UNIVERSITE DE BOURGOGNE
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
LA SITUATION DES CREANCIERS
GAGISTES DANS
LES PROCEDURES COLLECTIVES
Thèse en vue de l'obtention du Doctorat (nouveau régime) en droit
privé présentée et soutenue publiquement à Dijon le 14 octobre 1995
à 14 h 30
par:
Jean Claude JAMES
Jury
... Madame: Arlette MARTIN-SERF,
professeur a
l'Université de
Bourgogne, Directeur de la Thèse
...
Monsieur:
Georges
BOLARD,
professeur
à
l'Université
de
Bourgogne
... Monsieur: Jean LACOMBE, professeur à l'Université de Nancy 2
... Monsieur: Thierry LAMBERT, Maître de conférence à l'Université de
Nancy 2

PRINCIPALES ABREVIATIONS
AGS
Association pour la gestion du régime des créances
des salariés.
al.
alinéa.
A.N.
Assemblée Nationale.
Art.
Article.
àss. plen.
Assemblée Pléniére de la cour de cassation.
a.O.D.A.C.C.
Bulletin official des annonces civiles et commerciales.
Bull. civ.
Bulletin des arrêts de la cour de cassation.
:. civ.
Code Civil.
~. com.
Code de Commerce.
~. proc. civ.
Code de Procédure Civile.
e; trav.
Code du Travail
tass. civ.
Arrêt de la cour de cassation, Chambre Civile.
casso corn.
Arrêt de la cour de cassation, Chambre
Commerciale et Financière.
-ass. soc.
Arrêt de la cour de cassation, Chambre Sociale.
hr.
Chronique.
nntra
Solutions ou opinions contraires .
•1 D. S.
Recueil Dalloz / Dalloz Sirey
~H., D.P.
Recueil Dalloz Hebdomadaire, Périodique.
1[.
Exemple.
az, pal.
Atte du Palais.
rra
Ci-dessous.
R.
Informations Rapides.

J.CI.
Juris -c1asseur.
JCP C.I.
Jurisc1asseur périodique, édition Commerce et
Industrie.
JCP E.
. Jurisc1asseur périodique, édition Entreprise.
lep G.
Jurisc1asseur périodique, édition Générale.
lCP N.
Jurisc1asseur périodique, édition Notariale.
J.O.
Journal Officiel.
J.G.D.J.
Librairie Générale de Droit et Jurisprudence.
)rd..
Ordonnance.
p. cit.
Précité.
.dt
Président.
~P.
Répertoire .
.ev. dr. banc.
Revue de Droit Bancaire et de la Bourse .
.ev. dr. soc.
Revue de Droit Social.
rev. jurisp. cam.
Revue de Jurisprudence Commerciale.
JDA
Revue de Jurisprudence de Droit des Affaires
ev. proc. coll.
Revue des Procédures Collectives.
TD civ.
Revue Trimestrielle de Droit Civil.
I'D. corn.
Revue Trimestrielle de Droit Commerciale
Sirey.
Suivants.
OMM. COMM.
Sommaires Commentés.
-êc.
Spécialement.
.pra
Ci-dessus .

Trib. com.
Tribunal de Commerce.
TGI
Tribunal de Grande Instance.

5
INTRODUCTION GENERALE

6
1 - Dans le contexte econornioue actuel, la seule notoriété du débiteur
ne suffit plus à lui assurer les moyens financiers dont il a besoin pour
développer son activité. La confiance indispensable à l'octroi du crédit exige en
effet que des solides garanties soient offertes aux organismes prêteurs en
contrepartie de leur concours aux entreprises. Ainsi les nécessités du crédit et
l'expansion de la richesse mobilière ont conduit le législateur à transcender la
relation traditionnelle débiteur- créancier, qui engendre une simple obligation
personnelle, pour y superposer un droit réel accessoire: c'est la technique des
sûretés réelles. Celle-ci postule l'affection d'un ou plusieurs biens déterminés
au recouvrement de la créance garantie. Dès lors, le crédit du débiteur repose
l'importance des actifs composant son patrimoine et par-là même leur
aptitude à servir d'assiette à la constitution d'une sûreté réelle.
2 - A ce propos retenons d'emblée que les créanciers gagistes sont
munis d'une sûreté réelle spéciale. Le gage porte en effet sur des biens
mobiliers. Il est le fruit de la volonté des parties et constitue à ce titre
une
sûreté conventionnelle. Les gagistes s'insèrent ainsi dans une catégorie qui les
distingue des créanciers chirographaires pourvus du seul
droit de gage
général prévu par l'article 2093 du code civil. 11s se distinguent en outre des
créanciers bénéficiaires de privilèges généraux ou spéciaux en raison de la
nature de leur garantie. Or, le gage est toujours apparu comme une garantie
offrant la meilleure des protections au créancier contre le risque d'insolvabilité
du débiteur. Son utilité se révèle précisément lorsque le débiteur n'exécute
pas son obligation. Le droit commun, code civil! et code de commerce- , édicte
à cet effet les modalités d'exercice de la sûreté. Mais très souvent si le débiteur
n'honore pas ses engagements, c'est en raison de sa situation financière
obérée, révélatrice de difficultés économiques.
Dans ces circonstances, le débiteur en cessation de paiement peut lui-
même prendre l'initiative de déposer son bilan. Il peut également faire l'objet
d'une assignation en paiement diligentée par un ou plusieurs de ses
1 cf. Art. 2078.
2 cf. Art. 93

7
créanciers et, par suite, après constatation de la cessation de ses paiements;
être soumis à une procédure collective. Dans tous les cas, l'efficacité du gage
sera appréciée à l'occasion de ces procédures, compte tenu de leur finalité.
3 - A cet égard, le droit de la faillite au sens ancien du terme, a
perpétuellement
oscillé
entre
différents
pôles
antagonistes:
d'une
part
assurer le paiement des créanciers spécialement ceux qui se sont ménagés
une sûreté en prévision de la défaillance du débiteur; d'autre part, préserver
le
potentiel
représenté
par
l'entreprise
encore
enviable.
Dès
lors,
les
prétentions légitimes des créanciers gagistes se heurtent à l'intérêt non moins
légitime de l'entreprise et des ses salariés. Mais cette confrontation évidente
ne doit pas occulter le sort des créanciers chirographaires souvent relégués au
dernier plan par la prééminence excessive des créanciers munis de sûretés. La
recherche d'un juste équilibre entre ces impératifs n'a jamais été aisée. Ce
constat apparaît clairement à l'examen de l'évolution historique du droit de la
faillite:'.
4 - A l'origine, du moins depuis qu'elle a
acquis une certaine
autonomie juridique, la faillite a été conçue comme «une voie d'exécution
collective dans l'intérêt des créanciers-" avec une forte coloration pénale. Elle
avait essentiellement pour but daesurer la
sauvegarde des droits
des
créanciers et de punir le débiteur défaillant dans un souci d'assainissement
des milieux d'affaires>. Cette double empreinte a dominé le droit de la faillite
jusqu'à la loi du 13 juillet 1967, malgré quelques assouplissements introduits
par la loi du 4 mars 1889 et le décret du 20 mai 1955. A cette époque, la
procédure reposait sur le respect de la règle de l'égalité entre tous les
créanciers du débiteur défaillant. Elle ne concernait en principe que les seuls
créanciers chirographaires réunis au sein d'une masse inspirée en ce temps là
par de simple considération pratiques. Ces derniers subissaient les effets de la
.1 Cf. C. LABRUSSE, j'évolution du droit trancais de la Iaiiiitr- depuis le code de commerce in faillites, DALLOZ, 1970 ;
R. THURBIDE, Histoire critique de la faillite, l.G.DJ., le)?3
4 Cf. C. LABRUSSE, op. cit., pp. 5-54, n' 1.
5 Cf F. DERRIDA, ?: GODE, Jf'
SOf-<TA1S, L.a loi c:~ 2:', j.u.vier llJ85 sur le redressement et la liquidaticn judiciain-a
des entreprises (Lm n'85- 98 du 25janvwr 1985), Rép. Defrénois 1985,1"'"
Partie, Doctr. et .Juris., Art. 33618, p.
1249.

8
suspension
des
poursuites
individuelles.
Cette
conception
égalitaire,
fondement du droit de la faillite, impliquait dans son essence un traitement
identique par tous les créanciers titulaires de créances de même nature.
Dans ces conditions, les créanciers gagistes ne pouvaient être astreints
au respect de règles prévues et conçues à l'encontre des seuls créanciers
chirographaires. Cependant, ils n'échappaient pas totalement au principe
d'égalité. Ils y étaient soumis indirectement par l'application à leur égard des
règles sanctionnant les constitutions puis les applications frauduleuses des
sûretés pendant la période suspecte ou après l'ouverture. Ainsi sauvegardée
l'égalité originelle entre tous les créanciers. Certes, les gagistes évoluaient,
pour l'essentiel, en marge de la procédure, mais si le produit de la vente du
bien gagé ne suffisait pas à les désintéresser, ils devenaient chirographaires
pour le recouvrement du reliquat. Dans cette hypothèse, ils étaient assujettis
au même régime que les créanciers ordinaires.
5 - Ainsi, l'affirmation du caractère égalitaire du droit de la faillite
maintenait un certain équilibre entre créanciers chirographaires et créanciers
munis de sûreté en raison notamment de la faiblesse relative de ces derniers.
Mais l'antagonisme entre ces deux catégories de
créanciers et surtout
l'amertume des premiers vont s'accentuer avec la prolifération des privilèges
au début du siècle à la faveur des mutations économiques et sociales. Il en
est résulté une profonde altération du principe d'égalité, essentiellement
orienté vers la protection
des créanciers chirographaires. Dans le même
temps,
le
développement
des
besoins
en
équipement
industriel
et
la
croissance de la richesse mobilière favorisent l'émergence de sûreté plus
souple, supports indispensables du crédit à l'investissement. Le vieux
gage
sur
meuble
corporelv
comportant
dessaisissement
du
constituant
ne
correspondait aux exigences de la pratique des affaires ou du moins était
perçu comme un frein à l'activité du débiteur". Ainsi que le faisait remarquer
6 Cf. Sur l'origine et I'évolution du gage avec dépossession,
J. FOYER, Le principe du gage avec dépossession, La loi
de 1863 et ses précédents, in Le gage commercial. Sous la direction de J. HAMEL, DALLOZ 1953, p. 5 .
7 cf. R. ROBLOT, Les sûretés mobilières sans déplacement, Mélanges RIPERT.
Le droit privé français au milieu du
Xxème
siècle, L.D.G.J. 1950, Tome 2, pp. 362 t'1 3., spéc. p. 362, n" 2; J. HEMARD, La restauration des cirons du
créa.r:cier gagiste en matière cummerciale par 1<; jurrspiudcnce francaise, Mélanges R. SECRETAN, 1964, pp. 9S et
s.,spec.p. 96, n"3.

9
le
professeur
HAMEL,
avec
beaucoup
de
réalisme,
«dans
un
monde
économique qui considère le temps comme un facteur de production, la
dépossession du débiteur ralentit les opérations du commerçant et de
l'industriel. Le crédit devient un ennemi de la production. Il ne peut étre
acquis qu'au détriment de celle-ci-s.
6 - Le législateur a dû imagi.ner des sûretés mobilières laissant au
débiteur l'usage du bien grevé. L'apparition de ces sûretés s'est opérée par à-
coups, répondant à des besoins économiques ponctuels, spécifiques. Il suffit
de songer au nantissement sur fond de commerce?
qui a servi de modèle à
l'extension de ces sûretés sans dépossession. Citons par exemple les warrants
à
domicile:
warrant
hôtelier-v,
pétrolier!",
pUIS
industrielt-.
Ensuite
apparurent des nantissements encore plus spécifiques: Le nantissement sur
films cinématographiques '< et sur outillage et matériel!", enfin le gage sur
véhicule autornobile->. Au demeurant, le raffinement de la technique juridique
a permis l'aménagement de nouveaux nantissements portant sur des créances
variées > et sur des biens incorporels particuliers-". Ainsi, l'article 7 de la loi n°
94- 361 du 10 mai 1994 devenu l'article L. 132-34 du code de la propriété
intellectuelle
a institué un nantissement original portant sur le droit
d'exploitation de l'auteur d'un logiciel informatique 18, IL s'agit d'une nouvelle
forme de gage sans dépossession. A ce titre, il doit faire l'objet d'une
inscription à peine d'inopposabilité, sur un registre spécial tenu à l'I.N.P.1.19
8Cf. J. HAMEL, Le gage sans dépossession, D. 19'fS, ch. p.37.
9
Cf. L. 17 mars 1909, cep. L. 18 juil. 1898, qui a institu é le warrant agricole. Ce texte fut modifié par la loi du 30
avril 1906 qui régit maintenant cette sûreté particulière dont l'étude relève du droit civil.
la Cf. L. 8 avr. 1913 modo par L. ]7 avr. 1915
II Cf. L. 27 avr. 1932.
12 Cf. L. 12 sept. 1940.
13 Cf. L. 22 févr. 1944 .
14 Cf. L. 18janv. 1851
15 Créé par la loi Malingre du 29 décembre 1934 " facilitant l'acquisition des véhicules ou tracteurs automobiles "
modifiée par la suite par les lois des 2 novembre 194] el 17 novembre 1949. Ces textes ont été abrogés et remplacés
par le décret-loi du 30 novembre 1953.
16 Cf. L. n" 81 l, 2 janv. 181, modo Par L. 24 janv. 1984, instituant le nantissement des créances professionnelles:
Décr. 3déc. 1985 modifiant le décret-loi du 30 oct. 193:>, qui a étendu la technique du bordereau Dailly au
nantissement de marchés publics.
17 Cf Par exemple. sur les valeurs mobilières, L. n
83.1 du 3JUlll 1983, An. 29.
18 L. n° 94-361 du 10 mai 1994; JCP 1994, éd. E, Iii, 66834.

10
7 - Pourtant, l'irruption de ces nantissements sans dépossession dans
le droit positif a alimenté une vive controverse qui demeure ouverte en
doctrine sur leur véritable nature juridique. Les sûretés se situent en effet,
«aux frontières du gage et de l'hypothèque». Certains auteurs soutiennent que
la dépossession du débiteur et la mise en possession corrélative du créancier
participent
de
l'essence
du
gage.
Dans
cette
optique,
ces
sûretés
se
rapprocheraient davantage de l'hypothèque. Elles ne confèrent qu'un droit sur
la
valeur
de
la
chose
grevée
et
se
manifestent
principalement
par
l'organisation d'une publicité juridique qui, à certains égards, rappelle les
formalités d'inscription des hypothèques. Or, celles-ci n'équivaudraient pas à
la dépossession exigée par les articles 2071 et 2076 du code civil-v.
Mais, l'on peut aUSSI avec une partie de la doctrine?", considérer que
cette exigence de dépossession n'est qu'une simple modalité du gage. Elle peut
dès lors, être remplacée par des procédés analogues. Malgré son âpreté et sa
constance, cette discussion reste largement académique. Les nantissements
sans dépossession empruntent, pour l'essentiel, aux règles du gage classique.
La dépossession y est conçue, d'une part, comme un moyen de protection du
créancier contre les risques de détournement du bien gagé
par le débiteur,
d'autre part, comme une modalité de publicité matérielle destinée à prévenir
les tiers qui ne doivent plus compter sur le bien affecté en garantie.
8 - Ces deux fonctions étroitement liées se retrouvent dans les gages
sans dépossession, il est vrai au prix de techniques permettant de corriger
l'imperfection congéniale des sûretés mobilières sans dépossession. A cet effet
divers dispositions spéciales-? subordonnent l'aliénation des biens grevés
19 cf. sur la question. H. ALTERMAN, Gage sur marchandises et sur logiciel; Rev. jurisp, Com. n° spécial, colloque
Deauville, nov. 1994, p. 16, spéc. p. 21 et s. ; 1. GAVANON, Le nantissement de logiciel dans la loi du 10 mai 1994:
quelques commentaires sur une sûreté version Béta: J.C.P. 1995 éd. E, l, 472, p. 263.
20 Cf. M. CABRILLAC et C. MOULY, Droit des sûretés, '2,.~, édition, Litec, p. 385, n' 510 ; H.L et J. MAZEAUD. Leçons
de droit civil. Tome 3, 1'" vol. Sûretés, publicité roncière par V. RANOGIL et F. CHABAS, 4""'" édit. 1986, n° 66 et 86.
21 Cf. Ph. SIMLER el Ph. DELEBECQUE, Droit civil. Les sùretés. La publicité foncière - Précis Dalloz, n° 483.
n Ainsi, l'article 8 alinéa 1" de la loi du 8 aout 1913 relatif au warrant pétrolier interdit au débiteur de livrer les
objets warrantés à l'acquereur avant de désintéresse:' le créancier warrantiste. De méme, l'article 7 de la loi du 18
janvier 1951 relatif au nantissement sur créance interdit au debiteur d'aliéner le bien grévé sans le consentement
préalable du créancier nanti ou à défaut du présidenr du tribunal de commerce.
Sur l'ensemble de la question, Cf. P. TILLY, Du droit des sûretés au droit des garanties de paiement, Thèse Aix 1988,
n° 45 et s.

11
détenus par le débiteur à la satisfaction ou à l'assentiment préalable du
créancier nanti.
Cette inaliénabilité légale offre un véritable pouvoir de
contrôle au gagiste. Elle permet de maintenir l'assiette de la sûreté dans le
patrimoine du débiteur. De plus, si les gages sans dépossession présentent
des
traits
communs,
la
variété
de
biens
grevés
Impose
certains
particularismes dont le régime juridique dépasse le cadre du droit des sûretés
classiques. Ainsi, la constitution des warrants commerciaux s'accompagne de
la création d'un billet à ordre au profit du créancier nanti. Les règles
spécifiques du droit cambiaire se mélent à celles du droit
des sûretés,
augmentant les chances de paiement du créancier.
9
-
Diversité
des
gages,
originalité
de
certains
mecanismes de
protection offerts au gagiste, voilà déjà esquissé des motifs d'intérêt de cette
thèse.
10 - Néanmoins, la multiplication des privilèges et des nantissements
transforma radicalement la faillite du débiteur pour en faire essentiellement
une procédure de concours au grand dam des créanciers chirographaires. Or,
jusqu'en 1967, le législateur s'était seulement efforcé de sanctionner la
rupture d'égalité consécutive à des constitutions ou publications suspectes ou
irrégulières de sûretés. La réforme du 13 juillet 1967 marque à cet égard, un
tournant décisif dans l'évolution législative du droit de la faillite. Le sort des
dirigeants est désormais dissocié de celui de l'entreprise qu'il convient de
sauver à tout prix, dès lors qu'elle présente des chances sérieuses de survie.
Furent instituées à
cette occasion deux procédures distinctes: le règlement
judiciaire, qui devait déboucher sur l'adoption d'un concordat voté par les
créanciers chirographaires, et la liquidation des biens prononcée lorsque
l'entreprise n'offrait aucune perspective de sauvetage.
L'émergence de cette finalité économique modifia sensiblement la
nature des procédures collectives, davantage orientées vers le traitement des

12
difficultés des entreprises-> A ce propos, la terminologie employée- règlement
judiciaire,
concordat-
illustre
cette
nouvelle
orientation
assignée
aux
procédures collectives. La notion d'entreprise, même si elle n'a pas été
clairement définie, reçoit une première consécration en droit commercial. Sa
fonction sociale et économique est reconnue. Le vocable de faillite ne désigne
plus qu'une
sanction civile, preuve de cette primauté de principe accordée à
l'entreprise, entité économique.
I l - Les créanciers gagistes, à l'instar des autres titulaires de sûretés
réelles spéciales, jusque là véritables (marginaux» de la procédure, sont
intégrés dans «le rang». Ils sont soumis à l'obligation de produire leurs
créances, afin de favoriser la réussite du concordat par une meilleure
connaissance du volume des créances garanties et du passif privilégié. La
jurisprudence interprétant assez largement la loi de
1967, consacra la
suspension des poursuites des créanciers munis de sûretés réelles spèciales-"
En revanche, l'ordonnance n° 67-820 du 23 septembre 1967 tendant à
faciliter le redressement économique et financier de certaines entreprises,
suspendait plus nettement les poursuites de l'ensemble des créanciers y
compris les bénéficiaires de sûretés réelles spéciales.
12
- Toutefois,
en dépit d'une orientation nouvelle éminemment
économique, le législateur s'est contenté d'émettre des vœux pieux. Il n'est pas
allé au bout de
sa propre logique.
Les procédures instituées en
1967
demeuraient encore fortement imprégnées de l'ancienne conception de la
faillite. Il n'a guère réduit l'ampleur des privilèges qui absorbaient la quasi-
totalité de l'actif disponible. Les créanciers munis de sûretés réelles spéciales
conservèrent globalement l'essentiel de
leurs prérogatives.
Le règlement,
certes inégal, des créanciers supplantait largement le souci du maintien de
l'entreprise. Dans son ensemble, le système de 1967 s'est révélé inefficace,
inadapté et incohérent. Il en est résulté selon une formule restée célèbre «une
23
Cf. A. BRUNET, Dt la distinction de
l'homme et de
l'entreprise. Etudes, R. ROBLOT, 1984, p. 471 ; .J.
PAILLUSSEAU, Du droit des faillites au droit des entrepnses en difficulté, Mélanges HO\\JIN 1985, p. 109.
24 Cf. Casso corn., 12 OCI 1970 ; O.S.
1971,306 ; RTD corn. 1971,435, obs HOlUN; Casso Com., 23 nov. 1976, D.
1977,69, note HONORAT

13
avalanche de liquidations des biens» d'un côté, une «illusion des sûretés de
l'autre»25.
Pourtant, à l'égard des créanciers gagistes, l'article 83 alinéa 3 de la loi
de 1967 disposait que (de privilège du créancier gagiste prime toute autre
créance privilégiée ou non ... », Mais la jurisprudence-v avait limité l'application
de ce texte aux seuls gagistes rétenteurs-". Dès lors, un net clivage s'était
instauré entre créanciers gagistes. La jurisprudence avait consacré cette
prééminence du gagiste rétenteur en dépit des atteintes apportées par le
décret de 1955 à la force de sa possession, L'article 83 susvisé fut considéré
comme ayant entériné cette jurisprudence.
13 - Or, la loi n° 85- 98 du 25 janvier 1985 mets en évidence cette
fracture
entre les différents gagistes.
Le législateur renforce la logique
économique amorcée en 1967. La procédure vise en priorité le sauvetage de
l'entreprise, d'où le terme de redressement judiciaire. Elle est ouverte par une
période d'observation qui doit conduire à l'adoption d'un plan de redressement
par continuation ou cession globale de l'entreprise. A défaut, elle débouche
sur la liquidation judiciaire qui, peut du reste, nécessiter une poursuite
exceptionnelle de l'activité. L'article l er de la loi énonce clairement la nouvelle
hiérarchie des priorités «... permettre la sauvegarde de l'entreprise, le maintien
de l'activité et de l'emploi et l'apurement du passif». La place de ce dernier
objectif dans cette énumération combinée à l'emploi du terme apurement- et
non pas paiement- ne laisse aucun doute sur la réelle volonté du législateur. Il
est clair qu'il a entendu «sacrifier les créanciers sur l'autel du redressement de
l'entreprise». Dans cette logique, il est apparu nécessaire de réduire les
prérogatives jadis exorbitantes des créanciers garantis afin de ne pas
compromettre l'objectif premier de la loi,
25Cf. R. BOUIN, L'évolution du drondes sûretés, Revjurisp. Corn. n' spécial, févr. 1982, p. 7, spéc. p. 11-12.
26 cf. Casso corn., 26 oct.
1971 ; D. 1972,61, note DERRIDA; Rev. Banque 1972,512, obs. Martin.
27
Cf Caen, 28 janv. 1972; D. 1972, 760, note KOERING·JOULIN ; Rev. Banque 1972, 512, obs. MARTIN; Casso
Corn., 14 janv. et .s mai. 1980, D. 1980, 447, n ot e Honorat ; Cass corn., 4 mai 1981 ; D. 1981, 489, note DERRIDA.

14
Dans cette optique, les créanciers titulaires de nantissement sans
dépossession font les frais de cette vindicte à peine dissimulée. En revanche,
le gagiste rétenteur se voit réserver un sort enviable dès lors que le bien
retenu est indispensable à la poursuite de l'activité ou aux opérations de
liquidation. Le droit de rétention revêt ainsi un caractère fort attractif car il
place le gagiste à
l'abri de
tout concours.
On comprend pourquoi la
reconnaissance de cette prérogative suscite une importante discussion en
doctrine lorsqu'elle ne dérive pas de la nature des choses, c'est à dire en
l'absence de dépossession du débiteur. Des auteurs-" considèrent en effet que
le droit de rétention implique la possession matérielle et effective du bien par
le créancier ou par le truchement d'un Tiers détenteur. Il ne peut être reconnu
qu'à un créancier qui exerce une mainmise physique sur l'objet retenu. Il est
en effet traditionnellement perçu comme «un acte de justice privée, survivance
de l'époque lointaine ou la force constituait la seule règle qui gouvernait les
rapports entre les hommes (... ) ainsi en l'absence d'appréhension corporelle, le
droit de rétention ne saurait existcr--".
14 - Pourtant, la Cour de cassation ne s'est pas laissée abuser par
cette conception originelle du droit de rétention. Elle a admis dans un arrêt
remarqué du
15 janvier 195730 que le vendeur à crédit d'automobiles
bénéficiant du gage prévu
par le décret de 1953, disposait d'un droit de
rétention fictif. Cette solution trouve son fondement dans l'article 3, alinéa 2
du décret susvisé aux termes duquel le créancier gagiste est réputé en
possession de
l'automobile vendue une fois effectuées les formalités de
publicité du gage à la préfecture. Hormis cette consécration jurisprudentielle
expresse, l'incertitude prévaut à propos des autres gages sans dépossession.
La décision de 1957 démontre cependant que l'absence de possession effective
du bien gagé n'est pas un obstacle dirimant à la reconnaissance du droit de
28Cf. N. CATALA-FRANJOU, De la nature juridique du droit de rétention; RTD. civ. 1967, pp. 9 et S., spéc. p. 36. n"
20; G. MARTY, Ph. JESTAZ, P. RAYNAUD, Droit CIvil, op. cil, n:' 35 ; H, J et L. MAZEAUD, Leçons de droit civil, Tome
3, 1"' vol. ,n° 122.
29 Cf. F. DERRIDA, La dérnatèrialisation du droit de rétention , Mélanges VOIRIN, 1967, p. 171, spéc. p. 178-179. 11"
2.
JO Cf. Casso corn., 15janv. 1957 ( l "
arrêt), D. 1957,267, note' HEMARD; RTD cam. 1957,438, Il" 24, obs. HEMARD
el 469, n° 469, n° 4, obs. HOUli'1 ; JCP 1957 éd G, II, lU006, note BECQUE.

15
rétention-'! Un auteur a méme soutenu que «chaque fois que se révèle
l'intention expresse ou tacite de gage, le droit de rétention est reconnu au
créancier, peu importe si la possession s'accompagne ou non d'une détention
matérielle, car c'est par la volonté de la loi et pour faciliter les affaires et le
crédit du débiteur que celui-ci est dispensé de
remettre la
chose au
créancier ... » 32.
15 - Mais malgré ces arguments, la jurisprudence n'a pas, à notre
connaissance, clairement opté en faveur de l'attribution du droit de rétention
au profit des autres créanciers nantis sur biens corporels->. La question
prend un relief particulier à propos des nantissements sur créances. Une
jurisprudence ancienne>! considérait que l'exigence d'une dépossession du
débiteur posé par l'article 2076 du code civil et 92 du code de commerce se
trouvait réalisée par la remise du titre indiquant notamment le montant de la
créance garantie. Mais la doctrine a eu du mal à admettre qu'un bien
incorporel in susceptible par nature d'appréhension matérielle, pût faire l'objet
d'une quelconque rètention-'>. Au
demeurant,
même s'il est difficile de
concevoir rationnellement la rétention d'un bien incorporel, le transfert de la
possession au créancier nanti suppose «la mainmise» de ce dernier sur la
créance
nantie.
Cette
mainmise
résulte,
soit
de
la
signification
du
nantissement par acte extra judiciaire au débiteur de la créance engagée, soit
de l'acceptation de ce dernier dans un acte authentique en application de
l'article 2073 du code civil. Ces procédés empruntés à la cession des créances
investissent le créancier nanti d'un pouvoir de fait sur la créance nantie. Le
débiteur de la créance engagée ne peut plus valablement s'acquitter entre les
mains du titulaire de la créance, débiteur de la dette garantie". Dès lors, ces
procédés jouent le même rôle que la tradition du bien grevé dans le gage du
droit commun.
31 Cf. en ce sens P. RONSSERAY. Gage sans dépossession et droit de rétention, Gaz. Pal.. 1955, :2 Doctr., p.17.
32 Cf. L. MARTIN, obs. sous Casso Corn. ,26 oct 1971, op. cil.
33
Cf. Sur J'ensemble de la question, Ph. PASTAUD, L'efficacite des suretes réelles en droit des affaires; thèse
Limoges, 1979, spéc.p.157et S.
34 Casso civ., 20jar,v. 1886; D.P 1886,1,305, note LYON· CAEN, Casso req., 13 mars 1888,
D.P 1888, 1,351; Casso civ., 27 janv. 1908; D.P 1910. l. 357, noce NAQUET
35 Cf. N. CATALA FRANJOU, op. c11., p.34 et 35, n019;
D. LEGEAIS, Les garanties convenuonnelle s sue créances, Economica, 1986, n066 et S.
36Cf. M. CABRILLAC 1", C. MOULY, Droit des sûretés, op. cit.. llo686

16
Cette argumentation a trouvé un écho favorable en jurisprudence. La
1ère chambre civile de la Cour de cassation a jugé que la mise en possession
du créancier gagiste est suffisamment réalisée par la simple signification au
débiteur de la créance donnée en gage. Mais ce principe, ajoute la Haute
juridiction, ne vaut qu'en cas de tradition matériellement impossible-'? Toute
la question est de savoir si cette mise en possession du créancier nanti lui
confère par-là même, un véritable droit de rétention. L'emprise qu'il exerce sur
la créance gagée dans les conditions ci-dessus exposées, milite en faveur
d'une réponse affirmative. Même si cette solution n'a pas été expressément
consacrée par la Cour de cassation, il faudrait admettre la reconnaissance
d'un droit de rétention juridique ou à tout le moins, l'équivalent d'un tel droit
au profit des créanciers gagistes sur créances.
16 - Du reste, lorsque la créance nantie revêt la forme d'un titre au
porteur, l'incorporation du droit de créance dans le titre transforme celui-ci en
meuble corporel. 11 peut dès lors, se transmettre par tradition réelle comme
dans le gage de droit commun. Il faut en déduire qu'il est susceptible de faire
l'objet d'une rètention-". Une analyse analogue pourrait être menée à propos
du gage
portant sur des titres à
ordre qui se transmettent par voie
d'endossement pignoratif. La détention d'un effet de commerce par exemple,
devrait conférer un droit de rétention au gagiste. A cet effet, l'article 91, alinéa
5 du code de commerce permet au gagiste de recouvrer l'effet. Si la créance
garantie est exigible avant que la traite ne soit échue, le gagiste peut conserver
l'effet jusqu'à
ce
qu'il
procède
à
l'encaissement;
ce
qUI est
bien
la
matérialisation d'un pouvoir de rétention-? .
37Cf. Casso civ. l ère , 10 mai 1983, D. 1984,433, note LI':GrER t'tl.R., 82, obs. VASSEUR.
3BCf. M. CABRILLAC et C. MOULY, Droit des sùr etès ; op. cit., n0692 ; Le doute est cependant permis à propos des
valeurs mobilières dont la dématérialisation a été' réansèc par l'article 94-1I de la loi de finances du 30 decembre
1981. La reconnaissance d'un droit de rétention au profit du créancier nanti ne serait possible que si l'on considere
que le virement des valeurs nanties il. un compte spécial tenue, soit par la société émettrice, soit par un intermédiaire
habilité correspond au procédé de l'entiercement dépossédant l'actionnaire constituant au sens classique du terme.
Cf, en ce sens, P. LE CANNU, Le nantissement conventionnel des actions; Bull. JOLY. nov. 1993 § 322 Chr., p. 1091
et s., spéc. p. 1095, n 011et 12.
39 Cf. en ce sens, D. LEGEAIS, Les garanties conventionnelles sur créances,
op. cu., n0320 ; Contra M.CABRILLAC et
C: ~OULY, Droit des sûretés, op. cit., n0693 : selon ces auteurs le nantissement des titres à ordre ne relève pas du
regime du droit commun du gage, mais obéi! à urie réglemen tation particulière.

17
17 - La reconnaissance d'un droit de rétention au créancier titulaire
d'un nantissement portant sur de la monnaie ou des avoirs en comptes
bancaires
a
également
suscité
la
discussion.
Dans
cette
hypothèse
particulière, la diversité des dénominations utilisées dans la pratique a posé
un problème de qualification juridique. La doctrine s'est divisée sur le point de
savoir si les garanties sur argent, quelle que soit la forme qu'elles peuvent
revêtir,
constituaient de véritables gages et dans l'affirmative sont-elles
assorties d'un droit de rétention? sans s'appesantir sur ce débat, il convient
d'observer
que
l'argent auquel
s'attache
une
liquidité
«congénitale»
est
considéré comme un meuble corporel. Il est à ce titre susceptible de servir
d'assiette à un nantissement traditionnellement qualifié de gage-espèces. La
constitution de la sûreté obéit en matière commerciale aux dispositions de
l'article 9 1 du code de commerce. Le débiteur remet une somme d'argent à
son créancier à titre de garantie par tradition réelle-v. Le gagiste exerce à cet
effet un droit de rétention sur les fonds nantis.
L'originalité de cette sûreté est qu'elle paraît transférer la propriété du
bien au créancier en raison de la nature fongible et consomptible de l'argent.
Une partie de la doctrine"!
s'est fondée sur ce transfert de propriété pour
récuser la qualification de gage. Mais cet argument n'est pas décisif. Le
créancier gagiste ne jouit pas d'un droit de propriété absolu et perpétuel au
sens de l'article 544 du code civil. 11 a seulement l'usage des fonds remis en
gage puisque ceux-ci sont sujets à restitution. Au surplus, la jurisprudence a,
à maintes reprises, admis la validité des gages-espèces->. Lorsque les fonds
engagés sont transférés sur un compte spécial, compte bloqué ou compte de
provision, la doctrine quasi-unanime analyse la sûreté ainsi constituée en gage.
En revanche, elle se divise sur la nature de ce gage. S'agit-il d'un gage-espèces
portant sur un meuble corporel ou d'un nantissement sur créances ayant pour
assiette un bien incorporel ?
40
cf. D. DOISE, Nantissement de monnaie, de comptes et de valeurs mobilières, Rev. jurisp. corn. n° spécial,
Colloque DEAUVILLE, nov. 1994, pp. 30 et s., spéc. n"8 t'l s
41
Cf. M. CABRJLLAC, Les sûretés conventionnelles sur l'argent, Mélanges offerts à J. DEI~RUPE, éd. a.L.N .Joly et
Litec, Paris, 199 l, p. 333.
.
42 Cf. Casso civ.,
12 déc. 1890, D. 1891, l, p. 325 ; Ca ss. Corn., 29 mars 1989, D. 1989, p. 457, note D. MARTIN;
Paris 3èrne ch., 4 mai 1993, Bull. Joly 1993, p.861, noi.e Ph. DELEBECQUE; RTD corn. 1993, p. 554. n° 13, ohs
CABRILLAC et . TEYSSIE.

18
18 - L'intérêt de la qualification retenue réside dans l'accomplissement
des formalités
prévues par l'article 2075 du code civil.
Or, dans cette
hypothèse, la reconnaissance d'un droit de rétention fût-il fictif, demeure
controversée. Pourtant, une partie de la doctrine't- et certaines juridictions du
fend?" subordonnent la validité du nantissement a
sa signification ou son
acceptation par le banquier dépositaire dans les conditions édictées par l'article
2075 du code civil. La constitution de la sûreté exige en outre, la rédaction d'un
écrit ayant date certaine et contemporaine de l'ouverture du compte'i>. Cette
interprétation considère l'avoir en compte comme une créance du déposant
contre le banquier'<. Ce qui implique l'application des règles traditionnelles du
nantissement sur créances. A l'inverse, un important courant doctrinar'? admet
plutôt que le gage porte sur la monnaie scripturale constituée par les avoirs
déposés en compte. Dans ce cas «lorsque le gage a le caractère commercial, la
seule formalité doit être l'inscription au crédit du compte spécial, inscription
qui parachève le jeu d'écriture emportant remise de ce bien dématérialisé qu'est
la monnaie sous sa forme scripturale et qui tient le rôle que joue la tradition
pour les meubles corporels ... »48.
La Cour de cassation n'a pas encore, à notre
connaissance, définitivement tranché entre ces deux conceptions. Mais la
seconde emporte notre conviction. EUe correspond à l'analyse actuelle de la
monnaie scripturale tant en doctrine"? qu'en jurisprudence-v. Par ailleurs, elle
permet d'alléger les formalités de constitution du gage, répondant ainsi aux
exigences de la vie des affaires.
19 - L'évocation de ces questions controversées s'imposait afin de bien
circonscrire l'enjeu et l'objet de notre étude. Néanmoins, la matière du gage
43 cf. J. HAMEL, G. LAGARDE, A JAUFFRET, Traité de droit commerciaL, T. 2, Dalloz, 1966, n' 1290; D. DOISE, op.
cit., p. 40, n' 19 et 20.
44 cf. Par exemple, Paris, 3<m,'
ch., 29 juin 1993, RJPA 10/1993, n'826.
45 Cf. J.P. APPRIL, Le nantissement de s crénces el des comptes in le gage commercial, op. cn., pp.48S et s., spéc., p.
SOO.
46 Cf. J. CARBONNIER, Droit civil, T.3, Les biens, 15'"''
ed., PUF, Pans, 1992, n'15.
47
Cf. M. CABRlLLAC et C. MOULY, Droit des sùret s, op. cit ., n' 696 et 697; D. MARTlN, Des techniques
è
d'affectation en garantie des soldes de comptes bancaires, D. 1987, chr., p. 229.
48 CF. M. CABRILLAC, Les sûretés conventionnelles sur l'argent, op. cit., n° 18.
49 Cf. J. 1. RIVES- LANGE, La monnaie scripturale, in
Etudes de droit commercial à la mémoire cie Henry
CABRILLAC, Librairie Teen. Paris, 1968, p. 405 et s ; C. GAVALDA et J. STOUFLET, Droit bancaire. Institutions-
Comptes- Opérations- Services, 2"m< éd., Litec 1994, n" 239 et 669.
50 Cf. Casso civ., 1ère, 4 nov. 1981, Bull.
civ. J, n' 328; D. 1982, l.R., p. 501, obs. M. VASSEUR

19
est généralement abordée sous l'angle du droit civil. La plupart des traités et
des manuels se bornent à énoncer les nantissements qui portent sur des
biens considérés comme commerciaux. Très peu envisagent les incidences des
procédures collectives sur le fonctionnement de ces sûretés. Or, celles-ci
constituent le cadre presque obligé de l'exercice plus ou moins complet des
nantissements. Plus globalement, la plupart des recherches doctrinales ont
porté sur la collectivité des créanciers munis de sûretés ou sur une catégorie
de ces créanciers'". Mais aucune étude spécifique n'a été entreprise sur la
situation particulière des créanciers titulaires de l'une de ces sùretésë-. Or,
l'importance des nantissements n'est plus à démontrer dans la pratique des
affaires. La pluralité des formes qu'ils revêtent, l'extrême variété des biens
susceptibles de servir d'assiette à ces sûretés, attestent de l'intérêt sans cesse
renouvelé de la technique du gage.
20 - Il est indéniable que la loi de 1985 a sérieusement malmené les
nantissements. Ce traitement draconien a fait peser de graves menaces sur la
survie des gages sans dépossession, de plus en plus concurrencés par les
garanties fondées sur le droit de propriété. Celles-ci échappent en effet aux
mesures de défiance imposées aux créanciers par le législateur de 1985.
Pourtant, les auteurs de la loi n° 94-475 du 10 juin 1994 relative à la
prévention et au traitement des difficultés des entreprises s'étaient fixés pour
objectif de restaurer la situation des créanciers bénéficiaires de sûretés réelles
spéciales, principales victimes de la loi du 25 janvier 1985. La révolution si
attendue n'a pas eu lieus3 . L'innovation majeure réside dans l'instauration
d'une liquidation judiciaire immédiate. L'essentiel des causes de non-paiement
des créanciers et, donc d'expropriation de ces derniers demeurent. La réforme
de 1994 semble même avoir cristalliser les différences de traitement entre
créanciers gagistes. La situation de ces derniers apparaît globalement très
inégale, contrastée et teintée d'incohérence. Au demeurant, ce constat dépasse
SI
cf. A. MARTIN- SERF, Les créanciers munies de suretes dans les nouvelles procédures collectives de liquidation et
de redressement des entreprises, Thèse Nancy, 1974; D. CARRIGNAN- CARSIN, L'affaiblissement de la condition des
créanciers privilégiés spéciaux dans les procédures collectives. Thèse Rennes, 1977 ; F. MACORIG- VENIER, Les
sûretés sans dépossession dans le redressement el la liquidation judiciaires des entreprises, Thèse Toulouse, 1992.
52 Cf. Cep. A. KORNMAN, Garanties réelles immobilières constituées antérieurement au jugement d'ouverture et
période d'observation, Thèse Besançon, 1989.

20
le seul cadre du sort réservé aux gagistes. Il vaut également pour l'ensemble
du système conçu en 1985 et conforté en 1994,
21
Cependant,
la
nouvelle
finalité
économique
assignée
aux
procédures collectives a largement inspiré les législateurs des pays africains
d'expression française. Le Gabon offre à cet égard une parfaite illustration de
ce phénomène de contagion. Cette transposition ne s'explique pas seulement
par l'histoire. Elle a également été favorisée par le contexte local dominé
depuis les années 70 par une crise économique sans précédent qui a entraîné
la défaillance de nombreuses entreprises. Or, jusqu'à une époque relativement
récente, le droit de la faillite était encore régie par les lois des 28 mars 1838 et
4 mars 1889. Ces textes anciens se sont très vite révélés inadaptés et
totalement dépassés dans la conjoncture économique difficile que connaissait
le Gabon. Aussi est-il apparu nécessaire de doter ce pays d'une nouvelle
législation en matière de procédures collectives. C'est dans ces conditions
qu'intervient la loi n° 7/ 86 du 4 mars 198654 . Cette loi emprunte la
terminologie et certaines dispositions de la loi du 13 juillet 1967. Elle institue
une procédure de règlement judiciaire et une procédure de liquidation de
biens. Mais elle reprend, pour l'essentiel, le dispositif de la loi du 25 janvier
1985. A ce propos, l'article 1er de
la loi de 1986
énonce que le règlement
judiciaire "a pour but l'apurement du passif du débiteur et le maintien
d'activités économiques viables, soit au moyen du redressement économique
et financier du débiteur, soit par celui du transfert de ses activités à une ou
plusieurs autres personnes physiques ou morales». Cette synthèse a débouché
sur l'élaboration de règles souvent contradictoires, incohérentes et, de ce fait,
largement inapplicables'». La loi de 1986 qualifiée de véritable labyrinthew,
mal pensée, peu originale, comporte de nombreuses malfaçons techniques,
témoignage d'une rédaction laborieuse.
5,1 Cf. F. DERRIDA et J. P. SORTAIS,
Philosophie dl" la reforme, observations critiques, P. A., 14 sept. 1994, n 011O,
p.6.
54 cf. Hebdo Informations (périodique gabonais d'annonces légales), n" 120 du 30 août 1986, p. 162.
55 Cf. Sur une tentative de bilan de la loi du 4 août 1986, G. TATY, Le droit gabonais des entreprises en difficultés:
réalités du présent et perspectives c1'avenir, Rev. Penant mai- sept. 1995, n° 818, Doctr., p. 172.
56 Cf. P. A. P.H., A propos de la loi n" 7/86: Le labyrinrhe el ses impasses, Hebdo
Informations, n'191 du 5 aout
1989. p. 125.

21
22 - Il convient de préciser que notre étude ne se situe nullement dans
une perspective comparatiste. Les incursions dans le droit gabonais serviront
seulement à vérifier l'ampleur el les limites de l'attraction exercée par la
réforme de 1985 sur les procédures collectives actuellement en vigueur au
Gabon.
23 - En tout état de cause, le nouveau droit des procédures collectives
contient un arsenal de mesures destinées à éliminer de la procédure de
nombreux nantissements. Ainsi, avant même que la sûreté ne commence à
produire ses effets, son existence est mise en péril. Elle est atteinte à la
source. Dans cette optique, des règles anciennes de la faillite ont été remises
au goût du jour, réactualisées et rendues plus impératives quant à leur
portée. De plus, sous le prétexte du redressement de l'entreprise, le législateur
de 1985 procède à une véritable égalisation de la situation des créanciers
antérieurs, réalisant par là-même une parfaite négation des sûretés réelles
spéciales. Dans ces conditions, les créanciers nantis sont pleinement associés
au déroulement de la procédure et aux efforts de sauvetage du débiteur
défaillant. Dans cette optique nouvelle, les créanciers nantis s'exposent tantôt
à
la perte ou à
l'extinction de leur sûreté, tantôt à
l'extinction ou à
l'amputation systématique et insidieuse de leur créance. En toute hypothèse,
ils subissent un retard de paiement plus ou moins accusé. A cet égard, nous
nous efforcerons à chaque fois, d'analyser et de discuter les modifications
apportées par le droit des procédures collectives aux conditions de formation,
d'opposabilité et de reconnaissance du gage par rapport aux règles classiques
du droit des contrats et des sûretés.
24- Il conviendra en outre, de constater le laminage par la loi de 1985
des effets classiques du gage. Or, les créanciers nantis n'auront pas souvent
l'occasion d'exercer pleinement leur droit de préférence et leur droit de suite
dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'encontre du débiteur. La loi
de 1985 organise ses propres techniques de réalisation du gage en essayant
parfois de concilier, autant faire se peut, l'intérêt des créanciers nantis et celui
de l'entreprise à sauvegarder. Ces bouleversements des

22
mécanismes traditionnels de protection des gagistes revêtent des formes
variées en fonction de
l'assiette du gage. Ils aboutissent tantôt à
une
altération plus ou moins complète des prérogatives du gagiste, tantôt à un
éclatement des modes de réalisation du gage.
25 - En toute hypothèse, le mouvement du balancier, réduction,
maintien ou renforcement des droits des créanciers gagistes, servira de fil
conducteur à
cette étude.
Celle- ci s'articulera autour de deus idées
complémentaires. La première consiste à mesurer l'influence du caractère
égalitaire et collectif du droit de «la faillite» sur la situation générale des
créanciers gagistes. La seconde conduit, quant à elle, à déterminer les effets
particuliers des procédures collectives sur les conditions d'exercice du gage;
autrement dit sur les prérogatives spécifiques que cette sûreté réelle spéciale
est censée conférer aux créanciers gagistes.
Ainsi, après avoir vérifié l'ampleur de l'assujettissement des créanciers
gagistes à la procédure collective (1), il conviendra d'examiner l'aménagement
par le droit des procédures collectives des mécanismes de protection des
créanciers gagistes (II).

23
PREMIERE PARTIE
L'ASSUJETISSEMENT DES CREANCIERS
GAGIS'fES A LA PROCEDURE COLLECTIVE

24
26 - La loi du 25 janvier 1985 ne se contente pas de recueillir des
règles anciennes du droit de la faillite. Elle innove en étendant leur domaine et
surtout en accentue la rigueur. Dans le régime antérieur, ces règles reposaient
essentiellement sur le respect du principe d'égalité entre créanciers réunis au
sein de la masse. Or celle-ci n'a pas survécu à la réforme de 1985. Dès lors, la
sauvegarde de l'entreprise et partant des emplois qui s'y rattachent tend
aujourd'hui à éclipser ce principe égalitaire dans la justification des solutions
traditionnelles du droit des procédures collectives. L'affirmation de cette
finalité économique aboutit inéluctablement à dénaturer des institutions
éprouvées du droit des contrats et des sûretés. L'idée commandait une
certaine uniformisation de la situation des créanciers antérieurs. A cet égard,
le législateur de 1985 a pris le parti de réduire l'emprise des sûretés réelles
spéciales sur le sort de l'entreprise.
Pour y parvenir, la loi de 1985 renforce considérablement la portée de
mesures telles que la nécessité de conserver ou de publier sa sûreté à un
moment opportuns" par rapport au jugement d'ouverture.
Dès lors, les
créanciers nantis dont la sûreté est acquise dans des conditions plus ou
moins frauduleuses, ne sauraient accéder à la procédure, pourvus d'une
qualité généralement extorquée à un débiteur aux abois. De même. la
nécessité de
publier la sûreté avant le jugement déclaratif, empêche de
nombreux créanciers nantis de s'en prévaloir au sein de la procédure. L'enjeu
de ces règles ne réside pas
tant dans leur réitération par le législateur de
1985, que dans la gravité de la sanction qu'elles édictent désormais. Celle-ci
accroît les risques de disparition de la procédure de nombreux nantissements
parfaitement valables au regard du droit des contrats et des sûretés.
27
-
Cette
volonté
d'élimination
systématique
des
sûretés
réelles
spéciales-" s'illustre à nouveau, avec autant de vigueur, par l'institution de la
substitution de garantie, mesure novatrice du régime institué en 1985. Certes
dans cette hypothèse, ce n'est pas la constitution encore moins l'opposabilité
de la sûreté qui est en cause, mais son remplacement par une autre garantie
57 cf. A. MARTIN-SSRF. Les créanciers munis de sùreté s réelles "', Thèse, op. cit., n 0 5 1 et s.
58 Cf. MACORIG- VENTER, Les sûretés sans dépossession ..... Thèse,
op. cir., n" 33 et s.

25
d'égale valeur, prive le gagiste de sa sûreté initiale. Dans ces conditions, cette
disposition nouvelle contrarie, comme les précédentes, le principe juridique de
toute sûreté appelée normalement à produire ses effets à l'échéance convenue.
Au demeurant, les créanciers gagistes ne s'exposent pas seulement à la perte
de
leur sûreté à
titre
principal.
L'ouverture d'une
procédure collective
engendre en outre, de graves menaces pesant sur la survie juridique de la
créance, dont le nantissement était pourtant censé garantir le recouvrement.
Or, l'absence de paiement effectif des créanciers59 avait été vivement dénoncée
dans le régime antérieur. Bien au contraire, la loi de 1985 soumet l'ensemble
des créanciers munis de sûretés réelles spéciales aux vicissitudes et autres
formalités jadis réservées aux créanciers chirographaires ou aux titulaires de
privilèges généraux.
28 - Cet alignement du sort des créanciers nantis sur celui des
créanciers
ordinaires
favoriserait
la
préparation
des
solutions
du
redressement de l'entreprise par une meilleure connaissance de son passif,
bien commode pour mieux l'apurer. En tout état de cause, la loi de 1985
recèle
de
nombreuses
dispositions
insidieuses
et
impératives
visant
principalement l'extinction ou l'amputation des créances garanties. Dans le
même temps,
le créancier gagiste est privé du droit de poursuivre la
réalisation du bien gagé. Or, une bonne sûreté ne satisfait à sa fonction
économique de garantie que lorsqu'elle peut jouer rapidement en permettant à
son bénéficiaire de solliciter le recouvrement intégral de sa créance.
29 - Ainsi, contrairement au régime antérieur, les créanciers nantis
subissent directement les conséquences drastiques de la procédure collective.
Ces derniers ne sont guère à l'abri d'une remise en cause du principe
juridique de leur sûreté dont la fonction de garantie est réduite à néant. A cet
égard, la loi de
1985 innove particulièrement en multipliant les causes
d'extinction du gage ( Titre 1 ). L'efficacité de cette sûreté réelle spéciale est en
outre largement entravée par de nombreuses atteintes affectant la valeur
économique des créances garanties (Titre 2).
59 cf. F .. DERRIDA, P. GODE et J. P SORTAIS, la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation des
entrepnses, op. crr., p. 1268, n'12.

26
TITRE 1
LA MULTIPLICATION DES CAUSES
D'EXTINCTION DU GAGE

27
30 - Le pari adopté par le législateur en 1985 est simple: l'extraordinaire
multiplication à l'époque contemporaine des sûretés réelles spéciales grevant
les
biens
du
débiteur,
risque
de
compromettre
la
poursuite
de
son
exploitation. Il faut donc en éliminer le maximum pour préserver les chances
de redressement de l'entreprise. Dès lors, le droit commun des contrats et des
sûretés ne suffit plus à garantir l'existence de la sûreté en cas de défaillance
du débiteur. Le droit des procédures collectives soumet la constitution et
l'opposabilité du gage à des conditions beaucoup plus rigoureuses, au
moment même ou il devrait révéler son utilité face à la carence du débiteur.
A cet égard, la date du jugement d'ouverture revêt une importance
singulière, car elle est la cause génératrice des atteintes affectant l'existence
juridique des sûretés. Toute constitution ou publication de nantissement
intervenue dans les derniers jours qui précédent la chute du débiteur, risque
en effet de tomber sous le coup de la période suspecte. De même le débiteur
ne peut plus consentir de nouvelles süretés sur les biens de l'entreprise après
le jugement d'ouverture - le créancier ne saurait non plus inscrire son
nantissement à partir de cette date- tout nantissement constitué ou conservé
au mépris de cette interdiction encourt la nullité. Dans toutes ces hypothèses,
l'annulation du gage
constitue la
première cause d'extinction du gage
(chapitre 1). Au demeurant, celle-ci opère définitivement. Le gagiste ne pourra
plus recouvrer l'efficacité de sa sûreté à l'issue de la procédure puisqu'il est
relégué au rang peu enviable de créancier chirographaire.
31 - La loi de 1985 innove en créant une autre cause de disparition des
sûretés réelles spéciales. La substitution de garantie. Toutefois, le gagiste
dépossédé de sa sûreté initiale, se voit octroyer une garantie de substitution
équivalente au nantissement. Dès lors, il ne perd pas sa qualité de créancier
"privilégié» ou garanti. La substitution de garantie pourrait même constituer
une «voie de sortie» plutôt satisfaisante pour le créancier nanti originaire. Elle
n'en consacre pas moins une nouvelle atteinte à l'existence du gage, surtout

28
lorsqu'elle débouche sur une dénaturation totale du droit réel du gagiste
(chapitre 2).
32 - Enfin, Le créancier gagiste dont la sûreté aura été sauvegardée
nonobstant la multiplication des causes de disparition à titre principal, pour
l'essentiel, des sûretés réelles n'aura pas toujours l'occasion ou l'opportunité
d'en jouir pleinement. Il devra d'abord veiller à faire reconnaître l'existence et
la certitude de sa créance avec l'indication de son caractère privilégié. La
généralisation de cette obligation de déclaration des créances aux titulaires de
sûretés réelles spéciales avait été admise sous le régime antérieur de la loi de
196760 . Le législateur de
1985 reprend les grandes lignes de l'ancienne
procédure de production, de vérification puis d'admission des créances. Mais
il en renforce le caractère contraignant en disséminant ici et là de nombreux
pièges destinés à effacer purement et simplement le maximum de créances du
passif du débiteur>'. Dans cette hypothèse, la perte de la créance et, par là-
même, du nantissement qui lui est accessoire est irrémédiable (Chapitre3).
Chapitre 1 : L'ANNULATION DU GAGE
33- L'ouverture d'une procédure collective n'affecte pas automatiquement
la régularité du gage antérieurement consenti par le défaillant. Sa validité
demeure subordonnée au respect des règles classiques de la formation des
contrats et des conditions générales posées par le code civil et le code de
commerce.
Du reste,
des textes spéciaux aux différents nantissements
édictent des obligations particulières. Ainsi, le créancier nanti doit notamment
publier son nantissement dans un registre public afin de le rendre opposable
aux tiers. Mais, les sûretés constituées par le débiteur du jour ou il a cessé
ses paiements sont toujours regardées avec suspicion. La tentation est en effet
grande pour de nombreux créanciers, profitant du désarroi du débiteur, de se
ménager
une
situation
préférentielle
en
fraude
des
droits
des
autres
60 cf. A. MARTIN -SERF, Thèse
op. cit., , p. 309, n ' 331 .
61 Cf. B. DUREUIL, De quelques pièges tcndu s al! créancier il. l'occasion de la déclaration et de la vérification de sa
créance au passif du redressement Judiciaire, Re\\'. pree. coll. 199:2- l, p. 17.

29
créanciers: c'est pourquoi le laps de Temps qui sépare la date de cessation des
paiements du jugement d'ouverture est appelé période suspecte.
34 - Sous l'empire de la loi de 1967, les actes accomplis par le débiteur
au cours de cette période étaient déclarés inopposables à la masse. Cette
théorie des inopposabilités de la période suspecte fut consacrée pour la
prermere fois par
le décret de 1955. Elle reposait essentiellement sur la
violation de l'égalité de principe entre créanciers du même débiteur. Cette
sanction paraissait appropriée. L'acte incriminé restait valable inter-partes,
mais était considéré comme non avenu à l'égard des créanciers regroupés au
sein de la masse. La disparition de cette institution dans le régime instauré en
1985, a permis au législateur de renouer avec le système des nullités de la
période suspecte en vigueur dans le code de commerce de 1807, mais dont la
rigueur avait été atténuée par la loi de 183862 . La réactualisation de cette
solution ancienne s'inscrit désormais dans le cadre des nouvelles finalités
assignées au droit des procédures collectives. Elle atteste de la volonté
d'élimination systématique et définitive de la procédure, des sûretés réelles
spéciales constituées ou publiées au cours de la période suspecte ( section 1).
C'est cette idée sous-jacente d'éviction qualitativev- des créanciers nantis qui
inspire
la
règle,
au
demeurant
traditionnelle,
de
l'interdiction
des
constitutions et inscriptions de
nantissement postérieures au jugement
déclaratif ( section 2).
Section 1: L'ANNULATION DU GAGE CONSTITUE EN PERIODE
SUSPECTE
35-
La théorie des actes de
la
période suspecte a
survécu aux
chambardements successifs intervenus dans le droit de la faillite. Cette
constance ne surprend guère. Cette période est souvent fertile en tentations
de
tous
genres.
Le débiteur aux abois
s'évertue à
retarder sa chute
inéluctable. Les créanciers pressentant cette fin fatale, font pression sur lui
soit pour obtenir un paierner.t immédiat, soit pour bénéficier d'une garantie
avant le dépôt de son bilan. Ce sont ces diverses «manœuvres» qui ont été
"2 cf. G. RI PERT et R
ROBLüT, TraitÉ' de droit commercial, T.2, 15""" éd. L.G.D,J,
63 Le gagiste privé de sa sù ret
perd sa qualité de créancier privilegie et devient simple chirographaire
é

30
constamment sanctionnées par le droit de la faillite. Ainsi, l'article 107.2-6 de
la loi de 1985 prévoit que toutes les sûretés réelles constituées pendant la
période suspecte par le débiteur sur ses propres biens pour garantir des
dettes préexistantes sont frappées d'une nullité de droit. Cette nullité devient
facultative pour le tribunal, dès lors que la naissance de la créance garantie
est concomitante à la création de la sûreté, mais que le créancier avait eu
connaissance de la cessation des paiements du débiteur ( § 1).
De même, l'article 107.2-7 de la loi de 1985 reprend une solution
classique en déclarant nulle toute inscription de nantissement prise pendant
la période suspecte en application des articles 53 et 54 de l'ancien code de
procédure
civile

2).
Dans
tous
les
cas,
substituant
la
nullité
à
l'inopposabilité, la loi de 1985 renforce considérablement la portée de la
sanction affectant les actes accomplis au cours de la période suspecte. Les
conséquences attachées à cette sanction sont graves. Le gage annulé est par
là-même définitivement anéanti (§ 3).
§l. Les constitutions suspectes de gage
36 - Tout nantissement consenti par le débiteur dans les jours qui
précédent le jugement d'ouverture, n'encourt pas automatiquement la nullité
prévue par l'article 107.6 de la loi. La validité du nantissement dépend
étroitement de la détermination du moment auquel le débiteur a suspendu ses
paiements. Or cette date, largement tributaire des contingences factuelles, se
révèle rétroactivement aux créanciers gagistes. Ces derniers ont pu contracter
de
bonne
foi
avec
le
débiteur.
Dans
ces
conditions,
admettre
systématiquement
la
nullité, compromettrait
gravement
la
sécurité
contractuelles". En toute hypothèse, il convient de confronter la date de
cessation des paiements et celle de la constitution du gage afin d'établir
l'antériorité de la première par rapport à
la
seconde.
Cette antériorité
commande la mise en jeu de la nullité, qu'elle intervienne de plein droit ou
~46~f. J. C. MAY, Le sort des actes accomplis par le débiteur pendant la période suspecte, P.A. 5 févr. 1986, p. 25, n"

31
qu'elle relève du pouvoir souverain des juges du fond ( Al. Il existe cependant
des aspects particuliers à la nullité de droit ( B) et à la nullité facultative ( C).
AI La condition commune aux deux types de nullité
37 - La preuve de l'antériorité du nantissement par rapport à la date de
cessation des paiements peut s'avérer mal aisée à rapporter. La difficulté
réside précisément dans l'appréciation de la notion de constitution du gage.
La date à considérer doit-elle être celle de l'acte constatant effectivement
l'accord des parties ou faut-il prendre en compte l'accomplissement des
diverses formalités assurant tantôt la validité, tantôt la simple opposabilité du
nantissement aux tiers? Il apparaît nécessaire, pour les besoins de l'analyse,
de distinguer la constitution de l'inscription du nantissement lorsque la loi
l'impose,
puis
la constitution de
la
signification exigée
en
matière de
nantissement sur créances (1). Enfin il conviendra de s'arrêter sur le gage de
droit commun. La détermination de la formalité constitutive de la sûreté a
divisé la doctrine. Doit-on se fier à l'acte constatant le nantissement ou au
jour de la remise de l'objet grevé au gagiste? (2)
1 °Constitution et inscription du nantissement
38 - Le droit des sûretés distingue traditionnellement la constitution
du nantissement des formalités d'i.nscription destinées en général à en
assurer la publicité. Prise dans le délai légal, l'inscription de la sûreté apparaît
comme un mode de conservation du privilège du gagiste, une modalité
d'exécution de la convention de nantissement. Dans ces conditions, seule la
date de signature de l'écrit constatant ie nantissement fixe le moment de la
constitution du gage. Dès lors, le nantissement échappe à la nullité s'il a été
constitué avant la date de cessation des paiements, même si l'inscription du
privilège du gagiste est intervenue postérieurement au cours de la période
suspectev>.
65 cf. Amiens, 24 Juin 1952, JCP 1953, 1 J, n07770, nore COHEN.

32
Cette distinction entre formalités constitutives et mesures de publicité
du nantissement a suscité une discussion à propos du gage sur véhicule
automobile. Nous savons que la jurisprudence a investi le créancier gagiste
d'une possession fictive sur le fondement de l'article 2, alinéa 3 du décret de
1953, dès lors qu'il a accompli les formalités d'inscription du gage à la
préfecture du lieu d'immatriculation du véhiculer". La publicité ne paraît pas
ici prescrite aux fins d'opposabilité du gage. En faisant naître la possession du
gagiste, fondement de son droit de rétention fictif, l'inscription du gage doit
être regardée comme constitutive de la suretèv".
39- Or un temps relativement long s'écoule entre la signature de l'écrit
comportant la mention du gage et la publicité de la sûreté. Aucun délai n'a été
imposé au gagiste pour l'accomplissement de l'inscription. Dès lors, le gage
régulièrement constaté dans un acte avant cessation des paiements du
débiteur
constituant,
mais
publié
postérieurement,
serait
normalement
entaché de nullité. Comment alors valider le gage publié en période suspecte,
mais dont la conclusion est antérieure ou concomitante à la naissance de la
dette? Deux explications ont été généralement proposées en doctrine et en
jurisprudence. La première considère le gage sur véhicule automobile comme
une garantie légale. Dès lors, la naissance est concomitante à celle de la
créance nantie.
La mesure de publicité est seulement requise pour la
conservation du gage?". La seconde explication qui recueille l'adhésion de la
doctrine dominante"!
reconnaît le caractère conventionnel du gage
sur
véhicule automobile. A cet égard, l'inscription du gage à la préfecture demeure
une simple mesure de publicité exigée seulement pour l'opposabilité du droit
réel du gagiste. Dans ce cas, peu importe le moment de la publicité. Il suffit
que le gage ait été constitué en même temps que la naissance de la créance,
pour qu'il soit à l'abri de la nullité édictée par l'article 107.2-6. de la loi de
1985.
66 Cf. Casso com.,15janv. 1957, ( l er arrêt) op. cit..
67 Cf. En ce sens M. MOREAU, Le gagiste et la garagIste. conflit autour d'un véhicule réparé ( A propos de J'arrêt
de-
la Cour de cassation, chambre commerciale du 11 juin 1969), JC? 1971, n° 10055, p.73, spéc.p.76, nOIO.

33
40 - En revanche, il n'est guère contesté que la transcription du
warrant sur les registres du magasin général ou des registres spéciaux tenus
au greffe du tribunal de commerce ne produit aucun effet constitutifw. Elle ne
justifie que la nécessité de fixer les droits de différents porteurs de warrants
sur les mêmes stocks de produits. Ainsi, le warrant endossé avant la cessation
des paiements et transcrit postérieurement, échappe à la nullité des articles
107 et suivants de la loi de 1985. La seule date à prendre en compte est celle
de l'endossement ou du transfert des titres donnés en garanties".
41
- De même une jurisprudence classique"? et une partie de la
doctrine"! considèrent la signification du nantissement sur créances comme
une simple mesure de publicité, destinée à fixer le rang des différents
créanciers nantis. Dans cette logique, le nantissement ne tomberait pas sous
le coup des nullités de la période suspecte. Il suffit qu'il soit constaté par un
écrit ayant date certaine avant la cessation des paiements, même si la
signification intervient pendant la période suspecte. Cette disposition a été
contestée en doctrinet-. La Cour de cassation a, en outre, décidé que la mise
en possession du gagiste est suffisamment réalisée par la signification du
nantissement au débiteur de la créance gagée">. Ce principe ne s'appliquerait
qu'en cas de tradition matériellement impossible du titre constatant la
créance. Le respect des conditions exigées par l'article 91 du code civil,
conditionnerait ainsi la validité même du nantissement?".
Dès lors, un nantissement signifié en période suspecte alors même que
l'acte constatant la convention de nantissement serait antérieur, tomberait
bien sous le coup de
la nullité édictée par les articles 107 et suivants de la
loi.
Néanmoins, cette formalité de la signification n'est nullement exigée en
matière de nantissement sur créances professionnelles ou sur marchés
publics Dans ces cas, seules la remise du bordereau et sa datation par
68 cf. Ordo 6 août 1945, An. 23; L. 12 sept 1940 sur le warrant industriel, Art 3 al.2, 1.. 21 août 1932 sur le
warrant pétrolier An. 2 et 3.
69 Cf. Paris, 28 nov.1878, D.P.1879, 11, p. 153.
70 Cf. Par ex. Lyon, l
juin 1874, D.P. 1876, Il,p. 171.
ô
71 Cf. H., L. et J. M.\\ZEAUD, Leçons de droit civil, T.3,
1c-r Vol., Sûretés- Publicités Foncière par V. RANOUIL et F.
CHABAS, Montchre stien, 11'72; D. LEGEAIS, Les garanties conventionnelles sur créances, op. cit., n° 56 et S.
72 Cf. M. CABRILLAC et C. MOULY, Droit des sûretés, op. cii..
p. 514, n' 686.
73 Cf. Casso civ. 3""'"
, 10 mai 1983,op. cii.
74 Cf. Paris, 29 Juin 1993, op. Clr.

34
l'établissement bancaire créancier nanti. suffisent à créer le gage entre les
parties et à le rendre opposable aux tiers, Au demeurant, les systèmes
juridiques européens d'inspiration germanique ignorent, pour l'essentiel, la
formalité de la signification du nantissement. La constitution de la sûreté est
seulement subordonnée à l'accord de volonté entre les parties'" Cependant, la
solution jurisprudentielle adoptée en 1983 réaffirme le caractère réel du
contrat
de
gage
meme
lorsqu'il
aorte
sur
un
meuble
incorporel,
en
l'occurrence une créance. Ce débat, touiours d'actualité?" autour de la nature
juridique de la signification, n'est pas sans rappeler la controverse qui s'est
développée à propos du sort du gage lorsque la remise de l'objet nanti s'est
opérée au cours de la période suspecte.
2. Constitution du gage et remise de l'objet grevé
42 - Une jurisprudence?" fan ancienne admet la validité du gage
conclu avant la cessation des paiements, quand bien même la remise des
choses gagée est intervenue postérieurement. Cette tradition de l'objet du gage
ne constituait alors qu'une modalité d'exécution de la sûreté sans influence
sur sa validité consensuelle. Cette position, approuvée par un important
courant dcctrinal?s, récuse le caractère réel du contrat de gage hérité de la
tradition romaine et adopté par le code civil?". Or, la jurisprudence modernew
n'a cessé de réaffirmer son attachement à la nature réelle du gage même SI
elle n'en tire pas toujours toutes les conséquences logiquesë '. La permanence
d'une telle qualification en droit positif implique nécessairement la nullité d'un
gage consenti avant la cessation des paiements mais dont l'objet grevé aurait
été transmis au gagiste au cours de la période suspecte. Le contrat de gage se
forme par la tradition effective de la chose grevée. Le simple accord des parties
75 cf. Ph. SlJMEIRE, L'étude comparative, instrument ck réforme du droit français des sûretés réelles, thèse, op. cn.,
n" 40 , 83 et s.
76 Cf. P DAISE, op. cit., pp. 46
et s.
77 Cf. Casso civ., 20 janv. 1886, D. P. 1886, l, p. 406; Casso CIV., 6 nov. 1896, D.P. 1897, l, p. 407
78 Cf. D. LEGEAIS, op. cù.., n" 48 et S. : G. MARTY,
Ph. JESTAZ, P. RAYNAUD Les sûretés- La publicité foncière, op.
cit n" 78 ; M. PLAl\\JOl et R. RIPERT, Traité pratique de or oit civil T.XIl, Sùretés réelles, 2""'" éd. l"'" Partie, 1953, par
E. BECQUE, n086; H. L. et J. MAZEAUD, Leçons d droit civil, T. 3, op. cit., n066.
79 Cf. Sur la question, M. K.JOBARD BACHELIER, Existe HI encore des contrats réels en droit français ou la valeur
des promesses de contrais réels en droit positif, RTD ci v. 1985, p. 1.
80 Cf. Pour une analyse de cette Jurisprudence, M. LEVIS, :"opposabllité du droit rée-l. De la sanction judiciaire des
droits, Econormca, 1989,11°305.

35
réalise seulement un avant-contrat obligeant le débiteur constituant a se
dessaisir ultérieurement. Il faut y voir une simple promesse de gage dont
l'inexécution se résout par l'octroi de dommages et intérêtsë-.
43 - Au demeurant, sous l'empire des textes antérieurs, la remise de
l'objet gagé en période suspecte en exécution d'une promesse de gage, rendait
la sûreté inopposable à la masse des créanciers par application de l'article 29,
alinéa 2-6 0 de la loi de 1967. Cette solution reconnaissait le caractère réel du
contrat de gage83 . Dès lors, la remise de l'objet grevé participe de l'essence
même du gage. «Il est de sa nature, de son économie, il est ataviquement
réel( ..,))84. Telle semble être aussi la position adoptée en droit germanique. Il
est clair que le gage conclu avant la cessation des paiements mais dont l'objet
ou le titre constatant la créance a été remise au gagiste pendant la période
suspecte, tombe fatalement sous le coup des nullités édictées par les articles
107 et suivants de la loi. Pour éviter cette sanction rigoureuse, certains
auteurs'< ont préconisé de se rattacher plutôt à la notion de paiement anticipé
qu'à celle de constitution du gage. Selon cette opinion, la remise de la chose
gagée opère un paiement anticipé entre les mains du gagiste. Dès lors, la
validité d'un tel paiement acquis dès l'accord des volontés ne peut plus être
remise en cause par les nullités de la période suspecte.
44 - Cette argumentation prête le flanc à la critique. Le bien remis au
gagiste est certes, affecté au paiement de la créance garantie, mais il s'agit
d'une simple affectation et non d'un paiement. Seule la réalisation du bien
grevé permet d'en révéler la valeur jusque là passive, même si elle est en
principe réservée au gagiste. Ce dernier sera désintéressé sur le produit de la
vente, mais pas avant. Cette conception fondée sur la notion de paiement
anticipé est donc juridiquement contestable et largement artificielle. Elle fait
de la remise de la chose gagée une simple modalité d'exécution d'une
81 Cf. Casso ccrn., 8 févr.
1972, Bull civ. lV, n'54: Casso cor. .. 12 nov. lSJ58, Bull. civ., IV, 0"387 (2ème arrêt)
82
Cf. D. LEGEAIS, op.
cit., n" 49; M.N.JOBARD n.'\\CH.SLlEF, op. cil., 0°46 et s; G. MARTY,
Ph. JESTAZ, ?
RAYNAUD op. cil, n079.
83
Cf. D.CORRIGNAN-CARSIN
l.'auaib.isse.nern dt, li; COEdiLlLl:1 des créanciers privilegies speciaux
dans les
procédures collectives, Thèse, Rennes, 1977, spec. l,' 54 Cl S.
84
Cf. D. M/\\RTIN, Intervention colloque' DEAUVILLE, Rev.jurisp. C0111., n" spécial, nov. 1994, p.48.

36
obligation préexistante. Elle réintroduit par là-même, la thèse du caractère
prétendument consensuel du contrat de gage86 . Elle n'a pas du reste prospéré
en jurisprudence, à notre connaissance. Dans tous les cas, la nullité de plein
droit atteint le gage chaque fois que la remise de l'objet grevé intervient en
période suspecte.
BILa nullité de droit
45- L'article 107.2- 6° de la loi frappe d'une nullité de plein droit «tout
droit de nantissement constitué sur les biens du débiteur, depuis la date de
cessation des paiements pour dettes antérieurement contractées». Le terme
générique de nantissement recouvre toutes les formes de gage emportant ou
non-dépossession
du constituant.
Le gage est par essence une
sûreté
conventionnelle. On a soutenu cependant que le gage sur véhicule automobile
serait
une
sûreté
légale.
Cette
position
s'appuie
essentiellement
sur
l'originalité de ce gage qui, à certains égards, s'apparente à un privilège
légal87.Mais cette forme de garantie spécifique à certains types de crédit se
retrouve également dans le nantissement sur matériel et outillage, sans que
personne ne dénie à ce gage son caractère conventionnel'<. La thèse favorable
à la nature légale du gage sur véhicule automobile repose en réalité sur une
confusion entre sûreté légale et obligation légale de fournir une sûreté. L'achat
à crédit d'un véhicule à
moteur emporte certes, création ipso facto d'un
nantissement, mais la sûreté demeure greffée sur un acte contractuel que le
débiteur a librement consentiw.
46 - En toute hypothèse, la comparaison de la date de naissance de la
garantie et celle de la constitution du gage, permet de déterminer «l'antériorité
suspecte» requise par l'article 107.2- 6 U de la loi. Cette question a engendré
des difficultés fort délicates à propos du nantissement constitué en période
- - - - - - _....-
85 Cf. J. APPRIL, Le nanussernern des créances et de» ccmprc s in le gage commercial, op. cir.,er
toc. cit. ; J. HEMARD,
Les contrats commerciaux- Les ver.te s commerciales Le gage commercial, Sirey, 1953, ]1°503.
86 Cf. D. DOISE, Intervention colloque DEAUVILLE tju; ,!,ii:\\,~ ,"n faveur de la reconnaissance du caractère consensuel
du gage sur meuble incorporel, op. et loc. czt.
87 Cf. M. PLANIOL et R.RIPERT, op. C17 .. , § 431 ; Ph. M,\\L'.URI;';: er L.I\\YNES, Les sûretés- La publicité foncière- Droit
du crédit, par L AYNES, éd
1994/ 1995, n'534, Ch LA??:n le gage commercial, op. cit., p. 211.
88 Cf. G. CORNU, La loi du
18 Janvier 1951 relative H,-, :~-m:i:,;s"ment de l'outillage el du matériel d'équipement in le
gage commercial sous la direction de J. HAMEL, op. ci: , pp. +12 et s.
89 Cf. G. MARTY,
Ph. JESTAZ, P. RAYNAUD op. cil., 1'.' ô+. note 1.

37
suspecte en garantie du solde débiteur d'un compte courant en cours de
fonctionnement. La position débitrice du solde provisoire du compte courant
au moment de la constitution du nantissement suffit-elle à caractériser
l'antériorité de la garantie? La répcn se ,:[ cette question n'est guère aisée en
raison notamment de la spécificité è.'.1 mécanisme du compte courant dont la
nature juridique demeure controversée?". La nécessité de concilier la règle de
l'égalité et les principes du fonctior:..nernent du
compte courant explique le
difficile
cheminement
d'une
SOlUtiŒ1
satisfaisante
en jurisprudence.
La
description de cette évolution a déjà été menee?", il convient seulement d'en
souligner le terme.
Ainsi par une série d'arrêts dont deux relatifs à des nantissernents-v- ,
la Cour de cassation a décidé que le nantissement échappe à l'inopposabilité
de droit (aujourd'hui la nullité de droit" chaque fois que les dettes garanties
sont nées au même
moment ou
postérieurement à
la constitution du
nantissement, sous forme d'avances nouvelles. Le juge doit donc analyser la
nature des opérations enregistrées ;Jar le compte entre la constitution du
nantissement
et
la
clôture
du
compte.
La
méthode
dite «des
avances
nouvelles»
ne
consiste
nullement
en
la
comparaison
arithmétique
et
automatique entre le solde provisoire du compte au moment de la création de
la sûreté et le solde définitif à la clôture. Il convient en outre, de rejeter
fermement la méthode dite de «l'inversion» qui repose sur l'appréciation des
variations intermédiaires du compte avant sa clôture.
La méthode jurisprudentielle établit seulement la position présente et
future du compte entre la constitution de la sûreté et la clôture des opérations
comptables.
Toutefois,
rechercher dans
l'enchevêtrement
des
différentes
opérations liées au fonctionnement du compte courant, la réalité d'une avance
nouvelle, relève d'une véritable expertise: psychologique. Les tribunaux doivent
par conséquent se montrer particulièrement sévères dans l'établissement
d'une corrélation entre la réalité de l'avance nouvelle et la naissance du
90 Cf. J. P. CORlAT, La reconnaissance d'un contrat ban':èlir,·: le' compte courant, RTD corn. 1989, p. 609.
91 cf. F. MACOR1G· VENJER,
Thèse, op. CI1., n'64 et s; Y. GU,ON, Lroit des affaires. T.2, Entreprises en difficultés-
Redressement Judiciaire- Faillite, éd. Economie» 199J,:'
; 32(;.

38
nantissement. Ce système pragmatique ne paraît pas contrarier le principe de
l'indivisibilité du compte courant.
47-
En
définitive,
le
nantissement constitué pendant la période
suspecte n'encourt pas automatiquement la nullité édictée par l'article 107.2
6° de la loi. Seule l'antériorité incontestable de la dette garantie par rapport à
la naissance du gage révèle le caractère frauduleux de la sûreté consentie par
le débiteur?". Au demeurant, ne rentre pas dans les prévisions de l'article
107.2 6° de la loi, le gage substitué à un autre au cours de la période
suspecte''>. Il faut cependant, que le créancier soit encore titulaire du gage
initial lors de la substitution et que la neuvelle sûreté ne soit pas supérieure à
l'ancienne?".
Toutefois,
bien
qu'échappant
à
la
nullité
de
droit,
un
nantissement constitué, dans certaines circonstances, peut tomber
sur le
coup de la nullité facultative édictée par l'article 108 de la loi de 1985.
CI La nullité facultative
48 - La nullité facultative édictée par l'article 108 de la loi de 1985 est
subordonnée à la connaissance par le créancier nanti de l'état de cessation
des paiements du débiteur. La dèter mination de cette condition psychologique
relève du pouvoir souverain des juges du fond'". Sous le régime antérieur, la
jurisprudence exigeait en outre, la preuve d'un préjudice subi par la masse
des créanciers'". La disparition de cette institution dans le régime actuel
entretient l'incertitude quant au maintien de cette condition. La nullité vise en
effet, à reconstituer l'actif du débiteur. l'viais les résultats de l'action en nullité
profitent également aux créanciers. Il en résulte une confusion d'intérêts du
reste, attestée par la possibilité offerte au représentant des créanciers d'agir
en nullité.
92 Cf. Casso corn., 123 mars 1990, Rev. proc. Coll. ]991- J, p. 105, n07, obs. Y. GUYON.
93 Cf. Montpellier, 26 févr.
1965, Rev. Banque 1965, p. 146. ob s. X. Mi\\RIN ; Rouen, 16 janv. 1970, RTD corn. 1971,
p. 485, n053, obs. R HOUIN.
94 Cf. Sur J'ensemble de la que stion, P. VEAUX· l-'OURNERI;;;, Fongibilité et subrogation réelle en matière de gage, in
Le gage commercial sous la direction de J. HAMl::L. op. cit. .. p. 426; Casso com., 3 Ja11v. 1989, Rev. proc. col1.1990, p.
162, n" 5. obs Y. GUYON.
95 Cf. Casso corn., 7 nov. 1989, Bull,
C1V. IV, n' 271, C8SS. Corn., 6 mars J990, Rev. proe. coll. 1991- 1, p. 106, n° 10,
obs. Y. GUYON.

39
Il serait logique que l'un ou .'autre préjudice puisse être invoqué à
l'appui
de
l'action
en
nullité?".
C:cth:
question
a
longtemps
divisé
la
jurisprudencev".
La Cour de
C[~SShl~U::' vient de trancher la querelle en
précisant les conditions d'application de l'article 108 de la loi de 1985. Elle
décide que les juges du fond ne sont pas tenus de constater l'existence d'un
préjudice subi par le débiteur ou les Cl éanciers pour prononcer la nullité
prévue par l'article 10899 . Au total, pei; de différence sépare le régime actuel
des articles 107 et 108 de la loi de 1.985 du système antérieur des articles 29.
b et 31 de
la loi du 13 juillet 1967. Seule la sanction, la nullité substituée à
l'inopposabilité, témoigne de la volonté du législateur de sanctionner plus
sévèrement les créanciers nantis suspects. Un constat analogue s'impose à
propos des inscriptions de nantissements prises à titre conservatoire au cours
de la période suspecte.
§ 2.
Les nantissements publiés ou inscrits pendant la
période suspecte
49 - L'inscription, même lovsqu'ehe se situe en période suspecte,
demeure sans influence sur la Validité: d"...m
nantissement régulièrement
constitué avant la cessation des paiements. La formalité de publicité doit
seulement intervenir avant le jugement d'ouverture de la procédure. Mais
certains créanciers, pressentant la ruine imminente de leur débiteur, se
ménagent souvent une position préférentielle au mépris de la règle de l'égalité.
L'article 53 de l'ancien code de procédure civile permet à un créancier
justifiant d'une créance fondée en son principe, en cas d'urgence et de péril
menaçant le recouvrement de cette créance, de solliciter du juge compétent
l'autorisation de prendre un nantissement sur le fonds de commerce du
débiteur.. La validité d'un tel nantissement judiciaire est subordonnée à une
double inscription: d'abord une inscription provisoire, conservatoire qui doit
96 Cf. Casso corn., 4 oct .. 1980, Bull. Civ. IV.n' J3~.
97
Cf. En ce sens, Y. CHARTIER Droit des allaire s. r
~o•. Entreprises en difficultés- Prevention- Redressement-
liquidation. PUF, 2"m,'
ed.1989, n'175.
F. DERRliJ'!\\.. t.
GODE, J.P. SOlxTAIS, Redressement et liquidation
judiciaires des entreprises. Cinq années dapplicatior; df la loi du 25 janvier J 985, 3,m.. ed.1991, spéc. n' 349 ; B.
SOINNE, Traite theorique et pratiqué' des procédure-s ~..)lb't;ves ( ancien Traite d'ARGENSOl\\ et TOUJAS), Litec.
1987, n0843.
98 Cf. Fort de France, 22 juiL 1988, Rev. proc, coll. 199U, j)
l 63, n G, ous. GUYON; Rennes, 26 avr. 1989, Rev. proc.
coll. 1990, p. 163, n'6, obs. GUYON; Casso Coru.. 28. r:,(\\. 198'), Rev. jurisp. com.1990, p. 361, n" 88, obs; GALLET
99 Cf Casso corn., 16 févr.
1993. JCP <'<!. E

40
être prise dans un délai de quinze jours à compter de l'autorisation susvisée et
une seconde inscription dite définitive cu complémentaire dans les deux mois
du jour ou la décision statuant au for.d a acquis autorité de chose jugée.
50 - Or, une difficulté étaie apparue lorsque l'inscription provisoire
avait été prise avant la cessation des paiements et l'inscription définitive après
celle-ci. Ce problème fut, pour l'essentiel,
réglé sous l'empire du droit
antérieur en distinguant le sort de l'inscription conservatoire de l'inscription
complémentaire-?". L'article lü7.r dé: la loi du 25 janvier 1985 entérine cette
solution. Ainsi est affirmée la nullité de principe de toute inscription de
nantissement conservatoire prise en période suspecte (Al· Cependant, le
créancier nanti a toujours la possibilité de prendre une
inscription
complémentaire, certes intervenue cr: période suspecte, mais confirmant une
inscription provisoire antérieure à la cessation des paiements (B).
AI La nullité de principe des inscriptions conservatoires
prises en période suspecte.
51 - La spécificité du mécanisme du nantissement judiciaire suffit à
justifier cette exception à la validité de principe des inscriptions prises en
période suspecte. Nous avons déjà souligné son caractère attractif dès lors
qu'un créancier chirographaire pressentant l'insolvabilité prochaine de son
débiteur, s'empresse de solliciter une autorisation d'inscrire un nantissement
judiciaire. Admettre la validité d'un tel nantissement reviendrait à accorder
une sorte de rançon au créancier le plus diligent, alors que par définition sa
créance paraît seulement «fondée en son principe». Il en résulterait une
véritable négation du principe de l'égalité entre créanciers chirographaires.
L'accomplissement de l'inscription provisoire au cours de la période suspecte
autorise le juge à prononcer la nullité de droit édictée par l'article 107. 7°, ce
100 Cf. B. GROSS, L'inscription des sure tés rians la Iaillii.: d .., debiteur commerçant, RTD corn. 1965, p.23; A.
MARTlN- SERF, Thèse, op. Cil., :1' l J') d
S
; D. CORF(éGI\\i\\:i- CAl<SIl\\, Thèse, op. cil., n" SO et s.

41
qui aboutit à faire remonter la règle de l'arrêt des inscriptions à la date de la
cessation des paiements.
52 - la nullité demeure acquise malgré les modifications apportées à
l'article 107.r par la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures
civiles d'exécution lOI. Du reste, le nantissement judiciaire jadis cantonné au
fonds de commerce voit son assiette s'étendre aux actions, parts sociales et
autres valeurs mobilières. On peut seulement regretter que le législateur ait
maintenu les termes de l'alinéa 2 de l'article 107 qui comprend dans les actes
faits par le débiteur depuis la date de cessation des paiements, l'inscription
du nantissement dont l'initiative appartient au créancier. Il est de plus
surprenant que la jurisprudence reprenne à son compte une telle maladresse
de langage-v-. Dans tous les cas, l'article 107.7° écarte expressément de son
champ d'application les inscriptions de nantissements conservatoires prises
avant la cessation des paiements. Dans ces conditions, une inscription de
nantissement judiciaire provisoire sur Lm fonds de commerce peut-elle être
valablement
transformée
en
inscription
de
nantissement
judiciaire
postérieurement à la cessation des paiements?
BI La validité de l'inscription complémentaire prise en
période suspecte
53 - A l'origine, se fondant sur une interprétation littérale des textes
antérieurst''>
la doctrine-v" confortée par la jurisprudencetve, n'opérait
aucune distinction entre :inscription provisoire et inscription complémentaire.
Il suffisait que l'une de ces deux inscriptions intervienne au cours de la
période suspecte pour déclarer le nantissement inopposable à la masse.
L'article 29.r de la loi de 1967 frappait en effet d'inopposabilité sans autre
précision «toute inscription prise en s.pplication des articles 53 et 54 du code
de procédure». Une telle solution heurtait le principe de rétroactivité de
101
cf. JCP 1Il, n" 64891, ?323 ; BLA)iC, l.e s 11()\\, vdk'; pl',J(":'oures ct 'exécution] commentaire de la loi 91-650 du 9
juillet 1991), éd. du J.N,A, spéc. p. 1: 1.
10 2
1
Cf. A propos d'une hypothèque judiciam- conservatoi-r-, Crc-noble, 17 oct. 1990. Rev. proe. coll. 1991, p. 210, 11°6,
obs. SAINT ALARY-HOUIN.
\\103 Cf. Art. 477, aU C. ~om.; Art. 29 aL2. t, :"1967.
110 4 Cf. WEIL et MAUS. Le nantissement judiciaire du f(l'1.:ls de cornmcrce , D. 1956, p. f\\ï, spéc. p. 93, n" VI ; C
GIVERDON, Saisie et mesure conservatoire au terme de dei x années cl'application, D. l 957, Chf. p. 207.

42
l'inscription
complémentaire.
En
effet,
cette
inscription
se
substitue
rétroactivement à l'inscription prcviscire. Par conséquent, le nantissement
judiciaire prend effet à la date de celle-ci. Dans ces conditions, si l'inscription
provisoire est antérieure à la cessation l'es paiements, le caractère simplement
confirmatif de l'inscription définitive, même prise au cours de la période
suspecte, ne s'oppose nullement à la validité du nantissement. La solution
inverse conduirait à priver d'efficacité des inscriptions régulièrement requises
avant la période suspecte. Or à ce moment, aucune règle n'impose le respect
de la règle de l'égalitél'". En outre, la jurisprudence peut toujours décider
d'un report de la date de cessation des paiements permettant ainsi d'inclure
de nombreux nantissements dans les actes intervenus en période suspecte.
En définitive, l'argument tiré de la généralité des textes antérieurs était
apparu fort spécieux. C'est pourquoi la jurisprudence-?? avait admis la validité
de l'inscription complémentaire prise en période suspecte si l'inscription
provisoire était intervenue antérieurement à la cessation des paiements.
54 - La doctrine dominante-'" estime que le législateur a, en 1985,
entendu entériner cette jurisprudence antérieure, notamment en modifiant
l'article 29 al 2.7° de la loi de 1967. L'article
107.7° (modifié par la loi du 9
juillet 1991) précise expressément ire fine que seule l'inscription provisoire
prise antérieurement à la cessation des paiements échappe à la nullité de droit.
Il importe peu que l'inscription définitive précédée du jugement statuant au
fond sur la réalité de la créance, intervienne en période suspecte. Il est vrai que
le mécanisme de la conversion d'une mesure conservatoire en mesure définitive
repose sur une fiction, mais il expliqué l'originalité d'une telle solution. On
imagine difficilement qu'il puisse être battu en brèche, malgré le renforcement
du caractère égalitaire des nouvelles procédures collectives.
105 Cf. Paris, 13 janv. 1962, RTD cam. 1963, p. 72, n'2. obs ..JA~TFRET; Rouen, 12 nov. 1959, D. 1960, p. 201, HT))
corn. 1960, p. 410. n° 34, obs. HOUIN.
106 Cf. En ce sens, A. HONORAT, Les innovations du dècret \\lulU mai 1955 relatif aux faillites ct au règlement
judiciaire, L.G.D.J.1960, p. 129, n" 129.
107 Cf. Casso com., 30 nov, 1965, D. 1966, p. 600, note Pf!WV,'.NO. Les arrêts cités par D. CORRIGNAN- CARSIN
Thèse, op. cit., n" 86 et 87.
'
108Cf. G. RIPERTetR. ROBLOT, op. ca.. n' 3132 111fine : t . "l'YON op. cit. n ' 1332

43
Une fois le caractère suspect du gage déterminé soit en raison des
conditions objectivement frauduleuses, soit en raison de l'attitude du créancier
nanti, il convient de préciser les modalites pratiques de mise en œuvre de
l'action en nullité, seule innovation majeure du régime institué par la loi du 25
janvier 1985.
§3. La mise en œuvre de l'action en nullité
55 - Dans le cadre du draie antérieur, les sûretés constituées ou
inscrites en période suspecte étaient déclarées inopposables à la masse des
créanciers. La disparition de cette institution dans le régime de la loi de 1985
a conduit le législateur à ré-instaurer la nullité en vigueur avant le décret du
20 mai 1955. La rigueur de cette sanction traduit la volonté manifeste de
supprimer de nombreuses sûretés réelles spéciales. Nous le vérifierons en
examinant successivement les modalités d'exercice de l'action en nullité (AI,
puis les effets de cette nullité( B).
AI Les modalités d'exercice de l'action en nullité
56 - Comme pour toute action en justice, il convient de s'interroger sur
les personnes habilitées à requérir la nullité (1) avant d'envisager le délai qui
leur ait imparti pour agir (2),
1 "Les demandeurs à l'action en nullité
57 - Dans le cadre de la loi de: 1967, seul le syndic représentant la
masse, pouvait exercer l'action en inopposabilité de la période suspecte. La loi
de 1985 a largement favorisé l'action en nullité. Elle étend le nombre de
personnes habilitées à solliciter la nullité. L'article 110 de la loi énonce que
l'action en
nullité
ne
peut être diligentée que
par l'administrateur,
le
représentant des créanciers, le liquidateur et le commissaire à l'exécution du
plan. Cette liste est limitative. Les contrôleurs dont le rôle a été pourtant
renforcé par le législateur de 1994, ne semblent pas en mesure d'exercer cette

44
action, l'article 110 n'ayant pas été complété dans ce sens. Les auteurs de la
loi de 1985 ont souhaité confier aux seuls organes de la procédure la qualité
pour agir-?". Ni les créanciers dont la défense des intérêts est assurée par le
représentant des créanciers, encore moins le débiteur, ne peuvent engager
l'action en nullité. Chaque organe habilité à agir intervient à un stade précis
de la procédure en fonction de la solution retenue par le tribunal. Cela accroît
les possibilités de rétrogradation des créanciers nantis «suspects) au rang peu
enviable de créanciers chirographaires. Ce constat s'impose de toute évidence
en l'absence de véritable délai limitant la mise en œuvre de l'action en nullité.
2°L'absence de délai pour agir en nullité
58 - L'exercice de l'action en nullité des actes accomplis en période
suspecte n'est enfermé dans aucun délai précis. Elle est seulement limitée par
la cessation effective des fonctions des autorités visées par l'article 110 de la
loi de 1985. On se souvient que le cadre du droit antérieur, l'action en
inopposabilité demeurait possible jusqu'à l'homologation du concordat dans le
règlement judiciaire ou jusqu'à l'union en cas de liquidation des biens! Hl.
Dans tous les cas, la décision d'admission d'une créance acquiert l'autorité de
chose jugée et devient irrévocable. Dès lors, elle ne pouvait plus être remise en
cause par l'exercice ultérieur d'une action en inopposabilité de la période
suspectet!-. Cette jurisprudence très ferme ne pouvait que perdurer sous
l'empire de la législation actuelle-V. L'action en nullité doit donc être engagée
avant le dépôt de l'état des créances. Cependant, la preuve d'une fraude
manifeste d'un créancier autorise l'exercice d'un recours en révision seule voie
susceptible d'ébranler la force de la chose jugée attachée à la décision
d'admission de
la
créance
garantie.
Cette procédure extraordinaire est
spécialement prévue par les articles 593 à 603 du nouveau code de procédure
civile-t-.
109 Cf. En ce sens, F. DERRIDA, P. GODE, J
P. SORTAIS, av ci:., '1°350.,
J JO
Cf. Sur la question, D. CORRIGNAN-CARSIN, Thè se cp. ci:., pp. 189- 190, n" 117
III Cf. Casso corn.,
l er mars 1988, D. 1988, sornm., p. 336, obs, EONORAT, Rev. proc. coll. 189, n 01, obs. GUYON.
112 Cf. Casso corn.,
12 nov. 1991, Bull. civ. IV. n' 342, 0.1992 somrn. p. 183, obs. HONORAT, RTD corn. 1992 p.691
obs. MARTIN-SERF.
'
,
113 Cf.A. MART1N- SERF, obs. sous Casso cam., 12 :10\\.
'C)9:. 'J;' . .:rt..

45
59 - Au demeurant, sous l'empire des textes antérieurs, l'action en
inopposabilité ne pouvait plus être exercée lorsque le syndic y avait renoncé,
notamment en exécutant le contrat qu'il envisageait par la suite de faire
déclarer inopposable à la masse 114. Dan s le cadre de la loi de 1985, la
renonciation devrait émaner de l'ensemble des personnes habilitées à agir en
nullité, pour produire tous ses effets. L'exécution par l'administrateur du
contrat de gage en procédant à la faculté de retrait prévue à l'article 33, alinéa
3 de la loi, ne prive pas le représentant des créanciers du droit de solliciter la
nullité de
nantissement.
La renonciation de l'administrateur n'équivaut
nullement à une reconnaissance de la validité du gage. Dans tous les cas, le
prononcé de la nullité même lorsqu'il s'agit d'une nullité de droit, relève de la
compétence exclusive du tribunal qui 8. ouvert la procédure. Il convient
maintenant d'en déterminer la portée.
BI Les effets de la nullité
60 - Dans le cadre du droit antérieur, l'inopposabilité préservait la
validité
du
nantissement
dans
les
rappor s
du
débiteur
avec
son
cocontractant. Il en était de même à l'égard d s tiers non compris dans la
masse. Le créancier gagiste pouvait ultérieurern nt se prévaloir de sa sûreté,
dans la mesure où le bien grevé n'avait pas été
liéné au profit de la masse.
En revanche, la nullité engendre des effets plus rigoureux. Elle porte atteinte
à la validité même de la sûreté. Le créancier ga iste perd rétroactivement et
définitivement son droit réel de créancier garanti. Il rétrograde à la position
peu enviable de simple créancier chirographaire u>. Si la sûreté a déjà épuisé
ses effets avant que le créancier nanti reçoive un paiement préférentiel, il
devra restituer les sommes perçues. Tout doit se passer en effet comme si le
nantissement n'avait jamais été consenti 0:"'1 inscrit, d'où une remise en cause
des prestations fournies en exécution de la sûreté irrégulière. Mais qui peut
être le destinataire des fonds ainsi récoltés'? Dans le droit antérieur, la masse
114 Cf. Casso com., 10 oct .. 1978, Bull. civ, IV, n° 218.

48
souplesse a été recueilli par le législateur de 1985. L'article 32, alinéa 2 de la
loi pose ainsi de façon indirecte, mais fermement, le principe de la prohibition
de toute constitution de nantissement après le jugement de redressement
judiciaire.
64 - En revanche, la règle de l'arrêt du cours des inscriptions paraît
bien ancrée dans notre droit de la faillite On se souvient que l'article 33 de la
loi de 1967 frappait d'inopposabilité à la masse, tout nantissement inscrit
postérieurement au jugement d'ouverture"!". L'article 57 de la loi de 1985,
légèrement modifié par la loi du 10 juin 1994, reprend cette règle dite de
l'interdiction des inscriptions. Cette double prohibition des constitutions et
des inscriptions de nantissements après le jugement déclaratif s'explique par
la nécessaire cristallisation du patrimoine du débiteur et le souci d'assurer
une égalité de traitement entre tous les créanciers antérieurs. Elle aboutit
dans tous les cas, à l'extinction de la sûreté en cours de constitution et
surtout de publication à la date du jugement d'ouverture (§1).
Cette mesure est destinée à réduire l'ampleur des creances garanties
dans le passif du débiteur afin d'optimiser les chances de redressement de
l'entreprise. C'est précisément en considération de cette finalité économique
que le juge commissaire pourra autoriser la constitution exceptionnelle d'un
nantissement malgré le prononcé du redressement judiciaire (§2). La règle
édictée par l'article 57 de la loi paraît beaucoup plus rigoureuse tant dans son
principe
que
dans
ses
conséquences.
Elle
admet
cependant
quelques
tempéraments ( §3).
1 '8
9 cf. Sur le système antérieur, Ph. PASTAUD, L' efficacn des suretés réelles en cIroit des affaires, Thèse, op. cù., pp.
é
1 et s.

49
§l.
La prohibition de principe de toute constitution et
inscription de nantissement après le jugement
d'ouverture

65 - Cette double interdiction ne revêt aucun caractère singulier par
rapport aux règles en vigueur dans les régimes antérieurs. Seule la sévérité de
la sanction retenue par le législateur de 1985 renforce la portée de règle de la
prohibition des constitutions (A) et des inscriptions (B] de nantissements
postérieures au jugement déclaratif.
AI La prohibition des constitutions de nantissements
postérieures au jugement d'ouverture
66 - Tout nantissement constitué pendant la période suspecte, dans les
conditions précédemment exposées, encourt la nullité. Comment pouvait-il en
être autrement, a fortiori pour les nantissements consentis par le débiteur
après l'ouverture de la procédure, sar:s autorisation du juge commissaire? On
peut en effet, redouter des manœuvres frauduleuses du débiteur, voire de
l'administrateur visant à favoriser tel
ou tel établissement bancaire en
contrepartie de concours financiers pius importants. Or, il est indispensable
que l'entreprise conserve dans son patrimoine l'actif existant lors du prononcé
du redressement judiciaire ou qui aurait été acquis depuis. Tout nantissement
constitué sur ces biens tombe sous le coup de la nullité prévue par l'article
33, alinéa 4 de la loi. Il s'agit d'une nullité d'ordre public; ce qui explique
qu'elle soit plus largement ouverte que l'action en nullité de la période
suspecte. Tout intéressé peut solliciter la nullité des actes passés en violation
de l'article 33, alinéa 4 de la loi. L'action peut être diligentée aussi bien par les
organes de la procédure que par un créancier agissant individuellement. La
formule légale ne paraît pas du reste, exclure le débiteur lui-même, compte
tenu du caractère absolu de la nullité encourue.

50
67 - Contrairement à l'action en nullité des articles 107 et suivants,
celle prévue par l'article 33, alinea 4 de la loi se prescrit par trois ans 120.
Lorsque le gage est soumis à publicité, ce délai court à compter de la
publication. A cette sanction civile, l'article 203 de la loi ajoute une sanction
pénale assez sévère. En outre, lorsque c'est l'administrateur qui consent le
gage sans autorisation requise, sa responsabilité professionnelle pourra être
engagée devant les juridictions de droit commun.
Mais si la constitution d'une sûreté après le jugement d'ouverture
implique
souvent
l'initiative
du
débiteur,
voire
de
l'administrateur,
l'inscription du nantissement est par définition sollicitée par le créancier
nanti. Elle est également frappée de nullité, si elle intervient postérieurement
à l'ouverture de la procédure
BI L'interdiction des inscriptions de nantissements
après le jugement d'ouverture
68 - La règle de l'interdiction des inscriptions s'applique a pnon aux
gages sans dépossession dont l'efficacité reste subordonnée à une formalité de
publicité obligatoire. Mais, en réalité, la règle de l'article 57 de la loi vise
toutes les formalités destinées à rendre le droit réel du gagiste opposable aux
tiers">'. Inchangée quant à son domaine (1), la règle de l'interdiction des
inscriptions est désormais assortie d'une sanction beaucoup plus sévère (2)
1 0 Le domaine de l'interdiction
69- Tous les nantissements sont en principe soumis à la règle de
l'interdiction des inscriptions après le jugement d'ouverture. Une distinction
s'opère globalement entre les gages assortis d'un délai d'inscription et ceux
qui n'en comportent aucun. Dans cette dernière hypothèse, il appartient au
créancier de juger de l'opportunité de prendre son inscription à un moment
120
Alors que l'action en nullité de la période suspecte' Il est enfermée dans aucun délai précis ju squà l'admission
définitive de la créance.
121 Cf. B. SOlNNE, Traité, op. CIL, n"498.

51
plutôt qu'à un autre. Il aura cependant intérêt à agir avec célérité s'il souhaite
conserver un rang favorable. Ainsi, il résulte de l'article 5 de la loi du 22
février 1944 relatif au nantissement des films cinématographiques, que seule
l'inscription au Centre National de la Cinématographie, permet de rendre le
nantissement opposable aux tiers, sans autre précision de délai. Le rang des
crêanciers nantis sur le même film est donc déterminé par la date des
inscriptions successivestv? .La quasi-totalité des textes instituant les warrants
commerciaux n'enferme pas
davantage l'accomplissement de la formalité de
publicité dans un délai précis. Les tribunaux apprécient dans chaque espèce
la célérité du requérant-v".
Cependant, l'article 4 de la loi du 8 août 1913 relative au warrant
hôtelier,
accorde
un
délai
de
5 jours au prêteur pour procéder à la
transcription du premier endossement au greffe du tribunal de commerce,
après remise du warrant. Mais il ne s'agit nullement d'un délai de forclusion
au terme duquel le créancier nanti ne pourrait plus agir. La transcription
tardive prend effet à sa date et non È- celle de l'endossement. Dès lors, la
situation ne diffère guère de celle des autres warrants. En toute hypothèse, la
transcription du nantissement ne peut plus en principe, intervenir à compter
du jugement d'ouverture, même si la constitution de la sûreté échappe aux
nullités de la période suspecte. La règle édictée par l'article 57 de la loi
sanctionne la négligence des personnes habilitées à requérir les mesures de
publicité.
70- Au demeurant, le gage de droit commun ne donne lieu à aucune
formalité d'inscription. Néanmoins, la dépossession du constituant et la mise
en
possession
corrélative
du
gagiste,
réalisent
une
véritable
publicité
matérielle.
Toutefois,
le
législateur
n'a
pas
prévu
de
délai
pour
l'accomplissement de cette obligation constitutive du gage. Dans tous les cas,
elle ne peut plus être accomplie après le jugement d'ouverture, car elle
rendrait le gage nul en application de l'article 33, alinéa 4 de la loi. Du reste,
122 J. PATARIN, Le nantissement sur les films cinématcgraphique s, in Le gage commercial sous la direction de J
HAMEL, op. cit., p. 346, spéc. pp. 360 et 361.
123 Cf. J . HEMARD, Les contrats commerciaux, op. CLt.,
,1~S60,; J. HAMEL, G. LAGARDE, A JAUFFRET, op. cil.,
1514- 1515.

52
on imagine difficilement le juge commissaire engager les biens de l'entreprise
au moment méme où elle en a le plus grand besoin pour la poursuite de
l'activité. Un raisonnement analogue s'impose de toute évidence à propos de la
signification du nantissement sur créances aux débiteurs cédés. Le gagiste ne
peut plus accomplir cette formalité après le jugement d'ouverture.
71- En revanche, le nantissement sur fonds de commerce ou sur
matériel et outillage et le gage sur véhicule automobile sont assortis d'un délai
d'inscription au terme duquel le créancier nanti est frappé de forclusion.
S'agissant des deux premiers nantissements, l'inscription doit être accomplie
au greffe du tribunal de commerce à peine de nullité dans les 15 jours suivant
l'acte constitutif. Le législateur a pris soin de préciser à chaque fois que la
survenance du redressement ou de la liquidation judiciaire interrompait le
cours des inscriptions, alors méme que le délai de quinzaine n'étant pas
expiré,
le
créancier
nan tl
pouvait
encore
théoriquement
procéder
à
l'inscription l>'. Or, en se fondant sur l'article 2, alinéa 1er de la loi de 1909,
doctrine et jurisprudence autorisent l'inscription du privilège du vendeur du
fonds de commerce dans le délai de quinzaine, nonobstant la défaillance de
l'acquéreur. On s'explique difficilement une telle inégalité de traitement frisant
l'injustice.
72- Dans l'hypothèse du gage sur véhicule automobile, l'inscription
doit être prise sur un registre à la préfecture qui a délivré la carte grise. Elle
doit étre effectuer dans un délai de trois mois à compter de la délivrance du
récépissé de déclaration de mise en circulationt->. Comme dans les deux
hypothèses précédentes, l'inscription du gage n'a pas un caractère rétroactif.
Elle prend effet à compter de sa date. Or, aucune disposition du décret de
1953, analogue à celle qui figure dans sa loi de 1909, ne réserve l'hypothèse
du redressement ou de la liquidation judiciaire prononcé dans le délai de 3
mois. Doit-on considérer que le silence du législateur vaut autorisation
d'inscrire
nonobstant le jugement d'ouverture?
Sous
l'empire
du
droit
antérieur, la jurisprudence avait opté pour l'application de la règle de l'arrêt
124
1. 17 mars 1909,An.. 11;1. 18J811vler 1951,An. J,jCjui renvoie a l'application de la loi de 1909.
125 Cf. Décr. 30 sept. 1953, An. 2.

53
du cours d'inscription 126. Cette solution avait été critiquée par une partie de la
doctrine qui faisait alors valoir des considérations d'opportunité, le délai de 3
mois ayant été institué dans l'intérêt du créancier afin de le protéger des
lenteurs de l'administration préfectorale.
73-
Au
demeurant,
si
le législateur a
spécialement exclu toute
inscription de nantissement après le jugement d'ouverture, alors que le délai
court encore dans les deux cas précédents, c'est qu'il entendait bien prendre
en compte la spécificité de cette sûreté. Dès lors, tout ce qui n'est pas
expressément prohibé est permis. Or, le décret du 20 septembre
1953
constitue un texte spécial qui devrait déroger au texte général de l'article 57
de la loi de 1985. Malgré la pertinence:' de cet argument, la fermeté de principe
de cette dernière disposition exclut toute exception à la règle de l'interdiction
des inscriptions. 11 n'y a aucune raison majeure susceptible de justifier
l'aménagement d'un régime différent pour le gage sur véhicule automobile.
Néanmoins, aucune véritable négligence ne peut être imputée au créancier
avant l'expiration du délai qui lui est imparti pour inscrire la sûreté. Tout se
passe comme si, selon une formule consacrée, « on accordait un privilège en
refusant le moyen de le conserver li. La sévérité d'une telle solution apparaît
encore avec plus d'acuité lorsqu'on mesure la portée de l'interdiction posée
par l'article 57 de la loi.
2 0 La sanction de l'interdiction
74- L'article 57 de la Ici interdit toute inscription de nantissement
après le jugement d'ouverture. 11 ne s'agit plus d'une simple inopposabilité
dont la relativité autorisait la prise d'inscription destinée à produire effet à la
disparition de la masse, mais d'une véritable prohibition impérative. ( La loi ne
laisse aucune échappatoire, le créancier est ici dans l'impossibilité d'inscrire
sa sûreté »127. En face d'une telle impossibilité, quelle attitude devraient
adopter les personnes habilitées à recevoir les inscriptions? La publicité du
jugement d'ouverture est-elle à même de les renseigner rapidement? En
126
Cf. Casso corn., 3 mai 1967, RTD com. 1969, p. :12, n"6, obs. HEMARD

54
principe la publicité des jugements d'ouverture faite au registre du commerce
et des sociétés ainsi qu'au registre spécial ouvert au greffe du tribunal de
grande instance, devraient assurer une parfaite information des greffiers
chargés de procéder aux formalités d'inscription de certains nantissements.
D'ailleurs, l'association des greffiers de France a crée un réseau d'information
par minitel reprenant les parutions du BODACC et qui fournit en permanence
des renseignements sur l'ouverture des procédures collectives. Dans ces
conditions, une véritable présomption de connaissance du jugement déclaratif
pèse sur les greffiers.
75-
En
revanche,
rn
le
magasmier
général,
qUI
procède
à
la
transcription du warrant sur marchandise, ni les
services de la préfecture,
encore moins le conservateur du Centre National la Cinématographie, ne sont
astreints à la lecture assidue du BODACC. Aucun système de publicité directe
du jugement d'ouverture n'est organisé à notre connaissance, à leur intention.
Ces personnes peuvent arguer de leur méconnaissance du redressement
judiciaire, pour justifier l'inscription du nantissement effectuée au mépris de
la règle posée par l'article 57 de la 101. Nous savons qu'en droit commun des
sûretés, les personnes tenues d'accomplir les formalités de publicité, ne sont
pas en principe juges de la validité des
actes qui leur sont présentés. Dans
ces conditions, sur quel fondement juridique seraient-elles autorisées à
refuser de procéder à l'inscription du nantissement?
A l'instar du conservateur des hypothèquest-", le greffier, le magasinier
général ou encore le conservateur du Centre National de la Cinématographie,
ont un rôle essentiellement passif. Certes, ils opèrent certaines vérifications,
mais ils sont davantage des transcripteurs, des copistes et nullement des
juges. Ils ne s'intéressent qu'à la régularité formelle des actes qu'ils reçoivent.
Un tel raisonnement était encore valable sous l'empire des textes antérieurs.
Les personnes susvisées continuaient à accomplir les inscriptions malgré le
jugement d'ouverture. Ces inscriptions tardives recouvraient leur efficacité à
127 cf. Y. CHARTIER, Droit des affaires, T. 3, op. cie, n'
i :'10.
128 Cf.
A. KORNMANN, Garantie s réelles immobilières ccnsu: uees antérieurement au jugement d 'ouverture et période
d'observation, Thè se , op. CZl.. , p. 31.

55
la disparition de la masse. Or, dans 1& loi de 1985, les inscriptions ne sont pas
seulement suspendues, elles sont interdites. L'article 57 impose le rejet de
toute formalité d'inscription à compter du jugement de redressement ou de
liquidation judiciaire. Méme si on admet la possibilité d'une inscription de
nantissement malgré l'article 57 de la loi, celle-ci serait sans valeur. Les
organes de la procédure n'en tiendront pas compte dans les différentes
opérations d'apurement du passif.
76- Mais quelle est alors la sanction affectant ces nantissements
irrégulièrement publiés? Nous avons indiqué que dans le droit antérieur,
l'inopposabilité du nantissement irrégulier faisait recouvrer son efficacité à la
sûreté à la disparition de la masse, notamment lorsque le bien grevé avait été
conservé dans le patrimoine du débiteur. Ainsi, après l'adoption du concordat,
le créancier nanti était en mesure d'opposer son droit son droit réel aux
créanciers postérieurs à l'homologation du concordat-v". Dans le régime
actuel, un auteur a soutenu que « l'inopposabilité ne s'est pas muée comme
en
matière
de
période
suspecte
en nullité,
mais en une
impossibilité
d'inscrire »130.
Mais cette impossibilité de
publier que personne ne me,
recouvre aucune qualification juridique précise. Si nous étions en matière
pénale, ce terme désignerait l'incrimination, c'est à dire ce qui est défendu par
la loi, mais ce qui nous intéresse c'est b. peine, la sanction juridique attachée
à cette incrimination. Pour déterminer la nature de cette sanction, il paraît
utile d'exposer au préalable les conséquences de la règle de l'interdiction des
inscriptions. L'article 57 de la loi énonce un principe impératif. Ainsi « même
si le bien grevé de la sûreté demeure dans le patrimoine du débiteur après la
clôture
de
la
procédure,
l'inscription
qui
aurait
été
prise
nonobstant
l'ouverture du redressement judiciaire serait pnvee de toute efficacité »131,
Certes, l'article 57 figure dans le chapi tre 1er de la loi de 1985 consacré à la
période d'observation, mais la règle de l'interdiction des inscriptions s'applique
au-delà quelle que soit l'issue de la procédure t-v.
129 cf. F. DERRIDA, P. GODE, J.P. sor-<'TAIS. op. cil.,:-;' ~<:;6
130 Cf. A. KORNMANN, The se, op. ClL, p. 22.
131 Cf. P. TILLY, Thèse, op. cil. ..
p. 224. n ' 248.
~3; Cf. En ce sens, F. DERRIDA, P. GODE, J. P SORTAi:è. 0,'. cit.. n° 536 ; Contra A. KORNMANN, Thèse, op. cit., p.

56
77 - Le créancier nanti qui n'a pas inscrit sa sûreté avant le jugement
d'ouverture devient créancier chirographaire. Il ne peut plus s'en prévaloir
même au terme de la procédure, contrairement à la solution admise sous le
régime antérieur. Seule la nullité permet d'atteindre la validité d'une sûreté.
C'est cette sanction extrême qui correspond le mieux aux conséquences ci-
dessus décrites. Elle s'inscrit parfaitement dans la panoplie des dispositions
de la loi de 1985 visant à neutraliser à la source les sûretés rêelles spéciales,
régulièrement constituées. L'analogie est évidente avec le système des nullités
de
la période
suspecte qui
affecte du reste,
certaines inscriptions de
nantissements. La nullité sanctionnant l'interdiction prévue par l'article 57 de
la loi serait d'ordre public. Tout intéressé peut requérir la radiation de
l'inscription irrégulière. Cette sanction aboutit exagérément à la suppression
de la garantie sans véritable justification. S'agissant d'une inscription tardive,
une
simple
inopposabilité
aurait
suffi.
Les
mesures
de
publicité
ne
conditionnent que rarement la validité de
la sûreté. Celle-ci aurait dû
retrouver son efficacité à l'issue de la procédure, sauf à réserver le sort des
créanciers nouveaux qui auront acquis des droits sur les biens grevés.
78-En définitive, l'article 57 de .a loi consacre l'une des atteintes les
plus graves au droit classique des sûretés sans dépossession dont l'efficacité
est généralement subordonnée à l'accomplissement d'une mesure de publicité.
Cette négation du droit réel du gagiste trouve son fondement dans la nouvelle
hiérarchie des priorités instituée par le législateur de 198511 faut encore se
référer à l'impératif économique du sauvetage de l'entreprise pour justifier la
constitution exceptionnelle d'un nantissement après le jugement d'ouverture,
avec l'autorisation du juge commissaire.
§2. L'exception à la prohibition des constitutions de nantissement
postérieures au jugement d'ouverture
79- On infère généralement de l'article 33, alinéa 2 de la loi, une règle
négative: celle de l'interdiction de constituer une sûreté après le jugement

57
déclaratif. Cette règle résulte en réalité d'un raisonnement a contrario, d'une
déduction logique. La validité de toute sûreté constituée après le jugement
d'ouverture est subordonnée a un
acte formel
: l'autorisation du juge
commissaire. Nous savons que la loi de 1985 a considérablement étendu les
pouvoirs et les attributions de ce magistrat. Nous verrons qu'il lui appartient
notamment d'ordonner la substitution de garantie prévue à l'article 34, alinéa
3. Cependant, les deux autorisations obéissent à des régimes différents. La
constitution d'une sûreté rentre dans la catégorie des actes d'administration
judiciaire. En revanche, la mesure édictée par l'article 34, alinéa 3 de la loi fait
l'objet d'une
ordonnance juridictionnelle soumise aux voies de
recours
ordinaires.
80- Néanmoins, en pratique, la différence entre ces deux actes est
assez mince. En effet, aux termes de j'article 25 du décret du 27 décembre
1985,
le juge
commissaire
statue
par ordonnance « sur les demandes,
contestations et revendications relevant de sa compétence ». Il suffit de lui
adresser une simple requête à propos de l'accomplissement d'un acte soumis
à son pouvoir d'autorisation pour qu'il prenne une ordonnance susceptible de
recours. Seule la nécessité d'assurer le redressement de l'entreprise inciterait
le juge commissaire
à
se
prononcer en faveur
de
la constitution du
nantissement. La sûreté ainsi constituee garantit des dettes postérieures au
jugement d'ouverture, bénéficiant par là-même, de la priorité de paiement
instituée par l'article 40 de
la loi. Le nantissement portera généralement sur
du matériel d'équipement acquis pô.T le débiteur ou l'administrateur afin de
favoriser la poursuite de l'exploitation. Dans ce cas, il n'y a aucun risque de
dilapidation ou d'immobilisation des actifs déjà existant dans l'entreprise.
81- En revanche, le gage avec dépossession semble exclu du domaine
de l'article 33, alinéa 2 de la loi. Les organes de la procédure ne peuvent sortir
des biens du patrimoine du débiteur, alors même qu'ils sont indispensables à
l'activité de l'entreprise, sauf s'il s'agit d'actifs étrangers à son exploitation
professionnelle ou non incorporés dans le cycle de production de l'entreprise.
Si la validité exceptionnelle des nantissements constitués après le jugement
d'ouverture
dépend
de
l'autorisation
du
juge
commissaire,
il
en
est

58
différemment pour la régularité des inscriptions prises malgré l'ouverture de
la procédure.
§ 3.
Tempéraments à la règle de l'interdiction des inscriptions
postérieures au jugement d'ouverture
82-
De
nombreuses inscriptions de
nantissements,
généralement
prises à titre conservatoire ou confirmatif, échappent à l'interdiction de
principe édictée par l'article 57 de la loi. Or, si certains de ces tempéraments
ne soulèvent aucune contestation (A), d'autres, pourtant consacrés par la
jurisprudence sous l'empire des textes antérieurs, alimentent aujourd'hui une
controverse nourrie, génératrice d'incertitude sur le maintien de ces solutions
(B).
AI La validité non contestée de certaines inscriptions de
nantissement prises après le jugement d'ouverture
83-
L'exception
a
la
règle
posée
par
l'article
57
concerne
principalement le renouvellement d'inscriptions prises avant l'expiration du
délai de péremption des inscriptions initiales. Ce délai vane en fonction des
nantissements. Ainsi, l'inscription du nantissement portant sur le fonds de
commerce cesse de
produire effet, si elle n'a pas été renouvelée avant
l'expiration d'un délai de dix ans à compter de sa date 133 . Le délai est de cinq
ans pour le nantissement sur outillage et matériel d'èquipement->'. Ces
inscriptions en renouvellement prises après le jugement d'ouverture n'ont pas
pour effet de conférer au créancier une garantie nouvelle. « Elles conservent
simplement leur valeur à des inscriptions qui étaient valables au moment de
leur
publication »135.
Il
s'agit
d'inscriptions
non
acquisitives
de
droits
nouveaux. Elles revêtent un caractère conservatoire. Dès lors, doctrinc'<" et
jurisprudence tê? ont toujours proclamé la validité de ces inscriptions. Cette
133 Cf. L. 17 mars 1909, Art. 28.
134 Cf. L. 18 janv. 1951, Art.3.
135 Cf. B. GROSS. op. cii., n° 22.
136
Cf. D. CORRIGNAN- CARSIN, Thèse, op. cii., p. 181 .i ' 112.
137
Cf. Aix, 18 mars 1987, 0.1981, somm. Comm. p. 489, obs. I-10NORJ\\T; Casso Corn., 18 oct. :966, RTD corn.
1967, p. 586, n° 586, n
37, obs. HOUIN.
0

59
solution logique continue a s'appliquer malgré la généralité des termes de
l'article 57 de la loi.
Une position analogue doit être adoptée à propos des inscriptions de
nantissements dont la constitution a été régulièrement autorisée par le juge
commissaire en application de l'article 33, alinéa 2 de la loi ou en cas de
substitution de garantie. Ces limites au principe édicté par l'article 57 de la loi
ne souffrent aucune contestation. En revanche, la validité antérieurement
admise de certaines inscriptions, se heurte à la fermeté et à la généralité de
l'article 57.
BI La
Validité
controversée
de
certaines
inscriptions
de
nantissement postérieures au jugement d'ouverture
84- En principe, les nantissements comportant des délais d'inscription
n'échappent pas à l'interdiction de principe prévue par l'article 57 de la loi.
Mais il s'agit d'inscriptions qui prennent rang à leur date. Que décider à
propos des nantissements dont l'inscription a un effet rétroactif? L'hypothèse
envisagée
est
celle
du
nantissement
judiciaire
dont
l'inscription
complémentaire ou définitive rétroagit au jour de l'inscription provisoire ou
initiale. La solution antérieurement admise en jurisprudence et en doctrine
écartait l'application de la règle de l'interdiction des inscriptionsràë. Aucune
justification ne s'oppose à sa reconduction sous l'empire de la loi de 1985 (1).
Une autre question suscite la polémique. Il s'agit du sort des inscriptions de
nantissements prises en garantie d'intérêts à échoir après le jugement de
redressement ou de liquidation judiciaire. Mais, là aussi, la généralité et le
caractère impératif de la règle de l'interdiction des inscriptions ne devraient
pas bouleverser l'équilibre des solutions antérieures (2).
13" Cf. Sur la quest.on, Ph.
PASTAUD, The se, op. cir., pp. L:5 et s.

60
1
nantissements
0
Les
inscriptions
comp lémentaires
de
judiciaires provisoires
85-
Le mecanisme
du
nantissement judiciaire est conrrut-".
Un
créancier peut demander au juge de lui accorder à titre provisoire un
nantissement sur le fonds de commerce de son débiteur. Une fois rendue
l'ordonnance autorisant l'inscription conservatoire, le créancier doit assigner
le débiteur au fond afin d'obtenir un titre exécutoire. Dès lors, il pourra
solliciter une
seconde inscription dite complémentaire ou définitive.
La
question
qui
se
pose
est celle
de
savoir si
cette dernière
inscription
interviendrait valablement après l'ouverture de la procédure? Après quelques
hèsitations v'?
,
la jurisprudence
avait fini
par consacrer une
solution
affirmative sous l'empire de la législation antérieure.
Elle fut par suite
confirmée à maintes reprises-s '. La Cour de cassation fit prévaloir chaque fois
le caractère rétroactif de l'inscription complémentaire sur la règle de l'arrêt du
cours des inscriptions, dans la mesure où l'inscription primitive échappait à
l'inopposabilité de la période suspccte-?",
86- Or, la nouvelle formulation de la règle de l'arrêt des inscriptions
dont la portée a été renforcée, militerait, selon certains auteurs, en faveur
d'une nette rupture avec les solutions antérieures. Ainsi, pour Madame
MACORIG-VENIER Il la première
inscription
même valablement effectuée,
c'est-à-dire accomplie avant la date de la cessation des paiements, ne peut
conférer le bénéfice d'une situation acquise au créancier »)143. Nous avons déjà
noté le caractère simplement confirmatif de l'inscription définitive. Elle vient
consolider un droit légitimement acquis en vertu de l'inscription provisoire.
Malgré
le
renforcement du
principe égalitaire des nouvelles procédures
collectives, le mécanisme traditionnel de conversion d'une mesure provisoire
en mesure définitive conserve sa pleine efficacité. Admettre une solution
139 Supra n049 et s.
140 Cf. B. GROSS, op. cit., n025.
141 Cf. par exemple Casso corn.,
21 mai 1968, Bull. Civ. :V. 11°163, p.HG; Rev. Banque n0270-janvier 1969, p. 61,
obs. MARIN
142 Cf. Sur l'ensemble de la question, A. MART1N- SERF, Thèse, op. cir., p.153,
n' 150.
143 Cf. P. MACORIG- VENlER, Thesc-, op. cit., n' 133.

61
contraire enlèverait beaucoup de son intérêt au nantissement judiciaire tv'.
Elle heurterait au surplus les dispositions de l'article lÜ7.r de la loi qui
excluent le nantissement judiciaire provisoire des nullités de la période
suspecte, dans la mesure où l'inscription provisoire a été prise avant la date
de
cessation
des
paiements.
Ce
qui
signifierait
que
l'inscription
complémentaire
pourrait valablement
intervenir ultérieurement après
le
prononcé du redressement judiciaire? Le silence du législateur suggère une
telle interprétation largement approuvée par la doctrine t t>.
87- Toutefois, sous l'empire des textes antérieurs, le créancier ayant
procédé à l'inscription provisoire devrait surmonter un obstacle préalable
avant d'inscrire le nantissement à titre définitif. Il devait soit obtenir un
jugement de condamnation au fond avant l'ouverture de la procédure, soit
produire sa créance dans les délais impartis par l'ordonnance du juge.
L'inscription définitive était alors subordonnée à la décision d'admission de la
créance équivalant à une décision au fond. Or, compte tenu de la durée
relativement longue de la procédure d'admission, le créancier forclos ne
parvenait pas à valider l'inscription provisoire. Cet inconvénient ne se retrouve
plus dans la loi de 1985. La durée de la procédure d'admission de la créance
importe peu, puisque les délais d'assignation impartis au créancier pour agir
au fond sont suspendus par application de l'article 47, alinéa dernier de la loi.
Mais cette action en validation de l'inscription provisoire relève plutôt
des
dispositions de l'article 49 de la loi. Ce texte traite du régime des actions
poursuivies par dérogation aux articles 47 et 48 de la loi. Or, l'action en
validation susvisée n'est ni une action en paiement ni une voie d'exécutiont-e.
88- Il faut conclure à la réaffirmation de la solution antérieure validant
l'inscription complémentaire prise nonobstant le jugement d'ouverture. Il
suffit que l'inscription primitive soit intervenue avant la cessation des
paiements. L'inscription définitive n'est pas une inscription nouvelle au sens
144 Alors que la loi 91- 650 du 9 juillet 1991 a étendu son champ d'application aux parts sociales et aux valeurs
mobilières 1Art. 177).
145 Cf Y. CHARTIE!'., op. cit., n° 149; G. RIPERT et R. RU13LlT, op. cil; ,n" 2984; P. DERRIDA, P. GODE, J. P.
SORTAIS, op. cit., n° 536.
146 Cf J. VAROCLIER et M. GALIMARD, obs. sous TriIJ. corn. Pr.TIS, 14 1118.1 1987, op. cil.

62
de l'article 57 de la loi. Il s'agit d'une inscription confirmative assortie d'un
effet rétroactif qui, dès lors, échappe à la règle édictée par l'article 57 de la loi.
Une solution identique devrait s'imposer à
propos des inscriptions de
nantissements prises en garantie d'intérêts à
échoir après le jugement
d'ouverture.
2 0
les inscriptions prises en garantie d'intérêts à échoir après
le jugement d'ouverture
89- Les créanciers nantis réunissent dans la majorité des cas, les
conditions posées par l'article 55 de la loi de 1985 imposant la continuation
du cours de certains intérêts, malgré l'ouverture du redressement ou de la
liquidation judiciaire. Cette dérogation intéresse "les intérêts résultant de
contrats de prêts conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de
contrats assortis d'un délai de paiement différé d'un an ou plus »,
Le
législateur a souhaité favoriser le crédit à moyen et à long terme. Le créancier
nanti doit seulement avoir conservé son droit aux intérêts en prenant des
inscriptions particulières au moment opportun. L'article 28 de la loi de 17
mars 1909 sur le nantissement du fonds de commerce dispose par exemple
que l'inscription conserve le privilège pendant dix ans pour le principal et
deux années d'intérêts. De même, l'article 3 de la loi du 18 janvier 1951 sur le
nantissement sur matériel et outillage prévoit un délai de conservation de cinq
ans pour le principal et deux ans pour les intérêts.
90- Dans ces conditions, les inscriptions complémentaires prises en
garantie des intérêts non conservés par l'inscription initiale peuvent-elles
valablement intervenir après le jugement d'ouverture? Dans le cadre du droit
antérieur, la validité des inscriptions nouvelles garantissant le paiement
d'intérêts non échus à la date du jugement d'ouverture avait été admise par la
jurisprudence. Cette solution s'imposait de toute évidence, car les créanciers
nantis échappaient expressément à la règle de l'égalité fondement de l'arrêt du
cours des inscriptions et des intérêts-e". Or, la loi de 1985 tend à soumettre
147
Cf. Sur la question, o. CORRIGNAN- CARsrN, op. en. n' 113.

63
les créanciers nantis à la loi d'égalité. De plus, certains auteursr" récusent le
caractère conservatoire de ces inscriptions nouvelles qui ne prennent rang
qu'à compter de leur date. Ces inscriptions nouvelles confèrent en réalité un
rang privilégié à une créance d'intérêts qui, non mentionnée dans l'inscription
nouvelle, n'aurait qu'un caractère chirographaire. Elle devrait par conséquent
tomber sous le coup de l'article 57 de la loi de 1985 qui interdit de façon
générale et impérative toute inscription acquisitive de droit nouveau-?".
91- Ces arguments ne paraissent pas cependant décisifs. La solution
extensive réduirait à néant l'intérêt pratique de la dérogation édictée par
l'article 55 de la loi de 198515°. Or, cette disposition répond aux nécessités du
crédit. De plus, les intérêts sont des accessoires de la créance principale. Dès
lors, ils doivent suivre le même régime que cette dernière. Du reste, le bien
nan ti répond de l'in tégrali té de la dette et non pas d'une partie de celle-ci
seulement. Le créancier, lorsqu'il procède à une inscription de la créance
d'intérêt, ne se ménage nullement une position privilégiée au détriment des
autres
créanciers,
puisque
ces
derniers
n'ignorent
pas
l'existence
du
nantissement garantissant la créance principale. 11 faut donc conclure au
maintien de la solution déjà envisagée sous le régime antérieur.
92- Au terme de cette étude consacrée aux causes d'annulation du
gage, l'objectif du législateur de
1985 apparaît plus clairement: il s'agit
d'éliminer de la procédure un grand nombre de sûretés réelles spéciales
constituées ou conservées dans des conditions plus ou moins douteuses. Or,
c'est lorsque le créancier pressent les difficultés de son débiteur qu'il
s'empresse de prendre une garantie. C'est cette tentation bien naturelle que le
législateur entend sanctionner sévèrement. Le principe d'une telle sanction ne
choque guère. Elle s'impose chaque fois qu'une manœuvre frauduleuse aurait
permis à un créancier d'éluder la règle d'égalité. Mais, il ne doit pas conduire,
148
Cf. par exemple, F. MACORIG- VENIER, op. czl.. n' l-i 1.
149
Cf. En ce sens. B. ~OINNE, La continuation du cours des mteréts, Rev. pree. coll. 1988, n'3. p. 213, n-19 et 20 ;
M. BOIZARD, Les interets bancaires débiteurs et la procedure de re dre ssernenr el de liquidation etes biens JC? 1988
éd.E,n'18,p.26,no46.
'
,
ISO Cf. En ce sens, P. TILLY, Thése, op. cct., n0247

64
comme c'est trop souvent le cas, à la suppression systématique de la sûreté
valablement consentie au regard du droit des contrats et des sûretés.
Cette négation des conventions, valablement constituées avant le
jugement d'ouverture, semble bien étre le fil conducteur de la loi de 1985. La
substitution de garantie imposée aux créanciers nantis pendant la phase de
redressement judiciaire de l'entreprise en constitue une nouvelle illustration.
Chapitre 2:
LA SUBSTITUTION AU GAGE D'UNE GARANTIE
EQUIVALENTE
93-
De
nombreuses
dispositions
de
la
loi
de
1985
altèrent
considérablement les droits des créanciers munis de sûretés réelles spéciales.
L'une des plus remarquables réside incontestablement dans l'institution de la
substitution forcée de garantie. Cette mesure novatrice dans le droit des
procédures collectives est limitée à la phase de préparation et d'exécution du
plan de redressement de l'entreprise. En effet, au stade initial de la période
d'observation, l'article 34, alinéa 3 nouveau de la loi autorise le débiteur ou
l'administrateur à proposer aux créanciers nantis la substitution de leurs
sûretés par d'autres garanties équivalentes. Une disposition analogue figure à
l'article 78, alinéa 3 de la loi. Aux termes de ce texte, si le bien est grevé d'un
nantissement, une autre garantie peut être substituée à cette sûreté en cas de
besoin si elle présente des avantages équivalents.
94- En toute hypothèse, la mesure de substitution revêt dans son
essence un caractère conventionnel. Mais le législateur permet au juge
commissaire ou au tribunal de briser la résistance éventuelle du créancier
nanti. Dans ces conditions, la substitution de garantie acquiert un caractère
exorbitant, attentatoire aux principes élémentaires qui gouvernent le droit des
obligations
et des
sûretés.
Le particularisme
du
droit des
procédures
collectives s'illustre ici de façon éclatante en heurtant gravement la théorie

65
générale des contrats'>'. Ainsi, la mesure édictée par les articles 34, alinéa 3
et
78, alinéa 3 de la loi s'insère dans la panoplie des moyens destinés à
favoriser le redressement de l'entreprise. Elle constitue une technique de
libération juridique des biens nantis qui seront affectés à la poursuite de
l'exploitation. Elle n'en consomme pas moins l'anéantissement du gage.
Cependant, la gravité d'une telle atteinte à l'existence de la sûreté
(Section 1) ne prive pas le gagiste d'une contrepartie. Ce dernier se voit
octroyer une garantie équivalente destinée à compenser la perte de sa sûreté
initiale. Mais, l'absence de définition légale de cette équivalence entre la sûreté
substituée et la garantie de remplacement entretient l'incertitude sur l'intérét
de la contrepartie proposée au gagiste (Section2).
Sectionl: LA SUBSTITUTION DE GARANTIE: UNE ATTEINTE A
L'EXISTENCE DU GAGE
95- Technique dérogatoire au droit des sûretés, la substitution de
garantie rejoint l'ensemble des mécanismes institués par le législateur de
1985 et destinés à contraindre le créancier à s'associer aux efforts de
sauvetage du débiteur. Il suffit de songer par exemple, à la cession des
contrats-V et à la règle du retrait du gage 153 . Certes, sur le plan juridique la
substitution de garantie se distingue de ces institutionstw, mais dans tous les
cas, il s'agit de vaincre la résistance du créancier afin de disposer d'un actif ou
de concours indispensables à la poursuite de l'exploitation. A cet égard, la
substitution de garantie
procède d'une certaine rationalité économique.
Néanmoins, à l'instar des techniques sus-évoquées, elle consacre une violation
flagrante
de
la
convention initiale des
parties.
C'est cette dualité
qui
caractérise singulièrement le régime de la su bstitu tion de garantie(§ 1). Mais
toute la difficulté réside dans l'application de ce régime à l'ensemble des
151
Cf. J. F. MONTREDON, La theorie générale du ccnuai à l'épreuve du nouveau droit des procedures collectives,
JCP 1989, éd. N, l, p. 26; D. MARTIN, La sécurité contractuelle à l'épreuve du redressement judiciaire, JCP1986, éd.
N, r, p. 180.
152 Cf. L.1985, Art. 37.
153 Infra n0445 et s ;
154 Cf. Sur la question, D. POHE, La substitution judiciaire de garantie dans la loi clu 25 janvier 1985, Rev. proe. coll.
1992- 3, p.245, spéc., p. 246, n03.

66
gages. Le vocable générique de nantissement figurant dans les articles 34 et
78 de la loi a alimenté une discussion doctrinale sur le domaine de la
substitution de garantie (§2).
§l. Les caractères de la substitution de garantie
96-
La
substitution
de
garantie
présente
deux
caractères
fondamentaux. Elle est d'abord prévue dans l'intérêt de l'entreprise puisqu'elle
permet de différer le paiement du créancier et, par là- même, d'affecter le
produit de la cession du bien grevé au financement de l'activité du débiteur.
Elle
peut en outre, aboutir à
la conservation du bien dans l'actif de
l'entreprise. Dans tous les cas, la substitution de garantie dévoile une finalité
éminemment économique liée aux nécessités du redressement de l'entreprise
(A). Toutefois, à l'égard des créanciers nantis, elle prend la forme d'une
décision autoritaire. Le créancier intéressé n'a guère de choix. Ou bien il
consent à la substitution de sa sûreté, ou bien elle lui est imposée. En cela, la
substitution de garantie constitue une mesure judiciaire impérabve(B)
AI La substitution de garantie, une mesure à finalité économique
97 - L'ouverture d'une procédure collective implique nécessairement la
recherche
de
nouvelles
liquidités
pour
assurer
le
financement
de
la
continuation d'activité. Or, le produit des cessions d'actifs nantis n'alimente
que partiellement la trésorerie de l'entreprise. Ainsi, en période d'observation,
le produit de la vente est versé en principe à la Caisse Des Dépôts et
consignations avant d'être distribué aux créanciers privilégiés selon leur rang
à l'issue de la procédure. De même, au stade de l'exécution du plan, la
réalisation des biens grevés permet de désintéresser en priorité les créanciers
privilégiés. Par ailleurs, un bien nanti peut s'avérer utile à la poursuite de
l'exploitation.
Les organes de la procédure auront souvent intérêt à le
maintenir dans l'entreprise tout en ménageant la trésorerie du débiteur. Dès
lors, le recours à la substitution de garantie permet à l'entreprise tantôt de

67
bénéficier immédiatement du produit des cessions d'actifs grevés, tantôt de
disposer du bien en différant le paiement du créancier nanti.
98- Dans le cadre d'une cessien envisagée du bien nanti, doit-on
considérer que toute substitution de garantie ne peut être ordonnée que si elle
contribue à renflouer les caisses de l'entreprise? Autrement dit, le législateur
n'a t-il pas entendu subordonner la substitution de garantie à une véritable
perspective de redressement de l'entreprise? A priori, elle ne saurait satisfaire
un simple intérêt financier à court terme. Elle devrait au contraire s'insérer
dans une logique de redressement. Elle ne pourrait intervenir en période
d'observation alors qu'il n'existe aucun espoir sérieux de sauvetage de
l'entreprise. D'ailleurs, l'institution d'une liquidation judiciaire immédiate par
la loi du 10 juin 1994 enlève beaucoup d'intérêt pratique à la mesure édictée
par les articles 34, alinéa 3 et 78, alinéa 3 de la loi.
99- Certes, le premier de ces textes n'établit nullement une telle
corrélation de principe entre le redressement de l'entreprise et la mesure de
substitution, mais elle apparaît implicitement dictée par la gravité de l'atteinte
subie par le gagiste. Cette argumentation est corroborée par les dispositions
de l'article 78, alinéa 3 de la loi. Ce texte prévoit la substitution de garantie
uniquement « en cas de besoin », De quels besoins s'agit-il? L'appréciation de
cette notion relève du pouvoir souverain des juges du fond. Elle semble
recouvrir celle de nécessité liée au redressement de l'entreprise.
100- Au
demeurant,
lorsque l'entreprise fait l'objet d'un plan de
continuation, c'est qu'en principe elle offre quelques chances de redressement.
En outre, le plan réduit déjà considérablement les possibilités de réglement du
créancier nanti soumis à des délais de paiernentt-». Lorsque le moratoire
accordé
au
débiteur par le
plan
de
continuation
suffit à
garantir le
rétablissement de l'entreprise défaillante, la substitution de garantie excède
inévitablement les nécessités du redressement. Elle ne pourrait être ordonnée
que pour soutenir l'échéancier arrêté par le tribunal, lorsque les chances de
sauvegarder l'exploitation paraissent incertaines. Un tel raisonnement peut

68
s'avérer, à bien des égards, peu realistet ". Dans la pratique, la quasi-totalité
des entreprises en redressement souffre d'une insuffisance chronique de
trésorerie.
Il
conviendrait
de
procurer
à
l'entreprise
tous
les
moyens
économiques et financiers susceptibles d'asseoir son redressement. Aucune
source de financement ne saurait être négligée sous prétexte que les chances
de redressement de l'entreprise paraissent aléatoires. Mais, malgré cette
restriction apparente liée à la subordination de la substitution de garantie aux
nécessités du redressement, le créancier nanti n'échappera pas à la décision
de substitution de sa sûreté en raison de son caractère impératif.
B- La substitution de garantie, une mesure judiciaire impérative
101- La procédure conduisant à la substitution de garantie présente
en elle-même un caractère contraignant.
L'adhésion du créancier est
naturellement sollicitée, mais il s'agit d'une consultation purement formelle
puisqu'en cas de refus, le juge commissaire en période d'observation ou le
tribunal à
l'occasion du plan de continuation,
peut lui imposer cette
substitution. Dans tous les cas, elle suppose une action en justice dont
l'initiative et la compétence relèvent d'autorités différentes selon la période
considérée(l). En toute hypothèse, le créancier nanti ne peut pas solliciter la
substitution de garantie. Il peut cependant intenter un recours contre la
décision statuant sur la substitution(2).
1 0 Initiative et décision de la substitution de garantie
102- En période d'observation, l'action en substitution de garantie ne
peut être diligentée que par le débiteur ou l'administrateur judiciaire->". Dans
le cadre d'un plan de continuation, l'article 78, alinéa 3 de la loi n'indique pas
à qui incombe le droit de demander la substitution de garantie. L'initiative de
la substitution devrait émaner du débiteur ou du commissaire à l'exécution
du plan, notamment à l'occasion d'une modification substantielle des objectifs
155 Infra n'227 et s.
IS6 Cf. F. MACORIC- VENlER, Thèse, op. CI1., nO~275.
157 Cf. 0&cr.1985, An.56.

69
et des moyens du plan 158 . Ainsi, que] que soit le stade de la procédure, seuls
les organes intéressés par le redressement de l'entreprise sont habilités à
solliciter la substitution de garantie. Toute action du créancier nanti est
dépourvue d'intérêt dans la mesure où il n'est pas assuré de recevoir une
autre garantie présentant des avantages équivalents à sa sûreté. Néanmoins,
bien que privé du droit d'agir en substitution de garantie, le créancier gagiste
n'est pas totalement écarté de la procédure. En tout état de cause, il est
entendu par l'organe compétent ou à tout le moins, convoqué par les soins du
greffier->v. A défaut d'accord du créancier nanti, les organes habilités à
engager l'action en substitution de garantie saisissent l'autorité judiciaire
compétente. En période d'observation, la mesure de substitution est soumise
à l'appréciation du juge commissaire. Ce dernier statue après avoir entendu
les parties intéressées ou celles-ci düment convoquées. En revanche, dans le
cadre d'un plan de continuation, la décision de substitution relève de la
compétence exclusive du tribunal devant lequel s'est déroulée la procédure de
redressement judiciaire. Celle-ci peut du reste, intervenir dans un jugement
distinct de celui qui adopte le plan de continuation de l'entreprisc'w.
103- Mesure impérative en droit français, la substitution de garantie
comporte au contraire un aspect largement volontariste en droit gabonais des
procédures collectives. Le plan d'apurement du passif ne peut prescrire la
substitution de garantie qu'avec l'accord exprès du créancier concerné. Au
demeurant, elle ne peut étre sollicitée que lorsqu'elle est justifiée par l'intérêt
de l'entreprise. Lorsqu'elle n'a pas été envisagée dans le projet de plan, la
substitution peut toujours être proposée au créancier nanti par le
débiteur
avant de procéder à
la réalisation des
biens grevés.
Cette proposition
n'emporte pas automatiquement décision de
substirution-vt. L'accord du
créancier nanti sera souvent motivé par l'ampleur des créanciers privilégiés
venant en rang utile et, dès lors, susceptibles d'absorber l'essentiel du produit
de la cession du bien grevé.
158 Cf. En ce sens, B. SOINNE, Traité, op. cl1., n" 770.
159 Cf. Décr. 1985, Art. 56, al.2 et Art. 100.
160 Cf. En ce sens, D. POHE, op. cd., p. 266, n 043
161 Cf. L.'l août 1986, Art. 63 et s.

70
104- Ainsi, tandis qu'en droit gabonais, la substitution de garantie
procède d'un véritable accord entre le responsable de l'établissement du plan
ou le débiteur et le créancier, elle consacre en droit français une grave atteinte
à l'effet obligatoire des conventions. Il faut y voir un nouvel exemple de contrat
forcé
d'origine judiciaire-v-.
Un
auteur n'a
pas
hésité à
parler cc d'une
expropriation pour cause d'utilité publique» insistant par là-même, sur le
caractère exceptionnel de l'anéantissement de la sûreté initiale, objet de la
substitution 163. Une telle atteinte au principe de l'autonomie de la volonté
s'inscrit dans un vaste mouvement amorcé depuis fort longtemps. Il faut y voir
une nouvelle manifestation du déclin des règles classiques de la liberté
contractuelle
et de
l'effet obligatoire
des
conventions-v'.
Cependant,
la
décision judiciaire de substitution de garantie peut faire l'objet d'un appel de
la part du créancier. Cette voie de recours est expressément prévue par
l'article 34, alinéa 3 de la loi.
2 0 Les recours contre la décision de substitution de garantie
105- Aux termes de l'article 34, alinéa 3 de la loi, l'ordonnance du juge
commissaire statuant sur la substitution de garantie est soumise à la voie de
l'appel. Or, un tel recours n'a pas été consacré par l'article 78, alinéa 3 de la
loi. S'agit-il d'une simple omission? On observera d'emblée que le législateur
n'a pas pu prévoir l'appel contre la décision de substitution de garantie en
période d'observation et, par ailleurs, l'exclure pendant la phase d'exécution
du plan sans encourir le reproche d'incohérence tv>. Une doctrine autorisée
166 co n s id è r e que la mesure de substitution est nécessairement intégrée dans
le plan de continuation de l'entreprise. Dans ces conditions, elle relève du
régime des voies de recours aménagé contre la décision arrêtant le plan. Dans
cette logique, le créancier nanti serait dépourvu de tout recours contre la
décision spécifique de substitution.
162 Cf.
F. DERRlDA, P. GODE, J.P. SORTA1S, op. cir., n' 339: A. KORNl\\1ANN, La substitution de garantie et la loi du
25 janvier 1985, JCP 1985 éd. N. l, p.584.
163 Cf. J.P. SENECHAL,
La loi du 25 janvier 1985 relative- au redressement judiciaire et la pratique notariale; La loi
du 25 JA~VIER 1985 et les principaux acles re cu s par le notaire, JCP 1986 éd. N. 1. p. 1 spéc. p.IO, n0173.
16. Cf. A. PREVOST et D. !<lCHARD, Le contrat destabihsé (de l'autonomie de la volonté au dirigisme contractuel),
JCP 1979 éd. G. Il, n° 12967, p. 165.
1&5 Cf. F. MACORIG- VENJEI<, Thèse, op. CIl., n' 277.
'uu Cf. F. DERRIDA, P. GODE, J. P SORTAIS, op. cu., n'4'-':O.

71
106- Or, nous avons évoqué la possibilité d'une décision judiciaire de
substitution séparée du jugement arrêtant le plan. Dès lors, la combinaison
des articles 78, alinéa 3 de la loi et 100 du décret ouvrirait la voie de l'appel
au créancier nanti en application de
l'article 543 du nouveau code de
procédure civile. Ce texte énonce en effet que cette voie de recours peut être
intentée en toute matière même gracieuse contre les jugements de première
instance, à condition qu'il n'en soit pas disposé autrement. Au surplus, il
serait paradoxal de dénier au créancier nanti la faculté d'interjeter appel d'une
décision gravement attentatoire aux principes les mieux établis en matière
contractuelle et en droit des sûretés. Le particularisme des procédures
collectives doit céder devant le respect de la règle fondamentale du double
degré de juridiction 167.
107- Toutefois, un tel recours paraît largement formel. Très peu de
créanciers se risqueraient à relever appel d'une décision prononçant la
substitution de garantie. Cette voie de recours ne peut s'avérer utile que si la
jurisprudence subordonne la substitution aux nécessités de la procédure de
redressement judiciaire. Mais, dès lors qu'on admet la possibilité d'un appel
contre la décision refusant la substitution, le créancier nanti peut avoir intérêt
à porter le débat devant la cour d'appel. Il ne s'agit pas d'une hypothèse
d'école. La substitution pourrait parfaitement convenir au créancier nanti,
notamment s'il obtient en contrepartie un cautionnement bancaire. Dans tous
les cas, l'ordonnance du juge commissaire ou le jugement autorisant la
substitution de garantie n'est pas susceptible d'exécution par provision en
application de l'article 155 du décret de 1985. Cette exception au principe de
l'exécution provisoire de plein droit des décisions prises dans le cadre des
procédures collectives s'explique certainement par l'atteinte irrémédiable que
subiraient les créanciers nantis, si la substitution était immédiatement
réalisée alors qu'elle peut être remise en cause en appel.
167 Cf. Sur l'ensemble de la question, D. POHE, op. cit., p.263, n'47.

72
108- La décision de substitution devenue définitive, acquiert l'autorité
de chose jugée. Cependant, elle ne consacre pas en elle-même l'éviction de la
sûreté initiale et la constitution corrélative de la garantie de remplacement. La
question est régie par les articles 56 et 100 du décret de 1985. Aux termes de
ces textes, la radiation des inscriptions de nantissements, objet de la mesure
de substitution, est requise par le
demandeur ou le bénéficiaire» sur
1{
injonction contenue dans l'ordonnance du juge commissaire ou dans le
jugement prononçant la substitution de garantie. Il appartient au créancier de
solliciter la radiation de sa sûreté et, par là même, l'éventuelle inscription de
la garantie de substitution. Ces formalités s'appliquent en principe, aux seuls
gages sans dépossession. Doit-on considérer que le gage de droit commun
avec dépossession du constituant échappe aux prévisions des articles 34,
alinéa 3 et 78, alinéa 3 de la loi?
§ 2. Les nantissements visés par la substitution de garantie
109- En employant le vocable générique de nantissement, les articles
34, alinéa 3 et 78, alinéa 3 de la loi ont-ils par là même, soumis l'ensemble
des gages à la mesure de substitution de garantie? La question n'est pas
dépourvue d'intérêt. Une tradition semble s'être forgée en législation depuis le
début du siècle pour désigner par le terme de
nantissement, un certain
nombre de gages sans dépossession. A l'opposé, la dénomination de gage
stricto-sensu paraît réserver au seul gage classique assorti du droit de
rétention. A première vue, la loi de 1985 perpétue cette tradition utilisant
tantôt le vocable de nantissement, tantôt celui de gage pour aménager un
régime de faveur au profit du seul gagiste rétenteur. Dans ces conditions, si la
soumission des gages sans dépossession à la mesure édictée par les articles
34 et 78 de la loi, ne souffre aucune contestation(A), en revanche l'admission
du gage avec dépossession dans le domaine de la substitution de garantie est
contestée par une doctrine autorisée (B).

73
AI
La soumission des gages sans dépossession à la substitution
de garantie
110- L'assujettissement des gages sans dépossession à la mesure de
substitution de garantie prévue par les articles 34, alinéa 3 et 78, alinéa 3 de
la loi ne soulève aucun problème majeur. Ils sont désignés sous le vocable de
nantissement visé aux articles sus-évoqués. La substitution concerne les
nantissements sur fonds de commerce, sur outillage et matériel d'équipement,
sur biens incorporels ou sur créances ainsi que l'ensemble des warrants
commerciaux sans déplacement. Ainsi, le bien nanti inclus dans l'actif social
pourra être réaliser et le produit obtenu affecté au financement de l'activité de
l'entreprise. On peut cependant se demander si cette mesure s'oppose au
paiement provisionnel des créanciers nantis nouvellement institué par la loi
du 10 juin 1994 en cas de cession des biens grevés. Il s'agit dans les deux cas
de simples facultés offertes aux organes de la procédure. Elles ne sauraient
s'exercer simultanément. Elles sont exclusives l'une de l'autre. Du reste, elles
ne revêtent pas la même finalité. La substitution de garantie est destinée à
éluder le paiement immédiat des créanciers ou précisément l'immobilisation
du
produit de
la vente des actifs nantis à
la Caisse Des Dépôts et
Consignations. En revanche, le paiement provisionnel vise à éviter l'attente
imposée aux créanciers par la remise des fonds à la Caisse de Dépôts et
Consignations.
111- La substitution de garantie Yisque en outre de se heurter au
mécanisme de la compensation en vertu duquel les créanciers nantis sur
créances ou bien assimilés, parviennent ;3 contourner les règles du droit des
procédures collectives-v". Dès lors, ce mécanisme particulier du droit des
obligations rendrait pratiquement inopérant la substitution de garantie.
D'ailleurs, le législateur du
10 juin
1994 vient de
consacrer de
façon
remarquable
la
possibilité
d'invoquer
la
compensation
entre
créances
connexes nonobstant l'ouverture de la procédure collective 169. Mais c'est la
règle du retrait du gage prévue par l'article 33, alinéa 3 de la loi qui justifierait
l68 Infra n053D et s.
169 Cf. Art. 33 nou veau issu de la loi de
1994.

74
l'exclusion
du
gage
avec
dépossession
du
champ
d'application
de
la
substitution de garantie.
B/ La soumission contestée du gage avec dépossession à la mesure
de substitution de garantie
112- La thèse défavorable à l'inclusion du gage avec dépossession dans
le champ d'application des articles 34, alinéa 3 et 78, alinéa 3 de la loi, a
surtout été développée par le professeur Didier MARTIN dans un article fort
rernarqué-?". Pour cet éminent auteur, soumettre le gage avec dépossession à
la mesure de substitution de garantie réduirait à néant l'intérêt du mécanisme
du retrait du gage spécialement aménagé au profit du gagiste rétenteur. Cette
argumentation postule l'indépendance de principe des articles 34, alinéa 3 et
33, alinéa 3 de la loi. Il serait dès lors, paradoxal que le retrait du bien gagé,
manifestation de la force de la possession du gagiste, du reste sauvegardé au-
delà de la phase de redressement judiciaire, puisse être battu en brèche par la
substitution de garantie. Celle-ci deviendrait ainsi une alternative au retrait
du gage. Au soutien de sa démonstration, le professeur MARTIN complète
cette analyse exégétique et téléologique par des arguments fondés
sur
l'évolution sémantique du vocable de nantissement.
113- Ce raisonnement est fon séduisant. Mais il ne résiste pas à la
critique. D'abord, l'argument sémantique convainc difficilement. La référence
au seul nantissement dans l'article 34 alinéa 3 et l'utilisation du vocable
précis de gage dans l'article 33 alinéa 3 ne suffisent pas à fonder l'exclusion
du gage avec dépossession du domaine de la substitution de garantie. Ce n'est
pas en outre, parce que la plupart des gages sans dépossession sont apparus
sous la dénomination de nantissement, que ce terme générique n'englobe plus
le gage stricto-sensu assorti du droit de rétention. Au surplus, l'argument
fondé sur l'autonomie des articles 33, alinéa 3 et 34, alinéa 3 de loi ne revêt
aucun caractère décisif. Les deux textes instituent chacun un mode de
(1
dégrèvement» des biens nantis. Les techniques utilisées conduisent aux
170 Cf. D. MARTIN, L'article 34, alinea z cie la loi du 25jél!lVièr F)~5 est-elle applicable au gage'). 0.1986, Chr. p.
325.

75
même résultats: soit à la cession des biens grevés, soit à leur utilisation dans
le cycle de production de l'entreprise '?". Dans ces conditions, les organes de la
procédure doivent opérer un choix dicté par les seules nécessités du
redressemen1.
114- Ainsi, le retrait du gage sc révèle fort utile chaque fois que la
créance garantie est d'un montant relativement faible, alors que la valeur ou
l'utilisation
économique
du
bien
gagé
favoriserait
plus
aisément
la
continuation de l'activité. En revanche, la substitution de garantie serait
opportunément sollicitée chaque fois que la valeur du bien gagé ou les fonds
de l'entreprise ne suffit pas à désintéresser intégralement le gagiste. Dans ces
conditions, à moins de compromettre l'équilibre financier déjà précaire de
l'entreprise défaillante, il vaut mieux proposer une garantie de remplacement
au gagiste rétenteur. Au demeurant, cette solution éviterait les inconvénients
d'une immobilisation longue et vaine du bien gagé, spécialement lorsque le
retrait ne présente qu'un intérêt fort limité pour la poursuite de l'exploitation.
Dans cette hypothèse, il n'existe aucune raison d'interdire à l'administrateur
ou au débiteur de recourir à la substitution de garantie. Une telle éventualité
est notamment envisageable lorsque le bien libéré est destiné à réintégrer le
cycle de production de l'entreprise. La. récupération du bien à fin d'utilisation
dans l'activité du débiteur, en différant le paiement du gagiste, préserve les
disponibilités de l'entreprise. C'est donc cette argumentation fondée sur les
nécessités objectives du redressement de l'entreprise, jointe à l'acception
générique
du
terme
nantissement
qui
sous-tend
la
thèse
favorable
à
l'application de la substitution de garantie à l'ensemble des gages avec ou
sans dépossession 172.
115- Au-delà de l'aménagement d'un regime de faveur au profit du
gagiste rétenteur par le législateur de 1985, ce serait la quasi-impossibilité de
déterminer une garantie véritablement équivalente au droit de rétention, qui
--------------------~-----
171 Cf.. Contra, Ph., PETEL, P~océ?ure collective el conrinuation d'activité. Comment le gage resiste- t-il ? Colloque
Deauville, Rev. jurisp. corn, n spécial nov. 1994, pp, 141 et S., spér. pp.143 et 44, n'B et 9,
172 Cf. Ph. DELEBECQCE, Les sùretés dans les nouvelles procèuur e s collectives, JCP 1986, i, p, 185 ; Y. CHAPUT,
DrOIt du redressement et de la liquidation Judiciaires cies euueprises, 2"m,' éd. PUF 1990, n' 114; D, POliE, op. ci:.,
p.J53, n'18,

76
disqualifierait la
thèse de la soumission du gage de droit commun au
domaine des articles 34,alinéa 3 et 78,alinéa 3 de la loi. Cette dernière réserve
serait confortée par les articles 56, alinéa 2 et 100 du décret de 1985 qui
envisagent
les
radiations des
sûretés ayant donné
lieu à
substitution
judiciaire. Cela n'intéresse évidemment que les gages sans dépossession
soumis à une formalité d'inscription obligatoire. Mais cet argument n'est pas
non plus décisif. La radiation représente seulement un mode d'extinction de la
sûreté substituée soumise à publicité, en l'occurrence rendue nécessaire par
sa suppression et la constitution corrélative d'une autre garantiet">, Dans
tous les cas, celle-ci doit présenter des avantages équivalents au gage
substitué afin de compenser la disparition du gage originaire.
Section 2
: LA SUBSTITUTION DE GARANTIE, UNE ATTEINTE
ATTENUEE
PAR
L'OCTROI
D'UNE
GARANTIE
EQUIVALENTE
116- Il est vrai que la substitution judiciaire de garantie opère une
modification radicale de la condition initiale des parties à la convention de
nantissement. Cependant, cette atteinte au principe juridique de la sûreté ne
paraît pas vaine et surtout ne transforme pas le gagiste en créancier
chirographaire. En effet, il résulte de l'article 34 alinéa 3 que le débiteur ou
l'administrateur peut proposer aux créanciers nantis la substitution à sa
sûreté
d'une
garantie
équivalente.
Cette
exigence
d'équivalence
figure
également à l'article 78, alinéa 3 de la loi. Elle apparaît ainsi comme une
condition de fond de la substitution de garantie. Cependant, l'espoir suscité
par cette contrepartie offerte au gagiste, dépend étroitement des critères
retenus
pour
déterminer
l'équivalence
escomptée
entre
la
garantie
de
substitution et la sûreté initiale(§l). Dans tous les cas, la mise en œuvre de
ces critères produira des effets variables selon la nature de la garantie
proposée au créancier nanti(§2).
173 Cf. G. MARTY,
Ph. JESTAZ, P. RAY~AUD op. Cil., l'j"732 ct s

77
§l. Les critères de dêterrninat.ion de l'équivalence entre la
sûreté initiale et la garantie de substitution
117- Le législateur de 1985 a fait preuve en la matière d'une étonnante
discrétion qui plonge l'interprète dans la perplexité. Cette carence législative
confère d'importants pouvoirs aux autorités judiciaires habilitées à prononcer
la substitution forcée de garantie. La diversité des solutions que laisse
entrevoir cette liberté fait peser de nombreuses incertitudes sur la portée de la
contrepartie proposée au gagiste. L'interprète ne peut se fier qu'à un principe
général teinté d'équité. La garantie de substitution doit, dans la mesure du
possible, compenser l'atteinte subie par le gagiste du fait de la perte de sa
sûreté. Dès lors, il convient de se référer à la fois à des critères juridiques(A) et
à des critères économiques (B).
AI Les critères juridiques
118- L'équivalence recherchée entre le gage substitué et la garantie de
substitution peut s'apprécier soit par rapport aux règles de constitution, soit
au
regard
des
prérogatives que
chaque
garantie
confère
au
créancier
bénéficiaire. La comparaison des conditions de constitution entre les deux
garanties en présence s'effectuera nécessairement en considérant l'importance
et le coût des formalités substantielles ou accessoires requises par la 10i174 .
Aussi convient-il de se référer à l'exigence ou non d'un écrit devant revêtir
éventuellement la forme notariée. On s'intéressera encore à la nécessité ou
non d'accomplir les formalités d'enregistrement et de publicité de la garantie
de substitution. Il est évident que si la charge de ces formalités incombe au
créancier, la condition d'équivalence affirmée par la loi ne serait pas vraiment
réalisée.
Du
reste,
comment
faire
supporter
au
gagiste
des
frais
de
constitution
ou d'opposabilité d'urie
garantie
dont
les
résultats
futurs
demeurent hypothétiques, voire aléatoires? La question se pose d'ailleurs, en
des
termes
analogues
à
propos
des
frais
de
radiation
de
la
sûreté
174 Cf. Sur les facilités de constitution de certains riamis.sernem a. M.C. AMIOT, Le nantissement sur matériel de la loi
du 18 janvier 1951 et le gage sur automobile du décre-t du :JO septembre 1953 satisfont-ils encore les établissements
de crédit?, Rev. dr ban. et bourse, nov.- déc.1989, 11°16. p.191.

78
substituée l?". Il serait plus juste de fai.re supporter l'ensemble de ces frais par
le débiteur ou alors de les considérer comme des frais de justice entrant dans
l'assiette du privilège prévu par l'article 2101.1 du code civil.
119- Sous l'angle des prérogatives conférées au créancier, la garantie
de remplacement doit présenter des mécanismes de protection susceptibles de
procurer au gagiste une sécurité de paiement au moins égale à celle qu'il
pouvait escompter de sa sûreté initiale. Le gage offre en effet à son titulaire un
droit de préférence et éventuellement un droit de suite-?". Dès lors les effets de
la garantie de substitution doivent se rapprocher de ceux du nantissement, ce
n'est qu'à cette condition qu'elle équivaudrait, du moins en théorie, à celui-ci.
Ainsi, un gage sans dépossession pourrait étre remplacé par une sûreté
immobilière soumise à la même exigence de publicité. De même, le droit de
propriété utilisée comme garantie '?" correspondrait parfaitement au droit de
rétention du gagiste de droit commun. Dans les deux cas, le créancier
bénéficie d'une situation « d'exclusivité" qui lui permet d'obvier à la règle du
concours. Mais l'équivalence recherchée entre la garantie de remplacement et
le nantissement substitué ne se résume pas à la seule appréciation de leurs
conditions juridiques. Elle doit de plus, porter sur la valeur respective de leur
assiette.
BI Les critères économiques
120- L'équivalence exigée par la 10i doit aboutir sur le plan économique
à une identité de la valeur entre l'assiette du nantissement et celle de la
garantie de remplacement. A cet effet, il convient d'évaluer à chaque fois les
deux garanties comparées. Or, cette appréciation ne pourrait intervenir qu'au
moment de la décision de substitution notamment si les juges retiennent une
évaluation in concretot
Dans ces conditions, comment établir la valeur de
î ê

l'assiette du gage alors même qu'elle n'a pas encore été révélée à ce stade de la
procédure, à moins de diligenter une expertise préalable forcément génératrice
175 Cf. Sur la question, D. POHE, op. cù., p. 271, n"5:2.
176 Cf. Ph. MALAURIE et L. AYNES, DrOIt civil, les sûretés, op. cù., n0402.
I77 Cf. Sur la question, C. WITZ, La fid ucie en droit privé francais, Econornica, 1981.
178 Cf. F. MACORIG- VENlER,
Thèse, op. cit., n02S1.

79
de nouveaux frais. De plus, la valeur des biens greves n'est pas seulement
affectée au désintéressement des créanciers nantis. Elle constitue également
l'assiette du droit de priorité des créanciers de l'article 40. Il est dès lors
difficile d'anticiper sur les chances de paiement effectif du créancier nanti en
présence d'un important passif privilégié ou prioritaire. L'appréciation in
concreto débouche donc sur une évaluation imprécise et, de ce fait, source de
désillusion.
121- En définitive, seule une évaluation abstraite et objective de
l'assiette des garanties comparées et des perspectives de
règlement du
créancier se rapprocherait d'une équivalence moyenne suggérée par la loi.
Celle-ci ne peut revêtir qu'un caractère relatif et approximatif. Les juges sont
ainsi incités à faire preuve de souplesse dans l'appréciation de cette notion
d'équivalence. En tout état de cause, la substitution de garantie ne doit pas
conduire à la spoliation du gagiste ou à une trop grande disproportion entre la
garantie
de
remplacement
et
la
sûreté
initiale.
Mais
quelle
que
soit
l'appréciation qui sera admise en jurisprudence, la combinaison des critères
d'équivalence ci-dessus exposés débouchera inéluctablement sur des résultats
variables transformant la nature originelle du droit réel du gagiste.
§2. Les résultats de la mise en œuvre des critères d'équivalence
122-
La mise en œuvre des critères juridiques et économiques
précédemment étudiés ne permettra guère au gagiste de retrouver dans la
garantie
proposée
l'intégralité
des
prérogatives
que
lui
conférait
son
nantissement. Les résultats de l'équivalence recherchée ne consacrent pas
une identité absolue entre la garantie de substitution et la sûreté initiale. En
toute hypothèse, les résultats concrets de l'équivalence aboutissent peu ou
prou à une modification ou à une altération du droit réel du gagiste. Cela se
manifestera par l'octroi au gagiste d'une garantie maintenant la nature réelle
de son droit(A) ou au contraire transformant celui-ci en droit personnel (8).

80
AI L'octroi d'une garantie réelle
123- L'application des articles 34, alinéa 3 et 78, alinéa 3 de la loi
aboutira assez rarement à une transformation radicale du droit réel du
gagiste. Celui-ci se verra très souvent proposer une autre garantie réelle
présentant des avantages au moins équivalents au nantissement. Cette
hypothèse de substitution sera plus ou moins favorisée par l'importance de
l'actif encore
existant
dans
l'entreprise
défaillante.
Les
cas
de
figure
envisageables sont multiples en raison de la diversité des garanties réelles en
droit français. Cependant, certaines illustrent parfaitement la difficulté de
parvenir à une équivalence maximale entre les garanties comparées. Ainsi, le
patrimoine
immobilier
de
l'entreprise
pourrait
servir
d'assiette
a
la
constitution d'une hypothèque au profit du gagiste originaire. Cette sûreté se
rapproche
singulièrement des gages sans dépossession et paraît en mesure
de conférer au créancier nanti une égale sécurité de paiement. A cet égard, la
valeur de l'immeuble hypothéqué et l'ampleur des inscriptions antérieures,
constitueraient des indices intéressants dans l'appréciation de l'équivalence
recherchée entre les deux sûretés sans dépossession.
124- Certes, cette hypothèse de substitution, maintient le caractère
réel du droit du créancier, mais elle n'en modifie pas moins la nature de la
sûreté
initiale,
puisque
de
mobilière
elle
devient
immobilière.
Cette
transformation ne changera pas radicalement la condition du créancier.
L'hypothèque, jadis
sûreté reine,
a
beaucoup perdu de
son efficacité,
spécialement
en
cas
de
procédure
collective.
Le
nouveau
créancier
hypothécaire
redoutera
surtout un
éventuel
concours
avec
les
autres
créanciers privilégiés mieux classes.'?". En revanche, les mécanismes utilisant
la propriété à des fins de garantie permettent d'éluder la règle du concours. Le
créancier
nanti
pourrait
par
exemple
bénéficier,
à
la
place
de
son
nantissement remplacé, d'une cession de créances par Bordereau Dailly.
L'avantage de cette formule réside dans le terme plus ou moins éloigné de la
179. Il est vrai que la loi du 10 juin 1994 a partiellement restauré la primauté des créances hypothécaires sur les
creanciers de I'article 40.

81
créance cédée, alors même que la valeur du bien gagé libéré profiterait
immédiatement à la poursuite de l'exploitation.
125- Lorsque la sûreté initiale est un gage sans dépossession, la
cession
de
créances
à
titre
de
garantie
constituerait
une
excellente
contrepartie même si le créancier nanti subit un retard de paiement. Il
acquiert en effet la propriété de
la créance cédée sur laquelle il sera
désintéressé
exclusivement.
Au
demeurant,
seule
cette
garantie
paraît
correspondre véritablement au gage assorti d'un droit de rétention. La perte
de cette prérogative essentielle du gagiste, du fait de la substitution de sa
sûreté, est largement compensée par Je droit de propriété qui lui est ainsi
conféré.
Cette
solution
s'appliquerait spécialement lorsque
la vente ou
l'utilisation du bien gagé est utile à la continuation de l'activité. Dans cette
hypothèse, l'impossibilité de recourir à la technique du retrait, notamment en
raison du montant élevé de la créance garantie, offre une intéressante
illustration de l'opportunité de la substitution de garantie. Dès lors, aucune
objection décisive ne permet d'exclure le gage avec dépossession du domaine
des articles 34, alinéa 3 et 78, alinéa 3 de la loi.
En dehors de ces solutions, la substitution de garantie peut consister
en un simple remplacement de l'assiette du gage, la sûreté offerte restant un
nantissement.
Ainsi, une inscription de
nantissement sur un fonds de
commerce sera valablement transférée sur un autre fonds. Peu importe que le
second fonds soit d'une valeur légèrement inférieure par rapport au premier. Il
suffit que cette valeur arrive à couvrir le montant des inscriptions tsc. De
même, un créancier nanti sur matériel d'équipement peut se voir proposer un
nantissement portant sur une créance ou sur un effet de commerce compris
dans le poste client du débiteur. La condition d'équivalence dépendra du
montant des créances engagées, la date d'échéance et la solvabilité des
débiteurs des créances engagées. La technique du nantissement permet à
l'entreprise de conserver la propriété des créances. Elle peut convenir au
IBO Cf. Pour une illustration, Paris, 23 juin 1989, Rev. proc. coll. 1991-3, p.3ü9, n 025.

82
créancier nanti si les conditions sus-évoquées sont remplies et s'il ne s'expose
pas au concours des créanciers venant en rang utile.
126- Dans de nombreuses hypothèses. la garantie de substitution peut
présenter des avantages nettement supérieurs à ceux du nantissement initial.
Dans ces conditions, la situation conférée au gagiste ne risque t-elle pas de
léser les autres créanciers du débiteur défaillant? La condition d'équivalence
requise par la loi est-elle vraiment satisfaite si en définitive, la substitution de
garantie assure une promotion spectaculaire au créancier nanti originaire? Le
législateur de 1985 n'a pas cherché à avantager les créanciers dont la sûreté
est substituée, mais il n'a pas non plus souhaité les appauvrir. Ils doivent
donc recevoir une contrepartie dont les effets sont au moins équivalents à
ceux qu'ils pouvaient espérer de l'exercice normal de leur sûreté. Il s'agit d'une
exigence minimale. Le créancier nanti recevra, dans tous les cas, un paiement
différé. Dès lors, l'octroi d'une meilleure garantie serait la juste récompense du
créancier dépossédé de sa sûreté initiale dans l'intérêt du redressement de
l'entreprise.
Le
caractère
aléatoire
et
incertain
attaché
à
la
notion
d'équivalence justifie cette disproportion favorable au créancier.
Toutefois, la situation de
pénurie qui caractérise l'entreprise en
difficulté ne favorisera guère la constitution de ces garanties de substitution
ou à tout le moins, en atténuera l'efficacité. Cela devrait inciter les organes de
la procédure à s'orienter en priorité vers des garanties personnelles qui
peuvent sensiblement améliorer la condition du gagiste originaire.
BI L'octroi d'une sûreté personnelle
127 - La suppression du nantissement et son remplacement corrélatif
par une garantie personnelle constitue la solution de substitution la plus
idéale pour le créancier. C'est l'hypothèse généralement avancée par la
doctrine pour souligner le bien-fondé de la mesure édictée par les articles 34,
alinéa 3
et 78, alinéa 3 de la 10P8]. Il n'est pas exclu que le créancier nanti
bénéficie d'un cautionnement bancaire. Cette garantie offre une protection

83
efficace au créancier surtout si l'engagement de la caution est assorti d'une
stipulation de solidarité. Or, sous l'angle de la technique juridique, les deux
garanties diffèrent sensiblement. Le nantissement implique l'affectation d'un
bien au recouvrement d'une créance. En revanche, le cautionnement repose
sur la confiance personnelle et postule l'engagement d'un tiers garant du
paiement de la dette principale. Les deux sûretés confèrent en outre des
prérogatives fort différentes dans leur mise en œuvre. Cependant, au-delà de
ces différences de nature, les deux garanties parviennent au même résultat:
accroître les chances de paiement au créancier. D'ailleurs, le recours dont
dispose le créancier impayé contre la caution correspond parfaitement au
droit de poursuite et, partant, au droit de préférence dont dispose le gagiste.
128-
Au
surplus,
la
sûreté
personnelle
offerte
au
gagiste,
en
substitution de sa sûreté, peut améliorer sa situation. Elle n'est guère
soumise
aux
nsques
de
dépréciation
économique
qUI
entament
considérablement la valeur de nombreux nantissements. Elle procure une
plus grande sécurité de paiement lorsque la solvabilité de la caution est
notoirement
établie.
Toutefois,
son
caractère
accessoire
par
rapport à
l'obligation principale du débiteur est une de ses limites. La caution peut ainsi
opposer au créancier les exceptions tirées de sa relation principale avec le
débiteur en redressement judiciaire-s". En tout état de cause, l'octroi d'un
cautionnement bancaire au gagiste en cas de substitution de garantie excède
notablement l'exigence d'équivalence moyenne visée par le législateur de 1985.
Dans cette hypothèse, la mesure de substitution offre une issue honorable au
créancier nanti qui pouvait redouter le concours des autres créanciers
privilégiés du débiteur, si sa sûreté avait produit ses effets traditionnels.
129- Pourtant, cette solution avantageuse pour le créancier nanti, ne
paraît pas trouver d'écho favorable dans la pratique. Les circonstances
particulières du redressement judiciaire ne favorisent pas l'instauration d'un
climat de confiance nécessaire à la constitution d'une sûreté personnelle. Les
organes
de
la
procédure
éprouvent d'énormes
difficultés
pour obtenir
181 Cf. Par exemple, C. MOULY, La situation des créanciers antérieurs, op. cil., p. 149, n° 42.
182 Cf. D. POHE, op. cit.,
p. 261,11°30.

84
l'engagement de cautions bancaires auprès des débiteurs défaillants. Les
établissements de crédit rechignent <1 prendre des risques inconsidérés devant
l'ampleur des périls économiques et juridiques qui obscurcissent l'avenir de
l'entreprise en redressement judiciaire. On pourrait envisager de nouvelles
hypothèses de substitution par l'octroi d'autres garanties personnelles. Il
suffit de songer à une garantie bancaire à première demande ou encore au
mécanisme de la délégation imparfaite-v", Mais la mise en œuvre de ces
solutions idéales est largement entravée par « la faillite Il du débiteur et par la
difficulté d'obtenir l'engagement de tiers solvables.
130- Au total, la substitution de garantie se présente comme une
mesure ambiguë fortement emprunte d'incertitude. Elle peut constituer un
leurre pour le créancier nanti et, dès lors, servir de prétexte à son éviction de
la procédure, certes de façon plus élégante en lui faisant miroiter l'espoir
d'une contrepartie illusoire. Mais, elle peut aussi s'avérer salvatrice pour le
créancier nanti dont la situation est par définition précaire. Elle risque même
d'aboutir à une surprotection de ce dernier par rapport aux avantages que lui
procurerait son nantissement. Or, la quasi-impossibilité de constituer des
sûretés sinon supérieures au nantissement à tout le moins, relativement
équivalentes, condamne pratiquement toute substitution de garantie dans les
procédures de redressement judiciaire. Ainsi redoutée par certains, espérée
par d'autres, la mesure de substitution de garantie est largement ineffective.
Elle offre un intérêt essentiellement juridique et purement académique.
131- Or, l'éventualité d'élimination des nantissements perdure malgré
la
reconnaissance de
leur
validité et de leur opposabilité. Au risque
d'extinction à titre principal, de la sûreté s'ajoute celui de la perte de la
créance et, à titre accessoire, du nantissement, à défaut de déclaration dans
des délais impératifs. Ainsi, les créanciers nantis doivent, à l'instar des autres
titulaires de sûretés réelles spéciales, se soumettre à la procédure périlleuse
de déclaration et de vérification des créances.
183 Cf. D. POHE, op. cit.,
p. 262, n032 et s.

85
Chapitre 3 : LA SOUMISSION DES CREANCIERS GAGISTES A LA
PROCEDURE DE DECLARATION ET DE VERIFICATION DES
CREANCES
132- La loi du 25 janvier 1985 poursuit l'œuvre d'intégration forcée des
créanciers munis de sûretés réelles spéciales dans la procédure collective. Elle
s'inscrit résolument dans la droite ligne de la loi du 13 juillet 1967. En effet,
antérieurement à cette loi, seuls les créanciers de la masse au sens étroit du
terme, étaient astreints à l'obligation de produire. Les créanciers nantis
pouvaient en revanche poursuivre la réalisation de leur sùretè->t. Le régime
institué en 1967 et réaffirmé en 1985 répond à un double impératif. Il s'agit
d'une part, d'accélérer la procédure en permettant notamment l'appréhension
rapide de l'état général du passif de l'entreprise. Mais, d'autre part, la
déclaration et la reconnaissance ultérieure de la créance commandent le droit
de participer aux répartitions de dividendes.
133- Le législateur de 1985 aggrave la sanction des déclarations hors
délai. Antérieurement, le créancier retardataire retrouvait le bénéfice de sa
créance et, donc, de sa sûreté à la clôture de la procédure-w. Or, désormais, le
défaut de déclaration dans le délai légal emporte extinction pure et simple de
la créance garantie (Section 1). La loi du la juin 1994 vient à cet égard
d'atténuer quelque peu la rigueur des délais de déclaration des créances
garanties. Mais elle n'affecte nullement les autres causes d'extinction de la
créance garantie liées à la nature et à l'étendue des droits à déclarer. Ainsi,
toute déclaration irrégulière ou incomplète risque de priver le gagiste de tout
ou partie de sa créance et/ ou de sa sûreté ( Section2).
la~ Le~ créanciers unis de sûretés, exclus de la masse PCUV?lem seulement produire à titre subsidiaire losque leur
surete ne suffisait pas a les désintéresser.
las Cf. F. DERRIDA, Les productions tardives dans la procédure de règlement judiciaire ou de liquidation des biens
JCP 1970, l , n° 2320.
.
,

86
Section 1:
L'OBLIGATION DE DECLARER LA CREANCE GARANTIE
DANS LES DELAIS LEGAUX
134- Les créanciers nantis ne bénéficient comme auparavant d'aucun
traitement particulier. A l'instar des créanciers ordinaires, ils sont associés à
la procédure de fixation du passif de l'entreprise défaillante. A ce titre, ils
doivent indiquer dans des délais relativement brefs la nature et l'étendue des
droits attachés à leurs créances. Les créanciers gagistes ne sont pas placés
dans une situation identique selon qu'ils ont publié leur sûreté ou qu'ils sont
« connus » par le représentant des créanciers. Mais, dans tous les cas, ils ont
intérêt à faire preuve de diligence dès qu'ils sont informés de l'ouverture de la
procédure. De leur célérité dépendra la reconnaissance de leur créance(§l).
135- Toutefois, le gagiste peut avoir légitimement ignoré l'existence
d'une procédure collective ouverte à iencontre de son débiteur. Dans ce cas,
la forclusion normalement encourue par le gagiste retardataire n'emporte pas
automatiquement extinction de sa créance. Du reste, la négligence fautive du
représentant des créanciers pourrait éventuellement expliquer sa défaillance.
Dès lors, des aménagements spécifiques au droit des procédures collectives ou
au droit commun de la responsabilité civile, viennent tempérer la rigueur de
principe des délais de déclaration(§2)
§l. La rigueur des délais de déclaration
136- La rapidité de la procédure et le souci d'alléger le passif du
débiteur expliquent le
caractère particulièrement impératif du
délai de
déclaration des créances (Al. Au demeurant, le gagiste retardataire dispose
toujours du droit d'engager une action en relevé de forclusion s'il estime que
sa défaillance n'est pas due à sor: fait. Or, cette action est maintenant
enfermée dans
un délai tout aUSSl impératif (B).
En toute hypothèse,
l'inobservation de ces délais est sarictiunnèe par l'extinction définitive de la
créance garantie. La sévérité de cette sanction par rapport au régime antérieur
atteste une nouvelle fois de la volonté du législateur de 1985 d'écarter le
maximum de créanciers de la procédure (C).

87
AI Le délai de déclaration des créances
137- Toute formalité dont l'accomplissement est enserré dans un délai,
suppose parfaitement connu le fait générateur qui en justifie la nécessité. Ce
postulat revêt une importance singulière dans le cadre de la procédure de
déclaration des crèanccs 'ê". Or, à cet égard, la combinaison des articles 50,
alinéa 1er de la loi
et 66 du décret de 1985
entretient l'ambiguïté et
l'incertitude. Le texte légal énonce le principe de la déclaration des créances et
fixe le point de départ du délai pour accomplir cette obligation, à la
publication du jugement d'ouverture. Le même texte ajoute in fine que les
créanciers bénéficiant d'une ({ sûreté ayant fait l'objet d'une publication( ... )
sont avertis personnellement et s'il y'a lieu à domicile élu de la nécessité de
déclarer leur créance ». Une disposition analogue figurait déjà dans l'article 40
de la loi du 13 juillet 1967. Le texte réglementaire fixe la durée du délai de
déclaration, actuellement de deux mois à compter de la publication du
jugement au BODACC. Il précise en outre le délai imparti au représentant des
créanciers pour effectuer l'avertissement prévu à l'article 50 susvisé-s".
138- Or, l'article 66 du décret de 1985 retient le vocable plus générique
de
créanciers
({ connus » comme destinataires de
l'avis
adressé
par le
représentant des créanciers. Ce terme semble englober outre, les créanciers
visés à l'article 50 de la loi, les créanciers gagistes dont la sûreté n'est pas
soumise à publicité. Il en résulte une apparente contradiction entre le décret
et la loi. La difficulté réside dans l'exacte détermination de ces créanciers
« connus », Doit-on considérer que cette catégorie se limite exclusivement aux
seuls créanciers visés à l'article 50 de la loi? La question n'est pas dépourvue
d'intérêt. La réponse qui sera apportée déteindra fatalement sur l'étendue de
l'obligation incombant au représentant des créanciers et par là-même, sur sa
responsabilité en cas d'omission de cet avis. Elle permet surtout de faire varier
le point de départ du délai de déclaration selon que le gagiste est connu et
donc a été ou aurait dû être personnellement averti (1) ou qu'il est demeuré
occulte ou inconnu (2).
186 Cf. DUMONT et EVRARD, Les principaux dé.ais mtè:"';S"-.ll.. k-~ creanciers dans la loi du 25 janvier 1985 .•ICI'
1986. ed. E. 1.. n' 15885.

88
1 0 Les créanciers gagistes concernés par l'avertissement du
représentant des créanciers
139- Deux interprétations peuvent être avancées pour tenter de
résoudre
l'apparente contradicticn ls" entre les articles 50 de la loi 66 du
décret de 1985. La première interprétation fait prévaloir normalement les
dispositions de la loi sur le décret par application de la hiérarchie des textes.
Dans ce cas, seuls les gagistes dont la sùreté a été publiée devraient recevoir
l'avis adressé par le représentant des créanciers d'avoir à déclarer leur
créance. Dans cette logique, le déc-et se bornerait à préciser les modalités
d'application de
la loi. Dès lors, les gagistes « connus " sont forcément ceux
visés par l'article 50 de la loi. A priori, les auteurs du décret du 21 octobre
1994 semblent avoir conforté cette assimilation entre créanciers de l'article 50
et créanciers connus. Le nouvel alinéa :3 de l'article 66 du décret énonce Il les
créanciers titulaires d'une sûreté ayant fait l'objet d'une publication ou d'un
contrat de crédit bail publié sont avertis par lettre recommandée avec
demande
d'avis
de
réception »,
L'article
66
du
décret
emploie
amsi
indifféremment le vocable de créanciers connus dans son alinéa 1er et réitère
la formule de l'article 50 de la loi dans son alinéa 3. Cette juxtaposition ne
paraît pas relever du hasard. Dans ces conditions, les deux désignations
désigneraient
en
réalité
une
merne
et
seule
catégorie
de
créanciers
destinataires de l'avis adressé par le représentant des créanciers.
La seconde interprétation considère au contraire que l'article 66 du
décret étend à d'autres créanciers, eue ceux visés à l'article 50 de la loi, la
mesure
d'information
incombant
au
représentant
des
créanciers.
La
catégorie des créanciers connus ne regrouperait pas seulement les créanciers
nantis ayant publié leur sûreté, mais aussi les gagistes rétenteurs et les
créanciers nantis sur créances ou sur biens assimilés. Ces derniers ne sont
pas véritablement astreints au respect d'une formalité de publicité 189. Cette
187 Délai pané de 8 à 15 jours par le décret du 2 ~ cctobr e 1()9~.
188 cf. C. MOULY, op. cii., ,p.151, n'52.
189 Cf. Y. CHAPUT, La réforme de la prévention el du t]'~ii"'!l'ên: des difficultés des entreprises, op. cit.. ,p.386, n063 ;
M.J. CAMPANA. La nouvelle protection des droits des creanriers, Rev. proc. coll. 1994-1, p.493, spéc, p. 496.

89
interprétation extensive emporte ~c.... conviction. La nouvelle rédaction de
l'article 66 du décret se
borne à préciser la
forme
de
l'avis que
le
représentant des créanciers doit adresser aux créanciers connus.
Les
auteurs de la loi comme
du décret o.it souhaité insister sur le caractère
ostentatoire,
apparent de
ces créanciers,
élément qui justifie qu'étant
connus, ils doivent être personnellement informés de la nécessité de déclarer
leur créance.
140- Or, si la détermination des créanciers nantis dont la sûreté a été
publiée ne pose aucun problème, il suffit de consulter les registres publics,
l'identification des autres créanciers gagistes n'est guère aisée en raison des
manœuvres du débiteur, peu enclin à. révéler la totalité de ses créanciers.
Néanmoins, le représentant des créanciers peut identifier ces créanciers par
la consultation de différents documents comptables, notamment le bilan
déposé au greffe du tribunal de commerce par le débiteur t?''. Il peut en outre,
se procurer la liste des créanciers établie par le même débiteur conformément
aux dispositions de l'article 52 de la loi.
141- En toute hypothèse, le représentant des créanciers n'est pas
obligé de mener des investigations pour découvrir des créanciers gagistes qui
n'apparaissent nulle part dans les documents comptables ou commerciaux de
l'entreprise. Seuls donc les gagistes apparents, révélés par la
simple lecture
ou la consultation des documents susvisés, seront personnellement informés
par le représentant des créanciers. Toute la question consiste à se demander
si la date de réception par le gagiste connu de l'avis susvisé constitue le point
de départ du délai de déclaration ou si, au contraire, tous les gagistes avertis
ou non demeurent soumis à l'obligation de dèclarer leurs créances à compter
de la publication du jugement d'ouverture au BODACC?

90
le point de départ du. déü-!i de déclaration
142- La doctrine dominante'?' paraît admettre que l'obligation de
déclaration des créances repose essentiellement sur la publication du
jugement d'ouverture au BODACe
Cette insertion comporte l'avis aux
créanciers de déclarer leur créance entre les mains du représentant des
créanciers.
Dans ces conditions, l'avertissement individuel réservé aux
créanciers connus ne serait qu'une simple mesure d'information. Seul le
défaut d'avertissement dans le délai réglementaire peut être invoqué à l'appui
d'une action en relevé de forclusion. Du reste, dans le cadre du droit
antérieur, la jurisprudence avait admis que l'envoi tardif de l'avertissement
individuel n'avait pas pour effet de faire courir un nouveau délai permettant
au créancier retardataire de produire-v-. Cette solution a été reconduite par
la Cour de cassation sous l'empire de la loi de 1985 193 . Cette décision
réaffirme ainsi
la primauté de
la publicité du jugement d'ouverture sur
l'avertissement individuel.
143- A l'égard des créanciers gagistes connus avises ou non, le fait
générateur de l'obligation de déclaration reste la publication du jugement
d'ouverture au BODACC. La loi du 10 juin 1994 autorise cette interprétation.
Le nouvel article 53, alinéa 2 de la loi dispose en effet que si les créanciers
visés
à
l'article
50,
alinéa
l f,'
de
la
loi
n'ont
pas
été
avisés
personnellement « la forclusion ne leur est pas opposable », Cela signifie
qu'ils sont assujettis aux délais de deux mois courant à compter de la
publication du jugement déclaratif au BODACe. Le défaut d'avertissement
du
créancier
retardataire
rend
seulement
inopérante
la
forclusion
normalement encourue par ce dernier. En revanche, les créanciers gagistes
non astreints à
une formalité de
publicité et, dès lors,
inconnus du
représentant des créanciers devraient déclarer leur créance dans le délai de
deux mois prévu à l'article 66 du décret. Mais le point de départ de ce délai
190 Cf. Y. GUYON, op. cit., n° 173l.
191 Cf. Y. CHAPUT, droit du redressement et de la hquidariou judiciaires des entreprises, op. cit., 11°334; Y. GUYON,
op. cit., n01233.
192 Cf. Casso com., 15 mars 1977, D. 1978, IR, P
3 obs. DERRIG/\\; Casso ccm., 5 févr. 1985, JCP 1985, éd, E, n°
14880, obs. CABRILLAC et VIVANT.
193 Cf. Casso com., JI oct..
1988, D. 1989, Somm. p.13 (3en:e espèce}, obs. DERRIDA.

91
remonterait au jour ou le créancier concerne aurait eu connaissance du
jugement d'ouverture 194, sauf à considérer que la publicité de ce jugement
emporte
automatiquement
présomption
de
mauvaise
foi
du
gagiste
retardataire. L'argument relatif aux manœuvres du débiteur pour dissimuler
l'existence de ses créanciers, servirait éventuellement à relever le gagiste de
forclusicn-'". A cet effet, l'instance engagée doit intervenir dans un nouveau
délai impératif dont la nature juridique suscite une vive controverse en
doctrine comme en jurisprudence.
BI Le délai de l'action en relevé de forclusion
144- Le législateur de 1985 a innové en instituant un nouveau délai
d'un an pour l'exercice de l'action en relevé de forclusion. Ce délai court à
compter de la décision d'ouverture de la procédure. Une controverse a agité
la doctrine portant sur la nature dudit délai. Il s'agit de savoir si nous
sommes en présence d'un délai-préfix ou d'un délai de prescription?
La
réponse à cette question déterminera le caractère plus ou moins attractif de
l'action en relevé de forclusion. En droit, la différence entre ces deux délais
tient à la force de leurs effets. Le délai préfix a un caractère impératif. Par
conséquent, il ne peut pas en prir.cipe être suspendu ou interrompu. En
revanche, le délai de prescription peut être suspendu ou interrompu en
faveur de celui qui est dans l'impossibilité absolue d'agir. Le délai ne va alors
courir que du jour ou le créancier sera en mesure de faire valoir son intérêt.
L'examen des travaux préparatoires fait apparaître la volonté de sanctionner
le défaut de déclaration par l'extinction de la créance et non de l'action-w.
Les parlementaires semblent avoir privilégié la sanction la plus rigoureuse en
enfermant notamment l'action en
relevé
de
forclusion dans un délai
extrêmement bref. On enlèverait du. reste, beaucoup de son utilité à l'article
53, alinéa 2 de loi de 1985, si on attachait des effets moins rigoureux au
non-respect du délai qu'il institue. Cette analyse emporte l'adhésion de la
majorité de la doctrine-?? .
194 cf. C.
MOULY, op. cit., p. 151, n021 qui propose (li- ;",:r'· coi.r.r le délai à compter du jour de la réception de l'avis
adressé par le représentant des créanciers.
.
195 Cf. F. DERRIDA, P. GODE, J.P. SORTAIS, op. cii., ~1:Llj6.
196 Cf. J.O Débats, séance du 9 avril 1984, p.1293- 129,,;.
197 Cf. Y. GUYON, Droit des affaires, T. 2, op. cil.. n" 1235: F. :)E~:RIDA, P. GOOS, cl.P. SORTAIS, op. cil., n0209.

92
145- Toutefois, de nombreuses juridictions du fond inspirées par un
SOUCI
d'équité face (( aux effets draconiens de l'article 53 et aux solutions
inéquitables qu'il peut engendrer ,,198 rentent de retarder le point de départ du
délai d'action en relevé de forclusion. Elles considèrent que le (( délai d'un an
institué par l'article 53, alinéa 2 est un délai de prescription et non de
forclusion, car il tend à éteindre le droit de créance, ce qui est propre à la
prescription mode d'extinction des 0 bligations, alors que la forclusion se limite
à frapper d'inefficacité l'action permettant de faire valoir un droit »199. Une
partie de la doctrine-P'' paraît favorable à ces arguments. En outre, même à
admettre que le délai de l'action en relevé de forclusion est un délai préfix, la
jurisprudence s'écarte des principes gér.éraux du droit commun en autorisant
la
suspension des délais préfix par application de la règle « contra non
valentem agere ... )}201. Ce qui enlève beaucoup de son intérêt pratique au
débat sur la nature juridique du délai d'action en relevé de forclusion. Mais
cet argument, avancé pour atténuer la rigueur des conditions de fond
imposées à la recevabilité du relevé de forclusion,
n'est
pas unanimement
approuvé par les juges du fond 202 .
Dans tous les cas, l'institution d'un nouveau délai pour agir en
relevé de forclusion qui s'ajoute 8.~ délai de déclaration témoigne de la
volonté du législateur de réduire le plus possible le passif surtout privilégié
de l'entreprise. L'étude de la sanction attachée à l'inobservation de ces
délais permettra de s'en rendre compte.
Cl La rigueur de la sanction de l'inobservation des délais
146- L'article 53, alinéa 4 de la loi de 1985 pose le principe de
l'extinction pure et simple de la créance non déclarée dans le délai de deux
mois et, à défaut d'action en relevé de forclusion, dans un délai d'un an.
198 Cf. CAMPANA et CALENDIN1, obs. sous Trib. CGm. V(']sc-.il1.'s, 26 oct.1989, Rev. dr. banc. et bourse - mai- juin
1990, p. 141, n019.
199 Cf. Trib. corn. Paris, 2 mars 1990, Rev.juris. com.19~{l, p. 2Cl, (lbs. CALENDINI; Trib.corn. Nanterre, 19 févr.
1991, Rev. dr. banc. et bourse, juil.- août 1991, p. 15'+, 0!JS CAMPANA et CALENDINI
200 Cf M.J. CAMPANA et J.M. CALENDINI, obs. sous Trib. COll). Nanterre
19 févr. 1991 op cil . C MOULY op CI'!
n054.
'
,
. . . , .
" ' ,
201 Cf. J. M. CALENDIN1, A propos de la vérification des créances dans le redressement et la liquidation judiciaires
PA.1990,p.265,n'12ets.
'

93
Dans ce cas, le créancier gagiste perd sa créance et accessoirement sa
sûreté. Il ne pourra plus s'en prévaloir même à la clôture de la procédure. Il
ne peut pas en outre, participer 8.l..:~X procédures de distribution ou de
répartition de dividendes. Cette sévérité paraît excessive. Mais elle résulte
logiquement du caractère impératif des délais précédemment étudiés. On
peut tout de même s'étonner de l'extrême gravité d'une telle sanction
affectant des règles de procédure. Elle apparaît bien disproportionnée au
regard des nécessités du redressement de l'entreprise.
147- Pourtant, la sanction édictée par l'article 33 de la loi de 1985
s'inscrit pourtant dans la droite ligne des solutions dégagées en application de
l'article 41 de la loi du 13 juillet 1967. Certes en droit, l'extinction de la
créance
non
déclarée
dans
le
dé.ai
légal
se
révélait
exceptionnelle
et
facultative-v", mais dans la pratique le créancier gagiste retardataire subissait
bien souvent la perte définitive de sa sûreté. En période de règlement
judiciaire, il est vrai que la stipulation j'une clause de retour à meilleure
fortune neutralisait l'extinction de la créance, mais elle ne faisait réapparaître
la sûreté que lorsque le bien grevé n'avait pas été réalisé par le syndic au
cours de la procédure. Dans le cas contraire, le créancier gagiste perdait sa
sûreté et ne pouvait plus se prévaloir que de la qualité peu enviable de
créancier chirographaire. De même, dans le cadre de la liquidation des biens,
le créancier nanti s'il recouvrait son droit de poursuite à la clôture de la
procédure, ne pouvait pas souvent en bénéficier, le bien grevé ayant été aliéné
soit par le syndic,
soit sur l'initiative d'un autre créancier nanti au cours de
la procédure-v".
148- En définitive, le législateur de 1985 n'a pas spécialement innové.
Il recueille en réalité des solutions antérieurement forgées par la pratique des
procédures collectives. Cette extinction d'un droit pourtant privilégié paraît
sévère. Mais elle trouve sa justification dans le rôle primordial dévolu à la
procédure
de
déclaration
et de vérification
des
créances.
Toutefois,
le
202 Cf. Do~ai, 14 déc. 1989, Rey. proc. coll. 1990, p. 405. ob". D'JREUIL; Paris, 19 févr. 1991, Rev. proe. coll. 1991-4,
p. 487, n 9, obs. DUREUIL.
203Cf. F. MACORIG- VENIER, Thèse, op. cir., p. 150, n"179.
204 Cf. Sur l'ensemble da la question, D. CORR!GNA"J- CL\\l\\SjY, Thèse, op. cù., n' 169 et s.

94
créancier gagiste qui a pu intenter "action en relevé de forclusion dans le délai
légal, dispose d'une nouvelle chance pour intégrer la procédure. Cette action
ne constitue du reste que l'une des possibilités offertes au gagiste retardataire
pour échapper à la rigueur des délais de déclaration et de forclusion.
§2. Tempéraments à la rigueur- des délais
149- Le gagiste retardataire dispose d'une panoplie de moyens lui
permettan t d'éluder la rigueur excessive du délai de déclaration. La loi de
1985 a conservé la mesure du relevé de: forclusion. La loi du 10 juin 1994 ne
se borne à restreindre le domaine de la forclusion pour déclaration tardive. Le
nouvel article 53, alinéa 3 de la loi énonce en effet que Il la forclusion n'est
pas opposable aux créanciers mentionnés dans la seconde phase du 1er alinéa
de l'article 50 dès lors qu'ils n'ont pas été avisés personnellement », Il s'agit
des créanciers munis d'une sûreté ayant été publiée.
La procédure de relevé de forclusion ne paraît plus concerner que les
gagistes non visés par l'article 50 de la loi (A). La mesure édictée par l'article
53 alinéa 2 nouveau améliore le son cie ces derniers créanciers. Elle écarte
expressément l'une des causes les plus répandues et les plus controversées de
forclusion admises au détriment des créanciers non atteints par l'avis du
représentant des créanciers(B). Cependant, les gagistes non concernés par
cette mesure de faveur et qui n'am pu obtenir une décision de relevé de
forclusion, peuvent tout de même engager la responsabilité professionnelle du
représentant des créanciers sur le fondement des articles 1382 et suivants du
code civil (C).
AI Le relevé de forclusion
150- Aux termes de l'article :33 de la loi de 1985, II à défaut de
déclaration dans les délais fixés par décret en conseil d'Etat, les créanciers ne
sont pas admis dans les répartiuons et dividendes à moins que le Juge
commissaire ne les relève de leur forclusion
s'ils établissent que
leur
défaillance n'est pas due à leur fait », Mais cette mesure de grâce, commandée

95
par des nécessités pratiques, a toujours été accordée avec parcimonie. Du
reste , la brièveté du délai d'action en relevé de forclusion atténue déjà la
portée de cette possibilité de rédemption offerte au créancier retardataire. La
jurisprudence interprète rigoureusement les circonstances excusant le défaut
de déclaration dans le délai imparti. L'appréciation de ces circonstances relève
du pouvoir souverain des juges du fOEd2CJ5 . Il est clair que le nouvel article 53,
alinéa 2 de la loi va
probablement réduire le nombre d'actions en relevé de
forclusion diligentées par les créanciers mentionnés à l'article 50 de la loi. Il
faut du reste, déplorer que la mesure édictée au profit de ces créanciers n'ait
pas été étendue à l'ensemble des créanciers connus visés à l'article 66 du
décret.
151- Or, la jurisprudence actuelle206 amorcée sous l'empire de la
législation antérieure"?", a toujours admis que le défaut d'avertissement par le
syndic des créanciers connus de l'ouverture de la procédure ne dispensait pas
le créancier de rapporter la preuve que sa défaillance n'était pas due à son
fait.
Cette
solution
résulte,
pour
l'essentiel,
du
caractère
relatif
de
l'avertissement
individuel,
dès
lors
que
le
créancier
avait
pu
avoir
connaissance du jugement d'ouverture par un autre moyen. La Cour de
cassation se montre généralement assez sévère à l'égard des investisseurs
institutionnels et notamment des établissements bancaires considérés comme
des initiés208 . Ces derniers sont censés disposer d'un service juridique
structuré à même de surveiller régulièrement les parutions du BODACC.
Cependant, malgré les progrès de l'informatique, ces créanciers institutionnels
parviennent difficilement à éviter les manœuvres de leur débiteur. Dans ces
conditions, comment exiger de ces établissements de suivre la situation de
leurs nombreux clients, sans que parallèlement, cet effort ne se répercute sur
le coût du crédit.
205 Cf. Cass. com., 27 mars 1990, Bull. Ci\\'. IV, ,,'92.
206 Cf. Casso com., 11 oct .. 1988, op. cil.
207 Cf. Casso crn., Il déc.1979 et 5 févr
1980, D. 1980, p.n3, J'ole DERRIDA; Casso corn., 26 mai 1987, Rev. pme.
coll. 1987, p. 88, n' 4, obs. DUREUIL.
208 Cf. Casso com., 4 juil. 1989, Rev. proc. coll. 1989, p. ë;()7. obs. DUREUIL.

96
152- Au demeurant, de nombreuses juridictions du fond manifestent
une certaine mansuétude à l'égard de ces créanciers nantis-v". Ce qui suscite
les vives critiques d'une partie de la doctrine. Selon cette doctrine autorisée, la
complaisance de ces juridictions contrarie la volonté du législateur qui a
entendu assurer la prééminence de la publicité du jugement d'ouverture sur
l'avertissement individuel-!''. Cette mesure d'information ne constituerait
qu'un élément parmi tant d'autres dans l'appréciation de la défaillance du
créancier retardataire et, nullement, un critère décisif. Pourtant, le fait d'un
tiers semble bien représenter la bouée de sauvetage sur laquelle certains
créanciers espèrent intégrer la procèdure-!-. Les juges recherchent dans
chaque espèce toute cause externe revêtant souvent les caractères d'une
véritable force majeure, susceptible d":xcuser la défaillance du crèancier-!-'. Il
en est ainsi, lorsque le créancier n'avait aucun lien direct avec son débiteur.
Cette hypothèse concerne singulièrement les gagistes sur effets de commerce
qui découvrent souvent tardivement le redressement judiciaire affectant le
tiré2 13 . Dans tous les cas, la mesure Cee relevé de forclusion a une portée assez
limitée. Il résulte des dispositions de l'article 53 de la loi que les créanciers
retardataires
relevés
de forclusion
ne
peuvent concourir que
pour les
répartitions de dividendes postérieures à leur demande,
153- Dans le cadre du droit antérieur, lorsque le bien nanti avait été
réalisé avant le relevé de forclusion, le gagiste perdait sa sûreté, mais il
concourait pour la totalité de sa créance devenue chirographaire dans les
répartitions à venir. A défaut d'alicnaticn du bien grevé, il conservait sa sûreté
et pouvait revendiquer l'intégralité de sa crèance-!". En revanche, dans le
régime actuel, la réalisation du bien nanti, intervenue avant la demande en
relevé de forclusion, emporte extinction partielle de la créance garantie. Celle-
Cl
sera amputée de la partie que le gagiste aurait pu bénéficier s'il avait
déclaré en temps utile. Toutefois, le gEgiste rétenteur même retardataire et,
quelle que soit la date d'admission de sa créance, peut toujours refuser de se
209 Cf. Douai, 19 oct.
1989, Rev. dr. banc. et bourse, 19Se. p, 1<·0, n'3, obs. CAMPANA et CALENDINI.
210 Cf. Par exemple, A. MARTIN- SERF, Obs. sous Trib. corn. Paris, 2 mars 1990, op. cit.
211 Cf. Trib. corn. Paris, 12 janv. 1994, RJDA 5 /]994, L'58J
212 Cf. Trib. corn. Paris, 22 nov,
1993; RJDA; 5/1994, \\1 ~b3.
21.1 Cf. Trib. corn. Le Puy, 2] juin 1990, Rev. Banque er Lrou , n"
18- mars -avril 199], p. 77.
214 Cf. Sur la question, D. CORRlGNAN- CARSIN, Thèse, op. nt.. 11° 183 et s.

97
dessaisir du bien grevé tant qu'il n'a pas été désintéressé. La force de sa
possession demeure imparable.
154- En tout état de cause, le gagiste retardataire débouté de son
action en relevé de forclusion peut toujours engager les voies de recours
prévues par la loi. Or, sur ce point, le législateur de 1994 met fin aux
incertitudes passées sur le régime des recours en matière de relevé de
forclusion et de vérification des créances-t> . L'article 53, alinéa 3 nouveau
de la loi prévoit que l'appel de la décision du juge commissaire statuant sur
le relevé de forclusion ne sera plus porté devant le tribunal, mais devant la
cour d'appel. Ce système rejoint celui applicable aux recours contre les
décisions
relatives
à
l'admission
des
créances.
Cette
harmonisation
souhaitée
par
les
praticiens
avait
été
largement
amorcée
par
la
jurisprudence. La Cour de cassat.icn décidait déjà que les recours formés
contre les ordonnances du juge commissaire, statuant à la fois sur le relevé
de forclusion et l'admission ou le rejet d'une créance au passif, seraient
portés devant la cour d'appel en raison de leur nature mixte-Iv. Mais
l'innovation la plus remarquable introduite par la loi du 10 juin 1994 réside
certainement dans le caractère inopérant de la forclusion normalement
encourue
par
le
créancier
nanti
retardataire,
lorsqu'il
n'a
pas
été
personnellement averti.
BI
L'inopposabilité de la forcluston encourue par le gagiste non
averti par le représentant des créanciers
155- Le législateur de 1994 a fini par conférer une certaine valeur
juridique à l'avertissement
que le représentant des créanciers doit adresser
aux
titulaires
des
sûretés
régulièrement
publiées
avant
le
jugement
d'ouverture.
Cette
mesure
spécifique
d'information
était jusqu'à présent
considérée comme un simple acte dadrnirristratiori. Certes, elle ne constitue
pas le point de départ du délai de déclaration pour les créanciers concernés,
215 cf. Y. CHAPUT, déclaration des creanciers et re spon saoilitc du représentant des créanciers, Rev. proc. coll. 1988,
p. 149, spéc. p. 154.
216 Cf. ~ass. com., 29 mai 1990, 0.1991, p. 153. note DSRl~UA: Casso corn., 9nov.1993, Rev. pree, coll. 1994- 3, p.
385, n 4, obs. DUREUIL.

98
mais la défaillance du représentant des créanciers est désormais assortie d'une
sanction fort efficace"!". Le nouvel article 53, alinéa 2 de la loi dispose en effet
que la forclusion n'est pas opposable aux créanciers bénéficiaires de sûretés
réelles
publiées et aux
crédits bailleurs,
dès
lors
qu'ils n'ont pas été
personnellement avisés d'avoir à déclarer leur créance. Il a été justement
soutenu que le terme d'inopposabilité était impropre. « Il eut été plus simple de
dire
que
la
forclusion
n'est
pas
applicable »218.
En
effet,
la
notion
d'inopposabilité s'attache à la publicite ou à l'existence d'un acte juridique ou
juridictionnel vis à vis des tiers. Il convient en outre, de déplorer la limitation
de cette mesure d'inopposabilité aux seuls créanciers mentionnés à l'article 50
de la loi. Il eut été plus cohérent d'en étendre le bénéfice à l'ensemble des
créanciers connus visés par l'article 66 du décret,
156- Néanmoins, sous cette réserve, la mesure édictée par l'article 53
alinéa 2 est opportune et suscite une totale adhésion. Les gagistes concernés
ne seront plus obligés d'intenter une instance en relevé de forclusion. Cette
sanction
devient
inopérante.
Ils
seront admis
dans
les
opérations
de
répartition de dividendes quelle que salt la date effective de leur déclaration de
créance. Mais que décider à propos des gagistes avertis par le représentant
des créanciers aprés l'expiration des délais de déclaration et de relevé de
forclusion? Dans le premier cas, l'avertissement tardif équivaut, à notre sens,
à une absence d'avertissement. La forclusion encourue par les créanciers
nantis concernés ne leur serait pas opposable ou applicable, comme dans
l'hypothèse précédente. Ils pourraient à toutes fins utiles agir en relevé de
forclusion. Mais ils n'y sont pas obligés. La même solution s'impose a fortiori
dans la seconde hypothèse. Les créanciers nantis avisés hors délais peuvent
du reste, engager la responsabilité du représentant des créanciers.
217 cf. F: DERR!DA:;t J. P. SORTA1S, La réforme du ~!T;:
:I,'~; c..ueprises en difficultés ( 1" apercul, D. 1994, Chr., p.
267, spec. p.286, n 50.

99
C /
La mise en jeu de ~.&. rl';5?ùrlsabilité du représentant des
créanciers
157- La loi du 10 juin 1994 devrait probablement réduire le nombre
d'actions en responsabilité civile engagées. en raison de la forclusion encourue
par le créancier retardataire, contre le représentant des créanciers. On sait en
effet, que le défaut de l'avertissement prévu par les articles 50 de la loi et 66
du décret de 1985, a été une source importante de mise en cause de la
responsabilité du représentant des créanciers. Or sur ce point, les principes
dégagés par les juridictions du fond ne laissaient que peu de place à
l'admission d'une telle responsabilité. il a été généralement jugé que l'absence
de l'avertissement incombant au representant des créanciers ne saurait jouer
un rôle causal dans la survenance d; préjudice invoqué par le créancier
retardataire. Dès lors, cette carence ne pouvait justifier à elle seule la
condamnation personnelle de ce mandataire de justice. La plupart des
décisions rappellent que l'obligation de déclaration des créances repose
essentiellement sur la publication du jugement d'ouverture au
BODACC,
point de départ du délai de déclaration. Par ailleurs, il n'est pas toujours
établi que l'envoi par le représentant ~es créanciers de l'avis précité aux
créanciers concernés se traduit, par une relation nécessaire de cause à effet,
par la déclaration de leur créance dans le délai imparti.
158-
Mais
l'évolution
de
cette jurisprudence
revêt
un
caractère
historique à l'égard des gagistes dont la sûreté a été publiée. Elle ne conserve
une certaine actualité que pour les autres créanciers nantis connus, non
avisés par le représentant des creanciers. Ils auront toujours intérêt à
rechercher la responsabilité de ce mandataire avec quelques chances de
succès, malgré la jurisprudence ci-dessus rappelée. Ainsi, les créanciers
nantis avisés après l'expiration des délais de déclaration ou de relevé de
forclusion subissent un préjudice certain. s'ils ne participent pas à toutes les
répartitions du fait de leur reconnaissance tardive. Dans ce cas, si l'on admet
une obligation de résultat à la charge du représentant des créanciers, son
2'8 Cf. F. DERRIDA et J. P. SOIUAIS, 00. et lac. ciro

100
omission ou sa négligence est susceptible d'engager sa responsabilité sur le
fondement des articles 1382 et suivants du code civil.
159- De même, lorsque les documents produits par le débiteur révèlent
l'existence de gagistes non astreints à la publication de leur sûreté, ils
peuvent aisément établir la responsabilite du représentant des créanciers, si
ce dernier n'a pas exécuté son obligation. Dans ces conditions, les juges
seront plus enclins à faire droit à leur demande, s'ils ne bénéficient pas de la
mesure spécifique de l'article 53,
alinéa 2
de la loi.
Cette action en
responsabilité pourra être diligentée parallèlement à une instance en relevé de
forclusion. A cet égard, l'évidente discrimination opérée par l'article 53 susvisé
devrait conduire les juges à prononcer pL1S largement le relevé de forclusion
en faveur des gagistes connus mais non avertis personnellement par le
représentant des créanciers. Néanmoins, le préjudice invoqué par le gagiste
retardataire ne correspondra pas nécessairement au montant de la créance
éteinte.
Cependant, l'éventuelle responsabilité du représentant des créanciers
constitue un correctif à la sévérité de principe de la sanction affectant les
déclarations hors délais. Cette voie s'avère particulièrement attractive, dans la
mesure

la
déclaration
effectuée
en
temps
utile
ne
débouche
pas
systématiquement
sur
l'admission
ultérieure
du
créancier.
La
créance
déclarée doit encore être vérifiée par le représentant des créanciers et, par
suite,
soumise à
la décision du juge commissaire. Au
cours de cette
procédure, le rejet de la créance et l'omission ou la contestation de la sûreté,
constituent de nouveaux risques d'extinction de la créance etl ou du gage.
Section 2:
L'ETENDUE ET LE CONTENU DE L'OBLIGATION DE
DECLARATION DE LA CREANCE GARANTIE
160- L'acte de déclaration intervenu en temps utile ou la décision de
relevé de forclusion ne met pas le gagiste à l'abri de l'extinction de sa créance
à titre principal et de son gage accessoirement et vice versa. Par cet acte, le
gagiste émet une prétention jUrIdique. La déclaration s'analyse en effet sur le

101
plan juridique en une action en justice tendant au paiement d'une créance-!".
Cependant, aucune forme sacramemelle n'est exigée. Le législateur de 1994
vient encore d'alléger le formalisme dés déclarations de créances-?". Il incombe
seulement au créancier de fournir aux organes de la procédure les moyens de
vérifier la nature de sa créance et d'en confirmer le montant exact en principal
et intérêt.
Cette formalité
s'effectue
simplement par courrier, qu'il est
cependant prudent de recommander afin de lui donner date certaine-v'.
161 - Toutefois, les règles relatives au contenu de la déclaration et au
déroulement de la procédure de vérification sont impératives. Elles requièrent
toute la vigilance du créancier gagiste. Ainsi, il s'expose à l'extinction de sa
créance en l'absence d'indication dans l'acte de déclaration indispensable à la
détermination de la créance garantietf li. L'extinction encourue peut en outre,
exceptionnellement, affecter la sûreté à titre principal à défaut de toute
mention expresse du caractère privilégié de
la créance dans l'acte de
déclaration(§2) .
§l
La déclaration de la créance garantie
162- La procédure de déclaration, de vérification et d'admission des
créances est assez proche de celle d., régime de 1967. Sur ce point, la loi du
10 juin 1994 n'a apporté que des modifications techniques qui n'intéressent
pas directement les créanciers gagistes-v>. Dans tous les cas, la vérification du
passif se déroule en deux phases. Une première pré-contentieuse s'effectue
sous la responsabilité du représentant des créanciers. Ce mandataire de
justice n'est nullement juge de la recevabilité de la demande diligentée par le
créancier. Il se borne à proposer au juge commissaire le rejet de la créance
pour insuffisance ou déclaration tardive. A cet effet, il peut inviter le créancier
à lui fournir des explications sur sa crèance. A défaut de réponse dans le délai
21'1
Cf. GHOZI : Nature JUridique de la productior, des erran: es. t·~ I'D. Corn. 1978, p. 1.
no Cf. Y. CHAPUT: La reforme de la prévention er du traiiemer.r des difficultés des entreprises, op. ci!, n° 386. n° 62.
F. DERRIDA et J.P. SORTAIS, op. cii.; p .. 285. n" 74 a 77.
221 Cf. B. DUREU1L . obs. Trib. Corn, Lyon, 20 oct. 1993. ~é','. proc. 1995-1, p. 54, n° 3.
222 Cf. F.
DERRiDA et J.P. SORTAIS, op. et loc. CIL

102
de 30 jours, il ne pourra plus contester la décision qui sera prise par le juge
commissairev-'.
La proposition de rejet émise par le représentant des créanciers et
entérinée par le juge commissaire emporte extinction définitive d'une créance
même régulière. Le gagiste a tout intérêt à bien motiver sa demande et à
joindre, le cas échéant, les pièces justificatives en répondant notamment à la
sollicitation du représentant des créanciers. Au demeurant, l'attention du
créancier est particulièrement attirée en cas de contestation de sa créance.
Ainsi, le nouvel article 72, alinéa 3 du décret de 1985 précise que dans ce
cas « le représentant des créanciers en avise le créancier ou son mandataire
par lettre recommandée avec demande d'avis de réception Il.
163- Par ailleurs, l'article 51 de la loi prévoit que seul le montant du
capital
et
des
intérêts
échus
conservés
par
l'inscription
initiale
du
nantissement au jour du jugement d'ouverture, doit être explicitement déclaré
en raison de leur exigibilité et de leur certitude dans le contrat. Les créanciers
nantis, qui omettent de préciser outre le capital, le montant des intérêts déjà
échus, s'exposent à l'extinction de ceux-ci nonobstant leur caractère privilégié.
En effet, « lorsque les intérêts peuvent: être évalués définitivement ou lorsque
le montant de la créance peut être liquidé, le juge commissaire statue
dèfinitivement--?". L'intervention de ce magistrat s'inscrit dans le cadre d'une
instance judiciaire après convocation adressée au débiteur et au créancier s'il
a répondu dans le délai susvisé de l'a::ticle 54 de la loi. Néanmoins, même si le
créancier n'a fourni aucune explication au représentant des créanciers, le juge
commissaire n'est pas pour autant tenu de s'aligner sur la position adoptée
par ce mandataire de justice sur le sort de la créance contestée. Le juge
commissaire dispose en la matière d'un pouvoir discrétionnaire--". Sa décision
est définitive sauf possibilité pour le créancier d'exercer les voies de recours.
223 Cf. Rennes, 7 nov. 1990 ; Rev. pree. coll. 1991-4, 485. n' t, obs. DUREUIL.
224 Cf. B. S01NNE, Principes et pratique de la nouvelle vèrificaticu des créances: Rev. proc. coll. 1986, p. 1 et 5., spéc,
n" 9.
225 Cf. Casso cam, 8 mars 1994; R.J.O.A. 7/94, n" 860.

103
164- Or, aux termes de l'article 73, alinéa 2 du décret de 1985, le juge
commissaire décide le cas échéant, de l'admission des créances non échues.
Cela pose le problème du régime de la déclaration des intérêts dont le cours
n'est pas arrêté et, pour lesquels, le gagiste pourrait prendre une nouvelle
inscription purement conservatoire--v. Pourtant, certains auteurs contestent
la soumission des intérêts postérieurs au jugement d'ouverture à la procédure
de déclaration des créances. Ils soutiennent que ces créances d'intérêts
devraient bénéficier du régime de faveur institué par l'article 40 de la loi. Ces
créances postérieures échappent en effet à l'obligation de déclaration. Cette
position méconnaît profondément la nature juridique des créances d'intérêts.
Celles-ci sont des accessoires de la créance principale née avant l'ouverture de
la procédure. Elles doivent par conséquent, suivre le même régime que celle-
dernière-?", c'est à dire être soumises à déclaration. Cette interprétation paraît
résulter de l'article 51 de la loi qui suggère la déclaration de la totalité des
intérêts échus ou à échoir--s. Cette déclaration est tout aussi nécessaire à la
fixation
du
passif du débiteur,
en raison notamment de
l'absence de
déchéance du terme. Mais comment alors déclarer une créance par définition
éventuelle et sujette à modification quant à son quantum? La date de
remboursement étant inconnue au moment de la déclaration du capital,
admettre la déclaration des intérèts à
échoir ne conduit t-elle pas à
reconnaître la technique de l'admission provisionnelle? Pourtant, la portée de
cette déclaration particulière a été limitée par la loi en faveur de certains
créanciers-v".
165- Ainsi, certaines juridictions du fond 23o , obnubilées par une
application maximaliste des textes, exigent que
la déclaration des intérêts à
échoir revête le même caractère de précision et de certitude que celle de la
créance principale ou des intérêts échus. lVIais, aux termes de l'article 51 de la
loi, les sommes à échoir, ce qui désigne les créances non encore exigibles, les
intérêts à échoir postérieurement au jugement d'ouverture ne peuvent faire
216 Supra n085 et s.
227 Infra n °216 et s.
m Cf. Rennes, 22 jui1.1987, Gaz. pal. 11-13 oct. 1987. r.ote MASSART ; JCP 1988, éd E, n° 6 15118-11 0 obs,
CABRILLAC et VIVANT.
'
,
229 Cf. L. 1985, Art. 50, alinéa 2.
230 Cf. par ex. Douai, 18 mai 1989 cité par B. DUREUIL, kev. pree, coll., 1990, p. 143, n' 3.

104
l'objet que d'une simple mention accompagnée de
l'échéancier->'.
Cette
indication comporte les modalités de calcul desdits intérêts et c'est elle qui
vaut déclaration pour le montant ultérieurement arrêté par application de
l'article 67 du décret du 27 décembre 1985232 . Du reste, le créancier gagiste
pourrait se contenter d'un simple renvoi dans le bordereau déclaratif aux
contrats de prêt et tableaux d'arnortiseement qui y sont annexés. Il peut
encore préciser le taux de ces intérêts, généralement celui pratiqué par la
Banque de France, éventuellement majoré d'un pourcentage--".
166- Mais ni le représentant des créanciers ni le juge commissaire ne
peuvent se substituer au créancier dans la détermination de ces modalités de
calcul des intérêts à échoir. Celles-ci devront par conséquent, revêtir toute la
clarté nécessaire au contrôle du juge commissairc->. A défaut, le gagiste
même s'il a souscrit en temps utile une inscription complémentaire, risque de
perdre le bénéfice de ses intérêts. Ce qui ruinerait l'avantage qu'il aurait retiré
de la continuation du cours des intcré ts garantis. Le créancier gagiste outre,
l'indication des modalités de calcul des intérêts à échoir, doit mentionner dans
l'acte de déclaration le caractère privilégié de sa créance. L'omission d'une
telle mention expose le créancier nanti à l'extinction de sa sûreté.
§2.
La nécessité d'indiquer le caractère privilégié de la créance
garantie
167- Tout créancier bénéficiaire d'un nantissement et qui entend s'en
prévaloir au cours de la procédure coliective ouverte à l'encontre du débiteur,
doit l'indiquer clairement dans sa déclaration. L'omission d'une telle mention
obligatoire emporte extinction pure et simple de la sûreté. Le créancier nanti
évincé en sa qualité
de créancier « privilégié» conserve sa créance, mais
231 Il convient en effet de ne pas confondre la declarauon de créance avec son admission, seule cette dernière
intervient à titre provisionnel au profit du trésor public el de s organismes sociaux.
232 Cf. Casso corn., 22 nov. 1994, J.C.P. 1995, éd E. 457,18\\, n° 12, obs. CABl'<ILLAC.la Cour précise en effet que le
"juge commissaire doit (... ) se borner à indiquer les mortalités de calcul retenues sans fixer le montant sa décision
valant admission dans la limite de ses modalités, de la creance d'intéréts telle qu'arrêtée ultérieurement ....
2'3 Sur l'ensemble de la question, Cf. D. PASCAL. Libres J·tkxions autour de la déclaration des intérêts à échoir; Rev.
Banque et Droit. nov-déc. 1987, n° 7, p. 200.
234Le gagiste ne saurait se contenter de faire une déclaration pour mémoire. Cf., Casso corn., 3juin 1987, Rev. dl'.
banc. et de la bourse, marsjavril1987, p.27. ODS. DEK2UWL~R-DEFOSSEZ;l'<ep. DEFRENOlS, 1986, Art. 33784,
946. note HONORAT.

lOS
seulement à titre chirographaireè'v.La sévérité d'une telle sanction par rapport
aux conditions de régularité des sûretés en droit commun a alimenté de
nombreux recours émanant des créanciers garantis, soucieux de recouvrer
l'efficacité de leur sûreté. Certains créanciers tentent souvent de substituer à
une déclaration initiale à titre chirographaire, une seconde en qualité de
créancier l, privilégié ». Or, cette dernière déclaration accomplie hors délai, ne
saurait justifier une décision de relevé de forclusion en faveur du créancier
négligent. Sa première déclaration démontre sa parfaite connaissance du
jugement d'ouverturev".
168- De mérne, le créancier nanti qui omet de préciser la nature de sa
sûreté dans sa déclaration initiale, ne peut plus réparer sa négligence en
cause
d'appel Il ne peut pas par exemple, prétendre qu'il avait mentionné
l'existence de sa sûreté dans sa réponse au représentant des créanciers
l'invitant à lui communiquer certains documents en application de l'article 67
du décret. Ce texte permet seulement à ce mandataire de solliciter du
créancier des documents complémentaires. Cette formalité ne doit pas étre
confondue avec celle prévue à l'article 54 de la loi. Toute prétention nouvelle
fondée sur ce dernier texte doit être logiquement écartée->".
169- Enfin le caractère irrévocable attaché à la décision d'admission des
créances s'oppose également à toute action en
réclamation contre l'état de
créances--", intentée par un créancier gagiste ayant omis de déclarer sa sûreté
en même temps que sa dèclaration-?". Toutefois, la règle de l'irrévocabilité ne
fait pas obstacle à une demande du créancier nanti aux fins de voir fixer
l'ordre des divers créanciers privilégiésv-v. Ainsi, la déclaration initiale doit
impérativement comporter la mention du caractère privilégié de la créance.
Toute révélation ultérieure expose le créancier gagiste à la perte définitive de
sa sûreté et à être traité comme un simple créancier chirographaire.
235 Cf. par ex. Aix en Provence, 20 déc. 1973 ; D. 1974, sornm. 46 ; Casso com., 4 février 1992 ; D. 1992, I.R., 92 ;
Pour J'emission d'une hypothèque, Cf. Dijon, 20 février 1992 ; Rev, pree. coll. 1992-2, 116, n° 5, obs. DUREUIL.
236 Cf. Casso com., 4 oct. 1983; D. 1984, LR., p. 131, ob-s. HONORAT.
237 Cf. Casso com., 25janv. 1994; Rev. proc. Coll. 1994-.3.384, n' 3, obs
DUREUIL
238 Décr. 1967, an. 51 ; Décr. 1985, An. 84.
239 Casso corn., 4 mai 1976; D. 1976,496, obs. DERRlD:\\; i<t'ims, 18 nov.
1987 ; Rev. moco coll., 1989 229 n" 5
obs, DUREUIL
r
' "

106
170- En revanche, le créancier gagiste rétenteur n'est pas tenu de
déclarer son droit de rétention, car ;.1 ne s'agit pas d'une véritable sûreté. Mais
il ne
pourrait pas s'en prévaloir s'il n'a pas déclaré son gage au même titre
que sa créance-">. Celle-ci doit du reste, être déclarée en totalité à titre
privilégié, quelle que soit la valeur du gage qui peut être inférieure au mont.ant
de la créance garantie. Dans cette hypothèse, le créancier gagiste sera
seulement colloqué pour le surplus à titre chirographaire. Il y a là une
application du principe de l'indivisibilité des sûretés réelles. Le bien gagé
garantit l'intégralité de la créance à la sûreté de laquelle il est affecté242 .
171- Il est clair que la procédure de déclaration et de vérification des
créances
place
les
créanciers gagistes
dans
une
situation
d'insécurité
permanente. La loi de 1985 a en effet multiplié les chausse-trappes dans le
dessein avoué de sanctionner toute abstention, synonyme de négligence, des
créanciers nantis dans la détermination de leurs droits soumis à déclaration.
Cette insécurité résulte, pour l'essentiel, de la rigueur excessive des délais de
déclaration et de relevé de forclusion. Le fait générateur de cette obligation de
déclaration, à savoir la publication du jugement d'ouverture, accentue cette
rigueur. La loi du 10 juin 1994 est \\{(~llue opportunément atténuer les effets
pervers de cette sévérité de principe. Mais, une fois de plus, le législateur
pêche
par incohérence
en introduisant un
nouveau clivage source de
discrimination entre créanciers gagistes. L'article 53, alinéa 2 de la loi profite
aux seuls gagistes dont la sûreté a été publiée. Il reste à espérer que la
jurisprudence réparera cette injustice en admettant plus largement de relever
de forclusion les autres créanciers nantis privés de la mesure édictée par le
texte susvisé.
172- Toutefois,
la réforme de 1994 a eu le mérite de conférer une
certaine portée juridique à l'avertissement individuel prévu aux articles 50 de
la loi et 66 du décret de 1985. Au demeurant, la forclusion encourue par le
gagiste retardataire ou l'extinction de sa créance privilégiée à la suite d'une
240 Cf. Paris, 18 avr. 1967, D. 1967, 469.
241 Cf. Casso COIn., 2 mai 1990; Rev. prov. Coll. 1991·3, J52, n° 3, obs. DUREUIL; T.G.!. Béthune, 14 Oct. 1988;
Rev. proe. Coll. 1989,568, n" 18, obs. DUREUIL.
242 Cf. Casso com., 5 déc. 1989, Rev. proe. Coll. 1990A,!J. 413, n" 18, obs. DUREUIL ; Casso Com., 29 mars 1989
D. 1989,457, note D. MARTIN.


107
déclaration incomplète, peut être compensée par la mise en jeu de la
responsabilité civile du représentant des créanciers. La jurisprudence est
appelée là aussi, à
faire preuve de souplesse et de compréhension face à la
gravité de la sanction affectant l'existence juridique des créances garanties et
des sûretés réelles. Or, le redressement de l'entreprise en difficulté a justifié
aux yeux du législateur de 1985 la gènèralisation et le renforcement de règles
antérieures visant l'amputation des créances ou le report de la date de
paiement ou de recouvrement de celles-ci.
173- Au terme de ces développements, force est de constater qu'en
dehors de la substitution de garantie
la loi de 1985 conserve des règles
traditionnelles du droit des procédures collectives. Mais, en remplaçant la
nullité par l'opposabilité, le législateur ;:" renforcé la portée de ces dispositions
visant maintenant la suppression définitive des sûretés réelles spéciales. Le
nantissement devient inopérant alors même qu'il a été constitué ou inscrit
conformément aux principes du droit des obligations et des sûretés. Il est
entravé à sa source. Le créancier n'encourt cependant pour l'essentiel qu'une
« éviction qualitative II de la procédure. De créancier Il privilégié » il rétrograde
au rang peu enviable de simple chirographaire. Néanmoins, il perd par là-
même toute chance sérieuse d'être désintéressé. En dehors de la substitution
de garantie, la disparition du gage se traduira par une véritable éviction du
créancier nanti de la procédure, conséquence de son assujettissement forcé
aux règles impératives de la loi de 1985.
Or, le redressement de l'entreprise en difficulté a justifié, aux yeux du
législateur de 1985, la généralisation et le renforcement de règles antérieures
visant l'amputation des créances, le report de la date de paiement ou de
recouvrement de celles-ci, privant ainsi Les créances garanties de l'essentiel de
leur valeur économique.

108
TITRE 2 :
L'ATTEINTE A LA VALEUR ECONOMIQUE DES CREANCES GARANTIES

109
174- Le principe économique de toute sûreté réside dans la garantie de
paiement qu'elle est censée conférer au créancier benéficiaire-e'. Elle doit
accroître ses chances de paiement à l'échéance convenue ou à défaut en cas
de défaillance du débiteur. Cette sécurité virtuelle repose sur l'affectation d'un
ou plusieurs biens déterminés au recouvrement de la créance garantiev'". Dès
lors, le gagiste espère légitimement être désintéressé sur le prix de réalisation
des biens grevés dont la valeur économique lui est en principe spécialement
réservé. Or, depuis la loi du 13 juille: 1967, les créanciers munis de sûretés
réelles spéciales ont été intégrés à la procédure collective. En 1985, la
primauté accordée au sauvetage de l'entreprise commandait d'aménager un
répit au profit du débiteur, afin de favoriser ses chances de rétablissement.
Dans cette logique, il est apparu nécessaire de soumettre les créanciers nantis
aux même obligations et autres sujétions jadis imposées aux seuls créanciers
chirographaires. Il en est résulté un renforcement du nivellement, déjà amorcé
sous
la
législation
antérieure,
entre
créanciers
nantis
et
créanciers
chirographaires-"".
175- Ainsi, à l'instar des autres créanciers mUnIS de sûretés réelles
spéciales, les créanciers gagistes voient leurs éventuelles poursuites retardées
ou paralysées. Ils ne peuvent plus librement procéder à la réalisation forcée de
leur gage à l'ouverture d'une procédure collective. Ils sont dès lors, soumis à
la règle de l'arrêt des poursuites individuelles qui s'applique à tous les
créanciers antérieurs au jugement d'ouverture (Chapitre 1er). La loi de 1985
contient en outre, des dispositions visant l'amputation ou l'effritement des
créances garanties. La généralisation des ces mesures aux créanciers nantis
illustre de façon éclatante l'atteinte portée à l'existence juridique et à l'étendue
des créances garanties. La sûreté n'assure plus intégralement son rôle de
garantie de paiement puisque la créance qui en constitue la raison d'être est
réduite en principal ou en intérêts (Chapitre2).
243 cf. H,L J. MAZEAU, Leçons de droit civil. Tome 3, op. cir., n'2
244 Cf. G. MARTY, PH. JESTAZ, P. RAYNAUD, op. Clt., n'S
245 Cf. P. TILLY, Thèse, op. cil .. , n° 264 et s.

110
Chapitre 1 : LA SOUMISSION DES CRE_~.LNCIERSGAGISTES A LA REGLE
DES POURSUITES INDIVIDUELX.ES
176- Pendant longtemps, les créanciers nantis, à l'instar des autres
titulaires de sûretés réelles spéciales pouvaient exercer leur droit de poursuite
individuelle, nonobstant la « faillite» du débiteur. La procédure était conçue
comme une voie d'exécution privée emportant saisie collective des biens du
débiteur défaillant.
Dès lors,
elle
était
principalement orientée vers
le
désintéressement des créanciers. Cette liberté d'action s'inscrivait dans le
prolongement logique de la règle de la déchéance du terme liée à l'ouverture
de la procédure. Ainsi, le droit de poursuite individuelle s'est transformé en
une véritable prérogative illustrant les égards particuliers réservés aux
créanciers munis de sûretés. Ces derniers évoluaient en marge des procédures
de règlement du passif. Ils conservaient le droit de demander la réalisation des
biens grevés et par là-même, de s'approprier le produit de la vente sans
l'intervention du syndic. En revanche, les autres créanciers regroupés au sein
de la masse étaient soumis à la règle de la suspension des poursuites
individuelles, expression du caractère collectif et égalitaire de la procédure de
failli te 24 6 .
177 - Cependant, l'impératif de sauvegarde de l'entreprise assigné aux
procédures
collectives
depuis
1967
commandait
l'assujettissement
des
créanciers nantis au sort commun réservé aux autres créanciers du débiteur.
A cet égard, l'article 16 de l'ordonnance du 23 septembre 1967 relative à la
suspension provisoire des poursuites et à l'apurement collectif du passif,
suspendait
précisément
les
poursuites
non
seulement
des
créanciers
ordinaires et bénéficiaires de privilèges généraux, mais en outre de ceux
titulaires d'une sûreté réelle spéciale. Toutefois, la question de la survie ou de
l'extinction du droit de poursuite des créanciers nantis fut l'occasion d'une
joute doctrinale génératrice d'incertitudes en droit positif dans le régime de la
loi du 13 juillet 196724 7 . Mais la Cour de cassation finit par adopter la
2~G Cf. DERRIDA, Le droit de poursuite individuelle des creanciers titulaires d'une sûreté réelle spéciale dans le
regIement judiciaire et la liquidation des biens, D. 1967, Chr., 0.25l.
247 Cf. A. MARTIN-SERF. Thèse, op. cit., n'168 a 182 . Pt. Pf\\STAUD, Thèse, op. cir., pp.36 et s.

111
solution retenue par l'ordonnance de .1967. 248 Cette décision avait pourtant
semblé en contradiction avec la lettre de l'article 35 de la loi 1967. Ce texte
paraissait exclure les créanciers nantis du domaine de la suspension des
poursuites individuelles.
Elle
suscita dès lors, l'hostilité de la doctrine
majoritaire-?",
178- Or, cette mesure est désormais expressément consacrée par
l'article 47 de la loi de 1985. Le droit de poursuite individuelle redevient un
simple droit générique. La volonté du législateur d'aligner la situation des
créanciers nantis sur celle des créanciers chirographaires se manifeste à
nouveau. Néanmoins, la gravité des limites à l'exercice du droit de poursuite
individuelle varie en fonction des nécessités de
la procédure.
Elle est
beaucoup plus marquée en période cie redressement judiciaire. A cet effet, la
loi de 1985 renforce considérablement le domaine matériel et la portée de la
règle de l'arrêt des poursuites individuelles (section 1). Toutefois, les créanciers
gagistes recouvrent leur liberté d'action après l'adoption d'un plan de cession
et en cas de liquidation judiciaire. Cette renaissance exceptionnelle du droit
de poursuite tempère quelque peu la rigueur de principe de la règle édictée
par l'article 47 de la loi ( section 2).
Section 1 : ETENDUE ET PORTEE DE LA REGLE DE L'ARRET DES
POURSUITES A L'EGARD DES CREANCIERS GAGISTES
179- L'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire postule la
cristallisation de la situation patrimoniale du débiteur défaillant. Il faut éviter
de dépouiller l'entreprise de l'essentiel de ses actifs indispensables à la
poursuite de son activité. Cette idée commande d'imposer un moratoire aux
créanciers afin
d'accroître les chances de
sauvetage de
l'entreprise.
Il
convenait d'empêcher les créanciers, fussent-il titulaires d'une sûreté réelle
spéciale, de compromettre cet objectif par leurs poursuites intempestives et
2'8 Cf. Casso Com., 12 oct.
1970, op. cil.; Casso Corn., Ie. févr 1977, 0.1977, fJ-206, note HONORAT.
4
2 9 .Cf. L. MARTIN, Sù rete s traquées, crédit détraqué, Rel'. Banque 1975, pp. 1129 et s., spéc. p.1133 ; Ph. PASTAUD.
Thèse. op. CIl., pp. 63 à 85.

112
anarchiques. Au demeurant, la déchéance du terme n'est plus un effet
automatique du jugement d'ouverture. Dans ces conditions, aucune poursuite
anticipée ne pouvait être admise. El. même lorsque la créance garantie est
exigible, le paiement des créanciers obéit aux règles particulières prévues par
la loi en fonction de la procédure. If\\, ce propos, la règle de l'arrêt des
poursuites individuelles revêt une importance capitale dans la phase de
redressement judiciaire puisqu'elle en conditionne l'issue.
180- Pourtant, l'article 47 de loi de 1985 semble cantonner cette
paralysie du droit de procédure des créanciers à la seule période d'observation
(§l). Mais, à l'instar de nombreuses autres dispositions défavorables aux
creanciers, elle s'étend en réalité à la phase de réalisation du plan de
redressement judiciaire avec des effets variables selon la nature du plan
adopté par les tribunaux. Dans le pian de continuation de l'entreprise, les
délais judiciaires de paiement imposés aux créanciers ne leur permettent pas
d'exercer librement leur droit de poursuite. En revanche, En cas d'adoption
d'un plan de cession de l'entreprise, l'arrêt des poursuites paraît limité à
l'hypothèse de la clôture de la procédure pour insuffisance d'actifs, en
application de l'article 92 alinéa 3 qui renvoie par ailleurs à l'article 169 de la
loi de 1985 (§2). Ce dernier texte consacre l'extinction du droit de poursuite
des créanciers à la clôture d'une procédure de liquidation judiciaire. Du reste,
même dans une procédure normale de liquidation judiciaire non clôturée pour
insuffisance d'actif, les créanciers T:8T,tiS devront encore patienter avant
éventuellement de poursuivre la réalisation de leur gage(§3).
§l.
L'arrêt des poursuites résultant du jugement de redressement
judiciaire de l'entreprise
181-
La
règle
de
l'arrêt
des
poursuites
individuelles
est
une
conséquence directe et immédiate du jugement de redressement judiciaire.
Elle est destinée à éviter que le paiement ne devienne le prix de la course entre
créanciers plus ou moins diligents. L'article 47 de la loi en pose le principe
pour la période d'observation. Une disposition analogue figure dans la loi
gabonaise du 4 août 1986, même si elle ne prescrit pas expressément le

113
préalable d'une période d'observation-?". Dans tous les cas, au cours de cette
phase préparatoire, les organes de la procédure détermine les moyens et les
mesures indispensables au redressement de l'entreprise. Ils établissent à cet
effet un bilan économique et social de l'entreprise. Il est clair que les
poursuites des créanciers ne sauraient entraver par leur ampleur les résultats
d'un tel travail de recherche. L'appréhension de la situation globale de
l'entreprise est en effet, une des conditions nécessaires de son redressement.
182- Toutefois, la règle de l'arrêt des poursuites individuelles n'atteint
pas tous les créanciers gagistes de façon identique.(A) Mais l'article 47 de la
loi de
1985 suspend comme antérieurement les poursuites tendant au
paiement d'une somme d'argent et les voies d'exécution Il arrête désormais les
actions en résolution pour défaut de paiement d'une somme d'argent.(B)
AI Les gages concernés par la règle de l'arrêt des poursuites
183- La soumission des créanciers gagistes à la suspension provisoire
des poursuites instituée par l'ordonriance du 23 septembre 1967 n'a guère
soulevé de difficulté. L'article 16 de l'ordonnance de 1967 prévoyait en effet la
suspension de
« toute
poursuite individuelle de la pan des créanciers
chirographaires ou de ceux dont les créances sont garanties par un privilège,
un nantissement ou une hypothèque ... l'. En revanche, l'interprétation littérale
et a contrario de l'article 35 sur le règlement judiciaire et la liquidation des
biens, excluait a priori les créanciers titulaires de sûretés réelles spéciales, de
la règle de la suspension des poursuites. Ce texte disposait en effet que « le
jugement qui prononce le règlement judiciaire ou la liquidation des biens
suspend toute poursuite individuelle tant sur les
meubles que sur les
immeubles, de la part des créanciers dont les créances nées avant le jugement
constatant la cessation des paiements ne sont pas garanties par un privilége
spécial, un nantissement ou une hypothèque sur les dits biens."
250
Cf. L. 1896, Art. 4Î a).

114
Les juges du fond, dans leur grande majorité, furent pendant longtemps
attachés à la lettre de l'article 35 et laissaient aux créanciers privilégiés
spéciaux le libre exercice de leur droit de poursuite. Mais, sensible aux idées
du
professeur
DERRIDA
sur
la
va.crisation
du
concordat-ô",
une
jurisprudence dissidente de plus en çJlus hardie étendit la règle de la
suspension
des
poursuites
aux
créanciers
munis
de
sûretés
réelles
spéciales-ë-.
La
Cour
de
cassation
allait
trancher
cette
controverse
jurisprudentielle en retenant la thèse favorable à la soumission des créanciers
titulaires de
sûretés réelles spéciales à la règle de la suspension des
poursuites individuelles. Elle subordonna la recevabilité de leurs poursuites à
la production préalable de leur créance au passif du débiteur par application
de l'article 40 de
la loi de 1967. Tan: qu'ils n'avaient pas été admis dans la
procédure après vérification de leurs créances, les créanciers nantis ne
pouvaient disposer de leur droit de poursuite individuelle--ê.
184- La loi de 1985 ne laisse subsister aucune ambiguïté. L'arrêt des
poursuites atteint tous les créanciers titulaires de sûretés réelles spéciales.
L'article 47 de la loi dispose en effet que « le jugement d'ouverture suspend ou
interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la
créance à son origine antérieurement au dit jugement. .. », La règle de l'arrêt
de
poursuites semble donc revêtir une portée générale. Cependant son
application au créancier gagiste rétentcur a suscité la discussion. Sous
l'empire de l'ordonnance de 1967, la jurisprudence avait exclu le créancier
gagiste rétenteur du champ d'application de la règle de la suspension des
poursuites->. Quelque que soit la nature juridique du droit de rétention, par
ailleurs controversée en doctrine-''>, la solution ancienne paraît s'imposer en
application de la loi de 1985. Nous savons que la suspension des poursuites
complète
efficacement
l'int.erdiction
de
tout
paiement
des
creanciers
antérieurs édictée par l'article 33 de ~a loi de 1985. Or, l'alinéa 3 de ce même
article déroge à cette interdiction de principe en permettant le retrait du bien
251
cf. F. DERRIDA, Le droit de poursuite individuel.. .... op. ci;.
252
Cf. Par exemple, TGI, Toulouse, 27 mars 1968, Jep ,'96;), Il. 1549l.
253
Cf. A. MARTIN- SERF,Thèse, op. el loc. cil.
254
Cf. Toulouse, Il févr. 1977, D. 1978, p.206, note MEST:~E..
255
Cf. A. MARTIN-SERF, L'interprétation extensive des suretés réelles en droit commercial, RTD corn., 1980, pp.686
et s., spéc. n °20 et s ..

115
gagé contre paiement du créancier rétenteur-s». Cette disposition respecte le
principe de l'opposabilité absolue du droit de rétention malgré l'ouverture
d'une procédure collective.
185- Cependant, la suprématie reconnue au créancier gagiste rétenteur
repose en pratique sur la passivité de son attitude. Il ne peut pas poursuivre
la réalisation du bien gagé en conservant lé bénéfice de son droit. C'est donc à
tort qu'un jugement du tribunal de
commerce de Lille a
autorisé un
établissement de crédit titulaire d'un gage' sur automobile à requérir la vente
en justice du véhicule gagé en obtenant l'attribution exclusive du produit de la
vente->". Comme l'écrit le professeur CABRILLAC dans sa note critique « de la
faculté d'opposer le droit de rétention malgré le redressement judiciaire, on ne
saurait déduire la faculté pour le titulaire de faire vendre le bien grevé,
autrement dit pour un gagiste, la possibilité de réaliser sa sûreté pendant la
période
d'observation ),258.
La
décision
des
juges
lillois
méconnaît
la
caractéristique essentielle du droit de rétention qui confère à son titulaire une
simple arme défensive, une force dinertie, un pouvoir de fait sur l'objet
retenu. Il ne peut opposer son droit ce rétention aux organes de la procédure
ou aux tiers qu'en adoptant une attitude négative, donc en refusant de se
dessaisir du bien gagé. Dans le cas contraire, il exerce une poursuite au sens
de l'article 47 de loi de 1985259 .
Affirmer que le creancier gagiste n'est pas concerné par l'arrêt des
poursuites signifie seulement, qu'on ne peut pas invoquer la génêralité de
cette règle pour contraindre ce dernier à restituer à l'administrateur les biens
retenus. Le professeur Martin-SERF avait parfaitement exposé la situation du
gagiste rétenteur face à la règle de la suspension des poursuites en des termes
non équivoques: « le droit de rétention 11'équivaut pas à une poursuite et ne
peut être de ce chef atteint par 12. suspension des poursuites (... ) étant
précisément une attitude passive( .. ), il est antinomique de la notion de
256 Infra n'445 tt s.
257 Cf. Trib. Corn. Lille, 27 mai 1988, op. ca.
258 Cf. M. CABRILLJ\\C, Note sous Trib. com., Lille, 27 ly,,,j lC:88. op. cu.
259 Cf. Riom, 3"m<
ch., 12juin 1991, Rev. pree. col. ]9(j3-:1, pAu2, n'2, obs. SAI1\\T- ALARY-HOUIN.

116
poursuite qui implique, elle, une mesure d'exécution et est essentiellement
dynamique »260.
En définitive, le créancier gagiste rétenteur, à
l'instar des autres
créanciers gagistes, ne peut ni entreprendre, ni continuer aucune action en
justice tendant au paiement d'une semme d'argent encore moins engager une
voie d'exécution.
BI
Les actions visées par la règle de l'arrêt des poursuites
186- La règle de l'arrêt des poursuites individuelles posée par l'article
47 de la loi de 1985, reprise par l'article 17 de la loi gabonaise du 4 août
1986, accorde un véritable moratoire au débiteur. Aux termes de ces textes, le
jugement d'ouverture écarte d'abord toute action en paiement. Cette solution
traditionnelle s'insère en réalité dans un ensemble cohérent de dispositions de
la loi de 1985. Il suffit de songer à l'interdiction de tout paiement de
créanciers antérieurs (art.33) et à 'absence de déchéance du terme (art.56). Il
convient seulement de préciser les aménagements apportés par la loi de 1985
au régime des instances en paiement en cours à l'ouverture de la procédure
de redressement judiciaire(a). En revanche, l'une des innovations majeures de
la loi de 1985 a consisté à étendre la règle de l'arrêt des poursuites à
l'ensemble des actions en résolution pour défaut de paiement d'une somme
d'argent(b). Enfin, toutes les voies d'execution, qu'elles qu'en soient la forme et
l'état d'avancement, ne peuvent plus être, comme dans le régime antérieur, ni
entreprise, ni poursuivies ( cl.
1 0
Le nouveau régime des instances en paiement en cours
à l'ouverture de la procédure.
187- L'article 48 de la loi de 1985 a considérablement simplifié le
régime des instances en cours à l'ouverture de la procédure de redressement
judiciaire,
par rapport aux
solutions admises dans le
cadre du droit
260
Cf. A. MARTIN-SERF, L'interprétation .... , op. el loc. CIÎ.

117
antérieur-v'.
Ainsi,
les actions
en cours
ne sont suspendues ou
plus
exactement interrompues que jusqu'à la déclaration des créances, objet de
l'instance en paiementw-. Dans cette situation, le créancier nanti devra
fournir à la juridiction saisie une copie xle la déclaration de sa créance. Il
devra en outre, mettre en cause le représentant des créanciers et, le cas
échéant, l'administrateur-s>. Cette condition préalable remplie, les poursuites
reprennent à l'initiative du créancier et non de plein droit comme l'indique
maladroitement la formule légale. TO'...rtefois, les actions en cours ne peuvent
être portées devant la juridiction antérieurement saisie.
188- Lorsque la décision reconnaissant la créance est passée en force de
chose jugée, elle doit être mentionnée sur l'état des créances déposé au greffe.
Dans ce cas, elle vaudra admissior. définitive de la créance litigieuse. La
compétence du juge des référés paraît donc exclue, car il ne peut évaluer une
créance. De plus, sa décision est de toute façon dépourvue de l'autorité de la
chose jugée-s". Mais cette reprise d'instance ne réalise pas une véritable
reprise des poursuites. Elle n'aboutir pas à la réalisation du bien gagé et
encore moins au paiement du créancier gagiste. La reprise des instances en
paiement ne tend qu'à la constatation de la créance et à la fixation de son
montant.
Elle
implique
également
la
détermination
de
son
caractère
privilègié-v>.
La reprise d'instance,
certes largement simplifiée, demeure
limitée quant à son résultat. Le créancier gagiste, qui avait intenté son action
antérieurement à l'ouverture de la procédure, devra patienter avant d'espérer
recevoir un quelconque paiement. Il ne peut plus agir en résolution du contrat
sur lequel s'était greffée sa sûreté.
L'interdiction de toute action en résolution
189- Sous l'empire du droit antérieur, les actions en
résolution pour
défaut
de
paiement
d'une
somme
d'2.rgent
pouvaient
être
entreprises
261 cf. B. SOINNE, Traite ... , op. cit., p. 411, n'481.
262 Cf. A. MARTlN-SERF. Obs. Sous Paris, 28 juil. 1986, ~~T':' '.<n. 1989, p. 536. n' l .
263 Cf. Décr. 1985, Art . 65, al. 1er.
264
Cf. Paris, 14 oct. 1987, 0.1988, Somrn. Comm., p.146, ob s. HONORAT; R'fD corn. 1989, p.543, n06, obs.
MARTIN-SERF; Lyon, 17 mars 1989 citee par SAINT·j\\L.\\RY - IIOUIN, Rev. proc, coll. 1989, p.228, nog.
2"5 Cf. Parts, 7nov. 1986. RTD corn. 1989, p. 543, n'S.
ùbs.lv1.\\RTIK-SERF.

118
nonobstant l'ouverture du règlernern judiciaire ou la liquidation des biens,
même si
les demandes en paiement ml les dommages et intérêts les
accompagnant demeuraient irrecevables. En revanche, une solution différente
prévalait en matière de suspension des poursuites puisque les actions étaient
suspendues. C'est cette solution qui a été reprise par l'article 47 de la loi de
1985.
L'hypothèse
concerne surtout le vendeur impayé d'un fonds
de
commerce qui peut bénéficier d'un nantissement de la loi de 1909. Ce dernier
ne peut plus exercer l'action résolutoire. La résolution est définitivement
acquise lorsqu'elle a produit son effet avant le jugement d'ouverture. Au
demeurant, admettre l'exercice de l'action résolutoire après l'ouverture de la
procédure reviendrait à valider une attribution conventionnelle du bien gagé,
alors même qu'il peut s'avérer utile pour la poursuite de l'activité du débiteur.
Dans l'impossibilité d'agir en paiement de sa
créance, privé du bénéfice de
l'action résolutoire, le créancier gagiste ne saurait davantage poursuivre ou
introduire une voie d'exécution.
3 0 L'arrêt des voies d'exécution.
190- Toutes les VOles d'exécution sont arrêtées après le jugement
d'ouverture.
Celles qui
ont commencé antérieurement ne
peuvent être
continuées que lorsqu'elle sont devenues définitives. Or, sur ce point, la loi du
9 juillet 1991 qui a reformé les procédures d'exécution bouleverse quelque peu
les solutions anciennes. Ainsi, l'article 43 de ladite loi prévoit expressément
que la saisie-attribution qui a remplacé la saisie-arrêt emporte attribution
immédiate de la créance saisie entre les mains des tiers au profit du créanier
saisissant. Le texte précise que cette attribution rend le tiers personnellement
débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation. Non
seulement le créancier gagiste saisissant échappe à tout concours, les saisies
pratiquées ultérieurement par d'autres créanciers même privilégiés étant
inefficaces, mais aussi le jugement .:::.'odvenure de la procédure collective ne
remet nullement en cause cette attribution immédiate et exclusive de la
crèance-v>.

119
191- La situation du créancier gagiste, poursuivant la réalisation
forcée du bien grevé, s'est donc cor.sidérablement amélioré par rapport au
mécanisme de la saisie-arrêt. Celle-ci ne revêtait un caractère définitif que
lorsque le jugement de validité émit passé en force de chose jugée. Mais si les
délais d'appel n'étaient pas encore épuisés au moment de l'ouverture de la
procédure collective, le déroulemen t de la saisie-arrêt était purement et
simplement paralysé. Quant à la saisie-exécution, remplacée aujourd'hui par
la saisie-vente-s", elle ne produisait traditionnellement son effet définitif qu'au
moment de la vente des
biens saisis.
Par suite,
lorsque le jugement
d'ouverture intervenait après la saisie, mais bien avant la date prévue pour la
vente des biens gagés, la saisie-exécution n'ayant pas encore produit son effet
légal tombait sous le coup de la suspension des poursuites. Le créancier
saisissant ne pouvait à ce stade de 18 procédure se prévaloir du caractère
définitif de La saisie-exécution. Or, ce shérna général de la saisie-execution a
été pour l'essentiel, repris par la nouvelle saisie-vente. Elle ne devient
définitive qu'au moment
de la réalisation forcée du bien saisi. Toutefois, le
débiteur dispose d'un mois pour tenter une vente amiable afin d'obtenir un
prix satisfaisant. Dans cette hypothèse, la consignation du prix de vente du
bien emporte transfert de propriété. Dans tous les cas, la survenance du
jugement
d'ouverture
avant
la
vente
forcée
ou
amiable
bloquera
le
déroulement de la saise-vente.
192- En revanche, la soumission de l'action en attribution du gage à la
règle de l'arrêt des poursuites a suscité une controverse en doctrine et en
jurisprudence. L'article 47 de la loi de 1985 n'inclut pas expressément les
actions visant l'appropriation ou la livraison d'objets mobiliers dans le champ
d'application de la règle de la suspension des poursuites. Mais au-delà de sa
finalité, l'attribution judiciaire du gage peut-elle constituer une poursuite au
sens de l'article 47 de la loi? C'est poser le problème de sa nature juridique.
Cette question sera abordée ultérieurcmentveë. Mais, d'ores et déjà, il apparaît
que
cette
action ne correspond pas à une véritable poursuite au sens de
266 cf. L. 9 juil. 1991, Art. 43, al.2.
267 Cf. L. 9 juil. 1991, Art. 50 à 53.
268 Infra
n° 486 et s.

120
l'article 47 de la loi. Toutefois, certaines juridictions du fond 269 approuvées
par
certains
auteurs-"?
analysent
l'attribution
judiciaire
en
une
voie
d'exécution. Son exercice est conçu comme une sanction du défaut de
paiement à l'échéance. Elle n'échapperait pas alors à l'interdiction ou à la
suspension de toute poursuite pendant la période d'observation. Pourtant, un
arrêt remarqué de la cour d'appel d'Angers, rendu sous l'empire de la loi de
1967, avait exclu l'action en attribution du gage engagée en période de
règlement judiciaire de la suspension des poursuites individuelles-?". Il est
vrai que le créancier nanti qui sollicite l'attribution du gage n'exige nullement
le paiement d'une somme d'argent. E est, en outre, difficile d'y voir une voie
d'exécution classique. Cette prérogative offerte au créancier gagiste ne lui
permet pas de se payer sur le produit de :3. réalisation forcée du bien gagé. Le
créancier nanti sollicite seulement l'acquisition de la propriété du bien gagé.
Ainsi, l'action en attribution du gage tend à se rapprocher de l'action en
revendication ouverte aux créanciers bénéficiant d'un droit de propriété sur
un bien détenu par le débiteur en redressement judiciaire.
193- Il semble, à ce stade de noue étude, que ce soit le cantonnement
apparent de
l'attribution judiciaire du gage à la période de liquidation
judiciaire par l'article 159, alinéa 3 de 12 loi, qui interdise son exercice en
période d'observation. Nous verrons que cette cette interprétation restrictive
suscite des réservesv'". Cette phase de recherche des solutions dont la durée
varie en fonction de l'ampleur des difficultés de l'entreprise constitue le terrain
de prédilection de la règle de l'arrêt etes poursuites. Cependant, il ne s'agit là
que d'une phase préliminaire, préparatoire avant l'adoption par le tribunal
d'un plan de redressement. La réal.satior, de ce plan, quelle qu'en soit la
modalité, commande tout autant l'arrêt des poursuites individuelles des
créanciers munis de sûretés réelles spéciales.
26" Cf. Par exemple, Trib. corn. Lille, l7mai 1988, 00. cit.
27(J Cf. Ph. DELEBECQL:E. Les sûretés dans les no~\\eile:; pIlJCe(ures collectives, Jep 1986. éd. N, p.185 ; B. SOINNE,
Traité .. , op. crr., pA07, n Q478.
271
Cf. Angers, 26 mars 1985Rev. jurisp. corn., 1985, p.l32, n.u- ::;RI\\.FMEYER
272 Infra 487 et s.

121
§2. L'arrêt
des
poursuites
résultant du plan de
redressement
judiciaire de l'entreprise
194- La mise en œuvre d'un plan de redressement assigne à la règle de
l'arrêt des poursuites individuelles un large domaine d'application. Ainsi, le
créancier nanti ne peut en principe poursuivrce la réalisation du bien affecté à
sa garantie après l'adoption par la tribunal d'un plan de continuation (A).
Cette possibilité paraît également extrêmement limitée lorsque le tribunal opte
pour un plan de cession de l'entreprise(B).
AI
L'arrêt des poursuites au cours de l'exécution du plan de
continuation de l'entreprise
195- Le plan de continuation de l'entreprise tend au rétablissement du
débiteur par la poursuite de son activité. Sa réalisation effective implique
nécessairement l'établissement d'un échéancier qui prévoit notamment les
modalités de règlement du passif antérieur au jugement d'ouverture. Aux
termes de l'article 74 de la loi de 1985, tous les créanciers, y compris les
titulaires de sûretés réelles spéciales, subissent les délais de paiement fixés
par le tribunal-">. Il nous faut seulement préciser que le jeu de ces délais
engendre inéluctablement la paralysie du droit de poursuite des créanciers
nantis. On ne saurait imposer ou solliciter des créanciers des délais de
paiement et autoriser par ailleurs, l'exercice de poursuites par ces mêmes
créanciers. Le plan de continuation emporte donc le principe de la paralysie
des poursuites des créanciers nantis. Lorsque leur créance n'est pas encore
exigible, non seulement ils ne bénéficient pas de la déchéance du terme
contractucl-?", mais ils subissent un report du terme contractuel initial.
196- Lorsque leur créance devient exigible, les créanciers gagistes ne
disposent pas de leur droit de poursuite individuelle jusqu'à l'expiration des
délais consentis par eux ou fixés par le tribunal. Il en résulte que seul le
respect des échéances fixées dans le plan de continuation justifie la paralysie
273 Infra n0227et s.
274
Cf. L. 1985, Art. 56.

122
des poursuites.
Dans ces conditions, la situation du gagiste diffère quelque
peu de celle qui était la sienne au regard du concordat sous l'empire du droit
antérieur.
Ces créanciers gagistes ne
participaient pas aux assemblées
concordataires. Ils furent cependant soumis à la règle de la suspension des
poursuites individuelles sur le fondement de l'obligation qui leur était faite de
produire leur créance au passif du débiteur. mais uniquement jusqu'à
l'admission de leur créance. Après le vote du concordat, ils recouvraient en
principe leur liberté de poursuite. Ils n'étaient concernés par les résultats
financiers de la procédure que dans la mesure où la réalisation du bien grevé
se révelait insuffisante à couvrir la totalité de leur créance. En revanche,
comme actuellement, les créanciers nantis ne pouvaient prendre l'initiative de
la réalisation du bien gagé pendant l'exécution du plan d'apurement du passif
prévu dans l'ordonnance du 23 septembre 1967275.
Paralysé pendant l'exécution du plan de continuation de l'entreprise, le
droit de
poursuite des créanciers nantis est tout aussi entravé après
l'adoption du plan de cession de l'entreprise.
BI
L'arrêt des poursuites après l'adoption d'un plan de
cession de L'entreprise
197- Le législateur de 1985 innove singulièrement en faisant de la
cession globale de l'entreprise une solution autonome de la procédure. Il s'agit
avant tout d'une solution économique qui tend à devenir en pratique la le voie
royale » du redresssement des entreprises en difficulté. Mais, ici encore les
créanciers titulaires de sûretés réelles spéciales sont souvent sacrifiés sur
l'autel du maintien de
l'unité économique grâce à son transfert à
un
repreneur. L'article 92, alinéa 3 de la loi de 1985 dispose que les le créanciers
recouvrent
après le jugement de clôture, leur droit de poursuite individuelle
dans les limites fixées par l'article 169 li, la formule légale semble indiquer le
principe d'un rétablissement des poursuites suspendues pendant la période
275
cf. A. PIROVANO, Les effets de la procedure dapu rcmer.t ccllectif du passif sur la situation des créanciers
titulaires de sûretés, D. 1971, p.107.

123
d'observation et au cours de la phase de réalisation effective des opérations de
cessron.
198- Or, l'examen de l'article i69 de la loi auquel renvoie l'article 92,
énonce un principe négatif: « le jugement de clôture de liquidation ( et le
jugement de clôture de cession selon J'article 92 alinéa 3) pour insuffisance
d'actif, ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs
actions contre le débiteur. .. » Ce texte réalise une parfaite expropriation des
créanciers dont l'action en paiement est éteinte, même si leur droit de créance
n'est pas atteint.
Mais,
l'extinction
de
l'action emporte
nécessairement
l'extinction du droit de créance. L'article 93 de la loi de 1985 confirme en
outre, la perte définitive du droit de poursuite des créanciers nantis après
l'adoption d'un plan de cession. Ce texte fixe les modalités de réalisation du
bien nanti. Dans cette optique, c'est sur une fraction du prix de cession que
s'exercera le droit de préférence du créancier nanti-''>. Ce dernier ne peut
s'opposer à la vente du bien objet de sa sûreté. Il ne saurait davantage
reprendre la saisie qu'il avait commencée contre le débiteur avant le jugement
d'ouverture. Enfin, il lui est interdit d'introduire une nouvelle action contre le
cessionnaire considéré comme tiers détenteur.
Dans tous les cas, le règlement du créancier nanti dépendra de
l'importance du montant de la quete-part du prix de cession affectée aux
créanciers nantis. Il devient simple chirographaire pour le paiement du
reliquat au cas ou le montant de S2. créance excède celui de la quete-part.
Dans la majorité des cas, le créancier nanti ne recouvrira jamais le reliquat
notamment lorsque la procédure est cloturee pour insuffisance d'actif. Une
hypothèse analogue se rencontre en matière de liquidation judiciaire.
§3. L'arrêt des poursuites en période de liquidation judiciaire
199- A première vue, la règle de l'arrêt des poursuites individuelles
semble se limiter à la seule période de redressement judiciaire. L'article 47 de

124
la loi de 1985 figure en effet, dans le .itre de la loi consacré au régime général
du redressement judiciaire. De plus .. es ~:-;)~tes qui prévoient l'intervention des
organes de la procédure, notamment cl(?~~s la reprise des instances en cours,
ne mentionnent nullement une évenvuelle action du liquidateur-?", Il était dès
lors, permis de croire que la liquidation judiciaire ignorait la règle de l'arrêt
des poursuites. L'article 161 de la loi d(~ J985 énonce une proposition plutôt
affirmative: « les créanciers titulaires (... ) d'un nantissement (... ) peuvent dès
lors qu'ils ont déclaré leur créance, même s'ils ne sont pas encore admis,
exercer leur droit de poursuite individuelle », On ne saurait poser plus
clairement le principe de la reprise dès poursuites des créanciers nantis. Mais,
l'article 161 ajoute « ... si le liquidateur n'a pas encore entrepris de liquidation
des biens grevés dans le délais de rrois mois à compter du jugement qui
prononce la liquidation judiciaire », D2:s lors, cette procédure n'autorise pas la
reprise immédiate des poursuites. Au surplus, l'article 148.2 nouveau de la
loi, issu de la réforme du 10 juin 199 L, pese sans ambiguité que le « jugement
qui ouvre la liquidation judiciaire a !c~;, mèrnes effets que ceux qui sont prévus
en cas de redressement judiciaire], "'; pour les articles 47, 48 ... »,
Dans ces
conditions, l'article 161 de la loi limite seulement cette paralysie du droit de
poursuite pendant trois mois. Elle est en outre, subordonnée à l'inaction du
liquidateur chargé de procéder à la realisation des actifs isolés.
200- Nous verrons que le defaut de diligence du liquidateur constitue
une exception à la règle de l'arrêt des poursuites des créanciers nantis. En
effet, même si toute solution de sauvetage de l'entreprise a disparu, la loi n'a
pas écarté la posibilité d'un maintien exceptionnel de l'activité en vue de
favoriser les opérations de liquidation judiciaire. La centralisation de ces
opérations entre les mains du liquidateur évitera sans doute un trop grand
fractionnement de l'entreprise qui a ur ait logiquement résulté des ventes
isolées de
biens à l'instigation des ,=..réanciers mUnIS de
sûretés réelles
spéciales.
La survie de l'unité écu 1.10llli que,
le maintien de l'activité et,
éventuellement, des emplois gui y SOI,1 a u achés demeurent, même pendant la
période de liquidation judiciaire, la En'::i!iLé poursuivie par les organes de la
m cf. L. 1985, An.. 48; Décr. 1985, An. 65.

125
procédure. Le législateur a souhaité favoriser la cession d'unités de production
et réduire au maximum la réalisation dispersée des actifs isolés.
201-
Or,
la
majorité
des
procédures
ouvertes
aboutissent
inéluctablement
à
une
liquidation
judiciaire. « La
fonction
liquidative
traditionnelle du droit des procédures collectives demeure en pratique la plus
importante, ne serait-ce qu'en raison de la situation de véritable insolvabilité
dans laquelle se trouvent la plupart des entreprises qui y sont soumises qui
interdit d'envisager un plan de continuation et du faible intérêt qu'elles offrent
pour d'éventuels repreneurs »278. La loi du 10 juin 1994 vient du reste, de
consacrer la posibilité d'une liquidation judiciaire immédiate-?". Cette solution
avait été largement anticipée par la jurisprudence. La Cour de cassation avait
en effet, réaffirmer la nécessité d'une période d'observation interdisant par là-
même, le prononcé ab initia de la liquidation judiciaire-w. Mais la juridiction
suprême tempéra cette exigence légale. La liquidation judiciaire pouvait être
décidée le jour même de l'ouverture de la pocédure de redressement judiciaire,
quelques heures ou quelques jours plus tard28 1. En droit gabonais, l'article
13, alinéa 4 de la loi du 4 août 1986 prévoit la possibilité d'une liquidation des
biens immédiate lorsque « la continuation de l'exploitation ne peut être
poursuivie en raison notamment de
la gravité de l'état de la situation
financière de l'entreprise ou de sor: abandon par ses dirigeants »,Du reste,
l'article 17 de la même loi pose le principe d'une application générale de la
suspension des pouruites quelle que soit la nature de la procédure.
202- En droit français, la paralysie des poursuites en période de
liquidation judiciaire paraît seulement limitée à trois mois en cas d'inaction
du liquidateur. Or, même lorsque les créanciers nantis recouvrent leur droit
de poursuite individuelle, celle-ci peut apparaître illusoire si la procédure est
clôturée pour insuffisance d'actif. L'ar-rêt des poursuites, en retardant la
réalisation du bien nanti, affecte la valeur économique des créances garanties.
278 cf. J.P. HAEHL, Chf. RTD corn.
1988, p.700.
279 Cf.
Art. 148 nouveau.
280 Cf. Casso corn., '-1 nov.
1986, D. 1986, p.S79, note DE:-<RiDI\\ .• Jep 1987, éd. E, Il, 16003, nOS, obs. CABRILLAC et
VIVANT.
281 Cf. Casso com.,
17 mai 1989, Bull. civ. IV, p. 102, n152, Ri'!) corn; 1989, pp. 731, obs. HAEHLet 752 obs.
GRELON.
.

126
Cependant, si dans son principe, cette règle apparaît rigoureuse, elle n'en
laisse pas moins subsister des hypothèses dans lesquelles le créancier nanti
retrouve sa liberté d'action.
Section 2 : LE RETABLISSEMENT EXCEPTIONNEL DU DROIT DE
POURSUITE DES CREANCIERS NANTIS
203- L'ouverture d'une procédure collective n'écarte pas totalement la
possibilité pour le créancier nanti d'exercer son droit de poursuite. Certes, la
logique du maintien de l'entreprise: s'accornode difficilement d'une reprise
éventuelle des poursuites, mais des nécessités de la procédure et la morale
des affaires peuvent justifier une
renaissance du droit des poursuites des
créanciers nantis. Ainsi, dans le cadre du plan de continuation, le non-
respect des
délais
de
paiement
autorise
la
reprise
exceptionnelle
des
poursuites du créancier impayé à l'échéance (§1). En cas de plan de cession
ou de liquidation clôturé pour insuffisance d'actif, l'article 169 de la loi ne
permet pas au créancier de reprendre ses poursuites à l'encontre du débiteur.
La doctrine y assimile la clôture de la procédure avec insuffisance d'actif-s-'.
Cette règle admet cependant un certain nombre d'exceptions qui autorise
l'exercice du droit de poursuite des créanciers(§2). Mais, c'est surtout en
période de liquidation judiciaire « normale l) que le créancier nanti retrouve la
faculté de son droit de poursuite. Cela suppose néanmoins l'inertie du
liquidateur trois mois après le jugement de liquidation judiciaire (§3).
§ 1.
La reprise des poursuites fondée sur le non-respect des
délais fixés par le plan de continuation
204- Aux termes de l'article 64 de la loi de 1985, « le jugement qui
arrête le plan en rend des dispositions opposables à tous » au premier chef
desquels figure le débiteur. Tant qu'il honore pas ses engagements dans les
délais fixés par le plan, les créanciers nantis ne peuvent espérer un paiement
282
Cf. F. DERRIDA, ?
GODE, J.P. SORTAIS, cp. ,;;., :;':2, note 103, n'319 et 326; Y. CHAPUT, Droit du
redressement.. .. , op. cit., n'283.

127
anticipé. Leurs poursuites demeurent arrêtées. Mais que se passe t-il lorsque
le débiteur ne respecte pas les délais contenus dans le plan ?
A priori, la
résolution du plan paraît constituer la sanction unique prévue par l'article 80
de la loi en cas d'inexécution des engagements financiers du débiteur. Le non-
respect d'une échéance n'autoriserait pas la reprise immédiate des poursuites.
Cette solution semble confortée par la loi du 10 juin 1994. Le nouvel article 80
de la loi permet maintenant à tout créancier, agissant à titre individuel, de
solliciter la résolution judiciaire du plan sans justifier de la
condition
antérieure des 15% du passif. Cette action se conçoit aisément car tout
créncier a un intérêt personnel à obtenir le respect des échéances prévues par
le plan. Mais, la résolution du plan demeure facultative pour le tribunal même
s'il peut désormais se saisir d'office283 . Dans tous les cas, le tribunal dispose
d'un
large pouvoir d'appréciation
sur la gravité de l'inexécution des
engagements financiers.
Dans ces conditions, aucune objection ne s'oppose à la repnse des
poursuites du créancier impayé.
Il pourra saisir le bien grevé encore
disponible dans le patrimoine du débiteur. Il doit seulement se munir d'un
titre exécutoire. Il suffit qu'il engage une action en paiement devant la
juridiction du fond ou même devant le juge des référés. Cette solution
favorable au rétablissement du droit de poursuite emporte l'adhésion de la
doctrine majoritaire-ê". Ainsi, comme récrit Madame MACORIG-VENIER, « il
est en effet certain que le législateur n'a pas entendu que soit sanctionné le
non-respect d'une ou plusieurs échéances violées du plan par l'action en
résolution de l'article 80 de la loi (... ). Manifestement, il n'a pas non plus
souhaité laisser le débiteur en toute impunité libre de distiller à son gré le
paiement des échéances du
plan ... ,,283.
L'inexécution des engagements
financiers du plan par le débiteur suffit largement à justifier la reprise
exceptionnelle des poursuites du créancier nanti. De même, le comportement
fautif du débiteur fonde la renaissance du droit de poursuite en cas de clôture
283
cf. Sur la question, F. DERRIDA et J.P. SORTAIS. 1.", ,-e'":l!nle du droit des entreprises er. difficultés, op. ciL., ]1°49.
284
Cf. F. DERRIDA. P. GODE, J.P. SORTAIS, op. cit., nO;;'=;6 .
285
Cf. F. MACORIO- VEr-JIER, Thèse, op. cit., p.438, n'4:26.

128
de la procédure pour insuffisance d'actif en application de l'article 169, alinéa
2 de la loi.
§2. La reprise des poursuites à 1.& clôture de la procédure pour
insuffisance d'actif
205- La clôture de la procédure pour ou avec insuffisance d'actif
empêche les créanciers nantis de recouvre.' leur droit de poursuite individuelle
en application de l'article 169, alinéa I l:1' de la loi. Cet arrêt définitif des
poursuites conduit à une véritable extinction des créances garanties. Cette
solution novatrice tend à instaurer une égalité de traitement entre exploitants
individuels et dirigeants sociaux-v>. Mais elle porte gravement atteinte au droit
de créance et au respect des engagements valablement souscrits-e". Sous
l'empire de la loi de 1967, les créanciers impayés conservaient leur droit de
poursuite après la clôture de la procédure de liquidation des
biens pour
insuffisance d'actif. A cet effet, ils pouvaient obtenir un titre exécutoire par
ordonnance du président du tribunal statuant sur requête. Une disposition
analogue a été consacrée par l'article 80 de la loi gabonaise du 4 août 1986.
206- Dans le régime de la loi cie 1985, l'arrêt des poursuites édicté par
l'article 169 alinéa 1er ne revêt aUCU:l caractère absolu. Un certain nombre
d'exceptions a été prévu par l'article 169, alinéa 2 de la loi. Au demeurant,
l'article 169 alinéa 1el' admet déjà une première série de dérogations à la règle
qu'il institue, mais qui ne concerne guère les créanciers nantis. A cet égard, la
loi du 10 juin 1994 innove en prévoyant un cas de reprise de poursuite
spécifique au trésor public, en cas de fraude fiscale du débiteur-ë", En
revanche, les créanciers nantis pourraient plus facilement se prévaloir des
dispositions de l'article 169, alinéa 2 de la loi. Ce texte autorise la reprise des
actions suspendues à
l'encontre du débiteur dans un certain nombre
d'hypothèses. Il en est ainsi lorsque le débiteur a été frappé par les sanctions
banqueroute, de faillite personnelle DU d'interdiction de diriger. Le texte
28C Cf. G. RIPERT et R. RüBLüT, Traité ... , op. cit., n"3275.
287
Cf. C. MOULY, Les créanciers antérieurs... , op. Ch., r~'6b qui propose différentes solutions pour éviter cette
extinction des créances; B. DUREL:IL et J.MESTRE, LE< pel l'go: de-s dettes de l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985,
Rev. proc. coll. 1989,p. 389.
288 Cf. Sur l'ensemble des innovations introduites par 1& l"i dé' 1"')94, Y. CHAPUT op. cit.. p. 387. n070 à 72.

129
concerne en outre, le cas du débiteur dirigeant d'une entreprise ou d'une
personne morale antérieurement soumise à une procédure de liquidation
judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif.
207 - Dès lors, la précision et la variété des situations envisagées par
l'article 169, alinéa 2 de la loi ouvrent un immense champ à la reprise
exceptionnelle des poursuites individuelles. Mais, la dérogation légale vise
également la fraude du débiteur « à l'égard des créanciers », Le pluriel employé
par le texte paraît exclure la fraude commise à l'égard d'un seul créancier.
Dans la logique de cette interprétation littérale, la reprise des poursuites ne
redevient possible que si tous les créanciers peuvent se prévaloir ou invoquer
la fraude alléguée. La jurisprudence a paru s'orienter vers cette conception
restrictive-s". Or, un créancier peut parfaitement être victime à titre individuel
d'agissements frauduleux du débiteur. La Cour de
cassation a, d'ailleurs,
récemment adopté une conception assez large de la notion de fraude. Elle
admet la reprise des poursuites individuelles fondée sur l'inobservation de
l'obligation édictée par les articles 52 de la. loi et 69 du décret de 198529°.
208- Toutefois, on peut se demander si l'exception aménagée par le
législateur de 1994 au profit exclusif du trésor public ne remet pas en cause
cette dernière interprétation de la Cour régulatrice-v'. Nous ne le croyons pas.
La fraude prévue à l'article 169 alinéa 1er nouveau a un caractère spécifique
assez marquée en raison de la nature de la créance qui en est résultée. Dès
lors, elle ne peut porter préjudice qu'au trésor public. Dans les autres cas, ce
sont les considérations de fait, les données spécifiques à chaque espèce, qui
permettront au juge de caractériser la fraude alléguée du débiteur. Il faut
donc se garder d'énoncer une définition précise de la notion de fraude visée à
l'article 169 alinéa 2. Dans tous les cas, il appartiendra au créancier nanti,
désireux de recouvrer l'exercice de ses pouvoirs, de rapporter la preuve de la
fraude du débiteur qui peut du reste, se limiter à démontrer sa mauvaise
foj292.
Néanmoins, les procédures de liquidation judiciaire clôturées pour
289 cf. Trib. com. Amiens, 22
juin1988, Rev. prue. C()!1.1~'8lj, n°,~3, obs, DUREUIL; Amiens. 16 déc.1988,JCPéd. E,
Il, 15650.
290 Cf. Casso Com., 16 nov.
1993, D. 1994, p.15!, cbs.. ;\\1:\\LVY et DERRIDA.
291 Cf. En ce sens, Y. CHAPUT, op. cil., p.387, n° 71.
29:;'
Cf. Rép. Min. n028092, J.O. Débats Ass. Nat ... 2 juil.I 900, !).1375.

130
insuffisance d'actif ne concernent gépëralement que les reliquats de créances,
après la réalisation des actifs de l'entreprise. Dans cette hypothèse, l'inertie
du liquidateur dans les trois mois gui lui sont impartis par la loi pour agir,
autorise la reprise des poursuites.
§3. La reprise des poursuites fondée sur l'inertie du liquidateur
209- Alors que sous l'empire du droit antérieur, la repnse des
poursuites était subordonnée à l'admission définitive des créanciers à la
procédure-v>, désormais, il suffit que le créancier gagiste ait déclaré sa
créance. Avant même qu'elle soit admise au passif du débiteur, il peut exercer
librement son droit de poursuite. Le créancier gagiste peut ainsi mettre en
œuvre ses prérogatives beaucoup plus rapidement. L'exception aménagée au
profit des créanciers privilégiés spéciaux par l'article 161 de la loi contraste
singulièrement avec le nivellement constaté en période de redressement
judiciaire entre créanciers chirographaires et créanciers munis de sûretés
réelles spéciales. Cette amélioration de la situation des créanciers gagistes
trouve sa justification dans le but et les nécessités pratiques de la procédure
de liquidation judiciaire. D'une partr tout espoir de sauvetage de l'entreprise
ayant disparu, aucun obstacle majeur ne s'oppose à la reprise des poursuites.
D'autre part, bien que le législateur en 1985 ait entendu centraliser les
opérations de liquidation entre les mains du liquidateur, ce dernier ne saurait
bloquer indéfiniment le déroulement de la procédure en s'abstenant d'agir.
210- Ainsi, les créanciers gagistes dont l'assiette de la sûreté est
sujette à
dépréciation, peuvent vaincre l'inertie du liquidateur au terme du
délai de trois mois qui lui est imparti par la loi pour entreprendre la
réalisation des biens grevés. Il y a là une exigence de célérité qui commande
l'efficacité économique de la garantie offerte au créancier gagiste. Mais à partir
de quel moment doit-on considérer que le liquidateur a entrepris la réalisation
des biens grevés?
La question n'est p8S dépourvue d'intérêt en raison d'une
part, du temps relativement long qui sépare les actes préparatoires de la
293
Cf. Casso corn., 15 févr. 1977, D. 1977,p.237, not e ECNURAT et DERRIDA.

l31
réalisation effective, d'autre part, de la difficulté pratique de
cerner la
résolution du liquidateur à parvenir a la réalisation des biens. La solution ne
consiste pas dans la qualification de» actes accomplis par le liquidateur pour
aboutir à la vente des biens grevés- actes préparatoires ou actes d'exécution-
mais dans l'appréciation de la célérité, de la diligence manifestée par le
liquidateur afin de réaliser les biens. Les actes préparatoires à la vente,
lorsqu'ils ont été ordonnés par le juge commissaire saisi sur requête, peuvent
parfaitement motiver la paralysie des poursuites après le délai de trois
mois-?". Le créancier gagiste ne pourrait valablement engager des poursuites
que lorsque ces actes préparatoires, telle une
expertise, ont été accomplis
tardivement, révélant par là-même, l'insuffisante résolution du liquidateur à
entreprendre la réalisation des biens gagés.
211- La jurisprudence paraît bien subordonner la paralysie des
poursuites à une véritable mesure d'exécution accomplie par le liquidateur
dans le délai léga1295 . Mais, le simple fait d'entreprendre la réalisation dans le
délai de
trois mois sus-évoqué n'équivaut pas à une véritable mesure
d'éxécution. Autrement dit seule la réalisation effective des biens justifiérait la
paralysie du droit de poursuite des créanciers gagistes. Les juges du fond
devront apprécier dans chaque cas particulier l'engagement, la diligence du
liquidateur pour déterminer si dans le délai de trois mois, il envisageait
sérieusement la réalisation forcée du gage. Il est inconstable que le législateur
a voulu confier en priorité au liquidateur le soin de conduire les opérations de
liquidation jusqu'à leur terme. Cette orientation favorise les cessions d'unités
de production au détriment des ventes dispersées de biens isolés. En effet,
seuls des biens compris dans un ensemble cohérent et fonctionnel paraissent
susceptibles d'intéresser d'éventuels acquérteurs. Le législateur a souhaité
tout aussi réduire les délais de réalisation des biens grevés. Or, ce souci
d'accélération de la procédure transparaît déjà dans la brieveté du délai
d'action imparti au liquidateur et dans l'abandon de l'exigence antérieure de
l'admission préalable du créancier au passif de la procédure.
294 Cf. Contra, F. MACORIG-VENIER,., Thèse. op. cit., pp. -ISO ft 5., n'440.

132
212- Toutefois, la reprise des poursuites individuelles ne résulte pas
automatiquement du défaut de la vente effective des biens gagés. L'obtention
par le liquidateur de l'ordonnance du juge commissaire autorisant la vente
desdits biens dans le délai légal suffirait à paralyser l'initiative du créancier
nanti. Dans tous les cas, la reprise exceptionnelle des poursuites ne vise que
les saisies de biens grevés. 11 s'agit de suppléer à la carence éventuelle du
liquidateur dans les opérations de liquidation. Le principe demeure l'arrêt des
autres voies de droit et, notamment, l'action résolutoire fondée sur le défaut
de paiement d'une somme d'argent-?>. Il en est ainsi nonobstant l'inaction
constatée du liquidteur dans le délai légal.
La loi gabonaise de 1986 prévoit
également que les créanciers gagistes ne recouvrent leur droit de poursuite
que si le syndic n'a pas réussi à vendre les biens grevés dans les trois ou
quatre mois suivant le jugement de liquidation des biens-?", Cette hypothèse
vise la vente de biens isolés de gré à gré, car l'article 78 de la loi tend à
favoriser les cessions globales d'unités de production composées de tout ou
partie de l'actif mobilier. La reprise des poursuites des créanciers gagistes sera
tout aussi exceptionnelle, résiduelle el subsidiaire.
213- En définitive, la règle de l'arrêt des poursuites individuelles
n'épargne aucun créancier nanti y compris le gagiste rétenteur. Ce dernier est
privé du droit de solliciter la vente des biens grevés. Seul est admis l'exercice
de son droit de rétention par voie d'exception, c'est à dire comme moyen
invoqué en défense contre une demande en restitution du bien retenu. Le
principe demeure l'interdiction ou la suspension des actions en justice après
l'ouverture de la procédure. Il en résulte un retard dans la mise en œuvre du
droit réel du gagiste et, partant, dans le règlement de la créance garantie. La
renaissance ou la survie du droit de poursuite individuelle apparaît largement
exceptionnelle et conditionnelle.
Privés du droit de poursuivre la réalisation
forcée de leur sûreté, les créanciers nantis subissent dans le même temps une
295 Cf. A propos de la réalisation d'un immeuble, Cas s. corn., 28 mai 1991, JCP 1991 éd, E, 1, p.
100, n° 6, obs.
CABRILLAC.
296 Cf. Lyon, 21 av!". 1989, Rev. proc. coll. 1990, p. 4 l7, n'C!, obs. DUREl'IL ; Limoges, 6 janv. 1987, JCP 1988 éd. N.
11, p.253, note GARÇON.
297
Cf. L.1986, Art. 79, al.2.

133
amputation quasi-systématique du montant de leur créance à l'issue de la
procédure.
Chapitre 2 : LA REDUCTION Dl~ LA CREANCE GARANTIE
214- L'essence de toute sûreté est de garantir le paiement de la
créance en cas de défaillance du débiteur. Elle ne remplit pas son rôle
d'institution de protection du créancier, si elle ne lui procure pas la certitude
et l'effectivité de son paiement au moment méme ou cela s'avère le plus utile.
Or, la primauté accordée au redressement de
l'entreprise a totalement
supplanté le règlement des créances antérieures au jugement d'ouverture.
Dans cette logique, le débiteur en redressement judiciaire bénéficie d'un
moratoire qui contribue très largement à entamer la consistance des créances
garanties. Ainsi, la loi de 1985 a généralisé la règle de l'arrêt du cours des
intérêts à l'ensemble des créanciers nantis, à l'instar des autres titulaires de
sûretés réelles spéciales, qui en étaient exclus dans le régime antérieur.
L'extension
et
le
renforcement
de
cette
mesure
ancienne
conduisent
inéluctablement a l'extinction d'une part non négligeable de la créance
garantie ( section 1).
215- Par ailleurs, le législateur de 1985 s'est employé résolument à
réduire le capital des créances garan ties dont l'importance compromettrait le
sauvetage de l'entreprise. La remise en cause de
ces créances devrait
également favoriser le règlement des créanciers chirographaires au nom d'une
égalité de traitement clairement affirmée. A cet effet, l'adoption d'un plan de
continuation de l'entreprise
s'accompagne de l'amputation systématique des
créances garanties en raison des délais de paiement et des réductions plus ou
moins « extorqués» 298 ou imposés aux créanciers ( Section 2).

134
Section 1:
L'EXTENSION DE LA REGLE DE L'ARRET DU COURS
DES INTERETS AUX CREANCIERS GAGISTES
216- La sûreté consentie au gagiste porte à la fois sur le capital,
créance
principal
et
sur
les
intérêts
qualifiés
d'accessoires-?".
Cette
terminologie juridique ne
doit pas diminuer l'importance des créances
d'intérêts. Elles représentent en effet le prix de la prestation de crédit fournie
par le banquier, créancier nanti au constituant débiteur. Dès lors, l'extinction
des intérêts prive le créancier d'une partie non négligeable de sa crêance.
Pourtant, l'article 55 de la loi de 1985 énonce que « le jugement d'ouverture de
redressement judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels,
ainsi que tous les intérêts de retard er majoration Il. Ce texte reformule en
termes généraux la règle de la suspension du cours des intérêts prévue par
l'article 39 de la loi du 13 juillet 1967. La loi de 1985 innove en étendant cette
règle aux créanciers munis de sûretés réelles spéciales. Mais, l'intérêt de la
mesure ne réside pas seulement dans la généralisation de
son champ
d'application, il vaut également par le renforcement de sa portée. Il n'en
demeure pas moins qu'elle n'a qu'une valeur de principe (§l).
217- L'article 55 de la loi écarte en effet du domaine de la règle qu'il
édicte « les intérêts résultant de contrats de prêts conclus pour une durée
égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un
an ou plus ». Or, ces hypothèses concernent dans la pratique de nombreux
créanciers nantis engagés dans des opérations de financement à moyen et
long terme. A cet
égard, ils bénéficient principalement de la continuation
exceptionnelle du cours de ces intérêts malgré l'ouverture de la procédure
collective (§2).
§l. Le principe de l'arrêt du cours des intérêts
218-
Dans le cadre du droit antérieur, la règle de la suspension du
cours des intérêts édictée par l'article 39 de la loi de 1967 reposait sur le
298 Cf. C. MOULY, Les créanciers antérieurs ... , op. cii., pl.55, n069.

135
principe d'égalité entre créanciers. !::Ee profitait directement à la masse. La
disparition de cette institution dans lé! loi de 1985 maintient cependant le
fondement égalitaire de la règle recueillie par l'article 55. Mais sa justification
principale réside dans l'objectif prioritaire du redressement de l'entreprise en
difficulté(A). Au demeurant, l'article ;:),3 de la loi ne se borne pas à suspendre
le cours des intérêts, comme dans le régime antérieur. Il les arrête. Cette
formulation plus rigoureuse traduit un net renforcement des conséquences
traditionnelles de cette règle ( B).
AI Le fondement de la règle de l'arrêt du cours des intérêts
219- L'extension de la règle de l'arrêt du cours des intérêts aux
créanciers nantis satisfait une double exigence. Elle répond d'abord au souci
d'accélération et de la
simplification de
la procédure. A ce
propos, la
connaissance rapide de l'état quasi-exhaustif du passif permet de mieux
appréhender la situation globale de l'entreprise et, par là- même, d'entrevoir
ses possibilités de redressement. A cet intérêt procédural s'ajoute la volonté
du législateur de 1985 d'associer l'ensemble des créanciers aux efforts de
rétablissement du débiteur. Ainsi apparaît la principale justification de
l'extension de la règle de l'arrêt du cours des intérêts aux créanciers munis de
sûretés réelles spéciales. Elle réalise l'uniformisation des droits des créanciers
nantis et des créanciers chirographaire.s. Dans la logique de cette tendance
égalitaire «
si les intérêts conrinua.ent à counr à des taux différents, la
prolongation de la procédure profiterait à certains et porterait préjudice à
d'autres ))300 Cependant, cette argumentation ne résiste pas à la critique. Le
principe classique d'égalité ne joue qu'à l'égard des créanciers objectivement
placés dans une même situation jur.diquew-. Or, il n'en est pas ainsi entre
créanciers titulaires de sûretés réelles spéciales et créanciers chirographaires.
Le recours au principe égalitaire des procédures collectives pour justifier
l'assujettissement des gagistes à la règle de l'article 55 de la
loi, se révèle
------------- - - - - - - - - - - - - - - -
299 cf. sur la notion d'accessoires, M. CABRILLAC. Les ,w'_e,.s()ires de la créance. Etudes dédiées à A. WEIL. DALLOZ-
LITEC, p.lO?
300Cf. G . RIPERT el R. ROBLOT, Traité ... , op. cit., n" 29f5~ .
301 Cf. P. TILLY, thèse op.cit., n'26

136
donc inopérant et fort spécieux. Or, l'extension de cette règle aux créanciers
nantis emporte réduction correlative de la créance garantie.
BI Les conséquences de la règle de l'arrêt du cours des intérêts
220- Sous l'empire de la loi de 1967, le cours des intérêts était
seulement suspendu à l'égard de la masse. Le débiteur demeurait tenu des
intérêts postérieurs au jugement d'01...rverture. La disparition de la masse dans
le régime de
1985 affranchit totalement le débiteur du paiement de ces
intérêts. La mesure profite dès lors au redressement de l'entreprise. Elle
libérait également la caution du débiteur jusqu'à la loi du 10 juin 1994302 .
Cependant, les intérêts en cause sont ceux dus par le débiteur défaillant. La
caution reste tenu personnellement des intérêts qui courent à son encontre à
la suite d'une mise
en demeure à elle signifiée dès avant l'ouverture de la
procédure par application de l'article 1153 du code civi1303 . La solution
étendant le bénéfice de l'arrêt du cours des intérêts aux cautions avait suscité
des réserves en doctrine>?". Une telle extension contrariait l'objectif prioritaire
du redressement de l'entreprise. Mais elle respectait néanmoins le caractère
accessoire du cautionnement.
221- Pourtant, le législateur vient à nouveau de proclamer la primauté
du droit des procédures collectives sur celui des sûretés. L'article 55 alinéa 11~r
in fine issu de la loi du 10 juin 199Lf prévoit désormais que les cautions et
coobligés ne peuvent se prévaloir de l'arrêt du cours des intérêts. En guise de
compensation, les cautions bénéficient d'un répit. Elles peuvent obtenir des
délais de paiement-w. La rigueur ainsi réaffirmée de la règle de l'arrêt du
cours des intérêts s'illustre par son étendue. Dans le régime antérieur, les
articles 93, alinéa 2 et 114 de la lei de 1967 admettaient, sous certaines
conditions, la
poursuite du cours des intérêts au-delà de
la phase de
.102Cf. Cass.corn., 13 nov. 1990; Bull. Civ, IV, 11'277, j).J9.z l . somrn. 112, obs. DERRIDA; RTD corn. 1991, [V [07,
obs MARTIN-SERF.
303Cf. Casso corn., Il mai 1993; R.J.D.A. 11/93, n"94:. j:.8D2 : RTD corn. Janv.
MARS 1995.202, obs. MA[~TIN­
SERF
304 Cf. COUDERT, La libération des intérêts dus pa: L1 cuu tion el larticle 55 de la loi du 25 janvier 1985 ; Rel'.
Banque et droit, nov. déc. 1993, p.7.
305 Cf. Sur l'ensemble cie la situauon des cautions, F. ;Ji.':i;:ElD/\\ et J.P. SORTAIS, op. ctt.; 11°82 a 83; A. MART[N..
SERF, obs. Sous Casso Corn Il mai 1993, op. cit..

137
règlement judiciaireê?>. Sous l'empire de la loi de 1985, la Cour de cassation-v?
s'est au contraire prononcée en faveur Je l'application de l'article 55 en
période de liquidation judiciaire-v". La. même solution doit prévaloir a fortiori
en cas d'adoption d'un plan de continuation de I'entrepriseê?". En toute
hypothèse, les gagistes peuvent échapper à l'arrêt du cours des intérêts de la
créance garantie dès lors qu'ils remplissent les conditions exceptionnelles
posées par l'article 55 de la loi.
§2. La poursuite excepttonnelle du cours des intérêts
222- Aux termes de l'article 5:. de la loi, l'arrêt du cours des intérêts ne
s'applique pas aux « intérêts résultant de contrats de prêts conclus pour une
durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement
différé
d'un
an
ou
plus».
La
le:
favorise
ainsi
le
financement
des
investissements à
moyen et long terme. Or les contrats susvisés sont
généralement garantis par des nantissements. Toutefois, l'étendue et le régime
juridique de cette continuation exceptionnelle des intérêts posent quelques
problèmes. La dérogation légale ne concerne que les intérêts prévus et stipulés
dans un contrat de
prêt ou les :iélë.':s de
paiement accordés par des
fournisseurs et assortis d'intérêts.;~:jcit-on considérer que le maintien du
cours des intérêts ne s'applique pas ClUX autres conventions de crédit qui ne
s'analysent pas juridiquement en de véritables prêts au sens de l'article 1892
du code civil? Il faut relever qu'une discussion analogue agite la doctrine à
propos de l'article 40-3 de la loi3 1o . Le principe de l'interprétation restrictive
des exceptions en droit français cornrnande de limiter la mesure de faveur de
l'article 55 aux seuls contrats de préi au sens strict3 11. Cette solution atténue
la portée de la dérogation légale. Mais au demeurant, ce sont tous les contrats
J06 Cf. F. MACORIG- VENIER, Thèse, op. cii., n'245.
J07 Cf. Casso corn., 7 fèvr.1989, RTD com. 1989, p
315. tll,s. '••lART1N-SERF.
J08 Il n'y a plus aujourd'hui de doute. L'article 148-2 i1l;L'\\,C;!'-, de la loi issue clé' la reforme de 1994 prévoit
expressément l'application de J'article 55 en période de !t(:uidation judiciaire.
J09 Cf. M. BOIZARD, Les intérêts bancaires débiteurs .... '~p. cit., n' 12.
JIO Cf. F. DERRIDA, P. GODE, J. P. SORTAIS, op. ca., n ": : 8. note 180 l ; D. SCHMIDT, Le financement de l'entreprise
pendant la période d'observation, Rev. jurisp. corn. n' spe"iaJ, 1'{,\\,1". J 987, p.23.
Jll .Cf. En ce sens~. D~RRIDA, P. GODE, J.P. SORTAIS, op. tu., Il'553 et note 2408 ; Contra F. MACORIG- VENIER,
Thèse, op. cu., p. 1o, n 248.

138
de prêts qui relèvent de la mesure mstituèc par l'article 55, peu importe qu'ils
soient ou non en cours à la date du jugement d'ouvertureU-,
Le principe de l'interprétation restrictive des exceptions postule en
outre, de limiter la poursuite du cours des intérêts aux seuls termes
conventionnels.
L'article 55 vise en effet expressément les contrats de
prêts « conclus pour une durée égale 01.1 supérieure à un an ... », Il faut en
déduire l'exclusion des termes légaux et judiciaires. L'indication du délai de
remboursement doit avoir été convenue au moment de la conclusion du
contrat. Une telle stipulation peut être expresse mais pas nécessairement. Le
terme conventionnel peut parfaitement s'inférer de la volonté tacite des
partiesê">.
223- Une autre question a paru diviser la doctrine: le prêteur nanti a-
t-il droit au paiement des intérêts moratoires initialement convenus? Le
principe de l'interprétation restrictive des exceptions suggère une réponse
négative. Or, Le texte de l'article 5.5 ne semble pas distinguer entre « les
intérêts normaux et les intérêts de retard ou de majoration lorsqu'elles sont
destinées à sanctionner un retard dans le paiement »314. 11 est clair que « les
intérêts moratoires ont la même nature juridique que les intérêts qui
rémunèrent les prêts. Il s'agit toujours du prix du temps »315.
On comprend
pourquoi la Cour de cassation décide que la dérogation à l'arrêt du cours des
intérêts n'est pas limitée aux interéts conventionnellement stipulés (les
intérêts normaux) et s'applique également aux intérêts de retard résultant du
contrat de prêt Il peu important que ia résiliation du contrat par le jeu de la
clause de déchéance
du terme ft.t intervenue avant l'ouverture de
la
procédure ),316. La solution est parfaitement justifiée en droit. Comme l'écrit
un auteur" qu'il faille cantonner l'applicr-tion d'une règle exceptionnelle au
seul domaine que le législateur lui a assigné, c'est indiscutable. Mais que l'on
prenne prétexte de son caractère exceptionnel pour réduire son champ
JJ2 Cf. Casso com., 16 avr. 1991, D.1991, p. 362, note C;AVf\\LDA; RTD corn. 1991, p. 662, obs. MARTIN- SERF.
":3Cf B. SOINNE, La continuation du cours des intérét s, R::-v. pme. coll. 1988. Doctr., p. 213, spéc. pp. 214 et 215,
n
.
J14
Cf Rennes, 22 juil. 1987 , op. cil..
.115
Cf M. BOlZARD, op. cii., p. 26, n'27.
J1b
Cf. Casso com., 27 nov. 1991, D. 1993, p.2?9, note ~'(:RTAIS.

139
d'application ou pis encore pour en restreindre le contenu, voilà qui ne peut
être admis 3 17
H
.
224- Dès lors, la dérogation légale comme le principe englobe « tous
intérêts de retard et majorations H. Elle
exclut cependant le jeu de la clause
pénale. Mais la solution ne souffre ici aucune contcstation--". Le régime de ces
intérêts dont le cours est maintenu après jugement d'ouverture a également
suscité une discussion en doctrine. On s'est demandé s'ils bénéficiaient « de la
priorité de paiement instituée par l'article 40 de la loi H. La réponse
à cette
interrogation se fonde à nouveau sur la nature juridique des intérêts.
Accessoires de la créance principale, ils obéissent au même régime que celle-
ci. Aussi constituent-ils des créances antérieures et, à ce titre, doivent-ils être
mentionnés dans la déclaration du gagiste. Du reste, la combinaison des
articles 55 et 57 de la loi de 1985 autorise l'inscription du nantissement pour
sûreté des intérêts non encore échus à la date du jugement déclaratif et non
couverts par l'inscription initiale. Mais ces intérêts, contrairement au régime
antérieur, peuvent être payés sur l'ensemble de l'actif du débiteur. Cependant,
les créanciers nantis opteront souvent
pour l'imputation de ces intérêts sur
les sommes provenant des cessions d'actifs grevés. Le cours des intérêts n'est
pas en effet arrêté tant que le créancier nanti n'est pas désintéressé du
montant de sa créance principale.
225- Néanmoins, le paiement provisionnel des créanciers gagistes
prévu par le nouvel article 34, alinéa 2 de la loi présente l'avantage pour
l'entreprise d'arrêter le cours des intérêts des créanciers garantis. Cette
disposition risque donc d'anéantir la portée pratique de la mesure édictée par
l'article 55, notamment si elle est mise en œuvre dès le début de
la période
d'observation.
Au
demeurant,
la
règle
du
paiement provisionrielU?
est
également prévue dans la phase
de
liquidation judiciaire--".
Dans ces
conditions, les articles 34, alinéa 2 e~~ ~61-1 nouveaux de la loi enlèveraient
beaucoup de son utilité à l'article 55.
Or, l'article 8, alinéa 3 de la loi du 8
317
Cf. J.P. SORTA1S, obs. sous Casso corn., 27 nov. 199 r , .)0. CIL
318
Cf. Par exemple, Casso corn., 19 avr. 1985, Bull. cil'. .v. ;1" 120.
319 Cf. L. 1985, Art. 161- l (nouveau).
320 Infra nC297 et s.

140
août 1913 relative au warrant hôtelier dispose qu'en « cas de remboursement
anticipé, l'emprunteur bénéficie des intérêts qui restaient à courir jusqu'à
l'échéance, déduction faite d'un délai Je dix jours », Une disposition analogue
a été également prévue en faveur des autres bénéficiaires de warrants
commerciaux sans déplacernentêê '. Dès lors, le paiement qui est anticipé par
définition ne devait-il pas maintenir le cours des intérêts au profit de ces
créanciers? On peut raisonnablement en douter. L'application de ces textes
spécifiques
aux
warrants
ruinerait
l'effet visiblement escompté
par
le
législateur de 1994. Elle se heurte dans tDUS les cas aux dispositions d'ordre
public
des
procédures
collectives.
Dans
ces
conditions,
le
paiement
provisionnel des créanciers nantis aboutirait à l'extinction de leur créance
d'intérêts postérieure au jugement d'ouverture. Il convient tout de même de se
demander si la restitution ultérieure des sommes perçues par ces créanciers,
comme le suggère ce mécanisme, ne leur fera pas bénéficier de ces intérêts
momentanément arrêtés?
226- En tout état de cause, l'arrêt du cours des intérêts s'insère dans
la panoplie des mesures recueillie paf le législateur de 1985 pour aligner le
sort des créanciers nantis sur celui des créanciers chirographaires. L'adoption
d'un plan de continuation de l'entreprise s'inscrit dans la même logique. Elle
comporte
nécessairement
des
délais
de
paiements
de
paiements
et,
éventuellement, des remises de dettes qui réduisent également le montant les
créances garanties.
Section 2 : L'APPLICATION DES DELAIS DE PAIEMENT AUX
CREANCIERS GAGISTES
227 - En se ménageant une sureté réelle, le créancier gagiste espère
recouvrer l'intégralité de sa créance à J'échéance convenue. C'est en effet
l'immédiateté du paiement qui conditionne l'efficacité de toute garantie. Un
auteur remarquait à juste titre « dar.s le commerce l'argent est fonction du
temps,
être
remboursé
tardive me nt
équivaut
à
n'être
remboursé
que
J21
Cf. 1.21 avr. 1932, Art. 6, al. 3 (warrant pétrolierj ; :.. 12 sept 1940, Art.?', al.4 (warrant industriel).

141
partiellement »322. Or,
il devient banal de le rappeler: le règlement des
créanciers a été supplanté par l'impératif du sauvetage de l'entreprise dans la
hiérarchie des priorités des nouvelles procédures collectives-<ê. Cet objectif
économique commande
l'établissement d'un plan d'apurement du passif,
assorti d'un échéancier comportant les modalités de règlement des créances
antérieures. L'adoption du plan de continuation est cependant subordonnée à
l'existence de « possibilités sérieuses de redressement et de règlement du
passif »324. Le sacrifice des créanciers n'est que la conséquence nécessaire des
efforts de rétablissement du débiteur défaillant. Des auteurs éminents325 ont
même soutenu que le plan de continuation de l'entreprise offre aux créanciers
les plus grandes chances d'être désintéressés intégralement, sous réserve de
la dépréciation monétaire.
228- Ainsi, quelle que soit l'étendue de ses pOUVOIrs, le tribunal se
borne à différer le paiement du créancier en imposant des reports d'échéances
aux créanciers. Il ne saurait procéder à des réductions pures et simples du
montant nominal des créances. Certes, l'adhésion du gagiste aux propositions
de règlement de sa créance est sollicitée lors de l'élaboration du plan, mais en
tout
état
de
cause,
les
délais
judiciaires
de
paiement
s'appliquent
impérativement aux créanciers récalcitrants ( §1). Le créancier gagiste invité à
consentir des délais peut aussi octroyer une remise de dette au débiteur. En
outre, il pourrait manifester de
l'intérêt pour les formules imaginées par le
législateur subordonnant le paiement du créancier dans des délais abrégés à
une réduction corrélative de sa créance. Or, toute la difficulté consiste dans la
détermination des modalités de
réduction de la créance par rapport à
l'avantage constitué par le paiement anticipé. A cet égard, le mutisme du
législateur déconcerte l'interprète et entretient l'incertitude sur l'applicabilité
de cette règle. Toutefois, ces mesures prouvent que l'allongement des délais de
paiement au détriment du créancier ne s'applique pas de façon absolue. Cette
322
Cf. 1. MARTIN, Sùreté s traquées, crédit detraque, cp. cie. ,pp.1129 et s.
323
Cf. C. SAINT- ALARY- HOUIN, Les créanciers face au redressement dl" l'entreprise, Rev. proe. coI1.1991-2, Doetr.,
p.129.
324
cf. Douai, 21 avr.1988, Rev.jurisp. com.1990, p. 71. n" 12ï3. obs GALLET.
325 CL P. DERRIDA, P. GODE, J.P. SORTAIS, op. cit., n05-18.

142
règle admet en effet des dérogations qUI en tempèrent quelque peu la
rigueur(§2) .
§1. Caractère impératif des dé~3.is judiciaires de paiement
229- Sous l'empire de la loi du 13 juillet 1967, le concordat ne liait les
créanciers gagistes que s'ils l'acceptaient. Dans ce
cas, ils renonçaient
automatiquement au bénéfice de leur sûreté. Mais, en cas de refus, ils
pouvaient poursuivre la réalisation de leur gage après l'admission de leurs
créances au passif de la procédure. En revanche, l'article 34 de l'ordonnance
de 1967 affirmait l'opposabilité du plan d'apurement du passif à tous les
créanciers antérieurs à l'ouverture de la procédure. Il prévoyait la possibilité
pour chaque créancier de consentir unilatéralement des délais de paiement au
débiteur-->. Cette dernière solution semble avoir inspiré le législateur de 1985.
Néanmoins, le régime nouveau se distingue de celui de l'ordonnance de 1967
par l'institution d'une consultation préalable et individuelle des créanciers.
Celle ci vise essentiellement à recueillir raccord de chaque créancier sur les
propositions de règlements établies par l'administrateur ou le débiteur (AI.
Elle présente un caractère éminemment formel puisque le tribunal dispose du
droit d'imposer des délais uniformes de paiement aux créanciers réfractaires
(B).
AI Consultation préalable et accord des créanciers gagistes sur les
propositions de règlement du passif
230-
L'adoption
d'un
plan
de
continuation pnve
les gagistes de
l'essentiel de leurs prérogatives. Lorsque au stade de l'élaboration dudit plan,
ils sont consultés par le représentant des créanciers, ils peuvent consentir des
délais de paiement et accepter une remise de créance. Dans ce cas,
le
tribunal leur en donne acte-?". Il peui en outre réduire les délais accordés par
le gagiste au débiteur. Cette mesure de faveur profiterait à l'ensemble des
326
Cf G. RIPERT et R. ROBLOT, op. cit., n03I9I.

143
créanciers qu'ils puissent ou non se prévaloir d'une sûreté. Les créanciers
nantis
seraient
assujettis
aux
mêmes
délais
que
les
créanciers
chirographaires ayant accepté les prepositions du projet de plan. Toutefois,
cette solution se heurte à la lettre de j'article 74 de la loi. Ce texte ne prescrit
l'application des
délais uniformes de
paiement que
pour les (( autres »
créanciers, c'est à dire ceux qui n'ont pas accepté les délais dans les
conditions posées à l'article 24 de la loi. Ce texte n'oblige pas l'administrateur
à
proposer des modalités de
règlement identiques
pour les créanciers
chirographaires et privilégiés.
231- Dès lors, nen ne s'oppose à ce que le tribunal aménage des
conditions particulières de remboursement au profit des gagistes distinctes de
celles prévues pour les autres crèanciersê-ë. Or, la doctrine majoritaire--"
prône l'application du principe de l'uniformité des délais entre tous les
créanciers ayant accepté les proposiucns initiales de l'administrateur ou du
débiteur. Cette égalité de traitement défie les principes les mieux établis en
droit des sûretés. L'octroi d'une garantie conforte le droit du créancier
bénéficiaire par rapport aux créanciers chirographaires. La répartition des
sacrifices induits par la défaillance du débiteur ne saurait effacer cette
différence de nature entre ces deux catégories de créanciersê-? . Le législateur
recherche principalement l'adhésion des créanciers au projet de règlement du
passif. Seuls ceux qui n'y souscrivent pas doivent supporter de plus grands
sacrifices. Dans ces conditions, la résistance opiniâtre et vaine du créancier
justifierait l'application à son égard de la règle de l'uniformité des délais.
232- A titre de comparaison, 1& lei gabonaise du 4 août 1986 organise
également une consultation préalable des créanciers sur les délais et remises
contenus dans le projet de plan d'apurement du passif33 1. Cette consultation
s'ajoute à celle portant plus globalement sur l'homologation du plan par les
créanciers réunis en classes différentes en fonction de
l'ordre de
leur
327 Cf. Sur le déroulement de cette procédure, G. RIPPERT et l~. ROBLüT, op. cil..,
n' 3075 il 3076.
328 Cf. Casso Com., 16 avr.1991, JCP 1991, éd. E, n '3, p
510, 00>:. CABRILLAC.
329 Cf. F: MACO~IG- VENlER, Thè se , op. cii., n' 423; M. ,JEt'l.NTI~, Instruments de paiement de crédit- Entreprise en
dlfficulte,3 eme éd., Dalloz 1992, p.389, n'715; Ph. MAL.'.U:::IE ei L. AYNES, op. cil.,n0412.
330
Cf. P. TILLY, Thèse, 00. cit., n'260 et S.
331
Cf. L. 4 août 1986, P';'r. 60.

144
priorité-ê-. Or, cette consultation paraît tout aussi formelle puisque le tribunal
peut passer outre au refus des crèunciers et homologuer le plan dans un
certain nombre d'hypothèses qui rendent sans intérêt le refus du créancier. Il
en est ainsi pour les créanciers nantis chaque fois que leur sûreté paraît «
suffisante et qu'aucune modification n'est apportée par le plan Dl à la
convention originellement conclue avec chacun de ces créanciers Dl à la
sûreté qui garantit la créance »333. La loi ne précise pas ce qu'il faut entendre
par «
garantie
suffisante»
ainsi
que
la
nature
des
modifications
qui
pourraient affecter la convention ou 12.. sûreté. Il faut regretter le caractère très
général et très laconique d'une telle disposition. On peut aussi souligner
l'inutile complexité d'une double acceptation sollicitée des créanciers à la fois
sur les délais et sur le plan. Il semble qu'une classe de créanciers, même
dépourvus de sûreté, puisse empêcher l'homologation du plan par le tribunal.
233- Au demeurant, contrairement à la
loi française du 25 janvier
1985, la loi gabonaise du 4 août 1986 ignore expressément la règle de
l'uniformité
des
délais,
tout
comme
la
distinction
entre
creanciers
« acceptants» et réfractaires. L'article 63 de la dite loi
énonce que le « plan
doit respecter, pour les propositions de paiement qu'il comporte, une égalité
de
traitement
à
proportion
de
leurs
droits
pour
tous
les
créanciers
appartenant à
une même classe». Le plan d'apurement du passif en droit
gabonais aménage donc un régime spécifique pour chaque catégorie de
créanciers en fonction de leur répartition en classe. Les propositions de
règlement arrêtées par le plan doivent ainsi tenir compte de l'ordre de priorité
existant entre les différents créanciers. Cela signifie que les créanciers nantis
bénéficient d'un régime différent de celui des créanciers chirographaires Du
reste, tous les créanciers munis de sùretès réelles spéciales ne sont pas
forcément logés à la même enseigne. En revanche, aucune distinction ne
saurait s'établir entre créanciers ayant clairement accepté les délais et remises
contenus dans le plan et ceux qui se sont simplement abstenus.
332
Cf. L. 4 août 1986, Art. 37 à42.
333
Cf. L. 4 août 1986, Art. 60.

145
234- En droit français, l'article '24, alinéa 2 de la loi de 1985 précise
que le défaut de réponse du créancier dans le délai de 30 jours à compter de
la réception de la lettre du représentant des créanciers vaut acceptation. La
jurisprudence a eu l'occasion de préciser la portée de cette disposition. Les
juges consulaires ne peuvent profiter du silence de certains créanciers dans le
délai légal pour leur imposer des délais de paiement plus longs que ceux
acceptés expressément par d'autres.'>'. La loi n'assimile nullement le créancier
abstentionniste
au
créancier
réfractaire.
Tous
les
créanciers
gagistes
pourraient se prévaloir des mesures plus favorables prévues par le plan à leur
égard. Ainsi, les délais librement consentis par un créancier titulaire à la fois
d'un nantissement et d'un cautionnement ne peuvent être invoqués par la
caution pour se soustraire à l'exécution de son engagement-ê>, Encore
faudrait-il que le plan n'ait pas ignoré le caractère privilégié de la créance du
gagiste. On sait en effet que la perte de la sûreté autorise l'exception de
subrogation ouverte à la caution par l'article 2037 du code civil.
Or, dans cette hypothèse, le créancier nanti irrégulièrement privé du
bénéfice de
sa sûreté ne
dispose d'aucun recours contre le jugement
homologuant le plan de continuation àe l'entreprise. De plus, la perte de la
sûreté ne libère la caution de son
engagement que lorsqu'elle procède d'un
fait directement imputable au créancier.
235- Ainsi, le créancier nanti doit donc demander au représentant des
créanciers de relever appel du jugement adoptant le plan. A défaut, la perte de
sa sûreté consécutive à son inaction pourrait bien lui être imputée et
constituerait une cause de décharge de la caution. L'attitude du représentant
des créanciers importe peu. Seule la démarche du créancier nanti doit être
prise en compte. Il doit manifester SO:-l intention de solliciter la caution-ê>. Au
demeurant, la règle selon laquelle les délais octroyer dans le cadre d'une
procédure collective ne profitent pas à la caution n'est pas nouvelle. La Cour
de
cassation
l'avait
déjà
admise
sous
l'empire
des
textes
antérieurs,
JJ4 Cf. Toulouse, 12 sept. 1988, Rev. cil'. banc. cc i)()Ul'St'llIil.- 80Ù\\ 1989, p. 1'13, n"14, obs. DEKEUWER-
DEFOSSEZ.
JJ5
cf. Casso corn., 28 mai 1991, JCP 1991 éd. E, p.509, ,/'2, obs. PETEL,
JJ6
Cf. Casso corn., 16 avr. 1991, JCP 1991, éd. C, p. 510 r; '3, ob s. CABRILLAC.

146
notamment lorsque le créancier nanti ne s'était pas opposé aux propositions
concordatairesê-". Cette règle peut aussi être invoquée par un créancier nanti
ayant refusé les propositions de l'administrateur. Dans ce cas, il se verra
imposer des délais de paiement par le tribunal.
BI La soumission des créanciers nantis aux délais uniformes de
paiement
236- Les créanciers gagistes auront souvent intérêt à accepter les
propositions de l'administrateur ou du débiteur lors de l'élaboration du plan.
A défaut, ils se verront imposer des délais uniformes de paiement en
application de l'article 74 de la loi. C'est seulement dans cette hypothèse que
la
règle
de
l'uniformité
des
délais
trouverait à
s'appliquer.
Dans
ces
conditions, les délais de paiement peuvent, mais pas nécessairement, être
plus longs que ceux consentis par les créanciers dans le cadre de
la
consultation de l'article 24 de la loi. A cet égard, l'article 74, alinéa 2 de la loi
prévoit que ces délais peuvent excéder la durée du plan. La loi du 10 juin
1994 a maintenu cette disposition. Aucun délai maximum n'a été édicté pour
le report des échéances. Cependant, l'article 65 nouveau de la loi limite
désormais la durée du plan à dix ans. Les tribunaux sont désormais incités à
enfermer les délais de paiement dans ce laps de temps afin d'éviter une trop
grande dépréciation monétaire et, par là-même, un effritement de la créance
garantie. Dans la pratique, la durée des délais ne dépasse guère cinq ans338 .
En toute hypothèse, l'article 74 n'a pas pour but d'aggraver la situation des
créanciers ayant rejeté les propositions de l'administrateur ou du débiteur.
S'ils ne méritent pas le même traitement que les autres créanciers, ils ne
doivent pas pour autant faire l'objet d'une vindicte démesurée de la part du
tribunal-w. Par ailleurs, des délais exagérément allongés contrarient l'exigence
de possibilités sérieuses de règlement du passif affirmée par l'article 69 de la
10i34o .
337
Cf. Casso corn., 14 févr. 1971, RTD cam. 1972, p. 9(,7, cbs. CAI3R[LLAC et R[VES- LANGE.
3.18
Cf. C. SAINT- ALARY - BOUIN, La réforme des plans de redr essement, P. A. 14 sept. 1994, p.107, spéc. p.lll , n"
29 .
.1.19
Cf. VERSAILLES, 3 mars 1988, GAZ. Pal. ISS8, 2, p. S90, Toulouse, 12 sept. 1988, Juris- data n° 46450 .
.140 Cf. Versailles, 3 mars 1988. Gaz. Pal.
[988-2, Q. 590.: Douai, 21 avr. 1988, op. cit.

147
237 - Au demeurant, la morale des affaires et la sécurité du crédit
commandent de ne pas trop sacrifier ces créanciers. Il appartient aux juges
d'avaliser les propositions raisonnables d'apurement des créances. Dans
le
cas contraire, il faudrait annuler les plans qui allongent les délais au-delà de
ce qui est strictement nécessaire pour favoriser la poursuite de l'exploitation.
Le tribunal ne saurait a fortiori réduire impérativement le montant de
la
créance méme à l'égard des créanciers réfractairesê'!-. L'intégralité du capital
doit en principe étre remboursée, sauf le jeu de l'érosion monétaire.
238- En revanche, aucune disposition de la loi gabonaise du 4 août
1986 ne précise le sort des créanciers ayant expressément refusé les
propositions de règlement du passif établies par les organes de la procédure.
Peuvent-ils se
voir imposer des délais judiciaires de
paiement? La
loi
gabonaise n'énonce pas explicitement cette solution. Mais elle aboutit en fait à
un résultat identique lorsque le tribunal, passant outre au refus de certains
créanciers dans les conditions fixées par l'article 65, parvient à homologuer le
plan. Ces créanciers seront alors payés conformément aux propositions
initiales transmises par le syndic lors de la consultation préalable à l'adoption
du plan. Toutefois, rien dans la loi de 1986 n'autorise le tribunal à aménager
des conditions plus rigoureuses à l'égard des créanciers réfractaires en raison
de l'égalité de traitement devant prévaloir entre créanciers appartenant à une
même classe.
239- Du reste, tout allongement des délais initiaux ou toute remise de
dettes opéré sans l'accord exprès des créanciers intéressés constituerait une
modification des conditions de la convention originelle par application de
l'article 63 de la loi de 1986. Nous avons observé qu'une telle modification
suffirait à motiver le refus du plan par une classe de créanciers. Dans ces
conditions, le tribunal ne pourrait pas homologuer le plan et prononcera alors
la liquidation
des biens. Mais le rejet du plan par une classe de créanciers
n'est
acquis
qu'à
la
majorité
des
2/3
des
creanciers
présents
ou
HI
Cf. Par exemple,
janv. 1988, JCP 1988 éd. G, n' :<:00:1, otis. MARTIr\\- SERF: Casso Corn., 29 mai 1990, Rev.
ô
proe. Coll. 1991- 3. p. 291, n° 8, obs. SO!1\\INE.

148
représcntésv'". Cela rend particulièrement difficile le rejet du plan par la
classe concernée. Cependant, l'extrême complexité de ces dispositions suscite
d'énormes difficultés dans la pratique. Un minimum de clarté et de simplicité
aurait sans doute permis une meilleure lisibilité de la loi gabonaise de 1986.
240- Au demeurant, en droit français, la loi du 10 juin 1994 accroît les
chances de recouvrement des créances en cas d'adoption d'un plan de
continuation de l'entreprise. Les principales innovations ont trait au caractère
désormais portable des créances inscrites au plan et à la limitation à un an
du répit dont bénéficie le débiteur pour honorer la première échéance. Dans
tous les cas, l'inexécution des engagements financiers et, désormais, de tous
les autres entraîne la résolution du plan, certes facultative pour le tribunal,
ainsi que l'ouverture subséquente d'une procédure de liquidation judiciaireêt-.
Ces améliorations techniques, somme toutes limitées, n'affectent nullement le
caractère impératif des délais exigés pour la réussite du plan. D'ailleurs, la loi
de 1994 n'a pas modifié les dispositions antérieures organisant le paiement
anticipé des créanciers en contrepartie d'une réduction corrélative du montant
des créances.
§2. Tempéraments à l'application des délais impératifs de paiement
241- Les créanciers gagistes peuvent échapper aux délais impératifs de
paiement en profitant des mesures générales et spécifiques prévues par la loi
pour alléger le passif du débiteur. Ils peuvent en bénéficier dans deux
hypothèses différentes. La première concerne l'ensemble des créanciers et
n'est nullement subordonnée à la cession des biens grevés. L'article 75 de loi
ouvre en effet une option aux créanciers entre un paiement intégral dans des
délais
plus
longs
et
un
paiement
anticipé
assorti
d'une
remise « proportionnelle du montant de la créance» (Al. La seconde hypothèse
implique nécessairement la réalisation des biens grevés. A cette occasion,
l'article 78 de la loi prescrit le paiement immédiat des créanciers nantis qui
subissent le concours des créanciers venant en rang utile. Ce texte ajoute
.14"
Cf. L. 4 aout 1986, Art. 43 al. 3 .
.14.1
Cf. Y. CHAPUT, La n'forme de la prévention el du irair ement des difficultés .. , op. cct., n040 et s.

149
aussitôt que les créanciers concernés recevront des dividendes réduits en
fonction de ce paiement anticipé ( Bl.
AI Paiement anticipé et réduction proportionnelle de la créance
garantie
242- L'option prévue par l'article 75 de la loi ne paraît ouverte au
gagiste que lorsque le bien nanti n'a pas été cédé. Cette mesure ne peut se
cumuler avec celle de l'article 78 de la loi. Il s'agit d'une disposition générale
qui illustre bien la volonté du législateur d'aligner la situation des créanciers
munis d'une sûreté réelle spéciale sur celle des créanciers chirographaires.
Dans le silence de la loi, le tribunal devra préciser le délai dans lequel les
créanciers se détermineront. A défaut, ils pourront lever l'option au plus tard
lors du premier versement. Cette mesure profite principalement au débiteur.
Cependant, les créanciers nantis gagneraient à percevoir un paiement partiel
mais rapide. L'immédiateté du paiement est ainsi destinée à compenser la
réduction de la créance sollicitée du créancier. Dans ces conditions, l'intérêt
de la règle de l'article 75 ne réside pas seulement dans la promptitude du
paiement, mais dépend aussi de l'étendue de la remise que le créancier est
disposée à consentir.
243- Il reste à déterminer comment s'effectuera cette réduction de
créance par rapport à l'avantage que représente pour le créancier le paiement
anticipé. Or, aucune disposition de la loi et du décret de 1985 ne précise les
modalités de cette « réduction proportionnelle » de la créance. Pris au pied de
la lettre, l'article 75 paraît suggérer une remise proportionnelle « à la fraction
du temps dont les délais sont amputés ... »344. Mais le créancier risque de subir
une véritable expropriation si le paiement intervient immédiatement. Cette
solution est donc difficile à mettre en œuvre car impraticable. Pourtant, le
projet initial envisageait qu'avec l'accore des créanciers le plan pouvait prévoir
des délais de paiement plus brefs, lesquels étaient assortis d'une réduction de
la créance calculée de telle sorte que la charge financière actualisée demeure
- _ . _ - - - - - - - ~ - - - - - - - - - - -
.144
cf. C, MOULY, Les creanciers anterieurs .. , op. cii., ,J 155, n'69.

150
identique pour l'entreprise. Cette disposition fut abandonnée au moment du
vote définitif de la loi. Le Sénat avait jugé inopérante la notion de « charge
financière actualisée H. Cette formule a été en revanche consacrée par le
législateur gabonais de 1986345 .
244-
La doctrine française préconise généralement de réduire le
montant
de
la
créance
en
fonction
du
taux
d'actualisation.
Mais
la
détermination de ce taux divise les auteurs. Certains-w suggèrent de retenir
le taux d'intérêt légal ou le taux de base bancaire. D'autres34 7 proposent le
taux moyen pratiqué dans les opérations de même type au moment du
paiement. Néanmoins, à notre connaissance, aucune jurisprudence probante
n'est venue confirmer ces critères doctrinaux. Les juges du fond disposent en
la matière d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent parfaitement appliquer
l'un des taux proposés en doctrine. La prudence commande cependant de
retenir une proportionnalité rigoureuse entre l'importance de la réduction des
délais et le montant de la remise consentie par le créancier. Une simple
adéquation arithmétique s'établirait dans tous les cas. Le tribunal pourrait
ainsi réduire la créance au prorata du délai de paiement abrégé. Aucun
principe de solution n'émerge véritablement en jurisprudence. Dans ces
conditions, la mesure édictée par l'article 75 de la loi se révèle malaisée à
mettre en œuvre. Elle semble largement inapplicable dans la pratique. Or,
cette incertitude, liée au mode de réduction de la créance, se rencontre
également dans la seconde possibilité permettant au gagiste d'échapper aux
délais impératifs de paiement.
BI Paiement anticipé et réduction de la créance garantie en cas
d'aliénation du bien grevé
245- L'article 78 de la loi de 1985 aménage un régime particulier pour
les créanciers munis de sûretés réelles spéciales dont l'assiette fait l'objet
d'une cession. Ce texte décide en effet
qu '{( en cas de vente d'un bien grevé
.140
cf. L. 4 août 1986, Art. 63 .
.14(,
Cf. Y. CHAPUT, Droit du redressement .. , op. cii., ]).2.32, n0254 ; F DERRIDA, P. GODE, J.P. SORTAIS, op. cii.,
n0557 ; B. S01NNE, Traité ... , op. cii., p. 647. n'756 .
.147
Cf. M. CABR1LLAC et C. MOULY, Droit des surctes, op. cit., n'932.

151
(... )d'un nantissement (... ), les créanciers bénéficiaires de ces sûretés (... ] sont
payés sur le prix... ». Mais cette mesure, au premier abord avantageuse pour
le créancier nanti, est aussitôt atténuée par l'alinéa 2 de l'article 78. Aux
termes de cette disposition, les créanciers nantis recevront « les dividendes à
échoir réduits en fonction du paiement anticipé », Comme dans l'hypothèse de
l'article 75 de la loi, aucune précision n'est donnée quant aux modalités de
réduction de la créance garantie. Un auteur important récuse même le
principe d'une telle réduction. Il affirme que « les dividendes à échoir doivent
étre simplement réduits en fonction du paiement anticipé (... ). Une simple
soustraction doit être opérée. Le premier dividende doit être réduit du
montant réglé immédiatement à chaque créancier bénéficiaire de sûretés »348.
246- Cette argumentation fort séduisante n'emporte pas conviction.
L'alinéa second de l'article 78 n'opère pas qu'une simple déduction comme le
laisserait entendre le professeur SOINNE, mais réalise une véritable remise de
dette compensatrice de l'avantage offert aux créanciers nantis et consistant
dans un paiement immédiat nonobstant le moratoire accordé au débiteur, afin
de favoriser le redressement de son entreprise. Il semble bien que le tribunal
doive opérer une actualisation du dividende perçu par les créanciers nantis en
fonction
du
remboursement
anticipé.
Le
taux d'actualisation,
taux
de
référence pour effectuer la réduction envisagée, pourrait encore être le taux
légal ou le taux de base bancaire.
247- Le mutisme du législateur de 1985 sur la question paraît tout de
méme déconcertant. Obnubilé par la volonté d'alléger systématiquement le
passif privilégié, il omet d'en préciser certaines modalités concrètes. Il confère
ainsi aux juges de fond le soin d'arrêter des solutions inéluctablement
inspirées par des considérations d'opportunité. En revanche, le législateur
gaboriais-"? qui prévoit également la cession de biens nantis en période de
continuation de l'entreprise, n'envisage nullement la réduction de la créance
garantie. Les créanciers nantis sont désintéressés sur le prix de vente suivant
348 cf. R
SOINNE. Traité, op. cu., n" 768 .
.14"
Cf. L. 1986, Art. 65.

152
l'ordre de priorité existant entre eux et uniquement en déduisant les sommes
déjà perçues, ce qui va de soi.
248- L'article 78 de la loi de 1985 illustre une nouvelle fois le sort peu
enviable réservé aux créanciers nantis pendant la phase de redressement
judiciaire. Au demeurant, dans le cadre du droit antérieur, la jurisprudence
avait admis la consignation du prix de
cession jusqu'à l'exécution du
concordatv". Cette solution a été entérinée par les textes de 198535 1. Lorsque
la cession du bien grevé intervient au cours de la période d'observation, le
paiement des créanciers nantis est retardé. Le produit de la vente est en effet
gelée à la Caisse des Dépôts et Consignations. En outre, il ne profite pas à
l'entreprise. Toutefois, le gagiste rétenteur ne paraît pas concerné par les
dispositions de l'article 78 de la 10i3 52 . Il conserve son droit de rétention
nonobstant la cession du bien gagé. Dans cette hypothése, il sera désintéressé
en priorité avant tous les autres créanciers privilégiésëë>. Mais, en dehors de
toute cession ou retrait du gage, le gagiste rétenteur est assujetti à la
discipline
collective
imposée
par
l'arrêté
du
plan
de
continuation
de
l'entreprise. Il doit dès lors se soumettre à la procédure de l'article 24 de la loi.
A défaut, il subit les délais de paiement.
249- Peu importe en définitive les modalités de règlement du passif en
cas d'adoption d'un plan de continuation de l'entreprise. Les créanciers nantis
ne peuvent éluder les délais de paiement. Ou bien ils subissent un report de
la date d'échéance de leur créance ou bien ils profitent d'une simple réduction
des délais de paiement354 . Or, par le biais des délais allongés ou abrégés de
paiement, le législateur de 1985 parvient en réalité à amputer la créance
garantie. La période d'attente ainsi imposée aux créanciers nantis comporte
un risque évident de dépréciation de l'assiette de leur sûreté, notamment
lorsque celle-ci n'est pas réalisée pendant la
phase de préparation ou
d'exécution du plan. Il ne faudrait cependant pas exagérer la portée pratique
aso
Cf. Casso corn, 12 oct.. 1970, 0.1971, p. 306; RTD COHl. 1971, p. 435, obs, HOUIN; Casso Com., 11 oct. 1972,
D. 1973, p. 110, note P1ROVANO.
.1S1 Cf. L. 1985, Art. 34; 0.1985, An. 102.
J51 Cf. Ph. PETEL, Colloque Deauville, op. cit., p. 114, n'iO.
J5J Infra n °44 7 et S .
.l'~ Cf. G.RIPERTet I~. ROBLOT, Traité, op. cir.., n 3191·1.

153
des plans de continuation. Même s'ils semblent recueillir les faveurs du
législateur de 1985, ils ne représentent jusqu'à présent à peine qu'1 % des
procédures collectives.
De plus, La loi du 10 juin 1994 s'est efforcêe de
réduire la durée desdits plans.
250- Au terme de ce parcours édifiant nous pouvons nous rendre
compte de l'ampleur des risques auxquels sont confrontés les créanciers
gagistes.
La
loi
de
1985 a
parachevé
l'œuvre
d'intégration forcée
des
créanciers munis de sûretés spéciales dans la procédure collective, amorcée
en 1967. Obnubilé par le sauvetage de l'entreprise érigé en pétition de
principe, le législateur s'est ingénié à réduire l'ampleur et l'emprise dans le
passif du débiteur, des créanciers se prévalant dune sûreté réelle spéciale. A
cet
effet,
la
loi
de
1985
reprend
et
accentue
la
rigueur
des
règles
traditionnelles du droit des procédures collectives. Elle renoue avec la nullité
qui atteignait déjà les sûretés constituées ou publiées dans des conditions
suspectes dans le système du code de commerce ancien. Elle s'attaque ainsi à
la sûreté à sa source. Or l'idée de fraude qui sous-tend désormais les nullités
de la période suspecte ne suffit pas à légitimer cette négation systématique du
principe juridique des sûretés réelles spéciales.
251- La sanction suprême de la nullité se révèle encore inappropriée à
propos
des
inscriptions
de
nantissement
postérieures
au
jugement
d'ouverture. La perte définitive de la sûreté apparaît bien disproportionnée par
rapport aux possibilités réelles de sauvetage d'entreprises dans la pratique.
Une
simple
inopposabilité de
principe
paraît largement en mesure de
compenser l'atteinte subie par le collectif des créanciers. Néanmoins, la
mesure
la
plus
novatrice
inscrite
dans
le
dispositif
de
1985
réside
incontestablement dans la substitution de garantie. Cette technique peut
s'avérer salvatrice pour le gagiste dont le paiement est seulement différé, mais
un tel espoir est bien mince en raison de l'ambiguïté et des incertitudes
inhérentes à la condition d'équivalence posée par la loi. Elle apparaît, à bien
des égards, comme un nouveau leurre, une mesure symbolique destinée à
donner quelque crédit au mirage du redressement de l'entreprise. Elle est du

154
reste, malaisée à mettre en œuvre dans le contexte de pénurie dans lequel
évolue l'entreprise défaillante.
252- La loi de 1985 poursuit dans sa « lancée éliminatrice » en s'en
prenant directement à l'existence ou à l'étendue des créances garanties. Elle
opère à cet effet une véritable uniformisation de la situation des créanciers
antérieurs en gommant les différences de nature existant entre eux. Ainsi la
vigilance du gagiste est mise à rude épreuve tout au long de la procédure de
déclaration et de vérification des créances. La multiplication des embûches et
autres chausse-trappes savamment imaginées par le législateur accroît les
risques d'extinction de la créance garantie et/ ou du gage. Mais, même admis
au sein de la procédure, le gagiste assiste quasi-impuissant à l'effritement de
sa créance. La perte affecte irrémédiablement les intérêts de la créance
garantie. Elle est beaucoup plus diffuse, néanmoins tout aussi systématique,
après l'adoption d'un plan de continuation de l'entreprise. Or sur ces points,
la loi du 10 juin 1994 n'apporte que des modifications techniques. Certaines
de ces modifications comportent même des effets pervers. Ainsi, l'institution
du payement provisionnel des créanciers nantis, en cas de cession des biens
grevés au cours de la période d'observation, enlève toute portée pratique au
maintien exceptionnel du cours des intérêts prévu par l'article 55 de la loi.
253-Dans ce contexte globalement défavorable,
les créanciers nantis
sont contraints à la passivité. Ils devront généralement attendre l'initiative des
organes de la procédure pour prétendre bénéficier des effets attachés à leurs
sûretés. Celles-ci sont largement entravées, paralysées au moment même ou
elles devraient jouer. Mais en contrepartie de ces mesures de défiance, le droit
des procédures collectives aménage de nouvelles techniques permettant aux
gagistes de « sortir du rang », Cette dualité explique l'originalité de la condition
des créanciers nantis dans le redressement et la liquidation judiciaires
ouverts à l'encontre du débiteur. L'examen de ces situations dans lesquelles
les
prérogatives
spécifiques des
créanciers
gagistes apparaissent tantôt
altérés, tantôt consolidés, retiendra notre attention dans le cadre de la
seconde partie de cet ouvrage.

155
2 ème PARTIE:
L'AMENAGEMENT DES MECANISl\\fES DE PROTECTION DES
CREANCIERS GAGISTES

156
254- La garantie réelle offerte au gagiste présente cette particularité
qu'elle naît d'un contrat dont le but unique est de lui assurer la meilleure des
protections. Dès lors la défaillance du débiteur doit lui permettre d'invoquer
sa sûreté et de bénéficier de la protection qu'elle était censée lui procurer. Le
gage est appelé à produire normalement ses effets à cette occasion. Dans ces
conditions, le gagiste espère engager les voies de droit appropriées afin de
saisir le bien grevé dans le patrimoine du débiteur. A cet égard, seul le gagiste
rétenteur est dispensé de recourir aux voies d'exécution forcées. Du fait de sa
possession, il est en mesure de solliciter directement en justice la vente aux
enchères de la chose grevée. Dans tous les cas, ce droit de poursuite reconnu
au gagiste ne dérive pas
spécialement du contrat de
nantissement. Tout
créancier peut saisir et vendre les biens de son débiteur pour se faire
désintéresser sur le prix.
255- En droit romain le contrat de gage ne conférait pas en soi le droit
de vendre la chose gagée. Cependant une convention particulière permettait
d'y déroger à défaut de paiement à l'échéance. D'ailleurs, c'est sur la base de
cette convention que le droit de vendre (jus distrahendi) s'est ajouté au droit
de retenir Uus possidendr) qui était à l'origine le seul droit du gagiste355 .
Le
gage de droit commun a conservé cette dernière prérogative. Dès lors, la
garantie du gagiste repose sur la mainmise qu'il exerce sur le bien grevé. Elle
lui permet d'appréhender la valeur dudit bien et d'obtenir le paiement
prioritaire de la créance sans passer par l'intermédiaire du débiteur. Tant qu'il
détient l'objet gagé il est à l'abri des manœuvres du débiteur. En revanche,
une
telle
sécurité
n'existe
pas dans
les
gages
sans
dépossession.
Le
constituant du gage, demeuré propriétaire des biens grevés, peut toujours en
disposer librement. Le droit de préférence du créancier nanti risque donc
d'être privé de support, faute pour le créancier nanti de saisir le bien dans le
patrimoine du tiers acquéreur.
256- Pour pallier cet inconvénient, des dispositions spéciales à certains
nantissements édictent une obligation négative à la charge du débiteur. Elle
.155 cf. G. RIPERT el J. BOULANGER, Traite de droit civil, Sûretés reelles- Contrats civils, T.3, L..G.D.J. 1958, p.417,
nOl21O.

157
prend la forme tantôt d'une impossibilité pour le constituant de se dessaisir
du bien356 ,
tantôt d'une interdiction de l'aliéner sans l'assentiment du
créancier ou à
défaut du président du tribunal de
commerceê-". Cette
obligation personnelle supportée par le débiteur maintient une certaine
corrélation entre la chose grevée et le titulaire du droit3 58 .
D'autres
dispositions empruntent une technique bien connue des
sûretés réelles
immobilières.
Elles
prévoient
la
possibilité
pour
le
créancier
nanti
d'appréhender le bien gagé ou à tout le moins, sa contre-valeur en quelque
main qu'il se trouve. Ainsi, le droit de préférence est complété par un droit de
suite qui permet de rétablir le lien nécessaire entre l'objet engagé et le
créancier nanti. Ce droit de suite apparaît comme un prolongement naturel du
droit de poursuite individuelle exercé dans le patrimoine du tiers acquéreur.
257 - L'ensemble de ces droits inégalement attribués aux divers
créanciers nantis constitue des effets classiques du gage. La garantie du
gagiste est organisée autour de ces prérogatives, car de leur exercice dépend
la satisfaction du créancier. Mais la dure réalité des procédures collectives
contrarie les prévisions des parties à la convention de nantissement. La loi de
1985 apporte d'importantes restrictions à l'expression des prérogatives du
gagiste. Celles-ci sont gelées, amoindries, en toute hypothèse largement
entravée au moment où elles s'avèrent le plus utiles. Or le gage révèle ces
effets soit dans l'optique de la réalisation du bien grevé soit au moment ou à
l'occasion de celle-ci. Dès lors, les prérogatives du gagiste sont toutes entières
orientées vers ce but qui consacre le dénouement de la relation juridique entre
le débiteur- constituant et le créancier nanti. En droit commun, le gagiste
dispose en principe de deux modes de réalisation de la sûreté: la vente aux
enchères publiques du bien gagé et l'attribution judiciaire du gage en
propriété. Le créancier nanti ne pourra pas souvent exercer la première de ces
facultés en cas d'ouverture d'une procédure collective. L'initiative des cessions
d'actifs incombe en effet, pour l'essentiel, au débiteur et aux organes de la
.15<, Cf. L. 8 août 1913,
Art. 8, al. l"' .
.1'7 Cf. L. 18 janv. 1951, Art. 7.
C
'SM Cf. Sur l'ensemble de la question, P. TILLY, Thèse, op. cit..,
L
4 5 à 47.

158
procédure en fonction des nécessités du redressement ou de la liquidation
judiciaire.
258- L'attribution du gage en propriété a donné lieu à une vive
controverse doctrinale. Le législateur de 1985 et surtout la jurisprudence ont
balayé l'essentiel de cette controverse. Elle n'en demeure pas moins enserrée
dans des limites étroitement définies. Elle suscite en outre, encore bien des
incertitudes. Toutefois, la législation des procédures collectives institue de
nouvelles techniques de réalisation du gage. Elles visent à placer le gagiste en
dehors de tout concours et, de ce fait, à lui garantir un paiement prioritaire.
Certaines de ces techniques ont été aménagées dans le cadre du droit
antérieur. Mais le législateur de
1985 ne se borne pas à recueillir une
tradition. Il consacre et renforce la portée des règles que la jurisprudence avait
imaginé pour restaurer l'efficacité des classiques nantissements.
259 - Au demeurant, des dispositions originales souvent d'origine
prétorienne tentent de concilier l'impératif du sauvetage de l'entreprise avec
les intérêts légitimes de certains créanciers gagistes. Du reste, de nombreux
créanciers nantis contournent les effets drastiques des procédures collectives
grâce à des institutions étrangères au droit des sûretés en raison de l'assiette
particulière de leur garantie. On est donc frappé par la variété des techniques
permettant aux créanciers nantis d'éluder la loi du concours. Cet éclatement
des mécanismes de reclassement du gagiste illustre, à bien des égards,
l'originalité et la diversité du gage. Certes, cette multiplication des techniques
de réalisation du gage ne profite qu'à certains créanciers nantis (Titre 2 ), mais
elle compense quelque peu l'altération par le droit des procédures collectives
des prérogatives traditionnelles des gagistes (titre 1 ).

159
TITRE! :
LES RESTRICTIONS A L'EXERCICE DES PREROGATIVES
CLASSIQUES DES CREANCIERS GAGISTES

160
260- Comme toute sûreté réelle, le gage suppose l'affectation d'un ou
plusieurs biens déterminés au recouvrement de la créance garantie. Il se
définit essentiellement par sa structure matérielle sur laquelle s'exercent les
prérogatives conférées au gagiste. Dès lors, ce lien étroit entre la chose grevée
et le titulaire du droit a paru caractériser le droit réel du gagiste selon la
conception classiqueê-". Au demeurant, ce trait est particulièrement marqué
dans la définition que donne le code civil du contrat de nantissement. C'est
sur la base cette définition que la Cour de cassation s'est fondée pour
réaffirmer la nature réelle du contrat de gage360 . Ainsi, du fait de sa
possession, le gagiste rétenteur est en mesure d'obtenir le paiement prioritaire
de sa créance sur le prix de cession du bien gagé. Il doit à cet effet, attendre
l'initiative des autres créanciers soucieux de débloquer le bien retenu. Il
pourra alors exercer son droit de préférence renforcé par son droit de
rétention sur le produit de la vente en primant les créanciers de rang
préférable. Il peut en outre opposer son droit de suite
aux acquéreurs
successifs du bien gagé->'. Dans tous les cas, l'exercice de cette prérogative
est lié à la possession du gagiste, condition essentielle de sa sûreté.
261 - Or, la reconnaissance du droit de suite aux titulaires de gages
sans
dépossession,
tend
à
suppléer
cette
absence
de
possession
en
cristallisant la valeur du bien grevé dans le patrimoine du tiers acquéreur. En
toute hypothèse, le droit de préférence du gagiste reste un simple attribut
juridique tant que le créancier ne peut pas appréhender la valeur du bien gagé
pour se faire
payer par priorité.
Cependant, la primauté accordée au
sauvetage de
l'entreprise et la nécessité de désintéresser les créanciers
chirographaires ont conduit le législateur à amputer de façon remarquable
l'assiette des nantissements d'une partie de leur valeur. Cette remise en cause
de la technique de l'affectation spéciale amenuise les chances de paiement
effectif des créanciers nantis. Certes, ils conservent juridiquement leur droit
de préférence, mais celui-ci se révèle très théorique, car privé du support réel
sur lequel il avait pourtant vocation 8. s'exercer. De même, le droit de suite est
WJ Cf. P. TILLY, Thèse, op. cir., n'34 et s.
.1(jO cf. Cass
civ., 18 mai 1898, D.1900, I.p. 481, note SARRUT; Casso com., 8 févr. 1972, op. cil.
.1(i1 Cf. G. MARTY, Ph. JESTAZ, P. RAYNAUD,
op. cit., n"88.

161
paralysé en raison des nécessités de la procédure. Admettre l'exercice illimité
de ces deux prérogatives ruinerait les efforts de sauvetage de l'entreprise et
découragerait d'éventuels acquéreurs des biens nantis.
262- Or, ce sont les bénéficiaires de gages sans dépossession qui font
les frais de ces nouvelles atteintes à la structure matérielle et aux effets
traditionnels du gage. En revanche, les auteurs de la loi de 1985 ont pris le
soin tantôt de réserver un sort enviable au gagiste rétenteur, tantôt de
l'exclure implicitement des règles drastiques imposées aux créanciers munis
de sûretés réelles spéciales. Ainsi, les créanciers nantis rescapés des mesures
antérieures tendant à la
suppression de leur sûreté et à l'extinction des
créances garanties, subissent d'importantes restrictions limitant l'exercice de
leur droit de préférence (Chapitre 1) et de leur droit de suite (chapitre 2).
Chapitre 1:
LES RESTRICTIONS A L'EXERCICE DU DROIT DE
PREFERENCE DES CREANCIERS GAGISTES
263- Le droit de préférence participe de l'essence de toute sûreté réelle
spéciale-v-. Il constitue la manifestation principale et nécessaire du droit réel
du gagiste. L'exercice de cette prérogative soustrait le créancier à la procédure
de répartition au marc le franc auxquels sont assujettis les créanciers
chirographaires pourvus du seul droit de gage général prévu par l'article 2093
du
code
civil.
Mais,
l'ouverture
d'une
procédure
collective
réduit
considérablement
l'efficacité
traditionnelle
du
droit
de
préférence
des
créanciers nantis. Ces derniers sont naturellement menacés par l'ampleur des
créanciers super-privilégiés ou prioritaires venant en rang utile au moment
des distributions et répartitions de dividendes.
En effet, survivance de
l'ancienne conception patrimonialiste du droit de la faillite, la procédure
collective demeure une procédure d'ordre. Elle tend même à devenir de plus
en plus une technique de classement des sûretés et autres droits de priorité
grevant les biens du débiteur. Pourtant, on pouvait espérer que la réforme de
1985 allait déboucher sur une diminution voire une suppression de ces

162
situations légales privilégiées qui, jadis, empéchaient tout redressement de
l'entreprise.
264- Le législateur de
1985 renforce au contraire
les droits des
créanciers plus ou moms associés à l'effort de sauvetage de l'entreprise.
D'autres bénéficient d'un véritable droit d'exclusivité dépouillant l'entreprise
de l'essentiel de ses actifs. Dans ces conditions, la plupart des nantissements
ne confèrent plus qu'un droit de préférence bien illusoire, conséquence de
cette surenchère de protection. Il paraît dès lors utile d'indiquer quel est
aujourd'hui le rang des créanciers nantis dans les procédures collectives (
Section2)
Or,
avant
même
de
subir
cette
éventuelle
rétrogradation,
l'affaiblissement du droit de préférence du gagiste résulte de la modification de
ses modalités, de ses conditions d'exercice-''>. Ainsi, diverses dispositions
novatrices de
la loi de 1985 prévoient l'affectation d'une quote-part du prix
de cession à chacun des biens grevés pour l'exercice du droit de préférence du
gagiste.
Dans
ces
différentes
hypothèses,
l'institution
d'une
quote-part
implique que seule une partie de la valeur des biens grevés est affectée au
recouvrement de la créance garantie. - Dès lors, la règle de la quote-part
déroge au droit commun des sûretés en privant le droit de préférence d'une
partie
du
support
sur
lequel
il
avait
naturellement
vocation
à
s 'exercer. (Section 1)
Section 1: L'EXERCICE DU DROIT
DE PREFERENCE SUR UN1&
QUOTE- PART DE LA VALEUR DES BIENS GREVES
265- Le paiement des créanciers' nantis obéit à des règles prticulières
en cas de réalisation des biens engagés .. Or, le moins que l'on puisse dire,
c'est que le législateur de 1985 a délibéremment opté pour l'amputation quasi-
systématique de l'assiette des sûretés réelles spéciales, en fonction des
nécessités de la procédure. L'étendue du gage est amputée, réduite à la
portion congrue-s". Cette érosion sans précédent de la structure matérielle des
'''2 cf. Ph. MI\\LAUI~IE et L .AYNES, op. cit., n" 400 - 401.
,1>.1 Cf..J. DEVEZE, Les creanciers titulaires d'un gage,
d'un nantissement ou d'LIll cirait de retention, P.A. 28juin
1994, ppAü et S., spéc. p. 41.
,... Cf. P. TILLY, Thèse, op. cit., n' 269 et s

163
nantissements contrarie le principe de l'indivisibilité des sûretés réelles. En
vertu de ce principe, la valeur du bien grevé est affectée en totalité au
désintéressement du créancier. Elle répond de l'intégralité de la dette de façon
indivisibleêv-.Cette ardeur réductrice se manifeste dans toute son ampleur en
période d'observation. L'article 34, alinéa 1er de la loi prescrit l'affectation
d'une quote-part du prix de cession au recouvrement de la créance garantie.
Ce texte semble, a priori, établir une parfaite identité entre le montant de la
quote-part et celui des
créances garanties. Or, les cessions d'actifs grevés
porteront
très
souvent
sur
des
biens
devenus
obsolètes
ou
sujets
à
dépréciation imminente. Dès lors, leur valeur vénale ne suffirait pas à
désintéresser les créanciers nantis. Dans ces conditions, la fixation de la
quote-part laissée à l'appréciation des organes de la procédure. sera bien
inférieure au montant de la créance garantie.
266- De même, lorsque le bien gagé est inlus dans un plan de cession,
l'article 93 alinéa 1er de la loi prescrit l'affectation d'une quote-part à chacun
des biens grevés de nantissement. Le texte ne fournit aucune indication sur la
détermination de la quete-part. Elle ne saurait là encore correspondre au
montant de la créance garantie. La réduction de l'assiette du gage à une
quote-part du prix des biens grevés s'observe également dans le cadre d'une
cession d'unité de production en application de l'article 155, alinéa 7 de la loi.
En tout état de cause, cette affectation spéciale n'emporte pas attribution
exclusive du montant de la quote-part au profit des créanciers nantis. Celle-ci
risque en effet d'être absorbée par les créanciers venant en rang utile, admis à
faire valoir leur droit sur le produit de la vente. L'institution de la quote-part
supposerait une réelle réduction de l'assiette de la sûreté(§l) sur laquelle
s'exercerait un droit de préférence bien théorique. ( §2). Toutefois, La règle de
l'affectation d'une quote-part aux créanciers nantis ne semble pas concerner
le gagiste rétenteur et ce, quelle que soit l'issue de la procédure.
Il est ainsi
possible d'y déroger (§3).
"" cr. Ph. MALAURJE et L. lIYNES, op. cit., n" 405. ;M.CA13RILLAC et C. MOULY, op. cil., n° 521.

164
§ 1.
Le principe de la réduction de l'assiette du gage à une quote-
part de la valeur des biens grevés
267 - L'institution de la quete-part n'obéit pas à la même finalité selon
qu'elle s'applique en période d'observation, dans le cadre d'un plan de cession
globale de l'entreprise ou à l'occasion d'une cession d'unité de production
dans la phase de liquidation judiciaire. Dans la première hypothèse, la
réduction de l'assiette des sûretés s'inscrit dans la panoplie des mesures
destinées à favoriser la poursuite de l'exploitation. L'étendue de la quote-part
dépendra, pour l'essentiel, de l'importance des sommes prélevées et affectées
au financement de la poursuite d'activité (A). En revanche, dans les deux
autres hypothèses, l'attribution d'une quote-part à chacun des biens grevés
revét un
caractère
éminemment technique.
Il s'agit d'un procédé
bien
commode de répartition du produit de la vente entre tous les créanciers
nantis. L'effet réducteur attaché à la quete-part résultera ainsi essentiellement
de sa fixation forfaitaire et de la nécessité de préserver les droits des
créanciers chirographaires ( B].
AI L'affectation de la quete-part aux créanciers nantis en
période d'observation
268- La période d'observation constitue une étape cruciale de la
procédure de redressement judiciaire. C'est au cours de celle-ci que sont
évaluées les chances de sauvetage de l'entreprise en difficulté. Lorsque cette
dernière présente une certaine viabilité, il devient urgent d'en organiser le
financement. Dès lors, le moyen le plus simple de pourvoir aux besoins de
trésorerie de l'entreprise consiste dans la vente des biens. 11 s'agit de ceux
dont l'utilisation dans le cycle de production n'est pas utile à la poursuite de
l'activité. Aussi la réalisation des biens grevés doit- elle satisfaire à une double
exigence. D'une part, elle doit alimenter la trésorerie de l'entreprise que l'on
tente de ramener à meilleure fortune. D'autre part, elle doit permettre de
désinteresser, au moins partiellement, les créanciers nantis. Il est cependant

165
évident que le financement immédiat de l'entreprise inspire davantage les
organes de la procédure.
269- Pourtant, l'article 34, alinéa 1er de la loi énonce que la quote-part
du prix consignée à la Caisse Des Dépôts et Consignations correspond aux
créances garanties. Cela implique que le produit de la vente a dégagé un solde
suffisant pour approvisionner les caisses de l'entreprise. Dans ces conditions,
l'application du critère légal révèle le caractère résiduel de la proportion du
prix de cession affectée au financement de la poursuite de l'activité du
débiteur.
Mais, la mise en œuvre de ce critère suppose qu'une double
condition soit remplie. La valeur des biens grevés doit d'abord excéder le
montant des créances garanties-vs. Ensuite, le reliquat de la vente des biens
après consignation de la quete-part, doit être suffisant pour justifier la sortie
du bien du cycle de production de l'entreprise. La valeur vénale supplanterait
alors la valeur d'usage dudit bien dans l'entreprise.
270- Or, dans une pareille situation, le débiteur ou l'administrateur
peut solliciter une substitution de garantie. Dans ce cas, en effet, le produit de
la cession profiterait exclusivemnt aux besoins de financement de l'activité du
débiteur. Mais, nous avons déjà observé l'échec pratique de cette mesure. La
garantie de substitution s'avère souvent quasiment impossible à trouver-v".
Cependant, les biens nantis susceptibles d'être vendus pendant la période
d'observation sont souvent obsolètes ou sujets à dépréciation imminente. Du
reste, mérne de très grande valeur, certains biens ne peuvent être retirés du
processus de production pour être cédés ut singuli. Il faut donc, à chaque fois,
évaluer l'opportunité économique et technique de la cession envisagée. Dans
ces conditions, la réalisation des biens grevés, inutile à la poursuite de
l'exploitation ne
permettra pas de
dégager le « surplus» nécessaire au
financement de I'entrepriseêv". Or, si la valeur des biens nantis est inférieure
au montant de la créance garantie, le critère légal d'évaluation de la quote-
part devient inopérant.
0"" Le principe de l'indivisibilité des sûretés est sauvegardée dans l'hypothèse. La sûreté ne grève le bien qu'à hauteur
de la créance garantie, même si elle est affectée en totalité au recouvrement de la créance garantie.
,"7 Supra, nOl18 et s ..
.",H cf. D. LIENARD, De nouvelles propositions pour réformer la loi du :25Janvier 1985: Le rapport de la commission
FIELD-VERNY, Rev. proc. coll. 1993, ChI"., p.9, spéc, n' 5.

166
271-Comment alors déterminer la quote-part affectée aux créanciers
nantis? A priori, l'intérêt du redressement de l'entreprise devrait prévaloir sur
celui du paiement des créanciers. Il suffit de se référer à la hiérachie des
priorités instituée par l'article 1er de la loi de 1985. Dès lors, une partie du
prix de cession irait toujours alimenter la trésorerie de
l'entreprise, malgré
l'absence de « solde» dégagé par la vente. La quote-part ne représenterait
qu'une portion du prix après prélèvement de la somme affectée à l'entreprise.
Cette solution, conforme à la finalité de la loi, suscite d'énormes difficultés
d'application. Comment va s'opérer la ventilation du prix de cession? Quel
critère retenir pour fixer la quote-part et réserver une somme suffisante pour
alimenter
les
caisses
de
l'entreprise
?
Il
serait possible
d'affecter
un
pourcentage du produit de la vente respectivement au paiement du créancier
et au financement de l'entreprise. La détermination des différentes proportions
dépendra de l'importance des créances garanties et de l'ampleur des autres
créances privilégiées. L'équité commande de réserver un montant significatif
au paiement des créanciers nantis. En toute hypothèse, la répartition du prix
de cession s'effectuera de façon forfaitaire et arbitraire avec le risque évident
de spoliation des créanciers nantis. Aucune base de référence objective ne
permet de fixer la quete-part.
272- De plus, à qui incomberait le soin de procéder à la ventilation du
prix? Sur le plan juridique, cette responsabilité incombe au juge commissaire.
Mais sa décision est en réalité inspirée par l'administrateur ou le débiteur qui
appréhendent
plus
nettement les
besoins
de
trésorerie de
l'entreprise.
Toutefois, la décision du juge COmmISSaIre reste soumise à un éventuel
recours devant le tribunal-?". On voit mal les juges se départir d'une position,
certes rigoureuse à l'égard des créanciers, néanmoins fidèle à la finalité de la
loi de 1985 toute entière orientée vers la sauvegarde de l'entreprise . On
mesure les inconvénients d'une telle ventiltion arbitraire. La quote-part, déjà
réduite en raison de la faible valeur des biens grevés devrait correspondre au
prix de cession des biens grevés, sans qu'une portion en soit distraite et
allouée au financement de l'entreprise: c'est la solution que paraît suggérer

167
l'article 102 du décret de 1985. Ce texte dispose en effet que « le prix de vente
ou la quote-part de ce prix d'un bien mentionné aux articles 34 et 78 de la loi
du 25 janvier 1985, est versé à la Caisse Des Dépôts et Consignations »,
273- Ainsi de deux chose l'une, ou bien le produit de la vente permet
de dégager un surplus apprès détermination de la quote-part dans les
conditions de l'artile 34 alinéa 1er et, dans ce cas, c'est cette quote-part qui est
gelée à la Caisse Des Dépôts et Consignations, ou bien le produit de la vente
est inférieur au montant des créances garanties et, dans cette hypothèse, la
totalité du prix de vente est versée à la Caisse des Dépôts. Elle représente
alors la quete-part affectée aux biens grevés pour l'exercice du droit de
préférence des créanciers nantis. Dans cette dernière hypothèse, la réalisation
des biens engagés est ordonnée dans l'intérêt exclusif des créanciers nantis,
afin d'éviter le dépérissement des biens ou que leur maintien dans l'entreprise
n'accroisse la charge du débiteur. Le caractère assez exceptionnel d'une telle
réalisation en période d'observation milite en faveur de cette solution.
274- Malgré son caractère largement inopérant, le critère posé par
l'article 34, alinéa 1er de la loi a le mérite d'exister. Il s'impose aux organes de
la procédure qui doivent, autant que faire se peut, préserver les droits des
créanciers nantis. En revanche, aucun critère identique à celui de l'article 34
n'a été prévu lorsque le bien grevé est compris dans le plan de cession de
l'entreprise ou dans une unité de production.
BI
L'affectation de la quote-part en cas de cession globale de
l'entreprise ou d'une unité de production
275- La loi du 25 janvier 1985 tend à privilégier la cession de tout ou
prtie de l'entreprise. Elle en a fait une solution autonome de la procédure de
redressement judiciaire.
Dans ces conditions, la cession porte sur un
«ensemble d'éléments d'exploitation qui forme une ou plusieurs branches
.1t>'J Cf. F. DERRIDA. P. GODE, J. P. SORTAIS, op. cit., 11" 383, note 154:2.

168
complètes et autonomes d'activitès-e?''. Dans la procédure de liquidation
judiciaire, la poursuite de l'exploitation ne se justifie pas nécessairement
puisqu'elle consacre en principe la cessation d'une activité et, de ce fait,
l'échec ou l'impossibilité du redressement de l'entreprise. Cependant, le
législateur n'écarte pas totalement la perpective d'une survie économique de
l'entreprisev '.
Il souhaite,
chaque fois
que cela est possible, éviter le
démantèlement d'ensembles productifs encore viables. L'article 155 de la loi
retient dans ce sens le vocable « d'unité de production, composée de tout ou
partie de l'actif mobilier ou immobilier-V>.
Or, les biens grevés figurent souvent parmi les éléments les plus
imporatnts de ces ensembles à céder. De telles cessions doivent offrir un
meilleur prix par rapport à une vente isolée. Ainsi dans ces deux cas de figure,
comme en période d'observation, le législateur prévoit la ventilation du prix
global entre les différents créanciers nantis, sans pour autant préciser les
critères d'évaluation de la quote-part affectée à chacun des biens nantis (1)
Mais l'évaluation de la quote-part a suscité davantage de difficultés à propos
des créanciers nantis dont la sûreté est transmise au cessionnaire de
l'entreprise en même temps que le bien cédé. 373 . Or, on s'est interrogé tant en
doctrine qu'en jurisprudence sur le point de savoir si cette mesure édictée par
l'article 93 alinéa 3 excluait de facto l'application des dispositions de l'alinéa
1cr du même article 93 de la loi. La controverse porte alors sur le sort des
échéances antérieures au transfert de propriété. Cette question épineuse
mérite une attention particulière (2).
1 0 La détermination générale de la quote-part affectée aux
créanciers nantis
276- Dans l'hypothèse d'une cession-redressement, l'article 93 de la loi
énonce
que
« lorsque
la
cession
porte
sur
des
biens
grevés(... ) d'un
J711 cf. Sur la notion de branche d'activité, Casso corn., 6 févr.
1990; Bull. civ. IV, n' 48; Bull. Joly. 1990,377, §1l9,
note DEROUIN ; B. SOINNE, obs. Rev. proc. coll. 1995-2, 156, n" 37 et les arrets cités.
171 Cf. GUYON, Droit des affaires, T.2 , Entreprise en difficulté - Redressement judiciaire - Faillite, op. cit., n" 1298.
.17" Cf. Sur la notion d'unité de production. Paris, 27 févr. 1990; RTD corn. 1990, p. 479, obs. HAEHL; Trib. corn.
Lyon, 29juil. 1986. D. 1987, sornrn., p. 93, obs. DERRiDA.
J'J Infra n'516 et S.

169
nantissement, une quote-part du prix est affectée par le tribunal à chacun de
ces biens pour la répartition du prix et l'exercice du droit de préférence-ê?".
Dans la cession-liquidation, l'article 155 alinéa 7 de la loi3 75 recueille une
disposition analogue. Or, aucun de ces deux textes n'indique les modalités
d'évaluation de la quete-part. Nous savons qu'aux termes de l'article 34,
alinéa
1er de la loi, la quote-part doit correspondre au montant des créances
garanties en période d'observation. L'énoncé de ce principe traduit, pour
l'essentiel, un vœu pieu. Il n'en établit pas moins un critère de référence
susceptible d'orienter les organes de
la procédure. Doit-on y voir une simple
omission du législateur? Le critère légal s'appliquerait mutatis mutandis aux
hypothèses prévues par les articles 93 et 155. Aucun argument sérieux ne
permet de conforter une telle analogie. Dans l'hypothèse de l'article 34, la
quote-part se rattache à la créance garantie, alors qu'elle est affectée aux
biens grevés en cas de cession globale de l'entreprise ou d'une unité de
production.
277 - Du reste, l'article 34 VIse la réalisation d'un bien ut singuli. .En
revanche, la cession organisée par les articles 93 et 155 de la loi s'inscrit dans
la perspective d'une survie économique de certaines branches d'activité de
l'entreprise. Dans cette optique, l'institution de la quote-part apparaît comme
une technique de ventilation du prix de cession-?". Le tribunal en matière de
cession de
l'entreprise et le juge commissaire, dans le cadre d'une cession
d'unité de production, ne peuvent que se référer à la valeur vénale des biens
grevés
pour évaluer la quote-part qui leur est affectée-?".
En outre, le
montant des créances garanties peut largement excéder la valeur vénale des
biens grevés. La prise en compte de celle-ci comme critère de détermination de
la quote-part n'empêche pas un éventuel décalage entre cette dernière et le
17 4
.
Cf. L. gab. 4 aout 1986, Art. 61, al.3-5e.
J7S La vente d'unites de production composées de tout ou partie de l'actif mobilier ou immobilier a également été
prévue par le législateur gabonais. L'article 78 de la loi de 1986 renvoie à cet effet
l'article 61 al. 3 pour l'exercice du
à
droit de préférence des créanciers nantis sur une quete-part affectée à chacun des biens grevés.
J7(, cf. F. MACORIG-VENIER, Thése, op. cit., n" 211 à 213.
377 Dans le cadre d'un plan de cession, le tribunal dispose c1'un large pouvoir d'appréciation en matière de fixation de
la quete-part. Cf. VERSAILLES, 13" ch. 25 nov. 1993, RJDA 1994, n" 337; Rev, proc. coll. 1995-2, p.178, n° 52, obs.
SOINNE. Cet arrêt précise que: "l'article L. 93 ne déterminant pas les critères sur lesquels doit se fonder le tribunal
qui ordonné la cession de biens grevés d'un privilège spécial, d'un nantissement ou d'une hypothèse pour aITecter une
quete-part du prix à chacun de ces biens, un tribunal a valablement pu répartir le prix de cession des immeubles
hypothéqués en tenant compte de la valeur de ces immeubles. fixée à dire d'expert et non de la ventilation proposée
par les reprerieurs " : Cela est également valable pour les biens grevés de nantissement..

170
montant des créances granties. Ce nsque existe bien avec la généralisation
dans la pratique des plans de cession à vil prix décriés à juste titre par la
doctrine. Or, le plan de cession règle le sort des créanciers de façon définitive.
Ces derniers ne peuvent pas former appel du jugement arrêtant le plan de
cession et qui méconnaîtrait leurs intérêts378 . Ce jugement emporte en outre,
purge des inscriptions après paiement complet du prix379 , même si les
cranciers ne sont que partiellement désintéressés. Pourtant, l'article 85 de la
loi énonce à propos des plans de cession
que le tribunal retient l'offre qui
permet dans les meilleures conditions d'assurer le plus durablement l'emploi
attaché à l'ensemble cédé et le paiement des créanciers.
A cet égard, le législateur s'est efforcé en 1994 de moraliser les plans
de cession afin d'éviter les reprises spoliations et autres abus constatés dans
la pratique desdits plans. Aussi un meilleur contrôle des offres a t-il été
organisé. Les innovations introduites par la loi de 1994 devraient inciter les
tribunaux à adopter des plans sérieux comportnt un traitement significatif du
passif privilegié-w. Toutefois, établir un corollaire entre le prix de vente et
l'ampleur du passif enlèverait beaucoup de son utilité à la cession globale de
l'entreprise
en
décourageant
d'éventuels
acquéreurs.
Au
demeurant,
la
technique de la quote-part en réduisant nécessairement. La valeur des biens
nantis, accroît inévitablement la proportion
des dividendes à distribuer aux
créanciers chirographaires au nom d'une plus juste répartition des sacrifices
imposés par la défaillance du débiteur.
278- Dans le cadre d'une cession d'unité de production, les créanciers
nantis peuvent espérer un meilleur traitement. La vente d'un ensemble
économique
devrait
en
principe
dégager
un
prix
suffisant
pour
les
désintéresser. Dans cette hypothèse, le juge commissaire, depuis la réforme
de 199438 1, recueille l'offre qui lui paraît la plus sérieuse. D'ailleurs, la cession
envisagée par l'article 155 n'emporterait pas purge des sûretés grevant le
378 Il semble cependant que la voie de la tierce opposition rèformation leur soit ouverte spécialement en cas d'absence
d'aJfectation de la quete-part dans le jugement arrétant le plan de cession, en application de l'article 175 nouveau de
la loi. cr. En ce sens. B. SOINNE, obs. Rev. proc. coll. 1995-2, p. 179, il' 53 .
.17'1 Infra n041 1 et s.
380 Cr. sur l'ensemble des innovations de la loi de 1994 à propos des plans de cession, Y. CHAPUT, op. cit. Spéc. n°
42; C. SAINT ALATY-HOUIN, La réforme des plans de redre ssernent., P. A. 14 sept. 1994, n° l Iû, p. 107, spéc. n° 6 à
12.

171
fonds de commerce comme en matière de plan de cession globale382 de
l'entreprise. Dès lors, le créancier nanti pourrait faire valoir ses droits contre
le cessionnaire du bien grevé. L'acquéreur soucieux d'éviter toute procédure
de purge aurait tendance à majorer la quete-part du prix, représentative des
biens grevés de sûretés. Cependant, le juge commissaire devrait veiller au
respect des droits des créanciers chirographaires. Ces derniers peuvent du
reste, exercer un recours contre la décision du juge commissaire devant le
tribunal.
279- En toute hypothèse, l'institution de la quote-part induit un effet
réducteur. Les créanciers nantis ne doivent pas s'attendre à recevoir un
paiement complet. La quote-part ne correspondra qu'assez rarement à la
valeur réelle des biens grevés qui peut, au demeurant, être très inférieure au
montant de la créance garantie. En revanche, les créanciers nantis dont la
sûreté est transmise au cessionnaire de l'entreprise en application de l'article
93, alinéa 3 de la loi bénéficient d'un traitement plus enviable. Ils sont en
principe soumis aux dispositions de l'article 93 alinéa 1er pour le règlement
des échéances antérieures à la cession. Mais comment dans ces conditions
s'éffecturera la détermination de la quote-part, compte tenu de l'avantage
constitué par le mécanisme du transfert des sûretés?
2 0 L'évaluation de la quete-part en cas de transmission de
la charge du nantissement au cessionnaire
280- L'aricle 93, alinéa 3 de la loi de 1985 oblige le cessionnaire à régler
les échéances de la créance postérieures au transfert de propriétéêêê. Or, que
décider à propos des échéances antérieures? Doit-on considérer que le
mécanisme de la transmission de la charge du nantissement épuise les droits
des crénciers nantis sur le prix de cession? Cette question soulève deux séries
de difficultés qu'il convient d'aborder successivement. La première pose le
problème de l'application cumulative ou alternative des alinéas 1er et 3 ème de
l'article 93 de la loi. De sa résolution dépend l'affection ou non d'une quote-
'" cf. L. 1985, An. 155, alinéa 5 nouveau.
""2 Infra n '429 et s.

172
part du prix de cession aux biens grevés s'agissant des échéances antérieures
à
l'arrêté du
plan.
L'application alternative
des textes
susvisés repose
essentiellement sur la nécessité de préserver les droits des autres créanciers
exclus du bénéfice du transfert des sûretés au cessionnaire de
l'entreprise.
Dans cette logique, les créanciers nantis concernés par la mesure de l'article
93, alinéa 3 de la loi ne participeraient pas à la ventilation du prix de cession
organisée par l'article 93 alinéa 1er. Les deux dispositions sont exclusives l'une
de l'autre-v". Cette conception rigoureuse est fondée sur une certaine idée
d'équité. Mais elle aboutit à priver le créancier nanti, concerné par la règle du
transfert des sûretés, d'une bonne partie de sa créance.
Ce
dernier
ne
se
satisfait
pleinement des
sommes
directement
supportées par le repreneur que si elles excèdent notablement la valeur des
biens grevés. En revanche, il risque « d'être purement et simplement spolié si
l'on raisonne sur un prêt qui au jour de l'arrêté du plan de cesion est presque
arrivé à son terme final, alors que par l'effet d'une période d'observation
relativement longue, le créancier prêteur n'aura rien touché du fait de l'arrêt
des poursuites individuelles ... »385. Cela ôterait beaucoup de son intérêt au
transfert de la charge du nantissement au cessionnaire de l'entreprise.
281- De plus, cette interprétation ignore totalement la volonté exprimée par
le législateur lors des travaux préparatoiresêw. L'article
93 alinéa 2, devenu
alinéa 3 à la faveur de la réforme de 1994, avait été conçu pour encourager le
financement des acquitions de matériels. On comprend pourquoi son domaine
a été étendu aux autres titulaires de sûretés réelles spéciales dans les
conditions qui
seront exposées ultérieurernentêê".
Dès lors, la règle du
transfert des sûretés au cessionnaire de l'entreprise ne s'oppose pas au Jeu
de l'article 93 alinéa i«, s'agissant des échéances antérieures à l'arrêté du
plan. Les créanciers nantis concernés exerceront leur droit de préférence sur
.18.1 Infra n 0516 et s.
,"" Cf. CAEN, l: ocr. 1987; Rcv, proc. coll. 1988. p.32Ü, na 15, ob. Sü!NNE.
."" Cf. M. LI::CORRE, Les créances gagistes [ace au redressement judiciaire et à la règle du concours, Rev. proc. coll.
1990, p.21, spéc., na 8 .
.18', Cf. J.O. dcb. Ass. Nat., 10 avr, 1984, p.
1331.
.187 Infra n"516 ft s

173
la quote-part qui sera affectée aux biens nantis388 .- Or, l'importance de
la
charge supportée par le cessionnaire de l'entreprise ne va-t-elle pas entraîner
une réduction corrélative du prix global de cession? La Cour de cassation38 9 a
balayé cette objection. Elle considère, en effet, que la charge des sûretés
transmise au repreneur ne constitue pas une partie du prix de cession, mais
s'y rajoute au contraire. En outre, pour surmonter cet inconvénient, il suffit
d'amputer la quote-part affectée au bien grevé pour tenir compte du jeu du
transfert de la sûreté, Comment devrait alors s'opérer cette réduction?
282- La seconde difficulté annoncée ci-dessus porte sur la fixation de
la quote-part, dès lors que son principe est admis, Techniquement, le montant
de la
quote-part affectée aux biens nantis dépend toujours de la valeur
proportionnelle desdits biens dans le patrimoine du débiteur. Dans la mesure
où l'on admet l'application cumulative des alinéas 1er et 3 èm e de l'article 93, le
droit de préférence ne portera que sur la valeur globale de la chose gagée en
vertu du principe de l'indivisibilité des sûretés réelles. Mais nous avons
observé que la
quote-part ne coincidérait pratiquement jamais avec le
montant des sommes dues aux créanciers nantis. Elle se rattache à la valeur
des biens nécessairement amputée et non au volume des créances. Or,
calculer le montant de la quote-part par référence à la valeur réelle du bien
comporte un risque évident de déséquilibre au détriment des créanciers
titulaires de sûretés réelles spéciales.
283- Au demeurant, des solutions ont été proposées en doctrine-w afin
de favoriser l'articulation entre les alinéas 1el' et 3 èm e de l'article 93 de la loi.
Ainsi, Monsieur LECORRE préonise de fixer la quote-part en distinguant
nettement les échéances antérieures à la cession de celles qui lui sont
postérieures et mises à la chage du cesionnaire. Il propose alors de réduire le
montant de la quote-part affectée au matériel ou à l'outillage en fonction de
l'importance des échéances directement supportés par le cessionnaire. Ainsi,
si le cessionnaire prend en charge 30% des échéances totales, 70 % étant
J"" Cf. T.G.L, BETHUME, 27 nov.
1987, Rev. pme. coll. 1988-1, p.7ü, n' 6, obs. SOINNE; J. DEVEZE, op. cù., p.
42.
J8q Casso cam. 23 nov.
1993, opcit.
J')()
Cf. M. CABRILLAC et Ph. PETEL. juin 1994, If' printemps des sùrerès. op. cit., spéc. p. 249, n° 40 et 41.

174
antérieures à la cession, le montant de la quete-part devrait normalement
correspondre à 70 % de la valeur estimée du matériel nanti. Or, Monsieur
LECORRE391 suggère de réduire celle- ci de 30%, soit 40 % seulement de la
valeur vénale du matériel.
Cette interprétation est séduisante. Toutefois, elle
semble aller au-delà des termes de la loi. La détermination de la quote-part ne
dépend que de la valeur des biens grevés. Celle-ci ne peut être scindée en
deux et correspondre distributivement aux échéances du prêt considérées
selon le tableau d'amortissement.
284- Du reste, le cessionnaire ne supporte pas le prix représentant la
valeur vénale du matériel cédé, mais uniquement le montant des échéances
non échues après le jugement arrêtant le plan de cession392. Par ailleurs, la loi
prévoit
elle-même un correctif à l'application cumulative des alinéas 1er et
3em e de l'article 93. Le tribunal peut accorder des délais de paiement au
cessionnaire
pour éviter que le
poids de l'obligation supportée
par le
cessionnaire
ne
compromette
la
réalisation
effectivce
de
la
cession
de
l'entreprise soumise à la règle de la quote-part. Dans cette hypothése, les
droits des autres créanciers privilègiés seraient préservés et une somme
suffisante pourra être affectée aux créanciers chirographaires-v". La fixation
de la quote-part ne peut ici s'opérer sans considérer l'importance des sommes
mises à la charge du cessionnaire. Monsieur SENECHAL394 envisage même
d'affecter au matériel nanti une quote-part correspondant au minimum au
montant des échéances transférées au cessionnaire. Ce montant constituerait
un plancher d'évaluation de la quote-part.
Cette solution favorable
au
créancier nanti paraît trop idéaliste voire irréaliste. Tout devrait dépendre de
la valeur des biens gagés et du montant des échéances respectives.
285- L'application cumulative des alinéas 1er et 3 ème de l'article 93 ne
signifie pas que le créancier nanti bénéficie d'un traitement particulier en ce
qui concerne les échéances antérieures à la cession. Il n'échappe nullement
1'"
Cf. Les creanciers gagistes face au redressement, op. cil., n" 7 et 8 .
.1'Jj Cf. J. P. SENECHAL, L'inclusion d'un matériel nanti dans un plan de cession de la loi du 25 janvier 1985,
Mélanges DERRUPPE, L1TEC 1991, pp.365 et s., spéc., p.370 .
.1'J.1 Cf. SOINNE, Le financement du matériel d'équipement et la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la
liquidation judiciaire s, op. cit., p. 44-45.
1"< Cf. JP. SENECHAL, op. cil., p. 375.

175
aux inconvénients de l'institution de la quote-part pour cette fraction de sa
créance. On ne saurait exclure l'hypothèse où le montant de la quote-part est
inférieur aux sommes correspondant aux échéances antérieures. Elle résulte
de la nécessité d'assurer une meilleure ventilation du prix de cession entre
tous les créanciers. Elle se vérifiera en outre, losque la valeur vénale résiduelle
du bien gagé se révèle très en deça du montant des échéances antérieures au
moment de la cession.
En définitive, l'alinéa 3 ne déroge que partiellement à
l'alinéa 1er de l'article 93 de la loi de 1985. Il opère seulement une répartition
en tre les échéances antérieures soumises à la règle de la quote-part. Les
échéances postérieures à la cession sont supportées par le repreneur de
l'entreprise. les créanciers nantis bénéficiant de la mesure du transfert des
sûretés,
jouissent en conséquence d'un traitement préférentiel, car un tel
fractionnement n'existe pas pour les autres créanciers nantis. Ces derniers
épuisent leurs droits sur la quote-part affectée à l'assiette des sûretés. Ils
subiront dès lors l'effet réducteur de l'institution de la quete-part.
Or, ils devront encore concounr avec les créanciers privilégiés et
prioritaires sur le montant de la quote-part qui leur est pourtant réservé. Ainsi
apparaît l'un des aspects du caractère théorique, fictif de cette quote-part.
§2. Le caractère fictif de la quete-part affectée aux créanciers
nantis
286- L'institution de la quote-part renferme déjà en elle-même l'idée
sous-jacente d'une amputation de l'assiette des sûretés réelles spéciales. Or,
celle-ci apparaît, à bien des égards, comme une peau de chagrin. Elle ne
représente qu'un support fictif du droit de préférence dans la mesure où les
créanciers nantis ne peuvent pas en profiter effectivement. Ainsi, en période
d'observation, quelque soit le critère d'évaluation de la quete-part, l'article 34,
alinéa i« de la loi impose le gel de celle-ci à la Caisse Des Dépôts et
Consignations. Elle est, de ce fait, indisponible pour un temps qui peut être
relativement
long
(A).
Cette
simple
indisponibilité
temporaire
peut
se
transformer en une véritable expropriation si la quote-part est par suite

176
totalement absorbée par les privilèges généraux et les créances garanties par
l'article 40 de la loi (B).
AI
L'indisponibilité de la quote-part en période d'observation
287 -
La
réalisation
des
biens
grevés
n'emporte
pas
affectation
automatique de la quote-part du prix de cession aux créanciers nantis. Celle-
ci est bloquée à la Caisse Des Dépôts et Consignations dans l'attente d'une
décision du tribunal portant sur l'issue de la procédure. Aucune distribution
ne saurait s'opérer avant cette date. Seule la quote-part-?", c'est-à-dire la
proportion du prix de cession couvrant les créances garanties, sera consignée,
le « solde» devrait en principe alimenter immédiatement la trésorerie de
l'entreprise en redressementê?>.
La consigntion ordonnée par l'article 34,
alinéa 1er de la loi se distingue de celle prévue par l'article 2075-1 du code
civil. Cette dernière opère affectation spéciale et prioritaire au profit des
créanciers bénéficiaires des sommes ou des valeurs consignées, à titre de
garantie ou à titre conservatoire. D'un côté, le dépôt tire son origine d'une
disposition légale et ne paraît pas ordonner à titre de garantie ou à titre
onservatoire, de l'autre la consignation émane d'une décision judiciaire-?".
288- Mais l'origine de ces deux mecamsmes ne justifie pas qu'ils
obéissent à un régime juridique différent. Dans les deux cas, il s'agit de
réserver les droits des créanciers. En se substituant aux biens nantis, la
quete-part représente désormais l'assiette de la sûreté des créanciers nantis
sur laquelle ils espéraient exercer leur droit de préférence. La sûreté porte
automatiquement, dès la disparition des biens grevés, sur la quote-part qui
leur est substituée. Celle-ci est, en principe, consignée à concurrence des
créances garanties. Cela semble bien réaliser un cloisonnement de la quote-
part dans le patrimoine du débiteur. Elle devrait donc profiter exclusivement
aux créanciers nantis398 .
.1% Ou la totalité du produit de la vente lorsque le pnx dt' cession est inférieur au montant de la créance .
.1% cf. P. TILLY, Thèse op. ci1., n° 269, note 581.
.107 Cf.F. DERRIDA, P. GODE, J.P. SORTAIS, op. ci!., n" 383, note 15"'2; P. TILLY, Thèse op. czt., p.245,
n° 269.
.N" Cf. C. MOULY, op. cit. , p. 143, n° 17.

177
Le principe même de la consignation de la quote-part correspondant
au montant des créances garanties ne répond qu'à un intérêt procédural:
bloquer les fonds en attendant la décision du tribunal sur l'issue de la
procédure. Ce blocage risque à terme de préjudicier aux droits des créanciers
nan tis que l'on croyait pourtant protégés par l'article 34 alinéa 1er. Les
créanciers de l'article 40 et les créanciers antérieurs munis d'un privilège
général vont souvent se partager la quasi-totalité, voire même l'intégralité de
la quote-part. Pourtant celle-ci paraissait initialement attribuée aux créanciers
nantis. Elle est, en principe, évaluée à
hauteur des créances garanties. A
l'indisponibilité de la quote-part s'ajoute donc une certaine précarité révélant
son caractère éminemment théorique.
BI L'ampleur des droits concurrents s'exerçant sur la quote-part
289- Dans la mesure où le versement du montant de la quote-part à la
Caisse Des Dépôts et Consignations n'emporte pas affectation spéciale et
exclusive au profit des créanciers nantis, les privilèges généraux et autres
droits de priorité peuvent logiquement s'exercer sur cette quete-part. Il est à
redouter que ces créanciers s'accaparent, en fait,
de la totalité de la quote-
part au grand dam des créaniers nantis qui
paraissait bénéficier d'un droit
spécifique sur les biens vendus.
Or, seules les créances garanties par les
sûretés spéciales et grevant les biens cédés servent à l'évaluation de la quete-
part. Le montant de celle-ci ne correspond pas au montant de la somme que
recevra effectivement le créancier nanti. Une telle distorsion paraît choquante.
La protection qu'était censée procurer le critère légal aux créanciers nantis se
révèle bien illusoire. Pourtant, tout aurait été simple si l'évaluation de la
quete-part intégrait les sommes dues aux créanciers privilégiés généraux et à
ceux de l'article 40 éventuellement.
290- Toutefois, deux arguments décisifs paraissent justifier l'absence
de prise en compte desdites sommes dans la détermination de la quote-part.
D'abord un argument d'opportunité. Le nombre souvent élevé des créances
garanties par ces privilèges généraux et autres droits de priorité ne semble pas
compatible avec la notion de quete-part. L'importance de ces créances ne

178
permettrait presque jamais de dégager un « solde Il destiné au financement
del'entreprise-?". Cela ruinerait sans aucun doute tout l'édifice aménagé par
l'article 34, alinéa 1er de la loi. Il est en outre, difficile de déterminer à l'avance
et, de façon précise, l'ensemble des créances bénéficiant de l'article 40. Elles
resteront incertaines et approximatives jusqu'au moment de la répartition
effective du produit de la vente à l'issue de la procédure. Ensuite, un
argument juridique milite en faveur de l'exclusion des sommes garanties par
les privilèges généraux de l'évaluation de la quote-part. L'assiette des sûretés
réelles
spéciales
constitue
aussi
l'assiette
des
privilèges
généraux
en
application notamment du principe de subsrdiarité't?". Aussi, la quote-part
entre t-elle également dans l'assiette des privilèges généraux. En définitive, le
montant des créances garanties auquel se réfère l'article 34, alinéa 1er de la loi
pour l'évaluation de la quote-part, ne constitue qu'un critère indicatif.
291- En revanche, le législateur fait preuve d'une étonnante discrétion
sur l'ampleur des droits s'exerçant sur la quote-part dans les hypothèses de
cession envisagées par les articles 93, alinéa 1er et 155, alinéa 7 de la loi. Les
deux textes ignorent totalement les privilèges généraux et autres droits de
priorité, alors que l'article 34 de la loi énonce expressément qu'ils s'exercent
sur la quete-part en période d'observation. Le professeur DAGOT401 a souligné
le caractère dérogatoire de l'article 93 par rapport à l'article 40 de la loi. Dès
lors, dans cette hypothèse, les créanciers venant en rang utile ne seraient
désintéressés que
sur le reliquat du prix de cession. La solution contraire
enlèverait tout intérêt à la ventilation du prix de cession opérée par l'article
93. Le mutisme du législateur paraît suggérer une conclusion analogue dans
le cadre de la cession d'unités de production de l'article 155 de la loi.
292 Cependant, la doctrine majoritairew- récuse cette interprétation
favorable aux créanciers nantis. Elle fait remarquer que le législateur n'a pas
expressément consacré le caractère dérogatoire des articles 93 et 155 aux
- - - - - - - - - - - - -
J"" Cf F. MACORlC-\\IENIER, Thèse, op.cit., n" 2Ub; p. 176. P. TIL~.Y, Thèse op. cir., p. 245.
n° 270.
40U Cf. G. MARTY,
j'h. JESTAZ, P. RAYNAUD, op. cit.,;1' 130 et s.
40\\ Cire par A.COURET, La cession de l'entreprise dans le cadre c! 'une procedure collective, Bull. Joly 1986, pp. 289 et
s.. spéc., p. 308, n' 130.
M
Cf. P. TILLY, Thèse, op. cil. , p.247, n" 273. ; F. :V1ACOmG-VE:'JIER Thèse, op. cit.., p.217, n' 915; A. COURET, op.
et lac. cil.

179
règles
de droit civil
sur le
rang des
créanciers
privilégiés ou « super
prioritaires », Au demeurant, le garde des sceaux s'était même opposé à un
amendement visant une
meilleure
garantie des
intérêts
des créanciers
hypothécairesw". Les privilèges généraux, en raison de leur origine légale,
auraient naturellement vocation à s'exercer sur la quote-part affectée aux
biens grevés de nantissement. En oure, les créanciers nantis subiront le
concours des créanciers postérieurs et des salariés super-privilégiésv>. On
peut redouter qu'une telle solution, si elle venait à prospérer en droit positif,
aboutisse dans la pratique à une parfaite négation des sûretés réelles
spéciales.
293-
La
fixation
de
la quote-part
ne
constituerait plus
qu'une
technique en trompe l'œil, destinée à réduire l'assiette de ces sûretés au cas
de cession d'entreprise ou d'unités de production.
Le droit de préférence,
dépourvu d'un véritable support, ne serait plus qu'un simple appendice
juridique, pnve d'effectivié. Les créanciers nantis sont alors menacés sinon
d'expropriation
pure
et
simple
du
moins,
de
l'amputation
d'une
part
significative du montant de leur créance-v". Les créanciers nantis ne pourront
y
échapper qu'exceptionnellement.
Dans
tous les cas,
seuls le
gagiste
rétenteur paraît en mesure d'éluder l'effet réducteur de la quote-part en tout
état de cause.
§ 2.
Exceptions à la règle de l'affectation d'une quote-part du prix
de cession aux créanciers nantis
294- L'ampleur des droits concurrents s'exerçant sur la quote-part
suffit largement à priver le gagiste de la possibilité de mettre en œuvre son
droit de préférence. L'effet réducteur de la quote-part aboutit dans tous les cas
à l'expropriation plus ou moins accusée de sa créance garantie. Mais, dans
cette hypothèse, même inapplicable de facto, le principe de l'affectation de la
quete-part aux créanciers nantis subsiste sur le plan juridique. Or, cette règle
.\\1" Cf. J.O. 9avr. 1984,p. 1328.
'lI' Infra n0316 et s.
'IIS
Il convient cependant de réserver le cas du créancier nanti sur matèru-I et outillage qui prime désormais les
créanciers de j'article 40 au stade de la liquidation judiciaire.

180
devient inopérante en période d'observation, lorsque le juge commissaire
ordonne le paiement provisionnel des créanciers nantis. En cas d'aliénation
du bien grevé en application de l'article 34, alinéa 2 nouveau de la loi. Cette
mesure constitue l'une des innovations de la loi du 10 juin 1994. Son but
évident est d'accélérer le paiement des créanciers titulaires de sûretés grevant
le bien cédé. A cet égard, elle déroge à la règle instituée par l'article 34, alinéa
1er de la loi. La suppression de cette dernière disposition figurait pourtant
dans le projet initial des promoteurs de la réforme de 1994. Ces derniers
avaient envisagé le paiement immédiat des créanciers nantis par priorité à
tous les autres, à la notable exception des créanciers super privilégiéswë.
295- La règle du paiement provisionnel est le résultat d'un compromis
élaboré par la commission mixte paritaire du parlernentsv". Il s'agissait, dans
tous les cas, d'éviter le gel inutile du produit de la vente à la Caisse Des
Dépôts et Consignations. Sur ce plan, la mesure édictée par l'article 34 alinéa
2 marque un progrès par rapport au système antérieur. Mais, elle demeure
facultative et soumise à diverses conditions qui en atténuent la portée ( A).
296- L'institution du paiement provisionnel des créanciers garantis par
une
sûreté
réelle
a
été
également
prévue
en
période
de
liquidation
judiciaires?". Cependant, elle ne constitue pas dans ce cas une exception à la
règle de l'affectation d'une quete-part aux biens grevés puisqu'elle ne concerne
pas
l'hypothèse
des
cessions d'unités
de
production.
En
revanche,
la
dérogation la plus éclatante au mécanisme de la quote-part réside dans
l'aménagement d'un régime de faveur au profit du gagiste rétenteur. Or,
aucune disposition de la loi de 1985 relative au plan de cession de l'entreprise
ne règle le sort du gagiste réten teur lorsque le bien retenu est inclus dans le
plan. Dans ces conditions, le droit de rétention du gagiste doit-il survivre ou
au contraire céder devant les nécessités du redressement judiciaire? La
réponse à cette question commande la soumission ou l'exclusion du gage de
droit commun du champ d'application de l'article 93 de la loi. Cette question
.11(, cf. J.O .. Débats Sénat, séance du 7 an. 199';', vendredi 8 aVL1994, n' 16, p.898 et s. ; M. CABRILLAC et Ph.
PETEL, Le printemps ... , op. CIL, p.170, nO]9 et note n'13.
4<17 Cf. Commission mixte paritaire: Rapport HOUILLON et DAILLY, Il' 1219 ( Assemblée Nationale)
et 413 (Sénat),
p.8 .
•,," Cf. L. 1985, Art. 161·] nouveau.

181
demeure controversée. Cependant, la doctrine dominante-v? paraît militer en
faveur de la survie du droit de rétention après l'adoption d'un plan de cesion
globale de l'entreprise ( B).
AI Le paiement provisionnel des créanciers nantis en période
d'observation
297 - Pendant la période d'observation, les créanciers nantis sont
privés de l'exercice de leurs prérogatives.
Us ne peuvent poursuivre la
réalisation du bien grevé en application de l'article 47 de la loi4 10 . Du reste,
lorsque le bien nanti est aliéné sur l'initiative des organes de la procédure, la
quote-part qui leur est affectée est consignée à la Caisse Des Dépôts et
Consignations
et
ne
sera
répartie
qu'après
l'adoption
d'un
plan
de
redressement ou le prononcé d'une liquidation judiciaire. Nous avons vu que
les créanciers nantis ne retiraient aucun profit d'un tel système. D'une pan,
ils subissent un retard de paiement; d'autre part, ils ne jouissent pas d'une
attribution exclusive des sommes consignées. Pour remédier à cette situation,
la loi du 10 juin 1994 a inséré un nouvel alinéa 2 à l'article 34 de la loi de
1985. Ce texte confère au juge commissaire la possibilité d'ordonner « le
paiement provisionnel de tout ou partie de leur créance aux créanciers
titulaires de sûretés sur le bien» en cas d'aliénation dudit bien.
Cette mesure novatrice déroge à la règle de l'interdiction des paiements
édictée par l'article 33 de la loi de 1985 (1). De plus, comme tout paiement par
provision, elle est sujette à restitution. Son effectivité dépendra dès lors, de
l'importance du passif privilégié et du volume des créances bénéficiant d'une
priorité de paiement. U paraît donc utile d'indiquer qu'elle est l'exacte portée
de ce paiement provisionnel des créanciers nantis (2).
400
cf. D. MARTIN, De la survie du gage à la cession de l'entreprise, Rev.jurisp. corn. 1987, p.81 ; F. DERRIDA, P.
GODE, J.P. SORTAIS, op. cit., n0559; G. RI PERT et R. ROBLOT, op. cit., n03203.
4111Supra n0176et s.

182
la Les conditions de mise en œuvre du paiement provisionnel
des créanciers nantis
298-
le paiement provisionnel institué par l'article 34, alinéa 2
nouveau de la loi profite exclusivement aux créanciers titulaires d'une sûreté
réelle. Il ne peut être sollicité par le créancier nanti qu'à l'occasion de la
cession du bien sur lequel porte sa sùreté-!-. Cela exclut toute demande
émanant du débiteur ou de l'administrateur 12. Ensuite, l'article 34 alinéa 2
prescrit clairement que « le juge commissaire peut ordonner le paiement
provisionnel. .. » et nullement «
ordonne». Il sagit en conséquence d'une
simple faculté. Il appartiendra à ce magistrat d'apprécier l'opportunté d'une
telle mesure. Mais sur quel critère repose cette liberté d'appréciation? Aucune
indication n'émerge du texte. Le juge commissaire se réfèrera certainement au
volume
des
créances
prioritaires
et
privilégiées.
Il
évaluera
en
outre,
l'incidence d'un tel paiement sur la trésorerie de l'entreprise'tt>, Sa décision
sera également motivée par l'absence de contestation éventuelle de la créance
garantie.
299- Le paiement provisionnel ne peut intervenir avant la déclaration
de la créance. Toutefois, le juge commissaire n'est pas obligé d'attendre la
décision d'admission, encore moins la vérification de la créance opérée par le
représentant des créanciers. Le paiement provisionnel porte sur tout ou partie
de la créance garantie. Il ne s'agira pas forcément d'un simple acompte. Il tend
essentiellement à réduire le délai d'attente des créanciers nantis. Il est dans
son essence même susceptible de donner lieu à restitution au profit des
créanciers de rang préférable à l'issue de la procédure. Dès lors, l'article 34,
alinéa 2 de la loi subordonne le paiement provisionnel des créanciers titulaires
de sûretés à la fourniture d'une garantie émanant d'un établissement de
crédit. Cette précaution vise à
assurer le remboursement de l'éventuel trop
perçu qui se révélerait au moment des comptes finaux.
411 cf. Den. 1985, Art. 55- nouveau.
412
Cf. J. M. CALENDIN1, La situation des creanciers titulaires de sùreré s réelles spéciales après la loi du la juin
1994, Rev. proc, coll. 1994-4, pp.497 et s., spéc., p.500.
41,)
Cf. M. CABI~ILLAC et Ph. PETE L, op. cit., n'18-19.

183
Le Garde des Sceaux avait justement objecté lors des débats au Sénat
que « les créances de la période d'observation sont par nature évolutives et il
serait extrêmement ardu d'arrêter au moment de la vente du bien les droits
exacts de chaque créancier privilégié ))414. Or, l'article 34, alinéa 2 de la loi ne
précise pas la nature de la garantie sollicitée du créancier. Le texte évoque
certainement un cautionnement bancaire. Le juge commissaire peut passer
outre cette condition, mais par une décision spécialement motivée. Il est à
parier qu'il s'abstiendra souvent d'exiger une garantie à un établissement de
crédit, créancier nanti. Ces derniers sont en effet, en mesure de rembourser le
surplus de fonds recouvrés, surtout s'ils ont été provisionnés.
300- En toute hypothèse, l'éventuelle restitution des sommes perçues
au cours de la période d'observation laisse planer de nombreuses incertitudes
sur le sort ultérieur des créanciers pré-désintéressés. L'avantage lié au
caractère immédiat du paiement risque d'être annihilé au moment de la
répartition définitive des dividendes. Le paiement provisionnel aura au moins
permis d'arrêter le cours des intérêts postérieurs au jugement d'ouverture"!".
Mais sa portée sera alors fort réduite à l'égard des créanciers bénéficiaires.
La portée du paiement provisionnel
301- L'éventualité d'une restitution des sommes perçues évoquée ci-
dessus
tempère
les
espoirs
suscités
par
le
mécanisme
du
paiement
provisionnel auprès des créanciers nantis. Aussi risque t-il de produire des
résultats analogues à l'institution de la quete-part, excepté l'anticipation du
paiement; ce qui est une mince consolation. D'abord, les créanciers nantis ne
percevront aucun paiement préférentiel. Ils subiront toujours le concours des
créanciers mieux classés. Pourtant, le texte initial de l'article
15 de la
proposition de loi devenue par la suite l'article 25 édictait un paiement
immédiat des créanciers nantis après la vente des biens grevés, sous réserve
du paiement préalable des créanciers super-privilégiés-tv. Cette formulation
414
cf. J. o., Débats Senat, Vendredi 8 avr. ]994, n'16. p.829
410 Cf. Supra, n"2]6 et s.
4](, Cf. Rapport commission paritaire Assemblée Nationale et Sénat, op. el
!OC. cïr.

184
admettait une priorité de paiement des créanciers nantis sur les autres
créanciers à la notable exception des créanciers de salaires super-privilégiés.
302- Or, le texte initial modifiait l'article 34, alinéa 1er de loi de 1985.
Le paiement
immédiat avait un
caractère définitif.
Les
auteurs de
la
proposition de loi défendaient l'idée qu'il fallait restaurer l'efficacité des
sûretés réelles spéciales, notamment lorsque cette restauration n'obére pas les
perpectives de redressement de l'entreprise"!". Il en est singulièrement ainsi
dans l'hypothèse d'une cession de biens grevés non indispensables à la
poursuite de l'exploitation, au cours de la période d'observation. Mais le texte
définitif de l'article 25 de la loi du 10 juin 1994, en maintenant le premier
alinéa
de l'article 34 de la loi de 1985, a fait du paiement provisionnel une
exception enfermée dans des limites étroitement définies. Ainsi, l'éventuelle
restitution des fonds perçus tend à préserver les droits des créanciers venant
en rang utile à l'issue de la procédures!",
Lorsque celle-ci conduit à l'adoption d'un plan de redressement, les
créanciers nantis devront rapporter tout ou partie des sommes perçues, afin
d'assurer l'exercice du droit de priorité des créanciers super-privilégiés et des
créanciers de l'article 40. L'ampleur des sommes garanties par ces deux
« super-priorités»
va totalement annihiler le paiement provisionnel. Cette
mesure apparaîtra très vite comme un nouvel leurre proposé aux créanciers
nantis.
Certes, elle
évitera «
que dorment,
sans aucun profit pour les
créanciers, les somme provenant de la réalisation de certains biens, pendant
la période d'observation ». Mais il n'est pas sûr que la distribution des sommes
recouvrées permette de dégager un solde susceptible de servir au financement
de la continuation de l'exploitation.
303- En définitive, l'institution du paiement provisionnel ne constitue
qu'une fausse protection pour les créanciers gagistes. Au demeurant, elle
n'intéresse pas le gagiste rétenteur. Ce dernier demeure régi par l'article 33 de
la loi de 1985. La faculté reconnue au juge commissaire de hâter le paiement
417 J.o. Débats Sénat, Mercredi 13 av!'. 1994, n"18, p.925.
m
cf. F. DERRIDA et JP. SORTA1S, Philosophie de la réforme ... , op. cii., p.286, n081.

185
des créanciers nantis à l'occasion d'une vente de biens grevés traduit une
certaine condescendance du législateur de 1994. Celui-ci entretient l'illusion
d'un traitement préférentiel des créanciers munis de sûretés réelles spéciales
grâce à l'anticipation de leur paiement. Or celui-ci sera, dans la majorité des
cas, ultérieurement obéré par la priorité de paiement accordée aux. créanciers
surprotégés par le droit des procédures collectives. Le gagiste rétenteur Cl tire
encore son épingle du jeu» après l'adoption d'un plan de cession de
l'entreprise. La force de sa possession paraît lui éviter la mesure réductrice
édictée par l'article 93, alinéa 1er de la loi.
BI La survie du gage avec dépossession en cas de cession globale
de l'entreprise
304- L'article 93, alinéa 1er de la loi prescrit l'affectation d'une quote-
part
à
chacun
des
biens
grevés
de
nantissement.
Or,
nous
avons
précédemment observé la tendance en législation de réserver ce vocable de
nantissement aux seuls gages sans dépossession-!", tendance qu'a semblé
suivre la loi de 1985 selon une doctrine autorisée-v>. Mais, nous avons par
ailleurs,
déjà souligné
les
limites
de
cette argumentation.w!
Le terme
générique de nantissement englobe toujours le gage avec dépossession. Dans
ces
conditions,
l'argument
fondé
dur
l'évolution
sémantique
du
terme
nantissement ne suffit pas à soustraire le gagiste rétenteur des dispositions de
l'article 93 susvisé. Du reste, l'article 64 de la loi énonce le principe de la force
obligatoire du plan de cession. Celui-ci est opposable à tous les créanciers,
fussent-ils titulaires de sûretés réelles spéciales, Dès lors, cette opposabilité
postulerait la primauté du plan sur le droit de rétention. Dans cette logique, le
gagiste rétenteur devrait se dessaisir du bien grevé et viendrait en concours
avec les autres créanciers nantis ou privilégiés sur une quote-part du prix de
cession.
41Y Supra n"
112.
420 cf. D. MART1N, L'article 34 est-il applicable au gage ?, op. et lac. cil.
4' 1
- Supra n ' 113.

186
Une telle interprétation prête naturellement le flan à la critique. Les
articles 64 et 93 de la loi de 1985 ne traitent pas de la même question. Le
premier texte pose un principe général: celui de l'opposabilité du plan à
l'ensemble des créanciers du débiteur. Le second texte prévoit une règle
spécifique aux créanciers munis de sûretés réelles spéciales dont l'assiette est
comprise dans le plan de cession. Ainsi, la question de l'opposabilité du plan
importe peu.
Celle-ci-ci paraît Il impuissante par elle-même à
priver le
créancier rétenteur de sa prérogative », en l'absence d'indication contraire du
législateur. cc Son silence traduit ici un hommage
à l'évidence, dérivant de la
nature même des choses »422.
305- Au surplus, les articles 33, alinéa 3 et 159 de la loi confèrent une
position juridique particulièrement confortable au gagiste rétenteur.Ces deux
dispositions attestent de l'irréductible suprématie de principe reconnue au
droit de rétention dans les procédures collectives. Le législateur ne saurait
sauvegarder cette prérogative aux deux extrémités de la procédure et,
parallèlement, en ruiner l'efficacité en cas de cession globale de l'entreprise,
sans encounr le reproche d'incohérence. Il n'a pu que s'incliner devant la
souveraineté du rétenteur. La
possession du
bien grevé l'investit d'un
attribut négatif, d'un pouvoir primaire, mais légitime jusqu'à ce qu'il soit
désintéressé. Il faut en déduire que la force de la possesion du gagiste
rétenteur milite incontestablement en faveur de la survie de son droit de
rétention après l'adoption d'un plan de cession. Il est exclu des dispositions de
l'artcle 93 non en sa qualité de créancier nanti, mais en raison de son droit de
rétention dont pourrait se prévaloir un simple créancier chirographaire. La
réitération normative du caractère irréductible du gage assorti d'un droit de
rétention ne s'imposait nullement. « Il eut été superflu de souligner ce qui va
non seulement de soi, mais encore par a fortiori »423. Le silence du législateur
ne saurait fonder l'éviction du droit de rétention dans l'hypothèse d'un plan de
cessiorr'?".
422 Cf. D. MARTIN, De la rétention d'actif en cas de cession de l'entreprise, op. cit., p.Ll Z,
42.1 cf. D. MARTIN, De la survie du gage ... , op. cn.. p.8l.
424 Cf. Ph. PETEL, Procedure collective et continuation d'activité', op. ctt., p.145, n' 11.

187
Au demeurant, un argument de texte vient conforter cette analyse
reposant sur le mécanisme naturel du droit de rétention. L'article 93, alinéa 4
nouveau de la loi envisage la purge des inscriptions grevant les biens cédés
après paiement complet du prix de cession de l'entreprise. Or, seuls les gages
sans dépossession impliquent l'accomplissement des formalités d'inscription,
condition de leur opposabilité aux tiers. Dès lors, le * alinéa de l'article 93
délimite le champ normatif du 1er alinéa du même texte.- Il est clair que c'est
la possession réelle du gagiste qui fonde essentiellement son éviction du
domaine de l'article 93, alinéa 1er de
la loi. Doit-on alors considérer que le
gagiste sur véhicule automobile, possesseur fictif du véhicule nanti est soumis
au sort commun des autres créanciers nantis? Nous ne le croyons pas. Le
droit de rétention matériel comme le droit de rétention fictif produisent des
effets analogues. Il n' y a pas à distinguer là où la loi ne distingue pas. Dès
lors, dans l'un ou l'autre cas, le gagiste rétenteur doit bénéficier d'un
trai temen t de faveurv".
306- Néanmoins, il a été soutenu que l'exercice du droit de rétention
sur les stocks de marchandises pouvait compromettre l'adoption même du
plan de cession. Dans ce cas, en effet, le cessionnaire de l'entreprise ne
pourrait pas débloquer le stock retenu par le gagiste426.En outre, la situation
de faveur dont bénéficie le gagiste rétenteur aux deux extrémités de la
procédure, se justifierait par des considérations spécifiques à
la phase
d'observation et à la liquidation judiciaire. L'article 33, alinéa 3 de la loi
organise le paiement exceptionnel du gagiste rétenteur afin de permettre à
l'entreprise
de
disposer
d'un
bien
indispensable
à
la
poursuite
de
l'exploitation. De même, en période de liquidation judiciaire, le produit des
cessions d'actifs ne tend plus prioritairement au maintien de l'entreprise.
L'intérêt des
créanciers
redevient
prédominant.
On
ne
saurait mer
la
pertinence et la cohérence d'une telle argumentation. Cependant, elle ne
paraît pas décisive. Comme en période d'observation ou dans le cadre d'un
plan de continuation, l'exercice du droit de rétention ne s'oppose pas
nécessairement au sauvetage de l'entreprise par son transfert au repreneur.
w, cf. Cep. D. MARTIN, De la survie du gage ... , op. et loc. cil.
41(,
Cf. J.L VIRFOLl~T, Note sous Trib. corn. Le Mans, 7 oct. 1986. GaL pd 19871, p.259.

188
Le silence dl] législateur laisse entrevoir la possibilité de négociations entre
tous les intéressés.
A cet égard, diverses formules de déblocage des actifs peuvent être
imaginées. Il suffit de songer à une « libération globale ou programmée des
marchandises
ou
leur
retrait graduel,
moyennant
règlement
partiel et
subrogation réliquataire »427. En outre, le gagiste rétenteur peut toujours
consentir des délais de paiement au cessionnaire. Il est évident que seule
l'exploitation industrielle ou commerciale du
bien grevé permettrait au
repreneur de désintéresser le gagiste. Ainsi, des considérations d'opportunité
vont dicter la conduite des principaux protagonistes du plan de cession. A
défaut d'arrangement satisfaisant inspiré par les textes, l'échec du plan qui
s'ensuivrait déboucherait fatalement sur la liquidation judiciaire. Dans cette
procédure, les droits du gagiste sont relativement mieux assurés.
307 - Dans tous les cas, seul le gagiste rétenteur parvient à éluder les
conséquences drastiques de l'affectation d'une quote-part à chacun des biens
grevés. En revanche, l'assiette des autres nantissements est réduite à une
peau de chagrin Or, dèjà entamé dans sa structure matérielle, Le droit de
préférence, privé de support, se révèle bien illusoire à l'ouverture d'une
procédure de concours.
Section 2: LA PORTEE LIMITE DU DROIT DE PREFERENCE DES
CREANCIERS
GAGISTES
A
L'OUVERTURE
D'UNE
PROCEDURE DE CONCOURS
308- La définition du gage donnée par l'article 2073 du code civil
présente le droit de préférence comme l'effet essentiel attaché au droit réel du
gagiste. L'article 2074 du code civil a qualifié ce droit de préférence de
privilège. Or, cette notion désigne traditionnellement une faveur légale justifiée
par
la
qualité
de
la
créance.
En
revanche,
le
gage
est
une
sûreté
427 Cf. D.MARTIN, De la rétention d'actif en cas de cession de l'enrreprise, op. et loc. cil.

189
conventionnelle qui porte sur n'importe quelle créance. Dès lors, le gagiste
n'est pas à proprement parler titulaire d'un véritable privilège. Comme le
faisait remarquer un auteur éminent, le prétendu privilège reconnu au
créancier gagiste par le code civil et consacré par la jurisprudence4 28 n'est pas
un véritable privilège au sens propre du mot: « il n'y a de vrais privilèges que
ceux qui sont accordés par des dispositions particulières de la loi à des
créanciers chirographaires; or, un créancier gagiste n'est pas un créancier
chirographaire; il a pourvu lui-même à sa sûreté, il est muni d'une action
réelle et n'a que faire d'un privilège »429.
309- La consécration en droit positif de cette qualification impropre de
privilège spéciale a considérablement amoindri les avantages que le gagiste
pouvait retirer de ce droit réel. 11 est clair que la préférence accordée au
gagiste « est l'effet direct et nécessaire de son droit réel de gage lequel à ce titre
échappe à la loi du concours »430. Celle-ci ne concerne pas en principe les
créanciers pourvus « d'une cause légitime de préférence » au sens de l'article
2093 du code civil. Toutefois, la défaillance du débiteur commande une
répartition du prix de vente de ses biens entre tous les créanciers privilégiés et
titulaires d'une
sûreté réelle spéciale. A cette fin, le code civil établit une
hiérarchie qui préserve un relatif équilibre entre ces deux catégories de
creanciers.
310- Pourtant, il est banal de constater aujourd'hui l'extraordinaire
multiplication de ces privilèges et autres droits de priorité qui garantissent
souvent des sommes considerablesv' '.
Celles-ci amputent d'autant l'actif
disponible devant revenir aux créanciers gagistes. En cela, ils sont assujettis à
la règle du concours-v", malgré l'affectation spéciale du bien grevé au
paiement du crédit garanti. Notre étude ne vise pas à recenser l'ensemble des
situations de concours dans lesquelles se trouvent impliqués les créanciers
gagistes. Le caractère fastidieux d'un tel exercice suffit largement à nous en
42H Cf. Casso Req., 25 janv. 1938, S. 1938, l, p.254.
m Cf. M. PLANIOL. Traite élèmentaire de droit civil, op. cit., p. 1'ï2, n02435 .
• JO Cf. Casso civ., 27 juin1958, Bull. civ. II, p. 315. n0475; JCP 1958, II, nOl0819, note BESQUE .
•. 11 Cf. J. P. BERTREL, Les privilèges. [- Présentation des privilèges, Rev. Banque, févr.
1984, p. 189.
H! Cf. M. LECORRE. Les creanciers gagistes face au redressement JU diciaire et à ln régIe du concours, op. et lac. cit.

190
dissuader. De plus, le droit des procédures collectives n'a pas bouleversé la
hiérarchie traditionnelle des privilèges instituée par le code civi1.- Or, la loi de
1985 renforce la position de certains créanciers qui jouissent d'un traitement
de faveur en raison de
la finalité économique et sociale des nouvelles
procédures collectives. Ainsi, les salariés qui disposent d'une protection
particulière grâce au super-privilège et les créanciers postérieurs au jugement
d'ouverture se voient reconnaître une priorité de paiement quasi-absolue sur
les créanciers antérieurs (§1). Cette primauté de principe admet cependant
quelques exceptions majeures introduites par la loi du 10 juin 1994. Celle-ci
consacre
la
prééminence
du
gagiste
rétenteur
malgré
de
nombreuses
incertitudes. Elle rétablit surtout la préférence du créancier nanti sur matériel
et outillage sur les créanciers postérieurs.
311- Au
demeurant,
ces deux créanciers gagistes se retrouvent
souvent en concours avec le vendeur ayant stipulé une clause de réserve de
propriété sur les biens ou marchandises gagés. Il ne s'agit pas ici de trancher
entre deux droits de préférence. Il convient néanmoins de déterminer un ordre
de priorité entre deux créanciers se prévalant d'un droit réel sur le même bien
(§2). Les créanciers gagistes sont en outre assez fréquemment opposés au
conservateur de la chose gagée. Lorsque ce dernier ne dispose que de son
privilège spécial,
nous
sommes en présence d'une banale situation de
concours. En revanche, lorsqu'il peut invoquer son droit de rétention matériel
du fait de
la détention des biens grevés, il peut se heurter au gagiste
possesseur juridique ou fictif desdits biens. Cette coexistence de deux droits
de rétention sur le même bien donne naissance à un conflit assez singulier qui
mérite notre attention (§ 3).
§l. Le concours avec les créanciers bénéficiant d'une priorité quasii-
absolue
312-
L'admission d'un
paiement prioritaire
au
profit de
certains
créanciers est une constante du droit des procédures collectives. Des égards
particuliers ont toujours été accordés aux créanciers qui s'associent â l'effort de

191
sauvetage de l'entreprise en difficulté, au premier chef desquels se trouvent les
salariés. Ces derniers contribuent indéniablement par leur travail au maintien
de l'exploitation du débiteur. A l'origine, les salariés ne bénéficiaient que d'un
privilège général prévu à l'article 2101.4 du code civil. Or, celui-ci est primé par
l'ensemble des privilèges spéciaux mobiliers et par le droit de préférence des
créanciers gagistes. Face à cette situation, un décret-loi du 5 août 19354 33 a
institué au profit des salariés le paiement prioritaire d'une fraction de leur
salaire indispensable à leur survie. Ce système de faveur est désigné sous le
vocable de super-privilège par la doctrine et la jurisprudence. Du reste, la
protection légale des salariés de l'entreprise défaillante s'est constamment
accrue. Ainsi, une loi du 27 décembre 1973 intégrée dans le code du travail a
créé un régime d'assurance contre le risque de non-paiement des créances
salariales, plus connu sous la dénomination d'AGS.
La gestion de cette
institution est assurée par les ASSEDIC, subrogées dans les droits des salariés
pour le recouvrement des créances super-privilégiées
313- Une protection quasi-analogue a été aménagée au profit des
creanciers
postérieurs
au
jugement
d'ouverture,
communément
appelé
créanciers
de
l'article
40434 .
Ainsi
s'inscrivant
dans
la
lignée
de
la
jurisprudence antérieure à propos du passif dit de masse, le législateur de
i 985 a prévu le paiement prioritaire à l'échéance des créanciers nouveaux. La
détermination des créanciers super-privilégiés ne pose aucun problème. En
revanche, l'acquisition de la qualité de créanciers de l'article 40 obéit à un
certain nombre de conditions dont la mise en œuvre à cristalliser une
importante controverse doctrinale't-". Néanmoins, la Cour de cassation avait
fini par dégager quelques solutions de principe<". La loi du 10 juin 1994 va
sensiblement relativiser l'intérêt de ces polémiques doctrinales sur la portée
de l'article 40. En effet, l'institution d'une liquidation judiciaire immédiate
4.>., Cf. Art .. L. 143-7 du code du travail.
4.'4
Le droit gabonais des procédures collectives distingue égalemEnt les créanciers antérieurs et postérieurs au
jugement d'ouverture ( An. 41, L. 1986 qui parle de créances (administration).
4", Cf. M. CABRILLAC, L'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 et 3CS difficultés d'application, Rev, Banque, 1986,
p.115 ; 8. SOINNE, L'article 40, Rev. proc, coll. 1992- 4. p. 327 ; 'YL". CAMPANA, Les droits des créanciers"
articlc-l û » de la loi du 2SJallVier 1985, P. A., 18 mai 1992, n060. p. 18.
4.'<,
Cf. Casso corn., 28 Juin1994, D. 1994, l.R, p.198; Rev. proc. coll. 1995-1, p.53, n" l , obs, DUREUIL; Casso Corn.,
8 févr. 1994, 0.1994, p. 604, note DERRIDA; Rev. proc. coll. 199-'1, p.lS, obs. SOINNE.

192
souhaitée par les praticiens->? et inspirée de la législation allernande'<",
réduira considérablement l'ampleur des créances de l'article 40.
314- De même, le nouvel article 37 de la loi prévoit désormais le
paiement comptant des fournisseurs de la période d'observation. L'application
de ce texte dégonflera là encore le passif de l'article 40. L'administrateur est
désormais confronté à une difficile alternative: ou bien il posséde les fonds
nécessaires pour payer les fournisseurs,
ou bien il ne dispose pas de
ressources suffisantes, et le contrat est en principe résilié de plein droit. Dans
ces
conditions,
l'administrateur,
le
représentant
des
créanciers ou
un
contrôleur pourrait saisir le tribunal pour constater l'impossibilité de la
poursuite d'activité. Dans cette hypothèse, le tribunal est invité à prononcer
la liquidation judiciaire. Dès lors, les organes de la procédure hésiteront à se
lancer dans des poursuites d'activités déficitaires et génératrices d'un passif
prioritaire artificiel et vain439 .
315- La réforme du 10 juin 1994 conforte la tendance liquidative des
procédures collectives. Le redressement judiciaire demeurera l'exception. Mais
à cette occasion, les salariés super-privilégiés et les créanciers postérieurs
conservent leur priorité de
paiement sur les créanciers nantis (A).
La
rétrogradation des gagistes par le super-privilège persiste en période de
liquidation judiciaire (B). Mais cette primauté suscite une discussion en cas
de
conversion
du
redressement
en
liquidation
judiciaire.
Dans
cette
hypothèse, les créanciers nouveaux conservent-ils la priorité de paiement que
leur conférait le premier alinéa de l'article 40 ou doivent-ils subir le
déclassement opéré par le second alinéa du même texte? Cette question
semble avoir été totalement ignorée par les auteurs de la loi de 1994.
Pourtant, la réponse qui y sera apportée permettra d'apprécier la véritable
portée de la restauration tant annoncée des droits des créanciers nantis (C).
m
CF. A. LIEKARD. Nouvelles propositions pour réformer la loi du 25 janvier 1985, Rev. proc. coll. 1993-3, p.377 ; ,J.
C. PIERNEL, Le point de vue du mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises, Colloque: sécurité juridique
et entreprise en difficulté, PA 12 janv. l 994, p.44.
4.18 Cf. B. SOINNE, Bilan de la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement el la liquidation judiciaires. Mythes et
réalités. Propositions de modification, Rev. proc. coll. 1993-3, p.345, spéc. n06.
4.'" Cr. Y. CHAPUT, La réforme de la prévention et du traitement des difficultés des entreprises, JCP 1994, éd. E, Chr.,
p. 377. spéc. n034 et s.

193
AI
La primauté des créanciers super-privilégiés et des créanciers
de l'article 40 en période de redressement judiciaire
316- Le traitement de faveur dont jouissent les créanciers nouveaux et
les salariés s'illustre essentiellement à travers le mode de
paiement accéléré
et exclusif de leurs créances au cours de la période d'observation (A). La
nécessité d'assurer le financement de la poursuite d'activité et l'importance
cruciale des créances salariales justifient aisément cette double priorité. En
revanche, les créanciers nantis sont frappés par la règle de l'interdiction des
paiements des créanciers antérieurs édictée par l'article 33, alinéa 1er de la loi.
Au demeurant, les créanciers nantis pouvaient espérer recouvrer le montant
de leur créance sur le produit des cessions exceptionnelles des biens grevés.
Mais, là encore, ils ne seront désintéressés qu'après les créanciers bénéficiant
des deux super-priorités crées par le droit des procédures collectives (B).
1
Une priorité de paiement en période d'observation.
0
317 - le paiement prioritaire des créances de salaires super-privilégiées
et des créances nées de la poursuite de l'exploitation satisfait une double
exigence. D'une part, le caractère alimentaire et, donc, vital des créances
salariales postule un paiement accélérév'? ; d'autre part, le redressement de
l'entreprise commande qu'un régime préférentiel soit aménagé au profit des
créanciers soutenant les efforts de sauvetage du débiteur défaillantvt '. Ainsi,
l'article 129 de la loi de 1985 oblige l'administrateur à désintéresser les
créanciers super-privilégiés sur ordonnance du juge commissaire dans les dix
jours du prononcé du jugement de redressement judiciaire, à condition qu'il
dispose des fonds disponibles. Mais pour éviter aux salariés « l'attente que
pourrait
leur
imposer
une
contestation
sur
l'étendue
des
créances
garanties »442, l'alinéa 2 du texte susvisé énonce que l'administrateur ou le
débiteur sur autorisation du juge commissaire, doit verser immédiatement et
à titre provisionnel aux salariés une somme correspondant à au moins un
4411 cf. A. ARSEGUE!o f'l Th.
Mt;TEYl~, J. Cl. Trav. Fasc.2l-30, n'4iJ. 1
H l
Cf. Y. GUYON, op. ci:.. n" 1245
w
Cf.G. Rlf'EI~T el R. R08LüT, op. cil., n"3248.

194
mois de salaire impayé. A défaut de disponibilités, les sommes dues seront
acquittées sur les premières rentrées de fonds44 3 .
318- Toutefois, sans méconnaître cette obligation, lorsque le règlement
des créances super-privilégiées risque manifestement de ruiner toute chance
de redressement de l'entreprise, l'administrateur doit s'abstenir de payer. Il se
bornerait alors à solliciter l'intervention de l'A.G.S. comme l'y convie la 10i44 4 •
Or, cette interprétation transforme le rôle de L'A.G.S. pour en faire CI un
organisme de financement de la continuation de l'exploitation, ce qui n'est pas
sa vocation )445. Au demeurant, le mode de paiement des créances super-
privilégiées
importe
peu.
L'AGS
subrogée
dans
les
droits
des
salariés
procèdera au recouvrement des sommes avancées par elle446 . Ce qui obère
toujours les possibilités de sauvetage de l'entreprise. Dans la pratique, L'AGS
étudie l'opportunité de mettre en jeu son droit de priorité afin de ne pas
entraver le redressement de l'entreprise. Les salariés jouissent globalement
d'une protection confortable puisqu'ils seront toujours désintéressés malgré
l'insuffisance de la trésorerie de I'entreprise'r'". Contrairement aux créanciers
nantis,
ils
échappent dès
lors
au
moratoire
imposé
par le jugement
d'ouverture.
319-
Les créanciers de l'article 40 ne peuvent espérer une telle
assurance de paiement. Ils
sont en principe, Il payés à leur échéance lorsque
l'activité est poursuivie ... » Cette modalité de paiement confine au simple
respect du terme contractuel. Mais cette règle trouve sa limite lorsque
l'administrateur ne dispose pas de fonds suffisants pour désintéresser le
créancier
postérieur
à
l'échéance.
Or,
contrairement
aux
gagistes,
les
créanciers de l'article 40 ne sont pas soumis à la règle de l'arrêt des
poursuites individuelles prévue à l'article 47 de la loi. Dans ces conditions, ils
peuvent saisir des biens grevés de nantissement pour recouvrer leur créance.
La Cour de cassation a expressément consacré ce droit de poursuite des
44.1 cf. L. 1885,
Art. 129, alinéa 3.
444 Cf. C. trav., An .. L.143-9 à L. 143-11 et L.143-13-1.
440 Cf. C. SAINT- ALARY- HOUIN, L'efficacité des sûretés garantissant les créances salariales, Dr. soc.
Déc. 1987.
nOI2,p.841.
44(,
Cr. Sur les conditions d'intervention de l'AGS, T. METEYE, Les conditions d'intervention de l'AGS. Dr. soc. Déc.
1987,n"12,p.827

195
créanciers de l'article 40448
malgré l'hostilité de la doctrine dominantes-v.
Cette solution nuit aux droits des créanciers nantis, pourtant titulaires d'une
sûreté
spéciale
sur le
bien grevé.
Elle risque en
outre,
de dépouiller
l'entreprise d'actifs
indispensables à
son redressement.
Cependant,
le
tribunal
a
la faculté
de frapper d'inaliénabilité des
biens qu'il estime
nécessaires à la poursuite de l'exploitation en application de l'article 70 de la
loi.
Au demeurant, le mécanisme du paiement prioritaire ci-dessus évoqué
n'a pas empêché le législateur de réserver un sort enviable au gagiste
rétenteur. Ce dernier peut obtenir le règlement préférentiel de sa créance en
cas de retrait du bien gagé en application de l'article 33, alinéa 3 de la 10i45o .
Les autres créanciers nantis peuvent seulement s'attendre à un paiement
provisionnel de leur créance en cas de réalisation du bien grevé en période
d'observation.
2 0 Un rang prioritaire en cas de cession des biens gagés
320- Le droit des procédures collectives ne confère pas seulement une
priorité de paiement aux créanciers super-privilégiés et à ceux garantis pa.r
l'article 40 de la loi. Ces derniers se voient en outre dotés d'un rang prioritaire
par rapport aux créanciers nantis en cas de réalisation des biens gagés. En
période d'observation, l'article 34, alinéa 1er de la loi prescrit le versement de
la quote-part correspondant aux créances garanties à la Caisse Des Dépôts et
Consignations en cas de vente des biens grevés. Ce texte prévoit ensuite la
répartition des sommes consignées au terme de la procédure. A cet effet, il
réserve expressément l'application de l'article 78 de la loi. énonce que les
créanciers nantis ou titulaires de privilèges généraux ne seront désintéressés
qu'après
le
règlement
des
créances
de
salaire
super-privilégiées.
Cette
primauté s'exerce tant sur la quote-part affectée aux créanciers nantis en
447
Cf. C. SAINT ALARY - HOUIN, L'efficacité des sûretés garantissanr les créances salariales, op. cit" p. 841, spéc.
n'31.
4lH Cf. Casso corn., 10 Juin 1989, Rev. proc:. coll.
1990- 3, p. 287 n" l "
el
1991-2, p. 217, n'2, obs. SAINT -ALARY-
HOUIN, Bull. civ. IV, n'196; RTD cam. 1990. p. 106. n'3, obs. MA.RTIN- SERF; Casso Corn., 8 févr. 1994, op. cit.
He, Cf. F. DERI~IDA, P. GODE, J.P. SORTAIS, op. cit., n'.;j 16; B. SClINNE, L'article 40 .... op. cit., 11°17 et S .
• .50 Infra
n0445 et s.

196
période d'observation que sur le prix de cession des biens réalisés pendant la
phase
d'exécution
du
plan
de
continuation
de
l'entreprise.
Dès
lors,
l'importance des sommes garanties par le super-privilège risque de priver les
créanciers nantis d'une part significative du montant de leur créance. Ils ne
sont guère à l'abri d'une véritable expropriation s'ils devaient encore subir le
concours des créanciers postérieurs au jugement d'ouverture.
321- L'article 40, alinéa 1er de la loi envisage le règlement prioritaire
des créances nées au cours de la période d'observation
«lorsqu'elles ne sont
pas payées à l'échéance en cas de continuation» de l'activité. Dès lors, elles
viendront encore amputer le montant de la quete-part normalement attribué
aux créanciers nantis. Pourtant, la loi du 10 juin 1994 autorise le paiement
provisionnel des créanciers nantis en cas d'aliénation des biens grevés en
période d'observation. Cette mesure novatrice est prévue par le nouvel article
34, alinéa 2
de la loi.
Elle n'affecte nullement l'efficacité du paiement
prioritaire des créanciers de l'article 40 et des salariés super-privilégiés. Elle
ne constitue qu'une simple faculté. De plus, dans tous les cas, les sommes
ainsi
allouées
aux
créanciers
nantis
seront
restituées
s'il
advenait
ultérieurement
que
certains
créanciers
super-prioritaires
demeuraient
impayés. Dans ces conditions, le mécanisme du paiement provisionnel ne
confère pas un droit préférentiel aux créanciers nantis. Il organise seulement
un paiement accéléré destiné à éviter la consignation des fonds jusqu'à l'issue
de la procédure. Il apparaît comme une simple dérogation à la règle de
l'affectation d'une quete-part du prix de cession au recouvrement de la
créance garantie--".
322- De meme,
les créanciers de
l'article 40
passent avant les
créanciers nantis pendant la phase d'exécution du plan de continuation. Il
s'agit uniquement des créanciers apparus au cours de la période d'observation
et demeurés impayés à l'issue de celle-ci. En revanche, la Cour de cassation a
refusé d'étendre la priorité de paiement instituée par l'article 40 aux créances
401
Supra 11°297 et s ..

197
nées après le jugement arrétant le plan de con tinuatiorrt--. Cette solution
approuvée par la doctrine'<-' majoritaire appelle cependant quelques réserves.
Il est vrai que l'adoption du plan le tribunal met un terme à la procédure.
Néanmoins, la nomination d'un commissaire à l'exécution du plan suggère
que l'entreprise demeure sous surveillance judiciaire? Dès lors, sa fragilité
évidente
commande
de
récompenser
les
créanciers
qui
apportent leur
concours au rétablissement définitif du débiteur. A défaut, ils renonceront à
traiter avec une entreprise convalescente.
Toutefois, la solution de la Haute juridiction paraît fondée en équité.
L'extension du bénéfice de l'article 40 aux créanciers du plan aurait abouti
a « consommer totalement l'holocauste des créanciers antérieurs »454. Vue
sous cet angle, elle préserve les droits des créanciers nantis. Le droit de
préférence des créanciers nantis se heurte encore à la priorité de rang du
super-privilège et de la garantie de l'article 40 sur la quete-part qui lui est en
principe attribuée en cas de cession globale de l'entreprise. Or, cette primauté
ne résulte pas expressément de l'article 93, alinéa 1er de la loi qui règle le sort
des créanciers lorsque le gage est inclus dans le plan de cession.
323-
Ainsi,
la
nouvelle
orientation
économique
et
sociale
des
procédures collective débouche une fois de plus sur le sacrifice des créanciers
nantis.
Leur droit de préférence se révèle bien illusoire en présence des
créanciers prioritaires. Cependant, les auteurs de la loi du 10 juin 1994 ont
manifesté leur volonté de restaurer les droits des créanciers bénéficiaires de
sûretés réelles spéciales. D'une part, la période d'observation est maintenant
limitée dans sa durée. Elle ne peut étre prolongée que dans les conditions
étroitement définies fixées l'article 20 nouveau du décret de 1985. D'autre
part, l'institution du paiement comptant des fournisseurs de l'entreprise en
période d'observation, vide l'article 40 d'une bonne partie de sa substance. La
période d'observation apparaîtra
très vite comme un luxe que ne
se
permettront plus les juges consulaires instruits
par l'expérience de
la
m
cf. Casso cam. 3 avr.1990, 0.1990, p.335, note JEA:\\TI:'J; Rev. pree, coll. 1990, p.230, n 011, obs. SAINT ALARY-
HOUIN.
"c Cf. P. TILLY, Thèse, op. cit.: 11°298; F. DERRJDA, P. GODE, .J? SORTAlS, n0409; M.J. CAMPANA, Les droits des
créanciers" article 40" .... op. cit., p.18 et S.
". Cf. M. CABR1LLAC, L'article 40 de la loi du 25 janvier ; 985 e: ses difficultes d'application, op. cit., nOS.

198
pratique. Ils opteront volontiers pour la liquidation judiciaire immédiate afin
de ne pas susciter la création d'un passif prioritaire artificiel et sans aucune
utilité pour le sauvetage de l'entreprise'<".
324- Toutefois, le législateur de 1994 n'est pas allé au bout de sa
logique. 11 maintient la primauté absolue du super-privilège sur les gages sans
dépossession au stade de la liquidation judiciaire. Par ailleurs, le nouvel
article 40, alinéa 2 de la loi cultive l'ambiguïté et engendre une difficulté
d'interprétation sur le sort du gagiste rétenteur. Le classement établi par le
texte susvisé le situe au 3ème rang après le super-privilège et le privilège des
frais de justice. L'interrogation est alors permise sur la portée de l'innovation
introduite en 1994.
BI
Le maintien de la primauté de principe des créanciers super-
privilégiés sur les créanciers nantis
325- La priorité de rang attachée au super-privilège revêt un caractère
traditionnel. Elle est destinée a compenser l'inefficacité du privilège général
des salaires de l'article 2101-4° du code civil. A cet égard, elle opère une
véritable rétrogradation des sûretés réelles spéciales. Pourtant, on pouvait
s'attendre a ce que le législateur de 1994, dans son intention de restaurer les
droits des créanciers titulaires de sûretés spéciales, entame quelque peu
l'efficacité de cette super-priorité. Il n'en fit rien. Bien au contraire, l'article 40,
alinéa 2 nouveau de la loi réinstalle le super-privilège au sommet de la
hiérarchie qu'il semble établir. Cette prééminence du super-privilège ne
comporte aucun caractère extraordinairetê".
326- Le nouvel article 40, alinéa 2 paraît en outre, remettre en cause la
suprématie dont bénéficiait le gagiste rétcnteur avant la loi du 1°juin 1994.
Le texte entretient fort maladroitement la confusion et alimente une nouvelle
con troverse source d 'incertitude en droit posi tif( 1)). Or, si l'intérêt des salariés
45' Cf. M.J. CAMPANA el D. LEGEAIS, Le nouvel article 40 de la loi du 25 janvier 1985, P. A., 14 sept. 1994, n·11O,
p.49, spèc. p.se.
4S" Cf. Par exemple Casso corn., 18JuiI. 1977, D.1978? p. 408, note MOULY.

199
motive un traitement préférentiel, force est de constater que le super-privilège
perd de plus en plus son caractère alimentaire, fondement de son rang de
faveur. Il profite, dans la majorité des cas, à l'A.G.S, subrogée dans les droits
des salariés. Faut-il par lui conférer le rang prioritaire du super-privilège? (2).
1 0 Super-privilège et gage assorti du droit de rétention: Les
incertitudes de la loi du 10 juin 1994
327 -
Si
le
super-privilège
des
salariés
pnme
les
gages
sans
dépossession, une certaine hésitation apparaît lorsque les créanciers super-
privilégiés sont opposés au gagiste rétenteur. A ce propos, l'article 40, alinéa
2. de la loi fixe la liste des créanciers dont le droit prime celui des créanciers
postérieurs en période de liquidation judiciaire. Or, au tout début de cette liste
figure le super-privilège, viennent ensuite les frais de justice et les sûretés
immobilières ou mobilières spéciales assorties d'un droit de rétention. La
doctrine s'est interrogée sur la portée de cette énumération dérogeant à la
priorité conférée aux créanciers de l'article 40. Doit-on y voir une simple liste
indicative dépourvue de toute valeur hiérarchique ou s'agit-il d'un véritable
classement destiné à fixer le rang des sûretés primant la garantie de l'article
40? Les premiers travaux de la doctriner>" penchent nettement en faveur de la
seconde
interprétation.
L'article
40
alinéa
2
procèderait
ainsi
à
un
déclassement pur et simple du gagiste rétenteur dont on se complaisait à
relever j'irréductible suprématie solennellement consacrée par la loi de 1985.
328- De plus, le législateur du 1°juin 1994 n'a pas remis en cause le
report du droit de rétention du gagiste sur le prix de réalisation du bien grevé
en période de liquidation judiciairev" Ce mécanisme lui permet de primer
tous les autres créanciers, y compris les bénéficiaires du super-privilège. Le
nouveau classement établi par l'article 40, alinéa 2 nouveau a t-il remis en
cause la prééminence traditionnelle du gagiste rétenteur'tê". La question reste
457 cf. Y. CHAPUT, op. c.t., n067; J. M. CALENDINI, Le nantissement remi s en cause?, Rev. Banque, octobre 1994,
p.54, spéc. n" 1 ; D. MARTIN, Des sûretés mobilières spéciales dans le nouvel article 40 de la loi du 25 janv. 1985,
PA, 14 sept. 1994, nOIIO, p.53 et s., spéc. p. 54.
458
Cf. J. M. CALENDINI, Le nantissement remis .. ., op. cù., n'2.
450 Cf.
Casso com., 15 oct.1991, Bull. Civ. I.V, n0288, JCP 1992, éd. E, l, 3595, n'256, obs. CABRILLAC; RTD corn.
1992, p. 464, obs. MARTIN- SERF

200
ouverte car la formulation légale est laconique. Elle suggère néanmoins de
rechercher, notamment dans les travaux préparatoires, la véritable volonté ou
les intentions des promoteurs de la réforme de 1994 (a). Il conviendra ensuite
d'indiquer la meilleure articulation possible entre les articles 40 et 159, alinéa
4 de la loi (b).
a- La volonté du législateur du 10 juin 1994
329- A prendre au pied de la lettre, l'article 40, alinéa 2 énoncerait que
le gagiste rétenteur s'incline dorénavant devant le
super-privilège.
Cela
signifierait concrètement que les créanciers super-privilégiés pourraient saisir
le bien grevé entre les mains du créancier rétenteur et le faire vendre sans que
ce dernier puisse refuser de s'en dessaisir. Au besoin, il pourrait y être
contraint sous astreinte. Il ne serait payé qu'après le règlement préalable du
super-privilège et des frais de justice. Si cette interprétation devait prospérer,
cela
équivaudrait
a
une
révolution
juridique.
L'examen
des
débats
parlementaires permet-il d'inférer la volonté des auteurs de la loi? Rien n'est
moins sûr.
La portée de
la liste de l'article 40, alinéa 2 n'a pas été
expressément
abordée
au
cours
desdits
travaux.
Deux
interventions
traduisent cependant l'état d'esprit qui a prévalu au sénat. D'abord, le
rapporteur de la commission des lois résumait ainsi le texte de l'article 17
devenu article 29 de la loi du 1°juin 1994: « la proposition de loi adoptée par
l'assemblée nationale a modifié l'ordre de paiement des créances lorsque la
période d'observation s'achève par une liquidation. Il tient alors compte des
sûretés antérieures à l'ouverture de la procédure et s'établit comme suit: les
créances salariales super-privilégiées, les créances antérieures garanties par
des sûretés immobilières ou mobilières spéciales ... »460.
330- Nulle part n'apparaît la mention relative au droit de rétention;
Signe que les auteurs de la loi n'envisageait nullement de modifier l'état du
droit antérieur largement favorable
au gagiste rétenteur.
En outre,
les
initiateurs de la réforme entendaient promouvoir les sûretés mobilières
.<>" Cf.J. O. Débat Sénat, séance du 12 avr. 199"1. nl S, mercredi l3 avril 1994? p. 919.

201
spéciales en général-v' en leur faisant passer avant les créanciers de la
procédure en période de liquidation judiciaire. La restriction introduite par le
texte final suscite l'étonnement car le gagiste rétenteur bénéficiait déjà d'une
protection notable grâce au report de son droit de rétention sur le prix. Ce
mécanisme lui garantit une priorité absolue-w.
Le silence observé par les
deux rapporteurs des commissions de lois au parlernentvo constitue un
hommage implicite â la force naturelle du gagiste rétenteur. En revanche,
l'intervention de Monsieur ALLOUCHE au nom du groupe socialiste entretient
le doute et sème la confusion. Il s'exprimait ainsi en déplorant la modification
de l'article 40: «
•• .les créances antérieures à l'ouverture de la procédure
garanties par des sûretés immobilières ou mobilières spéciales assorties d'un
droit de rétention (... ) passent tout de suite après les créances salariales
super-privilégiées »464 . Cette assertion n'a soulevé aucune contestation de
principe
Ce
qui
accréditerait l'idée
d'une
rétrogradation
du
gage
avec
dépossession par le super-privilège et les frais de justice, sans que l'on puisse
discerner à la lecture des travaux préparatoires l'ombre d'une explication.
331- Il est difficile de souscrire, même par résignation, à cette sorte de
« révolution
silencieuse »465, car la logique de la réforme qui tendait à
restaurer les droits des créanciers munis de sûretés réelles spéciales, se
retournerait contre les rétenteurs.
Il est vrai que très souvent, des objectifs
vertueux
proclamés
en
guise
de
pétition
de
principe
masquent
des
contradictions
inconciliables
ou
dissimulent des intentions
inavouables.
Emporté par son élan réformiste, le législateur pêche aussi par maladresse ou
inattention. La loi de 1985 contiendrait ainsi de nombreuses imperfections
rédactionnelles. Les auteurs de la loi du 10 juin 1994 n'échappent pas à ce
défaut d'inadvertance.
En
l'occurrence,
les
termes
qu'ils
ont
employés
transcendent leurs pensées. Mais loin de se contenter de cette recherche
chimérique des intentions du législateur, il convient d'approfondir l'analyse et
de délimiter l'exact périmètre des textes en apparence incompatibles.
461 cf. M. J. CAMPANA, et D. LEGEAJS, Le nouvel article -',0 de la loi du 25janv. 1985, op. cit., p. 5l.
4f,1 cf. M. CABRILLAC et ?h.
PETEL, Juin 1994. Le printemps des sûretés réelles, op. cit., n° 13.
4\\,.1 Cf. HOUILLON, Intervention a l'assemblée nationale, JOAl", 25 nov. 1993, p. 62- 63.
464 Cf. J.O. Débats Sénat, Séance du
12 avr. 1984, mercredi 13 avr. 1984, n" 18, p. 918.
41,5 Cf.J. M. CALEND1NJ, Le nantissement remis en cause? op. cit., n03.

202
b-
La survie de la suprématie du gagiste rétenteur face au
super-privilège
332- La controverse suscitée par l'article 40, alinéa 2 conduit à
s'interroger sur la compatibilité du nouveau classement qu'il semble instituer
avec la technique du report du droit de rétention sur le prix de cession prévue
par l'article 159, alinéa 4 de la loi de 1985. D'une part, ce classement suggère
une paralysie du mécanisme de l'article 159 alinéa 4, mais d'autre part, le
maintien de cette disposition paraît consacrer à nouveau la prééminence
absolue du droit de rétention. Pour concilier ces deux textes dont l'articulation
se
révèle
a
priori
impossible,
il
faudrait
leur
assigner
des
domaines
différents-sv. A cet effet, un premier principe de solution doit être recherché
dans le mécanisme même du droit de rétention qui, par définition, permet
d'éluder la règle du concours. Celle-ci postule une répartition de dividendes
entre créanciers dont le droit porte sur une assiette commune. Or, lorsque le
bien retenu fait l'objet d'une réalisation forcée, l'article 159 alinéa 4 place le
créancier gagiste dans une situation « hors concours H. Il exerce un droit
le d'exclusivité H sur le produit de
la vente, analogue à celui qu'il avait sur la
chose gagée. De la sone, il n'y a pas en réalité conflit de privilèges sur le prix
de réalisation du bien grevé.
La Cour de cassation a, elle-même, admis que le prix de cession
n'étant pas disponible dans le patrimoine du débiteur, il reste affecté à la
satisfaction du gagiste rétenteur. Celui-ci peut ainsi subordonner la mainlevée
du gage au règlement prioritaire de sa créance nonobstant le l'existence de
créances super-privilégiées de salaires qui ne pouvaient faire échec au report
du droit de rétention sur le prix )467 Cette solution devrait perdurer, car elle
repose sur le caractére primaire, abrupt du droit de rétention qui permet à
son titulaire de s'opposer à toute restitution du bien grevé tant qu'il n'a pas
été désintéressé. Le mécanisme de l'article 159 alinéa 4 neutralise la règle du
4<>"
cf. En ce sens, J. M. CALENDINI, op. el/oc. cit.
4,,7 Cf. Casso coru., 15 oct.1991, op. cit.

203
concours instaurée par le nouvel article 40, alinéa 2 de la loi 468, Le
classement qu'il introduit n'entrave nullement le report du droit de rétention
sur le prix de cession. Il s'agit d'une technique éprouvée-v? qui ne saurait être
remise en cause par une disposition laconique. Cette interprétation s'inscrit
parfaitement dans la logique du dispositif de la loi de 1985 qui réserve un
régime de faveur au gagiste rétenteur en période de redressement comme de
liquidation judiciaire.
333- A la lumière de ce qui précède, nous pouvons conclure à la
vanité, à l'inutilité du classement édicté par l'article 40, alinéa 2 nouveau à
l'égard du gagiste rétenteurt"?
Ce dernier
conserve sa suprématie sur tous
les autres créanciers y compris les titulaires du super-privilège des salaires et
les frais de justice. Le législateur de 1994 a simplement cherché à dissiper les
incertitudes qui subsistaient encore sur la prééminence du gagiste rétenteur
face aux créanciers de l'article 40. Il reste à espérer et à souhaiter que la
jurisprudence demeure fidèle à la tradition et ne succombera pas aux sirènes
de l'interprétation exégétique. En revanche, lorsque le gagiste sollicite lui-
mèrne la réalisation du gage, il perd logiquement le bénéfice de son droit de
rétention. Dans ce cas, il subit la règle du concours et se trouve primé par le
super-privilège et les frais de justice. Cette solution est traditionnelle et ne
nécessitait nullement le renfort d'un nouveau texte. Du reste, la Cour de
cassation refuse d'assimiler l'accord donné par le gagiste rétenteur à la
cession du bien gagé en une vente diligentée sur l'initiative de celui-ci et
devant conduire à l'extinction de son droit de rétentiorrt?".
334- Le super-privilège revêt donc un caractère absolu à l'ouverture
d'une procédure de concours, hypothèse que semble viser exclusivement
l'article 40, alinéa 2 nouveau de la loi. Le maintien du rang prioritaire du
super-privilège traduit la prise en compte en législation de considérations
sociales, ne serait-ce que parce que les salariés constituent les premières
victimes d'une défaillance d'entreprise. Cette primauté des salariés se retrouve
4"" cf. M. J. CAMPANA, et. LEGEAIS, op. cit., p. 51.
4...<) Infra n0459 et s.
<70 Cf. Cependant. ,J. M. CALENDIJ\\l, op. cn., n'ID· Il.
m Cf. Casso com., 12 avr. 1988, RTD corn. 1989, p.115, obs. BOULOC; Bull. civ, IV, n° 128.

204
également dans les autres pays de la communauté européenne-v-. Sans
reprendre le terme de super-privilège, le droit gabonais des procédures
collectives place aussi les salariés au tout premier rang des créanciers't?". Or,
en France, ce sont en pratique les Assedic agissant pour le compte de l'AGS
qui invoquent cette super-sûreté. L'AGS subrogée dans les droits des salariés
pour lesquels elle a fait l'avance des sommes super-privilégiées, devrait
normalement hériter du rang prioritaire du super-privilège.
2 0 Le rang de l'AGS subrogée dans le super-privilège des
salariés
335- L'article 135 de la loi du 25 janvier 1985 insérant un article L.143
11-9 dans le code du travail, prévoit que les Assedic agissant pour le compte
de l'AGS sont abrogées dans les droits des salariés pour lesquels elles ont
effectué des avances. Cette subrogation porte les créances super-privilégiées
et sur celles avancées au titre du 3 0 de l'article L.143-11-1 et qui relèvent de
l'article 40 alinéa 4.
Seule donc la première hypothèse de subrogation
retiendra notre attention. Nous avons déjà indiqué que l'AGS bénéficiant par
subrogation légale du super-privilège des salaires devrait être remboursée sur
les premières rentrées de fonds. Cependant dans la pratique, elle renonce à ce
paiement immédiat pour favoriser le redressement de l'entreprise ou se voit
imposer des délais de règlement au mépris de l'article 76 de la loi4 74 . Il reste à
préciser la portée de la subrogation de l'AGS dans les droits des salariés
privilégiés lorsqu'elle est en concours avec d'autres créanciers privilégiés ou
nantis sur le produit des réalisations d'actifs grevés.
336- Or, le principe de toute subrogation conduit à « investir le
subrogé de la créance primitive avec tous ses avantages et accessoires
présents ou à venir ;)475. L'AGS devient alors titulaire du super-privilège par
l'effet de
la subrogation pleine et entière. Par suite, elle devrait logiquement
hériter du rang prioritaire attaché à cette super-sûreté. Dans ces conditions,
472 cf. M. POITEVIN, Les procédures collectives en droit européen. Rev. proc. coll.
1991, p. 47, spéc., n'TS.
473 Cf. L. 4 août 1986, Art.37.
474 Cf. Th. METEYE, Le règlement des salaires et la subrogarion de J'AG.S. dans les droits des salariés, P.A. 20 mai
1992, n061, p.42.
475 Cf. Casso com., 3juin 1982, D.S. 1982, p. 483.

205
elle primerait l'ensemble des nantissements. Du reste, l'AGS subrogée dans le
super-privilège l'emporterait normalement face aux créanciers de l'article 40,
comme les salariés. Mais cette solution a été contestée. Un auteur va jusqu'à
considérer que la subrogation de l'AGS dans le super-privilège devrait être
incomplète. Il récuse ainsi le transfert du rang prioritaire du super-privilège à
l'AGS subrogée dans les droits des salariés"?".
Cette conception minimaliste de la subrogation de l'AGS dans le super-
privilège repose sur une interprétation exégétique de l'article 40 alinéa 3-1 er
qui détermine les créances salariales bénéficiant du premier rang dans l'ordre
de paiement interne aux créanciers postérieurs. Ce texte vise les créances non
avancées par l'AGS et dont l'origine est antérieure au jugement d'ouverture,
pour certaines d'entre elles et postérieures pour d'autres. Ainsi, a contrario,
selon la conception sus-évoquée, l'AGS qui a fait l'avance des sommes super-
privilégiées ne peut prétendre accéder au rang prioritaire de l'article 40. Une
distinction serait alors opérée entre les salariés, qui eux disposent toujours du
privilège en raison de son fondement alimentaire, et les Assedic, agissant pour
le compte de l'AGS, qui ne pourraient bénéficier que du privilège général des
salaires. Cette analyse encourt la critique d'une part, parce qu'elle entretient
la confusion sur le domaine de la subrogation de l'AGS. Les créances de
salaires prévues à l'article 40 alinéa 2-1 0 ne rentrent pas dans le champ de
garantie
du
super-privilège
et,
par
conséquent,
sont
étrangères
à
la
subrogation légale de l'AGS dans les droits des salariés. L'AGS subrogée
profite bien de l'exception formulée par l'article 40 à la priorité des créanciers
postérieurs en faveur du super- privilège.
337-
Au
demeurant,
la
question
paraît
aujourd'hui
réglée
en
jurisprudence. La cour d'appel de Besançon avait clairement affirmé que « les
créances de salaires antérieures au jugement d'ouverture sont payées avant
toutes autres même nées postérieurement au jugement, sans qu'il soit besoin
de distinguer entre les salariés créanciers et les tiers ou organismes qui ont
470
cf. M. RAMACKERS, Le super- privilège des salariés, la subrogation de l'A.G.S. et le redressement judiciaire : du
mythe à la réalité, D.S. 1989, Chr., p.301.

206
fait l'avance des fonds et qui sont subrogés dans leur droits »477. La Cour de
cassation a confirmé cette position dans un arrêt du 6 juillet 1993 en des
termes non équivoques: « Attendu que si le 1el' alinéa de l'article 40 de la loi du
25 janvier 1985 énonce que les créances nées régulièrement après le jugement
d'ouverture doivent être payées avant les créances nées antérieurement, il
réserve cependant le cas des créances super-privilégiées de salaires qui
l'emportent sur toutes les autres, même postérieures au jugement; que loin de
violer le texte précité, la cour a fait de ce texte une exacte application en
conférant la priorité de paiement à l'Assedic subrogée dans les droits des
créanciers super-privilégiés »478.
La cause est désormais entendue. La solution retenue par la Haute
juridiction correspond en outre, à la position dominante en doctrines?". Il est
désormais clair que la subrogation prévue par l'article 135 de la loi de 1985
permet à l'AGS qui a fait l'avance des sommes garanties, d'acquérir la priorité
absolue qui appartient aux salariés au titre du super-privilège. Ce qui risque
en revanche de réduire les dividendes versés aux créanciers gagistes. Certains
d'entre eux auront la satisfaction de passer avant les créanciers postérieurs.
Cf
Le
rétablissement
de
la
primauté
de
certains créanciers
gagistes sur les créanciers postérieurs
338- La loi du 25 janvier 1985 avait édicté le principe de la primauté
des créanciers nouveaux sur les créanciers antérieurs, fussent-ils munis
d'une sûreté réelle spéciale. Ce faisant, elle formulait une règle révolutionnaire
à l'égard des sûretés immobilières. Jusqu'en 1985, il était admis que les
créanciers hypothécaires ou titulaires de
privilèges immobiliers spéciaux
devançaient les créanciers dit de la masse480. Cette primauté reposaient
essentiellement sur le régime de la publicité foncière tê! . En revanche, aucun
principe de solution n'émergeait clairement à propos du conflit opposant les
477 Cf. Besançon, 30jal1\\'. 1991, D. 1992, p. 490, note SAINT-,\\LARY-HOCIN.
478 Cf. Casso Corn.,
juil. 1993, D. 1993, p. 530, note RAMACKERS; RTD corn. 1994, p. 124, b), obs. MARTIN- SERF,
ô
JCP G,I 3721, n° 6, obs. CABRILLAC.
• 7')
Cf. SAINT- GENIEST. La récupération cles avances par l'A.C.S., Dr. soc. Déc.1987, n012, p. 836 ; G. RIPERT et R.
ROBLOT, op. cit., n03106.
48U
Cf. Sur la notion cie créanciers cie la masse, A. BRL:\\'ET, Masse des créanciers et créanciers de la masse, Thèse
Nancy, 19Î3.

207
créanciers de la masse aux creanciers titulaires de sûretés réelles spéciales
mobilières. La doctrine était extrêmement partagée. Certains auteurs, arguant
notamment de l'antériorité des sûretés mobilières spéciales, optaient pour la
primauté des créanciers nantis sur le privilège de la masse482. D'autres483, au
contraire, par un raisonnement analogique fort ccntestablefê" fondé sur la
prééminence des dettes de la masse sur les privilèges générauxsë>, opinaient
en faveur de la suprématie des créanciers nouveaux.
339- Cette querelle doctrinale n'avait pas été nettement tranchée par la
jurisprudence.
Seul un arrêt de
la cour de
Douai consacre,
à
notre
connaissance, la primauté des créanciers de la masse sur les créanciers
nantis sur outillage et matérielv'>. Sur ce point, la législation de 1985 dissipe
les incertitudes du passé en affirmant sans détour la primauté absolue des
créanciers nantis antérieurs au jugement d'ouverture. Elle n'en suscite pas
moins une controverse sur la nature juridique de la garantie instituée par
l'article 40. Une partie de la doctrinet''? opte volontiers pour la qualification de
privilège. 11 s'agirait même d'un privilège général car il s'exerce sur l'ensemble
de l'actif du débiteur défaillant. L'intérét de cette qualification réside dans
l'application du principe de subsidiarité. Celui-ci postule de faire porter le
privilège d'abord
sur le produit de la vente des biens mobiliers et seulement
ensuite sur les sommes provenant des cessions d'immeubles.
Le droit de priorité conféré par l'article 40 de la loi a certes toutes les
apparences
d'un
privilège général,
mais cette qualification
n'a pas été
expressément entérinée par le législateur. Or, les privilèges sont de droit
étroit.
Au
surplus,
la jurisprudence
n'a pas 488expressément consacré
l'application du principe de subsidiarité sus-évoqué. En réalité, les auteurs de
la loi de 1985 ne se sont guère souciés des questions de qualification
juridique. L'article 40 se borne à instituer une priorité de paiement. Trop de
situations préférentielles sont
souvent improprement désignées sous le
481
Cf. R. PLAIS/\\NT, Dette de la masse et privilège sur les immeubles du débiteur, Rev. synd. 1979, p.84.
'82 Cf. G. RIPERT et R. ROBLOT, op. cit., n'2967.
48.1
Cf. Par exemple, Ph. PASTAUD, Thèse, op. cit., p. 198.
4'4
Cf. F. MACORIG- VENIER, Thèse, op. cit., n'359.
485
Cf. Casso corn., 16 mars 1965, RTD cam. 1965, p. 660, obs. HOUI!'!.
48"
Cf. DOUAl, 14 juin 1984, D. 1985, p. 43, n03, note DERRIDA.
m
Cf. F. MACORIG-VENIER, Thèse, op. cit., n'297 et S. ; Y. GUYON, op. cit.,:253.

208
vocable de
privilège,
sans que cela ne résulte d'une disposition légale
expresse-ev.
340- Au demeurant, le traitement de faveur réservé aux creanciers
nouveaux s'inscrit parfaitement dans la logique du redressement judiciaire. La
priorité de paiement conférée à ces créanciers corrobore ainsi l'idée de prime
accordée à ceux qui concourent à l'effort de sauvetage du débiteur. Mais
lorsque cet objectif disparaît par suite de l'échec ou de l'impossibilité du
redressement de l'entreprise, le sacrifice des créanciers nantis antérieurs ne
se justifie plus. Fort de ce postulat marqué au coin du bon sens, le législateur
de 1994 a rétabli la primauté de certains créanciers gagistes sur les créanciers
postérieurs au jugement d'ouverture. La modification de l'article 40 qui en est
résultée était très attendues?", même si elle a été précédée d'une critique
nourrie de la part d'un auteur érninenrt?".
341-Toutefois, l'effet d'annonce et
la pression exercée par certains
milieux
profcssionnelsev?
semblent
aVOIr
quelque
peu
émoussé
l'élan
réformiste des auteurs de la loi de 1994. Ce constat résulte de la portée fort
militée de la primauté restaurée des créanciers gagistes sur les créanciers de
l'article 40 (1). En outre, la loi nouvelle laisse planer une incertitude sur le
sort des créanciers apparus au cours de la période d'observation, mais restés
impayés après conversion du redressement en liquidation judiciaire. Ces
derniers doivent-ils conserver leur priorité initiale ou bien subir la primauté
des gagistes dans la nouvelle procédure de liquidation judiciaire? (2)
1 °La portée limitée de la primauté des créanciers gagistes sur
les créanciers postérieurs
342- La ligne directrice adoptée par le législateur en 1985 fut de
sacrifier les créanciers munis de sûretés réelles spéciales pour favoriser les
4.'" Cf. 'l'rib. corn .. Toulouse, 9 Juin 1993, Rev. pruc. coll. 1994-1, pA2, n 17, obs. SAINT ALARY- HOUIN.
4",1 Cf. M. CABRILLAC, L'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 et ses difficultes d'application, op. cit., n° 21-22,
L'auteur dubiiauf retient la qualification de privilège avec beaucoup de reserve.
4<)0 A. LIENARD, Nouvelles propositions pour reformer la lui du 25 janvier 1985, op. cit, p. 388.
4')]
Cf. B. SOINNE. Bilan de la loi du 25J8l1Ùer 1985 ... , ,)p. cit., n"14
4'il
cf. J.F. DAIGNE. Les lois de 1985 sur les faillites au cane des accuses et réforme des procedures collectives. Les
conclusions du groupe de travail CNPF! AFB, P.A.6 juil. 1992. n081, pA et s ..

209
créanciers qui se prêtent volontiers au financement de la poursuite d'activité.
Mais cette obsession salvatrice avait fini
par entamer l'inefficacité des
nantissements sans dépossession. L'idée va ainsi germer tant en doctrine
que dans les milieux d'affaires et politiques, d'un rétablissement de la
priorité des créanciers nantis sur les créanciers de l'article 40. Les auteurs
de la loi du 10 juin 1994 souscrivent pleinement à ce postulat. Mais ils vont
enfermer cette primauté retrouvée dans une double limite.
D'une part,
ratione temporis, la priorité des créanciers nantis n'est consacrée qu'en
période de liquidation judiciaire. D'autre part, ratione persanae, tous les
gagistes ne profitent pas de la faveur légale. L'étendue des sûretés visées par
l'article 40, alinéa 2 nouveau de la loi revêt donc une importance capitale(l).
Du reste, la discrimination ainsi opérée entre les différents nantissements
appelle une réflexion sur le sens et la véritable portée de la réforme de 1994
à l'égard des créanciers nantis(2).
a- Les gagistes concernés
343- L'article 40 alinéa 2 nouveau énonce :< qu'en cas de liquidation
judiciaire,
elles
(les
créances
nées
régulièrement
après
le
jugement
d'ouverture) sont payées par priorité à toutes les autres créances à l'exception
de celles qui sont garanties par le privilège établi aux articles L. 143-10;
L.143-11, L.742-6 et L.751.15 du code du travail; des frais de justice, de celles
qui sont garanties par des sûretés immobilières ou mobilières spéciales
assortie d'un droit de rétention ou constituées en application de la loi n° 51-
59 du 18 janvier 1951 relative au nantissement de l'outillage et du matériel
d'équipement »,
Ce texte assigne donc le 3 eme rang du classement qu'il
institue aux seuls gages assortis d'un droit de rétentiorrtvê auquel s'ajoute le
nantissement du matèriel et de l'outillage.
La première catégorie VIse les gages emportant dépossession réelle,
fictive ou juridique du constituanrt?" .. Il était admis jusqu'à présent, que la
4').' Cf. Sur les incertitudes en maiiere immobilière, F. DEj\\R1DA ,,1 J.P. SORTAiS, La réforme du droit des entreprises
en difficultés, op. cit., n062- 63.
4'14
Cf. Sur la que suon, M. CABRILLAC et Ph. PETEL, Juin 1994. Le printemps des sûretés réelles ?, op. cit., n09.

210
technique du report du droit de rétention sur le prix de cession évacuait tout
conflit de privilège sur la valeur des biens gagés. Le gagiste placé hors
concours par le mécanisme de l'article 159, alinéa 4 de
la loi supplante les
créanciers de la procédure. Pourtant, certains auteurs avaient récusé une telle
primauté en se fondant sur la généralité des termes de l'article 40 ancien. Ils
avaient considéré que la force que l'on prête à la détention matérielle ou fictive
du bien gagé paraît exagérée, car elle ne constitue qu'une simple modalité
d'exercice du gage4 9 5 . Or, le gage étant une sûreté comme les autres, le gagiste
devrait subir la priorité accordée aux créanciers nouveaux.
344- Nous connaissons la controverse et les incertitudes inhérentes à
la nature juridique du droit de rètentiorrt?>. Jusqu'à preuve du contraire, cette
prérogative autonome, détachée du gage, ne s'analyse nullement en une
sûreté réelle au sens classique du terme, car dépourvue du droit de préférence
et du droit de suite"?". Le droit de rétention représente plutôt une sorte
d'attribut négatif, archaïque qui permet au rétenteur d'opposer sa force
d'inertie aux créanciers de rang préférable au sien. C'est à ce titre et non sur
le terrain du droit de préférence que le gagiste prime les créanciers de l'article
40. Sur ce point, la solution paraît constante en jurisprudence-w. Dès lors
pourquoi les auteurs de la loi de 1994 ont- ils formulé une règle qui s'impose
d'elle-même par la force des choses? L'innovation ne concerne en définitive
que le seul nantissement du matériel et de l'outillage dont le titulaire relègue
désormais les créanciers de l'article 40 à une place peu enviable. Or, si cette
promotion singulière souhaitée, aucune explication ne justifie l'exclusion des
autres gages sans dépossession du domaine de l'article 40 alinéa 2.
b- L'étendue de la primauté des créanciers gagistes
345- 11 est difficile d'appréhender les raisons qui ont conduit le
législateur
de
1994
à
opérer
une
telle
discrimination.
Les
travaux
4');, Cf. LE MONTEY, La loi sur le redressement judiciaire des entreprises, Rev. Banque 1985, p.663, spéc., p.666 ;
VI REFOLET, note sous Trib. corn. Le Mans, 7 oct. 1986,Gaz. Pal. 1987, 1, p. 259.
4''', Cf. Sur la quesuon
A. MARTIN- SERF, L'interprétation extensive des sûretés réelles en droit commercial, op. et
loc.cit ..
4<17 Cf. N. C!\\TALI\\- }-'RAN,JOL', Ue la nature juridique du droit dé' retention, op. cit., spéc. n020, 29 et 42.
4<1X Cf. Cass. civ. Il, 27 juin 1<)58, 0.1985, p.696; JCP 1958 éd.
G.IJ, n" 10819 et 10901, note BECQUE.; Casso
com., 27 mars 1968, Gaz. PaL 1968,2, p. 168.

211
parlementaires ne fournissent aucune indication sérieuse et laissent même
présager une amélioration du rang de tous les créanciers nantis. Dans ces
conditions, la réforme de l'article 40 perd beaucoup de son intérêt puisque, le
gagiste
rétenteur en éludant la règle du concours,
devançait déjà les
créanciers
super-privilégiés't"?
et
a fortiori
les
créanciers
nouveaux.
La
modification de l'article 40 n'a-t-elle constitué qu'un {( coup d'épée dans l'eau Il
500? Tout porte à le croire. Toutefois, si le nouvel article 40, alinéa 2 de la loi
semble confirmer l'état du droit positifw>, on peut se demander s'il ne suggère
pas une limitation de cette primauté du gagiste rétenteur à la seule période de
liquidation judiciaire. Le maintien de l'article 33 alinéa 3 de la loi de 1985
permet d'en douter. Mais il avait été soutenu que le paiement du rétenteur en
période d'observation revêtait un caractère provisoire. Il devait par suite
donner lieu à restitution si des créanciers de rang préférable, dont ceux
garantis par l'article 40, apparaissaient uhèrieurementw-. Cette opinion assez
curieuse prend un relief particulier à la faveur de la nouvelle rédaction de
l'article 40 alinéa 2.
346- De plus, pendant la phase d'exécution du plan de continuation et
dans le cadre d'un
plan de cession totale de l'entreprise, aucune disposition
analogue à l'article 33 en période d'observation et à l'article 159 en période de
liquidation judiciaire ne consacre la prééminence du gagiste rétenteur. Ce qui
incite à penser que les créanciers nouveaux pourraient saisir le bien retenu
entre les mains du gagiste et le faire vendre Il pourrait être; le cas échéant,
contraint de se dessaisir éventuellement sous astreinte-vê. Cette interprétation
est séduisante et paraît tout à fait plausible. Elle donne un sens à la réforme
de l'article 40. Elle procède cependant d'une lecture exégétique des termes de
la loi. Elle fait fi à la fois de la volonté des initiateurs de la réforme et de
l'essence mêrne de la suprématie du gagiste rétenteur. Celui-ci tire sa force de
l'emprise naturelle, réelle ou juridique
qu'il exerce sur la chose gagée. C'est
précisément ce pouvoir de fait qui fonde sa souveraineté. Il faut en déduire
4"" Casso com., 15 oct. 1991, op. cii..
sua cf. M. CABR1LLAC et Ph. PETEL Juin 1994 ... , op. cù., n'13.
sni Cf. En ct:' sens, F. J. CREDOT, Les grandes lignes dt la reforme du droit des entreprises en difficultés, P. A., 14
sept. 1994, WllO, p.12, spéc.p.Lô.
SUL
Cf. V1REFOLET, note sous Trib. corn., Le Mans, 7 OC1. l C)86, op. cil.

212
que l'article 40 alinéa 2 nouveau n'écarte
pas non plus la prééminence
absolue du simple rétenteur non-gagiste-v".
347- A contrario, l'article 40 alinéa 2 nouveau ne suggère t-il pas
d'étendre la primauté du gagiste sur les créanciers postérieurs même dans
l'hypothèse ou il perd le bénéfice de son droit de rétention? On considérait
jusqu'à présent qu'il convenait dans ce cas d'appliquer le classement de droit
commun. A cet égard, le gagiste privé de son droit de rétention à la suite d'un
dessaisissement volontaire, ne peut plus se prévaloir que de son droit de
préférence. 11 s'incline devant les créanciers de meilleur rang notamment le
Trésor public. Or, dorénavant, le gagiste rétenteur supplante les créanciers de
l'article 40 en période de liquidation judiciaire. Il serait logique, mutatis
mutandis, qu'il passe désormais avant le trésor public-v>. Cette interprétation
apporte une certaine cohérence à l'articulation de l'article 40 alinéa 2: c'est
peut être là où se situe l'innovation et, partant, la véritable signification du
troisième rang assigné aux gages dans la nouvelle hiérarchie édictée par ce
texte.
348- De même, la rétrogradation des creanciers postérieurs par les
créanciers nantis sur outillage et matériel revêt un caractère remarquable. Or,
cette dernière innovation se concilie difficilement avec le classement de droit
commun que semble ressuscité le texte nouveauv". Ce dernier ne fait pas
allusion au privilège du conservateur qui prime le créancier nanti dans la
hiérarchie classique du droit des sùretés-?". Mais le nouvel ordre de paiement
prévu à l'article 40, alinéa 2 de la loi devrait seul prévaloir en période de
liquidation judiciaire. Dès lors, le créancier nanti sur le matériel et outillage,
en
devançant
désormais
les
créanciers
postérieurs,
prime
a fortiori le
conservateur des biens gagés. D'un autre côté, la restauration du rang
50J Cf. Cependant en faveur de la suprématie du gagiste nonobstant le silence de la loi de 1985, D. MARTIN, DE la
survie du gage à la cession de l'entreprise, Rev. jurisp. com. 1987, pSI; De la rétention d'actif en cas de cession de
l'entreprise, Rev, Dr. banc. et bourse, nov.- déc. 1987, p.ll!.
5114 Cf. F. DERRIDA,
et J.P. SORTAIS, La réforme du droit des entreprises en difficulté. op. cii., n063 ; Y. CHAPUT, La
réforme de la pr éve-ntion .... .op. cit., n'68 ; Contra. P. LECANNU, J.M. LUCHEUX, M.PITRON, J.P. SENECHAL,
Entreprises ci: difficulté. Prévention, Redressernern et liquidation judiciaires, G.L.N. Joly, éd. déc. 1994, n01376,
p.755.
"IIS Cf. En Ct" sen" f\\o't. CABRILLAC et Ph. PETEL, op. cil., n'·H.
511(, CF. En ce sens O. MARTIN, Des sûretés mobilières spéciales, op. et lac. et cit.
5117 Cf. G. MARTY, P. RAY!\\lAUD et Ph. JESTAZ, op. Clr., n'50S.

213
préférentiel du créancier nanti sur outillage et matériel peut apparaître vaine,
inutile ou surabondante. Rien ne s'oppose en effet dans le texte nouveau à ce
que le créancier contourne la règle du concours en exerçant la faculté
d'attribution judiciaire qui lui est ouverte par application de l'article 159,
alinéa 3 de la loi. La mise en œuvre de ce mécanisme d'éviction de la loi du
concours « occulte l'intérêt du reclassement opéré par l'article 40 nouveau au
profit du créancier bénéficiaire d'un nantissement de matériel»
. Nous
verrons-vê cependant que le mécanisme de l'article 159 alinéa 3 constitue une
arme à double tranchant que les établissements de crédit rechignent à
manier, car il compte des inconvénients économiques. Dans ces conditions, le
nouveau classement établi par l'article 40 alinéa 2 garantirait mieux les droits
du créancier nanti sur matériel et outillage.
349- La solution antérieure favorable aux créanciers de l'article 40 ne
se justifiait guère, car dans cette hypothèse « la perte subie par les créanciers
est alors
irrémédiable et sans
profit pour l'entreprise
puisque
celle-ci
disparaît »509. Au demeurant, ce qui est valable pour le nantissement de la loi
de 1951, l'est aussi pour les autres nantissements sur fonds de commerce ou
sur marché public .. Il faut par conséquent convenir avec le professeur Didier
MARTIN que « ces distorsions de régime relèveraient de l'aléatoire si l'on n'y
percevait une complaisance législative délibérément orientée »510 . C'est semble
t-il « la spécification légale de sa cause »511 , qui le rapproche du reste du gage
sur
véhicule
automobile
et
l'importance
qu'il
revêt
dans
l'équipement
professionnel des entreprises in bonis, qui justifient le sort enviable réservé
au nantissement de la loi de 1951.
Pourtant, cette primauté ne paraît certaine que dans l'hypothèse d'une
liquidation judiciaire immédiate. Elle risque en revanche d'être compromise si
la liquidation est prononcée après une première procédure de redressement
5(1R lnfra n'50 1 Et s.
Sil') cf. Y. GUYON,
op. cit., n' 1252 in fine.
"JO Cf. D. MARTIN, Des sùretés mobilières ... , op. cit., p. 54.
511 Cf. G. CORNU, La
loi du 18 janvier 1951 relative au nantissement de ;'ou Lill age Et du matériel d'équipement in Le
gage commercial, op. cic., p. 442 et s.

21
judiciaire. Dans ce cas l'équité ne recommande t-elle pas de maintenir la
priorité initiale des créanciers de l'article 40?
2 0 La primauté contestée des gagistes en cas de conversion du
redressement en liquidation judiciaire
350- Les incertitudes qui assombrissent le domaine d'application de
l'article 40, alinéa 2 nouveau de la loi paraissent également déteindre sur
l'efficacité du 3 0 rang assigné aux créanciers nantis dans le classement légal.
Pourtant, la grande innovation de la loi de 1994 réside certainement dans le
distinction
qu'elle
opère
entre
redressement
et
liquidation
judiciaires,
conformément aux vœux d'une
doctrine autorisée-V.
Or,
la liquidation
judiciaire, champ d'application de l'article 40 alinéa 2, peut désormais se
présenter sous deux visages: ou bien elle intervient immédiatement sans
l'ouverture préalable d'une période d'observation, ou bien elle est prononcée
soit au terme d'une « phase préliminaire qui n'a pas laissé entrevoir des
perspectives de redressement, soit comme un avatar à la suite de la résolution
d'un plan de continuation »,
Dans la liquidation immédiate, l'efficacité du rang prioritaire des
créanciers gagistes ne se heurte à aucun obstacle. D'ailleurs, le très faible
passif de l'article 40 qui devrait en résulter est de nature à rassurer les
créanciers nantis: non seulement ceux qui sont exclus du troisième rang de
l'article 40 alinéa 2, mais aussi ceux qui y figurent et qui ne jouissent pas ou
plus du droit de rétention. En revanche, dans les deux autres hypothèses de
liquidation, les créanciers nantis visés par l'article 40 alinéa 2 s'exposent au
danger des voies d'exécution diligentées par les créanciers postérieurs au
cours de la période de redressement judiciaire préexistante. La loi de 1994
n'a pas remis en cause la jurisprudence constante de la Cour de cassation
qui autorise les créanciers nouveaux à faire usage de leur droit de poursuite
individuelle. Ils peuvent saisir les biens gagés et se payer sur le prix de
'" CL F, DERRIDA, Brefs propos sur la réforme de la faillite, D, 1993,ChL, p. 321; F. DERRIDA et J. P. SORTAlS,
Philosophie de la réforme, op. cit., n'24,

215
cession par priorité, même s'ils ne sont pas inscrits sur la liste mentionnée à
l'article 61 du décret.
351- La question se complique lorsque les créanciers apparus au cours
de la période d'observation ont sursis aux poursuites immédiates aux fins de
recouvrement de leur créance échue. Il est évident que si les créanciers
redoutent de perdre leur rang prioritaire, lorsque le redressement bascule
dans
la liquidation judiciaire,
ils
hésiteront à
s'engager aux côtés de
l'entreprise en difficulté. Pour éviter cette conséquence fâcheuse, la seule
solution consiste à maintenir la priorité initiale des créanciers de la période
d'observation malgré le prononcé de la liquidation judiciaire ultérieurement. A
cet égard, l'argument exégétique tiré de l'application de l'article 40 alinéa 1er
paraît ici imparable. De plus, le recours à la théorie des droits acquis
permettrait de justifier cette solution équitable. En s'associant aux effort de
rétablissement du débiteur, le créancier postérieur comptait sur la garantie
édictée par l'article 40 pour obtenir le règlement de sa créance à l'échéance. Il
a
acquis un droit « inviolable» qui devrait lui conférer une priorité de
paiement quelle que soit l'issue de la procédure.
352- Il n'est pas certain que cette interprétation correspondre à la
volonté du législateur de 1994. Celui-cl a entendu assurer la promotion des
créanciers titulaires de sûretés réelles spéciales au stade de la liquidation
judiciaire. Le redressement et la liquidation judiciaires sont deux procédures
distinctes qu'il convenait de régir différemment en raison de leur finalité
respective. Dans ce sens, le redressement judiciaire ne doit intervenir que
lorsque l'entreprise présente des chances sérieuses de sauvetage. Lorsque la
période d'observation débouche sur la liquidation judiciaire, les créanciers de
la première procédure doivent subir la relégation prévue par l'article 40, alinéa
2 de la loi. Quel serait alors le sort de ces créanciers dans la seconde
procédure? Avant la réforme du 10 juin 1994, la jurisprudence avait fixé le
régime des créances nées au cours de la période d'observation mais non
réglées après la résolution du plan de continuation de l'entreprise. La Cour de

216
cassation-rê,
comme les juges du fond>!" décident que toutes les créances
salariales, liées à une première procédure collective doivent être à nouveau
déclarées au passif de la nouvelle procédure en cas de résolution du plan.
Celle-ci ne produit aucun effet rétroactif. En revanche, dans le cadre du
régime antérieur, la résolution du concordat faisait renaître les dettes de la
masse, non seulement celles qui étaient contractées entre l'ouverture de la
procédure et l'homologation du plan, mais encore celles qui apparaissaient
depuis le jugement d'homologation jusqu'à la résolution du concordats!".
353- Au demeurant, la nouvelle rédaction de l'article 50 de la loi de
1985 ne devrait pas bouleverser la solution sus-évoquée. Le texte n'envisage
plus qu'une seule issue après la résolution du plan: la liquidation judiciaire.
Dès lors, les créanciers postérieurs de la procédure initiale sont tenus de se
plier à la nouvelle hiérarchie établie par l'article 40, alinéa 2 de la loi. Dans
tous les cas, les créanciers nouveaux impayés au moment du prononcé de la
liquidation judiciaire, ne sauraient rejoindre la catégorie peu enviable des
créanciers chirographaires sans heurter l'équité. Pourtant, cette interprétation
semble s'attacher à l'obligation qui leur est faite de déclarer leur créance au
passif de la nouvelle procédure de liquidation judiciaire, à moins de les
considérer comme relégués hors de la procédure, ce qui est juridiquement
contestable.
La loi gabonaise du 4 août 1986 cultive également l'ambiguïté sur la
portée du rang des créanciers postérieurs. Le dernier alinéa de l'article 41
affirme curieusement que « les créances destinées à la continuation de
l'exploitation sont des créances
de la masse des créanciers, hors de la
procédure collective li. On découvre à la lecture de cette disposition l'existence
d'une masse de créanciers dont le régime n'est défini nulle part. Or, au stade
de la liquidation des biens, l'article 77 de la loi du 4 août 1986 énonce que les
créances postérieures . bénéficient d'un privilège dans les conditions fixées
SI.- Cf. Casso com., 28 juin 1994, Rev. proc. Coll.
1995-1. n° ., (lbs. DCl<EUIL; JCP 1995. éd. E. n 01 pA17 -418, nOS.
obs. CABRILLAC et PETEL ..
;il< Cf. Toulouse, l8juinl990, Rev pree. coll. 1991- 2, p.215, n'Il, obs. SAINT ALARY· HOUE'l; Paris, 2 avr. 1993,
Rev. proe. Coll. 1995- l , p. 53, n01. obs. DUREU1L.
;i15 Cf. Sur la question, A. HONORAT. La masse des creanciers dW1S la liquidation des biens ou le règlement judiciaire
du débiteur, Etudes AUDJ:vIET, Aix 1968, p.227, spée.p.245 à 248; B. SOlNNC, L'article 40 .... op. cù., p.327, spée.
n08.

217
aux articles 39 et 40 de la présente loi ». Ces deux textes définissent
respectivement les privilèges des salariés et du trésor public. Comment des
créanciers, en principe hors procédure en raison du paiement à l'échéance de
leur créance, peuvent se voir conférer des privilèges de droit commun attachés
à la qualité de la créance garantie? Ces dispositions dénotent une certaine
incohérence et génèrent d'énormes difficultés d'application sur lesquelles, à
notre
connaissance,
la
jurisprudence
gabonaise
ne
s'est
pas
encore
prononcée.
354- Au total, domaine limité, efficacité incertaine, la réforme de
l'article 40, présentée comme la pierre angulaire de la loi de 1994, prend la
forme d'un véritable leurre pour les créanciers nantis. Mal inspiré, peu
révolutionnaire, le texte nouveau encourt dans son ensemble la critique
d'incohérence et d'injustice. L'équilibre recherché par les auteurs de la loi de
1994 n'a pas amorcé la mutation espérée par certains et redoutée ou récusée
par d'autres. Tous les créanciers nantis auraient dû primer les créanciers
postérieurs en période de liquidation judiciaire, car celle-ci est essentiellement
orientée vers le paiement des créanciers. Certains nantissements comme celui
relatif au fonds de commerce ou aux marchés publics, aujourd'hui largement
discrédités, auraient probablement connu un nouvel essor s'ils avait été
mentionnés au 3° rang du classement institué par l'article 40, alinéa 2 de la
loi.
355- Tous les créanciers antérieurs trouveront cependant un motif de
consolation dans la volonté nettement affirmée
par le législateur de 1994, de
mettre un terme aux poursuites d'exploitation abusives et déficitaires. Les
juges sont ainsi incités à prononcer la liquidation immédiate de l'entreprise.
Seul le créancier nanti sur matériel et outillage apparaît comme le principal
bénéficiaire de la réforme de l'article 40. La situation du gagiste rétenteur
demeure inchangée, malgré quelques incertitudes à propos du conflit avec le
super-privilège, mais qui devraient étre dissipées dans le sens d'un maintien
des solutions antérieures. De même, subsistent les solutions jusqu'à présent

218
admises dans les autres hypothèses de concours opposant le gagiste aux
créanciers privilégiés généraux ou spéciaux, réglées par le code civil.
356- Il convient cependant de signaler que les privilèges généraux fiscaux ne
l'emportent pas sur l'ensemble des nantissements-!". Des dispositions légales
spéciales accordent un rang préférentiel à certains créanciers nantis sur le trésor
public, en application de la règle « spécialia generalibus derogant Il. Ainsi, l'article 9
de la loi du 18 janvier 1951 dispose que « le privilège du créancier nanti (... )
s'exerce sur les biens nantis par préférence à tous autres privilèges, à l'exception
1° des frais de justice, 2° du privilège des frais faits pour la conservation de la
chose, 3° du privilège accordé aux salariés par l'article L. 143.10 du code du
travail Il. Ce texte ne mentionne nullement les privilèges dans l'énumération des
privilèges dérogeant à la primauté du créancier nanti. Cette liste apparaît bien
limitative compte tenu du caractère restrictif des exceptions en droit français. La
situation du créancier nanti sur matériel et outillage se révèle une nouvelle fois
particulièrement enviable. Ce régime de faveur se justifie par l'importance des
biens
d'équipement
professionnel
dans
le
fonctionnement
des
entreprises.
Toutefois, le trésor public passe après les bénéficiaires de warrant commerciaux
pour le recouvrement des contributions directes>!".
357 - Au demeurant, un conflit singulier oppose de plus en plus dans la
pratique le gagiste rétenteur ou le créancier nanti sur biens d'équipement au
vendeur ayant stipulé une clause de réserve de propriété. Le droit de préférence
n'est plus ici en cause. Mais il convient de déterminer une priorité entre ces deux
catégories de créanciers se prévalant chacun d'un droit réel sur le bien litigieux
acquis par le débiteur. Le contexte particulier des procédures collectives met en
relief l'originalité d'un tel litige.
'l<, cf. Casso com., 26 oct. 1971. op. CIl.
' " Cf. L. 21 avr. 1932 sur le warrant pétrolier, Art. le, ; L. 12 sept.. 1940 relative au warrant industriel, Art. 11.

219
§ 2. Le concours avec le bénéficiaire d'une clause de réserve de
propriété.
358- La clause de réserve de propriété a connu un essor remarquable
durant ces dernières années. Elle est pratiquement devenue une clause de style
dans les ventes commerciales, jouant par là -même le rôle d'instrument privilégié
du crédit inter-entreprise. La loi du 12 mai 19805 18 a consacré sa fonction de
garantie en la rendant opposable à la procédure collective ouverte à l'encontre de
l'acquéreur. Le législateur de 19855 19 a repris cette solution en accentuant
l'efficacité de l'action en revendication du vendeur, malgré quelques obstacles
procéduraux'<". La clause de réserve de propriété apparaît sur le plan juridique
comme une condition suspensive du transfert de propriété jusqu'au paiement
intégral du prix par l'acquéreur->'. Dès lors, le vendeur à crédit resté propriétaire
du bien échappe aux aléas de la procédure collective. Il est donc difficile
d'imaginer a priori que son droit exclusif sur le dit bien puisse être battu en
brèche par un droit réel accessoire.
359- Or les litiges nés de ce choc de droits réels concurrents se sont accrus.
Ils révèlent dans tous les cas une manœuvre du débiteur. Ce dernier déjà
bénéficiaire d'un crédit fournisseur consenti par le vendeur, constitue par la
suite un nantissement portant sur le bien acquis en contrepartie d'un concours
bancaire. Les créanciers nantis se trouvent ainsi confrontés au danger des
clauses de réserve de propriété dont la publicité n'est pas obligatoire522 et qui
sont volontairement dissimulées par l'acheteur à crédit. Pour résoudre ce conflit,
la jurisprudence a eu recours à la présomption de bonne foi édictée en faveur du
possesseur d'une chose mobilière par l'article 2279 du code civil. L'extension de
cette règle au profit du gagiste a soulevé une discussion en doctrine. Elle permet
51" Ce texte a complété l'article 65 de la loi du 13 juillet] 967.
SI0Cf. L. 1985. An. 121.
SLU Cf. Rapport M. ANCEL, Entretien de Nanterre du 17-18 mars 1989 : Nouvelles sûretés pour créanciers échaudés.
JCP 1989, éd. E. cah. dr.
entr., n° 5, p.3 ; M.J. COFFY dl' BOISDEFFRE, La jurisprudence de la chambre
commerciale de la Cour de cassation dans le domaine dt' la réserve de propriété. Rev. Banque et Droit n° 15, janv.-
fév. 1991, p.23; F. PEROCl-lON, Les créanciers revcndiqu ant s, Colloque 31 janv.v I« fév.1991 - Université des
sciences sociales de Tou lou se, P. A. 20 mai 1992. n" 61, p. 19.
S21 Cf. Casso com., la nov.
1979; JCP 1980 éd. C.l, 184,6. Sur la question, Ph. BEN EZRA, Réserve de propriété et
procédure collective : contribution il la mise en œuvre du droit de revendication, Gaz. Pal. 1989, J, Doctr. l , spéc, p. 3
et S.
Sn Une pu oucite fa.ru ltauve est maintenant prévue par l'article 85.5 du décret de 1985 dans sa rédaction issue du
décret du 21 octobre 1994.

220
de valider un gage constitué a non domino, faisant ainsi échec à la revendication
du vendeur (A).
360- Toutefois, seul le gagiste rétenteur paraît en mesure d'invoquer
l'article 2279 du code civil. Le créancier nanti sur matériel et outillage ne
dispose pas en revanche du droit de rétention. Dés lors, il ne saurait en
principe triompher du vendeur à crédit. Dans ces conditions, l'action en
revendication du bien nanti redevient possible. Le créancier nanti risque de
perdre son droit réel, d'autant plus que la loi du 10 juin 1994 a sensiblement
renforcé les droits des créanciers revendiquantsv>.
De
plus, le gagiste
rétenteur ne peut bénéficier de la protection aménagée de l'article 2279 si sa
possession est en tachée de mauvaise foi. Dans ces conditions, le vendeur à
crédit peut exercer victorieusement son action en revendication et primer le
gagiste (B).
AI La primauté du gagiste fondée sur l'article 2279 du code civil
361- La règle posée par l'article 2279 du code civil « en fait de meuble
possession vaut titre » semblait à l'origine s'appliquer au seul conflit opposant
le propriétaire dépossédé et le sous-acquéreur du bien litigieux transmis a non
dominoê?". La possession suffit dans ce cas à créer une présomption de
propriété au profit du sous-acquéreur. Mais certains titulaires de droits réels
accessoires acquièrent également la possession de la chose objet de leur droit.
Ils peuvent dès lors se prévaloir de la présomption édictée par l'article 2279
du code civil à l'encontre du propriétaire revendiquant. Une jurisprudence
ancienne'<> a eu l'occasion de consacrer cette solution à propos du gagiste
rétenteur. Pourtant, la doctrine s'est interrogée sur le fait de savoir si le
gagiste était un véritable possesseur ou un simple détenteur précaire. La
question n'est pas dépourvue d'intérêt puisqu'elle détermine la priorité du
gagiste sur le vendeur à crédit demeuré propriétaire du bien gagé (1). Au
';2.1
cf. Fr. PEROCHON , La revendication favcrisée (Lvi !Jo 4-'~75 du 10 juin 1994), O.S. 1994, Chr., p. 251 ; B.
SOINNE , Le nouveau droit de la revendication issu de l~, loi du j () juin 1994 ; P.A. 14 sept., 1994, n° 110, p. 75.
S24 Cf. Casso
Corn.. l:' oct. 1985, O.S. 1986, p.246, note CABRILLAC ; RTD corn. 1986, p.544, n° 10, obs. HEMARD
et BOULOC; Casso Corn., 19 mai 1987, Bull. civ. 1V, ne 120, p. 91 ; RTD corn. 1988, p.285, obs. HEMARO et
BOULOC; Sur la quesuon, Fr. TERRE et Ph. SIMLER, Droit civil, Les biens, Précis Dalloz, n° 413.
SlS Cf. Casso civ., 19 Juin 1928, OP.
1929, l, p. 45 ; S. 1930, J, p. 15.

221
demeurant, l'application de la règle de
l'article 2279 du code civil est
subordonnée à la bonne foi du possesseur. Celle-ci constitue ainsi la condition
de la primauté du gagiste sur le vendeur sous réserve de propriété (2).
1 0 La possession invoquée par le gagiste
362- L'analyse des textes du code civil autorise une distinction entre le
véritable possesseur visé par l'article 2279 du code civil et le simple détenteur
précaire qui « détient pour le compte d'autrui H. L'hypothèse concerne sans
aucun doute le titulaire d'un droit réel de gage. Mais les articles 2071 et
suivants du code civil évoquent par ailleurs la mise en possession du gagiste
et en font une condition fondamentale de la constitution du gage526 . Pourtant
la doctrine classique-v? récusait le terme de possession du gagiste en se
fondant notamment sur les articles 2036 et 2079 du code civil. Ces textes
postulent une opposition entre le possesseur du droit de propriété et le simple
détenteur matériel. Des auteurs modernes considèrent le gagiste soit comme
un
possesseur partiel-v", soit comme un quasi-possesseurëê".
Mais ces
subtilités
de
langage
ne
correspondent
a
aucune
catégorie
juridique
consacrée. Elles n'établissent nullement la réalité du mécanisme du gage.
363- Aux termes de l'article 2071 du code civil, le gage est un contrat
par lequel le débiteur remet une chose au créancier pour lui servir de
garantie. Cette exigence de possession initiale du gagiste est réitérée par les
articles 2076 du code civil et 92 du code de commerce. Aucun doute ne
subsiste aujourd'hui. La condition essentielle mise à la constitution du gage
réside dans la dépossession du débiteur et la mise en possession corrélative
du gagiste. Au demeurant, pour évacuer toute ambiguïté, il suffit de s'en tenir
à une lecture correcte de l'article 2279 du code civil. Dans ce texte, la
possession recèle deux fonctions : une fonction acquisitive du droit de
propriété qui intéresse exclusivement le sous-acquéreur et une fonction
probatoire qui assure notamment l'opposabilité du droit réel du gagiste aux
02(, cf. l-l.L. et J. MAZEAUD, Leçons de droit civiL. Tomé' 3. op. CIr. n' {if.
'"'Cf. Sur l'analvse de celte doctrine,
J. FOYER, le principe (il. gage avec dépossession. La loi de 1863 et ses
preccdcnt s, in L,' g2ge commercial, op. cii., spéc. p. 67 Cl s.
028 Cf.
QUINCARLET, La notion de gagé' en droit privé français, thèse Bordeaux, 1937, spéc. p. 310 et s .
.02"
Cf. H.L. et 'VIAZEAUD. Leçons de droit civil, Tome 2, 2 e m ,' volume, Biens-Droit de Propriété et ses démembrements
par F CHABAS. 8' édition Montchrestien 1994, n' 1530

222
tiers. Celle lecture dualiste de l'article 2279 du code civil fait ressortir la
double qualité du créancier gagiste et conduit nullement à relativiser sa
possession-w. Le gagiste est bien un détenteur dans ses rapports avec le
débiteur-constituant. Il est possesseur d'un droit réel vis à vis des tiers5 3 1 .
Cette possession participe de l'essence même du gage53 2 et confêre au gagiste
le droit de paralyser la revendication du vendeur, verus dominus des biens
gagés. Le gagiste est
« un véritable
possesseur non, anime dominus mais
anime pignons ))533.
364- Cependant, cette possession doit être régulière et clairement
établie à l'égard des tiers, singulièrement des autres co-contractants du
débiteur. Elle doit donc apparaître paisible, publique et non équivoque. Le
gagiste doit en outre, exercer une emprise matérielle constante sur le bien
gagé, qu'il peut du reste, assurer par l'intermédiaire d'un tiers convenu: c'est
l'affirmation du principe de la permanence de la possession.
Lorsque toutes
ces conditions sont réunies, cette possession fait obstacle au jeu de l'action en
revendication du vendeur demeuré propriétaire des biens grevés534 . A défaut
d'une
telle
maîtrise
ou
en
présence
d'une
possession
irrégulière,
la
revendication redevient possible. Il en est ainsi soit lorsque les marchandises
gagées étaient restées en possession de l'acheteur->>, soit parce qu'elles ont
été déposées dans des locaux loués au vendeur à crédit qui en avait conservé
le contrôle, de telle sorte que le tiers détenteur ne possédait plus pour le
compte du gagiste5 3 6 .
365- L'application de l'article 2279 aboutit dans ce cas à valider un
gage constitué a non domino et normalement frappé de nullité. Le constituant
ne saurait transmettre plus de droits qu'il n'en a en réalité. Mais seul le
gagiste rétenteur des biens litigieux pourrait se prévaloir de cette nullité en
53(, cr M. PLANIOL et G. Hll'ERT, Sûretés réelles, T.XIl, par E. BECQUJ:':, op. cu., n' 78 et s.
511 Cf. J. FOYER, Le principe du gage ... op. cit., p. 67.
5Jj
cr Fr. TERRE et Ph. SIMLER, Droit civil. Les biens. Précis Dalloz op. CIl. n' 151 et s. ; L.H. & J. MAZEAUD,
Leçons de droit civil. T. 3. l " volume, op. cit.. n " 74.
513 Cf. H. CAPfTANT, nok, D. 1919 r. p. 33.
514 Cf. Casso com., 14 nov. 1989,
Rev. proc. Coll. 1990, p. ~51, n" 16, obs. SOINNE; Rey. Banque 1990, p. 314, obs.
Rives-Lange; Rey. Huissiers 10 juil. 1990. n° 20, p.10?4, note' DEE~-GlBIRILA; Contra Casso corn., 3 oct. 1989,
JCP. 199011,2145, obs. BEHAR-TOUCHA18. RTD Corn. 1990, p.251, obs. BOULOC.
5" Cf. Casso com., 23 févr. 1990, Re'Y. proe. Coll. 1990, p. 248, n' 3, obs. SOINNE.
'1(, Casso corn., 13 févr.
1990,
Rev. Banque 1990, p.536, obs. RIVES- LANGE, Banque et Droit- Juil. Août 1990,
p.192, obs. GUILLOT.

223
raison de son caractère relatif. Dans ces conditions, le gage même consenti
par
a
un
non
dominus
est
parfaitement
opposable
au
vendeur
revendiquant-?". Toutefois, le gagiste ne retire avantage de l'article 2279 du
code civil que s'il est de bonne foi, c'est-à-dire s'il a cru traiter avec le verus
dominus.
C'est
sur
le
fondement
de
cette
légitime
apparence
que
la
jurisprudence écarte toute revendication de biens engagés retenus de bonne
foi par le gagiste.
2 0 La bonne foi du gagiste
366- La réalité de la possession ne suffit pas à rendre le gage
opposable au vendeur revendiquant. Le créancier gagiste doit encore avoir été
de bonne foi lorsqu'il a contracté avec le débiteur. Cette exigence ne figure pas
expressément dans l'article 2279 du code civil. Elle résulte en revanche de
l'article
1141
du
même code.
La
Cour de
cassation538
s'est d'ailleurs
nettement
prononcée
sur
la
question.
Elle
a
clairement
subordonné
l'application de l'article 2279 à la bonne foi du possesseur. La Cour régulatrice
décide en effet que « la bonne foi qui est présumée sauf preuve contraire
s'entend de la croyance pleine et entière où s'est trouvé le possesseur au
moment de son acquisition des droits de son auteur à la propriété des biens
qu'il a transmis. Le doute sur ce point est exclusif de la bonne foi »539.
367 - Ainsi le gagiste doit avoir ignoré l'existence de la clause de réserve
de propriété stipulée dans le contrat de vente initial. Il semble bénéficier à cet
égard
d'une
présomption
de
non-connaissance
de
celle-ci.
Mais
doit-il
seulement se fier aux déclarations du débiteur? N'est-il pas astreint à une
obligation de renseignement comme paraît le suggérer la Cour de cassation?
L'admission d'une telle obligation ruinerait à l'évidence l'avantage que le
gagiste retire de sa possession de bonne foi. Celle-ci se fonde sur l'apparence
légitime de la qualité de propriétaire du débiteur-constituant. Du reste, la
Cour de cassation a considéré que le gagiste n'avait pas « à effectuer des
.>.17 cf. Contra. Casso com, 8 mai 1979 ;Bull. civ. IV, na 147.
>" Cf. Casso civ. l ère, 13janv. 1965, Bull. civ. 1. n" 33, p. 26.
0.'<' cr Casso civ. l ère . 23 ars 1965; Bull. Civ. I, na 206, p. 15.

224
vérifications que ni la loi ni les usages de commerce ne lui imposent 54°.
)1
La
présomption édictée par l'article 2279 du code civil impose une telle solution.
Elle est en outre, compatible avec les exigences de la vie des affaires qui
commandent la rapidité des transactions.
368- Cependant, dans le doute, le gagiste aurait tout intérêt à surseoir
à la conclusion de l'acte de nantissement afin de s'enquérir de la réalité du
droit de
propriété du constituant.
Mais toute la difficulté réside dans
l'appréciation de ce doute. Seules des circonstances particulières pourraient
inciter
le
gagiste
à
faire
preuve
de
prudence.
A
cet
effet,
certains
professionnels du crédit s'assurent que les fonds prêtés sont bien utilisés au
payement du vendeur.
Ils préfèrent souvent les lui verser directement.
D'autres exigent du débiteur des attestations écrites sur l'honneur par
lesquelles il s'engage à ne pas consentir un gage sur des biens non affectés
par une clause de réserve de propriété. Une disposition prévoit généralement
que toute fausse déclaration expose le constituant du gage à des poursuites
pénales sous la prévention de détournement de gage.
Les créanciers gagistes se prémunissent ainsi contre d'éventuelles
manœuvres du débiteur. La mauvaise foi de ce dernier dans sa relation avec
le vendeur à crédit ne saurait dès lors se retourner contre le gagiste porteur
d'une attestation écrite du constituant-s". A tout le moins, ces précautions
élémentaires et peu coûteuses démontrent que les établissements de crédit
sont en mesure de prévenir la fraude du débiteur sur la réalité de son droit de
propriété. Il n'est d'ailleurs pas certain qu'elles suffisent à asseoir la bonne foi
du gagiste. La présomption de bonne foi du gagiste rétenteur ne revêt donc
aucun caractère absolu. Elle devient même inopérante dès lors que le vendeur
revendiquant est opposé à un créancier nanti sur matériel et outillage.
BI La primauté du vendeur sous réserve de propriété
o<() cf. Casso ccm., 14 nov. 1989, op. cil .. ; Cass, Corn., 28 nUI!. 1989, Bull. civ. IV, n' 300; Rev. Huissier, 10juin
1990, n° n, p. 924, obs. LESCAILLON.
5·" Cf. Paris. 21 nov. 1984, Rev .. jurisp. corn. 1985, 299, spe c. P,), 306 el S., note VIDAL

225
369- La protection que la loi attache à la possession de bonne foi et
que
la jurisprudence
fait
bénéficier
au
gagiste
rétenteur
repose, pour
l'essentiel, sur des considérations d'opportunité. A l'instar du tiers acquéreur
des biens vendus avec clause de réserve de propriété, le gagiste se trouve en
principe dans l'impossibilité d'appréhender l'exacte étendue des droits de son
débiteur sur les biens gagés. Cette ignorance de principe constitutive de la
bonne foi du gagiste est présumée par l'article 2268 du code civil. Il appartient
au créancier revendiquant de rapporter la preuve de la mauvaise foi du
gagistevt-'. (1) Du reste, l'article 2279 du code civil se révèle fondamentalement
inapplicable lorsqu'il est invoqué par un créancier gagiste non rétenteur.
Aucun obstacle autre que procédural ne devrait plus entraver l'exercice de
l'action en revendication des objets litigieux par le vendeur ou le tiers subrogé
dans ses droits (2).
1 0 La preuve de la mauvaise foi du gagiste rétenteur
370- La possibilité offerte au vendeur revendiquant de renverser la
présomption de bonne foi invoquée par le gagiste réside dans l'article 2268 du
code civil. Ce texte énonce que (1 la bonne foi est toujours présumée et c'est à
celui qui allègue la mauvaise fois à la prouver », Or cette preuve est difficile à
rapporter dans la pratique dans la mesure
où les gagistes brandissent des
attestations par les quelles le constituant affirme solennellement l'exclusivité
de son droit de propriété sur les objets gagés. Quel crédit faut-il accorder à de
telles attestations compte tenu de l'extraordinaire généralisation des clauses
de réserve de propriété dans la pratique commerciale ?543 Les établissements
bancaires disposent en outre de moyens considérables leur permettant de
vérifier la situation juridique des biens affectés en nantissement. Ils peuvent
notamment se renseigner sur les délais de paiement consentis par le vendeur
sur la partie du prix non couverte par le prêt nanti. A cet effet, le débiteur
peut produire des documents comptables ou commerciaux à la demande du
créancier gagiste.
;42 Celle subrogation a été admise par la chambre commerciale dé' la Cour de cassation: Cf. Casso corn. (2 Arrêts) 15
mars 1988, D. 1988.p.330, note PEROCHON; RTD. corn. 1988, 696, n° 5, obs. MARTIN-SERF; JC? 1988. éd. E., II
15221, p. 489, n" 14, obs. CABRILLAC et VIVANT; Gaz-pal.19R8 -l, p. 244, note SOINNE.
;.1.] Cf. J.M. MOUSSERON et Fr. PEHOCHON, La nouvelle réserve cie propriété d'après la loi du 12 mai 1980,
Rev. Fr.
de cornptab. n' 110- janv. 1981, p .. la, spéc. p. 14.

226
371-Dans tous les cas, dans le doute il appartient au gagiste d'exiger du
débiteur qu'il justifie de son droit de propriété sur les biens gagés. La cour de
Paris s'est prononcée en ce sens dans un arrét récerit-v'. Elle admet que «le
propriétaire
peut revendiquer contre le créancier gagiste lorsqu'il établit que
celui-ci pouvait croire de bonne foi que l'emprunteur était propriétaire des
tableaux remis en garantie du prêt( ... ) qu'il incombait à la banque de lever le
doute en demandant à J.M.(emprunteur) de justifier de son droit de propriété,
qu'elle aurait du se faire communiquer les registres». Il s'agit là d'une
décision d'espèce qui n'a pas valeur de principe. La preuve de la mauvaise foi
relève, pour l'essentiel, des circonstances de faits souverainement appréciées
par les juges du fond. Il n'est pas aisé pour le banquier, en relation d'affaires
avec de nombreux clients, de s'enquérir de la situation juridique des biens
qu'il reçoit en gage. En outre, la consultation de la comptabilité du débiteur
ou des registres divers ne permet pas systématiquement de déceler la fraude
du débiteur. A tout le moins, dans ce cas une telle démarche suffirait à
conforter sa bonne foi.
La gagiste ne devrait pas dans tous les cas être astreint à des
vérifications
approfondiesv'>,
Une
telle
obligation
aboutirait
au
renchérissement du coût du crédit au détriment des clients honnêtes.
D'ailleurs, le gagiste ne se rendrait coupable au mieux que d'une abstention
au pire d'une simple négligence. Ces deux attitudes ne paraissent pas
caractériser la notion de mauvaise foi requise par l'article 2268 du code
civil54 6 . Au surplus la fréquence des contrats de vente assortis d'une clause de
réserve de propriété dans la pratique commerciale n'entraîne pas en elle-
même présomption de connaissance de son existence par le gagiste-s". Elle n'a
pas pour effet de rendre ce dernier systématiquement de mauvaise foi. Seul
un doute évident traduisant en réalité la quasi-certitudee, compte tenu des
circonstances, de l'existence de la clause de réserve de propriété pourrait
544 Cf. Paris, 15 ch. Sect. B, 27 oct. 1994; Rev. jurisp. Com. avr.
1995, 161, n' 1426, obs. VINCENT.
545 cf. Casso Com., 14 nov.
1989 prée. ; Casso Corn 28 nov. 1989, op. cii.,
54<. Cf. J. GHESTIN, la protection du vendeur sous réserve de propriété et la survie de l'entreprise en difficulté. Rev,
proc. Coll. 1989.291 spéc. p. 318; DEEN GIBIRILA note sous casso corn. 14 nov. 1989, op.cit.
5·17 Sauf peut-être si elle est incluse obligatoirement dans le contrat de vente compte tenu de la nature des biens et du
secteur d'activité dans lequel opère le débiteur.

227
révéler la mauvaise foi du gagiste. Dans le cas contraire, il ne peut être
contraint de se dessaisir au profit du vendeur revendiquant.
372- Au demeurant le caractère occulte de la clause de réserve de
propriété confortait la primauté du gagiste, détenteur légitime des biens
litigieuxv'ë. Or, l'article 85-5 nouveau du décret de 1985 offre au vendeur la
faculté de publier cette clause. Dans ces conditions, l'antériorité de cette
publicité par rapport à la constitution du gage suffira t-elle à caractériser la
mauvaise
foi
du
gagiste?
Une
réponse
affirmative
signifierait
que
l'accomplissement
des
formalités
de
publicité
emporte
présomption
de
connaissance par les tiers de l'existence de la clause de réserve de propriété.
Ces formalités rendent la clause opposable aux créanciers de l'acquéreur. Ils
n'ont de droit que sur le patrimoine de ce dernier.
Le gagiste ne saurait
invoquer un
droit de
rétention
sur le
bien
litigieux sans méconnaître
l'existence de la clause, dès lors qu'elle a été régulièrement publiée. Toutefois,
à notre connaissance, les formalités de publicité ne revêtent pas un caractère
aussi absolu. Le code civil en restreint même la portée en matière immobilière.
Ainsi aux termes de l'article 2180- 4 c alinéa 2 dudit code, l'inscription de
l'hypothèque n'entraîne pas ipso facto la mauvaise foi du détenteur de
l'immeuble hypothéqué. De même, nous savons que la publication d'une
promesse de vente ne suffit pas à ébranler la bonne foi présumée des tiers qui
ont contracté avec le promettant, alors que le bénéficiaire de la promesse était
encore en mesure de lever l'option-?".
373- La publicité permet dans le domaine des garanties mobilières de
trancher entre deux droits concurrents sur le même bien. La solution du
conflit dépend alors des dates respectives de publication desdits droits. Or
dans l'hypothèse qui nous intéresse, seul le vendeur dispose de cette faculté.
Le gagiste rétenteur n'a pas à publier son droit réel. Sa mise en possession
suffit à rendre le gage ostensible aux yeux des tiers Ces derniers ne doivent
S.~ Cf. Casso corn., l3 .évr. 1990, op. cil. ; Casso corn., 23 févr. 1090. op. cil..
S.'J Cf. casso civ. 3 22
févr. 1977 ; Bull. civ. 1Il, n° 91 : D. 1978. 165, note MALAURIE ; JCP. 1979. Il. 13233, note
DAGOT; sur la question, Ph. MALAURIE et L AYNES, Droit Civil. Les contrats spéciaux - Edition 1994/1995. n"
115, p. 86.

228
plus considérer le bien gagé comme un élément de la solvabilité du débiteur
constituant. Dés lors, l'antériorité de la publicité de la clause de réserve de
propriété par rapport à la constitution du gage, ne saurait à elle seule fonder
la primauté du vendeur sur le gagiste. Elle ne suffit pas à détruire la
présomption de bonne foi dont bénéficie le gagiste. Ce dernier n'est pas
véritablement un tiers à qui la publicité de la clause serait opposable.
374- Du reste, la publicité de la clause de réserve de propriété dans
les conditions exposées à l'article 85-5 nouveau du décret de 1985, ne semble
pas aVOIr une fonction d'opposabilité du moins au sens traditionnel de ce
terme. Elle a seulement pour effet de dispenser le propriétaire d'exercer
l'action en revendication, c'est à dire de faire reconnaître son droit de
propriété avant de disposer du bien55o . Il se bornera à agir en restitution dudit
bieri->! : c'est cette action qui sera paralysée du fait de la possession légitime
du gagiste. Ce dernier est investi d'un droit propre, autonome sur le bien gagé,
lequel trouve sa source dans la 10i55:2 . Il se contente d'invoquer son droit de
rétention. Il n'a pas à se soucier de l'étendue des droits de son débiteur sur
l'objet gagé. Il est admis que le droit de rétention est opposable au véritable
propriétaire, même si ce dernier n'est pas débiteur du rétenteur'é",
375- En définitive, peu importe que le gagiste ait pu ou aurait dù
connaître l'existence de la clause de réserve de propriété. Sa suprématie sur le
vendeur repose sur sa légitime possession, sur la force de sa rétention,
imparable tant qu'il ne s'est pas dessaisi. La preuve de sa mauvaise foi
consisterait seulement à établir sa collusion frauduleuse avec le débiteur
constituant. Sous cette réserve, le gagiste devrait pouvoir triompher dans tous
les cas sur le vendeur resté propriétaire des biens grevés en application de
l'article 2279 du code civil. Mais la presomption de bonne foi édictée par ce
texte devient inopérante lorsqu'elle est invoquée par un gagiste non rétenteur,
essen tiellement le créancier nanti sur biens d 'équi pement professionnel.
ssu Cf. B. SOINNE, je démantèlement du droit de la revendication; Rev, proc. coll, 1994-4, p. 471, spéc. p. 483
SSI
Cf. Décr. 1985, Art. 85-4, alinéa 3 nouveau: sur les conditicns d'exercice de celte action en restitution Cf. B.
SOINNE. op. cit. n° 21.
S52 Cf. par ex. Casso civ.
] ,."., 17 juin 1969 : Bull. civ 1 n' 233 ; JCf' ] 970 éd. G. II. 16162, note CATALA FRANJOU.
OS.l Cf. N. CATALA FRANJOU, de la n at ure juridique du droit
de .etenuon. op. cit., p. 37. n° 22 et les références citées.

229
La primauté de principe sur les gagistes non-rétenteurs
376- Il est difficile d'imaginer a priori un conflit opposant un prêteur de
deniers, créancier nanti et le vendeur à crédit d'un bien d'équipement ou
même
d'un
véhicule
automobile
utilisé
par
le
débiteur.
Le
terme
de
marchandise initialement employé par l'article 65 de la loi de 1967 et l'article
122 de la loi de 1985, avait paru cantonner la clause de réserve de propriété
aux seuls biens de consommation: matières premières ou stocks de denrées
ordinaires. La jurisprudence'v" généralisa l'usage de la clause de réserve de
propriété à l'ensemble des biens mobiliers corporels pouvant faire l'objet d'un
marché. Cette conception extensive vient d'être entérinée par la loi du 10 juin
1994. Elle a modifié la rédaction de l'article 121 de la loi de 1985, en
substituant au vocable de marchandise celui plus générique de bien. La
clause de réserve de propriété a vu son domaine s'élargir considérablement. Il
n'est pas exclu
qu'un débiteur joue
sur les deux tableaux:
celui du
nantissement et celui de la garantie-propriété donnant naissance à un conflit
singulier.
377-Pourtant, l'article 2 de la loi du 18 janvier 1951 dispose nettement
que l'acte constitutif du prêt doit mentionner, à peine de nullité, que les
deniers avancés par le prêteur sont destinés à assurer le financement du
matériel expressément désigné et individualisé. Dès lors, les fonds prêtés
profitent directement et exclusivement au vendeur du
bien
nanti.
Par
conséquent, le vendeur désintéressé par hypothèse, ne saurait en principe
stipuler à son profit une clause de réserve de propriété. Mais c'est oublier que
le prêt garanti ne couvre souvent qu'une partie du prix du matériel. Par
ailleurs, une décision du Conseil National du Crédit a exclu l'exigence
d'un
versement
minimal
comptant
de
la
part
de
l'acquéreur, candidat au
crédit555 . Or, si le gagiste sur véhicule automobile peut invoquer le bénéfice de
'" cr. Casso cam. i 3 mars 1985 ; Bull. CIV. IV. n" 99 : Gaz pal. ] 985 11. 266 ; JCP. 1986 éd. E.r., 15331 ,p.145, n° 7,
obs. CA8RILLAC el VIVANT.
.W, cf. Décision n' 79-1 du 24 avril 1979 citée par M. Ct~BRILLAC, note sous Montpellier, 27 mars 1984. JC?
1984.
éd G, n" 20320.

230
l'article 2279 du code civil, en raison de son droit de rétention fictif, le
créancier nanti sur biens d'équipement professionnel ne le peut pas en
principe. La jurisprudence ne lui a jamais reconnu le bénéfice d'un droit de
rétention dématérialisé.
378-Toutefois,
certains
auteurs's'>
admettent
le
prmcipe
d'une
possession fictive du créancier nanti sur matériel et outillage dès lors qu'il
procède aux formalités de publicité du nantissement. Cette interprétation fort
spécieuse assimile l'inscription du nantissement au greffe du tribunal de
commerce à une véritable mise en possession du gagiste. L'intérêt de cette
conception est d'étendre la règle de l'article 2279 du code civil au créancier
nanti. Celui-ci s'opposerait alors à la revendication du vendeur. Cette solution
fut admise en jurisprudence par une décision remarquée du tribunal de
commerce de Roanne le 16 mai 1984557 en reprenant une motivation assez
générale: « le créancier gagiste qui de bonne foi a reçu en gage d'un détenteur
précaire un objet mobilier peut se prévaloir de la règle de l'article 2279 du
code civil( ... ) pour repousser jusqu'au paiement de la créance l'action en
revendication du vendeur de cet objet ou de cette valeur invoquant une clause
de réserve de propriété »558.
Cependant, nous avons déjà observé que la loi de 1951 n'investissait
nullement le créancier nanti d'une possession fictive analogue à celle qui a été
reconnue au profit du gagiste sur véhicule automobile. La solution du litige
opposant le créancier nanti au vendeur revendiquant dépend en réalité, de la
nature de la procédure collective ouverte à l'encontre du débiteur-constituant.
En période de redressement judiciaire, le créancier nanti est paralysé par la
règle de
l'arrêt des poursuites individuelles.
En revanche,
le
créancier
revendiquant peut exercer son action en revendication et triompher du
créancier nanti, si cette action satisfait aux exigences des articles 115 et 121
de la loi du 25 janvier 1985.
0;''' cf. par exemple NI. CABRILLAC, note sous Montpellier, 27 mars 1984 : op. Cil..
" 7 Cf. Rev. Banque 1984, p.I091, obs. RIVES -LANGE.

231
379-
Une
difficulté
surgit
lorsque
la
liquidation
judiciaire
est
prononcée immédiatement. Dans ce cas, le créancier nanti dispose de la
faculté de demander l'attribution judiciaire du gage. L'exercice de cette faculté
est vouée à l'échec si le créancier nanti agit après à l'action en revendication.
Le créancier revendiquant désormais en possession du matériel litigieux ne
peut plus être contraint de se dessaisir au profit du créancier nanti559 • Mais
que décider lorsque le matériel demeure encore entre les mains du débiteur et
que
le
créancier
nanti
demande
l'attribution
judiciaire,
l'action
en
revendication du vendeur étant introduite bien après? En principe le créancier
nanti ne saurait primer le vendeur revendiquant. Il ne saurait se prévaloir
d'une possession fut-elle fictive 56o. L'acquéreur constituant lui a transmis un
bien affecté d'une condition. Dès lors; il doit s'incliner devant
le vendeur-
propriétaire.
380- Au demeurant, la solution du litige pourrait dépendre de la
publicité ou de la clandestinité de la clause de réserve de propriété. Si elle est
occulte, le créancier nanti s'est légitimement fié à l'apparente qualité de
propriétaire du débiteur- constituant. Il peut demander l'attribution judiciaire
du matériel en paiement et pnmer
le vendeur-revendiquant. Il s'agirait en
l'occurrence, de consacrer une application particulière de la théorie de
l'apparence. En revanche, si la clause est publiée, une simple comparaison
des dates de publications des deux garanties permettrait alors de départager
les créanciers concurrents sur un même bien Il suffirait de faire application de
la règle « priore tempore potior jure», L'antériorité de constitution et de publicité
de la clause de réserve de propriété par rapport au nantissement, devrait par
hypothèse, assurer la primauté du vendeur revendiquant. Un tel système
rendrait pratiquement obligatoire la publicité des clauses de réserve de
propriété. Or, comme nous l'avons observé précédemment, la combinaison des
articles 115-1 nouveau de la loi et 85-5 nouveau du décret de 1985 restreint
la portée de la publicité de la clause de réserve de propriété. Celle-ci ne
ssx cr. Paris, 27 fen. 1990. Juris-Data n" 020534; Orléans 8 sept. 1987, .Juris-Data n° 043 065.
5S'! Cf. Casso
Corn., 5 avr. 1994, JCP 1995, éd E. n° 1.417. p. 21, n' ;3, obs. CABRILLAC; Bull civ, IV, n° 416;
A propos de la primauté du vendeur revendiquant sur le créancier bénéficiant d'une hypothèque Maritime: Casso
com., 15 mars 1994, RTD. cam. 1994,790, obs. MARTIN SERF: JCP 1994. éd. E, n" 633. p. 843, obs.
LARROUMET.
S"" Cf. M. CABR1LLAC, (lbs. Sous Cass. corn .. 5 avi . 1994. op. cil ..

232
remplit pas une fonction de publicité dont la réalisation la rendrait opposable
aux tiers. Elle ne donc servir à trancher un conflit de priorité entre deux
créanciers certes, en concours sur un même bien, mais dont les droits sont de
nature bien différente.
381-- Il faut rappeler à l'appui de ce qui précède que la propriété-
réservée n'est pas une véritable sûreté au sens classique du terme. Elle peut à
tout le moins, constituer une garantie économiquew' dont l'efficacité est toute
relative-v-. Dès lors, sur le fondement de la notion d'apparence sus-évoquée le
créancier nanti pourrait primer le vendeur.
Mais le vendeur comme le
créancier nanti n'étant pas détenteur du bien litigieux et ne se prévalant pas
en la circonstance d'un droit de préférence, la solution du conflit qui les
oppose ne peut être que procédurale. Si le créancier nanti à engager le
premier l'action en attribution judiciaire du bien, il ne saurait être évincé de
l'instance
en
cours.
Le vendeur
ne
peux plus exercer son
action
en
revendication. Cette solution est fondée sur la finalité de ces deux actions.
L'attribution
judiciaire
du
gage
comme
l'action
en
revendication
vise
l'appropriation du bien sur lequel porte le droit réel. Dès lors, celui qui ferra
preuve de célérité pour appréhender le bien litigieux pourra triompher de
,
l'autre. On n'entrevoit guère sur quel fondement juridique le déroulement de
la procédure d'attribution judiciaire serait arrêté pour permettre au vendeur
d'exercer son droit de revendication?
/
Le vendeur sous réserve de propriété dispose tout de même d'une
parade s'il a procédé à la publicité de la clause de réserve de propriété.
L'article 85-4 alinéa nouveau du décret de 1985 précise que le bien qui n'a
pas fait l'objet d'une demande en restitution, peut être vendu à l'expiration
d'un délai d'un mois après mise en demeure du propriétaire par les soins du
liquidateur.. Dans ce cas, le produit de la vente est consignée à la Caisse Des
Dépôts et des Consignations et tenu à disposition du créancier. Il en profitera
à la clôture de la procédure. La vente du bien devrait donc intervenir avant le
déclenchement de l'action en attribution judiciaire du gage pour que le
5,., cf. 1':1 MOCI-:l-!'r,\\R BEY, la propriété comme sûreté; Rev. jurisp. corn., n° spécial, févr. 1982, p. 48.
5<,2 Cf. Fr. PI':ROCHON, Les créanciers et la clause de réserve de propriété; P. A. 24 juillet 1991, n° 88, p. 32.

233
vendeur sous réserve de propriété, puisse bénéficier du pnx obtenu. Le
liquidateur pourrait toujours s'opposer à l'attribution du bien au créancier
nanti. Il appartiendra au tribunal de se prononcer.
Par ailleurs, le vendeur
pourrait faire tierce opposition au jugement attribuant la propriété des biens
au créancier nanti.
Sans préjuger de la position qui sera adoptée en
jurisprudence, il n'est pas certain que la revendication ultérieure du vendeur
propriétaire puisse interrompre le cours de l'instance en attribution judiciaire.
Le créancier nanti doit seulement avoir assigné le liquidateur à cette fin pour
briser les espoirs du vendeur revendiquant.
382-
La
situation
des
créanciers
gagistes
apparaît
globalement
satisfaisante lorsqu'ils sont opposés au vendeur bénéficiaire d'une clause de
réserve de propriété. Ce dernier ne parvient à évincer le gagiste rétenteur que
s'il rapporte la preuve de sa mauvaise foi. Or celle-ci confine à l'établissement
d'un véritable concert frauduleux entre le gagiste et le débiteur. Cependant,
cette exigence est atténuée par la jurisprudence, s'il est établi que le gagiste
aurait dû se douter qu'il contractait avec un non dominus: Le doute est ici
exclusif de la bonne foi. Mais seules les circonstances de faits justifient cette
dérogation a la présomption édictée par l'article 2279 du code civil.
En
revanche, le vendeur revendiquant l'emporte sur le créancier nanti sur
matériel et outillage en période de redressement judiciaire, sous réserve du
respect des conditions de l'action en revendication aménagées par la loi du 10
juin 1994.
383-
Une
solution
plus nuancée
prévaut en cas de
liquidation
judiciaire
immédiate
ou
prononcée
très
rapidement
après
un
premier
jugement de redressement judiciaire. Dans cette hypothèse, le créancier nanti
est définitivement à l'abri de toute action en revendication ou en restriction du
bien grevé, dès lors qu'il a obtenu l'attribution judiciaire du gage. Une
incertitude apparaît lorsqu'il a seulement introduit l'action en attribution du
gage, l'instance étant simplement engagée. Dans cette hypothèse tant que le
bien litigieux n'est pas en possession du vendeur, la procédure d'attribution
judiciaire du gage devrait suivre son cours normal. La clef du litige résiderait

234
dans la rapidité des protagonistes à appréhender l'objet grevé selon des voies
qui leur sont propres.
384- Dans tous les cas, la publicité de la clause de réserve de propriété
est sans influence sur la résolution du litige opposant le gagiste et le vendeur.
Elle pourrait seulement favoriser la preuve de la mauvaise foi du gagiste
rétenteur. L'ensemble de ces solutions forme un dispositif harmonieux et
équilibré. Il préserve, pour l'essentiel, les droits des créanciers nantis. Or, ils
ne sont pas seulement menacés par l'inclusion des clauses de réserve de
propriété dans les contrats de vente commerciale. Ils redouteront autant une
éventuelle confrontation avec le conservateur de la chose gagée, spécialement
s'il invoque un droit de rétention matériel sur ladite chose.
§ 3. Le concours ave le conservateur de la chose gagée
385- Dans la pratique des affaires, les biens grevés de nantissement
singulièrement le
matériel
d'équipement ou d'exploitation
et les
divers
véhicules automobiles font souvent l'objet de réparations ou de travaux
d'entretien
rendus
nécessaires par un
usage répété.
Ces travaux sont
généralement confiés à un professionnel par le débiteur ou exécutés par le
tiers détenteur des biens gagés. Or lorsque le débiteur est déclaré en
redressement ou en liquidation judiciaire, ces tiers carrossiers, mécaniciens et
autres
réparateurs
réclament
légitimement
le
paiement
des
frais
correspondant aux travaux et autres soins apportés au bien gagé. Ils entrent
ainsi directement en concours avec les créanciers gagistes. A cet effet, ils
invoquent le bénéfice du privilège pour frais de conservation prévu à l'article
2102.3° du code civil et dont l'assiette est constituée par la chose conservée.
Ce privilège mobilier spécial s'apparente à celui conféré aux
architectes et
entrepreneurs en matière immobilière. Il se situe immédiatement après celui
du gagiste prévu par l'article 2102.3° du code civil Il a été institué au profit de
ceux dont l'ouvrage a permis de conserver tout ou partie du patrimoine du

235
débiteur : c'est en cette qualité qu'il mérite d'être préféré au gagiste sur la
valeur du bien conservé-v>.
386- Cependant, les divers réparateurs préfèrent éluder la loi du
concours dont l'issue ne leur est pas forcément favorable. Détenant la chose
objet de leur travaux, ils se prévalent généralement d'une garantie beaucoup
plus efficace, le droit de rétention qui vient ainsi compléter et conforter leur
privilège spécial 564. En face de créanciers gagistes, le conflit de privilèges pose
relativement
peu de
problème.
Il conviendra de
rappeler les
principes
généraux admis en droit commun sous réserve de l'interprétation de la notion
de « frais faits pour la conservation de la chose» (A). En revanche, lorsque le
réparateur invoque son droit de rétention matériel, il se heurte directement au
droit de rétention fictif du gagiste, possesseur juridique de la chose gagée.
Cette confrontation spécifique entre rétention matérielle et rétention fictive
oppose surtout le gagiste sur véhicule automobile et le garagiste réparateur
dudit véhicule. Même si la solution retenue paraît aujourd'hui acquise en
jurisprudence, son fondement suscite toujours bien des interrogations (B).
AI
Droit de préférence du gagiste et privilège du conservateur
de la chose gagée
387- Les principes traditionnellement admis en droit commun accordent
la priorité au conservateur dans la mesure où les frais de conservation ont été
engagés après la constitution du gage56 5 . On considère que les travaux ont
profité au gagiste, car ils ont sauvegardé tout ou partie de la valeur de la
chose
gagée566 .
Cette
priorité
fondée
sur
une
idée
d'équité
s'applique
indépendamment de toute détention de la chose par le conservateur-s". Si les
frais
ont
été
exposés
après
le
jugement
d'ouverture
en
prmcipe,
le
conservateur prend place parmi les créanciers bénéficiant de l'article 40 de la
Su.1 cf. Ph. JESTAZ, G. MARTY, P. RAYNAUO, Les sûretés ... , op. CiL., n'449.
'''4 A condition d'avoir encore la possession effective des marchandises. Cf. Casso corn., 26 févr. 1991, O.S. 1991, I.R.,
P.94; Rev. proc. Coll. 1991-4, p. 490, obs. DUREUIL.
5'"
Cf. Ph. JESTAZ, G. MARTY, P. RAYNAUO, op. cit., n'50S.
Su" Cf Casso corn., 4 févr. 1980, O.S.
1980, p. 478, obs. HO "JORI\\.T.
5'.7 Cf. Casso civ.,
l èrc , 13 nov. 1962, Bull. civ. l, n'477; R.D.C. J963, p. 672, n074, obs. HOUIN; Trib. Corn. Seine, 3
mars 1965, RTD com. 1965, p.911, n'36, obs. HOUIN,

236
loi. Or, curieusement, il risque d'être primé par certains créanciers gagistes en
période de liquidation judiciaire notamment s'il n'a pas la détention de la
chose. Toutefois, le législateur n'a pas indiqué la nature des travaux justifiant
l'octroi du privilège de l'article 2102.3 du code civil. Les termes très généraux
de ce texte pourraient suggérer une application du privilège à des frais très
divers engagés sur la chose grevée. On imagine alors les risques d'une
extension démesurée du privilège à des frais qui n'ont rien à voir avec la
conservation même du bien gagé. Il convient dès lors, de préciser cette notion
de « conservation» d'une chose justifiant le bénéfice du privilège institué par
l'article 2102. 3 du code civil.
388- Or, la doctrine contemporaine ne s'est guère emparée de la
question. Elle découvre au gré des décisions de jurisprudence l'ambiguïté et
les difficultés d'interprétation de cette notion de conservation d'une chose56B.
Ce sont des auteurs anciens qui ont tenté d'appréhender la notion de
conservation de la chose. Ainsi, AUBRY et R.A.U, favorables à une conception
extensive, tenaient pour frais de conservation ceux sans lesquels « la chose
eut péri en entier ou en partie et même ceux sans lesquels elle serait devenue
impropre à l'usage que lui donne sa valeur». D'autres auteurs se sont en
revanche attachés à l'idée de péril ou d'urgence, seule susceptible de justifier
l'octroi du privilège du conservateurs>". Cette notion d'urgence ou de péril
imminent a prospéré en doctrines?" et en jurisprudence-?". Cette conception
restrictive paraît ménager les droits des créanciers gagistes. Elle exclut les
frais exposés pour l'entretien ou l'amélioration de la chose ou encore pour son
accroissement ou son meilleur usage>">.
389- Le privilège de l'article 2102.3" du code civil s'exerce également
sur des biens incorporels. Ainsi, en matière de films cinématographiques, ne
sont pas des frais privilégiés au sens de l'article 2102.3° du code civil, les frais
exposés par un laboratoire pour le tirage des copies positives du film573 ,
S,." Cf. Sur la question. FOULON· PIGANIOL, Modernisation el conservation de la chose- interprétation de l'article
2102-3 du l'ode civil, D. 1966, chr., p.143.
s"" cf. IÎUBRY er RAU, Traité droit civil. T. 3, léme éd. par ES.\\1EIH, n"118.
'''u Cf. H. L. J., MAZEAUD, Leçons de droit civil, T.3, op. CIl... n0186.
",1 Cf. AIX, 11 mars 1976, Gaz. PHl 1977, l, p. 18, note VfATTE.
s" Cf. Casso com., 18 mars 1963, RTD cam. 196J, p. (,72, n"74, obs "iOUIN.
,,,' Cf. Trib. com. Seille, 21 juil. 1949. j). 1949, p. SU.

237
encore moins ceux engagés par un distributeur pour favoriser la distribution
du film>?".
Dans
tous les cas,
les
travaux exécutés doivent avoir été
indispensables à la conservation de la chose-?>. C'est au réparateur de
prouver le caractère conservatoire des travaux effectués sur la chose grevée.
Cette interprétation, fidèle au principe traditionnel que les privilèges sont de
droit étroit, préserve les chances des créanciers gagistes d'être désintéressés.
Mais
elle
engendre
un
effet
pervers,
puisqu'elle
incite
de
nombreux
réparateurs qui détiennent la chose engagée, privés du bénéfice du privilège
du conservateur ou insuffisamment protégés par cette garantie, à invoquer un
droit de rétention .. Aussi se heurtent-ils au créancier gagiste, possesseur fictif
de la chose retenue.
B /
Droit
de
rétention
fictif du
gagiste
et
le
droit
de
rétention réel du réparateur de la chose gagée
390- La coexistence de deux droits de rétention sur une même chose
paraît a priori impossible.
Le droit de rétention postule une détention
matérielle ou une possession fictive. Il ne peut être exercé simultanément par
plusieurs personnes-?". Mais l'observation de la pratique et la lecture des
recueils de jurisprudence viennent démentir cette règle de principe. Il suffit de
songer au
procédé de l'entiercement par lequel le bien gagé est remis à un
tiers convenu qui en assume la garde pour le compte du gagiste>?". Lorsque le
tiers détenteur donne des soins à l'objet nanti, il acquiert le droit de retenir ce
bien jusqu'à complet paiement de ce qui
lui est dû. Un droit de rétention
autonome lui est ainsi reconnu en raison de la mainmise qu'il exerce sur la
chose grevée-?". Cette
solution se justifie aisément. Le tiers détenteur a
l'obligation de conserver la chose gagée. Il eST: comptable de la perte ou de la
détérioration du bien grevé qui résulterait de sa négligence-?",
574 cf. Paris, 16 juil. Cité par
J. PATARIN, Le nantissement sm les films cinématographiques in le gage commercial,
op. cit., p. 346, spé c. p.380, 11'42 in fine.
075 Cf. Casso com., 12 janv, 1988, Rev. proc. Coll. 1988, p.420, n'8, obs. DUREUIL.
S,t, Cf. F. DERRIDA. La Dématérialisation du droit de rétention, op. c11., p. 200
n 020.
sn Cf. Ph. JESTAZ, G. MARTY, P. RAYNAUD, op. cit., n 0 77 .
s,x
Mais lorsqu' 'il se dessaisit du bien grevé, il perd sont droit de
rétention et est primé par le gagiste. Cf. Casso
corn .. 26 févr. 1991, op. CiL
Si'. Cf. Ph. JESTAZ, G. MARTY, P. RAYNAUD, op. et lac. cit,

238
391- La question se pose avec acuité lorsque le gagiste sur véhicule
automobile se trouve confronté à un garagiste, détenteur dudit véhicule au
titre de travaux de réparation par lui accompli. On sait que le gagiste qui a
régulièrement inscrit son gage sur un registre spécial ouvert à la préfecture,
sera réputé avoir conservé le véhicule en sa possession-ev. C'est sur le
fondement de cette fiction de possession que la jurisprudence a consacré le
droit de rétention fictif du gagiste sur véhicule automobile. Or, si le gagiste
rétenteur abandonne volontairement sa détention matérielle au profit du tiers
convenu, cette initiative appartient au débiteur dans le gage sur véhicule
automobile. Dans ce cas, la rétention fictive invoquée par le gagiste doit-elle
prévaloir sur la rétention effective dont se prévaut le garagiste? Une réponse
affirmative paraît s'imposer a priori. La possession juridique du gagiste
supplanterait logiquement la détention forcément précaire du garagiste.
La ngueur de cette argumentation a été ébranlée par la Cour de
cassation. Les juges suprêmes, après quelques hésitations, se sont finalement
prononcés en faveur du garagistc-ê-. Cette primauté conférée à la rétention
matérielle sur la possession fictive ne manque pas de justifications (1). Elle
n'en suscite pas moins des objections qu'il conviendra d'analyser (2).
1 0
La primauté du garagiste réparateur sur le gagiste sur
véhicule automobile
392- La pOSSeSSlOl1 fictive admise au profit du gagiste sur véhicule
dévoile son extrême fragilité lorsque le gagiste se trouve en concours avec le
garagiste.
Ainsi apparaissent les limites d'une assimilation forcée entre
possession fictive et possession rêelle. On avait peut être péché par excès
d'ingéniosité en oubliant trop vite le véritable fondement du droit de rétention,
institution de justice privée reposant sur un facteur physique : la détention
matérielle, effective de la chose grevée582 . Cette conception originelle du droit
de rétention a, semble t-il, été consacrée par la Cour régulatrice en donnant la
SHIl
Cf. Decr. 39 sept. 1953, Art. 2, alinea 2.
SHI Cf. Casso COIn., Il juin 1969, D. 1970. p. 244, note BIHR.
oB2 Cf. N. CATALA- FRANJOL:, De la nature juridique du droit de retention. op. el lac. cil. ; F. DERRIDA, La
dèmare nalisation du droit de rétention. op. et lac. cil.

239
préférence au garagiste, détenteur matériel du véhicule sur le gagiste,
possesseur symbolique.
Elle décide
au
terme
d'une longue controverse
doctrinale et jurisprudentielle583 que « le droit de rétention qu'invoquait DIN
en sa qualité de gagiste et comme étant réputé, en vertu de l'article 2, alinéa 3
du décret du 30 décembre 1953, avoir conservé la voiture en sa possession,
ne pouvait prévaloir contre celui de DISCALA (mécanicien) qui avait la
détention matérielle du véhicule )1584. A l'appui de cette solution, on a invoqué
la caractère relatif des formalités de publicité en droit français,. Elle se fonde
aussi sur la reconnaissance au profit du garagiste d'un droit propre sur le
véhicule gagé. Mais la véritable motivation des juges suprêmes réside dans la
primauté de la réalité sur la fiction. Cette solution témoigne de la faiblesse
technique de la construction légale du gage automobile sans dépossession. On
a pu se satisfaire d'une telle fiction et faire produire à ce nantissement les
effets du gage avec dépossession, lorsque le créancier nanti s'oppose à de
simples créanciers privilégiés dépourvus de toute mainmise sur le véhicule.
393- Or ce concept original de possession fictive défie les lois de la
nature et de la science juridique. En face du créancier bénéficiant d'un droit
de
rétention
autonome,
le
gage
automobile
révèle
une
insuffisance
{( congénitale »,
une
faiblesse
atavique.
Le
droit
de
rétention
est
une
prérogative rustique, « il s'accommode mal d'une fiction légale de possession:
la situation privilégiée qu'il offre est fondée sur la dépossession du débiteur. Il
suppose par nature que la chose due est demeurée entre les mains du
créancier, qu'elle n'a pas encore été livrée ),585. Cependant, la motivation
étriquée de la Cour de cassation conduit à s'interroger sur la véritable portée
de l'arrêt du I l juin 1969. Faut-il attribuer une primauté absolue à tout
détenteur qui s'opposerait au gagiste par la seule force abrupte de sa
rétention matérielle? La sauvegarde des droits du gagiste et l'intérêt du crédit
automobile commandent une solution plus nuancêe.
5".1 CF. J. EL HAhT\\1, Le conflit du titulaire d'lm gage sur une automobile avec le réparateur de la voiture, D.S.
1971,
p.I?7 ; A. MARTIN-SERF, Thèse, op. cit., n'543.
554 Cf. Casso corn., 11 JUin 1969, av cit.
OK' Cf. F. DEf-iRID/\\, La dèmatèrialisat.on ... , op. cit., n'16.

240
2°Tempéraments à
la primauté
de principe du
garagiste
réparateur
394- La spécificité du gage sur automobile a été soulignéeêê>. Ses
promoteurs ont entendu protéger le gagiste, non seulement contre le débiteur
qui dispose par définition du véhicule, mais aussi et surtout contre les
détenteurs subséquents dudit véhicule.
A cet effet, ils ont organisé une
publicité originale du gage dont on sait qu'elle investit le gagiste d'une
possession fictive. A ce titre, elle constitue une condition de validité du gage et
non une simple mesure d'opposabilité-ê". Dans cette optique, la possession
juridique du gagiste devrait prévaloir sur la détention par hypothèse précaire
du garagiste réparateur du véhicule gagé.
L'appréhension matérielle du
véhicule ne suffit pas à justifier la primauté du garagiste sur le gagiste. Cette
détention doit encore être légitime pour conférer un droit de rétention à celui
qui l'invoque. Cette condition morale s'ajoute à l'exigence de connexité requise
entre la créance sollicitée et le fait de la détention. Elle mériterait d'être
consacrée même si elle est aujourd'hui contestée en doctrine, car Jugee
étrangère à la construction technique de l'institution du droit de rétention588 .
Ainsi, le garagiste réparateur du véhicule se verrait dénier tout droit de
rétention si sa mauvaise foi était établie. L'hypothèse envisagée est celle de la
connaissance par le garagiste de l'existence du gage ou encore de sa collusion
frauduleuse avec le débiteur.
395- Toutefois, on a soutenu qu'il était contraire à l'esprit des affaires
d'obliger le garagiste-réparateur à consulter les registres de la préfecture ou à
exiger de ses clients la production d'un certificat de non-gage avant d'effectuer
les réparations-ev. Cette objection n'est pas décisive. Seule, l'urgence pourrait
écarter ces exigences de prudence afin de prévenir une attitude trop légère ou
désinvolte de la part des mécaniciens et autres réparateurs de véhicules.
0,"" Cf. C. LAPP, La loi MALl.'JGRE il! Le gage commercial, op. cn., p.z . 1.
5'7 Cf. M. MOREAU. Le gagiste elle réparateur: conflit autour d'un véhicule réparé (A propos de l'arrêt de la Cour de
cassation, Chambré' commerciale du II juin 1969) op. el loc. ci: ; Ph. BIHR, L'opposabilité aux tiers du gage
constitué sur Ull vehicule automobile, O.S. 1970, p.69 ; Contra C. LAPP, op. cii., p. 233
SR" Ph. JESTAZ. G. MARTY, P. RAYl\\'AL:D, op. cii., n036 et les auteurs cites sous note 1 bis, p.32 ; F. DERRIDA, La
dèrnaterialisation .... op. cit., p. 179, n"2.
5") Cf. A. MARTIN· SERF, Thèse, op. cn., p.528, n0547 : J. El. HP.KIM, L'V CIL, p. 182.

241
automobiles Décider autrement porterait une grave atteinte au droit du
gagiste, étranger à l'opération juridique ayant donné naissance à la créance de
réparation.
Au demeurant, toute intervention du garagiste ne conserve pas
forcément la valeur du gage. En distinguant selon la nature des réparations
effectuées sur le véhicule, un auteur a préconisé de conférer la primauté au
garagiste uniquement lorsqu'il se prévaut de sa qualité de conservateur-w.
Une telle ventilation entre frais nécessaires et impenses d'entretien ou
somptuaires commande déjà l'attribution du privilège prévu à l'article 2102.3°
du code civil. Or il est certain que le droit de rétention vient compléter ce
privilège.
396- Une partie de la doctrine a reproché à cette argumentation
d'introduire une distinction que ni la loi ni la Cour de
cassation(... ) n'opère
entre les travaux effectués par le garagiste''?-. Il est cependant inéquitable de
faire supporter au gagiste certaines extravagances du débiteur. A Cet égard, le
garagiste ne pourrait invoquer son droit de rétention que s'il établit avoir
conservé le véhicule. En revanche, si le gagiste est désintéressé auparavant,
rien n'empèche le réparateur, détenteur matériel du véhicule, de se prévaloir
de son droit de rétention à l'encontre du dèbiteur et des autres créanciers
privilégiés. Du reste, la loi du 10 juin 1994 vise expressément le gage assorti
du droit de rétention dans le nouveau classement édicté par l'article 40, alinéa
2 de la loi de 1985. Le législateur n'a t-il pas, par là-même, évincé les
bénéficiaires d'un simple droit de rétention autonome? Ce texte recèle une
grande part d'ambiguïté qu'il appartiendra à la jurisprudence de lever. Nous
avons déjà indiqué qu'il ne nous paraissait pas remettre en cause la force
irréductible attachée au droit de rétention-v- ..
397 - Dans tous les cas, la primauté du gagiste sur véhicule automobile
sur
le
garagiste,
détenteur
dudit
véhicule
ne
revêt
pas
un
caractère
inéluctable,
comme
l'avait
suggéré
la
décision
du
Il
juin
1969.
Les
assouplissements exposés ci-dessus aménagent un juste équilibre qui satisfait
o',,, cr. M. MOREAU, op. CIL, p. 78.
"" Cf. A. MAIHIN- SERF, Thèse, op. cit.. p. 527, ,,'546.
'''i Supra Il''327 et s.

242
l'exigence de protection du crédit automobile. Certes, l'immixtion du droit de
rétention dans la construction déjà hybride des gages sans dépossession, défie
la logique et irrite les puristes du droit, mais elle offre aujourd'hui aux
creanciers nantis un moyen bien commode d'échapper à la loi du concours.
Ainsi, il se pose à nouveau la question de la généralisation du droit de
rétention,
fut-il
dématérialisé,
à
l'ensemble
des
nantissements
sans
dépossessionw'.
398- Ainsi, Seuls le gagiste rétenteur et le créancier nanti sur matériel
et
outillage
parviennent
à
mantenir
un
rang
préférentiel
relativement
satisfaisant'. Du fait de sa possession, le gagiste rétenteur est en mesure
d'obtenir le paiement prioritaire de sa créance sur le prix de cession du bien
gagé. Il doit à cet effet, attendre l'initiative des autres créanciers soucieux de
débloquer le bien retenu. Il pourra alors exercer son droit de préférence
renforcé par son droit de rétention sur le produit de la vente en primant les
créanciers de rang préférable.
Force est de constater que que les autres nantissements ne procurent
plus qu'un droit de préférence bien illusoire en présence des créanciers
favorisés par le droit des procédures collectives. Or, avant même l'ouverture
d'une procédure de concours, la valeur des biens grevés, en principe affectée
au recouvrement de la créance garantie, ne sert plus d'assiette à l'exercice du
droit de préférence des créanciers nantis. Cette prérogatice essentiel du
gagiste ne porte plus que sur une quote-part artificiellement fixée par les
organes de la procédure. Dans ce contexte, le droit de préférence de nombreux
nantissements se résume à un simple appendice juridique dépourvu de toute
effectivité. L'étude des conditions d'exercice du droit de suite de certains
créanciers nantis conduit à un constat analogue.
'''' Cf. Sur la quesuon, P l-<ONSSERAY. Gage sans dépossession et droit de rétention, op. et loc. cit..

243
CHAPITRE 2 : LES RESTRICTIONS A L'EXERCICE DU DROIT DE
SUITE
399- Le droit de préférence suffit à protéger le crénancier gagiste
lorsquà l'échéance, il prend lui-même l'initiative de réaliser le bien grevé pour
se payer par priorité sur le produit de la cession. Les droits du créancier nanti
sont
également
sauvegardés
lorsqu'il
est
immédiatement
désintéressé
nonobstant le transfert du bien grevé dans le patrimoine d'un tiers acquéreur.
A défaut, en sa qualité de titulaire d'un droit réel, il se voit octroyer un droit
de suite en cas de cession du bien nanti. Il dispose ainsi de la faculté de saisir
le bien grevé: entre les mains du tiers acquéreur et, par là -rnéme, d'exercer
son droit de préférence sur le prix de vente. Le droit de suite renforce
l'efficacité du droit de préférence, puisque le débiteur dispose librement du
bien affecté en garantie en sa qualité de propriétaire. Le droit de gage, droit
accessoire par excellence, suit le bien en quelques mains qu'il se trouves?".
400- Or, limité à l'origine aux seules sûretés immobilières, le droit de
suite ne profite pas à l'ensemble des créanciers gagistes. L'attribution du droit
de suite ne procède d'aucun critère précis. Le régime juridique de l'assiette
des différents gages constitue cependant un indicateur déterminant. Ainsi, on
s'accorde à reconnaître que le gagiste rétenteur ne bénéficie pas d'un véritable
droit de suite. En cas de perte ou de vol du bien grevé, il
peut exercer une
action en revendication, mais celle-ci est limitée par la règle posée par l'article
2279 du code civil « en fait de meuble, possession vaut titre» et dont pourrait
se
prévaloir un tiers détenteur de bonne foi595 . En réalité, l'action en
revendication du gagiste n'est qu'une simple manifestation de son droit de
rétention-v>.
Une conclusion analogue s'impose à propos du gage sur véhicule
automobile. Il s'analyse en un gage avec dépossession puisqu'il confère un
droit de rétention fictif à son titulaire. En conséquence, il emprunte le régime
juridique du gage traditionnel de droit comrnun-?". De même, les gages
'''4 Cf. Y. !<EINHAF<'u, Droit commercial, Acte de commerce, ronds cle commerce, 3"m< Éd. 1993, n0411 et 422.
",f, Cf. M. CAI3RILLAC Et C. :vrOllLY,Droit cies sûretés ... , op. ci:.., p. 5]0, n0678.
"H, Cf. H.L.J. MAZEAUD, Sùretès, publicité foncière par V. RANOU]L Et Fr. CI·1ABAS, op. cit.., n0218.
"!7 Cf. G. MARTY, Ph. JESTAZ, P. RAYNAUD, op. cir, 11'530.

244
portant sur des choses fongibles comme le warrant agricole sur récoltes, le
warrant pétrolier ou le warrant industriel et les gages sur créances ne
confèrent pas de droit de suite-?". La question est controversée à propos des
warrants portant sur un corps certain. Ils
semblent cependant ne pas
concéder à leur titulaire l'exercice du droit de
suite,
en l'absence de
dispositions légales expresses-?".
401- En
revanche,
les
autres
gages
sans
dépossession
offrent
indubitablement aux créanciers nantis la faculté d'exercer un droit de suite
complet à l'égard du sous-acquéreur du bien grevé, fût-il de bonne foi. A
l'instar
des
sûretés
immobilières,
ces
variétés
de
gages
impliquent
l'organisation d'une publicité juridique consistant en une inscription effectuée
sur divers registres et destinée à suppléer l'absence de dépossession du
constituant. Certains de ces gages présentent un caractère notoire. Ils portent
sur
des
biens
suffisamment
individualisés
et
de
très
grande
valeur
marchande.
Entrent dans cette catégorie, le nantissement du fonds de
commerce, le nantissement des films cinématographiques et le nantissement
de l'outillage et du matériel d'équipement. Dans ce dernier cas, le créancier
nanti doit en outre, apposer une plaque sur les biens grevés. Cette publicité
matérielle complète alors l'inscription de la sûreté au greffe du tribunal de
commerce. A défaut, le sort du droit de suite relève de l'article 2279 du code
civil-?". Bénéficiant exclusivement aux titulaires de ces trois nantissements, le
droit de suite constitue une menace sérieuse pour le tiers acquéreur. C'est
pourquoi le législateur de
1985 a entendu limiter son exercice en cas
d'ouverture d'une procédure collective.
402- Deux séries de restrictions exposées selon leur degré de gravité,
affectent plus ou moins la faculté pour le créancier nanti d'exercer son droit
de suite .. Celui-ci subit d'abord une paralysie plus ou moins complète de son
droit de suite en raison d'une part, de la nécessaire protection qu'il convient
d'accorder à l'acquereur afin de préserver les chances de redressement de
o'IX Cf. GMARTY, Ph. JESTAZ. P. RAYNAUD, op. crt., no526 ; M. CABR1LLAC et C. MOULY. op. cit., n0725 et s.
0""
Cf. (,MARTY, Ph. JEST.i\\Z, P RAYNAUD. op. et/oc cil..
.. no Cf
Ph.MALAl;[·m:: et L. AYNES, Droit civil. Les sûretés. La publicité foncière pal L. AYNES. op.cit., p.198, n0537.

245
l'entreprise, d'autre part, du mode de réalisation des actifs retenu censé
garantir
la valeur
vénale
des
biens
cédés
(section
1).
Dans
d'autres
hypothèses, le droit des procédures collectives ne porte aucune atteinte à
l'existence du droit de suite. Seule sa mise en œuvre se trouve largement
entravée. Le créancier nanti ne saurait saisir le bien grevé entre les mains de
l'acquéreur, car il ne peut pas agir par voie d'action. Son droit de suite se
réduit, à des degrés variables, à un simple attribut juridique, à un droit sur la
valeur ou plus précisément à un contrôle de la valeur des biens cédés
(section2).
Section 1: LA PARALYSIE DU DROIT DE SUITE
403- L'exercice du droit de suite risque de contrarier sérieusement les
opportunités de cession des biens grevés dans le cadre d'une procédure
collective. Il en est ainsi lorsque le tribunal adopte un plan de cession globale
de l'entreprise. Or, dans cette procédure, le créancier nanti ne recouvre pas en
principe son droit de poursuite individuelle, alors même que le jugement
arrêtant le plan de cession emporte exigibilité immédiate des créancesë?t. Au
surplus, l'institution de la quote-part prévue par l'article 93 alinéa 1er réduit
considérablement l'assiette du droit de préference du gagiste. Dans ces
conditions, il paraît difficile de maintenir intact son droit de suite. Son
extinction énoncée par l'alinéa 4 de l'article 93602 traduit parfaitement la
volonté du législateur de 1985 de favoriser la poursuite de l'activité au
détriment des droits des créanciers, sacrifiés sur l'autel du sauvetage de
l'en treprise en difficulté.
404- La purge automatique du droit de suite s'observe aussi en période
de liquidation judiciaire en cas de
vente du bien nanti aux enchères
publiques. Cette solution s'imposait à l'évidence. Toutefois, malgré l'adhésion
quasi-unanime de la doctrine à l'interprétation littérale de l'article 93, alinéa 4
de la loi de 1985 qui consacre la paralysie totale du droit de suite (§1), le
doute subsiste en raison notamment de la terminologie employée par le
("" Cf. L. 1985, Art. l) l.
nUJ Rédaction issue de la n'forme du 10 juin 1994.

246
législateur. A cet égard, certains auteurs préconisent une admission partielle
du droit de suite dans le cadre d'un plan de cession(§2).
§l. La paralysie totale du droit de suite
405- Dans le cadre d'un plan de cessron de l'entreprise, l'article 93,
alinéa 4 de la loi de 1985, énonce que « jusqu'au paiement complet du prix
qui emporte purge des inscriptions, grévant le bien compris dans la cession,
les créanciers bénéficiant d'un droit de suite ne peuvent l'exercer qu'en cas
d'aliénation du bien cédé par le cessionnaire ». Ce texte attache au paiement
intégral du prix de cession les effets d'une purge automatique des inscriptions
grevant les biens cédés. Or, si l'on se réfère au droit commun, seule une vente
judiciaire notamment celle qui est ordonnée aux enchères publiques emporte
purge
de
plein
droit
des
inscriptions.
C'est
cette
règle
qu'il
convient
d'appliquer à propos des cessions isolées de biens grevés en période de
liquidation judiciaire, lorsque le juge commissaire aura opté pour une vente
aux enchères publiques conformément à l'article 156 de la loi. Ce texte est en
effet, considéré comme ne dérogeant pas au droit communvvê.
. Ainsi, la cession isolée des biens grevés décidée en application de
l'article 156 et le paiement complet du prix de cession en application de
l'article 93, alinéa 4 de la loi de 1985, constituent les deux faits générateurs
. de l'extinction du droit de suite (B). Cependant, dans le plan de cession, avant
le paiement complet du prix par le cessionnaire, le droit de suite subsiste. Il
est seulement suspendu et pourrait renaître en cas de sous aliénation des
biens gagés (A).
AI La suspe nslon du droit de suite
bU'
cf. J. C. MAY, J Cl. Com. Fasc. 2710-2, n·'5l.

247
406- L'article 93, alinéa 4 de la loi de 1985 lie le sort du droit de suite
au paiement intégral du prix de cession par le cessionnaire. Tant que ce
dernier ne s'est pas acquitté de ce prix entre les mains du commissaire à
l'exécution du plan, le droit de suite du créancier nanti est seulement
suspendu à l'égard du cessionnaire. Mais, à ce stade de la procédure, le
créancier nanti perd déjà en réalité le bénéfice de son droit de suite. Cette
suspension
ne
constitue
qu'une
étape
transitoire,
annonciatrice
de
la
disparition ultérieure et définitive du droit de suite après le paiement effectif
du prix de cession. Dès lors, le créancier nanti dépossédé de son droit de suite
se trouve dans l'impossibilité d'exercer un quelconque contrôle sur le prix de
la cession. Pourtant en droit commun, toute concertation des créanciers sur
la consistance du prix de vente s'opère précisément bien avant son paiement
par l'acquéreur.
407 - Or, entre le jugement arrêtant le plan de cession et le règlement
du prix auprès du commissaire à l'exécution du plan, va s'écouler un temps
relativement long au cours duquel le cessionnaire, autorisé par le tribunal en
apllication de l'article 89, alinéa 2 de la loi de 1985, pourrait vendre certains
biens grevés. C'est seulement dans ce cas que le droit de suite renaît et
s'exerce à l'égard du sous-acquéreur. A défaut d'autorisation judiciaire, le
créancier nanti n'a pas besoin de recourir à son droit de suite. La cession
irrégulière est sanctionnée par la nullité absolue en application de l'article 89,
alinéa 2 de la loi. L'action en nullité est ouverte à tout intéressé moins de trois
ans après la conclusion de la vente ou sa publicité. Dans tous les cas, afin de
permettre l'exercice du droit de suite, le cessionnaire doit au préalable
informer le commissaire à l'exécution du
plan de toute aliénation d'un bien
grevé compris dans l'ensemble cédé par application de l'article 108 du décret
de 1985. Cet organe de la procédure se chargera d'avertir les créanciers nantis
concernés par l'aliénation envisagée des biens grevés6 04 .
408- Du reste, de nombreux plans de cession comportent des clauses
de substitution du cessionnaire qui doivent ainsi avoir été expressément
00;
cr. Décr. 1985, An. 108, a1.2.

248
enterinées
par
le
tribunal
dans
le jugement
d'arrêté
du
plan6os.
La
substitution ne saurait intervenir par voie de décison modificative du plan en
application de l'article 68 de la loi. Le tribunal doit clairement énoncer les
modalités de la substitution dans le jugement arrêtant le plan de cession.
Celle-ci peut porter sur la totalité de l'entreprise ou sur une ou plusieurs
branches
d'activités
autonomes
composant
l'ensemble
cédê.
Un
fractionnement est alors prévu dans le jugement entre le cesionnaire et le tiers
appelé à se substituer à lui. Dans ces conditions, la personne substituée au
cessionnaire en tout ou en partie, acquiert la qualité de co-cessionnaire. Elle
n'est pas considérée comme un sous-acquéreur. Dès lors, il échappe à
l'exercice du droit de suite des créanciers nantis sur les biens grevés compris
dans
l'ensemble
cédé,
objet de
la substitution au
même
titre
que
le
cessionnaire principalc'"
409- La substitution du cessionnaire prévue dans le jugement arrêtant
le plan de cesion revêt souvent un caractère général. Or, elle peut dans la
pratique ne concerner qu'un ensemble plus ou moins hétéroclite de biens ne
formant pas une branche autonome d'activité au sens de l'article 81 de la loi.
Elle peut encore se révéler partielle alors quelle semblait initialement porter
sur la totalité de l'ensemble cédé. Dans ce cas, la personne substituée au
cessionnaire ne
saurait bénéficier de
la qualité de
co-cessionnaire.
La
stipulation d'une solidarité entre substituant et substitué ne change rienv??
Elle acquiert une certaine utilité seulement lorsque les termes initiaux de la
substitution contenus dans le jugement arrêtant le plan ont été respectés
dans
la pratique.
Il en est de
même lorsqu'elle garantit effectivement
l'exécution de l'ensemble du plan608 .
410-
La
substitution
n'est assimilée
à
une
sous-aliénation
non
autorisée que lorsqu'elle révèle un détournement manifeste des conditions
initiales adoptées par le tribunal notamment en ce qui concerne la répartition
,,(J', cf. Paris, 31 oct
1989, D. 1991, Somm., p.14, obs. DERRIDA; Re\\!. proe. coll. 1991-3, p. 320, n037, obs. SOlNNE
; Aix en Provence, 14 déc. 1989, D. 1991, Somrn., p.14, obs. DERRlDA ; Rey. proe. coll, 1991-3, p ..321, n037, obs.
SOINNE.
"'li, Cf. En ce sens, F. DERRlDA, P. GODE, J.P. SORTAIS, op. cit., n0452.
"u, Cf. Casso C0111, 16juil. 1991, Rev. proe. coll. 1992-4, p. 403, n'3, obs. SOIN:'-lE.
couH Cr. F. DERRIDA, P. GODE. J.P. SORTAIS, op. cit., n" 452; Pans, 18 mai 1989, Rey. proe. coll.
1990, p. ISO, nOS,
obs. SOINNE.

249
des actifs cédés entre substituant et substituéë?". Dans cette hypothèse, la
sous-alinéation des biens grevés est entachée d'irrégularité. Le créancier nanti
peut
en demander l'annulation par application de l'article 89 de la loi.
L'exercice du droit de suite devient inopérant. En revanche, lorsque la
substitution judiciare initiale du cessionnaire revêt un caractère général et se
trouve partiellement modifiée dans la pratique, le sous-acquéreur conserve la
qualité de co-cessionnaire si la substitution porte néanmoins sur une branche
d'activité complète et autonome. Cette solution s'inscrit parfaitement dans la
logique du redressement de l'entreprise et de la poursuite de l'activité. Le droit
de suite demeure suspendu à l'égard du co-cessionnaire. Le créancier nanti ne
pourrait pas cependant agir aux fins d'annulation de la
cession des biens
grevés par l'acquéreur principal.
Au total, la renaissance du droit de suite ne s'opère pas dans tous les
cas de sous-aliénation des biens grevés compris dans le plan de cession. Mais,
ce n'est que lorsqu'elle est autorisée par le tribunal en application de l'article
89, alinéa 2 de la loi de 1985, que le droit de suite retrouve son efficacité. Elle
doit intervenir avant le paiement complet du prix de cession. Au-delà le droit
de suite est définitivement éteint.
BI
L'extinction du droit de suite
411- Dans le cadre d'un plan de cession, l'article 93 alinéa 4 énonce
l'impossibilité pour le créancier nanti d'exercer son droit de suite après le
paiement intégral du prix de cession. La sûreté est automatiquement purgée.
Dans la pratique, le créancier nanti ne peut pas contrôler que la quote-part
affectée aux biens grevés correspond réellement à leur valeur vénalev-P.
L'organisation de
la
cession globale de l'entreprise commanderait cette
paralysie du droit de suite qui devrait favoriser le sauvetage de l'unité
écoriomiquevt '. En conséquence, la fixation du prix de cession et la ventilation
opérée par la suite entre les différents créanciers revêt un caractère définitif.
.---~---'---_
.
..1.1', CL AIX en Provence, 14 dc«. 1989, op. cù..
on. CL P. TILLY, Thèse, oV cu.,
n"274.
,.,' cr .J P. SENECl !AL. La 10: clu 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des
entreprises et la pratique notariale , JCP 198r) éd. N. Dort.r., p.1 el s.. spéc. n0200.

250
L'institution de la quete-part prive les créanciers nantis du droit de saisir le
bien nanti entre les mains du cessionnaire afin de se faire payer sur le prix de
cession
412- L'affectation autoritaire d'une quete-part à chacun des biens
grevés écarte a fortiori toute possibilité de faire surenchère. Pourtant, cette
faculté est reconnue au créancier nanti en droit commun. Lorsqu'un fonds de
commerce est compris dans l'ensemble cédé ou constitue à lui seul une
branche d'activité complète et autonome à laquelle s'attache une clientellev'>,
la doctrine s'est divisée sur la question de l'application ou non des formalités
de publicité prévues par la loi du 17 mars 1909. L'accomplissement de ces
formalités autoriserait alors les créanciers nantis à exercer la surenchère du
10 ème.
Certains auteurs se sont retranchés derrière la spécificité ou
l'autonomie de la cession totale de l'entreprise en période de redressement
judiciaire, pour récuser l'application de loi de 19096 13 . D'autres admettent la
survie de la loi de 1909, mais restreignent son domaine aux seules formalités
de publicitèv>'. Pour Monsieur SENECHAL par exemple, « lorsque la vente du
fonds est comprise dans la cesion globale de l'entreprise ou dans la cession
d'une branche d'activité, la sécurité du plan de redressement arrêté par le
tribunal exige qu'aucune surenchère ne soit possible pour la faculté de
surenchère du 10 ème que la loi du 17 mars 1909 donne aux créanciers
inscrits, cette exclusion résulte suffisamment des dispostions de l'article 93,
alinéa 1er et 4 de la loi du 25 janvier 1985 » 615.
413- En définitive, deux arguments essentiels justifient l'impossibilité
pour le créancier nanti d'exercer son droit de faire surenchère après l'adoption
d'un plan de cession. D'une part, cette solution dérogative au droit commun
est
indispensable
pour éviter le
fractionnement
de
l'ensemble
cédé6 16 .
Admettre le jeu de
la surenchère risquerait de
décourager d'éventuels
acquéreurs. Ce qui ruinerait les efforts du législateur de 1985. Ce dernier a
<>1:' cf. J.P. SE!'IECHAL, op. CIl., p.28, n·'231.
<>1.1 Cf. y . GUYON, Droit des affaires ... , op. cii., n" 1288 ; Y. CHAPUT, La cession de l'entreprise, Rev. jurisp. corn., na
spécialAL févr. 1987 ,pp.52, spéc., p.71 ; A. COURET, La cession de l'entreprise dans le cadre d'une procédure
collective, Bull. Joly, mars 1<)86, I, pp.289, spéc.p.3ü2, n'79.
('l'
Cf. S. JAFFRAII'ï, Morlalités de vente d'un fonds de commerce clans le cadre d'une liquidation judiciaire, JCP 1993
éd. E, J,205, p. 18, n'3.
oi s Cf. J.P. SE:'-lECHAL, op. CIL, n'236.

251
entendu faire de la cession globale de l'entreprise la modalité par excellence de
la poursuite de l'activité et du maintien des emplois qui y sont attachés.
D'autre part, la cession de l'entreprise est ordonnée par le tribunal. En
conséquence, autoriser l'exercice de la surenchère du 10èm e reviendrait à
dépouiller l'autorité judiciaire d'une partie essentielle de ses prérogatives
d'ordre public>!", Dans cette logique, l'originalité de la cession de l'entreprise
en redressement judiciaire « conçue et réalisée dans une perspective d'intérêt
public Il 618ex pliquerait en définitive la mise à l'écart des règles protectrices des
créanciers inscrits édictées par la loi de 1909.
414- Du reste, on peut douter de l'opportunité de la surenchère pour le
créancier nanti. Il devrait logiquement supporter la charge de la continuation
des
contrats
de
travail
ou
des
licenciements
des
salariés,
SI
aucun
surenchérisseur ne se présente. Or, c'est précisément « pour tenir compte des
charges, notamment en matière d'emploi, que le repreneur accepte d'assumer
pour conduire le redressement ,,619, que le tribunal autorise la transmission
des biens grevés au cessionnaire à un prix très en deça de leur valeur réelle.
L'expression « purge des inscriptions» contenue dans le texte de l'article 93,
alinéa 4 de la loi est donc trompeur ou du moins impropre. Comme le suggère
le professeur SOINNE, « il eùt mieux
valu parler de la radiation des
inscriptions, puisqu'aucune surenchère n'apparaît possible »620. Le législateur
confond en réalité purge et extinction de la sûreté6 2 l . Dans tous les cas, c'est
au greffier du tribunal de commerce,
sur l'initiative du commissaire à
l'exécution du plan ou du liquidateur, qu'incombe l'obligation de procéder à la
radiation des nantissements purgés.
415- En revanche, en période de liquidation judiciaire, toute idée de
sauvetage de l'entreprise ayant disparu, du moins à titre principal, la loi de
1909 s'applique sans restriction. Cependant, aucune surenchère ne paraît
possible lorsque les biens grevés sont vendus distinctement aux enchères
"',, Cf. G. RIPERT <"1 R. RüBLüT, op. cit.. n'3204.
,,17 Cf. J. PAILLUSSEAU, .J.J. CAUSSIN, H. LAZARKI, Ph. PEYRAMAURE, ouvrage collectif, op. cil., n'1061.
"IX Cf. B. SOlNN E, L'elaboration et la mise en oeuvre des plans de cession, P.A. 26 juil. 1991, n'89, p.16, n018.
"''1 Cf. J.P. SENECHAL, L'inclusion du matériel nanti .. , op. cit., p.368.
(,2[1
Cf. B. SüINNE. Traité ... , op. cit., n'796.
"Li Cf. J. P. SENECHAL, op, et loc. cit.

252
publiques en application de l'article 156 de la loi de 1985. La ceSSIOn
réalisée
aux
enchères
publiques
emporte
de
plein
droit
purge
des
inscriptions conformément au droit communv-". Dans cette hypothèse, la
protection des créanciers nantis semble donc assurée. En période de
liquidation judiciaire, la priorité est donnée, lors des réalisations d'actifs, à
l'obtention du prix le plus juste. Au demeurant, l'extinction automatique du
droit de suite ne présente ici aucun caractère exceptionnel. Elle résulte de
l'application rigoureuse des règles de la loi de 1909 .. En revanche, dans le
plan de cession, c'est le droit des procédures collectives qui réduit à néant
le droit de suite des créanciers nantis.
Pourtant, certains
auteurs recusent l'idée d'une paralysie totale du
droit de suite dans le cadre d'un plan de cession. Ils admettent la survie du
droit de suite à travers l'un de ses attributs: la faculté de faire surenchère.
§2. L'admission en doctrine de la faculté de faire surenchère
416- Une partie de la doctrine prône le maintien du droit de suite en
application du droit commun auquel ne dérogerait pas l'article 93 alinéa 4.
Les professeurs CABRILLAC et MOULY, en faisant l'exégèse de ce texte,
concluent même en faveur de son inapplicabilité, laquelle attesterait alors de
la survie du droit de suite623 . Or, cette prérogative implique nécessairement la
saisie
du
bien
grevé.
Cela
ne
saurait
se
réaliser
sans
provoquer
le
fractionnement de l'entreprise cédée. Cette solution porterait alors un coup
fatal au projet de redressement de l'entreprise dans le cadre d'un plan de
cession global. Dans ces conditions, la sécurité du plan de cession exclut
toute action du créancier nanti portant sur le bien, objet de sa sûreté et
entraînant dessaisissement de l'acquéreur. Par ailleurs, le créancier nanti ne
recouvre son droit de poursuite individuelle que dans les cas bien précis. En
conséquence, il ne saurait juridiquement disposer de son droit se suite par
voie d'action. Cependant, pour une partie de la doctrine, l'accomplissement des
',22
cr. J. c. MAY, op. cit., n' 51 et 81.

253
formalités de publicité édictées par la loi du 17 mars 1909 autorise l'exercice
de la surenchère du 10èm e . Celle-ci est considérée comme un attribut, une
manifestation du droit de suitev-". Au surplus, les créanciers inscrits ne sont
pas obligés de démontrer que le
prix de cession ne
suffit pas à
les
dèsintèresserëv>. Or, c'est en se fondant sur la spécificité de la vente globale de
l'entreprise dans le cadre d'un plan de cession et sur sa nature judiciaire, que
la doctrine majoritaire écarte l'application des règles protectrices instituées
par loi de 1909 au profit des créanciers du vendeur.
417 - Cette argumentation appelle deux séries de réserves. D'une part,
la cession de l'entreprise, même ordonnée par le tribunal ne paraît pas revêtir
les caractères d'une vente judiciaire au sens de l'article 5, alinéa 3 de la loi de
1909. Ce texte n'intéresse que les seules ventes aux enchères publiques. Il
est vrai que la cession de l'entreprise en redressement judiciaire comporte des
offres concurrentes, mais elle ne peut être assimilée à une vente aux enchères
publiquesv->. Elle ne permet pas, contrairement au droit commun des ventes
judiciaires, d'aboutir au meilleur pri-x possible. Le tribunal doit seulement
retenir l'offre qui garantit le plus durablement possible les emplos attachés à
l'ensemble cédé et le plus souvent au détriment des créanciers. Il faut donc
conclure au caractère amiable de la cession d'entreprise, même si certaines
règles de la vente sont battues en brêche par le droit particulier des
procédures collectivesv-". D'autre part, il ne faudrait pas se méprendre sur
l'objet exact de la vente intervenue dans le cadre d'un plan de cession. Le
législateur utilise le terme générique d'entreprise, mais aucune définition
juridique de la notion d'entreprise n'apparaît dans la loi de 1985.
Notre droit commercial n'a pas encore, à notre connaissance, aménagé
un régime juridique spécifique de l'entreprise. Et c'est donc à la notion de
fonds de commerce qu'il convient de se raccrocher. La notion d'entreprise est
certainement plus large que celle de fonds de commerce. Il est tout aussi clair
(,23 Cf. M. CABRlLLAC et C. MOULY, op. cil., n0918.
D21 Cf. F. DERRfDA, P. GODE, J. P. SORTAIS, op. cil. , n0456.
(,2S
cf. J. PAILLUSSEAU, LJJ. CAUSSAIN. H. LAZARKI, Ph. PEYRAMAURE, op, Clt.. , n0452.
l>2l>
Cf. F. DERRIDA, P GODE,
J. P. SORTAIS, op. el
loc. cit.. H. Le NABASQUE, La cession de l'entreprise en
redresscmcntjudicraire, JCP 1990 éd. E, n015770? pp.3 tS et s., p.323, spéc., n064.
,,27 Cf. P. TILLY, Thèse. op. cit., n"274;
B. SOINNE, Elaboration ct mise en œuvre des plans de cession ... , op. cü., p.
12,n07et,;.

254
que la cession d'entreprise ne concerne pas un bien isolé. Mais rien ne
s'oppose à ce qu'un fonds de commerce, auquel s'attache des emplois et une
clientèle, constitue une « branche complète et autonome d'activité» conçue
comme l'un des critères du plan de cession au même titre que la notion
d'entreprise. Il paraît donc exagéré d'affirmer que la cession d'un fonds de
commerce se situe nécessairement dans la phase de liquidation judiciaire par
apllication de l'article 156 de la loi.
418- Or, une réponse ministérielle avait préconisé une dispense de
l'accomplissement des formalités de publicité prévues par la loi de 1909,
lorsque le fonds est réalisé amiablement dans le cadre d'une procédure
cotlectives-". Toutefois, cette position a suscité une vive critique en doctrine et
chez les professiorinelsv-". Elle paraît en outre, sans rapport avec la question
de l'exercice de
la
surenchère du
10èm e par les créanciers nantis.
En
conséquence, les professeurs DERRIDA, GODE et SORTAIS estiment que la
suppression du droit de suite en application de l'article 93, alinéa 4 de la loi
de 1985 laisserait cependant intacte la faculté de faire surenchère concédée
aux créanciers
nan tisv-".
Cette
thèse
présente
un
remarquable
intérêt
puisque, comme nous l'observions précédemment, de nombreux plans de
cession sont ordonnés par le tribunal à des prix dérisoires ou symboliques, ne
permettant pas de désintéresser les créances nantis->'. Si cette solution fort
séduisante devait prospérer en jurisprudence, c'est toute la logique du
redressement par voie de cession de l'entreprise qu'il conviendrait de repenser.
419- En définitive, force est de constater que des incertitudes persistent
quant à l'extinction totale du droit de suite après l'adoption d'un plan de
cession, en raison notamment de la rédaction fort maladroite de l'article 93,
alinéa 4 de la loi de 1985. Néanmoins, nonobstant le mutisme du législateur,
l'exercice du droit de suite semble envisageable en cas de cession de biens ut-
singuli dans la phase de redressement judiciaire. Une conclusion analogue
,,2X
Rep. Min. Questions écrites, n' 120 17, 24 avr. 1989, J.O. débats, Ass. Nat.. 21 août 1989, p.3685.
,,2')
cf. F.DERRlDA, P. GODE, J.P. SORTAIS, op. cit., n' 4:56, note 1993, p.333; 86e01o congrès des notaires de
France; Lille 20- 23 mai 1990, la transmission des entreprises, p.232 et s. ; S. JAFFRAIN, Modalités de vente d'un
fond de commerce dans le cadre d'une liquidation judiciaire, op. nt, p.18, na :2 et 3.
0
Ô.ln Cf. F. DERRlDlI, P
GODE, J. P. SORTAIS, op. cit., 11 4 5 6 , note 1996.
".11 La loi du 10 juin 1994 a apporté sur ce point des améliorations dans un souci cle moralisation des plans de
cession, notamment par un meilleur contrôle des offres. Supra n'277.

255
s'impose pour la période de liquidation judiciaire. Mais, dans ces hypothèses,
le droit de suite risque d'être trés théorique, car son exercice est largement
entravé dans la pratique. Le silence du législateur paraît également autoriser
l'exercice du droit de suite en cas de cession d'une unité de production en
période de liquidation judiciaire.
Section2: LA SURVIE JURIDIQUE DU DROIT DE SUITE
420- Les articles 34 et
78 de la loi de 1985 qui réglementent
respectivement les cessrons de biens grevés en période d'observation et
pendant l'exécution du plan de continuation, n'envisagent nullement le sort
du droit de suite. Le silence du législateur de 1985 n'emporte pas pour autant
extinction de cette prérogative essentielle de certans crénciers nantis. Aucune
disposition analogue à l'article 93 alinéa 4 n'énonce la purge automatique des
inscriptions. Toutefois, l'impéartif du redressement de l'entreprise en difficulté
milite, comme dans le plan de cession, en faveur d'une certaine restriction de
l'exercice du droit de suite en période de continuation de l'activité. La cession
de biens ut sinquli doit avant tout servir au renflouement des caisses de
l'entreprise afin d'en faciliter le redressement. Dans ces conditions, l'exercice
du droit de suite ne pourrait que décourager d'éventuels acquéreurs.
421- Au
demeurant,
le moratoire dont
bénéficie le
débiteur en
redressement judiciaire, empêche le créancier nanti de prendre l'initiative de
l'exercice du droit de suite en saisissant le bien grevé entre les mains du
cessionnaire. Les exigences du sauvetage de l'entreprise constituent une
entrave sérieuse à la mise en œuvre du droit de suite. Pourtant, l'article 102
du
décret de
1985 prescrit l'accomplissement des formalités
de purge
conformément au du droit commun. Certes, ce texte vise expressément les
seules immeubles hypothéqués, mais on s'accorde à étendre son application
mutatis mutandis à la vente des meubles grevés de nantissementvêv. La purge
des inscriptions, selon les modalités du droit commun, autorise l'exercice de
(,12 Cf.F. DERRIDA. ?
GODE, ,L P. SORTAIS, op. ciL, n' 55J ; F. MACORIG-VENIER, Thèse, op. cit., p. 475. n° 467.

256
la surenchère du 10ème par les créanciers inscrits, notamment en cas de
cession d'une branche d'activité adjointe à un plan de continuation (§1).
Le droit de suite devrait retrouver sa pleine efficacité dans la phase de
liquidation judiciaire (§2).
§ 1. Dans la phase de redressement judiciaire
422- Dans ces hypothèses, le 'créancier nanti dispose de la faculté
d'exercer son droit de suite à défaut d'interdiction formelle. Mais celle-ci se
heurte à deux séries d'obstacles. Le droit de suite est d'abord entravé par la
règle de l'arrêt des poursuites individuelles prévue par l'article 47 de la loi. Le
créancier nanti privé de sa liberté d'action ne saurait saisir le bien grevé entre
les mains de l'acquéreur. Cette initiative est en outre, vouée à l'échec en
application de l'article 56 de
la loi qui décide du maintien du terme
contractuel. Au surplus, en période de continuation de l'entreprise, les délais
judiciaires de paiement empêchent le créancier nanti d'exercer pleinement son
droit de suite. L'ensemble de ces dispositions interdit tout exercice du droit de
suite par voie d'action ou d'exécution afin de permettre la réalisation effective
des biens grevés.
423- Or, l'article 102 du décret prévoit la procédure de notification à fin
de purge. Celle-ci ouvre aux créanciers nantis la faculté de faire surenchère
du 10ème Mais l'article 34 de la loi de 1985, comme précédemment observés-ê
affecte une quote-part du prix de cession à chacun des biens grevés. On voit
mal comment l'exercice du droit de suite remettrait en cause la ventilation du
prix opérée par le tribunal. En outre, la surenchère ne peut porter sur le
montant de la quete-part, mais sur la totalité du prix de cession. Il est
pourtant clair que la fixation de la « quote-part .
ne correspond pas au
montant de la créance garantie. Dans ces conditions, le droit de faire
surenchère risque de se réléver théorique, le créancier nanti étant dans
l'impossibilité de mettre en œuvre cette prérogative.
<>3.1 Supra n'263 el s.

257
424- Dans la phase d'exécution du plan de continuation, le législateur
n'a pas prévu l'institution d'une quete-part. Le prix de cession sera réparti par
le commissaire à l'excution du plan, conformément à l'échéancier arrêté par le
tribunal. Le créancier nanti conserve en principe le droit de faire surenchère
du 10 ème, mais le contexte de la poursuite d'activité ne s'y prête guère. Il peut
se retrouver adjudicataire si aucun surenchérisseur ne se manifeste à défaut
du sous-acquéreur. Dans ces conditions, il s'expose aux risques habituels de
l'exercice de la surenchère sur notification à fin de purge. Aux termes de
l'article 102 du décret, l'acquéreur doit notifier aux créanciers nantis sa
volonté de purger les sûretés grevant les biens cédés. Le versement du prix à
la
Caisse
Des
Dépôts
et
Consignations
ne
peut
intervenir
sans
l'accomplissement des formalités de purge.
425- Les créanciers nantis privés de leur droit de suite par VOle
d'exécution disposent de la faculté de faire surenchère au moment de la
notification à fin de purge, en période de continuation de l'entreprise. Mais
cette possibilité demeure largement théorique.
Seuls les biens devenus
obsolètes ou inutiles à la poursuite de l'activité du débiteur pourront être
cédés. Il s'agira en priorité de se débarrasser de ces biens qui à la longue
constitueraient une charge insupportable pour l'entreprise. On voit mal
comment dans ces conditions les créanciers nantis pourraient exercer leur
faculté
de
faire
surenchère,
alors
qu'ils
risqueraient
de
se
retrouver
adjudicataires. Or, les créanciers nantis, essentiellement les établissements
bancaires, n'envisagent pas d'acquérir des biens qui, pris isolément, n'ont pas
une très grande valeur marchande ou d'exploitation. Ils hésiteront d'autant
plus à mettre en œuvre leur faculté de surenchère que, même si l'acquéreur
surenchérit, ils ne seront pas assurés d'être désintéressés en présence de
créanciers venant en rang utile. Lorque le prix de cession deviendra définitif
par la
purge
des
sûretés,
son versement à
la
Caisse Des Dépôts et
Consignation emportera extinction du droit de suite. L'acquéreur devrait
obtenir, par une action principale, la mainlevée judiciaire des inscriptions
grevant le bien cédé, à défaut d'une dispense amiable de purge ou d'une
mainlevée consentie par le créancier nanti.

258
426 - Ainsi, réduit à la faculté de faire surenchère, le droit de suite se
révèle bien inéfficace en période d'observation et dans le cadre d'un plan de
continuation. La nécessité du redressement de l'entreprise explique cette
survie artificielle. En revanche, lorsque la liquidation judiciaire est prononcée,
la sauvegarde de l'entreprise ne constitue plus la priorité. Le droit de suite
même réduit à la faculté de faire surenchère ne devrait souffrir aucune
limitation.
§2. En période de liquidation judiciaire
427 - Aucune disposition de la loi de 1985 ne règle le sort du droit de
suite en période de liquidation judiciaire. Le législateur se contente d'indiquer
la forme que peut revêtir la cession des biens grevés selon l'option retenue par
le juge commissaire. Celui-ci peut ordonner une cession globale d'unité de
production composée de tout ou partie de l'actif mobilier ou immobilier en
application de l'article 155 de la loi. Ce texte s'inspire de l'article 93. Mais,
alors que cette dernière disposition énonce en son alinéa 4 que le complet
paiement du prix de cession emporte purge des inscriptions grevant les biens
cédés, l'article 155 ne comporte aucune mention relative au droit de suite.
Comment alors interpréter le silence du législateur? La cession d'unité de
production prévue par l'article 155 ressemble, par certains aspects, à la
cession globale de l'entreprise et à la cesion d'une branche d'activité adjointe
à un plan de continuation. Elle n'écarte pas toute idée de sauvegarde de l'outil
de production et du maintien des emplois.
428-
Cependant,
toute
ceSSIOn de
biens décidée en
période
de
liquidation
judiciaire
doit
en
priorité
permettre
l'obtention
d'un
pnx
satisfaisant pour désintéresser les créanciers. Dans ces conditions, si le
législateur avait voulu restreindre l'exercice du droit de suite, il n'aurait pas
hésité à le faire comme en matière de plan de cesion. Dans le silence de la loi,
il faut conclure à l'application du droit commun, donc au maintien du droit de
suite (Al. Contrairement à l'hypothèse précédente, la cession des biens isolés
décidée par le juge commissaire en application de l'article 156 de la loi ne
saurait aboutir au démantèlement de l'entreprise. Le législateur n'a pas

259
abandonné à ce stade de la procédure toute idée de survie de tout ou partie de
l'activité du débiteur défaillant. Mais la liquidation judiciaire consacre en
principe l'échec ou limpossibilité du redressement de l'entreprise. A cet égard,
les
réalisations
d'actifs
isolés
s'effectuent
au
mieux
des
intérêts
des
créanciers. L'exercice du droit de suite redevient alors possible lorsque le juge
commissaire aura opté pour la vente de gré à gré des biens nantis (B).
AI Dans le cadre de la cession d'unité de production
429- La cession d'une unité de production rappelle, à bien des égards,
la cession globale de l'entreprise prévue dans le cadre d'un plan de cesion.
Certes, «la cession-liquidation est plus simple en la forme))634, mais dans les
deux cas, la finalité poursuivie est la même: il s'agit de préserver tout ou
partie de l'outil de production et de sauvegarder les emplois qui s'y rattachent.
11 est surprenant que l'article 155 de la loi ne reprenne pas la règle posée par
l'article 93 qui prévoit l'extinction du droit de suite après le paiement complet
du prix de cesion. Il est difficile de constater la paralysie du droit de suite en
matière de plan de cession et son exercice clans le cadre d'une cession d'unité
de production, alors méme que les raisons qui expliquent cette paralysie sont
aisément transposables dans la seconde hypothèse.
430-L'exercice du droit de suite risque tout autant de provoquer le
fractionnement de l'ensemble cédé. Ce qui irait à l'encontre du but poursuivi
par le législateur. La liquidtion judiciaire ne consomme pas forcément la
disparition de l'entreprise. En présence d'unités de production viables, il faut
en assurer la survie. Du reste, l'article 155, alinéa 5 nouveau de la loi renforce
la similitude entre les deux formes de
cesion.
Selon ce
texte, le juge
commissaire choisit l'offre la plus sérieuse, c'est- -dire celle qui permet « dans
les meilleures conditions d'assurer c.urablement l'emploi et le paiement des
créanciers H. Cette disposition rappelle la hiérarchie des finalités de la loi
clairement affirmées dans l'article ln. Le paiement des créanciers constitue
l'ultime préoccupation du législateur, même dans la cession organisée par
l'article 155 de la loi. Certes, la sauvegarde de l'entreprise ne figure pas dans

260
le texte sus-évoqué, mais le maintien de l'emploi commande la survie de
l'unité
de
production.
Celle-ci
revêt
la
forme
d'une
branche
d'activité
autonome. Toutefois, si l'exercice du droit de suite était autorisée, l'acquéreur
accepterait moins d'assumer la charge des contrats de travail liée au maintien
de l'exploitation.
431- De telles considérations ont conduit une partie de la doctrine635 à
préconiser l'application par analogie de la règle posée par l'article 93, alinéa 4
de la loi à la cession d'unité de production. Au demeurant si l'article 155
n'organise pas véritablement une vente aux enchères publiques, il n'en
demeure pas moins vrai que, l'intervention du juge commissaire dans le choix
des offres, renforce considérablement le caractère éminemment judiciaire de la
cession. La Cour de cassation636 a eu l'occasion de se prononcer sur la nature
de cette cession. Elle décide que la cession d'unité de production n'est pas
« une
vente de droit commun librement contractée entre les parties Il, que
son « caractère
forfaitaire
implique
l'existence
d'un
aléa
exclusif
de
l'application des garanties prévues dans le droit commun de
la vente Il. Elle
poursuit en affirmant que cette cession est régie par « des règles propres
édictées en vue du maintien au moins partiel de l'activité par une loi d'ordre
publics.v-"
432- Cet arrét semble aVOIr une portée générale638 en ce sens qu'il
écarte les garanties traditionnelles du droit commun de la vente, destinées à
protéger l'acquéreur. Il s'agissait en l'espèce, de la garantie d'éviction. La
solution qu'il édicte vient ainsi conforter les partisans de l'inapplicabilité des
dispositions de la loi de 1909 à la cession d'unités de production. Il est même
possible d'en étendre la solution à la cession prévue par l'article 93 de la loi.
Dans la logique de cette interprétation, le créancier nanti serait privé de la
faculté de faire surenchère du 10 ème Cette exclusion des garanties du droit
commun de la vente aboutirait de façon générale à la négation du droit de
6,14 Cf. F.DEI~RIDA. P. GODE, J. P. SORTAIS, op. cit., n° 1296.
(,.15 Cf. M. JEANTIN, op. crr., n° 776 ; Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE, op. cii., n° 501.
'd" Cf. Casso corn., 12 oct. 1993: D. 1993. I.R. p. 245 ; Rev, proc. coll. 1993, p.496, obs. SOINNE ; JCP. 1994, éd. E,
n° 13, p.124, n° 6, obs. CABRILLAC et PETEL.
0.17
Cf. En cc sens, M. CABRILLAC et Ph. PETEL, obs. sous casso com, ~2 oct. 1993, op. cit.
(,.1H Cf. B. SOINNE, obs.
sous casso corn, 12 oct. 1993, op. cii.

261
suite du créancier nanti. Cette interprétation résiste difficilement à la critique.
Elle est battue en brêche par les travaux préparatoires de loi de 1985. Le
Sénat avait proposé d'étendre l'application de l'article 93 alinéa 4 à la cession
d'unités de prodcution. Or, ce renvoi a été supprimé par la commission des
lois de l'Assemblée nationale approuvée par le Garde des Sceaux. Cette
dernière solution fut par suite entérinée au moment du vote définitif du
texte639 .
433- Le législateur a pns en compte la spécificité de la liquidation
judiciaire.Il est vrai que la Cour de cassation a clairement énoncé que la
cession des unités de production vise « le maintien au moins partiel de
l'activité », mais cet objectif ne saurait totalement annihiler
les prérogatives
des créanciers nantis. Au surplus, l'exclusion des garanties légales édictées au
profit de l'acquéreur en droit commun ne conduit pas ipso facto, par un
raisonnement analogique fort spécieux, à l'inapplicabilité des dispositions de
la loi de 1909 relative à la faculté de faire surenchère du 1Oème. De ce point de
vue, lorsque l'unité de production comporte des biens nantis ou constitue un
fonds de commerce expressément identifié dans l'acte de vente, rien ne devrait
s'opposer à l'exercice de ce droit.
Les créanciers nantis pourront ainsi
s'assurer de la relative correspondance entre la valeur des biens gagés et la
quete-part qui leur est affectée pour l'exercice de leur droit de préférence.
434- Au demeurant, avant la réforme du 10 juin 1994, des auteurs
éminentsv"? avaient admis la possibilité d'un contrôle de la ventilation du prix
de cession opérée par le liquidateur. Dans cette logique, les créanciers ne
bénéficiéraient que de l'action en réclamation devant le juge commissaire
prévue par l'article 25 du décret de 1985. Dans ces conditions, l'absence de
référence expresse au droit de suite dans l'article 155 pouvait s'expliquer par
l'existence de cette procédure spéciale destinée à éviter une trop grande sous-
évaluation
des
biens
grevés.
Le législateur
n'aurait
pas
souhaité
une
juxtaposition
de
deux
procédures
aboutissant
pratiquement
au
même
61') cf. .IO. déb. Ass. nat. 16 OCL 1984, p. 4743.
".u Cf. F. DERRIDA, P. GODE, J. P. SORTAIS, op. cit., n" 277, note 112

262
résultat. Une partie de la doctrines"- avait paru donner la préférence à la
procédure de l'article 25 susvisé; ce qui excluait l'exercice du droit de suite.
Mais la faculté de faire surenchère s'inscrit logiquement dans la procédure de
purge des sûretés. Elle est une manifestation du droit de suite, prérogative
essentielle du créancier nanti. Il convenait dès lors, de privilégier cette voie
par rapport à celle plus générale de l'article 25 du décret. Cette dernière voie
serait
ouverte
principalement
aux
créanciers
chirographaires642
et
aux
créanciers privilégiés ou nantis, privés du droit de suite.
435- Au demeurant, la réforme du 10 juin 1994 ne permet plus aux
créanciers de recourir à l'action en réclamation prévue par l'article 25 du
décret. Le nouvel article 155, alinéa 5 de la loi confère au juge commissaire le
droit de choisir la meilleure offre de cession. C'est cet organe d e la procédure
qui en réalité,
procéde à la vente de l'unité de production. Le liquidateur,
dépossédé de cette fontion, n'assume plus qu'un rôle d'exécution des actes de
cession. Il doit dans tous les cas, en rendre compte au juge commissaire. Or
l'ordonnance rendue par ce magistrat peut faire l'objet d'un recours devant le
tribunal, dans les conditions exposées aux alinéas 3, 4 et 5 du nouvel article
25 du décret. Une nouvelle fois, se pose la question du maintien de l'exercice
du droit de suite. A l'instar de l'action en réclamation contre la décision du
liquidateur, le recours contre l'ordonnance du juge commissaire arrêtant la
cession d'unités de production ne paraît concerner que les créanciers privés
du droit de suite. Ces derniers ne disposent d'aucune autre voie pour
contester la ventilation du prix de cession qui accorderait par exemple, une
part trop grande aux créanciers assujettis à la règle de la quote-part.
436- Les créanciers nantis devront attendre une notification à fin de
purge émanant de l'acquéreur avant de faire surenchère du lOème
. Mais, ils
seront souvent peu enclins à franchir le pas. La cession des biens nantis
ompris dans une unité de production devrait leur assurer un prix relativement
satisfaisant, susceptible de couvrir le montant des créances garantiesvt-'.
641 Cf. J.C. MAY, J. Cl. Corn. Fasc. 2710 - 3, n' 103.
042 Cf. En ce sens, F. MACORIG-VENIER, Thèse, op. cit.,
p. 471, n'461.
64J A supposer qu'ils échappent du moins en parue au concours d'autres créanciers venant en rang utile.

263
D'ailleurs, la menace de l'exercice du droit de suite pourrait inciter le juge
commissaire à opter pour la vente de biens grevés ut singuli. Or, les biens
grevés, pris isolément, offrent souvent très peu d'intérêt pour d'éventuels
acquéreurs. Ces derniers recherchent avant tout un ensemble d'actifs formant
une branche d'activité autonome ou susceptible d'être intégré dans un
dispositif déjà fonctionnel. Dès lors, dans la majorité des cas, la facculté de
faire surenchère demeurera un simple attribut virtuel.
437 - Dans tous les cas, la radiation des inscriptions procède d'une
décision des créanciers qui consentent à donner mainlevée. A défaut, elle est
décidé dans une instance judiciaire. Juridiquement maintenu dans le cadre
d'une cession d'unité de production, le droit de suite, du moins la faculté de
faire surenchère, ne souffre aucune entrave a fortiori dans l'hypothèse d'une
cession des biens nantis de gré à gré.
BI En cas de vente de gré à gré des biens grevés
438- Il s'agit de la vente ut singuli de biens grevés sujets à dépréciation
imminente ou qui ne peuvent être intégré dans une unité de production. La
cession de biens isolés revêt fondamenta lement
un
caractère
résiduel.
Le
législateur a visiblement souhaité privilégier la vente d'unités de producttion
censée assurer la permanence de l'activité. Or, comme dans ce dernier cas,
l'article 156 de la loi ne comporte aucune indication relative au droit de suite.
Au
demeurant,
l'intervention
du juge
commissaire,
sans
véritablement
transformer la vente de gré à gré en cesion forcée, suffirait à dissiper les
craintes d'une sous-évaluation des biens grevés. Les mêmes raisons qui sous-
tendent l'exercice du droit de suite en cas de cession d'unité de production,
prévalent logiquement ici.
Si le législateur avait voulu déroger au droit
commun, il n'aurait pas omis de le prévoir expressément. Il n'est pas certain
pourtant que les réalisations d'actifs isolés en période de liquidation judiciaire
satisfasse pleinement les créanciers nantis. Les liquidateurs sont souvent
prompts à sc défaire de matériels afin de clôturer les opérations de réalisation
au plus tôt. Dans ces conditions, le prix obtenu ne reflète pas toujours la
valeur réelle des biens gagés.
Cela permet à
de nombreux acquéreurs

264
d'engranger par la suite de substantielles plus-values en revendant aussitôt
les biens grevèsv!".
439- En définitive, il paraît légitime d'autoriser les créanciers nantis à
contrôler que le prix de cession corresponde bien à la valeur économique des
biens nantis. Dans les trois mois suivant le prononcé de la liquidation
judiciaire, les créanciers nantis ne peuvent exercer leur droit de suite par voie
d'action, en raison de la suspension de leur droit de poursuite individuelle.
Dans ce cas, ils peuvent néanmoins user de leur faculté faire surenchère sur
les notifications à fin de purge qui leur seront adressées par les acquéreurs.
L'exercice de cet attribut du droit de suite comporte le risque pour les
créanciers nantis d'être déclarés adjudicataires. Il s'agit d'une éventualité
qu'ils redouteront et se contenteront du prix proposé par les acquéreurs. En
revanche, si le bien grevé est de très grande valeur son acquisition en vue de
sa revente ne dessert pas forcément le créancier nanti.
Au total, le droit de suite est pratiquement entravé, lorsqu'il n'est pas
purement anéanti
et ce, quelle que soit l'issue de la procédure. Il se limite,
pour l'essentiel, à la faculté de faire surenchère. Mais, celle-ci se révèle
théorique ou malaisée à mettre en œuvre ..
440- C'est à un véritable laminage des effets classiques du gage auquel
se livre le droit des procédures collectives. Les prérogatives des créanciers
nantis sont profondément altérées, réduites à néant ou entravées dans leur
expression. La sûreté réelle est dépouillée des principaux attributs sur
lesquels comptaient les gagistes pour obtenir paiement de leur créance.la
primauté accordée au sauvetage de l'entreprise et la nécessité de désintéresser
les créanciers chirographaires ont conduit le législateur à amputer de façon
remarquable l'assiette des nantissements d'une partie de leur valeur. Cette
remise en cause de la technique de l'affectation spéciale amenuise les chances
044 cf. B. SOINNE, Les modalités de constatation et de réalisation des actifs mobiliers, op. cit.,
p. 10, n° 14.

265
de
paiement
effectif
des
créanciers
nantis.
Certes,
ils
conservent
juridiquement leur droit de préférence, mais celui-ci se révèle très théorique,
car privé du support réel sur lequel il avait pourtant vocation à s'exercer En
toute hypothèse, ce sont les bénéficiaires de gages sans dépossession qui font
les frais de ces nouvelles atteintes à la structure matérielle et aux effets
traditionnels du gage. En revanche, les auteurs de la loi de 1985 ont pris le
soin tantôt de réserver un sort enviable au gagiste rétenteur, tantôt de
l'exclure implicitement des règles drastiques imposées aux autres créanciers
nantis.
Or, à force de redouter que le gage ne perde toute efficacité pratique,
un vaste mouvement s'est développé tant en jurisprudence qu'en législation
durant ces dernières années en faveur d'une restauration des droits des
créanciers gagistes. Ces derniers disposent de façon variable et inégale de
techniques de reclassement leur permettant d'éluder la règle du concours et
ainsi de sortir du rang.

266
TITRE 2:
L'ECLATEMENT DES MODES DE REALISATION DU GAGE

267
441 - La multiplication des privilèges et autres droits de priorité réduit
considérablement l'efficacité du droit de préférence du gagiste. Dans la
majorité des cas, l'ouverture d'une procédure de concours ne lui procurera au
mieux qu'un paiement partiel, au pire aucun dividende. Devant cette situation
globalement
précaire,
la jurisprudence
et les
lois
successives
sur
les
procédures collectives se sont efforcées de rétablir la condition du gagistev'",
Cette volonté s'est manifestée à travers l'aménagement ou la découverte de
nombreuses techniques de reclassement du gagiste. Or, si certains des
procédés utilisés traduisent un affinement de la technique du gage, d'autres
au contraire lui sont totalement étrangères. Elles témoignent dans tous les
cas, de la diversité et de l'éclatement de la figure classique du gage.
442 - Au demeurant, tous les créanciers gagistes ne sont pas logés à la
méme enseigne. Ainsi le gagiste rétenteur bénéficie d'un traitement privilégié.
Le droit des
procédures collectives a
dû s'incliner devant l'irréductible
supériorité
du
droit
de
rétention,
arme
extrémement
puissante
bien
qu'essentiellement défensive. A cet égard, la loi du 25 janvier 1985 offre aux
représentants de la procédure des techniques juridiques leur permettant de
surmonter l'inertie du gagiste rétenteur. Elle perpétue l'état du droit antérieur.
Le législateur de 1985 se borne à réactualiser des techniques classiques de
réalisation du gage avec dépossession ( chapitre. 1 ). Cette constance du droit
des
procédures collectives s'illustre notamment par la réaffirmation
de
l'attribution judiciaire
du
gage,
devenue
une
prérogative
à
vocation
généralev''v.
443- La restauration des droits du gagiste, amorcée sous la législation
antérieure, s'est poursuivie au profit des créanciers nantis non rétenteurs.
Certains disposent méme d'une nouvelle garantie de paiement de leurs
créances venant à
échéance après l'adoption d'un
plan de cession de
l'entreprise. Ces techniques étendues ou aménagées en faveur du gagiste non
rétenteur
confèrent
incontestablement
un
regain
d'intérêt
à
certains
(,4' cf. A. MAF<TIN- SERF, Thèse, op. cit., p. 487, n" 507 et s.
646 Cf. Casso Cam., 6 mars 1990, D. S. 1990, p. 311, NOle DE1~RlDA; RTD cam. Avr- juin 1990, p. 264, n" 3, obs, A.
MARTIN-SERF; PA 2 JaTIv. 1991, n "J , p.13, note. D. MARTIN.

268
nantissements sans dépossession dont le dépérissement paraissait inéluctable
face au développement de la clause de réserve de propriété et du crédit bail
mobilier ( chapitre. 2 ).De même, certains nantissements portant sur des
créances et autres biens assimilés, tels les effets de commerce recueillent
encore les faveurs de la pratique bancaire. Les modes classiques de réalisation
du gage se révèlent inadaptés et très peu efficaces au regard de l'assiette
particulière de ces nantissementsv?". Dès lors, la garantie du gagiste réside
dans le régime juridique spécifique des créances gagées. Dans ces conditions,
les créanciers nantis concernés parviennent à éluder la loi du dividende en
invoquant des mécanismes du droit des obligations ou dérivés du droit
cambiaire (chapitre.3 ).
Chapitrel: LES MODES DE REALISATION DU GAGE AVEC
DEPOSSESSION
444- Le creancier gagiste, pourvu d'un droit de rétention se trouve
traditionnellement dans une position ambivalente. D'une part, il ne saurait se
dessaisir sans perdre le bénéfice de son droit de rétention et la situation
confortable qu'il lui procure. D'autre part, sa détention ne peut perdurer à
l'infini, ne serait-ce qu'en raison des risques de dépréciation de la chose
retenue.
Or
cette
résistance
passive
opposée
par le
gagiste
préjudicie
gravement aux intérêts patrimoniaux de l'entreprise défaillante et des autres
créanciers. Il en est ainsi en particulier lorsque la valeur du bien gagé excède
notablement le montant de la créance garantie. Dans ces conditions, le gagiste
rétenteur devient,
par la force des choses, l'incontournable arbitre des
procédures collectives. Pour sortir de cette impasse, le droit antérieur à la loi
de 1985 était parvenu à vaincre l'inertie du gagiste, tout en préservant son
droit au payement. C'est cet équilibre qui a été consacré par le législateur en
1985. Ainsi, deux techniques ont été actualisées exclusivement au profit du
gagiste rètenteur. Il s'agit d'une part, du retrait du bien gagé moyennant
paiement immédiat du gagiste ( section 1) ; d'autre part du report de droit de
rétention sur le prix de réalisation du bien gagé (section 2).
""' Cf. G. AMLON, J. Cl. Cam. Fasc, 2720, Redressement et liquidation judiciaires : créanciers munis de sûretés.
Statut général. Titulaires de sûretés réelles, p. 22, n D98.

269
Section 1: LE RETRAIT DU GAGE
445- Le retrait du gage a toujours été considéré comme une nécessité
dans le cadre des procédures collectives. L'ancien article 526 du code de
commerce648 admettait déjà cette faculté sur l'initiative du syndic qui pouvait
du reste, y recourir à tout moment avec l'autorisation du juge commissaire. La
Cour de cassation avait par la suite consacré le caractère absolu de ce
mécanisme de retrait malgré la présence de créanciers privilégiés64 9 • L'article
83 de la loi du 13 juillet 1967 autorisa à nouveau l'exercice du retrait. Ce
texte semblait cependant cantonner cette faculté à la
seule période de
liquidation des biens. Mais la Cour de cassation avait décidé que le texte
susvisé n'interdisait pas expressément au syndic d'user de la faculté de retrait
pendant la phase préparatoire du règlement judiciairev>". A cet égard, la loi de
1985 apporte davantage de certitudes. Elle prévoit sans ambiguïté le retrait
du gage aussi bien en période d'observation qu'au stade de la liquidation
judiciaire (§2).
446- Toutefois, si la mesure du retrait est clairement réglementée dans
les deux extrémités de
la procédure, aucune disposition n'envisage son
exercice au cours de la phase intermédiaire du plan de redressement
judiciaire de l'entreprise. Ce silence déconcertant observé par le législateur fait
peser de sérieuses incertitudes sur la possibilité du retrait du gage après
l'adoption d'un plan de continuation ou de cession de l'entreprise. (§3) Dans
tous les cas, le retrait du gage revêt un caractère exceptionnel, car il déroge à
la
règle
de
l'interdiction
des
paiements en
période
d'observation.
Son
application exige par suite la réunion d'un certain nombre de conditions qu'il
convient d'exposer au préalable.(§l).
i,·>H
Rédaction du décret du 20 mai 1955.
("'" Cf. Casso COI11., 4 Juil] 962, RTD COI11. ] 963, p. 673, n077, obs. HOUIN; Rev. Banque 1963, p. 43, Obs. MARTIN.
<>,<' Cf. Cass com., l er avr.
1988, Bull. civ. IV, n0128; RTD cam. 1989, p. 115, n 0 15 , obs. BOULOC.

270
§ 1. Les conditions générales du retrait du gage
447- Les articles 33, alinéa 3 et 159, alinéa 1el' de la loi de 1985
subordonnent le recours au retrait du gage à des conditions strictes et
précises. Le vocable même de retrait implique sans équivoque que le créancier
gagiste détient le bien gagé. Peu importe la nature de cette détention, qu'elle
soit matérielle, fictive ou juridique. La faculté de retrait intéresse ainsi le
gagiste de droit commun et le gagiste sur véhicule automobilev'' ' . Elle paraît
s'appliquer au gage portant sur des créances matérialisées par un titre
détenu par le gagiste. L'hypothèse concerne notamment le gage portant sur
des effets de commerce. Rien ne s'oppose à ce que les organes de la procédure
retirent l'effet nanti des mains du gagiste moyennant paiement de la créance
du gagiste. Ce procédé se révèle particulièrement opportun en présence
d'effets de
très
grande valeur,
alors
même que
le gagiste a
déjà été
partielle men t désintéressé.
448- La faculté de retrait suppose que le droit de rétention du gagiste
soit légitime6 52 et que sa créance soit devenue exigib1e 653 . En revanche, il n'est
pas indispensable qu'elle ait déjà fait l'objet d'une décision d'admission au
moment de l'exercice du retraitv>". Au demeurant, le retrait du gage ne
constitue pas seulement une « technique d'éviction de la règle du concours -. il
est en outre et surtout un moyen bien commode de récupération ou de
libération d'un actif indispensable à la poursuite de l'exploitation du débiteur.
Aussi en période d'observation, l'initiative du retrait appartient-il au débiteur
ou à l'administrateur autorisé par le juge commissaire. Celui-ci ne se borne
pas uniquement à contrôler la conformité du retrait envisagé avec l'objectif de
continuation de l'activité, il vérifie en outre l'effectivité du paiement intégral du
créancier rétenteurv>>. En période de liquidation judiciaire, la faculté de retrait
est exercée comme pal le passé, par le liquidateur, mais désormais au profit
exclusif des créanciers. La décision de retrait ne recouvre pas en définitive la
,,,,\\ Cf. Contra F. DERRrDA,? GODE, .J. P. SORTAIS. op. cit., p. 254, n'38J, note 1530 et p. 422, n'563; L. PRISO, Le
sort des creanciers gagistes ct nantis dans la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaires
des entreprises, La Vie Jud. 21 au '27 juil. 1986, pA et s., spéc. p.6.
"'2 cf. Trib. C011l. Lure, l6juinl964, Bull. Transport 1964, p.309.
0·;.1 Cf. F. DEl~RlDA, P. GODE, J.P. SORTA:S, op. cit., 11°381, note 11'1532.
oS4 Cf. F. DERRfDA, P. GOiJE, J.P SORTAIS, op. cit., n'563, note 2579 ln fine.
r"" Cf. Angers, 15 sept. 198, Bull. 'Transport ~9RY. p. 32:2.

271
mérne finalité selon qu'elle intervient en période d'observation ou pendant la
liquidation judiciaire. A cet égard, dans ces deux hypothèses expressément
prévues par la loi, les modalités du retrait empruntent des formes assez
différentes.
§ 2. Les hypothèses de retrait expressément prévues par la loi
449 - Le retrait du gage moyennant paiement prioritaire du gagiste est
d'abord prévu l'article 33, alinéa 3 de la loi de 1985. Ce texte subordonne la
faculté de retrait à l'utilité du bien gagé pour la poursuite de l'activité en
période d'observation (A). En revanche, dans la phase de liquidation judiciaire,
le retrait du gage prévu par l'article 159 de la loi apparaît essentiellement
comme une mesure technique destinée à tirer le meilleur profit possible de la
valeur du bien dans les opérations de liquidation ( B ).
AI Le retrait justifié par la poursuite de l'activité en période
d'observation
450 - Aux termes de l'article 33, alinéa 3 de la loi, le juge commissaire
peut autoriser le chef d'entreprise ou l'administrateur selon le cas, à payer le
gagiste rétenteur pour retirer le bien, lorsque ce retrait est justifié par la
poursuite de l'activité. L'application de ce texte a soulevé immédiatement une
difficulté d'interprétation.
Cette notion de
poursuite d'activité suscite la
discussion.
La faculté de retrait a t-elle pour seul but la réintégration
physique de la chose gagée dans le cycle de production de l'entreprise? Peut--
elle aussi déboucher sur la vente des marchandises gagées? Cette seconde
option se heurte ouvertement aux dispositions de l'article 34 de la loi dont
l'alinéa 3 autorise le juge commissaire à procéder à une substitution de
garantiev'v. Dans l'un ou l'autre cas, l'intervention du juge commissaire ou du
tribunal est justifiée par l'impératif du sauvetage de l'entreprise.
451- Ces deux techniques produisent des résultats assez différents. Le
retrait du gage implique le paiement préalable du créancier rétenteur. En

272
revanche, la substitution de garantie permet de différer ce paiement. Nous
avons déjà souligné que le recours à la substitution de garantie pour vaincre
l'inertie du gagiste rétenteur paraissait constituer une interprétation plausible
en droit. Une option serait à notre avis ouverte au juge commissaire. Son
choix serait, pour l'essentiel, dicté par des considérations d'opportunité
économique. Ainsi, la faculté de retrait s'avère souvent impossible en raison
du montant élevé de la créance garantie. Dans ce cas, la substitution de
garantie
représente
un
bon
moyen
de
déblocage
d'un
bien
utile
à
l'exploitation. A l'opposé, lorsque la valeur de la chose gagée est supérieure au
montant de la créance du gagiste, il est plus intéressant de la retirer en
désintéressant le créancier gagiste. On peut redouter que les représentants de
la procédure se lancent systématiquement dans les opérations de substitution
de garantie, mais cette tentation naturelle est contrebalancée par l'exigence
d'une garantie équivalente. Dans de nombreuses situations, il est plus évident
de désintéresser le gagiste en contrepartie du retrait du gage que de lui fournir
une garantie comparable au droit de rétentionv>".
La nature des biens greves détermine également le choix du juge
commissaire.
Ainsi, lorsque le gage
porte sur des choses fongibles ou
périssables, le recours à la technique du retrait commande leur cession
immédiate. De même, lorsque le gage porte sur un effet de commerce, le
mécanisme du retrait confère au représentant de la procédure le soin de
procéder par suite au recouvrement de l'effet, afin d'alimenter la trésorerie de
l'entreprise. En revanche, les meubles corporels ont vocation à réintégrer
physiquement
l'entreprise
s'ils
sont
indispensables
à
la
poursuite
de
I'exploitationv-".
452 - au demeurant, la rétention du gagiste n'exclut nullement des
aménagements
suggérés
par une
négociation
avisée et équilibrée
pour
recouvrer la disposition des marchandises indispensables à la poursuite de
l'activité. Le gagiste ne saurait s'accommoder de sa seule force d'inertie, car
(,5t, Cf. Anc. An. 34, alinea 2 de la loi de 1985 devenu aJ. 3 depuis la réforme du la juin 1994.
"07 Cf. Supra n° 115 et s.
<oSH Cf.
Ph. PETEL, Procédure collective et continuation d'activité. Comment le gagiste résiste t-il ?, Rev. Jurisp. corn.
n° spécial Colloque Deauville, nov. 1994. p.141

273
celle-ci s'érode naturellement. Il doit pouvoir se prêter à l'imagination créatrice
dont font preuve les administrateurs judiciaires pour l'amener à transiger sur
les modalités de paiement de sa créancev>". Ainsi, l'utilité du retrait peut se
traduire par une libération progressive des marchandises gagées destinées à
être vendues très rapidement, le produit obtenu étant affecté en partie au
gagiste
avec
reconstitution
corrélative
du
stock
par
subrogation
de
marchandises équivalentes'<v. Ce retrait partiel associé à une subrogation
conventionnelle ne heurte pas le principe de l'égalité entre créanciers. Elle
opère une simple mutation de l'assiette du gage. Les parties y recourent très
souvent en droit commun. Ce qui assure par ailleurs la permanence de la
possession du gagiste en même temps qu'elle procure une entrée de trésorerie
à l'entreprise.
453- Ce mécanisme ne s'apparente nullement à la substitution de
garantie prévue par l'article 34, alinéa 3 de la loi de 1985. La sûreté du gagiste
demeure inchangée. Elle conserve ses caractéristiques initiales notamment la
date de constitution. Enfin, la vente amiable opérée par l'administrateur avec
l'accord du gagiste, préalablement autorisé par le juge commissaire, n'entraîne
pas la pene du droit de rétention du gagiste. Son accord porte « sur les
conditions du retrait et non pas sur une vente amiable réalisée ensuite par
l'entreprise en redressement judiciaire »661. La technique du retrait peut
encore servir de cadre ou constituer un préalable à l'octroi par le gagiste d'une
ligne d'escompte ou de
mobilisation de
créance au profit du débiteur
défaillant. Ces solutions réalistes puisées au trébuchet des lois et de la liberté
contractuelle favorisent le redressement de l'entreprise. Elles honorent en
outre, les protagonistes des procédures collectives dont les intérêts sont
souvent perçus comme divergents. Cette même souplesse se vérifie dans
l'exercice du retrait du gage en période de liquidation judiciaire.
I>SY Cf. O. MI\\RTIN. Of' la poursuite de I'activité en periode d'observation, P.A. 1986, n091, p.1S.
,,,,u Cf. J. MESTRE et Ph. DELEBECQUE, obs, sous Ordo Pdt Trib, corn. Nancy, 22 mars 1986 : l'administration
contrôlée au cours de la periode d'observation, la continuation des contrats, Rev. proc. coll. 1986, p.59, n°l.
66' Cf. F. J. CREOOT et P
PACCIARELLA, A propos du retrait par le syndic d'un gage assorti d'un droit de rétention (
commentaire SOLIS Paris, l O janv. 1986), P.A., 16 mai1986, ;J.59, n' 13 et S.

274
BI Le retrait du gage en période de liquidation judiciaire
454- l'anicle 159, alinéa 1er de la loi de 1985 reprend, au stade de la
liquidation judiciaire, la règle du retrait du gage contre paiement du gagiste.
Mais à la différence de l'article 33 alinéa 3, ce texte supprime la condition
d'utilité du bien pour la poursuite de l'activitévê-. Le liquidateur devrait par
conséquent y recourir plus largement. Le retrait est dans ce cas davantage un
préalable à la vente ultérieure du bien engagé dont le prix servira à
désintéresser les autres créanciers. Mais le juge commissaire consentira à la
mesure du retrait fort opportunément lorsque le bien retenu à vocation à
intégrer une unité de production. Nous savons que dans cette hypothèse la
cession interviendra dans des conditions plus satisfaisantesvs-'. Le retrait du
gage revét ainsi un caractère essentiellement technique dans la liquidation
judiciaire. Il convient cependant de s'interroger sur son applicabilité en cas de
poursuite exceptionnelle de l'activité décidée dans le cadre de la liquidation
judiciaire. Dans l'affirmative, le retrait est-il motivé par cette poursuite
exceptionnelle de l'exploitation?
Il y aurait en conséquence deux hypothèses de retrait dans cette phase
de la procédure. Une admise sans cette condition posée à l'article 33, alinéa3
de la loi et une autre en tout point conforme à celle-ci. Nous avons pu
observer l'extension à la phase de poursuite exceptionnelle de l'activité, des
règles en vigueur en période d'observation. La logique commande de ne pas
déroger à ce principe d'interprétation en l'absence de dispositions contraires
expressément formulées. Une interrogation analogue mêlée de scepticisme
s'empare de l'interprète lorsqu'on évoque l'éventualité du retrait du gage après
l'adoption d'un plan de redressement judiciaire par continuation ou par
cession globale de l'entreprise.
(",-, L'article 78, dernier alinéa de la loi gabonaise du 4 ROC!t 198ü prévoit le retrait du gage dans les mêmes termes.
,,,,.1 Cf. J. DEVEZE, Les créanciers titulaires d'un gage, d'un nantissement ou d'un droit de rétention, op.cit.,.p. 43.

275
§3. Les incertitudes sur l'application du retrait du gage après
l'adoption d'un plan de redressement judiciaire
455- Aucune disposition relative au plan de redressement ne traite du
retrait du gage. L'exercice éventuel de cette faculté se heurte aux textes
particuliers qui envisagent expressément la vente des biens grevés après
l'adoption d'un plan de continuation (A) et de cession de l'entreprise (B).
AI Retrait du gage et plan de continuation de l'entreprise
456 Nous avions précédemment indiqué que le gagiste rétenteur
échappait au sort réservé par l'article 78 de la loi aux autres titulaires de
sûretés réelles spécialesw". Dans cette optique, ne convient-il pas d'admettre
la possibilité du retrait du gage dans les mêmes conditions que dans la phase
préliminaire'w>? Ainsi, le retrait demeure soumis à l'autorisation du juge
commissaire Il appartient à l'administrateur et au débiteur dans la procédure
simplifiée de solliciter cette autorisation. Ils conservent ce pouvoir en cas de
cession globale de l'entreprise.
B- Retrait du gage et plan de cession de l'entreprise
457 - La survie du droit de rétention après l'adoption d'un plan de
cession de l'entreprise a été affirmée par une doctrine quasi-unanimevw . A cet
effet,
l'article
93
de
la loi
est rigoureusement inapplicable au
gagiste
rétentcurvv". Dans ces conditions, lorsque le bien grevé est utile à la poursuite
de l'activité par le cessionnaire, il ne serait intégrer le plan de cession que
lorsque le juge commissaire aura autorisé son retrait, moyennant paiement du
gagiste-v", L'opposabilité absolue du plan de cession ne paraît pas paralyser la
faculté de retrait du gage. Le plan de cession ne peut intégrer un bien dont le
",," Supra 11"227 el s.
",,' Cf. En ce seris , Ph. PETEL, op, cit., spéc. 144, n' 10; M. LECURRE, Les créanciers gagistes face au redressement et
il la regie du concours, op. cit, p.39, n'26.
[,r", Cf. Conua, J.L. VlREFOLET, note sous Trib. cam. Le Mans, 7 oct. 1986, op. Clt.
''',' Infra, n"304 et s.
r",H Cf M. LECORRE, op. cit., n'26;
Ph. PETf~L, op. cit.. nl J er s.; B. SOINNE, obs. sous Trib. corn., Lille, 27 mai
1988, Rev. proe. coll. 1989, p.175, n013.

276
cédant n'a pas la possession66 9 . Il se prête cependant volontiers aux formules
de retrait partiel ou progressif des marchandises grevées avec ou sans
subrogation reliquataire. Le créancier gagiste recevra un paiement significatif
à chaque opération de retraitv?".
458- Toutefois, lorsque le bien grevé n'a pas été retiré dans les
conditions ci-dessus exposées, il sera réalisé selon les modalités de la
liquidation judiciaire. Dans cette hypothèse, le gagiste aura tout intérêt à
attendre l'initiative du liquidateur et, par suite, à invoquer son droit de
rétention sur le prix de cession du bien grevé par application de l'article 159,
alinéa 4 de loi de 1985.
Section 2 : LE REPORT DU DROIT DE RETENTION SUR LE PRIX
DE LA CHOSE GAGEE
459- Dans le système de l'ancien code de commerce, le syndic ne
pouvait contraindre le gagiste rétenteur à réaliser les biens grevés.
La
jurisprudence admit même que le créancier gagiste était parfaitement fondé à
ne pas donner mainlevée du gage dans la mesure où la vente ordonnée par le
syndic ne dégageait pas un prix suffi sant pour le désin tèresserv?". Pour sortir
de cette situation de blocage, le syndic procédait à la cession des biens grevés
en réservant un droit de distraction au profit du créancier gagistes">. La Cour
de cassation consacra la validité de ce droit purement conventionnel qui
permettait au gagiste de primer le fisc 673 . Mais, la Haute juridiction avait
fondé sa motivation sur les dispositions de l'article 526 du code de commerce
relatif au retrait du gage>?".
460- Cette solution avait été précédée par d'importants arrêts rendus
par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 15 janvier 1957. Les
(",', cr. F.J. CI~EDOT. La cession d'ent
reprise et le droit de rètenuon. A propos d'une ordonnance du juge commissaire, 9 janvier 1987, P.A. 8 juin
1987,p.12.
(,,() cf. P. MARTIN, De la rétention d'actif en cas de cession de l'entreprise, op. cit. et loc. CIl.
,,0, Cf. Bordeaux, 13 tévr.1953. RTD corn. ]953, p. 490. n012, obs. HOU1N, Rev, Banque 1953, p. 243, obs. MORIN.
(,," Cf. Douai, 17 d<'c.1877, D. 1878, , p. 412 et les arrêts cités par PLANIOL et RIPERT, Traité droit civil, les
obligations. T. 6 par ESMEIN, n0458.
,,71 Cr. CélSS. com.,"; juil
1962, RTD coru
1963, p.673, 1',077, obs. BOUIN.
,,'.( Cf. Ob s. critiques R. BOUIN, op. cil.

277
Juges suprêmes décidèrent que le gagiste sur véhicule automobile pouvait
opposer son droit de rétention fictif aux administrations fiscales et ainsi
empêcher la saisie et la vente du véhicule gagév?>. Or, l'article 91 du code de
commerce donna au syndic et à l'administrateur en période de règlement
judiciaire, le pouvoir de mettre en demeure le creancier gagiste d'avoir à
réaliser son gage.
A défaut,
ils pouvaient y procéder eux-mêmes avec
l'autorisation
du juge commissaire.
L'atteinte
ainsi
portée
au droit de
rétention
suscita,
en
contrepartie,
une
réaction
bienveillante
de
la
jurisprudence à l'égard du gagiste rétenteur. La Cour de cassation estima que
le droit de rétention du créancier gagiste devait se reporter sur le prix de vente
des biens grevés lorsque la réalisation était poursuivie contre son gré par le
syndic-?v. Elle approuvait par là-même, de nombreuses décisions rendues par
les juges du fond>?".
461- Cette solution admise à l'origine au profit du gagiste sur véhicule
automobile fut naturellement considérée comme applicable au gagiste de droit
communvî". Elle s'imposait même lorsque la réalisation avait été poursuivie
par le gagiste après mise en demeure du syndics?". L'article 83, alinéa 3 de la
loi du 13 juillet 1967 fut généralement interprété comme entérinant cette
solution jurisprudentielle favorable au gagiste rétenreurvê". L'article
159,
alinéa 4 de la loi de 1985 s'inscrit dans cette lignée en éludant au passage
l'ambiguïté qu'avait suscité l'article 83 susvisé. Il se distingue en outre, au
plan procédural, puisque le liquidateur n'est plus obligé de mettre en demeure
le gagiste d'avoir à réaliser son gage. Le mécanisme du
report du droit de
rétention sur le prix de cession des biens gagés parait parfaitement ancré
dans notre droit de la faillite. Dès lors, le classement institué par le nouvel
article 40, alinéa 2 de la loi de 1985 ne rend pas inopérant les dispositions de
l'article 159 alinéa 4 68 1.
(,7' Cf. Casso cam, 15 janv. 1957 ( 1er arrêt) op. cii.,
"'(, Cf. Casso cam. '-1 juil. 1962, JCP 1962 G. Il, n"12885, note NECTOCX; Casso Corn., 22janv. 1963, JC? 1963, G.
Il, n0131131, Ilote .J.A.
V" Cf. Limoges, 20 mars 1961, RTD com., 1962 ? p. 126, n'23, obs. HOU1N et les arrêts cités par R. HOUIN à la RTD
cam. 1960, p.4]-1, n041.
"" Cf. J. l-IEMAHD, La restauration des droits du créancier gagiste, op. cit., p. 103, n016.
ui<, Cf. Casso com., 26janv. 1965, RTD corn.
1965, p.453, n014, obs, HEMARD,
C,"" Cf. Cass corn .. 26 ocU971, 0.1972, p.61, Note DERRrDA; Casso Corn., 14 janv. Et 5 mai 1980, 0.1980, p.489,
note DERRIDA

279
L'idée de retrait légal avancée par certaines juridictionsvë- n'emporte pas
conviction.
Le
principe
du
retrait
postule
de
désintéresser
le
gagiste
préalablement à la vente des biens grevés. La simple évocation du caractère
absolu du droit de rétention ne fournit pas davantage un fondement juridique
à la règle du report. L'atteinte du droit du
gagiste, réalisée par la cession
forcée du bien gagé est parfaitement compensée par l'attribution préférentielle
du produit de la vente au gagiste. A cet
égard, le mécanisme du report ne
ferait que consacrer la force de la possession du gagiste. Mais cette explication
repose encore sur l'idée d'équité, d'égard accordé au gagiste en contrepartie de
l'atteinte qu'il subit.
464- Certains auteurs ont considéré que la règle du report du droit de
rétention conférait en réalité un véritable privilège de prerrner rang au
créancier rétenteur. Le professeur MOULY686,
commentant l'article 159,
alinéa 4 de la loi de 1985, souligne que ce texte « prend la peine de formuler
en termes très maladroits une règle qui allait de soi: le privilège et non le droit
de rétention comme dit maladroitement la loi porte et non est reporté de plein
droit sur le prix », 11 a été justement soutenu que cette argumentation
procédait « d'une lecture erronée de la loi )}687 . Elle s'attache essentiellement à
l'effet, au résultat du mécanisme institué par l'article 159, alinéa 4 de la loi,
mais ne fournit aucune explication », Le texte de l'article 159 alinéa 4 vise
expressément le droit de rétention et non le privilège du gagiste; ce qui
explique du reste, que le créancier bénéficiant d'un droit de rétention
autonome peut se prévaloir de la règle du report688 . Le droit de rétention
ne
s'exerce plus seulement sur un objet matériel, mais sur une somme d'argent
représentant sa contre- valeur.
Cette survie du droit de rétention sur un autre support que le bien gagé
à la suite de sa destruction juridique, s'analyse sur le plan technique en une
subrogation réelle689 . Selon une définition générale, « il y a subrogation réelle
"Ho cf. Par exemple Limcge s, 20 mars 1961, op. ciro
l ..""
Cf. C. MOULY, La situation des créanciers antérieurs, op. cit., p.145, n032.
l,." Cf.M. LECOr~RE, Les créanciers gagistes face au ... , op. cit.,p.42, n031.
(,oH Cf.Cass. corn., 27 j,ml.1976, 0.1980,1. K, p.291, note DERWOA.
l,M', Cf. En Cf' sens, M. LECORI~E, op. cir." pAl, n'-'29 ; A. I\\lARTIN- SERF, obs. sous Casso com., 15 oct. 1991, op. cit.

280
quand un objet ayant été aliéné à titre onéreux ou ayant subi une destruction
ou une détérioration ouvre à son propriétaire un droit à indemnité. Ceux qui
avaient des droits sur cet objet voient leurs droits transportés sur la chose, le
prix ou l'indemnité qui remplace cet objet dans le patrimoine du propriétaire ))
690 Seul le recours à la subrogation réelle permet d'appréhender l'exercice sur
un bien nouveau, en l'occurrence le prix, d'un droit individualisé à l'origine
sur une chose ancienne déterminée. Il y a derrière ce concept de subrogation
d'un prix à une chose l'idée d'une destination, d'une affectation d'une valeur
qu'il convient de maintenir nonobstant la destruction juridique de l'objet du
droit: C'est cet effet conservatoire de la subrogationw'! qui perpétue le pouvoir
du gagiste rétenteur.
465- Le mécanisme édicté par l'article 159, alinéa 4 de la loi ne réalise
pas une véritable fiction légale6 9 2 dont 12, conséquence serait l'acquisition
d'une
qualité
juridique
transmise
au
bien
nouveau.
Le
mecarusme
subrogatoire n'a pas en effet « pour résultat de modifier le caractère ou la
qualité juridique d'un bien, mais de soumettre le bien nouveau à l'affectation
ou
l'obligation
de
restitution
dont
le
bien
ancien
était l'objet ))693,
Au
demeurant, la technique de la subrogation réelle offre une même vertu
explicative dans de nombreuses autres hypothèses de destruction matérielle
ou juridique des objets affectés en garantie''?". D'une manière générale, la
subrogation est admise dès lors qu'il s'agit de conserver à sa destination la
valeur d'une chose, objet d'une affectation spécialew". Ainsi, l'article 122 de la
loi de 1985 prévoit par un procédé analogue de subrogation réelle, le droit de
revendication du vendeur sur le prix encore dû entre les mains du sous-
acquéreurv?".
Dans
tous
ces
cas,
la
subrogation
réelle
cristallise
les
prérogatives du créancier sur la valeur du bien aliéné ou détruit avec la même
énergie qui lui était reconnue sur la chose ancienne. A cet effet, le report du
(,'JU Cf. AUBRY el RAU, Droit civil français, T. IX,
par P. ESMEIN, p. 313 §S76.
cv r Cf. M. LAURIOL, La subrogation réelle,T.2, p.109, n0492 et s.
<>'.'2 Cf. Contra, M. LECORRE, op. cit., p. 43, n"32 , Ph. PETEL, Procédure collective et continuatior, d'activité, op. cit,
n'12.
"n" Cf. M. PLANIOL et G. l~IPERT,Traité de droit civil, Les biens, T. 3 par M. PICAFm, p 34, n029.
""; Cf. G. MARTY, Ph. JEST.i\\Z, P. RAYNAUD, op. cil., p. 287, n'lOS, note 429 bis.
"')5 Cf. PLANIOL et RIPERT,Traité
droit civil; Les biens, op. cit, n'~jO et s.
(,'1(,
C~ Ph.DEI~~BESQUE,La propriété en tant que sure-té dans les procédures collectives, Rev, proc. coll. Déc. 1994,
p.3S::>, spcc. Il r , JLoS8.

281
droit de rétention sur le prix ne joue qu'à concurrence de la créance garantie,
déduction faite des frais afférents aux diligences du commissaire priseur.
§ 2.
Les effets du report du droit de rétention sur le prix de
cession des biens gagés
466 - Le mécanisme du report du droit de rétention sur le prix place le
créancier gagiste à l'abri de tout concours. Dans ces conditions, le gagiste
rétenteur bénéficie d'une sorte de réserve légale de son droit au paiement.
Dans tous les cas, il sera désintéressé avant les créanciers privilégiés venant
normalement en rang utile697 . Doté d'une opposabilité différée sur la valeur de
l'objet gagé698 , le droit de rétention confère au gagiste une arme infiniment
plus efficace que son droit de préférence. Or, le mécanisme du report du droit
de rétention sur le prix n'est expressément prévu qu'en période de liquidation
judiciaire. 11 s'applique en outre, lorsque le bien grevé n'est pas compris dans
le plan de cession puisque sa réalisation s'opère dans les conditions de la
liquidatiori''?". En revanche, la règle du retrait prévue par l'article 33, alinéa .3
de la loi exclut le report du droit de rétention sur le prix en période
d'observation. Dans cette phase, la technique du retrait du gage constitue le
seul mode de réalisation du gage avec dépossession, en raison de l'utilité du
bien engagé pour la poursuite de l'exploitation. Cette considération singulière
a justifié la réitération expresse dans l'article 159, alinéa 2 de la loi de la
faculté du retrait en période de liquidation judiciaire.
467- L'application par analogie de l'article 33 alinéa 3 dans la phase
d'exécution du plan de redressement interdirait le recours à la technique du
report du droit de rétention sur le prix. Cette analyse est pertinente. Mais elle
ne convainc pas totalement. D'une part, la liquidation judiciaire offre déjà un
bel exemple de coexistence des deux modes de réalisation du gage. D'autre
part, la technique du report du droit de rétention sur le prix ne résulte pas
seulement de la loi. Elle est intimement liée à la réalisation forcée du gage.
"c,O
cf. Casso com., 15 oct 1991, op. cil.
,,'OK Cf. C. ATlAS, La valeur engagée (sur J'objet du gage), Rev. jurrs». com. , n° spécial CoJloque Deauville , nov. 1994,
p. 72 et s .
"'''' L'article 78, dernier alinéa de la loi gabonaise du.:} aout 1986 prévoit egalement le mécanisme du report du droit
de rétcnuon sur le prix uniquement dans la phase cle Iiquidarion rj(~S biens.

282
Dès lors, lorsque le retrait du gage paraît inopérant, la vente forcée des biens
grevés au cours de l'exécution du plan de continuation ou de cession de
l'entreprise devrait logiquement emporter attribution préférentielle du produit
obtenu au profit du gagiste"?". Il est clair que le législateur n'a pas réglementé
la phase d'exécution du plan ({ comme une véritable phase de la procédure de
redressement
judiciaire »701.
L'entreprise
étant
redevenue
zn
bonis,
le
dessaisissement forcé du gagiste rétenteur commande qu'il soit désintéressé
en priorité. Au
surplus, l'extension
de la règle du report à la phase
d'exécution du plan correspond au fondement qu'il convient aujourd'hui de
reconnaître à la subrogation réelle. Celle-ci se rattache à l'idée d'affectation du
droit sur la contre valeur du bien aliéné ou détruit. En définitive, rien ne
s'opposerait à l'admission du mécanisme du report du 'droit de rétention dans
le cadre d'un plan de redressement judiciaire/v-' .
468-
Le droit de
rétention est devenu inexorablement l'instrument
privilégié de promotion du créancier gagiste, confronté à la défaillance de son
débiteur.
Le
statut
protecteur
qu'il
confère
à
ses
bénéficiaires
en
a
indéniablement mis en évidence le caractère attractif. A cet égard, il serait
souhaitable d'étendre le bénéfice du droit de rétention à l'ensemble des gages
sans dépossession. L'exigence d'équité et un souci de cohérence commandent
une
telle
évolution.
Elle
marquera
une
nouvelle
étape
dans
la
({ dématérialisation du droit de rétention il' désormais considérée comme le
seul rem pan des créanciers nantis à l'ouverture d'une procédure collective.
Au demeurant, le recours aux techniques ci-dessus étudiées dépend, pour
l'essentiel, de la valeur de la chose gagée el. de son intérêt pour la procédure.
Ce constat atteste de l'importance sans cesse croissant du « rôle joué par la
valeur des biens au détriment de leur nature, comme objet de droit »703. Dans
de nombreux cas, le gagiste devra se
résoudre à
solliciter l'attribution
judiciaire du bien en propriété. Or si ce mode particulier de réalisation du
gage ne représente souvent qu'un pis aller, une sorte de recours ultime pour
;'"" Cf. Trib. cam. Lille, 27 mai 1988. op. cir.
fil 1 Cf. V
MJ\\COR1C· VENIE1~, Thi'se, op. CIl., n'31'6
7112
Cl. En ce sen s.F. MACORIG· VENIER, Thés!", op. Cil .. n0385.
711.1 Cf. M. LAUl~l()L.
op. Clt., p. 205, n'532.

283
le gagiste rétenteur, il revêt une importance singulière pour les créanciers
nantis non-rétenteurs. Au demeurant, l'attribution judiciaire du gage ne
constitue que l'une des techniques offertes à ces créanciers nantis pour
contourner la hiérarchie légale des sûretés. Ainsi, l'extraordinaire vigueur du
droit de rétention n'occulte pas totalement l'extension ou l'aménagement par
le droit des procédures collectives de mesures favorables à certains créanciers
gagistes ncn-rétenteurs.
Chapitre2:
LES
MODES
DE
REALISATION
ETENDUS
OU
SPECIFIQUES AUX GAGES SANS DEPOSSESSION
469 - Soumis au régime restrictif des procédures collectives, certains
nantissements sans dépossession n'offrent à leurs titulaires qu'un rang de
préférence relativement médiocre en présence de créanciers mieux classés.
Pourtant, l'article 83, alinéa 3 de la loi du 13 juillet 1967 avait admis la
primauté du créancier gagiste sur tous les autres. Mais la jurisprudence
s'était empressée de limiter la portée de ce texte au seul gagiste rétenteur"?".
Devant cette situation discriminatoire, les créanciers nantis découvrirent dans
l'article 2078 du code civil un principe général n'opérant aucune distinction
entre titulaire ou non du droit de rétention. Ce texte confère au créancier
gagiste, le droit de demander l'attribution judiciaire du bien gagé. Or la
reconnaissance de cette prérogative au profit des gages sans dépossession
suscita une vive polémique en doctrine. La jurisprudence, après maintes
hésitations, avait paru consacrer une solution extensive dans le silence de la
loi de 1967. De méme, les divers textes spéciaux rédigés au début du siècle
avaient totalement ignoré cette question de l'attribution judiciaire.
470 - La controverse renaît à la faveur de la loi de J. 985. Celle-ci
consacre bien la faculté d'attribution judiciaire du gage en période de
liquidation judiciaire/v>.
La jurisprudence a,
par ailleurs,
circonscrit le
domaine et fixer le régime juridique de cette prérogative. Il n'en demeure pas
'''4 cf. Casso Com., 26 oct.1979, op. cil.
,,,' Cf. Art. 159, alinéa 3.

284
moins que sur de nombreux points la discussion est loin d'être close et ne
cesse d'alimenter l'actualité du droit des procédures collectives (section 1 ). Du
reste, l'intérêt que représente l'attribution judiciaire du gage, pour certains
créanciers nantis, n'a guère été émoussé par la loi du 10 juin 1994. En
revanche, Les auteurs de cette loi ont renforcé la porté du mécanisme du
transfert de la charge du nantissement prévu par l'article 93, alinéa 3
nouveau de la loi de 1985 en cas d'adoption d'un plan de cession de
l'entreprise. Cette mesure originale initialement réservée au créancier nanti
sur matériel et outillage a été étendue aux autres créanciers nantis ayant
permis le financement du bien gagé transmis au cessionnaire de l'entreprise
(section 2 ).
Section l : L'ATTRIBUTION JUDICIAIRE DU GAGE
471- Simple faculté offerte au créancier gagiste, l'attribution judiciaire
a connu une très grande faveur. Depuis une dizaine d'année, son domaine n'a
cessé de s'élargir. Elle a aujourd'hui vocation à se généraliser à l'ensemble des
nantissements (§1). Toutefois, son admission de principe doit nécessairement
se concilier avec les impératifs du redressemen t judiciaire Aussi a t-elle été
expressément prévue qu'en période de liquidation judiciaire. Or, elle conduit
souvent le gagiste à acquérir un bien qui ne l'intéresse pas forcément. Il devra
alors assumer les risques d'une revente infructueuse. Circonscrite quant à
son exercice (§2), l'attribution judiciaire du gage se révèle tout aussi limitée
dans son résultat [§3).
§1. L'attribution judiciaire: prérogative à. vocation générale
472 - Il n'est guère douteux que l'attribution judiciaire du gage a été
prévue par l'article 2078 du code civil au profit du gagiste rétenteur : c'est en
effet la seule solution qui s'offre au gagiste ré tente ur pour sortir de l'impasse
dans laquelle il se trouve à défaut de retrait ou de vente forcée du bien grevé.
Ainsi, la jurisprudence avait étendu la prérogative de l'article 2078 en matière

285
commerciale au profit du gagiste rétenteur706 . Mais l'argument exégétique
n'est pas décisif. La rédaction de l'article 2078 du code civil est antérieure à
l'apparition des gages sans dépossession. Sous l'empire de la loi de 1967, la
Chambre commerciale/v", puis l'Assemblée plènière/vë de la Cour de cassation
avaient admis le bénéfice de l'article 2078 du code civil au profit du créancier
nantis sur matériel. La formule générale utilisée par la Haute Assemblée
laissait augurer une solution identique à l'égard des autres créanciers nantis.
Or, la controverse rebondit à l'occasion de la loi de 1985. L'alinéa 3 de l'article
159 de la loi inséré dans un ensemble de dispositions relatives au droit de
rétention a semblé remettre en cause la trame jurisprudentielle évoquée ci-
dessus.
Mais
la
Cour
de
cassation
consacra
à
nouveau
la
thèse
de
l'indépendance de la faculté d'attribution judiciaire du gage par rapport au
droit de
rétention.
Elle décide
\\{ qu'à
défaut de
disposition
contraire,
l'attribution du gage est offerte au créancier titulaire d'un nantissement sur
outillage et matériel d'équipement qui ne poursuit pas la réalisation du bien
grevé »709 .
473 - La Cour de cassation confirme donc sa jurisprudence antérieure.
Tous les créanciers nantis peuvent ainsi bénéficier de la prérogative édictée
par l'article 2078 du code civil,
en l'absence de
dispositions spéciales
contraires (A). Toutefois, des textes spécifiques à certains nantissements, sans
interdire expressément l'attribution judiciaire du gage, entretiennent le doute
sur son admission (8).
AI L'admission de principe de I'attrlbution judiciaire du gage en
l'absence de dispositions spéciales contraires
474 - Depuis les arrêts du 6 mars 1990 confirmant la décision de
l'Assemblée plénière de 19847 10 , toutes les formes de gages ont en principe
vocation à conférer l'attribution judiciaire du bien grevé au créancier nanti. Il
7l1t,
cr. Casso com., 310<-':.1960, 0.1960, p. G02, nore GUYON; ,JCP, u, n' 11676, ob s, NECTCUX; RTD corn. 1960,
p.649, obs. BOUIN; C:1SS. Cam, 20 mars 19GI, Bull. civ.lll, p.U7, n'143.
7'JO
cf. Casso COIn., 12 févr.
1979, D. 1979, p.354, note DEHmDA; Rcv, jur.sp. com. 1979, p.298, n0891, note
MESTfŒ.
7l1"
Cf. Cass. Ass. plén., 26 ocr. 1984, D. 1985, :J. 33, riote [JERRi DA, Cunel. CAGf\\NNSS; JCP 1985, éd. E, II,
11"14486, note SYNVET; JCP 19S5, éd. G, II, n'20342, [~app. VlEN01S, Ob8. CORLAY.
7l1" Cr. Casso Corn., 6 mars 1990, op. cil.

286
suffit qu'elles ne comportent pas de dispositions faisant échec à l'application
de l'article 2078 du code civil. Une telle exclusion est expressément prévue à
l'article 8 de la loi du 17 mars 1909 sur le nantissement du fonds de
commerce. En dehors de cette hypothèse, l'attribution judiciaire du gage
paraît largement admise quelle que soit la nature corporelle ou incorporelle
des biens gagés.
La possibilité d'user de cette faculté ne prête plus à
discussion pour le nantissement
sur outillage et matériel.
Mais c'est
certainement à propos des nantissements sur créances que l'attribution
judiciaire trouve un terrain de prédilection. L'appropriation d'une créance
nantie relève de l'activité classique des établissements de crédit. Elle génère
peu de frais, l'estimation de la créance à dire d'expert étant inutile lorsque son
montant est certain.
Ainsi, la jurisprudence admet volontiers l'attribution
judiciaire en matière de nantissement de marchés privès/"! ou portant sur des
valeurs mobilières/-ê. La même solution s'applique au gage-espècesv'> . Rien
ne s'oppose également à l'extension de l'attribution judiciaire au nantissement
sur films cinématographiques'":'. Elle s'exercera indifféremment, selon la
convention des parties soit sur les pellicules, soit sur le droit d'exploitation du
film.
Lorsque le nantissement porte sur les recettes futures, l'attribution
judiciaire consiste à transférer au créancier nanti/!>. la propriété d'une
créance sur une fraction des recettes à venir.
475 - Dans tous les cas, la reconnaissance de l'attribution judiciaire
résulte du principe énoncé par la Cour de cassation en vertu duquel cette
faculté est offerte à tout créancier nanti en l'absence de règles spéciales
contraires. Toutefois, certains nantissements spéciaux sont régis par des
dispositions dont l'ambiguïté alimente l'incertitude sur l'admission du droit
d'attribution judiciaire du gage.
710 Cf. Casso Ass. plèn., 26 oct.
1984, op. cil.
711
cr. Casso com., 5 mars 1985, Bull. civ, IV, n'86, p. 75; Casso Com , 28 avr. 1987, Bull. civ. IV, n096, D. 1988,
Somm., p.7S, obs. DERRlDA.
712 Cf. G. AMLON, L'attribution judiciaire du gage (a propos des arrêts de la Cour de cassation du 6 mars 1990) ,JCP
1990, éd. E, n026.11, n° 15815. p.440, spéc . n020.
713 Cr. Pans. 23 mai 1990, Rev. Banque et Droit janv- févr. 1991, p.37, obs, GUILLOT
714
Cr. .1. PATf\\RIN,Le nannssemem sur les films cinématographiques in le gage commercial, op. cit., pp. 346 et S.,
spéc. p.37 J ; Contra .J. HEMARD, La restauration des droits du créanciers gagiste en matière commerciale par la
jurisprudence française, op. cit., p.l07, n'22

287
B/ L'admission incertaine de l'attribution judiciaire du gage
476 -
La jurisprudence refusait jusqu'à présent le
bénéfice
de
l'attribution judiciaire du gage à certains créanciers nantis en raison de textes
spéciaux édictant des modalités particulières de réalisation des biens nantis.
La Cour de cassation s'est nettement prononcée dans ce sens à propos du
nantissement sur le marché public"!>. Elle se fondait alors sur l'article 190 du
code des marchés publics qui subordonnait le payement direct du créancier
nanti à l'absence d'opposition des créanciers de rang préférable au sien. Or, ce
texte n'interdit pas expressément l'attribution judiciaire du gage.n., Une
discussion analogue surgit en doctrine"!" à propos du gage automobile depuis
que le décret du 31 juillet 19927 18 pris en application de la loi du 9 juillet 1991
sur les nouvelles procédures
civiles d'exécution"!", a édicté une procédure
spéciale de réalisation du gage. Cette législation particulière jette le doute sur
le maintien de la jurisprudence antérieure favorable à l'application de l'article
2078 du code civil au gage sur véhicule automobilev-v (2).597 La controverse
sur l'admission de l'attribution judiciaire demeure tout aussi vive en matière
de warrants commerciauxnj.
1 0 Le nantissement sur marché public.
477- Il avait été soutenu que l'article 190 du code des marchés publics
en dérogeant au droit commun du gage avait « pour conséquence de paralyser
l'encaissement et a fortiori l'appropriation de la créance lorsqu'il existe une
opposition régulière des créanciers privilégiés » 721 visés à l'article 193 dudit
code. Dans ces conditions « ne pouvant encaisser la créance, on ne voit pas
comment il pourrait se la faire attribuer par application de l'article 2078 du
code civil »722. Cette interprétation a soulevé la réprobation de la doctrine
71é cr. M. CAGRILL.\\C, note sous Paris, 12 déc. 1964, D. 1965, p. 591.
71<, Cr. Cass com. 4 mai 1981, Bull. civ. IV, n"202; D. 1981, p. 489, note DERRIDA.
7\\, Cr. Ph. DELEBECQUE, L'attribution du bien, l'originalité du gage commercial, Colloque Deauville, Rev. jurisp.
cam. n' spécial, nov. 1994, pp.124 et s., spéc. p.126, n" 6.
71H Cf. J.O. S août 1992, pp. 10530 et s.
71') Cf. JCr 1991 III, n"64890-64891, p.323.
71U Cf. Casso com., 9janv.196I, Bull.
civ. JV, n015; RTD corn. 1961, p. 473, n049, obs. HOUIN
711
Cf. B. SOIN NE, Le nantissemen t sur marchés pu blies : dépérissement définitif ou rémission, JCP 1981, éd ; C.I.
Il; 13637, !lOlO.
71" Cf. B. SCllNNE, Le nantissement sur marché publics ... , op. el/Oc. cit.

288
dominan te 723 . Le recours à la règle « spéciala qénéralibue déroqani » ne
s'impose pas en la circonstance. Les textes en présence: l'article 190 susvisé
et l'article 2078 du code civil ont des objets différents">'. La solution exclusive
retenue par la Cour de cassation/-" est juridiquement contestable et, au
surplus, inéquitable car elle a admis l'application de l'article 2078 du code
civil au nantissement de marché privé726 .
Une telle différence de traitement ne reposait sur aucun fondement
solide. Le paiement direct institué au profit du créancier
nanti sur marché
public ne lui confère qu'un avantage procédural. Il ne dévoile son efficacité
qu'en cas d'opposition tardive des créanciers privilégiés. La jurisprudence
avait décidé que l'absence d'opposition formelle de ces créanciers validait les
règlements effectués au bénéfice du créancier nanti même après l'ouverture
d'une procédure collective ouverte à l'encontre de I'entrepreneurî-". Seule
l'abstention ou la négligence des créanciers privilégiés permettait au créancier
nanti d'éluder la loi du concours. Ainsi, le paiement direct n'attribuait pas une
véritable action directe au créancier nanti728 . Dès lors, il ne pouvait exclure le
mécanisme de l'attribution judiciaire de la créance nantie.
478- Au demeurant, l'article 190 du code des marchés publics a été
modifié par le décret du 3 décembre 1985620 . Le texte nouveau ne mentionne
plus
expressément
le
droit
d'opposition
jadis
réservé
aux
créanciers
privilégiés. Quelle est alors la portée de cette modification? Une première
interprétation consacre la spécificité du nantissement sur marché public. Le
mécanisme du paiement direct demeure le mode unique de réalisation du
gage. Mais sa nature serait radicalement transformée, puisqu'il confèrerait un
droit de priorité absolu au créancier nanti. Cette « vocation exclusive »729 au
paiement serait ainsi la conséquence logique de la disparition de toute
référence
aux
privilèges
dans
le
nouvel
article
190.
Cette
promotion
7'l1 Cf. Par exemple F. DER1<IDA, note sous Casso com., 4 mai 1982, op. cit ..
7";
cf. 1) ANCEL, J. Cl. civ. Gage. An. 2084. Pasco 30, n0104.
7"' Cf. Casso corn., 4 mai 1981, op. ci1.
7"" cf. Casso COM., 5 mars 1985. op. cit. ; Casso com., 28 avr. 1987. op. cil ..
727
Cf. Casso corn., 10 juin 1960, RTD corn. 1960, p. 650, obs. HOUIN ; Cass; corn, 19 mars 1974, Gaz- pal. 1974, 2,
p. 780, note ROULET.
7"" Cf. D. MARTIN, La condition juridique du creancier bènèûciaire d'un nantissement de marché public, RTD corn.,
1977, p : 43, spéc. n"37 et s.; Contra M. COZIAN, L'action directe, L.G.D.J. 1968, spéc.p.266 et s.; R. KOERING-
JOULIN, note sous Caen, 28 JaJ1V.1972, op. cil.

289
spectaculaire
du
créancier
nanti
donnerait
un
sens
à
la
modification
intervenue en 1985. Elle relancerait par là-même l'intérêt du nantissement
sur marché public dont le déclin était largement amorcé dans la pratique des
affaires<v. Les établissements de crédit s'orientent
en effet de plus en plus
vers la cession des créances professionnelles prévue par la loi DAILLY du 2
janvier 1981 et étendue au nantissement sur marché public depuis la loi du
24 janvier 1984.
Une seconde interprétation moins révolutionnaire que la précédente,
admet que. le décret de 1985 n'aurait rien changé. Il a simplement omis de
réaffirmer
le
droit
d'opposition
des
créanciers
privilégiés
qui
s'impose
naturellement. Mais, même dans cette éventualité, les dispositions de l'article
190 sont sans commune mesure avec celles de l'article 8 de la loi de 1909 qui
ne laissent aucun doute sur l'inapplicabilité de l'article 2078 du code civil.
Dans ces conditions, la conception extensive retenue par la Cour de cassation
en 1990 postule de ranger le nantissement sur marché public parmi les
sûretés ouvrant droit à l'attribution judiciaire du gage en propriété. Le même
raisonnement vaut a fortiori pour le gage sur véhicule automobile.
2° Le gage sur véhicule automobile
479- Jusqu'à présent, il n'était guere contesté que le gagiste sur
véhicule automobile disposait de la faculté de se faire attribuer le véhicule en
paiement. La voie de l'article 2078 du code civil lui était ouverte aussi bien
pour neutraliser une voie d'exécution diligentée par le trésor73 1 que plus
généralement en cas de défaillance du débiteur/ê>. Or, l'article 177 du décret
du 31
juillet
1992 organise des modalités spéciales d'appréhension du
véhicule gagé, avant mise en œuvre d'une procédure de saisie-vente. Le
créancier gagiste peut-il continuer à profiter du droit d'attribution judiciaire
ou doit-il désormais se plier à la nouvelle réglementation?
72'1 cf. D. MARTIN, La condition juridique, .... , op. cit., n"87.
7.'() Cf. Y. BACHELOT, Un cas exemplaire: le dépérissement du nantissement sur marche public, Rev. Banque 1981,
pADS.
711 Cf. Casso cam., 16jUlIl 1964, D. 1965, Somm.,p.6.
7.3" Cf. Casso Corn..
2D mars 1961, op. cit.

290
L'interrogation révèle l'ambiguïté du gage sur véhicule automobile qui
n'est
fondamentalement
rn
commerciale
ru
essentiellement
civile.
Les
dispositions du décret de
1992 n'abrogent pas expressément les textes
antérieurs régissant la réalisation du gage. Elles ne traitent que de la vente du
véhicule gagé après immobilisation et remise dudit véhicule entre les mains
du gagiste. Cette procédure revêt principalement un caractère conservatoire.
Elle s'inscrit nécessairement dans la perspective d'une réalisation classique
du gage par saisie-vente. Dès lors, elle n'interdit pas au gagiste de recourir à
l'autre mode de réalisation du bien gagé prévu par l'article 2078 du code civil.
L'option offerte au gagiste subsiste. Du reste, le décret de 1992 suscite la
même intérrogation à propos de l'applicabilité de l'article 93 du code de
commerce.
Une conclusion identique
s'impose dans
les
deux cas
: la
procédure spéciale de l'article 177 sus-évoqué ne paraît pas remettre en cause
les voies traditionnelles de réalisation du gage7 3 3 .
480- Dès lors, à défaut de retrait ou de réalisation forcée du véhicule
par le liquidateur et report corrélative du droit de rétention sur le prix, la voie
de l'attribution judiciaire du véhicule reste ouverte au créancier gagiste. La
jurisprudence antérieure doit continuer à s'appliquer. En revanche, la cour de
cassation ne s'est jamais, à notre connaissance, clairement prononcée sur le
bénéfice de l'attribution judiciaire du gage aux créanciers nantis bénéficiaires
de warrants.
3 0 Les warrants
481- Les différents textes spéciaux relatifs aux warrants commerciaux
ont totalement ignoré la faculté d'attribution judiciaire du gage. Ils n'ont
envisagé que la procédure de vente aux enchères publiques">' et la vente
amiable/ " du bien engagé. La jurisprudence ne s'est pas encore prononcée, à
7.,., Cf. Y. GERJ\\I<D La prru iqu e commerciale du gage sans dépossession, Colloque Deauville, Rev. Jurisp. corn.,
nOspécial, nov. 199-'1. p. 52.
7.1-1 Cf. L. 21 avr. 1932,
Arr.9 sur le warrant pétrolier; L. 8 août] 913 mod., Art. 12 sur le warrant hôtelier; 1. 12
sept. 19-'10, An. 10, al. 3 à 6 sur le warrant industriel.
m Cf. L. 21 avr. 1932. An. 9 in fmc : L. 12 sept. IQ40, lUT. 10, alinéa 6; L. Saout 1913, Art. 8.

291
notre connaissance,
sur l'extension de cette prérogative aux créanciers
titulaires de warrants sans déplacement. La doctrine est assez partagée sur la
question. 736 Cela s'explique en partie parce que les porteurs de warrants
acquièrent la double qualité de créancier gagiste et de créancier cambiaire/ê".
Le dernier porteur de warrant n'accepte bien souvent de recevoir le titre que
parce qu'il a fait l'objet de plusieurs signatures. A cet effet, il peut se retourner
contre les signataires du warrant avant même d'avoir procédé à la réalisation
du gage. Mais cette argumentation ne vaut pas à l'égard du premier porteur
lorsqu'il n'y a pas eu d'endossements. Du reste, si le porteur non payé à
l'échéance se retourne contre l'un des signataires garants du titre, rien
n'interdit à ce dernier, nouveau porteur du billet, de procéder à la réalisation
du gage. Dans ce cas, l'attribution judiciaire des biens warrantés lui permettra
d'éviter les aléas d'une vente publique aux enchères en primant le trésor
public.
482- Néanmoins, la possibilité offerte à ces créanciers titulaires de
warrants de procéder à une vente amiable des biens engagés atténuerait
l'intérêt de l'attribution judiciaire du gage. Dans cette hypothèse, la tradition
des biens warrantés ne saurait s'effectuer tant que le créancier n'a pas été
désintéressé">. Cette faculté exceptionnelle combinée à l'obligation de garde
des objets nantis à la charge du constituant, manifeste déjà la volonté
d'assurer une protection maximale au bénéficiaire du warrant. Or l'attribution
judiciaire
s'inscrit
parfaitement
dans
cette
perspective.
Il
n'était
pas
nécessaire de réitérer cette prérogative dans les textes spéciaux relatifs aux
warrants, car elle dérive du droit commun du gage.
483- Au demeurant, la Cour de cassation a admis le jeu de l'article
2078
du
code
civil
en
faveur d'un
créancier muni d'un
warrant
sur
marchandises
entreposées
dans
un
magasin
général">'.
Pourtant,
l'ordonnance du 6 août 1945 relative à cette sûreté ne mentionne nulle part
7.1"
Cf. En faveur de J'attribution judiciaire du gage, G. AMLON, op. cit., p. 444, n019; D. PRADY, L'appropriation du
gage, These Paris 1960, pp. 142 et s.; Contra, Ph. PASTAUD, Thèse , op. cir., p.129; J. DEVEZE, op. cit., p. 47.
7.17 Cf. G. RIPERT el R. ROBLOT, Traité droit commercial. op. rit, n02110 et s. ; J. HAMEL, G. LAGARDE,
H.
JAUFFI<ET. op. cii., n01306 et s.
7JH Cf. L. 8 "OÙ! 1913, Arr.. 8; L. 21 avr. 1932, Art.ô: L. ;2 sept .. 1940, An. 7.
71"
cr Casso Cam., 12j,nv. 1988, Bull. civ, IV. 11°32; D. 1989, p.CJO, note AUBERTIN.

292
cette
faculté
d'attribution
judiciaire
du
gage.
La
Cour
régulatrice
a
parfaitement déduit que ce silence ne valait pas exclusion du mécanisme
prévu à l'article 2078 du code civil.
Il est vrai que les warrants des magasins
généraux confèrent le droit de rétention et, à ce titre, relèvent du régime de
droit commun du gage avec dépossession. On imagine cependant difficilement
qu'une
telle
solution ne s'étende pas
mutatis mutandis aux
warrants
commerciaux sans dépossession.
484- L'extension ainsi réalisée du domaine de l'attribution judiciaire
du
gage
offre
incontestablement
un
regain
d'intérêt
aux
classiques
nantissements sans dépossession dans la bataille qui les oppose désormais
aux diverses garanties fondées sur le droit de propriété. Mais elle contrarie à
l'évidence les aspirations salvatrices des auteurs de la loi de 1985. Aussi est-il
apparu nécessaire d'en limiter l'exercice en cas de défaillance du débiteur. Or,
cette restriction de principe alimente à nouveau la controverse.
§2. L'attribution judiciaire du gage: Une prérogative limitée au cours
de la procédure
485- La loi du 25 janvier 1985 n'envisage expressément la faculté
d'attribution judiciaire du gage qu'au stade de la liquidation judiciaire. Cette
restriction apparente du champ de l'attribution judiciaire aurait été confortée
par la Cour de cassation en indiquant que « le créancier gagiste dispose à
nouveau
de
cene
faculté
après
le jugement prononçant la liquidation
judiciaire )}740. La doctrine dominante en a déduit que l'exercice de cette
prérogative ne pouvait s'exercer en période d'observation'ô t. Cependant, ni la
place de l'article 159, alinéa 3 de la loi ni la motivation des arrêts du 6 mars
1990 ne consacrent de façon péremptoire l'impossibilité de l'attribution
judiciaire du gage au cours de la phase préliminaire du redressement
judiciaire(A). La mise en œuvre de la mesure prévue à l'article 2078 du code
74lJ cf. Cass. com., 6 mars 1990, op. cit.
741
Cf. M. CABRILLAC et C. MOULY, Droit des sûretés, op. cit., n'949, A.MARTIN- SERF', obs. sous Casso corn., 6
mars 1990, op. CiL; G. AMLON, op. cit., n'24.

293
civil a également été discutée après adoption d'un plan de continuation(B) ou
de cession globale de l'entreprise(C).
AI L'attribution judiciaire du gage est-elle possible en période
d'observation?
486- La réponse à cette question dépend en réalité de la nature
juridique de l'attribution du gage. Ainsi, selon qu'elle s'analyse en une voie
d'exécution ou en une dation en paiement, son exercice paraît plus ou moins
compromis. Dans le premier cas, elle se heurterait à la règle des poursuites
individuelles édictée par l'article 47 de la loi. Dans la seconde hypothèse, elle
serait paralysée par la règle de l'interdiction des paiements des créanciers
antérieurs énoncée par l'article 33, alinéa 1er de la loi.
1 0 Attribution judiciaire du gage et arrêt des poursuites
individue lies.
487 - Certains auteurs/'t? approuvés par des juges du fond74 3 analysent
l'attribution du gage en une voie d'exécution. Cette qualification n'est pas
juridiquement exacte. Les voies d'exécution désignent traditionnellement «
des poursuites ayant pour objet d'imposer l'exécution soit d'un jugement soit
d'un engagement ,).744 Elles
postulent la mise sous main de justice du bien
saisi. Elles supposent enfin la répartition des fonds ainsi obtenus après saisie
et vente du
bien entre les créanciers du. débiteur. Or, le mécanisme de
l'attribution
judiciaire
du
gage
ne
correspond
nullement
à
ces
caractéristiquest'". Elle n'opère qu'un transfert de la propriété du bien grevé
au profit du gagiste. Elle ne saurait dès lors tomber sous le coup de l'arrêt des
poursuites individuelles/?".
En sollicitant l'attribution judiciaire du bien
engagé, le créancier nanti n'exerce pas une véritable poursuite au sens de
742 Cf. F. MACOR1G- VEKIER, These, op. cit., n0384, p.3
; B. SOINNE, Obs. sous Trib. Corn. Lille, 27 mai 1988, op,
')2
cil.; Ph. DELEBECQUE, L'attribution du bien .... , op. cu., .p. 125, n03.
743 Cf. Pm exemple, Montpelier,':+ févr.
1985, Rev. pree. coll. 1989, p. 156, n013, obs. SAINT-ALARY- HOUIN.
744 Cf. J. VINCE!':T, Voies d'execution el procédure de distribution, Precis
Dalloz, p. l , n° 1.
745
Cf. M. LECOI~r~E, Les creanciers gagistes face au redressement judiciaire et à la règle du concours, op. cit., n° 18 ;
J.M. CALENDINl, L'attribution du gage dans la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation
judiciaires, P A. 20 juin 1986, p. 24 el s., spéc. p.27 ; A GRAFMEYER, Le gage: rétention et attribution à l'épreuve
de la loi du 25 Janvier 1985. Rev. Banque et Droit, n04- rnai- juin 1989, p.91, spéc.p.95.
74(, Cr. Cep. Trib. corn. Lille, 27 mai 1988, op. cil.

294
l'article 47 de la loi de 19857 4 7 . Seule la règle de l'interdiction des paiements
pourrait s'opposer à l'exercice de l'attribution judiciaire du gage.
2°Attribution
judiciaire
du
gage
et
interdiction
des
paiements des créanciers antérieurs
488- Soumettre l'attribution judiciaire du gage à l'interdiction de
principe édictée par l'article 33 de la loi, c'est considérer qu'elle constitue une
dation en paiement. La plupart des auteurs hostiles à la qualification de voie
d'exécution se rallie à cette analyse. La dation en paiement correspond à un
paiement par équivalent. La dette est éteinte par l'attribution au créancier
d'une chose autre que celle qui était due initialement. « l'essence de la dation
en paiement est d'effacer et d'éteindre une dette comme un paiement
véritable, le créancier devenant propriétaire de la chose ... »748.
L'attribution
judiciaire du gage réaliserait dans tous les cas une dation forcée à l'égard du
débiteur,
«
car il ne pourrait y faire obstacle qu'en acquittant le montant
intégral de la dette, ce qui par hypothèse est impossible ,,749. Aussi at-on
souligné le caractère exceptionnel de cette dation judiciaire en paiement
sanctionnant le défaut de paiement du gagiste75o .
489- Toutefois, assimilation ne signifie pas identification. La mise en œuvre
de
l'attribution
judiciaire
en
période
d'observation
heurterait
l'objectif
prioritaire du redressement de l'entreprise défaillante/ê-. Mais, c'est oublier
que le législateur de 1985 n'est pas toujours allé au bout de sa propre logique.
Comment alors interpréter la possibilité offerte aux créanciers propriétaires de
revendiquer des biens souvent indispensables à la poursuite de l'exploitation.
Les diverses techniques, de crédit bail ou de clause de réserve de propriété
conduisent inévitablement au démantèlement des actifs du débiteur. Certains
auteurs stigmatisent l'analyse sus-évoquée. Ils mettent l'accent sur cette
acquisition singulière de propriété par la voie de l'attribution judiciaire du
747 Cf. En cc sens sous le regime antérieur à la loi de
1985, Angers, 26 mars 1985, op.cit.
74" Cf. D. LEOTY, La nature juridique de la dation en paiement. Lé; dation en paiement: paiement pathologique?,
RTD civ. pp. 12 et S., spéc. p.l4, n ' 2.
74" Cf. D. LEOTY, op. cil., n'27
750 Cf. M. PLANlOL ct G. l~lPERT, Traité droit civil français, Sùretés reelles, op. cit., p. 134, n'120 ; H. L. J.
MAZEAUD, Leçons de droit CIvil, '1'.3, op. cu., n"77.
7S1
Cf. M. LECORRE. cp. Clr., p. 34, n' 18.

295
gage752 . Cette prérogative traduit au demeurant l'ambiguité du gage, sûreté
fondée essentiellement sur la possession réelle ou juridique du créancier, mais
qui ne parvient pas à se défaire de la propriété. D'ailleurs, l'attribution
judiciaire du gage trouve son origine dans l'antique aliénation fiduciaire. Elle
se rapproche des mécanismes comme le droit de rétention ou le droit de
revendication du propriétaire dépossédé.
490- Il faut en déduire qu'elle constitue un effet renforcé du droit réel
du gage. Elle aménage une situation « d'exclusivité» au profit du créancier
nanti.
Dans
ces
conditions,
a
défaut
de
texte
l'excluant expressément,
l'attribution judiciaire du gage pourrait s'exercer dès le prononcé du jugement
de redressement judiciaire. Elle paraît particulièrement opportune en période
d'observation afin d'éviter le dépérissement des biens grevés, notamment
lorsque l'administrateur ou le débiteur ne songe pas à exercer la faculté de
retrait prévue par l'article 33, alinéa 3 de la loi. Mais, même si « l'esprit » de la
loi de 1985 ne justifie pas tout, l'hésitation est permise. La Cour de cassation a
semblé
limiter l'attribution judiciaire du
gage en
période
de
liquidation
judiciaire. Dès lors, son exercice ne peut être envisagé après l'adoption d'un
plan de continuation de l'entreprise/>".
BI Uattribution judiciaire du gage est-elle posssible après
l'adoption d'un plan de continuation de l'entreprise?
491- La règle des délais judiciaires de paiement paralyse en principe le
recours à la faculté prévue à l'article 2078 du code civil. Le créancier nanti peut
cependant l'exercer si le débiteur ne respecte pas les échéances du plan. Le
gagiste rétenteur userait utilement de cette prérogative à défaut de retrait du
gage, afin de ne pas demeurer éternellement dans une situation d'attente. Les
créanciers nantis
non-rètenteurs pourraient-ils alors solliciter l'attribution
judiciaire des biens gagés en cas de cession isolée ou dans le cadre d'une
752 Cf. D. MARTIN. NOiC sous Cass. C'):TI., 6 mars 1990, op. CIl. Cet auteur voit dans l'attribution du gage l'exercice
"d'une vocation personnelle du creancier gagiste à la propriété du bien grevè v : P. NEVEU, Le printemps du
nantissement, Rev. Banque et Droit, juil./ aout 1990, spéc. p.18ü : cet auteur évoque" une action indirecte. engagée
dans le seul intérêt du gagiste; A. GRAFMEYER. Retention et attribution du gage, op. cit.,p.95 : cet auteur considére
l'attribution judiciaire du gage comme" l'expression avancee de l'opposabilité du droit réel dont est titulaire tout
créancier gagiste.
75.1 Cf. M. LECORRr:, op. cit., p.35, n° 19.

296
cessron partielle d'actifs? La question n'est pas sans intérêt : c'est la seule
possibilité qui leur permettrait d'échapper à la règle du concours. Dans ce cas,
l'entreprise est redevenue in bonis par définition. Il conviendrait de faire
application des principes de droit commun.
492- Mais cette interprétation favorable au créancier nanti est sujette à
caution, si l'on considère notamment que les arrêts du 6 mars 1990 ont paru
cantonner l'exercice de l'attribution judiciaire à la période de liquidation
judiciaire. Or, l'exécution du plan de continuation s'inscrit dans le cadre de la
procédure
collective.
L'entreprise
convalescente
fait
encore
l'objet
d'une
surveillance judiciaire. Du reste, l'échec du plan conduit au prononcé de la
liquidation judiciaire. Une solution plus contrastée mérite d'être retenue
lorsque le redressement judiciaire débouche sur un plan de cession globale de
l'entreprise.
CI
L'attribution judiciaire du gage est-elle possible en cas de
cession globale de I'entreprtse P
493- Aux termes de l'article 93, alinéa 4 nouveau de la loi, le règlement
complet du prix de cession emporte purge des inscriptions et « fait obstacle à
l'exercice à l'encontre du cessionnaire des droits des créanciers inscrits sur
ces biens », En clair, le créancier nanti perd son droit de suite. La faculté
d'attribution judiciaire lui est par là-même refusée. En revanche, le créancier
nanti peut solliciter l'attribution judiciaire du bien grevé si celui-ci n'est pas
compris dans le plan de cession/>". Dans cette hypothèse, s'appliquent les
règles de la liquidation judiciaire en l'occurrence, l'article 159, alinéa 3 de la
loi. Le mécanisme du transfert de la charge du nantissement au cessionnaire
de l'entreprise prive les créanciers nantis concernés de la faculté d'attribution
judiciaire du gage. Mais rien ne s'oppose à l'exercice de cette prérogative si le
cessionnaire ne respecte pas son obligation/v>.
704 Cf. Paris, 4 mai 1988, Rev. dr.
banc. et de la bourse, nov- déc. 1988, p. 207, n" 1, obs. DEKEUWER- DEFOSSEZ ;
D. 1988, Som. Corn., p. 384, abs. HONÜR'\\T.
755 Cf. Ph. DELE13F.CQUE, op. Cl1., p. 129, nOI6.

297
494- Au total, le redressement judiciaire n'exclut pas de façon dirimante
la mise en œuvre du droit d'attribution judiciaire du gage. Ce mode autonome
de réalisation du bien gagé renforce considérablement le droit de préférence
des créanciers nantis. Mais attractive sur le plan juridique, l'attribution
judiciaire du gage comporte de nombreux inconvénients économiques qui en
relativise l'intérêt.
§3.
L'attribution judiciare du gage
une prérogative aux résultats
incertains
495- L'attribution judiciaire du gage n'offre pas que des avantages. Elle
n'est pas forcément plus satisfaisante qu'une vente classique aux enchères
publiques. Elle présente un certain nombre d'inconvénients qui en atténuent
le caractère attractif. Il suffit de songer aux contraintes inhérentes à la
procédure conduisant à l'attribution du gage (A). En outre, le créancier
gagiste, une fois en possession du bien en qualité de nouveau propriétaire,
devra tenter de le revendre. Or, il n'est pas certain que cette revente lui
permette d'étre désintéressé à due concurrence du montant de sa créance
initiale(B) .
AI
Les contraintes de la procédure d'attribution judiciaire du
gage
496- L'action en attribution du bien gagé n'est soumise à aucun délai en
droit commun. Dans le cadre d'une procédure collective, elle interviendra
surtout au cours de la liquidation judiciaire qui est du reste, de loin l'issue
presque fatale de la procédure. Or, dans ce cas, cette action n'est plus
subordonnée à l'admission préalable du créancier demandeur au passif de la
procédure, contrairement au régime antérieur/-". Il suffit que le gagiste
déclare sa creance">". Elle peut être diligentée dans le délai de trois mois
accordé au liquidateur pour procéder à la réalisation des biens grevés. A
l'inverse, le créanciers nanti ne saurait exercer la prérogative prévue à l'article
7S" cf. Casso Com., ,8 mai 1976, Bull. civ. IV. n'167.
757 Cf. Paris, 3"me ch. A, 4 mai 1988, op. cit.

298
2078 du code civil, si dans les quinze jours de la notification de l'ordonnance
autorisant la vente du bien gagé, il ne s'est pas opposé à la réalisation
envisagée.
497 - Or, si le déclenchement de l'action en attribution du gage s'opère
assez rapidement, le créancier nanti pourrait patienter un certain temps avant
de pouvoir disposer effectivement du bien gagé. Cette action est diligentée
devant le tribunal d'ouverture de la procédure/ê''. Il est compétent pour
connaître de tout ce qui s'attache au déroulement de la procédure collective.
Cette compétence principale exclut en principe celle du juge des référés759 . On
peut cependant se demander si ce dernier n'est pas tout de même compétent
lorsque l'attribution judiciaire porte sur une créance déterminée. Dans ce cas,
la désignation d'un expert ne s'impose pas760 . La même interrogation prévaut
lorsqu'en l'absence de contestation sérieuse, les biens grevés sont menacés
d'un péril imminent.
498- L'hésitation est tout aussi permise à propos de la compétence du
juge commissaire, à l'instar des autres dispositions relatives au retrait et à la
vente forcée du bien grevé. L'explication est simple. Dans ces deux dernières
hypothèses, l'initiative appartient au liquidateur qui, en quelque sorte, brise la
force d'inertie du gagiste rétenteur. En revanche, dans le cadre de l'attribution
judiciaire du gage, c'est le créancier nanti qui met en œuvre l'action en justice.
Toutefois, on pourrait parfaitement concevoir le principe d'une compétence
concurrente entre le tribunal et le juge commissaire/v". L'intérêt de l'option
ainsi offerte au créancier nanti résiderait dans l'exercice des voies de recours.
La décison du juge commissaire peut toujours être portée devant le tribunal
qui statuera en dernier ressort. Lorsque le tribunal est saisi en premier, les
parties ne disposent plus de voie de recours.
7ex Cf Casso corn.. 6 mai 1986, D. 1986, J.R., p.297; RTD corn. 1987, p. 412, n 015, obs. HEMARD; Casso Corn., 28
oct. 1986, D. 1987. Somm. comm., p. 2, ous. DERRIDA: ; Rev. proc. coll. 1988, p. 98, n03, obs. DUREUIL.
75')
Ci. Grenoble, 11 oct. 1990, Rev. proc. Coll. 1991-3, p.279; n " l , obs. DUREUlL; Gaz. Pal. 1990, p.208, Note
GALET; Contra, PU\\NIOL et RIPERT, Traité, op. cir., n" 120. En revanche, la compétence du président du tribunal de
commerce statuant par voie cIe requête a été consacrée t'11 jurisprudence, : Paris, 23 mai 1990, op. cit.
7<>0 Cf. Casso corn., 19 janv. 1988, JCP 1983, IV , p. 116; RTD corn.
1988, p.675, n° 18? Obs. HEMARD ; Rev. dr. banc.
Et de la bourse 1988, p.139, obs. DEIŒL'WER- DEFOSSEZ.
761
Cf. Grenoble, I 1 oct. 1990, op. cil.

299
499- Dans tous les cas, avant d'ordonner l'attribution du bien gagé en
propriété, la juridiction compétente commettra un expert au fin de déterminer
la valeur dudit bien. Il faut donc attendre que l'expert désigné exécute sa
mission et dépose son rapport. Mais il n'est pas un mandataire au sens de
l'article 1592 du code civil. Dès lors, le juge n'est pas lié par l'estimation faite
par l'expert. Il peut la modifier en se référant à des éléments objectifs tirés de
la cause v-. Le créancier devrait s'enquérir du coût souvent élevé de la
procédure avant de s'engager dans la voie de l'attribution judiciaire du gage.
Outre les frais
traditionnels inhérentes à
toute
procédure judiciaire, il
supporte la charge des honoraires de l'expert. La solution n'appelle aucune
réserve. Le créancier nanti sollicite l'attribution en nature dans son intérêt. Au
surplus, il doit régler les frais éventuels de gardiennage du matériel ou des
marchandises. Ces frais sont exposés pour la conservation du bien gagé, ils
doivent par conséquent être acquittés par le créancier attributaire.
500-
L'attribution
judiciaire
du
gage
intéresse
également
l'administration fiscale qui perçoit un droit de mutation. A cet effet, elle
qualifie l'opération de dation en paiement. De plus, si la valeur du bien
attribué excède le montant de la créance, le gagiste attributaire devient
débiteur d'une soulte. Il doit restituer le trop perçu, ce qui n'est pas évident,
notamment dans l'hypothèse d'une mévente ultérieure du matériel attribué.
Le risque est grand de voir le prix de revente totalement absorbé par les frais
sus-évoqués. L'attribution judiciaire du gage devient ainsi une arme à double
tranchanttr-' dont le maniement se révèle rnalaisé">".
BI Les inconvénients liés à la revente des biens attribués
501- Le créancier nanti attributaire est généralement un établissement
de crédit. Ce dernier n'a pas évidemment vocation en principe à rechercher
des acquéreurs et à négocier des ventes de matériels industriels. Dans la
'''2 Cf. Lyon 160c( 1980, JCP 1983, éd. N, Il, Somm. ,p. 40; JCP 1981, éd. G, IV, p.376.
7("
Cf. P NEVEU, L'auribuuon judiciaire du gage: une arme absolue>, Rev. Banque 1985, p. 1030.
7(," On peut se demander si le creancier attributaire nt:' supporter.ut pas la charge des contrats de travail attachés à
lexploitnuon (;U matériel par application dt' J'article L- J22- 12 du code du travail.

300
majorité des cas, il devra recourir à des intermédiaires.
Les organismes de
crédit spécialisés dans le financement des matériels industriels disposent
généralement d'un réseau de revente plus ou moins informel. Il s'organise
notamment autour de correspondants ou de professionnels d'achat-vente de
matériels d'occasion. Ce système produit des résultats variables. Tout dépend
en réalité de la valeur de réexploitation du matériel. Un bien de très grande
valeur offre une marge de négociation relativement étendue dans la fixation du
prix de revente. Mais, il est important que ce matériel s'intègre dans un
ensemble fonctionnel.
Un bien pris isolément ne présente généralement
qu'une faible valeur économique sur le marché.
502-
Par
ailleurs,
certaines
machines
ou
divers
outillages
très
spécialisés n'intéressent qu'un nombre limité d'usagers : c'est le cas de
matériels dont la fabrication n'intervient que sur commande expresse. La
revente d'un tel bien n'attirera que peu d'acquéreurs et risque d'être cédé à un
prix dérisoire. Au demeurant, le fait qu'un matériel soit standart n'élimine pas
pour autant tout risque de déconvenue commerciale. Les biens attribués
entrent directement en concurrence avec du matériel neuf dont l'acquisition
peut être favorisée par des techniques de financement appropriées. Les
établissements bancaires classiques ne bénéficient pas en pratique d'un
système de revente organisée. Ils s'adressent très souvent à des spécialistes de
la « ferraille Il. Il s'agit de sociétés qui achètent du matériel usagé et le
revendent après amélioration ou remise en état. Il n'est pas rare que le
revendeur professionnel acquiert du matériel à vil prix et en retire par la suite
jusqu'à cinq fois la valeur d'achat.
503- Le gagiste attributaire peut bien entendu faire procéder à une
vente aux enchères. Mais, il est indéniable que les adjudications publiques
aboutissent généralement à des prix inférieurs à la valeur vénale du bien. En
outre, la procédure des enchères publiques paraît mal adaptée aux ventes de
matériels
industriels.
Celles-ci
supposent une
négociation
qui
dépasse
souvent le
cadre
nantional.
Elles
exigent une
excellente
technique
de
communication notamment pour la constitution de catalogues précisant les
spécifications des matériels. Une telle organisation correspond à la pratique

301
observée dans les pays Angle-saxon. La vente des matériels industriels est
réalisée par des sociétés privées ou des intermédiaires libéraux appelés
« Auctionner », Ces professionnels créent de véritables réseaux de revente des
matériels industriels avec le concours des sociétés spécialisées dans le
courtage international et l'expertise des biens d'équipement professionnel. Un
tel partenariat permet une meilleure prospection d'éventuels acquéreurs
internationaux et, une plus grande optimisation des résultats. Il faut donc
regretter l'absence d'un système analogue et généralisé pour la vente des
matériels attribués en justice en France.
504- Pour pallier à l'ensemble des inconvénients sus-évoqués, le gagiste
attributaire aura tout intérêt à obtenir au préalable un engagement de reprise
de la part du vendeur initial. Le prêteur nanti sollicitera l'attribution judiciaire
du gage, mais c'est le vendeur qui récupérera le matériel et en assurera la
revente ou le recyclage. Il reste cependant un écueil que le gagiste ne saurait
esquiver. Le vendeur
peut lui-même faire l'objet d'une procédure collective.
En revanche, lorsque l'attribution porte sur des marchandises ou denrées
fongibles,
la
revente
ultérieure
lui
procurera
généralement
un
prix
satisfaisant, très proche du marché.
505- Au total, l'attribution judiciaire du gage demeure une prérogative
controversée. Des incertitudes subsistent quant à son domaine. Son exercice
en période de redressement judiciaire ne paraît pas totalement écarté. Et son
efficacité est sujette à caution, car largement aléatoire et variable.
On
comprend dès lors pourquoi de nombreux créanciers gagistes réchignent à
s'engager dans cette voie. Pourtant, présentée comme la bouée de sauvetage
des créanciers nantis, l'attribution judiciaire du gage n'offre qu'un intérêt
pathologique. Elle apparaît comme un pis aller. Les créanciers gagistes y ont
recours en désespoir de cause, à titre d'expédient. La loi gabonaise du 4 août
1986
prévoit
également l'attribution judiciaire
du
gage
en
pêriode
de
liquidation des biens765 . Elle suscite les mêmes intérrogations qu'en droit
français .. En revanche, l'attribution judiciaire du gage constitue le mode de
7,," Cf. Art. 78, dernier alinéa.

302
réalisation adapté et idéal d'une créance nantie. Dans ce cas, la procédure est
plus rapide et moins onéreuse.
506-Au demeurant, d'une mamere générale, seuls certains gagistes
bénéficient d'un traitement de faveur au stade de la liquidation judiciaire.
L'adoption d'un plan de cession globale de l'entreprise préserverait mieux les
droits des créanciers nantis. Dans cette hypothèse, le repreneur continue à
exploiter le bien grevé. Le créancier nanti peut ainsi bénéficier d'une sorte de
droit de suite, dès lors que l'activité est maintenue. Pour parvenir à un tel
résultat, la loi de 1985 a consacré une mesure novatrice : le transfert de la
charge du nantissement au cessionnaire de l'entreprise. A l'origine, seul le
créancier nanti sur outillage et matériel d'équipement professionnel profitait
de cette « technique d'éviction de la loi du concours », La loi du 10 juin 1994 a
étendu ce mécanisme à l'ensemble des créanciers nantis ayant financé
l'acquisition du bien cédé et compris dans le plan. Mais, à l'instar de
l'attribution judiciaire
du
gage,
la
règle
du
transfert
des
sûretés
au
cessionnaire de l'entreprise suscite quelques interrogations.
Section 2 : LE TRANSFERT DE LA CHARGE DU NANTISSEMENT AU
CESSIONNAIRE DE L'ENTREPRISE
507 - La modification de l'article 93 de la loi de 1985 a été l'un des
thèmes centraux de la réforme du 10 juin 1994. Les auteurs de cette loi ont
clairement indiqué leur volonté de moraliser les plans de cession Cet objectif
impliquait nécessairement la restauration des droits des créanciers nantis766 .
Ces derniers étaient très souvent spoliés par la pratique des plans de cession à
vil
prix/>".
Cette
double volonté
s'est traduite
par la généralisation du
mécanisme du transfert de la charge du nantissement au cessionnaire de
l'entreprise. Avant d'apprécier l'étendue de l'obligation qui en résulte pour le
repreneur (§2), il convient de faire l'analyse juridique de ce mécanisme
originale(§ 1).
7.." cf. Débats Sénat, mercredi 13 avr. 1994, n018, spéc. p.916 el 3.
7(,7 Cf. B. SOINNE, La problematique du plan de cession d'entreprise, Rev. proc. coll.
1989, p. 463 ; Fr. PEROCHON,
Halte au détournemenr de la cession judiciaire denrrep. i,;e, D. S. 1990, Chr. p. 252; M. A. PREVOST et L. DOMAIN,
La morale des affaires, le plan de continuation et li' plan rie ce-ssion, Rev. proc. coll. 1991, p. 321.

303
§l. L'analyse juridique du mécanisme du transfert de la charge du
nantissement
508- Le nouvel article 93, alinéa 3 de la loi énonce que: «••• la charge
des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement
d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien
sur lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire ... », Il en résulte
que seuls les nantissements garantissant le remboursement d'un prêt ou d'un
crédit consenti à l'entreprise pour l'acquisition du bien grevé rentrent dans les
prévisions de la loi. L'extension annoncée paraît bien limitée. Le transfert des
sûretés au cessionnaire ne concerne en matière mobilière, que le créancier
nanti sur fonds de commerce, outre le créancier nanti sur matériel et outillage.
La nouvelle mouture du texte susvisé vient enrichir le débat sur la véritable
nature juridique du transfert de la charge de nantissement au cessionnaire de
l'entreprise (A).
Par ailleurs, elle confirme le caractère automatique de cette
mesure de faveur (B).
AI La nature
juridique
du
transfert
de
la
charge
du
nantissement au cessionnaire de l'entreprise
509- La tentation de la qualification juridique s'inscrit dans une sorte de
rite académique auquel tout juriste, quelque peu épris de rationalité, sacrifie
volontiers. Aussi convient-il d'identifier dans la panoplie des institutions
classiques celle qui correspond le mieux au mécanisme étudié. Or, la difficulté
de l'exercice réside souvent dans l'imprécision et la confusion savamment
entretenue par le législateur. Dès lors, l'apposition d'une étiquette juridique
devient une opération approximative notamment lorsque la règle légale est
essentiellement inspirée par des considérations d'opportuné . L'article 93,
alinéa 3 de la loi offre une parfaite illustration de cette orientation législative
Ce
texte énonce que s ...
la charge du nantissement est transférée au
cessronriaire ».

304
510- A première vue, ce mécanisme de transfert fait penser, même si la
formule n'est pas très heureuse, à la reprise de prêt768 • Celle-ci s'analyse
généralement en une délégation. Or, les effets traditionnellement attachés à
cette technique ne se retrouvent pas dans le mécanisme de l'article 93, alinéa
3 de la loi. Il suffit de songer à l'engagement volontaire des parties. Ce qui
concerne spécialement le cessionnaire(délégué) obligé de supporter la charge
des échéances d'un prêt souscrit par le débiteur) De plus, la dette initiale n'est
pas éteinte par la création d'un
nouveau rapport d'obligation entre le
cessionnaire et le créancier nanti. En outre la délégation impliquerait que le
cessionnaire se libère d'une partie du prix de cession. Or, il est acquis depuis
un arrêt de la Cour de cassation que la charge du nantissement supportée par
le
cessionnaire
ne
constitue
pas
une
partie
du
prix
de
cession
de
l'entreprise/w. Le contrat de prêt initial continue à s'exécuter, mais avec un
nouvel emprunteur.
511- Certains auteurs n'ont pas hésité à VOl[ dans le transfert de la
charge
du
nantissement
une
véritable
ce ssron
de
contrat'?".
Cette
qualification serait suggérée par le texte même de l'article 93 qui fait une
discrète allusion à l'article 86, alinéa 3 de la loi in fine, en permettant au
tribunal
d'accorder des délais
de
paiement au cessionnaire.
Toutefois,
l'assimilation
entre
les deux
textes
comporte des limites
tenant,
pour
l'essentiel, à la nature des contrats cédés. L'article 86 vise des contrats à
exécution successive susceptibles d'être continués par application de l'article
37 de la loi de 1985. En revanche, le contrat de prêt est, par essence, un
contrat instantané et unilatéral dont l'origine est antérieure au jugement
d'ouverture, mème si certaines échéances sont, elles, postérieurcst?-.
512- Au surplus, le créancier nanti n'acquiert nullement la qualité de
cocontractant du cessionnaire, c'est du reste pourquoi, il lui a été refusé la
possibilité d'interjecter appel de la partie du jugement de cession relatif au
7"" cf. M. CI\\BRILLAC et Ph. PETEL, Juin 1994: le printemps.... , op. cit., p.247, n030.
7,,"
Cf. Casso cam. 23 nov.1993, JCP 1994, éd. E, J, p.348, n03, obs. CABRILLAC.
7711 Cf. F-'. DERRlD.t\\. P. GODE, J.P. SORTAIS. op. cit., n0464 .
771
Cf. Casso coI11 .. :2 mars 1993. D. 1993, I.R, p.77, Rev. proc. coll. 1993, p.414, n"13, obs. SOINNE.

305
transfert de la charge du nantissement/Y". Ce mécanisme ne réalise donc pas
une cession de contrat du moins au sens de l'artcile 86 de la loi 773 . Il n'en
demeure pas moins que l'article 93 alinéa 3 opère la transmission d'une
obligation
au
cessionnaire,
celle
d'acquitter
les
échéances
du
prêt
postérieures à
l'arrêt du
plan de
cession.
Il faut en
déduire que le
cessionnaire n'est pas juridiquement tenu d'exécuter les autres obligations
dérivant du contrat"?". Cependant, SI la nature juridique du mécanisme
institué par l'artcle 93, alinéa 3 de la loi prête encore à discussion, il est
désormais établi qu'il intervient de plein droit par le seul effet de la loi.
BI
Le
caractère
automatique
du
transfert
de
la
charge
du
nantissement.
513- La doctrine s'était divisée sur le point de savoir si le mécanisme
institué par l'article 93, alinéa 2 de la loi de 1985 opérait de plein droit/?" ou
n'était qu'une simple faculté offerte au tribunal? L'assimilation de principe
entre les articles 93 et 86 militait en faveur de la seconde solutionv/v. La Cour
de cassation adopta une position contraire. Elle admit que le transfert de la
charge du nantissement constituait une conséquence légale attachée à
l'inclusion du bien nanti dans le plan de cession 777. Le nouvel article 93,
alinéa 3 de la loi est venu conforter cette analyse. Il énonce en effet in fine qu'il
peut être dérogé au transfert automatique des sûretés par accord entre le
cessionnaire et les créanciers nantis. Ainsi, A défaut d'accord exprès entre les
interessés, la transmision du nantissement s'impose au cessionnaire. Il n'est
nullement exigé qu'elle figure expressément dans le jugement arrêtant le plan
de cession.
77"
Cf. Amiens, 17 nov. 1988, Rev. pree. coll. 1989, p.183? n'24, obs. SOINNE ; Versailles, 26 oct. 1989, Rev. jurisp.
corn. 1990, p.l10, note MARTIN-SERF.
77.1 Cf. J. P. SENECHAL, op. cit., p.372 , M. LECORRE, Les effets de la transmission de la sûreté en plan de cession, P.
A 14 sept. 1994, n' 110, pp.93 et s., spéc. p. 94
774 Cf Caen, l'"
oct. 1987, Rev. proc. coll. 1988, p. 320, nOlS, obs. SOINNE.
'7' Cf. en faveur du transfert obligatoire, G. Ripert et R. ROBLOT, T. 2. op. cù., n03197-1 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN,
Le transfert de la charge du nantissement, Rev. jurisp. corn. 1992, n° spécial, p. 152 et s., spéc. p. 159.
77(, Cf En ce sens, B. SOINNE, Obs. Rev, pree. coll. 1993, p.414, n"14; F. DEI<RlDA, P.GODE, J.P. SORTAIS, op. cit., .
343, note 11'2059
777 Cf. Casso
corn .. 23 DOV. 1993, op. Clt.

306
514- Toutefois, le transfert des sûretés ne pourra s'opérer que lorsque le
bien grevé aura été compris dans le plan"?s. S'il n'y figure pas, il sera réalisé
conformément aux modalités de la liquidation judiciaire. Le mécanisme de
l'article 93 alinéa 3 ne doit pas accroître inutilement la charge du repreneur
par l'inclusion dans le plan de matériels devenus obsolètes ou affectant
lourdement l'exploitation de l'entreprise. Lorsque le transfert des sûretés
intervient automatiquement, le cessionnaire devra s'acquitter des échéances
restant dues après le jugement arrêtant le plan. Il convient maintenant
d'apprécier
l'étendue
de
cette
obligation
pécuniaire,
afin
de
mieux
appréhender la faveur ainsi accordée aux créanciers nantis.
§2.
]L'étendue de l'obligation du cessionnaire de l'entI'eprise
515- Les créanciers nantis dont la sûreté est transmise au cessionnaire
en même temps que le bien grevé acquièrent le droit d'être désintéressé par
la repreneur à concurrence des échéances postérieures à l'arrêté du plan
(A). Toutefois, la règle posée par l'article 93, alinéa 3 de la loi admet
quelques
tempéraments
qui
assouplissent
opportunément
la
charge
supportée par le cesiorinaire de l'entreprisetfs).
AI
L'obligation pour le cessionnaire d'acquitter les échéances du
prêt postérieures à l'arrêté du plan
516- Aux termes de l'article 93, alinéa 3 de la loi, le cessionnaire de
l'entreprise
devra
acquitter
entre
les
mains
du
créancier
nariti « les
échéances restant dues à compter du transfert de la propriété ou en cas de
location-gérance de la jouissance du bien 1>. Cette dernière éventualité ne
suscite aucune difficulté. Il convient de se référer à la date d'utilisation du
bien. En revanche, la détermination de la date du transfert de propriété a
soulevé davantage de problèmes. Il était permis d'hésiter entre la date du
jugement arrêtant le plan de cession?"? et celle de la rédaction des actes de
7,H Cf. Contra, Riom, 28 avr. 1988, Rev. proc. coll. 1988, p. 394, c'20, obs. SOINNE; D.S. 1991, Somm. Comm., p.
15, obs. DERRIIJA.
770 Cf. En ce sens, TG! METZ, 3 aôut 1988, Rev. proc.
coll. 1990, p. 52, n026, obs. SOINNE; D. 1991, Somrn., p.17,
obs. DERI<!DA ; Y GUYON, Droit de saffaire s, T.2, op. cii., n'128·~.

307
cessrori par l'adrninistrateurfs". La Cour de cassation a finalement consacré
une solution médiane. Elle décide que « sauf dispositions contraires dans le
jugement adoptant le plan, le transfert s'opère à la date de passation des
actes
nécessaires
à
la
réalisation
de
la
cession »781.
La
question
est
désormais tranchée et la loi du 10 juin 1990 n'apporte aucune modification.
Dans le silence du jugement adoptant le plan, l'acte constatant la cession
marque le point de départ de l'obligation du cessionnaire.
517 - Ce dernier devra payer au préteur nanti les sommes à échoir après
la date du transfert de propriété selon le tableau d'amortissement du prêt782.
Ces sommes échappent à la déchéance du terme prévue à l'article 91 de la
loi n 3. Les échéances échues avant l'arrêt du plan et celles qui courent jusqu'à
la date effective du transfert de propriété, correspondent en totalité à des
créances antérieures au jugement d'ouverture. A cet égard, nous verrons qu'il
convient d'appliquer les alinéas 1<'r et 3° de l'article 93 de façon cumulative/ê''.
La prise en charge des échéances postérieures au plan par le cesionnaire
n'épuise pas les droits du créancier nanti sur le prix de cession globale de
l'entreprise. La Cour de cassation a eu l'occasion de rappeler que les sommes
directement supportées par le cessionnaire au titre du transfert des sûretés ne
sont pas comprises dans le prix de cession totale de l'entreprise, mais s'y
rajoutent'<». Toutefois, l'importance de la charge du nantissement transmise
au cessionnaire sera un élément déterminant dans la fixation de ce prix
global. La nécessité de sauver l'entreprise conduira très souvent à diminuer la
quote-part affectée
au
créancier nanti
en
tenant compte
de
l'avantage
constitué par le transfert de la sûreté.
- - _ . _ - - - - - _ .
';,>C' Cf En ce sens. F. DERI'<IDA, P, GODE, J.P, SORTAIS, op. cn., r:" 455; M. JEANTIN, Droit commercial, Précis
D,ùloz, op. CIL, n'73:2, ;J. PAILLUSSEAU, J.J. CAUSSAIN, 1-1. LAZARSKl, Ph. PEYRAMAURE, La cession d'entreprise,
Ouvrage collectif- Dalloz 1988, spéc.n" 1040 ; Douai, Il oct. 1990, P.I\\, 6 nov, 1991, p.7 ,n° 133, note DERRlDA ; Cass,
COIn., 12 févr. 1991, Bull. civ. IV, n" 73.
7'"
cr. Casso corn.. 26 ,JANV. 1993, D. 1993, p,205, note DERRIDA; Rev, proc. coll. 1993, p.85, n014, obs, SOINNE;
Bull. civ. IV, n'75
7.'C Cr. B. SOINNE, Traite. , op. cit., n0794 ; M. LECORRE ; Les effets de la transmission .... .op. cit., )).95.
7"' Cr. M. LECü1-.tIŒ, Les effets de la transmission .... , op. ClL, p. go.
'" . infra.
'''' Cr. Cass. cam .. 23 nov. 1993, op. CiL

308
Cette même volonté autorise tantôt le tribunal, tantôt les créanciers
nantis à aménager cette obligation du cessionnaire afin de garantir la réussite
du plan.
BI
Tempéraments à la règle du transfert de la. charge des sûretés
au cessionnaire
518- Le transfert automatique de la charge du nantissement risquait
de décourager d'éventuels acquéreurs et de priver l'entreprise de toute chance
de redressement. Cependant, l'article 93 alinéa 2 dans sa rédaction initiale
autorisait l'octroi par le tribunal de délais de paiement au cessionnaire dans
les conditions prévues au 3 èm e alinéa de l'article 86 de la loi de 1985(1). Les
auteurs
de
la
loi
du
10
juin
1994
ont
conservé
cette
possibilité « d'aménagement judiciaire» de l'obligation
du
cessionnairetëë.
Mais ils ont en outre, consacré le caractère supplétif de la règle édictée par
l'article 93, alinéa 3 de la loi. Ce texte introduit in fine un nouvel élément
d'assouplissement. Il peut être maintenant dérogé au principe du transfert des
sûretés par accord entre cessionnaire et les créanciers « cédés Il (2).
1 L'octroi de délais de paiement au cessionnaire de l'entreprise.
0
519- L'article 93, alinéa 3 de
la loi dispose que ( des délais de
paiement...
pourront être accordés au cessionnaire dans les conditions
prévues au 3h n e alinéa de l'article 86 ... », La mesure est opportune. Les reports
d'échéances imposés aux créanciers nantis favorisent incontestablement la
réussite du plan. Elle satisfait en outre, à une exigence d'équité. Comme le
souligne le professeur SOINNE « réduire le coût du transfert de la sûreté par
l'aménagement des délais, conduit par ce fait même à augmenter le prix qui
sera affecté aux autres créanciers-Zê". Toutefois, ce tempérament ne doit pas
ôter tout son intérêt au mécanisme du transfert des sûretés. Le tribunal n'est
pas fondé à consentir au cessionnaire des délais de paiement qui excèderai.ent
?H(, Cf. M. LECORRE, Les effets de la transmission ... , op. et loc. cil.
787
cr B. S()[NNE, Le financement du matériel d'équipement et la ]01 du 25 janvier 1985 sur le redressement et la
liqu id auon judiciatre s, Rev. proe. coll. 1986-1, pp. 35 et s.. spéc. p. 45.

309
largement le terme initial du contrat. La jurisprudence788 rendue en matière
de cession judiciaire des contrats en vertu de l'article 86 de la loi s'étend
mutatis mutandis aux nantisements transférés en application de l'article 93
alinéa 3.
520- En revanche, il semble que le créancier nanti ne puisse pas
bénéficier
du
paiement
d'intérêts
complémentaires
en
contrepartie
du
rééchelonnement de sa créance.
La question n'a pas été véritablement
tranchée en jurisprudence. Il convient cependant de rappeler l'arrêt de la cour
de Caen du 1er octobre 1987. Dans cette espèce, le tribunal ayant accordé des
délais
de
paiement au cessionnaire,
le
créancier nanti exigeait l'octroi
d'intérêts supplémentaires représentant l'étalement des intérêts intercalaires
dûs
sur
la
période
différée.
Il
considérait
cet
avantage
comme
un
prolongement du transfert de sa sûreté. La cour de Caen censura cette
argumentation au motif que « ... l'octroi de délai dans le cadre d'une cession
partielle ou totale d'entreprise permet la sauvegarde de celle-ci sans léser
sensiblement les intérêts du cocontractant, en l'espèce le prêteur de deniers,
assurés de la poursuite du contrat ,,7S9. La solution paraît contestable au
regard des dispositions de l'article 55 de la loi"?", Mais elle favorise avant tout
la continuation de l'exploitation.
521- Par ailleurs, cet objectif somme toute légitime, ne doit pas
atténuer l'efficacité du mécanisme du transfert des sûretés. Le créancier nanti
serait ainsi fondé
à contester toute
solution du tribunal qu'il jugerait
défavorable en exerçant éventuellement les voies de recours dont il peut
diposer pour préserver ses droits. Or, cette question a suscité bien des
controverses en doctrine comme en jurisprudence. L'artcile 105 du décret de
1985 modifié par celui du 21 octobre 1994 prévoit la convocation du créancier
à l'audience dix jours au moins avant la date des débats. Le texte susvisé ne
comporte
aucune
sanction
en
cas
de
non-respect
de
cette
modalité
procédurale. Dans ce cas, comment le créancier nanti pourrait-il faire valoir
7HH cf. Aix- en Provence, ]3 janv. 1988. Rev. pree. coll. 1988, p.392, n" Hi
obs. SOINN]~; .lCP 1988, éd. E, II, 15209,
pA13, n09, obs. CABRJLl.AC et VIVANT; Montpellier. 7 mars 1991, PA. 18 oct. 1991
p. 1:2, note DERRIDA.
7S') Cf. Caen, 1ct oct.
1YS/·. op. CIl.
7"U Cf. M. LECOK-RE, Les effets de la transmission .. , op. cil .. p.Cl7.

310
ses droits? Il est clair que le créancier nanti ne devient pas un véritable
cocontractant du cessionnaire par le seul effet de la transmission de la charge
du
nantissement au repreneur.
Au
demeurant,
l'article
105 du
décret
distingue nettement le cocontractant visé à l'article 86 de la loi et les
créanciers « cédés» en vertu de l'article 93, alinéa 3 de la loi. Dès lors, à s'en
tenir à l'article 174 de la loi, ils ne figurent pas au nombre des personnes
limitativement autorisées à
interjecter un appel-réformation du jugement
arrêtant le plan"?.
522- Cette solution a été critiquée en doctrine au nom des principes
élémentaires du droit judiciairetv-. Elle n'a pas du reste, emporté l'adhésion
unanime des juges du fond 793 . L'inobservation des formalités de convocation
prévues à l'article 105 du décret paraît cependant ouvrir les voies de recours-
nullités au créancier nanti"?". Or l'application de cette théorie prétorienne du
recours-nullité, destinée à éluder les dispositions contraires des articles 173
et 174 de la loi de 1985, est subordonnée à la violation d'un principe essentiel
de procéduret?>. La question mérite d'être posée : l'absence de convocation
d'une
partie
a
un
procès
constitue
t-elle
la
violation
d'une
formalité
substantielle de procédure? L'hésitation est permise. Tout dépendrait en
réalité des conséquences de cette omission sur la défense des intérêts des
créanciers nantis. L'absence de représentation des parties à l'audience a-t-elle
par cela même conduit le tribunal à méconnaître les droits légitimes de ces
derniers? Dans tous les cas, la Cour de cassation a adopté une position très
restrictive qui
limite notoirement la recevabilité des recours-nullités en
matière de procédure collective/?".
523- Il est clair que le contentieux portera moins sur le principe même
du transfert des sûretés. Il est désormais acquis qu'il s'opère de plein droit.
"JI cr. Versailles, 26 oct. 1989, op. cil. ; Casso Corn., 3 mars 199:2, D. 19'J2, I,R., p.liS
"'2 Cr. M. LECORRE, Les créanciers gagistes face au redre sserneut... , op. cii., p.li, n't) ; M,A. FRiSON-ROCHE et J.L.
GUILLOT, La r eIorm« (lès voies de recours par la loi du 1Q juin 199"1, P A. 14 sept. 1994, n' 110, pp.113 et s., spéc.,
118, n'40 et s.
"'.' Cf. Riom, 213 RVr. 1988, op. cil.
,'14
CI. Douai, 31 M/\\[oi.S 1988, D. 1990, Sornm., p.3, obs. DERRIDA Amiens, 17 nov. 1988, Rev. proc, coll. 1989, p.
183, n'2J, o bs. SOlNNE
'''0 Cf. Casso com., .3 mars 1992, op. cil.
"'<10 Cf. Cass com., l.sjam. 1994, RJOAjuin 1994, p.56'-i, n"712: C2SS. corn., 26 avr. 1994, RJOAjuin 1994, p. 564,
n' 713

311
Dès lors si la charge des nantissements transmise au cessionnaire excède
largement le prix de cession de l'entreprise, le tribunal ne pourra que
constater l'impossibilité d'arrêter le plan. Il se résoudra à prononcer la
liquidation judiciaire. Cependant, certains créanciers nantis auront intérêt à
transiger sur les modalités du transfert de leurs sûretés. Un tel aménagement
contractuel a été expressément consacré par la législateur de 1994 dans un
sursaut de réalisme.
Dérogation contractuelle à
la règle du transfert du
nantissement au cessionnaire de l'entreprise
524- La possibilité d'un aménagement conventionnel de la règle du
transfert des sûretés constitue avec l'extension de son domaine, la principale
innovation de la réforme de l'article 93 de la loi. L'alinéa 3 in fine de ce texte
énonce qu' « il peut être dérogé aux dipositioris du présent alinéa par accord
entre le cessionnaire et les créanciers titulaires de sûretés », Toutefois, la
mesure n'est ni spectaculaire ni vraiment nouvelle. Le législateur du 10 juin
1994 entérine en réalité une
pratique que la réussite du plan avait fini par
instaurer. Aux délais de paiement imposés par le tribunal, du reste dans les
limites étroitement définies, les parties pouvaient toujours convenir d'un
aménagement des modalités de remboursement des échéances à venir. Un tel
accord ne remet pas en cause le principe du transfert de la sûreté au
cessionnaire. Le créancier nanti n'entend pas y renoncer. Il se borne à
consentir de
nouveaux reports d'échéances au repreneur. Il peut même
accepter un abandon partiel de ces échéances. Lorsque le bien grevé est utile
à la poursuite de l'activité, le repreneur aura toujours intérêt à susciter une
telle négociation. Dans le cas contraire, il lui suffit d'écarter le dit bien de son
offre de reprise, lequel sera réalisé dans les conditions de la liquidation
judiciaire.
525- De même, les créanciers nantis et, singulièrement, les créanciers
nantis sur fonds de commerce trouveraient avantage à composer avec le
cessionnaire de
l'entreprise.
11s redouteront toujours le prononcé d'une
liquidation judiciaire, car tous ne jouissent pas d'un traitement préférentiel à

312
ce stade de la procédure. Au demeurant, l'inéxécution par le repreneur de son
obligation pécuniaire autorise le créancier nanti à
solliciter l'attribution
judiciaire du gage. Du reste, l'article 80 de la loi permet désormais à tout
créancier de demander la résolution du plan pour tout engagement non
exécuté par le cessionnaire. La résolution du plan reste cependant facultative
pour le tribunal. Elle débouche sur une procédure de liquidation judiciaire à
l'exclusion de tout autre"?".
526- La situation des créanciers gagistes non rétenteurs n'est donc pas
totalement désespérée à l'ouverture d'une procédure collective. Ils parviennent
tant bien que mal à éviter la dure loi du concours grâce aux techniques de
l'attribution judiciaire du gage et du transfert des sûretés au cessionnaire de
l'entreprise.
La généralisation de ces mécanismes traduit la volonté du
législateur, relayé
par la jurisprudence
de
restaurer
les
sûretés
réelles
spéciales, menacées de dépérissement dans la pratique des affaires. Mais
ces « techniques d'éviction de
la
règle de concours»
ne profitent pas à
l'ensemble des créanciers nantis; ce qui crée des disparités regrettables.
Certaines d'entres elles confirment à tout le moins, la diversité du gage dont le
régime traditionnel ne suffit plus à protéger les créanciers nantis. Ainsi, des
institutions
empruntées
au
droit
des
obligations ou dérivées
du
droit
cambiaire offrent aux titulaires de nantissements sur créances les moyens de
contourner la loi du dividende.
Chapitre 3 : LA SPECIFICITE DES TECHNIQUES DE REALISATION
DES
NANTISSEMENTS
SUR
CREANCES
OU
BIENS
ASSIMILES
527 - L'affinement des techniques bancaires a favorisé l'éclosion de
nouvelles valeurs patrimoniales vouées à servir de crédit et d'instruments de
garantie. Cette évolution a considérablement ébranlé la figure classique du
gage.
Mais
elle
a
également
assuré
sa
régénérescence.
Ainsi,
les
C"7
Cf. F. DERRIDA et J.P. SORTAIS, La réforme du droit des enrrepnses en difficultés, op. cit., p.279, n049.

313
nantissements sur créances portent sur une gamme étendue de
biens
incorporels. Il suffit de songer aux créances ordinaires ou professionnelles,
aux valeurs mobilières et autres titres. Or, les modes de réalisation du gage
conçus pour les biens corporels paraissent inadaptés et inefficaces lorsque le
nantissement porte sur une créance. Cette inadéquation se révèle de façon
remarquable lorsque le débiteur de la créance garantie fait l'objet d'une
procédure collective. Hormis l'attribution judiciaire de la créance, le recours
au droit du gage devient inopérant et singulièrement illusoire. Les créanciers
nantis se sont naturellement retournés vers des mécanismes extérieurs au
gage afin d'échapper à la loi du dividende.
528- L'acquisition de cette situation préférentielle obéit-elle aussi à un
régime variable. Celui-ci peut s'articuler autour du rapport existant entre le
créancier nanti et le débiteur constituant. La théorie générale des obligations
autorise à cet effet, le recours au mécanisme de la compensation entre
créances réciproques. La compensation assimilée à une véritable garantie-?"
heurte, à certains égards, l'objectif du sauvetage de l'entreprise proclamé par
la
loi de
1985. On comprenà aisément qu'elle ait cristallisée bien des
controverses. La loi du 10 juin 1994 vient de balayer l'essentiel de cette
controverse en consacrant expressément le principe de la compensation après
le jugement d'ouverture.
Les créanciers nantis sur créances pourraient
l'invoquer opportunément. (section 1)
529- Au-delà du rapport étroit entre créancier et débiteur constituant, le
nantissement portant sur des effets de commerce ou titres assimilés offre une
protection encore plus efficace. Celle-ci repose sur des règles dérivées du droit
cambiaire. Le
créancier nanti, porteur du titre cambiaire peut exercer son
recours contre tout signataire du titre en application de la théorie des
coobligés. La simple évocation de ces recours cambiaires dont l'étude dépasse
le cadre de cet ouvrage permet de vérifier la marginalisation des règles
classiques du gage. (section2)
7", Cf A. COLIN c: H. CAPI'CAN'C, Trait« de droit civil, 1'.1, petr JULIOT de la MOI<ANDlERE, DALLOZ, 1959, n'1548,
p. 867 ; G : DUBOC. La cornpensauon et les droits des tiers LGD,j , 1989.

314
Section 1 : LA COMPENSATION ENTRE LA CREANCE GARANTIE ET
LA CREANCE GAGEE
530- L'intérêt de la compensation à l'occasion d'une procédure collective
est bien connu. Elle confère une situation préférentielle au créancier qui peut
s'en prévaloir. Elle joue ainsi le rôle d'une véritable garantie. Sa nature
juridique demeure cependant controversée en doctrine. Elle est considérée
tantôt comme un double paiement simplifié et autornatique/?", tantôt comme
un mode d'extinction des obligationsë?". Dans tous les cas, la compensation
singulièrement lorsqu'elle opère dans le contexte de la
défaillance d'une
entreprise, Et toujours suscité méfiance et suspicion. Elle heurte la règle de
l'égalité entre créanciers d'un même débiteur. Elle contrarie surtout l'exigence
légale du sauvetage de l'entreprise en difficulté.
531- Sous l'empire de la loi du 13 juillet 1967. la compensation légale
était admise dès lors qu'elle réunissait les conditions de certitude, d'exigibilité
et de liquidité des obligations fongibles et réciproques avant le jugement
d'ouvertureë?-. Par ailleurs, la jurisprudence a
reconnu l'efficacité de la
compensation après le jugement d'ouverture lorsque les dettes réciproques
étaient
unies
encre
elles
par
Uri
lien
de
connexitéw-.
Un
courant
jurisprudentiel particulièrement libéral avait largement interprété cette notion
de connexitc8o,. Après l'adoption de la loi de 1985, certains auteursê?" ont cru
déceler dans la nouvelle législation une directive générale prohibant le jeu de
la compensation à l'occasion d'une procédure collective. Ils invoquèrent en
outre, les articles 33 et 37, alinéa 5 de la loi. Les juges du fond rendirent des
"J" Cf. A. MARTIN· SERF, L'interpretation extensive de s sùre tès en droit commercial, op. cù., p. 684, n015.
HUU
CF
D. MARTIN, J. C., Art .. 1289 à 1293- Contrar s et obligat.ona- Fasc. 108 Et Ill, n' l ; F. PELTIER, Les
proulème s
.1 i.r.drq lies posés pm la cornpensauon bilat érah ::;',)peralions ci 'échange de devises ou de conditions
d'intérêts à lin téricur d'lill contrat- CHeire, Rel'. Banque tt Droit, n",2, juil- août 1990, pp. 183 et s., spéc. p.185 ;
Ph ; :VIALALJRIE 1'\\ L. AYNES, Droit civil Les obligation". éd. CUJ'l", n': 067 et s.
"'1
Cr. par cxempk-, Casso corn., 3 nOI. 1970, Bull. cil'. IV, n0286; Douai, 25 sept. 1981, D. 1982, I.R., p. 245, obs.
OERRlDA.
Hu)
Cf. Cass. cam .. 18 kIT. 1975, Gaz. Pal. 1975, l, Soin.n., p. 90; Casso corn., 22jllin 1983, Bull. civ, IV, n0186; D.
1983, p. 580, riote HONCJR.'\\T; sur l'ensemble de la question, 111. PEDAMON et O. CARMET, La compensation dans
les procédures colkctives de règlement du passif', O.S. ~ 976, ChI'. p. 123.
"".1 Cf. Sur I'analvse rie ce ue :u rispr:.rue nee, J .F. MONTf.~;~DON, La con.pensation de dettes connexes après le
jugement d cclaran:', pc-ut-clle survivre a la loi du 25 janvier 1985 ? JCP 1990, éd. 1\\, n049, pA58.
H'H
Cf. F. DERRIDA, P. GODE. J.P. SORTAIS, op. cit.. n'130: El. LEGRAS de CRA.!'IoCOURT, L'interdiction ou la
licéité de la compensation en cas de' procedure collective de I'un.- des parties, Rtl'. proc. coll. 1990, p.119; Y.
CIJAPLJT, Droit du rcdre sse me-ut et de ta liquidarici juuic Iairc s, Si.' rit. 1': '11'f: M. ,JEANTIN, Entreprises en
difficult c s, PIl'('is Lnlloz, (p. cii., n·'(i2'.!.

315
décisions contradictoires. La Cour de cassation mit fin à ces divergences en
reconduisant la solution antérieure favorable à l'exercice de la compensation
entre créances connexes après le jugement d'ouverture80 5.
532- Le nouvel article 33, alinéa 1er issu de la loi du 10 juin 1994
consacre expressément le mécanisme de la compensation entre créances
connexes en période de redressement judiciaire, dérogeant par là même à la
règle de l'interdiction de paiement des créanciers antérieurs. Les créanciers
nantis pourront toujours invoquer la compensation légale dont les conditions
seront réalisées avant le jugement d'ouverture. Mais seule la compensation
entre créances connexes retiendra notre attention. Au demeurant, si la
compensation autorisée après le jugement d'ouverture requiert l'existence
d'un lien de connexité entre les créances réciproques (§l), elle est par ailleurs
soumise à un régime juridique qui intègre et dépasse à la fois la seule
constatation de cette connexité. (§2)
§l.
La connexité: condition nécessaire du jeu de la compensation
après le jugement d'ouverture
533- La
jurisprudence avait consacré la condition de connexité entre
dettes réciproques pour suppléer au défaut cie liquidité et/ou d'exigibilité
requise pour l'exercice de la compensation légale. Elle retient par suite une
interprétation assez souple de cette notion de connexité, l'appliquant à des
contrats juridiquement
distinctsê'v.
Cette
extension
s'illustre
de
façon
éclatante à
propos des nantissements portant sur des comptes ou des
espèces. (A) La compensation entre créances connexes trouve également un
terrain de prédilection dans les nantissements sur créances ordinaires ou
professionnelles et sur titres négociables. Dans ces hypothèses, la 10i807 ou la
convention des parties, autorise le créancier gagiste à recouvrer la créance
nantie et à procéder à la compensation avec la créance garantie. Cette
stipulation est parfaitement valable au regard de la théorie générale des
""5 cr. Casso com., :2 janv. ',990, Rev jurisp. Corn. 1990 p. :~56, spec. n'Il; !no corn. 1990, p. 479, n02, obs.
SAINT- i\\Li\\RY+IOUIN; Casso Corn., 22 févr. 1994, O.S. 19')S, P. 27, note HONORAT el ROMANI
."J(, Cf. Casso corn., 'Jnov. lCJ82, D. S. 1983, p. 466, nore HO;'JC)-~AT; RTD civ. [98;'. p.356, obs. PEMY .
."'7 Cf. C. cam .. Art. 9 l , al.S

316
contrats. Seule son opposabilité a la procédure collective a paru soulever
quelques réserves en doctrine. (8)
AI
La notion
de
connexité
dans les nantissements
de
comptes ou d'espèces
534- Le jeu de la compensation s'exerce naturellement dans les gages-
espèces portant sur la monnaie scripturale ou fiduciaireê?".
Elle dérive
notamment de la « liquidité congénitale })S09 attachée à l'argent. Elle ne heurte
pas la prohibition de principe du pacte comrnissoire''!". La compensation à
due concurrence est appelée à jouer à l'échéance entre la créance garantie et
la
somme
engagee.
La
connexité
naturelle
entre
les
deux
obligations
réciproques
autorise
son
exercice
après
le
jugement
d'ouverture.
Le
mécanisme de la compensation apparaît également comme un mode normal
de réalisation du gage dans les nantissements de comptes bancaires. Dans le
cadre d'une
pluralité de comptes,
l'acte de nantissement régulièrement
constitué
suffirait
à
révéler
l'existence
d'un
rapport
d'indivisibilité
expressément aménagé par les parties, le but étant de fondre ces différents
comptes distincts dans un compte ou une convention unique permettant à
terme le jeu de la compensation. (1) Cette connexité purement conventionnelle
dépasse le cadre des comptes bancaires se servant naturellement de garantie.
Elle peut aussi résulter du nantissement d'un compte dont le solde créditeur
est affecté en garantie d'une ouverture de crédit(2).
1 0 Rapport d'indivisibilité ou de connexité dérivant d'une
pluralité de comptes
535- La technique juridique permet d'affecter le solde créditeur éventuel
d'un compte courant à la garantie du solde débiteur éventuel d'un autre par le
biais d'un nantissement contemporain de
l'ouverture des comptes à
la
banque. Le procédé est parfaitement valable. L'éventualité ou le défaut de
gux Cf. M. C/\\Bl~jLL:'\\C, Les sure-tes couvem iunnelles sur :'&gt'l1i, op. ci:., n'20 ; M. CflBRILLAC et C. MOULY, Droit
des sù rc-r e s. op, cit. tl'97.
""', Cf. J CARBOf':è'ilEl'. Droit civil, T. 3, Les biens, L5"'.< "d., op. Cli" n' 10.
xto Cf. Paris. 3,'''''' cll .. -1 mai 1993, op. ~I'.

317
liquidité de l'objet de la garantie ne fait pas obstacle à la constitution de la
sûreté. Le principe de l'accessoire exige seulement l'existence de l'obligation
au moment de la réalisation du gageS11. La convention de nantissement peut
porter indifféremment sur deux ou plusieurs comptes courants ou même sur
des comptes de dépôts. Elle suffit à provoquer un lien de connexité entre les
comptes, sans qu'il soit nécessaire de recourir aux lettres d'unité ou de fusion
de comptes. De tels procédés ont été imaginés par la pratique bancaire afin de
suppléer aux formalités rigides de constitution du nantissement.
536- Certes,
le
nantissement ne
réalise
pas une véritable fusion
comptable, mais il crée entre les comptes garantis et engagés une indivisibilité
juridique
qUI
rappelle
le
mécanisme
du
compte
courant.
L'acte
de
nantissement traduit la volonté des parties de considérer les soldes des
différents comptes comme des articles ou des sections d'un compte global
dont l'indivisibilité implique le jeu de la compensatlonël-'. Il n'est pas exagéré
de voir dans le nantissement d'un compte le jeu de la compensation in
[uturum, car tel aurait été l'intention des parties. Toutefois, la survenance du
redressement judiciaire n'emporte plus comme auparavant clôture immédiate
du compte courante!". Or, de cette clôture dépend le jeu de la compensation.
Cependant; doctrine''!" et jurisprudencev'> admettent le principe d'un arrêté
provisoire du compte dès le jugement d'ouverture dont le solde fait l'objet
d'une déclaration au passif de la procédure. Ainsi, sauf s'il est constitué en
période suspecte, le nantissement du solde créditeur d'un compte en garantie
d'un autre compte, offre au banquier la possibilité de compenser sa créance
avec celle de son client après le jugement d'ouverture8 16 .
537 - La compensation autorisée cians ce cas est un effet direct, une
conséquence objective dérivant de la convention de nantissement constituée
au moment de l'ouverture des comptes. Plus généralement, la jurisprudence a
admis la connexité de créances issues de contrats distincts s'inscrivant dans
"" Cf. l) D01SE, (1)' clr. p. 35, n"11 : [3. SOiNNE, Traité .... , op. lL!, n'<:·80
p.So l
HI.!
Cf. F. PELTIER, op. cii., spéc.p.Lxô.
xt.
Cf. Casso cam. 20 on. 1981, p. }l);J2, I.R. 0.1982, p.193, ob s \\'i\\3SEUR.
HI'
Cr. B. SOINNE. Traite, op. cir., p.680, n0979.
"IS cr Casso cam
8 df'('. 1987. 0.1988. ]J.52, nou- DEF:RIUA; ,KP 1988, éc, G, II, 20927, note JEANTIN.
Hlb
cf. Y. GUYON. Droit des affaires. T.2 op. ca.. 1]°1315: 1'. PEL·LEi.'(, op. cil, p.186.

318
un même courant d'affaires ou dans un contrat-cadre-!". Cette conception
assez artificielle de la connexité semble inspirer le jeu de la compensation
entre le solde créditeur d'un compte et le crédit consenti par le banquier nanti
à son client. La question qui se pose est celle de savoir si le nantissement
constitué à cette occasion suffit à caractériser cette exigence de connexité
entre les deux contrats juridiquement distincts.
La connexité
résultant du solde créditeur d'un
compte affecté en garantie d'une ouverture de crédit
538- La jurisprudence a validé la compensation entre le solde d'un
compte et une opération de crédit, en l'absence même de tout nantissement.
Elle constatait seulement que les contrats indépendants s'inséraient dans un
ensemble contractuel. La Cour de cassation a précisé sa position au fil des
décisions.
La connexité ne saurait résulter de la
seule permanence de
relations d'affaires suivies entre les parties. Une opération économique globale
doit avoir été conçue comme telle dès l'origines l 8 . Le critère ainsi retenu
coïncide avec l'extraordinaire émergence en droit positif de la notion de groupe
de
contrats.
Cependant,
cette
notion
demeure
encore
juridiquement
irnprécise''!". Elle postule l'existence de liens économiques ou commerciaux
noués par les parties à l'occasion de conventions successives. Mais, elle ne
fournit pas, à notre avis, un socle suffisant susceptible d'asseoir la notion de
connexité entre obligations réciproques. La jurisprudence devrait dans tous
les cas in terpréter la volon té des parties.
539- Le nantissement du solde d'un compte affecté dès l'origine à la
garantie du remboursement du crédit permettrait d'éluder cette impression
d'insécurité,
déconcertante pour le juriste épris de clarté.
Cette sûreté
acquiert une parfaite efficacité dès lors qu'elle est renforcée par une lettre de
compensation insérée dans la convention de nantissement. La validité de cette
- - - - - - - - _ . - . _ - - - - - -
s r. Cf. Cas» COl11.. 18 fevr. 1986, Belli. civ.Tv , n:2l, ;<t'\\
B8J1ql!'~ 1986, obs. RIVES- LANGE; Casso corn., 20 janv.
J987. D. 1CJiF, Sornrn., p.35, ob s. HONORAT.
'IH Cf. Casso COll1., 20 janv. 1987, op. eii.
"" Cf. Cep .. F3. rEYSS1E, Ll'S groupes (Je contrats, L.e. D.L:., 1()7ë,

319
clause, admise sous l'empire des textes antèrieurs-w, n'est nullement remise
en cause par l'article 37, alinéa 6 de la loi de 19858 2 1. Il a été justement
soutenu que ce texte ne condamnait pas la connexité expressément créer par
l'accord des parties avant la date de cessation des paiements, dans la mesure
où son effet n'est pas conditionné par l'ouverture de la procèdure'<-.
540-Au demeurant, lorsque le compte nanti est bloqué au profit du
banquier dépositaire, celui-ci a un droit exclusif équivalent à un véritable droit
de rétention sur les sommes inscrites audit compte. Il peut, sans stipulation
nécessaire d'une lettre de fusion extérieure au nantissement, opérer la
compensation entre sa dette de restitution et le montant de la créance
garantie
après
le jugement
d'ouver turev-ê.
En
revanche,
le jeu de
la
compensation
est
exclu
lorsque
le
créancier
nanti
est
une
personne
quelconque, le banquier dépositaire faisant office de tiers convenue>'.
541- Le nantissement des comptes à travers sa diversité et la variété des
opérations qu'il recouvre confère une position enviable au créancier nanti. Ce
dernier parvient à contourner la loi du dividende grâce au mécanisme de
la
compensation légale ou conventionnelle en raison de la connexité ou de
l'indivisibilité des obligations réciproques. Une solution plus nuancée mérite
d'être adoptée lorsque le gagiste entend procéder à la compensation en vertu
d'une autorisation expresse de recouvrement de la créance gagée.
BI
La notion de connexité dans les nantissements de titres
négociables et de créances ordinaires ou professionnelles
542- Suivant une pratique courante, l'ouverture d'un crédit ou d'un
découvert
en
compte
bancaire
peut
être
garantie
par
la
remise
en
nantissement
d'un
titre
négociable
01..1
d'une
créance
ordinaire
ou
H1U Cf. Douai, 25 sept. 1931, D.
1982, 1.R., p. 245, note \\'ASSEUK
821
Anc. An. 37, alinéa 5 de la loi de 1985.
H/l Cf. A, BAC el H. ivIt\\TH1EU, La compensation pour dettes connexes invoquée par le banquier dans la loi du 25
janvier ]985 ou le mythe de SISYPHE réinventé, Rev. Banque, 21°484· juin 1988. Supplément Banque et Droit, pp.5
et s., spéc. 1'.8, n098. 12; DUBOC. ~Ol(' sous Amiens, 2' févr. ]')91, op. cir.; Casso corn., 19 mars 1987, op. cit.
Rl.1
Cf. M. Ci\\BRILLAC, Les sûretés convc m ionuelie s sur .'argent .... , op, cit., n':24.
,RJ'
Cf M. CABI'<ILLAC et C. MOCLY, Droit des sù ret s, ov cil., IJ'iS96.
é

320
professionnelle au profit du banquiers->. A cet égard, l'article 91 du code de
commerce déroge aux règles de droit commun relatives à l'exécution du gage.
Ce
texte
énonce
que
« les
effets
de
commerce
donnés
en
gage
sont
recouvrables par le créancier gagiste ». Celui-ci n'agit nullement en qualité de
mandataire constituant, mais en vertu d'un droit propre attaché à la nature
de l'objet gagé8 26 . Or, une disposition analogue à celle de l'article 91 susvisé
n'existe pas en matière de droit commun du nantissement sur créances.
Toutefois, une clause particulière du contrat confère souvent au créancier
nanti le droit de percevoir directement le montant des sommes engagées. La
validité de cette clause contractuelle a été admise en jurisprudenceê-". Toute
la question est de savoir si cette faculté de recouvrement tantôt légale, tantôt
conventionnelle
n'assure
qu'une
fonction
conservatoire
ou
bien
si
elle
implique nécessairement le jeu de la compensation entre la créance garantie
et les sommes nanties?
1
Connexité et recouvrement des effets de
0
commerce par le
créancier gagiste
.543- Deux hypothèses se rencontrent dans la pratique. La traite et la
dette garantie deviennent exigible au même moment et avant le jugement
d'ouverture. Les conditions de la compensation légale se trouvent dès lors
réunies. Le gagiste perçoit le montant de l'effet et opère la compensation à due
concurrence de sa créance. En revanche, lorsque l'effet n'est pas encore échu
après le jugement d'ouverture, le gagiste ne peut en principe recourir à la
vente aux enchères de l'effet conformément au droit commun du gage. Du
reste, ce procédé est inadapté et n'offre aucune garantie. Rien ne s'oppose à ce
que le gagiste conserve l'effet jusqu'à l'échéance en sa qualité de créancier
rétenteur. L'administrateur ou le liquidateur ne saurait le contraindre à se
dessaisir sans préalablement le désintéresser. A défaut, le gagiste peut-il
provoquer le recouvrement par anticipation des effets nantis et faire jouer la
compensation à due concurrence de sa créance?
K/ô
cr. G. r~lPl:Ftr el K. 1<01'31.0'" Train- dl' droit commercial, '1'.2, op. CI1., n'2056.
X/"
cr, Casso civ .. IJ mars 1933 D. H. 1933, p.2S::', GAZ· pal !'JJ3,1. 100l.
x/·, Cf. Cass civ., :;0 m ai 1947, S. ]LJ47
1. p. 24].

321
544- Dans le régime antérieur, la déchéance du terme permettait le jeu
de la compensation légale. Cette règle ne s'applique plus qu'en cas d'adoption
d'un plan de cession et à l'occasion de la liquidation judiciaire. L'article 56 de
la loi de 1985 maintient en revanche le terme initial des créances. Or, la
compensation entre dettes connexes peut être parfaitement invoquée même en
l'absence d'exigibilité de la créance. C'est du reste, ce caractère supplétif qui
confère à ce mécanisme l'attrait d'une véritable garantie à l'ouverture d'une
procédure collective. Une connexité économique résulte à l'évidence de la
concomitance de la remise de l'effet et de l'octroi du crédit. Celle-ci est
complétée
par
une
connexité
juridique
dérivant
de
la
convention
de
nantissement expressément régularisée.
545- Le banquier ne consent le crédit au constituant que dans la
mesure où il bénéficie d'une garantie de recouvrement de l'effet et de la
possibilité
d'effectuer
la
compensation
à
due
concurrence.
Cette
interdépendance économique des opérations en cause est renforcée par
l'intention des parties attestée par l'acte de nantissement. Dès lors, elle suffit
à caractériser la connexité requise pour le jeu de la compensation. Une
solution identique s'impose à propos du nantissement portant sur des bons de
caisses-" qui participent de la même nature juridique que les effets de
cornmerces-". Une incertitude prévaut en revanche lorsque le créancier nanti
sur créances ordinaires ou professionnelles invoque la compensation en vertu
d'un mandat ou d'une délégation du constituant, aux fins de recouvrement
des sommes engagées.
"l' cr. Cass. corn.
18 Fén, 1986, op, rir" Cep, CilSS, COI1:, , iS ore, 1991, RTD corn, 1992, p.432, n019, obs.
CABRILLJ\\C et TEYSSIE ; Rev. dr. banc. et de la bourse l 992, p.Sô , obs,CREDOT et GERARD: cet arrêt paraît
exclure le jeu de 1 compensation en.re la créance garantie non &ci!L1C e-t le bon de caisse venu à échéance avant la
liquidation juciiciairr- du consntu ant..
"2', Cf. l:~n cc sen s, .S, HAMEL, G LAGA[~DE, i\\, JAL'FFREI' Droil commercial, T,2, op. cit., p. 721, n01647.

322
2 0
Connexité et clause autorisant le créancier gagiste à
recouvrer la créance garantie
546-
Il
est
parfaitement
acquis
tant
en
jurisprudenceë-?
qu'en
doctrine''>", que le créancier nanti peut se faire autoriser par le constituant à
percevoir directement le
montant de
la
créance engagée.
Cette clause
particulière insérée dans le contrat de nantissement s'analyse suivant les
termes utilisés en un mandat ou en une délégation, Le gagiste recouvre en
principe la créance pour le compte du débiteur-constituant. Il est tenu de lui
restituer les sommes perçues, sauf à les consigner ensembles à la Caisse Des
Dépôts et Consignations. Mais la somme ainsi immobilisée risque d'être
rapportée au profit de l'entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire
à la demande des organes de la procédures-v. D'où l'intérêt pour le créancier
nanti d'invoquer la compensation entre sa dette de restitution et le montant
de la créance garan tie.
547 - Or, il est difficile d'affirmer que la clause autorisant le gagiste à
percevoir les sommes engagées lui procure un droit exclusif par rapport aux
créanciers privilégiés mieux classés. Il n'acquiert pas la propriété de la
créance recouvrée, mais uniquement celle des deniers reçus en paiementêê-. Il
n'est donc pas certain qu'il puisse invoquer la connexité entre sa créance et la
dette garantie en se fondant uniquement sur l'existence de cette clause
contenue dans l'acte de nantissernent'<". Du reste, s'il s'agit d'un mandat, on
peut craindre qu'il devienne caduc à la faveur de la procédure collective
ouverte
a
l'encontre
du
débiteur
constituant.
Le
créancier
nanti
doit
logiquement faire valoir les prérogatives de son mandataireê-". Mais l'existence
du nantissement empêche ce dernier de réclamer paiement.
548- Le créancier nanti peut toujours se prévaloir de la jurisprudence
qUi a consacré une interprétation assez souple de la notion de connexité.
- - , - , - - - -~~---
x'<' cf. Cass. civ 3D mai 1947, op. cil.
X,l Cf. G. MARTY, Ph. JESTAZ, P. RAYNAUD, op. CIl., !logO el s.
Xl} Cf. Cas s. Com., ;:5 oct. 1991, op. cil.
x.]] Cf. M. CABR1LLAC et C :'vIOULY, Droit des suretés, 00 CIi., n0687.
X.I< Cf. Cf. Cass. COiJ).,
15 GCl. 1991, op.. cil.
.
X'O
Il semble qu ' il agisse egalement pour Je compte des créanciers privilégiés ve nant en rang utile, Cf. En ce sens, M.
CABRIJ,LAC et C. l\\10UL.Y, op. el IDe. Clt.

323
Toutefois, d'une part la licéïté de la compensation entre créances connexes
nouvellement admise, laisse présager une éventuelle remise en cause de cette
jurisprudence extensive. D'autre part, cette connexité conventionnelle n'est
efficace que lorsqu'elle résulte plus ou moins clairement de l'intention des
parties. Le contrat de nantissement, même assorti d'un mandat ou d'une
délégation autorisant le gagiste à recouvrer la créance nantie, ne préfigure pas
a priori la possibilité d'une compensation ultérieure'<'c. La sagesse et la
rigueur juridique commandent une solution plus réservée au regard de la
diversité des situations rencontrées dans la pratique. Le créancier nanti a
intérêt à compléter la clause susvisée par une convention de compensation
habilement
rédigée
avant
la
cessation
des
paiements
du
débiteur-
constituant'<". Seule une telle stipulation pourrait créer une connexité, certes
artificielle dans bien des hypothèses mais à tout le moins, susceptible
d'enclencher le mécanisme de la compensation à due concurrence dans les
conditions exposées précédemment.
549-
Au
demeurant,
l'établissement
de
crédit
bénéficiaire
d'un
nantissement sur créance professionnelle dispose d'une garantie beaucoup
plus efficace et moins sujette aux évolutions subjectives de la notion de
connexité L'article 6 de la loi du 2 janvier 1981 permet au créancier nanti de
notifier la sûreté au débiteur de la créance engagée. A cet effet, le ou les
débiteur (s) s'engage (ent) à le désintéresser directement. Cet engagement doit
être matérialisé dans un acte d'acceptation à peine de nullité. Grâce à cette
faculté, le créancier nanti bénéficie d'un droit direct contre le débiteur de la
créance gagée, droit exclusif qui le soustrait à
la loi du dividende en cas
d'ouverture d'une procédure collective ouverte à
l'encontre du débiteur-
constiruant'<". Il s'agit d'un droit extérieur aux règles du nantissement sur
créance ordinaire et qui se rapproche d'lm cautionnement ou d'une garantie
carnbiaire.
Elle
permet au créancier nanti de contourner l'exigence de
".16
Une teüe clau se pourran tomber sous Je coup de la prohibition des pactes commissoires, si elle confère au gagiste
le droit ck s'approprier lé. créance et non celui cie la reCOllvrer Sl'.ileWènt. Cf \\VlEDEF~KEHR, Pactes commissoires et
sûretés convenuor.ne.ies .r. Mélanges Ji\\UF'Fl~ET, pp.UJ8 el s. : D. LECEidS, Les garan.ies conventionnelles sur
crèanccs, op. cit., li' 164.
H.];
Lorsque ia cr ~anc(' er.gagé« deviendra exigible :-W5J;t la crear.ce garantie, le gagiste peut TOUT AUSSI convenir
avec ic coustu uar.t que' je:> SUrIlGJes recou vrr-e s seront 1og('es dans un compte spécial
titre de gage- espèces au ljroJit
à
du g,:.giste.
,," Cf. [., r\\~;CI-::", ,.. Cl. ci«. An :2U8!" Fi.s«. 3U, up. cit., n··35.

324
connexité attachée au Jeu de la compensation en cas de redressement
judiciaire.
Or, cette condition dont le caractère supplétif a été souligné ne suffit
pas
a
Invoquer
le
mécanisme
de
la
compensation
après
le
jugement
d'ouverture.
§2.
L'exigence de connexité: condition insuffisante au jeu de la
compensation après le jugement d'ouverture
550-
La
connexité
est
indispensable
au Jeu
de
la
compensation
conventionnelle,
mais elle ne dispense
pas le
créancier de déclarer sa
créance(A) et d'invoquer cette connexité à l'occasion d'une instance en justice
(8).
AI
L'obligation de déclarer la créance garantie
551- Lorsque les conditions de la compensation légale se réalisent avant
le jugement d'ouverture, elle s'opère de plein droit. Dès lors, le créancier qui
s'en prévaut est dispensé de déclarer sa créance au passif de la procéduresw.
En revanche, lorsque les créances réciproques sont uniquement liées par un
rapport de connexité, l'efficacité de la compensation suppose la déclaration de
la créance garantiev'v. Par suite, l'admission de la créance décidée par le juge
commissaire exclut toute contestation ultérieure portant sur sa nature ou sa
qualité. L'irrévocabilité attachée à cette décision autorise de façon inéluctable
le jeu de la compensation.
552- De même, l'action en paiement diligentée par l'administrateur ou le
liquidateur à l'encontre du créancier, débiteur de l'entreprise en difficulté
avant la décision d'admission, n'empêche pas la compensation ultérieure.
Dans celte hypothèse, la juridiction compétente surseoit à statuer jusqu'à la
HI'. Cf. Cass Corn.,
21 janv. 1992, RJlJ;\\- 't/ 199:2, n'377.
H." Cf. Caxs. Com., 2ï avr, 1993, D. 1993, p.426, note PEDAMON ; Casso corn., :23 janv. 1990, op. cit.: Casso Corn.,
19 mars 1991. op. cit., Casso Com., 22 févr, 1994, op. cit.

325
décision du juge commissaire. Le caractère « vraisemblable »841 de la créance
déclarée suffit à justifier le principe de la compensation entre les créances
conriexesv">. La procédure de vérification des créances suspend ainsi l'effet
extinctif de
la compensation jusqu'à l'admission définitive de la créance
litigieuse.
Dans
ces
conditions,
la
compensation
devient
une
garantie
attribuant au créancier le moyen de se dérober à sa propre obligation à l'égard
du débiteur défaillante">. En tout état de cause, l'obligation de déclaration de
la créance n'implique pas pour autant la volonté du gagiste de renoncer à la
compensation. Il n'est nullement nécessaire qu'il engage une action en justice.
Il se bornera à opposer une exception de compensation à la demande en
paiement diligentée par le représentant de la procédure.
BI
L'obligation d'invoquer la connexité de la créance garantie
avec la créance de restitution du débiteur.
553- Le créancier gagiste qui sollicite le bénéfice de la compensation doit
nécessairement invoquer le caractère connexe de sa créance avec celle du
débiteur défaillantê?". A cet égard, la Cour de cassation exerce son contrôle
sur la réalité de la connexité souverainement appréciée par les juges du fond.
Elle
n'hésite
pas
à
censurer
les
décisions
qui
ne
caractérisent
pas
suffisamment le lien de connexitév">. Il Y a là une brèche dans laquelle ne
rechignent pas à s'engouffrer les mandataires judiciaires des procédures
collectives. Il appartient à l'administrateur et au liquidateur selon le cas,
d'assigner en paiement le créancier en restitution des sommes dues au
débiteurw>. Le créancier gagiste, détenteur de la créance engagée, tel un
rétenteur matériel, a un rôle purement passif. Il doit seulement opposer
l'exception
de
compensation
a
l'instance
diligentée
par l'organe
de
la
procédure. Cette solution a été consacrée lorsqu'elle intervient en période
d'observationv'". Elle ne soulève guère de problème après l'adoption d'un plan
""' Cf. Casso com.. CJ Ievr . 1988, Rev. proc. coll. \\988, p.379, cbs. CAMPAI~A tt SAINT- ALARY-HOUIN.
";" cr. Casso Cam., 8 déc. \\987, D. \\lJ87, D. 1987, Sornm., p. 75; Casso corn., i- déc, 1992. Bull. civ, IV, n'381 :
Cass. Corn, 25 mai 199:1, D. 1993 I.R.. p .. 165.
K,' Cf. M. PEDAMü~; et () CAI<MET, op. cit., pp.l27 et s. ,A. BAC et F MATHŒU, op. cit., p.ï; B. LEGRAS de
GRANDCOURT, uV cit., p.120 qui critique cene garantie uegaùve.
"44 Cf. CilSS. COl11 .. 2 mars l 993, op. cil...
"" Cr. Casso Corn., () oct. 1992, Bull. civ. [V, n°:.2lJ3; Casso Corn., :2ÜjEUlV. 1987, op. cu.
K4(, Cf. Casso corn .. :23 sept.
198\\. JCP 1981, éd. G, IV, n" 332.
"." Cf. Caxs. COHL, 2 mars 1993, op. cil.

326
de cessron et en cas de liquidation judiciaire, en raison de la déchéance du
terme8 48 .
554- Une difficulté surgit lorsque la compensation est invoquée dans le
cadre d'un plan de continuation de l'entreprise. Il avait été soutenu que les
délais de paiements imposés par le tribunal neutralisaient le jeu de la
cornpcnsatione-". Cet argument mérite d'être relativisé. Lorsque la créance
garantie est admise avant l'arrêté du plan, le tribunal ne saurait paralyser le
jeu de la compensation intervenue ultérieurement'<v. Lorsque la créance
garantie n'est pas encore admise au moment de J'adoption du plan ou
lorsqu'elle est contestée, elle fait l'objet d'une instance pendante. Les délais
arrêtés
par le tribunal aboutissent seulement à retarder le jeu de
la
compensation. Celle-ci demeure possible dans son principeeë-.
555- Au total, le mécanisme de la compensation s'offre aux créanciers
nantis sur créances et autres biens assimilés comme un mode efficace de
réalisation de leur sûreté. L'étroite relation d'affaire entre le gagiste et le
constituant plaide en faveur de l'admission d'une connexité économique entre
les différentes opérations intervenues entre les parties. Celle-ci doit être
renforcée
par
la
régularisation
entre
elles
d'un
acte
de
nantissement,
connexité juridique, elle-même complétée éventuellement par des stipulations
contractuelles particulières. Cette double connexité place les créanciers nantis
à l'abri de tout concours et d'une éventuelle évolution de la jurisprudence sur
la recevabilité de la condition de connexité. La consécration législative de la
compensation entre créances connexes laisse craindre un renforcement du
contrôle de la Cour de cassation sur l'effectivité du lien de connexité.
556- Deux mecarusrnes spécifiques au droit cambiaire améliorent
sensiblement le sort des créanciers gagistes sur effet de commerce ou
titulaires d'un warrant dans sa fonction de billet à ordre. L'évocation de ces
K"K Cf.
l.. l CJt$:=;. Art C) 1 ("\\ j l'lO.
.,.". cr. J. F. \\lUNTlèI::OCJf\\:, uv ('lI., pAbU, ,-':24.
<.u cr. C'-lSS COll]
.27 avr
i ')l)3. 0/:. (."
"1 cr. TOU!OU;'l', 22 nov ;')1)3, R('\\,. plOC. col., 1']94, p.J2, n3, ob s. SAlNT-ALARY- [-JOUIN; Amiens, 22 janv. 1993,
D. 1<)']3. p254, note J)E:j~!~JU/\\.

327
recours
dérivés
du
droit
cambiaire
démontre
à
tout
le
mOInS,
la
marginalisation des règles classiques du gage à l'ouverture d'une procédure
collective.
Section 2 : LE RECOURS AUX MECANISMES DU DROIT CAMBIAIRE
557 - La réalisation du gage portant sur les effets de commerce s'effectue
généralement par voie de compensation entre le montant des effets recouvrés
par le gagiste et les sommes qui lui sont dues8 52 . Mais le recouvrement peut
s'avérer infructueux si les effets sont retournés impayés. Bien entendu, le
banquier gagiste conserve le droit d'agir contre le tireur ou l'endosseur
constituant en vertu des rapports qui les unissent. Or, la procédure collective
ouverte par définition à l'encontre de ce dernier rend un tel recours très
aléatoire. Cependant, l'article 122 du code du commerce autorise le gagiste
endossataire à exercer tous les droits dérivant de la lettre de change. Une telle
formule revêt un caractère général. Il conviendra d'en préciser la signification
au regard de la situation du gagiste endossataire.
558- Le créancier bénéficiaire d'un
warrant, en sa qualité de porteur
d'un billet à ordre peut également se retourner contre les signataires du titre.
Les recours du change lui permettent ainsi d'éviter les aléas d'une vente
publique aux enchères ou d'une vente amiable. Ces modes d'exécution du
gage sont du reste, entravés par la procédure collective ouverte à l'encontre du
débiteur constituant.
Dans tous les cas, à l'instar de tout porteur de titre
négociable, le créancier gagiste par le seul fait de l'endossement, bénéficie
d'un droit exclusif sur la provision détenue par le tiré. Dès l'instant où elle
existe au moment de l'endossement pignoratif, elle est transmise au gagiste en
même temps que le titre. L'absence d'acceptation du tiré est sans incidence
sur l'application de l'article 122 du code de comrnerceê-".
S,',.'
CI. Supra 11'5JU d S .
."i' cr. CiiSS. CO!l1., 29 I1U\\. 1982, D.S 1983, p. 246, obs. CABRILLAC.

328
559- Dans ces conditions, la survenance d'une procédure collective
affectan t
le
tireur ou
l'endosseur constituant ne
prive
pas
le
gagiste
endossataire de la propriété de la provision. La remise de l'effet en garantie
d'une ouverture de crédit antérieure à la période suspecte cristallise ainsi la
provision el confère un droit exclusif au gagiste porteur. La créance incorporée
dans le titre devient indisponible et les organes de la procédure ne sauraient
contraindre le gagiste à se dessaisir. Ce dernier jouit de l'équivalent d'un droit
de réten tion sur les effets en sa possessionê>".
560- A l'égard du tiré, le droit du gagiste endossataire ne rentre pas
véritablement dans le champ des recours cambiairesê->. Il n'est fondé à
exercer que l'action dite de provision, celle-ci étant par définition soustraite au
gage général des autres créanciers du tireur ou l'endosseur défaillant. Le
gagiste endossataire peut également agir contre les autres coobligés du titre
dans le cadre des recours du change. Tous les signataires de l'effet ou du
billet à ordre restent tenus solidairement du montant intégral du titre. Cette
obligation de garantie fondée sur le rapport d u change persiste nonobstant le
redressement ou la liquidation judiciaire prononcé à l'encontre du tireur ou de
l'endosseur, débiteur immédiat du gagiste. A cet égard, ils ne sauraient
opposer au porteur du titre les exceptions et moyens de défense nés de leurs
rapports personnels avec le souscripteur ou les endosseurs antérieureê-".
561- Ainsi, le gagiste endossataire d'un effet de commerce et le créancier
muni d'un warrant échappent à la loi du concours grâce à l'action de
provision et aux recours du change. Dans tous les cas, même s'ils déclarent
leurs créances à la procédure, ils ne sauraient percevoir un paiement
excédant le montant de ce qui leur est dû. La déclaration de la créance
garantie ne prive pas le gagiste du bénéfice des règlements partiels opérés par
les garants du titre nanti.
- - - - - - - - - - - - - - - - -
",., cc. A. MAr~Tlf\\- SERF, L'intcrpr.-rauon extensive des sûretés... , op. ctr., p.709, 1l"64 , note 5,
H-,é
cr Ci. J~Il'ERT et [~ ],(JBLOT, Traité de droit commercial T.2, op. cit., n"203ü.
Hô<. Cf. C. C0111"
Art. 121.

329
562 -
En définitive, les gagistes sur créances ou biens assimilés
disposent d'un éventail de moyens leur permettant de contourner les règles
drastiques des procédures collectives. Néanmoins, cette protection spéciale
n'émane pas des modes d'exécution classiques du gage. Ces créanciers
découvrent dans le droit des obligations ou dans le droit cambiaire des
garanties fort efficaces qui viennent suppléer et renforcer les prérogatives
traditionnelles du gagiste. Il faut y voir la manifestation éclatante de la
diversité de l'assiette du gage, mais aussi les limites du droit des sûretés en
cas de défaillance du débiteur- constituant du nantissement. Au demeurant,
la multiplicité de ces techniques d'éviction de la règle du concours se justifie
aussi au regard des atteintes portées aux prérogatives traditionnelles des
créanciers gagistes par le droit des procédures collectives.

330
CONCLUSION GENERALE

331
563-
L'analyse et l'évolution
tant de
la jurisprudence que
de la
législation
sur
le
droit
des
procédures
collectives
n'autorisent
aucune
appréciation globale et uniforme de
la situation des créanciers gagistes
confrontés à la défaillance de leur débiteur. Elles révèlent au contraire une
très grande disparité dans le traitement qui leur est réservé. Toutefois, sans se
livrer
à
une
approche
casuistique,
des
enseignements
plus
ou moins
catégoriels peuvent étre dégagés. L'aboutissement de notre réflexion doit
nécessairement s'articuler autour des objectifs et des valeurs qui-sous-
tendent le droit des procédures collectives. Nous savons que cette matière
s'illustre par son particularisme qui déteint sur les autres branches du droit
et singulièrement le droit des sûretés. Certes, la structure d'ensemble de la
manière
subsiste,
mais
elle
évolue
forcément
au
gré
des
mutations
économiques et politiques qui véhiculent nécessairement des intérêts plus ou
moins divergents.
564- A cet égard, le législateur se doit de réaliser le meilleur quilibre
possible. Or, depuis la loi du 25 janvier 1985, la survie des outils de
production et le maintien des emplois qui s'y rattachent constituent des
valeurs suprêmes définitivemnt consacrées. La loi du 10 juin 1994 a préservé
cet axe médian apparu en 1967 et renforcé en 1985. L'affirmation de cette
double finalité économique et sociale 2 servi de fil conducteur à tout le régime
d'intégration et d'assujettissement des créanciers munis de sùretés réelles
spéciales
aux
efforts
de
rétablissement
du
débiteur
Cela
impliquait
nécessairement une réduction drastique de l'emprise jadis excessive de ces
créanciers sur le sort de l'entreprise. Dés lors, la démarche du législateur en
1985 a consisté d'une part, à en limiter le nombre, d'autre part à tempérer
leurs prétentions égoïstes qui risquaient de compromettre l'objectif prioritaire
de la loi.
565- Dar.s cette perspective, les auteurs de la réforme de 1985 ont
reconduit des regies antérieures visant à sanctionner les constitutions et les
publications jugées frauduleuses ou irrégulières de sûretés réelles spéciales
pendant la période suspecte ou après le jugement d'ouverture. Ces règles sont
anciennes. Leur réitération ne souffre aucune contestation, dès lors qu'il s'agit

332
de rétablir l'égalité originelle entre tous les créanciers du débiteur défaillant.
Cependant était-il indispensable de recourir à la nullité pour priver ces
sûretés de wute efficacité? Les nantissements constitués ou conservés dans
les
conditions
sus-évoquées
n'en
demeurent
pas
moins
généralement
conformes au droit des obligations et des sûretés, sauf peut être à rapporter la
preuve d'un vice du consentement. Au regard du droit des procédures
collectives, il convenait seulement de
suspendre leurs effets pendant le
déroulement des procédures d'apurement du passif. Une simple inopposabilité
aurait alors largement suffi pour les rendre inopérants.
566- Du reste, même lorsque la sûreté est parfaitement valable, son
existence peut être remise en causé" par l'institution de la substitution de
garantie. Cette mesure novatrice permet de différer le paiement des créanciers
nantis en leur faisant miroiter l'espoir d'une contrepartie souvent illusoire.
Dans la majorité des cas, l'équivalence exigée entre le nantissement substitué
et la garantie de remplacement ne pourra être qu'approximative. Elle porte
fatalement des germes d'insécurité et de désillusion pour les créanciers nantis
dépossédés de leur sûreté initiale. Dans tous les cas, la loi de 1985 modifie
profondément
les
conditions
de
constitution
et
d'opposabilité
des
nantissements
par
rapport
au
droit
commun.
Le
particularisme
des
procédures collectives ne saurait justifier une
telle distorsion qui place les
créanciers nantis dans une situation d'extrême précarité.
567 - Ce constat est encore accentué par la généralisation des causes et
des risques d'extinction et d'amputation des créances garanties. A cet égard,
le législateur de 1985 a déployé un arsenal de mesures sans précédent,
faisant ainsi preuve d'une extraordinaire ingéniosité afin de réduire le passif
du débiteur défaillant. La situation des créanciers nantis est alignée sur celle
des créanciers chirographaires et ceux munis de privilèges généraux au nom
d'une égalité de traitement qUI confine à la négation quasi-systématique des
sûretés
réelles
spéciales.
La
mesure la plus
soectaculaire
réside
dans
l'application des délais uniformes de paiement à l'ensemble des créanciers qui
ri'oru pas souscrit aux propositions initiales des organes de la procédure lors
de l'élaboration du plan de continuation. L'adoption de ce plan peut du reste,

333
s'accompagner de réductions plus ou moins diffuses ou extorquées des
créances garanties en contrepartie d'un paiement plus immédiat. Or, aucune
disposition de la loi ou du décret de 1985 n'en détermine les modalités.
568- La doctrine avait dénoncé 12. marginalisation des creanciers
évincés de toute décision sur l'issue de la procédure et souvent soumis à des
délais de paiement exagérément allongés. Sur ces deux points, la loi du 10
juin 1994 apporte certaines améliorations. Les créanciers sont maintenant en
mesure de solliciter la résolution du plan si le débiteur n'exécute pas ses
engagements dans les délais fixés par le tribunal. La durée maximale du plan
a été limitée à 10 ans. De plus, le rôle des contrôleurs s'est accru, ce qui
atteste
de
la restauration
des
pouvoirs des
créanciers désormais plus
étroitement associés à l'issue de la procédure. Les contrôleurs sont ainsi
consultés sur le rapport de l'administrateur dans lequel il dresse le bilan
économique et social de l'entreprise et suggère la solution de la procédure. La
loi du 10 juin 1994 diminue également les risques d'extinction des créances
garanties en cas de déclaration tardive des créanciers titulaires d'une sûreté
soumise à publicité. La forclusion ne leur sera plus applicable s'ils n'ont pas
été personnellement avertis par le représentant des créanciers. Un regret
cependant, cette mesure de faveur aurait dû être étendue à l'ensemble des
créanciers connus visés à l'article 66 du décret. La jurisprudence devrait
réparer cette injustice en prononçant plus facilement à leur égard le relevé de
forclusion.
569- Certes, ces aménagements améliorent sensiblement la situation
de nombreux créanciers nantis, mais la principale critique adressée au régime
de 1985 résidait dans l'absence de paiement effectif des créanciers. Cette
spoliation résultait, pour l'essentiel, de la multiplication des privilèges et
autres droits de priorité ou d'exclusivité qui affaiblissent considérablement
illusoire
le
droit
de
préférence
de
nombreux créanciers
nantis.
Cette
rétrogradation générale des sûretés réelles classiques avait été dénoncée
comme
l'une
ces
conséquences
des
égards
particuliers
accordés
aux
créanciers de l'article 40 de la loi. Dès lors,:e texte a suscité les critiques
récurrentes de la doctrine et des profesiormeis du crédit, souvent titualires de

334
nantissements constitués avant l'ouverture de la procédure collective. Des
voies se sont élevées de toutes parts pour préconiser le rétablissement de la
primauté des créanciers munis de sûretés réelles spéciales sur les créanciers
postérieurs. Les auteurs de la loi du 10 juin 1994 en ont adopté le principe.
Néanmoins, cette restauration du rang de ces créanciers, présentée comme
l'un des thèmes centraux de la réforme, n'a eu qu'une portée fort limitée. Elle
n'a été admise qu'au stade de la liquidation judiciaire. Ce qui mérite d'être
approuve.
La
procédure
de
liquidation
judiciaire
marque
l'echec
ou
l'impossibilité de tout redressement qui justifiait la prime accordée aux
créanciers qui financent la poursuite de l'exploitation.
570- En revanche, il est difficile de comprendre pourquoi le législateur
du 10 juin 1994 n'a pas amélioré le rang de tous les créanciers nantis,
dépourvus du droit de rétention. Il s'est borné à favoriser le créancier nanti
sur matériel et outillage. Une telle discrimination laisse pantois et ôte tout
véritable intérêt à la motification de l'article 40 de
la loi.
D'ailleurs, la
« diabolisation » de ce texte paraît excessive. Les créanciers nantis sont dans
tous les cas supplantés par le super-privilège des salaires qui garantit souvent
des sommes considérables.
571- La loi de 1994 n'a nullement atténué le laminage des prérogatives
des créanciers nantis. Ces derniéres sont altérées au moment même ou elles
devraient
procurer
un
supplément
de
protection
aux
créanciers.
La
sauvegarde
de
l'entreprise justifie
encore
cet
affaiblissement des
effets
classiques des sûretés réelles, qu'il s'agisse du droit de préférence ou du droit
de suite. Au demeurant, faute de jouir pleinement comme avant 1967 de leur
droit de poursuite individuelle, les créanciers gagistes ne disposent plus que
de prérogatives
théoriques dont l'exercice est largement entravé. L'amertume
légitime des créanciers nantis, dépouillés de l'essentiel de leurs prérogatives,
aurait été beaucoup plus supportable si, d'une part, les sacrifices qui leur
sont imposés débouchaient effectivement sur le redressement de l'entreprise,
d'autre pan, si ceux-ci avaient été équitablement répartis entre tous les
bénéficiaires de garanties de paiement.

335
572
- Or,
sur ces deux points,
la
loi de
1985 brille
par ses
contradictions et ses incohérences. A. côté des dispositions favorables au
sauvetage de l'entreprise, le législateur aménage un régime préférentiel au
profit des créanciers demeurés propriétaires des biens utilisés par le débiteur.
Ainsi, avant même d'entrevoir ses chances de redressement, l'entreprise est
privée de l'essentiel de ses actifs grâce aux Techniques juridiques reposant sur
le droit de propriété, de sorte qu'elle est totalement exsangue au moment de
l'ouverture de la procédure. Le droit des procédures collectives s'incline devant
le droit de propriété qui demeure l'une des valeurs cadinales de notre système
de protection juridique et constitutionnelle. Dans la grande majorité des cas,
l'objectif du sauvetage de l'entrepris reste un vœu pieu. Plus de 90% des
procédures ouvertes jusqu'en
1994, étaient clôturées par la liquidation
judiciaire. Cette tendance liquidative qui consomme l'echec de l'orientation
adoptée en 1985, va sans doute encore s'amplifier. En effet, le législateur de
1994 a généralisé l'usage de la clause de r-éserve de propriété aux biens
fongibles. 11 a par ailleurs assoupli les conditions d'exercice des actions en
revendication et en restitution des biens acquis par le débiteur sous réserve
de propriété du vendeur ou en crédit- bail.
573- Il convient sans doute de souligner dès à présent, souligner le sort
particulièrement enviable réservé au gagiste rétenteur. Il est vrai que l'usage
du droit de rétention, arme essentiellement défensive, peut parfaitement
s'accomoder des exigences du redressement judiciaire dans la mesure où les
protagonistes
des
procédures
collectives
se
prêtent
volontiers
à
une
négociation avisée et équilibrée. La liberté contractuelle, sous contrôle du juge
commissaire, permet de débloquer les biens o"LI les marchandises retenus tout
en assurant le paiement progressif du gagiste. Ce n'est pas le moindre des
paradoxes du droit des procédures collectives que de gratifier les créaniers
bénéficiant de garanties rudimentaires ou brutales, alors que les titulaires de
sûretés plus perfectionnées sont les cibles privilégiées des mesures de
défiance du législateur. Comme l'a justement souligné un auteur « à quoi sert

336
la
ngueur
contre
les
sûretés
traditionnelles
lorsque
des
échappatoires
existen t? ,,857.
574- Néanmoins, les créanciers nantis non-rétenteurs trouveront un
motif de consolation et, donc, d'espoir dans les mesures d'allègement du
passif prioriLaire introduites par le législateur de 1994. Ainsi, pour éviter les
poursuites d'activités déficitaires, la durée de la période d'observation a été
limitée et son renouvellement enfermé dans des conditions étroitement
définiesê>".
Les
fournisseurs
de
la
période
d'observation
recevront
un
paiement comptant. Avant de s'engager, l'administrateur doit s'assurer qu'il
dispose des fonds nécessaires. A défaut, le contrat est susceptible d'être résilié
et la procédure convertie en liquidation judiciaires>". Celle-ci pourrait être du
reste, prononcée immédiatement lorsque l'activité du débiteur a cessé ou en
cas d'impossibilité manifeste de tout redressement de l'entreprise. A cet égard,
le législateur a fait preuve de réalisme .. Il vaut mieux hâter la disparition
d'entreprises dont le sort est déjà scellé au moment du dépôt du bilan, plutôt
que de s'acharner à essayer en vain de les sauver a'JCC le risque de provoquer
des faillites en chaîne.
575- Le législateur de 1985 avait envisagé de préserver le potentiel
économique des entreprises en difficulté er; limitant les droits et prérogatives
des créanciers munis de sûretés. Le législateur de
1994 a pris acte de
l'insuffisance
et
de
l'illusion
d'une
telle
orientation.
Il
a
compléter
opportunément le régime institué en
1985 notamment en renforçant la
protection de certains créanciers nantis. Au demeurant, la restauration des
droits des gagistes avait été amorcée par la jurisprudence. La Cour de
cassation avait d'abord étendu la faculté d'attribution judiciaire à l'ensemble
des créanciers nantis, à défaut de dispositions spccialcs'<v, De plus, malgré
une controverse nourrie, le mécanisme de la compensation entre dettes
connexes avait été admis par la jurisprudence sous l'empire de la loi de
H." cr. l'll
THEJ-<Y, Slirct( cc publiciré roncière, ('V cit., n'332.
H',H Cf. lJécr. 1')85.1\\1'1. JO. :31. 1er.
H,', Cf. B. U::MISTJ~F: Cl ,].L. MI::[-<C1S1~. Le nouveau ]'('",,/1W de 1,1 ccntinuauon .ies rontrats. Article 37 de la loi du 25
janvier J985, P.A. H se:n1994:) n'lIa, p.55.
R"n Cf. Casso C0111., G mars 1990, op. Cil.

337
19850 () 1. Il vient d'être expressément entériné par le législateur de 1994. Les
créanciers nantis sur créances ou bien assimilés disposent là d'un moyen
efficace pour contourner la loi du dividende.
576- La loi du 10 juin 1994 a également généralisé la règle du transfert
des sûretés au cessionniaire de l'entreprise à l'ensemble des créanciers nantis
ayant permis l'acquisition du bien grevé. La mesure, jadis réservée au seul
créancier sur matériel et outillage, profite maintenant au créancier nanti sur
fonds de commerce qui se contentait jusqu'à présent d'un droit de préférence
particulièremnt inéfficace. La règle du tranfert des sûretés confère ainsi une
sorte de « droit de suite» aux créanciers nantis sur la continuation de
l'exploitation. Ces derniers parviennent à éluder la loi du concours.. La
jurisprudence avait déjà amorcé le reclassement du gagiste de droit commun
dans le cadre du droit antérieur. Elle est à l'origine du mécanisme du report
du droit de rétention sur le prix, en cas de réalisation forcée du bien grevé.
Elle compensait ainsi l'atteinte portée à la possession du gagiste. Cette
solution a été expressément consacrée par la loi de 1985. Le gagiste rétenteur
bénéficie en outre, et semble-t-il, même après l'adoption d'un plan de
continuation de l'entreprise de la règle du retrait du bien grevé en contrepartie
d'un paiement exclusif.
577- En toute hypothèse, Le gagiste rétenteur jouit d'un traitement
execeptionnel qui le place à l'abri de la règle du concours. Dès lors, le droit de
rétention est devenu une arme redoutable qui suscite la convoitise des autres
créanciers nantis. A cet égard, seul le gagiste sur véhicule automobile s'est vu
reconnaître
de
façon
incontestable
un
droit
de
rétention
fictif.
La
jurisprudence a pu s'accornoder d'une telle fiction de possession pour fonder
la primauté du gagiste sur véhicule automobile sur les créanciers privilégiés,
dépourvus de tout pouvoir matériel sur ledit véhicule. En revanche, lorsque le
gagiste est opposé au réparateur ou conservateur, détenteur effectif de
l'automobile gagée, la prééminence de ce dernier a mis en évidence les limites
de la dématérialisation du droit de rétenton.
Hl>! Cf. \\' Lf<:CAKNu, J.M. LUCHEUX, M. PIT1~ON, J.P. SE:'JECHilL, Entreprises en difficulté- Prévention-
Redre':i':ic!TIent el L.iquidmion Judiciaires, op. cit., n" 1336 & 1341.

338
578- Face à l'ampleur des atteintes portées à leurs prérogatives
traditionnelles les créanciers nantis tentent de se prémunir aux mieux de
leurs intérêts. Il en résulte un éclatement des techniques de réalisation du
gage.
Cette
multiplication
des
mécanismes
«d'éviction
de
la
règle
du
concours » traduit
en réalité une fuite en avant face aux dispositions
contraignantes du droit des procédures collectives. Elle témoigne aussi de la
marginalisation croissante des règles classiques du droit des sûretés. Or
l'inéfficacité, somme toute relative des gages sans dépossession, permet de
s'interroger sur leur survie face notamment à l'expansion des garanties
fondées sur le droit de propriété. Celles-ci sont de plus en plus considérées
comme des substituts, des palliatifs à la précarité actuelle des sûretés réelles
spéciales. Ce pronostic mérite cependant d'être nuancé. Une bonne sûreté doit
concilier deux impératifs spécialement en cas de défaillance du débiteur.
D'une part, elle ne doit pas compromettre abusivement le sauvetage de
l'entreprise, d'autre part, elle doit assurer la meilleure des protections au
créancier.
579- Or, l'exercice des actions en revendication vide l'entreprise de ses
forces vives. Dès lors, les garanties fondées sur le droit de propriété peuvent
faire échouer toute tentative de redressement de l'entreprise, alors que les
bénéficiaires de sûretés réelles spéciales subissent le moratoire imposé par le
jugement douverture. Ces garanties présentent ainsi (1 un aspect draconien,
impitoyable et c'est sans doute en cela qu'elles manifestent un certain (1
primitivisrne »: tout d'un côté et rien de l'autre ))862. 11 est clair que les
garanties-propriété d'apparition récente, ont été conçues dans un souci de
surprotection des créanciers qui en bénéficient. Néanmoins, elle demeurent
d'une éfficacité aléatoire à
telle enseigne qu'il n'est pas certain qu'elles
recueillent durablement les faveurs des milieux d'affaires. Certes, l'action en
revendication ou en restitution des biens sous réserve de propriété ou sous
crédit- bail a été facilitée, mais elle n'est pas toujours possible et comporte des
risques. Nous avons vu qu'elle pouvait être anéantie par le jeu de l'article
- - - - - - - - - - - _ . _ - -
H(., CF. M. /\\NCEL. Nouvelles sûretés pour créanciers écr.audé s, op. cu., p.ô:

339
2279 du code civil. L'attribution judiciaire du bien grevé empêche également le
créancier propriétaire d'exercer son droit: de revendication.
580- Au surplus, il est souvent malaisé dans la pratique de réaliser
l'opération tripartite consistant dans la subrogation du banquier, prêteur de
deniers dans les droits du vendeur à crédit. Il est vrai que le formalisme allégé
des
clauses
de
réserve
de
propriété
est
l'une
des
causes
de
leur
développement.
Mais
les
règles
de
constitution
et
de
publicité
des
nantissements sur matériel et outillage ou sur fonds de commerce constituent
une sécurité tant pOLIr les tiers que pour les créanciers nantis eux-mêmes. Il
est, en outre, des hypothèses dans lesquelles la revendication du matériel
n'est pas commode. Le prix d'enlèvement ou de transfert du bien peut s'avérer
prohibitif. Du reste, une fois en possession dudit bien que va en faire le
vendeur. 11 peut
certainement le revendre. Mais, s'agissant de matériels
souvent usagés, ils entrent en concurrence avec des matériels neufs. Dès lors,
le risque commercial de mévente peut excéder notablement le risque financier
lié au maintien dudit bien dans le cycle de production de l'entreprise.
581- De plus, l'action en revendication contraint le vendeur à restituer à
l'acquéreur ou au prêteur des deniers les accomptes déjà versés ainsi que les
intérêts du capital payés au titre du prêt863 . Le vendeur peut cependant
compenser ces acomptes avec sa créance de dommages et intérêts, dès lors
qu'il a déclaré celle-ci en temps utile. L'exigence de connexité entre ces deux
créances est ici parfaitement satisfaiteê>'. D'ailleurs, l'administrateur peut
désintéresser immédiatement le vendeur s'il souhaite disposer du bien grevé.
La situation du vendeur est alors enviable. Du reste: ce dernier peut consentir
des délais de paiement. Il bénéfiera alors de la priorité de paiement instituée
par l'article 40 de la loi de 1985. Dans celte hypothèse, il peut être primé par
le
créanier
nanti
sur
matériel
et
outillage
en
cas
de
conversion
du
redressement judiciaire en liquidation. Dans tous les cas, l'administrateur doit
",,1 cr Bordeaux, l ï lev!" 1090, D.S. 1991, p. 191, nore ?EROC}-]()!'\\ : Sur l'ensemble de la question, P. LECANNU, .J.
M. LUCHEUX, H. !-'ITlW'\\, J.P. SENECHAL, op. cit., n01306 .
.,"" Cr. F. PI':I~OCH()"', t.a :·evf'miicaI.10Il favorisée, op. cit., p. :154, n023.

340
disposer des fonds nécessaires pour payer le crèancier-prcpriétaireëv>. A
défaut, ce dernier doit revendiquer le bien avec les inconvénients ci-dessus
exposés. 11 est donc hâtif de prédire que la réserve de propriété s'imposera â
terme
comme
garantie
de
substitution
aux
gages
portant
sur
des
marchandises ou des biens d'équipement et d'exploitation.
582- En revanche, le crédit-bail semble voué à un venir prometteur. En
cas de procédure collective, le crédit-bailleur ne sera cependant remboursé
que pour les loyers à échoir lorsque le contrat est poursuivi dans les
conditions fixées à l'article 37 de la loi. En cas de résiliation du contrat, le
crédit-bailleur conserve les loyers précédemment perçus. Cette résiliation
portant sur un contrat à exécution successive opère sans rétroactivité. La
résolution du contrat de vente produit ses effets classiques, autrment dit
débouche sur la restitution du bien. Mais, le crédit-bailleur peut en faire
supporter les conséquences par le crédit-preneurêv''. Dans cette logique, Il est
possible de stipuler une clause appropriée mettant à la charge du crédit-
preneur les frais relatifs à la restitution du bien. En cas de résiliation, le crédit
-bailleur peut en
outre,
stipuler que
le locataire devra lui régler des
dommages- intérêts en cas d'inexcution ou de mauvaise exécution du contrat
de ven te 86 7 .
Néanmoins, les opérations de crédit-bail concernent dans la pratique
des affaires principalement des matériels à très haut rendement ou à forte
valeur ajoutée.
Ce qui explique sa fonction de garantie essentiellement
financière. Il peut certes, porter sur l'ensemble du fonds de commerce depuis
la loi na 86-12 du 6 janvier 198686 8 , mais il n'est pas certain qu'il se substitue
entièrement au nantissement de la loi de 1909. Le crêdit-bail sur fonds de
commerce est assez complexe à mettre en œuvre. Son efficacité dépend de
l'exploitation dudit fonds.
Ce qui compone des risques en cas de défaillance
du crédit-preneur.
De plus, Il ne présente aucune véritable autonomie
juridique et économique par rapport aux règles relatives à la vente ou à la
Hl,:; cr. F. PEROCHOl\\, La revendication favorisée, op. cit., p.254, n"21 et 22 .
.,,," cr. Casso Ch. Mixte, 23 nov. 1990 (3 arrets), D. S, 1991. p,lS1, note LARROUMET.
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341
location -géranceëv''.
Il
faut
y
VOl[
la
principale
raison
de
son
timide « décollage» dans la pratique des affaires.
583- Plus nettement, la cession de créances par VOle de bordereau
DAILLY est en mesure de
supplanter les nantissements classiques sur
créances. Elle confère une situation « d'exclusivité" au créancier en cas de
défaillance du débiteur. Elle a été étendue aux créances relatives à des
marchés publics. Dès lors, les organismes financiers abandonnent volontiers
la formule traditionnelle du nantissement sur marchés publics dont on avait
déjà
remarqué
le
dépérissement.
Cependant,
ce
nantissement
pourrait
connaître un nouvel essor si le créancier nanti disposait de
la faculté
de
demander l'attribution judiciaire de la créance nantie.Les arrêts du 6 mars
1990 suggèrent cette solution. Au demeurant, l'article 190 du code des
marchés publics modifié par le décret du 3 décembre 1985 ne prévoit plus le
droit d'opposition des créanciers privilégiés qui subordonnait avant ce texte, le
paiement direct du créancier nanti. Ce droit d'opposition fondait en outre,
l'exclusion de la faculté d'attribution judiciaire au profit du créancier nanti.
Dès lors, la nouvelle rédaction de l'article 193 du code des marchés publics
militerait en faveur de
l'extension de cette prérogative aux titulaires de
nantissements sur marchés publics. Mais, sur ce point, la discussion reste
ouverte.
584-
Le
recul
des
droits
des
creanciers nantis explique,
pour
l'essentiel, cet engouement pour les garanties reposant sur la propriété. Mais
en l'état actuel de la pratique des affaires, les professionnels du crédit ne se
sont pas massivement orientés vers ces mécanismes de protection au point de
renoncer aux classiques nantissements. Toutefois, le
droit des sûretés ou
plus globalement des garanties de paiement mérite d'être
repensée en
profondeur.
Sa
configuration
dans
les
prochaines
années
cristallise
actuellement une importante réflexion juridique. A cet égard, la doctrine
s'interroge sur une éventuelle généralisation des garanties fondées sur le droit
de propriété, l'une des étapes de cette révolution envisagée réside dans la
,.." Cf C;. UALJBLUN, (juelquc's re marque s fi propos du crcc.r -b.ul s.rr fonds de commerce (Ici n''86-12 du 6 janvier
198Cl), Rep. UN;'C'nois l')S("
l"~"~ Parue, Put. 33718, p.()25.

342
consécration projetée de la fiducie-sürcté. Une autre conception plus ancienne
envisage plutôt le recours à l'hypothèque mobilière.
585 - La prerrnere orientation s'inspire de l'expérience allemande,
même si elle est en partie remise en cause dans ce pays870. La seconde
rappelle le modèle américain du security lnterest"?', Entre ces deux voies
laquelle choisir? Il est indéniable, qu'en favorisant l'exercice des clauses de
réserve de propriété et le recours au crédit-bail, le législateur de 1994 a
semblé accorder sa préférence à la première orientation. La généralisation de
l'hypothéque mobilière ne semble pas pas à l'ordre jour. Cependant, le projet
de loi sur la fiducie n'a pas encore été soumis à la discussion du parlement.
Son adoption se heurte aux réticences du Ministère du Budget qui redoute
que cette opértion n'encourage l'évasion ûscales"-.
Or, dans le même temps,
la loi de 1994 a réaffirmé la préeminence du gagiste réteriteur.
Ainsi, en dehors même de toute réforme d'envergure, le droit des
sûretés se reconstruit subrepticement autour du droit de rétentions"> et du
droit de propriété. Dès lors, le législateur ou la jurisprudence gagnerait à
étendre le droit de rétention à l'ensemble des gages sans dépossession. Cette
évolution n'est pas seulement dictée par des considérations d'équité et de
cohérence.
Elle
se justifie aussi
par la
généralisation
des
gages sans
dépossession en droit positif et l'émergence de nouvelles figures de gage
portant notamment sur des biens incorporels. Certes, la fiction transcenderait
la réalité et susciterait les critiques les plus acerbes des auteurs hostiles à la
dématérialisation
du
droit
de
rétention,
mais
la
survie
de
certains
nantissements est peut-être à ce prix. A défaut, bon nombre de gages sans
dépossesion
deviendront
« des
pieces
de
musée »
étudiées
en
Faculté
uniquement pour leur gloire historique.
XC<
cr DUCOULOUX· FAVAJ~D, Le transfert dt' propr.éu-. objet du contrat cie ve-nte en droit français, allemand et
italien, Il.A. 27 avr. 1990, p.21.
"" Cf. D, LEGEA1S, Les garanties conventionnelles sur créances, op. cit., n0530 à 564; Ph. SUMEIRE, Thèse, op. cit.,
n0554.
x7:'
Un projet de loi instituant la fiducie a été adopté en conseil des rmnistre s lé' 19 février 1992, Cf. Rep. Défrénois
1992 pJl.36-+·379. SUI' IR question, C. WITZ, Réflexion sur la fidu cie- sureté , .JCP 1993 éd. E, n"18, p.231.
x7-. Mè m e si le droit de rét enr.ion autonome n'est pas con s.dére cornrr;e une véritable sùreté.

343
587 - En définitive, Juin 1994 n'aura été que « le printemps» du
nantissement sur matériel et outillage. La réitération normative du sort
enviable
du
gagiste
rétenteur était
inutile.
Elle
a
seulement eu
pour
conséquence d'alimenter une nouvelle controverse sur le maintien ou non de
la règle du report du droit de rétention sur le prix de cession des biens gagés.
Les
innovations
introduites
par
le
législateur
de
1994
revêtent,
pour
l'essentiel, un caractère symbolique et technique. La grande réforme du droit
des procédures collectives n'a pas été entreprise. La loi du 10 juin 1994 laisse
une impression d'inachevé doublée d'une incohérence notoire. Ses promoteurs
ont voulu satisfaire des intérêts catégoriels. Le résultat final, fruit d'un
compromis hâtif, traduit l'absence d'une vision globale, qui eut été nécessaire
pour accomplir la
révolution tant attendue: c'est donc à une réflexion
d'ensemble que doivent s'atteler les chercheurs. La reconstruction du droit
des sûretés et le véritable équilibre des procédures collectives constituent les
deux axes de ce nouveau défi.

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INTRODUCTION GENERALE
5
PREMIERE PARTIE
L'ASSUJETISSEMENT DES CREANCIERS GAGISTES
A LA PROCED URE CO LLECTIVE
23
TITRE 1 :
LA MULTIPLICATION DES CAUSES D'EXTINCTION DU GAGE
26
Chapitre 1 :
L'ANNULATION DU GAGE
28
Section 1 :
ANNULATION DU GAGE CONSTITUE OU PUBLIE PENDANT
LA PERIODE SUSPECTE
29
§l.
Les constitutions suspectes de gage
30
AI La condition commune aux deux types de nullité
31
1 0
Constitution et inscription du nantissement
2 0 Constitution du gage et remise de l'objet grevé
34
BI La nullité de droit
36
CI La nullité facultative
38
§2.
Les nantissements publiés ou inscrits pendant
la période suspecte
39
AI La nullité de principe des inscriptions conservatoires
prises en période suspecte
40
BI La validité de l'inscription complémentaire prise en
période suspecte
41

§3.
La mise en œuvre de l'action de nullité
43
AI Les modalités d'exercice de l'action en nullité
43
1
Les demandeurs
0
à l'action en nullité
2 0 L'absence de délai pour agir en nullité
44
BI Les effets de la nullité
45
Section 2:
L'ANNULATION DU GAGE CONSTITUE OU PUBLIE APRES
LE JUGEMENT D'OUVERTURE
47
§l.
La prohibition de principe de toute constitution et
inscription de nantissement après le jugement
d'ouverture
49
AI La prohibition des constitutions de nantissements
postérieures au jugement d'ouverture
BI L'interdiction des inscriptions de nantissement après
le jugement d'ouverture
50
1
Le domaine de l'interdiction
0
2 0 La sanction de l'interdiction
53
§2.
L'exception à la prohibition des constitutions de
nantissements postérieures au jugement
d'ouverture
56
§3. Tempéraments à la règle de l'interdiction des inscriptions
après le jugement d'ouverture
58
AI La validité non-constestée de certaines inscriptions de
nantissement prises après le jugement d'ouverture
BI La validité controversée de certaines inscriptions de
nantissement postérieures au jugement d'ouverture
59
1
Les inscriptions compémentaires de nantissements
0
judiciaires provisoires
60

2 0 Les inscriptions prises en garantie d'intérêts
à échoir après le jugement
62
Chapitre 2 :
LA SUBSTITUTION AU GAGE D'UNE GARANTIE
EQUIVALENTE
64
Section 1 :
LA SUBSTITUTION DE GARANTIE: UNE GRAVE ATTEINTE
A L'EXISTENCE DU GAGE
65
§l. Les caractères de la substitution de garantie
66
AI La substitution de garantie, une mesure
à finalitè économique
66
BI La substitution de garantie, une mesure
judiciaire impérative
68
1 0 Initiative et décision de la substitution de garantie
2 0 Les recours contre la décision de substitution
de garantie
70
§2. Les nantissements visés par la substitution
de garantie
72
AI La soumission des gages sans dépossesion
73
à la substitution de garantie
BI La soumission constestée du gage avec dépossession
à la mesure de substitution de garantie
74
Section 2 :
LA SUBSTITUTION DE GARANTIE, UNE ATTEINTE ATTENUEE
PAR L'OCTROI D'UNE GARANTIE EQUIVALENTE
76
§l. Les critères de détermination de l'équivalence entre la sûreté
initiale et la garantie de substitution
77

AI Les critères juridiques
77
BI Les critères économiques
78
§2. Les résultats de la mise en œuvre
des critères d'équivalence
79
AI L'octroi d'une garantie réelle
80
BI L'octroi d'une sûreté personnelle
82
Chapitre 3 :
LA SOUMISSION DES CREANCES GAGISTES A LA PROCEDURE
DE DECLARATION ET DE VERIFICATION DES CREANCES
85
Section 1 :
L'OBLIGATION DE DECLARER LA CREANCE GARANTIE
DANS LES DELAIS LEGAUX
86
§ 1. La rigueur des délais de déclaration
86
AI Le délai de déclaration des créances
87
1 0 Les créanciers gagistes concernés par l'avertissement
du représentant des créancier~
.
88
2 0 Le point de départ du délai de déclaration
90
BI Le délai de l'action en relevé de forclusion
91
CI La rigueur de la sanction de l'inobservation
des délais
92
§2. Tempéraments à la rigueur des délais
94
AI Le relevé de forclusion
94
BI L'inopposabilité de la forclusion encourue par le gagiste
non averti par le représentant des créanciers
97

CI La mise en jeu de la responsabilité du représentant
des créanciers
99
Section 2 :
L'ETENDUE ET LE CONTENU DE L'OBLIGATION
DE DECLARATION DE LA CREANCE GARANTIE
§l. La déclaration de la créance garantie
101
§2. La nécessité d'indiquer le caractére privilégié
de la créance garantie
104
TITRE 2:
L'ATTEINTE A LA VALEUR ECONOMIQUE DES CREANCES
108
GARANTIES
Chapitre 1
LA SOUMISSION DES CREANCIERS GAGISTES A LA REGLE
DES POURSUITES INDIVIDUELLES
110
Section 1 :
ETENDUE ET PORTEE DE LA REGLE DE L'ARRËT DES
POURSUITES A L'EGARD DES CREANCIERS GAGISTES
111
§l. L'arrêt des poursuites résultant du jugement
de redressement judiciaire de l'entreprise
112
AI Les gages concernés par la règle de l'arrêt
des poursuites
113
BI Les actions visées par la règle de l'arrêt
des pousuites
116
1 0 Le nouveau régime des instances en cours

à l'ouverture de la procédure
116
2 0 L'interdiction de toute action en résolution
117
3 0 L'arrêt des voies d'exécution
118
§2. L'arrêt des poursuites résultant du plan de redressement
judiciaire de l'entreprise
121
AI L'arrêt des poursuites au cours de l'exécution
du plan de continuation de l'entreprise
BI L'arrêt des poursuites après l'adoption
d'un plan de cession de l'entreprise
122
§3. L'extension de l'arrêt des poursuites en période
de liquidation judiciaire
123
Section 2 :
LE RETABLISSEMENT EXCEPTIONNEL DU DROIT DE
POURSUITE DES CREANCIERS NANTIS
126
§l. La reprise des poursuites fondée sur le non-respect
des délais fixés par le plan de continuation
126
§2. La reprise des poursuites à la clôture de la procédure
pour insuffisance d'actif
128
§3. La reprise des poursuites fondée sur l'inertie
du liquidateur
130
Chapitre 2
LA REDUCTION DE LA CREANCE GARANTIE
133
Section 1 :
L'EXTENSION DE LA REGLE DE L'ARRËT DU COURS DES
INTERETS DES INTERËTS AUX CREANCIERS GAGISTES
134
§l. Le principe de la règle de l'arrêt du cours

des intérêts
134
AI Le fondement de la règle de l'arrêt du cours des intérêts
145
BI Les conséquences de la règle de l'arrêt du cours
des intérets
136
§2. La poursuite exceptionnelle du cours
des intérêts
137
Section 2 :
L'APPLICATION DES DELAIS DE PAIEMENT AUX CREANCIERS
GAGISTES
140
§l. Le caractère impératif des délais judiciaires
de paiement
142
AI Consultation préalable et accord des créanciers gagistes
sur les propositions de règlement du passif
142
BI La soumission des créanciers nantis aux délais
uniformes de paiement
146
§2. Tempéraments à l'application des délais impératifs
de paiement
148
AI Paiement anticipé et réduction proportionnel
149
de la créance garantie
BI Paiement anticipé et réduction de la créance garantie
en cas d'aliénation du bien grevé
150
DEUXIEME PARTIE
L'AMENAGEMENT DES MECANISMES DE PROTECTION
DES CREANCIERS GAGISTES
155
TITRE 1 :
LES RESTRICTIONS A L'EXERCICE DES PREROGATIVES
CLASSIQUES DES CREANc.:.~.~~.~...9.~9~.?!.~.~
159

BI La survie du gage avec dépossession en cas de cession
globale de l'entreprise
185
Section 2 :
LA PORTEE LIMITEE DU DROIT DE PREFERENCE
DES CREANCIERS GAGISTES A L'OUVERTURE
D'UNE PROCEDURE DE CONCOURS
188
§l. Le concours avec les créanciers bénéficiant
d'une priorité quasi-absolue
190
AI La primauté des salariés super -privilégiés et des créanciers
postérieurs en période de redressement judiciaire
193
1 0 Une priorité de paiement en période d'observation
2 0 Un rang prioritaire en cas de cession des biens gagés
195
BI Le maintien de la primauté en période de liquidation judiciaire
de la primauté de principe des créanciers super-privilégiés
sur les créanciers nantis
198
1 0
Super-privilège et gage assorti du droit de rétention:
199
les incertitudes de la loi du 19 juin 1994
2 0 Le rang de l'AGS subrogée dans le super-privilège
des salariés
204
CI Le rétablissement de la primauté de certains créanciers
gagistes sur les créanciers postérieurs
,206
1 0 La portée limitée de la primauté des créanciers gagistes
sur les créanciers postérieurs
208
2 0
La primauté contestée des gagistes en cas de conversion
du redressement en liquidation judiciaire
214
§2. Le concours avec et le bénéficiaire d'une clause
de réserve de propriété
219

AI La primauté du gagiste fondée sur l'article
2279 du code civil
220
1
La possession invoquée par le gagiste
0
221
20 La bonne foi du gagiste
223
BI La primauté du vendeur sous réserve de propriété
224
1 0 La preuve de la mauvaise foi du gagiste rétenteur
225
2 0 La primauté de principe sur les gagistes nonrétenteurs
229
§3. Le concours avec le conservateur de la chose gagée
234
AI Droit de préférence du gagiste et privilège du conservateur
de la chose gagée
235
BI Droit de rétention fictif du gagiste et droit de rétention
réel du réparateur de la chose gagée
237
1
La primauté du garagiste réparateur sur le gagiste
0
sur véhicule automobile
238
2 0 Tempéraments à la primauté de principe du garagiste
réparateur
240
Chapitre 2
LES RESTRICTIONS A L'EXERCICE DU DROIT DE SUITE
243
Section 1 :
LA PARALYSIE DU DROIT DE SUITE
245
§l. La paralysie totale du droit de suite
246
AI La suspension du droit de suite
BI L'extinction du droit de suite
249
§2. L'admission en doctrine de la faculté

de faire surenchère
252
Section 2 :
§l. Dans la phase de redressement judiciaire
256
§2. En période de liquidation judiciaire
258
AI Dans le cadre de la cession d'unité de production
259
BI En cas de vente de gré à gré des biens grevés
263
TITRE 2 :
L'ECLATEMENT DES MODES DE REALISATION DU GAGE
266
Chapitre 1
LES MODES DE REALISATIONS DU GAGE
AVEC DEPOSSESSION
268
Section 1 :
LE RETRAIT DU GAGE
269
§l. Les conditions générales du retrait du gage
270
§2 . Les hypothèses de retrait expresément prévues
par la loi
271
AI Le retrait justifié par la poursuite de l'activité
en période d'observation
BI Le retrait du gage en période de liquidation
judiciaire
274
§3. Les incertitudes sur l'application du retrait du gage après
l'adoption d'un plan de redresssement judiciaire
275
AI Retrait du gage et plan de continuation de l'entreprise

BI Retrait du gage et plan de cession de l'entreprise
Section 2 :
LE REPORT DU DROIT DE RETENTION SUR LE PRIX
DE LA CHOSE GAGEE
276
§l. La nature du report du droit de rétention sur le prix
de cession des biens grevés
278
§2 . Les effets du report du droit de rétention sur le prix
de cession des biens grevés
281
Chapitre 2
LES MODES DE REALISATION ETENDUS OU SPECIFIQUES
AUX GAGES SANS DEPOSSESSION
283
Section 1 :
L'ATTRIBUTION JUDICIAIRE DU GAGE
284
§l. L'attribution judiciaire: prérogative à vocation générale
AI L'admission de principe de l'attibution judiciaire du gage en
l'absence de dispositions spéciales contraires
285
BI L'admission incertaine de l'attibution judiciaire
du gage
287
1
Le nantissement sur marché public
0
2 0 Le gage sur véhicule automobile
289
3
Les warrants
0
290
§2. L'attribution judiciaire du gage: une prérogative limitée
au cours de la procédure
292
AI L'attribution judiciaire du gage est-elle possible en période
d'observation?
293

1
Attribution judiciaire du gage et
0
arrét des poursuites
individuelles
2 0 Attribution judiciaire du gage et interdiction des paiements
des créanciers antérieurs
294
BI L'attribution judiciaire du gage est-elle possible après
l'adoption d'un plan de continuation de l'entreprise?
295
CI L'attribution judiciaire du gage est-elle possible en cas de
cession globale de l'entreprise?
296
§3.
L'attribution judiciaire du gage: une prérogative aux
résultats incertains
297
AI Les contraintes de la procédure d'attribution
judiciaire du gage
BI Les inconvénients liés à la revente des biens
attribués
299
Section 2 :
LE TRANSFERT DE LA CHARGE DU NANTISSEMENT
AU CESSIONNAIRE DE L'ENTREPRISE
302
§l. L'analyse juridique du mécanisme du transfert
de la charge du nantissement
303
AI La nature juridique du transfert de la charge du nantissement
au cessionnaire de l'entreprise
BI Le caractère automatique du transfert de la charge
du nantissement
305
§2.
L'étendue de l'obligation du cessionnaire
de l'entreprise
306
AI L'obligation pour le cessionnaire d'acquitter les échéances
du prét postérieures à l'arrêté du plan

BI Tempéraments à la règle du transfert de la charge
du nantissement au cessionnaire
308
1 0 L'octroi de délais de paiement au cessionnaire
de l'entreprise
20
Dérogation contractuelle à la règle du transfert
du nantissement au cessionnaire de l'entreprise
311
Chapitre 3
LA SPECIFICITE DES TECHNIQUES DE REALISATION
DES NANTISSEMENTS SUR CREANCES OU BIENS
312
ASSIMILES
Section 1 :
LA COMPENSATION ENTRE LA CREANCE GARANTIE
ET LA CREANCE GAGEE
314
§l. La connexité: condition nécesaire du jeu de la compensation
après le jugement d'ouverture
315
AI La notion de connexité dans les nantissements de comptes
ou de d'especes
316
1 0
Rapport d'indivisibilité Ou de connexité dérivant
d'une pluralité de comptes
20 La connexité résultant du solde créditeur d'un compte
affecté en garantie d'une ouverture de crédit
318
BI La notion de connexité dans les nantissements de titres
négociables et de créances ordinaires ou professionnelles
319
1 0
Connexité et recouvrement des effets de commerce
par le créancier gagiste
320
20 Connexité et clause autorisant le créancier gagiste à recouvrer

la créance garantie
322
§2. L'exigence de connexité: condition insuffisante au jeu
de la compensation après le jugement d'ouverture
324
AI L'obligation de déclarer la créance garantie
BI L'obligation d'invoquer la connexité de la créance garantie
avec la créance de restitution du débiteur
325
Section 2 :
LE RECOURS AUX MECANISMES DU DROIT CAMBIAIRE
327
CONCLUSION
330
BIBLIOGRAPHIE
344

RESUME
La loi du 25 janvier 1985 oriente clairement le droit des procédures collectives vers le
sauvetage des entreprises en difficulté. Le législateur s'est donc efforcé de réduire les droits
des créanciers munis de sûretés réelles spéciales, au nombre desquels figurent les créanciers
gagistes. Il s'attaque ainsi à l'existence des sûretés en favorisant leur annulation ou leur
substitution, par une autre garantie. Il poursuit en outre l'extinction ou l'amputation
systématiq ue des créances garanties. Enfin, les créanciers nantis ne peuvent plus exercer
librement leur droit de réalisation forcée du gage encore mois leur droit de préférence.
Cependant, ces atteintes sont compensées par l'éclatement des modes de réalisation du gage.
Ceux-ci permettent d'éluder la loi du concours. Mais elles révèlent aussi d'importantes
disparités entre les créanciers gagistes.