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UNIVERSITE PARIS VII-DENIS DIDEROT
U.F.R. Géographie Histoire et Sciences de la Société
POUVOIR CENTRAL ET POUVOIR LOCAL
LA GESTION MUNICIPALE A L'EPREUVE
RUFISQUE, SENEGAL (1924-1964)
THESE DE POCTORAT D'HISTOIRE
Présentée et soutenue publiquement par
Ndiouga Lexan Adrien BENGA
Sous la direction de Madame le Professeur
Catherine COQUERY-VIDROvrrCH
Université Paris VII-Denis Diderot/C.N.R.S.
Décembre 1995

A mon frère Pierre-Mourad
A ta ville

DEDICACE
. '.
A ma mère, Awa Espérance,
ri', :
A mon père, Benoît,
'!", :
A mes soeurs '~~ frères, de Malou à Dany.
Ce travail, bi~~ faible té~oignage de reconnaissance, vous est affectueusement
dédié,
",:
A mes neveux et nièces, d'Omar François-Xavier à Awa Elisa. Puisse cette
étude vous donner le goût del'histoire-problème,
A ma grand-mère maternelle, Madame Veuve Nicolas Huchard. Pour ton
affection et les "polémiques" au cours de nos entretiens,
A MoustaphaKane, jeune enseignant-chercheur au département d'histoire de
l'Université Cheikh Anta Did~de Dakar. Tu nous quittes en pleine croissance. In memoriam,
A Momar Co_~é Bâ et Aïssata Ly, Idrissa Barry, Amadou Diagne "Bunny",
Barthelémy Faye, Abdoul ~~iz Ndao, Moïse Ndeye, Lamine Mbow, Pierre-Marc Ndiaye
Bounama, Dominique Odjiri~;~m, Emmanuel-Joachim Sarr. J'espère que les fonctions que vous
~'~ ;
occupez, qui en France ou àux Etats-Unis, qui en Côte d'Ivoire ou au Sénégal, ne vous font.
pas oublier le banquet fixé <\\lDakar et que nous ne cessons de repousser depuis trop longtemps,
A tous ces acteurs anonymes qui firent et font la ville en Afrique.

)lliMERCIElVIENTS
A Madame Catherine Coquery-Vidrovitch. Je vous exprime toute ma gratitude.
Pour m'avoir accueilli dans votre troupeau (l'expression n'est pas de moi) et intégré au sein du
Laboratoire Tiers-Mondes, Afrique (L.T.M.A., C.N.R.S.). Les divers travaux menés en équipe
et la participation à plusieuns rencontres internationales ont permis au jeune historien qui
s'engageait dans les cheminsdifficiles de la recherche de trouver un milieu de travail des plus
stimulants et d'affiner obje!,1:de recherche et méthodologie. J'ai mesuré par votre critique
pénétrante et lucide toute l'a!ffilpleur de votre production scientifique dont je n'ai ni la prétention
ni l'intention de dresser le bil~~.
Mon séjour à l'''atelier Jean-Claude Debeir" m'a permis d'avoir un premier
contact avec l'outil informatique qui a été déterminant dans l'élaboration de la présente étude.
L'''ouvrier'' exprime ici toute sa reconnaissance au "maître" pour son aide précieuse tout au
long de la recherche.
'
Mes remercieh1ents vont également à l'endroit du personnel administratif,
Mesdames F. Tréguer, S. Cheminot, M. Thumelin, 1. Nicaise.
A Sylviane G.i~t Marie-Gisèle.
, ::.;
i.;
Avec Momar Cournba Diop (IFAN-UCAD), Mamadou Diouf (CODESRIA) et
Ibrahima Thioub "Yaadikoori" (département d'histoire, UCAD), j'ai entretenu très tôt un
commerce qui fut presque q'u;ôtidien. Votre accueil, vos conseils et critiques, votre sollicitude
particulière ont constitué po~J moi une expérience irremplaçable. Je vous en sais gré.
Je ne saura;,~f!, oublier les enseignants des départements d'histoire et de
géographie de J'U.C.A.D. (1;1'amadou Fall, Babacar Sali, Mohamed Mbodj, Boubacar Barry,
Abdoulaye Bathily, Ousseynou Faye "Kaaü", SaliouNdiaye, Monsieur le Doyen Oumar Kane,
Latsoucabé Mbow, Paul Ndiàye, È. H. SalifDiop, Amadou Kane). Vous vous êtes penché sur
le cheminement de votre ancien étudiant par vos généreux encouragements au cours de mes
séjours de recherche à Dakar ou lors de vos passages à Paris. Ce travail vous rend hommage.
A Guy-Evaristk Zoungrana, Issiaka Mandé, Raymond Ebalé. Je vous suis
redevable de certaines intuitions de cette étude. D'autres horizons de questionnement sont nés,
fiuit de vos apports riches, divers et contradictoires. Puissions-nous poursuivre ensemble dans
cette voie dans les années et.le siècle à venir. "Mbaye", comme vous m'appelez, espère vous
avoir donné le meilleur de lui-même, Je n'oublie pas Claude Sissao, Maxime Compaoré, Serge
Nédelec, Papa Waly Danfakha, Ruben Camara, Abdel Kader Ouarhani, Roger Akpaki.
" .~
Ma gratitudelaux membres du Groupe Sahel-Recherche, pour leur soutien
matériel et l'accompagnernenijintellectuel, pour J'amitié qu'ils m'ont témoigné.
: :1:1
"il"
A toute ma J?:arentèle paternelle et maternelle à Paris, spécialement Marie-
Madeleine Benga, E. Legrand, D, Bousso, A. Senghor, 1. Gning, E. Dieng, P. Monnet. J'ai
bénéficié de vos encouragerqel1ts discrets mais constants. Soyez-en remerciées.
Il ne m'est pas possible de remercier autrement que de manière "anonyme" tous
les potes qui m'ont encouragé dans mon "aventure", la C.C.E.D., le Groupe de Puteaux,
l'ACEA, l'AESP, l'AJAF...' 1

"~'I.
) .
. ".;
•.
NOTE DE L'AUTEUR
Les paginations 208ie~272 ont été omises.
Toutefois elles n'ont, aucune incidence sur la compréhension du texte.
L'auteur s'excuse auprès du lecteur pour la gêne qui pourrait lui être occasionnnée.

SIGLES ET ABREVIATIONS
AM.L
Assistance Médicale Indigène
AM.S.
Association des Maires du Sénégal
AN.S.
Archives Nationales du Sénégal (Dakar)
AN.S.O.M.
Archives Nationales Section Outre Mer (Aix-en-Provence)
AO.F.
Afrique Occidentale Française
RAO.
Banque de l'Afrique Occidentale
RD.S.
Bloc Démocratique Sénégalais
B.I.F.AN.
Bulletin de l'Institut Fondamental d'Afrique Noire
B.N.
Bibliothèque Nationale
C.AR.AN.
Centre d'Accueil et de Recherches des Archives Nationales (Paris)
C.D.D.
Circonscription de Dakar et Dépendances
C.E.E.O.A
Compagnie des Eaux et Eleetricité de l'Ouest Africain
c.E.S.
Compagnie de l'Electricité du Sénégal
C.F.AO.
Compagnie Française de l'Afrique de l'Ouest
C.G.E.E.UF.
Compagnie Générale des Eaux et Electricité de l'Union Française
C.G.E.S.
Compagnie Générale des Eaux du Sénégal
F.I.D.E.S.
Fonds d'Investissement pour le Développement Economique et Social
F.O.M.
France d'Outre-Mer
LF.AN.
Institut Fondamental d'Afrique Noire
LN.S.E.E.
Institut National de Statistique et d'Etudes Economiques
JO.AO.F.
Journal Officiel de l'Afrique Occidentale Française
JO.R.F.
Journal Officiel de la République Française
JO.SEN.
Journal Officiel du Sénégal
P.AL
Parti Africain de l'Indépendance
P.O.M.
Presse d'Outre-Mer
UC.AD.
Université Cheikh Anta DIOP de Dakar
UD.R.R
Union Démocratique Rufisque-Bargny
. :-r

u.P.S.
Union Progressiste Sénégalaise
S.E.R.I.AO.F.
Société d'Equipement Rural et Industriel de l'AO.F.
SO.F.AC.
Société Franco-Africaine de Conserves
SO.N.E.E.S.
Société Nationale des Eaux du Sénégal
c.: carton
d.: dossier

, \\IY!
rouvom CENTRAL ET rouvora LOCAL
LA GESTION MUNICIPALE A L'EPREUVE
RUFISQUE, SENEGAL (1924-1964)
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE
1
PREMIERE PARTIE: L'ENGOUEMENT MUNICIPALISTE (1924-1932)
"15:
CHAPITRE 1. RUFISQUE, DEMOGRAPHIE ET ECONOMIE
1. DEMOGRAPHIE ET SITUATION SANITAIRE
18
II. LA BAISSE DES ACTIVITES ECONOMIQUES
31
III. LE STATUT MUNICIPAL
44
CHAPITRE ll. LA QUERELLE ET LA PERTE DES ATTRIBUTS DE LEGITIMITE:
GESTION MUNICIPALE DES SERVICES PUBLICS ET DESSAISISSEMENT DE LA
COMPETENCE POLITIQUE (1924-1932)
/, 58~: "
<"'-.
i
- --.. :
1.
SUR L'INTERVENTION COMMUNALE
EN MATIERE ECONOMIQUE:
UNE
LECTURE DES DISCUSSIONS D'ECOLES EN METROPOLE
i
58;
l,
TI. REGIE OU CONCESSION ?: UNE QUESTION PERMANENTE ET PASSIONNEE
DES DEBATS DU CONSEIL MUNICIPAL DE RUFISQUE
III. SOUCI SOCIAL OU SOUCI BUDGETAIRE? QuEL RE SULTAT ' ATTEINT?
SIGNIFICATION DE L'ENTREPRISE MUNICIPALISTE
70
IV. LA
QUESTION FONDAMENTALE
DES
ATTRIBUTIONS.
DES, PROQRES
APPARENTS AU RECUL: HYGIENE ET SALUBRITE, PETITE VOIRIE ET POLICE_
MUNICIPALE
72
!
!
V. LE CONSEIL MONICIP AL: UN CONSEIL ET NON UNE A UTORITE. LE JEU DES
CONFLITS
83

CHAPITRE ID. POLITIQUE MUNICIPALE ET COMPORTEMENT DES ACTEURS
(1924-1932)
85 .
1. LES RECETTES
II. MAURICE GUEYE, ROI DANS LA COMMUNE? DES AISES DE POUVOIR A LA
REVOCATION (31 JANVIER 1929)
:109 :
.'.
;
CONCLUSION
126'···..
DEUXIEME PARTIE. QUESTION DE FOND, QUESTION DE FONDS: LE REGIME
1---'
FINANCIER ET FISCAL, ENJEU DE hA GESTION MUNICIPALE (1933-1942)
i 128
,
c..
CHAPITRE
IV.
LES
PRE RO GATIVES
FINANCIERES,
UN
CHAMP
D'INTERVENTION PRIVILEGIE DU POUVOIR CENTRAL
1. UNE MARGE D'AUTONOMIE COMMUNALE LIMITEE
:132: .
1
II. LA REORGANISATION FINANCIERE
MUNICIPALE,
UNE
DEMANDE
DE
r - - ' )
REFORME SANS LENDEMAIN
. 1371
\\.
- -- _.....,..- :
CHAPITRE V. GERER L'INCERTITUDE: LES RECETTES
152 .
1. SOURCES ET METHODOLOGIE
_0-,
II. PROBLEME: L'EXTRÊME VULNERABILITE DU BUDGET COMMUNAL
158:
III. D'OU VIENT L'ARGENT? COMPOSITION ET EVOLUTION DES RESSOURCES
COMMUNALES

VI .
CHAPITRE VI. OU VA L'ARGENT? LES DEPENSES ET LES REALISATIONS
. 187:
1. ON NE NOUS LAISSE RIEN. DES DEPENSES OBLIGATOIRES (POLICE, VOIRIE,
INSTRUCTION) AUX DEPENSES FACULTATIVES, OBL/GA TION DE FAIT
·188
.... -
..
II. L'HYGIENE: UN LIEU DE MOBILISATION DE L'ACTE MUNICIPAL
210\\
..
.J
rn LES DEPENSES ORDINAIRES DIVERSES: AUTRES TRAVAUX CO~AUX
ET ASSISTANCE
:·225'
IV.
LES
DEPENSES
D'ADMINISTRATION
GENERALE:
UN
GONFLEMENT
APPARENT, SOURCE DE CONFLIT
230
V. BILAN DE L'ACTION MUNICIPALE
. 247.f
CHAPITRE vu LES MODES D'INTERVENTION EXTRA-COMMUNALE: UN
EFFORT NEGLIGEABLE (1931-1942)
, 255 :
L.
1. PRELIMINAIRES METHODOLOGIQUES .
'255'
II. LE RÔLE D'UN CIRCUIT EXTERNE: LE FONDS D'EMPRUNT
. 257'
III. UNE SPECIALISATION DES ORGANISMES DE FINANCEMENT INTERNE
'261
CONCLUSION
278
TROISIEME PARTIE. LE TEMPS DU PURGATOIRE: TUTELLE, CLIENTELISME
-
ET DECLIN DE L'INSTITUTION COMMUNALE (1946-1964)
279
CHAPITRE
VllI.
LES
FINANCES
COMMUNALES:
FAmLESSE
DES
RECOUVREMENTS ET COUPS D'EPONGE PERIODIQUES (1946-1957)
2'82.
1. LE RETABLISSEMENT DE LA LEGISLATION MUNICIPALE PAR LE DECRET DU 3
-~--.
JANVIER 1946
282:
II.
ANALYSE
DES
BUDGETS
(194()-1957):
UNE
GESTION
COMMUNALE
CARACTERISEE PAR UNE TRANQUllLE JMMOBILITE

.:VII \\
::-~..
:
CONCLUSION
CHAPITRE
IX.
EQUIPEMENT-AMENAGEMENT
ET
INDIFFERENCE
MUNICIPALE (1946-1964)
~ 322/
322
1. L'ACTION DU F.I.D.E.S. (1946-1957)
II. LE BUDGET GENERAL ET LA QUESTION DU LOGEMENT
329(..:
III. PARTICIPE-ACTION OU PARTICIPE-PASSION: LE CONSEIL MUNICIPAL ET LA
VILLE
, 331
CONCLUSION
POUR CONCLURE, PROVISOIREMENT
...., -,
SOURCES ET BffiLIOGRAPHIE
365
··-'-'-'1
LISTE DES TABLEAUX
412 ; .
LISTE DES GRAPIDQUES
416 .• .
,418:
TABLE DES ANNEXES
'.
- .-. /-...ç:.........~
TABLE DES MATIERES
1
!
----
. ~.

1
INTRODUCTION GENERALE
Mots clés: arachide, autonomie, communale, budgets, citoyenneté, clientélisme,
communes
de
plein
exercice,
contribuable,
élites,
législation
métropolitaine,
municipalisation, politique coloniale, pouvoirs, régime fiscal, services, tutelle, Rufisque,
Sénégal, A.o.F., Métropole.
La mise en route de ce travail est motivée par l'ambition d'examiner non pas le rôle des
.
élus municipaux dans la vie politique stricto sensu 1 mais l'action de la municipalité à travers sa
gestion budgétaire 2. Mon idée de départ était que les pratiques de gestion municipale,
r
notamment le mode de contrôle serré et l'interventionnisme, n'avaient
pas changé à
l'indépendance (compromis dégradé du modèle antérieur).
C'était une des causes de
l'indifférence à la chose municipale. Une lecture en situation coloniale permettait de
comprendre les processus actuels en cours.
A Rufisque, un rôle important dans la gestion fut joué par la Municipalité. Cette ville
est un cas inédit dans l'histoire communale coloniale: elle s'était urbanisée contre les voeux de
l'administration coloniale. Le financement extérieur se caractérisait par sa faiblesse et son choix
sélectif en faveur de Dakar J. Il existait bel et bien un pouvoir municipal qui gérait l'espace qui
1 Cf l'excellente synthèse de G. W. JOHNSON, 1971, The Emergence of Black Poli tics in Senegal: The
Struggle for Power in the Four Communes' (1900-1920), Stanford, Stanford University Press, California, 260 p.
Edition française, 1991, Naissance du Sénégal contemporain. Aux origines de la vie politique moderne (1900-
1920), Paris, Karthala, 297 p. On lira avec intérêt R PASQUIER, 1960, "Villes du Sénégal au XIXème siècle,
Revue Française d'Histoire d'Outre-Mer, tome XLVII, 3ème et 4ème trimestres, pp. 387-426; LEGIER H. L,
1968, "Institutions municipales et politique coloniale: les communes du Sénégal, Revue Française d'Histoire
d'Outre-Mer, tome LV, n? 201, pp. 414-464; NDIAYE H., 1983, Les originaires des Quatre Communes du
Sénégal. Etude de l'évolution d'un groupe dans la société coloniale au XIXème siècle, thèse de doctorat de
3ème cycle, Université de Poitiers, FLSH, 345 p.; THIAM 1. D., 1983, L'évolution politique et syndicale du
Sénégal colonial (1840-1936),
thèse de doctorat d'Etat, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 3977 p.;
ZUCCARELLI F., 1987, La vie politique sénégalaise (1789-1940, 1940-1988), Paris, Publications du CHEAM,
160 et 205 p.
.
2 LEGIERH.l, 1968, op. cit. et DIOUF M., 1976, Rufisque, des villages lebu à la ville européenne, mémoire
de maîtrise d'histoire, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 106 p. Ces auteurs dans leurs études
documentées portant surtout sur le XIXème siècle traitent ~P.unairement de la question.
.
.....,.
....
J DANFAKHA P. W., 1990, Lia politique d'équipement de la ville de Dakar (1930-1957), thèse de doctorat
nouveau régime, Université de Paris VII, 363 p.; DANFAKHA P. W., 1992, "Habitat-Sénégal: Dakar et Saint-
Louis", pp. 117-130 in DULUCQ S. et GO~RG O. (éds.), Les investissements publics dans les villes africaines

2
lui était imparti. Par ailleurs, dans la genèse de la gestion urbaine, les études ne s'intéressent
qu'à l'histoire nationale. De nombreux travaux urbains sont centrés sur le binôme planification-
aménagement 4, laissant peu de place ou évacuant des problématiques le local s. Or, les enjeux
nationaux y prennent naissance. Une réflexion sur l'une des Quatre Comm'unes où les besoins
liés à la vie citadine s'exprimèrent très tôt s'avérait stimulante.
Dans la colonie, toutes les affaires publiques ne pouvaient être
gérées' par
l'administration centrale, sinon de manière imparfaite parce que éloignée pour se faire obéir. Il
fallait une circonscription administrative locale gérée par une autorité locale. La commune était
cette circonscription, la municipalité cette autorité. Quels étaient exactement les pouvoirs des
autorités locales sur la gestion des intérêts locaux? Par pouvoir local, il faut entendre les
. affaires locales gérées par des autorités locales élues.
(1930-1985). Habitat et transports, Paris, L'Harmattan, 222 p. Dans un cadre plus général, DULUCQ S., 1992,
La France et les villes d'Afrique Noire francophone. Quarante ans d'intervention (l 945-1985). Approche
générale et étude de cas; Niamey, Ouagadougou et Bamako. Thèse de doctorat nouveau régime, Université de
Paris VII, 552 p. et DULUCQ S. et GOERG O., 1992, op. cit.
4 Parmi l'importante production de l'Université de Paris VII-Denis Diderot, citons quelques thèses effectuées ou
en cours: DANFAKHA P. W., 1990, op. cit., DULUCQ S., 1992, op. cit., SISSAO C., 1992, Urbanisation et
rythme d'évolution des équipements. Ouagadougou et l'ensemble du Burkina Faso (1947-1985), 671 p. Cet
auteur ne consacre qu'une vingtaine de pages à la gestion communale. GOEH-AKUE A, 1992, Finances
publiques et dynamique sociale en Afrique Noire sous influence française: le cas du Togo (1920-1980), 779 p.
et SOTINDJO S. D., Cotonou, l'explosion d'une capitale économique (1945-1985), thèse en cours.
. 5 Sur cette question, voir CROZIER M., 1963, Le phénomène bureaucratique, Paris, Seuil, 382 p.; GREMION
P., 1976, Pouvoir périphérique. Bureaucrates et notables dans le système politique français, Paris, Seuil, 478
p.; FAYE C.F., 1990, La vie quotidienne à Dakar (1945-1960). L'auteur y aborde de manière très descriptive le
phénomène de la gestion municipale (pp. 417-443). COQUERY-VIDROVITCH C., 1993, "Gestion urbaine et
décolonisation en Afrique noire française. De la politique municipale à l'émeute" in AGERON C. R et
MICHEL M. (dirs.), Afrique Noire. L'heure des indépendances. Paris, Editions du CNRS, pp. 71-85 et DIOP
Mi-C, et DIOUF M., 1993, "Pouvoir central et pouvoir local. La crise de l'institution municipale au Sénégal" in
JAGLIN S. et DUBRESSON A (dirs.), Pouvoirs et cités d'Afrique noire. Décentralisations en questions. Paris,
Karthala, pp. 101-125.
Enfin la consultation du fichier des thèses d'histoire soutenues en France entre 1972 et 1992 donne les résultats
suivants: sur un ensemble de 5100 études, 2741 sont consacrées à la France dont 24 seulement à l'étude des
municipalités; 1019 à l'Afrique: l'historiographie africaniste et africaine a accordé peu d'intérêt à ce champ de
recherche: NDIAYE H: et TIllAM. 1. D., 1983, op. cit. et FAYE C. F., 1990, op. cit. Cf C.D. THESES,
Lettres, Sciences Humaines et Sociales
(1972-1992); Bibliothèque des Lettres et Sciences Humaines de
l'Université de Paris VIT-Denis Diderot. Sur Rufisque, six travaux ont déjà été soutenus: trois mémoires de
maîtrise à Dakar (MBAYE C. T., 1982; THIAM 1., 1983; BADIANP M., 1989; cf BIBUOGRAPHIE) et trois
mémoires à Paris (DIOUF, 1976, op. cit., BENGA N. A, 1990; Gestion urbaine et viabilité des centres
secondaires du Sénégal. L'exemple de Rufisque (1930-1980), DÉA, Université Paris VII, 77p.; GUEYE B.,
'1994, Adduction d'eau et assainissement de la ville de Rufisque (10939-1971), Maîtrise, Université Paris VII, 75
p.)

3
Je me suis interrogé sur l'idée qui résumait la commune coloniale sénégalaise à un lieu
de corruption (utilisation illicite des deniers publics, des personnels et des équipements, etc.). Il
est important de rectifier cette assertion généralement acceptée de peur de verser dans la
caricature, en la datant et en révélant les. contraintes qui conditionnaient le fonctionnement
municipal et avaient contribué à un développement de l'activité de prédation (iniquité du
régime fiscal, politique des subventions, ...). Rufisque fut la municipalité sénégalaise qui
s'exerça résolument à la municipalisation des services publics (eau, électricité). Cet effort de
participation au vaste mouvement municipaliste en cours en France (pays qui ne suivit à ses
débuts le mouvement qu'avec hésitation) et dans le reste de l'Europe dénotait bien sa
.
modernités. Le modèle colonial d'organisation de l'espace urbain se présentait comme un
ensemble de principes, procédures et techniques qui constituaient un tout homogène d'une
grande rigueur idéologique, juridique et technique. Toute la question résidait dans la difficulté
suivante: comment l'appliquer outre-mer à des citoyens français et jusqu'à quel degré? 7
Différencié, réticent, dégradé, ambigu, parfois contradictoire, ce' modèle laissait des vides, des
zones d'ombre, ce que j'appelle des espaces d'imprévu qui créaient un véritable imbroglio inais
surtout abandonnaient au plus fort de la tutelle des marges aux édiles qui l'utilisaient dans toute
leur vigueur pour exiger davantage de prérogatives. Les conflits étaient dès lors inévitables.
6 BOUVIER P., 1907, La municipalisation des services publics devant la loi et la jurisprudence françaises,
Lyon, 61 p.; REVEL G., 1928, L'extension de la compétence des communes en matière économique, thèse pour
le doctorat en droit, Université de Lille, Faculté de droit, Paris, imprimerie Taffin-Lefort, 222 p.; SELLIER H.,
1934, Le socialisme et l'action municipale, Paris, La Vie Communale, 27 p.; STEHELIN L., 1901, Essais de
socialisme municipal, thèse pour le doctorat de droit, Université de Paris, Faculté de droit, Larose, 272 p.;
VEBER A., 1908, Le socialisme municipal. Paris, V. Giard et E. Brière, 62 p. Sur quelques exemples non-
français, on pourra lire MILHAUD E., 1906, Les services industriels de la ville de Genève. Rapport présenté
au Congrès de l'Association protestante pour l'étude pratique des questions sociales, Genève; VERMAUT R,
1903, Les régies municipales en Angleterre; BRES, De la municipalisation des services d'intérêt public en
Italie; BREES E. Les régies et les concessions commerciales en Belgique.
7 On se reportera aux sources majeures suivantes: CROS C., 1956, Ce qu'il faut savoir sur le statut des
municipalités africaines et malgaches. Paris, chez l'auteur, 168 p.; COURANT R, 1957, "Le régime municipal
en A.O.F. Lois, décrets et arrêtés généraux à jour des modifications les plus récentes" in Encyclopédie
Juridique de l'A.o.F.,
pp. 171-295. Voir également BETTS R, 1961, Assimilation et Association in French
Colonial Theory, 1890-1914,"New-York; CROWDER M., 1962, Senegal. A Study in French Assimilation
Policy, London, Oxford University Press, 104 p.; HARGREAVES 1. D., 1965, "Assimilation in Eighteenth-
Century Senegal", The Journal ofAfrican History, vol. VI, n? 2, pp. 177-184.
1·'~··

----,!,
;.; 4
Aussi est-il difficile d'apprécier, de juger de l'efficacité administrative et financière de
l'institution municipale coloniale tant le contexte était traversé par les luttes permanentes pour
les attributions, les querelles de procédure qui paralysaient la gestion en train de se faire et
sapaient l'idée de l'utilité et de la népessité de la municipalité. La loi de 1884, bien qu'elle
renversât le principe antérieur de pouvoir de décision du conseil municipal sur des affaires
expressément et limitativement énumérées par la loi, fit en même temps subir à ce principe de
nombreuses restrictions, notamment sur le plan financier. Avec du recul, le nombre de
délibérations soumises à approbation dépassa en fait celui des délibérations définitives. Le
principe nouveau d'autonomie communale proclamé ("le conseil municipal règle par ses
délibérations les affaires de la commune") et qui pouvait se comprendre par une indépendance
plus grande à l'égard du pouvoir central, une extension du domaine d'activité, fut contenu.
Mesurer l'action de la commune et son impact, tel est mon objectif 8. Quelle conception
de l'action municipale se font les différentes équipes qui se succèdent? Peut-on y repérer une
réflexion promotrice de dynamisme et de changement radical ou une confusion dans la gestion?
Y-a-t-il une volonté sociale à la lecture des' budgets communaux? Quelle est la marge
d'autonomie du pouvoir municipal face aux empiétements incessants des autorités de tutelle et
ses incidences sur la gestion de la ville? La nature des recettes -existence de l'octroi municipal
battue en brèche, présence symbolique des centimes additionnels, faible recouvrement des
taxes municipales- et le poids des dépenses obligatoires -police, voirie, instruction...-
soulignaient une étroite liberté de manoeuvre et les appels à des réformes en profondeur de
l'action municipale furent sans lendemain. C'est cette inadaptation de la réglementation
financière et fiscale qui se situe au coeur de la gestion municipale. Les rares réformes entamées
furent limitées. Pour comprendre cet état de fait, il est important de prendre en considération la
tradition institutionnelle du XIXème outre-mer où l'administration rigoriste des militaires
8 Le modèle du genre demeure la thèse d'Etat en histoire de BRUNET 1. P., 1978, Une banlieue ouvrière:
Saint-Denis (1890-1939).' Problèmes d'implantation du socialisme et du communisme, Université Paris IV,
1647 p. Une partie de cette thèse est consignée dans Saint-Denis la Ville Rouge, Paris, Hachette, 1978,462 P et
Un demi-siècle d'action municipale à Saint-Denis la Rouge (1890-1939), Paris, Editions Cujas, 1981,252 p.
.' h:

r" ""-'~-\\i
5
\\
(Blanchot, Bouêt-Willaumez, Faidherbe, Pinet-Laprade, ...) et de leurs successeurs (civils) a été
un adversaire acharné de toute forme de décentralisation 9.
rai préféré insérer dans le texte les éléments méthodologiques. Je ne présente ici que
quelques outils de visibilité de la démarche qui ont une pertinence pour la compréhension de
l'ensemble du travail. Parmi les écueils méritant
d'être
évoqués,
les
délimitations
administratives. Elles posent problème. Rufisque est l'exemple d'une commune sinistrée par les
décisions du pouvoir central. Les limites de la commune et par conséquent ce qui lui revient
dans la gestion de cet espace sont difficiles. à cerner à cause des multiples modifications et
découpages entre 1924 et 1964. De 1924 à 1937, la commune de Rufisque relève de la colonie
du Sénégal; puis entre 1938 et 1946, de la Circonscription de Dakar et Dépendances. Le 1er
juillet 1946, la Circonscription de Dakar est intégrée au territoire du Sénégal. En étudiant
Rufisque, j'ai évité toute définition géographique de la ville.' Ville et commune se confondent
comme en métropole et j'y ai intégré la banlieue formée par. Bargny, rattachée à Rufisque dès
1936 et les villages suburbains, vu leurs similitudes ethniques, économiques, sanitaires. Notons
qu'à l'origine, la commune correspondait à l'Escale, la ville lotie, centre décisionnel en matière
administrative et commerciale. On ne soulignera jamais assez les nombreuses discordances et
contradictions existant entre les différentes sources de données statistiques sans compter les
lacunes pour certaines années , les défauts de présentation et les classifications sommaires.
L'exploitation de ces données statistiques brutes qui ne répondent pas à mes préoccupations
d'historien exige prudence et patience. Les recompositions sont nécessaires pour saisir le sens
de l'évolution financière de la commune de Rufisque.
9 LEGIER H. 1., 1968, op. cit., pp. 417--423.

6
Dans cette étude, j'ai recours à un instrument privilégié de .recherche, l'analyse du
budget communal. Je cherche à distinguer l'oeuvre proprement municipale de ce qui revient
aux autres budgets (notamment financement externe) et en la comparant chaque fois que la
possibilité m'en est donnée à d'autres budgets communaux (colonie du Sénégal ou Métropole).
Il est difficile de dresser une nomenclature des recettes et dépenses de la commune de
Rufisque, tant celle-ci est étroitement liée aux fluctuations de la législation métropolitaine en
matière financière et fiscale, d'où le caractère hasardeux de toute série continue de postes
budgétaires entre 1924 et 1964. Plusieurs périodes se succèdent, correspondant à une
promulgation d'éléments législatifs au Sénégal, L'examen des contributions obligatoires nous
rappelle la fonction sécuritaire d'abord assignée à la commune sénégalaise (police, voirie, lutte
contre l'incendie). Pour atténuer les incertitudes, j'ai autant qu'il est possible essayé de
raisonner par la méthode de calcul de pourcentage qui a été adoptée pour dessiner les
tendances sans remettre en cause les grandes lignes de l'évolution de la commune: pourcentage
des contributions obligatoires par rapport aux dépenses totales et' aux quotes-parts reversées à
la commune (patentes, impôt foncier), part de l'octroi et des autres taxes (taxe decauville,
droits de marché, cessions d'eau) dans les recettes ... Toutes ces valeurs n'ont qu'un seul but:
servir de moyen pour suivre la trajectoire de Rufisque, de la suppression de l'octroi municipal à
celle de la commune. Le thème et la méthode retenue nécessitaient de faire appel aux
ressources d'autres éléments de la vie locale: rapports de police, polémiques de presse qui
permettent une entrée dans le microcosme rufisquois (L'Echo de Rufisque, La Vérité, Le Phare
du Sénégal, La Voix de Rufisque, Le Progressiste, La Résistance), débats du conseil municipal
et des autres assemblées délibératives (Conseil Privé, Conseil Colonial puis Général, Assemblée
Territoriale).

7
Quant à la meilleure manière de déflater, le débat reste ouvert. Malgré son
imperfection, j'ai opté pour une déflation en francs constants 1938 de tous les budgets à partir
de l'indice des prix de gros de l'INSEE dans la mesure où une grosse part des biens nécessaires
à leurs interventions était produite en métropole.
La connaissance des acteurs de l'administration et de la gestion municipale de Rufisque
pose un certain nombre de problèmes documentaires, étant donné le début de ma période
d'étude. li est difficile d'effectuer des recherches de papiers personnels chez des familles ayant
donné des élus municipaux à la commune. Les, sources dont j'ai disposé sont les registres des
délibérations du conseil municipal deRufisque, parfois l'état-civil et les listes électorales. Aussi
les renseignements biographiques sont lacunaires.
D'autre part, on ne trouvera pas trace dans la présente étude d'enquêtes orales. Lorsque
j'ai essayé d'évoquer avec certains témoins la situation financière et politique de Rufisque et la
suppression de la commune de Rufisque, ces "vieillards, fatigués de l'action" ne semblaient pas
dans les conditions favorables pour que les événements passés reparussent tels quels. li n'y
r
avait pas de "redescente" dans le passé mais comme une sorte d'inhibition. La mémoire
collective serait-elle une mémoire de l'oubli? 10 Les témoins seraient-ils frappés d'amnésie? Le
long silence sur le passé, loin de renvoyer à l'oubli, est peut-être la résistance qu'opposent des
acteurs, une société civile au. trop-plein de discours officiels. Au-delà de ce clivage entre
mémoire officielle et dominante et mémoires souterraines, j'arrive à cette conclusion que le
non-dit sur la vie municipale à Rufisque après 1945 sert à maintenir la cohésion interne (de
quel (s) groupe (s) ?).
10 L'expression est de Myron ECHENBERG. Voir son article, 1993, "L'histoire et l'oubli collectif: l'épidémie de
grippe de 1918 au Sénégal", pp. 283-295 in Population, reproduction, sociétés. Perspectives et enjeux de
démographie sociale. Mélanges-en l'honneur de Joêl W. Gregory. Montréal, Presses de l'Université de
Montréal, 429 p. On consultera également DAKHLIA Jocelyne, 1990, L'oubli de la cité. La mémoire collective
à l'épreuve du lignage dans le Jérid tunisien. Paris, La Découverte, 325 p.

8
Sur la transcription des noms africains- ç;~mp,t;~ ~enu de la complexité de l'orthographe
réformé du wolof que je ne maîtrise pas, j'ai d~s,~un ~o~ci de simplicité conservé l'orthographe
en usage à l'époque.
Des aspects peuvent avoir été délaissés car la logique de la démarche adoptée
impliquait des choix.
Toute la période étudiée se déroule sur fond de crise entre les protagonistes (maire et
conseil municipal contre administration coloniale) pour Je contrôle des attributions, symbole de
pouvoir. C'est au noeud des contacts entre ces différentes composantes que se révèlent les
blocages de la gestion municipale.
Il est important de nuancer la tradition de subordination du pouvoir urbain au pouvoir central Il.
Dans leur analyse de la crise de la municipalité sénégalaise, Momar-Coumba DIOP et
Mamadou DIOUF 12 insistent sur ce phénomène. Le fait décrit par ces chercheurs est
beaucoup plus opératoire après l'indépendance quand le pouvoir central organise un véritable
encadrement et fait de la commune: représentation de ce pouvoir, un lieu de légitimation des
décisions. Sous l'autorité coloniale, les conflits sont permanents et la municipalité court-circuite
constamment la tutelle administrative. L'immobilisme municipal et la politique du "laisser-faire"
au Sénégal sous la IVème République, bien illustrés par Rufisque, sont révélateurs de ce
constat. Rufisque illustre la qualité de la capacité d'encaisse de l'institution communale. Entre
1924 et 1942, la municipalité de Rufisque s'efforça d'exercer son autorité et y alla de sa petite
campagne d'équipement et de modernisation de la ville. Tant que le conseil municipal fut
capable de rassembler les moyens nécessaires à la gestion de la ville, il s'acquitta de sa mission.
Les ressources dont il disposait entre les deux guerres ne lui permettaient pas de dégager des
dépenses somptuaires, d'autant plus que les subventions de l'autorité de tutelle 'étaient rares
Il Si mes travaux antérieurs (BENGA N. A., 1989, L'évolution politique de la ville de Dakar de 1924 à 1960,
mémoire de maîtrise, Université Cheikh Anta Diop de }}akar, FLSH, 20Sp.) semblent confirmer leur hypothèse,
l'examen rapproché de la sitUa?on financière de la T u n e de plein exercice m'amène à être moins tranchant.
12 DIOP M.-C. et DIOUF M., 1993, op. cit., p. 102.

9
voire inexistantes. A la Libération, la IVème République rétablit la loi municipale
métropolitaine tout en restreignant l'indépendance communale. Elle y parvint en dessaisissant
l'instance municipale de ses rouages essentiels (recettes, attributions) sans lui permettre de
trouver les moyens financiers suffisants. et nécessaires à sa gestion. Les travaux communaux
devinrent exceptionnels; de dépenses ordinaires durant la période antérieure, ils devinrent des
dépenses extraordinaires; la gestion communale fut réduite au minimum 13. L'importance des
restes à recouvrer qui atteignit en ,moyenne entre 1947 et 1957 70 % du montant global des
titres émis manifestait au-delà des difficultés de recouvrements la différence constante entre les
prévisions budgétaires imposées par l'administration et la réalité des possibilités du coritribuable
rufisquois et des perceptions. En 1954, le budget du Sénégal n'avait pas encore réglé ses
arriérés de ristournes d'octroi supprimé en 1942; les arriérés de centimes additionnels
s'élevaient à 19 millions de francs CFA et les taxes fiscales à Il millions de francs CFA. Un
désordre inextricable s'installa, en dépit
d'une tutelle
pesante
mais inefficace.
Les
préoccupations municipales jetées aux oubliettes, la commune fut transformée en site de
prédation, le conseil municipal utilisant les subventions sous forme de dépenses de caractère
politique et mêlant étrangement revendications, clientélisme 14 et compromissions. Le poids
des institutions et les hommes chargés de les mettre en oeuvre furent prégnants dans l'approche
de la gestion municipale. Cette situation s'enracinait dans le passé communal.
Les questions suivantes servent de fil conducteur à ce travail:
Qui doit exercer le pouvoir dans la ville? La compétence réelle du pouvoir communal
était fondamentalement remise en cause par le retrait des attributions en matière de police
municipale et de voirie, d'hygiène et de salubrité publique en 1927. Dans un environnement
institutionnel marqué par la centralité, la commune coloniale constituait un champ
13 La question de l'assainissement qui traverse l'histoire de la ville de Rufisque et à qui l'adnùnistration
communale avait trouvé quelques solutions entre les deux guerres fut continuellement renvoyée aux calendes
grecques. Il fallut les inondations de 1951 et 1954 pour faire démarrer les travaux du canal de ceinture.
14 DION 5., étudiant là Banlieue Rouge de la région parisienne, définit le clientélisme comme une rationalité
d'intervention municipale, un "réservoir" de favoritisme pour dispenser aides et ressources aux citoyens. DION
5., 1986, La politisation des mairies. Paris, Economica, 219 p.

10
d'expérimentation à même de mettre en valeur l'importance capitale du système d'organisation
bureaucratique. Le contrôle administratif sur les communes, très serré entre les deux guerres,
fut vidé de son contenu au cours des années cinquante caractérisées par des divisions
profondes entre les différentes directions (Affaires Politiques et Administratives, Finances)
chargées de la tutelle communale et une bonne part de ruse et d'instrumentalité dans la manière
dont les édiles théâtralisèrent leurs rapports avec les pouvoirs centraux.
De quels moyens financiers la commune dispose-t-elle pour gérer son espace et assurer
à ses habitants un certain nombre 'd'avantages liés à la vie urbaine? Question centrale et
question pratique. Le budget communal avait enregistré un retrécissement drastique de ses
ressources avec la suppression de l'octroi municipal en 1924. La création de l'octroi de mer en
1933 lui permit de rétablir l'équilibre jusqu'à sa disparition en 1942. La crise des finances
locales révèlait un tel caractère d'acuité qu'elle rendait difficile le fonctionnement normal des
services locaux et compromettait même la continuité de certains. En Métropole, cette crise des
finances communales (accroissement considérable des dépenses et instabilité des ressources)
amena les autorités à engager des réformes en matière de fiscalité locale, nécessaires à
l'équilibre des budgets (loi Niveaux du 13 août 1926, loi du 13 novembre 1936). A Rufisque et
dans les autres communes de plein exercice, ces réformes furent limitées ou non promulguées.
Etudier le régime financier et la fiscalité locale permet de mieux cerner la crise des fonctions
économiques et les difficultés d'une politique d'équipement et d'aménagement de la ville. Entre
le cercle des dépenses obligatoires et les opérations prohibées, le cercle des services facultatifs
était très étroit. L'entre-deux-guerres se singularise néanmoins par une volonté d'oeuvrer en
matière communale, accompagnée de résultats probants.
Quelles sont les relations entre les différents segments du pouvoir local (maire, conseil
municipal) et leurs rapports avec le pouvoir central? Quels sont les enjeux qui les structurent
dans leur lutte pour la maîtrise de l'espace urbain? Comment se manifeste l'ingérence de
,
l'administration dans les affaires communales? p ,fagira de relier l'action municipale aux
comportements des acteurs institutionnels par le J~u des conflits qui irriguent en permanence la
'.
vie communale. L'après- 19,45 est marquée par une vie muncipale atrophiée, où tout tourne

11
autour d'organisation de scrutins et une querelle autour de la question des subventions et de
l'endettement.
Une triple perspective justifie donc le choix de l'étude.
La
première
partie
s'intéresse
à
l'engouement
municipaliste.
La
bourgeoisie
commerçante de la fin du XIXème siècle qui avait contrôlé le conseil municipal est relayée aux
élections du 21 décembre 1919 par une alliance de groupes sociaux (commis, notables,
propriétaires fonciers) qui poursuit l'action municipale antérieure. Les effets du déclin de la
ville, suite au développement de l'outillage du port de Dakar et à la concurrence de Kaolack
comme terminal des voies de communication des régions productives de l'intérieur,
entraînèrent une baisse des activités économiques doublée de graves difficultés sanitaires
(épidémies répétées). L'élan municipaliste subit de nombreux soubresauts: l'octroi municipal fut
supprimé en 1924; de nombreuses attributions furent enlevées à la commune, liées aux
exigences de la politique hygiéniste (1927-1928); les débats du conseil municipal étaient
houleux,
marqués
par
l'opposition
radicale
de
nombreux
édiles
à
l'application
des
recommandations du gouverneur du Sénégal ou de l'administrateur de Dakar et Dépendances.
Enfin la crise économique qui frappait de plein fouet ce centre de traite à partir de 1931 et des
régies de plus en plus déficitaires achevèrent de convaincre la tutelle de renoncer à tout
aménagement législatif. Ce contrôle serré de la tutelle est identifiable également dans la gestion
des finances avec la "répression" de toute velléité de confiscation de la commune à des fins
personnels: le 31 janvier 1929, suite aux conclusions de la mission d'inspection Muller (1928)
et à une suspension de trois mois, le maire Maurice Gueye est révoqué.
La deuxième partie porte une attention particulière sur le véritable enjeu de la gestion
municipale à savoir la question centrale de la fiscalité et des finances. La question était de
savoir quels étaient exactement les pouvoirs des autorités locales sur la gestion des intérêts
locaux. A quoi servait une commune de plein exercice? Quel était son véritable statut? La
législation financière outre-mer ne permettait au conseil municipal que d'exercer un pouvoir de
décision limité; les prérogatives financières étaient le champ d'intervention privilégié de
'.
l'autorité centrale. La suppression de l'octroi de mer, principale source de revenus, par le
régime de Vichy et son non-remplacement par les centimes additionnels, comme en métropole,

12'
montrent que le principe de la loi municipale du 5 avril 1884 n'avait pas eu d'effets dans les
faits, notamment les libertés pour se procurer les ressources nécessaires à l'exécution des
décisions. Après 1945, cette législation financière outre-mer faite de tâtonnements et
"s'ajustant" au gré des circonstances montra toutes ses limites.
La troisième partie est consacrée à ce temps du purgatoire dont les prémices
apparaissent au cours de la seconde guerre mondiale. Le décret du 3 janvier 1946, sans
améliorer les ressources de la commune, mit à leurs charges de nouvelles obligations. Pour
combler le déficit budgétaire, une politique de subventions d'équilibre, d'apurement des dettes
fut instituée à partir de 1947, répondant. à des impératifs politiques. La tutelle se trouva
neutralisée par le jeu des alliances et le soutien des partis métropolitains à leurs protégés outre-
mer; les missions d'inspection se succédèrent, sans succès. Les investissements extérieurs
furent quasi-inexistants (il fallait d'abord édifier des capitales 15) et le conseil municipal fut
confisqué par une élite qui l'utilisait à son profit sur ses chemins vers le pouvoir.
Tous ces développements sur la gestion municipale et ses implications à Rufisque
s'inscrivent dans la chronologie suivante.
,
,
En juillet 1924, est supprimé l'octroi municipal à Rufisque. Un conflit sourd opposait la
Chambre de Commerce de Rufisque "hostile à cette barrière d'un autre âge", entravant la
liberté du commerce" et le conseil municipal qui en tirait, à côté de la taxe decauville, le gros
de ses sources de revenus. L'éviction des membres de la chambre de commerce, du conseil
municipal, n'avait pas arrangé les choses. Ce débat sur l'opportunité ou non de l'octroi était un
prolongement des grandes discussions en cours en Métropole sur la modernité et l'utilité de cet
impôt perçu à l'entrée du territoire communal pour toutes les marchandises sauf celles
exemptées par la loi. Qualifié de vexatoire, économi?uement inefficace et socialement injuste,
par les socialistes français, il avait été maintenu en J'absence de toute refonte dela législation
~
-;-
! )
15 DULUCQ S., 1992, op. cit., pp. 183-192.

13
communale car il apportait aux budgets communaux français plus de la moitié de leurs
ressources 16.
1964 constitue le tenne d'une étude qui s'achève avec la suppression de la commune de
Rufisque par décret pris le 19 janvier. Si des causes comme le climat politique délétère, les
difficultés financières restèrent valables, elles constituèrent des prétextes. Cette dissolution de
la commune prenait place dans la phase de consolidation autoritaire et de légitimation du
régime senghorien après la crise de décembre 1962 et marquait la fin d'un conflit dans les
relations entre le pouvoir central et res communes, une rupture entre deux logiques. Celle de la
naissance du phénomène bureaucratique tendu vers des objectifs nationaux et celle du
caciquisme municipal, cette rationalité locale dont Maurice Gueye, maire inamovible de
Rufisque de l'après-1945 à l'indépendance du Sénégal, fut le symbole.
16 Avant la Grande Guerre de 1914, l'octroi constituait 70 à 75 % des revenus de la commune de Saint-Denis.
Cf BRUNET 1. P., 1981, op. cit., pp. 57·58 et 218-219.

'~i'"
14;
"C'est dans les colonies qu'on peut le mieux juger la physionomie du
gouvernement de la métropole, parce que c'est là que d'ordinaire tous
les traits qu' Je; caractérisent grossissent et deviennent plus visibles."
Alexis de TOCQUEVILLE, L'Ancien Régime et la Révolution, tome J, p. 256 .
.~'

PREMIERE PARTIE
L'ENGOUEMENT MUNICIPALISTE (1924-1932)

16
"Nous avons besoin d'avoir de l'eau dans les villages car le spectacle
que nous offre le défilé de nos femmes et enfants courant aux bornes-
fontaines de la ville et chez les particuliers ayant des robinets chez
eux, pour y chercher de l'eau, ce spectacle, dis-je, constitue une
situation qui doit retenir toutes nos préoccupations."
Baboukar Cissé, Délibération du Conseil Municipal, séance ordinaire du 29 novembre 1927.

17
La topographie de Rufisque (zone marécageuse) faisait de cet espace un foyer de
pandémies que les édiles, dès les origines de la commune, s'étaient évertué à aménager. Les
épidémies sévissaient durablement sur la côte du Sénégal, seule colonie française au sud du
Sahara, où notamment la peste était devenue endémique entre 1914 et 1944. C'est à la suite de
ces épidémies que les attributions de police municipale et de voirie, d'hygiène et de salubrité
publique avaient été enlevées au maire pour être confiées à l'autorité de tutelle en 1927. Ce
retrait fit l'objet de vives protestations et de conflits entre l'instance communale et le
gouvernement central. L'une y voyait une atteinte à la liberté communale, l'autre jugeait la
législation métropolitaine inapplicable.
4
Cette querelle coîncide avec 'la période où le conseil municipal de Rufisque s'était
engagé, à l'instar de ce qui se vivait dans les communes métropolitaines, dans ce vaste
mouvement d'intervention de plus en plus marqué des municipalités dans les entreprises
commerciales et industrielles, de gestion des services municipaux (eau, électricité et tentative
d'Habitations à Bon Marché à Rufisque). Cette prise en charge (éclairage, distribution d'eau,
gaz, transports en commun, pharmacies...), soit en appui à des entreprises privées, soit par
exploitation directe en régie.. est connue dans l'historiographie sous le vocable de
municipalisme.
La crise des années trente et la diminution des ressources, en entraînant l'arrêt du trafic
commercial et le déplacement dès principaux établissements vers
Dakar,
firent de
l'infrastructure urbaine une charge trop lourde pour la Municipalité, charge exacerbée par la
confusion entre dépenses d'intérêt général et dépenses communales (dépenses d'alimentation en
eau du Camp des Tirailleurs assurées par la commune).

18
CHAPITRE L RUFISQUE, DEMOGRAPHIE ET ECONOMIE
1. DEMOGRAPlllE ET SITUATION SANITAIRE
A. Site de la commune
On sait très peu de choses des débuts de la ville. Son nom d'origine portugaise et les
témoignages de plusieurs auteurs du XVIIème siècle laissent à penser, comme on s'y attendait,
que les Portugais furent les premiers Européens à s'y installer. Mais il faut attendre 1588, alors
que la côte est connue dès 1444-1445, pour voir mentionner Rufisque pour la première fois
dans une patente de la reine Elisabeth d'Angleterre. Elle accorde à certains marchands "le
privilège d'aller à la rivière de Gambie, à la" ville de Barzaquiche (Gorée) située près du Cap-
Vert, sur la côte à Rufisco-Viejo ou Rufisque, à Palmerin, à Portudale et à Joala et enfin à
Gambia" 1
Le nom autochtone de Rufisque est Têng gêcc, prononciation wolof maladroite du nom
lebu Tang gêcc 2. L'emplacement actuel de la ville fut découvert par Omar Ndoy, habitant de
Kounoune au nord-ouest de Rufisque qui, traversant la forêt autour de son village, en
compagnie de son chien, découvrit à perte de vue une grande étendue d'eau, la mer. Plus tard,
les habitants de Kounoune, Bargny et Yène descendirent du plateau pour venir s'installer au
bord de la mer et fondèrent quatre villages: Ndounku, Tiokho, Tiawlen et Dangou. Rufisque
est situé sur la baie formée par la-presqu'île du Cap-Vert, à 28 km de Dakar dans une rade
qualifiée de splendide par les voyageurs 3. Des conditions économiques favorables -mer moins
hostile dans cette région au sud de Dakar, carrefour des voies de communications vers
1 CULTRU P., 1910, Histoire du Sénégal du XVème siècle à 1870, cité par MAUNY R, "Notes d'histoire sur
Rufisque d'après quelques textes anciens", Notes Africaines, n" XLVI, avril 1950, I.F.A.N., Dakar; Pasquier R,
1960, "Villes du Sénégal au XIXème siècle", Revue Française d'Histoire d'Outre-Mer, tome XLVII, 3è et 4ème
trimestres, 1960, pp. 387-426.
2 S'appuyant sur diverses traditions, MAUNY R, 1950, DIOUF M., 1976 et BADIANE M., 1989, op. cil. en
donnent respectivement le sens suivant: "le puits de la mer", "ceux qui jouxtent la mer", "la clairière défrichée
par le feu au bord de la mer".
3 ANFREVllLE DE LA SALLE Dr. d', 1909, Notre vieux Sénégal. Son histoire, son état actuel, ce qu'il peut
devenir. Paris, Augustin Challamel, 299 p. Du même auteur, 1912, Sur la côte d'Afrique. Villes, brousses,
fleuves et problèmes de l'ouestafricain. Paris' Larose, 323 p.

119 .

1
l'intérieur .et les régions arachidières, escale commerciale du Cayor - étaient contrebalancées
par des inconvénients majeurs.
Le terrain sur lequel était édifiée la ville de Rufisque possédait une configuration en
cuvette qui n'avait pas permis de réaliser l'équipement du sous-sol et l'installation d'un réseau
d'égouts. Des canaux de dérivation assuraient à l'est et à l'ouest l'écoulement des eaux de
ruissellement des hauteurs entourant la ville lui évitant pendant la saison des pluies une
inondation totale mais n'assurant pas un écoulement des eaux du centre de la ville située en
contrebas. Ces canaux à ciel ouvert, dont l'açcès à la mer établi avec une pente insuffisante
s'ensablait rapidement, ne remplissaient qu'imparfaitement leur office.
B. Des villages à la ville: les poursuites de l'aménagement d'un centre urbain
Ce site hostile fit l'objet de gros aménagements entre 1892 et le début du XXème siècle,
notamment sous l'équipe municipale dirigée par Joseph Gabard (1892-1900) 4, représentant de
commerce de la maison Buhan- Teisseire. Les plans directeurs de 1862 et 1870 étaient centrés
sur l'établissement d'un port et l'assainissement de la ville. Ces travaux d'assainissement
démarrèrent par le creusement d'un canal de navigation autour de la ville pour régulariser le
marigot et empêcher la stagnation des eaux. En réalité, l'administration n'avait aucune intention
de procéder à des investissements pour des travaux dans une ville qu'il fallait d'abord combattre
pour attirer le commerce à Dakar s, dans un contexte international marqué de surcroît par la
récession (1870-1880). Le plan directeur de 1862 fit l'oojet de nombreuses contestations entre
l'administration et les traitants à propos de la répartition des terrains et de la construction des
établissements commerciaux; il ne fut suivi d'aucune réalisation et fut finalement abandonné.
4 Il est considéré comme le véritable aménageur de la ville de Rufisque. Sur les circonstances de sa mort, cf
DIOUF M., 1976, op. cil., pp. 81-84 et du même auteur, in CHRETIEN J.-P. et PRUNIER G., 1986, Les
ethnies ont une histoire,
Paris,. Karthala, pp. 286-287.
S "Encourager Rufisque. c'est entrer dans une voie dangereuse", Joubert, directeur des Ponts et Chaussées, cité
par DIOUF M., 1976, op. cit., p. 80.

20
Avec l'érection de la ville en commune de plein exercice, le 12 juin 1880, et après une
instabilité municipale jusqu'en 1892 6, seule une municipalité dirigée par une forte personnalité
,
et appuyée par la puissante chambre de commerce (instituée par arrêté du 9 janvier 1883 et sise
rue Gambetta) 7 , était à même d'engager ~t de poursuivre des travaux de grande envergure.
Les constructions en pierre prirent très rapidement le relais des baraques dans l'Escale du fait
de l'abondance des carrières de calcaire dans cette région 8; deux sous-quartiers virent le jour:
Keury-Souf (la zone des maisons basses) et Keury-Kao (les maisons en hauteur) très
semblables architecturalement aux maisons de Saint-Louis du Sénégal et du sud et sud-ouest
de la France (Bordeaux et Marseille). La voirie avec son schéma en damier, son réseau
.
decauville (voies ferrées
municipales) et
ses petits caniveaux à ciel ouvert s'édifia
progressivement. Deux canaux (Est et Ouest) furent creusés permettant l'écoulement des eaux
et servirent en fait de ligne de démarcation entre la ville et les villages lebu. D'autres travaux
concernèrent le marché, l'église et une action timide à propos de l'alimentation en eau de la
ville, accélérée entre 1900 et 1905.
Que dire de ces réalisations sinon qu'elles consacrèrent une partition raciale de la ville
où le milieu afiicain était tenu à l'écart. L'Escale restait une ville française aménagée et
entièrement vouée au commerce de la "pistache de terre" avec des éléments afiicains assimilés
tandis que Tanggêcc, la ville indigène était rejetée à la périphérie, sans aucune perspective.
6 Une dizaine de maires se succèdent entre 1880 et 1892: VerrA Assémat, Sicamois, Lamartiny, Bélingard,
Escarpit, Armand. La municipalité constituait certes un liQlJ de contestation de l'autorité administrative mais
aussi de rivalités d'intérêts entre les maisons commerciales.!'
.
7 Son premier président se nommait Saver. DUBRESSON~. 1979, parle d'osmose totale entre le monde du
négoce et le conseil municipaL In L'espace Dakar-Rufisque .en devenir. De l'héritage urbain à la croissance
industrie//e. Travaux et documents de l'ORSTOM n" 106, POJïs, p. 26.
~
8 Il est resté l'expression très usitée au Sénégal de "pierre de Rufisque".

i - - - '
,
21
C. Des problèmes inconnus en métropole: les épidémies répétées
La configuration de Rufisque, situé dans une cuvette au-dessous du niveau de la mer,
fut dès la naissance de l'établissement urbain, un souci pour les édiles et plus tard le service de
l'hygiène publique. Cette question de l'hygiène prit un caractère presqu'insoluble où se mêlaient
aux conditions topographiques des causes diverses mais interdépendantes.
Les défaillances individuelles à savoir
l'inobservation
par
les particuliers des
prescriptions d'hygiène avaient du mal à être. réprimées du fait de l'inefficacité des pénalités
sanctionnant les récalcitrants et des insuffisances des services publics. Les services municipaux
de nettoiement et d'enlèvement des ordures, face à l'ampleur de la tâche, souffraient d'un déficit
d'équipement: le ramassage des immondices, le curage des caniveaux était par conséquent
irrégulier 9. Tout ce faisceau de causes joua dans toute sa vigueur au cours des années vingt,
faisant de Rufisque un terrain d'endémies qui frappaient durement la population et ralentissaient
l'activité commerciale.
1. La population rufisquoise: une connaissance fragmentaire de ses
caractères
La population municipale se définit comme l'ensemble des personnes qui participent
d'une manière stable à la vie de la commune. On en exclut donc les militaires, les gens de
passage, etc. Il ne s'agissait donc pas du chiffre de population qui servait de base pour la
perception de l'impôt. Cette acception était beaucoup plus étroite que dans le sens légal. En
Afrique Occidentale Française, le terme de population municipale faisait problème; on peut
même avancer qu'il n'avait pas existence légale puisque l'article IOde la loi du 5 avril 1884
portant sur le nombre de conseillers municipaux n'y avait été promulgué, non plus que les
décrets sur les dénombrements quinquennaux. En ce qui concerne les communes de plein
9 Le ramassage des ordures s'effectuait à l'aide de wagonnets poussés à bras. Le service de nettoiement ne sera
doté d'un Camion-benne qu'eri-I926 nécessitant souvent d'importantes réparations. Puis la dotation passera à 5.
ANS, Fonds Ancien. 3D. commune de Rufisque. extraits des délibérations du conseil municipal. Séance
ordinaire du 20 novembre 1926. .

f
. '1'

1 22
exercice du Sénégal, l'administration ne renvoyait pas au chiffre de population; elle statuait
pour chaque municipalité en particulier.
On comprend mieux pourquoi suivre l'évolution démographique de la ville de Rufisque
dans le temps et dans l'espace n'est pas chose aisée en l'absence de recensement régulier. Le
recensement de 1921 fournit des renseignements sommaires (tableau n ° 1). Les données
spatiales sont difficiles à repérer, la réalité démographique de Rufisque recouvrant le centre
urbain et les villages suburbains. La population africaine est difficile à dénombrer. Les sources
font défaut à cause de la défiance des autochtones à tout dénombrement qui avait pour résultat
de les inscrire sur le registre des impôts. De plus, il est difficile de faire la part entre Lebu et
migrants. Ces derniers -Wolof du Cayor et du Baol, Toucouleur, Serer de Thiès- avaient suivi
la ligne du chemin de fer et de l'arachide et s'étaient installés en dehors des villages lebu 10,
s'employant comme manoeuvres durant les périodes de traite arachidière. La population
européenne (Français, non-Français et Métis) dont l'arrivée massive à Rufisque correspondait à
l'importance économique et commerciale de la ville restait encore présente en 1924 (tableau n?
3), même si le développement de Dakar indiquait les premiers signes du repli. Quant aux
Libano-Syriens, accourus en grand nombre depuis 1919, à la suite du mandat français sur le
Levant, leur nombre est inconnu. L'application rigoureuse du décret du 24 janvier 1925 avait
eu pour résultat de freiner leur immigration Il. Parents de commerçants déjà établis dans la
colonie ou employés demandés par eux, ils retrouvaient du travail à leur débarquement.
Un constat se dégageait en 1924: Rufisque conservait encore ses effectifs de population
(tableaun n? 4) 12. Ceux-ci subirent alors l'assaut d'épidémies qui sévirent à l'état endémique: la
peste pour la population africaine et la fièvre jaune pour les Européens et les Libano-syriens.
10Guendel, Champs de Course.
11622 avaient débarqué en 1929 contre 833 en 1927. CARAN, 2G 29-7 200 mi 1722, Circonscription de
Dakar et Dépendances. rapport annuel 1929. Situation politique et économique.
12 Le chiffre de population de 1926 correspond probablement à une erreur d'estimation. Sinon on ne saurait
comprendre le chiffre de population de 1931 au moment où Rufisque commence à être achevé par le malaise
commercial.
~.

"I--~-~-
23
Tableau 1: POPULATION DES QUATRE COMMUNES EN 1921
Localités
Européens
Total
Citoyens
Tot. Cit.Fr.
Sujets Fr.
Sujets Etr.
Pop. Tot
Electeurs
Français
EtranQers
Oriainaires
Dakar
2.462
72
2.e34
11.803
14.265
19.983
2.825
37.145
4.631
Saint-Louis
623
4
62'7
3.111
3.734
12.928
3.691
20.358
2.826
Gorée
81
0
8',
465
546
439
13
998
227
Rufisque
168
33
201
3.059
3.227
7.931
116
11.307
3.059?
Total
3.334
109
3,443
18.438
21.772
41.281
6.645
69.808
10.743
Sénégal: Population totale 1.225.523 habitants dont 4.477 européens (4.318 français et 159 étrangers)
et 1.221.046 Indigènes (22.871 citoyens français, 1.187.830 sujets français et 10.345 sujets étrangers).
Source: CARAN 17G 239-108, recensement de la population du Sénégal, 1921.
Tableau 2: POPULATION DES QUATRES COMMUNES EN 1921 (en %)
Pop. Europ.
Cit.Fr./Pop.Eur.
Cit. Fr.
Cit. OriQ.
Tot. Cil. Fr.
Sui. Fr.
Dakar
6,82
97,15
6,52
31,77
38,40
53,79
Saint-Louis
3,07
99,36
3,06
15,28
18,34
63,01
Gorée
8,11
100
8,11
46,59
54,7
43,98
Rufisque
1,77
83,58
1,48
27,05
28,53
70,14
Total
4,93
96,83
4;:'7
26,41
" 31,18
59,13
Source: d'après mes calculs. Source CARAN 17G 239-108, op. cit.
...-;

.~
;
24
Tableau 3: POPULATION EUROPEENNE (Français) A RUFISQUE ET DAKAR (1921-1961)
années
Rufisque % Europ.
% Franç.
Dakar
% Europ.
% Franç.
1921
201
1,77
(1 ïHJl
1,48
2534
6,82
(2462)
6,62
1926
403
4,5
4998
16,01
2488)
7,97
1931
597
4,08
(233)
• 1,59
6559
16,66
4989)
12,67
1936
150
0,75
6500
8,32
4941)
6,32
1941
(18233)
13,48
1946
850
1,95
(600)
1,37
16415
12,48
(8614)
6,55
1951
25000
._-
1956
1200
2,64
(26516)
10,91
1961
(30000)
Sources; d'après mes calculs, Annuaire Statistique de l'AOF(1921-1945), 1949;
0' BRIEN R.C., 1972, White Society in Black Africa, The French of Senegal, p. 275;
ANSOM, Agence FOM, recensement de l'AOF et du Sénégal(1926-1945), cartons 395 et 595.
. --- -
- .
--- ----------~-- - - - _ .
Tableau 4 : EVOLUTION QUINQUENNALE DE LA POPULATION DE RUFISQUE
ET DE LA CIRCONSCRIPTION DE DAKAR ET DEPENDANCES (1921-1961)
Années
Rufisque
Circons.Dak. et Dép.
1921
11307
32~40
1926
8953
31199
-
1931
14623
39359
1936
20000
78101
1941
30000
135168
1946
43500
131500
1951
33871
1956
45300
242900
1961
51000
r
En raison des circonstances où ils sont effectués, contrôles liés à la vérification des impôts,
ces recensements sont souvent imprécis d'où des variations nombreuses.
Le chiffre de population de 1926 est largement sous-estimé. Celui de 1951 est notablement inférieur à
celui de 1946 en raison de la réduction des limites de la banlieue de Rufisque qui ne comprenait plus que Bargny
i
Sources; d'après mes calculs, Annuaire Statistique de l'AOF (1921-1945), 1949;
O'BRIEN R.C., 1972, WHite Society in Black Africa, The French of Senegal, p. 275;
ANSOM, Agence FOM, recensement du Sénégal (1921-1945), c. 595.
1

--' ".'-;
25
Le phénomène n'était pas une nouveauté. Au XfXème siècle, les épidémies décimaient les
populations et paralysaient les communes sénégalaises. Celle de fièvre jaune de février 1878,
celles de 1881 et 1882 en particulier ont laissé un cruel souvenir 13. Noirot qui a accompagné
; .
le docteur Bayol dans son vqy~~~ 9.'exploration dans le Fouta Djallon écrit:
"(...) Rufisque offre un autre inconvénient et des plus
graves: un marigot entoure la ville. Pendant la saison des
pluies, ce cloaque en fait une île et devient le foyer de
fièvres paludéennes dont. la population européenne souffre
beaucoup" 14.
<
2. Lesendémo-épidémies à Rufisque
D'importation récente, la peste fut propagée par la' puce du rat et s'implanta sur le
littoral sénégalais dont le sol sableux offrait des conditions favorables 1S. Ce phénomène de
peste, endémique jusqu'en 1944, n'est connu que sur la côte du Sénégal. A Rufisque, la maladie
ne fut pas alarmante à ses débuts: 0 décès en 1925, 3 en 1926 dans le quartier de Ndounku
entre juillet et octobre 16 .
En 1927, 4 cas de fièvre jaune furent constatés au cours du mois de janvier dont 3
suivis de décès 17. Afin d'activer les travaux d'assainissement entrepris à Rufisque pour lutter
13
:

LEGIER RI., 1968, op. cit., p.454.
14 PASQUIER R, 1960, op. cit., p. 413.
1S Sur l'histoire de la peste à Dakar: cf. BETIS R., 1971, "The Establishment of the Medina in Dakar, Senegal,
1914", Africa, tome 41, n? 2 pp. 143-153; MBOKOLO E., 1982, "Peste et société urbaine à Dakar: l'épidémie
de 1914", Cahiers d'Etudes Africaines, vol. 22, n? 85-86, pp, 13-46; SALLERAS B., 1984, La peste à Dakar
en 1914: Medina ou les enjeux complexes d'une politique sanitaire. Paris, thèse de 3ème cycle, EHESS,
172+73+30 p.
16 La fièvre jaune de 1926 au Sénégal qui fit 23 décès sur 26 cas européens et libano-syriens avait débuté en
octobre dans la région de Kaolack et le long du chemin de fer Thiès-Kayes. In CARAN, 2G 26-11 200 mi 1711,
Sénégal, rapport politiqueannuel, 1926.
17 CARAN, 2G 27-18 200 mi 1714, Sénégal. rapports politiques mensuels 1927.
1
:
,of

-···-·-----'-1
26
contre l'épidémie, un arrêté du 7 janvier affectait un administrateur des colonies, Agard-
Laroche, à Rufisque. Ce fonctionnaire investi de la qualité de gouverneur avec le droit de
contrôle et de surveillance sur tous les fonctionnaires et agents d'ordre administratif reçut tous
les pouvoirs de police qui n'étaient p~s expressément réservés au maire par les règlements en
vigueur. Le territoire de Rufisque qui se trouvait déjà sous le régime de l'observation sanitaire
(arrêté du 29 décembre 1926) avait été à nouveau déclaré contaminé. D'autres arrêtés (5, 12 et
21 janvier 1927) prescrivirent une série de mesures destinées à enrayer l'épidémie. Au total, sur
116 cas de fièvre, il y eut 96 décès à Rufisque, Mbour, Tivaoune et dans les cercles du Kajoor,
Bawol et Louga 18.
L'épidémie de peste de février 1927 touchant surtout la population africaine fut
particulièrement meurtrière à l'échelle de la colonie. Rufisque compta 165 décès sur 215 cas
(76,74 %), Dakar, 189 dont 5 européens sur 225 cas (84 %)" 19 . Un arrêté local créait le 27
avril une délégation du gouvernement du Sénégal à Rufisque
sous la direction de
l'administrateur des colonies, Blacher, ayant sous son autorité certains pouvoirs revenant
habituellement à la municipalité et relatifs à l'hygiène et à la salubrité (décret du 25 janvier
1927) et plus tard à la police municipale et à la petite voirie (décret du 15 novembre 1927). Le
cycle de la peste qui se manifestait, parfois sous ses formes les plus graves (septicémique,
pulmonaire), démarrait en janvier, affectait le type épidemique dès mai, atteignait son
maximum en juillet-août pour décroître brusquement en septembre sans s'arrêter complètement
en fin d'année. Celui de la fièvre jaune connaissait son paroxysme après la saison des pluies.
18 Idem.
19 73 indigènes en juillet et 64 en août. Le territoire de Dakar (1754 décès pour 1170 naissances) fut placé sous
le régime de l'observation sanitaire le 17 septembre 1927. CARAN, 2G 27-18, op. cit. La moyenne de la
colonie du Sénégal était de 61,13 % (1696 cas mortels). Le nombre élevé de décès est à imputer à l'absence
d'infrastructures. Rufisque ne disposait pas d'un dispensaire-hôpital; la station de désinfection du lazaret ne fut
achevée qu'en 1930 sur crédit du budget général (586. 879 francs constants). In ANS, 2G 30-29, A.o.F.
Travaux publics. 1930. Rapports d'ensemble. Il n'existait que des cases d'isolement; la salle des malades où l'on
pût isoler et soigner les contagieux restait à l'état de projet
Voir aussi CAZANüVE F., 1929, "La peste au Sénégal (1924-1927)", Annales de Médecine et Pharmacie
Coloniales. n ? 27, pp. 20-33.

27
Dakar connut en 1928 une accalmie (on y observa un seul cas de peste); Rufisque vit le
nombre de ces cas chuter de moitié et les décès de 75 % par rapport à l'année précédente
(tableau n 0 5). Dakar avait bénéficié de barrages sanitaires efficaces puisque la diffusion de
l'endémo-épidémie pesteuse empruntait les, voies du chemin de fer, notamment la ligne du
Dakar - Saint-Louis. Pour éviter la pénétration par voie terrestre et maritime, des mesures
quarantenaires et la fermeture des frontières limitrophes avec la Gambie furent appliquées.
Aucun cas de fièvre jaune ne fut constaté sur le territoire du Sénégal en 1928. Cependant la
protection des grosses agglomérations contre les risques errants de contamination, notamment
l'institution d'une zone de protection autour de. Dakar et du port de l'A.O.F., était très relative
puisque la population contaminée, très mobile, échappait avec facilité aux surveillances
installées sur les routes. En 1929, la peste connut une intensité particulière à l'échelle du
Sénégal (60 % de décès dont 4 européens), notamment à Dakar (240 décès sur 339 cas soit
70,79 %, chez les africains). Rufisque fut épargné, avec 4 cas mortels. Les cas de fièvre jaune
s'élevèrent dans la colonie à deux (2) 'suivis de guérison. Ainsi si le fléau de la peste avait du
mal à être jugulé, celui de la fièvre jaune fut contenu voire éradiqué dès 1929; il était même
relayé par des maladies comme le paludisme et les dysenteries qui devinrent les grandes causes
de morbidité. Cependant les mesures prophylactiques du service d'hygiène à savoir la
vaccination à la pestedone à côté du lipo-vaccin démarrée en 1926-1927, commençaient à
porter leurs fruits.
Si les désinfections, le nettoiement, la dératisation active furent facilement acceptés par
les populations, celles-ci s'étaient d'abord énergiquement refusées à accepter la vaccination par
.
la crainte qu'elle inspirait. Pour appliquer les campagnes de prévention et les politiques
d'hygiène, l'administration dut s'appuyer sur la médiation de l'autorité des notables et des chefs
de village rufisquois dont certains, pour donner l'exemple, se firent même vacciner. Ce service
rétribué était souvent remis en cause lorsque le conseil municipal, dans ses délibérations,
l'inscrivait au chapitre des dépenses. En 1929, 74 % de la population de Rufisque avait été
vaccinée d'où le faible.nombre de décès. Les mesures rigoureuses de protection aux portes de
la ville n'étaient pas également étrangères à cette situation. Le nombre de décès par peste parmi

28
Tableau 10: SITUATION DEMOGRAPHIQUE A RUFISQUE, LA MORBIDITE (1925-1936)
années
Naissances
Décès
Taux nat. Taux mort.
Pop. Ruf.
Taux accrois.
1925
?
556
1926
?
433
4,83
8.953
1927
?
714
1928
728
494
1929
731
486
4,37
2,9
16.703
1,47
1930
676
744
1931
724
550
4,95
3,76
14.623
1,19
1932
1011
773
5,04
3,85
20.040
1,19
1933
687
446
2,85
1,85
24.048
1
1934
650
586
4,13
3,73
15.710
0,4
1935
711
641
4,55
4,1
15.607
0,45
1936
712
515
4,69
"3,39
15.159
1,3
NB: les taux calculés correspondent à C6UX des années pour lesquelles nous disposons de la population totale de Rufisque.
Source: ANS, 2G, Sénégal, rapports médicaux annuels (1925-1936).
Tableau 5 : ENDEMQ.EPIDEMIE DE LA PESTE AU SENEGAL. Part des décès en % (1925-1934)
années
Rufisque
Sénégal
% Rufisque
% Sénégal
% Ruf. / Sén.
cas
décès
cas
décès
1925
2
0
397.
229
0
57,68
0
.
1926
15
3
842
484
20
57,48
0,61
1927
215
165
2774
1696
76,74
61,13
9,72
1928
106
57
2014
1179
53,77
58,54
4,83
1929
7
4
2928
1743
57,14
59,52
0,22
1930
47
21
1848
1030
44,68
55,73
2,03
1931
75
42
502
254
56
50,59
16,53
1932
8B
74
172
131
84,09
76,16
56,48
1933
?
?
15
• ?
66,66
1934
133
76
583
296
57,14
50,77
25,67
Pourcentages par rapport au total.
Source: ANS, 2G, Sénégal, rapports médicaux annuels (1925-1934).
Tableau 6 ; VACCINATIONS ANTI-PESTEU'3ES A RUFISQUE (1925-1932)
années
Rufisque
Sénégal
1925
1926
?
308
1927
9.259
31.312
1928
7.310
116.590
1929
12.233
126.426
1930
17.671
407.888
1931
18.462
?
1932
11.637
NB: le nombre de vaccinés supérieur à la population communale de Rufisque en 1931 provient du rattachement à Rufisque
de villages dépendant du cercle de Thiès et vaccinés par cette circonscription.
En 1925 démarre au Sénégal un essai do vaccination à la pestédone
à côté du lipo-vaccin.
Source: ANS, 2G. Sénégal, service de 1& sané (1925-1932).

29
les non-vaccinés était plus important que parmi les vaccinés: lors de l'épidémie de 1930, le
!.
rapport à Dakar était de 96 à 83 % 20 (tableau n 0 6). Entre 1930 et 1933, le nombre de
1
pestiférés diminua sensiblement dans la colonie par rapport aux années précédentes. Pris entre
les foyers de Tivaoune et d~ Dakar, tous deux bien touchés, Rufisque constituait un tampon; il
continuait à voir ses effectifs: de .
,.
malades et de décès croître même s'ils restaient inférieurs à
!:
ceux de la première "génération", Nombre de cas lui étaient d'importation: en 1932, 84 % des
cas furent mortels. La suppression des barrages sanitaires établis au moment des vaccinations
eut comme conséquence la forte diminution du nombre des vaccinés (11. 637 en 1932 contre
18.462 en 1931). La région de Rufisque fjJt la plus éprouvée: en août 51 %, en septembre 56
% des de la colonie. Port, ville (Mérina, Guendel, Thiokho, Tiawlen) et banlieue (Diakherate)
de Rufisque furent institués; en circonscriptions sanitaires. L'hygiène de l'habitat, la topographie
de la ville, les vaccinations antérieures, les conditions météorologiques confondaient leurs
actions diverses: 74 cas surles 88 avaient été enregistrés sur le territoire de la commune 21. Un
arrêté du 23 juin 1932 availdéclar:é la commune de Rufisque' contaminée de peste:
1
1
"Toute personne non munie de la dite carte de vaccination
(datant de moins de 6 mois) devra avant de pouvoir
continuer sa route (en l'espèce sortir de Rufisque) ou bien
subir la vaccination ou bien être isolée sous observation
sanitaire pendant six jours" 22.
20 Les non-vaccinés avaient six fois plus de chances d'être atteints par l'endémie que les vaccinés. L'assistance
médicale ne se présentait pas sous le même aspecl dans Rufisque et sa banlieue. Les procès-verbaux dressés
pour irifraction à l'hygiène passèrent de 265 en 1927 à 1217 et 1090 en 1928 et 1929. Peu respectés par la
population, difficiles à recouvrer, ils se révélèrent d'une faible efficacité. Le succès des vaccinations à partir de
1929 en fit chuter le nombre à ),~6 en 1930 et 306 en 1931. CARAN, 2G 31-65 200 mi 1743, Sénégal,
Délégation de Rufisque, peste, 1.931.
Voir aussi FULCONIS, 1931, "La peste au Sénégal en 1929", Annales de Médecine et de Pharmacie
Coloniales, n ° 29, pp. 286-311; MARQUE, 1931, "La peste dans la Circonscription de Dakar en 1929",
Annales, op. cit., n·029, pp. 311-317; GIRAUD G., 1933, "Cas de peste pulmonaire primitive à Rufisque en
1932", Bulletin de la Société de Pathologie Exotique, vol. 26, n ? l, pp. 99-103.
21 CARAN 2G 32-35 200 mi 17477 Sénégal, service de santé, 1932,
22 Cité par L'Echo de Rufisque, journal hebdomadaire indépendant défendant les intérêts de Rufisque et de
l'Ouest Africain,
n ° 7 du 30 juin 1932. Directeur politique: Galandou Diouf, directeur rédacteur en chef:
Nicolas Huchard.
.

30
Ces épidémies eurent peu d'incidence directe sur la démographie de Rufisque (tableau n
10). Les chiffres de naissance et de dècés présentés ne concernent que la population assujettie
à l'état-civil. Le nombre élevé de décès était à verser au compte de la mortalité infantile: en
1928, environ 63 % des décédés avaient moins d'un an (305 sur 494); en 1930, 59 % (437 sur
.
744); en 1929, 285 décédés avaient moins de 10 ans (58,64 %) 23. Les causes de cette
mortalité sont à chercher dans des maladies telles la gastro-entérite, le paludisme, les affections
pulmonaires aiguës. En 1933, le Fonds d'Emprunt ouvrit des dépenses de l'ordre de 355.200
francs constants pour la vaccination et 59.2pO francs constants pour la dératisation dans le
cadre de la lutte contre la peste au Sénégal d'où l'absence presque totale d'épidémie dans la
colonie.
Ces maladies avaient entraîné des mesures de police' sanitaire et maritime. A Dakar,
tous les navires en provenance de Rufisque et Mbour étaient obligatoirement sulfurés. Aucun
.
permis d'embarquement n'avait été délivré aux africains dépourvus d'un certificat de
vaccination anti-pesteuse "attestant qu'ils ont subiun séjour de 9 jours sous moustiquaire au lazaret de
Gorée" 24 . Un arrêté du 14 juin 1929 plaçant la ville et le port de Rufisque sous le régime de
l'observation sanitaire fut rapporté par arrêté du 17 septembre de la même année. A Rufisque,
tous les bateaux provenant d'un port soumis à un régime sanitaire avaient eu leurs équipages
consignés à bord, les opérations de chargement arrêtées à 17 h.30' 25. Les équipages
descendant des navires étaient soumis à une surveillance médicale quotidienne; en 1934, tous
les navires provenant de Kaolack étaient placés sous le régime sanitaire pour éviter la
propagation des maladies. La même année, le village de Diokoul fut déclaré contaminé de
.
peste 26.
23 CARAN 2G 29-8200 mi 1722,A.o.F. Rapports d'ensemble. Services sanitaires. 1929; 2G 31-65200 mi
1743, Sénégal. Délégation de Rufisque. port de Rufisque. étrangers, enseignement, peste, 1931.
24 CARAN, 2G 27-19 200 mi 1714, Circonscription de Dakar, rapport annuel, 1927.
25 CARAN, 2G 33-22 200 nii."1754, Sénégal. service de santé, 1933.
/
26 J.o.SEN du 6 septembre 1934.

----!
31
Le trafic commercial subit des arrêts momentanés et une baisse suite à ces fléaux.
II. LA BAISSE DES ACTIVITES ECONOMIQUES
A. L'organisation du patrimoine communal
1. Le réseau decauville
La voirie de Rufisque qui avait fait l'objet de travaux considérables au cours du plan
directeur de la ville dès 1862 (construction de rues et de trottoirs à partir du calcaire abondant
dans cette région, de petits caniveaux à ciel ouvert pour l'écoulement des eaux pluviales vers la
mer) se'doublait d'un réseau de voies ferrées appelé voie decauville 27 que l'on ne trouvait dans
,
nulle autre ville du Sénégal et qui était lié à l'activité commerciale. Ce réseau installé depuis
1889 par la chambre de commerce et la municipalité et long de 14 km desservant 15 ha
d'entrepôts 28 sillonnait la ville et permettait une manutention des marchandises, plus
particulièrement l'arachide entre la gare et le port. Parcourant les principales rues de la ville
(rues Péchot, Demoby, Nationale, Gambetta, Léon Armand) dans tous les sens 29, les rails
pénétraient dans les cours des grandes maisons de commerce pour aller se terminer sur les
wharfs métalliques du haut desquels on chargeait les marchandises lourdes dans les chalands du
port. Cette voie decauville était une source financière importante pour la municipalité de
Rufisque: formant les 3/4 des recettes municipales au début du XXème siècle, il était à l'origine
de nombreux travaux d'aménagement et d'assainissement de la ville 30.
27 Du nom de l'industriel français Paul Decauville (1846-1922), fondateur d'une usine de construction de
matériel de petits chemins de fer transportables.
28 DUBRESSON A., 1979, op. cit., p. 19.
29 Cf Annexes, iconographie.
30 En 1921, les droits sur lavoie ferrée municipale aV~J;1l rapporté 903.213 francs courants (1.806.423 francs
constants) sur un total de recettes de 3.365.855 CranCf' ÇC?urants (6.731.710 francs constants). Cf ANS, Fonds
Ancien, 3D, commune de Rufisque, extraits des délib'W'qtions du conseil municipal, compte administratif 1921.
"
.

32
2. Le port, un système à l'abandon
Les installations et équipements principaux de l'infrastructure portuaire situés à l'ouest
de la ville tournaient autour des wharfs. Ces derniers étaient nécessaires au transbordement des
marchandises par les chalands entre les navires et la plage. Entre 1880 et 1925, Rufisque en
compta cinq: un en bois (1880), deux métalliques de 180 m de long et 5 m de large (1892), un
en béton (1910) et un autre, métallique, long de 200 m (1925) 31. Spécialisé dans la fonction
d'exportation de l'arachide, un important ,matériel flottant permettait d'effectuer dans les
meilleures conditions possibles les opérations d'embarquement et de débarquement: 3
remorqueurs, 33 chalands, 25 cotres et 2 vedettes. Quant à l'outillage de manutention sur les
wharfs, il comprenait 4 treuils électriques d'une puissance de 1200 à 1500 chevaux et 4 grues
d'une capacité de 3 tonnes chacune. Deux ateliers de réparation pour le matériel naval et 37
magasins d'une capacité de 400.000'tonnes formaient le reste des installations. La zone du port
accueillait les seccos, immenses magasins rectangulaires, entrepôts des filiales des grandes
maisons de commerce bordelaises et marseillaises (Vézia, Maurel et Prom, Devès et Chaumet,
Delmas, ...), ouvrant de part et d'autre sur la rue et le port (cf Annexes, iconographie).
Au milieu des années 20, le port connut des débuts de difficultés. Nouguier, vice-
président de la chambre de commerce de Rufisque, dans l'allocution de bienvenue prononcée à
l'occasion de la visite de Blaise Diagne, député de la colonie, le 17 février 1927, fit part des
desiderata de l'assemblée consulaire:
"(...) Rufisque est abandonné par les pouvoirs publics.
Telle est la phrase qui peut résumer tous les discours
prononcés par les présidents de notre compagnie depuis 5
ans. (...) Elle reste cependant aujourd'hui comme hier
31 En 1924, 3 en exploitation sont gérés par la chambre de commerce de Rufisque: 2 métalliques (rues
Nationale et Péchot), 1 en ciment (rue Lebon), construit en 1924.

: i
i
33 . :
l'expression exacte de la vérité et je me vois obligé de la
prendre une fois de plus. (...) En 1925, son trafic s'est élevé
à 150.000 tonnes pour une valeur de 260 millions. Chaque
;
année, Rufisque rapporte de grosses sommes au Budget
Général et, au budget local. Il serait donc équitable qu'en
,1

'1
contrepartie elle reçoit sous forme de subvention une part
de ce qu'elle donne. Or, il est loin d'en être ainsi; en 1925,
elle a donné 25 millions et en a à peine reçu un. Le
principal 'de: son souci (de la chambre de commerce) est
l'exploitation,
du
port
dont
dépend
l'existence
de
Rufisque'v- .
Ce que l'on peut retenir, c'est que la volonté des négociants de réfectionner et d'outiller
le port de Rufisque voire de. construire un nouveau pori plus adapté aux conditions de
r
'( ,
l'époque'! se heurtait à l'accélération de la modernisation du port de Dakar. Créer à Rufisque
un centre très largement outillé en vue de l'exportation des arachides risquait de compromettre
j ;
la poursuit du succès du programme économique entrepris par le Gouvernement Général. Des
travaux considérables étaiententrepris pour faire de Dakar une station maritime de premier
ordre où l'affluence des navires, la diversité des échanges et la présence d'un outillage
perfectionné devaient concourir à l'abaissement des frets et la réduction des frais de
manutention. La création d'une station concurrente, à une trentaine de kilomètres de distance,
risquait, en divisant le trafic, ,,d'affaiblir la concurre,nçe des frets et de faire perdre le bénéfice
, '
attendu des outillages spécialisés dont Je rendement était étroitement subordonné à la
concentration des opérations. Les engins modernes appliqués à la manutention des charbons,
des minerais ou des graines ne conservaient en effet leurs avantages qu'à condition d'opérer sur
32 ANS, 3G4 1-17. Commune deRufisque. Réception de Monsieur DIAGNE. député du Sénégal le 17 février
1927. Discours de Monsieur NO,UGUIER. vice-président de la chambre de commerce.
33 Le régime des vents Sud et la forte houle durant une partie de l'année empêchaient dans un port peu creusé
une mise en sécurité des navires et des opérations d'embarquement ou de débarquement en rade.

de très grandes quantités. Les intérêts généraux devaient trouver leur sauvegarde dans les
mesures d'ensemble. L'administration coloniale était héritière de la logique de Pinet-Laprade
(attirer à Dakar le commerce de Rufisque) qui avait tenté vaille que vaille de faire de Dakar le
centre principal des établissements français sur la côte occidentale d'Afrique
"Il me paraît 'urgent de suppnmersmon d'arrêter ce
mouvement d'expansion de Rufisque" 34
Là où Pinet-Laprade avait échoué, l'administration était en passe de réussir. Pour
couper court à toute poursuite de l'idée de modernisation du port de Rufisque, les dossiers du
projet du nouveau port de Rufisque furent malencontreusement perdus.
Les infrastructures portuaires se caractérisaient par leur vétusté. Or la création d'un
port moderne envisagée p~r le conseil municipal et la chambre de commerce ne fut jamais
acceptée par l'administration coloniale 35. Il n'yen aurait ni maintenant ni dans le futur. Comme
i "
le rappelle à juste titre Mamadou Diouf à propos des doléances des commerçants rufisquois au
XIXème siècle "l'essor de la ville de Dakar passait d'abord par la confiscation de la fonction portuaire et
commerciale de Rufisque" 36.
3. La gare, une infrastructure déclassée
La construction du chemin de fer Dakar - Saint-Louis fit de Rufisque l'une des gares les
plus importantes du Sénégal' Celle-ci disposait d'un atelier mécanique dès 1888, de magasins

t
1
situés au sud-est qui servaient à entreposer J'arachide déchargée par les trains venant du Cayor
et du Baol.
34 Cité par BADIANE M., 1989, op. cit., p. 33.
35 La chambre de commerce avait soumis à approbation, pour bénéficier d'un emprunt, la construction d'un port
abrité permettant l'accostage à quai des navires. Le projet ne reçut pas de réponse.
36 DIOUF M., 1976, op. cit., p. 27.

--~--- _.--;,.,
35
B. Rufisque et le malaise commercial des années 30
Rufisque s'était développé par et pour l'arachide. La culture de l'arachide avait été la
plus grande révolution agricole de la colonie du Sénégal et avait fondamentalement changé la
colonie. en lui donnant une importance capitale pour le commerce colonial. Elle rendit
nécessaire l'installation de ports pOUF l'exportation dont Rufisque fut le principal. L'introduction
de la plante industrielle par Jaubert en 1841 avait entraîné celle de l'argent parmi les
populations locales et la possibilité de prélever l'impôt.
Les exportations de Rufisque avaient été assez fluctuantes passant de 127.718 tonnes
en 1926 à 97.3 14 tonnes en 1927 à cause de la mise en quarantaine sanitaire du port de
Rufisque (tableau n? 7).
Déjà, à la veille de la crise, la prospérité de Rufisque' avait été ébranlée par le nouveau
port concurrent de Kaolack 37. Puis les années 1931-1932 marquèrent pour la ville une suite de
lourdes déceptions (cf Annexes, Lettre des habitants de Rufisque à Blaise Diagne, 1931). La
colonie du Sénégal avait éprouvé les conséquences désastreuses d'une saison d'hivernage
exceptionnellement défavorable à la production de l'arachide; le volume de la production s'était
abaissée dans une proportion de 50 % et une production de 202.218 tonnes avait été livrée au
commerce en 1932 contre 422.000 tonnes en 1931. La traite s'était déroulée toute entière sous
l'influence de la dépression qui marquait alors les marchés extérieurs et les prix pratiqués sur
place n'avaient pas dépassé 45 à 50 francs les 100 kg 38. Du point de vue commercial, les
arachides qui alimentaient presque uniquement le commerce d'exportation ne s'enregistraient à
la sortie que pour 196.300 tonnes dont environ 130.000 tonnes à partir des ports de Kaolack
37 Sur la concurrence du port de Kaolack, cf SECK. A., 1970, Dakar, métropole ouest-africaine, Dakar, IFAN,
p. 397 et ss.; MBODJ M., 1978, Un exemple d'économie coloniale: le Sine-Saloum (Sénégal) de 1887 à 1940.
Culture arachidière et mutations sociales.
Thèse de doctorat de 3ème cycle, Université de Paris VII, 691 p.;
DUBRESSON A., 1979, op. cit., THIAM I. D., 1983, p. 3694 et ss; d'une manière générale, voir COQUERY-
VIDROvrrCH C. (dir.), 1976, "L'Afrique et la crise des années 30", Revue Française d'Histoire d'Outre-Mer.
38 Le prix de 100 kg était passé de 130 francs à Kaolack en 1929 à 120 francs en 1931 et 45 francs en 1932.
Cette année vit la valeur des'exportations d'arachide sénégalaise tomber à 165 millions contre 654 millions de
francs courants en 1932. Voir PERSON Y., 1979, "Le Front Populaire au Sénégal (mai 1936 - Octobre 1938)"
in "La France en Afrique, 1919~1939", Le Mouvement Social, n " 107, avril-juin, p. 82.

36
Tableau 7: EXPORTATIONS DES ARACHIDES ?AR LES PORTS DE DAKAR, RUFISQUE ET KAOLACK
(1924-1933) (en tonnes et en %)
annees
Dakar
%
Rufisque
%
Kaolack.
%
1924
57024
24,19
88252
37,44
90412
38,36
1925
105448
30,53
129069
37,:!7
110787
32,08
1926
102668
28,02
127718
34,86
135899
37,1
1927
64414
21,71
97314
32,8
134947
45,48
1928
77614
25,05
109278
35,27
122859
39.66
1929
82852
27,31
87164
28,"4
133264
43,94
1930
97923
25,81
85214
22,46
196170
51,71
1931
92458
27,75
39076
11,73
201553
60.51
1932
27288
21,23
14662
11,41
86533
67,34
1933
56270
23,3
27442
12,79
157702
73,55
Source: ANS, 2G Sénégal, Délégation de Rufisque, rapports généraux annuels (1924-1933) .
.'
Tableau 8: MARCHANDISES EMBARQUEES ET DEBARQUEES A RUFISQUE ET DAKAR (1928-1932) (en kg)
années
Rufisque
Dakar
1928
115.000
25.000
510.950
590.025
1929
93.700
24.500
466.206
575.366
1930
94.000
23.700
422.715
587.906
1931
39.160
5.134
376.710
424.5~
1932
14.994
5.035
458.262
566.ô76
Source: ANS. 2G. Circonscription de Dakar et Dépendances, rapports d'ensemble annuels, port de commerce de Dakar (1928-1932);
colonie du Sénégal, rapports économiques annuel'; port de Rufisque (1928-1932),
Tableau 9: MOUVEMENTS DES NAVIRES A RU,cI~,UUE ET DAKAR (1928-1932)
annees
Hutlsque
UaKar
1928
938
6025
1929
713
5399
1930
673
5295
1931
653
4787
1932
?
3770
Source: ANS. 2G, Circonscription de Dakar et Dépendances, rapports d'ensemble annuels, port de commerce de Rufisque (1928-1932);
colonie du Sénégal, rapports économiques annuels, port de Rufisque (1928-1932).

37
(86.533 tonnes), Dakar (27.288 tonnes) et Rufisque (14.662 tonnes) (graphiques n 0 2 et 3).
On conçoit alors que les établissements commerciaux n'ont pu que chercher en 1932 de
nouvelles positions de repli: à Rufisque, l'exode des maisons de commerce au profit de Dakar
continuait. Parmi les nouvelles firmes qui transférèrent leur direction dans cette dernière ville,
citons Maurel et Prom, la ~.F:.A.O. La décadence de Rufisque s'accusait irrémédiablement: de
21 sociétés commerciales qui(y étaient encore installées en 1931, il n'en subsistait à la fin de
1932 que Il, nombre qui devait être réduit à 8 (départ projeté de Soucail Maurel Frères et
Vézia). Quant aux sociétés industrielles installées à Rufisque, notamment la Compagnie
Africaine du Sisal, elles s'étaient sagementmises en veilleuse.
Rufisque concurrencé ;par la situation géographique du port de Kaolack, point avancé
',f
au débouché des routes arachidières du Cayor et du Baol, ne bénéficiait pas de la même
diversité des produits d'exportation que le port de Dakar. En 1929 et 1930, charbon, arachides
,
et mazout participaient respectivement pour: 47, 18 et 19 % et 35, 23 et 21 % 39 alors qu'à
i(
Rufisque, les arachides constituaient plus de 90 % des exportations entre 1928 et 1932 40.
Cette' nette régression s'expliquait par la concurrence commerciale des firmes étrangères qui,
,
.
:i
en raison des prix avantageux offerts, avaient attiré à Dakar plusieurs milliers de tonnes
~:.
d'arachides au détriment du commerce rufisquois. De plus, il faut noter le déficit de la récolte
des arachides du Kajoor dont une importante quantité était dirigée sur Rufisque. En 1933, 10
% seulement des exportations d'arachides passaient par Rufisque, contre 62 % à Kaolack et 28
% à Dakar.
\\:.,
Même remarque au' niveau des importations (sucre, riz, conserves alimentaires, tissus,
j '
etc.). En 1929, le charbon et le mazout entraient pour 73 et 25 % des importations de Dakar
(tableau n? 8). Ce port était; spécialisé dans la fonction de transit, de ravitaillement et de
1
r
1
réexportation. ~ la même époque, Rufisque ne débarquait que 25.000, 24.500 et. 23.700
tonnes de marchandises. Le déséquilibre du trafic import-export entre Dakar et Rufisque était
[
39 D'après mes calculs. CARA1\\,i2G 31-47 200 mi 1741, Circonscription de Dakar et Dépendances, Port de
commerce, rapport d'ensemble, J
93J.
40 95,02; 93,02; 90,65; 99,78;97,78 %. D'après mes calculs établis à partir des tableaux 7 et 8.

38
GRAPHIQUE 2
EXPORTATIONS D'ARACHIDES PAR LES PORTS
DE DAKAR-RUFiSQUE-KAOLACK (1924-1933)
1000000
-s-
,
DAKAR
"*-
RUFISQUE
-
"*-
KAOLACK
•.
-,
~
~ -
~
~
~
~
100000
,~
<,
'"
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\\ /
s
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"
"'"
/
",.
/
~
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\\
"'"
/
l:gy'
\\
\\
l2SJ
\\.'
\\
~
\\
\\
/
\\
\\ /
,
\\ ~ /
V
10000
1924
1926
1928
1930
1932
1925
1927
1929
1931
1933
Source: ANS, 2G Sénégal, délégation de Rufisque, rapports économiques annuels (1924-1933)
,-:

---39 ;
GRAPHIQUE 3
EXPORTATIONS D'ARACHIDES PAR LES PORTS
DE DAKAR-RUFISQUE-KAOLACK (1924-1933)
1000000
rg
2
100000
2
DAKAR
RUFISQUE
KAOLACK
100001-l'-'==-'-
1924
1926
1928
1930
1932
1925
1927
1929
1931
1933
Source: ANS, 2G Sénégal, délégation de Rufisque, rapports économiques annuels (1924-1933)

40. '
considérable. Un autre élément de comparaison est à identifier dans le nombre de navires ayant
fréquenté les ports de Dakar et Rufisque. Le déclin, la désaffection du port de Rufisque, peu
creusé, peu abrité, était patent tandis que Dakar avait fait l'objet d'importants travaux
d'infrastructures: 938, 713 et 673 navires àRufisque entre 1928 et 1930 contre 6025, 5399 et
5295 à Dakar. La récession était générale à Rufisque et provoquait un fléchissement du chiffre
d'affaires 41, réduisant les profits commerciaux, réduction d'autant plus sensible que ces profits
avaient dû se répartir entre un nombre de bénéficiaires accru à la suite des traites très actives
qui s'étaient succédé de 1924 à 1928. La réduction des profits qui en était résultée avait eu par
contre pour résultat de gêner les maisons les mieux assises et de les obliger à liquider une

partie de leur personnel; elle avait ébranlé la solidité de quelques autres, provoqué la
liquidation d'un certain nombre (fermeture d'opérations) et la disparition d'industries (usine de
décorticage, société des chaux et ciments), la réduction du volume du budget supprimant les
dotations destinées aux travaux communaux.
1935 marquait le début d'une ère de redressement économique dont les signes étaient
perceptibles dans la recrudescence du mouvement des affaires. En 1933, le régime des pluies
avait été particulièrement favorable? au cours de la saison des cultures d'où une récolte
d'arachides abondantes de 522.861 tonnes au Sénégal contre 202.218 tonnes en 1932. D'autre
part, les mesures protectionnistes sur les oléagineux tropicaux avaient exercé une influence sur
le redressement des cours de l'arachide. Néanmoins, le pouvoir d'achat des africains avait
diminué par suite du déséquilibre entre les prix des marchandises d'importation et ceux des
produits d'exportation. En février 1937, la chute brutale des cours métropolitains renforçait ce
malaise.
Dès 1931, le monde du commerce rufisquois n'avait pas manqué d'alerter le député du
Sénégal, sous-secrétaire d'Etat aux colonies, sur la question.
41 Valeur des exportations de Rufisque (arachides comprises) de 1930 à 1933: 87.890.575; 34.829.713;
10.476.760 et 37.953.471 francs/constants. CARAN, 2G 32-82 200 mi 1751, Sénégal, rapports économiques
annuels des cercles, Rufisque, 1932.

41
"(...) La crise qui sévit dans la ville de Rufisque d'une façon
toute particulière (la condamne) à disparaître de la vie
économique du Sénégal si aucune mesure n'est envisagée
pour arrêter la crise de confiance d'abord et la crise
économique ensuite . Il Y aurait lieu en effet de doter notre
ville de moyens modernes pour lui permettre de vivre de sa
vie d'autrefois (...)" 42
L'administration coloniale avait déployé de gros moyens pour le port de Dakar, refusant
pour les opérations d'embarquement et de débarquement la modernisation de celui de Rufisque
dont les équipements dataient, selon l'expression de désespoir des signataires de la pétition "de
l'époque lointaine des portugais" 43.
La crise entraîna un mouvement de la population européenne et africaine vers Dakar.
C'était le fait des employés de commerce précédemment occupés à Rufisque (597 européens en
1931, 150 en 1936); alors que la population européenne de Dakar se stabilisait (6559 individus
en 1931, 6.500 en 1936). Le graphique de l'évolution quinquennale de la population
rufisquoise (graphique n? 1) masque une réalité des années 1931-1936 à savoir les mouvements
de population entre Rufisque et Bargny. Les autochtones qui travaillaient dans les entreprises
françaises s'étaient trouvés sans engagement suite au départ des maisons de commerce et
avaient alors dirigé leur activité vers les soins de culture des terrains possédés par eux dans les
environs de Bargny. De Rufisque vers Bargny, il y avait eu échange de population bien plus
que diminution du nombre d'habitants de Rufisque. Enfin, le retrait d'opérations commerciales,
.
42 ANS, 3G4/3, Commune de Rufisque, lettre des habitants de la commune de Rufisque à Monsieur BLAISE
DJAGNE député du Sénégal, Sous-Secrétaire d'Etat aux Colonies, datée du
12 mars 1931. Dans l'Emprunt de
1.690 millions contracté par le Gouvernement Général de l'A.ü.F. et accordé par la loi du 22 février 1931, ne
figurait, au chapitre des travaux d'utilité générale doté d'environ 334 millions, aucune mention sur des travaux
à effectuer au compte du port de Rufisque. Les prinicpales infrastructures concernées étaient Dakar, Abidjan, ...
Les décrets des 18 avril 193'1; 2 août 1932 et 13 mai 1933 restaient muets sur la question.
43 Idem.

,4~ ,
GRAPHIQUE:1 EVOLUTION DE LA POPULATION DE RUFISQUE
ET DE LA CIRCONS. DE DAKAR (1921-1961)
~
Rufisque
œ
Circons.de Dakar
- ! - - - - - - - - - - - - - _ - ! . . . _ - , - - - - - - -
100000,t========~=
10000E~~
1000-1----1921 19261931 1936 1941 1946 1951 1956 1961
Source: d'après nos calculs. Annuaire Statistique de l'AOF, 1949; 0' BRIEN R.C., 1972 et Ansom, Agence FOM C.595.

43
dont le siège principal avait été transféré à Dakar, avait attiré vers la capitale fédérale les agents
ou ouvriers africains.
Ce transfert des sièges ou agences principales des maisons de commerce à Dakar posa
la question de la viabilité et de l'utilité de la chambre de commerce de Rufisque. Le nombre de
membres de la chambre résidant au chef-lieu de la circonscription consulaire avait été réduit
dans de fortes proportions. En 1935, seuls 4 membres suppléants résidaient encore à Rufisque
contre 15 membres (8 titulaires et 7 suppléants) hors de Rufisque pour qui il était difficile de
garder un contact très étroit avec le secrétariat de la chambre de commerce 44. Pour 4 membres
•.
suppléants résidant à Rufisque, les 15 membres résidant à Thiès et dans les autres escales
devaient effectuer parfois un voyage supérieur à 100 km pour venir assister aux réunions de la
chambre de commerce. La dépense qui en résultait ainsi que la perte de temps incitaient les
membres qui résidaient dans les escales à s'abstenir de participer aux réunions et de ce fait à ne
pas remplir le mandat qui leur était confié. Enfin les délibérations prises par un très petit
nombre de membres juste égal au quorum nécessaire pouvait ne pas traduire l'opinion de la
majorité des membres de la chambre de commerce. Ces diverses raisons avaient milité en
faveur du transfert du siège, d'autant plus que Thiès se situait au centre de la circonscription
consulaire et que par arrêté du 15 décembre 1934, la circonscription administrative de
Rufisque avait été rattachée au cercle de Thiès. Pourquoi le choix porté sur Thiès?
La fusion entre les chambres de commerce de Rufisque et de Dakar aurait entraîné une
extension de la compétence de la chambre de commerce de Dakar en dehors de la
Circonscription de Dakar, sur les communes-mixtes de Thiès, Diourbel, Tivaoune, Mèkhé et la
commune de Rufisque. Or ces régions relevaient de la seule autorité du lieutenant-gouverneur
du Sénégal et de. la compétence du Conseil du Contentieux du Sénégal. On ~ entrevoyait
difficilement le fonctionnement d'une chambre de commerce qui relèverait de deux autorités
administratives et de deux juridictions administratives différentes. Cependant si l'on s'en tenait
44 ANS, 3G4/1, Commune de Rufisque, transfert à Thiès du siège de la chambre de commerce.

44
1
aux seules considérations économiques, le choix de Thiès ne se justifiait pas: les ports de Dakar
et Kaolack étant mieux outillés et mieux placés, les affaires traitées gagnaient donc
incontestablement à être réparties entre les assemblées consulaires de Dakar et Kaolack. Par
ailleurs, la suppression de l'assemblée consulaire de Rufisque proposée par le lieutenant-
gouverneur du Sénégal permettait d'augmenter la subvention allouée à la chambre de
commerce de Saint-Louis.
Suite au décret portant rattachement de la commune de Rufisque à la Circonscription
de Dakar et Dépendances le 9 juin 1937 •(promulgué le 19 juillet 1937), Rufisque se voyait
privé de sa chambre de commerce rattachée à celle du Cayor-Baol 45. Comme le rappelle
~~; ".:(
opportunément Alain Dubresson, le négoce qui avait créé Rufisque contre la volonté de
i'
l'autorité coloniale n'avait pas hésité à quitter sa propre création 46.
! j
III. LE STATUT MUNICIPAL
A. L'organisèlti0.n de la commune
1. Les.attributions du maire: une dépendance vis-à-vis de la tutelle
Comme en métropole, l'organisation de la commune tournait autour du maire:
"administrer doit être le fait d'un seul homme" 47
A la tête de la municipalité, le rôle du maire est triple. Il est chargé en premier lieu de
l'exécution des délibérations, du conseil municipal; à ce titre il est l'ordonnateur du budget
45 Les maisons de commerce reslée5 à Rufisque avaient souhaité une refonte de la chambre consulaire de Dakar
par l'adjonction d'une représentation essentiellement rufisquoise.
46 DUBRESSON A., 1979, op. cit., p. 26.
47 LOPPIN Paul, 1908,Lese/f-government local en France. Résumé d'histoire législative et doctrinale du
mouvement de décentralisation appliqué à la commune. Paris, thèse de droit, Université de Paris. Paris,
Pédone, p. 57.

45
communal; il passe les marchés et les contrats, représente la commune en justice, dirige les
travaux communaux et, d'une manière générale, prend les mesures individuelles nécessaires à
l'exécution des décisions du conseil municipal. Mais il est investi également de pouvoirs
propres. Les uns se rattachent plus directement à l'idée du pouvoir exécutif TI préside le
conseil municipal, prépare le budget et est le chef hiérarchique des agents communaux.
L'étendue des attributions du maire en même temps que son origine électorale lui conféraient
une action considérable dans la vie locale et entraînaient un contrôle du pouvoir central
d'autant plus stricte que la vie municipale était plus développée. Ainsi la tutelle s'exerçait sur le
,
maire 48, le gouverneur disposant du droit d'annulation.
2. Les attributions du conseil municipal: la prégnance des actes
obligatoires
Organe délibérant de la commune, le conseil municipal se réunissait en sessions
annuelles obligatoires (février, mai, août et novembre) et en session facultative sur l'initiative
de l'autorité de tutelle ou du tiers de ses membres. Les fonctions du conseil municipal étaient
de deux sortes: les unes propres, au pouvoir municipal; les autres propres à l'administration
centrale et déléguées par elle à la municipalité. Les premières consistaient à gérer les biens et
,
revenus communs, à régler les dépenses locales, à diriger et faire exécuter les travaux publics
communaux, à administrer les biens appartenant à la commune et enfin, à procurer aux
habitants les avantages d'une bonne police, entendue ici au sens de propreté, salubrité, sûreté.
Les fonctions propres à l'administration centrale et que les corps municipaux exerçaient par
délégation avaient pour objet: la direction immédiate des travaux publics dans le ressort de la
municipalité, la surveillance et la conservation des propriétés publiques 49.
48 Des mesures disciplinaires - suspension, révocation - pouvaient être prises à l'encontre du maire et de ses
adjoints.
y
49 La répartition des contributions directes entre les habitants,' la perception et le versement de ces
contributions, à l'opposé de la situation des communes de ~ Métropole, étaient exclusivement assurés par le
Service des Contributions Directes de la colonie. La loi sur .~ régie des établissements publics destinés à l'utilité
générale n'avait pas été promulguée au Sénégal. Mais ~ la pratique la municipalité de Rufisque prit en
charge au cours de son histoire les services d'eau et d'él~cité.
·ffit

46
"Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune" (article 61 de la loi
du 5 avril 1884). Qu'en était-il de ce principe de liberté? Les décisions les plus importantes du
conseil municipal demeuraient soumises à approbation jusqu'à la réforme de la loi municipale
de 1884 par le décret du 5 novembre 1926. Néanmoins des matières telles la gestion des
propriétés communales, la voirie urbaine, les finances et l'intervention communale (services
municipaux) n'étaient applicables qu'avec l'approbation au moins tacite du gouverneur. Ainsi la
réforme de 1926 exerçait une tutelle étroite sur les délibérations du conseil municipal. Le cas
échéant, la mesure disciplinaire consistait en la dissolution du conseil municipal par arrêté du
gouverneur pris en Conseil d'Administration. Une délégation spéciale remplissait les fonctions
du conseil jusqu'aux prochaines élections fixées dans un délai de deux mois.
C'est avec réticence et par tâtonnement que l'autorité coloniale appliqua puis étendit le
régime métropolitain traduisant les contradictions de sa politique 50.
B. La marche à pas de fourmi: une application différenciée et limitée du régime
métropolitain
La commune de plein exercice au Sénégal était régie par le décret du 10 août 1872 et
certaines dispositions de la loi du 5 avril 1884 rendues applicables à la colonie du Sénégal par
les décrets des 26 juin 1884 et 29 avril 1889. Le régime spécial de 1872 légiférait pour tout
article de la loi de 1884 non promulgué au Sénégal. Ce décalage juridique, bien qu'il démontrât
que la loi municipale métropolitaine de 1884, vu la différence des conditions économiques,
financières ou sociales du Sénégal, ne pouvait être appliquée d'un seul coup et sans nuance,
était révélateur d'une assimilation apparente et contenue. La sphère d'application de chacun de
ses textes peut être délimitée de la façon suivante:
50 GUEYE L., 1922, De la situation politique des Sénégalais originaires des communes de plein exercice, telle
qu'elle résulte des lois du 10 octobre 1915, du 29 septembre 1916 et de lajurisprudence antérieure. Thèse de
droit, Pans, La Vie Universitaire, 105 p.; SURET-CANALE 1., 1964, Afrique Noire Occidentale et Centrale,
Tome JJ: l'ère coloniale(1900-1945), Paris,,Editions Sociales, 430 p.; IDOWU HO., 1968, "Assimilation in the
19th century", Bulletin de /'lFAN série H, n" 4, pp. 1422-1447. Pour une analyse comparée avec l'organisation
communale dans les coloniesanglaises d'Afrique Noire, cf HAILEY L., 1953, Native Administration in the
British African Territories,
London et COWAN L. G., 1959, Local G(}}#!mment in West Africa, New York,
Columbia University Press.

47
- les matières régies par le décret de 1872 comprenaient le territoire des
communes, le fonctionnement et les attributions du conseil municipal, les pouvoirs des maires,
les biens, travaux et établissements communaux, les actions judiciaires, le budget communal et
la comptabilité,
- celles de la loi de 1884 rassemblaient la création et les divisions des
communes, la formation des conseils municipaux (le nombre de conseillers excepté), la
publication des séances des conseils municipaux, l'élection, le remplacement, la procédure de
démission des conseils municipaux, la suspension et la révocation des maires et adjoints.
Cet écart est identifiable dans les pouvoirs des maires et la compétence des conseils
municipaux, le statut du personnel communal et l'effectif des conseillers municipaux. Nous
n'étudions pas le régime électoral mieux connu qui différencie villes françaises et villes
sénégalaises 51.
1. Le maintien de la tradition du XIXème siècle
Au Sénégal, avant le temps des municipalités sous la IIIème République, l'institution
traditionnelle des mairies sous le Premier Empire (1804-1814) manifestait déjà le contraste: la
mairie cessait d'être élective; le maire était nommé par le ministre de la Marine sur avis du
gouverneur. Les hommes de 1848 maintinrent cette désignation autoritaire au Sénégal; les
maires constituaient des intermédiaires subalternes utiles entre le gouvernement local et la
population autochtone. Sans pouvoir sur les Européens, l'inexistence de corps municipaux
achevait de différencier communes sénégalaises et communes françaises. L'hostilité des
administrateurs variait dans ses motivations. Le baron Roger {1821-1824) souhaitait
51 On se reportera aux sources majeures suivantes: ANSOM, Affaires Politiques, Débats parlementaires des
années 50; CROS Ch., 1956, Ce qu'il faut savoir sur le statut des municipalités africaines et malgaches, Paris,
chez l'auteur, 168 p.; COURANT R, 1957, "Le régime municipal enAO.F. Lois, décrets et arrêtés généraux à
jour des modifications les plus récentes", Encyclopédie Juridique de l'A.O.F, pp. 171~295. Dans la même
veine, LEGIER Hl, 1968, op. cil. et récemment COQUERY-VlDROVITCH C, 1993, "Gestion urbaine et
décolonisation en Afrique Noire-Française. De la politique municipale à l'émeute", pp. 71-85 in AGERON C.
R - MICHEL M. (dirs.), Afrique Noire. L'heure des indépendances. Editions du CNRS.

48
l'ouverture d'assemblées municipales'pour en ouvrir l'accès aux notables européens et réduire
l'influence des maires autochtones;
les gouverneurs Bouet-WiIIaumez (1842-1844) et
Faidherbe (1854-1861 et 1863-1865) en voyaient l'utilité, l'un afin d'exclure les habitants
indigènes de la citoyenneté, l'autre de peur de voir compromettre sa politique indigène. Sous la
Illème République, le développement de la colonie 52, de la vie politique 53 et la doctrine de
l'assimilation 54 entraînèrent l'extension du régime municipal métropolitain au Sénégal: des
conseils municipaux élus étaient constitués avec des maires et des adjoints nommés puis élus 55.
2. A propos de quelques différences d'application
L'exercice des franchises municipales posait problème, suite à la réticence de l'autorité
coloniale à appliquer puis à étendre le régime métropolitain. L'organisation municipale au
Sénégal, très marquée par la centralisation, modérait toute velléité décentralisatrice et déléguait
des pouvoirs considérables au gouverneur.
52 PASQUIER R, 1960, op. cit.; SINOU A., 1993, Comptoirs et villes coloniales du Sénégal, Paris, Karthala,
368 p. L'auteur reconstitue une généalogie de la pensée coloniale sur l'espace et la ville et analyse les enjeux
politiques de l'urbanisme colonial.
53 Citons parmi les études majeures, JOHNSON G. W., 1971, The Emergence ofBlack Politics in Senegal: The
Struggle for Power in the Four Communes, 1900-1920, Stanford, 260 p. Edition française, 1991, Naissance du
Sénégal contemporain. Aux origines de la vie politique moderne (1900-1920),
Paris, Karthala, 297 p.; TIllAM
1. D., 1983, op. cit.; NDIAYE H., 1983, op. cit.; ZUCCARELLI F., 1987, La vie politique sénégalaise (1789-
1940, 1940-1988), Paris, Publications du CHEAM, 160 et 205 p.
54 Sur assimilation et association, voir BEITS R, 1961, Assimilation and Association in French Colonial
Theory, 1890-1914, New York; CROWDER M., 1962, Senegal. A study in French Assimilation Policy,
London, Oxford University Press, 104 p.; HARGREAVES J. D., 1965, "Assimilation in Eighteenth-Century
Senegal", The Journal ofAfrican History, vol. VI, n 0 2, pp. 177-184; IDOWU H. O., 1968, op. cil.
55 A Saint-Louis et Gorée, en 1872; à Dakar, en 1887. Le 12 juin 1880, un décret instituait une municipalité à
Rufisque. ANSOM, Série Géographique, Sénégal et Dépendances VII, Administration générale et municipale,
dossier 52a. Cf en annexes la pétition adressée par le monde du négoce rufisquois au ministre de la Marine et
des Colonies le 9 juin 1878. Voir aussi LEGIERH. 1., 1968, op. cil., pp. 417-429.

49
a. L'insuffisance de la représentation
,
Inférieur aux normes métropolitaines, l'effectif du conseil municipal (article 10) était
une véritable pomme de discorde. Rufisque connaissait depuis son institution en commune de
plein exercice un déficit de conseillers compte tenu de sa population. Depuis le décret de 1904,
le chiffre de 16 conseillers n'avait pas varié. Un arrêté du 16 octobre 1912 avait créé un poste
de 2ème adjoint 56. En 1921, pour une population de 11.307 habitants, l'assemblée municipale
devait compter 27 conseillers. L'article 10 de la loi du 5 avril 1884 n'avait pas été promulgué
au Sénégal, le seul d'ailleurs entre toutes les dispositions de cette loi, situées entre le 1er et le
45ème article. Comme pour Saint-Louis, I~ nombre de conseillers municipaux de Rufisque
avait été fixé par des actes spéciaux. En ce qui concerne Saint-Louis, le décret du 10 août 1872
limitait à 18 le nombre de conseillers; quant à Rufisque, c'est le décret du 30 juillet 1936
portant rattachement de la commune-mixte de Bargny à cette commune de plein exercice qui
légiférait en dernier ressort. Le parti S.F.I.O., représenté par Roger Roche, secrétaire de la
section rufisquoise, entama en 1937 un procédure en vue de l'augmentation du nombre de
conseillers municipaux à Rufisque et Saint-Louis 57. Y avait-il lieu d'envisager la réforme que
proposait Roche? Les principaux griefs de l'administration contre l'extension du nombre de
conseillers tournaient autour de l'incurie et de l'incapacité des municipalités à subvenir par
elles-mêmes à leurs besoins en matière d'hygiène, de police et de voirie.
Le véritable mobile de ce refus était à chercher dans le fait que, vu les tendances qui se
dessinaient depuis la victoire de Blaise Diagne aux élections législatives de 1914 et à celle de
son parti aux élections municipales de 1919, il était évident que progressivement les assemblées
du Sénégal allaient être composées exclusivement d'africains. C'était le cas dès 1925 de
l'assemblée municipale de Rufisque 58; en 1937, le Conseil Colonial du Sénégal ne comptait
56 A Dakar, décret du 27 février 1893.
57 ANS, 3G1 2-17, Régime municipal. Requête de la section locale du parti S.F.I.O.. note du 28 avril 1937.
58 Pour la première fois, une municipalité sénégalaise était exclusivement composée d'Africains (cf annexes).
Déjà à l'issue du scrutinmunicipal de 1919, Rufisque ne comptait plus qu'un métis, Alexandre Angrand (Iba
Der TIllAM, 1983, op. cit. l'assimile à un africain). ANS, Fonds ancien, 3D, commune de Rufisque, extraits
des délibérations du conseil municipal. séance du
23 octobre 1920.

50 j"
plus que 7 européens sur 44 conseillers, les conseils municipaux de Dakar, Saint-Louis et
Rufisque respectivement 8 sur 34J 4 sur 18 et 1 sur 16. Il fallait retarder le processus.
L'argumentaire de l'administration tournait autour du "stade d'évolution insuffisant" nécessaire à
l'extension des prérogatives municipales ,et à l'administration d'une colonie où les intérêts des
européens étaient considérables 59.
Ce comportement s'enracinait dans la coutume administrative du XIXème siècle. Au
moment de la création des premières communes de plein exercice de Saint-Louis et Gorée, le
législateur n'avait pas cru devoir donner à la représentation municipale la même ampleur que
dans la,métropole 60. A ne considérer que les seuls citoyens, la détermination du nombre de
conseillers municipaux en fonction du nombre des habitants conduisait à cette "anomalie"
d'augmenter l'importance numérique de l'assemblée municipale. L'administration veillait: elle
assujettit le nombre de conseillers municipaux non plus au nombre d'habitants, puis de citoyens
mais au nombre... d'électeurs 61. Le développement de là représentation de l'assemblée
municipale paraissait inopportun au moment où l'extension des attributions des municipalités
était apparue indésirable. Les décrets des 25 janvier (hygiène te salubrité publique) et 15
novembre 1927 (police municipale et petite voirie) avaient enlevé ces compétences jusque-là
assumées par le magistrat municipal de Rufisque pour les confier à l'autorité centrale. D'autre
part, l'application de l'article 10 aurait modifié non seulement la composition du conseil
municipal mais aurait entraîné des' élections simultanées dans les trois communes de plein
exercice du Sénégal mettant l'administration dans la nécessité de mobiliser la totalité des forces
59 Bien que s'appuyant sur de fortes individualités africaines (Blaise Diagne, Galandou Diouf), l'administration
craignait que cette élite, après l'évincement des européens et des métis, fût débordée par une "base" qui
n'offrirait plus les mêmes garanties.
60 A cette époque, la matière était régie par la loi du 5 mai 1855 qui liait la proportion du nombre de conseillers
à l'importance de la population (27 conseillers pour une population de 10.000 à 30.000 habitants). D'après le
recensement de 1878, Saint-Louis comptait 15.980 habitants (Notice sur le Sénégal et Dépendances, 1893). La
loi de 1884 ne s'était bornée qu'à reproduire les dispositions restrictives de la loi de 1855. La règle avait été
même faussée pour le cas de Dakar qui comptait plus de conseillers (34 au lieu de 30) que son chiffre de
population en 1929 (33.000 habitants) suite à la fusion de cette commune avec celle de Gorée; les 4 conseillers
de l'île étant maintenus.
'.
61 ANS, 3GI 2-17, op. cit. Pouvoir des municipalités en matière d'hygiène, de voirie et de police municipale.

51
de police disponibles dans la colonie pour assurer l'ordre 62. Ce fut le cas lors des élections
,
municipales des 9 mai et 27 juin 1937 à Saint-Louis 63. Cette constatation avait suffi à rendre
une telle éventualité non souhaitable. La requête Roger Roche fut rejetée. L'augmentation du
nombre de conseillers était: liée à une compétence accrue dans la gestion des affaires
:::
'
:j
communales et non au chiffre de la population.
\\
En vue de l'assimila~~,?n du régime municipal du Sénégal au régime métropolitain, il
appartenait aux partis politiques par le choix des candidats qu'ils poussaient aux fonctions
municipales de faire en sorte;que le moment rut hâté. L'article IOde la loi du 5 avril 1884 ne
connaîtra une application au Sénégal qu'après 1945 (loi du 6 septembre 1947).
;:
.b. Le statut des employés municipaux
.]
.
Sur le territoire métropolitain, la question avait été résolue par la loi du 12 mars 1930
i:
qui faisait bénéficier ce personnel des avantages suivants: garanties de stabilité, régime des
il:
retraites, barème des traitements 64. Suite aux pressions des députés des possessions d'outre-
.,1
mer, Albert Sarraut, ministré des Colonies, dans une circulaire datée du 30 juin 1932, invitait
les gouverneurs généraux etles gouverneurs des colonies à réfléchir sur les moyens de traiter
,,' .: j:
"employés de mairie, agents et ouvriers communaux des colonies sur le même pied que leurs collègues de

France" 65. Il terminait ainsi:
"Je tiendrai: aussi à être en possession des textes locaux qui
.\\".
régissent actuellement, dans notre colonie ou groupe de
~.
colonies, IJ~ employés municipaux." 66
,".
62 Les joutes électorales sénégalai~~s étaient souvent traversées par des phénomènes de violence.
63 ANS, 3Gl 2-17, op. cit.
64 Sur la genèse et les péripéties 4~ l'adoption de cette loi, voir l'analyse éclairante de THOENIG I-e., 1982,
"La politique de l'Etat à J'égarddupersonnel des communes (1884-1939)", Revue Française d'Administration
Publique, n° 23, pp. 487-517.
.
. ' ,
.: 1
65 ANSOM,Affaires politiquas, c. 858, généralités toutes colonies. Organisation municipale.
66 Idem.

52
,
Les administrateurs ne crurent pas pouvoir réserver une suite favorable à cette
demande. Ces voeux légitimes se heurtaient aux possibilités financières des communes de plein
exercice dont les budgets étaient déficitaires, frappés de plein fouet par les effets de la crise de
1929. Les objections de l'administration sur l'application au Sénégal de la loi du 12 mars 1930,
basées sur l'idée que "le personnel municipal" était "très bien rétribué" 67 ne résistaient pas à l'analyse
des faits. En 1930 et 1931, les dépenses de personnel à Rufisque s'élevaient à 494.219
(573.294 francs constants) et 311.498 francs courants (398.717 francs constants) soit 13, 97 et
15,52 % des dépenses totales (graphique n 0 1[). De surcroît, l'application de la loi du 12 mars
donnait au conseil municipal la possibilité de déterminer les règles concernant le recrutement,
,
l'avancement et la discipline des agents ou employés municipaux et de fixer l'effectif et les
soldes. En cas d'impossibilité d'entente sur les effectifs et les traitements, l'autorité centrale
avait le loisir de les fixer par arrêté. La question des retraites était liée à celle des barèmes de
traitement et du nombre des employés permanents dans la mesure où le budget communal
devait contribuer annuellement pour le compte de la caisse locale de l'A.O.F. Cette application
de la loi de 1930 se heurtait à la diversité du personnel municipal (cadres généraux, cadres
communs supérieurs, cadres locaux, cadres secondaires,
auxiliaires) d'où la difficulté
d'instaurer un statut d'ensemble, à l'inexistence légale et de fait de syndicats communaux (
notamment l'institution de commissions paritaires chargées de déterminer les barèmes de
traitement), d'autant plus que la voix des intéressés (employés communaux) n'était que
consultative. D'où les risques de conflit entre personnel et autorité municipale.
Non promulgué au Sénégal (article 88 de la loi de 1884 sur le statut des employés
municipaux), c'est l'article 34 du décret du 10 août 1872 qui légiférait. Le seul texte local
régissant les employés municipaux concernait la comptabilité. Les fonctionnaires municipaux
ou agents de l'administration participant aux services des communes percevaient leurs
traitements et indemnités diverses d'après les tarifs fixés pw les règlements généraux ou, à
fi'
67 ANS, lT 174-58, Budgets divers, communes de plein exercice, note du 12 août 1932.

53
GRAPHIQUE 11 DEPENSES DE PERSONNEL DE LA COMMUNE
DE RUFISQUE (1926-1940)
10000000
-_.
-
---
dép.de pers.
-+-
dép. totales
....k
.y'
< ,
.......
"T"
~
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.>
\\
./
~ ~
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V
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--_.
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,
1000000
1
1
\\
-..
..
\\
..
~
-
\\
-,
\\
-
......... --
--- --
_.
..
100000 1926
1928
1930
1932
1934
1936
1938
1940
1927
1929;
1931
1933
1935
1937
1939
Source: d'après nos calculs. Comptes adminIstratifs de la commune deRuflaque (1926-1937)
_----_
..__..._----_.-.
.......
...._--~-----------
~.

défaut, par des conventions particulières que les fonctionnaires avaient passées avec les
i:
communes, avec approbationpréalable du lieutenant-gouverneur en Conseil Privé. 68
\\
La direction des Finahces de la colonie du Sénégal voyait d'un mauvais oeil l'extension
.jl ~[
au Sénégal du régime métropolitain parce que cela pouvait constituer un empiétement à ses
'I·:i.
droits de contrôle sur l'institution municipale. Or le meilleur moyen de mettre fin aux
; :1
inconvénients de toute sorte engendrés par des dépenses élevées, par la situation du personnel
i
laissée à la libre initiative dy l'autorité municipale était de donner un statut au personnel
municipal. En 1934, en vertu, des mesures d'économie prises dans la métropole (décret du 4
avril 1934) et étendues aux colonies (17 avril 1934), un prélèvement de 5 à 10 % frappait les
traitements, soldes, émoluments, salaires et rétributions du personnel des corps et services
,
coloniaux organisés par décret et entretenus par les budgets généraux, locaux ou spéciaux des
colonies. Aucun de ces textes ne visait les employés des' communes dont le recrutement, la
t;'
rétribution et le licenciement' étaient, suivant les principes' de la réglementation municipale,
,!
laissés au libre arbitre de I~~utorité municipale. Les employés municipaux, forts du droit,
;: ; 1
repoussèrent ces mesures d'é~bnornie. Ainsi s'était créée au profit du personnel municipal une
;:.:.
situation de faveur par rappo;rt à celle des personnels des autres administrations. Le maire de
Dakar, Alfred Goux, exprimason sentiment sur la question:
"Aucun des décrets-lois de 1934 ne me paraît applicable
aux employés municipaux, leur traitement n'ayant aucune
incidence s,ur le budget de l'Etat, du gouvernement général
ou de la colonie; leur adaptation par les municipalités me
1.;·:
"
semble parfaitement illégale" 69
"~ r:'
68 ANS, 1T 174-58, Budgets divers, op. cit., note du 19 novembre 1932.
• L,.
69 ANS, 1T 174-58, Application di" décret de 1934 au personnel des communes. Lettre du Gouverneur Général
au Directeur de l'Agence Economique de 1'A.o.F. datée du 30 mars 1935.


55
Le maire informait !;~n outre J'administrateur de la Circonscription de Dakar et
[ ,
Dépendances qu'il supprim~ii à compter du 1er janvier 1935 l'application du prélèvement
progressif sur la solde du. personnel municipal. Le gouvernement général s'ingénia à une
réflexion sur les moyens d'étendre le décret du 17 avril 1934 au personnel municipal. Sans
succès.
L'attitude de l'administration, hostile à tout réforme du statut municipal fut lourde de
1. . :1
conséquences après 1945. Ce même article 88 stipulait:
"Le maire 'nomme à tous les emplois communaux (...). Il
suspend et:rêvoque (00')'"
Des exigences administratives à l'usage politique, le pas était vite franchi, ouvrant la
porte à des abus de toute sorte.
c. Pouvoirs du maire et compétences du conseil municipal
Ces dispositions étaient régies au Sénégal par les décrets du 10 août 1872. Jusqu'à la
"
veille de la seconde guerre i mondiale, il n'y eut pas d'avancées. Les pouvoirs du maire, le
fonctionnement et les compétences du conseil municipal de la loi de 1884 70 (cf Annexes)
n'avaient pas été promulgués au Sénégal. Nous présentons ci-dessous quelques unes des
,
l
restrictions en prenant le soir de préciser que les différences d'application du régime financier
r .
..
:;
seront analysées dans la deuxième partie de notre travail.
;
l'
Toute assemblée extraordinaire exigeait l'autorisation du gouverneur (art. 47). En
métropole, le maire donnait seulement avis au préfet de cette réunion. Ces sessions
extraordinaires ne pouvaient avoir lieu que pour délibérer sur les objets spéciaux et déterminés
" ,
à l'avance soit sur convocation du gouverneur, soit sur convocation du maire qui en avisait
obligatoirement le gouverneur. Le maire était même tenu de réunir le conseil en session
70 en dehors de l'article 54 sur leJ séances publiques des délibérations du conseil municipal, promulgué par
décret du 24 avril 1889.

56
extraordinaire si la majorité en exercice du conseil le demandait. Le gouverneur ne pouvait
donc en aucun cas s'opposer 'à la réunion en session extraordinaire. Or sous le régime du décret .
. :j
de 1872, la convocation extràordinaire du conseil ne pouvait avoir lieu que sur prescription du
.
gouverneur ou autorisation die ce dernier sur demande du maire ou du tiers du conseil. De plus,
le gouverneur pouvait toujours refuser la convocation. L'administration coloniale, craignant de
voir le conseil municipal siéger à volonté sur simple initiative du maire ou de la majorité,
.', ;
maintint la restriction. Enflai un arrêté du gouverneur en Conseil d'Administration (et non un
décret du président de la République) suffisait à dissoudre le conseil municipal (art. 43); l'arrêté
gubernatorial qui instituait la délégation spéciale en nommait le président et au besoin le vice-
président.
En dehors de l'article 54, le fonctionnement municipal restait héritier du décret du 10
août 1872.
Les attributions du conseil municipal (articles 61 à 67) de la commune de plein exercice
:f·f
posaient également de grand~s difficultés d'application. C'est ici qu'apparaissait la différence la
plus importante entre les deux réglementations de 1872 et 1884. L'article 61 de la loi de 1884
,;i '
stipulait:
" Le conseil municipal règle par ses délibérations les
affaires de ·la commune. Il donne son avis toutes les fois
que son avis est requis (...). Il émet des voeux sur tous les
objets d'intérêt local."
Cet articl.e posait un principe opposé à celui du décret du 10 août 1872, à savoir que
toutes les délibérations prises par le conseil municipal étaient exécutoires de plein droit par
elles-mêmes (sauf celles exigeant l'approbation d'une autorité supérieure). D'après le décret de
li
1872, au contraire, le~' délibérations n'étaient exécutoires que dans un délai de 30 jours au
cours duquel le gouverneur. pouvait les annuler d'office; le gouverneur pouvait en outre

57
suspendre l'exécution de ces délibérations pendant un autre délai de 30 jours. Rendre
applicables au Sénégal ces dispositions de 1884, c'était enlever au gouverneur son pouvoir
d'user de son droit d'annulation ou de suspension. Pour ces motifs, les termes limitatifs du
décret de 1872 furent maintenus.
La même infirmité se retrouvait quant aux pouvoirs de décision du maire.
La promulgation de l'article 88 (nomination ou révocation des employés municipaux)
était annonciatrice de dangers si une réglementation n'intervenait pas en même temps fixant le
statut des employés municipaux et les mettant à l'abri de l'arbitraire (garanties de stabilité).
D'après le décret de 1872, les arrêtés de nomination et de révocation du maire étaient
obligatoirement soumis à l'approbation préalable du gouverneur qui pouvait les annuler ou en
suspendre l'exécution. Dans la réalité, cette situation continuait d'échapper à l'autorité de
tutelle; le maire restait souverain dans la matière. Jusqu'à la loi instituant le code du travail
(1952), aucune mesure de protection du personnel communal outre-mer ne fut prise. Ce
dernier continuait de connaître une relation de forte dépendance à l'égard du maire.
Nombre de conditions semblaient réunies pour rendre la gestion de la commune
dépendante et défaillante, d'autant plus que les querelles de procédure jouaient dans toute leur
vigueur. Les compétences et la marge d'autonomie municipales étaient par conséquent
considérablement limitées.

58
CHAPITRE II. LA QUERELLE ET LA PERTE DES ATTRffiUTS DE
LEGITIMITE: GESTION MUNICIPALE DES SERVICES PUBLICS ET

DESSAISISSEMENT DE LA COMPETENCE POLITIQUE (1924-1932)
Par attribut de légitimité; il faut entendre les attributions qui donnaient une certaine
autonomie de décision et de gestion au maire et au conseil municipal à l'égard du pouvoir
central et qui leur permettaient réellement de prendre part et de faire preuve d'esprit d'initiative
dans le cadre communal à administrer.
La question des attributions donna lieu à des discussions passionnées. L'administration
centrale tenait à son rôle, à ses prérogatives et le pouvoir municipal réclamait toujours plus de
liberté, plus de vie locale. En réalité, les progrès ne s'étaient guère manifestés qu'en matière
d'élection des autorités locales et d'organisation municipale. En fait d'attributions les progrès
furent seulement apparents. Trop d'importance avait été accordée à la question du recrutement
municipal, d'élection, et trop peu à la détermination précise et au développement des
attributions municipales surtout en matière de budget. Des attributions à défendre, des intérêts
à régler étaient la première condition de tout pouvoir local. Y eut-il élection partout, si
l'administration centrale absorbait le pouvoir local dans tous ses détails, on ne voyait pas trop à
quoi servaient les élus.
1. SUR L'INTERVENTION COMMUNALE EN MATIERE ECONOMIQUE: UNE
LECTURE DES DISCUSSIONS D'ECOLES EN METROPOLE
Si l'on était à peu près d'accord sur la nécessité de la réforme des communes, des
circonstances en entravaient la réalisation. La crise financière de 1926 en France et un
gouvernement d'union nationale fort politiquement et doté de pouvoirs larges permirent de
trancher cette question 1. La charte communale de 1884 se trouva profondément remaniée par
le décret du 5 novembre 1926.
1 Sur cette question, voir BERNSTEIN S. - MILZA P., 1990, Histoire de la France au XXème siècle (1900-
1930),
Bruxelles, Editions Complexe, chap. VII, "crises financières et prospérité économique (1919-1929)", pp.
355-395.

59
Parmi les dispositions de la nouvelle réglementation, une innovation particulièrement
importante fut introduite et mérite de retenir l'attention. Elle permettait à l'action municipale de
se porter sur de nouveaux objectifs. Ce texte dit:
"Les c0rnn14nes 'pourront intervenir par voie d'exploitation
', J "1
'::1
directe du:~lpar simple participation financière dans les
1 ~;
entreprises.imême de forme coopérative ou commerciale,
ayant pour objet le fonctionnement des services publics (...)
ou la réalisation d'améliorations urbaines" 2
L'intervention de lacommune dans le domaine économique sous forme d'entreprises
d~:
municipales se trouvait autorisée, Néanmoins elle soulevait des questions:
,
.
- la commune ,:pouvait-elle à son gré imiter les particuliers c'est-à-dire faire,
~!
comme eux, des actes de coriHnerèe ou des opérations indust~ielles dans un but lucratif?
:"Ii
- une fois le service créé dans les limites de sa compétence, elle devait pourvoir
J;
1 :.;;
à son organisation. Suivant qJé! procédé, quelle forme?
L'extension de compétence nouvellement reconnue aux communes était grosse de
i
. : i ~
conséquences en ce sens qu'elle risquait de porter de graves atteintes au régime économique, à
la liberté de commerce, à la'Iiore concurrence. Jusqu'à quel point pouvait-il être question de
création, d'organisation de' services communaux à caractère commercial ou industriel sans
heurter la notion de servic~ public? On passait de la commune, organisme administratif,
l "
organisme de plus en plus .politique, à la commune, centre d'intérêts économiques. Cette
politique en faveur de l'extension des libertés locales suscita beaucoup de controverses et
'il
d'ardentes polémiques que noùs retrouverons outre-mer, à Rufisque, lors des débats du conseil
,
. ;.~:
municipal. Sans entrer dans les détails, il ne me paraît pas inutile de discuter les arguments des
partisans et adversaires de, l~ municipalisation des services communaux, à partir de la loi
l
"
":\\.)
--------~-"--~
2 cité par REVEL G., 1928, L'extension de la compétence des communes en matière économique, thèse pour le
doctorat en droit, Faculté de dro.t, Université de Lille, p. 10.

municipale de 1884 pour mieux cerner la réalité de cette action au Sénégal, plus précisément à
Rufisque.
Pour combattre le municipalisrne, des dispositions tels les articles 61 (ilLe conseil
municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune"), 68 (énumère les affaires

communales particulièrement importantes), 133 et 134 (énumèrent les recettes du budget de la
commune) de la même loi furent évoquées.
Dans l'article 68, il n'était fait aucune .allusion aux exploitations municipales; on pouvait
donc déduire du silence de ces textes que le conseil municipal ne pouvait s'occuper que des
services expressément visés par la loi. Les articles 133 et 134 ne prévoyaient pas les bénéfices.
Il semble que la concession ait voulu être imposée comme forme d'exploitation des services
communaux. Et sur ce point précis, les édiles rufisquois s'y opposèrent fermement (cf infra.).
En l'absence d'un texte formel dérogeant à cette volonté,' les exploitations en régie ne

pouvaient être tolérées. Si le conseil municipal exploitait directement une entreprise à caractère
commercial, sa délibération était nulle car portant sur un objet étranger à ses attributions. Or la
loi de 1884 avait créé un état de fait nouveau par sa volonté de rendre plus effective la liberté
communale: elle rendait exécutoires de plein droit les délibérations réglementaires et apportait
une série de dérogations à ce droit commun par la soumission de certaines délibérations à la
nécessité d'une approbation de l'autorité supérieure. Quant aux articles 133 et 134, tout en
autorisant la concession, ils n'y astreignaient pas la commune. 11 faut cependant rappeler qu'au
cours du XIXème siècle, le mode ordinaire d'organisation des services communaux était la
concession 3 . Pour éviter la répétition de cette situation confuse dont les communes françaises

avaient du mal à se départir, les articles 61 à 68 n'avaient pas été promulgués dans la colonie
du Sénégal. La question était réglée... même si elle ne faisait pas avancer d'un pas le problème.
3 Ceci est corroboré par l'article 133 de la loi de 1884 qui constate parmi les revenus de la commune les
produits des concessiotis. Cette absence de fonction économique est également attestée par l'absence d'une
direction autonome, d'un budget séparé et d'une 'Comptabilité autonome.

61
Quittons le camp des adversaires des libertés communales pour celui de leurs
défenseurs. Ceux-ci tenaient pour principe: tout ce qui n'est pas défendu est permis. Par
conséquent, rien ne défendait aux communes d'entreprendre des opérations industrielles ou
commerciales, d'avoir en un mot une capacité identique à celle des particuliers, de poser le
principe de l'égalité des droits ou des pouvoirs. La commune possédait des armes terribles
comme la contrainte réglementaire, la contrainte fiscale pour exercer à son profit un monopole
de fait et ruiner ses concurrents.
En général, le Conseil d'Etat était hostile aux entreprises des communes pour des motifs
économiques: défaut d'aptitude commerciale des municipalités, absence de toute habileté
commerciale, manque d'habitude des spéculations, risques de pertes, aléa des spéculations. Les
influences politiques étaient également des considérations qui joueraient un grand rôle dans
l'administration de la régie municipale et pourraient en fausser le mécanisme. La politique
poussait aux questions de personnes, des places ou des postes .seraient donnés ou refusés pour
des motifs politiques et non pour des raisons de capacité, d'intelligence ou d'expérience. A
cette incompétence pratique, le Conseil y ajouta l'incompétence juridique: la compétence
économique (opération commerciale ou industrielle) n'entrait pas dans les attributions légales
de la commune et constituait une modification de la liberté de commerce et de la libre
concurrence. Une régie ne pouvait se constituer que lorsqu'un service d'utilité publique jugé
indispensable n'était assuré par aucun autre moyen.
Que conclure de là sinon que le municipalisme était essentiellement pragmatique; c'était
une conception de politique pratique à laquelle on pouvait aboutir à partir de points de vue
théoriques les plus différents. Les doctrines passaient après.lesnécessités 4.
,
r: ''';''
.
' . \\
-:
';',
Quelle fut l'expérience vécue au Sénégal par la. commune de plein ~ exercice de
,
.:"/;
Rufisque?
4 La ville de Tunis avait municipalisé tout son réseau de tramway dès la fin de l'année 1901. Voir BOUVIER
P., 1907, op. cit., p. 6.
"!f'

62
II. REGIE OU CONCESSION S? UNE QUESTION PERMANENTE ET
PASSIONNEE DES SEANCES DU CONSEIL MUNICIPAL DE RUFISQUE
Non promulguée au Sénégal, la loi du 28 décembre 1926 sur les régies municipales et la
participation des communes aux entreprises privées 6 n'empêcha pas la question du mode
d'exploitation des services publics de se poser avec une acuité particulière à Rufisque. Les
communes de plein exercice du Sénégal continuaient à fonctionner selon les règles arrêtées par
le décret du 10 août 1872.
Municipaliser un service communal, c'est décider, au point de vue de son organisation,
que ce service sera exploité en régie directe. La régie directe suppose que l'administration est
son propre entrepreneur, qu'elle gère, suivant ses propres méthodes, avec son propre
personnel, de ses propres deniers, bref qu'elle exploite, à ses risques et périls, sous sa
responsabilité. La régie avait été autorisée suite à la défection de l'initiative privée (compagnie
concessionnaire) et la modification par les autorités municipales du mode d'exploitation. Parmi
les causes qui poussèrent Rufisque à municipaliser ses services d'eau et d'électricité:
- le désir légitime d'éviter la fréquence des difficultés et les procès continuels qui
naissaient des concessions,
- les préoccupations sociales (réductions accordées pour les fournitures d'eau et
d'électricité).
L'argument d'ordre fiscal, à savoir les besoins financiers, fut-il une des causes de la
municipalisation à Rufisque? L'examen des recettes et des dépenses d'eau et d'électricité
l'infirme (tableaux n ? 24 et 25). Toutefois la marche des dépenses communales, notamment les
dépenses obligatoires toujours croissantes, la baisse des exportations d'arachides et des recettes
de la taxe decauville, la suppression de l'octroi municipal, principale source de revenus
S La concession est la convention conclue entre la collectivité administrative, ici le conseil municipal et un
particulier ou une société (la C.E.S. puis la C.E.E.OA) pour l'exécution du service, pour une durée limitée et
suivant certaines conditions. Le concessionnaire, en assurant les frais d'organisation et de fonctionnement, se
rémunère au moyen de prix payés par les usagers du service.
6 ANSOM, Affaires politiques, c. 2517 d. 3, Administration municipale.

------- -_..-
63
1
Tableau 24: ECLAIRAGE DE LA COMMUNE DE RUFISQUE'(1922-1932) (en francs constants)
Années
Recettes
Dépenses
1922
136.500
1923
1924
1925
1926
156.000
459.680~
1927
212.027
673.162
1928
209.165
477.907
1929
196.938
283.656
1930
40.600
71.224
1931
681.454
Par délibération du Conseil Municipal du 25 septembre 1933, la distribution publique d'énergie électrique
à Rufisque est concédée à la Compagnie des Ealb<. et Electricité de l'Ouest Africain(C.E.E.O.A.).
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1922-1931).
Tableau 25: ALIMENTATION EN EAU DE LA COMMUNE DE RUFISQUE (1926-1943) (en francs constants)
Années
Recettes
Dépenses
Subventions de la colonie
1925
135.000
1926
63.197
368.680
r
104.000
1927
97.242
782.837'~
111.000
1928
82.500
110.000
1929
99.101
391.694'
0
1930
79.204
381.32~ .
0
1931
106.122
337.6~9
1932
.;. ,
1933
,
"
1934
78.000
1935
126.000
1936
112.500
5850 "
1937
119.700
4446
1938
1939
1940
i
1941
160.662
1942
367.287
1943
586.142
En 1931, la mention "Subvention pour alimentation en eau" disparaît de la nomenclature budgétaire.
Source: comptes administratifs do la commune de Rufisque (1926-1943).

64
suggèrent que les services municipalisés puissent répondre à un besoin d'argent. A Rufisque, la
municipalité décida de substituer le but social au but financier. Détenait-elle les moyens de sa
politique, notamment en ce qui concerne la régie d'eau qui reposait sur des considérations
d'hygiène et de santé publique et ne pouvait être gérée avec esprit de lucre? 7 Service à donner
au meilleur prix car répondant aux besoins essentiels et aux nécessités de la vie citadine, la
municipalité de Rufisque n'y chercha' pas des ressources.
A. L'alimentation en eau
Rufisque était alimenté en eau potable depuis le début du siècle au moyen d'une usine à
vapeur sise à 9 km au nord de la ville à partir de 18 puits situés en bordure du marigot de
Sangalkam. L'eau était refoulée dans le réservoir de Keur-Diallo à mi-chemin de la ville et
Sangalkam au moyen d'une conduite qui amenait l'eau par' gravité au réseau de la ville. Le
terrain argilo-marneux était soutenu par un sous-sol imperméable qui emmagasinait les eaux de
,
pluie drainées par les pentes convergeant au pied d'une sorte de cuvette. Les pompes
prélevaient une moyenne de 600 métres-cubes d'eau par jour, quantité insuffisante pour les
besoins en eau de la population d'autant plus que seul un tiers (200 métres-cubes) profitait
réellement aux habitants pour leur usage personnel, le second tiers était absorbé par le Dakar-
Saint-Louis, le camp des Tirailleurs, l'usine électrique, la Compagnie de Remorquage; le
dernier tiers était perdu par les nombreuses fuites du réseau de distribution. Les besoins de la
population augmentaient constamment et le montant des travaux était évalué à 10 millions de
francs 8.
7 Rappelons que Rufisque connaissait depuis 1925 un cycle d'épidémies (cf tableaux 5 et 6, supra). En Europe,
et notamment en Angleterre (Liverpool, Manchester, Birmingham), les régies d'eau étaient généralement
déficitaires et gérées à perte. Voir BOUVIER P., 1907, op. cit., pp. 10-13; MIMIN P., 1911, op. cit., pp. 124-
127.
8 ANS Fonds Ancien, 3D, commune de Rufisque, alimentation en eau. Lettre du lieutenant-gouverneur du
Sénégal au maire de Rufisque datée du 31 août 1925.

"·65
La mise en concession de l'alimentation en eau de Rufisque, précisément de l'usine de
Sangalkam, souhaitée par le:',6ouvernement Général, avait pour objet de parer à l'important
l'·;'I!
déficit provenant de l'explo~i~tion de ce service. Le conseil municipal à l'unanimité de ses
'1~I!
membres s'y opposa 9. Le CqQ,iseil Colonial avait voté un crédit de 2,3 millions de francs destiné
1:"
, ,lll,
à améliorer les conditions "'~~ distribution d'eau douce à Rufisque. Il semblait inopportun
v
"''1'
d'envisager ladite concessio~!la commune ayant intérêt à disposer de la dotation. Le projet de
,;),
cession fut donc rejeté. Un g~~s de fer s'engagea avec le gouverneur de la colonie, le Conseil
Colonial ayant admis le pri~~iPe de cession de l'alimentation en eau de Saint-Louis à une
~ ;,'
entreprise. Rufisque ne po~vait être en .reste. Le gouverneur exigea immédiatement une
convocation du conseil mJ'1icipal en session extraordinaire pour revenir sur son vote.
+,
Etranglée par un budget exsajigue suite à la baisse des activités économiques (graphique n 0 4)
.~;.:~
10, ne disposant plus de fon~~ libres et souhaitant bénéficier de crédits pour des opérations
municl~ale
d'urgence, l'assemblée
revint sur sa décision en posant comme contrepartie:
i r;\\
lil
"- le maintièr; du ,personnel,
i. :'~'U
- l'établissement de bornes-fontaines supplémentaires dans
,>.~
i'r~j'
les quartiers' de la ville,
r'
.1
- la réfecti~'!l 'préalable du réseau d'alimentation et pour ce
r
faire le re~r;utement de la main-d'oeuvre sur place" 11.
La concession tant re~'outée par les édiles pouvait amener la compagnie privée à relever
le tarif des abonnements potifévter tour déficit, augmentation qui se traduirait par un surcroît
;;;
de charge pour la population, Elle avait comme avantage un allègement notable des charges
communales.
----------~
9 ANS, Fonds Ancien, 3D, op. ci(j,i\\extraits des délibérations du conseil municipal. séance du 16 août 1932.
10 Recettes (1931·1933): 2.540.','qO; 1.943.509; 3.313.871 francs constants. Dépenses (1931-1933): 2.568.735;
2.167.343; 3.537.326 francs constants.
11 ANS, Fonds Ancien,3D, commune de Rufisque, extraits des délibérations du conseil municipal, séance du
1er octobre 1932.
.

L'
66
GRAPHIQUE4
RF.CElTES ET DEPENSES DE LA COMMUNE
RUFISQUE (1924-1953)
,.,
1000000v
-- -
-El-
-_.
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recettes
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III
1
--
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..-, ~
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.
- -
0
10000
1
1924 1926 1928 1930 1932 1934 1936 1938 1940 1942 1944 1946 1948 1950 1952
1925 1927 1929 1931 1933 1935 19371939 1941 1943 1945 19471949 1951 1953
Source: comptes adinlnlstratlts de la commune de Rufisque (1924-1953)

67
1
B. L'éclairage électrique
Face aux harcèlements de la tutelle, l'opinion du conseil municipal ne fut pas unanime
quant à l'avenir à réserver à ce service. D'accord à l'origine sur le caractère social à donner à ce
service public, les querelles partisanes sapèrent par la suite l'acquis antérieur. Régie ou
concession? Depuis l'installation de la nouvelle équipe municipale en mai 1925, la question de
la concession du service à la Compagnie d'Electricité du Sénégal (C.E.S.), sise à Dakar, était
pendante. Le conseil municipal proposa d'acheter le courant de Dakar à l'entrée de la ville, à
Tiokho, et de le céder aux particuliers rufisquois par ses soins 12. Le Service des Travaux
Publics de la colonie du Sénégal, entra en pourparlers avec la c.E.S., qui desservait Dakar,
dans le but d'arrêter les bases d'un accord tendant à concéder à cette firme la production de
l'énergie électrique nécessaire à la ville de Rufisque. TI exigea ensuite la cession complète: le
système de régie directe devait être définitivement abandonné. La municipalité de Rufisque
n'offrait plus les garanties quant à l'entretien du réseau, la sécurité et l'application régulière des
tarifs. Le projet Gallois (du nom de l'agent-voyer de Rufisque) de réfection de l'usine fut
définitivement abandonné en octobre 1926 13. La commune de Rufisque concédait en mai 1928
à la c.E.S. l'exploitation du réseau d'énergie électrique. La compagnie concessionnaire
s'occupait de la production et de la fourniture du courant, l'entretien ,et le remplacement des
appareils d'éclairage des voies publiques. La commune de Rufisque conservait la concession
qui lui avait été accordée par la colonie du Sénégal de la ligne haute tension reliant Rufisque à
l'usine de Sangalkam.
Cette convention de 1928, discutable, laissait en suspens des questions importantes,
notamment l'éclairage des villages indigènes de Rufisque et le sort des ouvriers de l'usine de
Sangalkam qui pouvaient craindre pour l'emploi occupé au moment de la prise de service de la
.
.
compagnie concessionnaire. Les propositions du conseil municipal (emprunt, modifications à
12 Cette régie intéressée étaiiune proposition de la minorité diagniste du conseil municipal.
13 ANS, Fonds Ancien, 3D, op. cit., extraits des délibérations du conseil, séance du 24 février 1926.

68
l'usine de Sangalkam et dans les lignes électriques) avaient peu de chances d'obtenir
satisfaction; l'assemblée municipale était trop déchirée par ses divisions. Peu à peu, l'idée fit son
chemin que la concession était la seule issue possible, vu le refus d'approbation du gouverneur
Jore de tout procédé visant à l'acquisition de matériel de remplacement. Le conseil municipal
avait adopté dans sa délibération en session ordinaire du 23 mai 1928 le projet de concession
par 9 voix contre 4 14.
Le parti diagniste, minoritaire au sein du conseil municipal, s'était opposé avec
véhémence au retour de la concession proposé par la majorité mauriciste. Faisait-il preuve de
sincérité ou usait-il d'une simple manoeuvre politicienne? J'opte pour la deuxième idée.
L'objectif du clan diagniste au sein de l'assemblée municipale 15 était de faire échouer tous les
projets de Maurice Gueye afin de le démettre de sa fonction de premier magistrat municipal de
Rufisque. Pour preuve, après sa révocation en fin janvier 1929, ce sont les partisans de Blaise
Diagne revenus à la tête de la municipalité avec Ibra Seck qui, par délibération du 28 février
1930, votèrent l'autorisation à accorder à la C.E.S. de passer à la Compagnie des Eaux et
. Electricité de l'Ouest Africain (C.E.E.O.A.) 16 l'exploitation du réseau de distribution d'énergie
électrique à Rufisque; les deux compagnies avaient fusionné entre elles le 28 novembre 1929
en conservant l'appellation de C.E.E.O.A. Après le décès d'Ibra Seck (septembre 1932),
Maurice Gueye qui avait rallié le parti diagniste (fin mai 1931) afin d'assurer son retour à la
mairie et le conseil municipal à l'unanimité entérinèrent
la nouvelle convention entre la
commune de Rufisque et le Gouvernement Général comme conséquence de l'octroi à la
C.E.E.O.A. de la concession 17 (cf Annexes). Celle-ci devait expirer, comme celle de la
commune de Dakar, le 31 décembre 196? avec remise de toutes les installations publiques.
14 Ibra Seck, Magoumba Ndiaye, Amadou Déthié Sarr et Mamadou Mbengue.
15 Aux opposants à la délibération du 23 mai 1928 s'étaient ralliés plus tard Alioune Mbengue et Abdoulaye
Diagne. Cf ANS, Fonds Ancien, 3D, commune de Rufisque.oz; cit.
16 Lettre du lieutenant-gouverneur du Sénégal Beumier à Ibra Seck maire de Rufisque datée du 7 février 1930.
Lue à la délibération du conseil municipal, séance du 28 février 1930.
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.
17 ANS, Fonds Ancien, op. cit., extraits des délibérations du conseil municipal, séance du 25 septembre 1933.

69
C. Habitations à bon marché et pharmacie municipale
Le problème de la construction se posait sous une forme quelque peu particulière. C'est
pour faire face à ce problème que le Gouvernement Général avait étudié la création d'un office
d'habitation à bon marché destiné à faciliter par des prêts à long terme la contruction de
terrains urbains. La municipalité de Rufisque avait tenté dès 1920 sur l'initiative de son maire
diagniste Galandou Diouf de lancer un programme d'habitation à bon marché. Elle était
particulièrement intéressée par cette question; des études auprès de sociétés privées françaises
avaient été engagées 18. Le souci de faire disparaître la menace des épidémies avait mis au
premier rang des préoccupations l'assainissement méthodique des quartiers par la disparition
progressive des constructions insalubres et leur remplacement par des maisons en dur
répondant aux exigences de l'hygiène. La réalisation de ce plan nécessitait des sommes
considérables dépassant toutes les possibilités budgétaires de la commune. L'importance des
dépenses à engager pour de telles constructions et nécessitant un emprunt fut sans doute à
l'origine de l'échec du projet.
Quant à l'expérience de la pharmacie municipale, elle n'eut pas lieu; le conseil municipal
et le pharmacien privé, Durand, ne s'étant pas entendus sur les conditions de la cession de
l'officine à la commune. Ce type de régie municipale avait peu de chance d'emporter les faveurs
de l'administration qui, au-delà de la distinction nette qu'elle faisait entre la fonction
administrative et la fonction économique de la commune, y voyait un outil électoral pour une
commune indifférente aux bénéfices et peu sensible aux pertes.
18 Le Conseil Privé du Sénégal avait rejeté dans sa séance du 20 septembre 1920 le crédit de 30.000 francs voté
par le conseil municipal de Rufisque dans sa séance du 16 septembre 1920 pour "frais de mission, d'études et
projets des constructions àbon marché", En séance extraordinaire du 23 octobre 1920, les édiles rufisquois
étaient revenus sur cette question et avaient voté un nouveau crédit de 30.000 francs, après avoir pourvu à
toutes les dépenses obligatoires.du budget de t'année 1920. In ANS, Fonds Ancien, op. cit.

70
III. SOUCI SOCIAL OU SOUCI BUDGETAIRE? QUEL RESULTAT ATTEINT?
SIGNIFICATION DE L'ENTREPRISE MUNICIPALISTE
Dans sa tentative de gérer les services publics, la municipalité de Rufisque dut choisir
entre le but financier et le but social. Il semblait bien difficile d'assurer le bon fonctionnement
d'une entreprise industrielle communale en portant autant d'intérêt à l'un et à l'autre, et
l'orientation de la gestion en était très différente suivant les tendances économiques de la
municipalité. Ce que l'on donnait à l'intérêt social était pris sur l'intérêt fiscal et
réciproquement19.
N'eut-il pas mieux fallu pour le conseil municipal choisir le système de la régie
intéressée? Ce procédé permettait à la ville de participer aux bénéfices procurés par le
monopole municipal sans faire courir de danger aux finances communales, les pertes
éventuelles n'ayant pas à être supportées par la commune. Mais y avait-il abandon effectif par
le concessionnaire d'une part des bénéfices à la commune comme prix de son monopole? Nous
en doutons, vu les procès et la résiliation des actes de concession 20.
La municipalisation était-elle une oeuvre sociale ou une ressource électorale?
L'administration montra son hostilité à ce qu'elle considérait comme des services pouvant subir
les contrecoups des événements politiques et électoraux. Parce qu'il tenait les cordes de la
bourse, qu'il dressait les tarifs et fixait les salaires; parce qu'il approuvait, révoquait et blâmait,
le conseil municipal gardait la haute main sur ces entreprises. Ce fut une des causes de la
révocation de Maurice Gueye (régies d'eau et d'électricité). Sans prétendre la nier, cette raison
nous semble insuffisante. La tutelle n'était pas préparée à accepter l'établissement d'entreprises
commerciales et industrielles municipales d'autant plus que la loi sur les régies municipales
19 Une grande confusion prévalait entre dépenses d'intérêt général et dépenses communales. L'administration
de la colonie, pour se dégager, avait aggravé les charges de la commune en lui imposant la consommation d'eau
des troupes militaires stationnées ou en transit à Rufisque.
20 Maître Lamine Gueye, docteur en droit depuis 1922, défendit au cours des années 20 les intérêts de la
municipalité "mauriciste" (1925-1929) avec un traitement fixe de 5.000 francs payable par trimestre. Cf. ANS,
Fonds Ancien, op. cit., extraits des délibérations du conseil municipal, séance du 20 novembre 1926.

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n'avait pas été promulguée au Sénégal. En 1920-1921 et en 1927, elle s'était opposée à deux
projets municipaux (projets des agents-voyers Abadie et Couteau) pour "erreurs manifestes". Le
gouverneur général de l'A.O.F., Carde, qui' poursuivait avec succès la réalisation d'un
programme économique en faveur de Dakar voyait d'un mauvais oeil le' développement de
Rufisque, situé à 30 km de la capitale fédérale.
A Yvoir de plus près, le vrai problème était la fonction assignée à la commune de plein
exercice. Ce n'était pas à cause d'une organisation mauvaise ou incomplète que le principe
même de l'intervention gisant à la base de. cette organisation devait être rejeté. TI s'agissait
seulement de savoir si certaines régies pouvaient s'accommoder de procédés de gestion
administrative. De l'absence d'organisation économique, la tutelle ne pouvait conclure à
l'absence de fonction économique. Au Sénégal, la fonction communale était administrative.
Actions solidaires et indivisibles, la fonction économique et 'la fonction administrative avaient
été différenciées, séparées, compartimentées. Cette fonction' définie par l'ordre colonial fut
lourde de conséquences après 1945 et perdura au lendemain de l'indépendance.
Derrière le droit, il y avait la vie sociale. La municipalisation des services publics
s'embarrassait peu de considérations théoriques. "Doctrine" aux principes généraux, aux
contours parfois mal définis, elle était éminemment pratique, utilitaire. TI n'y avait donc pas de
solution de principe, rigide, générale, universelle. TI n'y avait que des solutions variées,
adaptées
aux
nécessités
sociales
et
économiques
de
l'endroit

s'exerçait
cette
municipalisation. Cette réalité ne fut pas prise en compte par la tutelle. Fervent de la méthode
juriste, orthodoxe, habitué à systématiser, le pouvoir central ne s'arrêtait pas sur les questions
d'opportunité, de fait. Or les solutions valables en métropole n'étaient vraies que dans une
certaine mesure e~ prêtaient à des répliques également vraies au Sénégal. L'art de gouverner,
nous semble t-il, était l'art de savoir choisir entre des inconvénients.

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Toute la question était de savoir au profit de qui existerait le monopole: monopole de la
commune ou monopole d'une compagnie? Très souvent, il était reproché au conseil municipal
de tracasser, par des injonctions et taxations de toutes sortes, les commerçants, de vouloir
rompre l'égalité économique entre concurrents, d'avantager certains individus plus influents.
Cette situation était identique dans le cas d'un concessionnaire; le principe qui subsistait
théoriquement que la concession était le meilleur remède pour les services de la ville de
Rufisque était dans les faits considérablement diminué.
Incohérence dans les solutions, insuffisance dans les motifs quand il y avait interdiction
pour la commune d'exercer un commerce ou un service résumaient la pratique administrative.
IV. LA QUESTION FONDAMENTALE DES ATTRIBUTIONS. DES PROGRES
APPARENTS AU RECUL: HYGIENE ET SALUBRITE, PETITE VOIRIE ET
POLICE MUNICIPALE
Plusieurs lois depuis 1884 avaient prescrit à l'autorité centrale de se substituer au maire
dans le cas où celui-ci se refuserait ou négligerait de s'acquitter de sa mission, notamment le
maintien de l'ordre, de la sécurité et de l'hygiène publiques. Par des précautions appropriées, le
maire devait prévenir les accidents et les fléaux calamiteux, pourvoir d'urgence aux mesures
d'assistance et de secours et, s'il y avait lieu, provoquer l'intervention de l'administration
supérieure. Le maire était également chargé de veiller à tout ce qui intéressait la salubrité
publique, d'assurer la prévention des maladies contagieuses et épizootiques.
La situation de la ville de Rufisque au point de vue de l'hygiène publique était peu
satisfaisante au milieu des années 20: banlieue traversée par une route rétrécie, accès dans la
ville par un quartier non classé dans la zone urbaine (Tiokho), tas d'ordures, caniveaux d'eau
stagnante, terrains vagues non clôturés servant de dépôts d'immondices.. Cet état était
imputable à trois causes ayant une interdépendance étroite. Sans revenir sur les mauvaises
conditions topographiques de la ville décrites plus haut (cf Chapitre 1 supra), je m'intéresserai
aux deux autres facteurs, d'ordre individuel et technique.
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Les règlements sanitaires étaient difficilement observés à Rufisque et les sanctions
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prises par le Service d'hygiène demeuraient inopérantes, les pénalités sous forme d'amendes
restaient la plupart du temps sans efficacité par suite des difficultés de recouvrement. Ce
phénomène est observable aussi bien au sein de la population africaine qu'européenne où
l'application des sanctions était plus délicate 21. Quant aux prestations des services municipaux
de nettoiement et d'enlèvement des ordures, elles étaient déficientes vu le matériel en usage qui
ne répondait plus aux besoins d'une agglomération de l'importance de Rufisque. L'enlèvement
des ordures ménagères se faisait à l'aide de wagonnets decauville poussés à bras qui ne
pouvaient circuler dans toutes les rues de.la ville et étaient d'une manoeuvre trop lente pour
assurer l'enlèvement avec la rapidité voulue. Le personnel de 25 manoeuvres qui aurait suffi
aux besoins avec un matériel acceptable ne pouvait y faire face.
Face à cet ensemble de conditions d'hygiène défavorables, le Service d'Hygiène suggéra
la coordination des services (d'hygiène et de police) par l'établissement à Rufisque d'une
autorité auprès de laquelle le service d'hygiène pourrait exercer efficacement son rôle de
conseil technique en matière de salubrité' publique. La présence sur place d'un haut
fonctionnaire, délégué du gouverneur de la colonie, ayant sous son autorité directe les services
d'hygiène, de police et de voirie pouvait réaliser la coordination des différents services non .
municipaux et agir avec une autorité suffisante sur les pouvoirs élus. L'amélioration matérielle
.
la plus urgente à réaliser était le remplacement des wagonnets utilisés pour l'enlèvement des
immondices par des camions automobiles capables d'assurer le service avec la rapidité voulue.
Les diverses sommations de l'administration centrale pour amener le conseil municipal à
appliquer strictement les règlements d'hygiène ou à les compléter en cas d'insuffisance ne furent
suivis d'aucun effet. L'exécution des mesures analogues prises à l'endroit des municipalités de
Dakar et Saint-Louis se faisait pressante si l'autorité municipale n'allait pas dans le sens des
21 Le médecin-major Huot, chargé du Service d'Hygiène de la ville de Rufisque dans une lettre du 18 mars 1926 .
adressée au médecin-inspecteur général des services sanitaires et médicaux de l'A.O.f. se plaignit d' "un certain
relâchement de la population européenne à qui il
(était) difficile de réserver l'application de sanctions
effectives", ANS, 3G1 2-17, Régime municipal. Préparation du décret du 25 janvier 1927.
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-
74
améliorations indiquées par les services techniques de l'hygiène. L'activité économique à
Rufisque et la proximité de Dakar intéressaient au premier chef l'avenir de la colonie.
A la suite des épidémies de peste et de fièvre jaune qui s'étaient' déclarées et de la
multiplicité des foyers d'infection, Rufisque était placé le 21 janvier 1927 sous le régime de
l'observation sanitaire. Le décret du 25 janvier, modifiant le décret du 25 avril 1889 rendant
applicables au Sénégal certaines dispositions de la loi du 5 avril 1884, enlevait au maire de
Rufisque les attributions d'hygiène et de salubrité publique pour les confier à un administrateur
désigné par le lieutenant-gouverneur. Ce texte enlevait au maire les attributions concernant les
mesures à prendre en vue de prévenir les maladies transmissibles et d'assurer la salubrité des
habitations. Le soin d'assurer la propreté et l'assainissement des voies publiques (balayage,
arrosage, enlèvement des ordures) continuaient à relever de l'autorité municipale. Mais pour
assurer efficacement la protection de la santé publique, l'adÏninistration reçut à Saint-Louis et
Rufisque les attributions de petite voirie et de police municipale (décret du 15 novembre 1927,
promulgué au Sénégal le 15 octobre 1928) 22. Un arrêté du 27 avril avait institué une
délégation du gouvernement du Sénégal à Rufisque confié à un administrateur qui exerçait la
police, contrôlait la salubrité publique et surveillait la comptabilité municipale (cf Annexes).
Les maires de Saint-Louis et Rufisque protestèrent contre l'application du décret du 15
novembre 1927 en refusant de voter le budget primitif de 1929 durant la session ordinaire de
novembre 1928. La menace de dissolution du conseil municipal ne les avait nullement inquiétés
puisque la mise en place de la délégation municipale ne pouvait excéder deux mois. Or les
prochaines échéances municipales étaient fixées à mai 1929. Les pourvois en Conseil d'Etat
intentés par Guillabert (Saint-Louis) et Maurice Gueye (Rufisque) furent rejetés par décision
du 3 février... 19~2. TI est à préciser que le maire diagniste Ibra Seck s'était désisté en juillet
1930 de l'instance engagée par Mauric~ Gueye, révoqué, tandis que Maître Paul Vidal, maire
22 ANS, 3G1 2-17, op. cit., application du décret du 15 novembre 1927.
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75
de Saint-Louis avait retiré sa protestation sous les pressions de Blaise Diagne. Toutefois le
désir de recouvrer les anciennes prérogatives municipales n'était pas une idée morte.
Au XXVIlIème congrès annuel de l'Association des Maires de France (juillet 1937),
Galandou Diouf, député du Sénégal et maire de la commune de Rufisque (élu en mai 1935)
introduisit une motion réclamant l'autonomie administrative des municipalités de Dakar,
Rufisque et Saint-Louis par le retour des attributions qui leur avaient été enlevées 23. Des
arguments jouaient en sa faveur. Les municipalités s'étaient acquittées de leurs dettes: Dakar,
Il millions; Rufisque, 3 millions 24 et Saint-Louis, 2,5 millions 25. N'était-il pas légitime que ces
municipalités votassent des crédits pour les travaux publics, la réfection des routes, le
nettoiement, l'enseignement et la police et eussent un droit de regard sur l'affectation réelle des
dites sommes? La période diagniste antérieure avait été marquée par des demandes de crédits
imposantes qui avaient servi à l'entretien d'agents électoraux et à la création de caisses
occultes, abus que l'administration, loin de s'y opposer, avàit tolérés voire encouragés. En
réalité, l'octroi d'un régime d'autonomie des communes de plein exercice du Sénégal dans le
cadre de la loi métropolitaine était difficile voire impossible.
La limitation du pouvoir, sur le plan des institutions municipales sous un régime de
suffrage universel, où la collectivité communale choisissait elle-même par voie de scrutin public
ceux qui avaient mission de la représenter, de l'administrer, de gérer et de défendre ses intérêts,
cette limitation de pouvoir posait problème. A quelles considérations véritables obéissait la
y
décision d'ôter aux édiles sénégalais l'usage des pouvoirs dont il s'agit? 26 Les constatations de
23 Cette pétition avait été appuyée par Marchandeau, député-maire de Reims et les maires de Saint-Louis et
Dakar. Lamine Gueye, conseiller à la Cour d'Appel de Dakar, avait également fait des interventions auprès de
ses camarades socialistes, Moutet et de Coppet.
24 4.504.204 francs constants entre 1934 et 1937. Cf infra tableau n 021.
25 ANS, 3Gl 3-17, Régime municipal Extension du régime municipal. Projets et démarches diverses (1932-
1938).
26 Le journal, La Presse Coloniale. anima une formidable campagne contre le retour des attributions enlevées
aux municipalités sénégalaises, en dénonçant les plus minimes manquements dans l'observation de l'hygiène
urbaine, Elle engagea dans ses colonnes une polémique avec la "plus haute personnalité indigène du Sénégal",
Galandou Diouf (cf page suivante:"Une question grosse de conséquences").
.

fait, les motifs circonstanciels justifiaient-ils tout? Comment relever de ce statut de minorité la
commune
de
plein
exercice?
L'amélioration
des
méthodes
de
gestion
municipale,
singulièrement le souci de payer les dettes laissées par les exercices antérieurs était un motif de
poids. Les raisons qui firent enlever aux maires des communes de plein exercice pour les
confier au gouvernement local les attributions dont ces magistrats municipaux avaient été à
l'origine investis en matière d'hygiène, de police et de voirie étaient plus profondes. Elles se
rattachaient intimement à la structure administrative propre de l'ensemble de la colonie mise en
place par l'administration et ne pouvaient conduire qu'à des avatars.
L'organisme municipal du Sénégal était placé dans une position nécessairement
différente de celles où se trouvaient les communes de la métropole. Au Sénégal, les communes
n'occupaient qu'une parcelle infime du territoire et le nombre total de leurs ressortissants
constituait un faible pourcentage de la population globale de la colonie. Elles apparaissaient
comme des enclaves minuscules parmi l'immensité des sphères relevant directement et
exclusivement de l'autorité administrative locale, seuIe responsable de l'ordre et de la sécurité,
seule chargée d'assurer sur ce territoire les' mesures de sauvegarde et de protection des
personnes, des biens, de la santé publique. Les communes de plein exercice, dérogeant à cette
réglementation, constituaient inévitablement une anomalie. TI n'était plus question de revenir à
l'organisation initiale qui leur avait été concédée et qui les soustrayait à l'autorité directe du
gouvernement local. La centralisation la plus étroite, la plus renforcée devait s'y appliquer .
.
La municipalité de Dakar constituait un cas à part en matière de police et de voirie.
Dakar avait des caractères spéciaux qui ne découlaient pas du chiffre de sa population. Chef-
lieu du Gouvernement Général, port de commerce à trafic intense, dépôt de combustibles,
centre de lignes aériennes, point d'appui de la flotte de guerre, toutes ces conditions
entraînaient l'institution d'une police d'Etat. L'administration centrale voulait soustraire aux
contingences politiques le personnel de police, d'autant plus que les joutes. électorales se
caractérisaient par une èertaine forme de violence. Un autre élément à mettre au compte du
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ANS 3G1 2-17, Régime municipal, hygiène

,:78:
refus d'un retour des attributions de police était le souhait de surveiller de plus près les
étrangers, précisément les Levantins qui, bien que ne disposant pas du droit de vote,
s'occupaient activement de la politique locale et intervenaient indirectement dans les scrutins
par les fonds mis à la disposition des candidats. En ce qui concerne la voirie, il existait une
voirie du Port de Commerce située dans les emprises du port de commerce et qui avait été
créée au moyen des fonds d'Emprunt. Pour les autorités administratives, il n'était pas question
de substituer une gestion municipale à la gestion du Port. Enfin la substitution d'entreprises aux
régies et d'appel à la concurrence aux achats sur facture demeuraient des "conditionnalités" à
tout retour éventuel des attributions aux municipalités.
•.
Aucune application n'était possible entre l'organisation propre au Sénégal et celle des
départements métropolitains, où sur tout le territoire fonctionnaient les instances municipales,
où tout était intégré dans une commune. Au Sénégal, l'adaptation aux conditions locales n'avait
nullement été recherchée. TI suffit de se reporter aux rapports 'qui précédent les décrets plaçant
dans les communes du Sénégal les services d'hygiène, de police et de voirie, sous la direction
du lieutenant-gouverneur, pour se rendre compte que c'étaient bien et avant tout des
préoccupations de l'ordre qui avaient dicté ces mesures.
Le premier acte intervenu dans ce sens remontait en réalité au 6 mai 1918 27. Aux
termes d'un décret pris à cette date, les attributions dévolues aux maires des communes de
Dakar et Saint-Louis, en matière d'hygiène et de salubrité publique étaient exercées à Dakar
par le délégué du gouverneur du Sénégal et à Saint-Louis par un fonctionnaire désigné par le
gouverneur du Sénégal. Le rapport de présentation de cet acte législatif évoquait " les difficultés
parfois insurmontables" qu'avait rencontrées" l'autorité municipale dans l'exécution des mesures sanitaires
reconnues les plus i,!dispensables" et indiquait que la réforme inscrite dans le décret était destinée à
" compléter utilement les mesures qui s'étaient déjà imposées en vue d'assurer avec efficacité la protection de
27 Le décret du 27 novembre 1924 créant la Circonscription de Dakar et Dépendances enlèvera à la commune
de Dakar la police municipale et la voirie. Pour Saint-Louis, ce sera le décret du 15 novembre 1927. Cf
Annexes, Hygiène, voirie, police: historique réglementaire.

79:'
t
la santé publique" 28. Cette réforme répondait-elle à la sauvegarde des intérêts vitaux de la
'. i
collectivité? Les faits prouvent le contraire. A Rufisque, lors des épidémies de peste, les
: 'i
quartiers indigènes furent durement touchés; autorités administratives et instance municipale ne
s'accordèrent pas sur la mejU;d,ure manière de juguler le fléau. En fait, les progrès réalisés dans
":Ifl
.
la mise en défense des aggloMérations urbaines du Sénégal et les résultats obtenus dans la lutte
:1.1~
1 " ; ,
menée contre les épidémies Wleste et fièvre jaune) démontrèrent de la façon la plus éclatante le
caractère orienté et séparé en faveur de la population européenne et des habitants de l'Escale.
/r
i
Jusqu'à la veille du second conflit mondial, cette querelle des attributions ne connut point
d'évolution en dépit des protestations des édiles.
Hygiène et salubrité, petite voirie et police municipale étaient des attributions
;
't
étroitement.liées. Créer uneJ;oute, percer une rue, c'était non seulement réaliser une nouvelle
l
: /

voie de communication, mais surtout assainir tout un quartier en assurant l'écoulement des
: ;:.i;
.
eaux stagnantes par la constf9ction de caniveaux et d'ouvrages appropriés 29. Dans sa réponse
du 3 novembre 1938 au gOll~~rn;ur général Geismar, favorable à une réforme de façade et qui
:.'j'
lui demandait son avis sur uri'éventuel retour des attributions aux communes de plein exercice,
l'administrateur de la Circonscription de Dakar; Louis Ponzio, précisait:
" Les municipalités sénégalaises étaient inaptes à gérer
sainement' lès affaires communales." 30
{,;::i
- - - - - - - - - - - . . , . . . " .
28 Repris à son compte par l'adounistrateur de la Circonscription de Dakar, Louis Ponzio. In ANS, 3Gl 3-17,
op. c U . : , . '
29 L'administration était réticenteà remettre les pouvoirs de voirie car cette infrastructure avait été acquittée sur
les crédits du budget général, du budget d'Emprunt ou des budgets annexes, le budget municipal ne participant
que faiblement. Aucune raison ne pouvait donc justifier ce "don" sans contrepartie. Ou peut-être fallait-il que la
municipalité remboursât?
30 ANS, 3Gl 2-17, op. cit, lettre.de l'administrateur de la Circonscription de Dakar au Gouverneur Général
datée du
3 novembre 1938.
..

80 "
Au-delà de ce constat, il suggérait de leur "d;nner quelques satisfactions de forme susceptibles
d'apaiser leurs revendications, tout en assurant le maintien de l'autorité intégrale de l'administration sur
l'hygiène et la voirie" 31.
La question des moyens financiers que la municipalité devait se procurer pour
l'exécution du programme de voirie rebondit (cf infra). L'hygiène urbaine (propreté des rues,
construction d'égouts, destruction des parasites) conditionnait l'état sanitaire et l'activité
économique. A la même époque, Ponzio avait violemment critiqué la gestion de la municipalité
de Dakar en matière de nettoiement et d'enlèvement des ordures; l'incendie de Marseille 32 avait
achevé de le convaincre que la remise des attributions de petite voirie aurait entraîné de graves
conséquences sanitaires.
S'il est vrai que la voirie des municipalités sénégalaises avait été réalisée en grande
partie grâce aux fonds du gouvernement général sans oublier les contributions obligatoires des
dites communes, était-illogique de leur permettre l'exploitation d'une voirie à la réalisation de
laquelle elles n'avaient sacrifié qu'une partie des frais? L'effort financier demandé aux
communes était sans rapport avec la réalité de leurs recettes et c'est à juste titre que la
municipalité de Dakar refusa de voter dans sa séance du 20 octobre 1938 l'impôt de prestation
comme source de financement de la voirie. En Métropole, la part de l'octroi était de plus en
plus faible dans les recettes communales, relayée par les centimes additionnels 33; au Sénégal,
l'octroi caractérisé par son instabilité (tableau n 0 20, cf infra) 34, supprimé en 1924 et rétabli
en fin 1933, continuait à procurer l'essentiel des ressources communales et des réformes en
profondeur ne furent pas envisagées. On peut alors effectivement se demander comment la
commune pouvait réaliser un programme de voirie dans l'hypothèse où les recettes de l'octroi
31 Idem.
32 Le Temps du 15 novembre 1938 (cf page suivante).
33 Pour citer quelques communes métropolitaines. 1930: Boulogne, 33,59 %; Neuilly 33,41 %; 1931: 41,69 et
30,65 %. In BRUNET J.P."'1981, op. cit.
,.
34 100.219 francs constants en août 1936 contre 1.967.272 francs constants en août 1937 à Dakar.

1.
81
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. j-ute, les. tntèrêta et les .frolCs. i;A. r&rare: ~J{;!JOiLi.r .
1~'" 1oü(e-khne~n-t'--""'~'1'e:vttU(fe -tr1tbftŒffHrcf ,!:on
\\p:!)~eur 1 Je com('tcndr:e.. Y~etJte â 1.I"'op (J l-:l~t'-èC
'jQO .relid ',du>si la vie: dè la :'rm~e, .Marr.eUle II. :'Crop
· :,~c·.~r1J: par la. rtChesse, dB .E:O~ Ùlbe-ur'et, runp!eur..~ l,
',~s.~ tOtetfJ y.lth.~ pour quo nous n'a~-OD5' pas Je SOUell t
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li .;irame- œiUme". celw qloat. 1l1IU:f ....\\nas en. ~::Jour. ('
VG'Cbt. aprk ur. tel 6errr~ent. et si nous DI;LN séfitODi '1
\\·s"Qn..do ·le \\tD.lr, que-ucue pou.rt'ODfI relever nos llOaŒ:,
,ea.-. peëseace. de tant. de: victime". et" 'rtgatder en" raee ~\\
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(,pi'lito.lâ ~11 eœue la, donlo~rcux bomm~ dl) I.P. P'n.nc:e J
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. .-'.:'
.Le Temps, 15 novembre 1938 (Bib~othèque ~~tiona1e, Paris)

; 82
viendraient à lui manquer. De plus, la restitution des attributions de petite voirie à la
municipalité nécessitait l'entretien d'un service technique municipal qui se superposerait à celui
de l'administration locale à laquelle incomberait toujours la gestion de la grande voirie.
Ce qui est intéressant à relever, c'est l'esprit de l'époque, " les satisfactions de forme à
donner à des organismes élus caractérisés par un déficit de maturité politique" 35. Hostile à tout retour
.
des attributions à la municipalité, Ponzio envisagea par exemple l'exercice de celle de la petite
voirie sur une portion du territoire communal désigné par le gouverneur général après avis du
Conseil Supérieur d'Hygiène de l'A.o.F. Les résultats qu'obtiendrait la gestion municipale ainsi
cantonnée décideraient par la suite s'il convenait d'étendre le champ d'expérience pour aboutir,
en définitive, à la concession de toutes les libertés communales en la matière. Le gouverneur
général par intérim de l'A.O.F.? Pierre Boisson, dans une stratégie de compromis, suggérait de
restituer aux municipalités leurs attributions de voirie sur certaines voies publiques ou quartiers
désignés par arrêtés, dès qu'elles auraient pu pourvoir, grâce à leurs ressources propres (octroi
exclu) aux 3/4 "au moins" de leurs, dépenses communales. Enfin l'opposition au retour de la
police municipale au maire s'inscrivait dans un cadre plus général. En métropole, le
Gouvernement mettait à profit toutes les occasions pour instituer dans les centres importants
une police d'Etat placée sous les ordres directs des préfets; la police municipale apparaissait
comme une institution périmée. Au Sénégal, la présence de Dakar, chef-lieu du Gouvernement
Général, port international, à trafic intense et à population mêlée avait conduit à une
centralisation de la police. De plus, face à des luttes politiques âpres, l'administration avait
voulu disposer de toute liberté de manoeuvre pour prévenir les troubles en cas d'insuffisance
des forces policières afin de préserver la paix publique et la sincérité des scrutins.
35 ANS, 3Gl 2-17, op. cit.

83
II. LE CONSEIL MUNICIPAL: UN CONSEIL ET NON UNE AUTORITE
LE JEU DES CONFLITS
.' .
La liberté du conseilmunicipal avait été diminuée à deux points de vue différents:
,,~l
;I;~J
d'abord par l'augmentation 1a.!,~S dépenses obligatoires puis par des difficultés nouvelles dans
li,
l'accroissement ou la créatio;~ de recettes qui avaient une incidence sur l'exécution des travaux .
··r
communaux.
l :
A. Le dispensaire municipal
La loi du 15 avril 1916 imposait aux municipalités la création de dispensaires
::\\'1.;
r, ,."
communaux. En 1923, l'apparition de l'épidémie de peste à Rufisque avait rendu urgent
1 5
l'aménagement d'un hôpital-infirmerie et les travaux de cet établissement étaient prévus cette
\\~li'
année. En dépit de l'opposition du lieutenant-gouverneur, le conseil municipal inscrivit une
:n1
somme de 140.000 francs dburants (240.800 francs constants) à titre de travaux 36, somme·
.1
'f'
équivalente au devis arrêté-par l'agent-voyer de Rufisque, Abadie, après avis du médecin
:.'
1'.
principal, Philippou. GalandoJ Diouf s'en indignait:
"(...) Il est 'navrant de constater que dans une commune qui
vit de ses propres moyens la création d'un hôpital destiné
surtout dés' enfants et des femmes rencontre des difficultés
'.
i'
chez un Français, (...). UI') hôpital est un établissement de
1.'
(;,
bienfaisanc~ dont la construction doit trouver des facilités
W
partout" 3:T'
li
Ce projet d'aménagement datait de novembre 1918 mais n'avait jusqu'à présent pu se
réaliser. Or le bâtiment encore en service à Rufisque était inopérant pour les malades atteints
"1
36 ANS, Fonds Ancien, 3D;'commune de Rufisque, extraits des délibérations du conseil municipal, séance du
23 septembre
1 9 2 3 . '
37 Idem.

84 L:Tl
d'affections graves et les grands blessés; aucune intervention chirurgicale n'y était possible,
l'évacuation se faisant sur Dakar dans des conditions défectueuses. Le projet municipal
d'agrandissement du dispensaire comprenait l'édification d'un étage et la construction d'un
pavillon d'isolement en plus de quelques. modifications et adjonctions (logement d'un infirmier,
buanderie, salle de bains et douches).
B. Les travaux communaux
La question des travaux communaux fut un gros point d'achoppement entre
l'administration et la municipalité entre les deux guerres. Le gouverneur exigeait la présentation
d'un programme d'ensemble, des devis, des plans en bonne et due forme pour chaque projet
distinct, des justifications sur l'importance, la qualité, l'utilité des travaux projetés et tous
renseignements suffisants pour les achats de matériel. Le maire et son conseil se plaignaient de
l'insuffisance des crédits approuvés par le gouverneur au budget primitif qui ne permettaient
pas l'exécution des travaux; or la portion financière complémentaire proposée à l'approbation
du gouverneur pour travaux dans le budget" additionnel faisait souvent l'objet d'une réserve
voire d'un refus catégorique de l'administration d'où une paralysie pour la suite des travaux
éventuellement démarrés. Le gouverneur par la suppression de certaines dotations cherchait à
constituer un fonds de réserve.
Enfin, les décrets des 27 janvier et 15 novembre 1927 en enlevant à la commune de
Rufisque ses attributions d'hygiène et de salubrité publique, de police municipale et de petite
voirie réduisirent considérablement ses activités en matière de travaux publics.
Dans l'énumération des différentes mesures qui devaient être prises par les autorités
administratives pour assurer la sécurité et la salubrité publiques, un partage d'attributions entre
le lieutenant-gouverneur et le maire était fait. Dans la réalité, le maire apparaissait comme
subordonné directement au gouverneur. TI agissait mais agissait sous la surveillance de
l'administration, surveillance qui ne pouvait être réelle et ne pouvait s'exercer efficacement que
si le gouverneur avait le droit de substituer son action à celle du maire.

85
CHAPITRE ill. POLITIQUE MUNICIPALE ET COMPORTEMENT DES
ACTEURS (1924-1932)
1. LES RECETTES
Les tableaux statistiques élaborés montrent des recettes communales étroitement liées à
l'état de l'activité économique 1. Les exportations d'arachides du port déclinèrent sensiblement sous
l'influence conjuguée de la concurrence du port de Kaolack et du malaise commercial des années
1930: la part de Rufisque dans le total des exportations des principaux ports arachidiers du
Sénégal passa de 37,44 % en 1924 à Il, 41 % en 1932 contre respectivement 38,36 et 67,34 %
pour Kaolack et 24,19 et 21,23 % pour Dakar (tableau n? 7 et graphique n 0 l, cf supra). Il
s'ensuivit une chute des recettes, notamment celles de la taxe decauville qui passèrent de
1.121.560 francs constants en 1928 à 309.812 francs constants en 1931. De manière générale, les
recettes de la commune chutèrent jusqu'à la reprise de l'activité économique qui s'affirma en 1934-
35 (tableau n 0 Il).
Il est intéressant de s'arrêter sur les différentes sources de revenus de la commune.
Les données révèlent l'importance des recettes de la taxe de remplacement de l'octroi
municipal. Tout au long des années 1926-1931, elle représentait en moyenne 39 % des ressources
de Rufisque (tableau n ? 20).
L'octroi municipal avait été supprimé en juillet 1924 suite à la levée de boucliers des
commerçants rufisquois et avait été remplacé par une nouvelle taxe 2. Cette particularité était due
à la prépondérance longtemps dominante du monde du commerce dans la municipalité. Même s'il
1 La commune de Rufisque grâce à l'aisance de ses recettes antérieures accorda en 1924 à la commune de Saint-
Louis un prêt de 125.000 francs remboursable en 10 annuités de 12.500 francs. Bel exemple de coopération
intercommunale! In ANS, Fonds ancien, 3D, commune de Rufisque, op. cit., extraits des délibérations du conseil
municipal de Rufisque, séance du 23 mai 1928.
2 Bulletin Mensuel de la Chambre de Commerce de Rufisque n ? 28, procès-verbal de la séance du 31 juillet 1924.
B.N., Paris.

.~------\\
86 J,
Tableau 11 : RECETIES ET DEPENSES DE LA COMMUNE DE RUFISQUE
(1924-1953) (en francs courants et constants)
années
recettes
dépenses
F. courants
F.cqnst.
%*
F. courants
F. const.
%*
1924
t:
1925
4499597
6074456
5,99
2841713
3836313
4,52
1926
6314654
6567240
6,48
4324479
4497458
5,3
1927
5873280
6519341
6,43
4801896
5330105
6,28
1928
3896644
4286308
4,23
4065679
4472246
5,27
1929
3613741
3938978
3,88
4285675
4671386
5,5
1930
3748850
4348666
4,29
3536644
4102507
4,83
1931
1984922
2540700
2,5
2006824
2568735
3,02
1932
1368668
1943509.
1,91
1526298
2167343
2,55
1933
2239102
3313871
3,27
2390085
3537326
4,17
1934
2527743
3943279
3,89
2286486
3566918
4,2
1935
2989115
5021713
4,95
2907279
4884229
5,76
1936
3708620
5562930
5,49
3198194
4797291
5,65
1937
5630000
6418200
6,33
3030000
3454200
4,07
1938
5790262
5790262
5,71
3977600
3977600
4,69
1939
8101530
7615438
7,51
3903678 .
3669457
4,32
1940
4473837
3400116
3,35
6174125
4692335
5,53
1941
1942
i
1943
~
1944
7956828
3023595
2,98
6081615·
2311013
2,72
1945
4899630
1224S08
1,2
4441039
1110260
1,3
1946
w
1947
9565945
1023556
1,01
4363655
466911
0,55
1948
26364268
1687313 r
1,66
23717295
1517907
1,79
1949
41537400
2367632
2,33
40210888
2292021
2,7
1950
77585521
4112033
4,05
62178603
3295466
3,88
1951
96423106
4146194
4,09
80989404
3482544
4,1
1952
99195821
39.67833
3,91
93428610
3737144
4,4
1953
60732852
24,90047
2,45
57167928
2343885
2,76
Total
491021936
101328118
100
427835692 .
3391304
100
Moyenne
19640877
4053125
17113428
* en % des recettes et oéoensestcteres (francs constants).
1
i
Lacunes: 1924, 1941-1943 et 1946.
:.
Base 100: 1938.
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1924-1953).

87'
Tableau 20: RECETTES D'OCTRÇJ A RUFISQUE (1926-1941) (en francs courants et constants)
.,
années
octroi
F. consf
% annuel" Rec. octroi/hbt
1926
1075000
1118000"
17,02
124,87
1927
1582491
1756491'
26,94
1928
1554772
1710249J
39,9
1929
1497764
1632563 '
41,44
1930
1536366
1782185
40,98
1931
1352424
1731103
68,13
• 118,38
1932
604945
859022
44,19
1934
1453313
2267168
57,49
1935
2640000
4435200
88,32
1936
3370000
505500.0 '
90,86
252,75
1937
4600000
5244000
81,7
1938
2750000
2750000
47,49
1940
3849264
292544'1
86,03
1941
6674113
4204692 :
140,15
• en pourcentage par rapport aux 1ecettes totales.
1942: "octroi est supprimé par le~gouvernement de Vichy (loi du 28 septembre).
.
'
Base 100: 1938.
Source: comptes administratifs d~la commune de Rufisque (1926-1941)
et extraits des délibérations du Co~seil Privé du Sénégal (1926-1940).

88
ne dominait plus le conseil municipal ~, il avait réussi à dicter sa volonté. La chambre de commerce
avait été une des premières à demander la suppression des octrois municipaux et leur
remplacement par une augmentation de la taxe additionnelle. Cette mesure avait pour objet de
permettre à la municipalité de trouver dans cette augmentation une nouvelle source de revenus et
d'abaisser par conséquent de façon notable la taxe decauville qui pesait très lourdement sur les
exportations de Rufisque et les désavantageait par rapport à celles des autres ports (Dakar et
Kaolack).
Cette suppression des droits d'octroi municipal reposait-elle sur un bien-fondé? La taxe de
remplacement était-elle à même de combler v.aIablement les ressources importantes apportées à la
municipalité par le défunt octroi?
Rufisque était au début des années 1920 la seule municipalité sénégalaise à ne pas en
dépendre: les droits d'octroi fournissaient dans les communes de plein exercice de Dakar, Gorée et
Saint-Louis respectivement 78, 95 et 75 % des recettes contre 40 % en 1922, 31 % en moyenne
entre 1926 et 1929 dans la ville arachidière. La municipalité avait cet avantage de pouvoir
bénéficier de la voie ferrée municipale qui lui apportait d'importantes sources de revenus (44 % en
1922) 4. La prospérité des finances était indissociablement liée à l'importance des recettes d'octroi;
leur suppression menaçait gravement l'équilibre budgétaire de la ville. Des raisons somme toute
valables militaient en faveur du maintien de l'octroi. Il n'était pas possible de supprimer l'octroi
sans la mise sur pied d'un nouveau régime fiscal et la refonte des attributions municipales.
3 Le milieu européen n'avait pas jugé utile de participer à la compétence municipale de 1919, V1) la popularité du
diagnisme. Sur 3414 inscrits, il Yeut 1323 votants et 1300 suffrages exprimés. Fut élu maire Galandou Diouf avec
comme adjoints John Ka et Mour Ndiaye Mbengue (cf. annexes). In TIllAM 1. D., 1983, op. cit., pp. 2192 et 2204.
4 ANS, 1T 23(58), Budgets des communes de plein exercice du Sénégal.

89
Le débat sur l'opportunité ou non de la suppression de l'octroi n'était pas nouveau et
uniquement ultra-marin.
En Métropole, l'octroi fournissait à la veille de la Grande Guerre 70 à 75 % des recettes de
la commune de Saint-Denis 5. Toutes les municipalités socialistes et communistes avaient inscrit
après la guerre la suppression des octrois dans leurs programmes, les jugeant vexatoires et
entravant le commerce, pesant "du même poids sur le pauvre et sur le riche" 6. Mais les socialistes
français distinguaient soigneusement entre la doctrine et son application pratique. En effet, il y
avait la difficulté quasi-insurmontable de trouver des taxes de remplacement. La loi Niveaux du 13
août 1926, instituant 23 nouvelles taxes, é~ait sans grand rendement. Finalement, la nécessité
apparut de maintenir cette institution qui, en l'absence d'une refonte profonde de la législation,
apportait aux budgets communaux métropolitains de substantielles ressources.
Dans les communes de plein exercice, des mesures susceptibles d'atténuer le déficit en cas
de suppression de l'octroi municipal avaient été envisagées: réduire les attributions municipales 7 et
organiser un nouveau régime fiscal de remplacement.
Les attributions municipales étant fixées par le décret du 10 août 1872, c'était sur la
modification de ce texte que devait porter la tâche de réorganisation. Ce décret mettait à la charge
des communes les dépenses obligatoires des traitements du commissaire de police et les dépenses
de l'instruction publique. L'objet de ces dépenses dépassait visiblement le cadre d'une organisation
municipale. Il suffit de considérer le rôle que jouaient Dakar, Saint-Louis et Rufisque dans la vie
du Sénégal et de l'AO.F. pour se rendre compte que la police et l'école y jouaient un rôle non
seulement colonial mais aussi intercolonial. C'étaient de gros centres de main d'oeuvre et de
5 BRUNET 1. P., 1981, op. cit., pp. 218-219.
6 Idem, p. 59. Après la Grande Guerre et bien avant, au cours des années 1890, la discussion sur la question fut
houleuse entre les différentes obédiences du socialisme français.
7 Le projet initial avait pour objet d'alléger les municipalités de certaines dépenses qui en Métropole avaient un
caractère national (instruction). TI fut détourné.

90
commerce (même si Rufisque et Saint-Louis connaissaient un dynamisme plus atténué que Dakar).
D'ordre différent étaient les arguments militant en faveur du rattachement de l'enseignement au
budget local du Sénégal. L'objectif de l'administration était de favoriser un enseignement primaire
d'orientation nettement professionnel. 8
Les griefs et critiques s'exerçant sur l'octroi étaient d'ordre économique.
Il était reproché à la municipalité d'avoir fait des octrois de véritables droits de douanes,
différentiels et protecteurs qui faisaient double emploi avec les droits d'importation perçus au
profit du budget général. Ces critiques s'étaient basées notamment sur le fait qu'un arrêté du 23
août 1906 réorganisant l'octroi au Sénégal avait exonéré des droits d'octroi toutes les
marchandises exemptées des droits, de douane. TI n'apparaissait pas que le fait d'emprunter à un
autre tarifia liste des produits à exempter pût donner à l'octroi un caractère douanier. L'exemption
des droits de douanes démontrait en général que les produits exonérés étaient indispensables à la
vie et au développement économique de la colonie. TI était naturel que le conseil municipal
s'appropriât la liste de ces produits lors de l'examen des matières devant être soustraites aux droits
d'octroi.. Toutes les marchandises transitant 'par la commune étaient-elles soumises à la taxe
d'octroi alors que l'octroi ne devait frapper que la consommation locale? Je n'ai pu le vérifier. Avec
une déclaration d'exportation à l'appui, tout intéressé pouvait se faire rembourser les sommes
versées. Les droits d'octroi avaient bien un caractère de taxe de consommation locale. L'octroi
municipal avait une importance vitale dans l'alimentation de la population africaine. Or les décrets
qui, en Métropole, fixaient la nomenclature des objets susceptibles d'être frappés de droits d'octroi
et le maximum des tarifs n'avaient pas été promulgués au Sénégal. Nul doute que l'élévation des
droits d'octroi pouvait avoir pour effet d'élever le coût de la vie puisque le commerce les
répercutait, et parfois au-delà, sur les prix et objets taxés.
8 Dakar était le foyer industriel et commercial de l'A.O.F. d'où la nécessité d'accorder une grande partie des crédits
scolaires à des cours professionnels annexes. Or la pratique de la commune entravait ce projet.

91
Cette situation renvoyait directement aux pouvoirs attribués à la municipalité en matière de
tarification d'octrois.
L'administration jugeait les pouvoirs de la municipalité
sénégalaise
exorbitants par rapport aux pouvoirs des municipalités métropolitaines. Le décret de 1872, décret-
type de l'organisation municipale au Sénégal, était-il plus libéral que la loi municipale de 1884?
Tout pourrait le laisser croire puisqu'il autorisait le conseil municipal à délibérer sur le mode
d'assiette, les tarifs et les règles de perception des revenus communaux... sauf l'octroi. Les taxes
proprement municipales n'étaient pas d'un grand rendement. Et quand bien même elles le furent,
ces délibérations n'étaient exécutoires qu'après approbation par le lieutenant-gouverneur. Cette
approbation, les communes devaient la négocier pied à pied pour toute décision ou action; le vide
juridique faisait l'affaire des administrateurs qui ne s'embarrassaient jamais de proposition pour
changer le statu-quo. Ce contrôle, à savoir l'approbation du gouverneur, était obtenu au moyen de
pressions indirectes lorsqu'il ne pouvait s'exercer sur des arrêtés municipaux déjà existants.
Les arguments invoqués par les partisans de la suppression de l'octroi municipal résistaient
peu à une analyse serrée. Gênant pour les intérêts des commerçants, sa suppression pouvait poser
de grosses difficultés.
Entre 1924 et 1933, il fut remplacé par une taxe qui remplit les mêmes fonctions: elle
procurait une grosse part des ressources de la commune. La chambre de commerce gagnait
relativement au change mais le problème des ressources de la commune, artificiellement résolue,
demeurait entier.
Parmi les ressources restées à peu près stables dans le budget de la colonie du Sénégal,
figuraient les recettes provenant de l'impôt personnel (tableau n 0 15). Or c'était justement à cette
catégorie de recettes que les communes n'avaient point de part, le service des Contributions
Directes de la colonie souhaitant que sa matière imposable ne fût point grevée .. par les
municipalités.

92
j'
Tableau 15: EVOLUTION COMPAREE DE L'IMPOT PERSONNEL (1924-1946)
ET DU MINIMUM FISCAL (1947.1954)(A RUFISQUE (en francs courants et en francs constants)
Années
Impôt personnel"
Minimum fiscal"
Francs courants
Francs const.
Francs courants
Francs const.
1924
"
1
1947
874.339
93.554
1925
120.017
1t52.023
1948
1.082.384
69.273
1926
137.210
142.698
1949
943.201
53.762
1927
169.451
'188.091
1950
1.150.513
60.977
1928
145.955
160.551
1951
1.281.421
55.101
1929
161.010
175.501
1952
673.536
26.941
1930
179.267
207.950
1953
1931
155.186
198.638
1954
5.941.064
2.435.84
.
1932
156.232
221.849
1933
139.839
206.962
1934
113.306
176.757
1935
132.385
222.407
1936
148.209
222.314 ,
1937
248.166
282.909
1938
239.019
239.019
1939
332.490
3.12.541
1940
352.228
1941
1942
1943
1944
872.030
331.371
1945
352.595
88.149
1946
1.000.390
61.024
" citoyens et indigènes (1924-1946)
" minimum fiscal, nom de l'impôt personrel uniformisé après l'extension de la citoyenneté à tous les Sénégalais en 1946.
Lacunes: 1924 et 1943 (impôt personnel)
1953 (minimum fiscal)
Base 100: 1938.
Source: comptes définitifs de la colonie du Sénégal (1924-1954).

93
L'impôt personnel des citoyens (tableau n 0 16) subit la conséquence des fluctuations liées
à la crise des années 30. Régulièrement recouvré, il connut un fléchissement au cours de la crise
qui se poursuivit même au moment de la reprise de l'activité économique (161.979 francs
constants en 1930, 146.721 en 1931, 136.436 en 1932, 120.035 en 1933). Cette situation
s'expliquait par la mobilité extrême de certains imposables qui, présents au moment de
l'établissement des rôles, quittaient leur domicile pour de longs mois au moment des
recouvrements 9. Quant à l'impôt indigène, recouvré avec l'aide des notables (ils exerçaient une
certaine autorité sur les populations), il connut régulièrement une plus-value entre 1924 et 1932,
exceptées les années 1927-1928 où les épidémies qui sévissaient à Rufisque et les mesures
quarantenaires qui en découlèrent eurent des effets sur les recouvrements. Une autre raison tenait
à la mobilité des imposables qui, pendant la période de traite abandonnaient leurs villages pour se
r
livrer au commerce des arachides. Au cours de ces difficiles années de récession, une pression
fiscale fut exercée sur les non-citoyens (graphique n 0 6) '10. Le recouvrement de l'impôt des
citoyens posait problème. L'émission tardive des rôles nominatifs au mois de mars et le
recouvrement à partir d'avril trouvaient le contribuable rufisquois dans une situation de pénurie
financière; par contre le mois de décembre constituait une période où il disposait de fonds retirés
de la vente des arachides.
L'examen des autres ressources communales (impôt foncier, patentes) confirme les effets
de la prégnance du fait commercial ~ans la vie budgétaire de Rufisque.
9 Les restes à recouvrer demeuraient importants. Le Conseil Colonial du Sénégal dans sa session budgétaire de
1925 prit la décision de frapper d'une majoration de 10 % les contribuables retardataires. La mesure resta sans effet.
Comptes définitifs de la colonie du Sénégal, 1925. Etat des recouvrements.
.
10 L'impôt personnel représentait la ressource quasi-exclusive des colonies à économie de marché peu développée
(60 à 70 % des revenus des budgets locaux de l'A.O.F.). In SURET-CANALE 1., 1964, op. cit., pp. 432-440.

94
Tableau 16: RECOUVREMENTS DU PRODUIT DE L'IMPOT PERSONNEL
A RUFISQUE (1924-1946) (en francs courants et constants)
Années
Citoyens
Indigènes
F. courants
F.const.
%
F. courants
F. const.
%
1924
1925
108118
145959
90,08
11899
16064
9,92
1926
90277
93888
65,79
46933
48810
34,21
1927
129341
143569
76,32
40110
44522
23,68
1928
131720
144892
90,24
14235 .
15659
9,76
1929
144300
157287
89,62
16710
18214
10,38
1930
139637
161979
77,89
39630
45971
22,11
1931
114626
146721
73,86
40560
51917
26,14
1932
96082
136436
61,49
60150
85413
38,51
1933
81105
120035
57,99
58734
86926
42,01
1934
57082
89048
50,37
56224
87709
49,63
1935
72885
122447
55,05
59500
99960
44,95
1936
72500
108750
48,91
75708
113562
51,09
1937
150841
171959
60,78
97325
110951
39,22
1938
153318
153318
64,14
85701
85701
35,86
1939
215694
202752
64,87
116796
109788
35,13
1940
241852
183808
68,66
110376
83886
31,34
1941
1942
1943
1944
610780
232096
70,04
r 261250
99275
29,96
1945
40245
10061
11,41
312350
78088
88,59
1946
459590
28035
45,34
540800
32989
54,06
Jusqu'à la seconde guerre mondiale, les communes de plein exercice n'y ont pas partccrnme ristourne.
Un décret du gouvernement de Vichy(28 septembre 1942, JORF des 5 et 6.10.1942 ) repris par le C.F.L.N. (1.11.1943, promulgué le
16.11., JOAOF du 20.11.1943) réorganise :Ia réglementation sur la comptabilité des communes.
Base 100: 1938.
Source: comptes définitifs de la colonie pu Sénégal (1924-1946).

95
GRAPHIQUE6
RECOUVREMENTS DE L'IMPOT PERSONNEL
A RUFISQUE (1924-1946)
100000w
....
citoyens
-+-
Indigènes -
-

n
~8
0
10000
\\~d!*-'
..
\\ . . t /
'\\.
/
-,
.
"'f"
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-,
j
- .
/
"\\
~
/
\\
.L
\\

t"
\\
1 \\
/
~
/ \\ /
T
J
Y
10000
V
1924
1926
1928
1930
1932
1934 1936
1938
1940
1942
1944
1946
1925
1927
1929; 1931
1933
1935
1937
1939
1941
1943
1945
Source: comptes définitifs de la colonie du Sénégal(1924-1946)
n

96
Le budget communal était alimenté par une quote-part sur la patente. Or celle-ci et plus
précisément les centimes additionnels y afférant constituaient les ressources majeures de la
chambre de commerce de Rufisque ll. Ces quotes-parts sur la patente subirent de fortes baisses
avec le ralentissement des transactions et l~ repli du négoce vers Dakar 12. L'important écart entre
les recouvrements de patentes au profit du budget de la colonie et la portion congrue revenant à la
commune (tableau n 0 18) apporte un éclairage sur la ponction sans contrepartie 13. Une politique
de subvention s'efforçait d'en atténuer les effets. Rufisque fit face, au début, à cette situation en
faisant appel aux fonds libres des exercices budgétaires antérieurs mais cette habitude ne pouvait
durer: entre 1928 et 1930, les patentes formaient -1 % des recettes communales.
Les ristournes sur l'impôt foncier portaient les mêmes caractéristiques: faiblesse et
irrégularité en comparaison des recouvrements des services de la colonie (tableau n 0 17). Etait-ce,
en réponse aux difficultés que les agents du recouvrement rencontraient pour la perception de cet
impôt? De nombreux propriétaires n'habitaient pas souvent ia localité où ils étaient imposés.
Depuis 1927, l'accroissement continuel du prix des loyers et des recensements plus approfondis
avaient effectivement entraîné un accroissement des recettes. La commune de Rufisque en
bénéficia peu; les centimes additionnels, à cet impôt, limités à 5 furent d'un apport médiocre. En
1928, le produit des centimes avait rapporté à la commune de Dakar la somme de 38.684 francs
(42.552 francs constants) 14. Le marasme des affaires en diminuant le nombre des maisons
II Il était pourvu aux dépenses ordinaires des chambres de commerce en A.D.F. au moyen du produit des centimes
additionnels au principal de la contribution des patentes (comprenant un droit fixe et un droit proportionnel), des
taxes additionnelles frappant les transactions commerciales. Des quetes-parts sur le montant des taxes
additionnelles sur le chiffre d'affaires pouvaient être accordées aux chambres de commerce.
12 Cours élevés des changes et récoltes abondantes (entre 1924 et 1926) ou traite déficitaire (1927) et fléchissement
des cours de l'arachide (1931) rythmaient le mouvement de recouvrement des patentes.
13 Les patentes constituaient entre 1926 et 1931 entre 87 et 97 % des recouvrements d'impôts directs sur le territoire
de Rufisque; elles représentaient en 1928 la moitié des ressources de la colonie du Sénégal. In Comptes définitifs,
op. cit., état des recouvrements de Rufisque.
14 ANS, 3Gl 19-21, Ressources de la commune de Dakar. Correspondance de l'administrateur de la
Circonscription de Dakar et Dépendances au gouverneur géné~ datée du 29 février 1929.

97
Tableau 18: RECOUVREMENTS DE PATENTES A RUFISQUE ET QUOTE-PART RISTOURNEE A LA COMMUNE (1924-1953)
(en francs constants et en % des recettes totales communales par année)
Années
Recouvrements
Ouote-part communale
%
Subvention Colonie
1924
1925
11.127.024
1926
16.708.412
506.480
7,71
357.875
1927
13.193.746
522.8q8
~
8,02
956.476
1928
14.013.271
23.080
0,54
825.719
1929
11.582.408
24.795
0,63
894.028
1930
9.114.607
23.611
0,54
894.028
1931
3.691.557
119.71'5
4,71
0
1932
1.817.131
1933
144.737
1934
110.975
27.852
0,71
265.342
1935
109.830
67.200
1,34
1936
120.416
45.000
0,81
1937
97.749
74.100
1,15
1938
88.975
1939
105.378
1940
19.659
1941
1942
108.793
1943
151.058
1944
148.791
1945
1946
. 783
1947
53.535
1948
93.470
1949
76.208
1950
64.273
'., .
1951
59.482
'.
1952
34.762
1953
148.573
Lacune: 1924 et 1943 (recouvrements).
Après 1946, la part de Rufisque n'est plus spécifiée'.
Source: comptes définitifs de la colonie du Sénégal (1924-1953),
comptes administratifs de la commune de Rufisquo (1924-1943).

98
Tableau 17 : RECOUVREMENTS DE L'IMPOT FONCIER" ET CENTIMES ADDITIONNELS
PERCUS A RUFISOUE ET AUX COMMUNES" DU SENEGAL (1924-1954) (en francs constants)
Années
Recouvrements
O.-part Rufisque
En % rec, tot ann.
Recouvrements
Communes du Sénégal
1924
1.967.181
1925
170.843
1.780.543
63.424
1926
133.84
1.518.928
54.992
1927
156.224
6.692
0,1
2.341.023
73.821
1928
163.992
6.315
0,15
2.437.631
92.512
1929
176.817
6.500
' 0,17
3.155.672
112.225
1930
195.532
7.389
0,17
"
3.558.595
134.575
1931
199.160
9.407
0,37
3.955.473
156.804 .
1932
178.788
3.643.091
278.985
1933
163.263
4.389.159
148.056
1934
124.047
9.296
0,24
4.491.948
134.564
1935
124.300
5.988
0,11
340.954
137.123
1936
106.685
3.774.798
117.302
1937
117.259
2.701.577
120110
1938
88.075
2.532.891
114.169
1939
116.155
2.546.492
1940
110.730
2.658.l93
1941
4.959
1942
6.080
1943
237
1944
4.422
300.951
1945
210.371
1946
250
56.791
.,
1947
14.164
996.791
1948
21.911
982.541
1949
16.830
1:849.254
1950
26.407.
2.308.505
1951
17.036
1.719.726
1952
5.494
,
2.596.146
1
1953
i
1954
79.795
3.980.019
• propriété bâtie
•• Autres communes de plein exercice et communes-mil tep
N.B.: après 1945. la part de Rufisque et celle des autres eor-ununes sont globalisées sous la mention
"Ouotes-parts sur les Impôts directs aux communes".
Base 100: 1938.
Source: comptes définitifs de la colonie du Sénégal (1924-1954) et comptes administratifs de la commune de Rufisque (1927-1943).

99
commerciales, soit par départ, soit par regroupement, porta le coup de grâce à cet impôt qui se
singularisait par son insignifiance comme recette. Peu à peu, les immeubles vides se louaient à des
libano-syriens et l'escale se transformait de jour en jour en un centre de levantins occupant de
petites boutiques de détail et servant d'intermédiaires aux maisons dakaroises acheteuses
d'arachides.
Parmi les autres recettes de la municipalité figuraient les taxes.
Emises et recouvrées par la colonie, les taxes étaient si faibles qu'elles ne laissent d'étonner
sur la part qui était ristournée à la commune, Entre 1924 et 1932, elles ne rapportèrent pas grand-
chose (tableau n 0 19); la taxe sur les véhicules et les vélocipèdes disparut même des tables
statistiques au moment de la crise avec le départ des maisons de commerce de Rufisque (graphique
n 0 7). La commune de Dakar imposa des tarifs élevés pour chaque véhicule automobile. On
comptait 1040 véhicules, ,camions et camionnettes à Dakar en 1928. Cette taxe (environ 300
francs par véhicule) devait rapporter à la commune une recette de 310.920 francs ISLe marasme
.
des activités empêchait les entrepreneurs de transports de payer les taxes; la mise en fourrière
donnait peu de résultats quant au paiement de la taxe; la vente des véhicules saisis était impossible,
faute d'acheteurs.
Il en va de même d'une "poussière" de taxes municipales qui étaient d'un rendement fort
médiocre et d'un recouvrement difficile (tableau n 0 23 et graphique n 0 9) 16. En métropole, pour
-
permettre à la commune de disposer de plus amples ressources, dans l'idée de favoriser la
suppression des octrois, une loi datée du 13 août 1926 dite loi Niveaux autorisait la commune à
établir une série de 23 taxes. Hétérogènes, inadaptées aux réalités des communes sénégalaises,
15 Idem.
16 Délibération du Conseil Privé du Sénégal du 2 mars 1920. In ANS, Fonds Ancien, 3D 77-373, extraits des
délibérations du conseil municipal de Rufisque.
Cf aussi Annexes, Relèvement des taxes municipales.

100
Tableau 19: RECOUVREMENTS DES TAXE~ FISCALES A RUFISQUE (1924-1954) (en francs courants et constants)
,
Années
Armes
F. const.
Véhicules r Const. Animaux F. const.
1924
1925
1166
1574
13590
·18347
2493
3366
..
1926
654
680
16441
17099
6235
6484
1927
2269
2519
16557
·1837e
5697
6324
1928
2042
2246
20146
, 22161
4083
4491
1929
1971
2148
23502
25617
4408
4805
1930
1474
1710
53513
. 62075
4872
5652
1931
1284
1643
40252
:-1523
5283
6762
1932
942
1338
58710
'33368
11486
16310
1933
1117
1653
16118
23855
1934
1108
1728
14229
22197
1935
1202
2019
12695
21328
1936
2404
3606
1937
1434
1635
1938
1250
1250
t
4118
4118
1939
2950
2773
,
5532
5200
1940
2600
1976
i
29465
22393
1941
1942
..
1943
,...
1944
2600
988
12695
4824
1945
2470
618
·
10730
2683
..
1946
6940
423
20456
1248
1947
1395
149
·
51080
5466
1948
5125
328
93060
5956
1949
7850
447
2800
160
283800
16177
.r
1950
2600
138
218780
11595
1951
0
-
2000
86
302430
13004
..
1952
321760
12870
-
1953
1954
13500
553
50800 .
2083
292743
12002
Lacunes: 1924et 1941-1943.
Base 100: 1938.
Source: comptes définitifs de la colonie du S~négal (1924-1954).

101
GRAPH:I~UE 7 RECOUVREMENTS DES TAXES FISCALES
.j;'
A RUFISQUE (1924-1954)
c:
"
10-+,--f=r=t=r=r-:::;=:;=r=t=r=r=r-+-'='=T=f--+-+--F=ïf-=f=r=r-:::;=:;=r=t=r--r"'1'
1924192619261930193219341936193619401942194419461948195019521954
1925 19271929 1931.1 ~33 1935 19371939 1941 1943 1945194719491951 1953
Source: comptes défini'ifs de la colonie du Sénégal (1924-1954)

102
. -'
Tableau 23: EVOLUTION DE QUELQUES TAXES MUNICIPALES A RUFISQUE (1927-1944)
(en francs courants)
Années
Amendes
Etat-,C;vil
Stationnement
Abattage
1924
1925
'·'1
1
1926
"
1927
5715
10"
4950
5770
1928
3700
3600
1929
8832
123
4900
5700
-
1930
9000
133
9000
5500
1931
5250
148
4410
5545
1932
1933
1934
600
90000
12000
1935
1936
1937
1938
r
1939
1940
'.
1941
38036
62?"'
89670
45888
1942
76571
600~
102745
74073
1943
4°12,
89525
72375
.
1944
r
100015
53578
Source: comptes admlnlstratitè.de la commune de Rufisque (1927-1944).
.' ~I

----._-~-.
103
GRAPHIQUE :9
EVOLUTION DE QUELQUES TAXES MUNICIPALES
A RUFISQUE (1924-1944)
300000.---------~-------------------...,
r-::=---""
fffiJ
abattage
~
stationnement
CJ
2 5 0 0 0 0 + - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - . f \\ - - - - I état-clvil
~
amendes
+ - - - - - - - - -..--.-..--.-.-.--.--~.-.-
--.-~---·----·~-m:tttl----j
200000
l'l
e
:::l
8 150000
t'l
~c:li>
100000
5 0 0 0 0 - + - - - - - - - - - - , - - - - - -
O...-,r--.----,....
1924
1926
1928
1930
1932
1934
1936
1938
1940
1942
1944
1925
1927
1929
1931
1933
1935
1937
1939
1941
1943
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1924-1944)

104
elles encombraient sans grand profit le budget communal. De toutes ces taxes municipales, seuls
les droits de place dans les halles et marchés (cf Annexes) constituaient à proprement parler une
source d'appoint pour la commune: environ 2 % des recettes totales entre 1927 et 1931 (graphique
n 0 8).
La taxe la plus rentable était la taxe decauville (droits perçus sur l'usage de la voie ferrée
municipale). Etroitement assujettie aux quantités transportées, elle fit entrer en moyenne 707.140
francs courants et constitua jusqu'à 26 % des recettes municipales. Puis son taux chuta
inexorablement. Le conseil municipal, afin de freiner le retrait des maisons de commerce vers
Dakar, les charges y étant plus faibles 17, '{ota régulièrement la baisse du taux de la taxe; il ne
cherchait plus en fait qu'à assurer les dépenses d'entretien du réseau. Les considérations
budgétaires n'intervenaient plus de peur d'entraîner toute cessation du trafic sur la voie ferrée
municipale. Tout en assurant des entrées au budget municipal, les recettes baissèrent de 45 % en
1931 par rapport à 1930. La chambre de commerce par ses pressions sur le conseil municipal
espérait par la réduction simultanée des frais de transport et d'embarquement prendre un avantage
sur les dépenses de même ordre à Dakar et stabiliser l'exode des firmes exportatrices voire les
.
encourager à assurer la manutention de leurs produits à partir de Rufisque. En 1926, l'assemblée
consulaire s'était faite accorder la cession de voies decauville qui appartenaient à la municipalité
sur les wharfs 18. Le vice-président de la chambre de commerce dans une correspondance adressée
à Maurice Gueye l'exhortait dans ce sens:
n(...) Si l'on ne veut pas voir Rufisque disparaître et tomber
dans la déchéance la plus complète, il faut améliorer les
moyens de débarquement et d'embarquement et d'autre part
diminuer les frais de ces opérations. Ma compagnie se
.
17 A frais égaux, les marchandises allaient là où les moyens de manutention étaient les meilleurs.
18 ANS, Fonds Ancien, 3D, Commune de Rufisque, extraits des dé/iilérations du conseil municipal, séance du 26
mai 1926.
~...,.'

· 105
charge de la première partie de ce programme; il appartient
à la municipalité de se charger dans la mesure du possible
de la seconde. Au moment où elle va céder à la chambre de
commerce 1500 m de voie decauville d'un entretien
particulièrement difficile et coûteux, il serait équitable que
le conseil municipal décidât de diminuer la taxe sur le
decauville de façon à la ramener à 5 francs par tonne; ce
serait plus en rapport avec les frais occasionnés par
l'entretien de la voieIl 19
Le conseil municipal ne donna pas satisfaction à la demande d'abaissement et maintint le
taux de la taxe à 6,5 francs. Cette taxe decauville avait été la seule à ne pas faire l'objet d'un
relèvement à cette époque pour satisfaire les souhaits de l'assemblée consulaire.
Cette réduction assez sensible d'année en année de la taxe decauville n'entraîna pas un
afflux de marchandises à Rufisque 20 (tableau n 0 22).
Ainsi analysées, les recettes de la commune de Rufisque, après la suppression de l'octroi
municipal, ne pouvaient manquer de poser des problèmes à l'administration. Le cabinet du
gouvernement général de l'A.O.F. s'en inquiétait:
19 Idem.
20 Le président de la chambre de commerce, Chavanel, dans une lettre datée
du 27 février 1933, demanda à
Maurice Gueye, revenu à la mairie depuis octobre 1932, de ramener le taux de la taxe de 5,5 à 1,5 franc; le conseil
municipal s'en tint à 3,5 francs. ANS, Fonds Ancien, 3D, Commune de Rufisque, op. cit., extraits des délibérations
du conseil municipal. séance du 24 mars 1933.
.

106
'\\
GRAPHIQ~$',a EVOLUTION DE TROIS SOURCES DE RECETIES
fi'
MUNICIPALES A RUFISQUE (1924-1945)
~ i:·;.'· (;
2
taxe decauville
o
,
1924
1926
1928
1930
1932
1934
1936
1938
1940
1942
1944
1925
1927
1929
1931\\; 1933
1935
1937
1939
1941
1943
1945
Source: comptes admlnlstra,tlts de la commune de Rufisque (1924-1945)
f.'

t-
a
......
Tableau 22: EVOLUTION DE TROIS SOURCES DE RECETTES MUNICIPALES A RUFISQUE (1924-1945)
(en francs courants et constants)
Années
Taxe Decauville
F.cons.
%
Droits de place
F. cons.
%
Eau
F. cons.
%
Total F. cons.
% / rec. com. tot
sur les marché
1924
1925
1926
60.766
63.197
0,96
1927
799.147
887.053
13,6
69.468
77.109
1,18
87.605
97.242
1,49
1.061.404
16,28
1928
1.ü19.600
1.121.560
26,16
66.500
73.150
1,7
75.0ÙO
82.500
1,92
1.277.210
29,79
1929
941.446
1.026.176
26,05
52.638
57.375
1,45
90.918
99.101
2,51
1.182.652
30,02
1930
533.466
618.821
14,23
70.000
81.20Q
1,86
68.279
79.204
1,82
777.225
17,91
1931
242.041
309.812
12,19
73.545
94.138
3,7
82908
122.880
4,83
526.830
20,07
1932
1933
1934
87.500
136.500
3,46
150.000
234.000
5,93
50.000
78.000
1,97
448.500
11,37
1935
25.000
42.000
0,83
160.000
268.800
5,35
75.000
126.000
2,5
436.800
8,69
1936
50.000
75.000
1,34
140.000
210.000
3,77
75.000
112.500
2,02
397.500
7,14
1937
97.000
110.580
1,72
190.000
216.600
3,37
105.000
119.700
1,86
446.880
6,96
1938
1939
1940
1941
194.905
12.790
• 293.393
184.838
255.019
160.661
1942
43.241
335.809
177.979
692.994
367.287
1943
47.372
20.844
492.116
216.531
1.332.142
586.142
1944
8.848
3.362
0,19
652.595
247.986
8,19
251.348
8,31
1945
11.194
2.798
0,22
2.798
0,22
Pourcentages par rapport aux recettes municipales totales annuelles.
NB: la taxe decauville constituait les droits perçus sur la voie ferrée municipale.
Base 100: 1938.
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1924-1945),
Circonscription de Dakar et Dépendances, Délégation de Rufisque (1944-1945).

:,108
"Nous voiJii;'donc avec des budgets municipaux incapables
:. ,
de subveni~ .fluX besoins les plus urgents, de faire face à des
nécessités qui, maintenant, ne peuvent plus être éludées.
De deux choses l'une; ou les octrois seront rétablis ou une
;
. ;
augmentation de la taxe additionnelle sera décidée." 21
1
.1'
La correspondance terminait ainsi:
"Nous n'avons pas le droit de priver 'les communes de
moyens indispensables au fonctionnement normal de la vie
"
,
, r'
municipale.';' 22
Quant aux chambres:de commerce, elles s'étaient formellement et absolument opposées à
toute création de taxes nouvelles, à toutes majorations des taxes existants ou au rétablissement
. ,.
d'anciennes taxes (droits d'octroi). La solution était une compression stricte des dépenses. Ce refus'
unanime était un des épisodes du conflit entre le commerce local et les municipalités dans leur lutte
~n'
pour capter des sources de;reve~us. Le problème de la situation financière des communes n'en
demeurait pas moins aigu. :!Le cas de Dakar paraissait critique. Les charges incombant à la
1 .
municipalité étaient hors de proportion avec j'importance de la population de 50.000 personnes (en
li
1929), banlieue et Gorée compris. D'importants travaux d'embellissement et d'assainissement y
avaient été engagés, motivés gar la situation de capitale de l'A.ü.F. L'insuffisance reconnue de ses
1
.
ressources trouvait sa cause dans le supplément de charges qu'imposait à la commune la présence
, 1
,
1 ~
sur son territoire des services-du gouvernement général; un moyen équitable d'y remédier était la
contribution du budget général aux charges de la ville. Ce qui posait problème, c'était que les
21 ANS, 3Gl 19-21: op. cit., situ~~'onflnancière des communes. correspondance du 27 mai 1929.
. ~ 1
22 Idem.

109
" .1'
contribution du budget général aux charges de la ville. Ce qui posait problème, c'était que les
dépenses nécessitées par des travaux importants entrepris par les communes (édilité par exemple)
devaient être couvertes par voie d'emprunt (comme en Métropole), méthode pratique qui avait
l'avantage de répartir les charges sur une longue période. TI n'en restait pas moins vrai qu'une
augmentation des recettes des communes leur permettait d'améliorer leur situation.
II. MAURICE GUEYE, ROI DANS LA COMMUNE? DES AISES DE POUVOIR A LA
REVOCATION (31 JANVIER 1929)
Au cours de l'entre-deux-guerres, le contrôle serré et les actes d'autorité de l'administration
centrale n'avaient pas manqué de s'exercer sur les actes des communes de plein exercice du
Sénégal. La stratégie utilisée par le pouvoir central consistait à frapper les seuls magistrats
municipaux tenus pour responsables de tel ou tel délit, portant sur des irrégularités de gestion dans
le fonctionnement de l'institution municipale. Le délit d'ordre proprement politique était
rarissime... ou ne disait pas son nom.
A. Regards sur quelques sanctions antérieures dans les communes de plein exercice
(1922-1923)
Une mission de l'Inspection Générale des Colonies dirigée par Méray procéda en 1921-
1922 à la vérification de la gestion des communes de plein exercice du Sénégal (Saint-Louis,
Gorée, Rufisque, Dakar) 23. Suite aux rapports d'inspection et aux termes de l'article 86 de la loi
du 5 avril 1884 étendant à la colonie du Sénégal les mêmes pénalités que celles prévues dans la
Métropole pour les magistrats municipaux qui n'avaient pas su remplir les obligations de leurs
charges, des mesures frappèrent les magistrats desdites communes.
23 ANS, 3G1 14-21, Inspection Générale des Colonies. mission Méray, vérification de la gestion des colonies,
1921-1922.


110
Le 27 juillet 1922, Galandou Diouf, maire de Rufisque était suspendu de ses fonctions pour
une durée de trois mois par arrêté du lieutenant-gouverneur Pierre Didelot 24. li lui était reproché
une faute grave au sujet d'un marché de charbon d'un montant de 66.166 francs (138.947 francs
constants) passé par la municipalité de Rufisque le 6 juin avec Jean Mayras, premier adjoint au
maire de Dakar pour la marche de l'usine électrique de la ville de Rufisque (401,005 kg de
briquettes Cardiff). Le maire de Rufisque lors de l'enquête reconnut que la livraison n'avait pas été
effectuée, qu'il n'avait pas approuvé la facture. Toutefois, Galandou Diouf ne se rappelait pas avoir
signé une quantité quelconque de charbon. Le principal auteur des faits, Mayras, sans doute mieux
protégé par Blaise Diagne ne fut pas inquiété et ne fit l'objet d'aucune sanction 2S. A la même
.
époque, la question de la cession de riz avait fait l'objet de nombreuses récriminations de la
mission d'inspection.
Suite à la famine à Saint-Louis et dans la colonie, du 'riz avait été distribué à la population.
Il s'était constitué dans les communes de plein exercice une comptabilité occulte, toutes les
cessions avaient été consenties à crédit au moyen d'une comptabilité des plus rudimentaires; le
recouvrement devenait quasi-impossible. En fait, promesse avait été faite aux élections de
distribution de riz en cas de victoire diagniste. Quant aux populations, étant dans le besoin, elles
avaient la conviction qu'au lieu de dettes, il s'agissait de dons. Ces cessions ne profitèrent pas
y
totalement aux indigents; conseillers municipaux, commerçants et notables en furent les principaux
bénéficiaires. Alors qu'en Métropole, un décret du 8 janvier 1916 avait minutieusement réglé les
24 Blâmé pour n'avoir pas exercé une surveillance étroite, le lieutenant-gouverneur Théophile Tellier qui avait
assuré l'intérim fut relevé de ses fonctions. Inexpérience administrative, incurie ou souci lucratif? Tout laissait à
penser que cet adnùnistrateur percevait des commissions sur certains contrats, vu l'importance financière du contrat
de gré à gré approuvé par lui-même et le nombre de marché de gré à gré passés durant son mandat. Par ailleurs, cet
adnùnistrateur participa activement aux activités extra-municipales de Galandou Diouf (cf. annexes, op. cif.,
opposition de Baba Camara).
25 Blaise Diagne, député du Sénégal, avait tenté de couvrir ses protégés à la tête des municipalités. Par lettre du 2
mars 1922, il demandait à Albert Sarraut, député, ministre des Colonies "de surseoir à toute décisionjusqu'à ce
que /'inspecteur général Méray, chef de mission, vous ait adressé son rapport définitif'
et "que les comptes du
gouvernement du Sénégal et du gouvernement général soient également soumis à une inspection minutieuse. Il
ANS,3Gl 14-21, op. cit.

111
détails des opérations de l'espèce (attributions du maire en matière d'assistance), au Sénégal, où les
municipalités étaient de par leurs actes placés sous l'autorité directe du lieutenant-gouverneur,
jamais il n'avait été élaboré par ce haut-fonctionnaire un règlement ou une instruction pour guider
et éclairer les magistrats municipaux dans l'exécution d'une telle tâche. Si la responsabilité des
maires se trouvait ainsi atténuée, elle n'en subsistait pas moins. A Dakar, Saint-Louis et Rufisque,
on retrouvait les mêmes errements (confusion et désordre dans les justificatifs, insuffisance des
comptes,...) tandis que la commune de Gorée, avec une faible population et un budget insuffisant
n'avait aucune réalité. La mission d'inspection demanda l'abrogation du décret du 17 juin 1887 la
concernant.
D'autre part, les marchés de gré à gré en lieu et place de l'adjudication publique tenaient
une grande place dans la comptabilité des communes (cf page suivante). Pour contourner la
mesure qui interdisait le marché de gré à gré au-delà d'un contrat de 3.000 francs, les commandes
étaient scindées de façon à ne pas atteindre ce chiffre 26 . Parfois c'est le maire qui directement
passait les contrats. Le 2 avril 1920, le maire de Dakar, Jules Sergent, passait directement, sans
l'approbation du lieutenant-gouverneur, trois 'contrats avec la maison Oldani d'un montant de
1.515.673 francs (2.273.510 francs constants) sur lesquels 999.965 francs (1.499.948 francs
constants) avaient été directement remis par le maire lui-même 27. A Saint-Louis, la municipalité
passait le 1er septembre 1920 avec la même maison Oldani un contrat de gré à gré pour la
fourniture de denrées alimentaires (mil, farine de maïs). Le 5 janvier 1921, Jules Sergent conclut
avec la maison Viriville une livraison de 4 camions-automobiles et de 3 arroseuses-balayeuses
contre un prix à verser de 616.000 francs (1.232.000 francs constants). Ce marché de gré à gré
avait été approuvé par le lieutenant-gouverneur 28. Le lieutenant-gouverneur Didelot qui avait
26 Cf page suivante. marchés de gré à gré d'après l'arrêté du 18 décembre 1874.
27 ANS, 3G1 14-21, op. cit., lettre du ministre des colonies du 2 mars 1922 au gouverneur général.
28 Idem.

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113:\\
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approuvé le marché Oldani-Mairie dé Saint-Louis avait été fortement critiqué par les conclusions
de la mission d'inspection. Soucieux de redorer son blason, il fit par la suite preuve d'un zèle
particulier: en 1922, tous les projets de budgets des communes de plein exercice furent rejetés
ainsi que les projets de budgets supplémentaires des communes de Saint-Louis et Rufisque; les
dépenses de personnel communal furent réduites au strict nécessaire; le receveur municipal de
Saint-Louis fut suspendu 29.
L'affaire Galandou Diouf n'en resta pas là. Le maire de Rufisque fut révoqué par décret pris
le 13 septembre 1922 (1. o.RF. du 17 septembre 1922). Les comptabilités des maires de Dakar,
.,
Rufisque et Saint-Louis furent déférées devant la juridiction de la Cour des Comptes. Le caractère
délictueux des faits relevés par l'inspection restait à prouver. Remplacé à la tête de lamunicipalité
par Mour Ndiaye Mbengue, ex - 2ème adjoint et propriétaire analphabète, celui-ci démissionnait
quelques mois plus tard, permettant à Galandou Diouf de recouvrer le siège de magistrat
municipal 30 en octobre 1923. Cette pratique très courante de solidarité avec un maire révoqué
avait une fois de plus parfaitement fonctionné. A Dakar, le maire Jules Sergent fut suspendu pour
trois mois au sujet des opérations avec la maison Oldani (1. 0. SEN. du Il juillet 1923).
B. L'enquête à la mairie de Rufisque et le rapport d'inspection
Aux élections municipales du 3 mai 1925, Maurice Gueye, sans étiquette politique mais
s'appuyant sur les notables et les chefs de quartier, l'emportait devant Galandou Diouf, maire
sortant, candidat du Parti Républicain Socialiste Indépendant, diagniste. Pour la première fois au
Sénégal, le corps municipal était exclusivement africain.
29 ANS 3G1 14-21,. Au sujet de la vérification des municipalités du Sénégal. Mesures à prendre. Lettre du
lieutenant-gouverneur du Sénégal au gouverneur général de l'A.O.F. datée du
19 septembre 1922.
30 Selon la loi municipale métropolitaine, il ne pouvait être réélu maire avant un an.
/

114
En janvier-février 1928, une rrussion de l'inspection générale des colonies conduite par
"
Muller procédait à la vérification de la gestion administrative et financière de la commune de
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Rufisque 31, L'inspection avait relevé, en plus des anomalies comptables, que les impôts avaient été
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augmentés au-delà des besoins nor'"aux à satisfaire 32 et que le personnel des services communaux s'était
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accru dans des proportionsjnjustifiées. Par une lettre du 7 mai 1928 au lieutenant-gouverneur
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Léonce Jore, le délégué du Gouvernement du Sénégal à Rufisque, Blacher, s'inquiétait" au sujet des
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1
faits graves relevés dans la gestion du maire de Rufisque". Suite aux principaux griefs formulés par la
mission de contrôle, il était reproché à Maurice Gueye:
- "d'avoir géré sans souci d'économie les régies de l'eau et
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de l'électricité qui ont enregistré une succession d'exercices
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déficitaires: "..
- d'avoir .multiplié les sinécures, augmenté dans
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proportions inadmissibles le taux de traitement de certains
employés ~unicipaux,
- d'avoir amorcé un relèvement général des traitements du
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personnel municipal,
- d'avoir alloué des secours directs ou indirects à des non-
indigents,
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- d'avoir toléré que le personnel du magasin municipal
négligeât !àtel point ses fonctions qu'il n'y avait accord ni
entre les ~~stants en magasin et les écritures, ni entre
,;
celles-ci etles pièces justificatives." 33
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d'
31 ANSOM, c. 510 d. 13, Affaires Politiques. Sénégal, organisation administrative; municipalités: révocation des
maires, dissolution des conseils nN/J/icipaux, condamnation de conseillers municipaux.
32 Sans doute la mis;ion d'inspection voulait-elle parler des taxes municipales. Le recouvrement de certaines d'entre
elles était faible.
33 ANS,3G4-3, op. cit., note u 16:'~ovembre 1928.

115
Une enquête particulière fut menée par Félix Martin, adjoint au délégué de Rufisque sur
l'état des magasins et de la comptabilité communale en juillet et à la mi-septembre 1928.
Comme réformes prescrites au maire à exécuter intégralement figuraient:
- la suppression d'emplois inutiles et d'indemnités injustifiées,
- l'abrogation de l'arrêté municipal portant concession de la gratuité de l'éclairage
électrique à un certain nombre d'usagers,
- l'élaboration d'une réglementation municipale fixant les catégories d'hospitalisation
du personnel,
- le recours aux achats après adjudications ou appels à concurrence et l'adjudication
pour les travaux importants, notamment l'entretien, la réfection ou la construction des principaux
immeubles municipaux.
Comme réponses aux observations qui lui avaient été faites, Maurice Gueye prit un certain
nombre de mesures, notamment des arrêtés municipaux portant licenciements de certains employés
municipaux, abrogation de la gratuité de l'éclairage électrique à certains agents communaux,
concession de l'énergie électrique à la Compagnie d'Electricité du Sénégal (C.E.S.). Habile, usant
du simulacre, Maurice Gueye lâchait du lest sur certains points, promettant puis refusant
tacitement de donner satisfaction à l'administration sur d'autres (suppression des indemnités
accordées aux médecins municipaux, recouvrements immédiats des sommes dues par les usagers
de l'électricité irrégulièrement exonérés, révisions des listes d'usagers de l'eau et de l'électricité,
inventaire des magasins communaux et réorganisation du matériel et des matières sur des bases
légales).

, 116
Le 12 janvier 1929, un arrêté pris par le lieutenant-gouverneur suspendait Maurice Gueye
de ses fonctions pour une durée de trois mois 34. Mesure d'attente, se situant dans la limite de ses
compétences, la suspension fut suivie de la sanction définitive de la révocation par décret du 31
janvier 1929 35. Le passage rapide de la suspension à la révocation s'expliquait ainsi: en raison de
son caractère provisoire, la suspension ne pouvait présenter un véritable intérêt qu'autant qu'il
s'agissait de procéder à des investigations plus larges en vue d'une décision définitive. La
suspension pure et simple provoquait une interruption de gestion sans remédier à la situation
constatée. Après la période d'effacement qui lui était imposée, le maire reprenait sa charge avec la
conviction d'avoir été brimé et l'auréole d'une victime de l'administration. Lors de sa révocation,
Maurice Gueye ne bénéficia pas de tout le soutien du conseil municipal, divisé: généralement, le
conseil municipal, se solidarisant avëc son chef, démissionnait en bloc d'où une agitation politique,
des luttes électorales et la réélection de la même personnalité dans les deux mois. Le renvoi de
Maurice Gueye, jugé seul responsable des opérations critiquées rendait le cas échéant inopérantes
les décisions que le juge des comptes pouvait prononcer au sujet de sa gestion. A Rufisque, la
révocation avait été admise par le conseil municipal. Se posait la question de remplacement du
maire déchu qui devait être remplacé par un adjoint dans l'ordre des nominations, situation
provisoire qui devait prendre fin à l'élection d'un nouveau maire. L'administration se trouvait
devant un dilemme: soucieuse de ne pas être débordée par la "base", l'élite, même corrompue,
restait le meilleur garant de... l'ordre.
Sur les irrégularités reprochées à Maurice Gueye, la réalité des accusations n'avait pu être
établie de manière nette. Je les regroupe en quatre séries:
34 ANS, 3G4/3, lettre du lieutenant-gouverneur au gouverneur général datée du 12janvier 1929.
35 J.o.R.F. n" 29 du 3 février 1929 p. 1511, promulgué auJ.o.A.O.F. n " 1283 du 6 avril 1929.

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117
1. Le personnel pléthorique
Les observations de la mission d'inspection étaient très vagues. Huit (8) suppressions
d'emplois étaient explicitement demandées: un emploi à la voirie, les emplois de gardien de
fourrière et de conducteur de travaux de voirie, cinq emplois de collecteurs de marché dont le
collecteur-chef36 Le reste des critiques se résume à des remarques générales du genre "réduction
des chefs d'équipe et de surveillants", "suppression de tous les emplois de surveillants généraux" 37. La mission
se heurta sans doute à un véritable écueil sur la question des effectifs municipaux (défaut de
recensement, statistiques non livrées, simulacre d'effectifs, surcharge irrégulière des registres, ...).
La prérogative du recrutement restait la "propriété éminente" du maire; Maurice Gueye avait
certainement procédé à des recrutements ou à des licenciements abusifs 38.
Quant à la question des indemnités injustifiées, elle remettait à l'ordre du jour le problème du
statut du personnel communal du Sénégal. La mission recommandait " la suppression à tout le
personnel communal des indemnités de cherté de vie ou de résidence et de la majoration de 12 % de ces
indemnités" 39. Le personnel communal n'avait pas de statut En Métropole, ce ne sera qu'en mars
1930 que cette question sera définitivement réglée. Face au statu quo, Maurice Gueye alloua à son
personnel un supplément correspondant aux majorations allouées aux fonctionnaires du Sénégal en
service à Rufisque; il considérait injuste la situation faite à sa commune et les faveurs accordées
,
36 Maurice Gueye ne supprima qu'un emploi.
37 ANS, 3G4/3, op. cit. La charge budgétaire du personnel devait paraître excessive à la mission d'inspection. Or de
1926 à 1928, les dépenses de personnel participaient respectivement pour 13,41; 29,01 et 28,56 % des dépenses
totales. Cf tableau n 032.
38 C'était le cas de Charles Benga, secrétaire général de la municipalité, licencié et remplacé par Georges Diagne,
cousin germain de Maurice Gueye, puis Lamine Ndoye. Sur les plaintes de Benga, appuyé par Ibra Seck dont il était
le porte-plume (le futur maire était un cultivateur illettré), il fut procédé à la vérification de la comptabilité matières
et des magasins communaux. Charles Benga reprit ses fonctions à l'avènement d'Ibra Seck. In ANS, 3G4/3, op. cit.
39 Idem.

118
aux municipalités contrôlées par le parti de Blaise Diagne. Dans la commune de Dakar par
exemple, le personnel touchait outre sa solde une indemnité de zone et de cherté de vie, une
indemnité compensatrice de logement et des indemnités de charges de famille. Une fois de plus,
l'administration s'était égarée dans des contingences partisanes. Enfin sur les indemnités servies
aux deux médecins municipaux pour "frais de visites aux indigents à domicile" et dont la suppression
était demandée par la mission d'inspection, elles entraient dans les attributions normales du maire
au terme du contrat signé avec les praticiens.
2. Les régies d'eau et d'éiectricité
Dès 1927, le lieutenant-gouverneur lore s'était opposé à toute installation de compteur
sans son autorisation. Dans une lettre du 20 septembre adressée au maire de Rufisque, il
demandait "un plan comportant toutes les prises d'eau de la ville deRufisque" 40. Cet administrateur avait
fait de la suppression des régies et de la mise en concession des services publics d'eau et
d'électricité une des priorités
de son mandat.
La fréquence et le ton
polémique
des
correspondances échangées avec le maire de Rufisque traversèrent l'année 1927. Les projets
municipaux de travaux relatifs à l'alimentation en eau, à l'éclairage électrique, à l'aménagement des
égouts et à l'embellissement de la ville furent tous rejetés. TI est vrai qu'un projet d'embellissement
(construction d'un nouvel hôtel de ville) avait peu de chances d'être approuvé vu l'urgence de
pourvoir à des dépenses et à l'exécution de travaux d'utilité plus immédiate (assainissement).
Maurice Gueye abrogea l'arrêté accordant la gratuité de l'électricité à certains usagers, notamment
au personnel communal. Quant aux recouvrements des sommes dues antérieurement par les
usagers irrégulièrement exonérés, ils ne furent jamais recouvrés. La mission d'inspection restait
étrangement muette sur les arriérés dus par les services publics de la colonie à titre d'usagers.
40 ANS, Fonds Ancien, 3D,. Commune de Rufisque, op. cit., extraits des délibérations du conseil municipal,
séance du
29 décembre 1927.

119
Sur ces régies, l'observation des comptes administratifs nous révèle qu'une grosse part des
dépenses était due à la gratuité accordée aux services de la colonie (militaires, douanes, P.T.T. ..).
et à la vétusté du réseau. La part du personnel communal bénéficiant de la gratuité paraît faible par
rapport à celle des services de la colonie.
3. Les secours à des non-indigents
Cette question constituait le point faible de la mission d'inspection qui n'allait pas au fond
du problème. La mission demandait en effet "l'élaboration d'une réglementation fixant les catégories
d'hospitalisation du personnel" 41. Devant le vide juridique créé par l'absence de statut du personnel
communal qui ne permettait pas d'imposer un classement logique et régulier, Maurice Gueye,
sachant qu'il ne pouvait être inquiété sur ce point, en avait certainement fait à sa convenance
quand l'occasion s'y prêtait. Le statu-quo demeura; la mission et l'administration firent des aveux
d'impuissance. Cependant le pourcentage des dépenses d'assistance, très faible dans les dépenses
totales (0,9 à 2 % entre 1926 et 1928) révélait la priorité donnée aux contributions obligatoires
dans l'approbation du budget municipal. Le conseil municipal n'eut jamais les moyens d'une
politique consacrée aux oeuvres sociales. 42
41 ANS, 3G4/3, op. cil.
42 On ne manque d'être frappé par l'insignifiance des sommes consacrées aux secours aux indigents, aux secours en
cas d'épidémies, ... dans une ville constamment éprouvée (tableau n 0 33). La commune était asphyxiée par le poids
des dépenses obligatoires; la législation métropolitaine n'avait pas jugée nécessaire d'en rajouter .dans la commune
de plein exercice, à savoir les dépenses d'assistance. Les dotations autorisées par le lieutenant-gouverneur au
chapitre "secours aux indigents" par exemple ne dépassèrent jamais 15.000 francs, vite épuisés, bien entendu. A
titre de comparaison, les dépenses d'assistance dans les communes de la Banlieue Rouge étaient estimées à 20 %
des dépenses totales à la même époque (Saint-OUen, Aubervilliers, Saint-Denis...). Cf. BRUNET 1. P., 1981, op. cit.

4. Détournements de matériaux et d'outillage
Autant les griefs précédents manquaient de consistance, ne serait-ce que juridique, autant
les irrégularités tournant autour des adjudications, des marchés de gré à gré posaient problème. Ce
furent les disparitions de matériel qui firent "tomber" Maurice Gueye (cf Annexes, rapport de
police de Morichère). Dans ses réponses aux accusations dont il était l'objet, le magistrat
municipal avouait ou presque:
"Ma bonne foi a été surprise (...) par des déclarations
écrites erronées (...) faites par le garde-magasin comptable
(...). (...) Des recherches actives sont entreprises et les
redressements nécessaires seront effectués dès la fin des
opérations d'inventaires." 43
Ces conditions étaient-eUes suffisantes pour justifier d'une mesure de révocation?
Comme souligné plus haut, pour contourner l'application de la comptabilité du matériel et
des matières sur des bases légales, les municipalités procédaient à la fraction des factures en
invoquant l'exception d'urgence 44. Cette situation avait pour inconvénient de créer une
disproportion entre la prévision et la réalité si bien que toute évaluation faite par l'administration
municipale dans un marché de gré à gré paraissait fictive et la desservait au profit du
soumissionnaire. Or en bloquant les fournitures et en établissant ses prévisions en temps voulu, elle
pouvait bénéficier des avantages de la concurrence entre entreprises créée par le jeu des
43 ANS, 3G4/3, op. cil.
44 Le rapport d'inspection souligne une adjudication de 700 caisses d'essence faite par Maurice Gueye. En
Métropole, les limites prescrites par les textes eJlvigueur au moment de l'opération étaient de 15.000 francs selon la
loi du 15 janvier 1924, 30.000 francs après le.9éÇretdu 5 novembre 1926). In BRUNET 1. P., 1981, op. cit., p.194 .
. .

121
adjudications. L'inspection souligna fortement le déficit énorme de charbon (plus de 119 tonnes !)
et d'huile pour moteur (676 litres selon la mission d'inspection, 436 litres selon le délégué de
Rufisque)
45.
L'explication
est
également
à
rechercher
dans
des
cahiers
de
charges
considérablement sous-estimés et dans un contrôle de livraison probablement inexistant (fraudes
sur les quantités livrées, qualité douteuse du produit). En juin 1929, le procès intenté par Ibra
Seck, maire élu contre l'ex-maire de Rufisque pour détournement de matériel et d'outillage
appartenant à la commune révélera que l'administration centrale avait fait livrer au 7ème RT.S.
(Régiment des Tirailleurs Sénégalais) qui était momentanément sans combustible plusieurs tonnes
de charbon par la mairie avec l'accord de Maurice Gueye 46. Ce dernier cherchait-il à l'époque à
gagner les bonnes grâces du délégué de Rufisque avec qui il était souvent entré en conflit?
Enfin l'adjudication pouvait constituer un inconvénient en ce qui concerne les travaux. La
municipalité était souvent accusée de disposer d'un personnel
permanent pléthorique et de mal
l'utiliser; le recours aux entreprises 'privées pour exécuter ses 'travaux (entretien et réparation des
immeubles communaux) avait pour conséquence d'absorber le personnel communal à des tâches
extra-municipales.
Tels étaient les faits reprochés à Maurice Gueye.
Ce qui caractérise cette mission d'inspection, c'est l'absence de bilan chiffré. Lacune dans
les sources ou enquête superficielle ayant d'autres motivations? Au bilan des griefs reprochés à
Maurice Gueye -charge budgétaire du personnel, régies d'eau et d'électricité, secours aux non-
indigents-, l'analyse de la mission d'inspection n'apparaît pas convaincante. Certes le doute sur
l'intégrité de Maurice Gueye planait mais les preuves faisaient défaut. Cela pouvait juridiquement
le disculper 47.
45 ANS, 3G4/3, op. cil.
46 La quantité et les dates de livraison ne sont pasprécisées.
47 L'hypothèse de détournements de matériel (charbon, essence) pesa sur la balance. Dans sa lettre au gouverneur
général, lore insista sur cet aspect de l'affaire pour justifier sa mesure de suspension.

122
Maurice Gueye avait fait l'objet de plusieurs rappels à l'ordre de la part des autorités
(délégué de Rufisque et gouverneur du Sénégal) sur le caractère irrégulier des cessions de matières
et objets à des particuliers. Appliquant scrupuleusement à ses administrés le refus de toute
cession", il ne s'était pas privé pérsonnellement de "cessions remboursables". Ayant affaire à un
débiteur récalcitrant, face à des déficits dans les magasins communaux (charbon, ciment, essence,
huile) dont il devait rendre compte, Ibra Seck, maire par intérim depuis le 16 janvier 1929, avait eu
recours à la justice 49. L'enquête de police menée en février 1929 fut accablant (cf Annexes): tout
le personnel concerné par l'affaire (agent-voyer, maçons, menuisiers), les fournisseurs (Lésieur,
Barthès, Soucait, Maurel Frères, Devès et Chaumet, Maurel et Droin) confirmèrent, bons et
factures à l'appui, les accusations du nouveau maire. Traduit en correctionnelle 20 juin 1929 pour
"abus de confiance", Maurice Gueye reconnut les faits tout en refusant l'intention d'en opérer le
détournement frauduleux et en précisant "qu'il comptait rembourser le tout" 50.
Les cessions remboursables étaient pratique courante à la commune de Rufisque puisque
l'administration l'approuvait dans une rubrique spéciale SI. L'examen des comptes administratifs
confirme ce fait. Les abus amenèrent le délégué de Rufisque à refuser d'approuver des opérations
de cette nature. Gueye respecta cette consigne tout au long de l'année 1928 sauf en décembre pour
les cessions qui lui furent faites. Pouvait-on déduire de la transgression des ordres de
l'administration l'intention frauduleuse? Gueye se savait surveillé et fit l'objet d'une enquête
48 Maurice Gueye avait refusé à Ibra Seck un bon d'agglomérés. Constatant que le maire construisait un garage
avec du matériel pris aux magasins municipaux et sachant que c'était interdit, Ibra Seck avait aussitôt porté plainte.
y
49 Dans sa plainte, il accusait Maurice Gueye d'avoir utilisé des moyens de transport et de la main d'oeuvre de la
municipalité aux frais de celle-ci, détournement de matériaux et d'outillage en we de l'édification d'un garage
personnel rue Galam pour deux automobiles lui appartenant à titre personnel. D'après les bons de sortie fournis par
le garde-magasin comptable, Maurice Gueye avait bénéficié de 31 sacs de chaux de 45 kg, 5 barils de ciment, 50 kg
de clous galvanisés, 3 kg de pointe, des pentures, gonds, etc. ANS, 3G4/3, op. cit., lettre du 26 janvier 1929 d'Ibra
Seck faisant fonction de maire au procureur de la République.

SO ANS, 3G4/3, op. cit.
51 Réparations demandées par les particuliers dans leurs installations d'eau et d'électricité par exemple.

123
officieuse en décembre 1928. On ne voit pas comment il aurait eu l'intention de détourner
frauduleusement du matériel et de la main-d'oeuvre pour la construction de son garage. A moins
d'une bonne dose d'audace. Maurice Gueye ne devait pas en manquer 52.
C. Le fond de l'affaire
Le caractère brutal du passage de la suspension à la révocation (moins de trois semaines)
corroborait l'idée que Maurice Gueye avait été victime d'un règlement de compte politique.
Anti-diagniste, son sort était fixé bien avant la mission d'inspection. Depuis sa victoire aux
municipales de mai 1925 sur Galandou Diouf, le protégé de Blaise Diagne, il était en sursis.
En mars 1922, Blaise Diagne avait adressé, après le passage de la mission d'inspection
Méray dans les municipalités sénégalaises, une correspondance à Albert Sarraut, ministre des
Colonies lui demandant de surseoir à toute décision. En 1929, Maurice Gueye ne pouvait
bénéficier de ce traitement de faveur. Au cours de la visite de Blaise Diagne à Rufisque (les 14, 17,
18 et 20 février 1927), le député du Sénégal avait subi deux affronts: Maurice Gueye n'avait hissé
le pavillon français à la mairie qu'au moment où lui-même se rendait à l'invitation de la chambre de
commerce; le meeting des diagnistes du 20 février avait été troublé par les mauricistes 53. Le
rapport de police précisait que l'entrevue Blaise Diagne - Maurice Gueye du 17 février sur la
question essentielle de l'eau et de l'assainissement de la ville de Rufisque avait été "de courte durée'154
Maurice Gueye était également en difficulté avec Blacher nommé Délégué du Gouverneur du
52 Dans sa plaidoirie, Maître Lamine Gueye, avocat-défenseur de Maurice Gueye, contesta le caractère de délit et
insista sur le désaccord qui existait souvent entre l'adnùnistration et son client. Il demanda son acquittement et fut
suivi par le tribunal.
53 ANS, 3G4/3, op. cit., rapport au sujet de la visite de Monsieur le Député du Sénégal à Rufisque établi par le
commissaire de police Escotte le 21 février 1927.
54 Idem.

124:'
Sénégal à Rufisque en avril ~,927 55. Le programme des divers travaux engagés concernant l'eau,
l'électricité, les égouts et I'ejnbellissement de la ville et les dépenses y afférant proposés par le
."1
conseil municipal se heurtàient au veto de l'administration. En 1928, cependant, le conseil
municipal bien que fortemént divisé, vota très tardivement le budget primitif en signe de
'Î T
protestation. Le gouverneu~}~ore 's'en tenait aux seules appréciations de son délégué, Dans une
)J
lettre au gouverneur datée dy:;30 juillet 1927, Gueye précisait:
-,
,.
tI(.,,) En ce. qui concerne le contrôle administratif sur les
affaires communales, je m'empresse de vous rendre compte
qu'à l'avenir;' je m'en reporterai à vos instructions ainsi qu'à
: \\
celles que Monsieur le Délégué Blacher estimera devoir me
'1/
donner. A:'IGet égard, je vous donne ici 'assurance que je
ferai tout; mon possible pour faciliter ce contrôle à
Monsieur l~)élégué de Rufisque" 56,
. !
Le retrait des attribJÜons au maire de Rufisque n'avait pas facilité les choses, Le conseil
municipal devenait de plus' en plus réticent pour le vote des budgets primitifs. Le gouverneur
.
.
général Carde proposait alors au gouverneur du Sénégal la mise en demeure de l'assemblée
municipale de voter le budget dans un délai très court et en cas de refus la dissolution immédiate
,
du conseil municipal jUSqU'2U' renouvellement général de mai 1929 57,
'.
55 Blacher était très lié à Blaise D'iagne'dont il était l'ancien chef de cabinet lorsque le député africain exerçait les
fonctions de haut-eommissaire d~'ta République chargé du recrutement des troupes noires. La guerre terminée,
Diagne avait obtenu son affectationau Sénégal. In THIAM 1. D., 1983, op. cit., p. 2452.
,
56 ANS, Fonds Ancien, 3D, Commune de Rufisque, op. cit., extraits des délibérations du conseil municipal, séance
du
29 novembre 1927.
57 ANS, 3G4/3, op. cit., câblogramme très confidentiel du gouverneur général Carde au lieutenant-gouverneur du
Sénégal datée du 6 décembre 1928.:

12S!
1
Pour l'administration centrale, cette solution avait l'avantage de permettre une
réorganisation complète des services municipaux et un assainissement des finances communales. A
la même période, André Maginot, député, ministre des Colonies projetait un voyage en A.O.F.
Aussi Carde tenait-il à la matérialisation.de son idée. Dans une autre correspondance, il précisait:
"J'insiste pour que les présentes instructions soient
.1'
:.1
exécutées ~1ns délai et sur le caractère très confidentiel des
i'·:
mesures àil1:tervenir de façon à éviter tout au moins pour la
dissolution(' du
conseil. qu'une indiscrétion
la
fasse
échouer."58 i
Ce projet ne fut suivi ;d'aucun effet. Son exécution était risquée: la dissolution du conseil
municipal entraînait la mise,' en place d'une délégation spéciale dont les pouvoirs ne pouvaient
!~.;
.
excéder deux mois. Or aucune' disposition ne prévoyait son extension même en cas de
renouvellement proche du conseil municipal prévu dans les communes de plein exercice en mai
1
t~ ~!
1929. Cette entreprise fut abandonnée.
Contre Maurice Gue~~, l'administration avait été tatillonne sur la régularité des dépenses
, ,
engagées mais insouciante sur la matérialité des opérations effectuées. Pour reprendre Jean-Paul
Brunet à propos du cas de Jacques Doriot, maire de Saint-Denis révoqué en mai 1937, la
révocation de Maurice Gueyè, "c'était un acte de salubrité politique qui s'imposait immédiatement. "59
,
58 ANS, 3G4/3, op. cit., câblogramme du 8 décembre 1928.
59 BRUNET 1. P., 1981, op. cif., p./191.

126 '
Les recettes de la commune de Rufisque se caractérisaient par la fragilité de leurs sources
d'approvisionnement. En Métropole, elles tournaient presqu'exclusivement autour de l'octroi et des
centimes additionnels. Les contraintes financières, l'insuffisance des taxes de remplacement mises
en place par la loi du 13 août 1926 et la force de l'habitude n'avaient pas incité les communes
métropolitaines à délaisser; "I'octroi. Albert Thomas, maire de Champigny-sur-Marne s'en
expliquait:
"Je n'avais en face de moi que deux solutions, ou laisser
notre commune dans la gâchis et dans les dettes, ou établir
l'octroi." 60
; . .
Les droits d'octroi devaient être maintenus dans les communes de plein exercice 61 et la
A?
.
réforme porter sur les lacunes du régime et non sur sa suppression; l'administration traita la
.'
question en cherchant à restreindre les attributions des municipalités. Son problème primordial
consistait à renforcer le co~trôle de son autorité et à lui' permettre à même de revenir sur une
décision antérieure; la souveraineté communale était battue en brèche. La suppression de l'octroi
entrait bien dans les voies àe l'administration prête à tempérer l' "omnipotence" de la municipalité.
1
Dans ce contexte particulier, la situation de Maurice Gueye, isolé politiquement, était peu
garantie. De manière générale, le statut de maire avait été celui qui s'était trouvé le plus
complètement dans la main du pouvoir central. En même temps qu'il était le représentant de la
commune, le maire était également le préposé de J'Etat qui lui déléguait ses pouvoirs. De la
nécessité de donner au poh~oir central une autorité réelle sur le maire, il ne résultait pas
. \\1 i
'
nécessairement une dépendance absolue vis-à-vis de la tutelle. Les abus ne tardèrent pas à se
60 Cité par BRUNET 1. P. 1981, op. cit., p. 132.
1
61 En Métropole, la pratique l'emportait sur le principe. Les droits d'octroi furent provisoirement supprimés par le
régime de Vichy. Ce n'est qu'en'i,1948 qu'ils furent définitivement supprimés lorsqu'ils ne furent plus d'aucun
intérêt. Ils avaient été progressivement remplacés depuis les années 20 par les centimes additionnels.

127
manifester: souvent, l'administration jugeait bon de dépouiller tel ou tel maire de son influence
politique en le révoquant. La décision à l'encontre de Maurice Gueye entrait dans cette logique;
lorsque les raisons manquaient, les gouverneurs cherchaient des prétextes. Les recours contre les
arrêtés de suspension aboutissaient rarement; la loi de 1884 n'obligeait pas à motiver ces arrêtés.
En fait, ils n'étaient presque jamais motivés et échappaient donc à tout recours de la part des
intéressés. Maurice Gueye n'avait aucun moyen de montrer une certaine inanité des griefs invoqués
contre lui.

J'''' --.,
. ,'128
DEUXIEME PARTIE
QUESTION DE FOND, QUESTION DE FONDS:
LE REGIME FINANCIER ET FISCAL, ENJEU
DE LA GESTION MUNICIPALE (1933-1942)
~:

129
"II ne s'agit pas de faveur à distribuer aux amis, il s'agit d'une question d'équité."
Abdoulaye Diagne, Délibération du Conseil Municipal, séance ordinaire du 28 novembre 1929.

- - - - - - - 1
130
En Métropole, les "libéraux" qui s'étaient déclaré les champions de la liberté des
communes s'étaient efforcés d'obtenir l'élection des conseils municipaux. Le gouvernement
céda sur ce point. La loi sur les attributions municipales suivit et régla à l'avance les actes les
plus importants de la vie communale, et parmi eux le budget, qui, pour couvrir les dépenses
d'intérêt général ou local, absorbait le plus clair des revenus communaux.
-r
Au Sénégal, l"'inertie" de la vie communale s'était perpétuée. On avait pu croire
pendant longtemps que cette inaction tenait au mode de nomination des conseils municipaux.
Si, ensuite, le passage à l'élection de ces conseils avait été une réforme indispensable, elle
n'était pas la seule que leur état réclamât. L'inertie communale était attribuée à l'insuffisance
des ressources. Cette liberté indispensable à l'action de la vie communale, c'était l'argent.
C'était une façon de restreindre les pouvoirs du conseil municipal que d'inscrire une nouvelle
dépense obligatoire à son budget; toute diminution de ressources équivalait à une restriction de
son action.
L'objectif du travail est d'expliquer d'abord l'origine des recettes et d'apprécier ensuite à
quel usage elles ont été affectées, à quelles réalisations eUes ont pu servir. Avec l'importance
des dépenses obligatoires, nous montrerons comment elles absorbent tout le revenu disponible
et ne laissent rien à l'initiative du conseil municipal. Il apparaîtra par là, avec assez d'évidence,
que dans son rapport avec la municipalité, l'administration centrale avait restreint toutes les
dispositions qui pouvaient donner au conseil municipal la liberté d'une grande partie de ses
ressources et élargi le cercle des dépenses obligatoires par des lois et arrêtés spéciaux fort
nombreux. Parce que des réformes en profondeur n'avaient pas été entreprises, les droits
théoriques les plus étendus n'étaient que textes vains et ne servaient à rien.
La situation financière de la commune de Rufisque s'explique simplement par
l'évolution comparée de ses recettes et de ses dépenses. D'une part, les dépenses avaient
augmenté dans d'importantes proportions, d'autre part, au contraire, les recettes étaient

131
dépourvues de souplesse et de productivité qui leur auraient permis de s'adapter aux besoins'
qu'elles devaient couvrir. Il ne faut pas oublier que c'est le même contribuable qui acquittait les
impôts de la colonie ainsi que ceux de la commune.

132
CHAPITRE IV. LES PREROGATIVES FINANCIERES, UN
CHAMP D'INTERVENTION PRIVILEGIE DU POUVOIR
CENTRAL
La question de l'autonomie de la commune s'était posée dès les prerruers Jours de
J'institution de la municipalité au Sénégal. D'une part, l'administration tenait à son rôle, à ses
prérogatives, d'autre part, les partisans d'une plus grande liberté communale réclamaient
toujours plus de liberté, plus d'activité, plus de vie locale. Marquée par une centralisation
excessive, l'administration n'avait pas jugé utile de réviser son appréciation.
1. UNE MARGE D'AUTONOMIE COMMUNALE LIMITEE
Poser le problème de l'autonomie communale, c'est s'interroger sur la réalité de la
décentralisation. L'idéal du self-government avait vu, dans la pratique, peu d'avancées. Rendre
le pouvoir communal, collectif et multiple, faire en sorte que le plus grand nombre de citoyens
l'exerçât, tout en laissant subsister la tutelle dans toutes les questions qui l'exigeaient vraiment
était le grand dilemme auquel se heurtait l'autorité de tutelle. Ce problème de l'autonomie
communale opposa le conseil municipal au pouvoir central qui donnait une certaine
indépendance alors que les élus locaux réclamaient plus d'attribution et de pouvoir de décision,
notamment financière.
Du jour où la commune de plein exercice s'était constituée, elle avait assumé du même
coup les charges pécuniaires que comportait sa nouvelle situation politique. Ne devant compter
que sur elle-même, il lui incombait de chercher en elle-même des ressources suffisantes.
Les actes de la IIIème République, touchant la commune de plein exercice du Sénégal,
sont empreintes de l'hésitation et semblent porter la trace des difficultés qui marquent ce
régime. La grande charte de 1884 reconnaissait, d'une façon générale, la compétence du
conseil municipal pour régler, par ses délibérations, les affaires de la commune. Mais cette
première proposition ne signifiait point que la tutelle fût supprimée, loin s'en faut. L'oeuvre
décentralisatrice de la loi de 1884 était caractérisée par une modération presque excessive,

----:.- ---- {
133
voire une véritable timidité. Elle consacrait des principes antérieurs et apparaissait comme le
point final d'une lente évolution.
Les ressources communales fortifient dans cette appréciation. Le contrôle financier ne
s'était que fort peu relâché de sa rigueur première. Les ressources locales étaient toujours la
matière sur laquelle le pouvoir central estimait qu'il y avait lieu de maintenir le plus
énergiquement le droit de regard et l'autorité de la tutelle. La loi de 1884, en se substituant
pour la réglementation du budget à la loi de 1837, n'avait fait que lui emprunter la plus grande
,
partie de ses dispositions.
Longtemps,
les administrateurs accueillirent avec
réticence
les initiatives des
gouvernements pour instaurer et développer un régime municipal de type métropolitain.
Aisément convaincu, Paris tolérait le décalage juridique entre communes de France et
communes du Sénégal, persistant sous la Illème République au temps des municipalités. Ce fut
un jeu pour les autorités de découvrir dans l'administration de la commune matière à critique
c'est-à-dire à intervention. Une fois engagé dans cette voie, le Pouvoir ne pouvait qu'être tenté
de s'immiscer continuellement dans les affaires communales. Peu à peu, le gouvernement local

dut s'effacer. L'administration de la,commune jouissait-elle dune certaine liberté dans l'emploi
de ses ressources?
La législation qui introduisait le principe de la division des dépenses en obligatoires et
facultatives prescrivait que le pouvoir central pût imposer les premières à la commune chaque
fois que le conseil municipal refusait de les voter. Toutes les dépenses autres étaient déclarées
facultatives, l'assemblée municipale pouvant consentir à ne pas les voter. La réalité montre qu'il
en fut autrement (cf infra).
Des recettes étaient destinées à solder les dépenses. Les recettes ordinaires avaient un
caractère de permanence alors que les recettes extraordinaires, comme leur nom l'indique,
étaient purement accidentelles et provenaient des contributions extraordinaires, des dons, legs
et emprunts.
Depuis 1884, de nombreuses lois avaient augmenté en Métropole le cercle des
attributions du conseil municipal et du maire. Dans la commune de plein exercice du Sénégal,
les attributions en matière d'hygiène avaient été enlevées au maire; l'enseignement relevait de

134
l'autorité centrale (même si la commune payait l'intégralité des dépenses de personnel et de
matériel); l'assistance n'avait pas été promulguée au Sénégal 1. Ainsi toutes ces dispositions qui
auraient pu accroître les occupations de la municipalité et lui confier un rôle dans sa gestion
étaient restreintes sans oublier les services publics qui étaient passés de la régie à la concession.
Les
fonctions
de
l'Etat
s'étaient
considérablement
augmentées
dans
ces
domaines
(enseignement, hygiène, assistance) et peu à peu ces services collectifs avaient paru tellement
nécessaires que l'Etat s'était vu obligé de s'en emparer et les avait érigés en services publics. Le
plus souvent, c'était la commune 'qui avait été chargée de gérer certains services et de
collaborer à la gestion de certains autres. Ainsi le développement des attributions communales
était corrélatif du développement des fonctions de l'Etat.
La question importante à poser était celle de l'extension du domaine des attributions
municipales au point de vue fiscal. Le conseil municipal de Rufisque en avait-il reçu dans ce
sens?
Autorisés par le lieutenant-gouverneur, les droits d'octroi avaient été supprimés en
1924; les taxes sur les voitures automobiles ët sur les chiens étaient d'un rendement faible,
voire insignifiant. Quant aux centuries additionnels, approuvés par des autorités différentes
(approbation du gouverneur et décret du Conseil d'Etat), suivant la situation pécuniaire de la
commune, le chiffre ne pouvait dépasser cinq (5) centimes et était limité à l'impôt foncier. Sur
cette dernière catégorie de recettes, la liberté du conseil municipal était strictement limitée;
d'abord en ce qui concerne le choix de la matière imposable, ensuite en ce qui concerne le
maximum de l'impôt. Non seulement les pouvoirs du maire et du conseil municipal avaient été
restreints, mais par suite des réformes, le pouvoir communal n'avait même plus la faculté de
s'abstenir. Obligation lui était faite d'agir ou de se faire substituer par le lieutenant-gouverneur.
Le retrait des attributions de police municipale, de voirie et d'hygiène entraient dans cette
logique.
1 Une loi datée du 15 juillet 1893 créait dans chaque commune métropolitaine un bureau d'assistance chargé de
dresser la liste des indigentsqui auraient éventuellement droit à des soins médicaux et pharmaceutiques. Cette
loi mettait une partie de la dépense à la charge de la commune. A noter la loi sur l'assistance aux vieillards,
infirmes et incurables, avec des subventions du département et de l'Etat.

135
Le principe de cettesubstitution se trouvait déjà dans la loi de 1884. D'après l'article
:' ..
85,
"dans le ca~~[où le maire refuserait ou négligerait de faire un
i !r
des acted~ui lui sont prescrits par la loi, le préfet
. II:,!~
(1ieutenant'~douverneur) peut, après l'en avoir requis, y
1 ~.
";1
procéder d'cffice par lui-même ou par un délégué spécial."
La loi de 1884 admettant déjà dans une assez large mesure la substitution de l'autorité
supérieure aux autorités locales pour l'accomplissement de certaines décisions, le nombre de
ni
substitutions
s'était par, l~':' suite considérablement accru et par conséquent s'était
considérablement allongée ,:' la liste des dépenses obligatoires pour la commune. Cet
.:
:
accroissement des dépenses', pbligatoires s'expliquait ainsi: il provenait de cette conception
':i\\
centralisatrice que la commune n'était qu'un organe secondai~e destiné à gérer sur une étendue
déterminée les services géné')!aux de la colonie. Or, l'augmentation des dépenses obligatoires
l'~
.
gênait doublement l'autonomie de la commune. En premier lieu, elle absorbait les ressources
1""'.
p
communales et supprimait ainsi-les éléments les plus précieux de la vie locale. Le second des
obstacles était plus grave encore. Aux termes de la loi de 1884, le conseil municipal n'était
j
maître de son budget, c'est-a-dire qu'il n'était libre d'y inscrire les dépenses facultatives qu'il
fi
voulait y laisser figurer, qu'autant qu'il avait pourvu à toutes les dépenses obligatoires et n'avait
. ii:';
appliqué aucune recette extraordinaire aux dépenses. A cette condition seulement, les dépenses
~. :
facultatives ne pouvaient pas' être modifiés par la tutelle. Augmenter la liste des dépenses
.
obligatoires, c'était mettre leconseil municipal dans la quasi-impossibilité de ne pas recourir,
..li
:i'i
pour équilibrer son budget; a, des ressources extraordinaires, c'était mettre dans les mains du
:tn
lieutenant-gouverneur le b'J41~et et l'administration communale. La législation 'postérieure à
.
n'
1884 n'avait pas seulement a~gmenté l'importance et le nombre des dépenses obligatoires; elle
avait restreint la liberté de' la commune de plein exercice en lui interdisant pratiquement
",
' i;
certaines dépenses, par' èx/erri~~le celles d'assistance.

}36
Après avoir diminué les libertés des communes vis-à-vis des dépenses, l'administration
restreignit leurs libertés vis-à-vis des recettes. Loin d'accroître les facultés données à la
commune de se procurer des ressources, un mouvement tendait à diminuer ces facultés. Les
seules ressources que la commune eût de libres étaient les revenus qu'elle tirait de son domaine
privé. Par ailleurs, l'octroi qui fournissait à la commune le revenu le plus considérable avait été
supprimé en 1924, puis, on peut le dire, rétabli sous une autre forme, l'octroi de mer (1933-
1942). C'est grâce à l'octroi que les municipalités, en Métropole, avaient pu exécuter des
travaux d'embellissement et d'hygièn~.
Telle était donc la double tendance qui caractérisait l'évolution de la législation
communale relative aux finances municipales: augmenter les dépenses et gêner les recettes.
Les autorités de tutelle ne s'engagèrent pas dans la voie cependant nécessaire d'une
adaptation plus exacte de la réglementation à des besoins municipaux différant si profondément
suivant l'importance et la nature de la vie sociale qu'abritait la commune. Le régime financier
demeurait le champ d'intervention privilégié du gouverneur. Le conseil municipal n'avait
aucune influence sur les centimes additionnels et les ristournes sur les impôts locaux; Rufisque
r
ne bénéficia d'avances consenties par la colonie que lorsqu'il apparut évident à l'administration
centrale que la crise des années 30 frappait de plein fouet ce centre de traite. Tout emprunt
municipal même inférieur aux revenus de la colonie requérait l'accord du gouverneur 2. Or
l'article 119 de la loi de 1884 rendait exécutoires les emprunts municipaux inférieurs aux
revenus de la commune, en vertu d'un arrêté préfectoral pris sur avis conforme du conseil
municipal. Cette règle métropolitaine n'était pas applicable aux emprunts des communes
sénégalaises. L'administration était très réticente à cette promulgation de l'article 119 . Les
règles pour l'engagement préalable des dépenses et celles relatives à la passation des' marchés et
adjudications devaient passer par un.contrôle très serré de ces opérations par les services des
autorités de tutelle. A l'article 145, tout budget dont le revenu était de trois millions de francs
2 Article 339 du décret du 30 décembre 1912 sur le régime financier des territoires d'outre-mer. In CROS Ch.,
1956, op. cit., documents annexes, pp. 153-160.

137
au moins était soumis à l'approbation du lieutenant-gouverneur en Conseil Privé. Enfin, non
seulement le gouverneur arrêtait d'office le budget quand le conseil municipal refusait d'en
délibérer, mais quand il présentait également un document tardif ou défectueux. L'article 150
prévoyait dans cette hypothèse la reconduction du précédent exercice.
Modestes libertés, en résumé, que celles accordées par le lieutenant-gouverneur. La
commune disposait ainsi de peu de ressources pour créer des services facultatifs, d'autant plus
que dans les différents budgets, les différents services dont l'exécution importait plus encore à
la colonie qu'à la commune s'enchevêtraient. •
II. LA REORGANISATION FINANCIERE MUNICIPALE, UNE DEMANDE DE
REFORME SANS LENDEMAIN
En Métropole, dès 1931, avait été émis un projet de réforme visant à soulager les
finances locales. Question d'urgence, car il importait de venir en aide aussi rapidement que
possible aux budgets communaux accablés par la guerre de 1914-1918 et ses conséquences
économiques d'une part et les exigences de la vie moderne d'autre part. Ces conséquences
avaient été grandement alourdies par le fait qu'elles étaient venues aggraver des charges déjà
mal réparties. Cette répartition défectueuse des dépenses, également dans la colonie du
Sénégal, ne faisait plus aucun doute pour personne. Les dispositions (partage entre les
dépenses de la colonie et les communes) était loin de reposer sur une classification claire et
logique des services. Adoptées à des époques très différentes, parfois improvisées sous le coup
des nécessités du moment, elles manquaient de cohésion et d'unité.
En Métropole, ces dispositions comportaient en particulier la mise à la charge des
collectivités locales de certains services qui, se rattachant aux attributions les plus générales de
l'Etat, auraient dû normalement figurer au budget de ce dernier. C'est en ce sens que des
mesures avaient été prises en faveur des budgets communaux.
.

138
En ce qui concerne les dépenses d'administration générale, de police et d'enseignement,
des dépenses obligatoires incombant aux communes étaient désormais mises à la charge de
l'Etat:
- frais de recensement de la population,
- frais de registre de l'état-civil,
- traitement et frais de gestion des recettes municipales,
- indemnité de résidence des instituteurs,
- traitement des cornmissairea.de police,
- frais des assemblées électorales,
- registre et imprimés à l'usage des écoles primaires... 3
L'Etat prenait également en charge les dépenses relatives à l'enseignement public,
service essentiellement national en ce qui concerne le renouvellement du mobilier scolaire et
l'indemnité de logement des instituteurs. Quant aux lois sur l'assistance 4, les dépenses étaient
désormais inscrites en totalité au budget départemental, exception faite de la Ville de Paris.
Cette départementalisation des lois d'assistance apportait une nouvelle et importante réduction
aux charges communales.
Dans la loi du 31 mars 1931 s, nous trouvons aussi diverses dispositions en faveur des
communes:
- les charges supportées par les départements et les communes étaient allégées
de 20 millions de francs par une ristourne de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières,
3 AUDOYER H., 1933, Les dépenses communales en France depuis 1912. Thèse de doctorat en droit,
Université de Bordeaux, p. 251-252.
4 Enfants assistés, assistance aux aliénés, pro~9n des enfants de premier âge, assistance aux femmes en
couches, primes d'allaitement, assistance aux familles nombreuses. Cité par AUDOYER H., 1933, op. cit., p.
263.
".,
"""
s J.D.R.F, 1er avril1931.

139]
- l'Etat prenait à sa charge les traitements des receveurs municipaux (42
millions) et l'indemnité de résidence des instituteurs (28 millions),
- l'Etat participait dans la mesure de 35 millions aux dépenses d'entretien des
aliénés.
Par la loi du 28 décembre 1931, l'Etat organisait une caisse de crédit aux communes
destinée à allouer à ces collectivités des bonifications d'intérêt pour des emprunts futurs, de
manière à ramener le taux de l'intérêt à 2 voire 1,5 % 6.
Qu'en était-il dans les communes de plein exercice du Sénégal?
y - avait-il eu un effort pour donner un peu d'aisance aux finances communales?
La réorganisation de la fiscalité locale y était-elle plus difficile?
La municipalité de Rufisque était-elle fermement attachée à des ressources qui lui
étaient fournies par l'administration sans effort budgétaire en contrepartie?
A. La mission d'inspection Demongin (déc. 1935 - janv. 1936)
A Rufisque, entre 1932 et l'avènement du Front Populaire, les mesures prises par la
municipalité pour faire face à ses obligations, mesures dictées par la direction des Finances de
r
la colonie, étaient de deux ordres:
- s'appuyer sur le rendement de la taxe additionnelle puis de l'octroi de mer sans
en surestimer les recettes pour rembourser les dettes envers le budget local,
- procéder à d'importantes réfonnes fiscales (en révisant la taxe de l'enlèvement
des ordures ménagères, les droits de place sur les marchés, les droits de fourrière et de
stationnement) 7. ,
6 Jo.R.F., 29 décembre 1931.
'.
7 ANS, 1T 30-58, Mesures prises par les municipalités de Saint-Louis et Rujisque pour faire face à leurs
obligationsjinancières. Note du.29 novembre 1932 adressée au gouverneur général de l'A.ü.F.

-
- -<
~~~.~~~ •.
.- ~l
140
La taxe sur la fourniture d'eau aux particuliers avait été augmentée de... 150 % ! et la
taxe sur les chiens avait été portée de 20 à 30 francs 8.
L'objectif visé était la compression du budget communal puisque selon l'administration
centrale, la surestimation des recettes était la seule, du moins la principale cause du déficit
budgétaire communal. A y regarder de près, l'augmentation des charges fiscales sur les
rubriques ci-dessus énumérées, exceptées celles de la taxe sur l'eau et les droits de place, avait
peu de chances d'être une substantielle rentrée financière. La taxe sur les chiens donnait une
moyenne mensuelle de... 71 francs courants, celle sur le stationnement 367 francs 9.
Une mission dirigée par l'inspecteur général des Colonies, Demongin, fut chargée
d'étudier la question en décembre 1935 - janvier 1936. La base juridique des communes de
plein exercice avait été jetée par le décret du 10 août 1872. Ce texte portait le vice congénital
de limiter à peu de choses ce qui, dans la Métropole, constituait l'une des sources de recettes
les mieux assises: les centimes additionnels. Comme les autres catégories de ressources et les
taxes locales restèrent ou d'un taux réduit ou même sans existence, comme les concessions
d'électricité et d'eau furent confiées à des entreprises privées sans contrat de concession
profitable au budget communal, le budget municipal fit de longue date appel aux deux seules
ressources d'un rendement notable, prévues par le décret de 1872:
- les ristournes sur les contributions directes et les taxes assimilées (taxes
fiscales),
- le produit de l'octroi.
8/dem.
9/bidem.

:1 .
141
Les conclusions de la,ihission d'inspection étaient un véritable réquisitoire:
, . '1
i
.. ~
"(...) Le~'municipalités sont des organismes uniquement
chargés dJ~aépenser les recettes que l'administration leur
'fi
fournit san~ r.voir, en contrepartie, à pourvoir aux recettes
'.[
correspondantesf ...)",
"(...) Mieuxjvaudrait supprimer purement et simplement les
budgets .des commune? de plein exercice par voie
"
d'intégratio:~ dans le budget du Sénégal et transformer les
;:....:.
'!'
Maires eri)sous:"'ordonnateurs délégués du Lieutenant-
/
:i,
,;
Gouverneur'L,)",
"(...) Les liïidgets des communes de plein exercice (ne sont
~~!
devenus q:1r,) les annexes du Budget du Sénégal (.,,)." 10

Qu'en était-il réelleme;lt?
.
\\
Dès la suppression de:l'octroi municipal en 1924 (mise en application à partir du 1er
janvier 1925), les budgets des communes de plein exercice avaient cessé d'avoir une
:
i
physionomie propre. Amadou Duguay Clédor, président du Conseil Colonial (depuis mai
1930), parlant au nom des communes de plein exercice, affirmait:
"(Nous som.nes) partisans de la suppression des octrois,
,"
mais entendons que les prérogatives que tiennent les
:r{'
municipalités ne soient pas diminuées; en conséquence, le
remplacement des taxes d'octroi ne pourrait avoir lieu que
10 ANSOM. c. 2810 d. 3, Affaires politiques, Finances/Impôts. Régime fiscal des communes de plein exercice,
1936, rapport Demongin.

.

par l'établissement d'une taxe communale laissée à notre
.:;
initiative e~'ne dépendant que de nous-mêmes." 11 ,
Le propos de l'homme politique saint-louisien pouvait paraître audacieux et ouvrir la
voie à des libéralités voire à la facilité que l'administration condamnait et tentait d'éradiquer. Il
avait cependant le mérite d1poser la question des ressources de remplacement de l'octroi par
un fond commun et la réduction des dépenses obligatoires.
Parmi les ressources ordinaires de la commune figuraient le produit des centimes
ordinaires affectés à la commune sans que le maximum puisse dépasser "5 centimes". Par
application de ce texte, un arrêté du gouverneur général, en date du 27 avril 1899, autorisait
les communes de plein exercice à percevoir 5 centimes additionnels à l'impôt foncier. Les
choses en étaient restées .là, tandis que dans la métropole, la liste s'en allongeait
considérablement. Il n'avait même pas été tiré du décret du 10 août 1872 toutes les ressources
~ :~.
que l'on pouvait en attendrepuisque les 5 centimes restèrent limités à l'impôt foncier et ne
; 1··
furent pas étendus aux autres, contributions directes. Et nul ne retint, ni en 1924, lorsque l'on
J'
cherchait des ressources spécifiquement communales pour remplacer les droits d'octroi, ni en
. -l.'
1933, lorsque l'on proposa l'octroi de mer, la solution qui eût consisté:
,
- d'abord, à faire modifier l'arrêté du 27 avril 1899 pour pouvoir étendre les 5
centimes, voire en augmenterle nombre, à toutes les contributions directes,
(ci
- ensuite, à proposer la modification du décret de 1872, pour donner aux
municipalités sénégalaises la faculté de s'imposer autant qu'il fallait, dans les limites d'un
maximum à fixer par le chef de la Fédération.
L'Inspecteur Demongin demanda sans tarder la modification du régime fiscal avant le
.
' \\
1er janvier 1937 de manièreà réduire l'octroi de mer dans de notables proportions et à préparer
sa suppression totale en 1938 12.
11 Idem.
12 ANSOM, c. 2810 d. 3, Régi;/(~'.j[cal, op. cil.

143
Il proposait de frapper l'impôt personnel de 600 centimes additionnels dans les villes et
de 300 dans la banlieue de Dakar, l'impôt mobilier et. l'impôt foncier de 100 centimes
additionnels (50 dans la banlieue de Dakar) et l'impôt des patentes de 20 centimes dans les
villes et de 10 dans la banlieue de Dakar.
Le régime fiscal, tel qu'il était, était condamné sans appel. Mais la mise à l'étude de la
question fiscale dans un délai aussi bref avait pour objet de faire tirer une bonne partie des
ressources nécessaires aux communes des centimes additionnels et de faire réfléchir les conseils
municipaux sur l'utilité de telle ou telle dépense et l'impopularité qui rejaillirait sur eux du fait
de l'accroissement du nombre des centimes. Ainsi serait établi le meilleur frein aux
multiplications d'emplois, aux indemnités injustifiées et aux exploitations déficitaires.
Ce qui était certain, c'est que la masse des dépenses ne pouvait pas être couverte dans
son intégralité par l'impôt communal car si les besoins des communes étaient pressants pour
satisfaire et développer le mieux-être des populations urbaines, il faut considérer qu'une bonne
partie des habitants des agglomérations érigées en communes avaient des facultés contributives
limitées.
B. Le Front Populaire (mai 1936 - octobre 1938): pour le maintien du statu quo
C'est dans ce contexte de crise de la fiscalité et de retour timide de la prospérité que le
Sénégal reçut le choc du Front Populaire.
Une des causes du déséquilibre était l'insuffisance des ressources servies à la commune.
En Métropole, la situation financière des communes n'étant pas aisée, d'importantes réformes
avaient été entreprises et en partie réalisées, l'Etat participant à certains frais. Déjà après la
Grande Guerre, l'Etat avait accentué ses interventions par des subventions et la prise en charge
directe de certains. personnels. Pareillement, après la parution de la loi du 13 novémbre1936,
qui réformait les finances locales, le Trésor Public accordait près de 700 millions de plus aux
collectivités locales 13. Cette loi allouait pour 1937 une subvention de 110 millions de francs en
13 J.o.R.F. du 14 novembre 1936, pp. 11.802-803. Loi relative aux premières mesures de réforme des finances
départementales et communales.

144 :
vue d'alléger les charges des départements et des communes pour l'entretien de leur voirie; 335
.
millions de francs en supplément de la contribution de l'Etat aux dépenses d'assistance, 200
millions de francs pour alléger les charges de la ville de Paris et du département de la Seine 14,
Elle allégeait également dans une très forte proportion les charges financières des
communes métropolitaines en les faisant passer des budgets communaux au budget de l'Etat,
notamment en ce qui concerne:
- les traitements des commissaires de police et de la police municipale, de la
police rurale et des gardes des bois (une partie des avantages liés à cet article ne concernait pas
le Sénégal),
- les frais de registre de l'état-civil,
- les dépenses résultant du recensement de la population des assemblées
électorales tenues dans les communes et des cartes électorales,
- les frais de confection, d'impression et de publication des élections consulaires,
pour la formation des listes électorales 15,
Une contribution de l'Etat était également versée pour participer aux dépenses
communales relatives au service de défense contre l'incendie.
Vouloir étendre littéralement aux colonies la loi du 13 novembre 1936 revenait à un pur
non-sens. On concevait difficilement que le budget de l'Etat français pût prendre à sa charge
une partie des frais de voirie, de police, d'état-civil... des communes sénégalaises. C'était en
partie contraire aux dispositions de la charte organique des colonie (loi du 13 avril 1900)
d'après laquelle toutes les dépenses civiles demeuraient à la charge des colonies.
Toutefois la loi pouvait être transposée et interprétée dans son esprit. De même que
dans la Métropole, on avait voulu alléger les charges communales, de même au Sénégal, il
THOENIG J. c, 1982, op. cit., p. 507.
14 J.O.RF., op. cit.
.
15 ANSOM, c. 2624 d. 7, Affaires politiques, loi du 13 novembre 1936.

, ]45
s'agissait de parvenir à une meilleure ventilation des dépenses entre le budget local, d'un côté..
,
c~
et les budgets municipaux, de' l'autre, de façon à venir en aide à ces derniers. Le budget local
.r
l'·
pouvait prendre à sa chargepartie des frais de l'état-civil, de recensement de la population, de
j ' .
-;
r
1
confection des listes et cartèa électorales. A ce moment, quel sacrifice était demandé à l'Etat
.. j'
,
français?
Vincent Auriol 16,mf!Üstre des Finances du Front Populaire, était favorable à une
1.:['
promulgation de la loi de 13 novembre au Sénégal. Le lobby des banquiers et des industriels,
farouchement opposé à Marius Moutet et à toute politique coloniale coûteuse, s'en tenait au
j';
constat que les colonies bénéficiaient de l'autonomie financière. Une note anonyme précisait:
"Les charges des
communes desdites colonies
qut
li .:
1.
1:"
incomberaient au budget de l'Etat sont très importantes(...).
il: ';i;~
De
graves; répercussions financières
résulteront
de
. ,
~
l'applicatioru' éventuelle aux colonies des dispositions
'. li
légisiatives'dont il s'agit." 17
"':!\\.
Posée d'une autre manière c'est-à-dire sous la forme de dépenses impériales, l'extension
l,
de cette loi concernait les colonies et singulièrement le Sénégal, puisque certaines contributions
mises à la charge des coloni'es devaient incomber au budget de l'Etat. Dans cet ordre d'idées,
deux catégories de dépenses étaient injustifiées:
- celles qui correspondaient à l'ensemble des charges imposées à la Fédération
pour participer au budget de l'Etat ou intervenir à sa place:
* contributions aux dépenses militaires de l'Etat par exemple. La
: ,.. :
légitin}Ùé de la contribution n'apparaissait plus comme aussi démontrée
qu'au~rÜois. En plus des hommes, la contribution en argent devait être
J6 Le futur premier président de \\a Ivème République (1947-1954) effectua une visite à Rufisque en 1947. Cf
Annexes, Iconographie:
",
.
17 ANSOM, c. 2624 d.7, op. cit.Note no,! datée.

146
réduite-à un taux de principe; elle était d'un faible appoint pour le budget
de l'Eta't,
;"l'H'
* pensions des militaires indigènes. La Fédération supportait à ce titre
des parr; contributives, ce depuis 1925 alors qu'il s'agissait en réalité de
dépenses de souveraineté légitimement imputables en leur intégralité au
budget de l'Etat,
* personnel détaché. Une loi de 1935 avait institué une contribution aux
dépenses civiles de l'administration centrale, des services administratifs
coloniaux et des ports de commerce,
- les frais consentis par les budgets locaux au titre des missions ou des
recherches scientifiques.
.. ~ :
.
Il ne s'agissait donc point d'une application pure et simple de la loi aux colonies mais
IiI
d'une interprétation de celle-ci pouvant lui en ouvrir le bénéfice. L'amendement des députés
'1
coloniaux, voté par la Chambre des Députés et accepté par le ministre des Finances, resta sans
;i
suite. La loi du 13 novembre 1936 ne fut pas promulguée dans les colonies.
Suite aux observations et aux critiques sur le régime fiscal des communes formulées par
la mission Demongin, Marius Moutet 18 chercha à remédier à la situation. Dans une lettre du
20 novembre 1936 adressée] au gouverneur général de l'A.D.F., Marcel de Coppet 19, il
ti.
précisait:
"la fiscalité analysée apparaît simplement injuste" 20
:1
"[
18 député socialiste depuis 1914, chargé des affaires coloniales.
19 De Coppet avait une bonne connaissance de la région, ayant occupé plusieurs postes dans les cercles du
Sénégal (Baol, Thiès, Tivaoune.cCasamance), gouverneur en Guinée, au Dahomey, en Mauritanie. II avait été
également gouverneur en SOmalie\\èt administrateur au Tchad et au Congo.
20 ANS; IT 23-58, Situation des finances des communes du Sénégal.

147. '
Comme mesures, \\1outet préconisait la suppression progressive de l'octroi (sa
disparition était prévue pour 1938) et la transformation des taxes spécifiquement municipales
!.
]!
en principales sources de rev~nus communaux. L'octroi de mer était entré en pratique en 1934
pour permettre spécialement', aux communes de plein exercice, dont les ressources étaient
:(·1:
insuffisantes, suite au fléchissement du rendement de la taxe additionnelle à la patente,
. :}/;'~
i
principale source de revenu des budgets, de rembourser à leurs divers créanciers,
....:
principalement au budget de la colonie, une masse importante de dettes. Les taxes de
substitution pouvaient être t'aussi recherchées (comme en Métropole) dans les centimes
additionnels.
;;..
L'idée était louable '~rdis elle traitait insuffisamment la question. Les taxes locales
n'étaient pas susceptibles de fournir un produit du même ordre de grandeur que les centimes
additionnels. D'autre part, le maximum de quotité des centimes additionnels (5 centimes),
;'Î~:;
.
même étendu à l'ensemble d'es impôts directs locaux ne procurait pas aux collectivités des
[.1 ;~
ressources vraiment substaritielles. De Coppet avait demandé au lieutenant-gouverneur
il;:;\\:
Lefebvre la modification det,l'arrêté local du 27 avril 1899 limitant au seul impôt foncier
j ~. :";
l'application des centimes additionnels; modification fut faite par arrêté du 17 août 1938.
-j,
La réglementation d,~meurait trop restreinte, les compensations insuffisantes. Or
:': \\.
l'administration exigeait de la. commune qu'elle trouvât les moyens nécessaires à l'équilibre de
son budget parmi le produit des centimes additionnels. L'impasse était totale. De Coppet
envisagea la modification saJ{:'; limitation du nombre des centimes additionnels; il lui fut opposé
un silence qui s'assimilait à u;r. refus 21.
.
;
"Aucune suite n'a été donnée jusqu'à ce jour à mes
ih)
propositions (...) Il s'avérerait opportun, à mon sens, pour
i j '
. éviter toute' contestation sur la légalité même de l'arrêté
1 ::
"'{J'
local du rii Août 1938, que la nouvelle rédaction du § 3 de
21 ANS, lT 23-58, op, cit: Note, ch 28 II/ai 1938. La mission Demongin qui n'avait pas été tendre dans son
rapport sur les communes de pI.~;I. exercice du Sénégal avait proposé que le maximum de 100 centimes
additionnels pouvait être adopté sans inconvénient.
,
'.

148
l'article 47Îi~Jiu décret organique, supprimant la limitation
~ ::~ ,i~;
. • '~~ j
maxima dé~l:,centimes communaux additionnels aux impôts
ll':;;Hj
locaux, fùi:ltnise en vigueur antérieurement au 1er Janvier
,,,J,
1939. Je ~~,jpe~ettrfli d'insister sur ce point particulier." 22
Cette correspondanc~lde de Coppet datée du 23 septembre 1938 au nouveau ministre
des Colonies du deuxièmeg~uvemement du Front Populaire révélait combien l'état d'esprit
avait évolué. Georges Mandel, nationaliste autoritaire, avait remplacé Moutet depuis avril 1938
: 1\\
à la rue Oudinot. Il n'accorda pas au gouverneur général, en difficulté de termes avec Galandou
"
',,,1
Diouf, maire de Rufisque et\\~éputé du Sénégal, le même soutien et le releva de ses fonctions
(17 octobre 1938) à la suï't~;jde la grève des cheminots de Thiès du 27 septembre 1938 (6
, -:,.,
: ! t~::.
morts; 90 blessés) 23. Pierre'~fpisson fut nommé gouverneur général intérimaire 24.
:jp;
t

Si le projet de de Coppet pouvait paraître excessif, il avait l'avantage de permettre aux
~p<
municipalités de choisir avec plus d'aisance le nombre de centimes à appliquer à chaque
.", ~
contribution et de procurer aF budget communal les ressources nécessaires à son équilibre, en
'i,;
~~ ;
l
compensation des réductioni que subiraient en contrepartie les recettes provenant de l'octroi.
Par ailleurs, il n'était pas possible d'envisager la suppression radicale de l'octroi, les ressources
j i,:
à provenir d'une augmentation des centimes additionnels ne pouvant suffire aux besoins de la
: i
commune. Les réformes proposées par de Coppet devaient entrer en vigueur en 1939. Il
",il
s'agissait d'une réduction deljoctroi de mer de l'ordre de 50 % par une révision générale des
....
: i.{"
tarifs, d'une imputation de~,pépenses de police et de l'enseignement au budget local et d'une
iiH
t
majoration du taux de la tax'e' sur le chiffre d'affaires, mesure qui permettrait au budget local,
"i'i
dont les charges seraient adtrues d'autant, de se procurer les ressources nécessaires à leur
financement.
22 ANS, 1T 23-58, Modification du régime fiscal des communes.
;,':~.i
23 Voir THIAM 1. D., 1972, L~,grève des cheminots de Thiès de septembre 1938. Mémoire de maîtrise,
Université de Dakar, 272p:; PERSON Y., 1979, "Le Front Populaire au Sénégal (mai 1936 - octobre 1938)",
pp. 77-101, Le Mouvement SOci~~'r 0 107, avril - juin.
24 Georges Mandel sera assas~iné~ar la Milice en 1944.

149
L'idée repnse plus tard par le gouvernement de Vichy selon laquelle les taxes
municipales pouvaient constituer les principales ressources communales était une gageure. Les
taxes tenaient une place infime dans l'économie des budgets municipaux. Rare était la
collectivité pouvant équilibrer son budget sans une aide directe de l'Etat. En Métropole, entre
les deux guerres, les taxes communales diverses formaient moins de 10 à 20 % des recettes
totales; au Sénégal, 5 à 10 %. Certaines taxes locales à Rufisque étaient pratiquement
inexistantes (taxe sur les chiens, taxe sur les enseignes et publicité) ou d'un taux très faible
(véhicules, spectacles...); les frais de perception grevaient les recettes (droits de marché) et
rendaient inefficientes les mesures fiscales. La tentative d'aménagement des taxes locales par
l'institution de nouvelles taxes inspirées de la loi Niveaux du 13 août 1926 fut d'un succès
mitigé: généralement inadaptées aux conditions locales (taxe sur les billards par exemple), elles
se révélaient d'un recouvrement faible voire nul.
Le Front Populaire pensait avoir réglé la question de la fiscalité communale au Sénégal;
le régime de Vichy y apportera d'importantes modifications.
Au Sénégal, la demande de réorganisation financière fut sans lendemain. Or la situation
au point de vue du régime fiscal appelait des réformes profondes. La question de la réforme
des impôts locaux se posait avec une acuité particulière. Mais si une réforme s'imposait, sa
réalisation soulevait de grandes difficultés, tant la législation métropolitaine voyait se heurter
deux conceptions, l'une voulant quel'impôt local ne fût plussubordonné à l'impôt d'Etat, l'autre
créant un lien étroit entre impôts locaux et impôts d'Etat.
L'administration, s'inquiétant que le budget communal au bout d'un certain temps ne fit
plus mention des dettes impayées de la commune, posa le problème en termes de contrôle et de
tutelle. D'abord, au moment de l'établissement du budget: pour empêcher toute surestimation
des recettes par le conseil municipal (certains crédits de personnel ou de dépenses somptuaires)
et l'obliger à payer ses contributions et dépenses obligatoires, l'administration veillait grâce à la
procédure de l'inscription d'office. Un autre moyen de pression est à repérer à l'occasion de

150
l'exécution du budget. Le versement des quotes-parts communales sur les recettes du budget
local (du Sénégal) était soumis à la condition du paiement des contributions communales au
budget local. C'était une manière de suivre de très près la trésorerie locale pour exiger le
paiement de ses propres créances et imposer des mesures conservatoires en cas de défaillance.
En réponse, le conseil municipal se lançait dans un effort' de redressement et cette bonne
volonté manifestée conduisait à l'approbation du budget.
Création de taxes nouvelles, institution de nouveaux impôts se superposant à ceux qui
existaient déjà. On sait qu'après quelques années d'application en Métropole, personne ne
pouvait nier la faillite de la loi Niveaux de 1926; la plupart des taxes avaient été abandonnées.
Ce que la commune de plein exercice souhaitait, c'était la transformation d'un régime fiscal
périmé, une réorganisation administrative qui allégeait les charges que le pouvoir central ne
cessait de lui imposer.
Le triomphe du Front Populaire suscita un grand espoir. L'essentiel des actes de ce
gouvernement furent la promulgation des lois sociales A travail égal, salaire égal: journée de
huit heures, repos hebdomadaire, retraites ouvrières, statut pour les employés du commerce et
de l'industrie, loi sur les accidents de travail, les conventions collectives et l'organisation des
syndicats (liberté syndicale). Autoritaire et hiérarchique, l'administration centrale s'était
toujours efforcée de rogner sans cesse des droits que l'on croyait établis.
La timidité du Front Populaire en matière coloniale est illustrée par sa politique vis-à-
vis des municipalités. La loi du 13 novembre 1936, première réforme des finances communales,
ne fut pas promulguée au Sénégal. A leur décharge, Moutet et de Coppet, soutiens de Lamine
Gueye, chef du parti SFIO-Sénégal, étaient en conflit sourd et permanent avec Galandou
Diouf, maire de Rufisque et député de la Colonie, plus ou moins lié à l'extrême-droite française
(Croix de Feu). L'hostilité entre les pouvoirs politiques et administratifs ne put créer les
conditions les meilleures pour transformer les communes sénégalaises. Galandou Diouf,
constamment sur le qui-vive, sapait le programme du gouverneur général.

151
Ce qui est aussi intéressant à souligner, c'est que de Coppet fit preuve d'un réformisme
modéré, comme tous les assimilationnistes de son temps. Il était venu faire du social et ne
voulait aller plus loin. Sur la question communale, le Front Populaire n'avait pas rempli les
espoirs mis en lui. L'élargissement des droits communaux n'était pas à l'ordre du jour.

152
CHAPITRE V. GERER L'INCERTITUDE: LES RECETTES
1. SOURCES ET METHODOLOGIE
Ma principale ambition a été d'identifier l'oeuvre propre à la municipalité de Rufisque et
,
.
de la comparer, chaque fois que la possibilité m'était donnée, aux autres communes de plein
exercice du Sénégal (Saint-Louis et Dakar) et aux communes métropolitaines (principalement
celles de la Seine). Dans le premier cas, disposer de solides points d'ancrage pour la
comparaison, par exemple des charges d'instruction, de voirie par habitant n'a pas été toujours
chose aisée. Dans le second cas, je souhaitais, non y repérer une application littérale de la

législation métropolitaine, ce qui était d'ailleurs impossible et non souhaitable vu les besoins
différents, mais mieux comprendre pourquoi et comment l'expérience communale testée dans la
colonie du Sénégal était mal interprétée et par conséquent non viable parce que l'idéologie du
temps qui la sous-tendait ne pouvait,que soulever de puissantes oppositions.
Individualiser l'action de chaque équipe municipale a' été impossible, d'une part en
raison des lacunes rencontrées dans les statistiques, d'autre part en raison d'actions entreprises
qui traversent le temps d'une législature municipale: c'est le cas des endémo-épidémies qui
. sévissent à Rufisque depuis 1914 et ce, jusqu'en 1944. Par ailleurs, certaines critiques
formulées par le parti d'opposition n'aboutissent pas automatiquement à des réfonnes, une fois
que ce parti contrôle la municipalité,
Un nombre considérable de documents comptables formels et disparates a été scruté et
recomposé afin de pouvoir les analyser car ils répondaient avant tout aux besoins d'une
classification administrative (multiplicité des rubriques, variation du classement avec le temps),
assez éloignée des préoccupations de l'historien. Les règles du budget communal sont
contenues dans la loi du 5 avril 1884. L'année financière va du 1er janvier au 31 décembre et la
période complémentaire jusqu'au 15 mars de l'année suivante pour l'ordonnancement des
dépenses et jusqu'au 31 mars pour les paiements et recouvrements.

153 .
Le budget primitif voté en octobre - novembre est l'acte annuel par lequel sont en
principe prévues, votées et autorisées toutes les recettes et toutes les dépenses de la commune
pendant une période déterminée. Un second document est voté normalement chaque année,
plusieurs mois après que le budget primitif soit entré en application. 11 s'agit du budget
,
supplémentaire ou additionnel qui a une double raison d'être. D'une part, il permet d'établir
une sorte de pont entre l'exercice précèdent et le nouvel exercice; d'autre part, il permet de
"rectifier", en les rapprochant de la réalité, les évaluations de recettes et de dépenses contenues
dans le budget primitif de l'exercice en cours. 11 porte l'arriéré de recettes et de dépenses
appartenant aux exercices antérieurs, notamment les contributions obligatoires. Son vote
intervient en mai, après l'adoption du compte administratif de l'exercice précédent par le conseil
municipal. 11 arrive également que des recettes ou des dépenses n'ont pu être prévues au budget
primitif ou au budget supplémentaire. S'il y a urgence, elles font l'objet d'une délibération
portant autorisation spéciale. L'ensemble des recettes et des dépenses inscrites tant au budget
primitif et au budget supplémentaire que dans les autorisations spéciales est repris dans le
compte administratif qui constitue le bilan de la gestion financière pour l'exercice considéré,
clos le 31 mars. En effet, la commune continué a~ cours du premier trimestre à percevoir les
1 • ."
recettes et à ordonnancer les dépenses affèrant à l'année antérieure. Le compte administratif,
voté par le conseil municipal en mai ou en automne (le maire se retire au moment du vote),
doit concorder avec le compte de gestion du receveur municipal limité cependant aux
opérations de l'année civile. Coupable d'irrégularités, le maire ne peut subir que des sanctions
administratives car il est pécuniairement irresponsable; le receveur municipal étant le seul
habilité à percevoir les recettes et à effectuer concrètement les virements de crédits
ordonnancés par le maire en vertu du budget.
Recettes et .dépenses se classaient en deux grandes sections, ordinaire et extraordinaire,
dont le nombre augmentait avec la population. Le budget ordinaire comprenait les ressources
annuelles et permanentes affectées aux dépenses régulières; le budget extraordinaire, les
opérations accidentelles' et, extraordinaires. Ce budget devait être voté en équilibre; dans la
réalité des faits, il y avait toujours un vote préalable des recettes, la commune étant tenue de ne

154 1
dépenser que dans les limites de ses ressources. Le gouverneur de la colonie avait non
seulement un pouvoir d'approbation ou de rejet mais aussi un pouvoir de règlement; il avait la
possibilité de modifier sans formalités toutes évaluations faites par le conseil municipal
(augmentation, diminution, inscription nouvelle de recettes et de dépenses). Aussi il existait
une différence constante entre les prévisions budgétaires imposées et la réalité des perceptions.
Lorsque, par contre, le budget était rejeté par le conseil municipal, manifestation d'un conflit
entre la majorité du conseil et le maire, la situation était réglée par la dissolution du conseil et
l'institution d'un budget "d'office" par l'autorité de tutelle.
Les sources comptables disponibles ont été consultées aux Archives Nationales du
Sénégal (A.N.S.), à Dakar; aux Archives Nationales, Section Outre-Mer (A.N.S.O.M.), à Aix-
en-Provence et à la Bibliothèque Nationale (B.N.)de Paris (annexes de Versailles).
Les fonds les plus riches demeurent:
- le Fonds Ancien A.O.F,
série 3D, commune de Rufisque,
délibérationsdu conseil municipal. C'est la série la plus riche pour l'entre-deux-guerres,
- la sous-série 3E qui contient les extraits des délibérations du Conseil
d'Administration et du Conseil Privé du Sénégal (budgets primitifs et supplémentaires très
lacunaires, pas de comptes administratifs). Cette série fournit sommairement les recettes et les
dépenses de la commune de Rufisque et parfois la ventilation du budget communal par grandes
catégories. C'est au sein de la Commission Permanente du Conseil Privé qu'étaient ratifiées les
délibérations des conseils municipaux du Sénégal.
Les sous-séries 2G (rapports d'activités périodiques de la colonie' et de la
circonscription de Dakar et Dépendances), 3Gl (institutions municipales), IT (finances)
rassemblent quelquefois des documents dignes d'intérêt.

155
Les comptes définitV~!des recettes et dépenses des budgets de la colonie du Sénégal et
de la Circonscription de Da~ar et Dépendances, consultables à Dakar et à Paris, en dépit de
leurs lacunes, ont été d'un::'~rand apport pour la compréhension des charges communales
(contributions obligatoires) ,li, la fonction de ponction (quotes-parts ristournées à la commune
~·:lr
'
.
dérisoires) et la confusion e'1t,re dépenses d'intérêt local (à l'échelle de la colonie) et communal.
Les Archives de la ~~munune de Dakar fournissent des données importantes sur la
.:;ii
période post-coloniale, notanunent en ce qui concerne le passif de la commune-région de
Dakar.
Les archives de Iacornrnune de Rufisque pour la période considérée n'ont pu être
Ir:~:
consultées. La Municipalitéactuelle ne dispose plus de ses anciennes archives (d'autant plus
\\
qu'il n'existe pas un service ~,ffecté à cette question). Si nous pouvons supposer que, jusqu'au
:';-~
début des années 50, elles sont disponibles de manière éparse aux A.N.S., un fait mérite d'être
;1
y
souligné: quelques archives (~ssentielles?) de la période 50-60 sont détenues chez lui par l'ex-
~~ J.;r
1er adjoint, faisant fonctiont: de maire (1960-1964), fidèle lieutenant de Maurice Gueye.
,)\\
Originaire du Mali, âgé aujourd'hui de 80 ans et conseiller municipal sans interruption depuis
-1 ~ . 1
~q
les années 50 Ge retrouve son-nom dans les délibérations du conseil municipal de l'année 1955),
il m'a refusé aussi bien l'accès des archives municipales (qu'il considère comme son
patrimoine?), que des interviews. Est-ce le fait de lui avoir franchement posé la question que je
souhaitais en savoir sur les mobiles de la suppression de la commune de Rufisque en 1964 (elle
était incontournable quelle que soit la subtilité utilisée) ou la maladresse de m'être présenté
i'"
conune ayant connu personnellement Nicolas Huchard, agent d'affaires, homme politique
I,i
rufisquois de l'entre-deux-g~:brres? Je penche pour la première hypothèse 2 vu le silence total
(par ignorance ou de manière, consciente) observé par ceux avec qui j'abordais -la question et
1 Appelés en Métropole contingents communaux.
"
"L
2 J'avance l'idée qu'il n'existait pa~d'animosité politique entre les deux hommes qui ont "milité" à deux époques
différentes (cf Annexes, noticesibiographtques), Après la seconde guerre mondiale, Nicolas Huchard, anti-
diagniste et ancien bras droitdeGalandou Diouf au cours des années 30 et 40, avait abandonné la politique
pour s'occuper de ses affaires..
'..

156
'.1
l'absence de documents aux;\\.N.S. (délai d'incommunicabilité trentenaire ou quarantenaire?).
La recherche se poursuit.
Quelle méthode d'analyse a été adoptée?
Une distinction fondamentale a été établie entre dépenses obligatoires et dépenses
facultatives pour mieux saisi'r' Je poids de la tutelle et la marge d'autonomie réelle du conseil
municipal. Cette distinction présente un intérêt au point de vue du droit de l'autorité supérieure
chargée de surveiller les finances locales; les dépenses obligatoires peuvent être inscrites
d'office au budget par arrêté gubernatorial. Dans une délibération du conseil municipal, le
maire, Maurice Gueye, exprimait son dépit:
"On ne. nous laisse rien!" 3
Je me suis pour l'ess~ritiel basé sur les comptes admin'istratifs rencontrés dans certaines
i n~ .
y
.
séances de délibérations du.conseil municipal de Rufisque et qui renseignent sur les crédits
";!i~
.
,,;;~ -.
effectivement utilisés. Parfois la comparaison n'a pu être faite: c'est le cas des contributions
obligatoires (police, instruction), la part effectivement dépensée par la colonie au profit de la
commune n'étant pas mentr9;!1née. Après 1945, la documentation est rare et sommaire. Les
j.,I.I,
A.N.S.O.M. possèdent des/données intéressantes mais éparses dans leurs séries Affaires
'1:
Politiques (A.o.F, A.E.F,'Sénégal) et Agence FO.M Aux A.N.S., budgets primitifs et
budgets supplémentaires ont ~té très peu utilisés en raison de leur aspect lacunaire: dans le cas
des budgets supplémentaires 'par exemple, augmentations de crédits non retrouvées dans les
comptes administratifs se~~lent à des opérations comptables purement fictives. Dans les
': 1,,1;:
,
,
recettes supplémentaires, il;b~t souvent fait mention de "Recettes des exercices antérieurs".
"
Faiblement reco~vrées ou gonflées par des procédés comptables, nous n'avons pas jugé
. i::
pertinente cette comptabiii,te~ Dans les communes de plein exercice, l'administration se
'1',,(
focalisait sur ce chapitre pour faire leur procès; c'est notamment le cas après 1945. Nous
~ .'
3 ANS, Fonds Ancien,3D, Commune de Rufisque, extraits des délibérations du conseil municipal, séance du
23 mai 1928, examen du compte qdlllinistratij 1927.


157 ,!
savons que, non recouvrées au bout de quelques mors, ces recettes étaient effectivement
perdues pour la commune.
Mes analyses ont surtout porté sur les recettes et les dépenses ordinaires. Recettes et
dépenses extraordinaires ont un caractère trop exceptionnel à Rufisque. Je me suis gardé de
toute approximation. Les documents qui se distinguent par leur incomplétude et leur
imprécision après 1945 ne permettent pas d'apprécier l'oeuvre de la municipalité. Cette
situation révèle une prégnance de la tutelle, l'immobilisme municipal en signe de riposte mais
dénote également d'une absence de programme municipal, à une époque où la confusion est
évidente entre l'outil municipal et l'activité partisane. La municipalité devient un tremplin pour
les leaders politiques.
Il peut m'être reproché d'avoir séparé les recettes des dépenses communales, de ne pas
avoir fait le lien. Celui-ci est évident: des recettes sont perçues pour être affectées à des
dépenses, voire des réalisations et' en tirer un bilan; les, ressources communales Ile sont
justifiées que dans la mesure où elles sont destinées à couvrir des dépenses. Les tentatives n'ont
pas manqué. A chaque fois, le "mixage" donnait un produit lourd, voire confus. Je pris alors le
parti de les analyser successivement. Cependant tout au long de mon propos, je me suis attaché
à transcender cette ligne de partage entre recettes et dépenses et à "reconstruire" leur rapport.
Dénouer l'enchevêtrement des différents types de ressources communales pour mieux
comprendre leur articulation, les expliquer, montrer en quoi ils éclairaient fondamentalement le
poids des dépenses obligatoires, l'action municipale dans le domaine de la vie quotidienne, ses
dépenses d'ordre général, ses réalisations concrètes, ses préoccupations et ses insuffisances
furent la trame de la démarche adoptée.
Une nomenclature établie par mes soins en fonction des modifications de la législation
municipale est présentée en Annexes. Aride et éprouvant, fastidieux, l'exercice était nécessaire.
Des séries statistiques, 'Vi~ualisées par des graphiques, qui me paraissent cohérentes et
significatives ont été élaborées. Ma méthode d'analyse est consciente de ses limites, comme les
};.

..
---_.~
_...
158
conditions de l'époque imposées aux édiles par la législation dans leur volonté de gérer la
commune ou de la confisquer à leur profit.
II. L'EXTRÊME VULNERABIL~TE DU BUDGET COMMUNAL
La forte tutelle sur les finances communales, pouvait-on dire sans risque de se tromper,
.
constituait une régression et créait progressivement les conditions de l"'indiscipline"
communale bien visible sous la IVème République.
En matière de recettes, au moment de l'établissement du budget, le gouverneur
modifiait les évaluations admises par le conseil municipal, pouvait imposer d'office les recettes
nécessaires à l'acquittement des dépenses obligatoires et inscrire les dépenses obligatoires.
C'était un moyen d'empêcher toute surestimation des recettes par le conseil municipal (certains
. crédits de personnel ou de dépenses somptuaires) et l'obliger à payer ses contributions et
dépenses obligatoires. Quant aux dépenses facultatives, si le gouverneur ne pouvait jamais les
augmenter, il pouvait les réduire, L'autonomie financière de la commune se trouvait
considérablement limitée en fait, quant au choix des ressources comme dans le vote des
dépenses. Les ressources communales sur lesquelles le conseil municipal n'avait aucune
influence étaient considérables: centimes additionnels, ristournes sur impôts et taxes fiscales
principalement. Même les taxes municipales autonomes devaient faire l'objet d'autorisation.
Face à des dépenses obligatoires très importantes, la commune disposait de peu de ressources
pour créer des services facultatifs.
Les ressources rruses à la disposition de la commune ne correspondaient pas aux
dépenses qui lui étaient imposées. La politique de subventions, parcimonieuse dans l'entre-
deux-guerres, enc<?urageait la commune à s'endetter, engageant ses finances pour de longues
années. Une telle situation justifiait les plaintes les plus \\jy~s et provoquait des protestations.
Nicolas Huchard, rédacteur en chef du journal anti-diagniste, L'Echo de Rufisque et Judy
Mathurin, publiciste dans 'le; même hebdomadaire s'en faisaient... l'écho:

· 159
"(...)Nous entendons travailler sans arrêt au redressement
éconorniqü~ de Rufisque qui souffre d'un malaise que les
".' .~
pouvoirs ;~~~lics semblent devoir traiter avec l'insouciance
qui justifi~·i'~ leurs yeux la prospérité insolente du budget
LI
administratif(...)" 4
. r.
y
"(...) Le :t-1!:tire est devenu l'instrument d'exécution par le
fait qu'il ne:::dispose plus la pleine liberté de son budget (...).
(...) Voici 'Où en est réduit le premier magistrat de la ville
de Rufisque qui ne l'est que de nom, mais au fait est
î.:;;'
inexistant. C.). (...) Rufisque est donc arrivé au point
. i
culminant.ison budget est obéré par suite des charges
'; ,j:!
inutiles qu'illsupporte (...)" S
' .. ,
di;
Ces réactions ne rriânifestaient pas seulement les inquiétudes que leur suggérait
tr('
l'aggravation de charges nouvelles mais aussi d'une politique de dissimulation fiscale qui
IIi
surchargeait le budget communal sans se préoccuper si ses ressources étaient suffisantes pour
faire face à des dépenses d'ordregénéral toujours croissantes alors qu'elles subvenaient à peine
à des besoins communaux qui.restaient en souffrance faute de crédits disponibles.
1"
i'.
Le malaise commercial des années 30 avait laissé les finances de la commune de
;'".
;'.
,.
Rufisque dans un état exsangue. Les contributions en matière de police et d'instruction
n'avaient été assurées que sou~ une forme irrégulière. Seules les dépenses de voirie avaient fait
:; .,!.
l'objet de remboursements ré~liers à la colonie du Sénégal (tableau n 0 29).
4 L'Echo de Rufisque. journal hebdomadaire indépendant défendant les intérêts de Rufisque et de l'Ouest
Africain. fi 0 1 du 21 avril 1932. "
S L'Echo de Rufisque, fi 0 3 du 26 \\inai 1932.

'160
C'est dans cette conjoncture difficile que la législation et la tutelle administrative
exercèrent leurs effets les plus tangibles. A Rufisque, les rapports étaient difficiles entre élus et
fonctionnaires de l'administration centrale. Les budgets primitifs soumis à l'approbation du
lieutenant-gouverneur sont abondamment commentés en marge et portent beaucoup de
rectifications. Face aux interventions pesantes et autoritaires du pouvoir central, Maurice
Gueye, 'revenu à la mairie depuis octobre 1932, cultivait son indocilité, notamment sur la
,
question des frais de représentation. Le conseil municipal protestait vigoureusement, refusait
de supprimer ou de réduire les crédits incriminés et demandait au lieutenant-gouverneur
d'effectuer lui-même d'office la rectification ~.
Aussi l'objection selon laquelle l'administration était dépourvue de moyens d'action est à
atténuer. Dans l'entre-deux-guerres, l'autorité de tutelle n'était pas insuffisamment armée en
vue de l'exercice du contrôle administratif institué dans la commune de plein exercice du
Sénégal. La tutelle s'exerçait sans faiblesse en matière budgétaire: le chef de la colonie veillait à
la régularité et à la légalité des inscriptions financières, réprimandant par un veto formel,
surveillant de manière serrée le receveur municipal chargé du contrôle des dépenses.
III. D'OU VIENT L'ARGENT! COMPOSITION ET EVOLUTION DES
RESSOURCESCO~ALES
Le système de centralisation était dès la loi du 18 juillet 1837 assez parfait pour que la
tutelle administrative n'éprouvât dans la suite aucun besoin d'y ajouter plus de précision. De
quelle façon ont été financées les dépenses entre 1933 et 1942? 7
6 Cette atmosphère conflictuelle ressortit bien dans A.N.&., série Fonds Ancien, A.O.F., 3D, Commune de
Rufisque. délibérations du conseil municipal (/926 - 1935).'
7 Sur l'inégalité du régime fiscal, voir BENGA N. A., 1994, "Loi métropolitaine et communes de plein exercice
du Sénégal: vers un rriodèle de gestion dégradé? Rufisque (1926-1960)", 18 p. Seconde Conference
Internationale d'Histoire Urbaine. Atelier: La ville européenne comme modèle.
European Association of Urban
Historians, Strasbourg, France, 8-10 septembre. A paraître à L'Harmattan.

A. L'octroi, une barrière d'un autre âge?
L'octroi communal était une contribution que la municipalité était autorisée à établir et
à percevoir à l'entrée du territoire communal pour des marchandises étrangères qu'elles y
fussent consommées ou non. On doit éviter de l'assimiler à des douanes intérieures. Le taux
variait suivant la nature du produit.
En France, sous l'ancienne .organisation municipale, c'était un privilège accordé aux
villes par des chartes royales, et ces autorisations étaient une sorte de profits pour le Trésor
royal, soit qu'il prélevât une part de l'impôt, perçu par la commune, soit qu'il se fit payer une
somme d'argent une fois pour toutes. Sous l'Ancien Régime, c'était un impôt impopulaire,
d'une part parce que le clergé, la noblesse et les titulaires de certains emplois administratifs en
étaient exemptés, d'autre part, parce que la tendance était à imposer plus lourdement les
denrées de première nécessité. C'est pour compenser le déficit ainsi produit dans les finances
communales que le régime révolutionnaire de 1789 attribua une part des patentes au budget
municipal.
Les droits d'octroi ne pouvaient être établis que sur la demande du conseil municipal et
seulement en cas d'insuffisance des revenus communaux. Dans sa session ordinaire de mai
1930, séance du 22 mai, le conseil municipal de Dakar avait voté le rétablissement de l'octroi.
Cette décision avait provoqué les interventions puissantes de la chambre de commerce auprès
du gouverneur général et du député-maire. Une commission spéciale réunie le 6 juin avait
conclu au non-établissement de l'octroi à Dakar; le Conseil Colonial dans sa délibération du 13
juin consacrait la proposition de la commission 8. Enfin les communes n'étaient pas libres dans
le choix des objets à taxer. Le tarif était arrêté selon l'importance démographique de la
commune, affecté. d'un coefficient qui était déterminé en fonction de la consommation et de
l'importance des dépenses obligatoires de la commune. La plus grosse part revenait à la
8 ANS 1T 30-58, Situation de la commune de Dakar, note du 30 mai 1932.

162
Tableau 50. Octroi de mer. Répartition entre les communes (1934).
Localités
Population
Coefficient
Chiffres de base servant à
Pourcentage
chiffres arrondis
déterrninerlespourcentages
de répartition
Dakar
54.000
6
324.000
59
Saint-Louis
29.600
2,10
62.160
Il,32
Rufisque
14.600
4,15
60.590
11,02
Thies
Il.000
0,8
8.800
1,60
Kaolack·
14.200
2,77
39.332
7,15
Diourbel
15.400
0,30
4.620
y
0,87
Fatick
3.400
0,85
2.890
0,53
Louga
3.800
1,10
4.180
0,74
Ziguinchor
5.650
3,75
21.190
3,85
Tivaouane
5.000
0,46
2.200
0,42
Mekhe
1.900
1,10
2.090
0,38
Foundiouzne
1.300
4,85
6.505
1,15
Kebemer
1.900
0,75
1.425
0,27
Khombole
2.200
0,65
1.430
0,27
Bambey
5.400
0,45
1.530
0,29
Gossas
3.600
0,45
1.620
0,29
M'Bour
4.100
0,90
3.690
0,67
Bargny
2.000
0,50
1.000
0,18
Totaux
549..I52
100
Source: ANS 3D, Commune de Rufisque, extraits des délibérations du Conseil Municipal,
1934.

163
commune de Dakar (1934: 59 %), suivie de Saint-Louis (11, 32 %) et de Rufisque (11,02 %)9;
en résumé aux communes de plein exercice, de surcroît situées sur la côte (tableau n 0 50).
Le conseil municipal de Rufisque exonéra de droits d'octroi toute une série de
marchandises et denrées (tableau n? 51). A l'examen de cette liste datant de 1920, on ne
manque d'être frappé par le nombre d'objets de luxe dispensés de taxe (ornements d'église et
objets destinés aux cultes, eaux minérales, dépouilles d'oiseaux, objets de collection...) tandis
,
que d'autres objets faisaient de la commune une sorte de "zone franche", voire d'espace
potentiel de contrebande actif aux portes de Dakar (dents d'éléphants et d'hippopotames, or,
cornes et sabots de bétail...) avec pour conséquence, des pertes de recettes importantes pour la
commune. Certaines marchandises exemptées de droits d'octroi répondaient au bon
fonctionnement des services de la commune (instruction, fourniture d'eau et d'électricité,.
travaux agricoles à la périphérie de la ville, matériau de construction et de réparation des
édifices communaux). La présence des denrées portait la marque de besoins répondant
davantage aux souhaits de la population européenne et d'une certaine élite africaine. Les
sources restent muettes sur la liste des produits (notamment alimentaires?) touchés par
l'augmentation des tarifs d'octroi.
Institué par délibération du Conseil Colonial du 23 février 1933 (cf Annexes), et rendu
applicable par décret du 20 décembre de la même année 10, l'octroi de mer améliora par son
apport la situation financière de la commune de Rufisque, avec la reprise des affaires. Les
cours élevés de l'arachide avaient induit une certaine prospérité. L'octroi de mer constituait une
ressource importante, sujette aux contractions brusques corrélatives à l'activité économique:
57,5 % en 1934; 90,86 % en 1936 et 47,49 % en 1938 (graphique n 0 12). A Saint-Louis et
Dakar, l'octroi représentait en 1935 respectivement 86 et 84 % des ressources 11. Par rapport à
9 J.O.A.OF. du 30 décembre 1933 promulguant le décret du 20 décembre 1933.
10 J.O.SEN. du 4 janvier 1934. Les produits de toute origine et (le toute provenance, soit par terre, soit par mer
pour la consommation dans la colonie du Sénégal et dans la Circonscription de Dakar, étaient soumis à partir
du 1er juillet 1933 à un droit' ~'octroi de mer.
Il ANSOM Affaires Politiques, c. 2810 d. 3, op. cil.

Tableau 51. Commune de Rufisque. 'Liste des marchandises et denrées·des d.r~i.~ d'octroi.
164
1
Les ornements d'église et les objets destinés aux cultes, importés pour le compte des fabriques.
2
Les livres de biblothèques particulières et publiques et classiques.
3
Les effets des voyageurs ponant traces d'usage.
4
Les objets mobiliers en cours d'usage.
5
Les outils apportés par les ouvriers pour l'excercice de leur profession.
6
Les machines et instruments agricoles.
7
Les animaux vivants.
8
Les fruits frais, sauf les colas.
9
Les légumes frais.
JO
Les farineux alimentaires, sauf l'orge, l'avoine, le biscuit de mer et les pâtes dites d'Italie.
Il
Les eaux minérales.
12
Les graisses à ensemencer.
13
Les armes, munitions, matériel de guerre et équipement militaires appartenant à l'Etat.
14
Les vêtements d'uniforme et objets d'équipement des officiers et fonctionnaires.
15
Les sacs vides.
.
16
Les amendes de palme, les sésames.
17
Les engrais.
18
La houille.
19
Les peaux brutes, laines brutes, crins et poils bruts.
20
Le lait frais.
21
Les dépouilles d'oiseaux.
22
Les oeufs de volaille et de gibier.
24
Dents déléphants et d'hippopotame.
25
Ecailles de tortue.
26
Ivoire et écailles factices.
27
Coquillage.
29
Or, cornes et sabots de bétail bruts.
29
Les arachides et toutes graines oléagineuses.
30
Les gommes.
31
Les espèces médicinales.
32
Le bois à brûler, bûches, fagots et bourrées.
33
Le charbon de bois.
34
Les fruits, tigues et filaments à oeuvrer: Kapock, coton, fibres de coco, joncs et roseaux, bambous, noix
de rôniers, calebasses et végétaux filamenteux.
35
Les fourrages, pailles.
36
Les plantes et arbustes.
37
L'eau congelée (glace).
38
Les pierres de construction brutes.
39
Les poteries communes, non vernissées.
40
Les nattes non tressées.
41
Les objets de collection.
42
Les instruments de précision ou scientifiques.
43
Les couronnes mortuaires non commerciales.
Source: ANS 3D, Commune de Rufisque, déljfération du Conseil Municipal. Approuvée par la
délibération du Conseil Privé, Séance du
13 avilil 1920.

165
GRAPHIQUE ,12 RECETIES D'OCTROI A RUFISQUE
i
1.
(1924-1941)
: "
100
90
80
70
60
#.
5
40
30
20
10
O-F==1926
1928
1930
1932
1935
1937
1940
1927
1929
1931
1934
1936
1938
1941
Sources: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1926-1941),
extraits des délibérations du Conseil Privé du Sénégal (1926-1940)

166
la taxe additionnelle à la patente qui avait remplacé l'octroi municipal supprimé en 1924,
l'octroi de mer avait ces avantages d'une part de ne frapper que les marchandises exportées et
par conséquent d'atteindre uniquement le consommateur, à l'exclusion du producteur; d'autre
part, il visait surtout les articles de luxe, évitant les marchandises de première nécessité 12. Mais
il était vulnérable: entre deux récoltes d'arachides déficitaires, il fléchissait brusquement et
l'administration centrale recherchait un nouvel expédient pour résorber le déficit. Enfin par les
variations annuelles des coefficients, la municipalité ne savait plus sur quelles ressources elle
pourrait compter l'année suivante: le conseil municipal n'était plus maître de son budget. Ce
fonds commun, ressource majeure des budgets municipaux, entraînait une vive concurrence
entre municipalités pour obtenir une part toujours plus importante.
La menace de suppression de l'octroi avait entraîné la réaction de certaines
personnalités sénégalaises. Alfred Goux, maire de Dakar, déclarait:
"Ma position est nettement prise qui est pour le maintien de
l'octroi de mer. (...) S'il venait à disparaître, il faudrait le
remplacer par un impôt direct que nous aurions la plus
grande peine à percevoir." 13
En Métropole également, l'octroi avait suscité plusieurs plaintes. Mais avec la crise
économique et les charges nouvelles imposées aux communes, de nombreux budgets
municipaux étaient en déficit et de nouveau les conseils municipaux se tournaient vers l'octroi
pour essayer d'obtenir les ressources qui leur manquaient. Il constituait une des pièces-
maîtresses de l'équilibre des budgets communaux. C'est ainsi que le budget de la ville de Paris
procéda à des augmentations importantes de tarifs de l'ordre de 12 à 15 % 14. Et comme les
12 Il corrigeait certaines libéralités voire <tes injustices de l'octroi municipal à propos d'une faible diversité des
denrées exemptées.
J3 Paris-Dakar du 2 mars 1939.
14 La Journée Industrielle du 28, décembre 1938.

,
mercuriales de Paris servaient à déterminer les cours pratiqués en province, marchandises et
denrées avaient connu une hausse appréciable sur tout le territoire français. Mieux, des
syndicats de communes pour la perception des droits d'octroi s'étaient constitués, ce qUI
pouvait entraîner l'entrée dans ces syndicats de communes ne disposant pas alors d'octroi.
Qu'est-ce qui avait été réalisé en matière de réforme fiscale dans la commune de plein
exercice? Bien peu de choses.
Le lieutenant-gouverneur Beurnier affirmait:
"Quant aux réformes qu'appelle le régime fiscal (. ..), elles
ne
ressortissent
pas
aux
décisions
de
l'autorité
administrative locale." 15
Cette absence de volonté d'impulser une mutation fiscale durable et qui était dissimulée
dans un aveu d'impuissance ne résiste pas à l'analyse. L'octroi de mer était l'oeuvre de l'autorité
coloniale. Pour vaincre les hésitations du Conseil d'Etat qui, par scrupule, s'était déclaré
incomplètement éclairé, l'administration n'avait pas hésité à insister pour que l'octroi fût institué
et l'avait présenté comme la seule solution réalisable à la situation déficitaire des communes de"
plein exercice. Par conséquent la tutelle, en présence d'une "situation anormale" avait la
possibilité de proposer et d'user de moyens de coercition en faisant proposer "au gouvernement
. . ,"
général et par extension au ministère des colonies telle mesUfeà:âd6pt~r, de nature à empêcher
.. ":}'"'.
<-.. '
.
le Conseil Colonial de mésuser des pouvoirs qui lui avaieri{'~téJ~llJ1éspar le pouvoir central.
:.'i'\\ ;~~1':' .~ -. .."
"'""'",:?~~~~(:~}~I/:::·-:'"· "
L'octroi était vigoureusement combattu par. .JèS}:adininistrateurs pour des motifs
.....
différents.
Ponzio, administrateur de la Circonscription de Dakar. et Dépendances, voyait, depuis
,
.
"
le passage de la mission Demongin, dans la suppression de' l'octroi l'occasion de faire pièce à
,
.
"
15 Cité par l'inspecteur des colonies Demongin. ANSOM, c. 2810 d. 3, op. cit.
'-".

" " .
168
une éventuelle restitution aux communes de plein exercice des attributions de petite voirie et de
.
police municipale, réclamée par Galandou Diouf au congrès annuel de l'Association des Maires
de France (10 juillet 1937). Partisan du maintien du statu quo, Ponzio appuyait son
argumentation sur les sacrifices demandées au contribuable de la commune et les services qui
lui étaient rendus sans contrepartie. Quant au gouverneur général de Coppet, plus nuancé, la
réduction du volume des dépenses mises à la charge des collectivités (enseignement, police)
était concomitante à l'augmentation des recettes par l'institution de taxes spécifiquement
communales et la réduction dans de notables proportions de l'appoint demandé jusqu'ici à
l'octroi de mer (de l'ordre de 50 %) 16.
Ce système faisait-il payer à J'ensemble de la population de la colonie du Sénégal, qui ne
bénéficiait pas des avantages qu'elle contribuait à payer, le confort des citadins?
L'octroi de mer était réparti au prorata de la population de chaque collectivité, affecté
d'un coefficient qui était déterminé en fonction de la consommation et de l'importance des
dépenses obligatoires de chaque commune. Les communes de plein exercice étaient bien
placées pour ravir le gros des recettes d'octroi puisque le tarif autorisé était d'autant plus élevé
que la population comprise dans le territoire communal était plus nombreuse. L'argument d'un
octroi inique supporté par l'ensemble de la population du Sénégal au profit de la fraction de la
population bénéficiant du régime municipal n'était pas convaincant; la population et la vie
économique des communes-mixtes étant réduites, leur quote-part sur le produit de l'octroi était
faible (tableau n 0 52).
16 ANS IT 23-58. Réduction de l'octroi 'de mer et augmentation du chiffre d'affaires. Lettre du gouverneur
général de 1'A.o.F au gouverneur du Sénégal datée de juin 1938.

._-
169
Tableau n 52: droits d'octroi perçus' par les communes et les communes-mixtes en 1928.
Commune
F. courants
F. constants
%
Dakar
4.608.000 ,
5.068.800
51,94
Saint-Louis
1.918.000
2.109.800
21,62
Rufisque
1.554.772
1.710.249
17,56
Thiès
403.000
443.300
4,54
Kaolack
239.000
262.900
2,69
Foundiougne
59.000
64.900
0,66
Total
8.871.000
9.758.100
Source: ANS 3Gl 19-21, colonie du Sénégal, service des Contributions Directes. Au sujet des octrois.
Lettre du gouverneur par intérim au gouverneur général datée du 20 avril 1929.
B. Les centimes additionnels, une figuration à titre symbolique
On désigne par centimes additionnels les centimes qui sont imposés au contribuable en
sus du principal perçu au profit de la colonie. Les centimes additionnels étaient déterminés
annuellement par le Conseil Colonial lors de sa session budgétaire sur la proposition du
lieutenant-gouverneur. Délibérés par le conseil municipal et approuvés par le chef du territoire
dans la limite du maximum autorisé, ils étaient recouvrés par la colonie et reversés en partie à
la commune. lis étaient donc établis soit pour accroître les recettes de la colonie, soit pour
subvenir aux dépenses communales. Ils étaient additionnels c'est-à-dire ils venaient s'ajouter
(part extérieure) au principal de chaque contribution directe ou impôt d'Etat en Métropole 17.
Dans les communes du Sénégal, jusqu'à la veille de la seconde guerre mondiale, les centimes
additionnels furent .limités à l'impôt foncier; les centimes additionnels à la patente et au chiffre
17 Les "quatre vieilles": foncier bâti et non bâti, portes et fenêtres, personnelle-mobilière, patentes. La
contribution mobilière était un impôt assis sur le revenu global évalué d'après le loyer d'habitation; la patente
frappait les revenus professionnels; l'impôt foncier était assis sur les propriétés bâties et non bâties. Le centime
représentait donc la centième partie du principal fictif global obtenu en totalisant le principal fictif de chacune
des quatre vieilles impositions.


170 ...
.,
. _ ...
d'affaires étaient dévolues à la chambre de commerce de Rufisque, puis du Cayor-Baol à partir
de 1937.
Perçus au Sénégal par les agents. de l'administration centrale en même temps que les
contributions auxquelles ils s'ajoutaient, les "sous" additionnels constituaient en Métropole un
des principaux éléments du budget des communes: en 1929, les centimes additionnels
procuraient aux communes métropolitaines 2.600 millions de francs 18. Dans les moments
difficiles, la facilité d'assiette et de recouvrement avait permis d'en tirer des ressources
considérables. Mesure fiscale provisoire prise pour combler le déficit occasionné, dans les
budgets communaux (lois des 29 mars et 3 avril 1791), par la suppression des octrois, elle
continuait à fonctionner encore et fournissait dans les années trente entre 31 (Neuilly) et 67 %
(Saint-Denis) des recettes ordinaires des communes de la Seine 19. Ces centimes devaient
assurer le paiement des amortissements et intérêts des dettes communales et pourvoir aux
dépenses locales mises à la charge des communes. Pour toute imposition à établir, les
communes devaient obtenir l'autorisation de l'administration.
L'intérêt de cette mesure était de prévenir un impôt excessif Les municipalités
sénégalaises ne pouvaient s'imposer que jusqu'à 5 centimes par franc de la contribution foncière
uniquement. Ce taux datant d'une loi de la période révolutionnaire (1794) n'avait pas varié. En
Métropole, il était passé de 250 en 1926 à 340 en 1929 20 . S'y était développée une variété de
.
centimes additionnels dits spéciaux : centimes pour entretien des chemins vicinaux, centimes
pour entretien des chemins ruraux, centimes pour couvrir les salaires des gardes-champêtres,
secours accordés aux familles nécessiteuses, frais de perception des impositions communales.
Enfin, d'autres centimes additionnels dits pour insuffisance de revenus, prirent une grande part
dans les budgets c~mmunaux métropolitains. Les communes de plein exercice n'y avaient point
18 ASSEMA TG., 1930, Essai sur les finances locales, p. 40.
19 BRUNET 1. P., 1981, op. cit., tableaux statistiques, pp. 231 et ~38.
20 ASSEMAT G., 1930, op. cil.;p. 49. Centimes additionnels communaux sur la contribution mobilière de 248
à 346; sur les patentes de 280 à 366.
·..~.

171
part. Seuls les centimes généraux les concernaient; ils servaient à couvrir les dépenses
ordinaires de la commune (centimes additionnels à l'impôt foncier). Or il y avait insuffisance de
revenus lorsque les recettes ordinaires du budget ne suffisaient pas à couvrir les dépenses
ordinaires tant obligatoires que facultatives et les dépenses extraordinaires ayant un caractère
obligatoire. TI s'agissait de subventions déguisées: les communes du département de la Seine ne
s'en privèrent pas. En 1929, le maximum légal de centimes, sauf autorisation spéciale, s'élevait
à 80; or toutes les communes de la Seine dépassèrent cette limite, s'étageant entre 1344
centimes (Drancy) et 172 (Saint-Mandé) 21. La part des centimes additionnels prit une part
prépondérante dans les budgets communaux métropolitains; elle constituait dans les années
trente l'ossature des finances locales (tableau n 0 27). En 1938, le nombre de collectivités
locales françaises votant plusieurs centaines de centimes additionnels de manière à disposer de
ressources suffisantes pour couvrir•leurs dépenses était de 596 contre 66 en 191322. Cette
augmentation du nombre de centimes s'avérait nécessaire pour assurer un complément de
ressources indispensables au fonctionnement des services communaux. Le produit moyen des
centimes additionnels par an, en 1935-1937, était à Saint-Denis de 22,7 millions
sur 34,7
millions de recettes ordinaires; de 9,8 sur 25, 4 millions à Boulogne et 9,2 sur 20 millions à
Levallois-Perret 23.
J'ai montré dans le chapitre IV pourquoi la réforme fiscale devait porter sur les
centimes additionnels. Ces derniers ne tenaient qu'une place infime dans la fiscalité communale:
0,24 et 0, Il % des recettes totales de Rufisque en 1934 et 1935 (tableau n 0 17 supra). Cette
constatation avait conduit l'autorité coloniale, suite aux conclusions de la mission d'inspection
Demongin (décembre 1935-janvier 1936) à demander la modification de l'article 47 du décret
de 1872. Au moment où l'octroi de mer qui formait une part importante des recettes de la
commune de Rufisque était de plus en plus décrié, sa substitution par les centimes additionnels
21 Idem, p. 137.
n
. ,
CHAPMAN B., 1952, op. cit.,p. 122.
23 BRUNET J.P., 1981, op. cit., pp. 142 et 238-240.
.~

Tableau 26: DEPENSES ORDINAIRES DE LA COMMUNE DE SAINT-DENIS (1930-1937) (en %)
1930
,1931
1935
1936
1937
administration générale
28,92
31,33
27,18
24,89
24,38
police
0
:·0
0,005
2,32
0,03
octroi
4,31
3,15
. 2,36
2,05
2,27
assistance/hygiène
26,26
.22,07
22,86
24,53
30,76
instruction
14,44
16,2
19,76
18,28
17,17
voirie et divers
24,18
:25,72
26,08
26,44
23,9
dépenses diverses
1,85
: :1,5
1,71
1,45
1,46
total
100
'.!100
100
100
100
.
Source: BRUNET J.P., 1981, Un dernl-slècle d'action municipale à Saint-Denis la Rouge(1890-1939),
tableaux statistiques, pp. 232 et 241.
..
Tableau 27: RECETIES ORDINAIRES DE LA COMMUNE DE SAINT-DENIS (1930-1937)
i
Part des centimes additionnels pour insuffisance de revenus (en %)
, 1
t •
Source: BRUNET J.P., 1981, op. clt., pp. 228 et 238.
/

n'était pas envisagée. A partir de 1930, la part des centimes additionnels était majoritaire dans
les budgets municipaux métropolitains. Il leur était permis de s'imposer autant
qu'elles le
pouvaient, la limite théorique déterminée par la loi des finances étant généralement dépassée.
Le contrôle de l'autorité administrative n'était plus stricte; le préfet de la Seine ne s'opposait
plus à la perception par les communes d'un nombre de centimes, même élevé pour insuffisance
de revenus.
Les recommandations de la mission Demongin, en faveur de l'extension des centimes
additionnels dans les communes de plein exercice, ne furent pas suivies d'application. Pour
preuve, Marcel de Coppet pressait le ministère des colonies de faire hâter par une loi la
procédure pour une application formelle avant le 1er janvier 1939 24. Les événements en
France (chute du Front Populaire) et en Europe (déclenchement du second conflit mondial) et
une réticence des fonctionnaires de la rue Oudinot ne permirent pas sa réalisation. Il était
plutôt demandé à la commune de plein exercice de trouver ses propres ressources à partir de
ses taxes municipales.
Ni octroi, ni centimes additionnels, tel est le sort qui lui était réservé. Il lui fallait se
procurer à la faveur d'un effort fiscal personnel indépendant de l'aide ou du concours des autorités de
tutelle les ressources propres à ses dépenses, en somme assurer le juste équilibre de ses dépenses et
de ses ressources pour pouvoir bénéficier d'un pouvoir d'initiative étendu en ce qui concerne
l'exécution de ses dépenses. La tutelle se faisait plus lourde, le mandatement d'office des
contributions obligatoires était la règle.
Le système des centimes additionnels présentait des avantages certains. Le rendement
en était facile à prévoir; par suite, il était facile de déterminer chaque année le nombre de
centimes nécessaires pour équilibrer le budget. C'est grâce aux centimes additionnels que
purent fonctionner en Métropole les lois d'assistance médicale et d'assistance aux vieillards.
-'.
24 ANS, IT 23-58, op. cit., note du 23 septembre 1938.

174
C. Les ristournes sur impôts perçus au profit de la colonie, une ressource peu
dévolue à la commune (tableau n 0 13)
Les impôts directs sont définis comme étant des contributions obligatoires autorisées
par la loi, arrêtées par le service des.Contributions Directes, dues sans contrepartie immédiate
et recouvrées par des percepteurs de la colonie. Les ristournes portaient sur les patentes, les
licences et l'impôt foncier. D'autre part, les taxes dites fiscales, perçues suivant les formes
établies pour le recouvrement des impôts directs, étaient ristournées à la commune: animaux,
véhicules, armes, spectacles. Les ristournes affectées à la commune de Rufisque étaient faibles
et variables. C'était la matière imposable du budget de la colonie qui ne devait pas être épuisée
.
par d'éventuelles taxes faites par la commune. La situation était identique dans les communes
métropolitaines: les attributions sur impôts d'Etat formaient en 1935-19373 à 4 % des recettes
ordinaires de la commune de Saint-Denis et 2 à 8 % de celles de Boulogne 25.
Dans la colonie du Sénégal, les Contributions Directes parvenaient bon an mal an à
recouvrer les impôts. Entre 1933 et 1940, 5.947.298 francs constants furent recouvrés sur le
territoire de Rufisque soit 5,5 % des recouvrements totaux entre 1924 et 1953 (tableau n 0 12),
pourcentage sensiblement égal à celui d'après 1945 mais nettement inférieur à celui d'avant le
malaise commercial (84 % entre 1924 et 1930). Une moyenne de Il % des recouvrements fut
ristournée à la commune entre 1934 et 1937; les effets de la crise suivis d'une reprise
économique avaient poussé la colonie à rétrocéder davantage de ressources à la municipalité:
au cours de la période antérieure (1926-1931), la commune de Rufisque n'avait perçu en
moyenne que 1,75 % des recouvrements effectués sur son territoire. Le service du
recouvrement rencontrait des difficultés certaines: impôt personnel et impôt foncier étaient
tardivement recouvrés, parfois avec des délais de douze mois. L'impôt des citoyens, par
exemple, connaissait une émission tardive de ses rôles d'où de nombreuses fluctuations:
120.035 francs constants en 1933, 122.447 en 1935 et 171.959 en 1937. Les actes de
poursuite tentés contre les récalcitrants restaient sans effet.
25 BRUNET J.P., 1981, op. cit., pp. 138 et 240.

cJ75
Tableau 12: RECOUVREMENTS DES IMPOTS SUR LE TERRITOIRE
DE LA DELEGATION DE RUFISQUE (1924-1953) (en francs courants et constants)
(en % par rapport aux recouvrements totaux en francs constants)
années
Impôts
F. courants
F. const.
%
1924
1925
8585319
11590181
10,78
1926
16406768
17063039
15,87
y
1927
22661975
25154792
23,4
1928
13110078
14421086
13,41
1929
11047314
12041572
11,2
1930
8329687
9662437
8,99
1931
3286562
4206799
3,91
1932
1660239
2357539
2,19
1933
450546
666808
0,62
1934
319118
497824
0,46 .
1935
382605
642776
0,59
1936
405726
608589
0,56
1937
556464
634369
0,59
1938
960938
960938
0,89
1939
1139056
1070713
0,99
1940
1138528
865281
0,8
1941
1942
1943
y
1944
2726437
1036046
0,96
1945
1157493
289373
0,26
1946
4138989
252478
0,23
1947
5930599
634574
0,59
1948
7315671
468203
0,43
1949
8712272
496600
0,46
1950
11826665
626813
0,58
1951
11694161
502849
0,46
1952
10814353
432574
0,4
1953
6857645
281163
0,26
Total
161525206
107465416
100
Moyenne
6212508
4133285
Lacunes: impôts (1924 et 1943).
Base 100: 1938
Source: comptes définitifs de la colonie'du Sénégal (1924-1953).

Tableau 13: EVOLUTION'COMPAREE DES RISTOURNES SUR IMPOTS DIRECTS ET DES CONTRIBUTIONS
OBLIGATOIRES A RUFISàuE (1926-1937) (en francs courants et constants)
années
ristournes
contributions
F. courants
F.const.
% 1recouv.
F. courants
F. const.
%*
1926
487000
.506480
2,96
383360
398694
8,86
1927
526324
584220
2,32
549436
609874
11,44
1928
72483
79731
0,55
747215
821937
18,37
1929
74471
fi" 173
0,67
2387125
2601966
55,7
1930
65444
75915
0,78
2076717
2408992
58,71
1931
104539
1~~381 0
3,18
645793
826615
32,17
1932
553056
785340
36,57
1933
1756308
2599336
73,48
1934
50213
78332
15,73
1586162
2474413
69,37
1935
40000
67200 r
10,45
1793810
3013601
61,7
1936
30000
45000
7,39
1394521
2091782
43,6
1937
65000
74100
11,68
1800001
2052001
59,4
*ristoumes sur patentes, impôt foncier et licences. Lacunes: 1932-1933.
*contributions obligatoires: police, petite voirie, instruction.
*% des contributions dans les dépenses communales annuelles totales (francs constants).
Lacunes: petite voirie (1926-1928); police et instruction (1932-1933; 1935).
Les contributions de police et d'instruction s'élevaient à 1.496.521 francs constants en 1933 et 1.848.840 francs en 1935.
La part de chaque contribution n'est pas précisée.
Source: 2G 36:5 200 MI 1774. Sénégal, rapport politique annuel 1936.
Entre 1938 et la fin des années1950, données non disponibles
(comptes administratifs et comptes définitifs).
Source: comptes administr •.'jfs de la commune de Rufisque (1926-1937).
.~.

177
En ce qui concerne la quote-part à la patente ristournée à la commune, le marasme des
affaires qui avait frappé toutes les branches de l'activité commerciale avait fâcheusement influé
sur l'alimentation des caisses publiques par la baisse du seul produit commercialisé sur une
grande échelle: l'arachide. Poussées par, la nécessité de réduire les frais généraux, les maisons
commerciales tendaient à s'organiser à Dakar dont le développement du port conduisait à la
concentration des affaires. Au cours de la crise, les contribuables rufisquois se montrèrent
particulièrement réfractaires à l'accomplissement de cet acte fiscal ou transférèrent leur activité
vers Dakar. Les contribuables qui payaient étaient d'une façon générale ceux qui ne pouvaient
se soustraire à l'obligation fiscale, grosses maisons de commerce, fonctionnaires et employés de
commerce. Le départ des principales maisons de commerce entraîna la suppression des grosses
patentes; le chômage sévissait durement, suite à la réduction des budgets supprimant les
dotations destinées aux travaux autorisant le recrutement de la main-d'oeuvre. Rufisque connut
ses cohortes d'indigents et la caisse de solidarité du pene ou du "filet" rendit des services
considérables. Entre 1933 et 1940, les services de la colonie ne perçurent que 797.719 francs
constants, recouvrements qui eurent des répercussions sur la part rétrocédée à la municipalité
(moins de 1 % des recettes communales).
Un fait intéressant à noter était l'activité déployée par les Libano-Syriens pour se
procurer des terrains et construire de petits établissements commerciaux afin de substituer leurs
opérations à celles des grosses maisons européennes. Cette tendance préoccupait les directions
des firmes françaises mais ne changeait pas fondamentalement les données.
D'une manière générale, les recettes intéressant directement le budget de la colonie
connurent une diminution dont les principales causes étaient:
- le départ des principales maisons de commerce,
- la nouvelle répartition de l'impôt qui avait supprimé en 1934
l'imposition au foncier bâti des baraques,
. "
. - l'augmentation très sensible du nombre de chômeurs non imposables,

~-----;- ._--~----,
178 '
- la dissimulation d'une partie de la population qui, au moment du
recensement coïncidant avec la période de la traite, allait chercher du travail dans les centres
plus favorisés que Rufisque.
Rufisque avait-il les moyens de demander davantage à l'imposition directe pour
remplacer la suppression de l'octroi?
Je réponds par la négative. L'impôt foncier constituait une matière imposable du budget
de la colonie; la commune imposait difficilement des centimes additionnels aux détenteurs de
propriété bâtie. Les maisons commerciales, principale source imposable, avaient déserté la
ville; les imposables, qui vivaient en grande partie de l'activité de la traite, avaient été durement
touchés dans leurs revenus (chômage, misère). En Métropole, l'octroi continua à être perçu
plutôt que d'augmenter les impôts directs, ce qui aurait pu provoquer le tollé dans une partie de
l'opinion.
D. Les taxes municipales, une gamme d'un apport sensible
En dehors des droits d'octroi et des centimes additionnels, toute commune pouvait par
délibération du conseil municipal approuvée par le lieutenant-gouverneur établir des taxes
prévues par la loi du 13 août 1926. Ces taxes s'ajoutaient à celles en vigueur depuis 1897.
On distinguait dans cet ensemble de taxes les taxes municipales proprement dites des
taxes fiscales. Les premières correspondaient à des taxes et rémunérations diverses en
contrepartie d'un service rendu: enlèvement des ordures ménagères, droits de place dans les
halles et marchés, état-civil, stationnement, abattoirs... Les taxes fiscales étaient assimilées aux
impôts perçus au profit de la colonie car elles étaient établies et recouvrées sous les mêmes
formes que les contributions directes, sur le territoire communal: animaux; véhicules,
spectacles ... Mode de calcul d'une extraordinaire complexité et modicité des ristournes
caractérisaient ces taxes fiscales attribuées à la municipalité qui n'avait aucune action directe ou
indirecte.

179
Par exemple, pour connaître la quote-part sur les véhicules, il fallait tenir compte de
l'évolution de la taxe sur l'essence, la taxe des prestations sur les véhicules, l'évolution du
nombre des voitures en usage à Rufisque... Face à cette situation, en lieu de ristourne,
l'administration proposait la subvention puisque les frais de perception lourds et les traitements
du personnel assigné à cette tâche obéraient largement la recette. Pour dresser le calcul d'une
quote-part, il fallait établir un mandat (dans le budget de la colonie), le noter dans un
bordereau d'émission, dans un registre de liquidation, dans un registre d'ordonnancement, dans
les écritures du Trésor, ensuite dresser un ordre de recette et une quittance dans le budget
municipal, noter la recette sur le registre des comptes divers, sur le livre de détail, au compte
de gestion 26 ... et ristourner 9,5 francs!
C'est le montant de la quote-part de Bargny sur les véhicules en 1935 27.
L'idée de subvention ne fit pas son chemin et cette besogne fastidieuse et négative de
calcul de la quote-part demeura la règle.
Les taxes municipales proprement dites étaient d'un apport variable. Toujours est-il
qu'elles formaient 17 % des recettes ordinaires dans l'entre-deux-guerres. En pourcentage, et
ceci me semble essentiel, Rufisque faisait mieux que les communes métropolitaines toutes
colorations politiques confondues, si l'on exclue de ces recettes l'octroi municipal (tableau n 0
53). Une riche commune comme Neuilly (1930-1931) avait des taxes municipales qui ne
dépassait pas 15 % de ses recettes ordinaires (octroi exclu) 28. Aussi l'assertion selon laquelle il
n'y avait pas participation du contribuable à la vie communale est à reconsidérer; les avantages
tirés de la collectivité étaient payés, pas tous cependant. Certaines taxes somptuaires (sur les
chiens, les enseignes publicitaires...) étaient éludées par la population. La mission Demongin,
dans ses recommandations, -à savoir trouver un complément de revenus parmi les taxes
spécifiquement locales susceptibles' de fournir un produit du même ordre de grandeur que les
26 ANSOM. Affaires Politiques, c. 2810 d. 3, mission Demongin, op. cit.
27 ANS, 3D, Commune de Rufisque, op. cit., compte administratif 1935.
28 BRUNET J.P., 1981, op. cit., p. 231.

Tableau 53: TAXES MUNICIPALES· DANS LA COMMUNE DE RUFISQUE ET DANS QUELQUES COMMUNES METROPOLITAINES (1927-1937) (en 'lb)
-
1927
1928
1929
1930
1931
1935
1936
1937
J ...Rufisque ..
16.28
29,79
30,02 ..
. 17.91 ..
20,01.
8,69
7.14 .. .... 6.96.· ..
. Saint-Denis
!j,Og
8,17
13.64 .
11.17
10,07
Boulogne
9,48
8,21
7,95
15,4
20,34
Levallois-Perret
10,94
12.38
13.48
12,69
11.98
Angoulême
11,1
12,3
11,8
11.3
11,9
13
12,7
13,3
'octroi exclu. Cette taxe n'était plus considérée de droit par l'administration coloniale comme une taxe municipale après sa suppression en 1924.
Rufisque: taxe decauville. droits de place dans les marchés, eau.
Communes métropolitaines: taxe sur les chiens, droits de place dans les marchés, taxes de la loi Niveaux DE 1926.
Sources: comptes administretits de la commune de Rufisque (1927-1937); BRUNET J. P.•1981. pp. 228-231 et 238-240.
LACHAISE B., 1982, op. cit.
.v
........
00
o

181
centimes additionne1s-, avait proposé J'extension de la loi Niveaux du 13 août 1926 aux
communes de plein exercice. Or toute cette série de taxes entre lesquelles il est vrai la
municipalité pouvait fixer son choix, s'était déjà révélée dès les années trente, en Métropole,
peu significative. La tentative d'aménagement des taxes locales par l'institution de taxes
nouvelles fut sans succès car généralement inadaptées aux conditions locales (taxe sur les
billards par exemple).
Entre 1934 et 1937, les recettes provenant de certaines taxes municipales (taxe
decauville, droits de place dans les marchés, eau) représentaient à Rufisque respectivement
Il,37 %; 8,69; 7,14 et 6,96 %,des recettes 29. La politique fiscale à laquelle la municipalité
avait astreinte la population pour se procurer des revenus et qui avait porté ses fruits au début
était de plus en plus mal supportée, notamment avec la reprise des affaires et les recettes
générées par l'octroi de mer. En Métropole, Boulogne connaissait une situation fluctuante
semblable: les taxes municipales représentaient 1,4 % des recettes en 1935, 8,8 % en 1936 et
15,3 % en 1937 30 Dans un contexte de difficultés financières, la municipalité boulonnaise
avait institué toute une série de taxes rentables.
Cette question de l'effort fiscal spécifiquement municipal fit l'objet d'une grande
controverse entre édiles et administration centrale; la mission d'inspection n'aida pas à clarifier
la situation. L'autorité de tutelle considérait l'octroi comme un impôt dont la quote-part était
versée à la commune. Comme elle constituait à un certain moment 80 % des recettes
municipales (1935-1937), les taxes municipales représentaient, avec les autres recettes la
portion congrue. Le budget communal était éloigné de l'autonomie qu'il réclamait si l'on
considérait qu'il était conditionné d'une manière presque absolue par des éléments extérieurs
aux autorités municipales puisqu'il dépendait presqu'uniquement de la plus ou moins grande
libéralité du Conseil Colonial qui fixait les pourcentages à attribuer à chaque commune.
29 D'après mes calculs. Source: ANS, 2G 36-5 200 mi 1774, Sénégal, rapport politique annuel, 1936. Voir
aussi tableau n 0 22.
.
-.
30 BRUNET J.P., 1981, op. cit., p. 142.

182
Les ristournes servies à la commune étaient faibles et irrégulières; le problème des
centimes additionnels était en latence; l'octroi de mer, après avoir été institué, était combattu.
C'est cette réelle volonté de réforme qui posait problème si bien que les dépenses sociales qui
incombaient à la commune ne furent jamais remplies: enseignement et assistance restèrent
durant toute l'histoire communale coloniale de Rufisque les laissés-pour-compte. Aucune
municipalité ne pouvait vivre de ses recettes spécifiquement locales considérées comme
ressources permanentes. On comprend alors que le budget municipal ait cessé d'exister en tant
qu'organisme centralisateur de ressources fournies par le contribuable rufisquois, en vue d'être'
utilisées par les élus de Rufisque, au mieux de l'utilité commune.
A la veille de la guerre, la perception des taxes donna-t-elle lieu à des abus? La
politique avait-elle trouvé dans ce domaine une occasion de se manifester? Aucune donnée
chiffrée n'est disponible en 1938-1939. L'administration envisagea une révision complète de la
procédure de perception des taxes municipales et une surveillance plus stricte des agents
chargés du recouvrement. Un comité restreint d'étude comprenant le receveur municipal, le
contrôleur en chef des marchés, le secrétaire général de la mairie ou son représentant et
l'administrateur-délégué de Rufisque devaient faire des suggestions en ce sens.
E. Les subventions, un moyen de recette exceptionnel
L'utilité publique des act~vités communales et les difficultés constamment aggravées
qu'éprouvait la commune à équilibrer son budget justifiaient l'aide qui lui était consentie par la
colonie. Elle pouvait se manifester sous plusieurs formes:
- subventions spéciales à l'occasion de nombreuses dépenses ordinaires
et extraordinaires,
- subventions exceptionnelles aux communes rencontrant des difficultés
financières particulières,
- participation forfaitaire aux dépenses d'intérêt général supportées par la
commune.

183
Les subventions étaient généralement constituées de sommes allouées par le budget de
la colonie pour insuffisance:~~ ressources sur la quote-part à la patente.
::"
Entre 1930 et 1932ildes avances 31 d'un montant de 4.142.795. francs constants
l"
.
(3.135.178 francs courantstlfùrent accordées à la commune de Rufisque, sommes qui firent
l'objet de 4 remboursement~r;:d'un montant de 4.504.204 francs constants entre 1934 et 1937
1;'.1
grâce au produit de l'octroi d:e mer.
La politique de subventions qui sera institutionnalisée sous la IVème République (cf
chapitres VIn et IX, infra) fit l'objet de nombreuses réticences entre les deux guerres. Le
budget communal était alimenté en partie par les quotes-parts sur les contributions directes et
taxes assimilées. L'administration subordonnait le mandatement de ces quotes-parts à la
condition que la commune 'p~~~t ses contributions au budget local. Par ailleurs, elle suivait de
Li
très près la trésorerie de :J~; commune pour exiger, chaque fois que les disponibilités se
(
.
manifestaient, le paiement de;,ses propres créances. Des mesures conservatoires s'imposaient à
'Ill
l'égard du débiteur défaillant En 1934, le gouverneur général Brévié refusait une subvention
,)1
du budget local à la commuRP de Rufisque (3.048.133 francs courants) destinée à éteindre des
'!~;
avances consenties depuis 1930. Dans une correspondance adressée au gouverneur du Sénégal,
',,"
il écrivait:
"Rufisque doit régler ses dettes." 32
La décision de Brévié tranchait un conflit qui avait opposé le lieutenant-gouverneur
.:',~
Beurnier au Trésorier Général de l'A.O.F., Poêsson 33 Durant le congé de Beurnier, le
Ji'
gouverneur par intérim avait.inscrit d'office au budget additionnel de la commune de Rufisque
r
31 A l'opposé des subventions quiiétaient "gratuites", les avances étaient remboursables par annuité.
l"
32 ANS, 3G4·1, Commune de Rufisque. Lettre du gouverneur général au gouverneur du Sénégal datée du 31
mars 1934.
33 ANS, lT 30-58, Situation financière de la commune de Rufisque. Lettre du Trésorier général de 1'A.o.F. au
gouverneur général datée du 24novembre 1933; lettre du gouverneur du Sénégal au gouverneur général datée
du 23 février 1934; lettre du gouverneur général au gouverneur du Sénégal, op. cil.

184.
exercice 1933 la somme ci-dessus mentionnée au titre de "subventions du budget local" au
mépris des règlements.
La question des avances consenties aux communes de plein exercice par le
gouvernement général ou le gouvernement du Sénégal avait été posée en débat à la Chambre
des Députés par Guernut. A Dakar avait été consentie la somme de 8.870.873 francs courants
en 1931 et 1932 pour dépenses de police et de voirie, cession d'eau et frais de traitement dans
les hôpitaux; à Saint-Louis, 2.168.876 francs entre 1929 et 1933 pour dépenses de police et de
voirie; et Rufisque 3. 135.178 francs pour dépenses de police et de voirie 34.
La subvention du budget local ne pouvait être accordée en fin d'exercice que lorsque le
budget municipal était en déficit c'est-à-dire que le montant des mandats émis était supérieur
aux recettes réalisées. L'administ;ation centrale était très tatillonne sur ce point puisqu'elle était
obligée, lorsque des participations ou des charges imposées à la municipalité dépassaient ses
possibilités, d'intervenir par une subvention. Or celle-ci n'était pas remboursable. Avant toute
discussion sur quelque subvention, le problème à résoudre était donc bien celui du passif de la
commune et son examen au moment de l'établissement du budget. Le conseil municipal devait
réserver une part de ses crédits au règlement de la dette après un examen serré des dépenses; le
lieutenant-gouverneur tenait à ce que les crédits nécessaires à l'acquittement des dettes
communales fussent inscrits dans le budget. Jeu d'écriture qui dans la réalité des faits fut
difficilement respecté en dépit des pouvoirs réglementaires du lieutenant-gouverneur en
matière de dépenses obligatoires.
En Métropole, les subventions occupaient une place importante dans les finances
communales. Plusieurs ministères fournissaient des subsides aux communes. Pour donner une
idée de l'ordre de grandeur des subventions, citons quelques chiffres extraits du budget de
1930-1931:
34 ANS 1T 38-58, Avances à trois communes. Lettre du gouvemuer général par intérim à Monsieur le Ministre
des Colonies datée du 6 juin 1933.
.

185
- ministère de l'Intérieur: 3.000.000 francs (défense contre l'incendie) et
4.400.000 francs (traitement des commissaires de police),
- ministère du Travail: 538.000.000 francs (lois d'assistance),
- ministère de l'Instruction publique: quantité de chapitres de ce
ministère contenaient des crédits destinés à venir en aide aux collectivités locales
(départements et communes) pour les dépenses qu'elles étaient obligées d'engager en matière
d'enseignement 3S.
Avait été également institué le système des "subventions de péréquation". En Seine, le
département participait sans contrepartie aux dépenses des communes en difficulté, notamment
en matière d'enseignement, de viabilité, d'assainissement, d'assistance. Les crédits alloués
étaient proportionnels aux charges des communes et inversement proportionnels à leurs
ressources.
Entre 1924 et la fin du second conflit mondial, il est difficile de repérer dans les budgets
de la municipalité de Rufisque des subventions. Elles ont dû exister mais étaient souvent
versées avec un certain retard, certainement dans les budgets supplémentaires des années
postérieures à celles auxquelles elles correspondaient. Aussi toute étude sur ces subventions est
approximative.
L'octroi de subventions était un moyen efficace d'exercer un strict contrôle sur l'activité
communale. La possibilité d'obtenir une aide financière incitait la municipalité à orienter cette
activité dans le sens voulu par la tutelle et à respecter certaines directives. En Métropole, le
recours au budget de l'Etat de la part des communes s'était multiplié en nombre et amplifié en
-r
crédits.
35 ASSEMAT G., 1930, op. cit.;p. 34-36.

186
L'objectif principal de l'administration était de dégager des excédents qui, repris dans
les budgets supplémentaires, étaient ainsi affectés au règlement des arriérés.
Le territoire communal constituait-il une zone d'immunité fiscale?
La principale difficulté de la commune de Rufisque était le déséquilibre entre ses
ressources et ses charges. La commune se trouvait grevée d'un passif constitué par des dettes
qu'elle avait contractées envers le territoire du Sénégal.
En dépit de cette léthargie fiscale, à quels usages ont été affectées ces recettes? A
quelles réalisations ont-elles servi?

187
CHAPITRE VI. OU VA L'ARGENT? LES DEPENSES ET LES
REAI1ISATIONS
La liberté de la cOrrlmune, quant au règlement de son budget, dépendait surtout du
:;i
rapport qui existait entre lechiffre de ses recettes ordinaires et celui des dépenses obligatoires
:·;1
ainsi que de certaines dépenles facultatives. S'il y avait des dépenses obligatoires auxquelles le
·r
conseil municipal pouvait songer à se dérober parce qu'il n'en voyait pas toujours la nécessité
i
ou même l'utilité, il y avai(:des dépenses facultatives dont il ne pouvait éviter la nécessité et
même l'urgence et qui constituaient en fait une obligation aussi impérative, lorsqu'il fallait y
pourvoir, que si elles étaient.imposées par la loi.
': ~ 1
Il est impossible d'indjvidualiser j'action des diverses municipalités qui se succèdent à
: "
,.;
Rufisque entre 1924 et la veille de la seconde guerre mondiale. Cette période est marquée par
un grand élan municipal oùIes édiles mobilisent les budgets autour des préoccupations de la
1;1 i'
.
population rufisquoise telles la lutte contre les périls (épidémies) par des travaux d'alimentation
~, :
en eau, d'éclairage électriqueet d'assainissement. Magoumba Ndiaye, dans la séance ordinaire
:; r
des délibérations du conseil municipal du 20 novembre 1926 révélait bien cet état d'esprit:
"Nous voulons de l'eau et de la lumière dans la ville et les
vilIages" 1 .. '
En raison de son lien 'étroit avec l'hygiène, la voirie est étudiée dans le sous-chapitre
Hygiène.
...
Les dépenses suivir~~t le même rythme décroissant que les recettes communales et
entraînèrent un arrêt des travaux communaux; le budget communal connut un déficit,
notamment au cours de la,'di-ise des années trente où la commune fut privée des moyens
indispensables à son fonctionnement par la mauvaise conjoncture économique. Face à cet
déficit de ressources, les dépenses obligatoires engagées, il ne restait presque plus rien. La
',",:.::
marge était alors bien restrei~te pour effectuer des dépenses facultatives. Ce resserrement était
"~.
'
1 ANS 3D, Commune de RufiSl]~~; op. cil. Extraits des délibérations du conseil municipal.

',1'88 ;
d'autant moins aisé que la vie communale était mieux implantée dans la ville: à un certain degré
d'évolution, la commune devait faire face à une foule de services dont certains restaient
théoriquement classés dans les dépenses facultatives mais étaient en fait devenus par
l'importance des intérêts qu'ils groupaient ou qu'ils conditionnaient, par les habitudes profondes
qu'ils avaient développées chez les usagers de véritables services obligatoires.
Pour parer à ce déficit, Dakar la commune voisine avait envisagé le rétablissement de
l'octroi municipal, avec l'assentiment du Conseil Colonial.
Toute l'activité municipale des travaux publics est en lien étroit avec ces décennies
marquées par les épidémies; la part des. dépenses de voirie dans le total des dépenses
communales le montre.
Quid des dépenses sociales d'assistance et d'instruction? Ces
réalisations répondaient-elles aux attentes des populations en leur assurant des avantages
particuliers ou servaient-elles à renforcer l'équipement de l'Escale au détriment des quartiers
environnants?
1. ON NE NOUS LAiSSE RIEN. DES DEPENSES OBLIGATOIRES (pOLICE,
VOIRIE, INSTRUCTION) AUX DEPENSES FACULTATIVES, OBUGA TIaN
DEFAIT
Les dépenses communales étaient justifiées par la nécessité d'assurer la satisfaction des
besoins collectifs des habitants avec des ressources compatibles mises à la disposition du
conseil municipal.
Tout d'abord, il existait des dépenses obligatoires très importantes. C'étaient les
contributions obligatoires à fournir par la commune en vue de certains services publics. A
Rufisque, il s'agissait de la police, de la voirie et de l'instruction. Au budget primitif, cesdites
dépenses étaient inscrites d'office par l'autorité de tutelle 2.
,
Par décret du 15 novembre 1927 et arrêté local du 15 octobre 1928, les services de
police et de petite voirie avaient quitté le ~Qn municipal pour être exercés par le délégué du
2 'Si un conseil municipal n'allouait pas les f0n..rJs exigés par une dépense obligatoire, ou n'allouait qu'une
somme insuffisante, l'allocation serait inscrite au budget par décret du Président de la République pour les
communes dont le revenu "est de
3 millions et au-dessus, et par arrêté du préfet en conseil de préfecture
(lieutenant-gouverneur en Conseil Privé au Sénégal) pour celles dont le revenu est inférieur" (article 149 de la
loi du 5 avril 1884).
-1

189
GRAPHIQUE 17
CONTRIBUTION OBLIGATOIRE AUX DEPENSES
"
DE PETITE VOIRIE (1929-1946)
7 0 , - - - - - - - - - " - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ,
6
50
4
30
0 + - - -1929 1931
1939
1941
1943
1945
1942
1944
1946

190
gouverneur du Sénégal à Rufisque (cf chapitre II supra). Quant à l'instruction, la contribution
obligatoire datait de la loi du 19 juillet 1889 promulguée en A.O.f. par le décret du 18
décembre 18963. Ces contributions étaient calculées d'après la moyenne des dépenses
effectives des trois derniers exe;cices. A partir de 1930, la contribution communale aux
dépenses d'instruction était établie à partir d'un abattement de 2S % sur la masse des prévisions
budgétaires
pour tenir compte des dépenses résultant de l'admission dans les écoles
communales de la population scolaire venue de l'extérieur. Le reliquat était réparti entre les
communes de plein exercice et les communes-mixtes proportionnellement au chiffre de leur
population et du montant de leurs recettes effectives. La répartition des dépenses de police se
faisait par une répartition pour moitié par la colonie et la commune.
C'est dans l'article 136 de la loi de 1884 que se trouvent énumérées les dépenses
obligatoires de la commune. Ne figurent ici que les paragraphes des dépenses obligatoires
promulguées au Sénégal. Nous y trouvons:
- l'entretien de l'hôtel de ville,
- les frais d'entretien et de bureau pour les services de la commune,
- les frais de recensement de la population et des assemblées électorales qui se
tiennent dans la commune,
- les frais de registre de l'état-civil,
- le traitement du receveur municipal et les frais de perception,
- les pensions à la charge de la commune,
- les dépenses relatives à l'instruction publique,
- l'entretien des cimetières,
-lesprélèvements et contributions sur les biens et revenus communaux,
- l'acquittement des dettes exigibles.
3 J.O.A.O.F. du 23janvier 1897-.

191
GRAPHIQUE 19
3Q-r--------------.::....:;..:.::..;c:.:.::=..:..:..;;.;.;..>..:.:.=....:.:...:...o.L--
---,
25
20
il- 15
10
5
1926
1928
1930
1934
1937
1940
1927
1929
1931
1936
1938
1941
Sources: comptes définitifs de la colonie du Sénégal et de la Circonscription de Dakar (1940-1941)
et comptes administratifs de la commune de Rufisque (1926-1938)
. '.~'1.

.--;;-~--------
:
192..
Mais une autre contrainte pesait sur la commune. C'étaient les dépenses obligatoires
mises à sa charge en vertu de lois spéciales. Parmi ces obligations, il faut citer:
- la fourniture d'eau et d'éclairage aux troupes de passage,
- les condamnations prononcées contre la commune à raison de délits commis
sur son territoire (notamment lors de scrutins),
- les frais d'assainissement.
Si certaines de ses dépenses n'étaient pas élevées, leur multiplicité absorbait la plus
grande partie du crédit prévu au budget municipal pour dépenses imprévues.
D'où provenait l'accroissement des charges communales?
Les causes peuvent être recherchées dans la situation de crise économique qui sévissait
à Rufisque et dans les agissements du pouvoir central.
L'évolution économique et monétaire d'après guerre s'était traduite par une inflation des
budgets; la dépréciation du franc avait suscité le gonflement des crédits affectés aux dépenses
de personnel et de matériel. Par ailleurs, les interventions sans cesse plus nombreuses de la
tutelle administrative sur la commune sont à souligner. Des dépenses facultatives, comme
signalées ci-dessus, étaient en fait obligatoires pour la commune. Si on laisse de côté la
distinction administrative et juridique: dépenses obligatoires, dépenses facultatives, pour ne
voir que le caractère propre de la dépense, on s'aperçoit que l'intervention du gouvernement de
la colonie dans le budget de dépenses de la commune se traduisait par une double série de
conséquences, répondant à une double tendance. D'une part, la colonie utilisait de plus en plus,
sans aucune rémunération, les services locaux auxquels il imposait par de simples circulaires les
besognes les plus diverses, C'est Je cas de l'eau à Rufisque. D'autre part, depuis de' nombreuses
années, l'Etat métropolitain avait délaissé des tâches d'intérêt national qui lui incombait par
J'intermédiaire de la colonie et qui retombaient sur la commune de plein exercice. C'est le cas
de l'état-civil et de l'instruction.

193
Si cette contrainte frappait aussi bien les communes métropolitaines que les communes
de plein exercice, une différence d'application majeure conditionnait dans les faits la vie des
dernières.
Dans les communes de plein exercice, toute dépense obligatoire non votée dans le
budget primitif entraînait automatiquement le renvoi dudit budget ou l'inscription d'office de la
dépense par le lieutenant-gouverneur. n ne pouvait y avoir de dépenses facultatives sans que
les dépenses obligatoires fussent versées. En Métropole, les contingents communaux étaient le
plus souvent annulés faute d'emploi parce qu'ils n'avaient pas été recouvrés à temps par le
département ou simplement payés par la commune. Comptabilisés dans les budgets des années
ultérieures, ils n'étaient presque plus recouvrés.
Peut-on alors parler de prodigalité, de gaspillage dans la gestion municipale d'entre-
deux-guerres à Rufisque? La tutelle administrative empêchait de telles velléités de se
développer et le conseil municipal qui s'engageait dans cette voie se heurtait au contrôle
administratif; la révocation de Maurice Gueye en 1929 en est un exemple. Les préoccupations
des édiles centrées au cours de cette période sur l'assainissement et la lutte contre les épidémies
et l'importance des dépenses obligatoires laissaient peu de place à ce genre de comportement.
Aussi on ne saurait en tirer argument pour expliquer l'augmentation des dépenses communales.
Pour subvenir à ses dépenses sans cesse accrues, la commune de Rufisque ne disposait
pas d'un système financier souple et adapté qui lui permît de se procurer les ressources dont
elle avait besoin. Un des traits essentiels de l'organisation municipale au Sénégal était bien
qu'une part considérable et croissante des dépenses communales, au lieu d'être librement
consentie, réglée et votée par les autorités locales, leur était imposée d'en haut et sans recours.
Après les obligations de droit, il leur fallait encore sans discussion faire face à un certain
nombre de dépenses facultatives qui étaient par leur nature telles qu'elles ne pouvaient s'y
soustraire. C'est par la comparaison avec ses ressources que les dépenses imposées à la
commune apparaissent considérables et souvent excessives. Cette situation financière précaire
qui n'était pas nouvelle justifiait les plaintes les plus vives.

194
Le poids des dépenses obligatoires dans les dépenses ordinaires communales (graphique
n 0 14) constituait une charge hors de proportion avec les services rendus. Celles de police et
de voirie étaient particulièrement importantes (tableaux n 0 29 et 30). Un autre phénomène est
observable aussi bien au Sénégal qu'en Métropole: toutes les communes qui avaient des
dépenses obligatoires élevées ne consacraient pratiquement pas de ressources aux dépenses
facultatives. C'est le cas des:
- dépenses d'assistance dans des communes métropolitaines aussi diverses par
leur importance démographique que par leur coloration politique: Boulogne, Levallois, Neuilly,
Saint-Ouen, Aubervilliers (tableau n 0 47),
- des dépenses d'instruction à Rufisque (tableau n 0 31) dont la part en
pourcentage est plus élevée que l'ensemble des dépenses d'instruction (facultatives et
obligatoires) de Neuilly en 1930,1931,1936 et 1937 (tableau n ? 48).
Il est vrai que Neuilly, commune cossue, consacrait peu de dépenses à J'instruction (la
municipalité avait refusé de subventionner les institutions scolaires laïques).
Dans ce système de contrainte, que restait-il de liberté et de responsabilité au conseil
municipal?
En Métropole, un petit nombre de communes pouvait subvenir à leurs dépenses
ordinaires avec leurs revenus ordinaires y compris les centimes autorisés d'avance par la loi; la
plupart des communes recouraient pour faire face à leurs dépenses annuelles et permanentes
aux centimes pour insuffisance de revenus.
Si l'initiative du conseil municipal était restreinte, l'autorité supérieure avait tous les
moyens de contrainte. Le pouvoir local n'était pas consulté sur l'utilité ou l'opportunité d'une
dépense; il recevait un ordre et devait payer là-dessus. n restait alors bien peu de place pour les
améliorations que pouvait tenter un conseil municipal soucieux de l'avenir de sa commune. Les
édiles rufisquois s'attelèrent à cette tâche, souvent avec bonheur.

195
GRAPHIQUE 14 y
RISTOURNES SUR IMPOTS DIRECTS ET
CONTRIBUTIONS OBLIGATOIRES(1926-1937)
8 0 . . , - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - .
~
rtltoum..
~
7·o+------~-------~___,=_---------Ioontrtb. obllg.
6 0 + - - - - - - - - - - - - - - ' ' - - - - i 8 l
501+---------~_j~---_1~~:J___m--~~-_l
II- 401+---------!lSI---l!~-----~-·~·-IlQj__1!Sl!_~~-__1
301+-------_1i§l---Jgl'f_12S---ll'~~·_I~-_llllf_-lIllI-__Il~--_l
201-l-----------Gi---183---l8:S--3-18&-~~_ll8l__I~__Ill~-_l
1926
1928
1930
1932
1934
1936
1927
1929
1931
1933
1935
1937
Source: comptes adminIstratifs de la commune de Rufisque (1926-1937)

'.
Tableau 29: CONTRIBUTION OBLIGATOIRE DE lA COMMUNE DE RUFISQUE
AUX DEPENSES DE PETITE VOIRIE (1929-1946) (en i'llllCS courants et constants) .
196
1929
1.554.059
1.693.924
36.26
1930
1.292.504
1.499.305
36,54
1931
408.293
522.615
20,34
1932
53.0:>6
785.340
36,23
1933
745.145
1.102.089
31,17
1934
769.454
1.200.348
33,65
1935
639,31U
1.0 4.041
21,98
1936
~6. 5
1.16~.125
24,28
1937
1.077.401
1.228.237
35,55
1938
2.896
2.896
1939
1940
1.625.963
1.235. 32
26.33
1941
1.290.811
813.211
1942
1943
1944
2.300.000
874.000
37,81
1945
2.963.000
745.750
67,16
1946
4.09 .000
249.917
·1938: la communede Rufisque est rattachéeà la Circonscription de Dakar
et Dépendance. dont le budget est une annexe du budgel général de l'AOF (1938-1946).
'1947-1957: la part de Rufisque estegrégée à cenee do. commune. de Saint-Louis et Dak.
la<:unes: 1939, 1942 et 1943.
Pourcentage par rapportaux dépensestotales annuelh.lfl.
Base 100: 1938.
Source: comptas définitifs de la colonie du Sénégal (1929·1938) et
de la Circonscription do Dakar et Dépendances (1938-1946).
Tableau 30: CONTRIBUTION OBLIGATOIRE DE lA COMMUNE DE RUFISQUE
AUX DEPENSES DE POLICE (1926-1946) (en lIanes courants et constants)
1926
173.600
160.544
4,01
1927
231.555
257.026
4,82
1928
259.900
285.890
6,39
1929
24 .515
269.791
, 7
1930
214.213
248.487
6,05
1931
237.500
304.000
11,63
1934
224.400
346.944
9,72
1936
339.721
509.582
10,62
1937
412.700
412.700
13,62
1940
690.000
524.400
11,1
1941
662.000
41 .060
1942
1943
1944
1. 25.UUIJ
655.500
28,36
1945
1.308.000
327.000
29,45
1946
3.343.000
203.923
'La part do Rufisque est intégrée den. celles de Saint-Louis et Dekar entre 1947 et 1957.
Pourcentage par rapport auxdépensestotalesannuelles.
Base 100: 1938.
Source: comptes définitifs de le colonie du Sénégel (1929-1937), dola Circonscription de
et Dépendances(1940-1946), comptesadministratifs de la commune de Rufisque
(1926-1937).
Tableau 31: CONTRIBUTION OBLIGATOIRE DE LA COMMUNE DE RUFISQUE
AUX DEPENSES D'INSTRUCTION (1926-1941) (en Irancs courants al constants)
19""
zos, 60
21~.I:l11
4,85
1927
317.881
352.848
6,61
1928
48 .31~
=.047
11,98
1929
585.551
638.251
13,66
1930
570.000
661.200
16,11
1931
0
0
0
1934
594.308
927.120
25,99
1936
278.050
41 .075
8,69
1937
309.900
353.286
10,22
1938
316.000
316.000
7,94
1940
369.800
281.048
5,98
1941
0
0
0
Pourcentage par rapport auxdépensestotalesannuelll't.
Base 100:1938.
Source: comptes définitifs de la colonie.e::tu SénégaJ el de la Circonscription
de Dakar et Oépendances('1940-'1941); comptes administratifs de la commune de Rufisque

(1926-1938).

Tableau 47: DEPENSES D'ASSISTANCE DE COMMUNES METROPOLITAINES (1923-1925) (en %)
Boulogne
Neuilly
Saint-Ouen
Aubervillie rs
1923
1924
1
1925
1923
1924
1 1925
1923
1924
1 1925
1923
1924
1 1925
1
IDép.oblig
24,54
23
1
19.27
14,61
14,1
1 13,93
13.33
18.26
1 8,07
25,36
20,28
1 17,98
1
IDép. facuh
1.73
1.56
1
1.57
1,21
0.97
1
1.31
6,27
4,73
1
4,62
5,87
7,18
1
6,5
1
Source: Brunet J: p .. 1981, Un demi-siècle d'action municipale à Saint-Denis la Rouge (1890-1939). pp. 223-225.
Tableau 48: DEPENSES Ùô~iCArOIRES D'INSTRUCTION DES COMMliNES DE RUFISQUE ET :;AINT-LOUIS ET DE COMMUNES METROPOLITAINES
(1930-1931-1936-1937) (en%)

Rufisque
SI-Louis du Sénégal
Neuilly
Saint-Denis
Angoulême
1
1930
16.11
7,35
8.88
6,9
1931
0
6,66
8.65
6,7
1936
8,69
27,84
6,49
10,21
6.9
1937
10.22
33.2
5
9,87
7
Les pourcentages d'Angoulême couvrent toutes les dépenses d'instruction; la part des dépenses facultatives n'y est pas spécifiée.
Sources: comptes administratifs de la commune de RufISque; BRUNET J. P.,1981, op. cit., pp. 232. 235, 241 et 244;
LACHAISE B.• 1982. Le pouvoir municipal à Angoulême de 1884 à 1939, thèse d'histoire Université Bordeaux III
ANS 3G1 3-17. Application de la loi municipale du 5 avril 1884. Budget de la commune de Saint-Louis (1936-1937).
Tableau 49: DEPENSES OBLIGATOIRES DE POLICE DE LA COMMUNE DE RUFISQUEET DE COMMUNES METROPOLITAINES (1930-1931-1936-1937) (en %)
~:
Rufisque
Boulogne
Levallois-Perret
Neuilly
AnQOulême
1930
6.05
4.59
0.14
3,9
9,8
1931
11,83
4.02
0.13
4,94
10,5
1936
10,62
3.74 •
4,45
2,21
8,1
1937
13.62
3.43
0.1
3,24
8.5
Sources: comptes administratifs.... BRUNET J.P.• 1981 et LACHAISE B.• 1962, op. cil.
.......
xc
.:....li1
j

198
Lorsqu'on rapproche à quelques années d'intervalle deux comptes administratifs de la
commune de Rufisque, l'on constate en général un accroissement des dépenses. Si la
comparaison embrasse une période assez longue, les comptes des années extrêmes présentent
des différences importantes. Entre 1925 et 1940, les dépenses ont plus que doublé;
l'accroissement continu des dépenses communales était donc un fait reconnu. Ces dépenses
étaient difficilement compressibles, notamment en raison du vote des lois sociales après
.
l'avènement du Front Populaire et de services généraux qu'il appartenait à la colonie d'exécuter
et qui, trop souvent, étaient laissés à la charge de la commune.
Sous le Front Populaire, de Coppet ,envisagea d'enlever au budget communal pour les
affecter au budget local:
- les dépenses totales de police. Si l'on considérait que le décret du 15 novembre
1927 avait transféré aux pouvoirs de tutelle les attributions' du maire en matière de police, il
apparaissait équitable que la dépense de l'espèce incombât au budget local,
- les dépenses d'enseignement à la charge de la commune. Celles-ci constituaient
de lourdes charges qui étaient incontestablement d'ordre général 4.
La mutation du gouverneur général, suite à la grève des cheminots de septembre 1938,
la chute du Front Populaire et les événements de septembre 1940 empêchèrent de donner une
suite au projet.
..~\\. .
4 ANS 1T 174-58, op. cit. Lettre du go~emeur général au ministre des Colonies datée du 28 mai 1938.

199
30I.-----------·---------==-=-.:..;:;.::.::=.;l.:.:::::.::....:.::..:..::.L--------~
25
2
* 15
5
1926
1928
1930
1934
1937
1941
1943
1945
1927
1929
1931
1936
1940
1942
1944
1946
Sources: comj:!tes définitifs de la colonie du Sénégal (1926-19371A
de la Circonscription de Dakar et Dépendances f1940-f\\:l461
et comptes admlnlstratUs de la commune de Ruf sque (1926-1946)

A. Les dépenses de police
En 1922 avait été créé dans la colonie du Sénégal un service de sûreté et de police
auquel coopéraient toutes les forces policières de la colonie. En 1924, les dépenses de
personnel des communes de plein exercice et des communes-mixtes furent regroupées en vue
d'en opérer la répartition entre la colonie et les organismes municipaux. La colonie participait
pour moitié à ces dépenses, l'autre moitié étant partagée par les communes au prorata de leurs
dépenses. La colonie remboursait aux municipalités la moitié de leurs dépenses de matériel de
police effectuées. Le retrait des attributions. de police rendit caduques toutes ces dispositions,
désormais le service de police était assuré par la colonie avec remboursement des frais sous
forme de contribution obligatoire par la commune.
Les cotisations payées par le budget communal à titre de participation dans les
dépenses de police subirent une augmentation régulière entre 1926 et 1941. Outre les charges
imposées par le budget local, le budget communal supportait tous les frais de matériel de ce
service, notamment l'entretien des bâtiments, le budget communal étant considéré comme...
locataire. En Métropole, les dépenses de police, comme celles de l'instruction, étaient un
service à la charge de l'Etat, avec une faible participation des communes (graphique n 0 25).
En 1927, en raison du coût de la vie toujours croissant, des augmentations de soldes
avaient été accordées au personnel du service de police, par analogie aux dispositions de
l'arrêté général du 25 octobre 1926, allouant des relèvements sur les traitements des
fonctionnaires et agents de tous les cadres de l'A.O.F. (12 %) s.
Vers la fin du second conflit mondial (1944-1945), ces dépenses furent multipliées par
quatre voire cinq par rapport à 1937, formant 30 % du budget communal. Ni le budget de la
Circonscription de Dakar et Dépendances et encore moins le budget général ne jugèrent utile
par une subvention pour insuffisance de revenus de venir en aide à la municipalité.'
S ANS 3D, Commune d~ Rufisque, compte administratif 1927, extraits des délibérations du conseil municipal,
séance du 23 mai 1928.

,201
'GRAPHIQUE 25
DEPENSES OBLIGATOIRES DE POLICE
A RUFISQUE ET EN METROPOLE (1930-37)

202
B. Les dépenses d'instruction
Le décret du 12 décembre 1896 avait mis à la charge des budgets communaux du
Sénégal au titre des dépenses obligatoires:
- les traitements et allocations attribués aux instituteurs et institutrices,
r
- la construction ou la location des maisons d'école, le logement des maîtres ou
les indemnités représentatives,
- les frais d'éclairage des classes,
- la rémunération des gens de services,
- l'acquisition, l'entretien et le renouvellement du mobilier scolaire et du matériel
d'enseignement,
- les registres et livres scolaires à l'usage des écoles 6,
en fait, la totalité des dépenses d'enseignement.
Si l'application stricte de ce texte pouvait être envisagée à une époque où l'instruction
public n'avait qu'un développement restreint, il n'en allait plus de même; l'organisme communal
avait vu croître ses ressources dans une proportion moindre que les dépenses d'enseignement.
Or l'instruction publique était entravée par l'insuffisance des dépenses communales.
En Métropole, des réformes avaient refondu le décret de 1896: les dispositions relatives
aux salaires des enseignants, aux frais d'éclairage et aux registres et livres à l'usage des écoles
étaient assurées par l'Etat, alors que les dépenses d'entretien figuraient à la rubrique des
dépenses facultatives. Les communes métropolitaines ne supportaient plus que les indemnités
de résidence 7 et de logement des instituteurs et la rémunération du personnel de service
(graphique n 0 24). L'article 45 de la loi du 19 juillet 1889 indiquait que les dépenses qui
incombaient à l'Etat (dépenses de personnel) et celles qui devaient être supportées par les
6 J.O.A.O.F. du 23 janvier 1897, op. cil.
7 Cette indemnité instituée par-la loi d)l 29 octobre 1919 était payée par l'Etat à tous ses autres fonctionnaires.
Cf ASSEMAT G, 1930, op. cit., p. 27.

203
GRAPHIQUE 24
DEPENSES OBLIGATOIRES D'INSTRUCTION
A RUFISQUE ET EN METROPOLE (1930-37)
35
30
25
20
15
10
5

204
budgets communaux (dépenses de matériel) n'avaient pas été promulguées au Sénégal. Quelle
réforme fut envisagée?
Il était important de tenir compte des contingences locales qui créaient
à la
municipalité du Sénégal desf'harges que ne connaissait pas la municipalité métropolitaine: frais
J
de déplacement et de voyage en mer du personnel détaché (en Métropole, [es frais de
,··;l
i""l:
déplacement des instituteur~r~t de leurs familles étaient à la charge des intéressés), soldes de
;'1;':
congés administratifs ou dei 'convalescence. D'autre part, l'école communale était une école
l';< y
régionale que fréquentaient. des enfants (certains étaient boursiers de la colonie) dont le
domicile était situé hors du périmètre de If! commune. Il était juste par suite qu'en rétribution
du service rendu la Colonie apportât à celle-ci son concours pécuniaire.
'lI
La règle relative à la répartition des dépenses d'ensemble entre le budget local et le
li'
.
budget communal se heurtait à des modalités d'application qui variaient au gré des décisions du
n
lieutenant-gouverneur. En .1'9:25, la colonie avait dépensé pour le compte de la commune de
Rufisque au titre des dépen'~~s de police et d'enseignement respectivement pour 144.000 et
.,.
! : ~ \\
1",' :
180.000 francs courants, lamoitié des charges revenant à la commune devait faire l'objet d'une
:, l~ \\~, ~
contribution de 162.000 francs. Rufisque payait 115.000 et 152.000 francs soit 267.000 francs
i.
au lieu de 162.000 francs. En 1926, le lieutenant-gouverneur Jore exigea de la commune la
., '
somme de 343.160 francs
(133.400 francs
pour
la police
et
209.760 francs
pour
l'enseignement), soit plus que la totalité des dépenses. Dans une correspondance adressée au
maire de Rufisque, il précisait:
"Je ne pourrai approuver votre projet de budget primitif
1926 qu'autant que les cotisations police et enseignement
'-Il,
auront été (portées aux chiffres respectifs de 133.400 et
r ,
\\'\\'"
209.760 fr'ancs.(...) Je vous autorise à réunir votre Conseil
:"/, "
Municipal en session extraordinaire pour lui soumettre la
: :
question" 3,1
8 ANS 3D, Commune de Rufisqu~, "p. cil. Lettre lue à la séance du 12 janvier 1926.

· ·205
Dans un premier temps, le conseil municipal, refusant d'entériner la décision du
gouverneur, déclina l'augmentation demandée et s'en tint au chiffre de 1925. Suite aux
pressions de l'administration, les contributions obligatoires furent finalement votées par
l'assemblée municipale, à l'exception des trois voix du clan d'opposition diagniste (Ibra Seck,
Alioune Mbengue et Amadou Déthié SaIT) 9.
Les cotisations municipales connurent une progression continue en valeurs absolues
mais la pression fiscale était moins importante. La charge d'instruction par habitant se
présentait comme suit 10:
francs courants
francs constants 1938
1926
23,42
24,35
1931
o
o
1936
13,9
20,85
1941
o
o
Sur le principe, les dépenses afférentes au matériel étaient uniquement supportées par le
budget communal ll, les dépenses du personnel de relève par le budget local et les dépenses du
personnel de service étaient inscrites au budget local et réparties entre les budgets des
communes de plein exercice et les communes-mixtes proportionnellement aux dépenses
effectives moyennes des trois derniers exercices 12. C'est au sujet du personnel que les
modalités d'application différaient fondamentalement du principe adopté. Les soldes du
personnel enseignant de la colonie étaient dans l'ensemble supérieures à celles du personnel
9 Le nombre passa à cinq en 1926 (Abdoulaye Seck et Magoumba Ndiaye) et devint progressivement
majoritaire avant la révocation de Maurice Gueye en janvier 1929.
10 D'après mes calculs (volume des dépenses d'instruction par le chiffre de population).
Il
En Métropole, l'acquisition et le renouvellement du mobilier scolaire étaient subventionnés par le
Gouvernement. Cf AUDOYER H., 1933, op. cit., p. 260.
12 ANS l T 174-58, Budgets divers, op. cit.

enseignant en Métropole. S'yi ajoutaient outre le supplément colonial, des indemnités diverses
de zone, de direction, de logement.. Depuis une délibération du Conseil Colonial en date du
'\\,il'
14 novembre 1929 approur~e par le lieutenant-gouverneur, le mode de répartition entre les
budgets local et communal m~ttait à la charge du budget local les dépenses concernant les frais
de déplacement et de voya~~,:ldu personnel enseignant des communes de plein exercice et des
:i:])P
communes-mixtes. Dans l~:::téalité, ces dispositions locales ne furent pas appliquées. Le
gouvernement de la colonie faisait supporter par le budget municipal toutes les dépenses de
,
personnel et de matériel sans que le budget local accordât quelque subvention correspondante.
i,
L'interprétation des textes rélatifs à l'instruction publique et promulgués au Sénégal donna lieu
à de vives controverses entre le lieutenant-gouverneur et le conseil municipal sur la répartition
des charges. Face à la lourdeur de la contribution en matière d'instruction, le maire de Rufisque
avait été entraîné à réduite ··Ies crédits du personnel enseignant ou à affecter aux écoles
communales des débutants~ltaible solde. D'autre part, le lieutenant-gouverneur, pour soulager
;U
.
son budget, avait pourvu le~;ié'coles communales d'instituteurs de grade élevé; les inconvénients
::i:
de ce système n'avaient p~~~;,tardé à apparaître avec la présence d'instituteurs expérimentés
,;~~ i
indispensables au bon fonct,\\():nnement des écoles mais où leur nombre devait être cependant
1
limité, traitements oblige. Un rapport daté du 30 août 1943 soulignait:
.
"En ce qui, concerne l'enseignement primaire, les dépenses
de personnel et de matériel sont effectivement dans leur
intégralité,:à la charge des communes de plein exercice
depuis
1908 et le mandatement de ces dépenses est
demeuré 4~:~uis cette époque abandonné aux Maires. Les
f•. "·,,
communes-mixtes acquittent dans les mêmes conditions
leurs dép~&~~s de l'espèce mais reçoivent en compensation
!l';'
partielle u~u subvention du budget local qui rembourse
leurs charges à 65 % des dépenses effectives" 13
13 ANS, 3G1 30-144, Pouvoirs etattributions des municipalités avant 1946. Note du 30 août J943.

207
u
" )
..
L'article 136 de la loi de 1884, rendu applicable par le décret du 10 décembre 1896
rendait obligatoires pour les communes les dépenses relatives à l'instruction publique. En 1924,
le budget local envisagea de prendre à sa charge les dépenses du personnel en congé et les frais
et indemnités de déplacement. Cette réforme limitée respectait entièrement les textes en
vigueur; l'allégement des budgets communaux était minime. Ces derniers continuaient à
supporter directement aussi bien les dépenses de matériel que de personnel.
La circulaire vichyste du 7 novembre 1942 sur la réorganisation financière des
communes mit à la charge du budget général toutes les dépenses d'instruction publique.
L'ordonnance gaulliste du 14 mars 1943 abrogea cette disposition; les budgets des communes
de plein exercice reprenaient leurs charges telles que définies par le décret du 18 décembre
1896. La réduction ou la prise en partie des contributions obligatoires communales par le
budget local n'était pas envisageable puisque cette situation entraînait pour ce budget des
subventions de la part du budget général qui lui-même rencontrait des difficultés d'équilibre.
Face à ces contraintes, la municipalité de Rufisque procéda à peu de dépenses
facultatives:
- en 1926, la dotation en livres de la bibliothèque municipale ne fut prévue que
dans le budget supplémentaire à raison de 2.000 francs courants 14. fi s'agissait de doter en
ouvrages techniques cet espace qui n'en contenait aucun;
- en 1929, la municipalité engagea des travaux d'agrandissement à l'école des
filles d'un montant de 70.000 francs courants I~;
- en 1931, 1.729 francs courants seulement furent consacrés à l'achat de
fournitures scolaires 16.
14 ANS 3D, op. cif. Extraits ..., séance du 26 mai 1926, examen du budget additionnel 1926. En 1929, la
dotation inscrite au budget primitif s'élevait à 1.500 francs (séance du 19 décembre 1928) el à 500 francs en
1930 (séance du 28 novembre 1929).
I~ ANS, 3D, Commune de Rufisque, op. cit.. Extraits des délibérations du conseil municipal. Séance du 19
décembre 1928.

.------
209
Les dépenses de personnel qui, dans l'ensemble, avaient marqué un mouvement de
réduction en 1935 par rapport à 1934 avaient quelque peu augmenté en 1936.
Rufisque comptait trois écoles: école urbaine des garçons (12 classes), école des filles
(7 classes) et école élémentaire de Bargny (1 classe). Les effectifs allaient chaque année
croissants:
Garçons
Filles
% de présences
1929
518
168
1930
485
186
1931
558
198
91,7
1932
611
?
98,4 17
En 1939, les effectifs totaux s'élevaient à 847 garçons et 231 filles. Les demandes
d'inscription croissantes se heurtaient au défaut de locaux. A l'école des garçons, les heures de
récréation étaient scindées en deux séances, la cour de l'école étant trop petite, ce qui n'allait
pas sans porter préjudice à l'enseignement des classes situées au rez-de-chaussée. Deux classes
fonctionnaient dans d'anciens magasins qui ne répondaient à aucune des conditions d'hygiène
prévues par le règlement. On comptait 1 wc pour 110 élèves. Les examens donnaient les
,
résultats suivants:
- 1936-1937: 11 admis sur 25 au C.E.P.E.; 2 sur 11 au Cours Blanchot;
- 1937-1938: 18 admis sur 32; 11 sur 18 au Cours Maurice Delafosse;
- 1938-1939: 24 admis sur 32; 9 sur 24 au même Cours 18.
16 ANS, 3D, op. cil. Séance du 25 juin 1932. compte administratif 1931.
\\7 CARAN, 2G 31-65 200 mi 1743, Sénégal. délégation de Rufisque. enseignement 1932.
18 CARAN, 2G 39-21, 200 mi 1807, Circonscription de Dakar et Dépendances. délégation de Rufisque.
rapport annuel 1939.

Deux grands problèmes se posaient à l'enseignement officiel 19: la crise des locaux et la
crise du personnel 20. Dans le second cas, les causes sont à chercher dans une insuffisance de la
revalorisation de la fonction enseignante et dans la pénurie d'instituteurs locaux (cadre
secondaire).
II. LHYGIENE, UN LIEU DE MOBILISATION DE L'ACTE MUNICIPAL
Les travaux d'hygiène et les dépenses de voirie et d'assainissement tenaient la place la
plus importante dans le budget de la commune de Rufisque entre les deux guerres tant en
unités qu'en soldes. Ce fait n'est pas une nouveauté. Après l'instabilité des premières années de
son
existence,
la
municipalité
entreprit
entre
1892
et
1900
d'importants
travaux
d'assainissement et de voirie 21. La topographie de la ville (zone marécageuse), qui en faisait un
gîte à larves et un foyer pestilentiel, la politique hygiéniste et le caractère difficilement
compressible de ce genre de dépenses sont quelques éléments explicatifs.
A. Eclairer la ville et les villages: l'éclairage électrique
D'accord sur le principe de la fourniture du courant, le conseil municipal et
l'administration centrale ne l'avaient pas été sur celui de la distribution aux usagers. Service
industriel géré par la municipalité, l'éclairage électrique se caractérisait par son déficit. Parmi
les causes, les dépenses de matériel occupaient une grosse part:
- en 1926, sur 459.680 francs constants (442.000 francs courants), 395.200
francs constants (380.000 francs courants) furent utilisés à l'achat d'un groupe électrogène et
19 Les écoles coraniques au nombre de 46 en 1934 rassemblaient 586 élèves; elles ne recevaient pas de
subvention de la commune. CARAN 2G 34-5200 mi 1757, Sénégal. rapport politique annuel 1934.
20 Sur l'exemple voltaïque après 1945, voir COMPAORE RA.M., 1995, L'école en Haute-Volta: analyse de
l'évolution de l'enseignement primaire de 1947 à 1970.
Thèse de doctorat, Université Paris-VIT Denis Diderot,
586p.
.
21 Cf DIOUF M., 1976, op. cif..

211
du combustible (charbon), dont Je prix était toujours en hausse, pour répondre à la demande
croissante du nombre des abonnés (mise en service de trois chaudières). Le tarif au
kilowatt/heure avait subi une hausse à partir du 2 février 1927 (2,5 francs par kwlh) 22;
- en 1927, sur 673.162 francs constants (606.452 francs courants) de dépenses,
402.070 francs constants (362.225 francs courants) avaient servi à faire face aux dépenses
d'entretien courant des machines de l'usine et aux pièces de rechange;
- en 1928, sur 477.907 francs constants (434.461 francs courants), 169.772
francs constants (154.338 francs courants) avaient été consacrés à l'achat, aux frais de
manutention et au transport du combustible.
Mais c'est surtout la vétusté du réseau qui posait problème. Il était sujet à des pertes de
charges considérables consécutives à la défectuosité des lignes; il s'ensuit que le prix de revient
du kilowatt/heure était assez élevé. Des compteurs avaient été installés partout mais on ne
pouvait faire payer au consommateur plus que la quantité ·enregistrée; le conseil municipal
songeait à relever des tarifs déjà élevés. Les lampes à forfait devenaient plus avantageuses que
les lampes au compteur et la municipalité sursit à toute acquisition de matériel par trop
considèrable. L'administration avait également repoussé le projet municipal de réorganisation
du service (réfection de J'usine de production d'énergie) appelé projet Gallois, du nom de
l'agent-voyer pour "insuffisance d'études" 23.
L'administration déplaça la question sur un de ses terrains favoris, Je problème du
,
personnel. Dans une lettre du 2 janvier 1927, Je lieutenant-gouverneur faisait retour au maire
de Rufisque du budget primitif municipal aux fins de modifications et précisait:
22 ANS, 3D, op. cit. Extraits des délibérations du conseil municipal, séance du 25 février 1927.
23 ANSOM, Affaires Economiques, c. 107, Missions d'inspection des colonies. Mission Muller sur la question
spéciale d'alimentation en eau et d'éclairage électrique de la commune de Rufisque (1927-1928).
'1

212
"J'ai également relevé que vous aviez diminué le personnel
électricien pour augmenter le nombre des chauffeurs et
qu'au lieu de 32.120 francs de dépenses pour ces deux
catégories de personnel, vous avez inscrit 42.940 francs">.
En réalité, il ne s'agissait pas de chauffeurs mais du personnel technique (deux ouvriers)
chargé de la surveillance des trois chaudières et payé chacun 500 francs par mois, salaire
somme toute inférieure aux ouvriers de cette catégorie des industries locales; quant aux
électriciens, les effectifs n'avaient pas été réduits mais correspondaient à un transfert au
chapitre "construction de canalisations électriques" de la solde de l'ouvrier électricien attaché à
ce service.
La grande consommation de courant électrique ne pouvait être imputée entièrement à la
commune. La fourniture gratuite de courant à des services tels le Trésor, le Port, l'Hygiène, les
personnels enseignant, de la Gendarmerie, des Douanes et des P.T.T. était importante. Ces
services consommaient annueIlement 50.000 kw. De ce constat, il ressortait que le déficit était
dû en grande partie au nombre important de services administratifs installés à Rufisque et
bénéficiant
de la gratuité de l'éclairage. La taxe forfaitaire pour tous les services publics
éclairés gratuitement n'existait pas à Rufisque.
Les travaux à effectuer pour fournir l'énergie électrique dans la commune et à l'usine de
Sangalkam comprenaient notamment la construction d'une ligne à haute tension depuis un
poste de transformation à établir dans l'usine génératrice de Rufisque d'un montant de 343.100
francs courants et l'aménagement d'un réseau haute et basse tension estimé en coût à 575.000
francs courants 25. Dès 1930, le reliquat de la participation de la commune de Rufisque à la
construction du r~seau électrique s'élevait à 182.386 francs courants, à la réfection de l'usine
électrique de Sangalkam à 350.000 francs 26; en 1931, la somme due à la C.E.E.OA se
24 ANS 3D, op. cit. Extraits des délibérations du conseil municipal, séance ordinaire du 25 février 1927.
25 ANS 3D, op. cit. Compte administratifde la commune de Rufisque.
26 ANS 3D, op. cit. Extraits des délibérations, séance du 28 novembre 1930.

213

chiffrait à 586.509 francs courants 27. La compagnie concessionnaire ayant refusé de se charger
des travaux d'entretien des installations électriques, la municipalité avait maintenu à son budget
la solde des deux agents électriciens (14.008 francs courants) 28 pour les réparations de
l'éclairage des bâtiments communaux et quelques travaux de ville demandés par des particuliers
moyennant rétribution. En 1933, vu la situation particulière de la commune et la réserve sur
tout relèvement du kwh, les charges n'étaient plus en rapport avec l'état précaire des finances
municipales. Le choix de la concession à la C.E.E.O.A. s'imposa en raison de la proximité de
Dakar qu'elle desservait ainsi que l'usine de pompage de Mbao, à 8 km de Rufisque.
Si la question de l'éclairage de certains quartiers traditionnels de Rufisque trouva des
solutions, celle des villages de la banlieue ne fut pas résolue entre les deux guerres. Le budget
local avait donné son approbation de principe à la construction de la ligne électrique vers les
villages, en estimant que la municipalité supporterait les 8/10è de la dépense. A la suite du
rattachement de la commune de Rufisque à la Circonscription de Dakar et Dépendances, le
budget local se désintéressa de la question, laissant à la Circonscription la charge de la régler.
Cette dernière n'y accorda aucun intérêt en précisant qu'elle n'en était pas l'initiatrice et que son
budget ne participerait pas à la dépenses envisagée. Aucun budget ne voulut prendre en charge
cette question des plus importante.
27 ANS 3D, op. cit. Extraits:., séance du l Zfévrier 1931.
281dem.

. r21~
B. Donnerde l'eau aux populations: l'alimentation en eau
Le problème de l'alimentation en eau fut une des questions les plus difficiles à résoudre
par la municipalité. Il se posait sous deux aspects: les sources et la vétusté du matériel
(pompes, réservoir, conduite d'adduction et réseau de distribution).
La municipalité s'était efforcée d'apporter une réponse au premier élément de la
question, en relation avec la Subdivision des Travaux Publics de la colonie par des forages à
grande profondeur, ce dès 1925. Les recherches ne donnaient parfois aucun résultat à cause
d'un sous-sol marneux imperméable, si bien qu'en 1926, l'agent-voyer Ernest Gallois proposa
d'étudier les moyens de retenir l'eau de pluie tombée pendant l'hivernage. La configuration du
sol dans les environs de Rufisque permettait de créer
au moyen d'une digue un réservoir
artificiel drainant les eaux de surface pour constituer un réservoir de 5 à 600.000 mètres cube
pouvant fournir journellement à la ville une moyenne de 1.500 mètres cube. Adoptées par le
conseil municipal, les propositions
de l'agent-voyer furent rejetées
par les autorités
administratives 29. La dépense pour un tel projet était relativement plus réduite que les
multiples sondages restés infructueux.
L'état d'usure avancé du matériel entraînait des charges très importantes pour la
commune. En 1922, la municipalité avait consacré 30 % de ses ressources à des dépenses
d'exploitation industrielle (eau et électricité) ! 30 La conduite de refoulement aboutissait au
,
réservoir à un niveau inférieur au plan d'eau de sorte qu'elle restait continuellement en charge;
il s'ensuivait que l'eau du réservoir retournait aux puits par simple gravité. Cette conduite de
refoulement et d'amenée d'eau avait été établie avec de nombreux points hauts et bas; aucun
appareil automatique d'évacuation n'avait été établi. Comme la conduite d'adduction, le réseau
de distribution offrait de nombreux points hauts et bas; les rues de la ville avaient été
remblayées, nivelées et bétonnées sans qu'on se préoccupe des conduites de sorte qué celles-ci
se trouvaient tantôt à une profondeur faible, tantôt immergées dans les eaux saumâtres
29 ANS 3D, op. cit. Extraits..., séance du 24 février 1926.
30 ANS IT 23-58, Budgets des communes de plein exercice du Sénégal. exercice 1922.

215
d'infiltration; les vannes de décharge enterrées étaient dans l'impossibilité de servir au nettoyage
des canalisations. Les travaux successifs de remise en état entravaient l'alimentation en eau et la
circulation decauville.
Les données chiffrées précises manquent, liées elles-mêmes à l'absence de données
exactes sur l'emplacement des conduites, leur profondeur, l'état des vannes et des prises d'eau.
Les dépenses étaient évaluées à 10 millions de francs 31. Les premiers travaux d'alimentation
d'eau de la ville de Rufisque dataient du début du siècle; l'idée suivante peut être avancée que
les plans avaient entre-temps été égarés. En 1~27, le lieutenant-gouverneur lore avait exigé au
maire un plan de la ville de Rufisque comportant toutes les prises d'eau; Maurice Gueye n'avait
pu donner une suite positive à cette requête. La municipalité et le service des Travaux Publics
eurent par conséquent des difficultés à évaluer de façon exacte l'importance des travaux (main
d'oeuvre, matériel) si bien que le marché de la rénovation de l'alimentation en eau de Rufisque
ne fut jamais passé à l'entreprise. La solution adoptée par la municipalité consista à un travail
rue par rue pour remettre en état les conduites. Le travail qui lui-même était lié à l'importance
des ressources budgétaires communales était évalué à 500.000 francs courants pour la remise
en état de la conduite d'eau et du réseau de distribution pour une durée de travail de trois ans32.
L'autorisation d'engager des agents spécialisés et le dossier d'achat du matériel furent mis en
suspens par le lieutenant-gouverneur. Or à Rufisque, avec les épidémies qui sévissaient, la
résolution des défectuosités de l'alimentation en eau était primordiale.
Si municipalité et administration s'accordaient sur ce fait, le côté financier et
commercial restait un point de désaccord (cf chapitre II supra). La question était délicate. Le
service des Travaux Publics voulait procéder à une augmentation du prix de vente de l'eau et à
une généralisation de l'emploi des compteurs. Le problème était de savoir si la municipalité
était en mesure d'assurer au consommateur le minimum auquel il avait droit c'est-à-dire une
garantie de quantité; si la pénurie d'eau continuait comme c'était souvent le cas à Rufisque, la
31 ANS 3D, Lettre du lieutenant-gouverneur au maire de Rufisque datée du 31 août 1925.
32 Idem.

216 ;
valeur de la consommatit,!! serait sans rapport avec les frais occasionnés par l'achat,
l'installation et l'entretien dÜ,i~ompteur. Enfin, la fourniture gratuite d'eau aux établissements
publics et aux militaires (S~~p des Tirailleurs) grevait lourdement les dépenses municipales
,1 " l~
d'eau. Cette question CO~T.~~.t::iale, relayée par le débat sur la régie ou la concession, prit le pas
~I'
sur l'exécution des travaux 11~ duction d'eau et de remise en état du réseau de distribution.
Le problème fut envenimé par la priorité à donner à telle ou telle action. La
municipalité s'était donnée comme priorités l'éclairage, l'alimentation en eau et l'assainissement;
...
la tutelle lui imposa des participations obligatoires telles celle de la Contribution Volontaire 33
~-.:' ...
ou celle de l'entretien de la'i6ute Dakar-Rufisque, toutes dépenses facultatives (50.000 francs
courants) inscrites annuelle~~nt au budget primitif.
~.' !!
La population rufisq~~ise désapprouvait toute participation financière importante de la
.
~~~;~'
.
commune tant que les questions vitales qui la concernaient (alimentation en eau, éclairage)
n'étaient pas résolues. La ~~sition du conseil municipal était inconfortable car elle devait
IIi
satisfaire deux demandes: c~nsentir à donner à la tutelle des signes visibles de docilité pour
:",' .
pouvoir bénéficier de l'aide financière qu'elle'lui demanderait et éviter de se mettre à dos ceux
qui l'avaient élu. Tout refus de la municipalité entraînait la suspension de la remise des quotes-
parts revenant à la commune~ur les impôts et les taxes fiscales ou le refus de l'approbation du
budget primitif.
Ce refus avait d'ailleurs peu de chances de prendre forme tant le conseil municipal était
(;/y
divisé, Les diagnistes adop;t~\\ent un radicalisme de façade pour mettre Maurice Gueye en
-:'!j!
difficulté et recouvrer la ma~i~trature municipale, Magoumba Ndiaye s'exclamait:
"II nous e,Wimpossible de voter les modifications qui nous
l,"
sont prop(;~ées par le Gouverneur" 34
33 Un Comité présidé par Ambroise Mendy, propriétaire, diagniste, deuxième adjoint à la mairie de Dakar,
conseiller colonial, avait été-constitué pour alléger les charges de l'Etat en raison de la baisse du franc.
34 ANS 3D, op. cil. Extraits.", budget primitif 1916,

.217.
Maurice Gueye et se~i~artisans préféraient négocier. Babacar Cissé portait la réplique à
1'\\
Magoumba Ndiaye en ces teçmes:
"Il Y a lieu cependant de témoigner à l'administration
supérieuretjrorre) grand désir de lui être agréable" 3S
.,
C'était une condition'indispensable pour percevoir les quotes-parts communales.
Dans ce rapport de force permanent, le conseil municipal négociait ce qui était
négociable et différait le reste. Par la ruse.Ie simulacre, il entérinait à chaque fois les dépenses
et recettes arrêtées par le lieutenant-gouverneur pour ne pas prolonger les discussions et pour
faire adopter le budget priwJ'tif par la tutelle mais se réservait toujours la faculté de reprendre
1\\,
ces questions en suspens Tccntributions obligatoires, frais de représentation...). Dans la
pratique, le conseil municipal n'adoptait jamais le temps d'une année budgétaire les mesures
arrêtées par les autorités supérieures.
. )
Les différentes éq~i~es municipales qui se succédèrent dans l'entre-deux-guerres
(Maurice Gueye, Ibra Seck,l(}alandou Diouf) prirent à coeur de résoudre le problème de l'eau
de manière plus ou moins adti~e suivant les disponibilités financières.
La municipalité avait:~~alisé pour l'alimentation en eau une amélioration considérable en
':\\
procédant à l'électrification1 du mécanisme d'aspiration et de refoulement des eaux de
ifl.
distribution. Les quartiers '~e .Dar-Es-Salam, Guendel, Tiokho, Dangou et Mérina étaient
alimentés en eau; l'amenée de l'eau jusqu'à Diokoul et Tiawlen était une mesure immédiate
préconisée par les édiles, ·notamment par la réparation des conduites existantes. Avec
1
l'augmentation des besoins dy' la population, le renouvellement et l'extension de la canalisation
1"'
devenaient urgents. La Chambre de Commerce de Rufisque avait émis un avis favorable à la
.
,
réalisation de canalisations ~i.de fontaines publiques et était prête à apporter sa contribution
financière (10.000 francs par an).
3S Idem.

218
En 1927, la municipalité procéda à des travaux d'adduction d'eau d'un montant de
{
271.243 francs courants. Ils icomprenaient des sondages aux carrières de Rufisque, des études
.. ,.,!
à Diokoul, la reconstruction' de puits affaissés, des réparations aux machines et chaudières de
Sangalkam 36. Le budget de la colonie participa pour une part aux dépenses d'alimentation en
,
eau effectuées par la municipalité, à raison de 100.000 francs courants entre 1925 et 1928; puis
cette dotation fut supprimée.en 1929 (cf tableau n 0 25). Les travaux d'adduction d'eau étaient
désormais pris en charge PaJ;,I'~ service de la Petite Voirie de la colonie.
Les déficits importants constatés dans la distribution de l'eau dus à la défectuosité du
dispositif du système de distribution et l'augmentation constante du prix du combustible (300
francs la tonne de charbon en 1928) 37 conduisirent à la mise en concession de l'eau en 1932.
Déjà en 1927, le lieutenant-gouverneur Jore dans une correspondance adressée au maire lui
adressait fermement ces propos:
i ,:."
"Je vous 'p~ie de bien vouloir ne faire installer à l'avenir
'1·
aucune prisé nouvelle sans mon autorisation" 38
;i
La recherche pour savoir si tous les usagers de l'eau (particuliers) payaient bien l'eau
qu'ils consommaient ne rencontrait pas de difficulté. Les compteurs pouvaient en attester.
Créer une taxe dont le produit équivaudrait au déficit était une mesure impopulaire. Quant aux
usagers des bornes-fontaines;' leur participation était plus qu'hypothétique. Il semblait difficile
t(
de faire participer les usagers des bornes-fontaines aux dépenses de l'alimentation en eau et
.
.
,.
encore moins de répartir leurconsommation entre usagers. La commune était donc amenée à
supporter les dépenses qui ,e.~ résultaient. Les recettes tirées de la vente aux particuliers ne
1
pouvaient équilibrer les dépenses. D'autres éléments d'explication peuvent être avancés:
1 •
l'imperfection des brancheme\\~;'.s et la fourniture d'eau gratuite faite au camp des Tirailleurs et à
36 ANS 3D, op. cit. Extraits .... compte administratif 1927 "Travaux d'adduction d'eau".
;ji
37 ANS 3D, op. cit. Extraits .... séance du 29 novembre 1928.
38 ANS 3D, op. cit. Extraits.r, I~it!,e datée du 20 septembre 1927 lue à la délibération du conseil municipal,
séance du 29 novembre 1927.
i\\

219
la station de la T.S.F. constituaient des causes importantes de déficit, au point que le
lieutenant-gouverneur promit d'intervenir auprès du Gouvernement Général pour que la
commune de Rufisque cessât de participer aux dépenses militaires. Ainsi se posait à Rufisque la
question épineuse de la répartition entre tous les usagers des frais de fonctionnement de ce
service. L'entreprise chargée de la distribution d'eau à Rufisque, la C.E.E.O.A., ne parvint pas
à améliorer l'alimentation en eau de la ville à cause de la difficulté technique des ouvrages qui
nécessitait la mobilisation de ressources financières considérables. La disette d'eau dont
souffrait Bargny ne fut pas résolue à la veille de la seconde guerre mondiale; cette
agglomération était alimentée par voie ferrée. à l'aide d'un wagon-citerne. La question de la
potabilité des eaux de Rufisque éclata au grand jour en 1935 suite à la présence dans l'eau du
camp des Tirailleurs de germes intestinaux. Le gouverneur de l'A.O.F. Brévié envisagea de
contracter auprès du Fonds d'Emprunt une dotation prévue pour Rufisque pour réfectionner les
conduites anciennes et même créer un réseau nouveau (cf chapitre VIT infra).
Au cours de la guerre, la ville de Rufisque, qui avait vu grossir le chiffre de sa
population (30.000 habitants en 1941), suite au passage des troupes militaires en route pour le
champ des opérations, rencontrait de nouveaux problèmes pour l'évacuation des eaux usées. La
saturation des fosses septiques et leur proximité des canalisations d'eau faisaient craindre au
moindre défaut d'étanchéité la souillure de l'eau.
C. Assainir: les travaux communaux d'hygiène et de voirie
L'assainissement de la ville avait été une des idées-maîtresse ayant guidé l'action
communale. Celle-ci consacra une part importante de son budget aux dépenses d'alimentation
en eau, d'électricité ~t d'assainissement: en moyenne 31 % entre 1929 et 1937 (tableau n 0 29
supra). Rufisque connaissait une vague d'épidémies qui firent de nombreuses victimes. La
municipalité, en plus des contributions obligatoires, fit un gros effort au titre des dépenses
facultatives:

..
.220
- entretien d~s:b~nduites d'eau: 96.184 francs en 1927 et 1928,
; 1
- entretien d4:pompes à incendie rue Bodin,
j;l,
- constructiohjet entretien des rues et places: 389.502 francs courants en 1927
iF
et 1928 (rues de Gorée, Koufipune, Wayembam, Carnot, Fajon, Sicamois).
Le nettoiement de la'Ville au cours des années d'épidémie de peste (165 décès en 1927,
57 en 1928) avait nécessité l'acquisition de 5 camions-bennes pour l'enlèvement des ordures et
des motopompes pour le nettoiement des marchés. La mise en service de ce matériel entraîna
une augmentation de dépenses d'où le chiffre de 412.000 francs courants en 1926 au titre des
i
dépenses facultatives. La division de la commune en cinq secteurs pour assurer un nettoiement
j \\
dans des conditions efficace~ avait entraîné un surcroît de main-d'oeuvre (les 25 manoeuvres
if'
du service étaient débordés) 3,~ et de crédits (tableaux n " 40 et 41), augmentation à laquelle la
-. ",;,~
situation sanitaire de la ville commandait de faire face. L'effort tant en matériel qu'en personnel
:ii!
fut poursuivi jusqu'en 1929 ,C'.ableaux n 0 38 et 39). L'appui' des chefs de village à qui il était
i":""
versé des indemnités pour f~iïe appliquer les principes d'hygiène dans les quartiers suburbains
'~\\..
était apprécié par l'administration centrale. Dans une correspondance adressée au lieutenant-
r
gouverneur, le délégué par intérim de Rufisque précisait:
"Ces notables rendent des services considérables (...). Ce
: ,:1
"
'
sont des' .collaborateurs indispensables à maintenir et à
li: d '
encourager'[ 40
En 1929, un plan d~i!travaux neufs établi pour cinq ans était mis à exécution avec
!~"
comme objectif la lutte contre les épidémies en vue de maintenir voire ramener l'activité
l!
économique. Ce plan englobait les améliorations que nécessitaient les lois' d'hygiène et
d'urbanisme. Par arrêtés dei';28 décembre 1923 et 17 juillet 1925, le Sénégal avait été doté
~ !;
- - - - - - - - - -
39 Leur nombre était passé à 40 erh927, payés 9 francs par jour pendant cinq mois. ANS 3D, op. cit.
Extraits.... séance du 31 août 1927.
40 ANS 3D, Budget primitif 193O,}:lote du 9 septembre 1929.

221
,
y
Tableau 40: DEPENSES FACULTATIV~S DE PERSONNEL DE NETTOIEMENT (1926-1929) (en francs courants)
Balayage et enlèv. ordures
Pompes à inc.
Canaux et égouts Rues et places' Cond. d'eau Total lign
1926
133.800
55.000
166.800
1927
220.402
230.490
53.410
504302
1928
238.120
5.000
4.200
82.260
400.940
1929
27.835
14.400
42.235
,
Total (col.)
620.157
5.000
4.200
367.750
67.810
485.410
'bétonnage des rues.
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1926-1929).
Tableau 41: DEPENSES FACUL TATIV~S DE MATERIEL DE NETTOIEMENT (1926-1929) (en francs courants)
Balayage et enlèv. ordures Pompes à inc.
Canaux et égoûts Rues et places' Cond. d'eau Total (lign
1926
70.000
42.000
225.000
75.000
412.000
1927
160.042
6.741.
52.813
203.698
26.366
449.662
1928
143.550
6.000
1.000
185.804
69.796
406.150
1929
345.280
110.875
456.155
Total {col.
648.872
\\
82.741
95.813
614.502
282.052
1.723.987
, bétonnage des rues.
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1926-1929).
Tableau 42: DEPENSES ORDINAIRES DIVERSES' (1926-1936) (en francs courants)
Francs courants
; % 1dép. totales
1926
218.518
ii
5,05
1927
204.620
f
4,26
1928
111.508
2,74
1
1929
72.685
1
1,69
1930
123.144
r
3,48
1931
22.246
1.1
1932
1933
22.302
0,93
1934
17.815
0.77
1935
111.831
3,84
1936
92.174
2,66
'Fête Nationala, frais d'avocat, redevances téléphoniques, dépenses imprévues...
.
y
Lacune: 1932.
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1926-1931) et 20 36-5 200 Mil 774,.
Sénégal, rapport politique annueI19~.

222
Tableau 38: DEPENSES DE PERSONNEL D'HYGIENE (1926-1930) (en francs courants)
Trait. médecin
Pers. dispensare
Nettoiement
Salubrité
1926
40.000
40,000
168.800
41.000
1927
63.000
59.179
504.302
61.193
.
1928
400.940
71.360
1929
42.235
69.640
-
1930
Les dépenses du nettoiement de la ville correspondent aux dépenses facultatives engagées par la municipalité
au moment des épidémies de peste et de fiévre jaune. Les dépenses obligatoires d'hygiène étaient comprises
dans les dépenses de voirie.

Les dépenses concemantles traitamants du médecin at du personnel du dispensaire sont agrégées pour les années
1928,1929 et 1930: 149.765, 116.103 at 107.1 14 francs
Les dépenses du personnel da salubrité étaient versées aux notables at chafs de village pour faire respecter
les règles d'hygiène.
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1926-1930).
Tableau 39: DEPENSES DE MATERIEL D'HYGIENU (1926-1930) (en francs courants)
Médicarn.at foumit.
Nettoiemen1
r Salubrité
1926
35.000
412.000
1927
47.678
449.682
4.775
1928
35.000
406.150
2.000
1929
15.000
456.155
1930
20.000
Total
152.678
1.723.987
6.775
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1926-1930).

223
i.'
d'une législation urbaine concernant les eaux, la distribution d'énergie électrique, les
établissements dangereux ou insalubres, la construction et la salubrité des maisons, le
nettoiement des voies publiques, l'évacuation des eaux usées ... La Circonscription de Dakar
suivait l'exemple le 31 mai 1930, la Côte-d'Ivoire le 31 janvier 1934, la Guinée le 31 décembre
,
~
de la même année 41.
.f
Des travaux de remblaiement avaient été entrepris dans le quartier de Mérina par le service de
Petite Voirie de la colonie pour la protéger des inondations; les eaux provenant du plateau de
Bargny débordaient souvent dans ce quartier. Le centre-ville fit l'objet de gros travaux
d'assainissement
par la municipalité d'un, montant de 400.000 francs courants (1929):
bétonnage du boulevard de la gare (57.000 francs courants), du boulevard du canal de l'Ouest
(68.000 francs) en vue d'assainit les abords du village de Guendel et détruire les foyers à
larves, empierrement du boulevard de l'Est (100.000 francs) pour assainir les abords du
quartier de Mérina, remblaiement du boulevard du Centre (120.000 francs) 42, surélévation du
canal de l'Est (55.000 francs). De gros ouvrages (ponts) avaient également été construits:
passerelle sur le canal de l'Ouest reliant le centre-ville à Guendel, pont sur ce même canal au
niveau de Diokoul et un sur le canal de l'Est reliant Rufisque au village de Mérina 43. En 1929,
la municipalité construisit également 8 fours incinérateurs pour servir à la destruction par le feu
des ordures ménagères 44. Ces travaux avaient été poursuivis en 1930.
n était de notoriété publique que les artères de la ville de Rufisque étaient à l'abandon
(nids de poule, crevasses). La municipalité entreprit un travail de reprise des rues les plus
utilisées et par conséquent les plus abîmées: allées du boulevard du Centre, rues entourant le
marché, rues de Kaolack, Vergé et Gambetta. Les dépenses s'élevèrent à 70.000 francs.
41 ANSOM Agence de la France d'Outre-Mer, c. 377 d. 41 bis l, A.O.F., urbanisme et habitat.
42 Le caractère d'insalubrité de ce boulevard est mentionné à plusieurs reprises dans les sources antérieures
(foyer pestilentiel),
43 ANS 3D, op. cit., procès-verbal de la réunion du 27 août 1929 relatifà la voirie de Rufisque.
44 CARAN 2G 29-80, Colonie du Sénéjal. Délégation de Rufisque, rapport annuel 1929.

224
Cet effort municipal ~~ ~e fit pas sans heurt avec l'administration. La municipalité avait
'i
acquis ses premiers camions-bennes en 1926 pour remplacer les wagonnets poussées à bras
utilisés auparavant pour le~~:;~ransport des ordures. Dans une correspondance adressée au
Ji
délégué du Gouvernement l'du Sénégal à Rufisque, le lieutenant-gouverneur Beurnier lui
suggérait:
"II
serait.. intéressant d'étudier
si
les
dépenses
de
'1' ;,
nettoiement-ne pourraient pas être réduites sensiblement en
.,
utilisant le decauville pour le transport des ordures" 45
. .
.
A la veille de la guerre, la municipalité continuait à assumer ses obligations courantes:
. Il
,
nombreuses réparations des r;yes soumises à une circulation de plus en plus intense; entretien et
,I,:.~
réparation des divers ponts ~~fpasserelles. etc.
'1
Quant à l'assistance !rédicale, elle ne se présentait pas sous le même aspect dans
;1
Rufisque et sa banlieue. ri,~hs la commune, les soins médicaux étaient dispensés par un
ï :',
organisme municipal tandis',que dans la Banlieue, c'était au médecin de l'hygiène qu'il
"';
appartenait de prendre les mi~:iures nécessaires. La municipalité de Rufisque disposait d'un seul
; :J.
dispensaire; Bargny ne réceptionna le sien qu'en 1938. Les dépenses de personnel englobaient
le gros du budget de santéj tableau n 0 38: 79,05 % entre 1926 et 1930) notamment les
i!
traitements et indemnités dû'! médecin directeur et de son adjoint (50 % des dépenses de
h':l
personnel en 1926, 5l,56 % ;im 1927). Le reste du personnel se composait d'une infirmière et
'il; •
d'aides-infirmiers. Les épidémies de peste et de fièvre jaune
entre 1927 et 1929 avaient
nécessité la création de deux emplois de médecin et sage-femme auxiliaires 46.
i1
Le service municipal d'inspection des écoles resta à l'état de projet. Service de première

Î;;
nécessité, aucune dispositio~ réglementaire n'était intervenue pour le préciser. Au cours du
45 ANS 3D • Administration-générale et communale. Lettre du 14 octobre 1929.
46 ANS 3D, op. cit., Extraits ..., séance du 25 février J927, examen du budget primitif 1927.

225
second conflit mondial, les établissements de santé (dispensaire et lazaret) furent réquisitionnés
par l'autorité militaire pour cantonner les troupes.
m. LES DEPENSES ORDINAIRES DIVERSES: AUTRES lRAVAUX
COMMUNAUX ET ASSISTANCE
,~J
••
Les dépenses de travaux autres que ceux d'hygiène et de voirie furent de faible ampleur
(tableau na 43).
Au nombre des travaux communaux figuraient de grosses réparations sur le réseau
decauville (tableau n a 44), indispensables }lux opérations commerciales de la ville: rues
d'Erbézy, Boufflers, Carnot, Thionk, Fajon et Nationale 47. Avec le temps, les voies decauville
furent laissées à l'abandon. En grande partie usées, leur développement considérable était hors
de proportion avec les besoins de la commune et posait la question de leur remise en état
complète, Peu de maisons de commerce restées à Rufisque étaient intéressées par ces travaux;
la pose de voies neuves était plutôt rare. A la veille de la guerre,' c'était plutôt l'enlèvement des
voies non reconnues indispensables qui fut entrepris. En 1939, 220 mètres de voies avaient été
enlevées rues Gambetta, Wayembam et de Kaolack 48. Ces travaux permirent d'obtenir des
chaussées plus régulières et plus faciles à entretenir et une circulation routière plus fluide.
La participation de la commune de Rufisque aux travaux de construction de la route
Dakar-Rufisque fut l'objet d'un contentieux avec les autorités de la colonie. La municipalité
avait entrepris d'importants travaux de remblaiement sur les routes devenues impraticables,
suite aux inondations de 1927 dans les quartiers de Diokoul, Tiawlen et Santiaba 49 Elle avait
préféré participer à ces travaux (route Rufisque-Bargny) en mettant à la disposition du service
des Travaux Publics un rouleau compresseur et des milliers de mètres cube de pierres. Le
lieutenant-gouverneur imposa une inscription obligatoire de 100.000 francs courants ramenée à
50.000 francs pour ces travaux d'utilité générale.
47 ANS 3D, op. cit. Compte administratif de Rufisque 1927.
48 CARAN 2G 39-21, Administration communale de Rufisque. J939.
49 ANS 3D op. cil. Extraits ..,. séance du 23 mai 1928.

·;226 .
..
Tableau 43: DEPENSES DE PERSONNEL DES TRAVAUX COMMUNAUX (1926-1929) (en francs courants)
Prop. corn. Sery. plant Voie.'-'['cauville
Entret. rout. et chem.
Divers
Total (ligne
1926
20.000
29.000
49.000
1927
48.116
5.296
49.167
89.838
192.417
1928
31.700
8.700
40.400
1929
11.200
11.270
293.087
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisqùe (1926-1929).
Tableau 44: DEPENSES DE MATERIEL DES TRAVAUX COMMUNAUX (1926-1929) (en francs courants)
Prop. corn. Sery. plant Voie ::'ecauville Entret. rout. et chem.
Divers
Total (lione
1926
1Y5.000
40.000
65.000
210.000
1927
20.849
36.765
53.055
49.586
36.110
199.365
1928
74.029
91.300
23.000
188.329
1929
54.400
54.400
Total (coL)
20.849
36.765
289.484
180.886
124.110
652.094
36,27
22,11
52,37
19,36
27,41
29,09
25,57
50,47
18,53
18,79
Les pourcentages correspondent au rapoort avec le total colonne da la rubrique concernée.
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1926-1929).

227"
l.es autres travaux furent surtout des tâches d'entretien des bâtiments communaux: en
1C)2 7 reparation de la toiture du marché couvert, aux logements de l'agent-voyer et des
institutrices. en 1934, entretien des écoles des garçons et des filles (réparation du mobilier
scolaire), canal d'écoulement à l'abattoir. La municipalité entreprit également la construction
d'une ligne de transport d'énergie électrique pour desservir le lazaret et des sondages à
Sangalk am pour vérification de la qualité de l'eau. La construction d'un nouveau garage pour
l'eni retien et la reparation des camions de la municipalité à partir de 1927 fut une des causes de
la revocation de Maurice Gueye (détournement de matériel et d'outillage). Ce garage avait pris
du temps à être acheve à l'opposé du garage personnel construit par le maire, rue Galam.
Le projet de construction du nouvel hôtel de ville soumis par la municipalité à
l'approbation du lieutenant-gouverneur en 1926 ne reçut pas d'avis favorable, dix ans après. La
réalisation des travaux d'adduction pour l'alimentation en eau de Rufisque et Bargny était d'une
priorité plus urgente que la construction d'un édifice somptuaire qui nécessitait une dépense de
l'ordre de 3 millions de francs 50 Maurice Gueye avait sans doute souhaité marquer de son
empreinte son passage à la mairie.
A la veille de la guerre, la municipalité projetait comme travaux la construction du
dispensaire de Bargny et le transfert de l'Hôtel de Ville au siège de l'ex-Banque de l'A.O.F. 51.
1 C~ rravaux communaux furent ralentis ou paralysés par les événements inhérents à la guerre
(penurie de materiaux. difficultés de transport). Au bilan des travaux exécutés en 1940 ( en
francs courants)
"i'\\NS .1(;.:1. Ne,l!/sII,' des correspondances. Réponse de Borrel, administrateur de la Circonscription de Dakar
,'/ ! 1"/"'I1i/0I1({'S ri Gnlandou Diouf sur différentes questions concernant la municipalité. datée du JJ juin
1·/1 ....
'1 (,\\RAN 2C'~-l)~. Dakar e( Dépendances, rapport annu'fl d'ensemble 1938.

crédits prévus
dépenses effectuées
- dispensaire de Bargny
280.000
174.893
- grand marché
190.000
125.317
- hôtel de ville
200.000
115.249 52
Au titre des dépenses d'entretien, signalons des réparations aux logements du secrétaire
general de la mairie, de l'agent-voyer et des immeubles de la commune 53. Ne pouvaient plus
circ cxccurés que les travaux de première utilité inscrits en dépenses obligatoires.
Non promulguées au Sénégal, les lois d'assistance n'y connurent pas d'application
(d Annexes. l.a commune métropolitaine el les lois d'assistance obligatoire). Les difficultés
materielles des années vingt et trente (épidémies et malaise commercial) rendaient nécessaire
une action municipale vigoureuse 54 Les crédits affectés à l'assistance étaient modiques et ne
depassaient pas .2 % des dépenses communales totales (tableau n 0 33). Les calamités à
lrangou. Guendel. Tiawlen et Dar Es Salam en 1926 et dans les années qui suivirent passèrent
ail second plan Les interminables discussions sur les conditions de bénéficiaire (être une personne
Ill'I'"
11/17\\
.\\"/11/1'11
1'1 de
santé précaire) et les abus décelés furent à l'origine de nombreux refus
d'approbation des sommes affectées à ces dépenses. Les crédits inscrits au budget primitif
ei a.cnt vue epuises. vu les besoins; le lieutenant-gouverneur se faisait prier pour examiner la
pc\\sslbdlle d'autoriser l'inscription d'une somme supplémentaire.
Constituant en Métropole un poste budgétaire très important (15 à 25 % des dépenses
ordinaires selon les communes), les dépenses d'assistance se heurtaient à l'hostilité irréductible
<: C/\\RAN ~G ~()-31. Dakar el Dépendances. commune de Rufisque. Rapport sur le fonctionnement des
<crvicc» dl' la commune. /940
'1 1 TI 1li 1X 1:1 COIlllllII11C de Saint-Denis consacra 57 % de ses dépenses à l'assistance contre 30 à 35 % avant
,L'llcrrC
fîRIJNFT.I P. I<JXI. op cil. P 105.

Tableau 33
DEPENSES MUNICIPALES D'ASSISTANCE A RUFISQUE (1924-1945)
(en francs constants et en %)
Années
Secours aux indigents Frais d'hôpitaux Frais de vaccinat. Secours épidémies
Divers
En % des dép. tot.
1924
1925
1926
10AOO
5.200
12.480
11.440
0,88
1927
16.733
18.218
555
49.401
23.549
2,03
1928
16.500
11.000
550
16.500
15.400
1,34
1929
16350
5.450
16.350
1.090
0,84
1930
29000
5.800
2.900
0,92
1931
19.174
5.760
.
1.796
1,04
1932
1933
1934
25200
1935
22.500
0,51
1936
17.100
0,47
1937
0,5
1938
1939
1940
24.157
0,51
, 94 1
43 ..640
1942
1943
1944
5219
22800
38.000
2.489
2,96
1945
3.750
25.000
25.000
8.750
5,62
.
Base 100: 1938.
Source comptes administratifs de la commune de Rufisque (1924-1945),
comptes définitifs de la Ctrconscriptior. de Dakar et Dépendances (1940-1945).

des pouvoirs de tutelle et étaient réduites à leur plus simple expression au Sénégal sous
prétexte qu'elles servaient comme ressource politique ou faisaient de la commune un centre
pour pauvres
Il n'v cul donc pas à proprement parler d'action municipale pour venir en aide aux
1111SereUx
IV l,ES DEPENSES D'ADMINISTRATION GENERALE: UN GONFLEMENT
APPARENT SOURCE DE CONFLIT
L'examen détaillé des dépenses d'administration générale m'oblige à citer de nombreux
chiffres en francs courants. Je me suis efforcé de réduire cette apparence un peu sèche de mon
exposé mais indispensable à la compréhension des faits. Les dépenses d'administration furent la
pomme de discorde dans les rapports entre le pouvoir central et la municipalité. Leur examen
aux YCUx de l'administration révélait une surcharge constante du budget tant en unités qu'en
soldes (nominations, gratifications, avancements, recrutement).
A Des dépenses de personnel décriées
Le constat signalé ci-dessus est à nuancer pour cerner sa validité ou non.
r':n octobre 1920, le conseil municipal avait ajourné une demande d'augmentation
annuelle de 600 francs proposée par le maire GaJandou Dioufsur le traitement de Malick Diouf
(apparente au maire"), agent préposé à [a surveillance des droits d'entrée sur le vin de palme et
Iii viande de boucherie. depuis cinq mois à peine. Le traitement annuel devait passer de 3.000 à
; (,on francs En 1927. le service des plantations comptait 42.500 francs de dépenses de
personnel ( 13 Jardiniers 1) et 6 500 francs de matériel; le service de salubrité 62.000 francs de
dépenses de personnel sur 66.000 francs de dépenses totales 55. Il s'agissait des soldes des
rnanoeuvres et des indemnités versées par le conseil municipal aux notables et chefs de villages
pour le respect de l'application des règles d'hygiène. Ce fort taux de dépenses de personnel fait
-
._ .._--_._---~--_._--~--
" ANS 3D. op. cil Extraits . séance du 25février 1927.

231
penser à l'extension à ces surveillants de l'augmentation de 12 % (cf infra). Ne faisant pas
partie de l'administration municipale, ils n'y avaient pas droit; il en est de même des
manoeuvres dont le salaire était fixé par les lois de l'offre et de la demande.
L'equipe municipale diagniste dirigée par Ibra Seck (mai 1929-septembre 1932),
majoruaire apres la revocation de Maurice Gueye et à l'issue du scrutin du 6 mai 1929, se
distingua par une certaine politique de récompenses, peu après son installation. La pratique
avait-elle atteint d'importantes proportions? En tout cas, elle alerta certains édiles. Lors de la
seance du conseil municipal du 25 mai 1929, Amadou SaIT Déthié, Magoumba Ndiaye et
Abdoulaye Diagne demandèrent l'évacuation de la salle, afin que la suite du débat pût se faire
en cormte secret Il est intéressant de noter l'échange qui suivit:
"A présent que nous sommes seuls, je (Amadou Sarr
l tethié ; vous demande de laver le linge sale en famille. Le
recrutement arbitraire de certains employés; ignorant tout
des services municipaux, est de nature à compromettre la
bonne marche du service"
"Il est indéniable que le procédé qui consiste à donner à un
apprenti comptable une solde supérieure à celle de celui qui
lui apprend son métier est de nature à engendrer des
jalousies
nuisibles
à
la
bonne
marche."
(Alioune
SI les dépenses de personnel de la mairie avaient baissé en chiffres absolus (tableau n 0
:; 51. les soldes s'etaient modifiées dans de telles conditions que la hiérarchie n'avait été plus
conservée. Le chef du bureau d'état-civil était diminué de 565 francs, des plantons ou des
gardiens augmentés de 1.500 francs, une femme de service pour l'enseignement était
'" i\\NS\\D. Of' Cil. Extraits . séance du 25 mai 1929.

7.
'!
N
M
N
Tableau 35: DEPENSES D'ADMINISTRATION GENERALE (1926-1934) (en francs courants)
Pers. titulaire
Pers. contractuel"
Total (liqne
Pers. mair:
%
Recev. mun.
%
Pers. Percep
%
Pers. Bât.Com.
%
Pers. cim.
%
%,
1926
246140
70,26
23000
6,56
23604
6,73
10500
2,99
47078
13,43
350.322
1927
378143
67,66
21504
3,84
33874
6,06
48116
8,61
13800
2,46
63398
11,34
558.821
1928
399143
67,41
21504
3,63
30000
5,06
42208
7,12
17400
2,93
81830
13,82
592.85
1929
278935
80,11
22000
6,31
47225
13,56
348.160
1930
246482
65,12
22000
5,81
33828
8,93
44738
11,82
31068
8,2
378.476
1931
?26990
72,87
22000
7,06
32398
10,4
30110
9,66
311.498
1932 1
.-'
~.~-;-
- J
-
~-"-,
-----.......-
l~~ ,
1
1934
237445
100
1
237.445
Total (coL)1 2.031.264
109,008
1
200.929
165.172
41.700
223.374
2.776.807
Le personnel titulaire (ou permanent) correspond aux cinq premières fonctions définies,
Personnel contractuel: chauffeurs, vidangeurs...
Lacunes: 1932 et 1933.
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1 9?6-1934).

~
~
N
Tableau 36: DEPENSES DE FONCTIONNEMENT DE L'ADMINISTRATION GENERALE (1926-1934) (en francs couran1s)
Hôtel de Ville et bât corn
%
Voit. mun.
%
Fr. état-eivil
%
Fr. de bur.
%
Total (ligne)
1926
17.000
18,51
74.800
81,48
91.800
1927
127.141
51,56
22.584
9,16
3.775
1,53
93.047
37,74
246.547
1928
137.282
61,2
20.000
8,91
6.000
2,67
61.000
27,19
224.282
1929
25.000
30,3
9.000
10,9
48.500
58,78
82.500
1930
120.000
57,27
40.000
19,09
6.000
2,86
43.500
20,76
209.500
1931
32.579
39,93
7.871
9,64
1.458
1,78
39.677
48,63
81.585
1932
1933
1934
40.000
1 37,73
15.000
14,15
1.02Ft~~-l50.ooo
47,16
106.000
Tct:lI (col.]
--45;l50~
147.455
27.233
i 413.524
1.042.<:1" f
Lacunes: 1932 et 1933.
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1926-1934).
Tableau 37: FRAIS DE BUREAU MUNICIPAUX (1926-1934) (en francs courants)
Frais de représentation
%
Fr. de bur.
%
,Fr. de voy.
Fr. de ses Tot. (ligne)
1926
20000
26,73
44.800
59,89
74.800
1927
20.000
21,49
29.569
31,77
37.478
10.000
93.047
1928
36.000
59,01
15.000
24,59
10.000
6.000
61.000
1929
30.000
61,85
17500
36,08
1.000
48.500
1930
30.000
68,95
12.500
28,73
1000
43.500
1931
30.000
75.61
9.677
24,39
1932
1933
39.677
1934
40000
80
10000
20
50000
Lacunes 1932 et 1933
Source: comptes administratifs de la commune de Ruk,que (1926·1934)

234
augmentée de 1 800 francs, le chauffeur du maire avait vu sa solde portée à 8.000 francs 57
l.'interét électoral à s'attacher la fidélité des employés, notamment des employés de mairie, était
evident
En 1CJ30, Salif Seck, membre de la parentèle du maire et chef de la comptabilité
rnaueres se voyait attribuer un salaire annuel de 26.665 francs plus un loyer évalué à 18.000
irancs par an pendant que le salaire du secrétaire municipal était réduit (37.665 à 35.000
['r(lncs)'~ Une partie du conseil municipal désapprouva cette décision. A Magoumba Ndiaye
qui justifiait cette situation par le fait que Salif Seck était "très poli" et "bien avec tous", Abdoulaye
Diagne lui répondait.
"II ne s'agit pas de faveur à distribuer aux amis. Il s'agit
d'une question d'équité" 59
L'administration s'était opposée aux remaniements subis par la solde des employés et
avau rejeté le budget primitif 1930.
Le principe d'un rajustement des soldes du personnel corrélatif à celui dont avait
beneficie le personnel de la colonie n'était plus proportionnel aux situations acquises. Certains
agents municipaux bénéficiaient de la fourniture d'eau et d'électricité ainsi que de l'entretien du
mobilier d'appartement En 1930, des dotations de 10.000 francs et de 5.000 francs avaient été
affectées il ces postes 60
Ce comportement avait été atténué par la conjoncture. Au cours des années de crise
il (j,o· 1(32)
la solde des employés municipaux avait été réduite de 10 %, suite aux mesures
cie compressions budgétaires décidées dans la colonie.
'C .t\\NS ;D. op
cil Extratts . séance du 31 décembre 1929.
"A,NSiD op cil Exfrmls, séance du 28 novembre 1929, discussion du budget prtmitif 1930.
") Idem
r'°t\\NSif) séance du 11 décembre 1929, op. cil.

235\\
L'importance des dépenses de personnel était néanmoins exagérément développée par
la tutelle administrative (cf. Annexes, Effectifs et soldes du personnel titulaire municipal,
/I)JO)
Les dépenses du personnel contractuel étaient faibles par rapport au poids du personnel
titulaire qui constituait en moyenne 71 % des dépenses totales de personnel de mairie entre
1q~6 el 1931 (graphique n 0 20) Ces dépenses connaissaient une évolution fluctuante liée à la
rernuner auon et aux diverses indemnités. Les indices de traitement du personnel titulaire
Cl<llcnt llxes par le conseil municipal dans les limites autorisées; les effectifs devaient être
arretes par délibération approuvée par le lieutenant-gouverneur. Les avantages pécuniaires ne
pouvaient en aucun cas excéder ceux consentis par la colonie à ses propres agents occupant
des emplois équivalents.
En 1926 avait été pris un arrêté général allouant des relèvements de traitements aux
fonctionnaires et agents des cadres de l'küF (12 %) en raison de la cherté du coût de la vie.
Cerre nouvelle mesure bien accueillie par le personnel municipal fut par la suite contenue.
Maurice Gueye. en procédant à des hausses de salaire, tenait compte de l'allocation de 12 % et
des litres acquis a l'avancement par certains employés, ce qui provoquait la réaction des
autorues administratives. partisans de l'application stricte des 12 %. Rien dans l'arrêté du 25
octobre 1926 n'infirmait le droit à l'avancement des bénéficiaires. Un dialogue de sourds
s'instaura Les avancements ne pouvaient avoir lieu tous les ans mais après une période de deux
ans au moins d'ancienneté Maurice Gueye avait dû contourner le règlement pour certains de
ses agents en tenant compte de la précarité des emplois qu'ils occupaient; les fonctions
politiques ne conduisaient ni à retraite, ni à pension. Le maire avait la part d'autant plus belle
que les crédits suggérés par lui et votés par le conseil municipal pour les dépenses de personnel
ciarcnt difficilement annulables: les traitements et salaires du personnel communal titulaire et
les Indemnités accordées aux titulaires de certaines fonctions municipales constituant une
dépense obligatoire En 1927, à Rufisque, 28 agents formaient le personnel titulaire de la
maine Ce chiffre n'incluait pas les agents permanents des autres services (voirie, hygiène,
enseignement. police) AI
...- .......- _ . - - - - - - ~ -
'.1 ANS'D. séance du 25 février 1927. op. cil.

236
GRAPHIQUE 20
DEPENSES D'ADMINISTRATION GENERALE
(1926-1934)
.....................-
--..- . - - - - 1
1000000
100000
pers. de mairie
,,'.","
pers. cim.
tous pers. contract
1926 1927 1928 1929 1930 1931 1932 1933 1934
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1926-1934)

237
La "tendance fâcheuse" à grossir les crédits de personnel, à octroyer des soldes
Inconsidérées, à augmenter les effectifs au détriment des dépenses productives se vérifie-t-elle?
Dans le budget communal, les rubriques qui subissaient les plus fortes augmentations
concernaient les dépenses obligatoires (police, voirie, instruction) qui ne pouvaient être
compnmees
Elles étaient imposées au conseil municipal qui ne pouvait y apporter aucune
reduction
Voici quelques chiffres concernant la commune de Dakar.
T9.l)l~illL!LO 46 Dépenses obligatoires de police et de voirie (en francs courants)
]924
1926
1927
Police
365.000
625.000
760.000
Voirie
641.998
1.665.000
2.621.000
Source comptes administratifs de la commune de Dakar (1924-1927).
I.a possibilité qui restait à la tutelle de comprimer les charges de la commune était très
limnee Les dépenses de personnel constituaient une des voies de sortie.
l.a
mission
d'inspection
Muller
(janvier-février
1928)
avait
souligné
que
les
administrations municipales, celles des communes de plein exercice en particulier, "étaient
encombrées d'emplois. dont la suppression s'imposait". La mission Demongin (décembre 1935-janvier
1Cl, 6) était frappée par "la facilité avec laquelle les maires influaient sur les dépenses, de personnel
nnfOl>II/Wl7f
1
.i
01'\\ soir/es excessives étaient majorées d'indemnités importantes, des sinécures étaient
Ces constats pèchent par l'absence de données chiffrées 63. La question des traitements
du personnel municipal était malaisée Toutes les dépenses ressortissant à l'initiative propre et
au contrôle du maire (dépenses ordonnancées) ne pouvaient être ni changées ni modifiées par
l'arrete du lieutenant-gouverneur Elles concernaient pour la plus grosse part les traitements et
hi ANSOM Affaires Politiques. c. 2810 d. 3. Mission Demongin, op. cit.
h \\ l.a rrussion Muller ne suggéra que la suppression effective de huit emplois. Cf chapitre III supra.

238
indemnités du personnel Les difficultés financières éprouvées par la commune de Rufisque
avalent provoqué la recherche d'économies appréciables. En 1927 et 1928, la hausse des
crédits du personnel (graphique n 0 10) était liée à l'application du décret de 1926 allouant des
hausses de traitement. Les épidémies de peste et de fièvre jaune avaient entraîné aussi un
accroissement numérique des manoeuvres du personnel de voirie et d'hygiène et une
augmentation du taux des soldes pour le petit personnel (8 à 9 francs par jour) 64 d'où une
progression des dépenses de personnel 29,96 % en 1927 et 30,85 % en 1928 des dépenses
communales totales (tableau n 0 32) De manière générale, les dépenses totales de personnel
dans l'entre-deux-guerres restèrent inférieures à 15 %.
Fait essentiel, Rufisque s'efforça tout au long de cette période de couvrir les dépenses
totales de personnel à partir de ses taxes spécifiquement municipales, (tableau n 0 45 ), hormis
1q~ 7 et 1928 où la commune fut particulièrement éprouvée par l'épidémie de peste et où les
depenses facultatives de personnel et de matériel d'hygiène atteignirent d'importantes
proportions 35,04 % et 31,95 % des dépenses totales de personnel. Une réserve est à émettre
pour les années 1934 à 1937 où l'on ne dispose que du chiffre de dépenses concernant le
personnel de mairie proprement dit (secrétariat municipal et employés de mairie).
L'administration insistait souvent sur l'application des mesures visant à la compression
smcte des dépenses de personnel. Si c'était le personnel contractuel, la situation n'était pas
aussi grave pour la commune. Mais lorsqu'il s'agissait du personnel titulaire, il fallait considérer
que chaque poste supprimé n'entraînait pas une économie nette égale à la rémunération servie.
SI le dégagement se traduisait par une mise à la retraite anticipée, le versement de l'indemnité
de licenciement etait calculé souvent à raison d'un mois de traitement par année de service. Les
credits de personnel de mairie chutèrent également en chiffres absolus même s'ils 'occupaient
une part importante en pourcentage dans les dépenses de personnel entre 1929 et 1931. Ils
augmentèrent sensiblement en 1939 et 1940 alors qu'à la même période, un décret du 1er
(,~ ,A.NS 3D. op Cil Extraits.. , séance du 26 mai 1926.

239
GRAPHIQUE 10
, ,
DEPENSES DE PERSONNEL DE LA COMMUNE
DE RUFISQUE (1926-1937)
1 0 0 0 0 0 0 0 . . . , , - - - - - - - - - " - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - , r-:=--...,
~
dép.de pers.
.........................................................................................
_ ___.._-----_._---......,
....................._
_-_._---_.._---............., •
dép. totales
...........-
_ _.....................
.
_.._ __..__ __ _--...........,
1
.
--
-
-
--.
·-·lIIf--.............,
1000000
100000+---
1926
1923
1930
1932
1934
1936
1938
1940
1927
1929
1931
1933
1935
1937
1939
Source: d'après nos calculs. Comptes administratifs de la commune deRufisque (1926-1937)

240 :
Tableau 28: EVOLUTION DE LA CHARGE FISCALE PAR HABITANT A RUFISQUE
(1921-1951 ) (en francs constants)
années
population recettes
charge fiscale/hbt
1921
11.307
6.731.710
595
i
1926
8.%3
6.567.240
734
1931
14.623
2.540.700
174
1936
20.000
5.562.930
278
1945
43.000
1.224.908
28
1951
33.871
4.146.194
122
Source Annuaire Statistique de l'AOF et comptes administratifs de la commune de Rufisque.
Tableau 32 DEPENSES DE PERSONNEL DE LA COMMUNE DE RUFISQUE (1926-1940)*
(en francs courants et constants)
annees
dép. de personnel
dépenses totales
%
% contrib. oblig.
F. courants
F. const,
F. const.
1926
709122
737487
4497458
16,39
8,86
1927
1438912
1597)92
5330105
29,96
11,44
1928
1254560
1380016
4472246
30,85
18,37
1929
624070
680236
4671386
14,56
55,7
1930
494219
573294
4102507
13,97
58,71
1931
311498
398717
2568735
15,52
32,17
-
1932
2167343
36,23
-
1933
420095
621741
3537326
17,57
73,48
1934
237445
3704111
3566918
10,38
69,37
1935
215000
361200
4884229
7,39
61,7
1936
220000
330000
4797291
6,87
43,6
1937
305000
34770Q
3454200
10,06
59,4
1938
349842
349242
3977600
8,78
1939
402896
378722
3669457
10,32
1940
521815
396579
4692335
8,45
• tous personnels confondus administration générale, hygiène et santé, travaux communaux.
1934·1940 dépenses de personnel de mairie uniquement.
Lacunes contributions obligatoires: petite voirie (1926-1928), police et instruction (1932-1933, 1935).
Source d'après mes calculs. Comptes administratifs de la commune de Rufisque (1926-1940).

-~--~-~
-
!240 ois
Tableau 45 TAXES PROPREMENT MUNICIPALES ET DEPENSES DE PERSONNEL A RUFISQUE
(en francs constants et en %)
Taxes municipales % / rec. lot.
Dépenses de personnel % / dép.tol
1927
1.061.404
16,28
1.597.192
29,96
1928
1277.210
?9,79
1.380.016
30,85
1929
1 182652
~~0,02
680.236
14,56
1930
777225
',7,91
573294
13,97
.
1931
526830
;20,07
398.717
15,52
1932
1933
621.741
17,57
1934
448500
11,37
370.414
10,38
1935
436.800
8,69
361.200
7,39
1936
397500
7,14
330.000
6,87
1937
446880
6,96
347.700
10,06
Source comptes administratifs de la commune de Rufisque (1927-1937).

,241
GRAPHIQUE 22
TAXES PROPREMENT MUNICIPALES ET
DEPENSES DE PERSONNEL (1927-1937)
3 5 - · , - r - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ,
~
taxe. municipales
-dépeneesdepere.
30-
25-u ·· ··········
20
----_.._--_._----------1
10-
-
.
5------
o-J.b===1927 1928 1929 1930 '931 1932 1933 1934 1935 1936 1937
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1927-1937)

242
~('ptemhre 1C),q rendu applicable au Sénégal suspendait tout avancement pendant les hostilités.
Cette hausse des dépenses est probablement due au recrutement de nouveaux agents
murucipaux
Les dépenses de fonctionnement étaient absorbées majoritairement par les frais
d'entretien de l'Hôtel de Ville et les bâtiments communaux et les frais de bureau (graphique n"
11)
Ces derniers étaient surtout composés des frais de représentation du maire (cf infra).
Durant les années difficiles (J 929- ]931), la municipalité s'efforça de porter son effort
d'assainissement des finances dans les dépenses d'entretien des édifices communaux. Le
gonflement de la rubrique "Voiture municipale" en 1930 correspondait à l'achat d'une nouvelle
voiture pour le magistrat municipal, Ibra Seck, "la voiture municipale mise à la disposition du maire se
urouvann dans 1//1 éloi de vétusté tet qu'il (était) nécessaire de songer à la remplacer" 65.
B Les indemnités au maire pour frais de représentation: du principe désuet de la
gratuité des fonctions municipales
Le problème des indemnités au sens large fut objet de débats.
Le reclassement du personnel titulaire souhaité par le conseil municipal et refusé par
l'administration centrale avait pour avantage de faire disparaître la presque totalité des
nombreuses indemnités qui, s'ajoutant au traitement (personnel de la mairie, receveur
murncipal
1. provoquaient une rupture de l'équilibre nécessaire entre les rémunérations
afferentes à des emplois similaires, Les indemnités étaient variées: indemnités de logement,
indemnités au personnel des travaux communaux en dehors de leurs attributions normales, aux
chefs de village et aux notables pour faire respecter l'application des principes d'hygiène,
indemnités de fonctions, notamment celles allouées aux conseillers municipaux, aux adjoints et
au maire Je classe ces derniers (frais de représentation) dans les dépenses de fonctionnement si
l'on considère que les fonctions municipales sont gratuites. Par ailleurs, de multiples indemnités
etaient allouées sur les fonds du budget communal aux fonctionnaires et agents des cadres
(,' ,'\\NSID, séance du 28 novembre 1929. op. cit.

243
GRAPHIQUE 21
DEPENSES DE FONCTIONNEMENT DE
L'ADMINISTRATION GENERALE (1926-1934)
90
80
70
60
50
40
30
20
10
O+-'==+-==-~==-f-~==-t~===--f;"'=:==-+-===-+---f--==:"";
1926
1927
1928
1929
1930
1931
1932
1933
1934
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1926-1934)

244
administraufs appelés à apporter leur concours aux services municipaux. La mission Demongin
avau rOrlemcnt souligné cet aspect de la question.
Toujours est-il que par un arrêté local du 22 novembre 1933, une augmentation de
soldes etait allouée aux employés municipaux 66 JI s'agissait de réajuster les traitements du
personnel. consécutivement au renchérissement du coût de la vie et de l'aligner aux agents du
service local en ce qui concerne les indemnités de charge de famille et de logement.
Les indemnités au maire constituaient une dépense facultative votée sur les ressources
ordinaires de la commune qui devint avec la marche du temps quasi-obligatoire. D'après la loi
de 1884 (article 74 promulgué au Sénégal), les fonctions municipales étaient gratuites; une
allocation etait votée en compensation des dépenses faites dans l'intérêt de la commune. Elle
cnglooélll l'essentiel des frais de bureau de la municipalité de Rufisque (cf tableau n 0 37
SI/pro)
Le montant était fonction de l'importance démographique et politique de la commune;
les magistrats municipaux l'indexaient également au coût de la vie. Un contrôle sévère était
exerce par la tutelle concernant cette indemnité afin qu'elles n'équivalût pas en fait à un
veritable traitement Le maire de Rufisque se sentait constamment en situation d'infériorité par
rapport ases collègues de Saint-Louis (chef-lieu de la colonie) et Dakar (capitale de l'A.O.F.).
Fn 1Q27. Saint-Louis et Dakar avaient voté respectivement pour leur maire 45.000 et 50.000
l'ranes courants comme frais de représentation 67 Les magistrats municipaux de Dakar et Saint-
lOUIS residaient tres rarement dans leur ville (cas de Blaise Diagne) laissant à leur premier
adjoint la direction de la mairie. Ils n'en continuaient pas moins à prétendre aux frais de
représentation, laissant une faible part de ces indemnités à l'adjoint, part généralement
inférieure aux dépenses engagées par lui au cours de sa gestion.
'.(".ANS 'D. op Cil Extraits .. séance du 29 novembre 1933.
. , I\\"!S'D séance du 2~ février 1\\)27. op. cil

245
Conformément à la loi de ] 884, pendant les absences du maire, ce dernier était
remplace dans la plénitude de ses fonctions par son adjoint qui, exerçant ainsi toutes les
an riburions du maire. supportait en contrepartie toutes les obligations de cette charge. Il en
resultait que les frais de représentation votés par le conseil municipal revenaient en l'absence du
premier magistrat municipal à celui qui en faisait fonction. Le principe même de cette règle
n'etait pas mis en doute par les personnalités en cause, mais des hésitations subsistaient quant
au mode de répartition des frais de représentation, en raison de l'existence même de deux
membres du conseil municipal assurant alternativement la direction de la commune. A Saint-
L.OUIS. en l'absence d'un "gentleman agreement ", un conflit éclata entre le maire Paul Vidal,
avocat a Kaolack et résidant en permanence dans cette localité et son premier adjoint à propos
de la repartition des frais de représentation 68
Les montants des frais de représentation arrêtés en délibération étaient cassés et revus à
la baisse par les autorités administratives, surtout lorsque les frais de l'exercice antérieur
n'avalent pas été accompagnés de justificatifs particuliers. En'] 939, le conseil municipal avait
fixe au budget primitif des indemnités au maire d'un montant de 72.000 francs courants !
Dotation excessive qui fut comprimée dans de plus raisonnables proportions. Les frais de
session du conseil municipal étaient adoptés avec parcimonie par le lieutenant-gouverneur,
( 10 000 francs courants en 1926, 6.000 francs en ]927); le maire était par conséquent mis à
contribution A Rufisque, ces sessions se tenaient la nuit 69, généralement à partir de vingt
heures trente et se caractérisaient par un taux d'absentéisme très faible 70 Toutes les dépenses
produites par ce type de réunion (transports, buvette ...) étaient à la charge du magistrat
municipal qui devaient rétribuer le ou les employés qui travaillaient pour ces sessions en dehors
des heures normales.
A, ANS 1T 1n·SR. Communes de plein exercice Au sujet des frais de représentation du maire de Saint-Louis.
\\(,11' du Il février 1938.
(,0)
Quatre sessions obligatoires par an (février, mai, août et novembre) et de nombreuses sessions
cxt raordinaires sur convocation du gouverneur, le plus souvent liées aux remaniements budgétaires. Beaucoup
de membres du conseil municipal étaient des commerçants (Maurice Gueye, Ibra Seck. ..).
'i! Taux de presence de RO % III conseillers sur 16) dans l'entre-deux-guerres.

··246
Enfin pendant les périodes de cnse, le maire donnait satisfaction aux demandes de
subsides sur sa fourniture personnelle
l.a question de charges sociales ne se posa pas à Rufisque dans l'entre-deux-guerres, la
lOI du 12 mars 1930 sur le statut des employés municipaux et les avantages y afférant n'ayant
pas ete promulgués au Sénégal
Nulle part dans l'examen rapproché du budget communal de Rufisque dans l'entre-
deux-guerres on ne sent des errements fâcheux fréquents en matière d'administration et de
gestIon Tout simplement parce que la commune n'avait pas de choix, Prise par la lourdeur des
contributions obligatoires, la municipalité, soucieuse de dépenses facultatives en matière
d'hygiène (alimentation en eau, assainissement, électrification) et d'assistance, n'avait pas de
ressources lui permettant le luxe d'un entretien d'''emplois d'utilité douteuse", Il existait certes des
ilt!lsselllents délictueux de la part du maire (en matière de marchés de gré à gré, de secours
octrovés et du personnel municipal, toutes attitudes qui se singularisaient par la modicité des
ï
montants en cause et qui étaient immédiatement sanctionnées par la tutelle (révocation de
Maurice Gueye)
Aussi l'argument selon lequel le budget communal était un budget de personnel est à
refuter. l'analyse des sources de ]'entre-deux-guerres l'infirme, Les conclusions des missions
d'Inspection (Muller et Demongin) qui, a priori, étaient dégagées de toute contingence locale -
Pierre Boisson, administrateur de troisième classe, membre de la mission d'inspection Muller en
ranvier-fevrier 1928 assumera l'intérim de gouverneur général après la "révocation" de de
Coppet en septembre 1938 et sera titulaire de la fonction sous le régime de Vichy-, retardèrent
sans doute pour longtemps et l'extension de nouvelles attributions aux communes de plein
exercice et celle de l'expérience en cours à Dakar, Saint-Louis et Rufisque aux communes-
mixtes du Sénégal et de l'A.O.f. et AE.F., les trois laboratoires du Sénégal n'ayant pas fait la
f'r('IIH' de leur responsabilué en assumant leurs charges et devoirs.

247
V BILAN DE L'ACTION MUNICIPALE
Entre 1q24 et 1Q42, on ne peut pas distinguer l'action municipale à travers les maires
qUI se succedent des travaux entrepris par l'un sont achevés par l'autre.
Dans ses grandes lignes, l'action municipale se traduisit par:
- une revalorisation des traitements des employés en raison de la cherté de la vie
et des lois sociales (1926),
- une faible part des ressourc,es consacrée aux dépenses d'instruction publique et
d'assistance.
- un souci et un combat opiniâtre pour assainir la ville et offrir des services aux
populations (municipalisation des services d'eau et d'électricité);
Sur ce dernier aspect, Rufisque se conformait aux règles d'hygiène observées dans les
communes françaises qui consacraient entre 25 et 35 % de leurs dépenses à la voirie et à
l'hygiène entre 1923 et J 937. Neuilly-sur-Seine portait ce chiffre entre 44 et 52 % pour la
mème période 71
Cette action municipale fut tantôt paralysée par les querelles partisanes, diagnistes
contre mauricistes par exemple. Les critiques formulées par le parti d'opposition restaient
souvent théoriques la mise en concession de l'alimentation en eau de la ville de Rufisque par le
mime diagniste Ibra Seck et ses partisans qui s'y étaient fermement opposés lorsqu'ils étaient
nunoritaires au sein du conseil municipal illustre bien ce phénomène. Il existait peu de
divergences politiques
Face à la rigueur des décisions de la tutelle, les édiles usaient de la "stratégie de
l'Indiscipline", en entérinant d'abord les remaniements effectués pour ensuite les discuter en
permanence et les remettre en question au cours de l'année budgétaire. Les pouvoirs
71 BRUNET J P.
1981. op. cit., pp. 222-244. Voir aussi sur la politique hygiéniste coloniale au Sénégal,
SlNOU A.. 1991. Comptoirs et villes coloniales du Sénégal. Paris, Karthala. L'auteur reconstitue une
gcné::liogic de la pensée coloniale sur l'espace et la ville et analyse les enjeux politiques de l'urbanisme colonial.

248
adrmmstratifs. débordés, parvinrent néanmoins au cours de l'entre-deux-guerres
à avoir un
contrôle sur la municipalité
l.es dépenses ordinaires diverses (fêtes, subventions aux associations...), face à la
pression des charges obligatoires, occupaient la portion congrue dans le budget municipal avec
Lint' moyenne de 2,6 % entre 1926 et 1936 (cf tableau n 0 42supra et graphique n 0 15). Le
chiffre de 5 % atteint en 1926 provenait de l'importance d'une somme de 198.518 francs
courants consacrée aux dépenses imprévues. La municipalité était débitrice d'une fourniture de
VOies et de matériel decauville faite en 1922 par la maison Regnault. Quant aux dépenses
ext raordinaires, il est difficile de les repérer; Destinées à des travaux trop lourds à supporter
par la commune, elles étaient réalisées à partir d'emprunt. Dans la banlieue parisienne, la
commune de Saint-Denis contracta 18 emprunts entre 1920 et 1937 ! Sa dette s'élevait à
'-li 774 409 francs 72 Pour éviter l'endettement de la commune de Rufisque, les pouvoirs de
tutelle etaient
réticents à tout emprunt; la municipalité' en bénéficia pour des travaux
d'alimentation en eau sur budget externe (Fonds d'Emprunt de 1931). Il faut préciser que
contrairement en Métropole où les travaux d'édilité, de constructions d'immeubles, etc. se
faisaient sur dépenses extraordinaires et donc possibilité d'emprunt (crédits d'équipement), de
telles réalisations étaient inscrites dans les communes de plein exercice du Sénégal au chapitre
des dépenses.
ordinaires. Le contribuable rufisquois, tenaillé par les divers impôts de la
colome. était à nouveau mis à rude contribution.
1nstruction publique et assistance ne purent mobiliser l'action municipale sous forme de
depenses facultatives en raison des contraintes de la législation municipale interprétée de façon
rcstncuve par l'appareil administratif central En Métropole, depuis 1889, l'instruction était un
service dont l'Etat avait la direction et la charge; les communes ne supportaient plus que des
dépenses accessoires Au Sénégal, elle était depuis 1908 (loi des finances du 26 décembre
1908) et ce. jusqu'en 1942 un service communal: la municipalité supportait tous les frais des
ecoles (personnel et matériel) La contribution en matière d'instruction servait essentiellement à
7: BRUNET J P. 1981. op. Cil, p. 169.

249
GRAPHIQUE 15
DEPENSES ORDINAIRES DIVERSES(1926.1936)
6
.................................................................................................- _ -.-- _
- ..- - - - - -..- - - - - - - 1
5
4
f
J
2
o~====1926 1927 1928 1929 1930 1931 1932 1933 1934 1935 1936
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1926-1931),
2G 36-5 200 MI 1774, Sénégal, rapport annuel 1936.
'1'

250
paver les soldes et les diverses indemnités du personnel enseignant. En 1936 et 1937, la
commune de Saint-Louis avait consacré respectivement 27,84 % et 33,2 % de son budget aux
depenses
obligatoires
d'instruction
! 73 Les dépenses facultatives (ouvrages pour la
bibliothèque
) étaient par conséquent dérisoires.
line conclusion importante à laquelle cette étude de l'entre-deux-guerres
permet
d'aboutir et qui illustre qu'il existait bien un pouvoir local qui gérait l'espace communal réside
dans le constat que les revenus proprement communaux (taxes municipales) permirent de
couvrir les dépenses de personnel. L'examen comparé des taxes communales dans la commune
de plein exercice de Rufisque et celles des communes métropolitaines (octroi exclu) révèle que
les taxes communales diverses étaient plus élevés à Rufisque en pourcentage dans les recettes
(indice d'un meilleur recouvrement?) que dans le département de la Seine ou dans une
commune de province comme Angoulême. Ce résultat communal apporte un contre-éclairage
essentiel il l'idée selon laquelle les communes de plein exercice n'étaient pas gérables. Les
iugernents poryés sur l'instance communale coloniale sénégalaise par l'administration et surtout
les missions d'inspection dans leurs rapports à Paris continuèrent de conforter l'impresssion
d'insuffisance
Les rapports de l'inspection des colonies sur l'exécution et la situation des
budgets étaient communiqués aux commissions financières des deux Chambres (Chambre des
Députés et Sénat) Dans les trois premiers mois de chaque année, le ministre des Colonies
adressait il ces commissions financières un état des missions confiées par les gouverneurs et les
gouverneurs généraux sur les fonds des budgets locaux., avec des précisions sur l'objet de la
rmssion, sa durée et les dépenses qu'elle avait entraînées. Aussi les lenteurs et les résistances
pour les réformes indispensables se comprennent-elles mieux.
A la veille du second conflit mondial, le gouverneur général par intérim, Pierre Boisson
forçait la caricature en étant favorable au retour des attributions aux municipalités "dès qu'elles
(auraient) pu pourvoir. grâce à leurs ressources propres (taxes municipales) aux trois-quarts au moins des
71
ANS"lG 1 3-17. Application de la loi municipale du 5 avril 1884. Budget de la commune de Saint-Louis
i 11130-19371

251
dépenses communales" 74 Une gageure. Par ailleurs, les versements (contributions obligatoires)
que la commune devait faire au budget local étaient sans commune mesure avec le montant des
versements (ristournes) qu'elle recevait de ce même budget; les réserves étaient constamment
:1
';1
employées à l'équilibre du budget communal. Contributions obligatoires versées et dépenses de
1
;1
personnel réglées, il ne restait plus au budget que des sommes faibles pour faire face aux
depenses facultatives
Quelques années auparavant, en 1928 et 1936, le caractère polémique des discussions
entre le maire et les inspecteurs vérificateurs de la comptabilité communale, les rubriques
ciblées -Demongin par exemple épilogua. longuement sur le recouvrement des taxes sur les
chiens, les billards, les enseignes et publicités, taxes inspirées de la loi Niveaux du 13 août
1926 qui n'avaient aucune réalité au Sénégal et sur lesquelles même en Métropole, les
communes captaient peu de recettes, tant celles-ci étaient insignifiantes voire nulles- ajoutèrent
i:
il la confusion pour retarder des réformes nécessaires dans les communes de plein exercice.
,l
'
Marius Mouret ministre des colonies, dans une correspondance adressée à de Coppet,
quelques jours après l'adoption de la loi du J novembre 1936, abondait dans le même sens:
1
"Les taxes spécifiquement locales ou municipales devraient
normalement être
les principales sources
de revenus
"
communaux' 75
La réforme des finances communales et départementales sous le Front Populaire (loi du
13 novembre 1936) et sa non promulgation au Sénégal furent une occasion manquée qui, il me
semble, eut été porteuse d'avenir. Hantée par le passé des communes sénégalaises, la IVème
1
Republique adoptait la voie libérale par la promulgation du décret du 3 janvier 1946. Avancée
74 ANS 3G 1 2·17, Régime municipal. Restitution aux communes de leurs attributions. Lettre conjidentielle du
gouverneur général par intérim auministre des colonies (Georges Mandel) datée du 29 décembre 1938.
7< ANS IT 23·58. Modification 'lu régime fiscal des COI/IIIIUnes. Lettre du ministre des colonies au gouverneur
général de l'A 0 F datée du 20 no: imbre 1936.

252
pour les uns, prématurée pouç les autres, le résultat auquel elle aboutit fut le même: le déclin de
l'institution municipale au Sénégal.
La ville pour qui?
Que signifiait vivre à Rufisque entre les deux guerres?
L'effort municipal po.ra en grande partie sur l'Escale, la ville lotie, notamment en
matière de construction ou ,if réfection des édifices, en raison de son caractère administratif et
commercial. Toutefois une dépense, celle de l'alimentation en eau, permet d'affirmer que cet
effort ne fut pas seulement localisé. Tout au long de l'entre-deux-guerres, ce service était
source de conflit et d'incompréhension. Les épidémies frappaient durement et durablement les
.i
quartiers indigènes. A l'avènement de la première municipalité exclusivement africaine au
.,jl
Sénégal, sous la direction de Maurice Gueye (1925), les édiles se donnèrent comme objectif
d'intégrer l'équipement de la périphérie dans leur programme. Le conseil municipal n'était plus
dominé par le monde du négoce, soucieuse avant tout de rentabilité économique. Les
1l01lVeilUX
édiles étaient
is';us
de ces quartiers
périphériques et
plus réceptifs
aux
preoccupations des populations qui avaient plus de chances d'être entendues et examinées.
j',
L'échange qui suit entre Mau;ice Gueye et un conseiller municipal en fait foi:
"Pourquoi la mosquée de Dangou est-elle dépourvue
d'éclairageDi(Alassane Ba)
Parce qu'il est impossible de donner satisfaction à tout le
monde, notre trésorerie nous l'interdit d'ailleurs (...) je ferai
tout ce qui dépendra de moi pour donner satisfaction aux
villages dépourvus de l'éclairage (...) (Maurice Gueye)
,
J'en prendsacte" iAlassane Ba) 76
76 ANS 10. op. cil
Extroits.,., séance du 29 novembre 1933.

253
S'arrèter sur le fait qu'il s'agissait d'un probable refus à un quartier anti-mauriciste serait
insuffisant Il s'agissait d'un besoin à satisfaire "remonté" par un représentant de ce quartier.
Les projets d'alimentation en eau présentés par la commune (établissement de
canalisations et de fontaines publiques notamment) furent tous rejetés; ceux du service des
Travaux Publics de la colonie restaient muets sur l'alimentation des villages de la banlieue. Ce
confli: entre projets et l'échec du programme municipal en matière d'alimentation en eau éclaire
sur le divorce entre les préoccupations de la municipalité et celles de l'administration. Celle-ci
dissociait les programmes d'assainissement, et d'alimentation en eau. Eau et assainissement
formaient un tout
indissociable.
Ce point était très important dans la réalisation de
l'assainissement de la ville la distribution régulière et en quantité suffisante avait pour avantage
de faire disparaître les citernes et réserves d'eau, principaux gîtes à moustiques. Les travaux
d'adduction constituaient par eux-mêmes une oeuvre d'assainissement. L'exécution simultanée
des travaux dans les villages avec ceux de la ville était prioritaire pour le conseil municipal qui
demanda en cas de difficulté financière de commencer par les villages, puisque la ville était déjà
alimentée en eau potable En 1928, les édiles insistèrent pour qu'au projet de la colonie y rot
adjoint un dossier complémentaire complet d'alimentation en eau des villages. C'était leur
condition pour toute approbation de quelque projet. La municipalité était prête à verser
annuellement une contribution de 250.000 francs courants au service local du Sénégal, à titre
de participation de la commune. Les dépenses d'ensemble du réaménagement du réseau
d'alimentation en eau de Rufisque s'élevaient à 7.800.000 francs courants 77.
Il me semble que la commune, au vu de ce bilan, n"'appartenait" pas aux seuls citoyens
mais a ses habitants, tous statuts juridiques confondus. C'était là une des principales avancées
dans l'entre-deux-guerres
77 ANS 10. séance du 23 mai 1928, op. cit.

,254
Le defaut de l'organisation municipale venait de ce qu'il y avait disproportion entre les
depenses imposées ou laissées à la charge de la commune et les ressources de la même
commune
La tutelle s'efforçait de rechercher dans tous les excédents des ressources dans le
budget communal pour les appliquer à des dépenses d'ordre général dont elle ne voulait pas
"Imposer les charges Du budget communal disparurent toutes les recettes disponibles sur
lesquelles pouvaient ètre basées, l'activité, l'initiative de l'assemblée locale et les libertés
communales
L'administration coloniale, en développant une défiance tous azimuts à l'égard de
l'institution municipale, attaquait le principe de l'élection du conseil municipal et de son utilité,
puisqu'avec son projet toute responsabilité cessait de peser sur la commune,

255
CHAPITRE VII. LES MODES D'INTERVENTION EXTRA-
COM M UNALE: UN EFFORT NEGLIGEABLE
l.es grands travaux d'urbanisme et d'extension de la commune qui ne pouvaient pas être
'11i'pones par l'action municipale étaient couverts soit par le budget local, soit par le
(1I'II\\CT!lernent General ou le Fonds d'Emprunt, selon que le développement envisagé était
PRIII MINA 1R[S METHODOLOGIQUES
Je pars d'un cruere privilégié, la mesure des capitaux non communaux consacrés à
l'equipement de Rufisque durant son histoire coloniale comprise entre 1930 et 1957.
1,'eITon a consisté en un dépouillement exhaustif de documents comptables, les
(omptes Definitifs des Recettes et Dépenses des divers budgets intervenus à Rufisque -
"'t'Ilc\\!al
,'\\ 0 F , Circonscription de Dakar et Dépendances, Fonds d'Emprunt, F.I.D,E.S,- et
1:11
1111
1rauernen:
des données basé sur la méthode quantitative, à partir des acquis du
l ,iI'l 'l;lll'lrl' Tiers-Mondes. Afrique dans ce domaine '. L'effort est parfois singulièrement
il1l'l;11
devant ii1 rarete el les contradictions des statistiques à ma disposition devant me
pt'r-I11et 1re de dresser des graphiques visualisant ma réflexion, Les coûts d'investissements
urbains ont été déflatés en francs 1938, plus aptes à saisir le sens réel de l'évolution et ce, à
1~(llllr des Indices des prix de gros de l'lNSE,E, puis sériés par destination -administration,
urbanisrne
xante.
enseignement, logement, infrastructure-,
et par type de travaux
-
.onstrucnon. amenagement (voirie, assainissement, adduction d'eau), entretien, équipement,
t'111des-
Le mode d'exécution a été précisé (entreprise, régie ou mixte), chaque fois que
r
(
/U/\\//( I( .u.unn
f)ANFAKHA P W. 1990: SISSAO c. 1992; DULUCQ S" 1992; DULUCQ S"
(,I il fU; ()
l ')'I~ "/' c i t

256
Le problème de continuité dans les relevés statistiques a été une difficulté majeure.
- soit le remaniement de la nomenclature des dépenses établit les coûts urbains
dans leur globalité d'où j'impossibilité de procéder à des déflations fiables: ainsi a été écartée de
mes travaux la pan des investissements à Rufisque lorsqu'elle est agrégée à des investissements
dans d'autres villes (Kaolack, Ziguinchor),
- soit le découpage administratif (rattachement de la commune de Rufisque à la
Circonscription de Dakar et Dépendances en 1937) rend difficile voire impossible toute saisie
cie données Ainsi les dépenses d'aménagement qui sont affectées à Rufisque sont très souvent
rnélees à celles de Dakar. C'est le cas entre 1938 et 1945 pour les constructions de défense
passive pendant
la guerre (abris), certains travaux d'assainissement, d'entretien ou de
construction de routes sur budget général,
- enfin certains comptes définitifs du fait de leur détérioration sont hors d'usage
ou presentent des données lacunaires, Circonscription de Dakar, Grands Travaux et Dépenses
Sanitaires sur Fonds d'Emprunt
Par ailleurs, le port de Rufisque entré en décadence n'a pas été pris en compte. rai
egalement préféré m'abstenir d'évaluer le volume des capitaux privés: l'appréciation de leur
rnoru aru s'est avérée difficile et trop aléatoire, faute de renseignements.
Ent re
1947 et
1957, Rufisque est
intégré au programme des
grands travaux
d'equipement de la presqu'île du Cap-Vert, confié au S.T.A.G.D. (Service Temporaire
d'Aménagement du plus Grand Dakar) sur budget F.I.D.E.S. Très peu de renseignements sont
fournis sur la pan revenant à Rufisque. Cette lacune est partiellement comblée par le relevé des
comptes administratifs des travaux exécutés sur F.I.D.E.S. entre 1947 et 1955.
1ncornplète dans ses listes, entachée d'erreurs probables suite aux données recueillies,
VICiee par suite de circonstances qui ne permettent pas de dégager le véritable volume des
budgets coloniaux à Rufisque, l'étude statistique de la présente étude ne peut donc prétendre

qu'a fournir une vue d'ensemble, un rapport sensiblement constant entre des termes dont la

257
valeur exacte reste sujette à caution Conséquence, le raccordement des séries statistiques
s'avère impossible dans ma tentative de spécifier le rôle de chaque budget.
Tous les chiffres présentés dans ce chapitre sont exprimés en francs constants 1938.
1r. LE ROLE MAJEUR D'UN CIRCUIT EXTERNE: LE FONDS D'EMPRUNT
Un décret du 8 mai 1931 porta création d'un "budget spécial des grands travaux et
depenses samtaires sur Fonds d'Emprunt" (1.690 millions de francs métropolitains). En 1943,
par arrêté du gouverneur général de l'AO.F., du 31 décembre 1942, pris en vertu des pouvoirs
exceptionnels qui lui étaient confiés par ordonnance du Comité National français, les dépenses
des grands travaux d'équipement de l'AO.F. furent groupées dans le budget général où elles
figurèrent sous le titre de "budget général extraordinaire". Le décret du 5 décembre 1943 du
Comite Français de Libération Nationale abrogea le décret du 8 mai 1931 ainsi que l'arrêté du
) 1 decembre 1942 en créant un budget spécial des grands travaux annexe du budget général de
j'A 0 F Il était alimenté par le solde du compte de l'ancien budget spécial des grands travaux.
En contractant un emprunt, les colonies avaient le choix entre trois formules de
rernbou rsernent
- en vingt annuités calculées en tenant compte d'un taux de 5 %, la première
payable en )932 Cette formule conduisait à de lourdes annuités et ne présentait de l'intérêt que
pour les colonies ayant absolument besoin d'un moratoire,
- en vingt-cinq annuités calculées en tenant compte d'un taux de 2,75 %
payables sans moratoire,
- en quarante annuités payables sans moratoire en tenant compte d'un taux
: l.n Dépeche ( 'otoni at« du 8 janvier 1929. Bibliothèque Nationale, Paris.
Sur Ics rnouvauons politiques el économiques, les polémiques quant à l'adoption de la loi d'emprunt, voir La
/le pêche Colontale des 17 et 26 septembre 1929 et 27 mars 1930.; La Feuille du Jour Coloniale des 17 mars,
l 'i ct :W mai. 19 septembre J 930: La Torche Financière du ler mai 1930; Le Temps du 27 mai et Il novembre
l'JÎ() Tous ces Journaux sont consultables à la Bibliothèque Nationale de Paris.

258
En 19J 1 intervient le Fonds d'Emprunt en A.O.F. pour relayer la section spéciale des
grands travaux du budget général Une loi du 22 février 1931 avait autorisé le Gouvernement
Géneral de l'AüF. à contracter un emprunt de 1.690 millions dont 45,1 millions réservés à
j'assainissement, l'adduction d'eau et l'édilité 3
L'assainissement du périmètre urbain de
Rufisque et de ses quartiers de la périphérie s'était poursuivie avec beaucoup de lenteur en
raison des moyens financiers communaux limités qui pouvaient y être appliqués. Les zones
marécageuses ne pouvaient pas entrer dans le système d'évacuation dont le canal de l'Est
l'OrrTlalt "artère principale
L'écoulement des eaux se faisait par l'ouverture de fossés
temporaires a travers les faubourgs de Mérina et Tiawlen avec issues à la mer. Cette mesure de
fortune n'aboutissait qu'au dégagement d'une certaine quantité des eaux, le reste demeurant
dans les bas-fonds et stagnant pendant de longs mois. La solution envisagée par le Fonds
d'Emprunt était d'une part, la construction d'un canal à ciel ouvert, à fond cimenté destiné à
collecter et à conduire à la mer les eaux de ruissellement et d'autre part l'asséchement des
marées Quant au canal de l'Ouest, l'idée était de la prolonger jusqu'aux limites sud des
faubourgs de Dangou et Santiaba où existait là également une région de marécages. Les
travaux d'assainissement s'élevaient à 5.000.000 de francs courants sur Fonds d'Emprunt 4.
Cet emprunt permet à Rufisque de bénéficier de ses plus lourds investissements d'avant-
guerre b 794 no francs (tableau n 0 57) soit 89,36 % du total de l'Emprunt à Rufisque entre
Les crédits sont absorbés par des travaux d'urbanisme (18,33 %), d'infrastructure (8,45
~·o) et des réalisations dans l'enseignement (73,22 %).
: ANS 1T 14R-~R Gouvcrncrncnt Général de l'A.O.F. Rapport daté du 17 avril 1934 sur la situation au 31
I/{,( cmbrc / (J.J.' dt:« travaux préFUS au programme des Grands Travaux sur Fonds d'Emprunt de 1.690 millions
d(' /'·1 ( )f.
1", NS IT 1 1O-~R. Programme sanitaire. Assainissement de Rufisque, comblements, canalisations, drainages,
/ ().' /

259
bloau 57 LES INVESTISSEMENTS PUBLICS URR,\\I"JS SUR FINANCEMENT EXTERNE
ronds d'Emprunt (1931.19461
Frs. courants
Frs. const.
CL'
-~
1931
1932
73.421
104.258
1,37
1933
786118
1163.455
15,3
1934
81233
126723
1,66
1935
1936
1937
3.254937
3710.628
48,8
1938
1.503191
1 503.191
19,77
1939
198378
186.475
2.45
1940
1941
_.
1942
1943
-
"944
1820723
691 875
- 9,09
.
1945
466847
116712
1,53
- ,
,:;46
- . .
T 01.3/
8184848
7603317
100
Moyenne
584632
543.094
- -
curies 19~3 et 1946
se 100 ~ 1938
~n francs constants
'uree. comptes définitifs du Fonds d'Emprunt (193,1·1946).
GRAPHIQUE 16
LE FONDS D'EMPRUNT A RUFISQUE
(1931-1946)
1932 (1,4%)
1933 (15,3%)
1934 (1,7%)
1938 (19,8%)
1937 (48,8%)
Source: comptes définitifs du Fonds d'Emprunt (1931-1946)
"--------_\\~-._-------------_
..

· ''''6
&.0 \\:
~ f .. ' "
Des travaux d'assainissement, à l'entreprise, sont effectués dans les faubourgs de
Merina et Tiawlen (remblaiement et exécution de caniveaux: 1.394.436 francs entre 1932 et
1934, année où les travaux sont achevés) 5 et des aménagements concernent le transfert de
l'Ecole Normale William Pont y de Gorée à Sébikotane (banlieue de Rufisque) entre 1937 et
1939 (5400294 francs soit 71,02 % des dépenses totales du Fonds d'Emprunt à Rufisque
entre 1931 et 1945) et en 1944-] 945: construction de classes (49.052 francs) et logement pour
le personnel enseignant (] ]6 712 francs) en procédure mixte (entreprise et régie).
Le Fonds d'Emprunt intervient également dans les communications: en 1944, 642.823
francs sont consacrés aux travaux de la route suburbaine Rufisque-Bargny.
L.es travaux de construction couvrent 73,2 % des dépenses du Fonds d'Emprunt, ceux
d'aménagement 26,79 % (assainissement et route suburbaine).
La question de J'alimentation en eau n'accueillit pas lès faveurs du Fonds d'Emprunt. La
commune de Rufisque avait réalisé quelques années auparavant pour l'alimentation de la ville et
du port
une amélioration considérable en procédant à l'électrification du
mécanisme
daspi ratIon et de refoulement des eaux. Les canalisations de distribution avaient subi avec le
temps d'importantes avaries qui entrainaient des interruptions fréquentes dans la distribution
(~O() metres-cubes étaient perdus quotidiennement). Le budget municipal n'était plus en mesure
de repondre à de tels frais à partir de ses ressources, Le lieutenant-gouverneur du Sénégal et le
gouverneur général de l'AüF, après avoir été convaincus par le programme d'ensemble de la
cornrrussion municipale d'hygiène de Rufisque, étaient favorables à l'intervention du Fonds
d'Emprunt à Rufisque pour donner à l'organisation du ravitaillement en eau la sécurité et la
regularite
, Des difficultés d'ordre topographique et technique n'avaient pas manqué de se poser durant la confection des
0\\1\\ rages

261
Il ne pouvait en effet y avoir d'hygiène et d'assainissement sans eau ou pas
suffisarnrnent
L'eau du Camp des Tirailleurs était particulièrement polluée. Des études
pratiquées en 1934 par l'Institut Pasteur de Dakar révèlaient une teneur en germes pathogènes
atteignant 20.000 colis au litre; des analyses pratiquées en même temps sur les eaux de la
conduite de Sangalkam-Rufisque sur laquelle était branchée la distribution du camp révèlaient
une souillure de 10000 colis au litre. Les travaux effectués par les militaires n'avaient pas
resolu la question, la pollution des eaux du camp était ramenée au niveau de celle de l'eau de
la ville et la collectivité militaire restait tributaire d'une eau dangereusement polluée 6.
I.e Fonds d'Emprunt était déjà engagé dans des travaux similaires à Saint-Louis qui
beneficia de 7072 679 francs soit 64,45 % de ses crédits totaux en matière de dépenses
d'alimentation en eau dans la colonie du Sénégal entre 1936 et 1940 7.
III UNE SPECIALISATION DES ORGANISMES DE FINANCEMENT INTERNE
A Le budget de la colonie du Sénégal et les dépenses d'entretien
Deux grandes périodes caractérisent la modification du paysage rufisquois par les
sources de financement interne entre 1930 et 1946 (tableau n 0 60) .
Entre 1930 et 1937, la récession budgétaire du fait du malaise commercial provoque la
prise en charge de Rufisque par le budget du Sénégal (tableau n 0 62) jusqu'a son rattachement
a Dakar en 1937 On y note la part très faible de Rufisque dans les dépenses de travaux publics
de la colome, avec une légère pointe en 1931 (15,74 %) qui correspond en grande partie à des
travaux d'adduction d'eau sur programme spécial. Les rigoureuses compressions budgétaires au
niveau du budget fédéral amènent le budget local à un repli.
h
L\\NS IT 1()6-5R. Troupes du Groupe de l'A.OF, service de santé. Au sujet de de l'eau du camp de Rufisque.
lcnr« du medccm-chef du Territoire de la Défense de Dakar au médecin-général inspecteur. directeur du
\\('n/c/' dl' santé des Troupes du Groupe de l'A. 0. F, datée du 23 mai 1935.
1)';lprès mes calculs. Comptes Définitifs du Fonds d'Emprunt, crédits alloués en matière d'alimentation en
('ul/>\\lIcune réalisauon ne fut également effectuée à Kaolack et Ziguinchor, communes-mixtes concernées par
le prolel

262
Tableau 60 INVESTISSEMENTS PUBLICS URBAINS A RUFISQUE PAR SOURCE DE FINANCEMENT INTERNE (1930-1957)*
Francs courants
Francs constants
Budget général
% ligne
Budget Sén.
% ligne
Budget Oak.
% ligne
Budget général Budg. Sén. Budg. Oak.
1930
135424
100
-
157092
1931
946250
100
-
1211200
1932
23681
11,89
175415
88,11
33627
249089
1933
26888
100
-
39794
1934
289
1,29
22184
98,71
451
34607
1935
12635
100
.
21227
1936
127::86
100
-
190929
1937
285126
92,05
24613
7,95
325044
28059
1938
1180119
62,1
720104
37,9
1180119
720104
',939
-
2054283
76,48
631656
23,52
1931026
593757
~ g'10
355792
7,63
4307203
92,37
270402
3273474
'9'1 i
353315
18.41
1566194
81,59
222589
986702
1942
1043457
58
755379
42
553032
400351
'943
16305
100
7174
-
i944
634114
100
-
240963
-
.
1945
502025
11,04
4045751
88,96
125506
1011438
1946
26193
1,04
243011
9,63
2255048
~9,34
1598
14824
137558.
1947
-
1948
1965000
100
125760
1949
280178
100
15970
1950
1951
3491741
100
150144
1952
18456313
100
738253
1953
3669847
100
150468
1954
697974
100
28617
1955
4558750
100
186909
1956
:9SÎ
3279983
100
124639
Tora'
42874486
1(1~706
14281335
6412291
1946821
7123384
Moyenne
1649019
190412
1586815
246627
216313
791487
-
Lacunes 1950 et 1956 (budget général) .
. deoenses communales non comprises.
Sources comptes définitifs AOF (1930-1957), ::ènégal (1930-1957) et Circons. de Dakar et Dépendances (1938-1946).

263
T'01 e a" 6' PART DU BUDGfT GfNERAL DANS LfS INVI é nSSEMENTS
PUBLICS URBAINS A RUFISOUE (1930- 19571
ranes courants
Francs constants
"" Igne
1930
\\931
1932
23681
33627
11,69
"JJ
'934
289
45'
1,29
,Q35
1936
193
26~1 26
J20044
92,05
1936
1160119
1180"9
62,'0
1939
2054283
1931026
76,48
1940
3~5 92
2 0402
',63
._-
, 941
353316
222589
18,41
, 942
1043457
553032
58
--
1943
16305
7174
100
-
1944
634114
240963
100
.
1945
502025
125506
11,04
_.,'
1946
26'93
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1,04
-
194
, 948
1965000
125760
100
\\ 949
280178
15970
100
',950
j 95 1
3491
41
150144
100
19512
18456313
738253
100
, 953
3669847
150468
.~
, 954
6979 4
28617
'00
.
'955
4558750
186909
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1956
, 9'0
J27998J
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Voy~r:(le
'649019
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'950 '='1 ~ 956
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• 1')0 = , 938
SOU'''.f-
co-notes oe'ovrus dl:" l'AO~ (19301957)
; ante-av 62 PART DU BUDGfT Of LA COLONIE OU SENEGAL DANS LES INVESTISSEMENTS
~UBLICS URBAINS A RUFISOUE 1'930-'937 et 194"
._-
_.
Francs courants
Franes constants
~ ligne
'930
135424
157092
100
-
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1211200
100
"
1932
175415
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.
, 933
26888
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_.. 100
1934
22184
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--
, ,eiJs
12635
21227
100
'936
--
127286
190929
100
, 937
24613
28059
7,95
1946
243011
14824
'-"9~
101al
1713706
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"o- '938 ~ \\940 ccüscoe est totèq.ee a la Cuconscnptio.
te Dakar el Dependances.
t: 0.1';"
(jf'.
:~.a? I,J Dal1 de ~ul15nue (1 apoar ait olus dans l,:; comptes définitifs du Sénégal.
; ,n,e,c GJ DART DU BUDGET DE LA CIRCONSCRIPTION DE DAKAR ET DEPENDANCES
DANS LES INVESTISSEMENTS PUBLICS URBAINS A RUFISOUE (1938-1946)
ranes courants
Francs constants
.
% Igne
19J8
720104
720104
37,90
, 939
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4307203
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_..
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137558
" 89.34
_.
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14281335
7123384
MOYE-nne
158G815
91487
8"sj:. IOO:=- 1938
SOIJI~.e cornotes didinillfs de la Circonscription de D; ka =1 Dépeodances (1938-1946)

264
Entre 1930 et 1937, il n'y a aucune dépense de construction à Rufisque; on n'observe
que des depenses d'entretien et de réparations des structures existantes. Ces compressions ne
sont pas sans nuire à j'état des bâtiments.
Les travaux d'administration couvrent 25,24 % des interventions de la colonie (491.537
francs)
Les autres volets concernent essentiellement l'urbanisme (44, 17 %, 859.961 francs
dont une participation à j'adduction d'eau de Rufisque), l'infrastructure (12,52 %, 243.861
francs ponts de Diam Niayes et de Takhi-Kao, phare de Diokoul), la santé (18 %, 350.527
francs pavillon d'isolement pour européens au lazaret de Santiaba, dispensaire de Bargny).
Le budget de la colonie réserva 52,5, % de ses crédits à l'entretien des équipements et
des bâtiments (gendarmerie de Rufisque, poste de Bargny, Subdivision des Travaux Publics),
'-17.27 % a l'aménagement (adduction d'eau en 1931 et 1946) et 0,17 % à des études.
II n'y eut pas de dépense d'enseignement sur budget local. Ce dernier aspect confirme
combien la municipalité devait compter sur ses propres moyens (dépenses facultatives) après
avoir pourvu à toutes les dépenses obligatoires d'instruction (frais du personnel enseignant et
des gens de service, dépenses de matériel). La situation n'avait pas changé depuis 1908 (cf
chapitre VI supra) La crise des locaux et du mobilier scolaire fut une donnée permanente dans
l'histoire de la commune
Après 1945, il est difficile de repérer et de chiffrer les investissements. La part de
Rufisque n'est plus specifiée dans les comptes définitifs de la colonie du Sénégal; elle est
agregee a celle de Dakar, la capitale fédérale dont les dépenses rel évent davantage du budget
general et du F 1 DES que de [a colonie.
Deux faits majeurs dominent cette période:
- aucune dépense n'est consacrée à l'adduction d'eau, à part 1931 où des
paiements d'un montant de 842.810 francs sont consacrés à ce volet sur programme spécial des
travaux du budget de la colonie Que s'est-il passé? En 1930, la participation de la commune
pour lesdits travaux (406000 francs) n'avait pas été versée au budget de la colonie. Y-eut-il

265
des "représailles" des autorités de Dakar? Les sources n'évoquent plus le problème. En 1932, le
fonds d'Emprunt ouvre un crédit primitif de 1226.880 francs pour l'alimentation en eau de la
\\dle. d est annule La mise en concession demandée par la tutelle et la mission d'inspection
Muller (janvier-février 1928) est votée par l'assemblée municipale de Rufisque par délibération
du 1er octobre 1932 (~I chapitre II supra). Ainsi à part les travaux d'assainissement et d'édilité
de la fin du Xl Xème et du début du XXème siècle entrepris et poursuivis par la municipalité,
sur ses propres ressources, Rufisque connaît de graves problèmes d'assainissement qui ont des
Incidences sur l'état de santé de la population.
- les difficultés sanitaires (cf chapitres 1 et II supra): la commune rencontre de
serieux problèmes avec la suppression du budget de l'Hygiène et de l'AM.!. (Assistance
Medicale Indigène) C'est par décret du 19 juin 1929, sur initiative de la colonie qu'avait été
decide un accroissement des moyens dans un budget spécial, eu égard à la tâche entreprise
dans la lutte contre les maladies transmissibles, notamment la peste qui, depuis 1914, faisait des
pertes considérables dans la population. Les difficultés de ressources propres et d'aides du
budget local allant grandissantes, le budget de l'Hygiène et de l'AM.I. est supprimé en 1934. A
la même période, une épidémie de peste fait 74 morts dans les villages de Diokoul et
Sebikotane ~
En 1q3 7, la commune de Rufisque et sa banlieue sont rattachées à la Circonscription de
Dakar et Dépendances par décret du 9 juin
Le délégué de la Circonscription de Dakar à Rufisque était le représentant direct de
ladite circonscription auprès de l'autorité municipale. A l'égard des divers services de la
Circonscription de Dakar représentés à Rufisque et du personnel mis à sa disposition, il
exerçait toutes les attributions dévolues à un commandant de cercle dans sa circonscription. 11
exerçait en outre sur le territoire de Rufisque tous les pouvoirs de police non expressément
~ j {!\\j-'.\\ du / / octobre /93-1

266
dévolues au maire, en ce qui concerne la comptabilité de la commune, il exerçait les
auributions de contrôle dévolues à l'administrateur de la Circonscription par la réglementation.
A ce rattachement s'étaient opposés certains membres de la chambre de commerce et
des dirigeants de maisons commerciales ayant encore leur siège à Rufisque (Soucail,
Chavanel) \\1 était par contre appuyé par la section locale de la S.F.I.O.
Des difficultés apparurent également entre les administrations du Sénégal et de la
Circonscription de Dakar pour l'application du décret du 9 juin 1937. Les décisions concernant
le budget municipal de Rufisque étaient prises par la Circonscription et notifiées aussitôt au
gouverneur du Sénégal pour lui permettre de suivre et de contrôler les questions financières
Intéressant la commune
Quelques mois auparavant, la commune de Bargny avait été rattachée à la commune de
Rufisque par le décret du 30 juillet 1936 complété par celui du 1er décembre 1936. Un arrêté
de la mème date avait promulgué en A.O.f. le décret du 30 juillet 9. Le conseil municipal de
Rufisque dans sa séance du 30 mai 1935 10 et la commission municipale de la commune-mixte
de Bargny le 23 novembre 1935 avaient émis le voeu que le territoire de la commune-mixte de
Bargny fût rattaché à la commune de plein exercice de Rufisque, les habitants de Bargny étant
ethniquement et socialement apparentés à la majorité des habitants de Rufisque. Le Conseil
Colonial du Sénégal consulté sur la question conformément aux dispositions du décret du 4
decembre 1920 avait donné un avis favorable dans sa séance du 4 décembre 1935. Le village
de Bargny avait été érigé en commune-mixte par l'arrêté général du 30 juillet 1932. Le décret
du 30 Juillet 1936 avait ses effets financiers pour compter du 1er janvier 1937; pendant la
période intermédiaire, les opérations en recettes et en dépenses étaient affectées au compte
respectif des deux budgets intéressés.
")(lS/'.\\ du l O décembre 1936
III Avaient voté pour
Galandou Diouf. maire, Desplats, Edouard Martin, Laroze, Djigal, Kane Faye, Sagol
Ndiour ct Macary Diagne. S'y étaient opposés Daniel Dias, Babacar Ndiour, Sa/iou Nguer, Gorgui Kane et
Marnadou Samba On notait trois absents. Maurice Gueye ne s'était pas présenté aux élections du 5 mai 1935
(la liste d'opposition diagniste conduite parDaouda Seck, ancien sous-officier avait été battue par celle de
(,al,lndoll DIOuf): Ji semble qu'il ait quitté la ville pour Diourbel où il était employé à la Société Indigène de
Prcvovancc Il ne revient il Rufisque qu'en 1945 pour se faire élire maire.

267'
Une première tentative de rattachement de Bargny à Rufisque avait échoué en 1914.
Dans sa séance ordinaire du 26 février, le conseil municipal d'alors, dominé par le monde du
negoce (Chavanei, Assérnat, Martre...) et dirigé par Gabriel Escarpit II, avait rejeté la
proposinon d'une modification territoriale demandée par les notables de Rufisque et transmise
au lieutenant-gouverneur du Sénégal, Henri Cor. Le conseil municipal n'avait vu aucune raison
utile à un tel rattachement et avait demandé que les choses fussent laissées en leur état.
Suite à cette modification territoriale de 1936, le conseil municipal dirigé par Galandou
Diouf avait été dissout de plein droit et une délégation spéciale nommée, chargée de gérer la
commune
Elle était composée de Desplats, commerçant; Laroze, agent de commerce et
(jnrgui Kane. employé de commerce 12 Le poste de maire échut à Galandou Diouf à la suite
de la nouvelle consultation électorale.
L'éclatement du second conflit mondial correspond à un renouveau des travaux d'intérêt
surtout stratégique D'importants travaux de défense passive sont entrepris à Rufisque en 1941
apres la tentative de débarquement des alliés le 23 septembre 1940 La part financière de ces
const ruet ions d'abris propre à Rufisque est impossible à relever parce qu'agrégée à celle de
Dakar
Après le débarquement allié en Afiique du Nord en 1942, un important ouvrage
strategique est réalisée par les techniciens américains, l'aérodrome de Bargny 13..
liOn n\\ comptait qu'un seul africain. Momar Sène, premier conseiller municipal noir de Rufisque (1912),
commerçant de son étal ANS 3D Commune de Rufisque, op. cil. Extraits des délibérations du conseil
1///lI7/CI('O/ seance du 26jèvner 1914
" .! ().'\\F\\ du 5 décembre 1936
"
rlFN(iA N .A.. 1()R'). l.évolution politique de la ville de Dakar de 1924 à 1960. Mémoire de maîtrise,
l 'nl\\cr,lIè Cheikh Anla Diop de Dakar. pp. 68 et ss

268
B Le budget de la Circonscription de Dakar et Dépendances et l'alimentation en
eau
Au cours du second conflit mondial, la Circonscription de Dakar avait déployé ses
credits dans les travaux d'urbanisme 95,69 % de ses interventions totales à Rufisque (tableaux
n " 63 et 6)
- d'importants travaux de voirie étaient entrepris en régie sous forme d'entretien
( 1 1 D/Odes dépenses de voirie soit 379.130 francs) et d'aménagement (89 %, 3.050.264 francs)
des chaussées,
- les études pour des travaux d'adduction d'eau démarrent en 1939 (487 francs).
L'alimentation en eau qui n'avait pu être prise en charge par le budget de la colonie voit la
Circonscription de Dakar lui consacrer entre 1940 et 1942 3.386.348 francs (travaux
d'amenagement), soit 49,68 % des crédits totaux alloués à la ville de Rufisque entre 1938 et
1 ()4h
Celte dépense correspondait à l'accroissement des besoins, notamment des détachements
militaires stationnés ou en transit à Rufisque après que la commission municipale eût été
Incapable de les satisfaire. La présence de ces troupes était venue également compliquer le
problème de l'hygiène
I.es autres terrains d'intervention (administration, santé, enseignement et infrastructure)
totalisent moins de 5 % des dépenses
- administration entretien à la gendarmerie (1942: 3.098 francs),
- santé construction d'un pavillon d'isolement au lazaret de Rufisque en 1942
( ] "8824 francs, 2,2 %),
- infrastructure: entretien du port de Rufisque et du phare de Diokoul (1939-
1941 29 060 francs)
Après l'éviction des autorités vichystes, on constate une cessation de tout financement
de la Circonscription
à Rufisque en
1943-1944 qui
s'explique par une période de

.,269',
Tableau 66 DESTINATION DES INVESTISSEMENTS URBAINS A RUFISQUE PAR SOURCE DE FINANCEMENT INTERNE
(1930-1946) (en francs constants et en %)
colonie du Sénégal
administration
urbanisme
infrastructure
santé
Total
491,537
859961
243,861
350,527
1,946.821
25.24
44,17
12,52
18
100
Circonscription de Dakar et Déper <lances
administration
urbanisme
infrastructure
santé
enseignement
Total
61731
6816229
29060
158.824
57.541
7.123.385
-
0,87
95,69
0,41
2,22
0,8
100
AOF
administration
urbanisme
insfrastructure
santé
enseignement
Total
786278
7560
7,174
256.516
3.834.005
4.891.533
16.07
0,15
0,14
5,14
78,38
100
Base 100 1938
Sources comptes définitifs de 'a colonie du Sénégal (1930-1937), de la Cirscoscription de Dakar (1938-1946)
et de l'AOF(103C-1946)

:..·270·
reorganisation Ensuite sont réalisés la construction d'un bâtiment de trois classes au groupe
scolaire de Bargny en 1945 (57541 francs) et des travaux d'entretien à la délégation de
Rufisque la même année (58633 francs) Le gros des investissements porte sur l'urbanisme en
1iL) :'-46 avec des travaux de réfection des rues et chaussées durement éprouvées par les suites
ncrasres de longue années de guerre et de pénurie de matériaux (1032.823 francs).
Au cours de cette période de guerre, les travaux de construction, d'aménagement,
d'entretien et les études couvrent respectivement 3,03; 90,35; 6,59 et 0,03 % des dépenses du
budget de la Circonscription de Dakar à Rufisque.
C Le budget de l'A.O.F. et l'enseignement
L'intervention de ce budget démarre véritablement en 1937 14 au moment du transfert
de "Ecole Normale W Ponty (325044 francs) de Gorée à Sébikotane, situé dans la banlieue de
Rufisque (tableau n 0 61), aux cotés du Fonds d'Emprunt. Après 1939, le budget général
poursuit en solo son programme (entreprise Demessine) jusqu'en 1942 15. Les travaux
d'extension de l'Ecole Normale des Jeunes Filles de l'A.O.f. 16 débutent en 1938 (184.598
francs) et se poursuivent jusqu'en 1942 (total 1938-1942: 1.014.805 francs) dans les locaux de
l'ancien immeuble de la chambre de commerce de Rufisque. Enfin les travaux de l'Ecole de
Pèche se chiffrent à 22 J .963 francs en 1944 et 18.750 en 1945. L'enseignement retient 78 %
cles depenses du budget général.
Par arrète du 24 novembre 1903 du gouverneur général Camille Guy avait été créée à
S,lInt -Louis une Ecole qui allait devenir plus tard l'Ecole Wiliam Ponty. Les traditions
d'enseignernem dont héritait cette école étaient disparates. De l'Ecole des Otages créée par
lard herbe en 1856. elle conservait une section de "fils de Chefs"; de l'école des Frères de
Ploermel. elle recueillait une section administrative qui devait en 1907 l'Ecole Faidherbe pour
14 Menues réparations en 1934 au bâtiment des douanes et à la paierie de Rufisque, établissements relevant du
Gouvernement Généra 1
1 <
'J'J'. 521 francs en 1<J'R. Rn.174 en 1939, 38.000 en 1940. 347.548 en 1942.
Ih Insutuéc par arrèic du 21 juillet 1938. J.OSEl-l du II aoüt 1938.

.271.
revenir en 1921 à l'Ecole W. Ponty. A ces futurs chefs et commis avaient été réunis de futurs
instituteurs et des cadis. De mars 1913 à janvier 1938, l'Ecole eut pour siège Gorée; la
précarité des installations décida du transfert de l'Ecole à Sébikotane. La rentrée de janvier
1938 avit été retardée par une épidémie de fiévre jaune; la hâte du transfert de l'établissement
fut à l'origine de réactions d'indicipline de la part des élèves.
L'Ecole Normale d'Institutrices de Rufisque vit sa première promotion sortir en 1941 (1
de Dakar, 2 du Sénégal et 5 du Togo) 17.
Les autres dépenses concernent:
- l'administration (16,07 %, 786.278 francs ): travaux de construction à
l'Imprimerie de Rufisque entre 1939 et 1941 et en 1944-45 (731.779 francs) et travaux
d'entretien des divers bâtiments administratifs (54.499 francs en 1932, 1934 et 1945),
- la santé (5,14 %, 256. 516 francs): construction en régie à la Pharmacie
Centrale (191057 francs en 1939, 63.861 francs en 1940) et divers travaux d'entretien au
lazaret (1.598 francs en 1946),
- l'urbanisme (0,15 %, 7.560 francs): études à la station de filtration de
Sébikotane en 1941,
- l'infrastructure (0,14 %, 7.174 francs): études de routes traversant Rufisque.
Les interventions du budget général par nature des travaux effectués sont centrées sur
la construction (tableau n 0 67) avec 91,9 % des dépenses; les autres secteurs sont marginaux:
aménagement, 0,15 %; études, 0,14 %; entretien, 7,79 %.
17 CARAN 20 41-81, 82 200 mi 2687, rapport annuel sur le fonctionnement de l'enseignement 1941.

(7. ',' "';.. 1.• - - - - - - ; '
>
.\\~273 ..'.
. -.;
.
Tableau 67: NATURE DES INVESTISSEMENTS URBAINS PAR SOURCE DE FINANCEMENT INTERNE
(1938-1946) (en francs constants 38 et en %)
Colonie du Sénégal
construction
0
0
aménagement
920.364
47,27
entretien
1.022.137
52,5
études
3.388
0,17
Total
1.946.821
100
Circonscription de Dakar et Dépendances
construction
216.365
3,03
aménagement
6.436.612
eO,35
entretien
469.921
-----
6,59
études
487
0,03
Total
7.123.385
100
A.O.F.
construction
4.495.658
r
91,9
aménagement
7.560
0,15
entretien
381.171
0,14
études
7.174
7,79
Total
4.891.533
100
Base 100: 1938.
Sources: comptes définitifs de la colonie du Sénégal (1930-1937).
de la Circonscription de Dakar at rJ3pendances (1938-1 946) et de l'A. O.F. (130- 1946).

274 !
Selon la destination, les investissements sur financement interne à Rufisque prennent le
profil suivant (tableau n 0 64 et graphique n 0 23).
Les sources de financement privilégient les travaux d'urbanisme: Sénégal entre les deux
guerres, Circonscription de Dakar au cours du conflit. Ces travaux captent 55,03 % des
dépenses totales sur financement interne à Rufisque entre 1930 et 1946. Ces investissements
répondaient à des mobiles momentanés et stratégiques: les fortes dépenses de voirie et
d'alimentation en eau le confirment. Les dépenses d'enseignement arrivent au second rang
(27,87 %) et coïncident avec l'intervention du budget général à partir de 1937. Le poids des
autres secteurs -administration: 9,59 %; santé: 5,48 % et infrastructure et études: 2 %- ne se
ressent pas au niveau de l'analyse budgétaire. Le peu de place fait aux investissements dans
l'administration s'explique par le caractère ancien de la ville et par le fait que Rufisque avait
perdu sa fonction d'accueil.
Par type d'investissements, le schéma se présente comme suit (tableau n 65 et graphique
n 0 29).
Les travaux de construction sont quasi-inexistants dans l'entre-deux-guerres, ceux
d'aménagement mobolisent la moitié des investissements totaux par source de financement à
Rufisque (52,74 %, 7.364.536 francs). Le budget local, pris dans des difficultés financières et
privé de subventions du budget général, se singularise par des travaux d'aménagement (47,27
%) et d'entretien (52,5 %). Les constructions connaissent une fulgurante ascension à la veille
de la guerre de 39-45 sous l'impulsion du budget de l'AO.F.(91,9 % de ses dépenses) et dans
une moindre mesure du Fonds d'Emprunt. Elles concernent des établissements interterritoriaux
(écoles normales W. Ponty et des Jeunes Filles). Les études reçoivent dans les trois sources de
financement interne des crédits modestes (0,079 %, 11.049 francs).
Les centres urbains suivant leur importance économique et la fonction administrative
que leur a assigné la répartition 'géographique des investissements ont subi une évolution
variable.

275
Tableau 64: DESTINATION DES INVESTISSEMENTS URBAINS SUR FINANCEMENT INTE
A RUFISQUE (1930-1946) (en francs constants et en %)
Sénégal
Circons. de Oak.
AO.F.
Total (ligne)
%
administration
491.537
61.731
786.278
1.339.546
9,59
urbanisme
859.961
6.816.229
7.560
7.683.750
55,03
infrastructure
243.861
29.060
7.174
280.095
2
enseignement
0
57.541
3.834.005
3.891.546
27,87
santé
350.527
158.824
256.516
765.867
5,48
Total (col.)
1.946.821
7.123.385
4.891.533 13.961.739
100
Base 100: 1938.
Source: comptes définitifs de la colonie du Sénégal (1930-1937),
de la Circonscription de Dakar et Dépendances (1938-1946) et de l'AO.F.(1930-1946) .

Tableau 65: TYPE D'INVESTISSEMENTS URBAINS SUR FINANCEMENT INTERNE
A RUFISQUE (1930-1946) (en francs constants et en %)
Sénégal
Circons. de Dak.
A.O.F.
Total (ligne)
%
construction
0
216.365
4.495.658
4.712.023
33,74
aménagemen
920.364
6436.612
7.60
7.364.536
52,74
entretien
1.022.137
469.921
381.171
1.873.229
13,41
études
3.388
487
7.174
11.049
0,079
Total (col.)
1.946.821
7.123.385 .
4.891.533 13.961.739
100
Base 100: 1938.
Source: comptes définitifs de la colonie du Sénégal (1930-1946),
de la Circonscription de Dakar et Dépendances (1938-1946) et de l'AO.F.(1930-1946).

- - - "
276
GRAPHIQUE 23
DESTINATION DES INVESTISSEMENTS SUR
FINANCEMENT INTERNE (1930-1946)
santé
enseignement
(27,9%)
infrastructure (2,0%)
(55,0%). urbanisme
>
'
Source: comptes définitifs de la colonie du Sénégal, de la Circonscription de Dakar et de l'A.O.F. (1930-1946)
':';:"

1-·----·-::-
277
GRAPHIQUE 29
TYPE DES INVESTISSEMENTS SUR
FINA~CEMENT INTERNE (1930-1946)
études
(0,1%)
(33,8%) construction
aménagement
Source: comptes définitifs de la colonie du Sénégal, de la Circonscription de Dakar et de l'A.O.F. (1930-1946)

278 !
Régie ou entreprise?
Traditionnellement les services de T.P. n'exécutaient en régie que des chantiers
relativement peu importants. Cette position de principe était parfois combattue au nom de
l'économie car la régie permettait de faire plus de travaux avec moins de crédits. TI pouvait
s'agir d'une illusion. Tout chantier important en régie entraînait un moins bien entretien des
équipements et la perte indirecte qu'en éprouvait le budget pouvait se révéler supérieure à
l'économie apparente qu'il avait faite.
Rufisque n'était qu'une étape, un moyen de domination de l'espace dans le processus de
mise en valeur de la colonie. La politique coloniale de localisation des investissements annonce
les prémices du déséquilibre urbain sénégalais exacerbé par l'orientation des crédits
internationaux après 1960. La marginalisation de Rufisque s'accentuait, caractérisée par un
laminage à un niveau très bas.

279
TROISIEME PARTIE
LE TEMPS DU PURGATOIRE
TUTELLE, CLIENTELISME ET DECLIN
DE L'INSTITUTION COMMUNALE (1946-1964)

280
"Le rôle du Conseiller Municipal consiste à "pistonner" tel neveu ou
tel cousin, à cccuper à la mairie ou dans un service qui en émane un
emploi facile .uais combien lucratif, usurpé au mérite."
Sadji Lejeune, [.:1 Vérité, n 018, octobre 1948 (ANSOM POM 163).

281 '
La gestion communale de l'après-guerre se caractérise par l'immobilisme. Le décret du
3 janvier 1946 avait pour but d'adapter le régime municipal des colonies et de mettre fin aux
abus constatés dans le passé. Les difficultés d'application du régime municipal métropolitain
rendirent inopportune l'idée de créer de nouvelles communes qui seraient une charge trop
lourde pour le budget de la colonie.
Afin d'assurer le fonctionnement normal des services municipaux (soldes, indemnités,
rappels de soldes et frais divers), des autorisations spéciales de dépenses étaient accordées,
gagées sur des prélèvements d'égale somme sur des chapitres ayant des crédits disponibles.
Mais ce sont surtout les subventions qui prirent d'importantes proportions pour combler le
déficit global du budget communal.

282
CHAPITRE VID. LES FINANCES COMMUNALES: FAmLESSE DES
RECOUVREMENTS ET COUPS D'EPONGE PERIODIQUES (1946-1957)
En 1946, un fait nouveau se produisit avec l'extension des dispositions de la loi
municipale du 5 avril 1884 par le décret du 3 janvier. Cette nouvelle résolution ne s'inscrivit
pas dans le sens d'une amélioration réelle des ressources municipales. Il s'ensuivit une politique
d'équilibre théorique du budget grâce aux subventions.
1. LE RETABLISSEMENT DE LA LEGISLATION MUNICIPALE PARLE
DECRET DU 3 JANVIER 1946
Le décret n 0 46-7 du 3 janvier 1946 1 s'efforça de "moderniser" tous les aspects
résiduels conservés dans la législation municipale au Sénégal notamment les dispositions du
décret du 10 août 1872 qui avaient régi en de nombreux points certains aspects importants de
la vie des communes de plein exercice depuis leur institution.
Entre 1946 et la loi du 18 novembre 1955, plusieurs lois et ordonnances modifiant la loi
de 1884 furent rendues applicables dans les communes de plein exercice. On peut citer 2:
- la loi du 7 avril 1902 sur les centimes additionnels et les emprunts. La
commune pouvait voter les contributions pour insuffisance de revenus ou pour dépenses
extraordinaires qui dépassaient le maximum fixé par le Conseil Général (devenu plus tard
l'Assemblée
Territoriale)
et
les
emprunts
remboursables
sur
ces
impositions
dont
l'amortissement n'excédait pas trente ans. Toute contribution établie pour plus de trente ans et
tout emprunt
remboursable sur cette contribution ou sur ressources ordinaires, dont
l'amortissement dépassait trente ans, étaient autorisés par décret du président de la République
rendu en Conseil d'Etat. Ces centimes additionnels pour insuffisance de revenus représentaient
entre les deux guerres l'essentiel des ressources des communes métropolitaines, avec l'abandon
progressif de l'octroi,
1 J OR. F. du -1 janvier 19-16, promulgué dans J o.A. O.F. du 23 janvier 1946.
2 ANS. 3Gl 48-165. Loi municipale du 5 avril 1884 et lois modificatives. Voir aussi 18G 166-165, Loi
municipale du 5 avril 1884.

- la loi du 16 avril 1904 sur la responsabilité des communes en cas
d'attroupements et de troubles. Par cette loi, l'Etat contribuait pour moitié au paiement des
dommages et intérêts. Toutefois sila municipalité avait manqué à ses devoirs, l'Etat pouvait
exercer un recours contre el1e. Si au contraire, la commune n'avait pas la disposition de la
police locale, el1e pouvait exercer un recours contre l'Etat,
- la loi du 10 avril 1929 portant de 4 à 6 ans le mandat des conseillers
murucrpaux,
- la loi du 12 mars 1930 modifiant les règles d'emploi du personnel communal 3.
Elle faisait désormais bénéficier ce personnel des avantages suivants: garanties de stabilité,
régime des retraites, barèmes des traitements.
D'autres mesures concernant l'élection du maire (loi du 9 mars 1936), la durée de son
mandat (loi du 8 juil1et 1908) furent égalementpromulguées au Sénégal.
Parmi les dispositions non applicables, certaines demeuraient essentielles pour la bonne
marche de la vie communale:
- en matières de ressources: l'octroi avait été supprimé par le régime de Vichy
(loi du 28 septembre 1942, cf Annexes) sans qu'une véritable ressource de substitution lui eût
été trouvée. La promulgation du vote des centimes additionnels pour insuffisance de ressources
par le conseil municipal était annulé par la non-promulgation du décret du 30 octobre 1935 qui
avait déjà modifié la loi de 1902,
3 Sur les péripéties de sa non-extension au Sénégal entre les deux guerres, cf chapitre 1 supra, in "Le statut des
employés municipaux",
~.

284
- en matière d'assistance: les dispositions de la période antérieure demeuraient
inchangées: les lois métropolitaines n'étaient pas promulguées (hospitalisation des indigents,
assistance médicale, protection maternelle et infantile...),
- en matière de personnel communal: la promulgation du décret du 12 mars
1930 constituait une avancée considérable. Les espoirs furent vite déçus. Le décret du 30
juillet qui le matérialisait ne fut pas promulgué. Une note de 1951 en demandait l'extension 4.
Devant ce vide juridique, même les dispositions ultérieures relatives à la rémunération des
employés communaux (ordonnance du 17 mai 1945), aux frais et indemnités du maire et de ses
adjoints (loi du 9 avril 1947) furent laissées à la discrétion de la tutelle administrative et furent
à l'origine de litiges permanents comme durant l'entre-deux-guerres.
D'autres demandes d'extension formulées par les communes de plein exercice tels les
articles modifiés par le décret du 5 novembre 1926 concernant la formation (convocations,
recours), le fonctionnement (sessions, quorum aux séances, ...), et les attributions du conseil
municipal (nullité des délibérations, annulation), celles du maire (en matière d'adjudication par
exemple), l'administration des communes (emprunts...) restèrent sans suite.
Des décisions importantes avaient été prises par la IVème République dans sa volonté
de marquer un changement par rapport à la législation municipale entre les deux guerres. Toute
la question demeurait dans l'application de telles décisions. L'intervention des administrateurs
allait-elle être minime ou s'exercer de manière tangible? La réorganisation des municipalités
intervenue depuis 1926 avait eu pour objet de réaliser la décentralisation. Les communes du
Sénégal justifiaient-elles par leur vitalité et leur importance les avantages qu'elles réclamaient?
En Métropole, la réorganisation départementale s'était poursuivie parallèlement à celle des
communes. Etait-il opportun d'accorder aux communes du Sénégal un régime plus "libéral"?
Les communes ne se contentaient-elles pas de réclamer le bénéfice des seules dispositions
4 ANS, 3Gl 48-165, op: cil. Il fallut la loi du 28 avril 1952 pour préciser les conditions de gestion du personnel
communal.

285 '
favorables à l'administratio~9ommunale, en évitant de demander l'extension de celles qui leur
paraissaient gênantes?
j
Le décret de 1946 ~t:;les textes modificatifs qui lui furent adjoints jusqu'à la loi du 18
:Ji,'
novembre 1955 relative à la :~~~organisation municipale (en A.O.F., A.E.F., Togo, Cameroun et
;;'i.'
:r.:
Madagascar) contenait des; faiblesses
qui
furent
source
de
blocages,
de
conflits et
d'immobilisme dans la vie communale. La question de l'application des règles d'emploi du
personnel communal et celle des centimes additionnels l'attestent amplement.
Hors du Sénégal, alors que les populations participaient par leurs élus aux institutions
centrales de la République :;et à celles de leur Territoire, elles n'avaient aucune part au
fonctionnement d'institutions 'purement locales. C'est pour remédier à cet état de choses que le
ministère de la F.O.M. fut 'amené à déposer un certain nombre de projets de loi en vue de
l'institution de communes d~~oyen exercice en A.O,F., A.E.F., au Togo et au Cameroun.
II. ANALYSE DES J3'JDGETS (1946-1957): UNE GESTION COMMUNALE
-J ..
CARACTERISEEPAR UNE TRANQUILLE IM:MOBILITE
(
Pour jouer un rôle effectif, comme elle Je fit dans l'entre-deux-guerres, la municipalité
,.~ .
de Rufisque devait disposer de ressources suffisantes ne dépendant pas du bon vouloir de la
tutelle administrative. Privé~ de ces ressources, elle demeurait un simple agent d'exécution du
pouvoir central; les avantages de l'élection des représentants locaux disparaissaient alors en
Jo:
grande partie.
A. Les recettes? un catalogue de bonnes intentions
L'article p6 de la lOI métropolitaine avait été introduite au Sénégal sans modification
notable. Il se référait quant aux dépenses mises à la charge des communes aux dispositions de
..,
la loi. Ceci était parfaitement valable pour la Métropole où des textes nouveaux tentaient
constamment de réaliser .un équilibre toujours précaire entre les charges et les recettes. Les
: . ,
textes métropolitains étaient très souvent inadaptables outre-mer; il était nécessaire de
,'.

286
promouvoir une législation spéciale outre-mer pour tenir compte des circonstances locales. Les
recettes des budgets communaux en Métropole avaient une base relativement stable grâce au
système des centimes additionnels. L'insuffisance des ressources par rapport aux charges était
devenue la règle, d'où la prise en charge de certains travaux et de certains services par le
budget local et le recours aux subventions. La voie était d'autant plus aisée que le régime des
subventions n'était pas étroitement réglementé comme dans la Métropole.
La création de nouvelles taxes ou le relèvement des tarifs des droits existants dans le
cadre de la réglementation en vigueur n'avait pas créé un véritable équilibre. La commune de
Rufisque se trouvait grevée d'un passif important constitué par des dettes contractées envers le
Territoire du Sénégal depuis 1946. Le déséquilibre constaté était dû à l'insuffisance des
ressources servies à la commune. Ces dernières se composaient en 1946:
- des ristournes allouées sur les impôts directs (minimum fiscal, contribution
mobilière, patentes et licences),
- des centimes additionnels à ces impôts,
- des taxes fiscales (véhicules, spectacles...) et des taxes municipales proprement
dites (droits de stationnement, marchés, enlèvement des ordures...).
Ce système, on le remarquera, se trouvait vieilli. En France où la situation des
communes n'était pas aisée, d'importantes réformes avaient été entreprises et réalisées (cf loi
du 13 novembre 1936 sur la réformes des finances communales et départementales, chapitre IV
supra), l'Etat participant à de nombreux frais:
- su?ventions aux écoles primaires, calculées d'après le nombre d'habitants et
d'élèves,
- subventions affectées à la construction des halles et marchés, des abattoirs et
dispensaires,

286 bis
- subventions d'équilibre calculées en fonction de la population et de l'effort
fiscal.
Du côté des ressources donc, la municipalité n'était pas libérée des limites étroites de .
l'article 133 de la loi de 1884 (recettes ordinaires). La réglementation fiscale de la commune de
plein exercice n'était pas élaborée à l'instar de la fiscalité du territoire.
La suppression de l'octroi de mer avait eu pour conséquence de diminuer les ressources
de la commune; certaines circonstances avaient été également de nature à grever la situation
financière, notamment les difficultés de recouvrements de certains impôts tels que l'impôt du
minimum fiscal. Les finances de la commune se trouvaient obérées
du fait des charges
importantes résultant de la législation métropolitaine. Les différentes propositions faites par le
Conseil Général en avril 1949 (hausse du taux de la taxe sur le chiffre d'affaires de 0,5 a 1 %
pour en attribuer les profits aux communes) n'avaient pas été suivies d'effets. Le budget de la
colonieaccorda en 1950 une subvention de 190 millions de francs aux trois communes (Dakar,
Saint-Louis, Rufisque), (tableau n 0 21) pour leur permettre d'équilibrer leur budget. La
question de la dette n'était pas réglée. L'exercice de la tutelle se heurtait aux influences locales
qui jouaient avec beaucoup de vigueur. Les observations et les recommandations faites pour
appeler le respect des règles financières et administratives restaient souvent lettre morte. 11 faut
préciser la comparaison qui était souvent faite entre communes de plein exercice et communes-
mixtes. Les constatations "désastreuses" à Saint-Louis, Dakar ou Rufisque tranchaient avec
l'équilibre à peu près constant réalisé dans les communes-mixtes et où la "gestion n'appelait
aucune critique", La nouvelle réglementation tendant à les transformer en communes de moyen
exercice et certaines d'entre elles en communes de plein exercice (Thiès, Kaolack) fut retardée
jusqu'en 1955; les mêmes difficultés enregistrées dans les communes de plein exercice
risquaient de se manifester dans celles qui seraient nouvellement créées. Cette observation est
intéressante à noter au moment où le projet de loi portant réforme municipale outre-mer était
en voie d'élaboration.

-·--'-~·'--I
ê287 i
.~
'!
Tableau 21: AVANCES ET SUBVENTIONS DU BUDGET LOCAL DU SENEGAL A LA COMMUNE DE RUFISQUE (1930-1955)
(en Irancs courants)
Rufisque
Remboursement de la commune
Dakar
Saint-Louis
1930
693.359
1931
1.037.657
1932
1.131.028
1933
273.134
1934
331.780
1935
1.000.000
1936
1.230.747
1937
403.953
1947
100.000
1948
8.500.000
5.500.000
13.500.000
.
1949
20.000.000
13.000.000
39.500.000
_.
1950
50.000.000
90.000.000
50.000.000.
1951
55.000.000
79.000.000
74.000.000.
1952
51.600.000
1953
15.000.000
0
1954
20.000.000
0
20.000.000
1955
0
0
0
Les avances (1930-1933) étaient remboursables par annulté:»
les subventions (1947-1955) non remboursables servaient à "équilibrer" le budget communal.
Lacunes: Dakar (1952), Saint-Louis (1952-1953).
Sources: ANS 1T 23-58, budgets communaux, exercice 1937, Rurisque; comptes dérinitils du Sénégal;
ANSOM Affaires Politiques, inspection de la F.O.M. (1947-1955).

288
De 1942 à 1952, le Gouvernement Général de l'A.O.F. s'était affecté des recettes
auparavant dévolues aux communes. Le produit de l'ancienne taxe sur le chiffre d'affaires qui
avait remplacé la taxe additionnelle à la patente en 1932 était réparti entre le budget local du
Sénégal et les budgets communaux. Cette taxe avait été remplacée par la taxe sur les
transactions dont le produit était affecté en totalité au budget général. Avec la suppression de
l'octroi dont le produit était réparti entre les communes du Sénégal (communes de plein
exercice et communes-mixtes), le Gouvernement Général avait reconnu le manque à gagner qui
en résultait; les subventions d'équilibre promises ne commencèrent à être versées qu'en 1948.
Les recettes mises à la disposition des communes par les décrets des 28 septembre 1942 et 1er
novembre 1943 posaient problème. En dehors des subventions d'équilibre qui ne constituaient
pas des ressources propres à la commune, l'administration était consciente de la faiblesse de
perception des recettes qu'elle servait à la commune (ristournes et taxes fiscales notamment).
En contrepartie, elle déchargea la commune des dépenses de police, d'enseignement et
d'hygiène.
Une des difficultés essentielles auxquelles la commune de Rufisque dut faire face était
la crise de trésorerie provoquée par les retards apportés à la centralisation des recettes et donc
aux versements des quotes-parts affectées à la commune.
Les recouvrements sur l'impôt du minimum fiscal étaient faibles; le personnel de
recouvrement réduit à cinq personnes. L'impôt sur le minimum fiscal représentait le poste le
plus important des ristournes au profit de la commune de Rufisque: 41,41 % (3.929.000 francs
courants), 54,92 % (4.625.000),51,84 % (7.015.000) entre 1951 et 1953, suivi des patentes
(34,99; 28,62 et 31,71 %) et de I~ contribution mobilière (22,3; 15,14 et 15,48 %) s. Les
assujettis à l'impôt personnel s'étaient quelque peu déshabitués de l'acquittement de cette
charge. Les moyens dont disposer les services du Trésor, tant matériels que légaux, ne lui
permettaient pas de redresser cette situation. Les retards dans l'émission des rôles entraînaient
5 D'après mes calculs. Source:'Annuaires Statistiques de 1'A.o.F. Comptes administratifs de la commune de
Rufisque (1951-1953).

289
de grands retards dans la rentrée des impôts et taxes et l'inexécution d'une fraction des recettes:
20 % des recettes en moyenne entre 1948 et 1952.
Les centimes additionnels se caractérisaient par leur inélasticité. En Métropole, pour
faire face aux circonstances, les communes votaient plusieurs centaines de centimes
additionnels, de manière à disposer de ressources suffisantes pour couvrir leurs dépenses. De
1946 à 1950, l'augmentation avait été de 1476 à 3860 6. Le caractère facultatif des centimes
était théorique. S'agissant des centimes destinés à l'équilibre des sections ordinaire et
extraordinaire du budget, leur vote s'imposait généralement en raison de l'impossibilité
d'assurer cet équilibre avec les autres ressources communales. Les centimes additionnels firent
j'objet d'une vive discussion entre le conseil municipal et l'administration centrale, et à partir de
1952, l'Assemblée Territoriale. Entre 1951 et 1953, ils constituaient la troisième source de
ressources réelles de la commune de Rufisque après les ristournes sur impôts et les taxes
municipales: 10, 57 %; 11,01 et 18,62 % 7.
Par recettes réelles, il faut entendre les recettes communales défalquées des subventions
du budget local du Sénégal (les pourcentages indiqués sont calculés à partir de ces recettes
réelles).
Les centimes ne présentaient qu'un mérite, celui d'exister alors que le problème de leur
remplacement soulevait de multiples difficultés et que, de surcroît, le budget local supportait
mal de nouveaux et sérieux mécomptes. Le procès des centimes additionnels dans la
municipalité de plein exercice d'après 1945 ne cessait d'être fait.
6 Chapman B., 1955, op. cit:;p. 192.
7 D'après mes calculs. Source: Annuaires Statistiques de l'A.OF, op. cil.

290
Patentes et contribution mobilière ne répondaient pas aux principes de justice fiscale. TI
n'y avait pas le moindre rapport entre les facultés contributives du Rufisquois et ses impositions
aux patentes et à la mobilière. Cette situation corrobore l'idée que les mouvements de fortune
étaient exceptionnels à Rufisque.
Peu commode pour les individus, le système l'était moins pour l'administration qui
perdait un temps précieux à établir les rôles des impôts locaux, comme si les principaux fictifs
étaient réellement encaissés au profit de la colonie. La part des ristournes dans les recettes
réelles de la commune s'élevait entre 1949 ~ 1953 à 31,86 %; 29,14; 22,9; 20,32 et 32,66 %.
C'était la première source de revenus de la commune. La tutelle cherchait aussi à créer un
contrepoids au pouvoir de l'Assemblée Territoriale qui fixait le maximum de centimes
additionnels dont la perception était autorisée pour les communes. La vie financière de celles-ci
et l'équilibre de leurs budgets avait de plus en plus tendance à dépendre du bon vouloir de cette
assemblée. Des maxima étaient parfois fixés par l'Assemblée Territoriale qui ne permettaient en
aucune manière aux communes d'équilibrer leurs budgets. L'action du maire et du conseil
municipal ne s'exerçaient ni sur les ristournes sur les impôts, ni sur les centimes additionnels en
ce qui concerne leur établissement et leur perception.
Il est tenu pour acquis que les rentrées de centimes additionnels et de ristournes sur les
impôts, principales sources des revenus communaux, restèrent irrégulières au cours des années
cinquante. Les réformes qu'il était nécessaire d'apporter dans ce domaine (aménagement du
système d'imposition pratiqué) ne dépendaient pas de la municipalité. L'accumulation des restes
à recouvrer qui en découlait faussait les finances communales et leur recouvrement ne
dépendait pas non plus de la commune. En 1953, le budget territorial restait redevable de
12.399.970 francs ~ourants au titre des ristournes de 1952 et avait promis 3.000.000 au titre
de 1953. Entre 1947 et 1952, ces ristournes étaient évaluées d'après le montant des rôles émis
par les services financiers de la colonie. En 1951, le produit recouvré des centimes additionnels
sur impôts était de 1.804.430 francs courants sur des émissions d'un montant de 6.714.688

291
francs; il restait à recouvrer 73 % des titres émis 8. La faiblesse des rentrées au profit de la
commune n'entraîna pas une modification allant dans le sens d'une amélioration des versements
qui furent basés à partir de 1953 sur les recouvrements effectués. TI en résultait pour la
commune une diminution des recettes.
L'équilibre budgétaire était une fiction.
Les budgets présentés par le conseil municipal de Rufisque étaient repoussés par la
tutelle qui imposaient des prévisions en réel déphasage avec les recettes réellement
recouvrables. Pour exemple, la différence cumulée (1947-1950) entre les prévisions
budgétaires et les recettes réelles de la commune de Dakar atteignit en 1950 285.000.000 de
francs courants; les dépenses de personnel fixées à 32 % des prévisions atteignirent 50 % des
recettes réelles en 1950; 63,35 % en 1951 et 58,63 % en 1952 9. Enfin les restes à recouvrer
qui figuraient dans les divers budgets additionnels et en formaient la ressource essentielle ne
constituaient nullement pour la commune un capital en réserve puisqu'ils étaient rarement
recouvrés. Les restes à recouvrer sur le produit des centimes additionnels de 1947-1950
évalués à 11.085.913 de francs courants étaient recouvrés en 1951 pour 1.413.901 francs 10.
On pouvait les considérer comme aléatoires et compter sur la rentrée normale de ces arriérés
déjà échelonnés sur plusieurs exercices définitivement clos était illusoire. En 1953, les restes à
recouvrer des centimes additionnels inscrits au budget additionnel de la commune de Rufisque
s'élevaient à 18.883.231 francs courants Il; en 1954, ceux au titre des exercices 1951-1953 se
chiffraient respectivement à 3.026.000, 6.175.000 et 5.349.000 francs 12. Les restes à
recouvrer tous produits confondus se présentaient comme suit:
8 ANSOM, Affaires Politiques, c. 2118 d. 1, op. cit., compte administratifde la commune de Rufisque 1952.
9 D'après mes calculs. Source: Annuaires Statistiques et ANSOM Affaires Politiques c. 2118 d. 1, op. cil.
10 ANSOM Affaires Politiques, c. 2118 d. 1, op. cit., compte administratifde Rufisque 1951.
Il ANSOM Affaires Politiques;~. 2118 d. 1, op. cit., budget additionnel de la commune de Rufisque 1953.
12 ANS 3G4 1, commune de Rufisque, budget primitif 1954.

: 292: .:·
.~ ..
1948
fl~1949
1950
1951
1952
t'
8.427.897
"13.562.038
18.039.464
24.223.141
31.378.382
.il
1··;
.
Source: ANSOA{~4ffaires Politiques Inspection de la Fo.M c. 2128 d. 4, mission Cauet,
1954
id)
A partir de 1953, les ristournes sur impôts fixées par l'administration se virent appliquer
: .:\\
un pourcentage de 85 % au;iiieu de 90 % et le nombre des centimes additionnels fut réduit,
passant de 50 à 30, en fonction des recouvrements réellement effectués 13.
....;;
Ne pouvant exercer'[aucune action sur ces recouvrements, la municipalité devait
accepter passivement les ristournes qui lui étaient faites à ce titre par l'administration sans
.:
aucune possibilité de contrôle, Mécontent de la présentation des documents budgétaires par les
communes de plein exercice.ile directeur du Contrôle Financier, G. Gayet, précisait sur un ton
autoritaire:
"Les municipalités n'ont pas à se préoccuper de la rentrée
:,"1
effective (~kiJligné par l'auteur) des impôts qui leur sont
ristournés 'par le budget local." 14
i
En 1954, dans une lettre adressée à l'inspecteur de mission Cauet, le gouverneur du
{
Sénégal ne manquait pas de souligner cette insuffisance des recettes:
.....
..
'
13 ANSOM Affaires Politiques, c!>h 18, d. 1, op. cil. Le taux des ristournes fut ramené la même année à 65 %.
Le manque à gagner qui en résuï.t~it pour la commune était estimé à 7.000.000 de francs. ANS 3Gl 53-165,
Réorganisation des communes de.plein exercice du Sénégal. Situation financière de la commune de Rufisque
(1953-1954).
..v.
14 CARAN 2G 51-124 200 mi 2729, A.O.F., Direction du Contrôle Financier. Rapport annuel des activités
1951. Lettre du Directeur du C().~/fôle Financier au Délégué du Contrôle Financier à Saint-Louis datée du 24
septembre 1951.

"En tout état de cause, le total des recettes qui peut être
atteint SUDl ,les bases actuelles ne permettrait pas à la
~ ,
commune!Jtle vivre en autonomie, et toute réalisation
""1
li '
importante.nécessiterait l'octroi de fonds de concours ou de
prêts à très.long terme" 15
La municipalité consacrai; ses fonds disponibles au règlement des soldes et salaires de
'.'
son personnel. Faute de trésorerie, elle était même contrainte de suspendre tout paiement.
Alors intervenaient les subventions du budget local pour résoudre le problème. Cette spirale
demeure constante dans la gestion communale de Rufisque et des autres communes de plein
!:
exercice entre 1948 et l'indépendance.
: !
La propagande des c~l\\seillers municipaux dans les quartiers n'y changea rien. En 1957,
la proportion de recouvrement n'était que de 38 % à Rufisque 16.
..'.
La commune était aussi autorisée à percevoir des taxes additionnelles aux impôts
perçus par la colonie. Leur recouvrement était effectué en même temps que celui de l'impôt
direct et des recettes étaient versées à la commune après déduction d'une contribution pour
frais de recouvrement.
Les tarifs adoptés sur les taxes municipales proprement dites par le conseil municipal
';-
apparaissaient difficilement modifiables dans le sens d'une augmentation massive susceptible de
!';,.
couvrir le déficit budgétaire-ou d'en changer la physionomie générale. Toutefois ces taxes
.:'h~
municipales constituaient le'1t1euxième poste de recettes réelles de la commune, avant les
:,i
i
centimes additionnels: 1O,83 %, 11,79 et 19,05 % entre 1951 et 1953 par exemple. Elles
étaient essentiellement dominées 'par les droits de place sur les marchés et la taxe sur le
stationnement (tableau n 0 54 et graphique n 0 26). Les contrôles effectués à la demande de
l'inspecteur des Affaires Administratives par le commissaire de police du 10 au 12 septembre
15 ANSOM Affaires Politiques, <.:.2128 d. 4, rapport sur la situation financière de la commune de Rufisque en
1954; mission Cauet.

16 ANS 3G1 49-165, Conférence des Maires du Sénégal du 29 juillet 1957.

~
0'.
N
Tableau 54: TAXES MUNICIPALES DE LA COMMUNE DE RUFISQUE(1951-1953) (en francs courants)
Droits d", place
%
Stationnement"
%
Abattage
%
Fourrière
%
Etat-civil
%
Divers
%
Total (ligne)
1951
2.262.000
50,41
1.803.000
4O,1l:!
166.000
3,69
78.000
1,73
68.000
~ ,51
110.000
2,45
4.487.000
1952
3.049.000
54,31
1.949.000
34,71
285.000
5,07
118.000
2,1
87.000
1,54
125.000
2,22
5.6H.000
1953
4.051.000
46,49
3.904.000
44,8
302.000
3,46
203.000
2,32
102.000
1,17
151.000
1,73
8.713.000
Total [col)
9.362.000
7.656.000
753.000
399.000
257.000
386.000
18.814.000
" Les contrôles effectués à la demande de l'inspecteur des Affaires Administratives par le commissaire de. police
de Rufisque (10 au 12 septembre 1953) indiquaient que tous les véhicules payaient la taxe.
ANSOM. Affaires Politiques, c. 2128 d. 4 mission Cauet.

Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1951-1953).

- - - - 1
295 1
TAXES MUNICIPALES DE LA COMMUNE DE
RUFISQUE (1951-1953)
60
50
40
/1 30
droits de place
20
10
divers
1951
li::~~ 952
1953
Source: comptes admlnlstr~~~sde la commune de Rufisque (1951-1953)

296 '
1953 iridiquaient que "tous les véhicules payaient la taxe". La régie d'eau constituait également un
IPoste de recettes important -15,46 et 12,58 % en 1952 et 1953- mais demeurait largement
Idéficitaire par rapport aux dépenses. Le tarif de la cession d'eau aux abonnés avait été porté à
25 francs en 1952 pour augmenter les recettes de la commune; celle-ci payait annuellement 12
millions de francs pour 7 millions de recettes 17. La tutelle demanda à maintes reprises sa
concession. Ce sera chose faite en 1954 (C.E.E.O.A.).
B. Les dépenses, une gestion placée sous le signe du handicap
1. "Les économies que fait la colonie, ce sont les communes qui les
paient". De l'excès des charges incombant à la commune...
En 1946 furent étendues les dispositions de la loi de 1884, avec effet pour compter du
1er janvier 1947. A partir de cette date, la municipalité devait réglementairement assumer les
dépenses d'enseignement primaire, des services sanitaires et médicaux, du ravitaillement et de
la police. Pour faire face à ces dépenses, elle avait à sa disposition une ristourne sur les impôts
directs et des centimes additionnels à ces mêmes impôts; nous avons constaté plus haut ce qu'il
en était de leur réalité. L'équilibre était rompu. La possibilité réelle de trouver sur le territoire
communal même des ressources nouvelles susceptibles d'équilibrer les charges était mince. Les
ristournes n'étaient jamais versées à temps par le service des Contributions Directes car le
budget local tenait à ce que sa matière imposable ne fût pas grevée; les centimes additionnels
faisaient l'objet de discussions véhémentes, quant aux maxima, entre l'Assemblée Territoriale et
J'administration centrale. Malgré la création d'impôts et de taxes nouvelles, il n'avait pas été
possible de retrouver l'équilibre antérieur.
L'importance des restes à r~couvrer dans les budgets des communes de Rufisque et
Dakar (tableau n 0 14), composés essentiellement des centimes additionnels aux patentes,
illustre bien la difficulté des recouvrements imposés par rapport aux possibilités réelles des
contribuables (impécuniosité de nombre d'entre eux),
17 ANS 3D Commune de Rufisque. Extraits des délibérations du conseil municipal, séance du 2 J août J952.

297
Tableau 14: RESTES A RECOUVRER CES COMMUNES DE RUFISQUE ET DAKAR (1947-1953) (en francs CFA)
Rufisque
Dakar
1945
12.227.151
1946
7.675.369
1947
21.526.557
1948
8.427.897
53.155.849
1949
13.562.897
70.630.950
1950
18.039.464
133.346.375
1951
24.223.141
166.000.000
1952
31.378.383
177.000.000
1953
14.475.000
Sources: ANSOM Affaires Politiques, miss ( n Cauet (1954)
et note de Maître Lamine Gueye, maire de Dakar au Haut-Commissaire de l'A.O.F. datée du 12.06.1953.
~ 1 •

/
298
Les réformes de 1942 et 1946 avaient eu pour but la recherche de l'équilibre budgétaire
communal uniquement à partir des taxes que devaient supporter les habitants de la commune
pour prix des commodités que leur procurait la résidence sur le territoire communal. Ces
réformes, surtout celle de 1946, n'avaient fondamentalement pas innové. Cette incapacité
replaçait la commune de plein exercice dans la même situation d'entre-deux-guerres. Ces
réformes annonçaient le grief permanent que les conditions n'étaient pas réunies pour que
l'institution municipale fonctionnât. au Sénégal et que l'expérience sénégalaise n'était pas
extensible au reste des territoires africains sous domination française.
En 1950, les dépenses de personnel de l'enseignement, les dépenses du service
d'hygiène avaient été assumées par le budget du Sénégal; les municipalités ne payaient plus que
les dépenses de matériel de l'enseignement. Le budget général prit en charge les dépenses de
police, à charge de remboursement de la municipalité d'une quote-part fixée par arrêté.
L'extension des dépenses d'incendie à la commune de plein exercice par application de
certaines dispositions du décret du 12 novembre 1938 relatif à l'administration départementale
et communale à partir de 1954 était à double tranchant. S'il était une charge normale de la
commune, la situation des communes de plein exercice n'en permettait point l'extension: il
importait d'abord de remettre de l'ordre dans les finances communales en ramenant par
exemple à de plus justes proportions les effectifs des agents communaux; il fallait réduire les
services communaux plutôt que s'engager à en créer de nouveaux. D'autre part, des tâches plus
importantes en matière de voirie devaient solliciter en toute première urgence l'attention de la
municipalité. En regard de ces charges, les ressources de la commune étaient limitées. Les
dépenses mises à la charge de la commune excédaient déjà ses ressources propres. Si de
nouvelles dépenses devaient être imposées, il serait nécessaire soit d'étendre le système des
ristournes, soit de revenir au principe des subventions.
En Métropole, le même constat était fait. Jean Médecin, député-maire de Nice,
déclarait:

·.299
"Si l'Etat ne décharge pas les villes du montant des
dépenses qu'il leur impose pour accomplir des tâches qui ne
sont pas de leur fait, jamais les communes ne pourront
équilibrer leur budget." 18.
Parlant des taxes, il ajoutait:
"(...) Les collectivités locales disposent d'autre ressources,
à savoir les taxes instituées par une loi de 1926. Mais leur
produit est dérisoire. (. ..) Autant dire qu'on ne nous
accorde rien." 19
2.... A la lourdeur des dépenses de fonctionnement
La situation financière de la commune de Rufisque n'avait cessé d'être préoccupante
après la deuxième guerre mondiale 20. Une .des causes essentielles du déséquilibre budgétaire et
de l'immobilisme municipal est à repérer dans l'importance des dépenses de fonctionnement.
Une circulaire ministérielle du 3 juin 1952 répartissaitt les dépenses en deux budgets, de
fonctionnement et d'équipement. La distinction était arbitraire et artificielle. Maintes dépenses
qui figuraient au budget de fonctionnement étaient en réalité destinées à l'équipement; le
budget dit d'équipement comprenait pour partie des dépenses concernant les constructions de
18 Assemblée Nationale, Débats parlementaires, 1ère séance du 13 octobre 1952, p. 6318. Voir aussi Annexes,
Liste des taxes autorisées par la loi Niveaux du 13 août 1926.
19 Idem.
20 BENGA N. A., 1994, "Législation métropolitaine et communes de plein exercice du Sénégal. A propos de
quelques difficultés d'application de la politique coloniale", Shifting Cultures. European Expansion and Non-
Western Civilizations. European Science Foundation, Sant Feliu de Guixols, Gérone, Espagne, 18-24 juillet, 21
p.

300 .
bâtiments ou de logements administratifs c'est-à-dire de fait le fonctionnement des services. Ici
encore, la terminologie était incertaine.
L'accroissement du personnel tant administratif que technique de la commune était
accompagné d'un glissement hiérarchique de la plupart des agents, le maire ayant promu ou
reclassé des agents dans des cadres déjà entièrement pourvus. Cette situation entraînait des
indemnités spéciales et des avantages divers. Un phénomène particulier dans la structure
communale prit d'importantes proportions: les bureaux étaient doublés par les cabinets du
maire, du secrétaire général et des adjoints. Cette coexistence d'un personnel politique et d'un
personnel proprement administratif pour un même service était l'une des causes principales de
l'accroissement des effectifs depuis 1947. La ville de Rufisque rémunérait d'autre part des
effectifs considérables de personnel, ouvriers et manoeuvres dont l'emploi était fonction le plus
souvent de la situation de la trésorerie et non de l'ampleur des tâches à effectuer. C'est le cas
du service du nettoiement; le personnel pléthorique était encadré par un nombre important de
surveillants et chefs d'équipe. Les nominations massives faites par Maurice Gueye en 1949 et
1950 à ces postes ne correspondaient pas aux besoins et les avancements ne paraissaient guère
justifiés par la qualification technique des agents.
La question des dépenses de personnel est néanmoins difficile à cerner. Des services
utilisaient de la main-d'oeuvre (hygiène, nettoiement, enlèvement des ordures) qui avait
tendance à être permanente. Entre 1951 et 1954, les effectifs de personnel titulaire se
chiffraient à 87, 68, 81 et 90 personnes 21
Ces dépenses étaient réparties entre les chapitres de personnel et les chapitres de
matériel. Vérifier l'évolution numérique du personnel permanent et de la main-d'oeuvre est
chose ardue, voire impossible, faute de sources. Les missions d'inspection à Rufisque butèrent
nul doute sur unedocumentation incomplète; les budgets primitifs ne présentaientpas toujours
une situation détaillée des agents portés aux chapitres de personnel. Quant on scrute leurs
rapports, le terme dépenses de personnel intègre les dépenses de matériel, si bien que ces
21 ANSOM Affaires Politiques, c. 2128 d. 4, mission Cauet.

JOl·
(apports pré~en~ent tou~ours des pou~centages se, ~ituant. entre 50 " 70 %, et plus. Les
Icontractuels étaient payes sur les chapitres de matenel mais on trouvait également parmi les
:individus payés sur le chapitre des services techniques quelques agents employés à titre
permanent dans les services administratifs. En procédant à la nuance, les dépenses de personnel
stricto sensu gravitaient entre 20 et 30 % des dépenses totales, pour les années dont les
comptes administratifs sont disponibles: 20, 35 % en 1951, 20, 18 % en 1952 et 28,98 % en
1953.
La tutelle administrative n'était pas péjrvenue à contrôler cette réalité.
En Métropole, la nomination du personnel communal par le maire était subordonnée à
certaines conditions, notamment l'approbation du projet municipal par le préfet. D'autre part, le
conseil municipal n'était pas libre de fixer les soldes et le nombre des agents. Il était lié aux
règles qui régissaient la fonction publique de l'Etat (à emploi analogue, solde identique) et aux
tableaux d'effectifs maxima fixés par arrêté du ministre de l'Intérieur après avis du ministre du
Budget. Des restrictions de même ordre régissaient les règles d'avancement, le régime des
congés... Ce régime en vigueur assurait à la tutelle un contrôle bien plus efficace sur la
municipalité en ce qui concerne la gestion du personnel communal.
Au Sénégal, le gouverneur ne disposait pas de textes analogues, opposables aux
constantes revendications des communes et ne pouvait exercer aucun contrôle sérieux du
personnel; diverses dispositions de la loi du 12 mars 1930 et celle du 28 avril 1952 n'avaient
pas reçu d'application.
Les dépenses de personnel de l'administration générale -cabinet du maire, secrétariat
général,
bureaux
de
l'administration
(finances,
état-civil,
bureau
militaire,
perception
municipale)- couvraient une part importante des dépenses de personnel (tableau n 0 55). Les
services de voirie? d'hygiène et des eaux utilisaient de gros effectifs de contractuels à.qui il
fallait servir salaires et indemnités, surtout après 1952 avec l'application de certains articles du
Code du Travail: indemnités pour charges de famille, indemnités de zone... En 1951, le service
des travaux municipaux de Dakar comptait 1683 employés 22.
22 ANSOM Affaires Politiques,c. 2155 d. 1, op. cit. Note du 16 juin 1952.

r'NoM
Tableau 55: DEPENSES DE PERSONNEL DE LA COMMUNE DE RUFISQUE (1951-1953) (en francs courants)
Adm. gle
%
Hygiène
%
Voirie
%
Serv.des eaux
%
Enseign.
%
Assistance
%
Total Oigne)
% 1rec. reelles' % 1dép. com. to
1951
6779000
41,12
4268000
25,89
2404000
14,58
2562000
15,54
396000
2,4
73000
0,44
16.482.000
63,35
20,35
1952
8817000
46,75
2441000
12,94
3230000
17,12
3359000
17,81
874000
4,63
136000
0,72
18.857.000
58,63
20,18
1953
7878000
47,54
1937000
11,69
3307000
19,96
2785000
16,8
661000
3,98
16.568.000
28,98
Total (col.) 23.474.000
8.646.000
8.941.000
8.706.000
1.931.000
209.000
51.907.000
v
• subventions non comprises.
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1951-1953).
Tableau 56: DEPENSES DE MATERIEL Ut LA COMMUNE DE RUFISQUE (1951-1953) (en francs courants)
Adm. gle
%
Hygiène
%
Voirie
%
Serv.des eaux
%
Enseign.
%
Assistance
%
Police
Incendie
Total (ligne)
1951
7.072.000
18,65
4.268.000
11,25
16.723.000
44,11
6.184.000
16,31
3.261.000
8,6
401.000
1,05
37.909.000
1952
7.576.000
20,25
4.653.000
12,44
16.495.000
44,1
6.817.000
18,22
1.448.000
3,87
392.000
1,04
9.000
8.000
37.398.000
1953
4.674.000
17,22
3.005.000
11,07
13.226.000
48,74
5.369.000
19,78
463.000
1,7
380.000
1,4
15.000
27.132.000
Total (col.) 16.423.000
11.926.000
46.444.000
1.837.000
5.172.000
1.173.000
Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1951-1953).

;303
Le conseil municipal instrumentalisait à son profit les lacunes de la réglementation.
Jusqu'en 1953, ni l'ordonnance du 17 mai 1945, ni à fortiori les arrêtés interministériels des 21
avril 1946 et 19 novembre 1948 portant détermination du statut, de la rémunération et de
J'avancement des différentes catégories du personnel communal n'avaient été rendus applicables
en A.O.f. La révision des tâches incombant aux divers services et leur répartition entre les
agents de la municipalité pour conduire à la compression des effectifs se heurtaient à un
obstacle majeur.
Celui-ci consistait à remettre à la disposition de l'administration de tutelle le plus grand
nombre possible de fonctionnaires jadis mis à la disposition de la tutelle. Le détachement de ces
nombreux fonctionnaires se justifiait en 1946 devant l'impérieuse nécessité de réorganiser les
services, compte tenu de la mise en application de la loi de 1884. Les agents proprement
communaux qui s'étaient trouvés plusieurs années durant à l'école de leurs chefs de services et
bureaux pouvaient fournir des cadres strictement municipaux. La réintégration dans leurs
cadres administratifs d'origine du plus grand nombre de fonctionnaires détachés n'était pas du
goût de l'administration territoriale prise elle aussi dans de nombreuses tâches et difficultés
financières. En 1952, le budget de la colonie avait sollicité du Trésor français une avance de
1.400 milions de francs pour combler une partie des déficits budgétaires accumulés au cours
des derniers exercices; le ministère des Finances répondit favorablement à cette requête après
avoir formulé un certain nombre d'observations sur la gestion financière du Territoire
(insuffisance des recouvrements fiscaux, importance de raide accordée aux communes de plein
exercice, effectifs excessifs et avantages consentis à divers personnels) et demandé que des
engagements formels fussent pris 23 .
Ce sont les traitements et diverses indemnités de ce personnel statutaire dont la solde
n'était pas fixée par la commune mais qui lui était imposée qui grevaient dans de fortes
proportions les dépenses de personnel. Dans une lettre adressée aux maires de Rufisque; Dakar
et Saint-Louis, le gouverneur par intérim leur demander d'arriver à une situation normale c'est-
à-dire:
23 ANSOM Affaires Politiqués c. 2123 d. 4, Communes de plein exercice, gestion des budgets. Note des
ministres des Finances et du Budget au ministre de la F.O.M datée du 22 avril 1953.

304 ~,
et Saint-Louis, le gouverneur par intérim leur demander d'arriver à une situation normale c'est-
à-dire:
- effectifs uniquement composés d'agents intégrés dans le statut du personnel
municipal,
- total des dépenses de personnel ne dépassant pas 25 à 30 % de l'ensemble des
ressources budgétaires (conformément à la législation municipale).
Dans une circulaire adressée aux mêmes maires, il insistait pour que "l'état nominatif
détaillé du personnel en service (lui fût) adressé dans les plus brefs délais" 24.
La municipalité était habile à contourner les contraintes administratives. La tutelle se
trouvait dans l'impossibilité matérielle de réduire les prévisions de personnel arrêtées par le
conseil municipal par suite de la date tardive à laquelle les projets de budgets lui étaient
soumis. En effet, en l'absence de budget approuvé, les dépenses de la commune étaient
effectuées sur la base du budget de l'exercice antérieur, tel qu'il avait été modifié par les
autorisations spéciales et le budget additionnel. Le budget du Sénégal "ripostait" généralement
en cessant tout paiement. En 1953, la municipalité de Rufisque licenciait 160 agents 2.5, au
moment où apparaissait la menace de suppression de subventions 26. Les effectifs du personnel
et de la main-d'oeuvre passèrent de 436 en 1953 à 277 au début de 1954; l'économie réalisée
était de 2.500.000 francs par mois 27. La commune de Dakar procéda également au
licenciement de 1.200 agents 28.
24 ANSOM Affaires Politiques, c. 2291 d. 13, Communes. Au sujet du personnel communal (/952).
25 Idem. Voir aussi mission Cauet, op. cit.
26 Cf page suivante Situation des effectifs de la commne de Rufisque à la date du 1er février 1954.
27 3Gl
53-165, Réorganisation des communes de plein exercice, situation financière de la commune de
Rufisque (/953). L'exploitation de l'usine des eaux de Sangalkam avait été concédée et le personnel passé à la
Compagnie des Eaux.
. .
28 ANSOM Affaires Politiques, c. 2118 d. l , op. cit.

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Dans une lettre datée du 22 avril 1953 adressée au ministre de la F.O.M., le ministre du
Budget demandait un plan de réduction des effectifs des personnels en service dans la colonie
et notamment dans les communes de plein exercice et proposait que l'octroi éventuel d'un
statut au personnel communal fût subordonné à des licenciements massifs portant non
seulement sur les auxiliaires ou contractuels mais encore sur les titulaires pour insuffisance
professionnelle.
Un autre domaine d'illustration est l'octroi des indemnités aux membres du conseil
municipal.
Les différents textes intervenus depuis 1945 pour fixer les frais de mission et indemnités
de fonction des maires et adjoints en Métropole n'avaient pas été promulgués en AO.F. Dans
ces conditions, la loi de 1884 ne permettait que le remboursement des frais sur justificatif. Les
indemnités forfaitaires payées par le budget municipal étaient dans leur principe irrégulières.
Une note du 18 mars 1949 le rappelait:
"Jusqu'à
ce
que
soit· réalisée
l'extension
de
la
réglementation métropolitaine, il n'apparaît pas possible de
faire bénéficier les adjoints d'une telle indemnité" 29
Le conseil municipal passa outre, en dépit de la possibilité du gouverneur de réduire le
montant des allocations; les indemnités forfaitaires, de surcroît cumulables et aux taux non
réglementés étaient payées sur le budget municipal. Le décret du 5 novembre 1951 rendit la loi
du 9 avril 1947 applicable aux communes de plein exercice en ce qui concerne les frais de
missions et indemnités de fonction des maires et adjoints. Le taux des indemnités était limité
par un plafond variable selon la population. (cf page suivante).
29 ANSOM Affaires Politiqués, c. 2129 d. 1, AO.F., AE.F., T.O.M., Administration municipale, indemnités
aux maires et adjoints.


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Dans les autres municipalités d'AO.F., AE.F., du Togo et du Cameroun, qui avaient à
leur tête des administrateurs-maires assistés d'adjoints fonctionnaires, ces administrateurs
touchaient un traitement, ceux qui remplissaient les fonctions de maire percevaient en principe,
soit en cette qualité, soit en tant que chefs de circonscription administrative, une indemnité
pour frais de représentation et s'il y avait lieu des frais de déplacement; enfin les budgets
communaux prévoyaient généralement des inscriptions de dépenses pour couvrir les frais
engagés par les administrateurs-maires à l'occasion de certaines réceptions ou tètes
communales.
Les pouvoirs de tutelle avaient de leur côté tendance à appliquer certaines dispositions
de la législation métropolitaine sans en attendre le vote. C'est le cas du décret-loi du 12
novembre 1938 relatif à l'administration départementale et communale dont certains articles
portaient réforme du statut de la commune de plein exercice. Le ministre de la F.O.M., dans
une lettre au haut-commissaire de l'AO.F. rappelait l'administration à l'ordre:
"(...) Il n'est pas non plus possible de vous permettre de
rendre
applicables en AOF les textes
régissant
les
communes de la métropole car une telle mesure relève
constitutionnellement de la compétence du Président de la
République, après avis de l'assemblée de l'Union Française
et n'est pas susceptible de délégation" 30
Le conseil municipal avait beau jeu et écartait sans cesse l'application des dispositions
qui lui paraissaient gênantes. En octobre 1952, dans une lettre adressée au ministre de la
F.O.M., le premier président de la Cour des Comptes s'en a1annait:
Il Aucune
réglementation du cumul des indemnités n'est
intervenue. Il serait souhaitable que des textes viennent
30 ANSOM Affaires Politiques c. 2291 d. 12 Administration municipale A.o.F. Généralités sur les communes
(1947-1955).

309
modérer la générosité plus ou moins grande des assemblées
coloniales et, par la réglementation des taux, mettent fin
aux
surenchères.
II conviendrait d'autre
part
qu'une
limitation du cumul des indemnités mette obstacle à ce qui
peut sembler excessif" 31.
A propos d'observations sur la commune de Dakar, ce haut-fonctionnaire notait que "les
huit adjoints du maire recevaient une indemnité forfaitaire de fonction dépourvue de base légale; que ces élus
étaient aux frais du budget communal, assistés d'un état-major administratif qui se superposait à
l'administration municipale proprement dite; (. ..) enfin qu'un parc automobile pléthorique, essentiellement
composé de voitures étrangères, acquises selon des procédures contestables, et fréquemment renouvelé, était
mis à l'entière disposition des édiles. (..) De 1947 à 1951, le budget de Dakar avait supporté d'importantes
charges occasionnées à Paris par le mandat de député du maire et ne présentant par conséquent pas d'intérêt
communal" 32.
A partir de 1952, les indemnités de fonction prévues par la loi du 24 juillet de la même
année devaient être payées aux maires et aux adjoints
qui y avaient droit même s'ils étaient
fonctionnaires.
La non promulgation de la loi du 12 mars 1930 sur le statut du personnel communal et
en particulier les prescriptions relatives au conseil de discipline posaient problème, quant aux
sanctions à prendre à l'endroit des agents communaux qui s'étaient rendus coupables de fautes
graves. Les dispositions de la loi fixaient à 15 le nombre minimum de communes nécessaires
pour constituer un conseil de discipline; au Sénégal, il n'existait que trois communes
susceptibles de relever de cette juridiction. Le haut-commissaire de l'A.O.F. s'arrêta avec force
sur ce point:
31 ANSOM Affaires Politiques c. 2123 d. 4. Communes de plein exercice, gestion des budgets (1951-1954).
Lettre datée du
13 octobre 1952.
32 Idem.

310
"Je me permets d'insister sur l'urgence de la promulgation
de ces textesqui retarde la comparution devant le Conseil
de plusieurs agents communaux
qui se sont
rendus
coupables de fautes graves'T' ..
Le nouvel équilibre entre les ressources et les charges tenté par l'administration centrale
à partir de 1950 ne fit pas régresser le passif et le déficit des municipalités.
Cette période d'après 1945, et particulièrement des années 50 est bien la période, et la
seule de l'histoire communale coloniale de Rufisque, durant laquelle le budget communal devint
un budget de personnel (au sens large du terme), un dispensateur de prébendes.
Pourcentage des dépenses de personnel et de main-d'oeuvre par rapport aux
recettes réelles des communes (subventions non comprises) 34
1950
1951
1952
1953
Dakar
61,7
76
87
Rufisque
78,2
63,35
59
60
Saint-Louis
52
63
Cette situation n'était pas spécifique aux communes. En 1953, le budget local et le
budget général consacraient plus de 50 % de leurs dépenses aux frais de personnel 35.
Un rapport du F.I.D.E.S. faisant le bilan du Premier Plan signalait un accroissement de
150 % des effectifs de fonctionnaires en 1952 par rapport à 1938 ! 36.
33 ANSOM, Affaires Politiques, A.O.F., Généralités sur les communes (1945-1947), extension des pouvoirs des
communes de plein exercice. Lettre du haut-commissaire de l'A.O.F. au ministre de la F.o.M. datée du 2
jUille11951.
34 Pour Rufisque, d'après mes calculs. Pour les deux autres communes de plein exercice, ANSOM Affaires
Politiques, c.229l d. 13, Généralités sur les communes (1947-1955), organisation municipale. op. cit.
35 ANSOM Affaires Politiques, c. 2291 d. 13, op. cil. Lettre j/e l'adjoint au maire de Dakar au gouverneur
datée du
26 juillet 1954.
. •
.
36 Service des Archives Economiques et Financières, B 33532, Bilan du Premier Plan. Incidences directes et
indirectes des réalisations, 1952.

311
La politique outrancière des subventions, le poids des hommes politiques sénégalais 37
et de leurs alliés métropolitains, l'absence d'une réflexion en matière de législation communale
adaptée aux réalités locales et un fort état d'abattement chez les administrateurs coloniaux,
l'institutionnalisation du clanisme (cf chapitre IX infra) sont quelques éléments d'explication.
Des dépenses sociales telles l'instruction (construction de groupes scolaires, fournitures
scolaires) ou l'assistance furent délaissées.
En 1951, la commune de Rufisque n'avait consacré que 4,51 % (3.656.385 francs
courants) et 0,58 % (474.000 francs courants) de ses dépenses à ses deux secteurs (tableau n "
55). Les fournisseurs, non payés, avaient refusé de livrer à la mairie et intenté des actions
contentieuses. Les restes à payer à divers fournisseurs s'élevaient pour la même année (1951) à
1.022.750 francs courants. Pour l'enseignment, la commune prenait en charge les traitements
des gens de service, les dépenses du personnel enseignant étant assumées par le budget local;
les dépenses de matériel concernaient les grosses réparations aux écoles, les bourses scolaires
(en 1954, la commune avait inscrit une somme de 600.000 francs courants à ce poste) 38 et le
fonctionnement des écoles. La baisse des subventions de la colonie affecta sérieusement les
frais de matériel (1.448.000 francs courants en 1952, 463.000 francs en 1953). Quant aux
dépenses d'assistance, elles étaient rëvues sans cesse à la baisse, généralement de moitié. En
1953, les frais d'hospitalisation et d'inhumation des indigents, de secours aux sinistrés, fixés au
budget additionnel à 800.000 francs courants étaient ramenés à 400.000 francs courants par la
tutelle 39. Les crédits pour les dépenses de fonctionnement des dispensaires et de la maternité
n'atteignaient pas 800.000 francs courants dont 500.000 francs pour les médicaments, ce qui
était faible 40.
37 Maurice Gueye et le Délégué de Rufisque ne faisaient qu'un (voir le rôle de ce dernier aux élections
municipales d'avril 1953, cf infra); Lamine Gueye était lié par une profonde amitié au gouverneur du Sénégal
Laurent Wiltord (mai 1947-octobre 1950) qui ne savait rien refuser à la mairie de Dakar.
38 ANS 3G4-4, budget primitifde la commune de Rufisque, exercice 1954.
39 ANSOM Affaires Politiques, c: 2118 d. l , op. cit. Budget additionnel de la commune de Rufisque 1953.
40 ANS 3Gl 53-165, Réorganisation des communes de plein exercice. op. cit.

312
Les dépenses de personnel de la police et de l'incendie (sapeurs-pompiers) étaient
assurées par le budget général depuis 1950; la contribution communale aux dépenses de
matériel n'était pratiquement pas versée:
- police: 0,024 % des dépenses totales en 1951; 0, 055 % en 1952,
- incendie: 0,021 % en 1952; 0 % en 1951 et 1953. La fréquence des incendies
à Rufisque l'atteste amplement.
Les dépenses ordinaires diverses (indemnités de fonction, frais de déplacement) sont en
pourcentage sensiblement égales à celles de l'entre-deux-guerres: 2,45 % (1.989.000 francs
courants) en 1951; 3,59 % (3.359.000) en 1952. Elles grimpent à 14,53 % (8.254.000) en
1953. Cette similitude est apparente; les créances et redevances diverses à l'endroit des
fournisseurs privés et des collectivités publiques étaient épongées par les subventions
d'équilibre. La baisse importante des subventions (51.600.000 en 1952, 15.000.000 en 1953)
n'avait pas empêché la forte hausse de 1953. Les indemnités de fonction du maire et des
adjoints avaient-elles augmenté? Il n'a pas été possible de le vérifier. Même si des dépenses de
révision des listes électorales ont participé à ces frais, cette rubrique "dépenses diverses"
pourrait aussi avoir servi à financer la campagne de Maurice Gueye lors des élections
municipales d'avril 1953.
Les dépenses de matériel de l'administration générale (entretien des bâtiments
communaux, des halles et marchés...), de l'hygiène, du service des eaux (usine de pompage de
Sangalkam, réservoirs et canalisations) et surtout de la voirie (entretien des canaux de l'Est et
de l'Ouest, nettoiement de la ville, éclairage public...) englobaient l'essentiel des dépenses
communales de matériel (tableau n 0 56). Entre 1951 et 1953, les dépenses totales 'de matériel
couvraient 46,8 %; 40,02 et 47,46 % des dépenses totales 41. La voirie urbaine importante à
Rufisque absorbait la grande partie. des dépenses d'entretien: en 1953, la voirie municipale
41 D'après mes calculs. Source: comptes administratifs de la commune de Rufisque (1951-1953).

313
comprenait 178.000 m-, chaussées 'en terre généralement dans les quartiers, routes bitumées
dans le centre-ville. Au cours des années cinquante, Rufisque connut de nombreux incendies et
deux grandes inondations (4 et 5 octobre 1951 et août 1954) qui sont restées ancrées dans la
mémoire collective et rappelaient les méfaits des endémies des années vingt et trente.
C. Une municipalité sous perfusion: la politique des subventions et le poids de
l'endettement
Les recettes de la commune de Rufisque s'étaient trouvées insuffisantes pour lui
permettre de couvrir ses charges. Dans l'impossibilité de faire face à ses obligations par ses
propres moyens, la municipalité avait eu recours à l'aide du territoire pour combler un déficit
chaque année plus important. Cette pratique des subventions, dont l'Assemblée Territoriale
était pratiquement seule juge, se trouva érigée en système. TI n'était pourtant pas
financièrement et politiquement sans graves inconvénients. Le contrôle des dépenses
communales, pour utile qu'il soit, ne pouvait à lui seul rétablir l'équilibre financier de la ville.
La situation financière de la commune se caractérisait à la fois par un passif important
et un déficit chronique.
Le passif était constitué par les avances et les dettes. TI faut entendre par dette toute
obligation ou tout engagement qui lie la commune avec un tiers et qui donne à ce tiers le droit
d'exiger le paiement de la somme qui en fait l'objet. Ce passif représentait généralement des
créances dues à divers fournisseurs et entrepreneurs de travaux qui n'hésitaient pas à assigner
la commune en justice (cf infra plainte de Haran de la S.E.R.I.A.O.F. contre la commune) et
celles dues aux collectivités publiques (budgets territorial et général, compagnies des eaux et
d'électricité, PTT. ..) pour services rendus et non acquittés (contribution aux dépenses de police
et incendie par exemple). En 1953, le passif cumulé de la commune de Rufisque (1947-1952)
s'élevait à 110,7 milions de francs CFA dont 35,7 en créances privées et 75 en créances
administratives 42. Devant cette situation, le gouverneur du Sénégal sollicitait l'octroi d'une
avance remboursable par annuité.
42 ANS 3Gl 53-165, Réorganisation..., op. cit.

314
Entre 1946 et 1957, il Yeut Heu d'avances. D'une part parce que le haut-commissaire de
l'A.O.F. et le ministère de la F.O.M. s'y opposèrent souvent, la commune étant dans
l'impossibilité de respecter ses engagements de remboursements, d'autre part parce que les
avances ne pouvaient être utilisées que pour améliorer l'équipement économique de la
commune. L'autorisation d'avance ne pouvait donc avoir qu'un caractère momentané; elle était
assortie d'une contrainte efficace: l'arrêt des paiements. Elle nécessitait la présentation d'un
budget en équilibre réel et l'engagement du maire et du conseil municipal de se soumettre à
tout contrôle financier.
La situation budgétaire de Rufisque était commandée par le problème du règlement des
dettes contractées par la ville auprès du budget local et du budget général. L'examen des
budgets de Rufisque révèle que la commune avait pris l'habitude de ne pas faire figurer ni dans
ces projets de budgets, ni dans l'état de la situation financière annexée au compte administratif
l'intégralité de ses dettes. Celles-ci peuvent être rangées en deux catégories:
- les frais de police et de lutte contre l'incendie qui étaient payés par le budget
local à charge de remboursement par la municipalité. Ces dépenses étaient en Métropole à la
charge de l'Etat et des départements; il parut donc équitable de ne pas faire supporter aux
municipalités les conséquences de charges que normalement elles n'auraient pas dû assumer,
- les avances consenties par le budget local pour assurer le fonctionnement des
services du ravitaillement, de l'hygiène et de la petite voirie miss à la charge de la commune de
plein exercice par suite de l'extension des dispositions de la loi du 5 avril 1884.
Pour ces deux catégories de dettes, le montant non honoré s'élevait en 1950 à
38.185.265 francs CFA pour la commune de Rufisque 43. Le Conseil Général (1946-1951),
puis l'Assemblée Territoriale (à partir de 1952) prenait souvent la décision d'annuler ces
43 ANSOM Affaires Politiques c. 2155 d. 1, Municipalités (1949-1954), situation financière des communes.
Note sur l'organisation et la gestion des finances communales.
Voir aussi CARAN 2G 50-143 200 mi 2726
Sénégal, rapport politique 4ème trimestre 1950.

315
montants contractés par les communes de plein exercice. La mission d'inspection Chovard le
constatait en 1951. Mais l'impunité d'une telle décision (elle était par principe nulle et
inexistante) trouvait un appui favorable auprès de la tutelle qui éprouvait des difficultés pour se
dégager des contingences politiques. En 1950, le haut-commissaire suggérait au gouverneur
d'obtenir le vote d'une subvention destinée à éteindre le passif des communes de plein exercice,
étant entendu que le budget général prendrait à sa charge la plupart des dépenses qui avaient
été à l'origine de ces dettes. La subvention se chiffrait à 190 millions de francs CFA dont 50
millions pour Rufisque 44.
Une solution préconisée par un courant d'administrateurs hostiles à la politique des
subventions d'équilibre était l'octroi d'emprunts égaux au montant des dettes communales
envers la colonie et amortissables en dix ans par exemple, chaque annuité étant pour la
commune une dépense obligatoire qu'il appartenait d'inscrire d'office en procédant également à
la réduction des dépenses facultatives. La remise pure et simple de ces dettes communales ne
concernait généralement pas les cessions (d'eau), les transports et frais d'hospitalisation dont le
recouvrement était poursuivi. En cas de refus de la municipalité, ces dettes étaient
ordonnancées d'office en dépenses obligatoires:
Pour permettre la régularisation des dettes communales à l'égard du Territoire, la tutelle
imposait d'office à la commune des avances; or la commune pouvait refuser le vote ou la
réalisation d'un emprunt pour couvrir une dette. La loi de 1884 l'y autorisait. La seule
possibilité offerte à l'administration était donc de fractionner la dette communale, d'inscrire
d'office au budget les crédits nécessaires. Encore fallait-il que la situation financière de la
commune rut assainie et que son budget rut en équilibre réel. Le règlement des créances du
territoire ne pouvait en effet pas passer avant le paiement des traitements et salaires des
employés municipaux ou le règlement des créances du secteur privé. E. Haran, directeur du
S.E.R.I.A.O.F. (Société d'Equipement Rural et Industriel de l'A.O.F.) adressa le 21 janvier
1954 au ministre de la F.O.M. une lettre pour une solution rapide du réglement de 1.135.054
francs dû par la municipalité de Rufisque à sa société pour travaux exécutés depuis plus de
44 Idem.

316
deux ans; il s'était auparavant adressé en vain aux autorités hiérarchiques de l'A.o.F. (haut-
commissaire, délégué de Dakar, chambre de commerce, Syndicat des Entrepreneurs, etc.) 4S.
Ce cas n'était pas exceptionnel. On ne comptait plus les lettres que les créditeurs adressaient à
la tutelle pour lui demander d'inviter la mairie à honorer les factures en instance depuis des
mois, parfois des années; ces factures restaient impayées et l'on voyait mal au demeurant quel
reméde les pouvoirs administratifs pouvaient y apporter: les caisses municipales à peu près
vides excluaient toute possibilité de l'ordonnancement d'office. Enfin le décret financier du 30
décembre 1912 ouvrait également à la commune la possibilité de demander la remise de ses
dettes. En 1951, la commune de Dakar bénéficia d'une remise de dettes de 11,074 millions
représentant des participations anciennes aux dépenses d'incendie; Rufisque et Saint-Louis se
firent apurer respectivement 46 et 15 millions de dettes 46.
Le déficit du budget municipal était ainsi couvert par les subventions: celle de 1950
avait constitué 64 % des recettes totales de la commune !
La pénurie financière des communes-pilotes n'encourageait guère à élaborer la création
d'autres municipalités, même de moyen exercice. L'autonomie et la responsabilité politique ne se
comprenaient pas sans un sain équilibre financier.
Cette question des subventions fut aussi le théâtre de conflits entre le ministère de la
f.O.M. d'une part et ceux du Budget et des Finances.
L'extension à la commune de plein exercice de la disposition tendant à décharger son
budget des dépenses qui résultaient des assemblées électorales tenues dans son territoire et à
les mettre à la charge de l'Etat comme en Métropole avait été source d'inquiétude à la
Direction des Affaires Politiques et Administratives. Pour un avantage financier peu important
-l'extension de cette mesure à l'A.O.F. constituait pour l'Etat français une charge réduite car il
n'existait dans la Fédération que 45 communes (1953)- le risque était là dé donner à
45 ANSOM Affaires Politiques; c. 2291 d. 13, Généralités sur les communes (1947-1955).
46 CARAN 2G 51-144 200 mi 2731, Sénégal, synthèses et rapports politiques trimestriels 1951.

317
l'administration métropolitaine un nouveau motif d'intervenir dans les affaires des tenitoires
d'outre-mer.
A Rufisque, l'incident éclata lorsque la Direction du Budget du ministère des Finances
formula des réserves et des observations quant à l'ouverture au budget 1953 du Sénégal d'un
crédit supplémentaire de 15 millions CFA aux fins d'avance à la commune de Rufisque pour
l'achat de l'immeuble SO.F.A.C. (Société Franco-Afiicaine de Conserves). Le ministère des
finances demandait notamment à connaître les mesures de redressement financier imposées par
le Tenitoire à la commune de Rufisque, les conditions de l'opération SO.F.A.C. et à recevoir
communication des projets de budget ou de remaniement budgétaire. La direction financière de
la colonie ne crut pas devoir engager avec le ministère des Finances une discussion qui aurait
pu finalement s'envenimer, l'intrusion de ce Département dans l'administration des affaires
d'outre-mer paraissant dépasser la juste mesure. Aussi fut-il envoyé une réponse "d'attente",
faisant état de la présence à Rufisque d'une mission d'inspection (Cauet) qui devait vérifier la
situation financière de la commune. Quant au ministère de la F.O.M., il attendait le résultat de
cette enquête pour décider en toute connaissance de cause. Court-circuité, le ministère des
Finances n'évoqua plus cette question de crédit supplémentaire de 15 millions mais seulement
la mise en jeu de l'aval du Sénégal dans l'affaire SO.F.A.C.
A partir de 1953, les subventions d'équilibre disparurent; le budget du Sénégal, en
difficulté, n'était plus en mesure de les accorder et posait le principe que' les communes
devaient équilibrer leurs budgets sur leurs ressources, quitte à étudier le cas échéant certains
allégements limités à leurs charges. Rufisque reçut en 1954 une avance de 20 millions de francs
destinés à régler ses dettes d'exercices antérieurs (créances du secteur privé). En 1954, le passif
de la commune de Rufisque se chiffrait à 96 millions pour un budget primitif de 114 millions 47.
La municipalité augmenta de 65 à 95 % les taxes diverses (droits de marché, de
stationnement...) pour combler le déficit créé par l'arrêt des subventions 48.
47 CARAN 2G 55-43 200rrù 2016, A.O.f. contrôle financier, rapport annuel sur les finances de l'A.O.F. 1955.
48 Le Phare du Sénégal n 0 15 du 16 février. 1953.

318
Les difficultés rencontrées par les autorités de tutelle jetaient le discrédit sur
J'administration française au Sénég~ et contribuaient largement à hérisser le ministère des
Finances. On était en droit de se demander s'il était impossible d'exercer cette tutelle plus
fermement. Comme réformes des institutions municipales, l'administration décidait de:
- ne plus imposer aux municipalités de nouvelles dépenses obligatoires et de
fixer des délais impératifs pour la présentation des budgets communaux,
- faire recourir les communes aux entreprises privées pour l'exécution de leurs
travaux et aux traités de concession de leurs services à caractère industriel et commercial,
- fixer les statuts, effectifs et taux de rémunération du personnel communal. Les
différents textes métropolitains concernant le personnel communal étaient caducs depuis
l'intervention de la loi du 28 avril 1952 portant statut général du personnel des communes et
des établissements publics communaux,
- d'étendre l'engagement des dépenses au contrôle obligatoire de la tutelle.
Aucun texte métropolitain ne prévoyait cette mesure.
Senghor alla plus loin en proposant la déchéance automatique des municipalités dans
certains cas 49; mesure régressive qui manquerait son but.
Aucune de ces mesures ne se caractérisait par son originalité; aucune allusion n'était
faite aux voies et moyens pour dégager les solutions d'un redressement là où c'était nécessaire;
tout restait lié à l'allocation des subventions dont l'Assemblée de l'Union Française était d'avis
de rendre le caractère obligatoire. Le gouvernement de la République ne pouvait la suivre
jusque là; la charge financière qui en résulterait pour les territoires en seraient alourdie et les
communes renonceraient vite à toute volonté de contribution, assurées que d'autres
subviendraient à Jeurs besoins.
49 ANSOM Affaires Politiques c. 2155 d.l, op. cit., documents de base de la loi municipale, non datés.

319
La politique des subventions était une tradition en Métropole. Depuis 1917, les
subventions de l'Etat constituaient une ressource de plus en plus importante, tant par leur
nombre que par leur montant. Par le système des subventions de péréquation, le Département
participait sans contrepartie aux dépenses des communes en difficulté, notamment en matière
d'assistance,
d'enseignement,
de
santé,
d'assainissement.
Les
crédits
alloués
étaient
proportionnels aux charges des communes et inversement proportionnels à leurs ressources.
Une politique de subventions fut délibérément poursuivie entre les deux guerres pour aider aux
constructions essentielles et favoriser le développement et la modernisation de certaines
régions. Des subventions étaient directement accordées aux collectivités locales désargentées
pour les aider à faire face aux dépenses obligatoires. En 1931, la Caisse Nationale de Crédit
aux communes et aux départements, dont les ressources étaient fournies par l'Etat, fut chargée
de consentir aux collectivités locales des prêts à faible taux pour le financement de travaux
importants. Le régime de Vichy procéda en 1941 à une révision complète du système des prêts
et des subventions de l'Etat et les dépenses furent considérablement réduites. Une subvention
unique
dite
"subvention
pour
dépenses
d'intérêt
général"
fut
instituée;
elle
était
automatiquement accordée chaque année sur les fonds de l'Etat. Des mesures furent prises
après la Libération pour accroître les ressources des collectivités locales. La loi du 31
décembre 1945 organisa un système de subventions plus élaboré: 5,5 milliards furent affectés
en 1946 aux besoins des collectivités locales.
C'est dans ce train de réformes que s'inscrit la subvention dite "d'équilibre" créée pour
venir en aide aux collectivités qui avaient épuisé leurs ressources et qui devaient imposer des
charges lourdes à leurs contribuables si une aide supplémentaire leur faisait défaut. La mesure
fut appliquée aux communes de plein exercice du Sénégal.
En 1948, un Fonds de Péréquation unique fut institué, qui réunissait les subventions
jusqu'alors faites ~u titre des dépenses d'intérêt général et les subventions d'équilibre. Le
système métropolitain était le suivant: tout projet local qui en temps ordinaire justifiait un
emprunt par la collectivité intéressée avait droit à une subvention.

320
En suivant de façon rapprochée la vie communale après 1945, j'avance l'idée que la
politique des subventions dans la commune de plein exercice ne servait dans la réalité qu'à
justifier après coup la tutelle qu'on lui Imposait. C'est toujours sous le prétexte de sa prodigalité
que l'administration réduisait la commune ~ un état de sujétion que l'on oublie trop facilement
puisqu'on la tenait pour responsable de ses dépenses et de ses dettes. Tantôt l'administration
obligeait, tantôt elle encourageait par ses subventions l'endettement de la commune et par
conséquent étendait par ses arrêtés la portée des textes. Ceci me semble essentiel comme grille
de compréhension de la situation de la commune coloniale au cours des années cinquante.
Le régime municipal au Sénégal était à repenser. La municipalité se réclamait de textes
non promulgués ou remettait en cause l'interprétation des textes en vigueur; les ressources et
les charges n'étaient pas adaptées. TI suffit d'examiner l'aide financière accordée à la commune
pour se rendre compte qu'elle ne vivait pratiquement que des subventions du Territoire. Les
subventions venaient combler le déficit global du budget . Ce sont les charges, que le décret du
3 janvier 1946 ne permettait pas de définir, qui ne pouvaient être appliquées, faute de textes.

321
Si l'on s'en tient aux chiffres globaux données par le tableau n 0 Il, ce qui frappe à leur
lecture, c'est la balance des recettes et des dépenses qui se solde par un excédent de recettes
(1947-1953). On serait tenté de croire que la situation de la commune de Rufisque allait en
s'améliorant. Il n'en est rien. Quant il était pourvu aux dépenses les plus urgentes, le
gouverneur, usant des pouvoirs qui lui étaient conservés, réduisait ou rejetait les crédits
affectés par le conseil municipal aux dépenses facultatives et le budget municipal était réglé
sans déficit, ce qui ne voulait pas dire que toutes les dépenses utiles avaient été faites ou qu'il
avait été satisfait à tous les besoins communaux.
Le régime établi par le décret de 194(2 n'avait pas donné satisfaction. Ce décret s'était
borné à étendre aux communes de plein exercice du Sénégal un certain nombre de textes
applicables aux communes métropolitaines, le principal étant la loi de 1884, posant ainsi le
principe de l'assimilation du régime des communes du Sénégal et des communes de la
Métropole. Cette assimilation avait été trop rigoureuse et appliquée par des administrateurs
renommés pour leur zèle gouvernemental. Car, en étendant sans retouches notables la loi de
1884 aux communes du Sénégal, on leur imposait, en principe tout au moins, les charges qui
incombaient aux communes métropolitaines et que celles-ci ne pouvaient équilibrer que par le
jeu compliqué de ristournes et de subventions, provenant
de l'Etat ou des caisses
intercommunales ou interdépartementales. Les ressources des communes sénégalaises étaient
très restreintes depuis la suppression de l'octroi de mer en 1942; les limites de la fiscalité
étaient vite atteintes. L'organisatiorr des finances locales était complexe et inefficace; sa
complexité tenait en grande partie à son évolution historique.
L'administration insistait sur l'insuffisance et les difficultés de recouvrement, la pléthore
du personnel ouvrier permanent pour les travaux occasionnels, l'inexécution d'une fraction du
budget, la crise permanente de la trésorerie. Le maire de Rufisque expliquait ses malheurs
financiers par les subventions inscrites au budget communal et non versées et l'insuffisance des
ressources servies à la commune. Paradoxalement c'est sous la IVème République qui l'avait
appelée de tout son voeu que l'institution communale déclinait au Sénégal.
C'est en ce sens que se comprend l'intervention prépondérante des budgets externes
après la seconde guerre mondiale.

322
CHAPITRE IX. EQUIPEMENT-AMENAGEMENT ET INDIFFERENCE
MUNICIPALE (1946-1964)
L'absence d'aménagement du système d'imposition pratiqué eut pour conséquence la
diminution des dépenses de matériel et de travaux. Les subventions allouées à la commune
pour des travaux (fonds de concours) permettaient d'obtenir des ressources de trésorerie pour
payer salaires et factures. Les principaux bailleurs de fonds pour l'équipement de l'espace
rufisquois furent le F.I.D.E.S. (Fonds d'Investissement pour le Développement Economique et
Social) et le budget général.
1. L'ACTION DU F.I.D.E.S.(1947-19:;7)
L'effort principal sous le Pr~mier Plan du F.I.D.E.S. (1947-1952) avait porté sur
l'infrastructure, l'équipement public 1 parce qu'il conditionnait:
- le maintien du rythme de la production,
- tout accroissement de cette production.
Un accroissement
important de
la production
exportable
et
le
ravitaillement
métropolitain
supposaient
l'amélioration
ou
la
création
de
moyens
de
production
correspondants. La réalisation de ce plan d'équipement se trouvait conditionnée par la solution
de trois problèmes fondamentaux: organiser des services techniques importants et étoffés,
mettre en place des entreprises puissantes et capables de réaliser les travaux, exploiter et
fabriquer sur place les matériaux.
C'est à cet effet qu'avait été créé le B.C.E.O.M. (Bureau Central d'Etudes pour les
Equipements d'Outre-Mer) en application de la loi du 30 avril 1946 tendant à l'établissement,
au financement et à l'exécution des plans d'équipement et de développement des' Territoires
relevant du ministère de la F.O.M. L'objet du B.C.E.O.M. était d'apporter au ministère de la
1 50 % pour les voies de corrununication, 20 % pour l'équipement social, 12 % pour la production agricole,
l'élevage et l'hydraulique, Il % pour la production minière et industrielle. Les crédits consacrés à cette fin entre
1947 et 1952 étaient évalués à'372 milliards. Service des Archives Economiques et Financières (S.A.E.F.),
833532, Commission d'Etudes et de Coordination des Plans de Modernisation des T.O.M. rapport général.

;------~--
323
F.O.M., aux collectivités locales et aux organismes publics mixtes et privés appelés à concourir
à l'exécution des plans de développement économique et social sa collaboration pour les études
des équipements entrant dans le cadre desdits plans et d'une façon générale d'assurer pour leur
compte et à leur demande toutes les missions techniques tendant à l'aboutissement des projets.
En raison des délais qu'avait exigés sa mise en place (3 ans), le B.C.E.O.M. n'eut aucune
incidence sur l'exécution du Premier Plan. TI commença à travailler effectivement en 1950 et
contribua surtout à la préparation des projets du Deuxième Plan quadriennal. Son personnel
était principalement choisi parmi d'anciens ingénieurs des travaux publics qui avaient quitté le
ministère de la F.O.M. En revanche, le B.C.~.O.M. ne réussit pas à recruter du personnel
parmi les Ponts et Chaussées de la Métropole, probablement faute de lui obtenir de suffisantes
garanties de stabilité, ou dans le secteur privé.
Il avait manqué surtout une connaissance précise des difficultés et une volonté de les
surmonter assortie d'un pouvoir de prendre les mesures nécessaires, les problèmes de personnel
n'ayant jamais été "pensés" dans leur ensemble ni par les services techniques peu étoffés, ni par
la direction du Personnel qui s'était cantonnée dans la gestion des cadres généraux et une
tutelle lointaine des autres cadres inspirée par le souci majeur de calquer les statuts locaux sur
ceux de la Métropole. Les ressources étaient disproportionnées par rapport au personnel
d'exécution en service. Pour inciter les cadres à s'expatrier, il leur était proposé une
rémunération en rapport avec le service outre-mer; il en résultait un relèvement des soldes et
des avantages accessoires dont l'incidence sur les budgets locaux était d'autant plus lourde qu'il
était devenue nécessaire pour des raisons de politique d'en faire bénéficier au moins
partiellement les autochtones. Le rassemblement préalable des moyens humains, matériels et
financiers était une condition nécessaire mais non suffisante à la mise en oeuvre du Plan, si elle
n'était pas accompagnée d'une réforme législative et réglementaire.
Il suffit d'invoquer l'incidence du régime fiscal et social sur les investissements privés,
du statut des fonctionnaires et du régime des rémunérations sur l'équilibre budgétaire et par
voie de conséquence les investissements publics, du régime foncier sur la construction
immobilière, du régime domanial et municipal sur la gestion des ouvrages publics, du régime
monétaire sur la situation économique et financière, ...

Les études préliminaires étaient en général insuffisantes pour trois raisons essentielles:
- la connaissance incomplète des données locales,
- le petit nombre des experts qualifiés,
- l'incompétence générale de l'administration pour tout ce qUI concerne
l'exploitation des ouvrages et des entreprises.
Aussi le Premier Plan fut celui des travaux spectaculaires et onéreux confiés à de
grosses entreprises métropolitaines attirées outre-mer par la masse des crédits disponibles ou
escomptés. Les commandes massives des matériels les plus modernes furent un autre moyen
d'employer des disponibilités, d'autant plus que les principes directeurs du Plan mettaient
l'accent sur l'intérêt primordial de la mécanisation pour remédier à la pénurie de main-d'oeuvre.
Le virage, voire la reconversion, adopté par le Deuxième Plan (1953-1957) ne s'était
pas seulement imposé pour des raisons d'ordre financier (les finances métropolitaines et locales
s'étaient considérablement détériorées) qui tenaient à l'évolution des budgets publics locaux. Il
paraissait nécessaire pour des motifs d'ordre économique. Les projets d'entreprises de
production risquaient de se trouver compromis si l'essentiel des ressources du f.I.D.E.S. et de
la C.C.f.O.M. continuaient d'être absorbées par des programmes de travaux publics sans lien
direct avec les possibilités économiques du Territoire. Un large accroissement des productions
était aussi nécessaire à l'élévation du niveau de vie qu'à l'assainissement de sa situation
financière et à l'amélioration de ses échanges extérieurs gravement déséquilibrés. Le maintien
du système en vigueur aboutissait à augmenter chaque année l'endettement des Territoires. En
réalité, le Trésor métropolitain répugnait
à se rembourser à lui-même les prêts qu'il avait
consentis pour l'équipement des T.O.M. par l'entremise de la C.C.f.O.M. La prolongation de
ce régime de prêts automatiques semblait d'autant moins admissible que la productivité des
programmes financiers restait très insuffisante.

325
Dès 1948, l'Inspection de la F.O.M. avait mis en doute l'utilité et la rentabilité de
certaines entreprises du Premier Plan. Les missions d'inspection de 1950-1951 eurent comme
objectif principal de dresser l'inventaire des réalisations du Plan.
A partir de 1952, de nouvelles préoccupations se firent jour avec la fin du boom des
matières premières qui mit en évidence le contraste entre la stagnation des exportations et
l'accroissement rapide des charges budgétaires sous la triple influence du développement de
l'appareil administratif, de la revalorisation des traitements et de l'incidence financière des
réalisations du Plan. Le Deuxième Plan F.I.D.,E.S. (1953-1957) s'ouvrit sous le signe de la
priorité aux investissements immédiatement productifs et plus certainement rentables. La place
prépondérante donnée au cours du Premier aux grands travaux publics s'était exercée aux
détriment des actions intéressant directement les secteurs productifs, d'autant plus qu'un certain
nombre de travaux, notamment routiers, d'un prix de revient parfois très élevé pour une utilité
économique discutable n'avaient apporté que des améliorations très limitées aux conditions
générales de production souvent déclinantes. Dans le même temps, le Territoire du Sénégal
alourdissait considérablement son appareil administratif Le résultat avait été la mise à la
charge du Sénégal de frais supplémentaires d'entretien et de fonctionnement considérables que
n'était pas venue compenser une expansion parallèle de l'économie locale. Plus encore que
l'amélioration de la situation du territoire, le Deuxième Plan, tout en poursuivant les
investissements de caractère social, subordonnait les questions d'infrastructure à la production
c'est-à-dire de façon plus précise les actions concernant l'infrastructure seraient retenues dans
la mesure où elles auraient une action directe sur la production, son accroissement, sa
valorisation ou la réduction des prix de revient. TI importait enfin de combler l'écart entre
populations urbaines et populations rurales en portant une attention toute particulière aux
investissements intér~ssant la campagne.

326
A la fin du Premier Plan F.I.D.E.S., l'économie du Territoire du Sénégal et d'une
manière générale des T.O.M. s'était trouvée aux prises avec de grandes difficultés: déclin des
cultures vivrières, suite à l'appel de main d'oeuvre provoqué par les investissements concentrés
dans les villes; baisse de la qualité des produits d'exportation, état critique des industries locales
écrasées par les charges fiscales, déficit général des budgets conjugué avec l'accroissement des
dettes publiques en sont les principaux aspects.
Rufisque n'échappa point aux diverses orientations du F.I.D.E.S. (tableau n 0 58).
L'exemple rufisquois apporte une nuance importante à l'intérieur de l'aménagement de la pres
qu'île du Cap-Vert. Ce programme confié au S.T.A.G.D.( Schéma Temporaire d'Aménagement
du Plus Grand Dakar) sur budget F.I.D.E.S. englobait Rufisque et dans une certaine mesure
Thiès (électrification) mais se résumait à Dakar: sur 1,479 milliard de francs CFA de crédits
entre 1949 et 1952, la part de Rufisque constituait une portion infime.
Les investissements du F.I.D.E.S. connaissent deux destinations entre 1947 et 1955 2:
- l'infrastructure (communications routières et télécommunications) avec 93,31
% des dépenses totales: route suburbaine Rufisque-Bargny (57.586.372 francs) pour aménager
cette infrastructure dont les travaux avaient démarré dans les années vingt et avaient aussi
bénéficié d'un financement du Fonds d'Emprunt en 1944; station fédérale radioéléctrique:
114.881.000 francs (62,15 % des dépenses);
- l'enseignement (6,6 % des dépenses soit 12.313.203 francs). Au cours du
Premier Plan, l'Ecole Normale W. Ponty (3.980.954 francs) et l'Ecole Normale des Jeunes
Filles (532.249 francs) reçoivent des crédits pour travaux d'extension. A partir' de 1950,
l'ouverture progressive de Cours et d'Ecole Normale dans chaque territoire avaient rendu
caduque la vocation interterritoriale de tels établissements. Tous les élèves qui fréquentaient
2 Les chiffres sont exprimés en franc CF A.

327
i
leau 58: LES INVESTISSEMENTS PUBLICS URBAINS SUR FINANCEMENT EXTERNE
interventions du FIDES à Rufisque (1947.1955)!en francs CFA courants)
1947-1948
8.325.313.
1948-1949
7.130.320
1949-1950
12.299.742
1950-1951
39.111.419
1951-1952
46.982.577
1952-1953
48.521.704
1953-1954
8.795.000
1954·1955
13.664.500
Total
184.830.575
irce: Plan de développement économique et sO<.:·"I: FIDES (1947-1955),
nptes administratifs des programmes exécutés du t er jJÎllel1947 au 30 juin 1955.
,
,SECTEURS D'INTERVENTION DU F.I.D.E.S. (1947-1'355) (en francs CFA courants)
"
1947-1948
1948-1949
1949-1950
1950·1951
1951-1952
1952-1953 1953-1954 1954-1955
Total (ligne)
oute Rul.-Bargny
5.862.467
5.212.820
6.641.385
30.360.419
8.423.577·
1.021.704
57.586.312
ole Nonm. J. Filles
532.249
532.249
)Ie Nonm. W. Ponty
1.930.597
1.912.500
·137.857
3.980.954
Ecole de Pêche
5.520.500
165.000
2.114.500
7.800.000
;tat Fédé. Radio.
1
8.751.000
38.500.000 47.500.000 8.630.000 11.500.000
114.881.000
Total (colonne)
8.325.313
7.130.320
112299.742 39.111.419
46.982.577 48.521.704 8.795.000 13.664.500
184.830.575
.irce: Plan de développement économique el social f'IDES (1947-1955),
nptes administratifs des programmes exécutés dl ',er juillet 1947 au 30 juin 1955.

328
ces institutions étaient boursiers et liés par un engagement décennal. Les Cours Normaux
assuraient en plus de la préparation au Brevet Elémentaire une formation pédagogique; les
Ecoles Normales recevaient des élèves ayant achevé le premier cycle et donnaient un
enseignement de second cycle moderne. avec préparation au Baccalauréat
et année
supplémentaire pour formation pédagogique. L'Ecole d'Apprentissage Maritime de Rufisque
(appelée aussi Ecole de Pêche) voit démarrer ses travaux d'extension en 1949 (5.520.000
francs) ensuite interrompus pour reprendre entre 1953 et 1955 (10.007.000 francs). Créée par
arrêté du 13 octobre 1941, l'Ecole comptait à ses débuts 20 élèves de 16 à 20 ans qui
recevaient une formation générale et une formation professionnelle: préparation et entretien
des engins, cours de navigation, études des bancs, pratique de la pêche, conservation des
poisssons 3.
Les crédits consacrés à l'enseignement technique par le F.I.D.E.S. étaient faibles. Ils
avaient servi à réaliser deux types d'établissement: les colléges techniques et les centres
d'apprentissage. La désaffection des africains pour l'enseignement technique et la préférence
marquée par les diplômés techniques pour les emplois administratifs dénotaient un manque de
débouchés certains et rémunérateurs qui n'étaient"possibles que grâce à une meilleure liaison
avec les employeurs et une orientation des études plus étroitement adaptée aux besoins locaux.
Les effectifs de l'enseignement technique de l'A.O.F.se chiffraient en 1952 à 13.379 élèves dont
3561 filles; la part du Sénégal était de 1.069 garçons et 194 filles. Le Territoire consacra 17,4
et 21,4 % de son budget aux dépenses d'enseignement en 1952 et 1953 4.
Sous le Premier Plan F.I.D.E.S., les projets réalisés au Sénégal étaient les internats de
Van Vollenhoven et Delafosse, le Collége Technique de Saint-Louis, le Cours Normal de
Mbour, l'externat et les ateliers du Collége d'Industrie de Dakar. L'Institut des Hautes Etudes
de Dakar connaissait un début de réalisation s.
3 CARAN 2G 41-19200 mi 1828, Circonscription de Dakar et Dépendances, rapport sur le fonctionnement des
différents services de la Circonscription 1941.
4
Bulletin de /'Inspection Générale de l'Enseignement et de la Jeunesse du Ministère de la F.o.M
Enseignement outre-mer, décembre 1952, p. 43.
5 CARAN 2G 53-163 200 mi 1987, A.ü.F., Direetion Générale des Travaux Publics, S.T.A.G.D., compte-
rendu de 1953, travaux sur F.ID.E.S.

329
Le F.I.D.E.S. n'intervint pas à Rufisque dans l'habitat laissé à la charge du
budget général.
II. LE BUDGET GENERAL ET LA QUESTION DU LOGEMENT 6
Le problème de l'habitat se posait de façon urgente dans la plupart des agglomérations
du Sénégal. Si la question de l'habitat européen était résolue, les besoins étant satisfaits au fur
et à mesure de leur apparition, le niveau de l'habitat autochtone par contre demeurait médiocre.
Si les organismes publics et les entreprises privées n'avaient pas hésité à faire de sérieux efforts
pour régler la question du logement de leur personnel européen, elles n'avaient pas toujours eu
la volonté de faire de même à l'égard de la plus grande partie de leur personnel autochtone.
Le budget général marquait plutôt sa présence dans le domaine de l'habitat après 1945:
28.629.838 francs CFA de dépenses entre 1948 et 1955 soit 78,65 % de ces investissements
totaux d'après-guerre (36.399.786 francs CFA). La construction des logements prend toute
son ampleur à partir de 1952 avec la construction de la Cité Radio: 18.993.076 francs CFA
soit 66 % des dépenses de construction entre 1948 et 1955 (78 % des dépenses entre 1952 et
1955). L'autre volet de construction est celui des logements de l'Imprimerie entre 1948 et
1952. (9.636.762 francs CFA).
La solution d'un habitat pour fonctionnaire africains ne répondait pas seulement à des
impératifs sociaux. Elle présentait un intérêt majeur tant au point de vue politique qu'au point
de vue économique. Ces fonctionnaires consacraient une part importante de leurs salaires pour
se loger. Or le niveau de loyers permettait d'assurer la rentabilité des constructions et les
intéressés semblaient disponibles à consentir un effort pécuniaire important pour se loger dans
des conditions décentes. La possibilité de se procurer un tel logement était en outre une
garantie sociale et politique.
6 Sur la question de l'habitat public à Dakar après 1945, cf DANFAKHA P. W., 1990, Equipement public...,
op. cil.,
pp. 211-267. Du même auteur, 1992, "Habitat au Sénégal: Dakar et Saint-Louis", pp. 117-130 in
DULUCQ S. et GOERG O.~ op. cil. Sur les autres villes de l'A.O.F., voir DULUCQ S. et GOERG O., 1992, op.
cil.

330
Enseignement
(3.279.983
francs
courants),
urbanisme
(2.989.965
francs)
et
administration (1. 500.000 francs) regroupaient 21 % des dépenses totales du budget de
l'A.O.F. entre 1948 et 1957:
- administration: atelier de reliure à l'Imprimerie du Gouvernement Général en
1948,
- urbanisme: travaux de protection de Rufisque en 1952 suite aux inondations
des 4 et 5 octobre 1951 (aménagement du canal de ceinture),
- construction d'un hangar métallique à l'Ecole Normale W. Ponty en 1957 .

Une constante se dégageait au sortir de cet examen des interventions extérieures dans
la commune
de
Rufisque
après
1945:
les
investissements
étaient
marginaux
voire
discriminatoires. Il fallait d'abord bâtir des capitales dans chaque territoire. 11 était demandé aux
communes de participer à la politique d'habitat 7, ce dont elles ne s'acquittaient pas, sauf sur
avances de la C.C.F.O.M.
Au-delà du fait que Rufisque n'en bénéficia pas, les pratiques et les priorités du moment
rendaient la gestion municipale laborieuse.
7 La municipalité de Rufisque s'était lancée au début des années vingt dans un programme d'habitations à bon
marché. L'entreprise avorta suite à un conflit avec la tutelle. Cf chapitre II supra.

331
III. PARTICIPE-ACTION OU PARTICIPE-PASSION? LE CONSEIL MUNICIPAL
ET LA VILLE
A. Les chemins du pouvoir ~: la commune, organisme administratif à gérer ou
position politique à conquérir?
Le retour de Maurice Gueye à la tête du conseil municipal de Rufisque, suite aux
élections du 5 juillet, 1945 ouvrit une longue période d"'instabilité" municipale qui s'acheva
avec la suppression de la commune par décret du 19 janvier 1964.
Assimilé lebu 9, s'appuyant sur les notables dont il partageait les idées et les
revendications, Maurice Gueye oeuvra à la satisfaction de leurs intérêts. Ni le mouvement
oppositionnel (S.F.I.O. après 1953, P.A.I.), ni l'émergence des intellectuels rufisquois dont
Ousmane Socé Diop et Abdoulaye Sadji étaient les principaux représentants ne réussit à
prendre l'ascendance sur Maurice Gueye. La mairie devint un enjeu pour s'assurer une solide
base électorale et un lieu de ressources pour répondre aux demandes de ses appuis
traditionnels. Cette logique du comportement accumulation-redistribution se repère dans
plusieurs secteurs du fonctionnement municipal.
- immatriculation de terres et installation de nouveaux immigrants non-lebu
(Wolof, Serer, Bambara, Toucouleur)
Depuis la loi de 1946 certaines catégories de Sénégalais étaient électrices. Ces
immigrants avaient créé de nouveaux quartiers qui ne se mêlaient pas aux quartiers lebu. La
mission Chovard (juin 1951) avait demandé l'aliénation d'une partie des terrains communaux
bâtis ou non bâtis, non indispensables au fonctionnement des services et qui demeuraient
improductifs (cf Annexes, Liste des propriétés communales en 1954). Cette aliénation était
rendue nécessaire par J'insuffisance des ressources communales. La demande fut réitérée par la
8 Sur l'évolution politique de la ville de Rufisque de 1945 à 1964, je renvoie à deux études importantes
effectuées à l'Université de Dakar: MBAYE C.']", 1982, La vie politique à Rufisque de 1958 à 1964. Mémoire
de maîtrise, 87 p.; THlAM 1., 1983, La vie politique à Rufisque de 1945 à 1958. Mémoire de maîtrise, 100 p.
9 Maurice Gueye a laissé le souvenir d'un excellent lutteur et danseur.

332
Imission ,~auet de, février ~ ~54..~a lenteur de la ~rocédure d'aliénation n'avait pas empêché la
/tutelle d Imposer a la municipalité de gager ses depenses sur des recettes purement fictives. La
Ivente d'une partie du domaine communal était inscrite au budget additionnel de 1953 pour un
Imontant de 2 millions de francs courants 10 et au budget primitif de 1954 pour un montant de 7
millions de francs II.
Maurice Gueye passa outre de telles recommandations. En août 1952, la commune
avait obtenu un emprunt de 35 millions de la RA.O. pour l'acquisition de l'immeuble de la
SO.FAC. (Société Franco-Afiicaine de Conserves) d'une
superficie de 8400
m2 12,
remboursable en 4 ans (8.750.000 francs .par an). La première annuité fut assurée par le
territoire et non la commune. Cédé d'abord aux pompiers 13, l'immeuble fut ensuite aliéné par la
commune, incapable de payer, au territoire par délibération du 14 novembre 1953. On peut
finalement discuter sur l'opportunité d'une telle opération coûteuse pour le contribuable
rufisquois qui allait rembourser l'emprunt. L'aspect financier aurait dû faire renoncer à
l'opération.
Cette question financière avait été bien soulevée par certains conseillers
municipaux, mais de manière habile. Il avait toujours été envisagé, comme on peut le constater
dans les procès-verbaux des délibérations, qu'un autre budget ferait les frais de l'achat, à charge
pour lui de se retourner ensuite contre la commune. Après l'abandon de l'idée d'une caserne (le
personnel du service incendie n'était constitué que de 6 pompiers) et le renoncement de la
commune, il était envisagé d'aménager l'immeuble pour divers services: 18 salles de classe (60
% des enfants en âge de scolarité à Rufisque étaient dans la rue), logements pour le personnel
enseignant, le personnel de lutte contre l'incendie, un gymnase pour élèves et associations
sportives d'un coût de 35 millions.
10 ANSOM, Affaires Politiques, c. 2118 d. 1, Budget additionnel de la commune de Rufisque. 1953.
II ANS, 3G4-1, commune de Rufisque, budget primitif, 1954.
12 ANS, 3D, Commune de Rufisque. Extraits des délibérations du conseil municipal, séance du 21 août 1952.
Approuvée par l'Assemblée Territoriale le 15 mai 1953 et le ministre de la F.O.M. le 10 juillet 1953. Voir aussi
ANSOM POM 182, Le Phare du Sénégal journal bimensuel de défense des intérêts du territoire (journal
d'opposition animé par Ousmane Socé Diop), n " 7 du 16 octobre 1952.
13 Il n'existait pas de service de pompiers à Rufisque (caserne). Or la commune se singularisait par la
récurrence des incendies, signe de la promiscuité el du nombre élevé de taudis dans les quartiers périphériques
non lotis.

333
- octroi d'emplois municipaux
"Si j'étais n:,aire et que les ressources de ma commune ne
me permettent pas d'engager des frais d'une importance
l,.
d'utilité pJghque, je m'abstiendrais d'engager du personnel
:i./.
.:
inutile et .surtout prendre un certain individu qui ne peut
~ ':
justifier aucune qualité professionnelfecornme inspecteur
,
,
général des!':travaux communaux, un sans profession pour
\\ !"
un chef d'atelier, un menuisier comme chef électricien C... )
avec des soldes défiant toute imagination." 14
Ainsi s'exprimait l'imprimeur Baba Gueye dans le deuxième numéro de son journal, La
Vérité. En 1948, le salaire dusecrétaire municipal dépassait 50.000 francs 15.
"Le rôle du il;onseil municipal consiste à pistonner tel neveu
ou tel cousin, à occuper dans la mairie ou dans un service
:{
qui en érri~ne un emploi facile mais combien lucratif,
usurpé aU:~érite." 16.
En 1952, un numéro du Phare rapporte que l'inspecteur de police contractuel
Fabandiou Mané, agent électoral de Maurice Gueye, avait versé un pourboire de 5000 francs à
;,:
un responsable B.D.S. de Rufisque pour se faire admettre dans le cadre de la police 17.
L'histoire ne dit pas ce qu'il aurait versé pour le renouvellement de son contrat et de son
- - - - - - - - - - - '"
14 ANSOM POM 163, La Vérité, ~6rgane créé pour la défense des intérêts de l'Afrique, n 02 du 21 août 1947.
Le premier numéro parait Je Il juillet 1947.
15 La Vérité, n 016 d'août 1948..
16 La Vérité, op. CiL, n ? 18d'octdb're 1948.
17 Le Phare, n 0 1 du 15 juillet 1952.

__ 334
intégration dans le cadre de \\~~dministration générale. L'ascension de Lamine Gueye Joseph, fils
,;ii\\~~
.,- -.
du maire, illustre ce phé?9mène de passe-droit. Président de l'association "La Sainte'
:Ii{,;
Jeunesse"!", il avait exercéd'J cumula les fonctions de chef du bureau municipal, de chef du
li!

service du Ravitaillement (s~cteur-c1é pour se tailler une clientèle), de secrétaire général
1
! :
municipal et de chef de cabine. du maire 19. Il était considéré comme le Dauphin de Maurice
,.
Gueye; sa solde mensuelle s'6!~vait à 75.000 francs par mois en 1952 soit 900.000 francs par
an et passait à 90.000 francs par mois en 1953 20.
--:
1;·
- bourses d'etudes pour les enfants des notables
Petit Kane, publicist~:'âans La Vérité écrivait dans la première livraison de l'organe:
"Si j'étais rri~ire (...), je supprimerais toutes les bourses qui
:11
seraient <'.c·;·qrdées uniquement aux enfants des vieux
1
'1
politiciens bu de ceux qui donneraient le bougnat." 21.
Cette appréciation e:it:;confirmée par un avertissement du haut-commissaire de l'AO.F.
,;:,
aux gouverneurs des colonies leur demandant "de fixer des critères d'attribution des bourses. Les
méthodes d'attribution présentes ont débouché sur l'envoi de trop d'élèves médiocres en France. "22
18 regroupant lesjeunes catholi~~~* de la ville.
.;:
19 Par un de ses fils, j'ai cherché .ii : rencontrer. En vain.
'.' .
20 Dans le cadre de la réorganisation de la commune du Grand Dakar en 1964, Lamine Gueye Joseph, chef de
bureau de lère classe du cadre nn.nicipal sera nommé, par décret présidentiel, Délégué du gouverneur au
deuxième arrondissement (Médina). Voir Dakar-Matin du J3 mars J964.
21Le terme de bougnat n'est pas à saisir dans sa signification française (marchand de charbon). En wolof et
dans le contexte qui nous occupe. il prend le sens de pourboire dans l'attente d'un service.
22 ANS, 3D l, Bourses et aidl'5, (1947-1951). Cité par DIOUF M., 1989, "Identité ethnique et vie politique
municipale. Les Lebu de Rllfisquè(1945-1960)" pp. 283-302 in CHRETIEN J.P., PRUNIER G., Les ethnies ont
une histoire, 435 p.
. .

- - - - - - - - .
335
- marchés pour les entreprises favorables au maire.
En 1952, Maurice Gueye procéda à une réquisition massive et abusive de terrains sur
les propriétés foncières de Bargny-Guedj, .en faveur de Cyrille Gaziello pour l'exploitation
minière (sables titanifères). Des ristournes occultes lui avaient certainement été consenties.
Guibril Gueye, conseiller territorial S.F.I.O., adressa une lettre au gouverneur du Sénégal pour
faire opposition en la matière 22.
- nomination de chefs de quartiers et de villages
Une controverse éclata en août 1952 à propos de la nomination par Maurice Gueye de
chefs de villages, de quartiers de la collectivité et du maire indigène de Bargny. Cette tension
fut longuement relatée dans les colonnes du Phare et de Là Voix de Rufisque (organe de
presse dont Maurice Gueye était le directeur politique).
L'intrusion des préoccupations électorales dans les. rouages de l'administration
municipale et la complaisance firent que le recrutement des agents municipaux laissait à désirer.
La municipalité réservait de préférence sa sollicitude aux quartiers qui "votaient bien". Tel ou
tel aspect de la vie communale avait de fortes chances d'être traité non par le degré d'urgence
ou le caractère de nécessité qu'il présentait mais bien par le loyalisme politique des
bénéficiaires. Lors des inondations des 4 et 5 octobre 1951, deux mandats de 151.000 et
346.500 francs courants destinés aux sinistrés avaient fait l'objet de malversations ou de choix
sélectif des ayant-droits. Les inondations d'août 1954 dans les quartiers de Diamaguene,
Santiaba et Bargny-Mbot entraînèrent une aide d'urgence du budget local de 250.000 francs et
un programme d'inst~llation de canalisations d'un montant de 10 millions de francs pour 1955
sur budgets local et général. La Mutuelle municipale, caisse d'entraide créée en 1943, servit à
financer la politique de Maurice Gueye.
22 Le Phare, n 0 J, op. cil.

336
La Vérité et Le Phare du Sénégal se faisaient largement l'écho des irrégularités de
gestion (cf Annexes,Jeu de mots, jeu de vilains. Presse rufisquoise, morceaux choisis). Si les
exemples ci-dessus, émanant de journaux hostiles à l'équipe municipale mauriciste, sont à
prendre parfois avec circonspection.Jls ont le mérite de souligner l'état de délabrement avancé
du fonctionnement municipal des années de l'après-1945.
Cette politisation effrénée de la municipalité, notamment les procédés de fidélisation du
personnel, avait été rendue possible par la politique de subventions tous azimuts du budget
local à partir de 1947. Les difficultés budgétaires de la colonie et la fin des subventions à partir
de 1954 n'induisirent pas un recul de l'influence de Maurice Gueye dans la municipalité. Le
relais avait été assuré d'une certaine manière par l'Assemblée Territoriale qui disposait de
pouvoirs importants et faisait des communes un outil politique à la discrétion du parti B.D.S.
majoritaire après les élections du 17 juin 1951, le rouage d'une machine électorale. Autant la
commune de Rufisque bénéficiait de ses largesses, autant Dakar et Saint-Louis, restées
S.F.I.O., faisaient l'objet de discrimination partisane. Dans une correspondance adressée au
haut-commissaire de l'A.O.F. datée du 12 juin 1953, Lamine Gueye, maire de Dakar, se
plaignit des ressources délibérément amoindries par l'Assemblée Territoriale pour des
considérations d'ordre politique et qui conduisaient à une action permanente d'étranglement 24.
L'exercice de la tutelle consistait à satisfaire un appétit de pouvoir. La gestion communale était
devenue indissociable du jeu politique.
Par son enracinement local, Maurice Gueye donnait une dimension nouvelle à la
municipalité comme étape et indicateur important de la compétition politique nationale.
Mais l'homme politique rufisquois ne chercha pas à se tailler une carrure nationale. La
mairie lui servit de point d'ancrage, mais jamais de tremplin. Cette attitude est constante chez
l'ex-employé de la Société Indigène de Prévoyance de Diourbel. La seule candidature
d'importance "nationale" qui lui soit connue, avant son investiture par le B.D.S. aux élections
24 ANSOM, Affaires Politiques, c. 2118 d. l , Budgets de Dakar et de Rufisque (1952-1954).

337
cantonales du 30 mars 1951, datait de 1928 où il fut prêté au maire de Rufisque l'intention de
se présenter contre Blaise Diagne aux élections législatives, Finalement, il ne s'agissait que
d'une rumeur. En 1952, le Bureau Politique du B.D.S. n'avait pas hésité à se séparer des
!
leaders "locaux" (Babacar Ndiaye et Amadou Gabin Gueye) pour maintenir les acquis du parti
à Rufisque.
En dehors des moyen~ "Iégaux" dont il disposait, Maurice Gueye s'appuya sur d'autres
tels la violence, la fraude et la répression, notamment, avec l'assentiment de l'administration.
Les nombreuses réactions du principal journal d'opposition, Le Phare, en disent long sur le
"bon usage" que le magistrat municipal fit, de ses amitiés et complicités au sein de l'autorité de
tutelIe, notamment en matière d'organisation, de déroulement et d'issue des scrutins. Le
commissaire de police de Rufisque, Gachet-Mauroz, exécutait sans hésitation ni murmure tous
les ordres que lui donnait le maire, par exemple la mutation d'agents de police qui se faisaient
:1
remarquer par leur indifféren~e politique. Lors d'un meeting électoral tenu par le B.D.S., à la
salIe des Fêtes le 8 avril 1953, Maurice Gueye, s'adressant aux ouvriers municipaux se serait
écrié:
"Vous avez à défendre votre emploi et votre situation
personnelIe. Ceci étant capital pour vous, tous les moyens
. -!
sont bons pour emporter la batailIe électorale. Divorcez
d'avec vos femmes, renvoyez vos enfants de vos domiciles
s'ils sont contre ma politique. Frappez vos adversaires,
il
tuez-les même s'il le faut, j'en prends la responsabilité en
accord avec le Député Senghor. Vous ne courez aucun
risque, Nos amis responsables de la tuerie de MBoss, lors
des électioris cantonales, n'ont jamais été inquiétés par la
justice" 25 .
25 Cité par Le Phare n 0 19 du 16 avril 1953 (journal d'opposition).

338
Après les municipales du 26 avril 1953, tous les agents de police hostiles à Maurice
Gueye avaient été mutés à Dakar. Des menaces de mutation, de sanctions et de révocation
planèrent sur d'autres fonctionnaires (P.TT, TP., enseignement) qui avaient osé voter contre
sa liste. Le délégué du gouverneur du Sénégal à Rufisque fut largement impliqué dans les
pratiques de fraude des municipales de 1953 à Guendel et Dangou. La liste B.D.S. ne l'avait
emporté que de 546 voix (5,631 contre 5085 voix) sur la liste U.D.R.B. (Union Démocratique
Rufisque-Bargny), coalition de la S.F.I.O. et de jeunes intellectuels rufisquois. Le scrutin ne fut
annulé par le Conseil d'Etatcu'en... mai 1955. Auparavant, la Commission du Contentieux
"
Administratif
de l'A.O.F. avait rejeté la requête introduite auprès de son instance par
l'U.D.R.B. pour l'annulation de l'élection de Maurice Gueye. Ce dernier lors d'une réunion au
Jardin Public le 16 juin 1953 ne cachait plus les soutiens dont il avait bénéficié. Il aurait
déclaré:
"Je demande à tous mes électeurs de saluer le Délégué et le
Commissaire de Police. Ce sont mes hommes. Ils m'ont
beaucoup aidé dans cette affaire." 26
La lutte pour le contrôle de la municipalité entre Maurice Gueye et Ousmane Socé
Diop relégua au second plan la gestion municipale proprement dite.
Les arriérés à l'égard 'des fournisseurs privés et des collectivités publiques 27, le non-
paiement des soldes du personnel municipal et même sa compression 28 n'affaiblirent pas le
maire de Rufisque qui ne perdit pas l'essentiel de son électorat. Le soutien des notables qui
26 Le Phare n " 21 du 1er juillet 1953.
.,
t,'.
27 En septembre 1953, la Compagnie Générale des Eaux du Sénégal avait menacé de priver d'eau la commune
qui lui était débitrice de 16 millions de francs. La cession d'eau aux particuliers par la commune avait rapporté
5,5 millions en 1951 et 5,1 millions en 1952. In Le Phare n 0 23 de septembre 1953.
.:
28 160 agents furent licenciés er. i~53. Cf chapitre VIII, supra. Au moment de sa victoire aux municipales de
1953, le personnel municipal-n'avait pas été payé depuis 4 mois. Voir THIAM L, 1982, op. cit. et DIOUF M.,
1989, op. cit., p. 299.

339
intervenaient dans tous les secteurs de la vie sociale, l'appui du B.D.S. et de l'Assemblée
Territoriale atténuaient les rigueurs de la tutelle. Mais une des conséquences majeures de cette
situation fut le peu d'intérêt accordé par les Rufisquois à la chose municipale. La municipalité
resta impuissante lors des inondations d'octobre 1951 et d'août 1954; l'enseignement primaire
laissait à désirer, faute de locaux. A la rentrée scolaire de 1952, les écoles de Fass et Tiawlen
ne prirent pas de débutants; une centaine d'élèves était reçue au Groupe Scolaire Urbain et à
l'école de Diokoul. Le problème de l'école fut un des problèmes les plus difficiles à résoudre de
l'après-guerre et était fréquemment souligné dans les colonnes du journal local mauriciste, La
Voix de Rufisque 28. Les réalisations de la municipalité en 1952-53 se résumaient à l'édification
de la Salle des Fêtes -qui fit l'objet de nombreux litiges. La Jeunesse Rufisquoise la boycottait
depuis son inauguration, après le refus du Gouverneur du Sénégal d'un abattement de 50 % sur
les tarifs. La "Jeunesse" reprochait aussi à la municipalité les faveurs importantes accordées à
la "Sainte Agnès"-, à l'agrandissement de la Polyclinique, l'aménagement d'un terrain de basket
et à des réfections à l'église de Rufisque et aux logements affectés aux instituteurs de Bargny".
Sous l'administration coloniale comme entre 1960 et 1963, un domaine de la vie
communale envenime constamment les rapports de la tutelle avec le pouvoir municipal: ce sont
les régies d'eau et d'électricité. Le mode d'exploitation de ces services avait fait l'objet de vives
controverses entre les deux guerres. Eau et électricité passèrent périodiquement de la régie à la
concession et vice-versa. Entre 1947 et 1964, ces services ne furent pas assurés correctement.
Le service d'électricité était sous-exploité parce que la recherche de nouveaux utilisateurs
n'était pas menée en toute connaissance de cause; les questions tarifaires étaient à peine
abordées; les recettes recouvrées étaient faibles, irrégulières; les prix de revient des travaux
exécutés élevés. Au début des années soixante, le bilan de la régie de l'eau et de l'électricité
accusait dans toute~ les communes du Sénégal un déficit croissant malgré des'tentatives
périodiques de réorganisation. En 1962-1963, Saint-Louis avait recouvré en recettes d'eau
28 La Voix. n 0 des Il et 15 novembre 1952.
29 La Voix de Rufisque, organe de défense des intérêts communaux, n 01 du 1er octobre 1952; Le Phare. n 0
15 du 16février 1953.

340·
30,709 millions de francs CFA et dépensé 55,9 millions 30. La solution envisagée par les
autorités sénégalaises était la concession des régies à des organismes spécialisés. L'idée n'était
pas neuve; les différentes missions d'inspection sous la colonisation y avaient attaché du prix.
La résistance des autorités municipales à l'idée de concession des services municipaux
est à replacer dans son contexte. Le système présentait trop d'avantages pour être abandonné.
Le maire continuait à diriger une armée de chauffeurs, d'ouvriers spécialisés 31, de manoeuvres
engagés parfois dans des activités extra-municipales et force électorale de premier ordre. 11
faisait plus office de chef de service de travaux publics que de magistrat municipal. L'existence
de services exploités en régie avait motivé la création d'ateliers, de garages, etc. dans lesquels
étaient réparés le matériel roulant et différents engins utilisés pour leur fonctionnement. Les
dépenses de personnel et de main d'oeuvre (graphiques n" 27 et 28) devinrent telles qu'il était
impossible de pourvoir ce personnel et cette main d'oeuvre des matériaux nécessaires à
l'exercice de leur travail. Cette question de la concession avait fait en 1951 l'objet d'un projet
de la commission des T.O.M. à l'Assemblée Nationale. La disposition fut supprimée.
Maurice Gueye qui exploitait en régie le service de balayage et d'enlèvement des
ordures fut la cible de la presse d'opposition qui rapportait périodiquement le mécontentement
d'une partie de l'opinion publique.
Le libéralisme du décret du 3 janvier 1946 répondait davantage à des préoccupations
politiques inspirées de la conférence de Brazzaville. L'expérience des communes de plein
exercice confirmait cette opinion puisque la gestion de ces communes avait été si mauvaise
qu'on aurait pu, au nom de l'efficacité, envisager la disparition de l'institution. La situation des
communes de plein exercice ( sentiment de lassitude?); il y eut peu de suspension d'édiles et de
30 Conseil National de l'D.P.S. Rapport sur les régies d'eau et d'électricité dans les communes, 12 juil/et 1964.
31 Le prix de revient de ce personnel pesait sur le budget communal.

34'1·
GRAP~IQUE 27 DEPENSES DE PERSONNEL DE LA COMMUNE
DE RUFISQUE (1951-1953)
9
8
7
II
c:
e
6
"
0
c
<Il
cc:
5
:Cl>
administr. gén
"
4
<Il
c:
~
·Ë
3
ai
2
1951
1952
1953
Source: comptes adrnlnlstratifs de la commune de Rufisque (1951-1953)

révocation 32, contrairement à la période d'entre-deux-guerres où les actes d'autorité étaient
pratique courante (cj.chapitre Ill, supra).
B. L'impossible contrôle des espaces d'imprévu: de l'échec des missions
d'inspection à la suppression de la commune de Rufisque (19 janvier 1964)
Deux missions d'inspection ont lieu à Rufisque en 1951 et 1954 -Chovard 33 et Cauetw-
pour enquêter sur la situation financière de la commune. La question de l'endettement de la
commune était à l'ordre du jour. En faisant apparaître des excédents à la clôture de chaque
exercice, les subventions masquaient un important passif Ces subventions avaient servi à
combler la suppression de l'octroi en 1942 et le déficit budgétaire; les dépenses de travaux
étaient sacrifiées. En 1951, Rufisque exécuta sur fonds de concours pour 12,887 millions
francs de travaux neufs et grosses réparations; ces dépenses chutèrent en 1952 et s'élevèrent à
7,343 millions. En 1953, la commune ne procéda à aucune dépense de ce genre 35.
Le problème financier restait entier. Entre 1947 et 1953, l'endettement de la commune
de Rufisque atteignit 123.758.222 francs CFA. Le passif était constitué par:
- les soldes du personnel des services municipaux, en raison de la cnse
permanente de la trésorerie qui entraînait des arrêts de plusieurs mois dans le paiement,
- les factures des entreprises et fournisseurs restées impayées pendant des mois,
voire des années (Compagnie des Eaux, PTT, Imprimerie,...). Exemple: la taxe sur la
consommation de l'eau et de l'électricité devait permettre d'amortir la dette contractée envers
ces compagnies. Entre 1946 et 1950, les arrièrés de la commune de Rufisque à la compagnie
concessionnaire d'eau s'elevait à 15.310.354 francs 36; en 1957, la dette de la commune de
32 II semble que Babacar Seye, maire de Saint-Louis, ait été le seul magistrat municipal à être suspendu au
cours des années cinquante.
'
33 ANSOM, Affaires Politiques, c. 2108 d. 6, Finances communales. Rapport du 30 juin 1951 de l'inspecteur
de la F OMo Chovard intitulé "Situation financière du Sénégal: réalisations et incidences du Plan. "
34 ANSOM, Affaires Politiques, c. 2128 d. 4, Inspection de la FOM. rapport sur la situation financière de la
commune de Rufisque, mission Cauet (1954).
.
35 Annuaire Statistique de l'A.OF (1950-1954), commune de Rufisque.
36 ANSOM Affaires Politiques, c. 2108 d. 6, Finances communales.

GRAPHIQUE 28 DEPENSES DE MATERIEL DE LA COMMUNE
DE RUFISQUE (1951-1953)
50
45
40
35
30
If. 25
administr. gén.
20
15
10
5
1951
: : 1952
1953
Source: comptes adrnlnlatratlts de la COmmune de Rufisque (1951-1953)

Dakar envers la C.G.E.E.U.F. (Compagnie Générale des Eaux pour l'Etranger et l'Union
Française) se chiffrait à 100 millions de francs CFA 37,
- les dettes des collectivités publiques (budgets local et général) en contrepartie
des services rendus et également impayées: frais d'hospitalisation des indigents, lutte contre
l'incendie et dépenses de police, travaux d'éclairage ... La dette de la commune à l'endroit des
divers budgets s'élevait en 1954 à 71.685.950 francs 38.
Le Conseil Général (puis l'Assemblée Territoriale), dans ses demandes réitérées de
remise de dettes des communes de plein exercice, était généralement suivi par le gouvernement
de la colonie. D'autre part, le décret financier qu 30 décembre 1912 ouvrait aux communes de
plein exercice la possibilité de demander la remise de leurs dettes. En 1951, au moment de
l'inspection Chovard, la remise de dettes des communes de plein exercice s'élevait à 198,5
millions de francs courants dont 148 millions au bénéfice de la commune de Dakar et 46
millions pour Rufisque 39. Les employés municipaux qui avaient renoncé à une partie de leur
salaire pour soulager le budget communal consentaient à le percevoir intégralement dès que
des fonds étaient disponibles.
Cette question de l'endettement opposa les directions des Finances et des Affaires
Administratives et Politiques. C'est une des raisons essentielles pour comprendre l'impression
de piétinement qui caractérise le fonctionnement municipal à partir de 1945 et l'absence de
réforme réfléchie et durable. Ces deux instances se parasitaient et se neutralisaient en
permanence.
."..
La direction des Finances (qui relevait du ministère des Finances) n'avait aucun contrôle
sur les budgets communaux. La tutelle des communes relevait exclusivement du gouvernement
37 ANS, 3G 1 49-165, Conférence des maires du Sénégal du 29 juil/et 1957.
Analysant la gestion communale, l'Association des Maires et Présidents de Conseil Municipal du Sénégal
(A.M.S.) avait proposé trente ans plus tard de créer dans le budget municipal un fonds de réserve et
d'équipement alimenté en partie par une taxe sur la consommation et sur les branchements. République du
Sénégal. A.M.S. Gestion communale, réflexions. Dakar,juin 1987.

38 ANSOM Affaires Politiques,c. 2128 d. 4, op. cit.
39 ANS, 2G 51-144, Sénégal. synthèses et rapports politiques trimestriels, 1951.

---------
345
local; la direction des Finan7è~ ne recevait que très occasionnellement le budget et les comptes.
Ces documents, lorsqu'ils é~a\\ent communiqués, donnaient lieu à des observations et critiques.
:; i.,
Les sources d'archives sont iparsemées d'annotations figurant sur les marges de ces documents.
1:
1
J
';
l
'~
Observations et critiques état.ent suivies de peu de résultats. Le directeur des Finances s'en
., II
.
:,'
plaignait dans une correspondance datée du 2 juillet 1951:
"Un projet d'arrêté, réorganisant la Direction des Finances
préparé pô;~ mes soins et transmis par lettre du 4 décembre
·1 .:
1950 pOUl~'avis: prévoyait parmi les attributions de cette
direction. ly contrôle de la préparation des budgets des
collectivii~î'iet établissements publics et des organismes
·1
i'.·
publics oti:'pfivés soumis au contrôle et à l'approbation du
II' ,
!\\.i'; ~
Gouvemeur; la vérification des comptes des budgets (...).
'l, il
Malgré uri~pettre de rappel du 15 février 1951, le Haut-
Commissaire
n'a
pas
encore
répondu
à
cette
'J .
.'i .,
communication" 41
Le seul moment favorable pour se faire entendre se situait à l'occasion des missions

d'inspection. La direction des Affaires Politiques avait toujours tenu à l'exercice de son autorité
dans son pré-carré.
Les dettes des communes étaient de plusieurs ordres. Si la direction des Finances
, .
admettait la remise de celles' se rapportant à la police considérée comme une dépense de
i. ',;
souveraineté et non une dépénse municipale, elle s'opposait à celles se rapportant à la lutte
'il
contre l'incendie, dépense L!,HJaine. Par contre, la direction des Affaires Politiques y était
,Ill '
F
favorable. Le directeur généra: des Finances précisait:
"II Yai!un manque d'autorité de la tutelle" 42
'1;,1:
41 ANSOM, Affaires Politiques, ·:L 2123 d. 4, Communes de plein exercice, gestion des budgets (195 )-} 954).
42 Idem.
1-:;.

346
Par de tels propos, les fonctionnaires financiers voulaient signifier leur indépendance
vis-à-vis des autorités politiques sénégalaises (Assemblée territoriale, conseils municipaux); ils
jugeaient souvent irrégulières les opérations de remise de dettes aux communes. lis étaient
également les promoteurs de ristournes sur les impôts perçus dans la commune qui seraient
calculés sur le montant des recouvrements effectifs et non plus sur les montants émis, en raison
de la mauvaise volonté des contribuables. Leur projet qui aboutit en 1953 avait pour but de
s'opposer à toute subvention supplémentaire. Pour ces fonctionnaires, le problème de la
législation concernant la commune de plein exercice était avant tout politique; les chances de
succès étaient donc faibles.
La situation fut aggravée par un comportement qui s'exacerba, la transformation des
recettes, en fait des subventions, en dépenses de caractère politique. Les irrégularités se
multiplièrent, créant moult difficultés à la tutelle administrative en dépit de ses pouvoirs. Sur la
question du recrutement du personnel communal et de l'utilisation des budgets à des fins
électorales, le gouverneur ne disposait d'aucun texte pour contrer l'institution municipale. Cette
dernière, voyant rétrécir ses compétences traditionnelles et les rouages essentiels de la vie
communale qui fondaient sa légitimité, se transforma en site de patronage et de clientélisme,
s'appuyant sur ses alliances et amitiés au sein des assemblées et des partis métropolitains qui
fonctionnaient en véritable lobby pour leurs protégés outre-mer. Maurice Gueye se désolait de
voir sa municipalité réduite au cabinet du Maire 42.
Le remède pouvait être trouvé dans une refonte de la législation applicable au Sénégal.
Comparée à l'entre-deux-guerres, la gestion des affaires communales après 1945 était mauvaise
à Rufisque. La question des ressources réelles n'avait pas empêché le développement de
situations personnelles avantageuses reposant sur des positions administratives mal définies. Ce
déséquilibre était aggravé par une tutelle administrative inefficace. Les habitudes de moindre
,1 C
42 ANSOM, Affaires Politiques, c. 2128 d. 4, mission Canet, op. cit.
1

- - . - - - - '
347
effort et de facilité s'enracinèrent et s'érigèrent en système. Trop avantageuses, les intéressés
n'étaient pas prêts à y renoncer.
Conséquence, le budget de la colonie était mis à contribution, le Conseil Général puis
l'Assemblée Territoriale ne faisait pas de difficultés pour accorder subventions et remises de
dettes. En 1950, sur 50 conseillers généraux, 32 étaient citoyens des communes de plein
exercice dont 15 conseillers municipaux ou employés de mairie 43. L'amélioration des finances
municipales ne pouvait pas venir de ce côté.
La politisation était générale, les pouvoirs de tutelle stériles. La situation financière de
Rufisque était de plus en plus mal connue; la. direction des Affaires Politiques imputait ces
retards aux services du Trésor et à la direction des Finances. En 1951, les trois communes de
plein exercice avaient coûté au budget de la colonie près de 300 millions de francs CFA 44. Le
passif réglé soit par une subvention, soit par une avance (qui renforçait l'endettement de la
commune puisqu'elle était remboursable), deux facteurs importants de faiblesse demeuraient:
- l'insuffisance du recouvrement fiscal, conséquence de l'insuffisance de l'effort
fiscal,
- la pratique du déficit systématique et du déséquilibre constant.
La fuite devant l'impôt était-ellè un refus de l'effort fiscal?
La fiscalité était basée sur les rôles nominatifs; état-civil et domicile ne correspondaient
pas à une certaine réalité. D'autre part, le personnel de recouvrement percevait un pourcentage
dérisoire qui ne jouait pas un rôle de stimulant, d'autant plus que les affinités politiques et
religieuses pouvaient constituer un frein à son action.
Si minimes soient-ils,
les impôts
communaux
recouvrés
devaient
avoir
pour
contrepartie certains .services édilitaires à rendre par la municipalité. Cette préoccupation n'était
plus d'actualité. C'est dans les communes de plein exercice que les restes à recouvrer étaient les
43 ANSOM, Affaires Politiques, c. 2107 d. 2; Liste des communes, documents et statistiques.
44 ANSOM, Affaires Politiques, c. 2108 d. 6, Mission Chovard.

348
plus importants, encore qu'il faille nuancer cette assertion (cf chapitre VIII). Toujours est-il
qu'aux yeux de l'administration, l'exemple pouvait être contagieux et gagner les communes-
mixtes. Ce n'est pas un hasard si l'aide du budget local aux communes correspondit d'une
certaine manière à une baisse des dépenses du territoire en matière de réalisations sociales.
Du côté des fonctionnaires d'autorité, la stratégie pour contrôler et gérer ces espaces
d'imprévu était quasi-inexistante, des divergences sapant l'action commune. Les missions
d'inspection se succédèrent. Sans succès. Le fonctionnement municipal paraissait une aporie.
Le "laisser-faire" fut de mise.
Entre le 4 avril 1957, date de l'institution du Conseil du Gouvernement du Sénégal et le
19 janvier 1964, date de la suppression de la commune de Rufisque, la situation financière
n'évolua point dans le sens d'une amélioration: surévaluation systématique et stagnation des
recettes, accroissement progressif des dettes. La commune vivait à crédit. En 1957, le budget
présenté avec un retard important fut retourné au conseil municipal pour refonte totale. Le
montant des dépenses de personnel et de main-d'oeuvre était pratiquement égal au montant des
recettes probables de la commune.
Cette crise était l'aboutissement d'une dégradation rapide et continue des finances
municipales depuis 1945, très marquée à partir de 1953, année à partir de laquelle les
subventions dites d'équilibre n'étaient plus mandatées aux collectivités, exception des 20
millions accordés aux communes de Rufisque et Saint-Louis pour le règlement de leurs dettes
d'exercices antérieurs. A Rufisque, on observe une stagnation des recettes réelles (subventions
non comprises: 41 millions en 1951; 47,4 en 1952; 45 en 1953); les dépenses étaient
supérieures aux recettes réelles. La caisse communale était à peu près perpétuellement vide,
après paiement de la solde mensuelle. Il y avait un écart sensible entre les paiements effectués
et les dépenses engagées. Cet écart était constitué de tout ce que la commune achetait;
J'endettement de la commune augmentait toutes les années de sommes importantes. C'est le cas
des communes de Rufisque, Saint-Louis et Dakar en 1955:
.
.
.";i"

-----~\\ ';
349
Dakar
Saint-Louis
Rufisque
dettes au secteur public
489
54
104
dettes au secteur privé
180
35
41
total
669
89
145
recettes ommunales
657
64
53
Source: ANS. 3G1 49-165, Conférence des Maires du 29 juil/et
1957
Les créanciers du secteur privé impayés depuis de nombreuses années protestaient
contre cette situation; les instances supérieures de la colonie et de la Fédération qui
supportaient
directement
certaines
dépenses
sans
en
poursuivre
le remboursement
(hospitalisation des indigents par exemple) usaient de leur autorité pour inciter les fournisseurs
du secteur semi-privé (concessionnaires des services publics, eau et éclairage) à la patience. Au
31 août 1956, l'endettement de ces trois communes était supérieur à 900 millions de francs
CfA; il dépassait le milliard en juillet 1957 45. il résultait de l'énormité de cette dette que les
budgets ne pouvaient plus être équilibrés. La totalité des restes à recouvrer qui constituait les
recettes de ces budgets était en effet inférieure à la totalité des dettes des communes. Les
budgets présentés étaient approuvés en dehors de toute régularité. Pour ce qui concerne
Rufisque, il va sans dire que la cornmüne n'investissait plus, ne procédait pas aux réparations et
à J'entretien normal des immeubles communaux. Prise par des préoccupations secondaires, la
municipalité ne trouvait plus les moyens et encore moins le temps' d'effectuer des travaux
réellement importants; il en résultait que le fonctionnement de l'administration communale était
mauvais. Les budgets, les comptes, les pièces périodiques étaient présentés avec un retard
important. Les négligences et les erreurs dans de nombreux services étaient ressenties dans
toute la vie publique (état-civil par exemple).
45 ANS, 3Gl 49-165, op. cit.

350
. "
Le 1er février 1960, l'Assemblée Nationale du Sénégal votait deux lois portant
transformation en communes de plein exercice de toutes les communes de moyen exercice et
communes-mixtes et une loi portant création des communes de plein exercice dans tous les
chefs-lieux de cercles qui ne bénéficiaient pas encore du statut municipal.
Les vérifications effectuées par l'inspection générale des affaires administratives dans la
commune de Rufisque décelaient certaines insuffisances:
- quant à la gestion administrative municipale,
- en ce qui concerne la gestion ijnancière municipale,
- dans les moyens mis à la disposition de la tutelle en matière financière.
Deux raisons, selon l'inspection, en étaient la cause:
- la politisation de l'administration municipale,
-l'incompétence des agents communaux.
Il était demandé à la commune de réduire son train de vie par une réduction des
dépenses
facultatives
et
la
suppression
de
certaines
(frais
de
mission,
heures
supplémentaires...). Les mesures prises -contrôle serré des secours et subventions aux sinistrés
et indigents, mise à la retraite de tous les agents âgés de plus de 55 ans et relevant de la
fonction publique, concession des services d'eau et d'électricité à des compagnies spécialisées-
devaient permettre de redresser la situation financière. TI fallait renoncer aux errements du
passé.
Le problème de l'eau et de l'électricité apparaissait comme la première manifestation de
l'intérêt que les populations portaient à l'institution municipale. A l'indépendance, chaque
commune avait tenu à créer son réseau d'eau et d'électricité. Conformes au contrat social que
l'U.P.S. avait souscrit avec les masses .;~négalaises, ces services étaient devenus des
instruments de propagande et les réalisations collectives tournées au profit d'une minorité qui

recevait gratuitement eau et courant électrique. Une telle situation affectait la gestion de ces
services qui dépassait les possibilités précaires des collectivités locales (faiblesse des
recouvrements, déficit croissant).
Ces solutions envisagées n'étaient .pas de nature à régler le problème de la rigueur et de
la sincérité dans la gestion financière. Sous l'angle de la législation, l'expérience révélait que les
dispositions applicables jusqu'alors en matière communale présentaient un caractère empirique
et peu satisfaisant, faisant ressortir la nécessité de procéder à une révision des textes en vigueur
élaborés par le législateur métropolitain.
La loi 64-02 du 19 janvier 1964 supprimait la commune de Rufisque et portait réforme
du régime municipal de la commune de Dakar. Elle créait une commune unique, présidée par le
docteur Samba Gueye 47 et dont les limites étaient celles de la région du Cap-Vert 48. La
formule retenue tendait ainsi à maintenir aux habitants de la commune de Dakar le droit de
prendre par l'intermédiaire du conseil municipal des décisions d'intérêt local mais à confier
J'administration de la commune à un administrateur civil: le gouverneur du Cap-Vert
administrait désormais la commune.
Les motifs de suppression de la commune de Rufisque tels le climat politique délétère,
le clanisme ("mauricistes", "socèistes", "mbenguistes"), la gestion financière désastreuse, les
difficultés économiques de la commune n'expliquent pas tout 49. A force de les remuer, ils
deviennent des prétextes. Aussi est-il intéressant de porter la réflexion sur la singularité et
47 Madiba Keita dit Doudou, ancien maire par intérim de Rufisque, présidait la commission "Jeunesse et
Sports".
-,
48 La dissolution de la commune de Rufisque est passée inaperçue. Dakar-Matin donne l'information par un
bref encart dans sa livraison du 21 janvier 1964. Le débat tournait surtout autour de la restructuration du parti
U.P.S. dans la nouvelle commune de Dakar. Quatre-vingt (80) conseillers municipaux étaient à élire à Dakar
lors des élections municipales prévues le 23 février. A l'issue du scrutin, 87,5 % des inscrits votèrent pour la
liste municipale présentée par l'u.P.S. Dans les 7ème et 8ème arrondissements (Rufisque et Bargny), les
résultats furent les suivants: 18.123 inscrits, 16543 votants, 3nuIs, U.P.S.: 16.540 voix. Quatre femmes furent
élues conseillers municipaux: Ndoumbé Ndiaye, Seynabou Gueye Ndaté, Caroline Touré, ménagères et Anta
Diakhaté, secrétaire-dactylo. Sur tous ces développements, voir Dakar-Matin des 22,24,25 et 28 février 1964.
49 Sur ces différentes causes, voir l'analyse de MBAYE CT., 1983, op. cit., pp. 71-79.

352
l'originalité du cas-Maurice
Gueye aux
premières
années
de
l'indépendance et
les
bouleversements qui pouvaient en résulter.
La phase de consolidation autoritaire du régime senghorien après la crise de décembre
1962 ne pouvait plus souffiir quelque contestation que ce soit à l'intérieur du parti u.P.S.
L'opposition sur les marges (P.A.I, B.M.S., F.N.S.) 50 constituait une ample préoccupation.
Le cas-Maurice Gueye devenait une situation "aberrante". De droit, il n'était plus maire de
Rufisque>' mais contrôlait par l'un de ses clients, Madiba Keita dit Doudou, maire par intérim,
la municipalité. Tout puissant à Rufisque, où il s'était taillé un fief personnel, très lié aux
notables lebu, inamovible dans son fauteuil de maire entre 1945 et 1960 et à deux reprises dans
l'entre-deux-guerres, Maurice Gueye n'avait pas d'ambition nationale 52 mais dans sa ville, tout
homme politique, quelle que fût son envergure, devait lui prêter allégeance.
Ousmane Socé Diop, conseiller général et conseiller de la République Française en
1946, lieutenant de Lamine Gueye, natif de Rufisque mais sans large soutien, ne parvint pas à
s'imposer 53. Senghor, dès le début des années cinquante, sut tout le parti qu'il pouvait tirer de
Maurice Gueye pour asseoir sa légitimité et une nouvelle base d'action dans les villes qui
restaient fidèles à la S.F.I.O. Lamine Gueye passait dans l'esprit des paysans comme
représentant des anciens citoyens des Quatre Communes. Durant les deux assemblées
constituantes à l'époque du double collège, Senghor était présenté par la S.F.I.O. en campagne
comme le député des nouveaux citoyens c'est-à-dire des nouvelles catégories électorales. Ce
fait demeura dans les esprits. Lors du collège unique, les masses rurales attribuèrent les
50 Parti Africain de l'Indépendance, marxiste; Bloc des Masses Sénégalaises; Front National du Sénégal. Cf
TRAORE B., LO M., AUBERT 1. L., 1966, op. cit.; ZUCCARELU F., 1988, op. cit., pp. 77-99.
51 Il avait été nommé maire honoraire de Rufisque en 1960 par 19 conseillers municipaux sur 33. "Socéistes" et
"Mbenguistes" avaient quitté la salle délibérations lors du vote. Archives de la mairie de Dakar 1E 25, extraits
des délibérations du conseil municipal, séance du 5 novembre 1960. Voir aussi Annexes.
52 Il fut imposé comme candidat à un mandat de conseiller territorial par le Bureau Politique du B.D.S. aux
élections du 30 mars 1952.
53 Elu maire de Rufisque aux élections municipales de 1960, à la ~~te d'un accord avec Maurice Gueye pour
faire pièce à un autre candidat, Alioune Badara Mbengue, ministredes Travaux Publics et secrétaire politique
de l'U.P.S., 0 S. Diop n'exerça pas sa charge. Le 5 novembre 1~, il est nommé ambassadeur du Sénégal à
l'O.N.V. et aux Etats-Unis, avec mission également au Canada, au Mexique et en Haïti. Cf Annexes, Notices
biographiques.

353
bienfaits des lois votées et des réformes qui les avaient délivrés des abus d'autrefois à Senghor
uniquement.
Aux élections législatives du 17 juin 1951 54, la démission de Maurice Gueye, deux
jours avant le scrutin, fit passer Rufisque de "ville rouge" (S.F.I.O.) à "ville verte" (B.D. S.). Ce
caciquisme constitue un cas unique au Sénégal.
Maurice Gueye concentrait autour de lui ses propres réseaux de clientèle et préservait
ainsi son autonomie par rapport au parti et à ses militants. Ce n'était plus le parti qui le
contrôlait; sa notoriété personnelle lui permettait d'exercer un contrôle sur ses partisans de
façon à empêcher l'émergence de leaders concurrents et à disposer de troupes militantes en
période de mobilisation électorale. Maurice Gueye mettait le mandat municipal à sa
disposition. De plus, Senghor était obligé de lui accorder une latitude d'action suffisante pour
qu'il puisse perpétuer son implantation locale et que le parti en tire éventuellement la plus-value
électorale.
Pour mémoire, rappelons en France l'itinéraire de Jacques Doriot. A partir de son fief
de Saint-Denis, il avait tenté d'influer dans les années trente sur la ligne du parti avant de
sombrer dans l'extrême-droite. De là date sans doute la méfiance congénitale du P.C. français
envers ses élus municipaux: après la seconde guerre mondiale, il n'était plus permis au P.e. le
cumul de mandat de maire et d'un poste de direction du parti. D'autre part, sauf nécessité
électorale, les maires ne se présentaient pas à la députation (cette mesure est encore en règle
aujourd'hui).
Qui était Maurice Gueye?
Un pur produit du système notabiliaire?
54 L'Assemblée Nationale avait étendu le 23 mai 1951 le droit de vote à de nouvelles catégories de citoyens. Le
collège électoral était ainsi passé de 200.000 à 620.000 électeurs. Du coup, le centre de gravité électoral était
déplacé des centres urbains à la campagne.

354
S'il faut entendre par notable, cet acteur occupant une position médiatrice stratégique
entre le parti et la population locale, ma réponse est positive mais nuancée. Maurice Gueye
entretenait peu de liens avec les orientations du parti (il n'était pas un apparatchik), parti qui
représentait même une contrainte possible à l'affirmation de son pouvoir personnel. Plus il était
dépendant, moins il pouvait personnaliser son pouvoir et centraliser autour de lui. Je le
définirai comme un cacique, à l'instar des chefs indigènes des civilisations précolombiennes
(encore que le terme soit insuffisant,' voire proche de notable), quelqu'un occupant une
fonction importante qu'il intrumentalisait à son seul profit.
C'est le conflit entre ces deux logiques, l'une d'ordre national et bureaucratique, l'autre
de rationalité étroitement locale qui constitue la trame d'explication de la suppression de la
commune de Rufisque. Mamadou Diouf souligne bien ce comportement:
"Par le contrôle de la mairie, les structures communautaires
lebu s'étaient aménagé un espace politique local sans
grande liaison avec les questions nationales" .5.5
L'exemple rufisquois pouvait faire des émules sous des formes nouvelles, plus
modernes, même si Maurice Gueye, vu son âge, ne représentait plus un danger potentiel .56. La
ville restait un centre important dans l'échiquier national, qu'il fallait contrôler dans la pure
tradition jacobine.
55 DIOUF M, 1989, Identité ethnique ... , p. 297. Voir aussi THIAM Ibrahima, 1983, op. cit.
56 Né à Rufisque en 1888,.Maurice Gueye décédait deux ans après la suppression de la commune, après avoir
été fait Président Honoraire, avec Me Lamine Gueye, de la nouvelle commune du Grand Dakar. Dakar-Matin
du
9 mars 1964 et Archives de la mairie de Dakar, lE 26, Commune du Grand Dakar. Extraits des
délibérations du conseil municipal, séance du
23 mars 1964.Voir également, Annexes, Notices biographiques.

"Marginale par rapport au mouvement politique national et
marginalisant les Rufisquois qui avaient une audience
nationale (O. Socé Diop, puis Alioune Badara Mbengue),
la ville se trouvadésormais en porte à faux à l'égard de la
dynamique induite par l'indépendance" 57
La commune de Rufisque, après 80 ans d'irrédentisme, était réintégrée dans la
normalité étatique.
57 DIOUF M.. 1989. op. cil. p. 300.

356
La dualité hiérarchique caractérisant l'organisation de la municipalité, produite par
l'existence de deux filières de remontée des affaires, l'une politique (maire et conseil municipal),
l'autre administrative (hiérarchie administrative), les interférences étaient source de conflits de
pouvoir au sommet de l'organisation municipale.
Personnel pléthorique, prise en compte par le budget général ou le budget local de
nombreux services, subventions directes ou déguisées sont quelques permanences entre 1947
et 1957. La défiance du contribuable à l'égard des pouvoirs (tutelle administrative et pouvoir
municipal) était totale. Nul doute qu'à un ,certain moment, les dynamiques du champ du
pouvoir 55 faites d'alliances et de conflits, le jeu politico-administratif fait de complicités et
d'arrangements entre élus et autorité administrative, en somme la commune comme lieu du
politique lui échappait. Faut-il comprendre par là qu'une fraction importante de la population.
échappe à l'impôt? Les autorités locales elles-mêmes, soumises au jeu des partis et à l'influence
des élus, n'avaient pas montré d'indépendance pour résister au mouvement. fi était périlleux de
demander au Rufisquois de prêter quelque intérêt à la vie municipale et de consentir un effort
fiscal supplémentaire si les errements cautionnés par la tutelle continuaient à compromettre
sans cesse la gestion des deniers communaux.
C'est sous cet angle qu'il convient de comprendre l'évasion fiscale et l'indifférence
municipale. Les mesures envisagées telles la délivrance de cartes d'identité fiscale demeuraient
vaines 56.
55 J'emprunte l'expression à Pascal Labazée. LABAZEE P., 1993, "Les dynamiques du champ du pouvoir en
pays kiembara", pp. 219-243 in JAGLIN S., DUBRESSON A., op. cil.
. t
56 C'était une des mesures préconisées par le ministre "
de la F.O.M. au haut-commissaire suite au rapport de la
mission d'inspection Chovard (1951). ANSOM, Affaires Politiques, c. 2291 d. 12, Administration municipale
en A.O F., contrôle des municipalités de plein exercice.

357
POUR CONCLURE, PROVISOIREMENT
A quoi servait la commune de plein exercice?
S'il fallait caricaturer, la réponse pourrait être: "A peu de choses, sinon à rien !"
Je me garderai de tout raccourci.
L'ancienneté de la vie citadine à Rufisque et dans les autres communes de plein exercice
(lu Sénégal avait créé avec la marche du temps des besoins propres.
L'échec de l'expérience communale au Sénégal. peut être appréhendé dans une certaine
rcontradiction portée en lui-même par le ~odèle d'assimilation: assimiler et en même temps
Icontenir la diffusion du modèle. Cette opposition engendra un modèle dégradé qui, sans être
[supprimé, fut tardivement étendu au reste du Sénégal et des autres territoires de l'Afrique noire
et de Madagascar (loi du 18 novembre 1955). Laboratoire urbain en matière de législation,
d'urbanisme et champ d'expérimentation pour contenir l'activité politique sont quelques
paramètres dominants. Le poids des "conditionnalités" et les jugements portés sur la commune
de plein exercice confortent cette' impression d'inachèvement. Toutefois ce modèle boiteux
abandonnait des zones d'ombre que le conseil municipal utilisait vigoureusement après 1945.
Dessaisi de sa compétence politique, ce dernier se rajusta au nouvel environnement, en le
"recréant", en cherchant à le modifier sans cesse à son profit, en le transformant en site de
prédation au détriment des administrés. Les édiles inscrivirent leur logique et leurs procédures
dans celles de l'administration de tutelle qui risquait de s'autodétruire en cas de "fausse
manoeuvre". Ainsi s'explique l'absence de réforme réelle après 1945. Ce compromis tactique
fut la "réalisation" principale de Maurice Gueye après la Libération. Pourquoi assurer un
recouvrement fiscal efficace face à un vide d'attributions, à des quotes-parts reversées
parcimonieusement, à des dépenses obligatoires qui grèvaient les budgets, à des impositions
budgétaires sans lien avec la réalité des perceptions et surtout à l'institutionnalisation des
subventions?

Toutes les caractéristiques décisives de l'administration communale française avaient
été poussées à l'extrême dans les colonies. Alexis de Tocqueville avait déjà souligné le fait:
"On se trouve en présence de cette administration presque
aussi
nombreuse
que
la
population,
prépondérante,
agissante, réglementante, contraignante, voulant prévoir
. tout, se chargeant de tout, toujours plus au courant des
intérêts de l'administré qu'il ne l'est lui-même, sans cesse
active et stérile" 1
Le but des autorités métropolitaines n'était pas la création d'une société gouvernée par
des moyens politiques mais la création d'un système administratif dans lequel les gens auraient
des positions clairement définies dans l'organigramme d'ensemble et se comporteraient comme
il conviendrait pour chacune de ces positions.
L'administration avait la passion pour le détail au point qu'elle devait décider
par
exemple de conflits concernant une querelle à la borne-fontaine de Diokoul Ndiourène.
Au cours de l'entre-deux-guerres, en dépit des rigoureuses compressions budgétaires au
niveau de l'A.o.F. qui amenèrent les budgets à un repli, la commune de Rufisque s'acquitta
généralement de ses contributions obligatoires et de ses dettes et contribua à l'aménagement et
à l'équipement de la ville aux côtés des budgets extérieurs, notamment le Fonds d'Emprunt.
Le contrat social, pour reprendre Rousseau, c'est-à-dire les droits et devoirs dévolus à
chaque individu, existait bel et bien dans une ville où la vie communale était bien implantée.
Avec les diverses modifications et interprétations de la loi métropolitaine, ce contrat évolue et
disparaît progressivement à la fin des années quarante. La vigueur des alliances. entre
administration et élus, les errements de gestion convainquirent le contribuable rufisquois de
l'inanité de tout effort fiscal. Les ressources existantes ne servaient plus qu'à des dépenses de
1 TOCQUEVILLE Alexis (de), L'Ancien Régime et la Révolution, p. 287, tome l (édition de1952, Gallimard).
, ' f '

359
caractère politique; le conseil municipal devint un objet de convoitise et un tremplin politique.
La commune confisquée, le contrat social était devenu caduc.
L'entre-deux-guerres est fort mal connu et il convient d'y prolonger la réflexion. La vie
locale ne se résumait pas aux joutes électorales. Entre deux scrutins s'étalait une période de six
ans où le pouvoir municipal devait assumer son rôle pour répondre aux préoccupations de ceux
qui l'avaient plébiscité. Cette période fut vécue par les édiles avec courage; l'engagement
personnel de certains élus était incontestable. Prises entre les épidémies, les contributions
obligatoires pesantes, une tutelle prégnante et le déclin des activités économiques, les
ressources étaient rares pour créer des sinécures. Le conseil municipal s'efforçait de gérer les
fonds disponibles avec au bout du compte des résultats somme toute positifs.
Si l'on jette un regard sur la gestion communale métropolitaine, celle-ci n'était pas plus
efficiente; lean-Paul Brunet en retrace quelques avatars 2. Rufisque tirait en moyenne au cours
de cette période 17 % de ses ressources des taxes proprement municipales; sur les bords de la
Seine, rare était la commune qui tirait autant de revenus de ses taxes autres que l'octroi.
L'entre-deux-guerres est par ailleurs fondamental pour comprendre la signification des
luttes pour la citoyenneté. Cette revendication ne se résumait pas au dépôt du bulletin dans une
ume mais induisait la participation, l'invention d'un espace où exercer des attributions, des
droits, des compétences que l'administration travaillait à rogner et que les habitants croyaient
acquis une fois pour toute. L'élargissement de ce droit de la citoyenneté à partir de 1946 se
cantonna à la seule prise en compte du facteur politique: six (6) scrutins furent organisés à
Rufisque entre 1945 et 1960 ! Même si c'est la ville qui demeurait le lieu d'éveil politique 3,
J'apprentissage de la citoyenneté déclina et donna raison à l'administration dans son projet de
repousser le plus longtemps possible l'extension des accessoires liés à cette pratique.
2 BRUNET J-P., 1981, op. cil.
3 Sur l'exemple de Brazzaville et les journées d'émeute du
15 au 20 février 1959, voir COQUERY-
VIDROVITCH c., 1992, "Gestion urbaine et décolonisation en Afrique noire française: de la politique
municipale à l'émeute" pp. 71-85 in AGERON C. R-MICHEL M., Afrique Noire. L'heure des indépendances.
Paris, Editions du CNRS.

360
L'historiographie sur les communes, elle-même, n'a pas échappé à ce biais dû au foisonnement-
appauvrissement de l'après-1945, en ignorant ou en simplifiant les acquis des périodes
antérieures. Toute une réflexion s'est développée (et continue de l'être) sur l'incurie municipale
depuis ses origines, sans chercher à nuancer, à éprouver les hypothèses, à dater le phénomène
et à en révèler les mobiles. L'importance de cette "pensée unique" gagnerait à être
reconsidérée.
Entre 1945 et l'indépendance, piétinement, stagnation et immobilité dominent malgré la
multiplicité des textes, la mobilité des formes politiques. Et une sorte de perméabilité constante
ramène sans cesse à son plus bas étiage le courant des libertés communales. L'administration
centrale était tout absorbée par les questions d'organisation et d'élection. C'est dans le domaine
budgétaire qu'il importait de réaliser avant tout l'autonomie municipale. La période de la IVème
République est très pauvre au sens de prise en charge du cadre de vie; elle constitue un net
recul La participe-passion prenait résolument le pas sur la participe-action. Pourquoi se
soucier du lendemain quand les amitiés métropolitaines jouaient avec force? Les dettes étaient
constamment apurées, les subventions permanentes; le gouverneur ne disposait pas de texte
pour, par exemple, exercer un contrôle sur la gestion du personnel communal.
Il convient aussi de revisiter le contenu et l'apport des missions d'inspection des
colonies. Ce qui frappe, c'est la constance du discours. Toutes les missions qui se succèdent à
Rufisque, de Méray en 1922 à Cauet en 1954 en passant par Muller (1928), Demongin (1936),
Saint-Mleux (1949) et Chovard (1951), conclurent sur le fait que l'expérience communale au
Sénégal n'était pas viable et par conséquent non extensible. Quelques points qui me semblent
centraux traversent leurs conclusions:
- l'amalgame entre l'effort fiscal des communes de plein exercice et celui du
Protectorat. Entre les deux guerres, les missions mirent l'accent sur le rôle prépondérant joué
par les populations sous Ie régime Ae l'indigénat, sans contrepartie et au profit des communes
de plein exercice. Le recensement de 1921 dénombrait 22.871 citoyens originaires dont 18.438

·361 '
dans les communes de plein exercice et 1.187.830 sujets français (cf tableau n 0 1 supra). Les
droits d'octroi étaient déterminés par l'importance démographique de la commune et le poids
des dépenses obligatoires; sur ces bases, les communes de plein exercice, situées sur la côte,
captaient J'essentiel des recettes. La vie communale était réduite dans les communes-mixtes. La
comparaison était plus judicieuse entre l'impôt payé dans les communes de plein exercice et les
communes-mixtes qu'entre 1,2 millions sujets et 18.500 citoyens.
- la nécessité de couvrir les dépenses communales par les taxes proprement
municipales. Les recettes communales avaient été une des bases de désaccord entre conseil
municipal et autorités de tutelle. C'est à la suite de la mission d'inspection Demongin que l'idée
fit son chemin que les taxes municipales devaient couvrir les dépenses communales. La volonté
de nier la spécificité de la vie communale au Sénégal était telle que ce genre de conclusion ci-
dessus mentionné ne surprenait plus et ne soulevait plus d'opposition. Marius Moutet se rallia à
cette idée. Une commune ne pouvait se suffire à elle-même; en Métropole, des réformes
avaient été entreprises dans l'entre-deux-guerres pour fournir des ressources de substitution
aux communes.
.
- le mode de calcul des dépenses de personnel, avec une confusion fréquente
entre dépenses de personnel et dépenses de matériel d'où une double comptabilisation. Cette
question du personnel avait été à l'origine de quelques missions d'inspection (Demongin,
Chovard, Cauet).
De l'examen des rapports des missions d'inspection, il ressort que la gestion de la
commune de plein exercice était loin de donner satisfaction et qu'il était inopportun de
poursuivre l'adoption de textes qui élargirait le champ des libertés municipales au Sénégal, en
accélérant et en étendant l'évolution vers le régime de la loi de 1884.

362
Entre les deux guerres, démontrer que la commune de plein exercice n'était pas gérable,
c'était remettre en cause l'utilité de la municipalité, le principe de l'élection du conseil municipal
et du maire, le principe de la citoyenneté. Cette intention traverse l'histoire de la vie municipale
au Sénégal depuis ses premières heures. Les administrateurs militaires (Faidherbe, Brière de
l'Isle, Bouêt- Willaumez) puis civils s'étaient opposés à l'érection des maires puis des conseils
municipaux. Plus d'un demi-siècle après, le projet demeurait. Henri-Jacques Légier le rappelle
bien quand il écrit:
"Hostiles à la création des communes, les gouverneurs
considérent avec défiance leur administration" 4
Toute perspective d'évoluer vers de nouvelles attributions était bloquée, toute extension
de l'expérience sénégalaise retardée pour longtemps.
Après 1945, conditionner pour son passage au statut de plein exercice la renaissance
d'une commune-mixte par son développement et l'équilibre rigoureux de son budget par ses
ressources propres, c'était assigner comme point de départ d'une évolution ce qui ne pouvait
être qu'un aboutissement, c'était choisir de ne jamais voir le texte de loi se traduire dans les
faits et le rendre inopérant. L'administration coloniale courut ce risque qui lui fut favorable
jusqu'au moment où la marche des évènements rendit inéluctable la promulgation de la loi du
18 novembre 1955
Quel était le but poursuivi?
Une note anonyme datée du 2 octobre 1952, appréciant les critiques faites aux
communes de plein exercice dans le cadre de leur réorganisation, précisait:
"Il semble que le Département n'est pas suffisamment
informé sur les conditions locales" 5
4 LEGlER R-I., 1968, op. cit., p. 457.
5 ANSOM Affaires Politiques, c. 2291 d. 12, Généralitéssur les communes.

363 i
Finalement, c'est dans les conditions de sa naissance et les contraintes qui pesaient sur
sa pratique que le modèle de gestion communale au Sénégal portait les gennes de son échec.
Elus ou fonctionnaires? A qui faut-il confier la gestion de la commune?
La période post-indépendance s'ouvrait sans une remise en cause du modèle antérieur.
On faisait du neuf avec du vieux. Elle consacrait la suppression de la commune de Rufisque et
la gestion des communes sénégalaises par les administrateurs civils. Cette décision s'appuyait
sur une lecture de l'expérience communale coloniale. Le ministre de l'Intérieur de l'époque 6
liait le critère de bonne gestion communaleau mode de désignation du pouvoir exécutif Dans
son rapport au Conseil National de l'U'P. S. du 25 avril 1965, il précisait:
"(...)Le
régime
des
communes-mixtes
a
d'une
façon
générale fonctionné
correctement,
avec
une
situation
financière toujours saine. (...) Jamais l'administration des
communes-mixtes n'a donné de soucis au pouvoir central" 7
Au-delà de ce constat inexact, la suite des évènements ne lui donna point raison. Entre
1964 et 1984, jamais les communes sénégalaises n'avaient été aussi mal gérées 8. Le recours à
la décentralisation fortement influencé par l'évolution alors à l'oeuvre en France (loi du 2 mars
1982), outre qu'il consacrait la faillite de la gestion des administrateurs comportait des
motivations essentiellement financières: il fallait remettre sur pied une fiscalité plus efficace,
réquisitionner de nouvelles ressources par le "bas", face au retrécissement de l'assise financière
de l'appareil central. De 1964 à 1984, les multiples mutations administratives que la commune
6 J'ai préféré taire le nom de cette personnalité, encore en vie.
7 Union Progressiste Sénégalaise, Secrétariat Administratif, Conseil National du 25 avril 1965.
8 Je renvoie à l'analyse pertinente de DIOP M. C.-DIOUF M., 1993, pp. 101-125, in JAGLIN S.-DUBRESSON
A., op. cit. Voir aussi DIOUFM., 1992, "Le clientélisme, la technocratie et après? "in DIOP M~C. (dirs),
Sénégal. Trajectoires.... op. cit.

364
sénégalaise a connues (réformes de' 1964 et 1972, lois de 1979 et 1983), au lieu de jouer en
faveur de sa promotion, n'ont fait que l'enliser dans une situation aujourd'hui alarmante.
Ce questionnement municipal ouvre nécessairement le débat sur la citoyenneté dans la
ville. L'accès à cette citoyenneté, en termes de droit à des services, fut une préoccupation
municipale dans l'entre-deux-guerres.
Parvenu au terme de la tâche, je me rends bien compte que l'étude laisse de côté des
points qu'il y aurait intérêt à examiner corppléternent notamment l'articulation complexe des
héritages coloniaux et des inventions-innovations en postcolonie. Dans cette fouille inachevée
et à poursuivre, ma démarche s'est en permanence attachée à cette dialectique involvement-
detachment 9, implication personnelle-distanciation critique. Mon propos n'a pas pas été de
réhabiliter la commune coloniale sénégalaise mais d'éclairer ies faits sous un regard autre. Trop
de certitudes sont à réviser, trop de stéréotypes à mettre en question. L'analyse historique des
affaires communales peut seule faire comprendre le comportement politique de mes
concitoyens et une réalité municipale que l'accumulation de préjugés traditionnels a rendue de
plus en plus opaque.
9 Cette terminologie est du sociologue allemand N~ ELIAS. Voir ELIAS Norbert, 1993, Engagement et
distanciation. Contributions à la sociologie de la C!!!!paissance. Trad. de "Engagement und Distanzierung".
Paris, Fayard, X + 258 p.
,.

365
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
SOURCES
1. Archives
A. A.N.S.O.M. Archives Nationales Section Outre-Mer (Aix-en-Provence)
1. Affaires politiques et administratives
a. Administration municipale
Loi sur les régies municipales et les participations des communes aux entreprises
privées (1926) c. 2517 d. 3 (régime financier, dispositions diverses).
Généralités toutes colonies, organisation municipale, statut municipal aux colonies
(1932) c.858 d. 1 (prélèvement appliqué aux traitements des employés municipaux, dossier
relatif aux colonies régies par décret).
Réforme des municipalités Outre-Mer par le Gouvernement de Vichy (1940-1944) c.
2624 d. 4 (note sur les régimes municipaux aux colonies, types généraux de communes, régime
antérieur à 1940).
Loi et projet de modification sur le régime municipal outre-mer (1946-1947) c. 2517 d.
12 (analyse des différentes modifications de la loi du 5 avril 1884).
Organisation municipale (1947-1952); administration municipale (1947-1953); projets
d'organisation municipale (1947-1955) c. 2129 d. 7 - 5 - 4 (réorganisation des municipalités de
plein exercice, pouvoirs de tutelle).
Généralités sur les communes (1947-1955) c. 2291 d. 12 et 13 (contrôle des
municipalités de plein exercice, charges imposées aux communes par les textes organiques).

366
Administration municipale: documents, débats à l'Assemblée Nationale, situation
financière (1949-1955) c. 2155 d. l(réorganisation municipale en A.O.f., A.E.f., Togo et
Cameroun; documents de base, notes de service).
Projets de loi sur les communes de plein exercice et le régime municipal (1951-1953) c.
2129 d. 2 (régime de tutelle exercé sur les communes de plein exercice).
Communes de plein exercice: gestion des budgets (1951-1954); notes et documents
divers sur le projet de réforme municipale (1953); observations des Territoires sur le projet de
loi; correspondances, communications et avis (1953) c. 2123 d. 4 à 7 (demande tendant à
étendre aux communes de plein exercice diverses lois qui ont modifié la loi du 5 avril 1884,
différence de situation entre les communes de plein exercice et les communes-mixtes en
matière d'emprunts).
Communes de plein exercice: statut général des établissements publics communaux c
2120 d. 8 et 9 (réglementation des marchés des communes, statut du personnel communal).
Indemnités des maires et adjoints (1952-1954) c. 2129 d. 1.
Limites des communes (1872-1936), création et modifications des communes (1880-
1936), application de la loi municipale du 5 avril 1884 (1884-1938), textes législatifs
concernant les communes de plein exercice (1884-1954) c. 510 d. 18-17-15-11 durée du
mandat des conseillers municipaux, dépenses de police municipale et de l'instruction publique,
composition des conseils municipaux, incompatibilité des fonctions de maire élu et de
fonctionnaire local).
Création des communes de plein exercice: avis des Assemblées Territoriales, incidences
budgétaires, quotes-parts, ristournes (1955) c. 2107 d. 1 et 2 (documents et statistiques de
population, dépenses d'installation des communes outre-mer).
Inspection de la F.O.M.: rapport de l'inspecteur Cauet sur la situation financière de la
commune de Rufisque (1954) c. 2128 d. 4 (état du personnel permanent, liste des propriétés
communales, etc.)
Budget primitif de la commune de Rufisque (exercice 1955) c. 2291 d. 1.

367
b. Affaires financières
Loi du 13 novembre 1936 sur la réforme des finances communales et départementales
c. 2624 d. 7 (consultation des colonies sur l'opportunité de s'inspirer de ces mesures, réponses
des gouverneurs).
Régime fiscal des communes de plein exercice (1936) c. 2810 d. 3
A.O.F., finances communales (1952-1954) c. 2108 d. 1 et 6 (vue d'ensemble sur les
finances communales de l'A.O.F.).
c. Population
Dénombrements de la population des colonies françaises (1921-1937) c. 2553 d. 7
(lettre du ministre des colonies Albert Sarraut, recensements de 1936).
Statistiques générales de la population aux colonies (1931-1938) c. 842 d. 4
(instructions, statistiques de la population européenne, statistiques des ressortissants des Etats-
Unis résidant dans les colonies françaises d'Afrique),
Questions démographiques, statistiques et recensements (1950-1955) c. 3666 d. 5
(questions diverses).
d. Activités économiques
La crise économique aux colonies: coupures de presse (1930-1932) c. 2535 d. 3.
Rapports sur la politique économique coloniale de la France (1946-1947) c. 2552 d. 19.
Chambres de commerce c. 3665.
Commerce: recouvrements des sommes dues par l'administration municipale aux
commerçants locaux (1946-1954) c. 2134 d. 7.

368
2. Agence de la France d'Outre-Mer
AO.F., Dakar avant 1945 c. 391 d. 1/2 bis c (renseignements divers sur le Sénégal).
Dakar et les grands centres du Sénégal c. 490 d. 109.
AO.f., Municipalités. Fonctionnement et renseignements divers c. 394 d. 2/3 c.
Recensement AO.F. c. 395.
Recensement Sénégal (1926-1945) c. 595 (statistiques diverses de population entre
1926 et 1945).
AO.F., Questions politiques diverses avant 1945 c. 395 d. 8 bis (immigration-
émigration, préjugés de couleurs, mouvements pan-négres).
Généralités sur les colonies c. 1 d. 1 et c. 36 d. 75 (coupures de presse sur la
Conférence des gouverneurs d'octobre 1936, annuaire statistique 1939-1946).
Participation de la Métropole. Ce qu'a coûté l'AO.F. à la France (1862-1912) c. 379
d.76 (dépenses militaires, subventions, dépenses civiles de gendarmerie supportées par les
budgets coloniaux).
AO.f., Code des Impôts directs, 1946 c. 397 d. 19.
A.O.f., Régime fiscal c. 397 d. 2 (octroi de mer, taxes diverses, droits et redevances
perçus au profit des communes de plein exercice et des communes-mixtes).
AO.f., Urbanisme et habitat, renseignements divers (1945-1949) c. 377 d. 41 bis
(coupures de presse, statuts de l'Institut International d'Urbanisme Colonial, hygiène et
assainissement de la ville de Dakar).
AO.F., Urbanisme, bâtiments civils avant 1945 c. 377 d. 41 bis 2.
AO.F., Equipement et outillage, travaux publics, Sénégal, rapports (1920-1945) c.361
d. 17 (situation des études et travaux publics exécutés à la fin de chaque année, 1920-1930 et
1940-1945).

369
Urbanisme colonial, comptes rendus des séances de la Commission d'Urbanisme
Colonial (J943-1944) c. 607 d. 817 à 822 (organisation et législation, projets d'aménagement,
équipement urbain, habitat).
AO.F., travaux publics (1936-1945) c. 362 (programme des travaux publics sur Fonds
d'Emprunt, équipement et outillage de la Circonscription de Dakar et Dépendances).
AO.F., Urbanisme, renseignements avant 1945 c. 377 d. 42.
3. Affaires Economiques: missions d'inspection des colonies
Les rapports sur les communes étaient établis par des inspecteurs généraux des colonies
sur la base de leurs vérifications et les explications fournies par les maires sur les résultats de
ces vérifications.
Mission Muller (1927-1928) sur l'alimentation en eau et l'éclairage électrique de la
commune de Rufisque c. 107.
Mission Chovard (1950-1951) sur la situation financière du Sénégal: réalisations et
incidences du Plan c. 95 bis.
4. F.I.D.E.S.
Inventaire FIDES, des origines à 1960, 6 p., 181 bis.
Inventaire FIDES, services généraux métropolitains, sections fédérale et territoriales,
260 p., 141.
Inventaire FIDES, 1ère série (1944-1962), 16 p., 180. Voir avances aux communes
(1949-1955), équipements des communes (1954-1958).
FIDES, 1ère série, Financement des programmes (1947-1958) c. 58 d. 444.
FIDES 1ère série, Budgets (1950-1957) c. 52 d. 392.

370
B. C.A.R.A.N. Centre d'Accueil et de Recherches des Archives Nationales (Paris)
J'y ai consulté la sous-série 2G qui recense les rapports d'activités périodiques,
mensuels, trimestriels, semestriels et annuels des gouverneurs, administrateurs et chefs de
services de l'AO.f. au gouverneur général et des commandants de cercles et chefs de service
de la colonie au gouverneur du Sénégal. C'est une collection de rapports provenant de tous les
fonds de l'ensemble. La cote du rapport se compose du sigle de la sous-série (2G) suivi des
deux derniers chiffres de l'année, puis après un tiret, de son numéro d'ordre. Les rapports
consultés à Paris sont des microfilms de ceux conservés aux Archives Nationales du Sénégal
(Dakar). Ils sont cotés 200 MI (14 MI aux AN.S.O.M.).
Circonscription de Dakar et Dépendances, rapport d'ensemble 1925, 2G 25-11 200 MI
1708, 59 feuillets (mouvement du trafic des ports de Dakar et Rufisque).
Sénégal, rapport politique annuel 1925, 2G 25-12 200 MI 1710 (situation sanitaire du
Sénégal).
Circonscription de Dakar et Dépendances, rapport annuel 1926, 2G 26-9 200 MI 1710
(épidémies de peste et de fièvre jaune au Sénégal).
Sénégal, rapport politique annuel 1926, 2G 26-11 200 MI 1711 état sanitaire de la
colonie).
Sénégal, rapports politiques: mensuels, annuel 1927, 2G 27-18 200 MI 1714 (situation
sanitaire à Rufisque, retrait des attributions de police, hygiène et salubrité publique).
Circonscription de Dakar et Dépendances, rapport annuel 1927, 2G 27-19 200 MI
1714 (trafic du port et état sanitaire à Dakar).
Sénégal, rapport médical 1928, 2G 28-26 200 MI 1720 (démographie à Rufisque,
peste).
Circonscription de Dakar et Dépendances, rapport annuel 1929, situation politique et
économique, 2G 29-7 200 MI 1722 (immigration et émigration des Libano-Syriens et des
Marocains, démographie, hygiène et assistance médicale à Rufisque).
Sénégal, rapport annuel 1929, 2G 29-15 200 MI 1723 (administration générale et
communale: suspension de Maurice Gueye, travaux d'alimentation en eau à Rufisque).

371
Sénégal, service de santé 1929, 2G 29-25 200 MI 1724 (vaccinations anti-pesteuses,
capture de rats, institution d'une zone territoriale de protection, incidences sur le mouvement
du port de Rufisque).
Délégation de Rufisque, rapport général annuel 1929, 2G 29-80 200 MI 1728
(agitation politique au cours des élections municipales;, situation des impôts).
Sénégal, rapport politique annuel 1930, 2G 30-4 200 MI 1728 (modifications aux
limites des circonscriptions administratives).
Circonscription de Dakar et Dépendances, rapport du service de santé 1930, 2G 30-14
200 MI 1730 (poussée de paludisme chez les Européens et épidémie de peste chez les
autochtones).
Colonie du Sénégal, rapport médical 1930, 2G 30-23 200 MI 1730 (piqueté de peste à
Rufisque).
A.O.f., travaux publics, rapport d'ensemble 1930 2G 30-29 200 MI 1731 (port de
Dakar, routes et ponts).
Circonscription de Dakar et Dépendances, délégation de Rufisque, rapport annuel
1930, 2G 30-65 (situation commerciale de Rufisque, état des commerçants autorisés à faire
gages, travaux publics).
A.O.f., Travaux Publics, comptes-rendus trimestriels des études et travaux exécutés
1930, 2G 30-181 200 MI 2636 (travaux de construction d'une station de pompage à
Sangalkam).
Sénégal, rapport politique annuel 1931, 2G 31-14200 MI 1738 (quote-part sur la taxe
additionnelle, octroi).
Sénégal, affaires économiques, rapport économique annuel 1931, 2G 31-34 200 MI
1740 (fermeture des guichets de la Banque financière Africaine à Rufisque).
Circonscription de Dakar et Dépendances, délégation de Rufisque, rapport annuel
1931, 2G 31-65 200 MI 1743 (transfert des maisons de commerce vers Dakar, enseignement,
recensement des imposables dans la banlieue de Rufisque, mouvement des étrangers), 31
feuillets.

372
Sénégal, rapport sur la situation économique et sociale de la colonie 1932, 2G 32-6 200
MI 1744 (service des douanes, exportations annuelles d'arachides des ports de Rufisque, Dakar
et Kaolack).
Sénégal, rapport politique annuel 1932, 2G 32-21 200 MI 1745 (situation financière
des communes et des communes-mixtes).
Dakar et dépendances, rapports d'ensemble annuels 1932, 2G 32-22 200 MI 1745
(contributions directes: modes de fonctionnement du service).
Sénégal, service de santé ]932, 2G 32-35200 MI ]747 (démographie à Rufisque).
Sénégal, rapport économique annuel 1932, 2G 32-82 200 MI ] 75] (inquiétude des
autorités coloniales et des firmes exportatrices face à l'activité commerciale déployée par les
Libano-Syriens).
Dakar, délégation de Rufisque, rapport annuel d'ensemble ] 932, 2G 32-89 200 MI
] 75] (rapport général sur l'administration des communes et communes-mixtes, prestations des
impôts, enseignement, incident de Yène-Guedj, procès-verbaux pour infractions au règlement
de l'hygiène), 34 feuillets.
Sénégal, rapport économique annuel 1933, 2G 33-4 200 MI ] 75] (fermeture de
l'agence rufisquoise de la Banque de l'Afrique Occidentale).
Sénégal, rapport politique annuel 1933, 2G 33-9 200 MI
1753 (situation de
recouvrements des impôts, création de l'octroi de mer).
Sénégal, service de santé 1933, 2G 33-22 200 MI 1754, ( intervention du Fonds
d'Emprunt dans la lutte contre la peste, hygiène et police sanitaire maritime).
Dakar, délégation de Rufisque, rapport économique annuel] 933, 2G 33-77 (projet de
rattachement de Rufisque à la Circonscription de Dakar, barrages sanitaires pour protéger
Dakar contre les épidémies provenant de l'intérieur de la colonie), 6 feuillets.
Colonie du Sénégal, service de santé 1934, 2G 34-26 (démographie, épidémie de peste
à Rufisque et prophylaxie).

373
Colonie du Sénégal, cercle de Thiès, subdivision de Rufisque, rapport annuel 1934, 2G
34-95 (améliorations des recettes municipales dues à l'octroi de mer, épidémie de peste, rôle
important joué par la caisse du pelle ou du "filet"), 25 feuil1ets.
A.O.f., inspection générale des services sanitaires et médicaux, rapport annuel 1935,
2G 35-35 200 MI 1769 (épidémie de peste: tableau chronologique avec localisation des cas,
hygiène des écoles).
Sénégal, rapport politique annuel 1936, 2G 36-5 200 MI 1774 (aperçu de la situation
financière de la commune de plein exercice de Rufisque avec un compte-rendu sommaire des
comptes administratifs 1933, 1934 et 1935).
Dakar et Dépendances, rapport sur l'organisation financière 1936, 2G 36-29 200 MI
1773 (répartition des recettes et dépenses par type de budget), 6 feuillets.
Sénégal, rapport politique annuel 1937, 2G 37-17 200 MI 1785 (commune de
Rufisque: contributions obligatoires, remboursements de dettes au budget local).
Sénégal, service de l'enseignement primaire 1937, 2G 37-73 200 MI 1792 (statistiques
scolaires ).
Dakar et Dépendances, rapport annuel d'ensemble 1938, 2G 38-25 200 MI 1796
(travaux à l'entreprise à Rufisque réalisés par des entrepreneurs africains: Adramé Ndiaye,
Oumar Kane, Abdoulaye Sali; enseignement).
Dakar et Dépendances, délégation de Rufisque, rapport annuel 1939, 2G 39-21 200 MI
1807 (travaux communaux, taxes municipales, enseignement, hygiène), 88 feuillets.
Dakar et Dépendances, commune de Rufisque, rapport annuel sur le fonctionnement
des divers services de la commune 1940, 2G 40-31 200 MI 1820, 15 feuillets.
Dakar et Dépendances, délégation de Rufisque, rapport annuel 1940, 2G 40-32 200 MI
1820 (impôts, travaux communaux, taxes municipales, port, hygiène et voirie de Rufisque).
Circonscription de Dakar et Dépendances, rapport sur le fonctionnement des différents
services de la Circonscription 1941, 2G 41-19 200 MI 1828 (évaluation des dépenses engagées
non précisées, enseignement).

374
AO.f., direction des travaux publics, rapport d'ensemble 1943, 2G 43-62 200 MI 1849
(ouvrages d'intérêt stratégique: aérodrome de Bargny réalisé par les techniciens américains).
Circonscription de Dakar et Dépendances, rapport annuel d'ensemble 1944, 2G 44-19
200 MI 1853 (épidémie de peste en fin avril: 511 décès sur 570 cas, problèmes de
ravitaillement).
Après 1945, les renseignements concernant Rufisque, contenus dans la sous-série 2G,
sont sommaires. Les rapports traitent peu de la situation financière et de la vie de la
municipalité. Les références ci-dessous sont données à titre indicatif.
Sénégal, rapport politique annuel 1945-1946, 2G 46-19 200 MI 1872 (remise aux
maires des communes de plein exercice pour compter du 1er juillet 1946 des services de petite
voirie, de police municipale, d'hygiène et du bureau militaire).
Sénégal, rapport politique 1949, 2G 49-27 200 MI 1902 (relèvement du taux de la taxe
sur le chiffre d'affaires au profit des communes de plein exercice).
Sénégal, rapport politique 1950, 2G 50-143 200 MI 2726 (dettes des communes,
dépenses de personnel).
Sénégal, synthèses et rapports politiques trimestriels 1951, 2G 51- 144 200 MI 2731
(apurement des dettes des communes de plein exercice).
Sénégal, synthèse trimestrielle 1953, 2G 53-213 200 MI 2744 (créances municipales).
AO.f., contrôle financier, rapport annuel sur les finances de l'AO.F. 1955, 2G 55-43
200 MI 2016 (dépenses de personnel des budgets communaux).
Territoire du Sénégal, délégation de Dakar, rapport annuel 1955, 2G 55-104 200 MI
2027 (statistiques démographiques, données sur Rufisque et sa banlieue).
Sénégal, Conseil du Gouvernement, rapport sur l'activité du Conseil et la marche des
services publics, juin 1957, 2G 58-33 200 MI 2071 (budgets communaux de Dakar et
Rufisque).

375
C. A.N.S. Archives Nationales du Sénégal (Dakar)
1. Institutions municipales
a. 3G4 commune de Rufisque
Registre de correspondance (1881-1886) 3G4-1
Commune de Rufisque, renseignements divers (1907-1940) 3G4-2 et 3
b. 3D Commune de Rufisque, extraits des délibérations du conseil municipal,
séances ordinaires et extraordinaires (1910-1955).
La fourchette chronologique ci-dessus n'est qu'indicative. Les renseignements sont
abondants pour l'entre-deux-guerres (comptes administratifs du budget communal) avec
d'importantes lacunes pour les années trente; ils deviennent épars après 1945. En raison de
l'abondance des références, je renvoie le lecteur aux notes infrapaginales.
c. 3G 1 institutions municipales
Institutions municipales, décret du 10 août 1872 modifié par la loi du 5 avril 1884 et les
textes modificatifs subséquents (1937-1944) 3G1 2-17 (décret du 28 septembre 1942
supprimant l'octroi de mer, pouvoirs des municipalités en matière d'hygiène, de petite voirie et
de police municipale).
Application de la loi municipale du 5 avril 1884 aux communes de plein exercice du
Sénégal 3G 1 3-17 (interventions de Galandou Diouf au XXVIIIème Congrès de l'Association
des Maires de France, réforme du régime financier des communes).
Réforme municipale 3G 1 48-165 (textes législatifs ou réglementaires applicables aux
communes de plein exercice du Sénégal, législation communale).
Réforme municipale (1953-1955) 3G1 65-165 (communes-mixtes et communes de
moyen exercice).
Inspection Générale des Colonies, mission Méray (1921-1922). Vérification de la
gestion des communes de plein exercice du Sénégal3G1 14-21 (suspension de Galandou Diouf

376
à Rufisque, marchés de gré à gré, frais de représentation, fournitures de denrées, sanctions à
prendre).
Situation financière des communes (1929) 3G 1 19-21 (correspondance avec le
gouverneur général, opposition des chambres de commerce à toute augmentation de taxes).
Contrôle et tutelle des communes de plein et moyen exercice, principes (1954-1957)
3G149-165.
Régime municipal: questions financières et comptables (1921-1943) 3G1
5-17
(suppression de l'octroi de mer).
Organisation municipale: principes (1921) 3G 1 27-28 (suspension et révocations de
maires et conseillers municipaux, population municipale, compressions budgétaires).
Réorganisation des
communes de plein exercice du
Sénégal:
correspondance,
revendication, situation financière 3G 1 53-165.
Taxes municipales, budgets, amendes pénales (1946-1958) 3G 1 50-165 (modèles de
taxes et d'arrêtés municipaux applicables au Sénégal, projet de modification du décret financier
du 30 décembre 1912 compte tenu de la loi-cadre du 23 juin 1956).
Communes de plein exercice. Réorganisation du service des Travaux Municipaux
(1947-1958) 3G1 51-165.
Textes divers régissant les communes de l'AO.f. (1907-1946) 3G1 10-17 (création du
poste de deuxième adjoint au maire de al commune de Rufisque, réunion de la commune de
Gorée à Dakar, pourvoi de Maurice Gueye contre Ibra Seck au sujet des élections municipales
du 5 mai 1929).
Réformes municipales des communes de plein exercice, modification du décret de 1872
3G 1 13-17 (réglementation de la comptabilité des communes de plein exercice).
Réorganisation municipale: notes, documentation, principes (1938-1949) 3G 1 30-144
(loi du 7 mai 1946 proclamant citoyens tous les ressortissants des 1. O.M., réorganisation
financière de l'AO.f.).

377
Organisation municipale dans les T.O.M., documentation(1954-1957) 3G 1 66-165
(attributions militaires en matière d'hygiène des communes de plein exercice, jugements des
comptes, cautionnement et indemnités de gestion des receveurs municipaux).
Régime municipal: questions financières et comptables (1921-1943) 3G 1 5-17.
Marchés communaux (1947-1958) 3G1 56-165 (fournitures, dettes des communes).
Budget: comptabilité communale (1951-1958) 3GI 59-165 (subventions et secours des
communes à des associations, indemnités et frais de représentation, contrôle des dépenses
engagées).
Communes du Sénégal, budgets primitifs et additionnels 1957 3G 1 72-73-165.
2. Missions d'inspection des colonies (1920-1958)
Service des municipalités de l'AO.F., communes du Sénégal, Mission Méray (1921) 4G
82-105 ( cessions de riz faites par la commune de Dakar, rapports sur la gestion des maires de
Dakar et Rufisque).
3. Affaires Politiques et Administratives
Situation administrative du Sénégal (1934-1941) 13G 1-17.
Organisation administrative et législation (1912-1946) 13G 31-180 (nomenclature de
l'organisation administrative de la colonie.
Municipalités 13G 53-180 (note du gouverneur général sur la nécessité de renforcer le
contrôle de l'administration municipale (1927-1930).
4. Affaires Administratives A.O.F. généralités
Organisation administrative 18G 48-17 (historique de la Circonscription de Dakar et
Dépendances, .organisation du Gouvernement Général en matière réglementaire et fiscale).
Réformes administratives et réorganisations territoriales (1933-1941) 18G 151-108.

378
Documentation d'ordre administratif,
politique,
économique et financière de
la
Fédération (1952-1954) 18G 166-115.
5. Finances
Budgets municipaux du Sénégal, régime fiscal des municipalités (1922-1939) 1T 23-58
(octroi de mer, centimes additionnels).
Instructions diverses sur la comptabilité matières (1931-1942) 1T 107-58.
Documentation diverse sur le régime financier et fiscal de l'AO.F. (1924-1945) 1T 35-
58 (contributions des colonies aux dépenses de l'Etat).
Textes
modificatifs
du
régime
financier
des
colonies
(1933-1948)
1T
13-26
(modifications au décret du 30 décembre 1912, emprunts, Cour des Comptes).
Emprunts, dettes, ristournes (1924-1941) IT 30-58.
Exécution des budgets: emprunts des communes-mixtes et des chambres de commerce,
principes (1940-1952) T 77-165 (programme des grands travaux).
Documentation se rapportant à une étude sur les réformes financières, fiscales et
budgétaires intervenant en AO.F. (1938-1945) IT 321-58 (répartition des recettes et des
dépenses entre budget général, budgets locaux et budgets communaux).
Comptes de gestion des receveurs municipaux (1923-1945) 1T 41-58 (mode de
présentation des comptes des communes).
Programme d'alimentation en eau (1931-1941) 1T 106-58 (dotation budgétaire, forages
de puits à Saint-Louis, Rufisque, Kaolack et Ziguinchor, travaux d'adduction d'eau à
Rufisque).
Programme sanitaire: assainissement de Kaolack et Rufisque (1931-1941) IT 110-58
(Fonds d'Emprunt, comblements, canalisations et drainage à Rufisque et Kaolack).
Rapports annuels sur la situation des Grands Travaux sur Fonds d'Emprunt en Ao.F.
(1933-1940) ITI48-58.

379
Réorganisation financière des communes de plein exercice (1938-1945) 1T 260-58.
Budgets AO.F.: principes (1928-1958) IT 58-58 (fonds de concours, fonds secrets,
répartition des budgets et des comptes définitifs).
Budgets divers, communes de plein exercice (1934-1944) 1T 174-58 (dossier sur
chaque commune, contrôle de l'emploi des subventions accordées aux communes, réduction
des indemnités, prélèvement sur les traitements municipaux).
Budgets des communes de plein exercice et budgets annexes de l'Ao.F. (1939-1945)
1T 284-58).
Documentation relative au budget de l'Etat pour l'aménagement de la presqu'île du Cap-
Vert (1947-1948) IT 416-58 (Schéma Temporaire d'Aménagement du plus Grand Dakar,
répartition des crédits).
Comptes définitifs de l'Ao.F., budgets locaux: principes (1932-1939) 1T 127-58.
Situation financière et comptes définitifs des budgets locaux (1940-1948) 1T 296-58.
Budgets primitifs et additionnels de la commune de Rufisque (1919-1939) 1T 722-119
(données éparses).
Budgets primitifs et additionnels des communes de plein exercice (1920-1923) 1T 723-
119 (même observation).
Budgets primitifs et additionnels des communes de plein exercice (1938-1942) 1T 253-
58 (idem).
Questions de détournements et enquêtes effectuées par l'inspection administrative
(1929-1937) 1T 60-58 (fautes de fonctionnaires à Dakar, grève du Dakar-Niger, enquête sur le
Garage Central du Gouvernement Général).
Conseils d'enquête sur les détournements effectués par des comptables financiers
(1930-1940) 1T 70-58 (affaires Martial Aké, Garage Central, Hasselmann, Gaziello).
Instances diverses se rapportant aux questions budgétaires, fiscales et communales du
territoire du Sénégal (1933-1948) 1T 161-58.

380
Comptes administratifs des communes et communes-mixtes du Sénégal (1928-1930)
1T 585-119 (Rufisque: 1928).
Programme divers de développement économique et social de l'A.O.F. sur budget
F.I.D.E.S. (1946-1950) IT 412-71.
6. Conseils et assemblées
Conseil Privé de la Circonscription de Dakar et Dépendances (1939-1943): principes et
textes 3E 1-14.
Conseil Privé du Sénégal (1939-1945): réglementation et principes 3E 2-14.
Conseil d'Administration et Conseil Privé du Sénégal (1928-1946): extraits des
délibérations 3E 23 à 46-135. Celles-ci renferment un résumé des comptes administratifs des
recettes et dépenses des budgets communaux (lacunes).
Modifications diverses au Conseil Colonial (1927-1942) 4E 4-14.
Organisation et questions diverses au Conseil Colonial (1927-1943) 4E 5 et 6-14.
Projet de création d'un Conseil Général au Sénégal (1946) 4E 9-14.
Délibérations du Conseil Général du Sénégal (1946-1952) 4E 10-111.
Procès-verbaux, avis et délibérations de l'Assemblée Territoriale du Sénégal (1957-
1958) 4E 19 à 24-165.
7. Urbanisme
Sur la construction et la salubrité des maisons dans la commune de Rufisque: arrêté et
projet d'arrêté (1942) 4P 152-32.
Au sujet de l'alimentation en eau douce (1923-1930) et du plan d'urbanisme de
Rufisque (1940-1941) 4P 408-32.
Assainissement de Rufisque et de ses environs (1932) 4P 470-32.

381
Villes et centres urbains du Sénégal: assainissement (1929-1930) 4P 666-132.
Rufisque: lotissement de Diokoul (1955) 4P 719 2-153.
Travaux d'assainissement urbain et de voirie des différentes localités du territoire:
alimentation en eau douce de Dakar et Rufisque (1923-1930) 4P 452-32.
Luttes contre les épidémies à Dakar, Rufisque et Kaolack (1931) 4P 335-32.
Alimentation en eau de la ville de Rufisque: installations électriques (1927-1928 7P
113-36), extension des captages de Sangalkam (1925-1943 7P 162-36), amélioration de la
distribution d'eau dans la vile et les vinages du faubourg (1928-1935 7P 168-36).
Assainissement des vinages de Mérina et Tiawlen (1931-1939) 7P 348-39.
8. Santé
Peste: épidémies, rapports, documentation, correspondance (1914-1955) IH 198-163.
Démographie (1933-1958) lH 210-163.
Hygiène: textes (1938-1958) IH 212-163.
Fièvre jaune: rapports, documentation (1939-1954) IH 192-163.
Police sanitaire (1946-1958): dératisation, désinsectisation.
D. Archives de la Mairie de Dakar
Extraits des délibérations du conseil municipal (1E 25 et 26)
* séance du 5 novembre 1960 (commune de Rufisque)
* séance du 7 mars 1964

382
II. Sources imprimées
A. Travaux et ouvrages anciens
Ont été considérées comme sources IOIIS les ouvrages antérieurs à 1939.
ACAR M, 1923, "Evolution de la peste au Sénégal", Bulletin de la Société de Pathologie
exotique, vol. 16, n ? 5, pp. 372-378.
ANFREVILLE DE LA SALLE Dr d', 1909, Notre vieux Sénégal. Son histoire, son état
actuel, ce qu'il peut devenir. Paris, Challarnel, 299 p.
ANFREVILLE DE LA SALLE Dr d', 1912, Sur la côte d'Afrique. Villes, brousses, fleuves et
problèmes de l'ouest africain. Paris, Larose, 323 p.
BOUVIER Pierre, 1907, La municipalisation des services publics devant la loi et la
jurisprudencefrançaises. Lyon, 61 p.
CARTRON, 1929, "Note sur l'épidémie de peste de l'année 1928 au Sénégal", Annales de
Médecine et de Pharmacie coloniales, n° 27, pp 33-43.
CAZANOVE F, 1929, "Notes épidémiologiques sur l'épidémie de fièvre jaune du Sénégal de
1927", Blliletin de la Société de Pathologie exotique, vol. 22, n ? 4, pp. 260-272.
CAZANOVE F, 1929, "La peste au Sénégal", Annales de Médecine et de Pharmacie
coloniales, n ? 27, pp. 20-33.
COSNIER Henri, 1921, L'Ouest africain français. Paris, Larose, 253 p.
CULTRU Pierre, 1910, Les origines de l'Afrique occidentale. Histoire du Sénégal du XVème
siècle à 1870. Paris, Larose, 376 p.
D'OXOBY Daramy Jean, 1925, Le Sénégal en 1925. Paris, imprimerie de Vaugirard, 128 p. +
annexes.
DELAFOSSE Maurice, 1931, Afrique Occidentale Française, 11": Histoire des colonies
françaises. Paris

383
DUCHENE Albert, 1928, Histoire desfinances coloniales de la France. Paris.
FAURE Claude, 1914, Histoire d la presqu'Île du Cap-Vert et des origines de Dakar. Paris,
Editions Larose, 165 p.
FULCONIS, 1931, "La peste au Sénégal en 1929", Annales de Médecine et de Pharmacie
coloniales, n 0 29, pp. 286-3 Il.
GIRAUD G., 1933, "Cas de peste pulmonaire primitive à Rufisque en 1932", Bulletin de la
société de Pathologie exotique, vol. 26, n " 1, pp. 99-103.
GRESLE 1. P., 1919, Essai de politique indigène. Paris.
GUEYE Lamine, 1922, De la situation politique des Sénégalais originaires des communes de
plein exercice telle qu'elle résulte des lois du 19 octobre 1915, 29 septembre 1916 et de la
jurisprudence antérieure. Thèse de doctorat en droit, Université de Paris. Paris, La Vie
Universitaire, 105 p.
GUIRAUD Xavier, 1937, L'arachide sénégalaise. Paris, Librairie Technique et Economique,
296 p.
LEGER Marcel, 1926, "La peste au Sénégal de 1914 à 1924", Annales de Médecine et de
Pharmacie coloniales, vol. 24, n " 2, pp. 273-318.
MARQUE, 193 l , "La peste dans la Circonscription de Dakar et Dépendances en 1929",
Annales de Médecine et de Pharmacie coloniales, n " 29, pp. 311-317.
MILHAUD, 1906, Les services industriels de la ville de Genève. Rapport présenté au Congrès
de l'association protestante pour l'étude pratique des questions sociales.
MILLE Pierre, 1901, "The Black Vote", Journal of the African Society. Londres.
REVEL Georges, 1928, L'extension de la compétence des communes en matière économique.
Thèse de doctorat en droit, Université de Lille. Paris, imprimerie Taffin-Lefort, 222 p.
SARRAUT Albert, 1923, La mise en valeur des colonies françaises. Paris, Payot, 675 p.

384
SELLIER Henri, ]934, Le socialisme et l'action municipale. Paris, La Vie Communale, 34 p.
iSTEHELIN Louis, 1901, Essais de socialisme municipal. Thèse pour le doctorat en droit,
Université de Paris. Paris, Larose, 272 p.
VEBER Adrien, 1908, Le socialisme municipal. Paris, V. Giard et E. Brière, 62 p.
B. Presse
On se reportera utilement à:
BOULEGUE Marguerite, ]965, "La presse au Sénégal avant 1939", BIFAN, vol. 27 n 0 3-4,
pp. 715-754.
PASQUIER Roger, 1962, "Les débuts de la presse au Sénégal", Cahiers d'Etudes Africaines,
vol. 2 n 0 7, pp. 477-490.
THOMAS SERY Marguerite, 1965, Catalogue des périodiques d'Afrique noire francophone
(1958-1962) conservés à l'IFAN. Dakar.
1. Presse locale
a. Rufisquoise
L'Echo de Rufisque, journal indépendant défendant les intérêts de Rufisque et de
l'Ouest Africain, n 0 1 paru le 21 avril 1932. Premier journal rufisquois. Directeur politique:
Galandou Diouf, directeur rédacteur en chef: Nicolas Huchard. Hebdomadaire anti-diagniste,
rue Lebon. (B.N.:Fol JO 95438). Comité de rédaction: Galandou Diouf, Nicolas Huchard,
Judy Mathurin, Marcel Vivandier.
La Résistance, journal de doctrine, d'information politique et culturelle. Semble avoir
paru pour la première fois en 1953. Directeur: Bounama Ndiaye Betty, transfuge du Phare.
Feuille à parution irrégulière, anti-mauriciste; le seul numéro que j'ai pu consulter datait de mai
1955 (n 0 5), rue Gambetta, Keury Kow.

385
La Vérité, organe créé pour la défense des intérêts genéraux de l'Afrique. Son premier
numéro parait en juillet 1947 (anti-mauriciste). Directeur: Baba Gueye, imprimeur, Keury Souf
(RN.: 4° JO 6436, A.N.S.O.M. P.O.M. 163B). Comité de rédaction: Baba Gueye, Petit Kane,
Doudou Diop, Louis Charles Lamotte.
La Voix de Rufisque, organe de défense des intérêts communaux. Premier numéro le
1er octobre 1952 (bimensuel). Directeur politique: Maurice Gueye (ROS), directeur de
publication: Libasse Cissé, Boulevard Vincent Auriol angle rue Fajon (RN.: Fol JO 7557,
A.N.S.O.M. P.O.M. 169). Comité de rédaction: Maurice Gueye, Libasse Cissé, Babacar Diop
Salif, Mamadou Sadji, Ousseynou Niang, Balley Ndour, Wassour Sène, Mbaye Jacques Diop,
Amadou Lamine Diakhaté.
Le Phare du Sénégal, journal de défense des intérêts généraux dn Territoire.
Bimensuel qui paraît le 15 juillet 1952. Directeur politique: Ousmane Socé Diop (S.F.I.O),
,directeur de publication: Mamadou Wade, Guendel (A.N.S.O.M. P.O.M. 182). Comité de
rédaction: Ousmane Socé Diop, Mamadou Wade, Maguette Sarr Birama, Samba Tally, Louis
Lamotte, Bounama Ndiaye Betty.
Le Progressiste, organe du Bloc Progressiste Rufisquois. Directeur: Thianar Ndoye.
Un seul numéro paraît le 15 février 1953, Nguendel. (RN.: Fol JO 7759). Comité de
rédaction: Thianar Ndoye, Dame Cissé, Babacar Ndiaye, Amadou Gabin Gueye.
b. Autre presse locale
L'Echo de Dakar, n ° 1 février 1932. Journal indépendant d'informations politiques,
économiques, culturelles et sportives. Bimensuel, 7, av. Albert Sarraut. Directeur: Charles
Choukroun (RN.: Fol JO 95433).
L'Ouest Africain Français, organe de défense des intérêts politiques et économiques
(1924-1932), directeur: Jean Daramy d'Oxoby, Dakar (RN.: Fol JO 15643-44).
La Démocratie Sénégalaise journal hebdomadaire du radicalisme. Premier numéro le
21 mai 1932, directeur: Amadou Lamine Kamara, rue Saint-Jean, Saint-Louis (RN.: Fol JO
95426).
Le Sénégal, organe du parti de Galandou Diouf (1934-1940) (RN.: Fol JO 21217).

386
Le Stégomya, journal satmque anti-diagniste. Périodicité irrégulière (1928- J 932);
directeur: Louis Girard, agent d'affaires, rue Blanchot, Dakar (8. N.: Fol JO 95488)
Paris-Dakar, quotidien d'informations illustrées (8 février J933-1959), directeur:
Charles de Breteuil, Dakar (8.N.: Fol JO 95473).
Ces journaux locaux sont disponibles aux Archives Nationales d'Outre-Mer (Aix-en-Provence),
à la Bibliothèque Nationale de Paris et partiellement aux Archives Nationales du Sénégal et à
l'IF AN (Université Cheikh Anta DIOP de Dakar).
2. Presse métropolitaine
J'ai procédé à une série de sondages dans les journaux suivants:
La Dépêche Coloniale
La Feuille du Jour Coloniale
La Journée Industrielle
La Presse Coloniale
La Torche Financière
Le Temps
Ces journaux métropolitains étaient spécialisés dans les questions et débats économiques. Ils
sont consultables à la Bibliothèque Nationale de Paris, annexes Versailles.
C. Bulletins
l. Annuaires Statistiques de l'A.O.F. (1933-1957), A.O.F., Service de Statistique
Générale, Dakar, Imprimerie de la Mission, 1936. Périodicité irrégulière. RN.: 4° Le 32-139.
Disponible aussi à la Bibliothèque de l'Ll.C.A. D.

387
2. Bulletins de la Chambre de Commerce de Rufisque (1924-1937) B.N.: JO 28154
L'assemblée consulaire de Rufisque a été instituée par arrêté du 9 janvier 1883. Elle
était domiciliée rue Gambetta. Suite au déclin de l'activité économique de la ville, un arrêté
général daté du 7 juillet 1937 transférait son siège à Thiès (Chambre de Commerce du Cayor~.
Baol). Saver fut son premier président.
Bulletins n 0 22 bis et 28 juillet 1924: la chambre se prononce pour la
suppression de l'octroi municipal,
Bulletin n 0 34 du 2 juin 1925: l'assemblée ne semble pas favorable à l'entrée des
femmes. Un arrêté général du 16 août 1923 rendait les femmes éligibles comme membre
titulaire ou suppléant. Dans mes recherches, je ne suis pas tombé sur un cas féminin.
Bulletins n 0 36 de décembre 1925, 43 de décembre 1926, 44 de janvier 1927 et
49 de mai 1927.
3. Bulletin de l'Inspection Générale (le l'Enseignement et de III Jeunesse du
ministère de la F:O.M.( 1954).
D. Comptes Définitifs des recettes et dépenses
Les cotes ci-dessous sont celles de la Bibliothèque Nationale de Paris. Les documents sont
également disponibles aux ANS et à la Bibliothèque Universitaire de l'U.C.AD. (Dakar).
Comptes définitifs des recettes et dépenses du budget général et des budgets annexes (1930-
1957). Fol. Lk 19-398.
Comptes définitifs des recettes et dépenses du budget spécial des grands travaux et dépenses
sanitaires sur Fonds d'Emprunt (1931-1946). Fol. Lk 19-684.
Comptes définitifs des recettes et dépenses du budget de la colonie du Sénégal (1930-1957).
Fol. Lk 19-441
Comptes définitifs des recettes et dépenses de la Circonscription de Dakar et Dépendances
(1938-1946). Fol. Lk 19-453 bis.

Plan de développement économique et social. Compte administratif d'emploi des programmes
exécutés du 1er juillet 1947 au 30 juin 1955, 144 p. Fol. Lk 19-894.
L'équipement de l'AO.F. Aperçu des réalisations du F.I.D.E.S. au 1er juillet 1950.40 Lk 11-
1657.
Comptes définitifs du budget spécial d'exécution des plans d'équipement et de développement
(1946-1950). Fol. Lk 19-829.
Ao.F. Etudes et coordination statistiques et mécanographiques. Recensement démographique
de Dakar, résultats définitifs, 1958, 126 p. 40 Lk 11-1887 (1).
AO.F. Textes portant création et organisation des chambres de commerce et des chambres
d'agriculture et d'industrie en AO.F., 1930, 32 p. 80 03. Pièce 224.
AO.F. Loi municipale du 18 novembre 1955 relative à la réorganisation municipale en AO.F.,
en AE.F., Togo, Cameroun et Madagascar. 80 03 W. Pièce 78.
E. Journaux Officiels
de la colonie du Sénégal (RN.: Fol Le 12 348), de l'AO.F. (RN.: Fol Le 12 341) et de la
République Française (RN.: Fol Le 12 3190) (1924-1957), notamment les numéros indiquant
les diverses modifications de la législation municipale en matière de régime financier, de statut
du personnel, d'attributions, etc.
F. S.A.E.F. Service des Archives Economiques et Financières, ministère de l'Economie et
du Budget
Les documents consultés renseignent sur les relations financières de la Métropole avec
l'Outre-Mer depuis la fin du XIXème (Emprunts, F.I.D.E.S., F.A.C. ...), l'organisation et la
réglementation de la comptabilité des colonies. Tous ces investissements sont rapportés par
groupe de territoires (AO.F., AE.F., Algérie, Indochine, Nouvelle-Calédonie, etc.). Il n'est
pas possible d'y suivre la trace des communes. Certains chapitres (enseignement) fournissent
des informations détaillées par territoire. La longueur de la procédure pour accéder à certaines
sources soumises à dérogation est un relatif handicap.

389
Bilan du Plan 1947-] 952, Commissariat Général au Plan B 33532 et 33533.
T.G.M., Deuxième Plan Quadriennal (1943-1957), projet de loi des programmes,
programme de financement B 33535-6.
Emprunts coloniaux (1896-1956) B 9215 à 9217.

390,
. BffiLIOGRAPHIE
A. Travaux d'intérêt théorique et méthodologique
B. Généralités sur le Sénégal
C. Histoire des villes afiicaines et de Rufisque
D. Santé et démographie
E Economie urbaine
F. Pouvoir local: institutions et finances
G. Municipalité et politique
H. Urbanisme et aménagement
I. Histoire et mémoire

; 391
BmLIOGRAPHIE
A. Travaux d'intérêt théorique et méthodologique
AGULHON Maurice, 1990, La République de 1800 à nos jours. Paris, Hachette, (Histoire de
France, tome 5).
BALANDIER Georges, 1962, "Les mythes politiques de la colonisation et de décolonisation
en Afrique", Cahiers Internationaux de Sociologie, XXXIII.
BALANDIER Georges,
1985, Sociologie des Brazzavilles noires. Paris, Presses de la
Fondation des Sciences Politiques, 2ème éd. rev. et augm., 306 p.
BERSTEIN Serge et Gisèle, 1987, La Troisième République, les noms, les thèmes, les lieux.
Paris.
BETTS Raymond F., 1961, Assimilation and Association in French Colonial Theory, 1890-
1914. New York.
BOUVIER
Jean,
1985, Initiation
au
vocabulaire
et aux
mécanismes économiques
contemporains (XIXème-XXème siècles). Paris, S.E.D.E.S., 382 p.
BRUNET Jean-Paul, 1981, Un demi-siècle d'action municipale à Saint-Denis la Rouge
(1880-1939). Paris, Editions Cujas, 252 p.
BRUNSCHW1G Henri, 1960, Mythes et réalités de l'impérialisme colonial français (1871-
1814). Paris, 200 p.
BRUNSCHWIG Henri, 1982, Noirs et Blancs dans l'Afrique noire française ou comment le
colonisé devient le colonisateur (1870-1914). Paris, Flammarion, 245 p.
CERTEAU Michel de, 1990, L'invention du quotidien: 1. Arts de faire. Paris, Gallimard, 350
p.
!'J

:.392
CHAPSAL Jacques, LANCELOT Henri, 1966, La vie politique en France depuis 1940. Paris,
PU.F., 670 p.
COQUERY-VIDROVlTCH Catherine, 1993, Afrique Noire. Permanences et ruptures. Paris,
L'Harmattan, 2ème édit. révisée (1ère édit., Payot, 1985), 500 p.
COQUERY-VIDROVlTCH Catherine, MONIOT Henri, 1992, L'Afrique Noire de 1800 à nos
jours. Paris, P.u.F., 3ème édit. mise à jour, 499 p.
CROWDER Michael, 1968, Senegal: A Study ofFrench Assimilation Policy. London, Oxford
University Press, 151 p. (1ère édit. 1962).
CROZIER Michel,
1963, Le Phénomène Bureaucratique.
Essais sur les tendances
bureaucratiques des systèmes d'or~anisation modernes et sur leurs relations en France avec
le système social et culturel. Paris, Editions du Seuil, 383 p.
CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhard, 1977, L'acteur et le système. Paris, Editions du
Seuil, 500 p.
DEBRE Michel, 1947, La mort de l'Etat républicain. Paris, Gallimard.
DESCHAMPS Hubert, 1953, Méthodes et doctrines coloniales de la France. Paris.
DUBY Georges, 1981-1985, Histoire de la France urbaine. Paris, Editions du Seuil, tomes 3
et 4.
DULUCQ Sophie, GOERG Odile (dirs.), 1992, Les investissements publics dans les villes
africaines (1930-1985). Habitat et transports. Paris, L'Harmattan, 222 p.
ELA Jean-Marc, 1983, La ville en Afrique Noire. Paris, Karthala, 219 p.
GREMION Pierre, 1976, Le pouvoir périphérique. Bureaucrates et notables dans le système
politique français. Paris, Editions du Seuil, 478 p.
JON Jacques, 1980, "La commune entre l'Etat et le quartier", Espace et Société, n? 34-35, pp.
83-96.

·.. J9~
MARTIN Denis-Constant, 1991, "Les cultures politiques" pp. 157-171 in COULON Christian,
MARTIN Denis-Constant (dirs.), Les Afriques politiques. Paris, La Découverte, 296 p.
MEILLASSOUX Claude, 1977, Terrains et théories. Paris, Anthropos, 344 p.
SUIŒT-CANALE Jean, 1964 et 1972,' Afrique noire occidentale et centrale. II: L'ère
coloniale (1900-1945), III: De la colonisation aux indépendances. Paris, Editions Sociales,
637 et 430 p.
TOCQUEVILLE Alexis de, 1951, De la démocratie en Amérique. Paris, Gallimard, 2 tomes:
466 et 398 p.
TOCQUEVILLE Alexis de, 1952, L'Ancien Régime et la Révolution. Paris, Gallimard, tome 1.
B. Généralités sur le Sénégal
ALMEIDA-TOPOR Hélène. (d'), LAKROUM Monique., 1994, L'Europe et l'Afrique. Un
siècle d'échanges économiques. Paris, A. Colin.
ANGRAND Armand-Pierre, 1946, Les Lébous de la presqu'île du Cap-Vert. Dakar.
BECKER Charles, MARTIN Victor,
1975, Décrets, arrêtés et décisions concernant
l'organisation administrative du Sénégal (1887-1960). Kaolack, 51 p.
BERNARD-DUQUENET Nicole,
1985, Le Sénégal sous le Front Populaire. Paris,
L'Harmattan, 249 p.
CHAILLEY Marcel, 1968, Histoire de l'Afrique Occidentale Française (1639-1959), Paris.
CROWDER Michael, 1968, West Africa Under Colonial Rule. London, Hutchinson, 540 p.
DELAVIGNETTE Robert, JULIEN Charles-André, 1946, Les constructeurs de .la France
d'Outre-Mer. Paris.
FOLTZ William 1., 1965, From French West Africa to the Mali Federation. New Haven.

'394
HARGREA VES John D., 1963, Prelude to the Partition of West Africa. London.
HARGREA VES John D., 1965, "Assimilation in Eighteenth-Century Senegal", Journal of
African History, vol. VI, n° 2, pp. 1·77-184.
IDOWU Oludare H, 1968, "Assimilation in 19th-Century Senegal", Bulletin de l'IFAN, série
B, tome XXX, n ? 4, pp. 1422-1447. Voir aussi dans Cahiers d'Etudes Africaines, 1969, vol.
IX, n 0 34, pp. 194-218.
JORE Léonce, 1965, "Les établissements français sur la côte occidentale d'Afrique de 1758 à
]809", Revue Française d'Histoire d'Outre-Mer, tome LI, n? 182-185, pp. 9-252 et 255-476.
JULY Robert W., 1968, The Origins of Modem African Thought. Its Development in West
Africa during the Nineteenth and Twentieth-Centuries. London, Faber and Faber, 512 p.
MAZRUI Ali, ROTBERG, 1970,' Protest and Power in Black Africa. London, Oxford
University Press, 1274 p.
O'BRIEN Rita Cruise, 1972, White Society in Black Africa. The French of Senegal. London,
Faber and Faber, 320 p.
PASQUIER Roger, 1960, "Villes du Sénégal au XIXème siècle", Revue Française d'Histoire
d'Outre-Mer, tome XLVII, 3ème et 4ème trimestres, pp. 387-426.
PASQUIER Roger, 1987, Le Sénégal au milieu du XIXème siècle. La crise économique et
sociale. Thèse d'Etat, Université de Paris IV-Sorbonne, 2397 p.
PERSON Yves, 1979, "Le Front Populaire au Sénégal (mai 1936-octobre 1938)" Le
Mouvement Social, n ? 107, avril-juin, pp. 77-101.
PHAN Jean-Pierre, 1974, Le Front Populaire au Sénégal (1936-1938). Mémoire de maîtrise,
Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
SCHACHTER-MORGENTHAU Ruth, 1964, Political Parties in French-Speaking West
Africa. London, Oxford University Press. Edition française, Dakar, Nouvelles Editions
Africaines.

" 395 .
THIAM Iba Der, 1972, La grève des cheminots du Sénégal de septembre 1938. Mémoire de
maîtrise, Université de Dakar, 272 p.
THIAM Iba Der, 1983, L'évolution politique et syndicale du Sénégal colonial (1840-1939).
Thèse d'Etat, Université de Paris 1'Panthéon-Sorbonne, 3977 p, tomes 6 et 7.
TRAORE Bakary, LO Mamadou, ALillERT Jean-Louis, 1966, Forces politiques en Afrique
Noire. Paris, P.U.F., 312 p.
VILLARD André, 1943, Histoire du Sénégal. Dakar, Maurice Viale, 265 p.
ZUCCARELLI François, 1970, Un parti politique africain, l'U'PtS. Paris, Librairie Générale
de Droit et de Jurisprudence, 403 p.
C. Histoire des villes africaines et de Rufisque
Cette bibliographie sélective est fortement empreinte du "biais" francophone,
vu la
documentation en langue anglaise dont j'ai pu disposer (Centre de Documentation et de
Recherches du Laboratoire Tiers-Mondes, Afrique, Université de Paris VII; Centre d'Etudes
Africaines de l'E.H.E.s.s. et dans une moindre mesure B.D.I.C. de l'Université Paris X et
Documentation Française). Je renvoie à l'important corpus (850 références en majorité
anglo-saxonnes et anglophones) présenté par Catherine COQUERY-VIDROVITCH à la
32ème rencontre annuelle de l'Afiican Studies Association, Atlanta, 2-4 novembre 1989:
"Process of Urbanization in Afiica (from the Origins to the Beginnings of Independence)".
Paru dans African Studies Review, vol. 34, n " 1, pp. 1-98.
Je m'en suis largement inspiré pour mes lectures.
ANIGNIKIN Sylvain et Marthe, 1986, Etude sur l'évolution historique sociale et spatiale de la
ville d'Abomey. Projet Plans d'urbanisme en République populaire du Bénin. Ministère de
l'Equipement et des Transports.
BAH Thierno Mouctar, 1985, Architecture militaire traditionnelle et poliorcétique dans le
Soudan occidental, du XVIlème à lafin du XIXème siècle. Paris, A.C.C.T.

396
BRICKER Gary, TRAORE Soumana, 1979, "Transitional Urbanization in Upper Volta: The
Case of Ouagadougou, a Savannah Capital" in OBUDHO Robert, EL-SHAKHS Salah (eds.),
Development of Urban Systems in Africa. New-York, Praeger, pp. 177-195.
BROWN James W., 1978, "Kumasi 1896-1923: Urban Africa during the Early Colonial
Period", African Urban Studies, n ? l, pp. 57-66.
CAREN Michel, 1989, Bourgs et villes en Afrique lusophone. Paris, L'Harmattan.
CAMARA Camille, 1968, Saint-Louis du Sénégal. Evolution d'une ville en milieu africain.
Dakar, IFAN, 292 p. + fig., photogr. et carte.
CHARPY Jacques, 1958, Lafondation de Dakar (1845-1857-1869). Paris, Larose, 596 p.
COMHAIRE Jean, 1971, "Lubumbashi et Nairobi. Etude comparée de leur évolution", Revue
Française d'Etudes Politiques Africaines, n 0 61, pp. 54-72.
COQUERY-VIDROVITCH Catherine (dirs.), 1983, "Histoire des villes et des sociétés
urbaines. 2. Les villes coloniales", Cahiers Groupe Afrique Noire n 0 6. Paris, L'Harmattan.
COQUERY-VIDROVITCH Catherine (dirs.), 1988, Processus d'urbanisation en Afrique.
Paris, L'Harmattan, 2 vol. 135 et 169 p.
COQUERY-VIDROVITCH Catherine, 1988, "Villes coloniales et histoire des Africains",
Vingtième siècle, Revue d'Histoire, n ? 20, pp. 47-68.
COQUERY-VIDROVITCH Catherine, 1993, Histoire des villes en Afrique: des origines à la
veille de la colonisation. Paris, Armand Colin.
DAVID Philippe, 1978, "Paysages dakarois de l'époque coloniale", Environnement Africain, n
024.
DIOUF Mamadou, 1976, Rufisque: des villages lébous à la ville européenne. Mémoire de
maîtrise, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 1J96p + annexes.
DRESCH Jean, 1979, "Villes congolaises", Un géographe au déclin des Empires, Hérodote,
pp. 233-256.

397'~
~"
1.;
,
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411
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NORA Pierre (dir.), 1984 et 1986, Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 3 vol.

"'.412
LISTE DES TABLEAUX
1. Population des Quatre Communes en 1921.
23
2. Population des Quatre Communes en 1921 (en %).
23
3. Population européenne à Rufisque et Dakar (1921-1961).
23
4. Evolution quinquennale de 'la population de Rufisque et de la Circonscription de
Dakar et Dépendances (1921-1961).
24
5 Endémo-épidémie de la peste au Sénégal. Part des décès en % (1925-1934).28
6 Vaccinations ami-pesteuses à Rufisque (1925-1932).
28
7. Exportations des. arachides par les ports de Dakar, Rufisque et Kaolack (1924-1933)
(en tonnes et en %).
36
8. Marchandises embarquées ~t débarquées à Rufisque et Dakar (1928-1932) (en kg).
36
9. Mouvements des navires à Rufisque et Dakar (1928-1932).
36
10. Situation démographique à Rufisque, la morbidité (1925-1936).
28
: ;
11. Recettes et dépenses de la.commune de Rufisque (1924-1953) (en francs courants
et constants et en %).
'
86
12. Recouvrements des impôts sur le territoire de la Délégation de Rufisque (1924-1953)
(en francs courants et constants et en %).
175
13. Evolution comparée des ristournes sur impôts directs et des contributions obligatoires
à Rufisque (1926-1937) (en francs courants et constants et en %).
176
14. Restes à recouvrer des communes de Rufisque et Dakar (1945-1953) (en francs CFA). 197
15 Evolution comparée de l'impôt personnel (1924-1946) et du minimum fiscal (1947-1954)
à Rufisque (en francs courants et constants).
92
16. Recouvrements du produit de l'impôt personnel à Rufisque (1924-1946)
(en francs courants et constants)
94
17. Recouvrements de l'impôt foncier et centimes additionnels perçus à Rufisque
(1924-1954) (en francs constants et en %)
98
18. Recouvrements des patentes à Rufisque et quote-part ristournée à la commune
(1924-1953) (en francs constants et en % des recettes totales communales par année)
97

19. Recouvrements des taxes fiscales à Rufisque (1924-1954) (en francs courants et
c o n s t a n t s ) '
100
20. Recettes d'octroi à Rufisque (1926-1941) (en francs constants et en %).
87
21. Avances et subventions di: budget local du Sénégal à la commune de Rufisque
(1930-1955) (en francs courants).
287
22. Evolution de trois sources de recettes municipales à Rufisque (1924-1945)
(en francs courants et constants et en %).
107
23. Evolution de quelques taxes municipales à Rufisque (1927-1944) (en francs courants). 102
24. Eclairage de la commune de Rufisque (}922-1932) (en francs constants).
63
25. Alimentation en eau de la commune de Rufisque (1926-1943) (en francs constants).
63
26. Dépenses ordinaires de la commune de Saint-Denis (1930- 1937) (en %).
172
27. Recettes ordinaires de la commune de Saint-Denis (1930-1937). Part des
centimes additionnels pour in~uffisance de revenus (en %).
172
.
28. Evolution de la charge fiscale par habitant à Rufisque (1921-1951)
(en francs constants).
240
29. Contribution obligatoire de la commune de Rufisque aux dépenses de voirie
(1929-1946) (en francs courants et constants et en %).
196
30. Contribution obligatoire de la commune de Rufisque aux dépenses de police
(1926-1946) (en francs courants et constants et en %).
196
31. Contribution obligatoire de la commune de Rufisque aux dépenses d'instruction
(1926-1941) (en francs courants et constants et en %).
196
~
32. Dépenses de personnel dela commune de Rufisque (1926-1940) (en francs courants
et constants et en %).
240
33. Dépenses municipales d'as sistance à Rufisque (1924-1945) (en francs constants
et en %).
229
34. Passif de la commune de Rufisque vis-à-vis du secteur public (1946-1964) (en francs
CFA courants).
Annexes
35. Dépenses d'administration générale (1926-1934) (en francs courants et en %).
232
.~

~----. ".
,._---
414 i
36. Dépenses de fonctionnement de l'administration générale (1926-1934) (en francs
courants et en %).
233
37. Frais de bureaux municipaux (1926-1934) (en francs courants et en %).
233
38. Dépenses du personnel d'hygiène (1926-1930) (en francs courants).
222
39. Dépenses de matériel d'hygiène (1926-1930) (en francs courants).
222
40. Dépenses facultatives de personnel de nettoiement (1926-1929) (en francs courants). 221
41. Dépenses facultatives de n:atériel de nettoiement (1926-1929) (en francs courants).
221
42. Dépenses ordinaires diverses (1926-1936) (en francs courants).
221
43. Dépenses de personnel des travaux communaux (1926-1929) (en francs courants).
226
44. Dépenses de matériel des travaux communaux (1926-1929) (en francs courants).
226
45. Taxes proprement municipales et dépenses de personnel à Rufisque (1927-1937)
(en francs constants et en %).
240 bis
46. Dépenses obligatoires de police et de voirie de la commune de Dakar (1924-1927).
237
47. Dépenses d'assistance de ~ommunes métropolitaines (1923-1925) (en %).
197
48. Dépenses obligatoires d'instruction des communes de Rufisque et Saint-Louis
et de communes métropolitaines (1930-1931-1936-1937) (en %).
197
f.
49. Dépenses obligatoires de police de la commune de Rufisque et de
communes métropolitaines (1930-1931-1936-1937) (en %).
197
50. Octroi de mer. Répartition entre les communes (1934).
162
51. Commune de Rufisque. Liste des marchandises et denrées exonérées des droits
d'octroi.
164
52. Droits d'octroi perçus par les communes de plein exercice et les communes-mixtes
(1928).
169
53. Taxes municipales dans la commune de Rufisque et dans quelques
communes métropolitaines (l~27-1937) (en %).
180
54. Taxes municipales de la commune de Rufisque (1951-1953) (en francs courants).
294
55. Dépenses de personnel de la commune de Rufisque (1951-1953) (en francs courants).
302
56. Dépenses de matériel de la commune de Rufisque (1951-1953) (en francs courants).
302

'-;-1
415
.',.
57. Les investissements publics urbains sur financement externe. Le Fonds d'Emprunt
(193 1-1946) (en francs courants et constants et en %).
259
58. Les investissements publics urbains sur financement externe. Les interventions
du FIDES à Rufisque (1947-~955) (en francs CFA courants).
327
59. Les investissements publics urbains à Rufisque sur financement interne (1930-1957)
(en francs courants et constants et en %).
Annexes
60. Les investissements publics urbains à Rufisque par source de financement interne
(1930-1957) (en francs courants et constants et en %).
262
61. Part du budget général dans les investissements publics urbains à Rufisque (1930-1957)
(en francs courants et constants et en %).
263
62. Part du budget de la colonie du Sénégal dans les investissements publics urbains à
Rufisque (1930-1937 et 1946) (en francs courants et constants et en %).
263
63. Part du budget de la Circonscription de Dakar et Dépendances dans les investissements
publics urbains à Rufisque (1938-1946) (en francs courants et constants et en %).
263
!
64. Destination des investissements urbains sur financement interne à Rufisque
(1930-1946) (en francs constants et en %).
275
65. Type d'investissements urbains sur financement interne à Rufisque (1930-1946)
(en francs constants et en %).
275
66. Destination des investissements urbains à Rufisque par source de financement
interne (1930-1946) (en francs constants et en %).
.
269
67. Nature des investissements urbains sur financement interne à Rufisque (1930-1946)
(en francs constants et en %),
273

LISTE DES GRAPHIQUES
1. Evolution de la populaticn de Rufisque et de la Circonscription de Dakar
(1921-1961).
42
2. Exportations d'arachides par les ports de Dakar-Rufisque-Kaolack (1924-1933)
(en tonnes).
38
3. Exportations d'arachides par les ports de Dakar-Rufisque-Kaolack (1924-1933)
(en tonnes).
39
4. Recettes et dépenses de la commune de Rufisque (1924-1953) (en francs constants).
66

5. Recouvrements des impôts à Rufisque (1924-1953) (en %).
Annexes
6. Recouvrements de l'impôt personnel à Rufisque (1924-1946) (en francs constants).
95
7. Recouvrements des taxes fiscales à Rufisque (1924-1954) (en francs constants).
101
8. Evolution de trois sources de recettes municipales à Rufisque (1924-1945) (en %).
106
9. Evolution de quelques taxes municipales à Rufisque (1924-1944) (en francs constants). 103
10. Dépenses de personnel dela commune de Rufisque (1926-1940) (en francs constants).239
!
Il. Dépenses de personnel de la commune de Rufisque (1926-1940).
53
12. Recettes d'octroi à Rufisque (1924-1941) (en %).
165
13. Ristournes sur impôts directs et contributions obligatoires (1926-1937)
(en francs constants).
Annexes
14. Ristournes sur impôts clire,cts et contributions obligatoires (1926-1937) (en %).
195
15. Dépenses ordinaires dive~:~es (1926-1936) (en%).
249
16. Le Fonds d'Emprunt à Rufisque (1931-1946) (en %).
259
17. Contribution obligatoire aux dépenses de voirie (1929-1946) (en %).
189
18. Contribution obligatoire aux dépenses de police (1926-1946) (en %).
199
19. Contribution obligatoire a~x dépenses d'instruction (1926-1941) (en %).
191
20. Dépenses d'administration générale (1926-1934 ) (en francs constants).
236
21. Dépenses de fonctionnement de l'administration générale (1926-1934) (en %).
243
22. Taxes proprement municipales et dépenses de personnel (1927-1937) (en %).
241
23. Destination des investissements sur financement interne (1930-1946) (en %).
276
-.

417
24. Dépenses obligatoires d'instruction à Rufisque et en Métropole (1930-1937) (en %). 203
25. Dépenses obligatoires de police à Rufisque et en Métropole (1930-1937) (en %).
201
26. Taxes municipales de la commune de Rufisque (1951-1953) (en %).
295
27. Dépenses de personnel de la commune de Rufisque (1951-1953) (en millions
de francs courants).
341
28. Dépenses de matériel de la commune de Rufisque (1951-1953) (en %).
343
29. Type des investissements sur financement interne (1930-1946) (en %).
277

..
-
'418.:
TABLE DES ANNEXES
1. Repères chronologiques
2. Lettre des habitants de Rufisque au ministre dela Marine et des Colonies datée du 9 juin
1878.
3. Décret instituant une municipalité à Rufisque (Sénégal) du 12 juin 1880.
3'. Maires et conseillers municipaux de Rufisque (1880-1964).
4. Quelques présidents de la chambre de commerce de Rufisque (1883-1937).
5. Police, voirie, hygiène: historique réglementaire (1872-1943).
6. Décret du la décembre 1896 mettant les frais de police à la charge des communes du
Sénégal. Arrêté promulguant dans la colonie du Sénégal le décret du 18 décembre 1896
portant fixation des dépenses de l'enseignement primaire à la charge des communes du Sénégal.
7. La commune métropolitaine et les lois d'assistance obligatoire.
8. Inspection dans les communes de plein exercice du Sénégal (1920-1923). Mesures à
prendre, révocations, sanctions.
9. Arrêté instituant une délégation du gouvernement du Sénégal (1927).
10. Administrateurs des colonies; délégués du gouvernement du Sénégal à Rufisque (1927-
1943).
Il. Résumé sur la plainte en détournement formée contre Maurice Gueye, maire de Rufisque.
Rapport du lieutenant Morichère sur des détournements commis par le maire de Rufisque (23
février 1929).
12. Arrêté portant sur le rele~ement des taxes municipales à Rufisque (24 février 1926).
13. Arrêté sur la police municipale de la commune de Rufisque (24 février 1926).
14. Taxes municipales autorisées par la loi Niveaux du 13 août 1926.
15. Effectifs et soldes du personnel municipal (titulaire) de Rufisque (1930) (solde annuelle).
16. Statut des fonctionnaires et employés municipaux en Métropole (1932).
17. Délibération créant au Sénégal et dans la Circonscription de Dakar et Dépendances un
droit d'octroi de mer (23 février 1933).
18. Convention à intervenir entre la commune de Rufisque et le gouvernement général au sujet
de l'octroi éventuel à la c.E.E.O.A. d'une concession pour distribution d'énergie' électrique (25
septembre 1933).
19. Marchés de gré à gré passés par les communes du Sénégal, dépassant le maximum de
3.000 francs prévu par l'arrête du 16 décembre 1874.
20. Lettre du député BI~ise Diagne au ministre des Colonies Albert Sarraut datée du 2 mars
1922.

419
21. Crise de croissance de la ~ille de Rufisque. Correspondance adressée par les habitants de la
commune de Rufisque à Blaise Diagne, député de la colonie, sous-secrétaire d'Etat aux
,
colonies, datée du 12 mars 19'31.
22. Loi du 28 septembre 1942,portant suppression de l'octroi de mer en AÜ.F.
23. Femmes sénégalaises citoyennes, droits de vote et d'éligibilité (1945).
24. Décret du 3 janvier 1946 portant réorganisation des municipalités de Saint-Louis, Dakar et
Rufisque en Aü.F.
25. Tableau des conditions dans lesquelles s'exerce la tutelle dans les communes du Sénégal et
dans les communes métropolitaines.
26. Liste des propriétés communales à Rufisque, mission Cauet (1954).
27. Principales dispositions de la loi métropolitaine du 5 avril 1884.
28. Loi du 18 novembre 1955 relative à laréorganisation municipale en Aü.F., AE.F., Togo,
Cameroun et Madagascar.
,
:.
29. Procès-verbal de l'installation du conseil municipal et de J'élection d'un maire, de quatre
adjoints et d'un maire honoraire à Rufisque (5 novembre 1960).
30. Le régime municipal en A ü.F (1912-1956): lois et décrets, modifications apportées au
texte primitif.
31. Nomenclature des recettes et dépenses de la commune de plein exercice à partir des
modifications de la législationlmétropolitaine en matière financière et fiscale (1924-1957).
32. Notices biographiques.
33. Presse rufisquoise:jeu de mots, jeu de vilains. Chronique de la gestion municipale (1932-
.1
1955).
34.Liste des tableaux et graphiques.
35. Iconographie.
36. Table des matières.

420
POUVOIR CENTRAL ET POUVOIR LOCAL
LA GESTION MUNICIPALE A L'EPREUVE
RUFISQUE, SENEGAL (1924-1964)
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE
1
PREMIERE PARTIE: L'ENGOUEMENT MUNICIPALISTE (1924-1932)
15
CHAPITRE I. RUFISQUE, DEMOGRAPHIE ET ECONOMIE
18
1. DEMOGRAPHIE ET SITUATION SANITAIRE
18 ..
,"
A. Site de la commune
18
B. Des villages à la ville: les poursuites de l'aménagement d'un centre urbain
19
C. Des problèmes inconnus en Métropole: les épidémies répétées
21
1. La population rufisquoise: une connaissance fragmentaire de ses caractères
21
2. Les endémo-épidérnies à Rufisque
25
II. LA BAISSE DES ACTIVITES ECONOMIQUES
31
A. L'organisation du patrimoine communal
31
1. Le réseau decauville
31
2. Le port, un système à l'abandon
. 32
3. La gare, une infrastructure déclassée
33
B. Rufisque et le malaise des années 1930
35
III. LE STATUT MUNICIPAL
44
A. L'organisation de la commune
44
1. Les attributions du maire: une dépendance vis-à-vis de la tutelle
44
2. Les attributions du conseil municipal: la prégnance des actes obligatoires
4S

.---------- ....,
421
B. La marche à pas de fourmi: une application différenciée et limitée du régime
métropolitain
46· .
,.
1. Le maintien de la tradition du XIXème siècle
;47
.:~~_.- ..
2. A propos de quelques différences d'application
48
a. L'insuffisance de la représentation
. 49:
b. Le statut des employés municipaux
:-51
c. Pouvoirs du maire et compétences du conseil municipal
~ 55
.
CHAPITRE D. LA QUERELLE ET LA PERTE DES ATTRIBUTS DE LEGITIMITE:
GESTION MUNICIPALE DES SERVICES PUBLICS ET DESSAISISSEMENT DE LA

COMPETENCE POLITIQUE (1924-1933)
58
1.
SUR L'INTERVENTION COMMUNALE
EN
MATIERE ECONOMIQUE:
UNE
LECTURE DES DISCUSSIONS D'ECOLES EN METROPOLE
58
II. REGIE OU CONCESSION? UNE QUESTION PERMANENTE ET PASSIONNEE DES
DEBATS DU CONSEIL MUNICIPAL DE RUFISQUE
62
A. La distribution d'eau
64 :
B. L'éclairage électrique
67;
.-.- .
C. Habitations à bon marché et pharmacie municipale
69
III. SOUCI SOCIAL OU SOUCI BUDGETAIRE? QUEL RESULTAT ATTEINT?
SIGNIFICATION DE L'ENTREPRISEMUNICIPALIS1E
i70!
IV. LA QUESTION FONDAMENTALE
DES
ATTRIBUTIONS.
DES
PROGRES
APPARENTS AU RECUL: HYGIENE ET SALUBRITE, PETITE VOIRIE ET POLICE
MUNICIPALE
72
V. LE CONSEIL MUNICIPAL: UN CONSEIL ET NON UNE A UTORITE. LE JEU DES
CONFLITS
.83
A. Le dispensaire municipal
183
B. Les travaux communaux
84 :


• .,~. 1
CHAPITRE m. POLITIQUE MUNICIPALE ET COMPORTEMENT DES ACTEURS
(1924-1932)
85
I. LES RECETTES
85
II. MAURICE GUEYE, ROI DANS LA COMMUNE? DES AISES DE POUVOIR A LA
REVOCATION (31 JANVIER 1929)
109
A Regards sur quelques sanctions antérieures dans les communes de plein exercice
(1922-1923 )
109 -
B. L'enquête à la mairie de Rufisque et le rapport d'inspection
113;
-
.
•...-
1. Personnel pléthorique
~ 117 .
'-
.
2. Régies d'eau et d'électricité
C1I8:
3. Secours à des non-indigents
,119
4. Détournements de matériaux et d'outillage
120
C. Le fond de l'affaire
123
CONCLUSION
126.
DEUXIEME PARTIE. QUESTION DE FOND, QUESTION DE FONDS: LE REGIME
FINANCIER ET FISCAL, ENJEU DE LA GESTION MUNICIPALE (1933-1942)
;128 '
CHAPITRE
IV.
LES
PREROGATIVES
FINANCIERES,
UN
CHAMP
D'INTERVENTION PRIVlLEGIE DU POUVOIR CENTRAL
132
1. UNE MARGE D'AUTONOMIE COMMUNALE LIMITEE
132
II.
LA
REORGANISATION
FINANCIERE
MUNICIPALE,
UNE
DEMANDE
DE
REFORME SANS LENDEMAIN
137
A. La mission d'inspection Demongin (déc. 1935-janv. 1936)
( 139
B. Le Front Populaire (mai 1936-octobre 1938): pour le maintien du statu-quo
: 143 .
\\
.

.-._--1
423 ;
CHAPITRE V. GERER L'INCERTITUDE: LES RECETTES
152
1. SOURCES ET METHODOLOGIE
152
\\
-.
- ..
II. PROBLEME: L'EXTRÊME VULNERABILITE DU BUDGET COMMUNAL
158
III. D'OU VIENT L'ARGENT? COMPOSITION ET EVOLUTION DES RESSOURCES
COMMUNALES
(~ 160 '
A. L'octroi, une barrière d'un autre âge?
160':
. '. _....._ .... .1
B. Les centimes additionnels, une figuration à titre symbolique
.
169·.·
C. Les ristournes sur impôts perçus al!! profit de la colonie, une ressource peu dévolue à
la commune
D. Les taxes municipales, une gamme d'un apport sensible
178
E. Les subventions, un moyen de recette exceptionnel
182
CHAPITRE VI. OU VA L'ARGENT? LES DEPENSES ET LES REALISATIONS
·187'
1. ON NE NOUS LAISSE RIEN DES DEPENSES OBLIGATOIRES (pOLICE, VOIRIE,
fNSTRUCTION) AUX DEPENSES FACULTATIVES, OBLIGATION DEFAIT
188
A. Les dépenses de police
200
B. Les dépenses d'instruction
"202',
II. L'HYGIENE: UN LIEU DE MOBILISATION DE L'ACTE MUNICIPAL
210·.
A. Eclairer la ville et les villages: l'éclairage électrique
'210
",_.-_0.·' ...
i
B. Donner de l'eau aux populations: l'alimentation en eau
\\ 214
C. Assainir: les travaux communaux d'hygiène et de voirie
219
III. LES DEPENSES ORDINAIRES DIVERSES: AUTRES TRAVAUX COMMUNAUX
ET ASSISTANCE
.
225

' - , - ,t
424\\
IV.
LES
DEPENSES
D'ADMINISTRATION
GENERALE:
UN
GONFLEMENT
APPARENT, SOURCE DE CONFLIT
230
A Des dépenses de personnel décriées
'·.230':
B. Du principe désuet de la gratuité des fonctions municipales: les indemnités au maire
-. - -"
pour frais de représentation
242 i
.
,
V. BILAN DE L'ACTION MUNICIPALE
~247'
CHAPITRE VII. LES MODES DfINTERVENTION EXTRA-COMMUNALE: UN
-"-.
EFFORT NEGLIGEABLE (193~-1942)
255 .
"
.-...._-
I. PRELIMINAIRES METHODOLOGIQUES
255
II. LE RÔLE MAJEUR D'UN CIRCUIT EXTERNE: LE FONDS D'EMPRUNT
. 257
III. UNE SPECIALISATION DES ORGANISMES DE FINANCEMENT INTERNE
261
A Le budget de la colonie du Sénégal et les dépenses d'entretien
261 :
B. Le budget de la Circonscription de Dakar et Dépendances et l'alimentation en eau
. 268.
C. Le budget de l'AO.F. et l'enseignement
270:
' .
CONCLUSION
'278
TROISIEME PARTIE. LE TEMPS DU PURGATOIRE: TUTELLE, CLIENTELISME
ET DECLIN DE VINSTITUTION COMMUNALE (1946-1964)
279
CHAPITRE
VIII.
LES
FINANCES
COMMUNALES:
FAffiLESSE
DES
RECOUVREMENTS ET COUPS DfEPONGE PERIODIQUES (1946-1957)
. 282
I. LE RETABLISSEMENT DE LA LEGISLATION MUNlCIPALE PAR LE DECRET DU 3
JANVIER 1946
282
II
ANALYSE
DES
BUDGETS
(1946-1957):
UNE
GESTION
COMMUNALE
CARACTERISEE PAR UNE TRANQUILLE IMMOBILITE
285
A Les recettes, un catalogue de bonnes intentions
285
B. Les dépenses, une gestion placée sous le signe du handicap
296

l 425 .
1. Les économies que fait la colonie, ce sont les communes qui les paient.
De l'excès des charges incombant à la commune...
296 :
2.... A la lourdeur des dépenses de fonctionnement.
1-299~'
C. Une municipalité sous perfusion: la politique des subventions et le poids de
----..
l'endettement
313/
CHAPITRE
IX.
EQUIPEMENT-AMENAGEMENT
ET
INDIFFERENCE
MUNICIPALE (1946-1964)
. 322\\
1. L'ACTION DU F.I.D.E.S.(l947-l957)
322
-
..
II. LE BUDGET GENERAL ET LA QUESTION DU LOGEMENT
329
III. PART/CIPE-ACT/ON OU PART/CIPE-PASSION? LE CONSEIL MUNICIPAL ET LA
VILLE
. 33i
A. Les chemins du pouvoir: la commune. organisme .administratif à gérer ou position
politique à conquérir?
331 .
B. L'impossible contrôle des espaces d'imprévu: de l'échec des missions d'inspection à
la suppression de la commune de Rufisque (19 janvier 1964)
342
CONCLUSION
.\\ 356>,
POUR CONCLURE, PROVISOIREMENT
SOURCES ET BmLIOGRAPHIE
LISTE DES TABLEAUX
_..-----
4Î2.
LISTE DES GRAPHIQUES
416
TABLE DES ANNEXES
,----.- ..-.,
418 '
TABLE DES MATIERES
420