UNIVERSITE PARIS X - NANTERRE
U.F.R. DE SCIENCES ECONOMIQUES, GESTION,
MATREMATIQUES ET INFORMATIQUES.
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IMPACTS DES FLUCTUATIONS DES PRIX DU PETROLE
SUR LES ECONOMIES DE L'AFRIQUE SUB-
SAHARIENNE, IMPORTATRICES DE PRODIDTS
PETROLIERS.
Volume 2 : ANNEXES.
THESE POUR LE DOCTORAT EN SCIENCES ECONOMIQUES
PREPAREE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT PAR Monsieur Issa SACKO
Directeur: Monsieur le Professeur Philippe HUGON
Membres du JURY:
Monsieur le Professeur Jacques PERCEBOIS
Monsieur le Professeur Gérard GRELLET
Monsieur le Professeur Philippe HUGON
Monsieur le Maître de Conférence Guy POURCET
1996 - 1997.

2
ANNEXE 1 : PETROLE, MARCHE ET PRIX

J
CHAPITRE 1: LES ACTEURS DU MARCHE PETROLIER ET LEURS
STRATEGIES
Etudier les acteurs et les stratégies des principaux acteurs sur la scène énergétique
mondiale n'est pas chose facile pour un économiste dans la mesure où les décisions qui sont
prises n'obéissent pas toujours à une pure rationalité économique. Pour mieux cerner les
décisions il faudrait faire appel à plusieurs domaines simultanément : l'économie, la science
politique, la science juridique, la psychologie etc. Ce que nous tenterons ici ce serait l'étude
des acteurs du marché pétrolier et une lecture "économique" de leurs stratégies. La
dimension internationale du marché sera privilégiée, tant est complexe et variée la situation
de chaque région voire de chaque pays. Nous verrons toutefois que la stratégie de certains
pays pèse d'un poids déterminant sur les évolutions mondiales.
SECTION 1: LE MARCHE PETROLIER ET LES ACTEURS
PARAGRAPHE 1 : QUELQUES NOTIONS ET DEFINITIONS AINSI QUE LES
EQUIVALENCES
Avant de commencer l'étude du marché pétrolier, il convient de définir le pétrole et
les produits pétroliers et de faire le point sur les différentes catégories de réserves et sur leur
localisation géographique.
I. Définitions
Qu'appelle - t- on pétrole?
Le pétrole a pour origine la décomposition d'organismes vivants, vegetaux et
animaux, puis le mélange du produit de cette décomposition aux sédiments, et sa
transformation notamment sous l'effet de la température en hydrocarbures. Le pétrole se
trouve donc dans les bassins sédimentaires Il_se loge dans les vides des roches poreuses,

4
appelées roches réservoirs. Il y a gisement lorsque les conditions géologiques transforment
la roche réservoir en piège: la fuite du pétrole (plus léger que l'eau) en dehors de la roche
est rendue impossible par une couverture imperméable (argiles ou sel notamment) et une
disposition de terrain.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le pétrole est loin d'être une matière
première homogène. Il est d'usage de regrouper les qualités de brut en trois grandes
catégories: les bruts lourds, moyens et légers. Ces catégories se fondent sur la densité des
bruts telle qu'elle est établie par l'American Petroleum Institute (A.P. 1.).
Donc au lieu de parler du pétrole, on devrait en fait parler des "pétroles'" en fonction
de leur densité exprimée en degré A.P.I. (que l'on ne doit pas confondre avec la densité en
système c.G.S. ou poids spécifique). La densité est comprise entre 80° A.P.I. pour les
pétroles les plus légers et moins de 10° A.P.I. pour les pétroles les plus lourds.
- Les bruts lourds, dont le degré API est inférieur ou égal à 25 constituent environ 10% des
réserves et se situent essentiellement en Amérique Latine.
- Les bruts moyens (25 à 35 degré API) constituent 65% des réserves et se situent
essentiellement au Moyen-Orient.
- Les bruts légers (d'une densité supérieure à 35 degré) constituent 25% des réserves et
sont repartis entre le Moyen-Orient, l'Afrique, l'Amérique du Nord, l'Europe.
Cette absence d'homogénéité de la matière première pétrole est importante car
l'utilisation des pétroles dépend d'une qualité à l'autre. Les bruts lourds sont plus riches en
fuels et les bruts légers plus riches en essences. Les méthodes de raffinage doivent donc
varier pour obtenir les mêmes produits à partir de bruts différents.
Parmi les bruts markers du marché intemationalle Tiajuana moyen du Venezuela a
24° API, l'Arabe léger d'Arabie Saoudite a 34° API, le Bonny léger du Nigeria a 37° API, le
Brent de la Mer du Nord 38° API, le WTI ou West Texas Intermediate 40° API et le
Saharien Algérien 44° API. En principe, ces différences de qualité se traduisent par des
différences de prix.
Le nom de "pétrole", de "pétrole classique" ou de "pétrole conventionnel" est
réservé aux hydrocarbures dont la densité dépasse la dizaine de degré' API. Pour les autres,
on parle de "pétrole non conventionnel". Les pétroles sont dits "lourds" si leur densité se
situe entre 10 et 25° API.

5
Tableau 1 : Quelques bruts caractéristiques.
Origine
Degré A. P .I.
Origine
Degré A. P. I.
- -
Amérique du Nord
Afrique
West Texas Intennediate
40
Nigeria (Bonny Light)
37
West Texas Sour
33
Algérie (Sahara)
44
AJaskan North Slope
27
Moyen-Orient
Amérique Latine
Arabie Saoudite (Arabe léger)
34
Venezuela (Tia Juana)
24
Abu Dhabi (Murban)
39
Mexique (Maya)
22
Dubai (Fateh)
32
Europe Occidentale
Irak (Kirkuk)
37
Royaume-Uni (Brent)
38
Koweït (Koweït)
31
Norvège (Statfjord)
38
Légende: - API : American Petroleum Institute. Le degré API mesure la densité d'un brut. Plus un pétrole est léger,
plus son degré API est élevé.
Source :-Pelroleum markel mle/ligence.
Pétrole conventionnel et non conventionnel
On peut établir une première distinction à partir des indications qui précèdent entre
le pétrole conventionnel et le pétrole non conventionnel.
- Le pétrole conventionnel :
Est le produit achevé de la transfonnation des orgarusmes vivants dans le bassins
sédimentaires, tel qu'on peut l'extraire partout, sauf dans les zones particulièrement difficiles
d'accès (grands fonds marins supérieurs à 300 mètres et zones polaires).
- Le pétrole non conventionnel
Comprend deux catégories:
. Il Y a d'abord le pétrole non conventionnel par sa 51/bsistance. C'est une matière organique
incomplètement transfonnée qu'il faudra non seulement extraire mais traiter pour obtel1lr

6
du pétrole proprement dit. Cette première espèce de pétrole non conventionnel se subdivise
en trois genres :
.. Les huiles lourdes sont des pétroles de densité et de viscosité particulièrement élevés;
.. Les sables asphaltites sont des dépôts de sable, d'argile ou de graviers imprégnés d'un·
hydrocarbure lourd;
.. Les schistes bitumeux sont des roches contenant du kérosène c'est-à-dire des produits de
la décomposition de végétaux incomplètement transformés en hydrocarbure.
. Il y a en deuxième lieu, le pétrole non conventionnel par sa localisation. Il est situé dans
des zones d'accès très difficile : mer profondel
(plus de 300 mètres de fOllld) et zones
polaires (actuellement 62° de latitude Nord).
II. Notion de réserves et de ressources
Une deuxième distinction oppose les réserves prouvées et les ressources. En effet,
on distingue deux grandes catégories de réserves de pétrole brut : les réserVes prouvées et
les réserves potentielles.
. - Les réserves prouvées sont celles contenues dans les gisements connus. Il est possible de
les évaluer avec une bonne précision en raison de l'expérience acquise dans l'extraction du
pétrole. Cette évaluation est en général possible bien avant que tous les puits pennettant
l'exploitation du gisement aient été forés. Cette possibilité est particulièrement développée
au Moyen-Orient, dont la structure géologique est simple et dont les gisements sont
étendus.
Les réserves prouvées: ce sont "des quantités de pétrole que les informations géologiques
et techniques pennettent d'estimer avec une certitude raisonnable comme étant susceptible
d'être produites à partir de réservoirs connus, dans les conditions teclmologiques et
économiques du moment".2 En général, c'est essentiellement des réserves prouvées que l'on
parle lorsque l'on évoque les réserves pétrolières de la planète.
1 Sur
135 -MKm2 de bassins sédimentaires à la surface du globe, 70 MKm 2 59nt en mer, soit la moitié
2
GIRAUD A. el BOY DE LA TOUR X., "Géopolitique du pétrole el du gaz". Technip, Paris, 1987. Page
64.

7
Par définition il n'y a de réserves prouvées que pour le pétrole conventionnel, seul
exploité actuellement, et donc le seul pour lequel on dispose de l'expérience nécessaire à la
mesure précise des réserves prouvées
- Les réserves potentielles (ou ressources) : ce sont des réserves qui n'ont pas encore été
découvertes, mais dont les études géologiques laissent supposer l'existence. L'évaluation des
réserves potentielles est beaucoup plus approximative que celle des réserves prouvées Les
ressources sont des réserves probables. Leur importance dépendra de deux facteurs:
Le premier est le taux de récupération du pétrole contenu dans les roches-
réservoirs. Ce taux dépend des techniques utilisées et des dépenses consenties pour
l'extraction La récupération primaire est fondée uniquement sur la pression à l'intérieur de
la roche-réservoir. Elle pennet de récupérer en moyenne un quart du pétrole qui s'y trouve.
La récupération secondaire vise à augmenter la perméabilité de la roche réservoir et
à rétablir la pression interne par des injections de gaz. EIIe peut porter le taux de
récupération à un maximum d'environ 50%, mais souvent moins.
La récupération tertiaire utilise des procédés chimiques et thermiques. Dans certains
cas, elle peut porter le taux à 80%, mais le plus souvent elle ne pennet pas d'aller au-delà de
50%.
85% du pétrole mondial est actuellement extrait par la récupération primaire et secondaire,
à un taux moyen compris entre 30 et 50%. Ce taux pourrait passer entre 40 et 55% à la fin
du siècle.
. Le deuxième facteur dont dépendent les ressources est la découverte de nouveaux
gisements. L'état des connaissances géologiques permet de réaliser des estimations par des
méthodes statistiques ou par l'analogie géologique.
Mais les méthodes statistiques d'estimation des ressources ne sont applicables qu'aux
zones bien connues et l'analogie géologique qui étudie les zones mal connues par
comparaison avec les zones connues, suppose de multiples données. Mais leur utilisation se
heurte à deux obstacles : les données sont souvent la propriété des sociétés pétrolières el
surtout la connaissance des critères décisifs permettant la comparaison est insuffisamment
développée
En somme, aucune corrélation véritablement décisive ne semble avoir été
dégagée entre la présence de pétrole et les caractéristiques pétrolifères d'un terrain,

8
Il n'en reste pas moins que l'estimation des ressources est rendue possible par le petit
nombre de terrains ou la présence de pétrole est possible et par le développement des
connaissances géologiques et géophysiques, liée à l'exploitation pétrolière actuelle. Une des
méthodes utilisées se fonde sur l'importance des gisements géants et supergéants, c'est-à-
dire disposant de réserves supérieures respectivement à 70 et 700 millions de tonnes. Ces
gisements représentent 1% des gisements en exploitation mais fournissent 70% des réserves
mondiales prouvées.
Le monde compte environ 600 bassins sédimentaires, 400 ont été explorés dont 160
seulement contiennent du pétrole. Mais la plupart d'entre eux sont situés dans des zones
d'accès difficile (mer très profonde et/ ou régions polaires).
200 bassins n'ont pas été explorés. La moitié d'entre-eux sont trop petits pour contenir des
gisements géants ou supergéants. Sur la centaine qui reste, moins de la moitié (40 à 45)
pourrait contenir de grandes quantités d'hydrocarbures.
Nous avons parlé de ces différentes notions de réserves et de ressources dans
"exploration et production d'hydrocarbures en ASS" qui est dans la partie consacrée à
l'étude des systèmes énergétiques.
L'évaluation des réserves dépend de critères à la fois techniques et économiques.
Par conséquent, le montant des réserves est susceptible d'être modifié soit à la suite de
l'amélioration des techniques d'exploration., soit en fonction des variations du prix du
pétrole.
Selon la technique utilisée, une proportion plus ou mOInS importante du pétrole
présent dans un gisement peut-être récupérée. En général les techniques de récupération
primaire, fondée uniquement sur la pression existant à l'intérieur de la roche réservoir,
permettent de récupérer 25% du pétrole présent. Les techniques de récupération
secondaire, qui visent à augmenter la perméabilité de la roche réservoir e:t à rétablir la
pression interne par des injonctions d'eau et de gaz, permettent d'accroître le taux de
récupération de 40 à 45%. Finalement, les techniques de récupération tertiaire, qui font
appel à des procédés thermiques ou chimiques coûteux, permettent d'atteindre un taux de
récupération de l'ordre de 60 à 65% 3 De toute évidence, l'évaluation des réserves différera
selon la technique d'exploration retenue.
3
PERCEBOIS 1. "Economie de l'énegie". Economica, Paris, 1989. Page 410.

9
Tableau: Taux de récupération actuel, taux de récupération assistée secondaire et tertiaire estimés
en 1987 (dans les pays à économie de marché).
REGIONS
Taux actuel Tau.x secondaire
Taux tertiaire
Coût faible
coût élevé
Amérique du Nord
32.1
32.5
34.5
47.2
Amérique Latine
28.9
300
33.0
46.5
Europe Occidentale
31.5
34.1
39.3
49.7
Afrique
33.0
35.1.
39.8
49.9
Moyen-Orient
30.7
35.1
39.4
49.7
Autres Asie
29.8
30.7
33.7
46.9
Australie! Océanie
32.4
32.5
35.5
47.7
Total
31.0
33.6
37.4
48.7
Légendes:
-Techniques de recuperation primaire: fondées sur la pression existant à l'intérieur de la roche réservoir.
-Technique de récuperation secondaire: visent à augmenter la perméabilité de la roche reservoir ct à rétablir la pression intcme par des
injections d'eau et de gaz.
-Tecnique de récupération tertiaire: procédés thermiques OU chimiques coûteux.
-Coût faible: moins de 80S/t
~oùt e1evé : plus de 80S/t ($ 1987).
Source: MODELEVESKY M.S et G.S GUREVITCH "WorId oil resources : an economic approach appraisal", Energy
Exploration and Exploitation, Vol 7, 1989, n04.
III. Equivalences
Le
choix
des
coefficients
d'équivalence
entre
formes
d'énergie
soulève
de
nombreuses questions 4 et ne saurait rester neutre. L'agrégation des diverses formes
d'énergie se fait sur la base de "coefficients de conversion" définis en fonction du pouvoir
calorifique de chaque énergie Pour des raisons de simplification, il est usuel de retenir par
convention une source d'énergie étalon du pouvoir calorifique fixé. Le pétrole qui reste
l'énergie dominante de la plupart des systèmes énergétiques est de fait le plus souvent
• Voir P Ramain "Réflexions critiques sur les bilans énergétiques" Collection Energie et société Editions
C.N.R.S, 1978

10
utilisé, avec le pouvoir conventionnel de 10000 thermies par tonne (ou 41855 Kilojoules par
Kilogramme).s
Par convention, on retient:
1 tonne de pétrole = 1 tep
1 tonne de charbon = 0,7 tep
1 tonne de lignite = 0,35 tep
1 000 m3 de gaz naturel = 1 tep
1 tonne d'uranium (réacteurs actuels) = 10 000 tep
1 tonne d'uranium (surrégénérateurs) = 60 000 tep
1 000 Kwh = 0,222 tep (principe de l'équivalence production)6
1 tep = 1,4 à 1,5 tec
1 tep = 7,3 barils de pétrole brut
1 baril = 159 litres
9
3
6
10 m de gaz naturel = 10 tep et
1 000 Kwh = 2/9 de tep
1 baril/jour = 50 tep / an.
Par convention:
Tableau: Equivalences les plus utilisées.
Equivalences
les tec
baril
3
Kwh électricité Kwh électricité Kwh gaz naturel
Thermie
Bru
m
plus utilisées
OCDE
ONU
gaz naturel
1 tep =
1.43 à 7.3
3
4500
11600
13000
4
40
10
\\0
161
5
Le Joule est actuellement l'unité standard internationale de tous les bilans énergétiques. Le Joule est le
travail produit par une force de 1 Newton dont le point d'application se déplace de 1 mètre dans la direction
de la force.
6
1 000 Kwh = 0,086 tep (principe de l'équivalence à la consommation). Entre les deux éqllllvalenccs, il y a
un facteur de 2.6 qui correspond pour l'essentiel au rendement effectif des centrales, environ 38%.

Il
IV. Caractéristiques et contraintes de la filière du pétrole et des
produits pétroliers
Le pétrole est extrait principalement du sous sol du moyen orient, de l'Union
Soviétique, de l'Amérique Latine, de l'Afrique, de la mer du Nord. La place centrale que le
pétrole occupe dans le bilan énergétique mondial ne tient pas à son seul volume, mais à
diverses caractéristiques de la filière.
La filière pétrole:
Par filière du pétrole, on entend l'ensemble des étapes suivies, de l'exploration en
passant par l'exploitation du pétrole sur site, à l'utilisation du produit finaL La filière étant
définie comme telle, une analyse de filière a pour ambition de prendre en compte toutes les
dimensions de l'énergie et d'appréhender le système énergétique comme un ensemble
d'activités techniques économiques et sociales. Même si elle est basée sur l'articulation des
techniques qui en constituent la principale ossature Cette analyse met également l'accent
sur les dimensions micro et macro-économiques et les contraintes écologiques et sociales du
développement de chaque énergie.
Les activités d'exploration7 et raffinage sont nécessaires à la mise à disposition des
nombreux produits dérivés des hydrocarbures.
Pour plus de détail sur l'exploration. voir notre section sur l'exploration! production en ASS.

12
LA FIUERE PETROLE
G60Iog...
G60physoque
Sismiqv..
Logll'ng
ŒiliORATION
Récupération
, primaire
, secondaire
, assistée
1RAFFINAGE
1
!OlSTRIBUTION 1
~ : CHEVAliER, BARBET, BENZONl, 'tl:onornie de rEne<gie", Daloz 1986, Page 100,
La filière pétrolière comprend quatre principaux stades:
1. La production
La production de brut était à l'origine le fait de tout petits producteurs. Il en existe
encore plusieurs milliers aux Etats-Unis. Mais la production est devenue une activité
perfectionnée et coûteuse (surtout s'il s'agit d'explorer et d'exploiter des gisements profonds
off shore ou dans l'antarctique) Les grandes sociétés productrices font elles-mêmes appel
aux produits fournis par les fabricants de matériel de forage. Certains de ces matériels (les
plate-fonne off shore) sont produits par des producteurs hautement spécialisés issus de la
construction navale ou du bâtiment (comme Bouygues)

13
La création des capacités de production est une opération difficile et surtout pleine
de risques. En effet, en dépit du progrès des techniques d'exploration, le succès n'est jamais
garanti. (En cas de succès aussi, les profits peuvent être considérables). Mais dès lors que
les capacités de production existent, il y a beaucoup de flexibilités en matière de quantités
produites: l'offre peut être accrue en quelques jours, d'où l'expression populaire : "il suffit
d'ouvrir le robinet".
Le coût technique de production par baril varie de 1$ pour la plupart des pays du
Moyen-Orient à 8 à 10 $ aux USA et jusqu'à 15$ dans les zones difficiles de la Mer du Nord
; la moyenne se situant vers 5-6 $ par baril. Ces différences de coût s'expliquent par de
nombreux facteurs
les caractéristiques géologiques de chaque province pétrolière, les
conditions d'accès aux sites de forage (à terre ou en mer notamment), l'ancienneté de
l'exploitation et le recours ou non à des techniques de récupération assistée.
Les disparités considérables entre les coûts techniques de production du pétrole
créent des rentes différentielles entre les propriétaires de gisements pétroliers: 15$ séparent
le baril de brut le moins coûteux du golfe arabo-persique du plus coûteux de la mer du nord.
L'une des questions centrales de l'économie pétrolière et au travers d'elle de l'économie de
l'énergie est celle de la répartition de ces rentes différentielles.
Les compagnies exploitantes, les pays producteurs (généralement propriétaires du
sous-sol) et les pays importateurs de pétrole (Etats et consommateurs) s'affrontent en vue
du partage des rentes différentielles. Celui-ci s'effectue à travers la fiscalité et le système des
prix dont les évolutions reflètent un rapport de force favorable tantôt aux compagnies et/ou
aux consommateurs, tantôt aux Etats producteurs. En outre, l'importance des rentes
différentielles rend possible, à tout moment, une croissance de la production supérieure à la
croissance de la demande dans les zones à bas coût technique. Les zones dépourvues de
rente peuvent ainsi être éliminées.
Tous ces éléments de flexibilité font que le pétrole, en dépit des cnses, reste
"l'énergie de bouclage" au plan mondial, ce qui confère à ses prix internationaux 11/1
leadership sur les prix des énergies concurrentes.
2. Le raffinage
Le pétrole est le seul des trois grands types de combustible qui doive être raffiné par
distillation avant utilisation. Le raffinage représente environ 20% du coût du produit
pétrolier rendu chez-le consommateur final. En réalité le raffinage n'est Qu'un handicap

14
apparent. En effet, il permet d'obtenir à partir du pétrole brut, une gamme de produits qui
vont des plus légers (butane, propane, essences, carburéacteur, gasoil) aux plus lourds
(divers fiœl-oils, bitume~). Sur le plan technique, chacun de ces produits satisfait des usages
différents. Sur le plan économique, ils ne présentent pas les mêmes caractéristiques (la
demande d'essence est à peu près inélastique aux prix tandis que celle du fuel-oil l'est
beaucoup plus au contraire). Pour se ménager une position compétitive plus favorable sur
les autres produits, les raffineurs peuvent dans certaines limites, reporter une partie des
coûts de raffinage sur les produits dont la demande est peu élastique8 . fi Y a donc une
certaine souplesse par /'imputation des coûts aux divers produits.
Par ailleurs, le raffinage pennet de combiner des flux de pétrole brut die différentes
qualités (notamment de différentes densités), ce qui à court terme est un moyen d'adapter
l'offre à la demande de produits. A plus long tenne, le développement du raffinage est
commandé par l'évolution du marché des produits pétroliers. L'outil lui-même
peut être
transfonné de la simple distillation atmosphérique prolongée par un reformage catalytique
(pour les carburants à haut indice d'octane) et une hydrodésulfuration des gasoils et fuel-ails
jusqu'à des opérations de conversion des produits lourds ou produits légers, de plus en plus
complexes et coûteuses. Plus la demande de produits légers (carburants pour le transport
routier) l'emporte sur celle des produits lourds (fuel-oil pour grosses chaudières), plus
l'industrie pétrolière est incitée à convertir les seconds.
Le raffinage du pétrole brut fournit les divers produits pétroliers (de l'essence au
naphta -matière première chimique). C'est une activité hautement capitalistique.
8
CHEVALIER l.M. BARBET Ph, BENZONI L, "Economie de l'Energie", Dalloz,-Paris, 1986.

15
1
i
- - - - - - -
-
1
Schéma simplifié de l'activité pétrolière:
-- -,
1
1Essence légère et gaz
1
1
~
ITraltement 1
~ IPropane 1~~sage domestique, chauffage des fours industriels, 1
!
,... [de gaz
1- ~ iButane
1 1
soudure, matiére 1ére de la pëlrochimie
1
1
INaphta 1
ii
Unité
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1
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1pour moteur d'iosel et camIons)
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1Fuel oil domestique
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1fuel-oil lourd (navires, cenlrales
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IBitumes (revêlements routiers, 1
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étanchéité)
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.,/
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1?
""lIiIIl
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ICONVERSION CLASSIQUE
CONVERSION PROFONDE
1
i
1 Craquage catalytique
Cokage, hydrogénation désasphaltage
1
1
i---
--
1
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-----j------ --
1
.. lA__________

l'IIl
1Essences et distillats
\\
1
[moyens
1
1
i
1
1

16
3. Le transport
Une autre caractéristique du pétrole réside dans son transport qui lui donne un avantage dans la
chaîne des coûts. En effet, il a une facilité de transport sur terre (oléoducs) et sur mer (pétroliers).
L'investissement initial est très important pour l'oléoduc, mais le coût de la tonne transportée est
ensuite d'autant plus faible que les quantités sont grandes. L'oléoduc cède toujours la place au tanker
dès que la distance à parcourir en mer est longue. Mais dans ce cas aussi les économies d'énergie sont
importantes. Avec un tanker de 250 000 tpl (tonnage de port en lourd), le coût du baril de brut entre le
Moyen-Orient et l'Europe ne dépasse pas un $.
Le transport fait appel aux oléoducs et aux navires spécialisés: les "tankers". Certains de ces
navires sont très gros avec une capacité pouvant dépasser 500 000 tonnes: ce sont les "supertankers".
4. La distribution
Le quatrième stade est celui de la distribution. C'est à ce stade que les sociétés rencontrent la
demande finale.
La volonté de maîtriser la distribution fait partie de la stratégie de présence des sociétés
pétrolières tout au long de la filière. Pendant longtemps, la part des distributeurs indépendants sur le
marché américain était faible (5 à 10% du marché). Après la deuxième guerre, cette part s'éleva
progressivement avec le développement des stations péri-urbaines et cela jusqu'au début des années
1970 (20 à 30%). Les majors réagirent brutalement après la chute de leurs part de marché qui était
passé dans certains Etats de 67 à 56%. Ils réagirent par la discrimination de prix et le refus de livraison.
En deux ans de 1972 à 1974, ils retrouvèrent la plus grande partie de leurs parts de marché perdues.
Des actions analogues seront produites dans d'autres pays: refus de distribution et contrat de
distribution exclusive. Une autre pratique était les ventes liées. Il est en effet arrivé que telle société
pétrolière s'entende avec tel fabricant de pneumatique et fasse pression sur ses distributeurs pour qu'il
les vende de manière exclusive.
Deux données de l'activité pétrolière intéressent les trois premiers stades de la filière: le
phénomène des rendements d'échelle et celui des nuisances. Une troisième donnée intéresse le
quatrième stade: l'élasticité de la demande.

17
Première donnée. Les rendements d'échelle
On désigne par rendement d'échelle l'effet de la quantité produite sur le coût unitaire. La
production en grande série profite par exemple de "rendements d'échelle croissant" parce que le coût
unitaire diminue lorsque la série baisse.
Dans la production de brut, les rendements d'échelle sont globalement décroissants
plus la
production de pétrole augmente dans le monde et plus le coût unitaire du pétrole extrait augmente. En
effet, l'accès devenant de plus en plus difficile, le coût de production augmente. Par exemple les
techniques de récupération assistée sont coûteuses. Pour un taux de récupération de 30%, aucune
injection n'est nécessaire. Pour un taux supérieur, la récupération assistée s'impose, avec des techniques
de plus en plus coûteuses.
A l'échelle du monde, le développement de la production exige en outre des forages dans des
zones de plus en plus coûteuses. En 1970, les investissements nécessaires à une production
supplémentaire de 1 Gt par an représentaient un peu plus de 1% du Produit Mondial Brut. En 1979, ils
étaient estimés à plus de 7,5%. Cela signifie que les 25 à 30 Gt produites de 1970 à 1979 coûtaient
beaucoup moins cher que la quantité équivalente à produire dans la décennie suivante9 .
Par contre dans le raffinage et le transport le développement de l'activité pétrolière permet une
diminution des coûts unitaires. En 1970, une importante étude sur les économies d'échelle dans
lO
l'industrie britannique
estimait que le prix de revient des produits raffinés atteignait son point le plus
bas dans une raffinerie d'une capacité de 10 Mt: dix raffineries devaient suffire pour l'approvisionnement
de la Grande Bretagne.
Dans le transport maritime, le développement de supertankers montre l'existence de rendements
d'échelle importants.
Deuxième donnée • Les nuisances
Les déversements de pétrole.
Les infiltrations naturelles seraient responsables d'au moms SIX millions de tonnes de pétrole
déversées en mer chaque année.
Les déversements accidentels en mer atteindraient 500 000 tonnes par an
9
OLSEM J P "L'Energie dans le monde: stratégie face à la crise". Hatier, 1984.
10 PRATIEN C. F. "Economies ofscale in manufacturing industry", Cambridge U. P., 1971.

18
.L'essence sans plomb:
On ajoute du plomb à l'essence pour éviter l'auto-allumage dans un moteur. Mais ceci accroît la
pollution (pluie acide). L'usage du plomb devra être supprimé progressivement dans certains pays
surtout dans les pays de la Communauté Européenne. Deux catégories de substituts existent: des
additifs dérivés du pétrole et deux alcools: l'éthanol, obtenu par fermentation à partir de céréales et de
sucres et le méthanol, pouvant être fabriqué notamment à partir du bois et du gaz naturel.
.Les actions possibles contre la pollution:
D'importantes recherches ont été entreprises sur les moyens de lutter contre les différentes sortes
de marée noire, à la suite des premières pollutions pétrolières. Trois types d'action peuvent être
envisagés:
·.La prévention de la pollution
L'accident de l'Amoco-Cadiz sur les côtes bretonnes, le 16 Mars 1978 aurait pu être prévenu
selon la SNlAS qui a indiqué qu'un hélicoptère Super Frelon aurait pu maintenir la proue de l'Amoco-
cadix dans l'axe du vent en attendant des renforts, ce qui aurait pu éviter que le pétrolier ne vienne
s'échouer.
Dans le cas des fuites de puits sous-marins, la prévention dépend du colmatage. Ainsi, après de
nombreux essais, de Juin 1979 à la fin d'octobre 1980, il a été possible de réduire, puis de supprimer la
fuite du puits "Ixtoc 1", exploité par la Pemex dans le Golfe du Mexique. Certes 500000 tonnes se sont
déversées en mer, mais une technique de colmatage a finalement réussi.
·.La deuxième action possible est la récupération du pétrole par des moyens mécaniiques, faisant
appel à des barrages flottants, et à des pompes. Des progrès importants ont été réalisés dans ce type de
millions. D'autres sont en cours, tels que la mise au point de navires dépollueurs de grande taille.
·.En troisième lieu, il y a des dispersants, infiniment moins nocifs qu'à l'origine, mais dont
l'efficacité dépend du caractère biodégradable des hydrocarbures en cause. Dans ce domaine, la société
française Elf Aquitaine vient de mettre au point un dispersant biologique extrêmement efficace, pouvant
être défini comme la réunion de deux espèces de bactéries: les premières digèrent le pétrole, puis sont à
leur tour absorbées et digérées par les secondes.
· La coordination politique de la lutte contre la pollution:
Il ne suffit pas de connaître les moyens techniques de lutter contre la pollution. Il faut également
définir une organisation efficace capable de mobiliser ces moyens Il faut prendre des mesures grâce

19
auxquel1es les entreprises publiques et privées deviennent des spécialistes de la lutte contre les marées
noires et former des spécialistes.
Troisième donnée: L'élasticité de la demande de pétrole
L'élasticité désigne la sensibilité de la demande aux variations de prix. Il La demande est dite
élastique si de petites variations de prix la modifient. El1e est rigide si elle ne réagit pas à ces variations
de prix.
En longue période, la demande de pétrole est sans doute fort élastique, car les produits
substituables ne manquent pas et d'importantes économies d'énergie sont possibles.
Cependant les politiques de développement de sources d'énergie alternatives et d'économie
d'énergie souffrent de deux défauts. D'abord elles sont longues à mettre en oeuvre. Ensuite elles ont des
effets rigides: les travaux d'isolation des logements effectués, la demande de fuel est définitivement
réduite.
La demande de pétrole est moins élastique à court et moyen terme. Une forte inélasticité s'est
manifestée dès les débuts de l'exploitation du pétrole ( en 1859, le prix du baril se fixa à 20 $, à la fin de
l'année suivante était descendu à 10 cents en raison de la rigidité de la demande) 12 .
Cette moindre élasticité à court terme explique le rôle du marché au comptant (marché spot)
dans les mouvements de prix du pétrole.
La plus grande partie du pétrole reste vendue et achetée dans le cadre de contrats à long terme,
où les prix sont fixés lors de la signature et pour la durée du contrat (qui dure en général plusieurs
années).
Le marché au comptant se fait au jour le jour, suivant les quantités offertes et demandées. Dès
qu'un léger déséquilibre apparait sur ce marché, il faut une assez forte variation de prix pour le corriger,
en raison de la rigidité de la demande (Exemple: si le pétrole est un peu trop abondant, il faut pratiquer
des rabais importants pour stimuler la demande, et inversement.
Le contrôle des prix est donc tributaire du contrôle du marché spot. Le rôle et l'importance du
contrôle dû marché spot .'le sont manifesté avec éclat lors du second choc pétrolier.
Les possibilités de substitution varient suivant les produits pétroliers. Le carburant automobile n'est
actuel1ement pas facilement substituable
La rigidité de la demande à court terme n'est cependant pas absolue La consommation diminue
si les augmentations de prix sont sensibles.
Il
Voir notre paragraphe sur \\cs détenninants de la consommation d'énergie pour les calculs d'élasticité en ASS

SAMPSON A.. « \\cs sept soeurs» (trad) A. Moreau. Paris. 1979.

20
Dans les pays de l'OCDE, la demande a été beaucoup plus élastique qu'on ne l'imaginait. En
effet, de la période 1973 à 1981, la consommation de pétrole par unité de pœ a diminué de 26% en
moyenne dans ces pays Il est vrai que ce résultat ne peut être entièrement imputé à l'élasticité-prix. Il
traduit également l'effet des politiques volontaristes qui ont réussi à réduire la dépendance des
économies industrielles à l'égard du pétrole
PARAGRAPHE Il : LA DOMINATION DU MOYEN-ORIENT EN MATIERES DE RESERVES
PETROLIERES
L'ensemble des études géologiques s'accordent sur un point : plus de la moitié des réserves
prouvées de pétrole sont localisées dans les pays du Moyen-Orient. l ] Au premier Janvier 1991 14, les
réserves prouvées détenues par les pays du Moyen-Orient étaient estimées à 662.6 milliards de barils
(soit 66.3% des réserves mondiales) contre 127.2 milliards pour l'Amérique Latine (12.7%), 59.9
milliards pour l'Afrique (6.0%), 58.9 milliards pour l'Asie et l'Australie (5.9%), 50.2 millia.rds pour les
Etats-Unis (2.6%) et (14.3%) pour l'Europe de l'Ouest (1.5%).
Les réserves du Moyen-Orient sont essentiellement détenues par les pays du golfe arabo-
persique, panni lesquels cinq seulement détiennent 90% des réserves. Il s'agit de l'Arabie Saoudite (qui
détient à elle seule le quart des réserves mondiales), du Koweït; de l'Irak, de l'Iran, et des Emirats
Arabes Unis (qui ont des réserves de quantité à peu près similaire). Le poids des pays du Golfe arabo-
persique pour les réserves pétrolières est resté remarquablement stable depuis 1973.
La question de la localisation géographique des réserves pétrolières revêt aujourd'hui une
importance cruciale. En effet, les pays producteurs ayant désonnais pris le contrôle sur leurs ressources
pétrolières, la situation de dépendance des pays importateurs se trouve finalement aggravée. 15
I l
JACQUET P. et NICOLAS f. "Pélrole crises, ~rchés, politiques"; [FRI. Dunod. 1991. Page 20.
! 4
Oil and Gas Journal, 31 Décembre 1990.
l '
Voir nos paragraphes sur l'offre et la demande de bruts.

21
Tableau: Réserves mondiales prouvées:
REGIONS
Fin 1979
Fin 1991
millions de barils
% du total mondial
millions de barils
% du total mondial
PD à éco de marché
58796
9.2
47555
4.8
Europe de l'Est et URSS
70000
10.9
58774
5.9
Pays en développement dont:
512 545
79.9
884682
89.3
Pays membres de l'OPEP
435611
67.9
769392
77.6
Autres pays exportateurs de petrole
69930
10.9
101826
10.3
Pays importateurs de pétrole
7004
1.1
13464
1.4
Total mondial a)
641341
100
991011
100
a) Les chiffres ayant été arrondis, les totaux peuvent ne pas correspondre.
Source: Secrétariat de l'ONU, département du développement économique et social, sur la base de données publiées dans Oil and Gas Journal, 14 Décembre
1979 et 30 Décembre 1991.
Nous avons déjà vu que la matière première pétrole n'est pas homogène et qu'il est d'usage de
regrouper les qualités de brut en trois grandes catégories: les bruts lourds, moyens et légers.
Les réserves situées au Moyen-Orient sont celles dont le coût d'extraction est le plus bas, La
faiblesse des coûts d'exploitation des gisements du Moyen-Orient est due à plusieurs facteurs dont la
facilité d'accès des gisements (surtout par rapport à certains gisements profonds de la mer du Nord ou
encore aux gisements de l'Alaska). Le quart des réserves pétrolières du Moyen-Orient sont sous-
marines. Mais elles sont situées dans des eaux peu profondes et donc dans un environnement des plus
favorables. De plus, les pétroles moyen-orientaux ont aussi pour eux leur rentabilité, c'est-à-dire le taux
de récupération possible. Selon l'étude de IP. Ange1ier'6 le coût moyen de la production serait de 2
dollars le baril au Moyen-Orient, contre 8 dollars aux Etats-Unis et au Canada et 10 dollars en Europe
de l'Ouest.
16
ANGELIER 1. P "Le pétrole", Economica. collection "Cyclopc", Paris. 1990. Page 22.

22
Tableau • coût de la Produ~~~pétrole en fonction du lieu de la source et de la technique de production (er
--+-~~--~~-_.~-~
,
~_.._.. __~._~I__.___~~_~..
I---~
i
c--
~eStiSsement en capital 100 Coûts techniques $/ Prix de ventE~
Pétrole conventionnel
On Shore
.-
-~-
-
1
1
._------------
Moyen-Orient
0,3-2,2
0,2-1,8
Q,4-3,7 _ _ _
- -
Venezuela
1,2-2,2
0,8-1,6
1,5-3,4
i
Afrique de l'Ouest
1,0-2,0
0,8-1,9
1,5-4,0
1
Afrique du Nord
0,7-4,2
0,4-2,7
0,7-5,6
Etats-Unis (Lower 48)
2,3-9,4
1,7-7,0
3,2-15,0
'1
- -
Off Shore
1
Golfe Persique
0 ,5-4,4
0,4-3,5
0,7-6,7
1
Lac Marcaïbo
0,6-4,8
0,4-3,7
0,7-7,2
Mer de Java
1,1-5,7
0,9-4,4
1,5-7,5
Afrique de l'Ouest
2,0-9,2
1,8-8,4
2,9-16,0
Mer du Nord
4,2-23,0
3,4-12,2
6,7-28,0
Détroit de Bass
4,8-18,0
4,0-11,4
7,8-22,0
Arctique
Alaskan North Siope
- -
-Prudhoe Bay Field
9,3-11,5
1,3-?
4,9-?,
-Nouveaux champs
10,0-25,0
7,0-15,0
15,0-38,0
Iles arctiques canadien 15,0-40,0
12,0-18,0
24,0-42,0
Mer de Beaufort
13,03-30,0
10,0-20,0
22,0-52,0
Pétrole extra-lourd
Venezuela (Orinoco be 4,0-16,0
3,0-10,0
4,7-18,0
USA (Californie)
10,5-20,0
7,6-12,4
11,4-22,0
Canada
-Uoydminster
4,5-12,5
3,8-10,2
5,7-18,0
-Cold Lake
28,0-35,0
9,4-11,5
23,5-30,0
Pétrole de synthèse
Sables asphaltiques
Canada (Athabasca) (1 14,0-45,0
8,8-14,7
20,0-39,0
USA (Utah)
20,0-40,0
10,0-22,0
22,0-58,0
Canada (Alberta) (1)
20,0-50,0
10,0-17,0
27,0-46,0
Schiste Bitumineux
USA (Colorado) (2)
9,0-30,0
9,5-21,5
21,0-57,0
- -
Australie
20,0-40,0
8,0-16,0
22,0-52,0
USA (Colorado) (2)
30,0-60,0
9,8-21,0
22,0-55,0
Brésil
25,0-45,0
18,0-25,0
35,0-65,0
- -
Charbon
Liquéfaction directe
40,0-85,0
11,5-23,0
35,0-80,0
Liquéfaction indirecte
60,0-90,0
~o,o
45,0-110,0
===±=
--=--~ . --
Légende. (1) et (2) . les techniques utilisées sont différentes, ce qui peut expl iquer les différences dans u~~
Source .Modelevesky MS et GS Gurevitch " World Qil Resources • an economic approach to appraisal", Ener

23
En l'état actuel des connaissances, il y a tout lieu de penser que les plus importantes réserves au
moindre coùt demeureront à l'avenir localisées dans les pays du Golfe Persique.
Il ne faut pas confondre l'état des réserves pétrolières des pays et leur niveau de production. Le
Moyen-Orient domine largement les Etats-Unis pour ce qui est des réserves mais pas pour ce qui est de
la production. Comme l'intensité d'exploitation des réserves influe sur la durée de vie des gisements, les
pays du Golfe occupent de ce point de vue une meilleure posture que les autres pays producteurs de
pétrole dans la mesure où la durée de vie de leurs réserves est plus élevée.
C'est l'étude du ratio réserves sur production actuelle qui pennet de juger si l'on dispose de
réserves suffisantes pour satisfaire les besoins pendant un certain temps assez long. Sur la base de cet
indicateur, la durée de vie des réserves de l'Arabie Saoudite a été estimée à une centaine d'années contre
une dizaine seulement pour les réserves des Etats-Urus et entre trente et quarante ans pour celles de
l'Afrique et de l'Amérique Latine. Il ne faut pas après interpréter ces chiffres comme le nombre d'années
restant avant l'épuisement complet des réserves. En effet, les réserves sont régulièrement réévaluées et
reconstituées, à la suite de nouvelles découvertes ou de progrès effectués dans l'exploitation de
gisements. Le fait que la durée de vie globale des réserves mondiales ait augmenté au cours des vingt
dernières années indique que les nouvelles découvertes et les progrès technologiques parviennent à
compenser les volumes extraits.

24
Tableau: production pétrolière mondiale et réserves (brut plus GNP) en 1989.
Pays
Production 1990 .:n Mt
Production 1989
Rés.:rvcs prouvées
Ml
~/o
Mdt
%.
Eq
Amérique du Nord
500.6
514.0
166
5.3
4.2
100
donl USA
409.6
433.8
14.0
4.3
3.4
10
Canada
91.0
80.2
2.6
1.0
0.8
13.0
Amérique Laline
367.7
346.4
113
17.6
12.6
51.0
Argenline
24.2
23.6
0.8
0.3
0.2
14
Brésil
320
30.9
1.0
0.3
0.3
Il
Colombie
22.6
20.3
0.7
0.3
0.2
13
Equaleur
14.5
13.8
0.4
0.2
0.2
15
Mexique
146.7
141.2
4.6
7.9
5.6
56
Venezuela
110.5
99.2
3.2
8.4
58
85
Europe Occidentale
198.7
193.9
6.2
2.4
1.8
13
Norvège
81.1
74.9
2.4
l.5
1.1
20
Royaume Uni
93.5
91.9
3.0
0.5
0.4
6
Moyen-Orienl
825.3
814.0
26.3
89.3
65.2
109
Arabie Saoudile
320.7
256.5
8.3
34.7
25.2
135
Iran
156.1
142.2
4.6
12.7
9.2
89
Irak
100.3
138.6
4.5
13.4
9.9
97
Koweit
58.4
79.4
2.6
13.0
9.3
164
Emira15 Arabes Unis
101.7
98.6
3.1
12.9
9.3
DI
Qatar
19.4
18.7
0.6
0.6
OA
32
Afrique
317.5
2873
9.3
7.8
5.9
27
Algérie
56.7
50.4
1.6
1.2
0.9
24
Egyple
44.2
44.5
1.4
0.6
OA
14
Gabon
13.8
10.9
0.4
0.1
0.0
9
Libye
658
54.8
18
3.0
23
55
Nigeria
90.8
79.1
2.6
2.2
1.6
28
Asie -Océanie
1755
168.0
5.5
3.0
22
18
~
~
lnde
11
1.0
0.7
29
31.6
34.2

25
lndon.:sie
69.8
66.9
22
1.0
0.8
17
Malaisie
28.6
283
0.9
0.4
0.3
14
Pays à ~conomie planlliée
7231
7657
24.8
Il.4
82
15
URSS
5693
607.5
19.7
8.0
5.8
13
Chine
137.7
138.3
4.5
3.2
2.3
23
OCDE
726.8
735:0
23.7
7.9
6.2
Il
OPEP
1220.3
1130.0
36.5
\\04.2
75.6
92
PVD hors OPEP
480.3
459.1
15.0
\\33
10.0
29
Monde
3150.4
308~.8
100.0
\\ 36.8
\\00.0
44
Legende: -% signif,e pourcentage de la production totak ou des réserves totales. - Mt : millions de tonnes. Mdl: milliards de tonnes.
E'l : durée de vie des r.:serves en années de production. - PVD : Pays en voie de développement.
Sources: -B.P. : Statistical Review of World Energy, -oil and Gas Journal; -Pelroleu~ Economist.
!
!
Ces différentes données illustrent le déséquilibre patent de la distribution de ressources
pétrolières dans le monde. La géologie du pétrole n'a pas fondamentalement changé par rapport à ce qui
prévalait avant 1973. Le déséquilibre de la distribution des ressources pétrolières a toujours suscité et
justifie que l'on s'intéresse plus avant à la configuration actuelle du marché pétrolier ainsi qu'aux acteurs
qui l'animent.
L'ex-Union Soviétique a un poids qu'il ne faut pas oublier comme fournisseur de pétrole brut et
de produits pétroliers. Mais son secteur pétrolier connaît aujourd'hui une crise aiguë, due aux années de
mauvaise gestion et à la profonde désorganisation due à la crise actuelle. Seul un apport massif de
ressources financières et de technologies occidentale permettrait peut-être de sortir la production
pétrolière de ce pays de l'ornière dans laquelle elle continue de s'enfoncer.
PARAGRAPHE ID: LA FORMATION DE L'INDUSTRIE PETROLIERE ET LES ACfEURS DU
MARCHE PETROLIER
Pour une bonne connaIssance du bien particulier qu'est le pétrole et pour une bonne
compréhension des turbulences qui affectent les échanges pétroliers, il faut se pencher sur les conditions
de ['activité pétrolière et sur les conditions qui pèsent sur sa production et son offre
Le pétrole est connu depuis l'antiquité. Contrairement à une idée répandue, le pétrole n'a pas été
découvert au 19ème siècle. Sumériens, Assyriens, Babyloniens utilisaient trois mille avant notre ère, les

26
suintements nombreux de cette région du monde. l ? Mélangé au sable, le pétrole assurait l'étanchéité des
habitations et des embarcations; mélangé au soufre, il servait de médicament. Il est aussi utilisé comme
lubrifiant (graissage des essieux des chariots). Plus tard, les arabes continuent à l'utiliser notamment à
des fins militaires. A partir du moyen âge, un raffinage fort élémentaire pennit de produire des graisses à
machines et même des onguents utilisés en médecine.
I. La formation de l'industrie pétrolière
L'industrie pétrolière est récente. Il faut la découverte de l'Amérique pour que les espagnols
d'abord, puis les français et les anglais apprennent des indiens les divers usages du pétrole panni lesquels
celui de l'éclairage.
L'existence de nombreux gisements d'hydrocarbures explique en partie l'origine nord américaine
de l'industrie pétrolière. Mais la jonction besoins ressources n'aurait jamais eu lieu sans les innovations
majeurs dont le forage qui entraîne toutes les autres.
En effet le forage est l'innovation majeure. Creuser des puits pour recueillir le pétrole (comme
on extrait du charbon) est une voie sans issue à cause des infiltrations et des effondrements. DRAKE a
alors l'idée d'enfoncer un tuyau dans le sol à TITUS VILLE (pennsylvannie) en 1859 pour y rencontrer
le pétrole à 23 mètres de profondeur.
L'innovation qui suit immédiatement est le pipeline. En effet le premier pipeline est construit en
bois, sa longueur est de 300 mètres. Les suivants seront en fer forgés.
L'innovation qui suit est le raffinage. A l'aide de procédés très simples, le raffinage se met en
place. Une année après la découverte de DRAKE, 15 raffineries fonctionnent dans les environs de
PITTSBURG. Un maximum de brut est converti en kérosène qui sert d'huile d'éclairage, les produits
plus légers étant rejetés.
C'est l'industrie pétrolière des Etats-Unis 18 qui a façonné l'industrie pétrolière mondiale. Pendant
un demi-siècle (1860-1910), le capitalisme américain favorise une concentration industrielle à laquelle
poussent les caractéristiques techniques de cette nouvelle industrie. Ceux qui contrôlent le transport, le
raffinage, (points de passage obligés pour la production de brut), s'imposent pour le partage de la rente.
En effet, le raffinage est un moyen exceptionnel d'adaptation de l'offre à la demande, !par les divers
produits fournis en quantité variable (Kérosène, lubrifiants, essence, mazout etc ... ) d'une part; et d'autre
part, le pétrole étant liquide, son transport "fait partie intégrante de sa production".
17 MARTIN Jean-Marie, "L'économie mondiale de J'énergie", P.4S. Collection Répères, Septembre 1990
lM
Cette industrie pétrolière américaine est aussi ancienne que J'industrie pétrolière roumaine.

27
John D. ROCKEFELLER est l'artisan de la rapide concentration verticale et horizontale au
niveau du transport et du raffinage (non pas au niveau de la production). Il accroît sa part de marché en
arrachant des rabais occultes aux compagnies de chemin de fer pour le transport du brut destiné à ses
raffineries Il rachète les installations de ses concurrents malchanceux et acquiert progressivement une
position de monopsome face aux producteurs de brut et de monopole face aux distributeurs de produits
pétroliers. Sa compagnie, la Standard ail, devient un espace protégé contre les aléas de la concurrence
sauvage qui règne en amont et en aval.
John D. Rockefeller a construit un réseau d'oléoducs; il contrôle 90% du raffinage en 1895 et il
affiche le prix auquel il achète le brut (posted prices) sur la porte de ses raffineries. La construction de
son empire repose au départ sur un seul marché, celui du kérosène (pétrole lampant), qui représente
80% en 1880 et encore 33% en 1909 à la sortie de raffineries.
Le marché de pétrole lampant (kérosène) esl durement attaqué par le gaz d'éclairage et
l'électricité au moment même où la concurrence int~rnationale devient très vive entre les différents
groupes. En effet:
- Le groupe russo-suédois Nobel produit en Russie (1898).
- Différents producteurs nord-américains et la Shell aussi s'installent au Mexique à partir de 1905.
- Shell s'associe avec la Royal Dutch qui produit déjà en Indonésie.
- L'actuelle B.P. (l'ancienne Anglo-Persian Oil) découvre un gisement au bord du golfe arabo-persique.
Sous l'impulsion de l'innovation technologique, de nouveaux marchés apparaissent ce qui permet
à l'industrie pétrolière de résister à l'attaque du gaz d'éclairage et de l'électricité et aussi à la concurrence
internationale en son propre sein.
. Le premier de ces marchés est celui du mazout qui s'appuie sur l'essor du moteur diesel et sur les
facilités qu'offre son stockage. Il passe de 14% de la production nord américaine en 1899 à 46,5% en
1904.
Le deuxième marché est celui de l'essence. Commencé en 1880, la construction de l'automobile
s'accélère dès la décennie suivante. Ceci porte la part de la production d'essence dans la production
nord-américaine de 10,3% en 1880 à 18,2% en 1914 avant d'atteindre 44,3% en 1935 avec la
popularisation du fameux modèle T de Ford.
La Standard Oil ne survit pas à la législation antitrust, mais trois des compagnies issues du
démantèlement de 1911 (Standard of New Jersey, Standard of Califomia, Socony Mobil) restent au
coeur de l'industrie pétrolière international. Avec deux autres compagn.ies américaines (Gulf et Texaco)
et deux européennes, la Shell et la B.P. (l'ancienne Anglo-persian puis Anglo Iran.ian Oil Company):
elles forment le groupe des Majors

28
La mécanisation de la première guerre mondiale exige de si grandes quantités de carburants que
les gisements nord-américains s'épuisent. Le progrès technologique est de nouveau stimulé: le cracking
se développe dans le raffinage tandis que le forage rotatif et la récupération par injection de gaz ou
d'eau sous pression se diffusent.
Pour éviter que la concurrence ne provoque à nouveau la chute des prix, on doit réguler l'offre
et s'entendre sur un système de prix. Des accords de compensation régionales entre excédents et déficits
ou d'utilisation conjointe sont passées entre compagnies.
Un système de prix de référence est adopté. Il consiste à adopter un prix mondial unique calculé
"franco à bord" (FAB ou FOB) golfe de Mexique et majoré d'un fret fictif entre le Golfe du Mexique et
le lieu d'importation. Ces accords s'appliquent aux ventes de brut dans le monde entier exceptés les
U.S.A. et les économies socialistes.
Cette organisation s'est révélée d'une remarquable efficacité: très vite ce système de prix servira
à déterminer exclusivement les revenus fiscaux. Les compagnies intégrées verticalement (du puits à la
pompe), utilisant des prix de transfert.
II. Les acteurs du marché pétrolier
Fondée en 1861, la première société pétrolière s'appelait Pennsylvania Rock Oil. En 1865, plus
de 300 sociétés étaient recensées à New York. Mais très rapidement quelques-unes acquirent une
position dominante.
A la fin du siècle dernier, le débouché essentiel du pétrole demeurait l'éclairage et il paraissait
condamné par le développement du gaz et de la lampe électrique. Le développement de l'automobile ne
commença véritablement que peu avant la première guerre mondiale et la marine n'entreprit de se
convertir au mazout qu'à partir de 1910. C'est sur ce marché restreint mais prometteur que les sept
soeurs prirent pied avant de s'entendre pour "organiser le marché mondial du pétrole.
1. Les sept soeurs
Exxon, Mobil, Socal, Gulf, Texaco, Shell, British Petroleum constituent les" sept soeurs" 19 . (En
Mars 1984, Socal s'est engagée dans la prise de contrôle de Gulf, les sept soeurs ne sont plus que six)
Les sept soeurs se partagent en trois ensembles:
1. l. La Standard Oil et ses trois illustres rejetons: Exxon, Mobilet Socal.
19
Il ne faut pas confondre "les sept soeurs" avec les "majors". En effet, l'cnscmble des majors rcgroupe de 'manière plus
large, toutes les grandes sociétés, et notamment les grands "indépendants".

29
20
La Standard ail Company est une société anonyme
qui contrôle 10% de l'industrie pétrolière
américaine. La force de la Standard Oil Company vient de sa position d'intermédiaire entre les
producteurs incapables de s'entendre pour éviter la surproduction et les consommateurs. En 1883, la
Standard ail présente dans la plus grande partie des Etats-Unis et à tous les stades de la filière du
pétrole se transforme en société financière, la Standard ail Trust. En 1895, la Standard Oil annonce
qu'elle achètera désormais le brut au prix qui lui paraîtra juste et non pas au prix déterminé par l'offre et
la demande sur les marchés organisés du pétrole qui se sont crées et qui fonctionnent alors suivant les
règles des bourses de commerce. Toutes ces bourses du pétrole ferment dans un délai d'un an à cause de
la position dominante de la Standard Oil. Un puissant mouvement est déclenché contre les monopoles et
leurs abus. C'est ce qui a aboutit au vote de la première loi antitrust en 1890 (la loi Sherman) puis à des
poursuites contre la Standard ail qui est dissoute en 38 sociétés c'est-à-dire en autant de sociétés que
d'Etats où elle est présente. Trois sociétés parmi les 38 n'ont cessé de jouer un rôle très important sur le
marché mondial du pétrole: la Standard ail of New Jersey (Exxon), la Standard ail of New York
(Mobil), et la Standard ail of Califomia (Socal ou Chevron).
2.1. Gulf et T exaco
Ces deux sociétés se formèrent quelques années après la découverte en 1901 du pétrole au
Texas. Le premier gisement de Gulf s'épuisa rapidement. La Gulf rechercha d'autres sources de pétrole
et finit par en trouver dans l'Oklahoma. Elle devient dès 1906 une très grande société qui vendait du
pétrole jusqu'en Europe et notamment en France. (La Gulf est contrôlée par la Socal depuis 1984).
L'autre société texane est la Texaco. Elle monta une organisation commerciale à l'échelon des Etats-
Unis tout entier. Par son étendue, elle put résister aux guerres de prix déclenchés par Rockefeller.
3. 1. Les sociétés britanniques: Shell et B.P.
La Shell est une société anglo-hollandaise, issue de la fusion opérée en 1906 entre la Shell et la
Dutch. Les capitaux néerlandais représentaient 60% et les capitaux britanniques 40% du total. La
British Petroleum naquit d'une concession d'exploitation du pétrole persan en 1901. Après des
recherches infructueuses, la société britannique détentrice de la concession se tourna vers une petite
société britannique qui exploitait du pétrole trouvé en Birmanie, la Burmah Oil. En 1908, la Burmah ail
trouva du· pétrole en Perse et un an plus tard elle constituait avec le titulaire de la concession une
société appelée Anglo-Persian. En 1914, W. Churchill, préoccupé par l'approvisionnement de la Royal
Navy demanda au parlement de nationaliser l'Anglo-Persian qui devient alors la British Petroleum avec
51 % du capital pour l'Etat Britannique.
20
John O. Rockefeller transfonne ainsi en 1870 l'entreprise de raffinerie dont il avait pris le contrôle en 1865 (alors qu'il
était âgé lui-même de 26 ans) en société anonyme au capital de lM de $ dont il détient les 27%.

30
2. La répartition des marchés: L'accord d'Achnacarry et l'accord de la ligne rOl<rge
Les grandes sociétés se livraient une guerre des prix. La tension était manifeste entre la Standard
et la Shell qui se livraient à une guerre des prix incessante. La surabondance qui commençait à se
manifester et l'effondrement des prix rendirent nécessaires la stabilisation du marché.
a) La répartition des marchés et l'accord Achnacarry
Après une période d'affrontements et de guerre des prix, essentiellement entre la Standard Oil et
la Shell, le marché mondial fut partagé de manière stricte en 1928, entre les grandes sociétés par
l'accord d'Achnacarry (du nom du lieu où il fut signé). L'effondrement des prix et les difficultés des
entreprises protagonistes de la guerre des prix mirent leurs dirigeants dans la nécessité de rechercher
une stabilisation du marché.
L'accord d'Achnacarry comportait deux dispositions principales:
. La première était l'institution d'une répartition quantitative des marchés fondée sur le statut quo
observé en 1928. C'était la clause "tel quel" ("as is" en anglais). Les signataires s'engageaient à géler les
parts détenues par les différentes sociétés. Cette répartition quantitative consacrait la renonciation de la
Standard Oil à la position dominante qu'elle prétendait détenir sur le marché mondial.
. La deuxième disposition de l'accord était la fixation des prix à un niveau suffisant pour assurer
la protection du marché américain. Le "Gulf plus system" consistait à calculer le prix de vente de tous
les pétroles produits dans le monde à un niveau qui correspondait au prix de production du pétrole
américain dans la région du Golfe de Mexique, diminué d'un fret théorique facturé aux consommateurs
et représentant le transport fictif du pétrole de son point de production quel qu'il soit jusqu'au Golfe du
Mexique.
L'accord fut complété par l'adhésion d'une quinzaine de grandes sociétés américaines.
b) La stabilisation de la production et l'accord de la ligne rouge:
Un autre accord passé à la même époque que celui d'Achnacarry, mais indépendarmnent de lui a
contribué à établir le cadre de l'activité des grandes sociétés pétrolières: c'est l'accord dit de la "ligne
rouge".
Le capital de la Turkish Petroleum Company (fondé en 1914, avec pour objet l'exploitation du
pétrole de l'Irak) se répartissait entre la British Petroleum (47,5%), la Shell (23,75%) et la Deutsche
Bank qui avait financé le chemin de fer irakien (23,75%). (c. Gulbenkian fondateur de la société avait
gardé 5% du capital).
En 1919, lors du traité de San Remo, la France recueillit les parts de la Deutshe Bank: la
Compagnie Française des Pétroles (C.FP.) fut crée en 1924 pour les exploiter.

31
En 1925, la TPC devint L'Irak Petroleum Company (IPC) à la suite d'un accord passé avec l'Etat
irakien qui venait de naître. C Gulbenkian insista pour que les actionnaires de l'IPC c'est-à-dire B.P,
Shell, C.F.P., SO of NJ et Mobil s'engagent à ne pas prospecter dans le territoire de l'ancien empire
Ottoman, délimité sur une carte par une ligne tracée au crayon rouge, sans la participation de leurs
partenaires. Le but était d'empêcher la prospection sauvage afin de stabiliser la production.
3. La domination des sept soeurs sur le marchépétrolier
Que ce soit la crise produite avec la nationalisation par le Mexique de son pétrole en 1936, ou la
longue et spectaculaire crise iranienne (1951-1953), suite à la nationalisation décidée par Mossadegh,
les grandes crises ont tourné. à l'avantage des grandes sociétés. Les compagnies occidentales
boycottèrent le pétrole iranien et en 1953,à la suite d'une crise politique et d'une intervention de certains
services occidentaux, Mossadegh fut évincé.
A la suite de la crise iranienne, les sept soeurs formèrent un consortium (qui exploita le pétrole
d'Iran) dont la domination se manifestait par une entente stricte.
D'autre part, les compagnies s'entendaient pour fixer l'augmentation de la production globale et
pour la répartir entre les pays producteurs.
4. La politique des pays producteurs de et l'OPEP
Pour assurer la sécurité de leurs revenus, les pays pétroliers avaient obtenu des compagnies
pétrolières que les redevances qu'elles leur verseraient soient calculées à partir d'un prix affiché, fixe, du
pétrole; le prix réel pouvait éventuellement varier avec l'institution
de légers rabais en période de
surproduction mais les pays producteurs étaient à l'abri de ces variations de prix.
En 1959 et 1960 la situation de surproduction était telle que les compagnies pétrolières (et en
fait la compagnie Exxon) décidèrent de diminuer les prix affichés. La décision la plus spectaculaire eut
lieu le 8 Août 1960. Le mois suivant, l'OPEP se créait à Bagdad. Cinq pays étaient présents: l'Iran,
l'Irak, l'Arabie Saoudite, le Koweït et le Venezuela.
Les milieux pétroliers exprimèrent un très scepticisme à l'égard de l'OPEP.
Le 30 Juin 1965, le Conseil Economique et social des Nations Unies reconnut l'OPEP comme
Organisation Internationale.
L'OPEP enregistra son premier grand succès en Novembre 1965 avec l'accord de Djakarta Le
taux d'imposition réel des sociétés passa de 50 à 56% des bénéfices. Par ailleurs elle empêcha toute .
diminution de prix affiché.

32
En 1972, les sept soeurs dominaient 70% de la production de pétrole dans le monde non
communiste (Exxon 15%, Shell /3%, B.P. 11%, Texaco 10%, Socal 8%, Gulf 8%, Mobil 6%). Elles
avaient cependant commencé à perdre la maîtrise sur les prix, et surtout sur la répartition des profits et
de la production elle-même.
5. La nouvelle structure de l'industrie pétrolière internationale
Avant 1973, il n'existe pas de marché pétrolier international. Les grandes compagnies pétrolières
intégrées verticalement se sont constituées en un cartel qui contrôle une part importante de: l'industrie et
se sont habituées à ne produire que lorsqu'un débouché existe. Le brut transite de l'amont vers l'aval
sans changer de propriétaire. Lorsque d'aventure un déséquilibre apparaît, elles cèdent leurs excédents
en comblant les déficits occasionnels entre elles.
Il existe bien un marché dit spot, c'est-à-dire portant sur des cargaIsons ponctuelles et
occasionnelles de brut ou de produits pétroliers. La zone portuaire d'Amsterdam-Rotterdam-Anvers
abrite le principal de ces marchés.
Ce marché spot n'est qu'un marché d'ajustement permettant les équilibres entre: l'offre et la
demande des différentes société et des différents marchés nationaux. Leurs transactions ne: représentent
que quelques pourcents des flux pétroliers internationaux et donc les prix pratiqués sur ces marchés
spots n'ont en tout état de cause, aucune signification généralisable d'un point de vue économique,
aucune influence sur le reste des transactions pétrolières intégrées.
La demande pétrolière augmente dans le monde, les prix baissent régulièrement, cela au dépens
des producteurs qui ne reçoivent qu'une très faible rémunération pour l'exploitation du pétrole de leur
sous-sol.
21
L'organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) créée en 1960
a commencé à affirmer
son pouvoir en 1973 en prenant pour la première fois la décision d'augmenter le prix du pétrole22 . Elle a
ensuite cherché à organiser le marché international de manière à ce que le prix OPEP devienne le prix
unique d'un marché comprenant l'ensemble des flux pétroliers internationaux.
Avec le retournement du marché à partir de 1981, il est apparu impossible à l'OPEP de maintenir
son système de prix officiel et de contrats à long terme. Progressivement, le marché libre s'est imposé.
De 1973 à 1988, l'industrie pétrolière internationale s'est dotée d'une nouvelle structure
L'intégration verticale n'est plus la norme. La caractéristique principale est devenue le découplage entre
,1
L'OPEP a été crée par cinq pays en 1960 (Vénézuela, Arabie Saoudite, Iran, Irak, Koweit) Huit pays se joindronl à
eux-par la suite (Qatar, Libye, Indonésie, Emirats Arabes Unis, Algérie, Nigéria, Equateur, Gabon).
22
Les hausses de prix ont resulté du déséquilibre entre demande et offre de pétrole dans les années soixante dix, el de la
structure concentrée de l'offre au sein de l'OPEP.

33
amont et aval. A l'amont, les producteurs sont excédentaires, longs en brut, et s'efforcent de trouver les
débouchés les plus avantageux. Une vingtaine d'entreprises publiques produisent la moitié de la
production23 (Hors pays communistes) soit seules, soit dans le cadre de contrats de production partagée
de risque ou d'association passés avec les compagnies occidentales
Parmi cette vingtaine de
producteurs, quatre occupent une place dominante du fait de l'importance de leur production, de leur
intégration verticale tant nationale qu'internationale, de leur stratégie offensive.
En aval, dans les pays importateurs, une vingtaine de grandes sociétés jouent un rôle
international important. Les six majors continuant à occuper une place dominante.
On se trouve devant une industrie pétrolière bicéphale, l'amont étant dominé par quatre firmes,
['aval par six.
Entre l'amont et l'aval l'équilibre est réalisé par le marché: les flux internationaux entre acteurs
différents permettent l'écoulement des excédents des producteurs de l'amont et la couverture des déficits
des raffineurs et distributeurs de l'aval. Ces flux sont devenus une activité économique à part entière,
activité rentable dans laquelle de nouveaux opérateurs (les négociants) se sont engagés.
La chute des prix de 1986 a éliminé beaucoup de petits négociants. Les grosses sociétés ont
survécu à cause de l'importance des enlèvements qu'elles effectuent, de leur régularité etc...
Les grands négociants multi-produits, les filiales de négoce des grandes sociétés pétrolières et
les organismes de financement ont survécu au contre-choc. Dans ce groupe on trouve Phillips Brothers
(Phibro), Marc Rich, les Shoshajaponnaises maisons de commerce). Parmi les sociétés pétrolières Shell,
B.P. et Mobil sont actives.
Les compagnies pétrolières en créant leurs filiales de négoce, se sont adaptés à la souplesse
caractérisant désormais le marché pétrolier international, sans renoncer pour autant à la sécurité que
représente l'intégration verticale.
SECTION Il
L'OFFRE DE BRUTS
Le pétrole brut est l'ensemble des produits liquides qui proviennent des gisements de pétrole et
qui sont constitués principalement par des hydrocarbures non aromatiques (parafiniques, cycloniques
etc), à condition qu'ils n'aient pas subi d'autres traitements que la décantation, la déshydratation ou la
stabilisation (la stabilisation consiste à ôter des huiles brutes, certains hydrocarbures gazeux qui sont
dissous, ceci afin de faciliter leur transport).
:J
llOOMt en 1988. Source: Jean-Pierre Angelier: "Le pétrole" Ed Economica, 1990, page 40.

34
Le pétrole peut également être obtenu à partir de condensats obtenus aux puits ou aux unités de
séparation ou par distillation des combustibles solides.
Après cette définition du pétrole brut, nous allons examiner maintenant la modification de la
physionomie du marché depuis 1973 à travers l'étude de l'émergence des compagnies pétrolières
nationales et les opérations des autres.
* L'émergence des compagnies pétrolières nationales:
Avant 1973, l'offre de brut était essentiellement dominée par les grandes compagnies pétrolières
internationales, les "Majors" qui étaient au nombre de sepe4 , (à savoir Shell, British Petroleum, Mobil,
Gulf, Texaco Standard Oil of California qui deviendra Chevron et Exxon) et certaines grandes
compagnies indépendantes notamment Arco et Amoco. Ces compagnies opèrent par le biais des
concessions25 sur le territoire des pays détenant physiquement le pétrole.
Grâce à ce système, les grandes compagnies pétrolières internationales s'assuraient un accès
privilégié au brut peu coûteux du Moyen-Orient notamment et contrôlaient de fait les gisements de cette
zone.
Selon le système de l'intégration "du puits à la pompe", ces grandes compagnies (majors et
indépendants) dominaient l'intégralité de la filière pétrolière, de l'exploration à la distribution en passant
par la production, le raffinage et le transport. Cette intégration verticale complète permettait aux
grandes compagnies de contrôler les divers stades de la production pétrolière et surtout de s'assurer,
pour elles-mêmes mais aussi en général pour les consommateurs un approvisionnement en brut dans les
meilleures conditions.
24
On associe en général aux sept Majors, la Compagnie Française des pétroles.
~
.
.
.
.
.
' "
.
Dans un contrat de concession, l'Etat producteur qui octroie la concesSIOn autonse la compagrue concesSIOnnaIre a
exploiter et développer ses découvertes éventuelles dans des conditions bien détenninœs à l'avance. La société pétrolière
fait l'avance des frais d'exploration, en cas de découverte, elle supporte en général l'intégralité: des coûts de
développement, d'exploitation. La société concessionnaire demeure toutefois propriétaire de brut, mais verse une
redevance à l'autorité concédante.

35
Tableau: Evolution du rôle des Majors depuis 1973.
"i\\nnées
Acces au brul ~'1l % de l'Offre
Venles de produits en % des
Production des produits
mondiale
venles mondiales.
raffines en % de la
production mondiale
1973
58
46
43
70
55
52
1975
46
40
36
60
50
45
1980
))
35
32
44
45
40
1984
28
32
24
39
42
33
1989
12
32
21
16
41
27
L~ende : Pour chaque annee, le nombre en premicre ligne correspond au % indiqué en haut de la colonne. Le nombre sur la seconde ligne correspond au % du
titre mondial. hors pays li économie planifiée.
Source: BP Statistical review, OPEC 1989, Oil and Gas Journal, Petroleum Inl.elligence Weekly, Cambridge encrgy research associales.
L'émergence dé compagnies pétrolières publiques s'accéléra en 1973 dans un certain nombre de
pays producteurs de pétrole~6 et notamment ceux de l'OPEP. Cette émergence de compagnies
pétrolières publiques va bouleverser la physionomie du marché, ce qui va modifier le système en
vigueur jusqu'alors, car celui-ci se trouvera entièrement modifié avec la prise de contrôle des réserves
pétrolières par les pays producteurs et la nationalisation des avoirs des compagnies pétrolières
étrangères opérant sur le territoire de ces pays.
La part des Majors dans la détention des réserves mondiales se trouva ainsi réduite à sa portion
congrue passant de 98% en 1950 à moins de 5% en 1990. Un maillon important de la chaîne pétrolière
(celui de la production et de la commercialisation) va passer en même temps sous le contrôle direct des
pays producteurs et plus précisément des compagnies publiques de ces pays.
Les pays en voie de développement cherchaient au début des années 70 à imposer la mise en
place d'un Nouvel Ordre Economique International (N.O.EI). La reconnàissance de leur souveraineté
26
C
.
ertams pays tels que l'Iran. l'Indonésie etc .. avaient déjà amorcé la nationalisation des compagnies.

36
sur leurs ressources naturelles constituait l'un des moyens d'y parvenir. C'est d'ailleurs dans le cadre de
cette stratégie qu'il convient d'analyser la stratégie des pays de l'OPEP.
Les principales compagnies de ces pays exportateurs de pétrole sont la Saudi Ararnco (Arabie
Saoudite), l'INOe (Irak), la NIOe (Iran), la PEMEX (Mexique), la PDVSA (Venezuela), et la KPe
7
(Koweïtr . Panni ces six compagnies qui sont dans le haut du classement des compagnies productrices
de brut , la compagnie saoudienne se démarque nettement des autres que ce soit au niveau de la
production ou au niveau des réserves détenues.
Tableau: Les 15 principales compagnies du secteur amont en 1989 28
Rang 1990
Compagnie
Réserves (mi IIions de
p,.oduction (\\ 000
Année de production
barils)
barilslj)
1
"Saud; Aramco
257559
5337
132
2
"rNOC
100000
2786
98
3
"NIOC
92860
2870
89
4
"PEMEX
51983
2894
49
5
"PDVSA
59085
1985
82
6
"KPC
97125
14\\1
189
7
RD/SHELL
9496
1852
14
8
"ADNOC (EAU)
64544
1029
172
EXXON
7467
1804
\\1
9
10
"NNPC
9600
1191
22
"SONATRACH
9200
1221
21
Il
B.P.
7035
\\142
14
12
"LYBIANOC
20520
842
67
13
"PERTAMrNA
6632
885
21
14
CHEVRON
3179
949
9
15
"Indique que la compagnie est propriete d'Etal.
Sauret:: Petroleum Intelligence Weekly, supplément 7 janvier 1991.
27
. , .
l M '
t le seul non membnre de l'OPEP.
On notera que parmI les pays cItes, e
eXlque es
.
(; .
d
t que la guerre du Golfe (crise irako-
28
Les chiffres présentés ici se référant à des données de 198~ Il n~ aIt aucu~n~~ ~lors que les compagnies saoudienne,
koweïtienne) a modifié les classements L'lnoc et la Kpc per
ont eur Impo
venezulienne ct iranienne vont au contraire gagner du terram.

37
La domination des compagnies pétrolières publiques sur le secteur amont de l'industrie pétrolière
ne fait aucun doute car sur les quinze principales compagnies productrices de brut, onze sont des
compagnies publiques appartenant à un pays producteur de brut.
Les six premières compagnies contrôlent plus de 35% de la production mondiale de brut (hors
pays de l'ancien bloc soviétique).
Les compagnies publiques sont apparues soit à la suite de nationalisations des actifs des
compagnies pétrolières internationales opérant sur le territoire du pays en question ou par le biais d'une
simple prise de participation. Les nationalisations et les prises de participation se sont accélérés et
multipliées au déhut des années 70. Mais certaines étaient toutefois bien antérieures à cette époque,
comme la nationalisation mexicaine qui date de 1938 et la nationalisation de l'Anglo Iranian Oil
Company qui date de 1951.
Dans la catégorie des nationalisations, l'Irak dès 1972 nationalise les actifs de l'Irak Petroleum
Company et en 1973 ceux de la Basrah Petroleum, afin de constituer l'INûC (Irak National Oil
Company). En Janvier 1976, le Venezuela procède à la nationalisation complète des avoirs de l'industrie
pétrolière locale.
D'autres pays producteurs procéderont de manière plus progressive, par le biais des prises de
participation qui évolueront ensuite vers une nationalisation complète. C'est le cas de l'Arabie Saoudite
qui a racheté 25% en 1972, puis 60% en 1974 des actifs des quatre sociétés pétrolières américaines
opérant sur le territoire et regroupées au sein du consortium Aramco. Elle rachètera le reste des parts
au début des années 80.
Certaines compagnies publiques continuent d'exploiter les gisements en collaboration avec les
compagnies internationales, tandis que d'autres opèrent seules sur le marché national comme la
compagnie Koweïtienne. Dans le premier cas c'est-à-dire l'exploitation des gisements en collaboration
avec les compagnies internationales, les relations entre ces dernières et la compagnie publique peuvent
être régies soit sous forme de concession, soit sous forme d'accord de partage de production (cas de la
Saudi Aramco avec les quatre sociétés américaines dont elle a racheté les actifs ), ou encore de contrat
de service avec risque ou d'assistance technique. 29
Dans le
régime
des concessions,
la
compagnie exploitante jouit
de
la
propriété des
hydrocarbures qu'elle découvre. En effet, le gouvernement lui octroie le droit d'explorer ses découvertes
éventuelles selon certaines modalités fixées à l'avance Dans le cadre des accords de partage ou des
autres types de contrat, l'Etat producteur reste propriétaire des ressources découvertes. Ainsi, la
~9 JACQUET P. ct NICOLAS F.. "Pétrolc, crises, marchés, politiquc", Editions DUNOD, Paris, 1991. P. 27.

38
compagnie exploitante ne possède tout au plus qu'une créance sur une partie du brut produit, sous des
formes juridiques qui peuvent être variables. 30
Il convient alors de faire la distinction entre deux catégories de brut : d'une part le brut "de
concession" ou "d'équité", directement produit et commercialisé par les compagnies exploitantes
moyennant paiement d'une redevance (ou royalties), d'autre part le brut "de participation" qui revient
aux Etats producteurs et dont les compagnies nationales prennent en charge la commercialisation. Une
partie de ce brut de participation peut revenir à la compagnie étrangère fournissant capitaux et savoir-
faire ou lui être revendu à un tarif préférentiel. Mais ce n'est pas toujours le cas dans la mesure où la
compagnie étrangère peut être rémunérée en espèce comme les contrats d'assistance technique.
Les contrats d'assistance technique et les contrats de services avec risques fonctionnent
essentiellement selon les mêmes modalités. Mais la différence est que dans le premier type: de contrats,
la rémunération de la société pétrolière étrangère se fait sous fonne financière alors que dans le second
type, la compagnie étrangère (qui n'a aucun droit sur les hydrocarbures extraits) aura la possibilité
d'acheter une partie de la production à un prix préférentiel. Dans ces types de contrat, la société
étrangère est un simple opérateur rémunére! pour les services rendus sous la responsabilité de l'Etat
producteur ou de la compagnie nationale.
Dans les contrats de partage de production (production sharing agreements), l'Etat, qui est seul
titulaire des droits et titres miniers est représenté par une société nationale à capitaux publics et fait
appel à l'assistance technique et financière d'opérateurs privés. La rémunération de cette assistance
consiste en un prélèvement sur la production, le reste de celle-ci revenant à l'Etat. En général, une
proportion de 20% de la production de brut revient à la société exploitante au titre de sa rémunération,
les 80% restants reviennent à la compagnie nationale, donc à l'Etat producteur. 32
Certaines compagnies se sont lancées dans une stratégie de diversification géograph~que de leurs
productions qui va bien au-delà du contrôle de la production du pétrole sur leur propre territoire. En
exemple, nous avons la "KPC" qui pour l'acquisition de la société américaine Santa Fe, a réussi à
imposer sa présence en Indonésie, Egypte, Tunisie, Bahreïn, Congo, Tanzanie, Soudan, Turquie, Italie,
Australie, Mer du Nord où elle opère systématiquement en coopération avec d'autres compagnies".})
JO
GIRAUD A. et BOY de la TOUR X., "Géographie du pétrole et du gaz", Editions TECHNIP. Paris, 1987. P. 266.
JI
Il est quand même bon de remarquer que dans ce cas de contrats de services avec risque, la société étnmgère prend en
charge de l'explorâtion et son financement et c'est en cas de production que l'Etat luf rembourse les dépenses réalisées.

Industrie et Développement InternatIOnal, Août 1989, p.391.
J)
JACQUET P. et NICOLAS F. "Pétrole, crises, marchés, politique", Editions DUNOD, Paris. 1991. P 28

39
* Les Compagnies Internationales et celles des pays importateurs
Dans le secteur amont de l'industrie pétrolière, les principaux acteurs pouvant concurrencer les
compagnies pétrolières publiques des pays producteurs sont les anciennes Majors (qui sont désormais
au nombre de six et non plus de sept depuis le rachat de Gulf par Chevron en 1984) Toutefois,
certaines de ces six compagnies internationales telles que Exxon, B.P. et Chevron sont en recul dans le
classement des principaux producteurs de brut. Seule la Royal Dutch Shell s'en sort relativement bien
(voir notre tableau: les 15 principales Compagnies du secteur amont). Elle a même gagné une place au
cours des dix dernières années. La part des Majors dans la production mondiale de brut (hors économie
planifiée) est passée de 57% en 1973 à 17% en 1990. 34
Les compagnies internationales (ex-Majors) opèrent désormais soit par le système de contrats
(concession, partage de production, de services avec risques ou d'assistance technique). La concession
demeure le système privilégié des pays industrialisés producteurs de pétrole, tandis que les autres types
de contrats dominent dans les PVD.
Les grandes compagnies internationales ont perdu le contrôle direct des gisements et l'accès
privilégié et protégé aux bruts moyen-orientaux, ce qui les a conduites à modifier leur stratégie et
notamment à diversifier géographiquement leurs activités en dehors de la zone OPEP. Elles réorientent
également leurs stratégies vers une réappropriation de gisements par le biais d'achats de réserves
pétrolières en terre.
En dehors des acteurs pnnclpaux que sont les compagnies internationales, d'autres acteurs
interviennent de façon marginale sur le marché de la production de brut. Il s'agit d'une part de certaines
compagnies pétrolières indépendantes américaines telles Arco, Amoco ou Comoco et d'autre part de
certaines compagnies publiques
(ou semi-publiques ) appartenant à des importateurs de pétrole,
notamment en France la Société Nationale Elf-Aquitaine (EU) et la Compagnie Française des Pétrole
(CF.P); ou en Italie, Ente Nationale Idrocarburi (ENI); etc.
Les compagnies indépendantes produisent essentiellement aux Etats-Unis, tandis que les
compagnies publiques (ou semi-publiques) des pays importateurs sont plus diversifiées puisqu'elles
produisent en Mer du Nord (Elf), en Asie (CF.P), au Moyen-Orient (Elf, CF.P.), en Afrique (Elf,
ENI) etc. .Ces diverses sociétés sont cependant loin de pouvoir réellement concurrencer les grandes
compagnies publiques des pays exportateurs ou les Majors. Les sociétés japonaises pratiquement
abse.ntes à ce stade de la filière pétrolière, sont toutefois présentes par le biais de joint-venture
Nous allons voir à présent l'offre de brut.
], JACQUET P el NICOLAS F. op ciL P30.

40
SECTION III : L'OFFRE DE PRODUITS PETROLIERS
Les produits pétroliers comprennent les combustibles liquides, les huiles de graissage et les
produits solides et semi solides obtenus par la distillation et le cracking du pétrole brut, de l'huile de
schiste ou des produits raffinés ou semi-finis. Les produits oléiques peuvent également ètre obtenus à
partir du gaz naturel, du charbon, du lignite et leurs dérivés.
Les produits pétroliers sont subdivisés en deux sortes: produits pétroliers énergétiques et non
énergétiques, c'est-à-dire ceux qui seront utilisés pour produire de l'énergie et ceux qui sont retirés du
circuit de l'énergie et utilisés comme matière première
Le secteur amont est dominé par les compagnies des pays producteurs:
Les Majors et certaines grandes compagnies indépendantes dominaient jusqu'en 1973 l'ensemble
de la filière pétrolière. Cette domination avait été possible avec le règne du système d'intégration "du
puits à la pompe". Elles dominaient non seulement le secteur amont, mais aussi ce qu'il est convenu
d'appeler l'aval de l'industrie pétrolière à savoir le secteur du raffinage et de la commercialisation des
produits
La domination des Majors et des grandes compagnies indépendantes n'a pas été violemment
battue en brèche dans le secteur aval (contrairement à ce qui s'est passé dans le secteur amont). Ces
sociétés demeurent les principaux intervenant à ce stade de la filière.

41
Tableau :Les 15 principales compagnies du secteur aval :
RANG 1990
Compagnie
Capacite de raffmage
Vente de produits
Ratio (1 )/(2)
1000 b/j
1000 b/j
(1)
(2)
1
Exxon
4121
4625
89%
2
RDrSheli
4102
4990
83%
3
Mob;1
2111
2593
81%
4
BP
1848
2663
69%
5
Chevron
2185
2209
99%
6
"PDVSA
1894
1500
126%
7
Texaco
1525
2381
64%
8
"Saudi Ararnco
1620
1525
106%
9
"Pemex
1679
1274
132%
10
Amoco
1055
1222
86%
II
"Petrobras
1377
1182
116%
12
"Total CFP
986
1123
88%
13
"KPC
852
966
88%
14
"NIOC
766
915
84%
15
"ENI
740
898
82%
" Indique que la compagnie est propriété d'Etat
Soura: Petrolcum Intelligence Weekly, Supplément, 7 Janvier 1991.
Dans la liste des quinze plus importantes sociétés, en plus des cinq Majors dont il a été question
dans le secteur amont, on remarque la présence de la Major Texaco à la septième place 35 Aux côtés des
Majors, les principales compagnies internationales pesant d'un certain poids dans ce secteur, sont
['Amoco et la Sun (Etats-Unis) qui occupe la 20 ème place.
Les plus importantes compagnies publiques ou semi-publiques des pays importateurs de pétrole
sont Total C.F.P. (France) et ENI (Italie). Dans le classement, début] 990, ELF n'occupait que le vingt-
neuvième rang mondial. Mais à la suite de l'acquisition de deux des plus grands distributeurs
indépendants des produits raffinés en France (Tardy et Bianco), ELF est passé au premier rang de l'aval
35
La Major Texaco est absente du classement dans le secteur amont, cf. tableau des 15 principales compagnies du
secteur amont en page....

42
français, accroissant sa part de marché de 16 à 25%J6 Les compagnies japonaises absentes dans le
secteur amont, développent au contraire leur présence dans le secteur aval. C'est ainsi que Nippon Oil
occupe la seizième place et Idemitsu la vingt-et-unième place dans le classement mondial du secteur
aval.
Dans le secteur du raffinage, la suprématie des grandes compagrues est particulièrement
marquée. Exxon et RD/Shell sont à la tête de grandes capacités de raffinage, dépassant de loin Mobil et
Chevron.
Mais les grandes compagnies des pays exportateurs montent en puissance:
Les compagnies publiques des pays exportateurs de pétrole se sont lancées dans une stratégie de
diversification en aval. C'est ainsi que la PDVSA (Venezuela), la Saudi Aramco (Arabie Saoudite), la
Pemex (Mexique), la NIOC (Iran) et la Petrobas se retrouvent parmi les quinze principales du secteur
du raffinage. L'une des manifestations de cette restructuration a été l'émergence de la plupart des pays
de l'OPEP (par le biais de compagnies pétrolières publiques) sur le marché du rafllnage et de
l'exportation des produits raffinés 37
Deux stratégies distinctes sont à l'origine de la stratégie d'intégration en aval des compagnies
publiques exportatrices de brut :
- Le premier objectif est une politique de substitution aux importations. Dans ce cas, la mise en place
d'une industrie de raffinage est exclusivement destinée à répondre à la demande intérieure.
- Le deuxième objectif est une politique plus ambitieuse de valorisation des exportations. Dans ce cas,
l'industrie de raffinage est censée permettre de capter une plus grande part de la valeur ajoutée.
D'un point de vue technique, la diversification en aval de ces compagnies publiques s'est
effectuée selon deux modes différents : soit l'intégration pure et simple, soit la participation financière
essentiellement par le biais de joint-ventures.
- Intégration pure et simple :
Le Koweït à travers la KPC a adopté une politique de valorisation de ses exportations et a opté pour la
stratégie d'intégration du puits à la pompe, selon l'ancien modèle des Majors, puisque la mise en place
de capacité de raffinage s'est accompagnée de l'acquisition de réseaux de distribution clans les pays
J6 _ Pélrostralégie. 26 Novembre 1990. PA
_
J'
Il est probable que c'est en partie l'accroissement des capacités de raffinage des pays traditionnelIement exportateurs
qui a provoqué les problèmes de surcapacitéobservés vers le milieu des années 1980 alors que la demande de bruts et de
produits pétroliers était relativement faible.

43
consommateurs notamment en Europe de l'Ouest. Le Koweït est pratiquement le seul pays de l'OPEP
qui s'implante directement en aval par l'intermédiaire de sa compagnie nationale. JH
Mais son exemple
commence à être suivi par d'autres comme l'Arabie Séoudite qui s'est lancée dans d'importants
investissements aux Etats-Unis.
- La participation financière.
La plupart des pays de l'OPEP ont préféré la voie moins contraignante de la participation financière
dans des sociétés existantes. Ceci s'explique par le fait que la stratégie d'intégration nécessite la création
d'une entité propre et donc de moyens financiers et de capacités de gestion considérables. L'exemple Je
plus important dans la stratégie par la participation financière est celui de la compagnie vénézuélienne
PDVSA qui détient des participations en aval à la fois sur le marché américain et sur le marché
européen.
SECTION IV : LA DEMANDE
Nous procéderons au traitement de cette section en deux entités. la demande de bruts et la
demande de produits pétroliers. Cette distinction est nécessaire parce que les principaux acteurs
diffèrent sur ces deux marchés.
PARAGRAPHE 1 : LA DEMANDE DE BRUTS
La physionomie de l'industrie pétrolière a été profondément modifiée au cours des qUInze
dernières années notamment avec le démantèlement partiel du système d'intégration "du puits à la
pompe". Cette évolution a eu des répercussions importantes du côté de la demande de pétrole, certaines
transactions qui se passaient auparavant à l'intérieur d'une même entité industrielle devant désormais
s'effectuer par le biais du marché. C'est ainsi qu'un véritable marché du brut est apparu.
JM
AYOUB A. "Le marché pélrolier inlernalional :instabililé el restructuration", Revue de l'Energie, n° 407, Déc 1988
P761
(PP. 754-763)

44
Raffineurs et consommateurs :
Les pnnclpaux demandeurs de bruts sont les raffineurs, donc essentiellement les grandes
compagnies pétrolières internationales. Les compagnies de raffinage s'approvisionnent en général en
bruts auprès des producteurs par le biais de contrats à terme39 qui leur garantissent une certaine sécurité
ou sur le marché spot.
Les gros consommateurs de pétrole sont bien entendus les pays industrialisés qui avaient fondé
leur prospérité jusqu'au premier choc pétrolier sur l'utilisation intensive d'une énergie bon marché. Ils
créèrent 40 à la suite de ce choc, l'Agence Internationale de l'Energie (A.I.E.), dont le:s principaux
objectifs sont de favoriser la coopération entre membres afin de réduire la dépendance excessive à
l'égard du pétrole, et de mettre en place un système d'informations relatives au marché pétrolier
international et surtout un plan de sécurité des approvisionnements fondé sur la constitution des stocks
stratégiques par les pays membres.
Les Intermédiaires:
A côté des grandes compagnies pétrolières internationales, qui achètent du brut pour le raffiner
et le revendre, il existe d'autres principaux demandeurs de brut qui sont les "traders". Les principales
sociétés de trading sont Philbro, Marc Rich, Vitol, Copechim. Ces sociétés exercent une activité
purement commerciale, c'est-à-dire qu'il s'agit d'intermédiaires n'intervenant ni au niveau de la
production ni au niveau du raffinage. Ces sociétés ont un rôle qui a gagné en importance avec la
disparition de l'intégration "du puits à la pompe". En effet, les "traders" servent désomIais de relais
commercial entre les producteurs non raffineurs ou excédentaires et des compagnies pétrolières
nettement déficitaires par rapport à leurs besoins en raffinage. 41 Certains traders sont spécialisés dans le
secteur pétrolier. D'autres en plus du secteur pétrolier interviennent sur divers autres marchés de
produits (métaux, minerais, céréales, cacao, sucre etc). Dans l'ensemble, leurs relations avec les pays
producteurs sont régies soit par des contrats réguliers, soit par des accords d'enlèvement réguliers, soit
par des accords d'enlèvement ponctuels.
J9
La durée des contrats à terme a été considérablement réduite ces dernières années, passant de quinze à un an.
40
L'AIE fut créée par vingt-et-un des vingt quatre membres de l'OCDE
11
GIRAUD A. et BOY de la TOUR X., "Géographie du pétrole et du gaz", Editions TECHNIP, Paris, 1987. P 272

45
Les traders négocient et commercialisent les bruts produits par certaines compagnies pétrolières
d'Etat qui préfèrent leur faire appel. C'est le cas de Marc Rich, Philbro Marimpex 4~ qui commercialisent
Je brut de la NIOC iranienne en Europe
PARAGRAPHE 2
DEMANDE
ET STRUcrURE
DE
LA
DEMANDE
DE
PRODUITS
PETROLIERS
Le raffinage:
Le raffinage du pétrole brut fournit les divers produits pétroliers (de l'essence au naphta, et les
matières premières chimiques). La demande des produits nous emmène donc à la fin de la chaîne
pétrolière.
Le raffinage qui est une activité hautement capitalistique comprend plusieurs étapes dont la
première est la distillation. La distillation permet de fractionner le pétrole brut en un certain nombre de
produits non directement utilisables: les essences légères et les gaz, les essences lourdes, les distillats
légers, les distillats moyens et les résidus. Cette classification en cinq grandes catégories de produits va
des produits plus légers aux produits plus lourds. La qualité de ces produits doit ensuite être améliorée
par divers procédés de retraitement, tels que le reformage catalytique, l'hydrodésulfuration, etc ... avant
de pouvoir être mis sur le marché sous forme de produits consommables comme le propane, le butane,
Je naphta, les carburants automobiles, le carburant pour aviation, le gasoil, le fuel-oil domestique, les
lubrifiants etc... L'ensemble de ces traitements s'effectuent dans une raffinerie simple.
42
Petro/eum InteJ/igence Week/y, 29 Janvier: 1990

46
Schema~~plifie_del'activite petroliere :
f - - - - - - - f - - - - - - -----
- -
I - - - - - - - - - f - - - - - -r - - - - - L
\\
f-------l
iEU«lC8 J6gtlre .. gaI
1
I T _ C=-r Ipropoone l~u--"""'-.dwAooo-"""'''''*' ......J==
~I<lO~l
l - r lButane-,-----i 1
sou....... m
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..
1
- 1 - - - - - - -
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:
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Pétrole 1---- 1
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Fuel cd domesbque
1
1
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0
i
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C
i
.. Lubritlants (transports et industne)
..
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- -
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Résidu
1
1
sJomming
/"
li"
if~ll~(nr.ir:n. ~hII~ ,
"edriq,Jes.lndlntrinl
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1
/
, /
,
... JBihJmes (,..........-nent~ro.Itt.,. !
"-
"~é)
- -
/
"-
../
~
""--
[CONVERSION CLASSIQUE HCONVERSION PROFONDE
1
1Craquage c=IylJque
Coi<age, hydrog6na1lon cl/Asphabge
1
1
----
11
1
~
E-.ences et clSOU.'
--------
lmoytns
1
1----

47
Des procédés plus sophistiqués de raffinage, à savoir la conversion classique (craquage
catalytique notamment) ou encore la conversion profonde (cokage ou hydrogénation des
résidus) permettent d'obtenir une plus forte proportion de produits légers à partir de résidus de
la distillation.
En matière de raffinage, plus on veut réduire les quantités de fuel lourd produites. plus
la raffinerie doit être complexe. Mais la proportion des produits légers obtenue au raffinage
varie selon la qualité du brut utilisé En effet, plus le brut est lourd, plus la proportion de fuel
lourd obtenue est importante.
TABLEAU: Rendement moyen de quelques bruts au raffinage
Structure des produils
Brut
moyen
du
Brut h~geT d'Algérie Brot léger d'Arabie Séoudite (340 API)
au raffinage
Koweït (35.5" API)
(40° API)
Clas (1)
Prof
Essence et gaz
24%
37%
29%
36%
fuel léger (gasoil et
25%
40%
42%
52%
fuel domestique)
fuel lourd (et pertes)
51%
23%
29%
12%
(1) Clas. et Prof. font référence aux tedmiques de conversion classique et profonde.
Source: MASSERON (1. et al.) "L'ée'momie des hydrocarbure". Technip, Paris, 1991. Quatrième édition. P.251·P.254.
La structure de la demande de produits pétroliers:
Le pétrole n'étant pas un produit homogène, sa demande varie donc d'un type de brut à
l'autre: les bruts légers sont plus riches en essence et les bruts lourds sont plus riches en
fuels.
Au cours des quinze dernières années, la structure de la demande de produits pétroliers
s'est beaucoup modifiée avec ce que l'on appelle un "blanchiment" ou un "allégement" du baril;
ce qui signifie que la demande en coupes légères s'est intensifiée au détriment de la demande en
coupes lourdes. Selon Pétrostratégies1 , la part des coupes légères dans la consommation totale
1
Pélroslralégies, 26 Novembre 1990

48
des produits pétroliers est passée de 34% à 39% entre 1980 et 1990 dans les pays de l'OCDE,
alors que celle des coupes lourdes a décliné de 37,4% à 28%.4.1 L'explication est que les
produits lourds trouvant beaucoup plus facilement des substituts que les produits plus légers,
les mesure d'économie et de substitution d'énergie mises en place à l'issue des deux chocs
pétroliers ont enregistré un succès beaucoup plus marqué dans le cas des produits lourds que
dans celui des produits légers. Il y a une modification de la structure de la demande de
produits pétroliers au niveau mondial.
44
Les groupes de produits n'étant pas définis de manière identique, les résultats foumis dans ce tableau peuvent
etre différents de ceux apparaissant dans le texte.

49
TABLEAU : Consommation par groupes de produits
évolution 1979-89 par grandes régions (en
pourcentage) :
REGIONS
Produits légers
Disti Hats moyens
Produits lourds
Autres
Etats-Unis
1979
373
26.6
17.1
19.0
1989
350
292
93
193
Europe OCCIdentale
1979
20.2
35.3
31.3
132
1989
35.0
31.2
118
220
Japon
23.2
1979
174
46.7
12.7
1989
21.3
34.1
27.0
17.6
PVD
1979
17.8
33.8
348
\\3.6
1989
194
40.5
28.7
liA
OCDE + PVD
1979
26.2
30.4
280
15.4
1989
29.1
35.1
18.3
17.5
Légende. - Les totaux en ligne font 100%. - Produits légers: essences. - Distillats moyens : kérosène, carburéacteurs,
gasoil, fuel-Qil domestique. - Produits lourds: fuel-<>illourd. - Autres: GPL, bitumes, lubrifiants.
Source: BP Statistical Review.
La modification de la structure de la demande pose des problèmes tant aux producteurs
de bruts qu'aux raffineurs. Les bruts les plus lourds trouvent en effet moins facilement preneurs
et les raffineurs ont dû adapter leurs capacités de raffinage de manière à satisfaire la
demande accrue en produits légers. C'est pour cette raison qu'il y a eu un développement
formidable des capacités de conversion simples et profondes au détriment des installations de
distilla/ion primaire. Dans l'ensemble des pays de l'OCDE, les taux de conversion (autrement
dit le ratio entre capacité de conversion et capacité de distillation primaire) est passé de 26,6%

50
en 1980 à 44% en 1989. 45 Le développement des capacités de converSIon, en facilitant
l'obtention de produits légers à partir de pétrole brut plus abondant et moins coûteux, a
d'ailleurs permis de réduire le différentiel de prix entre le brut lourd et le brut léger. 46
L'industrie du raffinage est confrontée à d'autres problèmes qualitatifs, différents de
l'allégement du baril. Ces problèmes résultent de la protection de l'environnement et de
nouvelles normes qualitatives qui en découlent. L'essence "verte" sans plomb, qui se généralise,
est un exemple de cette nouvelle tendance de plus en plus sévère pour la fabrication de produits
finis
Les Secteurs consommateurs:
La nature de la demande de produits raffinés dépend en fait de l'utilisation finale qui doit
être faite des produits en question.
Nous pouvons distinguer deux grands types de
consommation: la demande énergétique et celle non énergétique. Les acteurs intervenant dans
la demande énergétique sont très variés : ménages, industries etc .. " tandis que la demande non
énergétique émane principalement du secteur industriel, et plus particullièrement de la
pétrochimie.
Dans la demande énergétique, le principal poste est aujourd'hui la demande de
carburant. Aux Etats-Unis, au Japon et en Europe plus de 60% de la consonunation pétrolière
énergétiq ue (donc hors matière première de la chimie) sont destinés au transport aérien et
surtout routier. 47 La domination de la consommation de carburants au sein de la demande
pétrolière s'explique par le fait que la consommation de carburants est aujourd'hui sans
substitut (du moins économique). Les 30 à 40% restants de la consommation pétrolière peuvent
en revanche être aisément remplacés par l'énergie nucléaire ou d'autres combustibles fossiles
(charbon et gaz naturel).
Dans la demande non énergétique, l'essentiel émane de /'industrie chimique pour qui le
pétrole constitue une matière première difficilement substituable. C'est pourquoi la pétrochimie,
45
Pélroslralégie, 26 Novembre 1990.
"6
JACQUET P. el NICOLAS F., op. cil. P.39
47
Le Monde, II Décembre 1991

5 l
industrie
gourmande
en
pétrole
est
particulièrement
sensible
aux
fluctuations
de
l'approvisionnement pétrolier, et les pnx énergétiques constituent un facteur majeur de la
compétitivité de cette industrie.
La demande de produits raffinés est désormais essentiellement concentrée dans le
"noyau dur" (le plus difficilement expugnable48 ) de la demande pétrolière: les transports et la
pétrochimie. Dans ces deux secteurs, les substitutions sont extrêmement difficiles, voire
impossibles compte tenu de l'état actuel de la technologie Cet état de fait revêt une importance
évidente dans l'évaluation de l'enjeu pétrolier.
Pour finir avec la demande, notons que la demande de pétrole et de produits pétroliers
en ASS ne manquera pas d'augmenter à l'avenir comme dans les autres PVD. (croissance
économique et démographique par exemple. En effet, l'ASS a besoin d'une forte croissance
économique pour satisfaire ses besoins et d'autre part sa population est en forte croissance. Ces
facteurs influencent la consommation d'énergie.).
SECTION V : LE FONCTIONNEMENT DES MARCHES: LES MODES DE
COMMERCIALISATION
Nous avons vu dans le chapitre précédent que certaines compagnies pétrolières sont
quasiment absentes du secteur amont et que pour d'autres, le brut obtenu sous forme de brut
d'équité ou de participation ne saurait suffire à satisfaire les besoins de leurs raffineries. Il existe
un véritable marché du brut. Mais les transactions pétrolières, compte tenu de l'évolution de la
configuration de l'industrie pétrolière, s'effectuent essentiellement de deux manières, à savoir
d'une part au comptant, c'est-à-dire sur le marché spot, et d'autre part par le biais de contrats à
long terme, qui peuvent revêtir des formes diverses. D'autres modes de commercialisation,
relativement marginaux existent : le raffinage à façon, les formules de compensation et les
accords de gouvernement à gouvernement.
Nous ferons le point sur les deux principales modalités de commercialisation (marché
spot et contrats à long terme) et sur les mécanismes de fixation.de prix qui en résultent. Nous
48
GiRAUD A. et BOY de laTOUR X. "Géographie du pétrole ct du gaz", Editions TECHNIP, Paris, 1987. P.
114

52
nous intéressons à ces questions car le prix de l'énergie est à la fois une variable déterminée par
les conditions du marché et un outil de politique énergétique, voire de politique économique et
sociale. Un système de prix énergétique tel qu'on peut l'observer dans un pays quelconque n'est
jamais une construction rationnel1e, mais le produit d'une évolution historique et des rapports
de force qui se sont noués entre les principaux acteurs de la scène énergétique. On ne peut donc
pas ignorer la dimension politique et sociale du processus de détermination des prix
énergétiques. Il n'en reste pas moins que dans un cadre temporel et spatial bien défini, un
certain nombre de schémas explicatifs permettent de comprendre les évolutions passées mais
aussi de fonder les stratégies présentes.
PARAGRAPHE 1 : LE MARCHE SPOT
C'est le marché libre sur lequel s'échangent au jour le jour et pour livraison immédiate
les quantités de pétrole brut et de produits raffinés ne faisant pas l'objet de contrats de livraison
à long tenne. En fait, le marché spot correspond à l'ensemble des transactions effectuées au
comptant.
On se réfère souvent au marché de Rotterdam, qui en réalité n'existe pas en tant que tel.
Il n'existe pas physiquement à Rotterdam un marché avec une corbeille et des tableaux de
cotation, il s'agit simplement d'un réseau de communication où les acteurs sont mis en contact.
Les prix des transactions conclues sur le marché de Rotterdam sont rassemblés et publiés par le
Platt's Oilgram Price Service, qui est la plus importante société en matière de: publication des
prix spot mondiaux.
Le marché de Rotterdam est le principal centre du système spot pOuir l'Europe. Mais
d'autres marchés spot existent: Singapour (pour l'Asie du Sud-Est), les Caraïbes (pour les bruts
latino-américains) et la Côte-Est des Etats-Unis (pour le marché nord américain).
Le marché spot était presque exclusivement axé sur les produits raffinés jusqu'en 1973.
C'est le système d'intégration du puits à la pompe qui faisait qu'il n'existait pratiquement pas de
marché réel du pétrole brut, la production et le raffinage étant assuré par une même entité
économique. Le pétrole brut qui échappait cependant aux marchés intégrés faisait l'objet de
contrats de commercialisation à long terme.

53
Avec la disparition de l'intégration du puits à la pompe et la perte partielle par les
compagnies internationales de l'accès direct au brut, un véritable marché du brut voit le jour. Le
marché spot change alors d'orientation en commençant à traiter du pétrole brut et non
uniquement des produits raffinés. C'est donc le changement de stnJcture de l'industrie
pétrolière qui a permis la naissance du marché .\\pot de bruI. En effet, le déséquilibre dans les
approvisionnements des Majors, à la suite des changements de leur situation juridique dans les
pays producteurs, les a conduites à faire appel à d'autres sources d'approvisionnement et donc à
recourir d'une part à des contrats de livraison à long terme et d'autres part au marché spot, en
plus de leur approvisionnement sous forme d'équité ou de participation.
Le comportement des producteurs a aussi joué un rôle capital dans l'émergence du
marché spot : en 1973, quelques producteurs cherchent à tourner en sous-main l'embargo
pétrolier en se servant du marché libre de Rotterdam, et donnent ainsi une première impulsion à
ce marché, même si son volume demeure encore limité. 49
Les transactions pétrolières de brut s'effectuaient au départ pour l'essentiel dans un
cadre contractuel (c'est-à-dire sur la base des contrats à long terme à prix stable passés entre les
compagnies nationales des pays producteurs d'une part et les Etats consommateurs ou les
sociétés pétrolières d'autre part). C'est ce qu'il est convenu d'appeler le système OPEP. Ce
système a perduré jusqu'en 1978, malgré le raccourcissement systématique de la durée des
contrats de livraison. Jusqu'à cette date en tout cas, le marché spot de brut est demeuré un
marché par définition marginal où ne s'effectuait qu'une proportion négligeable des transactions
de l'ordre de 2 à5%. Les transactions sur le marché libre jouaient un rôle d'appoint dans
l'approvisionnement mondial
elles permettaient aux compagnies internationales d'équilibrer
l'offre et la demande. 50
Le marché spot va radicalement changer de dimension avec le deuxième choc pétrolier.
En effet, selon AYÜUB, après ce choc, plus le marché OPEP déclinait, plus les transactions
sur le spot augmentaient. JI A la suite de la chute52 de la production iranienne, les compagnies
49
JACQUET P. et NICOLAS F, op cil. P4.
50
RAD-SERECHT F. "Le marché pétrolier international : ruptures et nouvelles configuanions", Notes et
études documentaires, la Documentation Française, n° 4790, Paris. 1985 P.93
51
AYOUB A., "Le marché international: instabilité et restructuration", Revue de l'Energie. n° 407, Décembre
1988, p:754-763.
52
C'est une véritable chute, car la production iranienne est passée de6 millions de barils/jour en Septembre
1978 à O,4'miliion de bari/jour en Janvier 1979.
.

54
internationales qUi s'approvisionnaient dans ce pays, telles Royal Dutch et B.P., se sont
trouvées nettement déficitaires par rapport à leur besoin en raffinage; le rééquilibrage s'est
opéré sur le marché spot, les compagnies ayant choisi de recourir au marché spot plutôt qu'à
des contrats à long terme.
En 1980, le marché spot est de fait devenu le marché de référence du pétrole brut. La
contraction de la demande due à la récession et à la rationalisation des usag(~s du pétrole, et
l'accroissement de l'offre non OPEP vont conduire à une baisse du prix spot au-dessous du prix
officiel. Cette nouvelle situation va inciter les acheteurs à dénoncer progressivement les
contrats à long terme (considérés auparavant comme avantageux, vu la sécurité qu'ils
apportaient), ce qui accroît davantage les volumes échangés sur le marché spot.
Rad-Serecht53 a expliqué l'attrait du marché spot par le fait suivant : lorsque le marché
est déficitaire, les prix spot s'élèvent au-dessus du prix officiel et les producteurs préfèrent ne
pas se lier par des contrats de longue durée et passer plutôt des transactions au jour le jour. A
l'inverse lorsque le marché spot est excédentaire, le prix spot s'établit au-dessous du prix officiel
et ce sont cette fois les acheteurs qui préfèrent, dans ces conditions, ne pas s'engager sur le long
terme et conclure au jour le jour.
Les intervenants sur le marché spot sont en nombre extrêmement limité. Il s'agit
essentiellement
des
négociants
(traders)
-dont
les
positions
de
trading
assurent
le
fonctionnement du marché spot- et des grandes compagnies internationales (Majors et
Indépendants), qui sont désormais acheteuses nettes de brut. Elles peuvent aussi y vendre un
certain type de brut et en acheter un autre qui corresponde mieux à leurs capacités de raffinage
ou encore y vendre du brut et acheter des produits raffinés.
La consécration de la prédominance du marché spot s'est traduite par h~ fait que le Brent
(mélange de pétroles produits par sept champs voisins de la mer du Nord reliés au même
oléoduc) est devenu la référence, à la place de l'arabe léger (Arabian light), qui était la référence
lorsque les prix directeurs OPEP étaient la norme.
-53
RAD-SERECHT (F); op. cil. P.94.

55
PARAGRAPHE II: LES CONTRATS NETBACK (OU CONTRAT DE VALORISATION)
Les contrats dits netback (ou de valorisation) constituent une des premières tentatives
des producteurs de l'OPEP de concevoir des modalités de commercialisation attrayantes pour
leur brut, face à la baisse de leurs parts de marché. Ce type de contrat a pris un essor
considérable avec l'Arabie Saoudite en 1985, mais c'est J'Iran qui a été le premier à y recourir.
Dans les contrats netback, le prix de vente du brut est calculé en fonction du prix spot
des produits, duquel sont déduits les coûts effectifs de transport et de raffinage Plusieurs
éléments doivent donc être pris en compte dans le calcul du netback. Selon GIRAUD et BOY
de la TOUR54 ces éléments sont:
1°) le prix spot des produits finis selon les zones géographiques où ils sont commercialisés,
2°) les rendements du brut en différents produits compte tenu de l'outil de raffinage et de la
qualité du brut à traiter,
3°) le coût marginal du raffinage,
4°) le prix spot du fret maritime,
5°) le temps à prendre en compte entre le moment où le brut est chargé et celui où doit être
effectué le calcul,
6°) la durée des cotisations spot des produits à prendre en compte pour le calcul du netback et
finalement la marge de profit pour le raffineur.
Avec un tel système, le brut n'est pas au même pnx partout pUisque son pnx est
fonction des prix des produits sur les marchés où ils sont finalement vendus. D'autre part, Je
prix fluctue de jour en jour et manque de transparence. Mais l'intérêt de ce type de contrat est
d'assurer à l'acheteur-raffineur la rentabilité de son acquisition, alors que tous les risques de
fluctuation sont reportés sur le vendeur. Les producteurs pour leur part, n'exercent plus aucune
influence sur la fixation du prix et se contentent d'enregistrer les pressions du marché.
Par ailleurs, les contrats netback peuvent être considérés comme un substitut a
l'intégration verticale de l'industrie pétrolière dans la mesure où ils lient les intérêts divergents
des propriétaires du secteur amont et les propriétaires du secteur aval.
5·1
GIRAUD A. el BOY de la TOUR X.; op cil. P259 cl 270

56
PARAGRAPHE III : LES CONTRATS DE VENTE A LA FORMULE
Ce sont de nouveaux types de contrats, apparus en 1987 sur le marché et qui se sont
substitués au système de prix officiel. L'Arabie Saoudite a été la première à recourir à ce mode
de commercialisation pour le brut revenant aux opérateurs de l'Aramco. La pratique s'est
rapidement généralisée à l'ensemble des producteurs de pétrole. Le prix du brut exporté est fixé
en fonction du prix spot du brut déterminant pour le marché de destination55 . Cela revient à
dire que le prix de l'Arabian light sera fixé par référence au prix du Brent si la livraison est
destination de l'Europe, ou par référence au prix de l'Alaskan North Slope si la destination est le
continent nord-américain. Tout comme les contrats de valorisation, le prix déterminant est
constitué par une moyenne sur une période donnée. 56 Des ajustements sont opérés sur
l'évaluation initiale afin de tenir compte des différentiels de qualité notamment et des différences
de coût de fret.
Les contrats de vente à la formule portent sur des ventes de long terme, ou plus
exactement sur des quantités annuelles renouvelables tacitement (contrats dits evergreen). Ils
servent en fait à établir un lien entre les prix spot de brut et les prix du brut achetés à terme. Ils
sont avantageux pour le producteur dans la mesure où ils lui permettent de pratiquer des prix
différents selon les régions, et ainsi de maximiser ses revenus sans avoir à consentir de sacrifices
sur les volumes. 57
L'inconvénient majeur de ces contrats réside dans l'instabilité des prix qui en résulte
étant donné qu'ils sont fondés sur le prix spot. La transparence des prix est aussi difficile à
cause de la complexité des formules utilisées dans le calcul des prix. Les formules sont en effet
différentes au niveau des termes de livraison, de la période de référence retenue pour le calcul,
des coûts de fret, de la fréquence des révisions etc...
L'apparition des contrats de formule a entraîné une perte d'importance du marché spot
en tant que canal de transaction. La proportion des transactions pétrolières qui était de 40 à
58
. 50% en 1985/86 sur le marché spot est retombée à environ 20% en 1989/90
55
ANGELIER 1.P. "Le pétrole". Economica, collection "Cyclope". Paris, 1990. Page 59.
56
La période est en général de 10 jours, 45 jours après le déchargement du brut.
57
JACQUET P. et NICOLAS F, op. cil. P49.
58
JACQUET P. et NICOLAS F, op. cit. P50.

57
CHAPITRE III : DU PARTAGE DE LA RENTE AUX CHOCS ET AU
CONTRE-CHOC PETROLIERS
L'histoire économique depuis le début des années 1970 a été indiscutablement marquée
par les bouleversements profonds et successifs du système pétrolier mondial. En effet, le pétrole
en tant que matière première hautement stratégique ne pouvait qu'affecter profondément les
dynamiques économiques d'ensemble après les chocs surtout qu'il était importé en quantité
massive par les principales nations industrielles.
Les chocs même s'ils n'ont pas constitué les causes premières de la crise mondiale, ont
cependant par l'ampleur des déséquilibres commerciaux et financiers qu'ils ont entraîné sans
doute contribué à déclencher et à accélérer les différentes phases d'une transformation et d'une
recomposition en cours du système économique mondial. Par leurs impacts simultanés sur la
relation consommation d'énergie-croissance et sur la production, les chocs ont déclenché une
rupture profonde des dynamiques antérieures, mettant fin à la période de la "pétro-
prospéritéIl 59
Dans les pays importateurs en A.S.S, l'économie est soumise à la contrainte énergétique
et les importations des produits sont une forte composante de la balance des paiements. Les
fluctuations des prix du pétrole et le déséquilibre croissant de la balance commerciale grèvent
toute possibilité de financement des importations vitales du pays.
A tout objet est associé une quantité d'énergie une quantité d'énergie réellement
dépensée pour le produire. Ce quantum d'énergie dépend des techniques de production et des
rapports sociaux. L'énergie se définit comme un potentiel qui permet le déplacement et (ou) la
modification de la matière. Dans le processus thermodynamique, cette énergie est utilisée pour
extraire de la matière, reproduire la force de travail, façonner des outils, produire des objets et
d'une façon générale, satisfaire les besoins du vivant. Tous les actes du système économique et
social exigent une dégradation d'énergie. La hausse du coût de l'énergie aggrave une situation
économique et financière déjà précaire. La situation énergétique est donc préoccupante pour
59 Expression de L. PUISEUX dans "La Babel Nucléaire Encrgic de Développement" Paris: Galiléc, 1977

58
l'A.S.S étant donné le faible niveau de consommation par habitant, la croissance démographique
et la faible capacité de financement.
La diversité des filières énergétiques explique le contraste des coùts des produits
énergétiques selon les formes d'énergie, les conditions naturelles d'exploitation, les technologies
utilisées etc. Lorsqu'ils sont substituables les produits énergétiques se confrontent sur des
marchés. Lorsque les prix des produits s'égalisent, les écarts de coùts se monétarisent sous
forme de rentes.
Les ressources naturelles étant des biens non reproductibles, elles peuvent être détenues
par des non producteurs: les propriétaires de droit ou de fait. Les propriétaires peuvent exiger
des utilisateurs de ressources le paiement d'un tribut : la rente de monopole. L'ensemble des
rentes monétarisées détennine le surplus des demandeurs. L'appropriation crée des conflits
affectant parfois profondément l'ensemble des relations hiérarchisées qui lient les agents entre
eux (individus, entreprises, groupes sociaux ou nations).
L'énergie est indispensable dans la vie économique et social, et l'histoire de l'économie
politique du pétrole est dans une large mesure celle du partage de la rente que procure
l'exploitation du pétrole car c'est elle qui permet de comprendre les relations entre producteurs,
compagnies, Etats consommateurs et consommateurs.
Le sous-système des prix énergétiques possède une autonomie suffisante pour s'ériger
en domaine de connaissances ayant ses méthodes d'investigation, ses outils et ses "lois". Il
existe cependant des liens trop étroits entre la réalité physique de l'énergie, sa réalité industrielle
et sa réalité monétaire pour qu'un seul des sous-systèmes puisse être pleinement explicité sans
se référer aux autres.

S9
SECTION 1. LA FORMATION DES PRIX
PARAGRAPHE 1 : ENERGIE ET THEORIE DES PRIX: L'ENSEIGNEMENT DE LA
THEORIE DE L'ALLOCATION OPTIMALE DES RESSOURCES RENOUVELABLES ET
NON RENOUVELABLES.
Dans la théorie néo classique, l'analyse est centrée sur le problème de l'allocation
optimale des ressources. Pour elle, le système du marché détennine un équilibre unique et
stable. En situation de concurrence pure et parfaite, il existe un système de prix (défini à une
homothétie près) qui assure la compatibilité des comportements des agents économiques à
condition que ceux-ci recherchent de façon rationnelle leur intérêt personnel. Cet équilibre est
optimum au sens de Pareto, c'est-à-dire une situation dans laquelle, il est impossible d'améliorer
le bien-être d'un individu sans détériorer celui d'un autre individu. Si l'on défiIÙt l'intérêt général
comme la combinaison des intérêts particuliers, cette situation correspond alors à un bien-être
collectif maximum. On retrouve là le principe dit de "l'hannonie des intérêts" de A. SMITH,
selon lequel la recherche par chaque individu de son intérêt personnel aboutit à la réalisation de
l'intérêt général.
Afin que l'équilibre du marché soit un optimum au sens de Pareto60 , plusieurs conditions
doivent simultanément être remplies :
1°) Le prix de vente d'un bien quelconque doit être égal à son coût marginal (coût de la
derIÙère unité produite), le prix d'achat d'un facteur de production doit être égal à sa
productivité marginale en valeur. Le respect de cette double égalité est automatiquement
vérifiée en situation de concurrence pure et parfaite (marché caractérisé par la présence d'une
infinité d'offreurs et de demandeurs tous égaux, infonnation parfaite de tous les agents, mobilité
parfaite des produits et des facteurs, pas de barrières à l'entrée de quelques nature que ce soit)
2°) Toutes les unités de production doivent fonctionner en phase de rendements marginaux
décroissants. Les conditions dites de second ordre imposent que la fonction de production Q =
ftK, L, E, M) soit telle que l'on ait fK, fL, fE, fM > 0
60
Sur la théorie de l'optimum de Pareto et ses limites, voir JESSUA c.. "Coûts sociaux. coûts privés et
optimum social". PUF, Paris, 1968.

60
f'
f'
f'
fil < 0
K,
L,
E,
où K, L, E, M représentent respectivement le capital, l'énergie et les matières premières non
énergétiques.
L'hypothèse d'atomicité implique que toute la production se fasse dans la zone de
rendements décroissants.
3°) Les fonctions d'utilité des consommateurs et les fonctions de production des entreprises
doivent être parfaitement indépendantes, ce qui revient à supposer l'inexistence d'effets externes
(c'est-à-dire interdépendance entre fonctions-objectifs qui ne trouve pas de compensation
monétaire sur le marché). L'internalisation des effets externes se fera par le biais de l'application
du principe du "pollueur-payeur".
4°) Il ne doit pas y avoir de biens "collectifs purs" c'est-à-dire de biens qui ne peuvent être
consommés que collectivement. Un tel bien se caractérise par son indivisibilité au niveau de la
consommation, le bien est mis à la disposition de tous dès lors qu'il est nùs à la disposition d'un
seul. Dans cette hypothèse, le principe de "l'exclusion par les prix" (qui ne paie pas n'a pas le
61
droit de consommer!) ne peut pas s'appliquer et le marché est incapable de remplir son rôle
Les trois prenùères conditions concernent directement le secteur de l'énergie. C'est dans
ce sens que les débats sur la justification de la rente pétrolière trouvent leurs fondements dans la
non coïncidence entre le prix du pétrole et son coût marginal de production; ainsi que la
naissance du cartel des Sept Soeurs qui s'explique largement par la baisse tendancielle du coût
marginal de production, et la tarification de l'électricité et du gaz est une application à l'état pur
des préceptes de l'optimum parètien.
Certaines questions méritent d'être posées: l'énergie est-elle une marchandise comme
les autres? N'y a-t-il pas une spécificité de certaines sources d'énergie du fait cie leur caractère
renouvelable, en termes physiques (à l'échelle humaine du moins) ? Cette spécificité ne doit-elle
pas être prise en considération dans la fixation du juste prix?
61
Notons que la gratuité est conforme aux principes de l'optimum parètien : le coût marginal entraîné par la
présence d'un consommateur' supplémentaire étant nul, le prix de vente doit être nul.

61
Deux conceptions62 vont jouer un grand rôle dans la formation des prix de l'énergie:
a) celui du coût d'usage ou du coût d'opportunité qui exprime le coût supporté par la
collectivité du fait de l'épuisement d'une ressource non renouvelable.
b) celui de rente qui traduit le caractère hétérogène des sources d'énergie et permet de
comprendre pourquoi à un moment donné, le prix d'une énergie peut être différent de son coût
marginal de production ou de reproduction.
PARAGRAPHE 2. L'INFLUENCE DE LA STRUCTURE DES MARCHES
64
Les travaux de L. Gray63 et surtout de H. Hotelling
ont montré qu'il existait un
sentier optimal d'épuisement d'une ressource naturelle dont la réserve est supposée connue au
départ. A ce sentier est associé un rythme optimal d'évolution du prix de cette ressource. Les
"règles d'Hotelling" ont ensuite été affinées dans différentes directions. Kay 1. et Mirrlees 1.65
et Pakravan66 ont montré que l'épuisement d'une telle ressource est lent en situation de
monopole qu'en régime de concurrence pure et parfaite.
Le pétrole est un bien "internationaly traded". Il existe "un marché international" du
pétrole. Ce marché a une structure hiérarchisée et différenciée qui doit être spécifiée. Cela
n'empêche pas d'utiliser l'hypothèse de structure indifférenciée que l'on appelle parfois
concurrence pure et parfaite pour définir algorithmiquement les états optimaux. Ces structures
de marché sont supposées relativement invariantes à moyen terme. En ce qui concerne le
pétrole,
le courant théorique fondamental est celui qui a pris naissance par l'article
67
d'Hotelling
.
Il s'agit d'un courant extrêmement riche dans lequel de nombreux résultats
nouveaux ont été obtenus.
62
Sur les débats de reproductibilité-non reproductibilité, on peut consulter PERCEBOIS l, "Economie de
l'énergie", Economica, 1989, p.176.
63
GRAY L.e, "Rent under the Assumption of Exhaustibility", in Quaterly Journal of Economies, Mai 1914.
pp 466-489 (reprinted in Mason Gaffney Editor, "Extractive Resourees and Taxation" Madison, University of
Wisconsin Press, 1967, pp. 423-446).
64
HOTELLING H., "The Economies of Exhaustible Resourees" in Journal of Political Economv. Avril 1931.
PP. 135-175.
.
65
KA Y let MIRRLEES 1., "The Desirebility of Natural Resourees Depletion" in D. W PEARCE ct J. ROSE
Eds, « The Economies of Natural Resources Depletion », Mac millan. Londres, 1975.
66
PAKRA VAN K. "Exhaustible Resource Models and Predictions of Crude Oil Priees Sorne Prcliminary
ResuJts". in Energy Economies, Juillet 1981, p. 169-177.
67
Article pré-cité.
.
.

62
L'analyse de la théorie des ressources épuisables en tant que théorie des prix implique
que soit remise à l'honneur la distinction ancienne entre "prix nonnal" et prix "courant". Ce que
la théorie d'Hotelling permet de déterminer, c'est le "prix nonnal" dans une structure
indifférenciée idéalement concurrentielle); on connaît la très célèbre loi d'Hotelling : après
déduction des coûts d'extraction, le prix doit croître exponentieffement à un taux égal au taux
d'intérêt. Quant au "prix courant", il s'agit comme son nom l'indique, du prix observable sur les
marchés instantanés ou à court tenne.
Dans de nombreux modèles comme ceux de Banks68 ou le modèle de la B.P. présenté
69
par Drollas et Barthes
, le rôle moteur des mouvements du prix courant assimilé au prix sur
le marché spot (d'autres définitions du prix courant sont possibles) est joué par l'écart entre la
demande de stocks désirés par rapport au stocks existants.
G. Fishelson 70 nous pennet de résumer l'expression actuelle de la théolie d'Hotelling à
la définition d'un trend du prix normal, on introduit dans l'analyse originaire de Hotelling, une
variation hypothétique des réserves de brut, une augmentation de la demande de pétrole et de
changement dans le cours de la production. La demande sur le marché mondial est supposée
être caractérisée par une élasticité-prix constante.
Si on suppose que les réserves connus au temps t = 0 sont Ro, le problème d'optimisation s'écrit
alors
(2) Max fa'P, Q, dt avec fa'Q, :::; Roavec Rt = -Qt
68
BANKS F.E. "Seareity. Energy and Economie Progress", Lexington Books, 1977.
69
DROLLAS M. et BARTHES M., "Gross Produet Worth at Rotterdam Spot Market", in FERJCELLI J. el
LESOURD J -B. «Energie: Modélisation et Eeonométrie», Eeonomica 1985, p. 584-618.
70
FlSHELSON G. "Hotelling rule, economie responses and oil priees" in Energy Economies, Juillel 1983. pp
153-156..

63
La solution donne un prix initial de :
_-L
(3) Po - (a.r RD 1 B)
(r est le taux d'actualisation) et pour chaque date t dans l'avenir, on
a
aura:
1
(4) Pt" (a.r. Roi B) -c; e rI
Supposons que les réserves s'accroissent par exemple à un taux de y% par an.
(5) soit R, ::: Roe y
alors en considérant l'année 1 comme l'année de base du cheminement futur, le prix de l'année 1
réévalué pour tenir compte du nouveau volume des réserves s'écrit:
1
(6) P'o:::(a.r.RoIB)-C;er
Le rapport P'o 1Po est ~ < ou >
et dès lors le prix au lieu d'augmenter peut baisser. Si la
a+r
demande s'accroît de tel1e sorte que:
(7) Q, ::: B'P, -a avec B' = Boe ç çt alors on aura
.
+ , i
Le rapport P',I Po est égal à e r
a
le prix s'accroît dans une proportion plus forte que r %.

64
Si les réserves et demandes connaissent toutes deux un accroissement, le prix de J'année 1 sera:
1
+-i._L
(9) P",=(a.rR.. e Y / Bn --;; er r =Po.e r
a
a
l'année t, le prix sera:
A titre d'illustration, entre 1960 et 1971 les réserves ont doublé, la demande a triplé, les
pnx sont demeurés inchangés dans le contexte de concurrence effective qui dominait à
l'époque.
En moyenne pour chaque année de la période, on prévoit que :
SI r=0,04
a=0,5
y=0,07 et 0=0,10 lasomme est 0,055
On peut prévoir que le prix s'accroîtra de 5,5% par an. S'il n'est pas ainsi, cela peut être
imputé à la diminution du coût d'extraction. Si c > ° la règle d'Hotelling implique:

65
par conséquent
P, / P, _, < ou > e r comme Ct / Ct _1 < ou > e r .
Nous venons de présenter un résumé de la version récente abrégée de la loi d'Hotelling
Elle peut être utilisée suivant cette présentation et sans travail économétrique sophistiquée pour
faire une description rétrospective de ce qu'à été l'évolution du prix du brut depuis le début des
années 60. Cette description est surtout facile pour la période pour laquelle, maJgré une
concurrence effective sur le marché, il régnait une grande stabilité sur le marché grâce à
l'intégration des différents stades de la chaîne pétrolière, de sortes que le prix nonnal et le prix
courant coïncidaient. C'est la période entre 1960 et 1970.
De 1970 à 1980, le marché s'est structuré selon d'autres modaJités et la divergence entre
prix courant et prix nonnaJ a été pennanente pendant cette période. L'OPEP oligopole bien
coordonné dominant le marché mondiaJ est aJors au centre d'un grand nombre de recherches
tendant à expliquer les prix. On s'attache à construire un modèle d'optimisation 71 dans lequel la
fonction d'objectifs de l'OPEP est la maximisation des profits joints.
Le cheminement des prix nonnaux générés par un tel modèle obéit au résultat de base
du modèle de Hotelling un peu modifié pour tenir compte de la substitution à long terme et que
l'on refonnule de manière suivante : le prix ou le prix net
ou la rente d'anticipation
d'épuisement ou encore la royalty s'accroît progressivement comme le taux d'intérêt jusqu'à ce
qu'il atteigne éventuellement le prix de la "backstop technology" (ici l'énergie de remplacement)
et que les réserves de l'OPEP soient épuisées.
1\\
PINDYCK et NORDHAUS sont parmi les auteurs qui ont le plus contribué à la constitution de ce corps
d'analyse.
-

66
Cette analyse fondée sur une hypothèse de structure du marché mondial est une
hypothèse particulière reflétant d'une manière convenablement rapprochée la réalité des années
1970. L'OPEP occupe effectivement une position de leader durant cette période. Elle "fait les
prix" et les impose aux agents opérant dans l'environnement concurrentiel.
Les prévisions de prix futurs du pétrole que les auteurs avaient cru devoir faire à partir
du bloc théorique constitué dans [a lignée d'Hotelling furent tourné en dérisison au moment de
[a survenance du second choc pétrolier. La base de [a critique a constitué à une confrontation
entre les prévisions de prix normaux (efficiency prices) avec les prix courants effectifs. On a
conclu à l'invalidation de toute ['analyse après avoir constaté [a divergence marquée entre les
prix normaux et les prix courants effectifs. Ce jugement est basé pour l'essentiel sur une
ignorance de la distinction entre prix normaux et prix courants. Les prix normaux qui sont des
prix normatifs sont par définition différents des prix courants. Mais cela n'empêche aucunement
la possibilité qu'à une certaine date, ils soient égaux. Le développement de ces analyses fut
malgré tout freiné.
Pour l'utilisation de la version récente abrégée de la loi d 'Hotelling, les choses sont plus
complexes pour les années 1970 et 1980 où le marché s'est structuré selon des modalités qui
sont rien moins que concurrentielles et en particulier la divergence prix courant/prix normal a
été permanente. Aussi un grand nombre de travaux ont-ils été consacrés à définir les structures
telles qu'elles se sont constituées au début des années 1970. R.S. Pindyck et Nordhaus72 et
aussi Gately et Kyle sont des auteurs qui ont beaucoup contribué à la constitution de ce corps
d'analyse.
Le modèle stylisé qui a prévalu est celui de l'OPEP oligopole bien coordonnée dominant
le marché mondial. Ainsi on chercha à construire un modèle d'optimisation dans lequel la
fonction d'objectif de l'OPEP est la maximisation des profits joints. Le cheminement des prix
normaux généré par un tel modèle obéit au résultat de base de Hotelling un peu modifié pour
tenir compte de [a substitution à long terme et que l'on peut reformuler de la manière suivante.
[e prix (en fait le prix net ou [a rente nette d'épuisement ou encore la royalty) s'accroît
progressivement comme le taux d'intérêt jusqu'à ce qu'il atteigne éventuellement le prix de la
"backstop technology" (l'énergie de remplacement) et que les réserves de l'OPEP soient
72 Voir GATEL Y et KYLE, "Strategies for OPEC's Pricing Decisions" in European EconomicReview, 1979

67
eputsees Cette analyse est fondée sur une analyse de structure de marché mondial qui est une
hypothèse particulière reflétant d'une manière convenablement approchée de la réalité des
années 1970. L'OPEP représente la plus grande partie de la production mondiale, ce qui lui
donne une position de leader.
L'OPEP qui a un comportement de monopoleur (mais normalement c'est celui de
l'oligopole bien coordonné) fait les prix et les impose aux
autres agents opérant dans
l'environnement concurrentiel.
Le développement de cette pensée a connu un avatar et un blocage très marqué au
moment de la survenance du second choc pétrolier, car les prévisions de prix futurs du pétrole
faites par les auteurs à partir du bloc théorique constituée dans la lignée d'Hotelling furent
quelque tournées en dérision. La base de la critique a constitué à une confrontation entre les
prévisions de prix normal (efficiency prices) avec les prix courants. Après avoir constaté la
divergence marquée entre les deux, on a rapidement conclu à l'invalidation de toute l'analyse.
Ce jugement est donc finalement basé sur l'ignorance de la distinction entre prix nonnaux et
prix courant, étant bien entendu que les prix normaux sont des prix normatifs, donc par
définition, ils sont différents des prix courants; ce qui n'empêche aucunement la possibilité qu'à
une certaine date ils soient égaux.
Les choses ayant changé depuis le début des années 80, l'OPEP ayant perdu son poids
et son pouvoir de monopole est de moins en moins considéré comme un oligopole coordonné.
Donc on voit apparaître de nouveaux pôles car l'environnement concurrentiel du modèle initial
se structure. Il y a une nouvelle structure du système pétrolier mondial. De nouveaux travaux
basés sur les apports théoriques de Nordhaus, Gately se développent avec une caractéristique
essentielle: la théorie se trouve toujours prolongée par des travaux économétriques. 73
Après avoir vu quelques aspects théoriques de la formation des prix., nous allons voir le
partage de rente.
. 73
. Voir à ce sujet FERICELLI Jean, "Le traitement du prix du pétrole dans les modèles énergétiques". in
FERJCELLI 1. ct LESOURD 1. -8., «Energie: Modélisation et Econométric». Economica 1985, p. 574-581

68
SECTION Il: PARTAGE DE LA RENTE, CHOCS, CONTRE-CHOCS ET
EVOLUTION DES PRIX
L'histoire économique depuis le début des années 1970 a été indiscutabllement marquée
par les bouleversements profonds et successifs du système pétrolier mondial. En effet, le pétrole
en tant que matière première hautement stratégique ne pouvait qu'affecter profondément les
dynamiques économiques d'ensemble après les chocs surtout qu'il était importé en quantité
massive par les principales nations industrielles.
Les chocs même s'ils n'ont pas constitué les causes premières de la crise mondiale, ont
cependant par l'ampleur des déséquilibres commerciaux et financiers qu'ils ont entraîné sans
doute contribué à déclencher et à accélérer les différentes phases d'une transfOlmation et d'une
recomposition en cours du système économique mondial. Par leurs impacts simultanés sur la
relation consommation d'énergie-croissance et sur la production, les chocs ont déclenché une
rupture profonde des dynamiques antérieures, mettant fin à la période de la "pétro-
prospérité" 74
Dans les pays importateurs en A.S.S, l'économie est soumise à la contrainte énergétique
et les importations des produits sont une forte composante de la balance des paiements. Les
fluctuations des prix du pétrole et le déséquilibre croissant de la balance commerciale grèvent
toute possibilité de financement des importations vitales du pays.
A tout objet est associé une quantité d'énergie une quantité d'énergie réellement
dépensée pour le produire. Ce quantum d'énergie dépend des techniques de production et des
rapports sociaux. L'énergie se déficit comme un potentiel qui pennet le déplacement et (ou) la
modification de la matière. Dans le processus thennodynamique, cette énergie est utilisée pour
extraire de la matière, reproduire la force de travail, façonner des outils, produire des objets et
d'une façon générale, satisfaire les besoins du vivant Tous les actes du système économique et
social exigent une dégradation d'énergie. La hausse du coùt de l'énergie aggrave une situation
économique et financière déjà précaire La situation énergétique est donc préoccupante pour
74 Expression de L PUISEUX dans "La Babel Nucléaire: Energie de Développement". Pans: Galilée, 1977.

69
l'A.S.S étant donné le faible niveau de consommation par habitant, la croissance démographique
et la faible capacité de financement.
La diversité des filières énergétiques explique le contraste des coùts des produits
énergétiques selon les fonnes d'énergie, les conditions naturelles d'exploitation, les technologies
utilisées etc. Lorsqu'ils sont substituables les produits énergétiques se confrontent sur des
marchés. Lorsque les prix des produits s'égalisent, les écarts de coùts se monétarisent sous
forme de rentes.
Les ressources naturelles étant des biens non reproductibles, elles peuvent être détenues
par des non producteurs: les propriétaires de droit ou de fait. Les propriétaires peuvent exiger
des utilisateurs de ressources le paiement d'un tribut: la rente de monopole. L'ensemble des
rentes monétarisées détermine le surplus des demandeurs. L'appropriation crée des conflits
affectant parfois profondément l'ensemble des relations hiérarchisées qui lient les agents entre
eux (individus, entreprises, groupes sociaux ou nations).
L'énergie est indispensable dans la vie économique et social, et l'histoire de l'économie
politique du pétrole est dans une large mesure celle du partage de la rente que procure
l'exploitation du pétrole car c'est elle qui pennet de comprendre les relations entre producteurs,
compagnies, Etats consommateurs et consommateurs.
Le sous-système des prix énergétiques possède une autonomie suffisante pour s'ériger
en domaine de connaissances ayant ses méthodes d'investigation, ses outils et ses "lois". Il
existe cependant des liens trop étroits entre la réalité physique de l'énergie, sa réalité industrielle
et sa réalité monétaire pour qu'un seul des sous-systèmes puisse être pleinement explicité sans
se référer aux autres.
Nous allons dans ce chapitre voir dans une première section, le partage de la rente. Dans
la deuxième section nous verrons l'évolution des prix et la troisième sera consacrée aux chocs et
contre-choc pétroliers.

70
PARAGRAPHE 1 : LA RENTE ET SON PARTAGE
La définition de concepts propres à la théorie des prix de l'énergie occupe une place
particulière dans la pensée économique75 . Dans la théorie des prix de l'énergie, la rente est une
notion importante. En matière pétrolière, le concept en est particulièrement utile, car il permet
de saisir l'essence des relations entre producteurs, compagnies, Etats importateurs et
consommateurs. Il nous a donc semblé utile d'introduire quelques aspects de la notion de rentes
car l 'histoire de l'économie politique du pétrole est assez largement ceffe du partage de la
rente que procure l'exploitation de ce pétrole.
Cette particularité se justifie parce que le sous-système des prix ne saurait ignorer les
caractéristiques physiques et techniques du système énergétique et aussi parce que le prix d'une
énergie devra refléter sa rareté, sa qualité, ses coûts techniques, voire ses coûts sociaux.
L'histoire de l'économie politique du pétrole étant celle du partage de la rente, nous aborderons
ce concept avant traiter l'évolution des prix et les chocs et contre-choc.
La notion de rente développée par l'économiste classique Ricardo au 1ge Siècle est
l'expression de la rareté d'une ressource naturelle (la terre chez Ricardo). Cette notion a été
étendue à l'analyse des prix de l'énergie et particulièrement à celle des prix du pétrole.
I. Surplus et rentes en économie minière
Pour sa notion de rente Ricardo était parti de la constatation que certaines terres sont
plus fertiles que d'autres, alors que la récolte se vendra dans les deux cas au même prix. La
terre plus fertile recevra donc une rémunération supérieure à une terre moins fertile. Elle
bénéficiera d'une rente foncière, à savoir la différence entre les revenus qu'elle procure et ceux
de la terre la moins fertile.
Le problème du partage de la rente consistera à déterminer si c'est au propriétaire
terrien ou à l'exploitant agricole que doit aller cette rente. Le concept de rente est différent de
75
cf PETERSON and FISHER "The exploitation of extractive ressources. a Survey" Economie Journal 87,
Déc, 1977 .
BARBET P. "Les prix de l'énergie dans la pensée économique. une rencension", Economie et SOCiétés, cahiers
de l'ISMEA, série EN, l, 1983.

71
celui du profit· la culture de la terre la moins fertile ne sera entreprise que si elle n'entraîne pas
de perte.
La rente foncière qui s'interprète comme une prime de productivité (ou de la fertilité
chez Ricardo) n'existe que parce que la production sur chaque lopin de terre est limitée. En
effet, si on pouvait produire toute la quantité désirée sur la terre la plus fertile, il n'y aurait plus
76
de rente. La rente est donc fondamentalement une expression de la rareté
.
Les industries minières se distinguent des autres car elles ne sont pas parfaitement
reproductibles. Un élément fondamental de leur processus de production, en l'occurrence la
ressource naturelle, n'est pas produit. Les conditions de production sont, en grande partie
imposées par la nature. Economiquement, cela se traduit par une courbe d'offre de ressources
naturelles tout à fait caractéristique ayant une forme d'escalier.
Graphique: La courbe d'offre en escalier des ressources naturelles.
Prix/coûts
Prix! Coûts
_-
.........................
[IQ] IQuantités 1
76
Pour une étude plus détaillée de la notion de rente on se reportera à Thierry de Montbrial "L'énergie compte
à rebours", Jean claude Lanés, Paris 1978. chapitre 1. Et toujours de Thierry Montbrial. "La science
économique. ou la stratégie des rapports de l'homme vis à vis des ressources rares", PUF, Paris. 1988. p 117 et
215. .
.

72
- Le coût wlitaire est dOlmé en ordOlmée par la hauteur du segment de droite Exemple: le gisem<:nt A a un coût de 300, 8
dc 500 et<.:
- La quantité (longueur du segment de droite) se iiI en abscisse Exemple le glscment 8 a une capacité de production de lO
unitéS, A de 5, C de 2
L'escalier stipule que les conditions de production sont hétérogènes. Chaque marche de
l'escalier représente une qualité de gisement. La reproductibilité imparfaite de l'activité minière
s'exprime par Je fait que les producteurs ne maîtrisent pas vraiment la hauteur des marches
(niveau de coûts des gisements la longueur des marches (quantité des réserves disponibles pour
un coût donné) et le sens de l'évolution de l'escalier; celui-ci peut monter (coÛlts croissant) ou
descendre (coûts décroissants).
La différenciation des conditions de production provoque une disparité des revenus,
dans une économie de marché. Ces écarts de revenus, induits par la discontinuité "naturelle" de
la courbe d'offre, sont appelés les "rentes".77 La somme de toutes les rentes constitue le surplus
des offreurs.
Il existe plusieurs formes de rente, caractérisées par différents mécanismes de formation.
1. Les rentes différentielles
Si on définit le gisement marginal comme le gisement le plus coûteux mis en production
à un moment donné pour satisfaire la demande, les rentes différentielles désignent les revenus
perçus sur les gisements bénéficiant du moindre coût par comparaison au gisement marginal
On distingue trois catégories de rente18 différentielle:
- Les rentes minières : crées au stade de la production, elles reflètent les écarts entre les
coûts d'extraction (ressources minières et fossiles) ou de captation (énergie renouvelables).
77
cf GUlGOU 1. L., "La rente foncière: les théories et leur évolution depuis 1650", Paris Economica, 1982.
954 pages. Pour les applications de la théorie de la rente à l'énergie, cf. Barbet (p.) Il Les prix de l'énergie dans
la pensée économique: une rescension", in "Economies et Sociétés- cahiers de l'ISMEA", Série EN, l, 1983; cf
également Angelier J. -P. et al.. « Rente et structure des industries de l'énergie», Grenoble. Presses
universitaires de Grenoble, 1983.
78
Pour une présentation des principales catégories de rentes, cf CHEVALIER J.-M. "L 'économie industrielle
en question", Paris, Calmann-Levy, 1977, P.Il7 et suivantes, ou du même auteur, "Eléments théoriques
d'introduction à l'économie pétrolière" Revue d'économie politique, 2, 1975

73
- Les rentes de position
elles apparaissent au stade du transport. Elles mesurent la
différence entre les coûts de transport supportés par des ressources vendues sur un même lieu.
Pour un même gisement, elles varient selon la localisation du marché de consommation79
- Les rentes de qualités
elles apparaissent à tous les stades de la transformation des
energles
production, transport, utilisation etc. Elles expriment les avantages économiques
procurés par l'utilisation de ressources ayant des compositions chimiques ou des structures
physiques différentes. Exemple: un pétrole léger se vend plus cher qu'un pétrole lourd car il
recèle plus de carburant à la tonne.
Selon la dynamique de la concurrence dont relèvent les énergies, on peut établir une
partition des rentes différentielles :
- les rentes intra-différentielles concernent tous les écarts de coûts constatés pour une même
forme d'énergie. Elles relèvent d'une dynamique interne à chaque industrie énergétique et
procèdent de la concurrence entre les producteurs d'une forme d'énergie.
- Les rentes inter-différentjelles qui se révèlent lors de la confrontation entre les industries
énergétiques. Elles reflètent les écarts de coûts entre les diverses formes d'énergie vendues sur
un même marché. Elles apparaissent dans les usages substituables. Elles procèdent aussi de la
concurrence entre les différents capitaux investis dans le système énergétique.
Un double niveau de concurrence se retrouve donc au sein du système énergétique
concurrence inter et intra-industrielle.
Il est admis depuis Ricardo que la rente différentielle maximale est un résidu. Elle se
déduit du prix de production du gisement marginal (coût de production + profit moyen), et elle
n'influe pas sur le prix de la ressource puisque par définition le gisement marginal ne perçoit pas
de rente différentielle.
2. La rente de monopole ou rente absolu~o
Les conditions de production étant uniques et non reproductibles dans les industries
minières, la détention d'un gisement constitue ipso facto un pouvoir de monopole dont peut
79 Ce Iype de renie se trouve au centre des Ihéories économiques néo-classiques de la spatialisation des activilés
cf ALONSO W.. "Location and use Toward a generaJ Thcory of Land Reni" Cambridge. Mass.H.arvard
Uruversily Press 1964. Pour une critique de ces approches cf. LIPIETZ A. "Le capiial el son espace". Paris
Maspéro 1983,
80 Le lerrne de renie absolue est du à K. Marx, Le capiial, livre III.

74
profiter tout propriétaire de droit ou de fait, pour creer un revenu en sus de la rente
différentielle C'est ce revenu qui est appelé rente absolue ou rente de monopole
Graphique: la rente de monopole ou renIe absolue
Prixlcoùts
Iprix! Coûts
1000
800
_--
. . . . . . . . . . ..
500

300
[Quantité 1
Rente dilTérentielle
~.
~
RenIe de monopole
CJ
RMc : Rente de monopole sur C = (prix de IllMché - coût de production de C) multiplié par quantité de C
RMc =( 1000-800)2 =400
RMA =(1000-800)5 = 1000
RMB =( 1000-800) 10 = 2000
Le propriétaire du gisement marginal est plus particulièrement incité à se servir de ce
pouvoir puisqu'il ne perçoit pas de revenu. En effet, le gisement marginal (gisement c) dégage
tout au plus le profit moyen général de l'économie (perçu par le producteur) mais il ne perçoit
aucune rente différentielle. Si le propriétaire du gisement c'est aussi le producteur, il peut se
contenter de ce profit En revanche, si le producteur, n'est pas le propriétaire, ce dernier lui
exigera au revenu (rente de monopole) pour l'exploitation de ces ressources naturelles. Cette

7S
rente augmentera le prix de la ressource vendue par le gisement marginal. Tous les gisements
percevront la rente de monopole s'ils peuvent aligner leur prix de vente sur celui du gisement
marginal.
A la rente différentielle se surajoute la rente de monopole qui influe donc directement le
prix de la ressource à la hausse. Mais comme un prix ne peut croître indéfiniment, la rente de
monopole ne saurait être ramenée à la seule expression du tout puissant des propriétaires Elle
s'inscrit plutôt dans des phénomènes complexes de recherche d'un équilibre sur les marchés
spécifiques des ressources naturelles. Son montant est donc borné par des contraintes
économiques qui délimitent l'étendue du pouvoir des propriétaires.
3. La rente de rareté (ou de coût d'usage)
La courbe d'offre est discontinue et cette discontinuité, due à la reproductibilité
imparfaite des ressources, n'est pas contrôlée par les producteurs. Il peut y avoir une pénurie
(offre<demande) qui proviendra soit d'un accroissement de la demande, soit d'une diminution
de l'offre (épuisement des réserves) ou d'une combinaison de ces deux phénomènes.
Face à l'impossibilité d'accroître les quantités disponibles, la pénurie sera absorbée par
une élévation des prix, en faisant jouer l'élasticité de la demande. 81 Une rente apparaît sur le
gisement marginal quand bien même les mécanismes de la concurrence jouent parfaitement.
Cette rente qualifiée de rente, de rarete2 ne résulte pas comme la rente de monopole, d'une
action prédéterminée des propriétaires. Les ressources disponibles en ce moment ne peuvent
être accrues pour un niveau de prix donné, d'où l'utilisation du terme rareté. Il y a en effet à cet
instant rareté absolue des ressources. La rente de rareté croît au rythme de croissance de la
demande ou de la décroissance des réserves, et cela jusqu'à la mise en production d'un nouveau
type de gisement (voir gisement x sur notre graphique) ou d'un substitut (pouvant être assimilé
en fait à un nouveau gisement). A ce niveau de prix, la rente de rareté se métamorphose, à
long terme, en rente différentielle.
81
Si la demande est lotalement rigide, les prix augmentent jusqu'au niveau où des gisements supplémentaires
plus coùteux sont mis en production. La demande est alors satisfaite, et il ne subsiste que des rentes
différentielles.
82
Hotelling et d'autres auteurs néo-classiques ont développé ce concept. cf Hotelling H., «The Economies of
Exhaustible Resources», lournal of Political Economy., 39, 1931.~ SOLOW
R. M., «The Economies of
Resources or the Resources of Economies», American Economie Review, 64, 1974; pour une application
concrète, voir CHASSERlAUX 1. M.. «Les tendances lourdes du prix du pétrole». Revue de l'Energie. 355.
luin-1uillet 1983.

76
La croissance de la rareté se prolonge jusqu'au moment où le prix tend vers l'infini et la
demande est nulle, ceci dans le cas où la ressource est définitivement limitée. Dans le cas où on
dispose d'une technologie permettant le développement d'une ressource inépuisable (solaire ou
fusion). La rente de rareté disparaîtra définitivement puisque les conditions de production
seront parfaitement reproductibles (dernier segment de droite non borné sur le graphique de la
rente de rareté). Par contre, à priori, les rentes différentielles et de monopole n'ont aucune
raison de disparaître.
Graphique: la rente de rareté
Prixlcoùts
1100
1000
800
. .. . ... -- .
:RD
:;:C:
B
.
500
300 &i:aaBm_ _
:A····'
!l2J IQuantités 1
- il n y a pas d'équilibre pour la quantité initiale (800) et le prix correspondant.
- Quand le prix augmente à 1000, la quantité diminue jusqu'à 17; L'élasticité de la demande est o.
- Rétablissement de l'équilibre et apparition d'une rente de rareté (RR) sur tous les gisements exploité:;.
- La rente de rareté à 1100 comme limite En effet, 1100 est le coût de production du nouveau gis-ernent marginal X La
rente de rareté devient différentielle.
Si la rente de rareté est formellement identique à la rente de monopole (surplus sur le
gisement marginal), elle s'en distingue quand même fondamentalement par sa logique de

77
création. On peut d'ailleurs rencontrer des situations où le revenu du gisement marginal est un
cumul des rentes de monopole et de rareté.
4. Rente et Economie pétrolière: la rente pétrolière "enjeu" de la confrontation des
principaux acteurs.
a. La rente et l'économie pétrolière
La rente minière se définit comme l'écart de coût entre des ressources exploitées
simultanément. Ainsi l'exploitation du pétrole à faible coût du Moyen-Orient simultanément à
celle de pétrole plus coûteux ailleurs, entraîne l'apparition d'une rente différentielle attachée à
l'exploitation du premier

78
Tableau : Coûts de production de pétrole en fonction du lieu, de la source et de la technique de
production (en us $ 1987)
Investissement en capital
Coûts techniques $/b
Prix de vente minimal $Ib
Petrole conventionnel
ON SHORE
Moyen-Orient
0,3-2,2
0,2-1,8
0,4-3,7
Venezuela
1,1-2,2
0,8-1,6
U-3,4
Afrique de l'Ouest
1,0-2,0
0,8-1,9
1,5-4,0
Afrique du Nord
0,7-4,2
0,4-2,7
0,7-5,6
Etats-Unis (Lower 48)
2,3-9,4
1,7-7,0
3,2-15,0
OFFSHORE
Golfe Pcrsique
0,5-4,4
0,4-3,5
0,7-6,7
Lac Maracaibo
0,6-4,8
0,4-3,7
0,7-7,2
Mer de Java
1,1-5,7
0,9-4,4
U-7.5
Afrique de l'Ouest
2,0-9,2
1,8-8,4
2,9-1,6
Afrique du Nord
4,2-23,0
3,4-12,2
6,7-28
Détroit de Bass
4,8-18
4,0-11,4
7,8-22,0
Pétrole extra-lourd
Venezuela (Orinoco belt)
4,0-16
3,0-108
4,7-18,0
USA (Californie)
10,5-20,0
7,6-12,4
11,43-22,0
Canada
-L1oydminster
4,5-12,5
3,8-10,2
5,7-18,0
-Cold Lake
28,0-35,0
9,4-11,5
23,5-30,0
Pétrole de synthése
Sable Asphaltique
Canada (1) Athabarca
14,0-45,0
8,8-14,7
20,0-39,0
USA (Utah)
20,0-40,0
10,0-22,0
22,0-58,0
Canada (1 ) Alberta
20,0-50,0
10,0-17,0
27,0-46,0
Schiste bltum.lnew:
USA (Colorado) (2)
9,0-30,0
9,5-21,5
21,0-57,0
USA (Colorado) (2)
20,0-40,0
8,0-16,0
22,0-52,0
Brésil
30,0-<;0,0
9,8-21,0
22,0-55,0
25,0-45,0
18,0-25,0
35,0-<;3,0
Charbon
Liquéfaction directe
40.0-85,0
11,5-23,0
35,00-80,0
Liquéfaction indirecte
60,0-90,0
14,0-30,0
45,0-110,0
Légende: (1) et (2) : les techniques utilisées sont différentes, ce qui peut expliquer les différences dans
une mème région.
Source: Modelevcrsky M.S et G.S Gurevitch "Word oil ressources: au economical approach to appraisal" Energy Exploration and Exploitation,
vol:?, 1984. n04.

79
Il est intéressant de situer le pétrole par rapport à d'autres sources d'énergie. Suivant les
différents usage du pétrole (par exemple la production d'électricité), il est possible de prendre
en compte toutes les sources d'énergie alternatives que l'on connaît. Etant donné le prix du
marché du pétrole, et des rigidités inhérentes à l'investissement énergétique, certaines d'entre
elles seront utilisées en même temps. On peut alors faire apparaître une rente différentielle d'un
certain type de pétrole soit par rapport à d'autres qualités de brut, soit par rapport à d'autres
sources d'énergie.(voir tableau: estimation des coûts des différentes énergies). On peut par
analogie avec la notion de rente, appeler rente de substitution la différence entre le coût de la
source alternative la plus onéreuse utilisée et le prix mondial du pétrole. Cette rente de
substitution est partagée entre les consommateurs et les Etats importateurs qui taxent la
consommation de pétrole.
La rente totale liée à l'utilisation du pétrole sera la différence entre le coût de l'énergie
alternative la plus chère utilisée et le coût d'extraction du pétrole. Cette rente totale se
décomposera en rente pétrolière et rente de substitution.
Son montant ne dépendra
qu'indirectement du prix du pétrole sur le marché (car ce dernier a une influence sur les autres
sources d'énergie alternatives effectivement utilisées).
Le prix du marché détennine le partage entre les deux types de rente ainsi envisagés :
lorsque le prix du pétrole est très élevé, la rente de substitution est négative par rapport à un
certain nombre de produits de substitution qui dès lors vont se développer. Les utilisateurs de
ces produits bénéficient alors d'une partie de la rente totale. (Ce fut le cas après le premier choc
pétrolier, lorsque le charbon devient moins cher que le fuel dans la production d'électricité).
La rente pétrolière que s'approprient les producteurs devient excessive et nuit d'une
certaine façon à leurs propres intérêts puisqu'elle encourage la diversification. Lorsque le prix
du pétrole est faible, c'est l'Etat (qui taxe la consommation) et le consommateur de pétrole, qui
bénéficient de la rente.

80
Tableau: Estilillltion des coûts de production de différentes énergies (en dollars par baril d'équivalent-
pétrole).
ENERGIES CLASSIQUES
Pétrole ct gaz
Facile
0-4
Difficile
5-16
Charbon
Ciel Ouvert
3-8
Souterrain
5-12
Centrales
nucléaires
(coûts
d'équivalence
du 3-8
combustible pour produire l'électricité)
ENERGIES NON CONVENTIONNELLES
Récupération assistée et huiles lourdes
22-45
Schistes bitumeux, sables
>36
Liquéfaction-gazeïfication
>42
ENERGIES RENOUVELABLES
Gros utilisateurs Solaire domestique
>26
Géothermie basse température
20-39
Faibles quantités disponibles
Biomasse
>44
Eolienne
>32
Source: Masseron (1. et al.) "L'économie des hydrocarbures", Tedmip, Paris, 1991,4e édition mise à jour et augmentée. Tableau p.524.
La rente exprime un phénomène de rareté lié non seulement aux contraintes techniques
d'exploitation, mais aussi au rythme d'exploitation dans le temps d'une ressource disponible en
.quantité limitée.83
Tout au long de l'histoire du pétrole, on retrouve les différents types de rentes
combinés. La découverte des champs du Moyen-Orient à coûts d'exploitation très faibles,
entraîne un enjeu économique et géopolitique important, par la création d'une forte rente.
M3
Une définition de la rente plus conforme à la réalité dcna inclure dans les coûts d'exploitation, les coûts
d'extension des réserves (utilisation des techniques de récupération secondaire ou tertiaüe) et les coûts de
reconstitution de ces réserves, c'est-à-dire d'exploration.

81
Pour le pétrole, on définira la rente totale comme étant la différence entre le prix du
marché et le coût d'exploitation (au sens large). La rente pétrolière ainsi définie ira ou bien au
détenteurs de capital pétrolier, ou bien aux propriétaires de gisements, suivant les modalités de
taxation et de royalties retenues. (Depuis les années 70, les Etats pétroliers sont aussi
détenteurs du capital).
b. La rente pétrolière "enjeu" de la confrontation des principaux acteurs
En tant qu'enjeu de la confrontation des principaux acteurs (Etats producteurs et
consommateurs, compagnies), l'étude de la rente pétrolière et de son appropriation, permet de
mieux comprendre la dynamique de l'économie pétrolière mondiale 84 en éclairant les stratégies
en présence et en mettant en relief les rapports de force. Cependant les multiples contraintes qui
se nouent et se dénouent et les anticipations demeurent hasardeuses dans le domaine
pétrolier. 85
C'est pourquoi, la recherche de profits à court terme pour les compagrues, la
maximisation de la rente pour les pays producteurs ou le coût d'approvisionnement minimum
pour les Etats consommateurs peut conduire à l'inverse du résultat escompté si elle induit des
dynamiques non prévues de la consommation ou de la production. En effet, le marché existe
(même s'il est imparfait) et il sanctionne tout déséquilibre profond de l'offre et de la demande
par un brutal réajustement des prix, c'est ce genre de réajustement qui s'est opéré avec le contre
choc pétrolier.
II. L'influence des paramètres économiques sur l'appropriation du surplus
Les différentes rentes (de monopole, de rareté et différentielles) s'ajoutent et se
retranchent à chaque étape des filières pour former in fine, un revenu total net perçu par les
acteurs autres que les consommateurs finals). Evalué par différence entre les prix de vente d'une
énergie au consommateur final et Je coût moyen total supporté (profit normal inclus) pour
84 cf lM. CHEVALlER, "Le nove! enjeu pétrolier", Paris: Calmann Levy Oct 1973
85
CRIQUI P, KO~SNETZOFF N., "Energie 1995 : Après les chocs"., Ed Econornica, 1987 Page XVIII /
Introduction.
.

82
extraire, transformer et distribuer cette même énergie, ce revenu engendre soit un surplus des
offreurs~6 (lorsque la différence est positive) ou un déficit (lorsque la différence est négative).
Empiriquement, le surplus correspond aux prélèvements monétaires (ou subventions)
effectués par les différents acteurs en amont du consommateur. Il comprend les prélèvements
des propriétaires (Etats ou particuliers) sous forme de redevance, de droits de concessions, de
titres miniers ... ou les subventions sous forme d'aides financières à la production, de provisions
pour reconstituer les gisements, d'exemption fiscales ... , les prélèvements des producteurs
(sociétés privées ou nationales) sous forme de surprofits comptables, de paiements de prestige,
de transfert... ou
les subventions sous forme de déficits,
les prélèvements des Etats
consommateurs sous forme de taxes fiscales, d'impôts spécifiques... ou les subventions sous
forme d'incitations financières à la consommation, de dégrèvements fiscaux, de primes de
reconversion etc.
Le surplus est un agrégat de revenus réels de nature différente, qui représente les
moyens concrètement mis en oeuvre par les offreurs pour capter les rentes. Ce sont ces revenus
que les offreurs cherchent à maximiser ou à minimiser (pertes) sans se soucier s'ils
correspondent à des rentes différentielles, de monopole ou de rareté.
Le surplus est la somme des rentes ou la somme des revenus selon qu'il est étudié au
niveau théorique ou empirique. Il constitue par cette ambivalence un concept clé pour
interpréter la réalité.
Le surplus réel des offreurs (somme des revenus monétaires) n'est pas nécessairement
égal au surplus théorique (somme des rentes potentiellement réalisables), car le prenuer ne
constitue que la fraction non monétarisme étant le surplus des consommateurs.
Le surplus du consommateur sera assimilé au gain perçu suite à l'utilisation d'une
ressource plutôt qu'une autre. Dans le cas de la satisfaction d'un besoin par une même énergie,
le surplus du consommateur est facilement évalué à partir des écarts constatés entre les prix de
vente de cette énergie
Lorsque le besoin peut être satisfait par deux formes d'énergie,
l'évaluation est beaucoup plus délicate, car on doit intégrer les différents paramètres ayant trait
à leurs conditions d'utilisation différentes. Donc, la différence entre les prix de deux énergies est
un indicateur insuffisant pour estimer le surplus du consommateur.
86
Les offreurs ici sont tous des acteurs situés en amont du consommateur.

83
En assimilant la scène énergétique mondiale à un vaste champ de bataille où s'aftTontent
des protagonistes aux intérêts divergents pour s'approprier le surplus, [es études géopolitiques
et la théorie des jeux constituent des moyens d'investigation privilégiés pour appréhender
l'évolution des prix. Les événements pétroliers survenus depuis 1970 ont contribué à la
multiplication de ce type d'analyseS7 .
Même si les rapports de force sont essentiels pour appréhender le processus de création
du surplus, ils ne doivent pas être analysés exclusivement en termes politiques, stratégiques et
sociaux. Les facteurs économiques jouent aussi un rôle primordial Parmi ces facteurs
économiques, nous allons voir j'évolution du coût marginal de longue période et l'équilibre du
marché.
1. L'évolution du coût marginal de longue périodils :
Pour pallier l'épuisement des réserves ou pour faire face à l'accroissement de la
demande, il faut mettre en production de nouveaux gisements dont le coût de développement
moyen peut être plus faible ou plus élevé. Le coût marginal de longue période sera décroissant
si le coût moyen du gisement le plus coûteux mis en production pour satisfaire la demande est
plus faible à la période t. qu'à la période to. 89 On montre alors qu'en décroissant, les nouveaux
gisements en production bénéficient des rentes les plus importantes et les prix tendent à baisser;
tandis qu'en coûts croissants, les prix augmentent et les gisements les plus anciens perçoivent de
plus en plus de rentes;90. En coûts décroissants, les insiders sont condamnés à s'entendre pour
résister à la pression concurrentielle des entrants qui menacent leur existence. On retrouve là
une des conclusions de P. SrafTa concernant les coûts décroissants91 En coûts décroissants, les
prix augmentent et les insiders sont menacés non pas par nouveaux entrants, mais par
l'évolution du prix des substituts. La menace se déplace du niveau de la concurrence des
producteurs à celle des capitaux.
81
Cf. AYOUB A. "Les prix pétroliers: essai d'explication" .. Montréal. Université Laval, Octobre 1975. Cf.
aussi GlRAUD P.N., "Géopolitique des ressources minières", Paris, Economica. 1983.
88
POUI une analyse détaillée, voir CHEV ALlER, BARBET, BENZONI, "Economie de l'énergie", Dalloz.
1986, pp 192-197.
89
Cf. CHEVALIER 1. M. "L'économie industrielle en question", Paris Calmann Levy 1977, p. 140-142.
90 Cf. CHEV ALfER 1. M. "L'économie industrielle en question", Paris Calmann Levy 1977, p. 143.
9'
SRAFfA P "Ecrits d'économie politique", Paris, Economica, 1975.
.

84
En coûts décroissants, les producteurs prenant l'ascendant sur les propriétaires dans le
partage de la rente, alors qu'en coûts croissants, ce sont les propriétaires qui prendraient le pas
sur les producteurs.
L'évolution du coût marginal de longue période influence les rapports de force d'une
part entre propriétaires et producteurs qui prendraient le pas sur les producteurs, d'autres part,
entre offreurs marginaux et non marginaux. Cette évolution s'inscrit dans les différentes
conditions d'équilibre du marché, qui. elles mêmes influencent l'établissement des rapports de
force pour la répartition du surplus.
2. L'équilibre du marché: les jeux de l'offre et de la demande:
Dans son acception la plus courante, le jeu de l'offre et de la demande renvoie à un
processus idéal selon lequel sur chaque marché, la demande, l'offre et le prix d'un bien
convergent vers un niveau d'équilibre qui pennet par ailleurs de maximiser l'ensemble des
avantages que consommateurs et producteurs peuvent retirer de l'échange. On peut retenir trois
situations: l'offre est égale, inférieure ou supérieure à la demande.
a) L'offre est égale à la demande:
Le propriétaire du gisement marginal peut imposer le prélèvement d'une tribut sous la
fonne d'une rente de monopole dont le montant est concrètement limité par deux facteurs
l'élasticité de la demande et le coût du gisement à développer.

85
Graphique: Création du surplus sur un marché équilibré:
Prix/coûts
1100
1000
800
..............................I j
.-: ~
500
[[]
300
IQuantités
En prenant les deux cas extrêmes:
. La demande est très élastique: (D sur le graphique). Toute augmentation de prix induit une
perte importante de marché pour le gisement marginal. Dans ce cas le calcul classique du
monopoleur effectué sur le gisement C conduit à fixer le prix à un niveau à un niveau à peine
supérieur au coût de C (820). La rente de monopole est faible et strictement limitée par
l'élasticité de la demande, car l'équilibre de monopole fixe un prix inférieur au coût de
production du gisement du gisement à développer (1000).
. La demande est rigide (D' sur le graphique). Pour maximiser le surplus, le prix du marché doit
être légèrement inférieur au coût du gisement x (980)92
Quel que soit le cas, le gisement marginal est régulateur du prix du marché de par les
quantités qu'il valorise. Cette fonction se traduit par une sous utilisation des capacités de
. production sur ce gisement.
92
Le gisement à développer peut èLIe une énergie de substitution dont le rôle sera identique à celui de C.

86
b) L'offre est inférieure à la demande:
On assiste à la création d'une rente de rareté dont le montant dépend de l'importance du
déséquilibre, de l'élasticité de la demande, du coût du gisement à développ'er, du taux de
croissance de la demande ou de la décroissance des réserves. Dans ce cas, aucun gisement ne
régule le prix du marché. Les capacités de production sont pleinement utilisées. Il semble que
l'évolution du prix soit plus dépendante des décisions des consommateurs que de celles des
producteurs.
c) L'offre est supérieure à la demande:
Si les quantités nécessaires au marché (partie gauche du segment c) procède d'une
décision discrétionnaire du (des) offreur(s) présentes) sur le gisement marginal, la création du
surplus résulte d'un mécanisme identique à celui du graphique (graphique: création du surplus
sur un marché équilibré). Si les capacités de production marginales sont répa11ies entre deux
acteurs se concurrençant, étant donné l'excédent, la question est de savoir qui produira ou qui
ne produira pas. 93
L'évolution du coût marginal de longue période tend à affaiblir la position des insiders
vis-à-vis des nouveaux producteurs lorsqu'il décroît et vis-à-vis des producteurs des substituts
lorsqu'il décroît. Sur un marché, le gisement marginal régule les prix. Sur un marché
excédentaire, les gisements non marginaux régulent les prix, sur un marché de pénurie, les prix
sont régulés par les conditions de la demande.
Les consommateurs peuvent disposer d'un pouvoir suffisant (cas de l'offre excédentaire)
pour empêcher les offreurs d'aligner leur prix sur celui du gisement marginal.
Si l'analyse économique permet de distinguer de multiples catégories de marchés, le
schéma simple de marché parfait, sur lequel offre et demande s'ajustent en permanence et
s'équilibrent "spontanément" conserve un pouvoir de représentation.
93
Pour une analyse détaillée, vQir CHEVALIER, BARBET, BENZONl, "Economie de l'Energie". Dalloz.
1986, PP 195-197.

87
A l'évidence le marché pétrolier ne répond pas à ce schéma. Les brusques variations de
prix, les successions de phases de sous et de sur capacités en sont autant de preuves Les
raisons pour lesquelles le marché pétrolier n'est pas un marché parfait sont nombreuses:
- C'est un marché d'une ressource naturelle sur lequel apparaissent différentes sortes de rentes
- C'est un marché pour un produit hautement stratégique et historiquement contrôlé par un petit
nombre de compagnies intégrées, jusqu'à la montée en puissance de l'OPEP (qui date d'ailleurs
d'avant 1973, car c'est cette montée en puissance à travers le renforcement interne de
l'organisation, constitution et renforcement des entreprises pétrolières nationales, prises de
contrôle progressive des ressources par les Etats membres etc. qui va réunir les conditions de
base pour le choc).
- C'est un marché sur lequel sont soumises à des contraintes spécifiques les adaptations de
l'offre et de la demande, ceci à cause du rôle déterminant des équipements de production ou de
consommation.
Comment
alors
ignorer
les
acteurs
lorsqu'il
s'agit
d'Etats
producteurs
ou
consommateurs, ou de quelques unes des plus puissantes entreprises mondiales ? On ne peut
aussi ignorer leurs objectifs, leurs stratégies et les investissements qu'ils mettent en oeuvre. En
plus des aspects économiques, il faut prendre en compte les variables socio-politiques. En effet,
les rapports de force
constituent une composante essentielle dans la dynamique de
l'appropriation des rentes. Ils peuvent par ce biais, infléchir l'évolution des prix des énergies et
donc du système lui-même dans son ensemble. Ceci rend nécessaire l'étude des stratégies
déployées par les différents acteurs.
PARAGRAPHE 2: EVOLUTION DES PRIX
Le prix du pétrole n'échappe pas à une certaine logique que l'on retrouve dans d'autres
approches. Mais les effets résultant de l'évolution du prix sont entourés d'un halo d'incertitudes
considérable. Lors du premier choc, il y avait eu des tentatives de recherche de la rationalité
du prix du baril. Les discussions et les travaux des experts visaient à calculer le prix qui
maximiserait le produit intérieur brut à la fois des pays producteurs et des pays consommateurs.

88
On était encore sous l'influence du Club de Rome dont l'une des idées de base était la pénurie
des ressources de matières premières minérales et notamment de pétrole.
Quel est le bon prix du pétrole et peut-on en dégager une certaine rationalité?
La théorie économique s'efforce d'apporter des réponses à la formation des prix du
pétrole. Mais celles-ci dépendent fortement du cadre conceptuel dans lequel on se situe. D'une
manière pratique, on peut dégager les grandes périodes dans l'évolution des prix du pétrole.
· 1965-1973
les grandes compagnies multinationales ajustent l'offre à la demande sans
variation des prix.
· 1973-1979 : le premier choc pétrolier est un réajustement du marché par les prix. La demande
se stabilise.
· 1980-1985 : la demande adressée à l'OPEP régresse rapidement après le second choc
pétrolier. La réduction concertée des productions au niveau OPEP
permet un temps de
défendre les prix.
-1986-1990 : le contre-choc pétrolier de 1986 est un nouveau réajustement du marché par les
pnx.
Actuellement, l'essentiel des transactions pétrolières (75%
des ventes de brut)
s'effectuent encore sous forme de contrats dits à long terme (en réalité la durée n'excède que
rarement un an). Le système des prix directeurs instaurés par l'OPEP a entièrement disparu94 .
C'est le prix spot qui constitue actuellement le pivot du système de détermination des prix,
puisque les contrats dits à long terme (contrats de valorisation et de vente à la formule) sont
eux-mêmes "calés" sur le prix spot.
C'est le marché spot qui détermine depuis 1973, le niveau des prix du pétrole brut fixé
dans les contrats, même si l'essentiel des transactions pétrolières ne sont pas. conclues sur ce
marché. Le marché spot étant prédominant dans la formation des prix, il est donc utile de
comprendre quels sont les déterminants essentiels dans la formation de ses prix. Le système des
prix officiels a disparu, les prix du pétrole et des produits pétroliers sont essentiellement
déterminés par les lois du marché 95 Il reste bien entendu un rôle important joué dans ce
94
Industrie et Développement International, Août 1989, P.388.
95
JACQUET P et NICOLAS F., op cil. P50.

89
processus par les variations saisonnières de la demande, le prix des produits de substitution, et
la concurrence entre les offreurs de produits.
1/ existe un débat sur les liens de causalité entre prix .\\pot du brut et prix spot des
produits. Selon Ayoub96 , il semblerait que les variations des prix des produits précèdent en
général les variations des prix du brut, laissant donc penser que les prix du brut sont en fait
déterminés sur les marchés des pays consommateurs.
L'une des caractéristiques essentielles du marché spot est la volatilité des prix qui s'y
établissent. Les prix des produits sont plus volatils que ceux du brut. En effet, les prix des
produits sont plus sensibles aux aléas du marché résultant du nombre plus important
d'opérateurs et ils sont d'autre part soumis aux fluctuations saisonnières de la demande. Le
marché spot étant par définition dominé par des transactions de très court tenne, les
fluctuations des prix y sont rapides et généralement assez amples.
Les cours du marché spot sont très instables et l'une des conséquences de cette
instabilité a été l'apparition de marchés parallèles à savoir un marché à terme qui a donné
naissance lui-même à un marché d'option et à d'autres instruments financiers toujours plus
sophistiqués, dont le seul but est de fournir aux opérateurs des possibilités élaborés de
couverture et de gestion des risques. On peut même se demander alors si le marché pétrolier
n'est-il pas un marché financier ?97
Après une période de fixation des prix par un groupe d'agents dominants (les grandes
firmes anglo-saxonnes de 1928 à 1973 qui établissaient le prix affiché, puis l'OPEP de 1973 à
1987 qui décidait du prix officiel), désonnais les prix sont déterminés par le marché, comme
c'est le cas pratiquement pour toutes les matières premières.
98
Trois grands mécanismes
qui concourent à déterminer le prix du pétrole restent au
coeur du fonctionnement de l'industrie : l'équilibre entre l'offre et la demande est susceptible
d'agir sur le prix dans le court terme, dans le moyen tenne ce sont les structures de l'industrie
qui permettent de s'approcher ou de s'écarter de ce que serait le prix de concurrence; enfin dans
96
AYOUB A., "Le marché international: instabilité et restructuration", Revue de l'Energie, n° 407, Décembre
1988, p;754-763.
97
JACQUET P. et
NICOLAS
F. décrivent de façon exhaustive les marchés pétroliers en tant que marché
financier dans "Pétrole, crises, marchés, politique" Dunod Points, Paris 1991.
98
ANGELIER 1.- P., "Les mécanismes de fixation des prix du pétrole", Revue de l'Energie, n° 437, Janvier
199r pp.II3-121.

90
la longue période, le prix tend à s'aligner sur le coût de production du pétrole. Les conditions
dans
lesquelles
ces
mécanismes
peuvent
s'exercer
correspondent
aux
modalités
de
commercialisation du pétrole.
L'absence de marché international du brut jusqu'en 1973 (chaque entreprise raffinait le
brut qu'elle produisait, mis à part quelques échanges marginaux de compensation entre grandes
firmes pétrolières), puis l'existence d'un marché officiel contrôlé par l'OPEP, ont mené à la
focalisation
de l'attention des observateurs sur
les structures de l'industrie pétrolière
internationale, laissant dans l'ombre le rôle des deux autres mécanismes.
Le jeu de trois mécanismes principaux permet de déterminer les prix du pétrole. Chacun
de ces mécanismes s'exerce selon une plage de temps qui lui est propre : court terme pour
l'équilibre entre offre et demande, moyen terme pour les structures de l'offre, long terme pour le
coût de production.
Dans le court terme, le prix du pétrole est influencé par le degré d'adéquation qui existe
entre offre et demande. Le court terme peut être défini comme une période suffis.amment brève
pour qu'il n'y ait de modification significative ni des capacités d'offre, ni des capacités de
demande. A court terme, la demande de pétrole est rigide par rapport au prix : un changement
de celui-ci entraînera une modification moins que proportionnelle de celle-là.
Le moyen terme correspond à une période pendant laquelle les capacités de production
et de consommation peuvent être modifiées de manière significative. Sur cette plage de temps,
les structures de l'industrie pétrolière peuvent être stables en particulier dans le cas où un
groupe d'acteurs dominant se place en mesure de s'isoler des forces concurrentielles
caractérisant l'industrie ou de les émousser (ce que le cartel des Majors a réussi à faire entre
1928 et 1950).
Le long terme correspond à une plage de temps au cours de laquelle les technologies de
production et de consommation du pétrole peuvent être modifiées. Dans le long terme, le coût
de production est donc une variable déterminante parce que le marché ne peut pas s'en écarter
durablement. Si le prix est durablement supérieur au coût, cela attirerait des capitaux nouveaux
dans l'industrie, ce qui accroîtrait l'offre et créerait de la sorte une pression à la baisse du prix.
Si le prix était durablement bas, l'industrie ne dégagerait pas les profits pennettant de se
renouveler, de découvrir de nouveaux gisements. Les producteurs opérant dans les conditions

91
de coûts les moins avantageuses se retireraient de l'industrie. La réduction d'offie découlant va
créer une pression à la hausse du prix.
Ces trois facteurs permettent d'expliquer l'évolution des prix du pétrole, ce dernier
résultant de la stabilité ou des transformations affectant les facteurs que nous avons décrits
Nous allons voir à présent les cotations des pétroles bruts et des produits raffinés.
1. Les cotations mondiales des pétroles bruts
Les prix des pétroles bruts qui n'avaient pratiquement pas varié depuis 1961 ont
commencé vers la fin de l'année 1970 un mouvement ascensionnel qui a été en s'amplifiant et a
pris au cours du dernier trimestre de 1973 des allures vertigineuses. Les tableaux (prix officiels
1970-1985 et prix spot depuis 1985) résument les principales étapes de l'évolution depuis cette
date.
1) Entre 1970 et 1973 : Cette période a été marquée par les accords de Téhéran et de
Genève aboutissant à une augmentation des prix affichés (répercussion des deux dévaluations
du dollar) et une généralisation à 55% du taux de l'impôt sur les bénéfices.
2) Premier choc pétrolier (Octobre 73- Janvier 74) ; la guerre du Kippour éclate le 6
Octobre; le 16, les pays producteurs fixent de nouveaux prix en hausse de 70 à 100% selon les
origines et les qualités.
Le 23 Décembre, une nouvelle hausse encore plus brutale (plus qu'un doublement) est
décidé à Téhéran pour application le 1er Janvier 74.
3) Second choc pétrolier (1979-1980) : après cinq ans de quasi stabilité des prix, une
nouvelle hausse brutale intervient au second semestre de 1979, conséquences des perturbations
provoquées sur le marché mondial par la révolution iranienne et la psychose de pénurie des
Etats consommateurs; le mouvement se poursuit en 1980 et 1981.
4) La décrue (fin 1982- début 1983) : à la suite du choc pétrolier, la récession
économique, les économies d'énergie et le développement des énergies de substitution
provoquent une forte réduction de la demande pétrolière mondiale vers la fin de l'année 1982.
Les prix baissent sensiblement sur le marché spot En Mars 1983, la baisse se concrétise sur les
prix officiels

92
Au niveau des pays consommateurs, notamment ceux de l'Afrique au Sud du Sahara,
cette décrue a été totalement masquée par la hausse continue du dollar qui, d'un niveau moyen
de 4/5 francs français en 1980-81, passait progressivement à plus de 10 FF début 1985,
renchérissant d'autant le coût des importations de pétrole brut. 99
Prix officiel du pétrole brut (1970-1985r
_ - ~\\lrlUI'" Léger
- i D - f\\raOIIe Lourd
Période
• Il s'agit de la situation à certaines périodes et non de la date exacte du changement de prix (van'able selon les origines).
Source: graphique fait par nous à partirdes données de Petroleum Intelligence Weekly. Ces données sont en annexe dans le
tableau intitulé: Prix officiels (1970-1985) en dol/ars par baril.
5) La chute (fin 1985- début 1986) : lors de la réunion de l'OPEP du 7 au 9 Décembre
1985 à Genève, l'Arabie Saoudite manifeste sa volonté de retrouver une part de marché plus
conforme à son potentiel; c'est en effet grâce à une réduction importante de sa production que
l'équilibre de l'offre et de la demande mondiale de pétrole avait pu être ma.intenu jusqu'à la
chute des prix.
La décision de l'Arabie Saoudite de cesser de jouer les producteurs d'appoint entraîne
rapidement une baisse très importante des cours qui atteindront leur point le plus bas de 7 à 8
barils à la fin du mois de Juillet.
6) Remontée et stabilisation (mi 1986- mi 1988) : la décision prise par les pays de
l'OPEP lors de leur conférence qui s'est tenue du 28 Juillet au 5 Août à Genève de réduire leur
99
Nous avons préferé exxprimé le cours du dollar en FF, car il serait exhaustif de donner ce cours pour toutes
les monnaies des pays de l'ASS.

93
production en revenant au système des quotas a fait immédiatement remonter les prix du brut
qui se sont stabilisés aux environs de 15 dollars par baril vers la fin de l'années 1986.
L'objectif de 18 dollars par baril mis en avant lors de la conférence de l'OPEP du Il
Décembre a été atteint au début de l'année 1987. Au cours de cette année et des premiers mois
de l'année 1988, les prix des bruts ont varié en fonction d'une part des événements militaires
dans le Golfe Persique (arrivée des navires de guerre occidentaux à partir de Juillet 1987) et
d'autre part des fluctuations de la production des pays de l'OPEP.
7) Baisse et redressements (entre mi-1988 et mi-1990) : la cessation des hostilités entre
l'Irak et l'Iran a entraîné un accroissement des quantités de pétrole brut mises sur le marché ;
ceci joint aux difficultés de l'OPEP à mettre au point une stratégie de défense des revenus de
ses membres, a fait baisser les prix du pétrole brut jusqu'aux environs de 10-12 dollars par baril
fin Octobre 1988. Les prix se sont ensuite raffennis après l'accord conclu en Novembre au sein
de l'OPEP à Vienne concernant un plafond de production, de 18,5 millions de barils/jour, et
leur remontée s'est accélérée (le Brent dépassant les 20 $ par baril en Avril 1989) à cause d'une
part de la demande qui restait fenne et d'autre part de coupures de production, notamment en
Mer du Nord.
Reprise de la production en Mer du Nord, surproduction des pays de l'OPEP qUi
n'arrivent qu'avec difficultés à un accord précaire sur les niveaux de production (19,5 millions
de barils/jour pour le second semestre 1989), font chuter les prix au niveau de 15-16 $/baril
début Août. Mais une demande particulièrement soutenue a pu absorber l'excédent d'offre et a
engendré une remontée des prix du brut jusqu'en Octobre 1989, remontée amplifiée jusqu'au
début de l'année 1990 par l'envolée des prix du gasoil causée par l'arrivée précoce d'un hiver
précoce en Amérique du Nord (20-22 $/ baril début Janvier 1990).
Dès la mi-Janvier, la douceur du climat particulièrement en Europe, et le niveau de
production trop élevé malgré des quotas OPEP révisés en hausse ont entraîné, après quelques
hésitations, le marché à la baisse (13-15 $/baril fin Juin 1990).
Toutefois, un redressement des cours de 4 $tbaril environ est progressivement intervenu
. à compter de la mi Juillet, concrétisé par l'accord de Genève du 27 Juillet, prévoyant le retour à
un respect des quotas et fixant un objectif de 21 $tbaril fin Juillet 1990).
8) La guerre du Golfe. L'invasion du Koweït par l'Irak le 2 Août 1990 et l'embargo qui a
suivi, en privant le marché mondial de 4,5 millions de barils/jour, a provoqué une envolée des

94
prix, jusqu'à plus de 41 dollars pour le Brent fin Septembre- début Octobre 1990. Dès le mois
de Novembre, l'offre de pétrole brut était redevenue abondante, grâce aux augmentations de
production de l'ensemble des pays producteurs et principalement de l'Arabie Saoudite dont la
production est passée de 5,4 nùllions de barils/jour fin Juillet à 8,2 millions de barils/jour début
Novembre. Les prix se sont orientés à la baisse (24-27 $/baril fin Décembre) pour chuter
fortement après le 17 Janvier 1991, date du début de l'offensive déclenchée par la coalition sous
la direction des Etats-Unis (Opération tempête du désert).
9) Stabilisation sur fond de crises. Pendant les hostilités qui ont duré jusqu'au 28 Février
1991 et la période qui a suivi, les prix sont restés stables (15-17 $/baril pour l'Arabian Light,
18-20 $/baril pour le Brent). Cette stabilité a été momentanément interrompue par la crise
politique qui s'est ouverte en Union Soviétique le 18 Août 1991. Elle a eu un effet haussier
surtout au niveau psychologique, sur les prix des bruts (+3 $/baril environ fin Octobre) qui sont
ensuite progressivement revenus à leurs niveaux antérieurs.
Après une légère baisse au début de l'année 1992, les prix se sont raffermis" tirés par la
demande pour dépasser 20 $/baril pour l'Arabian Light et 21 $/baril pour le Brent fin Juin. Mais
à partir de cette période, la situation s'est retournée : la récession écononùque s'amplifiant à
compter du mois de Novembre et la douceur du climat hivernal ont pesé sur la demande de
produits pétroliers dont les prix sont retombés à des niveaux de 16-18 dollarsl baril pour
l'Arabian Light et 17-19 dollars par baril pour le Brent.
Prix spot depuis 1985*.
50
40
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• Il s'agll des colallOns en Jin de mols.

95
Source' graphique fait par nous à partir des données Plall's. citées dans "Pétrole 92, Eléments statistiques". Comité
ProfessIOnnel Du Pétrole CPDP. 1993. Page D4, Ces données sont en annexe dans le tableau intitulé: Prix spot depuis
19115 (cotation en fin de mois)
II. Cotations des produits raffinés
Il existe plusieurs marchés sur lesquels sont échangés les produits pétroliers raffinés. Ils
sont en
général
situés
au
voisinage
des
grandes
raffineries
exportatrices.
Les
plus
traditionnellement connues sont ceux du Golfe Persique, du Golfe du Mexique et de Singapour.
Les plus intéressants pour l'Europe sont ceux de Rotterdam et de Gênes.
Différents systèmes ont été établis pour publier les prix des produits achetés et vendus
sur le marché à court terme (spot). En Europe, il s'agit notamment de :
- Platt's Oilgram Price Service, publié par Mc Graw Hill à New-York (Platt's) ;
- Oil Market Report Europe Oil Telegram qui ont pris la suite de la publication de l'AF.M.
(association d'importateurs indépendants allemands qui produisait depuis 1960 un rapport
hebdomadaire sur les prix réalisés lors des opérations de la semaine écoulée) ;
- Petroleum Argus.
Les cotations Platt's constituent de loin la source d'information la plus largement
diffusée et la plus utilisée. Cinq séries de cotations sont publiées pour l'Europe : chargement
F.O.B. et C.AF. Méditerranée et Europe Nord-Ouest par cargo et chargement F.O.B.
Rotterdam par péniches.
Selon les experts seule une partie de la demande de produits pétroliers dans le Nord-
Ouest de l'Europe fait l'objet de transaction sur ce marché. Il s'agit d'un marché très sensible à
des variations relativement faibles de l'offre ou de la demande, néanmoins les prix adoptés au
cours de ces transactions servent souvent de référence pour apprécier les tendances à la hausse
ou à la baisse des cours des différents produits.
III. Fret pétroliers
Les premiers barèmes ont été établis pendant la seconde guerre mondiale par les
autorités militaires américaines et britanniques. Ils ont été maintenus après la fin des hostilités
par les armateurs et affréteurs pour faciliter leurs négociations.
Plusieurs barèmes successifs publiés s'enrichissent au fil des années de nouvelles
relations.

96
Les taux de base sont révisés au premier Janvier de chaque année depuis 1989 (ce qui se
passait précédemment était une révision de deux fois par an)
Les frets sont exprimés en indice par rapport au barème worldscale flat= 100.
PARAGRAPHE 3 : LES CHOCS ET LE CONTRE-CHOC PETROLIERS
Nous entendons par fluctuations des prix du pétrole, toute variation majeure de prix à la
hausse ou à la baisse et c'est dans ce contexte que nous allons étudier les chocs et le contre-
chocs ainsi que leurs impacts sur l'ASS. Mais avant de commencer cette étude des impacts,
nous allons donner quelques définitions voir l'histoire des chocs et contre-choc pétroliers.
DEFINITIONS:
Le choc pétrolier peut être défini comme "une situation dans laquelle, une économie
fortement tributaire des importations de pétrole est soumise à une augmentation brutale et
significative des prix du pétrole sans qu'il soit possible à court terme de réagir autrement que
par prélèvement réel sur la richesse nationale ou un endettement extérieur croissant" .100
On parle donc de chocs si l'augmentation des prix des importations est sUlPérieure à celle
des produits nationaux (à condition que cette augmentation ne soit pas trop échelonnée dans le
temps) et si l'économie importatrice se caractérise par une élasticité-prix de la demande très
faible sinon nulle à court terme (produits importés sans substituts nationaux immédiatement
disponibles).
Les pays importateurs nets de pétrole ont eu à faire face dans l'intervalle d'une dizaine
d'années, à deux chocs pétroliers : un premier choc entre le quatrième trimestre de 1973 et le
deuxième trimestre de 1974, et un second choc entre le premier de 1979 tel le troisième
trimestre de 1981. Le deuxième choc se décompose lui-même en un "choc pétrole" stricto
sensu entre le premier trimestre de 1979 et le deuxième trimestre de 1980; et un "choc doJJar"
entre le troisième trimestre de 1980 et celui de 1981.
Le choc pétrolier est une perturbation exogène de pnx pétroliers qui conduit à une
rupture des équilibres pouvant conduire à un changement de trajectoire que nous apprécierons
-100 .PERCEBOIS 1. "Economie de l'Energie", Economica, 1989. page-24_

97
au niveau des impacts à partir du taux de variations de certaines variables macroéconomiques
qui connaissent de fortes amplitudes.
1. Les chocs pétroliers
L'énergie est le soubassement de toute activité humaine même rudimentaire, c'est
pourquoi elle a poussé à des conflits certains groupes sociaux qui en étaient privées.(cf. les
lointaines guerres du feu des origines de l'humanité ... ). Au vingtième siècle, avant 1973, de tels
conflits paraissaient révolus. Certes la croissance était devenue une grande dévoreuse d'énergie
et le pétrole était aussi indispensable au système économique que l'air et l'eau ['ont toujours été
à la vie terrestre. Mais, on se contentait de le constater, et on vivait un peu comme si le pétrole
était aussi abondant que l'air et l'eau. En 1925, la production mondiale de pétrole était inférieure
150 MT. Cinquante ans plus tard elle avait été multipliée par vingt et dépassait 2,8 Gt. C'est
dans ce contexte d'augmentation foudroyante de la consommation de pétrole que la crise
pétrolière de 1973 éclata.
1. Le premier choc pétrolier
Comment en est-on arrivé à ce premier choc? Répondre à cette question, c'est mettre en
évidence la montée de la consommation pétrolière. Entre 1950 et 1973, pendant l'après guerre,
le monde a connu une croissance économique extraordinaire avec des taux de croissance
économique de 5 à 6% par an et des taux de croissance énergétique du même ordre. C'est cette
période qu'on a appelé en tirant un peu sur les dates «les trente glorieuse».
Pendant cette période les prix du pétrole sont restés extrêmement bas et ils ont favorisé
cette croissance et l'augmentation des consommations de pétrole ainsi que la dépendance de
l'économie par rapport au pétrole.
A l'origine de cette croissance extraordinaire de la consommation et de la dépendance
du pétrole, il y a eu la volonté des entreprises pétrolières de prendre la plus grande place
possible sur le marché de l'énergie. Elles détenaient des réserves énormes au Moyen-Orient et
ont décidé de conquérir le marché de l'énergie. C'est ce qu'elles ont fait et les consommateurs
ont profité pendant plus de vingt ans des prix bas de l'énergie.

98
Entre 1970 et 1973, la demande de pétrole adressé à l'OPEP augmente d'un tiers,
passant de 20,2 à 27,5 millions de barils/jour
La progression de la demande de pétrole des pays occidentaux, soutenue par une
croissance économique forte s'accompagne d'un développement faible de leur production (de
pétrole). Le pétrole de la mer du Nord n'est qu'à ses débuts tandis que la production des U.S.A
décline, malgré l'entrée en production des gisements d'Alaska. La demande s'adresse donc
massivement à l'OPEP et en particulier à l'Arabie Saoudite dont les capacités de production
sont les plus étendues (les exportations Saoudiennes passent de 3,2 millions de barils/jour en
1970 à 7 millions en 1973)101 Les taux d'utilisation des capacités de production des pays de
l'OPEP étant alors extrêmement élevés, la poursuite d'une croissance économique rapide
reposant sur une consommation massive de pétrole allait à échéance rapprochée, se heurter à
une insuffisance d~s capacités
de production installées. Les ajustements ne pouvaient être
produits que par la hausse des prix. Celle-ci devait s'imposer à tous les importateurs, aucun ne
pouvant encourir seul le coût d'une redéfinition radicale de sa politique énergétique.
Les
compagnies
pétrolières
avaient
entrepris
une
diversification
des
zones
d'approvisionnement à travers leurs investissements vers les nouvelles zones de production.
Mais les coûts de production dans ces zones étaient largement supérieurs aux coûts moyens
dans les pays de l'OPEP. Aussi encore, seule une hausse des prix pouvait pennettre
l'exploitation des gisements marginaux. C'est à l'OPEP, à l'occasion des circonstances
politiques exceptionnelles de 1973, qu'allait échoir la responsabilité de la hausse des prix qui,
avec le premier choc pétrolier, allait prendre une ampleur et une soudaineté inattendues.
L'embargo décidé par les gouvernements des pays arabes ne dura pas longtemps, mais il rendit
possible un quadruplement du prix du pétrole en moins de trois mois, d'Octobre à Décembre
1973. (Les pays arabes avaient décidé une baisse de production de 5% chaque mois jusqu'à
l'évacuation par Israël des territoires occupés depuis 1967).
Certains n'hésitent pas à faire de la politique américaine la véritable responsable de la
hausse des prix. Les "prévisions" d'une hausse substantielle des prix du pétrole annoncées par
un petit nombre de hauts responsables de l'admnistration américaine, étaient perçus par les pays
exportateurs comme autant de "messages" signifiant une attitude pour le moins conciliante des
10)
"Le pétrole". Editions Répères, f986. page 43

99
Etats-Unis en cas de hausse. Cependant, on ne peut pas privilégier la thèse du complot ou de la
manipulation que certains accréditent. En la privilégiant, on met au second plan ce qui paraît
essentiel. les politiques suivies par les Etats-Unis, les Compagnies et l'OPEP ainsi que les pays
importateurs dans les années qui ont précédé le premier choc pétrolier ont crée des forces
économiques suffisamment puissantes pour conduire à une crise.
En 1973, la demande pétrolière est forte. Elle est due à la révolution industrielle et à
l'accélération de la croissance. Cette forte demande pèse lourdement sur le marché. Pour la
première fois des transactions sur le marché spot- le marché au jour le jour- sont effectués à des
prix dépassant les prix affichés.
D'autre part pendant cette même année, on assiste à une montée des tensions politiques.
Les Etats Arabes appellent à l'utilisation de l'arme de pétrole si la lutte armée est engagée avec
Israël. Le 6 Octobre la guerre éclate entre Israël, l'Egypte et la Syrie. Le 16 Octobre les six
pays exportateurs du Golfe prennent l'initiative d'une augmentation de 70% des prix affichés.
Pour la première fois l'OPEP fixe unilatéralement le prix du pétrole. L'Arabian passe de 2,989$
le baril à 5,119$.
Le 19 Octobre les pays membres de l'OP AEP (Organisation des Pays Arabes
Exportateurs de Pétrole) à l'exception de l'Irak, décident de réduire progressivement leur
production et d'appliquer des mesures d'embargo à l'encontre des alliés d'Israël. Cette réduction
des approvisionnements de l'ordre de 2 millions de barils/jour en trois mois fait grimper les prix
du marché spot d'autant plus rapidement parce que c'était l'entrée de l'hiver. En Décembre, le
prix officiel de l'Arabian light est fixé à Il,651 $ tandis que son prix sur le marché libre atteint
19,35$.
Les montées des pnx augmentent de façon considérable les revenus des pays
exportateurs comme ceux des compagnies internationales. Mais les marges bénéficiaires des
compagnies internationales,
vont
à plusieurs reprises en
1974,
être réduites
par les
modifications de fiscalité imposées par l'OPEP. En 1974 et 1976, la plupart des pays pétroliers
. opèrent la nationalisation complète du secteur pétrolier au moins dans les principes si ce n'est
dans les faits.
La physionomie de l'industrie va être radicalement transformée par la hausse des prix
qui bouleverse les conditions de rentabilité tandis que le changement de la propriété effective du

100
pétrole brut (qui passe des compagmes aux Etats producteurs) aura des conséquences
structurelles importantes.
Les effets du premier choc ont été un moyen radical de résolutions des contradictions
du marché pétrolier au début des années 1970, par ses impacts simultanés sur la croissance
économique, sur la relation consommation d'énergie-croissance et sur la production de produits
pétroliers et de pétrole brut.
Même si le plus important est l'enjeu économique, le premier choc reposa sur quatre
facteurs:
a) L'enjeu économique: le passage du marché mondial d'une situation d'abondance a une
situation de rareté.
b) la détermination de certains pays de l'OPEP.
c) L'inflation galopante dans les pays industrialisés désarma les pays producteurs de pétrole, qui
s'aperçurent que les formules d'indexation mises en place à Genève en Juin 1973, n'avaient pas
bien joué leur rôle et que leurs recettes n'étaient pas protégées.
d) La guerre du Kippour détermina la volonté des pays du Moyen Orient d'utiliser l'arme du
pétrole. (Il est d'ailleurs à signaler que la volonté d'utiliser l'arme du pétrole s'était déjà
manifestée en 1967, mais elle n'avait pas pu être utilisée efficacement en raison de l'opposition
de l'Irak et du Venezuela et surtout de la situation de surabondance du marché pétrolier).
Concernant l'enjeu économique, la demande a dépassé l'offre, le prix trop bas du pétrole
avait en effet entraîné un développement anormal des consommations de pétrole. Cette réalité a
été trop longtemps masquée par les accidents politiques concomitants qlUi ont servi de
déclencheurs. On ne pouvait pas continuer à demander tous les ans des quantités de plus en
plus croissantes de pétrole à l'OPEP. "Nous n'aurions pas pu continuer ainsi longtemps. S'il n'a
y avait pas eu la crise pétrolière de 1973, elle aurait eu lieu finalement en 1975 ou en 1977,
l'OPEP au bout de peu d'années, n'aurait pas pu répondre à la demande. 1ü2
2. Le second choc pétrolier
J02
DESPRAIRIES P., "La sillültion énergétique dans le monde", Revue de l'Energie n04ü L Avril 1988, p. 217

lOI
Ce choc, comme le preffiJer est le résultat de la conjonction de phénomènes
économiques, de facteurs techniques et événements politiques. Trois variables économico-
stratégiques jouèrent un rôle essentiel: a) du point de vue monétaire, l'inflation s'était accélérée
en occident et le prix réel du pétrole avait diminué. Par ailleurs, le dollar perdait de la valeur; b)
du point de vue de la demande, la consommation continuait d'augmenter (même si c'est à un
taux plus faible) ; c) du point de vue de l'offre, les capacités de production sont moins
extensibles qu'on le pensait.
La dépendance américaine à l'égard des pays du golfe persique avec la réduction très
sensible des sources traditionnelles du Canada et du Venezuela, a globalement doublé entre
1973 et 1977 pour atteindre 34%.
Fin Décembre 1978, l'Iran arrête complètement ses exportations pétrolières suite à la
grande grève des ouvriers du secteur pétrolier, commencé au mois d'Août. Les exportations
iraniennes qui atteignaient quelques mois auparavant 6 millions de barils jours, vont être
compensées par une augmentation des parts de l'Arabie Saoudite,103 de l'Irak, du Venezuela, du
Nigeria et de la Libye. Mais malgré tout le marché se fige, les transactions qui s'effectuent sur le
marché spot se font de plus en plus rares tandis que les prix commencent à grimper.
Les stocks des Compagnies sont bas. Les grandes compagnies qui ont un accès
préférentiel au brut, réduisent leurs livraisons aux tiers (notamment la B.P. très touchée par
l'arrêt de la production iranienne). Quatre jour après le départ du Shah, l'Arabie Saoudite décide
de fixer un plafond à sa production au niveau de 9,5 millions de barils /jour en dessous du
niveau de Décembre 1978.
La décision Saoudienne ayant plongé le monde pétrolier dans l'incertitude,
les
compagnies dont les stocks sont bas vont les augmenter par précaution. La montée des prix
spot s'accélère alors que les prix officiels ne sont augmentés que de 5%. Les transactions sur le
marché libre se multiplient et les contrats à long terme sont dénoncés. La crainte de la pénurie
crée tous les signes de la pénurie bien qu'il n y ait jamais eu un déficit notable de l'offre par
rapport à la demande. Les usagers, les producteurs de brut, les raffineurs ou intermédiaires, par
103 Le 16 Janvier 1979, le Shah quitte le pouvoir. L'Imam Khomeny leader de la révolution islamique retourne
d'exit te 15 Février. C'est le 5 Mars qu'intervient le redémarrage des exportations iraniennes.

\\02
précaution ou dans l'anticipation des profits su périeurs, contribuent à tendre le marché. Le
processus s'entretient lui-même.
Bien que les exportations iraniennes aient repris à partir de Mars 1979, la spirale de la
hausse des prix va se dérouler jusqu'au début de l'année 1980. Au mois de Juin 1979, le prix
officiel de l'Arabian Iight est porté à 18$ et un plafond de 23,5$ est adopté par les bruts légers
africains. Les prix iraniens sont portés au plafond à la mi-octobre 1979, ce qui pousse les pays
africains à le dépasser, car leurs bruts sont traditionnellement côtés. Donc, la tentative pour
imposer un minimum d'ordre dans les prix est mise à mal. L'escalade des prix se poursuit. Les
hausses du prix saoudien de référence visant à un rattrapage, ne font que pousser les autres prix
encore plus haut. Ils atteignent leur plus haut niveau (37$ pour les bruts africains) avant de
s'infléchir avec la fin de l'hiver.
La tension sur les capacités de production de l'OPEP est moms VIVe. En effet, la
demande pétrolière des principaux pays industrialisés commencent à baisser et la production
non-OPEP augmente. C'est dans ce contexte qu'éclate la guerre entre l'Iran et l'Irak le 22
Septembre 1980. Elle ne provoquera pas de nouvel accès de fièvre sur le marché pétrolier.
L'Arabie Saoudite qui veut récupérer le contrôle de la prédominance qu'il a perdu sur l'OPEP
pendant les deux dernières années, va imposer une réunification des prix à niveau plus bas, en
produisant du brut à un rythme très élevé (9,8 millions de barils/jour). La réunification des prix
se fera à 34$ en Octobre 1981 pour la référence du brut de l'Arabie Saoudite.
3. La crise pétrolière de 1990
La crise -puis la guerre- du Golfe a entraîné des niveaux élevés atteints en moyenne par
les prix du pétrole dès le lendemain de l'invasion du Koweït le 2 Août 1990. A propos de cette
hausse des prix, d'aucuns n'ont pas hésité à parler, un peu prématurément, de "troisième choc
pétrolier" .
La crise de l'été 1990 peut-elle réellement être qualifiée de "choc pétrolier" à l'instar des
cnses intervenues en 1973-74 et 1979-80 ? L'augmentation des prix est-elle suffisamment
importante, suffisamment rapide et suffisamment durable pour que l'on puisse lParler vraiment
de chocs pétrolier?

103
Lors de la réunion de l'OPEP fin Juin 1990 (dernière réunion avant l'invasion du Koweït
par l'Irak) de nouveaux quotas de production avaient été fixés pour les divers pays membre
(dans le cadre d'un plafond global de 22,491 millions de barils par jour) afin de garantir un prix
de référence de 21 dollars le baril.
Les dissensions au sein du groupe étaient néanmoins importantes, l'Irak accusant
notamment le Koweït et les Emirats Arabes Unis de ne pas respecter leur cotation de
production et donc de tirer profit de la stabilité des prix sans avoir à assumer la charge. Les
sujets de désaccord sont nombreux au sein de l'OPEP à la veille du 2 Août et le prix du brut
relativement bas puisqu'il se situe aux alentours de 17 dollars.
Le comportement des cours:
Dès l'annonce de l'invasion du Koweït par l'Irak, le marché pétrolier s'enflamme et les
cours spot (du Brent par exemple) s'envolent, passant de 19$ à plus de 30$ le baril en l'espace
de trois semaines. Après une chute vers la fin du mois d'Août la hausse des cours reprend
irrésistiblement pour atteindre un maximum de 40$ au début du mois d'octobre.
Cette flambée des prix du pétrole suite aux événements du Golfe n'a été que de courte
durée. Rareté relative d'abord, spéculation à la hausse ensuite ont amené le prix du baril de
pétrole à dépasser les 40 dollars, à la mi-octobre 1990. Le prix du pétrole a rapidement chuté
en Janvier vers son "point d'équilibre" de 20 dollars et oscille longtemps autour de ce niveau,
après quelques soubresauts à 35 dollars.
Au cours du mois d'Octobre, les cours du brut jusqu'à 27 dollars le baril, puis après un
bref sursaut qui les porte à 35$, les cours s'effondrent de manière quasi ininterrompue pour
atteindre 22$, vers le début de Janvier. Ce n'est qu'après l'échec de la négociation américano-
irakienne du 9 Janvier que les cours rebondissent pour friser les 30 dollars à la veille du
déclenchement des hostilités.
Après l'entrée en guerre des troupes alliées, curieusement et contre toute attente les
cours se mettront à chuter et se stabiliseront autour de 17-18$. (En réalité les cours ont
augmenté dans un premier temps, mais cette hausse a été de courte durée et n'a pu être
observée que sur le marché de Tokyo, le seul à être ouvert au moment de l'intervention alliée,
étant donné le décalage horaire).

104
Pendant toute la durée des hostilités, les marchés pétroliers sont demeurés calmes. Ils
n'ont même pas réagi au lancement de l'offensive terrestre le 22 Février.
A la fin de la guerre, les cours semblaient devoir SUivre une tendance légèrement
haussière le 28 Février, à près de 20 dollars le baril de brut.
On distingue en gros deux sous-périodes lO4 à savoir, les trois premiers mois de la crise
au cours desquels les cours ont augmenté, puis les quatre derniers mois pendant lesquels la
tendance a plutôt été à la baisse.
Les prix des produits n'ont suivi qu'avec un certain retard la tendanc:e à la hausse du
cours du brut. Dans un premier temps, les opérations de raffinage ont connu d'importantes
compressions de leurs marges. Ce n'est qu'en Janvier 1991 qu'elles sont à nouveau devenues
profitables.
Les hausse de prix ont dans l'ensemble été à la fois plus importantes et plus durable sur
le marché asiatique que sur les marchés européens et américains. Sur les marchés à terme, les
cours ont également été instables au cours des six derniers mois de 1990. Tout au long de la
crise, les cours à terme sont restés systématiquement inférieurs au cours au comptant (départ)
alors qu'il avait été systématiquement supérieure au cours spot pendant les sept premiers mois
de l'année 1990.
Pendant la période qui a immédiatement précédé le déclenchement de la guerre, soit du
14 au 18 Janvier, on a échangé en moyenne 125,6 millions de barils par jour -papier de brut sur
le Nymex, et 40,6 millions sur l'IPE de Londres, soit le triple de la production mondiale
physique de pétrole. Les volumes ont considérablement diminué, une fois la guerre terminée.
C'est surtout le marché des options qui a été sollicité tout au long de cette crise. Il est
intéressant de le noter car l'intérêt des opérateurs sur les options reflèt(~ à l'évidence la
confusion et l'incertitude qui régnait sur les marchés. Les prix des options qui traduisent les
craintes des opérateurs ont atteint 4,20 dollars J05 deux jours avant l'offensive alliée, tandis qu'ils
étaient à seulement 90 cents le baril avant l'invasion du Koweit.
104
JACQUET P., NICOLAS F. "Pétrole: crises, marchés, politiques" DUNOD, Points, [FRI, Paris 199 L Page
112.
105 Peutroleum Intelligence Weekly, 28 Janvier 199 L .

105
Le comportement des volumes:
Au moment où la guerre est devenue imminente, l'AlE qui s'en était tenue à une
politique anti interventionniste décida de mettre 2,5 millions de barils/jour sur le marché: cette
décision effectivement mise en oeuvre a vraisemblablement contribué à empêcher une
augmentation des cours,
pourtant attendue.
Elle est
même peut être
responsable
de
l'affaiblissement relatif des cours qui s'en est suivi.
Les stocks commerciaux des pays importateurs n'ont pas été utilisés pour compléter
l'approvisionnement du marché. Les compagnies préféraient conserver leurs stocks dans
l'attente de nouvelles hausses.
En examinant de plus près les stocks commerciaux, on constate que ce sont en fait
essentiellement les stocks flottants qui sont responsables de la stabilité. Ces stocks flottants ont
été alimentés par l'Arabie Saoudite.
Les pays de l'OPEP sont rapidement intervenus afin de compenser les réductions
d'approvisionnement provoquées par l'embargo sur les exportations pétrolières de l'Irak et du
Koweït (réduction estimée à 4,3 millions de barils par jour). C'est l'Arabie Saoudite qui a
assumé le rôle de producteur d'appoint en augmentant sa production de 5,3 à 8,3 millions de
barils par jour entre Août et Décembre. Les Emirats Arabes Unis et le Venezuela ont aussi
contribué essentiellement à combler le trou laissé par l'Irak. En fait, la situation est différente
d'un pays à l'autre. Dans le cas de la FrancelO6 , c'est l'Afiique qui a fourni les compensations
nécessaires : Angola, l'Algérie, la Libye et le Cameroun ont fourni les compensations
nécessaires (aux 2,2 millions de tonnes importées par la France en Août-Décembre 1989).
a. Le troisième choc pétrolier? L'analyse
Si l'on compare la hausse des prix de 1990 et les hausses intervenues en 1973-74 et en
1979-80, force est de constater que la gravité de la crise est bien moindre, d'autant qu'en raison
de la faiblesse du dollar, les niveaux de prix ne sont pas très élevés en terme réels. En effet,
. avant la crise du Golfe, les cours du brut, exprimés en termes réels, étaient retombés à un
niveau très faible, équivalent au cours qui prévalait avant le premier choc pétrolier de 1973.
106
Pétrostratégie. 4 Février 1991.

106
Evalué en dollar de 1990, le prix spot du baril d'Arabe léger avait atteint 68 $ en 1979, et 32 $
en 1974 contre 23 $ en Août 1990107
Ce qui paraît remarquable, c'est la rapidité de la hausse que son ampleur. En effet, au
cours du premier choc, les prix avaient été multipliés par quatre, et pendant le deuxième choc
par trois, alors qu'ici ils ont tout au plus doublé, mais cette augmentation est intervenue en
l'espace d'un mois. Les premières réactions ayant pu être observées dès le lendemain de
l'invasion du Koweït par l'Irak, alors que pour le deuxième choc, il a fallu plus de trois mois
pour que les prix réagissent à l'interruption de la production iranienne.
"Dans la mesure, cependant, où les prix sont demeurés fort instables et incertains
pendant une période relativement prolongée et surtout où la structure des échanges pétroliers
internationaux s'est trouvée considérablement perturbée, il semble que 1'011 soit en droit de
parler de choc pétrolier, même s'il a été d'une ampleur et d'une durée inférieure aux deux
précédents". 108
b. Spécificités de la crise de l'été 1990
Tout comme les précédentes, elle a été provoquée par un événement politique. Mais elle
présente néanmoins quelques spécificités :
1) Les raisons de cette crise diffèrent fondamentalement de celle des deux précédentes.
En effet, dans les deux premières crises la hausse des prix du brut a été le fait des producteurs
qui ont restreint leur livraison. Premier choc : réduction de la production en guise de
représailles contre les alliés d'Israël dans la guerre l'opposant à l'Egypte et à la Syrie. Deuxième
choc : refus des pays producteurs de compenser entièrement la baisse de production due à la
grève des ouvriers du secteur pétrolier iranien.
Alors que dans le cas de la crise de l'été 90, la hausse du prix du brut est due en quelque
sorte à la volonté des pays consommateurs, à leur décision de punir l'Irak et de le faire reculer
en refusant le pétrole qu'il
aurait
certainement bien
volontiers
livré.
La
baisse des
approvisionnement est en effet le fruit d'un embargo imposé par les Nations Unies.
.'
107 Peutroleum Intelligence Weekly, 13 Aoûl 1990.
lOB JACQUET P. el NICOLAS F, op. cil
P.119.

107
Pour la première fois, une crise pétrolière est provoquée par les consommateurs et non
les producteurs. 109
2) La grande spécificité de cette cnse tient au fonctionnement nouveau du marché
Contrairement à ce qui se passait en 1973 et 1979, l'essentiel des transactions pétrolières est
aujourd'hui effectuée sur la base des prix spoe \\0, d'où la grande rapidité de réaction du marché
Par ailleurs, les deux premières se sont produites en rupture avec le système de prix en
vigueur, tandis que la présente se passe au sein même du système en place.
3) La crise de 1990 est la première crise pour les marchés à tenne étant donné qu'ils
n'ont commencer à gagner de l'importance qu'au début des années 1980. La contribution
essentielle de ces marchés dans la crise actuelle a été d'accélérer les réactions des prix. En effet,
contrairement à ce qui était le cas il y a dix ans, les raffineurs par exemple qui craignaient de
manquer du brut (non pas immédiatement mais dans les mois à venir) ont aujourd'hui la
possibilité de recourir au marché à tenne, ce qui fait que les inquiétudes du marché se
répercutent immédiatement sur les prix.
Pour les PVD non producteurs et particulièrement ceux de l'ASS dont la situation
financière était déjà périlleuse, cette hausse des prix du pétrole, même courte, aura laissé des
traces plus profondes. Une stabilité suffisante des prix du pétrole aura une conséquence
bénéfique pour tous les pays aussi bien producteurs que consommateurs. La crise de
l'endettement international, les tounnentes sociales dans les PVD producteurs ou non
producteurs, la récession économique ne sont-eIles pas dues en partie à l'instabilité pétrolière
depuis deux décennies?
II. Le contre-choc pétrolier
Il y a eu une forte diminution de la demande de bruts sur le marché international : entre
1979 et 1983, la consommation de pétrole diminue sensiblement aux USA sous l'effet
notamment de la politique de « déréglementation»
des prix (hausse sensible des prix de
\\09 SCHLESINGER, 011 and Gas Journal. 12 Nov 1990. P 68
\\\\0
Voir la partie consacrée au fonctionnement des marchés.

108
l'énergie), elle s'effondre en Europe alors même qu'à l'extérieur de l'OPEP, la. production a
tendance à s'accroître fortement
Tableau : Bilan pétrolier différentiel du monde occidental (monde hors pays à économie planifiée.)
face à l'OPEP:
106 tep
de 1970 à 1973
de 1973 à 1979
de 1979 à 1983
P
C
Solde
P
C
Solde
P
C
Solde
USA
-26
+123
-\\49
-40
+50
-90
+4
-168
+172
OCDE
+45
+203
-\\58
+80
-\\5
+95
+42
-232
+274
(hors
USA)
PVD(hors +14
+69
-55
+\\00
+45
+55
110
33
+77
OPEP)
Total
+33
+395
-362
+140
80
+60
+156
-367
+523
P ~ production
C = consommation
Solde = un signe - traduit un supplément d'importation et un signe + une baisse des importations (ou une
hausse des exportations).
Source: Criqui P. et KousnetzoffN. « Energie 1995: après les chocs ». Ed Economica, 1987.
Selon ce tableau, en l'espace de 10 ans, la production pétrolière de l'ensemble OCDE +
PVD hors OPEP a augmenté de l'ordre de 300 millions de tonnes (rythme annuel) tandis que sa
consommation baissait également de 300 millions. Ce sont ces 600 millions de tonnes qui
séparent le niveau de production de l'OPEP en 1973 de celui de 1983.
La croissance de l'après-guerre s'appuyait sur le pétrole bon marché. Son dynamisme est
brisé après le choc de 1973. L'évolution du taux de croissance ou celle de la récupération par
l'Arabie Saoudite le contrôle de la prédominance qu'il a perdu sur l'OPEP pendant les deux
dernières années, va imposer une réunification des prix à un niveau plus bas, en produisant du
brut à un rythme très élevé (9,8 millions de barils/jour). La réunification!1! des prix se fera
autour de la référence saoudienne à 34$ en Octobre 1981.
III
Jean Pierre OLSEM "L'énergie dans le monde, stratégies face à la crise" Hatier,1uillet 1984. (2èrne édition)

109
Ce contre choc est un retournement du marché pétrolier. On assiste en effet à une
réduction très sensible de la consommation pétrolière des pays industriels, tandis que la
consommation des PY.D n'augmente plus.
La libération des prix pétroliers américains est effective en 1981. Les limites jusque là
imposées à la concurrence entre raffineurs sont supprimées, ce qui les contraint de se procurer
du brut au meilleur prix possible. La concurrence dans l'industrie pétrolière américaine renforce
la concurrence sur le marché international. La flambée du dollar et des taux d'intérêt qui l'ont
suivi ont affecté l'ensemble de l'économie mondiale et surtout la consommation pétrolière: la
pression déflationniste a fortement réduit la croissance mondiale; par ailleurs, la facture
pétrolière des pays importateurs (à l'exception des Etats-Unis) se trouvaient considérablement
alourdies par la hausse du dollar (choc dollar).
L'OPEP adopte la stratégie qui limite la concurrence entre ses membres pour géler les
capacités excédentaires dont elle dispose et tente de maintenir les prix. Des quotas et un
plafond de production sont adoptés pour la première fois en Mars 1982. Malgré tout, en Mars
1983, pour la première fois le prix officiel de l'Arabian light est baissé. Il passe à 29$ (moins
15%). L'écart de prix entre le brut OPEP et ceux des autres exportateurs était très important et
l'OPEP perdait ses parts de marché.
Les prix officiels interviennent de moms en moms dans les transactions où se
développent toute sorte de rabais. On abandonne la notion de prix de référence au profit de la
notion de prix moyens des bruts de l'OPEP en 1985. Ce prix moyen a légèrement diminué la
même année. L'OPEP abandonne le principe même d'un plafonnement de la production et d'une
allocation des quotas aux différents producteurs, lors de la conférence de Genève en Décembre
1985. Trois mois plus tard, les prix du marché spot ont déjà baissé de plus de 15 dollars. Sur un
marché d'acheteur, lorsque l'offre tend à dépasser la demande, les prix spots baissent. (On en
déduit que l'Arabie Saoudite dans son rôle de producteur d'appoint, n'a pas décidé des hausses
puis des baisses des prix officiels, mais on a suivi les évolutions du marché spot, les
modulations de la production permettant simplement d'atténuer ou de différer les évolutions du
prix officiel).
Est-ce que la crise de l'énergie est-elle finie avec cette accalmie?

l 10
Depuis la baisse des prix du pétrole jusqu'à la veille de la guerre du golfe, la thèse qui
avait cours était que le pétrole avait perdu son rôle "stratégique", et serait devenue une banale
matière première subissant comme toutes les autres, les lois neutres du marché, et que ce
marché serait en mesure de régler pacifiquement les conflits d'intérêt qui surgissent de temps à
autres entre les pays de l'OPEP eux-mêmes
La crise du Golfe avec son opération "Tempête du désert" est venue balayer toutes ces
certitudes en démontrant le rôle stratégique et vital que conserve toujours le pétrole. Cette
crise est venue souligner encore une fois de plus, l'interdépendance et l'imbrication entre
l'économique et le politique dans tout ce qui touche le pétrole. Même si le pétrole n'était pas
l'unique enjeu de cette crise, il en était au coeur en occupant la place centrale. En effet, c'est à
partir du pétrole que l'on peut comprendre une large part des motivations et comportements des
protagonistes de cette crise. A chacune de ses phases, on peut facilement associer l'un des
grands problèmes qui dominent la scène pétrolière depuis le premier choc de 1973:
.Dans la phase de préparation et de déclenchement de la crise, le problème était le conflit entre
deux conceptions concernant les mécanismes de fixation des prix pétroliers et leur niveau .
.Dans la phase de déroulement, c'était le problème de sécurité des approvisionnement et de
l'équilibre des approvisionnements et de l'équilibre régional qui dominait le jeu .
.Dans la phase des conséquences de la crise, le problème qui émerge encore une fois est la
nature des relations entre pays producteurs eux-mêmes et aussi la nature des relations entre
pays producteurs et pays consommateurs. "Chacun de ces problèmes est à l'évidence influencé
et même déterminé par un ensemble de facteurs d'ordre économique et politique dont il faut
tenir compte de l'interaction pour tenter de comprendre une réalité fort complexe et très
mouvante" .112
Pour expliquer cette réalité, l'économique seul (donc "la banalisation" du pétrole) ou le
politique seul (ou la thèse du complot qui consiste à voir dans chaque événement le résultat des
agissements occultes de tel ou tel pays) ne sauraient être satisfaisants. Dan.s la mesure du
possible, il vaut mieux aborder les questions pétrolières en examinant les convergences et les
112 Antoine AYOUB "Le pétrole: économie et politique. Réflexions préliminaires sur la crise du golfe". Revue
de l'EnergIe n° 432 Juille~-Août 91.

111
divergences des intérêts économiques et politiques qUi poussent parfois les acteurs aux
compromis et parfois aux ruptures.
III. La recherche de l'équilibre du marché pétrolier par l'ajustement des
prix (depuis le début des années 1970)
Elle est marquée par les étapes suivantes: les accords de Téhéran et de Tripoli en 1971;
le premier choc pétrolier (1973-1974);
le
second choc
pétrolier (1979-1980);
et
le
retournement du marché au début des années 1980.
1. Les accords de Téhéran et de Tripoli
La crise qui aboutit à ces accords a pour origine les concessions accordées par le roi
Idriss aux indépendants qui produisaient environ la moitié du pétrole de la Libye. En effet,
l'Occidental Petroleum à cause des avantages énormes qu'il proposa à la Libye en contrepartie
des concessions que celle lui accordait s'attira l'hostilité des autres sociétés pétrolières et en
particulier celle d'Exxon. Ayant réalisé d'importantes découvertes, l'Occidental Petroleum
entreprit d'écouler son pétrole en Europe, prenant ainsi une part des marchés des majors dont
l'hostilité à son égard s'accrut encore. En 1969, la Libye était devenue un des plus grands
exportateurs 113 mondiaux avec trois millions de barils /jour (et les recettes de l'Etat libyen se
montaient à 1$/baril). En 1970, le colonel Khadafi exigea une augmentation des recettes de
l'Etat libyen. Il ordonna une réduction de la production pour soutenir son exigence, et ceci se fit
principalement au détriment d'Occidental Petroleum. Il exerça également une presSIOn sur
d'autres sociétés,
notamment Shell,
Exxon et
Agip en nationalisant
leurs filiales
de
commercialisation.
Exxon, qui avait désapprouvé les termes auxquels l'Occidental Petroleum avait obtenu
sa concession de l'Etat libyen, refusa de remplacer la production que celle-ci avait perdue, en lui
livrant les quantités de brut nécessaires pour alimenter ses raffineries. Isolée, Occidental
Petroleum dut s'incliner et accepter les conditions posées par le colonel Khadafi: augmentation
des redevances, augmentation du taux d'imposition qui passa de 50 à 58%, et augmentation des
113
La libye produisait 162 Mt prèsqu'autant que l'Arabie Saoudite qui était à 177 Mt. Les autres grands pays
exportateurs produisaient 353 Mt pour l'URSS. 194 Mt pour le Venezuela; 192 Mt pour l'Iran; 138 Mt pour le
Koweit

112
prix affichés de 30 cents. C'était la première augmentation des prix affichés depuis 13 ans. Trois
autres producteurs américains appartenant au Consortium Oasis, Amerada Hess, Conoco et
Marathon Oil acceptèrent les mêmes conditions qu'Occidental Petroleum.
Par ailleurs à la même époque, le canal de Suez étant fermé, l'Oléoduc Tapline qUI
écoulait une partie du pétrole saoudien, fut interrompu. L'Arabie Saoudite fut contrainte de
réduire ses exportations et cela au moment où les importations américaines commencèrent à se
développer. Donc le marché était en train de passer de la surproduction à la pénurie.
Dans cette tendance de pénurie, la cassure du front des pétroliers avait révélé la
possibilité d'action des pays producteurs. Ceux-ci imposèrent donc aux: pétroliers une
négociation globale. En réalité cette négociation ne fut pas tout à fait globale puisqu'elle
donna lieu à deux accords très rapprochés dans le temps: celui de Téhéran le 14 Février
1971 et celui de Tripoli le 2 Avril 1971.
Ces accords entraînèrent l'augmentation des prix affichés de l'ordre de 25%, l'indexation
des prix affichés et la fixation à 55% du taux d'imposition des bénéfices.
Puis à la suite de la dévaluation du dollar, les pays pétroliers décidèrent des
augmentations des prix du pétrole une première fois à la fin de 1971 et une deuxième fois en
Février 1973, à Genève.
Les accords de Téhéran et de Tripoli furent complétés par un mouvement de prise de
participation des pays producteurs dans la propriété de leurs gisements. (C'est ainsi que l'Arabie
Saoudite pris une participation de 25% dans le consortium de production Aramco, le Koweït en
fit autant avec Koweït Petroleum Company. Dès Novembre 1973, l'Arabie Saoudite réclama
51 % de l'Aramco, en Mai 1974, le Koweït obtint 60% de Koweït Petroleum Company).
2. Le choclU de 1973-1974
Le processus d'augmentation des pnx du pétrole qui se développa d'Octobre à
Décembre reposa sur quatre facteurs dont le plus important exprime l'enjeu économique: le
passage du marché mondial d'une situation d'abondance à une situation de rareté. Ceci rendait
nécessaire un rééquilibrage par les prix
Il eut effectivement des augmentations de prix
représentant pratiquement un quadruplement des prix.
114
POUI plus de détails sur les chocs de 1973-74 cl de 1979-80, sc reporter à la partie consacrée au Chocs.·

113
3. Le choc de 1979-1980
L'augmentation des prix du pétrole entraîna une récession en Occident et une réduction
de la demande. Puis la consommation et la production recommencèrent à augmenter quoiqu'à
un taux plus faible.
Du point de vue de l'offre, les capacités de production s'avèrent moins extensibles que
prévu. Les perspectives de production apparurent soudain trop optimiste surtout pour l'Arabie
Saoudite. L'Iran réduit aussi son plafond de production (de 8 millions de barils/jour à 6
millions). Le ratio réserves prouvées/production n'avait cessé de diminuer dans les pays de
l'OPEP (il était passé de 68,6 en 1960 à 41,2 en 1978) et dans l'ensemble du monde (de 39,5 à
29,3).
Cette pénurie fondamentale fut rendue plus sensible par l'important déstockage des
produits pétroliers que les compagnies pétrolières avaient opérées en 1978 afin de réduire les
conséquences de la dépréciation du dollar. Or l'hiver de 1978-79 fut rigoureux dans les pays
occidentaux et la demande augmenta alors que les stocks étaient au plus bas. Le déficit sur le
marché déclencha un processus de hausse. Donc ici aussi l'équilibrage se fit par l'ajustement des
pnx.
Ainsi, on voit que dans les deux chocs pétroliers il y avait une nécessité d'ajustement à
travers les prix.
4. La baisse des prix
Comme les chocs, elle s'explique aussi par les tendances sur le marché pétrolier.
Les fortes augmentations de prix ont découragé le marché.
Certaines mesures
d'économie d'énergie antérieures au second choc commencent à porter leurs fruits et les
producteurs extérieurs à l'OPEP ont accru leur production et fournissent désormais un appoint
notable (Mexique, Egypte, Malaisie, Cameroun, Mer du Nord).
Le surplus sur le marché pétrolier approche les 3 millions de barils/jour. Le mouvement
de baisse des prix commence dès la fin du premier trimestre de 1981. En 1982, la surabondance
ne que s'accentuer. Elle entraîne la baisse des prix qui est parfois explicite mais est le plus
souvent dissimulée (augmentation des délais de paiement, réduction des différentiels, vente de
produits raffinés au prix du brut) Ici aussi, l'ajustement se fait par l'intermédiaire des prix en
l'occurrence leur baisse.

114
L'explication des augmentations de prix lors du premier choc pétrolier est donné par le
jeu de quatre considérations, toujours mêlées les unes aux autres mais qu'il faut néanmoins
distinguer.
1) La rationalité économique:
Les
réserves
de
pétrole
conventionnel
sont
de
l'ordre
d'une
trentaine
d'années
de
consommation; les ressources de pétrole conventionnel et off-shore représentent beaucoup
plus, mais elles doivent encore être découvertes et exploitées à des prix sans doute très élevé: le
pétrole non conventionnel est d'un prix élevé et sans cesse croissant. Par conséquent, la
rationalité économique impose une augmentation du prix du pétrole à la fois pour en ralentir
l'utilisation, pour rendre rentable l'exploration et l'exploitation de nouveaux champs pétrolifères
et pour fournir les ressources financières permettant de réaliser ces deux tâches.
2) Mécanisme économique de l'augmentation du prix du pétrole:
L'accroissement du prix du pétrole a toujours été consécutif à une diminution des
quantités disponibles, soit par diminution de l'offre, soit parce que les importations des pays
consommateurs avaient augmenté considérablement.
3) La diversité des complicités intéressés à l'augmentation des prix du pétrole:
En fait trois partenaires n'ont cessé de pousser à cette augmentation; certes les pays
producteurs la voulaient, mais ils ont été fortement aidés par les deux autres partenaires.
D'une part, les compagnies ont cherché dans un certain nombre de circonstances à tirer
profit des conditions favorables du marché. Dans d'autres circonstances elles ont refusé
l'augmentation des prix mais de façon tellement excessive qu'elles ont finalement contribué à
provoquer la crise.
D'autre part, les pays consommateurs ont été également complices, par négligence, dans
la mesure où :
.ils ont laissé leur consommation de pétrole augmenter de façon excessive et sans tenir compte
de l'épuisement des réserves
ils ont laissés réduire les avantages conquis par les pays producteurs.
4) Les mécanismes techniques de l'augmentation des prix:
Les moyens accroître les prix sont au nombre de quatre:

115
a) L'augmentation pure et simple décidée par les pays producteurs. Elle peut être directe
ou indirecte en prenant la forme d'une augmentation des redevances, ou d'une augmentation des
impôts, ou encore d'augmentation des prix affichés au-delà des prix du marché.
b) La prise de participation: Les pays producteurs en prenant une participation
majoritaire ou en nationalisant les consortiums qui exploitaient leur pétrole se transforment en
fournisseurs de leurs anciens concessionnaires et ils vendent leur propre pétrole à un prix
supérieur à celui auquel était estimé l'enlèvement avant la nationalisation.
c) l'existence de différentiels: Il suffit que l'un des pays producteurs modifie sa position
relative dans la fourchette, et par une sorte de réactions en chaîne, tous les autres s'y ajustent
Exemple, si celui qui est au niveau le plus bas vend son pétrole un peu plus cher, tous les autres
ajustent leurs prix
Tableau: Evolution de la fourchette des prix du pétrole (en dollar par baril)
Qualité du pétrole
Janvier 70
Juin 73
Janvier 74
Février 80
Octobre 80
Mars 81
15 Mars
83
Arabe léger (Arabie
1.80
2.90
11.65
26.00
30.30
32.00
29.00
Saoudite)
Bonny (Nigeria)
2.17
4.00
14.69
34.20
37.00
40.00
30.00
Différentiel)
0.37

3.04
8.20
6.70
8.00
1.5
Source: COllÙté profeSSionnel du pétrole, Ministére de l'mdustne.
d) Le marché au comptant: Sur ce marché appelé aussi marché spot se traitent des
quantités de plus en plus croissantes de pétrole (voir la partie consacré à ce marché). Le marché
spot a tendance à amplifier les situations objectives de pénurie ou de surabondance et donc les
mouvements de prix consécutifs. Les augmentations ont souvent pris leur origine dans le
marché spot
Après avoir fini l'étude du marché pétrolier et de ses acteurs, des chocs et du contre-
choc pétroliers, nous allons à présent aborder le panorama international de la scène
économique, énergétique et financière depuis le début des années 60

116
CHAPITRE IV : PANORAMA INTERNATIONAL DE LA SCENE
ECONOMIQUE, ENERGETIQUE ET FINANCIERE DEPUIS LE DEBUT
DES ANNEES 60
Après avoir analysé l'évolution économique des pays subsahariens, dans la première
partie de ce travail, ce qui nous a permis de comprendre la crise macroéconomique qu'ils
traversent, il serait utile de dessiner une vue panoramique internationale de la scène
économique, énergétique et financière depuis le début des années 1960. En regardant les choses
d'un peu plus près, on constate qu'entre 1950 et 1973, le monde a connu unè croissance
économique extraordinaire. Ce qu'on a appelé, en tirant un peu sur les dates «Les trente
glorieuses», avec des taux de croissance de 5 à 6% par an et des taux de croissance de la
consommation d'énergie du même ordre de grandeur. Les prix du pétrole sont restés
extrêmement bas et ils ont favorisé cette croissance et l'augmentation des consommations de
pétrole ainsi que la dépendance de l'économie par rapport au pétrole. A l'origine de cette
extraordinaire croissance de la consommation et la dépendance du pétrole, il y avait la volonté
des entreprises pétrolières qui détenaient d'importantes réserves au Moyen-Orient, et les prix
très bas du pétrole.
SECTION 1: L'EVOLUTION SUR LA SCENE ECONOMIQUE INTERNATIONALE
A. La période 1960-1970
Le début des années 60 est marqué par une repnse générale de la crOissance
économique et du commerce international. La part de marché international des pays industriels
augmenta de cinq points. Le niveau des exportations de pétrole augmenta au rytlune annuel des
pays occidentaux. Les pays en voie de développement qui connurent d'abord une baisse des
termes de l'échange ont eu par la suite un accroissement dans le volume de leurs exportations à
cause de la croissance soutenue des pays industriels.
La fin de cette période est marquée par une tendance inflationniste.

117
B. La période 1970-1979
Marquée par le premier choc pétrolier de la fin de 1973, cette période qui avait connu
en ses débuts une croissance exponentielle a finalement répandu dans le monde entier une
grande vague d'inflation. Les pays en voie de développement, gràce au recyclage des pétro-
dollars qui s'est effectué dans de bonnes conditions financières, ont pu maintenir une croissance
économique
soutenue,
accroître
leurs
investissements
productifs
et
leurs
réserves
internationales.
C. La période 1979-1985
Suite au second choc pétrolier, les économies qui se remettaient à peine du premier sont
à nouveau plongés dans la récession. La croissance économique se ralentit partout, subissant
même un recul dans certains pays en voie de développement. Les P. VD. n'ont pas pu
emprunter cette fois-ci aux conditions avantageuses dont ils avaient bénéficié pendant la
décennie 70.
La situation de cette période est caractérisée par la réduction des importations totales des pays
industriels; la diminution des cours des produits de base et la chute des termes de l'échange des
pays en voie de développement; une hausse plus modeste des prix du pétrole et la hausse des
taux d'intérêt réels (conditionnant l'endettement des P.V.D.).
SECTION Il : L'EVOLUTION DE LA SCENE PETROLIERE INTERNATIONALE
A. La période 1960-1970
Si le rythme des découvertes d'hydrocarbures dépassait de loin celui de la demande
énergétique dans les années 50 et 60, le rythme de demande énergétique allait cependant
dépasser vers la fin des années 60 celui des découvertes de pétrole. Cette situation ne pouvait
pas durer longtemps. En effet, il y avait une croissance extraordinaire de la consommation de

118
pétrole et on ne pouvait pas continuer à demander tous les ans à l'OPEP plus de 100 Mt de
pétrole de plus.
B. La période 1970-1983
Les deux chocs pétroliers (1973-74 et 1979-80) associés à des cnses géopolitiques
(guerre du Kippour et guerre Iran-Irak) sont venus briser l'évolution exponentiellement
croissante de la demande d'énergie. Après 1973, il Ya eu découplage de la demande d'énergie
et du P.I.B.
Tableau: Consommation d'énergie dans le monde (1960-1987)
Années
Population
P.I.B.
ConsomnuItion Primaire
°CP.E.C
Intensité
en millions
en G oS us 1980 P.P.A.
d'Energie Commerciale
/hab. et en MTep
Energétique
1960
2999
5365
2871
0,96
0,54
1965
3306
6830
3597
1,09
0,53
1970
3662
8771
4794
1,31
0,55
1973
3889
10171
5569
1,43
0,55
1975
4037
10564
5632
1,40
0,53
1979
4351
12427
6584
l,51
0,53
1980
4426
12728
6537
1,48
0,51
1982
4583
13125
6455
1,41
0,49
1985
4813
14594
7044
1,46
0,48
1987
4970
15621
7442
l,50
0,48
Source: Enerdata
La réalité économique qui a été trop longtemps masquée par les accidents politiques
concomitants qui ont servi de déclencheurs, est que la demande de pétrole a dépassé l'offre: le
prix du pétrole trop bas avait entraîné un développement anonnal des consommations de
pétrole. "S'il n'y avait pas eu la crise pétrolière de 1973, elle aurait eu lieu finalement en 1975
ou en 1977 ; l'OPEP au bout de peu d'années n'aurait pas pu répondre à la demande" 11S
115
DESPRALRIES Pierre, "La situation énergétique dans le monde". Revue de l'Energie, n° 401. Avril 1988.
Page 218.

119
Les pays exportateurs de pétrole ne pouvant pas absorber entièrement la totalité de
leurs revenus, ont placé leurs excédents dans les banques américaines et européennes. Une part
importante des factures pétrolières a été financée suivant le mécanisme classique du recyclage
qui amenait les pays importateurs à emprunter auprès des banques européennes et américaines.
Les conditions de ce recyclage ont été différentes pour les deux chocs 116 :
- Pour le premier choc
Les prêts ont été faits à des conditions très libéra/es du fait de la grande part de l'Aide
Publique au Développement (A.D.P.).
La très forte inflation a entraîné une érosion des annuités financières.
-Pour le deuxième choc
Il y a eu une forte hausse des taux d'intérêt réels associés aux flux de capitaux finançant les
balances de paiement courants.
La chute des cours mondiaux des produits de base et la baisse des termes de l'échange ne
favorisaient pas l'accès des P. VD. au crédit.
C. La période 1983 à nos jours
Le contre choc débuta en 1983. Il démontre que le marché pétrolier peut ëtre un marché
d'acheteurs. La récession économique, les économies d'énergie et le développement des
énergies de substitution provoquent une forte réduction de la demande pétrolière mondiale. Les
prix baissent sensiblement sur le marché spot, début 1983. Cette baisse se concrétise au niveau
des prix officiels. Mais au niveau des pays importateurs (sauf les Etats-Unis), cette décrue a été
totalement masquée par la hausse continue du dollar dont les cours avaient quasiment doublé
entre 1981 et 1985. (Le cours moyen du dollar qui était de 4/ 5 FF en 1980-81 est passé à 10
FF en début 1985). Donc malgré la baisse des prix du pétrole, le coût des importations de
pétrole restait élevé pour les pays non producteurs de pétrole
116
LEPINOY B, "Quels Avenirs pour le Tiers-Monde. Une approche modélisée" Editions Technip. Paris.
1985. Page 9

120
Vers fin 1985, la décrue se transfonne en véritable chute de prix. L'Arabie Saoudite
veut retrouver une part de marché confonne à son potentiel. Les cours chutent et atteignent
leur point le plus bas (7 à 8 $ par baril) en Juillet 1986.
SECTION III : L'EVOLUTION DE LA SCENE FINANCIERE INTERNATIONALE
A. Situation
Nous allons voir la situation pendant trois périodes:
1) La période du début des années soixante-dix est marquée par le prenuer choc
pétrolier et par l'arrivée sur les marchés financiers d'une abondante quantité de pétrodollars
cherchant à se placer. Cette période a été marquée par le décrochage du dollar américain de sa
parité avec l'or. Le rôle joué par les hausses du prix pétrole dans l'aggravation de l'endettement
des PVD fait l'objet d'appréciations diverses.
Le choc pétrolier de 1973 n'était pas et ne pourrait pas être la cause principale de la
cnse de financement des années 70. Il a été essentiellement un révélateur, mais aussi un
amplificateur d'une crise préexistante dont les racines sont très profondes. Bien avant la hausse
des prix du pétrole en 1973, une préoccupation retenait l'attention du monde de la finance: le
déficit commercial énonne des Etats-Unis (25 milliards de dollars en 1968, 23 milliards en 1971
et 45,2 milliards en 1975).
Le 15 Août 1971, le déficit commercial croissant des U. S.A. incita les autorités
américaines à prendre une double mesure:
- d'une part elles décrètent que le dollar n'était plus convertible en or;
- d'autre part, pour tenter d'enrayer le déficit commercial, les autorités américaines imposent
une surtaxe de 10% sur toutes les importations entrant aux Etats-Unis.
Cette situation entraîne une inflation qui conduit les différents Etats à pratiquer des
politiques de rigueur.
2) La période du milieu des années soixante-dix et surtout vers la fin de cette décennie
est marquée par la mise en marche d'une politique fortement déflationniste aux U.S.A

121
provoquant l'élévation des taux d'intérêt sur le dollar et sur le marché des euro-dollars, ainsi que
le deuxième choc pétrolier.
Deux situations se présentent:
- un pays à monnaie forte qui pratique une politique de rigueur budgétaire pour diminuer les
déficits et l'inflation peut voir les taux d'intérêt appliquer à sa monnaie s'élever. (Cas des Etats-
Unis à partir de 1979, lorsque le Federal Reserve Board a décidé de contrôler rigoureusement
l'évolution de la masse monétaire américain).
- un PVD doit à la fois pratique une politique de rigueur budgétaire et espérer que les taux
d'intérêt pratiqués sur le marché international ne s'élèvent pas trop, le taux d'intérêt est d'ailleurs
pour lui une variable exogène. (Depuis 1979, on peut considérer que le taux d"intérêt est entre
les mains des autorités américaines qui ont décidé un contrôle serré de l'évolution de la masse
monétaire en circulation).
Ces engagements ont pour effet de créer à la fois un important déficit e:t une pression à
la hausse sur le taux d'intérêt du dollar américain, sur lequel s'alignent les eurodevises si elles
veulent rester fortes.
3) La période du début des années quatre-vingt est marquée par la mise à jour des
difficultés de remboursement de la dette de la part de nombreux pays endettés dans le Tiers-
Monde.
Si le monde reconnaît la rupture du système international au début des années 70
(inconvertibilité du dollar en or, apparition des pétrodollars et extension du marché des euro-
dollars ... ), le débat reste ouvert quant à l'origine des difficultés d'endettement extérieur des
I17
PVD
, endettement jugé excessif Pour ce dernier point, il est d'ailleurs bon de préciser qu'il
n'existe pas de critère unique pour mesurer la dette extérieure ou déterminer s'il convient de
juger excessif ou raisonnable un niveau donné d'endettement. Les problèmes que posent la
définition de mesure sont énormes.
117
LOUBELO E. "Evolution de la situation financière extérieure de l'Afrique au Sud du Sahara" Thèse de
3èrnecycle Université de Paris. 1985.

122
B. Le financement de la balance des paiements courants
Les chocs pétroliers ont une grande responsabilité dans la forte détérioration de la
balance des paiements courants des PVD .. Selon la théorie macroéconomique, tout déficit
entraîne tôt ou tard un transfert réel de richesses 118
L'ajustement économique de cette situation déficitaire se fait de trois manières 119: la
déflation, l'adaptation du taux de change ou le recyclage financier des excédents des pays
exportateurs
La déflation a pour conséquence la baisse du niveau de vie par ponction directe des
factures pétrolières dus aux pays exportateurs dans le revenu intérieur brut. De tels résultats ont
été globalement évités à cause de leurs préjudice sur les pays importateurs.
L'adaptation du taux de change, par dépréciation de la monnaie nationale par rapport
au dollar tend théoriquement à diminuer le déficit. Mais eUe se heurte vite à des effets pervers
comme l'augmentation de la facture pétrolière exprimée en monnaie nationale.
La théorie des
élasticités critiques permet d'apprécier les conséquences d'une
dépréciation en fonction du niveau des élasticités-prix des importations et des exportations. Par
ailleurs, il faut distinguer les effets de court terme et de long terme d'une dépréciation.
La troisième solution, c'est-à-dire le recours à l'emprnnt permet d'éviter les risques des
deux solutions précédentes. Les excédents financiers non absorbés par l'O.P.E.P., placés dans
les banques occidentales ont été l'élément central dans la répartition des surplus des pays à
faible absorption de l'OPEP vers les PVD déficitaires, par le biais du marché financier
international des E!Jro-dollars.
Globalement le monde peut se scinder en trois groupes dont les interactions se résument
amsI:
118
LEVY-GARBOUA V. et WEYMULLER B.: "Macroéconomie Contemporaine". Economica, 1981
119
LEPINOY B. op.cil page 9

123
Tableau: Evolution de la balance des paiements courants:
Mds de $
77
80
81
82
83
84
Pays indus
-21
-70
-28
-30
-24
-42
Pays OPEP
28
III
52
-16
-31
-32
PVD
non -13
-60
-76
-65
-45
-40
pétroliers
Source: LEPINOY B. op.cll page \\0.
Recyclage des pétrodollars
Le recyclage des pétrodollars avait pu s'effectuer à des taux d'intérêt réels négatifs parce
que la capacité d'absorption des pays de l'O.P.E.P était limitée. Bien plus, les banques
occidentales dans lesquelles était placée une fraction importante des excédents provenaient de
la rente pétrolière avaient courtisé les pays en développement importateurs d'énergie et
producteurs de matières premières pour les convaincre d'accroître leurs capacités de production
ce qui devait à terme, amener une capacité de production excédentaire de nombreux produits
de base dans un contexte de demande en régression.
Au total, le recyclage des pétrodollars s'est opéré dans un contexte d'économie
d'endettement au sens de Denizet c'est-à-dire de forte intermédiation bancaire et a abouti à ce
que les créances sur le Tiers-monde sont aujourd'hui détenues par les banques commerciales. Il
faut quand même préciser qu'en ASS c'est la dette publique qui est élevée.
L'OPEP et surtout les pays du Golfe avaient d'énormes réserves financières qu'ils ne
pouvaient pas absorber en totalité et qui ont été recyclés. Le tableau suivant nous montre
comment le surplus a été placé en 1985.

124
Tableau: Circuit de recyclage des pétrodollars de l'OPEP
Strudure du surplus pétrolier de l'OPEP
En 10 puissance 9 U.S. $
(Stock au 31/12/85)
et (en
1
%)
1. Dépôt bancaire
146
-40,90%
-au Royaume-Uni
40,7
11,40%
-aux Etats-UnÎs
18,5
5,20%
-dans les autres pays industrialisés
86,8
24,30%
2. Titre public
34,6
9,70%
-au Royaume-Uni
1,8
0,50%
-aux Etats-Unis
27,8
7,80%
-en R.FA
5
1,40%
3. Prêts et placements au F.M.I.-S.I.R.O.
28,5
8%
- dont or
11,80%
3,30%
4.11
I,,,j IL;) ulleGlS é:I
~{,~
L4,buv/o
-au Royaume-Uni
4,6
1,30%
-aux Etats-Unis
27,8
7,80%
-dans les autres pays industrialisés
55,4
15,50%
5. Crédit non bancaires
7,1
2%
6. Placements dans les P.V.O.
52,9
14,80%
-dont aide publique direde
3,9
1,10%
Total
356,9
100%
Sources: Banque d'Angleterre, F.M.I. et bulletin de conjoncture de Paribas.
C. La phase d'inflation et d'ajustements retardés après le premier choc
Face à un choc extérieur, une économie peut s'adapter par trois grandes méthodes:
Le ralentissement de la croissance économique entraînant une diminution tendancielle des
imponations à coun terme, si la propension d'imponation reste stable .
. L'augmentation des exportations et une substitution progressive de la production domestique
aux importations. Cela entraîne nécessairement une restructuration de l'appareil productif

125
Le recours à l'endettement extérieur, qui pennet de financer la politique de restructuration
industrielle ou de retarder ces ajustements
Les pays déficitaires de l'ASS ont semble-t-il choisi le recours à l'endettement.
L'endettement a augmenté de 30% sur un échantillon de 10 pays africains!:'o importateurs nets
de pétrole entre 1973 et 1978. (Concernant ces mêmes pays, comme nous le ven-ons plus loin,
leur endettement moyen sur la période 1979-1984 n'a progressé que de 8%). Pendant le
majeure partie de la décennie 70, la charge réelle de la dette a profité de l'inflation galopante et
des conditions libérales de l'APD. Par ailleurs, le recyclage des "pétro-dollars" opéré en faveur
des pays en développement importateurs nets de pétrole s'est réalisé sans douleur. Le recyclage
a permis à ces pays de ne pas dévaluer leur monnaie.
Le recours à l'endel1ementleur a permis d'investir dans de projets qui malheureusement
se sont avérées par la suite peu judicieux (faible productivité) alors qu'ils auraient pu augmenter
et moderniser leur capital productif
Ces pays ont donc simplement reportés les ajustements nécessaires.
D. La phase de désinflation et de rupture après le deuxième choc
Le deuxième choc pétrolier s'est accompagné d'un brusque changement de contexte
mondial: 121 Les pays subsahariens ont eu beaucoup de difficultés pour faire face à ce second
choc. Les conditions financières pour accéder au crédit international étaient devenues plus
dures et l'ASS n'a pas pu amortir les effets du second
choc pétrolier par l'endettement
extérieur. Leur endettement n'a progressé que d'environ 8% sur la période 1979·-1984 (contre
30% entre 1973-78).
* La plupart des pays de l'OCDE ont mené des politiques sévères de désinflation qui ont eu
pour conséquence une forte hausse des taux d'intérêt réels
120
Gambie, Côte d'Ivoire, Liberia. Ethiopie, Kenya, Sierra Leone. Somalie, Togo. Tanzanie.
121
O.C.D.E. "Endetlement extérieur des pays en développement", Etude 1982

126
Tableau: Evolution des paiements d'intérêt de la dette (à moyen et long tenne) et des exportations des
pays en développement non OPEP, de 1970-1983.
Posle
1970-73
1973-78
1979
1980
1981 prél
1982 esti
1983 Pl)
A.lnlérêl <:l export (o/.Jan
de varialO)
Paiemenls bruIs d'intérêts
20
27
40
48
31
25
10
Exportations
·Recettes
23
19
28
25
5
-6
1
• Prix
12
13
18
17
-5
-8
-2
·Volume
10
6
9
8
10
3
3
B
Coût
nominal
des
intérêts %
Coût courant de la dette à 8
9
12
15
17
17
13
taux variable
coût moyen de l'encours
total de la dette
·Nouveallx
pays 7
9
10
12
14
15
12
industriels
• Pays
à
revenu 4
5
6
8
8
10
10
intermédiaire
·Pays à faible revenu
3
3
3
4
4
5
5
Source: LEPINOY op.CIl. page II.
Le précédent tableau nous indique l'évolution des conditions financières des prêts
internationaux sur la décennie 70.
Le tableau suivant nous donne quelques indications sur l'encours et le service de la dette
à long terme pour certaines années comprises entre 1986-91.

127
Tableau: Données sur l'encours de la dette à long tenne en A.S.S. pour certaines années comprises enLIe 86-91
Poste
1986
1990
1991 (a)
Encours de la dette
95.4
146.2
14&.5
Dette publique (%)
65.7
72.1
74.5
Dette privée (%)
34.3
27.9
25.5
Dette en % du PNB
59.6
93.6
89.6
Service de la dette
7.7
8.3
8.9
Paiements d'intérêts
2.9
38
4.1
Remboursement du principal
4.7
4.4
4.8
Ratio du service de la dette % (b)
28.3
19.1
20.5
Taux d'intérêt moyen sur les nouveaux
5.0
3.9
n.c
emprunts %
n.c.. non connu
(a) Données préliminaires
(b) Service de la dette en pourcentage de la valeur des exportations de biens et services.
Source: Banque Mondiale, Rapport annuel 1992, page 38.
D'après les données préliminaires, le montant nominal de la dette extérieure est
pratiquement voisin de celui de 1990. Sur ce total, l'encours de la dette à long terme était de
148,5. La stabilité du volume de la dette tient à ce que les nouveaux prêts (y compris les prêts à
court terme) ont été entièrement compensés par des opérations de conversion, d'allégement de
la dette et par la liquidation des arriérés ainsi que les fluctuations des taux de ch,mge.
La stratégie de la dette à l'égard des pays subsahariens a fait des progrès en 1991, avec l'appel
lancé en Juillet lors du sommet du G-7 pour que le Club de Paris accorde à ces pays un
allégement supplémentaire de leur dette. Reprenant les propositions faites à Trirùdad un an plus
tôt (qui préconisaient une réduction sensible de l'ensemble de la dette plutôt que les échéances
tombant pendant une période rapprochée de consolidation), le Club de Paris a
adopté un
nouvel ensemble de concessions élargies en faveur des pays à faible revenu ayant obtenu le
rééchelonnement de leur dette.
** Le commerce mondial a fait une chute de 4,7 % entre 1980 et 1982. Ce tassement traduit les
difficultés croissantes des paiements internationaux associés à la récession économique
générale.
Les exportations déjà déficitaires des pays importateurs d'ASS ont accusé de nouvelles baisses
dont les conséquences ont été senties sur leur capacité d'emprunt.

128
*** La chute du cours mondial des matières premières non énergétiques qui représentent les
principales sources de devises pour de nombreux pays subsahariens. Les produits de base ont
vu globalement leur cours baisser de 25% entre 1980 et 1982.
Tableau: Indice des produits de base
1973
1980
1981
1982
Tous produits
54.4
100.00
85.2
75.00
Produits
57.9
100.00
86.1
68.2
alimentaires
Boissons
38.9
100.00
77.1
79.7
Produits
73.8
100.00
90.3
77.9
agricoles
Métaux
57.6
100.00
86.0
78.1
SOUTee: F.M.I., Annuarre 1983.
Le poste le plus affecté entre 1981-82 a été celui des produits alimentaires.
En 1985, les prix des produits de base ont baissé rapidement par rapport aux niveaux
élevés atteints en 1978-80. Le ralentissement mondial de l'activité économique a été le facteur
dominant dans l'évolution des prix des produits de base en 1991. Calculé en dollars constants
(en utilisant comme déflateur, l'indice de la valeur unitaire des produits manufacturés exportés
vers les pays du Groupe de Cinq), l'indice des prix des produits de base est tombé à son niveau
le plus bas.

129
T ableau: Evolution des prix des produits de base, 1985-92 (Variation moyenne en pourcentage annue1).
Prix des produits de base
1985-90
1990
1991
1St92
En dollars courants
Produits alimentaires et boissons
-1
-7,9
-2,8
-6i,4
Produits agricoles non alimentaires
3,5
1
-0,9
-11,9
Métaux et minéraux
7,9
-7,1
-9
-2~,4
Total hors pétrole
2,5
-6,4
-4
-..1y-î
Pétrole
1,5
30,7
-18,8
-0,2
En termes réels (a)
Total, hors pétrole
-4,9
11,4
6
8,4
Pétrole
-4,6
23,6
20,4
4,5
En droits de tirage spéciaux (OTS)
Total, hors pétrole
Pétrole
Source: Banque Mondiale, Rapport annueL 1993. Page 38.
La baisse des prix des produits de base frappe durement l'ASS car beaucoup de pays
subsahariens restent tributaires de quelques cultures commerciales pour obt(~nir la majeure
partie de leurs recettes en devises.
Sur la scène financière internationale, la phase de désinflation s'est accompagné d'autres
changements tels que:
- la concentration des prêts privés (marchés financiers internationaux) sur un petit nombre de
pays au développement à industrialisation rapide: les nouveaux pays industrialisés (N.P.L).
Cette ouverture a eu pour conséquence l'accroissement de la dette et du service de la dette à
taux variable.
_ L'apparition d'un endettement extérieur privé non garanti par l'Etat débiteur. Les grandes
sociétés privées s'adressent alors progressivement aux marchés financiers internationaux pour
financer leur croissance (par exemple par le biais d'émissions d'obligations).
CONCLUSION:

130
Le recyclage financier des pétrodollars s'opère dans un climat très néfaste ou le poids de
la dette et du service de la dette ont augmenté. Les fonds obtenus dans le cadre d'accords de
rééchelonnement ont été inférieurs pour financer les paiements d'intérêt.
On assiste aussi à une rupture de la croissance en A.S.S. et les tenues de l'échange se
sont également détérioré.
Pour les économies fragiles de \\' ASS, le recours à l'endettement extérieur massif, qui a
pennis de retarder l'échéance de la crise n'était pas une bonne solution. En effet, une fraction
grandissante et gigantesque d'un produit national stagnant et des recettes d'exportation en
déclin doit être désonuais ponctionnée pour couvrir le service de cette dette. Dans ces
conditions, l'amélioration des conditions de vie de la population, la réduction de la pauvreté, la
création d'emplois etc. deviennent impossibles. Nous verrons plus loin les problèmes posés par
l'endettement extérieur de ces pays.

13 1
ANNEXE 2 : ETUDE DE LA SITUATION ECONOMIQUE DE
L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE

132
L'Afrique Subsaharienne est un ensemble peu homogène
: chaque pays a ses
particularités géographiques, économiques, économiques, culturelles et linguistiques. Mais
même si des différences régionales en Afrique sont grandes, les stroctures fondamentales des
économies africaines dérivent toutes d'un archétype commun mis en place à l'ère coloniale.
Ces structures sont caractérisées par une production qui reste orientée vers l'exportation de
produits primaires, la faiblesse de l'industrialisation et la croissance du secteur des services.
D'un point de vue global, les pays de l'A.S.S. demeurent extrêmement pauvres et font partie en
majeure partie des pays les moins avancés. En 1989, le P.N.B. moyen par habitant en A.S.S.
était de 340 dollars, contre 1950 en Amérique Latine.
La situation économique et financière de la plupart des pays de l'A.S.S. est allée en se
dégradant dès le début des années 80. Les taux de croissance du PIB en volume ont diminué
dans les années 80 par rapport à ce qu'ils étaient dans les années 70. L'évolution du produit par
tête est devenue négative dans certains pays au cours des années 80. Les pays Africains non
producteurs de pétrole ont souffert de taux de croissance économique faibles, voire en
diminution, de taux d'inflation intérieure élevés et de déséquilibres financiers tant intérieurs
qu'extérieurs croissants. Ces problèmes interdépendants s'accentuent depuis le début des années
70 et la difficile situation de l'économie mondiale les a aggravé. La lente croissance dans
plusieurs pays s'est accompagnée ces dernières années d'une sensible augmentation des taux
d'inflation qui résulte des politiques financières globales (expansionniste) et surtout du coût
accru des importations.
Les caractéristiques des économies subsahariennes sont la prédominance des secteurs
primaires
et
tertiaires,
l'absence
de
véritable
industrialisation,
l'absence
de
relations
intersectorielles, la dépendance extérieure, de forts taux de croissance démographique. Si on
regarde la répartition du P.N.B. et de la force de travail selon les activités économiques, l'on
constate la prépondérance du secteur agricole au niveau de la production: les sociétés minières
restent soumises aux intérêts étrangers qui disposent de la technologie, des capitaux et qui
contrôlent les circuits de distribution ; la production manufacturière est largement le fait de
filiales de sociétés multinationales qui se contentent d'assembler des pièces produites à
l'étranger.
Pour ce qui est de la structure démographique, l'A.S.S est un continent très faiblement
peuplé avec des taux de natalité, de mortalité et de croissance démographique parmi les plus

133
élevés du monde. La natalité et la mortalité élevées conduisent à une pyramide des âges à base
très large. L'urbanisation constitue un phénomène très inquiétant de l'évolution démographique.
Les taux d'urbanisation sont très élevés et ceci constitue un lourd handicap dans la mesure où la
ville africaine constitue le plus souvent une charge nette pour le reste de l'économie. En effet,
elle ne possède qu'une industrie embryonnaire et plus de 80% de sa population travaille soit
dans l'administration, soit dans les services du secteur privé, soit dans le secteur dit "informel".
Toutes ces activités sont financées en dernière analyse par des prélèvements sur le secteur
pnmalre
Pendant les vingt dernières années, l'A.S.S a connu une dégradation sensible de ses
structures économiques et des conditions de vie de ses populations, même si certains pays à un
certain moment, ont réussi à obtenir des taux de croissance élevés de leur P.N.B. En 1991,
l'Afrique est plus dépendante de l'extérieur qu'en 1960. Elle connaît, des situations de pénurie
alimentaires et le recours aux importations est favorisé par le contexte de bas prix
internationaux et de surévaluation des monnaies. Ceci conduit à une contre-protection de
l'agriculture. 122
L'A.S.S doit faire face à une grave crise financière, car le système financier s'est
développé culturellement, économiquement et socialement en rupture avec les pratiques
sociales. Le dualisme financier s'accroît grâce au dynamisme de l'informel financier qui joue un
rôle important d'intermédiation financière. Les déficits publics augmentent car les dépenses
publiques représentent une part élevée du P.N.B. (plus de 25% du P.N.B. en 1990, contre 19%
dans les pays à faibles revenus non africains).
L'ASS présente des caractéristiques communes aux économies sous-développées, en
même temps elle a ses propres spécificités. L'étude des structures nous permettra de
comprendre les raisons économiques fondamentales d'une telle situation. Elle nous permettra
aussi de présenter les différents concepts permettant l'analyse de l'activité économique en
A.S.S.
Le taux de croissance du P.I.B. en A.S.S. connaît une forte diminution. Dans la plupart
des pays de la zone, le revenu annuel par habitant est parmi les plus bas du monde et
généralement inférieur à 100 dollars. La consommationlhabitant a baissé depuis 20 ans. En
1" InJGON Ph, COUSSY J, et SUDRlE 0, "Urbanisation et dépendance alimentaire en Afrique SubsahanelUle"
SEEDES, Pans 1989.

134
1986, neuf Etats Afiicains ont connu des taux de croissance négatifs, et la croissance globaJe de
la zone a été de 1,2%. L'AS.S a connu un recul quasi constant de 16% entre 1980 et 1984.
L'évolution défavorable s'explique d'une part par des causes économiques exogènes. L'AS.S
n'échappe pas aux remous de l'environnement internationaJ : persistance des récessions, chute
des prix des produits de base, réduction des flux nets de capitaux. Elle s'explique d'autre part
par des causes internes aux économies africaines : les politiques des prix, l'accumulation des
déficits budgétaires etc. ont entraîné des distorsions qui se sont traduites par la mollesse de la
croissance économique.
L'augmentation du taux de croIssance démographique explique pour beaucoup le
ralentissement de la progression du P.!.B/tête. De nombreuses régions en AS.S connaissent
une évolution rapide de la population (3%) et rien ne permet de prévoir l'inversion à court
terme de cette tendance, malgré l'adoption des programmes de planning par la plupart des
gouvernements. 123
Le mauvais bilan économique de l'AS S pendant les années 80 a justifié le recours à des
plans d'ajustement sévères, dont on anaJysera en détail les impacts dans la partie consacrée aux
politiques économiques. Ces mesures de redressement ont eu des impacts mitigés et les
perspectives de croissance à moyen terme restent encore sombres pour l'ASS. Mais certaines
avancées
notables
ont
été
enregistrées
dans
des domaines
cruciaux
de
la
réforme
macroéconomique, comme les taux de change et le contrôle des prix. Dans d'autres domaines
les avancées ont été lentes (comme l'équilibre budgétaire).
Dans l'ensemble, les progrès ont été relativement moins marqués en ce qui concerne les
fondements structurels de la stratégie du développement. Il y a eu néanmoins des exemples de
réussite. Selon la Banque mondiaJe l24 , vingt et un pays ont connu une croissance positive du
revenu par habitant dans les années 1988 à 1993. Dans la moitié environ de ces pays, comptant
environ 30% du revenu de la région et près de 40% de la population totale, les taux de
croissance ont atteint ou dépassé 4 à 5% par an. Ces résultats positifs ainsi que les exemples de
pays qui ont innové et progressé dans le domaine structurel, confirment qu'il ya eu des cas de
réussite en ASS
12J) Ministère de la coopération et du Développement, "Les Etats d'Aiiique et de l'Océan Indien et des Caraïbes: Situation
économique et lïnanacière en 1990; perspectives d'évolution en 1991-1992". Collection Etudes et Documents, 1990.
124 Banque mondiale, Rapport annuel 1995, p. 62. (Encadré 4-1, un continent en transition)
~

135
Selon la Banque mondiale, on pourrait multiplier le nombre de ces cas de réussite en
appliquant l'ordre du jour du développement, mais en tenant compte de la particularité de
chaque pays. Cet ordre du jour implique en plus du maintien de la stabilité macroéconomique,
la poursuite des progrès dans les domaines de l'éducation, de la santé et de la population, de
nouvelles actions en faveur de l'agriculture et de l'environnement, la réduction des inégalités
entre les hommes et les femmes, le développement des infrastructures, le développement du
secteur privé etc. Un progrès dans ces différents domaines entraîne un recul durable de la
pauvreté, qui est la finalité de tout effort de développement. La mise en oeuvre de cet ordre du
jour devrait être encouragé par le processus de libéralisation politique qui facilite l'ouverture
des échanges et des débats.
En ASS, le produit intérieur brut de la région (hormis l'Afrique du Sud et le Nigeria) a
augmenté de 1,2% en 1994, et les projections pour 1995 annoncent une progression de plus de
trois fois supérieure grâce à la reprise de l'expansion, après une période de fort{: baisse dans des
pays comme le Malawi et la Zambie, et à l'accélération marquée de la croissance dans d'autres
pays comme la R.e.r., l'Ethiopie, le Ghana, l'Ouganda, le Mali, le Sénégal. Ü~ redressement a
été certes favorisé par l'amélioration de la conjoncture économique internationale et les bonnes
conditions climatiques, mais il traduit aussi des changements qui sont de berme augure pour
l'avenir, comme par exemple la forte expansion de l'investissement brut intérieUif.
La dévaluation du franc CFA, alliée à des réformes économiques a efficacement
contribué à remettre la plupart des pays de la zone CFA sur le chemin de la croissance.
L'agriculture a manifestement réagi, mais l'industrie aussi (dont la croissance a. atteint 6,7% en
RCI).125 Malgré une certaine accélération, l'expansion des exportations reste relativement lente
(les producteurs n'ont pas encore eu tout le temps nécessaire pour réagir aux nouvelles
opportunités). Il y a eu une amélioration spectaculaire pour certains secteurs (élevage dans le
Sahel, riziculture, conserve de poissons, tourisme, textiles et autres produits manufacturés,
augmentation de la production de coton au Mali et Burkina-Faso etc).
Un petit nombre de pays ont vu leur PIB réel diminuer (Burundi, Malawi, Zaïre) Mais
la production a généralement augmenté. Plusieurs pays (Maurice, Mauritanie, Mozambique,
Ouganda, Tanzanie, Zimbabwe) ont vu leur PIB progresser de 4 à 6%.
Il5 Banque mondiale, Rapport arrnuel 1995, p. 61.

136
La dépendance est sans doute la caractéristique dominante du continent africain. Elle se
manifeste dans tous les domaines: technologiques, endettement extérieur, production, et même
culturel à tel point qu'on peut parler d'enchaînement de l'AS.S. La dépendance selon A. Tiano
est une "situation dans laquelle J'essentiel du pouvoir de décision, l'essentiel des moyens
technologiques et une partie des ressources en devises et de l'épargne manquent au pays en
question" 1~6 La moitié des pays subsahariens dépendent à 90% du commerce des matières
premières et plus des trois quart à 65%.127 Plus de trente ans après leurs indépendances
politiques, l'A S. S. n'a pas modifié la structure de ses exportations; le premier produit exporté
représentait en 1960 comme en 1990, environ la moitié des exportations. Les importations ont
connu par contre une certaine diversification du fait des biens d'équipement et des biens
intennédiaires liés au processus de substitution d'importations. 128
La base des recettes
extérieures et budgétaires est l'exportation des matières premières (agricoles, minérales,
énergétiques etc.).
La vie économique des pays dépend des variations souvent erratiques des cours sur les
marchés mondiaux. Une analyse approfondie du taux de dépendance des pays subsahariens
révèle que la moitié d'entre eux dépend à 90% du commerce des matières premières et plus des
3/4 à 65%. Et pour beaucoup de pays, plus de la moitié des exportations est constituée d'une
seule matière première. Ces économies sont donc fortement dépendantes à l'égard de
l'extérieur. Mais la dépendance s'exerce également au niveau de la production. Même
nationalisées, les sociétés minières restent soumises aux intérêts étrangers qui disposent de la
technologie, des capitaux et qui contrôlent les circuits de distribution. Quant à la production
manufacturière, elle est largement le fait de filiales de sociétés multinationales qui se contentent
d'assembler les pièces produites à l'étranger. Un secteur industriel effectivement contrôlé par les
Africains est souvent le signe qu'il n'est pas rentable pour le capital étranger.
La dépendance en ASS est en quelque sorte à sens unique. En effet, pour les
multinationales, l'AS.S n'offre qu'un intérêt mineur. Il semble que moins de 1% des actifs des
cent premières sociétés multinationales soit situé en AS.S. Les débouchés y sont en effet
médiocres, les coûts des transports et d'infrastructures élevés, la main-d'oeuvre moins
disciplinée que dans les pays asiatiques. Les matières premières agricoles (colon, café,
126
A. TlANû, "La dialectique de la dépendance et de l'indépendance". Révue économique, N° 3, Mai 1982 Page 476/479.
121 Rapport annuel mondial sur les systémes économiques et les stratégies 1986-87. Paris Editions Economica 1986
- 128 HUGON Ph, "L'Economie de l'Afrique". La Découverte, Paris, 1993-

137
arachide etc..) peuvent être produits à moyen terme dans d'autres continents et possèdent des
substituts industriels si leur coût s'élevait dangereusement. L'Afrique pourrait apparaître en
position de force dans la production de certains minéraux: cuivre, cobalt, chrome, uranium etc
si ceux-ci ne dépendaient pas étroitement des techniques étrangères de prospection et
d'exploitation.
L'extraversion de l'économie subsaharienne renforce sa dépendance. En effet le fait
historique majeur de l'évolution économique de l'ASS (comme des autres PVD) est que « cette
évolution tient en ce que le secteur moderne de l'économie ne s'y est pas constituée à partir
d'une transformation de l'économie locale, mais s'y est implanté à l'initiative de l'étranger,
pour répondre à une demande extérieure ».129 La demande extérieure a ainsi suscité la
naissance et le développement d'une économie qui sera profondément liée au marché mondial.
Elle conférera à la structure de la production une assise étroite (car se situcmt au début en
marge de l' économie locale) et donnera à l'expansion un caractère fluctuant et généralement
limité. Le fait du rattachement de ce qui constitue le secteur généralement le plus dynamique de
l'économie nationale à un espace extérieur est lourd de conséquences pour l'ASS. L'Afrique
n'est pas seule à avoir connu un tel type de développement Beaucoup de pays de par le monde
ont vécu, selon des modalités et des intensités différents des évolutions semblables. Certains
s'en sont sortis depuis longtemps, d'autres sont en passe de réussir leurs mutations. 130
L'économie de l'AS.S est dépendante de l'extérieur du fait de sa spécialisation dans les
produits primaires qui constituent 90% de ses exportations. Sa dépendance se manifeste aussi
au niveau des importations, de la quasi intégralité des biens intermédiaires et biens d'équipement
qui proviennent de l'extérieur ainsi que les flux de capitaux qui viennent combler son fort déficit
épargne-investissement.
La conjoncture défavorable des années quatre-vingt a révélé tout en les accentuant, les
fragilités du système industriel subsaharien. Il y a baisse de la part de l'A.S.S. dans les
exportations mondiales de produits manufacturiers. En 1990, l'Afrique (hors Afrique du Sud)
ne contribuait que pour 0,3% de la production industrielle mondiale (contre 0,3 en 1980).131 .
IJQ
NORRO M. « Economie Africame • Analyse économique de l'Afrique Subsaharienne », Ed. De Boeck- Wesmad.
Bruxelles, 1994. p. 23.
DO
En parlant de ceux qui s'en sont sortiS, on pt.-'I1se aux pays développés dont l'économie a dé longtemps dominée par un
secteur d'exportation de matières premières (Etats-Unis, Canada, Australie, Suéde) ; ceux qui sont en passe de réussir leurs
mutations aujourd'hui sont les « les nouveaux pays industrialisés ».
1)1
CEPIl, "Economie mondiale 1990-2000 : l'impératif de la croissance" . Economica, Paris, 1992

138
Durant cette période, les industries nationales deviennent de plus en plus subventionnées, soit
directement, soit indirectement par le biais de la protection douanière. L'industrie, au lieu de
produire de la valeur ajoutée, devient consommatrice du surplus des autres secteurs. De plus
elle reste limitée à un petit nombre de produits destinés à la consommation intérieure : textiles
et articles d'habillement, produits alimentaires, boissons, tabac, etc.
La contribution du secteur manufacturier au P.I.B. est inférieur à 15%. Les effectifs
industriels de un million sont trois fois et demie inférieurs à ceux de la seule Corée du Sud, les
exportations, inférieures à 2 milliards de dollars, sont plus faibles que celles de la Thaïlande.
L'industrie afiicaine n'a pas connu une véritable dynamique car elle souffre de certains maux
(inadéquation
technologique,
sous-utilisation des
équipements,
gestion
non rigoureuse,
environnement international etc... ) qui sont des facteurs de dysfonctionnement. Les secteurs
dominants sont l'alimentation, les boissons ~t les textiles.
Après les indépendances, la stratégie d'industrialisation a été mIse au centre de la
planification économique des Etats subsahariens. Le but était de garantir l'autonomie de
l'économie nationale par la création d'une capacité industrielle de substitution aux importations
et la transfonnation pour l'exportation des produits agricoles et miniers. Cette stratégie
industrielle adoptée progressivement a montré ses limites à partir des années 70. Elle a été
profondément remise en cause dans les années 80.
La problématique de l'industrialisation en ASS se pose aujourd'hui dans un contexte
différent, qui est celui de la mondialisation des économiques, des mutations technologiques
rapides et des politiques de désengagement de l'Etat. La prise en compte de ces facteurs appelle
en conséquence une nouvelle politique industrielle. Un des aspects de cette nouvelle politique
industrielle est la libéralisation dont les vertus sont mises en avant partout, et presque tous les
pays ont lancé des réfonnes dans ce sens avec l'appui des institutions de Bretton-Woods.
Cependant ces reformes sont entreprises dans un contexte d'instabilité économique interne et
externe, cela rend précaire leurs résultats et incertaine leur portée sur la reprise économique,
comme nous aurons l'occasion de le voir dans la partie consacrée à l'impact des politiques
. économiques sur l'ASS.
Tous ces facteurs corroborent la thèse du déséquilibre des flux financiers et justifient la
croissance relativement faible des économies afiicaines

139
SECTION 1 : SITUATION DE CRISE MACROECONOMIQUE EN ASS
De plus en plus, on est tenté de renoncer à l'expression commune de Tiers-monde pour
désigner les pays en voie de développement. On oppose aujourd'hui un Tiers-monde
nouvellement industrialisé, compétitif au Quart-monde marginalisé. De par l'ampleur de sa
crise, l'ASS appartient au second groupe parce qu'elle parait incapable de répondre aux défis
auxquels elle est confrontée, alors que le premier groupe particulièrement en Asie Orientale,
n'est pas frappé par la crise générale du capitalisme contemporain.
La paupérisation, le chômage et l'exclusion prennent des proportions insoutenables en
ASS et minent en profondeur les sociétés africaines. Au progrès soutenu quoiqu'inégal et
fragile des années 60 et 70, a succédé depuis le début des années 80 une phase de régression
sociale (accompagnée par déliquescence de l'économie et de l'Etat comme au Zaïre, en
Somalie, au Soudan, au Rwanda, au Tchad... ).
Dans cette section, on ne peut prétendre en aucune manière donner la somme des
spécificités propres à chaque pays, mais proposer une approche chronologique: des décennies
très proche de la réalité générale. D'une manière générale, on peut dire que:
- Les années 60 furent celles de l'espoir en ASS, de l'émergence d'Etats où le concept de
nations restait à créer, de l'enthousiasme des populations et de leurs dirigeants qui inclinaient à
penser que tous les maux venaient du colonisateur et que la souveraineté sinon l'indépendance
instituerait la prospérité et le bonheur de tous.
- Dans les années 70, dopés par l'affiux des pétrodollars à la recherche effrénée de placements,
la plupart des pays subsahariens ont vécu très au-dessus de leurs moyens et de créer une
élévation artificielle du niveau de vie des citoyens.
- Le choc pétrolier de 1973 a été le point de départ d'une évolution différenciée entre pays
subsahariens importateurs et ceux producteurs de pétrole. Le choc de 1973 a été révélateur et
amplificateur au niveau mondial d'une crise préexistante dont les racines sont profondes. Mais,
ce choc ne précipite pas immédiatement les économies subsahariennes dans la crise. Ils ont
même pu maintenir leur croissance économique grâce à l'augmentation (momentanée) des prix
des produits de base qui a suivi le choc pétrolier et grâce au recyclage des pétrodollars qui s'est
effectué dans de bonnes conditions

140
- Après le choc de 1979, la croissance a commencé à se ralentir dans ces pays. Les pays n'ont
pas pu emprunter aux conditions avantageuses dont ils avaient bénéficier après le premier choc
pétrolier. La hausse des taux d'intérêt réels, la diminution des prix des produits de base et la
chute des tennes de l'échange ont accéléré la récession dans les pays subsahariens importateurs
de pétrole.
- Les années 80 furent celles prenuers bilans, des premières cnses, des prenuers constats
pessimistes, du calcul précis des dettes accumulées, et le commencement de la chute
ininterrompue du prix des matières premières. Touchés de plein fouet par la chute des cours des
matières premières agricoles, une grave crise macro-économique secoue l'ASS. Les pays
subsahariens ont abordé dans leur majorité les années 80 dans une situation d'instabilité macro-
économique chronique avec des déséquilibres dans plusieurs domaines (taux de change,
finances
publiques,
balance des paiements etc.).
Des programmes
de
stabilisation et
d'ajustement structurel (PSAS) sont mis en place dans certains pays depuis le début des années
80.
132
- Les années 90 : presque tous les pays subsahariens sont touchés par les PSAS
et partout on
fait l'évaluation des premiers programmes. Même si l'ASS commence à renouer avec la
croissance, celle-ci est atone et dépend beaucoup des conditions extérieures. Le fait d'être
tributaire de l'exportation de produits primaires à croissance lente place l'Afrique dans une
situation désavantageuse. Nul ne peut prédire ce que réserve la fin de ce siècle, tant les
situations sont complexes et confuses.
PARAGRAPHE 1 : LES INDICATEURS DE STRUCfURE ECONOMIQUE
Ces indicateurs ont des niveaux différents d'un pays à l'autre, d'une zone à l'autre en
ASS. Dans la répartition des activités on constate la prépondérance du secteur agricole qui
emploie 60 à 80% de la main d'oeuvre dans la majorité des pays. Ce fort pourcentage 133 ne se
retrouve toutefois pas dans la répartition du PIB. La raison en est double. En premier lieu la
part autoconsommée de la production agricole reste prédominante. En second lieu les prix des
produits agricoles sont généralement maintenus à des niveaux très faibles alors que les prix des
132
L'ASS est la région du Tiers-monde où on a enregIstré le plus grand nombre de progranunes d'ajustement du FM] et! ou
de la Banque mondiale (162 PSAS en ASS contre 126 de ces mêmes institutions dans le reste du monde)
_
iJ3
Voir tableau "structure de la productIOn en % du PIE" dans le chapitre "Les indicateurs de niveau de vie"

141
produits industriels sont souvent surévalués du fait de la faible productivité. "Le secteur
primaire représente le secteur le plus important. Il occupe la majeure partie de la population,
mais son rôle économique reste faible". 134
Même si dans les statistiques sa part atteint ou dépasse souvent 20% du P.N.B.,
l'industrie reste en fait embryonnaire dans tous les pays subsahariens. La part des services reste
relativement élevée (commerce ou services publics). Or les activités de service sont largement
des activités de transfert qui supposent l'existence d'un surplus crée par d'autres secteurs, ce
qui n'est pas le cas en A.S.S. A cet égard, la charge supportée par l'A.S.S au titre des activités
de service est proportionnellement beaucoup plus lourde que dans les autres continents parce
que ses secteurs primaire et secondaire sont beaucoup plus développés.
La production agricole est prédominante en ASS, tant en tennes d'emplois qu'en terme
de production. Employant de 60 à 80% de la population active (contre 3 à 12% pour les pays
développés), ce secteur produit environ 25 à 40% de la production nationale (contre 5 à 8%
dans les pays industrialisés). Le secteur agricole emploie en ASS relativement plus de main
d'oeuvre qu'il ne produit de biens. "Le secteur primaire représente le secteur le plus important.
Il occupe la majeure partie de la population mais son rôle économique reste faible". 135 Cela
signifie que c'est un secteur privilégié d'absorption de main d'oeuvre (voire de chômage
déguisé). Cela signifie aussi qu'il existe des différences marquées de productivité entre ce
secteur et les autres (notamment les secteurs industriels). C'est un atout (tout déplacement de
main d'oeuvre vers les secteurs productifs ne peut qu'accroître la production), mais c'est
également un handicap (faiblement productive, l'agriculture sera un lieu de pauvreté que les
populations tendront à fuir).
134 HUGON Philippe "Analyse du sous-développement en Afrique NOIre
L'exemple du Cameroun" pur 1968, page 21
135 ~ruGON Ph "Analyse du sous-développement en Afrique Noire. L'exemple du Cameroun", PUF 1968, p. 21.

142
Tableau: Structure de la production (en % du P.IS.) :
Agriculture
Industrie
Manufacturier a
1965
1989
1965
1989
1965
1989
A.S.S.
41
32
20
27
8
11
Tous pays à faible et
30
19
31
38
21
-
moyen revenu
Asie (EST)
42
24
35
44
27
33
Asie (Sud)
44
32
21
26
15
17
Amérique Latine
16
lOb
33
39 b
23
27
OCDE
5
-
43
-
23
27
a • Le secteur manufacturier est une sous-division du secteur industnel et il représente en général la section la plus
dynarruque. il exclut certaines activités teIJes que mines et construction.
b : Indique un chilTre de 1988.
Source: Banque mondiale, Rapport sur le Développement dans le Monde, 1991.
L'importance de la production industrielle est variable entre 20 et 27% en moyenne en
AS.S. Elle représente moins de 20% de la production totale, mais atteint des scores élevés
dans les pays miniers (Zaïre 34%, Zambie 43%).
Concernant la structure de la production industrielle en AS.S., ce sont les industries
légères à technologies simples et produisant des biens de consommation et d'usage local qui
représentent la plus forte proportion de la production manufacturière (les secteurs alimentation-
boisson-tabacs et textiles- habillement
représentent
50 à
75%
de la valeur ajoutée
manufacturière en ASS).

143
.
d
T ableau: SlIUcture d u secteur manuf:actuner e quelques pays subsah .
anens :
Contribution des secteurs à la valeur ajoutée manufacturière
Alimentation, tabac, boissons
Textile, habillement
Machines, matériel de transport
1970
1990
1970
1990
1970
1990
Ethiopie
46
48
31
19
0
2
Mada~ascar
36
39
28
36
6
3
Kenya
33
38
9
10
16
10
Sénégal
51
48
19 a
15
2
6 a
a : Indique un chitIre de 1988
Source: Banque mondiale, Rapport sur le Développement dans le Monde, 1991, 1993.
Le secteur des services absorbe en moyenne 15 à 30% de la main d'oeuvre et produit 30
à 50% de la richesse nationale. C'est un secteur composite qui regroupe sous un même titre les
activités du secteur infonnel (activité de survie des petits revendeurs ou réparateurs) et les
services modernes liés au développement de l'industrie (assurance, banque, import-export etc.).
La structure domestique de la production se reflète dans la structure des exportations.
L'ASS exporte une forte proportion de produits primaires (entre 80 et 90%). Symétriquement,
la part des produits manufacturés dans les exportations de l'ASS est très faible.
Tableau: Structure des exportations 1965-1991 (en % du total)
Produits primaires
Machines et matériel de
Autres biens manufacturés
transport
1965
1991
1965
1991
1965
1991
Tous pays à faible
74
52
11
16
15
35
et moyen revenu
ASS
92
92
0
1
7
7
Asie (EST)
89
28
1
25
10
47
Asie (Sud)
62
28
1
5
35
67
Amérique Latine
93
66
1
12
6
24
Afrique du Nord
56
89
21
1
23
10
OCDE
30
19
31
41
39
40
Sourct! . Banque mondiale, Rapport sur le Développement dans le Monde, 1993

144
PARAGRAPHE 2 : LES INDICATEURS DE NIVEAU DE VIE
Le revenu par habitant est très faible en ASS (Mozambique 80 $ US, Ethiopie 120 $
US etc) alors qu'il dépasse 1000 $ U.S. dans plusieurs pays du Tiers-monde (Brésil 2160,
Argentine 2520 U.S.) et plusieurs milliers de dollars U.S. dans les pays développés (U.S.A
19800, Suisse 27500, France 16000 etc.).
L'espérance de vie à la naissance est également faible en AS S (48 ans en Ethiopie
contre 66 au Brésil, 76 en France et aux USA, 78 en Suisse). Les indicateurs bruts tels que
l'espérance de vie et la mortalité infantile se sont améliorés pendant la décennie 80 puisque
l'espérance de vie est passée de 48 à 52 ans et que le taux de mortalité a été ramené de 199 à
99 pour 1000. Mais si c'est la qualité de vie qu'on prend en compte au lieu de la longévité, on
ne constate pas de véritable amélioration. A la fin de la décennie 80 par exemple, moins de la
moitié des populations subsahariennes avait accès à l'eau potable. En ce qui concerne le fardeau
de la maladie, "l'année de vie conigée du facteur d'invalidité" (AVCI), mesure utilsée par la
Banque mondiale pour déterminer le nombre d'années de vie en bonne santé perdue en raison
d'incapacité ou de décès prématuré 136 était de 574 pour 1000 habitants dans les pays
subsahariens en 1990, contre 178 seulement en Chine et 344 en Inde. Ces chiffres tendent à
indiquer que la qualité de la vie et la santé sont moins bonnes en Afiique au Sud du Sahara. En
croisant les indicateurs de qualité de vie et de longévité, il ressort que la population
subsaharienne mène une vie plus rude mais plus longue. Une partie de plus en plus importante
de la population est pauvre et ne jouit pas d'une vie active et productive.
Ces indicateurs tels qu'ils sont présentés nous livrent des infonnations un peu ambiguës.
Les revenus exprimés en dollars, même conigés pour tenir compte du pouvoir d'achat local, ne
pennettent vraiment pas des comparaisons internationales. Les modes d'accès à la subsistance
sont exactement différents d'un pays à l'autre: autoconsommation agricole, type d'habitat, jeu
inégal de solidarités familiales, ethniques ou de voisinage. Tous ces éléments empêchent la
traduction en dollars comparables, des situations humaines.
Alors que la Banque mondiale ordonne les statistiques de son "Rapport sur le
Développement dans le Monde" sur la base du PNB par tête, le programme des Nations Unies
pour le Développement (PNUD) a récemment élaboré un indicateur composite dit Indice de
136 Banque Mondiale, "Rapport sur le Dévcloppement dans lc Monde'", World Bank, ,Washington OC, 1993

145
Développement Humain (IDH), qui combine trois éléments: la capacité à se procurer des biens
nécessaires à la satisfaction des besoins fondamentaux (c'est urie mesure corrigée du PNB par
tête), l'espérance de vie à la naissance et le taux d'alphabétisation des adultes. Cet indicateur
composite modifie la hiérarchie entre PVD, mais n'affecte pas la frontière pays Nordi Sud qui
reste marquée par une forte inégalité.
Tableau: PNB par habitanl el ration calorifique:
PNB / hab
Apport journalier en caJOIi.:s
Dollar 1991
Taux de croissance
1965
1988
1965-88
Tous pays à revenu faible ou moyen
1010
2.7
2122
2468
ASS
350
0.2
2034
20 Il
Asie de l'Est
650
5.2
1943
2596
Asie du Sud
320
1.8
2058
2116
Amérique Latine
3200
1.9
2451
2724
OCDE
21530
2.4
2610
2724
Source: Banque mondiale, Rapport sur le Développement dans le Monde, 1991.
L'apport calorifique journalier par habitant est très faible en ASS et connaît en plus le
taux de progression le plus faible. Mais ce chiffre recouvre des disparités de pays à pays. En
1988, selon la Banque mondiale, 12 pays africains restent en dessous de la barre de 2000
calories par jour. 137
Cet indicateur n'est pas non plus dénué de toute ambiguïté. S'il permet de repérer des
situations d'urgence (raton calorifique minimale de 2400 calories/ jour, ration calorifique de
survie en inactivité de 1500 calories/ jour), il ne couvre pas l'ensemble des besoins
fondamentaux (habitat, santé, éducation) et ordonne les pays sur une échelle fixée sur la
surconsommation absolue des pays industrialisés (avec des besoins couverts à près de 150%).
IJJ
.
2400 ca10nesl JOur sont requIs pour entretenu en bolme sante un.: perSOlm.: en état d'actrvité.

146
SECTION Il : LA DYNAMIQUE OU PROCESSUS DE DEVELOPPEMENT
ECONOMIQUE EN ASS ET LES DESEQUILIBRES STRUCTURELS
Au moment des indépendances, l'objectif de la plupart des autorités des pays
subsahariens lorsqu'elles abordèrent la question de l'avenir économique de leurs pays était,
d'assurer une croissance forte et rapide et d'arriver à mettre en place une industrie tournée vers
le marché intérieur. Or on constate après de longues années d'indépendance que les économies
subsahariennes sont restées fortement dépendantes de l'extérieur. De cette situation résultent
des déséquilibres qui perturbent structurellement le processus industriel compromettant
sérieusement le développement des pays.
La cause essentielle de la crise économique en ASS est le maintien de la plupart des
Etats dans les formes de dépendance à l'égard des marchés extérieurs de matières premières.
Ces marchés pèsent lourdement sur les évolutions économiques et sociales de la plupart des
pays de l'ASS. Avec ses faibles structures économiques, l'ASS subit davantage que les autres
régions du Tiers monde, les chocs provenant de l'extérieur. Les modèles miniers et agricoles
implantés par la colonisation ont largement survécu à l'indépendance. Traditionnellement
spécialisé dans l'exportation d'un ou de deux produits agricoles ou miniers, les pays ont subi de
plein fouet la crise économique qui a secoué les pays industrialisés.
Nous allons dans ce paragraphe montrer comment les déséquilibres apparaissent et se
manifestent.
PARAGRAPHE 1 : DESEQUILIBRES ET CRISE DES ECONOMIES
SUBSAHARIENNES
La situation actuelle des économies subsahariennes se caractérise sur le plan intérieur
par des déficits publics particulièrement prononcés, la généralisation des plans d'austérité et des
licenciements massifs, la régression généralisée des productions et du revenu par tète. Sur le
plan extérieur, elle se caractérise par les déficits en comptes courants et ceux des balances de
paiements qui sont quasi-permanents depuis le milieu des années 1970. D'autre part, le poids

\\47
croissant du service de la dette et l'accumulation des arriérés de paiement extérieurs sont des
caractéristiques inquiétantes des économies subsahariennes.
Vues les évolutions intérieures et extérieures l'A.S.S. connaît donc une très grave crise
qui se manifeste par l'aggravation de la misère des populations (chômage massif et blocage des
revenus,
chute
du
pouvoIr
d'achat)
et
l'approfondissement
des
déséquilibres
macroéconomiques. Cette violente crise en A. S. S n'est pas isolée dans la mesure où fortement
intégrée dans le marché mondial depuis la période coloniale, l'évolution des structures
économiques et des relations sociales en Afrique se fait en liaison avec le développement des
lois de ce marché. Or l'économie mondiale est en crise depuis la fin des années 1960. Donc en
plus de leurs propres distorsions internes, la crise économique mondiale aussi frappe l'Afrique
Subsaharienne. Les impacts spécifiques de la crise économique mondiale sur les économies
africaines reflètent :
1°) la place occupée par les pays d'Afrique dans la division internationale du travail mise
en place par les économies capitalistes industrialisées depuis la fin du dix-neuvième siècle;
2°) la faiblesse des structures étatiques, leurs racines peu profondes, le type de
structures productives et de relations économiques et sociales mises en place depuis les
indépendances.
L'ASS est victime d'une crise économique durable. La théorie économique, comme les
mécanismes de stabilisation habituellement appliquées ne fournissent pas les solutions
appropriées à la situation de crise qui bloque toutes les tentatives de croissance et de
développement des pays subsahariens.
Définition de la crise:
La cnse est la manifestation de blocages et de contradictions profondes dans la
1
dynamique d'un système économique et social. Elle traduit le fait que les relations sociales, les
conditions de production de distribution et de consommation qui le caractérisent ne sont plus à
même d'assurer sa reproduction et sa cohésion 138
138 Pour les débats sur la crise cf. MArnCK P. "Crises et Théories des Crises" 1976. MANDEL E. "La crise du capitalismc"
; VALIER J"Une critique de l'économie politique"; MARX K."Le Capital" Livres dcuxiémc ct troisième; LUXEMBOURC
Rosa: "L'accwnulation du Capital", ENGELS F. "Socialisme utopique, sociali~mc scientitiquc"

148
«Les crises.... sont aussi la cristallisation d'un processus dynamique de transformation
des modes de produire, d'échanger et de consommer, et au-delà des formes institutionnelles et
d
. 1
d
.
d
139
es normes socla es et es pratIques es acteurs.})
L'AS S est certainement en crise si l'on convient d'appeler cnse les situations dans
lesquelles les attentes de la majorité (plein-emploi, amélioration des services sociaux,
perspective de mobilité sociale etc.) ne peuvent être satisfaites par la logique de fonctionnement
du système. La logique de la gestion de la crise dans beaucoup de pays produit le chômage, la
paupérisation et la marginalisation.
L'analyse macroéconomique de l'A.S.S
montre que cette dernière connait une
stagnation de la productivité sur le long terme. Elle subit par ailleurs des chocs externes (dont
les chocs pétroliers) qui induisent de fortes instabilités. Sa marginalisation commerciale fait
suite à une perte de sa compétitivité. Bien que réducteur de la crise économique africaine,
l'analyse macroéconomique dans un cadre cohérent permet de comprendre la situation de crise
des économies subsahariennes. L'histoire de l'Afrique a besoin d'être expliquée et la Science
Economique doit contribuer par son analyse à une meilleure maîtrise de la connaissance des
crises et des chocs que traverse l'Afrique.
La crise économique actuelle en A.S.S s'explique par l'histoire des économies de traite.
C'est en effet, l'épuisement interne de la logique d'économie de rente qui a conduit à une
marginalisation à l'égard des centres moteurs de l'économie mondiale. 14O La crise que traverse
l'A.S.S. n'est pas isolée. Elle trouve son fondement dans les liens que les pays subsahariens ont
avec le marché mondial. Elle s'explique par les contradictions propres aux structures sociales et
aux structures de production de ces pays d'une part, et d'autre part par les contradictions
relatives au fonctionnement du marché mondial capitaliste. Le rapport de la Banque mondiale
de 1981 "Le Développement accéléré en A. S. S." soulignait le rôle des facteurs internes dans les
difficultés externes et la stagnation de cette région. Les manifestations de ces facteurs étaient la
diminution des parts de marché à l'exportation et la tendance à la surévaluation des monnaies.
Le rôle des facteurs externes a semblé relativement plus important depuis, d'après l'étude
économétrique de Wheeler l41 faite pour la Banque mondiale.
139
I-ruGON Ph. "Jeux et enjeux", Prologue de <\\Les Tiers-Nations en Mal d1ndustriesH, sous la direction de: Jacques De
BANDT et de Philippe I-ruGON. CERNEA- ECONOMICA, Paris, 1988 Page 14.
140 Ph I-ruGON "L'Economie de l'Afrique" Editions La Découverte
Paris 1993.
141 Wl-ŒELER D "Source of Stagnation in Sub-Sahafan Africa". World Developmenl. Vol 12, pp 1-23
1984.

149
Le "courant radical mondialiste" a mis l'accent sur la responsabilité du centre dans le
phénomène du sous-développement. Celui-ci plonge ses racines dans le développement du
système capitaliste mondial (force motrice des divers processus opérant dans le nouveau
monde) et ce sont les grands changements internationaux qui marquent les mouvements dans la
transformation des pays périphériques. Ainsi, pour eux, l'étude des rapports et relations
externes prime sur l'analyse des dynamiques et forces internes des PVD.
Mais si les transformations et évolutions des formations économiques et sociales
périphériques ont été laissées en dehors de cette théorie de l'impérialisme, la théorie de la
"dépendance" a privilégié au contraire l'analyse de la périphérie, dynamique qu'elle considère
comme le résultat de l'action conjuguée des facteurs internes /externes ou endogènes/exogènes
(Cardoso, Faletto... ).'42
Nous pensons pour notre part que l'explication des structures de domination et du
blocage du développement nécessite que l'on déchiffre les diverses relations entre les
déterminants endogènes et les déterminants exogènes dans la formation économico-sociale
étudiée. Il est en effet important de chercher la manière dont les composantes externes
s'articulent avec les facteurs internes pour saisir les véritables raisons du blocage des pays
subsahariens. Cela nécessite une analyse approfondie des modèles de développement, des
classes d'industriels, le type de structures productives, la faiblesse des structures étatiques et
leurs racines peu profondes, la faiblesse des ressources de financement etc ... A..insi, on pourra
situer le facteur extérieur à sa juste place et prendre en compte les formes spécifiques que
prennent à l'intérieur des pays périphériques, la dépendance à l'égard de l'extérieur. Ce type
d'analyse est nous le pensons bien, de nature à contribuer à donner une nouvelle dimension à la
théorie de la dépendance qui ne sera plus appréhendée à partir d'indicateurs quantitatifs : flux
de marchandises ou de capitaux ou saisie à partir du transfert de technologie, mais à partir des
forces internes et externes qui sont à l'origine de la naissance et de l'extension des rapports de
dépendance et de l'évolution des structures économico-sociales et politiques internes.
Pour en revenir à l'analyse macroéconomique, on peut dire que les trajectoires
historiques des sociétés africaines résultent du double jeu des facteurs internes et externes. La
suppression de la traite esclavagiste, la disparition progressive du système mercantiliste,
142
Voir notamment. FALEn"O E et CARDOSO F.H., "Indépendance et développement en Arnéri.que Latine" PUF.,
Paris, 1978

150
l'implantation de mISSIOnnaires et de colons ont constitué progressivement des facteurs de
rupture ouvrant la voie à la colonisation directe qui commença vers le milieu du dix-neuvième
siècle. L'Europe se partage l'essentiel de l'Afrique après 1870 et y transpose l'appareil d'Etat
métropolitain qui s'appuie toutefois sur certaines institutions existantes.
La colonisation relie les structures étrangères altérées et les structures "indigènes" gràce
au rôle de l'administration et des sociétés de commerce. <<Le capital marchand se valorise au
dépend du capital productif. Le système colonial est de ponction et de mise en réserve
davantage que de mise en valeur et d'accumulation». 143 La mobilisation du surplus, différence
entre la production et la part nécessaire pour reconstituer les conditions de la production) a été
assurée par la contrainte de l'impôt (impôts, travail forcé, cultures obligatoires, expropriation
foncière). Les investissements ont été limités exception faite au tout début de la période et au
lendemain de la seconde guerre mondiale. 144
Pour ce qui concerne les anciennes colonies françaises, les bases du modèle néo-colonial
ont été mises en place au lendemain de la seconde guerre mondiale. Affaiblie par la guerre,
voyant menacés les profits qu'elle tirait de ses colonies asiatiques, la France prit la décision de
mettre en valeur la partie afiicaine de son empire, jusqu'ici largement laissée à l'écart. C'est de
ce moment que datent les premiers plans de développement et les premiers instruments de
"l'aide": FIDES (Fonds d'Investissement pour le Développement Economique et Social des
territoires d'Outre-mer) , ancêtre de la CCCE (Caisse Centrale de Coopération Economique).
Ces derniers rompant avec le principe d'autofinancement des territoires étaient conçus pour
diriger vers les colonies des capitaux métropolitains, dont une contribution du budget : tandis
que la métropole garantissait aux exportations agricoles des colonies des prix stabilisés et
supérieurs aux cours mondiaux. Elle se réservait grâce aux protections douanières, un quasi-
monopole sur les marchés de ces dernières.
La période post-coloniale commença avec les indépendances en 1960. 145 Il y a eu
décomposition des fédérations d'Afrique Occidentale et d'Afrique Equatoriale française (A.O.F.
et A.E.F.). A l'exception de la zone franc et la zone rand, les zones monétaires disparurent au
moment des indépendances. Les pays de l'ASS héritèrent à leur accession à l'indépendance
143
HUGON Ph. "L'Economie de l'Afrique". Editions La Découverte, Paris 1993 Page 12.
144
SURET-CANALE J., "Afrique Noire Occidentale et Centrale". Editions Sociales, 3 tomes. Paris. 1977
14~ La quasi-totalité des colonies africaines sont devenus indépendantes vers 1960. Le Ghana est le premier en 1957, la
Guinée en 1958 etc ..

151
d'une économie de traite entraînée par la production et l'exportation de produits primaires,
essentiellement agricoles et par le recyclage des revenus engendrés par ces activités. Cette
économie de traite s'exerce dans le cadre d'un secteur «moderne» dominé et contrôlé dans son
ensemble par les étrangers. Les nouveaux Etats post-coloniaux, en relation de conflit/concours
avec les firmes étrangères, ont pris le relais de l'administration coloniale tout en devenant
progressivement le lieu de constitution de classes accaparant la rente inteme aussi bien
qu'externe. \\46
Vu le caractère rudimentaire des marchés, les nouveaux Etats étaient supposés
permettre, en l'absence d'acteurs privés, le passage de l'économie de subsistance à l'économie
moderne. Ils contrôlaient l'essentiel des investissements régulaient l'économie parllln système de
prix administrés et mettaient en place des instruments de politique macroéconomique.
Parallèlement à l'économie de traite, les pays subsahariens développèrent au lendemain de
l'indépendance, des activités industrielles d'import-substitution, à l'abri de fortes protections le
plus souvent
sous contrôle étranger et la mise en place
de grandes opérations de
développement rural pour soutenir la croissance et la diversification de l'agriculture.
Le nouvel Etat africain prit une place croissante dans l'économie. Il lui incombe non
seulement la charge des fonctions de base du développement (administration, infrastructure,
éducation, santé etc... ), mais il se trouve progressivement investi d'un rôle central dans le mode
de régulation socio-politique instauré au lendemain des indépendances, celui die coopter les
nouvelles couches ascendantes en leur assurant un large accès à la vie moderne, à un moment
où la plus grande partie du secteur privé demeure dominée par les capitaux étrangers. Le
premier point d'intégration des pays d'Afrique au marché mondial se noue autour des
exportations des produits primaires de ces pays. Ce point d'intégration est le plus vieux point
d'ancrage des économies africaines à l'économie capitaliste mondiale. Donc, l'(:ssentiel de la
dynamique reposait sur les exportations de produits de base et sur l'aide extérieure. Les surprix
furent remplacés par des aides à la diversification et par des prix garantis dans le cadre des
accords avec la C.E.E.
Ce modèle post-colonial s'est progressivement épuisé Mais J'économie d'endettement de
la décennie soixante dix a retardé la crise tout en l'accentuant à terme (ajustement retardés)
Dès la fin des années 60, ce modèle est en crise. Des tendances macro-économiques divergentes
146
TERRA Y E "LBat contemporain en AfrIque". L1-Iarmattan, Paris, J 987

152
se font jour au tournant des années 70 : essoufflement de la croissance agricole, croissance des
importations due à la «modernisation» et à l'urbanisation, à des rythmes supérieurs au rythme
de croissance des exportations, blocage du processus d'import-substitution ; et à la croissance
des charges de l'Etat à un rythme supérieur au taux de l'économie entraînant des prélèvements
toujours importants sur l'agriculture (qui ont contribué à désorganiser celle-ci) et un appel de
. .
,,147
1
P us en 1
P us aux fi nancements exteneurs
C'est l'épuisement du modèle néo-colonial de crOissance de l'économie. Au fur et à
mesure que s'épuisait le modèle de croissance, le recours à l'Etat s'est fait lui-même plus
pressant.
Des déséquilibres
de base
apparaissent
concernant
le
rôle
de
l'Etat et le
fonctionnement de la sphère «moderne». En effet, l'Etat néo-colonial apparaît comme le pilier
d'un projet de société visant à intégrer à un mode de vie interne «moderne» principalement
hérité de l'ancienne métropole (éducation., santé, logement, niveau de consommation, niveau de
revenu), une proportion -initialement très limitée, mais rapidement croissante- de la population,
dans un contexte où les étrangers contrôlent la plus grande partie des secteurs productifs et où,
par leur présence, ils exercent une influence déterminante sur les nonnes de consommation,
d'équipements, de services divers.
Ce projet d'enrichissement collectif à l'ombre de l'Etat a engendré un mode particulier de
fonnation
des
revenus
avec
ses
effets
pervers
sur le
plan
économique.
Ce
projet
d'enrichissement collectif profondément incrusté dans les structures léguées par la colonisation
et renforcé par une grande partie des actions de coopération, n'est pas actuellement viable dans
l'environnement international actuel des pays subsahariens. Cette conclusion (qui est une des
conclusions de l'analyse des évolutions de longue période) longtemps occultée a été rendue
évidente par la crise.
Le projet d'enrichissement collectif ne rend pas compte à lui seul de toutes les causes de
déséquilibre, mais il est sans doute un des plus profondément ancrés dans l'organisation
économique, sociale et politique des pays de l'ASS. La mise en place de projets inadaptés dits
"éléphants blancs" (sous la pression externe des banquiers et des marchands du Nord et de
décideurs nationaux intéressés), et le modèle étatique d'industrialisation caractérisé par un
147
DURUFLE Gilles, "L'ajustement structurel en Afrique. Sénégal, Côte d1voire, Madagascar". Editions Karthala, 1988.
Page 8

153
surinvestissement,
par une absence de liaison avec l'environnement et par une faible
compétitivité extérieure contribuèrent aussi à l'épuisement du modèle post-colonial.
L'histoire est essentielle pour comprendre les spécificité actuelles des économies
africaines (comparées à celles des économies d'Asie ou d'Amérique Latine). En effet, le poids
des communautés, des grands réseaux commerciaux, des Empires ante coloniaux, les logiques
de traite des comptoirs coloniaux spécialisés sur les cultures exotiques ou la mise en place
d'Etats-nations issus du découpage colonial sont des héritages essentiels pour comprendre la
structure actuelle d'économie de rente. Le surplus (ou rente) provenant du secteur primaire et
de l'aide extérieure, se convertit pour l'essentiel en importations des biens et services ayant peu
d'effets d'entraînement sur les activités productrices. L'économie de rente se caractérise
actuellement par le blocage de l'accumulation, les dysfonctionnements financiers et les
déséquilibres sectoriels.
I. Le blocage de l'accumulation
Le blocage de l'accumulation s'explique par plusieurs facteurs : le faible taux
d'investissement avec une fort~ intensité capitalistique; les distorsions en fav(:ur des secteurs
non directement productifs ; la faiblesse de la demande et les contraintes de devises pour les
importations des biens capitaux. L'A.S.S. connait une stagnation économique. Entre 1961 et
1973, la croissance réelle du P .I.B. qui était supérieure à la croissance démographique est
tombée à 2,1% entre 1980-1990, alors qu'elle était de l'ordre du taux de croissance
démographique entre 1973-1980.
Tableau: E
vol '
uUon des taux annue1s de crOIssance du PIB
..
et de 1a P
ul
Opl
.
aUon
1961-1973
1973-1980
1980-1990
Taux annuel de croissance du P.I.B (%)
4.6
2.7
2.1
Taux annuel de croissance de la pOpulation (%)
2.6
2.8
3.1
Source: Banque Mondiale, Rapport Sur le Développement dans le Monde. Washington, 1991.
On constate un fort ralentissement de la croissance du P.IE. sur la décennie quatre-
vingt en comparaison avec la croissance des années 60 et 70 Si on tient compte du fort taux

154
d'accroissement de la population, on peut voir que globalement le P.N.B. a régressé durant la
période 1980-1990.
La croissance s'est accélérée en A.S.S, atteignant 2,4% en 1991 Ce résultat tient en
partie à ce que l'économie du Nigeria a indirectement tiré profit de la crise du Golfe, non
seulement en raison de la hausse temporaire des prix du pétrole, mais aussi gràce à la mise en
exploitation rapide de nouveaux champs pétroliers. La croissance a été faible dans les pays
subsahariens importateurs de pétrole
Tableau: Croissance du P.I.B et du P.LB/ habitant, 1981-1991 (variation).
1981-87
1988
1989
1990
1991 (prél.)
P.I.B. en 1990 (Mds de $
E.U.)
A.S.S. sauf
1,8
3,9
3,5
l,3
2,4
173
Arr.du Sud
Economie à
3,4
4,0
3,2
2,3
1,9
3635
Revenu faible
et
intermédiaire
Source: Banque Mondiale, Rapport Sur le Développement dans le Monde. Washington, 1992. Page 36.
En 1992" la croissance est restée faible dans les pays importateurs de pétrole. Cela
tenait entre autres à une grande sécheresse dans les pays de la ceinture méridionale, aux cours
mondiaux extrêmement bas des produits de base et à l'aggravation des hostilités au Liberia, en
Somalie et au Zaïre. Pour illustrer l'ampleur de la baisse des prix des produits de base, au
Burundi, les recettes d'exportation du café sont tombés de 30% malgré un volume inchangé.
Le revenu par habitant a continué de baisser dans la plupart des pays subsahariens. Ce
fléchissement a été particulièrement prononcé au Malawi, en Zambie et au Zimbabwe.
Tableau: Croissance du P.LE. et du P.I.B. par habitant en A.S.S (sans l'Afrique du Sud) de 1981 à
1992
1981-88
1989
1990
1991
1992 (pré!.)
P.I.B ..
1,8
3,8
1.6
1,8
1,8
P.!.B./Hbt
1,3
1,2
-0,4
-2,1
-2,0
Source: Banque Mondiale, Rapport Annuel 1993.

155
Le modèle de substitution aux importations et d'exportations des produits de base n'a
pu enclencher le processus auto-entretenu de diversification de la production. Ces pays sont
demeurés agricoles et spécialisés dans un ou deux produits de base. Au cours des cinq dernières
années, les prix des produits de base (autres que le pétrole) tels que le café et le cacao ont
particulièrement baissé, ce qui explique en partie la faiblesse de la croissance.
Les bons résultats dans le domaine des investissements en AS.S (24 à 25% avant 1983
et 18% en 1983) ne représentent qu'une performance apparente, car l'existence d'un haut taux
d'investissement pendant les années 1970 s'est accompagnée d'une croissance très faible et d'une
détérioratioll des termes de l'échange. Les investissements réalisés se sont révélés incapables de
provoquer une croissance durable en raison des choix sectoriels contestables et de l'inefficacité
des structures créées par ces investissements eux-mêmes. Il reste que la croissance annuelle de
l'investissement intérieur brut en AS.S est passé de 6,3% pour la période 1965-1973 à 0,8%
entre 1973 et 1984 pour les pays à faible revenu. 148 . En AS.S, la baisse continue de l'épargne
intérieure est un phénomène constant depuis 1973.
148
BANQUE MONDIALE, "Rapport sur le développemcnt dans k mondc, 1986"~ Pagc 204

156
Tableau: CrOissance, Ressources et productivité, 1965-90 .
Taux de croissance annuel en pourcentage annuel
PIB 1 hbt
Population
Exportations :
ProductivIté
Part de
biens et services
totale des
l'investissement
hors [acteurs 1
l'acteurs 2
dans le PlB (%)
Afrique subsahanennc
02
2.9
4.6
-0.4
17.3 l'
Botswana
7.9
3.7
159 c
6.4
28.0 c
CarneroWl
1.5h
1.8
4.4 k
2.5 k
20.2 k
Tchad
-0.6 g
2.2
13~
nd
nd
Côte d1voire
-0.7 g
3.9 [
4.8 m
-0.7 k
20.0 d
Ghana
-0.7
2.7
1.5
-0.8
9.6
Kenya
13c
3.8
33 a
0.2 g
20.5 e
Mali
I8g
2.3
63g
I.2g
13.2 g
Nigeria
2.1 f
2.8
10.9 f
U f
17.4 f
Sénégal
-03. g
3.2
2.5 i
-0.6 i
14.1
Tanzanie
03
3.2
3.0
-0.7
19.7
Zaïre
-3.0 [
2.0
-4.5 [
-4.3 [
14.6
Zambie
-1. 9 a
2.7
-13 h
-31 b
21.1 b
Zimbabwe
1.0 g
3.0
3.8 h
-0.5 f
18.1 [
Pays en développement
2.5
2.2
7.4
04
24.8 [
Notes:
1. Recettes des exportations de marchandises et de services (hors revenus des facteurs en dollars constants).
2. Productivité totale des facteurs calculés par approximation. Les moyennes régionales ne sont que des approximations grossières, car elles sont
fondées sur les données de ce tableau qui ne se rapportent pas toutes aux mêmes années.
a: 1965-89 ; b : 1965-88 ; c: 1965-87 ; d: 1965-86 ; e : 1967-89 ; f: 1970-90 ; g : 1970-89 ; h : 1970-88 ; i : 1970- 87 ; j : 1970-86 ; k : 1970-85
;m: 1971-86;n: 1975-89.
Sources: Erick THORBECKE, "Les causes de la stagnation en Afrique: diagnostic et recommandations pour une stratégie de long
terme", in Jean-Claude Berthélemy "Quel avenir pour l'économie africaine", OCDE, 1995. p. 132·133.
Lafaiblesse du taux d'investissement et surtout le mal investissement expliquent aussi la
stagnation économique de l'ASS En effet, suite au boom des produits de base (consécutif lui-
même à l'augmentation des prix du pétrole de 1973), beaucoup de projets d'investissements
inadéquats ont été lancés. Sur la période 1975-1988, on constate un lien significatif entre les
taux d'investissement privés et publics et le taux de croissance du P.N.B., un effet négatif de la
dette et du rythme d'inflation sur l'investissement. 149 Le poids de l'investissement est passé de
20% à 15% entre la décennie soixante dix et la décennie quatre-vingt tandis que le taux
d'épargne chutait de 15,3% à 8,3% sur la même période. Le financement de l'investissement a
été assuré de manière croissante par l'extérieur en moyenne 60,5% pour les pays à bas revenus
et 43,4% pour la moyenne de la zone.
149 HUGON Ph- "L'Economie de l'Afrique"
Page 25

157
Tableau' Indicateurs sur l'investissement en A S S en % .
Taux
Tau:"
Taux
Denes/P.I.B. en
d'investissement
d'investissement
d'investissement
%
total en %
privé en %
public en %
1975-88
18,4
IDA
8.0
41,4
1975-81
21,7
12,8
8.9
27,0
1982-88
15,4
8,1
7,3
55,8
Source: Banque Mondiale, Adjustment Lending Revisited. Policies to Restore Growth Washington, 1991. Page 129.
Les investissements en A.S.S. sont soumis aux aléas des recettes d'exportation et sont
principalement orientés dans la construction ou
dans les
infrastructures indirectement
productives
La baisse de l'épargne intérieure:
En moyenne annuelle l'ASS a dégagé au cours des années quatre-vingt moins d'épargne
intérieure qu'au cours des années soixante-dix: 20,8 milliards de $ contre 22,2. Cette baisse est
responsable de la chute du taux d'épargne intérieure (8,3% contre 15,3%) puisque du fait de
l'accumulation d'arriérés, la charge des paiements d'arriérés ne s'est pas alourdie. Les dix sept
pays africains rentrant dans la catégorie des pays à bas revenus lourdement endettés ont vu leur
taux d'épargne intérieure chuter de 12,9% du pœ à 7,9%. Les pays à revenu intennédiaires ont
eux aussi enregistré une baisse des taux d'épargne.
L'investissement bien qu'ayant lui-même très peu progressé (il est passé d'une moyenne
de 23 milliards à 26,5 milliards en dollars courants). L'aide publique en constitue la plus grande
partie. En moyenne sur les années quatre-vingt, ces apports extérieures ont financé 43,3% de
l'investissement de l'ASS et 60,5% de l'investissement du groupe de pays à bas revenus
lourdement endettés. Pour les années qui viennent, l'investissement en ASS reposera largement
sur le financement extérieur.

158
Tableau: Taux d'épargne et d'investissement
Epargne intérieure
Epargne nationale
Financement
1nvestissement
brute
brute
extérieure
Moven.
Moyen.
Moyen.
Moyen.
Moyen.
Moyen.
Moyen.
Moyen.
1971-80
1981-89
1971-80
1981-89
1971-80
1981-89
1971-80
1981-89
A.L
21,9
21,8
19,8
17
3,2
2,6
23
19,6
AN
22.9
24,7
24,2
23,7
6,6
5,9
30,8
29,6
ASS
18,9
Il,6
15,3
8,3
4
6,4
19,3
14,7
dont :
àBRE
12,9
7,9
10,4
5,4
5,8
8,3
16,2
13,8
ASE
25,5
27,4
23,9
24,1
0,8
3
24,7
27,1
ASa
16,8
18,4
17,6
19,8
1,5
2,8
19
22,6
Ugeodes : AL = Arnénque Latme, AN = Afrique du Nord, ASS = Afrique au Sud du Sahara, BRE = bas
revenu lourdement endetté, ASE = Sud-Est, ASa = Sud-Ouest.
Source:Calculs CEPn à partir de chiffres de la Banque Mondiale: «Word Tables» 1991.
En ASS, les taux annuels moyens de croissance du PIB en volume ont diminué au cours
des années 80 par rapport à ce qu'ils étaient à la fin des années 70. Leur baisse a été continue
pendant toute la décennie 80. Quant au produit par tête, son évolution est devenue négative au
cours des années 80. Une manifestation importante de cette évolution a été la réduction de
l'épargne et de l'investissement par rapport au PIB. Pour l'ensemble des pays subsahariens, le
rapport de l'investissement au PIB est tombé de 21 % durant les années 70 à 16% pour les
années 80, alors que pour la même période, il était de 25% pour l'ensemble des pays en voie de
développement.
Il y a eu une forte diminution du taux de croissance du P.I.B. en A.S.S. Dans la plupart
des pays de la zone, le revenu annuel par habitant est parmi les plus bas du monde
(généralement inférieur à 100 dollars). La consommationlhabitant a baissé depuis 20 ans.
L'évolution défavorable s'explique d'une part par des causes économiques exogènes (l'A.S.S
n'échappe pas aux remous de l'environnement international : persistance des récessions, chute
des prix des produits de base, réduction des flux nets de capitaux). Elle s'explique d'autre part
par des causes internes aux économies africaines (les politiques des prix, l'accumulation des

159
déficits budgétaires etc ont entraîné des distorsions qui se sont traduites par la mollesse de la
croissance économique). L'augmentation du taux de croissance démographique explique pour
beaucoup le ralentissement de la progression du P.l.B.ltête.
Si la baisse du revenu par tête apparaît bien comme la cause essentielle de la chute de
l'épargne, celle-ci est aussi le produit de la crise des systèmes financiers. Les faiblesses de ces
systèmes (dont la plus fondamentale est peut-être d'avoir été «développés culturellement,
économiquement et socialement en rupture avec la société civile» 150) ne leur ont pas pennis de
faire face au recul de l'activité, à l'alourdissement de l'endettement des Etats, aux difficultés des
entreprises Au total, l'ASS s'est retrouvée à la fin de la dernière décennie avec un système
encore plus déficient.
n. Les dysfonctionnements financiers
L'analyse de l'évolution de la situation financière extérieure de l'Afrique subsaharienne
s'inscrit
dans l'évolution du système monétaire international depuis la deuxième guerre
mondiale, ce qui amène à rechercher les conditions de son intégration financière dans ce
système. Pour comprendre l'intégration financière des pays de l'ASS, il est nécessaire de
connaître sommairement les bases historiques des institutions monétaires de l'ASS dans le
système monétaire international. Les différents systèmes monétaires de cette région ne sont pas
tous parvenus au même stade d'évolution.
Les français ont amené avec eux en Afrique (comme les autre colonisateurs), leur
propre système monétaire ou un système monétaire étroitement lié à celui de la métropole. La
zone franc était définie d'abord par des caractéristiques monétaires à l'égard de l'extérieur: une
réglementation commune des changes et la mise en commun des ressources de devises
étrangères. A l'intérieur : une libre convertibilité à taux fixe des différentes monnaies émises
dans la zone. 151 L'ensemble du système monétaire lié au franc français a pris :te nom de zone
franc après l'institution du contrôle de change dans cet ensemble monétaire et surtout lors de la
dévaluation du franc métropolitain en Décembre 1945. Cette zone également considérée
comme une zone d'aide au développement particulièrement poussée (établissement par la
France des plans d'investissement spéciaux pour les Territoires et Départements d'Outre-mer et
I~ HUGON Ph, "Les politique d'a.luslemenl et le dualisme financier africain", Epargne sans fronllère, 23 Juin 1991
III
LEDUC M "Les inslilulions mondaires d'Afrique, pays francophones" Edilions A. PEDONE, Paris 1965

160
leur financement en grande partie) était une zone d'échange privilégiée entre la France et les
différents D.O.M.-T.O.M.
A l'heure actuelle, la zone semble perçue de façon différente. Elle est souvent présentée
comme une forme originale de coopération non seulement entre un pays industrialisé (France)
et des PVD, mais aussi entre des PVD. En effet, elle est constituée en Afrique pour l'essentiel
de deux unions monétaires qui n'ont pas d'équivalent dans le monde. En rappelant brièvement
l'historique de la zone franc, nous voulions signaler sa spécificité financière par rapport aux
pays de l'ASS. Le bloc sterling créé après la dévaluation de la livre ne s'est transformée en
"sterling aera" qu'avec l'apparition du contrôle des changes nécessité par la deuxième guerre
mondiale.
Pour en revenir à l'ASS et à ses dysfonctionnements financiers, on peut dire d'une
manière générale qu'il existe une segmentation des circuits financiers (financement extérieur
privé et public, financement intérieur public et privé; informel et usuraires). Il y a donc un
dualisme financier:
. Le système financier institutionnel, composé de la Banque Centrale, des banques de
développement et banques commerciales, concerne le seul secteur moderne. Il a tendance à
privilégier les financements courts liés aux activités commerciales ou spéculatives.
. Par contre, le secteur informel financier (caractérisé par la souplesse de son organisation, son
ancrage social et la faiblesse de ses coûts), touche la majeure partie de la population non
bancarisée. L'informel financier connaît une grande variété et innove en permanence. Il exerce
un rôle important d'intermédiation financière. Mais sa logique demeure dominée par le court
terme.
Le dualisme financier s'est renforcé. La fermeture des agences locales a réduit encore la
capacité des banques à collecter l'épargne et l'activité bancaire s'est de plus en plus centrée sur
les opérations liées au commerce international. Le système financier informel, par contre s'est
étendu. Tout comme une partie de l'activité a, du fait de la crise et en réaction à
l'alourdissement de la pression fiscale, glissé dans l'économie informelle, une partie de l'épargne
auparavant collectée par les institutions financières officielles s'est reportée vers le système
informel.
La réduction de la base fiscale, les difficultés de recouvrement, ont aggravé la situation
financière des Etats Des distorsions financières sont nées suite aux forts déficits des entreprises

161
publiques créant des effets d'éviction des financement aux dépens du secteur privé. Les banques
ont accumulé des créances douteuses difficilement recouvrables. 1/ y a une faillite financière
qui rétroagi sur l'économie et sur les finances publiques. Les créances et les dettes croisées
(de l'Etat et des entreprises) ont fortement contribué à la perturbation du système financier.
Les arriérés sur la dette publique interne ont conduit à une généralisation du non-
paiement des dettes. Les ponctions opérées sur les compagnies d'assurance et les caisses
d'épargne, pour couvrir les déficits publiques, ont rendu ces institutions totalement illiquides. 152
Les dysfonctionnements financiers s'expliquent largement par des déficits consolidés du
budget et des entreprises publiques. En effet, les nouveaux Etats ont eu à faire face à des
dépenses de souveraineté et ont eu à encadrer le développement en prenant en charge la
satisfaction des besoins sociaux (éducation, santé). Les dépenses sociales sont relativement
importantes du fait des facteurs démographiques et des coûts des services éducatifs et de santé.
Des effets d'inertie sont nés dans les dépenses publiques à cause des recrutements dans
l'administration, ce qui progressivement a emballé la machine adnùnistrative. 153 Les dépenses
publique s'élevaient à plus de 25% du P. N.B. en 1990 (contre 19% pour les pays à faibles
revenus non africains). Ces dépenses se subdivisent en dépenses courantes pour 17% et
dépenses d'équipement pour 8%. La dette publique est actuellement un poste essentiel qui a
beaucoup augmenté, car il y a d'un côté les dépenses qui augmentent tandis qu'il y a érosion du
prélèvement fiscal et tarissement des recettes publiques liées aux relations commerciales
extérieures (droits assis sur les importations et les exportations, les taxes indirectes sur les
produits importés, les royalties etc... ).
A partir des statistiques monétaires, on ne peut guère tirer de conclusions générales en
matière de stabilité monétaire. Certains pays maîtrisent correctement l'inflation (zone franc)
tandis que d'autres l'ont vu s'accélérer lors de la décennie. Globalement la situation est
nettement meilleure qu'en Amérique Latine puisqu'on n'a pas observé de dévdoppement de
l'hyperinflation.
L'ASS connaît une profonde crise des systèmes financiers. Les Etats ont réagi à la fin
des années quatre-vingt en lançant des programmes de restructuration. C'est une démarche
m
SER VANT P, "Les progranunes de restructuration des systèmes financiers d'Afrique subsaharicnnc", Afnque
Contemporaine, n° 157, 1er trimestre 1991.
ID
Voir à ce propos SEVERINO J.M. et SERVANT P.; "Conjoncture des Etats d'Afrique et de l'Océan lndicn", Mimstere
de la Coopération Pans' 990.

162
longue qui doit être soutenue par les bailleurs de fonds. Le financement du développement de
l'ASS reste toujours posé
L'inflation, taux de change et incertitude de la politique de l'Etat:
Par rapport à l'Amérique Latine, l'ASS était une région de stabilité des prix. Mais dans
beaucoup de pays subsahariens, les taux d'inflation ont fortement augmenté. L'inflation est donc
actuellement paffiÙ les sources d'incertitude de la politique de l'Etat pouvant freiner la
croissance dans les pays subsahariens.
Dans la mesure où la hausse du niveau des prix fonctionne comme une taxe sur les
encaisses monétaires du secteur privé, (taxe que l'Etat prélève lorsqu'il imprime de la monnaie),
la théorie moderne de l'inflation fait partie de la théorie plus générale de la fiscalité et de
l'économie publique). La taxe d'inflation a quelques avantages par rapport aux autres taxes:
son coût administratif est minime, elle est prélevée sur tous les agents économiques qui utilisent
de la monnaie (même au secteur infonnel et à tous ceux qui sont engagés dans des activités
illicites).
Le taux de .dépréciation de la monnaie locale est le déteffiÙnant approximatif de la
monnaie locale, qui ne peut alors conserver sa parité lorsque le déficit de l'Etat est important et
qu'il est financé pour l'essentiel par une augmentation de la masse monétaire. Dans un pareil
cas, certains gouvernants subsahariens ont tenté de résoudre le problème en rationnant les
devises sur le marché officiel. Si les contrôles ne sont pas très efficaces, cette politique de
rationnement entraîne l'apparition d'un marché parallèle. 154 Il faut alors que le marché officiel
des changes soit soutenu par des entrées de devises qui seront vendues à un prix inférieur à
celui du marché. Ces entrées de devises proviennent généralement des aides, des redevances
versées à l'Etat par les entreprises extractives, de la taxation implicite de certaines exportations
dont les exportations agricoles.
Dans une situation de déficit budgétaire, il faut donc opérer un arbitrage entre la
taxation des exportations avec le maintien de la parité fixe officielle et la taxation des encaisses
monétaires si on laisse le taux de change suivre plus ou moins son niveau d'équilibre sur le
I~ AZAM ~-P and T BESLEY, "General Equilibriurn with Parailei Markets for Goods and Foreign Exchange • Theory
and ApplIcatIOn to Ghana", World Df!\\Jelopment. 17, 1989 pp 1921-1930.
.

163
marché 155 ; ce dosage (entre inflation et surévaluation du taux de change) influe sur la
compétitivité du secteur privé.
L'inflation est un indicateur majeur de la politique macro-économique. Comme le dit
lS6
Fisher
, "un gouvernement qui produit une forte inflation est un gouvernement qui a perdu la
situation" Un taux élevé d'inflation signe donc l'incertitude de J'Etat, et il indique qu'une ou
plusieurs mesures vont être prises pour maîtriser la hausse des prix ou que l'économie va
déboucher sur une situation de crise. Pantinkin lS7 décrit le "sentiment de malaise" qu'inspire le
glissement de la monnaie. Une inflation élevée est incompatible avec une parité fixe de la
monnaie, de sorte qu'elle doit nécessairement entraîner l'adoption d'une politique de change
flexible ou d'un système de flottement administré. Pendant longtemps les pays de la zone franc
ont réussi à éviter l'inflation en s'arc-boutant sur un taux de change fixe. Mais cela ne doit pas
être pris comme un encouragement inconditionnel à ce système de change. Il exiiste une grande
différence entre une parité fixe pour une devise non convertible et une parité fixe pour une
devise convertible comme l'est le franc CFA (sauf pour les billets de banque). Dans le cas d'une
monnaie non convertible, la fixité de la parité entraîne presque automatiquement la naissance
d'un marché parallèle qui place de fait l'économie dans un régime de change où le taux marginal
est flexible.
Jusqu'à une période récente, on pouvait classer les économies subsahariennes en deux
catégories : les pays à faible inflation et à monnaie convertible (Zone Franc) et les pays à
inflation plus forte et à taux de change flexible ou à monnaie inconvertible. Le pôle de stabilité
des prix que constituait la zone franc est menacé après la dévaluation du franc CFA de Janvier
1994.
Pour que l'inflation reste faible, il faut que le déficit budgétaire soit faible afin que le
financement du déséquilibre budgétaire n'entraîne pas une croissance excessive de la masse
monétaire 158 Mais il ne suffit pas de maîtriser le déficit budgétaire pour maJitriser l'inflation
III
AZAM J-P "Une politique de développemnt pour l'Afrique: progranune de recherche", in "Quel avcrur pour l'économie
africaine", sous la direction de J.-C. Bcrthélémy. OCDE, 1995 P. 92.
IlO
FISHER S "The Role of Macroeconomic Factors in Growth" , Journal ofMonetary Economies, 1995, pp 485-512
117
PANTINKIN D. "Israel's Stabilization Program of 1985, Or Sorne Simple Truths of Monetary
Thcory" , Journal of
Economie Perspectives, 7, pp. 103-128.
I~ On établit habituellement une distinction entre politique budgétaire et politique monétaire Cela suppose que l'Etat peut
financer son déficit par l'emprunt. Or l'Etat a perdu tout crédit dans plusieurs pays africains et la solution que ceUX-CI
utihsen~ pour le fi.nancement est la création monétaire.

164
comme le montre une longue série de modèles commencé par Sargent et Wallace. 159 Un peu
comme l'effet Laffer pour la taxe d'inflation, un déficit budgétaire donné peut en général
déboucher sur deux taux d'inflation différents en situation d'équilibre. La conséquence en est
que dans un système d'anticipations rationnelles, ce cas d'équilibres multiples peut entraîner
l'indétennination du taux d'inflation à court terme Ce qu'il faut, en plus du faible déficit
budgétaire, c'est un ou plusieurs points d'ancrage nominaux. 160 Le point d'ancrage le plus
naturel est le taux de change pour une économie qui n'est pas en mesure de fixer sa masse
monétaire à cause du déficit budgétaire et de l'insuffisance du développement du marché
obligataire, ou qui ne peut influer sur le niveau des salaires parce qu'il existe un secteur informel
important. Pour surmonter cette difficulté, un des moyens possibles, c'est de faire partie d'une
union monétaire qui a une réputation crédible de prudence monétaire. C'est la solution adoptée
dans le passé par les pays membres de la zone franc.
Un taux de change ne peut s'accommoder à terme que d'un seul déficit budgétaire
restreint, limité aux apports d'épargne étrangère que le pays peut supporter. "Il faut donc que la
politique budgétaire soit compatible avec celle du taux de change si l'on veut maintenir
l'inflation à un bas niveau
et
éviter
ainsi
une source très importante d'incertitude
macroéconomique. L'harmonie entre la politique de change et la politique en matière de déficit
budgétaire, qui est le fondement de la stabilité macroéconomique, est donc un ingrédient
important d'une politique de stimulation de la croissance". 161
Mais cet ingrédient est évidemment difficile à appliquer en ASS, car il pose un dilemme
aux économies qui doivent investir dans l'infrastructure, l'éducation, la santé etc. mais d'un
autre côté ils risquent ce faisant de pousser l'inflation à la hausse. Donc l'investissement public
généralement considéré comme bénéfique pour l'économie, peut en fait ralentir la croissance en
accroissant l'incertitude politique, via l'inflation.
Le moyen le plus sûr pour un pays d'éviter une forte inflation est de maintenir le déficit
budgétaire à un niveau faible et d'avoir un taux de change stable. La zone franc permet à ses
pays membres de présenter un front commun face aux chocs exogènes. Elle leur a également
1~9 SARGENT T.l. et N. WALLACE, "Rational Expectations and the Dynamics of Hyperinf1ation", International Economie
Review, pp. 328-350, 1973
160
BRUNO M. "High rnllation and the Nominal Anchor of an Open Economy", Essays in International Finance, N° 183
International Finance Section, Princeton. 1991.
161
AZAM J.-P. "Une politique de développemnt pour l'Afrique: progranune de recherche", ID "Quel avenir pour ".économle
africaine", sous la direction de l.-C. Berthélérny OCDE, 1995. P 93

165
permis une certaine intégration économique comme en témoignent la convergence de leurs taux
d'inflation et le rapprochement de leurs systèmes judiciaires.
III. Les déséquilibres sectoriels
Le système productif est actuellement bloqué en A.S.S. Ce blocage est accentué par les
déséquilibres financiers. La faiblesse des échanges inter-industriels et une forte composante en
importations des intrants et d'importants goulets d'etranglement entraÎnent une propagation
faible des multiplicateurs keynésiens (par le jeu du revenu).
La contribution de l'agriculture au P.I.E. demeure forte en moyenne dans les pays
d'AS.S. même si elle marque un recul depuis la période des indépendances (passage de 41 à
32% du P.I.B.). L'agriculture vivrière en AS.S. consomme peu d'intrants et beaucoup
d'espace. La hausse de la production agricole se réalise sauf rares exceptions, par extension des
superficies et non par amélioration des rendements. Cette agriculture extensive reste peu
intégrée au marché. Rarement fondée sur la maîtrise de l'eau, elle demeure traditionnelle, avec
une dynamique liée à l'existence des marchés urbains permettant l'écoulement des surplus.
L'autoconsommation est forte et les liaisons en aval et amont sont peu développés.
Apparemment, il existe au niveau alimentaire un «biais urbain» en A.S.S. Donc
l'agriculture aurait semble-t-il des difficultés pour nourrir des villes. «La croissance des
importations de céréales suit plus ou moins la croissance des vines. Le phénomène n'a rien à
voir avec la sécheresse.».162 Le recours aux importations dans un contexte de bas prix
internationaux et surévaluation des monnaies conduit à une contre-protection de l'agriculture.
Le Professeur Hugon 163 a montré que cette thèse du biais urbain était discutable et qu'il faut
se méfier des fausses évidences. Ce sont les pays les plus urbanisés qui ont les valeurs ajoutées
et les prix producteurs relativement les plus élevés.
Contrairement aux représentations courantes, l'AS.S ne souffre pas d'une insuffisance
de la production alimentaire. «Elle subit certes des fluctuations, mais la production répond à la
demande. Les problèmes alimentaires résultent soit de l'absence de droits de certains groupes
soit des difficultés d'accessibilité liés aux conflits» 164 Les facteurs de blocage de l'agriculture
161
GIRl J "L'Nïque en panne. Vingt cinq ans de développement." .Karthala, Paris 1986. Page 46.
163
HUGON Ph, COUSSY J, SUDRlE 0. "Urbanisation et dépendance alimentaire en Afrique Subsaharienne" SEDES.
Paris, 1989.
10-1
HUGON Ph. "L'économie de l'Afrique" o.p. cit Pages 33-34

166
renvoient à des distorsions de politique et à des prix défavorables. Il faut preciser qu'en
moyenne, la production agricole n'a pas régressé. Elle a simplement progressé moins vite que
la production des deux autres secteurs.
L'agriculture est la principale source du surplus en A.S.S. Mais l'extraction de son
surplus se fait au dépens de sa dynamique de long terme. En effet, c'est davantage par le jeu
des différentiels de prix entre producteurs et prix d'exportation que par des progrès de
productivité accroissant les volumes que le surplus naît. La faible productivité de l'agriculture
se répercute sur l'ensemble de l'économie. L'agriculture vivrière doit permettre l'alimentation
d'une population dont le rythme de croissance est d'environ 3% par an et d'une population
urbaine qui croît en moyenne de 5 à 7%. L'agriculture de rente procure 30% des recettes
d'exportation dans la majorité des Etats. C'est dire l'importance de l'agriculture qu'elle soit
vivrière ou de rente dans ces pays.
Une des difficultés de l'agriculture africaine est due à la nature des flux économiques de
ces économies qualifiées d'économie à sens unique, qui se définit l comme une "économie où
certains secteurs dits «en amont» dégagent un «surproduit» (ou) de marchandises consommées
par des secteurs dits «en aval». Le secteur «en aval» peut être défini comme recevant des biens
et des services des secteurs «en amont» sans envoyer vers ceux-ci ses propres biens ou
services. "
1 GRELLET G. "Les structures économiques de l'Aliique Noire". I.ED.E.S., Collection Tiers-Monde, P. UF, 1982. Page
26

167
SCHEMA DE L'ECONOMIE A SENS UNIQUE
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Source: G. GRELLET. « les structures de l'Afiique NOlfe », I.E.O.E., Col1ectJon Tiers-Monde, P.U.f., 1982, p. 30.

168
Le prélèvement du surplus agricole n'est pas généralement réaffecté à l'investissement
agricole et même d'une manière générale à l'investissement productif. La faible restitution du
surproduit prélevé par l'Etat peut expliquer pour une partie la crise des économies notamment
de l'agriculture et le blocage de l'accumulation. 1
L'industrialisation s'est réalisée en A.S.S. au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale. C'est donc un phénomène récent qui voulait valoriser les ressources locales et les
substituer aux importations2
Les sociétés commerciales furent incitées à se convertir en
capital industriel grâce à des mesures protectionnistes L'investissement industriel conduit à une
croissance du secteur de l'ordre de 8% pendant la première décennie des indépendances, soit
un taux deux fois supérieur à la croissance moyenne de l'économie. L'industrie a sensiblement
progressé depuis 1965, en passant de 20 à 27% du P.I.B. vers 1980. Donc la croissance
industrielle a été forte sur une quinzaine d'années, de 1965 à 1980. La période suivante a vu
une quasi-stagnation de ce secteur. En effet, 1es fragilités du système industriel en AS.S furent
révélés avec la conjoncture défavorable des années quatre-vingt qui aboutirent à une
désindustrialisation dans un contexte de réduction de la protection, de privatisation, de
libéralisation et de baisse de la demande.
Le secteur industriel en AS.S est très dépendant en technologie, en capitaux et en
main-d'oeuvre. La faiblesse du tissu industriel et la quasi-absence des biens d'équipement
handicapent une véritable dynamique industrielle.
Les facteurs de dysfonctionnement industriels sont entre autres: l'environnement
international (caractérisé par la montée en puissance de nouveaux concurrents), les facteurs
macroéconomiques (contrainte de la demande, étroitesse des marchés, environnement
institutionnel défavorable, concurrence de l'informel et de la contrebande etc.), les problèmes
organisationnels et de gestion (mal investissement et surinvestissement, surendettement,
mauvaise utilisation des compétences etc.), les choix de politique économique (mauvaise
localisation de l'industrie, surdimensionnement, maîtrise technologique insuffisante etc.).
1 L'économie à sens Illlique doit être considérée comme un modèle théorique représentatif de nombreux pays africains, mais
qui possède des variantes importantes. En effet, il existe des économies qui effectuent un effort d'investissement dans les
secteurs productifs comme la Tan7-anie et le Ghana des années 1960. Ces pays consacrent une part de leur surplus à
l'aménagement et au développement des zones rurales l'Etat réinjectant une partie du produit qu'il tire des zones rurales.
Dans le cas de [a Tanzanie (depuis 1974) et du Ghana (entre 1960 et 1966), les taux d'investissement élevés qu'ils ont
consacrés à l'industrialisation ont été largement gaspillés du fait de la sous-utilisation de l'appareil productif. Des pays
miniers conune le Liberia, la Mauritartie ou le Zaïre ont consacré llile part importante de leurs revenus à des investissement
d'infrastructure
transports, électricité, aménagement portuaire etc. Mais ces investissements profitent surtout aux
compagnies minières qui ont peu d'effets d'entraînement sur Je reste de l'économie. Celle-ci reste donc largement à sens
Illlique.
2
T J De et HUGON Ph. "Les Tiers Nations en mal d'industrie". Editions Economica, Paris 1988.

169
L'Afrique a une part très faible dans la valeur manufacturière mondiale. Selon
I68
l'ÜNUDI
, la part de l'Afrique dans la valeur ajoutée mondiale (V AM) s'est établite à 0,80%
de 1960 à 1973 et à 0,90% entre 1974 et 1979. La production industrielle de l'Afrique au
Sud du Sahara est non seulement faible, elle connaît en plus un développement très lent. En
effet, tandis que les pays en voie de développement de 1975 à 1981 connaissaient un taux de
croissance dans l'industrie de près de 6%, les pays de l'ASS vont enregistrer des taux dans
l'industrie de 4,6% de 1975 à 1980, de 4% en 1980 et de -1,4% en 1981 avec le Nigeria.
Sans le Nigeria, ces chiffres deviennent respectivement 1,9%, 2,2% et 1,9%.169 Des taux de
croissance industrielle aussi faibles ne peuvent permettre de créer les bases matérielles
d'une accumulation du capital suffisante pour tirer la croissance économique.
La même étude de l'üNUDI fait ressortir que malgré leur faiblesse, les taux de
croissance industrielle des pays d'Afrique Noire de 1975 à 1980 (4,6%) sont supéIieures à la
moyenne mondiale (3,9%). Ceci prouve que l'industrie ainsi que les autres activités
économiques de pays d'Afrique Noire n'entre pas dans la crise dès 1974. La principale raison
de cette évolution est la flambée générale des cours des matières premières au lendemain de
la crise pétrolière de 1973. C'est donc au milieu des années 1970 que l'affaiblis.sement de
l'industrie va être décisif. Cet affaiblissement ira jusqu'à la croissance négative en 1981 (-
1,4%).
La croissance de la production industrielle est très faible en ASS, la valeur de cette
production, son importance relative sont également faibles. Cette industriell.~ générale
explique la faiblesse des exportations des biens manufacturés autant en volume que par
170
rapport aux autres exportations. Selon des rapports successifs de la Banque Mondiale
sur
le développement dans le monde, les exportations manufacturières ne dépassent dans les pays
d'ASS 10% des exportations totales qu'exceptionnellement.
La faiblesse de la production industrielle pose le problème de la satisfaction des
besoins en biens manufacturés et en biens industriels en général dans ces pays. La satisfaction
de ces besoins rend nécessaire une importation massive en provenance essentiellement des
pays industrialisés. Les importations manufacturières constituent
pour les économies
subsahariennes, la part la plus importante des importations globales. Comme nous le verrons
dans la partie consacrée à l'étude des impacts, ces importations ont constitué un moyen de
108
üNUDI, "L'industrie mondiale en 1980"
169
üNUDI, "L'industrie mondiale en 1980", p.139
170
Par exemple les "Rapports sur le développement dans le monde" de 1978 à ) 981.

170
transmission de l'inflation qUI a SUIVI les chocs pétroliers, des pays industrialisés vers les
économies d'ASS.
L'économie des pays subsahariens qui est très peu intégrée au marché mondial par les
exportations l'est par les importations de produits manufacturés ce qui la rend vulnérable aux
changements des conditions de production et aux mouvements de prix des pays industrialisés.
La faiblesse de ses exportations nous permet de dire que sa production industrielle est
destinée au marché intérieur. Si nous écartons l'hypothèse de développement de la sous-
traitance internationale en Afrique, nous pouvons dire que la production industrielle en
Afrique est liée au développement du marché intérieur. Cette caractéristique est l'une des
sources de blocage l'industrialisation des pays d'Afrique (étroitesse du marché etc.) et la
crise que traverse l'ASS a encore comprimé le marché intérieur, ce qui pose encore d'autres
barrières pour l'industrie.
La balkanisation de l'Afrique (fragmentation en 36 Etats de moms de 10 millions
d'habitants et 12 pays de moins d'un million d'habitants) est un facteur de dysfonctionnement
industriel. On constate une absence presque totale de moyens de communication entre ces
Etats, qu'il s'agisse de routes ou de chemins de fer etc... Un des résultats est la complication
du développement économique et social et l'impossibilité d'avoir une économie d'envergure
et compétitive. Cette situation laisse la place à la domination des sociétés multinationales. Les
Etats africains reflètent aujourd'hui l'image d'un "objet" au service des intérêts d'autrui. Ils
n'arrivent toujours pas à orienter l'action des puissances extérieures vers la réalisation de
leurs intérêts vitaux. C'est pourquoi les mythes fondateurs des collectivités publiques
africaines doivent être dépassés et l'accent mis sur l'unité du continent, afin que l'Afiique
s'éveille rapidement.
L'énergie et les mmes jouent un rôle prépondérant dans certaines économies
africaines. 171 Elles représentent deux tiers des exportations de l'Afrique Subsaharienne.
L'A.S.S. 172 demeure excédentaire d'un point de vue énergétique. Elle a en 1990 consommé
50 millions de tonnes équivalent-pétrole et a produit 127 millions de tonnes de pétrole (dont
104 pour le Nigeria). Mais cet excédent doit être placé dans le cadre de la consommation
énergétique de l'Afrique Subsaharienne. En effet, 90% de la consommation énergétique sont
des énergies dites traditionnel/es. Par ailleurs, cet excédent ne doit pas cacher le fait que
171
GIRl J. "L'Afique en panne Vingt-cinq ans de développement". Editions Karthala, Paris 1986
172
L'A.S.S. y compris les pays productew-s de pétrole (mais non compris l'Afrique du Sud dont la consommation
d'énergie qui se chitTre à plus de 87 millions de tep dépasse en 1990 celle du reste de toute l'A.S.S.).

171
dans les pays non producteurs de brut, les importations d'énergie sont passées de 7% à 28%
des exportations de marchandises entre 1965 et 1990
Le secteur tertiaire est le principal bénéficiaire des mesures de politique économique
et souvent en situation de monopole. Il accapare les progrès de productivité des secteurs
directement productifs. Sa part est de l'ordre de 40% du P.I.B. depuis les indépendances, soit
un pourcentage nettement supérieur à la moyenne des pays en développement alors que
l'emploi tertiaire passait entre 1960 et 1990, de 13% à 25% de la population active. Le
tableau suivant nous montre l'évolution de la valeur ajoutée par actif en A.S.S. (sans l'Afrique
du Sud).
Tableau: Evolution de la valeur ajoutée par actif en A.S.S.
PRIMAlRE
SECONDAIRE
TERTIAIRE
1965
1990
1965
1990
1965
1990
a) % Valeur aioutée
40
30
20
30
40
40
b) % DOPulat. active
79
68
8
7.5
13
24.5
c) Valeur ajoutée par
0.5
0.45
2.5
4.0
3.0
1.6
actif (aIb)
Source: P.N.V.O, Rapport sur le Développement Hwnam. New-York, 1990-1992.
La part des services dans le P.I.B. a peu évolué depuis 1965. Son niveau est
relativement élevé compte tenu de production des deux autres secteurs.
Concernant l'origine des déséquilibres économiques et financiers, trois facteurs sont
considérés comme essentiels par le F.M.I. : les déficits budgétaires, le laxisme dans la gestion
monétaire et l'appréciation du taux de change. Ces facteurs sont eux-mêmes liés à deux
caractéristiques principales : l'excès de la demande globale sur l'offre et l'existence de
mécanismes pervers de formation de prix. Selon ce modèle d'interprétation, le système de
formation des prix et des revenus est particulièrement aberrant dans les économies africaines,
puisqu'il ne reflète pas les raretés des biens et des facteurs de production sur le marché:
- Sur le marché du travail, le salaire institutionnel n'exprime pas la situation d'excédent de .
l'offre de main-d'oeuvre.
_ Sur le marché des biens, les prix distordus (à la suite de trop d'intervention ou de trop de
subvention) ne sont pas incitatifs pour le producteur, ils ne permettent pas de couvrir les
coùts réels de production des entreprises et de plus ils' sont trop favorables aux
consommateurs de produits importés (qui sont essentiellement des urbains) ..

172
- Sur les marchés des capitaux., le taux réel d'intérêt est négatif, ce qUi contrarie l'effort
d'épargne et contribue au contraire à la réaction d'une économie de crédit menaçant tout le
système financier.
- Sur le marché des changes,
la surévaluation de la monnaie nationale cree des
discriminations en surprotégeant les secteurs importateurs tournés vers la demande intérieure
et en pénalisant les secteurs d'exportation.
Nous allons procéder à l'analyse des différents modes d'accumulation en Afrique
Subsaharienne pour expliquer les éléments spécifiques de crise de chacun des régimes, mais
aussi pour dégager les éléments communs à la crise des économies subsahariennes.
PARAGRAPHE 2 : UNE ANALYSE DE LONG TERME DES FACfEURS DE CRISE
ENASS
Depuis la fin des années 70, les résultats économiques en Afrique au Sud du Sahara
sont médiocres. Pourtant de nombreux pays en voie de développement ont réussi à rétablir
des taux de croissance du revenu par tête pendant que l'Afrique Subsaharienne affichait des
taux de croissance négatifs. Pendant la période 1980-1991, sur 32 pays subsahariens
l73
énumérés dans le rapport sur le développement dans le monde de la Banque mondiale
, six
pays seulement affichaient un taux de croissance moyen du PIB égal ou supérieur à 1% et
dans onze pays, il était inférieur à -1 %.174 Même les pays relativement peu dynamiques
d'Asie ont des perfonnances bien supérieures à celles de la plupart des pays africains. Le
Bangladesh enregistre un taux de 2,1%, le Sri Lanka un taux de 2,5% pour la même
période. 175
Si cet échec s'explique en partie par des facteurs externes, il s'explique aussi par des
causes internes. Pour mieux comprendre l'atonie de la croissance dans la plupart des pays
d'ASS, nous allons faire l'étude des régimes d'accumulation. L'étude des différents régimes
d'accumulation des pays africains montre que dans ce domaine les choix post-coloniaux
n'ont pas été judicieux.
17)
Banque mondiale, Rapport sur le Développement dans I~ Monde, 1993.
114
Les exceptions sont les très petites économies de l'Ile Maurice et du Botswana dont les taux de croissance du PNB
par habitant se situent respectivement à 6,1% et 5,6%. Parmi les économies relativement importantes du continent, le
Burkina Faso (9,3 millions d'habitant en 1991, fait figure de champion avec un taux de croissance moyen du PIB de
1,2%. --
m
Dans cette région, les Philippines se singularisent avec une croissance moyenne du revenu négative pendant la
période considérée

173
Projet de développement national en ASS après les indépendances:
L'objectif des
politiques
de
développement
déployées
en
ASS
après
les
indépendances a été presque identique pour l'essentiel dans tous les pays subsahariens,
malgré les différences de discours idéologiques qui les ont accompagnées. En effet, il
s'agissait d'un projet nationaliste dont l'objectif était d'accélérer la modemisation et
l'enrichissement de la société pour son développement industriel. Tous les mouvements de
libération nationale en ASS ont partagé cette vision moderniste. Cela n'implique d'ailleurs
pas qu'ils aient été inspirés ou dirigés par une bourgeoisie au plein sens du terme. Celle-ci
n'existait pas à l'heure des indépendances. Mais l'idéologie de la modernisation exjstait.
Cette idéologie de la modernisation a constitué la forme dominante donnant un sens à
la révolte des peuples contre la colonisation. Elle était porteuse d'un projet de "capitalisme"
par la conception qu'elle se faisait de la modernisation, appelée à reproduire les rapports de
production et les rapports sociaux essentiels et propres au capitalisme: le rapport salarial, la
gestion de l'entreprise, l'urbanisation, l'éducation hiérarchisée, le concept de citoyenneté
nationale. 176 Mais ce capitalisme était sans capitaliste dans la mesure où l'Etat a été appelé à
pallier lui-même à l'absence de bourgeoisie locale d'entrepreneurs.
Dans le domaine politique, l'Afrique qui se partageait en 1960 entre deux blocs, le
groupe de Casablanca (rallié derrière Nasser, Nkrumah etc.) et le groupe d{~ Monrovia
constitué par les fidèles élèves de la France gaulliste et de l'Angleterre libérale (Côte d'Ivoire,
Kenya etc.). La création de l'Organisation de l'Unité Africaine (O.u.A.) en 1963 a permis de
sceller la réconciliation entre les groupes de Monrovia et de Casablanca. Ce rapprochement
créait les conditions nouvelles pour le déploiement du projet national de Bandoung en
Afrique. Tous les Etats de l'ASS s'y sont ralliés et sont devenus par là même, membres du
mouvement des "Non-Alignés", même lorsqu'ils restaient dans le giron des puissances
occidentales.
Ce projet de modernisation économique va se concrétiser de différentes manières
compte tenu des richesses et des potentialités naturelles des pays.
Nous allons procéder à une distinction des modalités de mise en place du projet de
Bandoung en ASS, en fonction des richesses naturelles des pays.
17~. Sans nul doute, d'autres caracténstiques du capitalisme évolué manquaient tels que la démocratie politique (presque
tous les pays subsahariens avaient opté pour la formule de parti unique), l'existence d'une bourgeOisie d'entrepreneurs
etc.

174
Mise en place du projet de Bandoung et crise en Afrique Subsaharienne :
Pour étudier les économies africaines à long terme, il est possible de distinguer
globalement quatre modalités de mise en place du projet de Bandoung : le mode agro-
exportateur, le mode minier, le mode à rente pétrolière et le mode en voie d'industrialisation.
Au régime d'accumulation (qui est le mode d'allocation des surplus assurant sur une
longue période, une certaine adéquation entre les conditions de production et de
consommation), correspondent des formes institutionnelles et des mécanismes concourant à
la reproduction de l'économie. L'économie politique doit chercher à comprendre la genèse de
la crise des dynamiques de croissance économique. Ceci passe par l'étude des régimes
d'accumulation définis comme étant les modalités concrètes d'accumulation du capital c'est-à-
dire l'évolution du processus de renouvellement des bases matérielles de production dans les
économies étudiées. L'étude des régimes d'accumulation nous permettra d'analyser les
blocages et les contraintes rencontrées dans ces économies.
La présentation des principales caractéristiques de ces modes d'accumulation pennet
de comprendre la dynamique de croissance en ASS dans les années 60 et 70 et son
épuisement dans les années 80.
I. Le mode agro-exportateur
Ces pays ont assis leur développement sur l'agriculture d'exportation (café, thé,
élevage, cacao, palmiste etc.). Le mode d'accumulation agro-exportateur concerne les
économies subsahariennes spécialisées dans les cultures de rente. Dans ces écononùes,
l'agriculture occupe une place prépondérante tant dans la création de richesses que dans
l'emploi total.

175
Tableau. Part cte 1'agncu ture dans l'em loi total et dans le PNB dans les oays agnrCXjXlrtateur (en 1979) en %.
P"}'!
Part dans l'emploi
Part dans le PNB
Tchad
85
70
Ethi<JPie
80
46
Burundi
84
55
Burkina Faso
83
38
Malawi
86
83
Rwanda
91
42
Bénin
46
43
Ouganda
83
nd
Ma~ascar
87
34
Source: Banque mondiale, Rapport 1981.
L'industrie est par ailleurs très peu développée dans ces pays et occupe une place
marginale.
La spécialisation dans les cultures de rente et la part élevée de ces cultures dans les
recettes d'exportation font que ces pays sont soumis à de fortes fluctuations conjioncturelles.
Exemple: Burundi 1979, café 92,8% ; Ouganda, 1979, café 97,8% ; Gambie, 1979, arachide
71,5% ; Burkina Faso, 1978, coton 55%; Malawi, 1979, tabac 55%. (Source: Cl'illCED).
Compte tenu de leur place dans l'économie internationale (faible part du marché
mondial), ces marchés subissent une intégration dominée et passive et ne peuvent pas
infléchir les évolutions des cours internationaux. Ces économies sont caractérisées par un
faible degré de cohérence interne et une large extraversion des structures productives qui
peuvent constituer un obstacle et bloquer le processus d'accumulation de capital.
La faible articulation entre l'agriculture et l'industrie se traduit par une faible
productivité agricole et par conséquent par la faiblesse du surplus agricole. Le secteur vivrier
de l'agriculture est destiné essentiellement à l'autoconsommation et les impératifs de maintien
d'une forte population paysanne dans les campagnes se traduisent par un système de prix
relatif qui assure tout au plus une reproduction à l'identique de l'agriculture. Dans cette
perspective, la crise du monde paysan dans ces économies n'est pas aussi profonde que dans
le reste des économies subsahariennes, ce qui entraîne le maintien d'une forte population
rurale et une faible urbanisation. Par ailleurs, la faiblesse des revenus paysans ne pennet pas
un développement de l'industrie dont l'essentiel de la production est destinée au milieu urbain
- Dans ces conditions, il est difficile d'envisager le développement d'une industrie d'import-

176
substitution tant que les efforts de modernisation de l'agriculture et du développement du
revenu paysan n'ont pas été envisagés.
Ces économies ont connu une relative stabilité dans les années 70. Au niveau interne,
l'Etat a joué un rôle important en matière de développement économique et social en
intervenant dans la mise en place des
infrastructures économiques et
sociales, du
développement industriel et du maintien du secteur exportateur en dépit de l'instabilité des
cours, par le biais des caisses de stabilisation des recettes. Dans ce contexte, les recettes
d'exportation et
l'aide étrangère ont
pennis à l'Etat de maintenir un niveau élevé
d'investissement, ce qui a entraîné un rythme soutenu de la croissance.
D'autre part, au niveau externe, les recettes d'exportation pennettaient à ces
économies d'assurer un déficit tolérable des échanges extérieurs et d'acquérir des in-puts
nécessaires à la première transformation des cultures d'exportation et des biens de
consommation.
Il apparaît donc clairement que la logique et la dynamique d'accumulation dans ces
économies sont détenninées par le secteur exportateur. Ainsi le revirement au début des
années 80 des cours des produits exportés par ces pays, s'est traduit automatiquement sur le
processus d'accumulation de ces économies, à travers la baisse de l'investissement productif
et la chute de la croissance économique.
Tableau: P
.
OUVOlf d' achat des exportatIons dans Quelques econonues agro-exportatnces
Pays
Pouvoir d'achat des exportations (1970= 100)
1975
1979
1986
Bénin
94
71
55
Burkina Faso
106
138
126
Burundi
40
95
129
Ethiopie
75
94
92
Gambie
142
ll9
100
Madagascar
85
76
56
Source: Banque mondiale.
La baisse des recettes d'exportation est liée à l'évolution des cours relatifs des cultures
d'exportation qui se traduit par une détérioration des termes de l'échange, à la concurrence
entre pays du Tiers-monqe et à l'éclatement des accords internationaux tels que J'accord sur
le café suite à ['émergence de nouveaux producteurs, au développement. de produits de
substitution dans les pays développés.

177
Ce modèle est en grave crise du fait de la conjonction des prix dégressifs des produits
de base et du problème de la dette extérieure.
Il. Le mode minier
Le mode d'accumulation minier concerne les économies subsahariennes spécialisées
dans l'exportation des matières premières minières non stratégiques. L'évolution de ces
économies dépend principalement des cours des matières premières , des stratégies des
firmes minières et des politiques de sécurité et d'accès aux matières premières. Ce mode
d'accumulation présente de fortes similitudes avec le mode agro-exportateur. La première
similitude concernant le poids écrasant de l'agriculture dans les économies minières et la
place marginale de l'industrie. La deuxième similitude est que ces économies sont par ailleurs
liées à l'exportation minière dans le total de leurs exportations. Elles sont donc fortement
dépendantes de l'évolution des cours des matières premières sur le marché mondial.
Part des exportations minières dans les exportations totales (en %):
Liberia 1979 fer 54,1
Niger 1979 uranium 63,9
Sierra Leone 1979 diamants 68,1
Zaïre 1979 cobalt 45,5
Zaïre 1979 cuivre 36,4
zambie 1979 cuivre 82,7
Togo 1978 phosphate 38,8
Source: CNUCED.
Ces économies minières sont caractérisées par une forte désarticulation des structures
productives et par la faiblesse du surplus dégagé pour la reproduction du procès
d'accumulation. Ces caractéristiques sont à l'origine d'une tendance permanente au blocage
de l'accumulation
dans
ces
économies.
Ces
économies
ont
une
structure dualiste
particulièrement accentuée 177 Le secteur minier générateur de devises et de recettes
budgétaires mobilise l'essentiel des investissements et permet de financer les importations Le
reste de l'économie est fondé sur un appareil de production précaire et fortement soutenu par
un système de redistribution. Le secteur minier n'exerce aucun effet d'entrainement sur
l'appareil productif locale Il est totalement lié au marché mondial, sa production est destinée à
177
HUGON Ph. "L'éconorrue de l'Afrique", La Découverte, 1993 p 92

178
l'exportation. L'industrie est très peu développée et orientée vers la fourniture de biens de
consommation finale pour le secteur urbain.
Contrairement aux économies agro-exportattrices, l'agriculture dans les économies
minières connaît une profonde crise dont les origines sont doubles : d'abord la faible
articulation entre l'agriculture et l'industrie ne permet pas à l'agriculture de se moderniser,
d'accroître le niveau de sa productivité et d'améliorer les revenus paysans ; ensuite les
stratégies de développement dans ces économies ont toujours favorisé à travers les
mécanismes de prix, un transfert important de surplus de l'agriculture vers l'industrie. Cela se
traduit par un affaiblissement des moyens nécessaires à la modernisation de l'agriculture et
une baisse de la production agricole.
Dans ces économies, les conséquences immédiates de la crise de la paysannerie sont
l'exode rural et une explosion urbaine ainsi qu'une accélération de l'importation de produits
alimentaires pesant sur le déficit externe.
L'accumulation dans ces économies a un caractère fortement dépendant de la
conjoncture internationale, cette tendance se manifeste clairement au tournant des années 80,
où le retournement des cours se traduit par une stagnation de la croissance et une forte chute
de l'investissement. On a aussi assisté à un accroissement important du déficit des paiements
extérieurs.
III. Le mode à rente pétrolière
Les
exportations
pétrolières
représentent
une
part
importante
des
recettes
d'exportation dans ces économies. Les pays concernés par ce mode d'accumulation (Angola.,
Congo, Gabon, Nigeria) ont des dynamiques spécifiques axées sur la création et la circulation
de rentes (poids élevé de l'Etat, taux d'investissement élevé et prédominance des firmes
internationales constituées en enclaves). Comme les économies minières, leur évolution
dépend principalement des cours internationaux, de la stratégie des firmes pétrolières
internationales etc.
L'économie étatique financée par la rente pétrolière est liée à une économie informelle
178
développée.
La faiblesse de l'agriculture et le poids du secteur tertiaire caractérisent ce
mode d'accumulation. Ce sont des économies ayant subi le dutch-desease. 179 Durant la
décennie 70, l'accrôissement rapide des prix du pétrole a entraîné une accélération de la
118
HUGON Ph. "L'économie de l'Afrique", La Découverte, 1993. p 92.
179
GERONIMl V, "Les économies pétrolIères du golfe de Guinée face aux chocs· apports el Iimiles des modèles du
syndrome hollandais", Thèse de Docloral en Sciences Economiques, Pans 10, 1992.

[79
croissance économique et de ['investissement. Cela a permis le développement de l'industrie
pétrochimique et d'une manière générale, une forte croissance industrielle.
Tableau: Tau.x de croissance de certains indicateurs économiques dans les économies exportatrices
de Detrole (1970-1987 en %)
Indicateur
Période
Taux
1970-1980
6,2
P.I.B.
1980-1984
-0,9
1984-1987
1,0
1970-1980
11,9
Investissement brut
1980-1984
-9,9
1984-1987
1,2
1970-1980
9,5
Consonunation publique
1980-1984
4,2
1984-1987
-2.9
1970-1980
5,1
Consommation privée
1980-1984
1,8
1984-1987
-0,7
1970-1980
5,3
Termes de l'échange
1980-1984
-3,9
1984-1987
-5,9
Source: Données de comptabilité nationale de la C.E.A
La dynamique industrielle amorcée dans ces économies et financée par la rente
pétrolière avait pour objectif la structuration d'un tissu industriel articulé diminuant ainsi la
dépendance vis-à-vis des recettes d'exportation. Ces économies cherchaient à travers un
effort d'industrialisation important, à développer les dynamiques internes afin d'assurer au
régime d'accumulation les bases de son autonomie. Cependant, contrairement à l'industrie,
l'agriculture n'a pas bénéficié de moyens financiers. Elle connaît une forte crise av,ec comme
conséquence un mouvement important d'exode ruraL Ainsi démunie des moyens financiers et
incapable de se moderniser sur la base du développement industriel, l'agriculture s'est
marginalisée. L'approfondissement de la crise de l'agriculture a entraîné un recours accru à
l'étranger pour satisfaire les besoins alimentaires de la population.
A la suite du contre-choc pétrolier, un certain nombre de contraintes sont venus peser
sur le procès d'accumulation (dépendance technologique et alimentaire vis-à-vis de l'étranger,
transformation importante de structures de consommation des
produits dt:: luxe et
accroissement de l'inadéquation entre production locale et besoin social etc.). L'ensemble de
ces contraintes ont entraîné un dysfonctionnement de l'équilibre externe d'où un recours
massif à l'endettement externe pour faire face aux déséquilibres des paiements externes

180
Tableau' Ratio du service de la dette en % .
Année
Congo
Gabon
Nigeria
1979
12,0
12,5
7.5
1986
38,4
lU
20,5
Source: Banque mondiale.
La crise de ce mode d'accumulation trouve son origine dans l'échec de la tentative de
diversification et de renforcement des structures industrielles et aussi à l'incapacité de
développer des rapports cohérents agriculture/ industrie de manière à satisfaire les besoins de
la population.
IV. Le mode en voie d'industrialisation
Ce mode d'accumulation concerne les économies qui ne sont pas de grosses
exportatrices de matières premières minières ou agricoles et qui ont relativement aux autres
économies africaines, connu une forte croissance industrielle dans les années 70. Ces
économies sont ouvertes sur l'extérieur et connaissent une stabilité. politique. Certains pays
~'Afrique Australe (Zimbabwe, Botswana) et de l'Océan Indien (Ile Maurice) peuvent être
présentées comme des économies industrielles ouvertes sur l'extérieur.
La stratégie industrielle adoptée par ces économies est une stratégie d'import-
substitution. Cependant, leur développement industriel fortement dépendant de l'étranger
(recours à l'étranger pour l'acquisition des éléments nécessaires à la mise en place du
processus productif et pour son financement).
La croissance industrielle dans ces économies dans les années 70 a été assurée par
trois principaux acteurs180 :
- le secteur de la petite et moyenne industrie, contrôlé par les nationaux et limité à l'artisanat
et aux ateliers de réparation,
- le secteur industriel détenu par les firmes transnationales.
Ce secteur qUI est le
prolongement direct des grandes maisons de commerce coloniales (à travers leurs filiales
productives sur place pour échapper à la protection douanière) est totalement extraverti dans
la mesure où il importe tous les inputs nécessaires à son processus productif et n'a pas
développé une politique d'intégration nationale
ISO
GRELLET G, "Les structures économiques de ('Afrique noire", PUT, 1982.

181
- le secteur d'Etat, qUI couvre la production d'énergie, le transport et quelques segments
d'industrie lourde..
Les économies ayant adopté ce mode d'accumulation ont pu maintenir un rythme de
croissance soutenue dans les années 70, malgré les contradictions propres à cette stratégie de
développement Cela a été possible grâce à la conjonction de mécanismes et d'enchaînements
de régulation particuliers (rôle important de l'Etat dans le développement industriel,
investissement direct opéré par les firmes transnationales, endettement et aide pour maintenir
la capacité d'importation des biens d'équipement et des produits alimentaires).
Tableau: Taux de croissance de certains indicateurs économiques dans les pays à mode
d'accumulation en voie d'industrialisation (1970-1987) en %.
Indicateur
Période
Taux
1970-1980
4,7
P.I.B.
1980-1984
0,0
1984-1987
1,7
1970-1980
8,8
Investissement brut
1980-1984
-8,2
1984-1987
1,8
1970-1980
7,5
Consommation publique
1980-1984
2,7
1984-1987
-0,9
1970-1980
3,8
Consommation privée
1980-1984
1,5
1984-1987
0,9
1970-1980
2,7
Termes de l'échange
1980-1984
-3,4
1984-1987
-2,6
Source: Données de comptabilité nationale de la C.EA
Dès la fin des années 70, les contradictions soulevées par ce régime d'accumulation
(crise de l'agriculture et de la paysannerie, faible articulation agriculture/ industrie, tissu
industriel désarticulé, recours massif à l'étranger, absence d'intégration nationale des activités
industrielles) sont devenus importantes et leur gestion de plus en plus difficile. L'ensemble de
ces contradictions ont entraîné le dysfonctionnement de l'équilibre externe et un recours plus
important à l'endettement international. Exemples Ratio du service de la dette/ exportation
des biens et services au Zimbabwe: 1979,4% ; 1986, 27,6% (source Banque mondiale).
La crise de ces modes d'accumulation réside dans un développement industriel
désarticulé dont les rythmes de croissance dépendent de l'extérieur. Le retournement de la
conjoncture internationale et le passage à une économie d'endettement international n'ont
joué qu'un rôle de catalyseur des contradictions internes de ces économies

182
D'une manière générale, la critique essentielle qu'on peut adresser aux responsables
africains depuis les indépendances jusqu'à maintenant, est de ne pas avoir, dans la plupart
des cas, changer les structures de production et de maintenir une spécialisation agricole ou
minière trop élevée. (A cela il faudra ajouter la persistance de l'exploitation du monde paysan
afin d'assurer la distribution des services à des minorités citadines). Cette structure de la
production expose largement ces économies aux chocs exogènes venant des marchés
extérieurs.
PARAGRAPHE 3 : MISE EN PLACE DE POLITIQUES AGRICOLES ET
INDUSTRIELLES INADAPTEES
1. Dans l'agriculture
L'agriculture est au coeur de l'économie en ASS. Elle fait vivre et travailler entre 60
et 80% de la population selon les pays et représente directement de 30 à 60% du PIB et la
majorité des exportations dans la plupart des pays. L'agriculture africaine n'a cependant pas
rempli les diverses fonctions que l'on pouvait atteindre d'elle. Trois facteurs expliquent cette
situation:
- la production exportable, après une période d'augmentation diminue. Les tennes de
l'échange se dégradent en longue période et l'Afrique perd des parts de marché;
- la production agricole s'effectue dans des conditions naturelles difficiles et cela au dépend
du milieu naturel qui s'appauvrit en terres fertiles, en pâturages et en forêts;
- les politiques agricoles mises en oeuvre depuis les indépendances se sont caractérisées par
le poids d'un secteur public inefficace et d'un système de prélèvement et d'allocation de
ressources financières pénalisant le monde rural et décourageant les producteurs locaux.
Les politiques agricoles ont été inefficaces. Au moment des indépendances, le
dispositif de la traite coloniale a été transféré aux nouveaux pouvoirs politiques et
administratifs qui en ont conservé les mécanismes fondamentaux: fixation des prix aux
producteurs, contrôle de la distribution des intrants, du crédit agricole et de la collecte des
produits. L'emprise de l'état s'est accrue avec la création des organismes d'encadrement et
de vulgarisation, des offices de commercialisation et des caisses de stabilisation. A la fin des
années 80, l'Etat se réservait encore dans plus de 30 pays africains, le contrôle de l'achat et
de la distribution des engrais, des semences, du matériel agricole.

183
Les prix à la production et à la consommation étaient réglementés presque dans tous
les pays, par des Etats qui théoriquement cherchaient à encourager les productions vivrières
et assurer l'approvisionnement réguliers des villes. Cet arsenal de moyens produitt des effets
souvent divergents des objectifs poursuivis car la rationalité des comportements, des
producteurs n'était pas prise en compte. 18l
Les politiques étatiques des pays africains ont montré leurs limites à cause des deux
facteurs essentiels: la politique des prix des produits agricoles (dont le rôle a été néfaste sur
l'offre de produits agricoles) et l'influence des mécanismes de commercialisation.
(L La politique des prix
En partant de la thèse traditionnelle selon laquelle l'offre agricole réagit toujours
favorablement aux hausses des prix de vente, de nombreux économistes ont soutenu l'idée
selon laquelle la politique de prix inadéquate menée par les Etats subsahariens dans les
années 70 était la cause majeure des faibles perfonnances de l'agriculture. A l'opposé de
cette thèse traditionnelle, d'autres diront qu'une réaction positive de l'offre face aux hausses
des prix agricoles si elle se vérifie dans les pays développés, n'est pas automatiquement
vérifiée dans les pays africains. Selon eux, l'agriculture africaine a un objectif de revenu
minimum, par conséquent, si le prix s'accroît, la production d'une plus faible quantité suffira
à fournir le revenu requis. Il y aurait dans ce cas relation négative entre le prix et l'offre
commercialisée.
Un grand nombre de tests ont été réalisés pour voir la réponse de l'offre (mesurée
soit par l'accroissement des superficies cultivées, soit par la hausse de la production, soit
encore par l'augmentation des rendements) suite à une augmentation des prix. Ces tests182
réalisés pour les principaux produits de rente donnent des élasticités de l'offre en général
positives, mais faibles, presque toujours inférieurs à 1.
Dans le domaine de la réaction de l'offre face à une augmentation des prix, l'étude de
M. Bond 183 reste encore une des références principales. Cette étude qui porte sur neuf pays,
181
JACQUEMOT P. et M. RAFFINOT "La nouvelle politique économique en Afrique" Edicef 1993, p. 68
182 A propos des résultats des tests voir:
- ASKARI H., " Estimating agriculture supply response with the Nerlove Model, a Survey". InternatIOnal
Economie Review,
vol. 18, n02, juin 1977.
- CHIBBER A., "croissance de la production agricole: incidence des prix et des autres facteurs", Finance et
Développement. vol 25, n02 : 198lt
_
- HELLEINER G. K., "Small Holder Decision Making : Tropical African Evidence", in REYNOLDS L. G.
cd. «Agriculture in Development Theol)'}), New Haven. Ed. Yale University Press, 1975.
183 BOND M., " Agricultural Responses to priees in Subsaharan Africa contries", IMF, Staff Papcrs, vol 30.
1983.

184
montre que la modification des termes de l'échange en faveur de l'agriculture suscite une
augmentation de la production globale, toutes choses égales par ail1eurs. Les élasticités sont
toujours positives et plus fortes à long terme (0,21 en moyenne) qu'à court terme (0,18 en
moyenne).
Les interrogations sur l'influence des pnx concernent également la substituabilité
entre productions consommées localement et produits exportables. A ce niveau pour qu'il y
ait remplacement de la production, il faut que la modification de niveau des prix relatifs soit
significative car la substitution entraîne un coût. Il faut que la modification des prix relatifs
soit aussi suffisamment durable pour qu'un changement d'organisation dans les systèmes
culturaux vail1e la peine d'être engagé. Selon les régions et les produits, les résultats sont
différents. Par exemple au Sénégal la substitution se fait entre céréales et arachide; tandis
qu'au Mali il y a complémentarité entre coton et maïs en zone CMDT, puisqu'on observe un
évolution commune des deux produits qui tient à l'efficacité conjointe de l'engrais et de
l'utilisation des techniques plus performantes.
Plusieurs indices portent à croire dans certains cas que le véritable déterminant de
l'offre agricole n'est pas le niveau du prix de cession des produits, mais plutôt celui des
intrants (engrais, semences, pesticides).
Selon J.-M. Fontaine184 , a propos du Kenya et de la Tanzanie, « l'élasticité-prix de la
demande d'engrais est plus forte que cel1e de l'offre de production et une baisse du prix des
engrais entraîne une augmentation relative de leur consommation supérieure à l'augmentation
qu'une même hausse du prix des produits exercerait sur la production» . Toujours selon le
même auteur, l'élasticité-prix de la demande de fertilisant serait le double de l'élasticité-prix
de l'offre. Les conséquences de cette observation sont importantes, car comme le rendement
de l'engrais serait élevé tout en ne représentant qu'une part modeste dans le coût
d'exploitation, le schéma en faveur de la subvention des engrais serait plus efficace. Donc la
réduction brutale des subventions aux intrants des politiques d'ajustement structurel au nom
de la vérité des prix, peut avoir des effets négatifs sur le comportement des agriculteurs,
même si en retour, les prix agricoles sont augmentés. Il s'ensuit une décroissance de la
productivité qui sera aggravé quand la régénération du niveau de fertilité des sols par des
phénomènes naturels n'est pas assurée.
b. Les politiques de commercialisation
184
FONTAINE J.-M. "Les projets de libéralisation des agricultures africaines, un point de vue critique
appuyé par les cas kenyan et tanzanien" Economie el Socielé, n° 7, 1987. p.194.

185
La politique d'intervention de l'Etat sur les marchés engendre souvent des effets
pervers Elle génère des marchés parallèles qui diluent l'influence des prix officiels.
On attribue généralement l'existence des politiques d'encadrement du monde rural au « biais
urbain» des appareils d'Etat locaux l85 Ces Etats ont tiré une importante part de leurs
ressources des marges de commercialisation et des mécanismes de stabilisation sans retour
équivalent aux producteurs ruraux et avec le souci politique de ne pas se confronter aux
couches urbaines qui comptent le plus politiquement. R. Bates 186 a montré qu'en Afrique, les
politiques de prix, de change ou d'impôts sont fondamentalement défavorables aux
agriculteurs, car elles sont dictées par des gouvernements qui se soucient de leurs clientèles
urbaines et de fonctionnaires. Ils versent donc à ces clientèles des subvenions financées par
les prélèvement sur les ruraux .. 187
En ASS, des caisses de stabilisation et de soutien des prix des produits a.gricoles ont
été créées avec pour principal objectif de pennettre d'éviter les répercussions négatives des
fluctuations des cours mondiaux sur les producteurs nationaux l88 . Ces caisses assurent la
commercialisation des produits et passent des accords avec des sociétés d'exportation. Elles
garantissent un prix FOB 189 reflétant le coût réel du produit jusqu'à l'embarquement plus une
marge. Si le prix pratiqué sur le marché international est supérieur à celui-ci, la caisse retient
la différence. Dans le cas contraire, elle soutient le prix au producteur.
Certains se sont posé la question de savoir si les caisses de stabilisation étaient des
institutions prédatrices ou régulatrices ? Les caisses de stabilisation des prix des produits de
base, instituées dans les pays de la zone franc sous la colonisation, afin de régulariser les
revenus versés aux producteurs sont associés, lorsqu'elles disposent d'excédent aux
financements nationaux par le biais de versements effectués au profit des Trésors. 190
En ASS, il y a une grande variété de situations à la fois par pays et par produits. Mais
en règle générale, les prix d'achat au producteur sont plus élevés dans les pays riches
(Kenya... ) que dans les pays les plus pauvres (Bénin, R.C.A, Mali, Tchad, Burkina etc.). A ce
phénomène, on pourrait avancer l'explication selon laquelle les pays les plus démunis aux
185 Concernant l'abondante, littérature sur le biais urbain, on peut consulter LIPTON M ; "Why Poor People
Stay Poor, Urban Biais in Development ", Londres, Ed. Smith Temple Smith, 1977.
186 BATES R.. "Markets and States in Tropical Africa, the political basis of Agricultural Policies". Berkeley,
Ed. University of Califomia Press, 1981.
187
Rares sont les cas en Afrique où les agricuJteurs constituent un groupe de pression efficace et un contre-
~uvoir face àla discrimination dont ils sont souvent victimes.
.
88
Sur le fonctIOnnement {}es caiSseS de stabilisatIOn, VOlT GRELLET 1982, op. Clt
189 Ce prix FOResl obtenu en ajoutanl au prix mirumurn garanti aux producleurs les frais (de ramassag,e, d'entrepâl, de
manutention, de transport, de camionnage_à quai), les commissions de transit, les droits de douane, les fraiS de PO~ el les
frais d'enlèvement
190 GERARDIN Hubert "La zone l'ranc Tome 2, la dynamique de l'inlégration monétaire et ses contrainlcs", l'Harmattan,
1994. P 132

186
besoins budgétaires incompressibles peuvent être incités à effectuer le maxImum de
prélèvements sur leur agriculture, enclenchant par là même le déclin de leur principal source
de revenu.
La différence entre le prix d'achat au producteur et le prix de vente sur le marché
mondial est souvent considérable. Mais ces prélèvements ne suffisent pas à expliquer le degré
d'exploitation du paysan africain: D'autres causes existent (marges de profit monopolistique
des organismes de commercialisation étatique, surévaluation des monnaies qui réduit les
recettes d'exportation, impôts per capita élevés sur le monde rural etc.).
Le type de valorisation (paysan-intermédiaire-marché mondial) constitue une des
caractéristiques des économies à sens unique que nous verrons plus tard. Les prix dans les
économies industrielles (fondées sur l'interdépendance entre secteurs) sont déterminés
simultanément aux flux de marchandises, comme l'enseigne la théorie économique de
l'équilibre général. Quand cette interdépendance entre secteurs n'existe pas comme en
Afrique au Sud du Sahara, les prix deviennent imposés soit par le marché mondial, soit par le
pouvoir administratif Or ces prix imposés ne reflètent ni les besoins, ni les difficultés de la
production interne propre au pays. Il s'ensuit un profond déséquilibre de l'économie qui ne
possède que de faux signaux pour orienter sa production.
Dans
un
autre
registre
mais
concernant
toujours
l'agriculture,
le
manque
d'infrastructure empêche l'offre agricole de réagir aux incitations de prix. Afin d'assurer le
bon fonctionnement des marchés, il y a un besoin évident d'infrastructures physiques (routes,
pistes rurales, moyens de transport, énergie... ) et institutionnelles (infonnation, vulgarisation,
crédit, recherche... ). L'influence des facteurs d'organisation a souvent tendance à être bien
plus élevée que celle des prix dans les pays où l'infrastructure est rudimentaire, où les
marchés sont déficients et où les organismes d'appui sont inexistants. L'évolution de la
production à moyen et long terme dépend alors très largement de l'application de politiques
d'appui à l'agriculture, complémentaires à celles prix (crédit, disponibilité en intrants,
services sociaux et d'infrastructures de transport). Une baisse des dépenses publiques dans le
cadre des politiques de rigueur budgétaires des programmes d'ajustement, ou la suppression
des offices d'approvisionnement et des services s'ils ne sont pas remplacés par des services
privés équivalents peuvent être dommageables et empêcher l'offre agricole de réagir à des
incitations par les prix. C'est une critique que l'on peut retenir à l'encontre des PSAS.
Il. Dans l'industrie

187
La structure sectorielle de l'industrie en ASS au début des années 80 reflétait les
choix politiques adoptées par les pouvoirs publics au moment des indépendances C'est ainsi
que presque dans tous les pays, les industries agro-alimentaires arrivent en tète (avec 30% du
chiffre d'affaires de l'ensemble des industries), viennent ensuite les industries du textile-
habillement.
Le développement industriel en ASS a été inégal suivant les pays, et dans le mème
pays il y a de fortes disparités entre les régions. Une forte proportion des activités
industrielles se réalise dans quelques villes. L'industrie en ASS est faiblement intégrée à
l'exception de quelques filières dont l'agro-alimentaire.
Les industries industrialisantes
(industrie mécanique,
chimiques,
matériaux
de
,
construction etc.) sont peu valorisées en ASS. Elles font moins de 10% de l'activité de
production. Elles ne représentent qu'une faible part du chiffre d'affaires de l'industrie.
Les industries métallurgiques et électriques sont composées d'unités fabriquant des ouvrages
en métal, de la chaudronnerie, de la mécanique de précision. C'est un secteur qui exporte
peu, et il importe beaucoup, dans la mesure où les entreprises locales n'offrent pas tous les
produits et sont peu compétitives sur certains produits. C'est un secteur qui ne fabrique
presque pas de biens d'équipement, ce qui oblige les industriels locaux à recourir aux
importations.
Les industries chimiques : L'activité de secteur est concentrée. L'activité des
entreprises opérant dans ce secteur couvre le raffinage de pétrole, la fabrication d'engrais, la
savonnerie, la peinture, la parfumerie, la transformation des matières plastiques, les
insecticides etc.
Beaucoup de pays n'ont pas de raffinerie. Et dans l'ensemble, les pays non
producteurs de pétrole importent beaucoup de produits pétroliers (pays raffineurs y compris).
La construction mécanique de matériel de transport: elle concerne la construction navale, le
montage de véhicules, la fabrication de cycles et motocycles et la réparation de matériel de
transport. Toutes ces activités dépendent fortement de l'importation des intrants.
La chimie de biens de consommation: concerne la peinture, le vernis, les laques etc.
Ces activités sont étroitement liées à celles du bâtiment. Le secteur de la cosmétique et de la
parfumerie (parfums, dentifrice, vernis à ongle, shampooing, pommade) couvre une grande
partie des besoins nationaux. L'industrie agro-alimentaire: valorise les ressources agricoles
et regroupe l'horticulture industrielle, ['élevage industrielle, l'usinage du riz, dti coton, du .

188
sucre, du tabac, la production d'oléagineux etc. Son chiffre d'affaires représente plus de 30%
du chiffre d'affaires total de l'industrie.
Le problème de la désindustrialisation en Afrique Subsaharienne a fait l'objet
d'appréciations contradictoires de la part des économistes orthodoxes et hétérodoxes.
Tyboue 91 a évalué les perfonnances du secteur manufacturier dans \\ 5 pays en voie de
développement (d'Afrique au Sud du Sahara, d'Asie, d'Amérique Latine, du Moyen-Orient
et d'Afrique du Nord). Il est arrivé aux conclusions suivantes pour les pays subsahariens :
- Ce sont les industries africaines qui sont les moins protégées contre les fluctuations macro-
économiques. Pour le démontrer, il s'est basé sur la relation entre la croissance du pm et
celle de l'industrie.
- En se fondant sur le concept d'un degré" normal" d'industrialisation défini comme la
différence entre le taux de croissance du pm et celui du secteur manufacturier, et en partant
du principe que la croissance du secteur industriel est plus rapide que celle du pm dans les
PVD, il conclut qu'aucun élément probant ne permet de dire que les pays qui ont bénéficié
d'un prêt à l'ajustement ont connu une industrialisation plus rapide en ASS.
- Il conclut que l' ASS a connu une désindustrialisation accélérée, puisque le secteur
manufacturier s'est contracté plus rapidement que le pm.
Constatant qu'entre 1980 et 1987, le taux de croissance de l'industrie a été inférieur à
2% dans 19 pays subsahariens ainsi que pour l' ASS dans son ensemble (-1,2% en moyenne
pour l'ASS), Stewart l92 arrive lui aussi à la conclusion que les années 80 ont été marquées
par une désindustrialisation dans les pays d'Afrique Subsaharienne. Pour la Banque
193
mondiale
,
le phénomène de désindustrialisation serait imputable à la mollesse de
l'ajustement, plus qu'à d'autres facteurs. Nous reviendrons sur ces débats dans l'évaluation
des politiques économiques mises en place en ASS à partir des années 80.
Après les indépendances, la stratégie d'industrialisation a été mise au centre de la
planification économique des Etats subsahariens. Le but était de garantir l'autonomie de
l'économie nationale par la création d'une capacité industrielle de substitution aux
importations et la transfonnation pour l'exportation des produits agricoles et miniers. Cette
191
TYBOlIT J.R., "Industrial Perfonnance : Sorne Stylized Facts", in THOMAS V., A. CHIBBER, M.
DAILAMI and J. de MELO, dir de pub; « Restructuring Economies in Distress : Policy Reform and the
World Bank », Oxford University Press, New York, 1991.
192
STEWART F. "Short-Term Policies for Long-Tenn DeveIoprnenl", in G.A. CORNIA, R. Van der
HOEVEN and T. MKANDAWIRE, dir Pub « Africa's Recovery in the 1990's : From Stagnation and
Adjustment to Human Developrnent », ST ManiIù Press, New-York, 1992.
193
World Bank ,"Adjustment in Africa : Reforms, Results and the Road Ahead", Oxford University Press,
New York, 1994.

189
stratégie industrielle adoptée progressivement a montré ses limites à partir des années 70.
Elle a été profondément remise en cause dans les années 80.
La problématique de l'industrialisation en ASS se pose aujourd'hui dans un contexte
différent, qui est celui de la mondialisation des économiques, des mutations technologiques
rapides et des politiques de désengagement de l'Etat. La prise en compte de ces facteurs
appelle en conséquence une nouvelle politique industrielle. Un des aspects de cette nouvelle
politique industrielle est la libéralisation dont les vertus sont mises en avant partout, et
presque tous les pays ont lancé des réformes dans ce sens avec l'appui des institutions de
Bretton-Woods. Cependant ces reformes sont entreprises dans un contexte d'instabilité
économique interne et externe, cela rend précaire leurs résultats et incertaine leur portée sur
la reprise économique, comme nous aurons l'occasion de le voir dans la partie consacrée à
l'impact des politiques économiques sur l'ASS.
a. La remise en cause du paradigme industriel en ASS
Selon les théories dominantes en matière de développement dans les années 60,
l'industrie devait avoir une fonction centrale dans le modèle d'accumulation. Elle devait en
effet assurer la transformation de la production agricole et minière, fournir aux agriculteurs
les intrants et le matériel dont ils avaient besoin, employer une main-d'oeuvre excédentaire
libérée par l'accroissement de la productivité dans le monde rural, générer des économies de
devises etc. Les biens d'équipement importés nécessaires à l'industrie devraient trouver leur
financement dans l'exportation des produits agricoles et miniers.
Théoriquement, le
raisonnement était cohérent, mais dans la pratique, cet enchaînement vertueux n'a pas pu
s'enclencher.
Les raisons sont peut être à chercher du côté de la stratégie industrielle.
Traditionnellement, une stratégie repose sur trois éléments : la protection des industries
naissantes, l'intégration des activités pour valoriser les économies externes et la planjfication.
a) La théorie des industries naissantes repose essentiellement sur l'idée qu'une
protection est justifiée lorsqu'une industrie nouvelle a de fortes potentialités en économie
d'échelle et en effet d'induction sur les autres secteurs. Ces avantages virtuels (pour la
branche concernée et pour toute l'économie nationale) doivent être pris en compte en
dynamique, ils se traduiront-ultérieurement par une baisse des coûts marginaux de Cind.ustrie
bénéfique à tous. Dans ce contexte, il est donc normal que les coûts initiaux (à court terme)

190
soient pris en charge par la collectivité soit sous la forme d'une subvention, soit sous la forme
d'un droit de porte. Cette prise en charge par la collectivité doit continuer jusqu'au moment
où les coûts marginaux de l'unité baisseront pour atteindre le coût social marginal (fin de la
subvention), soit le prix de référence international (fin du droit de porte de protection). C'est
ainsi que le système d'incitations industrielles par le protectionnisme "éducateur" trouvent
leur légitimité théorique. En fait, le débat en ASS concerne surtout l'efficacité du tarif
douanier. Quels sont les incidences du tarif douanier ? Le droit de douane introduit une
distorsion dans la répartition des revenus. Sous des conditions de bonne utilisation des gains,
sa justification tient à deux éléments : la protection est transitoire, elle permet d'accroître la
production jusqu'au moment où elle devient inutile, elle permet un prélèvement fiscal dont le
produit pourra être utilisé à des fins de développement.
b) Pour les partisans de la priorité accordée à l'industrialisation, leur analyse
privilégient surtout le jeu des économies d'échelle et des économies externes. C'est ainsi que
Hirschman 194 distingue deux types d'investissement:
- les investissements qui concernent les activités directement productrices (ADP) pour
lesquels le critère de choix est celui de la rentabilité micro-économique et,
- les investissements qui concernent les infrastructures économiques et sociales (IES) qui
conditionnent
le
développement
en
créant
l'envirormement
approprié
à
l'essor
de
l'investissement productif.
Le critère de choix entre ces deux grands types d'investissement est celui de la
productivité marginale sociale: il faut répartir le fonds d'investissement entre les ADP et les
IES de façon à dégager le maximum d'emplois et de valeur ajoutée au moindre coût. Un
raisonnement "méso-éconornique" et dynamique invite à mettre l'accent sur les phénomènes
de complémentarité. Si les ressources d'investissement sont rares (ce qui est en général le
cas), il faut opter pour les projets dans les secteurs à forts effets inducteurs et pour les
industries motrices c'est-à-dire des unités jeunes, dynamiques, distribuant de hauts revenus,
induisant des activités complémentaires d'échange, de financement ou de revenus, et ayant la
possibilité de vendre à des prix compétitifs. La concentration de l'effort d'investissement peut
être également spatiale autour de pôles de croissance.
On distingue trois types d'induction :
194
HIRSCHMAN Alfred 0 "La stratégie du déveoppement économique", Paris, Editions Ouvrières, 1964.

191
- les effets de liaison vers l'amont, qui sont le résultat d'une demande supplémentajre émanant
des secteurs de consommation, résultant d'un besoin d'approvisionnement
- les effets de liaison vers l'aval, qui surviennent avec l'extension de la capacité de production
des biens produisant des intrants et avec l'apparition d'un débouché
- les effets "boomerang" et les remontées de filière. Les effets de liaison vers l'aval, s'ils se
produisent, engendrent un accroissement de la demande des secteurs en aval vers l'amont
(effet de liaison vers l'amont) ; et inversement, d'où un processus en chaîne ou en spirale,
jouant de manière interactive.
En vertu de cette approche, la croissance ne peut donc se réaliser qu'à travers une
série de déséquilibre successifs dans l'évolution des différents secteurs. Avoir des tensions,
des disproportions conduisent à réduire les goulets d'étranglement, à mobiliser les gisements
d'épargne et l'esprit d'initiative puis, si nécessaire, changer de direction. 195 Les industrialistes
sont favorables pour l'investissement en saccades, par blocs ou grappes de projets, que par
dispersion des efforts.
Pour en revenir aux raisons de l'échec de la stratégie industrielle en ASS, on peut dire
que dans le contexte afiicain, la mise en oeuvre d'une stratégie reposant sur les thèses
précédentes (protection des industries naissantes dans leur enfance, l'intégration des activités
pour valoriser les économies externes et planification), soulève trois problèmes structurels
fondamentaux :
- On a demandé à l'agriculture plusieurs rôles qu'elle ne peut parfaitement remplir en même
temps. On lui demande par exemple d'être une réserve de force de travail temporairement
contenue en zone rurale en attendant le développement des branches légères à fort coefficient
d'emploi, on lui demande d'être aussi un débouché local pour certains produits industriels
(alors que concrètement on ne favorise pas l'accroissement du pouvoir d'achat des ruraux),
on veut aussi qu'elle soit une source d'accumulation additionnelle par l'accroisslement de sa
productivité.
- Les incidences des choix technologiques sont nombreuses. Les industries qui doivent servir
de moteur sont de grandes tailles et exigent donc des débouchés plus importants. Elles
supposent en outre de longs délais d'apprentissage et de maturation.
- La conversion de la rente d'exportation tirée de l'agriculture, des mmes et des
hydrocarbures est au coeur du modèle. Cette rente n'est pas stable acause des fluctuations de
195
JACQUEMOT P cl M. RAFFINÜT, "La nouvelle politique économique en Afrique" EDICEF /
AUPELF,1993.

192
pnx internationaux, elle n'a pas été toujours effectivement mobilisée pour une fraction
conséquente à l'achat de biens d'équipement et non de biens de consommation.
b. Rappel historique de l'industrialisation africaine et l'organisation d'une
nouvelle économie industrielle
La désillusion de l'industrialisation africaine est grande surtout si on compare les
résultats modestes à ce que les théories volontaristes faisaient espérer. Nous allons faire un
bref rappel historique de trois décennies passées avant de parler de la nouvelle politique
industrielle possible en ASS. I96
Les années 60 :
Inspirées par les approches volontaristes, l'intervention de l'Etat a été permanente
dans le domaine industriel, pendant les années 60 et 70. Les raisons essentielles de cette
intervention étatique étaient que:
- les retards et handicaps étaient élevés et on ne pouvait s'engager dans la VOle de
l'industrialisation qu'au prix d'un effort conscient, massif et dirigé;
- la mise en oeuvre de grands projets technologiques vecteurs d'indépendance, était
prioritaire;
- l'organisation spatiale de la concentration d'industries autour de quelques pôles de
croissance géograplùques et sectoriels, vecteurs de la croissance en économie ouverte.
Les instruments de cette politique d'intervention de l'Etat était la nationalisation des
industries stratégiques, la planification globale et sectorielle, et l'organisation bancaire au
service de l'industrie. Devant l'insuffisance de l'investissement privé et face à la nécessité de
mobiliser les gisements de productivité et d'économie de devises autour des pôles de
croissance (en amont, les industries de base : sidérurgie, cimenterie, électricité, chimie ; en
aval, les industries de valorisation des produits du cru pour l'exportation et le marché local),
l'extension du secteur public est alors apparue comme l'axe essentiel de la politique.
Pourtant l'industrie afiicaine a eu un bon taux de croissance pendant la décennie des
indépendances. Elle a progressé de 10% entre 1965 et 1973, selon les calculs de la Banque
197
mondiale.
La première vague de substitution aux importations a été vigoureuse.
Les annees 70 :
196
Les politiques économiques mises en oeuvre après les années 80 et leurs impacts sur l'industrie sont
traitées dans la deuxième partie de ce travail.
197
Banque mondiale, "L'Afrique subsaharienne, de la crise à une croissance durable", 1989.

193
Ces années révélèrent la déception dans l'espoir placé dans la grande industrie et dans
les pôles industriels.
On dénonce
les gros investissements inadaptés.
Qu'il s'agisse
d'ensembles
sidérurgiques et
chimiques
ou
de
complexes mécaniques,
ces grandes
réalisations n'ont pas réussi à faire la preuve de leur capacité d'impulsion de la croissance. En
même temps, on se rend compte qu'il ne suffit pas de remplacer les biens importés par les
produits locaux pour garantir l'indépendance économique et l'efficacité technique. Les
industries de substitution sont restés fortement tributaires des importations d'intrants, de
pièces détachées et d'équipements. Les liens de l'industrie avec l'économie locale sont
limités aux matières premières, alors que les pièces détachées, les biens intermédiaires et les
services techniques de conseil ainsi que les technologies ont continué d'être largement
importés. La vulnérabilité de cette stratégie d'industrialisation a été mise en évidence avec
l'effondrement
des cours des produits de base (et l'amenuisement des
rentes),
et
l'augmentation des coûts de l'énergie.
Les années 80 :
Par suite de la trop forte
dépendance aux intrants importés,
en raIson du
surdimensionnement des unités et de leur inadaptation aux évolutions technologiques et des
marchés et de la politique d'endettement, le secteur industriel a presque partout régressé en
ASS. Les années 80 ont été déclarées Décennie du développement industriel en Afrique par
l'ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel) et la
Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique (C.E.A.).
Certains pays ont eu des résultats importants pendant la première partie de la
décennie 80 : Cameroun 8,5% de taux de croissance par an entre 1980 et 1987, le Congo
9,7%, la Côte d'Ivoire 8,2%, Maurice 10,9%. Le Kenya et le Zimbabwe sont parvenus à
maintenir un flux positif d'investissements étrangers. Ils disposent aussi d'une industrie
fortement diversifiée (industrie alimentaire, métallurgie, chimie, pétrole, textile etc.). Le
Zimbabwe (Ex - Rhodésie dont l'industrie est dominée par quelques grandes entreprises),
peut fabriquer actuellement une gamme de plus de 6000 produits industriels, à des coûts
compétitifs.
Après trois décennies, mis à part quelques cas de réussite (Maurice, Zimbabwe etc),
la situation de l'industrie en ASS est difficile: la plupart des unités manufacturières restent
isolées des marchés internationaux, elles ont des prix de revient élevés et la productivité
demeure faible Le manque_d'entretien et de pièces détachées entraîne la dégradé;l.tion des
installations.

194
Avec la contraction de la demande intérieure par suite des programmes de
stabilisation et d'ajustement structurel, on a assisté dans de nombreux pays à un processus de
désindustrialisation caractérisée par une baisse des indices de la production manufacturière.
En moyenne, la part de l'industrie dans le pœ en ASS est passée de 18% en 1965 à 38% en
1980, pour retomber à 28% en 1987. 198 Le Bénin, le Ghana, le Liberia, Madagascar, Le
Mozambique, la Tanzanie, le Togo et le Zaïre figurent parmi les pays les plus touchés.
L'organisation d'une nouvelle économie industrielle en ASS :
Pourquoi
l'organisation
d'une
nouvelle politique
industrielle en
ASS
?
Le
développement industriel est un élément essentiel d'une croissance durable, parce qu'il
permet de diversifier la structure des exportations et que les activités industrielles peuvent
donner naissance à des extemalités positives qui favorisent la propagation de la croissance.
Mais partout dans le contexte africain, il est difficile d'aborder la question de l'organisation
d'une nouvelle politique industrielle, en raison des erreurs conunises pendant les trois
décennies.
Après avoir parlé de certains problèmes de l'industrie en ASS, il est clair que l'enjeu
pour l'Afrique est comment renforcer la compétitivité des entreprises dans un monde où la
concurrence est exacerbée?
Cette question soulève des problèmes au niveau de l'organisation, de la maîtrise de la
technologie et des modalités d'association avec les apports extérieurs.
Dès l'instant où les produits d'origine locale sont mis en concurrence sur les marchés
intérieurs avec des produits étrangers, on ne peut plus éviter la question de la compétitivité.
Avec la libéralisation et l'ouverture des frontières, la compétitivité est désormais devenue
l'élément essentiel de l'évaluation des systèmes de production.
Les études consacrées à l'analyse de la compétitivité des entreprises en ASS mettent
l'accent sur les coûts élevés de la main d'oeuvre (salaires et charges salariales) et non sur la
moindre productivité du travail (quand les équipements sont équivalents). C'est ainsi que le
BIT (Bureau International du Travail) dans ses récapitulatifs annuels, montre que les coûts
du secteur manufacturier en ASS surtout dans la zone franc sont très supérieurs à ceux des
198 Banque mondiale, "L'Afrique subsaharienne, de la crise à une croissance durable", 1989. pp. 266-267.

195
pays d'Asie comparables. Ainsi, en 1989, l'heure du travail dans la branche textile en Côte
d'Ivoire était rémunéré à 2,54 dollars contre 0,37 dollar au Pakistan et 0,58 en Thaïlandel99
D'autres surcoûts pèsent sur la compétitivité des entreprises en ASS. On peut citer Je
fret maritime et aérien, l'énergieOO panni les postes qui grèvent les comptes d'exploitation
des entreprises en ASS. En raison des frais de transport, de montage, de mise (~n route, de
fonnation, de constitution des stocks de pièces de rechange, de création d'ateliers de
maintenance, de mise en place d'équipement de secours (pour pallier les pannes d'énergie ou
de télécommunications), J. P. Barbierol estime qu'une usine coûte deux fois plus cher en
Afrique qu'en France.
L'insécurité de l'investissement constitue aussi un facteur d'explication des faibles
perfonnances de l'industrie en ASS. Les banques sont critiquées pour leur attitude
frileuse202 . Les P.M.E. et le secteur infonnel pourtant dynamiques n'ont pas accès au
financement.
L'économie industrielle en tant que méthode d'analyse donne d'utiles indications sur
les problèmes d'orgarusation. Elle prend comme point de départ la finne, son orgarusation,
ses contraintes d'offre et de demande pour voir comment elle peut saisir les opporturutés de
croissance. Elle positionne l'Etat qui représente l'intérêt de la collectivité et qùi peut
interverur en soutien, en régulateur.
L'intérêt général exige de la part des entreprises une certaine perfonnance et la plus
grande efficacité au ruveau de la production, de la technologie, de l'emploi et de: l'allocation
des ressources nationales. Si cet idéal n'est pas atteint, c'est parce qu'il existe des distorsions
qu'il faut supprimer au niveau des comportements et des structures.
La puissance publique doit prendre des mesures explicites et sélectives pour agir sur
les structures et les comportements en vue d'améliorer les perfonnances globales. l'Etat
trouve alors une justification à ses interventions, lesquelles s'exerceront par lia canal des
règles juridiques et des normes de comportement précises et qui affecteront l'environnement
de l'entreprise (les conditions de concurrence, le crédit, etc.).
199
L'écart a baissé entre 1980 et 1986, car les salaires réels ont baissé de 33% en Côte d'Ivoire, tandis qu'ils
ont augmenté de 86% en TIuülande. Il faut souligner aussi que la dévaluation du franc CFA a permis une
réduction substantielle des salaires réels dans la zone franc.
200
Le coût de 1" énergie en Afrique est en moyenne le double de ce qu'il est en Europe.
201
BARBIER 1.-. " La compétitivité des entreprises en Afrique ", Caisse Française de Développement, 1993
(Document interne).
202
Par exemple au Mali, en 1994, le montant des crédits des banques à l"économie s'élevait à 137,4
milliards tandis que les ressources sc situaient à 190,6 milliards de francs CFA.

\\96
Il Y a quatre choses qui paraissent essentielIes dans toute nouvelle organisation de la
politique industrielle en ASS •
- Eviter les
créations d'entreprises
non
efficientes surtout
dans
le
secteur public
L'investissement
public
doit
être
mieux
orienté
afin
de
réduire
les
obstacles
au
développement.
- Admettre que les tentatives d'industrialisation au détriment du secteur agricole sont vouées
à l'échec. ElIes vont exacerber les distorsions entre villes et campagnes.
- La coopération régionale est aussi indispensable. En effet, le déroulement du processus de
croissance n'est pas indépendant de sa diffusion dans l'espace. Il est certain que la dimension
de l'économie conditionne les possibilités de diversification comme l'échelle des production,
or l'ASS est un continent relativement morcelé. Cet inconvénient peut être atténué par des
politiques de coopération régionale qui permettront d'exploiter au mieux les avantages de la
coopération et du libre échange. Ces avantages concernent aussi la crédibilité des politiques
économiques définies au plan régional et leur degré d'autonomie à l'égard des pressions de
toute origine.
- Avec la libéralisation et l'ouverture des frontières, comme les produits d'origine locale sont
mis en concurrence sur les marchés intérieurs avec des produits étrangers, les industries
africaines n'ont plus le choix, elles doivent non seulement améliorer leur compétitivité pour
gagner sur leurs marchés intérieurs, mais aussi exporter sur d'autres continents. L'Afrique
n'est pas présente pour l'exportation des produits industriels. Or la diversification de ses
exportations ne doit pas signifier uniquement la diversification des produits de base, elle doit
concerner aussi les produits industriels. L'Afrique doit améliorer ses productions et aller à la
conquête des marchés industriels hors du continent, et cela n'est pas une chose impossible. Il
y a un secteur qui commence à connaître un succès dans ce domaine, c'est le textile dont les
exportations à destination de l'Europe ont atteint 223,3 millions de dollars en 1992, soit 18%
des exportations industrielles totales de l'Afrique?03 Selon la Banque mondiale, dans les
secteurs de l'artisanat et du textile, le savoir-faire africain et l'accroissement de la demande
européenne sont des atouts pour l'Afrique. Les importations européennes en provenance de
l'Afrique ne constituent qu'un ou 2% des importations totales européennes. 204 L'Afrique
peut développer ses ventes de textile hors du continent. Il y a de fortes potentialités de vente
203
Il faudra néanmoins souligner que 82% des ventes de textile - habillement de r ASS à l'extérieur du
continent proviennent de Maurice.
204
Les raisons sont que les produits africains sont peu connus en Europe, ils sont insuffisamment adaptés
aux besoins de la consommation (ont une fonction décorative) alors qu'on peut développer la fonction
utilitaire

197
pour des vêtements couramment utilisés en Europe ou en Amérique (pantalon" chemises)
avec un design africain.
Les coûts de production africains sont compétitifs par rapport à d'autres pays en
développement
le coût de fabrication d'un jean au Zimbabwe (8,96 $) est inférieur aux
coûts indiens (9,76 $) et chinois (10,18 $).205
La crise en ASS se traduit par une ouverture aux jeux de l'échange. Plise dans la
mondialisation du commerce, des images, de la révolution technique, l'Afrique doit se
comporter comme acteur et non simplement comme spectateur. Elle doit réagir et non se
cantonner passivement dans son rôle de fournisseur de produits de base qui ne fera
qu'accroître sa marginalisation. L'ouverture maîtrisée et la concurrence sont nécessaire pour
stimuler l'investissement et les progrès de productivité. L'allocation optimale des ressources
rares est nécessaire pour permettre à l'industrie et aux autres secteurs d'ailleurs dIe jouer leur
rôle dans le processus du développement économique.
PARAGRAPHE 4 : CHOCS EXOGENES ET CRISE
Les causes internes ne sont pas seules en cause dans l'explication de la criise en ASS.
Il y a aussi des facteurs exogènes. Les facteurs exogènes les plus importants qui ont affecté
les pays subsahariens au cours des vingt dernières années sont la dégradation des termes de
l'échange (c'est-à-dire la chute du ratio entre les prix à l'exportation et les prix à
l'importation), les chocs pétroliers, la hausse des taux d'intérêt mondiaux, le renversement de
tendance des financements extérieurs, les guerres, la récession économique mondiale des
années 80, la sécheresse etc.
Selon
beaucoup
d'économistes
africains,
la
cnse
économique
de
J'ASS
est
principalement due aux facteurs externes, surtout à la détérioration des termes de l'échange.
"La dégradation des termes de l'échange ... a alourdit l'endettement au point que le
.remboursement est devenu écrasant, ce qui frustre tous les secteurs de l'économie des biens
intermédiaires importés dont ils ont un absolu besoin. Ne disposant plus que de: ressources
restreintes, les gouvernements africains ont réduit les investissements d'infrastructure et dans
la plupart des pays, les équipements existants sont délabrés faute du matériel nécessaire à leur
205
L'industrie africaine du textile a des handicaps qui sont : délais de livraison trop longs et peu fiables,
faible rapidité d'adaptation aux évolutions du marché, or sur ce marché les phénomènes de mode sont
prédominants.

\\98
entretien. Cela accentue encore les rigidités structurelles qui brident la réaction de l'offre dans
207
l'agriculture africaine,,206. La Banque mondiale
reconnaît que la détérioration des tennes
de l'échange a entraîné pour les pays de l'ASS dans leur ensemble (à l'exception du Nigeria à
cause de la taille de son économie et du pétrole) une baisse des recettes extérieures
équivalente à 5,4% du PIB entre \\97\\-73 et \\98\\-86. 208 Ce sont les exportateurs de produits
miniers qui ont le plus souffert, les exportateurs de produits agricoles ont enregistré une
perte modeste.
Tableau: Impact des chocs exogènes sur les termes de l'échange et effets des taux d'intérêt réels en
pourcentage du PIE
1984-84 comparé à 1970-80
1985-90 comparé à 1970-80
1985-89 comparé à 1981-84
Termes de
Taux
Choc total
Termes de
Taux
Choc
Termes de
Taux
Choc
l'échange
d'intérêt
l'échange
d'intét"êt
total
l'échange
d'intérêt
total
réel
réel
réel
Pays engagés
tôt dans les
progranunes
d'ajustement
intensifs
Pays
-13.6
-1.8
-15.4
-13.4
-3.4
16.8
-1.7
-0.6
1.1
subsahariens
Autres pays
bénéficiaires
d'un prêt à
l'ajustement
Pays
-6.9
-1.4
-8.3
-9.8
-3.2-
-\\3.0
-2.5
-0.8
-3.3
subsahariens
Pays n'ayant pas
reçu de prêt à
l'ajustement
Pays
-15.3
-1.1
-16.4
-8.5
-2.3
-10.8
6.7
-0.7
6.0
subsahariens
Source: tIré de ElbadaWll. A, "Have World Bank-Supported AdJustrnent Programs Improved Econorrnc Performance in
SubsaharanAfrica 7", Country Economies Department, Working Paper W 1001, World Bank, Washington D.C.(1992).
D'autres études paraissent confinner l'influence de la détérioration des tennes de
l'échange sur la croissance. C'est le cas de l'étude de Easterly et Levine. 209 Ces auteurs ont
estimé que pendant les années 80, une dégradation des tennes de l'échange entraînait une
baisse moyenne du PIB d'un point de pourcentage par an. La Banque mondiale en conclut
206
MKANDAWIRE T "Structural Adjustment and Airican Crisis in Airica : A Research Agenda". Codesria working
~per 2-89, Dakar, 1989.
07
World Bank, "Adjustment in Africa : Reforms, Results and the Road Ahead", Oxford University Press, New York,
1 9 9 4 . '
.
20B
Ces calculs sont basés sur "l'effet-revenu" d'une variation des termes de l'échange entre deux périodes. L'effet-revenu
a été déterminé en muJtipliant le ratio existant entre les exportations de marchandise et de services (hors revenu des
facteurs) et le PIB par la variation en pourcentage de l'indice moyen'des termes de l'échange entre 1970-73 et 1980-86
209
EASTERLy W. and R, LEVINE "Is Africa Different 7 Evidence from Growth Regressions", Orail, Policy Research
Department, World Bank, Washington, D.C., 1993

199
que sur une base annuelle, la détérioration des termes de l'échange était faible et n'a donc pas
joué un rôle majeur dans la contre-performance de l'Afrique. 210
Mais cette conclusion de la Banque mondiale doit être nuancée; la baisse du taux de
croissance moyen du PIB entre la période 1975-80 et les années 80 était globalement de
l'ordre de 0,6%, par conséquent les termes de l'échange entrent pour environ deux tiers dans
cette baisse. Et considérée sous un autre angle, c'est-à-dire par rapport au taux de croissance
effectif du PIB (approximativement 1,9% par an dans les années 80), la croissance globale
des pays subsahariens aurait été supérieure d'un cinquième si les termes de l'échange étaient
restés stables. 21l
Elbadawi, Ghura et Uwujare212 ont évalué l'impact des chocs défavorables (c'est-à-
dire l'effet conjugué des taux d'intérêt réels et des termes de l'échange sur le PŒ des pays
subsahariens pour trois périodes différentes, 1981-84 par rapport à 1979-80 ; 1985-89 par
rapport à 1970-80 ; et 1985-89 par rapport à 1981-84 et pour trois groupes de pays : ceux
qui ont lancé très tôt des programmes d'ajustement intensifs (PAll l3 , les autres pays qui ont
lancé des programmes d'ajustement (AP A)214, et le pays sans programme d'ajustement
(PSA). m (Voir tableau: Impact des chocs exogènes sur les termes de l'échange et effets des
taux d'intérêt réels en pourcentage du PIE).
La magnitude du choc global par rapport au PIE entre les périodes 1981-84 et 1970-
80 a été de -15,4% pour les PAl et de -16,4% pour les PSA, soit presque le double du
contrecoup supporté par les pays AP A. Pour les trois groupes de pays analysés,
l'effondrement des termes de l'échange a représenté entre 83 et 93% du choc total, le reste
étant imputable à la hausse des taux de l'intérêt.
Elbadawi et al. concluent sur la base de leur étude économétrique que les chocs
exogènes défavorables de la première moitié des années 80 sont sans aucun doute: le facteur
qui a poussé les économies des pays PAlet AP A au bord du gouffre et entraîné l'adoption
des réformes inspirées par la Banque mondiale; mais les chocs n'expliquent ni la crise, ni les
réformes. Selon eux, "l'interaction entre les chocs exogènes et la situation qui prévalait dans
110
Cf. World Bank 1994, op. cil. et Banque mondiale "Rapport sur le Développement dans le Monde", 1995.
111
rnORBECKE E et S. KONE, "Impact des progranunes de stabilisation et d'ajustement structurel (l'SAS) sur ks
perfonnances des pays d'Afrique Subsaharienne", in "Quel avenir pour l'économie africaine ?", sous la direction de J-C
BERTIIELEMY, OCDE, 1995
2Il
ELBADAWI lA, D GHURA and J. UWUJARE "World Bank Adjustrnent Lending and Economie Performance in
Subsaharan Africa in the 1980's", World Bank-Contry Economies Department, Working Paper, Series N° 1001, WorW
Bank, Washington D.C., Octobre 1992.
-
l i )
Les l'AI comprennent la Côte dlvoirc, le Ghana, le Kenya, Madagascar, le Malav.'i, la Mauritanie, ITIe Maurice.
114
Les ArA comprennent le Burkina Faso, le Bunmdi, la RCA, le Congo, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Mali, le
Niger, la Sierra-Leone, La Somalie, le Soudan, Zaïre et le Zimbabwe
m
Les l'SA comprennent le Bénin, le Botswana, le Cameroun, l'Elhiopie, le Liber1a et le Rwanda.

200
les années 70 est l'élément clé qui pennet de comprendre pourquoi ces pays ont été amenés à
s'engager dans la voie des réfonnes".
Même si le ralentissement de la croissance en ASS ne peut pas entièrement imputé
aux variations des termes de l'échange, celles-ci y ont pesé de façon sensible entre les années
70 et 80.
Les transferts nets ont augmenté pendant les années 70 pour compenser la diminution
des recettes due à la dégradation des tennes de l'échange. Les transferts nets sont passés de
3,7% du PIE au début des années 70 à 6% au début des années 80. Selon la Banque
216
mondiale
, l'augmentation des transferts extérieurs a partiellement compensé les effets de la
dégradation des termes de l'échange sur le PIE. Selon Demery217, les apports nets d'aide
publique au développement (APD) et les transferts extérieurs dont ont bénéficié 24 pays
subsahariens ont progressé de 16% par an en valeur réelle entre 1981-86 et 1987-91. Mais
cette augmentation des transferts nets a été sérieusement érodée par la détérioration des
termes de l'échange vers la fin des années 80. Et Demery218 reconnaît qu'en valeur réelle, les
transferts nets rapportés au PIE réel et aux importations en valeur réelle sont restés
pratiquement stables pendant ces deux périodes. Et les transferts nets (entre 1987 et 1991)
ont fléchi de 0,7% par an en moyenne après ajustements des tennes de l'échange.
Les transferts extérieurs nets ont augmenté dans les années 70, compensant en partie
le manque à gagner dû à la baisse des termes de l'échange. Mais un revenu externe généré par
un choc favorable survenu dans les termes de l'échange et un revenu externe dû à des
transferts (dons ou prêts) diffèrent dans leur incidence économique et leur fongibilité:
- les prêts extérieurs doivent être remboursés, ce qui n'est pas le cas des dons et des recettes
d'exportation
- la manne de devises provenant de la hausse des produits de base peut être utilisée librement,
tandis que dans bien des cas les dons en nature comme l'aide alimentaire et les dons en
médicaments ne permettent pas de disposer immédiatement de devises. En plus les ressources
financières fournies à titre de dons et de prêts sont partiellement liées
.,. les prêts et dons ont des incidences principalement sur les recettes publiques, tandis que les
variations des termes de l'échange ont un effet plus large sur les revenus privés.
116
World Bank ,"Adjuslmenl in Africa : Refonns, Resulis and the Road Ahead", Oxford University Press, New York,
1994
117
DEMERY L, "Structw-a/ Adjuslment : It's Origins, Rationale and Achievements", World Bank, Washington D.C,
Juin 1993.
-
118
DEMERY L, "Structw-al Adjustrnent . It's Origins, Rationale and Achievements", World Bank, Washington D.C,
Juin 1993.

201
Il est cependant difficile, dans la pratique, de faire une distinction nettl~ entre les
revenus procurés par l'amélioration des termes de l'échange et des recettes provenant de dons
et de prêts. Cela tient à ce que les prêts sont souvent transformés en dons ou passés en pertes
et profits, tandis que les variations des termes de l'échange touchent le secteur public car
l'intervention des offices de commercialisation et· les taxes perçues sur les échanges ont
généralement pour effet de stabiliser les prix à la production et les coûts réels des
exportations.
Pour conclure, on peut dire qu'il est très difficile vOire impossible d'évaluer avec
précision la totalité des effets des chocs exogènes sur les pays subsahariens Ce qui est sûr en
revanche, c'est que les chocs ne peuvent pas être tenus comme les seuls responsables des
mauvaises performance des pays subsahariens. Ils ont certainement aggravé la situation mais
ils ne peuvent expliquer qu'en partie la dégradation de la situation économique intervenue
entre les années 70 et les années 80.
CONCLUSION DE L'ETUDE SUR LA SITUATION DE CRISE MACROECONOMIQUE
ENASS
L'analyse des différents modes d'accumulation nous a permis de nous rendre compte
de la différenciation des économies africaines, car chaque régime a ses spécificité.
Cependant, malgré ces divergences, cette étude nous a permis de relever certaines
convergences et de
dégager des
éléments communs
à
la
crise
des
économies
subsahariennes. Ces économies n'ont pas réussi en particulier à initier une dynamique de
développement autocentré et à réduire la dépendance de leur dynamique de croissance par
rapport à la conjoncture internationale des produits de base. Les pays subsahariens sont ainsi
soumis à divers chocs auxquels ils sont peu armés pour faire face.
Les résultats économiques depuis les indépendances ont été médiocres si on les
compare à ceux d'autres régions en développement, de nombreux pays ont en effet réussi à
rétablir la croissance du revenu par habitant tandis que l'Afrique est en proie à ses difficulté.
L'explication de l'échec de l'ASS doit faire appel à des causes internes (fragilité des
fondements économiques, productivité faible de l'agriculture, étroitesse des marchés, choix
post-coloniaux, faiblesse de l'articulation agriculture/ industrie etc.) et à des causes externes
(détérioration continue des termes de l'échange, domination des· économies par des
puissances extérieures, héritage colonial, dépendance technologique et financière vis-à-vis

202
des finnes multinationales, contrôle extérieur sur les ressources naturelles du continent,
interventions politiques et mêmes militaires etc.). La crise de l'ASS est due à un ensemble de
causes internes et externes. Il y a interaction entre les résultats de l'économie coloniale et les
choix post-coloniaux qui n'ont pas été toujours judicieux. L'explication de cette crise
profonde et complexe implique nécessairement qu'on articule convenablement des analyses
situées sur différents plans : dynamique de l'économie mondiale et des économies locales,
base sociale des pouvoirs, géopolitique etc.
Une analyse monétariste de la crise économique actuelle en ASS a été menée par les
organismes de Bretton-Woods. D'une manière générale elle porte sur trois facteurs essentiels
: le déficit commercial, le déficit budgétaire et le taux de change . L'analyse relative aux
problèmes des déficits commerciaux et budgétaires étudie les conditions d'équilibres. Le
modèle repose sur deux secteurs : le secteur des échangeables et le secteur des non-
échangeables. Au regard de la réalité économique africaine, ce modèle séduisant par sa
qualité mathématique, contient néanmoins un certain nombre d'imperfections surtout au
niveau des hypothèses qui le conduisent à des conclusions ne reflétant pas la réalité. (II est
par exemple supposé qu'il n'existe pas de taxe sur les importations et les exportations. Ces
taxes existent en réalité et elles sont paradoxalement jugées trop élevées par les experts du
F.M.!. Il est aussi supposé que les termes de l'échange sont constants or dans la réalité ceux-
ci ne cessent de se dégrader. L'hypothèse selon laquelle le déficit privé lié au transfert de
capitaux
à l'étranger est nul n'est pas réaliste. Ce phénomène constitue une des causes
principales du déficit d'investissement en
ASS comme dans la plupart des pays sous
développés à cause de la fuite des capitaux).
Il est donc clair que la logique du modèle du F.MI. écarte un certain nombre des
réalités économiques fondamentales pour faire passer le message d'un plus grand
libéralisme reposant sur un développement plus accentué de produits destinés au marché
international. C'est un modèle qui ne répond qu'insuffisamment à la situation sociale et il ne
repose que sur des calculs individuels. Il n'intègre pas l'influence du contexte extérieur, or les
pays subsahariens sont des économies ouvertes. Les variables telles que les fluctuations des
monnaies étrangères et notanunent le dollars ne sont pas pris en compte. Nous reviendrons
sur ce modèle d'analyse de la crise dans la section consacrée aux politiques de stabilisation et
d, .
1219
ajustement structure.
219
Voir dans les politiques consacrées à la stabilisation et à l'ajustement la partie « approche monétaire de la balance
des paiements ».

203
Si les deux décennies qui ont suivi les indépendances ont été marquées par l'espoir de
progrès social, les années qui les suivirent ont été marquées par le blocage de l'expansion et
même la baisse de la croissance par habitant. En dépit des performances parfois brillantes en
termes de croissance économique du pœ des deux décennies après les indépendances, les
pays africains n'étaient pas engagés sur une voie permettant d'asseoir leur développement sur
des bases durables. Pour cela , il aurait fallu s'engager dans une politique industrielle
audacieuse et l'acquisition d'une capacité technologique, la transfonnation de Il'agriculture
permettant une croissance de longue haleine, la création de conditions pennettant d'éradiquer
progressivement l'extrême misère du monde rural etc.
Au lieu de s'engager dans cette voie, l'Afrique subsaharienne est restée accrochée aux
anciennes modalités de la division du travail, et n'est pas sortie de ses fimctions de
producteur-exportateur de produits miniers et de produits agricoles en proveillance d'une
agriculture extensive dont la productivité demeurait faible et stagnante.
Pour des économies fragiles de ce type, le recours à j'endettement extéJieur massif,
qui a pennis de retarder l'échéance de la crise n'était pas une bonne solution. En effet, une
fraction grandissante et gigantesque d'un produit national
stagnant
et des recettes
d'exportation en déclin doit être désonnais ponctionnée pour couvrir le service de cette dette.
Dans ces conditions, l'amélioration des conditions de vie de la population, la réduction de la
pauvreté, la création d'emplois etc. deviennent impossibles.
Les conséquences des mauvaises perfonnances économiques des pays subsahariens
dans les années 80 se sont faites sentir sur les indicateurs sociaux qui ont stagné ou même
diminué. La pauvreté a gagné du terrain dans beaucoup de pays. L'emploi et les salaires réels
ont baissé pendant les années 80, à cause du fléchissement de l'activité économique. Le
chômage a progressé à cause de la croissance démographique et le secteur informel (avec ses
salaires faibles) prenait de l'ampleur.
Après avoir bien progressé dans les années qui ont suivi les indépendances, les taux
de scolarisation ont stagné ou baissé dans presque tous les pays subsahariens. Or, le niveau
d'instruction et de formation est à la fois une cause et une conséquence des performances
économiques. Une main d'oeuvre peu qualifiée constitue un frein au développement
économique, et une économie en perte de vitesse limite les ressources disponibles pour
l'éducation. Les deux termes de cette équation s'appliquaient aux pays subsahariens pendant
la décennie 80. Comparativement aux économies dynamiques d'Asie, la proportion des
effectifs dans les filières très utiles pour l'économie (sciences, ingénierie etc.) était en baisse

204
En plus les dépenses consacrées à l'enseignement favorisait en termes de coûts unitaires les
étudiants, ce qui a eu pour conséquence d'entraver l'élargissement de la base du système
éducatif pour faire face à l'accroissement démographique.
Les stratégies dans ces pays sont influencées par les institutions de Bretton-Woods et
par les agents de la coopération bilatérale et multilatérale qui vont parfois jusqu'à participer à
la gestion quotidienne de l'économie. Ces institutions et agences de coopération ont fixé de
nouvelles priorités aux Etats africains (mise en oeuvre de politiques qui éliminent toutes les
entraves au fonctionnement du marché, lutte contre l'inflation comme axe central de la
politique macro-économique situant dans ce cadre sa gestion monétaire, financière et
budgétaire, souscription au principe de la résidualité du secteur public soumis aux règles de
la rationalité micro-économique etc.).
Ces nouvelles priorités ont affaibli les Etats africains et réduit leur capacité d'action.
L'affaiblissement de l'Etat central a entraîné une progression des mouvements de
contestation de leur légitimité et la montée des conflits ethniques et religieux dans certains
Etats. La profondeur de la crise atteint désormais l'Etat dans ses fibres vitales. Il y a une
déliquescence de l'Etat dans un grand nombre de pays. Or rien ne peut remplacer l'Etat dans
sa fonction de chef d'orchestre du développement.

205
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TABLE DES MATIERES
ANNEXE 1 : PETROLE, MARCHE ET PRIX
2
CHAPITRE 1 : LES ACTEURS DU MARCHE PETROLIER ET LEURS STRATEGIES. 3
SECTION I : LE MARCHE PETROLIER ET LES ACTEURS. _
3 \\ '
Paragraphe l : quelques notions et définitions ainsi que les équivalences
3
1. Définitions
3
II. Notion de réserves et de ressources.................
6
III. Equivalences......... . ..
9
IV. Caractéristiques et contraintes de la filière du pétrole et des produits pétroliers .. Il
Paragraphe Il : La domination du Moyen-Orient en matières de réserves pétrolières .... 20
Paragraphe III : La fonnation de l'industrie pétrolière et les acteurs du marché pétrolier25
1. La fonnation de l'industrie pétrolière
26
II. Les acteurs du marché pétrolier
28
Section Il : L'OFFRE DE BRUTS
,
33
Section III: L'OFFRE DE PRODUITS PETROLIERS
40
Section IV: LA DEMANDE
43
Paragraphe l : La Demande de bruts
43
Paragraphe 2 : Demande et structure de la demande de produits pétroliers
45
Section V: Le fonctionnement des marchés: les modes de commercialisation
51
Paragraphe l : Le marché spot
52
Paragraphe II : Les contrats netback (ou contrat de valorisation)
55
Paragraphe III : Les contrats de vente à la fonnule
56
CHAPITRE III: DU PARTAGE DE LA RENTE AUX CHOCS ET AU CONTRE-CHOC
PETROLIERS
57
Section l LA FORMA TION DES PRIX.
59
Paragraphe l • Energie et théorie des prix: l'enseignement de la théorie de l'allocation
optimale des ressources renouvelables et non renouvelables
59
Paragraphe 2. L'influence de la structure des marchés............
61
SECTION Il: PARTAGE DE LA RENTE, CHOCS, CONTRE-CHOCS ET EVOLUTION
DES PRIX.........
68
. Paragraphe l : La rente et son partage.
70

Il
Paragraphe 1 : La rente et son partage.......
.. .
...
.
70
1. Surplus et rentes en économie minière
70
Il. L'influence des paramètres économiques sur l'appropriation du surplus
81
Paragraphe 2 : Evolution des prix..........
.
87
1. Les cotations mondiales des pétroles b r u t s . . .
91
Il. Cotations des produits raffinés
95
III. Fret pétroliers....
95
Paragraphe 3 : les chocs et le contre-choc pétroliers
96
1. Les chocs pétroliers..........................
97
II. Le contre-choc pétrolier................................ .
107
III. La recherche de l'équilibre du marché pétrolier par l'ajustement des prix (depuis le
début des années 1970)..........................
III
CHAPITRE IV : PANORAMA INTERNATIONAL DE LA SCENE ECONOMIQUE,
ENERGETIQUE ET FINANCIERE DEPUIS LE DEBUT DES ANNEES 60
116
Section 1 : L'évolution sur la scène économique internationale
116
Section II : L'évolution de la scène pétrolière internationale
117
Section III : L'évolution de la scène financière internationale
120
ANNEXE 2 : ETUDE DE LA SITUAnON ECONOMIQUE DE L'AFRIQUE
SUBSABARIENNE
131
Section 1 : Situation de crise macroéconomique en ASS
139
Paragraphe 1 : Les indicateurs de structure économique
140
Paragraphe 2 : Les indicateurs de niveau de vie
144
Section II : La dynamique du processus de développement économique en ASS et les
déséquilibres structurels
146
Paragraphe 1 : Déséquilibres et crise des économies subsahariennes..................... .
146
1. Le blocage de l'accumulation ~............
. 153
II. Les dysfonctionnements financiers..............................................
159
III. Les déséquilibres sectoriels.................
. 165
Paragraphe 2 : Une analyse de long tenne des facteurs de crise en ASS
.... 172
1. Le mode agro-exportateur
... 174
II. Le mode minier......................................................... . 177
III. Le mode à rente pétrolière
:.....
178
IV. Le mode en voie d'industrialisation................
.
180

III
Paragraphe 3 : Mise en place de politiques agricoles et industrielles inadaptées
182
1. Dans l'agriculture................
182
II. Dans l'industrie........... .
. .
186
Paragraphe 4 : Chocs exogènes et crise...................
'"
... 197
Conclusion de l'étude sur la situation de crise macroéconomique en ASS
201
BIBLIOGRAPHIE
.
205