la consommation: textes récents et à venir", J.C.P.
éd. E. nO 43 supplément du 27 octobre 1988, p. 3 ; et l'article de J.P. PIZZIO, "Les
nouvelles dispositions
législative
et
réglementaire relatives à
la prévention et au
réglement des litiges de consommation", A.L.D. 1988 nO 18, p. 181.
(53) M. RUFFAT,
"Le débat sur la réglementation économique fédérale. Rationalisation
ou désengagement ?", R.F.S.P., 1980.2. p. 834 i L. COHEN-TANUGI, Le Droit sans l'Etat,
op. cit., p. 98 et s.

- 267 -
Il
reste
cependant
un
dernier
point
à
examiner
qui
est
lié à
l'avènement des Autorités Administratives
Indépendantes comme
organes
d'application
du
droit.
Celui-ci
tend
à
devenir,
par
les
méthodes utilisées au sein de ces instances et que nous avons déjà
évoquées, un droit "malléable", moins prétis et adaptable aux circons-
tances
une
sorte
de
"soft
law"
qui
laisse
une
grande
latitude
aux sages dans leurs missions (56).
Cette nouvelle forme
(on peut même dire dimension)
réalise
un
rapprochement
avec
le
système
juridique
anglo-saxon
(57),
ce
qui est fort appréciable dans le contexte de l'unification européen-
ne (58).
Elle
nous
semble,
cependant,
comporter
des
risques
liés
à la pratique juridique française. En effet le phénomène des Autorités
Administratives
Indépendantes
semble
reproduire
une
situation
de
règne des
professionnels,
un
élan de corporatisme tendant à engen-
drer un morcellement des entités
ce qui conduirait à
l'émergence
de "laissés pour compte".
Par ailleurs l'introduction du droit "mou" aura pour effet
de transférer le pouvoir du poli tique,
concepteur de la norme,
vers
les
entités
qui
sont
chargées
d'en
contrôler
l'application
le
juge et les nouvelles autorités.
On peut certes soutenir que c'est
l' objecti f
visé
à
travers
l' insti tution
de
ces
organismes mais
on
aura
alors
basculé
insidieusement
dans
un
autre
système
et
sans
aucune
forme
de
préparation
institutionnelle
ni
de
discussion.
(54)G.
TlMSn, "Sur l'engendrement du droit", op. cit. et "Pour une nouvelle défini-
tion de la norme", Rec. Dalloz, 1988, nO 36, chronique p. 267.
(55) L. SFEZ, "ouguit et la théorie de l'Etat (Représentation et Communication) "in Ar-
chi ves de Phi losophie du Droit,
genèse et
déclin de
l'Etat,
Tome 21,
Pari s,
Si rey
1976, p. 111.
(56) L'expression désigne en droit international un acte juridique qui se situe entre
l'obligatoire et le non-obligatoire ou "gentlemen aggrements" ; elle reste par ailleurs
très discutée en doctrine.
(57) Voir L. COHEN-TANUGI, précité.

- 268 -
Notons
enfin
qu'un
élargissement
de
ce
droit
à
d'autres
secteurs que
le technique et le médical qui sont mouvants par excel-
lence,
risquerait
d'ôter
au
droit
français
sa qualité essentielle:
la sécurité.
Il
semblerait
cependant
que,
même
dans
ce
cas
d' élargisse-
ment,
la
norme
ne
saurait
trop
souffrir
dans
la
mesure
où acteurs
et
sujets auront
convenus
par
leur
collaboration,
de
la
garantie
de son application.
Il est difficile de conclure, on le voit après ces analyses,
à la mort de ce monstre froid qu'est l'Etat et à l'avènement du primat
de l'ordre social.
La responsabilité de l'Etat au sein de celui-ci est inscrite
dans
l' histoire
et
dans
les moeurs,
aussi ne
peut-on envisager dans
l'étape actuelle qu'une sorte de "profit bas" du pouvoir par rapport
à
la
situation
antérieure.
La
fonction
de
régulation
de
la
société
est
désormais
partagée
entre
les
représentants
de
ses
différentes
couches et les pouvoirs publics.
§ 3.
La
réalité.
Un effet de mixité dans la régula-
tion sociale.
Dans un ouvrage qu'il consacre à
l' histoire du
libéralisme,
Pierre
Manent
analyse
les
idées principales de la pensée de Montes-
quieu
sur
la
démocratie.
On
peut
en
faire
un
résumé
de
la manière
suivante (59).
(58)
Rappelons que
l'assouplissement de
la "jurisprudence" de l'ancienne Commission
de la concurrence est consécutif à l'influence de la Commission européenne. De meme a-t-
on tenu compte de l'ordre COlMlunautaire dans l'orientation générale du nouveau texte
sur la concurrence.
(59) Pierre MANENT,
Histoire intellectuelle du Libéralisme,
op. cil.,
p.
119 et s.

- 269 -
Dans
le
système
libéral
seul
le
pouvoir
peut
arrêter
le
pouvoir et seul l'équilibre des compétences (de la force) entre l'exé-
cuti f
et
le
législati f
permet de garantir
le bon
fonctionnement de
la démocratie.
Il
s'agit
d'un
compromis
qui
se
fonde
sur
le
sout ien
que
les citoyens apportent à l'une ou l'autre partie et qui ne peut qu'être
bénéfique à leur liberté.
Si l'on doit souligner l'importance que Montesquieu at tache
au rôle des acteurs sociaux dans l'exercice du pouvoir, on peut cepen-
dant s'empresser d'ajouter que
le caractère corrélati f de la repré-
sentation a pu produire des effets contraires aux prévisions initiales
de l'auteur (60).
En effet
celui-ci
n'avait
pas
envisagé
(ou
peut-être l'a-
t-il écarté par la suite) l'effet de coalition qui pouvait se créer
entre
les deux
pouvoirs
que
ceux-ci,
compte
tenu
de
leur commu-
nauté
fonctionnelle et par conséquent de leurs intérêts,
se fondent
en une classe susceptible de résister aux citoyens et de leur imposer
même leurs accords.
Cette
hypothèse
s'est,
du
reste,
maintes
fois
réalisée.
Cependant
l'intérêt
de
la
théorie
de
Montesquieu
réside
dans
les prolongements qu'en
fait
Monsieur Manent
(en
admet tant
bien
sûr
que ceux-ci soient inscrits dans les idées du Baron de Labrède).
Cet auteur soutient que la lutte que se menaient les pouvoirs
législatif et exécutif est aujourd'hui relayée par la division majori-
té/opposition,
qui
à
défaut
de
pouvoir
s'entendre
sur
ce
qu'elles
(60) MONTESQUIEU comme beaucoup d'auteurs du XVIIIe siècle, attachait beaucoup d'impor-
tance à la représentation politique des citoyens par un corps élu.

- 270 -
veulent,
arrivent à un accord sur ce qu'elles ne veulent pas (61).
Cela signifie en clair que les deux parties préfèrent que les secteurs
dits sensibles de
la vie nationale,
comme la communication audiovi-
suelle,
soient
tenus
hors
du
champ
de
contrôle
de
l'Etat
plutôt
que
de
voir
l'une
d'elles
s'en
emparer,
une
fois
au
pouvoir.
L'idée d'un "Etat neutre",
fondé sur une sorte de sélection
négative, est ainsi mise en avant.
Toutefois,
il
apparaît
en
dernière
analyse
que
le
rôle
qui échoit aux citoyens reste le facteur primordial.
En
effet, dans
l'idée
d'Etat
neutre
il
y a
non
seulement
défaut
d'accord entre
majorité
et
opposition mais aussi
et surtout
rejet
dans
l'opinion
publique
de
l'interventionnisme
croissant
de
l'Etat.
Par ailleurs si on en revient aux idées de Montesquieu (l'im-
portance du rôle que jouent les citoyens dans l'équilibre des pouvoirs
au sein de l'Etat), il faut cependant dire que la réalité va aujourd'-
hui au-delà de celles-ci dans la mesure où les acteurs sociaux n'appa-
raissent
plus
en
arrière-plan,
mais
bien directement
comme parties
prenantes du compromis.
Du
fait
de
l'impossibilité
de
diriger
la
société
suivant
une pIani fi cation centrale (62),
on semble désormais entré dans une
phase de "guidage social" ou de guidage "réflexif" (63), caractérisée
par "la
double
relation
qui
s'établit
entre,
d'une
part,
l'auteur
de la norme ou le titulaire du pouvoir et, d'autre part, le desti -
nataire de la norme ou le sujet du pouvoir" (64).
(61) Cela est une conséquence du phénomène majoritaire qui fait que le chef de l'Exé-
cutif est souvent le dirigeant de la majorité parlementaire. Voir nos développements
supra, p.241
et s.
(62)
Nous avons évoqué dans les développements antérieurs les éléments de la crise
du pouvoir étatique.
Voir aussi Helmut WILLKE, "Diriger la société par le droit ?", ln Archives
de Philosophie du Droit,
Le système Juridique,
Tome '11,
Sirey,
1986,
p.
189 et s.
(63) Ibid.
(64) G. TIMSIT, "Sur l'engendrement du droit", op. cit.
Voir par ai lleurs, du même auteur,
la synthèse des travaux du colloque de Pari s, op.
ci t.,
p.
310 et "Pour une nouvelle définition de la norme", D.S.
nO 36, 3 novembre
1988, p. 267.

- 271 -
Il s'agit là d'un juste milieu entre l'idée de la di ffusion
du
pouvoir
à
partir
de
la
société
elle-même
et
l'importance
d'un
centre unificateur dans un système politique.
A. _l~im~~ct~~~~_~~~~ __ Ç~DtI~ __~Q![!Ç~t~~[_~~~2_
l~_§~§t~rn~_QQlitig~~_frêQçêi§
Il
est
généralement
admis,
dans
le
domaine
des
sciences,
que
toute évolution à
l'intérieur
d'un système
comporte
une
repro-
duction
de
quelques
éléments
de
ce
système
a fin
d'en conserver
la
stabilité.
Ceci se vérifie amplement dans notre matière pour au moins
deux
séries de
raisons
la
première s'attache à ce que L.
Rouban
et
J.L.
Bodiguel
(65)
appellent
"la tradition du service de
l'Etat
en France" et
la seconde,
quant à elle,
porte sur les conséquences
d'une
introduction
entière
et
brutale
du
"sociocentrisme"
sur
le
système politique.
L'importance
de
l'Etat,
en
tant
que
personnification
de
l'idée de solidarité dans une société a été longuement analysée dans
les pages précédentes, nous n'y revenons pas.
Il
s'agit
simplement
de
montrer,
à
travers
les
positions
de
quelques
auteurs,
à
quel
point
cette
tradition
est
encore bien
ancrée. On peut en effet retrouver l'héritage de Hauriou et de Duguit,
à propos de la nécessité de l'existence d'un centre politique unique
dans la société
(66),
aussi
bien chez
le Doyen Char lier qui évoque
(65) Cf. leur article consacré à "La dysfonction publique Ou la crise du corporatisme",
R.F.S.P. 1987 p. 539.
(66)
La divergence des deux auteurs porte uniquement sur la source du droit.
Pour
le premier c'est l'Etat qui crée la norme alors que chez le second, celle-ci est l'oeu-
vre du corps social, l'Etat ne faisant que la décoder.
Cf. Archives de Philosophie du DrOit, Tome 21, not.
pp. 99 et 111, op.
ci t.

- 272 -
l'Etat
en
termes
de
"service
de
fins
supérieures"
(67)
que
chez
Chevallier
et
Loschak
(68)
qui
voient
dans
l'institution étatique,
un rôle d'équilibre dans le système social.
Du
reste,
une
telle
idée
est
largement
partagée
dans
le
monde
Occidental.
Et
c'est
ce
que
nous
montre
M.
Willke
dans
ses
analyses sur le rôle du droit dans la société (69).
Selon cet auteur, "l'autoresponsabilisation" des sous-systèmes
"autopoiètiques"
de
la société
doi t
se combiner avec
une
sorte de
"guidage"
directionnel,
un
rôle
de
coordination
qui
atteste
d'une
communauté sur la vision du monde,
et que l'Etat est seul en mesure
de remplir (70).
En l'absence de cette jonction, et c'est notre seconde série
de
raisons,
l'autoguidage risquerait non seulement de miner l'uni té
de la société (en favorisant des évolutions contradictoires des sous-
systèmes) mais aussi d'entraîner des coûts insupportables.
Quant à Bodiguel et Rouban, ils pré fèrent écarter cette idée
d'autonomie compte tenu de la faiblesse du modèle libéral qui serait,
ainsi inapte à favoriser la régulation sociale à la place de la régula-
tion étatique (71).
Il faut enfin ajouter à ces arguments le fait que juridique-
ment
l'Etat
reste
toujours
la
source
formelle
du
droit.
(67)
R.E.
CHARLIER,
l'Etat et son Droit,
leur
logique et
leurs
inconséquences,
op.
cit. p. 16 et s et supra.
(68) J. CHEVALLIER et D. LOSCHAK, Science Administrative, Théorie Générale de l'Insti-
tution Administrative,
op.
cit.,
p.
288
; Voir
par ailleurs CHEVALLIER
in "L'Etat
de droit", op. cit.
(69) Helmut WILLKE, "Diriger la société par le droit 7", op. ci t.
(70) Selon l'auteur
les sociétés modernes sont composées de sous-systèmes (comme le
droit
ou
l'économie
... )
semi-fermés
et
capables d'assurer
leur propre évolution.
Le concept d' "autopoièse
"emprunté à la biologie permet de caractériser une telle
situation.
Ibid.
Sur l'historique
du concept, voir François. OST: "Entre ordre et désordre:
le
jeu
du
droit",
Archi ves
de
Phi losophi e
du
Droit,
Tome
3 1,
op.
ci t.,
p.
133.

- 273 -
B.
L'Etat
demeure
la
source
formelle
du
droit.
Le
phénomène
des
Autorités
Administratives
Indépendantes
touche,
nous
l'avons
vu,
les
conditions
d'élaboration
de
la
règle
du
droit
et
parfois
le
contenu
de
la
norme
elle-même.· Mais
i l
ne
bouleverse
pas
les
principes
qui
s'attachent
à
la
source
du
droit,
à
savoir
notamment
les
liens
de
filiation
qui
rattachent
la
norme
à l'Etat.
En
d'autres
termes
la
règle
est
toujours
prise
au
nom
de
l'Etat
et
son
processus
d'élaboration
se
déroule
sous
l'égide
de
celui-ci.
Le
pouvoir
des
nouveaux
organismes
d' insti tuer,
dans
leur
domaine
respecti f
des
normes
en
vue
d'encadrer
les
relations
entre
pro fessionnels eux-mêmes ou entre ceux-ci et
leurs usagers n'a ffecte
pas
la
définition
du
droit
aux
plans
matériel
et
formel.
Ceci signi fie précisé ment
que leurs décisions ne deviennent
obligatoires que lorsqu'elles bénéficient du label de légalité confor-
mément au principe de la hiérarchie des normes. C'est ainsi que l'exer-
cice de leurs pouvoirs réglementaire et individuel ne doit pas aller
dans
un
sens autre
que
celui
qui
est
tracé
par les normes édictées
par
le
gouvernement
et
par
le
parlement,
ce
que
tend
à con firmer
d'ailleurs
la présence des
Commissaires du gouvernement en leur sein.
Il s'agit donc là d'une sorte de caution qui ramène la pater-
ni té
de
la
règle
à
l' Etat, représenté
par
son
gouvernement.
On peut
d'ailleurs
évoquer
comme
illustration
de
ce
cas,
les
arrêtés
pris
par les ministres pour homologuer certaines décisions de ces autori-
tés (72).
(71) article précité.
(72) Tel cet arrêté du 21 avril 1988 portant homologation de deux règlemel'ts de la
C.O.B., Bulletiol' Joly, 1'0 4, avril 1988, p. 345.
Il faut cepel'dal't mettre à part le cas des réglemel'ts
il'térieurs et des
recommal'datiol's qui l'e se suffisel't à eux-mêmes que parce qu' i ls SOl't cel'sés l'e pas
obliger les personl'es avec lesquelles l'organisme el'tre en rapport. El'core qu'il faille
évoquer l'hypothèse de la recommal'dation avec prudel'ce car le COl'seil d'Etat cOl'sidère
qu'elle doit
faire l'objet d'ul' COl'trôleen tal't qu'elle modifie le comportemel't de
ses destil'ataires. Voir la décision LABBE et GAUDIN, précitée.

- 274 -
Du
reste
si
on
peut
dire
que
l'institution
des
Autorités
Administrati ves
Indépendantes a permis un élargissement du processus
d'élaboration de la norme, il n'en demeure pas moins que ces organismes
agissent en tant que
représentants de la personne publique Etat qui
endosse de ce fait la responsabilité de leurs actes et omissions (73).
A partir
de
ces
constatations,
il
apparaît
clairement
que
la
création
de
nouveaux
organismes
(au
sens
large,
ce
qui
inclut
des
institutions
autres
que
les
seules
Autorités
Administratives
Indépendantes
exemple
le
Comité
d'éthique)
entre
dans
le
cadre
d'une
amélioration
du
fonctionnement
de
l'Etat
de
droit
tel
qu'il
a toujours été perçu, c'est-à-dire à partir de l'orientation étatique.
Autrement dit il s'agit simplement pour ces organismes d'aider l'Etat
à améliorer la norme (74).
Les avantages d'une telle collaboration ont déjà été relevés
et peuvent se résumer en une plus grande matérialisation des valeurs
de la démocratie au coeur de la société (75).
Que peut-on retenir en dé fini ti ve du rôle global des Auto-
rités
Administratives
Indépendantes
dans
la
production
normative
?
On
pourrait
certes
répondre
en
en
invoquant
seulement
les
aspects
positifs.
Ceux-ci
recèlent
cependant
un
caractère
obscur
qui encline à concevoir une possibilité de récupération de ces données
par l'Etat.
En effet,
comme
il
n'est
pas
question,
dans
l'institution
des
nouveaux
organismes,
de
bouleversement
de
l'ordre
existant,
mais plutôt de participation à l'engendrement du droit dans le cadre
de
structures
et
de
relations
classiques,
il
est
à
craindre
que
les
Autorités
Administratives
Indépendantes
ne
se
fondent
purement
(73)
L'intensité de cette
relation
se
révèle d'ailleurs sur d'autres plans (nous
l'avons notamment vu à propos du contrôle des nouvelles autorités et de la nomination
de leurs membres). Elle aboutit en fait à une confirmation de la dépendance des orga-
nismes à l'égard du Gouvernement et de l'Administration.
(74) Ce que montrent parfaitement les termes d'un débat qui a opposé deux spécialistes
à propos du comité d'éthique. Cf. La revue Esprit de novembre 1988, nO 11, p. 55 et s.
(75) Cf.
Roger FRYDMAN,
"Démocratie poli tique et démocratie sociale",
revue Projet
Juillet-Août
1988,
p.
57
voir
aussi
H.
WILLKE
et
TIM5IT,
op.
cit.

- 275 -
et
simplement
à
la
longue,
dans
l'ordonnancement
administratif
classique,comme on en a un premier témoignage à travers les jurispru-
dences respectives du Conseil d'Etat et du Conseil Constitutionnel.
On devrait alors conclure qu'elles n'ont servi qu'à occulter
l'état de crise dans les rapports entre l'Etat et la société civile.
SECTION II - LES AUTORITES ADMINISTRATIVES INDEPENDANTES ET LA FONC-
TION D'OCCULTATION DES RAPPORTS ETAT/SOCIETE CIVILE
La
création
des
Autorités
administratives
indépendantes
consti tue
une
réponse
à
des
questions
qui
n'ont
pas
toujours
été
clairement posées (76).
Il s'agit du rôle que doit remplir le droit
aujourd'hui dans les relations sociales et du fondement de la préémi -
nence de l'Etat sur la société civile.
Certes
de
tels
problèmes ne sont
pas absents des analyses
qui sont faites sur la finalité du nouveau phénomène, mais ils n'ont
été évoqués qu'a posteriori. Le pouvoir politique, lui-même a soigneu-
sement
évité
de
les
poser,
estimant
peut-être
d'une
part
que
le
droi t,
hier
comme
aujourd' hui,
sert
de
ciment à
la vie en société
et
d'autre
part
que
la
supériorité
précédemment
citée
n'est
que
vue
de
l'esprit
et
fausse
interprétation
de
la
représentation qui
est
en
elle-même,
une
forme
de
rationalisation
du
pouvoir.
Pourtant
ce
discours
n'emporte
pas
la
conviction
dans
la
mesure

il
ne
dit
pas
quelles
formes
peut
prendre
ce
droit
ni
comment
il
va
intervenir.
De même
il n'envisage nullement
d'autres
possibilités
de
représentation,
de
relations
entre
l'Etat
et
la
sociétéciv ile.
(76) La seule exception que l'on peut relever dans la doctrine est l'analyse de Michel
MIAILLE, "le retour de l'Etat de Droi t. Le débat en France", in Travaux de la Mission
sur la Modernisation de l'Etat, op. cit., p. 215. Le Pro TIM5IT y consacre aussi des
développements mais ne pose pas franchement le problème. Voir ses articles précités.
On retrouve enfin ces questions sous la plume de H. WILLKE mais sous l'angle général
des
rapports
sociaux.
Cf.
L'article
précité,
"Diriger
la
société par
le
droit".

- 276 -
D'ailleurs
l'existence
des
nouveaux
organismes
témoigne
de
la
prise
en
compte
des
imper fections
liées
à
la
construction
de
l'Etat
de
droi t.
Cependant
nous
avons
déjà
vu
que
la
logique
de
ces
autorités
s'inscrit
mal
dans
le
cadre
organisationnel
et
fonctionnel du système politique français.
En fait, on peut dire qu'on est en présence de deux logiques
qui s'excluent mutuellement.
La
première,
celle
du
système
actuel,
est
fondée
sur
la
responsabilité
exclusive
du
pouvoir
politique,
dans
le
processus
de
création
de
la norme
alors
que
la
seconde,
née des mé fai ts
de
celle-là,
tend à rehausser
la société à sa place naturelle,
c' est-
à-dire à la source même de la règle.
Il
nous
semble
alors
que
l'adhésion à l'une
oul' autre
ne
peut être que totale ou ne pas être car, à l'image de ce qui inter-
vient dans le cas de coexistence de deux langues et que les spécia-
listes désignent par le terme de "glottophagie",
le plus fort
finit
souvent par absorber le plus faible (77).
Dans
le
cas
des
Autorités
Administratives
Indépendantes,
cela
signi fiera
qu'elles
auront
permis
de
ne
pas s'interroger sur
les fondements actuels du droit, en tant que fait exclusif de l'Etat
et qu'elles auront par conséquent contribué au renouvellement idéolo-
gique de la théorie de la représentation.
§ 1.
Des
rapports de l'Etat au droit.
Le problème
du droit de l'Etat.
"En régime démocratique, c'est aux gouvernements de s'adapter
au peuple •••
et non l'inverse"
(78).
Par
ces mots,
Michel
CROZIER
(77)
Il est vrai que cette proposition doit être relativisée par ailleurs, mais dans
le cas
français elle prend, comme on le verra,
toute son importance compte tenu de
la quasi
impossibilité (dûe à l'histoire)
de tenir égales les
fonctions créatrices
de l'Etat et de la société civile, dans le droit.
(78)
M.
CROZIER,
Etat
Modeste,
Etat
Moderne
Avant-Propos,
op.
cit.

- 277 -
résume
parfaitement
l'état
actuel
des
rapports
entre
l'Etat
et
les
citoyens en France.
L'auteur
met
en
cause
la
prétention
de
l'appareil
public
à
diriger et à
changer
la société notamment par le droit.
Il montre
aussi
la vanité de cet te entreprise
face aux di fférents dé fis qu'ont
produits les sociétés industrielles et post-industrielles.
Cependant
aucune
leçon
n' est
tirée
des
échecs
précédents,
et
les
mêmes
causes
tendent
à
reproduire
des
effets
similaires.
A.
~~~~P9~~~E1~ __ ~~~~!~j~~~j~~
~~ __~~~~~~ __e~~ __ ~~
réforme de l'administration
L'idée
selon
laquelle
l'amélioration
du
fonctionnement
de
l'Etat dans
le sens d'une plus grande compétitivité et d'un plus
grand
respect
des
droits
des
citoyens
passe
par ce Ile de son admi-
nistration,
est
toujours
assez
répandue
chez
les
auteurs.
Il
en
est
ainsi
notamment
à
travers
des
plaidoiries
pour
une
conception
"logique" du service public
(79)
ou
pour une ouverture des adminis-
trations aux usagers (80).
Il
ne
SI agit
pas
ici
de savoir
si
c'est
cette
partie
de
la doctrine qui continue à inspirer le pouvoir politique ou l'inverse
mais
simplement
de
constater
que
ce
point
de
vue
persiste
malgré
la
modestie
qu'inspirent
les
expériences
de
la
R. C. B.
et
des
admi-
nistrationsde mission (81).
(79) Cf.
le Doyen R.E. CHARLlER dans son dernier ouvrage, "l'Etat et son Droit,
leur
logique et leurs inconséquences, précité.
(80)
Voir
le
colloque
de
l'I.F.S.A.,
janvier
1983,
précité
in
R.F.A.P.
nO
26.
(81)
Le
sigle R.C. B.
si gn i fie
"Rationnali sat i on
de Choi x Budgéta ire"
et porte sur
une nouvelle méthode de pIani fication qui
entend réparti r
les dépenses de l'Etat de
façon plus judicieuse. Cf. les ouvrages de finances publiques.

- 278 -
En
effet
des
di fférentes
ré formes
qu'a
connues
l'adminis-
tration il nous semble possible de retenir l'idée d'une modernisation
impossible
de
l'Etat.
Cela
est
essentiellement

à
ce
que
nous
avons
appelé,
par
ailleurs
le pouvoir de
l'administration
; celle-
ci,
nous
l'avons di t,
possède
une
grande
apti tude
à
récupérer
les
réformes pour son avantage propre. En clair les expériences nouvelles
lui permettent de se renouveler en se hissant au niveau de l'évolution
scientifique et technique de la société en général.
Dans
le
cas
des
Autorités
Administratives
Indépendantes,
il est certes prématuré de tirer des conclusions générales sur leur
réussite ou échec, on peut cependant s'appuyer sur la pratique actuel-
le pour esquisser quelques orientations.
On essaiera d'apprécier leurs contributions à l' affermisse-
ment
de
l'Etat de droit au
regard de trois indices dégagés par le
Pr.
Chevallier
(82).:
Au
plan de
la
protection
des
libertés
indi vidue lles tout
d'abord.
La
création
des
autorités
nouvelles,
nous
l'avons
vu,
va
dans
ce
sens.
Mais
l'inconvénient est
qu'elles dépendent aux plans
fonctionnel
et matériel du pouvoir politique,
ce qui aboutit à
une
négation
de
leur
indépendance
juridique.
Il
découle
de
tout
cela
une
sorte
d' arti fice
dans
la mesure

les
nouveaux
organismes
ne
peuvent assurer correctement leurs fonctions.
De
plus
les
Autorités
Administratives
Indépendantes
ne
couvrent pas tous les secteurs où les droits de l'homme sont souvent
mis en question
par
l'intervention du gouvernement comme ceux con-
cernant les étrangers et la presse spécialisée (83).
(82) J. CHEVALLIER, "L'Etat de droit", op. cit.
(83)
Voir
notamment
Pro
MORANGE,
Libertés
Publiques,
op.
cit.,
p.
241
et
s.

- 279 -
On peut être tenté dans ce cas, à l'image de certains auteurs
(84)
de
demander
l'élargissement
du
champ
d'action
du
phénomène.
Se
pose
alors
le
problème
d' utili té
car
cela
accentuerai t
l' effet
de banalisation des Autorités Administratives Indépendantes, d'autant
plus que leur efficacité n'est pas encore prouvée.
Au
plan
de
la
représentation, c'est
le
deuxième
indice,
que M. Chevallier appelle "l'assujettissement à la Nation". Il s'agiL,
de faire remarquer ici que le phénomène des Autorités Administratives
Indépendantes
ne
remet
pas
en
cause
la
relation
classique
entre
le peuple et le pouvoir politique.
Or
nous
l'avons
di t,
la
prééminence
de
ce
pouvoir
fondé
sur l'idée de légitimité a tendance à perturber la logique de l'Etat
de droit.
Pour
ce
qui
relève,
enfin,
de
l'assignation
d'un
domaine
restreint de
compétences
au
gouvernement
on peut noter ici aussi
l'élargissement
constant
du
domaine
d'exercice,
que
les
Autorités
Administratives Indépendantes ne peuvent stopper,
du
fait de la con-
jonction du phénomène majoritaire et de l'accroissement de la demande
sociale.
Il apparaît ainsi que l'émergence d'un nouvel "instrumentum"
à
la place des structures classiques de l'Administration ne s'accom-
pagne
pas
forcément
d'une
meilleure
résolution
des
problèmes
liés
à
l'exercice
de
l'autorité
étatique
sur
la
société
civile.
En
fait
l' intangibili té
de cette relation s'explique aussi
par les limites inhérentes à
l'institution des nouvelles autorités.
(84) Cf. par exemple les auteurs du rapport de la Commission Du Rapport et des Etudes,
Etudes sur les Autorités Administratives Indépendantes, op. cit.

- 280 -
B.
Les limites de l'institution des Autorités Admi-
--------------------------------------------------
Revenons
à
la
structure
de
l'organisme.
Celle-ci
associe,
nous l'avons vu,
des
fonctionnaires
supérieurs et des personnalités
issues
de
la
société
civile,
dont
la
présence
est
censée
donner
un gage de sagesse à l'institution et permettre d'infléchir le fonc-
tionnement
de
l'Etat
dans
le
sens
d' une
plus
grande
garantie
des
droits et libertés des personnes.
Il
serait
utile
cependant
de
savoir
dans
quelle
mesure
les
Autorités
Administratives
Indépendantes
s'intègrent
dans
le
processus d'exercice du pouvoir.
Pour
ce
faire
nous
empruntons
au
Pro
Timsit
le
concept
de "l'intégration" qui peut aider àjuger la capacité de l'institution
à
réussir
dans
les missions
qui
lui
sont confiées,
au travers,
en
définitive de sa dissolution ou non dans
la machine étatique
(85).
On
peut
relever
à
cet
égard
l'impuissance
des
nouveaux
orga~ismes, en privilégiant notamment trois facteurs.
* Leurs pouvoirs
Ils existent au plan juridique. Mais le juridique est con-
ditionné par le politique. Aussi il n'est pas improbable que l'Auto-
rité
Administrative
Indépendante
devierine
"la
chose"
du
personnel
politique.
* Les moyens
Les
Autorités
Administratives
Indépendantes
n'ont
pas
les
moyens de
leur poli tique
(si
tant est qu'elles en aient une).
Nous
(85) L'auteur définit le concept de la manlere suivante: "il permet ... de spécifier
le code des relations en lesquelles se décompose un appareil administratif en désignant
la mesure dans laquelle, à l'intérieur d'une relation, une instance se trouve soumise
à la domination institutionnelle ou non, d'une autre instance". Cf. G. TIMSIT, "Sur
l'engendrement dudroit", précité.

- 281 -
entendons
parler
de
cette
logique
fonctionnelle
qui
les
mènerait
à
"l'indépendance"
réelle.
Car leur dépendance matérielle à l'égard
des hautes autorités de l'Etat est très poussée.
* La légitimité
Son
acquisition
définitive
s'avère
très
difficile
parce
qu'en France elle est censée provenir surtout du processus électoral.
Du
reste,
le
pouvoir
politique
supporte
mal
d'être
contrarié
par
des corps dont
la
représentativité
ne peut se réclamer directement
de la Nation.
Certes,
les
sages
qui
composent
les
organismes
nouveaux
bénéficient d'une bonne image auprès du citoyen mais cela ne suffit
nullement à leur donner le poids nécessaire pour résister aux attaques
venant des hommes politiques (86).
C'est
dire
tous
les
problèmes qui se posent aux Autorités
Administrati ves Indépendantes pour être reconnues comme des inter lo-
cuteurs
à
part
entière
du
pouvoir
politique,
et
même
du
pouvoir
juridictionnel (87).
On ne peut donc
retenir
l'intervention des Autorités Admi-
nistratives
Indépendantes
dans
la
production
normative
que
sous
l'angle
d'une
association
imparfaite.
L'association
ne
peut,
en
effet,
être
tenue
pour
parfaite
et
entière
que dans
la mesure

l'on
considère
que
l'important,
dans
le
processus
de
création
de
la
règle,
n'est
pas
la
prise
de
la
décision
elle-même.
Or
il
est
bien
connu
chez
les
spécialistes du droit que
telle
est
bien
la
position
et
de
la
majorité
de
la
doctrine
et
du
juge.
(86)
A propos de
la
sagesse dans
la démocratie., Voi r E. PISIER et P.
BOURETZ,
"Le
retour des sages",
Rev.
Esprit 1'° 3 et
4,
op.
cit.
et P.
BOURETZ if' "Libération du
21 janvier 1988, op. cit.
(87) Cf.
supra, notre première partie, pour les analyses qui SOf't relatives aux déci-
siof's du Conseil d'Etat et du Conseil Constitutionnel tendant à banaliser le phénomène.

- 282 -
Aussi
nous a-t-il semblé
juste d'avancer l'idée de l' exis-
tence des deux logiques précédemment évoquées: celle de l'Etat qui tend
à
la
monocratie
dans
la
production
normative
(statocentrisme)
et
celle de la société qui tend à la multiplicité des opinions, à l'enri-
chissement du débat (sociocentrisme).
Quant
à
la
position
médiane
(Timsit),
elle
a
prise
sur
la réalité actuelle, mais elle n'offre qu'un rôle mineur aux Autori-
tés Administratives Indépendantes, car celles-ci sont censées pouvoir
intervenir efficacement alors qu'elles ne détiennent pas le pouvoir
de décision.
Ceci
accrédite
l'idée
d'une
"institution-alibi"
qui
aurait
pour finalité de rehausser l'image de l'Etat.
§
2.
Les
Autorités
Administratives
Indépendantes
et
la
représentation idéologique de l'Etat
On
peut
appliquer
à
la
société en général
la
formule
que
Char les
Debbasch
utilise
pour
l'administration
sa
"peau"
éclate
de partout (88). Cependant dans le cas de la société, cet éclatement
épargne les formes et l'expression du pouvoir ; ce qui a pour effet
de provoquer un hiatus que les Autorités Administratives Indépendantes
en
tant
qu'expression
de
la
neutralité
et
de
la
prise
en
compte
de
la
multiplicité
des
intérêts
sociaux,
ont
pour
objet
de
com-
bler (89).
Fausse
solution
pour
un
vrai
problème
dans
la
mesure

celle-ci
est
incomplète.
L'Etat
donne
l'impression
d'avoir
pris
acte de la diversi fication
des
idéaux tout en conservant
la marque
essentielle de son pouvoir, l'unité.
(88) R.F.A.P. nO 3, juillet-septembre 1977, op. cit., p. 18.

-
283 -
En d'autres termes il tente de résoudre, au plan institution-
nel,
un
cas
d'ordre
essentiellement
idéologique
qui
met
en
cause
la définition et
l'exercice
de
son
pouvoir.
Seulement
le
choix
de
la solution est loin d'être innocent car il postule la compatibilité
de
la nouvelle
situation
(éclatement des
intérêts dans
la société)
avec le cadre classique de la démocratie unitaire.
Les
Autorités
Administratives
Indépendantes
se
trouvent
donc
propulsées
au
premier
plan
pour
apporter
des
remèdes
à
des
maux qui se sont avérés jusque-là incurables pour le pouvoir politique
et
à
propos
desquels
celui-ci
n'entend
plus
d'ailleurs
engager sa
réputation (90).
On
peut
envisager ici plusieurs hypothèses,
sur lesquelles
nous reviendrons. Dans tous les cas l'image de l'Etat en sort renouve-
lée car on aura réussi à sauver la pratique classique de la représen-
tation en lui adjoignant une autre méthode.
A.
Les
Autorités
Administratives
Indépendantes.
Un rôle "tampon1l •
L'impuissance
des
nouveaux
organismes quant
à
la
prise
de
décision dans le processus norma ti f
a déjà
fait
l'objet de
longues
analyses; nous n'y reviendrons pas.
(89) Cf. nos développemen5supra, dans lesquels nous pensons avoir suffisamment traité
du problème. Cf. par ailleurs plusieurs auteurs dont les ouvrages ont déjà été cités,
notamment CROZIER, L. COHEN-TANNUGI.
Voir aussi H. WILLKE, article précité; A. MINC, La machine égalitaire, Paris, Grasset
1987 ; MM. C.
JAMIN
et J.R.
MASSIMI,
"Ce qui menace vraiment la démocratie", "Le
Monde" du 29 mars 1988.
(90) Oans le cadre de cette analyse les spécialistes évoquent deux idées : la lâcheté
et la mauvaise foi du pouvoir politique.
Pour le Pr. DUPUIS (colloque de Paris, op. cil., introduction, p.
13) le
pouvoir "consulte non pour mieux décider mais pour faire croire qu'il se conforme
tout humblement à la volonté des autres".
. .. f ...

- 284 -
Penchons-nous maintenant sur les deux hypothèses qui peuvent
advenir à propos de leurs missions.
Premièrement,
les
Autorités
Administratives
Indépendantes
échouent.
Cela
signifie,
pour
prendre
quelques
exemples,
que
ni
le
Conseil
de
concurrence
ni
la
C. o. B.
n'auront
réussi
à
assurer
pour l'un de bonnes conditions d'exercice pour le jeu de la concur-
rence
sur
le
marché,
et
pour
l'autre,
la
police
de
l'in formation
à
la
Bourse.
Nous
pouvons
même
ajouter
la
C.N.C.L.
qui
n'aurait
pu s'acquitter (cela semble acquis à l' heure actuelle chez la quasL
totali té
des commentateurs)
avec
bonheur de son rôle de sauvegarde
de la liberté etde l'indépendance dans la communication audiovisuelle.
Il s'agit ici certes d'un cas "limite" pour lequel la respon-
sabili té
du
pouvoir poli tique
est beaucoup plus
invoquée que celle
de
l'autorité
elle-même,
encore
que,
pour
relativiser
on
puisse
mettre l'accent sur la méthode de travail des membres.
Pour
les
deux
autres
organismes,
les
hommes
politiques
peuvent d'autant plus
facilement rejeter l'imputabilité qu'il s'agit
de
secteurs
dont
on
considère
que
la
bonne
tenue
est
du
ressort
des professionnels.
La seconde situation qui pourrait se présenter est la réus-
site des nouvelles institutions.
Que celles-ci arrivent à tenir hors de portée du poli tique
certaines activités où s'exerce par excellence la liberté de l'indivi-
du,
qu'elles
soient
le
forum
où viennent s'exprimer les diversités,
en somme une expression concrète de l'idée de l'Etat de droit, elles
(suite de la note 90 page précédente)
Quant à Pierre BOURETZ, il voit dans le phénomène des Autorités Administra-
tives Indépendantes une extension du "théorème de CLEMENCEAU" qui dit que "pour enterrer
un problème, on crée une commission", cf. "Libération" du 21 janvier 1988, op. cil.

- 285 -
seront alors transparentes au succès pour laisser se profiler l'image
de la structure étatique dont elles font partie.
B.
Les
Autorités
Administratives
Indépendantes.
Un
--------------------------------------------------
instrument idéologique de l'Etat
Nous avons déjà fait état du flou qui affecte sur la question
de
la
responsabilité
politique,
les
analyses
de
certains
auteurs
qui accréditent l'idée selon laquelle, les nouvelles autorités consti-
tuent
une
institution
fondamentalement atypique si tuée à la lisière
de l'Etat (91).
Ce
sentiment
de
malaise
se
mani feste
à
nouveau
quand
il
s'agit d'identifier le fondement du pouvoir de ces organismes. D'ail-
leurs
certains auteurs
comme
le Pro
Maisl,
évitent tout simplement
de poser le problème (92).
En
fait
si
la
question
leur
paraît
aussi
délicate,
c'est
que
tout
simplement
au
cas

une
légi timi té
serait
à
rechercher.
on
ne
peut
la
trouver
que
du
côté
de
l'Etat.
L'acquisition
d'une
spécificité
propre
aux
Autorités
Administratives
Indépendantes
sur
ce plan nous semble, contrairement à ce que soutiennent Sylvie Hubac
et
Evelyne Pisier,
peu
probable
du
fait même du pouvoir de l'Etat
qui pèse sur ces autorités (93).
Il est vrai que l'autre face de ce "Janus" semble éclairée
par
une
lueur
venant
de
la
société ci vile.
Mais que peuvent
faire
(91) VoIr p. 242 et s. supra.
(92) H. MAI5L, "Les Autorités AdmInIstratives Indépendantes : protection des libertés
ou régulation socIale ?", Actes du Colloque sur les Autorités Administratives Indépen-
dantes", op. ciL, p. 75.
(93) Cf.
"Les Autorités face aux pouvoirs", Actes du colloque précité, p.
117. Voir
aussi, E. PI5IER et P. BOURETZ, "Le retour des sages", La revue Esprit na 3-4 de mars-
avril 1988, p. 155.

· - - _ . - - - - - - -
- 286 -
des sages aux mains nues devant le politique? (94).
Nous y avons déjà répondu: rien,
sauf à permettre à l'Etat
d'atténuer
son aspect
autoritaire
en
utilisant
une
méthode
consen-
suelle qui lui procurerait, dans l'exercice de son pouvoir, un meil-
leur accueil auprès de ses administrés.
Par ailleurs
plusieurs moyens existent pour susciter cette
sympathie ; ce sont les rapports et les communiqués que les diverses
autorités adressent au public.
Les
Autorités
Administratives
Indépendantes,
en
jouant
ainsi le rôle de "paravent" dans les rapports entre la société civile
et
l'Etat,
pourraient
bien
constituer
"l'alibi
d'un
toujours
plus
d'Etat"
(95).
En
effet,
par
leur
intermédiaire,
le
gouvernement
peut affermir son emprise sur certains domaines (l'informatique ... )
qui, jusque-là, ne subissaient pas trop le poids de l'interventionnisme
public (96). En définitive le phénomène offre deux possibilités d'in-
terprétation.
1.
Les
nouveaux
organismes apparaissent comme porte-parole
d'intérêts
particuliers
(97).
On
assistera
alors
à
long
terme
à
une mutation corporative tendant à renouveler la logique des années
(94) Mise à part peut être leur sens de l'équité, dont on sait qu'elle n'est pas tou-
jqurs la marque principale du droit positif,
ils ne disposent d'aucune autre arme
décisive. Nous y reviendrons.
(95) Cf. PISIER et BDURETZ, op. cit.
(96) D'un autre point de vue, la création des nouveaux organismes permet de désamorcer
certains conflits latents. Il en a été ainsi notamment dans le secteur de la concu!rence
où l'émergence du Conseil de la Concurrence a ramené le calme dans l'esprit des profes-
sionnels, sans pour autant dessaisir entièrement l'Etat de ses compétences traditionnel-
les. Voir D. DUGRIP, op. cit.
(97) Cette première interprétation peut
être tenue pour valable si l'on considère
la faible représentation de la société civile en leur sein.

- 287 -
quarante
le
rôle
de
tremplin
de
la
politique
étatique
(98).
2.
Ils peuvent aussi se borner à conseiller les gouvernants
sans
se
substituer
à
eux.
Ils
auront
alors
tendance à
gommer
les
aspérités de l'image autoritaire de l'Etat.
(98) Jean Luc BODIGUEL et Luc ROUBAN soulignent, à juste titre, que l'esprit des insti-
tutions de la Ve République repose sur le corporatisme. Cf. "La dysfonction publique
oula crise du corporatisme", R.F.S.P. 1987, p. 539.

- 288 -
CONCLUSION DU TITRE
Comment
conclure
sur
cette
"nouvelle
donnée
socio-poli-
tique" ?
Peut-être
pourra-t-on
concéder
que
l' insti tution
contribue
à l'amélioration de l'Etat de Droit.
On
se
heurte
alors
à
son
identité
qui
renvoie,
plutôt
à
l'image d'une "Auberge Espagnole" dans laquelle chacun apporterait
ce qu'il voudrait. Soit
L'Aûtorité Administrative Indépendante tend
à
élargir. le
processus
de
création
de
la
norme
et
on
peut
alors
cnncevnir
et
snllhaitp.r
son
inrlé!Jenrlance
P.t
sa
"représentativitp.".
Cependant si ce rôle ne se limite qu'à une simple consulta-
tion
(même
améliorée)
imposée
ou
non
aux
autorités
publiques,
on
aurait alors pu faire l'économie d'une telle réforme.
La viabilité de celle-ci et sa justesse posent par ailleurs,
problème quand
il
Si agi t
de
faire
de
l'organisme, comme dans
le cas
de
la C. N. C. L., une
administration
de
gestion au même
titre que les
structures
classiques.
La
reconnaissance
formelle
de
leur
indépen-
dance est incompatible avec le principe selon lequel l'Exécutif assume
la
responsabilité
politique de
l'Administration devant
le Parlement.
Ainsi
s'explique
la
pertinence
des
questions
qui
se posent
à propos de leur nature et de leurs pouvoirs juridiques ; des inter-
rogations qui entretiennent un
flou et un doute qui pourraient bien
profiter à l'Etat "Leviathan".
Il en est
aussi
d'autres,
dont
la
portée
n'est
pas du tout
clari fiée,
qui
concernent
l'application
de
la
règle
;
pourtant
les
nouvelles autorités tendent à initier une nouvelle méthode de gestion
des conflits.

TITRE
II
L'INITIATION D'UNE NOUVELLE METHODE DE GESTION
NORMATIVE DES CONFLITS

- 289 -
On
peut
définir
la
justice
dans
le
sens

l'entendait
M.
Delvolvé dans son rapport aux "Entretiens de Nanterre" de 1984,
c'est-à-dire par
"l'ensemble des hypothèses où des différends sont
tranchés, où des sanctions infligées, sans que pour autant les organes
tranchant
ces di fférends
ou
infligeant ces sanctions soient
inves-
tis d'une autorité
aboutissant à
la
force de vérité légale"
( 1 ) .
Une telle approche, large, du concept de "justice" a l'avan-
tage
d'intégrer
les
Autorités
Administratives
Indépendantes
dans
une nouvelle appréciation des dimensions que revêt désormais l'appli-
cation du droit.
Celle-ci
doit,
en
effet,
être
perçue
non
seulement
dans
le sens de la mise en oeuvre de la norme juridique (c'est l'aspect
gestionnel) (2) mais aussi et surtout dans l'optique de son contrôle,
de sa sanction.
On se trouve,
ainsi,
en présence d'une situation d' élargis-
sement de la règle juridique. Ce phénomène affecte directement tant
le
mode
classique
de
réglement
des
conflits
que
les
institutions
qui en ont traditionnellement la charge. Ses conséquences font cepen-
dant l'objet d'appréciations di verses de
la part des Commentateurs.
Les
uns
y voient
une
dilution de
la notion de
droit,
un
relâchement
des
moyens
stricts
de
contrôle
et
en
définitive
une
concurrence regrettable faite à la mission des juridictions (adminis-
trati ves notamment).
En un mot la réalisation de l' hypothèse,
selon
eux critiquable, d'une justice sans le juge (3).
(1)
"La
justice
hors
du
juge",
J.C.P.
éd.
E.
supplément
nO
4,
1984,
p.
16.
(2) Voir supra, T. 1, Ch. 1.
(3) Cf. DEL VOLVE, précité.

- 290 -
Les autres se
félicitent de
l' avénement d'une justice plus
souple
et
plus
ouverte
à
la
notion
d'équité.
Cependant,
dans
ce
dernier
groupe
on
distingue
deux
positions
contradictoires.
La première consiste à voir dans l'institution des nouveaux
organismes une réhabilitation du droit
idée que dé fend L.
Cohen-
Tanugi, par exemple (4).
Alors
que
pour
le
Pro
Timsit
qui
symbolise
la
seconde,
on
entre
dans
une
phase
de
déjuridicisation
de
la
règle
normati-
ve (5).
Dans tous les cas, l'émergence des Autorités Administratives
Indépendantes symbolise
une
nouvelle
forme
de
gestion du
processus
normati f,
l' objecti f poursuivi étant clair
:
corriger les imperfec-
tions de la justice classique (Chapitre 1).
Cependant cet avènement de la justice de "sages" ne comporte
pas seulement que des avantages (Chapitre 2).
(4) Cf. Le Droit sans l'Etat, op. cit.
(5)
Voir "en
particulier,
son
article
"Sur
l'engendrement
du
droit",
op.
cit.

- 291 -
CHA PIT R E l
LES IMPERFECTIONS DE LA JUSTICE CLASSIQUE
On
ne
saurait
parler
de
la
perfectibilité
de
l'Etat
de
droit ,
dans
le
cas
qui
nous
occupe,
sans évoquer
la
relation
que
l'Etat
(et
de
façon
plus
précise,
son
administration)
noue
avec
sa justice
la justice administrative.
A cet égard, et compte tenu de la période de vogue libérale
que
nous
vivons,
la
résurgence
du
vieux
débat
relatif à
l'aspect
organisationnel
de
cette
justice
ne
saurait
surprendre
ou
choquer
outre mesure.
Deux explications peuvent être avancées pour ce fait
que
l'on
peut
considérer
d'ores
et
déjà
comme
réel
(6) •
Tout d'abord, il ne serait pas inexact de dire qu'il parti-
cipe de l'essence même du libéralisme de s'insurger contre l'inter-
vention
de
l' Etat
dans
les
secteurs où
traditionnellement ce sont
les droits et les libertés de
l' indi vidu qui sont censés s'exercer
en
priorité
comme
dans
celui
du
marché,
par
exemple.
Cette contestation est d'autant plus fondée, c'est la seconde
explication,
que
cette
action
publique
recouvre
depuis
longtemps
un
caractère
systématique
qui
fait
de
l'Etat
un
acteur,
au
même
titre que les autres,
du marché alors même qu 1 i l continue de béné-
ficier d'un privilège de juridiction.
(6) A cet égard nous renvoyons aux récents Travaux de la Mission sur la Modernisation
de l'Etat,
l'Etat et son Droit, et de façon plus précise aux articles de G. DUPRAT,
J.
CAPRION,
D.
ROUSSEAU
et
J.L.
AUTIN
qui
y
sont
contenus,
op.
cil.
Voir aussi le nO 46 de la revue "Pouvoirs".

- 292 -
A vrai dire,
les critiques doctrinales
relatives à l'orga-
nisation
de
la
justice
administrative
se
font
rares
aujourd'hui
car
l'indépendance
du
juge,
sous
cet
angle,
du
moins
n'est
plus
mise en doute. Le débat se polarise plutôt sur l'aspect fonctionnel.
Ainsi,
selon
J.O.
Bredin,
"La
France
entretient
avec
sa
justice une relation malade
laquelle se greffe sur un droit qui
serait atteint dl infirmité" (7).
Pour
d'autres
auteurs,
tenants
de
l'école
néo-libérale
notamment,
ce dys fonctionnement
se
rapporterait
surtout à
la
jur i-
diction administrative et
serait

au
fait
que
le
Conseil d'Etat
ait partie liée avec l'administration.
Pour les uns et les autres, l'avènement des nouvelles autori-
tés constituerait un espoir
celui d'améliorer
le sort des
justi-
ciables par une autre application des normes.
Cette
amélioration
passerait
ainsi
par
l'alternative
que
représentent
les
Autorités
Administratives
Indépendantes
dans
le
réglement des conflits, du moins à certains stades de ce processus ;
organismes à la
fois déconnectés du pouvoir et su ffisamment proches
des juridictions.
En fait, pour les néo-libéraux, il s'agit là de certitudes;
l' objecti f
qu'ils poursui vent
étant
d'enlever
certaines compétences
au juge administratif pour les rattacher au juge judiciaire - réputé
plus apte à garantir certains droi ts ou libertés du citoyen contre
l'invervention
de
l'Etat
ou
à
défaut,
de
voir
la
régulation
de
certains secteurs,
comme l'économie, échoir aux nouveaux organismes.
(7)
"La France face à ses juges
!
Insupportable indépendance"
in "Le Monde" du 20
novembre 1987.
La position de M. BREDIN s'inscrit, en fait, dans le droit fil des nombreuses
analyses qui
ont été
fai tes,
avant
lui,
par
d'autres auteurs concernant notamment
la juridiction administrative.
. ... f ...

-
293 -
SECTION 1 - L'ASPECT ORGANISATIONNEL
On le sait, les bases historiques de la justice administra-
tive
résident
dans
l'idée
selon
laquelle
le
chef de
l' administra-
tion procède à l'épuration des litiges qui peuvent opposer ses servi-
ces aux citoyens, en recourant au besoin à l'avis d'un Conseil formé
de personnalités qu'il nomme (8).
Cette
institution,
le
Conseil
d'Etat
en
l'occurrence,
a
certes connu
une évolution qui
la mena de
cet te
"justice retenue"
à la "justice déléguée" à partir de 1872, c'est-à-dire à une phase
dans laquelle elle s'affirme comme un
juge à part entière et auto-
nome des actes de
l'administration grâce à un système de choix de
ses membres qui réduit le degré de dépendance inhérent à leur nomi-
nation par le pouvoir central (9).
De
fait
compte
tenu
même
de
ses
origines
et
de
l'osmose
socioculturelle qui existe entre ses membres et les hauts fonction-
naires de l'administration, il s'avère difficile pour la haute juridic-
tion de tenir le rôle d' arbi tre entre les intérêts de la puissance
publique et les droits et prétentions des administrés.
Et
cela
ne
serait-ce
qu'au
regard
de
l'idée
de
départ
l'administration
n'est
pas
un
citoyen
ordinaire,
elle
doit
être
jugée sinon par ses propres composantes du moins par des personnalités
assez proches d'elle pour comprendre ses préoccupations.
(suite de la note 7 page précédente)
Cf. ainsi M.M. A. DE LAUBADERE, "Réflexions sur la crise du droit adminis-
tratif", Dalloz 1952, Chrono
p.
5 ; J.
RIVERD,
"Le huron au Palais-Royal",
Dalloz
1962, chrono p. 37 et "Le système français de protection des citoyens contre l'arbi-
traire administratif à l'épreuve des faits" in Mélanges DABIN ; Ch. DEBBASCH, "Déclin
du contentieux administratif", Dalloz 1967, Chrono p. 95 ; D. DUPEYROUX, "L'indépen-
dance du Conseil d'Etat statuant au contentieux",
R.D.P.
1963, p.
565 et enfin A.
MESTRE,
Le Conseil
d'Etat,
Protecteur des Prérogatives de
l'Administration (Etudes
sur le recours pour excès de pouvoir), thèse, Paris, L.G.D.J. 1974.
(8) voir, en ce sens, l'article du Pro DUPEYROUX qui retrace admirablement l'évolution
du
Conseil
d'Etat,
du
début
du
XIXe
siècle
à
nos
jours,
op.
cit.
(9) Ibid.
Notons cependant à propos du passage de la "justice retenue" à la "justice déléguée"
que c'est le Conseil d'Etat qui a accompli,
lui-même,
le pas décisif, à l'occasion

- 294 -
Le
Conseil
d'Etat
allie
ainsi
les
fonctions
de
censeur
et d'auxiliaire auprès de l'administration. A vrai dire si la situation
de privilège de celle-ci se justifiait jadis, à l'époque où la neutra-
li té
de
l'appareil étatique
ne
le
portait que
vers
la
réalisation
de
l'"intérêt
public",
elle
reste
moins
acceptée
aujourd'hui
pour
deux
raisons au moins
: ce sont l'engagement de l'Etat dans le jeu
aussi bien économique que social et son corrolaire, l'indétermination
du concept "d'intérêt général" (10).
La
persistance
de
ces
données
conduisent
par
ailleurs
à
l'effritement du fondement existentiel de la juridiction administra-
tive.
§ 1. L'interpénétration des fonctions de juge et d'auxiliaire
de l'Administration
Evoquant la pyramide normative, le Pro J. Chevallier affirme
à
son
propos
qu'elle
ne
préserve
sa
cohérence et
sa solidité que
dans la mesure où les mécanismes de contrôle sont réellement indépen-
dants des titulaires du pouvoir normatif, permettent un examen "objec-
tiF" des
actes
incriminés et
disposent
d'une
autorité
(11).
Si
on
rapporte les différents critères dégagés ci-dessus au Conseil d'Etat,
on peut globalement dire qu'ils sont remplis.
Il en est d'abord ainsi de l'indépendance de la Haute Juri-
diction administrative à l'égard de l'Exécutif et de l'administration
active
ceci
fait
rarement
l'objet
d'un
doute
dans
la
doctrine
( 12) .
(10) Sur l'interventionnisme de l'Etat et sur la dilution de la notion d'intérêt général
cf.
supra
les
titres
2
de
la
première
Partie
et
1
de
la
seconde.
(11) "L'Etat de droit", op. ciL
(12) En sens contraire, cependant, voir O. DUPEYROUX précité.

- 295 -
On peutaussi" en dire de même pour l'autorité qui s'attache
à
ses
décisions.
Par
contFe
en
ce
qui
concerne
l'objectivité
de
son
contrôle,
l'attitude
de
l'observateur
est
plus
nuancée.
En réalité les deux premiers facteurs peuvent être reconsi-
dérés
en
fonction
de
la
dernière
appréciation
car,
ainsi
que
le
montre M. Dupeyroux, il serait difficile de conclure à l'indépendance
du Conseil d'Etat si le regard qu'il jette sur l'action de l'adminis-
tration est empreint de complaisance.
Dans le même ordre d'idées, on ne saurait parler d'autorité
réelle pour ses arrêts ou ses avis si ceux-ci ne sont rendus qu'avec
l'accord
tacite
du
gouvernement
ou
s'ils
le
sont
de
telle
sorte
que
leur
contenu
ne
porte
pas
grand
tort
à
celui-ci
(13) .
De telles considérations ne
manquent pas de
fondement
car
l'appartenance
des
instances
juridictionnelles
administratives
à
l'administration
peut
être
établie
à
certains
égards.
Ceci
rend
suspect
la
démarche
du
Conseil
d'Etat
tendant
à
ériger
l'intérêt
général
en
"troisième
personnage",
comme
partie
prenante
dans
les
conflits qui opposent l'administration aux citoyens (14).
A. ~~~~~~:~~~~~~~_~~~_~~~~~~~~~_J~:~~~~~~~~~~~~~~_~~:
ministratives à IJAdministration
De
manière
générale,
lorsqu'on
étudie
les
rapports
qui
existent entre
les
juridictions et les pouvoirs publics en France,
on
bute
inexorablement,
au-delà
des
discours
d'auto-satisfaction,
sur
la question que posait
récemment
un magistrat
:
"qui t· a fait
juge ?" (15).
(13) Cette hypothèse n'est pas inimaginable. A ce propos, cf. J. L. AUTIN, "Illusions
et
vertus
de
l'Etat
de
droit
administratif"
in
L'Etat
de
Droit,
op.
cit.
p. 145.
(14) "nir l'article r1e ~.p. ~C::WllRTI=:,
":rnt,5T:"~t r.,5n,5ral, Rien Crmlllln" , orécité, R.O.P.
1988, p. 1289.

- 296 -
M.
Bacou
qui
en
est
l'auteur,
a ffirme
clairement dans sa
raponse,
que
la
justice
est
une
"administration d'Etat
parmi
tant
d'autres"
en d' autres
termes elle est
une institution dépendante
du pouvoir politique, duquel procède effectivement tous les pouvoirs
et toutes les autorités de l'Etat (16).
Si ces propos restent discutables dans le cas des juridic-
tions judiciaires, ils le sont moins en ce qui concerne les juridic-
tions administratives.
A cet égard, qu'on se rappelle la célèbre phrase de l'ancien
Premier
Ministre,
M.
Debré,
selon
laquelle
il
n'y
a pas de
juges
administrati fs
mais seulement des
fonctionnaires exerçant les
fonc-
tions de juge.
En effet, sans prétendre se livrer à un quelconque jugement
de
valeur
entre
les
di fférentes
dispositions constitutionnelles qui
se rapportent à la question, on peut faire remarquer que l'indépendan-
ce du juge judiciaire est inscrite à l'article 64 de la Constitution
de 1958 alors que celle de son homologue administratif n'est présumée
établie
que
depuis
le 'vote
de
la
loi
du
24
mai
1872
(17).
Il est vrai que la valeur constitutionnelle de cette indépen-
dance a été consacrée depuis, par la décision du Conseil Constitution-
nel du 22 juillet 1980 (18).
(15) Cette phrase
pourrait être complétée par une autre interrogation qui présenterait
l'avantage de nous renvoyer directement, pour ce qui est de la juridiction adminis-
trative
aux
origines
du
Conseil
d'Etat
"pourquoi
t'a-t-on
fait
juge
7"
(16) Voir '~L'Etat de droit vu par le "juge judiciaire", in L'Etat de Droit, op. cit.,
p. 125.
(17) Pour une analyse critique de la hiérarchisation de ces dispositions dans la juris-
prudence
du
Conseil Consti tutionnel,
voir Dominique ROUSSEAU,
"De
l'Etat
de droit
à l'Etat politique 7", in L'Etat de Droit", op. cit., p. 171.
(18) Cette décision est relative à la constitutionnalité d'une loi votée dans le but
de faire face aux conséquences qui résultaient de l'annulation par le Conseil d'Etat
du décret du 29 juin 1977 portant constitution d'un comité technique paritaire des
enseignants de l'université.
Voir Cons. Const., 22 juillet 1980, J.O. p.
1868
R.O.P. 1980, pp. 1658
et
1692,
Chrono
FAVOREU
;
A.J.O.A.
1980,
pp.
480
et
602,
note
G.
CARCASSONNE .
... ./ ....

- 297 -
Toute fois
elle
peut par fois
être mise en doute
elle a,
du reste,
été contestée par maints auteurs qui,
dans leurs écrits,
ont
établi
les
liens
fonctionnels
et
sociologiques
qui
unissent
le juge à l'Administration (19).
Ce n'est pas trop s'aventurer sur un "terrain" aussi glissant
que de souligner qu'une certaine proximité entre le juge et le pouvoir
engendre,
chez le citoyen et plus particulièrement chez les acteurs
économiques ou sociaux
qui
entrent
quotidiennement
en
rapport avec
l'administration et dont
les
conflits sont soumis à la connaissance
de ce
juge,
un doute
préjudiciable
à
l'idée d'Etat,
structure de
promotion pour la justice.
Le phénomène est patent,
chez les professionnels du marché;
on peut même dire qu'il est à l'origine de leur demande qui a abouti
à la création du Conseil de la Concurrence.
On
mesure
ici
tous
les
aspects
attrayants
que
comporte
la
formule
des
Autorités
Administratives
Indépendantes
auprès
du
justiciable
autonomie des nouveaux organismes, indépendance d'esprit
et compétence des personnalités qui les composent (20).
Ces facteurs, alliés aux moyens qui sous-tendent la fonction
ae 'régulation et· d'arbitrage
des autorités,
permettent d'envisager
unréglement plus souple et en définitive plus équitable ~es litiges.
(Suite de la note 18 page précédente)
Par ailleurs,
la cour constitutionnelle a réaffirmé,
récemment,
la compé-
tence du juge administratif. A ce propos, cf. les analyses consacrées supra à sa déci-
sion du 23 janvier 1987.
(19) Cf. en particulier les études qui ont été faites par o. LOSCHAK, Le Rôle Politique
duJuge Administratif Français, L.G.O.J.,
1972, J.M. WOEHRLING,
"Le contrôle juridic-
tionnel de l'Administration en droit
français", R.F.A.P., n030, op. cit., p.
197 et
les articles précités de OUPEYROUX et de AUTlN.
(20) Voir supra, pp. 97/, 246 et s.

- 298 -
Il s'agit en somme d'une autre procédure "juridictionnelle"
oD le "juge" ne serait pas suspecté d'être trop indulgent avec l'Admi-
nistration parce que très au fait des contraintes et des impérati fs
de celle-ci (21).
B.
~ê __ ~Q~f~§!Q~ __ ~~tI~ __ l~ __ ~tIQ!§!~~~ __ ~~I§Q~~~g~~
~t_lê_Q~!§§ê~f~_Q~gl!g~~_
La grande a ffini té ,
dont
la doctrine s'est
faite
souvent
l'écho
entre
le
Conseil
d'Etat
et
l'Exécutif
soulève
logiquement
la
question
de
l' apti tude
de
la
haute
juridiction à
contrôler
et
à
sanctionner
efficacement
l'administration.
De
façon
plus
précise
c'est le problème de la rigueur dans ce contrôle qui se trouve posé.
En
effet
il
nous
paraît
assez
surprenant
de
la
part
de
ce juge d'invoquer la présence distincte de l'intérêt général qu'il
faut préserver en face de l'administration et du justiciable; alors
même que toute l' histoire de l'Etat en France est articulée autour
de la définition et de la mise en oeuvre de ce concept par le pouvoir
politique et son "bras séculier" (22).
De
fait,
la
structure
administrative
constitue,
eu
égard
à l'habilitation que lui confèrent les autorités politiques, l'outil
directionnel
par excellence de
la quête du"Bien Commun".
Et celui-
ci aurait des exigences qui prévalent sur toutes les autres,
celles
des
particuliers
notamment.
Du
reste
les secondes ne sont
souvent
censées se réaliser qu'à travers les premières.
(21) Cf. WOEHRLING et AUTIN, op. cit.
(22)
Voir
supra
titre
précédent,
Chapitre
2,
§
de
la
Première
Sect ion.

- 299 -
Ces
considérations
ne
sont
pas,
contrairement
aux
appa-
rences,
contradictoires
avec
nos
analyses
qui
sont
relatives à
la
prétention de l'institution administrative à s'affranchir du politique
pour atteindre
des objecti fs qui
lui sont propres.
Elles permettent
plutôt de mesurer l'effet néfaste de la démarche du juge qui consiste
à
privilégier
simplement
l'action
publique
sans
pour
autant
avouer
la négligence corrélative dans
laquelle
il
tient parfois,
l'intérêt
individuel du justiciable.
L'explication
qui
pourrait
être
avancée
à
ce
propos
est
la suivante
:
il serait en effet mal venu de la part d'une juridic-
tion, dont la mission consiste justement à mettre un frein au pouvoir
de l'Etat à chaque fois que cela s'avère nécessaire, de ne pas prendre
,.J '
en compte des critiques
par ailleurs
fort
judicieuses émises à
cet
égard.
En
fait
l'attitude
du
Conseil
d'Etat
ferait
plutôt
penser
à
un conte africain dans lequel
"Bouki",
l'hyène,s'attribue à
l'oc-
casion d'un
partage de butin avec
ses
camarades deux
portions sous
deux noms différents.
En définitive,
le citoyen
qui
actionne
la
justice adminis-
trative se retrouve toujours seul et désarmé devant l'intérêt général
qui
n'est
autre que
l'Etat sous
les diverses
figures
du
politique,
de l'administration ou du juge.
Il
existe
ainsi
une
sorte
d'altération
de
sa
mission
qui
oblige à poser le problème du maintien de la juridiction administra-
tive.

- 300 -
§2. L'effritement du fondement existentiel de la juridiction
administrative
L'apogée du débat sur la dualité des ordres de juridictions
est certes derrière nous mais il n'en continue pas moins de marquer
encore aujourd' hui
les esprits
d'ailleurs certains
fai ts
tendent
à le réactualiser.
L'existence
du
juge
administratif
témoigne
d'une
grande
originalité. Elle vaut néanmoins à la France la notoriété d'un Etat
de
droit
et
elle
suscite
aujourd'hui
des
exemples
même
dans
les
pays anglosaxons (23).
Peut-être est-ce là d'ailleurs,
la seule raison du maintien
de ce système dual
Car
au-delà
de
l'abandon
successif
de
ses
justifications
classiques, il existe un fait qui ruine de façon globale, son assise
même. C'est une certaine remise en question de l'exercice du pouvoir,
laquelle ne peut épargner une de ses mani festations,
la principale:
le privilège d'une juridiction propre.
En
effet
dans
l'opération
de
rééquilibrage
des
relations
entre
la
société
civile
et
l'Etat,
qui
est
amorcée
à
l'occasion
de la création des Autorités Administratives Indépendantes, se trouve
nécessairement impliquée la question relative à la raison fondamentale
du maintien de la juridiction administrative.
Dès lors demander que l'administration soit désormais consi -
dé rée CQmme un citoyen ordinaire, autant dans son intérêt qu'à l'égard
de
l'équité due
au
justiciable,
c'est vouloir
en
termes
voilés
la
disparition de son juge (24).
(23) Sur la contr ibution du juge adminis trati f à l'affirmation de l'Etat de droit,
voir un numéro récent (nO 46) de la revue "Pouvoirs", 1988.
(24) Cf.
la revue "Pouvoirs" n046 précitée,
notamment
l'article de L.
COHEN-TANUGI
"L'avenir de la juridiction administrative", p. 13 et s.

- 301 -
Cela est d'autant moins di fficile à envisager aujourd' hui
que
la
relativité
du
principe
de
la
séparation
des
juridictions
administrative
et
judiciaire
commence
à
faire
son
chemin
dans
la
jurisprudence elle-même.
A.
~~~~~~~~e3__~~~~~~~~~~E~~~~~ __~~~uj~~_~~~~uj__~~~~~
~~_~~~~~~~_~E~~~~~E~_!
Avec
l'avènement
de
l'ordonnance
du
1er
décembre
1986,
on
a
pu
penser
que
le
législateur
s'engageait
dans
cette
voie.
Pour certains auteurs, il s'agissait alors d'une perspective
réjouissante qu'à leurs yeux,
un arrêt de la Cour d'Appel de Paris
en
date
du
30
juin
1988,
relatif
à
un
litige
opposant
la
Ville
de
Pamiers
à
la
Société
d'Exploitation
et
de
Distribution
d'Eau
S.A.
(S.A.E.D.E.),
ne
tarda
d'ailleurs
pas
à
confirmer
(25).
Qu'en est-il de cette décision?
La
S.A.E.D.E.
et
la
Ville
de
Pamiers
avaient
conclu
un
contrat
de
gérance
en
vertu
duquel
ladite
société
exploitait
les
eaux de
la Commune.
Sur
la base dl une modi fication
des
conditions
de
gestion,
celle-ci
résilie
l'accord
et
confie
le
service
à
une
autre société (la Société Lyonnaise des Eaux) (S.L.E.) . La S.A.E.D.E.
saisit
alors
le
Conseil
de
la Concurrence pour qu'il
prenne à
la
fois des mesures conservatoires à l'égard de la décision de résilia-
(25) Voir C.A. Paris (1ère Chambre) 30 juin 1988. 5.A.E.0.E., cl Conseil de la Concur-
rence et la note de M. BAZEX qui concerne par ailleurs deux décisions précédentes
du Tribunal Administratif de Toulouse, 7 juillet et 2 septembre 1988, A.J.D.A. nO 12
du 20 décembre 1988, p. 744. Cette décision est diversement accueillie par les commen-
tateurs. Pour son approbation, outre M. BAZEX précité, cf. aussi J.P. DE LA LAURENCIE
in Petites Affiches du 19 août 1988, nO 100, p.
17 et M. C. BOUTARD-LAGARDE, Gaz.
Pal. 7 décembre 1988, p. 4.
Pour
des analyses critiques, cf.
V.
5ELIN5KY, Petites Affiches du 20
juillet 1988, nO 87 p. 25 et L. RICHER, Gaz. Pal. du 2 octobre 1988, p. 3. Cette déci
-
sion a toutefois connu des développements récents qui relativisent certaines de ces
analyses. Cf. notre addendum.

- 302 -
tion
(article
12
de
l'ordonnance
du
1er
décembre
1986)
et
annule
le nouveau contrat (26).
Dans
sa
décision
du
17
mai
1988,
le
Conseil
rejet te
la
demande
en estimant
que
la
décision
de
la Commune
n'entre
pas dans
le
champ
d'application
des
dispositions
du
texte
de
1986.
Ainsi
le problème échut à la C.A. de Paris qui censura alors ce qui précède,
sur
la
base
d'une
méconnaissance
par
l'autorité
indépendante
de
l'étendue
de
ses
propres
compétences
et
du
fait
que
la
Ville
de
Pamiers n'aurait pas respecté
la libre concurrence.
En
conséquence
de
quoi,
el'le
suspendait
les
effets
liés
à
la
signature
du
nouveau
contrat
entre
la
Commune
et
la
s. L. E.
L'intérêt
de
cet
arrêt
réside
cependant
pour
nous,
dans
la motivation principale du
juge de Paris qui reproche à
la collec-
tivité territoriale d'avoir eu un comportement qui tendait à
fausser
le
jeu
normal
de
la
concurrence
entre
les
di fférents
protagonistes
du marché.
De
fait
elle
tient
dans
l'interprétation
des
dispositions
de
l'article
53
précité
de
l'ordonnance
du
1er
décembre
1986,
qui
soumettent les personnes publiques au droit commun de la concurrence
pour
tout
ce
qui
se
rapporte
à
leurs
"activités de production,
de
distribution
et
de
services"
et
dont
la
Cour
étend
les
effets
à
l'action de la ville de Pamiers.
(26) La dite société soutenait, à l'appui de son recours, que son éviction était impu-
table à l'établissement de relations entre certains membres du Conseil municipal de
la ville de Pamiers et sa concurrente, dans des conditions que les dispositions de
l'ordonnance du 1er décembre 1986 réprouveraient.
Il s'agit précisément de l'article 53 qui précise que les règles définies
par l'ordonnance s'appliquent "à toutes les activités de production, de distribution
et
de
services,
y
compris
celles
qui
sont
le
fait
de
personnes
publiques".

- 303 -
Peut-être,
l'assimilation du comportement de cette commune
à une action qui perturbe le fonctionnement normal du marché serait-
elle critiquable en ce qu'elle ne semble pas tenir compte des préro-
gatives attachées à la notion de puissance publique, quand il s'agit
notamment
d'organiser
et
de
gérer
le
service
public
(27).
La décision de la Cour n'en relève pas moins à notre avis,
d'une logique tout à fait contemporaine dont le fondement est contenu
dans les dispositions de l'ordonnance de décembre 1986 telles qu'elles
sont
interprétées
par
le
Conseil
Constitutionnel
dans
sa
décision
du 23 janvier 1987 (28).
En
effet
les
préoccupations
du
juge
ne
nous
paraissent
pas éloignées de la notion de "bonne administration de la gestion" ;
laquelle
intégrerait
en
substance
les
nouvelles
conditions
de
jeu
du
marché,
consécutives
aux
mutations
de
l'Etat
tant
au
plan
de
ses missions qu'à la
façon
dont
il
entend
les
exercer,
désormais.
En
clair,
l'administration
de
la
seconde
moitié
de
ce
siècle
prétend
agir
comme
un
particulier
et
revendique
pleinement
cette
vocation
mais
elle
veut
aussi
le
faire
sans
se
départir
de ses privilèges.
Dès
lors
se
pose
le
problème
de
la
justice et
de l'équité à l'égard de la situation du particulier, de l'entrepre-
neur
privé
compte
tenu
notamment,
des
menaces
que
l'intervention
de la puissance publique peut comporter et du privilège de juridic-
tion propre dont elle bénéficie.
La
création
des
nouvelles
autorités
répond
en
partie
à
cette problématique dans
la mesure où les Autorités Administratives
Indépendantes
peuvent
remplir
une
fonction
d'arbitrage
qui,
tout
en ne méconnaissant pas la spécificité de l'activité administrative,
(27) En ce sens, cf. les auteurs cités dans la note 25, supra.
(28) Voir supra, pp. 50, 5'1,97 et s.

- 304 -
tendrait à garantir le respect des droits et des libertés du citoyen,
mieux
que
ne
le
ferait
le
juge
administrati f
dans
les
conditions
actuelles.
Une
forte présomption existe en ce sens.
Elle est
fondée
d'une
part
sur
la
proximité
entre
ce
juge
et
l'administration
et
d'autre
part
sur
la
haute
quali fication
des
membres
des
Autorités
Administrati ves
Indépendantes en
ce
qui
concerne
les problèmes nou-
veaux qui sont souvent au centre des litiges.
Dans
tous
les
cas,
leur
action
est
plus
immédiate
que
celle du Conseil d'Etat par exemple.
Il
subsiste
cependant
un
autre
point
qui
mérite
aussi
réflexion
ces
autorités,
quand bien elles présenteraient un autre
versant de l'Etat n'en détiennent pas moins une parcelle de la puis-
sance
publique.
Elles
restent
en
somme,
une
variante
de
l'instance
administrative
classique
et
à
ce
titre
elles
bénéficient
aussi
de
prérogatives
pouvant
porter
atteinte aux droits de
ce particu -
lier qu'elles sont censées protéger (cas des sanctions administrati-
ves).
Aussi,
i l
n'en est
que
plus
juste de con fier
le
contrôle
relati f
à
l'exercice
de
leurs
missions
au
juge
judiciaire,
gardien
"naturel" de ces droits et libertés.
Ces
considérations
sans
doute
discutables
sur
d'autres
plans,
trouvent
un appui
auprès
du
législateur,
au moins dans deux
secteurs: la concurrence et le marché financier (29).
De
même,
on
pourra
objecter
que
les
raisons du
transfert
dans
ces
matières,
des
compétences
du
juge
administrati f
au
juge
judiciaire sont autres
(nous pensons à
la perspective de
l' intégra-
tion
européenne,
notamment)
il
n'empêche
que
l'assouplissement
(29) Le transfert des compétences relatives au contrôle des actes de la C.O.S.
du
Conseil d'Etat au juge judiciaire est très récent, cf. notre addendum.

- 305 -
du principe de la séparation des autorités administratives et judi-
ciaires est aujourd'hui réel.
Ceci autorise, malgré le cantonnement dont cet assouplisse-
ment
fait
l'objet
de
la part
du
juge constitutionnel,
eu égard au
contexte international, à penser que le mouvement de transfert entre
les
deux
ordres
de
juridiction
dans
le sens
indiqué
précédemment,
s'étendra à d'autres domaines.
B.
L'assouplissement du
principe de
la séparation
-------------------------------------------------
des Autorités Administratives Indépendantes
,.i'
Le principe de la séparation des autorités administratives
et des autorités
judiciaires a perdu
de sa rigueur d'antan au
fil
de l'évolution des idées et des faits, en France.
D'ailleurs
on
pourrait
s'interroger
sur
la
pertinence
actuelle de ses fondements dans la mesure où ses principaux piliers
sont tombés depuis longtemps : l'exclusivité de la compétence tech-
nique
du
juge
administratif
pour
les
litiges

l'administration
est impliquée et le souci d'éviter la subordination du pouvoir exécu-
tif à l'égard de l'autorité judiciaire (30).
Cependant ses effets demeurent encore,
notamment à travers
la dualité des ordres de juridictions ; et ce malgré le nombre rela-
tivement élevé de cas douloureux qu'engendre la difficile répartition
des compétences (31).
(30) Cf.
MM.
G.
VEDEL et P.
DELVOLVE,
Droit Administratif, P.U.F., ge éd., p.
115
et s .. Voir par ailleurs, J. CHEVALLIER à propos de "L'élaboration historique du princi-
pe
de
séparation de
la
juridiction administrative et
de
l'administration
active",
Paris 1970.
(31)
Voir MM.
L.
FAVOREU,
"Le
principe de
séparation des autorités administratives
et
judiciaires n'a pas valeur constitutionnelle",
à propos de la décision du Cons.
Const. du 23 janvier 1987, op. cit. R.F.D.A. 3(2) 1987, p. 301 et D. CHABANOL, "Dualité
des ordres de juridiction: faut-il brûler le I.C. ?", A.J.D.A., nO 12, décembre 1988,
p. 736.

- 306 -
C'est
que le principe avait acquis au sein de la doctrine
une stabilité quasi constitutionnelle qui
rendait ses enseignements
invariables,
hormis
certaines
exceptions
législatives
comme
celle
de la loi du 31 décembre1957 (32).
Toutefois avec l'avènement de la récente décision du Conseil
Constitutionnel du 23 janvier
1987
relative
à
l'ordonnance
du
1er
décembre 1986,
l'espoir d'un plus grand élargissement de ces excep-
tions existe (33).
Certes,
la
Cour
Constitutionnelle
entend
encadrer
un
tel
mouvement de
façon stricte au regard de trois conditions
(16e,
17,
18e Considérants) (34).
La
première
voudrait
que
le
législateur
ne
dérogeât
aux
règles classiques de répartition des compétences (35) que pour éviter
la dispersion des contestations contentieuses relatives à une matière,
entre
la
juridiction
administrative
et
la
juridiction
judiciaire,
en unifiant celles-ci au sein de l'ordre "principalement intéressé".
La seconde et la dernière commandent, quant à elles, qu'une
telle
mesure
soit
justifiée
par
une
"bonne
administration
de
la
justice"
et
qu'elle
concerne
un
aménagement
précis
et
limité.
De
fait,
la consécration de
l'existence d'une
juridiction
administrative dotée de compétences spécifiques comme principe fonda-
mental
et
la
reconnaissance
de
la
part
du Conseil Constitutionnel
d'une possibilité de dérogation en ce qui concerne sa mise en oeuvre
dans
le
domaine
de
la
concurrence,
permet
d'espérer
une
extension
à d'autres secteurs annexes.
(32) FAVOREU, ibid.
(33)
L.
FAVOREU
(ibid)
parle
à
ce
propos
d'une
possibilité
de
dynamique.
(34) Voir les auteurs cités in supra, p.93 , note 68.
(35) Pour
les analyses qui
sont relatives à l'existence du juge administratif et à
ses compétences spécifiques, voir supra p. 57 et s.

- 307 -
Cela peut
être
le
cas
pour celui
des
marchés
financiers
qui
intéressent
une
autre
autorité
indépendante,
la
C.O.B.,
et
ses
organismes
d'accompagnement
comme
le C. M. T.
et
le C. B. V.
dont
on sait que les litiges relatifs aux actes peuvent se répartir entre
les deux ordres de juridictions (36).
D'ailleurs,
à
ce
propos
une
question qui
revêt
la
forme
d'un souhait peut être formulée.
Il s'agit de savoir si une meilleure
"administration de
la
justice"
ne commanderai t
pas sinon,
de lever
les dernières
restrictions
qui
entourent le principe de la dualité
des
ordres
de
juridictions du
moins,
d'assouplir
un
peu
plus
les
conditions posées par le juge constitutionnel ?
.'
En effet, dans la mesure où celui-ci sera de plus en plus
confronté à
des
cas semblables à
celui du droit de la concurrence
à
cause
d'une
perméabilité
toujours
plus
grande
de
la
frontière
entre le public et
le
privé et compte tenu
des
impérati fs
liés à
l'harmonisation
des
législations
européennes,
il
nous
semble
plus
équitable ~ en
tout
cas
plus
judicieux,
de
confier
les
litiges
qui
en découleront et qui ne manqueront pas d'affecter
l' indi vidu dans
sa liberté ou dans son patrimoine, au juge judiciaire.
La
plus
grande
aptitude
de
ce
juge,
comparativement
à
son
homologue
administratif,
concernant
la
protection
des
droits
ou
libertés individuelles,
ne
fait
pas de doute si l'on se réfère
à leur disponibilité respective à l'égard de la jurisprudence commu-
nautaire.
Par
ailleurs,
en privilégiant la solution préconisée plus
haut, on réduirait par un effet d'allègement, les dysfonctionnements
de la justice administrative.
(36) Voir supra, p. 173 -et s.
Cette
extension
s'est
déjà
faite
pour
la
C.O.S.,
cf.
notre addendum.

- 308 -
On comprend ainsi qu'en définitive,
les problèmes relatifs
à
l'aspect
organisationnel
de
cette
juridiction
préoccupent
moins
la
doctrine -que
ceux
qui
restent
liés
à
son
aspect
fonctionnel.
SECTION II - L'ASPECT FONCTIONNEL
Parmi les multiples études qui ont été consacrées à la juri-
diction administrative,
et
ce aussi
bien de
la part de ses propres
membres
que
de
personnalités
qui
lui
sont
extérieures,
la majorité
porte
sur
son
fonctionnement
plutôt
que
sur
son
organisation
(37).
Cela
s' expliquerai t,
peut-être,
par
le
souci
des
auteurs
de
ne
pas
mettre
en
cause
l'indépendance
organique
que
tendrait
à
réfuter
l'étroitesse
des
relations
entre
le
Conseil
d'Etat
et
les pouvoirs publics.
Pourtant
le
fonctionnement
de
cet te
juridiction, "terrain"
pri v ilégié
de
la
ré flexion
doctrinale,
reste
aussi
empreint
de ces
liens (38).
Seulement
la
défectuosité
du
mécanisme
juridictionnel
y est
souvent
présentée
comme
relevant
d'autres
facteurs
que
de
la
nature
des
liens
sus-visés.
D'un
point
de
vue général,
on peut
même dire que les propos restent très nuancés.
Nos
développements
se
résumeront
ici
en
une
appréciation
de
l'oeuvre
du
juge
administratif
en
rapport
notamment
avec
les
exigences
actuelles
de
la
vie
en
société pour ce
qui
concerne
les
droits du justiciable.
(37)
Cependant,
certains auteurs,
parmi
ceux que nous
avons déjà ci tés consacrent
quelques
analyses
à
l'aspect
organisationnel
du Conseil d'Etat.
Cf.
notamment
MM.
DUPEYRDUX, WDEHRLING et AUTIN.
(38) Voir supra, note 19. On pourra par ailleurs se reporter au nO 46-88 de la revue
"Pouvoirs", op. cit. et aux auteurs suivants : Pr. J. MORANGE, "Libertés Publiques".
op. cit., P. FANACHI, La Justice administrative,
"Que sais-je ?", P.U.F.
1980, dans
ses conclusions, notamment, p. 120 et s.

- 309 -
Concrètement il s'agit de voir dans quelle mesure la créa-
tion
des
Autorités
Administratives
Indépendantes
peut
contribuer
à
corriger
les
faiblesses
d'une
telle
oeuvre.
Nous
articulerons
ainsi notre analyse autour de deux étapes.
La
première
couvre
le
processus
juridictionnel
qui
va
de
l'engagement
du
litige
à
la
décision
finale
du
tribunal.
La
seconde
s'étale
quant
à
elle,
sur
tout
le
temps
qui
succède à l'acte de jugement.
Il nous
faudra examiner précisément si la mission du juge
prend fin à ce moment-là ou non.
§
1 .
Le
processus
juridictionnel
et
ses
limites
L'intérêt
d'une
étude
qui
porterait
aujourd'hui
sur
le
contrôle
juridictionnel
de
l'administration
réside
non
pas
dans
l'appréciation positive de l'apport du juge administratif à l'édifi-
cation
de
l'état
de
droit
en France
(39),
mais
plutôt dans celle
de ses moments d'inaction à l'égard du réaffermissement de cet "édifi-
ce
normatif",
en
somme
dans
celle
des
limites
de
son
action.
Nous
évaluerons
à
ce
propos
l'intensité
et
le
poids
de
son
contrôle
dans
une
perspective
évolutive,
au
regard
notamment
des réformes récentes dont il fait l'objet.
A. L'intensité du contrôle
On
ne
peut
réellement
mesurer
le
bon
fonctionnement
de
l'Etat de droit que par rapport au degré de satisfaction qu'il apporte
(39) Cet apport a été remarquablement salué par d' éminents auteurs. Pour une étude
récente,
cf S.
HUBAC et Y.
ROBINEAU,
"Droit administratif:
vues de l'intérieur",
la revue "Pouvoirs" nO 46, précitée, p. 113.

- 310 -
au
justiciable
dans
son
aspiration
à
la dignité
et
à
l' équi té
en
face
de
l'Etat et de
son administration.
A· cet égard ,.le
rôle de
la justice administrative revêt une grande importance.
Cependant
dans
cette
mission,
le
juge
semble
ne
pouvoir
jamais dépasser
deux séries de
limites aisément
contournables
dans
le cadre des nouveaux organismes
: ce sont la lenteur et la comple-
xité des procédures.
1°. La lenteur de la justice administrative
Elle est devenue une caractériBtique quasi
permanente dont
tout
le
monde
semble
pouvoir
s'accomoder,
y
compris
la
doctrine
elle-même
(40).
Aussi
nous
nous
limiterons
aux
données
les
plus
récentes qui sont consacrées à la question.
On estime qu'à la fin de 1987,
2 000 dossiers en moyenne
restaient en suspens à l'issue de chaque clôture annuelle de l'acti-
vité
juridictionnelle
du
Conseil
d'Etat
et
que,
par
ailleurs,
le
justiciable était soumis à une attente de 2,
voire 3 ou 4 ans pour
connaître l'issue de son sort (41).
Il est probable que cette situation ait évolué aujourd'hui
dans un sens
légèrement plus
posi ti f
dans
la mesure où
la
loi du
31
décembre 1987
instituant
les cours administratives d'appel a été
votée pour résoudre en partie, ce problème (42).
(40) Voir les auteurs que nous avons ci tés dans les notes précédentes,. en particulier
M. WOEHRING "Le contrôle juridictionnel de l'administration ... ". Cette critique est
devenue une sorte de "ritournelle"qui n'est souvent pas suivie de propositions concrètes
Cf. cependant A. MARION,
"Du mauvais fonctionnement de la juridiction administrative
et
de
quelques
moyens
d'y
remédier",
"Pouvoirs"
nO
46,
op.
cit.,
p.
21.
(41) M. MARION, ibid.
Selon cet auteur,
le stock de dossiers pendant devant le Conseil d'Etat s'élevait
au nombre de 25 000 (9 000 en 1977, soit un triplement en dix ans). Dans le même sens,
le Conseil d'Etat
notait une constante augmentation du flux de ses saisines depuis
1970.Ce qui donnait en 1984-85 un total de 20 000 dossiers en attente. Un phénomène
identique était aussi observé pour la durée des instances. Voir en ce sens, E.D.C.E.
1984-85 et 1987, pp. 159,212 et 63 et s.

- 311 -
En
réalité
la
mise
en
application
des
dispositions
de
ce texte ne permettrait de résorber entièrement le "stock" des litiges
que pendant un temps bien précis, comme pour les années qui suivirent
les réformes de 1953 et de 1963 (43).
En effet,
on ne saurait résoudre les di fficultés de fonc-
tionnement
du
Conseil
d'Etat
et
des
tribunaux
administratifs
en
général
par des réformes simplement structurellès.
Le point nodal se situe ailleurs, notamment dans l'archalsme
des
méthodes
de
travail
et
dans
l'insuffisance
des
moyens
mis
à
la
disposition
du
juge,
au
regard
des
mutations
incessantes
qui
interviennent
dans
ses
conditions
de
travail
(l'accroissement
des
saisines, par exemple).
Les pouvoirs publics l'ont compris du reste, car le récent
décret du 2 septembre 1988 pris en application de la loi du 31 décem-
bre
1987
précitée
tend
à
répondre
partiellement
à
cette
situa-
tion (44).
En effet ce texte permet d'une part d'accélérer la procédure
juridictionnelle en enfermant dans certains cas la décision du Conseil
d' Etat dans
des
limites
temporelles et d'autre part,
d'alléger les
formations de jugement en les démultipliant et surtout en autorisant
le
recrutement
de
collaborateurs
qui
déchargeraient
les magistrats
des petites tâches matérielles.
(42) La loi porte réforme du contentieux administratif ;
les cours administratives
d'appel qu'elle crée sont
compétentes pour
juger notamment
en appel
les décisions
des tribunaux administratifs.
Par ailleurs, et sur le fondement de ce texte, est intervenu le décret
du 2 septembre
1988 qui modi fie certaines règles de procédure en vigueur devant le
Conseil d'Etat depuis 1963.
Pour le premier
texte,
voir J.O.
1er janvier 1988, p.
7
et
A.J.O.A.
nO
2
1988
"Spécial
réforme
du
contentieux
administratif".
Cf. quant au second, le J.O. 3 septembre 1988, p. 11252 et MM. B. STIRN et J.F. THERY
in R.F.O.A.
5.
1988, pp. 787 et 790 ; o. CHABANOL, "Le décret du 2 septembre 1988 :
la juridiction administrative se rénove", A.J.O.A. nO
12, 20 décembre 1988, p. 733.
(43) A propos de ces réformes, voir P. FANACHI, op. cit., p. 22 et R. ORAGO, A.J.O.A.
1963, p. 524.
(44) Voir supra, note 42.

- 312 -
Seuleme-rlt
il
ne
porte
quasiment
que
sur
l'urgence
ce
qui
est
loin
de
constituer
l'ensemble
du
contentieux.
On
mesure
ici toute l'importance que revêt l'intervention de certaines nouvelles
autorités,
en
amont
de
la
saisine
juridictionnelle,
parfois
pour
un
réglement
prompt
des
litiges
naissant
dans
les
secteurs
dont
elles ont la charge.
Le succès de
cette
action
tient
à
la fois à
la légèreté
de leurs structures, à la moindre complexité des procédures en vigueur
devant elles, enfin à la souplesse et à la diversité de leurs moyens
(45).
2°)
La complexité de la procédure juridic-
tionnelle
Elle
est
parfois
due
à
un
formalisme
rigoureux
dont
le
Conseil d'Etat se départit avec beaucoup de peine.
En
effet,
le
juridisme
rigoureux
dans
lequel
s'enferme
habituellement
la
haute
juridiction
administrative
lui
interdit
toute initiative qui ne serait pas formellement prévue par les règles
juridiques,
quand
bien
même.
l'équité
le
commanderait
(46).
En réalité,
son attitude relève souvent du simple conser-
vatisme.
Il
en
est
ainsi
à
l'égard
des
dispositions
précédemment
ci té es de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988, par exemple.
Le Conseil aurait pu
les
promouvoir
bien avant,
en
s'inspirant de
la jurisprudence judiciaire et de l'article 700 du Code de Procédure
Pénale.
(45) Notons que la C.N.C.L. déroge à la règle de la légèreté des structures. Cf. Supra
Chapitre 1, Titre 2, 1ère Partie.
Sur les moyens de réglement non juridictionnel des litiges administratifs, en général,
cf. l'article de M. J.L. GOUSSEAU, in Les Petites Affiches nOs 125 et 126, 19 et 21
octohre 1987, p. 9.
(46l,N8Us y reviendronsplusloio.

- 313 -
De
même,
il
avait
l'opportunité
d'assouplir
à
plusieurs
reprises les conditions d'admission du référé avant que ne l'y invite
le décret précité.
On
ne
saurait
certes,
perdre
de
vue
que
cette
attitude
est souvent sous-tendue par un attachement profond à "l'observance"
des règles relatives aux droits de la défense.
C'est d'ailleurs là un des enjeux de la pratiq~e des Auto-
rités Administratives Indépendantes : c'est dire que le haut tribunal
administratif bénéficie pour cette attitude du soutien du législateur
et du Conseil Constitutionnel (47).
Cela ne devrait, toutefois, pas lui enlever toute souplesse
fonctionnelle
surtout
lorsque
la
célé rité
du procès en dépend et
que le respect des droits d'un des justiciables n'est pas en cause.
De fait,
il y aurait comme une sorte de résignation autant
de
la
part
de
ceux
qui
rendent
la
justice
administrative
que
de
ceux qui peuvent la solliciter devant un phénomène naturel qui condam-
nerait le
fonctionnement de cette justice à pêcher par la lenteur,
le coût et le formalisme excessif (48).
D'ailleurs une telle attitude s'étend même aux conséquences
qui découlent
des
trois
facteurs
sus-visés
à savoir
la
réaction
tardive du Conseil d'Etat à l'égard des problèmes nouveaux que pose
la vie en société.
On
ne
saurait
cependant
accorder
un
crédit
quelconque
à ce fatalisme (si tant est qu'il existe).
(47) Le souci du législateur, pour le respect des droits de la défense, se traduit
par la juridictionnalisation de la procédure de réglement des litiges devant certaines
autorités nouvelles.
En fait,
le Conseil Constitutionnel en fait souvent une condition "sine
qua non" pour la conformité constitutionnelle de certaines parmi les lois constitu-
tives des Autorités Administratives Indépendantes
(cas du Conseil de la Concurrence
et de la C.O.B.).
(48) A ce propos nous entendons inclure dans la seconde catégorie de personnes, les
différentes composantes de la doctrine, cf. supra note 40.

- 314 -
On
en
trouve
la
preuve
dans
les
dispositions
du
décret
du 2 septembre 1988 relativesd'une part, à la procédure d'admission
du pourvoi en cassation et d'autre part,
aux requêtes qui présente-
raient une difficulté de droit nouvelle.
Les deux points sont liés : le premier favorise un dénoue-
ment
rapide
des
cas
litigieux
permettant
ainsi
au
Conseil
d'Etat
de prendre plus vite connaissance des questions nouvelles auxquelles
le juge administratif serait confrontées.
Nous ne nous appesantirons ainsi que sur le dernier aspect
d'autant
plus qu'il
touche
par ailleurs aux domaines des Autorités
Administrati ves
Indépendantes,
dont
certaines n'ont été
constituées
que
dans
le
but
sinon
de
régler
ces
problèmes
nouveaux,
du moins
d'en suggérer les solutions.
Cette
disposition
intervient
sur
la
base
de
l'article
12 de la loi du 31 décembre 1987. Elle permet aux tribunaux adminis-
trati fs
ou
aux
cours
administratives
d'appel
de solliciter par
un
jugement,
l'avis
du
Conseil
d'Etat,
s'ils
sont
confrontés
à
une
"difficulté sérieuse" et inédite de droit se posant "dans de nombreux
litiges" (49).
Ainsi, se trouve offerte à la haute juridiction l'opportu-
nité d'ajuster sa jurisprudence aux faits de société.
Seulement
il
n'est pas
sûr qu'elle puisse la saisir tant
les
inconnues
sont
nombreuses
dans
ce
cas,
notamment
celles
qui
sont relatives au moment de sa saisine et aux risques de divergences
dans les premières décisions.
(49) Pour les premiers cas des dispositions de cet article, voir deux avis récents
du Conseil d'Etat, réuni en assemblée le 7 juillet 1989, Société Cofiroute et Melle
CALE, A.J.D.A. 20 octobre 1989, pp. 606, 636 et s.

- 315 -
Toujours est-il
que les problèmes nouveaux seront suocep-
tibles
d'être
mieux
et
plus
vite
traités
au
sein
des
Autorités
Administratives Indépendantes car les personnalités qui les composent
présentent une plus grande apti tude à
cet égard,
du
fait
qu'elles
proviennent
des
différents
secteurs
de
la
société
et
en
qualité
de spécialistes,
de surcroî t.
Ce qui
tendrai t
à
garantir aussi
un
contrôle plus effectif de l'administration.
De l'enseignement reçu dans les
facul tés de droit,
l' étu-
diant
retient
principalement
que
la
mission du
juge
administrati f
consiste surtout à protéger l'individu contre l'Etat.
Mais,
ce
juge
ne
se
définit-il
pas
et
ne
se
distingue-
t-il
pas
de
ses
autres
collègues
par
la
compréhension
indulgente
qu'il a des impératifs de l'action administrative?
Du reste,
n'est-ce pas le fondement de celle-ci, l'intérêt
général, le lieu privilégié où viennent se rencontrer l'administration
et "sa juridiction" ?
Poser ces questions aide à la compréhension de l'affirmation
selon
laquelle
le
droit
(la
légalité)
ne serait qu'une contrainte
relative
pour
la
structure
administrative.
On aurait en effet peu
de
peine
à
s'en
convaincre
en
examinant
les domaines où la marge
discrétionnaire
de
l'administration
est
demeurée
intacte
(si
elle
ne s'est pas accrue) bien que le Conseil d'Etat ait enrichi l'éventail
de ses moyens de contrôle (50).
(50) Nous pensons naturellement aux diverses techniques qui lui permettent d'apprécier
la légalité de l'action adminis trati ve, au fond, tel que le recours à la "proportion-
nalité".

- 316 -
Aussi
paradoxal
que
cela
puisse
paraître,
ce
sont
bien
ceux-là qui touchent souvent aux droits et aux libertés fondamentales
de
l'individu,
exemple
la police des étrangers et l'informatique
(51) •
En fait,
le juge administratif ne manque jamais de promou-
voir de nouveaux
"étalons
de mesure"
de
la légalité administrative
a fin
d'adapter
son
contrôle
à
l'action
de
l'Etat
simplement
il
ne
donne
pas
à
l'utilisation
de
ces
moyens
un
plein
effet.
Ainsi, en matière de mise en oeuvre des lois,
il n'oppose
souvent
à
l'intervention
anormalement
tardive
de
l'administration
qu'une
interprétation
très
souple
du
concept
de
"raisonnabilité",
permettant ainsi à la structure sus-visée d'évoluer dans l'illégalité.
Par
ailleurs
il
serait
tentant
d'évoquer
dans
le
même
ordre d'idées le cas des clauses abusives, tout en sachant que l'inac-
tion est plutôt imputable ici aux autorités gouvernementales, auxquel-
les
la loi de 1978 impartit de
prolonger l'oeuvre du
juge par une
publication par décret de la liste des formules interdites (le juge
administratif a rendu plusieurs décisions dans ce sens).
Or
ceci
n'a
été
fait
qu'une
seule
fois
en
l'espace
de
dix ans (décret du 24 mars 1978).
La
logique n'aurait-elle
pas
voulu que
le Conseil d'Etat
essayât de suppléer à cette carence,
compte tenu du fait que c'est
la protection du citoyen devant certaines pratiques professionnelles
qui
est
en
cause.
Il
l'aurait
sûrement
réussi
s'il
avait
adopté
dans
ses
premières
décisions
des
sanctions
réellement
dissuasives.
(51) Le 6e rapport d'activité de la C.N.LL.
(op. cit., p. 36) nous offre un exemple
à propos des cas Où le comportement illégal de l'administration demeure généralement
impuni par le juge à cause soit, de la marge discrétionnaire que les textes lui attri-
buent soit, de la sensibilité du domaine en cause si celui-ci
concerne le "secret
défense" ou "l'ordre public".
De façon plus préci se,
il s'agit ici de certaines formes de rétention de fichiers
relati fs
aux opinions poli tiques ou
syndicales des personnes dans les services de
Police.

- 317 -
La
question
qui
se
pose
naturellement
est
la
suivante:
les textes le lui perme~taient-ils ?
On en revient ainsi à une de nos idées de base : le juge
administratif
s'enferme
dans
un
juridisme
auquel
le
droit
ne
le
condamne pas toujours de façon stricte.
Car
il
dispose
de
moyens
dont
la pleine
utilisation lui
permettrait
de
contrôler
plus
rigoureusement
l'administration
et
éventuellement de la sanctionner. On en arriverait ainsi à une diminu-
tion
des
cas
d'illégalités
par
l'effet
de
la
dissuasion.
Citons
dans
ce
cadre
les
moyens
d'investigations
pour
.'
les
refus
de
communication
de
certains
documents
administratifs
et la jurisprudence "Ville-Nouvelle-Est" à propos de la "proportion-
nalité" (52).
Un recours plus fréquent à ces inst ruments éviterait d'une
part d'allonger les procès et donnerait d'autre part une mesure plus
exacte de l'intervention publique dans les matières hautement techni-
ques.
De
façon
plus
générale,
on
peut établir la nécessité de
l'amélioration
du
fonctionnement
de
la
justice
administrative
à
plusieurs égards.
En
ce
qui
concerne
tout
d'abord
ce
qu'on
peut
appeler
les conséq!lences du manque de rigueur et de célérité dans le contrôle.
Elles
consistent
dans
l'infléchissement
des
règles
du
droit positi f que l'on peut observer dans deux domaines au moins :
celui
des
circulaires
et
celui
de
la
décentralisation
(53).
Précisément
à
propos
de
ce
dernier
secteur
un
auteur,
M.
J.C.
Helin,
fait
remarquer
que
le
réglement
administratif des
(52)
Il faudrait adjoindre à ces deux moyens les astreintes. Voir cependant infra,
pages suivantes.
(53) En ce qui concerne les circulaires, la démontration en est faite dans l'arrêt
du
C.E.,
Institut
Notre
Dame
de
Kreisker,
Rec.
64,
R.P.D.A.
1954-50.

- 318 -
litiges prend aujourd'hui le pas sur les solutions juridictionnelles.
Or i l est évident que la loi de mars 1982 n'a pas voulu poursuivre
un tel objectif (54).
Le
second
point
de
nécessité
est
relati f
à
la
création
des
Autorités
Administratives
Indépendantes.
En
effet
quels
que
soient les avantages que présente le réglement de certains conflits
par les nouveaux organismes, on ne saurait oublier que ceux-ci (pour
la
plupart
d'entre
eux)
relèvent
en dernière
instance du contrôle
de ce juge administratif.
Cela
signifie
qu'une
bonne
solution
conçue
au
sein
de
ces autorités mais contestée ou remise en cause par une des parties
pourrait bien,
en échouant devant le tribunal administrati f,
perdre
dans les conditions actuelles sa qualité essentielle : la souplesse.
Celle-ci
ferait
alors
probablement
place
à
une
rigueur
juridique
conforme
certes
au
droit
positif,
mais
aussi
choquante
à
l'égard
de
l' équi té.
Cet te
probabi l i té est d'autant
plus grande
que
les
autorités
indépendantes
disposent
parfois
d'une
certaine
facilité
pour s' affranchir du· cadre str iet du droit a fin d'arriver
à réconcilier les positions en évitant toutefois de léser une partie.
L'autorité morale d'une telle décision faciliterait d' ail-
leurs son exécution ; ce qui n'est souvent pas le cas des jugements
administratifs.
§
2.
La phase post- jur idictionnelle.
Le problème d' exécu-
tion des décisions du juge administratif
Du
fonctionnement
de
la
juridiction
administrative
en
France, on peut ressortir l'image d'un juge qui fixerait les limites
de son action au moment où le jugement est rendu.
(54)
J.C.
HELIN,
"Régulation administrative du contrôle de
légalité et
le droit",
R.F.D.A., nO 5, 1987, p. 766.

- 319 -
Ainsi que le dit J.L. Autin,
il se soucie plus de la régu-
larité juridique formelle que de l'application pratique du droit (55).
Peut-être,
considère-t-il
que

n'est
pas
l'essentiel
de
sa mission,
même s'il est
pourvu de quelques moyens pour
faire
face à une telle situation ?
A moins qu'il ne veuille mettre tout simplement l'adminis-
tration (ou plutôt le gouvernement) devant ses propres responsabili-
tés? Il serait alors nalf de croire que celle-ci se ferait un devoir
moral
de
respecter
ses
décisions,
même
si
une
récente
circulaire
du
Premier
Ministre
lui
en
rappelle
l'impérieuse
nécessité
(56).
En fait, ce problème d'exécution pourrait être élargi au dé-
bat qui oppose la notion occidentale du droit à celle des pays à ré-
gime socialiste (57).
Il est vrai qu'il ne sert à rien pour un pays d'être "la
patrie des droits de l 'homme" si ceux-ci ne
reçoivent pas toujours
de traduction concrète.
Le législateur l'a bien compris,
en initiant une nouvelle
voie permettant d'améliorer l'effectivité de la décision juridiction-
nelle.
Cet
objectif n'est,
il
est
vrai,
que
sous-jacent
dans
les
textes
autres
que
celui
qui
crée
le
Médiateur
il
n'en est
pas
moins réel dans la mesure où le législateur permet aux Autorités Admi-
nistratives Indépendantes de régler certains litiges, de façon infor-
melle, donc souple.
La démarche consiste ici à susciter l'adhésion des protago-
nistes,
pour une
effectivité
et
une
efficacité
plus grandes de
la
règle juridique.
(55)
J.L.
AUTIN,
"Du
juge administratif aux autorités administratives
indépendantes
un autre mode de régulation", R.D.P. 5, 1988, p. 1213.
(56) C'est la circulaire du 13 octobre 1988 relative au respect des décisions du juge
administrati f
;
elle est
adressée aux ministres
et
secrétaires d'Etat,
in J.O.
du
15 octobre 1988.
(57) Cf. en ce sens, M. Roger FRYDMAN,
"Démocratie politique et démocratie sociale",
op. cit., la revue "Projet", juillet-aoGt 1988, p. 57.

- 320 -
L'inexécution
des
décisions
du
juge
administratif
par
l'administration
constitue
aujourd'hui
l'un
des
problèmes
majeurs
de l'Etat de droit.
L'adoption de la loi nO 80-539 du 16 juillet 1980, relative
aux astreintes et le rappel du respect des jugements comme "une exi-
gence
fondamentale
de
la
démocratie"
par la circulaire précédemment
citée du 13 octobre 1988 en fournissent la preuve.
Le
texte
réglementaire
précise
du
reste, que
le
nombre
des
réclamations
reçues par
le Conseil
d'Etat en 1987,
de la part
"de
requérants
qui
se
plaignent
de
l'inexécution
de
décisions
de
justice"
leur étant
favorables s'élevait à 660
le chi ffre a plus
que doublé en six ans (58).
De
ces
données
on
peut
tirer
deux
enseignements.
1. L'absence de détermination de la part du juge à user plus fréquem-
ment de l'astreinte pour inciter les collectivités publiques à exécu-
ter
ses
décisions
c'est
d'ailleurs
ce
que
confirme
l'étude
de
sa jurisprudence (59).
2.
La
volonté
délibérée
de
l'administration
d'ignorer
la
justice,
dans certains cas (60).
On
dénombre
à
ce
propos
plusieurs
analyses
qui
tendent
à
montrer que la loi du 16 juillet 1980 n'a nullement eu cet effet
dissuasif qu'on lui prêtait.
De
façon
plus
précise,
on pourrait même dire qu'elle
(ou
plutôt
l'application
que
le
juge
administratif
en
a
fait)
a
fini
(58) Ce que confirme l'analyse des données régulièrement fournies par cette juridic-
tion dans ses "Etudes et Documents", elle parle à cet égard de "crise du contentieux".
Cf. E.D.C.E. dans ses numéros de 1984, 86 et 87.
(59) Cf.
J.
MORAND-DEVILLER, note sous C.E.
15 octobre
1986, Mme LEROUX et E.D.C.E.
1987 nO 38 pp. 68-69, 193 et s.
(60) Ne sont pas visés ici les cas où sa passivité s'expliquerait par des difficultés
d'ordre matériel ou pratique,
nécessitant des éclai rci ssements de
la part du juge.

- 321 -
par
pousser
les
administrations
dans
leur
dernier
retranchement
à
savoir,
plutôt
payer
les
astreintes
qu'exécuter
les
jugements
défavorables.
Ceci
est
souvent
le
cas
des
collectivités
locales.
C'est
d'ailleurs
à
propos
de
celles-ci,
et
précisément
dans le domaine foncier, que l'on recense le plus de dossiers d'inexé-
cution (61).
Il est vrai qu'à ce niveau,
le conflit recouvre une autre
dimension,
celle
de
la
légitimité
entre
le
juge
et
l'élu
(62).
Ces constats nous ramènent en définitive, à des interroga-
tions afférentes aux valeurs mêmes de la démocratie et à leur traduc-
tion
concrète
dans
la
société
par
le
juge
administratif.
C'est en réalité le second aspect qui demande à être amélio-
ré.
Les
pouvoirs
publics
s' y sont
déjà
engagés
en
instituant
les
Autor i tés
Administratives
Indépendantes,
chargées
entre
autres
mis-
sions,
de
dénoncer
publiquement
les
administrations
et
organismes
réticents à
obéir
au
droit
(système
des
rapports
annuels ou
ponc-
tuels) (63).
Mais,
il nous semble plus intéressant de retenir ici l'ac-
tion
du
Médiateur
à
l'égard
des
administrations
publiques.
Cette
insti tution sur
le
seul
fondement
de son autorité morale parachève
et
infléchit
même
parfois
l'oeuvre
du
juge
administratif
dans
le
sens d'une application raisonnée par les autorités des actes juridi-
ques ou juridictionnels (64).
On le sait, le principal reproche que les théories marxistes
font
à
l'encontre
de
la
conception
libérale
des
notions
du
droit
et de la justice, est son caractère trop formel.
(61) Voire J.C. HELIN et A. MARION, op. cit.
(62)
J.C.
HELIN,
ibid.
et
J.O.
BREDIN
in
article,
"Le
Monde",
op.
ciL
(63) Voir supra, 1ère partie, T. II, Ch. 1.

- 322 -
Ceci a d'ailleurs favorisé l'émergence de nouvelles géné-
rations
de
droits,
à
côté de ceux qui
sont
issus de
la Révolution
Française.
En
fait
la
notoriété
de
cet
événement
est
liée
à
son
ambition originelle
: traduire à partir de ses fondements chrétiens,
le concept de justice dans les faits.
Cependant le tableau que nous offre souvent la confrontation
entre
le citoyen
et
l'Etat
représente,
sans pour autant s'éloigner
d'une telle idée, une application biaisée.
En effet,
le problème majeur de la juridiction administra-
ti ve semble se résumer (et pour longtemps encore)
dans l' incapaci té
à faire appliquer ses décisions au moment opportun.
Combien d'études doctrinales ou de notes jurisprudentielles
furent
rédigées
à
propos
de
jugements devenus
sans
objet
du
fait
qu'ils
se
rapportaient
à
des
situations
dépassées
(65)
?
De
tels
cas,
on
en
dénombre
encore
par
dizaines
chaque
année notamment pour les marchés ou travaux publics et pour le secteur
de l'urbanisme.
Cela
a
quelque
chose
de
choquant
eu égard
à
la
rapidité
avec laquelle l'Etat arrive à faire respecter ses droits à l'encontre
du
particulier,
qui
est
en
situation
d'illégalité
(nous
pensons
ici à l'occupation du domaine public).
Beaucoup
de
sondages
d'opinion
le
montrent
aujourd'hui,
il naît de la réalisation insuffisante de l'idée de justice un certain
discrédit de l'oeuvre du juge.
On peut
certes
trouver
à
celui-ci
une
circonstance
atté-
nuante dans la mesure où il ne
fait que manier le droit dont c'est
le contenu qui est en cause.
(64) In supra, 1ère Partie, T. 1, Ch. 1, § 2 de la 1ère Section et Chapitre 2 du second
titre, Section 2, § 4.
(65) Voir notamment celles qui sont consacrées aux domaines des marchés et des travaux
publics, MM. MARION et HELIN, op. cit.

- 323 -
Il ne serait pas faux en effet, de penser que son applica-
tion formelle produit une irréductibilité des positions, une confron-
tation entre les parties en litige.
Dès
lors,
l'intervention
des
Autorités
Administratives
Indépendantes
dans
ce
cadre
se
justi fie
pleinement
par
les
voies
et
moyens
qu'elles
mettent
en
oeuvre
pour
rechercher
et
obtenir
un
consensus
entre
les
parties
et
par
la
facilité
qui
en
découle
pour l'exécution des décisions de réglement.
En
somme,
les
nouveaux
organismes
tentent
d'asseoir
une
justice
de
sagesse,
laquelle
consisterait
à
trouver
une
position
médiane
entre
différentes
prétentions
des
membres
de
la
société.
N'est-ce pas là,
au fond,
le rôle véritable de la justice humaine ?

- 324 -
CHA PIT R E
II
L'AVENEMENT D'UNE JUSTICE DE "SAGES"
L'idée
de
base
qui
préside
à
la
création
des
Autorités
Administratives
Indépendantes
consiste
à
moraliser
à
la
fois
les
comportements de l'Etat et des citoyens. Concrètement elle est conçue
de la façon suivante :
L'action
de
l'Etat
consistera
à
mettre
l'accent
sur
les
agissements
de
l'administration
qui
ne
font
pas
entièrement
l'objet de contrôle juridictionnel ou qui tout en l'étant sont insuf-
fisamment sanctionnés ;
A l'intention
des
citoyens,
il
s'agira
de
forger
un
discours
destiné
à
leur
red onner
con fiance
en
l'idée
de
justice,
en les mettant ainsi en rapport avec des interlocuteurs qui ne sont
pas forcément liés à l'Etat.
Cette
mesure
se
double
par
ailleurs
d'une
tentative
de
canalisation du mécontentement des justiciables, lequel se traduisait
jusque-là
par
une
action
devant
les
juridictions
administratives,
d'où l' eng orgement
des prétoires.
Aussi,
il
n' est
pas
étonnant que
l'existence de ceux que
l'on
appelle
aujourd'hui
les
"sages"
séduise
et
rassure
(1 )
(1) Ce mouvement dépasse en réalité la catégorie des Autorités Administratives Indépen-
dantes.
Il englobe d'autres organismes que les pouvoirs publics créent à la lisière
des domaines public et privé pour
résoudre des problèmes aussi
divers que ceux de
la nationalité et de l'éthique médicale.
Cf. E. PISIER et P. BOURETZ : "Le retour des sages" et Dossier "A quoi servent les
comités
d'éthique
?",
la
revue
Esprit
nO
3/4
p.
155
et
11,
1988,
p.
55.

- 325 -
L'effet positif que le phénomène produit sur la population
(active
notamment)
est
perceptible
à
travers
la multiplication
des
actions
de
médiation
dans
le
réglement
des
conflits
sociaux.
Du côté des spécialistes et analystes du droit,
la raison
de la séduction serait peut-être à rechercher dans ce que M. Rousseau
appelle l'"extraordinaire dévalorisation" de la norme (2).
Ce nouveau visage du droit enchante certains car il signifie
l'orientation
vers
des
VOles
de
résolution
moins
conflictuelles
des problèmes de société.
I l
peut cependant
renvoyer à
une
réa li té
moins
réjouissante
l'amoindrissement
de
la
garantie
des
droits
et libertés du justiciable.
SECTION 1 - LA RESOLUTION MOINS CONFLICTUELLE DU DROIT
L'intervention
des
Autor i tés
Administratives
Indépendantes
comme
instruments
nouveaux
de
médiation
entre
le
pouvoir
et
les
citoyens apparaît,
rappelons-le,
à
la fois comme révélateur et cor-
rectif de deux choses.
1.
La
déficience
du
contrôle
juridictionnel
de
l'administration,
et
2.
La
pauvreté
du
contenu
de
la norme
par
rapport
aux
situations
actuelles,
liées à un développement scienti fique et technique fulgu-
rant .
De
fait,
grâce
à
leurs
moyens
et
aux
procédures
qu'ils
instituent,
les
nouveaux organismes devront parvenir à désencombrer
et
à
améliorer
le
fonctionnement
des
juridictions administratives.
(2)
D.
ROUSSEAU,
"De
l'Etat
de
Droit
à
l'Etat
politique",
op.
cit.

- 326 -
§
1.
Un
désengorgement
de
la
juridiction
administrative
L'encombrement des tribunaux administrati fs découle certes
de
la
lenteur
traditionnelle
du
cours
de
leur
justice
(3).
Mais
il
recouvre
aujourd'hui
des
dimensions
encore
plus
grandes du
fait de certains facteurs comme l' élargissement du champ
de contrôle, opéré par divers textes et le développement de l'informa-
tion qui permet au citoyen d'acquérir de plus en plus une meilleure
connaissance de ses droits.
Devant
une
telle
situation,
la
solution
ne
peut
provenir
que
d'une
re fonte
du
mécanisme
juridictionnel
lui-même
une
voie
dans
laquelle
les
pouvoirs
publics
ne
désirent
pas
s'engager.
On
peut
cependant
espérer
parvenir
au
même
résultat
grâce
à
l'entrée
en vigueur de la loi du 31 décembre 1987 et de ses textes d'applica-
tion, et à l'intervention des Autorités Administratives Indépendantes.
La loisus~visée permettra dans un premier temps, de résorber
le
"stock"
de
litiges
non
encore
résolus
alors
que
les
Autorités
Administratives
Indépendantes,
quant
à
elles,
pourront
maintenir
grâce à
leurs
fonctions
de
médiation
et
d' apuration,
le
nombre
de
décisions pendantes à un niveau raisonnable.
A. Les Autorités Administratives Indépendantes assu-
-------------------------------------------------
ment un rôle de médiation
Nous avons déjà relevé que les nouvelles autorités tendent
dans
leurs
missions
à
faire
respecter
les
droits
et
libertés
du
citoyen et à garantir le bon fonctionnement des secteurs d'activités
(3) Voir supra pp. 310 et 311.

- 327 -
dont elles ont la charge ~ en ce sens, elles partagent les finalités
que s'assignent les juges (4).
De façon plus précise, les textes institutifs leur permettent
d'intervenir dans un litige (généralement naissant) avant le déclen-
chement
de
la procédure
juridictionnelle,
aux
fins
de conciliation
ou de médiation.
Prenons à cet égard trois exemples qui se rapportent suc-
cessivement
à
la
C.A.D.A.,
à
la
H.A.C.A.
et
à
la
C.N.LL.
(5).
En
ce
qui
concerne
le
premier
organisme
cité,
l'article
7 de
la
loi
du
17
juillet
1978
organise
une
procédure
qui
oblige
l'administré
,en cas de refus exprès ou tacite de l'administration
de communiquer un document, à solliciter son avis (6).
C'est seulement après la confirmation du refus de l'adminis-
tration, consécutif à l'avis de la C.A.D.A. que la phase juridiction-
nelle débute.
Il est certain que celle-ci est de plus en plus utilisée
et que de tous les secteurs d'activités des Autorités Administratives
Indépendantes, celui de la communication des documents administratifs
connaît le plus de décisions contentieuses.
Il n'en reste pas moins
que la plupart des litiges s'éteignent dans la phase administrative
du
fait
de l'intervention de
la C. A. D. A.,
notamment
; c'est qu' au-
delà
de
sa
mission
qui
consiste
à
veiller
au
respect
des
droits
de l'administré, cet organisme conseille et aide au bon fonctionnement
de la machine administrative.
(4) Voir supra, notre première partie, Chapitre l, 2e Section.
(5) A vrai dire la C.A.D.A. ne constitue pas une Autorité Administrative Indépendante.
Mais elle reflète néanmoins parfaitement la problématique de ces autorités nouvelles.
Cf. en ce sens, supra
T. 2, Chap. 2 de notre 1ère Partie.
(6)
Voi r
C.E. ,
19
févr ier
1982,
Dame
COMMARET,
Rec. p .79,
Concl.
DOUDOUX.

- 328 -
On
peut
en
effet
dire
que
seules
les
premières
années
de
fonctionnement
furent
di fficiles,
quand
il
s'agissait de
vaincre
les
réticences
des
administrations
liées
à
l'incompréhension
de
l'aspect précédemment cité de son rôle (7).
Au
fil
des années,
il apparaît que l'administration s'exé-
cute
plus
facilement
après
l'avis
positif
de
la
C.A.D.A.
(8).
A propos
de
ses
relations
avec
l'administré,
il
arrive
souvent
que celui-ci
abandonne
toute
poursui te
parce qu'il
s'estime
éclairé, quant à la limite de ses prétentions.
Il
fait
ainsi
l'économie
d'une
action
contentieuse
dont
non
seulement
l'issue
est
incertaine,
mais
qui
accroît
aussi
la
charge
du
juge.
C'est
dans
le
même
ordre
d' idées
qu'est
conçue
la
disposi tion contenue dans
l'article 18 de
la loi du 29 juillet 1982
relative à la communication audiovisuelle.
Elle
prévoit
que
les
litiges
opposant
les
journalistes
aux
organismes
publics
qui
les
emploient
peuvent
être
soumis
à
la
H.A.C.A.,
préalablement
à
l'engagement
d'une
procédure
juridiction-
nelle, aux fins de conciliation.
Du
fait
de
ses
compétences
dans
le
secteur
en
question,
cet
organisme
serait
à même d' amener
les protagonistes à
s' entendre
rapidement,
sans
que
la
ou
les
questions
qui
se
posent
aboutissent
devant les juridictions.
En
fait,
une
telle
démarche
a
permis
de
façon
officielle
ou non à la H.A.C.A., de régler des problèmes dans d'autres domaines,
(7) Cf. Bruno LASSERRE
"La Commission d'Accès aux Documents Administratifs", E.D.C.E.,
nO 33, p. 49.
(8)
En ce sens,
D. DELPIROU,
"La Communication des documents administrati fs
("étude
de jurisprudence)", C.J.E.G. nov. 1983, p. 353 et les 3e, 4e et 5e rapports d'activité
de la C.A.D.A., publication de la Doc. Fr.

-
329 -
notamment
dans
celui
de
l'information
en
période
électorale
(9).
l'action de la C.N.I.l. à propos des informations nominatives faisant
l'objet
de
traitements
automatisés,
peut
être
perçue
dans
le
même
sens.
En
effet,
dans
l'exercice
de
la
mission
de
contrôle
que
la
loi du 6 janvier 1978
lui confie,
il
Y a
une part prépondérante
d' aide et de conseil auprès des organismes publics et des personnes
privées
intéressés,
lesquels
finissent
par se ranger à
ses observa-
tions (10).
En réalité, l'importance de cette phase administratlve
dans
le réglement pré-juridictionnel des conflits dépasse les seuls cas des
trois
organismes
envisagés ci-dessus,
pour
recouvrir
l'ensemble
des
n~!.IVeIles autorités, hormis peut-être la C. N. C. l. et le Conseil de lü
Concurrence.
les décisions de ces deux instances font souvent en effet,
l'objet
de
saisine du
juge
de
la
part des
intéressés qui entendent
contester
leur
légalité
ou
interjeter
une
sorte
d'"appeI".
Dans
tous
les
cas,
les
li tiges
se
trouvent
soit
aplanis,
soit
apurés.
leur
extinction
devant
les
Autorités
Administratives
Indépendantes
est
facilitée,
nous
l'avons
vu,
grâce
à
l'emploi
de
moyens informels et à l'"aura" qui entoure les personnalités siégeant
au
sein
de
ces
instances
c'est
alors
autant
d' allègement
pour
les juridictions (11).
Quant
à
leur
apurement,
il est obtenu par l'effet d' "éIa-
guage"
des
points
de
contestation
mineurs,
que
permet
le
passage
devant les autorités nouvelles.
(9) Voir le 4e Rapport annuel de la H.A.C.A.
(septembre 1985, juillet 1986), op. cit.,
p. 19 et s.
(10) Cf.
le compte-rendu annuel des activités de cette commission dans le 6e Rapport
(1er janvier 1985 - 31 décembre 1985), La Doc. Fr.
( 11) Supra, pp. 309 et s.

- 330 -
B. ~~:,__A_u_t_o!!_t~.?__A_d_~i_nJ_s_~r_a_~~~e_~_~'2~~e.~'2~~'2~~~_~e~:
rent les conflits
Le
qualificatif
"pré-juridictionnel"
souvent
conféré
par
les auteurs au
rôle
des Autorités Administratives
Indépendantes
dans
le
réglement
final
des
litiges
dont
elles
ont
connaissance,
avant
le
juge,
dénote
assez
largement
l'importance
que
revêt
leur
action (12).
Celle-ci
consiste,
nous
l'avons
vu,
à
tenter
d'aplanir
les problèmes en amont de la procédure juridictionnelle en utilisant
les
pouvoirs
d f enquête
et
d'investigation
que
postulent
les
textes
constitutifs (13).
De
fait,
l'utilisation
de
ces
compétences
est
entourée,
comme
l'est
parfois
l'avis
que
sollicitent
les
juridictions
auprès
de ces instances,
de garanties procédurales
;
ce qui permet au
juge
saisi
du
li tige
de
passer
directement
à
l'examen
du
fond.
Mais
cette
collaboration
dépasse
souvent
le stade
des
avis
pour
atteindre,
comme c'est
parfois
le
cas en ce qui concerne
le Conseil de la Concurrence, une participation effective à l'instance
juridictionnelle.
Ainsi
les
Autorités
Administratives
Indépendantes
contri-
buent-elles
à
l'amélioration
du
fonctionnement
de
la
justice.
(12) cf. supra, p. 37 et s.
(13) Pour le Conseil de la Concurrence, par exemple, il s'agit du titre VI de l'Ordon-
nance du 1er décembre 1986.
D'un point de vue global, pour des développements relatifs à ces pouvoirs
et
aux
relations que
les nouveaux organismes entretiennent
avec
les
juridictions,
voir notre chapitre 1er, Section 2.

- 331 -
§ 2. Un meilleur fonctionnement de la justice
Le
positivisme
juridique
reste
encore
dominant
dans
le
débat théorique relatif à l'Etat de droit (14).
Ceci se reflète d'ailleurs dans la jurisprudence du Conseil
d'Etat
notamment,
à
propos
de
laquelle
le
haut
tribunal
consent
rarement à aller au-delà des règles de droit formelles pour invoquer
l'équité.
Néanmoins
on
a compris
que
l'idéal de
justice ne saurait
se réaliser entièrement à travers les lois et décrets qui sont néces-
sairement
insuffisants
et
vont
même
parfois
à
l'encontre
de
cet
objecti f.
Aussi,
permet-on aujourd' hui aux Autorités Administratives
Indépendantes d'aller au besoin,
au-delà de la norme, soit expressé-
ment (cas du médiateur), soit tacitement(pour les autres organismes),
pour
suppléer
à
l'action
du
juge
et
prolonger
celle-ci.
A.
Les
Autorités
Administratives
Indépendantes
-------------------------------------------------
compensent les lacunes du juge
Les
nouveaux
organismes
facilitent,
nous
l'avons
vu,
le
travail des tribunaux,
grâce à une série d'actions qu'ils réalisent
en amont, et qui normalement incombent aux magistrats dans le cadre
de la procédure contentieuse.
Cependant
leur
rôle
ne
se
limite
pas uniquement
à cela.
Il
en
est
d'autres
hypothèses

ils
comblent
le
vide
laissé
par
la procédure juridictionnelle.
(14) Voir à ce propos, J.C. RICCI, "Droit et loi chez les légalistes"in La Philosophie
à l'Epreuve du Phénomène Juridique: Droit et Loi, op. cit.

- 332 -
Tel est souvent le cas lorsque le juge exclut le domaine,
l'acte en cause de sa compétence ou
lorsque celle-ci ne lui permet
pas d'assurer un contrôle convenable.
Il
arrive,
par ailleurs
qu'il
exerce
un
contrôle
normal,
conforme au droit positif sans pour autant que sa décision satisfasse
le sentiment de justice.
. Le premier point a trait aux mesures d'ordre intérieur,
actes éminemment administrati fs donc usuels dans les relations entre
l'administration et les administrés, mais que la juridiction adminis-
trative considère souvent comme ne faisant pas grief.
Or
il
est
apparu
et
il
apparaît
encore
qu'elles
peuvent
porter atteinte aux droits des citoyens (15).
Dès lors, seule une autre
forme d'intervention permettrait
de
préserver
l'administré
des
irrégularités
de
l'action
publique.
La
création
d'un
Médiateur
par fai tement
instruit
du
fonctionnement
de
l'administration
dont
les
agents
lui
doivent
obéissance
dans
le cadre de sa mission et doté du reste, d'une grande autorité morale,
s'inscrit dans ce sens (16).
Le second point porte sur des litiges posant des questions
spécifiques liées à une compétence technique
que ne possède souvent
pas le juge. D'ailleurs dans la plupart des cas, on est en présence
d'un vide juridique que le magistrat, sur lequel pèse une obligation
de statuer, est tenu de combler.
Il ne lui reste alors qu'à recourir au service des profes-
sionnels,
pour
l'éclairer
et
lui
offrir
une
piste
qui
permettrait
d'aboutir à la meilleure solution possible.
Il
en
sera
vraisemblablement
ainsi
lorsqu'il
aura
à
se
prononcer sur les problèmes relatifs à l'information nominative dans
un
système
d'expert
ou
d'intelligence
arti ficielle
ou sur
la qua-
li fication
d'un
délit
de
manipulation
des
cours
boursiers.
(15) Cf. D. LOCHAKt "Le droit administrati f,
rempart contre l'arbitraire ?" in "Pou-
voirs" na 46, 1988,op. cil.
(1L::\\
\\In; r
Cllnr'.:l
nn
')1
'?n~ ct
c

- 333 -
La
bonne
mise
en
oeuvre
de
l'idée
de
justice
dans
ces
deux
matières
requiert
nécessairement
l'appel
à
la
C.N.l.l.
et
à
la C.O.S.
De
même
l'intervention
du
Médiateur
s'avère
parfois
fort
utile lorsqu'il s'agit notamment de corriger, d'équilibrer les effets
d'une
décision
juridictionnelle
conforme
au
demeurant
aux
textes.
C'est
notre
dernier
point qui est consacré à
l'équité.
Dans
sa
mission
le
juge
administrati f
ne
s'autorise
pas
à redresser les règles de droit même lorsque leur application conduit
à un résultat contraire au sentiment de justice.
Pourtant ce juridisme n'est
pas dépourvu de toute logique
dans la mesure où il s'inscrit dans le principe de la sécurité juri-
dique.
Cependant
nous
l'avons
vu,
l'édifice
normatif
comporte
en
partie
des
textes
de
lois
dont
le
fondement,
l'intérêt
général,
ne serait en réalité que la volonté des hommes politiques ; laquelle
tend d'abord à assurer la prééminence de l'Etat sur la société civile.
Dès lors que le juge s'en tient uniquement au droit, lequel
n'intègre
pas
toujours
l'équité
dans
ses
qualités
(17),
on
peut
s'attendre
à
la
multiplication
de
ces
situations que
le Médiateur
s'efforce
de
régler
depuis
son
installation
et
qui
reproduisent
l'opposition
entre
une
administration
imbue
d'un
droit
réel
mais
non conforme à l'équité et le citoyen (18).
(17) Ce que tend à corriger la législation récente. Ainsi
le décret du 2 septembre
1988 précédemment cité,
exhorte-t-il le Conseil d'Etat à s'en référer dans certains
cas, voi r supra p. 309 et s.
(18) Pour les affaires les plus récentes, cf. les Rapports pour 1985 et 1986 au Prési-
dent
de
la
République
et
au
Parlement,
publiés
par
la
Direction
des
J.O.

- 334 -
L'intervention
du
Médiateur
s'inscrit
ici
dans
une
pers-
pecti ve
"supra"
normative.
Elle
consiste
à
rechercher
une
solution
satisfaisante même
au
prix
d'un
dépassement
des
limites
juridiques
formelles (19).
Cette institution oeuvre ainsi dans le sens du prolongement
de la décision juridictionnelle ; elle tend à décloisonner la justice
de
sa seule dimension
normative,
pour lui ouvrir d'autres horizons
propres à la morale, à la sociologie.
B. ~~~_~~~~!j~!~ __~~~~~~~~~~~~~~~_~~~~~~~~~~~~~_e~~=
!~~~~~~_!~~~~~~~-~~-j~~~
Après
le
constat
suivant
lequel
le
juge
administratif
borne
sa
mission
au
"dire-droit"
et
dans
la mesure où
son
action
post-juridictionnelle produit
peu de
résultats tangibles,
il a bien
fallu
que
le législateur ouvre d'autres perspectives d'amélioration
de l'Etat de droit.
C'est dans ce sens qu'il a créé les Autorités Administrati-
ves
Indépendantes
afin
d'insufler
à
la
fois
à
l'administration,
l'application correcte des décisions juridictionnelles et l'interpré-
tation heureuse du droit positif.
Nous faisons appel une fois de plus pour étayer cette affir-
mation, au Médiateur. Le rôle de cette institution consiste en effet,
d'une part à compléter l'action du Conseil d'Etat relative à l'exé-
cution
des
décisions
de
justice
(il
s'agit
précisément
de
celle
de sa Commission du rapport et des études) et d'autre part à inltier
des
solutions
convenables
pour
des
problèmes
douloureux
qui
n'ont
pas été réglés de manière satisfaisante.
(19) Cf. supra pp.21, 203 et s.

- 335 -
Pour ce
faire,
le
Médiateur dispose à l'instar de toutes
les nouvelles autorités,
de la possibilité d'alerter et de se faire
entendre
des
hautes
instances
de
l'Etat
et
de
l'opinion
publique
par des rapports
;
lesquels constituent alors une des bases de son
autorité morale (20).
Celle-ci
se
trouve
par
ailleurs
renforcée
par
un
facteur
essentiel
l'aptitude
de
l'organisme
à
réconcilier
des
positions
opposées ou,
à
tout
le moins,
à
régler
les conflits en préservant
les intérêts essentiels de l'une et de l'autre parties.
Cette
aptitude
se
fonde
cependant
sur
un
recours
à
des
valeurs que le juge interne utilise rarement ou peu dans sa mission,
contrairement au juge ou à l'arbitre internationaux.
La réalité est que les litiges qui naissent dans la société
actuelle se prêtent mieux aux modes de réglement de l'ordre juridique
international qu'à ceux de l'ordre interne.
Il
s'avère en effet
que
les moyens
de
contrôle
traditionnels
sont
de plus en plus inadéquats face à la fluidité des situations et des
actes
que
le tourbillon des
technologies introduit dans les di ffé-
rents domaines. D'ailleurs à cet égard,
le rapprochement fonctionnel
entre certaines autorités indépendantes et l'arbitre s'impose.
En
effet,
la
possibilité
pour
l'administré
de
choisir
le
Médiateur
par
exemple,
pour
intercéder
en
sa
faveur
auprès
de
l'administration et
régler
le
l i tige
qui
les
oppose,
plutôt
que de
soumettre
celui-ci
au
juge
administratif,
rappelle
la
procédure
d'arbitrage entre deux Etats, au plan international.
(20) Voir en ce sens son intervention dans le cadre d'une affaire relative au remembre-
ment rural et qui a cependant fait l'objet d'une décision juridictionnelle non exécutée,
Rapport pour 1987, La Ooc. Fr., p. 31 et s.

- 336 -
Dans
cet
ordre
juridique,
les
entités en
conflit
peuvent
convenir de se soumettre à un verdict inspiré soit des règles interna-
tionales
uniquement,
soit
de, l'équité
à
moins
qu'elles
acceptent
que
la
sentence
prenne
en
compte
les
deux
à
la
fois.
Les moyens dont dispose l'arbitre sont alors assez proches
de
ceux
qu'utilisent
les
nouveaux
organismes
ils sont
informels
et relatifs à la raisonnabilité, à la proportionnalité. Ils débouchent
le plus souvent sur la conciliation.
L'introduction d'une
telle procédure dans l'ordre étatique
constitue
une
sorte
de
revirement
dans
la
mesure

jusque-là
on
ne pouvait admettre que les personnes publiques ne
fassent pas con-
fiance aux juridictions étatiques (21).
D'ailleurs
certaines
parmi
celles-ci,
comme
le Conseil
d'Etat
peuvent
désormais,
sur
le
fondement
de
textes
nouveaux
et
dans
certains
cas,
exercer
une
mission
de
conciliation
(22).
Cependant à
l'égard des Autorités Administratives Indépen-
dantes,
le
bénéfice
d'une
aussi
grande
latitude
dans
la
recherche
des moyens de réglement des différends, peut comporter un inconvénient
majeur:
l'amoindrissement de la garantie des droits du justiciable.
SECTION II - L'AMOINDRISSEMENT DE LA GARANTIE DES DROITS ET LIBERTES
DU JUSTICIABLE
La
création
des
Autorités
Administratives
Indépendantes
n'a pas suscité que de l'admiration
et des éloges dans la doctri-
ne ; on s'y attendait.
(21) Le principe est que les personnes publiques ne peuvent pas recourir à la procédure
d'arbitrage.
Ceci
se déduit
des dispositions de
l'ancien code de procédure civile
(article 83 et 1004), aujourd'hui reprises dans le nouveau Code civil (article 2060).

- 337 -
I l
était
cependant
di fficile
d' imaginer
que
les quelques
voix
qui
se
sont
élevées
pour
prêcher
la
prudence
auraient
tant
de mal à se faire entendre.
Ainsi,
les
inquiétudes
de
E.
Pisier,
P.
Bouretz
et
de
G.
Dupuis respectivement à propos de l'apparition d'un "gouvernement
des
sages"
et
d'un
renouveau
du
corporatisme
n'ont
guère
attiré
l'attention (23).
La
raison
en
est
peut
être
que
les
nouveaux
organismes
constituent
tout
simplement
l'instrument
des
autorités
politi-
ques (24).
Il nous semble pourtant que les deux positions ne s'excluent
pas.
On
pourrait
convenir
que
la
première,
celle
du
"gouvernement
des
sages",
est mise en avant pour mieux masquer
la réalité de la
seconde.
En effet,
l'institution des nouvelles autorités peut être
interprétée
comme
une
conséquence
du
refus
de
la
part
du
pouvoir
politique
de
promouvoir
une
réforme
juridictionnelle
adéquate.
Il
s'agirait
dans
ce
cas
de
minimiser
les
imperfections actuelles
de
la justice administrative, tout en créant des organismes dont l'auto-
nomie relative ne permettrait tout au plus que d'apaiser les conflits
qui secouent la société.
(22) Pour le Conseil d'Etat,
voir les dispositions de l'article L.3 nouveau du Code
des tribunaux administrati fs (issu de la loi du 6 janvier 1986 relative à l' indépen-
dance des membres des tribunaux administrati fs) et de l'article 13 de la loi du 31
décembre 1987.
(23) E. PIS 1ER et P. BOURETZ, "Le retour des sages", op. cit., et G. DUPUIs dans l'in-
troduction au compte rendu du Colloque relatif aux Autorités Administratives Indépen-
dantes, P.U.F. , 1988, op. cit. p. 13.
(24) En ce sens P. sABOURIN, "Les autorités administratives indépendantes dans l'Etat",
in Colloque précité, p. 93.

-338 -
De ce point de vue,
l'accueil favorable dont les Autorités
Administratives Indépendantes
bénéficient
ne
devrait
en
aucun
cas
être
interprété
comme
l'acceptation
d'une
justice
"molle",
d'un
fléchissement du respect des droits de la défense.
§ 1. La déjuridictionnalisation de la justice
L'action des Autorités Administratives Indépendantes empiète
sur
la
sphère
de
compétence
des
juges
administratifs
notamment.
Officiellement,
tel
n'est
pas
l'objectif
recherché
dans
les textes consti tuti fs.
Il paraî t
cependant que c'est un
fait dont
on doit s'accommoder dans la mesure où il tend à corriger les défauts
de fonctionnement du contrôle juridictionnel.
En
fait,
cela
ne
reste
concevable
que
si
les
nouveaux
organismes
se
bornent
à
servir
d'appoint
à
la
justice
classique.
Ce qui ne semble pas être toujours le cas (25).
Or il est entendu que les Autorités Administratives Indépen-
dantes,
malgré une certaine communauté
fonctionnelle avec les juri-
dictions, ne rendent pas des décisions dotées de l'autorité de chose
jugée.
Dès
lors,
on
doit
s'attacher
à
limiter
la
prépondérance
qu'elles
tendent
à
prendre
dans
le
réglement
des
litiges.
A. Les Autorités Administratives Indépendantes limi-
------------------------------------------------
tent l'action du juge
L'intervention
des
nouveaux
organismes,
en
amont
de
la
saisine juridictionnelle permet,
rappelons-le,
de purger les l i tiges
(25)
Cf.
l'étude
de
Pr.
OELVOLVE,
"La
justice
hors
du
juge",
op.
cit.

- 339 -
et même parfois de les apurer.
Le travail du juge s'en trouve alors
simplifié et allégé.
Cependant
il
n'en
va
pas
ainsi
dans
tous
les
cas,
car
il est des situations où les protagonistes sont obligés de soumettre
leur li tige à une auto ri té indépendante,
tout en sachant que celle-
ci ne pourrait pas le régler.
En
fait
pour
être
plus
précis,
il
faudrait
dire
que
le
réglement
final
ne
serait
pas
acceptable
pour
tous
à
cause
d'une
irréductibilité des positions (26).
Dès
lors
l'issue
ne
peut
être
que
juridictionnelle.
La
question
qui
se
poserait
alors
serait
de
savoir
si
le
passage
devant
l'Autorité
Administrative
Indépendante
n'aurait
pas
retardé
inutilement
le
cours
de
la
justice,
avec
ce
que
cela
pourrait
comporter
de
dommages
pour
les
justiciables
eux-mêmes.
De même,toujours dans le même ordre d'idées,on peut envisa-
ger des hypothèses où les nouveaux organismes délibèrent en opportuni-
té,
alors
que
des
solutions
juridiquement
solides
existent
pour
résoudre le problème posé (27).
Certes
les conflits
peuvent
bien prendre
fin à ce stade,
mais ce serait assurément dans des circonstances que le droit réprouve,
d'autant
plus qu'il
Y a alors
prétention de
facto
de
la part
des
autorités à se substituer au juge.
(26) On pourrait prendre comme exemple un cas quelconque relatif à la communication
d'un document administratif, relevant par conséquent de la C.A.D.A.
(27) Voir en ce sens le Pr. MaRANGE, "Les pouvoirs de la Haute Autorité de la Commu-
nication Audiovisuelle", R.D.P., 1983.-6, p. 1509.
La survenance de tels
fai ts serai t
imputable selon cet auteur,
à
la nomination par
les pouvoirs publics d'une majorité de non-juristes au seir> des nouvelles instances.

- 340 -
B.
Les
Autorités
Administratives
Indépendantes
tendent à se substituer au juge.
Les nouvelles autorités constituent aujourd' hui le vecteur
privilégié de la sanction administrative (28).
Or,
c'est
précisément
dans
ce
domaine,
jadis strictement
circonscrit,
que
se
manifestent
les
cas
de
substitution
au
juge
par
l'Autorité
Administrative
Indépendante
et
qu'une
bonne
partie
de la doctrine réprouve.
En effet, depuis la deuxième guerre les auteurs ne cessent
à intervalles réguliers,
de poser le problème de la répression admi-
nistrati ve,
notamment
ce lui
de
son
fondement,
de sa
légalité
(29).
D'ailleurs,
la
problématique
ressurgissait
encore
tout
récemment
à
l'occasion
de
la
décision
du
Conseil
Constitutionnel
des
10
et
11 octobre 1984 (30).
La Haute Cour avait alors à examiner si les griefs relatifs
à
la
nature
juridictionnelle
des
pouvoirs
conférés
à
la
C. T. P. P.
par
la
loi
de
1984 portant
sur
les entreprises de presse,
étaient
fondés (articles 19 et 20).
Elle fit certes droit à la demande des députés en annulant
les dispositions en cause. Mais pour ce faire, elle préféra se placer
sur
le
terrain
des
libertés
en
se
référant
à
l'article
11
de
la
Déclaration de 1789. Elle ne mettait ainsi en cause le pouvoir admi-
nistratif
de
sanction
que
dans
la
mesure

il
intervenait
dans
le champ d'une liberté
fondamentale
ce qui
laissait supposer que
(28) Cf. supra pp. 50
et s.
(29)
Voir Jacques MOURGEON,
La Répression Administrative,
Paris
1967 et
tout
récem-
ment MM.
GEORGEL et HUBRECHT,
"Les sanctions administratives" J.Cl.
adm.,
fasc.
202
et p. DELVOLVE, précité.
(30) Cf. Supra pp. 54 et 55.

- 341 -
son existence en
soi
n'est
pas
illégale.
La Cour
le confirmera du
reste, dans sa décision du 23 janvier 1987 (31).
Cette reconnaissance n'a cependant pas eu pour effet d'apai-
ser la doctrine qui se demande logiquement si la nouvelle expérience
des Autorités Administratives Indépendantes ne risque pas de pérenni-
ser la pratique d'une administration qu i punit à la place du juge,
une justice sans le juge.
A cet égard,
J.
Chevallier
déclare
que
"ce pouvoir de
répression
administrative
qui
a
tendance
à
se
développer
au
nom
d'une
volonté
de
dépénalisation,
exprime
de
manière
ostentatoire,
et
en dépit
de
l'exigence de
respect
du
droit
de
la défense,
la
suprématie
d'une
administration
investie
du
droit
de
punir" (32) .
M.
Decocq
abonde
dans
le
même
sens
lorsqu'il
reconnaît
aux pouvoirs du Conseil de la Concurrence une nature punitive (33).
Certes
dans
la
matière,
on
aura
tendance
à
incriminer
tout simplement le législateur qui octroie lui-même ces attributions,
en pensant peut_être décharger utilement le juge (34).
Mais
c'est
oublier
la
tendance
qu'engendre
ce
fait
dans
le comportement des nouveaux organismes.
Dans les faits,
il semble y avoir un "glissement fonction-
nel" des Autorités Administratives Indépendantes de la nature adminis-
trative
vers
la
nature
juridictionnelle .Cela est du
reste
favorisé
(31) supra, p. 50 et s.
(32) J. CHEVALLIER,
"Le droit administratif, droit de privilège ?"
. , Pouvoirs nO 46,
1988, p. 57.
(33)
A.
DECOCQ, Rapport sur le "Nouveau droi t de la concurrence : un changement de
cap souvent passé inaperçu"," Entretiens de Nanterre" des 11 et 12 mars 1988, J.C.P.,
éd. E. nO 43, supplément du 27 octobre 1988, p. 23.
(34) L' allusion est
ici
relative à l' affi rmation
(dans une forme
interrogative)
de
J. ROBERT selon laquelle la part de responsabilité aujourd'hui octroyée au juge serait
excessive.

- 342 -
par
la
formation
d'une
"jurisprudence"
souvent
considérée
comme
immuable
même
en
l'absence
de
saisine
juridictionnelle
ce
qui
peut
d'ailleurs
être
source
de
tension
entre
l'autorité
nouvelle
et le juge dans l 'hypothèse où celui-ci remettrait en cause la dite
régIe (35).
Il
faut
cependant
reconnaître,
et
le
Pro
Chevallier
le
laisse
entendre
dans
le
passage
précédemment
reproduit,
que
si
la
technique
des
sanctions
administratives
fait
l'objet
de
tant
de
réserves,
c'est
parce
qu'elle
est
susceptible
de
porter
atteinte
aux garanties des droi ts de la dé fense.
§ 2. Du respect des droits de la défense devant les Autori-
tés Administratives Indépendantes.
La focalisation
du débat doctrinal sur l'enjeu que repré-
sente
aujourd'hui
le
respect
des droits
de
la
défense
devant
les
instances
nouvelles
s'explique
aisément
par
les
risques
encourus
par
le
citoyen
du
fait
de
leurs
pouvoirs
exorbitants
(36) .
Certes,
c'est
à
l'occasion
de
l'exercice
par
l'adminis-
tration de son pouvoir de répression que le Conseil d'Etat a dégagé
le principe général régissant ces droits (décision Dame Veuve Trompier-
Gravier, C.E. 5 mai 1944, Rec. 133).
D'ailleurs
le
haut
tribunal
continue
encore
de
veiller
à
l'application
de
ce
principe
au
fil
de
ses
arrêts
c'est
dire
qu'il portera, pour le moins, une attention égale, lorsqu'il s'agira,
de
contrôler
l'action
des
nouvelles
autorités
en matière
de
sanc-
tions administratives.
(35) Cf. la décision du T.G.I. de Paris du 20 janvier 1988, suivie de la note de Monique
CONTAMINE-RAYNAUO, R. Oalloz Sirey 1988, p. 432.
(36) Voir supra, les développements relatifs notamment aux sanctions administratives.

- 343 -
Toutefois, le danger pourrait provenir de cette assimilation
entre Autorités Administratives
Indépendantes et
autorités
adminis-
tratives
classiques,
notamment
par
une
sorte
de
transfert
de
son
indulgence à
l'égard de
l'action
administrative
ce
qui,
dans
le
cas précis du sursis à exécution,
a abouti à une certaine précarité
due à la limitation de ses effets (37).
Certes, on fait confiance, en la matière, au Conseil Consti-
tutionnel pour rappeler, à l'occasion, les exigences dues au respect
des droits du justiciable.
Mais
les
opportunités
s'avèrent,
pour
le
moment,
rares
pour
lui
(38).
Dans
cette
mesure,
compte tenu de
la
fréquence
des
décisions
du
Conseil
d'Etat
à
l'égard des
nouveaux
organismes,
on
peut redouter, par un effet de restriction de leur champ d'application,
la fragilisation des droits de la défense.
Ce
risque
découle,
nous
l'avons
dit,
de
la démarche
qui
consisterait à réaligner les nouvelles autorités sur l'administration
classique.
D'ailleurs,
ce
n'est
pas
le
seul
danger
que
recèle
ce
réalignement
il
pourrait
susciter
aussi
une
solidarité
pouvant
se muer en frein pour l'exercice des pouvoirs des Autorités Adminis-
tratives Indépendantes à l'égard des autorités classiques.
A.
La nature administrative des Autorités Adminis-
tratives Indépendantes restreint le champ d'appli-
-------------------------------------------------
cation des droits de la défense
Le principe des droits de la défense sous-tend deux exigen-
ces
: le respect absolu du caractère contradictoire de la procédure
(37) Cf. le Commentaire de Bruno GENEVOIS à propos de la décision du Conseil Constitu-
tionnel du 23 janvier 1987, R.F.D.A. 3 (2) 1987, p. 287.

- 344 -
dans
le
cadre
juridictionnel
et
l'obligation,
souvent
interprétée
de
façon
souple
par
le
Conseil
d'Etat,
pour
l'administration
de
mettre
l'intéressé à
même
de
présenter
sa
dé fense,
en matière
non
juridictionnelle (39).
les
nouvelles
autorités
évoluent,
on
le
sait,
dans
le
cadre
de
leurs missions,
entre
les
deux
pôles
précités.
En effet,
le législateur consent parfois à offrir au justiciable qui se présente
devant
l'autorité
nouvelle,
des
garanties
suffisantes
allant
même
au-delà du contenu strict des droits de la défense.
Mais il le fait sous l'empire de deux facteurs: la pression
des milieux intéressés,
c'est le cas pour le Conseil de la Concur -
rence,
et
l'expérience
induite
par
la
jurisprudence
du
Conseil
d'Etat
laquelle
est
empreinte
de
résistance
et
de
réajustement
des dispositions législatives dans
le sens d'une approche favorable
à l'interprétation réglementaire.
D'ailleurs un tel souci est récent,
de la part des parle-
mentaires.
Ceci
expliquerait
l'existence
de
la
seconde
catégorie
d'Autorités
Administratives
Indépendantes,
dont
la
création
est
plus ancienne et à l'égard desquelles le législateur semble manifester
une
moindre
importance
pour
ce
qui
est
du
respect
des
droits
de
la défense.
Ainsi, pour la C.N.I.l. et la C.N.C.l., on ne trouve point
de disposition
législative consacrée au principe du
contradictoire
(40).
(38) Notons que la décision précitée du 23 janvier 1987 lui a permis de rappeler l'im-
portance du sursis à exécution dans la garantie des droits de la défense. Cf. Supra
p. 50 et s.
En fait, cet attachement d'un point de vue général au principe relatif à ces droits
transparaît dans beaucoup de
ses déci sions.
Voi r
notamment celles des 21 décembre
1972 et 20 juillet 1977, Rec. pp. 36 et 39.
(39) Voir supra p. 37 et s.

- 345 -
Au demeurant,
laisser le soin de le faire au gouvernement
ou
aux
personnalités
qui
composent
ces
organismes,
relève
d'une
approche fragile et dangereuse.
Car dans le cadre actuel des dispositions constitutionnel-
les,
le
principe peut être tenu en échec par un simple décret.
En
fai t,
cet te absence de
fermeté
de
la part du législateur,
pour une
application rigoureuse des droits de la défense devant les nouveaux
organismes,
revient à cautionner implicitement la démarche précédem-
ment
citée,
du
Conseil
d'Etat
consistant
à
reproduire
devant
les
Autorités
Administratives
Indépendantes
sa
jurisprudence
relative
à
une
interprétation
souple
du
principe
du contradictoire,
au
nom
des impératifs liés à l'action administrative (41).
Ainsi
en
1981,
cette
haute
juridiction
décidait
que
la
procédure conduite par l'ancienne Commission de la Concurrence rele-
vait de la même nature que celle que l'on observe généralement devant
un organisme
consul tati f
classique,
alors même que cette autorité
est
tenue
pour
quasi-juridictionnelle
par
plusieurs
auteurs
(42).
Dans le même sens, elle allait quatre ans plus tard,
faire
preuve
d'une
grande
souplesse
quant
aux
implications
du
concept
d'"association des parties aux travaux" qui se déroulaient à l'occa-
sion d'un litige, devant la même Commission (43).
(40) Il en est d'ailleurs de même pour les commissions conswltativescomme la C.A.D.A.
par exemple, même si par ailleurs Bruno LASSERRE nous assure que le caractère contradic-
toire de la procédure est bien respecté devant elle. Cf. son article paru dans E.D.C.E.
nO
33,
p.
49.
Pour
les
autres
organismes,
voir
supra, p. 37 et s.
(41) A propos de cette jurisprudence, cf. MM. AUBY (J.M.) et DRAGO, Traité de Conten-
tieux Administratif, T. II, L.G.D.J., 1984, p. 325 et s.; R. CHAPUS, Droit Administratif
Général, T. 1, Montchrestien, 4e éd., p. 690 et s. ; HUBRECHT et GEORGEL, J.Cl. Adm.,
op. ciL, et H.G. HUBRECHT, "La notion de sanction administrative", article à paraître
aux Petites Affiches.
(42) C.E. 13 mars 1981, S.A.R. Armand Pellerin et Cie, notes GAUDEMET, R.D.P. 1981,
p. 1429 et GAVALDA, O.S. 1981, 418.
(43) C.E. 22 mai 1985, Société Cabot Corporation, Rec. p. 158 et E.D.C.E. nO 37, p.
97.

- 346 -
Enfin,
tout
récemment,
dans
son
arrêt
du
30
septembre
1987 "Société J. V.C. Vidéo-France",
elle a adopté une interprétation
extensive à la fois du délai de convocation des parties et du caractè-
re contradictoire de la procédure qui a été conduite devant le Conseil
de la Concurrence (44).
Une
telle
attitude
concernant
cette
dernière
autorité,
dont
le
caractère
juridictionnel
est
encore
plus
marqué
que
chez
l'ancienne Commission de Concurrence,
recèle il est vrai une gravité
certaine.
En fait,
le danger est le même, quels que soient les carac-
tères
des
organismes
nouveaux
c'est
la
fragilisation
du
statut
du
justiciable
qui
proviendrait
ainsi
de
l'absence
de
contrainte
sur
l'administration,
quant
au
respect
de
ses obligations
procédu-
raIes,
que ce soit devant le Conseil d'Etat ou devant les Autorités
Administratives Indépendantes.
B.
La nature administrative des Autorités Adminis-
tratives Indépendantes peut constituer un frein à
une utilisation rigoureuse de leurs pouvoirs de
sanction à l'égard de l'administration
Pour
la
plupart
des
nouvelles
instances
le
législateur
a prévu une gamme assez
large de pouvoirs leur permettant de mener
les
enquêtes
et
les
investigations
nécessaires
à
leurs
missions.
(44) La dite société reprochait, dans le cadre de l'article 12 de l'Ordonnance du
1er décembre 1986, à la Commission permanente du Conseil de la Concurrence de n'avoir
pas respecté le délai de convocation prévu à l'article 22 du décret du 29 décembre
1986 (pris en application de l'ordonnance précitée) et d'avoir méconnu le principe
du contradictoire lors de la procédure.
Voir la réponse du Commissaire du gouvernement M. LAROQUE, dans ses Conclusions, R.F.O.A.
4 (1) janvier-février 1988, p. 62.

- 347 -
Cependant pour les procédures qui se déroulent à proprement
parler
devant
elles,
il
se
contente
simplement
nous
l'avons
vu,
d'un renvoi aux textes réglementaires.
Ceux-ci
s'ils
existent, ne
sont
pas
pour
leur
part
d' une
clarté évidente à cet égard. Ainsi pour certaines commissions consul --
tatives,
il n'existe pas de véritable pouvoir pour amener l'adminis-
tration à communiquer un document,
que ce soit à la commission elle-
même ou à la partie adverse (45).
Les
Autorités
ne
peuvent
dès
lors,
dans
la majorité
des
cas, que compter sur une hypothétique persuasion morale pour convain-
cre
cette
administration
de
permettre
au
particulier
d'exerc2! son
droit.
Il
~xiste
to~jours
bien
entendu,
une
étape
ultérieure,
juridictionnelle
celle-là,
permettant
éventuellement
de
rétablir
le justiciable dans son droit.
Mais
la
réalité
aura
alors
démenti
le
rôle
pré- jur idic-
tionnel
conféré
aux
nouveaux
organismes
ce
qui
comporterait
par
ailleurs,
le
risque
de
fausser
la
procédure
juridictionnelle
(46).
Dans cette hypothèse, l'analyse procède de l'affirmation de la volonté
de l'Autorité Administrative pour remplir sa mission.
Il
arrive
cependant
que
la
nouvelle
autorité
ne
veuille
pas
exercer
tous
ses
pouvoirs
de
contrainte
à
l'égard
de
l'organe
administrati f
réticent.
La
raison
qui
explique
une
telle
attitude
se
trouvant,
soit
dans
le
souci
de ne pas gêner l'action publique
(45) En réalité ces pouvoirs, même s'ils existent, restent insuffisants. Pour la C.A.O.A
par exemple,
leur exercice est souvent entravé par les effets liés à la notion de
"secret de défense" ou par le manque de moyens financiers. L'exemple des commissions
consultatives peut paraître inopérant dans la mesure où elles ne constituent pas de
véritables Autor ités Admini strati ves Indépendantes. On peut néanmoins faire remarquer
que ces organismes sont présentés,
dans
la doctrine,.
comme un des "phares" de la
nouvelle expérience administrative.
(46)
Pour
les
développements
relatifs
à
leur
rôle
préjuridictionnel,
voir
supra.

- 348 -
(ce qui n'est pas nouveau, on l'a vu chez le juge), soit tuut simple-
ment
dans
ce
qu 1 on
peut
appeler
un
ré flexe
naturel
(l'appartenance
de l'Autorité Administrative Indépendante et des autorités administra-
tives classiques à la même structure).
Il
est
certain
que
la
réalisation
définitive
et
répétée
de
cet te
hypothèse
constituerai t
une
régression
dans
la
protection
des
droits
du
justiciable
ce
qui
confirmerait,
dans
le
cas
des
Autorités
Administratives
Indépendantes,
l'analyse
de
J.O.
Bredin
selon
laquelle
les
pouvoirs
publics
se
complaisent
en France,
dans
l'invention d'institutions ou d'organismes-symboles.
Toutefois,
il
est
permis
d'espérer
que
les nouveaux orga-
nismes
arrivent,
par
un
effet
d'entraînement
de
leurs
pouvoirs
et
de
leurs
fonctions,
à
inscrire
définitivement
une
autre
pratique
du pouvoir dans les moeurs de la République.

- 349 -
CON C LUS ION
G E N E R ALE
Dans son dernier ouvrage, l'ancien Président de la Républi-
que
M.
Valéry
Giscard
d'Estaing
aborde
l' histoire des
réformes
en
déclarant
que
"parmi
les grands
pays,
la France est l'un de ceux
qui a su le moins bien conduire sa propre évolution : elle a pour-
sui vi
une
démarche
chaotique,
un
parcours d'obstacles,
de société
bloquée en secousses révolutionnaires" (1).
Parmi
les
causes
explicatives
de
ce
phénomène,
l'auteur
avance le fait suivant : "la combinaison de deux attitudes totalement
contradictoires :
dans un premier temps,
le refus d'envisager tout
changement ••• et dans un second temps, l'acceptation du fait accom-
pli".
M.
V.
G.
d'Estaing
conclut
son
analyse
en
ces
termes
"la France n'est pas un pays de réformes, c'est un pays de nouveauté".
L'idée générale qui se dégage de ces propos est la difficul-

que
l'on
éprouve
en
France
pour
faire
accepter
des
réformes,
quels que soient d'ailleurs
les avantages qu'elles peuvent procurer
à long terme, si à court terme elles dérangent les habitudes reçues;
ce qu'exprime
de manière plus
précise J .D.
Bredin dans
un article
r.nnsacré à l'indépendance des .iuqes,
en disant qu'en la matière le
pays
se
complait
le
plus
souvent
dans
les
symboles
(2).
(1)
V.G.
d'ESTAING,
Le
Pouvoir
et
La
Vie,
Compagnie
12,
1988,
p.
213
et
s.
(2) "Le Monde" du 20 novembré 1987.

- 350 -
Ces
considérations
peuvent
se
rapporter
aux
nouvelles
autorités. En effet, si la création des premières Autorités Adminis-
tratives Indépendantes a ~uscité un engouement certain, le développe-
ment actuel et
la structuration
du
mouvement
engendre
plus que
la
mé fiance
du
côté
des
juges et
des commentateurs
il
fait
l'objet
d'un alignement
par
le
bas
qui
semble augurer à
terme d'un simple
rôle de "faire-valoir".
L'engouement des uns et des autres s'explique di fféremment
selon qu'il
s'agit
de
la
doctrine,
de
la classe politique ou même
des citoyens.
En
ce
qui
concerne
les
analystes,
l'émergence
au
sein
de l'administration centrale ou aux côtés de l' Exécuti f d' autor i tés
indépendantes
correspond
sinon
à
l'ouverture
d'un
champ
d'études
nouveau,
du
moins
au
renouvellement
des
paramètres
classiques
qui
permettaient.
d'appréhender
de
façon
homogène
le
fonctionnement
de l'appareil étatique.
Pour
les
hommes
politiques,
l'attrait
principal
réside
d'un
point
de
vue
socio-poli tique
dans
le
rôle
de
"paravent"
que
ces structures peuvent jouer quant il s'agit de prendre des décisions
délicates (3).
Quant
aux
citoyens
enfin,
ils
voient
dans
la désignation
de
personnalités
qui
allient
sagesse
et
compétence
pour
arbitrer
les conflits qui peuvent les opposer, dans l'exercice de leurs droits
et
libertés,
à
l'Etat
ou
même
entre eux,
une garantie nouvelle et
plus immédiate par rapport à celle que leur offre la justice classi-
que.
(3)
Les autres
facteurs
qui
fondent
la préférence pour la création des organismes
nouveaux ont été abordés supra : ils sont relati fs à des domaines di vers comme l'amé-
lioration de la gestion administrative ou l'unification progressive des législations
nationales des pays de la Communauté Européenne.

- 351 -
Par ailleurs,
dans la mesure où les membres des nouveaux
organismes proviennent des différentes couches de la société civile,
ils assurent aussi une sorte de représentation des di fférentes aspi-
rations sociales.
Ils se
trouvent ainsi
investis d'une
légi timi té nouvelle
au sein de la République qu'il va
falloir cultiver afin de pouvoir
l'implanter
définitivement
aux
côtés
de
celle
qui
est
issue
des
élections, considérée comme la seule valable (4).
Il ne s'agit en aucun cas de remettre en cause la responsa-
bilité
générale
des
représentants
politiques
dans
la
gestion
des
affaires publiques, mais seulement de faire avaliser de façon défini-
tive la technique qui consiste à mettre hors des contingences poli-
tiques
la
gestion
de
certains
secteurs
sensibles,
à
garantir
les
droits et
libertés qui
s' y
exercent
contre
les
dangers
que
recèle
parfois l'intervention publique.
De
ce
point
de
vue,
l' expér ience
nouvelle
des
autorités
indépendantes
constitue,
même
si
elle
n'est
pas
encore
clairement
identifiée
comme
telle,
une
menace
contre
l'intégrité
du
pouvoir
que le politique a toujours détenu dans l'Etat.
En
tant
que
tel,
le
processus
entamé
relève
d'un
pari
difficile que le juge lui-même a eu du mal à gagner malgré l'impor-
tance de sa fonction
: acquérir une
légi timi té
solide,
sinon égale
à
celle que donne
la
représentation
politique
du moins
capable de
lui résister,
qui n'aurait pour seule base que la "sagesse",
c' est-
à-dire la compétence et "l'indépendance" d'esprit.
En
effet cette reconnaissance de
la
fonction
juridiction-
nelle est variable selon les ordres.
(4)
Voir à ce propos, L. COHEN-TANUGI, La Métamorphose de la Démocratie, éd. Odile
Jacob, avril 1989, p. 175 et s.

- 352 -
Elle ne fait plus l'objet de doutes dans le cas du Conseil
Constitutionnel; il faudrait toutefois souligner que son rôle d'arbi-
tre et de gardien des valeurs fondamentales de la démocratie libérale
n'a été acquis que sous l'effet d'une dynamique amorcée par la réforme
de 1974 mais qui, par la suite, échappât totalement à son initiateur,
le pouvoir politique (5).
De
même
la
légitimité
du
juge
judiciaire
est ,elle
aussi,
bien consacrée aujourd'hui après maints débats doctrinaux consistant
à savoir s'il détenait un réel pouvoir égal aux deux autres: parle-
mentaire et exécutif (6).
Cette
légitimité
pourrait
même,
sur
le
fondement
de
la
jur isprudence constitutionnelle,
être étendue à la jur idietion admi-
nistrative.
Cependant, celle-ci reste toujours soumise à des critiques
tenant à diverses raisons qui peuvent d'ailleurs être contradictoires
comme
l'ombrage
qu'elle
porte
parfois
aux
élus
ou
les
liens
très
étroits qui l'unissent à l'administration (7).
D'ailleurs
l'émergence
d'autorités
indépendantes
dans
certains
secteurs
qui
relevaient
jusque-là
de
sa
compétence et
le
transfert
de
leur
contrôle
au
juge
judiciaire
peut
s'interpréter
dans
un
sens,
comme
un
acte
de
dé fiance
à
son
égard.
(5) Notons que la nature de la fonction qui est normalement assignée au Conseil dans
le dispositif constitutionnel
fait
encore l'objet de quelques discussions parmi les
hommes
politiques
i l
en
est
de
même
pour
certaines
de
ses
décisions.
Cf. Le dossier consacré à la Constitution in "Le Débat" nO 43, janvier-
mars
1987,
et
particulièrement
les
propos
de
M.
Debré
qui
y
sont
reproduits.
(6) Voir l'article de Dominique TURPIN, "L'autorité judiciaire gardienne de la liberté
individuelle", A.J.D.A. 1983 p. 653.
(7)
Sur ces deux raisons,
voir
respectivement
l'article de J.C.
HELIN,
"Régulation
administrative du contrôle de
légalité et
le
droit",
dont certaines analyses sont
consacrées aux élus
locaux, et nos développements relati fs aux "imperfections de la
justice classiques", dernier titre chapitre 1 supra.

- 353 -
Ces
considérations
permettent
d'évaluer
la
multiplicité
des facteurs qui concourent d'ores et déjà à limiter les retombées
positives
du
mouvement
de
création
des
nouveaux
organismes.
De tous ces facteurs il en est cependant un qui est primor-
dial et duquel découlent plus ou moins directement tous les autres :
c'est
la
stratification
politico-juridique
des
fonctions
et
des
organes au sein de l'Etat.
En effet, aux termes d'une interprétation stricte du texte
constitutionnel,
les
"Autorités
Administratives
Indépendantes",
dès lors qu'elles ne relèvent ni du pouvoir législatif ni du pouvoir
judiciaire, ne peuvent qu'appartenir à l'Exécutif.
C'est
dire
qu'elles
sont
de
nature
administrative,
donc
nécessairement soumises
sinon à l' autor i té gouvernementale du moins
à son contrôle.
L'''indépendance" que leur confèrent les dispositions légis-
latives,
de
façon
imparfaite
d'ailleurs
pour
bon
nombre
d'entre
elles,
ne
peut
alors
s'anal yser
que
comme
une autonomie
ce
que
confirme le juge constitutionnel dans ses décisions.
De
fait
l'existence
de
la
responsabilité
du
gouvernement
à
leur égard ne
saurait
faire
de
doute
c'est
d'ailleurs
le
cas
dans
les
expériences
étrangères,
anglaise
et
américaine
notamment,
qui ont pu servir de modèles pour leur création.
Il
faudrait
préciser
toutefois
que
dans
les
pays
anglo-
saxons
l'exercice
de
cette
responsabilité
n'implique
pas
forcément
une négation de l'"indépendance" des autorités.
De
façon
générale,
la
tradition
consacre
dans
ces
pays
une
cohabitation
paisible
des
agences
autonomes
avec
les
hautes
autorités publiques
ce qui confère à ces autorités une
fragilité
moins grande que leurs homologues français.

- 354 -
A cet égard, outre la nouveauté et l'atypisme du phénomène,
c'est la possibilité pour le législateur de supprimer les autorités
administratives
indépendantes
aussi
facilement
qu'il
les
a
créées
qui atteste la précarité de leur existence.
Toutefois,
il apparaît dans la jurisprudence constitution-
nelle récente une volonté sous-jacente, de la part du Conseil Consti-
tutionnel,
tendant à leur conférer un certain statut dont les bases
s'articuleraient autour du concept d'"indépendance" (8).
En
d'autres
termes,
l'utilisation répétée de cet te notion
en ce qui concerne des organismes comme
la C.N.C.L.,
le C.S.A.
et
la C.O.B.
pourrait
signifier que
le
Conseil
la
considère
comme
un
des
facteurs
d'identification de
la nouvelle catégorie d'autorités.
Il
semble
ainsi
que
la
Cour
Constitutionnelle
soit
en
train de leur forger progressivement une place qui pourrait se situer
au-dessus
des
organismes
administratifs
classiques,
ou
mieux
une
place à part, un statut particulier dans la hiérarchie traditionnelle
des actes et des organes.
Ce
processus
permet
dès
à
présent
de
faire
l'économie
d'une
réforme
constitutionnelle
par
ailleurs
difficile
à
mettre
en oeuvre.
En définitive,
il s'avère que c'est le sens que le juge
constitutionnel
entend
donner
à
sa
jurisprudence,
qui,
plus
que
tout autre facteur interne,
conditionne l'avenir des autorités admi-
nistratives indépendantes (9).
(8) Voir notre addendum pour le commentaire des dernières décisions du Conseil Consti-
tutionnel.
(9) Le facteur externe qui contribue le plus à la réussite du changement que porte
le mouvement des autorités administratives indépendantes est la dynamique de l'unifi-
cation européenne.
Dans son ouvrage précédemment ci té "La Métamorphose de la Démocratie"
(p. 188 et s.), L. COHEN-TANUGI distingue d'autres facteurs internes qui sont l'électo-
rat,
le
parlement,
la
presse
et
l'indépendance
de
l'autorité
juridictionnelle.

- 355 -
A cet
égard,
on
peut
être
tout
à
fait
optimiste
car
le
souci
de
cette
cour
reste
l'affermissement
de
l'Etat
de
droit
en
France: c'est la logique dans laquelle s'inscrit la création des nou-
veaux
organismes et que ne manquera pas de
forti fier
l'instauration
prochaine
(il
faut
le souhaiter) d'un contrôle de consti tutionnali té
a
posteriori
des
lois
devant
les
juridictions
ordinaires
(10).
(10) Le souhait en a été émis tout récemment par le Président MITTERRAND ("Le Monde"
du 16/17 juillet 1989) qui rejoint ainsi M. BADINTER, président du Conseil Constitu-
tionnel, dans cette proposition, "Le Monde", du 3 mars 1989.

- 356 -
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Les Grandes Décisions de la Jurisprudence.
Droit administrati f (J.-
F. LACHAUME), P.U.F, 3e et 4e éd.
Les Grands Arrêts de Jurisprudence Administrative (M.
LONG,
P. WEIL
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- 373 -
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Actualités Législatives Dalloz.
Bulletin Joly
Cahiers Juridiques de l'Electricité et du Gaz
Esprit
Gazette du Palais
Juris-classeur administratif
Lamy droit économique
Le Débat
Le Moniteur des Travaux Publics
Le Monde
Libération
Pouvoirs
Projet
Public Administration Review
Revue des Sociétés
Revue de la Concurrence et de la Consommation
R.D.P. (chroniques).

- 374 -
T ABLE
DES
MAT 1 E RES
INTRODUCT ION
.
PREMIERE PARTIE: LA NATURE DU PHENOMENE
13
TITRE 1 : LES DONNEES ORGANIQUES
14
CHAPITRE 1 : L'AUTORITE ADMINISTRATIVE INDEPENDANTE DANS LA
THEORIE DES TROIS POUVOIRS
15
SECTION 1 : L'Autorité Administrative Indépendante n'est pas
un organe législatif
15
§ 1. La position dominante de la doctrine et de la juris-
prudence
17
§ 2. Les incertitudes spécifiques relatives au Médiateur
21
SECTION 2 : L'Autorité Administrative Indépendante n'est pas
une juridiction
29
§ 1. Les FReteurs de rapprochement
30
§ 2. Les facteurs de divergence
45
CHAPITRE 2 : L'AUTORITE ADMINISTRATIVE INDEPENDANTE DANS
L'ORGANIGRAMME ADMINISTRATIF
57
SECTIDN 1
Des principes classiques et des nouvelles formes
de l'instance administrative
58
§ 1. Les organismes ou autorités sous contrôle gouverne-
mental
59
§ 2. Les organismes et agents sous autorité gouvernemen-
tale
70
SECTION 2 : De la spécificité de l'Autorité Administrative
Indépendante
87
§ 1. Les données textuelles
87
§ 2. Les positions jurisprudentielles et doctrinales
113
§ 3. Les données comparatives
132
CONCLUSION DU TITRE 1
144

- 375 -
TITRE II : LES DONNEES FONCTIONNELLES
145
CHAPITRE 1 : L'ANALYSE SOCIOLOGIQUE DU PHENOMENE DES AUTORI-
TES ADMINISTRATIVES INDEPENDANTES : UNE COMMUNAUTE
DE CARACTERISTIQUES GENERALES
146
SECTION 1 : L8s missions
146
§ 1. L'information et la communication
147
§ 2. La régulation de l'économie du marché
149
§ 3. La lutte contre la bureaucratie
152
SECTION 2 : L'organisation
153
§ 1. La portée des principes d'autonomie et d'hétéro-
nomie
154
§ 2. L'identité organisationnelle
155
SECTION 3 : Les fonctions
157
§ 1. La gestion des intérêts publics
157
§ 2. Les règles d'encadrement juridique
160
CHAPITRE 2
L'ANALYSE JURIDIQUE : UN "MOUVEI'-1ENT" HETEROGEI'JE
164
SECTION 1 ~ La simple reproduction du modèle administratif
classique
166
§ 1. Les commissions consultatives
167
§ 2. Les autorités de tutelle des professions libé-
rales
173
SECTION 2
L'institution de certains "contre-pouvoirs" .. 179
§ 1. La C. N. 1. L.
180
§ 2. Le Conseil de concurrence: une instance d'exper-
tise et d'arbitrage du marché
185
§ 3. L'institution de la C.N.C.L. et la matérialisation
du principe de la liberté de communication
193
§ 4. Le Médiateur, une autorité de type nouveau
203
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
208

- 376 -
DEUXIEME PARTIE: LA SIGNIFICATION DU PHENOMENE
209
TITRE l : UNE NOUVELLE DONNEE SOCIO-POLITIQUE
211
CHAPITRE l : L'EMERGENCE D'UNE "ADMINISTRATION DE TROISIEME
TYPE"
214
SECTION
: L'exercice des compétences de l'administration
classique
215
§ 1. Les avatars fonctionnels des administrations
traditionnelles
216
§ 2. Les exemples de la C.N.C.L. et du Conseil de
la Concurrence
226
SECTION 2 : L'institution des Autorités Administratives
Indépendantes et le principe de la responsabilité
politique de l'Exécutif
235
§ 1. Les Autorités Administratives Indépendantes
font l'objet d'un contrôle politique
236
§ 2. La réalité du problème de la responsabilité po-
litique
241
CHAPITRE 2
Le rôle des Autorités Administratives Indépendantes
dans le perfectionnement de l'Etat de droit. .• 246
SECTION 1
Les Autorités Administratives Indépendantes :
l'expression d'une volonté de réajustement de
l'Etat de droit
248
§ 1. La tradition: la distribution "statocentrique" du
pouvoir
249
§ 2. La nouveauté. De l'avènement du "socio-centrisme"256
~ 3. La réalité. Un effet de mixitp cans la 1'0,9'.!)8-
tion sociale
268
SECTION 2 : Les Autorités Administratives Indépendantes
et la fonction d'occultation des rapports Etat/
société civile
275
§ 1. Des rapports de l'Etat au droit. Le problème du
droit de l'Etat
276
§ 2. Les Autorités Administratives Indépendantes et la
représentation idéologique de l'Etat
282
CONCL US l ON DU TITRE
288

- 377 -
TITRE II
L'INITIATION D'UNE NOUVELLE METHODE DE GESTION
NORMATIVE DES CONFLITS
289
CHAPITRE l : Les imperfections de la justice classique
291
SECTION 1 : L'aspect organisationnel
293
§ 1. L'interpénétration des fonctions de juge et d'au-
xiliaire de l'Administration
294
§ 2. L'effritement du fondement existentiel de la juri-
diction administrative
300
SECTION 2
L'aspect fonctionnel
308
§ 1. Le processus juridictionnel et ses limites
309
§ 2. La phase post-juridictionnelle. Le problème d'exé-
cution des décisions du juge administratif
318
CHAPITRE 2
L'avènement d'une justice de "sages"
324
SECTION
La résolution moins conflictuelle du droit
325
§ 1. Un désengorgement de la juridiction administrative
326
§ 2. Un meilleur fonctionnement de la justice
331
SECTION 2
L'amoindrissement de la garantie des droits et
libertés du justiciable
336
§ 1. La déjuridictionnslisation de la justice
338
§ 2. Du respect des droits de la défense devant les Auto-
rités Administratives Indépendantes
342
CONCLUSION GENERALE
349
ADDENDUM
I-XXXX IV
BIBLIOGRAPHIE
356
TABLE DES MATIERES
374

A ODE N 0 U M
Depuis
décembre
1988
(date
à
laquelle
nous
avons
arrêté
nos recherches), le législateur est intervenu, de façon significative,
à
deux reprises pour modi fier quelques uns des textes
relati fs aux
nouvelles autorités (1) : la loi du 30 septembre 1986 et l'ordonnance
du
28
septembre 1967
dont
certains articles ont été
remplacés par
des
dispositions
nouvelles
issues
respectivement
des
lois
des
17
janvier et 2 août 1989 (2).
L'importance
de
ces
modifications
s'apprécie
à
plusieurs
niveaux.
De façon intrinsèque, on peut tout d'abord souligner l'émer-
gence
d'une
nouvelle
autorité
de
régulation
de
la
communication
audiovisuelle, le C.S.A., dotée d'une "indépendance", d'une "autorité"
et
d'une
"efficacité"
plus
accrues,
à
la place de
la C. N. C. L.
et
le renforcement de l'autonomie de la C.O.B.
De manière générale,
on note surtout l'extension des pou-
voirs de ces organismes, caractérisée par la remise d'une importante
possibilité de sanction.
Avec le précédent du Conseil de la Concurrence, on réalise
ainsi
que
le
pouvoir de
répression constitue une des caractéristi-
ques
majeures
de
l'autorité
administrative
indépendante.
En
fait,
cet
élément
participe
d'un
processus
d'homogénéisation
législative
de la catégorie nouvelle.
(1)
Sans compter,
bien entendu,
la loi du
13 janvier 1989 portant diverses mesures
d'ordre
social
qui
érige
le
Médiateur
en
"autorité
indépendante".
Voir
infra.
(2) Cf. Loi nO 89-25 du 17 janvier 1989 modifiant la loi nO 86-1067 du 30 septembre
1986 relative à la liberté de communication,
J.O.
du
18 janvier
1989, p.
728 et le
dossier
qui
lui
est
consacré
à
la
R.F .D.A.
5 (2),
mars-avril
1989,
p.
208 et
s.
Pour
la
loi
nO 89-531
du 2 août
1989,
relative à la sécurité et à la
transparence
du
marché
financier,
voir
J.O.
du
4 août
1989,
Ed.
G.,
III,
63009.

II
Toute fois,
cet te
formation
conceptuelle se
fait
sous l'en-
cadrement
strict
du
juge
constitutionnel
qui
entend ainsi
"normali-
ser",
selon
certains
auteurs,
la
formule
en
la
soumettant
à
des
conditions précises de fonctionnement (3).
Il
découle
de
tous
ces
facteurs
des
enseignements
utiles
pour une
théorisation définitive de la catégorie des Autorités Admi-
nistratives Indépendantes.
§ 1. Les apports des nouvelles lois.
Les
textes
des
17
janvier
et
2
août
1989
procèdent
de
la volonté des pouvoirs publics de renforcer l'emprise des autorités
de
régulation
sur
les
secteurs
de
la
communication
audiovisuelle
et du marché financier.
Ils
prennent
ainsi
en
compte
l'évolution
constante
dont
les
dits
domaines
font
l'objet
tout
en essayant de mettre à
profit
les données fournies par l'expérience.
On
a
encore
en
mémoire
le
climat
politique
dans
lequel
sont
intervenues
les
premières
mesures de
la
C.I\\J. C. L.
nomination
des
présidents
de
chaînes
de
télévision
étatique
et
opération
de
privatisation de T.F.1.
Les critiques allaient
redoubler tout au long de ses deux
années
d' existence,
surtout
lorsque
son
fonctionnement
se
trouvait
parfois
émaillé
de
quelque
affaire,
comme
celle
de
M.
Droit.
En
fait
on
serait
tenté
de
dire
que
ces
péripéties
rentrent
dans
le
(3) Voir à ce propos L. FAVOREU et L. PHILIP i~ Les Grandes Décisio~s du Co~s. Co~st.,
Sirey 5e éd., p. 708 et s.

III
cadre
normal
des
relations
entre
majorité
et
opposition
marquées
par une surenchère politique.
Cependant,
au-delà même de ce point de vue,
il est large-
ment
apparu
que
l'instance
de
régulation
audiovisuelle
souffrait
de
quelques
maux
relati fs
surtout
à
sa
composition
et
à
la
mise
en oeuvre de ses pouvoirs (4).
De
façon
plus
précise
il
s'est
avéré
que
l'importance
numérique
et
la
grande
diversité
originelle
des
membres
ont
miné
la cohésion de la Commission.
A propos de ses pouvoirs de sanction, on reproche à celle-
ci d'en avoir fait un usage trop timide (5).
On
comprend
dès
lors
que
la
C.N.C.L.
n'ait
pas
survécu
aux
élections
1988
qui
devaient
substituer
une
nouvelle
majorité
à celle issue des urnes en 1986 (6).
Compte tenu cependant du consensus qui existe sur un certain
nombre
d'idées
générales
déjà
fixées
dans
les
textes
antérieurs,
il
ne
pouvait
être
question d'un nouveau bouleversement du secteur
audiovisuel
(7). L'enjeu de la réforme devait donc être essentielle-
ment technique.
(4) A propos de ses pouvoirs, notons que la Commission souhaitait elle-même leur renfor-
cement par une nouvelle loi. Certains parlementaires de la majorité y étaient cependant
opposés à l'époque, alors que d'autres le jugeaient indispensable.
En mettant le projet à l'étude, M. LEOTARD, Ministre de la Communication
semblait se ranger dans le second groupe.
Cf. "Le Point", journal hebdomadaire, du 16 novembre 1988.
(5) Voir en ce sens le doc. nO 20 du Sénat relatif au rapport d'information établi
au nom de la Commi ssion des Affaires Culturelles '"
sur l'application de la loi du
30 septembre 1986, par M. A. Gouteyron,
annexe au p.V. de la séance du 11 octobre
1988.
(6) D'ailleurs pendant la campagne électorale, tous les candidats aux élections prési-
dentielles avaient souhaité,
à
l'exception de M.
CHIRAC,
sa disparition,
tel M.
MITTERRANDqui la fustigeait dans sa "Lettre à tous les Français" en des termes peu
élogieux.
(7)
Ces idées générales sont au nombre de trois : la logique de la concurrence, la
séparation du poli tique et de l'audiovisuel et la recherche de la transparence dans
... / ...

IV
Ainsi
fut
nommée
une
comRlission de
"Sept Sages"
dont les
propositions seront reprises par le projet de loi.
Celui-ci fit l'objet d'âpres discussions devant les chambres
au
point
de
subir
quelques
amendements,
mais
dans
l'ensemble
son
esprit a prévalu.
On
retrouve
ainsi
dans
le
texte
de
la loi du 17 janvier
les dispositions relatives aux divers points suivants :
statut
mode
de
désignation
des
membres
du
C.S.A.,
incompatibilités et autres,
renforcement des pouvoirs de sanction,
meilleure
insertion
dans
les
institutions
républicai-
nes : saisine du C.S.A. par les hautes autorités politiques et audi-
tion de ses membres par le Parlement,
allégement
des
tâches
de
gestion
on
lui
retire
la
compétence sur les télécommunications (laquelle reviendra, en princi-
pe,
au
gouvernement)
et
on
crée
des
comités
techniques
régionaux
pour l'attribution des fréquences radiophoniques et des autorisations
pour l'exploitation des services de télévision locale.
-
redéfinition des compétences entre le Gouvernement (con-
ception de la politique générale), et le C.S.A.,
-
système
de contractualisation
(convention)
des
rapports
entre
la
nouvelle
instance
et
les
titulaires
d'autorisations
pour
l'exploitation de services privés de télévision.
Nous nous limiterons cependant à l'étude des deux premiers
points
qui
recèlent,
à
notre
avis,
les
innovations
principales de
ce nouveau texte.
(suite de la note 7 page précédente)
l'attribution des services exploités par
les personnes pflvees.
Notons à ce propos
que
l'exposé des motifs précisait qu'il n'était point question d'une réorganisation
d'ensemble du secteur.
Cf.
Doc.
nO 27,
projet de
loi
modifiant
la
loi
du 3D septembre
1986,
Sénat,
session
1988-89 et Sénat,
doc.
nO 68 (1988-89), Rapport GDUTEYRON au nom de
la Commission des Affaires Culturelles, sur le projet de loi précité (après déclara-
tion
d'urgence),
annexe
au
p.V.
de
la
séance
du
3
novembre
1988,
p.
3 et
s.

v
1°. Le statut.
Les
éléments
essentiels
en
sont
le
retour
au
modèle
de
composition
de
la
H. A. C. A.,
la
nouvelle
qualification
d'"Autorité
Indépendante"
conférée
au
C.S.A.
et
le
renforcement
des
garanties
organiques (8).
Celles-ci
constituent
une
reproduction
des
dispositions
de
l'ancien
article
5
de
la
loi
du
30
septembre
1986
auxquelles
on a adjoint de
nouvelles,
dans le sens d'une plus grande soli-
darité entre les membres et d'une meilleure crédibilité de l'instance.
Ainsi,
outre
l'incompatibilité entre la
fonction
de membre
du
C.S.A.
et
tout
autre
emploi,
qu'il soit
public ou privé ou même
un
mandat
électi f
(9),
le
législateur
prévoit
l'interdiction
pour
tout membre de prendre une position publique sur les questions "dont
le
Conseil
a
ou
a
eu
à
connaître
ou qui
sont susceptibles de
lui
être
soumises
dans
l'exercice
de
sa
mission"
(article
5
nouveau).
Une
telle
disposition
est
valable
même
après
la cessation
des
fonctions,
et
ce
dans
la
limite
d'une
année,
pendant
laquelle
l'ancien
membre
peut
continuer
à
percevoir
son
traitement.
La
nouvelle
composition
de
l'instance
de
régulation
se
veut,
tout
comme
celle
de
l'ancienne
Haute
Autorité,
une
référence
directe au Conseil Constitutionnel.
En cela la loi
du
17
janvier
recèle un
souhait d' indépen-
dance
qui
emprunterait
la
dynamique
de
la
Cour
Constitutionnelle.
Elle a par ailleurs l'avantage d'impliquer directement dans ce proces-
sus
les
hautes
autorités
politiques,
à
savoir
le
Président
de
la
République,
le
président
de
l'Assemblée
Nationale
et
le
président
du Sénat qui nomment chacun trois membres (la désignation du président
(8)
Nous
reviendrons plus loin sur
la nouvelle quali fication acquise à l'initiative
d'un
amendement
de
la
Commission des Affaires Culturelles
...
de
l'Ass.
Nat.
Voir
Doc. na 474, Ass. Nat.,
rapport QUEYRANNE,annexe au P.V. de la séance du 15 décembre
1988 et J.O. Déb. A.N., du 16 décembre 1988, p. 3692.

VI
du C.S.A. échoit au Président de la République).
La durée du mandat
est de six ans avec toutefois un renouvellement par tiers des membres
tous les deux ans.
Ceci permet aussi
d'assurer la cohésion interne du groupe
tout en tenant compte des changements politiques.
D'où une meilleure aptitude du C.S.A. à exercer ses pouvoirs
de façon stable.
2°. Le renforcement des pouvoirs de sanction.
Les
organismes
prédécesseurs
du
C.S.A.disposaient
certes
de pouvoirs de contrainte à l'égard des sociétés privées de télévi-
sion.
Il en était d'abord ainsi de la Haute Autorité qui pouvait
suspendre pendant une durée maximale de six mois ou retirer l' auto-
risation accordée pour les services privés de communication audiovi-
suelle, dans les cas de manquements aux obligations légales et régle-
mentaires (10).
Quant
à
la
C.N.C.L.,
elle
disposait
de
plus
de
moyens
dans sa panoplie.
L'article 42 de
la loi du 30 septembre 1986 lui
permettait, en effet, de suspendre pour un mois au plus ou de retirer
l'autorisation
d'exploitation
d'un
service
privé
si
le
titulaire
n'a
pas
obéi
à
la
mise
en
demeure
préalable qui
lui
a été
faite
(9) Lors de ses discussions relatives au projet de loi, le Sénat avait adopté un amende-
ment permettant aux membres du C.S.A.
de pouvoir exercer un mandat local
; ce qu e
désapprouveront les députés.
Cf. Doc. nO 417, Ass.
Nat., Rapport Queyranne
au nom de la Commission
des Affaires Culturelles.
(10) De fait, l'exercice de ces pouvoirs n'était pas direct. La Haute Autorité devait
au préalable solliciter l'avis d'un Conseil.

VII
de
respecter les obligations découlant des textes et de la décision
d'autorisation (11).
Elle gardait par ailleurs la possibilité de retirer direc-
tement
l'autorisation,
sans
une
mise
en
demeure
préalable,
dans
les
cas

il
y
avait
modi fication
substantielle
des
données
pour
lesquelles
celle-ci
a
été
faite
(changements
dans
la
composition
du capital social ou des organes de direction et dans les modalités
de financement).
Elle pouvait enfin saisir le juge administratif (le Prési-
dent de la section du Contentieux du Conseil d'Etat) en référé pour
faire
cesser
les manquements
ou
en
supprimer
les
effets et
amener
la personne responsable à respecter ses obligations.
A la
vérité,
ces
dispositifs étaient
insuffisants et
peu
adaptés à la mission des organismes (12).
L'expérience de la C.N.C.L. le prouve, du reste, amplement.
En effet
si
l'exercice
de
son
pouvoir
de
contrôle et
de
sanction
à
l'égard
des
radios
a été
satis faisant
dans
l'ensemble,
on ne peut pas en dire de même pour ce qui est des télévisions pri-
vées (13).
Ainsi
dans
un
bilan
qu'une de
leurs commissions a établi
à
propos de l'application de la loi du 30 septembre 1986, les séna-
teurs reprochent à cet organisme d'avoir fait preuve d'une "timidité
excessive" dans
le
recours à
la suspension ou au
retrait des auto-
(11) Il en est de même pour les cas de méconnaissance des règles de concurrence. Oans
cette hypothèse, la mise en demeure est éventuellement précédée d'une mise en garde
publique. Elle peut avoir pour objet de provoquer une cession d'actifs des entreprises
concernées.
Cf. L'article 6 de la loi du 27 novembre 1986 complétant la loi du 1er
aoOt 1986 portant réforme du régime juridique de la presse et la loi du 30 septembre
1986, J.O. du 28 novembre 1986, p. 14297.
(12)
Pour
la
C.N.C.L.,
cf.
son
dernier
rapport
précité,
p.
212
et
s.
(13) Encore que le contrôle à l'égard des radios géographiquement éloignées fut en
réalité plus malaisé.
Cf.
le rapport d'information du Sénat, doc.
nO 20, op. cit., p.
106.

VIII
risations (14).
D'ailleurs,
la Commission le reconnaît elle-même implicite-
ment
lorsqu'elle évoque dans son dernier rapport la difficulté qu'il
y
a
pour mettre
en
oeuvre
une
mesure
de
suspension
ou
de
retrait,
compte
tenu
des
dommages
susceptibles d'être
causés aux
télespecta-
teurs (15).
En
fait
le problème soulevé par l'application des disposi-
tions
de
l'article 42
de
la
loi
du 30 septembre 1986 se si tue ail-
leurs, plus précisément
dans l'efficacité et la gradation des mesures
qui
ne
correspondent
pas
tout
à
fait
à
l'échelle
de
gravité
des
fautes
dont
les
titulaires
d'autorisation
peuvent
se
rendre
coupa-
bles (16).
Peut_être aussi,
n'a-t-on pas eu la patience qu'il
fallait
pour
pouvoir
apprécier
réellement
les
potentialités
que
recelait
le dispositif.
Toujours
est-il
qu'une
réforme
s'imposait,
y
compris
pour
les
membres
de
la
Commission,
même
si
par
ailleurs
le
recours
au
juge commençait à donner ses pleins effets.
On
comprend
en
ce
sens
que
le
Président
de
la
C. N. C. L.
ai t
fait
un
recours
fréquent,
ces
derniers
mois,
à
la
possibilité
que lui ouvrait
l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 : celle
de saisir le président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat,
statuant
en
référé,
pour
qu'il
ordonne
au
coupable
de
manquements
envers
les
obligations
légales
de
se
conformer
à
ces
dispositions
et
prenne,
le
cas
échéant
toute
autre
mesure
utile
(17) .
(14) Doc. nO 20, op. cit.
(15) précité.
(16) Ibid.
(17) Cf.
Les arrêts rendus
récemment par
le Conseil d'Etat à la suite des recours
du président de la C.N.C.L. à l'encontre de T.F.l, de la "Cinq" et de la "Six", A.J.D.A.
2.
1989,
février,
p.
82
et
s.
et
R.F.O.A.
2.
1989,
p.
373
et
s.

IX
En
fait,
cette
procédure .connait
aussi
des
limites
dont
la moindre n'est pas la souplesse (18) .
Tou.iours est-i l
que
le souhait d'un
ren forcement des pou-
voirs
de
sanction
de
l'autorité
de
régula tion
formulé
par
la
majori té des spécialistes prend aujourd' hui corps avec les nouvelles
dispositions
de
l'article
42
(article
19
de
la
loi
du
17
janvier
1989) .
En effet le nouveau texte, tout en reconduisant les pouvoirs
qui étaient déjà conférés à
la C.I\\J.C.L.,
élargit et diversifie les
moyens de répression dont dispose le C.S.A.
Pour
bien
mettre
en
relief
cette
nouvelle
gamme,
nous
empruntons
à
Catherine
Teitgen-Colly
sa
classification
des
sanc-
tions,
selon
qu'elles
atteignent
les
bénéficiaires
d'autorisations
d' exploi tation
des
serv ices
pr i vés
de
té lév ision
dans
leurs droits
ou dans leurs patrimoines (19).
En
ce
qui
concerne
les
sanctions
privatives
de
droits,
tout d'abord
la loi du 30 septembre 1986 permettait à la C.N.C.L.,
après une mise en demeure (article 42 al.1)
qui s'avérerait infruc-
tueuse
auprès
des
exploitants
des
services
privés
de
télévision,
coupables de
violation
des
obligations
législatives,
réglementaires
ou de tout autre contenu dans leur décision d'autorisation, de procé-
der
à
la suspension de cet te autorisation pour un mois au plus ou
à son retrait (article 42 al. 2).
Nous
avons
souligné
combien
il
était
difficile
pour
la
C. N. C. L. d'user de cet te "arme" qui est restée de ce fait quasiment
inutilisable.
(18) Pour d'autres critiques relatives à cette procédure, cf. R.O.P. 5, 1988, p.
1373
note Y. GAUOEMET et A.J.O.A. 1989, op. cit.
(19) C. TEITGEN-COLLY, "Sanctions administratives et autorités administratives indépen-
dantes"
in nO
spécial
"Les sanctions administratives.
Formes ['ouvelles de
l'action
administrative et
séparation
des
pouvoirs",
Les
Petites
Affiches ['0 8,
17 janvier
1990 p. 25.

x
Le
législateur,
instruit
par
cet te
expérience,
entend
conférer
à
la
nouvelle
autorité
des
moyens
de
"riposte"
gradués.
Ainsi
le
C.S.A.,
confronté
à
une
situation
identique
à
celle
que
l'on
décrivait
précédemment
pour
la
C.N.C.L.,
aura
le
choix
entre
la
suspension
de
l'autorisation
ou
d'une
partie
du
programme
pour
un
mois
au
plus
(article
42-1,
10),
la
réduction
de
l' autor isation
dans la limite d'une année (article 42-1, 2°) et le retrait de celle-
ci (article 42, 4°).
Cette
panoplie
de
sanctions
peut
aller
jusqu'au
retrait
définitif,
dans
les
deux
cas,
c'est-à-dire
sous
l'empire
de
l'an-
cienne et de
la nouvelle
loi,
de
l'autorisation au moti f de change-
ments intervenant dans la composition du capital social ou des organes
de direction et dans les modalités de financement.
Toutefois
il
s'agit

d'un
point
extrême que
l'organisme
de
régulation
répugne
à
atteindre,
surtout
s'il
dispose
comme
dans
le
cas
du
C. S.A.
d'une
possibilité
de
sanction
patrimoniale.
L'octroi
d'un
pouvoir
de
sanction
pécuniaire
constitue
une innovation majeure dans le secteur audiovisuel.
En effet jusqu'à l'avènement de la loi du 17 janvier 1989,
des
nouveaux
organismes
seul
le
Conseil
de
la
Concurrence
bénéfi-
ciait d'une telle prérogative
;
ce qui,
à notre sens, pourrait s'ex-
pliquer
par
la
particularité
à
la
fois
du
Conseil
et
du
secteur
dont il assure la régulation, le marché.
Le C.S.A. bénéficie aujourd'hui de la possibilité d'infliger
aux
exploitants privés
coupables
de
manquements à
leurs obligations
une
sanction
financière
dont
le
montant
peut
s'élever
à
3 ~~
du
chiffre d'affaires hors taxes
(et à 5 ~~ en cas de récidive) (article
42-2).

XI
Parallè lement
à
ce
pouvoir
de
sanction
directe,
le C. S. A.
hérite
aussi,
pour
les
memes
motifs
ou
pour
les
manquements
qui
sont
constitutifs
d'une
infraction
pénale,
des
prérogatives
de
sa
devancière,
la C. N. C. L.
; c'est-à-dire qu'elle peut saisir le Prési-
dent de la section du Contentieux du Conseil d'Etat,
dans le premier
cas,
pour
qu'il
fasse
cesser
les
violations
en
cause,
et
dans
le
second
cas,
le
Procureur
de
la
République,
aux
fins
de
poursui tes
(articles 42-10 et 42-11).
Il dispose enfin d'un moyen nouveau qui lui permet d'affer-
mir
son
autorité
en
assurant
une
publicité
suffisante
à
ses
déci-
sions
il peut ordonner, dans tous les cas de manquements, la diffu-
sion
d'un
communiqué
sous
peine
de
sanction
financière
(article
42-4) .
En
fait,
toutes
ses
décisions
sont
publiées
au
Journal
Officiel
(article 42-6).
Il
apparaît ainsi que
la nouvelle autorité
de régulation
de
l'audiovisuel
bénéficie
largement
des pouvoirs adé-
quats
pour mener à
bien
sa mission
;
sa saisine est par ailleurs
élargie (20).
L'ampleur
de
ces
prérogatives
est
telle
qu'on
en
arrive,
dans
la
doctrine,
à
s'inquiéter
d'une
éventuelle
dérive
(21).
Pourtant
le
législateur
a
tenu,
en
votant
la
loi
du
17
janvier
1989,
à
apaiser
d'avance
ces
inquiétudes
en
0 ffrant
des
garanties
que
le
Conseil
Constitutionnel
jugera
lui-même,
par
la
suite,
suffisantes pour préserver les droits des exploitants privés.
(20) Dans le cadre de ses pouvoirs définis aux articles 42 et suivants,elle peut être
saisie par "les organisations professionnelles et syndicales, représentatives du secteur
de la communication audiovisuelle".
(21) Cf. Ch. GAVALDA, "Les sanctions applicables par le Conseil Supérieur de l'audio-
visuel", Les Petites Affiches na 8, op. cit., p. 70.

XII
En effet le texte prévoit diverses mesures relatives tantôt
à
la
procédure
de
mise
en
cause
de
l' exploi tant
privé
tantôt
au
prononcé de la sanction.
Dans le premier cas, le titulaire de l'autorisation bénéfi-
cie
de
tous
les
droits
traditionnellement
attachés
au
principe
du
respect de la dé fense
à savoir l'accès au dossier et la présenta-
tion des observations.
De
façon plus précise,
la sanction qu'elle soit privative
de droits (2°, 4° de l'article 42-1 et article 42-3) ou patrimoniale
(article 42-3°)
ne peut intervenir que suivant la procédure décrite
à l'article 42-7: instruction du dossier par un membre de la juridic-
tion administrative désigné par le vice-président du Conseil d'Etat,
noti fication
des gr ie fs
au
titulaire
de
l' autor isation qui
dispose
d'un
délai
d'un
mois
pour
présenter
ses
observations
écrites
et
orales ou se faire représenter.
Il
dispose
surtout,
après
le
prononcé
de
la
sanction,
d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat
; cette
action a un effet suspensif en ce qui concerne les décisions pronon-
cées sans mise en
demeure
préalable,
étant
entendu
qu'il
garde
la
possibilité de demander
le sursis à exécution dans les autres cas.
Toutefois
les
garanties
essentielles
se
rapportent
directement
à
la sanction elle-même.
Ainsi,
son
montant
doit
être
fonction
de
la
gravité
des
manquements
commis
par
l'exploitant
et
des
avantages
qu'il
en
a
tiré
en
d'autres
termes
la
sanction
se
rapporte
nécessairement
aux
obligations
légales
et
réglementaires,
elle
doit
être
motivée
(articles 42-2 et 42-6).
Surtout
elle ne
peut
concerner
des
faits
remontant
à
plus
de
trois
ans,
sauf si
ceux-ci
font
déjà
l'objet
d'une procédure d'instruction (article 42-5).

XIII
A certains
égards,
l'importance, accrue que
le
législateur
manifeste à l'endroit des droits de la défense depuis quelque temps,
peut apparaître comme une donnée novatrice fondamentale de sa fonc-
tion
en
réalité
il
ne
s'agit

que
d'une
contrepartie
normale
de
l'extension du champ d'application des sanctions administratives.
Ce
qu e
confirme
l'analyse
de
la
loi
du
2
août
1989.
Quelques
six
mois
à
peine
après
l'entrée
en
vigueur
de
la loi du 22 janvier 1988 relative aux bourses de valeurs, les autori-
tés
gouvernementales
se
voyaient
dans
l'obligation
de
mettre
sur
pied
une
mission
de
ré flexion
sur
l' "organisation
d'ensemble
des
autorités du marché".
De
façon
plus
précise,
il
s'agissait
pour
ce
groupe
de
travail présidé par M. Yves Le Portz, de proposer des mesures suscep-
tibles d'accroître "l'efficacité et le renom de la Place de Paris".
Ceci
nous
donne
bien
une
idée
du
profond
bouleversement
qu'a subi le marché financier.
En
fait
il
serait
plus
exact
de
parler
de
changements
incessants depuis le début des années quatre-vingt et dont le rythme
s'est accéléré ces derniers temps sous l'effet de multiples facteurs
(techniques nouvelles d'opérations,
sophistication des produits ... ).
Certes,
les
pouvoirs
publics
ont
tenté
à
chaque
fois
de
hisser les règles juridiques d'encadrement au niveau de ce mouvement
du
marché,
ainsi
qu'ils
l'ont
récemment
fai t
avec les
lois des 14
décembre
1985,
31
décembre
1987
et
22
janvier
1988
(22) •
(22) Ces textes ont été précédés par différentes lois, notamment celles des 23 décem-
bre 1970, 3 janvier 1983 et 1er mars 1984.
Ils tendent tous, les uns autant que les autres, à accroître les compé-
tences et les pouvoirs de la Commission.
Voir en ce sens, l'historique contenu dans le rapport Jolibois, document
nO 340 Sénat (1988-1989), p. 3 et s.

XIV
Mais,
on
l'imagine,
cette
réaction
tardive
par
à-coups
ne
saurait
tenir
lieu
de
politique
pour
une
gestion
efficace
du
marché (23).
Aussi le gouvernement décide-t-il, en s'inspirant en partie
des
propositions
de
la
mission
précédemment
citée,
de
procéder
à
une réforme non dénuée de vision prospective et tendant à accroître
la sécurité et la transparence du marché.
Cette
volonté
se
manifeste
dans
un
projet
de
loi
dont
les
axes
principaux
résident
dans
le
renforcement
de
l'autorité
de la C.O.B. et dans l'élaboration d'un ensemble de règles destinées
à codi fier
la
pratique des Offres Publiques d'Achat
notamment dans
le sens
d'une
plus
grande protection des
intérêts des actionnaires
minoritaires.
Les
dispositions
essentielles
de
ce
projet
se
retrouvent
aujourd' hui dans la loi du 2 août
1989 malgré certaines tentatives
législatives visant à les remanier profondément.
Les
apports
de
ces
amendements
ne
sont
pas
pour
autant
négligeables dans la mesure où ils ont souvent contribué à clarifier
le texte et en tant qu'ils relèvent de l'ébauche d'une théorie légis-
lative des autorités autonomes (24).
Toutefois,
les
analyses
qui
vont
suivre
ne
concerneront
que
les
dispositions
du
titre
1er
car
elles
seules
se
rapportent
directement au statut de la C.O.B.
l'intérêt que les autres présen ,-
tent,
ré sident
tout
au
plus
dans
l'assainissement
du
marché
en
ce
qui concerne les O.P.A.
(titre II),
dans l'élargissement des compé-
tences
et
des
pouvoirs
de
la
C.O.B.
relativement
à
l'activité
de
gestion de
portefeuille et
enfin dans
la modi fication de certaines
règles contenues dans diverses lois.
(23) Ce que démontre par ailleurs la multiplication des affaires relatives à des malver-
sations boursières,
dans
le
courant
des
années
1988 et
1989 ("Affaires" Pechiney,
Société Générale ... etc.).
Cf. par exemple, "Libération" du 18 janvier 1989.
(24) Voir infra.

xv
Le
premier
changement
que
le
texte
de
loi
apporte
dans
le statut de la C.O.B. concerne sa composition.
Dans l'article 1er de la loi du 2 août le nombre de membres
passe
de
5 à
9
(nouvel
article
2 de
l'ordonnance
de
1967)
(25).
Le collège se décompose de la façon suivante : un président
nommé par décret en Conseil des ministres pour 6 ans non renouvelables
et 8 personnalités désignées pour une durée de quatre ans,
renouve-
lable une fois (26).
Une
telle
réforme
vise
à
renforcer
l'autorité
de
l' ins-
titution en la démarquant du gouvernement
ce qu'atteste du reste
la disparition du représentant de ce dernier (27).
Cette autonomie est par ailleurs doublée d'une autre de na -
ture
financière,
celle-là.
La
C.O.B.
est
désormais
dispensée
de
l'application des
dispositions
de
la
loi
du
10 août
1922
relative
à l'organisation du contrôle des dépenses engagées (28).
Mais i l ne
fait
pas de doute que la base de son prestige
futur
(qui restera néanmoins à confirmer) se trouve dans les dispo-
si tions de la loi tendant d'une part à ren forcer ses pouvoirs d' en-
quête et d'autre part à lui con férer
la possibilité de sanctionner
financièrement les manquements aux textes.
(25) Le texte gouvernemental ne prévoyait initialement que la présence de 8 membres.
C'est
sur
amendement
sénatorial
qu'une
autre
personnalité
cooptée vient
s'ajouter
aux autres, portant ainsi leur nombre à 9.
(26) Les 8 autres membres sont les suivants : 3 personnalités provenant des grands
corps de
l'Etat
et
désignées selon la voie habituelle par
leur président
(Conseil
d'Etat, Cour de Cassation et Cour des Comptes),
un membre du C.B.V., un membre du
C.M. T.
désignés par leur Conseil respecti f,
un
représentant de la Banque de France
choisi par
le gouverneur et 2 personnalités choisies par les 6 précédentes et par
le Président de la Commission en raison de leur compétence et de leur expérience en
matière d'appel public à l'épargne.
(27) Dans le projet de loi, il était prévu que le Commissaire du gouvernement siégerait
auprès de la Commission mais sans disposer de la
faculté de provoquer une seconde
délibération.
A la suite d'un amendement du député M. D'ORNANO, cette disposition dis-
paraissait du texte.
.. .f ...

XVI
Dans
le
premier
cas,
il
s'agit
d'étendre
ses
pouvoirs
d'enquête. Cela s'entend tout d'abord de ses investigations de nature
administrative
(articles
5A
et
5B
issus
de
la
loi
du
22
janvier
1988). La commission pourra dorénavant faire appel à des commissaires
aux comptes et à des experts pour procéder à des analyses complémen-
taires
ou
vérifications
pour
les
besoins
de
sa
mission
(article
5A nouveau).
Ceux-là s'ajoutent à ses propres enquêteurs dont l' habili-
tation
du
président su ffit
pour déclencher l'intervention,
laquelle
est
étendue
au
champ
d'application
de
toutes
les
missions
de
la
Commission.
Ils disposent,
en
plus
des
prérogatives
que
leur
confère
l'ancien article 5A,
de la possibilité de se
faire communiquer tous
documents, quel qu'en soit le support, d'en faire une copie et d'en-
tendre toute personne qui pourrait utilement
leur fournir des infor-
mations (article 5 B).
Cette
extension
des
pouvoirs
d'enquête
recouvre
aUSSl
la
faculté
pour
ses
enquêteurs,
sur
demande
motivée
de
la
C. O. B.
auprès du président du tribunal de grande
instance dans
le
ressort
du que l
sont
situés
les
locaux
à
visiter et sous
la direction d'un
officier de police judiciaire,
de procéder à des recherche s en tous
lieux
et
à
la
saisie
de
documents
(article
5
ter)
(29) .
L'aboutissement
de
ces
investigations
réside,
au
cas

elles
se
révèleraient
fructueuses,
dans
la mise
sous
séquestre
de
biens
des
personnes
visées.
Cette
action
est
cependant
précédée
(suite de la note 27).
Cette suppression a prévalu en définitive sur les tentatives sénatoriales
visant à maintenir le siège du commissaire du gouvernement auprès de la Commission.
Voir doc. nO 563, A.N., op. cit.
(28) Dans son texte initial, le gouvernement prévoyait au profit de la C.O.B. diverses
possibilités
relatives à
son
intervention devant
toutes
juridictions.
Elle pouvait
notamment prêter son appui à des demandes de réparations déposées par des tiers en
matière
civile
et
exercer,
en
matière
pénale,
les
droits
de
la
partie
civile.
Le Cons.
Const.
allait cependant censurer l'ensemble de ce dispositif,
cons ti tuant
se Ion
le gouvernement
le fondement de son autonomie juridique (article
10
de
la
loi),
pour
violation
des
droits
de
la
défense.
Cf.
infra.

XVII
d'une demande motivée de la commission auprès du président du tribunal
de
grande
instance
qui
statue
par
ordonnance
sur
requête.
Il peut aussi prononcer dans les mêmes conditions l'inter-
diction temporaire de l'activité professionnelle.
Il
peut
en fin
ordonner
par
ré féré,
toujours
sur
demande
moti vée de la C. o. B., qu'une "personne mise en cause soit astreinte
à consigner une somme d'argent" (article 8-1 nouveau).
Cependant
l'innovation
majeure
contenue
dans
la
loi
du
2 mars 1989 reste
l'octroi à la Commission de prérogatives de sanc-
tions
pécuniaires
à
l'encontre
des
entreprises
ou
personnes
qui
contreviennent
à
ses
réglements
et
dont
les
pratiques
incriminées
tendent
à
"fausser
le
fonctionnement
du
marché
(leur)
procurer
un
avantage
injustifié
qu'ils
n'auraient
pas
obtenu
dans
le
cadre
normal
du
marché
;
porter atteinte à
l'égalité d'information
et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts ; faire béné-
ficier
les émetteurs et
les
investisseurs
des
agissements
d' inter-
médiaires contraires à leurs obligations professionnelles".
Seulement elle ne peut infliger les sommes, dont le montant
est
limité
à
10
millions
de
francs
(sauf lorsque
des
profits ont
été réalisés auquel cas, il sera porté au décuple de ceux-ci) qu'après
une
injonction
préalable
et
une
procédure
contradictoire
(article
9-1 et 9-2) (30).
Par
ailleurs
dans
le
cadre
de
sa
mission
de
protection
des épargnants,
la loi permet à son président de saisir le président
du
tribunal de grande
instance de Paris afin d'ordonner par référé
(29) La loi ouvre à la Commission la possibilité de coopérer désormais de façon offi-
cielle avec ses homologues étrangers (article 5 bi s) .
(30) L' injonction préalable consiste pour
la Commission à sommer les persor>r>es ou
er>treprises visées de mettre fin à leurs pratiques.

XVII l
à
la
personne
responsable
d'une
pratique
contraire aux dispositions
légales
et
réglementaires,
d'y
mettre
fin
ou
d'en
supprimer
les
effets.
La
décision
judiciaire
ainsi
acquise
est
exécutoire
par
pro v ision.
Elle
peut
aussi
s' accompagner
d'une
mesure
conservatoire
et d'une astreinte à verser au Trésor public (31).
Si
la
pratique
précédemment
visée
est
passible
de
sanc-
tions
pénales,
la
C. O. B.
informe
le
procureur
de
la
République
de
la
mise
en
oeuvre
de
la
procédure
devant
le
président
du
tribunal
de grande instance de Paris (article 12-2).
Notons
en
dé fini ti ve
que
la
Commission
dispose
désormais
de
tous
les
moyens
nécessaires
pour
mener
à
bien
ses
missions
et
asseoir
son
autorité
à
l'égard
des
pro fessionnels
du
marché
finan-
cier (32).
De
fait,
en
procédant à
l'extension de ses pouvoirs
jur i-
diques
par
l'adoption
de
la
loi
du
2
août,
le
législateur
ajuste
désormais la C.O.B.
à la hauteur d'autres instances comme le Conseil
de la Concurrence et le C.S.A.
Il tend ainsi à favoriser,
sous le contrôle du juge consti-
tutionnel,
l'homogénéisation
de
la
catégorie
des
Autorités
Adminis-
tratives Indépendantes.
§ 2. L'émergence d'une théorie législative des Autorités Ad-
ministratives
Indépendantes
et
le
contrôle
du
Conseil
Constitutionnel
Nous avons déjà
fait observer qu'en faisant de la C.N.LL.
une
Autorité
Administrative
Indépendante,
le
législateur
n'avait
nullement
en
vue
de
créer
une
catégorie
d'instances
nouvelles.
(31)
Le président du tribunal ainsi
saisi est compétent pour trancher les points de
litige relatifs à
l'exception d'illégalité.
Cette disposition a été introduite dans
le texte SL1r amendement sénatorial.
(32) La loi prévoit d'ailleurs à cet égard des peines et amendes à l'encontre des
personnes coupables d'entrave à la mission des enquêteurs ou de délits boursiers (arti-
cles 10 et 10-1).

XIX
Celle-ci
a
été
surtout
l'oeuvre
de
la
doctrine.
Mais,
comme par un effet d'entrainement,
la notion a fini
par
s'imposer
malgré
l'hétérogénéité
qui
caractérise
son
contenu
obligeant notamment le parlement à en tenir compte dans son opération
d'harmonisation
des
textes
avec
l'évolution
de
la
société.
On assiste
ainsi
au
fil
des
réformes à
l 1 émergence d'une
ou
même
de
plusieurs
théories
relatives
au
concept,
que
le
juge
constitutionnel s'efforce de canaliser en entourant,
dans ses déci-
sions, le fonctionnement des organismes nouveaux de garanties strictes
favorables
au justiciable
Cependant,
pour
beaucoup
d'auteurs,
cette
intervention
s'analyse
surtout,
en
définitive,
en
une
mesure
de
"banalisation"
des autorités indépendantes.
Nous
avons certes
tenté
de
procéder,
tout
au
long
de
ce
travail, à une classification des "Autorités Administratives Indépen-
dantes"
en
se
fondant
notamment
sur
le
raisonnement
unitaire
qui
prévaut chez la majorité des auteurs.
Il nous est cependant apparu que les nouveaux organismes,
loin
de
partager
tous
les
mêmes
caractéristiques,
constituent
une
"mosalque" d'institutions que seules les missions peuvent rassembler.
On
ne
peut
dès
lors concevoir,
au mieux,
que
l'existence
de plusieurs ensembles disparates.
C'est ce que
vient de confirmer le législateur,
à
travers
ses
trois
dernières
réformes
relatives
successivement
au
Conseil
de la Concurrence, au C.S.A. et à la C.O.B.

xx
I l
nous
semble en
effet qu'il se dégage des dispositions
législatives
récentes
et
surtout
des
débats
qui
ont
précédé
leur
adoption, une tendance prudente consistant à donner corps à la théorie
des
Autorités
Indépendantes,
tout
au
moins
dans
certains
domaines.
Il s'agit précisément de ceux où les droits et les libertés
individuelles,
base
du
système
libéral,
s'exercent
de
façon
plus
fréquente.
10 •
La
tendance
est
mani feste
si
l'on
considère certains
facteurs
comme
l'octroi
de
pouvoirs
de
sanction
pécuniaire,
l'autonomie
institutionnelle,
juridique
et
financière
des nouvelles instances ou le transfert du contrôle de
leurs actes
de la compétence du juge administratif à celle du juge judiciaire (33).
Le
premier
constat
que
l'on
peut
faire
en
ce
sens
est
l'élargissement du champ d'application traditionnel de la répression
administrative
par
le
canal
des
autorités
administratives
indépen-
dantes.
En
effet,
le
législateur
consacre
aujourd' hui
de
manière
fréquente
au
profit
de
ces
organismes
le
pouvoir
d'infliger
des
sommes importantes aux personnes qui contreviennent aux règles légis-
lati ves
et
réglementaires
dont
ils
assurent
le
respect
et
par fois
aussi
aux
normes
qu'ils
ont
eux-mêmes
confectionné
et
ce, sans
aucune autre forme de limitation, a priori.
(33) Il faut somme toute, relativiser la portée du dernier facteur d'abord parce qu'il
ne concerne pas le C.S.A. et ensuite parce qu'on voit mal comment il pourrait s'étendre
facilement
à
d'autres secteurs que ceux du marché,
champ d'application privilégié
éJu
libéralisme.
D'ailleurs
le
Conseil
Constitutionnel
y
veille.
Voir
infra.

XXI
La
novation
est
ici
d'importance
car
ce
fait
s'inscrit
à
l'encontre
des
enseignements
doctrinaux
classiques
qui
circons-
crivaient
cette
répression
aux
seuls
cas

un
rapport
de
droit
spécifique
lie
l'autorité
titula~re du
pouvoir
de
sanction
à
la
personne concernée (34).
Le
second
point
est
relati f
à
l'autonomie
des
autorités
administrati ves indépendantes qui,
non moins importante,
revêt trois
dimensions .
. Elle
est
institutionnelle
la
désignation
des
membres
qui les composent obéit à des règles strictes ; l'exercice de leurs
fonctions est entouré de garanties réelles et surtout leur non-dépen-
dance
à
l'égard
du
gouvernement
est
symbolisée
par
l'absence
d'un
commissaire du gouvernement à leurs côtés (35).
.Elle
est
juridique
les
autorités
reçoivent
délégation
pour exercer
le
pouvoir
réglementaire
dans
leur
secteur
respecti f.
.Elle est
financière
: elles disposent de leur budget comme
elles
l'entendent
(leur
président
est
généralement
ordonnateur
des
dépenses)
à
charge simplement pour elles,
de présenter après exécu-
tion leurs comptes à la Cour des Comptes.
Notons enfin, c'est le troisième constat, que le législateur
préfère souvent confier la connaissance des litiges relatifs à l'exer-
cice
de
leurs
pouvoirs
de
sanction
au
juge
judiciaire.
Il
en
est
notamment ainsi pour le Conseil de
la Concurrence et la C. o. B. Les
explications qui peuvent être avancées à cet égard sont di verses
demande
des
professionnels,
vogue
du
néo-libéralisme
et
influence
des législations des partenaires européens.
(34)
Voir
en
ce sens J.
GEORGEL et H.G.
HUBRECHT,
"Les sanctions administratives"
J.Cl.
adm.
fasc.
202 et H.G.
HUBRECHT,
"La notion de sanction administrative", Les
Petites Affiches nO 8, op. cit. p. 6 .
(35)
On note toutefoi s une exception pour le Conseil de la Concurrence, même si
le
représentant du gouvernement en son sein ne dispose pas du pouvoir de provoquer une
seconde délibération.
. .. / ...

XXII
Toutefois
pour
une
bonne
partie
des
parlementaires,
le
choix du contrôle judiciaire conforterait mieux l'idéal d'une société
démocratique et libérale (36).
2°.
En
fait, concernant
toutes
ces
op-
tions,
le
législateur
a
manifesté,
lors
des
débats
relatifs
aux
textes
récents,
une
certaine
prudence.
Le
premier
point
que
l'on
doit soulever à ce propos est relatif au statut des nouvelles instan-
ces,
disons
pour
être
plus
précis,
à
leur
dénomination.
En effet,
tout en oeuvrant dans le sens d'une plus grande
communauté
de
caractères
entre
le
Conseil
de
la
Concurrence,
le
C.S.A.
et
la C.O.B.,
le
législateur semble aussi
vouloir se garder
d'une qualification juridique expresse.
Même
s'il
lui
arrive
parfois
d'y
céder,
il
se
contente
d'une
dénomination
neutre,
comme
celle
d'"Autorité
Indépendante".
Dans
le
premier
cas,
on
peut
citer
le
Conseil
de
la
Concurrence
et
la C. O. B.,
alors que pour le second,
seul le C. S. A.
est concer-
né (37).
Il est d' ailleurs probable que pour ce dernier l' inspira-
tion
vienne
d'une
loi
adoptée
quelques
jours
auparavant
(loi
du
13 janvier 1989 portant D.M.O.S.)
qui donnait au Médiateur la même
appellation.
(suite de la note 35)
Rappelons que pour la compos i tion de ces autori tés
le modèle de base
res te le suivant
: profess ionnels du secteur concerné s'ajoutant aux représentants
des trois grands corps de l'Etat.
Là aussi, le C.S.A. constitue un cas à part dans la mesure où la désigna-
tion de ses membres semble obéir à la logique bipartisane : nomination de 3 membres
chacun par le Président de la République,
le président de l'Assemblée Nationale et
le président du Sénat. Il nes'agit là en réalité que d'un apparentement. On doit par
ailleurs préciser que le souhait émis par M.MITTERRAND lors de la campagne électorale
allait alors vers une présence majoritaire de professionnels au sein de cette autorité.
(36) Voir les propos tenus par M. d'ORNANO, lors de la discussion générale relative au
projet portant modification des pouvoirs de la C.O.B., et reproduits en partie dans
le doc. nO 563 de l'Ass. Nat., Rapport Ch. PIERRET, p. 5.

XXII l
En fait on peut se demander si une telle attitude ne cache
pas un doute quant à la liberté réelle de certaines parmi les autori-
tés dans leurs relations avec
le gouvernement ou même quant à leur
"indépendance" au sens large du terme.
La
nature
de
leurs
rapports
avec
les
pouvoirs
publics
n'est pas d'une clarté évidente (38).
On
comprend
en
ce
sens
que
pour bon
nombre
de
commenta-
teurs,
qui suivent en cela la jurisprudence aussi bien constitution-
nelle
qu'administrative,
la
seule
issue
juridique
au
problème
des
Autorités Administratives Indépendantes (entendons par-là leur confor-
mité constitutionnelle) résiderait dans leur "banalisation".
Cependant il n'est pas sOr que la réduction de leur "indé-
pendance" à une simple "autonomie" voire une "impartialité" traduise
fidèlement la volonté du législateur.
Il est vrai que les idées de ce dernier à cet égard sont
empreintes
d'un
flou
comme
en
témoignent
les propos
du
rapporteur
du projet de loi relatif à la C.O.B., si on les examine à la lumière
des objectifs poursuivis.
Pour M.
Pierret en effet, la C.O.B., "autorité administra-
tive autonome",
ne
bénéficie que d'une délégation de pouvoir mesu-
rée ; la compétence générale en
matière d'épargne et de police écono-
mique
et
financière
devant
rester entre les mains du gouvernement.
(37) La dénomination d"'autorité indépendante" a été acquise, pour le C.S.A., grâce
à
un
amendement
de
la
Corrvnission
des
Affaires
Culturelles
de
l' Ass.
Nat.
Cf. en ce sens le J.O. déb. Ass. Nat. du 16 décembre 1988, p.
3692 et
le doc. nO 474, Rapport QUEYRANNE.
(38) Oans le cas de la corrvnunication audiovisuelle,
les sénateurs ont implicitement
mis en cause la vclonté du gouvernement rl"'fnstftuer une nouvelle autorfté fndépencante.
Leurs doutes se nourrissent d'une part du paradoxe qui existerait selon eux entre
cette volonté déclarée et d'autres propos contenus dans l'exposé des motifs du projet
de loi et qui sont relatifs notamment à la réaffirmation des responsabilités gouverne-
mentales dans le secteur et d'autre part de la possibilité qui était faite dans le
projet au ministre de la Corrvnunication d'intenter un recours à l'encontre des actes
du C.S.A.
. .. / ...

XXIV
Il estimait, de ce fait, que le renforcement de l'autonomie
de
cet te
commission
n'appelait
nullement
une
trans formation
statu-
taire qui aboutirait à en faire une autorité administrative indépen-
dante (39).
Dans
le
même
sens
on
peut
encore
citer
les
discussions
relatives
à
la
présence
d'un
commissaire
du
gouvernement
auprès
de
la
C. O.B
que
les
sénateurs
considéraient
comme
opportune
alors
que les députés s'y opposaient (40).
Pour
les
premiers,
la
disparition
de
cette
fonction
ne
se
justi fiai t
nullement
dans
la
mesure
où elle est sans effet sur
le
statut
de
l'organisme
qui
reste
en
deçà
de
ceux
des
autorités
indépendantes comme }e C.S.A. Ceci expliquerait d'ailleurs les réser -
ves
qu'ils
émettent
quant
à
l'utilité
et
à
la
constitutionnalité
de son pouvoir de sanction
pécuniaire (41).
Ils
ont
exprimé
leur
pré férence
pour
une
autre
solution
consistant
à
instituer,
au
sein
du
Tribunal
de
Grande
Instance
de
Paris, une chambre des marchés financiers qui serait chargée d'infli-
ger, sur proposition de la C.O.B., les sanctions.
En
vérité,
cette
proposition
se
fonde
sur
un
souci
que
partagent d'ailleurs certains députés et qui fait l'écho d'une dénon-
ciation
de
la
doctrine
le
développement
d'une
justice
sans
le
juge.
En effet l'élargissement du champ d'application de la répres-
(suite de la note 38)
Ils ont
par
ailleurs
souligné
la
prépondérance
conférée
au changement
d "'hommes" au détriment des autres objecti fs.
Cf. Les doc. nO 68, op. cit., et nO 69, Avis présenté par M. Ch. JOLIBOIS
au nom de la Commission des Lois Constitutionnelles .. ,
(39) Cf. le doc. nO 563, Ass. Nat. Rapport au nom de la Commission des Finances, séance
du 12 avril 1989, pp. 19, 52 et s.
(40) Voir è ce propos les doc. nOs 785 Ass. Nat. et 391 Sénat (annexes aux P.V. des
séances du 15 juin 1989), rapports relati fs è la Commission Mixte Paritaire Qui était
chargée
de
trouver
un compromis entre
les deux Chambres pour
les dispositions Qui
restaient en suspens.

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XXVIII
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(45) Les Grandes Décisions, op. cit.

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tre
de
la
constitutionnalité
du
tr,lI1srl~rl, de
,,011
cOlltrôlc
,du
JULll
administrati f
au
Juge
judiciairè
"il
l~,;,
puurvu
cc:
qu',il
Il'01
Piil;
cellsuré
(décision du 23 janvier 1(IH
Alo r s
ce
n' est
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fa j l'C'
pre !.I V r:
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éJU d;le C
p 3 r tic u l i pre
que
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LIlle
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cil'
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illCjéfll~llclall t !!:;
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(46)
Vo i r
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Ji
i III
(47) CP que flOUS avorl c, fCl i 1 Itlf'S nl)', ,'l" 1i

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Hais le douLe SLJly;i~;Léli 1 CI'IH'rlr]émL é.lU [1T'111 il
(le,; OiccpLiqucs,
d' auLant plus que
lES commentateurs
Il' eStaient
pas
fixés
<'lU
sujet
de
s 0 Il
i Il val i da Li 0 ri ,
cl ml s
s a d é c' i:3 l () r1
( li è:i
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pou v 0 i r
d e r é pre s s i 0 Il que
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laC:. 1. fJ • P .
la que 11 e
pou v ait
s ' in ter pré ter
UHid III'
Lill e
con dan Il Î Il i, Ion
de
pT' l n c l [J Cè
de
l'exercice
d'cm
tel
110UVCIll'
plU'
[HW
,HJt,uri!('
élc1mini;;Lratlve.
Dan s
ses
déc i s ion é,
rJ e é;
17
.l'JI 1V J e l'
et
2cl
J u i 11 e t
l ') 13') ,
le
tI'ibunal
constitutionnel
aboI'de
cliI'ectement
13 qucé,tion et cCJr!cllJf
à
la
validité
de
la
technique
au
rscJ'u'cl
du princilJC lk:
III
SéparlJ!liJII
des pouvoiI's.
r
,
0 LJ t e foi s
cette
c (J 1I:;! , i 1Iii 1 Jill 1iJI i t c5
l'L' 1 J Le:)
sLI'ictes
qu' il
va
,;mJlmsrer
toul
,lU
! 1'ilfJ
de
é;UIl
rill iIJllrH,rrtelll.
"'11
dire
celui-ci
est
p'mctué,
dall
Il .
11J cl i ~
1:, l '. r 1
2!+f l 1
17 ,1,1 Il \\' i lè r i è]
8
42-11
de
la
ln
clu
3D
',('[J 1
pécunlalre
au
C.S.rI.,
autorité
IHJIl
pél~3 juridictiollnelle mais adrni
nistrative,
rnécorllléJiL
le
prillcipe
l'"
LLl
'.;épDril LifJll
des
rOUVl)l rs
(8rticle
16 de
la
Déc18raLion
de
1711'J)'unt
le:
re::'pcct.
s'impose d'3u-
Lill!
plus
que
c'esL
lLl
liberté
cie
cCJrnll1lJrlicaLiul1
Ljll]
esL
en
dl.! ~_3 C.,
(aI'ticle 11
Déclaration,.
Le
Conseil
Lonsiitul'ic)[JIWi,
sumi
l'épnrHlrc
cldirr~mcllt
el
directement
à
la
qucc,tiOli
relélt,ivl'
,1
];1
\\'ioléliiclI1
du
pl'lIICJ!H'
cil'
la
séparation
des
POU\\OL;':;.
Vi]
::;'crnpJ(J\\,.:J
il
lirrnc)[Jlu'r CJw';r pril-I'll'l'
nll~lnc:
de
l' irlstituticm
cie
SiH1Cl.iorl:; <llilllir1i::;tr<ltives ,lU
prurit
,l'un('
auLorité
rOlnrn8
le
L.j.

::\\XI
des
art 1c les
11
c I~
1(J
li l'
l, 1 1)I~' Cl ,1 1: Il! 1) 11 1!co :;
[) [' 1i : l li
cl r:;
l'II () Il
l' 1
due i 1: Cl y c n (25 e a LJ 271' 1 1111,'i]( 1i'] : li li 1;1 •
Corlee r n élll t
l':H 1 1(' i l i 1
t (]l il
(1 r : 1h U ni
1 l
, , 1 l' 1 l'Ille
1111 C
~; (' l '
l, [;
l (~\\] 1:.) 1:! l C.-· l r
~'\\l C' U l.1 i' C; ,
au
procédé
cie
l'oului'lcC;(JtiIJII
(Jclll1illl~;II;dlve
!
(lU 'i!
Cil
[' U l ,( .1 C'
l'appLication
à
"ulle
uutoriL(\\
adl[linj,;LrLlLj vc
lrldépendanLe"
IJULII
lj3rélnl il'
l'exercice
r,rrecli r
ri l'
1;1
,'UITlrnUllil'
t i "il,
I~
,
LJ
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qu 1 L !
'(1 i!
l'Ui'IIS
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de
1:1
SéPélI'éllion
cJe~;
!)'IIVoil'r;,
"d(~
l)(lli\\,OJr,:;
de
~;:lfll~tLorl
d,Hl:;
1;1
l imi te nécessai re ;] l' accomp l i ,i:;cmcn [
dl: éiél nüssl on" ,
Il
préCl',(ô
CCIIWIIII:lnl
l ' 1 r~: \\ :
1 ( ,
ces pUlIvoir,c; de
"lTIesure~.; destinées i'1 s,llJvcrJ<ll'der lC~i dr()iL,~ el
iibcl'-
tés constitutionnellernent fJClranti s".
Sans énumérer'
le clllltcrlU [Je cl'11e,;-ci,
i;)
[[)ln [UilSti LilL lOI 1--
nelle
va
p3sser
en
revue
lc~;:;
lJd l'(J["ll Ji'
17
janvier
pour
ensuite
CC)ilc]llrc
qu'elle,;
,;,ill,,,f:;[,l
i3
loes
eXlqlèllcec;.
Il
en
est
d'aiJorci
élirlsi
dll
rcspl.:lcL
cJ8S
iJroLLc)
de
la
cléf811-
se,
principe
fondamental
rCC'l)I,1111
péll'
Ic,;
Iuil>
cil'
Li
i;r>i:rlhlicFI!-'
qUI
postuJe
que
l'intéressé
PULSl>C
préC3Cld(,['
,;(:1,3
ollr;C'[Véltinlls
et
,IVllll'
accès à
son dossier
la
loi
p r CS v () il'
cl' li 1Ji' pd r t
Il Ile
pro c é cl ure c [mir a-
di c toi r e
di l i g e n t é c
p Cl r
1Hl
rn C111 h r e
:1C
1il
,i uri d 1c l, l Dr l
j n i c; t nI t ive
et
d'autre
part
1:)
prc'o>cripriml
cil'
"llf'r:wLj()11
1'1
IJ!)I,I
rir'
r 01 ;~
ans
(2ge Cons.)
IJ
consLile
par
él1]lellL'~;
: 1
j 1l,; i :me:
in dép C Il d a Il te,
q li Cê
1e S
~; ,Hl ct il' 1l!;
Cl' , 'i 1
j ri r1 iLJ e
Iii'
r ['\\: è t r:; ri 1.
il'
1Ir 1
caractère
autorndtique,
qu'elles
doivelll
Cd l'e
rnol iv e~; l'l, propoT'\\lon-

\\ >; 1 1
née::;
à
la
CjraviLlS
ch'"
rné]llquerrlerJt~; CIIliiliil,; 1;1
'111'1'IIIJrl,
I:} Il:;;
Ile
:;i:
cu mu l e n t
pas
en t ré'
r: l. 1e s
p éJ :3
pl W3
Cl II ' f' 1J i'~:;
11(
:31 ~
C li mu l. e Il L
cCIV e cIe;;
s,mcLions pénale" \\ jlll' I:rm:;.).
Il
relève
ellfHl
J'I?~J:3lY;lCC (l'Ull l'CI 0111':; cie pleù1C Juriclic-
tilm
devant
le
[on:3ci1.
cl' [Lü
eL
1;1
pnl3:;ilJi 1 i le;
pllur
l' H1LéI'!:ssé
de demander le sUl'sis ~l exc'cution de
lé!
clécislOl1.
Tou t e foi s ,
i l s CI u 1. i (1 IW
(l'il;
cc
r e c nUl';l
Il cc
;3 I~ lJ rai L co 11 d u.i r e
à cl q g l'a ver sas i l U ," li (Hl CS 1e COll S • ) .
1,'1
:,lil:;JIIC
illvciquélLerlL
la
v i 0 l cl t ion
des
al' tic 1e Il
G cJ e
Ir]
DCS C L:! i' ; ! 1
III
(' t
)Lj
cllè
1CI
CI: 1:' il i t li Li 0 Il
pal'
les
dispositions
de
la
loi
pl'évues
LJUX
mLicles
42-1
et
42-2.
En
effet
selon
eux,
ell
SI'~)pOSallt
mernc
que
le
pl'incipe
des
sancLions
adrninü;Ll'atives
13nit
I:CI'lr:;.
11
Il'Cll
restr
P:L:;
rnnillS
que
les
l'ègles
selon
lesquelles
"nul Ile peuL (~Ll'e puni
qu'en verLu
d'une
loi
établie
et
légalemenL
appliquée"
(Déclarahorl
cJe17G9)
et
seul
le
législateur est
h3biliLf~ à
"f'ixer
les CJdr,mLie~; f'ondamen-
tales accordées aux citoyens pour l'exercice des
Libertr~s publiques"
sont ignorées en la eil'eonst3nc~.
Dans
sa
ex LCJences
de
l' 3l'ticJ c
G
de
lél
[X:clrll';II.] orl
qUI
:;';J LL3elle[ Il,
,
lui ,
3U
prononcé
cil'
touLc
;3(J!1C ~ 11)11,
lI! , 1,1 l r;:
,II,
1
,.
l ('
1 Il 1 1 ,
,
juridiction
l'épl'ess Ive
ou
li 1 1,1 Il ('~
1Il JI Ci l' i j.. ,/
l. ~ ,
cl 1I11C
I-Iul' i'C
Il;, turc
cc
sont les principes cie légé-tlité dt~S dél.i.L~-; L:L clr',c.
1(-~lr1 ;;,
Ut; rilScessj té
,
,
..
cje::~
peines,
de
nOll-rétnJ:lcLi\\iLcS
IlL'
1
Lu l
ili"llil 1c:
1 j
i ["l"
i mlll '1 l j (HI
Il lus
sévère
et
e[l t J n
1111
l'C:.ipcct
( Ir ~~ ;
clru j
c'
.,
1
li,.'
1 II
clé (' (~r) ~_~ C:\\
lldillinistl'ative,
"J'exigence
d'lHlC
défilliLion
de!;
i;lf'racli()Il~:; sanc-
tionnées se
trouve
~:;atisfaite par
la
réf'ércncc
(qui
e~;L fai.Le~ dans.
les articles en cause)
aux o'J1igaLiQn~ auxquelles le titulaire d'une
autorisation
administrative
est
soumis
en
vertu
des
lois
et
régle-
ments".

\\
\\ i
r
1
Le [orleie il
COllC 1ut,
l'II
cieS iilli LIve,
~]
LJ 1:'I)I],;t i tllt lOrllléll II, '.:
des aI'ticles 42-1
et 42-2 ~;ur tuu,; le"
points suulcv(:e; par les éilltl~lIrCi
de
1a
sai sin e ,
v
co mpl' i s e c III j
'1 Li l
C
L
r 8 1cl Uf
:1 lei
v i 0 1Ci t il] 1:
pI'incipe
de
la
11 bel'tlS
d' cxprc,,;:,iUII
ct ZJ ] 1 absel wC' d' Lille cJispoo;j l,lUII
pre s cri van t
u 1] e
r Pp éU CI t i 0 Il
a cl cS III 1,1 t :
cJ a ri s
l' h YIl 0 li )I~:Ci c~
() LI
1a
S éIn C Lill! 1
p l'é v lJe
à
l' cH tic 1(~
42- 1,
'oc' 1
i:
'1111LCJée
iJ
lUI':
pI'opoI'tionnéJlité
[:t
à
la
PClciiiiJi1Ii('
cJe
meUli'
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r spnm,élhi] li,'
de la puissance pulJll Clue e!l CClUCie).
[Jll
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réponse,
b
c:lé1L' i fic:!'
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)( () 11
cl (; f i [1 L! 1 \\
lei',!!'
Vi:1lrJJt
tiomlclle
(Ib!i
lors
Clu' cl1e:3
Clf:'
Ciolll
[lil!e
rH l Viii 1 \\ICI,
cJe
liberté
C".
qu'elles
s' élccompagllerlt
de
"lf1eSUIT~;
cJC~>ljIH~C~;
;1
~';;luveqélrder
le:;
droits et libertés C(H1~;titutionnell(~ic:nL (jarald.il;".
Ii
affirrlre
ainsi
que
"le:
principe
de
la
:;éparation
des
pouvoirs, non plus qu'aucun principe (Hl r~qle de \\:lIeur constitution -
nelle
ne
fait
obstacle i':J
ce qu'une
::utorité acJrnini.strati.ve,
agissant
dans
le
cadre
de
prérogatives
de
pl' ü:;l;ance
pub] iquc,
puisse exercer
un pouvoir de sanction"
Ge i~U"~~.).
Concernant
J'indéperlclance
dt'
la
C.O.[3.,
Ll
ne
relève,
après
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de
san
statut.
cluc:um,
clispositiurl
:3usceplible
de
la
met t re en cause (7e au '14e [llll'~. Î •
De
rnl?lnr"
JJ
C'i_\\
,-),-,
l)(JJ'III'
Z-J
('lJII;; l.cll.l.'!
li LJ 1:
( '
p: LIIClpe
Uu
11011-
1
cumul
des
peines
évoqué
par
les
:Iutcuréi
de
li!
sal:31ne
ne
ceçoil
pas application dans
le cas qui
lui
est
soumis
{'l.'lui -ci ne concer-
nant que le cumul enlre sanctior1s adillirljc;t;:-atives IL SéHlctions pénale:3
(16e Cons.).
l l
co hs i cJ ère
t 0 u t e foi 1·;
Cl LIl •
cl ,ml;
lél
rn f: " ! Il' c;
[Jl J
le,;
cfi 1; r1 ri s i -
t ion s
d e I 1 él r tic Je
B
d e I a
Déc LH ,J Li 0 il
d e n H')
s r;[ () 11
J es Ci lJ e J lc~ 1;
"la
loi
ne
doit
établir
que
des
pCLnc~; ,;tric:L(~mcnt et
évidemment
nécessaires"
h8bi t ue l 1Cfnr:-CI t
élppl i c,:lb! CI;
cil: v ,ii 1:
1 c:::
juriclicl iDI)I:

\\
; 1LJ '; :;1
;111 X
; JI 1L(1 :' 1 l
;;
d rJ III i fi i 13 t r il l, L V C '
il L' CI Il (J ]' t i mm;1 , 1 1(;
1) [' C 1" CI' : !
p () r
t' d r LicI e
9 - 2
cil;
l 1 unJ (j 1111 ;lll cc
cil'
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juste et équitable" (4~5c élU L17c ['lHl;;.
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sanctions et à leur prononcé;
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" i rW()[IlP , ;~ I.l~" ,
"TllJ~JrlC(~C"
cl
()() f' t, i:! I,;f"
ue "zones d'ombres" I,'/f,
(48)
Les quali ficatifs
SO"I
d:, F,
1,IClOERNF: pou:
le', n,eux p~9rr,i~-:,rs, ir' IlSdr l ct.ior1S cHjrnÎ-
nistratives et protectio r1 (jr"s
lihé'L
jl
j'.'
1 i'"
1 ,"]d
eJ,"
l, J ,'Cil
péenne
des
Droits
de
l'Horn'T1i::''',
L'<
f'ctité.S
:!'jr:!,
c j t ,
HUBRECHT pour le der~ier, op, cit.

X>;XV l
EII
cff cL,
cl Cl Il ~3
1 c c;
cJ CU;.;
cl 8 C 1 ~oi 1H)"
ex ,11111 118 CS,
le
[( Jr l,; cil
cJffirmc
l'p-xigence
dll
]C;"pc;cL
de,;
CF1r[JrILie:3
[lltéJI:h(r;s
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lé!
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SLOII
pénale SéH),; cri PI'I';ci';I:rll' ('(HILellll
((j()).
daw; leS cas clu C. ~i. A. "t d'
lCI [. Cl. il.
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[I,;e) C Il"ll 1.
I:[)l:ah ICIIII:I,I
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Llcichc
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pr1l1Clllr;
cie
}c';CFlliLr':
de,;
pelll[':
l:t
clc
d(;li!'i
II
affirmant
qu'elle
"sc
trouve
satisfaite,
en
matiè:rc
administl'ative,
pal' la référence aux oblilJ8tions auxqucdlc~; le tiLulaire d'unf: autori-
s8L ion
Cldlninistrativc
esL
SOUlnl s
en
v(:rLu
des
1(Ji:;
el
réq telllenL;;"
Uh l:onc;. de lél ciéei,;ion du 17 jm1vir,rI9f\\'J).
[j Il
a
en fi n Il U Ilot l']'
l (e: r;
i Ill: e r Li Lu d CEi
qUI
iJ f f e ete 1) t
l' l II
IJCllnanee
'le
l' OI'C]Clllj :ime
Ch,ll'
Ilnlllilncer
] [1
llrlct i lm
lldll1ll1i
-
tr~jl.i_\\ie.
i\\i n si,
rJ Cill E;
Li (1 é c j :: i Cl Il ,lu
l " ) iJrl vie 1'1 ') [l 9 .
la C(] u j' CU Il S Ij ..
tutlonrlelle se borrle li rp-lev81 que le [.:).~\\. es! UI1e CJutorité lrldépell-
dallte.
De même,
dalls
cp-lle
cJu
28
juUlet
il
S'l',"! corltent.é de passer'
en
l'e vue
les
d j \\1 e r ,3
111(1 Yc mi
,; (Jl il c v é S
Il Zll'
1(0 S au t C'U r scie
1él
,.; [) 1 S Jr Il '
SCill';
dé fir)ir
l' ':\\;icjt'IICC'
pZc1';
plll.'
que'
1[,
cJ(;lJJ'l~
d' indépemimwc'
1]['
1e .; l Ci tut cl e 1il C. U. IJ cL 1] L Il' l' llii \\1 l ' :' 1. '>II ) .
Il
eût
été
~iCJuhaitatJle ~l
cc
prCJpO~J,
CCllTlllle
à
l'élJiHd
des
autres
points soulevés,
que
le Conseil Si illspiri3t de
la jurisprudence
de
la
Cour
Européenne
qui,
Cèll
la
matière,
féd t
preuve
de
plus
d' au-
dace dans ses illterpn~l:Htl(lII'; ('')1
(49) Cf. C. TEITGEN-COLLY, op. cit.
(50) Voir è ce propos l'article précité du Pro HUBRECHT.
(51) C~. F. MOOERNE, op. cit.

X'<\\VL!
En effet,
11'~) dpr:j~)if)ll,; Il''.)7 ,FlrlVirèl' 1'1
tH
jlJil1etlCJElSJ.
1) i e n
qu' e Il e s
COll S lt LIl e nt
lJ IH'
; ,\\'
i.
des
justiciables,
n'cn
suscitellt
1) \\"
:.:ill'
cie,;
il, 1'L'L'lllJéJtlf)llS
qUélll;
aux
lignes
de
conciuite
fullH'(~,3
clr:';
;"rlre,;
.1lirlCiicliilile>
(l,ms
11'11'
jurisprudence.
Il Il'E''3L
pas exclu
que
c'l'llt;-Cl
éJlIUuLl:i:;,,'
~l url iilfJ(-
chissernent
des
c;lllnée:;
issues
dl~s Il l'i';llIll:; clel;~ [Olll' [onstiluljm,-
nelle.
Tel
n'a
peul-t'tre
prJs
él
transfert
de
la
COlllpc'tence
relative
,Hl
CUlll]'IJ!"
,II;:;
acte:ô
d'UIII'
autorité
adrninlsL1'atJ\\c
illCllSI.JClldéJIII
juridiction judiciain; 1 qui
irlLél'e,;;, ;JlJSSl
le priilCJ plè cie
ILl ,;éP81ël
tion des pouvoirs.
t'1 ais
i 1
se l' ait
bi e ri
t c'( ,l,ml
cl' (; \\ (J q 11(' l'
JI I l e ,j
Il CI U Ve 8lJ<
développements
qu' CI connu la qucstilql CC'Vd!lt
le
!~' i
.,1
dE's r'onfli.t~;
après l'arrêt de
la Cour d'Appel de /J a1'1s du 3D juin 1988, S.A.E.D.E.
c/ Conseil de la Concurrence (52).
Dans
nos
analyses
antérieures
nous
nourrissions
l'espoir
d'un
plus
grand
r-JssouplissefTIenl:
dl ~
pl' LlICtpe
de
Id
séparaUull
8
1:1
suite du vote de la lot du 6 juillct
19U7 ; et CI~ 1.'11 clr':pil cle~, lilflilf'
st.rictes
dans
lesquelles
If,
[Olle"'i.l
l'rm,düulimllll:1
ellferflléli!
I,e,
trans Fert
de
la
compétence
clu
CIJllc;['j
cJ'Etat
rcléll I\\'r~
,lU
COllin]]
des
décisiolls
du
Conseil
de
J"
[c)!ICUrr'~flce, élU prof'!!, clu JUljc Jucli-
ciaire.
Illelll
cité
dc
1;1
[OUi.
cl'l'lpp(;l
Il"
l'; ";,
;'1;,
!I(III~;
, .
l'Il
1il
cil' C Cl Il S ( d ['H: e
:;i ,
1) l'" III
' I l l '
II!
du 1er décembre 1986.
(52) Voir supra, p. 301 et ~.

XXXVIII
Cette
juridiction
décidait,
contrairC:lllcllt
élU
Conseil
de
la
Concurrence,
que
l'acte
d'évicl lon
de
la
S.A.~.O.E.
pris
par
la
ville
de Pamiers renlrait
dans
le
clwl1Ip
d'ClpplLc ,l,lml
des
dispu-
sitions
de
l'ordonnance
du
1er
décembre
1986
drills
la
mesure

ii
a
pu produire
(cela
reste à confirmer)
de~J effet"
sur le
forlctinnlle-
menl
norméd
du
marché
(ai'ticles
12
ct
5~5
de
]'ordonnallCc,.
Ce
faisant
elle pn'r1i]it
ell
cml,;.icirSraLiIJII.
rlUl1
puS
la
dr;['J-
sion
de
conceSS10n
en
elle-III!..?III!"
au
prufü
cie
Id
~;.I,.l
qui
relh,!,
des
pl.'él'ogatives
d'rJrganisatirm
rie
SC"
:0['1'V1CC;;
péll
1,1
PU1,,',émcf,
publique,
mais ses Cllllst\\quencc~i "ur
le
JCu 110]'llléll
de
Lé'! CCJrlCUI1'I'IW,
r8lion
mUllicipalc.
[JII
éllJnlll l' ;,1 i 1
olur::
, .inirlistrcdif
qUl
cJevdlil
Lli
persistance
de
la
Cour
dans
,~D
pw,itl[lll.
1111
,Ieli;lé
dt;
conflit
Cil:~
transférail
ainsi
le
IJrohU;lTIc
dc\\arll
Je
iriiJlIllal
clr~
COI If' lit" .
Dans
son
~H'[èL
clu
6
juül
191.39
.Le
TrdlurléiL
(le'3
CrJllf1jl:~
infi rrne
la
décisLor!
de
la
r .:\\.
Cc;!'
cons idérant
que
"l'organisation
du
service
public
de
la
disLribuL ion
de
J' CatI
il
laquelle
procède
un
conseil
municipal
n'est
['as
consti LuLive
d'une
lelle
activilf~
(celle
qui
est définie il
J'article
53 de
l'ordonnance)
que
l'acte
juridique
de
dévolution
de
l'exécution
de
ce
!;erV1Ce
n'est
pas '.
par
lui-même,
susceptible
d'empêcher,
de
restreindre
ou
de
rau~!;er
le
JelJ
de
la
concurrence
sur
le
marché,
et
qu'il
n'appartient
en
consrSquence
qu'aux
jlll'idiclion!,
de
J 'or'circ
ùlLéres!;é
de
vériri(~;'
la
validité
de
cet
acle
au
regard
de!,
dispos i Lion!;
de
l'art ü: 1(;
(53) Cf.
en ce sens,
l'article du Pro
CHAPlL, à propos rje l';nrêt de la C.A. de Paris
du
30
juin
1988,
5.A.E.[i,E.
cl
Con"eil
cie
jJ
Cnncurrer'ce,
R.c.D.A.
5 (1),
janvier-
février 1989 j p. 80.

X'\\\\IX
9 de l 'ordonnance SLJsvi~;éc"
')1. ".
partie
de
la
doctrüre
dont
le
IJ[.
Ul'~rJl.:; qUl
illVuquc
~l
:-;on
dppUl
la
constance
de
J cl
jurisprucicilec
')~)'.
ii" J;;
ml
pCI d
sc
delll,mcJcr
après H.Bazex SI elle Il'est
pac; cLJll,:;I,Lill,\\,' 1l'lUIe cllUillrJe Il'rilew;c"
d'un
point
de
vue
Cjéllérul,
Cil i 1 r: il
IICI['III,11
des rèrJles de
LI CIJI[('III'I'IJIII:I'.
Pamiers aboutisse
è un
tel
résultai
i)r";
I.Ul'~;
1]
LlllpU!'LI: [Jeu qu 1 el Le
soit
qualifiée
"d'action sur
le
marche':"
,,1
1lC111
1!''',ICLivjt(~''
:JU
:;('11:-;
de
l'article 53;
les effets étcmt
Je,; li,::'rncs cJélll,:;
if:,;
clc:ux CélS
(57).
L'acte
de
perturbation
du
Jeu
rio rrilLi J
d' Uil
rllarché
ne
peut
être
considéré
isoll~r1lPnt .
II
C
J
113 JI
cie
cirCrJrlstailCC,:;,
de
raits et
about i t
Zr
des
conséqu8 1 lcP
1\\1IJ é e ,; !Ji' i 1 ra\\: Il r <1 h li: s ~l l' e il -
sCêlrlble
de
l'économie
c' e~;t
le
1 mil"
Cill' Dli
Pl:irl
~Ipp J cr
"opérati.on
cUlllplexe")
que
le
droit
cie
j~l
l
IIIC
'f L'L'I1Ci
';-1 !. ;~; ) r'
(54)
Le
tribunal
suit
er, cela
lCi
reconlnland.j( iOI'
dtj co;rtmi
i"
lil,
(1'Juverr1cment
qui
affirme dans ses conclusions que "l'attribution de cOllllétence Faite par la loi à l'auto-
rité judiciaire pour l'application du droit de la concurrence ne s'ét.end ni aux déci-
sions
unilatérales
relatives
à
l'organisat.ion (j'un service public,
pi
aux
cont.rat.s
de nature adninist.ratÏve
passés pour t'exécution cI'un t.el service"
T.C:,
G juin 1989,
Préfet de la région d'lle-de-France,
Préfet cie F',ili
cl
,j'.,pr-;l,je
ris
;30c,
d'exploitation et de distrilJution d'eau (s.!\\.r=:.nJ.) c. S , l ' , "
'cliY:,,, ed'IX (c,.: .c.)
et
ville de Pamiers,
el'
annexe des COl'c1.
du C:oITlrllissair,c> !h 'JuulJernemer't 8.
SIIR~1,
R.F.O.A. 5 (3), mai-juin 1989, p. 457.
(55) op. cH.
(56)
Cf.
M.
BAZEX',
l'ote
sous
l'arrêt
préc:Lé,
. ,].0.1·,.
i :.
1-
1989,
p.
Ij6/.
(57) Voir M. CHAPUS, op. cil..

,\\ \\
Pi1r
ail1L,ul'c;
cerL::ür,~; ;H,: ,'111':;
CIJ!:IIIIC
1'1.
Clwpu:;
cnilé;i rièrcril
que
la
reconnaissarlce
de
la
cOITlpé t CIICi?
clu
Cm,:;c i J
d' [ta L,
rc la t i \\'c-
merlt
à
l'objet
du
liLige
est
CUII1[)III'I~ ",
lé]
vlJior! (,
du
Jé~gi,;JuLcur,
telle
qu'elle
se
dégage
des
travaux
parlementail'cé)
el
qu'il
j,erait
touL
aussi
satisf8isallt
pour
18
"bl1llnc adrnilüstraL ion de
la
justice"
,j , env i s age l'
urie
lm i fic Cl t ion
cl [; S
l'JI i
'i
J( ; Il',
l i LHJ l?
l"I n (' lê r n éill t
1Cl
Pu i s -
sance
publique
au
profit
de
j uri d ü: L icI 1i
éJdministrativc.
Une
telle
position
est
:;OLJlel~I;i1)le l'Cdf':)
pour
L'uni fic8-
tiUI-1
et
elle
cadre
bien
avec
la
dl'I~L"ion du [orlSlêil :'om;LiLuLJonnel
du
23
janvier
1987,
elle
paraiL
'~'r?pendmlt
I[lr)}r,:;
currolHJrcr
élVCC'
1 ' es p l' i t
d e I ' 0 l' d 0 lm a rI c e
du
1 el'
c/ r': l 'l~ Il il )J' e
lpli
j; 1 0 r 1l' IlL C
cl é3fl ,;
1e
:) e Il ji
d ' U i1C~
co mp é t e n ceg é n é l' 31 e
clu j lJCjC ,1' 1( 1 il' i :1 i l'(ê 8
L1 l' i F 1rc 1 ci Il C cm l r' 11t.i e 11X
du
droit de la concurrence.
C'est
d'ailleurs

un
hJiL
qUI
lé'!lcl
é1
s'imposrr
diCtrl;)
d'autres
secteurs
connexes,
comme
celui
cie
la
hCJlJJ'éJe
(on
peuL
parLel'
d'un
point
de
vue
général
du
domaine
qUI
touche
à
la
liberté
du
commerce et de l'industrie)
(59).
Il
ressort de
toutes
ces
:1[I;!lYSI-::~ qLlc~ la voLonté de c,Jr)ali-
sLltion
dont
le CCJ!1:;(:iJ
[onstitutiollill'i
r-:lil
[lrClil/('
dCHIS
"C" cJ(,I'I:lilrls
à
l'égard
des
IlouveéHlX
organismr:;,
,;]
clic
['(-Ir'v'-
d'lm
[lJ'C)(:r<;~;IIS
nornlEll
et
souhaiLélbJe
dans
lIIl
[Lat
cie
drrü
des
Jisques
d'une
trofJ
CjfëJlldc
h:mcJ1iJ:>élt ion
cie
cc,,;
Clutorijé c,
qUI
1',I]r;IIII.'I,l b J'('!II'(III--
I:rp des objectifs que 1i~ur d
fi>:,;
l(
lr'cji:;L,Lelil
(58)
D'ailleurs
telle
110US
semble
être
1c)
dénldr,ci1l"
de
l ',}l'l
er'rle
C[)r~missio"
cJe
ld
Concurrence, à propos de Id qualificatio1l d,
l'
tE', 3 trC'v~'!lé,
J
Jl.JrhprllderllY Ic'LHie
dans ses rapports annue 1s que nous avons cité ioUPli].
(59)
Il
existe dans
la
loi
du 2 août
1989
llr'l' dispoc,i t il)11 drl'lt
l'interprét<Jtion
va
dans
le
même
sens:
c'est
celle
qui
esL
COr'll:'i lue cLIns
,'drL~ck
11
al.
2
\\iHticle
12-2 de l'ordonnance de
1967) et qui permet du Pr'5sic>-:'L CL; i .C, r. de Paris d'clpprécier
la
légalit~ des sctesréglementaires t't individuels du lleu d'el" opérer le, rerl'/oi
vers le juge administratIf.
Cette
dispositiorl
ec,L
iSi"ue
rj'lrl"
amer'r;,cme,'t
sér-'dtoriè11,
voir
le
doc.
nO 340, op. cH., p.
16 et s.

xxxxr
Ce
n'est
13,
cependali!,
qu'url
fJdrrTll
:,:;
Ilull1hrcux
CllS C;icJlkr-
ments que
l'on peut
tirer
d('~~ dl~Cj:,ilHI:: :;UI:ceS,:lVl'é, Cltl jlHJe CIHlé;Lilli-
tionnel
et
des
lois
auxqucl Le,;
l·11e:;
,;lmL
J'1'hil l\\(~,:
clans
le
l'Ill:
des Autorités Administratives
ImJé!wnd:llile'3.
r C \\; éH11l ~ Il
de~--;
clr" ['
l', li 1
1
: \\ Il 1:
~ Il 1
i, 1 i, Il:'
a
rendu
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propos
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é1UlC)r j t f~ ~--;
f 11111 \\ l '
1984
r6vè Le
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l él
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cl (r
l" '
i; 1/ J'
1
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' 1 1 1 1
ri 1
csl
prolJrCSSlve
lllmLI;I;
'1
Cf;! 1 1 : 1 'C l'
,
i "
t, '1ICir',:
eu
comme
une
sorto
de
réacLiol1
cie" l'l'lll:ivc
1.'Ulltrc
1111(;
"surestimation"
léljl,;lative et cJuclrimJle ciE: ]f::UL' ,"I,llul
C'est
dan:;
C(~
sens
qU'1111
pcul
illlIIIJI'é!yr
ses
prises
cie
position
reléltiverTlOllt
à
certaiw:
:loinU:
inCIlilst i tUtiOrHlél j i 1 ['
d'une
dispositiun
ClctroYélrü,
Uil
Pl
[voir
cil;
Sdllcti'II'.
Cil
rTléÜ.iè?T'C
Iii'
pré- jur idictionllellc-;
clii
IL t jcIC
ractère
administratif'
des
éwtoritl::
:ILirninù;i j
1 \\ "
inclépemJéJr1tc:;
elles
sorlt
sous
Il:;
contrôle
ciu
cjlllj\\lI'['nc'IIII_~liI'l
.'lluVell[
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septembre 1986 et 224 De du 25 ,j,ill\\ -"[
l'NP
leurs pouvoLr,;
:
leurs éJttrjiJutiorls rtScJl l'ITiPlil,éli LC~; ci,: 1 \\'IIlil
:Je
raire CCJll[U['
mément à
la hÜ~l'archie des nonnes.
IlLe" cml
1,,"'I':;Sélll'(;rr1I'I1L Lnl 1::11,11',
tère
limité
et
subordonné
p~n'
l'npP(JJL
dll
[l'-II\\l)[1'
récJlernentéjjL'l~ ,ill
gouvernernent('déci.~üons 217 De: pn;ci: :11,
24f3
ih'
Clcl
i7
janvier
l')iJ')
et 260 OC du 28 juillet 1989).

XXXX 1 i
l'ocLroi
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de
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qui
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[;cLJl"I'
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lèCLilllllJc·
11(;;
n\\ulul'ilé:;
I\\dmirli:;·,
tra t ives
Indépendantes"
el-1
p J usi e li :-c-;
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la
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toujours
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la
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des
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in~;titul,iCJns.
Toujours
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note
un
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de
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conceptioll
restrictive
par
une
sorte
de
densificcltion
ciu
qrr>lpc
des
"autorités
indépendantes" par les de rnières loù-j.
Certes,
le
Conse i l
Consti tuLiollllCJ
CI ,( e Il d e n c Cl ci l' Cl'
C(~
mouvement
de
façon
stricte
dans
la
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il
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de
réaffirmer dans ses décision::; à
La
fois
le, Cill'lIlit"l'C adlllirl1~;ll'irl:if
de
ces
autor i tés
et
la
néce~3é;ité
de
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tions administratives.
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La
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Sect. 9 novembre 1966,
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