UNIVERSITE DE MONTPELLIER 1
UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE: DROIT ET SCIENCES SOCIALES
CONTRIBUTION A L'ETUDE
DU DROIT D'INGERENCE.
(L'ASSISTANCE HUMANITAIRE ET LA
PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME
FACE AU PRINCIPE DE NON-INTERVENTION
EN DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN).
THESE
Présentée et soutenue publiquement le 27 Novembre 1993
devant l'Université de Montpellier 1
pour l'obtention du grade de
DOCTEUR DE L'UNIVERSITE DE MONTPELLIER 1
(arrêté du 23 Novembre 1988)
Formation doctorale : Droit public
groupe des disciplines du C.N.U. : Droit Public - 2éme Section
par
ALAIN DIDIER OLiNGA
Président:
M. Frédéric SUDRE. Directeur de recherche. Professeur à
l'Université de Montpellier 1.
Suffragants :
Rapporteurs:
M. David RUZIE. Professeur à l'Université René Descartes, Paris V
Doyen honoraire.
Mme Marie-José DOMESTICI-MET. Professeur à l'Université
d'Aix-Marseille 11/.
Assesseurs:
Mme Marie-Françoise FURET, Professeur à l'Université de
Montpellier 1.
M. Philippe WECKEL, Professeur à l'Université de Montpellier 1.
CONSEIL AflHCAIN ~ MAlGACHtl
POUR l'EN5"IGNF.f1::j~T supnnUll
1
C. A. M. E.~. -
,.." i;\\Gl,fX)UIJÜI.'
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C · . .

A la mémoire de Joseph, mon père
A Louise, ma mère
I~;r-I;;l:'.~ ..:dl'J t1:,'\\~,~,~~:,';:,H;'
ro:", L'ENSElGNF.MI;N; ~:Uf'~2.F.U~
C, ,:" M. E. S. -
OLJAGAi;,JUGO\\)
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t [n,eg,si;.': SOU'. nO#. () 2 ',9.8,.8
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" " .

L I S T E
DES
S I G L E S
ET
ABREVIATIONS
U T I L I S E S
A.C.D.L
Annuaire de la Commission du Droit
International
A.C.P.
Afrique - Caraïbes -
Pacifique
A.C.E.D.H.
Annuaire de la Convention Européenne des
Droits de l'Homme
A.F.D.L
Annuaire Français de Droit International
A.LD.L
Annuaire de l'Institut du Droit
International
A.LE.A.
Agence Internationale pour l'Energie
Atomique
A.J.LL.
American Journal of International Law
A.P.D.
Archives de Philosophie du Droit et de
sociologie juridique
A.S.LL.
Proceedings of the American Society of
International Law
B.Y.LL.
British Yearbook of International Law
B.Y.B.LL.
British Yearbook of International Law
C.A.D.H.P.
Charte Africaine des
Droits de
l'Homme et
des Peuples.
C.D.E.
Cahiers de Droit Européen
C.E.D.H.
Convention Européenne des Droits de
l'Homme
C.LC.R.
Comité International de la croix-Rouge
C.LJ.
Cour Internationale de Justice
C.P.J.I.
Cour Permanente de Justice Internationale
C.S.C.E.
Conférence sur la Sécurité et la
Coopération en Europe
D.R.
Documents et Rapports de la Commission
Européenne des droits de l'homme

O.U.O.H.
.Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme
F.A.O
organisation des Nations Unies pour
l'Alimentation et l'Agriculture
F.O.R.P.R.O.N.U.
Force de Protection des Nations Unies en
ex-Yougoslavie.
G.Y.LL.
German Yearbook of International Law
H.C.R.
Haut Commissariat des Nations Unies pour
les Réfugiés
LC.L.Q.
International and Comparative Law
Quarterly
J.C.P.
Juriclasseur Périodique
J.O.L
Journal du Droit International
L.G.O.J.
Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
L.P.A.
Les Petites Affiches
O.I.T.
Organisation Internationale du Travail
O.E.A.
organisation des Etats Américains
O.U.A.
organisation de l'unité Africaine
O.M.S.
Organisation Mondiale de la Santé
O.N.U.
organisation des Nations Unies
O.N.U.S.O.M.
opération des Nations Unies pour la
Somalie
P.E.F.
Politique Etrangère de la France
P.I.O.C.P.
Pacte
International
sur
les
Droits
civils
et Politiques
R.B.D.I.
Revue Belge de Droit International
R.C.A.D.I.
Recueil des Cours de l'Académie de Droit
International
R.D.C.
Revue de Droit Contemporain
R.D.H.
Revue des Droits de l'Homme
R.D.I.
Revue de droit International
R.D.I.L.C.
Revue de Droit International et de
Législation Comparée
R.D.P.
Revue du Droit Public
R.F.A.P.
Revue Française d'Administration Publique
R.F.S.P.
Revue Française de Science Politique

R.G.D.!.P.
Revue Gênérale de Droit International
Public
R.!.C.R.
Revue Internationale de la Croix-Rouge
R.!.D.C.
Revue Internationale de Droit Comparé
R.!.D.P.
Revue Internationale de Droit Pénal
R.!.S.A.
Revue Internationale des Sciences
Administratives
R.!.S.S.
Revue Internationale des Sciences Sociales
R.M.C.
Revue du Marché Commun et de l'Union
Européenne
R.P.P.
Revue Politique et Parlementaire
R.R.J.
Revue de la Recherche Juridique Droit
Prospectif
R.S.A.
Recueil des Sentences Arbitrales
R.S.M.P.
Revue des Sciences Morales et Politiques
R.T.D.C.
Revue Trimestrielle de Droit civil
R.T.D.E.
Revue Trimestrielle de Droit Européen
R.T.D.H.
Revue Trimestrielle des Droits de l'Homme
R.U.D.H.
Revue Universelle des Droits de l'homme
S.D.N.
Sociêté Des Nations
S.F.D.!.
Société Française de Droit International
U.N.!.C.E.F.
Fonds
International des Nations Unies pour
le secours à l'Enfance

-
11
-
INTRODUCTION
GENERALE.
"C'est une grande erreur en qénéral de s'arrêter devant la reconnaissance d'un principe
juste en soi à cause de la possibilité de l'invoquer lensongèrelent. Aloins de supposer que le droit
international devrait entourer chaque Etat d'une sorte de muraille de Chine, qu'il serait défendu de
franchir, l'enthousiasle, le fanatisle, l'ambi tion trouveront toujours dans une fausse application de
rèqles dès à présent universellelent adlises, des prétextes de guerre et d'intervention. Est-ce une
raison pour repousser ces règles" ?
ROLIN-JAEQUEHINS, G. Note sur la théorie du droit d'intervention. R.D.I.L.C., 1876,
T. VIII, p. 679.
Le débat
relatif
au droit d'ingérence
(1)
occupe
à
l'heure actuelle un espace
important parmi
les préoccupations
juridiques
et
politiques
de
la
société
internationale.
En
effet,
quelle
que
soit
sa
relative
imprécision
conceptuelle,
quel que soit par ailleurs l'instinctif
effet
de
repoussoir
(1) L'emploi du terle "droit d'ingérence" sans quillelets ne doit pas prêter à équivoque. Il ne
signifie pas que nous affirlons déjà l'existence d'une nOrle positive perlettant l'intervention.
Toute cette étude, du reste, est centrée sur la préoccupation relative à la plausibilité d'un
tel concept. C'est un objet auquel il faut,si cela est possible, trouver un contenu; c'est un
lot sous lequel il faut si cela est possible, trouver une chose. Le droit d'ingérence n'est pas
un concept déjà acquis, il est l'objet mêle de la recherche. Son usage à ce niveau ne préjuge en
rien ni la nature de la chose (droit ou devoir, obligation ou silple faculté), ni les réponses
aux questions théoriques de fond qu'il suscite.

-
12 -
qu'il
provoque auprès de beaucoup d'Etats du tiers monde,
le
problème de
l'" ingérence
posi ti ve"
(2),
du
droit d'ingérence
en
général
et
de
l'ingérence
humanitaire
en
particulier,
se
pose
et
anime
maints
débats.
Les
diplomates,
heureux
de
trouver

un
nouveau
faire-valoir
pour
la
poli tique
internationale de leurs Etats respectifs, s'en sont habilement
emparés
;
les
spécialistes du droit
international,
un moment
pétrifiés
par
l'imposture,
s'intéressent
de
très
près
à
la
question.
A l'évidence,
il semble très éloigné,
le moment où
le
Professeur
SUDRE
pouvait
écrire
que
"la
question
des
rapports de la règle de non-ingérence et des droits de l'homme
relève
plus
de
la
"gesticulation"
diplomatique
et
du
contentieux poli tico-idéologique que
du débat
juridique
le
"devoir
d'ingérence",
évoqué
ici
ou
là,
n'a
d'intérêt
que
celui du poids des
mots"
(3).
Aujourd'hui,
pour tout
juriste
qui s'intéresse à
la théorie du droit international,
le droit
d'ingérence
est
un
thème
incontournable,
dont
chacun
perçoit
plus ou moins confusément l'importance décisive
pour l'avenir
des
relations
interétatiques.
Sans
doute,
le
droit
d'ingérence n'est-il pas encore une réalité positive du droit
international public
; et même,
peut-on dire,
l'essentiel sur
la question demeure une suite de controverses doctrinales sur
des
textes
plus
ou
moins
ambigus
ou
sur
des
actions
matérielles
de
portée
normative
inégale
et
difficile
à
dégager.
Il
n'empêche
que
loin
d'être
une
circonstance
décourageante,
cette
situation
de
pénombre
conceptuelle
et
normative est un stimulant pour des analyses serrées,
pour une
contribution au débat.
Dans cette perspective,
il nous semble
que
deux
écueils
sérieux
d'ordre
épistémologique
devraient
être absolument évités :
( 2) La fonule est de Pierre RA5KI, tirée d'un article publié dans le quotidien Libération du 4 avril
1991, p.3
(3) SUDRE, F. Droit international et européen des droits de l'holle; Paris, P.U.F., 1989, p.66-67.

-
13
-
-
En
premier lieu,
lorsque
l'on veut décider d'une
question aussi délicate que celle du droit d'ingérence,
il est
impératif
de
ne
pas
laisser
l'émotion
passagère,
les
débordements de sentimentalité et de moral isme tenir
lieu de
règles
juridiques.
En
effet,
ce
sont
des
situations
humainement dramatiques,
causées
soit par
l'indocilité de
la
nature,
mais surtout par
la
folie
meurtrière des hommes,
qui
ont suscité
le
débat
sur
le
droit
d'ingérence.
Ce
sont
des
si tuations
devant
lesquelles
la
prudence,
l'abstention ou
le
raisonnement
semblent
suspects,
voire
condamnables.
Pour
le
juriste,
il
Y a
à
craindre
que
la
formation
des
normes
se
déroule
sans
qu'il
s'en
rende
compte.
Comme
le
dit
le
Professeur
DUPUY,
"arriverait-il
ainsi
désormais
que
la
formation de la coutume soit parfois relayée en direct par nos
écrans
télévisés
?"
(4).
Dans
cette
conjoncture
mouvante,
voire mouvementée,
le
juriste armé de ses
principes du droit
international
est
pris
en
tenailles.
Il
est
comme
sommé
de
suivre les exigences de
la conscience publique et du réflexe
charitable,
le
rappel
des
principes
risquant
d'apparaître
comme
un
appel
à
l'inaction,
au
cynisme,
à
l'indifférence
devant la souffrance de ses semblables et,
implicitement,
une
glorification de la souveraineté des Etats,
fat-elle utilisée
de
façon
criminelle.
Cette posture délicate est exprimée par
Mme
CHEMILLIER-GENDREAU
lorsqu'elle
écrit
"la
question
juridique
n'est
( ... )
soulevée
qu'après
un
fort
balisage
de
certaines situations. Le terrain ayant été préparé,
le juriste
ne peut plus exprimer ses réticences sans apparaître comme un
monstre
froid
qui
refuse
de
sauver
ses
semblables"
(5).
Malheureusement, comme dans toute situation de forte intensité
émotionnelle,
on
passe
d'un
extrême
à
un
autre,
de
(4) DUPUY, P.M. Après la guerre du qolfe ... R.G.O.l.P., 1991, p. 631.
(5) CHEHILLIER-GENOREAU, M. Inqérence, charité et droit international. in Le Monde diplolatique,
janvier 1993, p. 4-5.

-
14 -
l'abstention à l'activisme, de la non ingérence à la tentation
de
l'ingérence
tous
azimuts.
Le
juriste
devrait
résister
autant que possible à ce entraînement collectif.
-
En deuxième lieu,
face à un principe qui aspire à
la normativité,
et dont la finalité proclamée est aussi noble
que
la
préservation
de
l'être
humain
dans
un
minimum
de
dignité
et
dans
ses
droits
fondamentaux,
il
serait
par
trop
facile
pour
le
juriste de s'en
tenir
à
une conception
figée
voire
intégriste
des
normes
internationales,
repoussant
d'un
revers de main la nouveauté.
Il faudrait prendre résolument le
problème
à
bras
le
corps,
et
étudier
dans
quelle
mesure
la
question du droit d' ingérence peut ou ne
peut pas s'intégrer
dans
le corpus
du
droit
international ou,
a
contrario,
dans
quelle
mesure
ce
corpus
pourrait
ou
ne
pourrait
pas
se
modifier
pour
accueillir
sans
se
détruire,
le
droit
d' ingérence
en
tant que
norme
nouvelle.
C'est
à
un
exercice
périlleux
d'équilibriste
que
le
théoricien
du
droit
international
est
convié;
un
exercice
qui
exige
à
la
fois
audace
et
dynamisme
dans
l'analyse,
prudence
dans
les
conclusions;
un exercice qui
vise à
la
fois
une modification
civilisatrice
du
droit
international
pour
l'adapter
aux
nouvelles exigences de la société internationale et des hommes
qui la peuplent,
sans mettre en péril sa stabilité.
En clair,
comment
le théoricien du
droit
international
peut-il
trouver
un
juste
milieu,
comment
peut-il
adapter
ou
écarter
exceptionnellement
certains
principes
de
sa
discipline
pour
favoriser une protection efficace des droits de l'homme et un
accomplissement efficace de l'action humanitaire à
l'intérieur
des Etats, tout en veillant à ce que cette adaptation ou cette
élimination exceptionnelle ne soit pas un ferment
de
tension
dans un milieu
international
soucieux d'un minimum d'ordre
?
Tel
est
le
vaste
débat,
aux
enjeux
multiples,
auquel
cette
étude
voudrait
contribuer.
c'est
en
effet
l'objet
de
ce
travail d'analyser les appels à
la transformation que l'action
humanitaire internationale et la protection internationale des
droi ts de
l 'homme
lancent
en
direction des
règles
classiques

-
15 -
du
droit
international,
et
particulièrement
la
règle
de
la
non-ingérence
dans
les
affaires
intérieures
des
Etats.
Il
s'agit de voir comment,
dans
sa
dimension
protectrice
de
la
compétence
territoriale,
de
la
compétence
personnelle
et
de
l'autonomie
constitutionnelle
et
politique
des
Etats,
cette
règle
est
appelée
à
s'adapter
aux
exigences
humanitaires
actuelles (6).
Ainsi
posée,
la
question
du
droit
d'ingérence
se
présente simplement comme la résurgence ou,
si
l'on considère
que
le débat
était
déjà
clos,
la
résurrection
d'une
vieille
question
du
droit
international
public.
De
fait,
la
tension
entre le droit des Etats au respect de leur souveraineté et le
besoin
socialement
ressenti
de
protéger
les
droits
de
la
personne humaine face aux abus et dérives des souverains n'est
pas
particulière
à
notre
époque.
L'idée
d'un
droit
d'intervention
à
finalité
humanitaire
est
une
idée
ancienne,
qui a suscité de nombreux débats entre juristes durant le dix-
neuvième siècle. Pour l'essentiel, exception faite de l'aspect
humanitaire
stricto
sensu,
les
développements
juridiques
actuels se situent sur les divers pôles, favorable ou hostile,
de
ces
débats
antérieurs.
En
particulier,
la
question
de
l'intervention
d'humanité
ses
fondements
juridiques,
son
but,
ses moyens de mise en oeuvre -
est alors très discutée,
compte tenu des
dérives de
l ' insti tution,
dont
l'invocation
apparaît
très
souvent
comme
le
paravent
de
visées
(6) Le tene "exigences hUianitaires' désigne à la fois l'action hUianitaire stricto sensu (apport de
vivres, soins, etc) et la protection des droits de l'holte. Chaque fois que l'adjectif
"hUianitaire" sera utilisé au pluriel dans cette introduction ("questions hUianitaires",
"préoccupations hUianitaires") , ou d'une façon suffisallent générale ("finalité hUianitaire",
"intention hUianitaire"), il faut y voir à la fois l'action hUianitaire stricto sensu et la
protection des droits de l'bolle, L'adjectif "hUianitaire" ne désignera la seule action
hUianitaire stricto sensu que lorsqu'il sera précédé de l'un de ces substantifs: "action",
"assistance", "ingérence",

-
16 -
hégémoniques.
M.
ROUGIER
a
parfaitement
résumé
cet
état
de
choses, quand il écrit ce propos toujours actuel
:
"toutes les
fois
qu'une
puissance
interviendra
au
nom de
l ' humani té dans
la
sphère
de
compétence
d'une
autre
puissance,
elle
ne
fera
qu'opposer
sa
conception
du
juste
et
du
bien
social
à
la
conception de cette dernière, en la sanctionnant au besoin par
la force.
Son action tendra en définitive à
englober un Etat
dans sa sphère d'influence politique.
Elle le contrôlera pour
se
préparer à
le
dominer"
(7).
si
les
termes
du
débat
sont
largement semblables,
faudrait-il
alors
reprendre purement et
simplement la problématique classique du droit d'intervention?
Bien
que
le
débat
actuel
sur
le
droit
d'ingérence
soit largement inspiré des discussions anciennes,
les données
du
problème
ne
sont
pas
totalement
identiques.
Sur
le
plan
juridique, trois remarques peuvent être faites :
-
Alors que dans
le droit classique le principe de
non
intervention
a
une
valeur
juridique
douteuse,
puisqu'il
est obtenu par déduction à
partir du droit de conservation et
d'indépendance
des
Etats,
ce
principe
revêt
aujourd'hui
une
valeur juridique incontestable
-
Alors
que
dans
le
droit
international
classique
l'interdiction du recours à
la force dans les relations entre
Etats
était
une
norme
quasiment
inconnue,
la
compétence
de
guerre
étant
inhérente
à
la
souveraineté
de
l'Etat,
aujourd'hui elle est une norme du droit international positif,
et même une norme de jus cogens
Enfin,
alors
que
la
société
internationale
du
temps des
interventions
d'humanité
n'était
que
faiblement
(7) ROUGIER, A. La théorie de l'intervention d'huJanité. RGDIP, 1910, p. 526.

- 17 -
institutionnalisée,
la
société
internationale
actuelle
offre
des moyens
institutionnels susceptibles de canaliser l'action
des Etats.
De
ces
remarques,
il
ressort
que
la
question
du
droit d'intervention,
si délicate déjà en droit international
classique,
pouvait
trouver
dans
le
contexte de
l'époque
des
circonstances
justificatives.
En
revanche,
l'environnement
juridique
international
actuel
rend
la
question
du
droit
d'intervention étatique pratiquement insoluble,
sinon au prix
de déchirements
profonds.
Ce
qui
était déjà
perçu
comme
une
anomalie
dans
le
droit
international
classique
devient
pratiquement
un
facteur
éventuel
d'implosion
du
droit
international.
La curiosité dans
la problématique actuelle du
droit d'ingérence, c'est cette évolution à rebours du proscrit
(l'ingérence) au permis
(droit d'ingérence),
et du permis au
prescrit
(devoir d'ingérence).
Comme l'écrivent MM.
CORTEN et
KLEIN,
"
la
nouvelle
doctrine
se
réclamant
du
"droit
d'ingérence"
semble
vouloir
rétablir
la
situation
ancienne
puisqu'elle
tend
à
reconnaître
l'intervention
"humanitaire"
non
comme
un
acte
exceptionnel
justifié
dans
certaines
circonstances,
mais
comme
un
acte
conforme,
en
soi,
à
la
norme"
(8).
Cette
curiosité,
qui
imprègne
de
part
en
part
notre
travail,
mérite
d'être
explicitée.
Auparavant,
toutefois,
s'imposent des
précisions terminologiques. Le débat
relatif au droit d'ingérence est d'abord,
en effet,
un débat
sur
les
concepts.
Il
importe
donc
de
s'en
faire
une
représentation intellectuelle la moins brouillée possible.
La
notion
de
"droit
d'ingérence",
centrale
dans
l'étude,
doit
être
prioritairement
clarifiée.
Après
quoi,
il
faudra
délimiter le champ de l'étude et en préciser la problématique.
(8) CORTEH, O. & KLEIIl, P. Devoir d'ingérence ou droit de réaction anée ? RBDI, 1991/1 p.49.

-
18 -
Paragraphe 1
Le concept de droit d'ingérence.
Assemblage de termes qui,
pour le
juriste,
semblent
naturellement inconciliables,
le concept de droit d'ingérence
peut-il
avoir
une
cohérence
intellectuelle,
une
valeur
opératoire
?
Le
contenu
de
la
notion
d'ingérence
doit
être
rappelé,
avant
de
savoir
si
l'ingérence
peut
être,
sans
contradiction théorique, considérée comme un droit.
A - Le contenu de la notion d'ingérence.
Selon
le
dictionnaire
de
la
terminologie
du
droit
international
publié
sous
la
direction
du
Professeur
Jules
BAS DEVANT , l'ingérence, en tant que concept, est "un terme qui
ne correspond à
aucune catégorie
juridique déterminée et qui
est employé
soit,
à
propos
de
l'intervention,
pour
désigner
une
partie
de
ce
que
celle-ci
implique,
soit
en
dehors
de
l'intervention ou pour en distinguer
la simple ingérence
non
accompagnée
de
pression
diplomatique"
(9).
Cette
définition
opère
une
distinction
nette
entre
l'ingérence
et
l'intervention:
si
la
seconde
suppose
nécessairement
la
première,
la
première
n'implique
pas
absolument
la
seconde.
L'ingérence
stricto
sensu,c'est-à-dire
celle
qui
n'a
pas
atteint le stade d'une intervention proprement dite,
signifie
le simple
fait
pour
un
Etat
de
se
préoccuper
de
la
manière
dont un autre Etat conduit ses affaires,
d'émettre à ce sujet
observations ,commentaires
ou
critiques,
sans
autre
pression
particulière. Dès lors,
l'ingérence apparaît comme une réalité
si consubstantielle aux relations
entre
Etats qu'il
est vain
de vouloir codifier quoi que ce soit en la matière : les Etats
entretenant des relations
toujours
plus
denses
entre
eux,
(9) Dictionnaire de la terlinoloqie du droit international. Paris, Sirey, 1960, p. 333-334.

-
19 -
interdire
l'ingérence
telle
qu'elle
vient
d'être
définie,
c'est scléroser la vie internationale. L'ingérence dont il est
question
dans
ce
travail
est
différente
de
celle
qui
vient
d'être exposée; elle est plutôt synonyme d'intervention.
si
l'on
consul te
à
nouveau
le
dictionnaire
de
la
terminologie
du
droit
international,
l'intervention
évoque
"l'action
impérative
d'un
ou
de
plusieurs
Etats
qui,
par
pression diplomatique,
usage de la force ou menace d'en user,
imposent ou
cherchent
à
imposer
leurs
vues
à
un
autre
Etat
dans
une
affaire
relevant
de
la
compétence
de
celui-ci,
en
particulier
dans
une
affaire
d'ordre
intérieur"
(10).
L'intervention est donc un acte illicite si elle porte sur le
domaine
réservé
d'un
Etat
et
si
elle
use
de
moyens
de
contrainte. Il convient d'examiner ces deux critères.
1 - Le critère de l'atteinte aux droits souverains
de l'Etat.
L'immixtion
dans
les
affaires
qui
relèvent
essentiellement
du
domaine
réservé
ou
de
la
compétence
nationale d'un
Etat,
tel
est
le
premier
élément constitutif
d'un acte d'intervention
illicite.
La Cour
internationale de
justice,
dans
son
arrêt
relatif
aux
activités
militaires
au
Nicaragua,
a
clairement
énoncé
ce
point
de
vue
"l'intervention interdite doit
(donc)
porter sur des matières
à
propos
desquelles
le
principe
de
souveraineté
des
Etats
permet à chacun d'entre eux de se décider librement" (11). Dès
lors qu'une matière relève du domaine réservé d'un Etat, aucun
autre Etat n'est fondé
à
intervenir
sur
ces
matières,
en
( 10) Dictionnaire de la teninoloqie du droit international. Paris, Sirey, 1960, p.
347.
(11) C.I.J., Activités lilitaires et paralilitaires au Nicaragua et contre celui-ci. Arrêt du 26 Juin
1986, Rec. 1986, p. 107-108.

-
20 -
exigeant
qu'elles
soient
réglées
d'une
manière
déterminée.
Pour ce qui
concerne
le
critère de
détermination
du
domaine
réservé à la compétence exclusive des Etats,
il a été précisé
par la Cour permanente de justice internationale dans son avis
du
7
février
1923
relatif
aux
décrets
de
nationalité
en
Tunisie et au Maroc:
"les mots "compétence exclusive" semblent
( ... )
envisager
certaines
matières
qui,
bien
que
pouvant
toucher de près aux intérêts de plus d'un Etat,
ne sont pas,
en
principe,
réglées
par
le
droit
international.
En
ce
qui
concerne
ces
matières,
chaque
Etat
est
seul
maître
de
ses
décisions"
(12).
C'est
l'évolution
des
rapports
juridiques
internationaux, et notamment la densité des obligations pesant
sur les
Etats,
qui
détermine
l'étendue du domaine réservé de
ceux-ci.
Cette
détermination
du
domaine
réservé
à
la
compétence exclusive
d'un
Etat
a
pour critère
non
seulement
l'évolution
générale
des
rapports
juridiques
internationaux,
mais
surtout
le
réseau
d'engagements
précis
par
lesquels
un
Etat donné se trouve lié à un moment donné. Le domaine réservé
à
la
compétence
exclusive
n'est
donc
pas
de
densité
équivalente pour tous les Etats.
Il varie d'un Etat à un autre
(13) •
Pour certains auteurs,
pl us que tout autre critère,
c'est celui de l'atteinte aux droits souverains d'un Etat qui
est réellement constitutif d'un acte d'intervention illicite.
Pour le Professeur DAVID,
ce qu'il
faut toujours vérifier,
et
uniquement
cela,
lorsque
l'on
veut
se
prononcer
sur
l'existence
ou
l'inexistence
d'une
intervention
illicite,
c'est
si
les
droits
souverains
de
l'Etat
objet
de
l'intervention
ont
été
atteints.
Les
droits
souverains
en
question sont définis comme "l'ensemble des droits que
l'Etat
(12) CPJl, Décrets de nationalité en Tunisie et au Maroc. Publications de la cour,Série B, n' 4,
p. 24.
(13) Voir, à ce sujet, l'éclairante analyse de M. BlN CUBG. La jurimétrie: sens et mesure de la
souveraineté juridique et de la cOlpétence nationale. JDl, 1993/3, p.579.

-
21 -
est fondé à
exercer sur les espaces et les biens soumis à
sa
juridiction,
soit
en
vertu
des
règles
internationales
attributives
de
compétence,
soit
en
l'absence
de
règle
prohibi ti ve particulière"
(14).
En
retenant ce seul
critère,
le
Professeur
DAVID
en
arrive
à
la
définition
suivante
de
l'intervention:
"est
consti tuti ve
d'intervention
( ... )
toute
mesure destinée, soit à empêcher un Etat de faire ce qu'il est
en droit de faire, soit à obliger un Etat à
faire ce qu'il est
en
droit
de
ne
pas
faire.
A contrario,
il
n'y
a
donc
pas
d'intervention
lorsque
la
mesure
prise
par
un
Etat
vise
à
faire cesser dans le chef d'un autre Etat un comportement qui
ne fait
pas
partie des droits
souverains du
second,
c'est à
dire
un
comportement
qui
excède
les
dits
droits
et,
par
conséquent,
viole
le
droit
international"
(15).
En
d'autres
termes,
l'élément le plus
important dans
la détermination
de
la licéité d'une intervention réside dans le but de celle-ci :
si
elle
poursuit
l'accomplissement d'une
obligation
positive
d'un
autre
Etat,
ou
si
elle
vise
à
mettre
fin
à
un
comportement illicite, elle est licite.
Il ne semble point que
l'intervenant ait à
justifier d'une habilitation particulière;
de
même
manière,
les
moyens
de
l'action
ne
semblent
pas
limités.
Une
telle
approche
de
la
notion
d'intervention
ne
nous
semble
pas
particulièrement
satisfaisante.
Il
est
vrai
qu'elle
est
de
nature
à
faire
contribuer
les
Etats
à
la
sanction du droit
international,
sans
leur
faire
encourir
le
reproche
d'intervention
abusive
les
uns
dans
les
affaires
intérieures des
autres.
Toutefois,
par
sa
formulation
large,
elle
peut
paraître
autoriser
tous
types
d'action,
y
compris
des actions de caractère militaire.
De même, si l'intervention
n'est plus illicite que lorsqu'elle oblige un Etat à faire
ce
(14) D~VID, E. Le seuil de l'illicite dans le principe de non-intervention. Cahiers du C.E.R.I.,
Reias.
1986, p. 122 et s.
(15) Idea, p.136.

-
22 -
qu'il est en droit de ne pas faire,
ou l'empêche de faire ce
qu'il
est
en droit
de
faire,
il
y
a
à
parier
que
fort
peu
d'interventions
seraient
désormais
considérées
comme
illicites.
C'est
une
conception
inconnue
du
droit
international
que
cette
intervention
à
la
fois
licite
pour
contraindre un Etat à
respecter ses engagements,
licite
pour
en
sanctionner
les
violations.
Elle
fait
peu
de
cas
de
la
deuxième dimension de la notion d'intervention, la contrainte.
2 - Le critère de l'usage de la contrainte.
L'intervention
illicite n'est pas
seulement réduite
à
une ingérence dans les affaires relevant du domaine réservé
d'un
Etat.
Encore
faut-il
qu'elle
s'exerce
d'une
manière
contraignante. De l'avis de la Cour internationale de justice,
reprenant
en
cela
l'opinion
doctrinale
dominante,
"l'intervention est illicite lorsque, à propos de (ces) choix,
qui
doivent
demeurer
libres,
elle
utilise
des
moyens
de
contrainte.
Cet
élément
de
contrainte,
constitutif
de
l'intervention
prohibée
et
formant
son
essence
même,
est
particulièrement
évident
dans
le
cas
d'une
intervention
utilisant
la
force,
soit sous
la
forme
directe
d'une action
militaire
soit
sous
celle,
indirecte,
du
soutien
à
des
activités subversives ou terroristes à
l'intérieur d'un autre
Etat ll
(16).
Dans ce dictum de la Cour,
i l
semble que le but
poursuivi
par
l'usage
de
la
contrainte
ne
soit
pas
une
circonstance de nature à
rendre licite l'acte d'intervention.
La
formule
n'est
pas,
pour
autant,
exempte
d'ambiguïtés:
il
peut apparaître en effet sous-entendu que l'utilisation de la
contrainte par un Etat contre un autre,
dès
lors
qu'elle
a
(16) C.I.J., Activités lilitaires et paralilitaires au Hicaraqua. Rec. 1986, p. 108.

-
23 -
lieu à
propos
de
choix
sur
lesquels
ce
dernier
n'a
plus
de
1 iberté
complète
en
vertu
du
droit
international,
n'est
pas
absolument
illicite.
La
condamnation de
la
contrainte
serait
donc assez relative.
A première
vue,
il
peut
sembler
que
la
contrainte
qui rend illicite une intervention fait perdre au principe de
non intervention son autonomie par rapport au principe de non
recours
à
la
force.
Pour
le
Professeur
VERHOEVEN,
"dans
un
système où
la
légitime défense constitue la seule dérogation
qui puisse être apportée à
l'interdiction d'utiliser celle-ci
pour
intervenir
dans
les
affaires
intérieures
d'autrui,
il
suffit qu'il ne soit plus permis de recourir à la force"
(17).
Il ne nous semble pas que le principe de non-intervention soit
tout
entier
contenu
dans
le
principe
de
non
recours
à
la
force.
Si
le recours
unilatéral
à
la
force
par un
Etat pour
intervenir dans un autre comporte une violation de la règle de
non-intervention,
il
n'en
est
que
la
forme
extrême
et
caricaturale de violation.
C'en est
la manifestation
la plus
éclatante, qui n'exclut pas cependant d'autres, moins brutales
mais
tout
aussi
contraignantes:
pressions
politiques
et
diplomatiques, pressions économiques, etc ...
L'atteinte
par
des
moyens
contraignants
au
domaine
de
compétence
exclusive
d'un
Etat,
ainsi
se
définit
généralement
l'intervention
illicite.
On
conçoit
avec
peine,
dès
lors,
qu'un
Etat puisse se
voir
reconnaître
le droit
de
commettre
un
tel
acte;
l'idée
de
droit
d'ingérence
n'en
apparaît que plus curieuse.
(17) VERHOmEl/, J. Non-intervention: "affaires intérieures" ou "vie privée' ? in Mélanges Michel
VlRALLY, 1991, p. 493.

-
24 -
B - L'ingérence peut-elle être un droit?
La question ainsi posée ne peut qu'être un choc pour
l'esprit du
juriste.
Elle appelle
instinctivement une réponse
fermement négative. Une réponse positive signifierait en effet
soit
une
mutation
de
l'idée
même
d'intervention,
soit
un
changement
de
la
norme
internationale
prohibitive
de
l'intervention.
1 -
L'impossible habilitation juridique à
violer le
droit.
Selon
le
Professeur
BETTATI,
"l'expression
"droit
d'ingérence",
sans
autre
précision,
est
dépourvue
de
tout
contenu
juridique"
(18).
Ce
point de vue
nous
semble
juste.
L'ingérence (19), dans la pensée juridique internationale, est
considérée comme un acte qui
est par nature
insusceptible de
se
rattacher
à
l'exécution
d'une
prérogative
juridique.
En
dehors des
interventions décidées
par
le Consei l
de
sécurité
des Nations unies, ou par les organisations régionales sous le
contrôle du même Conseil de sécurité,
l'intervention d'un Etat
dans
les
affaires
intérieures
d'un
autre
Etat
est
un
comportement
nécessairement
contraire
au
droit.
L'illicéité
est
consubstantielle
à
tout
acte
unilatéral
d'intervention.
Dans un telle logique,
le vocable "droit d'ingérence" ne peut
apparaître
que
comme
une
figure
rhétorique
de
communication
poli tique,
étant
entendu
qu'il
ne
peut
y
avoir
de
droit
de
commettre ce qui est illicite. De deux choses l'une
: ou l'on
a le droit de poser certains actes
et
ceux-ci
ne
sont
pas
(18) BETTATI, M. Le droit d'ingérence: sens et portée. in Le débat, n' 67, nov.-déc. 1991, p.C.
(19) Ingérence ou intervention, nous utilisons désorlais ces deux termes indistinctelent. Bien
entendu, l'indistinction joue en faveur du contenu juridique du terme "intervention".

-
25 -
illicites,
ou ces actes sont illicites et tout sujet de droit
qui les pose contrevient au droit et engage sa responsabilité.
Ces
deux
aspects
ressortent
clairement
des
opinions
doctrinales
classiques
et
contemporaines.
Dans
la
doctrine
classique,
on peut citer PRADIER-FDDERE qui
écrit:
"il n'y a
pas
de
droit
d'intervention
( ... )
Il
n'y
a
pas
de
droit
d'intervention parce qu'il n'y a pas de droit contre le droit.
Le
droit,
c'est
l'indépendance;
l'intervention,
c'est
la
violation de
l'indépendance.
Il
ne
peut
y
avoir
un
droit
à
violer un droit absolu"
(20). À plus d'un siècle d'intervalle,
c'est
pratiquement
ce
qu'écrit
le
Professeur
BRINGUIER:
"
( ... ) s'il fallait s'enfermer dans une alternative,
ce serait
sans doute dans celle-ci
:
soit,
en effet,
il y a
ingérence,
et
dans
ce
cas,
il
ne
peut
y
avoir
de
droit,
soit,
à
l'inverse,
il
y a droit mais dans ce cas,
il
ne peut plus y
avoir d'ingérence"
(21).
Ces positions de principe ne peuvent
souffrir
aucune
contestation.
Du
point
de
vue
théorique,
le
concept de "droit d'ingérence"
est une absurdité.
Il
ne peut
avoir de sens que si l'ingérence est un comportement qui n'est
plus interdit ( ce qui n'est pas encore le cas),
ou alors si
l'ingérence
est
conçue
de
manière
à
ne
pas
signifier
absolument
une
attitude
illicite
(ce
qui
semble
difficile
à
concevoir, mais qui mérite d'être exploré).
2 - La difficile déconnexion de la notion
d'ingérence de l'idée d'illicite.
Peut-on
considérer
la
notion
d'ingérence
comme
un
concept
générique,
neutre,
qui
évoque
simplement
un
(20) PRADIER-FODERE, P. Traité de droit international public européen et aléricain. Paris, 1885, T.1,
p. 547.
(21) BRIllGUIER, P. Apropos de l'ingérence hUianitaire. in Mélanges Gilbert Apollis, Paris, 1992,
p.24.

-
26 -
comportement
factuel,
indépendamment
de
la
question
de
la
licéité
ou
de
l'illicéité
de
ce
comportement
?
L'idée
d'ingérence licite, opposée à celle d'ingérence illicite,
est-
elle
plausible
?
Si
une
réponse
affirmative
est
apportée
à
cette question
,
il devient également possible de trouver une
pertinence théorique au concept de droit d'ingérence.
Certaines formules
peuvent donner à
penser que dans
l'intervention,
la
matérialité
de
l'acte
est
une
chose,
sa
licéité
une
tout
autre
chose.
Lorsque
par
exemple
la
Cour
internationale de
justice insiste sur l'atteinte contraignante
aux
droits
souverains
d'un
Etat
pour
déf inir
l'intervention
illicite, on peut déduire a contrario qu'une intervention dans
les
affaires
internationalisées
d'un
Etat
et
d'une
manière
n'équivalant pas
strictement à
un
acte de
contrainte,
serait
tout à fait licite.
De même,
à
la lecture de certaines prises
de
position
au
sein de
la
Commission
du
droit
international
des
Nations
Unies,
notamment
au
cours
des
travaux
sur
le
projet d'articles
portant
sur
les
crimes
contre
la
paix,
on
croit
comprendre
que
l'intervention
n'est
pas
absolument
un
terme technique significatif d'un comportement
illicite
(22).
On
peut,
au
demeurant,
trouver
dans
la
doctrine
classique,
cette distinction entre l'acte matériel d'intervention et son
caractère licite ou
illicite.
Hildebrando Accioly,
notamment,
parle d'l'intervention licite" (23).
Si
l'on
voulait
déconnecter
l'acte
matériel
d'intervention de sa licéité au regard du droit,
il est utile
de retenir un critère de
l ' illicéi té de
l'intervention
autre
que
l'atteinte
aux
droits
souverains
ou
l'utilisation
de
la
contrainte. A côté de ces critères, une partie de la
doctrine
(22) Voir l'intervention de Mr. BEKKOUKKA, M. ACDI, 1988, vol. 1. 1ère partie, p. 64-65.
(23) ACClOLV, H. Traité de droit international public; Paris, 1940, U, p.280.

-
27 -
classique
et contemporaine
a
trouvé
dans
l'existence
ou
non
d'un
titre
juridique
à
agir,
le
véritable
critère
de
la
licéité ou de l'illicéité d'une intervention. Dans la doctrine
classique,
on
peut
invoquer
Karl
STRUPP
pour
qui
"l'intervention
est
le
fait
d'un
Etat qui
accomplit
un
acte
d'ingérence dans les affaires
intérieures ou extérieures d'un
autre
Etat,
pour
exiger
l'exécution
ou
la
non-exécution
de
telle ou telle chose, sans pouvoir invoquer un titre juridique
basé soit
sur
la
coutume
internationale,
soit sur
un
traité
spécial
liant les parties en cause et dont deux ou plusieurs
Etats sont signataires"
(24).
Du moment qu'un titre
juridique
habilite un Etat à intervenir dans les affaires d'un autre, et
pour
autant
que
ce
titre
ne
contrevient
pas
aux
normes
international es d'ordre
publ ic,
notamment celles de caractère
impératif,
l'acte matériel d'intervention de
l'Etat ne serait
en aucune façon illicite.
Dans la doctrine contemporaine,
la distinction entre
la
nature
de
l'intervention
et
sa
licéité
est
présente.
Mme
DOMESTICI-MET
écrit
ainsi
que
"toute
intervention
(au
sens
technique)
n'est
pas
contraire
au
principe
de
non-
intervention,
c'est-à-dire
qu'elle
n'est
pas
nécessairement
une
intervention
au
sens
juridique,
celle
condamnée
par
l'affaire du détroit de Corfou" (25).
L'auteur distingue ainsi
selon
les
modal i tés
de
mise
en
oeuvre,
"l'intervention
organisée
par un
instrument
international
en dehors de
toute
si tuation de
crise,
l'intervention
institutionnalisée confiée
à
des
organes
chargés
d'un
contrôle
sur
tel
ou
tel
comportement" (26).
(24) STRUPP, K. Elélents du droit international public universel européen et aléricain. paris,
Rousseau et C', 1927, p.72.
(25)
DOHESTICI-MET, M.J. Aspects juridiques récents de l'assistance hUianitaire. AFDI, 1989, p.118.
(26) Idel, p.l1S.

-
28 -
Le
Professeur
CHARPENTIER,
analysant
les
effets
du
consentement
sur
l'intervention,
écrit
que
flle
consentement
antérieur
peut
empêcher
l'Etat
qui
l'a
donné
de
dénoncer
l'illégalité de l'intervention,
il ne peut lui faire perdre sa
nature"
(27).
Une
ingérence
autorisée,
une
ingérence
à
laquelle
on
a
régulièrement
consenti
devient
une
ingérence
licite, sans cesser pour autant d'être une ingérence de par sa
nature.
Le
consentement,
qui
constitue
le
titre
fondant
l'action,
joue comme une circonstance excluant l'illicéité.
En conclusion,
dès
lors qu'une
intervention peut se
fonder
sur
un
titre
juridique
habilitant
sa
commission,
le
droit
d'ingérence
devient
un
concept
non
seulement
intelligible,
mais
aussi
opératoire.Il
ne
saurait
signifier,
bien
entendu,
le
droit
de
ne
pas
respecter
le
droit
ou
le
droit de violer
le
principe de
non-intervention.
L'ingérence
pouvant être licite compte tenu du titre en vertu duquel elle
est menée,
le droit d'ingérence peut parfaitement être entendu
comme le droit de faire ce qui est autorisé,
fût-ce recouvert
par effet de routine
intellectuelle du qualificatif péjoratif
d'ingérence. Dès lors le devoir de non-intervention ne saurait
avoir d'autre sens que le devoir de s'abstenir d'effectuer une
intervention sans titre, et non pas le devoir de s'abstenir de
toute
intervention
quelconque.
Dès
lors,
également,
rien
n'empêche par exemple de qualifier d'ingérence
licite le fait
pour un Etat de porter plainte contre un autre Etat devant une
instance internationale, sur la base d'un accord préalablement
convenu,
à
propos de la manière dont ce dernier respecte les
droits
de
l'homme
sur
son
territoire
.En
un
sens
il
s'agit
d'un acte d'ingérence, mais qui n'engage pas la responsabilité
de
son
auteur.
Avoir
consenti
à
des
empiétements
sur
sa
souveraineté, par le
moyen
de
conventions
ou
d'une
autre
(27) CHARPENTIER, J. Les effets du consente.ent sur l'intervention. in Mélanges Séfériadès, 1961,
T. 2, p.495; dans le .ê.e sens, voir POTTER, P. ReAn!, vol. 32, p.618-619.

-
29 -
manière juridiquement valable n'enlève pas à ces empiétements,
lorsqu'ils viendraient à se produire effectivement,
la nature
d'empiètements
à
la
souveraineté
l'effet
du
consentement,
c'est seulement de
retirer à
ces empiétements
tout caractère
de violation du droit.
Le
concept
de
droit
d'ingérence
étant
saisi,
il
importe d'en délimiter le champ d'application éventuel.
Paragraphe 2 - Le champ de l'étude.
Le
droit
d'ingérence
est
aujourd'hui
l'objet
d'un
usage
inflationniste;
i l
est uti lisé
à
propos des
situations
les
plus
diverses
débordant
le
cadre
des
préoccupations
humanitaires. Pour ce qui nous concerne,
nous limiterons notre
travail à ce seul aspect.
Avant de donner le bien fondé de ce
choix,
il
convient
d'indiquer
clairement
ce
qui,
pouvant
se
rapprocher de notre champ d'étude,
ne sera pas
abordé.
Il en
est ainsi,
en premier lieu,
de la protection des nationaux à
l'étranger.
S'il
est vrai
qu'un
certain droit
d'intervention
est reconnu
depuis
longtemps
aux Etats pour
la protection de
leurs nationaux en danger à
l'étranger par la doctrine et la
jurisprudence
classique
(28) ,
ce
"droit"
non
seulement
s'exerçait dans
un environnement
juridique ne connaissant pas
véritablement la règle de la non-intervention"
mais
en
plus
(28) Ace propos voir la sentence de Max BUBER en l'affaire des biens britanniques au Maroc espagnol.
RSA, vol. 2, rapport du 23 octobre 1924, p.641:' il est incontestable qu'à un certain point
l'intérêt d'un Etat de pouvoir protéger ses ressortissants et leurs biens, doit priler le
respect de la souveraineté territoriale, et cela lêle en l'absence d'obligations
conventionnelles. Ce droit d'intervention a été revendiqué par tous les Etats; seules ses
lilites peuvent être discutées."

-
30 -
ce "droit" pouvait apparaître comme un prolongement naturel du
droit
de
protection
diplomatique.
Un
tel
"droit"
est
d'ailleurs contesté depuis longtemps déjà
(29).
Alors que le
lien de nationalité est la justification de l'action,
le droit
d'ingérence
actuellement
en
construction
est
indifférent,
voire
affranchi
à
ce
lien.
Par
ailleurs,
nous
ne
traiterons
pas spécifiquement de la répression des crimes contre la paix,
des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité.
Certes,
par sa résolution 827 du 25 mai 1993, le Conseil de sécurité a
créé un tribunal
international chargé de
juger les violations
graves
du
droit
humanitaire
en
Bosnie-Herzegovine.
Cette
résolution, adoptée en vertu du chapitre VII de la charte, est
un moyen supplémentaire utilisé par le Conseil pour ramener la
paix
en
Bosnie
et
pour
contribuer
à
la
sanction
du
droit
international
humanitaire.
Toutefois,
il
ne
s'agit
encore

que de
linéaments d'une
perspective
à
long terme,
linéaments
qui trahissent du reste les difficultés de
l'institution d'un
véritable droit pénal international.
L'action humanitaire internationale et la protection
internationale des droits de l'homme,
voilà le champ de notre
étude.
Bien
qu'il
soit
beaucoup
plus
invoqué
à
propos
de
l'action
humanitaire
stricto
sensu,
le
droit
d'ingérence
(29) Sur cette contestation, sinon le rejet du droit d'intervention ici en question, voir l'arrêt de
la Cour internationale de justice en l'affaire du détroit de Corfou Rec. 1949. Par rapport au
ferae rejet du droit d'intervention contenu dans cet arrêt, on doit regretter les forlules peu
satisfaisantes elployées par la lêle instance à propos de l'intervention aléricaine pour libérer
ses otages en Iran, dans son arrêt du 24 Mai 1980 : "la Cour doit néanloins souligner en lêle
telps qu'elle n'est pas saisie de la question du caractère licite ou illicite de l'opération du
25 avril au regard de la Charte des Mations Unies et du droit international général, ou des
responsabilités éventuelles qui en découleraient",p. 43-44. Sur le plan doctrinal, on peut lire
DUPOY, R.J. Les Etats-Unis, l'D.E.A. et l'D.M.U. à saint Dolinque. 'AFDI, 1965, p. 77.

-
31 -
concerne
aussi
les
droits
de
l'homme.
Ce
rapprochement
peut
sembler
difficile
compte
tenu
des
logiques
sensiblement
différentes des disciplines dont relèvent ces deux aspects:
le
droit international humanitaire et le droit international des
droits de l'homme (30). Malgré les nuances,
plusieurs éléments
commandent que ces deux
aspects
soient abordés
dans
le cadre
d'un même travail. Tout d'abord,
l'unité d'objectif ultime des
deux disciplines
juridiques:
la
sauvegarde de
la vie
humaine
et de ses droits fondamentaux.
Cette unité de finalité ultime
explique certains chevauchements perceptibles d'une discipline
à
une autre.
D'un autre côté,
l'élément qui commande une étude
simultanée
des
deux
aspects
réside
dans
l'unité
de
la
problématique
juridique
créée
par
le
thème
du
droit
d'ingérence.
Pour
l'action
humanitaire
et
la
protection
des
droits
de
l'homme,
il
s'agit
d'obtenir
un
surcroît
d'efficacité,
en
rognant
sur
les
prérogatives
des
souverainetés
étatiques
ou
en
s'imposant
à
elles
au
besoin.
Ces
deux
aspects
du
champ
d'étude
doivent
maintenant
être
distinctement présentés.
A - L'action humanitaire.
Deux
éléments
seront
retenus
pour
essayer
de
circonscrire
l'action humanitaire:
son
objet et ses
rapports
avec l'action politique.
(30) Les relations entre le droit hUianitaire et les droits de l'holle ont déjà fait l'objet de
lultiples travaux. Atitre purelent indicatif, on peut consulter: PILLOUD, C. La déclaration
universelle des droits de l 'holle et les conventions protégeant les victiles de la querre. RICR,
1949 : DAVID, E. Droits de l'holle et droit hUianitaire. Revue de l'Institut de
sociologie,1977, n' l : HEYROWITZ, B. Le droit de la querre et les droits de l'holle. RDP,
sept.-oct. 1972.: lire les contributions publiées dans le Bulletin des droits de l'holle des
Nations Unies, 1991/1, p.1-67.

-
32
-
1 - L'action humanitaire définie par rapport à son
objet.
Par le terme "objet" on entend présenter l'ensemble
des
actes
concrets
qui
rentrent
dans
le
champ
de
l'action
humanitaire
et
dont
le
droit
d'ingérence
voudrait
assurer
l'efficacité.
Quelles
que
soient
les
circonstances
d' accompl issement
de
cet te
action,
sur
lesquelles
nous
reviendrons par la suite,
l'objet de l'action humanitaire est
pratiquement
le
même.
Il
est
limité
et,
somme
toute,
classique.
La Cour
internationale de
justice,
dans
l'affaire
des
activités
militaires
au
Nicaragua,
l'a
réduit
aux
fins
consacrées dans
les
statuts et
par
la
pratique de
la
Croix-
Rouge
Internationale,
à
savoir
prévenir
et
alléger
les
souffrances
des
hommes,
protéger
la
vie
et
la
santé,
faire
respecter
la
personne
humaine,
secourir
les
individus
à
la
mesure de leur détresse et subvenir par priorité aux détresses
les
plus urgentes
(31).
Concrètement,
il
s'agit seulement de
subvenir aux besoins primaires des victimes ou des sinistrés.
Comme
le
souligne
la
Cour,
l'assistance humanitaire s'entend
comme "la fourniture de denrées alimentaires, de vêtements, de
médicaments
et
toute
autre
aide
humanitaire,
et
exclut
la
fourniture
d'armes,
de
systèmes
d'armes,
de
munitions
ou
autres équipements, véhicules ou matériels susceptibles d'être
utilisés pour infliger des blessures graves ou causer la mort
de personnes" (32). L'Assemblée Générale des Nations Unies n'a
pas une perception très différente de celle de la Cour de La
Haye.
Dans
sa
résolution
43/131
du
8
décembre
1988
l'assistance
humanitaire
est
limitée
à
"l'apport
de
nourri ture,
de
médicaments
ou
de
soins
médicaux"
(33) .
L'Institut
du
Droit
International
réduit
également
(31) C.I.J., Rec. 1986, p.124.
( 32) Ide., p.125.
(33) Voir le considérant n' 10 du préalbu1e et le point n' 4 du dispositif de la résolution.

-
33
-
l'assistance
humanitaire
à
l'offre
"
de
secours
alimentaires
et
sanitaires"
(34).
En
général,
on
note
une
acception
restrictive de l'objet de l'action humanitaire internationale.
Il
semble
que
l'on voudrait éviter
toute
collusion
de
cette
action avec des activités de nature politique.
2 - L'action humanitaire définie par rapport à
l'action politique.
Il
est
courant
d'essayer
de
définir
l'action
humanitaire en
l'opposant à
l'action
politique:
d'un côté
le
désintéressé, de l'autre le partisan; d'un côté le neutre,
de
l'autre le partial. Pour Laurie S. WISEBERG, "in common usage,
an
humani tarian
act
is
often
distinguished
from
a
poli tical
one
in
that,
in
i ts
concern
for
mankind
in
general,
i t
is
assumed
to
be
di vorced
from
partisan
interest
or
advantage"
(35) .L'humanitaire,
c'est ce qui
est en dehors
du
politique,
qui
en
est
affranchi,
éloigné.
Pour
l'auteur
précité,
une
action humanitaire au sens strict ne devrait pas comporter des
conséquences
de
nature
politique.
Parlant
de
l'opération
Belgo-Américaine
à
Stanleyville
au
Zaïre
en
1964,
l'auteur
écrit
que
bien
qu'on
puisse
voir
dans
cette
opération
un
exemple
d'action
strictement
humanitaire,
"the
fact
remains
that it helped TSHOMBE reestablish control over Stanleyville"
(36).
( 34) AlDI, vol.53-II, 1990. Article 5 de la résolution sur • la protection des droits de l'holle et le
principe de non-intervention dans les affaires intérieures des Etats".
(35) WISEBERG, L.S. HUlanitarian intervention, lessons frol the Nigerian civil war. ROH, 1974, vol.
VII-l, 1'.80.
(36)
Idel, 1'.83.

-
34 -
Plusieurs, auteurs
reprennent
cette
opposition
entre
humanitaire
et
politique.
Ainsi,
M.
BRINGUIER
pense
qu"une
organisation non-gouvernementale ne peut être considérée comme
de nature ou de vocation humanitaire que si elle est,
en même
temps,
neutre et impartiale.
Si,
en effet,
elle s'écartait de
ces
principes,
elle
ne
serait
plus
strictement
humanitaire,
elle aurait une
activité de
nature
politique"
(37).
De
même,
parlant des organisations à but humanitaire,
M.
SANDOZ précise
que
cette
catégorie
"exclut
les
organisations
de
caractère
politique
ou
commercial"
(38).
Enfin,
toujours
à
propos
des
organisations humanitaires,
le Professeur TORRELLI évoque leur
"volonté d'indépendance à l'égard des pouvoirs établis" (39).
Les
acteurs
privés
de
l'action
humanitaire
ont
une
conception assez
restrictive de
leur mission.
En particulier,
ils
estiment
que
leur
rôle
est
un
rôle
passager,
ponctuel,
destiné
à
aider
des
populations
à
traverser
une
période
de
crise. Pour M.
BRAUMAN,
président de Médecins Sans Frontières,
organisation
humanitaire
française,
"1' action
humanitaire
n'est
pas
destinée
à
apporter
une
quelconque
solution
politique" (40).
Il
faudrait se garder cependant de se laisser aller
à
un
angélisme
excessif
en
voulant
à
tout
prix
créer
une
opposition absolue
:
ou
l'humanitaire
pur,
ou
le
politique à
l'état
brut.
En
parti cul ier ,
lorsque
l ' on
sait
que
l'action
humanitaire
n'est
pas
le
fait
d'individus
isolés
mais
de
groupes
fortement
structurés,
la
pureté
des
motivations
(37) BRINGUIER, P. Apropos du droit d'initiative du CICR et de tout autre organisle hUianitaire
ilpartial. in International Geneva rearbook, vol. 4, 1990, p.101.
(38) SANDOZ, Y. COI.entaire des protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux conventions du 12 août
1949. 1986.
(39) TORRELLI, M. De l'assistance à l'ingérence hUianitaires ? in RICR, n' 795, .ai-juin 1992,
p. 238.
(40) Propos recueillis dans le quotidien Libération du 26 novelbre 1992, p.5.

-
35 -
élément
Ô
combien
subjectif
et
dont
la
recherche
semble
a
priori vaine-
ne saurait raisonnablement être exigée.
Si,
de
surcroît,
les
Etats
sont
appelés
à
se
mêler
d'action
humanitaire,
comment
peut-on
exiger
de
l'humanitaire
d'Etat,
de
la diplomatie
humanitaire,
de
ne
pas
s'inscrire
dans
une
stratégie
globale
de
politique
nationale
?
C'est
non
sans
scepticisme qu'on peut écouter ce propos : "un Etat peut avoir
pour
politique
de
soutenir
des
actions
humanitaires
et
de
mettre
en
oeuvre
les
moyens
nécessaires
pour
que
des
organisations
humanitaires
puissent
travailler
dans
les
conditions les
plus efficaces,
les
plus ouvertes et les plus
dynamiques.
De

à
avoir
une
poli tique
humanitaire
pour
un
Etat,
je
ne
le
crois
pas
pour
une
raison
simple
les
principes
humanitaires
ne
se
partagent
pas,
tandis
que
l'action
pol i tique
de
l ' Eta t
se
partage
en
fonction
de
ses
intérêts ...
Il
ne
peut
y
avoir
de
véritable
politique
humanitaire
d ' E t a t ,
mais
il
peut
y
avoir
une
action
humanitaire
des
Etats.
Ce
qui
est
différent"
(41).
La
distinction semble manichéenne,
l'action humanitaire d'un Etat
pouvant
parfaitement
rentrer
dans
une
POlitique
clairement
organisée.
Il
est
difficile
de
démêler
aujourd'hui
l'humanitaire et le politique (42).
(41)
Idel, p.6.
(42) Voir BERHET, G. L'hUianitaire dans le désordre international. in Populations en danger, Paris,
Bacbette,l992,P. 139.; RUFIK J.C. BUianitaire et politique depuis la chute du Kur. Paris,
Pluriel, 1992. KOUCBNER, B. L'Etat peut-il être bUlain ? in Libération, 29 février 1992, P.5.
L'analyse de H. KOUCRNER nous seable davantage réaliste. Dans un entretien à l'hebdoladaire
chrétien La Vie, n· 2494, Juin 1993, il énonce clairelent que "l'hUianitaire, c'est de la
politique. De la politique pure. Pas de la politique politicienne. Et, si je suis entré un jour
au gouvernelent, c'est parce que je savais étre parvenu à la lilite de Ion action dans les
organisations bUianitaires traditionnelles. Il fallait agir au-delà". p. 25.

-
36
-
B - La détermination des droits de l'homme à
protéger.
Lorsque
l'on
parle
au jourd' hui
des
droits
de
l'homme,
il
s'agit d'un
concept générique
qui
renvoit
à
des
images multiples;
il importe de préciser de quels droits l'on
parle.
En
effet,
on
distingue
souvent
les
droits
de
l ' homme
suivant
les
"générations":droits
de
la
première
génération(droits civils et politiques),
droits de la seconde
génération
(droits
économiques
et
sociaux),
droits
de
la
troisième
génération
(droit
au
développement,
droit
à
un
environnement sain, etc ... ); on distingue également les droits
de
l'homme
selon
leur
importance
respective:
droits
intangibles, droits fondamentaux,
droits conditionnels, droits
susceptibles de dérogations.
La protection de tous ces droits
est-elle
justiciable de la problématique du droit d'ingérence
?
En
d'autres
termes,
peut-on
être
fondé
à
recourir
à
l'intervention pour réagir à
la violation de n'importe lequel
de ces droits ? Quel est le degré de gravité de la violation
requis pour autoriser éventuellement des actes d'intervention
?
Dans
le
cadre
de
ses
travaux
sur
les
rapports
entre
le
principe de
non-intervention
et
la
protection
internationale
des droits de l'homme,
l'Institut du Droit International s'est
heurté
à
ces
questions.
si
l'accord
semble
s'être
fait
sur
l'idée
que
la
violation
pouvant
autoriser
une
réaction
interventionniste doit être
particulièrement grave,
grossière
et systématique, en revanche on peut noter des discussions sur
deux aspects:
la
nature
conventionnelle ou
non
des
droits
à
protéger, l'importance des dits droits.
1 - La nature conventionnelle ou coutumière des
droits à protéger.
L'enjeu de la question ainsi formulée réside dans la
détermination du cercle des Etats éventuellement soumis à des
mesures
de
réaction
contre
des
violations
des
droits
de

-
37
-
l'homme.
Si
ce
ne
sont
que
les
droits
consacrés
dans
des
conventions
internationales
qui
pourraient
être
protégés
par
des
mesures
d'intervention,
de
telles
mesures
ne
pourraient
concerner que les Etats parties à ces conventions, en vertu de
l'effet relatif
des
traités.
Par conséquent,
plusieurs
Etats
échapperaient ainsi pratiquement à des mesures de réaction en
cas de
violation des
droits
de
l ' homme par
eux commises.
En
revanche,
si
les droits de
l 'homme sont considérés comme une
exigence autonome,
existant et valant en dehors de tout texte
conventionnel,
tous
les Etats sont tenus de
les respecter et
donc susceptibles d'encourir des mesures d'intervention.
Pour
Mlle
MAREK,
la
notion
de
droits
de
l'homme
envisagée
en
rapport
avec
la
question
de
l'intervention
"englobe
non
seulement
les
droits
articulés
dans
les
engagements
conventionnels-ou politiques-mais également ceux qui
au cours
de
l'histoire
sont
entrés
dans
l'héritage
juridique
de
l'humanité par la voie des grands actes internes concordants.
Ce sont donc des principes qui ont fourni,
dans
le passé,
le
fondement
des
interventions
d'humanité
sans
base
conventionnelle,
des
principes
dont
la
Cour
n'a
pas
hésité
d'affirmer
que,
"reconnus
par
les
nations
civilisées",
ils"obligent
les
Etats
même
en
dehors
de
tout
lien
conventionnel" (C.I.J., Rec.
1951, p.
23.)" (43). Vis-à-vis de
la question du
droit
d'ingérence,
le caractère conventionnel
ou
coutumier
des
droits
à
protéger
n'est
pas
la
question
décisive. Ce qui compte, c'est la gravité de la violation.
2 -
Droits fondamentaux ou droits indépendamment de
leur importance ?
Il
semble
que
la
question
de
l'intervention
en
matière de droits de l'homme devrait être résolue différemment
(43) MAREK, K. Observations au rapport de H. SPERDUTI. AlDI, 1989, vol. 63-1, p. 408. Dans le lêle
sens, les observations de M. De VISSCHER, P. Idel, p. 361-362.

-
38 -
selon
le
rang
ou
l'importance
du
ou
des
droits
considerés.
Plus
l'importance
du
droit
est
grande,
plus
facilement
l'intervention
pourrait
être
admise.
Pour
le
Professeur
TENEKIDES,
il
faut
distinguer
les
droits
fondamentaux
de
l'homme des autres droits. Les premiers seraient des normes de
jus cogens,
dont
la violation serait un crime
international,
des
normes
insusceptibles
de
dérogation:
l'interdiction
du
génocide,
de
l'esclavage,
de
la
discrimination
raciale,
le
droit
à
la
vie,
le
droit
de
ne
pas
subir
des
traitements
inhumains
ou
dégradants
ou
des
tortures.
Pour
les
seconds,
leur
violation
ne
serait
"pas
de
nature
à
provoquer
une
perturbation d'ordre social
ou
international
particulièrement
grave" (44).
La distinction entre les droits fondamentaux et les
autres
droits
semble
être
clairement
affirmée
par
la
Cour
internationale de
justice,
dans
son
arrêt du
5
février
1970
relatif
à
l'affaire
de
la
Barcelona
Traction.
Reconnaissant
l'existence
d'obligations
erga
omnes
pesant
sur
les
Etats,
elle mentionne entre autres le respect des droits fondamentaux
de la personne humaine.
Avec la prudence nécessaire,
on peut
penser que seuls ces droits bénéficient d'une protection quasi
absolue.
Toutefois,
certains droits sociaux,
telle la liberté
syndicale,
bien
que
non
catalogués
parmi
les
droits
fondamentaux,
revêtent
une
importance
incontestable.
C'est
dire
que
la
définition
du
contenu
matériel
des
droits
de
l ' homme devant être pris en considération en rapport avec la
question
du
droit
d'ingérence
n'est
pas
aisée;
peut-être
n'est-elle
pas
conseillée.
Le
problème
de
savoir
si
des
réactions qualifiées sont admissibles dans un cas de violation
de
droits
demeure
relatif
à
la
situation
considérée,
à
l'ampleur de la violation. L'appréciation
doit
se
faire
in
(44) TEHEKIDES, G. observations au rapport de H. SPEROOTI. AIl>I, 1989, vo1.63-I, p. 365-367, et
p. 366.

-
39 -
concreto, au cas par cas. On comprend dès lors que
l'Institut
du droit International n'ait pas retenu la suggestion de Mlle
MAREK
(45)
tendant
à
consacrer
l'article
premier
de
la
résolution
à
des
définitions,
dont
celle
des
droits
de
l'homme.
Si
l'on
peut
penser
que
de
graves
violations
des
droits fondamentaux sont plus naturellement portées à susciter
des mesures de réaction,
il reste que la violation des autres
droits ne saurait être observée avec indifférence.
Paragraphe 3 - Problématique générale.
Au
coeur
du
débat
sur
le
droit
d'ingérence,
se
trouvent
mêlées
plusieurs
questions
concernant
la
théorie
fondamentale
du
droit
international
public,
parmi
lesquelles
la place qui doit revenir au principe de non-intervention dans
la
phase
présente
de
l'évolution
de
l'ordre
juridique
international,
notamment
en
ce
qui
concerne
la
protection
internationale des
droits
de
l'homme et
l'accomplissement de
l'action humanitaire internationale. Selon le principe de non-
intervention,
il
appartient
à
chaque
Etat,
sous
réserve
et
dans
le
respect
de
ses
obligations
internationales,
de
se
déterminer
librement
sur
les
affaires
qui
relèvent
de
sa
compétence exclusive, à l'abri de toute pression ou contrainte
extérieure.
En
principe,
on
doit
donc
considérer
que
la
cohabitation
entre
le
principe
de
non-intervention
et
un
éventuel
droit
d'ingérence
est
une
incohérence
à
exclure
d'office:
on
ne conçoit pas,
dans
un
même
corpus
juridique,
l'existence
simultanée
de
deux
principes
aux
perspectives
aussi
nettement
antagoniques.
Or,
le
droit
d'ingérence
en
construction a pour finalité de renforcer l'action humanitaire
internationale et
la
protection
internationale des
droits
de
l'homme, deux domaines
du
droit
international
d'importance
(45) HAREK, K. op.cit. p.410.

-
40
-
fondamentale
pour
la
société
internationale.
Dès
lors,
l'antagonisme
frontal
qui
aurait
pu
être
facilement
évité
à
propos
du
droit
d'ingérence
tout
court,
en
quête
de
plausibilité,
ne
peut pas
être
esquivé lorsque
la
prétention
de
norme
a
pour
but
de
rendre
effectifs
des
principes
importants du droit international. Le noeud de notre propos se
précise
ainsi
et
peut
se
formuler
de
manière
suivante
l'action
humanitaire
internationale
et
la
protection
des
droits
de
l'homme
constituent-elles
des
domaines
du
droit
international
public
qui
échappent
à
l'applicabilité
du
principe de non-intervention,
de sorte que pour leur mise en
oeuvre on
puisse,
devant
l'invocation
de ce principe par un
Etat,
tirer
arqument
d'un
droit
de
s'ingérer
pour
y
passer
outre? En d'autres termes, existe-t-il en droit international
une
norme
autorisant
des
actes
d'intervention
en
faveur
de
l'action
humanitaire
ou
de
la
protection
des
droits
de
l'homme?
Pour le
principe de
non-intervention,
il
s'agit

d'une
question
quasiment
existentielle.
En
effet,
c'est
le
contenu
même
de
la
non-intervention
en
tant
que
norme
protectrice de la souveraineté des Etats qui
est mis en
jeu.
Il
est
di ff ici le
de
répondre
sans
nuances,
posi ti verne nt
ou
négativement,
à
cette question centrale.
Une étude de
l'état
du droit positif s'impose,
avant de s'intéresser aux opinions
de la doctrine.
A - L'absence d'exception humanitaire générale au
principe de non-intervention en droit
international positif.
En droit international positif actuel,
il n'y a pas
d'ambiguïté fondamentale sur la question des rapports entre le
principe
de
non-intervention
et
les
préoccupations
d'ordre
humanitaire
:
sauf engagements internationaux souscrits en la
matière,
et dans
la
seule mesure prévue par ces engagements,

- 41 -
il n'y a
pas d'exception humanitaire générale au principe de
non-intervention.
Cette
situation
découle
à
la
fois
de
la
généralité
des
formulations
du
principe,
ainsi
que
des
dispositions spécifiques étendant aux droits de
l'homme ou
à
l'action humanitaire l'applicabilité du principe.
1 - La généralité des fQrmulatiQns du principe de
nQn-interventiQn.
Lorsque
l'on
parcourt
les
textes
traitant
du
principe
de
non-interventiQn,
la
généralité
des
formules
employées ne permet pas de soustraire à
son application,
par
principe,
une
matière
quelconque
du
droit
international.
La
résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 énQnce qu'''aucun Etat
ni
groupe
d'Etats
n'a
le
drQi t
d'intervenir,
directement
ou
indirectement,
pour
quelque
raison
que
ce
soit,
dans
les
affaires
intérieures
ou
extérieures
d'un
autre
Etat".
L'article
premier
de
la
résolution
36/103
de
l'Assemblée
générale des Nations Unies en date du 9 décembre 1981 reprend
de façon plus générale l'interdiction
"aucun Etat ni groupe
d'Etats n'a
le droi t
d'intervenir ou de s'ingérer de quelque
manière QU pour quelque raison que ce soit dans
les affaires
intérieures
ou
extérieures
d'un
Etat".
Ces
formules
ne
sont
pas
seulement
du
droit
déclaratoire;
elles
fQnt
partie
du
droit positif, et particulièrement la résolution 2625, dont la
Cour
internationale
de
justice
a
dit
qU'elle
constitue
une
base
pour
l'établissement
d'une
opinio
juris
des
Etats
relativement
au
principe
de
non-intervention
(46).
L'interdiction de
l'intervention contenue dans
les
textes
de
droit positif
est
absolue
pour
ce qui
concerne
les
rapports
interétatiques:
aucune
circonstance
ne
pourrait
la
légitimer
ou la
justifier en principe.
Le droit international actuel ne
connaît pas d'exceptions générales au profit des interventions
(46) C.I.J., Rec. 1986, Par. 188.

- 42 -
à
finalité humanitaire. La seule exception au principe de non-
intervention qui pourrait les
justifier se trouve à
l'article
2-7
in
fine
de
la
Charte
des
Nations
Unies
qui
réserve
le
pouvoir du Conseil de sécurité d'intervenir dans
le cadre de
la
sécurité
collective,
l'hypothèse
de
la
légitime
défense
relevant d'une logique tout à fait différente.
2 - L'exclusion expresse des exceptions humanitaires
au principe de non-intervention.
La
formule
pourrait
tout
aussi
bien
être
inversée,
pour
exprimer
l'inclusion
expresse
des
questions
d'ordre
humanitaire
dans
le
champ d'application
du
principe
de
non-
intervention.
Dans
le
droi t
humanitaire
applicable
aux
conf li ts
armés
non
internationaux,
l'action
humanitaire
doit
être
compatible
avec
le
principe
de
non-intervention.
L'article 3 du protocole II de 1977 aux conventions de Genève
du
12
août
1949
stipule,
à
son
alinéa
2,
qu'"aucune
disposi tion du
présent
protocole
ne
sera
invoquée
comme
une
justification
d'une
intervention
directe
ou
indirecte,
pour
quelque raison que ce soit,
dans le conflit armé ou dans les
affaires
intérieures
ou
extérieures
de
la
Haute
Partie
Contractante
sur
le
territoire
de
laquelle
ce
conflit
se
produit".
Il
est
donc
clair
que
l'action
humanitaire
ne
saurait
être
considérée
comme
un
titre
justifiant
une
intervention
à
l'intérieur
d'un
Etat.
Telle
est
aussi
l'analyse de la Cour internationale de justice (47).
Pour
ce
qui
concerne
la
protection
des
droits
de
l'homme,on
peut
invoquer
à
nouveau
la
résolution
36/103
préci tée du
9 décembre
1981.
Ce
texte,
pl us
que tout autre,
ancre
la
question
des
droits
de
l'homme
à
l'intérieur
du
principe de non-intervention. Le principe de non-intervention,
(47)
C.I.J., Rec. 1986, Par. 242.

-
43 -
tel
qu'il
est
défini
dans
cette
résolution,
comprend"
le
devoir d'un Etat de s'abstenir d'exploiter et de déformer les
questions
relatives
aux
droits
de
l'homme
dans
le
but
de
s'ingérer dans
les
affaires
intérieures des
Etats,
d'exercer
des pressions sur des Etats ou de susciter la méfiance et le
désordre à l'intérieur d'Etats ou de groupes d'Etats et entre
eux"
(48).
De
même,
et
selon
le
même
texte,
le
principe de
non-intervention
comprend
"le
droit
et
le
devoir
des
Etats
d'observer,
de
promouvoir
et de
défendre
tous
les
droits
de
l ' homme et
libertés
fondamentales
sur
leur
propre
terri taire
national"
(49).
Cette résolution
a
été beaucoup critiquée en
doctrine à cause du caractère trop général de la définition du
principe
de
non-intervention
qu'elle
énonce
(50),
et
particulièrement
par
la
logique
restrictive
de
ses
clauses
relatives aux droits de l'homme (51). Quoiqu'il en soit de ces
critiques,
l'important pour nous était de faire remarquer que
la
protection
des
droits
de
l ' homme
n'est
pas
soustraite
à
l'application
du
principe
de
non-intervention
de
façon
générale.
Une intervention pour leur protection qui
ne serait
pas fondée sur un titre serait illicite.
I l
faut
rappeler
par
ailleurs
que
les
résolutions
récentes
de
l'Assemblée
générale
en
matière
d'assistance
humanitaire,
sur
lesquelles
nous
reviendrons
longuement,
insistent sur le respect de
la
souveraineté
des
Etats.
En
(48) Article 2, II, 1.
(49) Ide., art. 2, III, c.
(50) Voir CONFORTI, B. Le principe de non-intervention. in BEDJAOUI, M. Droit international, bilan et
perspectives. t.l, 1991, p.489 et s.
( 51) Voir notallent VIlICIlŒAU, H. Quelques cOllentaires à propos de la "déclaration sur
l'inadlissibilité de l'intervention et de l'ingérence dans les affaires intérieures des Etats".
in Mélanges Ch. CHAUMONT, paris, Pedone, 1984, p.571; et aussi SUDRE, F. op. cit. p.67. Contra,
voir notre étude: De la protection internationale des droits de l'holle au droit d'ingérence; in
Cahiers de l'IDEDB, Montpellier, n' 2, 1993, p. 58-61.

-
44 -
somme,
sur
le
plan
du
droit
positif,
les
choses
paraissent
suffisamment claires:
la non-ingérence demeure la règle entre
Etats,
toute
autre
hypothèse
demeurant
exceptionnelle,
y
compris
celles
à
finalité
humanitaire.
si
la
situation
est
relativement
claire
en
droit
positif,
elle
l'est
beaucoup
moins en doctrine.
B - La doctrine et la question des exceptions
humanitaires au principe de non-intervention.
Sur le terrain doctrinal,
l'analyse du problème des
exceptions humanitaires au principe de non-intervention semble
rendre plus actuelle que jamais la célèbre boutade attribuée à
M.
Talleyrand:
"
la
non-intervention
est
un
mot diplomatique
et
énigmatique
qui
signifie
à
peu
près
la
même
chose
qu'intervention".
L'analyse
doctrinale
est,
en
effet,
très
subtile
sur
la
question.
Dans
un
premier
temps,
on
note
un
certain
scepticisme
sur
le
contenu
normatif
du
principe
de
non-intervention.
Il
est
fréquent,
aujourd'hui
encore,
d'entendre qu'il
s'agit
là d'une
norme"floue et en constante
évolution" (52), d'''un principe qui semble nous échapper et se
retourner
sans
cesse"
(53).
De
plus,le
principe
de
non-
intervention étant
fortement
lié,
mais
non
réductible,
à
la
question
du
domaine
réservé,
on
note
dans
la
doctrine
une
contestation
de
la
distinction
affaires
intérieures-affaires
extérieures, qui est une remise au goût du jour de la critique
du domaine réservé à
la compétence exclusive des Etats
faite
par
Georges
SCELLE
(54).
L'objectif
est
d'établir
que
les
questions humanitaires ne relèvent plus du domaine
réservé
à
(52) DAVID, E. Portée et lilite du principe de non-intervention. RBDI, 1990/2, p.350.
(53) CHEMILLIER-GENDREAU, M. Les obstacles juridiques à l'application du principe de non-
intervention. in Cahiers du C.E.R.I., ReilS, t. 5. p. 52.
( 54) SCELLE, G. critique du soit-disant dOlai ne de cOlpétence exclusive. RDILC, 1933, p.365 et s.

-
45 -
la compétence
exclusive des
Etats;
ce
pas
étant
franchi,
il
s'agit
par
la
suite
de
fonder
un
droit
d'ingérence
en
la
matière.
si
le premier volet semble aujourd'hui
faire
l'objet
d'un consensus, le second demeure très controversé.
1 - Le consensus doctrinal sur la soustraction des
questions humanitaires au domaine réservé des
Etats.
Selon
le
Professeur
VERHOEVEN,
"le
droi t
international
s'étant
insinué
à
peu
près
partout,
il
n'y
a
pratiquement
plus
aucune
"affaire"
qui
ne
présente
d'une
manière ou d'une autre un aspect
international"
(55).
Il
n'y
aurait
donc
plus
d'affaires
susceptibles
d'être
qualifiées
d'''intérieures''.
Du même coup,
il
n'y aurait plus de domaine
réservé à
protéger par un principe de non-intervention.
C'est
ici
le
lieu
de
faire
remarquer
que
le
principe
de
non-
intervention n'est pas totalement lié à
la question du domaine
réservé
à
la
compétence
exclusive
des
Etats,
entendu
comme
l'ensemble
des
matières
sur
lesquelles
ceux-ci
n'ont
pas
souscrit d'obligations internationales. Lors même que le droit
international
aurait
un
jour
réglementé
toutes
les
matières
concevables sur lesquelles les Etats exercent des pouvoirs,
le
domaine
réservé
à
la
compétence
exclusive disparaîtrait
sans
doute,
mais
le
principe
de
non- intervention
ne
disparaîtrait
pas pour autant dans les relations entre Etats.
La compétence
nationale
ne
disparaît
pas
du
fait
de
la
souscription
d'un
engagement international; orientée par celui-ci,
la compétence
demeure, pour son exercice, évidemment nationale, du moins par
principe.
Penser
autrement
serait
admettre
que
l'Etat
lui-
même,
en tant que
centre de
pouvoirs,
disparaît
ou se dilue
lorsqu'il souscrit un engagement international.
(55) VERHOEVEII J. la non-intervention ... ou chacun chez soi. in La revue nouvelle, 1989, n' 12, p.21.

-
46 -
En ce qui concerne concrètement la soustraction des
questions
humanitaires
au
domaine
réservé
des
Etats,
la
doctrine
semble
unanime
sur
ce
point
aujourd'hui.
Sur
le
terrain
de
l'action
humanitaire
stricto
sensu,
i l
est
difficile de ne pas souscrire aux propos du Président français
François
MITTERAND,
traduisant

une
opinion
largement
partagée
en
doctrine:
"
parce
qu'elle
est
celle
de
chaque
homme,
la souffrance relève de l'universel( ... ). Aucun Etat ne
peut
être
tenu
pour
le
propriétaire
des
souffrances
qu'il
engendre
ou
qu'il
abrite"
(56).
Nul
ne
saurait
valablement
faire
rentrer
dans
le
champ des
droits
souverains
des
Etats
les malheurs et les souffrances de
leurs citoyens
;
ce n'est
pas un droit souverain des
Etats que de décider à
quel degré
de
dignité
ou
à
quelle
proportion
de
mansuétude
humanitaire
leurs
citoyens
ont
droit.
Sur
le
terrain
des
droits
de
l'homme,
la
doctrine
admet que du moment qu'un
Etat est
lié
par des règles internationales en la matière,
il ne peut plus
prétendre être seul
juge de ses comportements s'y rapportant.
L'Institut
du
Droit
International
ratifie
ce
point
de
vue,
exprimé
à
l'article
4
de
son
projet
de
résolution
de
sa
session
de
saint-Jacques
de
Compostelle:"
les
droits
de
l ' homme ne relèvent pas du domaine réservé des Etats dans
la
mesure

la
reconnaissance
de
ces
droits
est
l'objet
d'obligations de ces mêmes Etats" (57).
si
le
principe
de
soustraction
des
questions
humanitaires au domaine de compétence exclusive des Etats
est
( 56) Discours prononcé à l'occasion du transfert des cendres de René CASSIII au Panthéon. Extra i ts
publiés dans Le Monde du 7 octobre 1987, p. 10.
(57) AlDI, 1989, vo1.63-I, p.31!. Dans la doctrine, et dans le lêle sens, on peut consulter: IIGUYEII
QUOC DINH et Alii, Droit international public, Paris, LGDJ, 1987, p.400; SUDRE, F. op. cit. p.
65 ; THIERRY, H. La protection internationale des droits de l'holle. in Projet, janv. 1981, n'
151, p. 25 ; OREJA, M. Souveraineté des Etats et respect des droits de l'holle; in Mélanges
WIARDA, G. 1988, p.8.

-
47 -
aujourd'hui pratiquement acquis, compte tenu de la densité des
instruments conventionnels relatifs à ces questions,
et si sa
logique
nous
semble
par
ailleurs
irréfutable,
il
demeure
en
revanche
difficile,
voire
délicat,
de
déterminer
quelles
conséquences cette position de principe comporte, en termes de
règles positives de
protection.
Là dessus,
la doctrine
reste
indécise et partagée.
2 - L'incertitude sur les conséquences de la
soustraction des questions humanitaires au
domaine réservé des Etats.
Cette
incertitude concerne
presque exclusivement
la
protection
des
droits
de
l'homme.
Les
droits
de
l'homme
n'étant
plus
considérés
comme
relevant
de
la
compétence
nationale des
Etats,
que
faut-il
en conclure sur
le
plan de
leur
protection
efficace
?
La
doctrine
est
partagée
à
ce
sujet.
Pour
le
Professeur
VERHOEVEN,
"
si
l'internationalisation
des
droits
de
l'homme
est
manifeste,
ses
conséquences-en
l'absence
d'engagements
conventionnels
particuliers- paraissent modestes.
Pour l'essentiel,
celles-ci
tiennent
sans
doute
dans
l ' autor isation
qu'elle
véhicule
au
profit
de
tiers
Etats
ou
organisations
de
s'occuper
de
"choses"
qui
ont
cessé
de
relever
des
affaires
purement
intérieures
d'un
autre
Etat.
La
mesure
précise
et
les
conditions
de
pareille
intervention
demeurent
toutefois
incertaines"
(58).
Le
même
auteur
ajoute
plus
loin
qu"
il
existe sans doute une règle générale,
coutumière,
protectrice
des droits de l'homme ; il
est
difficile
toutefois
de
lui
(58) VERHOEVEH, J. Les traits fondalentaux de la protection des droits dits de l'houe dans la
pratique contelporaine. in Droits des peuples, droits de l'holle. Paix et justice sociales
internationales. Paris, 1984, p. 43.

-
48 -
donner quelque contenu
juridique precls,
hors
la soustraction
des droits de
l ' homme au domaine réservé des
Etats qui,
pour
fondamentale
qu'elle
soit,
n'implique,
d'elle-même,
aucune
règle positive de protection" (59).
contrairement
à
ces
vues
prudentes,
on
peut
constater
que
des
positions
plus
"offensives"
sont
exprimées. Ainsi,
selon
l ' Insti tut
du
Droit
International,
de
la soustraction des droits
de l ' homme au domaine
réservé des
Etats,
"il s'ensuit qu'on ne saurait qualifier d'intervention
dans
les affaires
intérieures d'un Etat le
recours
à
l'égard
de cet Etat à des mesures de contrainte autres que
la menace
ou l'emploi de la force,
lorsque ce recours,
toute proportion
gardée
par
rapport
au
but
à
atteindre,
est
nécessaire
pour
obtenir
du
dit
Etat
qu'il
observe
ses
obligations
internationales
en
matière
de
droits
de
l'homme"
(60).
Toutefois,
c'est
probablement
le
Professeur
BETTATI
qui
exprime
la
position
la
plus
"offensive",
lorsqu'il
écrit
"l'intervention devient
licite
dès
lors qu'elle concerne des
affaires
qui
ne
relèvent
pas
d'une
(telle)compétence
nationale,
notamment
celles
qui
font
l'objet
d'obligations
internationales.
Il suffit donc de montrer que le respect des
droits de l'homme est une obligation des Etats non seulement à
l'égard de
leurs
nationaux,
mais
aussi
à
l'égard
des
autres
Etats
pour
le
soustraire
au
principe
de
non-intervention
et
légitimer le droit d'ingérence en ce domaine" (61).
(59) VERBOEVEII, J. Les traits fondalentaux de la protection des droits dits de l'boue dans la
pratique contelporaine. in Droits des peuples, droits de l'holle. Paix et justice sociales
internationales. Paris, 1984, p. 57.
(60) AIDI, 1989, vol. 63-1, p. 311-312.
(61) BETTATI, M. Les Nations Unies devant la non inqérence et les droits de l 'holle. in Le Monde
Diplolatique. Avril 1980.

-
49 -
Nous reviendrons
dans
nos développements
ultérieurs
sur la mise en oeuvre éventuelle d'un tel
droit d'ingérence.
Il
suffit
ici
de
dire
que
le
propos
du
Professeur
BETTAT!
soulève
une
importante
question
de
fond:
existe-t-il
un
principe
de
droit
international
suivant
lequel,
dès
qu'une
matière est
réglementée
par
un
instrument
international
tout
Etat-sans
pouvoir
encourir
le
reproche
d'intervenir
abusivement
dans
les
affaires
intérieures
d'un
autre-a
le
droi t
de contraindre tout autre Etat à
observer correctement
ses obligations
internationales
relatives
à
la
matière
ainsi
réglementée
?
(62).
En
d'autres
termes,
la
disparition
de
l'exclusivité
de
la
compétence
étatique
sur
un
domaine
implique-t-elle
l'absence
totale
de
compétence
ou
la
compétence
de
tous
?
Une
telle
perspective
nous
semble
difficilement
envisageable.
La
considérer
comme
acquise
serait "admettre la licéité de l'intervention dans chaque cas
de
violation
d'une
obligation
internationale
quelconque,
conception inconnue du droit international général et du droit
des
traités
en
particulier-
et
qui
aurait
des
conséquences
incalculables"
(63).
Compte tenu du caractère de norme en construction du
droit
d'ingérence,
il
convient
d'envisager
les
conséquences
qu'une
telle
norme
aurait
sur
l'édifice
normatif
du
droit
international.
Tout au
long de
l'étude,
se mêlent analyse de
l'existant
et
prospective,
exposé
de
la
lex
lata
et
développements
de
lege
ferenda.
Les
textes
juridiques,
les
analyses doctrinales,
les solutions
jurisprudentielles et les
travaux
de
codification
constituent
notre
matière
première.
Travail
de
science
juridique,
cette
étude
ne
se
veut
naturellement ni un essai polémique sur la question
du
droit
(62) Nous retrouvons ici une problélatique analogue à celle soulevée par l'analyse de la notion
d'intervention par le Professeur Eric DAVID, exposée plus haut.
(63) MAREK, K. op. cit. AIDI, 1989, vo1.63-1, p.408.

-
50 -
d'ingérence, ni un manifeste ou
un
plaidoyer
en
faveur
du
droit
d'ingérence,
ni
un
pamphlet
anti-droit
d'ingérence.
Quant à
l'esprit qui
nous
guide dans
nos
développements,
ce
progressisme
prudent
dont
nous
avons
fait
état
au
début
de
cette introduction,
il nous est dicté par le conseil d'un des
maîtres de notre discipline,
le Juge JESSUP:" we international
lawyers must be disciples of inovation and
invention although
we remain slaves to tradition" (64). La structuration de notre
étude
mérite
d'être
justifiée.
Il
eût
paru
peut-être
plus
commode que,
du fait de l'unité de la problématique
juridique
de
l'ingérence
dégagée
pour
l'action
humanitaire
et
la
protection des droits de l'homme, on articulât l'étude de bout
en bout sur les deux aspects.
Dans ce cas,
on aurait analysé
d'une part la consécration en droit positif écrit ou coutumier
du
titre
juridique
habilitant
à
intervenir
pour
l'accomplissement de
l'action humanitaire et de
la protection
des droits de l'homme; cela étant fait,
on se serait intéressé
aux
modalités
d'exercice
concret
du
titre
juridique
préalablement
recherché
et,
probablement,
trouvé.
A
cette
structuration,
nous avons préféré,
malgré
la connexité réelle
des deux domaines
de
l'étude,
une présentation qui
distingue
l'action humanitaire et la protection des
droits de
l'homme.
Cette présentation a pour elle l'avantage de la clarté
: elle
permet de montrer qu'alors que le titre à
intervenir reste à
établir
fermement
pour
ce
qui
est
de
l'accomplissement
de
l'action
humanitaire,
il
peut
être
considéré
comme
théoriquement acquis,
d'une certaine manière,
pour ce qui est
de la protection des droits de l'homme.
Or l'établissement du
titre
à
intervenir
ne
procédant
pas
d'un
raisonnement
similaire dans
un
cas
comme dans
l'autre,
une
étude séparée
s'impose.
Par
ailleurs,
la
présentation
choisie
permet
de
mieux envisager les modalités de mise en oeuvre de l'éventuel
droit d'ingérence; ces modalités, au
delà
de
l'intervention
(64) JESSUP, P. To fon a lore perfect united Nations. ReADI, 1970, t. 129, p.5.

- 51 -
ici et là du Conseil de sécurité des Nations Unies, comportent
d'importantes
nuances,qui
tiennent
aux
différences
de
l'urgence dans l'un et l'autre cas.
Par
conséquent,
force
sera
de
s'intéresser
à
la
lente
formalisation
d'un
titre
à
intervenir
pour
l'action
humanitaire
et
aux
problèmes
de
la
traduction
concrète
de
cette
habilitation
balbutiante.
Cela
fera
l'objet
d'une
première
partie
intitulée:
le droit d'ingérence
humanitaire.
La
même
analyse
intellectuelle
sera
reprise
à
propos
des
droits
de
l'homme
dans
le
cadre
d'une
deuxième
partie
intitulée: le droit d'ingérence et la protection des droits de
l'homme.

PREMIERE PARTIE
LE DROIT
D'INGERENCE HUMANITAIRE

-
53 -
CHA.PITRE
l
LA.
D I F F I C I L E
FQRHALISA.TIQN
J U R I P I Q U E
DU
DROIT
D ' I N G E R E N C E
HUMANITAIRE
L'objet
de
ce
chapitre
est
double
préciser
l'économie du concept de droit d'ingérence appliqué à l'action
humanitaire
d'une
part,
étudier
le
fondement
juridique
d'exercice d'un
tel
droit
dans
le
cadre de
l'ordre
juridique
international
actuel.
La
fugacité
de
la
notion
d'ingérence
humani taire est à
la mesure du
foisonnement
sémantique qui
a
entouré
son
éclosion
droit
ou
devoir,
assistance
ou
ingérence,
la
perplexité de
l'analyste
est
réelle
(65).
Pour
le
Professeur
EISEMANN,
"si
l'on
souhaite
se
placer
sur
le
terrain du droit,
il
est nécessaire de mettre un
peu d'ordre
dans cette profusion et,
notamment,
de distinguer les concepts
qui renvoient à
la morale de ceux qui appartiennent à l'ordre
juridique" (66). si la remise en ordre est nécessaire,
il faut
(65) Voir SOREL, J.M. Le devoir d'ingérence: lonque histoire et albiquité constante. Revue
Relations Internationales et stratégiques. 1991/3.
SANDOZ, Y. Droit ou devoir d'ingérence, droit à l'assistance, de quoi parle-t-on? in R.I.C.R.,
n' 795 i Mai-Juin 1992, P. 225.
(66) EISEIIAIIN, P.M. Devoir d'ingérence et non-intervention: de la nécessité de relettre quelques
pendules à l'heure, in Revue Relations Internationales et stratégiques. 1991/3, p. 69.

-
54
-
dire que
le
foisonnement
sémantique
ne
relève
pas
seulement
d'une coquetterie de vocabulaire ;
il traduit des incertitudes
conceptuelles
de
fond,
des
tâtonnements
d'un
principe
dont
l'aspiration
à
la
normativité
fait
problème.
Le
foisonnement
sémantique doit être enregistré) d'abord,
comme un fait et la
remise
en
ordre
devrait
se
garder
d'être
une
crispation
conservatrice contre les potentialités novatrices d'un concept
naissant.

-
55 -
SECTION l
LA NATURE JURIDIQUE DU DROIT D'INGERENCE HUMANITAIRE
Pour
apporter
quelque
lumière
dans
la
pénombre
conceptuelle
qui
entoure
la
notion
de
droit
d'ingérence
humanitaire,
il
nous parait utile de
la confronter,
pour les
distinguer, à des notions voisines avec lesquelles elle semble
se
confondre
il
s'agit de
l'intervention
d'humanité
et de
l'assistance humanitaire.
Par ailleurs,
il
faudra
essayer de
déterminer
la
nature
juridique
du
droit
d'ingérence
humanitaire.
Paragraphe 1 - Le droit d'ingérence humanitaire: intervention
d'humanité ou droit d'assistance humanitaire?
Bien que,
à
plus d'un égard,
on puisse conclure,
à
la
similitude
de
ces
trois
notions,
elles
ne
sont
pas
totalement synonymes, comme nous allons le voir.
A - Droit d'ingérence humanitaire et intervention
d'humanité.
Peut-on
assimiler
purement
et
simplement
l'action
humanitaire
contemporaine
à
l'intervention
d'humanité
du
siècle
dernier
?
La
question
n'est
pas
sans
intérêt
car
compte
tenu
de
la
suspicion
qui
entoure
l'intervention
d'humanité,
la
contestation
de
sa
licéité
aujourd'hui
par
rapport au droit international,
les dévoiements évidents dont
elle a été l'objet pendant le 19ème siècle,
il serait risqué
pour
les
promoteurs
du
droit
d'ingérence
humanitaire
d'admettre
que
celui-ci
n'est
qu'une
résurgence,
sous
une

-
56 -
forme
adaptée
aux
couleurs
du
20ème
siècle
finissant
de
la
très
controversée
intervention
d' humani té.
On
comprend
donc
qu'un effort de distinction des deux notions
soit nécessaire,
même s ' i l n'élimine pas les rapprochements possibles.
1 - Une filiation historique certaine des deux
notions
Quel
que
soit
le
nom
qu'on
lui
donne
(ingérence
humanitaire,
intervention
humanitaire,
assistance
humanitaire),
la
volonté
d'imposer
éventuellement
l'action
humanitaire
rappelle,
par
certains
côtés,
l'intervention
d'humanité du siècle dernier.
La parenté la plus évidente avec
cet
ancêtre
éloigné
en
quête
permanente
de
légitimation
juridique
se
trouve
principalement
dans
la
motivation
de
base,
à
savoir
le
sauvetage
des
êtres
humains
par-delà
les
frontières.
Ce
qui
se
trouve,
au
fond,
dans
l'idée de
droit
d'ingérence
humanitaire,
mais
en
partie
seulement,
c'est
précisément ce que ROUGIER,
au début du siècle,
avait dit de
l'intervention
d' humani té,
à
savoir
que
"la
théorie
de
l'intervention
d' humani té
est
proprement
celle
qui
reconnai t
pour un droit
l'exercice du contrôle
international
d'un
Etat
sur
les
actes
de
souveraineté
intérieure
d'un
autre
Etat
contraires
"aux
lois
de
l'humanité",
et
qui
prétend
en
organiser
juridiquement le
fonctionnement ll
(67).
Ce qui
relie
les
deux
notions,
c'est
le
discours
humanitaire,
c'est
la
préoccupation des
lois de
l ' humani té,
de
la protection de
la
personne humaine.
On
peut
aussi
voir
un
lien
entre ces deux
réalités dans
leur démarche,
teintée de quelque
lIagressivité"
: dans un cas comme dans l'autre, on perçoit de toute évidence
la volonté,
si besoin est,
d'imposer les lois de l'humanité à
l'Etat qui
ne s'y soumettrait pas de plein gré
1
transparaît
donc, en clair, une posture nettement interventionniste.
(67) ROOGIER, A. La théorie de l'intervention d'hUlanlté R.G.D.l.P. 1910, p. 472.

-
57
-
Plusieurs auteurs n'ont pas manqué de relever cette
parenté entre l'ancienne notion et la nouvelle.
Le Professeur
EI5EMANN
voit
dans
l'idée
de
droit
d'ingérence
humanitaire,
"un
concept
jumeau"
de
l'intervention
d'humanité
(68).
De
même,
M.
EDDINE-GHOZALI,
lit dans
les développements relatifs
à
l'ingérence
humanitaire,
le
même
discours
angélique
à
la
base
des
interventions
d'humanité
du
siècle
dernier,
l'ingérence
humanitaire
n'étant
qu'un
succédané
de
l'intervention d'humanité".
(69). Enfin, M.
SOREL voit quant à
lui dans l'intervention d'humanité "l'ancêtre direct"
(70)
du
droit
d'ingérence
humanitaire
revendiqué
aujourd'hui.
Toutefois,
malgré cette
indéniable
parenté des
deux notions,
quelques nuances peuvent être faites pour les différencier.
2 - Deux notions cependant distinctes
Au-delà
de
leur
commune
préoccupation
humanitaire,
il semble qu'il
faille tout de même distinguer l'intervention
d'humanité
de
"l'action
humanitaire"
internationale
contemporaine. Le Professeur BETTATI a proposé une distinction
de
ces
deux
institutions,
en
posant
deux
critères
le
but
poursuivi
et
les
moyens
employés.
Il
écrit
"elles
(les
interventions
d'humanité)
se
distinguent
des
opérations
d'''assistance
humanitaire"
de
deux
façons.
D'une
part
elles
mettent en oeuvre des
forces
armées
alors
que
les
secondes,
même
si
elles
font
parfois
participer
des
militaires,
n'en
déploient
qu'un
appui
logistique.
D'autre
part,
l'"intervention
d'humanité"
vise généralement à protéger les
nationaux
de
celui
qui
intervient
alors
que
l'"assistance
humanitaire" s'efforce de secourir toutes
les
victimes
sans
(68) EI5E11AH!l, P.M. op. cit. P. 75.
(69) GHOZALI, N.E. Heurts et lalheurs du devoir d'ingérence hUianitaire, in Revue Relations
Internationales et Stratégiques. 1991/3 P. 79.
(70) SOREL, J.M. op. cit. P. 102.

-
58 -
distinction,
y
compris
celles
de
leur
propre
gouvernement"
(11). Cet effort de distinction suggère quelques commentaires.
En
premier
lieu,
s'il
est
incontesté
que
les
interventions
d' humani té
du
siècle
dernier
ont
tou jours
été
des campagnes militaires,
on peut être plus réservé lorsqu'on
considère
l'élément
pacifique
comme
le
propre
de
l'action
humanitaire.
Le
recours
de
plus
en
plus
fréquent
à
la
logistique
militaire
n'est
pas
seulement
une
nécessité
matérielle compréhensible
pour
l'efficacité de
l'action
il
pose des problèmes en rapport avec la règle du non-recours à
la
force.
En
particulier,
on
doit
être
très
attentif
à
la
pratique
récente,
symbolisée
du
reste
par
les
opérations
"Provide Comfort"
au Kurdistan et
"Restore Hope"
en Somalie,
du
recours
à
la
force
armée
en
vue
d'assurer
l'action
humanitaire.
Evolution
qui
nous
ramène
à
grands
pas
vers
l'intervention d'humanité, même si elle est menée par l'O.N.U,
une intervention d'humanité autorisée en quelque sorte par la
communauté internationale organisée.
En
second
lieu,
pour
ce
qui
est de
la distinction
tirée
de
l'objet
des
deux
institutions,

encore
quelques
précisions
nous
semblent
nécessaires.
Lorsque
l'on
dit
en
effet de l'intervention d'humanité qu'elle vise à protéger les
nationaux
de
celui
qui
intervient,
c'est
en
avoir,
nous
semble-t-il,
une conception assez
restrictive
dans ce cas,
c'est confondre
pratiquement
l'intervention
d'humanité
et
le
sauvetage de ses nationaux à l'étranger en ayant recours à des
moyens
armés.
Or,
l'intervention
d'humanité
stricto
sensu,
telle qu'elle
a
été théorisée par la doctrine classique, "a
pour
objet
de
protéger
non
plus
les
nationaux
de
l'Etat
intervenant
mais
les
ressortissants
de
l'Etat
sur
le
territorial duquel l'intervention a lieu et
qui
apparaissent
(11) BETTATI, H. in le débat, p. 6. Ainsi que dans R.G.O.l.P., 1991/3, p. 645-646.

-
59 -
victimes
d'actes
contraires
aux
"lois
de
l'humanité".
(72).
L'indifférence
quant
à
la
nationalité
des
personnes
à
secourir,
loin
de
distinguer
l'intervention
d'humanité
et
l'action humanitaire, tend à les rapprocher.
Ce
qui
distingue,
à
notre
avis
l'intervention
d'humanité
de
l'ingérence
humanitaire
en
promotion,
c'est
principalement
la
nature
des
intervenants
alors
que
les
Etats
ont
le
monopole
de
l'action
dans
l'intervention
d'humanité,
l'ingérence humanitaire semble devoir être mise en
oeuvre
à
la
fois
par
les
Etats,
les
organisations
inter-
gouvernementales et les organisations non-gouvernementales.
8 - Droit
d'ingérence humanitaire et assistance
humanitaire.
Plus
qu'avec
l'intervention
d'humanité,
l'ingérence
humanitaire
semble
entretenir
avec
l'assistance
humanitaire
des
relations
de
synonymie qui,
en
réalité,
sont
plutôt des
relations de complémentarité.
1 - Une synonymie assez marquée des deux notions
Toute la question de l'ingérence humanitaire semble
se ramener,
en
fait,
au
problème de
l'assistance humanitaire
internationale.
Il
paraît,
en
effet,
que


l'on
voit
"devoir
d'ingérence"
ou
"droit
d'ingérence",
il
faudrait
plutôt
lire
"droit-devoir-d'assistance".
Pour
le
Professeur
BETTATI,
à
la
notion
de
"droit
d'ingérence",
"le
juriste
préférera
l'expression
"droit
d'assistance
humanitaire"
davantage
finalisée
et
moins
chargée
de
cette
subjective
et
implicite confrontation, au demeurant erronée, avec les normes
(72) SUDRE, F. Droit international et européen des droits de l'holle. Paris, P.U.F, Droit
Fondalental, 1989, P. 23.

-
60 -
de
l'anticolonialisme
que
sont
les
principes
de
"non-
intervention" et de "non ingérence""
(73). Le Docteur KOUCHNER
écrit, quant à lui, que "certains mots tournent mal,
d'autres
dépassent
leur
objet.
Le
droit
d'ingérence
s'impose
parce
qu'il
est
médiatique,
l'appellation
demeure
impropre
et
dangereuse.
Nous
préférerons
parler
du
"droit
d'assistance
humanitaire"
( ... )
Ce
n'est
pas
une
querelle
sémantique
mineure.
L'ingérence
évoque
la
force,
le
viol,
l'effraction,
alors que notre apport à la règle de droit vient d'une morale
de l'assistance, de la réponse à une demande, de l'écoute d'un
cri
( ... )
Nous
avons
trop
prononcé
le
mot
ingérence,
alors
qu'il
s'agissait
de
l'assistance
humanitaire,
née
de
la
compassion
et
autorisée
par
les
droits
de
l'homme"
(74).
L'intérêt
de
ces
analyses
réside
simplement
dans
le
fait
qu'elles
situent
la
question
de
l'ingérence
humanitaire
dans
un
cadre
connu,
donc
plus
serein,
dissipant
ainsi
les
malentendus
passionnels
occasionnés
par
l'usage
du
terme
"ingérence".
De
fait,
que
l'on
parle d'ingérence
humanitaire
ou
d'assistance
humanitaire,
le
champ
d'action
des
acteurs
est
exactement
le
même,
même
si
cette
question
du
champ
d'application
de
la
norme
en
promotion
est
de
celles
sur
lesquelles règne le plus grand flottement,
alors qu'il s'agit
d'une
question
capitale.
Le
champ
d'action
comprend
d'abord
les conf lits armés
internationaux et non
internationaux
;
il
déborde
cependant
ce
cadre,
pour
s'intéresser
à
toutes
les
si tuations qui
mettent
l'existence de
la personne humaine
en
péril brutal ou en difficultés extrêmes.
On peut s'interroger
sur
le
fait
de
savoir
s'il
est
réellement
souhaitable
d'appliquer
à
toutes
ces
situations
d'urgence
les
mêmes
principes, et si en tout cas l'élargissement du domaine de
(73) 8ETTATI, M. op. cit. R.C.D.l.P. 1991/3 p. 644
(74) KOUCHNER, 8. Le louvelent nUianitaire, in le débat, 1991, n' cité, p. 34.

-
61 -
l'action humanitaire est une garantie de son efficacité. Cette
perspective nous semble assez délicate ; comme le souligne le
Professeur DUPUY,
"il convient de distinguer les catastrophes
naturelles ou industrielles
(type Tchernobyl)
et les conflits
armés
(guerres
civiles,
guerres
de
libération
ou
révolutionnaires).
Les
réticences
des
gouvernements
autoritaires,
déjà
présentes
dans
le
premier
cas,
sont
à
l'évidence encore plus fortes dans le second"
(75).
Quoiqu'il
en
soit,
il
semble
que
l'unique
motivation
de
l'action
humanitaire soit la souffrance humaine,
indépendamment de son
origine
violences
collectives
ou
conflits
armés,
catastrophes
naturelles
ou
industrielles.
C'est
du
moins
ce
qu'exprime
l'intitulé de
la
résolution
43/131
de
l'Assemblée
Générale des Nations Unies en date du 8 décembre 1988, portant
"assistance
humanitaire
aux
victimes
des
catastrophes
naturelles et situations d'urgence du même ordre".
En ce qui
concerne
l'identification
des
catastrophes
naturelles,
la
tâche ne
nous
semble
pas
particul ièrement
ardue;
on
peut
en
effet
y
ranger
les
tremblements
de
terre,
les
éruptions
volcaniques,
les
inondations,
les
grandes
famines,
les
ouragans
violents,
les
épidémies
etc ...
si
le
cas
des
catastrophes
naturelles
ne
pose
pas de
problème particulier,
il
n'en
est
pas
de même
pour
"les
situations
d'urgence du
même
ordre"
notion
qui
présente
un
fort
degré
de
(75)
DUPUY, R.J. L'ingérence internationale jusqu'où? Le droit d'assistance huaanitaire, in Etudes,
janvier 1992, p. 16. De lêae, dans son rapport de l'année 1991 sur l'activité de l'organisation,
le secrétaire Général des Nations Unies propose égalelent de distinguer les deux situations :
"dans les situations d'urgence causées par la faline, les inondations, les trelblelents
de
terre ou la sécheresse, les secours internationaux sont lis sur pied à la delande de l'Etat ou
des Etats sinistrés et, de façon générale, ne suscitent pas de problèles d'ordre
juridique ou
politique. Dans les situations où une population est déchirée par la guerre ou sOUlise à
l'oppression, en revanche, l'action internationale soulève des problèles politiques délicats,
elige des loyens d'alerte rapide différents et doit être entreprise par décision d'un
organe cOlpétent des Mations Unies. Il serait peu judicieux d'assililer les deux types de
situation d'urqence".

-
62 -
malléabilité.
A leur sujet,
des
interprétations
assez
larges
ont été proposées (76). On devrait y voir seulement, semble-t-
il,
des situations qui
par
la soudaineté de
leur survenance,
par l'imprévisibilité de
leur ampleur,
par
l'immensité et
la
rapidité
des
investissements
exigés,
s'apparentent
aux
catastrophes
naturelles
catastrophes
industrielles,
accidents
nucléaires,
situations
d'urgence
radiologique
en
général.
Pourtant,
aux
situations
qui
sont
essentiellement
dues
à
l'impossibilité
ou
à
la
difficulté
pour
l'homme
de
maîtriser
des
phénomènes
dangereux,
il
a
été
ajouté
des
si tuations d'urgence
créées
par
l ' homme
(guerres),
voire des
situations
moins
urgentes.
On
peut dans
ce
sillage
évoquer
l'article
5
de
la
résolution
de
l ' Insti tut
du
droi t
international
sur
la
protection des
droits
de
l'homme
et
le
principe
de
non-intervention,
article
qui
se
présente
comme
une
tentative
de
réponse

des
phénomènes
qui,
malheureusement,
tendent
à
se
multiplier,
à
savoir
les
si tuations
d'extrême
détresse
de
populations
victimes
de
la
famine,
les
expulsions
arbitraires,
les
répressions
brutales
et massives,
les
bombardements
systématiques de populations
civiles"
(77).
En
somme,
le
problème
de
l'assistance
humanitaire finit par rejoindre la problématique globale de la
protection internationale des droits de l'homme.
L'ingérence humanitaire et l'assistance humanitaire,
par leur champ d'application, se ramènent à la
même chose. Ce
constat,
dont
on
a
souligné
l'apport
dans
le
sens
de
la
dissipation
des
malentendus
pouvant
résulter
du
terme
"ingérence",
est aussi décevant.
Car,
si tout
le problème de
l'ingérence humanitaire se ramène
à
l ' assistance humanitaire,
institution
classique
en
droit
international
humanitaire,
pourquoi toute cette effervescence théorique dans
la doctrine
juridique internationale, pourquoi tous ces débats passionnés?
(76) Voir IJOHESTrCr, M.J. op. cit. A.F.D.r. 1989, p. 135-136, note 70.
(77) A.I.D.r. 1990, p. 229.

-
63 -
N'y
a-t-il
pas
dans
l'assimilation
pure
et
simple
de
l'ingérence
humanitaire
à
l'assistance
humanitaire
une
attitude de repli,
une reculade devant l'hostilité rencontrée
par la norme en promotion ? Ce qui nous semble certain, c'est
qu'une
telle
assimilation
est
de
nature
à
enlever
à
l'ingérence humanitaire,
toutes
les
potentialités subversives
qui
sont
les
siennes.
Si
l'ingérence
humanitaire
se
ramène
purement
et
simplement
à
l'assistance
humanitaire
classique,
l'effort
de
recherche
devient
sans
utilité.
Dès
lors,
il
faudrai t
donner
raison
à
ceux qui,
à
l'instar
du
professeur
SUDRE,
ont
pu
écrire
que
le
devoir
d'ingérence
n'avait
d'intérêt que celui du poids des mots; ou remarquer comme le
fait
le
professeur TORELLI,
que
"la nouveauté est
en grande
partie
le
fait
d'une
ignorance
surprenante
des
réalités
juridiques. Le débat est devenu politique alors que le droit à
l'assistance
humanitaire
en
période
de
conflits
armés
est
reconnu depuis 1949 par les 168 Etats parties aux conventions
de
Genève"
(78).
Il
faut
dire
cependant
que
la
très
grande
similarité
de
l'assistance
humanitaire
et
de
l'ingérence
humanitaire ne va pas
jusqu'à une identité totale d'objectif.
A ce sujet,
il faudrait dire que les deux notions sont plutôt
complémentaires.
2 -
L'ingérence humanitaire. instrument de
l'efficacité de l'assistance hnmanitaire
Le
discours
relatif
à
l'ingérence
humanitaire
n'a
pas
véritablement
pour
objectif
la
reconnaissance
de
l'assistance humanitaire
internationale qui,
en tout état de
cause,
existe
déjà.
Il
vise
à
la
reconnaissance
d'un
droit
d'assistance
humanitaire
incorporant
à
la
fois
le
droit
de
recevoir une telle assistance pour les victimes et le droit de
la donner pour les secouristes.
L'objectif ultime réside dans
le souci de renforcer
l'effectivité
d'application
du
droit
(78) TORELLI, H. op. cit. p. 240.

-
64 -
international
humanitaire
et
dans
la
volonté
d'adapter
ou
d'élargir ce droit à des situations nouvelles que celui-ci ne
couvrait formellement pas à
l'origine.
si
l'on considère
la
résoluti"_1
sur
la
reconnaissance
du
devoir
d'assistance
humanitaire
et
du
droit
à
cette
assistance
adoptée
par
la
première
Conférence
Internationale
de
Droit
et
Morale
Humanitaire tenue à Paris en 1987,
il Y est déclaré que "les
règles
du
droit
international
humanitaire
ne
sont
qu'insuffisamment
respectées
et
ne
concernent
qu'une
partie
seulement des situations d'urgence"
: de même, il est constaté
que
"de
très
nombreuses
victimes
ne
bénéf icient
d'aucun
reg1me
de
protection
humanitaire
et
(que)
jusqu'à
ce
jour
l'assistance
humanitaire
ne
constitue,
dans
beaucoup
de
situations,
ni un droit des victimes,
ni une obligation à
la
charge des Etats"
;
il s'ensuit que pour les participants au
forum,
"les
Etats doivent s'engager à respecter pleinement le
libre
exercice
du
droit
des
victimes
à
bénéficier
effectivement de l'assistance
humanitaire" (79).
Ainsi
présentée,
la
question
de
l'ingérence
humanitaire
n'est
pas
réductible
à
l'assistance
humanitaire
traditionnelle. Alors que cette dernière,
pragmatique, est une
action
coopérative
avec
l'Etat
ou
les
Etats
concernés,
l'assistance
humanitaire
actuelle
se
veut,
si
besoin
est,
affranchie
de
cette
obligation
de
coopérer
et
souhaite
s'imposer aux
Etats (80).
Dès
lors,
le
droit
d'ingérence
(79) Le texte de la résolution figure en annexe du livre "Le devoir d'ingérence". Denoël, 1987,
p. 191-
(80) C'est bien ainsi que le professeur BETTATI présente la question. L'assistance hUianitaire
internationale "n'est pas toujours à l'aise dans le cadre juridique international actuel (.•• )
en ce qu'il subordonne l'apport d'aide extérieure à l'acquiescelent préalable de l'Etat
territorialelent souverain. C'est la raison pour laquelle il convenait d'obtenir la consécration
aussi large que possible d'un droit d'assistance hUianitaire". Voir Ingérence hUlanitaire et
délocratisation du droit international. Le Trilestre du Honde, 1er trilestre 1992, p. 28.

-
65 -
humani taire
devient
une
étape
supplémentaire
en
matière
d'assistance
humanitaire
internationale
;
c'est
le
bras
séculier de cette dernière en ce sens qu'il
pourrait avoir à
se mettre en oeuvre,
s'il est
formellement
consacré de
façon
générale,
en
cas
d'obstacles
mis
au
bon
déroulement
de
l'assistance
humanitaire.
Selon
l'heureuse
formule
de
Mme
DOMESTICI,
"le
droit
d'ingérence
serait
une
norme
de
substitution pour le cas où les obligations du sujet passif du
droi t
d'assistance ne sont
pas remplies.
Ce serait le droit,
pour
les
organismes
de
secours
quels
qu' i Is
soient,
d'agir
sans
sollicitation,
ni
consentement"
(81).
Du
moment
qu'on
l'aborde
de
cette
manière,
le
droit
d'ingérence
humanitaire
est,
de toute évidence,
un sujet valable de débat
juridique.
Il
pose la
question des
possibilités offertes aux organismes
de secours pour assurer,
en toute licéité,
un accomplissement
effectif et efficace de l'action humanitaire internationale.
La distinction entre l'ingérence humanitaire et les
concepts voisins
étant
faite,
il nous revient de
préciser la
nature de la norme en promotion.
Paragraphe 2 - La Nature intrinsèque du droit d'ingérence
humanitaire : faculté ou obligation positive
d'agir ?
Le
droit
d'ingérence
humanitaire
n'est
pas
d'une
analyse facile
pour le positiviste,
tant ce problème est une
imbrication
inextricable
d'exigence
morale
et
d'obligation
juridique.
Bien que
la
formulation employée dans
le cadre de
cette
étude
fasse
ressortir
une
préférence
pour
le
terme
"droit d'ingérence", il
reste
toutefois
à
étudier
l'usage
(81)
OOMESTICI-HET, M.J. op. cit. A.F.D.!. 1989, p. 125

-
66 -
alternatif
des
termes
"droit
d'ingérence"
et
"devoir
d'ingérence",
qui
ne
comportent
pas
absolument
des
conséquences identiques sur le plan du droit.
L'étude
de
la
question de l'ingérence humanitaire démontre par ailleurs que
transparait,
dans
les débats autour de celle-ci,
une volonté
de
transposer
en
droit
international
le
délit
de
non-
assistance à personne en danger existant dans certains ordres
juridiques internes.
A - L'ingérence humanitaire entre le droit et le
devoir.
Se poser
la question de savoir si
l'ingérence peut
être analysée en termes
de
"droit" ou de
"devoir"
ne relève
pas,
contrairement à
l'impression qu'on
peut avoir a
priori,
d'un débat de sémantique mineur.
Les concepts de droit et de
devoir sont, en effet, parmi les notions de base de la matière
même du droit ;
ils ont un contenu identifiable et des effets
repérables
en
termes
d'action,
d'abstention,
d'exigence,
d'obligation,
etc.
Aborder
ainsi
le
problème
de
l'ingérence
humani taire comme
un droit
ou comme un devoir
n'est pas,
en
soi, indifférent.
Aux premiers temps de l'introduction de la question
dans
le
débat
intellectuel
en
général,
et
juridique
en
particulier,
il
pouvait
apparaître
que,
sauf
pour
certains
auteurs
(82)
l'utilisation
des
termes
"droit d'ingérence"
ou
"devoir
d'ingérence"
relevait
d'une
sorte
de
facilité
terminologique,
d'un
discours
de
convenance,
la
commodité de
langage l'emportant largement sur
la
rigueur
juridique.
Il
(82) On peut relever, par exelple, que le Professeur BETTATI elploie plus fréquellent le terle "droit
d'ingérence". Pour repérer cette relative fréquence, voir les contributions successives in : Le
Monde Diplolatique, Av. 1980, in le Devoir d'ingérence, Denoël, 1987, p. 23, in le débat, n' 67,
novelbre-décelbre 1991, p. 3 i in R.G.D.I.P. 1991/3 p. 639 i in le Trilestre du Monde, 1er
trilestre 1992, p. 23 etc.

-
67 -
s'agit, en somme, d'exprimer simplement l'idée de passer outre
à
l'éventuelle opposition de
l'Etat dont
les populations ont
besoin
d'aide
humanitaire
(83).
Pourtant,
malgré
cet
usage
souvent embrouillé des termes, on peut repérer quelques lignes
de partage, et tenter une clarification juridique. La première
ligne
de
partage,
c'est
la
distinction
de
l'éthique
et
du
droit ; il semble en effet,
qu'on ait eu tendance à parler de
"devoir d'ingérence"
ou de "droit d'ingérence" selon que l'on
voulait
exprimer
seulement
une
exigence
d'ordre
éthique
ou
formaliser
une
prérogative
de
nature
juridique
le
devoir
relèverait
de
la
morale,
de
l'appel
du
coeur
et
de
la
conscience,
le
droit
seul
pouvant
exprimer
une
situation
juridique
claire.
Le
Doyen
BETTATI
écrit
que
"délibérément
provocatrice,
l'expression
"devoir
d'ingérence"
désigne
une
attitude éthique"
(84). M.
LINARD écrit quant à lui que "c'est
à
être
plus
que
nous
invite
l'exigence
d'un
devoir
d'ingérence"
(85).
Le
Professeur
TORRELLI
estime
également
qu'"en attendant la reconnaissance de leur action (O.N.G.),
le
devoir d'ingérence est un impératif moral" (86).
Si
la
ligne
de
partage
entre
l'éthique
et
le
juridique
qui
précède
n'est
pas
inintéressante,
l'analyse
juridique
ne
saurait
s'en
contenter
d'abord
parce
que
le
moral et le
juridique ne sont pas absolument inconciliables :
très
souvent,
sinon
en règle
générale,
le
droit consacre
ce
que
la
société
juge
moralement
bon
à
une
étape
de
son
développement et le sanctionne.
De plus,
la notion de devoir
n'est pas réductible à un concept significatif d'une
attitude
(83) Voir KOOCBHER, B. Le lalheur des autres. Paris, O. JACOB, 1991, 341 p. Ce serait une grave
erreur pour le juriste que de vouloir prendre, dans leur sens juridique plein, les notions de
droit d'ingérence ou de devoir d'ingérence qui sont utilisées d'un bout à l'autre de l'ouvrage,
à propos de situations extrêlelent variées.
(84) BETTATI, op. cit. Le débat, p..... et aussi, R.G.D.I.P., 1991/3 p. 643.
(85) LIHARD, A. Hon-assistance à peuple en danger, in la revue nouvelle, 1989, n' 12, p. 16.
(86) TORRELLI, M. De l'assistance à l'ingérence hUianitaire ? in R.r.C.R. n' 795.

-
68 -
essentiellement
éthique.
Donc
au-delà
du
clivage
éthique-
droit,
il
faut
davantage
s'intéresser
à
la
question
des
créanciers
et
des
débi teurs
d'un
éventuel
droi t
d'ingérence
humanitaire.
1 - L'imparfait droit des victimes à l'assistance
humanitaire.
Selon
la
définition
du
Professeur
COMBACAU,
"un
droi t,
en
droi t,
c'est
une créance sur un débiteur,
dont
le
créancier
peut
légalement
réclamer
le
respect
et
pour
la
garantie
de
laquelle
il
dispose
de
voies
légales"
(87).
L'assistance humanitaire peut être considérée comme un droit,
pour
les
personnes
qui
souffrent
et
qui
ne
peuvent
trouver
assistance auprès de leurs pouvoirs publics, de demander et de
recevoir
une
telle
assistance
de
la
part
de
secouristes
extérieurs,
quelle que soit leur nature.
Dire qu'il existe un
droit
à
l'assistance
humanitaire,
c'est
impliquer
nécessairement
qu'il
existe,
pour
tous
ceux
qui
peuvent
la
fournir,
un
devoir
positif
qui
n'est
pas
simplement
un
impératif moral,
mais une obligation de faire ferme.
Le droit
à
l'assistance serait alors
un droit erga omnes qui appelle,
éventuellement, un devoir universel d'ingérence.
Le sujet qui,
pouvant assister des personnes en souffrance, s'abstient de le
faire,
se
rend
coupable
d'un
acte condamnable.
C'est

une
présentation
qui,
si
elle
venait
à
être
adoptée,
serait
proprement
révolutionnaire
en
droit
international.
Il
semble
que
ce
n'est
pas
la
direction
choisie
et
que
l'aide
humani taire est davantage perçue comme une
faculté
de donner
pour
les
dispensateurs
de
l'aide
que
comme
un
droit
de
recevoir.
A partir de la définition du Professeur COMBACAU,
il
est
difficile
de
parler
véritablement
de
l'assistance
(87) COMBACAU, J. Souveraineté et non-ingérence: in le devoir d'ingérence. Denoél, Paris 1987,
p. 229.

-
69 -
humanitaire comme d'un "droit" des victimes. si
le
titulaire
du droit est clairement identifié
(la victime),
si l'objet du
droit est tout aussi identifiable (la fourniture des biens de
première
nécessité
en
situation
d'urgence),
si
enfin
le
débiteur de
la
prestation
est
identifiable
(l'obligation
est
une
obligation
erga
omnes),
il
n'existe
pas
en
revanche
de
protection
du
droit,
aucune
sanction
de
celui-ci
n'étant
organisée.
Le
"droit"
des
victimes
à
l'assistance
est
finalement
assez
théorique,
faisant
l'objet
d'une
jouissance
largement passive pour son titulaire.
Le droit à
l'assistance
humanitaire reste à
conquérir,
il
n'est pas encore devenu un
véritable droit de l'homme.
2 - L'imparfait devoir des secouristes extérieurs
d'assister les victimes
Dans cette perspective,
du
droit à
l'assistance
on
passe
au
droit
d'assistance.
Dire
qu'il
existe
un
droit
d'assistance,
cela
signifie
que
les
dispensateurs
extérieurs
de l'aide humanitaire ont, à
défaut d'obligation positive, au
moins un titre les autorisant à secourir,
quand ils le jugent
nécessaire
et
possible,
des
populations
sinistrées
ou
en
danger de mort ; c'est une prérogative dans la
mise en oeuvre
de
laquelle
le
titulaire
jouit
d'une
large
marge
d'appréciation,
voire d'un pouvoir discrétionnaire.
Toutefois,
alors que le dispensateur de l'aide humanitaire n'est en rien
tenu
de
la
donner,
l'Etat
sur
le
territoire
duquel
les
populations
souffrent
connait
une
obligation
négative,
tout
comme
les
Etats
voisins,
à
savoir
l'obligation
de
ne
pas
entraver
l'acheminement
de
l'aide
humanitaire.
Cette
obligation
négative
peut
même
se
transformer
en
obligation
positive
faciliter
autant
que
faire
se
peut
l'action
humanitaire
entreprise.
La
doctrine
semble
préférer
cette
deuxième
analyse
de
l'ingérence
humanitaire.
be
l'avis
du
Professeur
DOMESTICI,
"la
norme
devient
plus
facile
à
construire
avec
peu
de
débiteurs
essentiellement
l'Etat
territorial,
accessoirement
les
voisins
immédiats
pour
le

-
70 -
transit.
Il
s'agirait
alors,
non
plus
d'un
droit
à
l'assistance humanitaire,
opposable
à
tous
les
Etats,
mais
d'un droit des organismes de secours à
dispenser ceux-ci aux
victimes" (88).
Toutefois, force est de constater que d'un point
de
vue
purement
pratique,
le
devoir
et
le
droit
d'ingérence
aboutissent
à
des
conclusions
semblables,
l'aide
humanitaire
dans l'un et l'autre cas étant totalement discrétionnaire pour
celui
qui
l'initie.
si
l'on
veut
en
effet
résumer
le
raisonnement
mené
sur
les
créanciers
et
les
débiteurs
de
l'ingérence
humanitaire,
on
peut
distinguer
trois
catégories
de protagonistes :
D'abord
les
victimes
du
conflit
armé
ou
de
la
catastrophe naturelle
;
elles n'ont que des droits,
à
savoir
le droit d'être prises en charge par leur Etat territorial ou
par
les
factions
en
lutte
contrôlant
des
portions
de
territoire
ou,
à
défaut de
l'intervention de
celui-ci
ou de
celles-là, le droit de bénéficier de secours extérieurs (89).
Viennent
ensuite
les
secouristes
extérieurs
Etats,
organisations
internationales
intergouvernementales
ou
non gouvernementales.
Ceux-ci ont à
la
fois un droit ou une
faculté de secourir les victimes et une obligation de le faire
en cas de non-assistance de la part de l'Etat local
;
il Y a
ici un mélange de faculté et d'obligation, en quelque sorte un
devoir
facultatif,
un
devoir
imparfait
c'est-à-dire
une
obligation
dont
le
non-accomplissement
n'emporte
qu'une
réprobation morale.
(88) OOIIESTICI-MET, M.J. Aspects juridiques récents de l'assistance bUianitaire. A.F.D.L 1989,
p. 195.
(89) Haturellelent, parler de "droits" des victiles ici ne s'inscrit que dans une logique de
cohérence de la délonstration. Cela ne relet pas en cause l'ilperfection relevée plus baut du
"droit" des victiles à l'assistance bUianitaire.

-
71 -
-
Enfin,
il
y
a
l'Etat territorial
ou les factions
en lutte et, éventuellement, les Etats
voisins. Ces
derniers
n'ont
que
des
obligations.
soit,
pour
le
premier
groupe,
l'obligation
de
pourvoir
aux
besoins
des
victimes
du
drame
survenu
sur
le
territoire
ou,
en
cas
d'incapacité,
l'obligation de ne pas entraver voire de
faciliter
l'action
des
assistants
extérieurs
;
soit,
pour
les
Etats
voisins,
l'obligation de faciliter le transit des assistants extérieurs
dans
leurs
limites
territoriales
pour accéder aux victimes
à
l'intérieur de l'Etat affecté ou des
zones contrôlées par les
parties en conflit.
Tous ces développements sur l'assistance humanitaire
en tant que devoir ou en tant que droit marquent les
limites
de la transposition en droit international public du délit de
non-assistance à personne en danger connu en droit interne.
B - Vers une transposition du délit de
non-assistance à personne en danger en droit
international public ?
Lorsque
l'on
suit
attentivement
la
logique
du
discours
autour
du
droit
d'ingérence
humanitaire,
il
transparaît
de
façon
sourde
ou
expresse
une
préoccupation
lancinante
la volonté de transposer en droit international,
dans
les
relations
d'Etat
à
Etat,
de
peuple
à
peuple,
l'obligation d'assistance
à
personne
en
péril
existant
en
droit
interne.
Une
fois
de
plus,
il
s'agit
de
rejeter
le
principe
de
non-ingérence,
assimilé
à
une
sorte
de
droit
d'être indifférent devant le malheur des autres,
pour adopter
un droit d'ingérence considéré lui comme l'obligation de non-
indifférence.
Cette
perspective
intellectuelle
existe
déjà
dans
la
doctrine,
et
cela
depuis
quelques
années
déjà.
En
1980, le professeur BETTATI écrit qu'''il est des situations où
la non-ingérence vaut non-assistance à
personne en danger de
mort ou à
peuple en voie de génocide
( ... ).
La tentation est

-
72 -
grande
de
proclamer,
en
matière
de
droits
de
l'homme,
non
seulement le droit mais aussi le devoir d'intervention civile
et
humanitaire,
au
secours
des
individus
en
péril
et
des
populations menacées"
(90).
Un autre auteur s'interroge:
"le
droit interne cannait
le délit de
non-assistance à personne
en
danger
n'y
a-t-il
pas
lieu
d'introduire
dans
le
droit
international
la
notion
de
"non-assistance
à
peuple
en
danger"?
Beaucoup considèrent en
tout cas
que cette exigence
existe
au
plan
éthique,
à
défaut
d'être
reconnue
juridiquement"
(91).
Inaugurant
les
assises
de
la
Conférence
sur la Sécurité et la Coopération en Europe, à Paris le 30 mai
1989,
le
Président
de
la
République
française
affirme
également
que
"l'obligation
de
non-ingérence
s'arrête
à
l'endroit précis où nait le risque de non-assistance".
Enfin,
et
plus
directement
rattachée à
la
problématique
qui
est
la
nôtre,
un
auteur
exprime
l'opinion
sui vante
"comment
concilier en droit un impératif politique suprême -
la
pleine
indépendance de
l'Etat
nation -
et une exigence morale
le
désir de sauver des milliers d'hommes menacés d'extermination
?
Toutes
choses
égales,
il
s'agit
de
transposer
sur
le
terrain international
l'article 63 du code pénal français qui
réprime la non-assistance à personne en danger" (92).
L' obj et de notre propos à
ce moment de
l'étude est
de rechercher précisément comment on pourrait transcrire dans
l'ordre
juridique international
le délit de non-assistance du
code
pénal
français.
C'est
là,
on
le
voit,
une
question
nouvelle à soumettre à l'analyse du droit pénal international,
aujourd'hui
presqu'entièrement
dominée
par
la
problématique
des infractions les plus
graves,
les
crimes
internationaux
(90) BETTATI, H. Les Nations Unies devant la non-ingérence et les droits de l'bo.le : Le devoir
d'assistance à peuples en danger, in Le Monde diplolatique, avril 1980.
(91) LINARD, A. op. cit. p. 13.
(92) SATCBIVI, F. La règle de l'ingérence hUianitaire en droit international, in L.P.A., 7 février
1992, n' 17, p. 17.

-
73 -
tels qu'ils
ressortent des travaux de
la Commission du Droit
International
des
Nations
Unies
sur
la
responsabilité
internationale des Etats et sur les crimes contre la paix. La
difficulté de
la question est alors
plus qu'évidente,
compte
tenu des difficultés de la pénalisation du droit international
en général.
Une remarque doit être faite sur la contradiction
qu'il pourrait y avoir entre l'objectif visé par la volonté de
consacrer
le
délit
de
non-assistance
à
peuple
en
danger
en
droit
international,
et
les
obligations
concrètes
qu'impliquerait
pour
certains
Etats
vis-à-vis
d'autres,
l'énonciation positive de la règle.
En effet,
l'objectif visé
par
la
transposition
proposée
du
délit
de
non-assistance
en
droi t
international,
c'est
de
faire
obstacle
au
principe
de
non-ingérence,
c'est
de
faciliter
les
possibilités
d'intervention
humanitaire.
L'objectif
poursuivi
est
l'imposition
des
secours
humanitaires
et
non
l'imposition
d'une obligation d'assister les peuples en danger.
Il y a là,
une
contradiction
importante
qu'on
ne
peut
éluder.
Nous
aborderons d'abord des considérations générales liées au délit
de non-assistance à personnes en danger en droit interne et à
la
transposition
des
règles
de
droit
privé
en
droit
international public.
Après quoi,
nous verrons
les conditions
de possibilité d'une
inscription de
l'obligation d'assistance
à peuple en danger en droit international.
1 - Considérations Générales
Le
délit
de
non-assistance
à
personne
en
danger
n'est
pas
entré
facilement
dans
le
droi t
positif
en
droit
interne. Une analyse de l'institution s'impose, sans prétendre
à la complétude.
a
-
Logique et contenu de l'obligation d'assistance
du code pénal français.
Aux
termes
de
l'article
63
du
code
pénal
français
(Loi du 13 avril 1954) :

-
74 -
"1) Sans préjudice de l'application,
le cas échéant,
des peines plus fortes prévues par le présent code et les lois
spéciales,
sera puni d'un
emprisonnement de trois
à
cinq ans
et d'une amende de
360 F à
15000 F,
ou de
l'une de ces deux
peines seulement,
quiconque,
pouvant
empêcher
par
son
action
immédiate,
sans
risque
pour
lui
ou
pour
les
tiers,
soit
un
fait
qualifié
crime,
soit
un
délit
contre
l'intégrité
corporelle
de
la
personne,
s'abstient
volontairement
de
le
faire.
"2)
Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient
volontairement de porter à
une personne en péril l'assistance
que,
sans
risque pour lui
ni
pour
les
tiers,
il
pouvait lui
prêter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un
secours".
L'obligation d'assistance contenue dans cet article,
et notamment dans son alinéa 2, est un devoir moral de charité
à
l'égard
d'autrui
imposée
par
le
droit.
D'inclination
naturelle
de
l'homme envers son
prochain,
la charité devient
un
devoir
juridiquement
sanctionné
(93).
En
droit
interne
français donc,
l'indifférence,
la passivité d'un individu qui
ne peut être
justifiée aux yeux de
la loi
face au péril qui
menace dangereusement la vie d'une personne, est condamnée par
la
loi
pénale.
Trois
éléments
composent
la
faute
de
non-
assistance
à
personne
en
danger
le
péril,
le
secours,
l'abstention volontaire.
La
personne à
secourir doit
être en
situation
périlleuse
:"
l'état
de
péril,
c'est
un
état
dangereux,
c'est une situation critique qui
fait
craindre de
graves conséquences pour la personne qui y est
exposée,
elle
(93) Voir SALVAGE, Ph. Les abstentions délictueuses. Juris classeur Pénal, articles 62-63 1991 ;
APPLETON, A. L'abstention fautive en latière délictuelle, civile et pénale. R.T.D.C., 1912,
p. 593 et MAYER, D. La "charité lesurée" de l'article 63 alinéa 2 du code pénal J.C.P., 1977,
1, 2851.

-
75 -
risque
soit
de
perdre
sa
vie,
soit
des
blessures,
soit
une
altération
grave
de
sa
santé"
(94).
L'origine
du
péril
est
indifférente; ce peut être le fait de la personne à secourir,
le fait d'un tiers,
un accident,
une cause naturelle,
etc.
Le
péril
ne
doit
pas
être
imaginaire
ou
lointain,
ou
seulement
probable.
Il doit être certain, et surtout imminent.
En ce qui
concerne
les
personnes
obligées
de
secourir
un
individu
en
danger, il n'y a pas de distinction a priori: toute personne,
ayant connaissance du péril,
est tenue de
porter secours.
La
seule
limite
réside
dans
des
conditions
évidentes
et
objecti ves d' apti tude
à
l'impossible nul
n'est tenu.
En ce
qui
concerne
l'assistance
apportée,
la
question
de
son
efficacité
réelle
semble
indifférente.
Il
suffit
que
le
secouriste ait déployé tout ce qui était en son pouvoir pour
aider la personne en péril,
étant entendu que,
le secouriste
n'a pas à
s'exposer à des
risques pour sa propre vie.
si
la
règle de l'article 63 alinéa 2 interdit l'indifférence devant
la
souffrance
d'autrui,
elle
n'impose
pas
en
revanche
des
attitudes héroïques.
Enfin,
l'abstention
délictueuse
doit
être
volontaire. C'est pratiquement l'élément le plus important.
Il
faut
que,
placé
dans
des
conditions
telles
qu'il
a
connaissance du péril encouru par une autre personne, et qu'il
peut
lui
apporter
l'aide
sans
risque
pour
lui-même,
le
secouriste
éventuel
refuse
volontairement
de
le
faire.
En
effet,
"par
ses
éléments
constitutifs,
l'incrimination
se
réfère
uniquement
à
la
psychologie
et
à
l'état
d'esprit
de
celui
qui
refuse
le
secours"
(95)
Une
telle
recherche des
intentions
est
très
délicate
et
le
juge
doit
se
montrer
particulièrement prudent en la matière.
(94) SALVAGE, Ph. op. cit.
(95) HAYER, D. op. cit.

-
76 -
L'obligation
d'assistance
à
personne
en
danger,
reposant
sur
l'idée
de
charité
et
de
solidarité
interindividuelle
dans
une
société
intégrée,
la
société
étatique,
est
une
obligation
positive
dont
le
non-
accomplissement est sanctionné par des
tribunaux et par tout
l'appareil
institutionnel
de
protection
des
normes
civiles.
Une
telle
institution
peut-elle
être
transposée
en
droit
international
public
?
Avant de
répondre
à
la
question,
une
présentation générale du problème de la transposition en droit
international des règles de droit privé s'impose.
b - L'usage des concepts de droit privé en droit
international public.
La
matière
du
droit
international,
par
rapport
à
certaines
autres
branches
du
droit,
et
notamment
du
droit
privé
(civil
et
pénal),
est
une
discipline
récente.
Il
est
donc presque fatal que, par le procédé de l'analogie, l'on ait
eu tendance à
introduire
les concepts de droit privé dans la
matière du
droit
public
international,
non
sans
difficultés.
Car, comme l'écrit Mme FURET,
"le droit privé est aujourd'hui
à
peu
près
universellement
codifié,
et
codifié
selon
des
règles,
des
procédés
techniques
qui
varient
d'une
nation
à
l'autre.
Il
y
a

un
obstacle
majeur
à
leur
transposition
dans le droit international" (96). Dès lors, pour l'auteur,
le
mode de
réception
des
concepts
du
droit
privé
par
le
droit
international,
c'est
le
détour
par
ces
principes
juridiques
reconnus par
les
Nations civilisées dont traite
l'article
38
du statut de la Cour Internationale de Justice
: "Parce qu'ils
sont
fondés
sur des
notions
générales
admises dans
tous
les
pays, telles que l'idée de justice ou le
besoin
d'ordre,
on
(96) FURET H.F. L'application des concepts du droit privé en droit international public R.G.D.I.P.,
1964, p. 888.

-
77 -
peut
leur
reconnaître
une
portée
universelle."(97).
L'auteur
analyse
l'application
des
concepts
du
droit
privé
en
droit
international
en
prenant
pour
exemples,
les
obligations
d'origine conventionnelle et extra-conventionnelle
(formation,
effets et extinction),
l'exercice des droits par les sujets du
droit
international,
la
responsabilité
internationale
et
la
sanction
judiciaire
des
droits.
A chaque
fois,
il
est
fait
état des difficultés et des résistances opposées à
l'insertion
d'institutions du droit privé en droit international, comme en
témoignent
les controverses soulevées sur
le point
de
savoir
si la théorie des vices du consentement devait être transposée
en
droit
international.
Au
terme
de
son
analyse,
l'auteur
aboutit
à
des
conclusions
qui
sont
précieuses
pour
notre
étude.
D'une part,
la similitude de vocabulaire pour désigner
certaines
institutions
règles
ne
saurait
masquer
les
différences de contenu.
Ensuite,
"les règles qui régissent les
relations
des
individus
entre
eux
ne
peuvent
être
les mêmes
que celles qui président aux rapports entre Etats".
Enfin,
le
caractère décentralisé de l'ordre international qui relativise
la transposition de beaucoup d'éléments tirés du droit privé.
(98).
Pour
l'essentiel,
ces
constatations
concernent
l'obligation
d'assistance
à
personne
en
danger
dont
la
transposition en droit international est actuellement promue.
2 - Les difficultés de la transposition en droit
international de l'obligation d'assistance à
personne en danger
Transformer
le
devoir
d'assistance
à
personne
en
danger en un devoir d'assistance à peuple
en
danger
suppose
(97) FURET H.F. L'application des concepts du droit privé en droit international public R.G.D.I.P.,
1964, p. 889.
(98) Idem, p. 915

-
78 -
des
conditions
morales,
psychologiques
et
structurelles
dont
il
n'est pas certain que
l'ordre
juridique international
les
remplisse
aujourd'hui.
On
peut,
au
surplus,
douter
de
la
volonté
réelle
d'instituer
une
obligation
d'assistance
à
peuple en danger aujourd'hui, quand on connait les déconvenues
rencontrées
par
la tentative d' insti tuer un devoir d'aide
au
développement des pays les plus pauvres.
a - Les difficultés inhérentes à l'environnement
d'application de la règle.
De l'avis de M.
SATCHIVI,
la transposition en droit
international public de l'obligation d'assistance de l'article
63
du code pénal
français
"implique
l'intervention d'un
Etat
dans
les
affaires
intérieures
d'un
autre
Etat
souverain
si
certaines circonstances
l'imposent
c'est
le cas
lorsque
le
chef d'un Etat pour des motifs politiques ou idéologiques fait
emprisonner,
disparaître,
torturer
voir
tuer
ses
opposants
sans que les autorités judiciaires du pays n'aient rien à leur
reprocher."(99).
Comme
autres
circonstances,
l'auteur
mentionne
les
cas de
famine
grave,
les
guerres
entre
Etats,
pour
justifier
l'intervention
d'une
tierce
puissance.
On
ne
saurait
voir
dans
l'octroi
d'un
droit
d'intervention
unilatéral aux Etats,
une transposition en droit international
de l'obligation d'assistance à
personnes en danger.
Ce que M.
SATCHIVI propose ni plus ni moins,
c'est la restauration pure
et
simple,
en
tant
que
droit,
de
l'intervention
d'humanité.
Dans
le
droit
interne,
l'assistance
est
un
droit
de
la
personne en péril d'être secourue, ce n'est pas un droit de la
personne
qui
porte
secours.
L'analyse
de
M.
SATCHIVI
montre
l'édulcoration excessive,
presque la dénaturation, que devrait
subir
l'obligation
d'assistance
pour
rentrer
dans
l'ordre
international.
( 99) SATCBIVI, F. op. cH. p. 18.

-
79 -
Pour
que
cette
obligation
intègre
véritablement
l'ordre
international,
il
faudrai t
que,
au-delà
de
la
rhétorique
pourvoyeuse
de
bonne
conscience,
la
solidarité
internationale soit un fait plus réel. Or,
s'il est vrai que,
compte
tenu
de
la
médiatisation
très
grande
de
la
vie
internationale,
le
monde
est
aujourd'hui
un
vaste
village
planétaire,
on
peut
douter
de
ce
que
la
communauté
internationale
soit
autre
chose
qu'un
mythe
(100) .
La
médiatisation emporte certes une connaissance plus rapide des
problèmes
qui
assaillent
des
mondes
lointains
au
sien.
toutefois,
la Société internationale reste,
composée d'entités
souveraines
malgré
l'essor
du
phénomène
transnational,
l'essentiel des relations
interindividuelles transite par les
Etats. La charité, dans l'ordre international, est d'abord une
charité entre Etats, avant d'être une charité entre individus.
Or,
cette
charité
est
mesurée
à
l'aune
d'intérêts,
de
stratégies,
de
considérations
politiques.
C'est
une
charité
libre,
qui
n'est
imposée
par
aucune
règle
contraignante,
en
matière humanitaire en tout cas. La Société internationale n'a
pas d'institutions pouvant statuer sur le non-accomplissement
d'un
éventuel
devoir
d'assistance,
qui
demeurerait
ainsi
un
devoir
imparfait.
Il
resterait
d'ailleurs
à
déterminer
les
Etats
sur
lesquels
pèse
l'obligation d'assistance.
C'est une
obligation
qu'on
peut
dire
erga
omnes,
concernant
tous
les
Etats
tout
Etat
serait
tenu
d'apporter
son
secours
à
un
autre dont la population souffre, si toutefois ce dernier n'y
trouve
pas
d'inconvénient.
Cependant,
le
réalisme
invite
à
penser
que,
compte
tenu de
la
configuration
actuelle
de
la
société
internationale,
une
telle
obligation
pèserait
naturellement sur certains pays,
les plus riches et les plus
puissants,
les plus pauvres et les plus faibles en étant les
bénéficiaires naturels. C'est peut-être
sur
cet
aspect
des
(100) DIlPIJY1 R.J. La Couunauté internationale entre le Iythe et l'histoire.
Paris, Econolica,
1986, 182 p.

-
80 -
choses,
plus que sur un autre,
que
l'obligation d'assistance
pourrait
avoir
des
difficultés
à
intégrer
l'ordre
international,
compte tenu des expériences relatives à
l'aide
au développement.
b - Des difficultés illustrées par des expériences
décevantes.
Si l'on transpose l'obligation d'assistance en droit
international,
il
y
a
fort
à
parier
que
le
problème
de
l'assistance
humanitaire
d'urgence,
abstraction
faite
des
éventuelles entorses à la souveraineté des Etats territoriaux,
accomplira
au
profit
des
Etats
du
tiers
monde,
ce
que
les
politiques d'aide
au développement
n'arrivent
pas
à
réaliser
depuis
plusieurs
décennies.
L'urgence
humanitaire,
dans
beaucoup de ces Etats étant pratiquement permanente, c'est sur
les Etats développés, du fait précisément de leur état avancé
de développement,
que
pèserait
pour
l'essentiel
l'obI igation
d'assistance.
Or,
l'expérience
de
l'assistance
au
développement n'est pas particulièrement concluante.
Les Etats
développés n'ont jamais considéré leurs obligations en matière
d'aide autrement que comme des
servitudes auxquelles ils ont
consenti
et
non
comme
un
devoir
d'assistance
existant
en
dehors
de
ce
consentement
et
dont
le
non-accomplissement
pourrait engager
leur
responsabilité
internationale.
On
peut
penser
avec
NGUYEN
QUOC
DINH,
que
"dans
la
mesure

les
Nations Unies ont proclamé un droit à l'aide au développement,
pèse
sur
les
Etats
industrialisés
un
devoir
d'assistance,
corollaire
de
ce
droit"
(101).
Toutefois,
est-il
précisé,
"transformer
ce
"devoir"
en
une
véritable
obligation
juridique se révèle difficile"
(102)
; "les fondements
et
la
(101) HGUYEH QUOC DINH &Alii, Droit international public. 3èle édition L.G.D.J., 1987, p. 906.
(102) Idel, p. 906.

-
81 -
portée
de
ce
devoir
restent
pl us
moraux
et
pol i tiques
que
juridiques"
(103).
L'assistance
à
peuples
en
recherche
de
développement n'est pas perçue comme un droit exigible par les
di ts
peuples de
ceux qui
sont
nantis,
mais
plutôt comme
une
facul té
largement
discrétionnaire.
Il
en
est
ainsi
de
l'assistance
humani taire,
qui
est
perçue
seulement
comme
un
droit
pour
les
assistants
de
la
procurer sans
entraves,
lorsqu'ils
s'estiment,
en
toute
liberté,
en
devoir
de
le
faire.
Nous
sommes
loin
du
schéma
de
l'obligation
juridique
d'assistance à
personne en danger,
mais bien plus près de la
charité
traditionnelle,
laissée
au
libre
arbitre
et
à
la
conscience de chacun.
Ce
n'est
pas,
en
conclusion,
dans
le
devoir
d'assistance à personne en danger qu'on trouvera un fondement
au droit d'ingérence humanitaire.
Il faut espérer le faire par
une
analyse des textes normatifs et de la coutume.
(103) IIGVYEII QVOC DINH & Alii, Droit international public. 4èle édition L.G.D.J., 1992, p. 903.

-
B2
-
SECTION II
~SOURCES DU DROIT D'INGERENCE HUMANITAIRE
Dans
quelle
mesure
l'assistance
humanitaire
peut-
elle aujourd'hui
ignorer le principe de non-intervention dans
les
affaires
intérieures
des
Etats,
ou
recourir
à
l'intervention pour l'accomplissement de sa mission? Dans les
développements
concernant
ce
problème
juridique
qui
vont
suivre,
l'analyse portera sur deux
groupes d'éléments
: d'une
part il faudra établir la portée qu'il convient d'accorder aux
textes juridiques élaborés récemment dans le cadre des Nations
Unies, par l'Assemblée Générale et par le Conseil de Sécurité;
d'autre
part
nous
vérifierons
si
une
norme
coutumière
s'est
élaborée
en
matière
d'ingérence
humanitaire
de
la
part
des
Etats. Toutefois,
avant d'étudier ces éléments, il y a lieu de
relever quelques sources tirées du droit international général
ou conventionnel.
Dans ce sillage,
il semble que
la première
source d'un droit d'ingérence humanitaire éventuel réside dans
le droit naturel
;
le droit à
l'assistance humanitaire serait
ainsi
"un droi t
inné,
un véritable droit de
l' homme
(je veux
dire
un
droit
de
la
personne
humaine)
à
bénéficier
de
l'assistance
humanitaire,
quelle
qu'en
soit
l'origine,
dès
lors que cette assistance est purement humanitaire et destinée
à
protéger le droit aux soins,
le droit à
la vie,
le droit au
droit"
(104).
Le
docteur
KOUCHNER
ne
dit
pas
autre
chose
lorsqu'il
énonce
que
l'assistance
humanitaire
est
un
"droi t
attaché à
la personne humaine,
hors des
frontières,
hors des
Etats.
Puisqu'il
repose simplement sur
le droit naturel
à
ne
pas mourir trop tôt, ou sur celui d'être
arraché à
la
mort,
(104) BETTATI, H. op. cit. Le devoir d'ingérence. Denoë1, 1987, p. 25.

-
83 -
dès
lors
qu'une
telle
opération,
menée
par
des
opérations
privées,
neutres,
des organisations non gouvernementales,
est
techniquement possible"
(105).
En
ce
qui
concerne
les
aspects
conventionnels,
le
professeur
BETTATI
pense
qu'il
existe,
çà
et

dans
les
textes
internationaux
en
vigueur
ou
dans
la
pratique
d'organisations humanitaires internationales,
des échantillons
de
droit
sectoriel
à
l'assistance
humanitaire
spécialisée
U.N.I.C.E.F.
pour
les
enfants,
H.C.R.
pour
les
réfugiés,
conventions de
Londres
de
1914,
1948,
1960
et
1974 pour
les
naufragés en mer,
conventions de Genève de 1949 et protocoles
de 1977 pour les victimes des conflits armés,
U.N.D.R.O.
pour
les
victimes
des
catastrophes
naturelles,
O.M.S.
pour
les
victimes d'épidémies,
F.A.O.
1 P.A.M. pour les populations en
proie à
la
famine,
A.I.E.A.
pour
les victimes des
radiations
nucléaires,
etc...
(106).
L'assistance
humanitaire
serait
un
droit
de
la
personne
humaine
corollaire
du
devoir
de
solidarité
qui
s'impose
à
l'humanité
toute
entière
et
qui
implique
notamment
le
devoir
de
coopérer,
conformément
à
la
charte
des
Nations
Unies
(articles
55
et
56) .
Enf in,
l'assistance
humanitaire,
selon
le
professeur
BETTATI,
constitue une des
contributions
essentielles au
respect
et à
l'exercice du droit à la vie et du droit à la santé, consacrés
dans la déclaration universelle des droits de l'homme (article
3),
dans
le pacte international
relatif
aux droits ci vils et
politiques
(article 6)
et
dans
le
pacte
international
(105) KOOCBJIER, B. La .orale de l'extrè.e urgence, in, Le devoir d'ingérence, Denoêl, 1987, p. 276.
(106) BETTATI, M. op. cit. Le devoir d'ingérence, Denoêl, 1987, p. 25.

-
84 -
relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels
(article
12) (107).
Les
arguments
tirés
du
droit
naturel
ou
du
droit
conventionnel pour fonder le droit à
l'assistance humanitaire
nous semblent, en tant
que tels,
largement au dessus de tout
soupçon.
A l'évidence,
concernant
par
exemple
le
droit
à
la
vie,
"il est même tragique qu'il faille envisager de donner à
ce droit trop humain une sanction
juridique" (lOS). Suffisent-
ils,
pour
autant,
à
légi timer
l'intervention
des
dispensateurs
de
l'aide
pour
imposer
celle-ci
à
l'Etat
dont
les
populations
souffrent
?
Bien
que
la
réponse
à
cette
question
doive
être
fondée
à
la
fois
sur
la
nécessité
de
l'aide
à
apporter
aux
victimes
et
sur
le
droit
de
l'Etat
territorial
de
se
prémunir contre
tout éventuel
abus,
il
ne
semble
pas
que
ces
arguments
puissent
fonder
un
droit
d'intervention
humanitaire.
Reste
à
examiner
les
textes
récemment élaborés dans le cadre des Nations Unies.
Paragraphe 1 - La portée des textes récents adoptés dans le
cadre des Nations Unies
Tour
à
tour,
il
s'agira
d'étudier
la
portée
de
l'activité normative de l'Assemblée Générale, et la portée
de
(107) BmATI, M. op. cit. Le devoir d'ingérence, Denoèl, 1987, p. 26. En ce sens égalelent, voir
Marie-José DOHESTICI, op. cit. A.F.D.I. 1989, p. 122 : "l'assistance bUianitaire est le
prolongelent naturel de ce droit à la vie, lequel ne prend sa signification que face à ses
négations: leurtre, lais aussi atteinte à l'intégrité pbysique par des pbénolènes naturels,
lanque de nourriture, de soins. Face à ces atteintes, l'assistance bUianitaire est une
procédure de garantie du droit à la vie voire, au linilul, du droit de jouir de ses derniers
instants de vie dans des conditions supportables".
(lOS) VASAK, K. in Les dilensions internationales des droits de l'bolle. Paris, Pedone, D.N.E.S.C.a.
1986, p. 347.

-
85 -
l'intervention du conseil de Sécurité en matière humanitaire.
Si
le
premier
organe
émet
principalement
des
résolutions
valant
pour
le
principe,
le
second
double
une
activité
normative formelle d'une activité opérationnelle concrète.
A - L'activité normative récente de l'Assemblée
Générale en matière humanitaire
S'interroger sur
la
place
des
résolutions
récentes
de l'Assemblée Générale des Nations Unies dans le processus de
consécration d'un droit d'ingérence humanitaire, c'est d'abord
s'obliger à traiter de la question,
somme toute classique,
et
aussi parfois confuse,
de la valeur
juridique des résolutions
adoptées
par
l'organe
plénier de
l ' organisation
universelle.
Il
peut
paraître
curieux,
compte
tenu
de
la
littérature
juridique
consacrée
à
ce
sujet,
qu'on
ait
pu
déduire
des
résolutions
de
l'assemblée
Générale,
une
habilitation
de
l'ingérence
humanitaire
des
Etats
ou
des
organisations
à
vocation
humanitaire
à
l'intérieur
d'Etats
souverains.
Ces
résolutions peuvent-elles avoir une telle portée ? Si l'on se
base
sur
la
doctrine
juridique
la
plus
classique,
qui
interprète
de
façon
stricte,
voire
restrictive
le
terme
"recommandations"
contenu dans
l'article 10 de
la Charte des
Nations Unies,
la réponse est immédiatement,
au moins dans un
premier temps, négative.
En effet,
la doctrine classique dénie
toute
force
juridique
obligatoire
aux
résolutions
de
l'Assemblée Générale
;
l'insistance est mise sur
leur impact
politique sur les Etats, sur leur contribution à la formation,
de
lege
ferenda,
de
normes
coutumières
à
venir,
par
la
cristallisation
d'une
opinio
juris.
En
principe,
une
résolution de l'Assemblée Générale ne serait que de
la
"50ft
law", en attendant une maturation progressive du
bourgeon
de

-
86
-
norme
(109).
Il
peut donc être facile,
pour ceux des auteurs
réticents
à
la
consécration
formelle
d'un
droit
d'ingérence
humanitaire, de reprendre purement et simplement les arguments
sus-évoqués,
en
les
appliquant
aux
résolutions
récentes
de
l'Assemblée
Générale
relatives
à
l'action
humanitaire.
Les
résolutions
de
l'Assemblée
Générale
n'ayant
qu'une
valeur
normative imparfaite,
celles
relatives à
l'action humanitaire
ne sauraient avoir,
par une vertu miraculeuse qui
leur serait
propre,
de valeur normative incontestable,
qui
leur donnerait
une
force
obligatoire.
C'est
ce
qu'exprime
un
auteur,
en
énonçant que les résolutions 43/131
de 1988 et 45/100 de 1990
de
l'Assemblée Générale
"ne
sauraient
être
considérées
comme
ayant créé un droit nouveau ou des obligations à la charge des
Etats,
pour
des
raisons
évidentes
développées
depuis
de
nombreuses années
par la doctrine
occidentale"
(110).
si
une
telle· perspective
devait
être
adoptée,
ce
qui
n'est
pas
illégitime en soi, ce
serait une invitation à clore le débat.
Cette
attitude
ne
sera
pas
ici
retenue.
Car
la
doctrine
classique
relative
à
la
valeur
juridique
des
résolutions de l'Assemblée Générale est pleine de subtilités,
de
nuances,
qui
atténuent
l'impression
de
raideur
intellectuelle
qu'elle
peut
suggérer
à
première
vue.
Tout
d'abord, et bien que la notion de
"soft
law"
soit
toujours
(109) On pourra consulter utilelent, sur ces problèles : VlRALLY, H. La valeur juridique des
recollandations des organisations internationales. A.I.D.I. 1956, p. 69 ; du lêle auteur, La
distinction entre textes internationaux de portée juridique et textes internationaux dépourvus
de portée juridique, A.I.D.I. 1983, Vol. 60-I, p. 166.
CASTAHEDA, J. La valeur juridique des résolutions des Nations Unies, R.C.A.D.I. 1970-I, Vol.
129, p. 211. Sur la 'soft law', voir WEIL, P. Vers une nOrlativité relative en droit
international? R.G.D.I.P. 1982, p. 5.
(110) ilEJlB(JU, D. Le droit d'ingérence hUJanitaire : un droit aux fondelents incertains, au contenu
ilprécis et à géolétrie variable, in Afrique 2000, n'Il, 1992/3, p. 14.

-
87 -
contestée
(111),
i l
est
de
plus
en
plus
admis
qu' "entre
la
lumière du droit et l'obscurité du non-droit, s'étend une zone
de pénombre dont
la
théorie,
vénérable,
des sources rend mal
compte ... "
(112).
D'où,
par
conséquent,
l'élaboration
d'indices
certes
imparfaits
dans
leur
logique,
mais
qui
n'aboutissent
pas
à
dénier
en
bloc
aux
résolutions
de
l'Assemblée
Générale
toute
valeur
normative.
Le
professeur
René-Jean
DUPUY
a
beaucoup
apporté
dans
ce
sens.
Dans
une
contribution doctrinale datant de 1975, cet auteur suggère la
combinaison
de
trois
critères
pour
apprécier
la
valeur
des
résolutions ici en question : les conditions du vote du texte,
le degré
de précision des termes de la résolution,
les moyens
de
pression
dont
ces
résolutions
peuvent
éventuellement
bénéficier
(113).
Pour
l'essentiel,
ces
éléments
sont repris
par
l'auteur,
en qualité d'arbitre,
dans
la sentence Texaco-
Calasiatic
du
19
janvier
1977,
pour
retenir
la
valeur
normative de la résolution 1803 (XVII) de l'Assemblée Générale
en
date
du
14
décembre
1962,
portant
déclaration
sur
la
souveraineté
permanente
sur
les
ressources
naturelles
(114).
Parmi ces critères,
celui des moyens
de
pression dont peut
bénéficier une résolution semble conforter l'inégalité de fait
des
Etats,
en
donnant
aux
Etats
les
plus
importants
de
la
société
internationale
la
possibilité
de
décider
du
destin
juridique d'une
résolution qui
en
principe n'a
pas
de
force
obligatoire.
cette
situation
devrait
cependant
être
( 111) Ida, RYVICBI. FOrlation des nOrles internationales dans un londe en lutation : critique de la
notion de "soft law", in Mélanges VIRALLY, Paris, Pedone, 1991, p. 333 et s.
(112) PELLET, A. Le "bon droit" et l'ivraie. Plaidoyer pour l'ivraie Irelarques sur quelques
problèles de létbode en droit international du développelent), in Mélanqes CHAUMONT, 1984,
p. 488.
(113) OOPUY, R.J. Droit déclaratoire et droit proqnuatoire : de la coutUie sauvaqe à la "soft
law", in S.F.D.l. L'élaboration du droit international, Actes du colloque de Toulouse, Pedone,
1975, p. 145 et s.
(114) Le texte de la sentence Texaco-Calasiatic, in J.D.L, 1977, p. 350.

- 88 -
contrebalancée par le fait que si
les Etats qui se conforment
à
une résolution
agissent conformément au droit,
ceux qui
ne
s'y
conforment
pas,
ne
violent
pas
le
droit
et
n'engagent
aucunement
leur
responsabilité
internationale.
c'est
en
fonction
de
ces
considérations,
dont
il
n'est
pas
exclu
qu'elles aboutissent à
une véritable impasse,
que nous allons
étudier
l ' acti vi té
normative
récente
de
l'Assemblée
Générale
des
Nations
Unies.
Nous
étudierons
d'abord
les
résolutions
proclamant
le
libre
accès
aux
victimes
et
sinistrés,
pour
s'intéresser ensuite à des textes de perspective plus globale,
et notamment à la résolution 46/182 du 19 Décembre 1991.
1 - Les résolutions relatives au libre accès :
contenu et portée des résolutions 43/131 (1988)
et 45/100 (1990) de l'Assemblée Générale.
La
résolution
43/131
du
8
décembre
1988
et
la
résolution
45/100
du
14
Décembre
1990,
adoptées
toutes
par
consensus, sont souvent citées à
l'appui de la prétention à la
normativité du droit d'ingérence humanitaire. Ces deux textes,
d'inspiration
française,
sont
tous
axés
sur
la
question
du
droi t
d'accès aux victimes et sinistrés
le premier en pose
le
principe
général,
le
second
détaille
la
matérialisation
concrète du principe.
a - La résolution 43/131 du 8 Décembre 1990 et
l'énonciation du principe de l'accès aux
victimes.
Cette résolution est l'écho quelque peu assourdi
et
édulcoré
de
la
résolution
finale
de
la
première
Conférence
Internationale de Droit et Morale humanitaire tenue à Paris le
28 Janvier 1987. (115). Ce texte
comporte
plusieurs énoncés,
(115) Pour 1'historique de la résolution, voir BETTATI, M. R.G.D.I.P. op. cit.

-
89 -
qui
peuvent du reste
apparaitre contradictoires,
mutuellement
incompatibles,
telle
la
proclamation
simultanée
de
la
nécessité de porter assistance et l'impératif de respecter la
souveraineté des
Etats.
On
n'a
retenu de
ce
texte,
pour des
commentateurs optimistes,
que
le
principe de
libre
accès
aux
victimes,
principe
dont
on
peut
douter
du
caractère
révolutionnaire,
puisqu'on
le
retrouve
dans
le
droit
international humanitaire classique.
Surtout,
la
présentation
doctrinale
du
principe
ne
semble
pas
toujours
déductible
du
texte de la résolution. Selon le Professeur BETTATI,
une seule
formule
peut résumer
l'essentiel
de
la résolution
43/131
"l'urgence internationale impose le libre accès aux victimes,
notamment
en
faveur
des' O.N.G.
humanitaires"
(116).
En
d'autres
termes,
désormais
l'accès
aux
victimes
ne
saurait
être entravé ni
par
l'Etat touché,
ni
par les Etats voisins.
Il est difficile de suivre cette interprétation.
En tout état
de
cause,
il
semble
délicat
d'induire
de
la
nécessité
d'atteindre
les
victimes,
un
droit
d'imposer
les
secours
humanitaires. Si le principe de l'accès aux victimes est posé,
énoncé, on ne peut en revanche soutenir qu'il est imposé. Dans
son
préambule
et
son
dispositif
(117),
la
résolution
est
rédigée
sur
un
mode
persuasif
et
non
péremptoire
l'action
humanitaire y apparait comme une oeuvre coopérative entre les
donneurs d'aide et les receveurs de celle-ci. Le paragraphe 10
du préambule exprime
simplement
la
conviction de
l'Assemblée
Générale que
"l'accès aux victimes est indispensable"
et
non
point qu'elle est de droit.
La
résolution
43/131
ne
fonde
pas
de
droit
d'ingérence humanitaire, par le
contenu
même de ses clauses.
(116) BErrATI, M. op. cit. Le Trilestre du Monde 1er trilestre 1989, p. 103
(117) 10èle considérant du préalbule, points 4, 5, 6 du dispositif.

-
90 -
Certes, de l'énoncé du principe de l'accès aux victimes,
on a
pu déduire que "l'argument de l'ingérence ne devrait plus être
opposable
aux
offres
d'aide
directe"
(118).
Aux
offres,
probablement ; quant à
l'aide directe,
elle reste à préciser.
Quoiqu'il en soit,
la doctrine est quasi-unanime sur le
fait
que
la
résolution
43/131
ne
comporte
pas
d'habilitation
en
matière d'ingérence humanitaire. Le Professeur TAVERNIER écrit
qu'on ne peut pas parler d'un véritable "droit à
l'assistance
humanitaire" et encore moins d'un "devoir d'assistance ou même
d'un "devoir d'ingérence".
(119).
Même le Professeur BETTATI,
l'un .des
commentateurs
les
plus
optimistes
du
texte,
en
convient,
quoique
dans
des
termes
un
peu
ambigus
la
résolution
"ne
fonde
pas
dès
demain
l'exercice
d'un
droit
d'assistance
humanitaire
obligatoire,
contraignant,
dont
pourraient
se
prévaloir
les
porteurs
de
secours
en
toutes
circonstances
et
à
l'égard
de
toutes
les
souverainetés".
(120).
Pour autant,
doit-on considérer la résolution 43/131
comme un texte dépourvu de toute portée pratique ?
Une telle
présentation
des
choses
serait
excessive.
En
effet,
cette
résolution
nous
semble
être
d'un
double
apport
elle
formalise
juridiquement l'élargissement du champ d'application
de
l'assistance
humanitaire
en
dehors
du
cadre
des
conflits
armés,
d'une
part
;
elle
élargit
par
ailleurs
le
droit
d'initiative
humanitaire
à
des
organisations
auxquelles
il
était
soit
contesté,
soit
refusé.
si
l'on
en
croit
le
Professeur BETTATI, partie prenante à la confection matérielle
de la résolution 43/131,
ce texte visait à "faire reconnaître
par
l'O.N.U.
que
les
O.N.G.
humanitaires
devaient
bénéficier
de facilités d'accès et d'intervention
comparables
à
celles
(118) BRAOJtlJI, R. Morale et Politique: le baiser du valpire. in politique Internationale, n' 50,
Biver 1990-1991, p. 335.
(119) TAVERNIER, P. L'année des Nations Unies : questions juridiques, A.F.O.I., 1990, p. 564.
(120) BETTATI, M. op. cit Le Trilestre du Monde, 1988, p. 105

-
91
-
qui
sont accordées aux organismes de secours visés dans
les
conventions de Genève de 1949 et
les
protocoles
additionnels
de
1977"
(121),
c'est-à-dire
principalement
le
Comité
International
de
la
Croix-Rouge.
La
résolution
reconnait
aux
a.N.G.,
un
droit
d'initiative,
c'est-à-dire
un
droit
de
proposer
aux
Etats
dans
lesquels
il
y
a
des
victimes,
des
secours humanitaires.
Cela ressort du llème considérant de la
résolution
et
surtout
de
l'article
3
du
dit
texte,
dans
lesquels
est
souligné
la
contribution
importante
des
organisations non-gouvernementales à l'assistance humanitaire.
Le droit d'initiative, s'il peut comporter des aspects pouvant
être abordés sous l'angle de l'ingérence,
est essentiellement
un
droit
de
proposition
et
rien
de
plus
il
ne
saurait
signifier le droit d'intervenir dans un Etat.
C'est à travers
l'idée
de
droit
d'initiative
que
le
Professeur
BRINGUIER
interprète la résolution 43/131
: "La résolution du 8 décembre
n'emploie
à
aucun
moment
le
terme
mais,
notamment
dans
son
paragraphe 5,
se place,
au moins de façon
implicite,
dans
la
situation où des organisations non-gouvernementales à vocation
humani taire ont offert
leurs
services
aux gouvernements
dont
les
populations sont
frappées
de catastrophes,
et
qu'est-ce,
sinon l'exercice d'un droit d'initiative ?"
(122).
D'un point
de vue théorique,
on
peut
se demander
s' i l
est pertinent de
parler,
à
propos de
l'initiative humanitaire,
de
"droit",
si
tant est qu'un droit est une créance sur un débiteur, dont le
créancier
peut
légalement
réclamer
le
respect.
L'initiative
humanitaire
est
une
créance
au
profit
des
organisations
humani taires
et
de
tous
ceux
qui
offrent
des
secours
les
débi teurs
en
sont
les
Etats.
La
dette
consiste
ici
non
pas
tant
en
un
devoir
d'accepter
les
offres
l'Etat
disposant
d'une marge d'appréciation en la matière - mais
davantage
en
(121) BETTATI, M. op. cit R.G.D.I.P. 1991/3, p. 654.
(122) BRINGUIER, P. Apropos du droit d'initiative hUianitaire du C.I.C.R. et de tout autre
organisle hUianitaire ilpartial, in International Geneva Yearbook, vol. IV, 1990, p. 92.

-
92
-
un devoir de ne pas considérer les offres de secours comme une
attitude
provocatrice,
inamicale,
ou
comme
une
ingérence
abusive dans
ses
affaires
intérieures.
Le
droit
d'initiative
est
un
droit
de
faire
qui,
comme
tout
droit
de
faire,
s'analyse comme une faculté dont la mise en oeuvre dépend de
celui qui en est le titulaire.
b - L'organisation matérielle de l'accès aux
victimes :
la résolution 45/100 du 14 décembre 1990
Moins encore que la résolution 43/131,
la résolution
45/100
de
l'Assemblée
Générale
ne
crée
de
droit d'ingérence
humanitaire
:
on
ne saurait voir
dans
son dispositif,
ni
un
droit des
populations à
être
secourues,
ni
la reconnaissance
d'un droit d'ingérence
à
des
Etats
tiers.
Très
1 imi tée dans
son objet,
la résolution est un essai
de
traduction concrète
du principe de l'accès aux victimes
énoncé dans la résolution
43/131.
L'intérêt
du
texte
réside
dans
le
fait
qu'il
engage
une
réflexion
sur
le
problème
des
couloirs
humanitaires
d'urgence, sur la logique desquels nous nous appesentirons par
la suite.
Est,
en effet,
approuvée la suggestion "de créer,
à
titre
temporaire,


il
est
nécessaire
et
de
manière
concertée entre les gouvernements touchés et les gouvernements
et
organisations
internationales
intéressés,
des
couloirs
d'urgence pour la distribution d'aide médicale et alimentaire
d'urgence".
Là aussi,
les couloirs humanitaires,
pas plus que
l'accès aux victimes,
ne sont imposés aux Etats.
Leur mise en
place,
condition
normale
de
leur
efficacité,
dépend
de
la
coopération des parties en présence.
Dans la consécration d'un
droit d'ingérence
humanitaire,
la
résolution
45/100
est d'un
apport très limité. Il en est de même de la résolution 46/182,
dont il convient toutefois de faire la présentation.

-
93
-
2 - Le renfQrcement de la cQQrdinatiQn de l'aide
humanitaire d'urgence des NatiQns Voies :
la résQlutiQn 46/182 du 19 décembre 1991
La résQlutiQn
46/182
n'est pas étudiée ici en tant
que
cQntributiQn
à
l'institutiQn
d'un
drQit
d'ingérence
humanitaire.
Dans
ce
cadre
là,
Qn
PQurrait
presque
dire
qu'elle
marque
une
certaine
résistance
vis-à-vis
des
interprétatiQns qui auraient pu être tirées de l'établissement
du principe de libre accès aux victimes. Deux éléments peuvent
être
mis
en
évidence
dans
cette
résQlutiQn
l'ébauche
de
cQdificatiQn
des
principes
et
mQdalités
de
l'assistance
humanitaire
internatiQnale,
et
l'établissement
du
lien entre
aide
humanitaire
d'urgence
et
aide
au
prQcessus
de
dévelQppement
des
pays
tQuchés,
généralement
des
pays
SQUS-
dévelQppés.
a - La codificatiQn des principes et modalités de
l'assistance humanitaire internatiQnale
La
résQlutiQn
46/182
adQptée
par
CQnsensus
se
présente
CQmme
un
texte
qui,
relativement
à
la
questiQn
de
l'ingérence
humanitaire,
verrQuille
sensiblement
tQute
PQssibi l i té
d'atteinte
à
la
sQuveraineté
des
Etats
tQuchés.
Cela
transparaît
au
niveau
des
principes
directeurs
de
l'actiQn
humanitaire
qui
y
SQnt
énQncés.
Les
principes
d'humanité,
de
neutralité
et
d'impartialité
SQnt
rappelés.
SurtQut,
l'insistance est mise sur la sQuveraineté de
l'Etat
et
la
nécessité
de
SQn
cQnsentement
préalablement
à
tQute
assistance extérieure. Le principe de
subsidiarité est énQncé
;
la
cQQpératiQn
en
vue
de
faire
face
à
des
situatiQns
d'urgence dQit être faite cQnfQrmément au drQit internatiQnal
et à
la
législatiQn natiQnale de l'Etat tQuché.
L'Etat n'est
pas tenu d'accepter les seCQurs,
les
Etats vQisins n 'Qnt pas
une QbligatiQn impérative de faciliter le transit des seCQurs.

-
94
-
La
proteqtion
de
la
souveraineté
des
Etats
est
perceptible
également
dans
l'organisation
des
secours.
Cette
organisation est centralisée au niveau du Secrétariat Général
. de
l ' O. N. U. ,
et
notamment
du
coordinateur
de
l'action
humanitaire.
La
procédure
des
appels
communs
ou
de
l'appel
unifié
(articles
31 et 35)
donnent le sentiment que tout est
mis
en
oeuvre
pour
éviter
qU'à
l'occasion
d'une
opération
d'assistance
s'effectuant
de
façon
décentralisée,
la
souveraineté
d'un
Etat
ne
soit
entamée.
Toute
opération
d'assistance
humanitaire
suppose
des
arrangements
préalables
avec
l'Etat
concerné,
ou
au
moins
son
consentement.
Les
Nations Unies centralisent
les
efforts
humanitaires.
On
peut
douter de la célérité des mécanismes mis en place en situation
d'urgence particulièrement pressante.
b - L'aide humanitaire d'urgence, élément de l'aide
au développement
S'il est un aspect incontestablement important de la
résolution
46/182,
c'est
le
réajustement de
la
problématique
de
l'assistance
humanitaire
par
rapport
à
l'aide
au
développement
des
pays
sous-développés.
Il
est
en
effet
à
craindre
que
l'action
humani taire
d'urgence,
temporaire,
circonstancielle,
se
substitue
à
l'aide
au
développement.
"Hors de bons sentiments plus ou moins désintéressés, écrit un
auteur, en vain cherche-t-on ici et là des idées prospectives
et des projets de développement" (123), Dans la résolution ici
étudiée,
il est rappelé à
l'article 11 que "les contributions
à l'aide humanitaire devraient être fournies d'une manière qui
ne
porte
pas
préjudice
aux
ressources
destinées
à
la
coopération
internationale
pour
le
développement".
Par
ailleurs,
l'aide humanitaire d'urgence doit pouvoir s'inscrire
dans un processus de développement à
moyen
ou
long
terme;
(123) DABEZIES, P. Soldats ou gendanes ? in Le londe des débats, janvier 1993, p. 6.

-
95 -
selon
l'article
9,
"les
mesures
d'urgence
devraient
être
considérées
comme
une
étape
vers
le
développement
à
long
terme".
Les
articles
ID,
12,
40,
41
et
42
reviennent.avec
insistance
sur
ce
lien
entre
situations
d'urgence,
rétablissement
de
l'autonomie
des
Etats
assistés
et
développement.
Enf in,
la
résolution
insiste sur
la nécessité
de permettre aux
pays en développement de mieux prévenir les
catastrophes
naturelles,
par
un
transfert
de
technologie
adapté
à
cette
fin.
D'une
manière
générale,
l'action
humanitaire
n'est
plus
seulement
une
aventure
charitable
momentanée, elle est appelée à s'inscrire dans une perspective
globale de développement.
Le lien établi par la résolution 46/182 entre l'aide
humanitaire d'urgence et l'aide au développement à
long terme
consacre
le début d'une
récupération tiers-mondiste du thème
de
l'ingérence
humanitaire.
Il
s'agit
de
relativiser
l'importance
parfois
excessive
donnée
à
l ' action
humanitaire
ponctuelle,
de donner mauvaise
conscience aux
interventions
humani taires qui
ne
s'attaqueraient pas aux
causes
profondes
des
drames
humanitaires
à
conjurer,
notamment
le
sous-
développement.
Avec la résolution 46/182,
la problématique de
l'ingérence humanitaire connait un sensible infléchissement
;
ce
qui
s'était
échappé
dans
la
résolution
43/131,
le
libre
accès
aux
victimes,
est
récupéré
presque
complètement
à
travers une
insistance très
frileuse
sur la souveraineté des
Etats.
Cette
récupération
tiers-mondiste
du
thème
de
l'ingérence semble cependant assez
dérisoire.
En effet,
il y
a
une
méconnaissance
flagrante
dans
la
résolution
46/182
de
l'idée
de
base
qui
soutend
la
problématique
du
droit
d'ingérence
humanitaire
l'idée
d'urgence.
Le
développement
des pays sous-développés, aussi nécessaire soit-il, ne saurait
être
traité
de
la
même
manière
que
l'aide
humanitaire
d'urgence ; il est une entreprise de longue haleine, alors que

-
96 -
l'action
humanitaire
est
naturellement
condamnée
à
être
une
activité
ponctuelle.
A
la
poursuite
des
objectifs
à
long
terme,
il
faut
adopter
des
mesures
valables
pour
le
long
terme;
à
l'urgence,
il
faut
répondre
par
l'urgent.
Le
lien
établi
entre
l'aide
humanitaire
et
le
développement
apparait
comme
un
rejet
poli
et
dissimulé
du
droit
d'ingérence
humanitaire.
L'activité
normative
de
l'Assemblée
Générale
des
Nations Unies que nous avons
présentée n'offre aucun
élément
susceptible
d'accréditer
l'idée
d'un
droit
d'ingérence
humani taire
au
profit
des
Etats.
Il
est
vrai
que
dans
la
résolution du 25 août 1992 relative à la situation en Bosnie-
Herzégovine,
l'Assemblée Générale, à l'article 14, demande aux
Etats de
prendre,
conformément aux
résolutions
du Conseil
de
Sécurité,
toute mesure susceptible de faciliter l'acheminement
des secours en Bosnie.
On pense notamment à la résolution 770
du
conseil
de
Sécurité.
Toutefois,
il
ne
s'agit
pas
de
l'institution d'un droit d'ingérence humanitaire en général
;
surtout,
le
ou
les
textes
à
appliquer
ont
été
émis
par
le
Conseil de Sécurité.
Ceci
nous amène à nous interroger
sur
l'action
de
cet
organe
dans
la
consécration
normative
d'un
droit d'ingérence humanitaire.
B - L'intervention du Conseil de Sécurité en
matière humanitaire
A côté de l'intervention de l'Assemblée Générale,
la
participation très
active
du
Conseil
de
Sécurité
à
l'examen
des questions humanitaires et à la fourniture d'aide constitue
un
nouveau
développement
en
termes
de
rôle
humanitaire
joué
par
les
Nations
Unies.
Du
Cambodge
à
l'Irak,
de
l'ex
Yougoslavie
à
la
somalie,
nombreuses
sont
les
situations
humanitaires
qui
ont
provoqué
la
réaction
normative
et
opérationnelle
du
Conseil
de
Sécurité.
Ces
différentes
actions,
notamment
celles
décidées
et
conduites
dans
le
Kurdistan irakien en 1991,
en Bosnie et en Somalie depuis le

-
97 -
mois
de
décembre
1992,
sont
généralement
présentées
comme
autant
de
jalons
dans
la
consécration
du
droit
d'ingérence
humanitaire en droit international.
En se livrant à
une étude
serrée de quelques situations précises,
il importe de vérifier
la pertinence de cette opinion.
Préalablement à cette analyse,
i l
y
a
lieu
de
s'intéresser
à
la
question
de
savoir
si
le
Conseil de Sécurité,
compte tenu de sa mission,
peut élaborer
des règles s'imposant de façon générale aux Etats. Ce problème
nous
semble
important
car
il
conditionne
l'importance
et
la
portée à
attribuer aux divers
textes adoptés et aux diverses
actions
diligentées
par
le
Conseil
de
Sécurité
en
matière
humanitaire.
Une
partie
importante
de
la
doctrine
dénie
au
conseil
de
Sécurité
la
possibilité
de
légiférer
de
façon
générale,
en dehors du cadre constitué par
la situation dont
il est saisi. Ainsi,
l'ancien ministre des affaires étrangères
français Roland DUMAS pense qu'à la différence de
l'Assemblée
Générale,
le
Conseil
de
Sécurité
"ne
pose
pas
de
principes
généraux,
mais
édicte des
injonctions
et engage des
actions"
(124). Une telle position est exprimée par un autre auteur qui
affirme que
"le
Conseil de Sécurité n'a pas pour mission le
développement
progressif
du
droit
international
et
sa
codification"
(125) .
Réfléchissant
sur
la
portée
de
la
résolution 688 du Conseil de Sécurité du 5 avril 1991 à propos
de
la
création
d'un
devoir
d'ingérence,
un
auteur
se
pose
cette question
:
"une résolution du Conseil de Sécurité en a-
t-elle le
pouvoir
?
Rien
n'est
moins sûr"
(126).
Enfin,
mentionnons l'opinion de deux auteurs
selon
laquelle
si
la
(124) DVlIAS, R. La France et le droit d'ingérence bUlanitaire, in Relations internationales et
stratégiques, 1991, n' 3, p. 62.
(125) WEIlBOO, D. Le droit d'ingérence bUianitaire : un droit aux fondelents incertains, au contenu
ilprécis et à géolétrie variable, in Afrique 2000 n' Il, 1992{3, p. 16.
(126) CARPElfTIER, Cb. La résolution 688 (1991) du Conseil de Sécurité: guel devoir d'ingérence? in
Etudes internationales, Vol. XXIII, n' 2, juin 1992, p. 280.

- 98 -
résolution
688
du
Conseil
de
Sécurité
avait
autorisé
le
recours
à
la
force,
ce
qui
aurait
été
nouveau
vu
les
circonstances, "il ne se serait agi que d'un précédent, et non
de la formulation d'une règle générale qu'on pourrait invoquer
dans d'autres situations que celles
des
populations ci viles
iraqiennes
en
avril
1991"
(127).
En
somme,
il
ne
faudrait
avoir
des
décisions
du
Conseil
de
Sécurité
qu'une
lecture
situationniste,
contextuelle,
au cas par cas,
toute situation
se
suffisant
à
elle-même,
sans
servir
de
tendance
générale
pour
le
règlement
de
problèmes
similaires
à
venir.
Il
ne
faudrait surtout pas voir dans le
Conseil de Sécurité, autre
chose qu'un
"aventurier du quotidien"
(128).
Il
faut
nuancer
sérieusement
ces
analyses.
s'il
est
incontesté
que
le
développement progressif
du
droit
international
n'est pas de
la
compétence
du
Conseil
de
Sécurité
(129),
s'il
est
incontestable que
le conseil
de
Sécurité ne
peut décider de
façon
générale
l ' insti tution
d'un
droi t
d'ingérence
humani taire
en
droit
international,
tâche
qui
semble devoir
être dévolue
à
une
conférence multilatérale de
codification,
il n'en demeure pas moins que son action normative contribue
indéniablement
à
la
déf ini tion,
à
l'interprétation
et
à
la
précision
du
droit
international.
Relativement
au
droit
d'ingérence
humanitaire,
on
ne
peut
pas
soutenir
que
les
résolutions
du
Conseil
de
Sécurité
sont
radicalement
insusceptibles de se rattacher
au processus de
sédimentation
progressive
d'un
tel
droit.
Comme
l'écrit
avec
justesse
le
professeur
WECKEL,
"la
fonction
du
Conseil
de
Sécurité
(127) CORTEH, O. & KLEIN, P. Devoir d'ingérence ou droit de réaction anée collective? R.B.D.L
1991/1, p. 103.
(128) TORELLI, M. Les lissions hUianitaires de l'anée française, in défense nationale, lars 1993,
p. 65.
(129) L'article 13 alinéa 1er de la charte des Nations Unies confie cette tâche à l'Assetblée
Générale, qui a créé d'ailleurs à cet effet la cOllission du droit international.

-
99 -
s'élargit
considérablement,
parce
que
ce
qui
paraissait
jusqu'à
présent
la
circonscrire
l'opposition
entre
la
sécurité
et
la
légitimité
s'est
effacée.
Cet
organe
dit
le
droit,
fait
le
droit,
impose
le
droit
Il
(130).
Les
résolutions du Conseil ne sont donc
pas cantonnées dans
leur
contingence, réductibles à leur contexte.
Ces
précisions
étant
faites,
il
importe
maintenant
d'étudier des interventions concrètes du Conseil de Sécurité.
Deux
interventions
seront
ici
retenues
le
règlement
du
problème Kurde et l'intervention dans le drame Somalien, deux
situations
qui
font
saillie
relativement
à
la
question
du
droit d'ingérence humanitaire.
1 - Le précédent créé par la résolution 688 du 5
Avril 1991.
Avant de présenter le contenu et l'application de la
résolution
688
d'une
part,
sa
portée
en
ce
qui
concerne
l'institution d'un droit d'ingérence d'autre part, il y a lieu
d'en présenter le contexte d'adoption. La résolution 688 a été
adoptée
à
l'occasion
des
dramatiques
événements
qui
se
sont
déroulés
au
Kurdistan
Irakien
au
lendemain
de
la
guerre
du
Golfe.
Espérant tirer profit de
la
lourde défaite des armées
Irakiennes face à la coalition multinationale venue libérer le
Koweit, les Kurdes (tout comme du reste les chiites au Sud) se
soulèvent
contre
le
gouvernement
de
Bagdad
et
prennent
les
armes.
Mal
leur
en
prend
car,
après
de
violents
combats,
l'armée
Irakienne
reprend
le
contrôle
de
la
situation
et
rétablit
l'ordre.
Ce
rétablissement
de
l'ordre
s'accompagne
d'une répression très dure des populations Kurdes et chiites,
lesquelles
s'enfuient
en
masse
vers
les
pays
voisins,
la
Turquie et l'Iran notamment. La souffrance et la
détresse des
(130) WECKEL, P. Le chapitre VII de la charte et son application par le Conseil de Sécurité.
A.F.O.I. 1991, p. 166.

- 100 -
populations
font
le
tour
des
écrans
de
télévision
du
monde
entier. c'est dans ce contexte qu'est adoptée le 5 Avril 1991,
la
résolution
688.
Ce
texte
est
adopté
par
10
voix
pour,
3
voix
contre
(Cuba,
Yemen,
zimbabwé)
et
deux
abstentions
(Chine,
Inde).
Ce
texte
se
situe
donc
à
la
fois
dans
un
contexte
très
dramatique
au
plan
humanitaire,
mais
surtout
vise
un
Etat
qui
vient
de
subir
une
très
lourde
défaite
militaire.
a - Le contenu de la résolution et sa mise en oeuvre
Comparée à l'importance accordée à la résolution 688
dans le processus d'institution d'un droit d'ingérence,
on est
quelque
peu
surpris,
voire
déçu,
par
le
caractère
très
peu
contraignant pour
l'Etat
visé,
l'Irak,
des
clauses
contenues
dans son dispositif.
Nulle part, ne transparait l'habilitation
d'une
intervention
humanitaire.
Au
contraire,
mais
de
façon
ambiguë,
sont
rappelées
au
préambule
les
dispositions
de
l'article
2
paragraphe
7
de
la
Charte,
sans
qu'on
sache
exactement si c'est dans le but de garantir la souveraineté de
l'Irak ou dans
le but de
justifier l'intervention du Conseil
de Sécurité.
Schématiquement,
le
contenu
de
la
résolution
688
peut se ramener à
deux choses
:
des dispositions énonçant un
comportement
exigé
de
l'Irak
d'une
part,
des
dispositions
relatives à
la mise en oeuvre de la résolution d'autre part.
Il
est exigé à
l'Irak de mettre
fin
à
la
répression
de ses
populations pour contribuer à éliminer la paix dans la reg~on.
Il est demandé avec insistance à l'Irak, de permettre un accès
libre
et
facile
des
organisations
humanitaires
aux
nécessiteux.
La formule peut surprendre
: car,
elle combine à
la
fois
l'exigence
autoritaire
du
Conseil
et
l'exigence
du
Consentement
de
l'Etat
local
au
déploiement
d'activités
humanitaires
extérieures
sur
son
territoire.
L'acceptation,
théoriquement discrétionnaire,
est ici exigée,
voire imposée.

- 101 -
Plus
souple
en
revanche,
et
plus
programmatique
aussi,
est
l'espoir
exprimé
par
le
Conseil
de
voir
s'instaurer
un
dialogue
politique
entre
les
autorités
Irakiennes
et
les
insurgés.
Enfin,
il
est
exigé
à
l'Irak
de
coopérer
avec
le
Secrétaire Général
des
Nations
Unies
pour
l'accomplissement
de l'action humanitaire programmée.
Pour la mise en oeuvre de la résolution en effet, le
Secrétaire
Général
des
Nations
Unies
se
trouve
être
le
coordinateur
de
l'action
humanitaire.
C'est
à
lui
qu'il
revient,
conformément
à
la
résolution,
de
définir
les
modalités
pratiques
d'accomplissement
de
cette
action.
La
participation des autres membres des Nations Unies,
ainsi que
celle des
organisations
huma ni taires,
ne
peut que
s' inscr ire
dans ces efforts, tel qu'il est clairement indiqué à l'article
6 du dispositif de la résolution.
Il nous semble que la mise
en oeuvre régulière de la résolution 688, c'est celle qui est
inspirée
du
mémorandum
d'accord
signé
le
18
Avril
1991,
renouvelé
par
la
suite,
entre
le
Ministre
des
affaires
étrangères
Irakien
et
le
Prince
SADRUDDIN
AGAKHAN,
représentant
le
Secrétaire
Général
des
Nations
Unies.
Ce
mémorandum,
valable
jusqu'au
31
décembre
1991,
définit
les
rapports
entre
l'O. N. U.
et
l'Irak
dans
l'accomplissement
de
l'action
humanitaire,
les
aspects
pratiques
(Centres
humanitaires -
article 6 ;
itinéraires de retour et Stations-
relais,
article
7
;
la
participation
des
organisations
humanitaires,
article
17).
Ce
mémorandum
est
bien
dàns
la
logique consensualiste qui anime la résolution 688.
En revanche,
et quelle qu'ait par ailleurs pu être
son
efficacité
pratique
et
sa
justification
morale,
vu
la
détresse
des
populations,
l'opération
"Provide
comfort"
ne
peut être tenue pour une modalité régulière de mise en oeuvre
de
la
résolution
688.
Alors
qu'aucun
accord
n'était
conclu
avec
le Gouvernement
Irakien,
la
France,
le Royaume
Uni,
et
les Etats-Unis,
intervenaient avec du matériel et du personnel
militaire dans le Kurdistan en vue d'assurer le ravitaillement

- 102 -
des
populations.
Cette
action
d'installation
de
zones
de
sécuri té
au
Kurdistan
ne
trouve
pas
de
fondement
juridique
dans la résolution 688.
Les autorités
Irakiennes n'y ont pas
consenti
et,
même,
l'ont
dénoncée
comme
une
intervention
illicite dans leurs affaires intérieures.
Il
parait
tout
aussi
difficile
d'essayer
de
justifier
a
posteriori,
l'intervention
des
trois
puissances
indiquées
en
tenant
compte
de
l'indifférence
de
l'essentiel
des
membres
des
Nations
Unies.
Pour
certains
auteurs,
ce
silence
devrait
être
apprécié
avec
prudence,
en
dehors
de
considérations
juridiques.
(131).
L'opération
"Provide
comfort"n'est justifiable que du point de vue moral, du point
de vue
de
la
nécessité
;
juridiquement,
et
en
tout
cas
par
rapport
à
la
résolution
688,
elle
s'apparente
à
un
abus
de
droit
confinant
à
la
voie
de
fait.
Il
n'y
a
pas,
dans
la
résolution
688,
de
délégation
d'un
pouvoir
d'initiative
militaire
à
des
Etats
déterminés
pour
l'accomplissement
de
l'action
humanitaire
(132).
Ce
n'est
qu'ainsi
que
ce
texte
aurai t
eu
un
effet d'encadrement
de
l'action
des
puissances
intervenantes ou de légitimation juridique de ladite action.
Il
parait
plus
réaliste
de
considérer
l'opération
"Provide comfort"
comme
la
réactualisation
de
l'intervention
d'humanité en une intervention - sanction (133). Pourvu
qu'on
précise,
comme
le
fait
du
reste
l'auteur
cité,
que
cette
réactualisation
ne
peut,
en
aucun
cas,
procéder
d'une
(131) CORTEH, O. KLEIN, op. dt. p. 105-106.
( 132) Apropos des actions diligentées par la France, le Royaute-Uni et les Etats-unis, voir
l'opinion de GAJA, G. :"11 est évident que ces initiatives - justifiées ou non - ne peuvent pas
trouver leur fondelent juridique dans une autorisation donnée par le Conseil de Sécurité".
Réflexions sur le rôle du Conseil de Sécurité dans le nouvel ordre londial. R.G.D.I.P., 1993/2
p. 314.
(133) CARPENTIER, C. op. cit. p. 315.

-
103
-
interprétation ou d'une application de la résolution 688 qui,
elle,
s'expose
au
reproche
d'ingérence
illicite
dans
les
affaires d'un Etat.
b -
La portée de la résolution 688 pour la guestion
du droit d'ingérence humanitaire
L'analyse de la portée de la résolution 688 est une
étape
importante
pour
la
cristallisation
d'un
droit
d'ingérence humanitaire.
Il s'agit ici, de voir si, à côté du
véritable
droit
d'intervention
dont
dispose
le
Conseil
de
Sécurité par application de l'article 2 alinéa 7 in fine de la
Charte
des
Nations
Unies,
droit
d'ingérence
relatif
aux
situations
mettant
en
péril
la
paix
et
la
Sécurité
internationales,
s'est
a joutée
autre
chose
soi t
un
droit
d'ingérence nouveau, autonome, de nature humanitaire, soit une
dimension
nouvelle,
humanitaire,
du
droit
d'ingérence
classique
du
Conseil
de
Sécurité.
Poser
le
problème
en
ces
termes,
c'est
circonscrire
la
question
de
l'ingérence
humanitaire
dans
un
cadre
strictement
collectif,
et
particulièrement
dans
le
cadre
des
mécanismes
de
sécurité
collective,
à
l'exclusion
de
toute
habilitation
d'interventions
unilatérales
des
Etats.
Pour
répondre
à
la
question ainsi formulée,
il importe de tenir compte à
la fois
du
contexte
d' appl ication
de
la
résolution
et
surtout,
des
motivations
juridiques
du
Conseil
de
Sécurité
servant
de
justification à son action.
On
peut
penser
que
la
résolution
688
est
liée
uniquement
au
contexte
de
son
adoption
et
de
sa
mise
en
oeuvre,
qui
est
celui
de
l'après
guerre
du
Golfe,
guerre
perdue par
l'Etat auquel s'adresse la résolution,
et dans
le
terri toire
duquel
stationnent
encore des
troupes
étrangères.
Pour
certa ins
auteurs,
ce
contexte
interdi t
de
donner
à
la
résolution
étudiée
la
valeur
d'un
précédent
solide
pour
les
situations
analogues
à
venir,
celle-ci
étant
simplement
un

- 104 -
texte de circonstance. Le Professeur DUPUY exprime ce point de
vue
lorsqu'il
écrit
que
"la
situation
du
pays
vaincu
était
très
exceptionnelle.
Elle
n'autorise
nullement
à
ce
qu'on
voit,
dans
la
résolution
688,
un
précédent
suffisant
pour
autoriser désormais par voie coutumière des Etats souverains à
intervenir
à
titre
humanitaire
sur
le
territoire
d'un
autre
sans
l'accord
de
ce
dernier,
ressuscitant
de
la
sorte,
l'ambiguïté
des
"interventions
d'humanité"
dont
le
siècle
dernier offrit bien des
illustrations"
(134).
L'Etat
Irakien
étant de facto mis sous tutelle internationale ne pouvait pas
s'opposer matériellement
à
l'intervention humanitaire,
malgré
son opposition sur la plan des principes (135).
Toutefois,
plus que le contexte,
c'est la motivation
juridique
de
la
résolution
qui
est
de
nature
à
apporter
un
éclairage décisif à
la portée de cet instrument normatif.
Le
Consei l
de
Sécurité,
ému
par
l'ampleur
des
souffrances
des
populations,
conscient de ses devoirs relatifs au maintien de
la paix et de la sécurité internationales,
agit manifestement
dans
le
cadre
du
chapitre
7 de
la
charte,
puisque
le drame
Kurde
constitue,
à
son
avis,
une
menace
à
la
paix
internationale.
Le
paragraphe
3 du préambule,
les articles
1
et
2
du
dispositif
du
texte
confirment
amplement
cette
analyse. Cependant,
lorsqu'on a parlé de menace à
la paix,
on
n'est pas quitte vis-à-vis de toutes
les questions que cette
qualification soulève.
Qu'est-ce qui constitue la menace à
la
paix internationale identifiée par le Conseil de Sécurité,
la
répression
des
populations
civiles
par
les
autorités
(134) DUPUY, P.M. après la querre du golfe ... R.G.D.I.P., 1991/3 p. 630.
(135) Voir ~ ce propos LUCROII, J.P. Du devoir d'assistance ~ la tentation d'ingérence. L'aide
hUlanitaire dans la crise du golfe. i, R.M.C., 1991, n' 349, p. 496-497. Dans le lêle sens,
MAYALL, J. lion-intervention, self déterlination and the "new world order" in. International
Affaires, 1991, vol. 67, n' 3.

- 105 -
Irakiennes
ou
seulement
les
répercussions
internationales
de
cette
répression,
notamment
les
mouvements
transfrontaliers
des réfugiés ? A cette question, la doctrine a majoritairement
apporté
une
réponse
en
faveur
du
deuxième
terme
de
l'alternative
une
attitude
que
l'on
peut
trouver
assez
frileuse,
sinon
conservatrice,
et
qui,
sans
être
erronée,
n'est pas
la
seule
qu'autorise
le
libellé
de
la
résolution,
dont
il
convient
de
citer
l'un
des
passages
importants,
le
paragraphe
3
du
préambule.
Dans
ce
passage,
le
Conseil
de
Sécuri té se dit "profondément préoccupé par la répression des
populations
civiles
Iraqiennes
dans
de
nombreuses
parties
de
l'Irak,
y compris très récemment dans
les zones de peuplement
Kurde,
laquelle
a
conduit à
un
flux
massif
de
réfugiés
vers
des frontières
internationales et à
-
travers celles-ci et à
des
violations
de
frontières,
qui
menacent
la
paix
et
la
sécurité internationales dans la région".
C'est
principalement,
sinon
exclusivement,
sur
ce
passage,
et particulièrement sur le mouvement transfrontalier
des réfugiés,
que
la doctrine s'est appuyée pour dire que la
menace
à
la
paix
est
liée
seulement
aux
conséquences
internationales de la répression, et non à
la répression elle-
même. La menace à
la paix n'aurait ainsi rien à voir, avec la
répression en soi,
problème purement
interne à
l'Irak.
C'est
ce
qu'exprime
sans
ambiguïté
le
Professeur
WECKEL
:"
La
résolution
688
(1991)
ne
se
fonde
pas
sur
des
motifs
humanitaires.
L'organe principal des Nations Unies s'en tient
au mandat dont il a été investi par l'article 24 de la charte.
Sa décision
est motivée explicitement par
le
franchissement
massif des frontières turques par une population en exode.
La
violation des droits de l'homme est retenue seulement dans ses
implications
internationales,
cette
sorte
de
trouble
anormal
de voisinage résultant de l'afflux des
réfugiés."
(136).
En
( 136) WEClŒL, P. op. cit. p. 194-195.

- 106 -
d'autres termes,
le Consei l
de Sécurité ne s'est pas départi
de
sa
pratique
classique
consistant,
sauf
le
cas
de
l'apartheid,
à
ne
pas
conférer aux
violations des
droits
de
l'homme un statut autonome dans la détermination des menaces à
la paix internationales,
quelle que soit
leur gravité
(137).
Une position similaire
est exprimée
par MM.
CORTEN et KLEIN
qui
estiment que
"le Conseil
de Sécurité est
loin de s'être
attribué
des
prérogatives
nouvelles
le
5
Avril
1991.
La
résolution
peut
être
qualifiée
de
relativement
classique".
(138).
Pour
ces
auteurs,
les
discussions
qui
ont
précédé
l'adoption
de
la
résolution
vont
largement
dans
ce. sens.
(139).
En
résumé,
pour
la
doctrine,
i l
faut
distinguer
les
violations
de
frontières
(140)
qui
seules
constituent
la
menace à la paix et la répression qui n'en constitue pas une.
Cette
présentation des
choses,
bien que
comportant
une
large
part
de
vérité,
n'est
pas
complètement
satisfaisante,
car
elle
minore
à
l'excès
la
place
des
préoccupations
d'ordre
strictement
humanitaire
dans
les
motivations
du
Conseil
de
Sécurité.
Certes,
l'analyse
présentée ci-devant se garde de réouvrir la boite de Pandorre
des
interventions
d' humani té,
en
ne
permettant
pas
que
des
motivations humanitaires
puissent autoriser des
interventions
dans
les
affaires
des
Etats.
Toutefois,
du
moment
que
l'intervention
humanitaire
à
légitimer
n'est
pas
celle,
décentralisée,
du
droit
international
classique
mais
plutôt
celle, collectivement organisée,
dans le cadre de la sécurité
collective, ce scrupule ne devrait-il pas être apaisé?
(137) IriECKEL, P. p. 195, note 89 :"la violation des droits de l'boue, quelle que soit sa gravité,
n'atteint donc pas directelent la sécurité internationale".
(138) CORTER, O. & KLEIN, p. op. cit. R.B.D.L, 1991/1, p. 96.
(139) Idel, p. 97-100. Dans le lêle sens, voir CARPENTIER, C. op. cit. 285
(140) Le terle de "violations de frontières", parlant de réfugiés qui fuient pour leurs survie, est
quelque peu curieux.

-
107 -
si
l'on reconsidère
le texte de
la résolution
688,
on se rend compte que la répression des populations tient une
place
presque
aussi
équivalente
à
celle
des
violations
des
frontières.
Tout d'abord,
le paragraphe 3 du préambule de
la
résolution
est
rédigé
d'une
manière
qui
n'en
facilite
pas
l'interprétation.
Il n'est pas facile de dire que seules,
les
violations
de
frontières
menacent
la
paix
internationale,
alors que cet élément se situe à la fin d'une énumération. On
peut considérer que ce sont, de façon conjuguée,
la répression
des
populations,
le
flux
des
réfugiés
et
les
violations
de
frontières qui constituent la menace à la paix internationale.
Toutefois,
il faut le redire,
ce paragraphe est assez ambigu.
En revanche,
les articles 1 et 2 du dispositif donnent toute
son
importance
à
la
répression
des
populations
dans
l'établlssement
de
la
menace
à
la
paix
internationale.
L'article
1
"condamne
la
répression
des
populations
civiles
iraqiennes ( ... ) qui a pour conséquence de menacer la paix et
la sécurité internationales dans la région". Cette disposition
établit un
lien important entre la répression et la menace à
la paix. Cependant,
il est possible de dire que si le Conseil
ne
spécifie
pas
dans
cette
disposition
la
manière
avec
laquelle
la
répression
menace
la
paix
régionale,
c'est
pour
l'avoir déjà
fait
au paragraphe
3 du
préambule.
L'article
2
semble
conforter
la
place
de
la
répression
dans
l ' établ issement
de
la
menace
à
la
paix
puisque,
pour
contribuer à
éliminer cette menace,
il
est demandé
à
l'Irak
de
mettre
fin
à
ladite
répression.
Il
n'est
pas
demandé
à
l'Irak de reprendre simplement ses populations,
ni de boucler
hermétiquement ses frontières,
quitte à
réprimer à
loisir et
sans
contrôle.
La
menace
à
la
paix
réside
donc
dans
la
conjonction
de
la
répression
et
des
conséquences
internationales de celle-ci,
les deux sont liés,
le second ne
va pas sans le premier.

-
108 -
s'il est difficile d'admettre que
la résolution 688
a
créé
une
règle
générale
d'ingérence
humanitaire
(141),
on
doit
noter
que,
timidement
certes,
ce
texte
ouvre
des
perspectives importantes d'action pour le Conseil de Sécurité.
Les
formules,
quelque
peu
précautionneuses
du
Conseil
n'en
laissent
pas
moins
transparaître
une
adjonction
au
champ
de
compétences du Conseil de pouvoirs en matière humanitaire.
Ce
qui
n'est
inscrit
qu'en
pointillés
dans
la
résolution
688
ressort plus clairement dans
les textes et
les
interventions
subséquentes du conseil, notamment dans le cas Somalien.
2 -
L'inscription progressive de l'action
humanitaire dans la recherche de la paix :
la résolution 794 du 3 Décembre 1992 relative
à la Somalie.
Avec
la résolution
794 du Conseil de Sécurité,
les
préoccupations d'ordre humanitaire gagnent en importance dans
l'action
du
Conseil
de
Sécurité
en
faveur
de
la
paix
internationale
l'action
humanitaire,
désormais,
est
un
instrument précieux de rétablissement et de construction de la
paix.
L'intervention humanitaire armée décidée par le Conseil
de
Sécurité
en
Décembre
1992
en
Somalie
nous
conforte
dans
cette
position.
Avant
d'étudier
les
enseignements
qu'apporte
la
résolution
794
dans
l ' insti tution
d'un
droit
d'ingérence
nouveau
pour
le
Conseil
de
Sécurité,
il
est
intéressant
d'analyser le fondement
juridique et l'application matérielle
de la résolution 794.
( 141) Dans ce sens, voir les interventions de nOlbreux responsables français in Politique Etrangère
de la France, Mai-Juin 1991, p. 7, p. 133 et Juillet-Août 1991, p. 14. En doctrine, voir
SATCHIVI, f. La règle de l'ingérence bUianitaire en droit international. L.PiA. 7 Février. 1992,
n' l, p. 16 et HEZAH, K. L'ingérence bUianitaire et les Kurdes in Revue Relations
Internationales et stratégiques 1991/3, p. 110.

-
109 -
a - Le fondement juridique et l'application de la
résolution 794 du Conseil de Sécurité.
La
résolution
794
du
Conseil
de
Sécurité
se
fonde
sur
plusieurs
dispositions
de
la
Charte
des
Nations
Unies.
Elle
s'inscrit
en
effet,
partiellement
dans
le
cadre
du
règlement
pacifique
des
différends
les
articles
1
à
9
du
texte oscillent entre le chapitre VI et le chapitre VII de la
charte,
entre
l'exhortation
au
bon
sens
et
l'exigence
autoritaire
de
celui-ci.
De
même,
la
résolution
794
relève
résiduellement
de
la
coopération
entre
les
Nations
Unies
et
les organisations
régionales,
prévue par
le chapitre VIII
de
la charte.
En
effet,
les
articles
15
et
16
du
texte
de
la
résolution se situent à la fois dans le cadre du chapitre VII
et dans le cadre du chapitre VIII.
L'article 16 décentralise,
au profit des
Etats membres
et des
organisations
régionales,
l'application
de
l'article
5
de
la
résolution
733
du
23
Janvier
imposant
un
embargo
sur
les
armes
vis-à-vis
de
la
Somalie.
Quant à
l'article 17,
la demande de soutien dans
la
mise en oeuvre de la résolution 794 est faite prioritairement
aux
Etats
et
organisations
internationales
de
la
région
du
conflit.
Il est évident,
toutefois,
que
la résolution 794 se
situe
largement
et
principalement
dans
le
cadre
du
chapitre
VII de la Charte,
puisque le Conseil de Sécurité dit réagir à
une menace
à
la
paix
internationale que
représente
la crise
somalienne.
Deux
éléments
ont
simultanément
contribué
à
la
qualification retenue par le Conseil de Sécurité. Au troisième
considérant
de
sa
résolution,
le
Conseil
de
sécurité
estime
que "l'ampleur de la tragédie humaine causée par le conflit en
Somalie, qui est encore exacerbée par les obstacles opposés à
l'acheminement de
l'aide
humanitaire,
constitue
une
menace
à
la paix
internationale".
Il
ressort de cette formulation que
la menace à
la paix procède de
l'existence en tant que telle
d'une
situation
conflictuelle,
mais
surtout
qu'elle
est
le
fait de la tragédie humaine qui en découle.

-
110 -
Lorsque
l'on
revoit
après
coup
le
déroulement
de
l'action internationale en Somalie,
la phase de l'intervention
militaire a été presque exclusivement motivée par le souci de
permettre
un
ravitaillement
plus
sûr
des
populations
sinistrées,
auxquelles
les
biens
de
première
nécessité
ne
parvenaient plus que
par miracle,
du fait
des
combats et de
l'ambiance d'insécurité généralisée dans le pays en découlant.
Selon
le
Secrétaire
Général
des
Nations
Unies,
M.
BOUTROS-
GHALI," les organismes donateurs se voient extorquer de fortes
sommes
d'argent
en
liquide
s'ils
veulent
exécuter
leur
mission.
C'est
ainsi
qu'ils
sont
obligés
de
faire
s'ils
veulent
assurer
leur
protection
( ... )
Ainsi,
l'assistance
humanitaire
n'atteint
souvent
qu'au
compte-gouttes
les
populations
auxquelles
elle
est
destinée".
(142).
Mettre
un
terme au règne du chantage et de l'extorsion devenait donc un
objectif
urgent
à
atteindre.
La
finalité
principalement
humanitaire
de
l'action
en
Somalie
transparait
dans
tout
le
reste
de
la
résolution
et
dans
les
déclarations
de
responsables
politiques
et diplomatiques.
L'interrogation qui
surgit à
ce
stade de
l'analyse
est celle
de
savoir si
l'on
peut
considérer
les
obstacles
opposés
à
l'acheminement
de
l'aide
humanitaire
dans
le
cadre
d'un
conflit
armé
comme
constitutifs,
par
eux-mêmes,
d'une
menace
à
la
paix
internationale.
Peut-on
faire
abstraction
de
la
situation
conflictuelle,
qui
est
par
nature
une
circonstance
assez
difficile
pour
un
déploiement
sans
encombre
de
l'aide
humanitaire
?
Une
telle
perspective
serait
sans
véritable
logique
du
moment
que
la
situation
humanitaire
est
dramatique du fait
de
l'existence d'un conflit armé,
peut-on
raisonnablement
prétendre
résoudre
seulement
le
drame
humanitaire sans s'en prendre à sa cause, sans faire la guerre
aux
parties
en
conflit
?
Pourtant,
à
la
lecture
de
la
résolution
794,
on
a
le
sentiment
que
l'entrave
à
l'acheminement de l'aide humanitaire
est, à elle
seule,
une
( 142) Propos ci tés dans Le Monde du 27 Novetbre 1992, p. 6.

-
111 -
une situation de menace à la paix internationale (143).
si ce
sentiment est
juste,
c'est donc
à
une extension véritable de
la
notion
de
menace
à
la
paix
que
nous
assistons,
dont
il
n'est
pas
facile
de
percevoir
aujourd'hui
toutes
les
conséquences.
Les
résolutions
antérieures,
du
Conseil
de
Sécurité relatives
à
la
Somalie,
notamment
la
résolution
767
du
27
Juillet
1992
et
la
résolution
775
du
28
Août
1992
semblent aller dans le sens de ce constat. Au considérant 9 du
préambule de la résolution 767, le Conseil de Sécurité affirme
que "la fourniture d'une aide humanitaire en Somalie constitue
un élément important des efforts du Conseil visant à
rétablir
la paix et la sécurité internationales dans
la région"
(144).
A contrario,
il paraît possible d'induire de cette disposition
que
toute
atti tude,
tout
acte
dont
l'effet
est
de
gêner
d'une manière ou d'une
autre
le libre acheminement de
l'aide
humanitaire est une contribution à la détérioration de la paix
internationale, et donc susceptible d'être "sanctionné" par le
Conseil
de
Sécurité,
comme
le
laisse
du
reste
entendre
l'article 4 in fine de
la résolution 767.
On peut penser que
ce
raisonnement,
qui
effectue
un
couplage
entre
l'action
humanitaire et la paix internationale,
faisant de la première
un
élément
indispensable
du
rétablissement
de
la
seconde,
n'est
valable
que
pour
la
Somalie,

les
obstacles
au
déroulement de
l'action
humanitaire
ont
certainement
atteint
la caricature, dépassant largement les difficultés auxquelles
une
telle
action
peut
raisonnablement
être
en
butte
en
situation de conflit armé.
Force est de constater,
néanmoins,
que
la
résolution
794
n'est
pas
isolée
dans
l'établissement
d'un lien étroit entre l'action humanitaire et la recherche de
la paix. La
résolution
770
du
13
août
1992,
relative
à
( 143) Voir point 12 du préalbu1e, paragraphes 7 et 10 du dispositif.
(144) Tenes exactelent repris au considérant 8 du préaJbule de la résolution 775.

-
112 -
l'action
humanitaire
en
Bosnie,
souligne
ce
couplage.
Au
paragraphe
4
de
son
préambule,
le
Conseil
de
Sécurité
considère
"que
la
situation
en
Bosnie-Herzégovine
constitue
une menace pour la paix et la sécurité internationales et que
l'aide
humanitaire
à
la
Bosnie-Herzégovine
représente
un
élément important de l'effort qu'il déploie en vue de rétablir
la paix et la sécurité internationales dans la
région".
L'application
de
la
résolution
794
marque
ce
glissement
sensible
de
l'action
humanitaire
dans
le
champ
d'action
du
Conseil
de
Sécurité
et
dans
le
processus
de
construction de la paix internationale.
La mission principale
assignée
aux
intervenants
consiste
à
instaurer
aussi
rapidement que
possible
des
conditions
de
sécurité
pour
les
opérations
de
secours
humanitaire
en
Somalie.
La
force
militaire multinationale dont
la
mise
sur pied est
prévue
à
l'article
Il
de
la
résolution,
qui
s'adjoindra
à
l'offre
américaine
pudiquement
évoquée
à
l'article
8,
n'a
pas
en
principe
d'autre
objectif
que
l'accompagnement
des
missions
humanitaires.
Il n'est pas question de s'interposer entre les
factions rivales en somalie, il ne s'agit pas d'aller empêcher
la poursuite de la guerre dans ce pays i
il s'agit simplement
d'aller
faire
en
sorte
que
les
hostilités
ne
gênent
pas
de
façon
excessive
la
conduite
de
l'action
humanitaire
internationale.
En
somme,
à
première
vue,
l'objectif
est
limité, ce n'est pas la pacification complète du pays qui est
immédiatement
poursuivie,
on
voudrait
seulement
ouvrir
des
couloirs
humanitaires
par
la
force
pour
acheminer
l'aide
jusqu'aux
populations
qui
meurent
de
faim.
si
cette
distinction des choses devait être tranchée,
la protection de
l'action humanitaire n' impl iquant
pas,
ipso
facto,
la guerre
faite aux factions en conflit,
la force multinationale serait
d'une relative inutilité : à quoi cela servirait-il de vouloir
guérir un mal en s'en prenant à ses conséquences et non pas à
ses causes ?

-
113 -
Il semble cependant que l'objectif de protection des
missions humanitaires ne soit pas
dissocié de l'objectif de
pacification
relative
du
pays.
N'ayant
pas
décidé
de
s'attaquer de front à la guerre civile, le Conseil de Sécurité
opère un détour par l'action humanitaire pour la faire cesser
en
somme,
au
lieu de
rétablir
la
paix
pour
favoriser
par
voie
de
conséquence
une
action
humanitaire
efficace,
c'est
l'action
humanitaire
qui
finit
par
représenter
la
voie
d'entrée du
Conseil de Sécurité pour le rétablissement de la
paix
en
Somalie
et
pour
l'amorce
d'un
processus
global
de
règlement de
la crise somalienne.
C'est donc avec un intérêt
certain qu'il
a
fallu
suivre
les
discussions
diplomatiques
relatives
à
la
question
de
savoir
si
le
désarmement
des
milices somaliennes rentrait dans les objectifs définis par la
résolution 794. Cette
question n'est pas abordée, en tant que
telle,
dans
la
résolution.
D'un
point
de
vue
formel,
le
représentant spécial des Etats-Unis en Somalie, Robert OAKLEY,
n'a
sans
doute
pas
tort
lorsqu'il
affirme
que
"dans
la
résolution du Conseil de Sécurité,
il n'y a pas un mot sur le
désarmement
des
protagonistes"
(145).
Toutefois,
une
interprétation
raisonnable
et
téléologique
de
la
résolution
devrait
amener
à
déduire
du
nécessaire
établissement
des
conditions
de
sécurité
pour
l'acheminement
de
l'aide
humanitaire
un
désarmement
minimal,
selon
les
éventualités,
des
factions
en
lutte.
Le
but
n'est
pas
de
dépouiller
complètement les
factions
de
leurs
armes
-
ce qui
est
peu
réaliste
et
ne
dérive
pas
en
tout
cas
de
la
lettre
et
de
l'esprit de
la
résolution
;
il
s'agit d'opérer
la
rétention
des
armes
dont
l'usage
entrave
ou
peut
considérablement
entraver
les
opérations
humanitaires.
C'est
du
reste
ce
qu'exprime
le
ministre
français
des
affaires
étrangères
au
cours d'une interview à France 2 le 15 décembre 1992 : "il ne
faut pas se tromper sur la mission qui a été
destinée
à
ces
(145) OAKLEY, R. Bos divergences avec l'O.B.U. in Jeune Afrique, n· 1671, janvier 1993, p. 28.

-
114 -
troupes.
Il
s'agit
de
forcer
le
passage
pour
permettre
l'acheminement
de
l'aide
humanitaire
( ... ).
[
Les
soldats
doi vent forcer
le
passage et
lorsqu' ils
trouvent ces bandes
armées
qui
pillent
les
convois
humanitaires
ils
les
mettent
hors
d'état
de
nuire.
Le
premier
acte
pour
les
mettre
hors
d'état de
nuire c'est de leur confisquer
les armes.
Donc ils
désarment"
(146).
En s'en tenant à
une
lecture stricte de
la
résolution, on peut dire que seul le désarmement qui aboutit à
faciliter immédiatement l'action humanitaire est implicitement
contenu dans la résolution.
Mais la résolution 814 du 26 mars
1993,
à
son
article
7,
élargit
la
perspective
en donnant
du
désarmement des
milices une place
qui déborde le cadre de la
sécuri té de
l'action humanitaire,
pour concerner
le
retour à
la paix civile (147).
L'intervention
militaire
d'accompagnement
de
l'action
humanitaire
en
Somalie
n'est
pas
une
opération
directement
conduite
par
les
Nations
Unies.
C'est
une
délégation du pouvoir de
recourir à
la force
faite au profit
de certains
Etats,
dont
les
Etats-Unis,
sur
le
modèle de
la
résolution
678
ayant
autorisé
le
recours
à
la
force
pour
la
libération du
Koweit.
Pour
éviter
cependant
l'absence
de
(146) Voir Politique étranqère de la France, novelbre-décelbre 1992, p. 207.
( 147) Apropos du point relatif au désarleJent ou non des factions souliennes en vertu de la
résolution 794 (1992), il ne faudrait du reste pas y voir seuleJent une controverse
diploutique. se révèle dans cette question le flou rédactionnel dans lequel selble parfois se
coaplaire le Conseil de Sécurité; un flou qui, dans une circonstance qui ilplique l'usage de la
force, peut aboutir à des dérives incontrôlables ou à une inaction condalllable, En tout état de
cause, il est parfois ardu de préciser la nature des opérations diligentées. COlle l'écrit le
professeur GAJA, parlant de la controverse sur le désaraelent des factions souliennes, "à
l'égard d'un lanqage aussi peu précis des résolutions on peut se deaander dans certaines
circonstances si on est en présence de contre-Iesures collectives dirigées par le Conseil de
Sécurité ou bien s'il s'agit de contre-aesures individuelles qui se greffent sur les contre-
lesures collectives", op. cit. R.,G.D.I.P. 1993/2, p. 314.

-
115 -
contrôle du Conseil de Sécurité observée sur la conduite des
hostilités
contre
l'Irak,
situation
dont
les
conséquences
néfastes ont été soulignées
(148),
La résolution 794 organise
quelques garde-fous, pour que la mission ne soit pas détournée
de son objectif humanitaire.
Il faut souligner tout d'abord la
place importante du Secrétaire Général dans tout le dispositif
l'habilitation
à
agir
donnée
par
le
Conseil
s'adresse
de
façon générale aux
Etats et au Secrétaire Général.
L'article
13
de
la
résolution
évoque
la
nécessité
d'une
coordination
entre l'O.N.U.
et les forces militaires des Etats participant
à
la
force
multinationale.
Une
commission
ad hoc
est créée,
chargée
de
faire
des
rapports
sur
l'application
de
la
résolution
; enfin un groupe de liaison de l'O.N.U.S.O.M.
est
détaché
auprès
du
commandement
unifié
de
la
force
multinationale.
La
résolution
814
du
26
mars
1993
opère
le
transfert
des
opérations
de
la
force
d'intervention
multinationale unifiée à
l'opération O.N.U.S.O.M.
II,
mettant
fin à la phase strictement humanitaire de l'action de l'O.N.U.
en Somalie.
b - La place de la résolution 794 dans l'institution
d'un droit d'ingérence humanitaire
L'étude
des
motivations
juridiques
du
Conseil
de
Sécurité,
ou
en
tout
cas
la
consistance
des
préoccupations
humanitaires
dans
ces
motivations,
prouve
à
suffisance
que
l'humanitaire
est
rentré
dans
le
champ
de
compétences
du
Conseil
de
Sécurité.
Le
Conseil
se
reconnait
le
droit
de
considérer
qu'une
tragédie
humaine
ayant
lieu
à
l'intérieur
d'un Etat, dans le cadre d'un conflit armé non international,
est
une
menace
à
la paix
internationale
et
appelle
par
(148) LE IlOUTBILIiER, Y. ; IlORIN, M. Réflexions sur la validité des opérations entreprises contre
l'Irak au reqard de la charte des Nations Unies et du droit canadien, in Annuaire canadien de
droit international 1991, Vol. XXIX, p. 155-164.

-
116 -
conséquent,
son intervention.
C'est une évolution sensible du
rôle du Conseil de Sécurité, qui n'a pas manqué d'être relevée
par maints commentateurs.
L'éditorialiste du
journal Le Monde
du
3
Décembre
1992
note
que"
l'intervention
en
Somalie
méconnait
le
vieux
principe
onusien de
non-intervention dans
les affaires
intérieures d'un pays.
Ce n'est pas
la première
fois,
mais les précédentes transgressions de ce principe ( ... )
étaient
beaucoup
plus
timorées
puisqu'elles
n'envisageaient
d'intervention
de
l'O.N.U.
qu'en
accord
avec
toutes
les
parties
belligérantes".
si
le
caractère
novateur
de
la
résolution n'est pas contesté, en ce que pour la première fois
une
intervention
armée
est
décidée
pour
l'accomplissement
d'une mission strictement humanitaire,
deux éléments contenus
dans
la
résolution
peuvent
contribuer
à
relativiser
l'inscription de
l'humanitaire dans le bloc de compétences du
Conseil
de
Sécurité,
deux
éléments qu'il
convient d'analyser
et dont l'importance est à préciser.
Le premier élément, c'est le doute que peuvent créer
certaines
formules
contenues
dans
la
résolution
sur
le
problème de savoir si
l'intervention militaire a
été
imposée
aux parties en conflit en Somalie ou si elle s'est fondée sur
leur
consentement
préalable.
s ' i l
devait,
en
effet,
être
établi qu'une telle intervention a été requise par les parties
en Somalie,
cela pourrait relativiser l'importance historique
attribuée
à
la
résolution
794.
Selon
les
termes
de
son
préambule,
la
résolution
794
est
une
réponse
du
Conseil
de
Sécurité
"aux
appels
urgents
que
la
Somalie
lance
à
la
Communauté internationale afin qu'elle prenne des mesures pour
assurer
l'acheminement
de
l'aide
humanitaire
en
Somalie".
Cette
formule
répond
en
écho
à
celle
qui
ouvre
toutes
les
résolutions antérieures du Conseil
relatives
à
la Somalie
;"
Considérant
la
demande
de
la
Somalie
visant
à
ce
qu'il
(le
Conseil) examine la situation dans ce pays". Cela signifie, si
les
mots
ont
un
sens,
que
l'intervention
militaire
décidée
répondrait tout simplement à une demande Somalienne préalable.

-
117 -
Une telle constatation est déconcertante à
un double titre
en
premier
lieu,
on
est
troublé
par
l'évocation
d'''appels''
venant de la Somal ie,
un
pays dont on a
dit qu'en
l'absence
d'un
gouvernement
stable
l'Etat
avait
disparu
(149)
par
ailleurs,
on
s'interroge
sur
la
cohérence
théorique
qu'il
y
aurait
à
subordonner
l'application
de
mesures
relevant
du
chapitre VII de la charte des Nations
Unies
au
consentement
préalable
de
l'Etat
auquel
ces
mesures
sont
destinées.
En
prétendant
répondre
à
des
appels
lancés
par
la
Somalie,
le
Conseil
de
Sécurité
entretient,
sans
convaincre,
l'illusion
d'une
intervention
consentie
par
un
Etat
membre
dans
ses
affaires
intérieures.
C'est aussi
une
manière assez
douteuse
de
vouloir
se
conformer
aux
principes
récemment
élaborés
en
matière
d'assistance
humanitaire
internationale,
tels
que
la
résolution 46/182 de l'Assemblée Générale des Nations Unies en
date du 19 Décembre 1991
les a précisés.
L'article 3 in fine
de cette résolution stipule en effet que
"l'aide
humanitaire
(149) La question de la disparition de l'Etat SOlalien lérite une attention particulière. Elle pose
le problèle de savoir couent une situation de relative désorganisation politique, voire d'anarchie,
peut être cOlpatible avec la continuité d'une structure étatique au sens du droit international. Au
10lent où l'opération aléricano-onusienne "Rendre l'espoir" est décidée, il y a plus d'un an que le
Président solalien SIAD BARRE a quitté le pays ( 30 Avril 1991) pour s'enfuir au Kenya voisin.
Incapables de aaitriser leurs clivages etnniques, ses adversaires se laissent entrainer, dès le lois de
septelbre 1991, à des affrontelents violents et leurtriers. Au nord, les Issaks du Mouvelent National
SOlalien ont fait sécession en créant le SOlaliland, en Avril 1991. Au Sud, et notauent dans la
capitale, les colbats font rage entre le clan de H. ALI MAHDI Hohaued, qui s'est auto-proclaaé
Président par intéril du pays, et le Général Mohaled FARAD AIDID. Depuis cette date, le pays est livré
aux factions en lutte, aucune ne parvenant à s'ilposer un tant soit peu aux autres: il n'y a plus de
gouvernelent,
plus d'adlinistration,
plus de services publics fonctionnant réqulièrelent.
sans
caricatures, le désordre est rée11elent généralisé.
Cette absence d'autorité centrale représentant un linilUi d'organisation socio-politique
pouvait-elle justifier que l'on tienne l'Etat SOlalien pour disparu? On l'a pensé et cela a été écrit.
Devant les députés, le Ministre des Affaires étrangères français déclare : "il faut que vous sachiez

-
118 -
que, si le pays existe, il n'y a plus d'Etat en SOlalie .... (in Politique Etrangère de la France,
Novelbre-Décelbre. 1992, p. 140). Sur un terrain plus juridique, le Professeur Jean CIlARPEHTlER écrit
qu'·il n'y a plus d'Etat Solalien i il n'est pas le destinataire de la résolution. (... ) Un ·territoire
sans laitre· n'a plus de souveraineté i il est à la lerci d'une occupation· (le phénolène étatique à
travers les grandes lutations politiques contelporaines. Rapport présenté au colloque de Nancy de la
S.F.D.l Juin 1993, p. 21.). La dernière phrase du propos du Professeur CIlARPEHTlER révèle l'enjeu de la
question relative à la disparition ou à la continuité de l'Etat Soaalien : conclure à la disparition,
c'est dire que l'entité Solalienne ne pourrait plus prétendre au bénéfice des nones protectrices de la
souveraineté étatique, dont le principe de non-ingérence; ainsi, sans encourir le reproche d'intervenir
dans un Etat, tout autre Etat pourrait y lener toute action de son choix, y cOlpris, selon M.
CIlARPEHTlER, engager un processus d'occupation. En d'autres tenes, un territoire sur lequel vit une
population qui n'a pas bâti une structure étatique est autolatiquelent un territoire sans aaître, un
enselble de cOlpétences en flotaison, attendant un prétendant à leur exercice !
Conclure à la disparition de l'Etat SOlalien du fait de l'absence d'une autorité
gouvernelentale stable correspond à une certaine vision des rapports entre les élélents dits
constitutifs de l'Etat: le territoire, la population, la structure gouvernelentale. En considérant les
opinions cités plus haut, on peut penser que pour elles, l'Etat n'existe en droit international que si
l'existence silultanée de ces trois élélents est avérée, de sorte que la disparition de l'un d'eux
elporte celle de toute la structure étatique ; ces opinions peuvent suggérer aussi gue la structure
gouvernelentale est l'élélent prédolinant dans la définition de l'Etat. (Dans ce sens, voir FlEDOROWlCZ,
C. De continuité de l'Etat, in Revue de Droit International, 1939, p. 145 : ·l'essentiel dans chaque
Etat est l'existence d'une puissance publique, d'une puissance étatique .... ). Enfin, l'opinion du
Ministre français suggère l'idée que la disparition de l'Etat est liée li l'attitude des autres Etats
tout COlle, dans la thèse constitutive, la reconnaissance d'Etat est la condition de l'existence
internationale de l'Etat. (En ce sens, voir RAESTAD, A. La cessation des Etats d'après le droit des
gens, R.D.l.L.C., 1939, p.447 :. En droit international, pour décider si un Etat a cessé d'exister ou
non, il faut (... ) se rapporter li l'attitude de la collectivité des Etats, de cette lèle collectivité li
laquelle incolbe la reconnaissance d'un nouvel Etat· ; contra, voir cOllission d'arbitrage - Conférence
pour la paix en Yougoslavie, Avis n' 1 du 29 Novelbre 1991, R.C.D.l.P., 1992, vol. 96 p. 264 :
·l'existence ou la disparition de l'Etat est une question de fait i ( ... ) la reconnaissance par les
autres Etats a des effets purelent déclaratifs·).
Quoiqu'il en soit de ces théories, les Nations Unies ne selblent pas avoir adlis l'idée
de la disparition de l'Etat Solalien. La représentation statutaire de la Soaalie li l'Asselblée Générale
n'a aucunelent été relise en cause. Mèle si l'adlission d'un Etat aux Nations Unies ne vaut pas
reconnaissance par les autres lelbres du dit Etat, il reste que le fait d'appartenir à l'organisation

-
119 -
Universelle présu.e de la qualité d'Etat, si tant est que seuls des Etats peuvent en être letbres, en
vertu des articles 3 et 4 de sa charte constitutive. De plus, la résolution 794 du 3 décetbre 1992 ne
setble pas avoir accueilli l'idée d'une disparition de l'Etat SOaalien. Certes, contrairelent à la
résolution 688 du 5 Avril 1991, elle ne s'adresse pas expressélent à un Etat; cependant, d'être adoptée
dans le cadre du chapitre VII de la charte, qui organise des lesures d'intervention à l'intérieur des
Etats ou en cas de lenace à la paix, rupture de la paix ou agression, laisse penser que cette résolution
concerne bien un Etat, indépendallent du problèle de savoir si cet Etat existe encore réellelent ou non.
La résolution s'adresse aux factions en lutte, lais surtout au peuple Soaalien dont il est utilelent
rappelé au dernier considérant du préatbule qu'il "a la responsabilité ultile de la réconciliation
nationale et de la reconstruction de son propre pays'. Cette disposition est ilportante. Car, COlle
l'écrit le Professeur 1I01J'!'ON, "cette référence au peuple SOlalien est particulièrelent intéressante
surtout si l'on considère qu'il n'y a pas reconnaissance officielle d'une disparition de l'Etat
SOlalien. Dans cette perspective, le peuple devient en tant que tel l'élélent constitutif prédolinant de
l'Etat SOlalien que l'action des Nations Unies fondée sur le chapitre VII vise à reconstituer. Cela
signifie qu'en situation de crise grave, du type occupation de guerre ou anarchie dans un Etat, le
peuple devient l'élélent constitutif prédolinant. Lorsque la situation est rétablie le peuple redevient
population, élélent traditionnel constitutif de l'Etat".
(IIOOTON, J.O. L'Etat selon le droit
international: diversité et unité. Rapport présenté au colloque de la S.F.D.!, Nancy. Juin 1993. p.32).
On ne saurait donc conclure à la "disparition" de l'Etat SOlalien.
On pourrait d'ailleurs pousser ce raisonneaent plus loin. A supposer lêle que l'on
adlette que l'Etat SOlalien a disparu, cela ilpliquerait-il que la SOlalie serait juridiquelent devenue
purelent et silpleaent un territoire sans aaitre, susceptible d'être occupé par tout autre Etat sans
aucune violation du droit international? Nous ne le pensons pas. L'Etat n'est pas l'unigue lOdalité
qu'un peuple ou une nation peut utiliser pour exercer son droit à l'autodétenination. selon la
résolution 2625 (XXV) du 24 Octobre 1970, à côté de la création d'un Etat indépendant, de la libre
association ou intégration avec un Etat indépendant, il est prévu une autre lodalité d'exercice par un
peuple de son droit d'autodétenination à savoir "l'acquisition de tout autre statut politique librelent
décidé par un peuple". Le peuple SOlalien n'est pas tenu de vivre dans le cadre d'une structure étatique
; il pourrait s'en débarrasser sans perdre son droit à disposer autrelent de son destin. Reste à savoir
si l'acquisition d'un statut politique autre que la fone étatique pourrait garantir à un peuple les
règles de protection de son indépendance élaborées par le droit international au profit des peuples
vivant dans le cadre de structures étatiques ...

- 120 -
devrait être fournie avec le consentement du pays touché et en
principe sur
la
base d'un appel
lancé
par ce dernier".
Pour
qu'une telle clause soit applicable,
i l
faut qu'il
existe un
pouvoir
gouvernemental
suffisamment
stable,
effectif,
susceptible
de
servir
d'interlocuteur
valable.
C'est
ainsi
que,
dans
sa
résolution
752
du
15
Mai
1992
relative
à
la
Bosnie-Herzégovine,
le
Conseil
note
"le
besoin
urgent
d'une
assistance humanitaire et les différents
appels
lancés à
cet
égard,
en
particul ier
par
le
Président
de
la
Bosnie-
Herzégovine"
(150).
En revanche,
compte tenu de
la
situation
de
dispute
armée
du
pouvoir
par
des
factions
rivales,
on
conçoit
difficilement
l'existence
d'une
autorité
pouvant
engager
avec
des
garanties
minimales
de
représentativité,
l'ensemble de la communauté nationale. Ne pouvant s'y opposer,
les
factions
rivales
se
sont
résignées
au
déroulement
de
l'intervention
militaire,
en
la
tolérant,
à
défaut
de
l'approuver réellement.
Quant à
la compatibilité
du consentement de
l'Etat
concerné avec l'application des mesures prises dans
le cadre
du chapitre
VII,
elle nous
semble difficile
à
établir.
A ce
sujet, une alternative peut être exprimée : ou bien le Conseil
de Sécurité n'agit pas dans le cadre du chapitre VII et alors
il faut obtenir le consentement des autorités de l'Etat dans
lequel a lieu l'action; ou bien le Conseil agit dans le cadre
du chapitre
VII
et il
n'est
point besoin du consentement de
l'Etat en cause. L'action devant se dérouler malgré l'attitude
de l'Etat, son consentement à l'exécution de la décision prise
n'a
guère
de
sens.
Les
"appels"
de
la
Somalie,
sorte
de
consentement par avance à
l'intervention décidée le 3 décembre
1992, n'ajoutent strictement rien à la légitimité
juridique de
la résolution 794. Donner l'impression que l'appel conditionne
(150) 7è1e considérant du préalbule.

-
121 -
l'intervention,
donc
que
le
consentement
à
celle-ci
est
nécessaire,
c'est vouloir dire que
les mesures prises sur
la
base
du
chapitre
VII
ne
pourraient
être
traduites
dans
les
faits
qu'avec
l'acceptation
des
Etats
visés.
Une
telle
théorie, qui serait dangereuse pour l'efficacité du Conseil de
Sécurité, ne saurait être retenue.
Le
deuxième
élément
qui
pourrait
relativiser
l'apport de la résolution 794 dans le processus d'inscription
de
l'humanitaire
dans
le
champ
d'action
du
Conseil
de
Sécurité,
c'est l'insistance mise sur la particularité du cas
somalien.
En
effet,
les
termes
contenus
dans
la
résolution
visent à en ressortir le caractère exceptionnel.
Le préambule
du
texte
souligne
que
"la
situation
actuelle
en
Somalie
consiste
un
cas
unique"
d'un
"caractère
extraordinaire"
qui
appelle
"une
réaction
immédiate
et
exceptionnelle"
(151).
Manifestement,
tout se
passe comme
si,
conscients
sans doute
de
l'importance
du
précédent
à
bâtir,
les
Etats
membres
du
Conseil de Sécurité voulaient absolument réduire la portée de
la résolution au seul cas somalien,
celle-ci ne pouvant faire
jurisprudence
pour
les
situations
analogues
à
venir.
Il
serait naïf de vouloir donner au "caractère extraordinaire" de
la situation en Somalie une portée excessive,
réduisant ainsi
son apport dans
la cristallisation d'un droit d'ingérence des
Nations
Unies
en
matière
humanitaire.
Rien,
en
effet,
n'empêche
le
Conseil
de
Sécurité,
à
l'occasion
d'un
drame
humanitaire qui
lui
semble constituer une menace
à
la
paix
internationale,
d'engager une action d'intervention militaire,
tout en soulignant à
chaque
fois
la
particularité,
l ' unicité
ou
l'exceptionnalité
de
la
situation.
Si
l'on
veut,
on
pourrai t
tou jours y voir un boucl ier contre l'invocation d'un
dangereux
précédent.
Mais
qui
ne
voit
qu'un
tel
bouclier
n'offre
qu'une
protection
chimérique
face
à
la
volonté
d'intervention du Conseil de Sécurité?
( 151) Deuxièle considérant du préalbule de la résolution 794.

- 122 -
Pour
conclure
sur
l'intervention
du
Conseil
de
Sécurité
dans
le
processus
d'institution
d'un
droit
d'ingérence
humanitaire,
quelques
observations
peuvent
être
faites,
l'une
portant
sur
le
pouvoir
de
qualification
du
Conseil
en
vertu
de
l'article
39
de
la
charte
des
Nations
Unies,
l'autre
relative
à
l'attitude
des
Etats
face
à
l'insertion
progressive
de
l'humanitaire
dans
le
champ
des
préoccupations du Conseil.
On
peut
penser
en
effet
que,
plus
que
des
résolutions
de
portée
générale
adoptées
par
l'Assemblée
générale, c'est sur le pouvoir de qualification des situations
du
Conseil
de
Sécurité
que
l'action
humanitaire,
et
l'ingérence
humanitaire
particulièrement,
trouvent
leur
avenir.
Il
sera
toujours
loisible
au
Conseil
de
constater,
dans
un cas ou dans un
autre,
une
situation de menace
à
la
paix ; en conséquence,
le Conseil pourra toujours prendre les
mesures
prévues
au
chapitre
VII
de
la
charte,
d'une
façon
autonome
ou
dans
le
but
d'assurer
le
bon
déroulement
de
l'action humanitaire, étant entendu que sous couvert du second
aspect,
le
Conseil
de
Sécurité
pourrait
entreprendre
une
action dans
le cadre traditionnel,
celui
du maintien de
la
paix. Le
juriste pourra
continuer à remarquer que le Conseil
n'aura
usé que d'un droit d'intervention
institué,
organisé
par l'article 2 alinéa 7 in fine de la charte,
et qu'il aura
réagi à une menace à la paix, hypothèse somme toute classique.
Cependant,
il est manifeste que cela relèvera progressivement
d'un formalisme certain, masquant la prise à bras le corps par
les
Nations
Unies
de
l'efficacité
de
l'action
humanitaire
internationale,
notamment
dans
les
conflits
armés
non-
internationaux.
En ce qui concerne l'attitude des Etats membres des
Nations
Unies
vis-à-vis
du
rôle
du
Conseil
de
Sécurité
en
matière humanitaire tel
qu'il
apparaît depuis
1991,
elle est
difficile
à
préciser.
Pour
le
professeur
SETTATI,
la

- 123 -
terminologie
toujours
plus
exigeante
des
résolutions
du
Conseil de Sécurité,
de même que les majorités toujours plus
importantes
lors
des
scrutins
concernant
l'adoption de
ces
résolutions, sont le signe d'"une
acceptation de plus en plus
large
du
droit
d'ingérence"
(152).
Cette
conclusion
nous
semble
devoir
être
nuancée.
Plus
le
Conseil
de
Sécurité
se
prononce sur le même dossier,
plus il a tendance à se montrer
exigeant
et
autoritaire
vis_à-vis
du
non-respect
des
résolutions
précédentes.
La
fermeté
dans
la
terminologie
employée
dans
les
résolutions
nous
semble
s'expliquer
davantage par la gradation des réponses du Conseil de Sécurité
à
une
crise dont il est saisi depuis déjà quelque temps, que
par
un
climat
général
d'acceptation
enthousiaste
du
droit
d'ingérence.
Quant
à
l'argument
tiré
de
l'évolution
des
majorités
pour
l'adoption
des
résolutions
à
caractère
humanitaire,
il nous semble tout à
fait
pertinent.
Alors que
la résolution 688 du 5 avril 1991 s'est heurtée à l'opposition
claire
de
trois
Etats,
toutes
les
résolutions
concernant
la
Somalie,
y
compris
la résolution 794
autorisant le recours
à
la
force
armée,
ont été
acquises
à
l'unanimité.
En
ce
qui
concerne
la
Bosnie-Herzégovine,
on
note
également
des
résolutions adoptées à l'unanimité ou avec de fortes majorités
simplement
tempérées
par
des
abstentions
et
non
des
oppositions formelles
ainsi la Chine et le Zimbabwé se sont-
ils abstenus sur la résolution 757 du 30 mai 1992,
l'Inde se
joignant à
ces
deux
Etats
pour s'abstenir
sur
la
résolution
770 du 13 août 1992, dont les termes du paragraphe 2 pouvaient
être interprétés comme autorisant le recours à la force armée
par
les
Etats
pour
assurer
l'acheminement
de
l'aide
humanitaire en Bosnie. si l'on peut constater un vote toujours
positif
des
Etats
occidentaux
au
moment
de
l'adoption
des
textes à caractère humanitaire,
l'attitude des Etats du Tiers-
Monde n'est pas systématiquement frileuse. Ces Etats
ne
sont
(152) BETTATI, M. Cohérence ou irrévérence? in Les cahiers de l'Express, n' 20, lars 1993,
p. 106-107.

-
124 -
pas
systématiquement
opposés
à
toute
idée
d'intervention
humanitaire, à partir du moment où elle est organisée dans le
cadre collectif des Nations Unies.
Il reste à savoir s'il est
légitime
de
prétendre
tirer
de
l'analyse
des
scrutins
au
conseil
de
Sécurité,
organe
suffisamment
restreint
pour
représenter
complètement
la
communauté
internationale,
"une
acceptation large du droit d'ingérence",
Paragraphe 2 - Une consécration coutumière discutable du droit
d'ingérence
L'analyse
des
résolutions
des
organes
des
Nations
Unies
ne
nous
a
pas
permis
de
conclure
à
l'existence
non
équivoque,
dans
le
droit
international
positif
actuel,
d'un
droit d'ingérence général en faveur des causes humanitaires à
l'intérieur des
Etats.
Pour autant,
ne peut-on
pas
percevoir
dans
ces
sources
juridiques,
au
caractère
positif
et
obligatoire
certes
controversé
pour
certaines,
des
indices
militant
en
faveur
d'une
consécration
coutumière
du
droit
d'ingérence humanitaire?
Se
poser
aujourd'hui
la
question
de
la
valeur
coutumière
du
droit
d'ingérence
humanitaire
peut
sembler,
a
priori,
problématique.
Compte
tenu
du
caractère
récent
du
problème,
on
peut
se
demander
s'il
s'est
écoulé
un
temps
suffisant pour qu'une règle coutumière d'ingérence humanitaire
se
soit déjà
formée
et
puisse s'imposer,
de
façon
générale,
aux Etats de la communauté internationale dans son ensemble. A
ce
propos,
il
faut
faire
remarquer
que
si
dans
l'analyse
classique,
la répétition des actes à la base de la formation
d'une
coutume
devait
s'effectuer
avec
constance
et
surtout
avec
uniformité
sur
une
période
raisonnablement
longue,
cet
élément tend à se relativiser.
En ce qui concerne la constance
et
l'uniformité
de
la
pratique,
la
Cour
internationale
de
justice
a
énoncé
que
pour
qu'une
règle
coutumière
soit

-
125 -
établie,
il n'est pas absolument nécessaire que les actes des
sujets
de
droit
international
y
soient
rigoureusement
conformes. Dans l'arrêt de 1986 rendu à propos de l'affaire du
Nicaragua,
la
cour
déclare
en
effet
qu'il
n'est
pas
nécessaire, "pour qu'une règle
soit
coutumièrement
établie,
que
la
pratique
correspondante
y
soit
rigoureusement
conforme Il (153).
De même, pour ce qui concerne l'élément de la
durée dans
la répétition des actes
créateurs de
la coutume,
la
cour
a
clairement
posé
que
"le
fait
qu'il
ne
se
soit
écoulé qu'un bref laps de temps ne constitue pas,
en soi,
un
empêchement
à
la
formation
d'une
règle
nouvelle
de
droit
international coutumier"
(154).
Par voie de conséquence,
rien
ne s'oppose à
ce
que,
du point de vue théorique,
une règle
coutumière en faveur du droit d'ingérence humanitaire se soit
déjà créée ou soit en voie de consécration. Est-ce le cas ?
Pour
répondre
à
cette
question,
il
nous
semble
inévitable de
nous
baser
sur
les
deux
éléments
généralement
constitutifs de la coutume internationale,
en essayant de voir
si
la
norme
en
construction
s'y
conforme
la
coutume
internationale
étant
définie
par
l'article
38
alinéa
l-b
du
Statut de
la Cour
internationale de
justice comme
"la preuve
d'une
pratique
générale
acceptée
comme
étant
le
droit",
il
nous
revient
de
vérifier
si
l'ingérence
humanitaire
est
devenue une pratique générale,
et
si cette pratique générale
est acceptée comme étant le droit.
Il faut bien distinguer la
pratique
de
l'opinion
juris,
et
se
garder
de
ramener
l'essentiel de
la recherche de
la
norme coutumière à
l'étude
de
la
pratique,
qui
serait
à
elle
seule
la
preuve
d'une
opinion juris favorable générale, alors même qU'elle serait le
fait d'une
minorité
d'Etats de
la
société
internationale.
C'est la conscience
d'agir
conformément
au
droit, soit
un
(153) C.I.J. Rec. 1986, Par. 186.
(154) C.I.J. Rec. 1969, Plateau continental de la ter du Nord, p. 43.

-
126 -
droit
existant,
soit
un
consensus
normatif
émergeant
avec
évidence
pour
tous,
qui
transforme
la
pratique,
simple
succession
de
faits,
en
droit,
ou
donne
à
une
pratique
subséquente
sa
légi timi té.
La
pratique
n'incorpore
pas
nécessairement une opinio
juris chez l'acteur, a fortiori une
opinio
juris
générale
;
les
deux
éléments
se
confondent
lorsque
la pratique suit l'émergence de
l' opinio
juris,
ils
peuvent diverger lorsque la pratique précède l'opinio
juris.
Ces
précisions
théoriques
étant
faites,
il
faut
répondre
maintenant
à
la
question
centrale
le
droit
d'ingérence
humanitaire
est-il
déjà
une
norme
coutumière
du
droit
international actuel ?
A - Des précédents d'ingérence humanitaire peu
concluants
Selon
le
professeur
DUPUY,
"le
droit
pour
les
populations
en
détresse
de
recevoir
une
aide
internationale
d'urgence
lorsqu'il
s'avère
qu'elles
ne
peuvent
être
efficacement secourues par leurs propres autorités est en voie
de consolidation coutumière dans le droit international public
contemporain"
(155).
Il
importe
de
savoir
de
quoi
procède
cette "consolidation coutumière",
ce d'autant plus que,
selon
l'éminent auteur, et malgré l'évidente prudence de son propos,
ce
droit
"s'autorise
aujourd'hui
d'une
pratique
internationale ll
(156).
Le
problème
est dès
lors de
spécifier
la pratique pertinente devant être prise en considération.
A
ce
sujet,
on
peut
noter quelques
flottements
au
sein de
la
doctrine.
En
effet,
dans
le
but
de
trouver
un
fondement
juridique,
coutumier
notamment,
à
la
possibilité
d'imposer
d'autorité
des
secours
humanitaires
à
des
Etats
qui
ne
(155) DUPUY, P.M. Un droit nouveau: urgence pour l'urgent in
Le Monde des débats, Janv. 1993, p. 3
(156) Idel.

-
127 -
consentiraient point à les recevoir pour leurs populations, on
invoque indistinctement les cas d'intervention d'humanité,
les
cas
d'intervention
de
sauvetage
des
nationaux
à
l'étranger,
sur
lesquels
nous
reviendrons
plus
loin
(157).
Il
faut
distinguer pourtant l'action humanitaire
imposée d'autorité à
un
Etat
par
un
autre
de
l'intervention d' humani té
et encore
davantage du sauvetage des nationaux à l'étranger.
L'évocation
des
cas
d'intervention
d'humanité
ici
n'a
pour
but
que
de
relever
leur
impertinence
en
tant que
précédents d'ingérence
humanitaire.
Après
quoi,
il
importera
de
rechercher
quels
précédents
pourraient
éventuellement
être
réellement
pertinents.
1 -
Des pratiques interventionnistes nombreuses mais
sans pertinence.
Il
existe
de
nombreux
exemples
d'intervention
se
réclamant des
finalités
humanitaires depuis la seconde guerre
mondiale,
qui
sont
souvent
invoquées
à
l'appui
de
la
revendication d'un droit d'ingérence humanitaire.
Deux de ces
interventions
seront
ici
étudiées
l'intervention
de
la
Tanzanie
en
Ouganda
en
1979,
et
l'intervention
française
en
Républ ique Centrafricaine.
Dans ces deux cas,
nous
sommes
en
face de vraies fausses
interventions d'humanité
i
à
fortiori,
nous SOmmes loin de cas d'imposition des secours humanitaires.
Pour
ce
qui
concerne
l'intervention
Tanzanienne
en
Ouganda,
il
y
a
lieu
de
restituer
les
faits
de
la
cause.
Pendant
le
mois
de
Novembre
1978,
les
forces
armées
ougandaises pénètrent en territoire Tanzanien et annexent une
superficie de près de 1850 Km'.
(158). La
Tanzanie
réagit
à
(157) SETTATI, M. Le droit d'ingérence: sans et portée in le débat, Nov-Déc 1991, p. 7.
(158) 'loir ROUSSEAU, Ch. Chronique des faits internationaux, R.G.D.I.P., 1979-2, p. 1058-1059.

-
128 -
cette
action
de
l'Ouganda
non
seulement
en
repoussant
l'attaque
Ougandaise,
mais
en
allant
encore
plus
loin.
En
effet,
en Janvier
1979,
les troupes de la Tanzanie pénètrent
en
Ouganda,
avec
pour
mission
de
déposer
le
gouvernement
dirigé
par
M.
101
AMIN
DADA,
considéré
par
les
autorités
Tanzaniennes comme une bande de voyous à
chasser du pouvoir.
Quelques mois plus tard,
les troupes tanzaniennes,
aidées par
des
rebelles
ougandais,
investissent
la
capitale
le
gouvernement
de
101
AMIN
DADA
est
déposé,
un
nouveau
gouvernement est formé,
prenant l'engagement de respecter les
droits de l'homme. Tels sont, de façon sommaire, les faits.
Il
faut maintenant savoir comment les interpréter.
On a
parlé à
propos
de
l'action
Tanzanienne
d'un
cas
d'intervention
d'humanité,
compte
tenu
de
l'intention
affichée
par
les
autorités du
pays
intervenant de
libérer
le peuple ougandais
d'un régime tyrannique et sanguinaire, dont la bouffonnerie et
la
jacquerie ont
jeté l'opprobre sur l'Afrique en général
et
l'Afrique
Noire
en
particulier.
Cette
interprétation
nous
semble
plausible
et
correspond
pour
l'essentiel
à
la
déf ini tion classique de l'intervention d' humani té,
qui
évoque
l'intervention
d'un
Etat
tiers
pour
obliger
un
autre
à
respecter
les
droits
de
l'individu,
à
adopter
des
moeurs
politiques moins cruelles. Toutefois, cette action tanzanienne
peut être analysée sous un autre aspect. En effet,
la Tanzanie
ayant
été
victime
d'une
agression
armée
de
la
part
de
l'Ouganda,
l'action
en
réaction
du
dit
pays
n'est
qu'une
réaction de légitime défense,
telle qu'elle est organisée par
l'article
51
de
la Charte
des
Nations
Unies.
Encore
faut-il
prec~ser que
la
légitime défense
doit
être
considérée comme
épuisée du moment que les troupes ougandaises sont repoussées
dans leurs bases nationales
; car.
on ne peut pas considérer
la marche des troupes
tanzaniennes sur Kampala comme un acte
rentrant
dans
la
légitime
défense
prévue
par
la
Charte
des
Nations Unies. si l'on voudrait avoir une interprétation juste
de l'action de la Tanzanie en Ouganda,
on peut y voir un peu
d'intervention
d'humanité
ou
d'''ingérence
démocratique",
et

- 129 -
beaucoup de violation des frontières d'un Etat, d'intervention
illicite dans les affaires intérieures d'un Etat par un autre,
et même
d'agression.
Cette
action
ne
saurai t
être
légitimée
par
la
violation
préalable
des
frontières
tanzaniennes
par
l'Ouganda:
la marche sur Kampala par les troupes tanzaniennes
est
disproportionnée
par
rapport
à
l'acte
d'agression
ougandais envers la Tanzanie.
(159).
En
ce
qui
concerne
l'intervention
française
en
République
Centrafricaine,
les
circonstances
de
cette
action
sont
les
suivantes.
Le
14
Mai
1979,
Amnesty
International
révélait que 85 enfants et adolescents de six à vingt cinq ans
avaient
été
arrêtés
puis
massacrés
à
Bangui
par
la
garde
personnelle de l'empereur centraficain et sur ordre de celui-
ci dans la nuit du 18 au 19 Avril pour avoir refusé de porter
l'uniforme obligatoire imposé par Bokassa
Ier et confectionné
dans
une
fabrique
lui
appartenant
(160).
A l ' occasion de
la
conférence franco-africaine de Kigali,
les 21 et 22 Mai 1979,
l'empereur
BOKASSA
proposa
lui-même,
sur
les
conseils
du
Président zaïrois MOBUTU,
la formation et la composition d'une
commission
internationale
d'enquête.
Le
22
Mai
1979,
le
souverain
centrafricain
demanda
à
la
Côte-d'Ivoire,
au
Libéria,
au
Rwanda,
au
Sénégal
et
au
Togo
de
désigner
des
magistrats
pour
former
une
commission
de
constatation
des
faits.
Du
13
au
21
Juin
1979,
la
commission
séjourna
en
Centrafrique,
puis
à
Paris
et
à
Londres.
Elle
publia
un
rapport de cent trente trois pages,
adopté à
l'unanimité des
cinq
magistrats
et
concluant
à
la
réalité
des
massacres
allégués
et
à
la
responsabilité
personnelle
de
l'empereur
BOKASSA et de ses collaborateurs.
Le
20 Septembre 1979, avec
le soutien de forces militaires françaises, l'empereur BOKASSA
(159) Voir CORTEH, o. & KLEIN p. op. cit. R.B.D.!., 1991/1, p. 68-71.
(160)
ROUSSEAU, Ch. Chronique des faits internationaux R.G.D.I.P., 1980, n' 1, p. 361-365.

-
130 -
est
déposé,
son
éternel
rival,
M.
David
DACKO,
installé
au
pouvoir (161).
L'intervention française
a
été considérée comme
une
intervention
d'humanité
pure
et
simple.
Les
autorités
françaises
ont
elles-mêmes
présenté
leur
action
comme visant
uniquement à
abattre
un reglme dictatorial
qui
aurait soumis
le pays à des conditions de vie insupportables et n'aurait pas
hésité
à
ordonner
à
son
armée
de
tirer
sur
des
foules
d'étudiants,
de
lycéens,
d'enfants.
Cette
présentation
des
choses
n'est
pas
partagée
par
tous
les
analystes.
Ainsi,
M.
ZANGA écrit que
"s'il
est
vrai
que
la
France
avait
eu
pour
ambition
d'imposer
le
respect
des
droits
de
l'homme
en
Centrafrique,
il
n'est
pas
moins
vrai
qu'après
son
intervention
même
les
libertés
publiques
jadis
reconnues

titre purement formel,
certes),
par le défunt régime impérial
ont ... été supprimées"
(162).
L'intervention de la France en
Centrafrique, cinq mois après les événements imputés au régime
en
place,
doit
être
interprétée
tout
simplement
comme
une
ingérence abusive dans les affaires intérieures d'un Etat :"Le
Centrafrique
semble
( ... )
avoir
retrouvé
la
situation de
ni
loi ni droit dont on prétendait vouloir
le délivrer
:
ce qui
fait
disparaître
évidemment
l'une
des
justifications
de
l'intervention française qui
C.•• ) se voulait une intervention
d'humanité
et
n'aboutit
en
fin
de
compte
qu'à
garantir
certains intérêts et à déstabiliser un Etat étranger" (163).
Les interventions de la Tanzanie en Ouganda et de la
France
en
centrafrique
peuvent
tout
au
plus
être
invoquées
pour justifier, avec toutes les difficultés théoriques que les
(161) Voir éqalelent la relation des faits par ZAllGA, A. De l'action hUlanitaire au dangereux
précédent in le Monde Diplolatique, 1980 Avril.
(162)
Ide••
(163)
Ide.

-
131 -
acquis
juridiques depuis
l'adoption de
la Charte des Nations
Unies
opposent
à
la
revendication
d'une
telle
institution,
l'intervention
d'humanité.
Encore
que,
au-delà
de
la
pertinence
actuelle
de
l'institution,
les
exemples
généralement
cités
sont
ambigus
et
ne
présentent
pas
des
interventions
avec
des
motivations
humanitaires
sinon
exclusives,
du
moins
dominantes.
La
recherche
de
précédents
pertinents
en
matière
d'ingérence
humanitaire
est
encore
à
faire.
2 - Des précédents pertinents mais peu concluants
A
l'heure
actuelle,
la
pratique
internationale
en
matière d'ingérence humanitaire, c'est-à-dire d'imposition des
secours humanitaires en cas de catastrophes naturelles ou de
conflits
armés
non-internationaux,
est
relativement
réduite.
On
ne
peut
pas
encore
parler
à
ce
propos
d'une
pratique
générale. Plusieurs éléments expliquent cette situation.
En
premier
lieu,
c'est
un
fait
que
l'assistance
humanitaire
en
cas
de
catastrophes
naturelles
ou
même
de
conflits armés est généralement consentie.
Il
n'est donc pas
besoin d'une intervention proprement dite pour le déroulement
des
opérations
d'assistance.
Comme
l'écrit
justement
Madame
OOMESTICI,
"la
plupart
des
acti vi tés
concrètes
d'assistance
ont lieu d'Etat à Etat, ou d'organisation intergouvernementale
à
Etat. Ardemment
souhaitées par le bénéficiaire,
elles sont
donc
souvent
sollicitées
et,
tout
au
moins,
consenties.
Il
faut
donc
imaginer
des
circonstances
associant
la
détresse
d'un
peuple
à
l'absence
d'autorité
constituée,
pour
que
l'opération débute sous la forme d'une intervention" (164).
(164) DDME5TICI, M.J. Aspects juridiques récents de l'assistance hUianitaire. A.F.D.I. 1989, p. 126.

-
132 -
En
second
lieu,
les
cas
pertinents
d'ingérence
humanitaire
souvent
cités
sont
assez
complexes
pour
être
véritablement
concluants.
Ainsi
la
doctrine
a-t-elle
évoqué
l'action
des
organisations
humanitaires
privées,
notamment
ceux
que
l'on
a
appelé
les
"french
doctors"
ces
organisations
arboreraient
des
"comportements
interventionnistes"
(165)
choix
d'aider
la
partie
la
plus
faible
parmi
les
parties
en
conflit,
rejet
du
principe
de
discrétion et engagement pour la dénonciation de la politique
suivie par un Etat, conduite parfois clandestine des activités
d'aide
humanitaire.
Nous
aborderons
par
la
suite
l'utilité
qu'il
y
a
à
invoquer
le
concept
d'intervention
ou
celui
d'ingérence
à
propos
de
l'action
des
organisations
humanitaires.
Il
suffit
de
faire
remarquer
ici
que
si
ces
actions peuvent s'inscrire dans
une définition
très
large de
l'ingérence,
en
revanche
on
ne
saurait
y
voir
un
précédent
pouvant accréditer
l'idée que
l'aide humani taire
pourrait se
passer
dorénavant
du
consentement
de
l'Etat
territorial.
Un
exemple d'ingérence humanitaire est constitué par la pression
des Etats-Unis d'Amérique pour permettre la mise en place de
l'opération
"Survie
du
Soudan"
au
printemps
1989
;
cette
opération
comportait
l'imposition
d'un
mois
de
tranquillité
aux
belligérants
sur
sept
couloirs
de
paix
pour
favoriser
l'acheminement en toute sécurité de l'aide humanitaire (166).
Quoi qu'il en soit,
les seuls véritables précédents
d'intervention ayant pour finalité d'assurer l'acheminement de
l'aide
humanitaire
sont
l'intervention
de
la
France,
du
Royaume-Uni
et des
Etats-unis
au
Kurdistan et
l'intervention
multinationale en Somalie. Or, comme nous l'avons déjà montré,
l'opération
"Provide
comfort",
bien
que
matériellement
(165) L'expression est de Madale OOHESTICI op. cit. p. 128.
(166) Voir OOHESTICI, idel, p. 130.

-
133 -
efficace et moralement fondée,
est une violation non autorisée
de la souveraineté territoriale de l'Irak par trois Etats. Les
Etats
intervenants n'en étaient pas dupes,
leur action ayant
été justifiée par l'urgence, et non par le rejet de l'argument
de
la
non-intervention
face
à
une
action
d'assistance
humanitaire. Cette remarque est importante car, selon
la cour
internationale
de
justice,
"si
un
Etat
agit
d'une
manière
apparemment inconciliable avec une règle reconnue, mais défend
sa
conduite
en
invoquant
des
exceptions
ou
justifications
contenues
dans
cette
règle
elle-même,
il
en
résulte
une
confirmation plutôt qu'un affaibissement de la règle,
et cela
que
l'attitude
de
cet
Etat
puisse
ou
non
se
justifier
sur
cette base"
(167).
cependant,
le principe de non-intervention
excl ut
habi tuellement
les
ingérences
de
façon
générale, pour
quelque
raison
que
ce
soit.
Cela
implique
que
le
précédent
constitué
par
l'opération
"Provide
comfort"
ne
peut
qu'être
soit
une
violation
du
principe
de
non-intervention
(puisque
habituellement
l'intervention
humanitaire
n'en
est
pas
une
exception)
soit
la
mise
en
oeuvre
d'un
pr incipe
au jourd' hui
inexistant
en
droi t
international.
Quant
à
l'opération
"Restore hope" en Somalie, nous avons vu qu'elle se situe dans
le
cadre
d'un
élargissement
progressif
des
compétences
du
Conseil
de
Sécurité
en
vertu
du
chapitre
VII
de
la
Charte.
C'est
une
intervention
d'accompagnement
de
l'action
humanitaire
par
les
Etats,
sur
l'autorisation
du
Conseil
de
Sécurité.
Le
cadre de
celle-ci
signifie
clairement
le
sens
dans lequel
l'opinio
juris en matière d'ingérence humanitaire
doit être perçue.
Il
importe en effet de voir quelle opinio
juris peut être tirée de ces quelques précédents.
(167) C.I.J. Rec. 1986, Par. 186.

-
134 -
B - Une opinio juris au contenu difficile à
préciser
L'opinio
juris
dont
nous
voulons
vérifier
l'existence ne procède pas nécessairement d'une pratique qui,
avons-nous
vu,
demeure
très
fragmentaire
en
matière
d'ingérence
humanitaire.
En
effet,
l'opinio
juris
est
la
conscience
ou
la
conviction
qu'un
comportement
précis
est
conforme au droit,
ou qu'un certain type de comportement est
nécessaire
pour
la
perfection
d'une
norme
en
gestation.
A
l'opinio
juris
constat ive ,
ici
quasi-inexistante,
il
faut
ajouter
une
opinio
juris
incitative,
cette
opinio
juris
qui
s'est cristallisée en
l'absence de
toute
pratique
préalable,
mais qui appelle à une pratique subséquente.
On
peut
penser
que
les
résolutions
de
l'Assemblée
Générale des Nations Unies étudiées au début de cette section
constituent un élément dans la constitution d'une opinio juris
favorable
au
droit
d'ingérence
humanitaire,
notamment
la
résolution
43/131.
On
a
pu
y
voir
la
primauté
donnée
à
l'action
humanitaire
sur
la
souveraineté
des
Etats
"la
résolution demeure dominée par
la
finalité
humanitaire qui
y
prend les allures d'un mythe mobilisateur.
D'une part, l'ordre
même de ses paragraphes est éloquent : l'Etat figure après les
victimes,
juste
avant
les
organisations
d'assistance
humanitaire,
pourvu
que
ces
dernières
s'en
tiennent
strictement à
leur mission"
(168).
Le texte de
la résolution
43/131
ne
permet
pas
de
dire
que
désormais,
en
général,
l'objectif
humanitaire
l'emporte
sur
le
respect
de
la
souveraineté.
Au
contraire,
l'action
humanitaire
ne
peut
s'exercer qu'en conformité ou au moins en compatibilité avec
la souveraineté de l'Etat territorial.
(168) OOHESTICI, M.J. op. dt. A.F.D.r. 1989, p. 133.

-
135 -
L'attitude
des
Etats
tend
à
démontrer
cette
dernière
position.
En
effet,
au
moment
de
l'adoption
de
la
résolution 43/131,
certains Etats ont cru devoir rappeler les
limi tes
à
l'intérieur
desquelles
ce
texte
devai t
être
interprété.
Ainsi,
le représentant du
Brésil,
exprimant sans
doute
l'appréhension
de
nombreux
Etats,
déclarait-il
que
"l'assistance
d'urgence
dans
le
cas
de
catastrophes,
dont
l'importance
est
indiscutable,
ne
saurait
être
considérée
comme
une
obligation
des
Etats,
des
organisations
non
gouvernementales
ou
des
organisations
internationales,
mais
est un devoir moral de solidarité internationale qui se situe
au-dessus des clivages politiques.
Il faut toutefois bien voir
que
cette
forme
d'assistance
ne
peut
être
fournie
sans
l'approbation du pays intéressé. L'Etat touché est le seul qui
doit décider s'il souhaite bénéficier de cette forme d'aide et
quelle
devrait
en
être
l'origine,
faute
de
quoi,
cette
assistance
toute
humanitaire
qu'elle
soit,
peut
être
interprétée comme une ingérence dans les affaires intérieures
d'un
pays"
(169).
Le
12
Juin
1991,
l'Assemblée
Générale
de
l'O.E.A.
tenant
sa
XXlème
session
adopte
la
"Convention
interaméricaine
pour
faciliter
l'assistance
en
cas
de
désastres naturels"
;
le texte exclut toute idée d' imposi tion
des secours humanitaires aux Etats. Dans son article 2, il est
précisé
que
"
les
demandes,
les
offres
et
les
acceptations
d'assistance
dirigées
par
un
Etat
vers
un
autre,
seront
transmises
par
les
canaux
diplomatiques
ou
par
l'autorité
nationale
coordinatrice
conformément
aux
circonstances
"
C'est dire que le principe de l'accès aux victimes ne saurait
être
interprété
de
façon
extensive,
en
éliminant
toute
perspective volontariste.
L'attitude des
Etats vis-à-vis du droit d'ingérence
humanitaire
peut
être
analysée
en
tenant
compte
de
leur
réaction vis-A-vis des
actions
entreprises
en
Irak
("Provide
Comfort") et en Somalie ("Restore Hope"). Ces
deux opérations
(169) Cité in EISDWilI, P.H. op. dt. p. 73, note 13.

-
136 -
ont
rencontré
peu
ou
pas
d'oppositions
du
tout
sur
le
plan
international.
Le
malheur
des
populations
à
aider
ayant
été
largement
médiatisé
avant
l'intervention
des
trois
pays
(France,
Etats-Unis,
Royaume-Uni)
au
Kurdistan
Irakien
et
de
la
force
multinationale
en Somalie,
il
était difficile à
des
Etats
ou
groupes
d'Etats
de
s'opposer
à
l'intervention,
au
moins du
point de
vue moral.
On
peut même
remarquer que
les
Etats du Groupe des Non-Alignés,
si
raides habituellement sur
le
principe
de
non-intervention,
ont
encouragé
l'opération
armée
des
Nations
Unies
en
Somalie.
Dans
la
déclaration
de
Politique
internationale
adoptée
à
Djakarta
le
6
Septembre
1992,
les Etats membres de cette enceinte
préconisent "qu' une
force de police des Nations Unies supervise la distribution de
nourriture et d'autres produits de base".
(170).
Faut-il tirer
de
ces
éléments
l'émergence
d'une
opl.nl.o
juris
en
faveur
du
droi t
d'ingérence
humani taire
?
La
réponse
à
cette
question
doi t
être
prudente.
Relativement
à
l'intervention
alliée
au
Kurdistan,
on
ne
peut
qu'approuver
l'opinion
selon
laquelle
lien l'absence d'une formalisation
ultérieure de
l'opinion des
Etats, par exemple dans une résolution de l'Assemblée Générale
des
Nations
unies,
i l
semble
à
tout
le
moins
prudent
de
ne
tirer
aucune
conclusion
définitive
du
silence
de
la
plus
grande
partie
de
la
communauté
internationale
face
à
l'opération
"Provide
comfort",
et
de
ne
pas
y
voir
d'acquiescement
à
l'émergence
d'une
coutume
nouvelle
qui
permettrait
semblables
interventions
armées
unilatérales
sur
le
territoire
des
Etats
qui
ne
respectent
pas
les
droits
fondamentaux
de
la
personne
"(171).
En
ce
qui
concerne
l'accueil fait à l'action en Somalie, on peut y voir de
façon
(170) Le Texte de la déclaration est publié dans les docllIents d'Actualité internationale, n· 21,
Novelbre 1992, p. 41.
(171) CORTEII, 0 & KLEIN, P. op.cit. R.B.D.!., 1991/1, p. 106.

-
137 -
timide
une
opinio
juris
ponctuelle
en
faveur
de
l'ingérence
humanitaire conduite sous
les auspices des Nations Unies.
on
doit
se
garder
d'y
voir
une
reconnaissance
générale
de
la
nécessité d'un tel droit.
La
prudence
doit
être· de
mise
d'autant
plus
qu'au
moment où se décide
l'intervention humanitaire en Somalie au
Conseil
de
Sécurité,
s'affrontent
les
Etats
à
la
Conférence
Internationale
sur
la
nutrition
et
sur
l'aide
humanitaire
organisée
par
la
F.A.O.
et
l'O.M.S.,
sur
le
problème
de
l'ingérence
humanitaire,
ou
mieux
l'ingérence
alimentaire.
Dans
son
discours
prononcé
devant
les
délégués
à
la
Conférence,
le
Pape
Jean-Paul
II,
sans
prononcer
le
terme
d'ingérence
humanitaire,
avait
tout
de
même
déclaré
qu '''on
doit
de
toute
façon
assurer
les
aides
alimentaires
et
sanitaires,
et
lever tous
les
obstacles,
y compris
ceux qui
viennent de
recours
arbitraires
au
principe de
non-ingérence
dans les affaires intérieures d'un pays".
(172). Cependant, la
déclaration mondiale sur la nutrition adoptée à
l'issue de la
Conférence adopte un profil bas sur la question de l'ingérence
humanitaire.
(173).
L'article 9 in fine de ce texte énonce que
"toutes les parties intéressées doivent coopérer pour assurer
l'acheminement
et
la
distribution
dans
des
conditions
de
sécurité
et
sans
délai,
des
vivres
et
des
fournitures
médicales
appropriées
vers
ceux
qui
en
ont
besoin,
conformément
à
la
Charte
des
Nations
Unies".
De
plus,
l'article
14
in
fine
énonce
que
"lorsque
la
situation
le
permet,
l'aide
alimentaire
peut
être
distribuée
par
l'intermédiaire d'organisations
non gouvernementales,
avec
la
participation
des
populations
locales,
conformément
à
la
législation interne de chaque pays".
(172) Texte du discours in DocUients d'actualité Internationale, n' 8, 15 Av. 1993, p. 161-162.
(173) Texte in D.A.I. n' 8, 15 Av. 1993, p. 162-164.

-
138 -
En
conclusion,
compte
tenu
d'une
pratique
très
faible
et
d'une
opinio
juris
difficile
à
saisir,
on
doit
constater qu'il n'existe pas de tendance coutumière claire en
faveur
d'un
droit
d'intervention
humanitaire
unilatéral
au
profit des Etats.
Tout au plus peut-on percevoir une tendance
en faveur d'une excroissance humanitaire du rôle du Conseil de
Sécurité.

encore,
la
tendance
demeure
assez
timide,
les
expériences
suffisamment
isolées,
pour
autoriser
des
conclusions générales.

-
139 -
CHAPITRE
I I
LA
TRADUCTION
MATERIELLE
DU
DROIT
D'INGERENCE
HUMANITAIRE
Compte
tenu
des
conclusions
relativement
nuancées,
voire réservées,
auxquelles les développements antérieurs nous
ont
conduit
en
ce
qui
concerne
l'institution
d'un
droit
d'ingérence
humanitaire,
la
formulation
de
ce
chapitre
peut
susciter quelque perplexité
Comment,
en effet,
envisager la
mise
en
oeuvre
d'une
norme
qui
pourtant
n'existe
pas
de
manière
non
équivoque
?
Il
convient
donc
d'écarter
tout
de
suite le malentendu
traiter de
la mise
en oeuvre du droit
d'ingérence
dans
l'accomplissement
de
l'action
humanitaire
n'est
pas,
pour
nous,
une
attitude
de
reconnaissance
de
l'existence d'une norme de droit positif.
Face à
un principe
qui
aspire
à
la
normativité,
face
aussi
à
un
ensemble
d'actions
internationales
s'en
réclamant
plus
ou
moins
explicitement,
i l
s'agit de circonscrire autant que
faire
se
peut,
et
dans
une
optique
prospecti ve,
les
condi tions
d'exercice d'un éventuel droit d'ingérence humanitaire.
L'étude
de
la
traduction
matérielle
du
droit
d'ingérence humanitaire appelle tout d'abord une clarification
des principes directeurs de cette action,
l'essentiel de ceux-
ci
étant
inspirés
des
règles
régissant
l'action
humanitaire
dans
le cadre du droit
international humanitaire.
Le
respect
de ces principes a pour effet d'exclure l'illicéité éventuelle
des actions humanitaires qui,
autrement,
pourraient constituer
soit
une
ingérence
illicite
dans
le
conflit,
soit
une

-
140 -
ingérence
illicite
dans
les
affaires
intérieures
d'un
Etat.
Les principes étant définis,
l'examen des
modalités concrètes
de
l'action
humanitaires
s'impose.
A cet
effet,
à
la
fois
doi vent
être
déterminés
les
acteurs
chargés
de
la
mise
en
oeuvre de
l'ingérence
humanitaire
et
les
moyens
susceptibles
d'être mobilisés.

-
141 -
SECTION 1
L'ELABORATION DES PRINCIPES DIRECTEURS DE L'ACTION
HATERIEI,I,f;
L'ingérence
humanitaire
ne
s'étant
pas
encore
véritablement
muée
en
habilitation
juridique
non-équivoque,
le
régime
juridique
de
l'action
humanitaire
internationale
quoique
soucieux
de
la
préservation
de
la
dignité
humaine,
reste largement imprégné du souci de préserver et de respecter
la souveraineté des Etats sur le territoire desquels l'action
humanitaire
est
projetée.
ceci
apparaît
clairement
dans
les
principes
qui
doivent
guider
l'action
des
intervenants
extérieurs,
principes
déjà
évoqués
à
l'occasion
de
développements antérieurs mais dont
il
convient de
faire
une
présentation plus détaillée afin d'en ressortir la
portée et
éventuellement, les contradictions.
Paragraphe 1 -
Les principes protecteurs de la souveraineté de
l'Etat territorial.
Le
principe
de
subsidiari té
et
l'exigence
du
consentement
de
l'Etat
territorial
sont
des
principes
protecteurs
de
la
souveraineté
des
Etats.
Ces
pr incipes
se
rapprochent
beaucoup
dans
leur
logique,
même
s'ils
ne
se
confondent
pas
complètement.
Une
étude
distincte
de
leur
contenu et de leur portée respective s'impose.
A - La subsidiarité de l'aide humanitaire extérieure.
Premier
verrou
protecteur
de
la
souveraineté
de
l'Etat touché,
le principe de subsidiarité est de formulation
simple
i l
signif ie
que
c'est
à
l'Etat
du
territoire
sur

- 142 -
lequel
les
populations
souffrent
qu'il
revient,
en
tout
premier lieu, d'organiser des opérations de secours.
C'est une
simple affirmation de la priorité de l'action de secours entre
l'Etat
local
et
les
secouristes
étrangers,
au
profit
du
premier.
Cette
priorité
dérive
naturellement
du
devoir
qu'a
chaque Etat de pourvoir autant qu'il
est en ses possibilités
au
bonheur
de
sa
composante
humaine.
Ainsi
formulé,
le
principe de subsidiari té ne peut avoir de cohérence que s'il
est appliqué dans le cadre des catastrophes naturelles, c'est-
à-dire
des
situations
d'urgence
qui
ne
font
pas
disparaître
tout
pouvoir
susceptible
d'entreprendre
une
action
prioritaire,
même
modeste,
de
secours
aux
populations
sinistrées.
Il
est
en
revanche,
fort
malaisé
de
concevoir
l'application de ce principe dans le cadre des conflits armés
non-internationaux de
grande
ampleur
on
n'imagine
pas
une
partie
au
conflit
arrêtant
le
combat
pour
se
consacrer
aux
secours à
la population en attendant une aide extérieure.
La
subsidiarité
n'a
donc
pas
ici
grand
sens.
D'ailleurs,
c'est
dans le sillage des catastrophes naturelles principalement que
ce principe a
été réellement établi.
La résolution
43/131 de
l'Assemblée Générale des Nations Unies affirme au paragraphe 2
de
son
préambule que
tic' est
à
chaque
Etat
qu'il
incombe
au
premier
chef
de
prendre
soin
des
victimes
de
catastrophes
naturelles et situations d'urgence du même ordre se produisant
sur son territoire".
La résolution 46/182 du 19 Décembre 1991
réaffirme à son article 4, que "le rôle premier revient (donc)
à
l'Etat
touché
dans
l'initiative,
l'organisation,
la
coordination et
la
mise
en
oeuvre de
l'aide
humanitaire
sur
son territoire".
L'article
5 du même texte ajoute que
l'aide
extérieure
vise
à
"seconder
les
efforts
nationaux".
La
question essentielle sur le principe de subsidiarité est moins
dans
sa
formulation,
qui
est
fort
simple,
que
dans
l'interprétation
à
faire
respectivement
du
rôle
premier
de
l'Etat
territorial
et
du
rôle
second
des
assistants
extérieurs,
en
fonction
à
la
fois
du
souci
de
préserver
la
souveraineté de l'Etat et du souci de venir effectivement en
aide aux victimes.

-
143 -
1 - L'interprétation maximaliste du principe de
subsidiarité en faveur de la souveraineté des
Etats.
La
seule
certitude
évidente
dans
le
principe
de
subsidiarité,
c'est
que
le
premier
rôle
revient
aux
Etats
territoriaux
en
matière
d'assistance
humanitaire
:
inversement,
l'aide extérieure joue un rôle de simple appoint,
elle
a
une
fonction
supplétive.
Le
rôle
premier
de
l'Etat
territorial
peut
faire
l'objet
d'une
interprétation
maximaliste en faveur de la souveraineté des Etats.
Dans cette
perspective,
ce rôle premier signifie non seulement que c'est
à
l'Etat
concerné
de
prodiguer
les
premières
mesures
d'assistance
à
ses
ressortissants,
mais
aussi
qu'il
lui
appartient d'apprécier,
compte tenu
des
besoins des
victimes
et
de
ses
capacités
propres,
à
y
pourvoir,
l'opportunité
d'avoir
recours
à
une
assistance
extérieure.
Le
principe
de
subsidiarité
implique
alors
l'idée
que
l'assistance
humanitaire extérieure est subordonnée à une requête préalable
de
l'Etat
territorial,
car
seule
une
telle
requête
révèle
l'insuffisance des capacités de secours du dit Etat face à
la
situation.
On
peut
donc
penser
qu'il
devrait
s'écouler
un
certain laps de temps entre la survenance de la catastrophe et
l'acheminement
de
l'aide
extérieure,
pendant
lequel
sera
appréciée
la
capacité
de
l'Etat
local
de
maîtriser
la
situation.
Cet
espace
temporel
ne
saurait
cependant
être
déf ini
de
façon
générale,
i l
est
tributaire
essentiellement
des éléments
particuliers à
chaque cas de
figure.
Interprété
ainsi,
le
principe
de
subsidiarité
serait
une
protection
totale de la souveraineté de l'Etat territorial.
Par
ailleurs,
cette
perspective
invite
à
une
reconsidération
du
droit
d'initiative
humanitaire
des
organisations
humanitaires
internationales,
et
notamment
les
rapports entre un tel droit et le principe de non-ingérence.
Le
droit
d'initiative,
c'est
un
droit
de
proposition
des

-
144 -
secours
humanitaires,
c'est
un
droit
d'offrir
l'aide.
L'Institut
du
Droit
International,
reprenant
en
cela
la
conception du Comité International de la Croix-Rouge et de la
Cour Internationale de Justice considère que "l'offre,
par un
Etat, un groupe d'Etats,
une organisation internationale ou un
organisme
humanitaire
impartial
tel
que
le
Comité
International
de
la
Croix-Rouge,
de
secours
alimentaires,
ou
sanitaires à un Etat dont la population est gravement menacée
dans sa vie ou sa santé ne saurait être considérée comme une
intervention
illicite
dans
les
affaires
intérieures
de
cet
Etat"
(174).
Pourtant, et même si
l'on peut légitiment penser
qu'en
matière
humanitaire
l'abondance
n'est
guère
nuisible
pour
une
population
qui
souffre,
le
seul
fait
d'offrir
des
secours
humanitaires qui
n'ont
pas
été
préalablement
requis,
suppose,
de
la
part
de
l ' insti tution
qui
offre,
une
appréciation du
rapport
entre
la
gravité de
la
situation
et
les
capacités
de
l'Etat
territorial
d'y
faire
face,
appréciation
en
défaveur
de
ces
dernières.
Parce
qu'il
implique une appréciation autonome de la situation humanitaire
dans
un
Etat,
appréciation
qui
peut
se
heurter
à
l'appréciation
de
l'Etat
concerné,
le
droit
d'initiative
humanitaire
ne
peut
pas
être
complètement
soustrait
à
la
problématique de
l'ingérence.
Qui
ne
voit,
en
effet,
qu'une
offre de secours insistante à un Etat qui catégoriquement n'en
veut
pas,
parce
qu'il
s'estime
autosuffisant,
s'apparente
à
peu de choses
près à
un
acte
d'ingérence
?
Un
juste mi lieu
entre
l'inertie
de
l'Etat
territorial
et
la
"provocation
humanitaire" est souhaitable et nécessaire.
2 - L'interprétation maximaliste du principe de
subsidiarité en faveur des victimes.
L'analyse
qui
précède,
prise
telle
quelle,
aboutit
pratiquement à donner aux Etats la possibilité de bloquer,
au
(174) U.D.r., vol. 63. II, 1990, art. 5, rapport, p. 287.

-
145 -
stade préliminaire,
toute éventualité d'assistance humanitaire
extérieure.
Or,
il
importe
de
faire
du
principe,
une
interprétation
qui,
tout
en
préservant
la
souveraineté
de
l'Etat
touché,
n'aggrave
pour
autant
pas
la
situation
humanitaire
des
populations.
Il
importe
d'avoir
toujours
présente
à
l'esprit
la
finalité
ambivalente
du
principe,
et
donc
aussi
sa
finalité
humanitaire.
c'est
pourquoi
certains
auteurs
ont
essayé
de
donner
du
principe
une
interprétation
objecti ve,
c'est-à-dire
uniquement
fondée
sur des
données
de
fait. Dès lors, le principe de subsidiarité ou, mieux, le rôle
premier de l'Etat territorial,
ne trouve de
justification que
si l'Etat est en mesure de faire face à
la situation ; l'aide
extérieure
intervient
si
l'Etat
n'est
pas
en
mesure
de
procurer ou d'organiser l'aide, en raison même de l'ampleur de
la
catastrophe.
Il
en
sera
ainsi
"lorsque
ses
moyens
de
communication
sont
détruits,
lorsque
ses
équipements
logistiques
ne
sont
plus
opérants
ou
encore
demeurent
indisponibles,
lorsque
l'accessibilité
des
victimes
depuis
l'étranger est supérieure à
celle existant sur le
territoire
national
ou
encore
parce
que
les
moyens
techniques,
économiques,
les
besoins
alimentaires,
sanitaires,
médicaux
nécessaires
sont
d'une
ampleur
telle
que
le
niveau
de
développement de
l'Etat concerné ne
lui
permet
pas
de
faire
face seul aux nécessités de l'heure".
(175). Autrement dit,
il
est
des
situations
qui,
par
leur
échelle
de
gravi té,
comportent
l'évidente
nécessité
de
l'assistance
extérieure,
dont l'absence aurait des conséquences catastrophiques sur le
plan
humanitaire.
La
mention
du
critère
du
ni veau
de
développement de
l'Etat
touché
pour
l'appréciation
objective
de sa capacité à
faire
face
à
la
situation humanitaire nous
semble
réaliste.
Néanmoins,
elle
contribue
à
conforter
les
Etats
du
Tiers-Monde
dans
leur
suspicion
vis-à-vis
de
la
promotion de l'ingérence humanitaire.
(175) BETTATI, M. op. cit. R.G.D.I.P., 1991/3 p. 656.

- 146 -
Dans
cette
perspective
nouvelle,
il
n'est
plus
absolument
nécessaire
d'attendre
une
requête
expresse
préalable de l'Etat territorial. Pour avoir à mettre en oeuvre
leur
rôle
second,
les
dispensateurs
extérieurs
de
l'aide
humanitaire se bornent à
constater que l'Etat territorial n'a
pas, objectivement,
les moyens de subvenir aux besoins de ses
populations; ou qu'il en a,
mais de façon insuffisante: dès
que cela est établi,
ils peuvent prendre l'initiative de leur
action.
Comme l ' écri t
le Professeur BETTAT!,"
l'exercice d'un
rôle
"second"
dévolu
aux
organisations
humanitaires
est
automatique dès lors que le "premier"
ne s'est pas exercé. Une
telle interprétation se déduit de la logique d'ensemble de la
résolution
43/131
qui
repose
tout
entière
sur
l'intérêt
des
victimes"
(176). Cette
opinion n'est pas unanimement partagée
par
la
doctrine
le
Professeur TORRELL!
écrit
notamment,
à
propos
de
l'opinion
du
Professeur
BETTAT!,
que
celle-ci
"s'inscrit dans une approche de lege feranda,
en attendant que
cette opinio
juris soit confirmée par la
pratique"
(177).
En
droit
strict,
nous
sommes
enclins
à
partager
l'analyse
du
Professeur
TORRELLI.
Car,
si
la
position
de
M.
BETTAT!
est
favorable
à
la
protection
des
victimes,
elle
prend
trop
radicalement
le
contrepied
de
la
première
interprétation
du
principe
de
subsidiarité.
La
première
interprétation
était
trop
favorable
à
la
souveraineté
de
l'Etat
et
était
susceptible de
compromettre
l ' objecti f
humanitaire
poursui vi.
La
seconde
aboutit
à
éliminer
pratiquement
la
marge
d'appréciation
que
le
principe
de
subsidiarité
accorde
à
l'Etat
territorial.
L'idée
de
substitution
automatique
de
l'action
humanitaire
extérieure
à
la
défaillance
ou
à
l ' insuf fi sance de
l ' act ion
de
l'Etat
terr i tor i a l
nous
semble
trop
radicale
et
pourrait
laisser
croire
à
une
volonté
de
prééminence des assistants extérieurs sur
l'Etat
touché. Or,
(176) BETTATI, H. op. cit. R.G.D.I.P., 199113, p. 656
(177) TORRELLI, M. op. cit. p. 249.

- 147 -
l'assistance extérieure vise
à
renforcer
l'action de
l'Etat,
non à s'y substituer.
Ce ne sont pas deux actions d'exercice
autonome : il y a une action, celle de l'Etat, qui est exercée
soit solitairement, soit avec l'aide de secouristes étrangers.
C'est vers
un
système
médian
qu'on
devrait
s'orienter,
pour
évi ter
des
situations
délicates
un
système
qui
garantisse
que
l'aide
humanitaire
extérieure
ne
s'apparente
pas
à
un
activisme provocateur,
ou que
l'invocation de sa souveraineté
par l'Etat n'est pas excessive.
Le mécanisme d'appels unifiés
de la résolution
46/182 pourrait être utilisé,
tout comme
la
convention du 12 Juin 1991 signée dans le cadre de l'O.E.A.
ce texte
concentre
les offres et
les acceptations de
secours
dans
les canaux diplomatiques traditionnels.
Ces
formules,
il
faut en convenir, sont lourdes et quelque peu inadaptées à des
situations
d'urgence.
Toutefois,
elles
peuvent
remplir
ce
besoin
permanent
de
protection
de
leur
souveraineté
qu'éprouvent les Etats.
B - Le consentement de l'Etat territorial à
l'assistance humanitaire extérieure.
Plus
que
le
principe
de
subsidiarité,
le
consentement
de
l'Etat
territorial
nécessaire
à
l'accomplissement
de
l'assistance
humanitaire
extérieure
constitue le verrou protecteur de la souveraineté de l'Etat le
plus solide. Se pose ici le problème du degré d'obligation qui
peut
être
imposé
à
un
Etat
d'accepter
des
secours
pour
sa
propre population ; nous sommes donc parfaitement au coeur de
la problématique de l'ingérence humanitaire.
De la conclusion
théorique
sur
le
caractère
absolu
ou
non
de
l'exigence
de
consentement dépend, pour beaucoup,
les possibilités pratiques
d'ingérence
humanitaire.
Deux
aspects
doivent
être
successivement
développés
à
ce
sujet
d'une
part,
le
consentement de l'Etat à toute opération humanitaire dans ses
limites
territoriales
est
une
exigence
d'ordre
général
;
d'autre
part,
il
est
également
entendu
que
cette
faculté

- 148 -
d'accepter ou de refuser que possède l'Etat doit s'exercer de
bonne foi.
1 - La nécessité du consentement de l'Etat
territorial ; une exigence d'ordre général.
L'acheminement
des
secours
humanitaires
extérieurs
d'urgence a toujours été soumis à
l'agrément de l'Etat sur le
territoire duquel l'opération doit avoir lieu. C'est une règle
classique valable notamment pour l'action humanitaire dans les
conflits armés, mais tout aussi pertinente pour ce qui est des
catastrophes naturelles.
Les textes
internationaux relatifs à
l'assistance
humanitaire
sont
constants
là-dessus.
L'article
23 de la quatrième convention de Genève de 1949 prévoit ainsi
que
l'Etat
territorial
"accordera"
et
"autorisera"
le
libre
passage
de
biens
humanitaires.
La
formule
indicative
peut
laisser
supposer
qu'il
s'agit
d'une
injonction
ferme
toutefois,
il
est
clair
que
l'autorisation
ou
l'accord
de
l'Etat
est
requis.
L'article
70
du
premier
protocole
additionnel de 1977 aux conventions de Genève de 1949 énonce à
son
alinéa
premier
que
des
actions
de
secours
seront
entreprises dans
un
conflit
armé
international
"sous
réserve
de
l'agrément
des
parties
concernées
par
ces
actions
de
secours".
Pour
ce
qui
est
des
conflits
armés
non-
internationaux,
l'article 18 du protocole additionnel n°
2 de
1977 stipule,
à
l'alinéa
2 que
"( ... ) des actions de secours
en
faveur
de
la
population
civile
( ... )
seront
entreprises
avec
le
consentement
de
la
haute
partie
contractante
concernée".
Quant aux résolutions récentes des Nations Unies,
elles ne manquent pas
de rappeler l'exigence de consentement,
même
s' il
est
parfois
imposé
ou
arraché
par
le
Consei 1
de
Sécurité.
Ainsi,
la
résolution
46/182
de
1991
adoptée
par
l'Assemblée
Générale
énonce
à
son
article
3
que
"l'aide
humanitaire devrait être fournie avec le consentement du pays
touché
et
en
principe
sur
la
base
d'un
appel
lancé
par
ce
dernier".
L'exigence
de
consentement
bénéficie
donc
d'un
solide
fondement
en
droit
positif.
Elle
soulève
pourtant,
à

-
149 -
cause
de la part belle qu'elle semble faire à la souveraineté
étatique,
trois interrogations
: qu'est-ce qui
justifie cette
nécessi té
du
consentement
?
De
qui
le
consentement
doit-il
être
requis,
notamment
en
cas
de
conflit
armé
non-
international
?
Y
a-t-il
des
circonstances
susceptibles
d'exclure cette
exigence de consentement?
La recherche du consentement de l'Etat territorial à
l'assistance
humanitaire
sur
son
territoire
n'a
jamais
été
considérée
comme
une
fin
en
soi
;
ce
n'est
qu'un
moyen
nécessaire
pour
accompagner
le
plus
efficacement
possible
l'action humanitaire.
A défaut d'avoir la totale garantie que
cette
action
bénéficiera
de
toutes
les
facilités,
il
s'agit
d'obtenir
l'assurance
minimale
qu'elle
ne
sera
pas
systématiquement gênée dans
son
déroulement à
l'intérieur de
l'Etat.
C'est
une
question
qu'il
faudrait
considérer moins
sous l'angle des seuls principes,
mais surtout sous un aspect
pratique.
Le
consentement
de
l'Etat
territorial
dont
on
a
besoin n'est pas fondamentalement autre chose qu'une exigence
pragmatique dont on ne devrait point s'offusquer outre mesure.
A
juste
titre,
Mr.
SANDOZ
peut
écrire
que
"se
glorifier
d'avoir
atteint
des
victimes
sans
l'accord
des
autorités
militaires
contrôlant
un
territoire,
c'est
délibérément
oublier que 95 %, ou même davantage, des besoins
humanitaires
ne
peuvent
être
satisfaits
qu'avec
l'accord
de
telles
autorités"
(178).
Quant aux autorités
dont
l'agrément est
requis,
il
faut
opérer
des
distinctions.
s'il
s'agit
de
catastrophes
naturelles,
les
choses
sont
assez
simples,
car
seul
le
gouvernement ou les administrations habilitées à ce faire
par
(178) SAlIOOZ, Y. Droit ou devoir d'ingérence, droit à l'assistance: de quoi parle t-on? in
R.I.C.R.n' 795, lai-juin 1992, p. 234-235.

-
150 -
lui,
peuvent donner
l'accord ou
le
refuser.
En
revanche,
en
cas
de
guerre
ci vile
opposant
un
gouvernement
légal
à
des
rebelles,
les choses sont un peu plus complexes.
L'article 18
alinéa
2
du
protocole

2
de
1977
dit
que
le
consentement
doi t
être donné par "la haute partie contractante concernée".
Il
semble que
les
rebelles
ne
pourraient
pas
représenter
la
partie évoquée
par
la
disposition.
C'est
le
gouvernement
en
place
qui
est
normalement
visé.
Toutefois,
la
doctrine
a
nuancé
cette
conclusion.
Trois
situations
peuvent
être
retenues
et
distinguées
si
l'assistance
humanitaire
doit
intervenir
sur
le
territoire
contrôlé
par
le
gouvernement
légal,
l'accord
de
celui-ci
est
nécessaire
si
par
contre
elle doit être menée sur la partie de territoire contrôlée par
les
rebelles,
le
consentement de
ceux-ci
est
suffisant
si
l'assistance doit transiter par le territoire contrôlé par une
partie en conflit pour parvenir aux victimes sur le territoire
de l'autre partie,
le consentement de
la première partie est
requis,
que
ce
soit
le
gouvernement
légal
ou
les
rebelles.
(179).
Selon le commentaire de l'alinéa
2
de
l'article 18 du
protocole n°
2,
"par "Haute Partie contractante concernée",
il
faut entendre en principe
le gouvernement en place.
Dans les
cas exceptionnels oh il
ne serait pas possible de déterminer
quelles
sont
les
autorités
concernées,
le
consentement
sera
présumé
au
vu
du
caractère
impérieux
de
l'assistance
aux
victimes,
qui
ne
saurait
souffrir
de
délais"(180).
Cette
présentation des choses a le réalisme pour elle ; il n'empêche
qu'en bonne logique juridique,
il est difficile d'admettre que
la
partie
rebelle
puisse
être
considérée
comme
"la
partie
concernée",
ce qui
serait a priori
une manière de doter d'un
statut juridique solide cette dernière.
(179) TORRELLI, M. op. cit. p. 244.
(180) JUIIOO, S. COllentaire de l'article 18, protocole n' 2 de 1977, in SJJIOOZ, Yi et alii,
COllentaire des protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux conventions de Genève du 12 août
1949, 1986.

- 151 -
Enfin,
en
ce
qui
concerne
les
circonstances
de
nature
à
exclure
la
nécessité
du
consentement
de
l'Etat
territorial,
il
s'agit

d'une
question
sensible
pour
la
souveraineté des Etats.
Deux situations peuvent être évoquées
pour
justifier
cette
exclusion
celle,
déjà
évoquée
d'une
certaine
façon,
de
l'absence
d'autorités
susceptibles
d'engager l'Etat,
et les situations d'urgence.
A propos de la
première hypothèse,
Mr de
la PRADELLE estime que "dans le no
man's land juridique des conflits où les parties sont en quête
et en contestation d'une qualification rentable de combattant
( ... ),
il
appartient
à
l'institution
humanitaire
( ... )
de
revendiquer
la
pleine
indépendance
de
sa
décision"
(181).
L'hypothèse
n'est
aucunement
abstraite
l'actualité
internationale avec
notamment
le drame somalien,
est

pour
le démontrer.
A moins de succomber aux charmes de
la fiction
qui consiste à faire croire,
comme le suggère le préambule de
la
résolution
794
du
J
décembre
1992,
que
l'intervention
humanitaire en Somalie répond à l'appel des parties concernées
par
le conflit,
on
ne
peut
que
se
résigner
à
la
notion
de
consentement
présumé,
malléable
naturellement.
Tout
aussi
malléable
est
la
notion
d'urgence
justifiant
d'écarter
la
nécessité
du
consentement
de
l'Etat.
L'opération
"Provide
Comfort"
se
justifiait
pour
beaucoup
par
l'urgence
de
la
situation
(182).
Nous
sommes

en
butte
aux
difficultés
d' appl ication de
l'exigence
ie
consentement
qui
ne
doit
pas
être abusive.
(181) GEOUffRE DE LA PRADELLE, Paul de. Une conquête léthodique : le droit d'initiative hUlanitaire
dans les rapports internationaux, in Etudes et essais sur le droit international hUlanitaire et
sur les principes de la CroiX-Rouge. 1984, p. 949.
(182) Voir les propos de H. Roland OOIlAS, in Politique Etranqère de la France, Mars-avril 1991,
p.154.

-
152 -
2 - Le consentement de l'Etat territorial ne peut
être arbitrairement refusé.
La
logique
de
l'exigence
de
consentement de
l'Etat
territorial, poussée à
ses extrêmes conséquences,
paralyserait
tout effort d'assistance
humanitaire
extérieure.
Il
est
donc
nécessaire
d'en
faire
une
interprétation qui
ne
permette
pas
une
telle
issue,
ou
en
minore
considérablement
les
possibilités.
c'est
le
mérite
de
la
doctrine
internationale
d'avoir
effectué
cet
effort
qui,
même
si
sa
traduction
concrète reste problématique,
constitue une avancée théorique
importante.
L'Institut du Droit International,
dans
le cadre de
ses
travaux
sur
les
rapports
entre
le
principe
de
non
intervention et la protection des droits de
l' homme,
a adopté
une
disposition
selon
laquelle
les
Etats
sur
le
territoire
desquels des situations de détresse existent ne refuseront pas
arbitrairement des offres de secours humanitaires (183). Pèse
donc sur les Etats concernés par la situation de détresse, une
obligation de bonne
foi d'accepter les secours. Naturellement,
l'acceptation ne saurait être un impératif pour ces derniers.
Même,
peut-on
dire,
l'obligation
de
bonne
foi
d'accepter
coexiste avec la faculté légitime de refuser ; la seule limite
réside dans le caractère arbitraire du refus,
qui rend celui-
ci
illégitime,
inopérant,
inopposable à
ceux qui
offrent
les
secours.
L'essentiel du problème revient donc à
déterminer ce
que
comporte
la
notion
de
"refus
arbitraire",
étant
entendu
que les Etats disposent face
aux offres qui
leur sont faites
d'une
importante
marge
d'appréciation.
Le
refus
arbitraire,
c'est un refus
non fondé,
que
ne
justi f ie pas
l'ensemble des
éléments
de
la
situation.
En
effet,
la
détermination
du
caractère arbitraire ou non du refus opposé par un Etat doit
s'effectuer in concreto ; c'est une question de fait
dont
la
(183) A.r.D.r., Vol. 63-rr, 1990, article 5 de la résolution finale, alinéa 2, p. 287.

-
153 -
solution
dépend
des
circonstances
de
chaque
espèce,
de
l'ampleur des besoins humanitaires et surtout des conséquences
en termes de pertes humaines qui découleraient d'un tel refus.
Commentant
la
clause
du
consentement
de
l'Etat
territorial
contenue
dans
l'article
70
du
premier
protocole
addi tionnel
de
1977
aux
Conventions
de
Genève
de
1948,
M.
SANDOZ estime que cette clause "n'implique pas que les parties
intéressées
ont
la
liberté
absolue
et
illimitée
de
refuser
leur accord pour des actions de secours.
Elles ne peuvent le
faire
que
pour des
raisons
valables et pas
pour des
raisons
arbi traires
ou
par
caprice" (184) .
Pour
le
même
auteur,
l'exigence
du
consentement
de
l'Etat
territorial
doit
être
considérée comme signifiant que
"l'accord
nécessaire
ne doit
pas
être
refusé"
(185).
En
définitive,
l'acceptation
est
obI igatoire.
Cette
opinion
est
partagée
par
un
autre
auteur
qui
pense
que
l'article
70
du
protocole
l
"retient
le
caractère
obligatoire
des
actions
de
secours.
Celles-ci
doivent
donc
être
entreprises
par
les
Etats
ou
les
organisations qui
sont
en mesure de
le
faire,
elles
doivent
être acceptées,
leur passage doit être autorisé" (186).
(184) SAlIDOZ, Y. COllentaire de l'article 70, protocole 1. du 8 Juin 1977, in SANOOZ, Y. et autres.
COllentaire des protocoles additionnels du 8 Juin 1977 ... op. cit. p. 841.
(185) Idel.
(186) BOTHE, M. Conflits anés internes et droit international hUianitaire. R.C.D.I.P., 1978, l, p.
98. Dans le lêle sens, voir CORTEN, 1). &KLEIN, P. Droit d'ingérence ou obligation de réaction
non arlée? in R.B.D.I., 1990/2 p. 437 : "à partir du IOlent où les circonstances le
justifient, c'est-A-dire si, d'une part, l'Etat sollicité n'est plus apte à secourir une partie
de sa population gui est lenacée qraveaent dans sa vie et sa santé, et, d'autre part, les
organisations hUianitaires présentent a priori toutes les garanties d'ilpartialité et
manifestent leur intention d'agir dans un but strictelent hUlanitaire en acceptant le contrôle
des opérations par l'Etat, ce consentelent devra être accordé; les organisations bUianitaires
pourront exiger gu'il en soit ainsi".

-
154 -
Ces
interprétations,
uniquement
préoccupées
par
le
sort
des
populations
souffrantes,
posent
toutefois
des
problèmes de logique
juridique.
Dire en effet que l'accord de
l'Etat territorial est nécessaire et ne doit
pas être refusé,
c'est
rendre
l'exigence
du
consentement
une
pure
formalité,
c'est éliminer toute
marge
d'appréciation
à
l'Etat
concerné.
si
le
refus
n'est
plus
admis,
la
nécessité
du
consentement
perd
toute
pertinence,
théorique
et
pratique.
Nous
évoluons
insensiblement de la logique de coopération à la logique de la
coercition humanitaire. Qu'adviendrait-il, en effet, en cas de
refus
des
secours
humanitaires
jugé
arbitraire
par
ceux
qui
les offrent ? Juridiquement 1
on peut craindre l'impossibilité
de
trouver des
moyens
légalement
justifiées pour
imposer des
secours humanitaires
à
un
Etat
ou
à
des
parties en conflit.
certains
auteurs,
pourtant,
estiment
que
"si
le
refus
arbitraire persiste,
après négociations restées infructueuses,
un Etat pourra réagir à cette violation du droit international
en
adoptant
une
"contre-mesure"
légitime.
Cette
réaction
pourrait consister en l'envoi sur le territoire de l'Etat visé
d'une
mission
strictement
humanitaire,
non
accompagnée
d'une
quelconque
utilisation
de
la
force,
qui
acheminerait
des
secours
aux
populations
en
détresse".
(187) .
Ces
propos
ne
sont
pas
sans
susciter
quelque
perplexité,
par-delà
leur
ambition évidente de préserver les vies humaines.
Il est utile
d'encadrer
ce
droit
d'adopter
des
contre-mesures
non
armées
pour
imposer
des
secours
humanitaires,
si
tant
est
que
le
refus
arbitraire
d'accepter
des
secours
constitue
une
violation
du
droit
international
susceptible
d'autoriser
des
contre-mesures étatiques, opinion qui demande à être vérifiée.
Quant
à
la
"contre-mesure"
concrètement
illustrée
par
les
auteurs,
elle
n'est
pas
exempte
de
malentendus.
Comment
concevoir qu'une
mission
étatique
vienne
imposer des
secours
sur le territoire d'un autre qui s'y refuse, ou sur un théâtre
( 187) CORTEH, O. & KLEIN, P. op. cît. R.B.D.1. 1 1990/2, p. 437.

-
155 -
d'opérations
militaires,
sans
devoir
recourir
s'il
en
a
les
moyens à la force ou menacer
d'y
recourir?
c'est
tout
le
problème des relations entre l'humanitaire et le militaire qui
est ainsi posé et qui sera abordé par la suite.
Paragraphe 2 - Les principes organisant l'action concrète
Alors que le principe de subsidiarité et l'exigence
de
consentement
de
l'Etat
terri tor ial
sont
des
règles
protectr ices de
la souveraineté de
l'Etat en amont,
d'autres
dispositifs
normatifs,
quoique
pouvant
être
considérés
comme
protégeant en aval
la même souveraineté,
concernent davantage
l'action concrète,
l'accomplissement matériel
de
l'assistance
humanitaire.
Parmi
ces
dispositifs,
figurent
deux
règles
déontologiques
et
une
ligne
directrice
relative
au
contrôle
territorial de l'action humanitaire extérieure.
A - Les règles déontologigues
Les principes de neutralité et de non-discrimination
constituent
des
règles
déontologiques
à
respecter
par
les
acteurs qui
initient une action humanitaire transfrontalière.
Le
premier
concerne
les
rapports
entre
les
assistants
humanitaires avec l'Etat ou les parties en conflit concernées;
le
second,
quant
à
lui,
concerne
l'attitude
de
ces
mêmes
assistants
vis-à-vis
des
victimes
à
secourir.
Bien
que
la
logique
de
ces
deux
principes
soit
rapprochable
à
maints
égards,
ils seront néanmoins présentés distinctement tant dans
leur contenu que
dans
leurs
limites
d'application,
notamment
dans
le
cadre
de
ce
qu'il
est
convenu
d'appeler
l'humanitarisme moderne.

-
156 -
1 - Le principe de neutralité dans l'assistance
humanitaire.
De tous les principes du droit humanitaire relatifs
à
la
conduite
matérielle
des
opérations
d'assistance,
le
principe de neutralité est sans doute
le moins apprécié
on
peut même par 1er d'un principe mal
aimé et controversé,
dont
l'avenir
est
très
incertain
face
à
l'engagement
de
plus
en
plus irrésistible de certains acteurs humanitaires.
Elaboré
pour
servir
essentiellement
en
cas
de
conflits armés, comme du reste la totalité des règles du droit
humanitaire,
inspiré
d'ailleurs
du
régime
juridique
de
la
neutralité
étatique,
la
neutralité
de
l'action
humanitaire
signifie
que
celui
qui
accomplit
celle-ci
s'abstient
non
seulement de prendre part aux hostilités,
mais aussi en tout
temps de se mêler des controverses d'ordre politique,
racial,
religieux
et
idéologique,
de
se
prononcer sur
les
causes
du
conflit ou sur les responsabilités respectives des uns et des
autres.
On
pourrait
dès
lors
se
demander
quelle
serait
la
signification de
ce
principe
appliqué
à
l'action
humanitaire
en cas de catastrophe naturelle.
On peut penser que,
dans ce
cadre,
le principe de neutralité implique que les secouristes
se gardent
formellement
à
l'occasion
de
leur action
dans
un
Etat,
de
véhiculer
des
idéologies
ou
des
doctrines
philosophiques,
de se
livrer à
la critique de
l'organisation
administrative,
sociale et politique de l'Etat touché ou même
de la situation des droits des personnes dans cet Etat.
La
neutralité
est
une
exigence
qui
est
clairement
énoncée en droit
international humanitaire contemporain,
dans
les
conventions
de
Genève
de
1949
et
dans
les
protocoles
additionnels de 1977.
On peut cependant remarquer que la Cour
Internationale de Justice, précisant les règles déontologiques
à
respecter par toute action humanitaire désireuse de ne pas
prêter le
flanc
à
une accusation d'intervention
illicite,
ne

-
157 -
mentionne
pas
le
principe
de
neutralité
expressément.
Toutefois,
cette
énonciation
nous
semble
implicitement
contenue dans
le
renvoi
effectué
par
la Cour aux statuts
du
Comité International de la Croix-Rouge ainsi qU'à sa pratique.
La
résolution
43/131
du
8
décembre
1988
rappelle,
en
tant
qu'idée
directrice
de
l'action
humanitaire
en
cas
de
catastrophe
naturelle
et
de
situations
d'urgence
du
même
ordre,
le
principe
de
neutralité.
Celui-ci
devrait
faire
l'objet
d'une
attention
particulière
de
la
part
de
tous
intervenants,
quels
qu'ils
soient,
Etats,
organisations
intergouvernementales
ou
organisations
humanitaires.
On
a
vu
dans
la
résolution
43/131,
une
source
de
confirmation
d'un
principe de neutralité très souvent contesté dans sa fonction
(188) .
En
ce
qui
concerne
précisément
la
fonction
du
principe de neutralité, le seul principe d'abstention du droit
humanitaire, et aussi sa mauvaise conscience, ce n'est pas une
volonté d'indifférence et d'élimination
du
sens
des
valeurs.
Le refus de se prononcer sur les controverses politiques ou de
prendre parti n'est pas une fin en soi, un idéal à atteindre:
c'est
un
moyen
de
rendre
optimale
l'efficacité
de
l'action
humanitaire menée,
en
faisant
clairement comprendre
à
l'Etat
touché
ou
aux
parties
en
conflit
que
le
fait
d'autoriser
l'action humanitaire ne va pas à
l'encontre de leurs intérêts
(189). N'étant pas un but en soi,
il est compréhensible que la
neutralité
n'exige
pas
l'indifférence morale
vis-à-vis
de
la
situation humanitaire posée, vis-à-vis de ses causes et, donc,
peut amener des organisations humanitaires à des dénonciations
publiques et à des critiques acerbes.
C'est que,
en effet,
la
neutralité
ne
saurait
être
absolue
aujourd'hui.
Si
le
(188) TORRELLI, H. La neutralité en question, R.C.D.l.P., 1992, vol. 96. p. 41.
(189) OOHIHICE, C. La neutralité et l'assistance bUlanitaire, in Annales de droit international
lédical. 1991, n' 35, p. 119.

- 159 -
de l'homme, que le
comité
International
de
la
croix-Rouge
s'intéresse
au
sort
des
prisonniers
politiques,
que
peut-il
rester de la neutralité ?
Ces
actions
sont
idéologiquement
marquées,
expriment
des
choix
axiologiques
et
politiques
clairs et,
en tout cas,
ne sont pas neutres.
c'est dire que,
sur
le
plan
de
l'action
humanitaire
comme
en
droit
international
de
façon
globale,
la
neutralité
traverse
une
phase critique,
de doute
:
ce principe est à
la
croisée des
chemins.
L'histoire
à
venir
dira
si
ce
principe
peut
encore
avoir une utilité
pratique ou si
il
est à
ranger
au magasin
des fossiles du droit international.
2 - La non-discrimination dans l'assistance
humanitaire.
Plus
que
la
neutralité,
l'exigence
de
non-
discrimination dans la distribution des secours humains
jouit,
d'une base juridique solide en droit international actuel.
Les
protocoles additionnels de
1977 aux Conventions de Genève de
1949 l'énoncent explicitement.
L'article 70 du protocole n'
1
et
l'article
18
du
protocole
n'
2
exigent
que
les
secours
humanitaires
soient
effectués
"sans
aucune
distinction
de
caractère défavorable".
Les
résolutions
récentes
des
Nations
Unies
relatives
à
l'assistance
humanitaire
exigent
que
le
principe
de
non-discrimination
encore
appelé
impartialité,
fasse l'objet d'une particulière attention.
Enfin,
le principe
de non-discrimination a une base jurisprudentielle ; en effet,
dans
son
arrêt
en
l'affaire
Nicaragua
contre
Etats-unis,
la
cour Internationale de Justice estime qu'''un élément essentiel
de
l'aide
humanitaire
est
qu'elle
doit
être
assurée
"sans
discrimination" aucune (
). Elle doit être prodiguée à toute
personne dans le besoin (
)" (193).
(193) (Rec. 1986, p. 1251

-
160 -
Le principe de non-discrimination peut faire l'objet
de plusieurs
interprétations.
Une
interprétation
large,
à
rapprocher
de
la
perspective
retenue
par
la
Cour
Internationale
de
Justice,
peut
consister
à
dire
que le
principe
de
non-discrimination
est
respecté
lorsque
l'assistance humanitaire est octroyée
à
"toute
personne dans
le besoin" dans
l'Etat territorial
touché par la catastrophe
ou
en
proie
à
un
conflit
armé.
A priori,
on
peut
craindre
qu'une
telle
approche,
prise
de
façon
rigide,
compromette
pratiquement
l'application
du
principe
de
non-discrimination
et,
probablement,
l'accomplissement
de
l'action
humanitaire.
Dans
tout
Etat,
il
existe,
indépendamment
de
tout
conflit
civil ou de toute catastrophe naturelle,
des personnes vivant
"dans le besoin". Il se peut parfaitement que l'une ou l'autre
de ces deux situations affecte encore davantage ces personnes
déjà
dans
le
besoin
mais
on
ne
saurait
exiger
que
l'aide
humanitaire soit prodiguée aux victimes directes d'un conflit
civil
ou
d'une
catastrophe
naturelle
et,
en
même
temps,
à
toutes
les
personnes
qui,
dans
l'Etat
concerné,
vivent
habituellement
dans
la
pénurie.
Auquel
cas,
l'assistance
humanitaire
se
transformerait
pratiquement
en
un
programme
d'éradication de la misère dans l'Etat touché. Lorsque la Cour
Internationale
de
Justice,
dans
l'affaire
des
activités
militaires au Nicaragua, dit que l'assistance humanitaire doit
être prodiguée à "toute personne dans le besoin au Nicaragua,
et
pas
seulement
aux
contras
et
à
leurs
proches",
on
peut
redouter que
l'interprétation
large
présentée
ci-devant
soit
adoptée
par
certains
Etats
soucieux
de
protéger
leur
souveraineté.
"Toute personne dans le besoin au Nicaragua" ne
se trouve pas dans cette situation du fait de la guérilla et
des
activités
militaires
y
afférentes
demander
que
l'assistance
humanitaire,
pour
ne
pas
apparaître
comme
une
ingérence dans
les
affaires
du
Nicaragua,
soit
distribuée
à
tous
les
pauvres
du
pays,
même
s'ils
ne
sont
pas
touchés
directement par
les activités de
la guérilla,
paraît quelque
peu excessif.
Il eût été plus cohérent de la part de la Cour,
pensons-nous,
de considérer l'aide humanitaire des Etats-unis

- 161 -
aux contras comme une ingérence dans le conflit opposant ceux-
ci
au gouvernement
de Managua,
non
pas tant
parce que
cette
aide est donnée de façon discriminatoire vis-à-vis des autres
citoyens
nicaraguayens,
mais
simplement
parce
qu'elle
était
exclusivement octroyée
à
des
insurgés.
Il
est
douteux,
pour
notre
part,
de
considérer
l'aide
humanitaire
fournie
par
un
Etat
à
des
insurgés
luttant contre
un gouvernement
en
place
dans un autre Etat, comme une action "purement humanitaire"
:
manifestement,
il
s'agit
là d'une
ingérence dans
le conflit.
Comme
l ' écri t
Mme
DOMESTICI,
"
dans
un
conf li t,
choisir
de
soigner et nourrir le plus faible,
c'est lui redonner quelque
espoir et quelque force,
lui redonner du temps et - qui sait?
lui
redonner
une
chance
C'est
une
ingérence
que
les
statuts de la Croix-Rouge,
par exemple,
excluent en principe"
(194).
Il
importe
de
définir
clairement
l'idée
de
discrimination pour éviter des
interprétations abusives.
Pour
M.
PICTET,
la discrimination
désigne
"une distinction ou
une
séparation
que
l'on
pratiquerait
au
détriment
de
certains
individus,
pour
le
seul
motif
qu'ils
appartiennent
à
une
catégorie
déterminée.
On
appellera
donc
traitement
discriminatoire
le
traitement
inégal
qui,
par
action
ou
abstention,
résultera
d'une
telle
attitude"
(195).
Autrement
dit,
l'obligation de conduire l'action de secours sans aucune
distinction de caractère défavorable ne signifie pas,
bien au
contraire,
qu'il
est
interdit
de
faire
des
faveurs
aux
personnes
ayant
des
besoins
particuliers.
Pour
assurer cette
distribution
équitable
des
produits,
des
évaluations
de
la
situation
d'ensemble
sont
nécessaires,
ce
qui
n'est
pas
toujours facile à obtenir.
La définition des priorités dans la
distribution pourrait se faire en fonction des articles 23 de
la quatrième convention de Genève de 1949, de l'article 77
du
(194) OOMESrrCr, M.J. op. cit, A.F.D.r., p. 128.
(195) PICTET, J.S. Les principes de la croix-Rouge. Genève, 1955, p. 32.

-
162 -
premier protocole de 1977, ou de façon coopérative avec l'Etat
ou les parties en conflit. En somme,
"à détresse égale,
i'aide
sera équivalente
; à détresse inégale,
elle sera conditionnée
par l'importance des besoins et leur urgence" (196).
B - Le Contrôle territorial de l'assistance; le
problème des couloirs humanitaires d'urgence.
Dès
lors
que
le
principe
d'une
assistance
humanitaire
extérieure
est
acquis,
il
reste
à
s'assurer
que
les
secours
parviendront
effectivement
aux
personnes
qui
en
ont
besoin.
Le
problème
de
l'acheminement
de
l'aide
humanitaire
pose
celui
de
son
contrôle
territorial.
Faut-il
laisser à
l'Etat,
notamment en cas de catastrophe
naturelle,
le
soin
exclusif
de
gérer
sur
son
territoire
les
secours
humanitaires
reçus
?
Faut-il
laisser
les
dispensateurs
de
l'aide
libres
d'acheminer,
eux-mêmes,
cette
aide
dans
le
territoire
de
l'Etat
?
Faut-il
organiser
un
acheminement
coopératif
entre
l'Etat
ou
les
parties
en
conflit
et
les
assistants
extérieurs
?
Ces
questions
sont
importantes,
et
mettent en opposition deux éléments ; d'une part,
la nécessité
d'une
intrusion
dans
le
territoire
de
l'Etat
dont
les
populations
souffrent,
condition
de
l'efficacité
de
l'action
humanitaire ; et d'autre part,
l'exclusivité de principe de la
compétence territoriale de
l'Etat
dans
les
limites
de
son
territoire,
chaque
Etat,
sous
réserve
de
servitudes
territoriales
consenties,
jouit
de
la
plénitude
de
la
compétence
d'exécution.
C'est
à
la
confluence
de
ces
deux
réalités
que
se
situe
la
problématique
des
couloirs
humanitaires
d'urgence,
dont
le
principe
est
posé
par
la
résolution
45/100
du
14
décembre
1990.
Il
nous
revient
de
présenter
l'objet
et
la
construction
de
l'institution
des
couloirs
humanitaires,
avant
de
voir
l'application
et
les
critiques qui peuvent lui être adressées.
(196) PICTET, J.S. Les principes de la croix-Rouqe. Genève, 1955, p. 53.

- 163 -
1 -
La notion de couloirs humanitaires
La
notion
de
couloirs
humanitaires
est
fille
du
principe
de
libre
accès.
Les
couloirs
humanitaires
ont
en
effet pour objet
principal
la traduction concrète de
l'accès
aux
victimes
des
situations
d'urgence.
Il
s'agit
d'aménager
des
passages
de
sécurité
au
profit
des
personnels
qui
accomplissent
l'action
humanitaire.
Le
droit
des
victimes
à
l'assistance implique,
en effet,
pour celles-ci,
le droit de
vivre
dans
un
environnement
immédiat
favorable
à
un
acheminement
en
toute
sécurité
des
biens
de
première
nécessité.
L'idée
de
couloirs
humanitaires
concerne
principalement,
voire
exclusivement,
les
situations
de
conflits
armés.
En
ce
qui
concerne
les
catastrophes
naturelles,
la résolution 43/131 réaffirme la souveraineté des
Etats
affectés
et
le
rôle
de
premier
plan
qui
leur
revient
dans l'organisation,
la coordination et la mise en oeuvre de
l'assistance
humanitaire
sur
leurs
territoires
respectifs.
Dans
ce
cas,
l'Etat
territorial
jouit
de
l'exclusivité
du
contrôle territorial de l'assistance humanitaire ; même si des
intervenants extérieurs participent à l'action, c'est sous son
contrôle.
Il
n'y a
pas besoin de couloirs
ici,
l'urgence ne
procédant
pas
d'un
état
de
belligérance.
Toute
l'entreprise
humanitaire
est
coopérative,
et
se
rapproche
du
scénario
organisé par la Convention sur l'assistance en cas d'accident
nucléaire ou de situation d'urgence radiologique adoptée le 26
septembre
1986.
L'article
3 de
ce
texte
stipule
que
"a)
la
direction,
le
contrôle,
la
coordination
et
la
supervision
d'ensemble
de
l'assistance
incombent,
sur
son
territoire,
à
l'Etat
qui
requiert
l'assistance.
La
partie
qui
fournit
l'assistance
devrait,
lorsque
l'assistance
nécessite
du
personnel,
désigner en consultation
avec
l'Etat qui
requiert
l'assistance
la
personne
à
laquelle
devrait
être
confiée
et
qui devrait conserver la supervision opérationnelle directe du
personnel
et
du
matériel
qu'elle
a
fournis.
La
personne
désignée,
devrait
exercer
cette
supervision
en
coopération

-
164 -
avec
les
autorités
appropriées
de
l'Etat
qui
requiert
l'assistance" (197).
Toutefois,
notamment dans
le cas de conflits armés,
la voie de
la coopération n'est pas
toujours facile à mettre
en
oeuvre
soit
que
le
gouvernement
en
place
veuille
contrôler
de
bout
en
bout
la
distribution
de
l'aide
humanitaire,
soit que faute de gouvernement stable,
les Etats
et
les
organisations
humanitaires
qui
assistent
veuillent
s'occuper de la gestion de leur aide.
C'est probablement pour
échapper
aux
dysfonctionnements
de
la
coopération
dans
ces
circonstances, notamment le risque de rétention de l'aide, que
l'on
a
pensé
aux
couloirs
humanitaires,
sortes
d'enclaves
territoriales momentanément soustraites au contrôle de
l'Etat
pour l'acheminement de l'aide humanitaire.
Selon
ses
promoteurs,
la
notion
de
couloirs
humani taires est calquée sur
l'idée de passage
inoffensif en
droi t
de
la mer
selon
le
Professeur BETTATI
la
logique de
ces couloirs emprunte beaucoup au droit de la mer.
On part de
l'observation
selon
laquelle
l'Etat,
tout
en
demeurant
parf ai tement
souverain
sur
sa
mer
terr i tor iale,
permet
néanmoins
le
passage
des
navires
étrangers,
y
compris
le
mouillage ou l'arrêt en cas de force majeure ou de détresse ou
dans le but de porter secours à des personnes, des navires ou
des
aéronefs
en
danger
ou
en
détresse.
L'article
18
de
la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer signée en
1982 à
Montego Bay énonce ce principe du passage
inoffensif.
Il s'agit donc de transposer à l'action humanitaire cette idée
de
droit
de
passage
inoffensif,
car
le
passage
dont
il
est
question en droit de la mer est en effet un droit, conditionné
toutefois par des modalités
d'exercice
dont
le
non-respect
(197) Texte de la Convention in R.G.O.l.P., 1987, 1. p. 787-798.

-
165 -
pourrait justifier le refus du passage par l'Etat territorial.
"La
transposition
aux
actions
humanitaires
terrestres,
écrit
le
Professeur
SETTATI,
comporte
non
seulement
la
norme
permissive mais aussi,
pour des
raisons de réalisme face aux
contraintes
que
représentent
les
exigences
des
prérogatives
territoriales des
Etats,
les
limites de ce droit de passage"
(198).
L'analogie
ne
semble
pas
parfaite
:
car
il
est
difficile de mettre sur le même plan les secours portés par un
navire
à
des
personnes
ou
engins
en
détresse
dans
la
mer
terri toriale
et
ceux
apportés
par
des
Etats
ou
des
organisations humanitaires à
des
populations souffrantes dans
un Etat. Dans les deux cas, c'est l'idée de "passage" qui fait
la
différence
le
navire
qui
porte
secours
exerce
une
activité qui n'est pas en rapport avec sa mission principale,
il
y
a
donc
beaucoup
plus
dt.:
chances qu'une
telle
activité
soit désintéressée : en revanche,
les assistants humanitaires,
missionnaires
permanents
de
l'action
humanitaire,
ne
se
retrouvent
pas
dans
l'Etat
touché
par
accident.
Leur
action
est
pIani fiée,
organisée
leur
intervention
n'est
pas
une
contrainte du hasard,
c'est un choix discrétionnaire de
leur
part. Au lieu de concevoir la notion de couloirs humanitaires,
peut-être aurait-on pu penser simplement à un renforcement des
insti tutions
analogues
existantes
en
droit
international
humanitaire.
L'idée
de
couloirs
humanitaires
peut
en
effet,
trouver
des
institutions
parentes
dans
le
droit
humanitaire
classique des conflits armés.
Les conventions de Genève,
pour
faciliter
les
opérations
de
secours
des
organisations
humanitaires,
prévoient plusieurs institutions
;
il en est de
même des
protocoles additionnels de 1977.
L'article 23 de la
première Convention de Genève envisage des
zones et localités
sanitaires,
destinées
à
abriter
les
blessés
et
malades
militaires
l'article 15 de
la quatrième convention prévoit
la possibilité d'instituer, dans les
régions des combats, des
(198) BETTATI, M. op. cit. R.G.D.I.P., 1991/3, p. 658-659.

- 166 -
zones neutralisées pour mettre à l'abri des dangers
outre les
malades, les personnes civiles ne participant pas aux combats.
Le
premier protocole
additionnel
de
1977,
à
son
article
60,
organise des zones démilitarisées, créées par consentement des
parties
au
conflit.
c'est
dire
que
le
principe
de
bandes
territoriales
soustraites,
le
temps
de
l'accomplissement
de
l'action humanitaire, aux actes de belligérance des parties en
conflit, n'est pas entièrement nouveau.
Les
couloirs
humanitaires
ne
rompent
pas
avec
l'exigence de consentement des parties en conflit ou de l'Etat
affecté
;
cette exigence est même rappelée par la résolution
45/100 du 14 décembre 1990, et constitue un élément important
de mise en oeuvre de l'institution.
2 - La pratique des couloirs humanitaires
Sien que,
sur le plan moral,
on puisse admettre que
le
principe
des
couloirs
humanitaires
d'accès
aux
victimes
soi t
de
plus
en
plus
accepté,
il
reste
que
son
application
demeure
problématique
dans
le
cadre
de
conflits
armés.
Les
vicissitudes
de
l'acheminement
de
l'aide
humanitaire
en
Sosnie-Herzégovine
sont

pour
nous
le
démontrer
déplacements
de
convois
humanitaires
gênés,
cargaisons
humani taires
retenues,
etc.
Tout au plus peut-on évoquer des
couloirs
humanitaires
aériens
aménagés
pour
permettre
le
largage de l'assistance humanitaire américaine dans les zones
musulmanes
assiégées
de
Sosnie.
Toutefois,
le
"droit
de
passage humanitaire"
a
déjà
été
exercé,
ici
ou

avec
des
succès
relatifs.
Ce
droit
de
passage
est
un
droit
dont
l'exercice
est
limité
dans
son
champ
spatial
et
dans
son
objet,
qui
est
réduit
à
l'apport
des
biens
de
première
nécessité.
En
Juin
1991,
un
corridor
humanitaire
empruntant
l'itinéraire
fluvial
Kosti-Malakal
Nasir,
le
Nil
bleu
et
la
rivière Sobat avait été crée par accord entre le gouvernement
soudanais
et
une
mission
inter-agences
des
Nations-Unies

- 167 -
conduite
par
le
Directeur
Général
du
Programme
Alimentaire
Mondial.
Toutefois,
c'est
l'action
humanitaire
au
Kurdistan
Irakien
en
1991
qui
a
vu
une
mise
en
oeuvre
réelle
des
couloirs
humani ta ires .
On
a
assisté
durant
l'opération
"Provide Comfort" à la création par les Etats Unis,
le Royaume
Uni et la France,
relayés par la suite par les Nations Unies,
de
"Centres
humanitaires"
de
"relais
humanitaires"
devant
favoriser le retour des Kurdes dans leurs lieux traditionnels
d'habitation.
Ces
centres
humanitaires,
de
même
que
les
relais,
étaient
encadrés
par
des
"gardes
bleus"
dont,
en
principe,
la
mission
était
d'assurer
la
sécurité
des
dispensateurs de
l'aide.
L'opération humanitaire au Kurdistan
révèle
les
ambiguïtés
du
contrôle
par
les
assistants
extérieurs de
la
distribution
de
l'aide
humanitaire
dans
le
territoire
d'un
Etat
quelle
nuance
établir,
dans
ce
cas
précis,
entre l'assistance humanitaire et un possible soutien
aux mouvements Kurdes de libération nationale? (199). L'issue
de
l'opération
tempère
ces
appréhensions,
les
assistants
humanitaires s'étant gardés d'être un soutien actif à la cause
de l'indépendance nationale Kurde.
Il n'en demeure pas moins que, dans le contexte d'un
conflit
armé,
l'idée
de
couloirs
humanitaires
peut
paraître
équivoque,
si
ces
couloirs
ne
s'intègrent
pas
ou
ne
s'accompagnent
pas
d'une
stratégie
globale
de
rétablissement
de la paix, et d'abord de la recherche d'un cessez-le-feu. Les
couloirs humanitaires supposent,
pour leur mise en oeuvre,
au
minimum
la
suspension
des
hostilités
dans
les
zones
à
desservir,
et donc la possibilité de leur poursuite ailleurs.
Si l'on voudrait reprendre les éléments de caractérisation des
couloirs humanitaires élaborés par leurs concepteurs
(limités
(199) LE5IEUR, J. Les frontières de l'ingérence, in L'express, 9 Mai 1991, p. 51.

-
168 -
dans
le
temps,
limités
dans
l'espace,
limités
dans
l'objet,
régis
par
une
déontologie),
on
peut
estimer
que
les
deux
derniers cités ne posent pas de problèmes particuliers, ce qui
ne
semble
pas
le
cas
des
deux
premiers.
si
l'on
veut
que
l'institution
des
couloirs
humanitaires
soit
complètement
satisfaisante
du
point
de
vue
intellectuel,
la
limitation
temporelle devrait être abandonnée ou,
si elle est maintenue,
elle devrait
concerner
le
temps
que
dure
le
conflit
armé
pouvoir arrêter,
après un temps,
l'activité de secours alors
que
la cause du drame
humanitaire persiste manque
réellement
de
cohérence.
De
même,
la
limitation
du
champ
spatial
des
couloirs
humanitaires
devrait
être
abandonnée.
Certes,
incontestablement,
elle
est
pragmatique
et
son
inexistence
viderait de tout sens la notion mê~e de "couloir" qui évoque
nécessairement
un
espace
territorial
bien
circonscrit.
Il
n'empêche que lorsque la guerre ravage un pays, si l'on veut y
créer
des
couloirs
humanitaires,
leur
nombre
devrait
être
réduit à l'unité : dès lors, il n'y a plus qu'un seul "couloir
humanitaire", tout l'espace territorial qui est le théâtre des
hostilités.
Si
les
couloirs
humanitaires
ne
s'intégrent
pas
dans
un
processus
global
de
cessation
du
conflit,
il
serait
difficile
de
démentir
ceux
qui,
comme
M.
RUFIN,
écrivent
qu' "avec
les
corridors
humanitaires,
il
ne
s'agit
pas
d'empêcher
les combats,
moins encore de
prendre parti
contre
un
agresseur
( ... )
il
s'agit
de
nourrir
ceux
que
l'on
massacre.
Le
message
que
l'on
adresse
aux
meurtriers
est
empreint d'une étonnante bonhomie
:
tuez-les,
si vous voulez,
mais veillez à ce qu'ils ne manquent de rien" (200).
(200) RUFIN, J.C. HUianitaire et Politique après la chute du Mur, in le Pièqe hUianitaire, Paris,
1992, 2èle éd. p. 349.

-
169 -
SECTION II
LES MODALITES DE L'ACTION
Qui
va
être
habilité
à
conduire
des
actions
d'ingérence
?
Quels
moyens
pourraient
être
régulièrement
utilisés
à
cet
effet
?
Telles
sont
les
deux
interrogations
auxquelles se propose de répondre cette section.
Paragraphe 1 - La définition des acteurs
S'il
est
un
élément
qui
nous
semble
jeter
de
la
confusion
dans
le
débat
relatif
au
droit
d'ingérence
humani taire,
c'est
bien
l'indétermination
-
voire
le
flou
-
qui
entoure
la définition des
acteurs
chargés de
la mise
en
oeuvre éventuelle de cette prérogative
juridique revendiquée.
Du moment, en effet, que l'assistance humanitaire peut avoir à
se muer en
ingérence humanitaire,
il faut préciser qui va se
charger de la mise en oeuvre de la nouvelle
norme, de façon à
ce que cette mise en oeuvre soit compatible avec les principes
du droit international. Comme l'écrit un auteur, "le débat qui
s'est
instauré
sur
le
droi t
d'ingérence
souffre
d'une
confusion
tenant
au
manque
de
distinction
à
établir
entre
( ... ) les acteurs de l'action humanitaire ( ... ) on ne saurait
mettre sur
le même
plan
l'intervention
d'un
ou
de
plusieurs
Etats,
celle
émanant
d'une
organisation
internationale
intergouvernementale
et
celle
effectuée
par
une
organisation
non
gouvernementale"
(201).
Toujours
à
propos
du
droit
d'ingérence, un
autre
auteur
écrit
qu"'un
élément
paraît
(201) DUPUY, R.J. op. cit. p. 16-17.

-
170 -
déterminant,
celui
de
savoir
s'il
s'agira
d'en
rester
au
libre
accès
des
populations
sinistrées
par
les
seules
associations humanitaires privées ou s'il
s'ouvrira également
aux interventions proprement étatiques (202).
L'objet
de
cette
partie
du
travail
n'est
pas
de
trai ter,
en
général,
de
l'action
humanitaire
des
Etats,
des
organisations
intergouvernementales
et
des
organisations
non
gouvernementales.
Quoique
inintéressante,
une
telle
analyse
nous
éloignerait
de
l'objet
principal
de
notre
propos.
Ce
dernier se formule
ainsi
le
principe de
non-ingérence dans
les
affaires
intérieures
des
Etats
s'oppose-t-il
à
l'action
humanitaire
internationale
s'exerçant
dans
un
Etat
sans
son
consentement,
indépendamment de l'acteur qui la met en oeuvre,
Etat,
organisation
intergouvernementale
ou
organisation
non
gouvernementale ? Est-il pertinent d'invoquer le
problème de
l'ingérence
indistinctement vis-à-vis
de
l'action
humanitaire
de ces diverses catégories d'acteurs?
A ces questions, on peut apporter une double réponse
d'un
côté
une
certitude,
à
savoir
la
pertinence
de
l'invocation
éventuelle
de
l'idée
d'ingérence
pour
l'action
humanitaire
des
Etats
et
des
organisations
intergouvernementales
d'un
autre
côté
une
incertitude
actuellement
débattue,
à
savoir
l'applicabilité
de
l'idée
d'ingérence
à
l'action
humanitaire
des
organisations
non
gouvernementales.
Compte
tenu
de
l'importance
de
ces
organisations
pr i vées
dans
l ' accompl issement
de
l'action
humanitaire,
le problème de savoir si
leur activité peut être
analysée sous l'angle de l'ingérence prend toute son acuité.
(202) DUPUY, P.H. op. cit. R.G.D.I.P., 1991/3, p. 630.

-
171 -
A - L'ingérence humanitaire des Etats et des
organisations intergouvernementales
La situation la moins ambiguë est certainement celle
des Etats
s'ils veulent entreprendre une action humanitaire
dans
un
autre
Etat,
celle-ci
doit
respecter
le
principe
de
non-ingérence.
Quant aux organisations
internationales,
elles
sont
pour
la
plupart
régies
également
par
ce
principe
cependant
un
droit
d'ingérence
humanitaire
peut
leur
être
reconnu
implicitement,
notamment
dans
le
cas
des
Nations
Unies.
1 - L'Etat. acteur humanitaire international
c'est
véritablement
une
révolution
de
l'époque
contemporaine que
la prise à
bras le corps par
les Etats de
l'action humanitaire internationale longtemps restée l'apanage
des
associations
privées
caritatives.
Dans
les
théâtres
de
catastrophes
naturelles
ou
de
conflits
armés
non
internationaux,
leur présence est de plus en
plus manifeste.
En Bosnie,
en Somalie et sur d'autres lieux d'affrontements,
les
Etats
rivalisent
de
générosité
et
de
surenchère
humanitaire,
à
côté
des
efforts
d'organisations
internationales.
Chaque
Etat
voudrait
se
distinguer
sur
ce
créneau pourvoyeur de bonne conscience ;
pour un peu,
on les
comparerait
volontiers
à
des
organisations
non
gouvernementales grandeur nature.
L'intrusion
très
importante
des
Etats
dans
l'accomplissement
de
l ' action
humanitaire
internationale
n'a
pas encore reçu de traitement satisfaisant à
l'heure actuelle
sur
le
plan
juridique.
En
particulier,
le
heurt
entre
la
souveraineté étatique à respecter et l'accès
aux
victimes
à

-
172 -
garantir
demeure
problématique
(203).
"C'est
un
principe
fondamental
des
relations
internationales,
écrit
Carey
T.
OLIVIER,
que
le gouvernement d'un
Etat a
seul
autorité
pour
gouverner sur le territoire du dit Etat, à l'égard de tous les
faits qui s'y déroulent et de toutes les
choses et personnes
qui s'y trouvent,
sauf dans la mesure où cette autorité peut
avoir
été
modifiée
avec
le
consentement
du
souverain
territorial" (204).
La hantise que les petits Etats ont d'une
éventuelle
intervention d'un grand et puissant Etat sur
leur
territoire
rend
suspecte
à
leurs
yeux
l'action
humanitaire
effectuée par les Etats.
Sur
le
plan
juridique
il
faut
dire que
bien qu'il
n'y
ait
point
d'exception
humanitaire
au
principe
de
non-
intervention et, comme on le verra
plus loin,
au principe de
non-recours
à
la
force,
les
Etats
ne
se
sont
jamais
vus
refuser
le
droit
d'accorder
une
aide
humanitaire
à
des
victimes
d'un
conflit
armé.
Les
formules,
à
ce
sujet,
sont
multiples et ne coincident pas nécessairement
; même,
peut-on
dire,
elles
sont
divergentes.
Selon
Dietrich
SCHINDLER,
exprimant
probablement
l'opinion
d'une
large
fraction
de
l'Institut
de
Droit
International,
"aucune
règle
du
droit
international
n'interdit
aux
Etats
d'apporter
une
aide
humanitaire
aux
victimes
d'un
conflit,
même
s'il
s'agit de
victimes du parti insurgé.
L'aide purement humanitaire ne peut
pas
être
considérée
comme
une
ingérence
dans
le
conflit"
(205).
La notion d' "aide purement humanitaire" ne nous semble
pas convaincante, du
moment qu'elle est conduite par un Etat.
(203) BINTON, N. De nouveaux défis lancés à la cOllunauté internationale, in Le courrier des AoC.P.,
n' 136, novelbre-décelbre 1992, p. 65-66.
(204) OLIVIER, C.T. La cOlpétence des Etats, in BEroAOUI M. Droit international, bilan et
perspectives, TOle l, 1991, p. 325.
(205) SCBINDLER, D. Le principe de non-intervention dans les querres civiles. Rapport provisoire,
A.I.D.I, 1973, p. 485.

-
173 -
Qu'un
Etat,
monstre
froid,
puisse
mener
des
opérations
humanitaires
dans
le cadre d'un
conflit
armé ne
pose pas
de
problème,
en
principe.
Toutefois,
i l
est
difficile
de
dire
qu'un tel
accès
d'humanité
est neutre,
"même s ' i l
s'agit des
victimes
du
parti
insurgé"
luttant contre un gouvernement
en
place.
Quelles
que
soient
les
précautions
discursives
qu'on
peut adopter,
il ne fait pas doute que l'aide humanitaire d'un
Etat
dans
le
cadre
d'une
guerre
civile
sera
imprégnée
de
considérations tenant au conflit,
aux parties en
lutte,
et à
la
sympathie
qu'elles
inspirent
respectivement.
Pourtant,
force est de constater que
la
Cour
Internationale de Justice
est allée
beaucoup plus
loin que
le
Professeur SCHINDLER,
en
employant des
formules
qui,
quoique
restreintes
par
la
sui te
en ce qui concerne leurs conditions de mise en oeuvre, peuvent
être inquiétantes. De l'avis de la Cour,
"il n'est pas douteux
que
la
fourniture
d'une
aide
strictement
humanitaire
à
des
personnes
ou
à
des
forces
se
trouvant
dans
un
autre
pays,
quels
que
soient
leurs
affiliations
politiques
ou
leurs
objectifs,
ne
saurait
être
considérée comme
une
intervention
illicite
ou
à
tout
point
de
vue
contraire
au
droit
international"
(206).
Cet
énoncé
nous
semble
assez
large.
L'aide
humanitaire
n'y
est
pas
restreinte
aux
besoins
des
victimes du conflit;
elle est étendue aux "forces",
c'est-à-
dire
à
des
uni tés
combattantes.
De
plus,
l'aide
est
indifférente
aux
objectifs
des
forces
auxquelles
elle
est
consentie,
que
ce
soit
des
forces
insurgées
ou
gouvernementales.
On
ne
peut
raisonnablement
soutenir
qu'une
aide humanitaire octroyée à
des
forces
insurgées
par exemple
n'est
en
aucune
manière
une
ingérence
dans
le
conflit
et,
donc, une violation du droit international.
La
formule
qui
nous
semble satisfaisante
est celle
proposée par l'article 5 de la
résolution
de
l'Institut
du
(206) C.I.J., Recueil 1986, op. cit. paragraphe 242.

-
174 -
Droit International
relative aux rapports
entre
la
protection
des droits de l'homme et le principe de non-intervention.
Cet
article
stipule
que
"l'offre,
par
un
Etat
( ... )
de
secours
alimentaires
ou
sanitaires
à
un
Etat dont
la
population
est
gravement
menacée
dans
sa
vie
ou
sa
santé
ne
saurait
être
considérée comme
une
intervention
illicite dans
les
affaires
intérieures de cet Etat" (207).
Cette
formule
est
plus
satisfaisante
que
les
deux
premières
pour
deux
raisons.
En
premier
lieu,
l'aide
humanitaire se
limite
ici
à
l'offre
elle
ne
comporte
pas,
contrairement à ce que la rédaction défectueuse de la suite de
la
disposition
peut
suggérer,
l'acheminement
territorial
d' autori té
de
celle-ci
parler
de
moyens
armés
ou
d'intimidation
mis
en
oeuvre
pour offrir
l'aide
humanitaire,
c'est
parler d'autre chose que d'offres,
qui se limitent aux
propositions d'assistance humanitaire.
L'article 5 ne recouvre
que
l'offre
de
secours
et
non
l'opération
de
secours
elle-
même, qui est la traduction concrète du sort réservé à
l'offre
par l'Etat à
qui
elle est
faite.
Ensuite,
l'aide
humanitaire
prévue
par
l'article
5
est
offerte
à
un
Etat,
et
non
pas
indistinctement
aux
parties
en
conf lit.
Mais,
i l
faut
reconnaître
que
la
notion
d'Etat
peut
perdre
toute
signification pratique en cas de guerre civile généralisée.
L'aide
humanitaire
d'un
Etat
donnée
à
des
victimes
d'un conflit ne peut être relevée de
l'accusation d'ingérence
dans le dit conflit que si elle n'aboutit pas à
renforcer une
partie par rapport à une autre, ce qui n'est pas à exclure.
(207) U.D.r., 1990, p. 344.

-
175 -
2 - Les organisations intergouvernementales. acteurs
de l'ingérence humanitaire.
L'action humanitaire occupe un volet très
important
de
l'activité
de
plusieurs
organisations
intergouvernementales.
Les
Nations
Unies,
par
exemple,
déploient
à
ce
sujet
une
activité
débordante
à
en
juger
du
moins par la multiplicité des institutions se définissant des
missions
humanitaires
F.A.O./P.A.M,
O.M.S.,
U.N.I.C.E.F.,
U.N.D.R.O., H.C.R., U.R.N.W.A. etc. A cela, il faut ajouter la
création
d'un
Département
des
affaires
humanitaires
en
Mars
1992 par le Secrétaire Général des Nations Unies. Au sein des
Communautés
européennes,
il
a
été
créé
un
office
d'aide
humanitaire.
Toutes ces activités humanitaires ont pour principe
de
mise
en
oeuvre
la
coopération
avec
l'Etat
touché
ou
les
parties
en
conflits.
A
priori,
l'ingérence
n'est
pas
la
meilleure
façon
de
réaliser
leur
action.
De
plus,
les
organisations internationales sont fondées sur le principe de
spécialité
qui
détermine
leur
champ
de
compétence.
Il
est
clair
que
si
l'action
humanitaire
n'est
pas
leur
objet
de
compétence,
elles
pourraient
se
rendre
coupables
d'ingérence
dans
les
affaires
intérieures
des
Etats
membres
si
elles
diligentaient des
actions sur leur territoire sans
leur avis
favorable. Toutefois, en ce qui concerne les Nations Unies,
le
Conseil de Sécurité, pour autant que la situation humanitaire
dans un
Etat devient une menace pour
la paix internationale,
peut décider une intervention humanitaire.
C'est le cas de la
Somalie.

-
176 -
B - Les Organisations non gouvernementales et la
problématique de l'ingérence humanitaire.
La
participation
des
organisations
non-
gouvernementales à
la vie internationale est un fait toujours
plus marquant de l'ordre international.
Cela est vrai d'abord
par
leur
nombre,
toujours
plus
imposant.
En
1983,
on
en
dénombrait
692
reconnues
par le Conseil
Economique et social
des Nations Unies. Cela est vrai aussi de leur participation à
des
activités
internationales,
transfrontalières,
notamment
dans
le
domaine
humanitaire
et
la
protection
internationale
des droits de l'homme.
Se
demander
si
et
dans
quelle
mesure
les
organisations
non
gouvernementales
sont
justiciables
de
l'application
du
principe
de
non-ingérence
pose
un
double
prohlème.
D'une part,
i l
faut préciser la situation
juridique
de ces organisations,
et notamment déterminer leur aptitude à
être
titulaires
de
droits
et
d'obligations
dans
l'ordre
international,
bref
résoudre
la
question
de
la
personnalité
juridique
internationale
de
ces
organisations.
Ce
problème,
toujours
posé
depuis
le
début
du
siècle
en
doctrine,
n'a
véritablement pas
encore
reçu
une
solution satisfaisante,
au
point que paraphrasant un illustre auteur on pourrait soutenir
que
les organisations non gouvernementales sont en exil
dans
la
société
des
Etats
et
des
organisations
internationales.
D' autre
part,
et
conséquemment
à
la
définition
de
la
personnalité internationale des organisations internationales,
il
faut
préciser
la
mesure
dans
laquelle
ces
organisations,
mouvements
privés,
peuvent
se
voir
appliquer
les
règles
permissi ves et prohibi ti ves du droit international,
notamment
celle
de
la
non-ingérence,
qui
nous
concerne
ici.
Ces
deux
aspects connexes méritent d'être examinés successivement.

-
177 -
1 - Les difficultés de la reconnaissance d'une
personnalité juridique internationale aux
organisations non-gouvernementales.
A
l'analyse,
il
est
possible
de
voir
dans
le
discours
relatif
au
droit
d'ingérence
humanitaire,
notamment
pendant
sa
première
phase
qui
ne
concernait
que
les
organisations
humanitaires
privées,
une
péripétie
supplémentaire
dans
la
longue
quête
d'une
personnalité
internationale plus assurée, en tout cas moins précaire, de la
part
des
organisations
non
gouvernementales.
Jusqu'à
aujourd'hui,
et
malgré
des
évolutions
juridiques
non
négligeables,
l'élément
caractéristique
de
la
situation
juridique
des
organisations
non
gouvernementales
est
sans
doute la précarité.
Cette précarité manifeste de
leur statut
procède sans doute de
la
résistance des
Etats
à
l'émergence
dans l'ordre international de sujets de droit qui ne seraient
pas l'objet de leur création au qui ne seraient pas soumis à
leur
contrôle.
C'est
l'un
des
principaux
mérites
de
la
résolution
43/131
que
d'être
une
contribution
à
la
reconnaissance
formelle
d'un
statut
juridique
aux
organisations non gouvernementales,
par la mise en exergue de
leur
rôle
irremplaçable
dans
l'assistance
humanitaire
internationale.
Cette mise
en évidence de
leur rôle
ne
fait
pas
disparaître
complètement
l'incertitude
qui
continue
de
régner
sur
leur
statut
juridique.
Il
suffit
pour
s'en
convaincre
de
présenter
les
développements
juridiques
consacrés à
la question, en dehors du cadre des Nations Unies
et dans ce cadre-là.
a - Les tentatives de définition d'un statut
international en dehors de l'Q.H.U.
Plusieurs
tentatives
de
définition
d'un
statut
juridique
international
des
organisations
privées
ont
été
entreprises.
A ce
sujet,
il
faut
mentionner
particulièrement

-
178 -
l'Institut du Droit International qui a consacré au sujet deux
résolutions,
l'une
datant
de
1923
et
l'autre
de
1950
(208).
Dans
les
deux
cas,
une
préoccupation
essentielle
anime
l'Institut : trouver
des
moyens
d'octroyer aux associations
privées
exerçant
leurs
activités
dans
plusieurs
Etats
des
prérogati ves
de
droit
international
public.
Selon
le
mot
de
Mme
BASTID
"il
s'agit
de
proposer
les
principes
d'une
discrimination
pour
conférer
des
avantages
spéciaux"
(209)
à
ces
organisations,
bref
leur
faire
bénéficier
d'un
statut
exorbi tant
du
droit
commun.
En
leur
accordant
en
effet
un
statut
international,
on
voudrait
permettre
et
faciliter
le
fonctionnement de certaines associations sur
le territoire de
plusieurs
Etats.
Toutefois,
l'article
4
du
projet
de
convention adopté par l'Institut énonce que
les droits prévus
peuvent être
refusés
à
toute
association
dont
l ' acti vi té
est
contrai re
à
l'ordre
publ ic ,
aux
bonnes
moeurs
et
aux
dispositions
de
son
statut.
Il
en
est
de
même
si
ses
représentants,
par
leur
qualité,
paraissent
constituer
un
danger
pour
l'ordre
public
de
la
partie
contractante
intéressée.
Il
est
prévu
qu'en
cas
de
di f f érend
entre
une
organisation
non-gouvernementale
et
un
Etat,
la
première
est
fondée
à
saisir
la
Cour
Internationale
de
Justice.
Lorsque
l'on
sait
que
habituellement
seuls
les
Etats
ou,
éventuellement,
les
organes
des
institutions
internationales
habilités
à
ce
faire,
peuvent
saisir
la
Cour,
on
mesure
l'importance d'une
telle
disposition
pour
la
consécration de
la
personnalité
internationale
des
associations
privées.
Il
n'empêche
que
malgré
ces
clauses,
demeurées
au
niveau
de
la
lex
feranda,
les
associations
privées
continuent de
pâlir de
cette ambivalence de leur situation: institutions
rattachées
(208) BASTID, S. Les conditions d'attribution d'un statut international à des associations
d'initiative privée. A.r.D.r., 1950, T. 1, p. 547 et s.
(209) BASTID, S. Les conditions d'attribution d'un statut international à des associations
d'initiative privée. A.r.D.r., 1950, T. 1 p. 549, et s.

- 179 -
à
un Etat du fait de leur enregistrement dans le cadre d'une
loi
nationale,
institutions
déployant
ou
prétendant déployer
des
efforts
à
travers
les
frontières.
Une
ambivalence
qui
n'inspire
pas
nécessairement
confiance
aux
Etats.
Comme
l' écri t
Eugène
BOREL,
"dans
les
conditions
de
la
vie
internationale, tous les Etats ou peu s'en faut, obéissent
au
souci
pressant
d'écarter
de leur territoire une action, une
propagande,
une
influence
étrangères
jugées
inacceptables,
qu'elles soient ouvertes ou occultes,
affirmées ou déguisées"
(210).
Au
sein
du
Conseil
de
l'Europe,
un
effort
supplémentaire
dans
la
promotion
de
la
personnalité
internationale
des
organisations
non-gouvernementales
a
été
accompli,
avec la convention européenne sur la reconnaissance
de
la personnalité
juridique de ces organisations élaborée à
strasbourg
le
24
Avril
1986
(211).
La
Convention
vise
à
faciliter
l'action
des
associations
privées
dans
le
cadre
européen,
en
faisant
en
sorte
que
la
reconnaissance
par
un
Etat
d'une
association
implique
automatiquement
celle
des
autres Etats liés par la Convention.
L'article 1-b énonce que
l'organisation désirant bénéficier du statut mis en place doit
exercer une activité effective dans au moins deux Etats. Selon
l'article 4 du texte conventionnel,
son application peut être
écartée
si
une
organisation,
par
son
objet,
son
but
ou
l ' activi té
effectivement
exercée
"contrevient
à
la
sécurité
nationale,
à
la sOreté publique,
à
la défense de l'ordre ou à
la prévention du crime,
à
la protection de la santé ou de la
morale, à la
protection
des
droits
et
libertés
d'autrui"
(210) BOREL, E. Observations au rapport de Hie Suzanne BASTID, A.LD.!., 1950, T. 1 p. 627.
(211) Voir Texte in R.G.D.LP., T. 90,1986, p. 1075-1079. En ce qui concerne le statut des
organisations non-gouvernelenta1es en droit international, un intérèt particulier doit être
accordé au sort qui leur est réservé dans la Convention européenne des droits de l'holle.
L'article 25 de cette Convention, établissant le droit de recours individuel, concerne aussi
les organisations non-gouvernelenta1es.

- 180 -
(article 4-a), ou "compromet les relations avec un autre Etat
ou le maintien de la paix et de la sécurité internationales"
(article
4-b).
Le
statut
de
l'organisation
demeure
donc
précaire.
Il en est ainsi également dans le cadre des Nations
Unies.
b - La Charte des Nations Unies et les organisations
non-gouvernementales.
La Charte des Nations Unies traite des organisations
non-gouvernementales
à
son
article
71
qui
dispose,
in
extenso:" le Conseil économique et social peut prendre toutes
dispositions
utiles
pour
consulter
les
organisations
non
gouvernementales
qui
s'occupent
de
questions
relevant
de
sa
compétence
ces
dispositions
peuvent
s'appliquer
à
des
organisations
internationales
et,
s'il
y
a
lieu,
à
des
organisations
nationales
après
consultation
du
membre
intéressé de l'organisation". Ce texte est le fondement de ce
qu'il
est
convenu
d'appeler
le
statut
consultatif
des
organisations
non-gouvernementales
aux
Nations
Unies,
statut
dont il convient de voir les conditions d'admission et surtout
la portée en termes de
personnalité
internationale des
di tes
organisations.
En
ce
qui
concerne
les
conditions
d'admission
au
statut consultatif,
il
faut
satisfaire à
plusieurs
critères,
notamment
1)
être
qualifiée
pour
traiter
des
questions
relevant de la compétence du Conseil économique et social,
2)
avoir
des
buts
et
des
objectifs
conformes
aux
buts
et
principes de la Charte des Nations Unies
;
3)
disposer d'une
représentativité
attestée
dans
son
domaine
d'activité
4)
justifier une implantation internationale dans au moins trois
pays différents
;
5) être en mesure d'apporter une assistance
effective au Conseil.
Par une résolution du 25 Juin 1968, des
conditions
supplémentaires
ont
été
ajoutées
par
le
conseil
économique et social,
notamment
le caractère démocratique du
fonctionnement
de
l'organisation,
la
transparence
des

-
181 -
ressources et l'obligation de fournir les éclaircissements sur
tous les fonds provenant d'autres sources que les cotisations
des membres.
L'octroi
du
statut
consultatif
à
une
organisation
non
gouvernementale
n'a
d'effets
que
vis-à-vis
de
l'Organisation des
Nations
Unies
il
n'attribue pas à
cette
dernière
une
personnalité
juridique
internationale
pouvant
être invoquée à l'égard des Etats. Comme l'écrit le Professeur
MERLE,
"le
fait
d'être
admis
au
"statut
consultatif"
ne
garantit
nullement
à
une
organisation
non
gouvernementale
qu'elle
pourra
exercer
librement
ses
activités
sur
le
territoire de tel ou tel Etat dont l'idéologie officielle lui
serait hostile"
(212).
Les Etats,
en tout cas,
sont réticents
à
l'idée d'une
personnalité
internationale
pleine et entière
des
associations
caritatives
privées.
Pendant un moment,
ces
associations
étaient
considérées
comme
étant
simplement
de
groupuscules
d'espions
au
service
de
certains
Etats
(213).
Cette
suspicion
nous
introduit
dans
la
question
de
l'application de l'idée d'ingérence à
l'action humanitaire des
organisations
non gouvernementales.
2 - L'applicabilité de la règle de la non-ingérence
à l'action humanitaire des organisations non
gouvernementales
Poser le problème de l'applicabilité de
la règle de
la
non-intervention
aux
activités
transnationales
des
organisations
non-gouvernementales
parait
curieux
à
première
vue.
Etant
entendu
que
ces
organisations
ne
sont
pas
véritablement des sujets de droit
international,
à
l'instar
(212) HERLE, H. COllentaire de l'article 71 de la Charte des Nations Unies, in COT, J.P. et PELLET,
A. COllentaire de la Charte des Nations Unies, article par article. 1991, p. 1055.
(213) Idel, voir le cas cité page 1050.

- 182 -
des
Etats
et
des
organisations
internationales,
comment
comprendre
l'invocation
à
leur
encontre
du
principe
de
non-
ingérence,
applicable
essentiellement
aux
relations
entre
Etats ou entre Etats et organisations internationales ? Il est
donc évident que,
pour
une
partie de
la
doctrine
juridique,
les organisations
humanitaires
n'ont
rien
à
voir avec le
principe de la non ingérence dans les affaires intérieures des
Etats. Toutefois,
il se peut que,
par leurs activités,
par la
collusion
de
celles-ci
avec
des
politiques
étatiques,
ces
organisations
soient
concernées
par
le
principe
de
non-
ingérence.
a - La thèse de l'inapplicabilité du principe de
non-ingérence aux activités des organisations
humanitaires.
Cette
thèse
représente
l'opinion
dominante
dans
la
doctrine
juridique
internationale.
Elle
tire
logiquement
les
conséquences
juridiques
de
l'absence
de
personnalité
internationale
des
organisations
non
gouvernementales.
Surtout,
elle
s'en
tient
à
une
interprétation
relativement
rigide des
formulations
généralement retenues du
principe de
non-intervention,
qui
visent
exclusivement
il
est
vrai,
les
Etats et les groupes d'Etats. seuls en effet,
les Etats et les
groupes
d'Etats
sont
formellement
susceptibles
de
se
rendre
responsables
d'actes
d'intervention
dans
les
affaires
intérieures
d'un
autre
Etat.
Toutes
les
autres
institutions
participant
au
commerce
juridique
international
seraient
soustraites
à
l'empire
de
ce
principe.
Ainsi,
pour
le
Professeur BETTATI,
"Ill 'assistance humanitaire" met en jeu des
secouristes,
privés
ou
publics,
chargés
de
soulager
les
souffrances,
sauver
les
vies,
nourrir
les
corps,
organiser
l'installation,
le
transit
ou
le
retour
des
populations
déplacées à
l'intérieur de
leur propre pays ou à
l'extérieur
de
celui-ci.
Elle
ne
devrait
pas
se
heurter
au
principe
de
non-ingérence en ce que celui-ci C..• ) ne vise que
les
Etats

-
183 -
et
les
organisations
intergouvernementales"
(214).
Le
Professeur
COMBACAU
est
d'un
avis
identique
lorsqu'il
écrit
qu'
"il doit être clair C•.. ) que les notions de souveraineté
et
de
non- ingérence
sont
parf ai tement
dénuées
de
pertinence
dans
les
rapports
entre
les
Etats
et
les
organisations
non
gouvernementales
( ... )
Le
langage
de
la
souveraineté
n'a
de
place que dans les rapports interétatiques, et est inopposable
aux
particuliers"
(215).
Sur
la
base
de
considérations
similaires,
des auteurs concluent que "le droit international
n'interdit
nullement
aux
membres
d'organisations
non
gouvernementales de pénétrer sur le territoire d'un Etat sans
son consentement.
Dans cette hypothèse,
seul le droit interne
de l'Etat sur le territoire duquel se trouvent les populations
secourues
sera
éventuellement
violé,
ce
qui
n'aura
pas
d'implication en droit international. Celui-ci n'interdit donc
pas ce genre de pratique" (216).
En
faisant
rentrer
complètement
l'activité
des
organisations
humanitaires
dans
le
droit
interne
de
l'Etat
touché,
cette
dernière
affirmation,
loin
de
consolider
leur
protection en droit international,
la précarise au contraire.
Car si
le droit
international
n'interdit pas
formellement
la
pénétration
de
ces
organisations
dans
les
Etats
sans
leur
consentement,
le
droit
international
ne
l'autorise
pas
non
plus, et n'en assure pas en tout cas la protection
juridique.
Il y a là comme une régression dans les efforts entrepris pour
doter les organisations humanitaires d'un véritable statut de
partenaires des Etats.
Il
faut
dire
que
l'interprétation
du
principe
de
non-intervention concluant à
l'exclusion de son application à
l'action
des
organisations humanitaires est partielle. Il
y
(214) amATI, N. op. cit. Le débat, 1991, n' 67, p. 9, ainsi que op. cit. R.G.D.l.P. 1991/3 p. 651-
(215) COHBACAU, J. op. cit. in le Devoir d'ingérence. Denoël1987, p. 230.
(216) CORTEIl, O. & KLEIN, P. op. dt. R.T.D.H. Juillet 1992, P.V. 11, p. 362.

-
184 -
est exclusivement tenu
compte des sujets de droit identifiés
par
la
règle
et
qui
y
sont
donc
soumis,
le
procédé
de
l'intervention, étant complètement laissé de côté. Si, d'après
son contenu
juridique,
l'intervention ne peut qu'être le fait
d'un
Etat
ou
d'une
organisation
internationale,
elle
peut
aussi
être
directe
ou
indirecte,
c'est-à-dire
s'exercer
à
travers
d'autres
entités.
Du
moment
que
des
organisations
humanitaires
sont
liées
à
un
Etat
de
façon
très
forte,
au
point d'être
assimilables
à
des
organes
de
celui-ci,
il
est
possible d'évoquer le problème de l'ingérence avec pertinence.
b -
La possibilité théorique d'invoquer la règle de
la non-ingérence à l'égard de l'activité des
organisations non gouvernementales.
De
n'être
ni
des
Etats,
ni
des
organisations
intergouvernementales
ne
soustrait
pas
complètement
les
organisations
non-gouvernementales
à
la
problématique
de
l'ingérence.
Plusieurs
considérations
peuvent
être
prises
en
compte pour
justifier cette attitude
:
des considérations de
fait et des considérations de droit.
En ce qui concerne les considérations de fait, elles
sont au nombre de deux.
En premier lieu,
il est important de
souligner
le
fait
que
les
organisations
humanitaires,
à
l'inverse
de
simples
particuliers
posant
des
actes
isolés,
sont des structures solidement coordonnées et des activités au
caractère politique
nettement
affirmé,
qui
accomplissent
des
actions
soigneusement
élaborées
et
planifiées
pour
atteindre
un objectif défini. Leur influence peut les amener à poser des
actes
ressentis
par
des
Etats
comme
des
ingérences
abusives
dans
leurs
affaires
intérieures.
De
même,
la
densité
des
relations
entre
certaines
organisations
humanitaires
et
les
Etats est
à
noter.
Ces
relations
font
d'elles,
au
moins
de
facto,
des
auxiliaires
humanitaires
des
gouvernements,
les
acteurs
du
volet
humanitaire
de
la
poli tique
extérieure
de

-
185 -
leurs pays respectifs.
Mettant en évidence cette "complicité"
entre
les
Etats
et
les
organisations
humanitaires,
le
Professeur
BETTATI
écrit
que
"c'est
bien
pour
n'être
pas
accusés
de
bousculer
la
souveraineté
des
Etats
que
fréquemment,
des
gouvernements
ou
des
organisations
intergouvernementales
utilisent
des
organisations
non
gouvernementales comme instruments discrets de
leur politique
sur le terrain. Les succès de ces dernières sont alors un peu
ceux des Etats et des organisations interétatiques qui les ont
subventionnées
ou
aidées"(217).
Cette
situation
de
fait
est
intéressante, car elle suscite la question de savoir "jusqu'à
quel
point l ' acti vi té de certaines organisations ne peut
pas
être
qualifiée
d'ingérence
par
personne
privée
interposée"
(218).
Parler
d'ingérence
par
personne
privée
interposée,
c'est dire que les organisations humanitaires ne peuvent pas,
elles-mêmes,
être
accusées
d'ingérence
ce
sont
des
Etats
qui,
par
la
technique
juridique
de
l'imputation
de
la
responsabilité,
en
répondraient
(219).
Si
une
organisation
humanitaire
viole
la
souveraineté
territoriale
d'un
Etat,
l'Etat de rattachement peut se
voir
reprocher
l'absence
ou
(217) BETTATI, M. La Contribution des O.N.G. à la fonation et à l'application des norles
internationales, in BETTATI, M. &DUPUY, P.M. les O.N.G. et le droit international. Paris,
Econolica, 1986, p. 21. Voir égalelent dans le Monde du 13/11/1992 : PlOT, O. La solidarité
internationale à l'étroit dans l'hUianitaire p. 19, et BRASSELET, H. Quand la politique se lèle
de l'hUianitaire, p. 22 ; voir enfin BERHET, G. L'huaanitaire dans le désordre international. in
populations en danger, Paris Hachette, 1992, p. 133-140.
(218) OOHESTICI-MET, M.J. p. 129. L'auteur relève, en ce qui concerne la France, l'octroi
d'avantages latériels directs ou indirects aux O.N.G. hUianitaires, la délégation à celles-ci de
prérogatives de puissance publique et, enfin, la présence des lelbres de ces O.N.G. dans des
gouvernelents (M. claude HALHURET de Médecins sans Frontières dans le gouvernelent de. M. CHIRAC
entre 1986 et 1988, M. Bernard KOUCHNER dans le gouvernelent de M. BEREGOVOY).
(219) SICILIANOS, L.A. L'invocation de la légitile défense face aux activités d'entités non-
étatiques. in Annuaire de la Haye de Droit International, 1989, p. 149 et s.

-
186 -
l'insuffisance
de
diligence
à
l'égard
d'un
tel
comportement
(220).
Sur un plan strictement
juridique,
on peut citer
à
l'appui
de
la
pertinence
du
concept
d'ingérence
appliqué
à
l'activité des
organisations
humanitaires,
le
commentaire
de
l'article 3 du protocole additionnel N°
II du 8 Juin 1977 aux
Conventions
de
Genève
du
12
Août
1949.
L'article
3
énonce
qu' "aucune disposition
du
présent
protocole ne
sera
invoquée
comme
une
justification
d'une
intervention
directe
ou
indirecte,
pour quelque
raison
que
ce
soit,
dans
le conflit
armé
ou
dans
les
affaires
intérieures
ou
extérieures
de
la
Haute
Partie
contractante
sur
le
territoire
de
laquelle
ce
conflit
se
produit".
Commentant
ce
texte,
Mme
JUNOD
écrit
que"l'interdiction
s'adresse
non
seulement
aux
Etats,
mais
aussi à d'autres entités, organisations internationales ou non
gouvernementales,
qui
prendraient
prétexte
du
protocole
pour
s'immiscer
dans
les
affaires
de
l'Etat
sur
le
territoire
duquel
se
déroule
le
conflit
armé"
(221).
On
peut
donc
conclure
que
tout
comme
les
Etats,
les
organisations
humanitaires
doivent
veiller
à
ce
que
leurs
activités
ne
contreviennent pas au principe de non-ingérence.
En tout état
de cause, la souveraineté de l'Etat doit être respectée. Il ne
faudrait du reste pas perdre de vue que c'est sous l'impulsion
des
organisations
humanitaires
privées
que
la
question
du
droit
d'ingérence
humanitaire
est
aujourd'hui
débattue.
On
peut
raisonnablement
se
demander
si
l'exigence,
pour
l'efficacité de
leur action,
d'une
telle prérogative par
les
organisations
non-gouvernementales
n'est
pas
une
affirmation
implicite que sans une telle habilitation leur action est, par
principe, soumise au principe de non-intervention.
( 220) CORTEII, O. & KLEIN, P. op. dt R. T.D.B. 1992, p. 362-363.
(221) JUNOD, S. in SAJ(OOZ, Y. et autres. COllentaire des protocoles additionnels du BJuin 1977, op.
cit. p. 1987.

- 187 -
Paragraphe 2 - La 4imitation des moyens: l'ingérence
humanitaire et le principe de non recours à la
force.
Avec l'éventualité de recourir à
la force armée pour
accomplir
efficacement
l'action
humanitaire
internationale,
nous nous
trouvons pratiquement au coeur de
la
problématique
du
droit
d'ingérence
humanitaire.
Cette
question
concerne
d'ailleurs aussi bien les discussions contemporaines quant aux
moyens
de
renforcer
l'efficacité
de
la
protection
internationale des droits de l'homme. A ce sujet, force est de
constater
la
rapidité
des
changements
intervenus
depuis
quelques
années.
En
1989
encore,
un
auteur
écrivait
qu'lion
demeure dans la plus grande incertitude quant à
la possibilité
de
conjuguer
assistance
humanitaire
et
usage
ponctuel
de
la
force"
(222).
Au jourd' hui,
toutes
les ambiguïtés ne
sont pas
encore
levées,
compte
tenu
notamment
de
l'intervention
croissante
des
Etats
dans
l'action
humanitaire.
Cependant,
notamment
avec
les
opérations
humanitaires
au
Kurdistan
Irakien,
en
Bosnie-Herzégovine
et
en
Somalie,

les
forces
armées
ont
été
mises
à
contribution
selon
des
modalités
différentes d'un cas à l'autre,
il est urgent d'étudier plus à
fond
la
question.
La
règle
du
non
recours
à
la
force
étant
l'une
des
règles
fondatrices
de
l'ordre
juridique
international
contemporain,
la
prudence
doit
être
de
mise
lorsqu'on
voudrait
lui
trouver
des
exceptions
autres
que
celles prévues par le droit international actuel,
à
savoir la
légitime
défense,
la
sécurité
collective
et
les
luttes
d'autodétermination.
l'accomplissement de l'action humanitaire
peut-il
justifier,
aujourd'hui,
une
exception
supplémentaire
au principe de non recours à la force ?
(222) OOMESTICI-MET, M.J. op. cit p. 148

-
188 -
On peut penser qu'à l'origine,
ses promoteurs n'ont
pas conçu un droit d'ingérence humanitaire s'exerçant au moyen
de
la
force
armée
(223).
Toutefois,
par
la
logique
même
de
l'idée
d'accès
sans
entraves
aux
victimes
des
situations
humanitaires
d'urgence,
il
était
inévitable
que
cette
préoccupation
essentielle
soit
exprimée
un
jour
dès
lors
qu'on exige
le libre accès aux victimes
et qu'on
est prêt à
passer outre à
un éventuel refus des autorités locales ou des
parties
en
conflit concernées,
cette
logique de
l'imposition
implique nécessairement l'emploi de tous moyens de contrainte,
à commencer par le plus disponible et celui que l'on considère
comme le plus efficace, la force armée.
Avant
de
continuer
plus
avant
dans
nos
développements,
il
est
important
de
distinguer
les
circonstances
dans
lesquelles
l'usage
de
la
force
pour
l'accomplissement
de
l'action
humanitaire
est
possible,
en
opposant les catastrophes naturelles aux conflits armés.
Dans
la première hypothèse, en raison de l'existence d'une autorité
gouvernementale stable,
l'imposition par la force des secours
humanitaires
semble
a
priori
hors
de
question.
On
a
vu
en
effet,
qu'en
cas
de
catastrophes
naturelles,
la
réaction
presque
spontanée
de
l'Etat
qui
est
le
théâtre
d'une
catastrophe
est
de
demander
l'assistance
extérieure
ou
de
l'accepter
avec
reconnaissance
et
bienveillance.
Si
l'Etat
territorial
refuse
l'assistance
extérieure,
c'est
que
par
hypothèse il estime ses capacités de réaction suffisantes pour
faire face à
la situation. Ce refus,
à
lui seul, n'est pas un
fait susceptible d'amener un autre Etat à
recourir à
la force
armée contre l'Etat concerné.
En revanche,
il est possible de
penser que dans le cas de conflits armés,
et particulièrement
les conflits armés non-internationaux, et cela compte tenu des
(223) Ce qui s'explique assez aisément, puisque ce droit était conçu au départ pour bénéficier aux
organisations non-gouvernementales, qui sont tout sauf des groupes para militaires.

-
189 -
évolutions
récentes,
la
force
pourrait
être
utilisée
pour
assurer l'action humanitaire, dans des conditions à étudier.
Cette distinction devrait pouvoir jeter davantage de
clarté
dans
les
positions
doctrinales
adoptées
à
propos
de
l'éventualité de recourir à
la force pour assurer l'efficacité
de
l'action
humanitaire.
Mêlant
à
la
fois
les
secours
humanitaires
et
la
protection
des
droits
de
l'homme,
la
doctrine
dominante
est
instinctivement
portée
à
récuser
de
façon
globale
la
possibilité
de
recourir
à
la
force.
Transparaît
dans
maints
écrits
à
ce
sujet,
la
volonté
de
conjurer
absolument
la
légitimation
éventuelle
de
l'intervention d'humanité.
Pour notre part,
il nous semble que
de même qu'il ne faudrait pas interpréter le principe de non-
recours
à
la
force
de
façon
à
le
vider
de
tout
effet
prohibitif,
de
même
il
faudrait
se
garder
d'en
avoir
une
conception
raide
et
figée,
qui
pourrait
nuire
à
sa
propre
crédibilité.
Dans
les
lignes
qui
vont suivre,
il
ne
s'agira
pas de traiter du recours à la force pour l'accomplissement de
l'action
humanitaire
en
général,
mais
d'un
tel
recours
en
faveur de l'action humanitaire dans le cadre de conflits armés
non-internationaux.
C'est
cette
circonstance
particulière
qu'on aura à
l'esprit en
abordant successivement
les
aspects
théoriques d'une
part,
et
les aspects pratiques du
problème,
d'autre part.
A - L'ingérence humanitaire. exception au principe
de nQn recours à la fQrce ?
La
formulation
de
ce
paragraphe
indique
clairement
son objet.
Pour répondre plus directement à
la question posée,
i l nous semble utile de
rappeler
quelques
éléments
du
reste
largement connus sur
la place de
l'interdiction du recours à
la force en droit international et sur ses limites.

- 190 -
1 - L'interdiction du recours à la force dans le
droit international contemporain.
Ce
n'est
pas
le
lieu
ici
de
se
livrer
à
des
développements
étendus
sur
le
principe
de
non
recours
à
la
force,
ce
qui
serait
quelque
peu
redondant.
Il
suffira
de
trai ter
succinctement
de
l'importance
de
la
norme
en
droit
positif, et d'en souligner les lacunes.
a - Le droit positif concernant le principe du non-
recours à la force.
L'interdiction
de
recourir
à
la
force
armée
dans
leurs
relations
mutuelles
est
la
base
même
des
rapports
interétatiques
actuels.
I l
s'agit

d'une
norme
de
jus
cogens,
dont
la
violation
constitue
un
crime
international
notamment
s'il
s'agit
d'un
acte
d'agression.
Cet
état
de
choses est le résultat d'une longue maturation dont la Charte
des
Nations
Unies
et
les
textes
internationaux
postérieurs
constituent
le
point
culminant.
La
Charte
poursuit,
sur
ce
plan,
les
efforts
effectués
notamment depuis
le
Pacte de
la
S. D. N.
qui
a
initié
une
timide
entreprise
de
limitation
du
recours à la force.
Le Pacte ne déclare pas la guerre hors la
loi,
même si
par
l'article
10
les
membres de
la Société des
Nations s'engagent les uns vis-à-vis des autres à se prémunir
contre
toute
agression
extérieure.
Le
Pacte
contient
principalement, en matière de recours à
la force,
ce que l'on
a
appelé
le moratoire de
guerre
aucun
Etat
n'est
fondé
à
recourir
à
la
force
des
armes
pour
faire
valoir
ses
prétentions contre un autre tant que l'échec des procédures de
règlement
pacifique
n'a
pas
été
constaté.
si
tel
est
malheureusement le cas,
l'Etat réclamant, s'il en a les moyens
matériels,
peut
recourir
licitement
à
la
force.
Compte
tenu
des
lacunes
du
Pacte,
qui
seront mises
en
évidence quelques
années plus tard,des Etats vont signer le Traité dit de Paris
du
27
Août
1926,
généralement
connu
sous
le
nom
de
Pacte
BRIAND-KELLOG.
Cet
instrument
consacre
solennellement
la

- 191 -
renonciation
des
Etats
signataires
à
la
guerre
comme
instrument
de
politique
nationale.
C'est
l'apport
le
plus
important de ce texte,
sur le plan des principes.
Toutefois,
le document comportait des
insuffisances notables
:
la notion
de
guerre
n'était
aucunement
définie,
la
sanction
des
violations du
Pacte
n'était
pas
véritablement organisée,
son
universalité était sujette à
caution
;
enfin,
le Pacte avait
fait l'objet de réserves de la part de certains Etats, tels le
Royaume-Uni
qui
en excluait
l'application à
son vaste empire
colonial et les Etats-unis qui
l'assortissaient de la réserve
liée à la doctrine de MONROE.
La Charte des Nations Unies poursuit l'entreprise de
mise hors-la-loi de la guerre ou, mieux, du recours à la force
armée
comme
instrument
des
relations
internationales
des
Etats.
Dès
le
préambule
de
la
Charte,
les
Nations
Unies
se
déclarent
résolues"
à
préserver
les
générations
futures
du
fléau de la guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine
à
infligé à
l'humanité d'indicibles souffrances"
et,
à
cette
fin se déclarent prêtes "à accepter des principes et instituer
des méthodes garantissant qu'il
ne sera pas fait usage de
la
force des armes,
sauf dans
l'intérêt commun".
L'alinéa 4 de
l'article
2
consacré
aux
principes
de
fonctionnement
des
relations
entre
Etats
membres
énonce
que
"les
membres
de
l'organisation
s'abstiennent,
dans
leurs
relations
internationales,
de recourir à
la menace ou à
l'emploi de la
force,
soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance
poli tique
de
tout
Etat,
soit
de
toute
autre
manière
incompatible
avec
les
buts
des
Nations
Unies".
Plusieurs
grandes résolutions complètent l'interdiction du recours à
la
force
énoncée
par
l'article
2
alinéa
4
de
la
charte.
Il
convient de mentionner principalement la résolution 2625 (XXV)
du 24 octobre 1970 qui explicite et
développe
les
principes
contenus
dans
l'article 2
alinéa 4
de
la
Charte,
et
la

-
192 -
résolution 3314
(XXIX)
du 14 décembre 1974 portant définition
de l'agression (224). C'est dire que,
aujourd'hui,
le principe
du
non
recours
à
la
force
est
un
principe
positif
incontestable qui s'impose tant sur le plan universel que sur
le
plan
régional.
Parce
qU'il
protège
l'existence
même
de
l'Etat,
élément
de
base
de
la
société
internationale,
ce
principe est l'un des plus
importants des principes du droit
international.
Cependant,
malgré
la
généralité
des
termes
employés,
la
formulation
de
l'interdiction
contenue
dans
l'article
2 alinéa
4
de
la
Charte comporte
des
incertitudes
qui ont pu conduire à des interprétations diverses.
b - Les limites de l'interdiction du recours à la
farce énoncée dans la Charte des Nations Unies.
L'interdiction du
recours
à
la
force
contenue dans
la Charte des Nations Uni es semble,
à
première vue,
absolue,
sous réserve des exceptions connues et expressément consacrées
par
le
droit
international
(légitime
défense
en
cas
d'agression
armée,
action
armée
de
sécurité
collective,
recours
aux
armes
pour
une
lutte
d'autodétermination) .
Pourtant,
le
libellé
de
l'interdiction
et
l'environnement
d'application de
l'interdiction
amènent
à
nuancer
ce
premier
constat optimiste.
En
ce
qui
concerne
le
libellé
de
l'interdiction,
considérons d'abord les termes contenus dans le préambule,

il est dit qu'il
ne serait pas
fait
usage de
la
force
"sauf
dans
l'intérêt commun".
Il
est
possible de
douter
que cette
formule
évoque
seulement
l'idée
de
sécurité
collective.
Il
n'est pas dit qu'il ne sera fait usage de la force que dans le
(224) Plusieurs autres textes peuvent être cités: Acte final d'Helsinki du 1er Août 1975 i
résolution 39(11 de 1984 portant Déclaration sur le droit des peuples à la paix.

-
193 -
cadre
d'une
action
commune
;
ce
n'est
pas
le
caractère
collectif ou unilatéral de
l'action qui
compte
ici,
c'est sa
finalité qui importe le plus
:
il suffit de prouver que c'est
"l'intérêt
commun"
qui
est
poursuivi
ou
qui
est
atteint
en
fait pour que l'usage de la force soit légitime.
Reste qu'une
décentralisation de la compétence de définition de
"l'intérêt
commun"
au
profit des
Etats risque d'aboutir à
une situation
d'anarchie
incontrôlable.
L'alinéa
4
de
l'article
2
de
la
Charte est susceptible, lui aussi, d'interprétations de nature
à
légitimer des
recours
à
la
force
de
la
part des
Etats.
A
l'image
du
texte
du
préambule
ci té.
l'interdiction
contenue
dans cet alinéa 4 est faite presque exclusivement en raison de
la finalité du recours à
la force
:
celui-ci n'est exclu que
s'il vise l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique
d'un
Etat,
ou
s'il
vise
l'accomplissement
d'une
mission
insusceptible de se rattacher aux buts des Nations Unies. Cela
signifie,
comme
l'écrit
le
Professeur
VIRALLY,
qu'''il
en
résulte.
implicitement,
que
le
recours
à
la
force
reste
licite,
dans
certaines
circonstances
ou
en
vue
de
certaines
fins"
(225)
en
dehors
des
exceptions
normalement
connues.
L'énumération contenue dans l'alinéa 4 a souvent été présentée
moins comme une limitation de la portée de l'interdiction mais
davantage comme
un verrouillage de
celle-ci.
En
l'espèce,
on
peut craindre que le moyen employé -
l'énumération -
ne serve
point
l'objectif
prohibitif
poursuivi.
Comme
l'écrit
pertinemment
le
Professeur
VIRALLY,
"loin
d'assurer
plus
fermement la prohibition du recours à la force,
les précisions
apportées par le texte de l'article 2,
paragraphe 4,
laissent
place à
des
incertitudes dans
lesquelles la pratique n'a pas
manqué de chercher des
échappatoires"
(226).
Confronter
la
(225) VIRALLY, M. Couentaire de l'article 2-4 de la charte, in COT, J.P. & PELLET, A. La Charte des
Nations Unies, cOllentaire article par article &Paris, Econolica, 1985 p. 115.
( 226) VIRALLY. M. Idel.

-
194 -
possibilité de
recourir à
la
force
pour
l'accomplissement de
l'action
humanitaire
au
principe
de
non
recours
à
la
force
reviendra essentiellement à dire si une telle pratique est une
échappatoire
plausible
ou
non
à
tirer
des
incertitudes
de
l'article 2, alinéa 4 de la Charte.
En ce qui
concerne
l'environnement d' appl ication de
la
règle,
il
s'agit
de
savoir
si
l'interdiction
du
recours
unilatéral
à
la
force
vaut
indépendamment
du
fonctionnement
effectif
des
mécanismes
de
sécurité
collective.
La
doctrine
est
divisée
à
ce
sujet.
certains
auteurs
estiment
que
le
fonctionnement effectif des mécanismes de
Sécurité collective
ne conditionne pas la portée prohibitive de la règle
(227). A
l'inverse,
certains
autres
auteurs
lient
l'applicabilité
du
principe
de
non
recours
à
la
force
à
l'effectivité
et
à
l ' eff icaci té des
mécanismes
de maintien ou
de
rétablissement
de
la
paix
et
de
la
sécurité
internationales
prévus
aux
chapitres
VII
et
VIII
de
la
Charte
notamment.
Pour
le
Professeur
VlRALLY,
"cette
règle
ne
sera
respectée
et
ne
constituera
une
garantie
de
la
paix
que
si
ces
mécanismes
fonctionnent de façon efficace ; sa portée réelle dépendra, en
dernière analyse, de l'interprétation qui lui sera donnée dans
le cadre de ces mécanismes" (228).
2 -
La compatibilité de l'ingérence humanitaire
armée avec le principe de non-recours à la force
Dans
le
cadre
d'un
conf l i t
armé,
et
notamment
un
conflit
armé
non-international,
un
Etat
est-il
fondé
à
recourir
à
la
force
pour
imposer
le
libre
acheminement
de
l'assistance
humanitaire
?
Dans
le
cadre
du
droit
humanitaire, tel qu'il est
codifié
par
les
conventions
de
(227) HENKIH, L. Force, Intervention and neutraly in contelporay international law, asil
proceedinqs, 1967, p. 147-173.
(228) VIRALLY, op. cit. p. 114

- 195 -
Genève de 1949 et les
protocoles
additionnels
de 1977,
le
recours
à
la
force
armée
pour
l'accomplissement
de
l'action
humanitaire n'est pas organisé de façon générale. M.
SANDOZ le
dit clairement,
lorsqu'il écrit que "l'utilisation de la force
armée
pour
imposer
l'acheminement
de
secours
ne
saurait
trouver son fondement dans le droit international humanitaire ll
(229). La réticence à permettre le recours à
la force pour des
causes humanitaires se ressent dans la position de l'Institut
du droit
international
selon
laquelle
les
offres
de
secours
IIne peuvent,
notamment par
les moyens mis en oeuvre,
revêtir
les apparences d'une menace d'intervention armée ou de
toute
mesure
d'intimidation ll
(230).
La
démarche
que
nous
allons
adopter
se
détourne
résolument
d'une
analyse
in
abstracto,
encline à
voir dans tout recours
à
la force de
la part d'un
Etat
en
dehors
des
exceptions
aujourd' hui
expressément
prévues,
une violation illégitime du principe de non recours à
la force. Pour nous, il s'agit de mener une analyse suivie, en
se demandant successivement si
le
recours
à
la
force
par un
Etat
pour
assurer
l'accomplissement
de
l'action
humanitaire
dans
un
autre
Etat
en
proie
à
une
guerre
civile,
viole
l'intégrité
territoriale
de
celui-ci,
viole
l'indépendance
politique
de
celui-ci,
ou
est
de
toute
manière
incompatible
avec
les
buts
de
l'Organisation
des
Nations
Unies.
Nous
aborderons
successivement
ces
trois
éléments,
pour
des
exigences de clarté de l'exposé.
a - L'ingérence humanitaire armée et l'intégrité
territoriale de l'Etat concerné.
Pour se prononcer sur les rapports entre l'ingérence
humanitaire armée et l'intégrité territoriale de l'Etat objet
de
l'ingérence,
il
faudrait
définir
préalablement
ce
que
signifie
la
notion
d'intégrité
territoriale.
Dans
leur
(229) SAROOZ, Y. op. dt. p. 230
(230) A.I.D.I., 1990, vol. 63-II, p. 287.

- 196 -
commentaire
de
Charte
des
Nations
Unies,
MM.
HAMBRO
et
GOODRICH
avaient
déjà
senti
la
nécessité
d'une
telle
clarification,
sans
toutefois
la
donner
"l'intégrité
territoriale
d'un
Etat
est-elle
respectée,
tant
que
son
territoire
est
laissé
intact,
c'est-à-dire
aussi
longtemps
qu'aucune
partie
de
son
territoire
ne
lui
est
enlevée
?
Ou
bien
le
respect
de
l ' intégri té
territoriale
d'un
Etat
implique-t-il
le
respect
de
l'inviolabilité
territoriale
de
cet
Etat,
c'est-à-dire
le
droit,
pour
ce
dernier,
d'exercer
une
juridiction
exclusive
dans
les
limites
de
son
propre
territoire ?
Il est évident que les conséquences de ces deux
interprétations
peuvent
être
entièrement
différentes"
(231).
Dans
le
droit
international
actuel,
la
notion
d'intégrité
territoriale comporte à
la
fois
l'idée d'immutabilité de
la
consistance territoriale
de
l'Etat
et
l'idée
d'inviolabilité
des
frontières
de
l'Etat.
La
résolution
2625
(XXV)
du
4
novembre
1970,
dans
le
développement
du
principe

1,
autorise une telle position lorsqu'elle énonce que "tout Etat
a
le
devoir
de
s'abstenir
de
recourir
à
la
menace
ou
à
l'emploi
de
la
force
pour
violer
les
frontières
international es d'un autre Etat ( ... )".
Il tombe
donc sous le
sens
que
l'Etat
qui
entreprend
une
opération
armée
pour
imposer l'assistance
humanitaire dans un autre en proie à
la
guerre
viole
nécessairement
son
intégrité
territoriale,
puisqu'il franchit de force ses frontières.
Peut-on
concevoir
d'un
autre
côté
la
violation
de
l'intégrité
territoriale
d'un
Etat
sans
un
recours
même
minimal
à
la
force
?
Semblable
hypothèse
a
été
récemment
défendue en doctrine, de manière fort peu convaincante sur le
plan théorique.
Il a été écrit en effet qu'''on
peut imaginer
des actions effectuées par de forces humanitaires
non
armées
(231) IlAJlBRO, E. & GOODRICH, L.H. COllentaire de la Charte des lIations Unies. lIeuchâtel, 1948,
p. 131.

-
197 -
qui pénètrent sur
le
territoire
de
l'Etat
sur
lequel
se
situent les populations en détresse, et leur fournir une
aide
matérielle
sans
aucune
utilisation
de
la
force.
Plus
concrètement,
par exemple,
des hélicoptères civils pourraient
traverser
la
frontière,
parachuter
des
vivres
et
des
médicaments,
et
quitter
le
territoire.
Dans
une
telle
hypothèse,
l'intégrité
de
l'Etat
n'est
pas
respectée.
Mais
aucun
recours
à
la
force
n'a
été
effectué"
(232).
Le
scepticisme qu'appellent ces propos nous semble à la mesure de
la
très
faible
plausibilité
d'une
telle
situation.
Dans
une
hypothèse où l'Etat territorial ou,éventuellement, des parties
en
conflit,
signifient
clairement
leur
opposition
à
toute
opération
d'assistance
humanitaire
extérieure,
décider
de
passer
outre
à
cette
opposition
implique
nécessairement
la
décision de s'installer dans une logique du recours à la force
ou
du
moins
de
menace
d' Y recourir,
c'est-à-dire
s'engager
dans la logique de violation de la règle du non-recours à
la
force.
si
les
"forces humanitaires non armées"
sont
résolues
coûte que
coûte
à
atteindre
les
victimes,
malgré
l ' atti tude
hostile des
autorités
locales,
malgré
l'attitude
hostile des
parties en conflit, elles devraient sinon pouvoir forcer manu-
militari
leur
passage
(terrestre,
aérien
ou
maritime),
du
moins
pouvoir
se
protéger
en
cas
d'attaque.
Or,
une
telle
protecti on suppose,
d'une manière ou d'une
autre,
l'usage
de
la force.
L'idée de "forces humanitaires non armées" d'un Etat
nous semble assez abstraite.
Il est difficile à un Etat,
par
conséquent,
d'imposer
unilatéralement
à
un
autre
l'action
humanitaire,
sans contrevenir au principe de non-recours à
la
force.
(232) CORTEJI, O. & KLEIN, P. L'assistance hutanitaire face à la souveraineté des Etats. R.T.D.B.
juillet 1992, n'll, p. 359.

-
198 -
b -
L'ingérence humanitaire armée et l'indépendance
politique de l'Etat concerné
Imposer
manu-militari
des
secours
humanitaires
à
l'intérieur d'un Etat viole-t-il l'indépendance
politique
de
cet Etat
?
A nouveau,
et
avant tout
autre développement,
il
convient
de
déf inir
le
contenu
de
la
notion
d'indépendance
politique.
Selon
MM.
HAMBRO
et
GOODRICH,
"l'expression
"indépendance
politique"
se
prête
[ p l u s
facilement
à
l'interprétation.
Evidemment,
l'indépendance
politique
d'un
Etat est violée si cet Etat est forcé, du fait de la menace ou
de l'emploi de la force,
par un Etat plus puissant,
à
prendre
des dispositions qu'il
n'aurait
pas
prises
autrement"
(233).
La violation de l'indépendance politique d'un Etat peut ainsi
se ramener à
cette "dictatorial interférence" prohibée par le
droit
international
dans
les
relations
entre
Etats.
si
l'ingérence
humanitaire
armée
vise
à
imposer
des
secours
humanitaires, qui ne sont donc pas acceptés de bon gré,
cette
contrainte
exercée
sur
la
volonté
de
l'Etat
concerné
viole
évidemment son indépendance politique. Toutefois,
il faut bien
noter que
l'indépendance
poli tique
dont
i l
faut
prévenir
la
violation doit bel et bien exister au moment de l'intervention
armée.
C'est
dire
que
c'est
dans
le
cas
des
catastrophes
naturelles
que
la
violation
de
l'indépendance
politique
de
l'Etat sinistré est plus aisément concevable.
A l'inverse,
le
cas des guerres civiles peut amener des situations complexes,
selon le degré de gravité
du
conflit.
si
celui-ci
oppose un
gouvernement
relativement
assis
à
des
insurgés,
une
intervention
humanitaire
armée
sera
une
violation
de
l'indépendance
politique
de
l'Etat.
si
le
conflit
est
généralisé
dans
le
pays,
la
situation
est
plus
délicate
quelle est
l'indépendance
pol i tique qui
serait violée
en cas
d'intervention humanitaire armée
?
Une
réponse
générale
à
(233) HAKBRO E. & GOODRICH L.M. op. cit. p. 131.

-
199 -
cette
question
ne
peut
être
ici
donnée,
mais
il
serait
important de la formuler.
c - L'ingérence humanitaire armée et
l'accomplissement des buts des Nations Unies
C'est
relativement
au
but
de
l'intervention
comme
circonstance
habilitant
le
recours
à
la
force
que
les
controverses sont les plus vives. Un Etat qui utilise la force
pour imposer des
secours humanitaires
sur
le territoire d'un
autre utilise-t-il cette force d'une manière incompatible avec
les buts
des
Nations Unies
?
En d'autres
termes,
l' objecti f
humanitaire
d'une
intervention
armée
n'est-il
pas
une
circonstance
excluant
l'illicéité
et
la
responsabilité
de
l'Etat intervenant? Une fois de plus, nous nous en tiendrons
ici
au
cas
des
conflits
armés
non-internationaux,
les
catastrophes
naturelles
et
les
droits
de
l'homme
ayant
un
statut
particul ier,
et
notamment
les
droi ts
de
l ' homme.
La
réponse
de
la
doctrine
actuelle
à
ces
questions
est· assez
restrictive.
Selon MM.
CORTEN et KLEIN,
"le but principal des
Nations
Unies
étant
le
maintien
de
la
paix
et
l'article
2
alinéa
4
de
la
Charte renvoyant à
ce but,
cette disposition
interdit
bien
tout
recours
à
la
force
dans
les
relations
internationales,
fut-il
motivé
par
des
considérations
humanitaires"
(234).
Cette
proposition
suggère
plusieurs
interrogations
l'assistance humanitaire est-elle un but des
Nations
Unies
?
Quelle
est
la
place
de
l'assistance
humanitaire dans
le maintien ou le rétablissement de la paix
internationale ?
L'assistance
humanitaire
n'est
pas,
en
tant
que
telle,
un
but
autonome
des
Nations
Unies.
La
solution
des
problèmes
d'ordre
humanitaire
dont
traite
l'alinéa
3
de
l'article 1er de la Charte n'a pas de fin en
soi;
elle
est
(234) CORTEN, O. & KLEIN, P. op. cit. R.B.D.1. 1991/1, p. 62.

-
200 -
mise
au
service
de
la
réalisation
de
la
coopération
internationale. Aucun Etat ne peut donc être fondé à recourir
à
la
force
pour
accomplir
un
tel
but,
ni
du
reste
pour
accomplir
unilatéralement
n'importe
quel
autre.
L'assistance
humanitaire ne peut provoquer un recours à la force que si son
objectif
évident est le maintien ou
le rétablissement de la
paix
internationale.
Il
est
difficile
d'appliquer
à
l'assistance
humanitaire
en
cas
de
conflits
armés,
pour
récuser l'éventualité d'un recours à
la force,
l'opinion selon
laquelle
"la
Charte
a
bien
pour
préoccupation
première
le
maintien de
la
paix.
Il
n'est
pas
envisageable
de
légitimer
une
rupture
bien
réelle
de
cette
dernière
en
invoquant
une
rupture
hypothétique
et
éventuelle"
(235).
Car
alors,
il
ne
s'agit
pas
de
provoquer
un
conflit
dans
une
situation
de
"paix",
en tout cas de non-guerre,
mais plutôt de contribuer
pleinement
à
J.à
recherche
de
la
paix
internationale
menacée
par un conflit existant.
Toutefois,
une telle action ne peut
être menée unilatéralement par un Etat
;
il faut que celui-ci
ai t
été
préalablement
habilité à
ce
faire
par
le
Conseil
de
Sécurité des Nations Unies.
En
conclusion,
l'ingérence
humanitaire
armée,
unilatéralement menée par un Etat dans un autre,
ne peut être
une exception nouvelle au principe du non recours à
la force.
Les
modal i tés
d'une
ingérence
humanitaire
armée
doivent
par
conséquent
ressortir
du
domaine
de
la
sécurité
collective,
c'est-à-dire de la compétence du Conseil de Sécurité.
8 - L'utilisation de la force armée pour
l'accomplissement de l'action humanitaire
Dans
des circonstances de guerre civile,
les Etats
tiers n'ont
pas
le droit de
recourir
aux
armes
pour
imposer
les secours humanitaires aux parties en
conflit.
A
fortiori
(235) CORTEIl, O. & KLEIH, P. op. cit. R.B.D.I. 1991/1, p. 61.

-
201 -
ne
le
peuvent-ils
point
lorsqu'il
s'agit
de
catastrophes
naturelles.
Par
leur
nature,
ces
deux
situations
sont
de
celles qui ne peuvent autoriser un Etat tiers,
en principe,
à
recourir
à
la
force
armée
contre
un
autre.
Un
Etat
qui
entreprendrai t
unilatéralement
une
telle
action
se
placerait
de
lui-même
en
dehors
de
la
légalité
internationale.
L'Etat
sur le territoire duquel une telle intervention aurait lieu -
pour autant que le conflit oppose un gouvernement relativement
stable à
des
insurgés peu ou prou organisés -
a
le droit de
s'opposer,
à
titre
de
légitime défense,
à
cette
intervention
qui
prendrait
alors
la
forme
d'une
agression.
Comme
l ' écri t
justement le professeur VlRALLY,
"un Etat qui s'opposerait par
la force à
une telle opération sur son territoire ne pourrait
certainement
pas
être
considéré
comme
commettant
un
acte
illicite,
dans
l'état
actuel
du
droit
international"
(236).
Dès
lors,
il
faut
penser
des
formes
d'ingérence
humanitaire
combinant à
la fois l'efficacité de l'action et l'impartialité
de celle-ci
: cette perspective semble se dessiner aujourd'hui
à
travers
la
protection
armée
des
missions
humanitaires,
à
distinguer
des
interventions
militaro-humanitaires
proprement
di tes.
Cette
évolution
des
choses
n'est
pas
sans
provoquer
quelque réexamen des principes de l'action humanitaire, qui ne
peuvent
conserver
leur
cohérence
traditionnelle
face
à
la
nouvelle donne.
1 -
Les formes de la protection armée des missions
humanitaires
Deux
principales
modalités
de
protection
armée
de
l'assistance
humanitaire
sont
envisageables
les
formes
défensives
et
les
formes
se
situant
dans
une
logique
de
l'imposition.
(236) VIRALLY, M. Couentaire précité, p. 124.

-
202 -
a - Le recours défensif à la force pour la
protection des missions humanitaires
L'action
humanitaire,
dans
sa
logique
originelle,
n'est
pas
une
activité
fondant
son
déroulement
et
son
efficacité
sur
le
recours
aux
armes.
Elle
escompte
son
efficacité
du
respect
par
les
Etats,
et
notamment
par
des
parties à
un conflit,
des
principes d'humanité,
des
emblèmes
des
organismes
humanitaires,
bref
de
la
conscience
de
la
digni té
humaine.
Cependant
le
réalisme exige de
voir que
la
préoccupation principale des
parties
prenantes à
un
conflit,
c'est
plus
la
défaite
de
l'adversaire
que
le
respect
des
pr incipes
du
droit
humanitaire.
Dès
lors,
si
l'on
veut
que
l'action humanitaire soit efficace en certaines circonstances,
il faut l'assortir d'un minimum de protection armée, au moins
à
titre
d'auto-défense.
Le
droit
international
humanitaire
prévoit cette possibilité,
la pratique des
forces de maintien
de
la
paix
de
l'organisation
des
Nations
Unies
le
démontre
aussi.
Dans le
droit international humanitaire,
il existe
certaines dispositions relatives à
la protection des missions
humanitaires
agissant
dans
le
cadre
de
conflits
armés
internationaux
ou
non-internationaux.
Pour
l'essentiel,
ces
dispositions ont une vocation défensive, celle de protéger les
missions humanitaires contre d'éventuels actes de brigandage.
Elles
ne
visent
pas,
en
tant
que
telles,
à
transformer
les
dites missions en bataillons militaires, ce qui nuirait à leur
propre
protection,
dont
l'élément
fondateur
est
précisément
leur caractère non militaire.
Ces dispositions ne visent pas,
a
fortiori,
à
donner
aux
missions
humanitaires
les
moyens
d'imposer
leurs
services
aux
belligérants
en
forçant
à
l'occasion
leur
passage ou
en
s'opposant manu militari
à
la
rétention
des
médicaments,
vivres
ou
vêtements
qu'elles
transportent.
L'article 13 du premier protocole additionnel de
1977 aux
Conventions
de Genève
prévoit que
la
protection de
\\

-
203
-
l'unité
sanitaire
implique
que
les
membres
de
celle-ci
puissent
disposer
d'armes
individuelles
légères
ou,
éventuellement,
puissent
disposer
d'une
escorte
militaire.
Toutefois,
est-il
formellement
précisé,
de
telles
armes
ou
une
telle
escorte
sont
simplement
un
moyen
d'auto
défense contre des éléments incontrôlés ou des pillards et ne
peuvent
pas,
en
tout
état
de
cause,
être
utilisées
pour
s'opposer
au
contrôle
ou
à
la
confiscation
des
biens
transportés
par
une
partie
belligérante.
le
protocole
additionnel
n02
de
1977
prévoit
également
des
dispositions
protectrices au profit des missions humanitaires. Ainsi, selon
Mme JUNOO,
le respect et la protection de ces missions prévus
à
l'article
11
du
dit
protocole
"implique
non
seulement
l'obligation d'épargner,
mais aussi de prendre activement des
mesures pour que les unités et moyens de transports sanitaires
soient à
même de remplir
leurs
fonctions,
et de
leur prêter
assistance"
(237).
Cette
obligation
pèse,
naturellement,
du
moins de
façon
prioritaire,
sur
les parties au conflit
il
est
exigé
que
tout
soit
mis
en
oeuvre
pour
éviter
que
les
secours ne soient détournés de leurs destinataires légitimes,
notamment
en
prévenant
ou
en
réprimant
le
pillage
et
tout
autre détournement.
Cela suppose de la part des protagonistes
du
conflit,
une
maîtrise
suffisante
de
leurs
troupes.
Si,
malheureusement,
les parties ne
mai tr isent
pas
ou mai tr isent
très
mal
tous
leurs
éléments,
"c'est
bien
évidemment
le
principe même de la poursuite d'une action qui serait remis en
cause"
(238).
En
somme,
le
droit
international
humanitaire,
tel qu'il
est codifié
aujourd'hui,
n'offre
pas d'alternative
crédible à l'éventuelle opposition d'une partie belligérante à
l'accomplissement de l'action humanitaire,
sinon l'abandon pur
et simple de la mission.
(237) JUIIOD, S. COllentaire de l'article 11 du protocole 2 de 1977, in SAIlOOZ, 'f. et autres,
Co••entaire des protocoles additionnels du 8 Juin 1977, op. cit. p. 1456.
(238) Ide., p. 850.

- 204 -
En
ce
qui
concerne
l'utilisation
défensive
de
la
force
armée
par
les
forces
des
Nations
Unies
pour
des
fins
humanitaires,
l'exemple
nous
est
fourni
par
le
pénible
et
révoltant
conflit
qui
déchire· les
communautés
ethniques
de
Bosnie-Herzégovine. Dans ce conflit,
l'action humanitaire a eu
et continue d'avoir une importance considérable.
Les forces de
protection
des
Nations
Unies,
entre
autres
missions
à
elles
assignées,
doivent
assurer
la
sécurité
de
l'acheminement
de
l'aide humanitaire dans tout le territoire de la Bosnie.
Cela
apparaît clairement dans
les
diverses
résolutions
du Conseil
de
Sécurité
des
Nations
Unies
relatives
à
ce
conflit.
Les
premières
résolutions
du
Conseil
de
Sécurité
invitent
les
parties
au
conflit
à
coopérer
avec
le
F.O.R.P.R.O.N.U.
pour
l'acheminement de l'aide humanitaire : ainsi peut-on citer les
résolutions 758 du 8 Juin 1992, 761 du 29 Juin 1992, et 764 du
13 Juillet 1992.
Bien que l'invitation à
la coopération soit
exprimée
en
des
termes
fermes
on
ne
peut
voir
dans
ces
résolutions
un
droit
donné
à
la
F.O.R.P.R.O.N.U.
d'imposer
militairement le libre acheminement de
l'aide humanitaire.
La
F.O.R.P.R.O.N.U.
veille
à
ce
que
l'aide
humanitaire
ne
soit
pas
abusivement
confisquée
par
les
parties
au
conflit,
sans
pouvoir
forcer
son
passage
à
destination
des
zones
les
plus
sinistrées.
La situation de fait a
obligé la F.O.R.P.R.O.N.U.
à
adopter
une attitude
purement
défensive,
et cela
bien
que
par
la
suite
le
Conseil
de
Sécurité
ait
adopté
des
textes
pouvant justifier une attitude exactement inverse. L'article 2
de la résolution 770 du 13 Août 1992 est libellé d'une manière
fort
large,
de
nature
à
justifier
pratiquement
toute
initiative
pour
faciliter
l'action
humanitaire
en
Bosnie,
notamment des mesures militaires.
Du reste, comme le révèle le
préambule de la résolution 776 du 14 Septembre 1992, plusieurs
Etats ont offert de mettre à
la disposition des Nations Unies
du personnel
militaire afin de
forcer
le passage de l'action
humanitaire.
Au
vu
de
la
suite
des
événements,
cette
orientation ne semble pas
avoir été retenue avec
beaucoup de
conviction.

-
205 -
b - L'intervention humanitaire de Sécurité
collective
Le
recours
à
la
force
armée
pour assurer
le
libre
acheminement de
l'aide humanitaire dans
le cadre des
Nations
Unies fait l'objet de maints débats aujourd'hui. En Mars 1989,
s'est
tenu
à
Harare
au
Zimbabwé,
un
colloque
relatif
à
ces
questions
avec
la
participation
des
Nations
Unies.
A
cette
occasion,
un
lien
très
étroit
a
été
établi
entre
le
droit
d'accès aux victimes et la possibilité d'une action armée.
Ce
qui
est
important
dans
les
travaux
de
ce
colloque,
c'est
l'idée que l'action de la force humanitaire des Nations Unies
proposée
serait
partie
intégrante
d'un
système
de
sécurité
internationale repensé et reformulé de façon plus globale.
En
d'autres termes le recours à
la force pour faciliter le libre
accès de
l'action humanitaire n'aurait aucun sens
s'il
n'est
pas placé dans une perspective globale de rétablissement de la
paix
internationale.
L'assistance
humanitaire
n'est
pas,
en
soi,
un objectif se suffisant à
lui-même et pouvant
justifier
le
recours
à
la
force,
dans
une
circonstance
de
conflit
interne.
Le Conseil de sécurité pourrait,
seul,
décider d'une
intervention militaire visant à assurer l'action humanitaire i
seulement,
il
devrait
être
clair
qu'une
telle
intervention
humanitaire
ne
serait
que
le
maillon
d'une
chaîne
d'actions
pour
le
rétablissement
de
la
paix.
Sans
cette
mise
en
perspective,
une
action
militaire
humanitaire,
même
décidée
par les Nations unies, aurait certes la légalité formelle pour
elle, mais serait dénuée de toute pertinence pratique.
Il
reste à
souligner qu'on ne saurait voir dans
le
recours
systématique
à
la
force
armée
une
nouvelle
règle
générale
d'accomplissement
de
l'action
humanitaire
internationale.
Il
faudrai t
y
voir
un
choix
purement
pragmatique,
un palliatif au non-respect,
par
les
parties
au
conflit,
des
règles
de
protection
prévues
au
profit
des
organismes
humanitaires.
En
somme,
une
technique
d'exception

-
206
-
d'accomplissement de
l'action humanitaire.
si
ce devait
être
l'inverse,
ce
serait
une
mutation
radicale
de
l'action
humanitaire traditionnelle.
2 - L'ingérence humanitaire armée et les principes
de l'action humanitaire.
Les interrogations que suscite le recours à la force
armée
pour
l'accomplissement
de
l'action
humanitaire
ne
concernent pas seulement le devenir de la règle du non recours
à
la force
elles
touchent aussi
l'avenir même de
l'action
humanitaire pacifique,
telle qu'elle s'est construite
jusqu'à
aujourd'hui.
Y-a-t-il
une
dérive
de
l'humanitaire
à
se
lier
avec
le
militaire
?
Que
deviennent,
en
particulier,
les
principes
de
neutralité
et
d'impartialité
lorsque
l'action
humanitaire doit s'appuyer sur la force armée pour s'imposer à
des
belligérants hostiles
?
Ces questions
sont
indifférentes
aux
opérations
militaro-humanitaires
des
Nations
Unies
et
posent un cas de conscience aux organisations humanitaires.
a - Un problème peu important pour les opérations
militaro-humanitaires des Nations Unies.
La
collusion
entre
l'humanitaire
et
le
militaire
n'est pas une question particulièrement troublante pour ce qui
est
des
interventions
humanitaires
armées
décidées
par
les
Nations
Unies.
De
telles
opérations,
si
elles
doivent
respecter
le
droit
international
humanitaire,
ne
se
si tuent
pas dans
l'action humanitaire classique,
mais plutôt dans
un
humanitaire de maintien,
de rétablissement ou de construction
de la paix internationale.
Dès lors,
on ne saurait s'attendre
à
ce que les principes de neutralité et d'impartialité soient
ici
respectés à
la
lettre.
Naturellement,
la partiali té dont
il s'agirait ne concernerait pas
la distribution des vivres,
médicaments
et
vêtements
en
la
matière,
aucune
discrimination
ne
saurait
être
admise.
Par
contre,
l'impartialité
ne
peut
être
exigée
dans
le
traitement
des

-
207
-
parties prenantes au conflit.
Si,
du point de vue des Nations
Vnies,
une des parties se montre peu encline à
négocier avec
la ou les autres parties pour
le retour de
la paix,
on peut
penser
qu'elle
sera
traitée
plus
défavorablement
sur
le
terrain que
les autres.
Il
y a
là évidemment,
une rupture de
la neutralité de l'intervention,
qui
peut aboutir à avantager
une
partie
cependant
cette
rupture
de
la
neutralité
est
justifiée par l'objectif de recherche de la paix poursuivi par
l'O.N.V.,
qui
n'est pas un
Etat et
par conséquent n'est pas
justiciable
des
règles
concernant
la
non-intervention
des
Etats
dans
un
conflit
interne.
Elle
n'est
pas
non
plus
une
super
O.N.G.
et
n'est
pas
tenue
de
considérer
tous
les
protagonistes d'un conflit d'une
même
manière.
Une
situation
illustrant
cette
analyse
nous
semble
s'être
produite
en
Somalie.
En effet,
la faction dirigée par le Général Farah A.
AIDID
a
cristallisé
sur
elle
la
pression
des
troupes
américaines de la force multinationale d'intervention, ce chef
militaire étant considéré par les Nations Vnies et les Etats-
Unis comme l'un des principaux obstacles au processus de paix
dans le pays.
b - Un problème de conscience pour les organisations
humanitaires.
Le recours de plus en plus fréquent à la force pour
l'accomplissement
de
l'action
humanitaire
provoque
une
vér i table
crise
de
conscience
au
sein
des
mouvements
humanitaires.
Ceux-ci
sont
partagés
entre
la
satisfaction de
constater que
leur
action
est
f aci 1 i tée,
et
l'inquiétude de
voir
leur
action
totalement
supplantée
par
les
Etats.
Le
problème
est
d'autant
plus
sérieux
pour
ces
mouvements
que
leur
travail
habituel,
très
important
au
demeurant,
s'accomplit facilement non point par la peur qu'ils inspirent,
mais par la confiance qu'ils ont accumulée.
Il faut remarquer
qu'au
sein
du
mouvement
humanitaire
international,
les
avis
sont
assez
partagés
sur
l'utilisation
de
l'instrument
militaire au service de l'action humanitaire.

-
208 -
Certains
responsables
de
mouvements
humanitaires
sont
réticents
vis-à-vis
du
couple
humanitaire
militaire.
Ainsi, M. Rony BRAUMAN, Président de Médecins sans Frontières,
pense que
"
l 'humanitaire ne
peut
pas
être
la
source
de
la
guerre.
Ce
serait
pervertir
totalement
ses
principes,
son
action,
son image,
sa crédibilité.
si
l'O.N.U.
ou qui que ce
soi t
entrait en guerre sous
la bannière de
l ' humani taire,
ce
serait une catastrophe ! Le maintien de la paix n'est pas une
affaire
humanitaire,
c'est
une
affaire
essentiellement
politique"
(239)
Un
autre
auteur
écrit
pour
sa
part,
que
"quand
des
armées
entrent
en
action
quelle
que
soit
cette
action -
je crains que des motifs bien autres qu'humanitaires
soient en cause" (240).
Au
contraire,
de
ces
vues
quelque
peu
rigides,
le
Docteur
KOUCHNER
pense
quant
à
lui
qu'''il
ne
faut
pas
confondre
humanitaire
et
canonière,
convoi
d'ambulances
et
division
blindée,
parachutage
de
médicaments
et bombardement
au
napalm,
dropping
de
nourriture
et
gazage
de
villageois,
incursion de chirurgiens et infiltration de commandos. Même si
ambulances,
médicaments,
nourriture,
chirurgiens
arrivent
en
avions militaires.
Ne confondons pas l'emploi de la logistique
et l'emploi des armes.
Une action militaire peut ne pas être
une action armée"
(241).
Cet effort de distinguer les choses
n'est pas inintéressant,
même s'il nous semble insatisfaisant
à
la
fois
du
point
de
vue
théorique
et
peu
réaliste
en
pratique.
Parler
d'action
militaire
non
armée
est
une
contradiction en soi : une action militaire est nécessairement
une action armée, sinon offensive, au moins d'autodéfense.
En
( 239) in Libération, 26 lIovelbre 1992, p. 5.
(240) RUFIII, J.C. La laladie infantile du droit d'inqérence. in Le débat n' 67, 1991, p. 29,
(241) KOOCBIIER, B. Le lOuvelent hUianitaire in le débat n'67, 1991, p, 32.

-
209 -
pratique
d'ailleurs,
les
actions
militaires
à
finalité
humanitaire menées au Kurdistan Irakien et en Somalie montrent
que
de
telles
opérations
sont
nécessairement
armées,
quelle
que
soit
par
ailleurs
la
manière
dont
les
armes
sont
utilisées:
forcer
le
passage
des
convois
humanitaires,
les
protéger tout simplement, protéger le largage des vivres, etc.
Le
recours
à
la
force
pour
accomplir
l'action
humanitaire
est
une
entreprise
récente,
dont
toutes
les
implications ne peuvent encore être tirées.
Il s'agit là, pour
l'action humanitaire, d'une perspective nouvelle à manier avec
prudence,
pour
ne
pas
vider
d'une
bonne
part
de
contenu
le
principe de non-recours à la force.

-
210 -
CONCLUSION
DE
LA
PREMIERE
P A R T I E
Lorsqu'elle
a
été
lancée
dans
l'arène
internationale,
la
notion
d'ingérence
humanitaire,
sous
la
pression des nécessités de l'action pratique des organisations
humanitaires
ou
de
certains
Etats,
a
été
utilisée
dans
tous
les sens.
Notion nouvelle,
idée bousculant des principes bien
établis,
des
habitudes
solidement
ancrées,
l'ingérence
humanitaire
pouvait
difficilement
échapper
aux
tâtonnements
d'un
concept
au
contenu
à
stabiliser,
d'un
principe
à
la
normativité
à
asseoir.
Au
départ,
il
a
semblé
que
les
premières
tentatives
doctrinales
sur
l'ingérence
humanitaire
menaient purement et simplement à une sorte de restauration de
l'intervention d'humanité du siècle dernier. compte tenu de la
controverse qui a toujours entouré cette "institution",
l'idée
d'ingérence humanitaire a suscité un net sentiment d'hostilité
dans
une
très
large
fraction
de
la
doctrine
juridique
internationale et chez
les Etats du tiers-monde.
Le rejet de
toute
possibilité
d'action
étatique
unilatérale
est
sans
nuances.
Compte tenu de cet accueil réservé à sa formulation
de
départ,
on
peut
remarquer
une
évolution
sensible
du
discours
sur
l'ingérence
humanitaire,
qui
se
manifeste
par
l'inscription
discrète
mais
réelle
des
préoccupations
humanitaires
dans
le
champ
de
compétence
du
Conseil
de
Sécurité.
Plus
précisément,
l'action
humanitaire,
notamment
dans les situations de conflit armé,
est un élément toujours
plus
important
des
moyens
à
la
disposition
du
Conseil
de
Sécurité
pour
le
rétablissement
de
la
paix.
L'ingérence

-
211 -
humanitaire menée sur habilitation du Conseil de Sécurité, tel
semble
être
le
point
d'accord
maximal
auquel
on
puisse
parvenir aujourd'hui sur la question.
Cette
présentation
des
choses
n'est
pas
limitée
à
l'action
humanitaire.
Les
flottements
entre
l'action
unilatérale étatique et
l'action de
sécurité
collective
pour
défendre
les
individus
se
retrouvent également,
presque dans
les
mêmes
termes,
en
ce
qui
concerne
la
protection
internationale
des
droits
de
l'homme.
Il
y
a
donc
lieu
de
poursuivre
la
réflexion
sur
le
droit
d'ingérence
en
s'intéressant
au
domaine
connexe,
mais
différent,
du
droit
international des droits de l'homme.

DEUXIEME PARTIE
LE DROIT D'INGERENCE
ET LA PROTECTION
DES DROITS DE L'HOMME

-
213 -
Le
discours
relatif
au
droit
d'ingérence
ne
se
limi te
pas
à
l'accomplissement
de
l'action
humanitaire
internationale, il concerne aussi un domaine plus large, celui
de la protection internationale des droits de l'homme.
Dans un
cas comme dans l'autre,
la logique du droit d'ingérence est la
même,
à
savoir
oeuvrer
pour
un
respect
plus
effectif
des
règles du droit international des droits de
l'homme.
Appliqué
à
l'action
humanitaire,
le
droit
d'ingérence
veut
faire
sauter,
si
besoin
est,
les
obstacles
que
les
souverainetés
peuvent opposer abusivement à l'acheminement des aliments, des
soins,
des
vêtements,
aux victimes des situations d'urgence.
Appliqué
à
la
protection
internationale
des
droits
de
l'homme,
le droit d'ingérence se veut un moyen de rendre plus
effectif
et
plus
efficace
le
respect
par
les
Etats
des
obligations
souscrites
en
matière
de
droits
de
l ' homme,
et
principalement celles
qui
concernent
les
droi ts
dits
de
la
premlere
génération,
les
droits
civils
et
politiques.
Il
s'agit donc d'une sorte de stade supérieur dans l'évolution de
la
protection internationale des
droits de
l 'homme,
après
la
promotion
de
ces
droits,
et
les
tentatives
plus
ou
moins
réussies de garantie institutionnelle de leur jouissance et de
leur exercice.
L'invocation d'un
droit
d'ingérence
sur
le
terrain
des
droits
de
l ' homme
est
la
conséquence des
difficultés
de
mise
en
place
sur
la
scène
mondiale
de
mécanismes
institutionnalisés de protection de ces droits, mécanismes qui
soient
réellement
efficaces,
capables
de
remédier
à
leurs
violations,
y compris des violations de grande
envergure.
Il
existe en effet au niveau universel,
celui des Nations Unies
notamment,
et
aux
niveaux
régionaux,
des
instruments
conventionnels
relatifs
aux
droits
de
l'homme,
dotés
de
mécanismes
institutionnels
de
protection.
Ces
instruments
conventionnels sont fondés,
pour l'essentiel,
sur l'idée d'une

- 214 -
surveillance
mutuelle des
Etats,
sur
un droit de
regard des
Etats
les
uns
sur
les
autres
pour
veiller
à
un
respect
effectif des obligations concernant les droits de l'homme.
Ce
droit de regard réciproque est perceptible à travers l'article
8 de la convention sur la prévention et la répression du crime
de
génocide,
les
articles
11
à
13
de
la
convention
sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
les
articles
41
et
suivants
du
pacte
international
sur
les
droits
civils
et
politiques,
les
articles
26
à
34
de
la
constitution de
l'Organisation
Internationale du Travail,
les
articles
24
et
48 de
la
convention européenne des droits de
l ' homme,
l'article
45 de
la convention amér icaine des droits
de
l'homme
et,
enfin,
les
articles
47
à
54
de
la
charte
africaine
des
droits
de
l ' homme
et
des
peuples.
Ces
dispositions conférant à toute partie au système conventionnel
un
droit
de
regard
sur
la
manière
dont
les
autres
parties
respectent
leurs
obligations,
relativisent
substantiellement
l'argument
de
la
non-ingérence
pour
s'opposer
aux
préoccupations des Etats tiers ; il s'agit là
d'une véritable
institutionnalisation
du
droit
d'ingérence,
une
ingérence
autorisée par
un
traité
et
exercée à
travers
des
procédures
institutionnelles prévues à cet effet.
Malgré
l'existence
et
la
multiplication
de
telles
clauses
conventionnelles
conférant
aux
Etats
un
droit
de
regard
réciproque
sur
la
manière
dont
chacun
respecte
les
droits de l'homme, malgré cette volonté d'assurer une garantie
collective des
droits
de
l'homme,
force
est
de
constater
qu'à
l'exception
notable
du
système
européen
et,
dans
une
moindre
mesure,
du
système
interaméricain,
ces
systèmes
ne
contribuent
qu'imparfaitement
à
une
protection
effective
et
efficace des droits fondamentaux de la personne humaine.
Cela
découle
de
plusieurs
considérations.
Tout
d'abord,
tous
les
Etats
ne
sont
pas
parties
à
tous
les
instruments
conventionnels
de
protection
des
droits
de
l' homme;
lorsque
tel est néanmoins le cas,
peu d'Etats souscrivent les clauses
spécifiques octroyant un droit de regard des Etats les uns sur

-
215 -
les autres et,
donc,
refusent de se soumettre à
un véritable
mécanisme de contrôle international.
En dehors de la méfiance
maladive
des
Etats
envers
tout
système
de
contrôle
international supposé porter atteinte à
leur souveraineté,
il
faudrait relever également les
imperfections structurelles de
certains
systèmes
conventionnels,
qui
créent
une
sorte
d'inaptitude
intrinsèque
à
leur
effectivité.
Ainsi
est-il
permis de douter de
la capacité de
protection du système de
contrôle
du
pacte
international
sur
les
droits
civils
et
politiques ou de la Charte africaine des droits de l'homme et
des
peuples.
Rien,
dans
l'organisation
des
procédures
de
contrôle,
ne
peut
a
priori
laisser
espérer
une
issue
satisfaisante
pour
les
droits
de
l'homme.
Tout
y
est
diplomatie,
tout
y
est
laissé
au
bon
vouloir
des
Etats.
De
façon
plus
générale,
il
faut
remarquer
que
les
systèmes
conventionnels
de
protection
des
droits
de
l'homme,
conçus
pour être utilisés en temps normal sont pratiquement désarmés
devant des situations d'urgence, qui exigent une autre manière
d'agir,
plus
rapide
et surtout
plus concrète
(242).
Nous
le
verrons à travers l'étude de la convention européenne.
Ce
détour
était
important
car
il
faut
tenir
compte des dysfonctionnements des
mécanismes
institutionnels
de
protection
des
droits
de
l'homme
pour
comprendre
la
tentation de promouvoir le droit d'ingérence en la matière. En
tout
cas,
la
doctrine
semble
-d'avis
que
tant
que
des
(242) L'article 48 alinéa 2 de la Convention Aléricaine des droits de l'houe, de lële que l'article
62, alinéa 2 du dit texte, prévoient la réaction à des situations d'urgence individuelle; la
charte africaine contient un article relatif à de telles situations, l'article 58, alinéa 3.
Disposition dérisoire, qui ne prévoit cOlle réponse à une situation d'urgence qu'une possibilité
pour le Président de la conférence des chefs d'Etat et de gouvernelent, dÛlent saisi par la
cOllission africaine des droits de l'houe qui a constaté l'urgence, de delander une "étude
approfondie", Pour ce qui est de la convention européenne nous y reviendrons plus loin dans nos
développelents

-
216 -
procédures
internationales efficaces de protection des droits
de l'homme ne sont pas élaborées,
il n'est pas raisonnable de
rejeter
totalement
toute
idée
d'un
droit
d'ingérence.
Le
Professeur
SCHACHTER
écrit
qu'" il
faudrait
qu'il
Y ait
des
procédures
internationales
impartiales
s'appuyant
sur
un
système d'enquête
adéquat
et
sur
des
critères
internationaux
suffisamment
spécifiques.
Cet
idéal
pourra-t-il
être
réalisé
dans un proche avenir ? La chose est pour le moins incertaine.
En
attendant,
une
poli tique d'action
équi table
et sol idement
fondée,
que
les
gouvernements
adopteraient
individuellement,
de
préférence
de
concert
avec
d'autres
ne
pourrait
que
recueillir
l'approbation de
tous
ceux qui
s'intéressent à
la
protection des droits fondamentaux de l'homme dans toutes les
parties du monde" (243).
Beaucoup
plus
que
dans
le
cadre
de
l'action
humanitaire internationale,
l'évocation de l'ingérence pour la
protection
internationale
des
droits
de
l'homme
pose
de
sérieuses difficultés.
La première difficulté,
et probablement
aussi
la plus
importante,
réside dans
la
dimension
hautement
politique et idéologique qui imprègne la matière des droits de
l'homme.
L'institution
d'un
droit
d'ingérence
ici
n'aurait
d'autre signification,
sinon celle de promouvoir une certaine
idée des rapports entre les individus et le pouvoir auquel ils
sont assujettis. Toute la
sensibilité
du
droit
d'ingérence
invoqué
au
sujet
des
droits
de
l'homme
naît
de
ce
souffle
idéologique
qui
anime
cette
matière
de
bout
en
bout,
alors
pourtant
que
le
droit
international
positif
continue
de
réaffirmer -
non sans quelque ambiguïté -
le droit absolu des
Etats de choisir leur modèle de construction politique à
( 243) SCIIACHTER, O. Les aspects juridiques de la politique aléricaine des droits de l 'holle,
A.F.D.I. 1987, p. 73-74. Voir aussi LILLICH, R.B. Intervention To protect hUians riqhts, in He
GILL Law Journal, 1969, vol. 15, n' 2, p. 207.

-
217 -
l'abri de toute
contrainte extérieure. La deuxième difficulté
réside dans les faits pouvant justifier une action d'ingérence
extérieure,
notamment du
Conseil
de
Sécurité
sur
la
base
du
chapitre VII. Alors que dans le droit humanitaire des conflits
armés,
et spécialement en cas de guerre civile,
le Conseil de
sécurité peut valablement tirer argument des obstacles opposés
à
l'acheminement
de
l'aide
humanitaire
et,
surtout,
de
la
situation de conflit armé ouvert
pour constater une menace à
la paix internationale, la chose paraît plus délicate pour les
violations
des
droits
de
l'homme
dans
un
Etat,
même
"massives",
qui ne comporteraient pas de conflit armé déclaré
dans cet Etat. En tout cas,
la pratique internationale n'offre
pas d'exemple d'intervention destinée à protéger les droits de
l'homme dans un Etat revêtue d'une habilitation
juridique non
équivoque.
Toutefois,
cela
ne
signifie
nullement que
le droit
d'ingérence
pour
la
protection
des
droits
de
l'homme
soit
dépourvu
de
toute
base,
même
intellectuelle.
En
effet,
il
existe aujourd'hui,
sur le plan doctrinal,
des développements
considérables dont la traduction concrète pourrait se ramener
purement
et
simplement
à
la
reconnaissance
ct 'un
droi t
d'ingérence. Nous nous proposons d'exposer ces fondements d'un
possible droit
d'ingérence
en
matière
de
droits
de
l ' homme,
avant
d'en
étudier
les
modalités
éventuelles
de
mise
en
oeuvre.

-
218 -
CHAPITRE
I
L'AFFERMISSEMENT
DES
FONPEMENTS
JURIDIQUES
Deux
éléments
fondamentaux
nous
semblent
pouvoir
servir de fondement à un droit d'ingérence pour la protection
internationale
des
droits
de
l'homme
d'une
part
l'objectivation du régime juridique des normes s'y rapportant,
liée notamment à l'idée d'universalité de ces droits; d'autre
part,
l'émergence
progressive
en
droit
international
du
principe
démocratique
en
tant
que
critère
universel
d'appréciation
de
la
légi timi té
des
gouvernements
dans
les
Etats.
Ces
deux
éléments
sont
liés
l'un
à
l'autre
et
cela
apparaît dans le discours relatif au droit d'ingérence.
Comme
l ' écri t
le
Professeur
MADIOT,
"de
l'ingérence
fondée
sur
le
caractère naturel et universel des droits de l'homme, on passe
nécessairement à l'ingérence démocratique" (244).
(244) MADIa?, Y. Universalisle des droits fondalentaux et progrès du droit. L.P.A., 30 OCtobre 1992,
n' 131, p. 7.

-
219 -
SECTImL-.l
L'OBJECTIVATION DU REGIME JURIDIOUE DES DROITS
DE L'HOMME
Parler d'objectivation dans la matière des droits de
l'homme,
c'est
exprimer
l'idée
que
l'on
voudrait
parvenir
à
une
situation
telle
que
l'obligation
de
respecter
et
de
protéger
ces
droits
ne
soit
pas
subordonnée
aux
contraintes
juridiques dans
lesquelles
sont
enserrées
les
obligations
en
vertu de droit international conventionnel.
En particulier,
il
s'agit de contourner la nécessité du consentement du sujet de
droit
auquel
les
obligations
s'imposent.
L'objectivation
se
veut
un
moyen
de
faire
reculer,
voire
d' él iminer
le
volontarisme
juridique
dire
en
effet
des
normes
relatives
aux droits de l'homme qu'elles sont objectives,
ou des règles
erga omnes,
c'est viser à rendre ces
règles opposables mêmes
aux Etats qui
n'y ont pas nécessairement consenti
ou qui
ne
s'estiment plus liés par elles.
Plusieurs
éléments
ont
contribué
à
affermir
l'objectivation du régime
juridique des droits de l'homme.
On
peut
invoquer
la
jurisprudence
de
la
Cour
Internationale
de
Justice qui, non sans quelque ambiguïté,
a reconnu l'existence
de
normes
erga
omnes
et
spécifié
le
régime
des
normes
relatives
aux
droits
de
l'homme
par
rapport
aux
normes
du
droit international commun (245).
On doit évoquer également le
travail
de
spécification
du
régime
juridique
des
droits
de
l'homme
entrepris
par
les
organes
mis
en
place
par
la
Convention
européenne des
droits
de
l ' homme.
La
pl upart
des
développements de nature générale sur l'objectivité des droits
de l'homme ne sont, en fait, que l'extrapolation au droit
(245) C.I.J. Affaire de la Barcelona Traction, Rec. 1970.

-
220 -
international des droits de l'homme des principes énoncés dans
le
cadre
européen.
Mentionnons,
enfin,
le
travail
de
la
Commission
du
Droit
International
des
Nations
unies,
qui
a
contribué
à
particulariser
la
responsabilité
internationale
pour
violation
des
obligations
relatives
aux
droits
de
l'homme.
Toutes
ces
entreprises
ont
des
finalités
pratiques
qui,
pour
n'être
pas
toujours
très
clairement
circonscrites,
n'en
existent
pas
moins
certainement.
Toutefois,
les
conséquences
en
termes
d'action
concrète
ne
sont
pas
uniformément perçues.
Il doit pourtant être clair que l'effort
d'objectivation
du
reg1me
juridique
des
droits
de
l'homme,
pour conserver quelque cohérence logique,
ne peut se traduire
concrètement que par des moyens institutionnels de protection.
Sous-section I
-
considérations théoriques sur l'objectivation
du régime juridique des droits de l'homme-
Les
concepts
de
"normes
objectives"
et
de
"normes
erga
omnes"
nous
semblent
être
les
principaux
moyens
théoriques utilisés pour singulariser le régime des droits de
l'homme.
Il
importe
de
les
analyser
de
près,
de
façon
distincte,
même
si
compte
tenu
des
conclusions
théoriques
assez
similaires
auxquelles
aboutissent
ces deux
concepts
il
peut apparaître artificiel de les dissocier.
La distinction se
veut, pour beaucoup, une exigence de clarté dans l'exposé.

-
221 -
Paragraphe 1 - L'établissement du caractère "objectif" des
nOrmes relatives aux droits de l'homme.
Il
est
devenu
pratiquement
un
lieu
commun
dans
la
doctrine
juridique
internationale
de
dire
que
les
droits
de
l'homme
bénéficient
d'un
régime
objectif,

à
leur
"singularité substantielle"
(246).
En effet,
comme le note un
auteur,
"on s'accorde généralement à
reconnaître un caractère
objectif aux droits de l'homme"
(247).
La généralité de cette
reconnaissance est récente.
De
fait,
"l'existence de
régimes
objectifs,
créés
par
un
traité
multilatéral,
ne
fut
reconnue
que récemment par la doctrine.
Un tel reglme est caractérisé,
en
principe,
par
le
fait
que
les
obligations
des
Etats
établies
par
le
régime
sont
parallèles,
et
non
opposées
aux
droits
subjectifs
d'autres
Etats"
(248).
Deux
aspects
principaux
caractérisent
l'objectivité
des
normes
relatives
aux droits de l'homme:
l'inhérence de ces droits à la nature
humaine et, donc,
leur universalité i
la singularité du régime
de ces droits
dans
le champ normatif
du
droit
international
public.
A - L'objectivité des droits de l'homme est liée à
leur universalité.
Il
est
possible
d'aborder
la
question
de
l'universalité
des
droits
de
l'homme
de
plusieurs
manières.
L'on
peut
retenir
une
perspective
philosophique,
jus
(246) DUPOY, P.M. in ROUSSEAU, Ch. Droit International Public. Dalloz, 1987, llèle éd. p. 410.
(247) SUDRE, F. Droit International et européen des droits de l'holle. P.U.F., 1989, p. 47.
(248) ZEMAIIEK, K.K. & SALMON, J. Responsabilité internationale. LB.E.L Paris 1987/1988, p. 77. Sur
la notion de régile objectif, voir l'ilpressionnant effort de théorisation effectué par M.
RIPHAGEN, in A.C.D.I., 1983, vol. II, 1ère Partie, p. 17-25.

-
222 -
naturaliste
ou
transculturelle
l'on
peut
retenir
une
orientation
uniquement
juridique,
en
étudiant
le
degré
d'acceptation
par
les
Etats
des
instruments
internationaux
relatifs aux droits de l'homme.
Sans prétendre ici
les épuiser,
nous
les aborderons
l'une après l'autre.
1 - L'universalité des droits de l'homme est liée
à leur inhérence à la nature humaine et à leur
transculturalité.
Bien
que
l'analyse
juridique
s'en
soit
toujours
occupée, il faut reconnaître que la question de l'universalité
des
droits
de
l'homme
n'est
pas,
fondamentalement,
une
question
de
nature
juridique.
c'est une
question
théologico-
philosophique,
un
problème d'anthropologie transcul turelle et
d'ethnologie,
un
problème
idéologique
et
politique.
Cette
question
ne
concerne
pas
directement
les
hommes
pris
individuellement
et
leurs
droits.
Elle
concerne
d'abord
les
civilisations et leur hiérarchie,
les cultures et leur valeur
comparée,
les peuples et
l'image qu'ils se donnent
eux-mêmes
ou se renvoient mutuellement.
Tous les développements portant
sur
le
thème
de
l'universalité
des
droits
de
l'homme
comportent,
d'une
manière
ou
d'une
autre,
de
telles
considérations
; voilà pourquoi,
ce thème inspire méfiance et
circonspection. Comme l'écrit le Professeur DUPUY,
le problème
de l'uni versaI i té des droi ts de l ' homme "est souvent obscurci
par le halo d'idéologie qui l'entoure" (249).
(249) DUPIlY, P.M. in Ch. ROUSSEAU, op. dt p. 415-416.

-
223 -
a - Les droits de l'homme sont inhérents à la nature
humaine.
Selon
le
Professeur
SUDRE,
"les
droits
de
l' homme
renvoient à
l ' identi té
universelle de
la personne humaine
et
sont
fondés
sur
le
principe
de
l'égalité
de
tous
les
êtres
humains. Affirmer leur caractère objectif, c'est signifier que
ces droits ne sont pas
attribués
aux individus
par le biais
d'un
statut
juridique particulier révocable mais qu'ils sont
attachés par principe à
la seule qualité de personne humaine"
(250).
De
façon
analogue,
le
Professeur
DUPUY
pense
que
le
caractère objectif des droits de l'homme "peut s'admettre dans
la stricte mesure où l'on veut dire par là que ces droits sont
inhérents,
c'est-à-dire
attachés
par
principe
à
la
seule
qualité de personne humaine
( ... ) et non à
la dévolution aux
individus d'un
statut
particulier,
institué
par la
voie
d'un
instrument
juridique
spécial"
(251).
"Objectif"
signifie
ici
naturel,
indépendant
de
toute
formalisation
juridique.
Nous
sommes
ici
en
présence
d'analyses
empreintes
de
jus
naturalisme et puisant fortement dans des sources religieuses.
La
question de
l'existence
d'une
nature
humaine
universelle,
de son contenu, est une question débattue, défendue ou réfutée
depuis
presque
toujours.
Il
ne
semble
pas
qu'elle
soit
aujourd'hui
résolue.
Le
problème
principal
est
le
même
comment
définir
cette
nature
humaine
préexistante
à
toute
forme de vie sociale et culturelle? La nature humaine en soi,
nul ne saurait la définir,
sauf le créateur de toutes choses.
Le paradoxe est que,
dans
les tentatives de déf ini tian de la
nature
humaine,
l'appui
sur
des
données
culturelles
particulières est inévitable.
(250) SUDRE, F. Hanuel cité p. 47-48.
(251) DUPUY, P.H. in Ch. ROUSSRAU, lanuel cité p. 406.

-
224 -
La perspective
jus naturaliste de
la nature humaine
est
secourue
par
les
opinions
religieuses
sur
le
sujet,
notamment
le
christianisme.
La
Bible,
dans
le
livre
de
la
Genèse
(1
:26-27),
dit en effet que
l'homme -
tout homme -
a
été créé
à
l'image de
Dieu,
il
mérite donc
d'être considéré
comme fils de Dieu, où qu'il soit.
De même,
l'apôtre Paul dans
son épître adressée aux Galates
(3
28)
dit qu'il n'y a plus
à distinguer entre Grecs,
Romains,
esclaves ou hommes libres :
tous sont égaux devant Dieu. De
telles
vues,
naturellement,
ont
leur
importance.
Elles
posent
cependant
beaucoup
de
problèmes, touchant à la transcendance, un domaine sur lequel
l'uniformité
des
perceptions
sur
le
plan
international
ne
semble
pas
être
à
l'ordre
du
jour.
Poser
le
problème
de
l'universalité des droits de l'homme en prenant appui sur une
somme
théologique,
si
imposante
soit-elle,
c'est
choisir
le
meilleur
moyen
de
le
brouiller.
En
tout
état
de
cause,
il
serait pour le moins imprudent d'avoir à reprendre sans nuance
le
propos
de
M.
MIRKINE-GUETZEVITCH
selon
lequel
malgré
la
diversité
des
traditions,
des
croyances
religieuses
et
des
certitudes politiques,
"elles convergent toutes vers l'éthique
sortie du monde hellénique,
sortie du message évangélique,
de
l'humanisme des révolutions du XVlllème siècle"
(252).
Face à
cette acceptation uniformisatrice de l'universalité des droits
de l ' homme,
il
est compréhensibl e que la
prise en compte des
différences et spécificités culturelles ait été revendiquée.
b - Le problème de la transculturalité des droits de
l'houe.
Les droits de
l ' homme ne
peuvent
ne
pas
se heurter
aux
réalités
culturelles
des
différents
groupes
humains
qui
peuplent la planète. Il est donc
possible
qu'il
y
ait
des
(252) HIRKIHE-GUETZEVITCB, B. L'O.H.U. et la doctrine loderne des droits de l'holle IIIèle partie,
R.G.D.I.P., 1954, p. 535.

-
225 -
différences
nettes de
perception
à
ce sujet.
L'idée
de
base
qui fonde la perception différentielle des droits de l'homme,
c'est que
l'universalité ne
saurait s'obtenir par décret.
Il
ne
suffit
pas
de
proclamer
l'universalité
des
droits
de
l'homme
pour
que
ceux-ci
soient
concrètement
universels,
perçus et vécus identiquement dans
la société internationale.
On
peut
admettre
en
effet
que
"chaque
homme,
chaque
communauté,
récite
le
répertoire
des
droits
de
l ' homme
avec
son propre accent, en fonction de ses acquis et de ses besoins
à
la lumière de ce qu'il attend, et avec sa propre perception
changeante
du
prix
qu'il
attache,
suivant
le
lieu
et
le
moment, au droit à préserver ou au droit à revendiquer" (253).
Toutefois,
l'idée
d'une
diversité
des
acceptations
des droits de
l'homme n'est pas facilement admise.
On y voit
une volonté de repli des groupes culturels sur eux-mêmes,
les
uns
autoréférencés
par
rapport
aux
autres,
un
culte
de
l'indifférence.
M.
BADINTER
écrit
que
"ce
n'est
pas
pour
autant
que
le
respect
du
pluralisme
doit
signifier
l'indifférence
ce n'est pas sans raison que récemment,
ceux
qui pensent à
l'avenir des droits de l ' homme ont senti toute
l'exigence du droit à l'ingérence" (254).
(253) BEDJAOUI, H. La difficile avancée des droits de l'houe vers l'universalité R.U.D.H., 1989,
n's 1 - 12, p. 8. H. LIU HUAQII, vice-linistre des affaires étranqères de chine, ne dit pas
autre chose le 15 juin 1993 à Vienne devant la conférence londia1e sur les droits de l'holle :
"le concept de droits de l'holle est un produit de l'évolution historique. Il est étroitelent
lié à des conditions sociales, politiques et éconoliques spécifiques et à l'histoire, à la
culture et aux valeurs spécifiques d'un pays (.•. ). Ainsi, on ne doit et on ne peut considérer
les norles et la pratique de certains pays cOlle les seules convenables, ni exiqer de tous les
autres pays qu'ils s'y conforlent". in DoCUIents d'actualité internationale, 1er septelbre 1993,
n' 17, p. 372.
(254) BADINTER, R. L'universalité des droits de l'houe dans un londe pluraliste, un résUlé des idées
et des faits, R.U.D.H., 1989, n' 1-12 p. 2.

-
226 -
Il
semble
que,
rejetant
simultanément
uniformisation
et
relati visme,
on
s'oriente
vers
une
démarche
synthétique,

les perceptions différentes des droits de l'homme ne sont pas
un obstacle absolu à
toute
idée d'universalité.
Ce mouvement
est
général
en
doctrine,
bien
qu'il
ne
soit
pas
dépourvu
d'équivoques.
On
parle
de
"consensus
moral
universel",
de
"somme des diversité",
de "culture universelle",
d'''humanisme
objectif",
de "morale
internationale"
(255).
D'autres auteurs
conçoivent
l'universel
comme
l'ensemble
des
valeurs
"constantes"
ou
des
"invariants
majeurs"
que
l'on
peut
retrouver à
travers les différentes conceptions des droits de
l'homme,
européenne,
islamique,
africaine,
ou
autre
(256).
D'autres
auteurs
enfin
proposent
un
"consensus
transculturel
et
intersystémique"
(257),
voire
une
"articulation
des
différentes
particularités
en
fonction
de
combats communs" (258).
Pourtant,
l'entreprise
de
synthèse
ainsi
balisée
nous semble représenter,
en matière de droits de
l'homme,
un
avatar
de
l'universalité
perçue
en
termes
d'uniformité.
L'évocation de
la
diversité,
le
détour
intellectuel
par
le
droit
à
la
différence
ont
très
souvent
pour
fonction
d'éloigner la suspicion de prosélytisme culturel qui
colle
à
des développements niant purement
et simplement
la diversité
Il est significatif que, une fois la
diversité
des
cultures
(255) MEYER-BISB, P. Une affination double: les droits de l'houe ne peuvent être universels que
dans la diversité des cultures. in Universalité des droits de l'holle et diversité des cultures.
Acte du 1er colloque interuniversitaire de Fribourg. Suisse 1984, p. 17.
(256) BEDJAOUI, M. op. cit. p. 8.
(257) Mc WHIHNEY, E. Les Nations Unies et la fonation du droit: relatisle culturel et idéologique
et foraation du droit international pour une époque de transition. Paris, Pedone, U.N.E.S.C.O.
1986, p. 13.
(258) EWALD, F. in DUPUY, R.J. L'avenir du droit international dans un londe lu1ticulturel. Colloque
La Baye, Acadé.ie de droit international, 1987, p. 58.

-
227 -
évoquée, on s'empresse de dire que le
droit à la
différence
ne saurait signifier le rejet de ce qui est universel. Ainsi,
le professeur LACHARRIERE écrit que "dès lors que se trouvent
affirmés,
par
exemple
dans
le
préambule
de
la
Charte,
les
droits,
la
dignité,
la
valeur
de
chaque
homme,
de
chaque
personne
humaine,
ou
l'égalité
des
droits
de
toutes
les
nations,
il est clair
que les
différences culturelles entre
ces
personnes
humaines ou
entre
ces
nations
ne
peuvent
plus
jouer
qu'à
l'intérieur
d'un
cadre
commun
très
précis.
La
reconnaissance de ce qui est particulier et divers est de peu
au regard de ce qui est commun"
(259). Cette
atti tude laisse
insatisfait. En effet, si la reconnaissance
de
la
diversité
des perceptions
des
droits
de
l'homme ne
peut être
légitime
qu'en
fonction
d'une
universalité
déjà
posée
et
à
laquelle
aUCUne
dérogation
n'est
permise,
il
est
à
craindre
que
l'entreprise
de
synthèse
interculturelle
ne
soit
qu'une
hypocrisie
intellectuelle,
aboutissant
à
Une
universalité
artificielle ou,
mieux,
à ce
"concordisme affadi" dont parle
Mr. CHARNAY (260).
2 - L'universalité du droit international des droits
de l'homme
Plusieurs
systèmes
de
protection
des
droits
de
l 'homme
coexistent
dans
l'ordre
international,
les
Uns
uni versels,
les
autres
régionaux.
Ces
systèmes
régionaux
de
protection
sont
fondés
sur
des
différences
d'approche
du
problème
des
droits
de
l'homme.
Par
ailleurs,
l'état
(259) LACIIJJlRIERE, Guy de. Le point de vue du juriste: la production et l'application du droit
international dans un londe lulticulturel, in DUPUY R.J. Colloque La Haye précité, 1984, p. 70.
Dans le lêle sens, voir VEDEL/G. Les droits de l'halle: quels droits? Quel halle? in lélanqes
R.J. DUPUY, 1991, p. 355.
(260) CIIARIIAY, J.P. De Dreyfus au Calbodqe : pour un droit de la condition hUJaine, in De la
dégradation du droit des qens dans le lande contelporain, Paris, Anthropos, 1981, p. 217.

-
228 -
d'acceptation
des
normes
matérielles
des
droits
de
l'homme
révèle beaucoup de disparités selon les Etats.
a -
Universalité des droits de l'homme et diversité
des systèmes régionaux de protection
Le
régionalisme
dans
la
protection
internationale
des
droits
de
l'homme
peut
être
interprété
de
plusieurs
manières.
On
peut
se
refuser
à
y
voir
l'expression
de
différences
de
conceptions
relatives
aux
droits
de
l'homme,
mais
plutôt
une
sorte
de
déconcentration
technique
de
la
protection
des
droits
dans
l'ordre
international,
pour
un
surcroît d'efficacité. Il n'y aurait pas,
de
la
sorte,
des
conceptions européenne, américaine, africaine ou islamique des
droits
de
l'homme.
A ce
sujet,
M.
VALTICOS
s'interroge
"n'est-il
pas
évident,
en
effet,
que
l'existence
de
normes
régionales
juxtaposées,
dans un domaine aussi
fondamental
que
celui
des
droits
de
l'homme,
aboutirait
à
un
relativisme
excessif de cette notion et à des différences entre les normes
élaborées pour telle ou telle région, qui pourraient être dues
plus aux circonstances de
l'heure qu'à
une réelle différence
de conceptions? (261).
En ce qui
concerne
l'Europe et
l ' Amér ique,
on
peut
penser que les conceptions des droits de l'homme ne divergent
pas fondamentalement.
De plus la C.E.D.H.
établit sa filiation
claire
avec
la
O.U.O.H.
puisqu'elle
est
un
engagement
des
Etats membres du Conseil de l'Europe de "prendre les premières
mesures propres à
assurer la garantie collective de certains
des
droits
énoncés
dans
la
déclaration
universelle".
Le
régionalisme
européen
et
américain
est
donc
pratiquement
(261) VALTlCOS, N. Universalité des droits de l'holle et diversité des conditions nationales, in
lélanges René CASSIN, TOle l, 1969, p. 338.

- 229 -
conforme aux normes universelles,
notamment
la
O.U.O.H.
La
situation du régionalisme africain est quelque peu différente
et
sa
spécificité
ne
vient
pas
du
fait
que
ce
serait
un
régionalisme
de
sous-développement.
En
effet,
bien
que
la
C.A.O.H.P.
tienne compte de la Charte des Nations Unies et de
la D.U.D.H.,
le préambule de la dite charte indique clairement
que les Etats signataires tiennent compte de "leurs traditions
historiques
et
des
valeurs
de
civilisation
africaine
qui
doivent
inspirer
et
concrétiser
leurs
réflexions
sur
la
conception des droits de 1 'homme et des peuples".
Il Y a donc

une
conception
réellement
particulière
des
droits
et
devoirs de l'homme et des peuples,
qui ne semble pas liée aux
difficultés
économiques
que
connaissent
les
pays
africains
aujourd'hui. On peut dire
la
même
chose
du
"régionalisme"
islamique,
dont
la
conception
des
droits
de
l'homme
est
particulière
et
résolument
contradictoire
avec
les
normes
universelles
(262),
ces dernières
étant trop marquées par
le
principe de laïcité. On ne peut donc nier complètement qu'il y
ait
des
divergences
réelles
de
perception
des
droits
de
l'homme
revenant en 1991 sur le problème du régionalisme en
matière de droits de l'homme, M. VALTICOS note d'ailleurs
que
l'action
universelle
"a
plutôt
répondu
au
souci
de
dépasser
les
limites
que
connaît
l'action
universelle
en
raison
des
divergences
de
conceptions
entre
les
groupes
d'Etats
qui
y
participent Il
(263).
Si
l'on comprend bien ce propos,
on doi t
conclure
que,
d'une
certaine
manière,
le
régionalisme
en
matière de droits de
l' homme est révélateur d'une conception
commune des
droits de
1 'homme
entre
Etats
faisant
partie du
système régional considéré.
(262) Voir SAHLIEL, A. La définition internationale des droits de l'boue et l 'Islal. R.G.D.I.P.
1985, p. 625-718.
(263) VALTICOS, H. in lélanges R.J. DUPUY, op. cit. 1991, p. 345.

-
230 -
b -
L'universalité des normes matérielles des droits
de l'homme
Pour mesurer l'universalité des
normes matérielles
relatives
aux
droits
de
l'homme, il
importe
de
déterminer
au
préalable des critères satisfaisants.
On peut s'en tenir à
la
ratification formelle par les Etats des différents instruments
relatifs
aux
droits
de
l'homme
et
élaborés
directement
au
niveau universel onusien. Ce critère est simple et clair, mais
aussi
trompeur
en
effet,
alors
que
certains
Etats
ayant
ratifié
plusieurs
conventions
n'ont
pas
une
politique
particulièrement
reluisante
en
matière
de
droits
de
l ' homme
(le Soudan par exemple),
certains autres
Etats non parties à
plusieurs
conventions
relatives
aux
droits
de
l'homme
(les
U.S.A.
par
exemple)
sont
moins
suspects
de
violations
fréquentes
de
ces
droits.
Le
critère
ne
devrait
donc
pas
conduire à
des conclusions
rapides.
Si malgré cette
réserve,
on
tient
compte
de
ce
critère,
on
peut
remarquer
qu'au
31
décembre 1990, 92 Etats avaient ratifié le P.I.D.C.P.
(dont 26
pays
africains
et
17
du
Conseil
de
l'Europe),
96
le
P.D.S.E.C.,
130 la convention sur l'élimination de toutes les
formes
de
discrimination
raciale,
101
la
convention
sur
la
prévention et la répression du
crime de génocide.
En faisant
la
répartition
géographique
des
Etats
qui
souscrivent
aux
engagements relatifs aux droits de
l ' homme,
on peut dire que
"certaines
zones
paraissent
pri vi légiées.
Ainsi
l'Europe
de
l'Ouest
et
l'Europe
de
l'Est
ont
tendance
à
accepter
de
nombreux engagements.
En revanche,
les pays les moins avancés
sont,
à
quelques exceptions près,
en retard"
(264).
La Chine,
pays qui possède près de la moitié de la population du globe,
n'est pas partie aux pactes de 1966 au 31 décembre
1990. Tous
(264) DHOIIMEAOX, J. De l'universalité du droit international des droits de l'houe: du pactui
ferendUi au pactUi latUl, À.F.D.l. 1989, p. 402.

- 231 -
les
Etats,
en
général,
ne
sont
pas
parties
aux
instruments
internationaux
relatifs
aux
droits
de
l'homme
et
conclus
à
l'échelle
mondiale;
ce
qui
fait
que
l'universalité
des
droits de
l'homme est une
universalité à géométrie variable.
Les
instruments
régionaux,
là où
ils existent,
contribuent à
combler
ce
déficit
d'universalité
formelle
du
droit
international onusien des droits de l'homme.
A côté de la ratification formelle,
on peut prendre
un
autre
critère,
à
savoir
l'étendue
réelle
des
obligations
souscrites
au
moment
de
la
ratification.
L'acceptation
des
conventions
relatives
aux
droits
de
l ' homme
ne
va
pas
sans
résistances,
exprimées
au moyen des
procédures
classiques de
modulation
de
leurs
engagements
par
les
Etats
réserves,
déclarations
interprétatives.
Dans
son
étude
précitée,
M.
DHOMMEAUX rapporte que 52 dispositions du pacte sur les droits
civils
et
politiques
de
1966
ont
fait
(en
1989)
l'objet
de
réserves dont 35 pour le seul article 11 (accès à la justice,
règles d'un procès équitable) et 24 pour l'article 12 (règles
relatives
au
régime
pénitentiaire).
De
même,
selon
le
même
auteur,
40 EtaLs auraient fait,
à
propos de la convention sur
l'élimination de
la discrimination à
l'égard des
femmes,
des
réserves
concernant
trente
articles.
Il
ne
faudrait
pas
exagérer
l'effet
de
ces
restr ictions
d'obI igations
sur
l'universalité
du
droit
international
mondial
des
droits
de
l'homme,
car la tendance n'épargne aucunement
les instruments
régionaux
(265)
on
est
loin,
toutefois,
de
l'universalisation de
la
reconnaissance
de
l'intégrité
du
contenu des normes relatives aux droits de l'homme. si
toutes
(265) Pour la convention européenne, voir IMB&RT, P.H. La question des réserves et les conventions en
latière de droits de l'holle. Actes du Vèle colloque international sur la C.E.D.H. Francfort,
1980, Pedone 1982, p. 97-139. Du lêle auteur, voir Les réserves à la C.E.D.H. devant la
cOllission de strasbourg (l'affaire Teleltarsch), R.G.D.I.P. 1983, p. 580-625.

-
232 -
les
normes ne sont pas acceptées,
il semble cependant qu'il
existe un consensus international sur un noyau dur composé de
certains
droits
de
l'homme
et
représentant
des
standards
minimaux
impératifs
en
tous
lieux
et
toutes
circonstances"
(266).
La
palette
de
ces
droits
intangibles
ne
fait
pas,
hélas,
l'objet d'une unanimité dans la doctrine.
Sans doute à
notre avis, le droit à la vie, le droit
de ne pas être réduit
en
esclavage,
de
ne
pas
être
soumis
à
la
torture
ou
à
un
traitement
inhumain
ou
dégradant,
le
droit
des
peuples
à
disposer
d'eux-mêmes
sont-ils
des
éléments
ne
devant
pas
souffrir de discussion.
Il
n'empêche que certains auteurs
se
languissent de ne pas voir inséré dans ce corpus insusceptible
de restriction "le droit au développement qui est à notre sens
le
droit-matrice
de
tous
les
autres
droits
fondamentaux"
(267) .
Si
l'on
considère
le
critère
de
la
soumission
des
Etats aux mécanismes de contrôle des conventions des droits de
l'homme,
lorsque
ceux-ci
sont
prévus,
on
constate
que
la
disposition des Etats en ce sens est forte au sein du Conseil
de l'Europe avec la C.E.D.H.
Sur le plan universel,
la chose
est
plus
difficile.
Au
31
décembre
1990,
seuls
30
Etats
avaient déjà souscrit la clause de l'article 41 du P.I.D.C.P.
pour des éventuelles communications étatiques devant le comité
des
droits
de
l' homme
;
parmi
ces
Etats,
4
pays
africains
(Sénégal,
Gambie,
Congo,
Algérie),
5
américains
(Argentine,
Canada,
Chili,
Equateur,
Pérou),
trois asiatiques
(Sri-Lanka,
Corée
du
Nord,
Philippines),
la
Nouvelle-Zélande
les
17
restants sont européens.
(266) BEDoJAOUI, M. article précité, R.U.D.H. 1989, p. 8.
(267) Ide., p. 7.

-
233 -
Il
faudrait
pouvoir
dépasser
cette
approche
assez
formelle
en
la
complétant
par
un
processus
coutumier
qui
universalise progressivement le droit international des droits
de
l'homme,
au-delà
des
procédures
consensualistes
du
droit
des traités.
s'il demeure vrai qu'un Etat ne saurait être lié,
en
principe,
par
des
règles
qu'il
n'a
pas
acceptées,
les
normes relatives aux droits de l'homme commencent à relever au
moins
de
la
coutume
internationale.
Malgré
cette
précision,
l'universalité
des
droits
de
l'homme
doit
être
davantage
promue,
avant de
pouvoir
servir
-
si
tant
est qu'elle doive
jamais le faire - de base à un droit d'ingérence.
B - L'objectivité des droits de l'homme est liée à
la singularité de leur régime juridique dans le
droit international
Cette
deuxième
perspective
de
la
construction
de
l'idée
d'objectivité
des
droits
de
l'homme
est
plus
intéressante,
en
ce
qu'elle
touche
plus
directement
à
la
théorie du droit international.
Le raisonnement consiste à ce
niveau
à
affranchir
le
droit
international
des
droits
de
l ' homme
des
principes
qui
ont
cours
en
droit
international
public, particulièrement en droit des traités.
Existe-t-il, de
façon
générale
en
droit
international
positif,
d'affirmation
de la spécificité complète et absolue des traités relatifs aux
droits de l'homme vis-à-vis des autres traités?
On peut retrouver dans la législation internationale
ainsi
que
dans
la
jurisprudence
internationale,
des
éléments
qui vont dans ce sens
; mais ce sont des éléments relatifs à
des points déterminés et non pas une singularisation générale
du domaine des droits de l'homme dans
le droit
international
public.
L'article
60
alinéa
5 de
la convention de
Vienne
de
1969 sur
le droit des
traités
énonce qu'en cas
de violation
par
une
partie
contractante
de
"dispositions
relatives
à
la
protection de
la personne humaine contenues dans
les
traités
de
caractère
humanitaire",
les
autres
parties
ne
sont
pas

-
234 -
fondées à mettre fin au traité ou à en suspendre l'exécution.
La C.I.J.,
dans son avis consultatif du 21
juin 1971 sur les
conséquences
juridiques
pour
les
Etats
de
la
présence
de
l'Afrique
du
Sud
en
Namibie,
énonce
que
les
Etats
doivent
s'abstenir d'invoquer ou
d'appliquer
les
traités
conclus
par
l'Afrique
du
Sud
au
nom
de
la
Namibie
ou
en
ce
qui
la
concerne,
étant
entendu
que
cette
obI igation
"ne
peut
pas
s'appliquer
à
certaines
conventions
générales,
comme
les
conventions
de
caractère
humanitaire
dont
l'inexécution
pourrai t
porter pré judice au peuple namibien"
(268).
Pour une
bonne
partie
de
la
doctrine,
il
y
a
un
rejet
total
du
principe
de
réciprocité
en
ce
qui
concerne
les
normes
internationales
protectrices
des
droits
de
l ' homme.
si
la
relativisation
du
principe
de
réciprocité
est
nette
en
la
matière, son rejet n'est pas total cependant.
1 - Objectivité des droits de l'homme et
ngn-réciprocité des engageaents relatifs
À ces droits
Plusieurs
auteurs
considèrent
comme
acquise
l'idée
que
le
principe
de
réciprocité
est
incompatible
avec
les
normes
relatives
aux
droits
de
l'homme.
Pour
le
professeur
PELLET,
"les
instruments
internationaux
de
protection
des
droits de l'homme,
tournant le dos au traditionnel do ut des,
si omniprésent dans la société des Etats, créent en effet des
régimes
"objectifs"
;
il
en
résulte
l'inadéquation
au
moins
partielle du concept de réciprocité.
Dès lors qu'une norme ne
peut s'analyser comme une promesse faite à un autre Etat,
la
partie qui s'engage à en assurer le respect n'est pas fondée à
en
subordonner
l'exécution
à
son
application
par
les
autres
parties
contractantes"
(269).
Le
professeur
DUPUY
écrit
(268) C.LJ. Rec. 1971, p. 55.
( 269) PELLET, A. op. cH. p. 103 et p. 105.

-
235 -
également
que
les
droits
de
l'homme
n'auraient
rien
de
spécifique
"si
l'exécution
des
obligations
ainsi
définies
était
soumise
comme
dans
le
droit
international
commun
au
principe
de
réciprocité,
condition
dont
on
a
précisément
observé
( ... )
qu'elle
ne
s'appliquait
pas
aux
droits
de
l'homme dans les termes du droit commun"
(270).
Le professeur
SUDRE
est
encore
plus
formel
sur
cette
question
"ce
caractère objectif des
droits de
l'homme
( ... )
conduit
à
la
remise en question du principe général de réciprocité" (271).
Ces
positions,
pour
beaucoup,
sont
basées
sur
des
espèces
jurisprudentielles bien
connues
la
décision
de
la
commission
européenne
des
droits
de
l'homme
sur
la
recevabilité de la requête n° 788/60 Autriche
contre
Italie,
dans laquelle il est affirmé que
"les obligations souscrites
par
les
Etats
contractants
dans
la
convention
ont
essentiellement un caractère objectif, du fait qu'elles visent
à protéger les droits fondamentaux des particuliers contre les
empiétements
des
Etats
contractants,
plutôt
qu'à
créer
des
droits subjectifs et réciproques entre ces derniers" (272). La
deuxième espèce procède de
la cour européenne
des
droits
de
l'homme,
en l'affaire Irlande contre Royaume-Uni en 1978 ;
la
cour déclare qu'''à la différence des traités internationaux de
type classique,
la convention déborde
le
cadre de
la
simple
réciprocité
entre
Etats
contractants.
En
sus
d'un
réseau
d'engagements
synallagmatiques
bilatéraux,
elle
crée
des
obligations
objectives
qui
aux
termes
de
son
préambule,
bénéficient d'une garantie collective"(273) • .
(270) DUPUY, P.M. in ROUSSEAU, Cb. op. cit. p. 409.
(271) SUDRE, F. Manuel cité, p. 48. Dans le lêle sens, voir SICILIANOS, L.A. Les réactions
décentralisées à l'illicite ••. Paris, L.G.D.J. 1990, p. 354.
(272) Décision dans A.C.E.D.R. 1961, Vol. 4, p. 141.
(273) Publications de la cour européenne des Droits de l'holle. Série A, 1978, Vol. 25, p. 90.

-
236 -
Ces
deux
décisions
constituent
une
contribution
sérieuse à
la singularisation des traités relatifs aux droits
de l'homme
(274).
Toutefois,
la lecture attentive de ces deux
espèces,
et
notamment
la
deuxième,
ne
nous
semble
pas
autoriser
la
position
suivant
laquelle
la
convention
européenne
des
droits
de
l ' homme
(et
le
droit
international
des droits de l'homme en général)
est hostile à toute idée de
réciprocité. Il nous semble que la Cour Européenne n'a pas dit
que
l'idée
de
réciprocité
est
exclue
de
la
convention
européenne ; que celle-ci "déborde"
le cadre de la réciprocité
ne signifie pas qu'elle l'ignore ou le méconnait ;
que celle-
ci crée des obligations objectives ne fait pas disparaître la
réalité
des
engagements
synallagmatiques
bilatéraux
"en
sus"
seulement desquels
se superposent
les obI igations objectives.
La Cour ne déclare donc pas purement et simplement hors-la-loi
l'idée de réciprocité
;
elle la reconnai t
même explicitement.
La
Cour
invite
les
Etats
à
avoir
de
la
réciprocité
une
conception saine et à en faire un bon usage,
pour la cause des
droits
de
l'homme.
De
façon
encore
plus
précise,
la
Cour
européenne distingue deux choses : la réciprocité
en
ce
qui
concerne
les
dispositions
substantielles
traitant
des
droits
matériels
(pour
lesquelles
la
réciprocité est exclue),
et
la
réciprocité en ce qui concerne les dispositions procédurales.
(274) Aces deux décisions, il faudrait ajouter une décision de la Cour Interaléricaine des droits
de l'bolle du 24 septetbre 1982, dans laquelle il est dit que" en règle générale, les traités
actuels relatifs aux droits de l'bolle, et en particulier la Convention Aléricaine, ne sont pas
des traités lultilatéraux de type traditionnel conclus en vue d'un échange de droits, basé sur
la réciprocité, pour le bénéfice lutuel des Etats contractants. Leur objet et leur but sont la
protection des droits fondalentaux des êtres hUiains, indépendallent de leur nationalité, à
l'encontre de leur propre Etat cOlle à l'encontre des autres Etats contractants. En adoptant ces
traités relatifs aux droits de l 'balle, les Etats se sOUiettent à un ordre légal au sein duquel
ils assUient, pour le bien cOllun, diverses obligations non pas à l'égard d'autres Etats, lais à
l'encontre de toute personne relevant de leur juridiction'. Le texte de cette espèce est publié
in R.U.D.H., 1992, vol.4, n's 8-9, p. 294-298. p. 297.

-
237 -
A ce niveau,
ce
n'est
pas
à
un
échange
de
droits
matériels
qu'on
assiste
en
effet,
le
droit
de
surveillance
de
l'exécution des droits n'est pas lui-même un droit matériel
:
il
est
normal
qu'un
Etat
n'accepte
d'être
surveillé
qu'à
condition de pouvoir surveiller les autres.
C'est du reste le
sens
des
articles
46
alinéa
2,
et
48
de
la
convention
européenne
des
droits
de
l'homme.
De
toutes
manières,
le
principe
de
réciprocité
n'a
pas
complètement
disparu
il
serait cependant pour le moins contestable d'avoir à reprendre
aujourd'hui
la formule du Professeur VERHOEVEN selon laquelle
"s'il est
incontestable que
les droits de
l'homme ont acquis
un
statut
autonome
dans
le
droit
contemporain
(système
de
garanties
particulières
conventionnellement
organisées),
il
n'y
a
pas
lieu
en
revanche
de
leur
accorder
quelque
spécificité
fondamentale.
Une
chose
est
de
souligner
leur
particularité indéniable ; autre chose serait d'en déduire une
spécificité de leur régime
juridique,
qui
est
présentement
dénuée de tout contenu dans le droit positif"
(275).
Au moins
en
ce
qui
concerne
la
relativisation
du
principe
de
réciprocité,
cette
spécificité
a
déjà
un
contenu
en
droit
positif.
Il
en
est de
même
pour
le
régime
des
réserves
aux
conventions relatives aux droits de l'homme, notamment lorsque
ces conventions
organisent des
systèmes de
protection.
Selon
le
Professeur
PELLET,
"une
autre
conséquence
du
caractère
objectif
des
normes
internationales
des
droits
de
l'homme
concerne certains aspects du régime des réserves" (276).
(275) VERHOEVEH, J. 'Les traits fondaaentaux de l'évolution de la protection des droits dits de
l'holle dans la pratique contelporaine" in. Droits des peuples, droits de l'holle : paix et
justice sociale internationale. Ed. Le Centurion, Paris, 1987, p. 43.
(276) PELLET, A. op. cit p. 105 Sur le problèle des réserves dans les conventions relatives aux
droits de l'holle, voir GOLSOH, H. "les réserves aux instruaents internationaux pour la
protection des droits de l'holle". Rapport au 4èle colloque du départelent des droits de l'holle
de l'Université catholique de Louvain, 7 Déc. 1978 ; IMBERT, P.A. "la question des réserves et
les conventions en latiëre de droits de l'hol.e". in Actes du 5èle colloque international sur
la C.E.D.B., Francfort, 9-12 avril 1980, Paris, Pedone 1982, p. 136.

-
238 -
2 - Objectivité des droits de l'homme et existence
des procédures de contrôle des nOrmes s'y
rapportant.
Dans sa décision sur
la recevabilité de
la requête
Autriche
cl
Italie,
la
Commission
européenne
des
droits
de
l'homme
énonce
que
le
caractère
objectif
des
engagements
souscrits à
propos de
la convention européenne des droits de
l'homme"
apparaît
également
dans
le
mécanisme
érigé
dans
la
convention pour en garantir le respect
i
(que)
ce mécanisme,
ainsi qu'il a été souligné au cours des travaux préparatoires
de la convention et que
le déclare expressément le troisième
passage du
préambule
( ... )
repose sur
le concept de garantie
collective, par les Etats contractants, des droits et libertés
définis
par
la
convention".
L'idée
directrice
à
ce
niveau,
c'est
que
la
spécificité
du
régime
juridique
des
droits
de
l'homme tient à la particularité du système de protection des
normes
s'y
rapportant.
Non
seulement
cette
protection
est
confiée à des institutions spécialement mises en place à cette
fin, mais surtout ces institutions sont actionnées d'une façon
originale,
qui s'éloigne en principe des préoccupations liées
à
l'idée
de
réciprocité
des
engagements.
Ce
qui
est
intéressant,
ce n'est pas tant l'existence en tant que telle
des
mécanismes
de
protection
;
à
ce
sujet,
les
conventions
relatives
aux
droits
de
l'homme
n'innovent
pas
particulièrement
;
des
instruments
conventionnels
concernant
d'autres
secteurs
du
droit
international
comportent
des
mécanismes
de
protection.
En
revanche,
le
fonctionnement
de
ces
mécanismes,
surtout
lorsque
leur
déclenchement
est
substantiellement
affranchi
du
consentement
réciproque
des
parties
en
cause,
témoigne
de
l'objectivité
des
instruments
relatifs
aux
droits
de
l'homme.
Nous
reviendrons
sur
le
fonctionnement de
ces
mécanismes dans
le chapitre suivant,
à
propos de la convention européenne des droits de l'homme.

-
239 -
L'objectivité suppose l'idée,
d'ailleurs évoquée par
la
Commission
européenne
des
droits
de
l'homme
à
propos
du
Conseil de l'Europe, d'un ordre public à préserver.
Cette idée
d'un ordre public international transparaît également dans
la
notion d'obligations erga omnes.
Paragraphe 2
L'établissement du caractère erga Omnes des
obligations relatives aux droits de l'hampe
Depuis
l'arrêt
de
la
C.I.J.
du
5
février
1970
en
l'affaire
Barcelone
traction,
la
notion
d'obligations
erga
omnes
a
connu
une
fortune
importante
;
elle
a
en
effet
été
reprise
de
façon
permanente
par
des
auteurs
de
la
doctrine
internationale soucieux de promouvoir une protection effective
des
droits
de
l'homme
dans
le
monde.
Comme
l'écrit
Mr.
SPERDUTI,
la
catégorie
des
normes
erga
omnes
est
"une
catégorie de normes qui demande à être explorée en profondeur
afin d'en pouvoir tirer
les conclusions qui
conviennent dans
le contexte de
la codification portant sur
la
responsabilité
internationale"
(278).
On
peut
remarquer
toutefois
que
la
notion
d'obligations
erga
omnes,
si
riche
de
potentialités
pratiques,
semble
entièrement
confinée
au
domaine
de
la
protection internationale des droits
de l'homme. En ce moment
où l'idée d'un droit d'ingérence pour la sauvegarde des droits
de
l'homme
occupe
le
devant
de
la
scène
internationale,
on
comprend que
la
notion d'obligations erga omnes
puisse
jouer
un rôle de légitimation
juridique d'un tel droit ;
car,
selon
les
termes
de
la
C.I.J.,
une
des
caractéristiques
de
ces
obligations
réside
dans
le
fait
que
"tous
les
Etats
peuvent
être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce
que ces
(277) Couission européenne, op. cit. p. 141.
(278) SPERDUTI, G. Les obliqations solidaires en droit international, in lélanqes Manfred LACHS,
1984, p. 272-273.

- 241 -
comporte
soit
respecté
en
lui-même.
Bref,
i l
n'existe
traditionnellement
pas
d'obligations
erga
omnes
à
chaque
Etat de protéger ses propres droi ts
nul
n'a à
se faire
le
champion
des
droits
des
autres"
(280).
En
somme,
la
cour
aurait créé un nouveau régime
juridique exorbitant au régime
habituel.
Toutefois,
d'autres
auteurs
de
la
doctrine
pensent
que la catégorie des obligations erga omnes internationales ne
nait pas avec
l'arrêt de
la C.I.J.
de 1970,
la cour s'étant
tout simplement bornée à
constater ou,
mieux,
à
rappeler une
réali té
dont
l'existence
n' avai t
jamais
fait
de
doute
quelconque.
Selon
le
professeur
MERON,
"al though the concept
of
obligations
erga
omnes
is
commonly
attributed
to
the
important but ambiguous dictum by the I.C.J. in its
judgment
in the Barcelona traction case,
the antecedents of
Barcelona
must
not
be
overlooked"
(281).
Pour
cet
auteur,
le
concept
d'obligations
erga
omnes
se
situe
dans
le
prolongement
théor ique
de
l'intervention
d' humani té,
en
ce
que
les
Etats
qui
interviennent
le
font
pour
la
préservation
du
droit
humain, pour la préservation des droits
erga omnes.
De plus,
ce
concept
a
une
ascendance
jurisprudentielle
importante
l'auteur
cite
l'avis
de
la
C.I.J.
du
28
mai
1951
sur
les
réserves à la convention sur la prévention et la répression du
crlme de génocide,
les
espèces
jurisprudentielles de 1962 et
1966 sur
le
Sud-Ouest Africain
il
faudrait
ajouter à
cela
les
conséquences
conceptuelles
que
la
Commission
du
droit
international
des
Nations
Unies
a
déduites
de
l'arrêt
en
l'affaire Barcelona Traction pour l'élaboration de son
projet
(280) WEIL, P. Vers une nonativité relative en droit international? in R.G.D.I.P. 1982, n' 1, p.
30-31. Voir aussi, en ce sens,l'opinion dissidente du juge wINIARStI, C.I.J. Rec. 1962, affaire
du Sud-ouest africain, p. 451-458.
( 281) MERON, T. BUlan rights and hUianitarian nons as custolary law Clarendon press, Oxford, 1989,
p. 188-201.

-
242 -
sur
la
responsabilité
internationale des
Etats,
de même que
les conséquences tirées
par
l'Institut de
Droit International
(282).
Dans
le
registre
des
antécédents
à
la
position de
la
C.I.J.
en
1970
à
propos
des
ob1ïgations
erga
omnes,
on
doit
mentionner
les
contributions
théoriques
du
juge
JESSUP.
Aux
grandes
causes
humani taires,
comportant
par
nature
des
obligations erga omnes,
il ajoute le système de protection des
minorités,
la
protection
internationale
des
droits
des
travailleurs
dans
le
cadre
de
l'O.I.T.,
le
système
international des
mandats
(283).
Ainsi,
les obligations erga
omnes ne seraient pas une catégorie récente
;
le nom peut-être
excepté,
elles
existeraient
depuis
fort
longtemps,
depuis
l'époque de GROTIUS selon le professeur MERON (284).
2 - Contenu matériel de la catégorie
Quel
est
le
contenu
matériel
de
la
catégorie
des
obligations
erga omnes
?
Quelles obligations
peuvent revêtir
ce
caractère
dans
le
corpus
du
droit
international
contemporain ?
Pour le professeur WEIL,
"l'identification des
obligations
erga
omnes
n'est
pas
aisée"
(285).
certes,
au
paragraphe
34
de
son
arrêt
de
1970,
en
l'affaire
Barcelona
traction,
la
cour
énumère
certaines
matières
du
droi t
international
dont
les
normes
créent
des
obligations
erga
omnes
(interdiction
des
actes
d'agression,
de
génocide,
de
discrimination
raciale,
d'esclavage)
mais
cette
liste
ne
saurait être considérée comme exhaustive
;
elle est
purement
indicati ve.
Ce
qui
est
incontestable,
c'est
que
les
règles
relatives aux droits de l'homme créent
des
obligations
erga
(282) En ce qui concerne l'Institut de Droit International (I.D. I.), voir les rapports de H.
SPERDUTI in A.I.D.I. Vol. 63-1, 1989, p. 329-436 j et A.I.D.I. Vol. 63-2, 1992, p. 223-291.
(283) Voir C.I.J. Rec. 1962, p. 425-m et C.I.J. Rec. 1966, p. 286-287.
(284) Voir aanuel cité.
(285) WEIL, P. op. dt. p. 32.

- 243 -
omnes.
si
toutefois
l'on
voudrait
avoir
des
critères
permettant de déterminer des obligations
internationales erga
omnes,
il convient de suivre le raisonnement de la cour elle-
même,
dans
les
paragraphes
33
et
34
de
son
arrêt.
Tout
d'abord,
les obligations erga omnes sont "les obligations des
Etats envers la communauté internationale dans son ensemble" ;
de
telles
obligations
lient
tout
Etat vis-à-vis
de
tous
les
autres
Etats
réunis
dans
le
cadre
d'une
"communauté
internationale"
c'est
cette
communauté
juridiquement
personnifiée
qui,
vis-à-vis
de
tout
Etat
pris
indi viduellement,
est
fondée
à
réclamer
l ' accompl issement
de
ces obligations,
ou tout Etat membre de cette communauté dans
le cadre de procédures institutionnelles organisées au sein de
la dite communauté. Seul un recours objectif de ce type serait
compatible
avec
la
nature
erga
omnes
des
obligations
en
question,
aucun Etat pris individuellement n'ayant un intérêt
subjectif à ce qu'une obligation erga omnes soit respectée. En
ce
qui
concerne
l'institutionnalisation
de
la
communauté
internationale en tant que sujet de droit, ce problème demeure
presque entier (286). De toutes manières, en rendant tout Etat
comptable des obligations erga omnes qui pèsent sur lui devant
"la
communauté
internationale
dans
son
ensemble",
c'est
une
façon
de
"sonner
le
glas
du
bilatéralisme
étriqué
et
de
l'égoïsme au profit d'une
protection universelle de certaines
normes fondamentales" (287).
Après
ce
premier
élément
de
caractérisation
de
l'obI igation
erga
omnes,
la
cour
en
énonce
deux
autres,
de
façon cumulative :
"vu l'importance des droits en cause,
tous
les Etats peuvent
être
considérés
comme
ayant
un
intérêt
(286) Voir à ce sujet, entre autres CHEMILLIER-GEBDREAV, H. L'hulanité peut-elle être un sujet de
droit international? in Actes, Les cahiers de l'action juridique n' 67-68, septeabre 1989,
p. 14-18.
(287) WEIL, P. op. cit. p. 32.

-
244 -
juridique
à
ce
que
ces
droits
soient
protégés".
Donc
d'une
part,
une
norme
crée
une
obI igation
erga
omnes
lorsque
son
objet
a
une
importance
capitale
pour
la
communauté
internationale. A côté de cette importance de la norme,
il y a
la
particularité
du
reg~me
juridique
de
la
responsabilité
internationale
encourue
par
l'Etat
qui
viole
une
obligation
erga omnes. Nous rejoignons ainsi parfaitement le régime prévu
pour
la
violation
des
normes
objectives.
Son
caractère
essentiel pour la communauté internationale,
la spécificité du
régime de la responsabilité en cas de violation : voilà ce qui
fai t
le
propre
d'une
obligation
erga
omnes.
si
l'on
tient
compte des travaux de codification de la Commission du Droit
International sur la responsabilité
internationale des Etats,
on
pourrait
soutenir
qu'une
obligation
erga
omnes
se
caractérise
aussi
par
le
fait
que
sa
violation
est
constitutive
d'un
crime
international.
Cette
dernière
perspective
rapproche
les
obligations
erga
omnes des normes de jus cogens (288).
B - Le fondement juridigye des obligations erga
Omnes
S'interroger
sur
le
fondement
juridique
des
obligations
erga
omnes,
c'est
en
fait
chercher
d'où
elles
tirent, au-delà des considérations éthiques,
leur opposabilité
aux Etats membres de la communauté internationale : Sont-elles
des
obligations
assumées
en
vertu
de
conventions
internationales ou des obligations qui s'imposent aux Etats en
vertu du droit international coutumier ?
(288) Sur le jus cogens en général, voir VlRALLY, M. RéflelÎons sur le jus cogens. A.F.D.!., 1966,
p. 5-29 ; Golez ROBLEDO, A. le jus cogens international : sa genèse, sa nature, ses fonctions.
R.C.A.D.I., 1982-3, vol. 172, p. 9-217. Sur les rapprochelents cOlparatifs entre les deux
notions, voir: pour les assililer l'une à l'autre DUPUY, P.M. Le fait générateur de la
responsabilité internationale des Etats. R.C.A.D.I., 1984, V. p. 98 ; et NGOYEN QOOC DINH, op.
cit. p. 251. Pour les distinguer: SUDRE, F. lanuel cité, p. 52 ; et C.D.I. in A.C.D.I., 1976,
vol. II, 2èle partie, p. 111.

-
245 -
1 - L'incertitude sur le fondement coutumier ou
Conventionnel.
La
C. l . J .,
dans
l'arrêt
Barcelona
Traction,
donne
des
éléments
de
réponse
à
cette
question.
Elle
déclare
."
certains droits de protection correspondants
(aux obligations
erga omnes)
se sont intégrés au droit international général
;
d'autres
sont conférés
par des
instruments
internationaux de
caractère
universel
ou
quasi-universel"
(289).
Si
l'on
comprend bien l'argumentation de la Cour, des obligations erga
omnes peuvent être
soit coutumières,
soit conventionnelles
;
les deux sources semblent contribuer également à
donner
aux
obligations
erga
omnes
leur
fondement
et
leur
spécificité.
Toutefois,
peut-on
penser, lorsqu'elles
découlent
des
instruments conventionnels,
les obligations ne deviennent erga
omnes
que
si
les
instruments
qui
les
consacrent
sont
universellement ou quasi-universellement acceptés
la nature
erga
omnes
de
l'obligation
semble
liée
à
l'universalité
de
l'acceptation
de
la
norme
qui
la
fonde.
Cela
peut
sembler
difficilement
compatible
avec
l'importance
objective
de
l'obligation,
qui
est
aussi
pourtant
un
élément
de
caractérisation de l'obligation erga omnes.
De toutes manières
la
doctrine,
s'inspirant
de
l'arrêt
de
la
Cour,
distingue
selon les termes du Professeur MERON,
entre les "Conventional
erga
omnes"
et
les
"customary
erga
omnes"
(290).
Dans
le
premier
cas,
c'est
la
participation
d'un
Etat
au
système
conventionnel
qui
le
fonde
à
exiger
d'une
autre
partie
au
système le respect des obligations souscrites en vertu de ce
système selon les procédures prévues par ce système
; dans le
deuxième
cas,
en
revanche,
il
suffit
que
la
norme
existe
coutumièrement pour que tout Etat puisse en exiger le respect
(289) C.I.J., Rec. 1970, p. 33 Les tenes entre parenthèses sont de l'auteur.
(290) MERON, T. Manuel cité, p. 194-195.

- 246 -
de la part de tout autre Etat. Quand on connaît l'incertitude
qui
entoure
le
processus
de
cristallisation
de
la
norme
coutumière,
on
ne
peut
qu'être
réservé
sur
le
fondement
coutumier
des
obligations
erga
omnes.
Selon
le
Professeur
MERON,
"the
most
obvious
significance
of
a
norm's
customary
character is that the norm binds states that are not parties
to
the
instrument
in
which
that
norm
is
restated"
(291)
;
fonder donc
coutumièrement des
obligations
erga
omnes,
c'est
s'engager dans un processus
relativement
incertain et sur un
terrain
mouvant,
c'est
aussi
relativiser
grandement
l'importance de la norme
conventionnelle (292). Le Professeur
MERON
exprime
clairement
cette
relativisation
du
processus
conventionnel,
lorsqu'il
é c r i t "
as
human
rights
and
humanitarian norms evolue and expan,
it is no longer adequate
rhetorically
to
invoke
human
rights
instruments
what
is
needed is the proper gronding of their binding nature as norms
of
international
law"
(293).
Il s'agit là,
suivant le mot du
Professeur WEIL, d'un processus de "déconventionnalisation des
règles conventionnelles"
(294).
Dans son opinion individuelle
de
1962
sur
l'arrêt
de
la
C. 1. J.
en
l'affaire
du
Sud-Ouest
Africain,
le
juge
JESSUP
avait
déjà
noté
que
si,
pour
des
motifs humanitaires,
"des Etats ont fait valoir des
intérêts
juridiques
en
se
fondant
sur
un
traité
( ... ),
en
d'autres
occasions,
l'affirmation d'un
intérêt
juridique
s'est
fondée
sur
les
principes
généraux
du
droit
international"
(295).
A
côté des normes
coutumières,
des
principes généraux du droit
international, d'autres auteurs poussent toujours plus loin la
volonté
d'affranchir
les
obligations
erga
omnes
des
règles
conventionnelles. Ainsi, le Professeur SPERDUTI
écrit:"
les
(291) MERON, T. Manuel cité, p. 194-195.
(292) Cette perspective est inquiétante. voir, WEIL, P. op. dt p. 40-44.
(293) MERON, T. op. cit. p. 247
(294) ilEIL, P. op. cit. p. 42.
(295) C.I.J. Rec., 1962, p. 425.

-
247 -
obligations
solidaires
sont
réglées
soit
par
des
traités
collectifs soit par des principes s'inscrivant,
avec la force
des
convictions
de
moralité
positive,
dans
la
conscience
juridique
universelle"
(296).
Si
le
réflexe
éthique
fondamental qui
inspire de telles formulations
est absolument
hors de
cause,
il
n'est
malheureusement
pas
certain
que ces
dernières ne contribuent pas à
augmenter la confusion dans le
domaine des sources du droit
international.
On peut du reste
constater que ces formulations de M. SPERDUTI
ont
reçu
un
accueil
plutôt réservé,
voire hostile,
tout au moins au sein
de l ' Insti tut du Droit International.
En effet,
de
l'avis de
M.
DE VISSCHER,
"compte
tenu
des
positions
doctrinales
très
variées qui
règnent au sein de l'Institut quant au fondement
du caractère obligatoire du droit international et quant à
la
nature de ses sources,
je crains que nous n'aboutirons pas si
le
débat
doit
être
engagé
sur
le
terrain
mouvant
des
"principes de moralité internationale"" (297).
(296) SPEROOTI, G. Les obliqations solidaires en droit international, op. cit. p. 274. La lête idée
est reprise par l'auteur dans son rapport à l'Institut du Droit International sur la sauvegarde
des droits de l'holle et le principe de non-intervention dans les affaires intérieures des Etats
A.I.D.I. 1989, Vol. 63-1, p. 355 et p. 357.
(297) DE VISSCBER, P. Observations sur le rapport de M. SPEROOTI, A.I.D.I. vol. 63-1, 1989, p. 360.
Dans le lêle sens, et dans le lêle volute, voir SABOVIC, M.P. p. 374 et TENEKIDES, G. : "II te
selble difficile d'ajouter aux sources du droit international telles qu'elles sont énUJérées
dans l'article 38 du statut de la C.I.J., celle à laquelle vous vous référe~ dans votre rapport,
à savoir "les principes reconnus de la IOralité internationale" dont le contenu est fort
difficile sinon ilpossible à déterliner. Bien que personne ne soit opposé à une lora1isation
progressive des rapports interétatiques, (... ) il serait à Ion avis hasardeux d'introduire dans
le droit international de nouveaux éléaents d'incertitude" p. 371.

-
248
-
2 - La concurrence des fondements coutumier et
conventionnel.
L'étude du fondement
juridique des obligations erga
omnes
pose
le
problème
des
rapports
entre
les
" c onventional
erga omnes" et les "customary erga omnes".
Car,
comme l'écrit
le
Professeur
MERON,
"the
question
of
whether
the
remedies
provided under human rights treaties, customary law, and other
treaties applicable ta the states concerned are cumulative or
excl usi ve
of
each
other
is
very
important" (298) •
Cette
question est très importante,
en effet,
pour la problématique
générale qui est l'objet de notre étude. S'appuyant sur l'avis
de la C.I.J.
de 1951, concernant les réserves à
la Convention
sur le Génocide, dans lequel il était énoncé que les principes
à
la
base
de
ladite
convention
"sont des
principes
reconnus
par
les
nations
civilisées
comme
obligatoires
pour
tous
les
Etats, même en dehors de tout lien conventionnel", des auteurs
accordent
à
la
source
conventionnelle
des
obligations
erga
omnes
une
importance
moindre
par
rapport
à
la
source
coutumière.
Pour M.
SPERDUTI,
"la source conventionnelle n'est
pas, de par sa nature, apte à donner elle-même naissance à des
droits
fondamentaux
( ... ),
à
savoir des droits qui
remontent
dans
leur
origine
à
des
normes
de
jus
cogens
international.
Des
accords
internationaux
peuvent,
en
revanche,
donner
une
aide précieuse en ce qui concerne ces droits,
entre autres en
les
formulant
convenablement
dans
les
dispositions
que
ces
accords contiennent" (299).
Cette
vision
instrumentale
de
la
. source
conventionnelle ne nous semble pas avoir
été
donnée
par
la
(298) MERON, T. lanuel cité p. 230.
(299)
SPERDUTI, G. Rapport précité à l'Institut du Droit International, 1989, vol. 63-1, p. 330.

-
249 -
C.I.J.
dan son arrêt en l'affaire des activités militaires au
Nicaragua. Ce dernier Etat ayant été accusé par le Congrès des
Etats-Unis
d'Amérique
de
violer
les
droits
de
l'homme,
la
C. I. J .
décide
d'approfondir
ce
point
"indépendamment
de
l'existence d'un
"engagement
juridique"
pris par le Nicaragua
envers
l'Organisation
des
Etats
Américains
de
respecter
ces
droits"
(300)
La
Cour
va
dès
lors
énoncer
une
double
proposition qui
éclaire
d'une
lumière
nouvelle
les
relations
entre
les
"Conventional
erga
omnes"
et
les
"customary
erga
omnes".
Elle déclare que "l'inexistence d'un
(tel)
engagement
ne signifierait pas que le Nicaragua puisse violer impunément
les droits de l'homme. Toutefois,
quand les droits de l'homme
sont
protégés
par
des
conventions
internationales,
cette
protection
se
traduit
par
des
dispositions
prévues
dans
le
texte
des
conventions
elles-mêmes
et
qui
sont
destinées
à
vérifier ou à assurer le respect de ces droits" (301). Pour ce
qui nous concerne, non seulement cette position de la Cour est
une
interprétation
éclairante
de
l'apparente
contradiction
entre
les
paragraphes
33-34
et
91
de
l'arrêt
Barcelona
Traction,
mais en plus elle répond de
façon
non-équivoque au
problème posé par le Professeur MERON. La première proposition
ne
peut
se
comprendre
que
si
elle
postule
l'existence
d'obligations
coutumières
en
matière
de
droits
de
l'homme.
Elle est cependant assez vague car, si elle dit très justement
que l'absence d'obligation conventionnelle formelle
n'est pas
synonyme
de
garantie
d'impunité,
les
modalités
pratiques
visant à
ne
pas
laisser
"impunies"
les violations des droits
de
l'homme
ne
sont
pas
précisées.
Cette
imprécision
des
modal i tés
pratiques
de
la
protection coutumière
impl ique,
et
c'est le sens de la deuxième proposition,
que lorsqu'un texte
conventionnel a concrètement organisé les modalités juridiques
(300) C.I.J., Rec. 1986, Paragraphe 267.
(301) C.I.J. Rec. 1986, Ide••

-
250
-
destinées
à
éviter l'impunité
des
violations,
ces
modalités
non
seulement
prévalent
sur
les
éventuelles
modalités
coutumières,
mais
même,
peut-on
penser
s'appliquent
de
façon
exclusive
dans
le
cadre
du
système
conventionnel
concerné.
si
l'on suit le raisonnement de
la Cour,
il n'y a
pas de situation concurrentielle entre les
"conventional erga
omnes" et les " c ustomary erga omnes". Dès lors que, en matière
de
droits
de
l'homme,
les
prem1eres
sont
consacrées,
les
secondes semblent disparaître,
sans pouvoir conserver un rôle
résiduel ou supplétif quelconque
: si les premières n'existent
pas, on se résigne alors à
recourir aux secondes,
avec toutes
les
difficultés
pratiques
que
leur
imprécision
et
leur
élastici té comportent.
De toutes
manières,
on ne
peut suivre
totalement le Professeur HENKIN lorsqu'il écrit que "Dnless i t
is clearly
indicated
that convention
remedies
are
exclusive,
the presumption should be that they are not,
and conventions
should be interpreted accordingly" (302).
Les mécanismes
juridiques d'objectivation des normes
relatives aux droits de l'homme étant étudiés,
il y a lieu de
s'intéresser
plus
amplement
aux
conséquences
théoriques
de
cette objectivation.
(302) HENKIH, L. Observations sur le rapport de M. SPERDUTI à l'Institut du Droit International
A.I.D.I., 1989, vol. 63-1, p. 416. Cette position de M. HENKIH peut se co.prendre si elle
signifie qu'en cas d'inefficacité des procédures conventionnelles, d'autres procédures peuvent
être essayées, conforlé.ent au droit international. En revanche, elle ne peut re.ettre en cause
la priorité exclusive du recours au~ procédures conventionnelles, lorsqu'elles existent, par
rapport à toute autre procédure.

-
251 -
Sous-section II - Les conséquences théoriques de
l'objectivation des obligations relatives
aux droits de l'homme
Les conséquences de
l'objectivation des
obligations
relatives aux droits de
l'homme concernent essentiellement la
sanction des violations de ces obligations,
et donc le régime
de
la
responsabilité
internationale
pour
ces
violations.
Ce
qu'on
peut
constater,
c'est
qu'à
l'objectivation
des
obligations
souscrites
semble
correspondre,
de
façon
encore
imparfaite, une objectivation de la responsabilité encourue du
fai t
de
leur
violation.
Nous
étudierons
successi vernent
l'objectivation du préjudice subi du fait de la violation des
droits de l'homme,
l'objectivation de l'intérêt à
l'action en
responsabilité
pour
violation
des
droits
de
l'homme
;
un
accent particu1 ier sera mis sur l'idée d' actio popularis pour
la protection des droits de l'homme.
Paragraphe 1
L'objectivation de la responsabilité
internationale pour violation des nOrmeS
relatives aux droits de l'homme
La
mutation
de
la
conception
des
notions
de
préjudice et d'intérêt témoignent de cette objectivation.
A - L'objectivation du fait générateur de la
responsabilité internationale pour violations
des droits de l'homme
Il
est
essentiellement
question
ici
d'étudier
les
mutations
théoriques
profondes
qui
traversent
l'idée
de
préjudice dans la théorie de la responsabilité internationale,
celles-ci déteignant sur le domaine des droits de l'homme.

-
252 -
1 - Le dOmmage : condition de la responsabilité
internationale
Le
droit
classique
de
la
responsabilité
internationale
est
un
droit
calqué
sur
la
société
internationale
qU'il
régit
et
qui
lui
sert
de
support
sociologique
un
droit
d'une
société
de
souverainetés
juxtaposées.
Dans
un
tel
contexte,
le
droit
de
la
responsabilité se borne à assurer une régulation pacifique des
rapports entre Etats, en veillant à ce que celui qui a subi un
préjudice du
fait
de
l'action d'un autre,
puisse
en obtenir
réparation.
c'est
un
droit
de
la
responsabilité
à
finalité
restitutive, un droit de la réparation (quelles que soient par
ailleurs
les modalités pratiques de celle-ci
;
restitutio
in
integrum,
indemnisation
équivalente,
satisfaction,
etc
... ).
c'est
l'idée
de
réparation
qui
donne
au
droit
de
la
responsabilité
internationale
classique
sa
cohérence
et
son
unité.
En somme,
chaque règle de droit international, en même
temps
qu'elle
crée
des
droits
pour
les
uns,
crée
des
obligations pour les autres,
de sorte que toute violation de
la
règle
est
nécessairement
préjudiciable
à
un
ou
plusieurs
sujets de droit. On comprend donc l'importance
du préjudice,
du
dommage
matériel,
constatable
et
individualisé
dans
la
théorie classique de la responsabilité.
Si la finalité est la
réparation,
celle-ci
suppose
absolument
un
dommage,
un
préjudice
souffert
par
la
partie
demanderesse.
En
l'absence
d'un
tel
dommage,
l'action
en
responsabilité
n'a
pas
de
cohérence logique.
Une violation du droit ne
fonde
l'action
en
responsabilité
que
si
celui
qui
l'intente
en
a
subi
un
préjudice
constatable.
Comme
le
note
un
auteur,
"la
responsabilité
pour
manquement
à
une
règle
de
droit
international
demeure
purement
théorique
si
le
fait
internationalement illicite n'a causé aucun préjudice"
(303).
(303) NGUYEH QUOC DINH et Alii, Droit international public, op. cit. p. 694.

-
253 -
L'intégrité du droit
international
en
lui-même n'est pas
ici
une
fin
en
soi
les
Etats
ont
seulement
intérêt
à
ce
que
leurs droits à eux ne soient pas méconnus dans des situations
particulières, dans leurs rapports mutuels.
Le droit classique
de
la
responsabilité
est
un
droit
de
la
réciprocité
des
engagements,
c'est
un
droit
protégeant
des
intérêts
subjectifs.
Le
préjudice
doit avoir
été causé
à
un sujet du
droit international pour que la responsabilité puisse produire
des effets (304).
Dans
cette
construction,
le
problème
de
la
protection
des
intérêts
objectifs
de
la
communauté
internationale,
des
droits
de
l'homme,
le
problème
de
la
responsabilité
découlant
de
leur
violation,
demeurent
marginaux,
quasi-inexistants.
Certes,
selon le mot de
la Cour
européenne
des
droits
de
l'homme,
les
engagements
conventionnels relatifs
aux droits de
l 'homme sont en partie
des
"engagements
synallagmatiques
bilatéraux",
mais
il
est
vrai aussi que le fait pour un Etat d'y souscrire (à la partie
purement normative en tout cas)
n'a pas pour effet équivalent
d'octroyer
aux
autres
cocontractants
des
avantages
particuliers :
l'engagement met d'abord face à face l'Etat et
les individus qui vivent sur son
territoire,
à
commencer par
ses
nationaux.
Aucun
Etat
ne
pouvant
souffrir
de
dommage
particulier du
fait
de
la
violation d'un
tel
engagement,
le
droit classique de
la responsabilité
ne semble pas connaître
de responsabilité internationale pour violation des droits de
l'homme tels qu'on les entend aujourd'hui.
Tout au plus peut-
on voir dans
l ' insti tution de
la
protection diplomatique des
balbutiements en ce sens.
Toutefois,
là encore,
la situation
classique se retrouve : l'Etat qui prend fait
et
cause
pour
(304) REDTER, P. Le dOllage cOlle condition de la responsabilité internationale, in lélanges Miaja
de la Muella, Madrid, 1979, Vol. rI, p. 837.

-
254 -
son ressortissant,
non seulement exerce un droit propre,
mais
aussi
n'exerce ce droit que si son ressortissant est victime
d'un préjudice, d'un dommage matériellement constatable (305).
2 - De la notion de dommage à l'idée d'acte illicite
Devant
cette
réduction
pragmatique
et
réaliste
du
champ de
la responsabilité
internationale
à
la
réparation du
préjudice subi,
il est compréhensible que,
voulant prendre en
compte les indéniables développements de la coopération et de
la
solidarité
internationales
dans
plusieurs
domaines,
des
théoriciens du droit international veuillent élargir la notion
de
préjudice,
en
l'affranchissant
de
l'idée
conceptuellement
connexe
de
dommage,
en
l'identifiant
au
concept
de
fait
internationalement illicite
(306).
La philosophie du droit de
la
responsabilité
internationale
en
gestation
au
sein
de
la
C.D.I.
des
Nations unies,
inspirée
pour
beaucoup
par
le
professeur AGO, vise à modifier, ou en tout cas à compléter la
finalité de l'approche classique: à l'idée de réparation, est
en train de s'ajouter l'idée de sanction,
l'idée de protection
de la norme
internationale en tant que telle.
Le but est de
parvenir
à
une
sorte
de
préjudice
objectif,
ne
mettant
aucunement en
jeu les intérêts de l'Etat réclamant,
préjudice
résultant
simplement
du
manquement
à
une
règle
de
droit
international,
de
l'établissement à
la charge d'un
Etat d'un
fai t
internationalement
illicite,
indépendamment
de
ses
conséquences
dommageables
concrètes.
L'objectivation
du
(305) Voir C.P..,[.1. Affaire des concessions Havrolatis en Palestine. Publications, Série A, n' 2,
1924.
( 306) Voir ~ ce sujet les différents rapports du professeur 1.00 à la couission du droit
international de l'O.N.O. Voir notallent A.C.D.I. 1979, Vol. II, 1ère partie, p. 96-152.

-
255 -
préjudice
tient
à .la
défini tian
objective
du
fait
illicite
(307). Ce dernier se présente désormais comme un manquement au
droit,
par
le
simple
constat
de
l'incompatibilité
de
la
conduite
avec
la
règle
de
droit
international.
Des
idées
semblables
sont
déjà
exprimées
par
le
juge
JESSUP
dans
son
opinion
individuelle
sur
l'affaire
du
Sud-Ouest
Africain
(308).
Mr.
EUSTATHIADES pense quant à
lui
qu'il
est possible
pour une communauté conventionnelle, de "mettre en application
une
responsabilité
internationale
étatique
afin
de
garantir
l'application du droit objectif.
En pareil cas, il n'est point
nécessaire qu'un dommage
tangible
porté directement à
l'Etat
partie à la convention ou en la personne de ses ressortissants
ait été causé ... " (309).
La
conceptualisation
d'une
responsabilité
internationale
objective
soulève
la
question
générale
de
savoir
s'il
y
a,
pour
chaque
membre
de
la
société
internationale,
un droit à ce que le droit international soit
respecté en général,
en dehors de tout lien conventionnel.
Il
a été répondu en doctrine que s'il pouvait y avoir intérêt à
ce que le droit international soit conservé dans son intégrité
par tous, il n'y avait point là
de
droit
quelconque
(310).
Cependant,
cette
opinion
n'est
pas
unanimement
partagée.
Le
Professeur MERON
écrit
que
"damage
is
(thus)
an
element
(307) L'article 3 du projet de la C.D.. !. sur la responsabilité internationale des Etats stipule
qu'"iI y a fait internationaleaent illicite de l'Etat lorsque: a) un cOlporteaent consistant en
une action ou en une olission est attribuable d'après le droit international ; et b) ce
cOlporteaent constitue une violation d'une obligation internationale de l'Etat".
(308) C.!.J. Rec. 1962, p.. 426.
( 309) EUSTATBlADES, C. T. Les sujets du droit international et la responsabilité internationale :
nouvelles tend4Dces, R.C.A.D.l. 1953, III, T. 84 p. 535.
(310)
Voir BOLLECKER-STERN, B. Le préjudice dans la théorie de la responsabilité internationale.
Notallent, chap.[[ : l'Etat a-t-il un intérêt juridique à voir le droit international respecté
en lui-têle ? p. 50-90. Paris, Pedone 1973.

-
256 -
inherent in the breach of an international norm
;
indeed,
any
breach
of
an
international
obligation
involves
some
kind
of
in jury
to
another
state"
(310
bis).
Dans
cette
seconde
perspective,
tout Etat a
le droit de protéger l'intégrité du
droi t
international,
ce
qui
semble
quelque
peu
excessif
et
très
abstrait.
Or,
il
semble
que
la
Commission
du
Droit
International des Nations Unies ait étendu cette théorisation
très abstraite au domaine des droits de l'homme.
Consacrés par
des
conventions
multilatérales,
leur
violation
semble
devoir
aboutir à
une
mul t i latéral isation du
pré judice,
à
travers
la
définition de la notion d'''Etat lésé" du fait de la violation
d'un traité multilatéral
(311).
Dans
le texte de
l'article 5
adopté
provisoirement
par
la
C.D.I.
à
sa
trente-septième
session,
il
est
stipulé
au
paragraphe
2
que
"l'expression
"Etat lésé"
désigne
:
( ... )
e)
si
le
droit
auquel
le
fait
d'un
Etat
porte
atteinte résulte d'un traité multilatéral
ou
d'une règle du droit international coutumier,
tout autre Etat
partie
au
traité
multilatéral
ou
lié
par
la
règle
du
droit
international coutumier lorsqu'il est établi:
( ... )
iii)
que
le
droit
a
été
créé
ou
est
reconnu
pour
la
protection
des
droits de l'homme et des libertés fondamentales" (312). Compte
(3 l0bis) MEROlI, T. Manuel cité, p. 207-208.
(311) IlU'fCHIlISOlI, D.lI. Sodidarityand breaches of lultilateral treaties. B.Y.B.LL., 1988, L.LX.
p. 181.
(312) Voir A.C.D.I., 1985. vol. II, p. 25. La lention de la source coutUlière ne figurait pas dans
le texte proposé par Kr RIPBAGElI dans son sixièle rapport. A.C.D.I., 1985, vol. l, p. 85 et s.
Dans ledit rapport, Kr RIPBAGEII s'est borné à lentionner dans l'article 5 d) où il était
proposé un élarqisse.ent du groupe d'Etats lésés par un acte internationalelent illicite, le
cas spécifique des traités lultilatéraux. Quant aux violations des norleS coutUlières, M.
RIPHAGEK écrivait qu'"une règle de droit international coutUlier ne crée pas ou ne reconnaît
pas, nécessairelent en faveur d'un Etat (et encore loîns en faveur de tous les Etatsl, un droit
dont la violation ferait de cet Etat un "Etat lésé". C'est le COlité de rédaction qui aurait
opéré l'ajout de la source coutUlière. Voir SICILIANOS-LIlIOS, A. Les réactîons décentralisées à
l'illicite .•• op. cit. p. 116.

-
257 -
tenu
des
incertitudes
qui
subsistent
au
sujet
du
processus
d'élaboration
de
la
norme
coutumière
internationale,
et
du
fait de son assimilation très souvent à la catégorie large de
droit
international
général,
son
introduction dans
le
projet
de la C.D.I. ne manque pas de
susciter
quelque
malaise.
Il
aurait
été
préférable
de
se
limiter
à
la
source
conventionnelle,
claire
et
objective.
Quoiqu'il
en
soit,
l'intérêt
à
la
protection
des
droits
de
l'homme,
à
la
protection des particuliers quelle que soit leur nationalité,
est un intérêt qui s'objective toujours davantage.
Commentant
le sous-alinéa e,
iii)
du paragraphe 2 de l'article 5 de son
projet d'articles,
la C.D.I.
déclare qu'il
"traite des règles
de droit
international,
de plus en plus nombreuses,
qui
font
aux Etats obligation de respecter les droits de l'homme et les
libertés
fondamentales.
Les
intérêts
que
protègent
ces
dispositions
ne
sont
pas
des intérêts propres à tel ou tel
Etat, d'où la nécessité de considérer d'emblée comme Etat lésé
tout autre Etat partie à la convention
multilatérale
ou
lié
par
la
règle
de
droit
coutumier
dont
i l
s'agit"
(313).
Ce
commentaire
nous
introduit
à
la
question
de
l'intérêt
à
l'action en responsabilité du fait de la violation des normes
objectives ou des obligations erga omnes.
B - L'objectivation de l'intérêt à l'action en
responsabilité.
C'est
la
conséquence
logique
de
l'objectivation du
préjudice,
clairement
établie
en
doctrine.
Ainsi,
le
Professeur DUPUY écrit: "dans la mesure ( ... ) où i l ne s'agit
(313) A.C.D.I., 1985, Vol. II 2èle partie, p. 26, La C.D.I. circonscrit cependant le chalp
d'application de l'alinéa e, iii du paragraphe 2 de l'article 5 du projet d'articles. Voir
A.C.D.I. 1985, Vol. II 2èle partie, p. 27. Il en ressort qu'en dehors des systèles régionaux de
protection des droits de l'holle et des libertés fondalentales, cet alinéa ne s'appliquerait
qu'en cas de violations ilportantes des droits de la personne hUiaine. En ce sens, voir
SICILIAHOS-LIHOS, A. op. cit. p. 118.

-
258 -
plus
(ou
plus
seulement)
de
réparer
des
dommages
matériels,
mais de rétablir
la
légalité,
il
suffira d'étendre
la portée
de
l'obligation
juridique
violée,
en
lui
conférant
une
importance
cardinale
pour
l'ensemble
des
membres
d'un
groupe
légalement
défini
(le
plus
souvent
par
voie
conventionnelle)
et l'on conférera du même coup à chacun d'entre eux un intérêt
objectif
à
la
restauration
du
droit"
(314).
De
même
que
le
préjudice
a
été
multilatéralisé,
l'intérêt
à
l'action
en
responsabilité
se
trouve
lui
aussi
élargi
de
façon
considérable. Comme l'écrit le Professeur MERON,
"when astate
breaches
an
obligation
erga
omnes,
i t
injures
every
state,
including
those
not
specially
affected.
As
a
victim
of
a
violation of the international legal
arder,
every
state
is
therefore competent ta bring actions
against
the
breaching
state"
(315).
cette
défense
de
l'ordre
public
international
trouve
son
fondement,
soit
dans
des
systèmes
conventionnels,
soi t
dans des normes
coutumières,
même si
selon le
juge Kéba
MBAYE
"si
l'on
peut
admettre
qu'un
Etat
ait
aujourd'hui
un
intérêt
juridique
à
agir
en
justice
pour
défendre
une
norme
internationale
du
droit
coutumier,
il
faut
bien
reconnaître
qu'on
est
plus
à
l'aise
pour
le
faire
si
l'action
prend
sa
source
dans
la
violation
d'une
disposition
d'un
traité
multilatéral" (316)
.
En conclusion, si aujourd'hui il est de plus en plus
admis qu'un
Etat,
quoique non directement
lésé du
fait de la
violation d'une norme objective ou erga omnes,
puisse prendre
des mesures à l'encontre de l'Etat auteur de la violation,
il
(314) DUPUY, P.M. Le fait générateur de la responsabilité internationale des Etats R.C.A.D.L, 1984,
v. p. 98.
(315) MERON, T. op. dt. p. 191, et aussi p. 31-32.
e316) HBAYE, K. L'intérêt pour agir devant la C.l.J. R.C.A.D.l. 1988, II,
T.209, p. 298.

-
259 -
reste à déterminer les formes et les modalités de ces mesures.
si
l'on
suit
le
cheminement
précédemment
décrit,
on
semble
aboutir à la possibilité d'une actio popularis pour la défense
des droits de l'homme. Pour notre part, cette perspective nous
semble souhaitable.
Cependant,
il
nous
faut vérifier si
elle
fait déjà partie du droit positif et surtout clarifier ce que
l'on
entend
par
actio
popularis,
les
opinions
doctrinales
paraissant parfois équivoques sur la question.
Paragraphe 2
Le problème de l'ftactio popularisft pour la
protection internationale des droits de
l'houe.
Depuis
l'arrêt de
la
C.I.J.
en
l'affaire
Barcelona
Traction, peu de
termes
ont
connu
une
faveur
auprès
des
auteurs
s'intéressant
à
la
protection
internationale
des
droits
de
l'homme
comme
celui
d'actio
popularis.
Traditionnellement,
le
principe
de
l'actio
popularis
en
défense
d'une
norme
consacrée
n'est
pas
une
situation
"normale",
naturelle en droit
international
public.
Comme
le
dit le Juge JESSUP, pourtant partisan de la reconnaissance de
l'actio
popularis
dans
certains. domaines
de
la
matière,
"il
n'y
a
pas
d'actio
popularis
généralement
établie
en
droit
international" (317). Dans son opinion dissidente à l'arrêt de
la
C.I.J.
de
1962
relatif
au
Sud-ouest
Africain,
le
juge
WINIARSKI
déclare
quant
à
lui
qu' "on
a
invoqué
à
cette
occasion une
institution
du
vieux droit pénal
romain
appelée
actio
popularis,
qui
est
cependant
étrangère
aux
systèmes
juridiques
modernes
de
1919-1920
et
au
droit
international"
(318).
si
l'actio
popularis
signifie,
dans
le
cadre
(317) JESSUP, P. C.I.J. Rec. 1966. p. 287.
(318) c.I.J., Rec. 1962, p. 452-453.

- 260 -
international,
que
tout
Etat
a
qualité
pour
introduire
un
recours contre un autre devant un tribunal ou un organe quasi-
juridictionnel international sans qu'il soit besoin que l'Etat
défendeur accepte préalablement la
juridiction du tribunal ou
la compétence de l'organe,
il est certain que cette situation
n'est
pas
la
règle
en
droit
international.
En
effet,
l'obligation de se présenter devant un tribunal
international
pour
un
Etat
ne
relève
pas
du
droit
international
général,
indépendamment
de
tout
engagement
;
la
juridiction
d'un
tribunal international vis-à-vis d'un Etat ne se présume pas,
n'est pas automatique
; actuellement,
elle doit toujours être
explicitement prévue et acceptée par l'Etat en cause. C'est du
reste
le
sens
des
clauses
facultatives
de
juridiction
obligatoire qui existent actuellement en droit international.
Sur
le
problème
de
l'actio
popularis,
la
jurisprudence
internationale
est
demeurée
indécise.
On
a
cru
voir
dans
l'arrêt de la C.P.J.I. sur l'affaire du
vapeur
Wimbledon une
consécration
de
l'actio
popularis
(319).
Toutefois,
cette
façon de voir a été battue en brèche, de façon convaincante à
notre avis,
par d'autres auteurs
(320).
Dans
les affaires du
Sud-Ouest Africain,
l'attitude de la C.I.J. est assez ambiguë:
alors que dans l'arrêt de 1962 on peut sembler percevoir une
ouverture vers la reconnaissance de l'actio popularis pour la
protection
d'un
reg1me
conventionnel
(321)
l'arrêt
de
1966
dissipe toute illusion en ce sens
:
"bien que les membres de
la
S.D.N.
aient
eu,
comme
on
l'a
rappelé
sans
cesse,
un
intérêt
à
ce
que
les
obligations
prévues
par
les
mandats
fussent respectées, ils ne pouvaient, ~u
la
nature
même
du
(319) GRAEFRATR, B. R.C.A.D.L, 1984-II, T. 185.
(320) Voir HUTeRINSON, D.N. Solidarity and breaches of lultilateral treaties, op. dt, op. dt.
p. 183-187.
(321) Voir C.LJ. Rec. 1962, p. 343-344.

-
261 -
système,
faire valoir cet intérêt que par
l'intermédiaire des
organes
compétents
de
la
S.D.N.
et
non
individuellement"
(322).
Bien
que
cette
formulation
ne
soit
pas
un
modèle
de
clarté,
il
est
manifeste
qu'il
y
a

le
rejet
de
l'actio
popular is
pour
la défense
d'un
intérêt commun,
lorsque cette
actio
n'est
pas
expressément prévue dans
le
texte
organisant
le
régime
commun.
Par

même,
il
est entendu qu'on
ne
peut
trouver
dans
la
coutume
internationale
le
fondement
de
l'action popularis.
Quatre années après l'arrêt de 1966 relatif au Sud-
Ouest
africain,
peut-on
dire
que
la
C.I.J.
pense
que
la
Société internationale a
suffisamment évolué
pour
reconnaître
l'actio popular is comme modal i té de protection des
normes
du
droit
international,
et
particulièrement
des
droits
de
l'homme?
L'arrêt
Barcelona
Traction
consacre-t-il
l'actio
popularis ?
A - L'arrêt Barcelona Traction établit-il l'actio
popularis POur la défense des droits
de
l'homme?
La doctrine n'est
pas
unanime quant à
la réponse à
apporter à
cette question.
Certains y
répondent positivement,
d'autres négativement.
1 - Les opinions doctrinales positives
Sur
le
versant
de
la
réponse
positive
à
cette
question,
on
peut
si tuer
l ' Insti tut
du
droit
international,
notamment les rapports présentés par le Professeur SPERDUTI et
(322) Voir C.I.J. Rec. 1966, p. 35.

- 262 -
la résolution qui
en a
été extraite
(323).
Ce qu'on remarque
tout de suite en comparant les énoncés de
l'arrêt de 1970 et
la
résolution
de
l'Institut,
c'est
une
différence
de
formulation,
de
ton,
celui de
la Cour
relevant simplement de
la considération théorique, celui de l'Institut relevant de la
prescription
juridique.
Alors que la Cour,
parlant des droits
créant
des
obligations
erga
omnes,
dit
simplement
que
"tous
les
Etats
peuvent
être
considérés
comme
ayant
un
intérêt
juridique à ce que ces droits soient protégés",
l'Institut dit
dans
l'article
1er
de
sa
résolution
(2ème
paragraphe)
que
"tout Etat a
un
intérêt
juridique à
la protection des droits
de l'homme" i
ce qui n'est pas absolument la même chose (324).
Car ce qui dans un cas n'est qu'une virtualité,
une idée qui
demande à être circonscrite, organisée dans un cadre juridique
clair et accepté,
devient dans l'autre une réalité
affirmée,
une
prérogative
susceptible
d'exercice
par
son
titulaire.
Le
chemin
parcouru
est
important.
Dès
lors
que
l'intérêt
n'est
plus une simple virtualité,
dès qu'il
existe du seul
fait de
l'importance
communautaire
des
droits
en
jeu,
on
n'est
pas
loin
d'une
possibilité
d'actio
popularis.
C'est
avec
raison
que
le
Professeur
DUPUY
écrit,
à
propos
des
travaux
de
l'Institut du Droit International sur les droits de l'homme et
le principe de non-intervention que
"c'est se placer au-delà
des intérêts nationaux, c'est une sorte d'actio popularis, une
manière d'ordre public mondial des droits de
l'homme
qui
se
(323) Le texte de la résolution in A.!.D.!., 1990, vol. 63-II, p. 286-287.
(324) Ce que, du reste, constate H. LALlVE, quand il observe :" pourrait-on éviter la fonule (à la
fois lourde et faible) que "tous les Etats peuvent être considérés cOlle ayant un intérêt
juridique .••• et dire plutôt que ·tous les Etats ont un intérêt juridique évident à ce que ces
droits soient protégés" ? H. LALlVE ajoute que la prelière fOrlule, celle elployée par la Cour,
est ·fâcheuse". in A.l.D.l., 1989, vol. 63-1, p. 429.

-
263 -
trouve
ainsi
affirmée
dans
la
résolution
de
l'Institut
du
droit international"
(325).
Mr
TRAN
VAN
MINH
juge
également
qu'à
partir
de
l'arrêt Barcelona Traction,
"il est possible de penser que le
droit d'intervention est ouvert à tous puisque l'obligation de
respecter les droits de
l ' homme est une obl igation à
l'égard
de
tous
les
Etats
et
non
seulement
envers
sa
population"
(326). Il faut mentionner également l'intéressante approche de
Mr NGUYEN QUOC DINH; bien que, selon cet auteur,
la portée de
la
jurisprudence Barcelona Traction n'est pas très claire et
que "ce n'est qu'avec la plus grande prudence que l'on peut y
voir l'amorce
de
la
reconnaissance
d'une
actio
popularis
lorsqu'un crime
international
est
commis
ou
lorsqu'une règle
de
jus cogens est violée"
(327),
il
reste que selon le même
auteur,"
il résulte de
l'arrêt que seules
les obligations de
jus
cogens
d'origine
coutumière
donnent
à
tous
les
Etats
qualité pour agir ; pour celles d'origine conventionnelle, s'y
oppose
le
principe
de
l'effet
relatif
des
traités"
(328).
Cette analyse est intéressante mais ne
résout
pas
tous
les
(325) DUPIlY, R.J. in Droit international et droits de l'boue. La pratique juridique française dans
le dOlaine de la protection internationale des droits de l'bolle. Cahiers du C.E.D.l.N.,
Montcbestien, 1991, p. 89.
(326) TRAIl VAII MINH, sanctions politiques et juridiques des violations des droits de l'bolle, in Les
dilensions internationales des droits de l'boue. Manuel U.N.E.S.C.a. 1978, n' 7. Cependant, le
droit d'intervention dont parle l'auteur, cOlpte tenu notauent des conditions am:quelles son
elercice est subordonné et cOlpte tenu de ses forles éventuelles, n'est pas réductible à l'actio
popularis stricto sensu.
(327) NGUYElI QIlOC DUm et Alii, op. dt. p. 696.
(328) Idel, p. 195.

-
264 -
problèmes
avec
la
notion
d' "obligations
de
jus
cogens
d'origine coutumière",
elle semble en créer d'autres.
D'abord
parce
que
ces
obligations
ne
sont
pas
toutes
clairement
identifiables, ensuite parce qu'il semble difficile de déduire
de
l'existence
d'une
coutume
source
de
droi ts
ou
d'obligations
-
la qualité
pour
ester en
justice,
en
l'état
actuel du droit
international,
même si cela est souhaitable.
De plus,
l'argument suivant lequel l'effet relatif des traités
s'oppose
à
ce
que
les
obligations
de
jus
cogens
d'origine
,
conventionnelle conft~ à tous les Etats qualité pour agir peut
sembler
formaliste
un
traité
multilatéral
consacrant
des
normes
de
jus
cogens
ne
crée-t-il
pas,
à
la
longue,
une
situation
objective
qui
est
de
l'intérêt
de
la
communauté
internationale
dans
son
ensemble
et
à
la
protection
de
laquelle
tous
les
Etats
ont
un
intérêt
?
Enfin,
comme
nous
l'avons dit,
la
juridiction d'un tribunal
international ne se
présume pas ; elle doit être établie clairement de préférence
dans un instrument conventionnel.
2 - Les positions doctrinales négatives
A l ' opposé
des
positions
qui
ont
vu
dans
l'arrêt
Barcelona
Traction
la
consécration
de
l'actio
popularis,
d'autres
auteurs
pensent
qu'il
n'en
est
rien.
Ainsi,
Mme.
STERN écrit
que
"l'arrêt
rendu
le
5
février
1970
dans
l'affaire
de
la
Barcelona
Traction
ne
semble
pas
porter
atteinte à la règle de principe (pas d'intérêt pas d'action)
:
tout
au
plus
ouvre-t-il
une
brèche
dans
les
conceptions
antérieures
en
introduisant
des
exceptions
à
la
règle
de
principe"
(329).
L'auteur ajoute que "la C.I.J.
n'a pas admis
l'existence générale d'un droit de l'Etat au respect du droit
international
en
lui-même
il
n'y a
donc
pas
sur
le
plan
international
d'actio
popularis
généralisée
autorisant
n'importe quel Etat à réclamer le respect de n'importe
quelle
( 3 29 ) BOLLECTER-STERII, B. Thèse précitée. p. 58.

-
265 -
règle internationale par la mise en cause de la responsabilité
de tout Etat agissant en violation de cette règle"
(330).
La
"brèche"
ouverte
par
la
Cour dont
parle Mme.
STERN,
et
qui
concerne
les
droits
de
l'homme
pour
l'essentiel,
c'est
précisément
cette
virtualité
de
l'actio
popularis
dont
nous
avons fait état.
Pour le Professeur VERHOEVEN, "à supposer que
la
violation
des
droits
de
l'homme
devienne
l'objet
d'un
différend
entre
Etats,
l'on
revient
alors
aux
procédures
habituelles
de
règlement
pacifique,
qui
privilégient
massivement
toutes
formes
de
conciliation
interétatique,
en
excluant par ailleurs
toute
actio
popularis"
(331).
Pour cet
auteur,
il n'y a rien de particulièrement choquant à admettre
l'actio popularis,
du point de vue théorique,
pour la défense
des
droits
de
l'homme
;
seulement,
il
faudrait
nettement
faire
le
départ
entre
les
considérations
de
pure
théorie
juridique et le droit positif,
entre la lex ferenda et la lex
lata,
étant
entendu que
pour
lui
les
enseignements
que
l'on
peut tirer de l'affaire Barcelona Traction en
termes
d'actio
popularis relèvent de
la
lex
ferenda,
ce qui
est sans doute
juste
(332).
Le
juge
Kéba
MBAYE
est
du
reste
de
cet
avis,
lorsqu'il
écrit
que
"certains
ont
cru
voir
dans
l'obiter
dictum énoncé par la C.I.J., sur les obligations erga
omnes" ,
(330) Ide., p. 88.
(331) VERHOEVEII J. op. cit. in Droit des peuples, droits de l'boue: paix et justice sociale
internationale. 1984, p. 49. Voir égalelent dans ce sens FAVOREU, L. L'arrêt de la cour
internationale de justice dans l'affaire du Sud-OUest Africain: 18 juin 1966, in A.F.D.I. 1966,
p. 133.
(332) Voir les observations de VERHOEVEII J. au rapport de 1Ir. SPEROOTI, in A.LD.!. 1990, Vol. 63-2,
p. 257.

-
266 -
à
l'occasion
de
l'arrêt
dans
l'affaire
de
la
Barcelona
Traction,
l'admission d'une action
populaire.
A mon avis,
il
n'en est rien" (333).
Pour
ce
qui
nous
concerne,
ce
deuxième
groupe
d'arguments nous semble être une interprétation acceptable des
paragraphes 33 et 34 de l'arrêt Barcelona Traction.
Il faut en
effet distinguer l'intérêt pour agir de la qualité pour agir,
bien que
ces
deux
notions
puissent
parfois
se
confondre.
Il
nous semble que la cour a reconnu l'intérêt de tous les Etats
à
la
protection des
normes
erga
omnes
quant
à
la
qua li té
pour
introduire
un
recours
juridictionnel,
indépendamment
de
toute clause d'acceptation de la compétence de la
juridiction
saisie,
la
cour
ne
semble
pas
l'avoir
reconnue.
Cela
peut
sembler fâcheux
;
car en effet il
eût mieux valu reconnaître
la
qualité
pour agir en
justice à
tous
les
Etats
en cas
de
violation
des
obligations
erga
omnes,
dont
l'obligation
de
respecter
les
droits
de
l ' homme,
pl utôt que
de
s' apesantir
sur l'intérêt pour agir qui,
en matière de droits de l'homme,
semble un peu inapproprié, si tant est que l'intérêt pour agir
signifie
"l'avantage
que
procurerait
au
demandeur
la
reconnaissance par le
juge de la légi timi té de sa prétention"
(334).
Cela
signifie
que
pour
nous,
i l
faut
aller
dans
le
sens de l'actio popularis, en la consacrant clairement et
non
(333) MBAYE K. L'intérêt pour agir devant la C.I.J. cours cité, p. 316. R.C.A.D.L 1988 T. 209.
Toutefois, le tête auteur, à propos du têle arrêt, écrit à la page J07 du recueil cité; "on
pourrait déduire de ces énonciations que la cour reconnaît à chaque Etat, en cas de violation
des droits fondalentaux de l'holle, la possibilité d'agir devant la C.I.J. pour défendre ces
droits. Une delande en justice introduite dans de telles conditions devrait pouvoir être reçue
non seulelent lorsque les droits dont la violation est alléquée concernent les ressortissants de
l'Etat delandeur (•.. l, lais aussi quand ce sont les droits des ressortissants de l'Etat
défendeur qui sont en cause". La conciliation entre les deux propos reste problélatique.
(334) Lexique des terles juridiques, Dalloz, 1985, p. 250.

-
267 -
en
l'obtenant
par
des
procédés
d'interprétation
forcée
d'espèces jurisprudentielles plus ou moins explicites.
Pourvu,
bien entendu,
que l'on entende par actio popularis ce qu'elle
implique
sur
le
plan
théorique,
et
rien
que
cela,
ce
qui
malheureusement
n'apparaît
pas
toujours
dans
la
doctrine
juridique.
B - Pour une actio popularis sainement entendue
1 - L'actio popularis exclut l'action coercitive
directe
Les
commentaires
doctrinaux
relatifs
à
l'actio
popularis
pour
la
protection
internationale
des
droits
de
l'homme ne sont pas toujours sans ambiguïté quant à
sa nature
et à
ses
modalités.
s'agit-il
d'un
droit
procédural
ou d'un
droit d'action punitive directe
d'un Etat sur un autre, est-
il question de conférer un droit d'action tout court, un droit
de prendre des
mesures en réaction d'une violation des droits
de l'homme? s'agit-il d'octroyer
la qualité
pour la saisine
d'un
organe
institué
ou
de
légitimer
le
droit
de
réagir
suivant des modalités de son choix? Qu'on en soit arrivé à de
telles
interrogations
sur
la
nature
et
les
modalités
de
l'actio
popularis
témoigne,
à
soi
seul,
des
équivoques
qui
existent
sur
ce
sujet,
équivoques
qui
transparaissent
dans
maints
commentaires
juridiques.
Ainsi
peut-on
lire
sous
la
plume du
professeur
PELLET
"on
ne
peut
( ... )
se
borner à
raisonner
dans
le
cadre
des
régimes
de
protection
internationale des droits de l'homme
juridiquement
organisés.
Le
problème
de
l'actio
popularis,
en
particulier,
doit
être
élargi
puisque
les
normes
internationales
des
droits
de
l'homme présentent un caractère objectif,
ne peut-on soutenir
que, dès lors, chaque Etat est en droit d'en exiger le respect

-
268 -
de la part de tout autre Etat ? "( 335). A ces propos,
le même
auteur
ajoute
que
"
des
garanties
s'imposent
( ... )
car,
quelles
que
soient
les
excellentes
intentions,
tout
à
fait
"droits-de-l'hommiste",
qui
président
à
ces
évolutions
doctrinales,
les
vannes
ainsi
ouvertes
risquent
de
libérer
des forces difficilement contrôlables et fort dangereuses pour
les droits de l'homme, et pour le droit "tout court" " (336).
Quelles
sont
ces
forces
difficilement
contrôlables
qui
pourraient
être
libérées
?
Pour
le
professeur
PELLET,
"on
pense
inévitablement
à
cet
égard
aux
trop
fameuses
"interventions d' humani té"
Il
(337).
Ces
propos
laissent tout
de
même
songeur.
De
quoi
parle
t-on,
en
effet,
lorsqu'on
redoute la libération des
"forces difficilement contrôlables
et dangereuses
pour
les droits de
l'homme"
?
Il
nous semble
que
le
concept
d'actio
popularis,
dans
son
application
ne
devrai t
pas
aboutir
à
de
tels
résul tats.
Pour
éprouver
de
telles
appréhensions
vis-à-vis
d'une
institution
dont
la
finalité
est
l'octroi
d'un
locus
standi
dans
une
instance
judiciaire,
il
faut
en
avoir
une
conception
différente.
En
l'occurence,
il
peut
sembler
curieux
de
mentionner
l'intervention
d'humanité
comme
une
modalité
pratique
éventuelle de
l'exercice
de
l'actio
popularis.
Y a-t-il,
en
effet,
quelque chose de commun entre la saisine d'un organe,
et principalement une
instance
juridictionnelle, et la levée
de forces armées destinées à
franchir des frontières ? Penser
à
l'intervention
d'humanité
quand
on
parle
d'actio
popularis,même si c'est pour la récuser, ne peut qu'entretenir
la confusion dans les esprits.
(335) PELLET, A. op. cit. Cahiers du C.E.D.I.H. 1990, p. 124.
(336) Idea, p. 126.
(337)
Idea, p. 126.

-
269 -
Un
autre
auteur,
considérant
que
la
conséquence
logique de l'établissement des obligations erga
omnes
réside
dans
l'objectivation
et
l'universalisation
de
l'intérêt
pour
agir,
écrit que
"les
utilisations
abusives
éventuelles
d'une
actio popularis violente à
laquelle peuvent aboutir ces thèses
ont nourri
les craintes d'une grande partie de
la doctrine
:
tout
Etat
peut-il
désormais
arguer
de
la
violation
d'une
obligation
erga
omnes
pour
refuser
d'honorer
ses
engagements
en
guise
de
contre-mesure"
(338) .
En
ce
qui
le
concerne,
l'auteur
ne
répond
pas
aff irmati vement
à
la
question
;
son
propos
est
prudent.
Ce
qu'il
nous
importe
de
relever,
c'est
que,
dans
l'esprit
de
l'auteur,
la
contre-mesure
comme
réaction
à
la
violation
d'une
obligation
erga
omnes
semble
relever de la mise en oeuvre de l'actio popularis, ce qui est
assez
troublant.
La
notion
d' "actio
popularis
violente"
ne
peut que laisser circonspect.
2 - L'actio popularis suppose un cadre
institutionnel
Il
importe
donc
de
dire
clairement
que
la
notion
d'actio popularis
ne
peut être évoquée
de
façon
intelligible
que dans un cadre institutionnel,
et notamment
juridictionnel.
Parler
d'actio
popularis
en
dehors
d'un
tel
cadre
serait,
à
notre
avis,
une
extension
abusive
de
la
notion
habituelle.
Comme
l ' écri t
Mlle
MAREK
"any
discussion
of
actio
popularis
outside of a
judicial process would be worse than superflous :
i t would add ta the already prevailing
confusion"
(339).
Ce
(338) ALLAIID, D. La léqitile défense et les contre-Iesures dans la codification du droit
international de la responsabilité. J.D.r., 1983, p. 757.
(339) MAREX, K. Crilinalizing State responsibility, R.B.D.L 1978-1979/2 p. 483. Dans le lêle sens,
voir AGO, R. A.r.D.r., 1990, vol. 63-II, p. 256.

-
270 -
propos
conduit
à
une
observation
d'ordre
général.
si
l'on
peut,
sur
le
plan
des
principes,
se
réjouir
des
efforts
importants
faits
dans
le
sens
de
l'objectivation
des
obligations
relatives
aux
droits
de
l'homme,
on
ne
peut
manquer
d'être
circonspect
devant
la
grande
incertitude
qui
plane sur
les
conséquences
concrètes qu'impliquent,
pour
les
relations
internationales,
les
notions
d'obligations
erga
omnes, de normes objectives ou de régimes objectifs appliqués
aux droits de 1 'homme.
Cette circonspection procède du
fossé
qui
existe
entre
les
avancées
normatives
et
la
stagnation
institutionnelle.
Pour
être
cohérent,
le
travail
d'objectivation actuellement en
cours
dans
le champ normatif
des
droits
de
l ' homme
suppose
l' insti tutionnal isation
de
la
société
internationale.
Il
subsiste
une
contradiction
qu'il
faudrait rapidement combler entre, d'une part,
l'objectivation
des
normes
et,
d'autre
part,
le
caractère
encore
insuffisamment objectif
des
procédures
de
mise
en
oeuvre
de
ces
normes.
Ce
hiatus
a
été
relevé
dans
la
doctrine
le
Professeur
SIMMA
écrit
que
"i f
the
gap
between
advances
in
substance
and
lack
of
insti tutional
progress
is
allowed
to
widen,
what we
mig ht witness
in the
future
could likely be
further developments moving away fram bilateralism but merely
passing (or by-passing)
multilateralism and finally ending up
in
unilateralism"
(340).
Le
Professeur
TUNKIN
écrit
lui
aussi
" 1
Mean
we
should
be
careful
not
to
open
the
Pandora's box of unilateral coercive actions by states,
that
may bring about the destruction of human beings we intend to
protect.
The
draft,
as
it
seems,
instead
of
limiting
the
possibilities
of
unilateral
coercive
acts
by
states,
widens
such possibilities" (341).
(340) SIHMA, B. Bilateralisl and conunity interest in the law of state responsibility. in Mélanges
SHABTAI Rosenne. 1989, p. 844. Voir aussi DOPOY, P.M. R.C.A.D.r. , 1984, v. p. 57 et, du lële
auteur, R.G.D.I.P. ; 1983, p. 522.
( 341) Observations au rapport de M. SPERDOTI. A. I.D. I., 1989, vol. 63-1, p. 435.

-
271 -
Ces
préoccupations
concernant
spécifiquement
les
droits
de
l'homme
valent
également
pour
la
consécration
progressive
en
droit
international
du
principe
démocratique,
consécration
qui
pourrait
fonder
un
droit
d'ingérence
démocratique.
Il
importe
d'étudier
l'état
de
formalisation
juridique de ce principe.

-
272 -
SECTION II
L'EMERGENCE PROGRESSIVE EN DROIT INTERNATIONAL DU
PRINCIPE DEMOCRATIQUE EN TANT QUE CRITEBE DE
LEGITIMITE DES GOUVERNEMENTS.
Au
début
du
siècle,
un
auteur
pouvait
écrire
sans
risquer
de
provoquer
un
scandale,
qu' "un
gouvernement
tyrannique n'a qu'un justicier. C'est le peuple même auquel il
s'impose
et
le
défaut
d'union
ou
de
courage
de
ce
peuple
pour s'en débarrasser trouve sa punition dans le maintien même
du tyran qui
l'opprime"
(342).
Un tel propos ne pourrait plus
être repris tel quel aujourd'hui.
En effet, le discours actuel
sur
le
droit
d'ingérence
est
contemporain
des
grands
mouvements pro-démocratiques qui secouent plusieurs parties du
monde
en
cette
fin
de
siècle.
Pour
beaucoup
d'hommes
de
pensée, nous vivons sous "les pressions d'un temps idéologique
mondial néfaste aux dictatures" (343), nous
vivons
le temps
de la démocratie.
Ce constat fait,
la tentation est grande de
prôner à l'endroit des parties du monde qui semblent sourdes à
l'appel de la démocratie ou qui lui tournent ostensiblement le
dos, une
sorte
de
croisade
pour
la
démocratie,
ou
plus
(342) DESPAGNET, F. Cours de Droit International Public, Paris, sirey, 1910, 4èle édition page 260.
(343) HERMET, G. La délocratisation à l'niable: de l'Espagne à la Pologne. in COllentaire, 1990,
n' 50, p. 279.

-
273 -
simplement un droit d'ingérence démocratique (344).
Face à cet
enthousiasme,
il
est
très
délicat
et
suspect
de
sympathie
totalitaire
d'avoir
une
opinion
un
tant
soit
peu
réservée.
L'idéologie
démocratique
aurait
acquis,
sur
le
plan
international,
valeur
d'un
principe
d'ordre
public,
soit
en
tant que tel,
soit en vertu des relations de ce principe avec
l'idéologie des droits de l'homme dans la tradition
libérale.
Dans cette dernière perspective en effet,
le droit d'ingérence
démocratique
et
le
droit
d'ingérence
pour
la
protection
des
droits de l'homme ne sont que deux face d'une même médaille.
L'ingérence
démocratique
se
heurte
de
front
à
la
liberté de pr incipe dont
jouit tout Etat pour déterminer son
système
politique.
En
effet,
et
sous
réserve
de
ses
obligations
internationales,
chaque
Etat
définit
les
conditions
et
les
modalités
d'exercice
du
pouvoir
dans
ses
limites territoriales.
Traditionnellement,
il
n'existe pas de
cri tère
universel
sur
lequel
on
se
base
pour
apprécier
la
légitimité
d'un
gouvernement
sinon
l'effectivité
de
son
autorité (345). Cela est vrai tant dans la doctrine
classique
(344) Voir ROCARD, M. in le Monde, 8 et 9 sept. 1991, p. 6 : 'dans la logique qui a fondé les
Nations-Unies • lalheureuselent restée lettre IOrte sur ce point - la cOllunauté internationale
devra assUier collectivelent un droit d'ingérence délocratique'. dans le lêle sens, voir
KOUCHNER, B. in le Monde, 2 Décelbre 1992, p, 3 : 'un jour, on cOlprendra enfin qu'il convient
de prévenir les querres et d'agir avant les déchaînelents de haine et les leurtres de lasse.
Cela s'appellera peut-étre le droit d'ingérence délocratique. Cela s'appellera peut-être le
droit d'urgence international',
(345) Voir OOME5TICI, M.J. in Recherches sur le concept d'ordre public en droit international
public. Thèse, Nice, 1979, T. 1 p. 627 : ' Le droit international ignore le concept de
légitilité : le seul critère auquel l'autorité d'un gouvernelent puisse être confrontée est
l'effectivité" •

-
274 -
que dans la doctrine moderne (346). La Cour Internationale
de
Justice,
dans
son
arrêt
sur
les
activités
militaires
au
Nicaragua,
a
clairement
fait
valoir
qu'elle
"
ne
saurait
concevoir la création d'une règle nouvelle faisant droit à une
intervention
d'un
Etat
contre
un
autre
pour
le
motif
que
celui-ci
aurait
opté
pour
une
idéologie
ou
un
système
politique
particulier"
(347).
En
principe,
le
droit
international
demeure
indifférent
aux
régimes
poli tiques
internes des Etats.
Le
problème
de
l'ingérence
démocratique
exige
une
double clarification.
La première concerne les rapports entre
la
règle
de
non-intervention
et
les
idéologies
en
droit
international
la
seconde
concerne
les
affinités
entre
démocratie et droits de l'homme.
Dans la doctrine,
les rapports entre les idéologies
politiques et le principe de non-intervention ont été résolus
par
une
double
proposition,
formulée
avec
clarté
par
le
Professeur
SALMON
:"
si
un
système
juridique
comprend
un
principe de légitimité ayant un caractère obligatoire,
il n'y
a
pas
de
place
pour
un
principe
de
non-intervention.
A
l'inverse,
là où le système juridique comprend un principe de
non-intervention,
i l
n'y a
pas de
place
pour un
principe de
légitimité ayant un caractère juridique obligatoire" (348).
En
d'autres
termes,
l'existence
d'un
principe
de
légitimité
(346) Dans la doctrine classique, voir BARTHELEMY, J. Politique intérieure et droit international,
R.C.A.D.I. 1937-1, p. 486 ; voir aussi Quincy WRIGHT, International lawand Ideologies,
A.J.I.L., 1954, n· 48, p. 616-626 ; voir enfin la sentence arbitrale Tinoco, R.S.A. 1923, T.
1, p. 369-399. Dans la doctrine loderne et contelporaine voir KGUYEH QUOC DINH et autres,
Droit International Public, 3èle édition L.G.D.J., 1987, p. 502.
(347) C.I.J. Rec. 1986, Par. 263, p. 133.
(348) SALI«lIl, J.J.A. Idéologies et non-intervention, in Le discours juridique sur la non-intervention
et la pratique internationale. ReilS, C.E.R.I., T. 5, 1986, p. 263.

-
275 -
obligatoire et la règle de non-intervention sont mutuellement
incompatibles
l'existence de
l'un exclut celle de
l'autre.
Dans
le
cas

un
principe
de
légitimité
est
consacré
formellement,
le droit d'intervention aux fins de préservation
de
celui-ci
est
implicitement
octroyé
aux
membres
de
la
communauté concernée,
pour ramener les "déviants"
sur le droit
chemin où,
éventuellement,
contraindre
les
"laxistes"
à
plus
de
fidélité
au
modèle.
L'adhésion
à
une
même
idéologie,
la
similitude des
structures
politiques
internes,
en
même
temps
qu'elles rapprochent les Etats concernés, instituent un devoir
de solidarité dans le maintien de ces structures, c'est-à-dire
en langage actuel un droit d'ingérence.
Chaque membre voit sa
souveraineté
limitée
par
rapport
aux
autres.
Les
exemples
historiques
peuvent
être
mentionnés,
depuis
la
Grèce
antique
(349),
la
Sainte
Alliance
avec
la
légitimité
monarchique
(350), le pacte de Varsovie et la légitimité communiste (351),
du Conseil de l'Europe avec la légitimité démocratique
(352).
(349) TE.NEKIDES, G. BOlogénéité et diversité des réqiles politiques au sein des organisations
internationales. in Mélanges SEFERIADES, 1961, T. II, p. 686 i du lêle auteur, L'uniforlité des
régiles politiques au sein des liques et confédérations grecques a l'époque classique, in
Mélanges VERDROSS, 1960, p. 263.
(350) Dans le protocole de Troppau du 19 NoveJbre 1820, il est dit qu'en cas de cbangelent de la
nature IOnarcbique du pouvoir dans l'un des Etats leJbres de l'Alliance, les autres puissances
alliées' elploieront, pour la ralener au sein de l'Alliance, prelièrelent des déaarches
alicales, en second lieu une force coercitive, si l'elploi de cette force devenait
indispensable".
(351) Voir ZORGBlBE, Ch. La doctrine soviétique de la 'souveraineté lilitée" R.G.D.I.P. 1970, p.
872 ; BETTATI, M. "SOuveraineté lilitée" ou 'internationalisle prolétarien" ? les liens
fondalentaux de la cOllunauté des Etats Socialistes. R.B.D.l., 1972/2 p. 455.
(352) Voir article 3 du statut du Conseil de l'Europe

-
276
-
Cependant,
des
situations
complexes
peuvent
se
présenter,
comme dans le cadre interaméricain (353).
Quant
aux
liens
entre
droits
de
l ' homme
et
démocratie, là encore une double proposition les résume
la
jouissance
effective
des
droits
de
1 'homme
est
incompatible
avec l'existence d'un système politique non démocratique
;
le
système démocratique offre aux droits de l'homme leur meilleur
cadre d'exercice
et d'épanouissement.
Il s'agit naturellement
de la démocratie
libérale et principalement des droits civils
et politiques. Les textes de droit positif ratifient ces liens
(354), de même que la quasi-totalité de la doctrine (355).
Le
problème à
résoudre dans cette section est celui de savoir si
la démocratie libérale est, elle-même, un droit de l'homme. En
d'autres termes,
y-a-t-il un droit à bénéficier dans un cadre
social
donné,
d'une
organisation
politique
basée
sur
le
( 353) Le systèle juridique interaléricain offre cette particularité intéressante de prévoir à la
fois l'obligation de non-intervention entre Etats lelbres et l'obligation d'instituer un régile
de délocratie représentative. Ce sont deux obligations égalelent positives : se pose donc le
problèle de leur coexistence dans un lêle systèle juridique. Jusqu'où en effet, l'exigence
délocratique ne pourrait pas conduire à des attitudes interventionnistes? Jusqu'où le respect
de l'obligation de non-intervention ne pourrait-elle pas lettre en danger la nécessité de
préserver le systèle délocratique dans les Etats lelbres de l'ordre régional? Hous essaierons
d'aborder cette question plus loin.
(354) Le préalbule de la Convention européenne des droits de l'houe réaffine l'attachelent des
Etats parties ·à ces libertés fondalentales qui constituent les assises lêles de la justice et
de la paix dans le londe et dont le laintien repose essentielleaent sur un réqile politique
véritablelent délocratique .•.•
( 355) Voir VALTlCOS, la délocratie et les droits de l 'houe, in Annuaire européen 1987. Vol. XXXV,
p. 54 : Le Hire, P. Théorie de l'Etat délocratique et la question des droits de l'houe. in
Annuaire du Tiers-Honde, 1985-1986. T. IX, p. 117 ; TAVERNIER, P. Droits de l'bolle et
délocratie : quelques réflexions sur la protection internationale des droits de l'holle. in
Annuaire du Tiers Honde 1985-1986, T. IX p. 131.

-
277 -
principe
démocratique
libéral,
droit
qui
devrait
être
sanctionné
au
même
titre
que
les
autres
droits
de
l ' homme
proclamés
?
Certains
auteurs
répondent
affirmativement
à
la
question
(356).
Il nous revient de voir si
la démocratie est
devenue une obligation pour les Etats en droit international.
Nous
aborderons
successivement
les
cadres
universels
et
régionaux.
paragraphe 1 - La démocratie dans le droit international
Universel.
Selon
un
nombre
assez
important
d'auteurs,
il
est
indéniable que,
au niveau universel,
le droit international a
une
préférence
marquée
pour
le
système
démocratique
d'organisation politique. Certes,
il y a quelque temps encore,
un auteur affirmait qu' "il est difficile de reconnaître,
dans
le droit écrit contemporain,
les sources d'une obligation pour
l'Etat
d'adopter
un
régime
reconnaissant
au
peuple
la
souveraineté
politique
(357),
mais
c'est

une
position de
plus en plus marginale.
Déjà, au début des années soixante,
le
Professeur
TENEKIDES
notait
qu' "on
peut
dire
que
le
droit
international
positif
actuel
révèle,
quoique
souvent
de
(356) Le Professeur TORRELLI écrit que "par delà les réserves, les difficultés, l'ilpossibilité d'une
définition cOllune, le droit à un réqile délocratique (... ) est invoqué pour justifier des
pratiques qui vont de l'ingérence dans les affaires intérieures jusqu'à l'intervention arlée,
directe ou indirecte". Voir La Souveraineté et le droit des conflits araés, in la Souveraineté
à l'aube du IIIèle lillénaire. Institut du Droit de la paix et du Développe.ent. Nice, 1990 p.
121. Voir aussi TEHEKIDES, G. A.I.D.I., 1989, vol. 63-1 p. 369.
(357) OOMESTICI, M.J. op. cît. 1979, p. 628.

-
278 -
manière
voilée,
une
préférence
marquée
pour
les
structures
démocratiques"
(358).
Cette
préférence
se
manifeste
dans
la
philosophie
constitutive
des
grandes
organisations
universelles
que
sont
la
S.D.N.
et
l'O.N.U.,
organisations
dont
les
fondements
"s'inspirent
de
la
philosophie
démocratique"
(359).
Plusieurs
auteurs
abondent
de
ce
sens.
Ainsi,
Mr
MIRKINE-GUETZEVITCH
écrit
"
avec
la
Charte
des
Nations Unies,
la notion d'identité des buts de la démocratie
nationale
et
de
la
démocratie
internationale
n'est
plus
seulement
une
doctrine
scientifique
elle
fait
partie
du
droit
positif,
elle
figure
dans
le
texte
même
de
la
Charte
(360). Le Professeur TORRELLI quant à lui pense également
que
"les
droits
de
l' homme
et
la
démocratie
sont
la
"structure
idéologique" de
l'O.N.U"
(361),
que
l'O.N.U.
est le siège de
la démocratie universelle" (362).
Même si, en la parcourant de bout en bout,
la Charte
des Nations Unies ne mentionne nullement la consubstantialité
indissoluble entre les droits de l'homme et la démocratie,
les
positions
exprimées
nous
semblent
particulièrement
pertinentes.
En
effet,
plusieurs
textes
émis
au
sein
de
l'O.N.U.
révèlent
le
penchant
pro-démocratique
de
l'organisation; il en est ainsi de la O.U.O.H, qui ne propose
(358) TflIEKIDES, G. op. cit. Mélanges SEFERIADES, P. 703. Du lêle auteur, voir in A.LD.I. 1989,
vol. 63-1, p. 369 : "il seable que, dans le cadre londial, on doive tenir cOlpte, sans trop y
insister, d'une notion qui a fait tilidelent son apparition avec la lise en viqueur de la
Charte. Malgré des reculs occasionnels et des hésitations dues à l'état de crise latente issu
des rivalités londiales, ce concept a tendance à revêtir un aspect juridique: il s'agit du
concept de légitilité délocratique".
(359) BURDEAU, G. Régiles politiques et couunauté internationale. R.G.D.I.P., 1953, p. 521.
(360) MIRKIHE-GUETZEVITCB, B. L'O.N.U. et la doctrine loderne des droits de l'houe in R.G.D.I.P.,
1951, p. 165.
e361) TORRELLI, M. Droits de l'ho.le et intervention idéoloqique, in Après 1978, 1979, p. 117.
e362) Ide., p. 121.

- 279 -
aucun
autre
idéal
aux
nations
du
monde
que
"le
bien
être
général dans
une
société
démocratique"
(article 29-2).
De
même,
la résolution 36/162 du 16 décembre 1981 de l'Assemblée
Générale
des
Nations
Unies
"prie
instamment
tous
les
Etats
d'appeler l'attention sur les menaces que font
peser sur les
institutions
démocratiques
les
idéologies
et
pratiques
totalitaires
et
d'envisager
de
prendre
des
mesures,
conformément
à
leurs
systèmes
constitutionnels
nationaux
et
aux dispositions
de
la D. U. D. H.
et des
pactes
internationaux
relatifs
aux
droits
de
l'homme,
en
vue
d'interdire
ou
d'empêcher
par
d'autres
moyens
les
activités
des
groupes,
organisations ou personnes pratiquant ces idéologies"
(article
2).
Ce
à
quoi
procède
la
résolution
36/162,
c'est
à
l'instauration de
l'idéologie
démocratique
comme
seule
forme
acceptable d'idéologique politique.
Désormais,
peut-on penser,
les
Etats
ne
pourraient
fluctuer,
en
matière
de
structures
constitutionnelles,
qu'à
l'intérieur
du
cadre
démocratique
général que tous devraient accepter.
Il n'y a pas là seulement
une limite du droit qu'a chaque Etat de choisir librement son
système
politique,
économique,
culturel
;
c'est
la
ruine
de
cette liberté de choix qui est consacrée.
Certes, des auteurs
de la doctrine, se fondant sur la valeur
soi-disant seulement
déclaratoire
des
résolutions des
Nations-Unies,
affirment
qu'il
n'y
a
dans
la
résolution
36/162"
aucun
engagement
particul ier"
(363).
Cependant,
on
ne
peut
contester
que
cet
instrument
juridique
cristallise
une
opinio
juris
émergente
forte.
On peut retenir quatre éléments pour repérer encore
plus
précisément
la
place
de
la
démocratie
dans
l'ordre
juridique
universel
les
conventions
universelles
relatives
aux droits de l'homme, l'exigence démocratique
à
l'admission
( 363) CûRTEI, 0 & KLEIN, P. op. cit. R.B.D.L, 1990-2, p. 415.

-
280 -
des
membres
dans
les
organisations
universelles
(S.D.N.
O.N.U.),
la
portée
démocratique
du
principe
du
droit
des
peuples
à
disposer
d'eux-mêmes,
enfin
le
principe
des
élections libres et démocratiques.
A -
Etude des Sources Conventionnelles et de
l'admission aux organisations universelles.
Ces
deux
éléments
seront
présentés
l'un
après
l'autre.
D'abord
les
sources
conventionnelles,
ensuite
le
problème de l'admission aux organisations universelles.
1 - Le principe démocratique dans les Conventions
universelles relatives aux droits de l'homme.
Si
les
différents
instruments
juridiques
relatifs
aux
droits
de
l ' homme
sur
le
plan
uni versel
étaient
sérieusement respectés de par le monde,
l'idée de
promouvoir
l'établissement
du
modèle
démocratique
serait
aujourd'hui
inutile en tant que telle. Car le réseau dense que forment les
textes
juridiques
universels
sur
ce
domaine
(364)
fait
que
très peu d'Etats peuvent prétendre échapper à
des obligations
de nature démocratique. Par exemple,
les pactes internationaux
de 1966 sont des
textes
synthétiques définissant des grandes
lignes
d'une
société
démocratique,
de
sorte
qu'on
peut
raisonnablement
penser
que
les
ratifier,
c'est
accepter
en
quelque
sorte
l'idéal
démocratique
comme
forme
politique
d'organisation.
Etablir
dès
lors
la
géographie
de
leur
ratif ication,
c'est
établ ir
une
géographie
de
la
démocratie
comme
norme
juridiquement
acceptée,
étant entendu que ce
qui est balisé dans les divers instruments relatifs aux droits
(364) Publications des Nations Unies. BUlan Rights status of International Instrulents as at 31
Decelber 1990.

-
281 -
de
l'homme
n'est
rien
d'autre,
à
notre
avis,
que
le schéma
même d'une société démocratique.
Toutefois,
l'obligation démocratique
ne découle
pas
de ces
instruments que
par ce
processus d'extraction plus ou
moins
implicite
et
forcé
;
elle
figure
expressément,
certes
sans épithète
particulière
(libérale,
socialiste,
communiste,
négro-africaine,
arabe),
dans
certains
instruments
conventionnels. C'est ainsi que le Pacte international relatif
aux droits économiques,
sociaux et culturels stipule que
"les
Etats
( ... )
reconnaissent
que,
dans
la
jouissance des droits
assurés
par
l'Etat
conformément
au
présent
pacte,
l'Etat
ne
peut
soumettre
ces droits
qu'aux
l imi tations
établ ies par
la
loi,
dans
la
seule
mesure
compatible
avec
la
nature
de
ces
droits,
et
exclusivement
en
vue
de
favoriser
le
bien-être
général
dans
une société démocratique".
Sur
la base de cette
disposition,
certains
auteurs
ont
pensé
que
le
principe
démocratique
serait devenu
un
principe-clé
de
l'ordre
public
international
:"
la
démocratie
serait-elle devenue,
à
l'insu
des
diplomates,
d'ordre
public
international
?
Force
est
en
tout
cas,
de
constater
qu'en
dépi t
de
lectures
très
différentes
des
textes
normatifs
relatifs
aux
droits
de
l 'homme faite par les uns et les autres
en fonction de leurs
traditions culturelles ou de leur idéologie,
la mise en oeuvre
de
ces
textes,
fondée
sur
l'idée
simple
que
l ' homme
a
des
droits
contre
l'Etat,
implique
toute
une
philosophie
des
rapports
entre
l ' indi vidu
et
l ' autori té
publ ique,
le citoyen
et la société, et suppose un minimum de
démocratie,
c'est-à-

-
2B2 -
dire
de
participation
du
peuple
à
l'exercice
du
pouvoir"
(365).
La logique de ce raisonnement nous semble irréfutable,
même
si
l'on
peut
éprouver
quelque
frustration
à
voir
la
démocratie
rentrer
par
un
processus
détourné
dans
le
droit
international positif.
De toutes manières,
pour qu'il n'y ait
pas d'équivoque quant à
la valeur juridiquement obligatoire du
principe
démocratique,
davantage
de
solennité
serait
préférable à ces procédés de conventionnalisation oblique.
2
-
L'exigence démocratique à l'admission dans les
organisations universelles ; la S.D.N. et
l'Q.N.U.
Un
critère
particulièrement
pertinent
pour
mesurer
la
force
juridique
du
principe
démocratique
dans
le
droit
international nous semble résider dans son exigibilité lors de
l'admission
des
Etats
dans
les
grandes
organisations
universelles,
qui
sont
supposées
avoir
en
ce
principe
leur
matrice
idéologique.
Nous
avons
choisi
de
travailler
sur
la
Société
des
Nations
(S.D.N.)
et
l'organisation
des
Nations
Unies (O. N. U. ) .
L'article
1er
du
Pacte
de
la
S.D.N.
pose
les
condi tions d'admission à
la Société
en
son
al inéa 4,
i l
exige
que
les
Etats
candidats
à
l'admission
"se
gouvernent
librement." Beaucoup a été dit au sujet de cette disposition i
(365) DIlPUY, P.M. L'individu et le droit international (Théorie des droits de l'holle et fondelents
du droit international). A.P.O., 1987, T. 32, p. 123-124. De façon encore plus catégorique,
voir EDOIHE-GBOZALI, N. in. Annuaire du Tiers Monde, T. IX, 1985-1986. Ala recherche de la
délocratie cOlle droit de l'holle : "incontestablelent , le droit international des droits de
l'holle pose le principe de la délocratie représentative cOlle un droit universel de l'holle
(... ) La délocratie est liée orqaniquelent au reste des droits et libertés, son existence est
nécessaire pour que le gouvernelent soit considéré COlle représentatif de la volonté du peuple"
p. 105.

-
283
-
au
jugement de beaucoup d'auteurs,
l'idée contenue dans cette
laconique
proposition,
c'est
cette
idée
que
les
Etats
candidats
à
l'admission
au
sein
de
la
Société
des
Nations
doi vent
être
dotés
d' insti tutions
démocratiques.
Mr
FEINBERG
pense que
"
les
travaux
préparatoires
du
Pacte de
la
S. D. N.
prouvent abondamment que, selon les intentions de ses auteurs,
cette formule visait avant tout le régime intérieur de l'Etat
candidat,
qui
devait
reposer
sur
une
base
démocratique
et
représentative,
à
l'exclusion de toute
forme
d'absolutisme et
d'autocratisme"
(366).
Cette
opinion
est
partagée
par
M.
TENEKIDES
pour
qui
la
formule
"se
gouvernent
librement"
"signifiait
que
l'Etat
en
instance
d'admission
à
la
S.D.N.
devait
être
gouverné
selon
les
principes
démocratiques
et,
notamment, que son gouvernement devait être responsable devant
le
peuple
ou
devant
les
représentants
du
peuple
( ... )
La
liberté
politique,
la
démocratie,
étaient
considérées
comme
devant être les bases mêmes de
l'organisation
internationale"
(367).
cette
interprétation a-t-elle été réellement donnée de
l'article
1er al inéa
4 du
Pacte
de
la
S. D. N.
au
moment des
admissions ? A en croire certains auteurs,
i l semble bien que
oui.
Selon Mr FEINBERG en effet,
au début de
la
S.D.N. ,
"on
examinait
les
demandes
d'admission
des
Etats
postulants
du
point
de
vue
de
la
forme
de
leur
gouvernement
et
vérifiait
ainsi le caractère démocratique de leurs institutions"
; mais,
par la suite "le
jugement portait principalement sur le point
de
savoir
si
l'Etat
jouissait
d'un
degré
d'indépendance
suffisant
vis-à-vis
d'autres
Etats
et
s ' i l
n'était
pas
assujetti à une domination extérieure" (368). Il semble que ce
soit à l'occasion de l'entrée de l'Ethiopie à
la
S.D.N.
que
(366) FEIIlBERG, Il. L'ad.ission de nouveaux .elbres à la S.D.N. et à l'O.II.U. R.C.A.D.!. 1952 - r.
T. 80, p. 327.
(367) TEIIEKIDES, G. op. cit. in Mélanges SEFERIADES, p. 704.
(368) FEIIIBERG, Il. op. cit. p. 327.

-
284 -
cette nouvelle interprétation a été donnée,
l'Ethiopie vivant
sous un régime impérial.
De façon générale,
on peut dire que
même
si
son
exigibilité
est
plus
ou
moins
laxiste,
avec
la
S.D.N.,
le
principe
démocratique
fait
partie
du
droit
international
en
tant
que
norme
nécessaire
au
maintien
de
l'ordre public international.
En ce
qui
concerne
l ' o. N. U.,
l'impression
première
que
donne
cette
organisation
est
son
indifférence
aux
idéologies et formes constitutionnelles de ses Etats membres.
De
fait,
parmi
les
conditions
d'admission
énoncées
par
l'article
4
de
sa
charte
constitutive,
il
n'y
a
pas
de
référence,
de
façon
explicite,
à
l'exigence
démocratique.
Certes, en théorisant à l'extrême, pourrait-on trouver dans la
notion d'''Etats
pacifiques"
de
l'alinéa
1er
de
l'article
4,
une
traduction "soft" de
l'idée d'Etat démocratique
(369)
mais
on
doit
reconnaître
qu'il
s'agit

d'une
exploration
assez délicate.
Il est clair que
la démonstration du respect
de
la
démocratie
n'a
pratiquement
jamais
été
exigée
pour
l'admission à l'O.N.U.
On a coutume,
cependant,
d'invoquer la
question espagnole, l'Espagne ayant été pendant longtemps (dix
années)
maintenue
en
dehors
de
la
nouvelle
organisation,
compte
tenu
de
l'ostrascisme
général
dont
était
victime
le
régime en
place
dans
ce
pays,
celui
du
général
FRANCO.
Une
résolution 32 (1) de l'Assemblée Générale en date du 9 février
1946,
visant
justement
l'Espagne,
considère
comme
insusceptibles d'admission les Etats "dont les régimes ont été
installés avec
l'aide de
forces
militaires des
pays qui
ont
lutté contre les Nations Unies tant que ces régimes seront au
pouvoir". C'est à
bon
droit
qu'on
a
pu
dire
que
"cette
( 369) TEIIEKIDES, G. op. cit. lélanges SEFERIADES, p. 704.

-
285 -
C..• ) a un caractère circonstanciel et n'a pas fait précédent"
(370).
Un autre auteur écrit que "cette affaire représente une
tentative d'influer sur le régime politique interne d'un Etat,
mais
il
n'est
pas
possible
d'en
inférer
l'existence
d'une
coutume"
(371).
Ainsi, sur la base du critère de l'admission,
on arrive à
cette troublante conclusion que
l'O.N .. U.
tolère
parfaitement
des
reg1mes
politiques
non-démocratiques,
son
souci
principal
étant,
de
façon
générale,
la
préservation de
la paix et de la sécurité internationales.
Cependant, même si
cela
ne
relève
plus
de
la
problématique
de
l'admission,
on
peut remarquer des tendances récentes d'ingérence de l'O.N.U.
dans les changements politiques internes,
qui manifestent son
parti pris en faveur de la démocratie ; les cas haïtien en est
un exemple.
Dans une résolution adoptée le 11 octobre 1991 sur
la crise de la démocratie et des droits
de l'homme en Haïti,
l'Assemblée Générale des Nations Unies "condamne énergiquement
tant
la
tentative
de
remplacer
illégalement
le
Président
constitutionnel
d'Haïti
que
l'emploi
de
la
violence,
la
coercition
militaire
et
la
violation
des
droits
de
l'homme
dans
ce
pays
déclare
inacceptable
toute
entité
issue
de
cette
situation
illégale
et
exige
sur
le
champ
le
rétablissement
du
gouvernement
légitime
du
Président
Jean-
Bertrand ARISTIDE,
ainsi qu'un retour à
la pleine application
de la constitution nationale et,
partant,
au respect intégral
des
droits
de
l'homme
en
Haïti"
(372).
Il
Y a,
dans
cette
attitude
de
l'Assemblée
Générale,
une
ingérence
pour
la
préservation d'un
processus démocratique
déjà engagé dans un
Etat, avec du reste le concours de l'a .. N.U .. , tout
au
moins
pour la supervision du processus électoral ayant conduit à
la
(370)
FEUER, G. COllentaire de l'article 4 de la cbarte de l'O.II.U. in PELLET A. & cm J.P. La
Charte des lIations Unies, cOlleRtaire article par article, &cono.ica, 1991.
(371) OOMESTICI, M.J. op. cit. Thèse, p. 632.
(372) Texte in DocuIents d'actualité internationale, décelbre 1991, n' 23, p. 455.

-
286 -
victoire de Mr.
ARISTIDE.
Il est clair que la crise politique
en
Haïti
n'est
pas,
en
elle-même,
une
menace
à
la
paix
internationale qui
aurait
justifié une
ingérence de
l'O.N.U.
Il
sera
intéressant
d'étudier
à
l'avenir
l'attitude
de
l'O.N.U.
à
propos des évolutions politiques
internes d'autres
Etats membres.
B - L'"actualisation" du principe
d'autodétermination et l'affirmation
du droit à de libres élections
L'obligation
démocratique,
sur
le
plan
universel,
semble se fonder de plus en plus sur
l'affirmation du droit à
de
libres
élections et sur une réorientation conceptuelle du
principe
d'autodétermination,
qui
signifirait
dorénavant
le
droi t
à
un
régime
poli tique
démocratique.
Il
convient
d'étudier
ces
deux
aspects
d'abord
le
second,
ensui te
le
premier.
1 -
La portée démocratique du principe du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes
Le
droit
des
peuples
à
disposer
d'eux-mêmes
est
l'un
de
ces
principes
du
droit
international
auxquels
on
n'aura pas fini
de donner des significations et des contenus
divers,
les uns plus révolutionnaires que les autres.
Souvent
présenté, non sans raison,
comme le fondement du principe des
nationalités
du
19ème
siècle
européen
(373),
le
droit
des
peuples
à
disposer
d'eux-mêmes
est
un
principe
aujourd'hui
fermement
assis
dans
l'édifice
normatif
du
droit
international. La charte des Nations Unies, en son article 1er
alinéa 2, se propose de
"développer
entre
les
nations
des
(373) Voir HGUYEIf QUOC DIHB ... op. dt. p. 55.

- 287 -
relations
amicales
fondées
sur
le
respect
du
principe
de
l'égal i té de droits
des
peuples
et de
leur droi t
à
disposer
d'eux-mêmes"
la formulation
juridique la plus concrète et la
plus
décisive
de
ce
principe
sera
faite
dans
la
résolution
1514 (XV) de l'Assemblée Générale des Nations Unies en date du
14
décembre
1960,
portant
"déclaration
sur
l'octroi
de
l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux". Ce tournant
est
capital
car
ce
texte
influencera
pendant
longtemps,
jusqu'à
au jourd' hui
du
reste,
l'orientation
anticoloniale
du
principe
du
droit
des
peuples
à
disposer
d'eux-mêmes.
Les
pactes
internationaux
de
1966
sur
les
droits
civils
et
politiques et sur les droits sociaux, économiques et culturels
consacrent
tous
deux
dans
leur
article
1er
le
droit
des
peuples.
La résolution 2625
(XXV)
de l'Assemblée Générale des
Nations
Unies codifiant
les
principes
du droit
international
touchant
les
relations
amicales
et
la
coopération
entre
les
Etats, traite naturellement du droit des peuples. Citons enfin
la
jurisprudence
de
la
Cour
Internationale
de
Justice,
notamment les avis consultatifs relatifs au Sud-Ouest Africain
(21
juin
1971)
(374)
et
au
Sahara
occidental
(16
octobre
1975).
C'est
dire
que
le
principe
du
droit
des
peuples
à
disposer
d'eux-mêmes
est
une
règle
positive
du
droit
international actuel,
conventionnel et coutumier.
De surcroît,
si l'on considère avec la commission du droit international de
l'O.N.U. que la violation de ce principe cardinal devrait être
consti tuti ve d'un
crime
international,
on devra considérer
à
l'avenir le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes comme une
norme
impérative
du
droit
international,
une
norme
de
jus
cogens.
Si
l'assise
juridique
du
principe
est
ferme
et
incontestable,
son
contenu,
en
revanche,
semble
devoir
toujours
être
en
évolution,
au
moins
dans
le
cadre
de
la
doctrine juridique. Déjà, dans son avis consultatif du 21 juin
( 374) Actuellelent république de Halibie.

-
288 -
1971 relatif à
la
Namibie,
la Cour Internationale de Justice
déclarai t
que ce principe devait
être
interprété
en fonction
de "l'évolution que le droit a
ultérieurement connue grâce à
la
Charte
des
Nations
unies
et
à
la
coutume"
(375).
D'une
façon
générale,
on
peut
dire
que
traditionnellement
conçu
comme un principe anti-colonial,
le droit des peuples est en
train
d'être
de
plus
en
plus
compris
comme
un
droit
à
la
participation politique des citoyens.
a - La finalité traditionnelle : un principe anti-
colonial
Le
principe
d'autodétermination
des
peuples
est
fortement
lié
au
problème
de
la
décolonisation.
selon
la
résolution
1514
en
effet,
le
droit
d'autodétermination
est
reconnu aux peuples soumis à une subjugation, à une domination
ou
à
une
exploitation
étrangère.
La
résolution
36/103
de
l'Assemblée Générale des Nations Unies en date du
9 décembre
1981
réaffirme
ce
droit
à
l'autodétermination
pour
"les
peuples
assujettis
à
une
domination
coloniale,
à
une
occupation étrangère ou à des régimes racistes".
si l'on fait
momentanément
abstraction
des
régimes
racistes
dont
l ' évocation
trahit
l'élargissement
de
l ' applicabili té
du
principe
du
droit
des
peuples
à
la
légitimité
et
à
la
représentativité du gouvernement d'un Etat souverain,
le droit
d'autodétermination,
c'est
le
droit
pour
un
peuple
d'ériger
son propre Etat,
de devenir indépendant d'autres peuples.
"Il
est évident,
note un auteur,
que l'accession à
l'indépendance
consti tue
la
consécration
par
excellence
du
droit
de
libre
détermination" (376). L'autodétermination
des peuples,
c'est
(375) C.I.J. Recueil 1971, p. 31. Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de
l'Afrique du Sud en Kalibie nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de Sécurité.
(376) CALEGEROPOULOS-STRATIS, S. Le droit des peuples à disposer d'eux-Iêaes. Bruxelles, Bruylant,
1973,p. 170.

-
289 -
d'abord
et
principalement
l'autonomie
vis-à-vis
de
toute
sujétion
extérieure.
Dès
que
l'indépendance
vis-à-vis
de
l'extérieur est acquise,
dès lors qu'un peuple s'est érigé en
Etat,
quelles
que
soient
par
ailleurs
la
diversité
des
composantes
du
di t
peuple,
le
droit
d'autodétermination
est
épuisé, au moins dans son aspect politique et constitutionnel,
la
souveraineté
permanente
sur
les
ressources
naturelles
étant
une
lutte
de
longue
haleine.
Le
droit
d'autodétermination est le droit d'un peuple non constitué en
Etat
une
fois
la
mutation
accomplie,
le
droit
tombe
en
désuétude,
l'Etat
et
le
peuple
se
fondant
en
un
tout
indissociable,
supposé cohérent et en harmonie.
c'est le sens
des
formules du genre "le droit
des
peuples actuels est
le
droit
des
Etats
à
venir"
(377)
ou,
plus
brutalement,
"les
Etats
au
sens
international
sont
de
toute
évidence
des
peuples"
(378) .
On
comprend
ainsi
que
le
droi t
d'autodétermination
ait
été
analysé
comme
un
principe
ne
produisant d'effets utiles qU'à titre transitoire (379).
A partir de ce premier pilier, va se développer une
deuxième
conception
du
principe
d'autodétermination,
ce
dernier étant assimilé cette
fois
au droit de sécession dont
bénéficieraient
les
sous-ensembles
constitutifs
de
la
population d'un Etat déjà constitué et autonome, notamment les
minorités nationales.
Ces minorités
souffriraient d'une sorte
de "colonialisme intérieur" (380). Le principe
du
droit
des
(377) COMBES, A.F. COllent faire avancer le droit des peuples, in Cahiers du G.E.M.D.E. V. 1985, juin
n' 4, p. 48.
(378) CRISTECO, A. cité par COMBES A.F. op. cit. p. 47.
(379) Voir ARDAHT, P. Que reste-t-il du droit des peuples à disposer d'eux-Iêles ? in Pouvoirs,
1991, n' 57, p. 43.
(380) JOUVE, E. L'éJergence d'un droit des peuples dans les relations internationales, in JOUVE, E.;
CASSESE, A. Pour un droit des peuples. Essais sur la déclaration d'Alger. Paris, Berger
Levrault, 1978, p. 106.

- 290 -
peuples
à
disposer
d'eux-mêmes
peut-il
être
légitimement
revendiqué
dans
ce
cadre
?
si
l'on
considère
la
résolution
1514 du 14 décembre 1960,
il est stipulé que "toute tentative
visant
à
détruire
partiellement
ou
totalement
l'unité
nationale
et
l'intégrité
territoriale
d'un
pays
est
incompatible avec les buts et les principes de la
Charte des
Nations
Unies"
(point 6).
si cette stipulation est rapportée
à
son contexte,
cela
peut
signi fier
le
re jet catégorique de
toutes les sécessions par l'O.N.U.
(381).
Il est difficile de
trouver
dans
le
droit
positif,
des
éléments
permettant
de
déduire
du
droit
des
peuples
un
droit
de
sécession.
La
déclaration sur les relations amicales entre les
Etats du 24
octobre 1970 précise que le droit d'autodétermination ne peut
être interprété
"comme autorisant
ou
encourageant une action
quelle
qu'elle
soit,
qui
démembrerait
ou
menacerait,
totalement
ou
partiellement,
l'intégrité
territoriale
ou
l'unité politique de tout
Etat souverain et indépendant".
La
situation
est
donc
claire
le
droit
d'autodétermination
n'implique pas
le droit de
sécession.
Ce
dernier reste
"un
fait
politique
et
le
droit
international
se
contente
d'en
tirer les conséquences lorsqu'elle aboutit à la mise en place
d'autorités
étatiques
effectives
et
stables"
(382).· Cette
position,
qui
nous semble particulièrement pragmatique,
n'est
pourtant
pas
partagée
par
une
partie
de
la
doctrine.
Le
professeur
JOUVE,
s'appuyant
sur
un
texte
d'origine
privée
(383),
pense qu'un droit
de
sécession
paraît découler de
la
non-observation,
par l'Etat,
de
l'ensemble des droits de ses
peuples.
Le professeur JOUVE va
plus
loin,
puisqu'il affirme
que la déclaration d'Alger reconnaît "un droit
d'intervention
(381) SMOUTS, M.C. Décolonisation et sécession: double lorale de l'O.II.0. ? in R.F.S.P. 1972-2, n'
22, p. 832-846.
(382) IIGUYEli QUOC DIIIH et Alii op. dt. p. 467.
(383) La déclaration universelle des droits des peuples, adoptée le 4 juillet 1976 à Alger. voir
texte in JOUVE, E. : CASSESE, A. Pour un droit des peuples, op. cit.

-
291 -
aux membres de la communauté internationale lorsque les droits
fondamentaux d'un peuple sont "gravement méconnus" (384).
La
perspective
sécessionniste
du
droit
des
peuples
ne
s'éloigne
pas
fondamentalement
de
la
perspective
anticolonialiste,
du
moment
que
ceux
qui
font
sécession
luttent
pour
s' af franchir
d'un
"colonial isme
intérieur".
En
revanche,
voir dans
le
droit d'autodétermination
un
principe
impliquant
l'organisation
et
l'exercice
démocratiques
du
pouvoir
dans
l'Etat,
voilà
qui
est
nouveau
et
mérite
ample
analyse.
b - La réorientation conceptuelle : De
l'autodétermination du Peuple-Etat à la libre
participation politique des citoyens.
Droit
de
la
décolonisation,
droit
pouvant
éventuellement être invoqué pour justifier des sécessions dans
des Etats constitués,
le droi t
des
peuples à
disposer d' eux-
mêmes
semble connaître
depuis
peu une
nouvelle
réorientation
conceptuelle,
qui
en
fait
une
sorte
de
droit
à
un
système
pol i tique basé sur la volonté du peuple,
en somme un droit à
la
démocratie
pour
chaque
peuple.
Cette
évolution
conceptuelle,
révolutionnaire à
plus d'un titre,
rappelle
les
positions de Mr MIRKINE-GUETZEVITCH,
qui voyait dans le droit
des
peuples
à
disposer
d'eux-mêmes,
un
principe
propre
à
compromettre
la
protection
internationale
des
droits
de
l'homme,
ce principe signifiant
pour
lui
"la
primauté de
la
tribu sur la démocratie"
; la seule façon pour lui d'éviter ce
glissement était de réviser le concept du droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes : "deux
conditions
sans
lesquelles
il
(384) JOUVE, E. op. cit. p. 121.

- 292 -
représente un danger pour l'humanité sont la démocratie et la
civilisation" (385).
Il faut dire que même dans son acception anticoloniale,
le droit d'autodétermination contient en lui des éléments tels
que,
la libération vis-à-vis de l'extérieur étant réalisée,
la
volonté de
liberté
publique devait
se
faire
entendre
sur
le
plan
intérieur.
Lorsque
la
résolution
2625
(XXV)
de
1970
écarte
le
principe de sécession au
sein
d'un
Etat souverain
comme
ne
découlant
pas
du
principe
du
droit
des
peuples
à
disposer
d'eux-mêmes,
c'est
parce
qu' il
est
entendu
que
le
nouvel
Etat
constitué
est
"( ... )
doté
d'un
gouvernement
représentant
l'ensemble
du
peuple
appartenant
au
terri taire
sans distinction de race, de croyance ou de couleur"
; il y a

manifestement
une
exigence
claire
de
représentativité
régulière
et
démocratique
des
autorités
politiques.
Lorsque
les
régimes
racistes
sont
considérés,
à
l'instar
de
l'apartheid
en
République
Sud-Africaine,
comme
des
systèmes
pol i tiques
négateurs
du
droit
des
peuples
à
disposer
d' eux-
mêmes,
ce n'est pas seulement que le racisme soit en lui une
idéologie anachronique,
c'est aussi et surtout parce que tout
régime
politique
organisé
sur
la
base
de
la
discrimination
raciale ne peut pas garantir une représentation équitable de
l'ensemble de la population.
Les situations de discrimination
raciale
ne
sont
pas
assimilables
à
des
situations
de
domination étrangère
exiger au
nom du droit des peuples à
disposer
d'eux-mêmes
la
suppression
de
l'apartheid,
c'est
exiger
l'instauration
d'un
régime
politique
démocratique.
(385) HIRKIHE-CUE'I'Z!VITCII, B. L'O.N.O. et la doctrine loderne des droits de l'holle. IIIèle partie,
R.C.D.I.P., 1954, p. 527. Georges SCELLE, quant à lui, avait établi illédiateJent le lien entre
droit des peuples et délocratie :" la forlule du droit des peuples est l'aboutisselent, en droit
public international, du principe délocratlque du droit interne relatif à l'institution, au
contrôle et à la destitution des gouvernants" in Précis de droit des gens, T. II, 1934,
p. 259-260.

-
293 -
Désormais,
le droit d'autodétermination
signifie le droit de
vivre
sous
l'autorité
d'un
gouvernement
procédant
de
la
volonté populaire,
un gouvernement représentatif de l'ensemble
ou
en
tout
cas
de
la
majorité
du
peuple.
De
l'autodétermination
externe,
on
passe
à
l'autodétermination
interne. Comme le note Mr CALEGEROPOULOS-STRATIS,
le droit des
peuples
à
disposer
d'eux-mêmes
contient
le
droit
de
chaque
peuple
de
choisir
ses
propres
gouvernants,
"c'est

l'application du
principe
démocratique
de
la
souveraineté
du
peuple"
(386) .
Le
droi t
d'autodétermination,
ce
n'est
pl us
seulement
le
droit
de
la
libération
du
peuple
du
joug
extérieur,
c'est aussi
le gouvernement
libre et démocratique
du peuple.
Ce
ne
sont
pl us
seulement
les
relations entre
un
peuple en quête d'Etat et un Etat étranger oppresseur qui sont
en
jeu,
mais
les
relations
entre
le
gouvernement
d'un
Etat
constitué
et
sa
base
humaine,
des
relations
dont
on
peut
constater
qu'elles
ne
sont
pas
toujours
pacifiques,
respectueuses
de
la
dignité
des
hommes
et
des
droits
des
citoyens. Le droit des peuples soulève donc le problème de la
légitimité
de
l'autorité
des
gouvernants.
"si
les
droits
de
l'Etat
étaient
tenus
pour
légitimes,
écrit
un
auteur,
certaines
fractions
du
peuple,
voire
certains
peuples
tout
entiers, ne se léveraient pas pour combattre l'Etat" (387).
L'extension du droit d'autodétermination au problème
général de la légitimité démocratique de l'appareil d'Etat est
perceptible dans une bonne partie de la doctrine, soucieuse de
promouvoir une protection efficace des
droits de
l'homme.
Il
est question de "poser le
problème de droits de
l'homme dans
(386) CALEGEROPOULOS-STRATIS, S. op.cit. p. 149.
(387) CHATILLON, G. Un droit des peuples pour quoi faire? in Cahiers du G.E.M.D.E.V., Juin 1985,
n' 4, p. 21.

-
294 -
une
arène
plus
vaste,
celle
de
la
représentativité
de
l'appareil
d'Etat
et
du
droit
à
l'autodétermination"
(388).
certes,
l'invocation
du
droit
d'autodétermination,
même
dans
une
optique
"interne",
n'est
pas
sans
créer
quelques
interrogations
pourquoi,
en
effet,
ne
pas
invoquer
clairement et directement le principe démocratique ? De toutes
manières,
pour
beaucoup
d'auteurs,
un
peuple
opprimé
par
un
régime
autoritaire
ou
dictatorial
pourrait
revendiquer
son
droi t
à
l'autodétermination,
le
régime
tombant
sous
le
coup
d'une
présomption
de
non-représentativité.
"Le
droit
des
peuples,
en
tant
que
principe
universel
et
imprescriptible,
peut
bénéficier,
non
seulement
aux
peuples
maintenus
sous
domination coloniale,
raciste ou sous emprise ou exploitation
étrangère,
mais
également
aux
peuples
des
Etats
constitués,
dont les appareils d'Etat seraient non-représentatifs"
(389).
De façon générale,
la doctrine admet de plus en plus que "le
principe
de
l'autodétermination
des
peuples
est
fondamentalement démocratique"
(390)
;
que
"l'idée d'un droit
des peuples à disposer d'eux-mêmes,
dans sa version
interne,
fait appel au thème de la légitimité démocratique" (391).
Ces tentatives
doctrinales
visant
à
faire
du droit
des
peuples
un
critère
fondamental
de
légitimation
démocratique
des
gouvernements
ne
vont
pas
cependant
sans
hésitations et réserves.
Le droit d'autodétermination a de la
peine à revenir de l'extérieur vers l'intérieur. Comme l'écrit
(388) SAAD, R. Le devoir d'assistance étrangère aux peuples en danger. Tbèse, Nancy III, 1985,
p. 195.
(389) SAAD, R. Idel, p. 368.
(390) EDDINE-GHOZALI, N. Ala recherche de la délocratie cOlle un droit de l 'bolle op. dt. p. 103.
(391) OOIIESTICI, N.J. op. dt. Thèse, Nice, 1979, T. 1: p. 627. Dans ce sens, il faudrait consulter
l'excellente et très suggestive étude de Tbolas N. FRANCK, tbe elerging right to delocratic
governance. A.J.I.L., Janvier 1992, vol. 86; n' 1. p. 46-91.

-
295 -
le
Professeur
CASSESE,
"l'énonciation
(par
ailleurs
quelque
peu
obscure)
du
principe
comme
critère
de
légitimation
démocratique
des
gouvernements
a
donné
jusqu'à
présent
de
maigres
résultats.
A cet
égard,
des
problèmes
historiques,
politiques et économiques complexes font que tant d'Etats ont
des
structures
autoritaires,
et
entravent
la
réalisation
rapide et satisfaisante de ce principe" (392).
Il importe de relever quelles conséquences comporte,
sur le plan du droit,
l'extension du droit des peuples à des
situations de pouvoirs autoritaires, ou de violations massives
de
droits
de
l'homme.
Dire
qu'un
peuple
qui
vit
sous
un
pouvoir politique non démocratique est un peuple qui ne
jouit
pas encore de
son droit
à
disposer
de
lui-même comporte,
en
effet,
plusieurs
conséquences
juridiques.
De
fait,
dans
sa
conception habituelle,
le droit d'autodétermination
impl ique,
pour
le
peuple qui
l'exerce,
la
légi timi té
du
recours
à
la
lutte armée pour appuyer sa lutte politique d'une part,
mais
en
plus
le
droit
et
le
devoir
des
Etats
tiers
d'appuyer
pleinement
cette
lutte,
sans
risquer
de
contrevenir
au
principe de
non-intervention.
Soutenir dès
lors
qu'un
peuple
qui aspire et lutte pour l'instauration d'un régime politique
à l'intérieur d'un Etat constitué est un peuple qui lutte pour
son autodétermination,
c'est dire implicitement que les Etats
tiers ont le droit et le
devoir de soutenir ce peuple dans sa
lutte pour la démocratie,
sans enfreindre en rien le principe
de non-ingérence.
Ce serait une évolution révolutionnaire qui
pour
souhaitable
qu'elle
soi t
aurai t
beaucoup
de
difficultés
à
se
mettre
en
place
;
car,
si
elle
n'est
pas
enserrée dans des procédures institutionnelles qui en limitent
les éventuels débordements, elle aura du mal à être admise par
(392) CASSESE, A. COllentaire de l'article 1 (21 de la cbarte des Nations Unies, in PELLET, A. & COT,
J.P. La charte des Nations Unies, cOllentaire article par article, op. cit. p. 50.

-
296 -
la
communauté
internationale,
à
commencer
par
les
Etats
autocratiques et militairement faibles.
Ce qui,
bien entendu,
est incapable à faire disparaître la pratique de grands Etats
(393).
Si
la
reformulation
du
droit
d'autodétermination
dans
le
sens
d'une
promotion du
principe
démocratique
ne
va
pas sans difficultés,
il faut espérer promouvoir la démocratie
par la consécration du droit à de libres élections.
2
L'affirmation au niveau universel du droit à
des élections libres et démocratiques
Le
droit
international
s'intéresse
toujours
davantage à des questions qu'on a coutume de considérer comme
relevant
"normalement"
du
domaine
réservé
des
Etats.
L'irruption des droits de l'homme est pour beaucoup dans cette
évolution
qui
est
perceptible
notamment
dans
les
développements
juridiques sur le droit à des élections libres
et
démocratiques.
Ce
droit
en
promotion
est
un
élément
qui
plaide
pour
le
penchant
vers
la
légi timi té
démocratique
du
droit international contemporain,
les élections comme mode de
désignation
des
autorités
étant
un
des
éléments-clés
d'un
régime démocratique.
En effet,
"la démocratie existe quand les
principaux leaders d'un système politique sont sélectionnés au
moyen
d'élections
concurrentielles
auxquelles
le
gros
de
la
population
a
la
faculté
de
participer"
(394).
L'obligation
pour les
Etats
d'organiser,
aux
fins
de
désignation
des
(393) L'action des Etats-Unis au Panala en 1990, baptisée "juste cause", était justifiée - entre
autres raisons - par la volonté de laintenir le cours délocratique au Panala, c'est-à-dire à
perlettre au peuple panaléen de "disposer de lui-Iêle".
(394) HUIITIIIG'l'OII, S. & MOORE, C.R. Autlloritarian politics in lodern society, lIev-York, Basic books,
1970, p. 505.

- 297 -
gouvernants,
des
élections
libres
et
démocratiques
est-elle
aujourd'hui
rentrée
dans
le
droit
international
positif,
au
niveau
universel
?
Quelles
conséquences
pratiques
cette
consécration formelle comporte-t-elle ?
a - Repérage de la consécration du droit à des
élections libres
Plusieurs instruments
juridiques
adoptés
au
niveau
universel
consacrent
le
droit
à
des
élections
libres
ou,
en
sens
inverse,
l' obl igation
de
les
organiser.
La
déclaration
universelle des droits
de
l'homme
énonce,
en son
article
21
alinéa
3
que
"la
volonté
du
peuple
est
le
fondement
de
l'autorité
des
pouvoirs
publics
;
cette
volonté
doit
s'exprimer par des élections honnêtes qui
doivent avoir
lieu
périodiquement, au suffrage égal et au vote secret ou suivant
une
procédure
équivalente
assurant
la
liberté
du
vote".
Autrement
dit,
il
n'est
pas
de
procédure
alternative
aux
élections
pour
manifester
la
volonté
du
peuple,
ce
qui
est
conforme à
la pensée politique libérale démocratique. Le pacte
international sur les droits civils et politiques
reprend, en
son
article
25,
la
même
idée,
puisqu'il
reconnaît
à
tout
citoyen le droit et la possibilité "de voter et d'être élu, au
cours d'élections périodiques,
honnêtes,
au suffrage universel
et égal et au scrutin secret,
assurant
l'expression libre de
la volonté des électeurs".
Le pacte étant un instrument entré
en vigueur depuis le 23 mars 1976,
l'obligation de tenir des
élections
pour
désigner
les
représentants
nationaux
fait
aujourd'hui partie du droit international positif et s'impose
à
tous
ceux
qui
ont
ratifié
ce
texte,
à
défaut
de
pouvoir
s'imposer à tous les Etats à titre d'obligation coutumière.
L'Assemblée
Générale
des
Nations
Unies,
le
18
décembre
1990,
a
adopté
la
résolution
45/150
sur
le
renforcement
de
l'efficacité
du
principe
d'élections
périodiques
et
honnêtes.
L'Assemblée Générale
est convaincue

-
298 ~
que
"des
élections
périodiques
et
honnêtes
sont
un
élément
nécessaire
et
indispensable
des
efforts
soutenus
visant
à
protéger
les
droits
et
intérêts
des
administrés",
que
"pour
déterminer
la
volonté
du
peuple,
il
faut
un
processus
électoral qui donne à tous les citoyens des chances
égales de
devenir
candidats
et de
faire
valoir
leurs
vues
politiques".
L'exigence des élections est donc clairement affirmée.
Sur ce
fond commun
et intangible
pour tous
les
Etats,
la
résolution
45/150
précise
"qu'il
n'existe
aucun
système
politique,
ni
aucune
méthode
électorale
qui
puisse
convenir
également
à
toutes
les
nations
et
à
tous
les
peuples",
ce
qui
n'est
pas
sans
équivoque.
Car
l'admission
du
principe
électoral
comme
unique modalité d'expression de
la volonté
populaire implique
l'adoption
de
la
démocratie
représentative
comme
système
politique.
Bien
entendu,
elle
pourra
être
ici
parlementaire,

présidentielle,
plus
loin
"consociative",
mais
ce
ne
sont

que
des
aménagements
pratiques
à
l'intérieur
d'un
modèle
d'organisation
pol i tique
commun
à
tous.
Les
pays
en
voie
de
développement
ont
vu
dans
la
résolution
45/150
une
source
potentielle
d'atteinte
à
leur
souveraineté,
comme
l'écrit
en
effet le professeur MORIN,
"la norme démocratique s'impose de
plus en
plus et
( ... )
la
majorité des
Etats redoutent encore
une
interprétation
de
cette
norme
qui
autoriserait
certains
Etats
à
exercer
leur
"mission
civilisatrice"
chez
d'autres"
(394 bis ).
c'est
pourquoi
le
même
jour,
18
décembre
1990,
l'Assemblée Générale des Nations Unies a
adopté la résolution
45/151 concernant le respect des
principes de la souveraineté
et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats
(394bis ) MORIN, J.Y. Organisations internationales et droits de l'holle : vers de nouvelles
exigences de légitilité de l'Etat. cOllunication au colloque de la SOciété Française de Droit
International: "l'Etat souverain à l'aube du XXIèae siècle", Nancy, 3, 4, 5 juin 1993, p. 35.

-
299 -
en
ce qui
concerne
les
processus
électoraux
(395).
Selon
la
résolution 45/151 "il
appartient aux seuls peuples de décider
des méthodes
à
suivre et des
insti tutions
à
mettre en place
aux
fins
du
processus
électoral,
ainsi
que
des
moyens
de
mettre ce
processus
en oeuvre conformément à
la constitution
et
à
la
législation
nationales",
étant
entendu
que
"les
systèmes
poli tiques
et
les
processus
électoraux
sont
conditionnés
par
des
facteurs
historiques,
politiques,
culturels
et
religieux".
Le
sens
de
cette
résolution,
c'est
que si
les Etats se sont engagés sur le plan international à
mettre en oeuvre un processus électoral,
les critères libéraux
d'un
tel
processus
ne
sont
pas
encore
universellement
partagés.
Pourtant,
on peut noter l'usage systématique,
là où
un
parcours
électoral
a
lieu
ou
est
prévu,
des
méthodes
en
cours dans les démocraties occidentales
(396).
Pour conclure,
on peut noter au niveau du droit international universel,
une
convergence
significative
pour
reconnaître
un
droit
à
de
libres
élections.
Reste
à
savoir
quelles
conséquences
pratiques
comporte
cette
poussée
normative
de
l'obligation
démocratique.
b - La Protection du droit à de libres élections :
un droit d'intervention pour la protection de la
souveraineté du peuple ?
Sur la base des développements qui précédent et qui
vont dans le sens d'une consécration juridique de l'obligation
démocratique, plusieurs auteurs de la doctrine discutent de la
question de savoir si une
intervention
d'un
Etat
visant
à
( 395) La résolution 45/151 a été adoptée à 111 voix pour, 29 contre (dont tous les pays de la
C.E.E.) et Il abstentions dont l'U.R.S.S.
(396) Pour les élections prévues au Caabodge sous la supervision de l'A,P.R.O.N.U.C., voir l'acte
final de la conférence de Paris, Annexe J, 2J octobre 1991.

- 300 -
renverser un reg~me
despotique
ou autoritaire et à installer
un
système
démocratique
dans
un
autre
ne
serait
pas
envisageable
et
légitime.
Ce
débat
occupe
principalement
la
doctrine
américaine,
qui
se
di vise
sur
ce
sujet
en
interventionnistes et en non-interventionnistes.
Sur
le
registre
interventionniste
pour
protéger ou
promouvoir la démocratie, on peut mentionner M.
REISMAN (397).
Pour cet auteur " when those confirmed wishes are ignored by a
local caudillo who either takes power himself or assigns i t to
a
subordinate
he
controls,
a
jurist
rooted
in
the
late
twentieth century can hardly say that an invasion by outside
forces
to
remove
the
caudillo
and
install
the
elected
government
is
a
violation
of
national
soveignty"
(39B).
L'auteur prend soin,
cependant,
de
préciser que
"this is not
to
say
that
every
externally
motivated
action
to
remove
an
unpopular government is now permitted,
or that officer corps
that feel obsolescence hard upon them can claim a
new raison
d'être
and
stat
scouring
the
globe
for
opportunities
for
"democrazing"
interventions"
(399).
Dans
le
même
sens,
à
propos
de
l'intervention
américaine
au
Panama
en
1990,
le
Professeur d' AMATO écri t
qu'une
tyrannie exige
légalement et
moralement une
intervention extérieure
."
largue that human
rights law demands intervention against tyranny" (400).
A
ces
vues
pro-interventionnistes
s'opposent
des
positions
nettement
contraires.
Mr
NANDA
écrit
que
"no
(397) RErSMAIl, M. Coercion and Self-detenination : construinq charter article 2 (4). A.J.LL.,
July 1984, vol. 78, p. 654 i voir aussi, du lêle auteur, Sovereiqnty and bUian riqbts in
contelporary international law. A.J.r.L., 1990, vol. 84, n' 4, p. 866.
(398) REISMAIl, H. op. cit. A.J.LL., 1990, n' 4, p. 871.
(399) REISMAIl, H. op. cit. A.J.LL., 1990, p. 871.
(400) D'AMATa, A. Tbe invasion of Panala was a lawful response to tyranny. A.J.LL, 1990, vol. 84.
p. 519.

-
301 -
international
légal
instrument
permits
intervention
to
maintain or impose a democratic form of government in another
states"
(401).
De
même,
le
Professeur
SCHACHTER exprime
des
vues semblables et en tout cas nettement réservées
vis-à-vis
du
droit
d'intervention
démocratique
tel
qu'il
est
théorisé
par Mr REISMAN notamment (402).
Il faut dire que si l'obligation démocratique émerge
toujours
avec
plus
de
force
sur
le
plan
universel,
la
protection
de
la
souveraineté
du
peuple
ne
devrait
pas
emprunter
immédiatement
la
voie
de
l'ingérence
démocratique
par
la
force
armée.
Même
s'il
ne
faudrait
pas
exclure
absolument
la
possibilité
éventuelle,
sous
réserve
de
l'autorisation des Nations-Unies
-
du Conseil de Sécurité -
du recours
à
la
force
pour
préserver
un
régime
démocratique
menacé dans ses fondements dans un Etat,
il nous semble qu'il
faudrait
d'abord
promouvoir
ou
renforcer
les
moyens
institutionnels de
suivi
de
l'obligation
démocratique.
De
(401) IIAHnA, V.P. The validity of united states intervention in Panala under international law.
A.J.I.L., 1990, vol. 84, n· 2, p. 498.
( 402) SCRACBTER, O. The leqality of pro-delocratic invasion. A.J. LL., July 1984, vol. 78, n· 3, p.
645. voir aussi, du lête auteur: Is there a right to overthrow au illeqitilate reqile ? in
Mélanges VlRALLY, Paris, Pedone, 1991, p. 423. Cette attitude réservée nous seable être de
bonne sagesse ; car quand on connait la fréquence des contestations électorales plus ou lOins
sincères de la part des oppositions dans aaints pays du tiers-Ionde notauent, donner un feu
vert général en faveur de l'ingérence délocratique serait dangereux. Du reste, la C.I.J., dans
l'affaire des activités lilitaires, a nettelent dit que le principe de non-intervention
n'aurait plus de sens" si l'intervention pouvait être justifiée par une silple delande
d'assistance forlulée par un groupe d'opposants dans un autre Etat. (••. ) Tout Etat serait ainsi
en lesure d'intervenir à tout coup dans les affaires intérieures d'un autre Etat, à la requête
tantôt de son gouvernelent, tantôt de son opposition. Une telle situation ne correspond pas, de
l'avis de la Cour, à l'état actuel du droit international" C.I.J. Rec. 1987, p. 126, Par. 246.

-
302 -
telles
procédures
existent
dans
le
système
régional
européen
et
dans
le
système
interaméricain.
Sans
exclure
totalement,
par
souci
de
réalisme,
le
recours
éventuel
à
la
force,
la
préservation
de
la
démocratie
doi t
être
organisée
à
travers
des
mécanismes
institutionnels
qui
se
retrouvent
dans
des
systèmes régionaux qu'il convient d'analyser.
Paragraphe 2 - Le principe démocratique dans les ordres
juridiques régionaux.
Pour établir que le principe démocratique est devenu
le
critère
de
légitimité
obligatoire
pour
les
Etats
dans
l'ordre international
actuel,
l'analyse des ordres
juridiques
reg10naux
nous
semble
importante.
Ce
qui
caractérise
le
principe démocratique
ici,
c'est
son
inégale
force
normative
d'un univers régional à un autre. Ce qui en effet est conçu de
plus en
plus comme
le seul
principe de
légitimité politique,
le
référent
idéologique
obligatoire
de
l'ordre
régional
européen,
ce
qui
tend
aussi
à
le
devenir
dans
le
cadre
interamér icain,
prenant
le pas sur
le principe de 1 iberté de
choix de son idéologie politique,
demeure presque effacé dans
l'ordre
régional
africain.
L'impératif
est
donc
inégalement
consacré et respecté d'une région à une autre.
A -
L'impératif démocratique dans le cadre européen
(403).
L'ordre
régional européen est celui dans lequel
la
consécration du principe démocratique est faite
à
l'exclusion
de tout autre
principe
politique. Cette situation, pourtant,
(403)
Voir RIGAUX, F. Ilpératif délocratique et droit international, p. 37-51 : et BEHOIT, J.P. La
délocratie dans les relations internationales: l'exelple européen, p. 121-133. Articles publiés
in le Trilestre du Monde, 1er Tril. 1992.

-
JOJ -
ne remonte pas à bien longtemps.
Dans le
cadre
européen,
il
semble que
ce
soit
après
la
seconde
guerre
mondiale
que
le
principe
est
proclamé,
ayant
une
vocation
régionale.
C'est
d'abord dans le Pacte de l'Union Occidentale (bientôt Union de
l'Europe occidentale)
du
17 mars
1948,
et notamment dans son
préambule
qu'est
proclamée
la
résolution
des
Hautes
Parties
Contractantes

confirmer
et
à
défendre
les
principes
démocratiques,
les
libertés
civiques
et
individuelles,
les
tradi tions
constitutionnelles
et
le
respect
de
la
loi,
qui
forment
leur patrimoine commun".
Un an plus tard,
le 4 Avril
1949,
les
Etats
qui
signent
le
Traité
de
l'Atlantique
Nord
affirment
leur
détermination"
à
sauvegarder
la
liberté
de
leurs
peuples,
leur
héritage
commun
et
leur
civilisation,
fondés
sur
les
principes
de
la
démocratie,
les
libertés
individuelles et le règne du droit". Toutefois,
il convient de
s'intéresser
particulièrement
au
Conseil
de
l'Europe
d'une
part,
aux communautés
européennes
et au
processus
d' Helsinki
d'autre part.
1 - La légitimité démocratique. principe directeur
du Conseil de l'Europe.
Un
pas
important
sera
franchi,
pour
la
démocratie
dans le cadre européen, avec la signature du statut du Conseil
de l'Europe, ce "club de démocraties où l'on n'entre pas et ne
sort pas comme sous
feu
la
S. D. N."
(404).
Avec
le statut du
Conseil
de
l'Europe,
l'institution
d'un
ordre
démocratique
dans
chaque
Etat
devient
une
obligation
conventionnelle
claire.
Le préambule du dit
statut
fait
appel
aux
principes
"de
liberté
individuelle,
de
liberté
politique
et
de
prééminence
du
droit
sur
lesquels
se
fonde
toute
démocratie
véri table".
Le
Conseil
de
l'Europe
se
veut
un
club
d'accès
difficile, celui-ci étant
basé
sur
l'impératif
idéologique
(404) BURBAH, J.L. Le Conseil de l'Europe. P.U.F. Que sais-je, 1985, p. 13.

-
304 -
fondamental
que
résument
la
démocratie
parlementaire
et
le
respect
des
droits
de
l'homme.
L'article
3
du
statut
subordonne
l'admission
au
Conseil
de
l'Europe
à
la
reconnaissance de
la
prééminence du
droit
et du
principe
en
vertu duquel
toute
personne
placée
sous
la
juridiction
d'un
Etat membre doit
jouir des droi ts de l ' homme et des libertés
fondamentales.
si l'Etat candidat est "considéré comme capable
de se conformer
aux dispositions
de
l'article
3 et comme en
ayant la volonté",
il peut alors être invité par le Comité des
Ministres à
devenir membre du Conseil de
l'Europe.
Membre du
Conseil
de
l'Europe
et
qualité
de
démocratie
parlementaire
vont donc théoriquement de pair.
La violation par un Etat de
l'article 3 du statut du Conseil de l'Europe peut entraîner sa
suspension ou
son exclusion de
l'organisation.
L' atti tude du
Conseil de
l'Europe a
été,
à
cet égard,
claire
d'abord en
1967,
après le coup d'Etat du 24 Avril en Grèce;
ensuite en
1980 après
le coup d'Etat du 12 Septembre en Turquie.
Il est
vrai qu'on peut regretter l'absence d'uniformité des positions
du Consei l
de l'Europe dans
les deux cas,
ce qui
peut faire
douter de son impartialité et de sa volonté de sauvegarder la
démocratie parlementaire. En effet, alors que le traitement du
cas
grec
aura
abouti
à
son
retrait-exclusion
de
l'organisation,
la
Turquie
a
été
maintenue
dans
l'organisation.
On
a
essayé
de
justifier
cette
attitude
équivoque du
Conseil
de
l'Europe
en
alléguant
la
différence
des
contextes
grec
et
turc,
du
point
de
vue
politique,
stratég ique
et
culturel.
Sur
ce
dernier
point
notamment,
un
analyste écrit que "si la Turquie a depuis maintenant cent ans
manifesté une politique d'occidentalisation farouche,
la Grèce
a toujours gardé ses distances à
l'égard d'un occident dont le
modèle lui a souvent été imposé" (405). Ce
qu'il
importe
de
( 405) SERVIES, M. Le Conseil de l'Europe et les dictatures : le cas de la Grèce et de la Turquie.
Méloire D.E.A, 1990, Montpellier I, p. 135. Voir égalelent l/ilportante bibliographie y
figurant en annexe.

- 305 -
saisir dans
l'attitude du Conseil de l'Europe vis-à-vis de la
Grèce
et
de
la
Turquie,
c'est
que
l'organisation
internationale
en
question
et
ses
Etats
membres
individuellement
ont
un
droit
de
regard
sur
le
respect
par
chacun de ses obligations juridiques en matière de démocratie,
un
droit
de
regard
qui
est
mis
en
oeuvre
à
travers
des
mécanismes institutionnels.
La vocation démocratique du Conseil de
l'Europe est
symbolisée encore mieux par son oeuvre majeure,
la Convention
européenne des droits de
l ' homme signée à
Rome
le 4 Novembre
1950. Le préambule de ce texte réaffirme l'attachement de ses
signataires "à ces libertés fondamentales qui constituent les
assises mêmes de
la
justice et
de
la
paix
dans
le monde
et
dont
le
maintien
repose
essentiellement
sur
un
régime
politique véritablement démocratique".
Selon la formule de
la
commission européenne des droits de l'homme,
la conclusion de
la
Convention
visait
à
"réaliser
les
objectifs et
idéaux
du
Conseil
de
l'Europe
( ... )
et
instaurer
un
ordre
public
communautaire
des
libres
démocraties
d'Europe"
(406).
Parmi
les
droits
consacrés
par
la
Convention
et
ses
protocoles
addi tionnels,
figure en bonne place le principe des élections
libres.
Le
premier
protocole
additionnel,
en
son
article
3,
pose en effet que" les Hautes Parties contractantes s'engagent
à
organiser
à
des
intervalles
raisonnables,
des
élections
libres au scrutin secret,
dans les conditions qui assurent la
libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps
législatif".
L'article
3
du
premier
protocole
additionnel
énonce non seulement "un droit en quelque sorte institutionnel
à
l'organisation d'élections",
mais aussi
"un droit subjectif
à y participer" (407). Si la consécration
conventionnelle
du
(406) Décision sur la recevabilité de la requête Autricbe cl Italie. A.C.E.D.H., Vol. 4, 1961,
p. 139.
(407) \\lJY, R. La garantie européenne du droit à de libres élections léqislatives : l'article 3 du
prelier protocole additionnel à la Convention de ROle. R.D.P. 1986, p. 1278.

-
306 -
droit
à
des
élections
législatives
marque
la
pénétration
toujours plus profonde du droit international dans le cadre du
droit
interne
et
de
la
compétence
nationale,
elle
n'aboutit
cependant pas à la ruine totale de toute marge de manoeuvre au
profit des Etats, même si celle-ci ne peut plus s'inscrire que
dans un cadre bien défini.
Dans son arrêt de principe relatif
à
l'application
de
l'article
3
du
premier
protocole
additionnel à la Convention,
la Cour européenne des droits de
l'homme a défini
les contours du droit à
de
libres élections
législatives,
un
droit
qui
peut
être
soumis
à
des
restrictions. En effet, selon la Cour, "les droits en question
ne
sont
pas
absolus.
( ... )
Dans
leurs
ordres
juridiques
internes
respectifs,
les
Etats
contractants
entourent
les
droits
de
vote
et
d'éligibilité
de
conditions
auxquelles
l'article 3 ne met en principe pas obstacle.
Ils
jouissent en
la
matière
d'une
large
marge
d'appréciation
... "(408).
De
même,
l'article
3
"n'engendre
aucune
obI igation
d'introduire
un système
déterminé,
tel
que
la
proportionnelle ou
le
vote
majoritaire
à
un
ou
à
deux
tours"
(409).
De
façon
plus
générale,
" aux fins d'application de l'article 3 du protocole
1,
tout
système
électoral
doit
s'apprécier
à
la
lumière
de
l'évolution
politique
du
pays,
de
sorte
que
des
détails
inacceptables dans le cadre d'un système déterminé peuvent se
justifier dans
celui
d'un
autre
pour
autant du
moins que
le
système
adopté
réponde
à
des
conditions
assurant
"la
libre
expression
de
l'opinion
du
peuple
sur
le
corps
législatif""
(410) •
Il
nous
semble
y
avoir
quelque
parenté
intellectuelle entre cette
nécessité
d'apprécier
le système
( 408) Publications de la Cour Européenne des droits de Phone, Série A, vol. 113, Arrêt du 2 Mars
1987, Affaire Mathieu MORIN et CLERPAYT p. 23.
( 409) Idea, p. 23-24.
(410) Idea, p. 24.

-
307 -
électoral "à la lumière de l'évolution politique du pays" dont
parle
la
Cour
européenne,
et
la
volonté
exprimée
dans
la
résolution
45/151
de
l'Assemblée
Générale
des
Nations
Unies
d'adapter les systèmes électoraux à
"des facteurs historiques,
politiques,
culturels
et
religieux".
Toutefois,
il
y a
davantage de dynamisme dans la position de la Cour européenne,
en
ce
que
l ' évol ution
pol i tique
d'un
pays
est
un
processus
lui-même dynamique,
de sorte que le système électoral accepté
aujourd'hui pourra ne
plus l'être à l'avenir ; au contraire,
l'esprit
de
la
résolution
45/151
peut
paraître
rigide,
car
baser
un
système
électoral
sur
des
données
culturelles,
historiques
et
surtout
religieuses,
c'est
risquer
de
transformer
la
pragmatique
adaptation
d'une
norme
à
des
réalités
sociologiques
en
antichambre
du
conservatisme
politique et en une idolâtrie non-avouée du statu quo.
2 -
La légitimité démocratique dans les Communautés
Européennes et le Processus d'Helsinki.
L'irradiation
par
le
principe
démocratique
de
l'ordre
juridique et
politique
européen est
perceptible
pour
ce qui concerne la récente Union Européenne, qui est appelée à
prendre
le
relais
de
la
Communauté
économique
européenne.
L'alinéa 1er de l'article F du titre l
du Traité de Maastricht
stipule
que
"l"Union
respecte
l'identité
nationale
de
ses
Etats membres,
dont
les
systèmes de gouvernement sont fondés
sur
les
principes
démocratiques".
Cette
consécration
conventionnelle de la démocratie dans le cadre des communautés
Européennes n'est
pas
révolutionnaire
en elle-même,
car elle
n'est que la reprise d'une idée permanente, déjà exprimée dans
la
"Déclaration
sur
la
Démocratie"
du
Conseil
Européen
de
copenhague
en
1978
"( ... )
Les
chefs
d'Etat
et
de
gouvernements
confirment
leur
volonté
( ... )
d'assurer
le
respect
des
valeurs
d'ordre
juridique,
politique
et
moral
auxquelles
ils sont attachés et de sauvegarder les
principes
de
la
démocratie
représentative,
de
règne
de
la
loi,
de
la

-
308 -
justice sociale et du respect des droits de l'homme
( ... ) Ils
déclarent solennellement que
le respect et
le maintien de la
démocratie représentative et des droits de l'homme dans chacun
des
Etats
membres
constituent
des
éléments
essentiels
de
l'appartenance aux communautés européennes" (411).
L'on
peut
enfin
trouver
le
principe
démocratique
clairement affirmé dans l'ordre
juridique régional
européen à
travers le Processus
d' Helsinki,
et notamment dans la Charte
de Paris pour une nouvelle Europe,
signée le 21 Novembre 1990.
L'idée
de
démocratie
traverse
toute
la
Charte,
à
tous
les
niveaux
(politique,
économique,
culturel,
le
domaine
de
la
paix
ou
de
la
sécurité,
les
relations
amicales
entre
les
Etats). Même si la Charte de Paris ne se veut pas un document
conventionnel,
son
texte
n'étant
"pas
recevable
pour
être
enregistré au titre de l'article 102 de la Charte des Nations
Unies",
elle comporte des principes devant fortement
inspirer
la conduite des Etats qui y ont souscrit. Les Etats membres de
la
Conférence
sur
la
sécurité
et
la
coopération
en
Europe
(C.S.C.E.)
s'engagent,
dans
la
Charte de
Paris,

édifier,
consolider
et
raffermir
la
démocratie
comme
seul
système
de
gouvernement"
de
leurs
nations
selon
la
Charte,
"le
gouvernement
démocratique
repose
sur
la
volonté
du
peuple,
exprimée à
intervalles réguliers
par des élections
libres et
loyales ... " (412).
Ainsi,
les
Etats
Européens,
de
façon
globale,
sont
actuellement
enserrés
dans
un
réseau
dense
d'obligations
se
rapportant
à
l'exigence
de
l'instauration
d'un
ordre
démocratique
sur
le
plan
interne.
Dans
le
cadre
de
la
C.S.C.E.,

le
respect
des
droi ts
de
l' homme
(et
donc
la
démocratie)
et
le
principe
de
non-intervention
s'étaient
( 411) Voir texte de la Déclaration in Bulletin des COllunautés Européennes. 1978/3 p. 5-6.
(412) Charte de Paris Principe l, "Droits de l'holle, délocratie, Etat de Droit", voir texte in
R.G.D.I.P., 1991, p. 294.

-
309 -
pendant
longtemps
neutralisés
(413),
ce
dernier
prlncipe
semble céder le pas au premier
on peut remarquer que parmi
les dix principes de l'Acte final de Paris qui doivent guider
les
Etats
membres
de
la
C.S.C.E.
dans
leurs
relations
à
l'avenir,
ne
figure
pas
expressément
le
principe
de
non-
intervention.
On
pourrait
ainsi
concevoir
qu'un
Etat
ayant
accepté
les
instruments
européens
consacrant
le
principe
démocratique
puisse
exiger
d'un
autre
Etat
partie
qu'il
respecte
ledit
principe,
en
usant
de
moyens
institutionnels
prévus
par
ces
di vers
instruments,
y
compris
la
Charte
de
Paris qui
a
entrepris
une timide
institutionnalisation de
la
C. S. C. E.
(414).
Ce
serait

une
forme
acceptable
de
droit
d'ingérence
reposant
sur
l'acceptation
claire
d'un
principe
commun
par
chacun,
une
ingérence
qu'on
pourrai t
dire
civilisée.
En
revanche,
c'est
avec
beaucoup
de
précautions
qu'on devrait suivre
le
Professeur TENEKIDES
lorsqu'il
admet
que
"l'Etat
lié
conventionnellement
par
cette
notion
(démocratie)
intervienne à
l'intérieur d'un Etat étranger,
si
le
chef
de
cet
Etat,
par
l'action
de
ses
agents,
viole
la
justice fondamentale de ses
rapports avec son peuple"
(415).
Quoiqu'il en soit, le principe démocratique tend à devenir une
coutume
juridique en Europe.
En est-il de même dans
le cadre
interaméricain ?
B - Le système régional inter-américain et le
principe démocratique.
La
complexité
du
système
régional
interaméricain
procède de la coexistence simultanée de deux principes presque
(413) Voir ARAIIGID-RVIZ, G. HUian-rights and non-intervention in the Helsinki final Act.
R.C.A.D.I., 1977, vol. 157, p. 195-332.
(414)
Voir charte de Paris. DoCUIent cOlplélentaire relatif à la lise en application de certaines
dispositions contenues dans la charte de Paris pour une nouvelle Europe.
(415) TEllEKIDES, G. op. cit. A.!.D.!., vol. 63-I, 1989, p. 369.

-
310 -
antinomiques,
tous
deux
obligatoires
l'obligation
d'organiser
sur
le
plan
interne
un
système
politique
démocratique, qui implique un droit de regard des autres Etats
membres,
et
le
devoir de
ne
pas
s'ingérer dans
les
affaires
intérieures d'un Etat membre,
pour quelque raison que ce soit,
y compris pour des raisons liées à son régime politique.
1 - Une obligation démocratique positive
Il
est
clair
que
l'exercice
effectif
de
la
démocratie
représentative
est
un
principe
expressément
consacré dans la charte de l'organisation des Etats Américains
(O.E.A.),
un
principe
de
la
solidarité
panaméricaine
le
respect des mécanismes démocratiques est un principe important
du
système
de
la
sécurité
collective
du
continent
américain
(416). L'article 3, relatif aux principes de l'O.E.A., stipule
que "les Etas américains réaffirment les principes suivants
:
( ... ) d)
la solidarité des Etats américains et les buts élevés
qu'ils
poursuivent
exigent
de
ces
Etats
une
organisation
poli tique
basée
sur
le
fonctionnement
effectif
de
la
démocratie représentative".
L'O.E.A.
est donc une organisation
régionale
idéologiquement
marquée,
elle
institue
un
système
qui
"suppose
et
implique
une
organisation
politique
interne
déterminée et spécifique des Etats membres"
(417).
L'article 5
de la charte de Bogota réaffirme
le principe démocratique de
façon
non-équivoque.
L'adhésion
au
principe
démocratique
conditionne, dans le système interaméricain,
la reconnaissance
de
tout
pouvoir
de
fait
établi
dans
un
Etat
membre
engagement de tenir des élections
dans
un délai
raisonnable,
acceptation
du
respect
des
droits
de
l'homme
(418).
Il
apparaît ainsi
que
"l'organisation
politique
démocratique
(416) LAFFERlERE, F.J. L'organisation des Etats Aléricains, Paris, P.U.F., 1972.
(417) GROS-ESPlELL, B. Le processus de la réforae de la charte de l'O.E.A .. A.F.D.!., 1968, p. 145.
(418) Voir Recoqnition of de facto Governlents, Resolution adopted at second special lnteraaérican
Conference (Rio de Janeiro, 17-20 Nov. 1965) in A.J.l.L., 1966, vol. 60, n' 2. p. 398-399.

-
311 -
représentative,
visée à
l'article 5-d de la Charte de Bogota,
ne constitue pas
une
affirmation
et
un
accord
plus ou moins
vague sur une
idéologie commune,
mais
au contraire un devoir
juridique
internationalement
exigible"
(419).
En
d'autres
termes,
l'obligation
pour
chaque
Etat
membre
de
l'D.E.A.
d'avoir un régime politique démocratique peut donc fonder tout
autre Etat membre à
en exiger l'instauration,
le maintien ou
le
rétablissement,
soit
une
sorte
de
droit
d'ingérence
démocratique.
Or,
précisément,
il
ne
semble pas
que
l'obligation
démocratique
doive
conduire
à
une
telle
perspective
dans
le
cadre
interamér icain.
En effet,
le
Protocole d'Amendement
de
la
Charte
de
l'O.E.A.
adopté
à
Carthagène
(Colombie)
le
5
Décembre 1985 énonce,
en son article 2,
b,
que
l'un des buts
de
l'D.E.A.
est
d'''encourager
et
consolider
la
démocratie
représentati ve,
compte dûment tenu
du
respect du principe de
non-intervention".
L'article
3
de
ce
même
protocole
fait
apparaître cette double exigence (420).
2 - La coexistence entre le principe démocratique et
la non-intervention.
A nouveau se pose le problème de la compatibilité de
ces deux exigences
juridiques, car pour que leur finalité soit
atteinte, l'une doit prévaloir sur l'autre
(421).
Or,
cette
(419) GROS-ESPIELL, H. op. cit. p. 160.
(420) Voir texte du Protocole in R.G.O.l.P., 1986, T. 90, p. 1060-1074.
(421) Apropos de la coexistence de ces deux principes dans le systèle interaléricain et des
divergences d'interprétation entre les Etats lelbres quant à leurs rapports, Voir
ORREGO-VICUHA, F. Ala recherche d'un nouveau rôle pour l'organisation des Etats Aléricains.
Le Protocole d'Alendelent de 1985 à la charte. A.F.O.I., 1987, p. 784-797. L'auteur évoque les
divergences d'interprétation entre les U.S.A. - qui font prévaloir l'exigence délocratique sur
le principe de non-intervention - et le Pérou - pour qui ces deux principes doivent lener
une
existence autonole.

-
312 -
prévalence
ne
peut
être
décidée
en
principe,
en
général
elle
doit
être
fondée
en
droit
positif.
Dans
ce
deuxième
sillage,
considérons
la
position
exprimée
par
la
Cour
Internationale
de
Justice,
en
l'affaire
des
activités
militaires au Nicaragua,
qui
nous
semble donner
une
solution
au problème.
La Cour de La Haye déclare que "les orientations
politiques
internes
d'un
Etat
relèvent
de
la
compétence
exclusive de celui-ci
pour autant,
bien entendu,
qu'elles
ne
violent aucune obligation de droit
international
(421 bis ).
si
l'on
transpose
à
l'ordre
interaméricain
cette
proposition,
elle emporte que
les
Etats
membres
de
l ' D. E. A.
ont toute
la
liberté
de
développer
leur
vie
politique,
économique
et
cul turelle,
du
moins
tant
que
cette
liberté
n'aboutit
pas
à
remettre en cause "le fonctionnement effectif de la démocratie
représentative",
ou
en
tout
cas
tant
que
cette
liberté
n'exclut pas la possibilité d'instaurer ou de rétablir un tel
système.
Ceci
étant
posé,
un
droit
d'ingérence
peut-il
se
fonder sur cette commune adhésion à
l'idéologie démocratique?
si ce droit signifie la réaction des institutions de l'D.E.A.
en
vue
de
ramener
l'Etat
fautif
sur
le
droit
chemin,
certainement oui
i
si
en
revanche
il
signifie
l'action d'un
Etat
membre
de
l'D.E.A.,
individuellement
et
sans
mandat
quelconque
de
la
part
de
l'organisation
commune,
sur
l'Etat
fautif,
certainement non.
Il nous semble que c'est en voulant
condamner
cette
deuxième
voie
que
la
Cour
Internationale
de
Justice
a
fortement
réprouvé
l ' atti tude
des
Etats-Unis
dans
leur différend avec le Nicaragua.
En
effet,
entre
autres
points,
la
cour
devait
se
prononcer sur la question de savoir si,
le
gouvernement
du
Nicaragua ayant été accusé par le Congrès américain de prendre
(421bis ) C.I.J., Rec. 1986, Paragraphe 258, p. 131.

-
313 -
des
"mesures
révélant
l'intention
d'établir
une
dictature
communiste totalitaire",
le gouvernement américain était fondé
sans
y
être
autorisé
par
l ' D. E. A.,
à
mener
telles
actions
visant à contrecarrer un projet qui, avéré, serait contraire à
la lettre de la charte de Bogota. A cette occasion,
la
cour a
exposé une opinion générale,
qu'il
convient de
reprendre
ici
in
extenso
"quelque
définition
qu'on
donne
du
régime
du
Nicaragua,
l'adhésion d'un Etat à une doctrine particulière ne
constitue pas une violation du droit international coutumier ;
( ... )
En
conséquence,
les
choix
politiques
internes
du
Nicaragua,
à
supposer même qu'ils
répondent à
la description
qui en
est donnée dans
la conclusion du
Congrès,
ne
peuvent
pas
légitimer,
sur
le plan
juridique,
les diverses conduites
reprochées
au
défendeur
à
son
égard.
La
Cour
ne
saurait
concevoir la création d'une règle nouvelle faisant droit à une
intervention
d'un
Etat
contre
un
autre
pour
le
motif
que
celui-ci
aurait
opté
pour
une
idéologie
ou
un
système
politique particulier"
(422).
En ce qui concerne
le rejet de
l'idée d'un droit d'intervention
unilatéral
des
Etats,
on ne
peut qu'épouser
la
position
de
la
Cour,
comme
l'a
du
reste
fait
le
juge SCHWEBEL dans
son opinion dissidente,
lorsqu'il
reconnaî t
qu' "un
Etat
n'a
pas,
d'une
manière
générale,
le
droit d'employer la force pour obliger un autre à s'acquitter
de
ses
obligations
juridiques
internationales"
(423).
En
revanche,
la formule très générale selon laquelle "l'adhésion
d'un
Etat
à
une
doctrine
particulière
ne
constitue
pas
une
violation
du
droit
international
coutumier"
n'est
pas
complètement
satisfaisante.
si
les
Etats-unis
n'étaient
certainement
pas
fondés
à
agir
comme
ils
l'ont
fait,
ils
auraient été fondés à attirer l'attention de
l'D.E.A.
sur les
manquements à la Charte de Bogota imputés au Nicaragua et,
au
(422) C.I.J., Rec. 1986, Par. 263, p. 133.
(423) C.I.J., Rec. 1986, opinion dissidente SCIIIiEBEL, Par. 249.

-
314 -
besoin au
sein
des
instances
de
cette
organisation,
initier
les
actions
juridiques
visant
à
y
mettre
un
terme.
En
ratifiant la Charte de l'O.E.A.,
le Nicaragua est resté maître
de sa vie politique, économique et culturelle, pour autant que
cette maîtrise
ne
s'exerce
pas
en
violation
des
obligations
souscr i tes
en
vertu
de
la
di te
Charte,
pour
autant
que
ses
choix
idéologiques
et
politiques
ne
rentrent
pas
en
contradiction
avec
l'obligation
de
garantir
un
système
de
démocratie
représentati ve.
Auquel
cas
les
autres
Etats
signataires
de
la
Charte
pourraient
valablement
s'en
préoccuper et en référer aux institutions de l'O.E.A.
si l'on
fait
abstraction
des
activités
militaires,
on
pourrait
bien
partager
l'opinion
du
juge
SCHWEBEL
selon
laquelle
les
exigences des Etats-unis "ne sont pas une forme d'ingérence ou
de
tendance
attentatoire
à
la
personnalité
de
l'Etat
du
Nicaragua.
Il
s'agit
d'efforts
parfaitement
fondés
en
droit
pour
inciter
le
Nicaragua
à
respecter
ses
obligations
internationales" (424).
Il faut dire que la Cour Internationale de
Justice,
alors même qu'elle a admis dans le texte de son arrêt que la
liberté pour un Etat de définir ses principes politiques était
restreinte
par
la
nécessité
de
respecter
les
engagements
internationaux contractés par lui en la matière, a accordé une
importance somme toute mineure aux dispositions de
la Charte
de
l'O.E.A.
relatives
au
principe
de
la
démocratie
représentative.
Ce
n'est
pas
sans
raison
qu'un
auteur
a
pu
écrire
"the
court's
approach
( ... )
reveals
an
alarming
insensitivity
toward
the
general
purposes
and
underlying
philosophy of the O.A.S.
system.
Representative democracy has
always been a basic purpose of the inter-american system, even
before
the
San-José
pact
come
into
existence.
Liberal
democracy is not just one possible system of government
among
(424) C.I.J., Rec. 1986, opinion dissidente SCBWEBEL, Par. 246.

-
315 -
many
toward
which
inter-american
institutions
are
neutral
( ... )
The
court
completely
failed
to
account
that
general
purpose of the inter-american system" (425).
En
conclusion,
on
peut
dire
que
le
système
inter-
américain offre,
du point de vue juridique, deux voies
: d'une
part la ratification de la Charte de
l'O.E.A.
et l'engagement
d' insti tuer un
régime
poli tique de démocratie
représentative,
y compris l'acceptation de la surveillance des institutions de
l'O.E.A.
sur la manière dont cet engagement est mis en oeuvre
;
d'autre
part,
la
non-ratification
de
la
dite
charte et
la
conservation du choix illimité relativement au type de système
politique consacré par le droit international coutumier.
Sur
le
plan
du
droit,
on
peut
s'en
tenir
là,
la
réalité
géo-
politique pouvant naturellement imposer une autre
logique qui
rendrait illusoire la deuxième perspective.
c - Le régionalisme africain et le principe
démocratique
L'ordre
juridique régional
africain
reconnaît-il
le
principe démocratique comme critère général de
légitimité des
gouvernements
du
continent
?
Si
l'organisation
continentale,
l'Organisation de l'Unité Africaine (O.U.A.) a été conçue
sur
(425) TESON, F.R. Le peuple c'est loi! the world court and hUian rights, A.J.I.L. janvier 1987,
Vol. 81 n' l, p. 178-179. On peut rapprocher de la position de la cour, cette opinion
doctrinale parfaitelent contestable au loins pour ce qui est de l'D.E.A. : "the O.A.S. charter
calls for ideological pluralisl and the right of leJber states to select the type of
governlent and econolic systel of their choice. Moreover, neither the O.A.S. or the United-
Nation charter establish any criteria with regard to the type of governlent suitable for
adlission (.•. )". Max HILAIRE, The United-States intervention in Panata : legal or illegal
under international law ? in Revue de droit international, de sciences diplolatiques et
politiques, octobre-décelbre 1990, n' 4, p. 251.

-
316 -
la
base
d'une
neutralité
idéologique,
tout
Etat
étant
libre
d'élaborer
son
système
politique,
il
semble
qu'une
certaine
poussée du principe démocratique soit perceptible dans l'ordre
juridique et politique continental.
1 - L'orientation originelle de l'O.U.A.
la neutralité idéologique
L'Organisation
de
l'unité
Africaine
observe
une
indifférence
absolue
vis-à-vis
de
la
structure
consti tutionnelle
interne de
ses
Etats membres.
Y coexistent
des
démocraties
naissantes
ou
en
voie
de
consol idation,
des
régimes militaires,
des
régimes
islamistes et,
il y a
encore
peu, des régimes marxisants. L'O.U.A., c'est véritablement une
sorte d'O.N.U. à l'échelle continentale.
Dans les 33 articles
que comporte sa Charte,
il n'est point mention de la nécessité
pour tous
les
Etats membres d'adopter un principe régulateur
de
leurs
institutions politiques
nationales
en
la
matière,
ce qui caractérise principalement
l'O.U.A.,
c'est le
flou
et
le laisser-aller,
ce qui n'est pas sans nuire à
la nécessaire
cohésion
minimale
qui
doit
caractériser
toute
véritable
organisation
régionale
(426) .
Certes,
cela
ne
signifie
nullement
que
l'O.U.A.
soit
dépourvue
de
tout
principe
quelconque,
puisque
l'article
3 de
la charte consti tuti ve en
fai t
l'exposé.
Pour
un
auteur,
"sous
l'angle
des
fondements
idéologiques,
l'o.U.A.
apparaît
spécifique.
Elle
repose
d'abord sur le concept de l'africanité,
ensemble
de
valeurs
(426) Certaines personnalités n'ont d'ailleurs pas lanqué de dire tout silpleaent que l'O.U.A.
n'était pas une organisation. Voir KOOJO, E. Préface à JOUVE, E. L'Organisation de l'Unité
Africaine, Paris, P.U.F., 1984, p. 13.

-
317 -
appartenant
à
la
culture
arabo-berbère
et
négro-africaine.
Elle
repose
aussi
sur
la
négation
du
colonialisme"
(427).
C'est
aussi
ce
qU'écrit
Mr.
BOUTROS-GHALI
"le
concept
d'africanité
ou
du
panafricanisme
constitue
l'idéologie
de
l'O.U.A."
plus
loin,
le
même
auteur
écrit
"la
lutte
anticoloniale est
la raison d'être de l'O.U.A."
(428).
Or
le
panafricanisme
ou
l'africanité
et
la
lutte
anticoloniale
n'impliquent pas,
en eux-mêmes,
un principe d'organisation de
la société politique étatique dans
le contexte d'aujourd'hui.
L'africanité est un concept vaste qui
peut recouvrir,
sur le
plan
des
réalités
politiques,
des
caractéristiques
et
des
significations contrastées d'un espace géographique à un autre
du
continent
africain
quant
à
la
lutte
anticoloniale,
on
voudrai t
plutôt y
voir une mission
à
réal iser
à
terme qu'un
principe
idéologique
permanent
de
régulation
d'une
société
politique
:
l'anticolonialisme
est
nécessairement
une
"idéologie" passagère,
un principe transitoire,
qui
s'adresse
d'ailleurs exclusivement à l'extérieur.
La neutralité
idéologique de l'O.U.A.
est également
perceptible
dans
les
conditions
d'admission
d'un
Etat
à
l'organisation.
L'article 4 de la Charte de l'O.U.A.
se borne
en
effet
à
poser
"tout
Etat
africain
indépendant
et
souverain
peut
devenir
membre
de
l'O.U.A.".
Une
société
politique
africaine
s'étant
érigée
en
Etat,
ayant
acquis
de
surcroît
son
indépendance
et
sa
souveraineté
vis-à-vis
de
toute
puissance
extér ieure,
est
fondée
à
demander
son
admission à l'O.U.A .. Il n'y a aucune condition supplémentaire
à remplir,
aucun engagement particulier à souscrire.
De même,
les circonstances dans
lesquelles un membre de
l'O.U.A.
peut
quitter l'organisation
sont
tout
aussi
libérales
que
les
(427) KOUASSI, E.K. organisations internationales africaines, Paris, Berger-Levrault, 1987, p. 108.
(428) BOUTROS-GHALI, B. L'O.U.A. durant un quart de siècle, in lélanges René-Jean DUPUY, Paris,
Pedone, 1991, p. 54 et p. 56.

- 318 -
condi tions
d'entrée.
Seule
la
formule
du
retrait
volontaire
est
organisée
par
la
charte,
la
suspension
et
l'exclusion
n'étant même
pas
envisagées.
On
ne
peut être,
à
l'évidence 1
plus laxiste.
Toutefois, malgré cette indifférence complète vis-à-
vis des régimes politiques de ses membres, on peut trouver, çà
et là dans le texte de la Charte de l'O.U.A.,
des données de
nature
à
faire
penser
que,
sans
constituer
expressément
l'idéologie de l'organisation,
l'idée démocratique est tout de
même
présente,
même
de
façon
indirecte
et
informulée,
dans
l ' espri t
de
ses
rédacteurs.
C'est
ainsi
que,
dans
le
préambule,
les
chefs
d'Etat
et
de
gouvernement
présents
à
Addis-Abbéba
en
1963
se
disent
"conscients
du
fait
que
la
liberté,
l'égalité,
la
justice
et
la
dignité
sont
des
objectifs
essentiels
à
la
réalisation
des
aspirations
légitimes des peuples africains",
et aussi
"persuadés que
la
Charte
des
Nations
Unies
et
la
déclaration
universelle
des
droit
de
l'homme
( ... )
offrent
une
base
solide
pour
une
coopération
pacifique
et
fructueuse
entre
(nos)
Etats".
Il
n'est point besoin de
rappeler
que
l'adhésion à
la
D. U. D. H.
emporte l'acceptation de l'idée que "la volonté du peuple est
le fondement de l'autorité des pouvoirs publics"
et que "cette
volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent
avoir
lieu
périodiquement
... " ,
c'est
à
dire
l'adhésion
au
principe
démocratique.
L'article
2
de
la
Charte
énonce
que
"les
objectifs
sont
les
suivants
( ... )
favoriser
la
coopération
internationale,
en
tenant
dûment
compte
de
la
Charte des Nations Unies et de la D.U.D.H.". L'article 3 quant
à
lui
pose
que
"les
Etats
membres
( ... )
affirment
solennellement les principes suivants
( ... )
5)
condamnation
sans réserve de l'assassinat politique ainsi que des activités
subversives
exercées
par
des
Etats
voisins
ou
tous
autres
Etats".
Cette dernière disposition
est importante
pour
notre
recherche.
Il
est
vrai
qu'elle
est
due
pour
beaucoup
au
précédent créé par le coup d'Etat militaire de 1963 au Togo ;
mais
il
serait
intéressant
de
savoir
si
cette
disposition

-
319 -
invalide
en
tant
que
telle
le
coup
d'Etat
comme
technique
d'accession
au
pouvoir
et
donc
frappe
d'illégitimité
et
de
non-représentativité les gouvernements qui
en découlent.
"Dès
1963, écrit un auteur,
le coup d'Etat militaire au Togo parut
inadmissible aux gouvernements civils issus de
l'élection.
Il
fallait empêcher que le mouvement ne se propage.
Mais
au nom
de
quoi
sanctionner
de
tels
changements,
au
nom
de
l'idéal
démocratique
et
de
la
primauté
de
la
loi,
ou
bien
comme
syndicat de défense des gouvernements en place ? Qui est juge
de la légitimité du gouvernement? Est-ce l'ensemble des Etats
membres ou bien les nationaux du pays considéré ?"
(429).
Ce
qui
est clair,
c'est qu'aucun pouvoir n'aura été marginalisé
pour
des
raisons
liées
à
son
origine
putschiste.
Certes,
certains Etats réagiront vivement à
la suite d'un coup d'Etat
survenu dans un Etat voisin ou ami
: ainsi la condamnation par
la Tanzanie et le Kenya du coup d'Etat de Mr.
Idi AMIN DAOA.
Mais l'O.U.A. n'a jamais enclenché un processus de "rétorsion"
à
la sui te d'un putsch survenu dans un Etat.
La condamnation
de l'assassinat se présente comme une attitude défensive ; ses
conséquences
n'ont
pas
été
tirées
au
ni veau
des
principes
devant
inspirer
l'organisation
interne
des
Etats.
Il
faut
espérer que
la Charte africaine des droits de
l'homme et des
peuples pourvoit au vide idéologique démocratique de l'O.U.A.
2 - L'émergence progressive du principe
démocratique dans l'ordre juridique et
politique africain
On peut considérer la Charte africaine des droits de
l ' homme
et
des
peuples
comme
la
charte
de
la
démocratie
en
Afrique.
En
effet,
selon
le
Professeur
GLELE,
alors
que
le
plan d'action de Lagos de 1980 reflète la dimension économique
du sentiment fédéraliste africain,
la
Charte
africaine
des
(429) LAVROFF, D.G. L'O.U.A. ou l'i.possible désir d'union politique, in Le Monde diploaatique,
octobre 1972, p. 9.

- 320 -
droits
de
1 'homme
en
reflète
la
dimension
idéologique,
car
"elle offre une base d'idéaux et de principes socio-politiques
et
économiques
communs
( ... )"
(430).
Le
moins
qu'on
puisse
dire,
c'est
que
la charte
africaine,
compte
tenu
des
droits
dont
elle
organise
la
jouissance
et
l'exercice,
est
d'une
inspiration
profondément
démocratique.
Cependant,
on
peut
regretter
que
certaines
dispositions
importantes
pour
notre
propos n'aient pas été davantage élaborées.
Il en est ainsi de
l'article 13 de
la charte,
qui
organise la participation des
citoyens
africains
à
la
direction
des
affaires
publiques
de
leurs pays.
L'alinéa 1er de cet article stipule que "tous les
citoyens ont le droit de participer
librement à
la direction
des
affaires
publiques
de
leur
pays,
soit
directement,
soit
par
l'intermédiaire
de
représentants
librement
choisis,
ce,
conformément
aux
règles
édictées
par
la
loi".
Cette
disposition ne nous semble pas très heureusement formulée,
car
il
n'y
est
pas
expressément
consacré
le
droit
à
de
libres
élections,
étant
entendu
que
la
possibilité
de
participer
"directement" à la direction des affaires publiques est prévue
; la tenue d'élections n'est pas,
comme le dit la déclaration
universelle de
1948,
le seul
mode d'expression de
la volonté
du
peupl e ,
fondement
de
1 ' autor i té
de
pouvoirs
publ ics .
La
participation
"directe"
exclut
la
représentation
et,
donc,
l'élection.
Nous
sommes
assez
éloignés
de
la
situation
qui
prévaut dans le cadre européen,
où le droit aux élections est
un
droit
en
quelque
sorte
institutionnel.
Dans
l'ordre
juridique qu'organise la Charte africaine,
le citoyen n'a pas
de
droit
en
tant
que
tel
à
ce
que
des
élections
soient
organisées dans
son
pays.
Rétrospectivement,
compte
tenu
des
mouvements de
démocratisation
qui
traversent
le
continent
(430) GLELE, M.A. Introduction à l'O.U.A. et aux organisations régionales africaines, Paris,
L.G.D.J. 1986, p. 81.

- 321 -
depuis
la
fin
de
la décennie
1980,
un
tel
ordre
des
choses
semble anachronique, en retard sur l'évolution des mentalités,
le suffrage universel apparaissant toujours davantage comme le
seul fondement de l'autorité légitime.
Il
est
possible
de
voir,
pour
les
pays
africains,
une
"obligation"
démocratique
à
travers
les
processus
des
accords C.E.E. /
A.C.P.
; en effet, avec la convention de Lomé
4
notamment,
en
son
article
5
alinéas
1
et
2,
les
Etats
africains,
quoique de
façon
très
réticente,
souscrivent des
obligations en matière de droits
de l'homme et de démocratie
(431).
L'efficacité de
tels
engagements
reste
cependant
fort
aléatoire et douteuse.
Tout aussi
difficile à
mesurer est
la
portée normative des déclarations des
responsables politiques
au plus haut niveau de l'O.U.A., même si leur poids politique,
voire symbolique,
n'est pas négligeable.
Ainsi lors
du 28ème
sommet de l'O.U.A.
du 29
juin au 1er juillet 1992 au sénégal,
le Président sénégalais Abdou DIOUF,
après son élection à
la
tête
de
l'organisation
continentale,
déclare
que
"la
démocratie
s'est
imposée
un
peu
partout
comme
la
réalité
dominante,
elle s'est
imposée à
la
fois
comme philosophie et
comme
morale
elle
s'est
surtout
imposée
comme
système
de
régulation de la vie en société" (432). Seul l'avenir dira, en
ce
qui
concerne
l'Afrique,
si
la
graine
démocratique
actuellement semée par ses fils aura germé et produit de bons
fruits.
(431) Voir BUIRErrE-MAURAU, P. Les difficultés de l'internationalisation des droits de l'houe: A
propos de la convention de LOlé, R.T.D.E. 1985, p. 465. KRANZ, J. LOlé, le dialogue de l'holle,
R.T.D.E. 1988, n' 3 ; VIGNES, D. L'bomle A.C.P. acteur et bénéficiaire principal du
développelent
dans Lomé III et IV in lélanges René-Jean DDPUY, 1991, p. 363-372.
(432) DIOUF, A. Allocution lors de son élection à la tête de l'ü.D.A.. texte in DocUients
d'actualité internationale, n' 17, 1er septelbre 1992, p. 330-332.

-
322 -
En
conclusion,
c'est
une
réalité
aujourd'hui,
au
moins psychologique, que les peuples aspirent à vivre dans le
cadre de régimes démocratiques,
les mieux à
même de garantir
leur
épanouissement.
Du
point
de
vue
juridique,
des
instruments de valeur normative
inégale consacrent clairement
le
principe
et
l'obligation
démocratiques,
sur
le
plan
universel
et
sur
les
plans
reg10naux
(européen,
américain,
africain).
Pour certains auteurs,
il faudrait "se demander si
la
multiplication
d'instruments
régionaux
de
ce
type
ne
témoigne
pas
de
l'établissement
progressif
d'une
"pratique
générale
acceptée
comme
étant
le
droit"
(433).
Ce
processus
coutumier est fort dans le cadre européen,
un peu moins dans
le
cadre
américain,
beaucoup
plus
faible
dans
le
cadre
africain.
L'obligation
démocratique
est
donc
variable
selon
les
régions,
sous
réserve
des
règles
édictées
en
la matière
sur
le
plan
universel.
Les
conséquences
de
l'émergence
progressive
du
droit
à
la
démocratie,
en
termes
de
droit
d'ingérence,
ne
sont
pas
uniformément
perçues.
D'aucuns
pensent
que
"pour
bénéficier
du
droit
de
non-ingérence
des
autres
dans
ses
affaires
intérieures,
un
Etat
devra
l'avoir
mérité
en
se
fondant
sur
une
indiscutable
légitimité
démocratique"
(434).
Le respect de
la règle de
non-ingérence
n'aurai t
donc plus cours qu'entre pays démocratiques,
ce qui
est une perspective curieuse par rapport à celle du professeur
SALMON.
Une
telle
vue,
qui
autoriserait
les
Etats
démocratiques
à
s'ingérer
dans
les
affaires
des
Etats
non-
démocratiques,
est
difficilement
acceptable,
compte
tenu
du
principe de non-intervention qui demeure malgré tout une norme
positive du droit international, compte tenu aussi des dangers
d'un
tel
droit
d'ingérence
démocratique
pour
la
paix
internationale.
Comme
l'écrit
un
auteur,
"a
right
to
(433) CORTEII, O. & KLEIN, P. Droit d'ingérence ou obligation de réaction non anée ? op. dt.
p. 415.
(434)
REVEL J.F. Le regain délocratique, Paris, Fayard, 1992, p. 469.

-
323 -
intervence to promoie democracy would crea te serious problems
for the international legal order,
in that subjective criteria
would be
applied
to
determinate
democratic
and
no-democratic
governments"
(435).
Pour
éviter
ces
problèmes,
il
faudrait
organiser institutionnellement l'ingérence démocratique
; cela
permettra
de
promouvoir
et
de
consolider
le
principe
démocratique en
évitant la confrontation entre
Etats et les
abus
de
puissance
qui
pourraient
être
commis
par
des
Etats
forts sur des Etats faibles.
Nous sommes ainsi
introduits aux
modalités de mise en oeuvre d'un éventuel droit d'intervention
pour la protection des droits de l'homme.
(435) HILAIRE, H. op. cit. p. 251.

-
324 -
CHAPITRE
I I
L'AMENAGEMENT
DES
MOYENS
A P p R O P R I E S
D ' E X E R C I C E
Les développements du chapitre précédent ont montré
qu'il
existe
des
bases
juridiques,
dont
certaines
restent
certes à
affermir,
d'un éventuel droit d'intervention pour
la
protection des
droits
de
l ' homme.
Il
reste
à
déterminer
les
modalités d'exercice concret de ce quasi-droit d'intervention
inévitable qu'implique la matérialisation de l'objectivité des
droits
de
l'homme
et
de
l'émergence
progressive
en
droit
international du principe démocratique. Le problème, en effet,
est
donc
la
défense
de
la
légitimité
démocratique,
à
l'intérieur des Etats tout
en veillant à
ne pas compromettre
la sécurité internationale et les relations amicales entre les
Etats ou à promouvoir insidieusement l'utilisation de la force
de façon unilatérale des Etats les uns contre les autres.
En
évoquant
le
droit
d'intervention
pour
la
protection des droits de l'homme,
il faut sérier les questions
pour éviter
les confusions.
En particul ier,
on doit dire que
les
pressions
diplomatiques,
les
blâmes
publics
et
autres
expressions officielles de désapprobation du comportement d'un
Etat par un autre n'ont rien à
voir avec
la problématique du
droit d'intervention. C'est avec pertinence que l'article 3 de
la résolution de
l'Institut du
Droit International adoptée
à
sa
session
de
saint-Jacques
de
Compostelle
énonce
que
"les
démarches
diplomatiques,
de
même
que
l'expression
purement
verbale
de
préoccupation ou
de
désapprobation
au sujet de

-
325 -
violations quelconques des droits de l'homme,
sont licites en
toute
circonstance"
(435) .
Penser
autrement
serait
peu
cohérent,
ce
serait
nier
la
possibilité
d'une
vie
internationale
normale,
la
prise
de
position
diplomatique
étant la manifestation minimale de l'attitude d'un Etat sur un
problème international donné ou une question interne ayant des
répercussions internationales.
Deux
modalités
d'exercice
du
droit
d'intervention
pour la protection des droits de l'homme seront ici abordées.
La première est de nature institutionnelle.
Une protection de
normes
objectives
et
du
principe
de
lég i timi té
démocratique
garante de l'ordre international devrait logiquement emprunter
des voies institutionnelles.
Etant entendu que
la possibilité
préalablement
convenue
d'intervenir
par
et
à
travers
des
mécanismes
institutionnels
rend
des
éventuelles
interventions
des
Etats
parfaitement
licites,
sans
leur
faire
perdre
absolument
leur
nature
(436),
nous
traiterons
des
ingérences
menées
par
et
à
travers
des
mécanismes
institutionnels
sous
l'intitulé
de
"l'ingérence
institutionnalisée".
La
deuxième
modalité d'exercice du droit d'intervention pour la protection
des droits de l'homme est para-institutionnelle. Elle concerne
les possibilités d'intervention unilatérale ouvertes aux Etats
pour réagir à
des violations des droits de
l'homme.
Bien que
la pratique des contre-mesure en réaction à des violations des
droits
de
l'homme
soit
aujourd'hui
un
fait
suffisamment
important
pour
être
ignoré,
sa
licéi té
demeure
assez
controversée
vu
l'incertitude
du
titre
juridique
qui
les
fonde.
En tant que modalité d'exercice du droit d'intervention
pour la
protection des droits de
l ' homme,
les
contre-mesures
étatiques
ne
sont
qu'un
pis-aller,
qu'il
convient
toutefois
d'étudier attentivement.
(435) A.I.D.I., 1990, vol. 63-II, p. 287-
(436) Voir Supra, introduction, paragraphe l,B,2.

-
326 -
SECTION 1
L'INGERENCE INSTITUTIONNALISEE
Il
semble
bien
que
l'on
puisse
voir
une
sorte
d'institutionnalisation de
l'ingérence
à
travers
le
droit
de
regard
interétatique
contenu
dans
maintes
conventions
relatives
aux
droits
de
l'homme
et,
naturellement,
dans
le
pouvoir d'intervention autoritaire du Conseil de sécurité.
Ce
deuxième
élément
ne
pose
pas
de
problèmes
particuliers,
et
n'exige
pas d'explication
supplémentaire.
En
ce qui
concerne
le droit de
regard
interétatique,
on peut
soutenir
en
effet
que les systèmes de garantie collective des droits de l'homme
fournissent
une
perspective
parfaitement
évocatrice
du
droit
d'ingérence.
Certains
auteurs,
à
propos
de
ces
systèmes,
n'hésitent
pas
à
parler
de
droit
d'intervention
(437).
L'organisation institutionnelle de
l'ingérence nous semble
la
voie à promouvoir pour la défense des droits de l'homme; car,
comme l'écrit
le Professeur SPERDUTI,
" i l
devient de plus en
plus
nécessaire
que
l'on parvienne
à
des
formes
de
garantie
internationale
du
respect
des
droits
de
l ' homme,
propres
à
assurer
un
contrôle
objectif,
efficace
et
équitable
de
ce
respect.
Les
liens
s'établissant
entre
les
Etats
parties
au
système
de
garantie
réduiraient,
semble-t-il,
de
beaucoup
l'importance, dans les relations entre ces Etats,
du principe
de la non-intervention dans les affaires intérieures" (438).
(437) MARCUS-HELIIONS, N. Le droit d'intervention, un corollaire des droits de l'holle? R.T.D./l.,
1992, n' 12, p. 477.
(438) SPERDUTI, G. Rapport à l'Institut du Droit International, A.LD.L, 1989, vol. 63-I, p. 345.

-
327 -
Paragraphe 1 - Le Droit de regard interétatigye : l'exemple de
la Convention européenne des Droits de l'homme_
La
présentation
du
droit
de
regard
interétatique
organisé dans le cadre de conventions relatives aux droits de
l'homme
n'est
pas,
en
soi,
nouvelle.
L'intérêt
de
l'étude
réside
dans
la
réponse
que
l'on
voudrait
apporter
à
cette
question
centrale
les
systèmes
organisant
institu-
tionnellement
l'ingérence
pour
la
protection
des
droits
de
1 'homme
ont-ils
des
résultats
suffisamment
probants
et
satisfaisants,
susceptibles
de
délégitimer
d'office
les
actions
extra-institutionnelles
visant
à
promouvoir
ou
à
protéger
ces
droits
?
Pour
répondre
à
cette
interrogation,
nous nous baserons sur le système du recours interétatique mis
en
place
par
l'article
24
de
la
Convention
européenne
des
droits
de
l'homme.
Selon
cette
disposition,
"toute
partie
contractante peut saisir la Commission par l'intermédiaire du
Secrétaire Général du Conseil de l'Europe,
de tout manquement
aux
dispositions
de
la
présente
Convention
qu'elle
croira
pouvoir être imputé à une autre Partie contractante". Le choix
de
ce
mécanisme
s'impose
de
lui-même,
parmi
tous
ceux
qui
relèvent de
la même
logique et qui se trouvent dans d'autres
textes conventionnels : il appartient au système de protection
des
droits
de
l'homme
le
plus
perfectionné,
le
plus
fonctionnel,
celui
dont
l'expérience
peut servir
le
plus
si
l'on
veut
tirer
des
enseignements
concernant
l ' insti tutionnalisation
de
l'ingérence.
Il
faudrait
analyser
l'organisation du droit de
regard
institué par
l'article
24,
avant d'en exposer les limites.
A - L'organisation du droit de regard interétatigue
Le droi t
de regard
interétatique est fondé sur des
idées de base qu'il convient de relever et qui lui donnent sa
cohérence
intellectuelle.
Cela
étant
fait,
il
conviendra
de

-
328 -
s'intéresser
à
l'exercice
par
les
Etats
de
leur
droit
de
regard en vertu de l'article 24 de la convention.
1 - Les idées fondatrices
Le droit de regard interétatique nous semble reposer
sur
deux
idées
essentielles
qui
donnent
sa
cohérence
à
l'article 24 de la convention européenne des droits de l'homme
(C.E.D.Hl
d'une
part
le
souci
de
dépasser
le
cadre
de
la
protection
diplomatique,
dont
la
portée
est
relativement
limitée en matière de protection internationale des droits de
l'homme
d'autre
part,
la
volonté
nettement
affirmée
de
promouvoir une garantie collective des droits de l'homme.
a - Le souci de dépasser le cadre classique de la
protectjon diplomatique.
La
protection
diplomatique
est
une
vieille
institution du droit international. Elle vise, pour un Etat, à
défendre
les
droits
de
ses
ressortissants
violés
ou
menacés
gravement de l'être par un autre Etat.
Le titre qui
autorise
l'action diplomatique réside dans le lien de nationalité, lien
juridique
de
rattachement
d'un
individu
à
la
population
constitutive
d'un
Etat.
La
protection
diplomatique
est
la
transposition,
sur
le
plan
international,
du
faisceau
de
droits et d'obligations qui constitue le contrat social entre
l'Etat
et
l'un
de
ses
éléments
constitutifs,
sa
population.
Considérée
de
façon
générale,
on
peut
y
voir
un
mode
de
protection internationale des droits de l'homme. Toutefois, en
raison
d'éléments
qui
lui
sont
intrinsèques,
la
protection
diplomatique est une institution aux effets limités a priori.
La
première
limitation
tient
au
fait
que
le
seul
titre qui autorise le déclenchement de l'action est le lien de
national i té
;
en dehors de ce lien,
en principe,
un Etat n'a
pas à se préoccuper des violations des droits de l'homme dont

-
329 -
seraient
victimes
des
êtres
humains.
Encore
faut-il
que
ce
lien
de
nationalité,
lorsqu'il
doit
être
invoqué
à
l'appui
d'une action diplomatique,
soit l'expression d'une communauté
effective
d'intérêts
et
d'idéaux
affectifs
entre
l'Etat
et
l ' indi vidu
à
protéger,
selon
l'approche
définie
par
le Cour
Internationale de Justice dans l'affaire NOTTEBOHH (439). Dans
son
opinion
dissidente
sur
l'arrêt
NOTTEBOHM,
le
Professeur
GUGGENHEIM
fait
une
critique
de
la
notion
de
nationalité
effective
notamment
dans
ses
conséquences
sur
la
protection
internationale
des
droits
de
l'homme,
en
ces
termes
"si
aucun
Etat
n'est
en
mesure
d'exercer
la
protection
diplomatique
( ... ),
les
réclamations
faites
au
nom
d'un
individu
dont
la
nationalité
est
contestée
ou
déclarée
sans
effet dans le domaine international,
alors qu'il ne bénéficie
pas
d'une
autre
nationalité,
se
trouvent
abandonnées.
La
protection
de
l'individu,
déjà
organisée
d'une
manière
si
précaire
dans
le
droit
international
actuel,
se
trouvera
encore
affaiblie"
(440).
Par
ailleurs,
la
protection
diplomatique
est
un
droit
de
l'Etat
et
non
un
droit
de
l'individu
selon
la
formule
de
la
C.P.J.I.
en
l'affaire
MAVROMATIS,
"en
prenant
fait
et
cause
pour
l'un
de
ses
ressortissants, en mettant en mouvement en sa faveur l'action
diplomatique ou
l'action
judiciaire
internationale,
cet
Etat
fait
valoir
son
droit
propre
"(441).
Plus
important
encore, ce droit de l'Etat est une prérogative discrétionnaire
bien que ce caractère
discrétionnaire ait été
contesté en
doctr ine
(442),
la
mise
en
oeuvre
de
l'action
diplomatique
pour les Etats
demeure moins un devoir qu'une simple faculté
et c'est avec raison qu'on y a vu "un
système
de
régulation
( 4 39) C. r.J., Affaire IIOTTEOOHM, arrêt du 6 AvIlI 1955, Rec. 1955.
( 440) Idel, p. 63
(441) C.P.J.r. Affaire des Concessions Mavrolatis en Palestine.
(442) BERLIA, G. contribution à l'étude de la nature de la protection diplolatique; A.F.D.L, 1957,
p. 63 et s.

-
330 -
des rapports
interétatiques"
(443).
Toutes ces considérations
font de la protection diplomatique,
un cadre étroit et limité
pour la protection des droits de l'homme.
C'est dans le souci
de dépasser ces contraintes de la protection diplomatique que
s'inscrit
le
mécanisme
institutionnel
de
l'article
24
de
la
Convention européenne.
L'élément fondamental de ce dépassement
réside
dans
la
relativisation
du
lien
de
nationalité
comme
condition
du
déclenchement
de
l'action
interétatique.
En
effet, l'Etat qui prend l'initiative d'une requête en vertu de
l'article
24
de
la
Convention
européenne
nia
pas
à
établir
absolument un lien de nationalité entre les individus dont il
défend les droits
et lui
i l
peut agir pour ses nationaux;
pour les nationaux de l'Etat en cause,
pour les nationaux de
tout
autre
Etat
partie
à
la
Convention
et
même
pour
des
apatrides vivant sur le territoire conventionnel.
b - La volonté d'instituer une garantie collective
des droits de l'homme.
Le préambule de la Convention européenne des droits
de l'homme affirme la résolution des Etats membres du Conseil
de l'Europe "à prendre les premières mesures propres à assurer
la
garantie
collective
de
certains
droits
énoncés
dans
la
déclaration
universelle".
Cette
idée
de
garantie
collective
traduit
le
sentiment
de
solidarité
qui
existe
ou
qui
doit
exister
entre
les
Etats
parties
à
un
système
normatif
et
insti tutionnel
de sauvegarde des droits de
l ' homme.
Selon E.
LARBI,
"on
part
de
l'idée
d'une
sorte
de
responsabilité
commune des différents Etats membres du Conseil de l'Europe
:
chacun
doit
se
considérer
comme
responsable
du
respect
par
tous
des
droits
fondamentaux
de
l'individu.
Les
liens
idéologiques qui unissent les Etats européens
sont
tels
que
(443) SUDRE, F. Droit international et européen ... op. cit. p. 23.

-
331 -
chacun
doit
veiller
à
ce
que
tous
les
autres
aient
un
comportement
conforme
à
cette
idéologie"
(444).
La
garantie
collective
correspond
à
la
nature
objective
des
obligations
relatives aux droits de
l'homme
;
elle
implique que l'action
interétatique visant à la protection des droits de l'homme est
une
action
objective
elle
est
désintéressée,
elle
est
soustraite en principe au
jeu de la réciprocité,
elle va au-
delà de l'idée de préjudice.
Le caractère désintéressé de l'action relevant de la
garantie
collective
signifie
qu'un
Etat,
lorsqu'il
cite
un
autre
devant
les
institutions
mises
en
place
par
la
Convention,
ne
poursuit
pas
un
objectif
égoïste,
ne
cherche
pas à protéger ses propres intérêts.
L'action a pour objet de
faire constater et,
si tel est le cas,
d'y remédier,
la non-
application ou la mauvaise application par un Etat partie à la
convention
de
ses
obligations
en
vertu
de
celle-ci.
Elle
dépasse
la
défense
d'intérêts
privés
et
ne
relève
que
de
l'intérêt collectif de voir exécuter les obligations assumées
et
atteindre
les
buts
du
traité.
A
propos
du
recours
interétatique
en
vertu
de
l'article
24,
le
Professeur SUDRE
écrit
qu' "il
s'agit

d'une
sorte
d'action
publique
qui
constitue
l'essence
même
de
la
garantie
collective
et
du
caractère
"objectif"
des
droits
de
l'homme"
(445).
La
Commission européenne des droits de l'homme, dans sa décision
du 11 Janvier 1961 sur la recevabilité de la requête Autriche
c/Italie,
déclare
que
l'Etat
qui
intervient
en
vertu
de
l'article 24" ne doit pas être considéré comme agissant pour
faire
respecter
ses
droits
propres, mais
plutôt
comme
soumettant à la Commission une question qui touche
à
l'ordre
(444) !.ARBI, E.I. Le recours interétatique dans le cadre de la convention européenne des droits de
l'holle et des libertés fondalentales. Méloire D.E.A., Université de Montpellier, 1986, p. 5.
(445) SUDRE, F. op. cit. p. 201.

-
332 -
public de l'Europe" (446). Toutefois, il ne faudrait pas avoir
une vision angélique de l'idée de désintéressement.
Il se peut
bien que des actions interétatiques soient soutendues par des
motivations autres auxquelles se superpose la volonté de voir
respecter les droits de l'homme. Si l'on considère la pratique
des
Etats
parties
à
la
C. E. D. H.
en
vertu
de
l'article
24,
peut-être
faudrait-il
qualifier
de
véritablement
désintéressées les seules requêtes suivantes
celles de 1967
et de 1968 formées à
l'encontre de la Grèce par le Danemark,
la Norvège,
la Suède et les Pays-Bas
; celle de 1982 faite à
l'encontre de la Turquie par le Danemark, la France,
les Pays-
Bas,
la
Norvège
et
la
Suède.
Les
autres
requêtes,
notamment
les deux
requêtes grecques contre
le Royaume-Uni,
la
requête
de
l'Irlande
contre
le
Royaume-Uni,
la
requête
de
Chypre
contre
la
Turquie,
comportent
des
motivations
qui
ne
ressortissent
pas
seulement
à
la
protection
des
droits
de
l'homme. Mrs BUERGENTHAL et KISS écrivent :"on ne saurait nier
que
certaines
requêtes
interétatiques
avaient
au
moins
en
partie
des
motivations
politiques
( ... )
les
procédures
introduites
par
les
pays
scandinaves
contre
la
Grèce
des
colonels et, plus tard, contre la Turquie connaissant alors un
reg~me
dictatorial,
étaient
fondées
sur
des
considérations
purement humanitaires" (447). Le fait que des requêtes soient,
à
l'occasion,
partiellement
motivées
par
des
considérations
pol i tiques n'enlève rien
à
l'idée de garantie collective 1
du
moment
que
l'expression
de
telles
considérations
est
congruente
avec
la
protection
de
l'ordre
conventionnel.
La
Commission européenne des droits de l'homme,
dans sa décision
sur
la recevabilité de
la deuxième
requête collective contre
la
Grèce,
opine
dans
ce
sens
:"
considérant d'abord
que
le
gouvernement (grec) soutient que ces
allégations
constituent
(446) A.C.E.D.H., vol, 4, 1961.
( 447) BUERGEIITHAL, T. & KISS, A.C. La protection internationale des droits de l'holle. Strasbourg,
Enqel. 1991, p. 61.

-
333 -
un
abus
de
la
procédure
prévue
par
la
Convention
parce
qu'elles poursuivent manifestement des buts politiques ; qu'il
importe
à
cet
égard
de
rappeler
que
les
dispositions
de
la
Convention
relatives
à
la
procédure
ont
pour
base
la
notion
d'une
garantie
collective
accordée
par
les
Hautes
Parties
contractantes pour les droits et libertés énoncés au titre l
;
( ... ) que la décision d'une partie contractante d'intenter une
action
en
vertu
de
l'article
24
peut
certes
comporter
des
considérations
de
politique
gouvernementale,
mais
que
cette
action a néanmoins pour but de faire observer les engagements
juridiques
contractés
par
les
parties
aux
termes
de
la
convention"
(448).
En
ce
qui
concerne
la
soustraction
de
l'action
interétatique
au
jeu de
la
réciprocité,
le
Professeur
SUDRE
écr i t
que
"l'exercice
du
droit
de
recours
interétatique
ne
saurait être soumis à une quelconque condition de réciprocité
(449).
Cette proposition vaut surtout pour l'action devant la
commission; si l'action devait se clore par une intervention
de
la
Cour
européenne
des
droits
de
l'homme,
elle
aurait
éventuellement
à
se
conformer
à
la
clause
de
réciprocité
contenue dans les articles 46 et 48 de la Convention.
Enfin,
l'action interétatique est affranchie à toute
idée de
préjudice,
à
toute
idée de différend,
le
Professeur
SUDRE exprime clairement ce point de vue :" chaque Etat partie
( ... ) est responsable du respect des droits garantis sur tout
le
territoire
d'application
de
la
Convention
il
peut
intervenir,
au
nom
de
tous,
au
bénéfice
de
tout
individu.
C'est dire
que
la
requête
peut
être
introduite
par
un
Etat
contre un autre Etat en l'absence de tout différend entre eux.
(448) A.C.E.D.H., 1968, vol. 11, p. 764-765.
(449) SUDRE, F. op. cit. p. 207

-
334 -
L'Etat
requérant
n'a
donc
nul
besoin
d'être
"victime"
d'une
violation
de
la
convention
peu
importe
que
le
manquement
visé concerne ou non un de ses ressortissants" (450).
L'idée
de
garantie
collective
comporte
des
conséquences
importantes sur
le
principe de
la
non-ingérence
dans
les
affaires
intérieures
des
Etats.
Si
tous
les
Etats
sont
responsables
du
respect
des
droits
de
l'homme
sur
le
territoire d'application de la convention,
les requêtes qu'ils
introduisent devant les organes institués par la convention ne
sont évidemment pas des
ingérences
illicites
au contraire,
fondées
sur
un
titre
conventionnel,
ces
ingérences
relèvent
d'un devoir de vigilance
incombant à
chaque
Etat membre.
Une
garantie
collective
organisée
à
travers
des
institutions
élimine pratiquement la pertinence de l'invocation du principe
de la non-ingérence, qui ne vise que des ingérences illicites.
2 - L'exercice du droit de regard interétatigye.
I l s ' agi t
ici
essentiellement
de
s'intéresser
aux
conditions
de
recevabilité
des
requêtes
interétatiques
et
à
leur instruction par les organes de la convention.
a - Le déclenchement de la procédure
A
l'examen,
il
semble
que
la
seule
véritable
condition
de
recevabilité
des
requêtes
étatiques
dans
la
convention européenne soit l'épuisement préalable des voies de
recours
internes.
En
effet,
contrairement
au
système
inter-
américain
(article 47 de
la convention américaine des
droits
de
l'homme),
la
requête
étatique
ne
peut
être
abusive
ou
manifestement mal fondée, ces éléments ne concernant
que
les
(450) SUDRE, F. op. dt. p. 201-202.

-
335
-
requêtes individuelles. Cela ressort de la jurisprudence de la
Commission
européenne.
Ainsi,
dans
sa
décision
sur la
recevabili té
de
la
requête

8007/77
de
Chypre
contre
la
Turquie, la Commission énonce
qu'en
examinant
les
requêtes
introdui tes
en vertu de
l'article
24
"il
ne
lui
incombe
pas
d'effectuer
un
examen
préliminaire
au
fond,
étant
donné
que
les
dispositions
de
l'article
27,
paragraphe
2
qui
l'habilite
à
déclarer
irrecevable
"toute
requête
introduite
par
application
de
l'article
25"
lorsqu'elle
estime
cette
requête
"incompatible
avec
les
dispositions
de
la
présente
convention"
ou
"manifestement
mal
fondée"
s'appliquent
exclusivement,
conformément
à
leur
libellé
explicite,
aux
requêtes
individuelles
introduites
par
application
de
l'article
25"
(451).
De
même,
dans
la
décision
sur
la
recevabilité
de
la
première
requête
collective
contre
la
Grèce,
la
Commission
énonce
qu' "une
requête
introduite
en
application
de
l'article
24
ne
peut
pas
être
rejetée
conformément
au
paragraphe
2
de
l'article
27
comme
étant
manifestement mal
fondée,
( ... )
la question de savoir si
une
telle requête est fondée ne concerne que le fond de l'affaire"
(452).
Ne
pouvant
être
rejetée
pour
absence
manifeste
de
fondement,
la requête étatique européenne ne peut être rejetée
parce
que
abusive.
Dans
l'affaire
de
chypre
cl
Turquie,
la
Commission
déclare
que
"la
disposition
de
l'article
27,
paragraphe
2,
enjoignant
à
la
Commission
de
déclarer
irrecevable toute requête
qu'elle considère
comme
abusive se
l imi te
aux
requêtes
individuelles
visées
à
l'article
25
et
qu'elle est donc inapplicable aux requêtes étatiques visées à
l'article
24
de
la
Convention".
La
Commission
se
demande
toutefois
si
un
détournement
de
procédure
peut
être
(451) COllission européenne des droits de l 'holle, D.B., vol. 13, 1979, P
(452) A.C.E.D.H., 1968, vol. 11, p. 727-729.

-
336 -
constitutif
d'une
irrecevabilité,
mais
se
refuse
à
proposer
une réponse générale à cette question" (453).
Il
faut
noter
par
ailleurs
que,
contrairement
au
Pacte
international
sur
les
droits
civils
et
politiques
(article 41) et à la Charte africaine des droits de l'homme et
des
peuples
(article
47),
la
convention
européenne
n'impose
pas aux Etats parties à une procédure devant la Commission de
procéder
à
des
négociations
ou
des
tractations
de
nature
diplomatique.
Reste la condition d'épuisement des voies de recours
internes, prévue par l'article 26 de la Convention européenne.
cette clause exige que,
préalablement à
l'introduction d'une
requête au niveau des organes de
la convention,
il soit fait
usage optimal des possibilités
juridiques de
règlement de
la
question existant
sur
le
plan
interne.
Le
non
épuisement de
ces
possibilités
est
une
cause
d'irrecevabilité.
Il
a
pu
apparaitre
quelque
peu
surprenant
que
cette
règle
soit
maintenue dans un système de protection des droits de l'homme,
compte
tenu
de
ses
liens
avec
le
domaine
classique
du
contentieux
international
de
la
protection
diplomatique.
Il
semble
que
l'existence
de
cette
règle
soit
une
manière
de
contrebalancer
la
consécration,
dans
les
instruments
considérés,
du
droit
de
recours
individuel
;
il
semble
également que
la
"politisation lt
des affaires
inter-étatiques,
si
l'on
peut
qualifier
ainsi
le
phénomène
peut
( ... )
être
considérée comme militant en faveur du maintien du principe de
l'application à ces affaires de la règle des recours internes lt
(454).
Cependant,
il
demeure
que
la
logique
de
garantie
collective
qui
anime
le
système
conventionnel
intègre
(453) COllission, D.R. 1979, voL 13, p. 229-230.
(454)
CAHÇAOO-TRIIIDADE, A.A. L'épuiselent des recours internes dans des affaires interétatiques. La
procédure de la Convention européenne des droits de l'holle. C.D.E, 1978, n's 2-) p. 154.

-
337 -
difficilement la règle de l'épuisement préalable des voies
de
recours internes.
Pour le Professeur VASAK,
"la règle devrait
être
appliquée
aux
recours
étatiques
en
tenant
compte
de
certaines considérations qui
ne
permettent
pas
d'assimiler
purement et simplement une requête étatique à la manifestation
de la protection diplomatique"
(455).
Les
recours
à
épuiser
doivent
être
effectifs,
efficaces
c'est-à-dire
susceptibles
de
réparer
le
préjudice
causé à un individu :
les recours à épuiser ne doivent pas se
prolonger
d'une
façon
anormale,
excéder
des
délais
raisonnables.
si l'on considère la pratique des organes de la
Convention
européenne
des
droits
de
l'homme,
l'exigence
de
l'épuisement
préalable
des
voies
de
recours
internes
est
fonction de l'objet de la requête étatique: s'il s'agit de la
défense
de
droits
dont
la
violation
est
individualisée,
la
règle
s'applique
dans
toute
sa
rigueur.
En
revanche,
si
la
requête
porte
sur
des
mesures
générales
dont
la
seule
existence
constitue
une
violation
de
la
convention
et
dont
l'application
éventuelle
conduirai t
inévitablement
à
des
violations
individualisées,
la
règle
semble
tout
simplement
écartée.
Il
s'agit

d'une
distinction
constante
dans
la
pratique de
la
Commission
européenne
des
droits
de
l'homme,
initiée
avec
la
première
requête
étatique
Grèce contre
Royaume-Uni
" l e s dispositions de l'article 26 relatives à
l'épuisement des recours internes selon les principes de droit
international généralement
reconnus
ne s'appliquent pas à
la
présente
requête,
qui
a
pour
objet
de
déterminer
la
compatibilité
de
mesures
législatives
et
de
pratiques
administratives à Chypre
avec
la
Convention"
(456).
Cette
(455) VASAX, K. La Convention européenne des droits de 1'boue. Paris, L.G.D.J. 1964, p. 115.
(456) Requête n' 176/56, Grèce cl RoyaUie-Uni. A.C.B.D.B. r 1958-1959, vol. 2, p. 185.

- 338 -
position
de
principe
est
reprise
dans
la
deuxième
affaire
grecque (457), dans l'affaire Chypre cl Turquie (458). Il faut
noter
tout
de
même
que
la
simple
allégation
que
l'action
introduite porte sur
des
mesures
d'ordre
général ne suffit
pas - semble-t-il -
pour
écarter
d'emblée
la règle
de
l'épuisement des
voies
de
recours
internes.
statuant
sur
la
recevabili té
de
la
requête
Irlande
cl
Royaume-Uni,
la
Commission
déclare
qu'''il
ne
suffit
pas
que
l'existence
de
telles mesures législatives ou pratiques administratives soit
simplement
alléguée
il
est
également
nécessaire,
pour
que
soit
exclue
l'application
de
la
règle
exigeant
l'épuisement
des
voies
de
recours
internes
pour
de
tels
motifs,
que
l'existence des meSures ou pratiques alléguées soit démontrée
par des preuves suffisantes" (459).
Bien
que
des
questions
liées
à
la
recevabilité
puissent resurgir au stade de l'examen au fond
(article 29 de
la
convention),
on
doit
noter
que
la
Commission
se
refuse
généralement,
au
stade
préliminaire
de
la
recevabilité
à
exiger
au
moins
un
commencement
de
preuve
à
l'appui
d'une
requête ; de toutes manières, l'absence de preuves suffisantes
à
l'appui d'une requête ne semble pas être une cause générale
d'irrecevabilité.
Ainsi,
dans
sa décision de
recevabilité de
la requête Autriche cl Italie, la Commission énonce :" lorsque
la Commission examine la recevabilité d'une requête étatique,
elle
n'a
pas
à
rechercher
si
la
partie
contractante
demanderesse apporte un commencement de preuve de l'exactitude
de
ses
affirmations,
pareille
recherche
touchant
au
fond
de
l'affaire" (460). Cette position est rappelée dans la décision
du 6
Décembre
1983
sur
la
requête
collective
contre
la
(457) A.C.E.D.H., 1970, vol. 13, p. 133.
(458) COllission, D.R., 1979, vol. 13, p. 225.
(459) A.C.E.D.H., 1972, vol. 15, p. 243.
(460) A.C.E.D.H., 1961, vol. 4, p. 182-183.

-
339 -
Turquie
" L a
Commission
fait
remarquer
que
la
preuve
complète d'une
violation
de
la
Convention
n'est
pas
requise
pour déposer une requête au titre de l'article 24.
Il découle
tant
du
texte
anglais
( .•. )
que
du
libellé
français
( ... )
qu'en principe une allégation de violation suffit au regard de
cette disposition" (461).
Le
stade
de
la
recevabilité
franchi,
l'examen
au
fond de la requête peut être enclenché.
b - L'instruction des plaintes interétatigues
La
procédure d'examen des
requêtes
est placée sous
le principe du contradictoire i elle est en principe publique,
mais
l'article
33
de
la
Convention
prévoit
une
procédure
à
huis-clos.
L'instruction de la requête peut nécessiter qu'une
enquête
soit
diligentée,
en
vertu
de
l'article
28-a
de
la
Convention.
Trois
phases
peuvent
être
distinguées
dans
l'instruction
des
requêtes
étatiques,
phases
communes
avec
l'examen
des
requêtes
individuelles
la
recherche
d'un
règlement
amiable
au
niveau
de
la
Commission,
le
règlement
judiciaire
au
niveau
de
la
Cour
européenne
ou
le
règlement
juridique et politique au
niveau du Comité
des
Ministres du
Conseil de l'Europe.
La
recherche
du
règlement
amiable
est
une
étape
obligatoire
à
franchir
pour
toute
requête,
étatique
ou
individuelle.
Selon
l'article
28-b
de
la
convention,
la
Commission "se met à
la disposition des
intéressés en vue de
parvenir
à
un
règlement
amiable".
On
s'est
interrogé,
en
doctrine, sur la compatibilité du règlement amiable, mécanisme
(461) A.C.E.D.B., 1983, vol. 26, p. 21-22.

-
340 -
transactionnel,
avec
la
nécessité
de
protéger
les
droits
de
l'homme,
normes
absolues
(462).
L'idée
de
compromis
peut
apparaître
contraire
à
la
défense
de
normes
intangibles
toutefois,
la
Convention
precIse
que
le
règlement
amiable
éventuel est fondé sur le respect des droits de l'homme, dont
il s'inspire.
Bien que le terme
I l S ' inspire ll
exclut l'idée de
se plier servilement au texte de la Convention, il demeure que
l'on voit mal un règlement amiable se conclure en violation de
la
Convention.
si
l'on
interroge
la
pratique
du
règlement
amiable
dans
les
affaires
interétatiques,
on
peut
estimer
qu'il n'y a presque jamais eu de règlement amiable formel dans
une affaire de ce type. On a cependant vu dans le règlement de
la crise cypriote sui te aux deux recours formés par la Grèce
contre le Royaume-Uni,
des formes de règlement amiable.
En ce
qui
concerne
la
première
requête
176/56,
alors
que
la
Commission
tentait
de
parvenir
à
un
règlement
amiable,
les
autorités de Chypre abolissaient la législation autorisant les
peines de
fouet
dénoncées par
la Grèce,
ce qui
privait
tout
éventuel règlement amiable formel d'objet.
De même,
la requête
293/57
a
vu
sa
procédure
d'examen
interrompue
du
fait
des
accords de Zurich et de Londres portant règlement du problème
de Chypre. Une solution politique clôt la procédure, alors que
l'objet
de
la
requête
portait
sur
des
cas
de
torture
et
sévices
assimilables
à
la
torture.
Dans
ces
deux
cas,
on
a
parlé
de
"règlement
amiable
de
fai t ll
(463) .
Peut-être
faudrait-il également analyser dans le même sens la clôture de
la
procédure
sur
demandes
concordantes
des
parties,
dans
le
cadre
de
l'affaire
Grecque.
La
nouvelle donne
politique
grecque semble avoir vidé tous les chefs d'accusation de leur
objet. Du point
de
vue
formel
pourtant, il n'y a pas là un
règlement amiable totalement de fait.
Bien
que
l'initiative
(462) Voir à ce sujet SUDRE, F. lanuel cité, p. 219-220 et surtout DAUBIE, C. Conciliation et
protection européenne des droits de l'holle. R.B.D.I., 1973/2, p. 516.
(463) DAUBIE, C. op. cit. p. 537

- 341 -
échappe
à la Commission, il reste que le règlement doit
être
entériné par elle.
Du reste,
il
n'est pas absolument certain
que
la
Commission,
aux
termes
de
l'article
28
de
la
Convention,
doive
avoir
la
maîtrise
exclusive
de
cette
initiative.
Dans
la
conclusion
d'un
règlement
amiable,
la
Commission
joue le rôle d'un tiers
impartial,
de gardien des
intérêts de la convention et des droits de l'homme. C'est avec
justesse qu'on a dit du règlement amiable dans
la convention
européenne qu'il
est
"un
acte composite qui
s'analyse
en
un
accord entre les parties au litige revêtu de l'approbation de
la
Commission"
(464).
Dans
les
affaires
sus-évoquées,
la
Commission
a
toujours
eu
à
se
prononcer
sur
le
règlement
intervenu
que
cela
soit
apparu
plus
ou
moins
formel
dans
certains cas ne change rien à cette fonction d'homologation de
l'organe.
Lorsqu'un
règlement
amiable
a
pu
être
conclu,
la
Commission
rédige
un
rapport
contenant
un
bref
exposé
des
faits et de la solution retenue,
rapport qui est adressé aux
Etats
intéressés,
au
Comité
des
Ministres
et
au
Secrétaire
Général
du
Conseil
de
l'Europe
aux
fins
de
publication
(article 30 de la convention).
Lorsqu'un
règlement
amiable
n'a
pas
été
conclu
devant la Commission, cette dernière, en vertu de l'article 31
de la convention, rédige un rapport dans lequel "elle constate
les
faits
et
formule
un
avis sur
le
point de savoir si
les
faits constatés révèlent, de la part de l'Etat intéressé,
une
violation des obligations qui
lui
incombent aux termes de la
Convention".
Ce rapport est transmis au Comité des Ministres
du Conseil de l'Europe et aux Etats intéressés qui ne peuvent
le publier ; dans le rapport,
la Commission peut formuler les
propositions qu'elle juge appropriées. Ici s'achève le rôle de
la Commission en tant qu'organe de contrôle ; son intervention
dans
la
suite
de
la
procédure
ne
fera
plus
d'elle
qu'une
partie à l'instance.
(464) SUDRE, F. Manuel cité, p. 220

- 342 -
Dans les trois mois qui suivent l'échec du règlement
amiable, la Cour européenne peut être saisie de l'affaire,
si
l'Etat
accusé
ou
les
Etats
intéressés
ont
préalablement
accepté
la
juridiction obligatoire de
la
Cour.
La
Cour
peut
être
saisie,
selon
l'article
48
de
la
Convention,
par
la
commission,
par
la
Haute
Partie contractante dont
la
victime
est le ressortissant,
par la Haute
Partie contractante qui
a
saisi
la
Commission,
par
une
partie
contractante
mise
en
cause. si la cour conclut à une violation de la convention, et
si
le
préjudice
est
individualisé,
elle
peut
accorder
à
la
personne lésée une satisfaction juste et équitable (article 50
de la convention).
L'arrêt de la Cour est définitif;
il est
transmis au Comité des Ministres qui en assure l'exécution.
Lorsque,
le règlement amiable n'ayant pu être conclu
devant la Commission, la Cour ne peut être saisie en raison de
l'absence
d'une
base
de
compétence,
l'article
32
de
la
Convention
prévoit
l'intervention
du
Comité
des
Ministres.
Celui-ci,
à
nouveau,
se
prononce
sur
la
question
de
savoir
s'il
y
a
eu
ou
non
violation
de
la
convention
si
la
violation
est
constatée,
l'Etat
mis
en
cause
est
tenu
de
prendre
des
mesures
correctives
qu'implique
la
décision
du
Comité des Ministres, dans un délai précisé par ce dernier. si
ces
mesures
ne
sont
pas
adoptées,
le
Comité
des
Ministres
donne à sa décision "les suites qu'elle comporte et publie un
rapport".
En principe,
la publication du rapport constitue la
sanction
suprême
pouvant
être
administrée
par
le
Comité
des
Ministres.
Le
rôle
de
cet
organe
politique
a
souvent
été
contesté,
son
intervention ne paraissant pas particulièrement
protectrice pour les droits de l'homme (465).
(465) SVDRE, F. Manuel cité. p. 245-256.
Pour l'auteur, l'intervention du COlité des Ministres dans
la procédure de protection des droits de l'bolle est une anolalie institutionnelle;
"l'intervention du COlité des Ministres jette le discrédit sur un systèle dont la vocation
prelière est judiciaire, tant il est flagrant que le cOlité inscrit l'exercice de sa fonction
dans un cadre politique (.•. )", p. 255.

- 343 -
Cette opinion n'est pas infondée si
l'on observe la
pratique du
Comité
des
Ministres
concernant
les
requêtes
interétatiques.
Dans
les
deux
affaires
relatives
à
chypre
introduites par la Grèce contre le Royaume-Uni,
le Comité des
Ministres
est
intervenu
d'une
façon
marginale
il
lui
a
suffit de constater la conclusion des accords de Zurich et de
Londres
pour
conclure
qu'il
n'y
avait
plus
lieu
de
donner
suite à
l'affaire,
dans sa résolution
(59)
32 du 14 décembre
1959
(466).
De
même,
dans
sa
résolution
du
19
Janvier
1979
relative
à
l'affaire
chypre
cl
Turquie,
et
bien
qu'ayant
constaté des
violations par
la
Turquie de
la
Convention,
le
Comité
s'est
borné
à
inviter
les
parties
à
reprendre
les
pourparlers
intercommunautaires
qui
constituent
"le
cadre
adéquat pour parvenir à une solution du différend" et "décide
d'inviter
fermement
les
parties
à
reprendre
les
pourparlers
intercommunautaires
sous
les
auspices
du
Secrétaire
Général
des
Nations
Unies,
de
façon
à
se
mettre
d'accord
sur
les
moyens de
résoudre tous
les
aspects du conflit".
Finalement,
le
Comité
des
Ministres
considère
cette
"décision"
comme
mettant un terme
à
l'examen du cas
Chypre cl Turquie
(467).
C'est
d'un
véritable
refus
d'intervenir
qu'il
s'agit,
une
dérobade.
Transparaissent dans cette attitude,
d'une certaine
manière,
les
limites
de
l'institutionnalisation
du
droit
de
regard
interétatique,
du
moins
lorsque
ce
dernier
doit
s'appliquer à des cas d'importance considérable.
B - Les limites du droit de regard interétatique
Le
mécanisme
de
l'article
24
de
la
Convention
européenne
est
relativement
sous-utilisé,
sept
requêtes
(466) Texte de la résolution in A.C.E.D.B., 1958-1959, vol. 2, p. 197.
(467) Texte de la résolution in COllission Européenne des Droits de l'holle. Bilan de la C.E.D.H.,
Strasbourg, 1985, p. 18.

- 344 -
seulement ayant
jusqu'ici
été
introduites
en vertu de celui-
ci. Il convient de s'interroger sur les raisons de cette sous-
utilisation.
0' un
autre
côté,
et
plus
importante
que
cette
relative sous-utilisation,
l'absence de prise en compte de la
dimension
de
l'urgence
est
à
mettre
en
relief,
et
particulièrement l'urgence créée par une violation massive des
droits de l'homme.
1 - Une institution relativement sous-utilisée
Comment expliquer que l'article 24 de
la convention
européenne
des
droits
de
l 'homme
soit
si
peu
utilisé
?
Il
semble difficile d'invoquer des raisons structurelles, liées à
l'organisation
du
droit
de
regard
interétatique,
pour
expliquer cet état de choses.
La procédure de mise en oeuvre
de l'article 24, contrairement à celles que l'on retrouve dans
d'autres
systèmes
à
la
logique
semblable,
offre
de
réelles
chances
d'aboutir
à
une
protection
sérieuse
des
droits
de
l'homme. Dès lors, deux explications peuvent être avancées.
La
première
explication,
et
aussi
la
plus
classiquement invoquée, réside dans la méfiance réciproque des
Etats.
En
d'autres
termes,
il
semble
que,
soucieux
de
préserver entre eux des relations amicales,
les Etats hésitent
à
ut il iser
le
mécanisme
de
l'article
24
qui
pourrait
apparaître
comme
un
geste
inamical.
Ecrite
à
propos
de
l'article 41 du pacte
international
sur les droits civils et
politiques, cette réflexion de Mr. RUCZ vaut pour l'article 24
ici étudié
"la
réticence des
Etats
n'est pas
inspirée par
les pouvoirs de l'organe de protection ( .•. ). Cette
réticence
est surtout provoquée par l'initiative de la procédure confiée
à
un Etat tiers dont les intentions ne sont pas toujours pures
et qui n'a
pas
subi
de
préjudice
direct
du
fait
de
la

-
345 -
violation des droits de l'homme" (468). A propos de
l'article
24, le professeur SUDRE écrit que "sans doute par crainte d'un
éventuel effet "boomerang" les Etats, à l'évidence, usent avec
circonspection
du
droit
de
regard
mutuel
que
leur
accorde
l'article
24"
(469).
Les
violations
des
droits
de
l'homme
étant, à des degrés divers, commis dans tous les Etats, chacun
d'eux redoute que ne se retourne contre lui un
jour l'action
entreprise auparavant par lui à
l'encontre d'un autre.
Par ce
jeu
combiné
de
méfiance
et
de
complicité
tacite,
voire
de
solidarité objective entre Etats, on en arrive à une sorte de
fuite
généralisée
devant
le
mécanisme
institué,
qui
sombre
ainsi dans la léthargie.
La
deuxième
expl ication
nous
semble
moins
psychologique
mais
beaucoup
plus
technique,
à
savoir
l'existence
dans
le
système
de
la
convention
du
recours
individuel.
En
effet,
la
possibilité
donnée
aux
individus
d'introduire
eux-mêmes
des
plaintes
sur
des
violations
des
droi ts
de
l ' homme
dont
ils
sont
victimes
est
une
procédure
plus neutre politiquement qui est de nature à marginaliser le
recours interétatique MM.
BUERGENTHAL et KISS semblent être de
cet avis lorsqu'ils écrivent
:

vrai dire,
à
une exception
près
(Irlande cl Royaume-Uni),
toutes
les
requêtes
étatiques
dont
a
été
saisie
la
commission
jusqu'à
présent
étaient
dirigées contre des Etats qui n'avaient pas reconnu la faculté
à
la
commission
européenne
de
recevoir
des
requêtes
individuelles et contre lesquels le recours par un autre
Etat
(468) RUeZ, e. D.H.U. : Le respect des droits de l'houe. jurisclasseur, Droit international, T. I,
1989, 3, Facs. 124, p. 14-15.
(469) SUDRE, F. Manuel cité, p. 202.

-
346 -
étai t
le
seul
mOYen
de
faire
constater
la
violation
de
la
convention" (470).
2 - Une technique de protection inadaptée aux
situations d'urgence
Bien
que
les
recours
interétatiques
soient
restés
peu nombreux et bien qu'il soit difficile de mesurer l'impact
réel
du
mécanisme
de
l'article
24
dans
le
règlement
de
certaines
affaires,
ce
mécanisme
a
déjà
offert
à
plusieurs
reprises
un
canal
pacifique
de
discussions
de
problèmes
graves. Lorsqu'on voit l'issue de la crise institutionnelle en
Grèce,
on ne peut pas négliger la pression constituée par les
deux
plaintes
collectives
déposées
devant
la
commission
européenne des droits de l'homme ; si la possibilité de telles
actions n'existait pas,
les Etats qui
les avaient diligentées
en seraient restés
à
user de
la
"gesticulation"
diplomatique
habituelle,
du
reste
souvent
considérée
à
tort
comme
une
ingérence abusive dans les affaires intérieures des Etats.
Pourtant,
on
peut
douter
de
l ' eff icacité
du
mécanisme de l'article 24 lorsqu'on voit de quelle manière les
plaintes grecques contre le Royaume-uni à propos de Chypre ont
été closes
: n'y a-t-il pas eu,
dans ce cas,
contournement de
la procédure, ou à tout le moins un doublement de celle-ci par
( 470) BUERGEltTllAL T. & KISS A. op. dt. p. 60-61. si l'on peut se pel'lettre un parallèle avec le
systèae des plaintes interétatiques prévu dans le cadre de l'O.I.T., on relarque que
l'existence de procédures pel'lettant à des organisations de travailleurs de faire valoir par
eux-Iêles leurs droits n'a pas elpêché que des plaintes étatiques soient déposées auprès des
organes chargés d4t contrôle du respect des conventions signées dans le cadre de
l'organisation. En effet, l'introduction en 1950 de la procédure spéciale de sauvegarde de la
liberté syndicaltn'a pas elpêché le Ghana de déposer une plainte contre le Portugal en 1961.
C'est dire que, en soi, la présence du droit de recours individuel n'elpêche pas l'exercice par
les Etats de leur droit de recours.

-
347 -
la
diplomatie
multilatérale
?
Il
n'est
pas
interdit
de
le
penser.
De
même,
à
propos
de
l'issue
de
la
requête
Chypre
contre
Turquie
devant
le
Comité
des
ministres,
on
peut
se
demander s'il n'y a
pas là l'aveu tacite de l'impuissance du
mécanisme
de
l'article
24
à
apporter
une
solution
satisfaisante
à
des
problèmes
d'une
certaine
ampleur
ou
poli tiquement
sensibles.
L'effacement
du
mécanisme
au
profit
de la diplomatie au sein de
1'0. N. U.
suggère
l'idée que
les
systèmes institutionnels du genre de celui de l'article 24 de
la
Convention
européenne
ne
peuvent
remplacer
les
moyens
d'action diplomatiques ou autres de la société internationale,
sauf au prix d'adaptations sérieuses.
De
fait,
le
surcroît
d'efficacité
à
exiger
du
mécanisme
ici
étudié doit
surtout tendre vers une adaptation
de
celui-ci
aux
situations
d'urgence.
Car
en
effet,
la
question
qui
se
pose
est
celle
de
savoir
si
le
système
de
l'article
24
est
pertinent
pour
réagir
face
aux
situations
d'urgence,
de violations massives et systématiques des droits
de
1 'homme.
L'ingérence
institutionnalisée
sous
la
forme
du
droit
de
regard
interétatique
ne
trouve-t-elle
pas

ses
limites
?
Le
recours
interétatique
a
été
conçu
pour
fonctionner "en temps de paix",
pendant lequel les violations
des
droits
de
l ' homme
sont
circonscrites,
ponctuelles,
très
souvent individuelles.
De façon plus explicite,
la convention
se
fonde
sur
le
postulat
qu'elle
lie
des
sociétés
démocratiques,
dans
lesquelles
normalement
les
violations
massives et systématiques des droits de l'homme devraient être
l'exception et non la règle.
On comprend donc que des mesures
pour répondre à de telles urgences ne soient pas prévues dans
la convention européenne.
Le traité semble insensible à toute
idée d'urgence
même
la
possibilité
d'indiquer
des
mesures
conservatoires n'y est pas explicitement prévue. Elle
serait,

-
348
-
de toute manière,
très en-deçà de ce qui est requis en cas de
violations
massives
des
droits
de
l'homme
(471).
Dans
ces
circonstances,
l'efficacité
de
la
protection
des
droits
de
l'homme
exige
l'utilisation
de
mécanismes
institutionnels
susceptibles de remédier ou au moins de mettre un terme à de
telles
violations
dans
l'ordre
international
actuel,
le
recours au Conseil de Sécurité des Nations Unies s'avère sur
ce plan particulièrement incontournable.
Paragraphe 2 - Le moyen institutionnel universel efficace :
l'intervention du Conseil de Sécurité des
Nations Unies dans la protection internationale
des droits de l'hOmme
A l ' heure
actuelle,
sur
le
plan
international
ou,
mieux,
universel,
le
seul
organe
susceptible
d'imposer
le
respect effectif des droits de l'homme,
et cela au nom de la
Communauté
internationale
entière,
est
de
toute
évidence
le
Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le Conseil de
sécurité
( 471) Sur les lesures conservatoires dans le cadre de la convention européenne des droits de
l'holle, voir l'affaire cruz VARAS et autres cl Suède. Arrêt de la cour, 20 lars 1991, texte in
R.U.D.B. 1991, Vol. 3, n' 6, p. 209-222 ; voir sur le plan doctrinal, COBEH-JOHATBAH G. De
l'effet des "Iesures provisoires" dans certaines circonstances et de l'efficacité du droit de
recours individuel: à propos de l'arrêt de la cour de strasbourg cruz VARAS du 20 lars 1991;
R.U.D.B. 1991, Vol. 3, n' 6, p. 205-209. La Cour de strasbourg se refuse à considérer le refus
d'un Etat d'appliquer des lesures conservatoires décidées par la cOllission en vertu de son
règlelent intérieur cOlle une violation d'obligations conventionnelles. Il ne pourrait en être
ainsi que si ce refus aboutit à une violation de la convention. Pour la Cour, "l'usage
consistant à respecter les dites indications ne peut avoir été fondé sur la conviction qu'elles
revêtaient un caractère contraignant ; il reflète plutôt le souci de coopérer loyalelent avec la
COllission quand l'Etat en cause le juge possible et raisonnable".

-
349 -
est
principalement
chargé
du
maintien
de
la
paix
et
de
la
sécurité
internationales
la
mise
en
oeuvre
des
droits
de
l'homme ne peut lui
incomber que si celle-ci est étroitement
liée
au
maintien
ou
au
rétablissement
de
la
paix
internationale.
Il
s'agit
donc
de
démontrer
que,
comme
l'action humanitaire
internationale,
la protection des droits
de l'homme est un instrument à
la disposition du Conseil dans
son
entreprise
de
maintien
de
la
paix
internationale.
En
d'autres termes, il nous revient de montrer que les violations
des
droits
de
l'homme
sont
des
menaces
à
la
paix
internationale
susceptibles
de
déclencher
une
réaction
appropriée
du
Conseil
de
Sécurité,
y
compris
si
cela
est
nécessaire une action militaire. C'est la question de la base
normative directe de l'action du Conseil en pareille situation
qui est posée. Toutefois,
l'efficacité du Conseil ne tait pas
les
problèmes
que
susci te
sa
légi timi té
dans
l'ordre
international
d'aujourd'hui
le
problème
de
sa
légitimité
démocratique se pose.
A - La base nOrmative de l'intervention du Conseil
de Sécurité.
Le
Chapitre
VII
de
la
Charte
des
Nations
Unies
définit les modalités matérielles d'exercice par le Conseil de
Sécurité du droit d'intervention dans les affaires intérieures
des Etats membres dont disposent les Nations Unies,
en vertu
de l'article 2 alinéa 7 in fine de ladite Charte.
La mise en
oeuvre du chapitre VII
suppose l'existence d'une menace à
la
paix,
d'une
rupture
de
la
paix
ou
d'un
acte
d'agression,
toutes
situations
discrétionnairement
constatées
par
le
Conseil de sécurité. Les violations des droits de l'homme dans
un
Etat susceptibles de
provoquer
la
réaction du
Conseil
de
Sécurité doivent être suffisamment graves pour constituer non
pas évidemment une agression - ce qui n'aurait guère de sens -
mais
au
moins
une
menace
à
la
paix
internationale.
Cela
suppose
que
soit
préalablement
établie
une
relation
solide

-
350
-
entre
le
respect
des
droits
de
l'homme
et
la
paix
internationale.
1 - Les violations des droits de l'homme
constitutives d'une menace à la paix
internationale.
Toutes
les
violations
des
droits
de
l'homme
ne
sauraient
justifier la réaction du Conseil de Sécurité ou de
tout autre sujet de la société internationale.
Les violations
susceptibles
de
provoquer
cette
réaction
doivent
revêtir
un
certain caractère de gravi té qui
les assimile à
une menace à
la
paix
internationale.
Dans
la
doctrine,
on
parle
de
"violations massives",
"violations systématiques",
"violations
flagrantes",
"violations
brutales"
on
évoque
aussi
les
violations
consti tuti ves
de
crimes
internationaux.
Selon
l'Institut
du
Droit
International,
"des
mesures
propres
à
assurer
la
protection
collective
des
droits
de
l 'homme
sont
tout
spécialement
justifiées
lorsqu'elles
répondent
à
des
violations
particulièrement
graves
de
ces
droits,
notamment
des
violations
massives
ou
systématiques,
ainsi
qu'à
celles
portant atteinte aux droits auxquels il ne peut être dérogé en
aucune circonstance" (472). Il n'est pas
certain
que
toutes
ces
formules
évoquent
des
réalités
et
des
situations
identiques.
Le
seul
vocable
fédérateur
est
celui
de
"violations graves".
En
ce
qui
concerne
la
détermination
du
degré
de
gravité
d'une
violation
précise,
les
critères
qu'évoquent
les autres
vocables
sont
différents.
Il
convient
de les analyser.
(472) A.I.D.I. 1990, Vol. 63-2, p. 286-287, art. 2 paragraphe 3 de la résolution.

-
351 -
a - L'importance des droits violés et l'ampleur de
la violation.
La
réaction
internationale
dépend
de
la
nature,
fondamentale
ou
non,
des
droits
violés,
mais
surtout
de
l'ampleur de la violation, c'est-à-dire du nombre de personnes
concernées par la violation dont il
s'agit.
Il faut en effet
opérer
une
distinction
entre
les
droits
fondamentaux,
les
droi ts
insusceptibles
de
dérogation,
les
droits
relevant
du
jus
cogens
international,
les
droits
créant
des
obligations
erga omnes,
et
les
autres,
sur
lesquels
les
Etats
disposent
d'une marge de modulation non négligeable.
Parmi les premiers,
qui nous
intéressent au premier plan,
rentrent le droit à
la
vie, le droit de ne pas être soumis à la torture, à des peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (473), le droit
de ne pas être réduit en esclavage ou en servitude.
A propos
du droit à la vie,
le Professeur SPERDUTI,
a proposé dans son
projet de résolution n·
4,
un
article
4 ainsi
libellé
:"
Le
droit à la vie,
que la Déclaration universelle énonce en tout
premier
lieu
parmi
ceux
faisant
partie
de
la
conception
commune
des
Droits
de
l'homme, peut
exiger
des
mesures
d'urgence de caractère collectif aptes à parer à
la situation
et prises dans le cadre des règles et principes
élaborés
par
les
instances
compétentes
des
Nations
Unies"
(474).
Cette
disposi tion n'a pas été finalement
retenue,
du
fait des abus
auxquels
l'usage
d'un
tel
droit
pouvait
donner
lieu
(475).
Pourtant,
si
les
mesures
à
adopter
et
les
actions
à
entreprendre sont décidées dans le cadre des Nations Unies,
a
priori les risques de dérapage peuvent paraître conjurés.
(473) SUDRE, F. La notion de "peines et traiteaents inhUlains ou dégradants· dans la jurisprudence
de la cOllission et de la Cour européenne des droits de l'holle. R.G.D.I.P., 1984, p. 824-
889.
(474) A.LD.L 1989, vol. 63-1, p. 391-
(475) Idea, p. 395.

-
352 -
Quelle
que
soit,
cependant,
l'importance
du
droit
violé,
un
autre
élément de
taille
doit
rentrer
en
ligne
de
compte
l'ampleur de
la
violation.
En
effet,
la
violation
susceptible
de
devenir
une
menace
à
la
paix
internationale
doi t
être massive,
toucher un nombre
important de
personnes.
Une violation d'un droit fondamental touchant un individu,
ou
seulement quelques personnes, ne peut pas être une menace à la
paix
internationale.
On
peut
s'en
émouvoir
à
juste
titre,
notamment
si
la
violation
en
question
concerne
une
figure
éminente
reconnue
à
travers
le
monde
;
cela
ne
saurait
justifier, pour autant, une action entreprise dans le cadre du
chapitre VII.
b - Le caractère brutal. systématique et flagrant de
la violation.
Lorsque la brutalité du procédé s'allie au caractère
massif de
la violation des droits de
l'homme,
il nous semble
que
nous
sommes

devant
l'exemple
idéal

le
Consei l
de
sécurité pourrait avoir à
intervenir.
Les violations brutales
comportent,
notamment,
les expulsions arbitraires en masse de
populations,
les
répressions
sanglantes
de
mouvements
pacifiques
de
contestation
politique,
les
bombardements
aveugles
de
populations
civiles.
Il
en
est
de
même
des
violations
flagrantes.
Par
contre,
les
violations
systématiques semblent
évoquer, non
seulement
le
caractère
brutal
et
massif
des
di tes
violations,
mais
aussi
le
fait
qu'elles procèdent non pas d'une situation accidentelle,
mais
d'un système politique, d'une logique idéologique consciemment
conçue et assumée,
qui
secrète des violations
inévitables de
façon
permanente,
répétée,
continue.
Les
exemples
de
violations
systématiques
des
droits
de
l'homme
sont
les
entreprises
de
génocide,
de
discrimination
raciale
institutionnalisée
comme
l'Apartheid.
De
telles
situations
doi vent être considérées par elles-mêmes comme des menaces à
la paix internationale et le Conseil de sécurité devrait s'en

-
353
-
occuper.
Bien
que
cette
perspective
n'ait
pas
été
retenue
formellement lors de la conférence de San Fransisco,
l'action
du conseil de Sécurité n'en est pas moins allée dans ce sens à
certaines occasions, même si le bilan reste maigre.
2 -
Le Conseil de Sécurité et les violations graves
des droits de l'homme dans les Etats.
Le
Conseil
de
sécurité
ne
s'est
pas
montré
particulièrement
actif
sur
le
terrain
du
combat
contre
les
violations
graves
des
droits
de
l'homme
à
l'intérieur
des
Etats.
On
peut
penser
que
ce
profil
bas
signifie
que
le
conseil
ne
se
reconnaît
pas
une
compétence
formelle
pour
prendre des mesures visant à mettre fin à des violations des
droits
de
l'homme
qui
ne
comportent
pas
de
répercussions
internationales
sérieuses.
L'on
comprend
ainsi
que
peu
d'exemples
puissent
être
cités
illustrant
l'intervention
du
Conseil de sécurité pour la protection des Droits de l'homme.
Le
cas
le
plus
marquant
est
celui
de
l'action
contre
l'Apartheid en Afrique du Sud
;
le cas
de
l'intervention du
conseil de sécurité dans la crise Rhodésienne est également à
signaler dans ce sillage.
a - Le Conseil de Sécurité et la question de
l'Apartheid.
L'action
des
Nations
Unies
contre
la
politique
d'apartheid
en
Afrique
du
Sud
est
révélatrice
du
droit
d'intervention
que
l'organisation
internationale
peut
s'octroyer contre le régime politique installé dans un Etat et
ses
conséquences
sur
le
sort
des
droits
des
individus
en
général, ou des droits de certains groupes de la population en
particulier.
En
s'attaquant
au
régime
institutionnalisé
de
discrimination
raciale
en
Afrique
du
Sud,
les
Nations
Unies
ont
clairement
fait
comprendre
leur
attachement
au
principe
démocratique de gouvernement des sociétés humaines. Il demeure
pourtant que
l'action onusienne contre
l'apartheid n'est pas

- 354 -
absolument sans ambiguïté quant aux leçons que l'on peut tirer
en
ce
qui
concerne
le
pouvoir
du
Conseil
de
sécurité
de
s'occuper
des
violations
graves
des
droits
de
l'homme
à
l'intérieur des Etats.
C'est par la résolution 134 (1960) du 1er Avril 1960
que le Conseil de Sécurité statue pour la première fois sur le
reglme d'apartheid
en
Afrique
du
Sud.
Cette
résolution
fait
suite
à
la
plainte de
vingt
neuf
membres
des
Nations
Unies
contre
l'Union
Sud-Africaine,
après
le
massacre
de
manifestants pacifiques et désarmés qui protestaient contre la
politique de ségrégation raciale dans le pays. Le texte énonce
que
"la
situation
en
Union
sud-Africaine
a
entraîné
un
désaccord entre Nations et que sa prolongation risquerait de
menacer la paix et
la Sécurité
internationales".
De même,
la
résolution 181
(1963)
du
7 août 1963 énonce que
la situation
en Afrique du
Sud
"trouble gravement
la
paix et
la sécurité
internationales";
la
résolution
282
du 23
Juillet
1970
exprime le
sentiment
que" la situation actuelle en
Afrique
du Sud, constitue une menace potentielle à la paix
et
à
la
sécur i té
internationales"
(476) .
Ces
formules
sont
intéressantes,
en
ce
qu'elles
situent
les
violations
importantes des droits de l'homme dans le champ de compétence
implici te du Conseil
de sécurité,
compte non
tenu absolument
de
leurs
excroissances
internationales.
Comme
le
note
deux
auteurs,
"les
violations
massives
des
droits
de
l'homme
constituaient,
en
l'espèce
par
elles-mêmes
une
menace
potentielle à la paix et à la sécurité internationales" (477).
Pour ces auteurs, il y
aurait
quelque
doute
à
considérer,
( 476) Sur l'Apartheid, voir les résolutions du Conseil de sécurité suivantes, à titre indicatif 191
(1964) du 18 Juin 1964, 392 (1976) du 19 Juin 1976, 417 (1977) du 31 OCtobre 1977, 473, (1980)
du 13 Juin 1980, 569 (1985) du 26 Juillet 1985.
(477) CORTEN, O. & KLEIlI, P. op. cit. R.B.D.l. 1991/1, p. 10H02.

-
355 -
comme semble le faire le Conseil dans la résolution 134 du 1er
avril 1960, un "désaccord entre nations" comme une menace à la
paix
;
pour eux,
si
tel
devait
être
le cas,
ce
serait
"une
interprétation
particulièrement
extensive
de
la
notion
de
menace à la paix" (478). Cette remarque nous semble pertinente
si
tout
désaccord entre
nations
devait
être tenu pour une
menace à
la paix internationale,
quelle que soit
sa
source,
quelle
que
soit
son
importance,
presque
tout
différend
pourrait
faire
désormais
l'objet
de
mesures
prévues
au
chapitre VII de la Charte,
ce qui serait réellement excessif.
Toutefois,
il
faut
rappeler constamment qu'en la matière,
le
pouvoir du Conseil de Sécurité est largement discrétionnaire ;
dès
lors
le
problème
de
savoir
si
une
interprétation
de
sa
part est extensive ou restrictive,
arbitraire
ou
régulière,
est essentiellement relatif et ne peut se décider en principe
(479) .
Les
formules
contenues
dans
les
résolutions
précitées
laissent
cependant
insatisfait,
notamment
les
première
et
troisième
résolutions.
La
menace
à
la
paix
ne
semble
pas
établie
de
façon
non
équivoque,
elle
est
fréquemment
abordée
comme
une
simple
virtualité.
Selon
la
résolution
134
(1960)
du
1er
Avril
1960,
les
violations
massi ves des
droits de
l ' homme
qui
ont
amené
les
vingt-neuf
Etats
à
saisir
le
Conseil
de
sécurité
ne
sont
pas
encore
constitutives d'une menace à la paix. C'est la prolongation de
ces
violations
qui
pourrait
le
devenir.
Encore
que
cela
ne
soit qu'un risque,
aucune certitude quant à
la qualification
du conseil de sécurité n'étant garantie. La notion de
"menace
(478) Idel, p. 101.
(479) Il faut préciser, du reste, que selon le libellé de la fonu1e citée, ce n'est certainelent
pas le seul désaccord entre nations qui créerait une lenace à la paix internationale; au
contraire, c'est la prolongation de la situation existante en Afrique du Sud qui aboutirait à
ce résultat, y cOlpris l'exacerbation des désaccords entre cet Etat et les autres Etats.

-
356
-
potentielle à
la paix"
contenue dans la résolution
282 du 23
Juillet 1970 mérite ample
analyse.
Elle amène à
s'interroger
sur la portée d'une telle qualification
i
en particulier,
la
menace potentielle est-elle assimilable à une menace déjà là,
une menace en partie constituée ?
La menace potentielle à
la
paix
est-elle
susceptible
de
déclencher
le
mécanisme
du
chapi tre VII
de
la
Charte
?
La
Charte des
Nations
Unies
ne
connaît
que
la
menace
à
la
paix,
qui
n'est
pas
nettement
identifiée
dans
ses
éléments
constitutifs,
sa
définition
ne
pouvant être obtenue que par enregistrement des différents cas
dans lesquels le Conseil a
identifié une telle situation.
La
menace
à
la
paix,
dans
l'édifice
de
la
Charte
des
Nations
Unies,
est une catégorie essentiellement virtuelle,
qui n'est
matérialisée que lorsque le Conseil en a identifié une. Parler
donc de menace potentielle à la paix peut paraître
lourd
et
creux
ou
la
menace
existe
déjà,
ou
elle
n'est
qu'une
potentialité
et
il
n'y
a
pas
encore
de
menace.
La
"menace
potentielle
à
la
paix"
n'a
pas
de
conséquences
juridiques
claires i
le Conseil de sécurité,
sur cette base, ne pourrait
normalement
s'engager
dans
le
schéma
du
chapitre
VIlde
la
Charte. C'est avec une grande logique que,
dans sa résolution
282 du
23
Juillet 1970,
le Conseil
a
simplement "recommandé"
aux
Etats
membres
un
embargo
sur
les
armes,
sans
s'engager
dans
la
logique
de
sanction
de
l'article
41
de
la
Charte.
L'embargo, à l'évidence, ne pouvait être "décidé" en l'absence
d'une menace à
la
paix formellement
établie.
L'interrogation
troublante qui reste est celle de savoir si l'embargo est une
mesure que le Conseil
peut se contenter de
"recommander" aux
Etats. L'hypothèse semble douteuse.
Le
traitement
par
le
Conseil
de
sécurité
de
la
question
de
l'apartheid
ne
permet
que
des
conclusions
prudentes sur le pouvoir du Conseil de traiter des violations
systématiques et de grande ampleur des droits de l'homme.
Il
en
est
de même des
actions
décidées
par
le Conseil
pour
le
règlement de la question Rhodésienne.

- 357 -
b - Le Conseil de Sécurité et la question
Rhodésienne.
Au
lendemain
de
la
proclamation
unilatérale
de
l'indépendance
de
la
Rhodésie
du
Sud
(au jourd' hui
Zimbabwé)
par Mr.
Ian SMITH,
proclamation accompagnée des protestations
de
la
majorité
du
peuple
de
la
Rhodésie
du
Sud,
de
la
puissance coloniale
(Royaume-Uni),
des
Etats
africains
et de
la communauté internationale,
les Nations Unies adoptèrent un
ensemble de textes et édictèrent plusieurs actions pour réagir
à
l'entreprise
de
la
minorité
blanche
du
pays.
Dans
ses
nombreuses résolutions relatives à la question,
le Conseil de
Sécuri té,
considérant
le
régime
installé
en
Rhodésie
du
Sud
comme
"illégal",
"minoritaire"
et
"raciste",
estime
que
la
situation
dans
le
pays
constitue
une
menace
à
la
paix
internationale. Cela est clairement affirmé dans la résolution
232
(1966)
de
décembre
1966
décidant
un
embargo
contre
le
régime de
Mr.
Ian SMITH. La nature "minoritaire" et "raciste"
du régime en place rapproche
les si tuations
Sud-Africaine et
Rhodésienne.
En revanche,
le terme "illégal"
semble comporter
un
élément
nouveau,
qui
reste
cependant
peu
explicite.
Le
régime installé en Rhodésie du Sud est-il "illégal" parce que
minoritaire
et
raciste
ou
l'est-il
parce
que
installé
contrairement
aux
règles
régissant
la
décolonisation
et
notamment la résolution 1514
(XV) du 14 décembre 1960 ? C'est
la portée même de l'action du Conseil de Sécurité en Rhodésie
du Sud qui est ainsi en question : est-ce une intervention en
faveur des droits de l'homme ou simplement une action visant à
remettre sur
le
droit
chemin
un
processus
de
décolonisation
qui semblait détourné par une minorité à son seul profit ? Il
semble
que
ces
deux
aspects
soient
indissociables
l'un
de
l'autre.
C'est en tout
cas
ce
que suggère
le
libellé de
la
résol ution
254
( 1968)
du
29
mai
1968,
et
notamment
le
6ème
considérant du préambule de celle-ci
"condemning the recent
inhuman
executions
carried
out
by
the
illega1
regime
in
Southern
Rhodesia
which
have
flagrantly
affronted
the

-
358 -
conscience
of
mankind
and
have
been
universally
condemned
... ".
Dans le dispositif de la résolution,
le Conseil demande
à
la
puissance
administrante,
le
Royaume-Uni,
de
veiller
en
sorte qu'aucun règlement ne soit obtenu qui
ne tienne dûment
compte des voeux du peuple de Rhodésie du Sud,
en particulier
des
partis
politiques
représentant
la
majorité;
de
toutes
manières,
la
solution
définitive
doit
être
acceptable
et
équitable pour le peuple de Rhodésie du Sud dans son ensemble.
La
protection
des
droits
de
l ' homme
et
la
préservation
du
droit
d'autodétermination
sont
toutes
deux
poursuivies,
même
si
l'on
peut
penser,
en
vertu du
contexte
de
décolonisation
des événements
considérés,
que
le
deuxième
élément
prédomine
dans l'action du Conseil de Sécurité.
Il demeure que, pour une
partie de
la doctrine,
l'action du Conseil
"requires that
in
the contemporary world,
international
peace
and
security and
the protection of human rights are
inescapably interdependent
and that the
impact of the
flagrant
deprivation of the
most
basic
human
rights
of
the
great
mass
of
the
people
of
a
community
cannot
possibly
stop
short
within
the
territorial
bonndaries
in
which
the
physical
manifestations
of
such
deprivation
first
occur"
(479bis ).
Cette
opinion
semble
correspondre
plus
que
jamais
à
la
réalité
juridique
des
choses.
B - Les conditions d'une légitimité satisfaisante de
l'action du Conseil de
SéCurité
Un
fait
est
aujourd'hui
certain,
sur
le
plan
des
principes
seule
l'ingérence
du
Conseil
de
Sécurité
pour
protéger les droits de
l' homme est non seulement susceptible
d'efficacité,
mais en plus
jouit d'un minimum de
légitimité,
parce que décidée par l'organe chargé de la gestion à titre
(4 79bis ) Mc DOUGAL, M.S. & REISIWI, M. RIIodesia and United Nations: The lawfulness of
international cancern. A.J.I.L. 1968, Vol. 62, n' l, p. 18.

-
359 -
principal
de
la
sécurité
collective.
cette
certitude
étant
établie,
elle
suscite
un
nombre
important
d'interrogations
relati ves
à
la
confiance
que
les
Etats
membres
des
Nations
Unies accordent à cet organe, en tant qu'expression réelle des
contradictions
de
la
société
internationale
actuelle.
Ces
interrogations sont légitimées par l'extension considérable du
champ d'application de
la sécurité
collective,
qui
implique
un
élargissement
du
domaine
de
compétence
du
Conseil
de
Sécurité,
un
accroissement
des
possibilités
de
recourir
aux
mesures de coercition relevant du chapitre VII de la charte
violations massives des droits de l'homme, obstacles opposés à
l'acheminement
de
l'aide
humanitaire,
lutte
contre
le
terrorisme
international,
punition
des
crimes
de
guerre
et
crimes
contre
l'humanité,
répression
éventuelle
de
catastrophes écologiques volontairement provoquées,
etc ... Un
tel grossissement du champ de la sécurité collective, effectué
par
le conseil
de Sécurité
à
travers
l'arme
théorique de
la
menace
à
la
paix,
qualification
très
élastique
susceptible
d'être
accolée
à
toute
situation
que
le
Conseil
juge
telle,
pose évidemment problème.
En effet,
ce qui devait demeurer en
tout
état
de
cause
exceptionnel,
à
savoir
le
recours
aux
mesures
relevant
du
chapitre
VII,
pourrait
tendre
à
devenir
banal. A ce sujet du reste,
il règne actuellement dans l'ordre
international, un climat interventionniste et militariste très
marqué,
la
réponse mi li taire et répressive
étant la seule ou
presque
spontanément
brandie
pour
résoudre
les
crises
internationales.
La
réal i té
de
l'ordre
international
d'après
guerre
froide,
marquée par une collusion de plus en plus grande entre
les membres permanents du conseil de sécurité, ainsi que entre
ces membres et
les autres
puissances occidentales,
jette
une
suspicion
légitime
sur
le
Conseil
de
Sécurité
en
tant
que
reflet de
la communauté internationale,
et sur sa capacité à
défendre
équitablement
les
intérêts
de
tous
les
Etats
et
groupes d'Etats.
Comme l'écrit Pierre HASSNER,
"ce qui est en

-
360 -
question aujourd'hui,
ce sont
l'identité et la
légitimité de
l ' autori té
qui
décide
l'intervention,
ce
sont
ses
moyens
et
ses
résultats,
c'est
surtout
la
structure
du
milieu
international qu'elle présuppose et qu'elle promeut" (480). M.
SALAME
exprime
une
opinion
sensiblement
similaire
: "un
malentendu
profond
se
développe,
en
amont,
quant
à
la
légitimité même de l'O.N.V.
comme machine de légitimation.
Le
conseil de sécurité est perçu -
et est effectivement devenu -
comme une boîte où le pouvoir est concentré dans les mains des
trois
puissances
occidentales,
d'une
Russie
qui
n'est
plus
guère
un
pôle
de
contrepoids
et d'une Chine
trop
mercantile
pour
ne
pas
savoir
monnayer
ses
abstentions"
(481).
Les
questions
fondamentales
posées par ces
prises
de position,
l'ingérence humanitaire ou l'intervention pour
la
protection
des droits de l'homme ne les créent pas en réalité. Cependant,
et notamment pour ce qui concerne les droits de l'homme, nous
touchons avec ces domaines le coeur
même
de
la souveraineté
des Etats et leur indépendance politique,
ce qui exacerbe ces
questions déjà existantes. Il s'agit d'abord d'un problème de
contrôle
de
la
régularité
juridique
formelle
des
qualifications
opérées
par
le
conseil
de
Sécurité
et,
par
conséquent,
des
mesures
entreprises
par
lui
;
il
s'agit
ensuite
d'un
problème
de
représentativité
du
Conseil
de
Sécurité
il s'agit enfin,
dans le droit fil de la deuxième
idée,
d'un
problème
de
décentralisation
du
maintien
de
la
paix, en l'état actuel de l'organisation du Conseil.
(480) IlASSHER, P. Plaidoyer pour les interventions albiquës, in Couentaire, n' 61, 1993, p. 6.
(481) SALOME, G. un droit laI reçu. Le sud floué. in le Monde des débats, Janv. 1993, p. 7.
Haturellelent, les trois puissances occidentales évoquées par l'auteur sont les Etats-Unis
d'Alérique, le RoyaUie-Uni et la France.

-
361
-
1 - Contrôle de l'action juridique et
représentativité du Conseil de Sécurité.
Le
contrôle
de
l ' acti vi té
normative
du
Conseil
de
sécurité
et
la
représentativité
du
même
organe
sont
liés
intimement.
Ou
la composition du Conseil
de
Sécurité demeure
ce qu'elle est aujourd'hui, et alors le contrôle de son action
doi t
être établ i
et exercé
;
ou ce contrôle n'est pas exercé
et alors la composition du Conseil est réaménagée de manière à
permettre à chaque groupe d'Etats de la société internationale
d'y défendre efficacement ses intérêts.
a - L'exigence impérative d'un contrôle de
l'activité nOrmative du Conseil de Sécurité.
Compte
tenu
de
l'importance
des
pouvoirs
dont
dispose
le
Conseil
de
Sécurité
des
Nations
Unies,
pouvoirs
tou jours
en
net
accroissement,
un
contrôle
de
l ' acti vi té
de
cet organe s'impose nécessairement.
C'est une exigence de bon
sens,
qui
vise à
maintenir chez
les Etats la confiance en la
bonne
foi
du
Conseil
de
Sécurité.
Les
Etats
membres
des
Nations Unies doivent
pouvoir être
assurés que
toute
action,
et
particul ièrement
toute
action
coerci ti ve,
décidée
par
le
Conseil
de Sécurité contre
l'un deux,
l'a
été
dans
le cadre
des principes énoncés par la Charte, sans abus ou détournement
de
pouvoir de
la
part du
Conseil
ou
de
certains
membres
de
celui-ci. On ne pourra pas éluder plus longtemps l'exigence de
bon sens
et de
logique
juridique qu'il
y a
de s'assurer que
les
qualifications
opérées
par
le
Conseil
de
Sécurité
sont
raisonnablement
celles
que
les
situations
considérées
autorisent de retenir.
De même,
le principe posé par l'article
25 de la Charte selon lequel les Etats conviennent d'accepter
et
d'appliquer
les
décisions
du
Conseil
de
Sécurité,
ou
par
l'alinéa 1er
in
fine
de
l'article
24
selon
lequel
les
Etats
acceptent que le Conseil de Sécurité agit en leur nom, ne doit
pas exclure tout contrôle sur l'activité de cet organe. Car le

-
362 -
Conseil de
Sécurité,
selon l'alinéa
2 de
l'article
24 de
la
Charte,
doit accomplir ses devoirs
"conformément aux buts et
principes des Nations Unies".
Flexibles sans doute,
il existe
ainsi
tout
de
même
des
bornes
à
l'action
du
Conseil
de
Sécurité, dont le respect devrait être contrôlé.
Ce contrôle,
naturellement,
ne
saurait
être
seulement
de
l'auto-contrôle,
de
l'auto-limitation.
Dans
son
Agenda
pour
la
paix,
le
Secrétaire
Général
des
Nations
Unies
écrit
que
"le
pouvoir
s'accompagne
de
responsabilités
et
de
tentations
tout
à
la
fois.
L'O.N.U.
ne
saurait
réussir
que
si
les
puissants
résistent
aux
appels
néfastes
de
l'unilatéralisme
et
de
l'isolationnisme"
(482).
Un appel
à
"résister aux
tentations
de
1 'unilatéralisme",
qui
peut se
couler dans
le
Conseil de
Sécurité,
n'est pas suffisant.
C'est un contrôle extérieur à
l'organe
qui
est
nécessaire,
un
contrôle
objectif,
juridictionnel.
C'est
le
seul
qui
puisse
réellement
apaiser
les inquiétudes vives exprimées par les pays non-alignés lors
de
leur conférence de
Djakarta
en Septembre
1992
:
les
non-
alignés expriment en effet "leur préoccupation au sujet de la
tendance
de
certains
Etats
à
dominer
le
Conseil,
qui
pourrait
devenir
une
institution
visant à faire prévaloir
la volonté du fort sur le faible et
ont réaffirmé que tous
les Etats et toutes
les
nations,
grands ou petits,
forts
ou
faibles,
riches
ou
pauvres,
ont
droit
à
une
totale
indépendance
et
à
l'égalité
souveraine
dans
les
rapports
internationaux.
Il
est
donc
essentiel
de
veiller
à
ce
que
l'exercice de pouvoirs spéciaux ne crée pas de déséquilibres
et
de
traitement
discriminatoire
dans
la
communauté
internationale ou aux
Nations
Unies
ou n'aboutisse à
ce que
les affaires mondiales soient
dirigées
par
un
petit groupe
de puissantes nations. De plus, la crédibilité
et
l'autorité
( 482 ) BOUTROS-GBALI, B. Agenda pour la paix, texte in R. P. P. Juillet-Aoùt 1992, p. 77.

-
363 -
morale du Consei 1 de Sécurité ne
peuvent être que renforcés
en
agissant
de
manière
prompte,
équitable
et
impartiale
et
dans l'intérêt de tous les Etats ... " (483).
Pourtant,
la
question
du
contrôle
de
l'activité
normative du Conseil de Sécurité, notamment lorsque ce dernier
agit en vertu du chapitre VII de la Charte, reste controversée
en
doctrine
et
très
incertaine
dans
la
jurisprudence
internationale
récente.
Sur
le
plan
doctr inal,
on
note
une
tendance
résolument
hostile
à
toute
idée
de
contrôle
de
l'action du Conseil.
Le Professeur Serge SUR,
dans une étude
récente,
exprime
cette
attitude
(484).
Pour
l'auteur,
la
logique
de
la
sécurité
collective,
dont
le
Conseil
est
le
garant
principal,
conditionne
la
nature
des
pouvoirs
de
cet
organe
et
ses
modal i tés
de
fonctionnement.
Les
pouvoirs
du
Conseil de Sécurité en vertu du chapitre VII,
du point de vue
de
leur
nature,
sont
des
pouvoirs
exceptionnels
et
opérationnels.
Le
droit
du
chapitre
VII
est
un
droit
dérogatoire
au
droi t
commun
de
la
Charte,
un
droi t
d'exception!
"
de
façon
un
peu
caricaturale,
mais
par
une
comparaison qui n'est pas totalement fausse,
on pourrait dire
que le chapitre VII est un peu un article 16 logé au coeur de
la
Charte"
(485).
Dès
lors,
à
situation
exceptionnelle,
il
faut une réponse exceptionnelle, qui ne
doit
souffrir
aucun
(483) Déclaration finale du sOllet de Djakarta, Xè.e Conférence au sOllet des pays non-alignés, in
D.A.l. n'22, Mov. 1992, p. 426.
(484) SUR, S. La Sécurité internationale et l'évolution de la sécurité collective, in le Trilestre du
Monde, 4è.e Tri•• 1992, p. 121-134.
(485) SUR, S. La Sécurité internationale et l'évolution de la sécurité collective, in le Tri.estre du
Monde, 4è.e Tri•• 1992. p. 129 L'article 16 en question est celui de la constitution fr~nçaise
du 4 octobre 1958. Ce texte organise la vie institutionnelle en cas de crise grave. Bien que
octroyant des pouvoirs très i.portants au Président de la République, il prévoit des gardes-fous
qui ne transforaent pas ces prérogatives présidentielles en pouvoirs arbitraires.

-
364 -
contrôle
même
a
posteriori,
de
nature
juridictionnelle
;
"l'idée de
subordonner
l'exercice
des
pouvoirs
du
Conseil
à
telle ou telle juridiction, à tel ou tel contrôle préalable, a
ainsi
quelque
chose
de
contradictoire
avec
l'idée
même
de
sécurité collective telle qu'elle est conçue par la Charte. Le
consei 1
exerce
et
doit
être
en
mesure
d'exercer
ses
attributions d'une façon totalement discrétionnaire, sans être
soumis à aucun autre contrôle que le sien propre. Au fond,
les
conditions
de
vote
qui
existent
en
son
sein
font
que
le
conseil
se
contrôle
lui-même,
sans
aucun
contrôle
juridictionnel préalable ou postérieur. C'est la logique de la
Charte et
elle
correspond
à
la
logique
même
de
la
sécurité
collective.
Elle
crée
un
Etat
de
police
et
non
un
Etat
de
droit"
(486).
Ces propos méritent d'être quelque peu nuancés.
Les pouvoirs exceptionnels dont dispose le Conseil de Sécurité
sont des pouvoirs juridiquement organisés
;
le Conseil est un
organe
politique
exerçant
des
pouvoirs
juridiques.
Ces
pouvoirs
sont
définis
dans
leur
objectif,
leurs
modalités
d'application.
Il est normal qu'un contrôle,
même minimum,
de
nature juridictionnelle, soit exercé sur son action.
S'il est
vrai
que
la
sécurité
internationale
ne
passe
pas
nécessairement,
pour
son
établissement,
par
le
droit
et
la
justice,
i l est illusoire de parler d'un contrôle du conseil
de Sécurité sur lui-même grâce aux modalités de
vote
en
son
sein. L'existence formelle de minorités de blocage ne
saurait
faire
perdre de
vue
la
réalité
des
pressions
que
les
Etats
puissants
exercent
sur
les
plus
faibles
à
l'occasion
de
tractations
précédant
l'adoption
des
résolutions.
Des
instruments
juridiques
adoptés
dans
un
tel
contexte
ne
devraient-ils pas faire l'objet d'un contrôle ? Récuser toute
possibilité de contrôle c'est dire que la Charte ne crée ni un
Etat
de
droit,
ni
un
Etat
de
police,
mais
un
Etat
de
l'arbitraire.
(486) SUR, S. La Sécurité internationale et l'évolution de la sécurité collective, in le Trilestre
du Honde, 4èle Tril. 1992. p. 129-130.

-
365 -
Au
surplus,
le
Professeur
SUR
pense
que
les
nécessités d'adaptation permanente du Conseil de Sécurité aux
situations
exceptionnelles
toujours
plus
diverses
exigent
de
ne
pas
enfermer
son
action
dans
des
cadres
trop
rigides
"cette
flexibilité
est
d'abord
conforme
à
la
logique
de
la
sécur i té collective et
ensui te
préserve
pour
l'avenir toutes
les
virtualités
d'évolution
de
l'instrument.
Or,
il
est
important que ces virtualités soient conservées"
(487).
Cette
remarque
est
incontestée.
Il
n'y
a
pas
lieu
de
réduire
l'adaptabilité du Conseil de Sécurité à
l'évolution de la vie
internationale,
des menaces
nouvelles.
Il
s'agit,
simplement,
d'instituer une vigilance sur l'action du Conseil de Sécurité,
vigilance
d'autant
plus
urgente
que
ses
compétences
sont
importantes et appelées à s'élargir.
Cette double exigence ne
nous semble en rien contradictoire et la seule logique de la
sécurité
collective
ne
peut
justifier
qu'un
organe
doté
de
tant de pouvoirs ne puisse être soumis à aucun contrôle.
Le contrôle de
l'action du
Conseil de Sécurité des
Nations
Unies
est
d'autant
plus
urgent
à
instituer
que
des
événements
récents
ne
laissent
de
troubler
l'analyste.
L'affaire opposant la Jamahiriya Arabe Libyenne aux Etats-Unis
d'Amérique devant la Cour Internationale de Justice
au
sujet
de
l'incident
aérien
de
Lockerbie
est
révélateur,
si
on
pouvait encore en douter, des usages qui peuvent être faits du
Conseil
de
Sécurité
par
certains
Etats
pour
régler
des
différends
qui,
à
première
vue,
ne
ressortissent
pas
directement à
la sécurité collective.
Le 21 décembre 1988 au
dessus de Lockerbie en Ecosse,
un avion de la Pan-Am explose,
avec à
son
bord de
nombreux passagers.
Le 14
novembre 1991,
après plusieurs enquêtes, le tribunal de première instance
du
(487) SUR, S. La Sécurité internationale et l'évolution de la sécurité collective, in le Tri.estre
du Monde, 4è.e Tri•. 1992. p. 131

-
366 -
District
de
Columbia
aux
Etats
Unis
met
en
cause
deux
ressortissants
Libyens,
les
suspectant
d'avoir
placé
dans
l'appareil,
la
bombe
qui
l'aurait
fait
exploser.
Le
27
Novembre
1991,
les
Etats-Unis
et
le
Royaume
Uni
font
une
déclaration commune dans laquelle, entre autres exigences,
ils
demandent
à
la
Libye
de
livrer
aux
justices
américaine
et
britannique,
les
deux
suspects
concernés.
Saisi
du
problème
par
les
deux
Etats,
le
Conseil
de
Sécurité
adopte
le
21
Janvier
1992
la
résolution
731
(1992)
dans
laquelle
i l
est
instamment
demandé
à
la
Libye
"d'apporter
immédiatement
une
réponse
complète
et
effective
à
ces
demandes
(488)
afin
de
contribuer à
l'élimination du terrorisme
international".
Le J
Mars 1992,
la Libye introduit un recours devant la Cour de La
Haye dans
lequel,
prioritairement,
il est demandé des mesures
conservatoires. Le 31 Mars 1992,
trois
jours après la clôture
des audiences devant la Cour et avant le prononcé de l'arrêt,
le Conseil
de
Sécurité
adopte
la
résolution
748
(1992),
qui
fixe un embargo contre la Libye. Un paragraphe du préambule de
cette résolution est à mettre en évidence
:
"constatant ( ... )
que le défaut de la part du gouvernement libyen de démontrer,
par des actes concrets,
sa renonciation au
terrorisme et,
en
particulier,
son
manquement
continu
à
répondre
de
manière
complète
et
effective
aux
requêtes
contenues
dans
la
résolution 731
(1992)
constituent une menace pour la paix et
la
sécurité
internationales".
La
qualification
des
faits
contenue
dans
ce
texte
nous
semble, toute discrétionnaire
que
soit
la
compétence
du
Conseil
à
ce
sujet,
manifestement
abusive.
La
Cour
Internationale
de
Justice
aurait

se
prononcer sur la validité de cette résolution par rapport à la
Charte et par rapport aux pouvoirs que le Conseil de Sécurité
tient de cet instrument. Malheureusement,
la Cour a esquivé ce
problème fondamental. Pour la Cour, la Libye doit se conformer
aux
résolutions
du
conseil
de
Sécurité,
y
compris
la
(488)
Les delandes en question sont précisélent celles qui sont forlulées dans la déclaration
cOllune aléricano-britannique du 27 Novetbre 1991.

-
367 -
résolution
748
elle
ne
peut
espérer
obtenir
des
mesures
conservatoires
en
invoquant
la
Convention
de
Montréal
sur
l'aviation
ci vile
internationale,
l'article
103
de
la
Charte
faisant
prévaloir
les
engagements
souscrits
en
vertu
de
ce
texte
sur ceux
résultant
de
tout
autre
accord
international.
De plus,
la Cour se refuse à prendre une décision qui pourrait
contrecarrer
l'effet
obligatoire
d'une
résolution
du
Conseil
de
Sécurité.
Cette
attitude
nous
semble
préjudiciable
à
un
climat de confiance dans la famille onusienne, car elle tend à
consacrer une sorte de présomption irréfragable de régularité
des
décisions
du
Conseil
de
Sécurité,
alors
pourtant
que
le
contraire est
tout à
fait
plausible.
Il
se
peut
parfaitement
qu'un
Etat
membre,
ne
contestant
aucunement
la
compétence du
Conseil
de
prendre à
son
égard des
décisions,
y
compris
des
décisions
coercitives,
estime
cependant
qu'une
décision
est
sans
fondement
véritable,
ou
abusive,
ou
qu'il
y
a
détournement de pouvoir.
si
la Cour Internationale de Justice
devai t
systématiquement
renoncer
à
statuer
sur
la
régularité
d'une résolution du Conseil par rapport à
la Charte, ce serait
la
porte
ouverte
aux
manipulations
de
cet
organe
par
les
grands Etats, qui y verraient un moyen commode de résoudre des
différends
"personnels"
avec
la
bénédiction
de
l'O.N.U.
Une
partie de
la
doctrine
est
d'avis
que
dans
l'état
actuel
de
l'ordre international,
la Cour de La
Haye devrait se montrer
plus
vigilante
vis-à-vis
du
fonctionnement
des
organes
de
l'O.N.U.
et particulièrement du Conseil de Sécurité.
A défaut
de
cette
vigilance,
une
réforme
du
Conseil
est
inévitable
comme l'écrit un auteur,
"the more the council uses these very
wide powers,
especially
in the absence of a
broad consensus,
the more
urgent
will
be
the
calls
par
institutional
reform"
(489).
(489) FRANCK, T.M. The "powers of appreciation" : who is the ultilate guardian of V.N. leqality ?
A.J.l.L., July 1992, vol. 86, n' 3, p. 523. Voir égalelent LA PRADELLE, G. de. Apropos de
l'affaire Libyenne, L'O.N.V., le droit et la poigne aléricaine. in le Monde diplolatigue, Hai
1992, p. 21.

-
368 -
b - La nécessité de renforcer la représentativité du
Conseil de Sécurité.
La
question
de
la
représentativité
du
Conseil
de
Sécurité est l'un des aspects les plus débattus
et
les
plus
contestés des Nations Unies. En résumé, c'est l'institution du
veto
qui
est
considérée
comme
incompatible
avec
une
vie
démocratique de
l'organisation,
avec
l'égalité souveraine des
Etats
membres.
Fruit
d'une
conjoncture
historique
particulière, à savoir la victoire sur l'Allemagne et le Japon
des
adversaires
des
puissances
de
l'Axe 1
le
veto
serait
un
privilège aujourd'hui obsolète et totalement dépassé.
La
nécessité
de
renforcer
la
représentativité
du
Conseil de Sécurité
ne vise pas seulement le pouvoir de veto
des
membres
permanents
du
conseil,
elle
exige
aussi
un
élargissement
de
la
composition
de
l'organe
de
manière
à
refléter plus fidèlement la famille des Nations Unies. Se pose
à
nouveau,
de
notre
point de
vue,
une
question de conf iance
des Etats membres vis-à-vis du Conseil de Sécurité et,
donc,
le problème du contrôle de son action.
Car il nous semble que
les
appels
à
la
recomposition
du
Conseil
sont
liés
au
sentiment que les Etats siégeant à titre permanent au Conseil
ne défendent pas de façon similaire les intérêts de tous les
membres de la Communauté des Nations Unies, ce
qui
crée
une
inégali té
inacceptable
devant
la
norme
suivant
que
l'on
se
trouve dans tel ou tel bloc de puissances. Bien que l'argument
du prestige ne soit pas complètement absent de la requête,
la
volonté
pour
les
pays
du
Tiers-Monde
notamment
d'avoir
des
membres
permanents au Conseil
de
Sécurité reflète surtout
un
besoin
de
protection
juridique
contre
les
manipulations
de
l'instrument onusien par certaines puissances désireuses de se
recouvrir du manteau du droit international pour régler leurs
problèmes particuliers. Or,
en ce moment ou le champ d'action
du Conseil s'élargit aux questions
touchant au coeur même de
la
souveraineté
des
Etats,
ce
désir
de
protection deviendra

- 369 -
toujours plus important.
Si rien ne devait être accompli dans
un sens ( contrôle) ou dans l'autre (représentativité),
il
y
a
fort
à
craindre
pour
l'avenir
même
de
l'organisation
Internationale, que plusieurs Etats seraient tentés de quitter
(490).
Toutes
les
tentatives
visant
à
démocratiser
substantiellement
le
conseil
de
Sécurité,
en
dehors
de
la
réforme du
17 décembre
1963
portant de
6
à
10
le
nombre
de
membres non permanents du Conseil et de Il à 15 le nombre de
membres
de
l'organe,
sont
restées
lettre
morte
et
n'ont
pas
plus
de
chances
d'aboutir
à
brève
échéance.
Ainsi,
en
1980,
lors
de
la
trente-cinquième
session
de
l'Assemblée
Générale
des Nations Unies,
la question de l'augmentation du nombre des
membres du Conseil de sécurité a été soulevée par un groupe de
dix neuf Etats tous issus du Tiers-Monde (491). Le
projet
de
résolution
présenté
part
de
l'idée
qu'une
représentation
géographique équitable des membres non permanents permettra au
Conseil de s'acquitter plus efficacement de sa mission.
Il est
proposé de porter à seize le nombre de membres non permanents,
désormais,
la
majorité
d'adoption
des
résolutions
serait
de
quatorze voix.
De plus,
parmi les seize sièges non permanents:
cinq
reviendraient
à
l'Afrique,
quatre
à
l'Asie,
trois
à
l'Amérique latine,
soit douze sièges sur seize.
Le
projet de
résolution
ne
touche
pas
au
droit
de
veto
des
membres
permanents,
même s ' i l est vrai qu'il rend plus ardue la tâche
d'un membre permanent qui voudrait faire adopter un projet
de
(490) Voir 'l'ORRELLI, R. Le Conseil de Sécurité: un directoire londial ? in le Trilestre du Ronde,
4èle Tril. 1992, p. 27-40. Voir éqalelent, RAMONET, I. Changer l'O.N.V. in le Monde
diplolatique. oct. 1992, p. 1.
(491) Le projet de résolution a été déposé par les pays suivants: Algérie, Bangladesh, Bénin,
Bhoutan, CUba, Ghana, Grenade, Guyana, Inde, Irak, Jalahiriya Arabe Libyenne, Kenya, Népal,
Nigéria, République du Caleroun, Seychelles, Sri Lanka, Tunisie et Zalbie.
Doc. AI 35 1 L. 34 1Rev.1.

-
370 -
résolution
par
le conseil
de Sécurité.
Malgré cette prudence
par rapport au droit de veto,
le projet des dix neuf Etats a
reçu
un
accueil
plutôt
glacé
de
la
part
notamment
des
permanents du Conseil. Le représentant permanent
de la France
pense
que
le
projet
de
résolution
affaiblirait
le
rôle
du
Conseil de Sécurité,
au lieu de le renforcer.
Il pense que le
Conseil doit demeurer un organe restreint,
de façon à
prendre
rapidement des mesures exigées par les circonstances. De même,
est-il
dit,
il
faut
prendre
en
compte
les
réalités
internationales,
l'équilibre
existant dans
le
monde
du
point
de
vue
économique
et
militaire
et
faire,
en
tout
état
de
cause,
preuve de réalisme
(492).
Il ressort de cette position
que les
membres
permanents ne sont pas disposés à
abandonner
leurs
privilèges de
représentation en soutenant un
projet de
révision qui y porterait atteinte.
Pour
notre
part,
l'augmentation
du
nombre
des
membres du Conseil de Sécurité n'est pas une fin en soi et ne
devrai t
pas être envisagée par les
pays du Tiers-Monde comme
une obsession. Le véritable problème est celui de savoir
quel
degré de confiance on peut faire aux membres permanents de cet
organe : exercent-ils leur mandat avec le désintéressement,
la
loyauté,
l'impartialité
qu'exigent
la
gestion
d'un
milieu
international aussi
contrasté ? Si cela était établi,
il n'y
aurai t
pratiquement aucun
intérêt à
réformer le Conseil.
Or,
précisément,
c'est
ce
qu'il
y
aurait
de
plus
douteux.
Les
membres permanents étant parmi les Etats disposant d'un réseau
multiforme
d'intérêts
de
par
le
monde,
il
paraît
illusoire
d'attendre d'eux une
impartialité de
juge.
C'est
parce qu'il
est évident que le Conseil
peut
être
amené
à
prendre
des
décisions sérieusement contestables en droit que l'institution
d'un contrôle de son action est plus que jamais nécessaire.
(492) Doc. A/ 35 / P.V. 81.

-
371 -
2 - La décentralisation du maintien de la paix.
Le
thème
de
la
régionalisation
du
maintien
de
la
paix est présent en ce moment dans
l'ordre international.
Il
s'agit, conformément au chapitre VIII de la charte, de confier
aux
institutions régionales
le soin de traiter
les
problèmes
de
maintien
de
la
paix
qui
se
posent
à
leur
échelon.
l'objectif théoriquement visé est une efficacité toujours plus
importante
du
maintien de
la
paix
la
motivation
inavouée,
pensons-nous,
est
d'échapper
à
l'emprise
trop
directe
d'un
Conseil
de
sécurité
jugé
peu
impartial
dans
la
gestion
des
crises.
Si
la
volonté de
décentralisation du maintien
de
la
paix
est
réelle,
on
ne
peut
pas
dire
que
les
expériences
concrètes soient toujours concluantes.
a - Une nécessité toujours affirmée.
L'utilité
des
ententes
régionales
a
toujours
été
soulignée
dans
le
processus
de
maintien
de
la
paix
internationale.
Le Pacte de la S.D.N.,
en son article
21,
le
rappelait
déjà
fort
opportunément.
Le
chapitre
VIII
de
la
Charte des Nations Unies traite également de
la contribution
des
organisations
régionales
au
maintien
de
la
paix.
Ces
dernières
peuvent
entreprendre
des
actions
en
faveur
du
maintien
de
la
paix
compatibles
avec
la
Charte
des
Nations
unies et,
notamment,
sur autorisation ou sous le contrôle du
Conseil
de
Sécurité.
Dans
son
Agenda
pour
la
paix,
le
Secrétaire
Général des Nations Unies rappelle que bien que le
Conseil
de
sécurité
ait
la
responsabilité
principale
du
maintien de
la
paix," l'action régionale,
par
le biais de
la
décentraI isation,
de
la
délégation
et
de
la
coopération
aux
efforts
de
l'organisation
des
Nations
unies,
pourrait
non
seulement
rendre
plus
légère
la
tâche
du
Conseil,
mais
contribuer également à la création d'un sentiment plus fort de
participation, de consensus et
de démocratisation en
ce
qui

-
372 -
concerne
les
affaires
internationales"
(493).
Dans
maintes
ré sol utions
récentes
du
Consei 1
de
sécurité,
l'on
note
une
prise
en
compte
de
l' insti tution
régionale.
Les
résolutions
relatives à la Somalie font une place importante à l'action de
l'Organisation de
l'Unité Africaine,
de la Ligue Arabe et de
l'Organisation
de
la
Conférence
Islamique.
De
même,
les
résolutions
relatives
à
la
crise
yougoslave
relèvent
les
efforts
de
la
Communauté
Economique
Européenne
et
de
la
Conférence sur
la
sécurité
et
la
coopération en
Europe
pour
résoudre le conflit.
La décentralisation du maintien de
la paix ne
vise
pas à créer une sécurité collective à plusieurs vitesses. Elle
vise à doter chaque ensemble régional d'une sorte de conseil
de sécurité qui collaborerait avec le conseil de Sécurité des
Nations
Unies
pour
la
gestion
des
crises
régionales.
Le
Conseil
de
Sécurité
des
Nations
Unies
demanderait
systématiquement l'avis du Conseil de sécurité régional avant
d'entreprendre toute action coercitive.
Cela ne limite pas la
responsabili té
principale du
Conseil
dans
le
maintien de
la
paix
au
contraire,
la
mise
en
oeuvre
de
celle-ci
serait
ainsi plus rationalisée.
Ces perspectives n'enthousiasment pas
tous
les
auteurs
de
la
doctrine
pour
qui
la
sécurité
collective ne saurait se fractionner,
elle est collective ou
ne
l'est
pas.
Au
lieu d'un
Conseil
de
Sécurité
par
aire
géographique,
une autre
approche
devrai t
être
choisie:
"pourquoi
ne
pas imaginer qu'il y ait un Conseil de Sécurité
à
géométrie
variable
suivant
la
localisation
des
problèmes
dont
i l traite?
Pourquoi ne pas ajouter à
la
composition actuelle du Conseil de Sécurité,
lorsqu'il traite
d'une
question
régionale
( ... )
certains
membres
supplémentaires de la région ? On aboutirait
à
une
certaine
(493) BOUTROS-GHALI, B. Agenda pour la paix, op. cit. p. 74.

- 373 -
régionalisation de la composition du Conseil en fonction de la
localisation
des
problèmes"
(494).
Pour
être
réellement
novatrices,
ces
propositions
doivent
aller
au-delà
des
articles
31
et
32
de
la
Charte,
en
octroyant
notamment
le
droit de vote aux Etats supplémentaires.
Bien qu'elle soit toujours affirmée,
le bilan de la
décentralisation
du
maintien
de
la
paix
n'est
pas
très
concluant.
b - Des résultats pas toujours concluants.
La
régionalisation
du
maintien
de
la
paix
connaît
beaucoup
de
limites,
malgré
la
volonté
des
Etats
de
l'instituer
solidement.
Plusieurs
exemples
récents
le
montrent.
Ainsi
la
Communauté
économique
européenne
et
la
Conférence
sur
la
Sécurité
et
la
coopération
en
Europe
ont
échoué
dans
leur
tentative
de
régler
au
niveau
régional
la
crise Yougoslave,
contraintes en définitive de transmettre le
dossier
aux
Nations
Unies,
particulièrement
au
Conseil
de
Sécurité.
De même,
la Ligue Arabe a échoué lourdement dans sa
tentative
de
régler
au
niveau
régional
la
crise
Irako-
Koweitienne.
Enfin,
l'Organisation
de
l'Unité
Africaine
n'a
pas
su
résoudre,
entre
autres,
le
problème
Somalien.
Le
dernier recours a été,
finalement,
le Conseil de Sécurité des
Nations Unies. Cet état de choses mérite des explications.
Il
semble
que
la
proximité
géographique,
au
1 ieu
d'être
un
facteur
favorable
à
la gestion heureuse de la crise,
soit
plutôt un élément défavorable, compte tenu des dissensions qui
peuvent exister dans l'organisation régionale.
De la sorte,
le
Conseil
de
sécurité,
malgré
ses
imperfections,
redevient
l'acteur le moins partial
pour la résolution de la crise.
De
plus, les organisations régionales ne
disposent
pas
souvent
(494) SOR, S. op. cit. p. 134.

-
374
-
de
moyens
opérationnels
leur
permettant
de
rétablir
véritablement la
paix.
La Communauté économique européenne et
la
Conférence
sur
la
Sécurité
et
la
coopération
en
Europe
n'ont pas de bras armé,
encore moins l'Organisation de l'unité
Africaine.
Les
tentatives
d'action
sub-régionales,
telle
que
l'intervention
de
la
Communauté
Economique
des
Etats
de
l'Afrique de l'ouest (C.E.D.E.A.O)
au Libéria offrent un bilan
par trop douteux pour tenir lieu de précédent satisfaisant.
En
conclusion,
le
Conseil
de
sécurité
est
l'organe
international
qui,
en droit
et
en
fait,
est
le
mieux à
même
d'intervenir
dans
un
Etat
pour
mettre
fin
à
des
violations
graves des droits de
l ' homme consti tuti ves d'une menace à
la
paix
internationale
pourvu
que
cette
intervention
soi t
susceptible de
contrôle.
Lorsque
aucune
intervention
ne
peut
être
insti tutionnellement
décidée,
on
se
résigne
à
envisager
la possibilité pour les Etats de réagir unilatéralement à des
violations des droits de
l'homme,
en recourant à
des contre-
mesures.

-
375 -
SECTION II
LE MOYEN PARA-INSTITUTIONNEL
LES CONTRE-MESURES ETATIQUES POUR LA PROTECTION
INTERNATIONALE DES DROITS DE L' HOMME
La
question
du
recours
aux
contre-mesures
par
les
Etats les uns vis-à-vis des autres soulève le problème général
de
savoir
dans
quelle
mesure,
dans
un
ordre
international
aspirant
à
davantage
d'institutionnalisation,
les
Etats
peuvent
continuer
à
disposer
de
la
faculté
d'agir
unilatéralement
les
uns
directement
sur
les
autres,
soit
en
vue
de
protéger
leur
droit
subjectif
violé,
soit
en
vue
de
défendre un
intérêt objectif de
la communauté internationale.
Elle
se
si tue
au
point
de
jonction
entre
le
relationnel
et
l'institutionnel,
au
point
de
conflit
entre
le
pari
sur
la
force
et
la
confiance
au
droit.
Ce
qui
caractérise
généralement
les
contre-mesures,
c'est
leur
situation
para-
institutionnelle,
qui
ne
signifie
pas
nécessairement
extra-
juridique.
Les
contre-mesures
nous
semblent
pouvoir
être
analysées
sous
l'angle de
l'ingérence
pour la raison que
les
mesures concernées peuvent parfaitement tomber sous le coup de
la
règle
de
la
non-intervention,
telle
qu'elle
est
précisée
dans
la
résolution
36/103
du
9
décembre
1981
de
l'Assemblée
Générale
des
Nations
Unies.
Ce
texte,
au
paragraphe
II,
k),
énonce "le devoir d'un Etat, dans la conduite de ses relations
internationales
dans
les
domaines
économique,
'social,
technique
et
commercial,
de
s'abstenir
de
toute
mesure
qui
constituerait
une
intervention
ou
une
ingérence
dans
les
affaires
intérieures
ou
extérieures
d'un
autre
Etat
et

-
376 -
empêcherait en conséquence ce dernier de déterminer librement
le
cours
de
son
développement
politique,
économique
et
social". Cette formule est suffisamment large pour inclure les
contre-mesures. L'apport de l'Institut du Droit International,
dans
le
cadre
de
ses
travaux
relatifs
à
la
protection
des
droits
de l'homme et au principe de non-intervention, a été -
entre
autres
-
de
reconnaître
la
1 icéi té
des
contre-mesures
étatiques de caractère non-militaire prises en réaction à
des
violations des droits de l'homme. Désormais, de telles mesures
ne
pourraient
plus
être
considérées
comme
contraires
au
principe de non-intervention.
Avant
d'étudier
le
problème
des
contre-mesures
étatiques
en
rapport
avec
la
protection
internationale
des
droi ts de
l ' homme,
une
remarque d'ordre général
devrait être
faite,
à
savoir que les contre-mesures,
en tant que technique
de
protection
des
droits
d'un
Etat,
ne
sont
pas
dans
leur
milieu
naturel
dans
le domaine
des
droits
de
l'homme.
C'est
dans
le sillage des relations économiques
internationales que
ces moyens d'action ont trouvé
leur terrain de
prédilection.
Il sera donc intéressant de voir si et comment cette technique
de protection, dont il conviendra par ailleurs de préciser le
contenu
conceptuel,
peut
être
transposable
au
domaine
des
droits de l'homme,
un domaine dont la logique est en principe
irréductible
à
celle
qui
régit
les
relations
économiques
internationales.
D'un
autre
côté,
si
cette
transposition
apparaît
logiquement
concevable
ou
seulement
pratiquement
inévitable,
comment
l'aménager
concrètement,
notamment
lorsqu'il existe des mécanismes
institutionnalisés chargés du
contrôle
du
respect
ou
de
la
sanction
du
non-respect
des
droits de
l'homme ?
Ce sont ces deux perspectives qui seront
tour à tour exposées dans les développements à suivre.

-
377 -
Paragraphe 1 - De la compatibilité théorique entre la
protection des droits de l'hoJlllle et le recours
aux contre-mesures
L'évocation
de
la
possibilité
de
recourir
aux
contre-mesures
de
la
part
des
Etats
pour
la
défense
internationale des droits de l'homme,
ne va pas sans susciter
quelque malaise sur le plan théorique.
Il semble en effet que
ce
sont

deux
séries
d'actes
aux
logiques
radicalement
opposées,
la
logique
objective
des
droits
de
l'homme
s'opposant à
la logique de la réciprocité des contre-mesures.
Cette
opposition
de
logiques
n'est
pas
sans
conséquence
sur
l'efficacité des contre-mesures pour la protection des droits
de l'homme.
A - La radicale opposition entre la logique
réciproque des contre-mesures et la logique
objective des droits de l'hOmme
L'opposition est principalement fondée sur la nature
des droits ou des
intérêts à
défendre.
Alors que
les contre-
mesures
supposent
la
défense
d'intérêts
subjecti fs,
la
protection des
droits
de
l ' homme
exige
l'adoption de
mesures
désintéressées.
1 - Les contre-mesures supposent généralement la
défense d'intérêts subjectifs
La
subjecti vi té
intrinsèque
du
système
des
contre-
mesures transparaît à travers le contenu même de la notion de
contre-mesures, ainsi qU'à travers la nécessité qui incite à y
recourir.

-
378 -
a - Notion de contre-mesures
Le
terme
de
contre-mesures
est
un
terme
large,
traduit
du
vocable
anglo-saxon
"countermeasures".
Il
évoque
l'idée de réaction à une action préalable,
sans spécification
des modalités de cette réaction.
Mme ZOLLER définit ainsi les
contre-mesures
"terme
générique,
les
contre-mesures
désignent
les
moyens
de
pression
qualifiés
par
lesquels
un
Etat,
placé
en
présence
d'une
situation
qui
comporte
à
son
avis la violation d'une obligation internationale par un autre
Etat,
peut
"faire
respecter
son
droit"
"
(494).
Il
est
difficile
de
distinguer
clairement
les
contre-mesures
des
représailles, des mesures de rétorsion, des mesures de boycott
ou
d'embargo.
En
fait,
contre-mesures
et
représailles
se
ramènent,
dans
maints
développements
juridiques,
à
la
même
chose
ilIa
contre-mesure,
écrit
un
auteur,
s'apparente
le
plus souvent en pratique à
la représaille ll
(495).
De même,
si
l'on
suit
le
commentaire
de
la
commission
du
droit
international des Nations Unies relatif à
l'article 30 de son
projet sur
la responsabilité
internationale des
Etats,
on
se
rend compte que contre-mesures et représailles sont confondues
(496).
Avec
les
contre-mesures,
lion
dispose
d'un
terme
commode,
pouvant désigner aussi bien les représailles que les
rétorsions sans que l'on soit amené à se prononcer,
a priori,
sur la qualification juridique de ces mesures" (497).
(494) ZOLLER, E. Guerre cOllerciale et droit international. Réflexions sur les contre-Iesures de la
loi aléricaine de 1988 sur le cOllerce et la concurrence, A.F.D.l. 1989, p.65.
(495) ALLAlfD, D. La léqitile défense et les contre-Iesures dans la codification du droit
international de la responsabilité J.D.l. 1983, p. 731.
(496) Voir À.C.D.1. 1979, Vol. II, 1ère partie, p. 128-135.
(497) LEBEH, Ch. Les contre-Iesures inter-étatiques et les réactions à l'illicite dans la société
internationale. A.F.D.l. 1982, p. 16.

-
379 -
Certains
développements
distinguent
les
contre-
mesures des sanctions internationales.
C'est
le
cas
de
la
Commission
du
droit
international,
qui
invite
à
ne
pas
confondre
les deux
termes
pour
la commission,
les
contre-
mesures
doivent
évoquer
seulement
les
mesures
prises
et
appliquées directement par un Etat,
de manière autonome,
pour
réagir à
l'encontre d'un Etat qui a commis un fait illicite à
son égard.
En revanche,
les sanctions évoquent des mesures de
réaction appliquées sur la base d'une décision prise par une
organisation
internationale à
la
suite d'une
violation
d'une
obligation internationale ayant de graves conséquences pour la
communauté internationale (498).
L'intérêt de l'utilisation du
terme de contre-mesures semble résider dans sa polysémie ; on
peut
l'évoquer
à
propos
de
situations
diverses.
Pour
M.
Charles LEBEN,
les contre-mesures permettent de rendre compte
des actions entreprises dans le domaine des droits de l'homme
ou
du
terrorisme
international.
De
plus,
"avec
l'expression
"contre-mesures",
on
peut
couvrir
un
large
champ
sémantique
qui
englobe
à
la
fois
les
rétorsions,
les
boycotts
et
les
embargos
ainsi
que
les
autres
"sanctions"
économiques
et
financières,
du
moins
ce
que
l'on
désigne
par

dans
le
langage courant" (499).
b -
Nécessité et fondement
juridique du recours aux
contre-mesures
Qu'est-ce qui
justifie,
dans un ordre international
en
insti tutionnal isation
progressive,
le
recours
aux contre-
mesures de la part des Etats ?
L'objectif premier du recours
aux contre-mesures semble être la contribution à la répression
des
violations
du
droit
international,
notamment
par
la
réaction à la violation de ses droits subjectifs. Du point
de
(498) A.C.D.1. 1979, Vol. II, 1ère partie, p. 134.
(499) LEBElI, Ch. op. cit. p. 17.

- 380 -
vue
de
la
Commission
du
droit
international,
,les
contre-
mesures dont il est question dans l'article 30 de son projet
sur
la
responsabilité
des
Etats
"sont
des
mesures
qui,
par
définition,
ont
une
finalité
de
répression
ou
d'exécution"
(500).
Par
leur nature,
les contre-mesures auraient donc une
finalité
sanctionnatrice
elles
viseraient
à
contraindre
l'Etat auteur d'un acte
illicite à
mettre fin à celui-ci et,
au besoin,
à
le réparer.
Toutefois,
l'objectif poursuivi
par
les
contre-mesures
n'est
pas
toujours
évident
à
percevoir.
Ainsi,
le tribunal
arbitral,
dans
la
sentence du
9 décembre
1978 sur l'accord relatif aux services aériens entre la France
et les Etats-Unis, n'a pas pu déterminer clairement le but des
mesures
prises
par
les
autorités
américaines
en
réaction
à
celles
prises
par
les
autorités
françaises
concernant
la
compagnie
Pan-Am
"s'agissait-il
du
respect
d'un
simple
principe
de
réciprocité
mesuré
en
termes
économiques
?
S'agissait-il
d'une
pression
pour
obtenir
une
procédure
de
solution plus
rapide
?
Cette action comportait-elle,
au-delà
du
cas
de
la
France,
un
caractère
exemplaire
destiné
à
d'autres
pays
et,
dans
ce
cas,
présentait-elle
un
certain
caractère
de
sanction
?"
Et
le
tribunal
de
conclure
"il
n'est
pas
certain
que
les
responsables
des
mesures
prises
aient procédé sur ce point à des analyses très fines"
(501).
Cependant,
le tribunal arbitral fournit plus loin la finalité
des
contre-mesures
américaines
"elles
ont
pour
objet
de
reconstituer l'égalité entre les parties et de les
inciter à
poursuivre la négociation avec un désir mutuel d'aboutir à un
résultat
acceptable
( ... ).
Les
contre-mesures
reconstituent,
d'une manière négative,
la
symétrie des
positions
initiales"
(502).
A suivre
le
raisonnement
du
tribunal
arbitral,
les
contre-mesures
relèvent
principalement
de
l'idée
de
(500) A.C.D.L 1979, Vol. II, 1ère partie, p. 128.
(501)
Voir sentence in R.!'.D. aérien, Vol. 132, n' 4, 1979, p. 485.
( 502)
Ide., p. 487.

-
381 -
réciprocité.
Un tel
rétablissement de la réciprocité initiale
n'est réservé,
par la force des choses,
qu'aux Etats les plus
puissants de la société internationale.
2 - La défense des droits de l'homme implique
l'utilisation de mesures désintéressées
Les
droits
de
l'homme
bénéficient
d'un
régime
objectif en droit international public.
En bonne logique,
les
mécanismes visant à
leur protection doivent s'inscrire dans le
même angle
intellectuel,
en dehors
de toute
idée d'avantages
ou d'inconvénients,
de gains ou de pertes.
Cela signifie que
les
contre-mesures,
dont
la
finalité
est
de
reconstituer
l'égalité des parties à une convention devant les avantages et
les
charges
que
celle-ci
comporte
pour
elles,
n'ont
pas
de
place dans
un
système de
protection
des
droits de
l ' homme,
d'un point de vue strictement théorique.
En
effet,
la
caractéristique
d'une
obligation
erga
omnes,
c'est qu'elle est
en
principe soustraite
à
l'idée
de
réciprocité,
de
sorte
que
sa
violation
ne
devrait
pas
préjudicier,
à
titre
subjectif,
à
un
membre
de
la
société
internationale.
Or,
avons-nous vu
(503),
les règles relatives
aux
droits
de
l'homme
sont
objectives,
les
obligations
qu'elles
comportent
sont
souscrites
erga
omnes.
On
ne
peut
donc pas dire qu'un
Etat,
face
à
la
violation
par
un
autre
Etat de ses obligations
internationales
relatives
aux droits
de l'homme, "a le droit ( ... ) de faire respecter son droit par
des
contre-mesures",
selon
la
formule
du
tribunal
arbitral
précité.
Ici,
il
n'y
a
pas
d'égalité
entre
les
parties
à
reconstituer,
de symétrie des positions
initiales à
rétablir.
Aucun dommage matériel
n'ayant été causé à
un autre Etat par
l'Etat qui viole les
droits
de
ses
propres
nationaux,
la
(503) Voir IIèle Partie, Chapitre l, section 1.

-
382
-
technique
des
contre-mesures
qui
concerne
la
défense
d'intérêts subjecti fs
semble
ici
inappropr iée.
Quand
un
Etat
se
rend coupable
de
violation des
droits
individuels
de
ses
nationaux,
il
ne s'agit
évidemment pas là
de
ce
"fait
( ... )
non conforme
à
une
obligation de ce dernier
envers
un autre
Etat" dont
parle
l'article
30
du
projet de
la commission du
droit
international
sur
la
responsabilité
des
Etats.
L'obligation
de
respecter
les
droits
de
l'homme
est
une
obligation
souscrite
devant
la
conscience
juridique
universelle,
c'est
une
obligation
contractée
vis-à-vis de
la
communauté
internationale dans
son
ensemble.
Dès
lors,
c'est
cette communauté, par l'entremise de ses institutions, qui est
seule fondée à en sanctionner les violations,
et non plus les
membres de cette communauté, de leur propre chef, par la prise
de contre-mesures.
C'est en tout cas l'avis de
la Commission
du droit international qui,
dans son commentaire de l'article
30
du
projet d'articles
sur
la
responsabilité
internationale
des Etats,
s'intéresse au cas spécifique des obligations erga
omnes. La commission déclare que "l'affirmation progressive en
droit
international
contemporain
du
principe
que
certaines
obligations, définies erga omnes, ont une portée telle que la
violation
de
l'une
d'elles
est
à
considérer
comme
une
infraction
commise
envers
tous
les
membres
de
la
communauté
internationale
( ... )
a
amené
la
communauté
internationale
à
s'orienter
vers
un
système
qui
réserve
à
des
institutions
internationales
autres
que
les
Etats
la
tâche
préalable
de
déterminer
l'existence
d'une
infraction
à
ces
obligations
d'importance
essentielle
pour
la
communauté
internationale
toute
entière
et,
par
la
suite,
de
décider
des
mesures
à
prendre et de leur exécution" (504).
Ce
commentaire
de
la
commission
du
droit
international nous satisfait pleinement. On ne peut,
à
notre
(504) A.C.D.L 1979, Vol. II, 1ère partie, p. 132.

-
383-
humble avis,
être plus clair
:
la violation d'une obligation
erga omnes,
la violation d'une
norme objective,
la violation
d'une obligation souscrite envers la communauté internationale
dans son ensemble ne peut
justifier l'adoption unilatérale de
contre-mesures,
tout
du
moins
tant
que
les
organes
de
la
communauté
internationale
n'ont
pas
encore
statué
sur
la
situation
et
autorisé
les
Etats
à
prendre
des
mesures
de
sanction.
Un
élément
supplémentaire
nous
conforte
dans
le
sentiment
que
les
contre-mesures
sont,
du
point
de
vue
logique,
inappropriées à l'entreprise de protection des droits
de
l' homme.
La
contre-mesure
étant,
par
sa
nature
même,
un
acte réactif, d'autodéfense, l'Etat qui y recourt recherche un
avantage
matériel
compensatoire,
souvent
à
travers
l'inexécution d'une obI igation qui
pèse sur
lui au profit de
la partie incriminée.
~ette analyse,
qui vaut sur
le terrain
des
échanges
économiques
internationaux,
manque
de
cohérence
dans la cadre de la protection des droits de l'homme.
Car non
seulement
l'Etat
qui
viole
les
droits
de
ses
nationaux
ne
cause de dommage subjectif à aucun Etat, mais
en plus l'Etat
qui
édicte
des
contre-mesures,
généralement
sous
forme
de
suspension
d'obligations
économiques
et
commerciales,
peut
tirer
un
avantage
matériel
direct
des
mesures
prises.
La
contre-mesure
ne
peut
pas
être
perçue
ici
comme
une
mesure
compensatoire,
visant à
rétablir un équilibre qui
n'a
jamais
été rompu, parce que n'ayant jamais existé.
Toutefois,
ce
raisonnement
logique
devrait
être
nuancé.
Car,
à
le
pousser
trop
loin,
compte
tenu
du
fonctionnement
réel
des
mécanismes
chargés
de
veiller
au
respect des droits de l' homme,
on peut craindre que plus les
obligations
relatives
à
ces
droits
deviennent
erga
omnes,
objectives,
moins
elles
deviennent
susceptibles
d'être
véritablement
sanctionnées
en
droit
international
public.
Ce
serait
là,
de
toute
évidence,
une
évolution
plutôt
regrettable; car la fin pour laquelle une obligation est dite
erga omnes,
ce
n'est
pas
la soustraction de
ses
éventuelles

-
384 -
violations à la sanction, c'est au contraire l'augmentation de
ses
garanties
de
respect.
La
nécessité
de
recourir
à
des
mécanismes objectifs de protection ne saurait être considérée
comme
un
havre
d'impuni té.
Les
contre-mesures
étatiques
contribuent à
éviter cette
impuni té,
même si
leur effet peut
sembler a priori douteux.
B - La douteuse efficacité du recours aux contre-
mesures pour la protection des droits de l'homme
Dans sa résolution sur les droits de
l 'homme et
le
principe
de
non-intervention
adoptée
en
1990,
l'Institut
du
Droit
International
consacre
une
large
place
aux
contre-
mesures
étatiques.
On
peut
penser
que
le
véritable
but
de
l'Institut
était
de
légitimer
des
actions
unilatérales
des
Etats pour
la
protection des
droits
de
l'homme.
L'article
2
de
la
résolution
pose
que
les
Etats,
individuellement
ou
collectivement,
sont
en
droit
d'adopter
à
l'égard
de
tout
autre Etat ayant violé massivement les droits de l'homme,
"des
mesures diplomatiques,
économiques
et
autres,
admises
par
le
droit international et ne comportant pas l'emploi de la force
armée
en
violation
de
la
Charte
des
Nations
Unies".
Les
mesures diplomatiques concernent principalement la
suspension
ou
la
rupture des
relations
diplomatiques.
Les mesures dites
"autres"
ne
sont
pas
précisées
;
toutefois
du moment que
le
recours à
la
force
armée est exclu catégoriquement,
elles ne
devraient point susciter l'inquiétude. Le recours unilatéral à
la
force
étant
de
toute
manière
interdit
par
la
Charte,
l'adjonction des termes "en violation de la Charte des Nations
Unies" doit être tenue pour simplement redondante.
Les contre-
mesures pour la protection des droits de l'homme empruntent le
plus
souvent la voie des sanctions économiques au sens large.
C'est une arme fondamentalement
inégalitaire,
dont ne peuvent
faire usage que les pays les plus riches.
On comprend aisément pourquoi,
sur ce chapitre,
les
Etats-Unis d'Amérique se sont signalés comme les champions des

-
385 -
contre-mesures. Ainsi
a-t-on vu cet Etat prendre des contre-
mesures contre l'Union Soviétique pendant la crise afghane. En
effet,
le Président CARTER édicta un embargo céréalier contre
ce pays, ainsi qu'un resserrement de l'embargo technologique à
l'encontre du même pays. De même, à la suite de l'interdiction
du
syndicat
Solidarité
et
du
décret
de
l'état
d'urgence
en
Pologne,
le
Président
REAGAN
annonça
la
suppression
de
la
clause
de
la
nation
la
plus
favorisée
dont
bénéficiait
la
Pologne,
la
suspension
des
privilèges
accordés
à
l'aviation
civile
polonaise
et
des
droits
de
pêche
dans
les
eaux
américaines de
la flotte
polonaise.
Il
est difficile de dire
ce
qui,
de
la
lutte
anti-communiste
ou
de
la
volonté
de
protéger
les
droits
de
l'homme
partout
dans
le
monde,l'a
emporté dans ces décisions (505).
vis-à-vis
de
certains
pays
du
Sud,
les
Etats-unis
ont eu à
prendre des contre-mesures humanitaires.
Ainsi
ont-
ils
interrompu
leur
assistance
économique
à
l'Ouganda
dès
1973,
puis
ont
presque
arrêté
toutes
leurs
importations
en
provenance
de
ce
pays
(et
surtout
le
café),
pour
protester
contre
les
violations
des
droits
de
l'homme
commises
par
l'ubuesque
régime
du
dictateur
Idi
AMIN
DADA
(506).
Le
principe de ces contre-mesures,
c'est la confiance faite à
la
pression
directe
par
rapport
au
respect
des
procédures
formelles,
alors que c'est la conscience juridique qui devrait
être
promue
et
non
des
réflexes
momentanés
de
peur,
la
protection
des
droi ts
de
l ' homme
n'étant
assurée
-
ce qui
reste douteux - qu'aussi longtemps que la menace de suspension
de l'aide peut se maintenir sans sacrifice pour l'Etat qui
(505) Sur ces aspects de la politique aléricaine, voir SCHACHTER, op. dt. À.F.D.L 1977 ; VIALLE,
P. L'adlinistration CARTER et les droits de l'boite. Les vulnérabilités d'une politique
étrangère vertueuse, in lélanges Robert PELLOUX, 1980, p. 319.
( 506) Voir ULLHAB, R.H. HUian rights and econolY power: tbe United states versus Idi AHIN DADA in
Foreign Affairs, Vol. 56, n' 3, avril 1978.

-
386 -
censure.
Pour
être
vraiment
efficaces,
les
contre-mesures
économiques doivent être constantes et s'appliquer à des Etats
ayant des structures économiques fragiles.
Le cas de l'Ouganda
face
aux
Etats-unis
est
idéal
à
ce
propos
i
arrêter
l'importation
du
café
ougandais
ne
mettait
aucunement
en
danger
les
possibilités
américaines
de
se
procurer
du
café.
Comme
le
dit
si
bien
Mr
ULLMAN,
"a
peculiarity
of
the
americain relationship with Uganda is its drastic asymetry. It
is difficul t
ta
imagine a
bilateral
combination
in which the
power of the
first
partner ta affect
the second
is sa great
and
that of
the
second
ta
affect
the
first
sa
small.
Doing
without
Uganda
coffee
would
cause
scarcely
a
ripple
in
the
americain coffee market"
(507).
Il
est
difficile
de
mesurer
quelle
est
la
portée
réelle des
contre-mesures
non
armées
dans
la
protection
des
droits
de
l'homme,
même
si
l'on
ne
peut
nier
leur
fonction
d'avertissement
et
d'exemplarité,
ou
même
simplement
symbolique. De toutes façons,
"l'efficacité des contre-mesures
dépend essentiellement de
la puissance de
l'Etat qui
les met
en
oeuvre,
de
la
faiblesse
de
l'Etat
cible,
du
soutien
que
chacun de ces Etats pourra trouver auprès d'Etats alliés, bref
du
jeu
infiniment
complexe
des
rapports
de
force
dans
la
société internationale"
(508).
Paragraphe 2
La coexistence des contre-mesures étatiques
avec les cadres institutionnalisés de
l'ingérence
compte tenu de
la
faible
centralisation de
l'ordre
juridique
international,
il
est
pratiquement
impossible
(507) ULLIWf, R.H. op. cit. p. 537.
(508) LEBEH, Ch. op. cit. A.F.D.!. 1982, p. 16.

-
387 -
d'éviter l'action unilatérale des Etats pour l'accomplissement
des
missions
d'intérêt
général
qui,
dans
un
système
centralisé,
devraient
revenir
aux
institutions
communes.
Ces
considérations sont valables pour ce qui est de la protection
internationale
des
droits
de
l'homme.
Il
est
clair,
comme
l 'écri t
le professeur DE VISSCHER,
que "ce n'est que par une
insti tutionnalisation sans cesse
plus
poussée des
mesures
de
contrôle des
faits,
de critique des
rapports
fournis
par
les
Etats et de sanctions collectives que les procédés de
justice
privée,
dont
relèvent
les
interventions
d'Etats,
pourront
progressi vement
être
résorbés"
(509) .
Il
n'empêche
que,
aujourd'hui,
l'institutionnalisation
en
question
demeurant
lacunaire
et
les
contre-mesures
inévitables,
il
importe
d'étudier
les
rapports
que
doivent
entretenir
ces
dernières
avec
les
mécanismes
institutionnels
chargés
du
contrôle
du
respect
ou
de
la
sanction
du
non-respect
des
droits
de
1 'homme.
Ces deux
voies
d'action
coexistent-elles
l'une avec
l'autre de
façon
totalement
autonome,
ou
faut-il
établir
au
profit des mécanismes institutionnels, un rapport de
priorité
entre
elles
?
Les
réponses
apportées
à
cette
interrogation
capitale en doctrine et en
jurisprudence internationales sont
diverses ; elles mêlent à la fois des considérations
purement
théoriques et des considérations de fait concernant l'état de
relative
décentralisation
actuelle
de
la
société
internationale
Nous
présenterons
des
considérations
théoriques
générales
sur
la
question,
avant
d'aborder
la
manière dont
l ' Insti tut
du
Droit
International
a
entrevu
le
problème dans le cadre de ses travaux relatifs aux droits
de
l'homme et au principe de non-intervention.
(509) DE VISSCBER, P. A.LD.L 1989, Vol. 63-1, p. 363.

-
388 -
A - Considérations générales sur les rapports
d'antériorité entre les contre-mesures étatigyes
et l'utilisation des moyens institutionnels
Sur
la
question
des
relations
d'antériorité
ou
de
priori té
entre
les
contre-mesures
étatiques
et
les
moyens
institutionnalisés,
la
controverse
règne
en
doctrine
et
en
jurisprudence.
D'une
part,
est
défendue
la
thèse
de
l'autonomie
respective
des
deux
voies
d'action
d'autre
part,
est
défendue
la
thèse
de
la
pr ior i té
du
recours
aux
moyens
institutionnalisés
sur
l'utilisation
des
contre-
mesures.
1- La thèse de l'autonomie des deux voies d'action
L'élément
qui
domine
dans
la
thèse
qui
défend
l'indépendance
respective
des
deux
voies
d'action,
c'est
ce
que
l'on
pourrait
appeler
l'obsession
légitime
de
l'efficacité,
elle-même appuyée sur la
prise en compte très
forte de l'élément temporel, de l'urgence de la situation.
Sur
le
terrain
doctrinal,
l'opinion
la
plus
nette
sur
la
question
est
probablement
celle
du
professeur
ALLAND
pour
lequel
il
n'est
pas
possible,
ni
raisonnable,
de
subordonner
le
recours
aux
contre-mesures
à
l'épuisement
préalable
des
procédures
de
règlement
pacifique
des
différends:
le
caractère
alternatif
de
ces
procédures,
leur
lenteur
et,
donc,
leur
douteuse
efficacité,
particulièrement
face
à
des
situations d'urgence,
ne
peuvent
que
donner
leur
entière
légitimité aux contre-mesures.
L'auteur écrit
"le
règlement
du
différend
apparaît
comme
trop
aléatoire,
et
la
recherche
du
règlement
trop
extensive
dans
le
temps
pour
constituer un préalable à l'exercice des
contre-mesures;
on

- 389 -
ne peut exiger de l'Etat lésé une interminable attente" (510).
Les
contre-mesures
immédiates
sont
donc,
pour
l'Etat
qui
y
recourt,
un
moyen
d' évi ter
une
violation
irréparable
de
son
droit, de mettre un terme à une violation qui autrement serait
continue.
Leur
caractère
utilitariste
en
ressort
plus
clairement
et
interdit,
par
conséquent,
toute
transposition
aveugle au domaine des droits de l'homme.
Dans ce cadre, toute
visée
utilitariste
des
contre-mesures
doit
être
frappée
d' illégi timi té
;
en clair,
toute contre-mesure en
réaction
à
des violations des droits de l'homme qui aurait pour résultat
de
donner
un
avantage
ou
un
bénéf ice
à
l'Etat
qui
l'adopte
doit être considéré comme illégitime, parce qu'immorale.
Sur
le
terrain
jurisprudentiel,
il
y
a
lieu
de
revenir sur la sentence arbitrale rendue en 1978 en l'affaire
France
contre
Etats-Unis.
Le
tribunal
arbitral
a,
en
effet,
abordé
la question des
limites qui
peuvent être apportées au
principe
du
recours
aux
contre-mesures
compte
tenu
de
l'existence
d'un
mécanisme
de
négociation
ou
d'un
mécanisme
arbitral
ou
judiciaire.
Selon
le
tribunal,
l'obligation
de
négocier,
voire des
négociations
en cours,
n'interdisent
pas
absolument
l'adoption de
contre-mesures.
De
la
même
manière,
le tribunal réfute l'idée que la simple existence, en tant que
telle,
d'un
mécanisme
arbitral
ou
judiciaire
puisse
rendre
illégitime le recours aux contre-mesures : "si la procédure en
cause
prend
place
dans
un
ensemble
d' insti tut ions
assurant
une
certaine
garantie
d'exécution,
la
licéité
des
contre-
mesures
disparaîtra
sans
doute,
mais
plus
par
suite
de
l'existence de cette garantie que du seul
fait de l'existence
d'une
procédure
juridictionnelle"
(511).
En
fait,
il
semble
que la seule hypothèse où les contre-mesures seraient
(510) ALLAJID,D. Les contre-Iesures dans l'ordre juridique international. Etude théorique de la
justice privée en droit international public. Thèse, Lille III, 1991, p. 489-490.
(511) sentence citée, paragraphe 94.

-
390 -
interdites
ou
deviendraient
caduques
si
elles
avaient
déjà
été
prises est celle dans laquelle la juridiction saisie, par
la faculté de décider des mesures conservatoires par exemple,
"dispose
des
moyens
d'assurer
les
fins
qui
justifient
des
contre-mesures".
Cependant,
là encore,
le tribunal estime que
la
faculté
de
prendre
des
contre-mesures
peut
ne
pas
disparaître
totalement
(512).
En
fin
de
compte,
on
perçoit
avec
peine
les
bornes
établies
par
le
tribunal
à
la
possibi 1 i
pour
un
Etat
de
prendre
des
contre-mesures.
En
poussant aussi loin le réalisme, en ne circonscrivant pas plus
strictement
la
possibilité de
prendre
les contre-mesures,
le
tribunal arbitral a pratiquement ouvert la voie à la "justice
privée" en droit international.
Car,
qu'est-ce qui
inciterait
un
Etat,
disposant
de
moyens
matériels
de
faire
valoir
son
droit, à recourir aux mécanismes institutionnels prévus,
jugés
lourds
à
mettre
en
mouvement,
lents
à
parvenir
à
leurs
conclusions,
incertains
d'être
obéis
dans
leurs
décisions,
plutôt
que
de
prendre
des
contre-mesures,
rapidement
exécutables,
aux
résultats
concrets
et
prompts
?
Si
le
raisonnement devait
être
transposé
tel
quel
dans
le domaine
des droits de
l'homme,
ce serait la consécration des contre-
mesures
comme
moyen
privilégié
de
protection
de
ces
droits
dans l'ordre international.
2 - La
thèse de la priorité des mécanismes
institutionnels sur les contre-mesures étatiques
A
l'exemple
de
la
thèse
soutenant
l'autonomie
respective
de
mécanismes
institutionnels
et
des
contre-
mesures, nous illustrerons celle de la priorité des mécanismes
institutionnels
par
des
éléments
de
nature
doctrinale
et
jurisprudentielle.
( 512) sentence citée, paragraphe 96.

- 391 -
En
doctrine,
on
peut
se
référer
à
l'opinion
du
professeur
COHEN-JONATHAN
et
s'en
satisfaire.
Pour
lui,
"un
"système"
conventionnel
constitue
une
"lex
specia1is"
par
rapport au droit commun.
Il
nous
semble
par conséquent que
les
Etats
qui
y
participent
doivent
d'abord
utiliser
les
moyens qui y sont prévus" (513). Nous nous rallions pleinement
à
ce point de vue, qui nous semble être une déduction logique
de la règle pacta sunt servanda.
Une telle position n'est du
reste
pas
défendue
seulement
dans
le
domaine
des
droits
de
l'homme. Ainsi dans le
cadre des communautés européennes,
une
posi tion
similaire
a
été défendue
par
le
professeur
RUZIE
"dès lors que les Etats membres ont souscrit,
dans
le traité
de Rome,
à
un mécanisme de contrôle de l'application du droit
communautaire dont dispose
la commission,
qui
peut saisir
la
cour,
il n'y a aucune raison d'autoriser un Etat membre "à se
faire justice" à lui-même, comme le droit international lui en
reconnaît,
en
principe,
la
possibilité,
sur
la
base
de
la
règle non adimpleti contractus" (514).
L'opinion
du
Professeur
COHEN-JONATHAN
est
sérieusement
étayée
par
la
jurisprudence
de
la
Cour
Internationale
de
Justice,
notamment
l'arrêt
rendu
en
l'affaire de activités militaires au Nicaragua. On peut penser
que,
plus que
la
priorité des mécanismes
institutionnels sur
les
contre-mesures,
la
cour
a
consacré
l'exclusivité
des
premières sur les
secondes.
Au paragraphe 267 de son arrêt,
la cour énonce que "quand les droits de l ' homme sont protégés
par
des
conventions
internationales,
cette
prote~tion
se
traduit
par
des
dispositions
prévues
dans
le
texte
des
(513) COHEH-JONATHAJI, G. Responsabilité pour atteinte aux droits de l'houe, in La responsabilité
dans le svstèle international. S.F.D.l., colloque du Nans, Paris, Pedone, 1991, p. 131.
(514) ROm, D. Nationalité, effectivité et droit cOllunautaire. R.G.D.l.P. 1993/1, p. 115-116.

-
392
-
conventions elles-mêmes et qui sont destinées
à vérifier ou à
assurer le respect de ces droits"
(515). si l'on comprend bien
le
raisonnement
de
la
cour,
deux
choses
principales
sont
à
retenir : en premier lieu,
le fait pour un Etat de ne pas être
lié
par
un
engagement
international
en matière de
droits
de
l'homme
ne
signifie
nullement
que
cet
Etat
pourrait
"impunément" violer ces droits
; le problème de savoir quelles
mesures
positives
de
protection
implique
ce
refus
de
l'impunité demeure entier.
Par ailleurs,
du moment qu'un Etat
a
souscrit
un
engagement
comportant
des
procédures
institutionnelles
de
protection,
et
quelle
que
soit
leur
effectivité,
tout
autre
moyen
de protection doit
être
tenu
pour
une
violation
de
l'engagement
conventionnel.
Cette
indifférence de
la
Cour
quant
à
l'efficacité
des
mécanismes
institués est illustrée dans la suite du paragraphe 267 de son
arrêt. Le Nicaragua, que le congrès des Etats-Unis accusait de
violer
les
droits
de
l'homme,
avait
ratifié
au
moment
du
litige
plusieurs
instruments
internationaux
relatifs
aux
droi ts de
l ' homme et pourvus de mécanismes de contrôle,
dont
la convention américaine des droits de l'homme.
La Commission
interaméricaine des droits de l'homme a effectué des missions
au Nicaragua,
a
rédigé deux rapports
et a
pris des mesures,
qui ne sont pas précisées dans leur contenu, et dont la portée
ne
peut
être
appréciée.
De
l'avis
de
la
Cour
pourtant,
les
"mécanismes
ont
fonctionné ll
(516) .
Cette
seule
constatation
est suffisante pour frapper d'illégitimité le recours par les
Etats-Unis à d'autres moyens de protection,
notamment la force
armée.
L'attitude de
la cour est rigide et décevante
;
si
la condamnation de
l'utilisation de
la
force
par
les
Etats-
Unis
est
réconfortante,
en
revanche
se
désintéresser
de
(515) C.I.J. Rec. 1986, par. 267.
(516) Ide••

-
393 -
l'efficacité
pratique
d'un
mécanisme
au
profit
du
fonctionnement formel ne sert pas nécessairement la cause des
droits
de
l'Homme.
Exclure
toute
autre
voie
de
protection
lorsque des procédures institutionnelles existent à cet effet,
c'est
donner
à
la
convention
internationale
souscrite
en
matière de
droits
de
l'homme
un
rôle
de
bouclier
protecteur
contre toute
action
extra-conventionnelle
non
armée
visant
à
protéger
ces
droits,
évolution
qui
aurait
des
conséquences
négatives.
Par
conséquent,
pis-aller
supplétif,
les
contre-
mesures sont un pis-aller nécessaire.
Il doit être entendu que
tout Etat qui ne s'oblige pas au respect des droits de l'homme
par
la
signature
d'un
traité
et
son
application
effective
reconnaît aux autres Etats le recours aux contre-mesures comme
unique mode de réaction à
des violations de ces droits qui
lui seraient imputées.
8 - L'analyse de l'Institut du Droit International
L'Institut du Droit International a eu à
aborder la
question
de
la
coexistence
entre
les
mécanismes
institutionnels
et
les
contre-mesures
étatiques
dans
la
protection
internationale des
droits
de
l 'homme.
Son
analyse
est
intéressante
en
ce
qu'elle
concerne
à
la
fois
les
mécanismes institutionnels prévus dans le cadre de conventions
relatives aux droits de l'homme et l'éventualité d'une action
des Nations
Unies,
et principalement du Conseil
de Sécurité.
Il
faudra,
après
avoir
exposé
cette
analyse,
étudier
les
modalités
des
contre-mesures
étatiques
définies
par
l'institut.
1 - Les contre-mesures et les mécanismes
institutionnels dans les trayoux de l'Institut
du Droit International
L'Institut
du
Droit
International
a
retenu
la
concurrence des
procédures
institutionnelles et des
contre-

-
394
-
mesures étatiques dans la protection des droits de l'homme. La
posi tion de
l ' Insti tut a
beaucoup évolué en ce qui
concerne
les
mécanismes
institutionnels
prévus
dans
des
conventions
portant
sur
les
droits
de
l' homme.
En
ce
qui
concerne
les
organes
des
Nations
unies,
la
situation
n'est.
pas
particulièrement claire.
a - Contre-mesures étatiques et mécanismes de
contrÔle des conventions relatives aux droits
de l'homme
Sur
cette
question,
on
est
parti
d'une
position
reconnaissant
l ' exclusi v i té
des
mécanismes
institutionnels,
lorsqu'ils
existent,
à
leur
simple
priorité
par
rapport
aux
contre-mesures,
puis
enfin
à
leur
concurrence
intégrale.
Le
projet de résolution n°
4 de l'Institut à son article 6,
pose
que "lorsque des traités ou conventions conclus sur des bases
universelles
ou
régionales
ont
institué
des
mécanismes
de
contrôle
et
de
garantie
du
respect
des
droits
de
l'homme,
c'est
par
le
truchement
de
ces
mécanismes
que
l'on
doit
s'efforcer
de
rechercher
la
solution
des
différends
qui
s'élèveraient
du
fait
de
l'allégation,
par
un
ou
plusieurs
Etats parties,
de
la violation des dits droits
par un autre
Etat partie"
(517).
Ce
projet d'article
reprend
purement
et
simplement,
dans
le
principe,
les
énoncés
de
la
Cour
Internationale
de
Justice
dans
l'affaire
Nicaragua
contre
Etàts-unis.
Pour
les
mêmes
raisons
que
celles
invoquées
à
propos de
la position
de
la
Cour
Internationale de Justice,
une
telle
disposition
aurait
affaibli
l'objectif
même
du
travail
soumis
à
la
huitième
commission
de
l'Institut.
Pourtant,
dans
le
rapport
définitif
de
Mr
SPERDUTI,
une
disposition
organisait
déjà
une
simple
priorité
tempérée,
conditionnelle, des mécanismes institutionnels sur les contre-
mesures étatiques. En effet le projet de
résolution
n
2
en
(517) U.D.l. Vol. 63-1, 1989, p. 131.

-
395 -
son article 9, dispose que "lorsque des traités ou conventions
conclus sur des bases universelles ou régionales ont
institué
des
mécanismes
de
contrôle
et
de
garantie
du
respect
des
droits de
l 'homme,
le
recours
à
des mesures de
contrainte à
l'égard
de
l'Etat
auquel
est
imputée
une
violation
de
ces
droits doit être considérée comme non admis en principe,
tout
au
moins
si
l'Etat
mis
en
cause
ne
fait
pas
obstacle
au
déroulement
régulier
de
la
procédure
prévue"
(518).
Cette
disposition est
importante car elle n'élimine
la
possibilité
des
contre-mesures
que
si
le
mécanisme
conventionnel
de
protection considéré peut fonctionner effectivement.
Il y a là
une
conscience
claire
de
la
réalité
du
fonctionnement
de
maints
systèmes
conventionnels
de
protection
des
droits
de
l' homme.
C'est
ainsi
que
les
mécanismes
des
plaintes
interétatiques du pacte international sur les droits civils et
politiques ou de la charte africaine des droits de l'homme et
des
peuples
sont,
a
pr ior i ,
peu
garants
de
résul tats
importants.
La
place
de
la
volonté
des
Etats
dans
tout
le
processus
de contrôle organisé
par
l'article
41
du
pacte
et
les articles 53 et suivants de la charte africaine est telle
qu'il suffit de l'inaction de l'Etat pour que le contrôle soit
largement compromis.
A supposer même que
l'Etat mis en cause
facilite le déroulement normal de la procédure, encore faut-il
que
cette
dernière
permette
efficacement
le
rétablissement
d'une situation normale pour les
droits de l'homme.
C'est
le
sens
de
l'amendement
proposé
en
séance
plénière de
l ' Insti tut
par Mme
BINDSCHEDLER et M.
SCHINDLER.
En
vertu
de
cet
amendement,
on
n'aura
pas
recours
à
des
contre-mesures,
"sauf
urgence
tant
que
des
procédures
insti tuées
en matière de droits
de
l ' homme aux termes ou en
vertu
des
instruments
constitutifs
et
des
conventions
de
l'Organisation
des
Nations
Unies,
des
institutions
(518) A.I.D.I. 1989, Vol. 63-1, p. 379-380.

-
396 -
spécialisées ou des organisations régionales,
et susceptibles
de remédier efficacement à la situation, peuvent être mises en
oeuvre" (519). Sur le plan logique, cette disposition proposée
nous semble satisfaisante.
Elle tient à
relever
l'importance
du
travail
accompli
par
certains
mécanismes
régionaux,
notamment
la
convention
européenne
des
droits
de
l'homme.
pourtant,
à
l'exception de Mr CAFLISCH,
cet amendement a
été
combattu par
la
large
majorité
des
membres
de
l'institution
(520), obligeant ses auteurs à le retirer, bien qu'ils n'aient
pas
été
convaincus
par
les
arguments
de
leurs
collègues.
Finalement,
la
résolution
de
l ' Insti tut
comportera
une
disposition neutre, qui consacre la concurrence des mécanismes
institutionnels
et
des
contre-mesures.
L'article
6
de
la
résolution finale stipule que "les dispositions de la présente
résolution
s'appliquent
sans
préjudice
des
procédures
instituées en matière de droits de
l 'homme aux termes ou en
vertu
des
instruments
constitutifs
et
des
conventions
de
l'organisation
des
Nations
Unies
et
des
institutions
régionales"
(521).
Cette concurrence
des voies de
protection
n'est
pas
seulement
oeuvre
de
réalisme.
S'agissant
de
la
réaction
à
des
situations
d'urgence,
qui
sont
précisément
celles
dont
s'occupait
au
premier
chef
l'Institut,
il
était
tout simplement incohérent de retenir la priorité de l'action
des
mécanismes
institutionnels.
Lorsque
l'action
doit
être
immédiate,
rapide,
le
recours
aux
institutions
conventionnelles
doit
coexister
avec
les
contre-mesures.
Ces
dernières,
quant
à
elles,
ne
peuvent
supplanter
purement
et
simplement
les
mécanismes
institutionnels.
il
convient
maintenant
de
voir
si
la
situation
concurrentielle
ainsi
décrite vaut également lorsque le Conseil de Sécurité est apte
à agir.
(519) A.LO.!. 1990, Vol. 63-2, p. 236-237.
( 520) Voir, dans le volUAe 63-2 de 1990 les opinions de Hrs SCIIACII'l'ER, DlIfSTEllf, AGa, WENGLER et de
Hie BIGGllfS, p. 276-278.
(521) A.I.O.!. 1990, Vol. 63-2, p. 287.

-
397 -
b - Contre-mesures étatiques et intervention du
Conseil de Sécurité
L'Institut
du
Droit
International
n'a
pas
vér i tablement
abordé
ce
problème
de
front,
alors
qu'à
notre
avis
il
méritait
de
l'être.
Lorsque
le
Conseil
de
Sécurité
peut
réagir
à
des
violations
massives
des
droits
de
l'homme
constitutives d'une menace à
la paix internationale,
on
peut
penser
que
les
contre-mesures
étatiques
doivent
être
considérées
comme
exclues,
ou
à
tout
le
moins
suspendues.
L'Institut n'a consacré qu'une proposition assez
laconique au
sujet
les
contre-mesures
peuvent
être
adoptées,
énonce
l'article 2 de la résolution,
"sans préjudice des fonctions et
pouvoirs que la Charte attribue aux organes des Nations Unies
en cas de
violation des obligations assumées par
les membres
de
l'organisation
( ... )" .
Apparemment,
l'intervention
éventuelle du Conseil de Sécurité et les actions unilatérales
des
Etats
s' ef fectuent
en toute
indépendance.
Les membres de
l'Institut
ne
se
sont
pas
montrés
particulièrement
prolixes
sur
le
sujet.
L'opinion
du
professeur
Paul
DE
VISSCHER
est
cependant importante et mérite d'être relevée. Vu le caractère
d'urgence
des
mesures
à
prendre,
l'auteur
éprouve
les
pl us
grands
doutes
sur
le
bien-fondé
d'une
formule
tendant
à
soumettre
de
telles
mesures
à
l'approbation
des
instances
compétentes
des
Nations
Unies.
Les
mesures
prises
par
les
Etats
devraient
être
présumées
légitimes
elles
pourraient
par la suite être communiquées aux organes des Nations Unies :
soit au Conseil de Sécurité qui agirait en vertu des chapitres
VI
ou VII,
soit
à
l'Assemblée Générale
qui
solliciterait un
avis
consultatif
à
la
Cour
Internationale de Justice
sur
la
validité
juridique de
la
mesure
entreprise.
En
tout
état de
cause, l'auteur ne voit pas "pourquoi l'Institut se montrerait

-
398 -
plus sévère à
l'égard de mesures urgentes
"short of war" que
la Charte ne l'est à
l'égard des mesures de
légitime défense
impliquant recours à la force armée" (522).
Cette
présentation
des
choses
ne
nous
paraît
pas
très
satisfaisante.
En
particulier,
il
nous
semble
délicat
d'assimiler les mesures prises par un Etat pour réagir à
des
violations massives des droits de
l ' homme dans un autre Etat
aux
mesures
de
légitime
défense
prises
par
un
Etat
victime
d'une
agression
armée.
Ces
dernières
mesures
sont
l'exercice
d'un droit naturel de
l'Etat,
ce qui
n'est aucunement
le cas
des premières.
Aucun Etat ne peut prétendre agir au titre de
la légitime défense pour le motif qu'un autre viole les droits
de
ses
propres
nationaux.
L'exercice
de
la
légitime
défense
dépend
beaucoup de
la
rapidité
de
la
réaction
du
conseil
de
Sécurité
à
l'agression
commise
si
cette
réaction
est
immédiate,
le
droit
de
légitime
défense
est
considéré
comme
épuisé.
En même façon,
si le Conseil de Sécurité statue sur un
cas de violations
massives des droits de
l'homme sur
la base
du chapitre VII,
les
Etats ne sauraient être fondés à
réagir
unilatéralement en prenant des contre-mesures.
Cette analyse
peut être
poussée
plus
loin.
On
peut
soutenir
en
effet
que
les
violations
susceptibles
de
déclencher
des
contre-mesures
sont
aussi,
nécessairement,
celles
qui
sont
constitutives
d'une
menace
à
la
paix
internationale
et,
donc,
justiciables
du
chapitre
VII
de
la
charte.
Dès
lors,
si
des
Etats
réagissent
unilatéralement
à
des violations des droits de l'homme qui leur semblent graves,
en
prenant
des
contre-mesures,
alors
que
le
Conseil
de
Sécurité
n'y
a
pas
vu
de
menace
particulière
à
la
paix
internationale,
les
contre-mesures
des
Etats
devraient
(522) Voir A.I.D.I. Vol. 63-11989, p. 395-396.

-
399 -
bénéficier
d'une
présomption
de
légitimité
très
faible.
l ' Insti tut
aurait
gagné
à
ne
pas
donner
l'impression
d'encourager,
plus
qu'il n'en faut,
les actions unilatérales
des Etats,
au détriment des institutions reconnues de l'ordre
international (523).
2 -
Les modalités des contre-mesures étatiques pour
la protection des droits de l'homme
L'Institut
du
Droit
International
a
précisé
les
candi tians
à
respecter
par
les
Etats
pour
que
les
contre-
mesures qu'ils adopteraient en réaction à
des violations des
droi ts de
l ' homme
soient
légitimes.
C'est
l'article
4 de
sa
résolution
finale
qui
traite
de
ses
conditions.
Il
faut
en
faire la présentation analytique et critique.
La
première
condition
à
respecter
par
l'Etat
qui
adopte
des
contre-mesures,
c'est
de
mettre
préalablement
en
demeure
de
la
faire
cesser,
l'Etat
auteur
de
la
violation
alléguée.
Cette
condition
peut
être
mise
de
côté
en
cas
d'extrême
urgence,
situation
quelque
peu
difficile
à
concevoir, étant entendu que les mesures à prendre répondent à
des violations particulièrement graves des droits de l'homme,
qui
comportent
un
élément
important
d'urgence.
Quelle
situation plus grave peut créer une urgence extrême ? La mise
en
demeure
de
l'Etat
auteur
de
la
violation
rapproche
sensiblement
les
contre-mesures
des
représailles
elle
comporte
une
part
de
contrainte
sur
l'Etat
auteur
de
la
violation,
ce
qui
n'est
pas
particulièrement
fréquent
dans
l'ordre
international.
La
mise
en
demeure,
c'est
une
injonction de prendre une mesure obligatoire ou de mettre fin
à un comportement
illégal. Etait-il
judicieux
de
donner
à
(523) Voir les appréhensions insistantes du professeur TlJIfKIH, in A.I.D.I. 1989, Vol. 63-1, p. 411
et 435.

-
400 -
chaque Etat
un
tel
pouvoir
d'injonction
sur
les
autres
?
On
pourrait
peut
être
rapprocher
cette
mise
en
demeure
avec
la
phase des négociations bilatérales prévues dans les procédures
interétatiques dans le cadre du pacte sur les droits civils et
politiques et la charte africaine des droits de l'homme et des
peuples. Cette phase peut être l'occasion d'amicales pressions
pour
mettre
fin
à
la
violation
alléguée.
Une
chose
est
à
déplorer
dans
la
procédure
de
mise
en
demeure,
à
savoir
l'absence
de
mécanisme
de
sui vi
comment
s'assurer
que
la
mise en demeure a eu réellement lieu et que le temps séparant
cette
mise
en
demeure
de
l'adoption
des
contre-mesures
est
raisonnable
pour
permettre
à
l'Etat
accusé
de
réa juster
son
attitude ?
La procédure de mise en demeure relève de la pure
diplomatie secrète.
La
deuxième
condition
de
régularité
des
contre-
mesures,
c'est
leur
proportionnalité
avec
la
gravité
de
la
violation
alléguée.
Il
est
évident
qu'un
Etat
ne
saurait
prendre
des
mesures
disproportionnées
par
rapport
aux
faits
qui
les
justifient.
Cette
condition
pose
néanmoins
des
difficultés. En effet, du moment que le recours à la force est
exclu
en
tant
que
mesure
de
réaction
à
la
disposition
des
Etats,
du moment que les Etats ne peuvent prendre des contre-
mesures
qu'en
cas
de
violations
très
graves
des
droits
de
l'homme,

peut
se situer
la disproportion d'une
éventuelle
mesure avec des violations aussi graves ?
La
troisième
condition
posée
par
l'Institut,
c'est
que la mesure adoptée par un Etat doit être limitée à
l'Etat
auteur
de
la
violation.
L'énonciation
de
cette
clause
nous
semble curieuse
pouvait-il,
en
effet,
en
être
autrement?
C'est
le
seul
Etat
responsable
des
violations
des
droits
de
l'homme qui est naturellement l'objet des mesures de réaction
des autres Etats.
Peut être a-t-on voulu,
par ce biais, éviter
qu'un Etat n'adopte des mesures
qui
pourraient
non
seulement
pénaliser
l'Etat
en
cause,
mais
aussi
d'autres
Etats

-
401 -
étroitement
liés
au
premier.
si
tel
est
le
cas,
cette
condition serait redondante à la quatrième.
La
dernière
condition,
en
effet
c'est
que
non
seulement
la
mesure
décidée
ne
doit
pas
préjudicier
aux
intérêts
des
particuliers
et
des
Etats
tiers,
mais
surtout
elle ne saurait
avoir d'incidence
négative
sur
le
niveau de
vie des populations concernées. La prise en compte
du niveau
de vie des
habitants de
l'Etat auteur de
la violation a
été
proposée
avec
insistance
par
le
professeur
VIGNES.
Soucieux
d'éviter que
le
travail de
l'Institut n'apparaisse,
aux yeux
des
populations
du
sud,
que
comme
des
clauses
pour
pays
riches, Mr VIGNES pense qu'il ne faudrait pas, en prenant par
exemple des sanctions économiques contre un Etat qui viole les
droits
de
l'homme,
affamer
la
population
de
celui-ci
ou
abaisser le niveau de vie d'innocents (524). Cette proposition
de
Mr
VIGNES
n'a
pas
reçu
un
accueil
particulièrement
enthousiaste
parmi
les
membres
de
l'Institut
(525).
L'amendement formalisant cette proposition est de ceux qui ont
été adoptés avec des majorités très faibles
;
il a été acquis
par onze voix contre neuf,
avec cinq abstentions.
Il est vrai
que la mise en oeuvre de cette disposition est délicate, toute
mesure de nature économique pouvant avoir une incidence sur le
niveau de
vie
des
populations
de
l'Etat
"sanctionné".
Cette
disposi tian vise à
rassurer
les
pays sous-développés du Sud.
Elle
n'est
cependant
pas
complètement
étrangère
aux
préoccupations de l'Institut.
En effet,
l'article 2 du projet
de
résolution
n
4
stipule
que
la
violation
des
droits
de
l'homme susceptible
de
provoquer
des
contre-mesures
"doit
(524) Voir A.LD.L 1990, Vol. 63-2, p. 244 et p. 265-266.
(525) A ce sujet, lire les avis de Mrs VERBOfVEII, A.LD.L 1990, Vol. 63-2, p. 265 et SCBACBTER,
ide., p. 266.

-
402 -
toujours s'apprécier en tenant compte de la gravité ainsi que
de
la
situation
économique,
sociale
et
culturelle
de
l'Etat
auquel elle est reprochée" (526). La résolution finale n'a pas
retenu cette
formulation
i l
lui
a
été
préféré celle,
plus
elliptique de l'article 2,
selon laquelle
"les violations
de
nature
à
justifier
le
recours
aux
mesures
visées
ci-dessus
doivent
s'apprécier
en
tenant
compte
de
la
gravité
des
violations
dénoncées
ainsi
que
de
toutes
les
circonstances
pertinentes".
Il
est
donc
compréhensible
que
les
mesures
de
réaction tiennent compte de leur potentiel de nocivité sur
la
vie des populations de l'Etat.
La
mise
en
oeuvre
du
droit
d'ingérence
pour
la
protection des droits de l'homme devrait résolument tourner le
dos aux entreprises unilatérales étatiques et évoluer vers des
formes
institutionnelles de réaction,
notamment les actions à
entreprendre dans le cadre des Nations Unies.
(526) A.l.D.I. 1989, Vol. 63-1, p. 392.

-
403
-
CONCLUSION
DE
LA
DEUXIEME
P A R T I E
Les
droits
de
l'homme
et
le
principe
démocratique
qui
lui
est
consubstantiellement
lié
sont
des
éléments
de
l'ordre
juridique
international
qui
ne
relèvent
plus
de
la
compétence excl usi ve des Etats.
La société
internationale est
fondée à exiger que les droits de l'homme soient effectivement
protégés
et
qu'un
ordre
démocratique,
quelque
soit
par
ailleurs
son
agencement
matériel,
existe
dans
chaque
Etat.
Pour
ce
faire,
des
institutions
crédibles,
jouissant
de
la
confiance de tous les membres de la communauté internationale,
devraient travailler à
cette fin.
L'action collective décidée
et collectivement menée éliminerait ainsi
progressivement les
risques
d'intervention abusive des
Etats
forts
à
l'intérieur
d'Etats faibles.

-404 -
CONCLUSION
GENERALE
Tout au long des développements qui précèdent,
nous
nous sommes
efforcés de
faire
le
point sur
l'état actuel
du
débat relatif
au droit d'ingérence,
d'en exposer
les enjeux,
d'analyser et de discuter les prises de position y relatives,
de tracer quelques perspectives de réflexion.
En tout état de
cause,
nous ne saurions prétendre avoir été exhaustif sur une
question
qui
semble
appelée
à
faire
encore
l'objet
de
discussions
entre
juristes.
Après
une
analyse
dont
le
but
était à la fois de définir le contenu conceptuel,
le fondement
juridique
éventuel
et
la
traduction
matérielle
du
nouveau
droit d'ingérence, il est possible d'énoncer un certain nombre
de conclusions générales, touchant à l'action humanitaire et à
la protection des droits de l'homme.
l
- Le droit d'ingérence. un droit mort-né?
La première conclusion générale concerne le devenir
du droi t
d'ingérence
lui -même.
Après
une phase de
rhétorique
abondante,
il Y a
en effet comme une érosion de l'idée telle
qu'elle
avait
été
énoncée
au départ par ses
promoteurs.
Une
érosion
qui
nous
semble
due
à
un
déplacement
complet
de
perspective
au
niveau
des
acteurs
chargés
de
la
traduction
concrète
du
droit
en
promotion.
On
a
l'impression
d'un
détournement
de
finalité
de
l'idée
originelle
et
ce
par
le
biais d'une double bifurcation.
La
première
bifurcation
tient
à
l'irruption
fracassante de l'Etat sur la scène humanitaire internationale,
et
principalement
en
ce
qui
concerne
l'ingérence.
De
l'assistance organisée comme
un droit
pour
les organisations

-405 -
non-gouvernementales
d'agir
en
faveur
des
populations
sinistrées,
on
semble être passé sans véritable transition
à
la
possibilité
revendiquée
pour
des
Etats
d'intervenir
militairement contre
d'autres
qui
opprimeraient
leurs
sujets
(527).
D'un
droit
infra-étatique
et
transnational
on
se
retrouve avec un droi t
des Etats,
mi s
en oeuvre par eux.
Le
droit
d'ingérence,
pour
certains
Etats,
semble
apparaître
comme une occasion facile de se
libérer des contraintes déjà
mal assumées du principe de non-intervention dans les affaires
intérieures des
Etats.
Cette mainmise des
Etats
sur
l'action
humanitaire
est
certainement
une
source
de
confusions
et
pourrait être un élément perturbateur de
l'évolution vers
la
consécration
normative
du
droit
d'ingérence
humanitaire.
L'Etat
apparaît
dans
toute
son
omniprésence
comme
l'acteur
incontournable
de
la
scène
internationale,
position
encombrante
pour
les
organisations
humani taires. Cette
situation est pourtant inévitable,
l'Etat étant le seul acteur
ayant
directement
à
sa
disposition
les
moyens
de
mener
une
action coercitive.
La
deuxième
bifurcation
se
trouve
dans
la
récupération du principe de
libre accès énoncé au profit des
organisations
humanitaires
par
le
Conseil
de
sécurité
des
Nations
unies,
qui
va
dorénavant
se
charger
de
sa
mise
en
oeuvre.
Le
libre accès humanitaire aux victimes des conflits
armés devient ainsi un moyen supplémentaire dans la panoplie à
la
disposition
du
Conseil
pour
ajuster
les
situations
internationales attentant de près ou de loin à la paix et à la
sécurité internationales.
Pour le Professeur SUDRE,
il s'agit

d'"une
singulière
récupération
de
l'idée
initiale
d'ingérence
humanitaire"
(528).
Cette
récupération
ne
va
( 527 ) HASSNER, P. Devoirs, dangers et dilelJes. in Le débat, vol. 67, p. 16.
(528) SUDRE, F. "Ingérence hUianitaire", droit ou devoir? Couunication présentée lors de la
journée d'études "Droit d'ingérence, devoir d'assistance hUianitaire, droits de l'houe"
organisée par l'Institut des Droits de l'holte du Barreau de Montpellier, 12 Juin 1993, p. 10.

-406 -
pas sans ambiguïté
;
en particulier,
i l
faut
insister sur le
fait
que
l'action
humanitaire
ne
peut
être
qu'un
volet
de
l'action
plus
globale
de
maintien
de
la
paix
et
qu'elle
ne
saurait servir à elle seule de modalité de gestion des crises.
Les exemples Somalien et Bosniaque nous semblent confirmer ce
point
de
vue.
Bien
que
depuis
le
mois
de
Juin
1993,
les
attaques
des
forces
des
Nations
Unies
contre
la
faction
appartenant au Général AIDID puissent paraître contestables à
un certain
point
de
vue,
notamment du
fait
de
l'ampleur des
pertes en vies humaines et des destructions d'infrastructures
matérielles,
elles
illustrent
une
sorte
d'évidence
l'opération humanitaire armée décidée
le
3 décembre
1992
par
le Conseil de sécurité ne pouvait tenir lieu, à elle seule, de
modalité de gestion de la crise somalienne. Le désarmement des
factions
aurait

être
prévu
expressément
comme
la
mission
priori taire
des
casques
bleus
dans
ce
pays.
Or
il
a
semblé
qu'au départ de leur action
,
les Nations Unies recherchaient
la
"paix"
à
travers
la
protection
armée
des
missions
humanitaires. Cette logique était une logique à
l'envers.
L'on
doit donc saluer
la démarche plus cohérente affirmée dans
la
résolution 837 du Conseil de sécurité en date du 6 Juin 1993
du préambule de laquelle il ressort que " le rétablissement de
l'ordre
public
dans
toute
la
Somalie
contribuerait
aux
opérations de secours humanitaires,
à
la
réconciliation et au
règlement
politique,
ainsi
qu'au
relèvement
du
pays".
Dans
cette nouvelle perspective,
la mis~ion humanitaire est remise
à
sa place:
une
action
rentrant dans un cadre plus vaste et
non pas une fin
en soi.
Par ailleurs,
l'attitude des Nations
Unies
vis-à-vis
de
la
faction
du
Général
AIDID
peut sembler
discriminatoire.
En
effet,
en
s'en
prenant à
elle
seule,
la
considérant comme l'unique obstacle sur le chemin de la paix,
les Nations Unies s'engagent inévitablement dans une stratégie
favorable
à
d'autre~ factions.
Toutefois,
il
importe de dire
avec
force
que
l'O.N.U.
n'est
pas
une
organisation
humanitaire,
astreinte
au
principe
de
neutralité
l'O.N.V.
est fondée à opérer entre des belligérants des distinctions de

-407 -
caractère défavorable, pour autant que celles-ci contribuent à
la
réalisation
de
sa
mission
de
maintien
de
la
paix
internationale. Tout
au
plus
pourrai t-on
exiger
que
les
éléments
matériels
objectifs
sur
lesquels
s'appuient
les
Nations Unies pour opérer des distinctions défavorables entre
les belligérants soient au-dessus de toute contestation.
A ce
sujet,
la
résolution
837
du
6
Juin
1993
qui
parle
d'''attaques
armées
préméditées
que
des
forces
appartenant
semble-t-il au Congrès Somali Uni
(USC /
SNA) ont lancées le 5
Juin
1993
contre
le
personnel
de
l'Opération
des
Nations
Unies en Somalie",
jette le doute sur les responsabilités des
attaques
subies
par
les
forces
internationales.
Pourtant,
cette prudence dans les formules n'a pas toujours été reflétée
dans la violence des actions de représailles sur le terrain.
Bien qu'il soit vraisemblable que l'attitude de la faction du
Général AIDID n'ait pas été des plus coopératives vis-à-vis de
l'organisation
internationale,
on
peut
cependant
se
demander
si
l'on
ne
pouvait
pas
"neutraliser
les
systèmes
de
radiOdiffusion qui contribuent à
la violence et aux attaques
dirigées contre O.N.U.S.O.M.
II''
(article
3 de
la résolution
837) autrement qu'en les détruisant complètement, ajoutant aux
destructions déjà importantes de la guerre civile.
La
situation
en
Bosnie-HerZégovine
milite
pour
la
même évidence relevée ci-devant:
tant que
la F.O.R.P.R.O.N.U.
n'interviendra pas de
façon
réellement dissuasive contre
les
belligérants,
sa tâche de
protecteur de
l'action humanitaire
sera
toujours
controversée.
L'action
des
Nations
Unies,
et
notamment
celle
du
Conseil
de
sécurité,
ne
saurait
se
confondre
avec
celle
d'une
Croix-Rouge
universelle.
Cette
action
doit
tendre
à
rendre
aussi
inutile
que
possible
l'action des
organisations
humanitaires,
et non
simplement à
la sécuriser.
Dès lors que
le Conseil de sécurité s'est saisi de
la mise en oeuvre du principe de libre accès humanitaire, ne
doi t-on
pas
tenir
le
droit
d'ingérence
humanitaire
pour
un

-408 -
droi t
mort-né
?
Le propre de
l'action du Conseil de sécurité
en
vertu
du
chapitre
VII
de
la
Charte,
c'est
l'ingérence
autoritaire,
qu'elle
soit
non-militaire
ou
militaire.
Du
moment
que
l'action
humanitaire
trouve
son
efficacité
dans
l'usage
du
chapitre
VII
de
la
Charte,
le
droit
d'ingérence
humanitaire perd toute autonomie conceptuelle
;
il n'est plus
que
l'intervention,
en
matière
humanitaire,
du
Conseil
de
sécuri té
dans
le
cadre
de
ses
compétences
classiques.
Cette
analyse
vaut
également
pour
les
droits
de
l ' homme.
Certes,
l'intervention en faveur des droits de l'homme violés dans un
Etat
demeure
exceptionnelle,
même
de
la
part
du
Conseil
de
sécurité.
Cependant,
c'est
bien
dans
ce
sillage
qu'un
droit
d'ingérence en
faveur
de
la protection des droits de
l ' homme
pourrait
s'exercer.
Il
se
produirait

une
sorte
d'institutionnalisation
de
l'intervention
d'humanité
ou,
mieux,
ce serait l'avènement d'une
intervention d'humanité de
sécurité
collective.
Le
climat
actuel
semble
aller
dans
ce
sens.
En définitive,
le droit d'ingérence
apparaît comme
une
désignation
nouvelle
de
réalités
juridiques
existantes
et
parfai tement connues,
entreprise ()ont
on
peut raisonnablement
douter
de
l'utilité
Il
n'est
point
question
à
travers
le
droi t
d'ingérence en promotion,
avons-nous dit,
d'octroyer un
droit d'action
unilatéral
aux Etats.
Ce serait en effet pour
le moins étrange que désormais,
face
à
une menace à
la paix
due à des violations des droits de l'homme,
on n'appliquât pas
les mesures de sécurité collective
prévues
par
la Charte des
Nations
Unies.
Or
si
de
telles
mesures
sont
effectivement
mises en oeuvre,
quel intérêt théorique et pratique y a-t-il à
les
recouvrir
du
manteau
encombrant
et
flou
du
droit
d'ingérence
?
Devant
un
concept
"sauvage",
plus
porteur
d'obscurité que de potentialités novatrices dans la discipline
du droit
international,
ne vaudrait-il
pas mieux adopter une
attitude de rejet pur et simple ?
L'un des
résultats
les
plus
tangibles du débat
sur
le
droit
d'ingérence
réside
dans
l ' hypertrophie
sensible
du
chapitre VII
de
la
Charte.
Hypertrophie
qui,
si
elle
devait

-409 -
être
poursuivie,
l.e
rendrait
bientôt
méconnaissable.
si
tel
devait pourtant être le seul apport des discussions relatives
au droit
d'ingérence,
ce
serait
déjà
un
acquis
appréciable.
Bien
entendu,
il
faut
dire
que
l'hypertrophie
du
champ
d'action du Conseil de sécurité est une donnée inscrite dans
le
chapitre
VII,
à
travers
la
notion
de
menace
à
la
paix,
notion dont la faculté d'adaptation semble inépuisable
: elle
n'est donc pas créée par le débat sur le droit d'ingérence. On
doit toutefois admettre que l'atmosphère créée par ce débat a
encouragé le Conseil à s'occuper plus activement des questions
humanitaires
à
l'intérieur
des
Etats,
sans
que
pareille
initiative
fasse
l'objet
d'une
condamnation
générale
pour
excès de pouvoir.
II - Le droit d'ingérence.droit illusoire ou nOrme
en devenir ?
La
seconde
remarque
d'ordre
général
que
nous
inspire
cette
étude
est
que.
le
spécialiste
du
droit
internationale doit se montrer particulièrement prudent sur la
question
du
droit
d'ingérence.
Le
principe
de
non-
intervention,
toujours
combattu
et
jamais
disparu,
est
à
nouveau sur la sellette et semble se réduire comme une peau de
chagrin.
L'aspect
"prime
à
l'indifférence"
du
principe
est
répudié
avec
justesse
mais
ne
risque-t-on
pas,
à
trop
combattre
ce
premier
aspect,
de
remettre
en
cause
l'aspect
protecteur
de
la
liberté
d'action
des
petits
Etats
contenu
dans le même principe ? A défaut de pouvoir énoncer de façon
générale
et
définitive
le
moyen
terme
entre
la
non-
intervention
et
le
droit
d'intervention,
celui-ci
devrait
toujours
être
défini
selon
l'époque,
la
conjoncture
internationale
et
la
situation
de
fait
considérée.
Il
est
nécessaire
de
ne
pas
donner
l'impression,
aujourd'hui
difficile
à
dissiper
dans
maints
esprits,
que
le
droit
d'ingérence en
promotion n'est
que
la
légitimation
juridique
d'une stratégie d'intervention taillée sur mesure au détriment
des Etats faibles,
et principalement ceux du tiers monde.
Le

-410 -
juriste, en la matière doit veiller à encadrer et contenir les
tentatives
d'action
unilatérale
des
Etats,
et
non
à
les
encourager et les légitimer.
Le sort du droit d'ingérence n'est pas fixé,
il est
en devenir,
ou en
sursis.
c'est
vrai
qu'à
l'heure
actuelle,
au-delà
du
terme
"droit
d'ingérence",
on
est
encore
à
la
recherche
d'un
contenu
convaincant
de
la
norme
en
construction. Malgré la disposition à accueillir la nouveauté,
on
demeure
tenté
d'admettre
l'idée
selon
laquelle
"" l'ingérence
humani taire"
est
le
produit
médiatique
de
la
langue
de
bois
de
l'Organisation
des
Nations
Unies"
(529).
Seule
l'évolution
de
l'ordre
international
dira
si
l'idée
lancée
par
le
Professeur
BETTATI
et
Mr
KOUCHNER
n'aura
été
qu'une
mode
intellectuelle
passagère,
une
volonté
d'irrévérence envers l'ordre juridique international, ou si le
mouvement
enclenché
était
réellement
porteur
d'un
projet
cohérent,
lucide et responsable,
préfigurant une modification
civilisatrice du
droit
international.
L'on
peut
légitimement
s'inquiéter des "discours généreux des prosélytes de l'action
humanitaire,
(de)
l'indignation
moralisatrice
des
activistes
du droit d'ingérence,
(des) rodomontades des va-t-en guerre ou
autres
théoriciens
des
promenades
militaires"
(530)
;
il
n'empêche
que
nul
ne
saurait
se
soustraire
aujourd'hui
sans
mauvaise
conscience
ou
mauvaise
foi
à
l'interpellation
pressante
du
Professeur
BETTATI:
"quel
diplomate
ou
quel
juriste oserait encore opposer au sauveteur de la victime les
prohibitives dispositions d'un droit international obsolète ?"
(531). La formule est
probablement excessive, notamment en ce
( 529) SUDRE, F. "Ingérence hUianitaire', droit ou devoir? cOllunication présentée lors de la
journée d'études 'Droit d'ingérence, devoir d'assistance hUianitaire, droits de l'holle'
orqanisée par l'Institut des Droits de l'holle du Barreau de Montpellier, 12 Juin 1993, p. 1.
e530) LEVEQUE, J.F. Et si l'on inventait une stratéqie de la paix? in Défense Nationale, Mai 1993,
p. 98.
(531) BETTATI, M. op. cit. in Le Trilestre du londe • 1er Trilestre 1992, p. 35.

-411 -
qui
concerne
l'obsolescence
du
droit
international.
Elle
semble également sans appel, ce qui ne saurait abuser. Elle ne
règle
pas
tous
les
problèmes
juridiques
et
politiques
que
draine la question du droit d'ingérence.
On doit
pourtant
reconnaître
l'engagement
humaniste
de ceux qui ont conçu "cette aberration de
logique
juridique
qu'est
le droit d'ingérence"
(532)
et retenir
l'essentiel de
leur message:
la dignité humaine
n'a pas de prix et
pour
la
défendre
toujours
plus
efficacement,
il
ne
saurait
avoir
de
repos
pour
l'imagination
créatrice
de
tous,
y
compris
et
à
commencer
par
les
spécialistes
du
droit
international.
Dans
cette
perspective
de
créati vi té,
on
doi t
relever
les
"esquisses de propositions tendant à combiner l'efficacité de
l'intervention d ' humanité
avec
l ' impartiali té de
l'assistance
humani taire"
(533),
Ne
comportant
pas
de
détails
concernant
l'organisation concrète de cette combinaison,
la formule peut
sembler
générale.
Au
moins,
pourtant,
nous
semble-t-elle
comporter un élément capital
l'exclusion d'une restauration
pure et simple de la pratique des interventions d'humanité.
Il
s'agit,
semble-t-il,
d'en
récupérer
seulement
la
dimension
coercitive,
qui
était
le
gage
de
son
efficacité,
Il
peut
paraître
difficile
de
ne
conserver
de
l'intervention
d' humani té que cette dimension d' eff icaci té en en abandonnant
la trame
idéologique et
politique,
aspects
indissociables de
l'institution.
Pour
autant,
cela
ne
signifie
pas
que
la
proposition du Professeur DOMESTICI ne soit qu'une pure vue de
l'esprit (534). Plusieurs années auparavant, un
auteur
avait
(532) CORTEN, O. Co.pte rendu de lecture des Mélanges Gilbert Apollis, RBDI, 1992/1, p. 302.
(533) lXJIESTICI, M.J. op. cit. APDI, 1989. p. 148.
(534) Pour le Professeur SUDRE par exe.ple, "c'est une illusion( ... ) de penser que l'on puisse
'colbiner l'efficacité de l'intervention d'hUianité avec l'i.partialité de l'assistance
hUianitaire", COllunication citée. p. Il.

-412 -
déjà
évoqué
l'idée
d'une
"assistance
militaire
humanitaire"
pour
traduire
la
nécessité
de
l'appui
des
armes
à
une
entreprise d'assistance désintéressée (535).
La combinaison proposée par le Professeur DûME5TICI
ne peut être reçue que si elle revêt l'aspect de ce que nous
avons appelé l'intervention d'humanité de sécurité collective.
Cette
dernière
pourrait
revêtir
deux
formes
quant
à
ses
modalités de mise en oeuvre: soit elle est décidée directement
par
le
Conseil
de
sécurité
des
Nations
Unies
ou
par
l'organisation régionale dont l'Etat sur le territoire duquel
l'intervention
est
projetée
est
membre;
soit
elle
est
directement
décidée
par
un
Etat
ou
un
groupe
d'Etats,
le
Conseil
de
sécurité
des
Nations
Unies
et
l'organisation
régionale dont
l'Etat visé est membre étant seulement dûment
tenus au courant de la démarche et l'approuvant sans réserve.
Dans le premier cas,
il s'agirait d'une délégation expresse du
droit d'intervenir; dans le second,
il s'agirait simplement de
l'approbation
d'une
action
déjà
programmée
ou
enclenchée.
Cette
intervention
délégation
expresse
ou
approbation
d'une instance chargée de la gestion d'intérêts collectifs est
le
gage
minimal
que
l'action
armée
entreprise
jouit
d'une
légitimité
satisfaisante.
De
plus
pareille
intervention
ne
nous
semble
pas
particul ièrement
lourde
et
lente,
notamment
pour
ce
qui
est
de
l'approbation,
simple
formalité
légitimante.
C'est probablement dans cette organisation de la
possibilité pour des Etats d'intervenir sous la vigilance
des
(535) FRIED, J.E.R. De l'aide lilitaire hUianitaire à un peuple victile d'oppression crilinelle.
ROC, 1979, Bo 1. Pour l'auteur, il est possible "de considérer une action de solidarité venue de
l'extérieur pour lettre fin à des souffrances hUiaines ayant atteint un degré extrêle cOlle
n'étant pas entachée des aspects négatifs que cOlportent les interventions illicites. Ce genre
d'action de solidarité tout à fait exceptionnelle pourrait être qualifiée d'"assistance
lilitaire hUlanitaire"". p.lO).

-413 -
instances
de
sécurité
collective,
dans
cette
sorte
d'uni l atéra 1isme
bien
tempéré
et
bien
encadré
ou,
en
sens
inverse,
de
gestion
collective
allégée,
qu'un
droit
d'ingérence
à
des
fins
humanitaires
pourrait
trouver
son
avenir. Les Etats n'ont pas à redouter outre mesure une telle
évolution pour leur souveraineté. Car,
selon la
juste formule
du
Professeur
ARNTZ,
"quelque
respectables
que
soient
les
droits
de
souveraineté
et
d'indépendance
d'un
Etat,
il
y
a
quelque
chose
de
plus
respectable,
c'est
le
droit
de
l'humanité, qui ne doit pas être outragé" (536).
(536) ARlITZ, E.R.N. Prograue du cours de droit des gens fait à l'Université de Bruxelles. 1882,
p. 77-78.

DOCUMENTS
ANNEXES

r
RÉSOLUTlO:"
nll31 1
Conseienle de l'imponance que revêl l'assis lance huma·
AI>OI'TF.E l'AR L'ASSE:\\IIILEE (iE:-;F.R,\\LE
nilaire pow les viclimcs de calasuophes nalurelles el
DES ~ATlO~S wm:s LE K OF.CDIIlHE 1988
~i,uauons J':.u t;c.ncc dL. même orare.
ASSISTANCE HU:\\1AMTAIRE AUX
CoMlalanl que la communauté inlernalÎona.1e apporte
VICTIMES DES CATiSfROPllES
"ne conl!ib"lÎùn irllponanle au soulien CI à'la prolec·
NATURELLES ET
tion de ces viclimes. donl la sanlé Cl la vie peuvenl être
SITUATIONS D'URGENCE DU M~ME ORDRE
gravemen! menacées.
.
Considiranl que le fail de laisser les viclimes de calas·
L'Asumblée gin/rale,
uophes nalUlelles el silualions d'wgence du même ord/e
saru ,çsislance humUlÎlaire représenle 'Ule menace à la
Rappelanl qu'un des buIS de l'Organisation des Nations
vie humaine el une alleinle à la dignilé de l'homme.
Unies est de réaliler la coopérai ion inlernationale en ré·
solvanl les problèmes inlernaLionau~ d'ordle éeono·
Pr/accupie pu les difficuhés que peuvenl renconue/les
mique social, inlellecluel ou humanilaire, en dévelop·
viclimes de cltlSlrophes nlturelles et situations
pOlJlI el en encourageanl le respecl des drolls de l'homme
d'urgence du même ordre pour recevoir une usislance
cl de=
libenés
fondamenlales
pour
10UI.
sanl
hun.ulliaire,
dislinclion de race, de seAc. de langue ou de r,'i~ion,
Con ...incue que. dans la mise en œuvre d~ l'usiSlancc
Riaffirmant la souveraineté, l'inlé~rilé 'crTiloria'~ ri
humanilli:e, en parliculier d~ns "apporl de nourrilure.
l'unité nalionale des Elats el reconnaissant que c'ell à
ce médicatO.nlS ou de s.,ins médicauA, pow lesquels
chaque Elal qu'il incombe au premier chef de prendre
l'lccb aUl! viclimes esl indispeflSable, la rapidilé per-
soin des viclimes de calastrophes nalurelles el silua·
mel d'éviler que le nombre de ces victimes ne s'accroisse
lions d'urgence du même Ndre se produisanl sw son u:r·
llagiquemenl.
riloire.
Corucienle que, à côlé de l'aclion Iles gouvernements el
Profondiment préoccupée par ICI souffrances des vic-
des organisalions iniergouvernemenilles, la rapidilé cl
limes de caluuophes naeurelles el SilUalions d'urgence
"cCtiC.cilé de celle Issisllllce repose ni souvenl sur le
du même ordre. par les pcrlCs en vies humaines, les des·
concoun
el
l'aide
d'organisations
loclles
et
truelioflS de bieflS el les déplacements musiC. de popu-
d'organisalions non gouvernemenlales agissant dans un
lalions qui en rélullent,
but smclement humanitaire;
Ayanl à l'espriJ que les eawtrophel nacurclles el silua.
Rappelanl que. dans les cu de cltutrophes naturelles et
lions d'urgence du même ordre ont des conséquences
SilUllio~s d'urgence du même ordre, les principes
graves sur les plans économique cl social pour 10US les
d'humanllé. de neutralilé el d'impartia.1ill! devraient faire
pays louchés.
l'objet d'une particulière considérltion pour lous ceUl!
,
qui dispensenl une usislance humanilaire;
Souhaitant que la communaulé inlemationale puisse ré·
pondre rapidemenl cl c((icacemenl au~ appels à
1. Rlaffirme l'impollince de l'assis.once humani,"ire
l'assislance humanilaire d'urgence lancés nOtammenl
pour les vic limes de CIllSllophes nllurelles cl silua·
pu l'inlenm~iairedu Secrélaire général,
tions d'wgenee du même ordre;
2. Riaffirme Igalement Il souverlinelé des EIIl> Irrec.
tés et le rôle premier qui leur revicnt dans l'initiltive.
1 CondilionU'adoplion: consensus

l'organisaùon. la coordinalion el la mise en œuvre de
l'assislance humanilaire sw lews le(Tiloues respectifs;
3. SOU/i/lM l'imponanle conltibution ~ l'assislance hu·
manilaire qu'apporlenl les organisalions inlergouverne.
mentales et non gouvernemenlales agissant dans un but
striclemenl humanilaire;
4. I"vile 10US les Et..u qui ont besoin d'une t"lIe a.ssis.
lance l facililer la mise en œuvre par ces organisaùons
de l'assistance humanitaire. nolammenl l'appon de
nourrilwe, de médicaments el de soiru médicaux. pow
lesquels un acch aux viCiimes esl indispensable;
5. Lall4e U!\\ appel. en conséquence, llous les Elau pow
qu'ils apporlenl lew appui l ces mêmes I)rganiSlùons
dans leur aClion d'usislance humaniLlue. l~ où elle eSl
néce5saire. au'" viCiimes de calasltophes nalwelles el
siluaùons d'urgence du même ordre;
6. Prie inslammenl les ElalS silués ~ proximiLé de lones
viclimes de catlSuophes "aturelles el silullions
d'wgence du même ordre. paniculièremenl dans le cas de
régions ùifficiles d'aecb. de parliciper éltoilemenl au",
efforts internationaux de coopération aVec les pays lOu·
chés. en VUe de faciliter. dans la mesure du possible. le
ltlllSil de l'assislance humanilaire;
7. Demande ~ IOUles les organisaùons inlergouverne.
meulales, gouvernementales el non gouvernemenlales
compélenles dans l'assistance humanilaire de coopérer
le plus élroilemenl possible avec le Bureau du
Coordonalew des Nalions Unies pow les secows en cas
de calasltophe ou tout mkanisme ad hoc mis en place
par :e SccréLlil'e général lIa coordination de l'aide;
8. Prie le Secrélaire général de recueillir les vues des
gouvernemenU el des organisations inlergouvernemen·
laies. gouvernementales ct non gouvernemenlales sur la
possibil;lé 1'; r,,,f'lrc<-; l'efficacilé de. mkanismes in·
l:rnlli"~~l:x el d':ccr01:1" la r.pid;lé des s~cours <:ans
les meilleures condilion. pow les viCiimes des. Cllas·
Iro~hes Joalurelles .:1 .ilualions d'url':n;e du même
ordre. Il où il le flU~ cl de rendre oomple ll'Assemblu
générale Ion de sa quaranle.cinquième session;
9. Dlcitie d'examiner celle question l SI quarante.cin.
quième session.

Souhallant v"'emenl que la communaulé inlernationale
puisse répondre rapidement et eClieacement aux besoino
d'assislance humanilaire d'urgence exprimés nOlanunenl
par l'interméd .."e du Secrétaire général,
Préoccupée par les diflicullés ct les obslacles que peu·
vent rencontrer les viClimes de cal"lrophes nalurelles
Cl sltuatlons d'UTgcn-:C du même 'lrdfC pour recevoir un::
assistance humanitaire,
Convaincue que, dans la mise en Œuyre de l'usistance

hwnanilaire, en parliculier dans l'apport de nourriture,
• •
de médicamen:s ou de soins médicaux, pour lesquels
l'accès aux victimes elt indispensable, la rapidité pero
met d'éviter que le nombre de ces victimes ne s'accroisse
lIagiquement;
RÉSOLUTION 45/100 ADOPTÉE PAR
Rappelant à cet égard, la Déclaration du Caire 6 adoptée
L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES ~ATlO"'S
par le Conse,l mondiai de l'alimenlation, à sa quin7.ième
UNIES LE
14 DÉCEMBRE 19905
session, proposanl notamment un accord internalional
sur le lIansport de l'aide alimenlaire d'urgence;
ASSISTANCE HUMANITAIRE AUX
VICTIMES DES CATASTROPIIES
Consciente que. l ctllé dc l'accion des gouvernements et
NATURELLES ET SlTUATlOI'S D'URGEI'CE
des organisalions intergouvernementales, la rapidilé cl
DU MÊME ORDRE
l'cllicaeilé de celle assistance reposent souvent sur le
concours
ct
l'aidr
d'organisations
locales
ct
d'organISations non gouvernementales agissant de fa·
çon impartiale ct dans un but slIictement humanitaire,
L'Assemblée générale,
Réaflinnanl la nécessité pour les organisations inter·
Rappelant sa résolution 43/131 du 8 décembre 1988,
gouyernemenlales, gouvernementales ct non gouver·
nemenlales compélentes dans l' ..sistance humanitaire
Rappelant qu'un des buts de l'Organisation des Nations
de coopérer le plus élIoitement possible avec le Bureau
Unies est de réalis~r la coopération inlernationale en ré·
du CoordoMaleur des Nations Unies pour les secours en
solyanl les probl~mes internationaux d'ordre éeono·
cu de calulIophe ou toul mécanisme ad hoc mis en
mique, social, intellectuel ou hwnanitaire, en dévelop'
place par le Secrétaire général à la coordinalion de
pant et en encourageant Ic rcspect des droits dc l'homme
l'aide.
et
des
libertés
fondamentales
pour
tous,
saros
distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.
Soucieuse de l'eflicacité de celle assistance. qui exige
"~e jus'~ éyaluation Jes besoins, une pré~a:ation expé.
RéaCfumanl la souveraineté, l'intégrilé territoriale et
rimentée des actions et 'Jne coordination eflicace de leur
l'u'l.ité flationale des Etats et reeonflaiSSll:t que c'est l
co'nduil:,
chaque Etat qu'il incombe au premier chef de prendre
soin des victimes de catastrophes naNrelles et situa·
Rappelant que, dans les Cil de cat..uophes nalurelles ct
tions d'urgelle: du même ordre se produisant sur son ler·
situations d'urgence du même ordre, les pr;.,cipes
rilaire.
d'hwnani~, de neulIalité ct d'irnpartialiLé deyraient faire
l'objet d'une particulière considération pour tous ceux
Profondément pr*cupée par les souffrances des vic·
qui dUpensenl une IIsislance humanitaire,
times de catasuophes naturelles et siNations d'urge••cc
du même ordre. par les perles en vies hwnaines. les des·
1. Réaffirme l'importance prioritaire de l'..sislance
!rUctions de biens et les déplacements massifs de popu.
humanitaire
pour
les
victimes des
catastrophes
lations qui en résultent.
nalurelles ct situalions j'urgence du même ordre;
Soucieuse du son des perSOlUles qui. lia suite de ces dé.
2, RéaClirme également la souveraineté des EtalS aflce·
placements se Uouyent danl une siNation ex Uêmemenl
tés cl le rôle premier qui leur reyient dans l'initiatiye,
précaire. notamment dans un autre pay" que celui dont
l'organisation. la coorJination et la mise en ŒuYre de
elles sont des ressortissants,
l'..sistance hwnanitaire sur leurs terriloires respectifs;
Considérant que le fait de laisser les vietime~ de catll·
3. Souligne l'importante contribution à l'assistance
trophes naturelles ct siluations d'urgence du même ordre
humanilaire qu'apponent les organisations intergou.
sans assistance humanitaire représente une menace l la
yemementales ct non gouyernementales agissanl de fa·
vie hwnaine et une alleinte l la dignilé de J'homme;
çon impartiale ct dans un but suÎetement humanitaire;
6 Voir Documents officiels de "Assemblée générale,
quarante.quatrième
session,
Supplément
nO
19
S Conditions d'adoption: consensus
(N441l9), première partie.

10, D~cide d'ex&ITliner celle question à sa quarante
4. Invile tous les Elals donl les populations onl besoin
septième session,
d'une Lclle assislance à racililer la mise en ŒUVre par ces
organisalions de l'assislance humanitaire, nolammenl
l'apport de nourrilure, de m~dicatnenLS el de soins médi-
caux, pour lesquels un acds aux viclimes esl indispen-
sahle;
5. Lance un appel en cons~quencc, à tous les EtaLS pour

<]u':ls apponenl leur appui à ces me mes organisations


dans leur aClion d'assislance humaniLaire, là où elle est
nécessaire, aux victimes de calasuophes nalurelles el de
siluations d'urgence du même ordre;
6, Prend acte a.e" salisraction du rapport du Secr~taire
gén~ral 7 sur l'application de la résolution 43/131 el
des indicalions qu'il donne sur les moyens de racililer
RÉSOLUTION 688 (1991)
I"s o;>éralions d'assistance humanilaire, en particulier
ADOPTÉE PAR LE CONSEIL DE SÉCURITÉ
sur la possibilil~ de cr~er, à tiue lemporaire, là où il esl
DES NATIONS UNIES LE 5 AVRIL 19918
nécessaire Cl de manière COnCe(l~e enue les gouverne-
ments louchés el les gouvernemenls el organisations
inler gouvernemenlales, gouvernementales et non gou-
vernemenlales inléress~s, des couloirs d'urgence pour la
lA COI\\Ui/ de s~elU'ili,
disl1ibUlion d'aide médicale el alimenlaire d'urgence;
COTlSeienl
de ses devoirs et de ses responsabilil~s en
7, Prie insllffimenl les EtalS silués à proximil~ de zones
vertu de la Charl.e des Nations Unies en ce qui concerne
v ictimes de ca"slrophes naturelies
el situations
le maintien de la paix el la S«uril~ internalionales,
d'urgeree du même ordre, raniculièremenl dans le cas de
r~gions difficiles d'accès, de participer ~110ilement aux
Ruppelanl les dispos ilions de l'Article 2, paragraphe 7,
eHom inlernat;onaux de coopération avec les pays lOU-
de Ja Chl1\\.C des Nations Unies,
chés, en vue de racililer, dans la mesure du possible le
l1atlSit de l'assistance hum3l1ilaire;
Profon.di_nI prioce"pt par la r~pression des popula.
tions civiles Irakiennes dans de nombreuses partiel de
8, Prie le SeCT~laire g~néral, datlS le cadre des ressources
l'Irak. y compris uu récemment dans les zones de peu.
existantes, de poursuivre, auprès des gouvernemenLS et
plement kurde, laquelle a conduit à un nUl! massif de r~'
des organisalions inlergouvernementales, gouverne-
fugi~s vers des frontières inLernationales et à travers
menlales el nOn gouvernemenlales, les consultations
celles-ci et à des violations de fronlière, qui menacent la
nécessaires en vue de déterminer les moyens de facililer
paix et la s«urit~ inlernationales dans la r~gion,
l'acheminement aux viclimes de calastrophes narurelles
ou silUaticnJ d'urgence du même ordre de l'usislance
Profondl_nI lm.. par l'ampleur des souffrances de la
humanilaire appropri~e, y compris par 1, mise en place
populalion,
de coluloU's d'J/ 6ence, sur la base du rapport ou .sea~:aire
gén~ral el datlS les condilions fixées au paragraphe 6 de
Prntanl nole de- le':res adr~ssCe' pu les Repr~ellla.llS
la
présenle
résol'uior.,
el
de
rendre
comple
à
de la Turquie. et de la France attpru de l'Organisation des
l'Assembl~e gén~rale lors de sa quarante·septième ses·
Nwons Unies. eD daLe respectivement des 2 avril ri 4
sion;
avnl 1991 (Sn2435 el Sn2442),
9, Invite le SeCT~taire général, dans le cadre des res·
PrenDraI rtOIe
~galemenl des leltres adressées pu le
sources exislantes, à ~Iudier la possibili~ de pr~plrer, à
Repr~senlant permanent de la R~publique islamique
partir d'informalions fournies pu les gouvernemenlS el
d'Iran auprt. de l'Organisation des Nalions Unic~ en
les organisai ions inlernalionales gouvernementales et
dal.e respec:ti'em~nt des 3 et 4 avril 1\\191 (Sn~436 el
non gouvernementales peninenles el corn pie lenu des
Sn2447),
travaux d~jà men~s en ce domaine pu l'Organisation des
Nalions Unies. en parliculier par le
Bureau du
Rlaffirmanl
l'engagemenl pris par IOUS les Elals
Coordonnaleur des Nalions Unies pour les secours en
Membres de respecler la souverainel~. l'inl~grilt!
cas de catasuophe, une lisle indicalive d'experlS et
lerrilonale el l'indépendance polilique de l'Irak et de
d'organismes comp~lenls pour l'acheminemenl el la
lous les EtaIS de la zone.
geuion de l'aide humanilaire d'urgence, auxquels
l'Organisuion des Nalions Unies pourrai 1 s'adresser.
AytJnl à l'upril le rapporl du Secr~laire gt!néral en dale
avec le consenlement des Elats concernés,. en vue
du 20 man 1991 (Sn2366).
d'établir une évaluai ion pr«ise el rapide des bësoins el
une d~terminalion efficace des meilleures condilions
d'acheminemenl de l'aide;
8
condilion. de VOle: Il voix pour el 4 contre (Cuba,
Inde, Yemcn el Zùnbabwe)
7 A/45/S87

\\
1. Condamne
la r~preuion des populalions ci.iles
Irakiennes dans de nombreuses pallies de l'Isak, y
compris IIh rteemmenl dans les zones de peuplemenl
kurde, qui a pour conséquence de menacer la paix cIl.
sécurilé inlernalio.. a1es dans la région;
2. Exile que l'Irall. pour conlllbuer k éliminer 1. menaCe
k la pai> el k la steuri~ iruernalionales dans la r~gion.
melle fm sans délai k cel:e répression cl, dans ce con·
IUle, exprin.e l'espoir qu'un large dialogue s'inu.ureu
en .ue d"assurer le respccl des droits de l'homme el des
dloilS po!iliques d. lCoUS les cilOyens Isakitns;
3. lnsisle pour que l'Irole. penneue un accès immédial des
organiSllions humanilaires inlernalionales k louS ecu.
qui ont besoin d'assislance dans loutes les pallies de
l'lrall el qu'il melle k leur disposilion tous les moyens
n6cessaires lieur action;
4. Prie le Secrélaire général de pou:•• ivre ses effor..
hurn:l1Ùlaires en lIak el de lui faire "pporl d'urgence.
é.e~lUellemeni k l'issue d'une nou.elle mission dans la
région, sur le sorl des populations Ci.iles Isalliennes.
el en particulier de la populalion leurde. affeclus par 1.
répression sous IOUles ses formes e.ercée pli les aUlori·
lés Irakiennes;
5. Prie Igo/emenJ le Secrétaire général ';'uLiliser lOus les
moyens k sa disposition, y compris eeu" d"s inslilu,
lions spki&lisées peninenles des Nalions UrLies. pour
faire fare d'urgerICe aux besoins fondamenlaux des réfu-
gi~a cl des populaLions lsakiennes déplacées;
6. lAnce lUI appel k lDus tes ~laU membres cl l Ioules
les organisations humanilaires pour qu'ils pUlicipenl k
cu erforu d'&Ssislance hurnlJlilaire;
7. Exige de I1rak qu'il coopère a.cc le Secréwre général
l ces fil....;
8. Dlcï", de rrllCT sai.ie de la quesLion.

• •

Profond~menl préoccupé par les informations faisant
RESOLUTION 770 ADOl'TtE P.\\R LE
élal d'exaclions A l'enconue de civils emprisonn~s dans
CO.-;SEIL DI:: SECL'RITE
des camps. d.. prisons cl des cenlles de d~tention ;
DES :-;ATlO:-;S UNIF.S LE 13 AOliT 1992 25
P.ésolu A établir dès que possible les conditions voulues
pour acheminer l'aide humanitaire putout où elle est
lA! Conseil de sb:W'it~.
nécessaire en Bosrtie-Herz~govine, conform~ment l la
résalulior: 764 (1992) ;
R~.ffinnant seS rüolutions 71) (1991) du 25 seplembre
1991.721 (1991) du 27 novembre 1991. 724 (1991) du
AgissrJ.l en vertu du Chapilre VU de la Charle des
15 décembre 19':11. 727 (1992) du 8 janvier 1992. 740
Nalions UnieS,
(1991) du 7 février 1992. 743 (1992) du 21 f~vrier
1992.749 (1992) du 7 avril 1992,752 (1992) du 15
1. Exige A nouveau que Ioules les parties cl les aUlles
mai 1992.757 11992 du )0 mai 1992.758 (1992) ~u 8
inl~ress~ s
en
Bosn ie - H crt~gov ine
nré lenl
Juin 1992,760 (1992) du 18 Juin 1992,761 (1992) du
l/Il1ll~lalementles combalS :
29 juin 1992. 762 (1992) du )0 juin 1992, 764 (l992)
du 13 juillel 1992 cl 769 ( 1992 ) du 7 aoül 1992.
2. Exhorte les Elals à prendre. à tille nllional ou dans ie
c.dre d'organisalions ou d'arrangemenlS r~gionaux,
Prenant acle de 1. letoe dalée du 10 aaûl 1992 émananl
IOUles les
mesures n~cessaires pour ra~iliter, en
du RqITéscntanl pennanenl de la Republique de Basnie-
coordinalion avec l'Org'nisalion des Nuions Unies,
Herz~govine aupl ès de !'Organi"llion des Nalions Unies
)'achemin:menl, pu les organisalions humanitaires
(S/144ol ),
rompélenleS des Nalions Urties cl aUlles. de l'assislance
humanilaire A Sarajevo cl pUloul où elle esl n~cessairc.
Soulignanl une fois encore qu'il esl indispensable de
dans d',ulles parties de la Bosnie·Herz~Rov;n" : .
trouver d'urgence une solul1un polilÎqu~ "égoci~c pour
remédier. la silualion dans la R<l'ublique de Bosnie-
3. Exige que soil immédiatemenl accord~e au Comilé
Herz~govine afin de perme Ille Acc pays de vivre en ~x
inle;nalional
de
la
Croix-Rouge cl
aux
aUlles
cl en sécurilé ll'inlérieur dc ses fronlières ;
organisations humanitllÏres compélenles la possibilit~
d'avoir accès sans enllave ct en permanence a 10US les
R~afrllmanl la nécessil~ de respeeler la souverainet~,
camps, prisons cl cenlres de d~lention, cl que tous les
l'inl~gril~ lerritoriale cl l'ind~pendance polilique de la
d~lenus soienl llaileS humainemeRl cl reçoivenl entre
République de Bosnie·Herzégovine ;
aUlles des vivres, un abri cl des soins medicaux ad~ulls;
Consid~ranl que la silualien en Rosnie·HcT'légovine
4. Demande aux ElalS de faire rapport au Secr~taire
constitue
une menace
pour
la paix ct la sécuritt!;
g~n~ral sur les mesures qu'ils prennenl en coordinalion
inlernalionales cl que l'aide humanilaire A la Bosnie-
avec l'Orgutisalion d~s Nalions Urties pour appliquer la
Herzégovine repr~senle un élémeRl imponanl de l'efforl
pr~senle r~solulion, ct invile le Secr~taire g~n~ral à
qu'il déploie en vue de rélahlir la paix cl la s~curilé
examiner de manière conlinue IoUleS nouvelles mesures
intel naliona~cs daM ia régi~n ;
qui
pourraienl
être
nécessaires
pour
assurer
l'acheminemeTot
sar.s
enllave
<'.es
fourritures
Félicilanl la force de protection des Nalions Unies
.humanitaires :
(FORPRONC) de !'octi...n qu'elle eonlin..e d, ;nener pour
soulenir l'op~ralion de secours i SaraJevo cl dans
S. Prie 10US les Ellis d'apporler un appui appropri~ aux
d'aulles parties d~ la Bosrtie-Herzégovine ;
mesureS prises m appliCalio:l de la pr~senle résolution;
Profond~menl lroubl~ par la situalion r~gnanl
6. Exige que IOUles les pUlies ct les aUlles inléressés
aelUellement A Suajevo. qui a s~rieusemenl compliqu~
preMent les mesures n~cessaires pour gUllJItir la
les efforu que déilloie la FORPRONU pour s'acquiller de
sécUJil~ du personnel des Nations Unies cl des auileS
son mandat consiStanl à usurer la s~rurité cl le
personnels chug~s d'acheminer J'aide hurnAI\\ÎIIÎle ;
fonclionnemenl de l'aéroport de Sarajevo ainsi que
l'acheminement de l'aide humanilaire i Sarajevo et l1ans
7. Prie le Secrétaire général d: lui laire périodiquement
d'aUlreS
parties' de
la
Bosnie·Herz~govine
rapporl eoncernaRt
l'applicllioR de
la pré,"nle
conformémenl aux rholulions 74) (1992), 749 (1992).
ré50lulion ;
761 (1992) ct 764 (1992) ainsi qu'aux rappons du
Secrélaire gén~ral qui y sont ~voqu~s ;
8. Décide de resler aclivement saisi de la question.
Conslern~ par la persistance des condilions qui
empéchenl l'acheminement des fournilures hwnani'Aires
A leur lieu de deslinalion en Bosnie·Heri~80vine el par
les souffrances qui en découlenl pour la population de cc
pays;

• •
2S Cor.Jilions cR vote: 12 voix pour ct ) abstentions (
Chine, Inde, Zimbabwe)

Conseil de sécurité des Nations Unies, New York
: Résolullon ClP9r;9~ (199, 1 du J der<mbr< 199:
Résolution 794 sur l'intervention humanitaire en Somalie
.. Le Conseil de sécurité.
Il'Xle imégral)
Nations Uni.:s en Somalie. el que le présent mode de fonc-
Réaffirmant ses résolulions 733 (1992) du:3 janvier 1992,
lionnemenl de l'O'''USO\\1 n'est pas, dans les circonstances
746 (1992) du 17 mars 1992. 751 (1992) du ~~ avril 1992. 767
actuelles, la formule qui convient pour faire face à la
(1992) du 27 juillel 1992 ct 775 (199:) du 28 .oiu 1992.
tragédie en Somalie,
Considéram que
la silUation aCluelle en Somalie
Résolu à instaurer aussilôt que possible les conditions
constitue un cas unique el conscienl de sa détérioration, de
nécessaires pour l'acheminement de l'aide humanitaire
sa complexité et de son caractère extraordinaire, qui appel-
panOUI où le besoin s'en fail senlir en Somalie, conformé·
lent une réaction immédiate et exceptionnelle,
ment à ses résolu lions 751 (1992) et 767 (1992),
Estimant que l'ampleur de la Iragédie humaine causée
Notant l'offre faite par des Etats Membres en vue de
par le conOit en Somalie. qui esl encore exacerbée par les
l'instauration dans les meilleurs délais de conditions de
obslacles opposés à l'acheminemenl de l'aide humanilaire,
sécurité pour les opéralions d'assistance humanitaire en
constitue une menace à la paix et à la sécurité internationales,
Somalie,
Gra\\'ement alarmé par la détérioration de la situation sur
Résolu en outre à rétablir la paix, la stabilité et l'ordre
le plan humanitaire en Somalie el soulignant la nécessité
public en vue de faciliter le processus de règlement poli-
urgente d'acheminer rapidemenl l'aide humanitaire dans
tique sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies,
l'ensemble du pa,"s,
visant à la réconciliation nalionale en Somalie, el encoura·
Nolant les efforts fails par la Ligue des Elats arabes, par
geant le Secrélaire général et son représenlanl spécial à
l'Organisalion de l'unilé africaine, el en particulier la
poursuivre el à imensifler l'aclion qu'ils mènent aux
proposilion faile par son président à la quarante-seplième
niveauK nalional et régional en vue de servir ces objectifs,
session ordinaire de l'Assemblée génétale en ce qui
Considéram que le peuple somali a la responsabilité
concerne l'organisation d'une conférence internationale
ultime de la réconciliation nationale et de la reconstruction
sur la Somalie, el par l'Organisation de la Conférence isla·
de son propre pays,
mique ainsi que d'autres organisaI ions el mécanismes
t. Réaffirme que loutes les parties, tous les mouvements
régionaux, pour fadliler la réconrilialion el un règlement
el toules les (aclions en Somalie doivent, ainsi qu'il l'a
polilique en Somalie el pour répondre aux besolDS humani·
exigé, mellre immédiatement fin aux hostilités, maintenir
taires du peuple de ce pa~"s,
un cessez·le-feu dans l'ensemble du pays et coopérer avec
Rendant hommage au.'\\ efforts que déploient actuelle·
le Représentant spécial du Secrélaire général ainsi qu'avec
ment l'Organisation des Nations Unies, ses institutions
les forces mililaires qui doivent être constituées conformé-
spécialisées, les organisations humanitaires. les organisa·
ment à l'autorisation donnée au paragraphe 10 ci-après afin
lions non gouvernementales et les Etats pour acheminer
de facililer le processus de distribution des secours, de
l'aide humanitaire à la Somalie,
réconciliation el de règlement politique en Somalie:
Répondant aux appels urgents que la Somalie lance à la
2. Exige que toutes les panies, tous les mouvements et
communauté
internationale
afin
qu'elle
prenne
des
lOutes les faClions en Somalie prennent toutes les mesures
mesures pour assurer l'acheminement de l'aide humani·
nécessaires pour faciliter les effons que déploient l'Organi·
taire eD Somalie,
sation des J'ations Unies et ses institutions spécialisées
Se déclaranl profondémenl alarmé par les informations
ainsi que les organisations humanilaires afin de fournir une
persistanles concernant des violations massives du droit
aide humanilaire d'urgence à la population touchée en
international humanitaire en Somalie, en particulier par les
Somalie:
informations concernant des aCles et des menaces de
violences contre k personnel qui participe légalemem à des
3. Exige également que loutes les parties, tous les mouve·
activités impaniales de secours humanilaire, el concernant
ments et toules les factions en Somalie prennent toutes les
des attaques délibérées contre des non<ombattants. des
mesures nécessaires pour assurer la sécurité du personnel
dépôts et des véhicules de secours. des installations médi·
de l'OrganisaIion des Nations Unies et de toutes les autres
cales el de secours, ainsi que les ol>slacles opposés à l'ache·
personnes s'occupant de l'acheminement de l'aide humani·
minement de vines el d'articles médicaux inJispensables à
taire, y compris les forces militaires qui doivent être consti-
la survie de la population civile,
luées conformément à l'autorisalion donnée au para-
Conslerné
par
la
persistanC'C
de
c<'nditions
qui
graphe 10 ci·après :
empêchenl l'acheminement de secours humanitaires à
4. Exige en outre que toutes les parties, tous les mouve·
l'intérieur de la Somalie Cl. en particulier. pM les informa·
ments et tOUles les factions en Somalie mellent immédia·
tions concernant k pillage de secours deslin,;, à la popula-
lement fin à loutes les \\iolalions du droit international
lion aff3mée, des 3!laques .:ontre 1" aéronei; ~( les na\\'ires
humanitaire. ~ compris aux actes tels que ceux qui sonl
apporlanl des serours humanitaire;. et des a\\la'lues contre
décrits ci-dessus. et s'absll~nneDl de commellre de telles
le conllD~ent pakislanais Je l'ONl'SOM à M0~adishu.
violaI ions et de Ids actes:
Prenant noIe a\\ec sati,iJction des lellres Ju Secrétaire
S. Condamne énergiquement toutes les violalions du
~~néral en date Ju 24 nllVcmbre 1992 (S ,~59) el du
droit internatil'nal humanitaire commises en Somalie, y
29 no\\'<mbre 199: lS/24Rt-.';),
compris en rJrliculier les actes qui font délibérément
Esllmanl. comme le Se.:r~taire ~én.:ral. qL~ la situaIion
obstacle à l'a.:heminemem des vi\\'res et des fournitures
en Somalie est IDI,lierab'" d qu'il ~,l dcvenc nécessaire de
médicales es>enticls pour la survie de la population civile,
revoir lé, fondemeDls et rrincipe~ Je base ~~ l'aclion des
el affirme que o:cux qui ,omme\\lent ou ordonnent de

comm~lIre de lels actes en seront tenus individuellement
13. Prie le S<crélaire général et les Etats Membr~ agis.
r~sponsables ;
sanl conk·,mement au paragraphe 10 ci-dessus d'élablir les
6. Decide que les opérations et la poursuite du déplOIe-
mécanislT><s arpropnés pour assurer la coordination entre
ment des 3500 hommes de l'Opération des l'ations Unies
rOrganiswon des :-"alions Unies el les forces militaires
en Somalie (ONUSOM) autorisées au paragraphe 3 de la
desdits Ews :
résolulion 77$ (1992) devraient étre laissées il la discrétion
14. DéaJe de nommer une commission ad hoc composée
du Secrétaire général, qui décidera de leur déroulement en
de membres du Cons.eil de sécurité qui lui fera rappon sur
fonction de son évaluation des conditions sur le terrain, et
l'application de la prkente résolution;
prie le Secrétaire général de le tenir informé et de lui faire
15. ln"lle le S<crétaire général il détacher un petit groupe
les
recommandations qu'il
jugera
appropriées
pour
de liaison de l'ON l'SOM auprès du quartier général du
l'accomplissement du mandat de l'ONUSOM là où les
commandement unifié sur le terrain ;
conditions le perrnellront ;
16. Agissant en venu des Chapilres VII el VIII de la
7. Souscrit à la recommandatioo faite par le Secrétaire
Otane, demande au.~ Elals, à litre nalional ou dans le cadre
général dans sa lettre du 29 novembre 1992 (S/24868), selon
d'organisations ou d'anangements régionaw;, de recourir
laquelle dcs mesurcs devraient étre prises en vertu du
aux mesures qu'ils jugeronl nécessaires pour assurer
Chapitre VII de la Charte afin d'instaurer aUS5Ïtôl que
l'application rigoureuse du paragraphe 5 de la r6olution
possible dcs conditions de ~urité pour les opérations de
733 (1992):
secours humanitaire en Somalie;
17. Prie tous les Etats, en particulier cew; de la région,
8. Se félicite de j'offre d'un ElIt Membre décrite dans la
d'apporter un soulien approprié aw; mesures prises par les
lellre du Secrétaire général au Coaseil en date du 29 no-
Etats, à titre national ou dans le cadre d'organisatioos ou
vembre 1992 (S/24868) concernant l'établissement d'Wle opé-
d'arrangements régionaw;, conformément à la présente
ration en vue de l'illSUluration de CC5 conditions de sécurité;
résolution ~l aux autres résolulions pertinentes ;
9. Se félicite également des offres d'autres Etats
18. Prie le S«rétaire général el. scion qu'il con.'iendra,
Membres en vue de participer' oelle opératioa ;
les Etats ronoemés de lui présenter réguli~rement des
10. Agissant en vertu du Qlapitre VII de la Charte des
rapports, dont le premier scra établi au plus lard 15 jours
Nations Unics, autorise le Secrétaire général et les Etats
après l'adoption de la présente raolution, sur l'application
Membres qui coopèrent 'Ia mise en œuvre de l'offre vU4!e
de celle<i el la réalisation de l'objectif consistant •
au paragrapbe 8 ci-dessus, • employer t\\IUS les moyens
instaurer des conditions de sécurilé de m.ni~re à penoettre
nécessaires pour instaurer ausitôl que possible des condi·
au Olnseil de prendre la décision nécessaire pour assurer
tions de sécurité pour Ics opéntioos de 5CCOUrS bumani-
promplement le p~e • des opéntions suivies de main-
taire en Somalie;
tien de la paix :
IL Demande • tous les Etals Membres qui sont en
19. Prie le S«rétaire génénl de lui présenter, initiale-
mesure de le faire de fournir des forces militaires et
ment dans les 15 jours qui suivront l'adoption de la présente
d'apporter des rontributioos supplélDentaires, en espèces
résolulion. un plan permettant d'assurer que l'ONUSOM
ou en nature, conformélDent au paragrapbe 10 ci-dessus, et
sera en mesure de s'acquitter de son DJ&ndat d~ le n:trail
prie le Secrétaire général de aM WI fonds qui permette
du commandement unifié ;
d'acbemiDer les contributions, le cas échéant, aw; ElIts ou
ZOo Invite le Se.cRtaire général et son représentant
aux opérations ronceroés;
spécial à poumlÏvre Jeurs efforts visant à parvenir à un
U. Autorise le SeattaiR génaaJ et Ics EllIS Membres
règlement politique en SolDalie ;
concernés. prendre les dispositioas néceSSaires aWl fiDs du
ZL Décide de rester activement saisi de 1& question.>
commandement et de la conduite unifiés des diverses
forces, qui refléteront l'offre visée au parasrapbe 8 ci-
dessus ;

• L'InslilUI de Droil inlernalional,
Rappelanl ses Déclarations de New York (1929) sur - les droits interna-
tionaux de l'homme. et de Lausanne (1947) sur _ les droits fondamentaux de
l'homme, base d'une restauration du droit international" ainsi que ses reso-
lutions d'Oslo (1932) et d'Aix~n-Provence (1954) sur
-la détermination du
domaine reservé et ses effets. ;
Considirant que la protection des droits de l'homme. en tant que garantie
de l'intégrité physique et morale de chaque personne et de ses libertés fonda·
mentales, a trouvé son expression tant dans l'ordre constitutionnel des Etats que
dans l'ordre juridique international, et spécialement dans les chartes et actes
des organisations internationales;
que les membres des Nations Unies se sont engagés Il assurer, en coopération
avec l'Organisation, le respect universel et effectif des droits de l'homme et
des libertés fondamentales, et que l'Assemblée générale, reconnaissant qu'une
conception commune de ces droits et libertés est de la plus haute importance
pour remplir pleinement cet engagement, a adopté et proclamé le 10 décempre
1948 la Dl!claration universelle des droits de l'homme;
que les violations graves et fréquentes des droits de l'homme, y compris
celles qui affectent les minorités ethniques, religieuses et linguistiques, suscite:ll
la légitime et croissante indignation de l'opinion publique et déterminent maints

y "
Etats et organisations internationales à recourir à des mesures diverses pour
notamment des violations massives ou systématiques, ainsi qu'à celles portant
assurer le respect des drOIts de l'homme;
atteinte aux droits auxquels il ne peut être dérogé en aUCW1e circonstance.
que de telles réactions, de même que la doctrine et la jurisprudence inter-
Article J
oationales, témoignent du fait que les droits de l'homme, bénéficiant désormais
Les démarches diplomatiques, de même que l'expression purement verbale
d'une protection internationale, cessent d'appartenir à la catégorie des affaires
de préoccupation ou de désapprobation au sujet de violations quelconques des
qui relèvent essentiellement de la compétence nationale des Etats;
droits de l'homme, sont licites en toute circonstance.
qu'il importe toutefois, autant dans l'intérêt du maintien de la paix et des
Arlicle 4
relations amicales entre Etats souverains que dans l'intérêc de la protection des
droits de l'homme, de définir avec plus de précision les conditions et les
Toute mesure, individuelle ou collcctive, destinée à assurer la protection des
limites imposées par le droit international awt mesures que les Etats et les
droits de l'homme, répondra aUll conditions suivantes:
organisations internationales peuvent adopter en réponse awt violations des
1. sauf en cas d'extrême urgence, l'Etat auteur de la violation aura été mis
droits de l'homme;
en demeure de la faire cesser;
2. la mesure sera proportionnée à la gravité de la violation;
Adopte la résolution suivante
J. elle sera limitée Il l'Etat auteur de la violation;
Article premier
4. l'Etat qui y recourt tiendra compte des intérêts des particuliers et des
Les droits de l'homme..sont l'expression directe de la dignité de la personne
Etats tiers, ainsi que de l'incidence de la mesure sur le niveau de vie des
humaine. L'obligation pdur les Etats d'en assurer le respect découle de la
populations concernées.
reconnaissance même de cette dignité que proclament déjà la Charte des
Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Article 5
Cette obligation internationale est, selon une formule utilisée par la Cour
L'offre, par un Etat, un groupe d'Etats, une organisation internationale ou
internationale de Justice, une obligation erga omnes .. elle incombe à tout Etat
un organisme humanitaire impartial tel que le Comicé international de la
vis-à-vis de la communauté internationale dans son ensemble, et tout Etat a un
Croix.Rouge (C.r.C.R.l, de secours alimentaires ou sanitaires Il un Etat dont la
intérêt juridique Il la protection des droits de l'homme. Cette obligation implique
population est gravement menacée dans sa vie ou sa santé ne saurait être
au surplus un devoir de solidarité entre tous les Etats en vue d'assurer le plus
considérée comme une intervention illicite dans les affaires intérieures de cet
rapidement possible une protection universelle et efficace des droits de l'homme.
Etal. Toutefois, de telles offres de secours ne peuvent, notamment par les
moyens mis en œuvre, revêtir les apparences d'une menace d'intervention année
Article 2
ou de toute autre mesure d'intimidation; les secours seront accordés et distribués
Un Etat agissant en violation de l'obligation énoncée Il l'article premier ne
sans discrimination.
peut se soustraire à
sa
responsabilité internationale en prétendant que ce
Les Etats sur le territoire desquels de telles situations de détresse existent
domaine relève essentiellement de sa compétence nationale.
ne refuseront pas arbitrairement de pareilles offres de secours humanitaires.
Sans préjudice des fonctions et pouvoirs que la Charte attribue awt organes
Article 6
des Nations Unies en cas de violation des obligations assumées par les membres
de l'Organisation, les Etats, agissant individuellement ou collectivement, sont
Les dispositions de la présente résolution s'appliquent sans préjudice des
en droit d'adopter, Il l'égard de tout autre Etat ayant enfreint l'obligation énoncée
procédures instituées en matière de droits de l'homme awt termes ou en vertu
à l'article premier, des mesures diplomatiques, économiques et autres, admises
des instruments constitutifs et des conventions de l'Organisation des Nations
par le droit international et ne comportant pas l'emploi de la force armée en
Unies et des institutions spécialisées ou régionales.
violation de la Charte des Nations Unies. Ces mesures ne peuvent pas être
Aritcle 7
considérées comme une intervention illicite dans les affaires intérieures de l'Etat.
Le renforcement des méthodes et procédures internationales, en particulier
Les violations de nature à justifier le recours aux mesures visées ci-dessus
des méthodes et procédures des organisations internationales visant Il prévenir,
doivent s'apprécier en tenant compte de la gravité des violations dénoncées
réprimer et éliminer les violations des droits de l'homme, est hautement
ainsi que de toutes les circonstances pertinentes. Des mesures propres à assurer
souhaitable.•
la protection collective des droits de l'homme sont tout spécialement justifiées
lorsqu'elles répondent Il des violations particulièrement graves de ces droits,

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et des Pays-Bas cl la Grèce. ACEDH, 1968, vol. Il.
Décision sur la recevabilité de la requête Irlande
cl Royaume-uni. ACEDH, 1972, VOL. 15.
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Charte de l'organisation de l'Unité Africaine.
Convention européenne des droits de l'homme;
Convention américaine des droits de l'homme.
Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples.
statut du Conseil de l'Europe.
Conventions de Genève du 12 Août 1949 sur le droit
humanitaire des conflits armés.
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12 Août 1949. Genève, 8 Juin 1977.

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personnalité internationale des ONG. 22 Avril 1986.
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26
septembre 1986.
Protocole additionnel N°
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européenne des droits de l'homme.
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convention sur le droit des
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Vienne,
29 Mai
1969.
Pacte international sur les droits civils et
politiques. 16 Décembre 1966.
Convention interaméricaine pour faciliter
l'assistance en cas de désastres naturels. OEA, 12
Juillet 1991.
2. Résolutions des organes des Nations Unies.
a. Assemblée Générale.
Résolution 217 (III) du 1er Décembre 1948.
Déclaration Universelle des droits de l'homme.
Résolution 1514 (XV) du 14 Décembre 1960.
Déclaration sur
l'octroi
de
l'indépendance
aux
pays
et peuples coloniaux
Résolution 2131 (XX) du 21 Décembre 1965.
Inadmissibilité de
l'intervention
dans
les
affaires
intérieures des Etats.
Résolution 2625 (XXV) du 24 Octobre 1970.
Déclaration sur les relations entre les Etats.
Résolution 36/103 du 9 Décembre 1981.
Déclaration
sur
l ' inadmissibili té
de
l'intervention
et de l'ingérence dans
les affaires
intérieures des
Etats.
Résolution 36/162 du 16 Décembre 1981.
Mesures à prendre
contre les activités nazies,
fascistes et néo-fascistes et toutes les autres
formes d'idéologies et pratiques totalitaires
fondées sur l'intolérance raciale, la haine
et la
terreur.
Résolution 43/131 du 8 Décembre 1988.
Assistance
aux
victimes
des
catastrophes
naturelles
et situations d'urgence du même ordre.

-
445 -
Résolution 45/100 du 14 Décembre 1990.
Couloirs humanitaires d'urgence.
Résolution 45/150 du 18 Décembre 1990.
Renforcement de l'efficacité du principe d'élections
périodiques et honnêtes.
Résolution 45/151 du 18 Décembre 1990.
Respect des principes de la souveraineté et de la
non-ingérence dans
les affaires intérieures en ce
qui concerne les processus électoraux.
Résolution du Il Octobre 1991 sur la crise de la
démocratie en Haïti.
Résolution 46/182 du 19 Décembre 1991.
Renforcement de la coordination de l'aide
humanitaire d'urgence des Nations Unies.
b. Conseil de sécurité.
Résolution 134 (1960) du 1er Avril 1960.
Apartheid.
Résolution 232 (1966) du
Décembre 1966.
Rhodésie du Sud
Résolution 254 (1968) du 29 Mai 1968.
Rhodésie du sud.
Résolution 473 (1980) du 13 Juin 1980.
Apartheid.
Résolution 688 (1991) du 5 Avril 1991.
Kurdistan Irakien
Résolution 733 (1992) du 23 Janvier 1992.
Somalie.
Résolution 746 (1992) du 17 Mars 1992.
Somalie.
Résolution 751 (1992) du 24 Avril 1992.
Somalie.
Résolution 767 (1992) du 27 Juillet 1992.
Somalie.
Résolution 775 (1992) du 28 Août 1992.
Somalie.
Résolution 794 (1992) du 3 Décembre 1992.
Somalie

-
446 -
Résolution 814 (1993) du 26 Mars 1993.
Somalie.
Résolution 837 (1993) Du 6 Juin 1993.
Somalie.
Résolution 752 (1992) du 15 Mai 1992.
Bosnie.
Résolution 770 (1992) du 13 Août 1992.
Bosnie.
Résolution 819 (1993) du 16 Avril 1993.
Bosnie.
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21
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Décembre 1992.
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l'Institut du
Droit
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Les droits de l'homme sont-ils véritablement
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Recherche du contenu irréductible du concept de
souveraineté internationale de l'Etat. in Mélanges
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Les Etats et le droit international : inventer le
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Le respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales
constitue-t-il
une
affaire
interne
de
l'Etat? in Hommage au Pr Miaja de La Muela. 1979,
T. 1.

-
473 -
TABLE
DES
HATIERES
INTRODUCTION GENERALE
p. 11
Paragraphe 1 - Le concept du droit d'ingérence.
p. 18
A -
Le contenu de la notion d'ingérence.
p. 18
1 -
Le critère de l'atteinte aux droits
souverains de l'Etat.
p. 19
2 -
Le critère de l'usage de la contrainte.
p. 22
B -
L'ingérence peut-elle être un droit?
p. 24
1 -
L'impossible habilitation juridique
à violer le droit.
p. 24
2 -
La difficile déconnexion de la notion
d'ingérence de l'idée d'illicite.
p. 25
Paragraphe 2 - Le champ de l'étude.
p.
29
A -
L'action humanitaire.
p.
31
1 -
L'action humanitaire définie par
rapport à son objet.
p.
32
2 -
L'action humanitaire définie par
rapport à l'action politique.
p.
33
B -
La détermination des droits de l'homme
à protéger.
p.
36
1 -
La nature conventionnelle ou coutumière
des droits à protéger.
p.
36
2 -
Droits fondamentaux ou droits
indépendamment de leur importance ?
p. 37
Paragraphe 3 - Problématique générale.
p.
39
A -
L'absence d'exception humanitaire
générale au principe de non-intervention
en droit international positif.
p.
40
1 -
La généralité des formulations du
principe de non-intervention.
p. 41

-
474 -
2 - L'exclusion expresse des exceptions
humanitaires au principe de
non-intervention.
p.
42
B -
La doctrine et la question des
exceptions humanitaires au principe
de non-intervention.
p. 4)
1
- Le consensus doctrinal sur la
soustraction des questions humanitaires
au domaine réservé des Etats.
p. 44
2 -
L'incertitude sur les conséquences de la
soustraction des questions humanitaires
au domaine réservé des Etats.
p. 47
PBEMIER,E PARTIE
LE DROIT D'INGERENCE HUMANITAIRE.
p.
52
CHAPITRE l
-
La difficile formalisation juridique
du droit d'ingérence humanitaire.
p. 53
section 1 -
La nature juridique du droit
d'ingérence humanitaire.
p. 55
Paragraphe 1 - Le droit d'ingérence humanitaire
intervention d'humanité ou droit
d'assistance humanitaire?
p.
55
A -
Droit d'ingérence humanitaire et
intervention d'humanité.
p.
55
1 -
Une filiation historique certaine
des deux
notions.
p.
56
2 -
Deux notions cependant distinctes.
p.
57
B -
Droit d'ingérence humanitaire et
assistance humanitaire.
p. 59
1 -
Une synonymie assez
marquée des
deux notions.
p. 59
2 -
L'ingérence humanitaire,
instrument de
l'efficacité de l'action humanitaire.
p. 63
Paragraphe 2 - La nature intrinsèque du droit
d'ingérence humanitaire: faculté ou
obligation positive d'agir?
p. 65

- 475 -
A -
L'ingérence humanitaire entre le
droit et le devoir.
p. 66
1 -
L'imparfait droit des victimes à
l'assistance humanitaire.
p. 68
2 -
L'imparfait devoir des
secouristes
extérieurs d'assister les victimes.
p. 69
B -
Vers une
transposition du délit de
non-assistance à personne en danger
en droit international public?
p.
71
1 -
Considérations générales.
p. 73
a -
Logique et contenu de l'obligation
d'assistance du code pénal français.
p. 73
b -
L'usage des concepts de droit privé
en droit international public.
p. 76
2 -
Les difficultés de la transposition en
droit international de l'obligation
d'assistance à personne en danger.
p.
77
a -
Les difficultés inhérentes à
l'environnement d'application
de la règle.
p.
78
b -
Des difficultés illustrées par des
expériences décevantes.
p. 80
Section II -
Les sources du droit d'ingérence
humanitaire.
p.
82
Paragraphe 1 - La portée des textes récents adoptés
dans le cadre des Nations Unies.
p.
84
A -
L'activité normative récente de
l'Assemblée Générale en matière
humanitaire.
p. 85
1 -
Les résolutions relatives au libre
accès : contenu et portée des
résolutions 43/131 (1988) et
45/100 (1990) de l'Assemblée Générale.
p.
88
a -
La résolution 43/131 du 8 décembre 1988
et l'énonciation du principe de
l'accès aux victimes.
p.
88

-
476 -
b - L'organisation matérielle de l'accès
aux victimes : la résolution 45/100
du 14 décembre 1990.
p.
92
2 -
Le renforcement de la coordination
de l'aide humanitaire d'urgence des
Nations Unies : la résolution 46/182
du 19 décembre 1991.
p.
93
a -
La codification des principes et
modalités de l'assistance humanitaire
internationale.
p.
93
b -
L'aide humanitaire d'urgence, élément
de l'aide au développement.
p. 94
B -
L'intervention du Conseil de sécurité
en matière humanitaire.
p. 96
1 -
Le précédent créé par la résolution
688 du 5 avril 1991.
p. 99
a -
Le contenu de -la résolution et sa
mise en oeuvre.
p. 100
b -
La portée de la résolution 688 pour
la question du droit d'ingérence
humanitaire.
p. 103
2 -
L'inscription progressive de l'action
humanitaire dans la recherche de la
paix : la résolution 794 du 3 décembre
1992 relative à la Somalie.
p. 108
a -
Le fondement juridique et
l'application de la résolution 794
du Conseil de sécurité.
p. 109
b -
La place de la résolution 794
dans l'institution d'un droit
d'ingérence humanitaire.
p. 115
Paragraphe 2 - Une consécration coutumière
discutable du droit d'ingérence.
p. 124
A -
Des précédents d'ingérence humanitaire
peu concluants.
p. 126
1 -
Des pratiques interventionnistes
nombreuses mais sans pertinence.
p. 127

-
477 -
2 -
Des précédents pertinents mais
peu concluants.
p. 131
B -
Une op1n1o juris au contenu
difficile à préciser.
p. 134
CHAPITRE II -
La traduction matérielle du droit
d'ingérence humanitaire.
p. 139
Section l -
L'élaboration des principes directeurs
de l'action matérielle.
p. 141
Paragraphe l - Les principes protecteurs de la
souveraineté de l'Etat territorial.
p. 141
A -
La subsidiarité de l'aide humanitaire
extérieure
p. 141
1 -
L'interprétation maximaliste du
principe de subsidiarité en faveur
de la souveraineté des Etats.
p. 143
2 -
L'interprétation maximaliste du principe
de subsidiarité en faveur des victimes.
p. 144
B -
Le consentement de l'Etat territorial
à l'assistance humanitaire extérieure.
p. 147
1 -
La nécessité du consentement de l'Etat
territorial: une exigence d'ordre général.
p. 148
2 -
Le consentement de l'Etat territorial
ne peut être arbitrairement refusé.
p. 152
Paragraphe 2 - Les principes organisant l'action concrète
p. 155
A -
Les règles déontologiques
p. 155
1 -
Le principe de neutralité dans
l'assistance humanitaire.
p. 156
2 -
La non-discrimination dans
l'assistance humanitaire.
p. 159
B -
Le Contrôle territorial de l'assistance
le problème des couloirs
humanitaires d'urgence.
p. 162
1 -
La notion de couloirs humanitaires.
p. 163
2 -
La pratique des couloirs humanitaires.
p. 166

-
478 -
Section II -
Les modalités de l'action
p. 169
paragraphe 1 - La définition des acteurs
p. 169
A -
L'ingérence humanitaire des Etats et des
organisations intergouvernementales.
p. 171
1 -
L'Etat, acteur humanitaire
international.
p.
171
2 -
Les organisations intergouvernementales,
acteurs de l'ingérence humanitaire.
p. 175
B -
Les organisations non gouvernementales
et la problématique de l'ingérence
humanitaire.
p. 176
1 -
Les difficultés de la reconnaissance
d'une personnalité juridique
internationale aux organisations
non-gouvernementales.
p. 177
a -
Les tentatives de définition d'un statut
international en dehors de l'O.N.U.
p. 177
b -
La Charte des Nations Unies et les
organisations non-gouvernementales.
p.
180
2 -
L'applicabilité de la règle de la
non-ingérence à l'action humanitaire
des organisations non gouvernementales.
p. 181
a -
La thèse de l'inapplicabilité du
principe de non-ingérence aux activités
des organisations humanitaires.
p. 182
b -
La possibilité théorique d'invoquer
la règle de la non-ingérence à l'égard
de l'activité des organisations
non gouvernementales.
p.
183
Paragraphe 2 - La limitation des moyens
l'ingérence humanitaire et le principe
de non recours à la force.
p. 187
A -
L'ingérence humanitaire, exception au
principe de non recours à la force ?
p. 189
1 -
L'interdiction du recours à la force
dans le droit international
contemporain.
p.
190

-
479 -
a -
Le droit positif concernant le principe
de non recours à la force.
p. 190
b -
Les limites de l'interdiction du
recours à la force énoncée dans la
Charte des Nations Unies.
p.
192
2 -
La compatibilité de l'ingérence
humanitaire armée avec le principe
de non-recours à la force.
p. 194
a -
L'ingérence humanitaire armée et
l'intégrité territoriale de l'Etat concerné. p. 195
b -
L'ingérence humanitaire armée et
l'indépendance politique de l'Etat concerné. p. 198
c -
L'ingérence humanitaire armée et
l'accomplissement des buts des
Nations Unies.
p. 199
B -
L'utilisation de la force armée pour
l'accomplissement de l'action humanitaire.
p. 200
1 -
Les formes de la protection armée
des missions humanitaires.
p. 201
a -
Le recours défensif à la force pour la
protection des missions humanitaires.
p.
202
b -
L'intervention humanitaire de sécurité
collective.
p. 205
2 -
L'ingérence humanitaire armée et les
principes de l'action humanitaire.
p. 206
a -
Un problème peu important pour les
opérations militaro-humanitaires
des Nations Unies.
p. 206
b -
Un problème de conscience pour
les organisations humanitaires.
p. 207
Conclusion de la première partie
p. 210

OEQXIEKE PARTIE
LE DROIT D'INGERENCE ET LA PROTECTION
DES DROITS DE L'HOMME
p.
212
CHAPITRE I
-
L'affermissement des fondements juridiques
p.
218
section I -
L'objectivation du régime juridique
des droits de l'homme.
p.
219
S-Section I -
Considérations théoriques sur
l'objectivation du régime juridique
des droits de l'homme.
p. 220
Paragraphe 1 - L'établissement du caractère
"objectif" des normes relatives
aux droits de l'homme.
p. 221
A -
L'objectivité des droits de l'homme
est liée à leur universalité.
p. 221
1 -
L'universalité des droits de l'homme
est liée à leur inhérence à la nature
humaine et à leur transculturalité.
p. 222
a -
Les droits de l'homme sont inhérents
à
la nature humaine.
p. 223
b -
Le problème de la transculturalité
des droits de l'homme.
p.
224
2 -
L'Universalité du droit international
des droits de l'homme.
p.
227
a -
Universalité des droits de l'homme et
diversité des systèmes régionaux
de protection.
p. 228
b -
L'Universalité des normes matérielles
des droits de l'homme.
p. 230
8 -
L'objectivité des droits de l'homme est
liée à la singularité de leur régime
juridique dans le droit international.
p. 233
1 -
Objectivité des droits de l'homme et
non-réciprocité des engagements
relatifs à ces droits.
p. 234

-
481 -
2 -
Objectivité des droits de l'homme et
existence des procédures de contrôle
des normes s'y rapportant.
p.
238
Paragraphe 2 - L'établissement du caractère erga omnes
des obligations relatives aux
droits de l'homme.
p.
239
A -
Construction et contenu de la notion
d'obligations erga omnes.
p.
240
1 -
Construction de la notion
p.
240
2 -
Contenu matériel de la notion
p.
242
B -
Le fondement juridique des obligations
erga omnes
p. 244
1 -
L'incertitude sur le fondement
coutumier ou conventionnel.
p.
245
2 -
La concurrence des "fondements
coutumier et conventionnel.
p.
248
S-section II - Les conséquences théoriques de
l'objectivation des obligations
relatives aux droits de l'homme.
p. 251
Paragraphe 1 - L'objectivation de la responsabilité
internationale pour violation des
normes relatives aux droits de l'homme.
p. 251
A -
L'objectivation du fait générateur de
la responsabilité internationale pour
violations des droits de l'homme.
p.
251
1 -
Le dommage : condition de la
responsabilité internationale.
p.
252
2 -
De la notion de dommage à l'idée
d'acte illicite.
p.
254
B -
L'objectivation de l'intérêt à
l'action en responsabilité
p.
257
Paragraphe 2 - Le problème de l'"actio popularis"
pour la protection internationale
des droits de l'homme.
p. 259
A -
L'arrêt Barcelona Traction établit-il
l'actio popularis pour la défense des
droits de l'homme?
p. 261

- 482 -
1 -
Les oplnlons doctrinales positives
p. 261
2 -
Les positions doctrinales négatives.
p. 264
B -
Pour une actio popularis sainement entendue. p. 267
1 -
L'actio popularis exclut l'action
coercitive directe.
p. 267
2 -
L'actio popularis suppose un cadre
institutionnel.
p. 269
section I I -
L'émergence progressive en droit
international du principe démocratique
en tant que critère de légitimité
des gouvernements.
p. 272
Paragraphe 1 -
La démocratie dans le droit
international universel.
p. 277
A -
Etude des sources conventionnelles et de
l'admission aux organisations universelles.
p. 280
1
-
Le principe démocratique dans les
conventions universelles relatives
aux droits de l'homme.
p.
280
2 -
L'exigence démocratique à l'admission
dans les organisations universelles :
la S.D.N. et L'O.N.U.
p. 282
B -
L'''actualisation" du principe
d'autodétermination et l'affirmation
du droit à de libres élections.
p. 286
1 -
La portée démocratique du principe du
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
p. 286
a -
La finalité traditionnelle
un principe anti-colonial
p. 288
b -
La réorientation conceptuelle
de l'autodétermination du peuple-Etat à la
libre participation politique des citoyens.
p. 291
2 -
L'affirmation au niveau universel du droit
à des élections libres et démocratiques.
p. 296
a -
Repérage de la consécration du droit
à des élections libres.
p. 297

-
483 -
b -
La protection du droit à de libres
élections: un droit d'intervention
pour la protection de la souveraineté
du peuple ?
p. 299
Paragraphe 2 - Le principe démocratique dans les
ordres juridiques régionaux.
p. 302
A -
L'impératif démocratique dans le
cadre européen.
p. 302
1 -
La légitimité démocratique, principe
directeur du Conseil de l'Europe.
p. 303
2 -
La légitimité démocratique dans
les communautés européennes et le
processus d'Helsinki.
p.
307
8 -
Le système régional inter-américain
et le principe démocratique.
p. 308
1 -
Une obligation démocratique positive
p. 310
2 -
La coexistence entre le principe
démocratique et la non-intervention
p. 311
c -
Le régionalisme africain et le principe
démocratique
p. 315
1 -
L'orientation originelle de l'O.U.A.
la neutralité idéologique.
p.
316
2 -
L'émergence progressive du principe
démocratique dans l'ordre juridique
et politique africain.
p. 319
CHAPITRE II -
L'aménagement des moyens appropriés
d'exercice.
p.
324
section 1 -
L'ingérence institutionnalisée.
p.
326
ParagrAphe 1 - Le droit de regard interétatique
l'exemple de la convention européenne
des droits de l'homme.
p.
327
A -
L'organisation du droit de regard
interétatique.
p.
327
1 -
Les idées fondatrices
p.
328
a -
Le souci de dépasser le cadre classique
de la protection diplomatique.
p. 328

-
484 -
b -
La volonté d'instituer une garantie
collective des droits de l'homme.
p.
330
2 -
L'exercice du droit de regard
interétatique.
p.
334
a -
Le déclenchement de la procédure.
p.
334
b -
L'instruction des plaintes interétatiques.
p.
339
B -
Les limites du droit de regard
interétatique.
p.
343
1 -
Une institution relativement
sous-utilisée.
p.
344
2 -
Une technique de protection inadaptée
aux situations d'urgence.
p. 346
Paragraphe 2 - Le moyen institutionnel universel
efficace:
l'intervention du Conseil
de Sécurité des Nations Unies dans
la protection internationale
des droits de l'homme.
p. 348
A -
La base normative de l'intervention
du Conseil de Sécurité
p.
349
1 -
Les violations des droits de l'homme
constitutives d'une menace à la
paix internationale.
p.
350
a -
L'importance des droits violés et
l'ampleur de la violation.
p.
351
b -
Le caractère brutal, systématique et
flagrant de la violation.
p. 352
2 -
Le Conseil de sécurité et les
violations graves des droits de
l'homme dans les Etats.
p.
353
a -
Le Conseil de sécurité et la
question de l'Apartheid.
p. 353
b -
Le Conseil de sécurité et la
question Rhodésienne.
p. 357
B -
Les conditions d'une légitimité
satisfaisante de l'action du
Conseil de sécurité.
p.
358

-
485 -
1 -
Contrôle de l'action juridique et
représentativité du Conseil de sécurité
p. 361
a -
L'exigence impérative d'un contrôle
de l'activité normative du Conseil
de sécurité.
p. 361
b -
La nécessité de renforcer la
représentativité du Conseil de sécurité
p. 368
2 -
La décentralisation du maintien de la paix.
p. 371
a -
Une nécessité toujours affirmée.
p.
371
b -
Des résultats pas toujours concluants.
p.
373
Section II -
Le moyen para-institutionnel
les contre-mesures étatiques pour
la protection internationale des
droits de l'homme.
p. 375
Paragraphe 1 - De la compatibilité théorique entre
la protection des droits de l'homme
et le recours aux contre-mesures.
p.
377
A -
La radicale opposition entre la logique
réciproque des contre-mesures et la
logique objective des droits de l'homme.
p.377
1 -
Les contre-mesures supposent généralement
la défense d'intérêts subjectifs.
p.
377
a -
La notion de contre-mesures.
p. 378
b -
Nécessité et fondement juridique du
recours aux contre-mesures.
p. 379
2 -
La défense des droits de l'homme implique
l'utilisation des mesures désintéressées.
p. 381
B -
La douteuse efficacité du recours aux
contre-mesures pour la protection des
droits de l'homme.
p. 384
Paragraphe 2 - La coexistence des contre-mesures
étatiques avec les cadres
institutionnalisés de l'ingérence.
p. 386
A -
Considérations générales sur
les
rapports d'antériorité entre
les
contre-mesures étatiques et
l'utilisation des moyens institutionnels."
p. 388

-
486 -
l -
La thèse de l'autonomie des deux
voies d'action.
p. 388
2 -
La thèse de la priorité des mécanismes
institutionnels sur les contre-mesures
étatiques.
p.
390
B -
L'Analyse de l'Institut du Droit
International.
p.
393
1 -
Les contre-mesures et les mécanismes
institutionnels dans les travaux de
l'Institut du droit international.
p.
393
a -
Contre-mesures étatiques et mécanismes
de contrôle des conventions relatives
aux droits de l'homme.
p. 394
b -
Contre-mesures étatiques et
intervention du Conseil de sécurité.
p. 397
2 -
Les modalités des contre-mesures
étatiques pour la protection des
droits de l'homme.
p.
399
Conclusion de la deuxième partie
p. 403
CONCLUSION GBNERAT.R
p. 404
I
-
Le droit d'ingérence, un droit mort-né?
p. 404
I I -
Le droit d'ingérence, doit illusoire
ou norme en devenir ?
p. 409
OOCUMElfTS AlUfEXES
p. 414
BIBLIOGRAPHIE GENERALE
p. 425
TABLE DES MATURES
p.
473

=3c.Ji:
ae :r:;:: s: :eS 3~~e0çeS
Nou veau Régime
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Arrêté du 5 Juillet 1984
,\\IO~'
OLINGA
.Jré~ci71 : Alain-Didi er
27 Novembre 1993
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Contribution à l'étude du dro i t d' ingérence.
(L 1 assistance humanitaire et la protection des droits de l' homme face
au principe de non-intervention en droit international con temporain).
RESU~E
Le droit d' ingérence, évoqué depuis quelques années par des auteurs de
la doctrine juridique internationale pour renforcer l'action humanitaire
internationale et la protection in tern ationale des droits de l' homme,
semble aujourd'hui poser plus de problèmes qu'il n'en résout.
La
pertinence théorique du concept n'est pas établie de façon satisfaisantè.
;"
Sa consécration normative aux Nations Unies demeure incertaine et
controversée,
sa traduction matérielle problématique. Entre le retour à la
pratique récusée quasi-unanimement des interventions d' humanité et la
dilution dans une pratique de la sécurité collecti ve réacti vée par les
changements internationaux actuels,
le droit d'ingérence en tant
gu 1 institution autonome nouvelle a encore du mal à trouver ses marques,
à se donner une physionomie propre. Soo avenir,
d'ores- et déjà,
parait
en sursis,
voire compromis.
.
MOiS-CL=:3
Droi t d' i ngérmce - Droits de l' homme - Sécurité collecti ve .-
Assistance humanitaire - Conseil de sécurité - Cour Internationale de
Justicp. -- Institut du Droit International - Chartes des Nations Unies -
non-recours à la force.
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