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rCONSEil AFRICAIN ET MALGACMŒ
1 POUR L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR·
! C. A. M. E. S. - OUAGADOUGOU.
1Arrivée ..25 .OCT....ZOo.t ..... .~ ;
\\: Enregistré
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Membren du Jury: Monsieur, le l'rofessuor .lenn-Mnrie !lL'USSAIlIi
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-......
1 .

-1-
r .
"De
la
science,.qu'il y en ail.
Voici en quelques
mots,
détruites toutes les objections sceptiques sur la
possibilité et l'existence de la science.
Arnauld ne prend pas la peine,
le risque cartésien
·méthodique,
et
par

même
hyperbolique,
des
Méditations Métaphysiques de Descartes.
Parce
que
nous
en faisons
l'expérience tous les
jours,
les catégories du vrai et du faux scandent,
pour
ainsi
dire,
toute
notre
vie.
Non
seulement celle du
savant,
qui
se
consacre
à l'étude des sciences, mais
aussi,
la
vie de
tout
homme,
de
Illlhonnête
homme".
Arnauld et Nicole le montrent,
dans la quatrième partie
de "La Logique ou l'Art de Penser"
"L'usage le plus ordinaire du bon sens et de cette
puissance de notre âme, qui nous fait. discerner le vrai
d'avec le faux,
n'est pas dans
les sciences spéculati-
ves auxquelles il y a si
peu
de
personnes qui soient
obligées de s'appliquer:
mais
il n'y a guère d'occas-·
sions

on
l'emploie
plus souvent,
et oü elle soit
plus nécessaire,
~ue dans le jugement que l'on porte de
ce qui se passe tous les.jours parmi les hommes."

--_
~.'
.
..,,:~. ".
:.'
La suite du texte apporte d'importantes préci-
.sions :
"Je
ne
parle
point du jugement que l'on fait si
une
action
est bonne
ou mauvaise,
digne de louange ou
de
blâme, parce
que
c'est à la morale à le régler,
mais
seulement de celui que l'on porte touchant à la
vérité
ou
fausseté
des événements humains,
ce qui seul
peut
regarder
la
Logique,
soit qu'on les considère
comme
passes,
comme
lorsqu'il ne s'agit que de s avo i r si
on
les
doit
croire
ou ne pas les croire
ou qu'on
les
considère
dans
le
temps
à
venir,
comme
lorsqu'on
appréhende
qu'ils
n'arrivent
ou qu'on espère
qu'ils
arriveront
ce
qui
régIe
nos
craintes
et
nos
espérances. Il
Arnauld,
souligne ainsi l'idée, que les faits sont
appréhendés
dans
une
perspective subjective,
suivant
nos espoirs ou nos craintes
.
Ce texte rejoint les définitions de Spinoza,
dans
le troisième livre de l'Ethique (III,
XVIII,
Scolie).
Scolie II
:
"L'espoir
n'est
rien
d'autre qu'une Joie incons-
tante née de l'image d'une
chose future ou passée dont
l'issue est tenue pour douteuse.
La crainte au contrai-
re,
est
une
Tristesse
inconstante
également
née de
l'image d'une chose cJouteu:::e."

-3-
cependant,
n'oublions
pas
que pour Spinoza,
la
Joie est un épanouissement de la puissance d'agir,
qui
définit
l'essence de l'homme. Tandis que la
Tristesse
est
une
diminution de cette puissance ou Conatus.
Ce
qui
fait
l'llOmme,
c'est
justement son
comportement
quotidien. Aussi,
selon Arnauld,
il importe qu'il sache
bien
se
conduire,
en
se
conformant à des jugements
solides.
Deux
points
importants
sont
à souligner.
D'une
part, la place de la science en temps et en valeur, est
relativisée
par
rapport
à
la vie
au sens
large.
Rejoignant
la
pensée de Pascal, Arnauld ne cessera de
dire,
que
l'homme
ne
doit
pas consacrer toutes ses
forces
aux
sciences spéculatives. Non seulemellt,
tout
homme
n'en
est pas capable, mais en pl~s, telle n'est
pas
la
véritable finalité de l'usage du bon sens. Les
sciences
spéculatives Ile doivent être considérées, que
comme l'essai des forces de notre esprit,et non pas en
être l'emploi.
D'autre part et surtout,
le domaine
d'application
des
catégories
du
"vrai" et du "faux" s'élargit,
et
s'étend à ce qu'Arnauld appelle "la vie civil"" "
\\ .

-4-
Par cette expression,
Arnauld
entend tout ce qui
concerne
l'homme,
en
tant
qu'il
vit
avec d i au t r e s
hommes,
soit dans le présent,
soit dans
le
passé, par
l'intermédiaire des textes et récits;
et aussi,
ell tant
qu'il se
penche
sur
lui-même
et
réfléchit
sur
sa
véritable finalité.
Nous pourrions affirmer, en radicalisant dans une
certaine
mes u r e
la
pensée
arnaldienne, que ces deux
catégories
logiques
fondamentales s'appliquent à tout
ce qui est humain:
rapports
interindividuels,
rapports
intraindividuels
(de soi avec
soi-même) et rapports de
l'homme avec Dieu, puisque
l'examen du vrai et du faux
aboutit,
dans
la
quatrième
partie de l'ouvrage à la
problèmatique du salut
Arnauld
montre
que,
dans la "vie civile", nOlis
pouvons
parler
ùe
"certitude"
tout comme dans les
sciences spéculatives
"il y a des choses que nous ne connaissons que par
une
foi
humaine,
que
nous
devons
tenir pour aussi
certaines
et
aussi indubitables que si nous en avions
des démonstrations mathématiques "

-6-
Analogue
ne
signifie
pas
identique.
Hais,
la
différence entre la certitude mathématique et celle
de
la foi humaine,
est plus de degré que de nature .
. - , . .
Dans le chapi t r e ::H-de La Logique~ ALlloll.Ld établ i t
une
distinction
entre
la
certitude
morale
et
la
certitude métaphysique ou absolue.
Arnauld
introdui t
l'idée de d e o r
s de certi tude,
é
comme
nous le ve r r o n s plus préc is émen t
d ans notre pro-
chain
chapitre;
nous pouvons,
dès à présent,
citeT la
suite du
texte.
Il
montre,
que
cette certitude
doit
pouvoir
être reconnue.
A
quelles
marques?
Cette
question
s'inscrit
tout
à
fait
dans
la
pensée
leibnizienne.
Soupçonnant
l'évidence
cartésienne,
imaginative
et
subjective,
Leibniz réclame les marques du vrai.
Arnauld
écrit
lui aussi:
"Il est vrai qu 1 il est souvent assez
difficile
de
marquer précisément quand la foi humaine
est parvenue
à
cette certitude,
et quand elle n'y est
pas
encore
parvenue.
Et
c'est ce qui fait tomber les
hommes en
deux
~galements opposés; dont l'un est de
ceux qui c r o Le n t
tl-OP légèrement aux moindres brui t s et
de
ceux qui met ten t
r idicu lemen t
l é1 f o r c e de
l' esprit
à
ne
pas
c r o i r e
les
cho s e s
les
miE'UX
attestées,
lorsqu'elles
choquent
les
préventions de
leur esprit.

-7-
Mais,
on peut,
néanmoins,
marquer de certaines
bornes
qu'il
faut
avoir passées
pour avoir cette
certitude
humaine,
et
d'autres
au-delà
desquelles
on
l'a
certainement,
en
laissant
un
milieu entre ces
d eux
sortes.de bornes, qui approche plus de la certitude
ou
de l' Lnc e r t Lt ude , selon
qu'il
approche plus des
unes
que des autres."
Devant
un
év~nement,
nOlis
devons
'dl
conSl erer
toutes les
circonstances
en rapport avec lui,
car "il
arrive souvent,
qU'un
fait
qui
est
peu
probable
selon une seule circonstance, qui est ordinairement une
marque de fausseté
doit
être
estimé
certajn
selon
d'autres circonstances
.11
Arnauld nOlis invite à
réfléchir
sur la situation
suivante:
devant un
contrat
signé par deux notaires,
comme
le sont la plupart des actes,
nous sommes portés
à
croire
que l'acte est authentique. Cependant,
avant
d'émettre
un
jugement,
nous
devons
considérer 1I1 e s
circonstances ll ,
c'est-à-dire les données particulières
qui accompagnent l'év~nement.
En l'occurrence,
la personnalité des deux notaires.
s'ils
ont
une réputation déplorable,
nous ne saurions
être
certains de la validité du contrat.
si la p r ob i t é
des deux houuue s de loi est attestée par tous,
CI~ serait
folie
q ue
de
remettre
en q ue s t Lon l' a u t h e n ti cit
du
é
contrat.

r:----
-8-
Nous pDuvons en avoir une certitude morale.
D'une
certaine
maniére,
la
certitude
morale,
désigne
l'incapacité de découvrir un motif valable de méfiance.
Une
telle
découverte
pour
être
peu probable,
n'en
demeure pas moins possible.
Ce qui f a it. di r e
à Arnauld,
que
"ces
. remarques
peuvent
servir
en CE~S sortes
de
jugements
(les événements de la vie civile).
Hais,
il
ne
faut
pas s'imaginer,
qu'elles soient de si
grand
usage,
qU'elles
~mpêchent
toujours
qu'on
ne
s'y
trompe".
Tout
ce qu'elles peuvent au plus,
c'est de
faire
éviter les fautes
les plus grossièl'es,
et
d'accoutumer
l'esprit
a
ne
pas se laisser emporter par des
lieux
communs.
Ces
limites
n'existent
pas
dans une
certitude
métaphysique
que
rien,
jamais,
ne saurait
détruire.
Mais,
si nous maitrisons toutes les circonstances
d'un
événement,
nous pouvons atteindre la certitude absolue.
La différence est de degré.
Chez Descartes en revanche,
elle est de nature.
Les sciences mathématiques offrent une
certitude
absolue
garantie
par
Dieu,
le créateur des
vérités
géométriques et algébriques.
La
véracité divine et
]t;:~
c a r a c t
r e
immuable de la volonté de Dieu nous
a s s u r en t;
è
du fait suivant

..__ ...- ..-.,.----_.--_.
.
-9-
Les
idées
géométriques
que
nous
concevons
clairement èt distinctement
sont vraies,
car Dieu
ne
peut
être
trompeur,
et
d'autre part,
une fois
les
vérités créées,
il
ne les
change pas
arbitrairement.
Les
événements
de
la vie au
contraire,
ne
peuvent
offrir aucune certitude absolue.
Nous devons,
pour la plupart,
nous contenter de ce
qui
a l'apparence du vrai,
sans en avoir nécessairement
la
-,
réalité.
Sur
ce
point,
Locke
et
Descartes
se
rejoignent,
comme nous le développerons plus loin.
Arnauld,
en
effet,
parle de
"seuil Il , au-delà
ou
en-deçà
duquel,
la
certitude
est
mathématique
ou
métaphysique ou morale.
Descartes aussi,
fait
des distinctions entre ces
types
de
certitude,
mais,
c'est
pour introduire des
différences de nature et,
pour finir par priviligier un
' " ' . 1 '
type de certitude,
la mathématique.
","'!
Ce
qui,
pour
Yvon
Bélaval,
dans Leibniz critique de
Descartes
est
un
tort.
(1)
Ce
faisant,
Descartes se
-,;"",,-
serait
enlevé
les moyens de fonder un savoir,
d'avoir
~:~"i~ ~..; ~
~·~1·~:. """f/'
:~~{.:};:',\\;,
une, vue
historique
du
développement
du monde et' de
.~ ..
l,.:.'
'" ·Z-·
"
.
,..... :f.•
l'humanité,
contrairement à Leibniz.
:'-
:'
......•
~
. ,', ~ ..
I~~~·;; ....

-10-
Leibniz
en
effet, propose une pensée qui
ouvre
sur
ce
qui
s'appellera
plus
tard,
"philosophie
de
l'histoire",
et
qui
est
absente
de
la
conception
cartésienne du vrai, voire en contradiction avec
elle.
Nous développeron:..=> ce point amplement dans le cours
de
notre travail.
Et d'aillellrs,
cette
différence
expli-
quera la diversité des conceptions de
la vérité et
de
la communication du vrai chez nos auteurs.
Pour Descartes,
l'évidence,
pierre angulaire de
sa pensée, n'est requise et ne peut s'éprouver que dans
et
par
la science.
La certitude absolue est l'apanage
de
la
science,
la vie ne saurait l'offrir.
La vie,
et
l'histoire
encore moins,
ne sauraient l'offrir: elles
sont
hors
du
domaine
éplstélllolo(jique.
La
vie,
les
événements, sont
régis
par l'urgence
de
l'action
lorsqu'il
s'agit
de
vivre,
les
pensées
les
plus
obscures
font
l'affaire,
pourvu que nous ne restions
pas dans l'indécision.
La
détermination
de la volonté l'emporte sur la
clarté
et
la
distinction
des
idées. C'est elle qui
définit la valeur éthique de nos actions.

-11-
Dans la pens~e spéculative
en revanche,
l'idéal
serait,
que
la
volonté
ne
se
déterminât que
pour
affirmer ou nier,
ce que l'entendement conçoi t
clail-e-
,.
ment et distinctement,
comme
devant
être affirm~
ou
;~;
nié. Une
pensée
fondée
sur
l'évidence,
ne
saurait
intégrer
ce
qui, de
par
sa nature,
nie la
présence
d'évidences. c'est pourquoi,
la philosophie cartésienne.
ne
prend
pas
en charge une réflexion sur l'histoire,
sinon
pour
la
présenter
comme
un
obstacle
épistémologique,
au sens bachelardien du terme.
La
pensée
cartésienne
se veut une pensée de la
rupture,
de
la
table rase,
contrairement à celles de
Leibniz
et
d'Arnauld. c'est précisément en reprenant,
tout
en
la modifiant - voire en la contredisant - la
théorie
de
l'évidence
cartésienne,
qu'Arnauld
peut
...
accomplir l'élargissement du domaine de
pertinence des
catégories
du
vrai et du faux,
et la mise en place de
différents types
de certitude. Mais,
nous le démontre-
l'ons,
il lui a manqué la notion de formalisation.
En
effet,
cette
notion permet à Leibniz d'aller
plus
loin
que
le" nOLIs
devons
tenir
pour
allssi
certaines
et
aussi indubitables que si nous en avions
des démons t r a tions ma t.h ma tiques" d'Arnauld.
é

~ _ .
-l~-
.,'.
Et,
de
f ai t,
le
projet
leibnizien
de trouver
des
caractères
ou
signes,
propres à exprimer toutes
nos.
pensée~,
aussi
exactement que l'arithmétique
exprime
les nombres,
ou
que l'analyse géomètrique exprime
les
lignes,
permettrait
de
faire,
en toutes les
matières,
tout
ce
qu'on
peut
faire
en
arithmétLql.le
et
2n
géométrie.
Cette caractéristique
sera le
juge des controver-
ses,
on ne pourrait même
plus formuler une proposition
absurde ou fausse
comme
le dit Leibniz.
Car
alors,
on
en
sera
immédiatement
averti
par l'incongruite des
signes.
Elle permettra d'effectuer des raisonnements et
des
démonstrations
par un calcul analogue aux calculs
algébriques;
c'est
la notation algébrique qui sert de
modèle à la caractéristique.
Leibniz
exclut toute interventioll de la volonté,
qui
pourrait
donner
libre cours à la subjectivité de
l'individu.
Car
"tenir
pour
vrai",
cette expression
souligne
le
rôle
de
la volonté dans
la recherche du
vrai.
Le
sujet
est l'instance ultime habilitée à faire
être le vrai en l'affirmant.

C'est
cette
affirmation
par le sujet qui,
pour
ainsi dire,
fait la force du vrai.
La faiblesse êlUSSi
:
l'un ne pour~ait-il pas nier ce qu'affirme l'autre? En
revanche si la force appartient non pas au sujet mais à
la forme du raisonnement et aux signes,
toute erreur ne
serait-elle pas
aussi aisément repérable et remédiable
qu'une erreur de calcul?
Le
moyen
de
se
garantir
de l'erreur,
nous dit
Leibniz,
est
de ne faire des arguments "qu'in forma",
sans
oublier
qu'ils
ne
sont pas toujours marqués au
coin de Barbara Celarent. Ainsi,
des matières aussi peu
susceptibles
d'exactitude,
du moins en apparence, que
l'histoire,
deviendraient "scientifiques".
Il en t r alt
de même pour la morale,
la jurisprudence, la politique.
Con t L" air e 111 e n t
à
l ' i 11t u i t ion i s 111 e
car tés i e 11,
l e
formalisme
Leibnizien
a
pour but de ne rien
laisser
hors
du
domaine
du
vrai.
Ce
qui
se
justifie
métaphysiquement par la notion "d'harmonie universelle"
comme nous le verrons de man i
r e plus précise.
è

-14-
Ainsi,
par
sa
volonté
d'élargir
le
domaJne
d'application
des
catégories
du vrai
et du
faux,
Arnauld
se
rapproche
évidemment
de
la
démarche
leibnizienne,
même
s'il
reprend
la
définition
cartésienne du jugement.
Juger,
c'est affirmer
ou
nier.
L'idée en
elle-
même n'est ni vraie ni fausse.
C'est l'affirmation
par
laquelle le sujet relie une
idée à une autre idée
qui
peut
être
vraie
ou
fausse.
Chez Arnauld aussi,
les
catégories
du
vrai
et
du
faux
ont
pour
domaine
d'application le jugement.
Cependant,
et la différence
est de taille,alors
que pour Descartes,
les véritables jugements concernent
les idées mathématiques ou métaphysiques, pou r Ar n a u Ld ,
l'homme émet des jugements dans tous les domaines de la
vie.
Arnauld établit un
renversement.
Pour Descartes,
le vrai et le faux s'appliquent aux vérités scientifiques
et
métaphysiques.
Les
rapports
de
l'individu
à
la
société
sont
obscurs
et
confus,
et
ne
peuvent
guère être pensés selon les critères de l'évidence.
9
Ar n a u Ld en revanche,
r e Lè que
au second plan,
Le s
spéculations
scientifiques,
pour
montrer,
que
le
domaine essentiel d'application des catégories logiques
c'est la vie civile:

-15-
" .. le principal usage de la raison n'est pas dans
ces sortes de sujets
(les matières de science
qui en-
trent peu
dans
la conduite de la vie et dans lesquels
même
il
est
moins dangereux de se tromper,
il serait
sans
doute beaucoup plus utile de considérer générale-
ment
ce
qui engage les hommes dans les faux jugements
q\\l'ils
font
en toute sorte de matière,
et principale-
ment en celle des moeurs,
et des autres choses qui sont
importantes
à la vie civile et qui font le sujet ordi-
naire de leurs entretiens."
(Logique de Port-Royal p.323)
Mais,
Arnauld
brise
les limites qu'imposait
au
vrai,
la
théorie
de
l'évidence,
sans
pour
autant
s'affranchir de toute limitation.
Les
jugements
de
la vie
de tous les jours
ont
autant de prétention à la certitude, que les
jugements
de
la
connaissance
théorique.
Les premiers
risquent
même de l'emporter, pour ainsi dire,
sur les
derniers,
puisque
l'homme
n'est
savant
qu'accidentellement.
Tandis que tout homme est fait pour vivre avec d'autres
,
hommes,
et prendre part aux é.vénements prtfsf'llts par SOli
action,
et
aux
événements passés par sa réflexion et
par les leç6ns qu'il en tire.

-16-
Cette attention portée
à l'existence concrète
de
11 individu,
saisie
dans
un
tissu de
relations,
se
retrouve
aussi chez Leibniz.
Mais,
Arnauld ne va
pas
jusqu'à
considérer
les
événements,
comme des
êtres
mathématiques,
ou
plutôt
mathématisables,
ce
qu'essayera de démontrer Leibniz.
Nous tenterons d'en rendre raison par la
considé-
ration de
divers éléments
de la
pensée
arnaldienne.
Arnauld,
en
quelque
sorte,
occupe
une
pl a c e
intermédiaire
entre
l'intuitiollisme
cartésien et
le
formalisme leibniziell.
Tel est le nerf principal de
ce
présent travail qui a,
pour cette raison,
comme titre
"Vérité
et
communication
du
vrai.
Arnauld
entre
l'évidence cartésienne et le formalisme leibnizien."
Clest aussi pourquoi,
en ce qui conce.rne la C01lllHU-
nication
en
général,
et
la communication du vrai en
particulier,
nous
retrouverons
le même rapport entre la
pensée de ces trois auteurs.
Reprenant en apparence les
principes cartésiens,
Arnauld,
en fait,
s'éloigne de la
pensée
de
Descartes
et
semble,
dans
une
certaine
mesure,
très proche de la conception leibnizienne.
Pour Descartes,
nous le verrons,
la
communication
n'est
pas
essentielle
21
la p e n s
e ,
elle
é
n'est
pas
constitutive
de
la pensée.
La pensée est ell
relation
d' e x t
r Lo r I té par rapport à la c onuuuu.i c a
é
t Lou .
cel] o.?-ci,
pOUL'
ainsi d i r e ,
est lin accident cie Id lJ(:'11~;él':'.
-----------------------==.-.::--~._.-~
..-.'-""""'="~ =====-=..=_.,;-"...__•.=-.... ,. "",' J

~~!'"
--
h
:?'.
-17-
Or,
Arnauld
montre
la
p e us e e ,
cOlllme
étant
essentiellement communication
"que s i
Le s
réflexions
que
nous
faisons
sur
nos
pens~es n'avaient
jamais
regardé
que
nous-même,
il
aurait
suffi
de
les
,.

considérer
en
elles-même
sans les revêtir
d'aucunes
paroles ni d'aucuns signes
... " (2)
Le r61e d'autrui est double:
il
rend
néce.sa.ire
l'usage
des
signes.
Mieux
puisque
les
signes,
contrairement à
ce
que
pourrait· laisser
p e n s er
le
pas sage précédemment cité, ne se con ten tent pas
d' ê t r e
pur revêtement,
mais
font l'étoffe même de la
pensée,
la communication s'inscrit au coeur de la pensée, à
15
racine
de
l'exercice
de
l'entendement.
Poursuivons
notre Le c t u r e
"Mais
parce que nous ne pouvons
f a i r e
entendre nos pensées aux autres qu'en les
accompagnant
de signes extérieurs ; et que cette accoutumance est si
forte que quand nous
pensons
seuls,
les choses ne se
présentent
à
notre
esprit qU'avec les mots dont nOllS
avons
accoutumé
de les revêtir en parlant aux autres,
il
est
nécessaire
dans
la Logique de considérer les
idées
jointes
aux
mots
et
les
mots
joints
aux
idées" . ( 3 )
,

-
-18-
Ce
texte pose clairement le principe de la liaison
nécessaire
entre
le
signe
et la pensée.
Ce qui
fait
écrire à Louis r-larin,
dans La cri tique du discours,
que
la
mise
en place de ce principe
"re c
Le u n e amb iqu t
è
ï
é
majeure
qui porte sens:
certes,
les mots,
les signes,
sont
les
revêtements
extérieurs
des
idées,
mais ce
revêtement
est
dans son e x t é r Lo r i t é
même
la condition
de
la
pensée
,parce que la pensée est essentiellement
communication,
discours à quelqu'un
".
Louis Marin
. La
critique du discours-Sur la "Logique de Port-Royal"
et
les
"pensées" de Pascal.
P.44
"Discours
à
quelqu'un"
est en italique dans
le
texte.
Quelques
pages
plus
loin,
l'auteur
écrit
reriforçant l'idée selon
laquelle la pensée est essen-
tiellement communication".
"La pensée n'existe
que sur le
mode du
discours.
C'est là son f a i t :
être communiquée dans la différen-
ce
le rapport à
l'autre la définit_
Aussi la distinction
de
la pensée et du
langage
est-elle
instable
et
se
trouve -t-elle sans
cesse
résorbée dans le double
jeu
de la communication à
soi
ou à l'autre,
dans le
silence du langage
intérieur
ou
,
dans
la p r o f
r a
e
é
t Lo n
de la pe n s é
v


-1 ~J-
J.
Locke
définit
la
vie
civile
de la
manière
suivante
"conversation
et commerce qui regarde
les
affaires ~t les commodités ordinaires de la vie
civile
dans les différentes sociétés qui lient les hommes
les
uns
les
autres
."(p.385-Naert-Essai
concernant
- - - - - - - - - - - -
l'entendement humain)
Sa définition et celle
d'Arnauld sont identiques.
Cependant rejoignant Descartes,
Locke ne définit la vie
civile que pour démontrer
que
précision,
certitude et
rigueur
en
sont
totalement absentes.
Nul ne doit lui
appliquer les catégories du vrai et du faux.
Celles -ci
ont
pour
domaine "l'usage philosophique du langage"
"il Y a
en effet une double communication par paroles,
l'une
civile et l'autre philosophique.
La première que
nous
venons
de décrire ne saurait éxiger la clarté,la
transparence absolue". Comme si dans la société civile,
le
véritable
ennemi,
c'est
moins
l'erreur
que
le
silence et la fermeture sur soi.
En revanche par "usage philosophique des mots"
il
faut
entendre:
"l'usage
qu10n
en
doit
faire
pour
donner des notions précises des choses et pour exprimer
en
propositions
générales
des
vérités
certaines et
'indubitables sur lesquelles l'Esprit peut
~;'appuyt.:lr et
dont
il
peut
être
satisfait dans la recherche dE:' la
v rit é ."
(p 3 8 6 - L9A)
é

-- 21 -
Arnauld,
ne
rejette pas le
langage en le considé-
rant
comme
un
obstacle,
il
tente de montrer,
que le
lienintrinséque entre le langage et la pensée,
est un
fait
inévitable,
qu'il
s'agit
de
placer
sous
le
contrôle de la raison.
Locke
dénonce,
lui
aussi,
l'habitude d'utiliser
le langage,
en le présentant comme obstacle à la saisie
des choses
telles qu'elles sont.
rl écrit §4- chap X- p.39B
"Comllle
i l est
faci.le
aux
hommes
d'apprendre
et
de
retenir les mots,
et
qu'ils ont été accoutumés
à cela
dès le berceau
avant
qu'ils
connussent
ou
qu'ils eussent formé
les
idées
complexes
auxquelles
les
mots
sont attachés,
ou
qui
doivent se trouver dans
les choses dont ils sont re<]~-H--
dés comme les signes,
ils continuent d'en user de
même.
1
.)
pendant toute leur vie."
,

NOTES DE L'INTRODUCTION
1.- Bélaval Yvon.
Leibniz critique de Descartes.
P 107-108
2.- Logique de Po~t-Royal p.60 - introduction à la
p~emière partie
3.-
Ibidem
(~).- André Robinet - Leibniz et la racine de
l'existence _

Pour
souligner
l'importance
de
l'idée selon
laquelle
les
sciences
n'ont
de
valeur
qu'en
tant
qu'elles perfectionnent la raison,
le texte se poursuit
ainsi
"Si l'on ne s'y applique dans ce dessein,
on ne
voit
pas
que
l'étude
de
ces sciences spéculatives,
comme
de
la
géométrie,
de
l'astronomie
et
de
la
physique,
soit
autre chose qu'un amusement assez vain,
ni
qu'elles
soient
beaucoup
plus
estimables
que
l'ignorance
de
toutes
ces choses, qui a au moins cel:
avantage qu'elle est moins pénible, et qu'elle ne donne
pas lieu à la sotte vanité que l'on tire souvent de ces
connaissances
stériles
et
infructueuses".
Autrement
dit,
les
sciences
considérées
en elles-mêmes et pour
elles-mêmes,
sont lnutiles,
selon Ar n au l d .
Ce texte consacre l'élargissement de l'usage de la
logique,
de l'art de penser.
Alors
que,
Descartes
ne
semblait
exiger
des idées
claires et distinctes, que dans le domaine des sciences
spéculatives.
Ici,
apparait
une
différence
décisive
entre les conceptions arnaldienne·et cartésienne.

-26-
Arnauld pose la possibilité d'une rationalisation de ce
qui,
selon
Descartes,
échappe,
sinon
totalement, du
moins
en
partie,
à
la
raison,
demeurant
dans
la
confusion
et
l'obscurité.
Certes,
Descartes
ne dit
point
que
le domaine de la vie est confus et que nous
pouvons
agir
sans réflexion,
ni j uç eme n t . Le jugement
est le principe de toute action.
Cependant,
dans la vie
pratique,
l'on ne juge pas selon l'évidence, mais selon
le probable
.
Dans le
Discours
de
la
Méthode,
la
troisième
partie éclaire tout à fait
ce point.
Les régIes de
la
morale par provision dictent une conduite selon le plus
probable.
L'acceptation des
lois,
et
des coutumes
et
des
opinions
les
plus
modérées
signifie
que
probablement, c'est la conduite
qui lui facilitera
le
plus la vie en société.
"C'est une vérité
tr
s certaine
que,
lorsqu'il
n'est.
è
pas en
notre
pouvoir
de discerner
les
plus
vraies
opinions,
nous devons suivre les plus probables"
L'expression "les plus vraies",
montre
d'ailleur~
que
nous
ne
sommes
pas
en
présence
d'une
vérité
absolue,
valable en
tout temps
et en
tout lieu
pour
tout sujet. Aussi l'expession de F.
Alquié n o u s
semble
t-elle tout à fait juste, pour montrer la lucidité dont
nous
devons
faire
preuve
quant_
À
la
valeur
des
1
jugements de la v t e pratique
"E't r e
I r r
s o
é
Lu
d a n s
.':es
jugements,
ce n'est pas s'abstenir de juger.

-:"7-
C'est
juger
en
sachant
qu'on
ne
juge
pas
s e Lo n
l'évidence,
et
en
tenant
son
propre
jugement
pour
douteux.
Il
convient
donc,
en
l'absence
de
tout
jugement pleinement éclairé d'agir selon des
jugements
décidant selon le probable,
en ne se faisant,
du
point
de vue théorique aucune illusion StŒ leur valeur,
mais
en
s'y
soumettant
sans
réserves
du
point
de
vue
pratique".
(p 592 T.Garnier classique)
Une science des moeurs, de la vie pratique,
en un
mot une morale fondée sur
la r a i s cn , ne sera
possible
que lorsque tous
les jugements
seront "éclairés".
Ce
sera possible lorsque la science sera ~difi~e. Ce
sera
le plus beau fruit de l'arbre qu e constitue le
s ys t ème
du savoir. Dans sa réponse
(AoGt 1641) Descartes écrit:
"Il serait à
souhaiter autant
de certitude
clans
les choses qui regardent la
conduite de la vie,
qu'il
en est requis pour
acquérir la science
mais:LI
est
très facile de démontrer qu'il n'y el1 faut pas chercher
ni espérer une si grande".
Hyperaspites
lui
demandait
en
effet
dans
une
lettre de Juillet 1641
"Je m'étonne
fort de ce
que
... vous avez
osé assurer
qu'il ne
faut pas
chercher
dans les choses qui regardent la conduite de la vie.
Une vérité (aussi claire
et aussi certaine) qu e
celle
que vous voulez qu'on
ait
(lorsqU'on s'applique)
a
la
contemplation (de la vérité) 1
ne faut-il [Jas bien
vivre 7"

-28-
"Bien
vivre"
signifie
vivre
selon
des
normes
vraies
selon
la
règle
unique
de
la
vérité.
Le
pessimisme n'0~[-
il
pas
en
contradiction
avec
la
lettre de Descartes a =Li~~b~~h du 21 Juillet 1645
que de
parler
des
la
Philosophie
llOUS
E::nseigne pour
a c qu é r i r
c e t t e
S 01.1 V t" " . i ; :::
{' é lie i t é
que
les âmes vulgaires attendent en v a i n (le la fortune,
ë [
q u « nous
ne saurions av o i r que de nOlls-I11~l11e".
Desc2Œtes affirme a i u s i
vi v e r e
d'avoir
"parfaiteil12l1t
-: (1 t 1. ::. =Ci i t t t •
Cette
plénitude
112J:t
du
l .r.
.~ :,: J .:: r
l a r a is o n
. ,
\\!.I '"
d'ihlil-
IIL.l.l.;·,
1-' ,.i 1 t. d il i.:
'.' ~:-. <:
Elisabeth,
d 1 1.1 n e
saurions omettre cl2 r- •.
ne cesse d'apporter.

En effet nous pouvons nous tromper,
les conséquences de
nos choix
peuvent être
néfastes. Mais
"il n'est
pas
nécessaire que no t r e
raison ne se
trompe point ".
Il
suffit que
notre
conscience nous
témoigne
que
nous
avo n s
toujours
fait
tout
notre
possible
pour
nous
ainsi que du
désir vain,
que nous
délivre la
morale
cartésienne
L'objet de la morale,
la vie,
ne sera donc
jamais
transparent. Hais l'exigence de
la raison ne doit
pas
être moindre dans
les actions
de la vie
que dans
la
connaissance théorique.
Même
si,
compte
tenu
de
la
nature de l'objet,
elle
se concilie différemment
avec
lui. Les actions
de la
vie ne
s au r a I e n t
indiquer
un
chemin exempt
de risque,
mais
Descartes ne
dit
pas
qu'il n y a pas de certitude qui puisse les éclaicir et
annuler
leur
indétennination
intrinsèque,
par
une
détermination ou
une résolution
d'une volonté
tendue
vers le
bien.
La
raison,
ici,
ne
se
confond
pas
avec
l'entendement qui
conçoit
les
vérités
géométriques,
mais se définit-ait plutôt comme une harmonie f nt r
è
Le u r e
entre l'entendement et la volonté.

-30-
c'est le "sens commun" qui réconcilie l'homme avec lui-
nième,
c' es t
la Cjéné l'OS i té.
Nous
vo yo n s donc q u r il Y
a
un progrès
dans la
rationnalisation de
la morale
de
Descartes. Guenancia l'exprime en ces termes
"La morale
ne campe
pas à
la périphérie
de
la
certitude comme
sur un
terrain vague
concédé par
la
philosophie". (Guenancia-DescaL"tes-chap' "10. mo r a Le v )
Cette différence vient du fait précédemment souligné,
à
savoir quI Arnauld pense différents types de certitude.
Ce point sera l'objet p r Ln c i p a I du ch ap i t r e second
de cette première
partie. Elle est
due aussi au
fait
que comme
Pascal,' Arnauld
estime que
la
place
des
sciences spéculatives
est,
certes,
d'une
importance
incontestable
pour
la
formation
de
l'esprit,
mais
qu'elle demeure seconde.
Etre géomètre n'est pas une fin èl1 soi.
Il ne faut
pas
penser
la
raison
comme
un
simple
moyen
pour
acquérir des sciences posées comme fin,
"10. justesse de
l' espr i t
tan t
in f in imen t
pl us con s idérabl e que
toutes
é
les
connaissances
spéculatives,
auxquelles
on
peut
arr ive r par lem 0 yen
des sc i en ces les plu s
v é l' :L t ab les
et les plus solides

-31-
ce qui doit porter les personnes sages à ne s'y engager
qu'autant qu'elles
peuvent servir
à cette
fin,
et
à
n'en faire que
l'essai et non
l'emploi des forces
de
leur·esprit". (2)
Les sciences ne sont qu'une propédeutique. La
capacité
de
l'esprit
s'accroît
avec
les
mathématiques
et
généralement avec
toutes
les choses
difficiles
dont
nous parlons",
L'homme idéal pour Arnauld,
n'est pas le
savant,
c'est "l'honnête homme".
Ce
dernier
a,
certes,
des
corina t s s an c e s
spéculatives, mais,
ce qui
importe,
c'est sa
conduite
dans la vie selon les lumières de la raison.
Cet
idéal
humain exige impérativement que l'usage des
catégories
logiques,
dans
la
mesure
du
possible,
s'étende
à
l'ensemble des
événements
humains.
Donc,
parler
de
vérité, ce
n'est
pas
parler
uniquement
de
vérités
scientifiques.
Ce qui posera des problèmes de communication,
car
s'il est en droit aisé de communiquer des démonstra-
tions mathématiques,
sera-t-il
aisé de communiquer
et
de faire admettre la vé r I t
d'un événement? c
é
i
e s t
Ce
ct é f i que rel è v e l a qua tri ème par t i e clt::- l' 0 tl V 1-a 9 l:' .

L'homme digne de
ce nom tel
qu'il apparait
cllez
Arnauld,
rappelle
fortement
le
portrait
qll'en
fait
Pascal dans ses Pensées.
Tout d'abord,
pour Pascal
aussi,
l'importance
de
la
géométrie est seconde.
Dans sa lettre à Fermat du 10 AoUt 1660,
Pascal écrit
:
"Je vous dirai
aussi que quoique
vous soyez celui
de
toute
l'Europe
que
je
tiens
pour
le
plus
grand
géomètre,
ce
ne
serait
pas
cette
qualité

qui
m'aurait attiré; mais que
je me figure tant
d'esprit
et d'honnêteté en
votre conversation,
que c'est
pour
cela que je vous rechercherais.
Car pour vous parler franchement de la
géométrie,
je la trouve le plus
haut exercice de l'esprit
mais
en même temps
je la
connais pour si
inutile, que
je
fais peu de
différence entre
un homme
qui n'est
que
géomètre et
un
habile
artisan".
Le
Illot
"exercice"
rappelle celui d'Ilessai ll employé par Arnauld.
"Honnêteté Il justement,
chez
Pascal,
renvoie à
la
notion d'universalité.
L'honnête homme use de sa raison
en tout
dans sa
vie,
et
non pas
seulement dans
les
sciences spéculatives.

"De l"'honnête homme",
il
faut qu'on n'en
puisse
dire,
ni qu'il
est mathématicien,
ni prédicateur,
ni
éloquent, mais qu'il est
honnête homme.
Cette
qualité
universelle me plaît seule. Quand, en voyant un
homme,
on se souvient de son livre,
c'est mauvais signe.
Je voudrais
qu'on ne
s'aperçüt d'aucune
qualit.é
que par la rencontre et
l'occasion d'en user, ne
C}uid
nimis, de peur qu'une qualité ne l'emporte et ne
fasse
bâptiser, qu'on ne songe point qu'il parle bien,
sinon
quand il
s'agit
de bien
parler
mais qu'on
y
songe
alors" . (3)
Ce que Pascal nomme
"qualité universelle" est
le
bon usage de la raison dans les rapports illterindivi-
duels.
Elle a pour source une exigence à l'égard de
soi-même.
La conception pascalienne de l'honnête
homme
permet de comprendre ce
que désigne Arnauld
lorsqu'il
parle de l'homme en tant qU'engagé dans la vie civile.
Les catégories du vrai et
du faux tendent donc
à
avoir une
pertinence
universelle.
chose
surprenante
chez
Arnauld,
chrétien
fervent,
dans
une
certaine
mesure,
l'usage de ces catégories logiques est légitime
même dans la
f o l.
Par rapport à la pen ..::èe
c a r t.è s i e nn e .
n o u s pouvons clonc conclure a Ln si
l,::
CI (l /11 él JI) t" (1 \\ 1
V J' d i
et du
faux chez
Ar n au I d s'étend
au
-
delà de
c e l u i
défini par Descartes.

-34-
Pourtant, dans
la
première des
Règles
pour
la
direction de l'esprit, Descartes ne montre t-il pas que
le champ du v r a i
et
du faux s'étend à "tout ce qui
se
présente à l'esprit" ?
Ce texte
en
effet
met en
place
la
notion
d'objet
quelconque. Tel est le titre
de cette r è
Le
ç
Il
L'objet
des études
doit être
de diriger
l'esprit jUSqll'à
le
rendre capable d'énoncer des jugements sur tout ce
qui
se présente à lui".
Toutefois la
suite
du
texte
montre
clairement
qu'il s'agit essentiellement des sciences, même si plus
loin l'auteur écrit qu'il ne faut pas· enfermer l'esprit
en quelques bornes
que ce
soit,
et
qu'il ajoute
que
l'important c'est de cultiver cette sagesse llniverselle
c'est-à-dire
présente
identique
et
toute
en
tout
homme,
qu'est le bon sens. Cette sagesse universelle ne
se
confondrait-elle
pas
avec
cette
"justesse
de
l'esprit"
dont
parle
Arnauld
et
la
"qualité
universelle" de Pascal ?
Dans ce
cas l'usage
des catégories
logiques
du
vrai et du faux
s'étendrait aussi loin chez
Descarte.s
que chez Arnauld.
Mais Descartes ne
cesse de
répéter
ment du vrai et du faux a lieu essentiellement dans les
questions théoriques et les p r ob I mes s c
è
i en t i fj q u e s .

-35-
Même lorsqu'il affirme avoir l'extrême désir d'appren-
dre à
distinguer le
vrai d'avec
le faux,
pour
VOi1-
clair en ses actions et marcher avec assurance en cette
vie,
"actions" et "vie"
ne renvoient pas uniquement
à
la pratique,
aux relations intra et interindividuelles.
Il convient même,
comme le
dit Alquié, de ne
pas
forcer le sens
de cette
affirmation,
et
faire de
la
pratique
un
domaine
privilégié.
Les
relations
interindividuelles,
les
actions,
apparaissent
surtout
chez Descartes comme régies par l'urgence.
Il n'est pas
loisible d i u s e r
de discernement,
de
distinguer le vrai d'avec le faux.
Ceci pour les
faits
présents.
Quant aux faits
passés,
en un
mot,
à
l'histoire
tant individuelle
que collective,
elle est
présentée
comme obstacle épistémologique et, point du tout,
comme
un lieu
oü la
recherche du
vrai et
du faux
ait
sa
raison d'être.
Contrairement à Arnauld, qui propose une réflexion
sur
l'histoire,
et surtout,
à Leibniz,
qui met en place une
véritable philosophie de
l'histoire. D'ailleurs,
dans
son ouvrage Leibniz historien, L.
Davillé écrit:
"C'est en
ph i Lo s o pb e qu'il
a con s t dé r é
L'Ti i s t oir e
comme la politique ou la théologie".
('1)

-38-
Il
en
est
de
même
pour
la
politique.
C'est parce que comme Arnauld,
Leibniz I n t
o r e dans
le
è
champ
de
la
science
des
domaines
que
Descartes
excluait, qu'il posent différents degrés de certitude.
Pe ns e r , comme le fait
Descartes,
un seul
mo dèl e
d'évidence,
c'est
s'enlever les
moyens de
voir,
que
d'autres disciplines
que
les
sciences
spéculatives,
sont susceptibles d i è t r e traitées scientifiquement.
Nous allons
donc
examiner
les
différents
types
de
certi tude posés par Arnauld et Le Lbn i.z

-37-
Pascal
fait
partie
de
ceux
qui
dé f i.n t s s en t
l'histoire comme cOllsignation pure et simple des faits.
Le sens premier d'histoire
est celui d'enquête.
Ai.ns i
doit être compris le mot,
dans la phrase sur
laquellè
s'ouvre l'oeuvre du plus anc:i.en des historiens grecs:
"Voici l'exposé de l'enquête entreprise par Héro-
dote d'Halicarnasse pour empêcher que les actions ac-
complies par les hommes ne s'effacent avec le temps ... "
pascal, par sa conception de l' h i s t o i r e , est
plus
proche d'Hérodote que de Leibniz.
Ce dernier en
effet,
au-delà des événements bruts,
recherche la vérité,
la
rationalité de
l'histoire.
C'est
pour
cela
que
sa
démarche
peut
être
qualifiée
de
philosophie
de
l'histoire.
Leibniz applique le principe de raison suffisante
à l'histoire.
Rien
n'arrive sans qu'il
yait
quelque
raison que
celui
qui saurait
tout
pourrait.
rendre,
pourquoi
il
serait.
plut.ôt.
arrivé
qu'aut.re
chose.
Davillé écrit que Leibniz a parfois Ulle attitude tout. à
fait scientifique
devant l'histoire.
Nous
ajouterons
qu'il s'est efforc~ d'avoir toujours une telle attitude
toutes les fois qu'il en
avait les moyens.
Ce qui
est
important et
que
nous
devons
souligner,
c'est
que
Leibniz accorde à l'histoire un statut épistémologique.

-38-
rl
en
est
de
même
pour
la
politique.
C'est parce que comme Arnauld,
Leibniz intègre dans
le
champ
de
la
science
des
domaines
que
Descartes
excluait, qu'il posent différents degrés de certitude.
Penser, comme le fait
Descartes,
un seul
modèle
d'évidence,
c'est
s'enlever les
moyens de
voir,
que
d'autres disciplines
que
les
scienc~s
sp~clllatives,
sont susceptibles d'ètre traitées scientifiquement.
Nous allons
donc
examiner
les
différents
types
de
certitude posés par Arnauld et Leibniz
.

-39-
NOTES DU PREMIER CHAPITRE
1- Arnauld et Nicole -
La Logique ou L'Art de
penser.
Quatrième partie.
chap XIII -
p.
413
2.
-
La Logique ou l'Art de penser -
p.
35.
3.
-
Pascal - Pensées 647
-
35 p.500
4.
-
Davillé - Leibniz historien
Conclusion.
p.230 -
Oeuvres complètes
Lafuma

-40-
CHAPITRE II
COMMENT PENSER DIFFERENTS TYPES DE CERTITUDE
?
"De tout
cela il
faut maintenant
conclure
,non
point certes qu'on ne doive étudier que
l'arithmétique
et la géométrie, mais seulement que ceux qui
ch e r ch en t
le droit
chemin
de
la vérité
ne
doivent
s'occuper
d'aucun objet à propos
duquel ils ne puissent
ob t e n i r
une
certitude
aux
démonstrations
de
l'arithmétique et de la géométrie."
TellE' est la conclusion de
la seconde des Règles
pour
la direction de l'esprit.
(Règle II - p.84)
Dans son ouvrage intitulé L'oeuvre de Descartes,
Paris vrin 1971,
Geneviève Rodis-Lewis rappelle le rapport de Descartes
avec les
mathématiques.
Elle
rapporte, que
selon
le
témoignage d'un condisciple de Descartes, celui-ci trés
tôt pratiquait une méthode personnelle
d'argumentation
où l'on reconnait déjà le modèle mathématique.

-41-
"A
la
façon
des
géométres,
il
parlait
de
définitions,
axiomes et postulats,
et progressait selon
un raisonnement continu
il faisait d'abord
plusieurs
demandes touchant les
définitions des
noms.
Après
il
voulait
savoir
ce
qu'on
entendait
par
certains
principes
reçus dans l'école.
Ensuite,
il demandait si
l'on ne convenait pas de certaines vérités connues clont
il faisait demeurer d'accord:
d'où il formalt
ensuite
un seul argument,
dont il était
fort difficile de
se
débarrasser".
(L'oeuvre de Descartes Vr i.n 1971
p.
21
-
22)
Dans le Discours de
la méthode,
Descartes
montre
que c'est la solidité de leurs fondements qui fait
cle::~
mathématiques
une
science
exemplaire,
un
modèle
d'évidence.
"Je me plaisais surtout aux
mathématiques,
une science exemplaire,
à cause
de la certitude et
de
l'évidence de
leurs raisons
mais
je ne
remarquais
point encore leur vrai
usage,
et, pensant qu'elles
ne
servaient qu'aux arts mécaniques,
je m'étonnais de
ce
que leurs fondements étant si fermes et si solides
on n'avait rien bâti dessus de plus relevé.
" (Discours
de la méthode p.37).

-42-
"Bâtir quelque chose de plus relevé",
c ' est r e dé couv r i r
ce que les
Anciens nous
ont caché
la
mat.hématique
universelle.
Nous pourrions la définir comme
l'essence
de la mathématicité.
Nous citerons aussi,
à ce
propos,
ce texte des
Règles
pour la direction de l'esprit.
" . . . il
finit par devenir c La i r
POla- moi que seules
les
choses,
et
toutes
les
choses,
dans
lesquelles
c'est
l ' o r d r e ou la mesure que l'on examiné,
se r appo r t en t;
à
la mathématique,
peu
importe que cette
mesure soit
à
chercher dans des nombres,
des
figures,
des astres,
des
sons ou quelque
autre objet
que
par conséquent
il
doit y avoir une science générale qui explique tout
ce
qu 1 i l est possible de r e ch e r ch e r
t cuch au t
l' o r d r e et L.
mesure,
sans assignation à quelque matière p a r t Lc u Li r e
è
que ce soit"
(Règle IV p 98).
Si
les
événements
humains
étaient
suceptibles
d'ordre et de mesure,
cette mathématique universelle en
rendrait compte scientifiquement.
Cela ne signifie
pas
que l'ordre et la mesure
sont dans
les choses,
et
que
les événements humains en seraient dépourvus mais
tout
simplement que l'homme ne peut les saisir avec o r d r e e t;
mesure.
Nous ne. sommes pas dl!
conseil de Dieu.

- 43··
L'arithmétique et la géométrie offrent un
modèle,
un type d'évidence,
que tout objet vrai doit présenter.
La position cartésienne est
on ne peut plus
radicale.
Il n'y a pas plusieurs degrés dans le vrai.
Ce dont
on
ne peut obtenir une certitude égale aux
d émo u s t r a t.f.o n s
mathématiques,
est,
au-delà ou
en-deçà,
du vrai et
du
faux.
Epistémologiquement,
voire
ontologiquement
parlant,
il n'est pas entre le vrai et le faux,
il
n'y
a pas de milieu.
Descartes ne pose pas des
degrés de certitude,
ce
qui
permettrait d'intégrer plus d'objets
dans le c h amp
de
la
pensée.
Nous
sommes
bien
loin
de
la
pensee
leibnizienne,
où toute monade
exprime la totalité,
de
son point de vue.
Nulle n'a la transparence,
mais elles
ont à voir avec le vrai.
D'où l'idée d'une infinité
de
perspectives,
de points de vue
menant à la v r i
Un
é
t é •
être omniscient,
doué
d'ubiquité,
en
un
mot,
Dieu,
verrait la totalité,
le vrai que chaque être exprime
à
sa manière

-44-
Chez Leibniz,
le chemin
de
la vérité
est
loin
d'être droit.
Il est pluriel et pluridimensionnel.
Pour
cette raison,
Leibniz apparait
à plus
d'un comme
un
éclectique.
Mais
son
éclectisme
n'est
pas
une
dispersion
il
a des
fondements
métaphysiques.
La
conceptioll leibnizienne du vrai détermine l'activité de
l'auteur dans des domaines apparemment différents voirè
divergents. Nous
pouvons citer
à ce
propos le
texte
suivant
"
Mihi
si dicendum
quod
res
est
statum
humanae cognitionis consideranti in me n t em ve n i t
Lma qo
e x e r c i t u s ,
in fugam conjecti ..
a qllO nulla signa nulli
or di n es s e r van t u r . . ."
(P 11 il.
, VI,
1 8 )
D'où la nécessité de l'encyclopédie,
sans laquelle
nous sommes p auv r e s au milieu de l'abondance,
car
nous
ne savons pas nous-même ce que nous possédons déjà,
et
ne pouvons pas nous en servir au besoin.
L'Encyclopédie
pour
être
complète,
devra
enseigner tous
les procédés
des arts
et métiers,
et
recueillir jusqu'aux tours
de main
des artisans,
qu:i.
peuvent être à l'origine
ou l'occasion de
découvertes
ou d'inventions d'lin grand intêret scientifique.

-45-
liCe
sera un
inventaire général
de notre
trésor
public ll •
cf.
Nouveaux
Essais sur l'entendement
humain
-chap-XXI
IIDe la division des sciences ll •
Leibniz compare ainsi
l'état de la
connaissance
humaine à celui d'une armée dispersée,
mise en déroute.
Ce qui signifie gue
les hommes ont des
connaissances,
mais elles ne sont soumises à aUClln ordre.
Dieu,
Lui,
voit
la totalité lIno
intuito.
Mais,
en
tant
que créatures,
nous
sommes
limités et,
par
conséquent,
nous devons nous efforcer de voir ce qll'il y a de
vrai
en tout.
Ce
qui
nécessite du
temps
et
le
travail
immense de
l'inventaire d e s
pensées humaines
en
u n e
encyclopédie.
Ce ne sera que peu à
peu,
à diverses reprises,
par
le
travail
de
plusieurs,
qu'on
viendra
aux
éléments
démonstratifs de
toutes
les connaissances humaines.
Aussi,
Christiane Frémont,
dans
son livre sur
la
ph Ll o s oph t e
Le Lbn Lz I e n n e ,
L'Etl"e
r e La tt o n .
explique t-elle
la
multiplicité des
correspondants
de
l'auteur,
par
sa
conception
pluridil1lensionnelle
du
vrai:

-46-
"Par la multiplicité des cOlTespondants, par celle
des savoirs
qu'ils r epr e s e n t en t
et par
Le u r mise
en
relation,
on
obtient
sur chaque
question
une
telle
variété de points de vue
qu'elle pourrait à la
limite
fonctionner comme la totalité".
Ce
qui
rejoint
la
pensée
d'Emile
Boutroux
lorsqu'il écrit
"Il cherche la conciliation des contraires.
Il
ne
la cherche
pas par
la voie
de compromis.
Il
estime
qu'il
est
fâcheux
de
se
faire
des
concessi.ons
mutuelles.
Les
doctrines
que
l'on
mutile
pour
Le s
accorder avec d'autres, perdent
leur vie,
Le u r
beauté
et leur vérité.
L'a n ta 9 0 n i S 11\\ e
des
s y s t ~ Il\\ e s
pro vie n t
clt:'
leur
étroitesse et non de leur empiètement sur le champ l'un
de l'autre.
si nous sommes ennemis les uns les autres,
ce n'est pas
parce
que
nous
participons
de
l'infini,
mais
au
contraire
parce
que
nous
sOlllmes
finis.
Leibniz
emploiera donc
une
méthode de
conciliation
qui
lui
permette
cle
conserver
tout
entières
les
doctrines
antagonistes.

-47-
Dans l'infini dit-il,
tout se réconcilie,
tout a
sa
place et son rôle.
Il veut s'élever toujours plus haut,
arriver au point
de vue
de Dieu qui
voit toutes
les
choses dans
leur unité
en même
temps que
dans
leur
in div i clua lit é".
in Emil e B0 II t l' 0 U X - Hi s t 0 jr e cle s
i clé e s
(de Leibniz) p.75
Donc,
Leibniz
n'est
pas
un
éclectique,
ni
un
conciliateur
pour
le
plaisir
ou
la
lâcheté
de
concilier : chaque
élément,
chaque philosophie,
comme
chaque
monade
dit
confusément,
c'est-à-dire
partiellement le
v r a i
à
son
niveau.
Il
faut
savoir
comprendre le
rapport de
chaque chose,
en donnant
él
"chose" l'extension du terme latin "l'es",
à la
v e rLt é •
C'est-à-dire,
comme
nous
le
disions
précédemment,
mesurer CE: rapport en
posant des degrés de
certitude.
Nous
commencerons
par
conséquent,
par
examiner
ce
problème chez Leibniz,
pour ensuite
voir, comment
la
dérna r ch e arnaldienne se si tue par rapport à la dérua r ch e
leibnizienne .

-48-
l
- LA CERTITUDE CHEZ LEIBNIZ
La
certitude
chez
Leibniz
est
tout
à
fait
désolidarisée de
l'évidence cartésienne.
Leibniz,
il
est vrai,
établit une distinction entre les vérités
de
fait et les vérités
de raison,
c'est-à-dire ent.re
les
vérités nécessaires et les vérités contingentes.
Les vérités
de fait
sont celles
dont la
raison
intégrale ne pourrait être atteinte que par une analyse
i.nfinie,
impossible
à
l'espl-it humain,
tandis
qu'il
suffit d'une analyse finie
pour démontrer les
vérités
de raison.
Toute
proposition
vraie,
de
fait
ou
de
raison est démontrable a priori. Mais pour les
vérit.és
fait
Dieu les saisit. uno
i
d
e
s e u l
L n
t . u
r . u
.
Mais il les considère t.outes comme également analyti-
ques.
Ce qui empêche de démontrer les vérités de
fait,
c'est que
leur
démonstration
exigerait
une
analyse
infinie,
car
le
concept
de
toute
ch o s e
concrète
enveloppe une infinité d'éléments ou de conditions
que
nous ne
pouvons connaître
que par
e xpé r i e n c e .
Hais,
même lorsqu'il S'agit de vérités de fait,
nous
pouvons
les conu a ït r e avec
une app r ox i.ma t t o n dt'
plus en
plus
grande,
à mesure
que nous
continuons l' a n a ly s e .
Nou ~;
aurons ainsi. une probabilité infiniment. c r o i s s a n t.c....

-<19-
Pour Leibniz,
la vérité consiste dans la connexion
des signes,
en
tant
qu'elle répond
à
la
connexion
réelle et nécessaire des idées, des objets,
laquelle ne
dépend
pas
de
nous.
Le
choix
des
signes,
et
la
définition des mots, peuvent,
certes, être arbitraires,
sans que la liaison des mots et des sig~es le soit.
c'est précisément
dans
cette liaison
que
réside
la
vérité ou la fausseté,
c'est clonc la forme du rdisol1-
nement qui fait
la force de
l'argumentation. D'où
le
qualificatif de
"formelle" attribué
à la
"certitude"
telle qu'elle est
définie par Leibniz.
Ce point
sera
développé plus précisément dans les chapitres suivants.
Pour l'instant,
il importe
surtout de noter que,
po ur
Leibniz, même
les événements
de la
vie peuvent
être
soumis à un calcul.
Il recherche une "logique
de la vie" ou
"logique
civile",
c'est-à-dire,
la
logique
des
probabilités
applicable à toutes les questions pratiques. (1)
Cette nouvelle logique sera une véritable combinatoire,
un calcul.

, -. .
"
1,:1 \\l~ :iL'\\.',',\\ bU!.I\\ll:(lItP p.l u s difficile,
mais aussi beaucoup
plus utile,
car elle s'appliquera
à la réalité et
aux
questions
qui
portent
sur
les
réalités
morales,
politiques et
sociales,
et nous
permettra,
soit
de
prévoir l'avenir
comme
si
nous
avions
assisté
aux
conseils de Dieu et surpris le secret de la création
soit -et ce n'est pas
de peu d'importance- de
choisir
sGrement
la
conduite
à
suivre
dans
toutes
les
situations. Nous choisirons le plus probable,
et ce
ne
sera pas un simple pis-aller.
Il n'y
a
de
probable que' pour
l'homme,
à
la
différence de Dieu qui saisit tout uno intuitll.
Comment Leibniz défi.nit-il la
vérité? Nous v e non s
de
le dire. Toute vérité est analytique,
c'est-à-dire
que
le prédicat est contenu dans le sujet,
en une connexion
intrinsèque,
in
re,
et intelligible.
Cette
relation
logique, on petit la
découvrir par analyse des
termes.
Analyse finie
pour
les vérités
nécessaires,
inf:Lnie
pour les propositions
singulières, dont
le sujet
est
individuel,
c omm e sont
toutes les vérités
h Ls t.o r Lqu e s
et
de
fait.
Mais,
l'estimation
des
degrés
de
p r ob a blILt.é
c ou s t Lt u e
UI18
vé r ftabLo
CI) Il 1: 1" t:.~
l'infinité de l'analyse dans les vérités h i s t o r Lqu e s ou
de fait.

-51-
En effet,
le calcul
des probabilités
permettra,
connaissant la probabilité des possibles
élémentaires,
de calculer la
probabilité de
chaque combinaison.
On
n'aura plus
ainsi,
comme
le
montre
Couturat,
qu'à
déterminer (au moyen o u
calcul infinitésimal s':Ll
y 'a
lieu)
la
combinaison
de
probalilité
maximum,
pour
savoir,
à coup s
r , celle q u i
se r
a l .i s e r a . Ce sera
1,'\\
û
é
logique des probabilités.
Parlant d'elle,
Couturat écrit
:"La nouvelle
Logique
est beaucoup plus
difficile mais
aussi beaucoup
plus
utile,
cal-
elle
s' appliquera
à
la
l'alité
et
aux
questions
pratiques,
qui
portent
sur
des
réalités
morales,
politiques
et
sociales,
l:'t
nous
permettra,
soit de prévoir l'avenir
comme si Jl0US avions
assisté
aux conseils
de
Dieu
et
surpris
le
secret
de
la
création,
soit de diriger sftrement notre conduite
dans
toutes les conjonctures". (2)
rI
faut
garder
présent
à
l'espril
que
cette
logique des probabilités est
tout à fait dist.incte
du
probabilisme dE:s théologiens et d es c a s ul s t.es . Celui-cL
repose essentiellement
sur
l'autorité,
et
ne
tient
CUlllpte q u e de s
o p Lnl o n s
s ub j e c t Lve s ,
et
n ou
dl:~:; J,li:;OII:,:
objectives et intrinsèques qui rendent un jugement plus
üu moins vraisemblable ou probable.

-52-
Dé.1I l sun e let t r e à Bli l'Ile t t dE:: 1 G9 9,
Le :i. b 11i z
é c 1-i t
:
"je ne parle pas ici
de la probabilité des
casuistes,
qui est fondée sur le
nombre et sur la réputation
des
Docteurs, mais de celle
qui se tire
de la nature
des
choses à proportion
de ce qu'on
en connaît, et
qu'on
peut appeler la vraisemblance".
A la
suite
de Fermat
et
pascal, Leibniz
cherche
à
mettre
en
place
.un
véritable
calcul
des
probabilités. (3)
Pour conclure sur ce point, nous pouvons dire avec
force ce que
nous pressentions,
à
savoir que
Leibniz
intègre au domaine du calcul logique,
des champs exclus
par Descartes,
grâce à
la logique
des
probabilités.
-.
Arnauld,
COlllme Leibniz,
se penche sur
la qUêstiol1
du
probable
et
du
vraisemblable.
Mais·
il
reste
à
mi-chemin,
entre
l'intuition
cartésienne
et
le
formalisme de Leibniz.

-53-
II - LE PROBABLE ET LE VRAISEMBLABLE CHEZ ARNAULD
Arnauld commence par
t ab l I r
une distinction entre
é
deux types de vérités
"La première réflexion est
qu'il
faut mettre
une
ex t r ê me di f f é l'en cee n t r e
de u x t yp e s
de
v é r i t é s :
les
unes qui regardent
seulement la nature
des choses
et
leur essence immuable illdépendamment de
leur existence;
et les autres qui
regardent
les choses existantes,
et
surtout les
événements
humains
et
contjngents,
qui
peuvent être et n'être pas quand i l S'agit de l'avenir,
et qui pouvaient
n'avoir pas
été quand
i l s'agit
du
passé".(4)
D'une
certaine
manière,
nous
retrouverons
la
dichotomie leibnizienne,
entre
les vérï'tés de raison et
les
vérités
de
fait.
Les
vérit~s
scientifiques
appartiennent à
la première
catégorie.
Elles
doivent
être recherchées
et démontrées,
selon la méthode
mJse
au point,
dans
le
chapitre
onzième de
la
quatrième
partie. (5)
Il
s'agit
de
vécités
"universelles".
C' e s t -i'l- LiI L'l,?
valables pour tout sujet
Les vérités
co n t Ln qe n t e s
ail
de
fait,
n e
s au ra Len t
être appréhendées de
la 111&11102 manière.

-54-
"Si on pense
se servir des
mêmes règles dans
la
croyance des événements humains,
on n'en jugera
jamais
que faussement,
si ce
n'est par hasard,
mille faux raisonnements".
Ce n'est pas
pour cela, que
les événements
ne
seraient pas appréhendés
avec une logique
spécifique.
Comme Leibniz, Arnauld va s' efforcer de montt-er c ouuue n t
traiter le
plus scientifiquement
possible les
faits.
Lui aussi parle de
degrés de probabilité.
Le
reproche
que nous pourrions faire
à la conception
arnaldienne,
serait d'avoir mis en place, ou plutôt repris de Fermat
et de Pascal,
la notion
cle probabilité,
sans en
tirer
un parti véritablement scientifique.
Car, Arnauld va essentiellement examiner le problème de
l'autorité des
témoins.
La
probabilité sera
d'autant
plus
grande,
que
le
témoin
sera
plus
digne
de
confiance.
Arnauld
prend
pour
exemple
Saint-Augustin.

-55-
"Et ainsi tout
ce qui
resterait à
l'incl-édulité
serait de douter du
témoignage même de Saint
.l1.gustil1,
et
de
s'imaginer
qu'il
a
altéré
la
vérité
·pour
autoriser la
religion
chrétienne
dans
l'esprit
des
Payens. Or c'est ce qui ne se peut dire avec la moindre
couleur.
(
Premièrement,
parce
qu'il
n'est
point
vraisemblable, qu'un homme
judicieux eùt voulu
mentir
en des
choses
si
publiques, olt
il
aurait
pu
être
convaincu de mensonge par
une infinité de témoins,
ce
qui n'aurait pu
tourner qu'à la
honte de la
religion
chrétienne.
Secondement parce
qu'il n'y
eut jamais
personne
plus ennemi
du
mensonge
que
ce
saint,
surtout
en
matière
de
Religion,
ayant
établi
par
des
livres
entiers, non
seulement qu'il
n'est jamais
permis
de
mentir; mais que c'est
un crime horrible de le
faire
sous prétexte d'attirer plus facilement les hommes à la
foi".
Ce
fa i san t,
Ar 11au Ids e ra p pro che du
p r o b a b i l i oS me
des
théologiens,
qui
repose
e s s e Il t :i. e Il e III e n t
l'autorité;
même si,
clans
l ' u l t i m"-' cil d P î t i. e
ch?
l a
quatrième partie, Arnauld ab o r d e le p r ob Lè nie d u
calcul
des pro b ab j lit é ~; clans 1 e s j e li x cle Ila s a r d .

-56-
Cependant,
pour
Locke,
la
en
elle-même, n'est pas un calcul rigoureux.
Elle est
destinée
à
suppl~er
au
défaut
de
notre
connaissance,
"et
à
nous
servir de
guide
dans
les
endroits où
la connaissance
nous manque,
elle
r'ou Le
toujours sur des propositions que quelques motifs
nous
portent
à
r e c e v o t r
pour
v é r i tables
sans
que
nous
connaissions certainement qu'elles le soient". (liv IV ,
chap xv p.547).
Comme Arnauld,
Locke prend
le cas de
l'autorit~;
c'est-à-dire la confiance que l'on porte au
témoignage
d'autrui.
Il faut alors tenir compte de la personnalité
du témoin;
Locke pose en
effet les "fondements" de
la
probabilité :
premièrement,
la
confonllité d'une
chose avec
ce
que nous connaissons, ou avec notre expérience (ce
qui
remet en cause les miracles).

-57-
En second
lieu,
le
témoignage des
autres,
dans
lequel il faut considérer
1°)
-
le nombre
2°)
- l'intégrité
3°)
- l'habileté des témoins
4°)
- le but de l'auteur lorsque le témoignage est
tiré d'un livre
5°)
- l'accord des parties de la relation et ses
circonstances
6°)
- les témoignages contraires
Tous les éléments sont importants. Mais,
en
tenir
compte,
ne
permet
pas
d'atteindre
une
certitude
mathématique dans nos concllisions.
La probabilité n'est
jamais accompagnée
de
cette
évidence
qui
détermine
l'entendement d'une manière infaillible,
et qui produit
une connaissance certaine.
Cependant, nous pouvons donner notre "assentiment ll
ou "c ons en t emen t v ,
c'est-à-dire tenir pOlir vrai,
ce qui
parait probable,
compte tenu des degrès de probabilité.
Le dernier mot revient ici aussi à la volonté.
Tandis que
chez Le.ibniz,
le calcul
d e s
p r ob ab i I Lt é s
sera un véritable calcul mathématique qui Si .i mpo s e r a
à
n 0 t r e volon té,
cl e mê me Cl u e 1 e s
gal i
é
té::;
a 1l] è b Li Cl II es.

- 5 8··
Toutefois,
avec
Arnauld
aussi,
nous
voyons
un
e f for t pou r e f f e c tue L- un
t rai t e men t
l 0 ÇJ i q li e cle s
f a: i t s
humains. Les événements ne
sont pas totalement
exclus
du domaine
épistémologique
En cela,
Arnauld a
une
démarche on ne
peut plus proche
de celle de
Leibniz.
Toutefois,
il semble que le projet arnaldien ne saurait
trouver sa pleine réalisation que c h e z Leibniz.
Car,
avec la mise en place d'une véritable logique
des probabilités, nous serions débarassés de l'autorit.é
et les
risques
d'erreur dimminueraient
d'autant..
En
rapprochant. la
pensée
du
calcul
mathématique,
nous
l'~ffranchirions de tout subjectivisme. Les différentes
conceptions de
la
vérité
que
nous
venons
de
voir
dictent
la
façon
dont
les
auteurs
pe n s e n t
LI
communication.

-59-
NOTESDU CHAPITRE II
1
L'ORIGINE DES VERITES CONTINGENTES A PARTIR D'UN
PROCESSUS QUI VA A L'INFINI D'APRES L'EXEMPLE DES
PROPORTIONS ENTRE LES QUANTITES INCOMMENSURABLES
LA VERITE
LA PROPORTION
est l'inhérence (inesse)
du prédicat au sujet
d'une quantité plus
petite à une quantité plus
grande ou d'une quantité
égale à une quantité égale
se montre
en donnant la raison
en développant le rapport
par l'analyse des termes en
notions
quantités
qui sont communes à chacun des deux.
Cette analyse est soit finie,soit infinie.
Si elle est finie,
elle est dite.
démonstration
Invention d'une mesure
c ommu n e ou c ouuue n s u r a t ion
Et la
vérité
est
Et
la
proportion
est
nécessaire
exprimab.Le (effabilis)

-60-
On est en effet,
ramené à
des vérités identiques
la congruence ~vec une
même mesure répétée
de contradiction ou
de
l'égalité des
choses
d'identité
qui sont congruentes
(quae congruunt)
Si,
au contraire,l'analyse procède à l'infini
et que l'on ne parvienne jamais à l'exhaustion
est
contingente
la
vérité
est
inexprimable
la
implique des raisons
proportion qui a des
infinies
quotients infinis
D'une manière telle que, pourtant
il Y a toujours un certain reste
Dont il faut à nouveau
fou r n i s san t
un no u ve au
rendre raison
quotient
Dans ce cas,
la continuation de l'analyse
engendre une série infinie
qui est cependant
A propos cle laquelle le
parfaJ.tel1\\ênt connue cle
GéOlllètl-e
c cuu a i t
un (Jl'êlnd
Dieu

- 6 l _0
sourds t.e l I.e qu' ",112 e s t;
l ,:J ' E 1.1':: L 1.<.:1", 1
t i n c t e
De la science de simple
de l'arithmétiqu2
: , "
1 ', ~ • ':-
intelligence
L' une et l'autre,
cependant,
lie sont pas
expérimentales mais possèdent une
infallibilité a priori et,
selon le genre
concerné,
par des raisons certaineslpar de.s démonstrations
qui sont appréhendées
Inécessaires qui sont
connue.s
d' un seul coup
d'oeil
1 des
Géomètres,
mais qui
ne
par un Dieu qui embrasse 1peuven t
t r e appréhendées pal-
ê
l'infini, mais qui ne
Ides nombres exprimables
sont cependant pas néces-I
saires

car il
est impossible
de donner de démonstra-
de connaître arithmétique-
tion des vérités contin-
ment les proportions
gentes
sourdes ou de les
expliciter par la répé-
tition de la mesure
( . . . . )
et il n'y a pas d'inter-
médiaire entre ces deux
Et i l n'y a pas
sciences;ce qu'on appellel
d'intermédiaires entre
la Science Moyenne
ces deux s c ie nc e s .
(Scientia Media)
est en
fait une science de
vision des possibles
contingents.
~ là ressort que la
De là ressort que la racine
racine de la contingence
de l'incommensurabilité est
est l'infini dans les
l'infini dans les parties de
raisons.
la matière.
Opuscules et
fragments
inédits
de Leibniz,
publiés
par
L.
Co u t u r a t ,
GE~Ot-CJ Olms,
Hi Ld es lre I III ,
191::("
P J--3
.

"
"...
-
ù ...) -
2 - Dans le De conditionibus,
Leibniz esquisse une
théorie des probabilités.
Il prend d'abord des
modèles
des jurisconsultes, puis cette étude acquerra une
plus
grande précision avec
l'étude des
travaux de
Fermat,
Pas c il l,
e t
rI u y 9 e Il S
.Sli l'le s
jeu x de h a S d L'Cl,
e t
cl.?
C "" II x
de Hudde et Jean de wi t t , pensionnaire de Hollande,
SUL'
les rentes viagères.
Dans le
De
inc:ertt
aestimatione,
Leib n i z
expo~:e
les
principes
du
calcul
des
probabilités,
et
les
applique à divers
jeux
de hasard alors
à la mode.
La
probabilité d'un événement est
égale à la division
du
nombre
de
cas
favorables
par
le
nombre
de
cas
possibles. Quand
cette
fraction
est égale
à
l,
la
probabilité devient certitude.
t.'fais,
lorsqu'un
événement
a
des
probabilités
différentes selon les h ypo t h è s e s e n v i s a q è e s ,
également
probables
sa
probabilité
est
la
moyenne
de
r
ces
diverses probabilités. c'est la moyenne arithmétique ou
-.
"prosthaphérèse"
selon l'appellation leibnizienne.
r
A cet
égard
le
texte
des Nouveaux
Essais
sur
r
l'entendement humain est très important.
Dans ce texte r
Leibniz envisage les questions c ornpLe x e s où les raisons
ne doivent pas seulement être c ornp t e es mais pesees.

Elles se composent entre elles non par l'adcHtion,
mais
par la multiplication
c'est la probabilité c ompos é e .
Couturat,
dans La Logique de Leibniz,
affirme
que
Leibniz n'a pas cOlltribué au progrès de la science
des
probabilités par
élucune
invention
notable.
Il
nous
présente les
textes
dans
lesquels
LeJbniz expose
les
idées fondamentales de sa théorie
:
Outre le De conditionibus,
Couturat énumère le Specimen
- - - - -
demonstrationuIn politicarulll pro eligendo rege Polonorum
(1669).
Définitio
justitiae universalis
ainsi que la
première
lettre à Arnauld
(1671 ou 1672).
si
Leibniz,
comme
le
dit
Couturat,
n'a
rien
apporté de notable au calcul des probabilités,
du point
de
vue
technique,
i l
n'a
pas
peu
fait
par
les
perspectives d'application qu'il ouvre.
Yvon Bélaval dans
Leibniz critique de
Descartes,
(p.SüS)
montre que.
le calcul des
probabilités a
p r i s
\\ .
t
d
l
l
une Impor ance
e p us en p us grande,
il n'existait
à
peu près
pas durant
la
vie de
Descartes,
et
il
ne
représentait
guère
davantage
qu'une
curiosité
mathématique durant la vie de Leibniz.

-65-
rI poursuit ainsi
"rI faudra po urt an t
conclure. avec Horitz Cantor:
"si nous récapitulons ce que nous avons eu à mentionner
de
Leibniz
dans
ce
chapitre,
et
nous
ne
l'avons
mentionné que parce
qu'il s'agissait de
Leibniz,
le
résultat est extrêmement pauvre
: Leibniz qui a SOlivent
e xp r i rué de
l'intérêt
pour le
calcul des
probabilités
n'y a
rien accompli
"
(M.
Cantor, Vorlesungen
Uber
Geschichte Der Hatllematick,
t. r r ) .
Cette appréciation négative ne doit pas faire
oublier,
comme nous le
soulignions précédemment,
que ·le
grand
mérite de
Leibniz,
a
été de
penser
la
possibilité
d'appliquer le calcul des
probabilités à des
domaines
aussi
divers
que.
l'histoire,
l ct
j uri s p r uch:.' n c e ,
Id
politique,
la morale etc ...
3 - Couturat, La Logique de Leibniz
Paris Alcan 1901
De la
famille
Bernouilli, de
Bâle,
qui
donna
plusieurs
mathématiciens
qualifiés,
Jacob
donna
au
calcul des probabilités une base mathématique solide
Jacob Bernouilli (Jacques l
- 1654 - 1705)
systématisa
aussi le calcul différentiel de Leibniz,
et
l'appliqua
au domaine de la géométrje d i f f
r e n t Le Lj e .
é

-66-
Aux découvertes de Bernouilli dans les domaines de
,.." .
l a t r i go n a III é tl- 1'e e t (1 e s pHI1J ab i lit é s,
:3' a j o li l: e Il t. ce Il e :~
d'Abraham de
Moine
(1667
1754),
qui
élabora
la
t h o r i e des pe
é
n1\\U ta t ions
et de s comb ina i50115 .
c'est donc véritablement
au 17e.
siècle, que
le
calcul des probabilités acquiert une base scient.ifique.
Le p r emie r exemple
de. calcul
des p r ob ab i l Lt s
connu,
é
r e ïuo n t e , il est vrai,
à
1494.
Dans un t r a i té.
ital i an ,
Luca di Paciali expose la
façon de partager les
mises
après une partie de jeu Ln a ch e v e .
é
Cardan, un joueur invétéré t calcula aussi certaines des
probabilités relatives aux jeux de hasard et publia ses
conclusions dans
un ouvrage
intitulé De
ludo
Aleae.
C'est au XVIIe siècle,
Cl \\1 e
Fer mat,
Pas cal
e t H \\1 y'] e n s ,
abordant le sujet sur un plan plus
généraIt
donnèrent
au calcul des probabilités une base scientifique.
Dans
les
Mathematische
Schriften t
(Gerhardt)
Leibniz précise que les f r r e s Berno\\lilli n'ont
jamais
è
voulu usurper
la
paternité du
calcul
infinitésimal.
Leibniz montre qu'il avait découvert ce nouveau
calcul
dès l'an
1674.
c'est
lui-lllême qui
a
encouragé
les
frères Bernouilli à
d i r iq er leurs
r ec h e r c h e s vers
le
calcul infinitesilllal.

-67-
"Pain- y a r r i.ve r
par le
moyen de
ce que
j 1 avais
déjà ccimmuniqué,
il fallait une adresse
extraordinaire
et quelque exercice,
que l'application et llenvie de se
signaler leur donna pour se
bien servir de ce
nouveau
calcul.
Après cela,
ils
furent
en état
d i a Ll e r
bien
loin.
Cependant
ils
m'ont
toujours
f ait
la
j u st. Lc e
de
m'attribuer l'invention de cette analyse ... " (p. 391)
(Remarques de Hl' Leibniz SIn- l'art - v des Nouv e Ll e s dt?
la République des lettres du Illois de Février 1706).
Nous aurons à nous demander,
si Arnauld n'est
pas
demeuré p r Ls on n ie r , dans une certaine mesure,
de c e que
Leibniz appelle le "probabilisme des théologiens et des
casuistes ".
Le domaine
de la
probabilité doit
0trt?
traité
mathématiquement
le
calcul
infinitèsimal
appliqué au x probabilités remplacera les
dé Li bé r s t i on s
et discussions
vagues,
OlJ
règne le
sentiment, et

triomphe la
rhétorique,
et dictera
les
décisions
à
prendre
avec
L1ne
rigueur
et
une
mathématiques.
La probabilité apparaît donc, moins cOmme lin
pis-aller
à défaut de c e r t i tuc1e, q ue c orume une v r
é
i table dé ma r ch e
::; c J. e n t J. [ J Cl Il (~.
::; L
el l t.' 11' i:1 p cl::;
J. ê.l C'? L' t :L t lllJ 1;' Il,;',:;
V (. J"' LI,:',:;
(
de r a i s ou , elle en a la s c i.e n t i fi c it.é ,

-68-
4 -
Arnauld et Nicole, La Logique ou l'Art de
penser IV,
chap XIII- p.413
5
-
Dans ce
chapître Arnauld
résume en
quelque
sor t e e l~ qui été clé III 0 11t ré clans les cha p î t L' e :3 pré c é cle n t s
concernant la méthode.
Le
titre en est tout à
fait
élo-
Qllent
:
"La méthode des sciences réduites
à huit. règles
princIpales".

-69-
CHAPITRE III
QU'EST-CE QUE LA COMMUNICATION
?
Le
problème
de
la
comllluntcation,
de
la
communication du vrai,
a beaucoup
intéressé le
XVllè
si.è c Le . Celui-ci.
a
vu s' amplifier
la
correspondance
e n tr e
les metnb r e s de
"l' t n t e Ll t q e n t st a ? •
Comme
s' LL
y
avait une prise de conscience du caractère c on s t it.u t i f ,
incontournable, de la communication pour la pensée.
Et
ce, dans des perspectives différentes.
Arnauld, nous venons de le voir rapidement, montrê
le caractère
essentiel
de la
communication
pour
la
pensée,
ainsi
que
le souligne
Louis
Marin.
Leibniz
aussi,
installe la c ommun i c e t Lo n au coeur,
à la r ac i n e ,
de la pensée.
La pensée se
définissait même comme
ce
type
de
cOlllmunication
qu'est
l'expression.
Se
distinguant
de
ces
deux
auteurs,
Descartes
prône
l'extériorité,
le caractère
second,
voire
secondaire,
de
la
communication
par
rapport
à
la
pensée.
Confrontons
donc
la
problématique
arnaldienne
du
rapport entre
la
communication
et la
pensée,
à
la
Leibnizienne et la cartésienne, pour mieux en s ai s i r le
sens et la portée.

-70-
I.
- COMMUNICATION ET PENSEE
A)
- Descartes ou la distinction totale de la pensée .et
de la communication
"Goul1ier is
not
concerned to
refute
Descartes'
dis tin c t ion b e t \\'J e e n
t 11 e
dis co ver y 0 f
t rut 11
and
t 11 e
cOlllmunication of trut11
l1e assumes,
as Descartes does,
that
the
distinction
c a n
be
mad e .
J t
l.s
t.his
assumpti.on,
l1owever,
t h a t
l
deny.
FOL" me,
the tr u t h
in
p 11 i los 0 p h Y i s
e q li i val en t
\\'-11 t 11 the
i t i 11e r a r y l e ad .i n ÇJ
LCl
i t .
a n cl t li J ~j
i t :L n e r a r y i s
in p ri n c i p 1(' an l?:< e r c i s e
in
cOllllllunication."
Voilà ce
qu'écrit
Henry W.
Jol1nson,
dans
son
a r t Lc l e intitulé: Trutl1,
communication and r h e t o r Lc .
En
effet,
DeScëŒtes
pose
et
ne
r eme t
pas
en
question
la
distinction
entre
la'
pensée
et
la
communication de la
pensée.
Sa
théorie de
l'évidence
implique d'ailleurs cette distinctioll,
car penser,
chez
Descartes,
c'est
fondamentalement
voir,
saisir
la
chose
en
une
intuition,
sans
llIédiation,
ni
linguistique,
ni de quelque autre sorte
que ce soit.
Les
véritables
découvertes
épistélllOloÇJiques
sont
saisies
par
la
raison,
mais s a n s
raisonnement.
Car les idées
claires
et dinstinctes sont,
po u r
ainsi dire de s p r
s e n c e s .
é

-71-
Et en ma t i.è r e de' p r-e uv e , que pouvons-nous souhaiter
de
plus f o r t
qu'une
p r é s e n c e
et de
plus
propre
à
la
signifier que l'évidence?
Les véritables faits,
ce sont
les idées
qu'un
e f f 0 1-t d' a t t e n t ion are u clu e s e l air e s e t d i s tin c t e. s .
La découverte
du
vrai ne
doit
donc rien
à
la
communication.
Le problème
de la
commun i.c a t i.on ne
se
pose qu'après la
découverte du vrai.
Ce qui
s i qn i fie
deux clro s e s
: cl' une part,
que la communication est tout
à fait distincte de la pe u s e ,
é
Mieux:
elle
est seconde,
rapport à elle.
c'est après
avoir réalisé
l'évidence
pour moi,
que je
dois tenter,
si je
le juge utile
ou
nécessaire,
de
la
réaliser
pour
autrui.
Descartes
estime justement
qlle
l'évidence est
communicable
en
droit.
si
elle
ne se
h e u r t a it;
pas aux
p r
j u
é
qé s
de
-
l'autre,
elle
devrait
lui app a r a i t r e
aussi
dans
sa
clarté et
sa distinction.
Ce
sont ces
préjugés
qui
constitueront l'élément
majeur de
ce que
H.
Gouhier
appelle "la résistance au vrai".
Descartes écrit
:
"J'éprouverai en la
Diopt.ciql.le
si je suis
capable d'expliquer mes
conceptions et
de
p e r s u ad ée ... " ( 1 )

-72-
L'expression "après que" souligne,
on ne peut plus
clairement,
le c a r ac t
r e second de la c
è
ouunun i c a t i on . Ce
dont doute Descartes,
ce n'est
pas de
sa r a i s on ,
de
l'évidence du vrai
qu'il détient,
ma is
de sa
parole.
Comment l'autre recevra-t-il ce vrai,
saisi,
sans
lui,
dans le silence éclatant et éblouissant de l!évidence ?
Descartes montre que tous les e s p r i t s ne sont
pas
également prêts à recevoir la vérité.
Car,
i
é c r i t
I ...
e
"bien que j'aie souvent
expliqué quelques-unes de
mes
opinions à des
personnes de très
bon esprit,
et
qui,
pendant que je
leur parlais,
semblaient les
entendre
fort
distinctelllent,
toutefois,
lorsqu'ils
les
ont
r e d i tes,
j'ai remarqué q u 'i} s les on t
changées
p r e s qu e
toujours en
t e Ll e
sorte
que je
ne les
po uv a I s
plus
avouer
pour
miennes".
Donc,
dès
le
début
de
sa
carrière,
Descartes s'est heurté à des échecs dans
Sèè;
efforts pour transmettre la vérité.
I l rencontrera bien des
incompréhensions,
même Sllr
les points les plus accessibles,
comme la réfraction. ou
la nature des couleurs. (2)
Ces difficultés de fait
dans la communication du
vrai
justifient
la
question
que
se
pose
Geneviève
Rod i s Lew i s clans "L' inclividualitéselon Descartes"
e

-73-
"Ces
difficultés
à
réaliser
l'accord
d es
e s p ri ts
prouvent-elles
leur
foncière
diversité
?
Si
Le u r
pluralité
ne
se
laisse
discerner
qu'à
travers
le
comportement et le
langage,
les échecs
de ce
de r n i e r
pour é t.ab Lir de p r I me abord une communie a t ion ef f e c t i.ve
inclineraient à penser que l'universalité cle la
raison
est plus un idéal qu'un fa:Lt."
Henri GOllhier mon tr e , en effet que la difficulté ne
se
situe guère du côté du sujet de la re f Le x Lon . Descartes
ne doute guère de
sa propre pensee
; le problème
e s t
plu tôt de
c 0 mm un i CI uer a v e c a u t r u i . En
In- 0 i e a l e II r s
passions et
à
leurs
préjugés,
1. e :~
h o IIInie ::;
ace è cle n t
d i f f t c Ll ene n t
au vrai,
et opposent une f o r t e
résitance
r
même
à.
l'évidence.
Rep r en an t;
ce
que
tv!'?l:senne
lui
indique comme. étant
une
pensée
de
Saint
Auqu s ti n ,
Descartes écrit
"Hais comme
vous me mandez de
saint
Augustin,
je ne puis pas ouvrir les yeux des
lecteurs;
je puis leur montrer la
vérité non les for~er
d'avoir
de l'attention aux
choses qu'il
faut considérer
pour
connaître clairement la vérité",

-74-
a
probablement
rappelé
à
Descartes,
l'avant-propos du De Doctrina Christiana
"
puis bien remuer le
doigt pour montrer quelque
chose,
mais il n'est pas de surcroît en mon pouvoir d'illumi-
n e r les yeux pour leur faire voir d' une p a r t
mon
geste
indicateur et
d'autre part
l'objet même
que je
veux
montrer."
Et,
en effet,
nous verrons souvent DesCëll-tes,
exprimer
son pessimisme quant à la possibilité de communiquer le
vrai à autrui.
[,.:\\
r
s i s t anc e au
v r ai
semble
toUjOU1'S
é
s'alimenter
d'elle-même,
et
accroître
tou j o u r s
davantage ses forces.
Des c art e s t 1- 0 uv e l' cl en ré a lit
t r è s peu d
é
,
1
in te 1-1 oc u -
t e u r s
avec lesquels;te
dialogue soit f ac i I.e et
c La i.r .
Ce ne sont pas seulement les questions cle
métaphysique
qui rencontrent
des
obstacles,
comme
nous
pourrions
nous y attendre, mais aussi les problèmes de géométrie.
'~') Dans une
lettre du
1er Mars
1638, Descartes
/ '
<J•
•; /
/
-1"•.
contre tous ceux qui r erue t te n t; en cause "sa"
géométrie
)

"Vos analystes n'entendent rien à ma géometrie,
et
je me moque de ce
qll'ils disent.
Les constructions
et
les démonstrations de
toutes les
choses difficiles
y
sont; mais j'ai omis les plus faciles,
afin que
leurs
semblables n' y pu i s s e n t mordre.
"
Fermat, Clerselier
Rohaul t
et
La ch amb r e
son t
ainsi désignés de manière tout à fait méprisante.
Hême
si en réalité Descartes attache beaucoup d'importance à
l'estime de Fermat.
Lorsque celui-ci
lui
avoue
re c onn a ît r e
une
e r r e u r ,
Descarte s lu i
en vo i e une let t l-e ple Lne
d'en t hou s La s nie ,
dans laquelle il n'hésite pas à utiliser une image tout
à f ait for tep 0 ure ;.: p Li. mer s a j Ci i e
:
"je n'ai
pas
eu moins
de
joie de
recevoir
la
lettre pal'·
laquelle VOLIS
me faites
la faveur
de
1118
promettre v o t re amitfé,
que si
elle me
venait de
la
part
d'une
Maîtresse,
dont
j'aurais
passionnément
désiré les bonnes grâces.
Et vos àutres écrits qui
ont
précédé me
font
souvenir
de
la
Bradamante
de
nos
poètes , laquelle
11 e
voulait
recevoir
p ers 011 ne· p o u r
serviteur, qui ne se fùt auparavant éprouvé contre elle
au combat".

-76-
Descartes n'eut pas souvent une telle joie.
}-1a i s
sa force réside dans le fait que jamais il ne douta
de
son système. A ce propos,
il est d'ailleurs intéressant
de
noter
les
nombreuses
récurrences
des
pronom:')
possessifs dans la correspondance cartesienne
"ma"
t-rétaphysique,"ma" Géométrie etc ...
Aus s i ,
lui
semble
t-il-inévitable
qu'un
jour,
les
hommes
accordent
à
son
système
la
place
qui
lui
revient.
Descartes
écrit
que
sa
philosophie
est
tellement
fondée
en
démonstrations,
qu'il
ne
peut
douter "qu 1 avec
le t e mps ,
elle ne
soit
généralement
reçue et approuvée".
1
Autrement dit,
le triomphe
clu v r a i
c on s t i t ue r a i t
le
sens même de l'l1i[;toire.
Il s t e n s u Lv r a
u n e interrogation
sur la cliversité
cles
esprits,
et sur le problème du langage. Ces deux thèmes
feront l'objet
des
deux chapitres
suivants.
situons
d'abord Arnauld
par
rapport
à Descartes
·en
ce
qui
concerne le rapport de la communication à la pensée.

-77-
E) Arnauld ou la pensée comme discours à quelqu'un:
Dès
l'introduction
à
la
Logique
ou
l'art
de
penser, Ar~auld pr~cise la place de l'autre:
au
coeur
même de la
pensée. D' une
p a r t ,
même si
la pensée
se
fait et ne peut se faire qu t
la
à
p r emiè r e personne,
une
pensée qui ne
'se communiquerai t pas
serai t vaine.
Ce
qui importe, c'est que les hommes pensent.
La pensée appartient à l'humanité; qui veut la
garder
jalouselilent pour
soi,
m~connaît
la
finalité
de
la
p e n s é e .
Aussi, Arnauld écrit-il
: "Que si les
r é f Le x Lo n s
que nous
faisons
sur
nos
pensées
n'avaient
jamais
regardé
que
nous-mêmes,
il
aurait
suffi
de
les
considérer en elles-mêmes,
san s l (: S r ev ê tir
d'a u clin e S
paroles."
Mais justement, elles
regardent tous les
hommes;
et
nous
ne
pensons
véritablement
que
de
dialectique,
c'est-à-dire,
avec ou
contre autrui.
rl
faut penser ensemble, chacun devant r é a Li s e r l'évidence
pour soi.

-78-
"Le mouvement
d'un
esprit qui
s'occupe
seul
cl
l'examen de quelque matière est d'ordinaire trop
froid
et trop
languissant
il
a
besoin
d'une
certaine
chaleur qui
l'excite et
qui
réveille ses
idées;
eL:
c'est d'ordinaire
par les
diverses oppositions
qu'on
nous fait,
que l'on découvre o~ consiste la
difficlllté
de la p e r s u a s Lori ....
ce qui nous
donne lieu de
faire
effort pour la vaincre".
La solitude du sujet telle qU'elle apparaît
dans
les tvIéclitations métaphysiques de Descartes,
est
remise
en question.
L'échancre épistolaire p r e nd Lc i
s on
plein
sens,
clans la mesure où il permet la confrontation
(les
idées.
Cherc11el-à persuader l'autre,
à le conduire à
r é a Lis e r
l'évidence,
permet
à
notre
propre
pensée
de
se
Donc,
la
c omnum ic a t i ou
ne
vient.
pas en sui te,
e Il e n ' est pas sec 0 n d e
par r a pp 0 r t
à
l a
pensée,
comme
chez Descartes.
c'est
dans et
par
la
communication, que la pensée
se forme et se
fortifie.
c'est pour
cela que
Leibniz,
dont
l'appréciation
de
l'impol-tance de
la c ommu n i c a t i on
est t.r ès
p r oc h e
(le
c e I I.e d t Ar n au ld ,
se
félicite de
co rr e s po nrl r e avec
ce
dernier
:

-79-
"je n'avais mis ces méditations par écrit que pour
profiter en
mon
particulier des
jugements
des
plus
habiles et
pour
me
confirmer
ou
corriger
dans
la
recherche des plus
importantes vérités ... "
(Lettre
du
12 avril 1686).
Ni Leibniz,
ni
Arnauld ne
ferait sienne
l'idée
que
Descartes
exprime
dans
la
seconde
part:Le
du
Discours de la Méthode
:
"Entre lesquelles
(pensées),
l'u~e des premières fut
que je m'avisai de
considérer
que souvent i l n'y
a pas tant
de perfection dans
les
ouvrages composés de plusieurs
pièces,
et faits de
la
1
main de divers maîtres,
qu'en
ceux auxquels un seul
a
travaillé".
Descartes ne con~oit le commencement de
la
science que comme une rupture par rapport cHI passé.
rI faut faire
table rase,
pour
pOSE~r, seul,
le
fondement de la science à édifier,
la pierre angulaire.
Cette rupture et cette solitude du sujet du savoir sont
remises en cause par Arnauld et Leibniz.
Pour
ceux-ci,
la pensée
se fait
avec,
voire
contre,
autrui.
C'est
pour cela qu'elle est essentiellement,
au sens
fort
de
"par essence",
communication.
Et d'ailleurs,
dans cette
direction,
Leibniz
semble
aller
encore
plus
loin
qu 1 Ar n au l.d .

-80-
C) Leibniz ou la communication,
condition a priori du
penser et essence de la pensée
Chez
Leibniz,
c'est
la
co~munication
en
tant
"qu'expression", qui rend la pensée possible a
priori.
L' "expression" dé s i qne
ce qui
suit:
chaque
monade,
chaque substance simple est un miroir vivant
représen-
tatif de
l'univers,
suivant
son point
de
vue.
Les
monades sont douées d'un principe actif interne.
Elles
"expriment"
toutes
l'univers
par
leur
capacité
représentative.
Mais,
cette
expression
n'est
point
parfaite, puisqu'elle se fait d'un point de vue limité.
Seul Dieu, doué d'ubiquité,
voit tout "uno Ln t u i t u :' .
Pour
Leibniz,
le
travail
de
la
pensée
est
comparable
à
celui
de
l'.essayeur
d'or.
Dans
ses
Méditations sur la connaissance,·l'auteur écrit:
"Une
notion distincte est pareille à celle que les essayeurs
ont de
l'or
laquelle
leur
permet
de
distinguer
l' obj et de
tous
les
'au tres
corps,
par
des
signes
distinctifs et des moyens de contrôle suffisants."
Dans la mesure où chaque monade, maI s. aussi. chaque
créature,
c'est-à-dire
chaque
composé,
l'univers,
Dieu et la créature ont la même rationalité.

-81-
Pour ainsi dire,
chaque
c r é a t u r e est identique à
Dieu
quant à l'essence.
Elle ne
diffère de lui que quant
à
l'existence,
c'est-à-dire
quant
au
degré
de
développement
ou
de
réalisation.
Tandis
que
pour
Descartes,
l'entendement
fini
de
l'homme
est
véritablement
d'une
autre
nature
que
l'entendement
infini de Dieu.
Chez
Leibniz,
cette
différence
n'est
pas
de
nature,
mais
de
degré,
comme
le
montre
la
notion
d'" e xpression".
Ainsi,
l'homogénéité
première,
principielle,
a priori,
qui existe entie
Dieu et
les
créatures,
pose avant tout le caractère fondamental
de
la
communication
définie
comme
"expression".
c'est
parce que la créature exprime l'univers,
qu'elle en a à
,
son niveau la rationalité,
que la pensée est
possible.
Elle construit -
comme le
dit Leibniz en parlant
plus
précisément
de
l'âme
"dans
son
fond,
un
ordre
répondant à
celui de
l'univers";
c'est
être sous
un
rapport de proportion réglée avec lui
:
"car toute mon ad e
étant un
mi r o i r
de
l ' un Lv e r s
à
sa
mode,
et l'univers étant
réglé dans un ordre.
parfait,
il
faut
qu'il
y
ait
aussi
un
représentant.

-82-
" C'est être en
communication avec lui,
l'exprimer
en
un mot; c'est donc
avoir part à sa rationalité,
être
capable de penser,
avoir accès au vrai, qui est partout
le même.
C'est
pourquoi
nous
utilisions
précédemment
l'expression "condition a priori du p e n s e r t' ,
soulignant
ainsi
le
caractère
absolument
originaire
de
l'''expression'' qui seule
rend possible
le penser,
le
vrai.
Notre âme
est architectonique,
elle imite
dans
son petit monde ce que
Dieu fait dans le grand.
C'est
pourquoi tous les
esprits,
soit des
hommes,
soit
des
génies, entrent en
vertu de
la raison
et des
vérités
,
sont
Si
c e t t e s oc Lé t é
p iem i è r e avec Dieu,
r e nd po s s i.b l e
la communication,
la
communication intervient allssi
à
un autre ordre.
Car la communication,
définie par
les termes
de
"miroir vivant de l'univers" ou d'''expression'', désigne
une communication verticale originaire. Qu'en est-il de
la communication hor:lzontale,
Ln t e rmou ad i qu e ?
Cette cOllllllunication,
Leibniz semble
la nier.
La
monade n'ayant ni portes
ni fenêtres,
rien n'entre
ni
ne sort. La communication
avec l'extériorité est
aini
récusée,
et c'est
comme si la
monade et Di81l
él~.aiel1t
seuls au monde.

-83-
Cependant,
nous
pouvons
parler
de
communication
intermonadique,
en précisant que celle-ci est "idéale" .
. Ce n'est
qu'une
influence
idéale
d'une
monade
sur
l'autre,
qui
ne
peut
avoir
son
effet
que
par
l'intervention de Dieu,
en tant
que dans les idées
de
Dieu une
monade
demande
avec
raison
que
Dieu,
en
réglant les autres dès le commencement des choses,
ait
égard
à
elle.
Voilà
définie
l'harmonie
préétablie
universelle.
bieu crée "eu égard"
au
tout.
Ce qui apparaît
de
décisif,
c'est
le
point suivant
la
communication
idéale entre les monades
ne peut se
faire que par
et
dans
la
médiation
de
la
communication
verticale.
Autrement dit,
loin d'être transitivité,
passage
d'une
information d'une monade A à une monade B,
elle suppose
trois termes
: les monades A
et B,
et Dieu comme
clef
de voûte du système.
Il n'y a pas de relation
multiple
qui ne passe par l'Unité de Dieu.
Comme le dit
Christiane Frémont,
dans l'Etre et la Relation,
il
n'y
a pas de relation multiple
qui ne passe par l'un,
car
le Christ est clans toute relation interfraternelle.
La communication
intennonadique
n' e s t
pas
physique 1
elle est idéale,
c'est-à-dire située par-(18L) l'étel1d\\ll~
et la durée.

- 8 '1-
L'espace,
en effet,
est
une conséquence,
non
un
principe des choses.
L'espace est un ordre,
ou
rapport
de coexistences possibles.
Le temps,
lui aussi,
est
un
ordre, un rapport,
mais de
successions possibles.
Il
n'y
a
donc
entre
les monades
aucune
proximité
ou
distance spatiale ou
absolue;
et
dire qu'elles
sont
disséminées dans
l'espace,
c'est
employer
certaines
fictions de notre
esprit,
voulant imaginer
ce qui
ne
peut être
que
conçu.
Ainsi,
l'influence
mécanique,
transitive,·
n'est
qu'une
représentation
confuse
de
l'influence idéale, qui est la seulè influence réelle.
si la
monade
n'a
ni portes
ni
fenêtres,
c e La
signifie qu'elle
a intériorisé
tout son
univers,
et
récJproquement,
elle s'est
intériorisée à la
totalité
de cet univers.
Chez Leibniz,
tous
les rapports
sont
internes, mieux
intrinsèques. Ce qui fait dire à Yvon
Belaval dans ses
Etudes Leibniziennes:
"Rien de
plus
simple,
en apparence,
que de
concevoir des
individus
(notions complètes)
et
leurs rapports.
Rien de
moins
s Lmp l e
chez
. Le ibni z,
parce
que
ces
rapports
sont
internes."
j'
Mais, . pu Ls qu e tou te
monade e xp r Lme l'un t.v e r s ,
Le
même univers,
toute monade
exprime toute
autre;
en
effet,
il existe lin rapport constant et réglé entre

qui peut se dire de l'une et de l'autre monade.

,
-85-
i!
. 1
Or,
qui
dit
"expression",
dit
bieù
communication,
c'est-à- dire rapport ayant une signification,
mais
au
sens nouveau où toute relation multiple passe par
l'Un
du divin.
Dieu seul
est l'objet externe immédiat
pour
la monade.
Puisque Dieu crée eu égard au tout,
nous ne sommes
pas nés pour nous-mêmes,
mais pour·le tout.
Nous devons
par conséquent juger
que nous
devons 11 touj ours
faire
figure
(dans l'univers)
de la manière la plus propre
à
contribuer à la
perfection de la
société de tous
les
esprits,
qui fait
leur union
morale dans
la cité
de
Dieu".
Le
développement
du
penser
est
. l'une
des
contributions essentielles à
cette perfection.
Ce
qui
signifie que
la
pensée indivuduelle
située,
de
son
point de vue,
doit avoir pour finalité
la perfection de
la totalité,
de toute l'humanité.
Aussi ne saurait-
elle se dissocier
de la notion
de co~municationf
qui
définit en quelque sorte sa finalité,
dunc son essence.
Par
là,
l'oecuménisme
de
Leibniz
et
son
"universalisme",
trouvent
leur
fondemen t
dans
la
métaphysique le.ibnizienne.
,
1

-86-
christiane Frémont
a
d'ailleurs clairement
perçu
la
valeur métaphysique de la correspondance
leibnizienne,
ou plutôt
la
valeur
métaphysique
de
la
conception
leibnizienne de la correspondance.
Elle souligne le
fait que "commerce",
"communication"
e t " correspondance"
sont
des
tennes
à
la
fois
épistolaires et monadologiques.
L'auteur de l'Etre
et
la Relation écrit ."
les lettres sont ce qui
permet
la communication,
elles sont les relations elles-mêmes,
les voies ou les chemins de l'Harmonie, par où l'on
va
d'un élément à un autre et des éléments à la totalité."
Nous reviendrons plus amplement sur ce point.
Pour
l'instant,
il
appparait
clairement
que
chez
Leibniz,
la communication est
à la fois originaire
et
essentielle à la pensée.
Elle n'est pas extérieure à la
pe n s é e
comme chez
Descartes,
elle.
la consitue.D'oll
i
l'importance de
la
réflexion
sur le
signe
dans
la
philosophie de Leibniz.
Leibniz .f a i t; du signe la
chail-
même de la pensée.

~87-
NOTES DU CHAPITRE III
1~ Lettré à Chanut.
2- Le
symbolisme
cartesien
en
mathématiques
et
en
géometrie.
Il y a
chez Descartes un géometrisme
comme
le dit
Yvon
Belaval,
car même
le
quantitatif
d'un
nombre se
géometrise, c'est-à-dire
se represente
par
des
figures.
Ce
que
l'on
retrouve
t.oujours
chez
Descartes, c'est
une opération
constructive avec
des
segment.s comme unités.
En effet pour Descart.es,
rien ne
tombe plus facilement sous le
sens que la figure:
on
la touche en effet. et on la voit.. Cf Regle XII p.137 ...
"la diversité
infinie des
figures suffit
à
exprimer
toutes les différences des choses sensibles. 1I
Ainsi Descartes
géomét.rise le
quant.it.atif
comme
cela apparait.
clairement dans
la
Règle XIV
"Nous
traitons donc ici d'un objet
étendu sans rien du
t.out
considérer d'autre'en lui
que cette
ext.ension
elle-
même,
et en évitant de propos délibéré de prononcer
le
mot de quant.it.é,
puisqu'il se
trouve des
philosophes
assez subtils pour avoir aussi distingué la quantit.é de
l'étendue, mais nous supposons que tou tes les qu e s tions
ont été amenées à ce point qu'on n' y cherche plus
r ien
ct ' eu t l'El qu' b C 0 1111 êl :l. U: e U 11 El
C ElL' t .::\\J. n El
';! t '2 11cl Ile
b
1
1.J i:1J: 1.: 1. L"
de la
comparaison
qu'on
en
fait
avec
quelqll'élutre
étendue connue
( Classiques Garnier 1963 p 177).

-88-
Descartes d'une certaine manière est delneuré prisonnier
du
géometrisme,
il
s'en
tient
à
l'intuition
de
l'étendue.
Il s'est ainsi
enlevé les moyens de
mettre
en place une véritable théorie du nombre,
et un
modèle
combinatoire.
1
1
1
~j
1

-89-
CHAPITRE IV
NECESSITE DU SIGNE
: PENSEE ET LANGAGE
1)
L'importance du signe:
A)
Intuitionisme cartésien et formalisme Leibnizien
Descartes définit
la finalité
de l'usage
de
]a
raison par l'intuitus,
c'est-à-dire,
la saisie par
la
lumière naturelle de
l'évidence.
La lumière
naturelle
nous fait
discerner
le
vrai
d'avec
le
faux.
"Les
principes de la
raison ne sont
vrais que pour
autant
qu'ils tombent
sous une
intuition actuelle".
Ce
qui
fait dire à Y.
Belaval,
que 1I1es principes de la raison
perdent
leur
valeur
formelle
et
n'ont
de
valeur
qu'intuitive ll •
Penser,
chez
Descartes,
c'est
fondamentalement
voir.
Les
véritables
faits
de
l'esprit,
ce sont les idées qu'un effort d'attention
a
rendues claires et distinctes.
La métaphore du
soleil,
dont use Descartes dans la première des Règles pour
la
direction de l'e~prit, souligne l'importance du voir et
de l'attention dans la pensée cartésienne.
"Toutes les sciences ne sont en effet rien
d'autre
que.l'humaine
sagesse,
qui demeure
toujours
une
et
identique· à
elle-même,
quelque
différents que
soient
les objets auxquels elle
s'applique,
et qu:\\. ne
reçoit
pas d'eux plus de diversité que n'en r e c o i t
la
lumière
du soleil de la variété des choses ClU' e l I.e
éclaire. Il
(p 78)

-90-
Le
"sol ei 1"
ne
saurai t
manquer
d'
v oqu e r
ce
é
f 0Y21'
lumineux
qu'est
l'oeil
de
l'esprit
qui,
lorsqu'il
s'applique,
lorsqu'il
est attentif,
saisit la
vérité
des ·choses.
La source de lumière ne
vient plus de l'Idée du
Bien,
soleil du monde intelligible,
co mmeC]1 e Z Pla ton,
llIais
de l'esprit humain.
L'évidence est
donc
le
critère
de
la
vérité,
c'est-à-dire,
la clarté
et la
distinction des
idées.
Or,
en matière de preuve,
que peut-on souhaiter de plus
propre à la
signifier que cette
évidence,
et de
plus
fort qu'une présence? Car
dans l'évidence,
l'idée est
là,
"en
personne"
pour
ainsi dire.
Elle
n'est
pas
représentée par des signes,
je la perçois en elle-même,
clairement et
distinctement.
D'où la
règle
d'or
de
Descartes
:
"Tout
ce
que je
perçois
clairement
et
distinctement est vrai." Le signe n'ést donc
nullement
nécessaire à la constitution même de la pensée.
Au contraire,
i l
pourrait représenter
un danger
pour
elle,
en obscurcissant la lumière naturelle.
Donc,
dans
la perspective cartésienne,
au t r u I
n' f.n t e r v Len t.
q u
r e
è
dans la constitution de la pensée.

-91-
Dans le Discours de la méthode, c'est après
avoir
compris que ce
n'était ni dans
les livres, ni
auprès
des autres
qu'il trouverait
la vérité,
que
l'auteur
cherche en
lui-même la
vérité, dans
la solitude.
La
pensée
est
unt:?
expérience
intime,
un
sentiment
iritérieur. Dans Un
autre Descartes.
I.e philosophe
et
son l an gage,
Pie 1"1' e - Alai n Ca1111 é
é cri t
: " S 1
Des car tes
se bat avec la communication, ,et l'écriture, c'est tout
à la fois pour rompre avec
la solitude du Moi et
pour
toujours renouveler sa
rigueur ultime
: celle-ci
est
seule capable de permettre
de briser celle-là même
si
elle en est la cause." Cette analyse montre
clairement
que la
pensée se
cons trui t dans
. l a sol i tude
et
que
l'écriture,
c'est-à-dire
un
s ys t ème
de
signe.s,
n'intervient qU'ensllite, pour communiquer ce qui est né
sans signes; mais
s'est donné
au moi
dans la
clarté
silencieus~ de l'intuition.
Et,
d' a i Il e U1- s ,
Descartes
éprouve
une
méfiance
à
l'égard
de
l'écriture
qui
rappelle celle de Platon (cf.
Phèdre).
Pour Descarte~,
en effet,
la parole
a
beaucoup
plus de
force
pour
persuader
que
l'écriture.
Elle
reproduit peut-être plus fidèlement le mouvement intime
de la pensée.

-9~-
Cette méfiance
à
l'égard de
l'écriture
désigne
une
méfiance pour les
signes. Attacher
de l'importance
à
ceux-ci, tisqueraitde nous faire perdre de vue le fait
que,
tout
signe est
signe de
quelque chose,
et
que
c'est le
signifié
qui
importe,
la
chose
elle-même
saisie dans l'intuition intellectuelle.
Pour
Leibniz,
en
revanche,
la
vérité
se
dit
essentiellement en
termes
de "marques"
ou . "signes".
Centre Descartes,
il soutient
que
tant que
l'on
ne
donllepa:::; des marques
du vrai,
l ' évidence demeure
une
apparence purement
subjective.
Leibniz
reproche
aux
c a r t
s i e
é
n.;
de
se
dérober devant
les
obj e c ti on s ,
e n
reprochant à leur adversai12 de ne pas savoir voir.
les
renvoyant ainsi à l'expérience interne des id21':'~;. ce t te
expérience qui,
selon Leibniz, est subjective:
aux caprices des hommes.
Au vrai,
Leibniz réclame
des
marques. (1)
Leibniz compare le travail de la pensée à celui de
l'''essayeur d'or".
Celui-ci recherche les marques,
les sighes du vrai
or,
pour 1'-' dinstinquer d.:: ce qui n'en .~st p3S.
p r (J l,l -: <:\\ Il t
1 E.' V 1." (l L .

ill ai. :,::
p, 1 L'
.: 'c'
oeuvres.
Il
s :,!1 f
cl' un
v r i t ab l.e
travail:
r'
é
l
"l"l :::.
~..
t • J • 1.::
technique.
Le danger de
la .·:;:;'F~··=t:.ivit2 cle
l'
v i
é
de n c e
est ainsi écarté.
La raison s'exerce in forma,
dans
et
par les signes.
Pour se
garantir de
l'erreur,
il
ne
faut faire que des al'guments
in forma,
salis "forme
de
raisonnement qui conclut par la force de la fonne".
Il
écrit, dans les Nouveaux Essais
IIJ'ai
moi-même
expérimenté
quelquefois,
en
disputant même par
écrit avec des
personnes de
bonne
foi qu'on
n'a commencé
à s'entendre
que lorsqu'on
a
argumenté
en
forme
pour
débrouiller
un
chaos
de
raisonnements." Toutefois,
Leibniz,
s'il affirme ainsi,
contrairement à Descartes,
la nécessité de la forme
et
de la logique, n'en reprend pas pour autant
la logique
aristotélicienne et scolastique. Tous les arguments
in
forma
ne
sont
pas
marqués
au
coin
de
Barbara,
celarent ...
Un raisonnement est in forma lorsqu'aucune considéra-
tian pettinente pour le raisonnement n'est omise:
tout
ce qui èst
nécessaire pour arriver
à la conclusion
y
est
entièrement
explicité,
d'où
la
nécessité
d'un
symbolisme adéquat.
La nécessité
du signe
est
ainsi
affirmée sans équivoque.

-94-
Le 1b n i 2 a t tri b \\1 e
ct es
f 0 net ion ~;
épi sté III o log i Cl u es
aux signes.
La table de définition de IG72 présente :
"Un signe est ce que nOLIs sentons (percevons
en
ce moment et que en outre,
nous jugeons être Lié à
une
autre chose,
en
vertu
d'une
expérience
antérieure,
nôtre ou d'autrui ll • Harcelo Dascal, dans la
Semiologie
de Leibniz,
répertorie les définitions suivantes
a)
une
note
est
un
signe
de
notre
pensée
antérieure, c'est-à-dire un signe de mémoire.
b) un mot est LIn son articulé, qui sert de note et
de signe d'une pensée (de note pour moi,
de signe, pour
les autres).
c)
un
mot,
qui
est une
note
de
mémoire ·pour
moi-même,
est le signe d'un jugement pour les autres.
d)
les noms sont des notes pour moi-même, pour
la
réminiscence 1
ils sont
des signes
pour les
autres,
pour leur information.
e)
les mots
ne sont pas
seule~ent des signes
de
mes pensées passées,
pour moi-même,
comme l'a
montré
Thomas Hobbes.
rI est absolument nécessaire, cle souligner le fait
suivant
Leibniz ne
s'interroge pas seulement sur
ce
qu'est le signe
pour moi, mais
se situe toujours
par
rapport à autrui.

Pour Leibniz,
l'essentiel ce n'est pas seulement que je
pense, mais
que les
hommes pensent
diverses
choses.
Descartes et Hobbes limitent
le rôle des signes,
dans
le raisonnement déductif,
et dans la pensée en général,
à une fonction purement
mné~onique. Les signes,
selon
les auteurs ne sont utiles que pour évoquer les
idées,
les placer devant le regard de l'entendement.
Avec sa
conception
d'une II p ensée
aveugle ll ,
et
d'un
usage purement
formel
des
signes,
il
en
fait
les
éléments essentiels de la pensée.
La IIpensée aveugle Il ferme
les yéux aux
éléments.
Elle saisit le nom
d'une totalité
(100, par
exemple),
mais ce nom,
en principe, peut être échangé en une idée
claire èt distincte des composants. C'est la
confiance
.~
dans la possibilité de cet échange qui autorise à
user
d'une façon lIaveugle ll du signe 100.
Nous
pouvons
donc
.manipuler
des
signes,
sans
évocation expresse des idées correspondantes. De là,
il
apparaît
que
si
l'on
pouvait
trouver
les
signes
exprimant toutes nos pensées,
nous pourrions faire
en
toutes les matières,
autant
que possible,
tout ce
que
nous sommes
capables de
faire en
aritllmét:Lque. et.
en
géométrie.
Tel
est
l'idéal
Leibnizien
la
"caractéristique universelle ll •

-97-
Dans le Traité de l'Homme, Hobbes écrit:
ilLe langage ou parole, est l'enchaînement des mots
que
les hommes ont établis arbitrairement pour signifier la
succession des concepts de ce que nous pensons.
Ainsi,
ce que le vocable est à l'idée, ou concept d'une
seule
chose,
la parole l'est àla démarche de l'espl'it "
Et, dans Le
Léviathan,
nous
trouvons de
nouveau
exprimée l'extériorité
du langage
par rapport
à
la
pensée.
Les
signes
linguistiques
ne
servent
qu'à
enregistrer
une pensée, qui ne leur doit rien pour
sa
formation.
Hobbes déclare dans
ce texte,
q~e la
parole est
une
inven tion spéc i f iquernen t
huma .i n e ,
par
laquelle
les
hommes
enregistrent
leurs
pensées,
"les
rappellent.
quand elles sont passées et aussi se les déclarent l'un
,.
à
l'autre
pour
leur
utilité
naturelle
et
pour
communiquer entre eux".
"L'usage de la parole
est donc de transformer
un
i
!
.·i
:.i
discours
mental
en
un
discours
verbal".
Cependant
,
l'expression hobbésienne "discours mental",
ne doit pas
no u s con clu ire au con t r e sen s
con sis tan t
Èl
po S e 1- que
l a
pensée est toujours d~jà
un discours, donc un
système
de signes.
Cette
e xp r e s si o n d s i qu e
é
t:(1 II t
;ë; :L mpI t.:'IIk' 11 t:
l'enchaînement cle la pensée.

-98-
De la notion
de discours, Hobbes
ne retient,
ici
que
l'idée de succession, de "consécution".
Cette transformation
du
discours mental
ell
discours
verbal présente, selon l'auteur, deux avantages
"D'abord d'enregistrer
les
consécutions
de
nos
pensées; celles-ci, .capables de glisser hors de
notre
souvenir et de nous
imposer ainsi un nouveau
t r av a i l,
peuvent être rappellées
par les mots
qui ont servi
à
les noter
le premier usage d e s
dénominations est do n c cl,::
f:j12.1:V:I.I:
de marques
(en italiques
dans le texte
) ou de
notes
(en italiques dans le texte)
en vue de la réminiscence.
L'autre
usage
consiste,
en
ce
que
les
hOlllmes
se
signifient l'un à l'autre, par
la mise en relation
et
l'ordre des mots,
ce qu'ils conçoivent
ou pensent
de
chaque question,
et aussi ce qu'ils désirent, ou qu'ils
craignent,
ou
qui
éveillent
en
eux
quelqu'autre
passion";
Les mots ainsi utilisés,
sont des signes~ Ce
qui
ressort donc de ces textes,
c'est le fait que
l'usage
des signes est second et n t Ln t e r v i en t
nullement dans la
constitution même de la pensée.

-99-
l
Pour Hobbes,
comme
pour
Descartes,
la
parole
peut
1
constituer un obstacle pour la pensée.
Il faut
veiller
à prévenir les
abus,
en
exigeant de
soi-même et
des
autres, des définitions claires et précises.
Hobbes écrit :
"Puisque la . vérité (en
Lt a Li.q u e s
dans le
texte) consiste
à ordonner
correctement
les
dénominations employées dans nos affirmations,
tin homme
qui cherche
l'exacte vérité
doit se
rappeler ce
que
représente chaque
dénomination
dont
il
use,
et
la
placer en conséquence :
autrement,
il se trouvera
empêtré dans les mots
comme
un oiseau dans des gluaux; et plus il se débattra, plus
il sera englué.
C'est pourquoi en géométrie,
qui est la seule
science
que
jusqu'ici
il
ait
plu
à
Dieu
.d'octroyer
l'humanité; on
commence par
établir la
signification
des mots employés, opération qu'on appelle
définitions
(en italiques dans le texte), et on place ces défini-
tions en tête,du calcul".
Hobbes insiste,
lui
aussi,
sur
la nécessité
des
définitions,
et poursuit en ces termes
:

····.1.'-;J.:
"'lDO"
'1:
li"~:;
.;.,.
: ,~~-
. ~.
" ... les
erreurs
de
définition
se
multiplient
d'elles-mêmes à mesure que
le calcul avance,
et
elles
conduisent les hommes à des absurdi tés qu'ils f i n is s e n t
Î
., .
!
par apercevoir
mais dont
ils
ne peuvent
se
libérer
qu r en recommençant tout le calcul à pal-tir du
If
début
Hobbes en effet,
établit une
analogie entre
les
opérations de l'esprit
et les opérations
algébriques.
Mais,
il ne met pas en place une théorie visant à f a i.r e
de la pensée un calcul.
Sa pehsée e~t
celle de
l'analogie, précisément
parce
qu'il soutient l'idée
selon laquelle
les signes
sont
extrinsèques à la nature de la pensée. Ce qui est
loin
de la
conception leibnizienne
qui accorde
ulle
place
essentielle, constitutive aux signes.·
C'est ce qui
le
:(
conduit au formalisme de
type algébrique dans
lequel,
ce qui importe, c'est
la combinaison des signes
selon
des lois précises.
De même,
pour
tout problème,
même
non algébrique,
nous procèderons
par combinaison.
La
.J
logique, c'est-à-dire la science
du discours,
sera
un
véritable
calcul.
Le
syllogisme
aristotélicien
et
scolastique est positif,
en ce
que la forme permet
de
dégager une conclusion rigoureuse et ué c e s s a i r e .
t-lai:3 ,
il est insuffisant,
en ce qu'il n'est pas sym])o11qué.

-101-
Le symbolisme
f aI t
de
la pensée
une manipulation
de
signes,
de
telle sorte
que
les erreurs
se
laissent
débusquer aisément.
Ce qui fait dire à Leibniz,
dans les Remarques sur
~a partie générale des principes de Descartes :
"J'appelle forme correcte,' non seulement le
syllogisme
vulgaire,
mais
encore
toute
autre
forme
auparavant
démontrée qui conclut par la force de sa structure;
ce
que font aussi les
formes des opérations
arithmétiques
et algébriques,
les
formes des barèmes
et même en
lin
sens,
les formes de la procédure judiciaire ... "
A li
sig ne,
0 Il
n e cle rn a n d e p III S
cle
s'e f f d c: e r
au t a n t
q II e
possible devant ~.~
qu'il signifie.
C'est
du point
de
vue de sa valeur cognitive,
que Leibniz juge le
signe.
Le signe
est
désir,
mais avec
Leibniz,
un
élément
constitutif inséparable du raisonnement,
qui ne
serait
alors qu'une manipulation opératoire de signes;
Il
S'agit
maintenant,
d'étudier

se
situe
Arnauld par rapport à
ces deux fonctions
essentielles
reconnues au signe dans la pensée Leibnizienne.

BI Arnauld et le signe
Dans l'analyse
du
langa~e
à
Port-Rbyal,
J-C.
Pariente souligne les aspects cartésiens de la
théorie
du .lalîgage chez
Arnauld.
rI consacre
un chapitre
aux
"aspects cartésiens
de
la théorie
du
langage ll
chez
Arnauld et Lancelot.
Arnauld r epr e nd la théorie· cartésienne du Discoui-s
de la méthode sur le langage comme indice de la pensée:
"la diversité des mots qui composent le discours dépend
de ce
qui se
passe dans
notre espri t ... "
La
pensée
serait donc première,
et
les mots ne serviraient
qu'à
l'extérioriser,
qu'à
l'exprimer.
Mais
précisément,
Arnauld
fait-il
véritablement.
sienne. la
conception
cartésienbe, selon laquelle le langage serait extérieur
à la pensée ?
L'intuitionisme ne
peut,
comme
nous l'avons
vu,
, -. '. ~ -....
que souhaiter
saisir les
idées toutes
nues sans
.les
voiles du langage.
Or,
Arnauld semble bien
s'accorder
avec Descartes pour poser l'intuitio~ comme critère
de
la vérité.
Arnauld,
en
effet,
identifie
la
clarté
et
la
distinction des idées.
Est dite claire,
toUte idée
qui .
nous frappe vivement.

-103-
En ce
sens,
l'idée de
la
douleur est
claire,
bien
qu' e Il e soi t
conf us e,
" en c e qu' e Il e no u s r e pré sen t e l a
douleur comme dans la main blessée, quoiqu'elle ne soit
que dans notre esprit",
Arnauld,
en
identifiant
clarté
et
distinction,
contrairement à Descartes,
s'éloigne quelque peu de
la
conceptiori de ce dernier.
Ar n au Id éc l- i t
: "Prenant donc pour. une même
chos e
la clarté
et la
distinction des
idées,
il
est
très
important d~examiner pourquoi les unes sont claires
et
les
autres
ob~cures.
Descartes,
lui,
montre
le
caractère
ins~parable
de
la
clarté
et
de
la
distinction,
sans pour
au t an t
les identifier.
Arnauld
pense donc les idées en termes de dichotomie
Une idée
est soit
claire,
soit
obscure.
Les
idées
concernant
Dieu,
l'âme
et
ses
opérations,
sont
claires.
En
revanche,
sont confuses
et obscures,
celles que
nous
avons des
qualités
sensibles
et de
nos
désirs.
Ce
caractère confus
vient
de
ce
que
"nous
avons
été
enfants avant que d'être hommes",
Arnauld reprend 1 p r e s qu e
mot pour
mo t
le
texte
j
·cartésien, explique
la
confusion
des
j(jées
pd L"
la
formation des préjugés dans l'enfance.

-10'1-
Elle est aussi
engendrée par
le fait
que le
langage
devient,
pour ainsi dire,
un obstacle pour la pensée.
En cela, Arnauld comme Descartes,
recherchant la saisié
immédiate des idées dans la clarté,
considère les
mots
comme un
danger pour
la
pensée.
L'auteur
écrit,
en
effet
IINous avons déjà dit que la nécessité que
nous
avons d'user
de
signes
extérieurs
pour
nOlis
faire
entendre,
fait que nous
attachons tellement nos
idées
aux mots,
que
souvent nous considérons
plus les
·llIots
que les choses ll •
Ce
texte
ne
saurait
manquer
de
rappeler
cet
article 74 des
Principes
"Au
reste,
parce que
nous
attachons nos conceptions à certaines paroles,
afin
de
les exprimer
de bouche,
et
.que nous
nous
souvenons
plutôt des paroles
que des choses,
à peine
saurions-
nous concevoir aucune chose
si distinctement que
nous
séparions· entièrement ce que nous concevons d'avec
les
paroles
qui
avaient
été
choisies
pour
l'exprimer.
Ainsi,
tous
les
hommes
donnent
leur
attention
aux
paroles plutôt qu'aux choses. 1I
Descartes
et
Arnauld
se
rejoigent
SUl-
trois
points essentiels
:
d'abord,
Lt ex t.é r i.o r Lt.é
dl!
langage
par
rapport
à
la
pensée
e n su ite ,
le
caractère
pur e!TI e n t i n s t ru me 11 t a l
du
l an gag e ;
e 11fin,
l e 1-i s que pOUr
la pensée d'être empêchée par le langaqe.

-105-
Cependant,
à la différence'
de Descartes, Arnauld
mène
une réflexion
précise
sur
l~ manière
de
rendre
le
langage le plus adéquat possible à la pensée.
Et,
ce faisant,
il est conduit à accorder une place
de
plus en plus. importante aux signes,
f tn I s s an t ,
dans une
certaine mesure,
par les
installer à l'intéri~ur
même
de la pensée.
Dans
le
chapitre
XII
de
la
première
partie,
Arnauld écrit
"Le
meilleur moyen
pour
éviter
la
confusion des mots
qui se rencontre
dans les
langues
ordinaires, est
de faire
llne nouvelle
langue,
et
de
nouveaux mots qui ne
soient attachés qu'aux idées
que
nous voulons qu'ils revrésentent.1I
t.e s
langues
ordinaires
étant
défectueuses,
les
voilà opposées à une langue qui,
elle,
serait parfaite.
Cette dernière établirait une bijection entre les
mots
et les idées. L'emploi du
mot "idées" et non celui
de
"choses" montre que l'auteur ne cherche pas
uniquement
l'univocité dans
la désignation
des objets
cbncrets,
mais aussi dans celle des notions abstraites.
cela
ne
signifie-t-il
pas
qu'en
fait,
la
langue
parfaite serait idéograllllllatique 7

-106-
Arnauld croit, en effet,
à la possibilité d'une
langue
parfaite,
ne serait-ce que
par un effort permanent
de
définition.
cependant,
cette perspective laissait Descartes
pllltôt
sceptique.
De
plus,
Arnauld
définit
quelque
chose
qui
ressemble
fort
à
une
"pensée
aveugle"
au
sens
Leibnizien du
terme.
Arnauld
démontre
qu'il
existe
certains mots, donc certains signes, dont nous pouvons,
et même devons user,
sans chercher à les définir,
à
en
préciser l'idée
clairement et
distinctement. De
même
que chez
Leibniz,
nous
usons
des nombres
sans
nous
représenter
clairement
ce
qu'ils
désignent
(par
exemple,
100),
de
même,
pour
Arnauld,
nous
pouvons
utiliser les mots "être",
"pensée",
"étendue",
etc ... aveuglément,
serions-nous
tenté
de
dire.
Et
Arnauld va plus
loin encore dans
l'affirmation de
la
légitimité d'un tel emploi:
"S'ils (les hommes)
y mêlent quelquefois
quelque
chose d'obscur,
leur principale attention néanmoins
va
toujours à ce qu'il y a de clair."

-107-
Cela signifie que ces mots,
ces signes, permettent à la
pensée de
progresser.
La
relation
de l'idée
au
llIot
n'est donc pas seulement instrumentale.
Le signe
cesse
d'être
uniquement
représentatif,
ou
mieux,
représentation,
pour devenir
force.
Aussi,
ne
suivrons-nous pas Louis
Marin,
lorsqU'il affirme
que,
pour Arnauld,
le signe s'efface devant l'objet, et
que
le mot n'est jamais perçu comme tel,
mais traversé vers
le signifié, dans une "essentielle diaphanité".
Certes,
nous
avons
vu
que,
comme
Descartes,
Arnauld craint que les mots n'introduisent une
opacité
dans la pensée. Mais par le passage que nous venons
de
citer,
Arnauld
reconnaît
au
signe
une
valeur
opérationnelle dans la pensée,
alors même que nous
ne
1··
l,
le délaissons pas,
ne le traversons
pas polir aller
l'idée signifiée.
Ce n'est
donc pas seulement dans
la
poésie et
dans l'éloquence
que les
signes
jouissent
d'une certaine autonomie et ,d'une réelle opérativité
il en est de même pour la pensée spéculative.
Et d'ailleurs,
le problème
de l'Eucharistie
n'est-il
pas l'emblème de cette opérativité,
voire créativité du
signe 7
i
1
1
1
\\

-108-
La volonté de "traverser" les signes,
les mots
de
la formule
sacramentale
"hoc
est
meum
corpus",
se
heurte à de nombreuses difficultés.
N'est~ce pas précisément parce
que le signe n'est
pas
si diaphane
? Pal-ce
que la
connaissance humaine
est
f o r c énre n t
av e uq I e ,
comme le dit Leibniz?
t1 ' est - cep c1 s
à Dj e II ~; e III q Il ' i l e s t
p e lin i s
d e
v0 i 1-
les choses "toutes nues",
sans les signes? En d'autres
termes,
l'intuition n'est-elle pas l'apanage de Dieu
?
De ce Dieu qui se manifeste
et
se dérobe à nous
dans
et par les signes ?
Cette pensée,
le janséniste Arnauld ne l'oublie jamais.
Elle intervient dans toute
sa conception,
jusque
dans
le domaine
spéculatif.
En cartésien,
il
postule
la
transparence,
voire l'absence des signes pour la saisie
intuitive des idées·;
en théologien,
il sait que
Dieü,
la vérité,
ne se manifeste que dans et par des
signes.
Tolitefois, pour Arnauld,
il S'agit .de rechercher autant
que possible la
transparence du signe.
C'est en
cela
qu'il se situe entre Descartes et Leibniz.
Comme
Leibniz,
il
reconnaît
l ' I mpo r t a n c e
constitutive du signe,
mais il retient de Descartes
le
risque d t ob s cu r c i s s e men t
que
représente le s i çu e
po u r
la pensée.

danger
réel,
que
pour
ceux
qui
ne
pensent
pas
véritablement,
c'est-à-dire les lIesprits faux"
"On ne
r en con t r e partout
que
des esprits
faux,
qui
n'ont presque
aucun
discernement de
la
vérité,qui
prennent toutes
choses
d'un
mauvais
biais,
qui
se
paient des
plus mauvaises
raisons et
qui veulent
en
payer les autres."
Les esprits
faux,
ce sont
les
faux-monnayeurs,
ceux qui produisent des
signes faux,
non valables.
Un
signe est valable lorsqu'il s'incorpore une pensée,
et
faux lorsqu'il ne renvoie qu'à lui-même.
Leibniz,
jusque
dans
l'idée
de
Sd
combinatoire,
conserve au signe son rapport à la pensée. Le signe est
toujours signe de quelque chose. Même lorsque la pensée
se
"fait
calcul,
l'erreur
de
calcul
renvoie
à
la
nécessité de
corriqer une
erreur
de la
pensée.
Une
pensée complètement aveugle ne serait plus une
pensée.
Les
"esprits
faux"
d'Arnauld,
justement,
sont
des
aveugles,
et leur cécité a pour source esselltielle
les
passions. Cette différence des esprits va conduire à la
question suivante
la
communication du vrai
est-elle
toujours possible 7 N'existe-t-il
pas des llul1lmt>s
avec
Le s qu e Ls elle est tout à
fait Lmp o s s f l i I.e 7 En
cl'al\\tl-t':~
termes,
la c ommuu Lc a t t o n du v r a i
est-elle universelle?

-110-
NOTES DU CHAPITRE IV
1.
-
Les différents
types de connaissance sont
(a)
obscure·
(d)
distincte
adéquate
(e)
(b)
claire
(c)
confuse
inadequate
(f)
aveugle ou symbolique
(g)
intuitive
(h)
(a)
Notion obscure ne suffit pas pour
reconnaître
la chose.
(b)
Une connaissance est claire lorsqu'elle suffit
pour me
faire
reconnaître
la chose
représentée.
Une
connaissance claire est soit distincte,
soit confuse.
(c)
Elle
est
confuse,
lorsque
je
ne
peux
pas
énumérer
une
à
une
les
marques
suffisantes
pour
distinguer la chose d'entre les autres,
bien que
cette
chose présente en effet de telles marques.
Par exemple,
nous pouvons
reconnaître un
beau tableau,
sans
pour
autant être capable d'expliquer pourquoI.
LI est beau.

-111-
Leibniz montre
que, dans
le domaine
esthétique,
règne le
"je-ne-sais-quoi", c'est-à~dire
l'indicible.
Il n' y a pas de concepts permettant de r e nd r e r a i s o n du
beau. Ce qui ne
signifie pas du tout
que le beau
est
arbitraire et
subjectif,
mais,
tout
simplement,
que
nous reconnaissons
un objet
beau-et tous
les
hommes
pourraient être dl a c c o r d s n r ce po Ln t
s. an s pouvo I r di re
e
pourquoi.
Ici aussi,
le Beau plaît sans concept.
(d) Une notion
est distincte,
lorsqu'elle
permet
de distinguer l'objet de tous les autres par des signes
distinctifs et moyens de c on t r l e suffisants.
ô
(e) Une
notion est
adéquate
quand tout
ce
qui
entre
dans
une
notion
distincte
est
à
son
tour
distinctement connu,
ou
bien, quand
l'analyse en
est
menée jusqu'au bout.
Selon Leibniz,
les hommes
peuvent
difficilement l'atteindre.
Cependant,
les
notions
de
nombres en approchent beaucoup.
(f) Lorsque,
dans une notion composée,
les notions
singulières·qui la
composent sont elles-mêmes
connues
clairement mais confusément,
la notion est inadéquate.
(g) C'est la
connaissance que les
hommes ont
en
général.

-112-
Le plus souvent, nous n'embrassons pas toute la
nature
de la chose à la fois
nous substituons alors aux choses des signes dont,
pour
abréger,
nous
avons
coutume
d'omettre
l'expli6ation
dans le travail actuel de la pensée,
sachant Ol! croyant
savoir que cette explication est en notre pouvoir.
Cette connaissance
aveugle
ou
symbolique
est
celle
dont,
nous
dit
Leibniz,
"nous
faisons
usage
dans
l'algèbre et
dans l'arithmétique
et presque
en
tout
domaine".
Ce
qui place
l'emploi des
signes au
coeur
même de
la pensée.
cela ne
va pas
sans rappeler
la
pensée de Pascal concernant la déma r cn e de la pensée.
Pour'Pascal,
le point de départ nécessaire,
c'est
la définition.
Nous ne
devons employer
aucun
terme,
sans l'avoir défini de manière
tout à fait précise
au
préalable. Cependant,
cette opération de définition
ne
saurait aller à l'infini.
Il existe un certain
nombre
de "termes
primitifs" qu'il
ne
faut pas
chercher
à
définir.
Non
pas
parce
qu'ils
sont
d'une
nature
obscure, voire irrationnelle, mais au contraire; c'est
parce qu'ils sont si
clairs par eux-mêmes, que
tenter
de les définir,
ce serait inévitablement les obscllrcir.

-113-
Non seulement ils sont clairs, mais ils sont la
source
de toute clarté
pour la
raison.
En
font partie,
des
notions telles que le temps,
l'être etc ...
Ce qui rejoint d'ailleurs la pensée de Descartes
selon
laquelle les idées innées
sont clairement perçues
par
la Lum i è r e
naturelle,
et ne
sauraient
s ou f f r Lr
une
tentative de définition,
sans en être obscurcies.
Ainsi,
nous
pouvons
dire,
que
dl u n e
c e r ta Ln e
manière cette
notion de
pensée aveugle,
c'est-à-dire
qui comporte
en elle
des éléments
qu'elle
n'analyse
pas,
se
trouve
aussi
chez
Descartes
et
Pascal.
Toutefois,
.chez
Leibniz,
c'est
une
marque
de
la
finitude de
la créature,
tandis
que chez
Pascal
et
Descartes c'est
le
garant
de
la
possibilité
d'une
connaissance parfaite dans les bornes de la raison.
(h)
Lorsque
nous
pouvons
embrasser
toutes
les
notions que la notion composée cOlllPorte,
nous avons une
connaissance intuitive. Mais cette connaissance est
un
idéal
que
l'homme
n'ose
espèrer
atteindre.
Contrairement à Descartes, qui
fait de l'intllition
la
condition sine qua
non de la
pensée,
Leibniz en
fait

l'apanage de Dieu,
et
montre le travBil
intellectuel,
COlllllle indissolublement lié aux marques et aux sigllt?s
.

-114-
CHAPITRE \\V
LES DIFFERENTS ESPRITS
: INDIVIDUALITE ET
INTERINDIVIDUALITE
A) Les "esprits faux d'Arnauld"
"11 y
a presque
partout des
routes différentes,
les·
unes vraies,
les autres fausses,
et c'est à la
raison
d'en faire
le choix.
Ceux qui
choisissent bien
sont
ceux qu i
ont l'esprit
juste;
ceux cru i
p r e nrien t.
le
mauvais pal-ti
sont ceux
1
qll~
ont l'esprit
faux,
et
c'est la
première
et la
plus
importante
différence
qu'on peut mettre
entre les qualités
de l'esprit
des
hommes". (1)
- Si l'objet de
la commu~ication, c'est la
vérité
universelle,
nous voyons d'ores
et déjà ici, qll'en
ce
qui
concerne
le
destinataire,
l'universalité
est
compromise.
Entre
esprit
juste
et
esprit
faux,
la
communication sera
très difficile,
voire
impossible.
Car,
la
distinction qui
existe
entre eux
n'est
pas
seulement
de
degré
(un
apprentissage
pourrait
la
réduire)
mais de nature.
1
C'est comme s'il
s'agissait
de différentes sortes d'hommes.

-115-
-
"Les esprits
faux"
sont
la proie
d'innombrales
superstitions.
Ils
ne sauraient
être ni
savants,
ni
"honnêtes hommes".
-
Un
problème se
pose
cependant
:
la
fausseté
d'esprit n'est pas,
à proprement parler,
imputable
aux
hommes,
puisqu'elle dépend de
"la mesure d'intelligence
que nous apportons en naissant".
Dieu ne serait-il donc
pas
le
principal
responsable
de
la
différence
qualitative entre les esprits des hommes?
Les esprits justes seraient-ils les élus de Dieu,
qui,
dans l'autre
monde
aussi,
seraient à
la
droite
du
Seigneur
?
L'universalité
du
bon
sens,
dont
la
proclamation introduit le Discours
de la méthode,
est
remlseen cause:
"Le sens commun"
n'est pas une qualité si
commune
que l'on pense.
Le
"sens
commun",
comme le "bon
sens"
cartésien,
désigne la capacité de discerner le vrai
du
faux.
Arnauld écrit,
en effet
:
"Le peu d'amour que les hommes ont pour la vérité,
fait qu'ils ne se
mettent pas en
peine la plupart
du
temps de
distinguer ce·
qui
est vrai
de ce
qui
est
faux."

-116-
Arnauld éc rit
: Il On
ne rencon t re partou t que
des
esprits
faux ... qui
se
laissent
emporter
par
les
moindres apparences, qui sont toujours dans l'excès
et
les extrêmités
qui
n'ont point
de serres
pour
se
tenir fermes dans les vérités qu'ils savent, parce
que
c'est plutôt le hasard qui les y attache qu'une
solide
lumière: ou
qui s'arrêtent au
contraire à leur
sens
avec tant d'opiniâtreté,
qu'ils
n'écoutent rien de
ce
qui les pourrait d é t r ompe r
i
qui décident h a r d i me n t
ce
qu'ils ignorent, ce qu'ils
n'entendent pas,
et ce
que
personne n'a
peut-être jamais
entendu
qui ne
font
point de différence entre parler
et parler,
ou qui
ne
j u 9 e n t de l a
vé rit é de' s ch o ses
que par l e t 0 n d e I a
voix i
celui qui parle gravement a raison:
celui qui
a
quelque
peine
à
s'expliquer,
ou
qui
ne
fait
pas
paraître quelque chaleur,
à
tort.
rls n'en savent
pas
davantage".
La nature humaine oppose
une résistance au
vrai,
cette nature corrompue
depuis le
péché originel.
Les
hommes se
d i v e r t Ls s e n t ,
au
sens pascalien
du
t e rrue ,
c'est-à-dire se détournent de
l'essentiel, qui est
le
v r a L,
la
foi,
Dieu.
Qui se c ompla î t
d a n s Je f a ux ,
lIt:'
peut v i v r e bien avec les
autres hommes,
ni aller
vers
Dieu.

-117-
Cette
fausseté
d'esprit,
selon
Arnauld,
a
des
conséquences
désastreuses
sur
les
rapports
interindividuels.
Si
l'homme est un
loup pour
l'homme,
ce n'est pas p~r
nature,
il est
devenu tel.
Dieu
est
donc réhabilité,
ce n'est pas lui
le responsable de
la
fausseté
d'esprit
des
hommes,
c'est
leur
propre
corruption.
Ce qui règne désormais dans
leur coeur,
ce sont les
passions,
aliment et source de cette fausseté d'esprit.
Arnauld cite différentes
passions dont
il montre
les
effets sur
l'esprit des
Ilommes,
l'éloignant
toujours
davantage de
la recherche de
la vérité
la vani.té,
la
présomption,
l'amour de
la
rhétorique,
la
pédanterie,
etc.
Le troisième
livre de
la Logique
de
Port-Royal
s'achève,
d'ailleurs,
sur une
énumération de tous
ces
défauts qui
induisent l'homme
en erreur,
et le
font
tomber toujours plus bas.
"Si
l'on
examine
avec
soin
ce
qui
attache
ordinairement les hommes plutôt à une opinion qu'à
une
autre,
on trollvera que ce
n'est pas
la pénétration
de
la vérité et la
force
des raisons
i
mais quelque
lieu
d'amour-propre,
d'intérêt et de passion.
,

-118-
C'est le
poids qui
emporte la
balance,
et
qui
nous
détermine dans la plupart de nos doutes;
c'est ce
qui
donne le plus grand branle à nos jugements, et qui nous
y
arrête le plus fortement.
Nous jugeons des choses non
parce
qu'elles
sont
en
elles-mêmes,
mais
par
ce
qu'elles sont à notre égard;
et la vérité et l'utilit~
ne sont pour
nous qu'une
seule et
même chose."
page
324.
Et Arnauld poursuit en énumérant tous les
défauts
dans lesquels nous fait tomber l'amour-propre ou
amour
de soi.
Tout
notre
aveuglement vient
de
cet
amour
demesuré de soi.
Le péché
originel nous a fait
perdre
la
connaissance
de
la
hiérarchie
ontologique
de
l ' amou r .
SlÔ:ul l'Etre
infini
est
digne
d'un
amour
sans
bornes,
autant que l'homme en est capable.
Notre nature
corrompue bouleverse l'ordre des
choses, et nous
fait
aimer des choses qui ne le méritent pas.
Nous
retrouverons
chez
Malebranche
( 2 )
la
même
réflexion.
Tout ceci montre que tout
homme n'est pas capable,
en
fait,
d'être
interlocuteur
de
l'auteur.
Un
public
précis est visé,
celui qui est à même de comprendr~
le
llIlÔ:SSd<je.

-119-
Ce public
se définit
négativement,
c'est-à-dire,
par
exclusion
de
tous
les
esprits
faux,
clairement
désignés,
qui
constituent
la
grande
majorité
des
hommes.
Apparemment,
Arnauld
s'éloigne de
Descartes,
en
affirmant que
le
bon
sens n'est
pas
une
chose
si
commune qu'on le pense.
Pourtant,
Descartes,
qui
prône
l'universalité de la raison,
n'en distingue pas
moins,
lui aussi,
différents esprits parmi
les hommes.
B ) L'individualité selon Descartes
Dans
le Discours de
la Méthode,
Descartes
justifie
le fait
qu'il ne
propose
pas sa
méthode à
tout
un
chacun.
Son
système n'est
pas profitable
à tous
les
hommes,
car "le monde n'est
quasi composé que de
deux
sortes d'esprits auxquels il ne convient. aucunement,
à
savoir de ceux qui,
se
croyant plus habiles qu'ils
ne
son t,
ne peuven t
s' empê ch e r
de p r é c ipi ter leur j ugemen t
ni avoir
assez de
patience
pour conduire
par
o r dr e
toutes
leurs pensées
. . .
puis,
de ceux qui ayant assez de raison ou de
modestie
pour penser qu'ils sont moins capables de distinguer le
vrai d'avec le
faux que quelques
autres pal'
lesquels
ils peuvent
être
instruits
doivent
bien
plutôt.
se
contenter de suivre
les opinions de
ces autres
qu'en
chercher eux-mêmes de meilleures".

-l~O-
Cette distinction entre différents esprits,
remet
en cause la
profession de foi
inaugurale:
la
raison
est tout entière
en chacun. N'y-a-il
pas une
contra-
tradiction entre cette égalité de droit entre tous
les
esprits et les inégalités de fait qui différencient les
intelligences? D'où viennent ces inégalités?
En fait,
Descartes ne réussit à avoir des contacts
féconds qu'avec
Elisabeth,
Cl1anut ou
Clerselier.
De
plus en plus,
sa correspondance avec Elisabeth revêt de
l'importance. Dans sa lettre à Mesland,
du 15 mai 1644,
il reconnait "qu'il est très malaisé d'entrer dans
les
pensées
d'autrui ll •
Cela
n'est-il
pas
inévitable
lorsque, comme
Descartes,
on commence
par
se
poser
soi-mêm~ et
sa
propre
pensée,
avant
d'aller
à
la
recherche d'une démonstration de l'existence d t au t r u t .
, .
Dans
les
Méditations
métaphysiques,
Descartes
d8COllvre l'essence du sujet alors mèlllè que
l't?xistence
d'autrui est révoquée en doute,
au même titre que
tout
ce que nous avons appris "des sens ou par les sens ll • Ce
qui signifie que son essence ne doit absolument. rien
à
autrui: que celui-ci
existe ou n'existe pas,
]02
IIje"
ni en a pas
moins pour
essence
d'
t r e
un e chose
qui
ê
pense.

-121-
Ce Il'est qU'après avoir
démontré l'existence de
Dieu,
que le sujet des méditations pourra saisir autrui et le
monde
extérieur.
L'autre
est
donc
tout
à
fait
extrinsèque à moi.
Il
fait partie du monde
extérieur.
Il n'y a donc,
à
première vue,
rien qui nous
permette
de dire que la
communication entre les individus
sera
aisée. Même
si,
en
tant qu'homme,
autrui a
la
même
essence que moi.
Sartre
mo~tre
bien
dans
l'Etre
et
le
Néant
qu'autrui
et
la
communication
interindividuelle
deviennent nécessairement des problèmes illso1ubles pour
les philosophies qui commencent par expulser l'autre de
la saisie de l'essence du sujet.
Et,
d'une certaine manière,
dans ses tentatives souvent
infructueuses de
dialogue,
Descartes
semble payer
le
prix de sa métaphysique qui exclut l'autre.
En r e v an c h e
Le ibn i z aborde
le probl ème
de l'au t l-e
d'une
man t
re
è
totalement
différente
comme
nous
l'avons
Vll
précédemment,
ce
qui
détermine sa
conception
de
la
communication et lui permet
d'une certaine manière
de
surmonter
les
difficultés
qu'il
rencontre.
Nous
reviendrons sur cette question.

-122-
citons
simplement
ce
passage,
qui
montre
qll'autrui n'est pas un problème,
à condition que je
ne
me pose pas dabord,
pour le démontrer ensuite
:
Il • • • je
découvre
la
relation
transcendante
à
autrui
comme
constituant mon
être
propre,
tout
juste
comme
j'ai
découvert que l'être-dans-le-monde mesurait ma
réalité
humaine.
Dès
lors,
le problème
d'alltrui
n'est
plus
qu t un faux p r ob l ème v •
(P.290.Gallimard)
Toujours est-il que nous
avons là une preuve
de
la désillusion de
Descartes quant
à une
t r au smi s s i on
universelle de la vérité
.
Ce qui différencie les intelligences, ce n'est pas
la diversité des degrés
de la raison
- ce qui
serait
une contradiction -, mais les variations dans le
degré
de pureté.
La raison étant la même en tout homme,
elle
ne saurait
présenter
de différence
dlun
individu
à
11 au t r e . Mais certains esprits se sont laissés r e c ou-
vrir par des sédiments d'idées fausses,
de préjugés.
Il
est plus
difficile -
voire impossible
- ail
vrai
de
traverser toutes ces couches réfractaires pour attein-
dre la raison.

Ce sont les discours d'autrui,
en un mot,
l'éducation,
qui engendre
cette sédimentation
et nous
empêche
de
faire bon usage de notre raison.
Il est donc absolument
nécessaire, de commencer par faire table rase.
Il
faut
retrouver
l'éclat
de
la
lumière
naturelle
en
débarrassant la raison de
tout ce qui l'obscurcit.
Ce
premier élément
de différenciation
entre les
e s p r I t s
n'est donc
pas une
différence de
nature.
Cependant,
nous pouvons t r ouv e r , dans les textes de Descartes,
les
indices de l'existence d'un
second élément, qui,
lui,
Ln t r odu i r a i t
une différence de nature.
Il s'agit essentiellement de
l'idée de "don
naturel",
d'"ingenium",
comme le souligne Geneviève
Rodis-Lewis,
qui légitime cette assertion.
Cet "ingenium"
comprend
la
sagacité
et
la
perspicacité,
"celle-ci
développe
l'acuité
dans
l'intuition
des
choses
singulières
tandIS
qlle
la
première sert de guide dans la déduction
: elle
permet
de
suivre
l'enchaînement
des
conséquences
et
distinguer les propositions simples".
GenRvièv~ Rorlis-Lewis, montre,
dans
son
o u v r a q e ,
ce qu'il
faut entendre
par "ingeniulll".
Cette
notion
désigne les
dispositions n a t u r e l Le s
qui
prédisposent
l'individu à tel 011 tel type d t e x e r c i c e .

-1~4-
Descartes
parlera,
par
exemple,
d'"ingenium
mathematicum".
Toutefois,
il
faut
préciser
que
ces
dispositions
peuvent
être
acquises
ou
plutôt
développées
par
l'habitude. Ce qui fait dire à Geneviève Rodis-Lewis
If
• • les
différences
de
niveau
qui
gênent
la
communication des
esprits sur
le plan
de
l'évidence
sont suscitées par
l'habitude qui ancre
les uns
dans
leurs opinions antérieures et facilite à l'extrême
aux
autres
la
compréhension
des
résultats
acquis. ir
L'opiniâtreté et la paresse intellectuelle des
esprits
prévenus,
puisent
leur
force
d'inertie
dans
le
mécanisme de l'habitude,
tandis que la
tendance à
la
précipitation se développe par une certaine coutume que
j'ai de juger inconsidérément des choses.
L'habitude est donc
à double face
: tantôt
elle.
fortifie,
tantôt elle
conforte dans l'illusion.
Mais,
dans la mesu~e o~ elle
est un mécanisme,
l'homme
peut
Lu t t e r
contre elle,
de même que l'on peut r e d r e s s e r
un
bâton tordu.
Les
habitudes contraires
v Le nd r a i e n t
à
b 0 u t
des mcl li V ais e s 11 ab i t li des,
e t
l' hab j t.\\1 clt::' cl' cl Li ver -
saire, deviendrait lIne alliée.

-125-
Faut
il
en conclure,
que
les différences
entre
les
esprits ne sont
dues qu'à
l'habitude?
Non.
Car
les
hommes présentent une diversité
indéniable quant à
leur
mémoire et leur imagination.
Ce que
montre
clairement
Geneviève
Rodis-Lewis
Lo s qu ' elle écri t
:
"l'imagination discrimine donc parmi
les divers
esprits
les
plus aptes
aux
mathématiques
quand elle est présente et
distincte ou à
la
métaphy-
sique lorsqu'elle petit s'effacer aisément pour
laisser
libre essor à
la pensée pure. ,.
En métaphysique en effet,
i l
faut
tenir
l ' imag:H~ation,
c'est-à-dire la
représentation
sensible
à
distance.
Pour
employer
·l'expression
cartésienne,
il
est
nécessaire de
s'abstraire
des
sens,
'et
imposer·
le
silence à
l'imagination.
En
revanche,
lorsqu'il
s'agit
des mathématiques,
l'imagination devient un
auxiliaire
important dé l'entendement.
Elle
permet de se
figurer
l e s objets et,
par là,
de
les
rendre plus "parlants".
Toutefois,
l'imagination ne doit
jamais s'émanciper
de
la tutelle
normative de
l'entendement 1
cal-
c ' est
ce
dernier,
et
lui seul,
qui dépasse
la
r ep r
s en t.a
é
t i on
sensible pour s'élever à
l'univel-salité.

-126-
Dans sa
lettre
du
1er
juillet
1641,
Descartes
écrit:
"Comme
Les
bornes
de
notre
imagination
sont
fort
courtes et fort étroites,
au lieu que notre esprit n'en
a presque point,
il y a peu de choses même corporelles,
que
nous
puissons
imaginer,
bien
que
nous
soyons
capables de les concevoir".
Ce que Descartes accorde à l'imagination d'une main,
il
semble le lui retirer de l'autre.
Dans les
Méditations
métaphysiques,
l'exemple
du
chiliogone
montre
qu'en
fait
les
limites
de
l'imagination
sont
très
vite
atteintes.
Nous ne
pouvons
même
pas
d i r e
que
le
domaine
de
l'étendue est
le
royaume
de
l'imagination.
L'usage
illégitime de l'imagination est la source de la plupart
de nos erreurs.
Pour ce qui
concerne la mémoire,
nous avons aussi
lin
double ~spect, l'un positif et l'autre négatif.
Elle
~~t
indispensable
à
la
déduction,
mais
l'idéal pour la pensée c'est c.l8 réduire la déduction
à
une intuition.
C'est à-dire,
a c co r de r
le mo i n s de p La c e
possible à la durée,
donc à la
mémoire.
Le temps
~st
l 'li 11 cle s p lu s 9 ra n d 5 da 11 g ers qui mei1 a (:e 11 t
1 a pen sée .

-127-
seule
l'évidence
actuelle
est
critère
de
vérité,
l'illusion
pouvant
toujours
se
glisser
dans
les
souvenirs. De plus,
la mémoire fortifie la
préventibn.
Les discours
d'autrui,
par la
mémoire,
s'attachent,
pour ainsi
dire,
à
notre
esprit,
et
l'empêchent
de
penser véritablement.
Tel est le risque que
représente
une fréquentation assidue
des livres
des anciens.
La
philosophie cartésienne
est
une pensée
de
la
table
rase,
donc de l'oubli.
Elle est fondamentalement opposée à toute érudition
et
à tout encyclopédisme.
Ainsi,
selon que l'individu est plus au moins doté
de mémoire
ou
d'imagination,
il
sera
en
proportion
exposé.à ces défauts.
Cette différence qualitative
des
esprits est-elle irrémédiable?
Non,
encore lIne
fois.
Les exercices et l'habitude nous permettent d'apprendre
à
soumettre
l'imagination
et
la
mémoire
à
la
législation de l'entendement
et ainsi à développer ou
à contenir une imagination ou
une mémoire en excès
ou
en
défaut.
La
théorie
mécaniste
de
Descartes
Il dé d 1"a mat i se"
don cIe s di f f é l'en ces des es p rit s .

-128-
Tout
s'explique
par
les
esprits
animaux
et
leurs
mouvements. Or la qualité des esprits animaux dépend de
facteurs
tels
que
la
nourriture
par
exemple,
sur
- lesquels
l'homme
peut
agir.
Par
l'exercice
de
temporisation, nous pouvons
ralentir, voire
inverser,
le cours trop
violent des
esprits animaux.
L'ouvrage
L.?s
j:ld:,:::::ions de
l'âme dt:: D.::scartes
montre comment
la
connaissance
du
mécanisme
ph ys Lo i o q Lque
du
corps,
permet peu à peu de
le maîtriser,
de devenir libre
en
le soumettant
à notre
volonté. En
dernière
analyse,
c'est la liberté sans bornes en tout homme, qui
réduit
les différences entfe les esprits.
Un esprit qui
fait v r I
é
t ab Leme n t
usage
de sa
liberté
est en tous points semblable à tout autre esprit libre.
'1'(1 li S
les
esprits
n'ont
pas
non
plus
lIne
égale
inclination naturelle
à rechercher
le' vrai
par --eux-
mêmes. Dans
L'individualité selon
Descartes
Geneviève
Rodis - Lewis
montre
que
ces
différences
peuvent s'expliquer par
la physiologie des
individus.
Nous en
avons
l'~~emple
suivant
dans
la
lettre
à
Meyssonnier du 29 janvier 1640
"LI
ÇJ La n cl e
p i 11 é 3 l.e est
encombrée d'espèces sensibles, surtout en
':;ll>:
qui
ont
l'esprit plus hébété: car
pour les esprits fort
bons
et fort subtils,
je crois qu'ils la doivent avoir tOlite
libre à eux et fort mobile".

-129-
"Hébété"
signifie
ici-
non
pas
stupide,
mais
grossier,
c'est-à-dire incapable de s'élêver
au-dessus
du sensible.
Nous avons
ici,
un
exemple d'explication de la
nature
de
l'esprit
selon
les
lois
cart.ésiennes
de
la
physiologie mécaniste.
La glande pinéale,
e n c omb r é e d'espèces
sensibles,
explique le
goQt pour
les
choses matérielles
et
la
difficulté à s'abstraire des sens.
Faut-il donc,
encore
une fois,
s'en prendre à Dieu de ces différences?
Non.
Puisque
ces
d i f f é 1-e n ces
ne
sont
pas
une
malédiction.
Elles
peuvent
être
corrigées
par
l'éducation et,
surtout,
par
l'usage
d'une
méthode
a s s u r
e , Geneviève
c r i t
à ce propos
:
é
Rodis-L~wis é
"L'inégalité des
aptitudes
à
la
naissance
peut
être corrigée par' une technique
et des exercices
et
c'est ainsi,
par exemple,
qu'en pratiquant les
règles
de la ~éthode, on
acquiert cette sagacité dont
dépend
la puissance inventive de chacun".
- ,
Dans
le
Discours
de
la
méthode,
Descartes
déclare,
que
la différence des esprits tient à la façon
de
les appliquer.
c'est le défaut
de méthode qui
est
ainsi désigné.
Descartes démontre
la nécessité
d'avoir
une méthode,
de ne
pas
laisser l'esprit
"battre
la
campa<jne".

-130-
Cela
nous
montre,
compte
tenu
de
notre
analyse
précédente, qu'il
faut concilier
deux types
de
cure
pour l'esprit.
Une cure "négative", celle
qui cherche à maitriser
le
cours des esprits animaux et
à se rendre maître de
ce
qu'il y
a
de
physiologique
dans
les
d~marches
de
l'esprit.
L'autre
cure,
"positive",
est
celle
qui
applique
l'espritselon
des
règles
précises
à
la
recherche de
la
vérité.
La
première
d'une
certaine
manière
nous
permet
d'éviter
la
prévention
et
la
précipitation,
tandis que la seconde nous rend
capable
de
nous
conformer
aux
trois
autres
règles
de
la
méthode.
Donc,
les di f f r e n c e s nées de l'
du c a tion r e çu e , ou
de
é
é
l'''ingenium'',·ne sont
pas I r r émédt ab l e s
.
Le
troisième
élément
d'explication
de
la
différence des e s p r i t s
rejoint,
de ma n Lè r e
frappante,
la conception arnaldienne.
Arnauld,
en effet,
explique
par les
passions de
la nature
corrompue de
l'homme,
toutes les erreurs et la fausseté d'esprit.
Les esprits
faux le
sont dans
tous les
sens du
mot
i l s s o n t
truffés d'erreurs
et
ils
sont
p e r v e r s .
E 1-1"eUrS
et
fautes se rejoignent.

-131-
Chez Descartes aussi,
la véritable différence entre les
individus revêt
un
caractère moral.
C'est
pourquoi,
nous souscrivons sans réserve à la pensée de
Geneviève
Rodis-lewis,
lorsqu'elle écrit:
"Le mur entre les individus s'édifie
généralement
sur des défauts d'un caractère plutôt moral,
bien qu'il
ne soit ici question que de l'activité tout intellec-
tuelle de la pensée."
Ces
défauts
sont
essentiellement
"la
malignité
et
l'envie",
"l'esprit
de controverse",
"l'orgueil"
qui
engendre "l'opiniâtreté",
"l'obstination",
"la mauvaise
foi",
"la
paresse
intellectuelle",
"le
goût
de
l'occulte".
Tous ces défauts s'opposent à l'amour de la vérité,
qui
nous mène à la
recherche et à
la découverte du
vrai.
Cette absence d'amour
pour la vérité
chez la
plupart
des hommes,
Descartes ne l'explique pas comme
Arnauld,
par la corruption de la nature humaine.
La
finitude
de
l'homme
est,
certes,
une
idée
omniprésente chez Descartes.
L'idée de Diell en moi,
de
cet Etn: parfait,
III 1 a pp r end
CI Il e j ~
::; \\il ,';
m1 li - III &111 t'
Il Il l:'
c r
a t.u r e
f Ln le .
é

--_.
-132-
Cependant, Descartes n'invoque
pas le péché
originel
pour expliquer cet éloignement du vrai.
Reste à savoir,
maintenant,
tous
ces
esprits
faux
étant
écartés,
comment se présente
le public
auquel s'adressent
nos
auteurs.
Henri
Gouhier
pose
les
données
du
problème
lorsqu'il écrit
"pour le philosophe,
le problème
est
de savoir
non
pas
s'il
écrit
pour
tous
les
gens
intelligents ou seulement
pour des spécialistes,
mais
s'il écrit
pour
ces
deux
publics
simultanément
ou
séparément. Il
("La
philosphie
et
ses
publi.cs".
In
philosophie et
Méthode.
Institut
des
hautes
études_
Belgique).
Et Gouhier
prend Descartes comme
l'exemple
de la
volonté des
philosophes de
découvrir le
genre
littéraire le
mieux
approprié à
la
communication
"Descartes est
un
témoin privilégié
il a
usé
de
genres très différents
le d I s c ou r s
avec une
p er t t e
autobiographique qui mime la confidence,
la
méditation
qui ne
cesse pas
tout à
fait d'être
spirituelle
en
devenant métaphysique,
l'exposé
more
geometrico,
le
manuel
niveau
du
livre
du
maître
(Pl' inc ipi a
pl1ilosopl1iae) ;

-133-
il avait envisagé le commentai~e...
et il a commencé un
dialogue,
genre porté
à sa perfection
pa~ Platon
(La
~eche~che de la vé~ité pa~ la lumiè~e naturelle)". Nous
allons donc étudier
ces différents genres
litté~ai~es
de la philosophie.

-134-
NOT E S DU CHAPITRE IV
1- Logique de Port-Royal.P.35
Les "esprits
faux"
semblent
irrécupérables
"ceux qui choisissent bien
sont ceux qui ont
l'esprit
juste
ceux
qui prennent le
mauvais parti sont
ceux
qui ont l'esprit faux,
et c'est la première et la
plus
importante
différence
qulon
peut
mettre
entre
les
qualités des esprits des
hommes." La différence
n'est.
donc pas seulement de degré, mais de nature.
La plupart
des hommes sont dénués de bon sens,
c'est-à-dire, de la
capacité de discerner
le vrai du
faux.
Or,
l'honnête
homme est celui qui,
en toute circonstance,
fait
usage
de sa raison.
Il ne se spécialise dans
aucun domaine de la
pensée,
mais a suffisamment de lumière
sur toutes choses
ce
qui fait de
lui un homme
complet; mieux
: un
homme
universel. Ce qui rappelle
ce qu'Arnauld et Pascal
ne
cessent de répéter,
à savoir
les sciences ne
doivent
faire que
l'essai
et
non
l'emploi
de
nos
forces.
L'idéal humain de ces auteurs,
ce n'est pas le
savant,
qui
se
sacrifie
sur
l'autel
de
la
science,
niais
l'honnête homme.

-135-
Nous pourrions même dire,
que les erreurs des
esprits
faux dans
les sciences
sont moins
graves que
celles
qu'ils font dans
la vie
civile, dans
la conduite
de
leur vie.
Car,
dans
celles-ci,
c'est
leur
dignité
d'être huma i n qui est en jeu.
2- Dans
la
Recherche de
la
vérité
Mah~branche
procède de la même manière, montrant combien l'amour-
propre et son cortège de passions nous éloignent de
la
vérité. De
plus
nous trouvons
chez
Malebranche
une
théorie de la contagion.
L'auteur en effet, montre
que
de man i
r e mécanique,
donc
d
è
i f f i c iLe à combattre,
les
imaginations fortes nous séduisent au sens étymologi-
que du terme.
Nous sommes alors prêts à accepter
comme
vrai,
tout
ce que
les hommes
passionnés,
débordants
d'imagination,
nous disent. Malebranche commence par
montrer, que la plupart de
nos erreurs ont pour
cause
première,
"cette forte
application de l'âme
à ce
qui
lui vient
par les
sens".(I, XIX)',
Par exemple,
"les
hommes jugent
presque
toujours
que
les
objets
qui
excitent en eux des sensations plus agréables sont
les
plus parfaits et les
plus purs,
sans savoir
seulement
en quoi
consiste
la perfection
et
la pureté
de
la
matière ... "(p.89).

-136-
Dans le
livre second,
Malebranche montre
le r l e
de
ô
l'imagination dans la production des faux jugements,
et
dans quelle mesure elle est pathologique.
IMême les enfants qui sont encore dans le sein de
leur mère
sont "touchés
par l'imagination
maternelle
car on
peut
dire que
presque
tous les
enfants
qui
meurent dans le
ventre de leurs
mères,
sans
qu'elles
soient malades,
n'ont
point
d'autre
cause
de
leur
malheur, que
l'épouvante,
quelque
désir
ardent,
ou
quelque autre passion
violente de
leurs mères",
cela
est d'autant plus grave,
que le phénomène se
rencontre
dans toutes les relations int.erinduviduelles
"il se
trouve des
exemples fort
ordinaires de
cette
communication d'imagination dans les enfants à
l'égard
de leurs
pères,
et
encore plus
dans
les
filles
à
l'égard de leurs mères; dans les serviteurs à
l'égard
de leurs
maitres ....
et généralement
dans
tous
les
inférieurs à
l'égard
de
leurs
supérieurs.
I l
se
trouve encore des
effets de
cette communication
dans
les personnes
d'une
condition égale, ..
Enfin
il
se
trouve de
ces effets
dans
les supérieurs
à
l'égard
( lit €~ lit e)
li e
1. eu 1-tJ
J n f é 1" 1. e u 1"1; ",
Ce
<:1' d
~; 1UIl 1 [ j,;! llll e
les
discours nous arrachent notre
adhésion,
non pas
parce
qu' LIs sont vrais,
litais p a r c e qu'ils uo u s f iapp an t ,

-137-
Malebranche
p a r l e r a
de
"la
force
d'imagination
de
certains
auteurs",
c'est-à-dire
de
la
capacité
à
convaincre ert frappant l'imagination des lecteurs.
Aussi, Malebranche
affirme t-il
la n~cessité
de
les
~viter, rejoignant en cela,
la méfiance cartésienne
à
l'~gard des ouvrages d'autrui.
ou t r e
ce
problème
de
l'imagination,
l'ouvrage
de
Malebranche
offre
dans
le
troisième
chapitre
du
deuxième livre,
une analyse des différentes causes
des
faux jugements:
il énumère onze causes.
1° - la paresse naturelle des hommes
20 -
l'incapacité de méditer,
"pour ne pas s'être
appliqué dans la jeunesse lorsque les fibres du
cerveau étaient capables de toutes sortes
d'inflexion"
3° - le peu d'amour pour les vérités abstraites
4° - la satisfaction dans la connaissance des
.vraisemblances
5° - la vanité
6° - l'admiration pour les anciens
(cf Pascal)

- le respect pour les choses venues d'ailleurs
SO -
la peur que les opinions nouvelle::; ne rivè\\lJ~ent
avec les nôtres
9° - la confusion e n tr e la no uv e au t
et l'erno'ln-
é

-138-
10° -
"quand on est dans la presse et dans la foule,
il
est difficile de ne pas céder au torrent qui
nous emporte"
11° - en dernier lieu le fait que les hommes n'agissent
que par intérêt.

DEUXIEME PARTIE
a

LES fORMES DU DfSCOURS PHfLOSOPHfQUE

CHAPITRE l
LES LETTRES
Les
textes
philosophiques
du
XVIIe
siècle
se
présentent s6us des formes extrêmement variées,
allant
des "méditations"
"aux
essais",
en
passant
par
le
traité,
le
discours,
etc.
Et
surtout,
un
échange
fabuleux
de
lettres,
dans
lesquellt:'s
s'ouvre
un
véritable débat.
Nous sel-ions
tenté de
dire, que
le
XVIIe
siècle
donne
aux
lettres,
un
r e l
é
statut
philosophique.
Les
objections
formulées ne
sont
pas
extérieures à l'oeuvre,
comme un simple appendice. Nous
ver r 0 n s,
ct' ai 11 eu 1"s , dan s q tl e 11 e mes tl r e,
c 11 e z
Ar na u I d ,
et
Leibniz
surtout,
les
objections
déterminent
l'écriture
d'oeuvres
nouvelles.
Nous
verrons
aussi
certaines différences chez Descartes.
Pourquoi commencer
par cette
forme d'écriture
?
Parce que,
l'abondance
des échanges
épistolaires
au
siècle de Descartes est tout à fait frappante.
Et· que,
de
manière
absolument
explicite,
les
auteurs
s'interrogent
sur
l'efficacité
de
cette
forme
de
c onunuu Lc a t.f.ou .

-140-
Ce phénomène,
même s'il apparaît quelquefois
dans
l'histoire
des
idées,
n'acquiert
llne
telle
importance
qu'au
XVIIe
siècle.
Lion
fait
parfois
remonter à saint Thomas la publication dlqbjections,
en
même temps que llouvrage sur lequel elles portent. Hais
l'a mp l e u r
des
é c 11 an g e s
épi s t o I air e s
p Il i los 0 phi que s ,
semble
spécifique
au
XVIIe
siècle.
Les
lettres
philosophiques sont-elles à la
philosophie ce que
les
romans p a r lettres
sont à
la littérature
7 Ce
genre
littéraire lui aussi
s'affinne de plus
en plus en
ce
siècle pour connaître son apogée au siècle de Laclos.

-141-
I.- LE STATUT EPISTEMOLOGIQUE DES LETTRES
A) Malebranche,
le paresseux:
Les lettres échangées
par Leibniz et
Malebranche
présentent un
déséquilibre
~vident.
La
plus
grande
partie
d'entre
elles
sont
écrites
par
Leibniz.
Malebranche se refuse à correspondre,
et ne se résout à
répondre que malgré lui.
Il ne manque d'ailleurs pas de
souligner l'épreuve que. constitue pour lui cet échange,
n'hésite pas
à se
faire
passer pour
un
paresseux.
Parfois,
ses lettres
sont de
véritables bulletins
de
santé des
habitués de
l'Oratoire.
Elles
laissent
de
côté tout problème
philosophique, s u r t cu t
lorsque
les
questions posées par Leibniz sont de
nature m~taphy-
sique ou
théologique. Malebranche,
en effet,
accepte
plus facilement le dialogue sur les questions mathéma-
tiques
ou
physiques.
Il
révisera
ses
positions
concernant la tlléorie du mouvement et acceptera plus ou
moins
la
dynamique
Leibnizienne.
Dans
ce
domaine,
l'entente
est
possible,
semble
ainsi
signifier
Malebranche. Mais,
dans les autres champs de la pensée,
"l'expérience apprend assez qu'il n'est pas possible de
convaincre un cart.ésien
par les principes
d'Aristote,
ni un péripatéticien par ceux de Descéirtes".(l)

Car,
nous dit l'auteur,
"pour persuader promptement les
gens,
il faut
nécessairement leur
parler selon
leurs
idées,
un
langage
qu'ils entendent
bien,
et
qu'ils
écoutent volontiers",
Autrement dit,
toute
tentative de
montrer
le
vrai
à
un
non-cartésien,
est
vouée
à
l'échec.
Aussi,
Malebranche
rappelle-t-il
souvent,
qu'il écrit
d'abord
pour les
cartésiens.
Même
s ' i l
ajoute
"qu'être
péripatécien
ou
platonicien,
gassendiste ou cartésien,
c'est là
un défaut".
Leibniz le lui reprochera dans sa lettre du 13
janvier
1679.
1
Leibniz a lu les Conversations chrétiennes dès récep-
tion à la mi-1678.
Elles lui ont
été envoyées par
la
princesse
Elisabeth,
Leibniz
découvre
alors,
\\
l'originalité de Malebranche
par rapport à
Descartes.
Il\\
Il écrit
:
"J'ai eu
vos
Conversations
clll-étiennes
par
la
faveur de Mad.
La Princesse
Elisabeth aussi
illustre
par son savoir
que par
sa naissance .. ,
J'y ai
mieux
compris votre sentiment
que
je n'avais
fait du
temps
passé en
lisant
la
Recherche de
la
Vérité",
C'est
ensuite qu'il
lui adresse
le reproche
suivant
"Je
voudrais que vous n'eussiez pas écrit pour les cdrté-
siens seulement,
comme vous avouez vous-même.
Car il me
semble que
tout nom
de secte
doit être
udieux à
Ull
amateur de la vérité."

-143-
Il
faut de
toute évidence donner
au mot
"amateur"
le
sens
fort de
"qui aime au plus haut point"
la
vérité.
Leibniz poursuit sa lettre
par une critique féroce
de
Descartes
"
il n'a fait que donner de belles
ouvertures,
sans être
arrivé au
fond des
choses . . .
Car
je
suis
persuadé que sa mécanique est pleine d'erreurs,
que
s a
physique va
trop
vite,
que sa
géométrie
est
trop
bornée et
enfin
que
sa Métaphysique
est
tout
cela
ensemble . . . "
La
vérité
est
universelle,
c'est-à-dire
qu'elle
s'adresse à tout homme.
Mais,
Malebranche accepte
les
-1
divisions comme
un fait,
une
fatalité.
N'écrivait-il
pas:
" . . .
j ' a i
cru que
j'avais
de quoi
j u s t t f i e r
la
\\
Vérité de la Religion,
de la Morale par des
raisons qui
Peut-être que ceux
qu'on
appelle cartésiens en demeureront d'accord;
car je ne
suppose rien qui soit nécessaire pour la suite dont
011
ne convienne,
et cette manière de raisonner leur plaît. ..
Mais outre ces Philosophes,
j'espère qll'il
se
trouvera
des personnes qui seront
convaincues . . .
"Le titre
de
"Philosophes" est
réservé
aux
cart.ésiens,
lèS
autres
sont des
"personnes",
qui peuvent devenir des philoso-
l'Iles au p r Lx
d'un e f f o r t
tot.
d t un e
a t.t.e n tLou
e x t r êrue s
aux principes cartésiens.

-144-
Cet extrait date,
il est vrai,
de 1676-1678,
tandis que
la dénonciation
du sectarisme
comme défaut,
date
de
1693-1711.
Nous pourrions penser que la dernière position
exprime
véritablement la conception de Malebranche.
Cependant,
la répétition
de
l'exclusion
de
IIcertains
esprits"
montre qu'il n'en
est rien.
Dans
l'avertissemerit.
aux
IIMéditations chrétiennes et métaphysiques",
Malebranche
écrit
:
IIJe
crois
néanmoins
devoir
avertir
que
pour
comprendre clairement
ces
Méditations,
i l
est
comme
nécessaire d'avoir lu la Recherche de la Vérité,
ou
du
moins de s'appliquer à cette lecture avec une attention
sérieuse,
et
sans
aucune
préoccupation d'esprit.
Ces
conditions sont un
peu dures.
Mais
comme
je n'ai
pas
écrit ceci pour
toute sorte de
personnes,
ce ne
sont
point
tant
là des
conditions que
j'exige,
que des
avis
nécessaires pour ne pas perdre son
temp~ à condamner la
Vérité sans
l'entendre ll • (2)
Malebranche ne doute clonc pas
de la v é r i té de
sa
pensée,
mais
de la
possibilité
de la
communiquer
à
quelqu'un qui ne partage pas ses principes.

-145-
Un tel
individu
est
le
siège
de
'1 préoccupa t ions" ,
c'est-à-dire de préjugés. La capacité de son esprit est
déjà assiégée par des
idées fausses
par
conséquent,
il ne peut pas entendre le discours de la Vérité.
Car,
c'est le Vrai,
le Verbe éternel qui s'exprime
par
sa bouche. Malebranche renonce à lutter pOlir convai.ncre
ce genre d'individus.
Surtout par lettre;
ce ne serait
que perte de temps.
" Je crois qu'il y a
encore bien plus de temps
à
perdre et de
difficultés à vaincre
dans les
disputes
par écrit, que
dans celles
qui se
terminent dans
la
conversation.
VOliS
en
voyez
bien
les
raisons.
cependant,
puisque
vous
m'avez
fait
l'honneur
de
m'écrire, vous souffrirez
bien que
je vous
réponde."
Ces propos se trouvent dans la lettre de Malebranche
à
Leibniz. Mi-1675.
Le disciple de Malebranche,
Lelong partage le
point de vue de Malebranche.
Il estime
lui
aussi
qu'il
n'est
guère
commode
ni
efficace de
philosopher
par lettres.
Le
29
ft?vrier
1712,
il écrit à Leibniz

-146-
... J'ai achevé la lecture des Essais de Théodjcée. Cet
ouvrage marque que vous
avez bien médité votre
sujet,
vous
renversez
entièrement
les
preuves
de
vos
adversaires, vous
y établissez
quantité
d'excellents
principe::;, lIlais
il
y en
a
quelques-lIll::; dUllt
je
ne
salirais convenJr.
J'entrera1s
plus en
détail si
nOlis
avions ensemble
une
conversation,
cela
serait
trop
difficile de le faire par lettres."
La même attitude négative face aux lettres s'exprime de
nouveau dans la lettre de Lelong adressée à Leibniz
le
16 Avril 1712.
Lelong écrit:
" ... Il est très difficile de raisonner par lettres
sur la métaphysique surtout
lorsqU'on ne convient
pas
de
principes,
car
on
s'expose
à
faire
bien
des
écritures inutiles.
Il n'y
a qu'une
vérité,
les
uns
croient y
arriver par
un chemin,
les autres
par
un
autre,
selon les principes dont on est prévenu."
En
cela,
Malebranche
et
Lelol1g
rejoignent
Descartes
qui
estime,
lui
aussi,
qu'un
véritable
dialogue philosophique doit être oral.
'.1
1.
,<,

-147-
L'écrit,
pour
Descartes,
n'est
bon
que
pour
les
"discuteurs",
en
d'autres
termes,
pour
cellx
qui
recherchent
surtout,
la
satisfaction
de
leur
amour-propre.
Un autre que
Leibniz,
eût abandonné
sur
l'heure, d'autant plus que Malebl-anche ira
d'ailleurs,
jusqu'à
tenter
de
se
décharger
des
Conversations
chrétiennes
sur
lin
autre
auteur,
pour
éviter
les
questions de
Leibniz.
Il
prétendra que
le
véritable
auteur,
c'est catelan.
Dans sa
lettre
du 3
septembre
1695,
l'Hôpital
transmet à Leibniz le passage sllivant, de la part du RP
Malebranche : "
le RP
Melebranche m'a prié de
vous
assurer de sa part
qu'il a pour
VOliS
une estime
très
particulière,
qu'à
l'égard
de
vos
méditations
métaphysiques,
elles
ne
lui
paraissaient
pas
assez
expliquées,
et
qu'il
était
bien
difficile
de
philosopher par lettre (c'est nous qui soulignons)
sur
ces matières
qui
sont d'elles-mêmes
si
abstraites".
Voici de nouveau exprimé
le refus de "philosopher
par
lettre ". Cette forme de communication se voit
refuser
toute pertinence philosophique. trn e telle a n a l y s e de La
conception
de
Halebranche
permet
de
montrer,
par
\\
contraste,
l' Lmpo r t an c e
que
LeLbniz
.1
él C C '.ll:d e
au};
,1
1
I~
lettres.

-148-
BI Leibniz,
le persécuteur
"Persécuteur" serait le qualificat.if le plus
doux
qui emploierait Malebranche contre Leibniz. Malebranche,
comme nous venons de le
voir,
nia cessé de refuser
le
dialogue.
Malebranche et Leibniz
se sont rencontrés
à
Paris.
Les occasions de rencontre ne manquent pas,
car
Leibniz
fréquente
Arnauld,
alors
grand
ami
de
Malebranche. Nombreuses sont
les relations communes
les ducs de Chevreuse et de Roannez, Galinée,
Foucher,
Prestet,
des
Billettes.
Les
premières
lettres
de
Leibniz dans laquelles
llauteur demande à
Malebranche
de transmettre ses civilités à ces personnes,
montrent
qu'il
est
un
visiteur
habitué
à
rencontrer
son
correspondant chez des hôtes familiers.
Malebranche
en
profitera dlailleurs,
pour
envoyer des
bulletills
de
santé, évitant ainsi le débat philosophique soulevé par
Leibniz.
Leurs premières relations
épistolaires se
nouent
autour de Prestes, disciple
de Malebranche, et
auteur
des Eléments des Mathématiques.
Elles seront toujours à
trois termes,
jamais directes.
\\
"

-149-
Après
Malebranche-Prestes-Leibniz,
ce
sera
Malebranche-L'Hopital-Leibniz,
puis
Malebranche-Foucher-L~ibniz, et Malebranche-
Lelong-Leibniz, M.Remond.
Les dérobades de
Malebranche
e xp I iquen t
la nécess i té de la p r s ence d'un médi a
é
t e u r .
Mais,
Leibniz
revient
toujours à
l'at.t.aque,
d e
manière plus ou moins directe.
D'abord, par
la
médiation
de
Foucher,
critique
de
Malebranche, puis par ct:?lle de L'Hôpital,
et enfin,
celle de Lelong,
des disciples de Malebranche. D'o~
le
paradoxe apparent du titre de l'ouvrage d'André
Robinet
Malebranche
et
Leibniz,
relations
pè r s onne Ll e s:
car,
en fait,
leurs relations sont
loin
d'être personnelles. (3)
Ellt:?s
suppost:?nt
toujours
un
interlllédiaire
et
revêtent
un
aspect
tout
à
. fait
précaire. C'est Leibniz qui s'efforce de les maintenir.
On s'aperçoit que ce dernier connaît
toutt:' l'oeuvre de
Malebranche. (4)

--
-150-
Il commente
de
manière
précise la
Recherche
de
la
vérité,
le
Traité de
la
Nature et
de la
Grâce,
la
Réponse au Traité des vraies et des fausses idées,
les
Lettres en réplique
à la Défense
d'Arnauld,
les
Lois
sur la Communication
des mouvements,
les Lettres de la
seconde polémique avec Arnauld,
le Traité de l'Amour de
Dieu,
les Entretiens
sur la Métap'!~y'~ique,
l'Entretien
du philosophe chrétien et du philosophe chinois.
Leibniz
connait
aussi
les
oeuvres
des
principaux
critiques
de
Malebranche
Foucher,
des
Gabets,
Arnauld,
Régis,
Lamy, Marquet, Boursier, du Terte..
Et
pour Leibniz,
lire, c'est commenter avec précision,
et
c'est aussi,
parachever l'oeuvre par lIne autre
oeuvre.
Il ne s'agit pas de lire passivement,
mais de mener
ce
qU'André Robinet
appelle,
une
"lecture
réagissantell •
Leibniz essaie
de
comprendre
avant
de
dresser
des
objections, de dégager des problèmes qll'il va tenter de
résoudre avec l'auteur.
Dette réflexion
commune
- qu'il
n'obtiendra
pas
de
Mal eb r a n c h e - pe r met t ra d'approche r tou j ou r s
davantage
1
\\
Eru Lt
d'une lecture attentive du Traité de la Nature et de la
Grâce.

-151-
C'est la première
tentative de
systématisation de
la
pensée
leibnizienne.
C'est,
selon
A.
Robinet,
"Ia
première confrontation
dans
laquelle
il
risque
son
avenir
philosophique aux feux des deux plus
puissants
métaphysiciens
de
l'heure
(Malebranche
et
Arnauld) ... "(5) Leibniz montre,
par là,
sa
conviction
profonde
selon
laquelle,
il
faut
multiplier
lès
perspectives
sur un même objet, pour mieux le
saisir.
En l'occurrence,
la saisie
de la vérité nécessite
une
pluralité - à défaut d'une infinité- de points de
vue.
D'où l'éloge de la philosophie par lettres.
Il
s'avère
indispensable, de reproduire ici,
un passage assez long
de la lettre
que Leibniz adresse
à Malebranche le
17
janvier 1700.
Leibniz se
félicite
d'un "succès"
r empo r t
par
é
lettres.
Il
a
réussi
à
convaincre
Brt::douillé
de
Groningue,
de
la justesse
de sa
théorie des
forces.
L'auteur
écrit
"c'était
des
lettres
que
nous
échangions,
et qu'il
aura communiqué (es)
à Mons.
Le
Marquis de L'Hôpital.
Ce n'est pas la première fois que
j'ai réussi à persuader par lettres.
Mais cela
n'est
pas
ordinaire,
et.
e n co r e
moins
de.
conv a I n c r e d e s gens pal- d e s
Lf.v r e s 1
s u r t.o u t
I o rs qu ' ils
ont pris
parti
publiquement,
car peu
de
gens
sont
capables (le cette s in c r tt
s u r ce c h a p Lt r e
è
é

-152-
Les lettres pourtant paraissent plus propres à
gagner
ceux qui nous sont contraires que les livres car
elles
intéressent moins ce point
d'honneur qui
joue son
jeu
lors même qu'on
n'y pense point. (Lettre
de Leibniz
à
Malebranche
17
janvier 1700).
Ce jeu
inconscient
de l'amour-propre
est
à
rapprocher
de
la
thèse
leibnizienne
des
petites
perceptions.
Tout ce
qui se
passe en
nous n'est
pas
saisi dans la transpa~ence de la conception.
perceptions
sont
inconscientes,
ou
en
termes
Leibniziens,
certaines
perceptions
se
font
sans
aperception.Le tête-à-tête
est
le plus
commode
pour
conférer sur la philosophie;
mais des gens comme
moi,
qui se trouvent dans des endroits éloignés des
grandes
villes
(ont)
le malheur de
ne pouvoir profiter par
ce
moyen des pensées des excellents hommes ...
mes
pensées
n'étant pas encore
assez ficelées
en
système mis
par
ordre,
je
trouve
du
profit dans
les
objections
et
réflexions que
je rencontre
dans
les
lettres de
mes
amis."
Pciur répondre à Malebranche,
qui voyait dans
les
écl1angesépistolaires
un e
perte
de'
temps,
Leibniz
ajoute
:

-
l
"":
. _
"Je prénds plaisir de voir léS différents biais dont on
prend les mêmes choses,
et cherchant à satisfaire à
un
chacun (supposé qu'il cherchent sincèrement la vérité),
je
trouve
ordinairement
des
nouvelles
ouvertures,
lesquelles ne changeant rien au
fond de la chose,
lui
donnent toujours un plus grand jour.
At n n L, "je n'y ai j am a I s
p e r du
mon temps.
"La
Le t t.r e
permet donc,
d'une part,
d1être soi-même,
de ne
pas
être
prisonnier
de
l'amour-propre.
D'autre
part,
Leiblliz pose la nécessité d'une pluralité de points
de
vue,
comme
nous
le
disions
précédemment.
Chaque
individu exprime le vrai
à son niveau.
Nous
pourrions
ajouter, que la lettre est une monade,
un modèle réduit
du
système
de
la
v
r Lt
é
é
,
un
"mil" 0 il"
vivan t"
llunivers.
L'ubiquité
est
l'apanage
de
Dieu
la
multiplicité des
lettres sur
un
même sujet
nous
en
rapprocherait.
Pour le confirmer,
nous citerons
Leibniz
"
non omnia unus videt".
La
métaphysique
leibnizienne,
détermine
sa
conception de l'échange épistolaire.
Le choix de
cette
c r I t n r e a donc une val e u r théorique,
c i s
à
é
\\\\11
sens p r é
llintérieur du système leibnizien.

-154-
Ce qui rejoint la
pensée de christiane Frémont,
telle
qu'elle s'exprime dans L'Etre
et la Relation. (6)
"
Les lettres sont ce qui permet la communication,
elles
sont
les
relations
elles-mêmes,
les
voies
ou
les
chemins de l'Harmonie, par où l'on va d'un élément à un
autre,
et des éléments à
la totalité." Leibniz et
Des
Bosses se félicitent de leurs "communications."
Par la multiplicité des correspondants, et par
la
mise en
relation
de
leurs savoirs,
on
obtient
sur
chaque question
une telle
variété de
points de
vue,
qu'elle pourrait fonctionner comme la totalité.
Il s'agit,
non
pas de
concilier
complaisamment
tous lt.?s
points de
vue,
mais de
donner sa
place
à
chaque réflexion,
à C 11 a que
p 11 i los 0 P11 i e,
c 0 mll\\ e
cha que
monade dit confusément,
c'est-à-dire
partiellement,
le
vrai à son niveau.
Savoir
lire de façon non
violente,
c'est savoir trouver d/abord l'élément vrai, comprendre
le rapport de chaque élément à la vérité.
Ainsi, c'est
sa conception
du vrai
qui
conduit
Leibniz à rechercher la correspondance, et à
supporter
les
dérobades
souvent
vexantes
de
t-ï a l eb r a nc h e .
r i
t r ou ve r a eJ1 Ar n au Ld ,
un Ln t e r Loc u t e u r s e l o n s o n
c o e u r .
Ca L- Ar na u I d,
lu i r
ne refuse pas
la communication
par
lettres.

-155-
Mais,
avant
d'en venir
à Arnauld,
il est
nécessaire
d'analyser
un problème dont Leibniz traite abondamment
dans ses lettres.
Il s'agit
de la
paix de
l'Eglise.
Leibniz
écrit
en
effet :
"Toute personne bien intentionnée demeurera sans
doute
d' accord qu 1 il n' y
a r i e n
de plus
Lmpor t an t
pou r
la
gloire de
Dieu et
pour
le bien
des hommes,
que
le
rétabliss.=:ment
de
l'unité
de
l'Eglise
et
la
réconciliation
des
protestants

l'Empire
est
intéressé particulièrement"
Dans une l e t t r e adressée à Madame de
B1-inon,
Leibniz s'écrie:
"Malheur à ceux qui entretiennent le
schisme
par leur obstination à ne
vouloir écouter raison et
à
vouloir en avoir toujours."
De plus dans ses Irenica,
il ajoute une "exhortatio
ad
unitatem
ecclesiae
amplectandam".
Dans
ces
textes,
s'affirme la
volonté de
tout
mettre en
oeuvre
pour
réaliser
la
paix
de
l'Eglise.
Pour
ce
faire,
un
d I a l o qu e est nécessaire avec un t n t e r Loc u te u r d e
taille: Bossuet.
J

~-.'"
-156-
Mais ce
sera l'échec,
du 1110ins
en apparence.
Selon
François
Gaquére,
dans
son
OUV1-a<je
intitulé.
Le
dialo<jue irénique Bossuet-Leibniz,
cet échange est loin
d'être heureux.
Leibniz
veut que
Bossuet lui
accorde
que le Concile de Tl-ente n'est pas oecuménique,
et
lui
demande
une
réunion
de
théologiens
p r o t e s t an t s
et
catholiques.
Leiblliz présentera un projet pour faciliter la réunion.
selon lui,
cette réunion
est possible par une
voie ...
"qui embrasse ce qu'il y a de bon dans toutes les voies
possibles ...
et qui
a cela
d'important qu'elle
peut
SI accommoder
des principes
des catholiques aussi
bien
que des protestants."
La
volonté
Leibnizienne
de
conciliation
"
transparaît aussi
dans les
propos suivants
"
Vous
avez raison de dire,
que
de la manière dont nous
nous
y prenons,
il semble que les catholiques
deviendraient
aussi
tous
protestants
et
que
les
protest.ants
deviendraien t cathol iques.
il en
v Le nd r a lin
mixte,
slil plaît à"Dieu qui aura tout ce qu'il y a de bon
en
nous,
et
tout
ce que
nous
reconnaissons de
bon
en
vous. 1I
Leibniz est donc tout à fait 'confiant, optimiste,
même
si le projet offre,
a p r i o r i,
un c a r ac t
r e utopique:
è

-157-
"Quand cela
ne
serait vrai
que
spéculativement,
ce
serait toujours beaucoup ; mais. souvent
il ne
tient
qu t à
la
bonne
intention
des
hommes
et
à
des
conjonctures favorables
de
réduire la
théorie
à
la
pratique."
Autrement dit,
le succès
dépend de deux
facteurs
de natures
différentes maLs
indissociables.
L'un
est.
d'ordre
humain,
l'autre
d'ordre
événementiel.
Le
premier,
c'est
l'intention,
la
bonne
volonté
des
hommes.
Le second,
ce sont les données historiques.
La
rencontre
des
deux
conduit
au
succès.
Les
hommes
doivent s'efforcer d'accomplir ce
qui dépend d'eux,
à
savoir diriger
leurs
forces vers
la
réalisation
de
l'unité de l'Eglise. Hais, précisément,
l'llltl-alisi-
geance
de
Bossuet
ané an t I r a
tous
les
efforts
de
Leibniz. Bossuet,
il est
vrai,
avait
mis au
premier
plan de
ses
préoccupations,
la
défense
de
l'unité
chrétienne.
Il publia à
cet effet de nombreux
écrits.
selon lui,
il
faut
soutenir
le
combat
contre
les
dissidents.
Il apparaît
comme le principal
protecteur
de la doctrine catholique contre l'hérésie.
Et,
c'est justement, parce
qu'il voit avant tout
dans
les prostestants des hérétiques, qu'il ne parvient
pas
à parler le même langage que Leibniz.

-158-
Ce dernier en effet, veut que Bossuet reconnaisse qu'il
ne s'agit pas d'hérésie.
"La base et le fondement de la
possibilité.de la Réunion consiste dans ce dogme
que
les docteurs catholiques enseignent c ommun émeu t , savoir
que personne ne
doit être tenu
po u r hérétique,
quand
même il
serait
dans
l'erreur,
lorsqu'il est prêt
de
soumettre
son
sentiment
ail
jugement
de
l'Eglise
catholique,
et
lorsqu'il
est
persuadé
qu'elle
a
l'as:3istance du Saint-Esprit.
pour être
menée à
toute
vérité
salutaire
par
le
chemin
d'une
procédure
légitime." Ce que refuse Bossuet.
Aussi n'est-il pas d'accord pour une discussion
des points litigieux.
Selon lui,
les protestants
ont
commis un grand péché
: ét.ant dans le tort,
ils doivent
accepter pour ne pas dire subir, un exposé
dogmatique,
sans droit
de
réplique.
rl leur
faut
admettre
un
certain nombre de principes. C'est ainsi que se définit
la méthode diéclaircissement par opposition à celle
du
doute. Bossuet écrit donc à Leibniz, en ces tenues:
"Si l'on prétend qu'il ne puisse y avoir de réunion
qu'en présupposant un examen par forme de doute sur les
questions résolues
à
Trente,
il faut
avouer
dès
à
présent qu'il n'yen aura jamais; car l'Eglise ne ferd
point
une
chose,
sous
prétexte
de
réunion,
qui
renverserait les fondement.s de l'unité..

Ainsi les prot~stants de bonne
foi ...
ceux qui croient
...
l'infaillibilité
de l'Eglise
doivent entrer
dans
l'expédient
de
te rrnin e r
nos
disputes
par
f o rme
d'éclaircissement."
Et Bossuet d t
num r e r les principes que les protestants
é
é
doivent accepter.
Selon Jean
Baruzi,
le ton absolu
de
Bossuet, montre que
Bossuet et
Leibniz ont
p r e s s e n tI
que le débat sera purement intellectuel.
Et qu'au fond,
Bossuet ne
cherche
à
obtenir que
la
conversion
de
Leibniz, par
la
méditation des
vérités
chrétiennes.
C'est là,
certes, une
hypothèse solide à laquelle
il
nous semble
nécessaire
d'ajouter
l'idée
suivante
Leiblliz se pioposait
véritablement, pour
ne pas
dire
sincèrement,
la
réunion
des
c a t.h o Lt qu e s
et
protestants. Tout l'y prédisposait
: son éducation
et
sa conception métaphysique.
Leibniz,
très tôt,
a lu
le
livre
de
Luther
sur
le
Serf
arbitre
et
les
De
Libertate Dialogi de Laurent
Valla.
Il entretient
des
relations avec Calixtus,
professeur à l'Université
de
Helmst~dt, fils d'un disciple de Melanchton.
La
pensée
religieuse
de
Leibniz
est
ainsi
imprégnée
de
la
conception de Helancllton,
réformateur angoissé d'union.
Leibniz,
s' ini ~i ant
au
protestantisme
en
r ec ne i l J e
donc,
comme le démontre Jean Baruzi,
la forme
atténuée
cl~ j 6 cu 11 C :l ] :l a t 1.' j (: E: •

-160-
Nous convenons aussi avec
Jean Baruzi,
pour
dire
que cette volonté
de conciliation
leibnizienne a
une
source métaphysique.
En toute doctrine,
il y a du vrai,
de même que chaque monade
exprime de son point de
vue
la totalité de l'univers.
Nous avons déjà vu précédem-
ment ce que
nous appelions
la façon
non violente
de
li-re les différents systèmes de pensée.
Nous retrouvons
la
même
démarche
dans
le
domaine
religieux.
Catholicisme et
protestantisme
expriment
tous
deux,·
chacun de son point de vue,
la Vérité divine,
la Gloire
de l'Etre suprême.
Or,
deux
vérités
ne
pouvant
pas
être
contradictoires,
catholicisme
et
protestantisme
se
r e j o Lqn eu t en ce qu'ils
ont de vrai.
Ce
qu t Ll Lus tr en t
clairement les propos de la lettre de Leibniz à
Madame
de Brinon
précédemment
citée. Ce
qui
rend
légitime
l'affirmation de Jean Baruzi,
selon laquelle
" ... L'universalit.é
de
Leibniz
ne
se
manifeste
si
pu i s samme n t
que
parce
qu t e Ll e
jaillit
d'une
source
métaphysique."
Ains i,
il
devient
évident
que
Bossuet
et
Leibniz
avaient
des
points
de
vue
si
différents
sur
la
qu e s t Lou , qu'il
t a i t
difficile qu'ils plIs:::;ellL
t.r o uv
é
e r
un telTain d'entente.
L'intransigeance
de Bossuet y
a
beaucoup contrib\\l~.

-161-
Si Leibniz
se
réjouissait d'avoir
emporté
un
"succès" par lettres,
il
ne connut que difficultés
èt
déception dans ses échanges épistolaires avec
Bossuet.
A t-il trouvé auprès d'Arnauld;
un interlocuteur "selon
son coeur" comme dirait Rousseau?
C) Le grand Arnauld,
la terreur des auteurs
"
J'ai sur les bras deux puissants adversaires,
H.Arnauld et sa réputation.
M.Arnauld,
la t e r r eu r
des
pauvres auteurs,
mais
qu'on
ne
doit
pas
néanmoins
craindre beaucoup,
lors qu'on
défend la vérité...
Car
c'est un fantôme épouvantable
qui le précède dans
les
combats, qui
le déclare
victorieux et
par l eque l
j e
suis déjà au uomb r e des
vaincus." (7)
Le ton est
do nn é
par ces propos de Malebranche,
tirés de la Réponse
au
Livre de M. Arnauld,
Des
vraies et dèS fausses
Idées.
Dans la première des Trois
Lettres
sur la Défense
de
M. Arnauld,
contre
la Réponse au
Livre des vraies
et
des fausses Idées, Malebranche parle ainsi
d'Arnauld
:(8)
"Arnauld, dont le monde le sait assez,
est peut-être le
pl~s véhément écrivain
de notre
siècle.
Il
passionne
v t veme n t
tout
ce qu'il
dit ... " Le
q r an d Ar n au l d
est
craint
de
tous
à
caus~
de
la
violence
de
ses
attaques.

-162-
Dans s a
Not ice
sur
les
travaux
d'An to ine
Ar n au l d ,
Charles Jourdain écrit ;
"
.objet d'inimitié pour les uns et d'admiration
pour
les autres, mêlé activement aux querelles
théolo~iques
que les doctrines de Jansénius provoquèrent en
France,
la vie d'Arnauld
fut celle
d'un chef de
parti et
se
passa dans
la
lutte,
dans la
prersécution
et
dans
l'exil." Cette vie
perpétuellement exposée au
dangel,
explique la virulence avec laquelle Arnauld t.raite
des
questions qui lui tiennent à coeur.
Ecoutons de nouveau
Charles Jourdain
"Si on réfléchit maintenant ...
qu'il a écrit
ses
innombrables ouvrages,
non
pas dans
le silence
d'une
paisible retraite,
avec le
calme si
nécessaire à
la
mé dit a U. 0 n
mai s
a u
mil jeu
Cl e s i n CI u i é t uCl e s
Li e
] a
persécution et de l'exil,
loin de sa famille et de
ses
amis,
et quelquefois
ne sachant
pas la
veille où
il
reposera le
lendemain, on
ne s'étonnera
pas que
ses
contemporains liaient nommé le grand Arnauld."
Ses
rapports
avec
Malebranche
sont
loin
d'être
cordiaux, car Malebranche, qui,
comme nous l'avons
vu,
\\
1
accepte difficilement
le
dialogue par
lettres
s'est
\\
\\
senti
"t.rahi".
1

l . "
1
,
11

-163-
En
effet,
il
conçoit
l'échange
épistolaire
comme
personnel.
Il
reproche
à
Arnauld
d'avoir
rendu
publiqUes ses réactions face au Traité de la Nature
et
de
la
1 \\1 i
avait envoyé
Malebranche.
Au
T \\.. ,l,," s
e t.
( 9 )
Mal el)
1
L- d n c h e
'~CLjt
"e 1 e~: t.
Illh:'
cil c':; 'c
d::.;sez
n ou v~ Ile de
s o I Lf c i t e r
S011
ami,
q n ' i 1
devLel1ne
son
ce qlle
je
n'ai
!-i;i J",!: l' :1,1,:11'-,
1 ."
J.:-ttr,.".
un, J~-t i)
;' Ji .1 j ,_
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l ~ j t 1 j 1:r-' .
l' : .
1 i·
Elle est 1.,.. . :
'!'
I-_'i!i·,_,·
l']llil\\Llni.I:,~, .:-t '~':':',
p,ir(;t~
qik'
la
vérit~
t li 1j :
J ci
conception de Leibniz et
d' Arnauld.
POln-
eux
l= .
1
l
j
t
:- t
des lettres n'est nullement une trahison,
ce n'est
i
un paradoxe. La nature même de l'objet de la
recherche
- le
Vrai
l'èxige.
Cela
étant,
il
n'est
s u ip r e n an t
de voit' un
philosophe d em aude r la
lecture
de lettres adressées à un autre.

-164-
Le fait que Malebranche
perçoive cette démarche
comme
une trahison,
explique pour une large part,
la violence
de sa correspondance avec Arnauld.
Ce fut un
véritable
combat, dans lequel ils
n'hésitent pas à employer
des
mots indignes
d'eux.
Arnauld parle
d'un
esprit
"si
bouché"
qu'il
n'y
aurait
plus
rien
à
lui
dire.
Malebranche,
lui ne manque pas de relever l'insulte
et
s'écrie dans la
lettre III
(p
903,Recu~il)
"Que
M.
Arnauld ne me laissait-il donc
là? Pourquoi
faire
de
si gros volumes contre un
esprit si bouché (11)?
"La
"querelle des vraies
et des fausses
idées" est
l'une
des polémiques les plus
violentes de l'histoire de
la
philosophie.
Nous pouvons
le regretter,
comme le
Eit
l'Hospital.
Dans sa lettre du 30 novembre 1694,
adressée à Leibniz,
il s'exprime en ces t.e r me s
: "Voilà e n f Ln le
dl.f f
r e nd
é
du RP Halebranche et de
M.Arnauld terminé par la
mort
de ce
d e r n i e r .
Je
n'ai jamais
approuvé leur
manière
d'écrire,
qui m'a paru trop forte pour des personnes de
ce caractère.
J'ai
fort connu
autrefois
M.
Arnauld
pendant qu'il était à Paris,
et j'avais conçu pour
lui
une estime très particulière." Le ton de cette dernière
phrase indique
clairement que
de cette
"estime
très
p a r t i cu l.t
r e
è
v
,
il ne
t-este que
des
c e n d r e s ,
COilSUll18è
qu'elle fut par la violence des propos du philosophe.

Malebranche
n'est
d'ailleurs
pas
"innocent".
L'ironie dont il fait preuve dans son text2 "contr2
la.
prévention" est· fort éloquente.
Il s'évertue à
montrer
que l'auteur des attaques ne peut pas être Arnauld,
car
Arnauld possède
toutes les
qualités,
tandis
que
les
textes qui Lu I sont "faussement" a tt r Lbu s , ne sont que
é
bassesse et vilenie.
En réalité,
ce sont deux concep-
t ion s t 0 t ale men t,
d i f f é r 12 n tes d e I a c 0 mm LI n i c a t ion
qui
s'affrontent.
A la prudence de
Malebranche, quiécrit(12):
"Et
parce que les sentiments que j'avais, pour justifier la
sagesse et la bonté de Dieu dans la construction de son
ouvrage, étaient appuyés s ur des idées qui ne sont
pas
assez communes,
je gal-dais
mes sentiments POUL- moi
et
pour quelques amis
convaincus des mêmes
principes ... "
A
cette
prudence,
disions-nous,
S'OPPOS8
conception ar n a Ld ie n n e
selon laquelle
la vérité
d o i t
" é c 1 a tel- " a LI SI L- and
j o Ill" dan s
t 0 u S 1. e s sen s dut. e im e.
En
cela, Arnauld se rapproche de Descartes, qui publie les
Méditations métaphysiques,
avec les Objections et
les
Réponses,
comme si tous ces éléments ne fonnaient qU'lin
seul tout.
NOLIS
allons
voir,
c2pendant,
que
la
position
cartésienne présente de nombreuses ambiguïtés.

;r--
-166-
1
Dl Descartes,
le clair-obscur
1
Tout
d'abord,
il
faut
souligner
que
pour
Descartes,
rien
ne
remplace véritablement
la
parole
vive.
En cela,
il rejoint Platon,
pour qui la
parole
épouse mieux le mouvement de la pensée.
L'écriture fixe
et le livre n'est qu'un orphelin muet qui ne saurait se
défendre tout seul.
Dans sa lettre à Arnauld du 4 juin 1648, Descartes
écrit:
"
Je crois
qu'avec les
discuteurs il
est
plus sür d'écrire, mais
qu'avec ceux qui cherchent
le
vrai,
il est plus commode
de procéder de vive voix
"
Aussi, propose-t-il à
Arnauld de le
rencontrer:
"ces choses peuvent se t r a i t e r plus facilement dans une
conversation pour laquelle
se propose très
volontiers
un homme qui
est l'ami
très dévoué de
tous ceux
qui
aiment la bonne
foi et la vérité".
La lettre n'est donc qU'un pis-aller,
ce qui lui ôte le
caractère tout à fait positif que lui attribue Leibniz.
Voici donc une première différence.
Deuxième différence
les lettres sont
davantage
perçues
comme
quelque
chose
de
personnel
chez
Descartes. Les objections
sont publiées, certes.
Hais
avec la princesse Elisabeth,
ne seront publiées qu'à la
mort de Descartes.

S!"--
-167-
Elisabeth écrit
à celui-ci,
le 16
Mai 1643
"vous
connaissant le meilleur médecin
po u r la mienne
( âme) ,
je vous découvre
si librement les
faiblesses
de
ses
spéculations,
et
espère
qu'observant
le
s e rute n t
d'Hippocrate,
vous y apporterez
des remèdes, sans
les
publier. .. " (C'est nous qui soulignons - AT, t
III).
Et Descartes
de répondre,
dans sa
lettre du
21
mai
1643:
"J'en
userai
comme
les avares
font
de
leurs
trésors,
lesquels ils cachent d'autant plus qu'ils
les
estiment,
et en enviant la
vue au reste du monde,
ils
mettent leur souverain contentement à les regarder".
Toutefois,
un lecteur
n'est pas exclu
totalement,
puisque Descartes
et
Elisabeth conviennent
de
faire
preuve de prudence. Cela apparaît dans la lettre du
24
mai 1645 d'Elisabeth à Descartes
" ...
j'oublie
une de vos maximes,
qui ,est de ne mettre
jamais rien par écrit,
qui puisse être mal
interprété
de lecteurs peu
charitables ..
Je sais
que ma
lettre
vous
sera
bien
rendue,
et
(je
me
fie)
à
votre
discrétion que vous l'ôterez, par le feu,
du hasard
de
tomber en mauva:ises iua Ln s v "
La correspondance par
lettres n'est donc
pas
destillti-e au public,
à
tout hOllllllè,
ces lettres concerne tout homme.
L'échange
épistolaire
l'intimité.

-1I:i8-
Du vivant de Descartes, ne furent publiées que quelques
lettres
dans Plempius, De fundamentis medicinai,
1638
et 1633,
Beverovicius Epistolicae
questiones,
1644
John Pelle, Controversae de vers ciculi mensura,
1647.
Ces lettres ont trouvé
leur place dans
A.T.I à V.
Ce
n'est qu'en 1657, donc
plusieurs années après la
mort
de
l'auteur,
que
paraît
un
premier
volume
de
correspondance
: Lettres
de M.
Descartes.
Le
premier
vol \\llll e f II t
1"é éd i té
en 1663 e t e n 1667.
En 1 659 ,
paraît.
un second volume de correspondance,
réédité en 1666. Et
enfin,
en
1667,
paraît
un
troisième
volume
de
correspondance.
Chanut
a
dG
se
montrer
persuasif,
afin
d t ob t e n i r
de
la
princesse Eli.sabeth,
une
copie
des
lettres échangées
avec Descartes,
et
ce,
au
nom
de
l'universalité de la vérité.
Car le vrai
n'appartient
a personne,
il est le patrimoine de l'humanité.
Dans sa
lettre à la princesse du 16 avril 1650, Chanut écrit
" .. Votre Altesse Royale croit que, sans
entreprendre
jusqu'ici de l'en prier,
je lui représente des
raisons
assez considérables pour la persuader de nOlIS d o n n e r
la
copie de
ces
lettres qu i
concernent
ce
p a r t J c u l f e r
en t r et i end u S 0 II V el" a i Il
Bi en, qui Il e
p e li t
a V e ...~
l'a j son
d eme u r e r particulier, puisque tous les hommes ou t droit:
de p r
t e ud r e leuc p a r
é
t
en la chose dont il
r r a t t.e ? •

-169-
Chanut partage donc la conception d'Arnauld et
de
Leibniz,
selon
laquelle
une
lett.re
portant
sur
la
vérité appartient
au
public. Descartes,
lui,
serait
plus proche de Malebranche.
Les objections, c'est autre
chose, elles
n'ont rien
de personnel,
et peuvent
et
doivent être publiées.
Il faut souligner que
les remarques ont un
r61e
analogue à celui des objections.
Elles aussi,
appellent
des
"éclaircissements"
de
la
part
de
l'auteUr.
"Remarques" est à prendre au sens fort,
c'est-à-dire le
fait de porter l'attention sur un fait pr~cis.
Il s'agit
du
sens latin
"animadvertere"
ou
tourner
l'âme vers.
c'est en
ce sens
que Leibniz,
en
guise
d'introduction
à
son
commentaire
des
Conversations
Chrétiennes,
écrit
. "
Je
remarquerai
ici
quelques
endroits qui Ille paraissent tl-ès bons,
et t r s c o n f o r mes
è
à mes sentiment~ ;
je toucherai aussi quelques
autres
dont je'ne demeure pas d'accord." La troisième
édition
de la
Recherche
de
la Vérité
par
exemple,
tiendra
compte des objections et
remarques.
Elle comporte
de
nombreux
éclaircissements.
C'est
une
nouvelle
présentation des thèses
de la Recherche
de la
Vérit.é
qui a pour but de dissiper les erreurs.

..-
-170-
Leibniz écrit aussi des
"remarques" sur le
Livre
de llorigine du mal publié en Angleterre.
Il s'agit
de
l'ouvrage de
William King
(1650-1729),
archevêque
du
Dublin.
Le
texte
parut à
londres
en 1702.
Son
but
principal est
de
concilier l'existence
du
mal
avec
l'idée d'un Dieu bon et tout puissant.
Il reçut l'éloge
des Nouvelles de la République des Lettres de
Hai-Juin
1703. Bayle enga<je une polémique. Leibniz estime
qu'il
est de son devoir d'examiner publiquement la question:
" ... Lorsque ce
livre latin, plein
de savoir
et
d'élégance ... m'est tombé
entre les
mains,
j'ai
jUljé
que la dignité de la matière et le mérite
de
l'auteur
exigeaient des considérations que même les lecteurs
nit::'
pouvaient demander
puisque
nous ne
s ouuue s de
même
sentiment que dans la moi tié du suj et.
"Nous
trouvons
ici un autre synonyme de "remarques",
à savoir
"considération". Leibniz critique par exemple,
la thèse
que soutient King,
celle de la libert.é
d'ind.Lfférence.
Ces remarques ou
considérations sont à
lire avec
les
Essais de
Théodicée, car
il s'agit
toujours du
même
débat,
l'origine du
mal.
De plus,
ce
débat
est
désigné
comme
toujours
ouvert, dans la mes u r e
où les r e m.r rq ue s appellent
de:;
réponses Ol! éclaircissements de la p a r t
de l' au t e u r .

-}71-
Un
véritable
dialogue
est
ainsi
explicitement.
recherché. Mais,
à
la
différence
des
lettres,
les
remarques ne
s'adressent pas
directement à
l'auteur,
montrant ainsi, de manière plus explicit.e encore, qu'en
philosophie,
tout
débat.
est public.
c'est
aussi
un
moyen de
convier
le
plus grand
nombre
de
lecteurs
possible à prendre part à la réflexion. NOLIS retrouvons
ainsi,
ce
que
nous
appellerions
le
perspectivisme
Leibnizien. C'est-à-dire,
la conception selon laquelle,
la multiplication à
llinfini des points
de vue
nous
r appr och e r a i t
du point de vue de Dieu.
Dieu est le seul
être jouissant de l'ubiquité.
Chaque monade, quant à elle,
est assignée à une
place,
e t
ne peut percevoir l'lll1ivers que de son point dt:' vile.
Par la
communication,
elle llluitiplie
d'une
certaint:'
façon les points de vue.
A titre
d'exemples,
nous
citerons
deux
autres
textes de
rema r qu e s
de
Le ibn i z :
Les
Retn a r qu e s
de
Leibniz sur l'ouvrage
de Malebranche,
Les
lois de
la
communication des
mouvements,et ses
Remarques sur
la·
partie générale des principes de Descartes.
En effet,
Leibniz
avait envoyé
à l'académie
son
Essa1- de clynal1liq~.~_~.
Malebranche ne connait
pas ce
texte lorsqll'il
rédige
son propre traité.

-J]2-
Annoncé par Thévenot dès avril 1692,
envoyé par Toinard
le 6 octobre,
l'ouvrage est commenté
dans le
Journal
des savants le 8 décembre. Malebranche y avoue ce qll'il
doit à Leibniz,
qui lui a démontré,
que ce n'est pas la
quantité de mouvement qui
se conserve, mais la
force.
Toutefois, Malebranche ne va
pas jusqu'au bout,
et
en
fai t,
la
réforme de
sa
pensée n' e s t;
que
partielle.
Insatisfait
par
conséquent,
Leibniz
rédige
des
Remarques qu'il expédie à Toinard, qu'il charge de
les
remettre
à
Malebranche.
La
date
présumée
de
cet
échange est
Novembre 1692. Malebranche aurait reçu ces
Remarques le 7 décembre.
La réponse de Malebranche-pour une fois-ne se fait
pas attendre.
Datée du 8 décembre,
elle est envoyée par
Larroque le 19 décembre. Malebranche défend sa concep-
tion,
et ramène toujours la question au principe de
la
conservation
de
la
même
quantité
de
mouvement.
Malebrallche
finira
plus
ou
moil1s,
par
r e conn a î t re
l'invalidité de ses
lois. Ce
ne fut pas
de bon
gré,
comme l'affirme le P. André, b i o q r aph e de Malebranche
:
I l .
il
(Halebranche)
avoua son e r re u r a v e c .su ta n t
de joie que s'il eût
publié une découverte;
et
comme
c ' é t é1 J t
M. r. e 1. b n t z , q Il L
par ses
0 IJ j e c t :i 0 11 S
,'1 v nit
d l) 1111 é.
lie u
El
ce t. te
COll ver s i Cl n
Pil i ] 0 S ClP11I qu e ,
Ull
de
ses
premiers soins
fut de
chercher l' o c c a s Lou
de Lu :
en
marquer sa r e c ou n a t s s an c e ... "

-173-
Le
P.André passe sous
silence la mauvaise humeur
de
Malebranche qui,
dans sa réponse du 8 décembre 1692, ne
manque pas de rétorquer à Leibniz
:
liA l'égard Monsieur
des remarques
que vous
avez
faites
sur
les
permières
lois
du
mouvement,
permettez-moi de
VOLIS
dire
qu'il me
s emb l e q ns
VOLIS
n'a vez pas f ait a t t e n t ion à ce que j' a i dit d' a b Clr ct q li e
ces règles
ne
sont que
pour
ceux qui
reçoivent
ce
principe, que la même quantité de mouvement se conservè
toujours dans l'univers". Nous serions presque tenté de
voir dans ces ph r a s e s , non pas seulement une preuve
du
sectarisme de Malebranche,
mais une d~fense
implicite
de ce que nous appellerions aujourd'hui
l'axiomatique.
Différents
systèmes,
dotés
d'une
armature
logiqlle
rigoureuse,
sont
possibles,
sans
que
l'un
puisse
prétendre
exclure
l'autre
L'essentiel,
c'est
d'indiquer dès
le départ
dans
quel système
l'on
se
situe,
et de veiller,
de
part en part,
à
la
cohérence
de la démarche par rapport aux principes.
La confrontation à la réalité extérieure ne serait plus
alors la pierre angulaire de
la vérité;
ce serait
la
cohérence.
Après
cette
mise
au
point,
rappelle à Leibniz qu'Jl ne s ouh a t t e <Juère
phi l o s oph er
par lettres.
rI écrit:

-171\\-
" Il f a li d rai t
ê t r e t ê t e - à - t
t
ê
è
pOU r
S'::? n r z è t è;, i r
utilement et agréablement sur ces matiêres. Car,
il n'y
a rien de plus ennuyeux et de plus désagréable,
que
de
philosopher par
lettres;
quand on
a
principalement
d'autres
affaires
plus
pressées.
Je
sais
temps,
et VOliS n'en avez
point du tOllt à perdre,
VOliS
Monsieur qui l'employez si utilement pour le public."
Nous achèverons
en
rappelant
] èS
Rellldrqlle.s
dt:~
Leibniz
sur
les
principes
de
Descartes
(Opuscules
philosophiques choisis.
Traduits
du
latin
par
Paul
Schrecker). Nous retrouvons ici,
la même démarche
que
précédemment. Les partisans de Descartes se
dresseront
pour défendre les thèses cartésiennes.
Les Méditations métaphysiques ont paru en latill en 1641
et 1642. La p r ern i
r e édition chez Michel Soly,
è
à Paris,
"Renati Descartes Meditationes
de prima
philosophia",
comprend six s r i e s d'Objections et Réponses.
é
La seconde, de 1642,
chez Louis Elzevier à
Amsterdam,
comprend les
septièmes
Objections
et
la
lettre
au
P. Dinet.
C'est
ne s c a r t e s
lui-même qui
r e c h e r c h e
les
objections.

-175-
En effet,
1,12
philosophe,
sur le point de
publier
ses méditations,
avait chargé Mersenne d'en comllluniquer
le manuscrit aux théologiens
qu'il jügerait "les
plus
capables,
les moins préoccupés des erreurs de
l'école,
les moins intéressés
à les maintenir,
enfin les
plus
gens de bien,' sur qui il r e c o n n a î t r a i t. que la v r i t
et
é
é
la gloire de Dieu auraient pl u s de f o r c e que l'envie et
la jalousie".
(La vie
de M.
De s c a r t e s , 1691,
Baillet)
Ce qui
importait, c'était
l'avis des
docteurs de
la
faculté de
Paris, Or,
il ne
se trouva
personne
qui
voulut s'ériger en cellseur de Descartes,
à
l'exception
d'un jeune docteur: Arnauld.
D'autre part,
en
juin
1637,
Descartes
a
envoyé
à
Pemplius trois e xemp La i r e s du
DisCOUI:.s de la
méthode,
en le
priant d'en
conserver un,
et de
remettre
les
autres
à
Fromondus
et
au
P.
Fournet.
Ceux-ci
adresseront
à
Descartes
des
objections
auxquelles
l'auteur répondra.
Il souligne
l'importance d'un
tel
procédé,
dans sa lettre du 14 juin 1637
"Que si vous prenez la peine de lire ce livre,
ou
que vous le
fassiez lire
par ceux des
"ôtres qui
en
auront le plus
de loisir,
et
qu'y ayant r e ma r qu e
les
f a u tes CI u i
san s do u t C'
S ' Y
t r 0 u v 12 l' 0 n t
en
t. r è .~;
<]l' a n ct
nomb r e , VOliS
Ille
veuillez
faire
la
fdveur
de
m'en
e ve r t i r et ainsi de c o n ti nue r encore à mt e n s e f qn e r ,

-176-
je vous en aurai une
très grande obligation,
et
ferai
tout le mieux
qui me sera
possible pour les
corriger
suivant vos
bonnes
instructions",
L'emploi
du
terme
"corriger Il est très important:
il montre que l'oeuvre
n'atteindra la perfection qu'une fois avoir fait face à
toutes les object.ions.
L'auteur pose qu'il ne cherche pas à dfifendre
son
livre, même contre les objections les plus fondées.
r i
est prêt à r e n d r e les armes ~l la
vérité,
Lo r s qu t o n
la
lui fera
reconnaître clairement
et distinctement.
La
lettre de
Descartes
du
3
octobre
1637,
répond
de
manière
précise
aux
objections
que
lui
adresse
Fromondus.
'ï'ou t e f o t s ,
nOU:3 en
avons p a r Lé
dans un
ch ap i tr e
précédent,
Descart.e;s
fin:ira
par
douter
de
Id
possibilité de se faire
comprendre d' au t r u i . Conuue
si
la " résistance au vrai"
lui semblait ê t r e un
obst.acle
insunnontable, mc:me dans
le rapport. privilfig:Lé
qu'est
l'échange épistolaire.
Rares sont ceux, parmi ses interlocut.eurs, qui prennent
la peine de " méditer véritablement ses écrits".
si
tel
était le cas,
ils deviendraient tous cartésiens;
c'est,
en substance, ce
que d:i t. Descartes
dans sa l e t.t r e
au
pÈ:re Mersenne du Illois de mars de l'année 1637.

-177-
rl reconnaît l'insuffisance de la métaphysique
de
la quatrième partie
du Discours
de la
méthode.
Il
a
"édulcoré" sa métaphysique pour
ne point accabler
les
"plus faibles esprits". N'oublions pas que" même"
les
femmes sont conviées
à la
lecture du
DiscOU1'S de
la
Méthode.
'1
1
La langue vernaculaire
facilitait les
choses
1
pour les femmes.
Cependant, même
si le latin était
de
rigueur à l'université,
il
n'en demeure pas moins
que
d'autres,
avant ue sc ar t e s , avaient écrit en français.
En
1626,
Scipion
Dupleix
publia
un
ouv r a e
fort
ç
populaire,
de même
que,
en 1634,
Pierre du Moulin
et
Bouju.
Scipion Dupleix
écrit:
Corps de
philosophie.
Toutefois le
choix
du
français
était
"definetly
a
radical departure
from the
cllstom of
the
university
wo r l d .
Il i nuue di a te l y aligned D.=-SCdl't.:,,:-; wl th the
riva]
s c e p t Lc a I
t r ad i t i.ou
(from
Montaigne ta
La
Hotbe
Le
Vayer)
agaLnst whi ch the p r o f e s s o r s ill theil' d Ls c o u r s e s
on method
were
implicitly doing
battle."
(Bl-ooklis-
Université de Cambridge). Après avoir admis cette insuffisance,
Descartes s' empresse de
montrer que ses
"dé t r e c t e u r s "
n'ont sfirement pas bien saisi sa pensée:

-178-
"Honsieur, et
vos semblables
qui sont
des
plus
intelligents,
j'ai espéré que,
s'ils prennent la peine,
non pas seulement
de lire, mais
aussi de méditer
par
ordre les mêmes choses que j'ai dit avoir méditées,
en
s'arrêtant assez longtemps sur chaque point, pour
voir
si j'ai
failli
ou
non,
ils
en
tireront
les
mêmes
conclusions que j'ai fait." Descartes est bien loin
de
l'optimisme de Leibniz, qui se félicite d'avoir
réussi
à persuader par lettres.
Ses interlocuteurs ne
savent
pas ce que
lire veut dire.
Une interrogation sur
les
\\\\
"méditations" nous
permettra
de
définir
la
lecture
philosophique".

-179-
NOTES DU CHAPITRE l, II
1.- Conversations chrétiennes.Malebranche.TIV.
Oeuvres complètes. VRIN 1972.
2.- Méditations chrétiennes et métaphysiques.
3.-
A ce propos le tableau dressé par
André
Robinet
dans
Malebranche
et
Leibniz
Relations
personnelles est tout à
fait intéressant.
Les
oeuvres
de Leibniz
répondent
en
quelque sorte
à
celles
de
Malebranche. Quatre oeuvres
de Leibniz s'appuient
s ur
l'oeuvre
de
Malebranche
en
s'en
servant,
selon
l ' exp r e s s ion d'A n d ré RClb in etc 0 mme d' une a n e v a s .
Le Discours de Métaphysique et Le Traité
de la
Nature
et de la Grâce;
l'Entretien de Philaréte et
d'Ariste,
- - - - - -
et les Entretiens sur la métaphysique. Le Discours
sur
la théologie naturelle
des Chinois ;
les articles
ou
remarques sur le mouvement s'appuient sur la
Recherche
de la
vérité
et
les Lois
de
la
communication
des
mouv eme n t s .
Nous reproduisons ce tableau
qui permet de saisir
les rapports
entre
les
d Lf f
r e n
é
ts
ouvrages
de
nO:3
auteurs.

11 a l e b r 3 Ji C J1 e
a l u d e
Leibniz a lu de
Leibniz
Ma l ebrancl1e
DATES
1672 Hypothesis Physica Nova
1674
1675
Rt2cherche de la
Vérité.
1678
Conversations
chrétiennes.
1685
Recherche de la
Vérité,
3 0 é d i t i o n :
exemplaire annoté et
commenté.
Réponses au Livre des
vraies et des
fausses idées
Trois Lettres contre
la Défense.
(deux commentaires).
Traité de la Na t u r e
et de la Grâce
a v e c I:UIlIIIII:'III ,\\:! re s ,

-181-
1686 article de Leibniz
Article de
Malebranche
les Nouvelles de la
paru dans les Nouvelles
République des Lettres
de la République des
Lettres
1694
Lettres de Malebranche
à Arnauld parues dans
le Journal des Savants.
1695 Système nouveau de la
Nature.
1699
Traité de L'Amour de
Dieu,
avec
c ommen t a t r e s .
1712 'l'11éodicée,
éd.
1710
Entretiens sur la
Métaphysique dans
l'éd.
de 1712 avec
annotations et
commentaires.
1714
En t r e tLe n d'un
Philosophe chrétien
et d'un Philosophe
chinois,
dans
l'éd.
1708.
exemplaire annoté et
C:OIIII\\\\en ta ires.

-182-
4.- Malebranche et Leibniz.
Relations
personnelles. André Robinet.
5.- Ibidem
6.- L'Etre et la relation.
L'auteur nous fait
remarquer que
les termes
de la
monadologie sont
les
mêmes que ceux de l'échange épistolaire:
"commerce,
communication,
cOITespondance...
ces
termes sont à la fois épistolaires et 1lI0nad~~/>__
7.- g~E~!.!se
au
livre
de
Mr.
Arnauld
des
vraies et des fausses
idées,
in Recueil de toutes
les
réponses à Monsieur An au l d
Oeuvres.t. VI- VII).
8.- Ibidem.
9.- Le
débat sur
les idées
fut d'un
grand
intérêt
philosophique.
L'idée
fondamentale
de
Malebranche,
est celle de la vision en Dieu.
La raison n'est pas à elle-même sa propre Lum i
r e ,
è
C'est Dieu
qui
l'éclaire lorsqu'elle
est
attelltive.
Nous ne
voyons pas
les
corps directement
l'objet
immédiat,
ce sont
les idées que
nous voyons en
Dieu,
immuables. Même les idées
des choses corporelles
sont
en Dieu:
c'est
l'étendue intelligible,
l'essence
des
ohjets co~pnrels.

-183-
Ar n au Ld reprochera
à
Halebranche
de
concevoir
Dieu
comme corporel. Malebranche dut s'efforcer
de démontrer que,
par "étendue intelligible",
il
avait
toujours compris la
connaissance de l'étendue,
l'idée
de l'étendue, sans admettre en Dieu quoi que ce soit de
matériel. Mais,
souvent, Malebranche refuse de répondre
à Arnauld,
déclarant qu'il ne "pl-étendai t
pas
emp Lo ye r
sa
vie
à
des
contestations
inutiles". (Trois
Lettres.Malebranche)
Un autre sujet de dispute opposa Malebranche à Arnauld:
il s'agit
de
la
grâce.
Nous
nous
contenterons
de
l'évoquer,
car
nous
reviendrons plus
en
détail
sur
cette question dans un prochain chapitre.
10.- C'est nous qui soulignons.
I l . -
Recueil
de
toutes
les
réponses
à
Arnauld.T.IV "si
bouché"
est
en
italiques
dans
le
texte,
et
signifie "assiègé
de préjugés"
et non
pas
sans intelligence.
12.- Réponses
au
livre des
vraies
et
des
fausses idées.
(P.13).
1

-184-
CHAPITRE
II
LA MEDITATION
I.- SENS DE LA NOTION
A) Que signifie "médi ter " ?
Il
faut s ou l fqn e r les nombreuses oc c u r r enc es de ce
terme
dans
la
correspondance
de
nos
a u t.e u r s .
Ils
invitent tous leurs intel-locuteurs à méditer avec
eux.
Rappelons les propos de Descartes précédemment cités
"
slils prennent la peine,
non pas seulement de
lire, mais aussi
(le médi r.e r
(1)
par
ordre les
m~mes
choses que j1ai dit avoir méditées,
en s'arrêtant assez
longtemps sur
chaque
po i.n t ...
ils
en
tireront
les
mêmes
conclusions
que
j 1 ai
fait."(2)
Et
Leibnjz
justifie sa prédilection
pour les
c lrauqe s écrits
en
é
ces tenues
: "Je conço i s fort bi en que ceux qu i on t
L'\\
facilité de comprendre et de slénoncer trouvent plus de
plaisir dans les
conversations que
dans les
disputes
par écrit; mais ceux qui sont aussi pesants que moi ne
peuvent pas les
suivre
car
ils se trouvent
nrrêtés
par tout,
au
lieu que
les
écrits leur
lai.ssent.
le
loisir de méditer."(3)

-L85-
Il écrit aussi à
Pellisson en septembre-
octobre
1691
. "
j'ai
toujours
jugé
par
des
raisons
naturelles,
que
l'essence
du
corps
consiste
dans
quelque autre chose que
l'étendue. Mais comme je
vois
que cela importe encore
beaucoup pour soutenir ce
que
j e t i en s v é r i t ab 1 e e Il mat i ère de foi,
j' ai été d ' a ut an t
plus porté depuis longtemps à méditer (4)
là-dessus."
La première idée
contenue d a n s
le verbe
médi ter
est donc celle
de temps.Le
verbe méditer
n'a pas
le
sens péjoratif
de "musarder"
ou "rêvaser".
Dans
une
lettre adressée
à
L'Hôpital
(B
R L'hôpital,
H
11-
Juillet 1696), Leibniz
écrit
"
Que
fait
le
R.P.
Malebranche
?
Il
Y
a
longte~ps que je n'entends
plus rien de 1111.
cependant qu'il
se portera
bien;
et
je doute
point
qu'il n'ait toujours des belles méd:Ltations ... "
Une Méditation est
une réflexion attentive,
sérieuse,
sur un
sujet
donné.
Une lecture,
peut être
rapide,
tandis
qu'une
méditation
est
un
approfondissement
progressif, qui demande du
temps.
Il est important
de
citer
les propos de Malebranche
:

- J. 8 t~,-
tiC' e s t, pour
c e La qu e
J' ai
p r o u v
qu e
Hr
Arnauld
é
• • •
était indispensablement obligé à examiner le Traité
de
la nature et de
la grâce,
et que
j'y ai parlt? dE:
sen
><
dogme prétendu,
afin de
l'obliger
par là
à
méditer
sérieusement mes principes, qu'il ne perçoit
peut-être
pas e nc o r e assez c l.a Lr emen t . Il
Méditer, c'est vivre le
sujet,
le probl0.ll1e du
dedans,
et non pas le juger à partir de principes qui
lui
sont
extérieurs. C'est pour mo n t r e r qu'il S'agit. vé r t t ab l e -
ment de vivre le problème,
que 'Descartes file,
dans les
Méditations métaphysiques,
la
métaphore de la
noyade.
Méditer les principes d'un autre auteur,
c'est.
prendre
aussi le risque de la
noyade. C'est II p l o n g e r ll dans
la
réflexion,
et
risquer
de
perdre
les
p r i n c i pe s
sur
lesquels jusqu'alors,
l'on s'appuyait.
r I faut s'abîmer dans
la réflexion, pour mie ux
saisir
les choses.
La méditation seconde de Descartes commence ainsi
Il
La méditation que je fis hier m'a rempli L' e s p r i t;
oe
tant de
doutes,
qu'il
n'est
plus
désormais
en
ma
puissance de les oublier ...
Et comme si,
toùt
à coup,
j'étais
tombé dans une
eau
très profonde,
je suis tellement 5U1:p1"1s (llle j,~ Ile pu I s
ni assurer llIes
pieds dans
le fond,
ni
nager pour
me
SOli t e n i r
du-dessus.
Il

-187-
Méditer les principes d'un autre auteur,
comme y invite
Malebranche, offre
moins
de périls
puisque
ceux-ci,
s'ils sont
solides,
doivent
être pour
nous un
appui
inébranlable.
Nous
devons
en
reconnaître,
après
l'effort,
la vérité.
Le sujet ne se
précipite pas,
afin de
f o r mu l e r
des c ou c Lus t ou s .
IlIdl.S
laisse la
pensée s'épanouir.
En
ce sens,
la
lettre
permet de reprendre les
phrases,
de réfléchir à
leurs
différents
sens
possibles
de
ne
pas
p e r dre
1 e
problème,
car,
camille
chacun
sait,
les
s'envolent.
Le signe,
le
mot, ·n'est guère un
obstacle
pour la pensée.
C'est
par
et dans les
mots, que
la
pensée se forme.
Nous
l'avons vu précédemment. Et,
ce
que dit Leibniz de la Le t t r e , reprend dans une certaine
mesure cette idée.
Pouvoir lire les différentes
étélpes
de la démonstration
cie l'autre,
c'est
déjà dvoir
les
moyens
de repérer un
paralogisme,
comllle on le
ferait
d'une "I~rreur de calcul". Et ce,
v Ldemmeu t,
e n f a i s an t
é
un effort d'attention et de réflexion constant.
Méditer,
signifie
donc
réfléchir et
approfondir
les
c h o s e s en prenant son temps. Nous notons d'ail leurs que
les
ouvrages
ayant
pour
titre
"Méditations ... "

-13S-
cela montre qu e la pensée effectue autant de retours en
arrière
qu'il
est
nécessaire,
pour
éliminer
toute
obscurité, et
bien
assimiler les
acquis,
telle
une
digestion.
Il faut éliminer une idée répandue - certes,
justifiée par
l'histoire dè
la phjlosophiè
selon
laquellE:
toute
méditation
porte
sur
lIne
question
théologiquE:
ou
métaphysique.
Leibni2,
pal"
exemple,
parle de "méditations géométriques".
Il écrit
" ... QuelquE:s-uns d e Jlles anciens am i s , et particuliè-
rement Mrs
Menken et pfauz,
ayant commencé le
journal
d I~ Lei p z i <j ,
je
fus
bien
aise
de
leur
cUllImuniquer
qnelques
échantillons
de
mes
méditations
géométriques ... " (Mathematischen Schriften S.Gel-hardt).
Ce qui
montre
que
le terme
n'est
pas
r s e rv
aux
é
é
problèmes
métaphysiques.
Il
désigne
toute
activité
s r i e u s e de
la
pensée.
Mais nOLIs
v e r r o n s
que
POUL"
é
Desc artes, Ma l ebranche,
et Ar n au l d , l e s ens
pl' i v i l ég ié
de
"méditation,"
est
celui
de
réflexion
sur
les
problèmes métaphysiques ou théologiques.
Une comparai-
son entre
les
"méditations" et
"les
conversations",
permettra de mieux cerner le sens des no t i on s .
Malebranche
écrit
des
Conversations
chrétiennes
Pourquoi écrit-il aussi,
quelques années plus tard
des
Méditations chrétiennes et métaphysiques.

-189-
"Conversations"
et
"méditations"
quelles
sont
les
principales
différences
?
D'autant
plus
que
-nous
l'avons vu -
les méditations elles aussi se
présentent
sou s forme de
di a log u e.
Et q II ' e Il es
son t
t o u te s
de u x
"chrétiennes",
c t e s t
à-cd t r e
n ou r r i e s
d'une
r
e
é
f Le x Lo n
sur les gL-dncls c o u r a u t s 1:e1 igieux.
chrét i e nn e s , Ma Le b r anc lie vena i t d e li L-e la
t r adu c tion
du Coran par du Ryer.
Malebranche y fait de
nombreuses
références expresses.
011
trouve aussi dans
l'ouvrage,
des
prises
de
position
contre
Jes
interprétations
r abb t n Lqu e s de
l' ECl."itllre.
Les deux o uv r aq e s
s emb Le n t
donc
se
d'~talJlir
la
s upé r i o r i t é
du
christianisme
sur
la
religion
juive,
l'islam
èt
l'orientalisme.
Cependant la forme est d Lf f
r en
é
t e .
Ci tons un pas s age de l a
vie du P Mal e b l-anche
P':H-
le P André (Introd André
Robinet p XVIII.
XIX):
IIvers
la fin
de
l'été de
1676,
étant
à
Maurice,
proche
Pontoise,
chez M le duc de Chevreuse,
'"
ce Duc
homme
d'esprit ... qui avait remarqüé dans la Recherche de
la
~ér~té plusieurs beaux endroits ...
Le pria de les recueillir
en un petit vo Lume ,
afi.n
de
les rendre plus utiles au public.
La p r opo s Lrfo n
é
t a I t;
trop conforme à
l'inclination du
P.H
pou r n'être
pas
acceptée".

(
-190-
Ce
qui
signifie
pour
l'instant,
que
l'ouvrage
la
Recherche de la Vérité, est moins accessible au
public
que le IIpetit volume ll demandé par le duc de
chevreuse.
D'où l'idée d'une forme plus appropriée à la volonté de
"vu l qa r i s a t Lon !".
Il faut
p r e n d r e ce mot. dans son sens noble.
Poursuivons la citat.ion
Il
pour donner
un nouveau tour
aux p r in c i.pe s
qu'il
av a i t
d
j
établis dans
é
à
lél Rechel.(:l~~:. il p r Lt; le
style
de c on ve r s a t i on s . Il c r u t;
que c e tt.e manière
d'
c r i r e
é
1
é tan t 1lI0 in s
s é 1- i eus e e t
plu s é 1(1.i g née
cle l a.
mé th o d e
ordinaire,
serait plus
du gant du
commun des
hommes,
qui voudraient bien apprendre la philosophie, mais sans
philasopher ll .
Voici
affirmée
ici,
une
r e ch e r c h e
explicite d'une forme
d'écriture susceptible
d'offrir
le plus d'efficacité pour la communication.
Bergson disai t q u ' au
fond,
chaque ph I Los oph e ne dl. t
qu'une seule chose, de différentes façons.
Nous pouvons en
effet penser
que cela
est vrai.
Et,
qu'une
fois
découverte
la
v
r
é
i té
f oridamen t a Le
du
système,
il reste - ce n'est pas le plus facile -
à
essayer
différentes
formes
d'
i
é
pour
c
r
t . u
r
e
c ouuuun Lq u e r
::;1.':::>
p e n s é e s ,
cri tique du
langage, que
celui-ci ne
sel-a jamais
le
mo y e n idéal.

-191-
Les auteurs du 17e
siècle,
surtout Leibniz,
croient
à
la possibilité
d'une
véritable communication
pal-
le
langage. Arnauld,
dans la Logi-
que de
Port-Royal montre
quel doit
être l'usage
des
définitions
etc ...
po u r
écarter
tout
malentendu.
Malebranche
symbolise
donc
parfaitement
cette
n~cherche d'une forme d'écriture efficace.
La conversation, moins académique,
semble
capable
d t é t ab Lir une
proximité,
voire
u n e .i de n tI f f c a tLo n
du
lecteur à
l'un ou
l'autre des
personnages.
Dans
cet
ouvrage,
les
personnages sont
au
nomb r e de
tl-ois
Aristarque, Théodore et Eraste.
Al- i st arque r e p r é s en te l' homme qu i prend consc i ence
cl e l a van i té des ch 0 ses ex t é rie ure s ,
e t.
q u i cle man(1 e
à
être instruit, de la man i
r e dont l'homme peut acqu r Lr
è
é
"des
biens
solides
et
des
vérités
c e r t a i.n e s "
(Entretien l, plO)
Théodore va lui indiquer la voie
"Apprenez,
mon
ch e r Aristarque
à r en t r e r
dans VOllS
-
même,
à
ê t r e
attentif à la vérité intérieure qui préside à tous
les
espri ts,
à d emand e r
et à recevoir les réponses de notre
Maître commun".

-192-
Le
lecteur
peut
partager
le
point
de
vue
d'Aristarque,
qui
c h e l'che
à
savoir,
qui
sent
confusément qu'il n'a pas atteint l'essentiel,
mais qui
éprouve aussi
les
contradictions et
les
résistances
nées des .s e n s
et 'des
passions.
Ce
lecteur est
censé
être "érudit",
dans
le mauvais
sens du terme
il
a
beaucoup étudié les livres des
savants.
Une opposition
Tl1éodore-Aristal.'qll<:?,
c' e s t
à-id i r e
v
le vrai
contre la
mauvaise
é
r ud i t Lon .
serait
aride.
D'où,
la
nécessité
d'établir
un
équilibre
par
l'introduction d'un troisième personnage,
qui
lui,
est
pur.
Ni
les
livres,
ni
les voyages,
ne
lui ont
gâté
l'esprit.
D'une
man i è ie ,
l ' (lPPOS i t Lo n
Aristarque-Eraste
reprend
en
deux
personna<jes
~ .
1
dis t i Il C t s,
l a
n i p tu r e
car t té s J e 11Il e.
De t: car t e oS ,
d'abord
Aristarque,
rompt
avec
tout
ce
qu'il
a
appris
au
collège et
dans
le
grand livre
du monde,
pour,
tel
Eraste,
n'écouter que ce que lui dicte
la raison.
Ainsi,
avec ces
trois personnages,
l'équilibre est
obtenu et les conversations peuvent avoir lieu.
Ce
qui
s'exprime par]a
boucl1e de Théodore
li


-193-
"
Mais
afin
que
dans
la
suite
de
nos
conversations,
nous ayions quelque personne, qui puisse
en quelque manière accorder
les petits différends
qui
pourront naître
de la
variété de
nos idées,
prenons
pour troisième un jeune homme que le commerce du
mond e
n'ait point
gâté,
afin que
la
n a t ur e ou
plutôt
la
Raison toute seule parle en lui ..
"
Or,
dans
les
Méditations,
11
n'y
a
que· deux
termes,
aussi bien chez Malebranche que chez ne s c a r t e s .
Ce qui montre
que le lecteur
est davantage traité
en
adulte.
Il slagit, chez Descartes, de " noyer",
et chez
Malebranche,
de "
l'écraser" POUl- ainsi
d i r e sous
la
grandeur du Verbe éterneL. Malebranche l'humilie
pOlir
l'élever dans et
par la
Raison.
Descartes
n'écrit-il
pas d s le début des Méditations
è
mé taph y s iqu e s
"Cette entreprise Ille
semblant être
f o r t
gl-ande,
j'ai
attendu que j'eusse atteint un âge qui fnt si mur,
que
je n'en
puisse espérer
d'autre après
lui,
auquel
je
fusse plus
propre à
11 exécuter ... ".
Ce
que
l' au t eu r
exige de
lui-même,
il
l'exige
aussi du
lecteur.
La
méditation est une affaire d'adulte.

---
-194-
MalClbranche,
dans
ses
Méditations
chrétiennes,
affirme la
nécessité de
méditer.
Il ecrit,
dans
1 e
troisième paragraphe de la Ille méditation.
"Le travail
de la
Méditation
est
encore
au j ou r d i hu i
absolument
nécessaire pour mériter
la vue claire
de la vérité
Car,
lorsque mes disciples rentrent en eux-mêmes et
me
consultent avec t o u t
le r e s p e c t
et tout.e
l'application
nécessaire ;
je
découvre à leur
esprit avec
évidence
plusieurs vérités.
"
Tels sont
les
propos de
Jésus:
ce "travail"
de
la
médi tation,
Cl est
un r e t ou r sur soi et sur ses pensées.
Ce
qui entraîne des
reprises et des répétitions . . Dans
les
Méditations
ch r é t i e n n e s ,
nous
n omb r e u s e s
reprises.
Par exemple, p r e s qu e dans
chacune
de ses réponses,
Jésus rappelle que Dieu agi t
s e l on des
lois
s Impl e s
et
génél-ales.
L'acLLol1
de
D.ieu
es t
t 0 u j 0 u r :3 con s tan tee t
uni for me,
l 1
suit tou j ou r s
les
lois
simples
et
fécondes
qu'Il
a
établies.
Ces
répétittons,
ou
ces litanies,
doivent se
fixer
dans
l'esprit, pal-ce que là se trouve le principe d'explica-
tion des phénomènes de l'univers.
La r é pé t i t i o n
pe r met
de se fortifter toujours davantage contre les préjugés,
qui n e s'avouent
j aiu a i s d é f Ln t t t.v emen t
v a i n c ns .

.. - ---------~._---~._-.,
-195-
Dans la VIle
méditation, Jésus dit
"Quoi,
Mon
-/fils, tu ne
comprends pas
encore ce que
je viens
de
t'exposer. Oui c'est Dieu, et Dieu seul ... " Ces
propos
montrent, que Jésus
va reprendre ce
qui vient
d'être
dit,
pour
vaincre
toute
résistance
des
anciennes
opinions.
La
théorie
de
l'occasionnalisme
va
de
nouveau &tre exposée dans les chapitres XV et
suivants
de cette VIle ~I~ditation. Les ténèbres des préjugés
ne
peuvent ~tre vaincues que de cette manière.
L'ÇI,ut:t~l.Il- f?ll
;o':-'~:-ll\\llédt.
l'incroyable force
dans
'c>?tte
Il
prière :
0 ,
Mon u n i qu e
~1d:Lt;
que
mes
sen t;
nit?
séduisent, et
que
le
commerce ou
monde
ml?
-l~r?il1pL it
l'esprit de fausses idées!
Que clf~ Ect11t ô mI~ S, q li e
d ' 11 l Il S ion s 1
q li e cle
c 11 i m8 l- e s
ml) n
imagination me repr~sente !
a vérité Eternelle
faites
r.l i s p cl ca î t r e pa r
l 1 8 cl cl t
cl,?
vot. r t~ Lum i ère
l: ou t e e
qu t
n 'é,
po i n t
de
cor p s n j
des 0 l id i t é
montrez-moi
des
·
.....:
liitèS
p r
j u q s "
è
é
(VII/I).
La méditation en elle-même,
est
comme nOlis allons
lé vo i r . Mais
une
prière
"rëltionnelle"
r: ' E~ S t. - à - cl -j 1- i?
'111 :i
n'pst.
pas
c ompo s é e
cle
f o rtuu le s 1
mais
qlli
SE'
J":>flilJf:
Ci.1IllHle
a t t e n t i o n
!
Ha Le b r a n c h e
n,?
cHt-iJ
pa,':':
tJlk
e::; t
1111r?
"p J- i è l'e na t u r e I l e Il ?

_. l ~'Î: -, -
B) Leibniz et les méc1itati,:" '.::'
!.-,
i·i: t..:,~:h~'.:. Lq:k
De nos trois auteurs,
seul Descartes écrit un long
ouvrage ayant
pOLIr titre
Méditations.
Leibniz
rédige
quelques pages intitulées Méditations sur la connais-
sance.
En
mai-juin
1676,
il
lit
et
coml1lentt2
It2s
semble
insuffisamment
démontré
et
nécessiter
des
"méditations profondes".
Cependant,
ii ne se borne
pas
à émettrt2 des critiques négativt2s.
Par e xemp l e
: "Les raisonnements qui suivent pour faire
voir que nous ne pouvons pas p r o u v e r aisément qu'il Y a
l'étendue hors
de nous
sont très
bons.
J'approuve
fort ce que l'auteur dit
de la si mp Ll c Lt.é des
décrets
de Dit2u ... " Ce qu'en dit Leibniz à Malebranche,
auquel
il
l'ouvrage,
révèle
la
conception
leibnizienne.
En effet., dans sa let.t.re du ')') juin
1679
( BR Mal.
t
12-13)
au RP Malebranche,
Le:ibniz
c r i t
é
"
J'ai
reçu
les
MérH t. a t. ions
S u r
- - - - - - - - . _ l
- "
-
Métaphysique, que je ne puis attribuer qu'à vous
( ... ).
J'ai lu ces méditations non
pas comme on lit un
livre
ordinaire, mais avec soin ... " Il faut noter le
passage
du" H" majus cul eau "m " ll\\ in u s c u I e,
car t 0 u t e l ' exp lie a t 10 u
est là.
Ce
que Leibniz voit
dans la Méd:i.tation
c omm e
genre,
c'est avant tout,
et. S u r t' CH 1t. 1
.l a Pl" 0 f Cl n L1 t~ u r
t· l'
le c on t eriu de la pe.nsée.

-197-
En d'autres t.e r mes , ce
type d t
c r t t ur e . ce "genl-e"
ne
é
pr~sente pas d'intérêt en
tant que tel. Au
contraire,
pour
Descartes,
le
choix
du
titre,
"Médi tations
métaphysiques",
revêt
un
sens
précis,
qu'il
est
nécessaire de dégager.

~.-
-198-
II. MEDITATION ET COMMUNICATION
I l convient de
COnlmencer, par
rappeler les
deux
façons
(7) de
démontrer dans la
pensée cartésienne
l'analyse et la synthèse.
L'analyse consiste à
montrer
comment le
sujet
découvce
le vrai,
en
partant
des
causes aux effets,
faisant voir
COlllment les
derniers
découlent des premiers.
La synthèse ne
montre pas
la
méthode de résolution elle-même,
le cheminement de
la
pensée, mais démontre la
vérité de la conclusion.
Par
la voie analytique,
ou "méthode d'invention ll ,
l'auteur
montre,
selon
l'expression de
Geneviève
Rodis-Lewis,
"l'histoire de son
esprit ll • Non pas,
en tant
qu'elle
n'appartient qu'à l'auteur,
mais en
tant qu'elle
est
universalisable.
Le
lecteur
lui-même, en
effet,
est
invité à
parcourir la
voie de
l'invention.
Dans
les
Secondes Réponses,
DescarteE:
c r i t
:
é
"L'analyse
montre la vraie voie par laquelle
une
chose a
été
méthodiquement
inventée,
et
fait
voir
comment les effets dépendent des causes
en sorte que,
si le
lecteur
le
veut
suivre,
et
jeter
les
yeux
soi<jneuselllent
sur
tout
ce
qu t e Ll e
c on t.f e n t.
i l
n'entendra
pas
moins
parfaitement
la
chose
ainsi
démontrée,
et
110
la
rendra pas
1I10.L11S
s Le n ne
que
si
lui-même l'avait inventée."

--
r
-199-
.Et justement, Descartes a choisi la méthode
analytique
dans les Méditations,
"pour ce qu'elle semble être
la
plus vraie et la plus propre pour enseigner ll • Le
souci
de
la
communication
est
donc
ainsi
explicitement
affirmé. Cependant,
l'ordre analytique n'est pas propre
à
la
seule
médit.ation.
Donc,
la question
à
savoir
"pourquoi la
forme
de
la méditation
?II
n'est
qu'à
moitié résolue.
Nous
pouvons
d'ores
et
déjà
dire,
qu'elle permet d'exposer au lect.eur le cheminement Il\\êll\\e
de la pensée.
Mais,
le discours
aussi peut le
faire,
nous objecterait-on ? Quelle
est alors la
spécificité
de la méditation?
La méditation,
ainsi
que
nous
l'avons
définie
précédemment, c'est le déploiement
même de la
pensée,
avec ses progrès,
ses arrêts et ses retours en arri~re.
En tant que telle,
elle est la déll\\cŒche analytique
qui
conduit à
la découverte
du vrai.
Pour Descartes,
la
1l\\8ditéltion po rt e sur
ld question de s
essences et.
cJe~;
principes, elle est donc e s s en t Le l Lerue n t
métaphysique.
Or,
la métaphysique,
c'est la
science des
fondements,
des vérités
absolument p r emLè r e s ,
do n t
s e r o n t
tLié e s
d'autres vérités.

-200-
C'est la définition même de la méthode analytique.
Pal'
conséquent,
nous
voyons
que,
de
manière
non
pas
extérieure, mais intrinsèque la méditation mé t aph y s i q u e
exige
la
méthode
analytique.
Et
cette
dernière
n'atteint son
achèvement
que
dans
la
métaphysique,
science
des
choses
premières.
Dans
cette
forme
d'écriture,
Descartes
voit
la
meilleure
forme
de
communication du vrai,
car celui-ci n'est pas imposé au
lecteur
au
contraire,
le
lecteur
chemine
avec:
l'auteur,
et
accède
au
vrai
comme
s'il
l'avait
découvert lui-même. Descartes justifie ainsi,
le
choix
de
la
méditation
cOlUme
forme
privilégiée
de
communication :
"Ce qui a été la cause pourquoi
j'ai plutôt écrit
des Méditations
que
des disputes
ou
des
questions,
comme font. les phi l o s oph e s ,
ou bien dèS théorèlllèS,
ou
des problèmes,
comme les
géomètres,
afin de
témoigner
pal'
là que Je n'al
c r Lt que
é
POUL"
ceux (lui se
v ou d r on t.
donner la
peine d e
méd I ter avec
moi s é r i e u s eme n t
et
considérer les choses avec attention."
Le "je" des Méditations ll1étaphysiqu§~ n'est douc pas un
ego solispiste, pris dans l'''intimité gastrique",
COlllme

-201-
C'est le "je" de tout
lecteur attentif, qui consent
à
se dépouiller
de
ses
préjugés,
et
qui
pal-vient
à
s'abstraire des sens.
C'est un "je" u n i v e r s a Li s ab Le .
Le fait
que les
Méd.itations métaphysiques
soient
menées de part en part
par le "je",
ne signifie
guère
l'exclusion de l'autre et le refus de la communication.
Bien au
contraire.
La
c onnnun i c a t i on
n'est-elle
pas
parfaite lorsque l'autre
perçoit le vrai
comll1e je
le
ouvrage.
Dans le DJscollrs de la méthode,
les points
de
métaphysique sont présentés d'une manière plus
synth~-
tique qu'analytique.
Cela peut expliquer les
difficul-
~.
.
tés
et
les
erreurs
des
lecteurs.
Nous
avons
vi \\
p r é c demmeu t
ce
é
r.t a i ne s réac t ions f a c e au D Ls c o u r s de la
méthode. Mais quiconque 1l1?c1ite,
réfléchit attentivement
sans précipitation
ni prévention,
do i t
rejoindre
·les
conclusions
c a r t
s
é
Lenne s .
Cependant,
les
nombreuses
objections faites
aux Méditations
semblent
démontrer
qu'il n'en est
rien.
Mais,
le fait
même de
publier
ensemble,
en
un seul
tout,
les Méditations
et
les
Objections a
une
signification
lire
le
texte
de
l'aut.eur,
les
critiques et
les
réponses,
et
ce,
de
:1 1.:';:
ténèbres et de réaliser l'évidence pour soi

-20:-
Les objections et les réponses rendent plus clair
pour
le lecteur,
ce
qui est
tout à fait
évident, mais
se
heurte encore aux préjugés acquis depuis l'enfance.
Et
dans quelques
passages des
Médi ta ti on s , nous
pouvo n s
vojx que Descartes établit un dialoÇJuE: avec ce lecteur.

-203-
III. MEDITATION ET DIALOGUE
Les Méditations
chrétiennes et
métaphysiques
de
Malebranche
se
présentent,
elles,
sous
forme
de
dialogue
entre
le
"je"
ou
l'auteur
et
Jésus.
Malebranche lui aussi invite le lecteur à méditer
avec
lui.
( 5 )
méditation,
il écrit
"Faites-moi donc connaître,
ô
Jésus,
Ce
que
vous
êtes,
e t
c omme n t
toutes
c h o s e s
subsistent en vous.
Pénétrez mon
esprit de l'éclat
de
vo t r e Lum i é ie
;
b r û l.e z mon coeur de l'ardeur
de
votre
amour et donnez-moi
d an s le cours de cet ouvrage,
qu e
je compose uniquement pour votre gloire,
des expres-
s :l 0 n s e l a i 1- e s e t
v l~ 1- i t ab les
v ive
1
s
ü Lan :1 m~ e~;,
e 11
tl n
mot
dignes
de
vous,
et
telles
qu'ellt?s
pulsst?nt
augmenter en
moi
et
dans
ceux
qui
voudront
bien
méditer avec moi, (6)
la
connaissance de vos
grandeurs
et le sentiment de vos bienfaits".
D'abord,
le
lecteur,
n'est
Pé1::;
comllle
chez
Descartes,
tout homme,
l'homme universel. C'est
celui
qui croit en Jésus-Cl1irst,
le
fils de Dieu,
et
écoute
D 1 un e
ce r t:al n t:
f él ç (> n ,
pl-'~":I-'III.:I' Il' 1111
111,1/ '-11]'1"
pol I"d1lni{ill,
l ' 1 1': .. 1 - ;'1 .- 1 1 1 1 l'
1 l ' 1111
dialogue qui aspire à sa p r op r e d i sp a r t tion pou r n' ê t r e

-204-
Seul,
le Verbe ~ternel
doit se faire entendre,
comme
il est dit dans le texte
"Parlez, Verbe éternel,
Parole du Père,
toujours été dite,
qui se dit et qui se dira
toujours.
Parlez,
et pal-lez assez
haut pour vous faire
entendre
malgré le bruit
confus que
mes sens
et Illes
passions
excitent sans c e s s e dans
mon e sp r i t." L' auteur
I nv i te
le lecteur à faire taire
ses sens et son
imagination,
afin d t e n t e nd r e Le Ve r b e , la vé r i t
qui,
en fait,
é
\\lOU~~
parle tout le temps,
lIlais
dont la parole est
~touEEr::?e
par le bruit
de nos
désirs, de nos
passions, de
nos
imaginations.
D'une c e iLa i ne man Lè r e , c'est Jésus qui démou t r e ,
la lumière ne venant pas de l'homllle,
mais de Dieu.
Ici,
la c ommuu i c a tio n suppose trois t e r mes
: n i eu , l'autt-'lll"
et le lecteur.
L'auteur I nv i t e
le lecteur,
à
faire
un
e f f o r t
d'attention,
afin que Dieu se communique à lui.
Il n'y a pas de c ommuu f c a t Lo n tr an s i t tvc.. il d eu x te rnie s .
Nous trouvons ici le schéma intenllonac1ique
Leibnizien.
Il n'y a,
en fait,
aucune communication. Les monades ne
sont en relation qU'avec Dieu.
Selon Malebranche,
l'homme se
définit par
rapport
à
I"J 1'_'11
ct.
LlIIX
'.:I.. édl.llt·(~:·;
(.:1)1.1',,)",_,11 (';:,

-:::Ci5-
Héme s'il y a une incommensurabilité entre le
créateur
et l'homme,
l'homme n'en est
pas moins uni à Dieu,
et
ce de manière
intime et immédiate.
Cette union
élève
l'homme au-dessus
du reste
de l'univers.
L'union
de
l' âme e t du
corps n r est
p a s nécessaire.
Di.ell ne
l ' cl
faite
que
pour
mettre
l'homme
à
l'épreuve,
elle
p o UlT ait
"n' ê t 1-e pas" c omm e l e dit. HctI e b r a ne 11 e _
Tandis que "le r appo r t que
les esprits ont à Dieu
est
n a t ur e l.,
(Préface de la
Recherche de la
Vérité T.lj. Mais,
le
renversé
l'ordre
naturel,
la
hi é r e r ch i.e de ces r appo r ts ontologiques.
Il a tellement
affaibli l'union
de not.re
esprit
avec Dieu,
que
la
parole divine ne se fait
plus présence,
que pour
c eu x
dont le coeur est pllrifié.
"Il
e s t: VL".:d
que
no r r e u u f o n avec Dieu
d Lml n ne et ~;'aEEaiblit à
me s.u r e
que ce Il ë
q Il e no u s a von s
ctv e cIe :5
cil 0 ses
S L'Il S i b les
augmente et se
fortifie;
mais
il est Lmpc.s s f b Le
que
cette union se
rompe entièrement sans
que notre
être
soit détrui.t.
Car encore que ceux qui sont plongés clans
le vice.
soient
insensibles
à
la
vérité,
ils
Ile
l a I s sen t pas d' Y ê t r e uni. s.
E] le
n e les a IJa ncl0 n n e p cl S
;
ce sont eux qui l'abandonnent".
(ibidelll).

-206-
L' homme est donc devenu
un lieu dt:'. contradictions 1
et
de conflits,
entre
la
loi
du c o r p s
et
la
loi
de
l'esprit.
D'où
la
nécessité
du
"travail
de
la
méditation "pour que,
éclairé
par Dieu,
il se
détache
du corps et retrouve l'union essentielle entre Dieu
et
lui.
Ce
n'est l]uère
facile,
car
I.e corps
finit
par
p a r le r
plus
h au t
que
Dieu,
et il
ne dit
jamais
la
v~rité. Car,
le corps ne parle que pour les intérêts du
corps,
ët le vrai ne concerne que l'esprit.
Nous retrouvons ici,
le coeur de la "quel-elle
des
vraies et des fausses idées".
En juillet-Aoùt 1680, Arnauld découvre la copie du
T rai té cl e
la Nat Il l' '''' et de l cl lJ l' â c e cle 1-1 ale br d 11<:: 11 e .
l'édition cle la
Recherche de la
vé 1-i t é de 1678,
pOUl'
étudier
les
principes
qu'invoque
MalebL"lnche.
Ct:'
dernier ayant
r é f u s
d'
è
a t t e n d r e ,
Arnauld
ouvre
les
11 0 S t i l i tés.
I l
p r o c è d e
~I
\\1 n e
triple ] e c t u r e cl\\1
'r L'lU' ci
et des Eclaircissements qui l'accompagnent.
Le livre
~l' Ar n au l d ,
Des vraies
et
des
fausses
idées p a r a i t ,
selon Lamy,
le 2 mai 1683.
I l
est r
c e n s
é
é
dans les Acta eruditorum de mai 1684.
Sel o n 11 d l e b 1-Cln c Il e t
Dieu est
la V";1.Jté.
N,JUS
ne
voyons le vrai
qu'en
lui.
Par
conséquent,
les
idées

Nous y accédons par un effort d'attention.
L'attention
est donc
la
cause occasionnelle
par
Laq u e Lle
Di e u ,
seule cause
véritable,
nous dévoile
la
vérité.
Les
choses seüsibles,
nous ne les voyons pas directement.
Comment l'esprit,
de nature
intelligible
pourrait-il
saisir des choses
s e n s i.b Le s
?
L'esprit ne peut
s a i.s i r
qll>:~ des choses
qui
lui
sont c onn a t u r e Ll.e s .
De~; choses,
nous s a is i.s s on s
les
ic1ées qui se trouvent en Dh~u.
D'Olt,
la
ma l e h r cl n c 11 i oS t. e
de
1 ' ".§.tt:'ndue
in t.e Il i. g 1. b le",
Cl u e
no usa von s
l'en c o n t 1- é e pré c é cle 111ln e nt.
Malebranche écrit
"
sans m'éloigner dans
le
fond des principes de S.
Augustin,
ou plutôt
j ' a i
cru
qu'en les
suivant,
je pouvais aSSU1'e1- qu'on voyai t 1
ou
qu'on connaissait e n Dieu même
les objet.s matériels
et
corruptibles,
autant qu'on est
capable de
les voit-
et
de les cou n a î t r e
;
car on ne les voi t
n u Ll e-m e u t.,
si pal-
les
v 0 i l ' o n
e n t end
les
v 0 i r
i mm é d I a t e men t
e t
t' Il
eux -m é mes . 1/
L ' é t t:! n due ,
que
les
géomèt.res
ét.udient,
c'est l'essence
des
choses matérielles,
et.
elle
se
trouve
en Dieu.
Cette étendue
n'est pas
matérielle.
EIl e es t
] , idée de
1 a ma ti ère .
Au t r e point de difficult.é
: si nous n e voyons
pas
les objets matériels en elix-mêmes,
ms is Le u r s
idées
e n
Dieu,
comment
prouver
l'existence
des
mat.érielles
?

-208-
Si Dieu obéit au
principe
d'économie,
quel besoin
de
1: ré 13 rle:3 ob jet s
mat é rie l s ,
pui s qu e
nous
ne sommes
en
contact qu'avec
leurs
idées?
Malebcanche répondra,
qu'il
est certes
difficile
de
démon t r e r
l'existence
d e s
choses
sensibles,
mais
les
textes révélés llOUS
en donnent la c e r t i.t ud e .
Cet t e " é t end u e
in tell i g i b le"
sus c i te don c den ClIII 1..1 r eu ::i e ::.;
questions,
comme le dit Arnauld dans sa Défense P.297
"R:Len n'est
plus
Lmpo r ta n t
pou r
c omp r e nd r e
lt':~;
sentiments de
l'auteur de
la Recherche
de la
v8rJte'
touchant les
idées,
que de savoir
ce qu'il a
entenc1u
par ces mots
L'
t eudue intelligible
in~inie 9ue
~~~~
é
r e nf e rme . La dif f icul té n'est pas de savoir ce qu'il
a
vou 1 u d i 1.- e par l e m 0 t
d' é te n due .
Mais ce qui fait
de
la peine,
est le mot d'intelligible,
qll'il
rép~te
sans
cesse sans l'avoir
jamais l~xplJqué."
Leibniz écrit ses
Héditations pour donner
son
point de
vue s u r
la question
qui oppose
Ar n au l d
et
Malel)L-anche.
Leibniz
renvoie
dos
à
dos
tous
les
philosophes,
mon t r an t
que l t au t eu r
qui
inspire
Arnauld
et MalebL-anche,
n'a
pas saisi la
vérité.
"Cf'
sujet",
écrit
Leibniz,
"bien
qu t é t a n t
de
la
plus
grande
trouve pas
truité d'une
façon pleinement
satisfaisante
d a n s
Descartes lui-même.
"

-209-
rI met alors en place
sa propre t h o r
r e
du
é
i e du
cri t è
vrai,
telle que nous
l'avons exposée dans la
première
partie de notre travail.
Nous la résulllons de nouveau
Une !lotion ëst
:
Obscure
confuse
inadéquate
1
1
1
cl a i r e - - - - - - - - -
11---- adéquate
1
1
distincte
symbolique
(aveugle)
L....------intui tive
Elles e xp r i men t
le même
un i v e r s , c'est POU1-
cela
qu'il
existe d e s
t-ClPPOI:ts
e n rr e
e Lle s .

-210-
.
De même,
ici, Malebrancl1e montre que nous ne sommes
en
relation directe qu'avec
Dteu. L'auteur,
Malebranche,
peut
être
conçu
comme
la
cause
occasionnelle
par
laquelle Dieu nous rappelle que notre véritable essence
consiste en ce rapport
avec Dieu.
Par conséquent,
les
méditations
ne
sont
pas
à
proprement
pa~ler
.la
r E~ C]I c~ i: c Il ~ d (~ ::: P ,- end. e rs
p r -j n c i p es,
E.1.1 l~.s par t e n t.
cl 1 un è
c e r t it.ude , celle
q ne donne
la r e Li c i on
c h r é t Le nn e
à Dieu n'est pas
révoqué en doute,
c'est lin point.
de
départ. Avant d'être
"mé t aphys Lqu e s :' ,
les
méditations
sont "cl1rétiennes". C'est,
POla- ai n s i
dire,
une
oeuvre
méritoire, qui appelle à la prière natllrelle,
celle
de
Li
Ra 1:3 <) Il ,
Il
importe
clonc
différence décisive entre les méditations de
Des c a r t.e s
et celles de Mdlebrancl1e.
Descartes,
lui,
ne
part d'aucune certitude,
mais
met tout en oeuvre pour t r ou ve r une v r I t.é indubitable,
é
pierre angulaire
de l'édifice
du savoir.
Le
lecteur
doit
se
"noyer",
comme
lui-même
s'était
noyé,
et
r e f a i r e
le chemin
qu'a
suivi De s c a r t e s . Et
pour
Lu i
faciliter la tâcl1e,
le pl1ilosophe
e xp r i nie t o u t e s
1 e.s
résistances,
toutes les
que s t.I on s qui p e uv en t;
surgie
Non pas
sous
f o rrue
cle di a Loçju e
expl ici te 1
mais
la
P l'é :-; e n C \\0'
rl '::!
I ' t Il 1-. e i. l 1) C II r.!? li L-
(1;-111::;

-::11-
citons un exemple
:
"Et comment est-ce que
je
pourrais nier que ces mains et ce COl-PS soient à
moi?"
Tout homme à qui l'on demande de douter de
l'existence
de son
corps,
ne
saurait
échapper à
cette
terrible
question.
Descartes le sait,
et change donc de point de
vue, ::;e plaçant tantôt du
c
de l'auteul- qui a
déjà
ô
t é
"médité",
t an t
t
du c
de
celui
qui
a e n c o r e
tout
ô
ô
t é
le chemin
à parcourir.
Nous
rejoignons en
cela,
la
t fi è S ê
de J t:; an - HaLL e Bey s s cl ct e , s t~ Ion L:I q U t:' 11 e, li cl Il s I e s
Méditations mé t aphys Lque s , il existe un
intel-locuteur,
un "honnêté homme". ("est lui qui résiste aux arguments
du rêve,
de la folie.
L'article de Jean-Marie Beyssade,
présenté par
le Bulletin
cartési~n, nous
apporte
de
précieux renseignement.
Foucault
et
Derrida
avaient
déjà ouvert un débat sur ce sujet.
Foucault propose LIlle
interprétation
de
l'argument
de
Id
folie
dans
l'Histoire de la folie (en 1961). De r r Ld a y répond
pal"
des
objections
et
des
"contre
thèses",
dans
une
conférence (1963)
au collège philosophique,
et.
publiée
dans l'Ecriture
et la
différence en
1967
(cogito
et
h i s t o t r e de la philosophe).
Selon FauCclult,
l'pxemple du
rêve n'est pas
seulement
comme le soutient
De r r i d a ,
une
génél-aiisat:illil ou
une
r él die cl l J s a t L0 Il duc a s de I a
f o lie.
Tl
,::, c: r J. l'. :

-212-
"l'exemple de la folie
fait
face à celui du rêve
ils
sont confrontés l'un à l'autre et opposés selon tou t
un
système de différences.,." Et plus
loin,
il affirme que
tous deux,
sont appelés
moins
par une
objection
ou
r e s t rLc t i o n , que pal" une r é s i s t auc e
:
il
y
a d e s c ho s e s
sensibles
dont
"on
ne
peut
pas
raisonnablement
d (J Il ter".
Et jus t e III e nt cet t e " 1-é sis t. an ce" est
fdir
]e
de
l'''honnête homme"
pour
lequel,
l'existence
du
monde
e x t
r i e u r
est. une évidence,
et qui co n c e r n e la c o n du i te
è
de sa vie.
Aussi Foucault approuve t-il
la traduction de
"plane"
par
"l-aisonnablement".
Le
clout.e
radical,
s ' i l
e s t
"l-ationnel",
ne p a ra î t
pas
" r a i s onn ab l e v
Le
t r adu c t eu r
i
a
rendu
"plane"
pal"
" r a Ls on n ab Leme n t.!".
En
voulant
effectuer ce doute rationnel nécessaire,
je m'expose
à
p e r d r e
cette qualification
de
"raisonnable",
qut.."
j'ai
mise e n jell dès le d ébu t
des méditat.ions
(et
sous trois
formes
au moins
; av o i r
l'esprit assez mû r ,
être
Li b r e
de 501.ns
et de
passions,
être
assuré d'une
paisi.ble
retraite)
Pour
me résoudre
à
bien dou t e r
de
tout,
dois-je iue d i.s qu a l Lf i e r
comme
raisonnable,
si je
veux
ma i n t e n i r
ma
qualification
de
raisonnable,
dois-je
f e c t Il e 1- cl ans sa 9 é n r a I i té"
é
?

-213-
r i
s'agira de vaincre la résistance de l' Ln t e r l ocu t eu r ,
pour l'engager dans le doute radical.
A la
sixième méditation,
il sera
d'autant
plus
"raisonnable" que
cette
attitude aura
un
fondement
rationnel.
Dans la sixième méditation,
une fois
les principes
de
la science acquis,
Descartes
lui rappelle qu'il
avait
tout à fait
raison de
résister à ces arguments.
Mais
maintenant,
l'honnête 110111me est.
à lIlêllli:" de
r-e c onn a i t r e
a v e c lu .i , que l' ex t. ra vag a n c e
de c e (').:) II t e l l y pel'b (l l. i.Cl u e
était
nécessaire,
d'un
point
de
vue
méthodiqUE.
L'auteur écrit,
dans
la sixième méditation
"
je
dois rejeter
tous les
doutes
de ces
j ou r s
passés,
c ouuue
liype rbo l Lque s
et
r i d l cu l e s ,
partJcllJ.ièrelll~nt
cette Luc e r t Lt ude si générale touchant le sommeil ... ".
.
t '
.
Dans
les
Troisièmes
Objections,
Descartes l'usage de lieux communs,
tels qlle
le
rêve,
la folie ...
pOlir
douter
de
l'existence
des
choses
1
1
sens ibles.
"J'eusse voulu",
écrit-il,
"que cet
excellent
auteur
de nOllve]les spéculations,
se
f
t
abstenu de
pub I i el'
û
des choses aussi vieilles".

-214-
Descartes, dans ses Réponses,
montre qll'il n'~crit
pas
pour le
philosophe,
mais pour
l'honnête
homme
qui,
comme
Poliandre
dans
la
Recherche
de
la
véri té ,
n'accepte pas aisémellt ces arguments.
Descartes
écrit,
dans les Réponses aux troisièmes objections
:
"
. Je m'en suis
servi (raisons de dou t e r ) ,
non
pou r
les débiter comme
nouvelles,
ma i s
en partie
pour
préparer les
esprits
des lecteurs
à
considérer
les
~hoses
intellectuelles,
et
les
distinguer
des
corporelles, à q uoi
e Ll e s iii' ont
toujours semblé
très
n é c e s s a i r e s .
"
Nous
pouvons
que
les
H~dit3tions
métaphysiques
sont
un
véritable
dialogue,
avec
un
Po Li an d r e implicite,
qui r ep r s e n t e l'homme "d'avant la
é
métaphysique c a r t
s
é
i e nn e v •
Ainsi,
les méditations,
en
tant qu e f o r rue , :,;'.'lffl.l"IlIto'll!:
COIl1Il1t:'
n c e s s a
é
i r cs po u r
Id
c onuuu n Lc a t Lon réelle de la vérité . .Tour ap iè s jour,
le
lecteur réalisera
l'évidence
du vrai
pour
lui-même.
L'indication,
"la méditation
que je
fis hier"
mo n tr e
cette lente maturation de la pensée.
Est ainsi
définie, du
même coup,
la lecture
en
philosophie : celle-ci consiste
à prendre le temps
de
réfléchir,
et d,?
voir clairement
et distinctement
le
vrai.

...-
-215-
Cette
succession
de
jours
de
réflexion,
est
absente du "discours",
qui se
présente en
"parties".
Disparaissent dans
le Discours,
les reprises
et
les
retours
en
arrière,
les
arrêts
apparent.s
pendant
lesquels
la
pensée
semble
se
chercher.
Une
étude
comparée du Discours de la méthode de Descartes, et
du
Discours de mét~Eb~siq~ de Le ibn i. Z , nous penne t t ra
de
- - - _ . _ - -
cerner plus précisément la question du "discours" comme
autre
forme
de
communication.
Ce
sera
l'objet
du
chapitre suivant.

NOTES DU CHAPITRE
II,II
1- C'est nous qui soulignons
2- cf lettre au P.
Mersenne - Mars 1637
3- C'est nous qui soulignons
4- C'est nous qui soulignons
Descartes oppose à la méthode analytique la méthode
de
la
synthèse,
"qui
ne
donne
pas
.. une
entière
satisfaction
à
l'esprit
de
ceux
qui
désirent
d'apprendre, parce
qu'elle n'enseigne
pas la
méthode
par
laquelle
la
c h o s e
a
été
inventée"
(Secondes
objections) .
La synthèse
convient aux
lecteurs op i n i â t r e s
ou
peu
a t te 11 t i Es 1
car e II f:'
"a rra c li 1:0' I e CI) n s e li te III t? n t
ct li le ete li i
tant obstiné et opiniâtre qu'il puisse être ... ".
5- c'est nous qui s o n Li qn on s .
"Prière"- Méditations
chrétiennes
et
métaphysiques,
oeuvres complètes,
EX-
vrin
1967- éd
A
Robinet
et
Gouhier.
6- C'est nous qui soulignons.

-217-
CHAPI'T'RE III
LE "DISCOURS",
LE TRAITE ET LES ESSAIS
1. LA FORTUNE DU "DISCOURS"
Al Direct et naturel
Le discours n'a de sens,
qu'en tant
qu l i l
s'adresse à autrui.
La méditation
ma r q u e ,
c onuue
nous
l'a von s v li , l a pla c e cl 1 au t r u i
de man j ère plu sou
III 0 in s
explicite.
Dans le d i s c ou r s ,
le pe r s o n n e q e s t e xp r i me
a
la première personne , mais il est c l a i r qui il parle
au
lecteur.
Le di s c ou r s ,
peut don c
a pp a r a î t r e c omme
une
fonne de cOlllmunication directe.
Il est étonnant de voir
LeibnLz et
Ar n au l d ,
If'
discours
est u t t l i s é ,
lll!?me
s l i l
présente
quelques
variantes
suivant les auteurs.
POUl- Descal-tes,
le Dl.sci)\\\\l-S de
la
méthode.
Leibniz
écrit
le Discours
de
métaphysique,
Discours
sur
la
théologie
naturelle
des
chinois,
Discours de la conformité de la loi avec la raison.
En
ce qui c on c e r rie Arnauld,
deux dicours introduisent
la
L(i 9 i q u e 0 u l ' a 1: t
cl e p e 11 :3 e 1.' .

-218-
pourquoi cetto
"fortune"
du
discours
?
A
cause de son naturel.
Le "je" se propose de st? dévoiler
à l'autre,
sans voile ni fard.
Le sous-titre du Premier
Discours de la Logique est tout à fai t
révélateur
: "où
- - - -
l'on fait voir le
dessein de cette nouvelle
logique".
Le
discours
"fait
voir",
il
vise
à
établir
une
t r é\\ n spa r e Il c t? en t r e l ' a u t: e la- e t 1 e 1 e c t e ur.
L,'1 n arr a t :i o n
autobiographique,
sur laquelle
s'ouvre le Discours
de
la méthode,
le montre bien.
Descartes se raconte,
étale l'histoire de sa vie.
rI ne
s'agit pas
d'un culte
du
"je"
- ce
que
!'Ialebranche
reprochera à Montaigne
mais,
de la révélation de
la
conversion intellectuelle,
par laquelle Descartes s'est
approprié sa propre essence de sujet pensant.
rl
invite
le lecteur,
à réfléchir sur son expérience,
et,
suivant
ses disposi t i oris ,
à en
faire autant.
Dans
:::011
article
"Ego scriptor
rhét.orique
et
philosophie
clans
le
Dis cou r s deI a \\Il é t 11 <) de" , Ha r C
Fu III a 1"0 l i é c r i t ,
à
pro p 0 s
de ce r c I
é
t
autobiographique
"Cette voie narrative laisse à chaque lecteur
l a i i ber t é des u i v r e l e p11i los 0 p hep 1us <) U III 0 i 11 S
loi n ,
plus ou moins profond,
selon ses capacités.
Et,
la f r an ch I s e de
cette confession,
lui aura
ménagé
la bienveillance
de ceux,
qui ne
l'auront pas
suivi
j li :::Cl Il ' a u
IJ Clu t Il •

-z 19-
rI
s'agit,
d'une
certaine
manière,
d'engager
la
conversation avec le lecteur.
Marc Fumaroli
n'hésite pas
à
prononcer le
terme
de
"conversation",
avec
tout
ce
qu'il
implique
de
proximité. Et Descartes,
lui-même clame sa franchise en
ces termes
" ...
je serai bien aise de faire voir,
en
ce discours, quels sont les chemins q\\le j'ai s u Lv I s , et
d'y représenter ma
vie comme en
un
tableau,
afin
que
chacun en puisse juger ...
j , es p è 1"e qu' i l s e ra ut i 1 e
à
quelques-uns,
sans
être nuisible
à personne,
et
que
tous me sauront gré de ma franchise."
La franchise c'est l'extériorisatioll de
l'intériorité,
de ce qui nous tient à c o e u r . Souvenons-nous de
I 1 td~e
cle Descartes selon laquelle Illon e s s e u c e c'est LI pensée
e t
i 1 n' y a rie n qui
::; o i t P lu sen mon po u v0 i r Cl u e
meS
pensées.
"Eran c h Ls e " a donc
ici un SëllS f o r t. ,
celui
de
la mise à nu de ce
qui Ille constitue,
la pe.nsée.
Il
ne
s'agit pa s
d'une
c orupLa i s a n c e
de
s o I
~l
l'éljal"d
de
soi-même.
Les mots "histoire"
et "fable" signifient
récits
cl ' a ven t. u r E:S,
cel' tes ,
lIlaj~;
c e l a
ne
veut
pa~:: dire
que
Descartes tombe
dans
l'anecdotique.
d a n q e r s
qu i I I
il
dû s u rmo n t.e r
a f I n
cl(~ st:
re c o uqu érlr ,
1. E- s a ven t. 11r e ~:; cr 1.1 r a v é c 1.1 e s 1. e "j e " e mp j r j que d v d 11 t ch· ~~; I?

-220-
Ce ton "naturel"
ne va
pas sans
art,
nous
dé-
mou tr e Jvlarc
Euma r o Li . Descartes
parvient ainsi,
POLa-
reprendre
les
termes
de
l'article,
a
l'intérieur de la communauté des intelligences en
voie
de formation,
l ' e t110s
(en italiques)
de
coopération
bienveillante qui seule convient au travail en
commun.
L'exquise
humanité
et
urbanité
qui
imprègnent
l'attitude de Descartes
envers son lecteur
deviennent
une norme exemplaire du
"climat" qui d o I t. r
qn e r
é
d a n s
la nouvelle "République des lettres."
"
Et nous
remarquons que,
c'est
un tel
"climat",
qllE:
recherchent tous les textes qualifiés de "discours".
L'auteur s'y exprime toujours à la première personne
"Je
commence
par
la
question
p r é Li mi n a i.r e
de
la
conformité de la foi avec la raison.
parce que
"
écrit Leibniz.
Et de plus,
il justJfie sa
démarche,
comme devant
un
ê
t r e dont
l'estime
a beaucoup
d'importance pour
lui.
Mai e , pa r mi
t 0 u s I e s
" dis COli r s "
den 0 s a li tell r s ,
i l
en
est un qui se détache et semble c on t r e d i r e tout ce
que
no li S ven 0 n s ct 1 a f f i r me 1- :
l e Dis cou r s d e III é t a p 11 ys i Cl li e d e
f~j J?~L~.
1

-221-
B) Le Discours de métaphysique:
un cas à part?
Dans ce t e x t e ,
nous ne t r ouvon s
guère
ce
ton naturel de la conversation.
Le
"je" qui parle
est
toujours
celui
c1u
philosophe,
et
jamais
li?
"j e"
empirique aux prises avec les discours
c on t r ad I c t o t r e s
des maîtres
du
collège ou
des
hommes.
Le
tE'xte
SE'
pl' sen te,
d' ai 11 eu
é
l' S ,
sous
la
forme
discontinue
de
chapi tl-es ayant chacun un
t i tre indiquant le
pr ob Lème
traité.
Nous S0l11meS ainsi,
bien loin de la
continuité
historique et stylistique du Discours de la 11l2thode.
Le texte
comporte
tl-ente-sept
c h ap i tres
présentant,
certes,
un lien Lo qi q u e les
uns
avec
les au t r e s ,
mais
cette continuité
ne
c r é e
nullement
un
"climat"
de
proximité avec
le
Le c t e u r .
Dans le Discours de la méthode,
ne s c a r t e s com-
me n c e par nous
ac c u e i Ll Lr ,par nous
"u.e t t r e
à l'aise"
il nous
mon t r e d i abo r d ,
que la
r a is o n e s t
égale
et
identique en
tout
homme.
Nous
ne
s e r on s
nullement
dé s a r çon né s
par son discours,
que produit la r a i s ou ,
et
qui s' ad r e s s e à la r a i s on .
Nous sommes donc sur le même
pied d'égalité.
Et d'autre part,
Descartes 11l:lIIS
p r ome t
de ne <jut?l'e nous ennuyer
car ce
1
C1\\1 1 il
va I1UUS r a c on t.er
est. un e
"histoire",
urie
"fable".
p l a i s i r . Il ne se
"mêle pas
de do n n e r
des p r é c e p t e s "
c: e 11 x Cl Il il,:·
Et) n 1-
"oS e
cl0 ive Il t e s t. :i III t:? l' 11 l II~, Il.111 i l ('~;
q Il ",
ceux auxquels
il
les donnent".

..
~_
~
-222-
Autrement dit,
Descartes ne méprise pas son lecteur
au
point de
vouloir
lui
imposer
des
do qme s .
D'où
la
différence que
rappelle Descartes
entre en s e i qn e r
et
instruire.
Il n'enseigne pas,
il
instruit.
C'est-à-dire
qu'il ne
prétend
pas que
sa
méthode soit
la
seule
méthode possible,
que tout homme d ev r a i t
apprendre
par
coeur.
Cela
r e Lèv e
du
" t r a i t é v •
Et
justement,
le
Discours de métaplLysique de Leibniz,
par sa forme,
est
plus p r oc h e du Traité de
morale de Halebranche que
du
Discours de la méthode de Descartes.

II. LE TRAITE
A) TRAITS SPECIFIQUES
"La
princesse
Eli.sabeth
lui
avait
fait
proposer autrefois de composer un trait~ de morale
sur
de Ille i Il eu l' s pl' i Il C i p e s que ce Il e de l'é c o l e. ..
l l
av ait.
toute sa vie
étudié à
fond cette science
dont il
ne
voyait que
des
essais
informes
dans
les
meilleurs
auteurs tant anciens que mode r n e s ... r i
f a Ll a i t
donc UI1
travail et
un
génie
e x t r ao r d t n a i r e
pour
finir
ces
traits qui ne sont
o r d i n a Lr e men t
qu'ébauchés dans
les
anciens moralistes et qui
sont très souvent
d~figurt?s
dans les modernes. Hais il en fallait bien plus pour
y
ajouter
ceux
qui
manquaient,
pour
établir
des
principes ... " Que nous app r e nd cet e x t r a i t de La vie du
RP l1alebranclle de H.
André
7
Que le
traité est,
ou plutôt
prétend
être,
l'achèvement du
système,
le déplo i emen t.
d e s
v l' i tés
é
déduites de principes
inébranlables, A
ce propos,
il
est nécessaire de 1
~.er
le fait suivant:
Ha l eb r auche
cl v ait
cl' ab 0 rd
d
r,
é
j 11 é
::; .)n
0 u v r age,
t i t r e
"d'essais".
Pui::;
i l
ët
changé
d'avis,
l'appelant
son texte.

-:224-
Il met fin aux esqu:isses,
aux ébauches, pour parachever
la
science
morale.
Souvenons-nous
de
l'arbre
des
Principes.
La
branche
la
plus
haute,
celle
qui
parachève
le
système
du
savoir,
c'est
la
morale.
Malebranche
mène
t-il
à
son
terme
la
pensée
cartésienne, en
atteignant,
lui,
la
branche
de
la
morale parfaite?
N'incllit-il pas
Descartes dans
ces
auteurs
: "ceux-mêmes qui ont écrit sur la Horale n'ont
pas toujours parlé fort clairement et fort juste".
Malebranche,
nous
l'avons
vu,
r é pè te
souven t
qu'il écrit, avant
tout,
pour ceux
qui partagent
ses
principes. Or,
le
traité repose sur
les principes,
à
partir
desquels
s'établit
une
morale.
Cela
signifie-t-il que le traité,
plus que toute autre forme
d' écr i ture - plus même,
peu t-ê tre,
q u e 1 a médi ta t ion -,
suppose
un
lecteur
imprégné
des
mêmes
principes
fondamentaux? Comme le
Traité de la
Nature et de
la
Grâce avait été critiqué
par des lecteurs auxquels
il
n'était pas destiné,
parcequ'ils
ne partagent pas
les
principes de l'auteur, Malebranche
en tire Llne
leçon.
Il faut essayer
d'élargir l'audience de
ce Traité
de
MOL-ale.
Il ne va donc pas se contenter de r ep r e n d r e les
p r Lnci pe s
s a n s
les
démontrer
-c,~
qui
lorsqu'tls s'adressent à ses
sectateurs-, mais va
les

-225-
Il écrit,
en effet:
"les livres doivent être,
alltant
qu'on le peut,
à la portée du commun des hommes."
Il n'exclut plus les non-
voire ,les anti-cartésiens et<
I
opposants de
l'occasionnaI i sme . Par-delà
ceux-ci 1
il
app e Ll e aussi les
non-philosophes,
Le t r a i t.é
r en f e r me
donc toutes les découvertes fondamentales du système et
do i t
s' e f for ce l' de III 0 nt re 1- au l e ete u r l ' é vi den cee t
l a
vérité des principes.
de la
communication
du
vrai,
Il
ne
faut
plus
se
contenter de l'approbation
des membres de
l'Oratoire,
mais rechercher
celle
de
tout
Le c t.e u r
raisonnable.
Sont-ce les polémiques avec
Arnauld qui ont
contraint
Halebranche à prendre
conscience du
fait qu'un
débat
philosophique intéresse toute
l'humanité?
Râppelons,
e nef f et,
que Hal e lJ l' a n c 11 e Fe r c e v ait C Clnune u II e
t 1- a h i son
le
caractère
public
des
objections
d'Arnauld.
La
querelle de
la
grâce,
et celle
des
vraies
et
des
fausses
idées,
lui
ont
montré,
qu'en
matière
de
réflexion philosophique,
toute
véritable
pensée
est
destinée ipso facto à tout
ê
t r e raisonnable:
le
vrai
ne peut être qu'uni v e r s e L,

LI idée selon laquelle,
le traité se
présente
comme un o uv r aq e fondé sur des principes inébranlables,
apparaît aussi chez Descartes. Le traité de l'homme
et
le traité
de mécanique,
reposent sur
la
distinction
réelle
de
l'âme
et
du
corps,
démontrée
dans
les
Méditations métaphysiques.
La
métaphysique
étant
la
philosophie
p r emi
r e ,
c'est-à-dire
la
science
è
des
principes.
Ce
pendant,
Descartes
n'invite-t-il
pas
certains d e SE~S co r r e s po nd an ts à ] u i
c ommu n t qu e r
] e u r s
f~J·:pécLenCt~s? La fin dl!
DiscUU1-S de la méthode en
est.
une
preuve.
Descartes
reconnaît
qu'il
n'est
pas
possible
d'accomplir,
seul,
toutes
les
expériences
u é c e s s a i r e s .
Il
faut
noter,
toutefois,
que
les
expériences futures ne remettront pas vé r t t ab l emeu t
en
cause,
les fondements établis une fois pour tOlites.
Par
con s équeu t,
nOLIs
pouvons
dirt;?
que,
cl' u n e
mali i ~ 1: e
paradoxale,
tout traité est à la fois achevé quant
aux
principes, mais toujours prêt à s'ellrichir dl:? nouvelles
expériences.
Cependant,
le
caractère achevé
semble l'emporter.
Il
est légitime,d'affirmer que le traité se présente comme

-2-:'.7-
En effet, dans
sa lettre
adressée au
P.
t-lel"Senne
de
mars 1638, Descartes écrit;
"je
ne mets pas t r a i t
de
é
la métho~e mais Discours de
la méthode, ce qui est
le
même que
préface ou
avis
touchant la
méthode,
pour
mo n t r e r que
je n' di.
pas dessein
de
l'enseigner
mais
conforte l'idée selon laquelle,
les trois traités
sont
des
app Li cations
concrètes
de
la
méthode.D'une
certaine
manière,
le
Discours
sert
d'introduction générale élUX Essais,
car discourir de la
mé t h c d e ,
ce
n'est
pas
l'exposer
et
encore
moins
l' e n s e i que r . Descartes .a f f i r rue dans
un autre texte
de
sa correspondance
"Je
propose
une
méthode
générale
laquelle
véritablement je
n'enseigne pas,
mais je
tâche
rl'en
donner des preuves par
les trois traités suivants
que
je joins au
d i s c ou r s où
j 1 en
pe r l e!'.
Dans une
lettre
adressée à Huygens,
l'auteur déclare:
"je n'ai pas eu besoin d'expliquer toute la méthode
mais seulement
d'en
dire quelque
chose ... ".
L2
ton
confiant du discours est,
en quelque sort.e,
celui de Id
conver$ation "autour" d'un sujet et non pas celui
d'un
exp o s
total.
é

-228-
Le discours
ne
trouve
son achévement,
que
par
les
applications pratiques que se veulent être
les Essais.
En
revanche,
le passage
de
la
lettre à
Mersenne
précédemment cité,
montre
que
le
traité
doit être
un
e xp o s e précis de
la
pensée,
appuyé s u r
des
principes,
des
fondements.
C 1est donc pour souligner la
modestie
des
prétentions
du
di s c ou r s .
que
Descartes
indique
pourquoi,
le
mot
"discours" convenait
davantage
que
celui
de
"traité".
Par là même Descartes,
en présent.ant
les Essais
comme des
preuves,
nous
apprend
que
les
Essais ne sont pas de
simples essais.

--,(.~.
r-
,.
"
111- LES ESSAIS
A) DESCARTES
D'abord dissipons
une ambigllité:
en
parlant
d~s trois Essais,
scientifiques,
à savoir la Géométrie,
l,? :~
H0 tél) r es,
..
----~----_
-."-- ... --
Descartes
a
employ~
aussi ]e mot traité.
Cela
signifie-t-i]
que
"traité"
et "essai" sont synonymes?
Po in t
du t011 t.
Nous avons vu que pou L- De.sca lotes ,
le tr a I t é e s t plll:'; achevé que le c1J::-:COlll-S.
De IIlêBle,
Le
traité
est
pllls
achevé
que
les
Essais.
Descartes
u t i.Lf s e le mot
t.r a i t é ,
pour dé s i qn e r
ses trois
essais,
1 III
t r ai t .?
L 1 éll 1t e UI.-,
€:' Il
E' f f et,
i n t r Cl d u i t
une
cel' t a j ne
t e x t e s .
de
la.
DiupLr.iCjIll:'.:-t
l.1o::.;
H~t:".nl"':-s,
DeSCéll-tt:'~: 21~rit ,'1
HI:"I":::':'I\\lk,
_.._._---_..-.__._-
-----------
que réalise la Géométrie,
est plus ambitieux.
C.':'
a démontré l ' e xce Lt enc e de sa méthode ét i l est tel 'ill""
"son auteur n' y souhai te rien davantage".
Autrement
dit,
l'ouvrage
est
parfait,
Par
con s é CI li e nt,
s e III s I e s
cle li x
a li t 1.'r.:~ s é e 1: J t :..~
s o n t
LI e :j
j
essais.

-230-
Rappelons cependant,
ces propos de Descartes,
que
nous
avons déjà cités
:
"J'éprouverai
en
la
Dioptrique
si
je
suis
capable d'expliquer mes conceptions et de persuader aux
autres une v~rité une fois que je me la suis persua-
dée".
c'est que l'épreuve
de la communication,
est
la
réception de la pensée.
Ce qui indique clairement,
que
Descartes attend
beaucoup de
l'essai,
et
compte
sur
l'efficacité de cette forme d'écriture.
Nous voyons
donc,
la
justification de
ce
que
nous
disions au
début.
Nous
ne devons
pas
nous
laisser
prendre à la modestie du
titre "essai".
Les Essais
ne
sont pas de simples essais,
des tentatives
incertaines
de résoudre telle ou telle question.
Et nous retrouvons
la même chose chez Leibniz.
B)
LEIBNIZ
:
Deux des
plus importants
ouvrages de
Leibniz
sont des Essais.
IL sagit des
Essais de Théodicée
et
des Nouveaux Essais sur
l'entendement humain.
Dans
le
premier texte,
l'un des personnages,
Philalèthe dit

-231-
"Maintenant
je
me
sens
extrêmement
fortifié
par
l'excellent ouvrage
qu'un
illustre
Anglais,que
j ' a i
l'honneur
de
conpaître
particulièrement,
a
publié
depuis,et
qu'on
a
réimprimé
plusieurs
fois
en
Angleterre sous
le
titre modeste
d'Essai
concernant
l'entendement humain."
L'expression "sous le titre modeste" montre bien,
comme
nous le disions précédemment,
que l'Essai se
présente
avant tout comme une forme sans prétention.
Et
Leibniz
dans
sa
préface
présentera
ses
Nouveaux Essais comme de
simples remarques
:
·"L' Essai
sllr l'entendement,
donné par un illustre Anglais,
étant
un des plus beaux
ouvrages de ce
temps,
j ' a i pris
la
résolution d'y
faire
des
remarques,
parce
qu'ayant
assez médité depuis longtemps sur le même sujet et
sur
la plupart des matières qui sont touchées,
j'ai cru que
ce
serait
une
bonne
occasion
d'en
faire
paraître
qùelque chose
sous le
titre
de Nouveaux
Essais
sur
l'entendement et de procurer une entrée favorable à mes
pensées en les mettant en si bonne compagnie".
Outre le fait,
que les Nouveaux
Essais sont
désignés
comme
4es
remarques
suscitées
par
l'occasion,
il
importe de souligner les
intentions de Leibniz.
L'essai
ne cherche qu'à faciliter l'entrée dans son système.
1
1
1
,
1
.. r
[ .

", .~~
_~_!Ell!!'!l"!l""'l'",.-..-...,.....~----'-""- --_.._... - ....
-232-
rI est, pour
ainsi dire,
une
initiation.
rI
convient
donc de faciliter l'entrée au lecteur par l'usage
d'un
style simple et
agréable.
rI
doit ressentir
l'essai,
comme une conversation en bonne compagnie.
Cette
forme
d'écriture
cherche
la
franche
convivialité
de
la
lettre,
même
s ' i l
est
plus
long
qu'elle.
Cette
attention à
l'égard du
lecteur,
s'exprime
clairement
dans ce passage de la préface
:
"Je
crois
( ... )
qu'en
faisant
parler
deux
pe r s onrie s dont
l' un e expose
les sentiments
tirés
de
l'Essai
de
cet
auteur
et
l'autre
y
joint
mes
observations le parallèle sera
plus au gré du
lecteur
que des remarques toutes sèches dont la lecture
aurait
été interrompue
à
tout
moment par
la
necessité
de
recourir à son
livre pour entendre
le mien.
"Leibniz
cherche
à
donner
à
son
texte,
quelque
agrément
littéraire.
Nous reviendrons sur
le choix de la
forme
dialoguée.
A
cela
s'ajoute
le choix
de
la
langue.
Leibniz,
en effet,
écrit en français,
indiquant ainsi à
quel public il entend s'adresser:
l'Europe des honnêtes
gens,
non le monde des théologiens et des
philosophes.
Les Essais de Théodicée sont écrits en f~ançais,
parce
que,
nous dit l'auteur,
c'est la lanCjue "lue
davantage
par ceux' à
qui on
voudra
être utile
par
ce
petit
1
travail".
"
.~
1
1
i!
1
.'

-233-
Dans ce
texte aussi
il essaie
d'égayer
une
matiére dont. le sérieux
risque de
rebuter.
D'ofi
les
digressions et les
anecdotes nombreuses de
l'ouvrage;
comme lorsque Platon
nous emportait,
par les
mythes,
dans le merveilleux,
pour nous faire comprendre,
que la
merveille des merveilles,
c'est la Philosophie.
Leibniz
s'en
explique,
en
déclarant
qu'il
essaie
d'exposer ses idées
"un peu familièrement",
et non
pas
la totalité
du
système,
mais "sur
une
partie"
car
poursuit-il,
"il y en a qu'on ne peut donn e r
c r ûme n t ...
parce que
les
gens
sont
sujets
à
les
prendre
de
travers." Les Essais
de théodicée
comme les
Nouveaux
Essais
se
présentent,
comme
une
simple
entrée
favorable,
dans le système leibnizien.
Leibniz remet
à
1
plus tard,
la rédaction
d'un ouvrage en latin,
auquel
la Théodicée pourra
simplement servir
d'introduction,
et o~
il
tâchera
de
développer
llensemble
de
son
système.
Ce livre,
dont le titre devait être Eléments de la
philosophie générale èt de
la théologie naturelle,
ne
verra jamais le jour.
Ce
titre nous apporte de précieux
renseignements
:
"éléments" signifie
les
premières vérités,
les
plus
simples à
partir
desquelles 1 1 0 11
accède
à
d'autres
vérités.

-234-
En un mot,
ce sont les principes ou fondements.
Il faut
rapprocher ce
projet de
titre,
de
celui effectif
du
texte de De~cartes, Principes de la philosophie,
qui se
donne justement,
contrairement
à
l'essai,
comme
un
exposé synthétique du système
qui prend pour point
de
départ les vérités premières.
Cependant,
il
ne
faut
pas
t Lr e r
hâ t Lv eure n t
la
conclusion selon
laquelle,
les
Essais de
Leibniz
ne
sont que des essais,
un exposé sommaire et agréable
de
quelques points du système.
Et
ce,
même si comme
nous
venons de le voir,
Leibniz semble conforter l'idée
de
la modestie des Essais.
Comme toute modestie,
elle
est
fausse.
En
effet,
dans
la
préface
aux
Essais
de
théodicée,
Leibniz
emploie le
mot "échantillon"
pour
désigner son ouvrage.
Il écrit
.11
comme la
matière est sur le tapis,
que
d'habiles gens y t~availlent encore et que le public
y
,;" .
est attentif,
j ' a i
cru
qu'il fallait
se
servir
de
(",
"
l'occasion pour faire
paraître un
échantillon de
mes
pensées.
"Leibniz ici aussi
parle d'''occasion" ce
qui
tend
à
désigner
le
texte
comme
un
écrit
de
,;
circonstance.
Or qll'est-ce qu'un échantillon,
sinon un modèle
réduit certes,
mais complet du système?
~.,
l',
f:
f
~-;;.

-- .---------
----_._
~~-.
•.._-_._---_.---,
-235-
L'utilisation du
mot "échantillon",
est'donc
tout
à
fait
significative.
Le
perspectivisme
leibnizien
reparaît i c i : ce texte exprime l'ensemble du
système,
et chaque
leCteur, selon
son point
de vue,
saisira,
plus ou moins confusément,
la totalité.
L'essai est donc une
forme,
dont l'éfficacité
réside
dans l~ fait, qu'elle met en place plusieurs niveaux de
lecture. Celui de l'agrément et de l'anecdotique
étant
le plus accessible à
un lect.ellr, peu familiarisé
avec
la pensée leibnizienne.
Un autre,
plus accoutumé
aux
idées de l'auteur de
l'harmonie universelle,
ira
plus
loin dans sa réflexion,
et approfondira les choses.
Par
conséquent, même si Leibniz précise le public auquel il
s'adresse,
il
n'écarte guère
ceux qu'il
appelle
les
"habiles gens."

--_
-.-._...._.--_...... ---j
.
-236-
CHAPITRE IV
LA FORME DIALOGUEE
Cette forme d'écriture
n'est pas seulement
une
forme à côté
des autres,
et ce,
pour
deux raisons
d'une part,
parce que,
plusieurs textes
philosophiques
se
présentent
sous
forme
de
dialogue
dans
lequel
s'expriment plusieurs personnages;
d'autre part,
parce
que certains textes
qui ne se
donnent pas de
manière
explicite comme
des dialogues
présentent en
fait
de
nombreux éléments du dialogue.
Ce qui nous conduit à la
question suivante
toutes
les formes
d'écriture
ne
sont-elles pas de manière
plus ou moins implicite
des
dialogues ?
I- LE DRAME PHILOSOPHIQUE
Dans
le
corpus
cartésien,
cette
forme
apparaît très petl.
En fait,
seule
la Recherche de
la
vérité est
un
dialogue,
inachevé
d'ailleurs.
C'est
surtout Leibniz qui emploie,
de maniére
significative,
cette forme du discours.
A -
Leibniz
Les Nouveaux
Essais sur
l'entendement
humain
mettent
en
place
deux
personnages,
Philalètlle
et
Théophile.

Leibniz dans sa préface précise qu'il
fait parler
deux
"personnes" dont "l'une expose les sentiments tirés
de
l'essai ...
et
l'autre
y
joint
mes
observations".
Philalèthe est
le porte-parole
de Locke,
tandis
que
""i.'
1
Théophile est
celui
de
Leibniz.
Dès
le
début,
le
.r
.1:
"i
. ~
premier expose
les thèses
principales de
l'empirisme
'f!r.
que soutient Locke.
Il déclare:
"
f
~t
"eet auteur
est
assez
dans
le
système
de
M.

Gassendi,
qui est dans le fond celui de Démocrite;
il
est pour le vide et pour
les atomes
il croit que
la
matière pourrait
penser;
qu'il n'y
a point
d'idées
innées
;
que notre esprit est tabula rasa,
et que
nous
ne
pensons
pas
toujours
et
i l
est
d'humeur
à
approuver la plus grande
partie des objections que
M.
Gassendi a faites à Descartes."
Voici présenté le
camp de Locke.
Les idées
vont
s'opposer dans un drame
philosophique dont le
ressort
est l'amour de la vérité.
La
confrontation
des
idées
est
présentée
par
le
porte-parole de Leibniz,
comme un enrichissement
pour
les deux partis:
" ... nous
aurons de quoi nous
donner
un plaisir réciproque de
longue durée en
cOlllllluniquant
l'un à l' autre
nos
éc La t ic t s s emen t s."
Le plaJsir
est
'surtout pour le lecteur,
qui assite à la mise en
scéne
de la pensée par elle même.

.......-------- ~ _., ~ ,-~-.'
~.
.,..
-238-
N'est~ce pas pour son agrément, que leibniz a choisi la
forme du~ dialogue;
comme nous
l'avons vu préc~demment ?
Le déroulement de l'action est indiqué par
Philalèthe,
en conformité avec
le plan de l'ouvrage de Locke:
"Nous parlons
premiérement
de
l'origine
des
idées
ou
Not,ions
(livre
l
),
puis
des
différentes
sortes d'idées
(livre 2
) et des mots qui servent à les
exprimer
(livre
3)
enfin
des
connaissances
et
des
vérités qui
en résultent
(livre 4
) et
c'est
cette
dernière partie qui nous occupera le plus."
Pour combattre
la
théorie des
idées
inn~es,
Philalèthe procède par le raisonnement suivant
si
les
idées innées existaient,
tous les hommes devraient être
d'accord sur ces soi-disant semences premières.
Or,
i l
n'y a aucun consensus sur quelque principe que ce soit,
pas même sur
ceux qui paraissent
les plus simples
et
les plus évidents:
la tautologi~ et la
contradiction.
Mais,
justement,
le consentement universel peut-il être
considéré comme un véritable critère du vrai ? Tous les
hommes ne peuvent-ils pas se tromper sur un même
sujet
? Il ne faut se fier,
qu'à la démonstration,
au travail
de la pensée.
Théophile affirme
là le
formalisme
Le t bn Lz Le n ,
qui consiste à ne céder qu'à la force d'un raisonnement
"in forma".

-239-
Il
faut
fournir les marques du vrai,
et non pas se
fier
au témoignage
du
grand nombre.
En
d'autres
termes,
l'absence de consensus
n'est pas
un ar~ument
valable
, ,
"
,
contre l'existence des idées
innées.
Une, référence
au
Ménon de Platon,
permet de montrer,
que l'âme
contient
toujours ses
pensées
présentes,
passées
et
futures,
mais
i l ya des degrés dans la facilité de
s'apercevoir
de ce qu'il y a
en nous.La conception leibnizienne
de
la monade,
est
ici en
jeu.
Rien ne
lui
arrive
du
dehors,
tout est
inscrit en elle,
elle n'est pas
lIne
tablette vide ou tabula rasa.
Les perceptions des sens ne sont que l'occasion de nous
apercevoir des pensées,
qui
se trouvent toujours
déja
dans l'âme.
La théorie essentielle de l'empirisme,
qui
pose que toutes les
idées
nous viennent des sens,
est
ainsi réfutée.
Il
ne reste
plus à
Théophile-Leibniz,
qu'à dérouler
les
conséquences de
cette
théorie
de
l'âme,
et de la
différence entre vé~ité nécessaire
et
vérité de
fait
précédemment
examinée,
pour
réfuter
Philalèthe-Locke.Ce dernier,
à la fin du livre I,
cède
du terrain
"Il faut
que
je reconnaisse
que
vous
l',;
répondez assez
naturellement aux
dificultés que
nOlis
l.:-
avons formées
contre les
idées
innées.
Petit être aussi,
que nos auteurs
ne les combattent
point dans le
sens
que vous les soutenez."

-_........-- ...-- .. -.--
-240-
"Naturellement",
signifie d'une maniére qui répond
aux
exigences de l'esprit.
De
même,
dans les trois
livres
suivants,
Philalèthe cèdera.
Leibniz exposera,
de
son
système,
les points nécessaires à la négation des
idées
de Locke.
Les Essais de Théodicée peuvent être conçus
sur
le même modèle.
Le dialogue s'installe entre Leibniz et
Bayle.
Une
différefice
cependant
i l
n'y
a
pas
ici
de
personnages
représentant
l'un
Leibniz,
et
l'autre
Bayle.
En fait Leibniz joue
tous les rôles à la
fois,
se faisant des objections
et y répondant.
Il
rapporte
la pensée de Bayle,
avant de la remettre en cause.
Nous
trouvonè
fréquemment
dans
le texte,
des
expressions
telles
que,
"quelque
adversaire
répondra
peut-être ... "ou bien",
mais
l'on dira
que" ou
encore
lion objectera que Il Les
Essais de théodicée sont
donc
un dialogue en style indirect, pour ainsi dire.
Leibniz
change toujours de place,
pour occuper diférents points
i
, -
de vue sur la question.
Seul Dieu,
omniprésent et
omniscient voit· la
totalité"uno intuitu".
Cet être historique et
temporel
qu'est l'homme,
a besoin
d'une multiplicité de
points
de vue,
pour
que la composante
des perspectives
soit
il Il a lo IJ1.1 ':1
i\\ 1. a
t (. t. a l t t.é .

..:>11 -
Le choix
du
dialogue
est donc
indissociable
de
la
mé t aphy s ique le ibn i z i enne .
Et,
telle
est
l'attitude,
que la métaphysique
Lei hn I z Lenn e invite
tout homme
à
3.dopter dans la recherche de la vérité.
En effet,
nous
1 1 cl V 1) n S v \\l pré c é cle 1IIm e Il t,
t 0 li t
cli s c o urs exp ri mt? ] e
v rai.
à S 0 Il Il ive a LI,
de ;3 0 11
Pi) i Il t
ct e vue.
E 11 11111 l t i p L J an t
les
perspectives,l'homm,;::
a r r i v e r a
à
app r o ch e r
toujours
davantage de la totalité,
l'ubiquité étant l'apallage de
dieu.
Les lettres apparaissaient comme un des
meilleurs
moyens de
multiplication
des perspectives.
rvlais
ici
aussi,
cette préoccupation est
présente. Que le
texte
soit explicitement un dilogue comme les Nouveaux Essais
ou implicitement
COlllIlle
les Essais
de
Théodicée,
la
recherche est la même.
christiane Frémont a mOlltré
qlle
c ' e s t; la.
mé taph y s Lqn e
Le tbn i z ienu e qui
d é t e rm i n e
sa
'1
1
c o n cep t Lon de ]' échange épistolaire.
Il e s t
né ce s s a i r e d t
La r
r Lt.é
é
q i r
cette. v é
d
t~(IIIL2::;
ll:~s
f o r iue s d t
c r i
é
t ur e u t Ll Lsé e s par Lel hn iz . TOlites p e u v e-n t
se
ramener
à
des
dialogues,
â
des
changements
perpétuels
de
point
de
vue,
dans
cette
visée
ontologique de la totalité.
appar':::llillltO'llt
n'est
p a s
llil
d ia loçju e .
en
est en r é a Llté
!~~:'::.!~:~~1~~~_~~~}~~:'.~~~~~:_élP~~~~;LCJ'~\\~.~'QU't':'l1 l?st-l.1. de s
au t r e s
oeuvres de Descartes ?

-242-
E) DESCARTES ET LE DIALOGUE
Nous
le
disions
précédemment,
seule
la
Recherche de la
vérité se présente
comme un
dialogue
- - - -
dans
le
corpus
cartésien.
Or,
nous
l'avons
vu,
Descart.es sout.ient la supériorité de la parole vive sur
l'écriture.
La
première
exprime
de
plus
prés
la
c on s tLt.u t Lo n et l'évolution de la p e n s e e . Et
po u r t a n t,
.i l
ne
r e noue
pas
aVE~C la
tradit.ion platonicienne
du
didlogue.
Ce
dernier,
même écrit,

serait-il
pas
proche de la conversation?
La place
d'un interlocuteur
Eost marquée
dans
Les
textes
c a r tè s i f:'I1S.
Il
arrive
s ou v e n t ,
q u t f.I
présente d'éventuelles
objections,
qu e
lui
feraient
" 1 f.~;::: p 11 i I 0;::: 0 p 11 es",
(1 U
l e s " S 0 P Il j ste s" .
cel a
'0'51:
loin
d'être suffisant,
pour
affirmer,
que
Le s ouv r aqe s
cle
Descartes
sont
des
dialogues
implicites.
L'usage
fréquent du pronom personnel "je",
c on f o r te cette idée.
Les Méditations
métaphysiques représentent
don c
une
OE:lIvre
singulière.
Nous
avons
vu
l'importance
de
l ' i 11ter l 0 c Il tell l',
Cl o 11 t
les
0 b j e c t i o n s
:3 1 .~ :.~ p 1.- i 111 0::'11 t
cl ans
U Il
S t y .1 e
cl i r e ct,
sous
forme
d' Ln t e r j e c t t o n s
ou
de
r e t r 0 uv e li i.1 n s a li c und Il t l' e t e x tee ct l' 1: é sie 11 .

---_ _ -.
-243-
Il est à propos de r appe l e r
ici,
le texte de
r ouc au I t
.
"
Il
faut
garder
à
l'esprit
le
titre
même
de
"méditations".
Tout
discours,
quel
qu'il
soit,
est
constitué d'un
ensemble
d'énoncés qui
sont
produits
chacull
en
leur
lieu
et
leur
temps,
comme
autant
d'évenements discursifs ...
Quant au sujet du
discours,
il n'est
point impliqué
dans
la démonstration
il
fixe,
invariant et
cOll\\me
neutralisé.
Une
"méditation"
au
contraire
produit,
comme
autant
d'evènements discursifs,
énoncés nouveaux qui empo r t e n t
avec
eqx
une
Bérie
de
modifications
du
sujet
énonçant ...
Dans la méditation,
le sujet est sans cesse
alteré par son propre mouvement . . . . ".
c'est précisément
cette
transformation
et
les
résistances
qu'elle
rencontre
qui
rendent
nécessaire
la
présence
d'un
interlocuteur qui parle et exprime ses difficultés.
Le
style direct peut
seul,
t r adu i r e
cette r é s i s t auc e
au
vrai.
Le sujet méditant,
d'une certaine maniére,
laisse
encore parler
l'enfant
en
lui,
pour
mieux
montrer
l'obligation dans laquelle il se trouve de lui
fermer
la bouche.
L'enfant,
c'est
l'être
des
préjugés
et
la
confiance au témoignage des sens.
Il faut le condamner
à mort et
le tuer aprés
l'avoir
laissé tenter de se défendre.

-244-
Les arguments qu'il
invoque pour sa
défense,
ne
font
que faire ressortir la vaine inanité de sa cause.
C'est
lui qui s'écrie,
par exemple
:
"Et comment est ce
que
je pourrais nier que ces mains et ce corps-ci soient
à
moi ?". (Premiére médiation).
En fait,
il est nécessaire de préciser,
que ce dialogue
se limite
essentiellement
à
la
pr~mière
m~diation.
Celle-ci est le moment de la plus forte tension,
car il
faut s'arracher,
s'abstraire
de l'enfance,
du
royaume
des sens.
Après la
découverte,
ou
plutôt
la
saisie,
du
cogito,
comme
certitude
première,
le
Le c t eu r
et
l'interlocuteur deviennent pour
ainsi dire plus
doux.
Ils commencent
à être
frappés
par l'évidence
de
la
démarche cartésienne.
Du moins,
telle
semble être
la
pensée de Descartes.
Le bien-fondé
de celle-ci
n'est
guère indubitable,
comme
le montrent 1e
nombre et
la
force des objections.
Pour conclure,
nous dirons donc,
que le dialogue appa-
raît rarement dans les formes d'écriture
cartésiennes,
même si souvent la place d'un interlocuteur fictif
est
expl ic i temen t
dés ignée.
Nous
trouvons,
ct 1 ai 11 e u r s ,
la
même chose chez Arnauld.

....
'
". '
."
,t
. ,
------_.__...__.--- ~------
-245-
C) ARNAULD ET "L'INTERLOCUTEUR ENNEMI"
Un
fait
frappant
chez
Arnauld
l'intervention d'autrui dans
le discours,
est
souvent
celle
d'un
adversaire,
que
l'auteur
s'empresse
de
réfuter.
Cela
apparaît
nettement
dans
la
quatrième
partie de la Logique de
Port-Royal.
Il n'y a guère
de
dialogue.
Arnauld fait
intervenir autrui,
généralement
désigné
par l'appartenance à une école:
"Les pyrrhoniens" ...
c'est- à-dire ceux qui soutiennent la thèse contraire à
la sienne.
Notamme~t, dans les premiers chapitres de la
quatrième partie,
c'est contre les "pyrrhoniens"
qu'il
démontre l'existence
de
la science.
Il
dénonce
les
contradictions
de
la
thèse
des
sceptiques,
et
va
jusqu'à douter de leur bonne
foi,
tant leur thèse
est
insoutenable.
Cependant,
il se produit dans La
logique
ou l'art
de penser,
quelque
chose d'l11lportant
la
citation
des
auteurs.
D'abord
Aristote,
dans
la
réflexion sur la logique scolastique
: Arnauld
examine
les catégories
et
les
syllogismes
d'Aristote,
mais
affirme
que
leur
utilité
n'est
pas
bien
grande.
L'art de penser ne se confond pas avec l'art du syllo-

-246-
Le mécanisme du
syllogisme peut
constituer un
risque
pour la pensée qui se fie aveuglément à des règles,
et
perd de vue son contenu.
En cela,
Arnauld est
très
proche de
Descartes.·
Ce
dernier,
en
effet,
estime,
dans le
Discours
de
la
méthode,
que le
syllogisme ne sert
qu'à démontrer
et
persuader à autrui,
ce que l'on sait déjà.
rI ne permet
donc pas de découvrir la
vérité,
i l n'est pas un
"ars
inveniendi"
C'est pourquoi,
Arnauld
place la
logique sous
le
patronage de Descartes qui est,
pour Arnauld,
le modèle
d'une pensée nette et
distincte,
qui ne
se fie pas
à
l'application de règles,
mais à la saisie intuitive
du
vrai. Arnauld s'éloigne,
pour ainsi dire;
d'Aristote,
au profit de Descartes.
Et ce qui est déroutant,
c'est
la reprise,
pour ne pas dire le recopiage,
de
passages
entiers des
Regulae dans
la
quatrième partie
de
la
Logique.
Et
Arnauld
ne
cite
guére
Descartes
comme
11auteur de ces pages.
Le nom de Descartes
n'apparaît
qu'une seule
fois
dans cette
partie,
lorsqu'Arnauld
écrit,
avant
de
citer
les
règles
de
la
méthode
cartésienne
:

-247-
"Ces quatre néanmoins que M.Descartes propose dans
sa méthode,
peuvent être utiles pour se garder de l'er-
reur en voulant rechercher la vérité dans les
sciences
humaines,
quoiqu'à
dire vrai,
elles soient
générales
pour toutes sortes
de méthodes,
et non
particulières
pour la seule analyse".
En d'autres termes.
la
méthode de Descartes,
est
le degré zéro de toute méthode,
elle est nécessairement
présente en toute démarche rigoureuse de la pensée.
Il
faut donc
la dépasser
pour établir
les règles
d'une
vraie méthode.
Pour ce faire,
Arnauld choisit un
autre
interlocuteur:
Pascal.
Pourquoi?
D'urie part,
parce
que Arna~ld, contrairement à
Descartes,
ne commet
pas
ce
qU'André
Robinet
nomme,
"l'oubli
cartésien
du
langage". Or nous l'avons VU, Arnauld reconnait que
le
langage est indissociable de
la pensée.
L'habitude
de
joindre les mots aux représentations des choses,
et
la
nécessité de la communication,
expliquent ces liens
pensée-langage.
La pensée est
donc,
selon Arnauld,
un
travail,
non
seulement dans
et
par les
idées,
mais
aussi,
sur les signes linguistiques qui les traduisent.
Le langage,
le
mot,
n'etant d'ailleurs
pas lin
simple
revêtement extérieur et
inessentiel.

-248-
Une méthode
n'est
donc complète
qu'en
tant
qu'elle
dévoile ce travail sur les s i çne s. Ce que n'offrent
pas
les règles de
la méthode de
Descartes.
D'autre
part,
cette réflexion sur les
signes se trouve chez
Pascal,
dans son opuscule "de l'esprit géométrique et de
l'art
de persuader":
Arnauld reprend
la pensée
pascalienne
selon laquelle,
panni
toutes les méthodes
existantes,
celle
des
géométres
est
la
meilleure,
et
que
la
véritable méthode est celle qui prend le meilleur de la
méthode des géométres,
et corrige les défauts de celle-
ci.
Arnauld écrit
"Nous considérons la méthode que suivent les
géométres
comme étant celle qu'on a toujours jugée la plus propre
pour persuader la ,vérité";
ces propos renvoient exacte-
ment à ceux de pascal:
d'abord le titre de la premiére
section,
"De
la
méthode
des
démons t r a t i on s
géométriques,
c'est-à-dire méthodiques et parfaites".
Et ensuite:
"je
veux donc faire
entendre ce
que
c'est que
dé~onstration par
l'exemple
de
celle
de
géométrie,
qui
est
presque
la
seule
des
sciences
humaines qui en produise d'infaillibles,
parce
qu'elle
seule observe la véritable méthode,
au lieu que
t ou t e s
les
a li t r e s
son t
pa 1-
u Il e
née e 5 :; j t; é
na t: \\11-t:' l 1 ,>
(LJ Il S
quelque sorte
de
confusion que
les
seuls
<]éométres
savent extrêmement reconnaître".
! ,
..
c

-249-
Pascal,
lui aussi,
exprime une réserve:
il existe
une
méthode plus "éminente" et plus "accomplie" débarrassée
des défauts de la géométrie.
Cependant,
à la différence
d'Arnauld,
Pascal estime que cette méthode est hors
de
la portée de l'homme:
"car ce qui passe la
géométrie,
nous surpasse."
Le péché originel,
indélébile,
nous éloigne à tout
jamais de la perfection,
et ce,
dans tous les domaines.
D'o~ le conditionnel et le pessimisme du ton, dans
ces
phrases
:
"Cet te
ver i tabl e méthode
qu L formerait
1 es
démonstrations dans la plus haute exellence,
s ' i l était
possible
d'y
arriver,
consisterait
en
deux
choses
principales:
l'llne de
n'employer aucun terme dont
on
n'eUt auparavant expliqué nettement le sens;l'autre
de
n'avancer jamais aucune proposition qu'o~ ne
démontrât
par des vérités déja connues".
La
seconde condition
se
ramène à J.a régIe
cartésienne selon laquelle,
il
faut
passer du
simple
au
composé,en expliquant
l'inconnu
par le connu.
C'est la première condition qui exige une
véritable réflexion
sur le
signe.
D'o~
la
nécessité
d'une
définition
de
la
définition.
Définir,
c'est
imposer lin nom·à une chose,
d'o~ le caractére arbitrai-
re des définitions.

-250-
r~\\'
Cependant,
il ne faut pas en abuser,
et donner le
même
".
"
;~: .
nom à deux choses différentes.
Il
faut,
pour se
garder
"«.',:
~.;-.~
de la confusion,
"substituer mentalement la
définition
..... ,"
à la
place
du
défini".
Conseil
que
donnera
aussi
Arnauld.
Comme Pascal,
il montrera l'existénce de
mots
évidents
par
eux-mêmes
et
qu'une
tentative
de
définition ne ferait qu'obscurcir.
Cependant,
tous ces points communs ne doivent pas
occulter
les
dissemblances.
Arnauld
trouve
un
interlocuteur en Pascal,
mais leurs chemins
finissent
. par se séparer,
notamment concernant la manière directe
ou indirecte de découvrir la vérité.
En effet,
un des
reproches qu'Arnauld
adresse
aux
géométres,
est
d'user
des
démonstrations
par
l'impossible,
ou encore
démonstratio~s par
l'absurde.
Elles consistent
à
montrer
comme vrai,
ce
dont
le
contraire
est
une
contradiction.
Arnauld
estime
qu'elles peuvent convaincre l'esprit,
mais qu'elles
ne
l'éclairent point.
Autrement dit,
nous sommes con-
traints d'acquiescer,
sans savoir ce qui fait
la vérité
de
la
chose
démontrée.
Notre
raison
n'est
guère
satisfaite dans son exigence de clarté et de distinc-
tion,
mais notre volonté se soumet.

-251-
Or, non seulement,
Pascal approuve ce genre de
démonstrations, mais il pose
que la nature de
l'homme
l'y condamne. Depuis
le péché
originel, notre
nature
corrompue n'a plus d'accès direct à la vérité. De
même
que la
médiation
de
J-C
est, nécsssaire
à
l'homme
péch~ur, de
même
la
médiation
est
nécessaire
pour
découvrir le vrai.
Et cette
médiation
hélas,
c'est le
faux
et
le
mensonge.
Le vrai ne se définit plus, que
relativement
au
faux.
Pascal
c r I t , en effet, dans l'opusc~~
é
"une maladie naturelle de l'homme de croire
qu'il
posséde la vérité
directement;
et
de là vient
qu'il
est toujours
disposé
à
nier
tout
ce
qui
lui
est
incompréhensible au
lieu
qu'en effet
il
ne
connaît
naturellement que le mensonge et qu'il ne doi t
p r e nd r e
pour véritables que
1eR choses dont
le contraire
lui
paraît faux'
"Nature" et "naturellement",
renvoient évidemment à
la
nature de l'homme,
telle
qu'elle est deVenue après 'le
péché originel, non pas telle qu'elle était auparavant,
au sortir des mains de Dieu.
L'orgueuil, qui
s'est
emparé de
l'hol11l11e,
lui
fait
croire que sa raison est
la norme du vrai.
Pascal
lui
démontre ici le
con tl-ail-e, et s u r t o u t,
in tt.' r dL t
à
l a
raison de j ll<Jel: des vé r I t
s cie la foi.
é

--- -'- .' -_ ..,- _.- .. _.".__.__._._--- !
-252-
Elles dépassent la raison,
qui ne peut les démontrer ni
directement,
ni
par
l'absurde.
Ainsi,
nous
voyons
qu'Arnauld
n'établit
pas
de
dialogue.
Les
auteurs
interviennent
pour
les
besoins
de
sa
propre
démonstration.
Il exécute avec
eux quelqües pas,
puis
les quitte pour poursuivre son'chemin.
L'interlocuteur
apparaît,
soit
comme
un
adversaire
dont
il
faut
combattre
la
thèse,
soit
comme
un
co l.l.abo r a t eur
temporaire.
Mais nulle part,
ne s'établit un
v~ritable
dialogue.
Les
autres écrits
d'Arnauld,
tels
que
les
défenses, Les Apologies n'en
offrent pas 'non plus.
De
cette
analyse,
nous
pouvons
tirer
la
conclusion
suivante:
ni Descartes,
ni Arnauld,
n'ont accordé
une
véritable place
à
la
forme
dialoguée.
comme
s t t l s
doutaient de son efficacité.
cependant,
comme nous
l'avons vu,
certains textes
de
Descartes,
tels que les Méditations ou de manière
plus
explicite la Recherche de la vérité sont des dialogues.
Leibniz en revanche,
a accordé au dialogue,
tille
valeur
métaphysique,
ontologique.
Il n'est donc
pas étonnant de
voir qu'il a
davantage
participé à la vie des
académiciens de son temps.

-253-
CHAPITRE V
LES ACADEMIES ET LES JOURNAUX
I- Introduction
~ .
Le 17e siécle a bénéficié de deux avantages
l'amélioration de la qualité de l'impression,
sensible
sur la diffusion
des livres,
et des
journaux, et
la
mise en
place d'académies.
Pehdant les
50
premières
années de son
existence,
le livre
imprimé dut
livrer
une rude bataille pour s'imposer,
contre la
préférence
~ . .
ri
des humanistes pour
les manuscrits.
Mais après
1500,
~.' .'
l
son triomphe
fut indéniable.
Une bibliothèque
garnie
d'ouvrages
imprimés,
n'était
plus
la
marque
d'une
déchéance, mais plutôt
le signe
de la
culture et
du
gofit de
son
propriétaire.
Le XVIIe
siécle
voit
la
qualité de
l'impression
s'ameliorer, et
les
tirages
augmenter toujours
davantage.
Les
progrès
techniques
répondent ainsi,
à
la volonté
de
communication
qui
habite nos auteurs.
N'oublions pas
le l'Ble
important
joué par le "Jol..lrnal des savants", qui a été le théâtre
des polémiques
philosophiques
les
plus
importantes.
D'autre part,
le
XVIIe siécle voit
se développer
des
sociétés scientifiques.
La coopération entre les
hommes de science
fut
favorisée par le développement des sociétes scjentifi-
ques.

..... --
-..
- --.--_
- _
-~---
- - ..
;
--
-254-
Lieu de
rencontre
pour
les
meilleurs
esprits,
ces
sociétés servent à di.ffuser les connaissances au
moyen
de leurs journaux.
Ceux-ci étaient très recherchés
par
les savants.
L'Accademia dei 1incei
(1630-1630)
à Rome,
et l'Accademia
de1
cimento
(1657-1667)
à
Florence,
n'ont duré que quelques années.
Leur
exemple
a
quand
même
fourni
un
précédent
encourageant.
La Royal
society de
Londres
(fondée
en
1662),
l'académie
des
sciences de
Paris
(fond~e
en
1666),
la societas Regia Scientarium fondée en 1700
et
devenue,
en
1711,
l'académie
Royale
de
Prusse,
et
l'Académie de
Saint-Petersbourg
(fondée en
1726)
se
classent parmi les plus illustres des Académies qui ont
duré.
Elles offrent des bib1othèques,
des laboratoires,
des bourses,
des
instruments,
des collaborateurs.
Les
sociétes scientifiques et les journaux savants qu'elles
publiaient,
rendirent les communications entre cher-
cheurs scientifiques,
beaucoup plus faciles que par
le
passé.
L'~mé1ioration simultanée
des services
postaux
contribua
beaucoup
à
accroître
leurs
relations
épistolaires.
Ces facteurs
technologiques
confortaient l'idée
selon
laquelle,
la communication
du vrai n'est
pas un
voeu
pieux.
Même si,
évidemment,
nous ne devolls pas
oublier
l'existence de la censure.
1
L
![:
~f·· :

0.
·
·
.-- -- --_...
•.
~._
-255-
Cette
censure
d e s '
théologiens
de
la
Sorbonne,
à
laquelle le grand
Arnauld s'est souvent
heurté.
Il
a
écrit des
"Considérations sur
ce
qui s'est
passé
à
l'assemblée de la faculté de théologie de Paris,
tenue
en Sorbonne
le 04
Novembre 1755
sur le
sujet de
la
seconde
lettre
de
Monsieur
Arnauld
Docteur
de
Sorbonne",
pour se défendre de la censure:
"ce qui les
touche dans
cette
affaire
n'est point
le
désir
de
rechercher la vérité,
mais
la passion d'opprimer
ceux
qui la défendent".
Arnauld
reprochera justement à
ces
censeurs de se
laisser aveugler par
la passion
ils
sont à
la fois
juges
et partis.
D'où ces
propos
"Monsieur Arnauld ...
ne fuit
ou ne
craint
nullement
l'examen ou le jugement de sa lettre,
mais seulement la
passion de ses Examinateurs et la préoccupation de
ses
juges . . . . ".
Certes,
"préoccupation"
a
le sens
fort
d'idées
préconçues,
de préjugés,
qui ne peuvent
être que
des
obstacles
à
une
analyse
objective
de
l'écrit
de
l'auteur.
Désespérant de la justice des Examinatellrs,
et de cell~
de tout homme d t a Ll Le u r s ,
Arnauld s'en remet à la seule
justice véritable,
celle de Dieu
:

...
---.-._--_._---_._-_..
" - ' "
_--_.~
-256-
"Il faut espérer que Dieu ...
s ' I l permet que la
vérité
soit attaquée et presque opprimée durant un moment,
ce
ne sera que
pour la rendre
victorieuse d'une
manière
plus illustre,
et
pour couronner
par
leurs
travaux
mêmes ceux qui souffrirent ponr sa défense.
"Nous avons
là une théodicée en abrégé
: le mal apparent,
Dieu
le
permet par sa volonté conséquente
(1)
au sens leib-
nizien du terme.
Il est nécessaire
à la
réalisation
d'un bien plus grand.
Descartes aussi eut des problèmes
similaires à
utrecht.
Les
"Messieurs d'Utrecht"
font
une affiche contre Descartes,
à
la sortie du livre
de
Schook,
imprimé par les soins de Voetius à Utrecht,
et
accusent Descartes d'athéisme.
Descartes écrit
à
ce
propos
"ils
m'ajournent
à
comparaître devant eux pour vérifiér ce que j ' a i
écrit
contre un ministre de leur
ville,
en laquelle ils
ont
fait publier cet
ajournemerit au son
de la cloche,
et
afficher aux
carrefours ...
"Et
Descartes d'ajouter
"ils eussent pu se passer de faire afficher et
publier
mon nom comme si criminel".
Cette réserve faibe à propos
de la censure,
force
est
de reconnaître,
les
possibilités nouvelles offertes
à
la communication au siecle.
1
1
1
1
l' .
[

................-- - .
-257-
Il
serait,
non
seulement
trop
facile,
mais
aussi
réducteur,
de
mettre
en
place
une
explication
"matérialiste",
qui consisterait à
dire que la
pensée
i
de nos
auteurs est
fortement imprégnée
de l'idée
de
communication,
à
cause
de
ce 'développemt?l1t
des
techniques de communication,
De même que l'on se
plait
à
dire,
que
les
réflexions
leibniziennes
et
pascaliennes
sur
l'infini
sont
l'émanation,
l'expressioll de la découverte du microscope.
Ne perdons
pas de vue un seul
instant,
le fait suivant
: avant
de
poser le
problème de
la
communication en
termes
de
réalisation
effective,
les
auteurs
s'interrogent
d'abord
sur
son
sens
philosophique.
Avant
de
se
demander comment se fait et se diffuse un ouvrage,
ils
se demandent ce que "lire" veut dire.
II)
QU'EST-CE QUE LIRE?
Cette question
est
indissociable
de
celle
de
l'écriture et des formes de discours,
Car écrire,
c'est
aussi lire.
Et nos auteurs lisent les ouvrages de
leur
temps et réagissent,
Nous avons
vu
comment
ce
phénomène
est
clairement
repérable chez
Leibniz,
par
rapport
aux
textes
de
Malebranche,
et aux Essais sur l'entendement de
Locke.
Ce qui nous avait
fait reprendre l'expression
d'And~é
i' ..
,
Robinet,"lecture réagissante",
1
....;'~

-- .- _..._..._._-_._•._'-_..
.._...
"'.,._--_.~-'_
~--,
i
-25S-
!
De plus,
Leibniz annote les textes qu'il l i t ,
et rédige
des commentaires.
La liste des ouvrages de
Malebl-anche
qu'il a
lus,
montre
cette
avidité
de
lecture.
De
Leibniz,
nous
pouvons
dire,
qu'il
était

bibliothécaire,
et que l'érudition n'est point pour lui
un vernis,
mais exprime sa véritable nature.
Parce que,
précisément,sa vie et sa penstée peuvent se définir
par
cette phrase
:
"La
Recherche
du Livre".
Tandis
que
Descartes correspondrait davantage à l'idée dll livre
à
j8ter et Arnauld à celle du livre de chevet.
Al
LEIBNIZ ET LE LIVRE A VENIR
Comme l'échange
de lettres,
la lecture
des
livres d'autrui permet la multiplication des points
de
vue sur
un
même sujet.
La
métaphore du
livre
pour
désigner le monde,
est à considérer avec attention
le
monde est un
grand livre.
La Déesse
Pallas permet
à
Théodore,
à
la fin des Essais de Théodicée de consulter
le livre des destinées
- )
"Il y'avait un grand volume d'écriture dans
cet
appartement;
Théodore ne put s'empêcher de demander ce
que cela voulait dire.
C'est l'histoire de ce monde

nous sommes ma in tenant en v I s i te,
lui
dit la dtéesse
c'est le
livre dè
ses destinées".
Lire le
livre
du
monde,
c'est l'apanage de Dieu.
Lui seul,
omniscient. et
ubiquitaire,peut déchiffrer uno
iutuitu le monde
dëlns
lLquel nous sommc~ .
. j


~
. _._-- _.----- ... _--.. -.--_._- .- ----.--.- ~--:-_._-
-259-
Il voit le détail des choses.
L'homme en revanche,
est
un être dans le temps,
c'est un être historique.
Ce que
Dieu voit de
toute éternité
et semel
factis,
lui
le
saisit dans le temps.
N'ayant pas le don d'ubiquité,
sa
perspective est limitée.
Par conséquent,
pour pallier à
cela,
il doit multiplier
à l'infini les
perspectives,
en lisant les
ouvrages du
passé et
ceux du
présent.
Ainsi,
il
approchera
la
totalité
qu'il
exprime
de
manière plus ou moins confuse,
en prenant ce qu'il y
a
de meilleur dans chaque ouvrage.
L'érudition est ainsi
justifiée,
de même que le
projet
d'une encyclopédie
des
pensées
humaines.
L'humanité
doit réécrire,
à travers le temps, sa propre
histoire,
déjà écrite dans le livre de ses destillées.
Cette réécriture produira le
livre à venir,qui,
somme
de ce
qu'il y
a de
bon dans
tous les
livres,
nous
donnera la
clé
du livre
du
monde dans
lequel
nOllS
vivons.
Nous
voyons
donc,
à
quel
point
la
pensée
leibnizienne,
sous
ses
diférents
aspects,
revient
toujours
à
un
foyer
originel:
la
communication,
l'expression de la totalité.
Tout le drame de
l'homme
vient du fait que l'ubiquité
ne lui·est pas
accordée.
Il verrait
alors,
que ce
qu'il
pr~ncl pOlir
le
mal,
concourt à l'harmonie
du tout.
Que
le laid
n'existe,
que pour c e Lu I qui
ne voit pas
la b e au t
de l'el1st~\\llble
é
du tableau.

- ------------ ------ - - -
-260-
Il appartient
aux hommes
de conjuguer
leurs
forces,
pour
approcher
la
totalité,
en
rassemblant
leurs
pensées.
En
revanche,
chez
Arnauld
comme
chez
Descartes,
le
livre
inspire
la
méfiance.
Chez
le
premier,
il doit
être pensé en
termes d'autorité,
et
chez le second,
il doit être brCtlé.
B) ARNAULD ET LE LIVRE DE CHEVET
Chez Arnauld domine l'idée selon laquelle
un
livre est une autorité,
une responsabilité morale.
Il
ne faut donc pas multiplier les livres, mais choisir le
bon et le
méditer.
En un
mot,
en faire
son livre
de
chevet.
Dans le Premier discours de la Logigue de
Port-Royal,
".Arnauld et Nicole présentent l'ouvrage, comme une somme
.
de ce qu'il y a d'utile dans les autres livres:
" ... on trouvera ici quantité de choses de Physi-
que et
de Morale,
et presque
autant de
Métaphysique
qu'il est
nécessaire
d'en
savoir,
quoique
l'on
ne
prétende
point
pour
cela
avoir
emprunté
rien
de
personne".
En d'autres termes,
Itess~ntiel de tous
les
domaines
du
savoir,
se
trouve
dans
l' cuv r açre .
Le
lecteur n'a
plus qu'à
le
lire attentivement,
et
en
faire son compagnon.

. "'1
-261-
i
N'oublions pas,
d'ailleurs,
que l'ouvrage
serait

d'un "pari pédagogique":apprendre la logique au duc
de
chevreuse en quelques
jours.
Les dernières pages de
la
Logique ou
l ' a r t
de
penser,
appelle
le
lecteur
à
réfléchir sur la mort,
et
sur le salut.
Ce qui
montre
que ce livre n'est pas à fermer purement et simplement,
une fois
lu.
Nous devons
le garder
sous les
yeux,
afin
qu'il
nous rapelle à chaque instant,
"que la plus grande
de
toutes les imprudences
est,d'emplyer son
temps et
sa
vie à autre chose qu'à ce qui peut servir à en acquérir
une qui ne
finira
jamais . . . "La derniére phrase
évoque
la
Bible,
l' ECl-i ture,
et
conforte
la
dimension
apologétique de l'ouvrage.
Le
souci
d'instruire
et d'édifier
esl
toujours
présent chez Arnauld et Nicole.
Ce dernier a écrit
des
Essais de morale,
et un ouvrage intitulé
"De
l'éducation
d'un
prince".
La
première
partie
contenant les vues générales
que l'on doit avoir
pour
bien élever un prince.
La seconde
"contenant
plusieurs
avis particuliers
touchant
les études"
et
enfin
la
troisiéme et dernière partie "contenant divers
traités
où l'on explique
plus en
particulier quelques
points
marqués dans les parties précédentes".

-262-
Dans la préface,
Nicole
précise, qu'en fait,
ce
livre
n'est pas réservé
aux Princes de
"Sang", mais à
tout
homme,
puisque
toute personne
est un
prince dans
le
royaume de Jésus-Christ.
De
plus,les hommes ayant
les
mêmes défauts dans toutes les conditions,
ils ont à peu
près besoin des mêmes
remèdes",
et il y
en a peu
qui
soient tellement particuliers à un état,
qu'ils
soient
absolument inutiles
aux
autres".
Dans
la
troisième
partie,
nous retrouvons l'idée d'Arnauld et de
Pascal,
selon laquelle,
la science
ne doit faire que
l'essai,
et non l'emploi de
nos forces
"Notre vie ne
suffit
presque pour aucun exercice,
pour aUCUl1E~ profession.
On ne vit pas assez longtemps pour devenir bon Peintre,
bon Architecte, bon
Médecin, bon Jurisconseiller,
bon
Capitaine, bon prince
: mais elle suffit pour ~tre
bon
Chrétien. C'est que
nous ne sommes
pas au monde
pour
être Peintres, Médecins,
Philosophes,
mais que nous
y
sommes pour être
Chrt?tiens".
N'est-ce pas
là,
ce
que
li ( J 11:':;
ct i t Ar na u Id? l l mon t r e d' ab 0 r dIe v rai e t
l e f a u x
(L:lll:;
l e s
sciences,
mais
précise
que l'usage
de
ces
C :It.~gories,
importe
s ur to u t
dans la
vie
civile,
et
<~ll t i Il 1.1..'111:5
la
réflexion
sur le
;:; -.'111[1:
les
choses
dl vi n e s .

..........._.._...-···-·-·····----·-l
-263-
1
L'art de bien
pe n s e r ,
n' est-ce pas
l'a 1"t
J.:- Ji, ...1 -::-1-
la
valeur des choses,
et de voir que la valeur des
c uo s e s
divines est t nc omme n su r ab l.e à celle de;,: choses huma i n e s
? En
cela,
le
texte La
109iqueoll
l'art de
pe ns e r ,
- - -
n't<.:t-i}
p a s
cléj~1 1111 tr a i té de mOL-ale? Ce qui j u s ti f i e
l ' II 1.: 111.:': êl t. i ()Il (Jc:~
"le Ll.v r e
de
chevet",
111 t'II t
L' ;". l' i III '1 li l
'.' l ,'1.1 .
Ar n. ; : .-1
COUSE' 1'1/"
ii III ,. i l) 1 ici 1,::
1
de livres pour
Arnauld,
~~. 1
,·Yllun~'lli": ,1' ob;:;,:111 .i tf
,'.1 '.~,
1
confusion,
et de divettissement,
au seli."; ~J
; î : '1'1
terme.
Nous allons voir que Descartes,
llli,va encore plus loin
dans son rejet des livres
il n'en conserve aucun
et
n'en propose aucun non plus.
cl DESCARTES : LE LIVRE A JETER
Les livres font
partie de
la catégorie
des
ouvrages
d'autrui,
"or, ... il
est
malaisé,
en
ne
travaillant que sur les ouvrages d' aut ru i , de faire des
::.- ,,/\\."
choses fort
accomplies"(Dfsc).
La
lecture des
l i v r e s
est source de préjugés, d'idées préconçues.

... -.-'-'-"'- ....._.._-....,i!
-264-
La table rase fondatrice
de la philosophie,
n'épargne
pas les livres,
mê~e si la lecture des anciens est
une
sorte
de
dialogue
avec les
hommes
du
passé:".: .la
lecture
de
tous
les
bons
livres
est·
comme
une
conversation avec les
plus honnêtes
gens des
siècles
passés,
qui
en
ont
été
les
auteurs,
et
même
une
conversation
étudiée,
en
laquelle
ils
ne
nous
découvrent
que
les
meilleures
de
leurs
pensées~ .. "Descartes estimera que les livres anciens ne
peuvent rien
lui
apporter.
Il
écrit:" ... je
croyais
avoir déjà donné
assez de temps
aux langues,
et
même
"
aussi à la lecture des livres anciens ... "
. ) - < ;
D'autant plus que,
les belles découvertes du
passé,
ne justifient pas la lecture des anciens.
Selon
Descartes,
en
effet,lorsque
ceux-ci
découvrent
une
vérité scientif.lque,
Ils
l'entourent de mystère,
pour
en accroître la valeur aux yeux d'autrui.
Ils
prennent
donc garde,
de ne pas exposer la méthode employée
pour
trouver la
vérité.
Un
livre,
qui
n'éclaire
pas
la
raison,
ne vaut pas la peine d'être lU.Ces ouvrages
ne
sont pas
analytiques,
ils
s'adressent
davantage
au
lecteur
"opiniâtre",
qu'à
celui
qui
recherche
la
vérité.
Dans les Règles pour la direction de
l'esprit,
Descartes affirme,
que la
mathématique universelle
a
déjà été découverte pal" les anciens.

Elle est "connaturelle"
à l'esprit
de l'homme.
Mais,
les
anciens
l'ont
dissimulée,
de
peur
que
le
dévoilement de ta méthode,
ne diminue le mérite de leur
découverte.
"L'esprit
humain possède
en effet
je
ne
sais quoi
de
divin,
o~
les
premiéres
semences
de
pensées
utiles
ont
été
déposées,
en
sorte
que
souvent,si négligées et
si étouffées soient-elles
par
;
.
des études qui les devient,
elles produisent des fruits
spontanés. ( ... )
Car,
nous remarquons assez,
que les anciens
géomètres
ont fait usage d'une sorte d'analyse,
qu'ils étendaiellt
à la
résolution de
tous
les probl~mes,
bien
qu'ils
l'aient jalousement
cachée à
leur postérité".
(RITT)
Selon
Descartes,
les
"fruits
spontanés"
de
cette
"mathesis universalis" se
trouvent en mathématiques
r'.
C'est pourquoi,
c'est à ces sciences qu'il e mpr un t e
un
modèle d'évidence.
Ainsi,
même lorsque les anciens d~couvrent une
vérité mathématique,
ils ne sont pas totalement
dignes
de confiance, puisqu'ils dissimulent leur méthode. Même
s ' i l faut tenir compte des découvertes du passé,
- dans
les mathématiques exclusivement- il faut être vigilant.
D'autant plus que,
les erreurs,
telles les
perceptions
de Leibniz,
agissent sur notre pensée à notre insu:

-266-
"Il est ( ... ) fort
à craindre que peut-être
certains
germes d'erreurs,
contractés
à partir
d'une
lecture
trop assidue de leurs ouvrages, ne s'accrochent à
nOlis
malgré que
nous en
ayons,
et nonobstant
toutes
nos
précautions".
Autrement
dit,
nous
ne
sommes
jamais
trop
critiques à l'égard des livres d'autrui en général . .
Toutefois, contrairement à Arnauld,Descartes ne propose
pas un texte,
en le présentant comme l'essentiel de
ce
qu'il est nécessaire de
savoir. Bien au contraire,
il
semble rappeler au
lecteur, qu'en
matière de
pensée,
les mots "maître"
et "autorité" n'ont
aucun sens.
En
effet, nous avons vu que,
dès le début du Discours
de
la méthode,
Descartes précise
qu'il ne propose pas
sa
méthode à
tout
homme.
Il montre
de
quelle
mani~re
lui-même a conduit sa raison.
Il ira plus loin dans
sa
correspondance,
s'interrogeant
sur
la
nécessité
d'écrire.
Descartes
semble
éprouver
qe
moins
en
moins
d'enthousiasme pour l'écriture.
Dans sa
lettre du
15
Avril 1630, il écrit
"Au reste,
je passe doucement le
temps en
m'instruisant moi-même,
que
je ne
me
mets
jamais à écrire
en mon
Traité que
par contrainte
et
pour m'acquitter de la
r s o Lut.Lon que j'ai prise,
qui
é
est, si je ne meurs,
de vous l'envoyer au
commencement
de l'année 1633.

----_._. - -----------
-267-
Je vous détermine le temps pour m'y obliger
davantage,
et afin que
vous m'en puissiez
faire reproche si
j'y
manque -"
Et
dans
la lettre
du
25
Novembre
1630,
toujours à Mersenne,
nous pouvons lire
"je ne
pense pas
après ceci
(le Honde),
me
résoudre
jamais
plus
de
rien
faire
imprimer
au
moins
moi
vivant ... " Nous voyons
donc, nettement s'affirmer,
la
volonté de ne plus écrire de livres.
Et dans la lettre d'Avril 1634, Descartes écrit:
"bene
vixit, bene qui latuit."
Cependant, dans ses Essais Sllr Descartes, Henri Gouhier
nous invite à
ne pas prendre
Descartes au mot.
Selon
lui les
devises
que
Descartes emprunte
à
Ovide
et
sénéque,"le philosophe les rép8te toutes les fois qu'il
donne sa démission d'écrivain; mais il n'y fut
jamais
fidèle qu'afin de remplir son devoir d'écrivain". Selol1
Henri Gouhier
toujours,
Descartes "se
dupe
lui-même
seulem~nt
lorsqu'il
croit
pouvoir
travailler
sans
pub Li e r
: sa vé r i t
et sa foi en la vé r i t
sont
telles
é
é
qu'elles
le
poussent
hors
de
sa
tour.
malgré
lui,
mais
auteur
jusqu'au
bout,
telle
est
la
contradiction dont vit l'âme de Descartes ... "
Toutefois, nous devons tenir compte de la déception
de
Descartes,
face aux incompréhensions devant ses écrits.

--,----.-,-.-.-----,--,-',,,-'------1
-:268-
1
Ce que montre Geneviève
Rodis-Lewis,
dans l'oeuvre
de
Descartes.
Nous avons
vu,
en
effet,
que les
interlocuteurs
de
Descartes ne saisissaient
pas véritablement la
pensée
de
Descartes,
et
que
celui-ci
en
était
fortement
touché.
Donc,
même
si
nous
pouvons
parler
d'un
sentiment
du
"devoir
d'écrire",
selon
l'expression
d'Henri Gouhier,
il
faut
souligner
que
la
réalité
s'avère décevante pour lui.
Et, par conséquent,
lorsque Descartes exprime
sa
volonté de cesser d'~crire,
nous ne devons pas
douter
de sa
sincérité. D'ailleurs,
même
s'il ne
dupe
que
lui-même,
il n'en demeure pas
moins vrai que le
livre
ne peut être conçu comme un compagnon.
En effet,
en lisant,
je dois réaliser
l'évidence
pOtlr moi-même.
Lorsque je saisis les pensées clairement
et
distinctement,
je
n'ai
plus
besoin
du
support
matériel qu'est
le
livre.
Dans
le
Discours
de
la
,
,
f
Methode, Descartes precise qu'il
ne s'adresse pas
au x
hommes, pour
leur imposer
sa pensée.
La plupart
des
hommes,
d'ailleurs,
sont
soit
"impétueux",
soit
"modestes".
r i
est évident,
que les
IJl-emi~rs sont
à
écarter, car ils sont enclins à la précipatioll.

-- -"--,-..._.--~--_.~---.--~--'-"'''.'''~-. ---~._--
-269-
Mais les derniers aussi,
qui,
"ayant assez de
raison,
ou de modestie,
pour
jllger qu'ils sont moins
capables
de distinguer le vrai d'avec le faux ...
doivent bien plutôt se contenter de suivr~ les opinions
des autres"
ceux-là sont aussi à éviter car ce qu'ils
recherchent,
ce n'est pas le vrai,
mais l'autorité d'un
maître,
or,
l'autorité,
c'est la mort de la pensée.
Aucun livre ne doit faire autorité,
car seule la
raison est norme.
Le
l ivre,
c'est touj ours l'e}:tériori-
té,
le
discours
d'autrui:
il
ne sera
donc
jamais
essentiel à ma pensée.
Penser,
c'est penser à la pre-
mière personne.
Le livre
est un compagnon momentané
après avoir
actualisé
en mon
esprit
l'évidence
des
op é r a t Lon s de pensée de l'auteur,
je p e u x l'abandonner.
Aprés usage,
le livre est à jeter.

-..--. ------.-.' ..-.------- -_..----------·-1
-'270-
NOTES DU CHAPITRE V
1.
-
Leibniz distingue
la volonté
conséquente de
la
volonté antécédente.
La première
est indirecte:
Dieu-
admet l'existenc~ du
mal non pas
parce qu'il veut
le
mal mais parce que le
mal est nécessaire.
De même
que
dans un tableau l'ombre est
nécessaire à la beauté
'du
tout,
de
même
le
mal
est
nécessaire
à
l'harmonie
universelle.
Un autre exemple,
celui de Judas,
montre
que Dieu admet le personnage de Judas
traître,
même
si
l'action,
prise en elle-même,
est mauvaise.
Ce qui
ne
signifie pas
une limitat.ion
de
la liberté
divine
c'est au contraire,
l'obeissance à la loi du
meilleur,
qui définit la liberté de Dieu.
La volonté
antécédente
est celle par laquelle Dieu veut le bien directement.
Nous voyons ainsi,
se dessiner un destinataire
du
discours philosophique.
Le public recherché
's'élargit,
dans l a mesure où il ne se l imi te plus aux v Lrt uo s ès de
la langue savante,
le
latin.
La philosophie s'ouvre
à
tous ceux qui parlent
la langue vulgaire,
aux
femmes,
en un mot aux "honnêtes gens",
suivant la définition de
l'''honnête homme" précédemment analysée.

- - ------------------ .__._-----~
~~71-
i
Toutefois,
cela
ne signifie
pas
que tout
homme
est
appelé à
la
philosophie
l'expression
cartésienne
d'esprits "opiniâtres",
et celle d'Arnauld "les esprits
faux"
nous l'ont amplement démontré.
Nous devons
donc,
admettre
l'élitisme
intrinsèque
à
la
communication
philosÇ)phique.
Ce qui
justifie l'emploi
de "cité-
des
esprits",
afin de souligner,
que le lieu
philosophique
n'est
pas
le
même
que
l'espace
géographique
et
institutionnel de la société civile.
Le philosophe
et son
public constituent
une
société dans
la Société.
Ce qui
pose précisément
le
problème de cette société civile.
Existe t - i l chez
nos
auteurs,
une
réflexion explicite
sur la
société,
la
politique? Pensent-ils que,
par la ph i l.o s oph t e ,
et
la
communication de
la
vérité,
ils
soient
capables
de
transformer la société,
et d'améliorer les
conditions
de vie des hommes
? En un mot,
la vérité a-t-elle
un
rôle social et politique à jouer ?

TRD l S l EM EPART lE:
A L'EPREUVE DE LA REALITE

- ----.------ --_.----_.~_.:
-272-
!
CHAPITRE l
LA PENSEE POLITIQUE DE DESCARTES ET D'ARNAULD
Al
- DESCARTES ET ARNAULD
Chez
Descartes
et
Arnauld,
la
pensée
politique n'est
pas explicite
.
Elle
semble même
à
première vue absente.
Reportons-nous
à
l'ouvrage
d'Henri
Gouhier,
Essais sur Descartes.
Le
sixième Essai est consacré
à
l'attitude po l i tLqu e de Descartes.
r i nous invite à
ne
pas croire,
que l'engagement de Descartes dans l'armée,
aurait une valeur politique.
Replacé dans son
contexte
historique,
cet
engagement
en
Hollande
est
"le
pélérinage naturel
et en
quelque sorte
national
des
français de toute espèce,
commerçants,
soldats,
hommes
d'Etat,
savants,
écrivains".
H.
couh I e r
cite ainsi Gustave cob e n
(Ecrivains
français
en Hollande -
P424).
Cet engagement répond à un
besoin
de voir des Pays étrangers,
comme le montre la première
partie du Discours de la méthode.
Il est vrai qu'à l'époque de Descartes,
la
France
est ravagée
par la
guerre
civile.
La
Situation
est
révolutionnaire,
d'o~
l'horreur
cartésienne
de
la
révolution dont i l voit les désastres.
L'intérêt public
exige,
que
le Roi
conserve intacte
son autorit.é.
H.
couh i.e r
c i.t e
1.:1
Le t t. r e
de
ne s c a r t.o s
à
EL:I:;;'1lkth
dt:
s ept emo r e 1646.

"
~ -

• •
_ .
" . ' _ _ 0
· _ -
-~.·-_·-"·_···-1-
i
-ii3-
!
"Je comprends,
sous
le
nom de gl-ands,
tous
ceux
qui peuvent former des partis
contre le prince,
de
la
fidélité desquels il doit être très assuré,
ou s ' i l
ne
l'est pas,
tous les politiques sont d'accord qu'il doit
employer tous ses soins à
les abaisser,
et qu'en
tant
qu'ils sont enclins à brouiller l'Etat,
il ne les
doit
considérer que comme ennemis".
Faudrait-il voir là
un
certain
"machiavélisme"
de
Descartes
?
Le
Prince
doit-il sacrifier l'être au paraître,
et se défaire
de
tous ceux qui menacent sa souve r a t ne t
,comme l'affirme
é
Machiavel dans Le' Prince
?
Descartes n'aborde pas
ici
la morale
pour
s'interroger sur
les
rapports
entre
éthique et politique.
Il se
contente de poser,
que
la
premiére exigence de l'Etat,
doit être le maintien
de
l'ordre,
condition sans laquelle la sécurité des
citoyens ne saurait être garantie.
Car,
comment exercer
sa raison,
lorsque le souci de notre survie nous
obséde ?
c'est
ce
qui
fait
dire
à
Gouhier,
qu'en
architecture,
en
politique,
et dans
la
science,
la
perfèction est le prix
de l'unité.
Les révolutions
ne
servent qu'à précipiter la
chute des peuples.
Il
faut
se fier à lin
prince qui doit,
à son tour,
s'efforc~r
. d'être lin bon législateur.
Descartes prend l'exemple de
Spa rte,
cl<.111 S
l t.:~ Dt::; C o Il cs d e 1.1 Mé t 11 Clch.
------- ----_._-._------ ".--_._---

-274-
"Je crois
que
si
Sparte a
été
autrefois
très
florissante,
ce
n'a pas
été à
cause de
la bonté
de
','
chacune de ses
lois en particulier,
vu que
plusieurs
étaient fort étranges,
et même
contraires aux
bonnes
moeurs,
mais à cause que,
n'ayant été inventées que par
. "
. .
'
.
. ,
un seul,
elles tendaient
toutes à une
même fin.
'
Ce
qui signifie que l'unité,
la
cohérence,
et non pas
le
contenu des lois,
est
la condition fondamentale de
la
pa ix et
même de
l'épanoui s s eme n t
d es
citoyens.
Ha i s
cela signifie t - i l que la
loi posée par le prince
n'a
d'autre légitimité que d'être la volonté du Prince?
Le souverain doit être un homme de bien,
c'est-à-
dire qu1il doit
suivre ce
que lui dicte
la raison
mais,
le lieu du politique étant celui de la contin-
gence,
le
souverain ne
peut
qu'y tendre
autant
que
faire se peut.
Les situations ne
peuvent jamais
atteindre la
pleine
transparence rationnellle.
Ce
qui
eiplique
pourquoi
Descartes ne
pose pas,
que la
communication du
vrai
puisse avoir
un
rôle politique.
Par
conséquent,
le
philosophe ne cherche
pas à être
un homme
politique,
même si Descartes lui assigne la tâche d'améliorer
les
conditions de vie des hommes.
...~

........ , - _·--·-·~----1
-275-
1
1
Cette
amélioration
consiste
essentiellement
en
l'augmentation des capacités
humaines par la
création
de machines,
et en celle de la durée de ~a vie,
par les
progrés en médecine.
La soci~té civile, chez Descartes,
appartient
à
l'extériorirté et,
par
là même,
se
présente comme
le
lieu des croyances et
des préjugés.
Souvenons-nous
du
~'\\V'IV'\\.'('e":o 'fl~' -
3tr(
dernier paragraphe du
Discours de la
méthode
.~fMais
après que j'eus employé quelques années à étudier
( ... )
dans le livre du monde
et à tâcher d'acquérir quelques
expériences,
je pris un jour résolution d'étudier aussi
en moi-même
ce qui me réussit beaucoup mieux,
ce me
semble,
que si je ne me fusse
jamais éloigné ni de
mon
pays,
ni de mes
livres".
La vérité ne se trouve
donc,
qU'en soi-même,
et,
de plus,
l'auteur
ne'lui
accordè
pas un
rôle
social,
semble t-il.
Dans
l'arbre
des
Principes,
la politique ne figure pas.
Elle n'est
donc
pas conçue comme une science,
c'est-à-dire qu'elle
est
présentée
comme
n'étant
pas
à
même
d'offrir
des
certitudes.
Seul
le
probable et
le
vraisemblable
y
règnent.
,
Et,
lorsque Descartes parle
de se rendre
comme
maître et
possesseur du
monde",
cette
maîtrise
doit
avoir lieu
éventuellement dans
le domaine
technique,
elle n'est pas politique.
,
, .

Hous
ne
sommes
pas
en
présence
d'une
pensée
aristotélicienne,
selon laquelle une théorie rigoureuse
du
politique
serait
possible.
Dans
son
ouvrage
Descartes et l'ordre politique, Guenancia relève
trois
raisons pour lesquelles
Descartes écarte la
politique
de la sphère
de la connaissance
humaine.
La
première
raison,
dit-il,
est a
priori,
c'est celle
que
nous
venons
de
présenter
les
questions
d~battues
ne
peuvent
pas
être
traitées
rationnellement,
elles
semblerit indécidables par leur nature.
La seconde raison nous est donnée par Descartes,
dans sa lettre à Elisabeth de Septembre 1646.
Descartes
explique,
que les
motifs,
ou les
mobiles des
actions
humaines,
ne sont pas perçues clairement.
Dan s
l a
t.r 0 i s i ème
par U. e
d u
Dis cou r s
de
l a
méthode,
Descartes écrit.
" ...
il me semblait que le plus utiie était de me
!
régler selon ceux
avec lesquels
j'aurais
à vivre,
et
que,
pour
savoir quelles
étaient véritablement
leurs
opinions,
je devais plutôt
prendre garde
à ce
qu'ils
pratiquaient qu'à ce qu'ils
disaient,
non seulement
à
cause qu'en la corruption des moeurs
il y a peu de gens
qui veuillent dire tout ce qu'ils cl-oient,
mais aussi à
cause que plusieurs l'ignorent eux-mêmes,
car
l'acti.on
de la pensée
par laquelle
on croit
une chose,
étant
différente de celle
par laquelle on
connait qu'on
la
,
_
croit,
elles sont souvent. l'une sans l'autl'e."
.-:> C;.-{ - '.: ?
\\."

-277-
D'où,
l'idée
d'un inconscient
psychologique,
au
sens
où,
il y a des croyances ignorées de celui même qui
en
est le sujet.
Comme si en réalité,
il n'en était que le
lieu.
Ces
croyances
ne peuvent
être
décelées,
qu'à
partir
des
actions
qu 1 elles
Ln s p I r e n t .
Seules
les
actions ne mentent pas.
Cette
deuxi~me
raison,
réjoint
la
première,
puisque
l'existence
de
cet
"inconscient",
justifie
pleinement
l'idée,
selon
laquelle
une
connaissanc~
claire et distincte de la politique est impossible.
La
troisième
raison
est
la
suivante
il
n'appartient pas à un particlilier de réformer un
Etat.
NOlis
pouvons
lire,
dans
le Discours
de la
méthode,
ceci:
"
il
n'y
aurait
véritablement
point
d'apparence qu'un
p~t
particul ie l-
fit
dessein . de
réformer
un
Etat,
en
y
changeant
tout
dès
les
fondements et en
le renversant
pour le
r ed r es s e r ... "
fL 3
I
D'où le refus de la révolution.(l)
Au XVII siècle,
"il n'y
a point
d'apparence",
signifie souvent,
"il n'est' pas. raisonnable.".
L'essentiel,
c'est donc l'exercice de la pensée.
L'ordre p r op r eme n t
humain ne
se
dé f Ln I t
que
pal-
la
raison
et
la
volonté,
lorsque
la
volonté
n'est
gouvernée,
que par les lois de la raison.

-278-
Nous sommes d'accord avec Guenancia,
lorsqu'il affirme
qu'en réalité,
il s'agit
pour Descartes,
non pas
de
révéler la
politique conforme
à
la raison,
mais
de
limiter le r81e et le pouvoir du politique. c'est donc,
dans une volonté individuelle,
qu'il faut chercher
la
source de la transformation de la conduite de la vie et
des pensées.
Cette liberté
individuelle ne
doit
pas
être emprisonnée dans un projet collectif. La politique
n'est
pas
pour
Descartes,
comme
le
dit
l'auteur,
"1'accomplissement ultime de la rationalité."
Ce qui montre,
que la
communication du
vrai
exclut
toute
considération
d'ordre
politique.
L'exclusion en réalité est double
le politique est situé hors du champ de la rationalité,
d'une part,
et
d'autre
part,
la
vérité,
une
fois
découverte, ne cherche pas à s' empal-er du pol i tique.
Nous retrouvons cette idée, chez P.
Guenancia,
lorsqu'il écrit:
liChez
Descartes,
la
communauté
est
donnée,
elle
ne
pose
aucun
problème
de
genèse,
;..
d'origine et de légitimité,
c'est un
fait,
mais un fait
~.
en extériorité
par rapport
à l'individu.
Aussi
elle
possède ses lois,
sa structure,
son ordre
différents
~.
des lois,
de
la s t r uc t u r e , de
}' o r d r e que
l ' i nd Lv l du

découvre en
lui-dans
l'expérience originaire
de
son
être, clans son retour élU simple.

r
-279-
1
1
Ce
n'est
pas
en
elle-même
que
la
nature
humaine
découvre l'exigence de la structure communautaire.".
Cependant, une
lettre de
Descartes au
p***
semble devoir
apporter un
jour nouveau
au
problème.
Parlant du De Cive de HOBBES,
Descartes écrit
"Tout son but
est d'écrire en
faveur de
la
t1onal-chie;
ce qu'on
pou r r a i t
f a Lr e av an t açje us eme n t
et
plus solidement qu'il n'a fait,
en prenant des
maximes
_,
e ,le. l'< .)\\.
plus vertueuses et plus solides tl
J)~/) c~>-·\\A~-·) C-I.

J..I
.
!
, '
't"1Q
~..:~Qt,.~·· \\bII Î
f-Î v I
Descartes en effet,
affirme
qu'il ne saurait
admettre
les principes de Hobbes,
à savoir, que tous les
hOlllmes
sont méchants naturellement.
Selon lui, pour
parvenir
· ,
au même
résultat,
à
savoir
la
légitimation
de
la
Monarchie, on peut prendre
des principes plus
élevés,
· ,
!
sans poser que
cette créature,
l'homme,
qui porte
la
marque de son auteur,
une
liberté sans bornes, est
lin
loup pour son semblable .
.. ~
, i
Ainsi,
Descartes semble poser la Monarchie comme
la meilleure forme de gouvernement.
Or,
la
correspondance
de
Descartes
avec
la
Princesse Elisabeth,
et la
reine Christine
de
Suède,
conforterait,
par
son
importance,
l'idée
selon
laquelle, Descartes
aurait
voulu
faire
d'elles
des
"monarques éclairés",
en faire des ph1.1osophes
.
~ ~
1
~
· .,
f
:l!
i ~~....

", -- - .-.-------------·1
-280-
\\
L'empressement avec lequel
il répondit à
l'invitation
de la reine ch r Ls t Ln e de Suède y c o n t r Lbu e beaucoup.
Henri Gouhier aussi,
voit dans l'empressement de
Descartes à accepter l'invitation de la reine Chirstine
de suèd~,
une volonté
de mont'rer
que la
philosophie
peut "éclairer"
le politique.
rI rappelle dans ses Essais sur Descartes, que l'auteur
"envoie le
Discours au
Roi et
au Cardinal,
le
fait
p r é s e n t e r
au
Prince
d'orange
pal-
son
ami
Huygens,
accepte une pension
du ministère Mazarin
et répond
à
l'invitation de la
reine de Suède".
Et Gouhier
finit
par ces propos tirés des Principes.
"J'aurais
ensuite fait
considérer l'utilité
de
cette Philosophie et montré que,
puisqu'elle s'étend
à
tout ce
que l'esprit
l'humain
peut savoir,
on
doit
croire que c'est elle seule qui nous distingue des plus
sauvages et barbares,
et que chaque nation est d'autant
plus civilisée et polie
que les hommes y
philosophent
mieux ;
et ainsi
que
c'est le
plus g~and
bien
qui
puisse
être
en
un
Etat,
que
d'avoir
de
vrais
philosophes" .
Après ,avoir lu le Traité des Passions de Descartes,
la
reine en fit sa lecture de prédilection.
Par l'intermédiaire de Chanut,
Ambassadeur à Stockholm,
:1
\\' 1.' Il ! l'
séjourner auprès d'elle.

---"------ ---(
-~81-
!
Descartes,
l'accueillit favorablement,
malgré les mises
en garde
de M.
de
Brassaert ecclésiastique,
ami
de
Descartes,
que
l'état
de
santé
de
Descartes
préoccupait. M.
de
Brassaert tenta
vainement
de
le
dissuader,
et
de
guerre
lasse,
comme
pressentant
l'issue funeste de ce
voyage,
tommanda un portrait
du
philosophe,
avant de le laisser partir.
C'est à
cinq
heures du
matin,
que
Descartes
devait venir tous
les deux ou
trois
jours,
enseigner
SOIl
système
à
la souveraine,
dans
une
bibliothèque
glaciale.
Tout en ne se
sentant pas dans son
élément,
comme il l'écrit à Ml'.
de Brégy le 15 janvier 1950,
il
demeure à la
cour de
la Reine
Christine,
jusqu'à
sa
mort.
L'attirance ne
saurait
seule
expliquer
ce
stoïcisme à
outrance, même
si Maurice
Rat,
dans
son
livre Christine
de
Suède,
précise,
qu'avant
de
se
rendre à Stockhom,
Descartes avait acheté
"des souliers
à
croissants,
des
sabots
par
douzaines,
plusieurs
perruques,
et
fait
coudre
à
son
habit
des
ganses
blanches".
i.:
~
~
I!J\\jYV'('r'.ÎJ.D
Co: .b\\.9/)
f- Ji t"CJv..J~ w\\cv\\cL" (..,Q"~ '"J 1 Y~C.L·\\)"::I ..

-282-
Descartes
n'a
t-il
pas
vu
surtout

l'occasion
d'étendre sa pensée en la rendant familière à une
reine? De réaliser,
en quelques sorte,
le souhait
que
Platon exprimait dans la
République,
à savoir que
les
r 0 .i s
f II ~; sen t
ph j los 0 p h e s
ou
que
les
philosophes
dirigeassent la Cité?
Toujours est-il,
que ce
séjour
en Suède
apparaît
surtout
comme un
échec.
Dans
la
lettre
à
Monsieur
de
Brégy
précédemment
citée,
Descartes écrit
:
"Les pensées des hommes se gèlent ici
pendant l'hiver aussi bien que les eaux . . . .
Je vous jure que
le désir que
j'ai de retourner
dans
mon désert s'augmente
tous les
jours.
Je ne suis
pas
dans mon élément",
Le
"désert"
n'est-ce
pas
l'autre
même
de
la
société civile,
de la politique?
Nous pouvons
voir
dans ces
lignes,
plus
qu'un
trait d'esprit,
l'affirmation sans appel,
de sa non-
appartenance à la vie mondaine,
à la vie politique.
D'autant plu~
que,
ce garçon
manqué
de
Reine,
n'était guère
bonne élève,
si l'on
en croit
Maurice
Rat.
Elle n'était pas dénuée d'intelligenCe,
loin
s'~n
faut,
mais elle ne saisissait pas
toujours la pensée de
Descartes.

- - - ï
---.- •••
- ._._ ... -
~
>.~ ·-.--.-·-~-··· ..
1
-283-
Finalement,
la
politique
demeurera
extérieure,
malgré de brèves tentatives et tentations d'agir sur la
pensée de personnages politiques.
Cette extériorité
de
la politique,
se retrouve
chez Arnauld
et Nicole,
à
première vue,
de
manière
identique,
mais
l'analyse
révèle des différences importantes.
B . ARNAULD ET LE POLITIQUE
1)
- L'extériorité du politique
citons
d'abord,
les
premières
lignes
du
chapitre premier de la quatrième partie
IISi,
lorsque
l'on
considère
quelque
maxime,
on
en
connait la vérité en elle-même,
et par l'évidence qu'on
aperçoit,
qui nous
persuade sans
autre raison,
cette
sorte de connaissance s'appelle intelligence;
et
c'est
ainsi que l'on connait les premiers principes.
Mais,
si elle ne nous persuade pas par
elle-même,
on a besoin de quelque autre motif pour s'y rendre,
et
ce motif est,
ou l'autorité,
ou la
raison.
si
c'est
l'autorité qui fait
que l'esprit embrasse
ce qui
lui
est proposé,
c'est
ce qU'on appelle
foi.
Si c'est
la
raison,
alors,
ou
cette
raison ne
prodUit
pas
une
entière conviction,
laisse encore quelque doute;
et cet
acquiescement de l'esprit accompagné
de doute,
est
ce
.···r ..-
qu'on nomme· opinion ... ,II

- - --- - -. _.~-'"."-------" -- -"_..~------_•._._.._~-~ii
- 2 8 4 - !
1
Le domaine
de la
vie
sociale et
politique,
ne
relève pas du premier type de connaissance,
qu'Arnauld
appelle "intelligence".
Nous avons vu précédemment,
que ce domaine relève d'une
logique du probable,
donc appartient
à ce champ de
la
pensée,
dans
lequel
l'acquiescement
de
l'esprit,
s'accompagne toujours de doute,
si
faible soit-il.
Même
.
1J4tJ!J
si nous pouvons lire,
au début du chapitre XII(:
"Tout
ce que nous
avons dit jusqu'ici
regarde les
sciences
humaines,
purement humaines,
et les connaissances
qui
sont fondées sur l'évidence de la raison
mais,
avant
de finir,
il
est
bon
de
parler
d'autre
sorte
de
connaissance,
qui souvent n'est pas moins certaine.
ni
moins évidente
en sa
manière".
L'expression,
"en
sa
manière",
signifie autant que la nature de l'objet
est
susceptible de
rationalisation.
Or,
lorsqu'il
s'agit
des hommes et
de leurs
faits
et
gestes,
la
prudence
s'impose,
car,
"tout
homme
est
menteur,
selon
l'Ecriture,
et qu'il peut se
faire que celui qui
nous
assurera
une
chose
comme
véritable
sera
lui-même
trompé .. "
D'autant plus que,
la
vie politique est un
lieu
où l'objet
recherché est
le pouvoir,
même s ' i l
faut
commettre des mensonges,
de manière
tout a
fait cons-
ciente pour l'obtenir.
'1
~' .

..
-_.. _._.
--_. __..-...._..
_--_.~_._._,.-.--
~~
_~
:
-285-
Le discours ne
vise pas le
Vrai,
mais
l'effet.
L'éloquence et la rhétorique,
rejetées par Arnauld,
en
seront les
véritables armes,
et
non pas
le
savoir.
Cette question
mériterait
"un
ouvrage
à
part,
qui
comprendrait presque toute la mora18".
Ethique et politique sont donc
indissociables,
en
droit,
mais les hommes en font deux choses
distinctes,
et ne se
laissent guider,
que par
leurs
intérêts
et
leurs passions dans la vie
c i v i l e :
"Nous
jugeons
des
choses,
non par ce
qu'elles sont en elles-mêmes,
mais
par ce qu'elles sont
à notre égard;
et la vérité
et
l ' u t i l i t é ne sont pour nous qu'une même chose".
Et Arnauld,
de
montrer,
à
quel
point
la
vérité est bafouée au profit
de l'apparaître dans
les
milieux o~ se prennent
les décisions politiques,
ceux
de
la
Cour.
C'est-à-dire,

o~
les
hommes
se
distinguent par la
naissance et
la richesse.
Arnauld
cite ce passage
de l'Ecclesiastique
"Dives
locutus
est,
et omnes tacuerunt et verbum illius usque ad nubes
perducent;
pauper locutus est,
et dicunt
: Quis
est hic 7"(2)
.of
(Le riche parle,
tout le monde se tait et on élève
ses
paroles
jusqu'aux
nues;
le pauvre
parle,
et
on
se
demande:
qui est celui-là 7)

---- -.------.- ----.---- --..·-----·---·-------..·---l
-286-
\\
Et
Arnauld
d'ajouter,
que
la
complaisance
et
la
flatterie jouent un grand r61e dans l'approbation,
que
reçoivent les actions des "personnes de condition".
La
constation
du
caractère
illusoire
des
relations
socio-politiques,
conduit-elle
Arnauld
à
l'idée de la nécessité, pour le penseur, de
s'adresser
à la
foule
pour, par
la
c onunun i c a t f.on du
v r a I ,
la
ramener sur le droit chemin de la raison? En
d'autres
termes,
la
communication du
vrai peut-elle
avoir
un
r61e politique ?
Arnauld ne se
propose pas
de réformer
l'esprit
des grands; car, cette illusion, qui consiste à croire
que la valeur
de l'individu est
proportionnelle à
sa
naissance et sa richesse,
Arnauld
c r i t
en effet
é
(3)
" ... cette illusion est encore bien plus forte dans les
grands
mêmes,
qui
n'ont
pas
eu
soin
de
corriger
l'impression que leur
fortune fait naturellement
dans
leur esprit,
qu'elle n'est
dans
ceux qui
leur
sont
inférieurs."(4)
Souvenons-nous des Pensées de Pascal,
les
raisons des
effets
(89-104),
et les Trois
discours Sllr la condition d,es grands.
Une analyse de ces textes nous permettra de
mieux saisir la pensée d'Arnatilc1.

'._.
'_'~_'_"~"M_'~j
i
-287-
!
2) L'influence de Pascal
Les trois
discours
ont,
d'ailleurs,
~té
publiés en
1670 dans
le
Traité de
l'éducation
d'un
prince,
par le Sieur de Chanteresne,
l'un des
nombreux
pseudonymes de PielTe Nicole,
sous
le titre
:
Discours
de feu M. Pascal sur la condition des grands.
Les
pensées
intitulées
Raison
des
effets,
montrent ilIa force de
l'habit",
à savoir la
puissance
exercée par
l'apparaître des
grands sur
l'esprit
du
peuple.
Même si cet apparaître n'est guère l'essen-
tiel
;
"l'homme
est vain par
l'estime qu'il
fait
des
choses qui
ne
sont
point essentielles".
Ce
qui
ne
signifie pas que
l'on doive refuser
tout respect
aux
grands.
Bien au contraire,
"il
faut parler aux rois
~l
genoux;
il faut
se tenir
debout dans
la chambre
des
princes.
C'est une sottise et une bassesse d'esprit que
de leur refuser ces devoirs." Cependant,
il ne faut pas
penser,
que ces
signes de respect
sont adressés à
la
nature même
du prince,
ils sont
dus à
son rang
qu e
lui-même doit aux institutions.
Autrement dit,
c'est la
fonction de prince
qui
exige
ce
respect
c'est
une
grandeur
non
pas
intrinsèque,
naturelle,
mais d'établissement.

-288-
Elle est donc "factuelle", c'est-à-dire, que seuls
les
hasards des institutions, des caprices humains,
font .de
certains hommes des grands, et des autres,
des gueux et
des
roturiers.
Les
institutions
n1ayant
d'autre
légitimité que le fait,
Elles sont,
et dès lors,
selon
Pascal,
il est injuste de les violer.
c'est le fait qui
se mue en dl-oit.
Il faut donc t ou j ou r s , avoir présent à
l'esprit,
cette idée selon laquelle,
les grandeurs
que
sont la
naissance
et la
richesse,
ne sont
que
des
gl-andeurs d'établissement; mais qu'il faut les honorer.
Les "habiles" sont
ceux qui le
savent, mais
qui
acceptent l'ordre
politique.
En revdnche,
les
demi-
habiles sont ceux qui le savent, mais qui refusent
cet
ordre politique.
Dans la pensée 90 -
337
"Raison des effets" Pascal
écrit :
ilLe peuple honore les personnes de grande nais-
sance,
les
demi-habiles les
méprisent disant
que
la
naissance n'est pas un avantage de la personne mais
du
hasard.
Le$ habiles les honorent,
non par la pensée
du
peuple mais par la pensée de derrière".
cependant, Gérard
Ferreyrolles nous
invite à
nuancer
l'idée,
selon
laquelle,
pour
Pascal,
le
lieu
du
poLf t Lq ue évoque un Lqu e men t
l'idée de co n c up.is c e n c o
e t
de confusion.

-- -- -. -- - . -_.. -.-----------------.------.------_·_---------1
!
-289-
1
Même si,
comme l'auteur le rappelle,
Pascal écrit
dans
les Provinciales
:
"le diable
a mis dans le monde
qui
est son royaume,
les lois
qu'il a
voulu y
établir."
C'est dire,
qu'aucune
norme
véritable
-ne
détermine
l'ordre politique.
Comme le montre Ferreyrolles,
"le pouvoir est en
somme
désiré par
la concupiscence,
obtenu par
la force
et
perpétué par l'imagination:
trois
fées maléfiques à st?
pencher sur le destin de la cité humaine ...
La
sociét~
politique
roule
sur
les
mêmes
principes
ICI
concupiscence,
la
force,
l'imagination
qui
ont
présidé à sa naissance."
Cependant,
l'ordre
son autonomie.
Il ne doit pas être absorbé par un ordre
spirituel.
Autrement
dit,
il
faut
maintenir
la
distinction entre
le
légal et
le
moral,
et
ne
pas
prétendre,
au nom
de la
Vérité -
en l'occurrence
la
vérité
religieuse
établir
un
ordre
strictement
spirituel.
La
religion n'a pas pour rôle de donner
des
institutions à
l'Etat,
de
le
doter
d'une
armature
législative.
Elle s'adresse à l'intériorité,
et fait en
sorte que "ce que le citoyen ordinaire fait
(ou ne fait
pas)
le
plus
souvent
par crainte
du
châtiment,
le
chrétien le fait par conscience."
(Pascal et la
raison
du politique.
P.245)

-:290-
Le peuple prend les grandeurs d'établissement pour
des
grandeurs naturelles.
Mieux:
les grands .eux-mêmes
s'y
trompent.
Pascal
c r I t,
dans le
troisième
Discours,
' é
s'adressant
comme
les
autres
au
duc
de
Chevreuse
(Charles-Honoré de Chevreuse),
fils du duc de Luynes:
"Je
veux
vous
faire
connaître,
Monsieur,
votre
condition véritable;
car c'est la seule chose du monde
que les personnes de votre sorte ignorent le plus.".
Et,
dans
le
second discours.
"Il
est
bien,
Monsieur,
que vous sachiez ce que l'on vous doit,
êlfin
que vous ne prétendiez pas exiger des hommes ce qui
l1e
vous est pas dû
car c'est une injustice visible:
et
cependant,
elle
est
fort
commune
à
ceux
de
votre
condition,
parce qu'ils en ignorent la nature".
Pascal invite les grands à
en pendre conscience,
et
à
11e jamais oublier,
que leurs grandeurs
d'établissement
ne dépendent
que
de
la volonté
des
11 0111 111 e 5 ,
et
ne
définissent pas l'homme.
C'est à
l'intérieur
de
soi-même
qu'il
faut
entrer,
afin de se saisir:
"Surtout ne vous méconnais-
sez pas vous-même en croyant
que votre être a
quelque
chose de
plus
élevé
que
celui
des
autres
"
( 1 er
Dis COli r s ")
e t
plu s ha u t :
" S i
vou s
agi s s e z e x tél' i e li r e -
ment avec
les
hommes
selon
votre
rang
vous
devez
reconnaître,
par
une
pensée plus
cachée,
mais
plus
véritable,
que vous n'avez rien au-dessus d'eux.".

· _ .
.
.. __ ..
'__"' '__ ._.....__ - _._._.
._,__.. .._
-0-
.
...__ __
~
~
~_
~.
~.
~
-291-
La "rentrée" en
lui-même,
apprendra au
grand,
que seules les grandeurs naturelles,
indépendantes
des
institutions et de la volonté des hommes, méritent
des
"r e s pe c t s n a t ur'e Ls " ,
c'est
à dire
s'adressant
à
ce
qu'est l'individu,
et non à sa fonction et son rang.
L'estime
est
l'apanage
de
ces
r and eu r s
ç
naturelles,
tandis que les grandeurs d'établissement ne
sauraient prétendre qu'aux cérémonies extérieures. Même
si celles-ci s'accompagnent de la reconnaissance de
la
justice de cet ordre ... mais justice de fait,
et non de
droit. Aussi, peut-on témoigner
au prince,
un
profond
respect,
tout
en
n'ayant
pas
pour
lui
la
moindre
parcelle d'estime,
mais
au contraire,
un mépris
sans
bornes,
si
nous le
jugeons
dénué de
t o u t e
91".:\\I1deur
naturelle.
Les
institutions
sociales
n'ayant
d'autre
légitimité que le fait,
ne promettent nullement
d'être
conformes à quelque norme que se doit.
La vie politique
apparaît chez pascal,
comme le
lieu du
hasard et
du
caprice des hommes.
Ce n'est
pas à elle
de faire
de
l'homme,
un
"honnête
homme",
au
sens
pascalien
précédemment
défini.
Cependant,
en
essayant
de
communiquer la vérité
aux grands,
est-il possible
de
modifier les hommes ?
s-
"
l\\
~1 ..
ft.
li,."

~
··-,..,-1
••• _. _ _ . -
<- _
• • _ -
... · · - · · ·..
-292-
AU mieux,
cette
communication
du
Vrai
peut
éclairer
un
individu
pris
dans
sa
s Lnqu La r i t é ,
entraîner la "conversion du pécheur".
Car, encore faut-il que Dieu
veuille le toucher de
sa
grâce. Une libération collective, par la
communication
du Vrai,
est irrémédiablement écartée. Même jésus
n'a
pas été entendu de tous les hommes. La discursivité
de
la vérité n'est rien, devant
la grâce divine, car
"la
distance
infinie
des
corps
aux
esprits
figure
la
distance infiniment
plus
infinie
des
esprits
à
la
charité, car
elle
est surnaturelle."
( 5 )
Que
cette
conversion
soit
toujours
singulière,
clairement dans l'emploi au singulier de l'âme, et
les
nombrellses OCCU1Tences du pronom personnel "elle", dans
le fragment
"Sur
la
conversion
du
pécheur"
Les
premières lignes en sont une parfaite illustration:
"La p r emi
r e chose que Dieu inspire
è
à l'âme
(6)
qu'il
daigne
toucher
véritablement,
est
une
connaissance et
une vue
extraordinaire par
laquelle
l'âme considère
les choses
et elle-même
d'une
façon
toute nouvelle."
Et, contrairement
au prisonnier
libJr~ de
la
caverne platonicienne,
le converti pascalien ne saurait
revenir aux
vanités mondaines,
pas même
pour
t211 tel-
d'en détourner les autres.

-293-
Ses seules joies,
seront
les charmes et les
tourments
des prières,
dans lesquelles Dieu se donne et se d~robe
à l u i :
son
âme"
reconnaît
qu'elle doit adorer
Dieu
comme créature,
lui rendre
grâce comme redevable,
lui
satisfaire comme coupable,
le prier
comme indigente.
"
Et la prière se'fait dans la solitude,
afin
d'entendre
s'élever en soi,
loin du brouhaha "divertissant" de
la
foule,
la voix
de l'Eternel.
Le
royaume dont i l
sou-
haite être membre n'est désormais plus de ce monde.
(7)
Nous retrouverons la même démarche chez Arnauld.
3. MON ROYAUME N'EST PAS DE CE MONDE
Nous voyons
Arnauld,
montrer
aussi,
comment
les hommes
prennent
les
"grandeurs
d'établissement"
pour des
"grandeurs naturelles",
et
ce,
à cause de
la
puissance de l'éclat de leur apparaître.
Idée que n ou s
venons
de r e n c on tr e r
chez
Pascal:
"rI
est
certain ...
qu'il
y
en
a
plusieurs
qui
approuvent tout ce que font
et disent les grands,
par
un abaissement intérieur de leur esprit,
qui plie
sous
l,.
t'
~;r
1;'.'
le faix de
la grandeur,
et
qui n'a pas
la vue
assez
ferme pour en soutenir l ' é c l a t ;
et que
cette pompe
extérieure
qui les
environne
en
impose toujours un peu,
et fait quelque impression
sur
les âmes les plus
fortes".
(8)

-294-
L'habitude
d'être
frappé
par
l'éclat
de
l'apparaître
des
grands,
confortera
l'idée
selon
laquelle,
leurs
grandeurs
sont
intrinséques,
qu'ils
sont
d'une
nature
supérieure
à
celle
des
autres
hommes.
En effet,
selon
Arnauld,
"cette
accoutumance
de les
regarder avec
estime passe
insensiblement
de
leur fortune à
leur esprit ... On
leur donne donc
une
âme aussi élevée que
leur rang, on
se soumet à
leurs
opinions, et
c'est
la
raison de
la
créance
qu'ils
trouvent
ordinairement
dans
les
affaires
qu'ils
traitent."(9)
Arnauld
aussi,
comme
nous
l'avons
vu
précédemment, montre
que
l'illusion est
encore
plus
forte chez les grands eux-mêmes:
" Ils s'accoutument
à
se r e çra r de r dès leur
enfance comme une espèce
séparée
des autres hommes ; leur imagination ne les mêle jamais
dans la foule du genre humain ; ils sont toujours COl1l-
tes ou ducs à leurs yeux et jamais simplement hommes
ainsi ils se taillent une
âme et un jugement selon
la
mesure de
leur fortune,
et ne
se croient
pas
moins
au-dessus des autres
par leur esprit,
qll'ils le
sont
par leur
cond t t i cn
e t
par
leur
r:Ol'tIlI18."
( 10)
El:
Arnauld,
de
définir
les
qualités
qui
sont
dignes
d'estim..:

......----.-_.____
'-"--- ..
.
.-.-
-.-'- ...._-----_.
._-~.-
-~
1
celles qui peuvent contribuer
à trouver la vérité,
et
i
,1
IlIême,
i l ne
s'agi t pas
d'une r
l e
absolue,
car
ces
è
ç
1
qualités peuvent ~tre contrebalancées,
car il peut
se
faire
que
des
erreurs
soient
approuvées
par
"des
personnes de fort bon esprit".
Ces qualités sont les
suivantes
( 11)
l'âge,
la science,
l'étude,
l'expérience,
la,
v Lv a c Lt.é ,
]a
retenue,
l'exactitude,
le
travail.
pascal, donnait
en
~xel11ple, la
géométrie, à
laquelle.à
tort les
hommes
i,j
n'accordent qu'un respect extérieur.
l
F on t
par t i e é <]a I e men t des g l' a n cl(,li 1-s· n a tu r e I l e s,
la
lumière
d e
l',?sprit,
la
santé,
la
fOl"Ce.
Les
qu a Lt t.é s C(Jl'pol'o;l.le::: sont totalement né{Jligées,
semble
t-il, pal-
Arn au l.d .
Reprenant
la
même
démarche
que
Pascal,
no tr e au te u r
va
t e n te r d t ouv ri r
les
y,:,\\\\X
au x
r i che.s s e s .du monde futur.
l I a s su 1111::: ci LII S 1 I.' 1c1 ~ e selon l a que Il e,
" l a p lu S {J 1'.:1n cle.
de toutes lesimprude,nces
l~st ct' employer son temps
et
sa vie
autre
chose qu'à
ce qui
peut
. à
:,,:':"..-iL'
à
èl1
acquérir une
qui ne
finira jamais,
puisque t.o u
'le s
biens. et
les
maux
de, cette
.v i e
ne
sont
rien
en
comparaison de
ceux de
l'autre et
que le
danger
de
tomber dans ces maux est très grand, aussi bien que
la
difficulté d'acquérir ces biens".

-296-
, '
-~ I.~ .
.~ '.-
,t
.~ i:,
Apparemment donc,
nous retrouvons,
point par point,
les
!~t
.:j (:-',
'i\\\\~:
conceptions pascaliennes. ,Ici
aussi,
la
communication
'~:~'
du vrai ne peut agir, que sur un individu pris' dans
sa
,;j;r
:~fr
singularité. On pourrait en
tirer la conclusion
selon
laquelle,
la
communication du
vrai
n'a pas
de
rôle
politique,
car
celui
qU'elle
tire
de
l'illusion,
.....': . r .
considérera comme vains tous les richesses et
honneurs
de ce monde.
Autrement dit,
les
éclairés ne
voud ron t
Ut
pas être rois.
Cependant,
il Y a
u il po i nt sur
l equ e l
~~ rh:
Pascal
et Arnauld
ne se
rencontrent pas,
et il
est
·':lt:·
':j. ~:(
/~ ':! ~
,
,
important:
le
rôle
de la
raison
et de
la
logique.
Arnauld en
effet,
ne
fait
pas
intervenir
ici,
de
1
manière décisive
la
grâce,
même si,
comme
nous
le
1
savons,
la grâce
occupe une place
importante dans
sa
1
1
1
pensée.
Il montre
en
réalité,
comment
par
la raison
et
le
calcul
des
probalités,
l'homme
peut
sortir
de
l'illusion consistant
à
croire que
le
vie
s'arrête
ici-:-bas,
et que les richesses et les honneurs sont
les
. ..~ ' .
.. "
'.- ~.
véritables biens.
Or,
nous
avons
analysé
la
conception
arna Ldi e nne des probabil i tés,
et
f ai t
vo i l' C0111111en t
il
essayait
de
soumettre
les
événements
humains
clUX
catégories du
vrai
et
du faux,
par
le
calcul
des
probabilités.

-297-
Ce qui signifie que la raison,
le calcul,
et donc l'art
de penser en général,
à savoir la logique,
intervient
partout,
jusque dans les relations
interindividuelles.
Or, pour nous faire prendre conscience de la vanité
du
monde, Arnauld
ne
s'en remet
pas
à la
grâce,
mais
aussi à la logique.
En d'autres
termes,
nous
ne
sOlllmes pas
en
prt?sence
d'une
pensée
d'une
séparation
ontologique
radicale
entre le domaine de
la raison et celui
de. la foi.
En
fait,
la logique conduit, comme pour son
couronnement,
à la foi.
D'o~ les dernières lignes de l'ouvrage
"Ceux qui tirent cette
conclusion (que la plus
grande
des sagesse est d'employer son temps et sa vie à
autre
chose qu 1 à ce qui
peut s e rv t ryen
acquérir une qui
ne
',
finira jamais) et
qui la suivent
dans la conduite
de
leur vie
sont
prudents et
sages,
fussent-t-ils
peu
justes dans tous les raisonnements qll'ils font sur
les
matières de science
; et
ceux qui ne
la tirent
pas,
fussent-ils justes
dans tout
le r e s t e ,
sont
t r a i t
s
é
dans l'Ecriture
de
fous
et d'insensés,
et
font
un
mauvais usage
de la
logique, de
1~1 l..:!J:OOl1
et (le-
Li
vie."
La logique permet donc
d'aller très loin,
jusque
dans
le domaine des
choses divines,
malgré la
distinction
qu'Arnauld établissait
entre
"foi
humaine"
et
"foi

-208-
Cependant,
cela ne signifie nullement, que la théologie
doive, comme le domaine du politique,
être soumise à un
calcul.
Le
pari
permet
de
poser
la
nécessité
de
l'existence de Dieu, mais non
pas de se rapprocher
de
Dieu. Le rêve
de Ramus n'est
pas celui d'Arnauld,
au
contraire, celui-ci le récuse en plusieurs endroits
de
l'ouvrage.
La logique
conduit
donc
au
seuil
de
la
théologie. Ensuite,
les
données
sont
autres.
C'est
pourquoi,
la théologie est séparée de tout le reste,
et
Arnauld insiste sur le fait que la "théologie n'a
rien
à 'loir avec l'Etat".
Il insiite pour dire, que lorsqu'il s'agit de points de
doctrine,
cela
ne concerne
nullement l'Etat.
Et
que
faire
intervenir
ce
dernier,
c ' est
" a t t il' e r
les
ambitieux,
intimider les
faibles,
et
altérer par
des
respects,humains le jugement de ceux qui n'auraient pas
assez de force pour
sacrifier l'intérêt du siècle
aux
intérêts de la vérité."
(Considérations sur ce qui
s'est passé en
l'Assemblée
de la Fac
de Théol. de
Paris tenue en
Sorbonne de
4
NovembrelG55 - sur
le sujet de
la seconde Le t t r e
de
Monsieur Arnauld Docteur de Sorbone).

-299-
Ceux qui saisissent la "vanitatem mundi" opteront
pour
la théologie,
idée
que nous avons
déjà analys~e
chez
Pascal.
La communication du vrai,
conduit donc l'homme
à
se détourner,
pour ainsi
dire,
de la
poursuite
des
honneurs de ce
monde,
car seuls
"ceux qui
rapportent
leur
vie
et
leurs
actions
aux
choses
éternelles"
peuvent être désignés comme ayant un "objet solide". Et
d'ailleurs, quelques pages
plus haut, Ar n au Ld
af firme
que J'la religion ne trouble point l'ordre du monde".
La
communication du vrai n'aura point d'impact
politique.
En cela, Descartes et
Arna~ld se rejoignent, m~me
si,
selon le schéma que
nous fencontrons depuis le
début,
Arnauld innove.
Il ne
reprend
pas
la
conception
cartésienne
telle
quelle.
Il
essaie
de montrer
la
rationalisation
du
politique grâce
au calcul
des probabilités,
mais
le
changement
est
individuel
et
non
collectif.
Et
lorsqu'il réussira,
l'homme saura
que le
seul
objet
digne de l'emploi de ses forces,
c'est Dieu.
Leibniz comme
Arnauld,
installera
le vrai
jusque
dans le
politique,
mais
de plus,
pour
Leibniz,
13
logique
et
la
communication
du
vrai
aUl"OI1t
po u r
final i té 1I1t ime de ch an qe r l'ordre du monde.

-300-
Si l'idéalisme,
c'est la
théorie selon
laquelle
les
idées modifient le monde,
ne craignons pas de dire
que
Leibniz fut un idéaliste.
Et
il ne resta pas les
bras
croisés,
laissanterr~r sa pensée.
Il fut un homme d'action.
L'étendue de son oeuvre,
en
ce sens,
nous
conduit au risque
d'un déséquilibre,
à
lui consacrer le prochain chapitre.
CONCLUSION:
Le
respect de l'ordre
L'un des points essentiels qui ressort de notre
analyse est la
volonté,
tant chez
Descartes que
chez
Arnauld,
de ne point modifier l'ordre établi.
Même s ' i l
s'y trouve,
de toute
évidence des
injustices,
mieux
vaut cela que les troubles et les fronde~.
Comme si,
pour
nos auteurs,
l'existence
d'un
ordre
parfait,
est de toute
façon chose impossible.
Dans
le
passage
d'Arnauld
précédemment
ci té,
nous
voyons
l'injustice dont souffrent les pauvres.
Ce qu'un
homme
qui
voit
le
vrai
peut
faire,
c'est
non
pas
une
révolution,
mais
accorder aux
pauvres une
préférence
intérieure.
De
même,
Descartes
refuse
toute
idée
de
révolution.
rI interdit
toute parole
qui puisse
être
"préjudiciable à l'Etat",
et il affirme"
:

-301-
je
ne
saurais
aucunement
approuver
ces
humeurs
bouillonnes et inquiètes qui, n'étant appelées, ni
par
leur naissance, ni par
leur fortune,
au maniement
des
affaires publiques, ne laissent pas d'y faire toujours,
en idée, quelque réformation:'
'::0':::,c.
Son respect
des
"lois et
coutumes"
de
son
pays, proclamé dans la morale provisoire,
ainsi que
la
fidélité
à
la
religion
en
laquelle
il
est
né,
confortent
cette
idée
ct
ce
voeu
de
stabilité
politico-religieuse. Descartes,
s'en
explique
de
la
manière suivante :
"Ces
grands
corps
sont
trop
malaisés
à
relever,
~la!lt
abattus,
ou
même
à
retenir,
étant
ébranlés,
et
l e u r s « h u t.e s
ne
peuvent êtl:e
que
très
Il
1. "l
.\\ . 1
rudes.
f\\i.J \\'Cl\\!J\\Q/'i~\\
la l'enlise
en question,
pal-
110'
(l,-.II1:'::-,
de
toutes
l!?s
idées acquises.
Hats,
Li
cl':' pol~: :'; E'
tou s l es 1nell v 1elus que ne sali ra 1en t
en t.r J.omphe 1'. MêmE'
si, c (J 1111111~ I e d i t
Ar na u I ct
v Cl il',
L() li L i l ' y, t:';" t
p ci~;
pa l- f at t t
C l~ ~)
p ol n t.s
Ill: <J ,'1 1 1 F:-:
"11,111'1' 'Iii' 'III

··3n::-
qu'J!
1I\\,.:~i118111-
cl,:,
J ':~ ::,
: : 1 i i -: i ' ,:.
'-1 1 ! ,.'
, .
: j
1.'
; l ' .-j I J.e L-
fJ l. \\1:,:
c11.-0 i t :
811
au-dessus des roches, et d e .
'";IL1ant
j u s q u e s
au
[),:lS
d e s
,
p r
c ip ic es ." Ce
texte est
, -
é
e x t rai t
du
Dis CClll co;
Ainsi,
les voyages ont
appris à Descartes,
l~
relativité
des
institutions
et
des
moe u r s ,
mais
Descartes n'en tire pas
la conclusion,
selon
laquelle
il faut,
au nom de la raison,
faire la révolution.
Aussi, Henri Gouhier a-t-il raison de dire: (11)
"Elle (la r évo l ut i on ) est dé r a i s onn ab l e , car il
serait
absurde de traiter une
société temporelle cOlllme si
le
temps pouvait en être éliminé.
Elle est nécessairement vouée à un échec
: elle ne sera
jamais la substitution d t un ordre rationnel à un
o r d r e
historique,.
elle n'aboutira
jamais qu'à
l'avénement
d'un ordre également historique, elle détruit
l'oeuvre
de l'histoire,
sans instaurer le régne (le la r ats cn."
~... ~' ..

,......---.--
-303-
NOTES DU CHAPITRE l
1- C'est nous qui soulignons.
2- La Logique
de Port-Royal p 348
3- Ibidem p 349
4- Pensées 91-336
5- Pensées.
Pascal - 308-793
6- c'est nous qui soulignons
7- La Logique de Port-Royal p348
8- Ibidem p349
9- Ibidem p349
10- Ibidem p350
11- Ibidem.

--
' \\
-304- )
CHAPITRE II
LA PENSEE
POLITIQUE DE LEIBNIZ
Leibniz écrit à
l'Empereur Charles VI,
qu'il
se réserve de lui montrer,
comment,
au moyen de
cette
invention
merveilleuse
(la
caractéristique
universelle),
un
prince peut
avoir un
abrégé de
son
empire sous forme de Table
devant les yeux,
comment
à
l'aide de ces
tables,
il peut
calculer le nomb~e,
la
subsistance,
et l'entretien de ses sujets,
et tenir ses
finances en
bon ordre.
Leibniz
pose donc
ainsi,
la
possibilité d'une rationalisation de la chose publique,
par
l'application
d'une
logique
mathématique.
Le
domaine de la vie
publique n'est pas répudié
purement
et simplement,
comme réfractaire
à la
rationalisation
Il
croit
possible,
d'appliquer
le
calcul
des
probabilités à la morale,
et à la politique.
Waldemar
Voisé,
dans
l'article
"La
mathématique
politique et
l'Histoire
raisonnée
dahS
le
specimen
demonstrationum
politicarum
de
Leibniz"
(Leibniz
-
ff (;
Aspects de
l'homme et
de l'oeuvre)
-
montre
que
la
"tendance à mathématiser" toutes les sciences constit.lle
11,:) S Jg ne
G f.l L" élG t lfJ r 1:.; t J q \\1':\\
du
c l J.1I1 () ,-_.
III t: wI :1 c" .:: t; \\Il} l ,
\\
.:.\\
l'époque où le
jeune Leibniz étudiait
la science
des
lois.

-305-
Dans ce domaine,
Grotius et
Hobbes eurent sur lui
une
influence décisive.
Grotius
se
propose
les
mathématiques
comme
modèle,
applicable aux sciences juridique et politique,
tandis
qu'Hobbes
cherche
à
mettre
en
place,
une.
véritable théorie des
"corps politiques",
en
analogie
avec les corps physiques.
En 1667,
Spinoza
achève
l'Ethique
demontrée
suivant l'ordre
géométrique,
il tente
de
mettre.
en
place une morale,
une "philosophie géométrique".
Dans le spécimen,
publié en 1669,
Leibniz s'efforce
de
démontrer
que
le
politique
est
susceptible
d'être
déductif et démonstratif.
Ce
qui
signifie,
que
l'homme
peut
y
tirer
des
conclusions nécessaires,
à partir de données.
Par
conséquent,
le
politique
est
considéré
comme
rationnel,
et non pas livré aux caprices du hasard.
L'article de
Waldemar
Voisé a
l'avantage
de
nous montrer,
de manière
concise,
que
non
seulement
l'idée d'une
mathématisation du
politique était
dans
l ' a i r
du
temps,
mais
qu'en
plus
des
ouvrages
se
proposant
ce
but
ont
vu
le
jour.
Ces
auteurs
s'attachent surtout à l'induction et à la statistiquè.

-30ô-
C'est,
affirme Voisé,
grâce à Fontenelle,
que
nous connaissons des
auteurs soucieux de
IIquantifier"
les faits
politiques.
Vauban
lie
la
statistique
à
l'économie politique.William Petty publie deux ouvrages
en 1687
:
(
{)
b LI
)
Two Essays in political arithmetic
et
Five Essays in political arthmetic"
Si le politique devient
ainsi une science,
un
domaine rationnel,
la
communication
du
vrai
pourra
changer l'ordre
politique. Une
meilleure gestion
des
hommes sera possible.
D'où
la
phrase
de
Leibniz
sur
laquelle
s'achève
l'article:
IIUn siècle
philosophique va naître,

le
souci d e
la véri té
gagnant au-dehors
des écoles,
se
(
r:
répandra même parmi les politiques."
f b .;
Soulignons ce "même", qui montre
à quel point,
il
est
difficile de
s'imaginer les
hommes se
conduisant
de
manière
rationnelle,
suivant
les
principes
de
la
raison.
En d'autres
termes,
l'idée
selon laquelle
le
politique
est
l'endroit
du
paraître
et
de
la
sophistique,
a la vie dure.

-_.
_ ....
.. __ ._. __. . . _ .
. __ .. _+__
.•
...-.
~_._~,
~ ~
~k_._
-307-
. Foucher de careil a-t'""il raison,
de
présenter
cette conception leibnizienne comme une sorte de folie,
lorsqu'il
écrit
qu'il
s'est
laissé
emporter
à
ce
frivole espoir qui fGt le tort de Laplace, de soumettre
les événements humains au calcul ?
l
- Leibniz et le Droit
Dans sa lettre du 7
Février 1715 .à l'Abb~
de
Saint-Pierre, Leibniz écrit
" je me suis appliqut? dès
ma jeunesse
au Droit,
et particulièrement
celui
des
gens."
Et, c'est justement du point
de vue du
droit,
que Leibniz
aborde la
question du
politique. Ce
que
l'on peut appeler son "échec" politique,
ne serait
-il
pas dG,
justement, au fait que l'idée du droit fait les
grands
jurisconsultes,
et
non
pas
les
grands
i .
politiques.
Leibniz a beaucoup contribué en effet à la mise
en
place
d'une
théorie
des
devoirs
juridiques,
ou moraux et des notions d'obligation,
d'int.erdiction,
de permission
etc ...
Dans son ouvrage Leibniz et l'Ecole moderne du
Droi t Naturel,
René
Sève
nous donne
un
résum~
des
r:.
.~ .
travaux de Leibniz dans ce domaine .

-308-
Le tableau de la page 104
du livre nous donne une
vue
synoptique des axiomes de Leibniz
:
(1)
Juste,
lucide
lest tout
\\Possible
Pour
Injuste,
illicite
Ice qu'il estlImpossiblel
l'homme
Equitable,
dn
INécessairelbon d'ac
complir
Indifférent
Icontingentl
De ces
axiomes,
découlent
d'autres
vérités
obtenues
par
déduction.
Nous
voyons
déjà,
que
ce
tableau est un premier pas vers l'expression logique du
droit.
1
Mais,
cette expression
a un fondement,
qu'il
faut
de
nouveau chercher dans la métaphysique de Leibniz.
c'est
de nouveau la rationalité divine et ses lois éternelles
qui s'expriment dans
le droit.
Le droit constitue,
lui
aussi,
un point de
vue
sur Dieu.
Dieu
n'est pas
le créateur du
jllste et
de
l'injuste,
du Bien et du Mal.
Ce qui reviendrait à dire
qu'il
aurait ~u choisir autrement.
De même que
Leibniz
refuse l'idée d'une création des vérités
géométriques,
de même
refuse
t - i l
l'idée d'une création des
vérités
morales.

-]09-
Cette théorie volontariste
d'obédience occamienne
lui
semble absurde,
et destructrice
de "la
confiance
en
Dieu qui fait notre repos
et l'amour de Dieu qui
fait
notre félicité."
René Sève montre, que Leibniz verra chez
tous
les auteurs
de
l'Ecole,
tous
les
naturalistes,
des
occamiens
plus
ou
moins
déclarés.
Seul
Grotius
échappera au reproche d'occamisme.
Selon Leibniz en effet,
la justice ne
dépend
point des règles arbitraires des' supérieul~,
serait-ce
Dieu, mais de
règles de bonté
qui sont éternelles
et
qui e x i s t e nt
élUSS:L
bi e n en Dieu qu'en l' homme . De
mêlllt'
que Dieu obéit au principe de raison suffisante et à la
loi de la non-contradiction, de même obeit-il aux
lois
d'une
justice
éternelle.
Cette
justice
ne
saurait
échapper à la logique, et c'est là un des arguments
en
faveur de la thèse,
selon laquelle la pensée de Leibniz
est un,panlogisme.
Le véritable Dieu
leibnizien,
semble être
en
réalité la logique elle-même. Cependant,
la rationali-
sation du droit
se heurte
à des limites.
Car il
est
inévitable, qu'à'l'intérieur
d'un ensemble de
règles,
apparaissent
entre
elles
des
conflit.s,
et
des
oppositions. Leibniz les nomme "entre-empêchements".
~.' .

.. -...-.---._-_.... -...- ....- .- -.-.--- ----·-····--ï
·-
!
-310.,.
Faut-il donc envisager des exceptions,
ce qui
mettrait
en cause l'idée de la nécessité éternelle des règles du
droit?
Selon Leibniz,
les
règles du
droit
naturel
n'ont pas d'exception et sont immuables.
Le système est
cohérent.
C'est
lorsque
lion
considère
les
lois
séparément
que
d'apparents
"entre-empêchements"
se
profilent.
Dans Leibniz et les antinomies en droit,
l'auteur A.Bayard,
commence
par rappeler,
qu'en
1666,
Leibniz présente
une
thèse
de doctorat
en
droit.
"Specimen difficultates in jure dissertatio de
casibus
perplexis".
Un cas
est
dit
douteux,
lorsque
de
deux
solutions
possibles,
aucune
ne
slimpose.
lorsque de deux solutions possibles mais
incompatibles
1 .
entre elles,
chacune peut prétendre,
s'imposer.
:.
Les cas perplexes
correspondent aux antinomies,
comme
le montre d'ailleurs Kant. La thèse et l'antithèse sont
aussi défendables l'une
que l'autre.
Les cas
dout.eux
correspondent aux lacunes en droit.
Selon
Bayard,
Leibniz,
soucieux
de
clarté
et
de
rigueur, procède'
à
une classification
simplifiée
et
propose trois
règl es
très s impl es
qu i.
perme t trai en t
d'apt-ès lui, de résoudre tous les cas perplexes.
' .•:

··"·-ï
___. _ .
• ...o.-.~ _ _ •
. _ . . . . - - . _ ._ _ .....
~ :,'
-311"':
1
Regula l
Dispositio perplexa invalida
est,
et qui se s upe r ea fundat,
nil
Regula II - In c o n c u r s u
perplexo
ad
rem
indivisibilem
et
incommunicabilem
concurrentes omnes carebunt.
Regula
III
In concursu
perplexo
ad
rem
divisibilem
aut
communicalilem
litigel1tes
oml1es
admittentur pro rata.
Ces règles peuvent aboutir à des solutions peu
pratiques voire peu équitables,
seloll Bayard.
Mais en
réalité,
toutes les
.Lo i s
s' accordent
e n tr e
elles "par
l'espl-it
commun
qui fait
la
justice
de
toutes ensemble."
Ainsi la rationalité et la nécessité des lois du
droit
naturel ne sont pas fondamentalement remises en cause.
II.
-
Les faits:
le rôle politique de Leibniz
Contrairement à Descartes,
Leibniz a joué
un
rôle dans la vie politique de son pays.
L'un des
faits
i.",
i'
l,'
déterminants,
fut la rencontre,
à NUremberg, du
baron
de Boinebourg en
1667.
Le diplomate
Ullit le savant
à
ses tentatives politiques d'union religieuse.
Il serait
réducteur de poser, que
cette rencontre a fait
naître
chez Leibniz,
uqe
orientation politique.
Il faut,
élU
con t rai r e,
v0 i L- que s a 11 s I ' II 11 ive l'sa 1 J sille f 0 Il d d 111 e 11 l: a l
cl t?
Leibniz, cette rencontre serait demeuré~ lettre
morte.
(2)

_.~--_.------_ ..-~- -'
- - -- ~ ._-~------_.-
-312-
Aussi,
rejoignons-nous Jean Baruzi,
lorsqu'il écrit que
1 •
l'action de Leibniz devient
universelle, parce que
sa
pensée
était
empreinte
d'universalité
et,
que
\\.
l'universalité
de
Leibniz
ne
se
manifeste
si
puissamment, que
parce
qu'elle jaillit
d'une
source
matéphysique.
L'amitié de
Boinebourg décide
Leibniz à
se
fixer à Mayence où il devient conseiller de l'électellr.
Pendant qu'ils sont à Schwalbach, Leibl1iz se charge
de
r
d Lçer en
trois
jours les
pensées
patriotiques
de
l
é
Bo i.n eb ou r q .
L'i.dée essentielle de Leibniz est qu'il est
dangereux d'avoir la France pour ennemie sur les
bords
du Rhin.
rI vaut donc mieux l'avoir pour amie, afin
de
l'empêcher
d'avancer
en
lui
opposant
une
ceinture
d'alliés
dont
elle
soit
forcée
de
respecter
le
territoire. Cet
optimisme ne
dura guère.
rI
devient
évident
qu'il
n'y
a
pas
à
espérer
la
paix
de
l'Allemagne de la part
de la France. Leibniz
adoptera
désormais un ton dur qui dominera dans tous les
écrits
. r
du "patriote allemand".
Pourtant Leibniz ne cesse de répéter que pOUL'
lui "quoiqu'il soit allemand,
il
ne laisse pas
d'être
un admirateur
zélé
de la
vertu
française".
Le j 1) ni:.::
essaiera de
détourner
] es
armes cie
Louis
XIV
v e rs
l'Orient,
soit par une guerre sainte contre les
Turcs,
soit par la conquête de l'Egypte.
j .,

-313-
'.;.,~.
Jean
Baruzi,
dans
Leibniz
et
l'organisation
religieuse'
de
la
à
quel
point
l'expédition d'Egypte importait à Leibniz.
L'auteur
va
.~:.~t
, (-'"
l.
jusqu'à dire que "Leibniz
fut hanté par l'Orient".
Le
'1
~.
i:
!"
i
'f -
premier ch ap I t r e de
l'ouvrage app ar a î t
c onuue
mû r e men t;
,V
) '
réfléchi.
Leibniz é c r i t :
, f·
\\
,1"
T
" r i y
a qua t r e ans
que ce proj et
d' Egypte
,
1 •
.
est né
en mon
esprit,
alors
que
je
médit.ais sur
la
souveraineté générale et
sur l'état du
monde et
que
.'
j'examinais ce qui,
en
partant du présent,
paraissait
,,-':
devoir être souhaité et préféré pour l'avenir".
L'Egypte
est
un
point
stratégique
d'importance,
et Leibniz en est tout à fait
conscient.
Quand l'Egypte sera occupée,
c'est le fondement de
la
puissance chrétienne qui sera posé en Afrique.
Cependant,
nous verrons
plus loin qu'il
est
plus facile de répandre la "théologie rationnelle",
qui
se trouve enfouie
en tout
homme,
que
telle 0\\\\
telle
"
religion avec ses dogmes et son culte.
D'ailleurs,
la
chrétienneté
est
alors
tout
à
fait
déchirée.
Mais la
guerre de Hollande
et le Traité
de
Nimègue
en
1677,
montrent
que
ces
e s po i r s
sont
illusoires.

· - ... -._-_._----------_. ------ _. __ ._.•..._]
-314-
D'oG,
le premier pamphlet de Leibniz, dont le titre est
tout à fait
éloquent (5)
Mars Christianismmus
La
France se met
au-dessus des
lois et
du droit.
Selon
Leibniz, la France
s'allie avec les
Turcs contre
les
Chrétiens.
Les
écrits
politiques
de
Leibniz
se
multiplient. Toutefois,
il ne
faut pas en exagèrer
la
portée concrète sur les évènements.
Nous
voyons
par
là,
que
POUL-
Leibniz,
le
philosophe a un rôle à jouer dans la vie politique.
Si
les ho~mes consllitaient la raison,
ils se reconcilie-
raient. La
communication du
vrai,
la
soumission
des
événements humains au calcul, devrait rendre
évidentes
les erreurs des hommes,
et permettre de les
corrjger,
aussi simplement qu'une elTeur de calcul.
Ld cOllllllunica-
tion du
vrai
a une
finalité
collective et
non
pas
pu r erue n t
i n d I v idue Il e .
Nous
a von s
vu
p r é cé denuue n t
l'individualisme cartésien. Cette notion est totalement
remise en cause chez Leibniz,
car l'individu,
s'il
est
l'expression de
la totalité,
n'en
est
pas llloins
un
point de vue limité.
]:lour
saisir la totalité,
il
faut
";..
multiplier
les
perspectives.
Donc,
mieux
que
l'individu, c'est l'Etat qui
exprime de manière
moins
l'·· - ..
confuse la totalité.
1

(ifP' -'
-315-
Et lorsqu'on s'ouvrira jusqu'aux limites de l'humanit~,
l'expression sera encore plus
claire. D'où,
le
projet
leibni~ien d'une
organisation
de
la
terre
tout
entière. c'est
ce
qui fait dire
à Jean Baruzi,
dans
l'ouvrage précédemment cité, que toute sa vie,
Leibniz
chercha connne n t,
l'agrandissement
du
mond e
se
peut
.tradllire politiquement. C'est en
cela que religion
et
politique se rejoignent.
Le projet d'Eqypte,
nous
venons de le p r s e n
é
t e r
c omm e
une tentative de détourner
l'élan belliqueux de
Louis
XIV vers l'Orient pour épargner l'Europe. Mais,
il
est
aussi ·le fruit d'une volonté d'expansion religieuse,
la
religion étant l'Universel par excellence. Leibniz voit
dans l'Egypte un point s t r a t é
Lqu e inappréciable,
en
ç
,::e
qu'elle constitue
l'unique
entrée terrestre
de
deux
parties du monde:
l'Afrique et l'Asie.
Leibniz
écrit
"quand
l'Egypte
sera
occupée,
le
fondement de
la
puissance
chrétienne
sera
posé
en
Afrique ; et les Barbares ne penseront plus à
envallir,
mais à se garder".
Examinons maintenant,
la pensée
religieuse
de
Leibniz.

· -- -_.
.. __.-... _---_... . ..__. _.... _..
--j
-~_
_---~-
WSP
-316-
!
i
1
III. -
La pensée religieuse
Foi et raison
A./ L'irénisme au XVIIe siécle
Ce
serait
~.!' ..~
.............
Leibniz est
le seul
en raison
de sa
m~taphysique
à
oeuvrer pour la r~conciliation
des catholiques et
des
protestants. En
Europe luthérienne,
règnait au
XVIIe
siècle une- forte aspiration à l'unité chrétienne. Cette
Eu r op e est lasse des guerres e n t r a i n e s pal-
é
le s passions
religieuses
et
leurs
cortèges
de
contradictions.
L'anarchie la plus complète existait,
car, en vertu
du
principe de libre examen, de nombreuses sectes voyaient
le jour. Devant un tel désordre, nombreux ~taient ceux,
qui
souhaitaient
la
paix
et
l'unité
de
I 'Eglise.
Cependant, ce qui fait de Leibniz un cas à part, c'est,
comme nous venons de le
montrer, que sa conviction
et
son désir
de l'unité,
découlent naturellement
de
sa
mataphysique. Sa
soif
d'universalité
s'exprime
dans
tous les domaines.
B.
- Il faut deux yeux pour voir
Leibniz pose l'idée selon laquelle la foi et la
raison
ne s'opposent guère. Bien au contraire,
supprimer l'une
ou l'autre,
c'est comme
se crever
l'oeil pOlir
mieux
voir.

.- _._-_. --_._-- ._.__ .-.
. . _-_ ...- - - -
-317-
La foi exprime, de son point de vue,
la rationalité
de
11Univers, elle ne saurait
donc être en
contradiction
avec elle.
Pour Leibniz,
la religion est
universelle,
il faut
l'étendre à
toute la
terre.
Elle
n'est
pas
seulement individuelle. Aussi les propos de Jean Baruzi
prennent-ils tout leurs sens,
une fois compris le
fait
i.
que la
religion
doit
réaliser l'union
de
tous
les
hommes:
"La religion pour Leibniz n'est pas
seulement
individuelle, mais universelle.
Elle est
l'unification
sp Lr Lt.ue l.Le de t ou te s les forces humaines. La
c r a ti ou
é
de l'humanité,
le "commerce." des corps et des
e sp ri t s ,

J
.~....,
; '
qu'est-ce
autre
chose
que
9iol
la
l-eu.
1 () \\ d~Vleol~~an~.1
concrète,
la théorie devenant pratique"?
l L- / 1...."
l ' 1 1 (-e-
Ainsi,
nous
avons
vu,
que
l' expé d I tion l- en P{)v·vL:
--- ...At.
Egypte n'est
pas
un
projet
purement
commercial
et
politique,
mais
relève
de
la
volonté
leibnizienne
d'expansion religieuse.
Cette volonté est d'autant
plus forte qu'elle aussi
a
une assise métaphysique. Aucun peuple n'est
totalement
dans le faux,
aucune religion n'est totalement erronée.
Chaque religion exprime la vraie religion à son niveau,
de même
que chaque
monade exprime
l'univers, de
son
point de vue.

--_.
- --_._----------_..-_ .
..- ._--- _
-
_-_
__
--_._--_.-~.
.--_._ .._.
-318-
Par conséquent,
il
faut
essayer
de
d~couvrir
les
éléments de vérité,
qui existent dans chaque
religion,
et à partir d'eux,
mener les hommes petit à petit à
la
,
vérité
religieuse.
Il
Y
a,
pour
ainsi,
dire
une
religion universelle plus ou moins confusément exprim~e
par les religions particulières.
selon Leibniz,
il est
possible de
retrouver
dans la religion des Chinois,
cette religion naturelle,
universelle.
Nous
reviendrons
SUl-
ce
point
dans
lin
chapitre prochain,
consacré
aux rapports
de
Leibni::
avec la Chine.
Nous nous bornerons ici,
à l'analyse des
efforts
leibniziens,
pour
la
réconciliation
des
catholiques et
des protestants.Cette
question a
déjà
été abordée dans le chapitre consacré à l'analyse de
la
forme épistolaire.
Nous
avons vu
dans quelle
mesure,
l'intransigeance
de
Bossuet
a
réduit
à
néant
les
efforts de
rapprochement
de Leibniz.
L'optimisme
de
Leibniz apparait
dans
sa lettre
de
Septe~bre
1693,
adressée à Madame de Brinon
(4)
"Vous avez raison de dire que,
de la
manière
dont nous nous Y prenons,
il semble que les catholiques
deviendraient
aussi
tous
protestants,
et
que
les
protestants deviendraient catholiques.
Il en viendra lin
mixte,
s ' i l plaît
à Dieu,
qui aura
tout
ce que
vous
reconnaissez de
bien
en nous,
et
tOllt ce
que
nous
reconnaissons de bon en vous ... ".

..
-319-
Voici
exprimé,
le
rêve
Leibnizien
de
rèconciliation des
Eglises,
comme nous
l'avons
déjà
rencontré.
Cependant,
existe-t-il,
à la. façon
ramiste,
une logique capable de convertir les hommes,
et de leur
montrer,
de manière infaillible,
le chemin à suivre
en
matière de religion ?
Leibniz a lu le. livre de Pellisson,
concernant
les problèmes
de la
religion.
Dans une
lettre
dans
laquelle il commente le livre,
Leibniz écrit
:
"Il me
s e mb l e qu'on
doit d erue u r e r
d t a c c o r d
avec l'auteur, que pour être d'une religion,
et surtout
pour la changer,
il faut croire d'en avoir des
raisons
considérables,
car,
comme la religion consiste en
d e u x
\\
..
r-r-r-:-.
choses,
dans
la
croyance et
dans
le cult.e,
:il
est
visible qu'on ne
saurait rien croire,
si on ne
pense
d'en avoir quelque preuve ou fondement".
Les
deux
notions
de
"preuves"
et
de
"fondement"
montrent clairement,
que
même la foi
doit être
basée
sur des principes rationnels.
Ce
qui
justifie
pleinement,
ce
que
nous
disions précédemment,
à savoir que la foi e xp r Lm e
elle
aussi la rationalité de l'univers et de Diell.
De
plus,
un peu plus loin dans cette lettre,
Leibniz réclame les
mêmes
critères
de
vérité
à
la
religion
qu'aux
rai s <.1 n n e ine n t s sei en t. i f i que s .
i
.
li:,.:,··

-320-
Nous avons
souligné
l'importance des
marques
de
la
vérité et
par conséquent
des signes.
Or,
l'image
de
l'essayeur
d'or
revient
à
propos
de
la
religion.
Leibniz
écrit,
parlant
de
la
lumière
intérieure
qu'irivoquent certaines
personnes
pour
défendre
leur
religion :
"comme cette
lumière intérieure
prétendue
est sujette à
caution,
et que
l'examen de
conscience
sur ce
sujet
est
assez difficile,
je·
voudrais
que
Monsieur Pellisson eGt
écrit et
traité exactement
ce
point
important,
en
nous
expliquant
les
marques
Ln t
r
é
Le u r e s de la lumière divine qui la distinguent
dt>
l'illusion, comme l'or
se r e conn a I t à
la co u Le u r ,
au
poids, et à d'autres marques sensibles".
Cependan t,
cette
lettre
s'ach~ve
sur
un
constat d'échec plus ou moins e xp Lt.ci te . Le Lbn i z s emb l e
se défier de la possibilité de rendre raison entière-
ment de
la
religion
et penser
qu e
les
d i s cu s s Lon s
nécessaires,
qui
ne
saura ien t
ma Lh e u r eu s eme n t
se
réduire à
des calculs,
ne
pourraient pas
opérer
la
réconciliation.
La
communication du
vrai paraît
donc
vouée à l'échec dans ce domaine précis. Est-ce dG à
la
nature même de la matière ?
Assurément
non.
Les
résisti1nces
viennent
surtout des théologiens
qui posent certains
principes
sans justification aucune,
et refUS811t d'en
démord!"\\.?
Pélr exemple
CJu' il
n'
o
1
y a
de t h é
Lo qi e n s
j Il falll tb l es:
que dans l'Eglise romaine.

·IL Y-
-- -... 'ze- _Ms III
.....---."-..-.....- ----- -----
-- -------- - • -~-- - --. -- -- • &. -_•••••• ~.
-321-
Ces principes
sont
en
réalité,
selon
Leibniz,
des
préjugés
qui
compromettent
toute
discussion
rationnelle.
Ils
jouent
le
rôle
d'obstacle
epistémologique au sens bachelardien du terme,
dans
la
mesure o~ ils empêchent l'apaisement des passions,
afin
que la raison,
par son universalité, puisse réconcilier
les esprits,
et constituer
véritablement la "cité
des
esprits",
Leibniz se tournera vers
Bossuet,
nous l'avons
vu
précédemment,
mais ce dialoque irénique Leibniz-Bossuet
se soldera par
un échec. (5)
Cela
signifie -t-il,
que
Leibniz est un incorrigible utopiste ?,
~..
..'.
.
- , "
:$.
,

-322-
CONCLUSION :
La
politique
et
le
droit
sont
donc
des
domaines dans lesquels
une rationalisation est
conçue
comme
souhaitable
et
tout
à
fait
possible.
La
communication du
vrai dans
ce champ
permettrait
de
modifier la vie des
hommes. Les princes
auraient
une
meilleure gestion de leur Etat,
tandis que le droit des
gens serait fiable car
logique et mathématique.
D'une
certaine
manière,
la
forme
d'organisation
sociale
importe peu, monarchique
ou autre, qu'importe,
pourvu
que les hommes ne soient
pas soumis à l'arbitraire
et
que leur bien-être soit assuré.
En revanche,
la religion,
tout en n'~tant pas
exclue du domaine
du vrai,
est
lin Lie u de
r s i s tan c e
é
farouche.
La
communication du
vrai y
semble, dès
le
début, vouée à l'échec.
Faut-lI en c o n c l.u r e que, ma Lq r é
les efforts de Leibniz pour d~montrer le contraire,
la
. • J'
religion appartient à
un ordre
ontologique autre
que
celui de la raison ?
Les problèmes
rencontrés
par
les
missions
.;
"
,."
religieuses
désireuses
de
convertir
les
chinois
montrent qu'en
matière
de
religioll,
les
opé r a t i on s
n'ont pas la simplicité des opérations de calcul.
r-r-:-:
~~.:

Leibniz se
penche
sur
cette
question,
et
pose
de
man Lè r e plus
ou
nio i n s
explicité le
p r ob Lème
dt?
la
(-1.'33·-I~V communication du vrai, Lor squ t i I S'agit d'un peupl e
(6~t-30Y\\.
t r an qe r ,
et
p a r t Lc u l Lè r eme n t
de la
ch ine .
Eti2l11ble
~
é
.P D-C
dira d e Le ib n i z
:
Le~Ç~ kJf ~0t'~~_
"Depuis
Nontaicrne,
sans
d o u t e
fùt.-il
. _ - 0 - -
JvJ()eJv'v)
oJ
A) ~ ~ premier ElIropéen d' Lmpor t ance qni ai t compris qu' après
(2) I.t ~ ~ la découverte dès Indes, on ne pouvait ni pe ns e r , n i
\\}JY\\lAJ"
gouverner,
comme
si
cet
événement
ne
s'~tait
pas
~
Au~ -\\~~
: .~ ~wYY'JYY~
1
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-
l~-Y
~ 1 l.v.\\., "';)
.~ Sv:> _ A C ~~
l.J..)\\rÙJ"vVt0
A:::) 1
zsllA"""

-324-
NOTES DU CHAPITRE II
1.
-
Les
textes app a r t i.enr.. ent aux
brouillons
datant de 1672 à 1676,
qui
devaient servir à un ouvragë
intitulé
Elementa
juris naturalis.
2.- Jean Baruzi Leibniz et l'organisation
religieuse de la terre p
204
- - -
3.- La
table des
volumes est
f o r t
éloquente
à
les
oeuvres
de
t.e t.bn i z
portant
sur
l'Ili s t o i r e
et
]-,\\
pol i t i Cl LI e dan s
S ë :3
V 0 Lume S
III
t~ t
IV.
Table (lu
3e vo Illlne
Hars christianismtls notes du H.C
Ilotes (lu H. C,
Rem a r qu e s s u r
un
I i v r e j n tit.u l è
p r i n c e s
de
l'Europe.
111 d n jo f est e
f r a Il ç.::1 I s ,
<:~ 1
a v .;: T t j :': S e III '''' n t s .
XXII
o r donn an c es
d e
Louis
XIII
aVI~C
Re ms r qu e s
de
Leibniz.

-325-
Demandes d'infonnations avant son d é p a r t
pour Vienne.
Rai son s
t o U c 11 a n t
l d
ÇJ U e I.T e
0 II
l' a c c 0 III m0 d t' me Il t
a v e c
l cl
France.
Consultations sur les affaires générales en 1691 status
Europae incipiente nova séleculo 1700
La
justice eucou r a qé e c o n t r e les menaces d'un
partisan
cles BOl1rbonf::.
i a Loçju e e n tr e un c a rd i n a I
et l'amirauté de Castille.
ü
t.e i bu iz ...
'l'ahle du 4ème volullle
-
Paix d'utrecht inexcusable
-
Pa i.x d'utrecht inexcusable mise dans son jour par un e
lettre à Milord Tery
-
Consultation abrégée sur l'état des
a f f a i r e s
- Hoyen::;
-
néflexiolls d t uu hollandais s u r
la Le r t r e c ou t.r e les
s o up i r S de l' Eu r op e
-
No u ve Il es ré flexions
SUL-
l ' é ta t: des a f f a il-es
-
Lettre d'un p a t r i.o t.e à la s
r
é
é n i s s Lrue
r é pub l f q ue de
VérJ1Se
COIl:3iclél-~lti0I1::; r e La t.Lve s à la paix ou ~l 1.:1 \\jl1,,"LTt~
J(,~fl(~:xiOJi::: po l Lt Lq u e s
f a i te s
avant
la p a I x de R;'l:ë:t.JcH

-J:26-
Projet d'alliance avec les puissances du Uord,
1713
Con s i dé 1-a t ion s
s u r
l a pa i x qui s e t rai te à Ras t a Li t
-
Idées bizalTes et romanesques au sujet des affaires
d'Etat
- Mémoire sur] 'alliance cle l'Empereur avec: le Roy
d t An q l e t e r r e
- Mémoire sur la situation politique
Héliloire pour d e s
cJl"lllêlllents d e mer SO\\l~ c omm i s s l.on d2
sa Majesté Impériale
-
Lettre de Lt:ô:ibniz à l'EmpeL-eul- au sujet du p r o j e t
de
YE::rsland
-
Ker of l-\\:e1"81al1c1' s political meruo i r
Méllloire sur des ma t i è r e s politiques
-
A l'Empereur
-
Lettre de Leibniz à l'abbé Saint-Pierre
obs e r v a t i on sur le projet d'11l18 p a i x per p
t.u e Ll e .
pal-
é
M. L'abbÉ: de Saint-Pierre
4.
-
cité p a r
Je a n Bani;':]
-
KloppII,
p.38S
v
5.
-
Fra n ç 0 i s Ga q II è r (~ dan S s 011 0 II V r a g t.~ :L n t i t u l é " 1.'"
dLa l o qu e
t r
n Lqn e
Bossue.t-Ll::ibnL:",
c o n rLu L
sur
é
"1ë~
raisons
d'Ull
écl1ec
Il
montrant
a j n s i
Cl u ,:.
le
di a l orru e BO:3511et-Lej b n iz n e Illèl1era 111111.::: pa r t.

-3~7-
f . G3qUÈ: re
mon t r e bien,
que l'idée d'une
réunifjcatiol1
de 11ECJlise est souhaitée par beaucoup.
Aussi
intitule
t - i l s 011 P1-e mi er c 11 api t re
" LaN 0 st a 1 9 i e d e I ' uni té,
e 11
Europe Lu t hé r i.e n ne au milieu du XVIIe siècle".
Gaqllère rappelle l' o e u v r e de Geol'CJes GaUx!:e,
des
Pd,nces allemands,
de Spinola,
en ce sens.
Mais
les obstacles
à la
réllnion ont eu
raison de
ct:'
voeu.
Car
les
conc1i t i ou s
d e
la
réconcialjEltion
s e 111 b lai e n t i n a c c e Il LI b les il R0 111 L' .
Ga Cl u ère n o 11 ~;
L3 pp e Il e
lès é v é n te' Illl" n t: s 1\\ i s t 0)' i Cl u e s
suivants
" En
1680
tentative
c a t ho l Lc o-Tu t h
r t enn e
é
autour d'un o nv r a q e
Paix religieuse.
-
En Suède,
il y eut des pou r p a r Le r s
auxquels
seraient
mêlés L' évèque
d' Av r au c h e s ,
Huet,
ainsi que
Bossuet.
Mais la Révocation de l'Edit
de Nantes,
en 168:"
vint
tout compromettre.
-
En Alsace,
en 1681,
les
partisans de la
c onv e r s Lcn
des évangéliques trouvent
un porte-parolt:'
en l t:'
Père
Dez,
de la compagnie de Jésus.
CE:lui-ci sr e f f o r c e de c1~1I1011trer d e n s des co n f
r e n c e s
e
é
t.
r:i (: ri
cl:,111 :::

-328-
Son livre connut une large' di f fus ion en
Allemagne
où il
fut
traduit.
Mais,
les
luthériens
réagirent
vivement contre cet ouvrage.
Toutes les tentatives se heurtèrent
à un
échec.
Nous avons déjà
parlé de
l'intransigeance de
Bossuet
face aux efforts de Leibniz.
Leibniz ira
jusqu'à dire,
en 1675
:"Les
protestants
sont prêts à
soumettre Le u r sentiment
au jugement
de.
l'Eglise catholique, persuadés
qu'elle a
l'assistance
du saint-Esprit ...
Ils
consentiraient
à
ce
que
la
réunion fnt moyennée par le Pape."

-3~9-
CHA P I T R E
III
: L'ETRANGER
La
réflexion
sur
les
relations
entre
l'occident
et
l'Orient,
sous
'le
rapport
de
la
communication du
vrai,
est
soulevée de
manière
plus
explicite chez Leibniz,
que chez Arnauld
et Descartes.
Toutefois,
nous
trouvons
chez
ces
derniers,
de
nombreuses références à l'étranger,
notamment aux Turcs
et aux Chinois.
C'est-à-dire,
ceux que l'on nomme
les
peuples orientaux.
R.
ETiemble,
dans l'Orient philo-
sophique au XVIII siècle, précise
:
"Martino estime que
sous le nom d'orientaux,
il faut comprendre les Arabes,
les Persans,
les Turcs
...
et presque tous les
peuples
de l'Asie
jusqu'à la
Chine,
mahométans
ou païens
et
idolâtres. Il
~u
17e
siècle,
l'Europe
est
profondément
remuée par l'Orient,
qui commence à être connue
grâce
aux
rapports
des
voyageurs
et
des
missionnaires.
L'Europe découvre une autre forme de sagesse,
et
prend
du
coup
conscience,
du
fait
qu'elle
ne
détient
peut-être pas le monopole de la civilisation.
L'image
du
sage
chinois,
et
du
sage
chinois
par
excellence,
c'est-à-dire
Conficius,
commence
à
s'imposer aux esprits.

-330-
Les passions s'excitent sur la question de la
religion
des Chinois.
Les uns les considèrent comme des
païens,
qu'il faut
convertir de
manière vigoureuse,
en
leur
interdisant leurs rites
traditionnels.
D'autres,
comme
le père
Ricce,
estiment
que,
même
s'ils sont
païens
puisque non
chrétiens,
ils
n'en ont
pas
moins
une
profonde adoration pour la divinité.
Il écrit
"De toutes
les nations
païennes parvenues
à
notre connaissance en Europe,
je n'en vois aucune
qui
soit tombée
en moins. d'erreurs que
les Chinois
dans
leur première
Antiquité ...
Les Chinois
ont
toujours
adoré une divinité suprême
qu'ils appellent le Roi
du
Ciel,
ou
le
Ciel
et
la
Terre . . . "
L'importance
de
l'effet du problème chinois
sur les esprits,
justifie
les propos d'Etiemble dans sa treizième leçon:
"Qu'il soit janséniste ou jésuite,
qu'il soit
sceptique ou
cartésien quiconque
pense vers
1700
ne
peut éluder
de penser
à la
Chine,
de
penser sur
la
Ch ine . ".
Cependant,
les Turcs
apparaissent allssi
sous
la plume de nos auteurs.
Il nous appartient,
à
partir
du c on t e x t e , cl' analyser la place qu I
1'2111:
r evl en t
dal1::>
le problème de la communication du vrai.

-331-
Nous pouvons noter le
déséquilibre dès à présent,
car
la Chine 2st priviligiée.
Le
bruit de la querelle
des
rites
peut
en
être
une
justification
suffisante.
Peut-être en trouverons-nous d'autres.
D'une certaine
manière,
l'Europe
constitue
l'étranger;
c'est-à-dire,
que
tous les
peuples
non
occidentaux Ile
sont pas des
étrangers,
en ce sens
que
certains n'apparaissent même pas dans les préoccupa-
tions des
penseurs.
L'étranger
c'est
l'autre,
mais
celui
que
je
pose
en
face
de
moi,
parce
qu'il
représente une confirmation ou
une remise en
question
de ce que je suis.
Ainsi,
du point de vue de la
pensée
religieuse,
le Turc simpose comme l'étranger.
De
même,
cette
Chine
qui
prétend
détenir
une
civilisation
spécifique,
ne remet-elle pas en cause la
civilisation
telle que l'Europe la conçoit,
et surtout l'idée
selon
laquelle,
seule
la
civilisation
de
type
occidental
mérite ce nom? Les autres pays existent,
il est
vrai,
mais ils n'accédent pas,
pour
ainsi dire au statut
de
l'"autre",
car ils ne sont pas intégrés dans ce
réseau
de différenciation.
D'où
l'importance
du
titre
de
l'ouvrage
d'Etiemble
:"1'Orient philosophique" ...
et non pas
par
exemple l'Orient et les philosophes du 18e siècle.

-332-
Le titre choisi souligne,
que ce sont les
philosophes,
qui constituent cet Orient,
non pas qui l'inventent
ni
qui en font un
mythe,mais
qui,
par leurs
r~flexions,
mettent au
jour,
la
nécessité
d'une
réflexion
sur
l'Orient.
Leibniz ne
fait pas
de la
Chine un
mythe,
mais il montre,
entre autres,
en guoi l'existence d'une
langue
chinoise
idéogrammatique,
est
un
problème
philosophique:
une langue
parfaite,
ne
devrait-elle
pas
être
idéogrammatique
7
C'est
là,
l'une
des
Cl 1l'Ô' S t Jo n s
su 1" les q Ul3 11 e s sep en e 11 e Le i b 11 i z .
L'étL'alJg~r
(:/Ô'
n'est
clone
pas
le
barbare,
:i~lIlL qui ne
p a r l e
pd:':
Illd
1.,:·1!llj 1 l ''- ,
IIldi.S
c e l.u I
qui
Ill!:?
c ondu I t
à
t ou r ner
i,:.'jj
regard vers
IlloL-rll:?JI1e
et
mes
propres c er t i t ud e s .

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j .-1111.'1 i ;-,
f ,-Ii l 1 i L
,'il
gouverner et si
a li
:. l l ,'\\:1 l' ""
lorsqu'elle
poursuit.
et
ellllH'~;,>'
. .;
obc u r e s e t confuses de l'entendement r p r e u
de là il semble qu'on
puisse inférer que les Turcs
et
les
autres
infidèles
ne
péchent
point
l o r s qu ' Ll .s
n'embrassent
pas
la
religion
chrétienne.
"
Et r
Arnauld
d'aller plus loin
en montrant une consé-
l
quence pire encore:
"pécher
ce serait justement
pour
l
les Turcs
d'embrasser la religion chrétienne dOllt
ils
1
n'ont aucune connaissance c I a i r e et distincte" '.
Ils
violeraient
la
"sainteté"
des
deux
facultés
constitutives de l'homme:
l'entendement et la volonté.
Rappelons
en
effet
que
pour
Descartes
l
l
l'homme est
doté d'une
volonté sans
borl1e~1 8t
d'ull
entendement fini.

-334-
L'"homo generosus",
le
"généreux",
c'est
celui
qui
retient la volonté clans les bornes de l'entendement,
et
ne veut
que ce
que l'entendement
lui présente
comme
bien ou vrai. Tel est, d'ailleurs,
le but essentiel des
règles de la méthode.
La prévention et la
précipation ne sont
rien
d'autre, que le fait d'une volonté qui n'attend pas que
l'entendement
lui
présente
des
idées
claires
et
distinctes avant
de juger,
c'est-à-dire,
affirmer
ou
nier.
Arnauld veut
montrer,
qu'une
volonté
peut
être pernicieuse, mauvaise en elle-même,
indépendamment
de son
rapport à
l'entendement qui
lui présente
des
idées claires'
ou confuses.
Ce qu'il
veut montrer
en
réalité, c'est que le vice
est radical,
il se situe
à
la racine même du
vouloir. Arnauld présente ainsi
It:'s
Turcs, comme les infidèles par excellence qui,
de plus,
n'ont aucune excuse.
Pour répondre
à Arnauld,
Descartes
rappelle
une distjnction
~ntre les
vérités de
la foi
et
les
vérités scientifiques
: il faut remarquer que la c l a r t é
ou lévidence
par
laquelle
notre
volonté
peut
êt.re
excitée à croire est de deux sortes;
l'une qui part
de
la lumière naturelle,
et l'autre qui vient de la
grâce
divine .

-335-
De là à en conclure,
que les infidèles n'ont pas
reçu
la grâce divine,
.i I
n' y a qu' UII pas
. Et, dans ce
cas,
à qui la faute,
sinon à Dieu 7.
Hais justement, Descartes pose que cette gl-âct?
divine a l'universalité du bon
sens,
elle est en
tout
homme et dispose l'intérieur de notre pensée à vouloir.
Les infidèles,
se
définissent donc
par la
résistance
qu'ils opposent à cette lumière divine.
De même qll'il y
a une résistance
au vrai,
saisissable
par la
lumière
na tu r e 11 e , de mê me y - a t - i 1 une rés i s tan c e à 1 a Lum j è 1"e
surnaturelle. D'où l'affirmation de Descartes,
t ou j ou r s
dans ses Secondes
Réponses
:"
ils
(les
Turcs et
les
autres infidèles) péchent, ou de ce qll'ils résistent
à
la grâce divine qui les avertit intérieurement, ou que,
péchant en d'autres choses,
ils se rendent indignes
de
cette grâce.
Et je dirai hardiment, qu'un infidèle qui, destitué
de
toute grâce surnaturelle, et
ignorant tout à fait
que
les choses que nous
autres chrétiens croyons, ont
été
révélées de Dieu, néanmoins,
attiré par quelques
fallx
raisonnements,
se porterait à
croire ces mêmes
choses
qui lui
seraient obscures,
ne
serait pas
pour
cela
fidèle,
mais plutôt qu'il pécherait
en ce qu'il ne
se
servirait pas comme il faut
de sa raison. Il 011 ne
peut
être "de s t Lt uév , qllé de ce que l'on d.

-336-
Par conséquent, ce mot montre que,
selon Descartes,
la
lumière surnaturelle est
présente en
tout hounue .
Les
Turcs portent
enti.èrement
la responsabilité
de
leur
éloignement de la religion chrétienne.
Le Turc
apparaît
ainsi,
avant
tout,
comme
l'infidèle,
l'ennemi de la religion chrétienne. Dans la
première partie de la Logique, Arnauld écrit :
"Ai.n s L
le
mot
de
véritable
religion
(en
italiques) ne signifie qu'une seule et unique religion,
qui est dans
la vérité
la catholique,
n'y ayant
que
celle-là de véritable.
Hais parce que chaque peuple, chaque secte croit que sa
religion est la
véritable, ce mot
est très
équivoque
dans la bouche des hommes quoique par erreur ... car
si
c'est un
protestant,
cela
voudra
dire
la
religion
protestante,
si c'est un Arabe la mahométane ... 11
Et,
quelques
pages
plus
loin,
Arnauld
revient
de
nouveau sur cette expression: (2)
ilLe mot
de
véritable
religion
n1étant
pas
joint avec l'idée distincte d'aucune religion, parti-
culière, et
demeurant
dans son
idée
confuse,
n'est
point équLvoqu e , puisqu'il ne
signifie que ce qui
est
en effet la véritable religion.

-"
.'
-337-
i
! ~
,
1
",
Mais lorsque l'esprit a
joint cette idée de
véritable
religion
à
une
idée
distincte
d'un
certain
culte
particulier distinctement
connu,
ce
1lI0t devient
très
équivoque,
et
signifie,
dans
la
bouche
de
chaque
peuple,
le culte qu t i I prend pour vé r i t ab l e v • Si, seule
la
religion
catholique
est
la
véritable
religion,
existe t-il
un
moyen
de convertir
les
illfidèles
?
Autrement
dit,
la
communication
du
vrai
est-elle
possible en matière de religion?
B)
LA RAISON PARESSEUSE
Dans une
de
ses
Lettres
à
l'auteur
des
hérésies
imaginaires

Nicole)
Racine
écrit
"croyez-moi,
retournez
aux
Jésuites,
ce
sont
vos
ennemis
naturels."
cette
pique
finale
de
Racine,
par-delà la volonté manifeste de blesser, renferme
une
large part
de vérité.
Elle
souligne le
fait,
qu'en
réalité, même
si précjdement
Arnauld mettait
Sllr
le
même plan
mahométan et
protestant, comme
Nicole,
il
s'inquiète surtout des divergences à l'intérieur de
la
chrétienneté. On serait tenté
de dire, que les
autres
religions
'sont
tellement
éloignées
de
la
religion
catholique, qU'elles ne sont que des superstitions.
Les
Turcs,
les "Mahométans" de manière génél'ale,
v Le u-
dl-aient gl-ossir la troupe des "e sp r i t s
f au x '! •

r"
-338-
:':"
."
j,l ..
J;.-
:f
A moins que la
violence ne puisse
les r arue n e r s u r
le
"
droit chemin. Le projet Leibnizien d'une expédition
en
Egypte semble
montrer, que
Leibniz optait pour
cet.te
~.... '
"l~:
'(r-:
".~.'
solution.
pourtant,
n'avons
nous pas dit
précédement
'-t~~: ..
f~'"
que la
logique pouvait
être conçue
comme capable
de
dé.montrer les vérités de la foi?
1;':','"
Certes, mais tl ne faut pas oublier pour autant que
le
théologien Arnauld,
accorde une
place décisive
à
la
li,·
grâce.
Et, contrairement à Descartes,
il ne
fait p a s de
la grâce
un
don universel.
Seuls
les élus
en
sont
touchés.
Par conséquent, on ne peut convertir que celui
qui est
toujours déjà
un élu
de Dieu.
Comme le
dit
Pascal, celui qui cherche Dietl l'a déjà trouvé.
Nous avons quand même vu, p r c
é
édeunnen t ,
que la
logique peut nO\\ls conduire au seuil de la théologie.
Mais le problème,
c'est que les Turcs sont
appréhendés
par des clichés réducteurs,
et ainsi toute communica-
tion véritable est compromise d'avance.
Ils sont
dénoncés
comme
"barbares",
c'est-
à-dire de
tempérament
violent.
Et
aussi,
comme
des
fatalistes incontinents, comune le montre
l'expression
"Fatulll mahometanum".

...-.-> .._--_.._"--- _.. -_..~----~--_... -_.-._-
-339-
Le Discours
de
métaphysique
de
Leibniz
en
offre une preuve suffisante.
selon lui,
les
Hahométans
estiment que tout
est nécessaire,
fixé d'avance.
Par
conséquent,
à quoi bon
fait-e des efforts, puisque
les
jeux
sont
faits
?
"Fatum
Mahometanum"
et
"raison
paresseuse" sont deux expressions synomymes.
Leibniz
rappellera· un
épisode
du
L1v1"e
saint
de
l'Islam,
le
Coran,
concernant
une
expédition
du
prophète
contre
des
non-musulmans
en
proie
à
une
terrible épidémie de peste.
Le "raisonnement p a r e s s e ux "
que Leibniz prête aux musulmans est le suivant:
Si nous
ne devons pas mou r i 1- de lapes te,
uou s ne mourrons
pas
donc attaquons
si nous
devons mourir
de la- peste,
nous mourrons,
donc attaquons.
Cependant,
le Coran rapporte que les musulmans
n'ont pas attaqué,
et ont mis
en quarantaine la
zone
atteinte par la maladie.
Le XVII e siècle, en effet,
a
éprouvé une
curiosité pour
le
Coran, qui
est
alors
traduit, mais la lecture en est souvent déformatrice ou
réductrice.
Tous ces
éléments tendent-ils
à prouver
que
face aux
Turcs et
aux musulmans,
nos philosophes
se
sentent peu assurés de
la possibilité d'une
véritable
communication par et
dans la
raison?
Même si,
bien
s
r , ils ne remet tent pas en cause l' un I v e r s
ü
aI Lr.é
dt:> Ll
raison ?

-340-
Hais
dans
le
Discours
de
la
méthode,
Descartes,
refusant le lieu
commun qui consiste
à présenter
les
Turcs comme des êtres assoiffés de sang,
écrit :
"Car, commençant dès
lors à
ne compter
POUL"
rien les miennes propres (opinions),
à cause que je les
voulais remettre toutes à
l'examen,
j'étais assuré
de
ne pouvoir mieux que de suivre celles des mieux sensés.
).
Et encore qu'il y en ait peut être d'aussi bien
sensés
parmi les Perses ou les Chinois, (3)
que panni nous,
il
me semblait: que le plus utile était de Ille régler
selon
ceux avec lesquels j'aurais à vivre.
"
L'emploi de
"peut-être"
ne doit
pas
nous
conduire à un contresens. Descartes n'exprime pas là lin
doute sur l'existence
d'hommes aussi
sensés chez
les
1
musulmans perses;
"peut-être" sigriifie ici "probable-
ment", voire "sans doute".
Ce qui t mpor t e , c'est de se donner les
moyens
de faciliter les relations
avec les autres membres
de
la société à laquelle il appartient.
Ce n'est guère un jugement de valeur,
d'autant
plus que Descartes
affirme, que
la leçon
essentielle
tirée de ses voyages est la vérité suivante
tous
les
usages et les coutumes se
valent,
car ils ne
relèvent
pas d'un domaine
doté d'une nonne,
mais seulement
clé
l' e xernp I e .

-341-
Et justement, la position de Descartes pose
un
problème difficile.
Nous
ne pouvons
pas
dire
qu'il
rejoint Arnauld, pour considérer purement et simplement
les Turcs
comme
des
infidèles
avec
lesquels
toute
discussion s'avère difficile,
sinon impossible.
Il faut
en effet, pendre
en compte
la séparation
cartésienne
évoquée précédement
entre les
vérités de
la
lumière
naturelle et
celles de
la grâce
divine.
Si
pour
le
second domaine,
les Turcs sont des infidèles,
sont-ils
du même coup déboutés hors
du champ des vérités'de
la
lumière naturelle
pu
1
i s q ue
là a u s s i
Dieu intervient?
C)- PEUT-ON ETRE MAHOMETAN ET GEOMETRE?
Athée et
géomètre,
sOrement
pas.
Dans
les
Méditations
métaphysiques,
Descartes
montre
comment
Dieu est la
clef de
vonte du système
du savoir.
Non
seulement
en
tant
que
créateur
des
vérités
géométriques, mais aussi en tant que garant du
critère
de la
vérité,
l'évidence,
et de
la
permanence
des
vérités
mathématiques.
Aussi,
écrit-il
dans
les
Secondes Réponses
:
"Or, qu'un athée
puisse connaître
clairement
que les trois
angles d'un triangle
sont éCjaux à
deux
droits,
je ne le nie pas
mais je maintiens qu'il
ne
le «onn a î t
pas pal: une v r a Ie et Ct~1-l.dJJ1E~ I;CJI:llCt~, !J,irc,:,
qu e toute connaissance qui peut
t r e
r e udu e dou te u s e ne
ê
doI t
pas être appelée science;
l

et puisqu'on suppose que celui
là est un athée,
il
ne
peut pas êt~e ce~tain
de ne point
êt~e d~çu dans
les
choses qui
lui
semblent
être
très
évidentes",
et
encore que peut être ce doute ne lui vienne point en la'
pensée,
il
lui
peut
néanmoins
venir
s'il
lui
est
proposé par un
autre ; et
jamais il ne
se~a
hors
du
danger de l'avoir, si
p~emièrement il ne reconnaît
un
1
lJ ?
1/)' 1 (
dieu".
(c'est nous qui soul ignons) . f /
1
V
rI ne
dit pas
le Dieu
des ch~étiens,
mais un
Dieu;
c'est-à-dire un être suprême, bon,
tout-puissant,
doté
d 1 U Il e volon t 8 i III 111 li Cl b I.e .
Les religions monothéistes peuvent toutes
se
reconaître dans ces exigences.
Par constfquent,
le Turc,
le Perse et
le Chinois,
pourvu qu'ils
ne soient
pas
athées. L'ennemi naturel
de Descartes, pour
reprendre
la formule de
Racine,
c'est
l'athée et
non pas
ceux
'qu'Arnauld fustige sous le nom d'infidèles.
Nous pouvons donc
dire, que la
communication du
vrai
r
'
dans le domaine relevant de la raison est
parfaitement
possible, selon Descartes. Quant aux vérités de la foi,
elles appartiement à Dieu,
Comme la raison et
son usage définissent
"une
prière naturelle" selon l'expression de Malebranche,
n'avons-nous pas
là une
religion un Lv e r s e Ll.e
dè f f.n i e
par la raison ?
- - - - - - - - - -
-=====~--...-...!&-LS!lll--W!ll'll!ll!~ll!l!a!l1ll&Q~mJlWlil!!l!'§mll

-343-
c'est ce que Pascal
avait compris,
et ce
qui
le conduit
à
reprocher
à
Descartes
et
aux
autres
philosophes,
d'avoir
pour
ainsi
dire
un
Dieu
épistémologique, qui n'est pas celui d'Abraham,
d'Isaac
et de
Jacob.
Descartes
ne se
propose
nullement
la
communication du
vrai en
matière de
religon,
tandis
qu'Arnauld
semble
la
juger
impossible
face
aux
Mahométans,
rejetés
purement
et
simplement
comme
infidèles.
Ici aussi, Leibniz
occupe une
place à
part,
car l'essentiel de sa pensée de "l'étranger" porte
sur
la
Chine,
pour
diverses
raisons
que
nous
allons
préciser. Alors que Descartes pal-le s ouv e n t
des "Perses
et des Chinois",
mettant ainsi
les deux
pays sur
le
même plan.
Arnauld, quant
à
lui,
fait très
peu
intervenir
la
Chine, dans ses textes proprement dits, mais il prendra
une part active dans
la querelle des rites.
Examinons
maintenant la position de nos auteurs face à la Chint?.

-344-
II . / LA CHINE
- Leibniz et la Chine
Tel est le titre de l'ouvrage d'Olivier Roy.
Il
souligne
l'importance
philosophique
que
Leibniz
accorde à
la Chine.
Olivier Roy
la justifie
par
le
sentiment
d'avoir
affaire,
pour
la
première
fois,
outre-mer, à
une civilisation
comparable à
celle
de
l'Occident.
La Chine
impériale est
a I o r s à
son
a p o q e e ,
sous le règne de l'empereur KANG Xi.
Leibniz obtient de
précieux r ens e i çn eme n t s pal- les mi s s i oun a i r e s . Dans
sa
lettre à Leibniz,
du 8 Novembre
1702,
le père
BOuV8t
écrit :
"Le s y s t ème p r e s qu e entier de la vraie religion
se
trouve
renfenné
dans
les
livres
classiques
ch i no t s>" ... Il
Y manque
le Christ
et la
Révélation,
mais l'essentiel s'y trouve".
Ce qui pose problème
: les Chinois sont-ils des athées,
des païens, des infidèles voués aux flammes de
l'enfer? Ou bien y-a-t-il un spiritualisme des Chinois
leur permettant
d'espérer
le
salut?
Dans
ce
cas,
faudrait-il encourager
le déisme
au détrimellt
de
la
révélation ?

,..- ------._-... -- ---" "-- ..-._-" ._-- ~ -.__ .- .
-345-
Face à toutes ces
questions, Leibniz écrit
à
Verjus,
en Décembre 1697.
"Je souhaiterais, mon Révérend Père, de pouvoir
contribuer à mon tour,
en quelque chose de particulier,
à votre saint et beau
dessein, mais je doute fort
que
je vous y puisse servir
autrement que par mes
travaux
en général." En d'autres
termes,
il ne peut
convertir
les Chinois, mais il va intégrer la Chine dans le cadre
de sa pensée, particulièrement dans sa réflexion sur le
langage et la religion.
Dans
le
second
chapitre
de
son
ouvrage
précédemment cité, Olivier Roy affirme que "Leibniz
se
devait
d'intégrer
la
Chine
dans
sa
pensée,
pour
maintenir la
valeur universaliste
de.
celle-ci. .. "Cet
universalisme leibnizien va fonder la possibilité d'une
convergence religieuse
du
monde
dans
une
Théologie
rationnelle.
Olivier Roy pourSllit, en montrant que Leibniz était
en
possession de l'instrument philosophique, qui lui per-
mettait la
synthèse
des
deux
mondes
l'irénisme.
Olivier
Roy
s'il
accorde
une
grande
importance
à
l'aspect religieux, n'en néglige pas pour autant
c e l.u I
qui concerne le langage.

-346-
I.-
LE LANGAGE
Nous avons vu l'importance des signes dans
la
constitution
de
la
pensée
selon
Leibniz,
et
sa
recherche d'une caractéristique universelle.
Il faut
rechercher la
langue originaire,
car
elle est
la
langue philosophique
la
plus
parfaite.
Comme nous avons la même logique que Dieu,
cette langue
doit
exprimer
l'essence
même
des
choses.
Malheureusement,
les langues se co r r ompe n t. nécessai-
rement,
à
cause
d'événements
historiques
ou
de
glissements sémantiques.
Leibniz
doute
que
l'hébrëll
soit la langue primitive,
c'est surt.out l'allemand
et
le chinois qui retiennent
sont a t t e n ti on . Il
a f f irmc ,
que
l ' a Ll em a nd
s e mb le:,; , a pp 1.- o C 11 e J-
de
1. ' 01- i l.J i 11t.j 1
beaucoup plus
que d'autres
idiomes, et
qu'on peut
y
chercher plus sû r eme n t
les mots p r Lml t If s et originaux.
Quant à la langue chinoise, c'est surtout son caractère
idéogrammatique qui
le
fascine.
Son
écriture
ne
se
réfère guère à la prononciation, mais à la nature
mêmt?
des choses. Cette autonomie de l'écriture, par
rapport
à
la prononciation
et à la
parole, est pour
Leibniz,
une
garantie
de
stabilité
et
de
rigueur.
Leibniz
pense, que l'écriture chinoise
est un e combinaison
de
caractères
fondamentaux,
d'éléments
qui
seraient l'alphabet des idées primitives.

-347-
Le projet encyclopédiste
leibnizien semblait avoir
de
quoi se nourrir
dans la langue
chinoise. Olivier
Roy
cite ce texte de Leibniz (4).
"si nous pouvions découvrir la clef des caractères
chinois, nous trouverions quelque chose qui servirait à
l'analyse des pensées. Voici le R.P Lima ...
qui me dit
qu'on croit que les caractères fondamentaux sont à
pE'l\\
prés du nombre de 400 et
que les autres n~en sont
que
les combinaisons." Et aussi:
"s'il
y
a
un
certain
nombre
de
caract2J:es
fondamentaux dans
la
littérature chinoise,
dont
les
autres
ne
fussent
que
des
combinaisons,
cette
littérature aurait quelque analogie avec l'analyse
des
pensées".
Il faut prendre ici "analyse" au sens de
décomposition
en éléments premiers.
cependant, cette recherche
sera
t-elle un succès ou un échec ?
Selon Olivier Roy, elle
se solde
par un
constat
d'échec.
Il écrit dans son ouvrage précédemment cité:
... ,'. ...: ... -:~.---
"En
somme
pour
Leibniz,
qui
fondait
beaucoup
d'espoir sur
le
chinois
comme
langue
ph:i.losophique
avant 1700,
l'absence d'informations
sur ce
sujet
a
'valeur de preuve,
et il y
croit d'autant moins
qu'il
s'oriente
vers
une
caractéristique
numérique,
sur
laquelle il puisse e f f ec t ue r des calculs,
ce
qui n'est
pas le cas des caractères."

-348-
Et l'auteur just:Lfie cette
déception,
par 1.:: fait
que
Leibniz ch e r ch e
la pensée"
POla-
ainsi
dire,
alors que les caractères
ne se prêtent pas à
un
t
t
r
a
i t e m e . n
n u m é r
i . q u e

c li i no i s
sont
plus
une
nom e nc l a t u r e
qu'une c omb i.n a t o i r-e .
Il
faut
noter" qu'Oliver
Roy ne
t.ient pas
c omp te
ici
du système de Fo11i,
qui est bel et bien un
système
1
Dans une l>::t.tTe au P des Bosses,
Leibniz
c r i t
é
"Fol1i,
le plus ancien p r i n c e e t
philosophe des Chinois,
d
reconuu
l'origine
des
choses dans
l'l!nit~
et
c'est-à-dire
que
ses
f t qu r e s
III 0 n t r e n t
cr u e ICI1\\ 12 cliC)s e cl' d n a log U e 21 l.'l IT I~ cl Li 0 n ; e 11 e s
ar:)rl~' s
tan t
de
III i l lie l" s
d' a n Il é e :,; ,
1:' Il '".: 1) r ,'"
(11 l ' ,? 1 1 '0- :::
.in d i.q u e n t
aussi
nes ClI 1).':;('S
pl us 11311 tes;
et le
1. Il
(DiscOU1-S
Sla-
la TI~éol22ie
naturelle
cl lO: S
chinois -
p.188 -
Pal-is 1987).
Leibniz
pense,
que
les
FO-HI
cachent l'invention de l'al-it.hmétiql.le b i n a i r e ,
même
si
" t r a v aux de
FO-HI.

-J·1c)-
Toutefois,
cette r
f Le x i o n
sur les c a r ac
r e s
chinois
é
t è
précise le p r o j e t
Le i bu Lz Le n d'une
La n qu e
universelle.
En
ce sens,
i l ne
faut
pas considérer cette ouverture
chinoise comme
une
simple
"curiosité
l i nçu i s t t que v •
s a n s
importance
réelle.
Non
moins
importanr,
fut
l'aspect
r e Li q i e u x de la "question chinoise".
Par l a Il t
cl e .s pen s ':: u r ~: d u XV Ile s i è C 1,3 e 11 Ué n é L'1 l
Ra]ph
1
Tyler Flewelling écrit
:
"T'h e most
t r erne n do u s Ly
Ln f Lue n ti a l
i.mp ac t
(l~11inese
impact)
l'las in
the
fie l Cl Clf
r e l J tj i \\:1 \\ \\.S
;'1Il d
PIl i ] ClS 0 PId c
thought".
Il nOllS
renvoie
a u x
art i (:: 1 es" f cl n a t i s me"
" Spi n 0 Z a"
cl 1.1 die t 1. 0 n n ct :i r '.? d e
P Ler r e
Bayle,
qui
montre
dans le seconcl q u e
la
pensée de Spinoza n' e s r
p l.u s
ou
moins qUE:
la
reprise
des
principes
mLs
en
place,
p Lu s i e u r s
s i è c l e s
a up a r av a n t
par COllficius.
Flel'lellinQ c o n s tdè r e
Cl'3:il.leurs
L '=1
q LI est ion
r e Lf q ie n s e .
c omm e beaucoup plus
Lmpo r tan re que celle du
1 a n {j a 9 e.
Cet t (' cle L n i ~~ l e 11 e seL Cl L t
(,J1 1" é ..il j 1. t: 1
(lUt.:'
J.e ~";
CE'
qu i
lui
[è\\ .i t
t.ou j ou r s
dans
le même
a r t i c Le
"Th e
::;11oc1<. oE
r e I Lq i ou s
d i.s c ov e r y
s oruewh a t
ah,ltecl
(5) 1
the
n e x t
adv an c e v-las ta be
in the field of
education.
:,; ()c .i ~1:1
:'; t l'II C t: \\ 11-e

-350-
His rulery passion bath ln practical affairs and in his
philosophy was
for unification
.He
had been
led
to
believe that
philosophical studieswould discover
in
the chinese the source of aIl human language ",

-351-
II- LA RELIGION NATURELLE
Avec l'idée de religion naturelle",
la
Révélation
cesse d'être le point décisif de l'histoire
religieuse
du monde.
Elle
implique l'idée
selon
laquelle,
les
"pa iens" ont,
eux au s si, une conn a i s sance des p r t n c ipes
fondamentaux
de
toute
religion
Dieu,
esprit,
immortalité de l'âme.
La
foi de la religion
naturelle
est quelque chose d'extrêmement simple, qui repose
sur
la certitude de l'existence
de Dieu,
et
l'immortalité
de l'âme.
Comme
le
dit Emilienne
Naert,
dans
son
\\
1
,
,1
\\/
r,
r - \\ r t i c l e "L'idée de religion naturelle selon Le ibniz"
.
"La foi
de la
relig:lon
naturelle est
( ... )
quelque
chose d'extrêmement simple
et dans
ses fondements
et
S~ -
dans l'attitude
d'âme qu'elle
exige du
croyant". f Et .\\,. .
. f. i :. ,...' . '
1
\\ : ' r •
,,1 :: ..;'
cette attitude est
rationnelle, puisque
c'est par
la'0 '\\ '.' ,-1
,
lumière naturelle que nous saisissons ces principes. La
raison,
selon Leibniz,
est "la voix naturelle de Dieu":
"La raison est
la voix
naturelle de
Ol.eu et
ce
n'est que
par elle que la voix de Dieu révélée se doit
justifier
afin
que
notre
imagination
ou
quelque
illusion ne nous trompe point", Et même,
Leibniz ne
se

contente pas
de dire
que la
révélation ne
doit
pas
1
1
l'
contredire la
religion naturelle,'
mais s'appuyer
sur
elle ; de plus,
il po s e dans une certaine mesure que la
V (, j x
n ét t 11 r E~] l E~ ~:; U f f :i t. a li ::; a l \\l t
cle l ' i n Il :i. v :i cl \\1
:

-352-
"Quand
il
n'y
aurait
ni
révélation
publique
ni
écriture,
les
hommes
suivant
les
lumières
internes
naturelles,
c'est-à-dire
la
raison
(auxquelles
la
lumière du Saint Esprit ne manquerait pas au besoin) ne
laisseraient pas de parvenir à la vraie béatitude.
Mais comme
les hommes
usent mal
de leur
raison,
la
révélation publique du Messie a été rendue nécessaire."
Cet extrait
cité
par
E. Naert,
ne
saurait
manquer
rappeler trois
auteurs
Descartes,
Halebranche
et
Spinoza.
Descartes, parce qu'il montre qu'un usage droit de
la raison nous conduit quasiment au niveau de Dieu.
Il
est
source d'une
telle béatitude,
qu'il semble
nous
dispenser d'être un sujet de Dieu.
Malebranche comme Spinoza d'autre part,
insistent
sur la valeur de la raison dans la foi et la soumission
à Dieu.
Tous
deux
estiment
que
la
révélation
est
surtout destinée à ceux qui sont incapables de pdrvenir
à Dieu par le bon usage
de la raison. Le grand
nombre
n'use guère ou très
mal de la
raison - Aussi
faut-il
lui tenir un langage destiné s u r t o u t
à le "frapper" 1 et.
à le tenir
par la crainte
de châtiments.
L'Ecrit.ure
veut ainsi les mener à l'obéissance.
1
5 ,""i. &".6.",*,"10

-353-
Spinoza,
Malebranche
et
Leibniz
se
rejoignent
pour poser,
que
la lumière naturelle
nous conduit
à
une connaissance
et un
amour de
Dieu fondés
sur
la
raison.
Or,
la raison
est universelle.
Par conséquent,
cette
religion naturelle
est
en
droit
universelle.
Cette
universalité de
la
raison va
fonder
la
possibilité
d'une
convergence
religieuse
du
monde
dans
une
Théologie rationnelle.
Ceci concerne le futur.
Pour
ce
qui
est
du
passé
et
du
présent,
cette
religion
naturelle permet
de
"justifier"
au
sens
fort,
les
Chinois. Même s'ils
n'ont pas
reçu la
lumière de
la
Révélation,
ils ont pris conscience des principes de la
re l i g ion na t ure Il e '.
Leibniz rejoint les missionnaires jésuites, POU1-
r e conn a î t r e que les Chinois ont s a I si les p r i n c f p e s
de
la religion naturelle, présents
en tout homme.
Aussi,
ont
-ils
refusé
le
parti
de
l'intolérance,
qui
consiste
à
poser
que
pour
faire
des
Chinois
des
chrétiens,
il faut
les contraindre à
renoncer à
leur
culture.
Arnauld est,
contrairement
à Maleb~anche,
de
ce bord ; Leibniz
veut montrer que les Chinois ne sont
pas des matérialistes athées.

-354-
Aussi,
dans
sa
lettre
du 17
janvier
1716,
Leibniz
é c r i t - i l :
"Bien loin d'avoir oublié les Chinois,
j ' a i
fait un discours
entier sur
leur Théologie,
touchant
Dieu,
les Esprits et l'âme.
Et il me semble qu'on
peut
donner
un
sens
très
raisonnable
à
leurs
auteurs
anciens.
rI ne
me paraît
point que
la conférence
du
Philosophe
chrétien
avec
le
Philosophe
chinois,
imaginée par le père de Malebranche convienne assez aux
personnages".
La
lecture de
l'ouvrage de
Halebranche
fut sans doute
la cause
de la rédaction
du texte
de
Leibniz
:
"Discours
sur la
théologie
naturelle
des
Chinois".
Leibniz démontre le spiritualisme des Chinois.
Les traditions chinoises
parlent du
Ly,
la
substance
universelle de toutes choses.
Or,
selon Leibniz,
le
Ly
peut être conçu comme
l'entéléchie,
et par
conséquent
comme une forme
immatérielle.
Leibniz pose donc la qu e st i on suivante;
"ne
dirait-on
pas que le LV des
Chinois est la souveraine
substance
que nous adorons sous le nom de Dieu 7".
Le
Ky,
quant à
lui,
désignerait la matière.

~---_.
-355-
Nous pouvons
dire,
comme le fait Emilienne Nae r t ,
que
"toutes les
expressions des
Chinois peuvent
recevoir
une signification
acceptable
et il
est
possible
de
rattacher leur morale,
Le u r
théologie,
leur religion
à
la morale,
à la religion et à la philosophie éternelles
inscrites au coeur
de tout homme."
Il faut
retrouver
ces
lois
éternelles
qu i,
seules,
peuvent
rendre
possible l'oecuménisme.
Leibniz écrit
à
l'Electrice
Sophie
"Nous
envoyons des missionnaires
aux Indes
pOlir prêcher
la
religion révélée,
voilà qui va bien. Mais il semble que
nous aurions besoin
que les
chinois nO\\ls
envoyassent
des missionnaires à
leur tour pour
nous apprendre
la
religion naturelle que nou s avons perdue". f;P !:,.t'f.:( ~.( ~~C~'I,
J\\' ('0,-/,,,'(\\ V\\)I .....; . vv ,
Grandiose
renversement.
Le ibniz,
en
peu
de
mots, c.Rù·;
établit
la
possibilité
d'une
r
c
dans
é
Lp r oc i t é
la
communication du vrai.
Cette réciprocité a
d'ailleurs
une assise métaphysique.
Le perspectivisme
leibnizien
tel que
nous
l'avons
défini
précédemment,
implique
l'idée d'une multiplicité de
points de vue
différents
i
sur lin même
objet.
Pour
ce qui
concerne la
r e Ll.q Lon
naturelle, le point de vue chinois,
tel qu'il s'e>:primè
dans les textes anciens,
est plus ac1éqllat.

-356-
cela
signifie-t-il
que
les
chinois
sont
plus
"innocents" et qU'un péché a éloigné les autres peuples
de la religion naturelle ?
En réalité,
la
religion naturelle
est
plus
un
droit qu'un fait historique.
On sien rapproche plus
0\\1
moins,
mais on ne
la réalise pas parfaitement.
Aussi,
sommes-nous d'accord avec Emil Le nue Na~l~t)
lorsqu'elle
écrit:
Y: Ao j "b,(le>N~-_-----
"Si donc la religion naturelle apparaît à notre
auteur
comme une possibilité de droit bien plus que comme
une
réalité de
fait,
les
religions positives
accèdent
à
l'authenticité dans la mesure
où elles s'efforcent
clt:?
dégager
ou
de
retrouver
la
pureté
d'une
religion
naturelle
qui,
d'elle-même,
n'a
pu
parvenir
à
s'instaurer de manière durable et universelle parmi les
hommes."
Il faut,
par conséquent,
débarrasser "l'or de la
boue"
pour revenir à
la pureté d'une
religion naturelle
et
universelle.
Ce sera alors,
le triomphe de l'univer-
salité et
de
la
Raison.
Ce
qui
signifie
qu'aucune
religion révélée,
dotée de dogmes particuliers,
ne peut
légitimement prétendre s'imposer.

-357-
Aussi met-il sur le même plan le christianisme
et
l'islam, dans leur
rapport à la
religion naturelle
"Jésus-Christ
acheva
de
faire
passer
la
religion
naturelle en loi et de lui donner l'autorité d'un dogme
public ... Mahomet,
depuis,
ne
s'écarta point
de
ces
•....\\
. ,
\\
grands dogmes de la théologie naturelle,"(6)
. ' \\ j CL1 ;
.~) .-
(.\\:e. l"
1 .. ~; \\ \\,.'
...
.-
.,
Autrement
dit,
Leibniz
nous
donne
une
'leçon
d'humilité
et
de
tolérance.
En
ce
qu'elles
ont
d'essentiel,
les
religions,
quels
que
soient
leurs
dogmes particuliers,
se rejoignent
et réunissent
les
hommes,
En ce poin t de c o nv e r qe nc e,
l es hommes doi ven t,
plus
que
communiquer,
communier
dans
l'universelle
rationalité. Ainsi se formera la Cité des Esprits, dont
le monarque est
Dieu. La communion
n'est.-e.lle pas
ll?
parachèvement de la
communication,
lorsqu'au-delà
des
différences linguistiques,
les hommes
se
nourrissent
des mêmes idées.?
Nous voici parvenus au
terme de notre étude,
ou
presque.
rI nous reste à proposer une explicatioll à
la
différence entre nos auteurs
: pourquoi Leibniz
est-il
optimiste,
en ce qui concerne la cOlllmunication du vrai,
tandis que
tel
n'est
le
cas,
ni de
Descartes,
n i
d'Arnauld.

-358-
L'explication la plus
digne d'être
aVélllc2e est,
nous
semble t-il,
la suivante
Leibniz est un penseur de la
philosophie de
l'histoire,
tandis
que
ne s c e r t e s
et
Arnauld,
sont
des
penseurs
de
l'histoire
de
la
philosophie.
t
.

-359-
NOTES DU CHAPITRE III
1.
Ralph
Tyler
Flewelling
montré,
que
le
scepticisme et le doute
cartésien avaient préparé
les
esprits,
à
la
remise
en
question
de
la
culture
occidentale par la Chine.
Il écrit
"The
opinions
(concernant
la Chine)
fell
upen a
world
which
had
already
been
prepared
for
scepticism by Montaigne, Vossius,
Herbert of
Cherbury,
La Mothe Le vayer,
aIl of them deeply moved by
chinese
predilections.
The startling method of universal
doubt
set
forward
by
Descartes
himself
may
have
been
influenced by the growing suspicion of autoritarianism,
wh i ch h ad already been gathering
as
the r e s u l t
of
the
r Ls i n
knowledge of China."
ç
In Actualités Scientifiques et
Industrielles nO 532
Travattx du IXe Congrès
Interna t ional d e Ph i losophie
Congrès Descartes publiés
en 1936 -
Paris Hermann
et
Cie Editions.
2.
- Logique de Port-Royal -
p.53-55
3.
-
C'est nous qui soulignons
4.
- Dutens V p.484 -
Lettre 5 -
IV et VIII
5.
-
C'est nous qui soulignons.
6.
-
Préface des Essais de ThéOdicée



• •
.~.'
_
. . • • •
_ . .

_ . .
1
CON CL US ION
:
UN OPT lM ISNE NOUVEAU

-360-
Première Partie
Histoire de la philosophie
et philosophie de l'histoire. (1)
Point n'est besoin
de revenir sur
la façon
dont.
Descartes conçoi t
l' h Ls t o i r e de
la plLllosophie.
NOlis
avons vu comment il établit la nécessité de rompre avec
le passé afin
de construire
dans Ull
domaine qui
fClt
tout à lui.
Le Discours
de la
méthode
(2)
s'efforce
de
montrer
qu'un ouvrage auquel un
seul a travaillé l'emporte
en
perfection sur un ouvrage auquel plusieurs ont parti-
, cipé. L' histoire
de
la
ph Ll o s oph i e
n'est
donc
. que
l'histoil-e de la "conscience malheureuse",
c'est-à-dh-e
la raison
qui
n'a
pas
encore
trouvé
un
fondement
rationnel,
un
principe
inébranlable.
Histoire
et
errance semblent
synonymes.
L'histoire n'est
pas
la
lente maturation de l'esprit,
mais le nOll-usage de
la
raison. Aussi serait
-il vain, de
chercher à
établir
une continuité entre
.les auteurs
antérieurs et
nous,
c'est-à-dire, entre le passé
et le présent. Ce
serait
même
un
risque
pour
la
pensée.
Par
c on s éque n t ,
ne s c a r t e s
écarte
d' embl ée
l'idée
d'une
continuité
constitutive d'une philosophie de l'histoire.
Lalo ide lac Cl11 tin li i t é
est l e n e r f
(1 c
l éI
P 11 .i ] Cl~;~) P 11 I .:'
de l'harmonie:
le présent
est gros
de l'avenir,
et
tout est conspirant.

-361-
Et,
en vertu
de cette
loi,
tout événement
est lié
à
tous les
autres
à
la
fois dans
le
temps
et
dans
l'espace.
Rien n'est isolé,
singulier,
indifférent
Or, pour Descartes,
le temps
se révèle
une suite
ou
succession d'instants
séparés les
uns des
autres
et
p r Iv s
é
d 'un
Ll en
intel-ne
qui
ft2L-':ILt
du
présent.
l'hérttier du passé t2t du
passé la promesse du
futur.
Leibniz affirme:
" j'ai appris à ai nie r l' h i s t o I r e ,
la
poésie et
la littérature,
étant
enfant,
au
J.j eu
de
jouer."
En quo i
c e t t e différence est-elle Lmpo r ta n t e ?
leibniz se
donne les
moyens d'intégrer
tout dans
la
totalité, et de montrer que le vrai s'exprime
partout,
mais de
manière
plus
ou moins
confuse.
Tout
homme
exprime le vrai de son
point de vue,
quels que
soient
le lieu
et
l'époque

il
vit.
Tous
les
esprits
expriment le même univers,
exprimant
Diell,
il y a
une
concordance, une harmonie entre tous les esprits. C'est
pour cela, que Leibniz ne pouvait faire qu'une
lecture
non violente
de
l'histoire. La
viol~nce
consiste
à
e xc lu r e l e pas s é
co111 me l e f ait
Des car t e s , tan di s
Cl u e
faire preuve de non-violence, c'est chercher ce qu'il y
a de vérité, et ce
qui rassemble les hommes.
L'elTelŒ
ne se produit qlie dans ce que l'on nie.

-362-
Descartes aborde l'histoire
en critique,
Leibniz
1
en philosophe
qui
recherche le
sens
de
l'histoi~e.
~U-t' Y4
Louis Davillé dans son livre Leibniz
\\ - (
, . . , r:
Historien'~'~crit
.,/
?;, ~ 1 f\\ ch-v( ΠJ(..Af
.
ItPour Leibniz,
l'histoire
démontre la
providence
de
;!QA~~
Dieu et la vérité
du christianisme". Nous ne
saurions
;;hi.~CN-'~
t.~ ~"o~
en être tout
a fait
d'accord. Et ce,
pour la
raison
'i~
~ 'J)o tlr~
.'
'h<'
suivante : nous avons
vu l'importance de la.
t h o Lo q i e
é
'ç ~L 1X nLe ~ IV rationnelle pour Leibniz, et de l' Ld e selon laquelle,
é
~O-N~ )~O~,
/'
la véritable
saisi.e de
Dieu se
fai.t dans
et par
la
9-0î..
. ~ •. - VI

.J ~)'--ï:aison. Par conséquent, ne s e r ai te t I pas plus juste
de
\\\\}
cO \\ ~'\\u..~.
fI
La llJ...Q.
~ire, que l'histoire d émont r e la gl-andeur de la r a i s on ,
<]l' and e
do ub lem e nt,
d 1 un f? pal' t, P a r C e qu' e Il e
dis tin gue
l'homme du reste de
l'univers,
et d'autre part,
parce
qu'exprimant Dieu,
elle nou~ fait accéder à la cité des
esprits. Cité de l'universalité, où tous les hommes
se
retrouveraient.
La
communication,
non
seulement
est
dot~e
d'Un
fondement métaphysique, mais
en plus
elle est
conçue
comme réalisable dans le futur.
Elle ne sera pas à sens
4
-.
unique mais
sera un
concert, dans
lequel toutes
les
nations accorderont leur
instrument,
la raison.
C'est
ce que l'on a
appelé le "panlogisme leibni2ien" qui St:'
manifeste de nouveau ici.
Le véritable Dit?u,
c'est
la
raison et ses principes.

-363-
De
même
que
la
théol og ie
l-a tionne Il e
seul e
peut
conduire à une religion
universelle,
de même seule
la
raison, peut conduire
à une communication
universelle
du vrai.
L'optimisme prend ici un sens nouveau,
Lo r s qu e nous
parlons de l'optimisme de Le:lbniz po u r ce qui c o n c er n e
lac 0 III mun i c a t ion du v rai.
l l
ne s ' agi t plus du fa i t que
selon Leibniz ce monde est
le meilleur, et que le
mal
est nécessaire
au
h i.e n , comme
l'
omb r e
à l.a
c l a r té
dans un tableau.
Nous entendons désormais
par optimisme,
l'appel à
ce
qu'il y
a de
me i Il e u r en
nous,
et
l'espoir que
cet
appel trouvera
une
réponse.
En
Dieu,
le
bien
est
r e l Lt
en l'homme le meilleur est à r e ch e r che r ,
d'où
é
é
,
l'idée de progrès. (3)
"'
En revanche,
nous
entendons par
"pessimisme"
l'attitude
qui
consiste
à
Illettre
l'accent
SUL-
la
résistance au vrai,
et sur ce qui sépare les hommes.
Il
y
a chez Descartes, une
telle distance entre le
dl-oit.
et le fait,
qu'il semble
impossible que
le droit
se
réalise
jamais.
En
droit,
la
communication
et
la
comunicabilité
du
vrai
sont
universelles,
mais
en
réalité la
communication
se heurt.e
à
des
obstacles
quasi insurmontables.

-364-
L'ouvrage de
G. Rodis-
Lewis,
"l'Individualité
selon
Descartes" montre
que tel
le Phénix,
l'individualité
renaît toujours.
Ce "pessimisme"
est
partagé
par
Arnauld,
mais
l'importance
qu'il
accorde
aux
signes
rend
son
pessimisme moins radical.
Un travail sur les signes
et
l'usage de définitions
précises,
sous
la n01'111",'
d'une
:1
\\
méthode,
autorisent l'espoü- de
voir
se r
a l Ls e r
un
é
Il
1
jour, une
meilleure
communication entre
les
hommes,
malgré
l'exclusion
des
"esprits
faux"
et
des
"1
"infid~les".
Ce1.n:-là,
le
Miiître
des
signes,
l'Etre
suprême qui
se
cache
tout en
se
révélant.
par
des
signes, des
miracles,
les touchera
peut-être
de
sa
grâce.
La c onunun i.c a t Lon du vrai chez Arnauld c onuue c h e z
Leibniz, n'est
pas
se1.llement horizontale
mais
aussi
verticale.
Pour ces
deux auteurs, Dieu
est le
centre
incontournable pour le premier, parce qu'il éclaire qui
il veut, et pour le
second, parce qu:il
constitue
le
point de
rencontre
de
tous les
esprits
qui
chacun
l'exprime de son point de vue. (4)
Voilà dOllc confortée l'idée proposée au début de
notre
étude
à
savoir
que,
pour
ce
qui
concerne
la
communication
du
vrai,
Arnauld
occupe
une
place
intermédiaire
entre
Descartes
et
Leibni::.
Voyons
mai 11tell a n t
l e
cle vell L r
cle
c t~ t t e
Cl Il e ~; t i 0 Il
(Lm s
l t.' S
s.iècles postérieurs au XVIIe si~cle.

étcCjuJ.E'rt dt:' plus en plus d'importance ..
H(~rJI.-:L
G(JIlh'i,,'y,
c ouuuo n t
. 1 .
t~ :-,1.
Ur:-
: ; .
;',:
1 Il
:i :i!' t.'·
ces cle \\IX pu b lie ::-: s j m:li
" Mé ct i tél t i (J 11~ S
cle
Des C CI rte s e c l dl l....~ Il t
18
SIl j l,' 1
écrit en français SOIl Discours cle la Mét.hoc.lè POUl-
t r e
ê
e n t e 11clU d e
t 0 use e u x CIl li u S e Il t
cle
l "~ \\1 r
" b 1) Il
::; t:' 11 S '".
IIIè IIIt'-!
les femmes
il écrit en latin quand il se t ou r n e vers
ft
i,
les spécialistes,
il publie des t r a duc t Lon s
françaises
de ses oeuvres latines quand il const.ate qu'en défini-
tive il
peut exposer
sa philosophie
devant les
deux
\\
publics à la fois ...
'.l
Ne croyons pas,
que
la question ne se pose
plus,
j,,
quand la philosophie cesse d t
t r e bilingue
ê
après
les
quatre gros volumes du
Cours de philosophie
positive,
Auguste
Comte
écrit
le
Discours
sur
l'esprit
"

-368-
H.
Gouhier
donnera
aussi
l'exemple
d'un
penseur,
faisant le lien entre le 1ge
et le 20e siècle
Henri
Bergson
"dans
certaines conférences de
l'Energie
spirituelle, Bergson
donne un
exposé plus
accessible
des thèses
préseritées dans
Matière et
Mémoire
l'
Mais
le
20e
siècle
redouble
la
question
de
la
communication du vrai, par la question du rapport de la
philosophie avec les nouvelles formes de communication.
Que devient par exemple la philosophie lorsqu'elle
est radiodiffusée, ou télévisée
? Un entretien
entre
deux ou
plusieurs ph i l.o s oph e s ,
est- ce
encore de
la
philosophie lorsqu'il est transmis
par la radio ou
la
télévision?
certes,
puisqu'il s'agit
de
la
pens0e
d'Henri Gouhier nous paraît tout à fait. juste
"
la
ph i Lo s oph Le
parlée
n'entre
dans
l ' h I s t o i r e
de
1 a
philosopl1ie qu'une
fois devenue
philosophie
écrite,
quand les
paroles proférées
ont
été mises
noir
sur
blanc sur le papier".
1
"
\\
Enfin,
par-delà
les
siècles,
le
dialogue
Descartes-Leibniz se poursuit dans un domaine relative-
I11I~nt nouveau
: la cybernétique.

-370-
Au-delà même
de la
question
de "paternité",
ce
qui
importe,
c'est
la
place
incontournable
qu'occupent
Descartes
et
Leibniz
dans
les
théories
les
plus
récentes et les
plus "modernes"
de la
communication.
N'est-ce pas
là le
signe même
de la
grandet\\l'
ct' une
pensée que le temps ne fait qu'approfondir davantage
?
Aussi,
les
dernieres
phrases
de
l'ouvrage
d'Yvon
Bélaval, Leibniz critique de Descartes,
expriment-elles
ce sentiment de respect et d'amour Clue de tels
auteurs
ne sauraient manquer d'inspirer:
"N'oublions pas enfin
que si Leibniz critique Descartes,
ce n'est pas sans en
reconnaitre la grandeur.
Il salue en
lui un H~l'OS
<Je
l'humanité.· Comme
les héros
se saluent
au moment
de
combatt.re"'( f ~3 ~)-
/
Grâce à ce h é r o s
qu'est le grand Arnauld,
ce
C 0 IHb ël te:'; t
u n e v ~ r j t a b l e cl:i a l ~~ c t i q \\l e d d n s l a q tl e I I e l ' Cln
ne cherche à dépasser
que pour couronne l',
pa r a ch e v e r ,
et se
r app r o ch e r
tOUjOU1's
davantage
de
la
Lum i
r e
è
éternelle de la Raison,
de Dieu.

- - ; .
-371-
NOTES D.E LA CONCLUSION
1.
Dans
un
article
paru
dans
la
Revue
internationale de 1976, nous
trouvons une analyse
des
expressions "philosophie de
l'histoire" e t "
histoire
de
la
philosophie".
Dans
"la
philosophie
et
son
histoire",
l'auteur
montre
que
le
problème
que
l'histoire de la philosophie
pose aux philosophes
est
le suivant
Quelle doit être l'attitude d'un philosophe envers
les
autres
philosophies
?
L'auteur
dtstingue
plusieurs
attitudes.
La dogmatique,
qui
pose
qu'un
seul
système
phi.losophique peut être vrai..
t.a s c e p ti.qu e qu i
c o n c l u t
de la d l.v e r st té
des
systèmes, qu'aucun n'est vrai.
Nil ' une n i l ' au t r e de ces de LI x a t t J tu cl e s nè
s a li l' ale n t
con dLI ire à
1 ami s e
en
pla c e
cl 1 urie
p11 i 1 o ::: (1 p 11 i e
cle
l'hist.oire.
Et
t ou t e s
deux
nient
l'histoire
de
la.
philosophie considérée comme une mascarade.
Il existe deux
autres attitudes
l'éclectique et
la
dialectique.
La première
consiste à
établir l'identité,
en
supprimant
la
différence.
A
l'état
immédiat
les
systèmes sont
confus.
Il
faut
d q a q e r
l'unité
qu e
è
chacun cl' entre eux e xp r Lrue c on f u s men t .
é

-372-
Selon l'auteur,
c'est ainsi
qu'il faut interprêter
la
philosophie leibnizienne.
Pour
preuve,
il
cite
ces
propos de Leibniz
"J'ai
trouvé que
la plupart
des
sectes ont raison dans une bonne partie de ce
qu'elles
avancent, mais
non pas
tant
en ce
qu'elles
nient."
Autrement dit,
une lecture non violente de la pluralité
permet de retrouver l'unicité
d'un foyer d'où
jaillit
la lumière de la vérité.
Enfin,
la dé rn I r e attitude est. la dialect.ique. :
è
pour elle,
ainsi que
pour l'éclectique,
il Y
a
une
identité. Mais contrairement à cette dernière elle pose
que cette identité n'est
pas abstraite mais
concrète.
Chez
Hegel,
l'Absolu
est
le
véritable
sujet
de
l'histoire.
Selon
l'auteur,
il
y a
chez Hegt!l,
dans
l'élaboration du système,
un
fort éclectisme, 1113.is
le
principe
de
sa
philosophie
est
dialectique.
c'est
pOU r q Il 0 L,
1.1 1 u i sem b I e J. é ÇJ i t i me,
de
fil L1.- ,?
ch? Ht' ÇJ e 1,
1. e
père de la philosophie de l'histoire.
Cependant,
ne pouvons-nous pas - a u-id e Là bien sû r d'une
vaine querelle de paternité-
montrer que pour
Leibniz
aussi,
l'identité est concrète,
c'est la raison univer-
selle dont le règne cherche à s'établir ?

-373-
.j
,1
j
\\1
2.
- Descartes - Discours de la Méthode
1
1
'(
"Ainsi voit-on que les bâtiments qu'un seul
architecte
a entrepris et achevés ont coutume d'être plus beaux et
1
1
mieux ordonnés
que ceux
que
plusieurs ont
tâché
de
racommoder,
en faisant servir de vieilles murailles qui
avaient été bâties à d'autres Lins."
(seconde partie).
Lei b n i z lu i, s' a t tac he a u xIe ç 0 n s deI' Hi s toi l: e .
3.
-
Yvon Belaval
- Leibniz critique
Descartes
p.114 "unité, continuité
mais Dieu n' e û t
pas
cho i s t
le meilleur si le
monde se développait
sans
progrès.
Ce
progrès
a deux .sources
la perfection
.t mp I Lqu e
é
dans
la
notion
complète
du
meilleur
des
mondes
possibles et
qui doit
s'actualiser
dans le
temps
!
1
i
l'inquiétude essentielle à la conscience, qui pousse
à
la recherche du plaisir, signe de perfection ... "
..
CF
les
EcU tions
de
mi nu I t
1968
Hennes
r
collection critique -
4.
- Hicl1el Serres oppose deux
r ep r s en t a t ton s
é
de la
commllnication,
celle
de Descartes
et celle
cle
Lei b n i z.
La
pre in i è r e est
pou r a i n s i
dl r e
t a1J III cd. r e ,
tandis que la
seconde est une
structure,
un r s eau
à
é
relations multiples et réciproques. Chez Descartes,
11
y a une mécanique de la communication,
tandis Clue
c h e z
Leibniz il s'agit d'une dynamique.

D'o~ le tableau suivant, pour repréèenter la pEns~e
de
Descartes:
(pages 126)
Intuition
Vision
Toucher
~f,
l.l\\bolition du
lumiêre naturelle
lumière
Imouvement
IPropagation
1 instantanée
IBâton
IAbolition de
Immédiate
Distance
lIa distance
Contact
En revanche,
le
système leibnizien est
repr~senté
de la manière s u Iv an t e :
(p.157)
Les
seules
relations
directes
sont
celles
qui
existent entre
les
monades
et
Dieu.
Les
r e la t i.o n s
intennonadiques ne sont possibles, que pal- la
c r é a t f.o n
de Dieu, qui, par
l'harmonie préétablie,
fait que
les
monades s'entr'expriment.
5.
- cf.
Le matérialisme du
XVIIIe siècle et
la
Li t t
r a
é
t u r e clandestine.
o Li v i e r
Bloch -
vr in 1982
pages 17 à 25.
6.
-
Ibiclem - p.61

BIBLIOGRAPHIE


OUVRAGES CITES OU CONSULTES

1

-375-
André (P)
La vie du P.
Malebranche
Arnauld
La Logique ou l'art de penser
contenant,
outre les règles communes,
plusieurs observations nouvelles,
propres à former le jugement.
Introduction de Louis Marin -
Flammarion -
1970
Logique de Port-Royal suivie des
trois Fragments
de Pascal //stlr
l'autorité en matière de philosophie.
L'esprit géométrique et l'Art de
Persuader.
avec une introduction et des notes
par
Charles Jourdain
Paris-Librairie Hachette-1961-
- - - - - - - - - - - - - - - - - -_ _
- - - - -
_
.WL.Ld_.
. .•.. _ . " ' " , . ...." . . ., _ ' " " " '• •" . . .,, """','"'"

-376-
- Grammail-e générale et l-atsonnéè
Précédée d'un Essai sur
l'origine et les
progrès
de la
langue
française.
Par
M.
petitot,
Inspecteur
général d'Université impériale.
Et suivie du commentaire de M. D1lclos,
auquel on a
ajouté des notes.
Bassange et Massen.
1810.
- Oeuvres complètes.
- Bibliothèque de la Pleiade.
Bachelard
Le Nbuvel esprit scientifique.
pur.
1978.
La
formation
de
l'esprit
scientifique.
contribution à
une
psychanalyse
de
la
connaissance
objective. Vrin.
Baruzi (Jean)
Introduction aux Trois dialogues
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Leibniz et l'organisation religieuse de
la terre.
D'après des documents inédits
Paris
Alcan 1907.
Leibniz
par .r e an Banlz)
avec (le
nombreux textes inédits.
études.
1909

-3,1-
Recueil de diverses pièces sur la
philosophie,
la religion naturelle l'histoire,
les mathématiques par Mrs Leibniz,
clarke et autres
auteurs célébres Tl et T2
Bayard
Leibniz et les antinomies en
droit.
Bayle
Dictionnaire historique et critique
4è éd.
revue,
corrigée et augmentée.
Avec
la vie de l'auteur par M. des
Maizeaux,
Amsterdam et Leyde
MDCC XXX
Beyssade
(Jean-Marie)
La Philosophie première de Descartes.

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Beyssade (Michelle)
La problèmatique du cercle et la
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in Problématique et réception du
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Essais-
Textes réunis par Heu r y Méchoulan -
Vrin 1988.
Bloch
Le Matérialisme du XVIIIè siècle et la
littérature clandestine.
Actes de la table ronde des 6 et 7 Juin
1980 - Vrin 1982
Ouvrage publié avec le concours du
Centre National des Lettres.
Bossuet
Correspondance avec Leibniz sur la
réunification des Eglises.
(1690 - 1693)
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Belaval
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Leibniz
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l12 /) C~ ~ CI...} .; .J_
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L'Héritage Leibnizien au Siècle des
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Vorlesungen über Geschichte der Hathematik
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Leibniz 1880,1892,1989.
Centre International de synthèse
Leibniz. Aspects de l'Homme et· de l'Oellvre-
Aubier-Montaille Paris 1968
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Opuscules et Fragments inédits de
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inédits - ed.
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La logique de Leibniz - d'après des
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Paris Alcan 1901
Cresson And r é
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sa vie,
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PUF.
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La sémiologie de Leibniz
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Co Ll e C t i (1 11 An a lys e e t
Ra i s o n fi
Louis Davillé
- Lt~ibnjz historien
1
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Essai sur l'activité et la méthode
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Doctorat - Librairies Felix
Alcan et Guillaumin Réunies -
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Le séjour de Leibniz à Pal-is
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Philosophie Symboliqut::~ et
algèl)l-e de la Logique
Les Lois de la Pensée de
George Boole-Université
Paris l
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-Thèse de do c t o r a t cl' Etat-
- Boole,_ l'Oiseau de nuit en plein
jour
Belin- Paris 1989 -
Un Savant, une époque
R. Etiemble
l'Orient philosophique au XVIIIe s.
Cours professé à la Faculté des
Lettres de Paris Centre de documen-
tation universitaire -1956-1957
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querelle des l-ite~ (1552 - 1773)
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Descartes et Spinoza
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la cabale
Trois lectures à l'Acé1dt?l1lie des
s c i eric e s morales et politiques,
avec les Hanuscrits illt?dits de
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Hémoire sur la Philosophie de
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Lettres et opuscules intidits de
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Paris 1854
Oeuvres de Leibniz,
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Leibniz - Oeuvres publiées pour
la première fois d'après les
manuscrits originaux avec
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l'Etre et la Relation
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Pal-is Vi-in 1981 - Bibliothèqlll'! cl'Histoll-t~' de
la Ph Ll.o s o ph i.e -
G.W Leibniz:
Discours sur la théoloÇJie
naturelle des Chinois plus quelques écrits
SU1-
la question religieuse de Chine -
présentés,
t r adu i t s
et annotés par
Christiane Frémont -
L'Herne 1987 -
. Le "vincululIl"
Fumaroli Marc
"EÇJo Scriptor : rhétorique et
philosophie dans le Discours
de lamé thode "
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Librairie philosophique J.
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Jurispruclf.?nce universelle et théodicée
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Paris Vrin 1953~
- Textes inédits d'après les manu s c r i t s
de la Bibliothèque provinciale de
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2 volumes Paris 1948.
Guenancia Pierre
- La signiftcation de la technique
dans le Discours de l€\\
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in
Problématique et Réception du
Discours de la Méthode et cles
Essais.
- Descartes et l'ordre po11t.iquè.
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des document:.:.: j.nédi.t:,::- P31-i:3
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0 - 0
_ _ 00
_
- 3 9 2-..:----------
- Lettres et fragments inédits sur les
problèmes philosophiques,
t.héologiques,
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doctrines protestantes (1669-1704)
publi~es avec une introduction
historique et des notes par Paul
Schrecker- Alcan Paris 1934.
- G.H.Leibniz
Textes inédits traduits par Gaston
Grua- Paris PUF 1948 -
2 volumes.
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la philosophie jui-ve et
la cabale ...
Paris 1.861-
- André Robinet
Correspondance Leibniz - Clarke ... pur
1957-
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G. \\~ . Lei b n :L z
Chinois . . .
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- Monadologie
- Essais de théodicée.
- Discours de métaphysique.
Locke John
Essai philosophique concernant.
l'entendement humain.
Librairie philosophique Vrin- Paris 1972.

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Rodis-Lewis- T V Vrin 1958 ..
Trai~é de Morale f en coédition avec le
CNRS
Michel Adam -
T XI
1977.
Correspondance et ACTES -
Andr~
Rob i net.
1 9 6 1.
(1 6 3 8 - 1 6 89 )
(1690-1715)- T XVIII et T XIX-
Conversations chrétiennes : T IV Oeuvres
compètes-ouvrage publié en coédition
avec le CNRS-Vrin 1972.
M.Arnauld f par A.Robinet (1966
à
f 6 2 3
1232). Vrin 1966.
Méditations chrétiennes f par H.Gouhier
et André Robinet Vrin 1967.
Entretien d 1 u I1 philosophe chrétien et
chinois-par A.Robinet-Vrin 1970.
tx-
Mathematica
XVII-2- pal' P.Costabel-
1960.
_ li _-""

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de Port- Royal" et les "Pensées" d~'
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Discours de la Méthoc1t2 et des Essais -
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in Aspects de
l'homme et de l'oeuvre -
Aub i e r - Mon t a i gne Pa L-i s 1 9 6 8 ,
Naert EmI Lf.e nn e
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in Problématique et Réception
du Discours de la Méthode et
des E:3sais -
l0.-
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d" +L t.'\\lJl--'.~
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-395-
Neveux
L'irénisme au temps de Leibniz et ses
implications politiques- in Leibniz.
Aspects de l'homme et de l'oeuvre -
Aubier -
Montaigne Paris 1968.
Nicole
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cf Arnauld.
Pariente Jean-Claude: L'Analyse du langage à
Port-Royal Six études
logico-grammaticales,
les Editions de Minuit,
1985 -
Ouvrage publié avec le concours du
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"Art de parler et art de penser à
Port-Royal",
dans Revue. philosophique,
)03è année,
IV.
1978.
"grammaire et logique à Port-Royal"
dans histoire,
épistémologie,
langage
-1984-
Le'langage et l'individuel.
coll.
Philosophies pour l'âge de la science -
Arnauld Colin Paris 1973-
Pascal
Oeuvres complètes -
l'Intégrale -
Editions-Seuil -
Paris 1963 -

- .: ": :~ -
Virgile Pinot
La Chine et la formation de l'esprit
philosopl1ique en France (1640-1740).
slatkine Reprints Genève 1971.
Prenant Lucy
Leibniz - Oeuvres éditées par Lucy
Prenant, avec introduction,
tables et
commen ta ires -Aub .i e r Mon taign,~-
Haurice Rat
christine de Suède
-
Editions Mondiales,
Paris 1958 -
Le Vrai Descartes -
Revue Internationale de Philosophie
: 1969
n04
- La communication en Philosophie
n012
Descartes, Avril 1950.
n032
Etudes platoniciennes -
fax 2
1955
n076-77 fax 2-3
Leibniz - 1966.
n082 - La Philosophie du langage - Les
précurseurs au XVIIIè siècle - fax 4
1967.
Revue Française (la nouvelle)
6è année- n070 Octobre
1958.
Introductioll et Notes d'Yvon Belaval.
Revue Philosophique:
Janvier - Mars 1062.

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Malebranche et Leibniz.
Relations
Personnelles
Ouvrage publié avec le concours du
Centre
National de la Recherche Scientifique-
Vrin 1955.
Leibniz et la racine de l'existence.
Présentation, choix de textes,
bibliographie par A.ROBINET - Ed
Seghers-Paris 1962-
Coll Philosophes de tous les temps.
La pensée à l'âge classique.Que sais-je?
PUF Paris 1981.
C0rrespondance Leibniz - Clirke -
P'r s e n tée d' après les mBllUSC :ci t s
é
originaux des bibliothèques de Hanovre
et de Londres par André Robinet- PUF
1957-
Les imaginaires d'une biographie sans
inconnue-
in Leibniz. Aspects CIe
l'homme et de l'oeuvre.
Le Lbn iz face à Malebranc11e - Ibic1em.
c f 0 e u v l'es cle Mal e br a 11c li Fe; •

1
1
1
1
- Architectonique disjonctive,
automates
systèmiques et idéalité transcendantale
dans l'oeuvre de'Leibniz - Vrin -
Geneviève Rod i s Lewi s
: Correspondance Descartes-
e
Arnauld - Vrin 1953.
L'Individualité selon Descartes - Vrin
1950
Descartes, Correspondance avec Arnauld
et Morus.
Texte latin et traduction,
introduction et notes par Geneviève
Rodis-Lewis- Vrin Paris 1953.
Lettres de Leibniz à Arnauld d'après un
manuscrit inédit, avec une introduction
Il i . I-Ul- i (1118
et des notes cri t i que s par
':; ,,..'1 J t-' '/ i ;., \\/ f::
'R 0 d J s - L e wi s -
Conternporaine-PUF 19:',::,
Problématique et Réceptjoll
...... :
ci:1
:,): ,: ',::urfi
d,;: 1. d
H l~ t h ,) clt: e t
cl!'? s
E,S l'i ,'1 i. s -

• -,
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J
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Y(J 1 1-, ,
Sainte B~u\\:
'~l l.
, •
• l
L ~
Cr)I 1r s
cleT ..:.: . ' Iii J ,- - ( 1. 8 3 7 - 1 ;:.-:. ;:
Publié sur le manuscrit de
Chantilly par librairie E.Droy
Paris 1937 -
Sartre
L'Etre et le Néant -
Es sai d' 0 n t 0 l 0 ÇJ i e ph é nomé n0 l 0 ÇJ i q~~ ~_::::
Gallimard 1943.
Scheel Günther
Leibniz historien
In Leibniz. Aspects de l'homme et
0\\l.-\\~-~-~- \\S6g
de l'Oeuvre
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Serres Michel
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In Leibniz.Aspects de l'homme et de
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La commun ic a t ion - He r me s I
-
Co Il e c t ion "c rit Lq u e
"- Ecl j t:i 01\\ S d te'

-q()()-
Préface de "La naissance du calcul
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Hathesis - Paris Vrin 1989 -
Publié
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sève René
Leibniz et l'Ecole mod'erne du Droi t
naturel -
Questions PUF 1989 -
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Le Discours cle lël méthode et les
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C01l9rés
Descartes - pubLi s pd]" ] e s
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-·101-
n0532-(Actualités scientifiques et
Ln du s t l- i e 11 es) -
Voisé Waldemar
La mathématique politique et
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d émons t r a t.f onum politican.ll1l de
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-A 0~_ -\\~;JY\\.}(u.~
de l'oeuvre.
(1646-1716) .
-M-
.1 C) C<g _

INDEX ANALYTIQUE

-402-
Au t e u r
P 10-16-36-58-69-95-132-134-137-139-147-148-
161-179-184-186-187-191-196-213-217-220-223-
224-229-232-237-239-245-252-253-257-264-267-
271-279-295-300-305-306-309-330-343-352-354-
356-357-360-364-366-367-370-377-
Calcul
P.12-13-49-51-52-55-56-57-58-63-64-65-66-
67-96-99-100-109-110-296~297-298-299-304­
307-314-320-322-347-400-402-
ChinE:
P.318-323-329-330-331-332-343-344-345-359-
384-386-
Communication
P.8-13-14-15-21-22-26-49-68-69-70-71-
72-74-75-76-77-78-79-80-81-89-90-101-
112-121-126-128-129-130-135-140-144-
145-155-167-170-175-182-185-186-187-
189-190-192-193-198-213-220-224-244-
250-251-252-254-257-269-273-281-285-
286-~90-293-294-299-308-317-318-320­
329-331-337-339-340-344-355-357-363-
363-364-365-366-367-368-369-370-371-
372-378-

-404-
Etranger
P.272-323-329-331-332-343-365-
Expression
P.4-12-80-82-85-97-240-242-308-336-339-345
371-
Fondement
P.41-44-56-79-85-158-199-213-226-228-234-
277-308-31]-315-319-351-360-362-388-
Formalisme
P.13-16-52-89-100-238-
Histoire
P 47-211-360-373-381-382-383-385-386-387-
Individualité
P.47-72-119-128-364-
Raison
P.15-21-25-26-27-28-29-30-31-32-33-35-36-37-
41-44-48-51-53-59-60-61-62-63-67-70-72-73-
82-83-89-93-109-111-113-114-116-117-119-
120-122-123-134-143-145-155-156-168-182-185-
192-213-214-217-220-221-236-250-251-252-264-
266-269-273-274-276-277-278-283-284-286-289-
294-296-297~302-306-307-309-314-316-318-319­
320-321-322-326-327-335-339-342-343-351-352-
353-364-360-362-363-368-372-376-384~389-

- 1} 0 5 - -
-.- --.. ...--
'-1
1
1
Remarques
P.B-169-170-171-173-179-231-232-
- - _ . _ - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Résistance
P.71-74-116-176-192-195-210-212-213-243-
320-:322-335-363-
Signe
P.12-13-17-18-21-33-49-BO-86-89-91-92-93-94-95-
96-97-100-101-102-104-105-106-107-108-109-111-
112-113-187-247-248-249-253-287-304-320-346-364
370-373-
Totalité
:P.43-45-46-84-85-86-95-154-160-233-235-240-
241-259-260-314-361-
Traité
P.36-38-66-139-171-193-20B-221-2~2-223-224-
225-226-227-228-229-261-263-376-297-320-365-
Vrai
P.1-3-4-5-6-9-10-11-12-13-14-15-16-19-20-23-
24-26-28-33-34-35-41-43-44-45-47-48-57-66-69-71-
72-73-74-76-82-89-90-92-109-114-115-116-119-
122-128-132-134-135-136-142-144-150-153-154-157-
160-161-163-164-166-168-176-180-182-183-190-192-
198~199-200-201-205-206-209-214-225-239-241-
243-246-247-250-251-254-262-263-208-2G0-~72-
374-278-280-286-296-299-300-306-314-317-320-322-
323-329-330-331-334-335-337-34]-342-343-341-352-
355-357-361-363-364-365-366-367-368-371-

-406-
Ubiquité
P.43-80-153-171-241-259-
Intuition
P.52-70-88-89-91-92-102-108-113-123-126-
Langage
P.18-19-21-73-76-91-96-97-102-104-10S-142-
157-190-191-247-345-349-352-381-395-396-
- - - - - - - - _..---"---.-"--".-
Lettre:
P.27-28-32-52-64-67-74-75-86-120-126-128-139-
140-141-142-143-145-146-147-148-151-152-153-
154-155-160-161-162-163-164-166-167-168-169-
171-173-174-175-176-178-185-187-196-216-220
227-228-232-241-255-258-266-267-272-276-279-
282-298-307-311-318-319-320-324-325-344-348-
354-366-386-
Lire
P.150-154-160-170-175-178-184-187-189-201-257-
260-267-777-284-
Logique
P.4-5-14-23-25-31-33-34-49-51-52-S4-58-93-100
173-218-221-245-246-252-261-263-284-296-297-
298-299-304-308-309-319-322-338-346-380-382-
390-391-394-395-

- Q U / -
.~,
.
~
"
. l,·,
,",,'
Méditation
P.79-121-132-139-147-159-162-175-178-185-
186-188~189-193-194-195-196-199-200-203-
206-210-212-213-214-217-224-243
Objections
P.1-92-139-150-152-166-169-172-174-175-
176-2ü1-2ü2-211-21Q-21G-225-237-240-242-
244-
c::~
Parole
P.17-19-20-72-77-91-97-99-104-166-187-203-
204-205-237-242-285-300-327-368-
perspective
P.2-43-64-69-90-106-151-240-241-259-314-
Politique
P.13-35-38-S0-51-65-271-:-272-273-274-275-
276-277-278-280-282-283-284-285-286-288-
289-291-296-298-299-304-305-306-307-311-
314-317-322-324-325-326-384-385-388-392-
395-401-
Prière
P.195-203-210-293-342-
Public
P.45-118-119-132-163-167-169-171-174-189-190-
225-232-234-235-270-271-272-357-367-

, .
INDEX DES AUTEURS CITES

__
.
.....~_. _._---- -- ------------------_._-_.-----
-40S-
Antoine Arnauld P.1-2-3-4-5-6-7-8-9-14-15-1G-17-?O-21-
23-24-25-26-30-31-32-33-34-35-38-39-52
53-54-55-56-58-64-67-68-69-76-77-79-102
103-104-105-106-107-108-115-116-117-118-
119-130-131-139-148-150-151-182-183-186-
188-191-206-208-217-225-244-245-246-247-
248-250-255-258-260-261-262-263-266-272-
300-301-l29-333-334-336-337-338-341-343-
358-364-370-375-391-393-394-395-398.
G.
Bachelard
P.
376-
Jean Baruzi P.
159-160-312-313-315-317-324-326-376-
A.
Bayard P.
310-311-377
Bayle
P.
170-240-349-377
Yvon Bélaval P.
9-64-370-
Beyssade
(Jean-Marie)
P.
211-377-378-
Bloch P.
375-378
Bossuet P.115-156-157-158-159-160-161-318-321-326-327-
328-378-387-391

-409-
Boulainvilliers P.
378-
Boutroux P.
46-47-380
Bruaire
P.
380-
Brunner
P.
380-
Bréhier
P.
380-
Pierre Burgelin P.
380-
Calné P.
91-381-
Cantor Moritz P.
381-
Couturat 51-62-64-65-382-391
Marcelo Dascal P.
94-96-383
Louis Davillé P.
362-383

-410-
J.
Derrida P.
383-
Descartes P.1-8-9-10-11-16-19-20-22-23-25-26-27-28-29-
30-33-34-35-38-40-41-43-52-64-69-70-71-72-73-
74-75-76-78-79-81-86-87-88-89-90-91-92-93-95-
96-99-101-102-103-104-105-106-107-108-113-119-
120-121-122-123-124-126-127-128-129-131-132-
139-141-142-143-146-147-165-166-167-168-169-
171-174-175-176-177-178-184-186-188-192-193-
19G-197-198-199-200-201-202-203-208-210-211-
213-211-215-216-217-218-219-220-221-222-221-
2 2 6 - 2 27 - 2 2 8 - 2 2 9 - 230 - 2 3 4 - 2 3 7 - 2 4 1 - 2 4 2 - 2 4 4 - 2. ,11) -
247-248-252-256-258-2(,0-263-2644-265-266-267-
268-272-273-274-275-276-278-279-280-281-282-
299-300-301-302-3Jl-3~0-333-334-335-33G-338-
340-341-342-343-352-357-358-359-360-361-362-
363-364-367-368-360-370-373-374-377-379-380-
381-383-385-387-388-389-394~396-398-400-401-
402-
Etiemble P.
323-330-331-384-
G. Ferreyrolles P.
288-289-384-
Flewelling
P.
349-359-384-

-411-
Foucault
P.
211-212-243-385-
Foucher de Careil P.
307-324-385-392-
Christiane Frémont 45-83-86-154-241-386-
Marc Fumaroli P.218-219-220-
François Gaqtière P.
326-
Gerchardt
P.
66-188-389-
Etienne Gilsen
P.
Henri Gouhiel- P.73-132-267-268-272-280-302-366-367-368-
Nicolas Grimaldi P. 388-
Gaston Grua
pierre Guenancia P.
30-276-278-388-
Martial Guéroult P. 389-
;
Jean Guitton P.
389-
1
1
1
1
1
·1

,J
-qT~-
Thomas Hobbes P.
94-95-97-98-99-100-213-279-305-380-390
Jalabert Jacques P.
390-
Jourdain Charles P.
390-
Kant P. 310-390-
Le Brun Jacques
P.
391-
Leibniz P.
6-9-10-11-12-13-16-20-22-35-36-37-38-39-44-
45-47-48-49-50-52-54-57-58-62-63-64-65-66-67-69
78-79-80-81-82-84-85-86-92-93-94-95-96-101-106-
108-1n9-111-112-113-121-139-]41"I~~-143-145-147
]48-]49-150-151-152-153-]54-155-156-157-]53-159
160-161-163-164-166-169-170-171-]72-173-174-178
179-180-181-]82-184-185-187-188-191-196-208-215
217-220-222-230-231-232-233-234-235-236-237-239
240-241-252-257-258-263-265-314-315-316-317-318
319-320-321-322-323-324-325-326-328-329-332-338
339-343-344-345-346-347-348-349-351-353-354-355
357-358-361-362-363-364-366-368-369-370-372-388
389-391-392-393-394-395-396-397-398-399-400-401
- - - - - - -

-41.3-
Leroy P.
393-
John Locke P.
392-
Malebranche P.
118-135-136-137-141-142-143-144-145-146-
147-148-149-150-151-152-154-161-162-163-164-
165-169-171-172-173-179-180-181-182-183-185-
187-188-189-191-193-194-195-196-203-204-205-
206-207-208-210-218-222-223-224-225-257-258-
342-352-353-354-375-393-397-398-
Louis Marin P.
18-20-69-107-375-
J.L.Marion P.394-
- - - - - - - _ . _ - -------_._----------.----_.-._---------.-.. _---
Naert P.
19-351-352-355-356-394-
Neveux P.
395-
Nicole P.
1-39-68-260-261-262-283-287-337-395-
J.C.
Pariente P.
102-395-

-414 -
Pascal P.
3-5-18-30-32-33-34-36-37-39-52-54-63-66-112-
113-134-137-247-248-249-250-251-262-286-287-
288-289-290-291-293-295-296-299-303-338-343-
375-384-389-394-395-
Virgile Pinot P.
396-
Prenant Lucy P.
396-
Maurice Rat P.
281-282-396-
André Robinet P.
20-22-150-179-182-189-247-257-392-393-
397-
GenevièvE;
Roc1is-Lewis P.40-72-123-124-125-128-129-131-
198-268-398-
- - _.._ - - - - - - - _ . _ - - - -..-._-----_.----.
Roy Olivier P.
398-
_._-_._-----_._---
Russel P.
399-
Scheel Giinthel" P.
399-
Michel Serres P.
373-386-
René Sève P.
307-309-400-

'-'.,:.,"
_ ....- .
- -.
----=--~--.-
Spinoza P.
2-3-305-349-352-353-378~385-qOO-
Voisé Waldemar P.
401-

-416-
TABLE
DES MATIERES
-=-=-=-=-=
PAGES
INTRODUCTION
1
NOTES
22
PREMIERE
PARTIE
: DEFINITIONS DES NOTIONS
CHAPITRE 1
:QU'EST-CE QUE LA VERITE?
23
NOTES
:
39
CHAPITRE-I
COMMENT PENSER DIFFERENTS TYPE DE
CERTITUDE ?
40
1.
-
LA CERTITUDE CHEZ LEIBNIZ
48
II.
-
LE PROBABLE ET LE VRAISEMBLABLE CHEZ ARNAULD 53
NOTES
59
CHAPITRE II
: QU'EST-CE QUE LA COMHUNICATIOU ?
69
1.
- COMMUNICATION ET PENSEE :
A.
DESCARTES OU LA DISTINCTION TOTALE DE LA
PENSEE ET DE LA COMMUNICATION
70
B.
ARNAULD OU LA PENSEE COMME DISCOURS A
QUELQU'UN
77
C.
LEIBNIZ OU LA COMMUNICATION, CONDITION A
PRIORI DU PENSER ET ESSENCE DE LA PENSEE
80
NOTES
87
CHAPITRE III
NECESSITE DU SIGNE
PENSEE ET
LANGAGE
89

PAGES
1.
-
L'IMPORTANCE DU SIGNE:
A.
INTUITIONISME CARTESIEN ET FORMALISME
LEIBNIZIEN
89
B. ARNAULD ET LE SIGNE
102
NOTES
110
CHAPITRE IV
LES DIFFERENTS ESPRITS
:
INDIVIDUALITE ET INTERINDIVIDUALITE 114
u
A.
LES "ESPRITS FAUX
D'ARNAULD
114
B.
L'INDIVIDUALITE SELON DESCARTES
119
NOTES
134
DEUXIEME PARTIE
LES FORMES DU DISCOURS
PHILOSOPHIQUES
CHAPITRE l
: LES LETTRES
139
1.
-
LE STATUT
EPISTEMOLOGIQUE DES LETTRES
1.41
A.
MALEBRANCHE,
LE PARESSEUX
141
B.
LEIBNIZ,' LE PERSECUTEUR
148
C.
LE GRAND ARNAULD,
LA TERREUR DES AUTEURS
161
D.
DESCARTES ,
LE CLAIR-OBSCUR
166
NOTES
179
CHAPITRE II:
LA MEDITATION
1.
-
SENS DE LA NOTION:
A.
QUE SIGNIFIE "HEDITER" ?
184
B.
LEIBNIZ ET LES MEDITATIONS SUR LA
METAPHYSIQUE
196

--418-
PAGES
II.
-
MEDITATION ET COMMUNICATION
198
III.
-
MEDITATION ET DIALOGUE
~03
NOTES :
216
CHAPITRE III
LE "DISCOURS",
LE TRAITE ET LES
ESSAIS
217
1.
-
LA FORTUNE
DU "DISCOURS"
A.
DIRECT ET NATUREL
217
B.
LE DISCOURS DE METAPHYSIQUE
: UN CAS
A PART ?
221
II.
-
LE TRAITE:
A.
TRAITS SPECIFIQUES
223
III.
LES ESSAIS:
A.
DESCARTES
229
B.
LEIBNIZ
230
CHAPITRE IV
: LA FORME DIALOGUEE
236
1.
-
LE DHAME PHILOSOPHIQUE
236
A.
LEIBNIZ·
236
B.
DESCARTES ET LE DIALOGUE
242
C.
ARNAULD ET "L'INTERLOCUTEUR ENNEMI"
2'15
CHAPITRE V : LES ACADEHIES ET LES JOURlJAUX
253
1.
-
INTRODUCTION
~S3
II.
-
QU'EST-CE QUE LIRE
257
A.
LEIBNIZ ET LE LIVRE A VENIH
258
fi.
ARNAULD ET LE LIVRE DE CHEVET
260
C.
DESCARTES
: LE LIVRE A JETER
263

- :119-
PAGES
NOTES
:
270
TROISIEME PARTIE: A L'EPREUVE DE LA REALITE
CHAPITRE l
: LA PENSEE POLITIQUE DE DESCARTES
Err D'ARNAULD
272
A. DESCARTES ET ARNAULD
B. ARNAULD ET LE POLITIQUE
1. L'EXTERIORITE DU POLITIQUE
283
2.
L'INFLUENCE DE PASCAL
287
3. MON ROYAUME N'EST PAS DE CE MONDE
293
CONCLUSION:
LE RESPECT DE L'ORDRE
300
NOTES
:
303
Ca~PITRE II
: LA PENSEE POLITIQUE DE LEIBNIZ
304
1.
-
LEIBNIZ ET 'LE DROIT
·307'
II.
- LES FAITS:
LE ROLE POLITIQUE DE LEIBNIZ
311
III.
- LA PENSEE RELIGIEUSE:
FOI ET RAISON
316
A.
L'IRENISME AU XVIIe SIECLE
316
B.
IL FAUT DEUX YEUX POUR VOIR
316
CONCLUSION
322
NOTES
:
324
CHAPITRE III
: L'ETRANGER
329
1. - L'ORIENT
A.
LES TU~CS
333
n.
1./\\
HI\\T:':;ON
l'I\\HI'::,)~:ElJ:;E
rn
C.
PEUT-ON ETHE MAHOMETAN ET GEOMETRE ?
341

..
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-
.,
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---_._---~.
.
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.
-420-
PAGES
II.
-
LA CHINE
344
LEIBNIZ ET LA CHINE
344
1. LE LANGAGE
346
2.
LA RELIGION NATURELLE
351
NOTES
359
CONCLUSION : UN OPTIMISME NOUVEAU
PREMIERE PARTIE
lIIS1'OIRE DE LA PHILOSOPHIE Err
PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE
360
DEUXIEME PARITE
:
A. A TRAVERS LES SIECLES
365
B.
CYBERNETIQUE
: DESCARTES OU LEIBNIZ?
369
NOTES :
371
BIBLIOGRAPHIE
: OUVRAGES CITES OU CONSULTES
375
INDEX ANALYTIQUE:
102
INDEX DES AUTEURS CITES
408

-
...L
-
'PHECISIONS
CONCERNANT L8S REF'ERIENCES.
P.I. L.P.R. chap.. XlII P.4IJ
P.2.
ibidem.
citation de l'Ethigue.
Oeuvres III p.I5J- 154. GF 1965-
Traduction et notes par Ch. Appuhn.
p.4. LPR Livre
IV.. P. 410
P.5 .. PENSEES DE PASCAL. PENSEE 822-59J: HISTOIRE DE LACHINE.
P. 605. L'INTEGRALE.
P.ô L.P.R. chap. XII de la quatième
partie, p.4IO.
P.7. ibidem. p.422
ibidem. p. '1-24
P.8 ibidem. P.~Z6.
P.20.André Robinet.Leibniz et la racine de l'existence.
Introduc-
tion. p.IO.
P. 22. Note LI--LEIBNIZ ET LA HACINE DE L' l!:XI::3TENCE
. Présentation,
choix de textes, bibliographie par André Robinet.Editions SEghers.
Paris 1962.
p.26. Descartes. Discours de la méthode.
T.I.p.595. Garnier.
Ibidem. P. 592.
~ P.JO. Guenancia. Descartes. chap, La morale. p.
~ P.5I.Couturat. la logique de Leibniz.CHAP.VI "La science géné-
rale". p. 240.
, p.64.Ibidem. p.2'f'~.
P.7I. Lettre à Mersenne du 25,Novembre I6JO. A.T.I. p. 144.
P.72.Descartes. Discours de la méthode.
éop. A.T. VI. p.69.
P.7J. Geneviève Rodis-Lewis. L'Individualité selon Descartes. chap.IV.,
"La communication des esprits". P.II8.
P.8J. Christiane Frémont. L'Etre et la relation. avec Trente-cinq
lettres de Leibniz au R.P. Des Bosses.
Conclusion. p.68.
P.86. Ibidem. p.I6. chap premier" La relation épistolaire."
P.9I.Pierre -Alain Cahné , Un autre Descartes. Le
philosophe et
son langage.P.55, chap II, "Le philosophe, la langue et la communication".
!1arcelo DascaL La sémiologie de LeLbn i z s p , IJ8.Aubier Montaigne 1978.

P.IOI.Opuscules philosophiques choisis. Vrin 1978.
p.JI.
P.IOJ.L.P.H.p.J88.
P.I04. Ibidem. chap XI, p.II7.
P.I05. Ibidem. P.I20.
(P. 106. Ibidem. chap XIII, P.I25.
PI09. Ibidem p.J6.
PII5
Ibidem P.J7.

P.II6. Ibidem. P.J6.
P.II9. Descartes ~ DIscours de la méthode.
Garnierp. 58J.
P.I2J. Geneviève Rodis-Lewis.L'Individualité selon Descartes.
chap. V. "Les différents esprits". p. 127.
P.I24. Ibidem.
VI, P.I58. "Les facteurs subjectifs de la connaissance".
P.I25. Ibidem. chap , VI. " ROLE des fonctions mixtes". P. 175.
P.I29. Ibidem. V, "Les défauts des esprits', les différents esprits".
p. 129.
PIJI. Ibidem. "Les degrés de la liberté".
~ P. IJ5 . Malebranche. La Recherche de. ',la: . ·:'érité. l, xix i p. 88
~ p.IJ6. Livre 2°, chap.VII p.I2J.
rP.IJ7. Ibidem. P.I49. Livre deuxième, chap.III
~I p.I62. Charles Jourdain. Notice sur les travaux d'Antoine Arnauld.
IN L.P.R. 1861. p. 111- IV.
Ibidem. p. LV. - LVI.
P. 175.
Lettre au Père Fournet. Garnier p. 77~.
P. 176. Lettre du J octobre I6J7.
ibidem. p.785- 796.
P. 182. Note 6- VEtre et la relationchapi l, p.I7. Corr:"monadologiques".
P.I95. Méditations chrétiennes et métaphysiques, méditation vII, chap XV
p. 74. Vrin 1959.
Ibidem. P. 69.
P.205. P. XIV .Vrin 1965.
Ibidem. P. XVII.
l'
P 2II.
méditation. P. 27. PUF I97l~.
P.2IJ. Ibidem. P.IJ5.
Troisièmes Objections.
P.I86. PUF 1974.
P .214. P. I86.PUF 1974.
P. 219. GF 1966.
P. 225. Lettre à Nonsieur ...
P.2J2. P. 49. Les
Essais de Théodicée.p. 49. GF 1969.
P . 2Jl~. Ibidem. Préface j p. L~5 .
.2.2l18.
LPH. P.J76.
P.249~ ~~i~~~:prit géométrique~ P.J49. L'Intégrale.

,
-3-
;
)1. Ibidem. L'Opuscule.
P.J52.
58.
Leibniz. Les Essais de Théodicée.
Troisième partie,p.J6I.GF 1969.
?G. LPR p. 44.
57. Henri Gouhier. éOessai, chap III Paris Vrin I9L~.
1
?4~ P.42. Discours de la méthode.
1$. Ibidem. P.J9.
76. PP.5I- 52. Ibidem.
77. P.4J. Ibidem.
79. Descartes au P"ÂT T IV Juillet 164) -Avril 1647.
81. Maurice Rat. Christine de Suède.
p. 59. Coll. Les Femmes célèbres.
Editions mondiales, Paris 1958.
82. Extrait cité à la page 61 , ibidem.
84. LPH. P. 409.
~9.:Pascal et la raison du politique.
G2rard Ferreyrolles, p.98,lll, 1.
PI. Discours de la méthode. p .L~4.
i
Ibidem. P. 4J.
1
02. Ibidem. P.~t.
~ Leibniz. Aspects de l'homme et de l'oeuvre. pp. 61-69. p.6L
Ibidem. p.64.
r6: Ibidem. P.67.
~7. Jean Baruzi. Leibniz et l'organisation religieuse de la terre.
p.45, CHAPITRE PRErHER. " L'Egypte". Paris ACNN 1907.
12J. Etiemble. L'Orient philosophique
au XVIIIJO siècle. 16° leçon
pp.IJJ-I40. "Leibniz et la Chine". P.IJ6.
JJ. Secondes Objections. P.I67.PUF 1974•
;42. Ibidem,p.I62.
,51. Leibniz. Aspects de l'homme et de l'oeuvre. p.99.
J55. Préface des Dernières
nouvelles de la Chine, p 64.
156. Emilienne Naert. Leibniz. Aspects de l'homme et deI 'oeuvre
plOIe
157. Essais de Théodicée. Leibniz. Préface. GF. p.27.
159. Note 6- Préface des Essais de Théodicée.
p.27.
162.Louis Davillé. Leibniz historien.
Essai sur l'Activité et la
Méthode historiques de Leibniz. Thèse de Doctorat p.70J. chap.VI.
""Ia Philosophie de l'Histoire".
.Lx Alcan Paris 1909.
170. Yvon
Bélaval. Leibniz critique de Descartes. P.5J7.