UNIVERSITE DE BORDEAUX 1
FACULTE DE DROIT, DES SCIENCE.S SOCIALES ET POLITIQUES
L'ETABllSSEME T DE L'ETRANGER
AU GABON
CONTRIBUTION A l'AFFIRMATION DE L'IDENTITE
NATIONALE GABONAISE
THESE DE DOCTDRAT D'ETAT EN DRDlT
p~ev,an~.::...,~_
. '''1
-\\-Co,....·~-~-SE-ll.·~:r.·RICAn,l ET MA\\.Gt,CHEt
PRESIDENT:
i
.
! .. ·!\\.···N- SUPERIEUR
1 POUR l'ENSElGht:i\\:':.
!
"
rA E c
- - OUJ1..G/\\DOUGOU 1
J. DERRUP,~i~~0~·',.'.~16. MJ:\\)~~..\\~=,li. 'Pf'lÔf~sseur à l'Université
\\

0
'AIl (/'\\ 2 '5-.2 ..\\. il
\\ Ent"eqisiT<; ~,::us n
W' t)'
' .... éleBordeaux 1
\\' ...~_'-':-'..._~:.-._~~ ....;~~.,~ -~-.:-;.-,---
SUFFRAGANTS:
CH. LAPOYADE DESCHAMPS
Professeur à l'Université
de Bordeaux 1
J. P. LABORDE
Professeur à l'Université
de Bordeaux 1
P. G. POUGOUE
Professeur à l'Universite
de Droit de Yaoundé
J. M. JACQUET
Professeur à l'Université
de Fouleuse 1
FEVRIER 1994

- Alice O'NGWERO BOUMA, ma mère, trop tôt disparue et à qui je
consacre tous mes efforts.
- Djouga DIOP BINENI, mon père, passé au culte des morts après
m'avoir livré le goût du métissage culturel.
- Berthy, mon épouse.
- Ma Mù, ses frères et soeurs adorés, vous qui avez entretenu mon
émulation.
- Mes amis.

- - - - - - , - , - = - - - - - - - - - - - - - - -
A
La Contrée de N'GABA d'antan
et au Pays de GABON d'aujourd'hui
« Un homme est perdu qui cesse de croire à ses dieux,
à sa mission, à ses valeurs »,
MATZENEFF. -

Je désire exprimer ICI ma reconnaissance aux parents, amis,
collègues et professeurs que je ne puis énumérer et sans lesquels, ce
travail n'aurait sans doute pas pris corps.
Je souhaite néanmoins remercier particulièrement:
Monsieur Jean DERRUPPE, Professeur à l'Université de Droit de
Bordeaux I pour avoir bien voulu reprendre la direction, réserver
une entière disponibilité, soutenir une telle attention pour cette
recherche longtemps paralysée par un environnement alors peu
propice à la culture;
Madame Arlette MARTIN-SERF, de l'Université de Nancy pour
m'avoir accordé son attention, lors d'un passage à Libreville;
Monsieur Séraphin NDAOT, ancien bâtonnier de l'Ordre des
Avocats du Gabon pour son assistance morale et intellectuelle;
Monsieur Jacques ADIAHENOT, pour avoir témoigné d'un tel esprit
communautaire qu'il est l'auteur matériel de cet instrumentum ;
Madame Berthe DIOP-O'NGWERO, pour sa totale détermination à
assurer l'entière reproduction de cette thèse depuis les premières
frappes du manuscrit jusqu'à la dactylographie combien de fois
reprise ainsi que le tirage;
Monsieur Michel ANCHOUEY pour m'avoir facilité l'accès à la
logistique de l'Etat.

- 1-
Introduction
1 à 13
1ère Partie - La confrontation du droit gabonais avec le
phénomène de l'immigration étrangère
humaine
14 à 191
Titre 1 - Les données du conflit juridico-psychologique
interne engendré par l' établissement
des étrangers
16 à 72
Chapitre 1 : De la détermination à la classification
des étrangers
17 à 49
Chapi tre II : La jouissance des droi ts
49 à 71
Titre II - Essai de reconstruction de la jouissance des
doits de l'étranger et réflexions sur sa condition
légale
72 à 186
Chapitre 1: L'affirmation de la personnalité gabonaise
74 à 124
Chapitre II : Réflexions sur la condition légale de
l'étranger
,cbepo~f
/.124 à 186
.~~\\"
~Q
"';"
<!'"
Conclusion Partielle
~~
18~ à 191
".
:>",
"'/BP1J-IQ
a
lla"11
'1
~
-
~I"
~
IIème Partie - Du droit des personnes morale~~~tab1îè:soi;;00 !
dans l'objectif du développemenkécono-
..e-....
mique et social du Gabon
".~
.~;;'>-192 à 434
Titre 1 - La diversité dans le statut politique des sociétés:
première difficulté du contrôle de l'activité
économique
203 à 294

- II -
Chapitre I : Le contrôle fondé sur la nationalité
des sociétés
204 à 272
Chapitre II : Le contrôle d'origine administrative et
politique de l'établissement des personnes
morales
272 à 295
Titre II - Uniformité dans le statut juridique des sociétés:
deuxième difficulté du contrôle de l'activité
économique
295 à 433
Chapitre I : La personnalité juridique et la mise en place
du patrimoine économique des sociétés
commerciales
298 à 359
Chapitre II: Le profil de l'homme gabonais dans la
mise en place du patrimoine humain
des sociétés
359 à 433
Conclusion Générale
434 à 438
Bibliographhie
439 à 449
Tables Analytiques
450 à 460
&&&&&&&&&&&&&&

1
INTRODUCTION

2
Le vaste mouvement entrepris
vers le Gabon par des personnes
juridiques
étrangères surtout depuis
1970, a rendu nécessaire
l'étude de leur établissement. D'ailleurs celui qui connaît le Gabon
avec ses insignes contradictions, ne peut s'empêcher d'attacher à
cette recherche un caractère inévitable.
Le divorce constaté un peu partout en Afrique entre la conception
de la règle
de droit
et son application,
s'accentue
ici
avec
l'existence
non pas d'une simple
suspicion
mais d'une véritable
superstition sur l'étranger. Pire, les nationaux déjà peu nombreux,
souffrent d'une sorte de mésintelligence psychologique qui aboutit
à une grave confusion des traitements au point de se demander du
national et du non gabonais qui est l'étranger? De telles anomalies
sont si fréquentes qu'elles obligent à retourner le raisonnement
pour sortir de l'immense illustration que présente le fait juridique,
véritable norme du moment et si l'on y pense réellement, il semble
que c'est plutôt de la condition du national qu'il est question.
C'est paradoxal,
a-t-on
envie d'écrire.
Et cela
ne ferait
qu'un
paradoxe en plus dans le paradoxe national
gabonais. Pourquoi,
s'écriera précipitamment le lecteur d'une certaine idéologie, revoir
les droits et obligations des étrangers ? S'agit-il
d'un pamphlet
dans lequel
il
faut réduire
de façon
drastique
les
droits
des
étrangers comme il est courant de l'entendre dans certains milieux
d'opinion.
Va-t-on
assister
à
une
harangue
visant
soit
1 a
soumission ce qui est rare, soit l'exclusion des étrangers, ce qui
est moins rare.
S'il était d'usage de présenter les développements d'un ouvrage
avant d'arrêter son titre, "l'établissement de l'étranger au Gabon"
aurait
peut-être
été
concurrencé
par
d'autres
intitulés
: 1e
traitement
de l'étranger
; l'identité
nationale
gabonaise
; 1a
politique d'immigration au Gabon; ou tout simplement
le sous-
titre. Mais ces énoncés sont restrictifs,
ils se limitent les uns à
une jouissance des droits et obligations, enfermant leur débat dans
les
conventions
législatives
en
absence
desquelles,
toute
proposition
n'est que théorie ; les autres à la simple
réflexion

3
autour de la nationalité
gabonaise, à la question en vogue de 1a
liberté de circulation des personnes et des bien dans le cadre de
l'Union Douanière Economique d'Afrique Centrale
(UDEAC) et par
extension avec les pays extérieurs
à l'union.
Seul le sous-titre
exprime effectivement
nos préoccupations. C'est bien le mal à
guérir. Mais comment y parvenir sans exploiter non pas la cause
mais l'expédient.
En effet, la référence
à l'étranger est en l'espèce, une sorte de
«mascotte»
sinon
un
«challenger»,
pour
en
emprunter
aux
anglophones. L'étranger n'est ni la cause ni la fin,
il
n'est pas
l'ennemi mais il est la référence. C'est au niveau des éléments qui
composent la ou les classes sociales du Gabon, la couche qui donne
le
sentiment
d'être
accomplie.
Elle
sait
qu'elle
est
incontestablement
la mieux
placée sur le
plan de l'économie
domestique et du commerce national global. Si l'on veut poursuivre
dans les domaines aussi sensibles
que la défense et l'éducation
nationale, la santé etc., la position de l'étranger n'a rien à envier
à
celle du national.
Avec le sujet actuel, la marge de manoeuvre peut être plus large. 11
sera question de parler,
plus d'un étranger établi
et moins, du
message indicatif que l'on adresse à celui qui vient pour s'établir.
Il
ne suffira
pas avec "l'établissement
de l'étranger"
de dire
comment une entreprise camerounaise va créer une filiale
au Gabon.
Il
faudra
aborder
les
nombreuses
questions
diverses
de
l'opportunité et de l'efficacité de l'installation. L'établissement ne
saurait être conçu comme une étape statique et fixe, d'un ensemble
de considérations que l'événement relie entre elles, s'agissant de
pays neufs donc de droits critiques.
En réalité c'est un terme du sujet qui soulève ces inquiétudes tant
"l'étranger" est en soi, un thème d'une constante actualité. En parler
laisse courir des soupçons, des idées préconçues qui alimentent 1a
stratégie des polices et les discours politiciens. Ce que l'on craint
aussi avec cette double affirmation
de la personnalité
et de 1a
nationalité
gabonaise,
c'est
d'assister
à
l'émergence
de
particularismes sociaux alors même que dans le contexte africain
actuel,
l'on se demande si
ces questions
ne sont
pas encore
résolues.

4
Ainsi pour élucider de telles interrogations, il convient de retenir
un intitulé largement évocateur. C'est en cela que "l'établissement
de l'étranger au Gabon" est le mieux placé pour exprimer cette
nécessaire cohésion. Ce n'est pas la seule condition juridique des
gens où tout s'épuiserait après l'examen de la jouissance des droits
et obligations.
Il
ne s'agit
pas d'édicter un codicille
pour les
touristes qui passent au Gabon ou les hommes d'affaires qui veulent
y monter un commerce. Il s'agit après avoir observé ce qui passe
pour un phénomène, de dire et de proposer sa contribution à réduire
les
adversités
en
faveur
d'une
intégration
dans
l'harmonie
internationa le.
Autant ajouter que l'actuel propos se veut absolument distant des
colorations subjectives c'est-à-dire
politiques.
Il entend ne pas
donner dans ces extrêmes en rejetant l'ostracisme facile et ingrat,
pour retenir l'universalisme.
Il désire,
grâce à la démonstration
scientifique
exclusivement,
apporter ses modestes réflexions
à
l'élaboration de l'édifice juridique
national.
Le schéma du droit
dessiné au Gabon comme partout dans les Républiques d'Afrique,
résulte de l'option entre le fonctionnement ex nihilo et le maintien
tacite de la loi ancienne. En refusant le système du néant j urid iq ue,
chaque pays s'est engagé à se doter de l'armature de droit propice à
sa souveraineté.
Si l'ambition
de cette recherche
est d'affirmer
la personnalité
gabonaise, une technique probable est celle de la nationalité.
Or,
celle-ci existe comme attribut du droit international et permet pa r
le biais d'un acte administratif,
d'en justifier
à l'extérieur
du
Gabon. C'est par contre à l'intérieur,
que la nationalité
diverge
fondamentalement parce qu'en prétendant produire ses effets
à
compter de l'indépendance
en 1960, elle
a créé une situation
surtout
pour des personnes
qui
n'étaient
pas gabonaises
au
détriment des autres.
La nationalité
acquise en 1960 procède d'une commune identité
juridique sans communauté sociologique préalable, s'agissant tout
de même d'une quarantaine de « tribus » absolument différentes,
les unes et les autres s'étant rencontrées il y a bien moins d'un
siècle. Il va de soi, que le cément privilégié de la nationalité qu'est
la nation, n'a même pas eu le temps d'éclore.

5
Pourtant les détenteurs de la souveraineté octroyée ont imposé un
système
décrétant
la
nationalité
gabonaise
sur
la
base
de
considérations
incohérentes,
qui soutiennent qu'une nation peut
s'agréger
à partir
d'éléments
essentiels,
dictés
de l'étranger
notamment le français en tant que langue, culture, modèle politique
et économique.
Or, dans son organisation coutumière, la société des populations du
Gabon reste un agencement des structures qui veut, que l'homme
relève d'un clan
(Mbuwé) dont l'ensemble
constitue
une tribu
(Inongo) qui est la nationalité de droit traditionnel. C'est alors, 1a
fédération de ces nationalités traditionnelles, qui aurait pu, en un
temps aussi court, ré a1iser la nationalité gabonaise.
Ainsi
le
traitement
des étrangers
constitue
la
plus
grande
faiblesse de tout le système gabonais. La nouvelle nationalité de 1a
République
Gabonaise
conteste
le
droit
des
nationalités
traditionnelles
du
Gabon.
Il
en
est
amsi
lorsque
ignorant
totalement le sens de l'intimité nationale, le pays ne fait aucune
distinction
entre
les
fonctions
politiques
et
les
emplois
administratifs. C'est également le cas lorsque l'Etat recourt à des
méthodes féodales
pour confier
des responsabilités,
suscitant
auprès de la masse des nationaux, l'abandon des vertus de l'effort
au profit d'une recherche de la facilité.
Trente, et bientôt quarante ans après, qui peut encore cacher son
inquiétude devant la persistance d'un mode de jouissance des droits
où, la donnée est la condition de l'étranger et l'inconnue, celle du
national.
Une telle démarche suppose une combinaison dialectique
qui se contente de poser les affirmations
du donné et du vécu,
illustrations
principales de cette contradiction qui parcourt notre
recherche. Il arrivera alors au lecteur de se dérouter car, se situant
dans un système de règles logiques, il s'attend tout naturellement à
voir brosser une condition des étrangers dictée par rapport à ce Ile
des nationaux.
Ici, sur le plan juridique
tout est malheureusement
confus.
La
preuve en est qu'il est question de réaffirmer
l'identité nationale
gabonaise dans un pays qui d'une part, cherche ses nationaux alors

6
même que sur
son sol,
il
est confronté
depuis
plus
de tro is
décennies
à la
présence
devenue
indiscrète
d'une très
forte
population étrangère virile
et laborieuse
; d'autre part, aspire
à
contrôler son économie absolument dominée par l'étranger au point
qu'il n'ose plus parler de société étrangère, mais de société tout
court.
Et ceci
provoque
à nouveau
une confusion
dans
1e u rs
conditions juridiques respectives.
DONNEES D'ENSEMBLE SUR LE GABON
- ne produit rien ; ne transforme
nanti de richesses multiples
et rien ;
diverses (sol de sous-sol)
- grave i ns ut'fi sance al i me nta i re
,
- importe tout de l'étranger.
-
pratiquement
les
gabonais
théoriquement à la PNB/hab 1e sont pauvres et très limités
en
2e d'Afrique
raison
d'une
très
inégale
répartition des revenus.
petit pays de 257.000 km2 :
les plus grands espaces de vide
-
1.011.710
habitants humains,
recensement du 31.07.93) ;
-
soit
1
étranger
pour
2
- nationaux 711.000 ;
gabonais
,
-
quel
métissage
-
étrangers
300.000,
(ch iffre biologique !
constant depuis 1972)
- quel métissage culturel ,
- en fait est-ce de l'acceptation
(assimilation)
ou
de
1 a
domination.

7
JOUISSANCE SOMMAIRE DES DROITS DES ETRANGERS
jusqu'en 1970, système de solution
Jouissance de droits
empreint de sentimentalisme.
- avant 1990, droit de vote;
- après 1990, droit supprimé mais
Droits politiques
apparition
d'une
participation
frauduleuse des types frontaliers.
- acces aux emplois administratifs
direction
des
armées
,
sécurité
politique
et
militaire
,
conseillers
Droits publics
prépondérants à la présidence de la
République,
dans
tous
le
gouvernement, la justice, les fiances;
direction
des
enseignements,
des
assurances, des transports ...
- identité de droits avec les gabonais
mais les gabonais sont bureaucrates,
inexpérimentés,
peu
sensibles
à
l'effort, friands de la complaisance
politique
et
administrative
,
non
ponctuels au travail, non endurants;
Droits privés
- les étrangers accèdent à tous les
emplois du secteur privé économique
: agriculture, artisanat, commerce;
-
sont
omniprésents
dans
le
commerce
de
gros
et
demi-gros,
commerce
import-export,
ravitaillement des villes;
- sont une main d'oeuvre laborieuse,
expérimentée,
endurante
et
disponible.
A défaut de contester ce droit
du fait,
les
crittques
espèrent
trouver dans les propositions à venir, des orientations autarciques
si ce n'est tout simplement racistes.

8
C'est vrai, c'est un risque à éviter mais qui n'empêche pas que 1a
construction soit élevée autour de deux considérations
principales
qu'il est souhaitable de ne point rendre péjoratives. Les étrangers
sont indiscutablement
des sujets
de droits,
ce qui dispense de
discussion sur d'autres catégories humaines, qui ne viendront ici
que pour étayer l'évolution de la condition humaine du gabonais.
Dans un pays donné, qui n'a pas d'élément juridique de distinction
des populations vivant sur son sol, comment des individus peuvent
être désignés des étrangers.
Le recours à la courte histoire connue de nos peuples, nous en dit
quelque chose. Mais
la persistance
de cette nature d'étranger,
notamment dans un pays de forte assimilation,
donne le sentiment
que l'étranger
est un état d'esprit.
C'est le comportement
de
quelqu'un ou d'un groupe de personnes, qui refusent de se confondre
avec les autochtones des civilisations
pré et post coloniales.
Certes leur état d'évolution n'attiraient
pas en raison
de le ur
conditions
de non «maîtres»
de l'époque.
D'ailleurs
beaucoup
n'auraient pas parié que nos populations allaient finir par se hisse r
au rang de celles qui dictent leur personnalité. Mais à partir du
moment où ces peuples ont été déclarés susceptibles d'imprimer
une_ étig1le internationale,
il n'y a plus de raison de s'y-etabliF-----a-
demeure en qualité d'étranger. Il n'est pas possible de s' in sta Ile r
dans un pays, parfois pour la vie, sans intégrer la population.
C'est

qu'apparaissent
les
deux
considérations
principales
annoncées.
D'un côté
l'état
d'esprit
d'indépendance
d'origine
territoriale, va être corroboré par une identité juridique différente
de celle de la nationalité
des autres membre de la communauté
d'accueil. D'un autre côté le comportement étranger peut être s i
marqué, qu'il
le marginalise
de la collectivité
des autres
qui
peuvent le supporter ou réagir négativement surtout si l'étranger
s'exclut de lui-même. Et, ce qui est typique au Gabon, ce sont 1e s
gabonais eux-mêmes disparates dans leurs caractères, et qui s'en
prennent à la cohésion étrangère à défaut de pouvoir constituer une
force d'identification
nationale. C'est tout aussi paradoxal que 1e
remède une fois de plus, part de la retenue des valeurs positives de
la condition de l'étranger,
pour les proposer comme éléments de
stimulation,
pour ce qui peut contribuer à façonner une identité
nationale qui jusque là, n'existe que théoriquement. Autrement dit,
la réaction
négative
dictée
par
un sentiment
d'exclusion
de
l'étranger doit être également dominée.

9
Sont donc considérés comme étrangers d'une part, des personnes
juridiques qui refusent de se comporter comme les nationaux en
dépit des possibilités d'intégration et d'assimilation
qui leur sont
offertes ; d'autre part, dans un pays psychologiquement marqué par
l'importance des étrangers,
la solution
ne réside
pas dans les
mouvements
d'humeur
qui
ne s'attaquent
qu'à
leur
condition
matérielle et ternissent la réputation du pays hôte. Les nationaux
doivent s'inspirer de cette présence étrangère pour reconnaître 1eur
carence
et
fournir
l'effort
qui
leur
permettra
de
retrouver
l'aptitude et la confiance nécessaires
à la réhabilitation
de 1a
personnalité nationale.
Autrement repris, il ne s'agit pas de jeter les étrangers à la mer,
ce qui serait
un manque d'universalisme,
à fortiori
lorsque
les
nationaux sont loin de combler les vides qui se créeraient. Mais i 1
ne faut pas absolument s'accrocher aux étrangers sous le couvert
d'un capitis diminutis, véritable volonté de demeurer inférieur. Les
rapports entre personnes juridiques sont assis sur l'idée d'égalité
et leur mise en oeuvre ne peut méconnaître la réciprocité du moins
dans son souci d'équivalence.
A côté d'une condition matérielle dominée par la faculté d'exercer
tel ou tel droit reconnu aux étrangers, il faut s'intéresser, quand
bien même sommairement, à ce qui est appelé une condition légale.
Ici, les étrangers subissent - théoriquement - ce qui est écrit
spécialement lorsqu'ils sont confrontés à l'exercice par l'autorité
locale des sanctions prévues par les textes en vigueur, ou qu'ils
créent des situations extra patrimoniales entraînant l'application
de la loi gabonaise. Ce n'est pas l'étude des conflits de lois, ni de
juridictions,
c'est seulement,
l'évocation
de quelques
espèces
illustrant le droit positif gabonais sur des situations juridiques et
la proposition de solutions de questions préludes aux conflits. C'est
le cas du nom, c'est aussi celui des noces.
L'immigration
étrangère
s'est
également
manifestée
à travers
l'établissement des personnes morales sous la forme de sociétés
civiles
ou
commerciales.
Les
premières
ont
connu
un
épanouissement
moindre
en raison
de la suspicion
qui
les
a
accompagnées.

10
C'est ainsi que les associations civiles
par exemple, n'ont eu, en
sus de la loi de 1901 qu'un seul texte 1 sans trop d'originalité. Les
secondes, c'est-à-dire les regroupements à caractère industriel et
commercial qui existent au Gabon depuis l'ère des comptoirs, ont
suscité
beaucoup d'intérêt
ces
vingt
dernières
années.
Leur
prolifération a permis à ce domaine d'activité de présenter l'une
des plus importantes entreprises législatives nationales.
De
nombreux
textes
dont
le
plus
ancien
est
le
code
des
investissements
2
sont venus prendre place à côté du code de
commerce de 1807 en partie encore en application. Autant déjà,
dire que le droit commercial
est concurrencé non par le droit
économique, mais par l'institution d'une sorte de droit des affaires
où avoisinent
l'Etat et les
particuliers,
où sont englobés
les
régimes douanier, fiscal
et pénal ainsi que les considérations de
production,
circulation
et
consommation
des
richesses.
Tout
naturellement l'ordre applicable à ces sociétés est celui du droit
privé. A l'analyse pourtant, il ressort de nombreuses d ifficu Ités
notamment celles
qui rendent assez trouble
la distinction
du
commerçant et du non-commerçant.
Une chose est d'avoir essayé d'évoquer ce qu'il faut comprendre par
étranger, de dire sa condition administrative,
sa jouissance
des
droits,
sa
condition
légale.
Parallèlement
à
cette
personne
humaine, il faudra dire des personnes abstraites, que le Gabon en
attend une bonne partie de son développement. Il les considère
comme le centre même d'une activité génératrice de biens et des
richesses et pense qu'il faut arriver à rassurer celles qui existent,
à encourager la création de nouvelles.
Mais dans ce libéralisme
c'est encore la prépondérance de l'étranger que l'on remarque. Ai ns i
par simple réflexe de souveraineté ou par conviction, la politique
du pays doit associer les nationaux à la conduite des affaires
économiques. Mais le gabonais n'y est pas préparé. Il n'a même pas
le tempérament commerçant~ or il lui faut êtr~~~~~fl~s affaires.
C'est en cela que les
rudiments
du sta6/legal~es auteurs
d'activités commerciales, industrielles ount~lsBanales VO~f<l) trouver
leur place dans cette étude.
f ~>
/ ' 134 Olla!i~
i
~
1 '"
"~'''f.
0
" ' - /
-
'1 '. (;'U~~ n,; "
'<l,

:(Oll
""", J
~
.'
~"
\\
' 1
n6 t'l',
- -.. ~.,,'*"-- ..'
1 Loi na 35/62 du 10.12.1962
2
Loi
n
55/61
du
4.12.1961
modifiée
par
l'Ordo
na
21/67
du23.03.1967.complétée par l'Ordo na 59172 du 16.07.1972.

I l
C'est une condition pour acquerir les divers réflexes
qui peuvent
permettre aux gabonais d'aspirer à maîtriser la conception de leur
économie et bientôt la gestion de leur développement.
Somme toutl·~' c'est bien le cas de dire comment sur les personnes
abstraites, réaliser
le fameux contrôle dont rêve le Gabon. En ce
sens la nationalité des sociétés peu connue en droit gabonais, sera
un point essentiel à déterminer. Mieux la théorie du siège social qui
semble favorite
pour fixer
sur la nationalité
de la société est
coiffée par la notion du contrôle.
A son tour, le contrôle, critère performant de la détermination de
la
nationalité,
va
dévoiler
un
aspect
propre
au
droit
du
développement
c'est-à-dire
une
hantise
qui
englobe
tout
1e
processus économique soit en voulant y jouer le rôle de "gendarme",
soit
en prouvant
sa capacité
à se développer.
Contrôlaire
ou
contrôleur, dans les deux cas, tout aussi capital sera pour le Gabon
et pour nombre de pays d'Afrique, le retour impérieux aux éléments
fondamentaux du droit et du régime juridique
des sociétés.
Ces
considérations se révèlent aujourd'hui comme ayant été négligées
au point que leur méconnaissance a été fatale
à la plupart des
entreprises privées ou publiques du Gabon. Il y aura concordance
entre l'affirmation
de l'identité
nationale
par le besoin pour 1e
gabonais de se reconnaître et la nécessité pour lui
de s' assume r
jusqu'à la maîtrise de son développement économique. Il favorisera
indifféremment
l'éclosion
des
entreprises
mais
en
sachant
déterminer celles qui sont gabonaises ou non. Il prendra pied dans
les structures agents économiques avec les atouts pour réussir non
seulement sur le terrain national mais pour se rendre compétitif au
plan régional et pourquoi pas sur la scène internationale.
Il
est
probable
que, la
nationalité
dont
il
sera
question
ne
correspond
pas du tout à celle
qui
semble
pratiquée
ici.
L'on
pourrait
même
écrire
que
la
nationalité
des
sociétés
est
fatalement inefficace
comme l'est la nationalité
des personnes
physiques. En effet, les entreprises opérant au Gabon sont pour 1a
plupart désignées entre autres, par le terme « gabonaise ».
A première vue, chacun penserait que c'est une personne morale de
statut politique
gabonais.
Et l'on apprécierait
le dynamisme de
l'actionnariat gabonais dans un domaine OIJ l'Etat entend contrôler
son économie. A la vérification,
le terme «gabonaise» n'est qu'un
qualificatif utilisé pour d'autres raisons que celle de l'allégeance

12
politique. Il ne découle pas d'une volonté de distinguer les sociétés
gabonaises des sociétés étrangères.
Même sur le plan technique, il ne permet pas d'intervenir dans 1a
gestion ou l'administration de l'entreprise parce que honnêtement,
aucun droit ne peut autoriser une telle intrusion de gabonais dans
une personne morale qu'ils ne dominent, ni ne contrôlent à plus
forte raison là où ils
n'ont rien apporté. Plus complexe est 1a
situation des entreprises
d'Etat qui, d'emblée autorisent
à leur
conférer
la
nationalité
gabonaise.
Néanmoins,
les
autorités
nationales
n'ont souvent sur elles
qu'un pouvoir de gestion et
d'administration,
insusceptible
d'assurer
le
contrôle
tout
simplement
parce
que
les
approvisionnements
de
l' unité
économique ne dépendent pas d'eux, mais de l'étranger.
Les rares
situations
qui
justifient
ou expliquent
l'usage
de
«gabonaise» se trouvent dans la portée du siège social,
retenu
comme critère du rattachement législatif
de la société à l'Etat
d'installation. Il s'agit là d'un critère performant pour expliciter 1a
loi applicable. Or le siège social
simplement
administratif,
qui
n'est ni sérieux, ni réel est inefficace à conférer la nationalité.
Toute la question de la nationalité se retrouve désormais posée par
le contrôle exercé sur l'entreprise, à la fois par le contrôleur de
droit interne gabonais et le contrôlaire
de droit international. Ce
contrôle repousse la nationalité inefficiente qui débouche dans 1e
développement fictif.
Il
doit
permettre
de rompre
avec
1e s
impasses actuelles des Etats africains qui tournent en rond. " .est
synonyme, non pas d'une simple figuration en personne ou avec ses
capitaux, mais de la maîtrise de toute la technique de l'entreprise.
Les développements qui vont suivre sauraient-ils
se faire articuler
autour
de
la
distinction
de
l'établissement
des
étrangers
considérés comme personnes civiles
et des étrangers personnes
commerçantes? La réponse n'est pas affirmative tant la différence
souhaitée n'est pas déterminante et que les interférences de part
et d'autre sont multiples. Aussi, avons-nous choisi de reprendre 1e
schéma devenu classique 3 de l'étude des personnes morales
à 1a
3 M. Jean OERRUPPE, Cours de Dr lnt. Pr. 4ème année BORDEA..UX 1973,- 1974;
MEMENTO OAUOZ Dr. lnt. Pr. 1973; Cours spécial de Dr. lnt. Pr. D. ES. 1974-
1975

13
suite des personnes physiques pour offrir
en première partie, 1a
confrontation du droit gabonais avec le phénomène de l'immigration
étrangère humaine et en deuxième partie, le droit local à l'assaut
des personnes juridiques abstraites.

14
l ~
CC CO) [N] [F [RlCO) [~rlr ~u~ CO) [M
[D) [LJJ
[D) [RlCO) 1] U
({;J ~ ~ CO) [M ~ 1] s
~v [E CC
l [E
lP ~ [E [N] CO) ~ [E [NI [E
[D) [E
l 0 ~ ~ ~ ~ ({;J [Rl~ T ~ CO) [M
[E 'r [Rl ~ [M ({;J [E [Rl [E
~ llJ ~ ~ [1 [M [E

15
TITRE
PREMIER
LES
DONNEES
DU
CONFLIT JURIDICO-PSYCHOLOGIQUE
INTERNE
ENGENDRE
PAR
L'ETABLISSEMENT
DES ETRANGERS
TITRE DEUXIEME
LA RECONSTRUCTION DE LA JOUISSANCE DES DROITS DE
L'ETRANGER ET REFLEXIONS SUR SA
CONDITION LEGALE

16
TITRE
PREMIER
LES DONNEES DU CONFLIT JURIDICO-PSYCHOLOGIQUE
INTERNE ENGENDRE PAR L'ETABLISSEMENT DES ETRANGERS
Parler
de la condition
j u ri dique
des étrangers
dans
un pays
quelconque c'est évoquer l'état de leurs droits et obligations. Ceci
suppose,
bien
entendu,
qu'existent
des
dispositions
légales
soutenues par une ossature juridique
réelle et non, virtuelle.
Ceci
implique également que personne ne puisse confondre les étrangers
et les nationaux parce qu'aux premiers correspond une condition
égale sinon supérieure aux seconds.
Cette hypothèse peut paraître
absurde mais non invraisemblable.
Dans la plupart des manuels il est vrai,
aucun auteur ne s'attarde
plus à la recherche d'une détermination de l'étranger. La réponse
vient
toute
seule
pour
préciser
que l'étranger
est
celui
qui
n'appartient pas à un groupe constitué ou qui n'a pas la nationalité
du pays considéré. L'appartenance à un groupe social,
l'allégeance
par le biais de la nationalité sont des évidences qui permettent de
distinguer
nationaux
et étrangers.
Or, la
protection
de cette
essence, banale au demeurant mais capitale pour le Gabon, passe
par
l'existence
d'institutions
adéquates.
Lorsque
la
société
considérée est à la fois vieille
et nouvelle, les observations se
multiplient. Elles se présentent sous une forme où tour à tour sont
confrontés les besoins
d'hier,
les craintes
d'aujourd'hui
et les
perspectives de demain.
Le Gabon appartient
à une sphère
de pays
dits
en voie
de
développement. Il
présente
les
tares
de l'ensemble
mais
s'en
distingue par un certain nombre de bizarreries. En effet, les pays en
voie de construction sont des foyers d'exportation de main-d'oeuvre
; or le Gabon en importe avec frénésie. Dans ces pays, le chômage
est de règle et les emplois susceptibles
d'être occupés par les
étrangers sont rares
; au Gabon par contre,
les étrangers
se
hissent à tous les niveaux, avec une telle facilité,
qu'il semble
qu'aucune restriction
ne les
affecte.
Le Gabon passe dans sa
catégorie pour être nanti de richesse, pourtant l'immense majorité
des nationaux
vit
dans
la
pauvreté
et
l'indigence
alors
que
l'étranger ne cache plus sa prospérité.

17
Ces quelques
considérations
rappelées
autorisent
la réflexion.
L'établissement des étrangers au Gabon n'est pas un sujet tiré du
hasard. C'est incontestablement un problème d'actualité. D'ordinaire
c'est
un
grand
peuple
qui
reçoit
des
petites
infiltrations
étrangères. Présentement, c'est un groupe social
numériquement
inconsistant qui ouvre ses portes à un monde aussi nombreux que
particulièrement structuré. Or ce qui intéresse n'est pas seulement
leur activité
professionnelle,
c'est également leur vie intime et
sentimentale. Il y a là des personnes humaines vivantes, viriles
donc susceptibles de procréer. Saurait-on imaginer dans le futur 1a
population du Gabon à la lumière des actuelles données ? Dans un
monde qui se cherche, la référence aux étrangers peut être conçue
selon l'effort
substantiel
envisagé,
c'est-à-dire
déterminer
et
ordonner les étrangers d'une part, expliquer la jouissance de leurs
droits d'autre part.
Chapitre
Premier
DE LA DETERMINATION A LA CLASSIFICATION DES
ETRANGERS
Une abondante réglementation s'intéresse
à 1a classification
des
étrangers procédant par un système de catégories
qui n'est pas
toujours explicable en droit. Au regard des conséquences, il semble
que c'est là un domaine exclusif du politique qui, imitant les Etats
modernes, veut donner à son Administration,
les techniques
de
traitement
des non nationaux.
Encore faut-il
avoir
adopté
une
position pour dire dans son pays, qui est ou n'est pas gabonais. La
détermination de l'étranger ne va pas être un exercice gratuit, dans
une Afrique

au
plus
les
non
nationaux
sont
désignés
approximativement
par leur
pays d'origine,
sans
spécialement
conclure qu'ils sont étrangers. C'est dire que la notion remonte à 1a
colonisation.
La
difficulté
est,
s'agissant
d'un
traitement
déterminant de gens, que la notion d'étranger n'est pas un concept
essentiel de droit africain,
mais que l'on s'y efforce. Ceci laisse
alors la possibilité de proposer des conceptions tenant compte à 1a
fois des règles de traitement de réciprocité et des considérations
spécifiques souhaitées à l 'Afrique comme « le frè re-africa in».

18
Section: 1 - La détermination
de l'étranger
En droit
moderne, deux critères
permettent
de déterminer
1 a
qualité d'étranger: l'un sociologique, l'autre juridique. Le premier
est le fait de ne pas appartenir au groupe humain plus ou moins
constitué mis en relief. Le second est fondé sur la non allégeance
d'un individu
à un Etat ou un groupe d'Etats donnés. Ces deux
considérations, malgré la prépondérance de la deuxième, demeurent
toujours de mode. L'étranger est actuellement et sans conteste une
notion juridique précise mais il est possible
de la faire éclater.
Pour une part, la scène se déroule en Afrique et l'on sait combien 1a
notion de droit juridique n'a pas cessé d'y être combattue. Pour une
autre part, au Gabon cette notion a un aspect si préoccupant qu'elle
astreint à une présentation par un triple
mouvement: l'étranger
traditionnel ou la situation d'hier, l'étranger contesté d'aujourd'hui,
l'étranger souhaité de demain ou les perspectives à venir.
Paragraphe 1 - Les étrangers
dans le Gabon traditionnel
Loin de constituer une simple halte dans le temps, l'intérêt de ce
développement est immense. En effet la reproduction de cette page
d'histoire doit permettre au lecteur de comprendre, comment 1e
traitement de l'étranger au Gabon contient une si grosse part de
laxisme et pourquoi des aspirations tendent au changement. Dans 1a
société archaïque d'antan, le coeur a eu sa noblesse et
de nos
jours, le sentiment humanitaire est largement outrepassé par la loi
du profit. Pour cela il suffit de remonter le temps et envisager 1e
Gabon à
une époque où les
mouvements
migratoires
de ses
populations ont cessé mais il faut se situer avant la colonisation.
Le pays apparaît composé d'une mosaïque de peuples regroupés
autour de chefs, qui eux-mêmes règnent sur des terres
vastes
comme des quartiers urbains. Leurs structures et superstructures.
étant assez semblables,
prenons le parti
d'illustrer
cette étude
avec des populations côtières surtout celles
qui semblent avoir
très tôt, été en contact avec l'étranger de la colonisation. C'est en
ce sens
que le
choix
a porté
sur
les
Gwèmiènè
et
plus
particulièrement sur les Mpongwè.
Chez les Gwèmiènè, la référence de la sociabilité
est la famille.
L'individu y est déterminé par rapport à ses père et mère et ceux-ci
quant à leurs auteurs.

19
Il s'agit d'une incorporation de l'homme (oma) à la famille
ménage
(Inu) puis à la famille· étendue (Mbuwé) ou le clan. Il
reviendra
ensuite d'aligner les clans pour constituer la charpente de toute
tribu
(Inongo),
dont
l'ensemble
forme
l'ethnie
(Inongo
Gni
Gwèmiènè)
considérée
en
droit
comme
la
nationalité
traditionnelles. Cette organisation
de la communauté Gwèmiènè
favorise
l'appartenance
au même clan et établit
des liens
de
parenté par le sang et le sol.
La référence
à la même tribu,
à plus forte
raison
à la même
nationalité
exclut
toute
considération
d'extranéité.
Grâce
à
l'équivalence des clans,
le fait
pour un individu
de changer de
milieu
géospatial du territoire
Gwèmiènè ne constitue
pas une
circonstance susceptible de lui valoir l'état d'étranger. Ceci reste
vrai aussi longtemps que "Inongo Gni Gwèrniènè"
(la nationalité
Miènè) sera tissée par le sol, le sang et la culture.
Lorsqu'une
personne identifiée
dans les clans Adoni et Azuwa quitte Ntché
Galwa ou Lémbaréni (actuelle Lambaréné) pour Ntché Mpongwè ou
Eliwa Zi N'gaba (en partie
actuelle
Libreville),
elle
se présente
comme telle et du coup, accède au groupe d'accueil identiquement
constitué. En cas de difficultés,
l'appartenance est réglée par 1e
rattachement aux "Anongo" (tribus).
Mais l'absence de toute considération
d'étranger à l'intérieur
du
Mbuwé
ou de Inongo,
ne signifie
pas que les
Gwèmiènè
ne
connaissaient pas le statut d'étranger. Tout au contraire, la valeur
juridique
de la structure
communautaire
permettait
de fa i re
ressortir la détermination des étrangers.
, - La désignation
de l'étranger
Tant à travers
les rares écrits
portant sur le groupe ethnique
Gwèmiènè qu'à la suite
des investigations
faites
auprès
des
détenteurs de la tradition orale, les opinions sont unanimes pour
admettre
que deux mots
traduisent
l'étranger
: "Oghênda" et
"Onongoma".
4 P.L AGONDJ0--0KAWE, Th. PARIS 1967, Structures parentales gabonaises et
développement p. 41 ; Quant aux développements sur les clans
lire
P.L.
AGONl)JO
OKAWE op. cil. appendice p. 334; P. V. POUNAH, Recherches dans le Gabon
Traditionnel 1968 p. 46 ; DIOP-O'NGWERO "ELIWA Zl NGABA" p. 37 à 42 ;
p. 41 à46; p. 108 à 112

20
Il n'y a pas un ordre absolu entre les deux termes
mais leur usage
est fonction du sentiment qui est éprouvé devant l'étranger. D'une
manière générale, si Oghènda est la formule
la plus courante,
Onongoma est l'expression la plus révélatrice.
a) La première considération
: Oghènda
Tout part du lien
qui rattache
l'intéressé
au village
d'accueil.
Quiconque n'habite pas l'un des toits du village
est "Oghènda" et
c'est en tant que tel qu'il y accède. C'est un étranger de passage, un
simple visiteur qui peut venir du clan ou arriver de l'extérieur alors
qu'il n'a aucun rapport de famille. Dans ce dernier cas, tout dépend
de l'image que l'étranger présente et les sentiments qu'il suscite.
S'il ne donne aucune raison de méfiance,
il obtient l'hospitalité
nécessaire pour rendre son séjour agréable. C'est le traitement de
droit commun de tous ceux qui sont considérés comme n'étant pas
recensés dans la
demeure
précitée.
Une
règle
de sociabilité
traditionnelle
5 enjoint
à chacun de faire
l'effort
de ne j ama is
refuser à l'étranger sa maison. Par contre, si l'étranger vient avec
des airs qui ne traduisent rien qui vaille,
il sera traité
comme
"Onongoma".
b) - La deuxième considération
: Onongoma
Primitivement,
ce terme a désigné le sauvage, du latin salvajus,
pour parler des habitants de la brousse et non ceux de la cité ; 1e
barbare dans les civilisations
gréco-romaines,
pour des gens qui
s'expriment
dans
des
langues
que
leurs
interlocuteurs
ne
comprennent pas. Ensuite le mot a visé l'individu bizarre, qui ne se
comporte pas comme ceux qu'il a trouvés, si en plus il a des moeurs
rebutantes et une finesse dépassée.
De nos jours,
"Onongoma" à connu une importante
flétrissu re
pourtant, il reste dans une large mesure la seule expression
de
l'étranger ayant une substance juridique même si le droit commun
nouveau est celui du traitement par "Oghènda". "
est fondé sur
l'ethnie,
c'est-à-dire,
le
critère
actuel
de clas}!.fiç1Ri:Q'Q~et
d'identification des populations locales. Il assure 1'~IlJ:p1Hicatïà~~<f,aU
lien d'extranéité par rapport au groupe social ou e~tJJI-(que jusqu'iû·~
considérations géographiques et politiques.
.~ 01 BP134 OUB~B. " ~
~
C{',nh~ d
-::
~,
'
~
~
Or-cums nftlon
.~.
~4l~
$-
")
"
ri!l:\\
~6 fl'\\
5 "Oghènda
kombino, épo épwé, il faut prendre soin de l'étranger.
é

21
Ainsi "Onongoma" est le substantif qui traduit la qualité de toute
personne extérieure à la nationalité "Gwèmiènè". C'est plus tard que
naîtra la sous-distinction
: "Onongoma", l'étranger de dedans et
"Orna w'oronga", l'étranger venant des frontières lointaines, de pays
étrangers.
2 - Le statut des étrangers
La société Gwèmiènè a longtemps évolué sous un droit clanique,
ensuite tribal avant de donner à la condition des gens une valeur
ethnique. Si elle
a permis de dire que tous les étrangers sont
"Aghènda"6 , elle a aidé à mieux déterminer leur situation j urid iq ue,
en les désignant, par le terme "Anongoma" 7 , avec une condition
évolutive dans un sens plus favorable, grâce au jeu des coutumes.
Mais
non loin,
il
y a une situation
voisine
qui a longtemps
caractérisé l'anthropologie des sociétés africaines : l'esclave.
a) Onongoma
Pris
dans son sens original,
l'individu
"onongoma" ne pouvait
attendre du groupe d'accueil, aucune bienveillance. Il ne suscitait
que suspicion
et hostilité.
Si
au contraire,
il
s'avère
un être
sociable,
présentant un gage de sérieux,
de tranquillité
et de
sécurité,
"Onongoma" bénéficie
d'un traitement
amical
qui peut
évoluer plus ou moins vite et devenir celui
qui est accordé à
"Oghènda".
b) Oghènda
Comme le visiteur de passage, l'étranger de dedans et l'étranger de
dehors ont droit à l'hospitalité dès qu'ils sont reçus dans un groupe.
Ils
obtiennent des facilités
pour rendre
leur
transit
heureux.
L'assimilation et l'intégration sont ouvertes à ceux qui choisissent
de s'établir à domicile.
Pour ces derniers,
le droit traditionnel
a prévu des mécanismes
juridiques parfaitement cohérents qui leur permettent de devenir
membres du groupe d'accueil. Ainsi ils doivent être parrainés par un
résident habituel afin de se prévaloir
des clans et tribu de ce
protecteur qui leur donne au besoin son nom.
6 Pluriel de Oghènda (Aghènda)
7 Pluriel de Onongoma

22
Leurs droits et obligations sont ceux qui demeurent fondamentaux à
l'existence de jadis.
Or, dans ces sociétés,
la cause de la vie a
toujours été sa famille,
sa femme, ses enfants et ses parents.
"Aghènda"
prendront
épouse
en
observant
les
réserves
et
restrictions coutumières. Ils pourront faire du commerce, acquérir
des biens immobiliers
et enfin,
bénéficier
de l'estime
dont ils
jouissent auprès des populations pour réussir
l'élévation de leur
condition sociale. En un mot ils profiteront d'une sorte de régime
d'égalité découlant de leur adoption ou de leur intégration.
3 - Osaka ou l'Esclave
8
Considéré
superficiellement,
l'homme
serf
ne
paraît
rete nir
l'attention de personne. C'est, semble-t-il,
l'individu acquis à titre
onéreux et utilisé
comme une chose.
En réalité,
ce n'est qu'une
impression car le statut de l'étranger de dedans, "Onongoma" qui
évolue vers l'intégration passe par des étapes plus nombreuses que
l'affranchissement
de certains
types
d'esclaves.
En
attendant,
l'intérêt de la distinction dans le statut de l'esclave s'opère selon
que l'homme serf arrive jeune ou adulte.
a) L'esclave adulte
Pour un tel individu, il y a des chances que son statut ne change
pas. L'esclave a une terre qu'il cultive, non en vertu d'un droit de
propriété, mais en raison du droit régalien,
de son obligation de
satisfaire les besoins domestiques du maître. Il peut se marier à
une serve, lui faire des enfants.
C'est précisément
à propos de cette
progéniture
que le droit
traditionnel est singulièrement révélateur car, l'enfant qui naît est
libre en droit. Il est établi que le maître
avait sur l'esclave un
droit de vie ou de mort 9 mais la mise en oeuvre de ce droit d'action
était soumise à des conditions imprécises.
8 Osaka (0 SA KA) sur l'esclave, AGONDJODKAWE, op. cit. p. 102 ; j. A. BOURDES
OGOUUGUENDE op. cit. p. 183 ; AMBOUROUET AVARO op. cit. p. 236 et suivantes.
9 J. AMBOUROUET AVARO, op. cil. p. 238 ; j. BOURDES OGOUUGUENDE, op. cit. p.
188
P. L AGONDJ0-0KAWE, op. cit. p. 121

23
Chez les "Nkomi" par exemple, la distinction
par les oriqmes se
conçoit encore, du moins dans le parler.
Les Mpongwè aussi ont
pratiqué
cette
mise
à mort
de l'esclave
surpris
en train
de
commettre
quelque crapulerie,
celui
qui
a osé entretenir
des
rapports in t imes avec de jeunes personnes libres, très chères au
détenteur du droit régalien.
La tradition
rapporte
même qu'il
existait
une pratique
selon
laquelle le corps d'un chef esclavagiste était précédé dans la tombe
par un esclave
vivant
et que curieusement,
certains
esclaves
s'empressaient de marquer ainsi leur reconnaissance à leur maître.
L'affranchissement de l'esclave adulte peut se faire par la décision
de son seigneur de lui couper toutes ses marques et, de le déclarer,
en public,
désormais
libre.
L'homme
serf
va
également
être
émancipé par son adhésion à la garde des traditions.
En effet, à
force
d'assister
son
patron
dans
l'exercice
des
fonctions
religieuses, l'esclave adulte a pu devenir maître spirituel
dans 1e
mystique 10. Il est en rapport avec les divinités. C'est bien connu
que de tels esclaves ont fait régner dans leurs milieux,
une sorte
de psychose tant ils étaient considérés comme des individus sans
patrie
ni parent, des personnes humaines dédoublées,
disposa nt
d'énormes pouvoirs occultes.
Ainsi, l'esclave a toujours été traité comme un bien dont le maître
ne souhaite pas la disparition. Une fois que le captif a atteint 1e
traitement d'assimilation,
il ne peut plus connaître la sépulture
misérable
des siens,
mais
des obsèques décentes avec pleurs,
lamentations et deuil rituel.
b) L'esclave
enfant
Quand il
naît de parents
en captivité,
son statut
n'a rien
de
restrictif : l'enfant de l'esclave naît libre. Il devient un enfant de 1a
maison, c'est un fils du chef de famille qui lui donne un nom et le
marque de ses attributs notamment ses clans, ses terres. Le seul
inconvénient est que cette origine serve persiste dans les esprits,
même si plus rien dans la condition humaine ne distingue l'esclave
d'un homme libre.
10 HUBERT DE..<;CHAMPS "Traditions Orales et Archives du Gabon p. 39"

24
Paragraphe: 2 - Les étrangers
du Gabon de la colonisation
A travers cette expression, il faut envisager les étrangers arrivés
par divers procédés jusque là inconnus des civilisations
locales et
poursuivant des buts incontestablement opposés aux besoins des
autochtones. Dans cette époque de l' histoire,
ce sont les exploits
réalisés
par
certains
individus
qui
suffisent
à
imaginer
1a
condition des étrangers.
, - Manifestations
de l'immigration
étrangère
La
marine
portugaise
est
citée
comme
la
plus
ancienne
à
s'aventurer dans les côtes gabonaises et ce, dès le XVe siècle.
Arrivent
ensuite
Néerlandais,
Anglais
et trafiquants
d'esclaves
avant que sous le prétexte d'arrêter la traite, les Français ne s'y
établissent
définitivement.
Incontestablement,
la
supériorité
civilisatrice
de ces gens a été presque totale. Les européens ont
réussi à obtenir des autochtones tout ce qu'ils ont voulu. Ils y sont
parvenus grâce à la puissance de leur culture, leur technique dans
la maîtrise des événements et surtout leur intérêt national qu'ils
semblaient privilégier.
Ils ont utilisé
des boulets de canons, des
drogues diverses
mais
aussi
des
parchemins
dont
la
valeur
juridique dépend de celui qui l'évoque.
Cet étranger de la colonisation a complètement renversé les modes
de vie au point que c'est 1a condition des autochtones qu'il a fa Il u
repenser. Le paradoxe est grave au point de se demander si à ce
jour, le Gabonais s'en est re mis.
L'étranger a réglementé le statut juridique
de l'indigène c'est-à-
dire le "national local", et lui a tracé un parcours
obligatoire
:
indigène, indigène évolué, métis etc. - avant de devenir titulaire de
droits et obligations dignes de l'époque. De son côté, le droit des
gens
habituellement
pratiqué
dans
le
pays
Gwèmiènè
a
littéralement éclaté devant les prédispositions de l'étranger.
C'étaient toujours des Anongoma, mais en raison de leur confort
matériel et de leurs origines supposées au-delà des mers, ils ont
été désignés "Anagha w'oronga" (les gens du large). Faussant les
règles de l'hospitalité, ces derniers venus se sont donné la liberté
d'importer des individus
d'autres pays pour les besoins de le urs

2S
exploitations. Ainsi
sont arrives des Libériens
11,
Sénégalais et
Ghanéens, tous célibataires, généralement âgés de 18 à 30 ans.
2 - La portée de l'implantation
étrangère
C'est l'importance du phénomène de l'immigration étrangère qui a
constitué
la véritable
colonisation
du Gabon. Disons
le dès à
présent, tant que cette immigration n'aura pas été maîtrisée
pa r
les nationaux, autant la colonisation
du Gabon se poursuivra.
En
attendant,
de nombreuses
aliénations
ont suivi
et permis
de
conforter
la domination
de l'étranger,
notamment le déclin
de
l'institution
traditionnelle
et la portée
du brassage
avec les
étrangers.
A) - La colonisation
administrative
du Gabon
Ayant constaté que les nationaux réagissaient
naïvement à son
dessein d'occuper le Gabon, le colonisateur a aiguisé ses techniques
d'infiltration.
Il a eu recours
à toutes sortes de procédés pour
trouver des gens zélés susceptibles d'affaiblir l'autorité des chefs
coutumiers.
Pour finir,
il
a mis
en
place
une organisation
administrative telle que toutes les aspirations des "Anongo" c'est-
à-dire
les
nationalités,
étaient
purement
et
simplement
découragées.
1- La préparation
d'individus
nouveaux
Il fallait
rechercher des individus disposés à collaborer en le u r
montrant comment, assis dans les bureaux de l'administration,
i 1
faut servir les étrangers d'abord, son propre pays ensuite.
Mais bientôt l'occupant étranger ne se contente plus d'avoir de
simples interprètes. Il exige d'eux une certaine influence à même
d'entraîner l'intégration des populations locales
dans le système
français.
Des pots-de-vin
et autres cadeaux sont distribués
aux
populations qui trouvent leur satisfaction
fut-elle
d'un j 0 ur. En
réalité, deux situations prévalent dans les populations Gwèmiènè :
celle qui consiste à s'accommoder fort bien des étrangers et celle
qui, sans la prohiber, essaie de la contenir. Il n'est pas juste
de
11 En ] 842, cc sont de jeunes convertis
venus évangéliser
le Gabon avec
l' Américai n
Board of Commissionners for Mission (A.B.C.F.M.)

26
dire que les indigènes ont systématiquement refusé
la présence
française, ni étrangère en général. Il y a eu des réticences mais 1e
tempérament mitigé des populations et les coutumes jusque 1à,
ouvertes à l'étranger, l'ont emporté. De son côté, le gouvernement
de la marine ne peut plus continuer à séduire
indéfiniment
des
individus
qui n'aspirent qu'à être courtisés.
Pour contrer cette
sorte
de stagnation
où plongent les
Gwèmiènè,
l'impérialisme
colonial a exploité deux modèles de ressources humaines : Anagha
w'oronga (étrangers de dehors) et les Fang, venus au "Gabon" parmi
les derniers.
Les espérances de coopération
n'ayant pas toujours
abouti,
1e
gouvernement a changé le fusil d'épaule. Les individus choisis pour
légitimer la position française sont armés et se livrent à toutes
sortes de vandalisme contre les indigènes. Or, l'administration
a
besoin de paix, de collaboration et non d'enlèvements, de viols ou
d'autres violences 12.
2 - La mise en place d'une organisation
administrative
du
type eu ropéen
La
France
a achevé
l'occupation
du
Gabon
supposé
receler
d'importants
intérêts
économiques.
L'implantation
d'une
administration
forte s'impose pour assurer un climat
propice à
l'exploitation du pays pour les besoins de l'étranger. Si la première
unité bureaucratique installée est le Fort d'Aumale, édifié en 1844,
la suite consacre une évolution en deux temps.
D'abord tout est mis en oeuvre pour lier le sort du Gabon avec celui
des possessions étrangères car lointaines, différentes de son type
et de son devenir. Ensuite, c'est un essai de paraître plus réaliste,
en feignant d'admettre que le destin du pays peut être préparé dans
un univers plus contigu et plus marqué par les liens d'affinité. Mais
d'une manière générale, il semble que tout a été organisé pour tenir
le Gabon loin de sa ré alité objective. Son avenir a été conditionné
avec celui d'individus inconnus de son sein et de sa fierté. C'est
dans cette inconsciente évolution que le pays a vogué et continue
d'avancer sous le
prétexte
de rester
fidèle
à des habitudes
indicibles.
12 Le commandant HANETCLERY est intervenu en 1881 auprès du commandant
supérieur GRIVET pour interdire
l'accès des rivières
aux Sénégalais
que
BRAZZA
avait ramenés. Infra ANSOM GABON IV ]6 a, correspondance générale.

27
a) - De 1843 à 1886 : Le rattachement
du Gabon a de s
contrées étrangères
Dès 1843, le poste fondé au Gabon est une dépendance du Sénégal et
le décret du 1 novembre 1854 qui vient distinguer Sénégal et Gorée
va confier au premier le sort du Gabon. Cette répartition
dure
jusqu'en
1859 date à
laquelle
sont créés
les
établissements
français de la Côte d'Or et du Gabon. Entre temps interviennent de
nouvelles réformes notamment les décrets du 4 février
1879 et
celui du 14 avril 1882 qui placent sous une même administration 1e
Gabon, Porto-Nove et Cotonou.
b)Après 1886 : L'insertion
du Gabon dans l'organe
d'administration
des colonies
limitrophes
Tandis qu'en 1886 Porto-Nove et Cotonou restent tournés vers 1e
Sénégal, le Gabon forme une administration autonome directement
rattachée au Ministère de la Marine et des Colonies.
Vient ensuite le décret du 29 juin 1886 qui détermine les reqrrnes
du Gabon et du Congo. L'unité Congo-Gabon naît avec le décret du 11
avril 1891. D'une manière constante, il s'affirme que le pouvoir y
est exercé par des étrangers et pour la plupart, des officiers
de
marine.
Quant à la chefferie,
elle
arbore
véritablement
des fonctions
d'apparat. Elle
subsiste
parce
que l'administration
fait
croire
qu'elle a de la considération pour les structures traditionnelles. Au
fond,
le
chef
n'est
plus
qu'une
sorte
de
panneau
entre
l'administration
et les populations, qui devront s'habituer
à ne
reconnaître que l'autorité du colonisateur.
Ainsi
va se développer au niveau des gens, une mentalité
selon
laquelle
seul l'étranger peut exercer valablement
le pouvoir au
Gabon. D'ailleurs, la colonisation et son relais
l'impérialisme
n'ont
jamais hésité à provoquer des conflits en leur donnant une traître
coloration tribale. Des intellectuels de nos jours n'y adhèrent-ils
sans discussion ?
En définitive, le pays a bien changé de droit car c'est à l'étranger
qu'il appartient désormais de régenter. Du même coup les objectifs
de traitement des gens vont se déplacer, et à tout le moins, il ne
sera plus question de déterminer la condition des étrangers.

28
Ce sont
les
étrangers
en situation
de supériorité,
qui
vont
réglementer la condition
des autochtones. Ils
créeront
de te Is
comportements qu'aujourd'hui l'étranger est au Gabon comme s' il
était chez lui, tandis que le gabonais est traité en étranger dans
son propre pays.
B - La colonisation
biologique
et culturelle
du Gabon
Les relations
humaines entre groupes ethniques de l'intérieur
se
sont manifestées difficilement
mais certainement.
Il en est de
même des rapports
interpersonnels
tissés
par les
populations
locales
et les groupes étrangers.
C'est là, la limite
entre
1a
colonisation,
notion
juridique,
et
la
colonisation
prudemment
abordée comme acception sociologique.
En effet
la colonisation
apparaît
comme un fait
collectif,
un
phénomène de masse, une action par laquelle
les peuples entiers
sont entrés en contact, un moyen de relation
entre groupements
humains, un fait social dont l'examen ressort de la sociologie 13. La
colonisation
se présente comme une réalité
naturelle
observée
depuis l'univers primitif où un peuple se transporte d'un pays à un
autre. A cette occasion, elle
met à l'épreuve des civilisations
différentes, livre les personnes physiques de l'un ou de l'autre sexe
à une découverte physiologique et une composition biologique.
Le Gabon n'est pas resté à l'abri de ce phénomène que VARRON, a
jadis
assimilé
aux
essaims
d'abeilles
formant
des
ruches
nouvelles, pour des pays neufs et de nouvelles nations. Il ne s'agit
pas d'évoquer la défense d'une race noire embrigadée par une espèce
blanche, il est simplement question de dégager des situations nées
du contact des races. Selon le type d'étranger blanc ou noir,
1a
marge de considération est apparue assez éloquente : les uns ont
agi dans le seul but de régenter les autres ; tout en servant 1e s
premiers,
les
seconds
ont
fini
par
appliquer
le
principe
de
l'association ou de l'intégration.
a) Les conséquences du contact par voie de domination
La modalité choisie par le colonisateur blanc est le système de 1a
domination que NIETZSCHE a appelé la volonté de puissance. Dans une
critique de l'impérialisme, BENJAMIN CONSTANT disait "ce n'est qu'un
13 Introduction à l'étude du contraste des races, sociologie coloniale par RENE
MAUNIER. PARIS, P. 19

29
amour propre collectif
exaspere. Et, en ce sens, l'impérialisme,
état d'âme national. .. est un trait de tout groupe social : tout groupe
humain, tout au moins s'il est fort, il aspire à l'expansion" 14. Ainsi,
le trait caractéristique
de ce système est j'annexion totale de 1a
capacité juridique, jusque dans le cadre culturel et biologique. A
bien des égards, le colonisateur s'est efforcé d'obtenir l'abandon
des traditions
locales,
paraît-il
sauvages,
pour
l'adoption
de
moeurs fabriquées et affectant la plupart des traditions orales.
Ainsi,
la
langue
française
est
non seulement
la
langue
de
communication avec l'étranger, mais aussi, entre groupes ethniques
et même au sein des cellules
familiales.
Aujourd'hui,
l'effet de
domination
linguistique
est toujours
à son comble,
puisque 1e
français est en passe de devenir une langue gabonaise. Ceci est
d'autant plus grave que les gens pensent et conçoivent en Gwèmiènè
pour s'exprimer
en français.
Le phénomène devient
si
courant
qu'aucun
esprit
politique
notamment,
ne
s'insurge,
tout
au
contraire,
il
est
encouragé.
D'ailleurs
le fameux
stage
prévu
exceptionnellement
par la
loi
gabonaise
de la
nationalité
ne
consiste-t-il
à vérifier
si le candidat a des assises
culturelles
françaises ?
Cette domination par la force physique et morale a sensiblement
atteint son objectif dans la mesure où les cités et les mil ie ux
d'autochtones parvenus ont été acquis à la cause coloniale. Pour 1e
reste
du pays par contre,
la
foi
est demeurée
aux essences
coutumières
c'est-à-dire,
le
pouvoir
traditionnel,
la
famille
clanique
et le culte
des morts.
Au résultat,
l'étranger
qui
a
surclassé le "national" gabonais lui a presque tout dicté :
- le nom de son
pays devenu Gabon, sorte de caban marin
plutôt que l'étymon "N'gaba" ;
- des noms pour tous ses sites, ses cours d'eau: Libreville,
Port-Gentil,
Franceville,
Fernan-Vaz,
Cap Lopez,
Santa-Clara,
Estérias, Estuaire ...
- une langue française à utiliser car elle est enseignée dès 1e
berceau en remplacement des langues vernaculaires
condamnées
aux enfers;
14 In, Esprit de conquête 30 éd. PARIS 1814.

30
- un délice pour l'assistance étrangère technique, économique,
financière et politique ...
- un notoire dégoût du risque
et de la dignité
puisque 1a
défense nationale
pour ne citer
que cela, est garantie
par des
étrangers.
b) Les suites
du contact par association
En plus de ces personnes souvent inconsciemment
favorables
au
colonisateur il y a eu deux autres types: d'un côté les locaux qui,
tout en subissant
la domination,
ne se sont
pas séparés
de
l'essentiel
de leurs
coutumes ; d'un autre côté, les
étrangers
importés pour soutenir l'action coloniale mais, qui se trouvent ni
intégrés
à la
classe
super
privilégiée
des colonisateurs,
ni
acceptés par des colonisés répugnant leurs basses oeuvres. C'est 1a
condition
de ces
étrangers
exclus
de tous
les
groupes
qui
préoccupe.
Plus
leur retour au pays d'origine devenait incertain,
que l'âge
aidant,
ils
ont compris
que leur
intérêt
est de rompre
avec
l'isolement.
Pour cela,
il
leur
fallait
sortir
de la
situation
d'opposition pour adhérer à celle
de l'association
des races. Au
fond, ils devaient reprendre la démarche naturelle, reconnue dans
n'importe quelle civilisation
que nul ne peut rester si longtemps
dans un pays, tout en défiant ses habitants. Passe encore, qu'il 1e
fasse pour ses propres intérêts mais, ces autres étrangers se sont
aperçus que l'administration
qu'ils
servaient
pour dominer
les
gabonais réalisait la même chose dans leurs propres pays. Ils ont
alors choisi
la condition
d'association
avec les
autochtones et
partout en pays Miènè, les races locales se sont mêlées aux types
étrangers. Il n'y a guère de honte à l'écrire,
les conséquences
sociologiques du contact soit par domination, soit par association
ont été telles qu'il ne reste presque plus de races pures sur la côte.
Comme les autres co-nationaux proclament leur virginité, seuls 1e s
Gwèmiènè seraient emparés par ce complexe de l'étranger.
Malheureusement l'observation est toute autre car le phénomène
psychologique actuel ne les concerne pas. Les Miènè ont contourné
l'obstacle en considérant qu'il y a une condition
des étrangers
dictée par la colonisation
et une autre originaire,
conçue et

31
soutenue par les autochtones, ceux-là
qui sont dans leur
pays,
formé par la sorte de triangle
Eliwa
zi N'gaba, Oghowè, El iwé
N'komi.
C'est
pourquoi
ils
ont
plus
que jamais
conservé
une
vie
traditionnelle
parallèlement à l'existence moderne. Les rmene ont
connu un important métissage externe ou interne,
mais ce sont
leurs propres règles de droit qui ont déterminé qui est national et
qui est étranger. A l'inverse, c'est en regardant le comportement
des autres co-nationaux qu'apparaît la psychose de l'étranger, dont
la première manifestation consiste à clamer que certaines races du
Gabon n'ont pas connu de métissage biologique.
Ces peuples "vierges" attachent aux autres une présomption
de
descendance étrangère selon les apparences. A un moment donné,
l'étranger était déterminé par la couleur de sa peau. A présent, i 1
suffit
que l'appellation
d'un individu
soit
différente
des noms
habituellement utilisés
par telle ou telle ethnie, alors même que
les noms gabonais ne sont pas inventoriés.
Si le nom peut être le premier signe d'extranéité, la suspicion doit
être la même dans tous les peuples y compris ceux qui sont liés aux
Gwèmiènè, par le "contrat" de la nationalité
gabonaise, mais qui
utilisent les mêmes noms de personne que leurs voisins des pays
frontaliers.
Ensuite
il
ne faut
pas s'arrêter
au nom, il
faut
également interroger les comportements, les intérêts défendus, les
cultures à travers la musique, les danses, le chant ... enfin il est
utile de vérifier l'aire d'implantation de la race.
Dans tous ces cas, et c'est la position
des scientifiques,
il n'y a
plus de races pures au sens vrai du mot. Il n'y a plus de populations
qui soient fixées
à tout jamais
ou qui auraient
persisté
sans
mélange de sang, estiment les anthropologues 15. Ainsi l'association
tient d'un fondement humanitaire, d'une volonté égalitaire et d'un
sentiment fraternel, l'agrégation sera quant à elle, le couronnement
du contact des races.
Paragraphe: 3 - L'étranger du Gabon de demain.
Il sera 1e reste de tous les efforts tentés en vain pour amener celui
qui, à l'origine
était non national
gabonais, à intégrer le groupe
15 infra DENIKER, les peuples de la terre 2" éd. Tome 4 Paris 1926; I-IADSON, les
races humaines et leur répartition, In 8 Paris 1930.

32
humain auprès duquel il aspire séjourner longtemps. Ceci suppose
une prise de position qui veut que dans un pays donné tous 1e s
étrangers soient égaux sans nuire
à la possibilité
d'établir
un
statut particulier pour le «frère-africain».
1 - La position
de principe
L'étranger du Gabon des nationalités,
suivi de l'étranger dans une
République sans originalité, conduisent à la recherche de l'étranger
de demain.
Son statut
sera
construit
à partir
de l'évolution
inévitable souhaitée dans le sens du respect de la personnalité
humaine et de l'égalité des races. Toutes ces considérations vont
permettre
de
proposer
une
classification
des
étrangers,
débarrassée de tout privilège inutile, au point de dire qu'à l'avenir,
l'étranger doit être déterminé en fonction des intérêts qu'il défend.
Première
hypothèse
: l'étranger choisit
le Gabon comme une
simple base d'approvisionnement. Son objectif est de maintenir un
prestige ou de renflouer un autre en baisse dans son pays d'origine.
Il se comporte alors
comme les "conquistadores" de Christophe
COLOMB. Dans ce cas, c'est avec rigueur qu'il doit être traité. Il sera
soumis
aux injonctions
administratives
et policières
quant
à
l'entrée et le séjour. Il devra être contrôlé dans ses activités, à 1a
limite
des lois
et des règlements.
Il demeurera à tout j a ma is
tributaire d'une carte de séjour de résident temporaire ordinaire,
tout au plus à caractère spécial.
Deuxième
hypothèse
: l'étranger
opte
pour
une communion
d'intérêts
avec
les
nationaux.
Dans ce
cas,
le
système
de
traitement dit "Oghènda" déclenche en sa faveur les mécanismes
issus de l'acceptation c'est-à-dire,
l'assimilation.
Ceci correspond
à l'esprit des pays d'immigration qui, sans chercher à détourner les
nationaux d'autres pays ne doivent pas s'empêcher de créer
un
privilège de leur propre nationalité. D'ailleurs en réglementant 16 1a
pratique de la double nationalité, la loi ne 1aisse point entrevoir de
conflit si la nouvelle appartenance n'est pas injurieuse. Il n'y a pas
d'étrangers bons ou mauvais. Il n'y a que des étrangers dont 1e
comportement permet de dire qu'ils sont désirables ou indésirables.
Un pays d'immigration
a ainsi,
la faculté
de recevoir
le type
d'étranger qui lui paraît souhaitable. Ceci s'impose. Même s i
16 La loi n° 1/76 du 5.06.1976 combat la double nationalité.

33
l'étranger apporte son concours, il ne peut être accepté si cela doit
en coûter aux moeurs, à l'honneur et à la dignité du national.
Voilà qu'en droit positif,
aucun texte ne définit l'étranger. C'est
donc par
un effort
de
supputations
qu'il
faudra
s'affirmer
spécialement en partant du document de départ 17, un texte prolixe
où sont repertoriés les sujets susceptibles d'avoir (par origine) et
d'acquérir (par attribution) la nationalité gabonaise. D'après cette
loi, sont étrangers,
les individus
qui ne tombent pas sous 1e s
termes des articles
9,10,12 et suivants.
Malgré ses ouvertures
importantes aux étrangers, la loi de 1962 reprend l'essentiel de ce
qui a été admis à travers le monde pour distinguer l'étranger de
l'indigène ou du national 18 C'est donc vers les auteurs qu'il faut se
tourner pour rappeler certaines positions de principe.
Est étranger, celui qui n'appartient pas à un pays, à la principauté,
à la ville.: dans laquelle il se trouve du moins dans l'ancien droit
belge des Xllème et Xlllème siècles 19.
Est étranger celui qui est d'un autre pays, d'une autre famille
20.
L'étranger est "celui qui est d'une autre nation ou qui n'est pas du
pays où il se trouve" 21. Il s'avère que l'étranger est l'individu qui
n'a pas la nationalité de l'Etat considéré. C'est celui qui n'obéit pas
à l'ensemble des règles qui déterminent l'allégeance
permanente
d'un individu par rapport à un Etat 22. Le national 23 est le terme
employé pour désigner celui qui a la nationalité d'un Etat.
17 La loi 62/89 du 02.03.1962 J.O. n " spécial du 14 mars 1962 portant Code de la
nationalité gabonaise; loi modifiée par la loi nOl/76 du 5.06.1976 qui a abrogé
les art.
6,7,13,et 15 de la loi
de 1962 pour leur
donner une
nouvelle
formulation.
18 La population d'un Etat se compose de nationaux appelés sujets, citoyens ou
regnicoles. In RIVIER l'. 1. p. 303.
19 Rec. Sté Jean BODIN Tlx 1958 p. 246 par JOHN GIUSSEN qui écrit en p. 15
"l'étranger est l'homme qui n'est pas national ni citoyen" - ou en p. 311 du
T.X. - qui ne fait pas
partie du groupe social par rapport auquel il est
envisagé" .
20 Dictionnaire
général
de la
langue
française
par A. HATSEELD et A.
DARMESTETER T.Y.
21 Dictionnaire de la langue française de E LlTTRE.
22 LEREBüURS - PIGEONNIERE, précis DIP Sème Ed. 1948 p. 63; BATIFlüL, Traité
Zèrne Ed. 1955.
23 NIBOYEf T. 1 n° 72.

34
Selon le dictionnaire de terminologie du droit international privé 24
le national est le substantif qui désigne celui qui est membre d'un
Etat et qui est uni à l'Etat par un lien permanent appelé nationalité
par opposition à l'étranger et au simple ressortissant 25.
Telle
est en doctrine,
la qualité
de près de 300.000 individus
arrivés en masse, de tous les horizons, pour répondre aux besoins
d'un développement économique et social, dévoilant le phénomène
de l'immigration
massive. C'est peut-être une brutale révélation
des derniers remparts de l'unité des peuples.
Aussi désespérant de n'avoir pas trouvé
une seule référence
à
l'amitié et aux affinités,
en un mot, à tous les élans affectifs,
avons-nous encore la force de nous interroger sur le point de savoir
si les travailleurs originaires des pays d'Afrique Noire, doivent au
Gabon, être
considérés
sincèrement
comme
des
étrangers
?
Textuellement,
ils
le sont. Cette affirmation
est d'autant plus
douloureuse qu'elle contraint à rechercher au besoin un palliatif.
11
sera évoqué sous la forme d'un essai en exploitant une expression
de plus
en plus
usitée
en Afrique,
dans
les
considérations
interpersonnelles: "le frère-africain".
Il - La proposition
dérogatoire
du frère-africain
L'expression est certes peu originale, mais l'important est qu'elle
puisse dans ce besoin de construire,
exprimer
l'aberration
que
constitue le fait pour des africains
de se traiter d'étrangers en
Afrique.
A - Essai de définition
Le frère-africain
est une personne physique oriqinaire
d'Afrique.
C'est
aussi
quiconque
a le
sentiment
d'être
affecté
par
ce
continent, pour avoir connu les affres de la colonisation puis ce Iles
du néocolonialisme
et contribue actuellement à l'effort vers 1e
devenir heureux d'un pays d'Afrique.
24 SIREY 1960, p. 400.
25 Sur la distinction, le national, le ressortissant, le citoyen, le protégé, voi r
Traité Droit Inter.
Positif de LOUIS CAVARE T.L, 2ème Ed., 1%1 P. 254
ct
suivantes.

3S
B - Nature juridique
Deux thèses, l'une politique
et l'autre juridique
peuvent asseoir
cette expression.
1°) - La thèse dite juridique
a) Enoncé et caractères
Le frère-africain
est une notion de droit négro-africain,
visant à
atténuer
les
conséquences
superflues
des
nationalités.
Elle
s'accommode fort justement
de la conception
africaine
de 1a
parenté, elle-même, envisagée très amplement. Elle est à la fois
géographique, mythique et particulièrement fluctuante.
Le frère-africain,
notion géopolitique et personnelle
: de même
qu'en droit moderne, elle traduit le rapport qui existe entre deux
personnes issues
d'un auteur commun mais
séparées
par
une
frontière administrative et politique.
Le frère-africain,
notion
mythique
: elle
englobe
toutes
les
personnes supposées relever d'un ancêtre commun, menant une vie
identique et poursuivant le même combat d'émancipation.
Le frère-africain,
notion extrêmement fluctuante : en raison des
nombreuses possibilités offertes à l'étranger de s'intégrer et d'être
confondu avec le groupe d'accueil.
b) - Mise en oeuvre
La notion utile du "frère-africain"
apparaît comme un concept de
droit
international
privé
africain.
Son
effet
particulier
est
d'élargir d'office dans chaque système juridique,
la
liste
des
nationaux. A long terme, elle réalise une assimilation
complète et
sans aucun doute, l'unification des traitements dans un sens de plus
en plus grande humanité ainsi que de bien-être, à la satisfaction du
continent.
Ce concept de droit africain,
autant qu'il laisse
présager d'une
grande unité à l'avenir, présente pour l'instant des difficultés.

36
effets de droit autres qu'un traitement d'égalité avec le national,
et un traitement privilégié
par rapport à l'extra-continental
plus
spécialement s'il
n'est pas du tiers-monde.
Il est établi
qu'il a
l'avantage
non seulement,
d'élargir
la
tolérance
des rapports
humains et leur resserrement, mais d'éviter de s'interroger sur 1a
nature des droits dont la jouissance est envisagée par des textes
tel que l'article 25 du code civil gabonais.
En dehors des droits privés, droit de la famille,
droit aux biens,
droit au travail qui sont la condition du niveau minimum de vie,
peut-on penser que le "frère-africain" se prévale juridiquement de
droits publics et politiques ? Nous semblons, alors donner dans une
seconde optique, celle qui considère la notion de "frère-africain"
comme une initiative politique simplement.
2°) - La thèse dite politique
La réalité
quotidienne laisse
apparaître
cette notion comme un
concept ancien tenant aux convictions
socialistes
de l'Afrique
traditionnelle. Elle la présente désormais comme une machine ou un
slogan politique
parce que, intellectualisée.
Dès lors,
le "frère-
africain"
ne peut jouer
de rôle
principal
que s'il
y a lieu
de
rechercher une sorte de solidarité
politique
en face des extr a-
continentaux. Le reste est simple fonction extrêmement subsidiaire
sans force juridique autonome. Ceci rejoint même le problème des
statuts conditionnés par l'assimilation
ou le refus d'intégration.
Deux illustrations soutiennent cette opinion :
a) Il n'y a que dans la scène politique que s'est offerte l'occasion de
lancer cette notion, la ramenant du même coup à la dimension d'une
courtoisie ou d'une éphémère consolation.
b) Il y a divers propos sur le découpage de l'Afrique en différents
Etats. C'est le cas des frontières
qui,
dans les
coeurs
sont
artificielles
mais
n'en
demeurent
pas
moins
juridiques
ni
contraignantes dans les actes. L'existence des nationalités
n'est-
elle pas le principal obstacle ?
Hier, les pays d'Afrique étaient dépendants mais proches les uns

37
des autres.
Depuis, ils
constituent
une infinité
de républiques
aujourd' hui
dominées
car, morcelées.
Ils
n'ont même pas su
reconstituer
les
anciennes
fédérations
tellement
ils
ont été
émerveillés par l'idée de souveraineté. Cette grande Afrique dont
tous
rêvent,
se
résume
désormais
en
une
prosternation
systématique devant le drapeau qui a remplacé la sainte-croix.
Du
"frère-africain"
il
n'en
sortira
que
Dahoméens
Angolais,
Camerounais,
Voltaïques,
Nigérians...
Il
n'y a que des individus
séparés tant ils sont, les uns pliés par le lien d'allégeance à te 1
Etat, les autres soumis à tel autre pays bien déterminé. Quand il a
la marque d'identité de l'un,
il
est étranger à l'autre.
La thèse
politique aboutit à un concept négativiste si elle n'est pas assortie
d'une forme juridique. Il faut par exemple exclure du traitement du
"frère-africain"
toutes
mesures
communes
aux
étrangers
notamment l'expulsion.
En échange, le
"frère-africain"
doit
s'engager à faire
l'effort
concluant
de
réussir
son
intégration
et
son
assimilation.
Malheureusement, c'est le cas de faire observer que s'il est des
"frères-africains" qui sont
proches de la notion, il en est qui s'en
éloignent manifestement. Est-il
pensable qu'un individu,
quel que
soit son niveau mental puisse rester dix, vingt, trente ans dans un
pays en marge de la société indigène.
Que faut-il dire de ce "frère-africain"
virtuel mais qui n' a même
pas marqué un seul point favorable,
alors
qu'il est possible
au
Gabon,
d'établir
une
relation
de
son
choix
avec
les
tra its
caractéristiques
des
populations
du Gabon.
L'intégration
est
progressive et s'illustre
par des faits ou des situations
non pas
cumulatives mais distributives.
Elle n'est pas possible sans pouvoir faire un pas vers 1es traditions
locales,
ni parler
un vernaculaire,
célébrer
un mariage avec un
autochtone, y édifier un immeuble à la mesure de sa prospérité.
Dans ce cas, il s'agit du modèle même du mauvais étranger c'est-à-
dire, celui qui ne veut pas s'adapter et qui se rend indésirable.
Section Il - La classification
des étrangers.
Si l'on s'en tient à la volonté politique
des Etats, chaque pays
classe librement les étrangers qui y vivent. Mais l'ordre retenu doit

38
avoir une portée dans la réalité. Il doit correspondre
aux règles et
principes qui gouvernent les rapports entre Etats. Les systèmes qui
recourent à des classifications
simplement
politiques, procèdent
par
l'humeur, ils
ne peuvent
retenir l'attention. Il
en est de
même des procédés qui ne se fondent
que sur
une invitation
administrative. En revanche, plus intéressant est l'uniformisation
de modèles sur la base de l'égalité des étrangers et la disparition
des vains privilèges
Paragraphe 1 - La méthode traditionnelle
du privilège
général
de l'étranger
La conception de l'étranger de droit moderne n'est pas du tout 1a
même que celle
des coutumes africaines.
Tandis
que dans 1e s
dernières, l'étranger passe généralement pour un ami à qui il est
tout donné, dans les premières, l'étranger est individu différent du
national
à qui il
ne faut donner que l'essentiel.
Dès lors
les
classifications vont épouser les contradictions ainsi résumées.
A - La conception de la faveur générale.
Le Gabon étant un pays sans écriture, les règles de conduite socia le
sont restées
inscrites
dans un système de droit oral. Aussi
1 a
tradition des normes juridiques
d'une génération à une autre ne
s'est-elle
pas faite sans dénaturation.
Le récit
portant sur 1a
condition des étrangers a souvent été entouré d'une exagération qui
n'a pas manqué de lui imprimer un caractère mythique et lui donner
une place extra-ordinem. C'est en effet sur une base sentimentale
que les gabonais ont toujours regardé l'étranger. C'est au vu de
l'effet de charme que l'étranger a produit sur eux, qu'ils
l'ont
assimilé. Enfin, c'est à cause du mirage
qu'il leur a fait
entrevoir
que
leur sensiblerie
les a conduits
presque à se
prosterner
devant 1ui.
B - Les manifestations
du traitement
traditionnel.
Une première erreur faut-il
l'écrire, est d'avoir confondu droit de
jouissance foncière et droit de propriété immobilière
pour ne pas
parler du droit de servage qui est la colonisation d'un peuple par un
autre. Une seconde méprise est celle
d'avoir unifié
les régimes
juridiques
du traitement
des
étrangers
au
moment

1e s
institutions traditionnelles fondamentales étaient surclassées par

39
l'enracinement
colonial.
Il
s'en est
SUIVI
un véritable
culte
d'idolâtrie des étrangers déjà répartis
en étrangers de dedans ou
Anongoma et en étrangers de dehors ou Anagha w'oronga. Ce n'est
peut-être pas une classification
au sens du droit moderne mais
c'est
le
prélude
des
observations
qui
doivent
permettre
de
démontrer que d'une manière constante, les événements ont ici,
présenté deux périodes articulées
autour d'une sorte d'égalité à
prépondérance parfois objective, parfois subjective.
la) - La tendance à l'égalité
objective.
Elle correspond davantage à l'expression sentimentale d'avant 1a
colonisation.
Les peuples
locaux
sont
attirés
par un système
d'affinité
et se considèrent
par ethnie.
La détermination
des
étrangers est une question essentiellement linguistique. Mais cette
tendance à l'égalité
objective
vise
uniquement
ceux qui sont
désignés comme Anongoma, c'est-à-dire
les étrangers de dedans.
Ceci a permis de relever que les populations de l'intérieur entrées
en contact avec les Gwemiènè ont été les Loumbou, Pounou, Tsogo,
Eshira, suivis des Fang, Loango et Viii. Ces gens ont entretenu des
rapports de commerce et d'amitié. Sur la persistance de ces liens
favorables, les Gwèmiènè leur ont accordé un traitement d'égalité.
Ils ont donc été admis dans la nation déjà formée sans qu'il fût
besoin de privilégier
les uns par rapport aux autres. Toute autre
approche discriminatoire
n'a tenu qu'à une querelle
de clochers
puisque le souci de la cl as s if ication est resté ici absorbé par 1e
phénomène de l'assimilation et le jeu des alliances.
20
L'apparition
des considérations
subjectives.
)
-
L'arrivée des vaisseaux portugais, le débarquement des aventuriers
européens, l'impressionnante démonstration de leur force mil it aire
et économique, tout ceci a permis de confirmer la distinction
au
sein des "Anongoma", d'étrangers de dedans et d'étrangers de dehors
appelés
"An agha W'oronga". A la
tête
de ceux-ci,
est
placé
"l'homme-blanc ou Otangani". Sa condition matérielle
en fait
un
bienheureux. Sa maîtrise des éléments physiques le révèle comme
disposant
d'un pouvoir
magique
supérieur
à la
sorcellerie
de
l'indigène. Puisque les autochtones ne sont pas unis, force est de
constater
l'existence
permanente
d'étrangers
de
dedans
généralement utilisés dans les travaux de bois, la garde coloniale

40
et les autres besoins domestiques. A l'intérieur de ce qui reste
national, il faut extraire les individus retenus par le colonisateur
pour lui permettre de légitimer sa présence.
Ce groupe viendra en fait gonfler l'ensemble déjà formé par les
"Gorée" (sénégalais, Aoffiens français), "Accra" (Ghanéens), "Lagos"
ou "Calaba" (Nigérians) 26 d'une manière générale, cela est clair les
étrangers de dehors l'ont emporté sur les étrangers de dedans.cet
même sur les nationaux parce qu'ils ont emprunté la €pii6r-a~~b:flJ'/.
privilégiée de la classe de leurs importateurs.
;;.'" r,
~~~
.'-'
1 Bj:)
...
,.
".
~
':-
C
->-10
0
a) Le privilège
du droit traditionnel.
~ O.ff/j..., Il'1~&
9
'"
('C
' d
)
"
~
~~
~
C.
1111 r
Les étrangers de dehors (Anagha W'oronga) venus du cor<Î~IAent s.~~Yy
devenus Aghènd~. Ils passent .pour de~ individus .sacn'â~ëtw
comme leurs martres. En effet, Ils s'habillent comme eux, marnent
des outils
étrangers
au monde noir
et pratiquent
la médecine
européenne. Ils sont considérés comme relevant de la même magie
que celle de l'occupant. Comment leur refuser un traitement d'ami?
Pourquoi hésiter sur leur intégration malgré la crainte de le urs
armes et leur conviction religieuse dans un pays animiste, tout au
plus laïc ?
b) La pression
du droit colonial.
La loi qui est appliquée dans le pays distingue selon que, un tel est
indigène, évolué, ressortissant de telle division territoriale
ou de
telle autre. Sont exclus bien entendu, les français,
mais aussi les
étrangers
qui connaissent
déjà
le débat des communes
et 1a
querelle des statuts de droit moderne et de droit coutumier.
Il faut dire que les étrangers voisins
du Gabon n'ont pas fa it
d'apport particulier dans la discussion de la condition générale des
gens.
Il
est
vrai
que certains
gabonais
ont
connu
non
pas
l'émigration
mais l'affectation
administrative.
C'est le cas des
évolués qui sont allés servir au Sénégal, en Guinée, au Cameroun ou
26Ce groupe est bien plus ancien que celui formé par les "POPO" (Togolais,
Dahoméens), et "SOUSOU" (Guinéens).
11 suffit de regarder
la population
locale, pour constater que leurs déscendants se comptent par générations. A
ce niveau, si l'on veut faire
une distribution,
fatalement
et excepté les
français qui restent hors classe, "Gorée", "Accra" et "Calaba" sont privilégiés.
Dans ce privilège,
"Gorée" l'emportent sur les autres en raison
de leur
importance numérique et de l'extrême rapidité avec laquelle ils ont contribué
à la constitution du patrimoine humain du Gabon.

41
dans les deux Congo. Ailleurs
c'est un mouvement vers le Gabon,
entretenu par des gabonais partis prendre épouse soit au Cameroun
soit chez les "Benga" de Guinée Equatoriale.
Dans l'ensemble, se substituant au droit coutumier émotionnel, 1e
droit colonial a classé les gens en européens (pour tout ce qui éta it
blanc, citoyen français ou non), et en africains. Les seconds ont été
subdivisés
selon qu'ils sont évolués ou non, avec une situation
curieuse pour les métis.
Les évolués
ont un statut de super-
privilégié. par rapport aux indigènes
analphabètes.
En effet,
1e
privilège naît du fait de savoir lire et écrire français. Ceci permet
: d'être gradé, dans
l'armée,
fonctionnaire
des
administrations
coloniales et représentant dans les assemblées
politiques.
Mais
cette classe des évolués est essentiellement
précaire
dans son
essence soCiologique. Aussi disparaîtra-t-elle
très vite laissant 1a
place à une confusion sociale que l'accès à l'indépendance a élevée
à son sommet.
Droit oral comme dans la plus grande Afrique, le droit traditionnel
gabonais détermine les étrangers essentiellement en fonction des
élans du coeur. Il permet
de discriminer ou d'assimiler.
C'est 1a
survivance de cette raison qui autorise à rapprocher ou à éloigner
les gens. Un tel droit à cet avantage de laisser choisir ses amis
avec la liberté de préférer parfois ceux d'AŒ plutôt que ceux d'AEF.
Mais, est-ce également cette expression intime qui sème auprès
des gabonais l'obsession d'une domination par leurs voisins et les
jette au suicide des alliances
avec des pays de complémentarité
contestable ? Le droit gabonais à venir se veut un droit moderne au
sens de la norme écrite. Mais sa principale caractéristique est de
mettre
en conflit
les
réalités
objectives
et la fonction
des
priorités politiques.
Paragraphe 2 - La classification
depuis l'indépendance
En même temps que s'édulcore 1e pouvoir politique
traditionne l,
s'évapore la spontanéité affective. Le colonisateur
a achevé 1e s
structures
qui
le
rendent
maître
du
pays.
Dérechef,
il
a
internationalisé
les
contrées
et les
indigènes
ont
subi
ses

42
impositions. Cette situation a persisté en dépit de la passation des
signatures effectuée aux années 1960 car tour à tour, le pays a
adopté pour la classification
des étrangers un système d'ordre
politique et une méthode administrative. Mais ces deux tableaux ne
sont pas exclusifs
de propositions
notamment en passant de 1a
systématique politicienne à un ordre juridique d'avenir à la fois
légitime et typique au Gabon.
A - La classification
politique
d'avant 1970
En effet, les ressortissants
étrangers résidant
au Gabon y sont
classés selon leurs pays d'origine. C'est l'époque d'une apparition
théorique sur la scène internationale
mais aussi le temps d'une
inexistence juridique. Tous les textes sont de droit transitoire.
Tous les voeux sont repris
dans la dualité du droit moderne et du
droit
coutumier,
le
tout
dans
un élogieux
conflit
d'intérêts
étrangers. Ce système discriminatoire
va reléguer aux derniers
soins les pays de l'Est européen et certains
pays d'Afrique dits
révolutionnaires ou marxistes. Il faut lire la circulaire du 12 Juin
1968, pour dire que les étrangers sont classés en cinq catégories.
1°) - L'énumération
des différentes
catégories.
a) Catégorie
liAIl :
Sont envisagés deux types de pays : d'abord la France, ensuite 1e s
Etats africains signataires de 1a convention de BANGUI de 1962 27.
Les ressortissants français sont dispensés de formalités de visa et
l'admission
est
obtenue
sur
simple
présentation
d'une
carte
d'identité, d'un certificat d'hébergement et d'une garantie en cas de
rapatriement.
Les autres
sont peut-être
dispensés
de visa
mais
ils
doivent
présenter un passeport national en cours de validité,
un certificat
d'hébergement et
une garantie
en
cas
de
rapatriement.
Les
étrangers de la catégorie A sont tenus d'avoir une carte de séjour.
27Convention de l'UAM et qui compte en plus: République Centrafricaine,
Cameroun,
Congo-Brazzaville,
Côte
d'Ivoire,
Dahomey,
Haut-Volta,
Madagascar, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad.

43
b) Catégorie
"B".
Ce sont les ressortissants de la République Fédérale d'Allemagne et
de l'Etat d'Israël. Ils sont dispensés de visa chaque fois que le u r
séjour ne dépasse pas trois mois.
c) Catégorie
"C".
Il s'agit des étrangers se rendant au Gabon à des fins
purement
touristtques, en voyage d'affaires, de prospection ou de liaison avec
les entreprises de la place.
d) Catégo rie
"D".
Elle vise un nombre important de pays choisis arbitrairement dans
les continents : Albanie,
Chine Populaire,
Cuba, Corée du Nord,
Guinée,
.Hongrie,
Liban,
Nord-Vietnam,
Pologne,
République
Démocratique d'Allemagne, Tchécoslovaquie, Union des Républiques
Socialistes Soviétiques, Yougoslavie, Grande Bretagne, Mali. Leurs
ressortissants attendent d'entrer au Gabon sur un accord exclusif
de l'autorité centrale, indifféremment de l'objet et de la durée du
séjour.
Cette sévérité constatée au stade de l'entrée est suivie
pendant le séjour.
Des mesures
spéciales
de police
sont prises
contre ces ressortissants en raison de l'idéologie de leurs pays et
pour sauvegarder les intérêts des pays se trouvant en catégorie
préfé re ntie Ile.
e) Catégo rie
"E".
Elle vise les apatrides et les refugiés
politiques.
Ceux-ci,
sont
soumis aux règles de la précédente catégorie.
2°) - L'appréciation
de la classification
d'avant 1970
Ce premier effort apparaît comme une mise en ordre d'estime des
différents Etats et non une classification
des étrangers considérés
en tant qu'individus.
Il est fondé sur des sentiments idéologiques sans se soucier ni de
leur effectivité, ni de la place occupée par les hommes puisqu'à 1a
fin, il s'agit non pas de la condition d'un pays, mais celle des gens.

44
C'est donc une oeuvre politique dépourvue de tout sens juridique et
qui a pour principale
vertu d'être fastidieuse.
Elle consacre un
retour aux périodes coloniales car à tout le moins, ce résultat a été
obtenu par des étrangers pour les besoins de leurs métropoles.
B) - La classification
ad ministrative
instituée
par
l'ordonnance de 1 974
Les étrangers
sont classés
selon
la durée de leur
séjour
en
étrangers résidents temporaires,
étrangers résidents
ordinaires,
étrangers
résidents
privilégiés
28.
L'élément
qui
permet
de
concrétiser cette distinction
est la carte de séjour détenue pa r
chacun.
1°) - La carte de résident
temporaire.
Elle est délivrée à l'étranger qui vient au Gabon pour une durée
limitée,
sans volonté d'y fixer
une résidence
ordinaire.
Mais 1e
texte 29 poursuit: "ou qui a la volonté d'y résider définitivement".
La validité de la carte est d'un an (art. 3-2 du ch. Il).
2°) - La carte de résident
ordinaire.
Elle est délivrée aux étrangers titulaires d'un contrat de travail de
plus d'un an, aux étrangers
non salariés
exerçant une activité
présentant un caractère certain d'utilité pour la République 30. La
durée de la carte de séjour ordinaire est d'un an 31.
3°) - La carte de résident
privilégié.
Un certain nombre d'individus énumérés par le texte 32 peuvent
obtenir ce document administratif :
- Les étrangers ayant séjourné plus de 10 ans au Gabon 33.
- Les coopérants et les membres de leurs familles
- Les personnes chargées de mission officielle
28Art. 2 du ch. 1er de l'Ordonnance na 42 bis/74 ].0. du 15.04.1974 p. 361.
29 Art. 3 al. 1 du ch. 2.
30 Art. 4 al. 1 du ch. 2: il s'agit des investisseurs dont le plancher d'affaires est
fixé à un million de francs cfa, des pensionnés, des rentiers, propriétaires et
autres justifiant des moyens d'existence suffisants.
31 Art. 3, al. 1 ch. 2 de l'Ordo 42 bis/74 du 1.04.1974- ].0. du 15.04.1974 p. 361.
32 Art. 6 ch. 1.
33 Ce délai est ramené à 5 ans pour le conjoint étranger art. 6 al. 1 du ch. 1.

45
- Les ministres du culte, éventuellement leurs familles.
Cet agencement tripartite de la situation des étrangers séjournant
au Gabon a sur le précédent un avantage intellectuel et pratique. i 1
est concis et dénote d'un net effort de synthèse des conditions
juridiques qui, somme toute, sont théoriquement peu nombreuses.
Même s'il donne, l'impression
d'avoir été emprunté aux traditions
françaises,
il
a
le
mérite
de
militer
vers
une
sorte
d'universalisation de la classification de l'étranger. Cependant 1e
système de 1974 n'est pas exempt d'arnénaqernents.
C) - La proposition
d'un rang socio-juridique
de l'égalité
de classement
Ce qui est important, c'est de doter le Gabon d'outils appropriés à
ses besoins. Un pays neuf doit éviter de s'encombrer d'un système
réglementaire
trop
lourd.
La
multiplicité
des
classifications
favorise l'ambiguïté, le subjectivisme et la complexité. Il est plus
aisé de travailler en tenant un raisonnement fondé sur une simple
alternative plutôt que les huit cas de la circulaire de 1968 ou les
critères administratifs de l'ordonnance de 1974.
1°) - Le fondement du principe
de l'égalité
de classement.
Comment prétendre classer tous les étrangers dans une bannière
commune ? Peut-on traiter de la même façon tous ceux qui ne
ressortent pas du pays considéré ? Une telle proposition n'est pas
sans risque. Les pays auxquels nous sommes apparentés sont des
sociétés où la lutte contre les inégalités
internes a abouti à de
vrais retournements. Ces mêmes pays ne peuvent donc pas exiger 1e
maintien de statut dépassé dans les systèmes juridiques africains.
La reconnaissance d'une classe privilégiée au sens du droit colonial
n'est plus soutenable. Sa disparition
pour cause d'anachronisme
s'impose.
Les étrangers dans un pays, sont tous les mêmes: ils ne veulent pas
s'intégrer à la société d'accueil. Pour qu'il en soit autrement il faut
qu'ils changent d'attitude. En effet l'étranger n'est pas seulement
celui
qui n'est pas lié par un rapport d'allégeance avec un pays.
C'est surtout celui
qui,
par son comportement,
montre que sa
présence dans ce pays n'est que passagère.

46
C'est celui qui, quelle que soit la durée de son séjour, déploie ses
activités pour s'écarter de toute assimilation.
En accédant à la souveraineté internationale,
le Gabon a lancé 1e
slogan du "Gabonais d'adoption" 34. Non seulement presque personne
n'a usé de cette ouverture, mais les rares étrangers qui sont restés
au Gabon en ont fait un instrument politique.
Ils ont gardé leur
nationalité d'origine en honneur et se sont targués de l'identité
gabonaise en accessoire. En conséquence, ces étrangers
ont été
traités
non pas comme
des nationaux
mais
tel
des
gabonais
privilégiés. Il a fallu ce discours politique du 12 Mars 1976 pour
qu'un
terme
fût
mis
officiellement
à
l'option
du
gabonais
d'adoption.
Pourtant
le Gabon est
resté
encore
fidèle
à ses
convictions
philosophiques
quant à la communication
des peuples. Ceci est
soutenu par un système juridique
dont la réglementation
de 1a
nationalité peut être considérée comme une des plus ouvertes au
monde. La classification des étrangers ne doit plus être fonction de
la durée de leur séjour au Gabon 35, mais du but qu'ils y poursuivent.
Les institutions
juridiques
gabonaises
sont
trop
fragiles
pour
soutenir le débat qui porte sur le domicile.
Que peut-on en outre, tirer de la distinction entre un individu qui a
l'intention de fixer sa résidence ordinaire et celui qui a la volonté
de résider au Gabon définitivement 36. Les notions de résidence et
de domicile
sont
confondues dans le droit
interne 37, et le ur
34Gabonais d'adoption comme le code civil français a institué l'étranger admis
à domicile, ou que le Décret du 14.05.1938 (art. 8) a visé l'étranger qui a
15
années de séjour ininterrompu en France.
3S L'ord. de 1974 inspirée par l'ordo française du 2.11.1945.
36Art. 3, de l'ordo n" 42 bis du 15.4.1974 sur l'attribution de la carte du résident
temporaire.
37Le domicile de toute personne physique est le lieu où elle en a fait sa
résidence principale (art. 112, 1 c. civ.) le gabonais qui fixe en pays étranger
sa résidence principale conserve son domicile au Gabon (art. 112, 2° c.civ.).
Lorsque la résidence principale
ne peut être
établie avec
certitude, le
domicile d'une personne est le lieu où cette personne a établi le siège
principal de ses affaires et de ses intérêts (art. 113 c. civ.). La Loi n° 5/86 du
18 juin 1986 n'a pas éclairci le paysage juridique de l'admission et du séjour
des étrangers au Gabon. Ble a amené une infinité de définitions gratuites
pour situer les visiteurs temporaires admis pour trois mois et qui sont (art. 4)
les visiteurs proprement dits, les touristes, les travailleurs temporaires, les
hommes d'affaires, les propriétaires rentiers et pensionnés. Elle a admis à
plus de trois mois, les résidents c'est-à-dire, les résidents proprement dits, les
contractuels, les travailleurs
indépendants,
les
propriétaires
rentiers
et
pensionnés, les membres de la famille du résident.

47
importance
est
presque
imperceptible.
Par contre
l'étude
du
comportement est à portée de l'appréciation commune.
2°) - La Mise en oeuvre de la classification
uniforme.
Indépendamment de la réalité
sociologique de la parenté et des
amitiés,
les
individus
ne
sont
pas
traités
avec
le
même
empressement selon qu'ils sont hommes publics ou tiers noyés dans
l'anonymat. Au fond, c'est une pratique malheureuse que d'accorder
un traitement en fonction de la place publique des individus. Chacun
a droit aux égards que la loi et la constitution lui reconnaissent à
travers le principe d'égalité.
a) Tous les étrangers sont des résidents
temporaires.
Ainsi classés, les étrangers doivent être titulaires
d'une carte de
séjour ordinaire dont la durée peut être de deux ans. Mais quel sort
réserver à ceux qui se rendent au Gabon pour une durée fort brève
n'excédant pas trois mois et ceux qui ont un statut de diplomate ?
Quand le séjour n'excède pas 3 mois, il s'agit du cas de l'étranger
qui arrive avec un visa de tourisme ou pour un voyage d'affaires. Ce
visiteur doit, le délai expiré, quitter le territoire
38
C'est le principe mais la situation peut changer notamment lorsque
l'étranger a trouvé un emploi 39. Dans ce cas il lui suffit de se
mettre en harmonie avec la loi qui en fait un résident temporaire
ordinaire ou à caractère spécial 40. Autrement dit, il encourt outre
la
mesure
administrative
de
l'expulsion
41,
les
sanctions
répressives
42. A cet effet,
les lois
de l'immigration
ont donné
naissance à de nombreuses infractions
notamment l'immigration
clandestine et le défaut de carte de séjour. Or leur distinction n'a
pas toujours été comprise par les agents chargés des poursuites. 11
est même arrivé
de donner une autonomie pénale aux éléments
constitutifs de l'irrégularité à l'entrée ou au séjour au Gabon. Aussi
la Cour Suprême-s ne cesse-t-elle
de rappeler certains points de
38 Art. 610i na 34/62 du 10.12.1962; il est de même des étrangers dont la carte
de séjour est expirée: art. 3, al. 1 du ch. 2.ord. 1974.
39Adaptation de l'art. 7,40 loi na 34/62.
40 Extrait de l'art. 5 et 17 loi na 34/62 du 10.12.1962.
41 Art. 10 loi na 34/62 du 10.12.1962.
42 Art. 13 et suivant loi na 34/62 du 10.12.1962.
43Dans l'organisation
judiciaire,
le
Tribunal
Correctionnel
constitue
la
juridiction repressive de droit commun. En appel, les décisions sont portées
devant la chambre judiciaire de la Cour Suprême qui assure les fonctions de
cour d'appel et de juridiction de cassation.

48
droit. Le défaut de certificat
d'hébergement n'est pas un délit sui
généris, mais un élément qui explique
l'entrée irrégulière
ou 1e
défaut de carte de séjour-s . Il ne s'agit pas de délits concomitants,
ni d'un cumul d'infractions-s.
Passé
une certaine
durée,
le
délit
d'immigration
clandestine
disparaît
pour qualifier
la persistance
du séjour
irrégulier
de
défaut de carte de séjour 46. L'appréciation du délai de séjour, n'est
pas une question de fait laissée à la discrétion du Juge du fond. Ce
délai est prévu par les textes 47 qui le fixent à trois mois. Aussi un
jugement de relaxe s'impose-t-il lorsque le prévenu, jadis titulaire
d'une autorisation spéciale de séjour, l'a perdue parce qu'il a quitté
son employeur depuis une semaine 48.
Dans le cas des diplomates il est prudent de ne pas envisager de
modifications puisqu'il s'agit d'une règle uniforme consacrant 1e s
courtoisies
conventionnelles
internationales.
Mais ceux qui sont
diplomates,
Chefs d'Etat, Souverains
et leurs
envoyés spéciaux,
restent
des
résidents
temporaires
à
caractère
spécial.
Il s
bénéficient
des
faveurs
reconnues
par
le
droit
international
classique.
La seule restriction
vise à limiter
le nombre de leurs
bénéficiaires notamment par la considération du diplomate au sens
strict.
b) Faut-il
accorder un sort particulier
aux investisseurs
?
La question se pose des étrangers qui ont investi
au Gabon. Une
sorte de manie politicienne a tendance à les faire passer pour des
héros alors
que le quantum de l'investissement
est des plus
modiques 49. Le type du bailleur
de fonds connu ici, arrive
soit
à
l'initiative
de l'Etat, soit d'un chef purement privé ou personnel.
Pourquoi accorder au premier
plus de faveurs qu'au second qui
44 C.S. 14.03.1977 BCX:OllME ABOOll ; C.S. 14.03.1977 MOHAMED OUL MOllJOll warr
; arrêts rendus, contre deux décisions du TC. KOULAMOUTOll 23.09.1976.
45C.S. 14.02.1977 ISSA IBRAHIM contre un jugement du TC. KOULAMOUTOU
2.12.1976, qui a condamné ISSA à 4 mois d'emprisonnement pour immigration
clandestine, défaut de carte de séjour, défaut de certificat d'hébergement,
alors que ISSA séjournait au Gabon depuis plus d'un an.
46C.S. 14.02.1977 ISSA IBRAHIM préc ; C.S. 6.08.79 AMARA DJARA et DRAMANOll
SAKARA, contre le jugement du TC. de Port-Gentil 22 Mai 1979 qui les a
condamnés à 6 mois d'emprisonnement pour immigration clandestine alors
que les deux Mauritaniens ont résidé dans la ville depuis huit mois.
47Art. 5 et 17 de la loi n° 34:62 du 10.12.1962
48TC. Libreville 25.08.1977 I-IOUNZE YAO.
49Un million de francs CFA dit l'art. 4. du ch. 2 ordo n° 42 bis/74.

49
visiblement
fournit
le même effort sinon plus ? Le code des
investissements
garantit suffisamment la sécurité
des capitaux
étrangers.
Ceci
n'empêche pas que les
hommes obéissent
aux
rapports humains.
L'octroi d'un privilège
industriel et commercial doit être critiqué
spécialement
lorsqu'il
a abouti
à cette
situation
malheureuse
constatée
un moment
au Gabon c'est-à-dire,
l'enrichissement
scandaleux des étrangers et l'impasse sinon
l'appauvrissement de
la condition économique des nationaux. Il a été écrit que l'étranger
jouit d'un privilège général découlant du sentiment local de forte
humanité. Il est aberrant de lui en octroyer d'autres. La longue
durée du séjour prévu par la loi 50 ne justifie rien puisque, le Gabon
est un pays d'immigration et que son système d'intégration est
parmi les plus favorables. L'étranger a le choix entre rester te 1
quel,
c'est-à-dire
résident
temporaire,
ou
bien
aliéner
son
comportement pour faire corps avec les nationaux. Le fait pour un
étranger de rester longtemps dans le pays sans être assimilé
prouve qu'il sert des appétits étrangers.
Ce critère
n'est pas absolu mais en général,
la détermination
comme la classification
des étrangers ont tout deux, un intérêt
dans la fixation
51
d'un statut
de droit
commun. S'agit-il
de
procéder en dehors de toute considération par l'origine ? Suffit-il
de décider en faisant abstraction de toute influence politique ? Ce
qui semble certain, c'est que le statut de l'étranger est décidé par
une double considération : avant tout, une priorité humaine, ensuite
une préoccupation économique.
Chapitre Il - La jouissance
des droits.
Une conception de la jouissance
des droits
veut y traiter
de
l'ensemble des règles qui déterminent les droits mis à la portée
des étrangers dans un pays 52. Mais cette approche présente 1e s
mêmes aléas que ceux rencontrés chaque fois qu'il s'est agi en
Afrique d'adapter un principe j ur idique à son application pratique.
Autrement dit, c'est encore l'occasion de réaliser la projection du
film de la vie quotidienne des étrangers au Gabon. En effet, quelle
est la question posée à un étranger qui veut accomplir un acte de 1a
50Art. 6 al. 1 de l'ord. de 1974.
51DECO'n'IGNIES, la condition des étrangers en A.O.F p. 16
52 Définition de la condition de l'étranger par Madame Marthe Simon DEPITRE
jur. Cl. DIP Fasc 523 IV art. Il p. 3.

50
vie juridique au Gabon? Se préoccupe-t-on de savoir si ce droit 1u i
est accessible ou bien, laisse-t-on
à l'autorité compétente seule,
le soin de décider ?
Dans un certain
sens il
y a, soit le respect
des exigences
de
l'article 25 c. civ. , soit alors le recours au pouvoir "des amis et
des copains". Qui dit accessibilité
au droit c'est-à-dire jouissance,
pose le problème
de son exercice.
Or, ces deux notions
sont
considérées ici comme des simples subtilités juridiques.
L'étranger arrive avec sa cohorte de prétentions et rien
ne l'en
écarte. Il a généralement la satisfaction d'exercer la profession de
son choix, aux conditions qui sont les siennes. En 1960 encore, il a
eu accès aux plus hautes responsa bilités
politiques. Il a fallu
de
nombreuses années pour tenter de lui faire une restriction grâce à
une timide
approche de la distinction
droits
publics
et droits
politiques.
A présent, il apparaît qu'un effort souvent relâché
a favorisé
sa
présence dans toutes les instances de l'Etat. Cette réalité
est s i
ostensible
qu'elle
oblige
à formuler
le
souhait
qu'un jour
1e
législateur
ou le
politicien
tranchera
sans
ambiguïté
entre
l'irresponsabilité et son revers. En attendant ce qui apparaît le pl us
clairement
ici,
c'est un comportement de national
dépourvu de
personnalité et de fierté. Ceci laisse détacher deux considérations :
la première permet de constater que l'étranger jouit d'une condition
matérielle
très confortable, la deuxième amène à expliquer que
cette
supériorité
matérielle
lui
fait
entretenir
un
état
psychologique dominant.
Section Première: L'étranger et sa très confortable
situation matérielle
La ligne de conduite gabonaise quant à l'emploi et l'exercice des
droits
est très
favorable
aux étrangers.
Elle
peut se résu mer
comme
étant
la
possibilité
d'accéder
à
tous
les
domaines
d'activités. Cette affirmation n'est pas l'actualisation d'une période
de l'administration
coloniale.
Ce n'est point la formulation
d'un
impératif
des lendemains
de l'Indépendance. C'est la révélation
objective
du Gabon moderne examiné
par secteur d'activité
car
l'étranger est admis dans le domaine d'Etat et l'étranger domine 1e
secteur privé.

51
Paragraphe 1 - L'étranger dans le domaine d'Etat.
Commencée dès l'époque coloniale, l'intrusion de l'étranger dans les
affaires du pays explique en partie sa présence dans ce qui se dira
le domaine d'Etat. Il ne s'agit pas de la notion publiciste des biens
ou du patrimoine mobilier et immobilier de l'Etat. Il est question
des prérogatives et pouvoirs relatifs à la puissance publique. Ainsi,
dans d'autres droits étrangers le domaine d'Etat ne veut peut-être
rien
dire,
ici
par contre,
il
englobe l'exercice
des fonctions
publiques et des fonctions politiques.
1 -
Les fonctions
pu bl i q u es
C'est la branche du domaine d'Etat qui correspond à l'administration
générale,
les services
publics
y compris
ceux de la sécurité
nationale et les établissements publics à caractère industriel
et
commercial. Le trait original de sa réglementation reste qu'en fait,
il n'y a jamais eu de restriction quant à l'admission des étrangers.
N'importe quel étranger en effet peut y avoir accès. N'importe quel
étranger peut s'y faire accorder un grade quelconque.
1°) - Le libre
accès, séquelle
de la colonisation
Les peuples colonisés sont réputés avoir eu la nationalité de leurs
dominateurs. La citoyenneté française commune à tout le monde est
l'une des conditions d'accès aux fonctions publiques. Mais, est-ce 1a
seule explication
?
L'examen profond des fonctions
publiques
d'antan
laisse
découvrir
en fait
l'existence
d'une
institution
administrative vraiment inoffensive.
En effet, l'administration
qui emploie les autochtones n'est en
réalité qu'un immense service d'exécution ou de répercussion des
initiatives prises à l'étranger. La présence des étrangers à l'époque,
ne paraît pas préoccupante. Mieux, elle
permet de suppléer 1e s
carences des éléments nationaux.
2°) - Le libre
accès, générateur de malaise.
Aux lendemains
des Indépendances,
les Etats d'Afrique
ont eu
besoin d'être
encadrés.
C'est
pourquoi
un certain
nombre
de
conventions ont été signées çà et là avec l'ancienne
puissance
coloniale.
Oui, des espoirs
immenses
ont été fondés sur cette
coopération au demeurant innocente. Il n'y a rien de suspect dans 1a
volonté de certains pays d'aider les jeunes républiques africaines à

52
s'installer.
Comme pour les actes d'occupation du 19ème siècle,
personne ne pense que la coopération peut substituer le coopérant
au
national.
Nul
ne
croit
que
l'assistance
va
demeurer
sempiternelle.
Partout dans cette administration,
des étrangers
européens ou frères africains vont occuper des postes et jouer des
rôles publics. Tous vont jouir du statut de fonctionnaire de l'Etat
Gabonais tout en gardant leur nationalité d'origine. Les européens
et
les
français
spécialement,
vont
cumuler
1es
statuts
de
coopérants, fonctionnaires et contractuels au mieux de leur génie.
a) Dans l'armée.
La présence étrangère ne va pas rester discrète. Non seulement 1 a
France continue de disposer au Gabon d'un important corps d'armée,
mais des français recrutés çà et là sont partout dans les forces de
sécurité.
Malgré l'absence
de statistiques,
il
semble
que le u r
nombre avait diminué autour de 1964 pour remonter sans cesse
depuis
1970. Dans la garde prétorienne
se reconnaissent
des
tchadiens et des ce ntra fricains 53, des français et des marocains. 1 1
est également symptomatique
dans l'armée
que les
étrangers,
fussent-ils
recrutés
sur
place,
sont
toujours
officiers.
Ces
étrangers se comportent sans ambiguïté
comme détenant entre
leurs mains le service public de la sécurité nationale et exerçant
tous les droits et prérogatives rattachés.
Ils sont d'ailleurs les seuls à se promener en arme, en tout temps
et en tout lieu, devant une population qui n'en a vraiment
pas
besoin. Ceci va être prêté à la criminalité
par arme à feu, qui sans
être nouvelle,
a atteint une forme et une ampleur inquiétantes
puisqu'à Libreville, l'assassinat par explosif a été enregistré.
b) Dans l'enseignement.
Toute la gamme des étrangers s'y retrouve. Le Gabon importe des
étrangers pour servir
de l'école maternelle
jusqu'à
l'université.
Est-il besoin d'ordonner une enquête pour se convaincre de l'impact
de
cette
globalisation
?
L'on
se
perd
entre
l'honnêteté
intellectuelle et la commercialisation de l'intellectuel.
Dans tous les cas 1e s étrangers sont presque toujours prêts à 1a
tâche pourvu que la contrepartie
soit
bonne; les étrangers sont
53Jusqu'en 1968, car ceux-ci
ont été remplacés
bien
plus tard par les
marocains.

53
disponibles
à tout venant surtout
si la contre-prestation
le ur
permet de profiter du parapluie d'un parent d'élève influent. A 1a
longue bien entendu,
l'étranger
lui-même
se sent
investi
de
puissance et l'Etat aveuglé n'a plus d'yeux que pour 1u i.
c) Dans le domaine des affaires.
L'Etat
Gabonais
fait
un
effort
remarqué
dans
le
domaine
économique,
commercial
et
industriel.
Pour
cela
il
c rée de
nombreux établissements
publics
ou semi-publics,
qu'il
exploite
souvent sous la forme de société anonyme. A la tête de ces maisons
de commerce, il y a des directeurs généraux désignés par décret. Or
la plupart de ces créations sont faites, peut-être compte tenu des
besoins, mais toujours en marge des possibilités intellectuelles.
C'est donc sous des feux de détresse que les autos filent chercher
les étrangers
qui débarquent d'extrême
urgence. Ceux-ci
sont
directeurs
généraux,
directeurs
généraux
adjoints,
directeurs
techniques, directeurs financiers,
directeurs commerciaux, chefs
comptables,
chefs
de magasin.
Ils
ont de gros
traitements,
d'importants avantages en nature, des dédommagements énormes en
cas de rupture de contrat. Ils disposent de tous les moyens qui
permettent à un homme modeste de se surclasser.
Et ce n'est pas
trop dire que de constater qu'à un moment donné, c'est le gabonais
qui a peur, qui se résigne dans son pays, tandis que l'étranger 1e
conditionne, l'infériorise,
et inconsciemment le nargue en disant
"qu'il est plus gabonais que le gabonais".
Il - Les fonctions
politiques
Elles réunissent ce qui passe pour des pouvoirs
notamment, 1e
législatif
et
l'exécutif.
Ceux-ci
sont
conçus
et
exercés
différemment
par qui
se trouve
en fin
de colonisation,
aux
lendemains immédiats de l'Indépendance ou dans la vie politique
actuelle.
1°) - La période t ra ns ito ire
d'avant 1 955
Elle révèle le Gabon qui s'écarte de la discipline
africaine
de 1a
libération pour apporter au colonisateur l'assurance de son amitié
sécurisante.

54
a) Les ad min i st rat ion s
Le pouvoir central
est exercé
par le gouverneur général
et son
cabinet
est
essentiellement
composé
d'agents
européens.
Les
nationaux n'y occupent aucun poste. Dans l'administration
générale
par contre, se retrouvent indifféremment gabonais et étrangers.
b) Les assemblées
parlementaires
Il existe en effet deux sortes d'agents délibérants : les conseillers
territoriaux
et les députés. L'unité par la nationalité
écrase 1a
réalité des origines.
Aucune distinction ne peut être évoquée à propos du recrutement
car quiconque y est admis. Cette situation
tient
à ce que 1e s
fonctions parlementaires sont pressenties pour être relativement
peu importantes. Tandis que dans d'autres territoires
ce sont déjà
des questions d'autonomie ou de fédéralisme,
au Gabon, le débat
reste puéril. Il suffit de rappeler certains cas dont les extraits de
ce débat lors d'une session en 1955. A cette époque, l'Assemblée
Territoriale compte trente six membres soit, vingt trois gabonais
et treize européens. Le bureau de l'Assemblée est composée de cinq
membres,
dont
un
seul
gabonais
assumant
des
fonctions
subsidiaires.
Si une telle
administration
laissait
présager d'un
asservissement il est des cas où certains étrangers ont eu une
attitude plus volontariste
que les gabonais devant leurs propres
orientations 54.
Revoyons quelques passages sur l'élection du président du bureau de
l'Assemblée. Deux candidats sont en liste
: DEEMIN (un métis) et
NDOUTOUME,
(un noir)
mais
tous deux gabonais
par le jus
soli
sanguinisque. DEEMIN recueille vingt cinq voix tandis que NDOUTOUME
n'en obtient que neuf pour trente quatre suffrages exprimés. Après
le scrutin, un dialogue s'est instauré entre AUBAME et Léon MBA, deux
députés gabonais leaders de partis politiques: "on aurait mieux fait
de présenter un européen" estime AUBAME - "DEEMIN est un enfant du
pays" répond Léon MBA. "II n'y a pas que les enfants du pays au Gabon"
rétorqua AUBAME55.
54" ... nous avons été élus ici par nos compatriotes pour servir les intérêts du
Gabon et non pour chercher des satisfactions personnelles ... c'est pourquoi je
fais appel à votre conscience, à votre foi dans l'avenir pour qu'une large
entente se réalise parmi nous, commandée par le souci que nous avons de
travailler au mieux-être
de ceux dont les
bulletins
nous ont portés aux
fonctions de conseillers. Au terme de ce mandat, sachons dire au moins, à
ceux qui nous demanderont des comptes: nous avons été solidaires pour le
Gabon ... "Allocution du 28.03.1955, par IBABA doyen d'âge.
55 Débat de l'Assemblée Territoriale du Gabon session ordinaire du 28.03. au

55
Donc en dehors de certaines
données concrètement
difficiles,
plusieurs
considérations
d'une portée
politique
évidente
n'ont
jamais été le souci des gabonais. Très tôt ils se sont offerts en
opérette
devant
les
étrangers
c'est-à-dire,
ceux-là
qui
ont
conscience de ne pas appartenir au territoire, mais à qui reviennent
l'adresse et le privilège
de tirer
profit de tant d'antagonismes
congénitaux.
2) - Les premières
institutions
du transfert
des pouvoirs.
Dans une certaine Afrique de l'Ouest, les élus se font distinguer par
la qualité de leurs interventions aux assemblées coloniales. Ici on
spécule déjà sur la présomption d'auto-insuffisance
et le besoin
d'assistance permanente. Toutefois, cette période est marquée par
l'apparition de partis politiques pour le débat parlementaire ainsi
que la création d'un conseil de gouvernement pour l'exécutif.
a) Le pouvoir délibérant.
Dans les premiers temps, il ne présente aucune différence sensible.
Certes les frères-africains
sont écartés mais gabonais et fra nça is
délibèrent
ensemble, créent et
maintiennent
les
privilèges au
profit des étrangers. Tous les étrangers restent électeurs
mais
cessent progressivement
d'être éligibles.
Le sénateur du Gabon
reste français, "seul capable" d'évoquer la situation économique et
les perspectives à venir du Gabon devant le parlement français.
D'ailleurs les leaders du parti politique
RD.G. ne se sont-ils
pas
flattés d'avoir fait élire deux européens sur leurs listes
afin de
sauver la politique de compréhension entre blancs et noirs ? 56
b) - Le pouvoir exécutif
La première période du transfert des compétences se caractérise
par une confusion générale. Si l'organe nouveau est bien le Conseil
de Gouvernement du Territoire,
il y a toujours la Communauté et
l'Exécutif de Paris. En définitive personne ne sait exactement qui
est qui. L'Assemblée Territoriale élit six à douze membres qui font
partie du Conseil de Gouvernement avec titre de ministre 57. Bien
entendu le ministre doit être citoyen français 5B
16.04.1955 p. 5 et 6.
560iscours NGONDJOUr in AFP n° 974 du 11.06.1958.
57Le premier d'entre eux est vice-président du Conseil puisque le président
est le gouverneur, chef du territoire. Décret 57-459 du 1.05.1957 relatif aux
conditions de formation et de fonctionnement du Conseil de Gouvernement

56
Mais, c'est le gouverneur du Territoire
qui seul, va apposer sa
signature sur tous les actes. C'est lui qui reçoit les démissions des
ministres 59. C'est le gouverneur qui redistribue les fonctions même
si elles vont pour la plupart au vice-président, car une seule, ce Il e
du plan va au ministre des affaires financières qui du reste est un
européen. Somme toute, ce Conseil de Gouvernement OIJ Léon MBA est
parfois vice-président parfois président GO, continue à enregistrer
des étrangers et spécialement des français. Ainsi le gouvernement
constitué
par l'arrêté
n° 2727/Cab. Gl, compte treize
ministères
repartis de façon curieuse : quatre vont aux français, neuf dont 1a
présidence
du conseil
reviennent
aux gabonais.
Mais
le
haut
commissaire représentant la France, avait seul la signature.
Paragraphe 2 - L'étranger domine le secteur privé.
Le qualificatif
"privé" est proposé par opposition à "public" sans
rechercher une correspondance éminemment économique. Il contient
toutes les activités
qui tiennent
leur
existence
de l'initiative
privée et mettent en cause des rapports de droit privé en dépit de
l'important phénomène de l'interventionnisme des pouvoirs publics.
A l'origine, les nationaux ont été laborieux. Depuis, ils sont devenus
des spectateurs, et les étrangers ont accentué leur confort ce qui a
abouti à la consécration définitive du privilège d'être étranger.
1 - Le désistement
du national
dans la création
des
rapports d'affaires
Jusqu'à une époque récente les gabonais sont restés des nationaux
dépourvus de tout sens d'initiative et d'organisation. Leur absence
dans le monde des affaires de détail, à plus forte raison dans 1e
gros commerce,
s'explique selon
certains,
par une carence
des
moyens matériels
et
financiers
que
seuls
détiendraient
1e s
ressortissants
des pays nantis.
Cette phraséologie
que chacun
connaît a été démentie. Bien sûr, l'établissement
des comptoirs
commerciaux qui vont devenir de grands magasins
d'importance
sans cesse grandissante,
est resté
longtemps la décision
de
j.ORf-AEF du 1.05.1957 p. 642.
5sArr. n° 1527 Cab. du 27.05.1957.
59Arrêt. n°
3248 Cab. du 18.12.1957 déclarant la démission du ministre du
Travail, des Affaires Sociales de la Jeunesse et des Sports; arr. n° 3280/Cab. 2
du 20.12.1957 portant acceptation de la démission de leurs postes de certains
membres
du
Gouvernement
notamment
les
ministres
du
Plan,
de
l'Enseignement, de l'Intérieur.
60AFP n" 1145.
61JOAEFdu 1.11.1958 p. 1719- 1720.

57
l'étranger disposant d'atouts évidents. Mais, comment expliquer que
le commerce de détail, la main-d'oeuvre ouvrière,
le personnel
subalterne, le personnel d'encadrement, tout ceci reste le panache
des "frères-africains". N'y a-t-il
pas chez les étrangers un esprit
d'entreprise
plus aiguisé
et inversement
une dispersion
de 1a
tendance à l'effort au profit de la facilité chez les gabonais?
1°) - La rupture
avec un passé laborieux
Le Gabon a connu un passé fécond car les traditions orales et les
rares
témoignages
écrits
retrouvés,
font
état
d'activités
diversifiées dans un type d'économie traditionnelle. A partir de ces
révélations,
il
est
aisé
de
parler
de civilisation,
car,
les
autochtones ont eu des techniques d'organisation de leur espace et
des techniques
d'exploitation
de la nature.
Avant l'arrivée
des
européens, écrit J.A. AVAAO 62, ORUNGU, NKOMI et GALWA ont su extraire
le fer du minerai de pierre. Des forgerons (OGUWAGUWA) ont fabriqué
des sagaies (AGHO\\GA) , des lances (NYOMA) , des haches (IRENWI).
De leur côté 63, les tribus MPONGWE sont arrivées
à une habileté
relative dans l'art de fabriquer des tissus et certains uste nsiles.
Certes les autres groupes ethniques de l'intérieur, qui ont connu un
contact moins pressant avec l'étranger, continuent 64 de trava iIle r
à entretenir cette réalité historique, mais la course vers le confort
européen n'en est pas moins accentuée. La vie des sociétés loca les
n'a jamais dépassé les possibilités
biologiques pour ce qui est du
droit
de la famille.
Quant à l'activité
commerciale,
elle
est
constituée essentiellement d'opérations de troc. Mais l'introduction
de
l'économie
monétaire
a
incontestablement
ébranlé
leur
fondement
idéologique
si
bien
que
leur
vie
n'est
plus
qu'aspirations 65. Le mirage
du confort créé par la marchandise
européenne va conduire au pourrissement des moeurs et à l'abandon
des tendances à l'énergie 66. Depuis que RAPONTCHOMBO a remis en
cause sa souveraineté,
spécule-t-on,
pour un habit
brodé,
1e
costume occidental présume de l'évolution. La réalité
humaine à
base de collectivisme
sociétaire
et affectif a fait l'objet
d'une
importante
abstraction.
Aussi
la
vie
traditionnelle
a-t-e Il e
commencé à s'arrêter, entraînant dans sa stagnation la menace de
62 Th. p. 129.
63 R.P. NEU in Annales Apostoliques Oct. 1886 n" 4 p. 141.
64H. DESCHAMPS in
Traditions Orales
et
Archives
du
Gabon
p.
48
"la
persistance de l'art du vêtement chez les Sangu".
65].A VARa Th. p. 211.
66]. AMBOUROUE AVARO p. 483.

58
disparition de sa civilisation.
Jamais un national n'a entrepris une
oeuvre durable, permanente où il a fait carrière.
Les gabonais se
sont contentés de rire
de l'acharnement avec lequel
dahoméens,
camerounais et autres étrangers s'adonnent à leur commerce. Il s
ont eu une idée fausse de certa ines activités et ont fini par qu itte r
les places commerciales du pays.
2°) - Le comportement dans les prestations
salariées.
Du côté de la main d'oeuvre, le complexe de supériorité n'est pas
moindre.
L'indigène
libéré
de la captivité
va s'enfermer
dans
l'esclavage moderne. Quel honneur de servir
comme domestique
chez "OTANGANI" 67 ! quelle gloire d'être portier dans un service bien
sûr dirigé
par un étranger
otangani
! Peu
importe
le
sa 1aire
dérisoire
ou
les
communications
interpersonnelles
à
coups
d'offenses
permanentes.
Dans
ce
pays
sans
formation
professionnelle,
les rares individus qui ont le privilège de savoir
lire et écrire français, ceux qui, aussi bien que mal, effleurent 1e s
moyens de transmission
de la pensée avec le colonisateur,
tous
ceux-là n'ont à l'idée que de travailler
pour un européen. Le blanc
est l'image et la fin
en soi. Faire comme lui
ouvre l'accès
au
sentiment de supériorité. Les nationaux illettrés et les autochtones
de l'intérieur,
sont
affectés
à des
emplois
refusés
par
les
nationaux évolués. C'est une véritable société
de castes. Même
parmi les esclaves libérés, certains ont refusé de travailler dans 1a
compagnie africaine de culture tant ils
ont estimé qu'ils étaient
importants.
Dans les années de la loi-cadre et l'avènement des indépendances,
l'étranger colonial
a profité
de sa situation
dominatrice
pour
accentuer la dépersonnalisation
du national. Il l'a assuré que 1a
seule
activité
honorable
est
la
vie
politique
des
grandes
assemblées et des bureaux de l'Administration
Générale. Ceci est
d'autant plus vrai qu'en 1970 encore, les conseillers
d'orientation
français pour la plupart,
n'ont pas hésité à crier
que le Gabon
n'avait pas besoin de se soucier de la formation de techniciens, 1a
France étant toujours prête à lui en fournir. Le résultat se passe de
commentaires
puisque
les
individus
de retour
des
écoles
et
universités sont comme obligés de passer par une administration
générale où souvent ils n'ont rien
à faire.
Enfin pour justifier 1e
67 Otangani : le blanc.

59
prétendu
enlisement
de la
population
autochtone,
les
cadres
gabonais arrivent mais l'assistance étrangère est toujours là.
Il - La consécration
du privilège
d'être étranger
Est-on en face
d'une contradiction
entre
le traitement
et 1a
conception locale du statut de l'étranger ? Assurément non, car au
départ est contestée la reconnaissance
d'une classe
privilégiée.
Cette position est considérée comme un point de principe, elle
ne
peut se laisser infléchir même s'il y a un divorce avec la pratique.
Le phénomène colonial a ceci de particulier,
il n'engage jamais 1a
responsabilité
des populations sous administration.
Ce sont les
étrangers qui pensent et agissent pour les nationaux. L'étranger est
l'homme-orchestre omniprésent, avec le pouvoir de rendre ou de
priver le gabonais de la liberté. L'étranger est le sage très écouté
qui influence sur le choix et le devenir du national. L'autochtone
s'abrite
derrière
l'étranger
et glisse
continuellement
vers
1a
curatelle.
Un tel comportement peut avoir des conséquences qui
vont même jusqu'à
remettre· en cause l'esprit
de souveraineté
républicaine.
1°) - La conséquence
théorique
de l'effacement
du national.
Comme la vie ne s'arrête pas aux seuls appétits familiaux
ni à
l'interprétation
faite
par
chacun
de
l'aide
du
ciel,
ce
manque d'intérêt par le national va lui être fatal. La distribution
du travail
suffit
pour faire
apparaître
une vérité
double.
Le
gabonais est devenu spécialiste
de l'apposition
des signatures
tandis
que l'étranger
est
installé
pour
préparer,
discuter
ou
négocier,
rédiger
contrôler
et même sanctionner
les
décisions
relatives
à l'avenir
du gabonais. Cette situation
a atteint
son
paroxysme à une époque récente.
Elle a permis
de réinstaller
l'étranger au Gabon avec une idée de sécurité tellement maximisée
qu'en retour il n'a nourri d'ambition que pour la satisfaction de ses
seuls
intérêts.
Le profit
commercial
a
si
bien
inspiré
1e
comportement social que jamais un pays d'Afrique d'après 1960 n'a
connu de telles extravagances.
La domination étrangère de l'appareil économique est telle qu'elle
s'efforce actuellement de créer des classes sociales antagonistes.
A partir
du moment où le système politique a reconnu la nécessité

60
d'entourer
les
étrangers
de ménagements,
les
avantages
des
colonisateurs ont été ravivés. Au début, ces faveurs ont été à base
de mépris pour les indigènes. Dans le contexte nouveau, elles sont
monnayées. Il
s'ensuit
qu'en fait
de
postulat
du traitement
d'égalité, le national arrive en troisième position après l'étranger
européen et le "frère-africian".
2°) - La conséquence en chiffres
de l'effacement
du national
Pour pouvoir exercer une profession salariée au Gabon, il faut dit-
on que l'expatrié
justifie
d'un contrat
de travail
visé
par 1a
Direction
des Travailleurs
Immigrés.
Selon les
renseignements
obtenus auprès de cet organisme, 9.584 visas furent apposés en
1976 sur 8.000 contrats nouveaux et 1.584 renouvellements. Pour
la même année, quelques entreprises ont bien voulu obtempérer aux
injonctions
des bureaux de contrôle. Elles ont donc déposé des
documents desquels ont été soustraits
les éléments chiffrés
qui
amènent à toucher du doigt la situation
impensable
du rapport
nationa I-étranger.
Bien sûr, rétorquera-t-on,
le gouvernement de la République ale
contrôle de ces valeurs et il dispose de moyens suffisants
pour
faire le contrepoids. Dans de nombreux établissements, c'est lui qui
désigne le Directeur Général et un peu partout, il impose des cadres
gabonais. Malheureusement,
la situation
actuelle
montre que ces
responsables de sociétés
n'ont aucun trait
commun avec leurs
activités. Ce sont pour la plupart des conseillers
à la Présidence,
soit évidés, soit gênants, soit tout simplement appelés à assurer 1a
fameuse géopolitique à n'importe quel prix. Ceux-là bénéficient de
traitements imposés de l'extérieur de la société et ne figurent pas
dans ces tableaux.

61
a) Un aperçu numérique
des travailleurs
68.
LOCALITES
EMPLO
EMPLOYES
YEURS
NAT.
ETRAN.
ETRAN/NAT
B.I.P.G.
133
25
Fran.
ALUVER
27
57
12 Fran.
SOGATRA
173
313
LIBREVILLE
HOLLANDO
92
20
RAZEL
169
21
20 Fran.
1 Cam.
E.G.B.T.P.
182
79
66 Fran.
6 Sénég.
3 Voltaï.
2 Congol.
1 Camer.
1 Equato,
DAFORGA
102
35
2 Bénin.
PORT-
3 Congol.
GENTIL
30 Fran.
U.I.A.E.
338
76
23 A fric.
43 Fran.
61lCes tableaux n'ont pas été faciles à confectionner car les renseignements
présentés émanent d'un service qui n'existe que depuis 1977. Ils sont établis
par des employeurs sur leur seule foi, et portent sur les régions éparpillées
dans le territoire.

62
b) Le tableau des salaires
ENTREPRISE
EMPLOI
REMUNERATION
AVANTAGES
COMILOG
Cadres gab.
246.463
190 étran.
Il
étrang.
437.294
Log., Véhi., Ass.
1977 natio.
.«,
sup.gab.
422.060
.,«,
Sup. étr. 710.107
+
+
+
U.G.B.
Ag. rnaltr. gab.
200.000
31 étrangers
Il
_"- étrang. 250.000
+
+
+
267 nationaux
Cadre gabon.
385.000
_"- étrangers
381.988
+
+
+
Cad. sup. gabon.
750.000
.,«,
étrang.
580.725
+
+
+
SATA
Cad. gabonais
240.000
154 étrangers
_"- étrangers
420.000
+
+
+
386 nationaux
Cad. sup. gab.
420.000
_"- étrang.
550.000
+
+
+
PARIS GABON
Ag. rnattr. gab.
65.382
4 étrangers
.«,
étrang.
165.000
+
+
+
57 nationaux
Cadre gabonais
84.744
.«,
étrangers
200.000
+
+
+
SHELL GABON
Ag. rnaltr. gab.
250.000
121 étrangers
.«,
étrang.
270.000
+
+
+
384 nationaux
C.F.A.O.
Ouv.gabonais
82.000
74 étrangers
.»,
étrangers
120.000
+
+
+
421 nationaux
Empl. bur. gab.
110.000
.,«,
étrang.
120.000
+
+
+
Cadre gabon.
220.000
_"- étrangers
330.000
+
+
+
S.E.A.G.
Ouv. gabonais
119.020
54 étrangers
.«,
étrangers
127.000
+
+
+
124 nationaux
Ag. maltr. gab.
224.979
_"- étrang.
166.877
+
+
+
B. G. L.
Ag. rnaitr. gab.
121.639
8 étra ngers
_"- étrang.
308.000
+
+
+
20 nationaux
GABOA
Ag. rnaîtr. gab.
85.000
12 étra ngers
.»,
étrang.
281.472
+
+
+
64 nationaux

63
SOTEGA
Ag. rnattr. gab.
107.350 à 158.200
13 étra ngers
.«,
étrang.
221.235 à 262.500
+
+
+
119 nationaux
Cadre gabonais
146.900 à 226.000
. » ,
étrangers
262.500 à 315.000
+
+
+
H. & COOKSON
Cadre gabonais
160.000 à 300.000
53 étrangers
_"- étrangers
300.000 à 700.000
+
+
+
46 nationaux
B.I.P.P.B.G.
Cadre gabonais
200.000 à 250.000
25 étrangers
_"- étrangers
362.000 à 602.000
+
+
+
103 nationaux
Cad. sup. gab.
.«,
étra ngers
350.000
+
+
+
733.000 à 958.000
SN SOGATRA
Ag. rnaltr. gab.
105.000 à 180.000
302 étrangers
_"- étrang.
120.000 à 460.000
+
+
+
172 nationaux
Cadre gabonais
220.000 à 234.000
.,»,
étrangers
400.000 à 525.000
+
+
+
HOlLANDO
Cadre gabonais
150.000 à 234.000
15 étrangers
_"- étrangers
300.000 à 504.000
+
+
+
85 nationaux
S.E.E.G.
Ag. rnaltr. gab.
115.000 à 317.000
136 étr. dont
.«,
étrangers
115.000 à 317.000
+
+
+
126 français
Cadre gabonais
211.000 à 458.000
958 nationaux
.«,
étrangers
211.000 à 458.000
+
+
+
GULF Oll
Ag. rnaltr. gab.
232.000
21 étrangers
.«,
étrangers
1.000.000
+
+
+
18 nationaux
Cadre gabonais
321.480
.«, étrangers
1400000à200000
+
+
+
Cad. sup. gabon. a
_"- étrang.
394.000
+
+
+
6.726.543
U.I.A.E.
30 Emp. bur. gb
26.000 à 73.000
3
.,«.
fran.
160.000 à 190.000
+
+
+
2 Ag. malt, gb
83.000 à 136.000
.«,
étrang.
200.000 à 525.000
+
+
+
5 Cad. gab.
156.000 à 175.000
.«,
étrang.
400.000 à 525.000
+
+
+
1 Cad. sup. gb
4
.«,
fran.
368.000
+
+
+
475.000 à 550.000

64
Section Il - L'état d'esprit de l' étra nger n' est-i 1 pas
excessivement
rassuré
?
S'il est possible
de dire qu'un excès entraîne
un autre,
il
est
conséquent d'admettre que la condition
matérielle
extrêmement
avantageuse des étrangers ne peut que les amener à entretenir une
attitude de trop grande assurance. Autant il y a de motifs
pour
comprendre 1eur succès, autant il y en a pour craindre l'apparition
d'un comportement excessif. A regarder la vie quotidienne, il est
rapide
de
constater
que
l'étranger
se
considère
comme
indispensable mais qu'en fait sa situation est assez précaire.
Paragraphe 1 - Le senti ment de l' étra nger d' être
indispensable.
En abordant la classification
des étrangers nous avons soutenu que
celui qui arrive au Gabon sur sa démarche personnelle doit avoir 1e s
mêmes égards que celui qui vient sur l'invitation publique. Mais dès
qu'il s'agit d'apprécier l'étranger dans la vie courante, nous sommes
en devoir de tenir compte de son apport. Si l'expatrié justifie
sa
présence par le concours qu'il apporte dans la solution des maux
dont souffre le pays et la satisfaction des mêmes besoins, il va
sans dire qu'il est utile.
Si par contre
le travailleur
étranger
explique son séjour dans le pays par un souci de confort pour lui et
sa famille,
pire, pour ses affaires restées dans son pays d'origine,
rien ne permet de lui conférer un caractère de nécessité. Puisque
tels sont les deux types d'étrangers qui semblent se dégager, nous
pouvons conclure qu'aucun d'entre eux ne joue le rôle du sang dans
l'organisme
humain.
L'utilité
est
un
sentiment
légitime
du
travailleur mais son exagération est la pensée d'être indispensable.
1°) - L'utilité,
sentiment
légitime
du travailleur.
Il arrive souvent qu'une personne réponde à une autre en ces termes
"Si je ne vous avais pas fait ceci, vous n'auriez pas eu cela... Si je
ne vous avais pas enseigné cet art, vous n'auriez pas sU...".Dans ce
raisonnement à priori terre à terre se cache l'essentiel de la foi du
travailleur. Il sent qu'il est utile. Il peut dès lors prétendre j 0 u i r
pleinement des fruits de son labeur.

65
La personne qui s'est engagée à mettre son activité professionnelle
moyennant rémunération sous la direction et l'autorité d'une autre
personne 69, a un droit naturel après celui de vivre. Il doit pouvoir
trouver dans son travail, dans l'exercice de son commerce, de son
industrie
ou
d'une
profession
quelconque
les
ressources
indispensables à sa subsistance et celle de sa famille 70. D'ailleurs
le code du travail
qui définit
le
travailleur
insiste
bien
sur
l'interdiction de distinguer selon le sexe et même la nationalité. 11
est donc normal que le travailleur expatrié jouisse de son salaire.
Mais aucun texte, aucun usage, rien qui soit pour favoriser
des
rapports
harmonieux
entre
individus
d'allégeances
différentes
n'impose un comportement dominateur, même s'il s'explique.
2°) - L'exagération
du sentiment
utilitaire
a) L'exagération
est créée par l'employeur
Depuis que le système politique du pays a divulgué sa volonté d'en
appeler à la main-d'oeuvre étrangère, il existe toutes sortes de
sollicitations.
Les entreprises
importent librement leurs besoins
humains. Pour ce faire, elles utilisent des voies et moyens qui, 1e
moins qu'il faut penser, présentent le Gabon comme un pays à
construire du jour au lendemain, et qu'en dépit de la présomption de
ses richesses, le pays est mortellement dépourvu de bras. Tant sien
faut, illustrons
ce propos par le climat d'importation d'individus
dès les années 1972 : un vendredi matin,
Radio-Sénégal
déclare
qu'une importante société "gabonaise" a d'urgence besoin de trois
cents travailleurs
de telle
et telle
activités.
Le lendemain,
1e
nombre
est
atteint
et
dimanche
les
trois
cents
personnes
débarquent à LIBREVILLE.
Radio-Ouagadougou de son côté demande avec la même angoisse des
manoeuvres, cuisiniers, gardiens, tous ceux qui peuvent assurer des
activités subalternes. D'autres appels de la même série passent ça
et là dans le monde, un monde en proie aux problèmes sociaux et
dont les gouvernements regardent avec soulagement s'en aller une
partie de leurs citoyens non employés.
69Art. 1er de la loi 15.12.52 portant Code du travail
des T.O.M ; la même
définition est reprise par l'art. l er Al. 1 du titre 1er de la loi n"
88/61 du
4.01.1962 instituant le Code du Travail devenu la loi n" 5/78 du 1.06.1978, art.
19- 10
7oWEISS, traité t. II 1908, p. 127.

66
C'est à ces occasions que très calmement, les étrangers négocient
leurs
situations,
profitent
de la
précipitation
de l'employeur
gabonais pour réaliser
les conventions du genre "un t ra va il le ur
étranger, même recruté au Gabon a droit aux vacances annuelles
dans son pays d'origine".
Que dire de plus, ces divers
procédés
d'invitation
sont bien à
l'origine
du complexe de supériorité
des expatriés. Ceux-ci
ont
répondu à des appels empreints de détresse. Ils sont arrivés
en
masse
de personnes
physiques
de sexe
masculin,
solidaires,
entraînés,
déterminés
et
disposant
de
toutes
les
énergies
constitutives
de forces
homogènes. En face,
les nationaux
peu
préparés
et
non
motivés,
se
trouvent
facilement
en
état
d'infériorité.
b) L'exagération
est un produit de circonstances
devenues habituelles
Ce n'est pas la première
fois
que les gabonais
regardent
1e s
étrangers avec admiration. Dès l'ère traditionnelle, leurs moeurs se
sont ouvertes aux étrangers d'une manière naturelle. Par la suite
ils ont connu les étrangers imposés avec lesquels ils ont cohabité,
qu'ils
eussent
été
désirables
ou non. Depuis,
les
situations
juridique et politique ont changé. La condition des étrangers ne doit
plus être une question de fair-play.
Elle appartient à un ensemble
de données conjoncturelles où les nationaux ne doivent plus hésiter
de mettre leurs intérêts en avant.
En voyant arriver cette main-d'oeuvre étrangère, les économistes
locaux ont pensé faire
baisser les coûts.
Malheureusement, ces
immigrés
qui se livrent
à coeur joie
au travail
noir,
ont été
informés que le Gabon, déjà cendrillon sous la colonisation,
reste
la terre où il ne faut pas craindre de s'enrichir. Aussi assiste-t-on,
de plus en plus à une flambée des prix sinon à leur maintien à un
niveau exorbitant.
Mais, la circonstance la plus déterminante de cette arrogance est
qu'il n'y a guère de secret pour l'étranger. Il devient normal que
l'étranger qui a accès partout, qui est le plébéien sollicité
par
l'empereur, se mette à rêver de puissance. En, pensant qu'il est

67
l'associé
de ceux là qui ont en main les
destinées
du Gabon,
l'étranger s'éloigne des problèmes qui sont les siens. Il est attiré
par la sphère politique,
véritable
atout dans un pays où le droit
reste toujours frag i le.
L'étranger ne peut qu'exploiter à son profit les expressions venant
d'en haut spécialement
quand elles
lui
paraissent
un soutien
inespéré même si visiblement, elles sortent du naturel pour friser
l'impensable souveraineté des africains.
Paragraphe 2 - La situation
néanmoins
précaire
de
l'étranger.
Dans un pays trop calme, il faut craindre la moindre secousse. Ce
qui rassure
l'aventurier
qui s'engage dans les sables mouvants,
c'est bien cette tranquillité insoupçonnable. Il en est de même des
esprits pacifiques qui sont entraînés
à perdre patience par des
affronts continuels. Le Gabon a été exploité depuis l'ère coloniale.
Cette situation s'est poursuivie à une époque où les expatriés ont
été comptés sur les doigts d'une main. Peut-il en être autrement à
présent

chaque
jour,
leurs
vaisseaux
les
déversent
pa r
centaines?
Dans ce pays, le radicalisme
n'est pas de mode. Toute remise en
cause des réalités quotidiennes serait une révolution si elle n'est
pas dans le cadre du tempérament national amplement influencé par
un climat à la fois chaud et humide. C'est donc une erreur grave de
se targuer d'une situation néo-coloniale pour rêver d'un bien-être
pour l'éternité. Si l'étranger a été utilement avisé, il a dû savoir
que la
brève
existence
internationale
du
Gabon
compte
des
exemples susceptibles de désabuser les nouveaux colons. Il y a en
effet contre toute prétendue quiétude de l'étranger, la menace de 1a
réaction
primaire
des peuples outragés : la
xénophobie. Or 1a
xénophobie a une forme musclée et une autre sensiblement atténuée
par l'apparition
de la xénophobie moderne qui renferme tous les
réflexes
protectionnistes,
nationalistes
et
pourquoi
pas
chauvinistes.

68
1°) - La réaction
violente
ou la xénophobie primaire
La conjonction du xénos (étranger) et du phobos (effroi) a donné
naissance à la xénophobie, sentiment de l'indigène ou du national
qui déteste l'étranger. La manifestation de cette appréhension et 1e
rejet
qui s'ensuit
sont des attitudes
retrouvées
partout
dans
l'histoire de l'humanité. Son évolution au Gabon a été fidèle aux
transformations du statut privé de l'étranger.
Elle a commencé par une conception de la xénophobie farouche
quand il s'est agi de l'étranger (onongoma) barbare, selon les grecs
et sauvage pour les latins
71.
Elle
a pris
ensuite
une forme
religieuse. C'est le cas de l'esclave ou de l'étranger persécuté qui
ne peut échapper à son sort qu'en payant un tribut 72
En général estime-t-on
73,
si la xénophobie a pris
du recul,
1 a
création de règles de plus en plus rigoureuses remet en cause 1e s
acquis de type particulariste.
Dans les pays où l'on commence
généralement
à asseoir
la
notion
de groupe
politique
et de
solidarité
nationale,
les
relations
humaines restent
à l' ava nt-
garde. Elles doivent primer en dépit des grandes manoeuvres du
développement
économique
qui
veut
tourner
les
mentalités
exclusivement vers le profit. Les peuples ont toujours utilisé
1 a
forme
primaire
de
la
xénophobie
pour
exprimer
le ur
mécontentement devant les situations
dont seuls,
ils
sont les
baromètres.
Il
suit
que la prévention
de ces états
d'âme est
difficile et leur analyse n'est possible qu'après coup.
a) Le rappel de quelques cas de violences
p r i mai re s
L'importance de l'élan affectif a toujours été telle que l'expression
du rejet n'a pas attendu les indépendances et les nationalités. Sous
la
période
coloniale,
des
manifestations
furieuses
ont
été
enregistrées ça et là en Afrique. Il y a eu des résistances armées
non seulement contre le pouvoir colonial tout entier mais aussi
contre une fraction de ce pouvoir. Dans ce second cas, les réactions
ont été dirigées vers des individus bien déterminés.
Elles ont mis en conflit
d'une part, des groupes de populations
disparates dans l'essentiel
mais alliées
pour l'occasion, d'autre
part des populations étrangères,
prévenues d'avoir commis 1e s
71A. AYMARD, Civilisations de l'antiquité au moyen âge, T. IX. p. 128.
72A.ABEL r: IX. p. 335 et suiv.
BRec. Jean BODIN, le statut des étrangers par JOHN GILISSEN.

69
excès qui ont exaspéré la tolérance du pays d'accueil. Les graves
incidents qui ont éclaté à Mandji-orungu (Port-gentil) en septembre
1958 ont eu pour cible des ressortissants du golfe du bénin. Du 16
au 20 septembre 1962, congolais et gabonais se sont battus dans
les grands centres urbains des deux pays. Les étrangers ont dû fa i re
les frais des remous politiques
survenus au Gabon le 18 février
1964.
Des scènes de violences fratricides se sont reproduites contre 1e s
dahoméens en 1967, et même en juillet Août 1979. En nous limitant
à ces quelques réalités,
tirons
les enseignements qui serviront
cette mise en garde.
b) L'appréciation
de la xénophobie primaire
C'est une violence qui se déchaîne selon un automatisme qui n'a
point
besoin
d'être
précédé
d'une
campagne
d'intoxication
psychologique.
Elle est pure et spontanée puisqu'elle
n'obéit à
aucune condition
d'organisation
ou de fond.
Comme les
autres
résistances
gabonaises
ce
n'est
pas
une
révolution
car
ses
manifestations
sont dépourvues
d'idéologie.
Dans de tels
cas,
l'autorité
politique
n'a su qu'imposer le retour
au calme
d'une
situation d'inspiration populaire quoiqu'en disent les analystes en
phobie subversive.
Quelle que soit l'appréciation défavorable qui lui est faite, cette
réaction légitime vise à porter atteinte à la condition de l'étranger
devenue
injurieuse.
C'est
ainsi
qu'il
faut
interpréter
1e s
événements de 1962 entre congolais
et gabonais.
Des joueurs
gabonais de football ont subi des violences alors qu'ils disputaient
une compétition sportive à Brazzaville
74.
Peu importe la genèse
exacte des violences,
il
est certain
que des blessures
ont été
occasionnées et de nombreuses personnes y ont trouvé la mort. Par
ailleurs, il n'est rien resté des biens et propriétés individuels. Dans
les deux camps furent prises des mesures de "salubrité publique" en
expulsant
les éléments jugés
dangereux
c'est-à-dire,
tous
1e s
survivants étrangers aux deux nationalités.
Cette avalanche de mesures
de rétorsion
est à tout le moins
surprenante. Elle l'est d'autant plus qu'une semaine
auparavant,
Libreville a abrité le sommet vers le regroupement africain 75
74Monde du 21.09.1 962 n° 5498.
75Monde du 16 - 17.09.1962 n" 5494.

70
En réalité,
pour comprendre ce qui s'est passé, c'est tout un
contexte qu'il faut revoir. Après avoir subi le poids financier et
administratif
du Congo 76 sous la colonisation,
le Gabon a dû
affronter les ambitions d'hégémonie de son voisin.
Est même arrivée une époque où les militaires
congolais ont pris
l'habitude
de traverser
la
frontière
pour faire
des incursions
ouvertes dans le territoire
du Gabon. Sous prétexte de sauvegarder
la paix, les gabonais sont restés passifs et ont subi la domination
congolaise même au niveau du sport et des loisirs.
Ceci explique
alors que les congolais
n'ont pas supporté de voir des sportifs
gabonais aIl e r à Brazzaville leur tenir tête.
De l'autre côté, ce fut l'occasion pour la population directement
concernée par les brimades,
d'extérioriser
son indignation
de 1a
manière
qui
lui
paraît
la
plus
assouvissante.
Cette
violence
libératrice à laquelle recourent tous les peuples opprimés est une
réaction
qu'il
faut
distinguer
de la
révolution
car
elle
est
imprévisible, muette et contre les étrangers.
2°) - La réaction
informelle
ou la xénophobie moderne
a) Ses 0 r i gin es
A l'époque des chefs indigènes,
l'étranger de la colonisation
l'a
emporté
grâce
à sa
supériorité
militaire
et
ses
astuces
de
pénétration.
Avec les
indépendances,
les
africains
ont atterri
brutalement dans les temps modernes. Sans transition,
ils
ont
accédé aux instances internationales
et précipitamment,
ils
ont
souscrit au respect de principes élaborés par les autres pour servir
leurs besoins. Les portes du Gabon ont été ouvertes à la coopération
internationale où doit régner un esprit de justice et d'égalité. Au
fond, c'est l'entraide de l'Amérique des spoutnicks,
l'Europe des
bombes atomiques et le Tiers-Monde des malades, des affamés et
des valets. Il est clair que cette mondialisation ne pouvait exister
sans de sérieuses dissensions.
En effet,
ceux qui
ont
essayé
de mettre
en tête
de
leurs
préoccupations
la disparition
de leurs
difficultés
proprement
territoriales,
c'est-à-dire
la
faim
et la dévalorisation
de 1a
personnalité
humaine,
se
sont
trouvés
soit
distancés,
soit
contraints de s'enfermer en autarcie.
76Pensée et action sociale, cd. P. BORY, MONACO p. 10.

71
D'ailleurs, reconnaissant la sclérose dans laquelle
se retrouve 1e
pays, le premier gouvernement gabonais a vainement essayé de
reprendre en main la défense de ses intérêts. Il a naïvement cru à
la coopération en faisant une interprétation littérale du principe de
l'égalité
des nations.
Il
a eu beau en appeler
aux "gabonais
d'adoption", mais ceux-ci sont restés impassibles. Ils ont préféré
assurer les intérêts vrais c'est-à-dire l'exploitation des richesses
locales à vil prix, la revente des produits finis à des prix excessifs
et surtout le rapatriement total des profits réalisés
vers leurs
patries d'origine.
b) Ses manifestations.
Il a fallu changer de tactique pour atteindre l'objectif élémentaire
d'un pays notamment le contrôle des affaires.
A-t-on
dû réaliser
une révolution ? Mais le terme révolution est ici proscrit, malgré
le changement des hommes dans la direction de la République. Quant
au radicalisme,
il est toujours
ajourné. C'est ce qui est arrivé
quand le système politique a opté pour une sorte d'hybridisme où
l'essentiel est encore de plaire à tout le monde.
L'espoir de réaliser
une société de fraternité
et de prospérité a
continué
de séduire.
Mieux, il
semble
même avoir
connu des
aménagements difficilement applicables. Dans le monde en général,
c'est avec peine que l'étranger accède à son bien-être minimum qui
varie avec le stade d'évolution du pays d'accueil. Si la conjonction
sociale
et économique est médiocre,
il
n'y a pas de raison
de
s'obliger d'une manière suicidaire à l'égard de l'étranger. Avec les
structures actue Iles du Gabon,
il n'est pas possible de satisfa i re
tout le monde à la fois. Il faut commencer par les siens avant de
parfaire la situation des autres, déjà infiniment plus nombreux et
mieux organisés. Le maintien d'une attitude complaisante, ne peut
que remettre le pays dans un état de subordination présentement
insupportable
et susceptible
de donner prétexte à des remous
politiques.
Pour la seconde Administration
gabonaise,
tout
passe par
1a
condition financière. Qui saurait le lui reprocher lorsqu'en matière
de développement, il ne reste plus que les prévisions des sorciers
pour montrer la stratégie
à suivre.
De cette façon
le pouvoir
politique a lié le sort des gens à celui
des entreprises. Il a même

72
décidé
l'intégration
de
l'entreprise
privée
étrangère
dans
l'économie nationale. Pour ce faire,
il a instauré la politique de
gabonisation des cadres avec cette circonstance que les salaires de
base doivent être les mêmes 77. Le gouvernement a par ailleurs
décidé de mettre la main sur ce qui constitue des potentialités afin
d'en avoir le contrôle. Il a compté sur le rattachement par le siège
social des sociétés, il a obtenu l'intrusion
politique mais il n'est
pas parvenu à en assurer ni le contrôle juridique,
ni le contrôle
économique.
L'Etat a pris également des mesures d'un genre nouveau car, en
dépit de statuts, elles visent la nomination de dirigeants sociaux,
la cession à l'Etat de 10 %du capital des sociétés, des restrictions
quant au droit au bail, à l'obligation faite aux sociétés et autres
commerçants de participer à l'effort de modernisation urbaine, des
centres
d'exploitation
économique
et
des
moyens
mis
à
1a
disposition des travailleurs. Au niveau de l'individu, la condition de
l'étranger n'a pas subi de substantielles retouches.
TITRE DEUXIEME
ESSAI DE RECONSTRUCTION DE LA JOUISSANCE DES DROITS
DE L'ETRANGER ET REFLEXIONS SUR SA CONDITION LEGALE.
Dans tous les pays du monde, en France, en Allemagne, au Canada,
au Sénégal, au Cameroun ou au Congo pour ne citer que ceux-là, 1a
condition de l'étranger
a une forme
textuelle
et une ambition
sociale. La loi étant le reflet de la vie courante, il n'y a pas de
dichotomie
entre
la
condition
de l'étranger
telle
qu'elle
est
consignée par les textes et celle que la population locale veut bien
lui reconnaître. C'est pourquoi les législateurs
des pays veillent
parfaitement à ce que la jouissance
et l'exercice des droits
de
l'étranger soient
fonction
des prérogatives
et obligations
des
indigènes. Somme toute, dans un système juridique reposant sur 1a
légitimité populaire, la pensée va d'abord à son peuple. Dans tous
les pays institutionnalisés
ce sont les
nationaux qui exercent
l'activité publique, vont aux urnes, assurent le fonctionnement des
services publics et gèrent l'Etat par son administration.
77in, Allocution d'ouverture du Congrès Extraordinaire du P.D.G. janvier 1973
p. 19

73
Ils occupent toutes les fonctions
politiques
et militaires.
Ceci
explique
alors
qu'ils
assument
eux-mêmes
le
poids
de le ur
souveraineté et la responsabilité de leurs actes.
Par ailleurs,
il
est exact que selon
leur
sollicitude,
les pays
peuvent donner à l'expatrié une condition bien évidemment aisée.
Néanmoins,
la
jauge
de
cette
affirmation
passe
par
deux
considérations indéniables : la première est une condition générale
qui souhaite la sauvegarde du traitement
accordé dans le pays
d'origine de l'intéressé ; la seconde est une condition spéciale dès
l'instant
où elle
vise
à l'amélioration
du traitement
du même
individu à l'étranger. Dans les deux cas, elle autorise que se pose 1a
question de la réciprocité
en se demandant dans le
pays de
l'étranger,
et
pour les
mêmes fonctions
quel est
le sort
du
gabonais. La protection du minimum d'origine de l'expatrié est une
question de bon sens. Elle est directement liée au minimum vital du
niveau de vie où se pose la question.
L'amélioration raisonnable ne peut intervenir que dans la mesure
où, à travail égal et salaire
égal il est souhaitable d'aligner des
conditions étrangères inférieures à celles des nationaux. A défaut
nous aboutissons béatement à accorder à un français une condition
matérielle
plus élevée que celle,
à lui
octroyée par son pays
d'origine.
Cet
altruisme
excessif
laisse
croire
qu'au
Gabon
précisément,
la
condition
socio-économique
est
telle
qu'elle
permet au français expatrié, de dépasser la condition de celui qui
est resté en France. Autrement dit, il y aurait avantage pour 1e s
français à émigrer spécialement au Gabon.
L'émigration n'est pas seulement une partie de plaisir.
C'est un
choix, un important aléa au bout duquel la condition humaine peut
se trouver meurtrie et le niveau de vie particulièrement appauvri.
Quand un pays ouvre ses portes à l'immigration considérée comme
moyen de développement socio-économique, il doit les refermer dès
que ce facteur se retourne contre lui et sa politique de justice
sociale. Le gabonais jouit dans son pays de tous les droits et exerce
les prérogatives les plus étendues. Or, celui qui a tout n'a rien. Par
contre tout travail
scientifique
ne peut que rester polarisé
sur
l'étranger.
C'est
la
situation
de
toute
construction
même
méthodologique, car elle suit ce que l'étranger représente au pays.

74
C'est donc un essai qui consiste à proposer les forces susceptibles
de permettre au Gabon de contenir la présence étrangère, de refa i re
une condition dénaturée et de lui donner un profil
acceptable car
dépourvu de tout anachronisme. Le remède doit être absorbé par les
nationaux qui souffrent de leurs incohérences. Aussi donnons-nous
la priorité à l'élaboration d'un système juridique plus protecteur de
la condition
du national.
Ensuite,
l'idée
de justice
sociale
autorisera à reconnaître ou même, à adopter certaines libertés du
pays de l'étranger tant que celles-ci
ne sont pas incompatibles
avec la marche du Gabon vers ce bien-être incertain.
CHAPITRE
PREMIER
L'AFFIRMATION
DE LA PERSONNALITE GABONAISE
Il ne s'agit pas de revenir sur la création et la reconnaissance de 1a
personnalité juridique
individuelle
ou collective.
L'explication se
trouve dans le phénomène de l'indépendance, véritable
point de
départ de toutes les fictions juridiques des systèmes africa ins.
Le pays a été admis dans la communauté internationale. Depuis, i 1
est dirigé comme si les personnes physiques nationales de sexes
masculin
et féminin
qui le composent étaient
essentiellement
décoratives. L'individu
n'a qu'un rôle
subsidiaire.
Les nationaux
s'ignorent effectivement et du côté professionnel, ils encourent 1e
risque d'être continuellement assistés par l'étranger. Sur le plan
international, la personnalité gabonaise se réduit à son drapeau,
ses institutions politiques et le rôle important joué par l' étra nger
dans l'exploitation
des dons naturels
du pays. Il
importe
donc
d'évoquer la personnalité gabonaise à travers ce qui, sans avoir
l'impact
de l'argent,
n'en constitue
pas moins
un fondement
légitime et une fierté.
SECTION 1 - L'affirmation
par la
technique de nationalité.
La carte géophysique du pays est en elle même une cause suffisante
pour prédire que la plus grosse difficulté
à surmonter est l'unité
d'individus relevant de quarante "tribus" différentes. Sur la même
lancée sont rejoints très vite les prophètes de l'immutabilité
qui

75
concluent que cette multiplicité
ethnique "favorise l'adoption des
langues européennes comme langue officielle
dans toute l'A friq ue
pour éviter la révolution qui se produirait nécessairement dans 1e
cas où l'on tenterait
d'imposer la langue africaine
de l'ethnie
dominante" 78.
Autant d'incertitudes
ne peuvent
paraître
que défavorables
à
l'harmonie du développement physique et spirituel
d'un pays. Plus
que jamais, il faut réduire le décalage entre les incantations et les
exhibitions. Il faut enrayer le comportement égoïste qui absorbe
les gens faisant apparaître à leur détriment les complexes les plus
inqualifiables notamment l'infériorité devant l'étranger blanc suivi
du frère-africain.
Pire, comme le gabonais ne se reconnaît pas au
Gabon, est-il utile de l'imaginer à l'étranger? Sur le plan juridique,
le contexte moderne le désigne comme relevant de l'Etat du Gabon
et ayant par conséquent la nationalité gabonaise. C'est d'ailleurs 1e
seul élément commun à tous ceux qui se prévalent de la terre
gabonaise.
Il y a là, comme si la nationalité était une couleur, une fiction
supplémentaire dans la connaissance de l'identité gabonaise. Or i 1
faut parvenir à restaurer les valeurs internes et internationales de
la nationalité. Il faut arriver à convaincre que la nationalité d'une
personne physique ne se décrète pas, elle se vit, tout comme celle
des personnes morales ne s'octroie pas, elle se perçoit à travers
divers traits caractéristiques.
La nationalité est en rapport avec
celui
qui
s'en
sert
parce
qu'elle
lui
permet
de
ré alise r
l'organisation d'une communauté humaine, culturelle,
cohérente et
forte. Grâce à cette nationalité qui leur fait vivre une convergence
d'intérêts vitaux, les membres de la société nationale ainsi créée
sont unis par le réflexe national et non autarcique,
ils
peuvent
exercer
un pouvoir
patriotique
dominant
dans la
gestion
des
hommes qu'ils composent et dans le développement économique et
social de leur pays.
C'est ainsi que l'unanimité est loin d'être réalisée
autour de 1a
définition donnée par le code de la nationalité notamment lorsqu'il
fixe au , 7 Août' 960, la date de départ des effets de la nationalité.
78 Revue du Centre Militaire d'Information et de Documentation sur l'Outre-
Mer. 4ème trimestre 1969 n" 8(X) A p. 25

76
Qu'étaient les habitants du Gabon avant cette date ? des citoyens
français ? des nationaux français ? Ces réponses sont incertaines
sauf si quelqu'un peut être gabonais sans savoir pourquoi, de 1a
même façon que certains français
l'ont été sans en avoir eu 1e
sentiment. Si l'erreur du colonisateur a consisté dans sa volonté
d'aliéner l'indigène, la même situation est posée par le législateur
gabonais qui s'évertue depuis 1958 à consacrer cet empirisme. 11
n'y a peut-être pas eu une nationalité
gabonaise mais il ex ista it
des "nationalités" des populations du Gabon.
Pour ces
raisons,
le
code devait
renfermer
deux
sortes
de
nationalités
: la
nationalité
des
populations
du Gabon et
1a
nationalité de ceux qui veulent relever du Gabon. La première est
déclarative. C'est la nationalité
de fait qui vise directement les
assises de l'idée de nation. La seconde est constitutive d'état. EIl e
est octroyée à ceux qui en font la demande en raison de leur non-
appartenance à la première catégorie. Il y a donc une nationalité
d'origine et une autre d'attribution postérieure 79
Paragraphe 1 - La nationalité
déclarative ..
La
nationalité
de
droit
moderne
est
amplement
critiquée
notamment
dans
sa
volonté
de
ne
point
tenir
compte
des
nationalités
traditionnelles.
Ce
résultat
procède
d'une
interprétation
limitée
de la portée de la souveraineté des Etats
africains et qui, si elle est octroyée en 1960, n'a pas, de but en
blanc, transformé les gens au risque de marquer une rupture entre
les différents statuts et approches nationales.
1 - Son fondement.
C'est la nationalité
de fait.
Elle découle de l'appartenance d'un
individu à une communauté. Or rien empêche que cette communauté
soit primaire tel sous l'empire
des ethnies ou moderne en prenant
la forme d'une république. Puisque cette société a pour dessein 1a
constitution d'une nation, l'Etat formé
ultérieurement peut
être
79 En ce sens, la distinction nationalité d'origine et d'attribution postérieure
est bien différente de la conception et de la technique prévues par la loi de
1962 pour l'attribution à titre d'origine et l'acquisition après la naissance.
Une nationalité que l'on a, ne se fait pas attribuer et l'acquisition après la
naissance prouve qu'on n'avait pas la nationalité. D'ailleurs le code parle
dans son titre second, de la possession de nationalité ce qui est légitime et
correspond à la nationalité constatée. Mais plus loin il est question de "sa
possession et son attribution" ce qui la rend douteuse.

77
considéré valablement comme la forme politique d'une nation 80. La
nationalité qui emporte des effets juridiques dans l'ordre interne
ne paraît donc pas incompatible avec la deuxième fonction de 1a .>
nationalité moderne, celle-là
qui a des conséquences dans l'ordre
international.
Les pays africains sont longtemps demeurés en marge des grandes
personnes morales de leur espèce. Leurs nationalités
n'ont pu être
que de portée interne. Dans le mesure où ces pays sont passés dans
la sphère internationale, du coup les nationalités se sont érigées en
attributs
internationaux.
Tout le problème
reste
celui
de le ur
élaboration. Il y a en effet des individus qui ont toujours habité 1e
Gabon et
qui
ne se
sont
pas embarrassés
de problèmes
de
qualification.
Ces individus sont gabonais du moins depuis que 1e
soi-disant legs portugais du "GABAO" est devenu Gabon de la même
façon que les ressortissants
de la Gironde sont des Girondins ou
que les populations d'Allemagne sont Allemandes.
Pour ces
"indigènes"
ainsi
que leurs
descendants,
la
preuve
irréfutable
de
la
nationalité
gabonaise
est
rapportée
par
l'appartenance
à l'une
des nationalités
locales
dont la
forme
sociologique est l'ensemble des ethnies.
D'un point
de vue plus
général,
les
Etats
qui
confèrent
une
nationalité aux membres de leurs populations sont en principe ceux
qui constituent des personnes de droit international
c'est-à-dire
des Etats souverains 81. Mais ce principe établit un lien trop serré
entre
la
déclaration
d'indépendance
et
la
reconnaissance
internationale.
D'ailleurs
le monde a vécu et continue à vivre
les cas les plus
indéniables de nationalités de fait, si ce n'est de droit : la Chine de
Pékin avant son admission à l'O.N.U. et la Chine de Formose après son
exclusion, la Rhodésie sécessionniste et le Zimbabwe à venir,
1e
Biafra,
le Katanga... L'ordre international
en lui-même
est loin
d'ignorer la composante des populations de chacun des Etats.
Il est également acquis que des populations
peuvent manifester
leur volonté d'affirmer
leur
nationalité
au sein d'un Etat,
mais
jamais un Etat ne peut exclure de sa communauté tel sous-groupe
ethnique sans lui reconnaître une nationalité.
80j-IAURlOU, Précis EL. de Dr. Const. cd. 1930 p. 5.
8! BATIFFOL traité DIP 1974 t 1 p. na 65.

78
La nationalité déclarative est celle qui permet de mieux dire si te 1
ou tel individu peut être enregistré comme faisant partie
de 1a
communauté ethnique de tel Etat. C'est un élément de fond dont 1a
forme s'accorde volontiers avec la détention d'une carte d'identité
nationale des républiques no uvelles.
Il - 50 n é 1a b 0 rat ion.
La nationalité déclarative n'est pas un écart de qualification. Il n'y
a pas de confusion entre la nationalité qui est un lien juridique et
la
nationalité
qui
est
un moyen
d'établir
ce
lien.
Dans
1e
développement sur l'étranger de demain, nous avons longuement
évoqué l'état
de la
doctrine
sur
ce qu'il
convient
d'appeler
l'étranger par rapport au national, substa ntif directement issu de
nationalité. Autrement dit nous avons raisonné en droit occidental
pur. D'ailleurs il est évident que la nationalité
gabonaise actuelle
est une superposition de théories
étrangères sur les structures
élaborées en états,
républiques,
avec des frontières
te rrestre,
maritime et aérienne. Le seul changement avec cette organisation
proposée réside dans la vue extérieure de la nationalité. Or cette
conception
formelle
a
complètement
méprisé
l'élément
fondamental de l'entité
nationale.
Inongo gni mpongwè (la tribu
mpongwè) ne se trouve pas en Allemagne et les Basques ne peuvent
se situer au Gabon. Voilà toute la raison de réaffirmer qu'il n'y a
pas incompatibilité
entre la nationalité
du droit moderne qui du
reste
n'est pas forcément
un produit
d'indépendance,
avec les
nationalités
locales
préexistantes.
Il
suffit
de penser que 1a
nouvelle nationalité
gabonaise des cartes
d'identité
nationales,
peut être la symbiose des nationalités ethniques.
En effet, avant la colonisation, Mbuwé (le clan) Inongo (la tribu)
Gwèmiènè (l'ethnie), ces trois notions ont constitué les éléments
du rattachement sociologique des individus entre eux. Ils ont aussi
réalisé ce qui est appelé la nationalité juridique de naguère. Il est
certain que cette même structure est vérifiable sinon perceptible
auprès des autres nationalités
traditionnelles
du Gabon. Dans 1a
mesure où il est établi que les gwèmiènè ont été en contact d'abord
avec Anongoma ou étrangers de dedans, qu'ensuite ceux-ci
sont
devenus Aghènda ou étrangers avec lesquels
ils ont collaboré et
avec qui ils
ont vécu, il
est possible
d'envisager
la
nouvelle
nationalité
comme l'émanation
de l'ensemble
des
nationalités
particulières. Puisque chaque nationalité locale a ses membres, que
la preuve est rapportée par une simple déclaration, par témoins sur

79
la possession d'état, il reste à chacune des ethnies de faire
un
double apport : l'un sera celui
des hommes pour constituer
1e
patrimoine humain commun, l'autre concernera l'identité pour créer
la personnalité morale nouvelle dont la forme juridique peut être
unitaire.
Par contre,
l'esprit
et
la
substance
doivent
rester
pluralistes, ce qui est une richesse.
'" - Son importance.
Cette
solution
non dispensée
de critiques
va permettre
une
adhésion libre et volontaire des différents peuples constituants 1e
pays. Elle fera apparaître le caractère non absolutiste du principe
de droit international selon lequel les Etats sont libres d'accorder
ou de refuser l'établissement du lien de nationalité. Dans le cas des
sociétés encore mal identifiées, il suffit de stimuler la recherche
vers un processus de construction pyramidale.
A un certain état, la multiplicité
disparate va céder la place à 1a
pluralité dans la similitude. Ensuite se réalisera
la nationalité par
le processus du fédéralisme
des tribus.
A la fin,
ce sera
1a
reconstitution
réussie d'un petit nombre d'ensembles cohérents.
Ces groupes vont être soudés à la base par le sentiment d'unité
d'origine totémique. Il restera
à l'ensemble des constituants
de
créer l'esprit de solidarité et de communauté exigé par leur volonté
de constituer une grande nationalité.
Dans un pays de diversité naturelle nul ne saurait parvenir à l'unité
sans efforts longs et patients. Le consensus librement élaboré ma is
essentiellement
ethnique
est
le seul
moyen qui
permette
de
reconstituer la cohésion nationale et faire éclore l'idée de nation.
Ainsi les gabonais pourront tous exprimer si ce n'est un sentiment
d'unanimité mais une volonté de solidarité
avec la spontanéité
exigée par les circonstances d'intérêt national. En l'état, et quelle
que soit l'imprégnation des gens, la nationalité gabonaise reste une
notion essentiellement administrative. Elle permet simplement à 1a
police de lire celui qui est ou non ressortissant du Gabon. Quant à 1a
réalisation de l'unité nationale, le système politique s'en est remis
au parti unique. Or le rôle positif du parti est discutable. En effet
sans méconnaître ses capacités de stimulation,
le parti parvient,
comme la révolution et la contrainte policière, à obtenir le résultat
escompté. Malheureusement ce succès n'est que façade.

80
Il est facile
de vérifier
qu'à l'intérieur
du pays, les nationaux
gabonais paraissent unis parce qu'ils sont sommés de l'être. Dès
qu'ils ont l'occasion de sortir,
leur comportement est tellement
délabré qu'il frise
l'égoïsme. Pourtant le parti est
un outil
de
travail
redoutable, malgré qu'il soit institué
résolument comme
anti-tribus
et
anti-clans.
Cette
contrevérité
rend
l'analyse
différente
car il
serait
contre nature de taire
l'existence
des
Mbuwé et Anongo. Les clans et tribus ne sont générateurs de trouble
que parce qu'ils sont
approchés comme suspects. Autrement dit
c'est
une hérésie
de
renier
la
substance
fondamentale
de
l'organisation communautaire. Mbuwé et Anongo reflètent les voies
et moyens, le parti ne saurait faire de gabonais s'il ne s'installe
pas dans la population conçue comme un ensemble de nationalités.
L'Etat gabonais serait donc le garant de l'adhésion des différents
groupes de nationalités dans la nationalité nouvelle. Il poursuivrait
l'oeuvre commencée par le pacte originaire d'union des nationalités
locales en visant au principal à la création d'un Etat fort. Or l'Etat
comme le corps humain ne saurait
prospérer en ayant une tête
énorme un tronc rachitique et des membres arrachés. Le bien-être
de l'Etat doit passer nécessairement
par l'épanouissement
des
organes communautaires.
Qui oserait ensuite contester la légitimité de son pouvoir? En cas
d'agression
extérieure
contre le groupe national,
celui-ci
peut
perdre en force. Mais, son énergie décuplerait par la suite et 1e
sentiment d'intérêt commun qui l'anime pourrait le reconduire à 1a
victoire sous la direction du parti considéré comme émanation des
nationalités.
Comment
imaginer
des
lois
et
règlements
non
conformes alors qu'ils seraient fondés sur la simple transcription
des moeurs ? L'Etat ne serait
peut-être
pas de granit,
mais
suffisamment fort pour empêcher la présente tentation de créer
des étrangers de dedans et des gabonais de dehors. Les querelles
intestines
ne doivent
pas être
mâtées.
Elles
méritent
d'être
solutionnées
pour ramener
à leur
minimum
les
conflits
qui,
infailliblement
existent
dans
les
nations
pluralistes.
Ces
contradictions du reste participent de la vie de l'Etat. Si elles sont
bien approchées, elle n'empêchent nullement l'esprit de nation qui
n'est rien d'autre qu'une exaltation massive et spontanée de chacun
servant l'Etat avec le même souci que son bien propre.

81
La nationalité déclarative a donc consisté à réaffirmer l'existence
des nationalités gabonaises avant l'Etat moderne de 1960. En effet,
c'est l'Etat
qui
a eu besoin
d'éléments
humains
et
non les
populations qui possèdent leur pays. La nationalité de l'Etat ne peut
être
que le
produit
de l'accord
des différentes
nationalités
ethniques. Quant aux bénéficiaires, ce sont ceux qui justifient, non
pas d'un jus soli à proprement parler, mais d'un jus sanguinis. Or
qu'est-ce que le jus sanguinis en droit traditionnel ?
C'est le rattachement d'un individu non seulement à sa famille,
mais sa famille à un clan (Mbuwé) et ce clan à une tribu (Inongo)
laquelle
se trouve
dans une "nationalité"
comme
"Inongo gni
gwèmiènè", "Inongo gni apono", "Inongo gni mpanhouin". En dehors de
ces nationalités,
il
faut solliciter
un rattachement par la voie
constitutive.
Paragraphe Il - La nationalité
constitutive
Devenus républiques comme la France, l'Allemagne, la Yougoslavie
ou le Brésil,
les pays africains
ont poursuivi
le pa ra lié lis me
institutionnel. Ils ont créé une nationalité comme les autres sans
distinguer que les Etats modèles étaient assis sur l'idée de nation.
Ils se sont donc contentés d'utiliser le procédé de la transposition
des
résultats
pour
fabriquer
les
nationalités
républicaines
d'Afrique. Les coopérants chargés de hisser les nouveaux Etats à
l'O.N.U., ont décidé de déterminer par dispositions générales, qui est
à compter d'une date donnée, national
Sénégalais,
Malgache ou
Tchadien. Mais cet état juridique n'est pas automatique, il n'a pas
un caractère déclaratif.
La nationalité
n'existe qu'à partir d'une
époque donnée car dit-on 82, la quasi totalité
des habitants des
nouveaux Etats ont eu la
nationalité
française.
Dès lors,
les
nouvelles
nationalités
ne
commencent
qu'à
une
date
qui
généralement est le jour
de l'Indépendance. Mais comme cette
référence est antérieure à la promulgation de la loi de 1962, que 1a
date de cessation du bénéfice de la nationalité française précède
l'Indépendance qui elle, est bien postérieure à la République, ceci
donne à la législation
sur la nationalité,
des effets rétroactifs
limités. Pouvait-il en être autrement?
Déjà la complexité du problème laisse présager des difficultés qui
ne manqueront pas d'apparaître dans des systèmes juridiques à
82La nationalité dans les Etats Africains d'Expression Français et Madagascar
par Alexandre ZATZEPINE in. rev. jur. et Pol. d'O.M. n" " 1962 p. 455.

82
peine
balbutiant.
La
précipitation
du
Gabon
sur
la
scène
internationale
n'a-t-elle
pas débuté
avec les fameux "traités "
d'occupation ? Une indépendance obtenue dans la mêlée ne peut
donner naissance qu'à un large phénomène de suivisme. Pour sa part,
le "politique" a conçu les règles qui doivent attribuer ou retirer 1a
nationalité tandis que les députés 83 ont voté la loi n° 89/62 du 02
février' 962 qui va devenir le code de la nationalité.
Telle
quelle,
cette loi
apparaît
comme le droit
commun de 1a
nationalité.
Elle
a
peut-être
l'avantage
d'être
écrite
mais
l'inconvénient majeur de se fonder sur des méthodes s'éloignant
sensiblement du droit traditionnel fondamental.
1 - L'apport de la Loi de '962
Déniant l'existence des nationalités
locales avant l'Indépendance,
les administrateurs,
les conseillers
et les assistants
techniques
étrangers
ont
posé
les
règles
juridiques
permettant
d'être
inventorié comme national gabonais.
Au 1ieu de parler
d'acquisition
à titre
originaire,
la
loi
dit
"attribution". Quand il s'agit de la nationalité après coup c'est-à-
dire, l'attribution supplétive, le texte de , 962 parle "d'acquisition"
après naissance. Ce renversement des terminologies s'explique par
le caractère absolument artificiel
de la nationalité constitutive.
Elle est essentiellement une création de la République qui elle,
existe depuis '959 et n'a pensé à codifier
sa nationalité
qu'en
, 962. La nationalité,
comme l'état des personnes, suppose des
règles objectives
et réalistes.
Dès qu'elle se conçoit sous une
forme fictive, son succès est dominé par l'appréhension et le doute.
Comme pour prévoir leur échec une fois de plus devant le droit
coutumier, les modernistes ont institué
une troisième
technique
dite de la reconnaissance de la nationalité à titre d'origine.
'0) _ La nationalité
gabonaise à titre originaire.
Dans la loi de , 962, le titre second intitulé "de l'attribution de 1a
nationalité gabonaise à titre d'origine", prévoit "la possession de 1a
nationalité,
sa possession et son attribution". Voilà
des notions
compliquées, qu'aucune définition ne vient étayer.
83Il faut noter qu'en pratique le gouvernement a toujours eu l'initiative
des
textes lesquels sont préparés avec l'assistance de conseillers étrangers.

83
a) la possession
Elle est reconnue à toute personne née au Gabon, même si un se u1
des parents est gabonais, sans toutefois englober les enfants des
diplomates et consuls étrangers.(art.9).
b) l'acquisition
Elle est ouverte à toute personne domiciliée au Gabon à la date du
17 Août 1960 et qui a préalablement confirmé le maintien de son
domicile au Gabon avec l'avis favorable du chef de l'Etat.
Cette formule
ne rejette
pas les personnes non domiciliées
au
Gabon et issues d'au moins un parent de souche gabonaise
(art.10-2).
c) L'attribution
par la reconnaissance
Ce système curieux exige simplement qu'une personne soit née au
Gabon de parents étrangers (art.1 4- 1) ; de consuls
ou d'agents
diplomatiques
étrangers (art. 14-2 ); d'un parent gabonais
sa ns
recourir à la procédure de l'article
10. Une telle attribution
est
prévue également
pour
les
demandeurs
situés
dans un autre
territoire
voisin jusqu'à une zone de 400 miles
marins du Gabon
(art.14-5) ou pour les personnes y demeurant depuis l'âge de 15 ans
et élevées par l'assistance
publique (art. 14-8). Dans les cas de
reconnaissance, l'intéressé doit introduire
une requête auprès du
Chef de l'Etat qui statue par décret (art. 15).
2°) - La nationalité
après la naissance.
Il s'agit des moyens prévus par la loi de 1962 pour donner à un
étranger la nationalité gabonaise.
a) Acquisition
par le mariage.
Le chapitre premier du titre septième ne prévoit que le cas de 1a
femme mariée étrangère, comme si une gabonaise ne pouvait pas
prendre un époux étranger. Ce principe
veut donc que la femme
étrangère qui épouse un gabonais acquiert la nationalité gabonaise
au moment de la célébration
du mariage
(art. 16) sauf si elle y

84
renonce expressément avant ou pendant la célébration (art. 17) et
que six mois se sont écoulés sans que le chef de l'Etat n'ait exercé
sa faculté d'opposition (art.1 8).
b) Acquisition
par l'adoption.
La loi ne retient que l'adoption par des parents gabonais d'un enfant
mineur ce qui donne à ce dernier la coloration
nationale de ses
auteurs. L'enfant adopté peut répudier cette nationalité par lettre
expresse adressée au chef de l'Etat dans le délai de trois ans après
la majorité (art. 19).
c) Acquisition
par la réintégration
et la naturalisation.
La réintégration est une faculté qui intervient par décret précédée
d'une enquête sur la qualité antérieure de gabonais et la résidence
au Gabon, quel
que soit
l'âge
du
demandeur
(art.
22).
La
naturalisation est une faculté (art.23) accordée par décret
après
enquête. Elle n'est pas ouverte aux individus de santé compromise,
à ceux n'ayant pas dix huit ans d'âge ni cinq ans de séjour au Gabon
(art. 24). Elle suppose une satisfaction au stage. Ses effets sont
immédiats
(art. 26) sauf à retarder
la jouissance
des droits
politiques et l'accès à la fonction publique (art. 26-2).
3°) - La perte de nationalité
gabonaise.
Elle est de plein droit ou non, selon que la nationalité l'est à titre
d'origine ou par quelque artifice
juridique.
Le national
d'origine
perd de droit son état en cas de renonciation
(art 27.1). Plus
particulière est la perte de nationalité par la femme gabonaise qui
épouse un étranger (art. 27.2). Le national par acquisition peut être
frappé
(art.
28)
de déchéance en cas de fraude
lors
de 1a
naturalisation,
de condamnation
afflictive
ou
infamante,
de
collaboration coupable ou d'aliénation de comportement. La décision
est prise après avoir averti
l'intéressé
qui aura été en mesure
d'exercer utilement sa défense (art. 29.1). Elle reste une sanction
personnelle.

85
Il - Les appréciations
critiques
de la loi de 1962.
A) -
La
loi
de
1962
ne
donne-t-elle
pas
à
1a
nation alité
un ca ractè re
esse ntie Ile me nt
politiq ue
?
La création en 1957 de la plupart des républiques
africaines
a
nécessité le découpage du continent en territoires
promus à un
avenir individualiste par la politique des indépendances de 1960.
L'esprit de souveraineté va être si puissant qu'il substituera
au
régime de la libre circulation des biens- et des personnes d'origines
diverses, celui des contrôles et des contraintes de la police des
frontières.
De cette façon les gens passent pour étrangers les uns les autres.
L'instrument d'identification
devient la révélation contenue dans
une carte de nationalité. Cette volonté tacite des pays africa ins
peut se résumer en un désir d'avoir le plus possible de nationaux.
Somme toute, cela s'explique
pour des contrées
d'immigration
comme le Gabon et ses voisins généralement sous-peuplés.
Mais
faut-il pour autant soutenir des intentions qui consistent à dire par
des moyens détournés que la nationalité gabonaise est à la portée
de n'importe qui ? /1
est en effet facile,
d'être né d'un parent
gabonais (art. 14.1 et 3), d'être né au Gabon de parents étrangers
(art. 14.1 et 2), d'être né dans un territoire
voisin jusqu'à 400
miles marins du Gabon (art. 14.5).
Une telle
nationalité
écarte
incontestablement
les
signes
de
racisme et se veut extrême bienveillante cependant, elle n'exclut
pas le grief de manquer de réalisme.
Elle est en effet bien loin de susciter le sentiment national vita 1
pour tout pays neuf. Pire, à une certaine dose il faut craindre de
voir s'y créer un colonat de plus en plus important susceptible de
faire
éclore des Etats
"rhodésiens du sud" ou bien ceux-là
qui
regardent les autochtones avec la gêne et l'ennui comme pour 1e s
peaux rouges en Amérique et les noirs en Afrique du Sud. Dire que
les populations
des territoires
voisins
peuvent revendiquer
1a
nationalité gabonaise est une noblesse qui tranche avec l'a rbitra ire.
Mais tant que les frontières territoriales
existent, ne faut-il
pas
craindre
qu'elle soit projetées dans les coeurs? A-t-on pensé au

86
résultat
d'une union concrète
entre
continentaux
et i ns u1aires
n'ayant jamais entretenu de rapport particulier et n'étant uni par
aucun lien sociologique ?
B)- La loi de 1962 se perd dans un juridisme
étranger.
\\1 est reproché au code gabonais la nationalité de pêcher par excès.
\\1 édicte des mesures de portée générale avec un objet trop étendu.
Il en sort des effets compliqués dans le temps sans oublier les
moyens de preuve quasiment inadministrables.
1°) - Sur les effets dans le temps.
La colonisation
constitue
le
premier
stade
de
la
tentative
étrangère de faire disparaître
les tribus et les clans. Elle s'est
arrêtée en plaquant sur les indigènes des identités telles que 1a
citoyenneté française,
la citoyenneté de l'Union ou celle
de 1a
communauté
et dans une acception
plus
large,
la
nationalité
française.
Faut-il considérer la nationalité gabonaise comme remplaçant au
fond et en la forme ce dernier état de droit colonial ? Pour des
raisons pratiques cette optique est séduisante. Mais en droit, elle
écarte trop vite la majorité
de la population, celle-là
même qui
constitue le patrimoine humain de l'Etat. La nationalité
devient
sans intérêt en raison du nombre infiniment négligeable de ceux qui
ont conscience de la posséder.
Elle permet d'acérer les griffes
de ceux-là
qui considèrent les
nouveaux Etats comme des fabrications
artificielles.
A la limite,
c'est un conflit de lois dans le temps qui se pose mais il ne peut
trouver
sa solution
qu'avec l'examen
du conflit
des
statuts
juridiques.
Or ces
statuts
sont
si
nombreux
à l'accès
aux
indépendances
qu'une
présentation
saine
nécessite
leur
regroupement en deux camps: les statuts de droit moderne et ceux
de droit coutumier.
Les statuts de droit moderne sont consolidés par la présomption de
nationalité française des ressortissants
des territoires
français.
Ce sentiment
peut s'imposer
comme une solution
même à une
époque des indépendances où aucun texte n'est venu conférer 1a
nationalité. D'ailleurs, la formule de la table rase ayant été exclue
au Gabon, le droit ancien a continué à s'appliquer comme droit
transitoire. Dans le cas des statuts coutumiers, il faut noter que

87
tous les ressortissants du Gabon n'avaient pas la même nationalité
coloniale. D'aucuns étaient citoyens français, d'autres citoyens de
la communauté,
d'autres
très
nombreux
cette
fois,
restaient
indigènes. Donc la règle de l'unité
de nationalité
ne peut être
retenue comme solution.
Par contre en maintenant une sorte de sous-ordre indigène de 1a
nationalité, la loi réaffirme
une réalité et de toute évidence, 1e s
prétendus citoyens et nationaux français ont en commun avec les
autres que d'abord, ils étaient tous indigènes. Dans ces conditions,
"la loi de la nationalité
qui s'applique sans hésitation
est la loi
coutumière, celle là qui a toujours atteint tous ses membres. En
définitive, une autre voie s'impose car le vide constaté avant 1es
indépendances se retrouve après l'indépendance du moins pendant
deux ans. Les indigènes étaient-ils
devenus apatrides juste
au
moment où ils étaient élevés en république ? Cette extrême comme
la médiane qui consiste
à les voir
français,
sont des essais
désespérés de cacher un état vra i.
2°) - Sur l'administration
des preuves
Il
est
tout a fait
possible
de remplir
les
conditions
de 1a
nationalité gabonaise mais comment en rapporter la preuve ? Les
bonnes mesures générales s'accompagnent d'administration facile
des preuves. Mais que demande-t-on ici, si ce n'est de se référer
aux règles du droit commun qui ne sont autres que celles du code de
1945 sur la nationalité française ?
Dans ce texte, la preuve incombe soit à celui dont la nationalité est
mise en cause, soit à celui qui conteste la nationalité d'un individu
en dépit de l'acte qui la lui donne 84. Ceux qui ont un acte juridique
vraisemblablement constitutif
de l'état de national
gabonais se
trouvent soumis à des preuves aisées. C'est le cas des naturalisés,
c'est-à-dire des étrangers qui ont voulu être gabonais et qui ont
plus de facilité à prouver qu'ils le sont désormais. Paradoxalement,
ce système de preuve se retourne contre les gabonais d'origine, ca r
ils
vont peiner pour en réussir
la démonstration 85. Quant aux
84Telle est l'interprétation des anciennes dispositions de 1945, modifiées en
France par la loi du 9.01.1973 laissant la charge de la preuve à celui dont la
nationalité est en cause. Voir BATIFFüL traité 6è éd. notes p. 168.
8sEn plus de l'incohérence entre la possession de la nationalité prévue par
l'art. 9 et l'intitulé du chapitre qui est l'attribution de la nationalité d'origine,
on se demande où est la difference entre ceux qui possèdent la nationalité
(art.9-10) et ceux qui l'acquièrent (art.10-2°).

88
réintégrés, la preuve de leur nationalité est possible mais le moins
simple consiste pour eux de prouver auparavant leur nationalité
gabonaise. Par cela, ils retombent dans la situation de ceux qui ont
la nationalité
d'origine
avec cette différence
qu'ils
doivent 1e
prouver par des moyens qui établissent un lien artificiel.
a) la méthode du jus sanguinis.
Il s'agit de démontrer que l'intéressé est né de parents gabonais
lesquels sont gabonais par leurs ascendants. L'intéressé doit dire
qu'il est gabonais parce que l'un ou les deux parents sont gabonais.
Voici
une affirmation
qui autorise
la vérification
que lesdits
parents
sont bien gabonais. Elle
est établie
à la
suite
d'un
rapprochement par le sang et le sol. Or cette sorte de régression in
infinitum 86 est le signe que le système de preuve est mauvais,
difficile sinon impossible. Il n'y a de nationaux gabonais que depuis
le 17 Août 1960 prétend la loi, comment les parents ascendants
peuvent-ils faire la preuve projetable sur leurs descendants?
Comme le jus
sanguinis
utilisé
ICI
est d'interprétation
stricte,
voilà
un nouvel
écart
aux
considérations
fondamentales
des
sociétés locales puisqu'il feint de nier l'existence de la parenté
large et même totémique,
constituant
puissant
de la cohésion
nationale.
Voilà encore un système qui va à l'encontre de l'une des rares
dispositions de la loi peut-être mal formulée, mais qui permet de
faire
reconnaître la nationalité
gabonaise à titre
de nationalité
d'origine aux personnes qui, sans pouvoir établir le lien de le ur
naissance ni celui de leur domicile au 17 Août 1960 ou même le ur
filiation, justifient appartenir ou être pleinement assimilés à l'une
des collectivités caractéristiques du peuple gabonais 87.
b) la méthode du jus sol i.
Elle n'a pas plus de mérite que la précédente. Elle parle de naître et
de demeurer au Gabon, avant de nourrir des visées d'annexion en
86BATIFFüL traité 6è éd. p. 172.
8711 est regrettable que la loi (art. 14-6°) soit si laconique. Elle aurait pu
expliquer ce qu'il faut entendre par collectivités caractéristiques. En effet
celles-ci
riment
fort
justement
avec
l'appartenance
aux
différentes
stratifications de la communauté ethnique qui ne sont rien d'autre que les
composantes de la nationalité traditionnelle.

89
s'intéressant à des personnes se trouvant dans les territoires
voisins jusqu'à quatre cents miles. Le Gabon a-t-il
les moyens d'une
telle ambition. Si l'option était réellement levée par ces habitants,
le Gabon pourrait-il
leur assurer sa protection diplomatique. Peut-
on voir flotter le drapeau gabonais à l'intérieur du territoire
du
Congo ou du Cameroun sans avoir désormais la preuve que la loi est
aléatoire, qu'elle contient même des casus belli. En revenant dans
le territoire du Gabon, déjà très mal contrôlé par l'Etat gabonais, i 1
est demandé à l'individu de faire la preuve qu'il est né au Gabon ou
qu'il y était à la date du , 7 Août' 960. Encore faut-il
préciser qu'il
n'y a jamais
eu de recensement à cet effet et que l'usage du
calendrier est rare dans le pays.
Si toutes
les personnes qui naissent
au Gabon
peuvent
être
gabonaises cette condition
fait
de l'institution
une nationalité
ouverte. Ceci explique pourquoi il n'y a pas de condition de stage,
sauf pour les naturalisés. Au fond les techniques retenues par la loi
gabonaise de la nationalité
des individus,
semblent commandées
par les préoccupations dans l'ordre de l'exploitation économique du
pays. Le jus soli est pour les personnes physiques ce que représente
le siège social et ses dérivés pour les
personnes morales. Or nous
le verrons, le critère du siège social n'a qu'un rôle imparfait pour
donner la nationalité.
Le jus
soli
sans être
complété
du jus
sanguinis
coutumier,
risque
de donner
dans
l'artificiel,
les
naissances fictives et les titres peu sérieux. Nul ne serait surpris
d'y trouver des gabonais qui oeuvrent exclusivement dans l'intérêt
d'un autre Etat que le Gabon. Ce fut le cas avec l'option du gabonais
d'adoption.
C'est
encore
l'exemple
fourni
par
toutes
les
naturalisations et les autres nationalités décernées par décret. A
supposer que l'on en vienne à revoir la loi sur la nationalité dans
son fondement et ses objectifs, de nombreux aménagements seront
nécessaires. Il conviendra de dire quelle est l'autorité compétente
pour attester
de la
nationalité
des personnes.
Comme cette
question sera souvent posée, il y a lieu de mettre en place, des
structures permanentes alertes et promptes. Tout cela suscite par
conséquent l'allégement des formalités
préalables à la délivrance
de la carte d'identité nationale.
Il
sera par exemple,
confié
à
l'autorité
administrative
le soin de délivrer
les certificats
de
nationalité qui relèvent encore du Président du Tribunal de Grande
Instance 88. Néanmoins, il y a un risque dans la production de ce
seul document attestant de la naissance au Gabon et l'expérience l'a
montré à l'importance des faux.
88Art. 32-2e loi du 20.03.1962.

90
Un tribunal 89 avait condamné Eoo ALLOGHO à un an d'emprisonnement
et , 00.000 francs d'amende pour faux, usage de faux et défaut de
carte de séjour, dans les circonstance de fait et de droit que lion
peut ainsi résumer : Eoo est né au Gabon d'un père qu'il ne connaît
pas. Il y a fait toutes ses études et s'est rendu à l'étranger pour se
spécialiser en journalisme avec une bourse d'études du Gabon.
A son retour il sert au ministère de l'information et très vite i 1
devient attaché de presse à la Présidence
de la République. EOO
~
décide alors de chercher son géniteur qu'il trouve en la personne)
d'un gendarme qui affirme être le père qui a apporté les aliments.
'
Enfin
EOO
est
victime
d'une
dénonciation
qui
aboutit
à
sa
comparution devant le juge pénal. Certes, les faits ainsi qualifiés
relèvent de la juridiction
répressive. Mais des interrogations
ont
été posées quant à la compétence de la juridiction
répressive
à
connaître des questions d'état des personnes. Le pouvoir de dire s i
un individu a ou n'a pas la nationalité gabonaise relève du juge non
pas correctionnel mais civil 90 et doit constituer une question pré-
judicielle
91
pour
le juge
pénal.
La solution
nécessairement
différente doit donc passer par l'examen attentif des dispositions
de la loi de' 962. Or ce texte répute 92 l'intéressé de la nationalité
gabonaise.
Un autre cas est l'affaire ASSOUMOU Thomas. ASSOUMOU est né le 20
Juin '944 à Meyo-Elle district
d'Ambam, région
du Ntem 93 (au
Cameroun). Il est recueilli
dès l'âge de 5 ans par ses oncles,
à
Bitam (au Gabon), où il fait ses études primaires et poursuit 1es
secondaires dans un lycée de Libreville. Puisqu'il croit devoir fixer
sa nationalité, en '968 il demande une naturalisation et sans en
vérifier la nécessité, l'Administration
commence la procédure qui
finit par s'évaporer. Un jour, tout recommence et l'intéressé doit
prouver l'origine
de ses parents.
Malheureusement
ASSOUMOU n'a
aucun acte. Sa nouvelle démarche passe au parquet de la République
et comme les autres, elle n'a pas de suite. Bientôt ASSOUMOU va
manquer de pièces d'identité. Il se rend au bureau de gendarmerie du
89TR. Corr. Libreville 7.02.1978.
90Le contentieux de la nationalité art. 34 et suiv. de la loi n° 89/62 du 2
Février 1962 portant code de la nationalité gabonaise ; BATlFFOL, TR. DIP 6è
Ed. 1974 n° 156.
91L'art. 32-2° loi 1962 sur l'autorité compétente pour délivrer le certificat de
nationalité; par interprétation des textes français l'art. 126 ancien et 124 1-2
nouveau écartent toute juridiction repressive statutant sans jury criminel.
92Art. 9-1 ° ; 14-4è ou 14-8° de la loi de 1962.
93Le Ntem est la rivière qui sépare cette région du Cameroun et la zone
immédiate du Gabon.

91
lieu de son travail à Libreville et obtient une attestation à l'aide de
laquelle fut établie sa carte d'identité nationale gabonaise. Cette
pièce
a été
contestée
non
pas
dans
la
régularité
de
son
établissement, mais curieusement pour avoir été dressée en raison
de déclaration mensongère.
Pour le poursuivi il n'y a pas de déclarations fausses, car il se dit
gabonais. Pour le procureur,
ASSOUMOU est camerounais
puisqu'il
l'aurait
reconnu à l'enquête de police.
Tout paraissait
tourner
autour de la nationalité lorsque le tribunale- s'est par un jugement
avant-dire-droit, déclaré compétent pour connaître de cette affaire
où, précise la décision, il n'est pas question de nationalité mais de
déclarations mensongères, sorte de délit autonome. Cette position
a-t-elle été encouragée par la chambre judiciaire saisie en appel?
Dans l'affaire 95 EZEMA NGUEMA Ignacio, une condamnation à 5 mois
d'emprisonnement a été prononcée pour exhibition des documents
d'identité gabonaise. En effet, au cours d'une dispute de rue, EZEMA
s'était
déclaré
gabonais
et
avait
présenté
des "papiers".
Un
gendarme témoin de la scène a contesté cette affirmation et a fa it
porter l'affaire au tribunal. Même si EZEMA déclare faussement être
né à Obone (Gabon), il est vrai qu'il y est resté depuis 1960 donc
avant la loi sur la nationalité qui, elle-même réputé de nationalité
gabonaise quiconque s'y est trouvé à la date du 17 Août 1960. Qu'il
soit
né à Missielo
(Guinée) ou à Obone (Gabon), il
s'agit d'un
prolongement de terre entrant dans le cadre de l'art. 14-Sè. Enfin
rien ne distingue EZEMA des individus avec lesquels il vit (Art. 1 4-
8°). Ce cas illustre
combien l'administration de la preuve positive
ou négative de la nationalité
n'est pas aisée. Les documents de
nationalité délivrés aux titulaires ne les mettent pas à l'abri d'une
contestation puisque le certificat
de nationalité
fait foi jusqu'à
preuve du contraire (Art. 32-2°). Il a donc suffi d'un témoin des
origines
étrangères
de l'individu
pour
remettre
en cause
sa
nationalité.
Mais
il
faut
chercher
ailleurs,
la
portée
de
l'intervention de ce tiers.
En effet, plus soutenable est le grief tiré de ce que EZEMA n'a pas
été suffisamment intégré. Dans ce cas, la preuve est recherchée
auprès du sentiment
populaire,
du comportement
national.
La
nationalité
est un attribut de la masse de la population
et 1a
population nationale d'un pays doit avoir ses traits d'identité. Or 1a
94TR Corr. Libreville 14.04.1981.
95TR. Corr. Libreville 1.04.1976.

92
nationalité constitutive se prouve par des moyens qui tuent toute
tentative
de donner
aux gens
la
possibilité
de contenir
1e
patrimoine national humain.
La loi de 1962 n'institue pas une nationalité ouverte, elle est loi n
d'être bienveillante.
Est-ce
l'obscurantisme
des hommes ou les
instructions
de zèle
?
La nationalité
telle
quelle,
peut être
complaisante
mais elle est assurément fermée. En définitive
elle
ne sert aucun objectif.
Ni le désir
d'avoir le plus possible
de
nationaux, ni la nécessité de créer l'idée de nation, d'entretenir 1a
cohésion nationale à plus forte raison
l'apparition
du sentiment
national
c'est-à-dire
le
patriotisme.
Aucune
de
toutes
ces
fonctions attendues d'une nationalité n'est perceptible. Nous nous
demandons à tort peut-être, ce qui dans un tel pays va entraîner 1e
réflexe automatique exigé par la patrie en danger.
Qu'est-ce qui peut amener les gens à se serrer les coudes d'une
manière spontanée pour réagir
contre
une agression
culturelle,
économique ou militaire ? Nous pensons qu'il n'y a que des gabonais
issus
d'une nationalité
forte
c'est-à-dire,
la
symbiose
des
différentes nationalités locales dont l'osmose est préparée contre
un seul ennemi, celui de dehors. C'est la nationalité déclarative qui
permet ce résultat car elle a un fondement légitime, populaire et
se conçoit aisément en droit.
Section
Il
-
L'affirmation
par
les
attributs
de
1a
nationalité
L'Etat est un univers où chacun existe pour faire vivre les siens, et
l'ensemble des individus
entretient la personne de l'Etat.
C'est
l'Etat, forme abstraite mais uniforme des individus, qui aspire au
bonheur. Pour cela,
il
vise
avant tout à la satisfaction
de 1a
population nationale. Bien après il s'intéressera
au sort de ses
membres étrangers. C'est peut-être une attitude d'individualisme
collectif,
mais
un comportement
réaliste
puisque
le
Gabon
appartient au groupe des pays pauvres, quoiqu'en disent certains
humoristes. D'ailleurs dans bien des cas, les estimations du Gabon
sont chaque fois
dépassées par
l'échéance
d'un bonheur qu'il
s'entête à poursuivre à coup de billets de banque, alors qu'il semble
tous
les ans au même niveau.
Les finances
individuelles
et
l'affairisme
étatique
sont
la
priorité
et
ceci
entretient
1e
sentiment qu'il ya un lien obligatoire entre la santé et la finance.

93
Mais à quoi sert la création
d'un club
de néo-bourgeois
sans
dignité?
La pauvreté matérielle
n'est pas le misérabilisme.
La
pauvreté recèle de richesses spécialement quand s'y trouvent les
vertus qui traduisent la personnalité humaine. La fortune douteuse
de quelques individus ne doit pas devenir le miroir d'une population
vivant dans le brouillard,
prenant ses amis pour des ennemis,
asseyant son credo sur l'affirmation
de l'étranger même le plus
fourbe et se laissant aller à la facilité la plus odieuse.
Examinant le pays loin de toute optique de complaisance, le juriste
ne saurait
poursuivre
ses propositions
pour l'affirmation
d'une
personnalité gabonaise sans mettre les pieds dans les épineuses
broussailles du comportement des gens. "Un peuple est perdu qui
cesse de croire à ses dieux, à sa mission, à ses valeurs 96."
Or depuis l'alpha de notre essai nous n'avons pas cessé de dire que
seul l'homme se trouve au centre des présentes préoccupations. Le
comportement national qui est prôné ne peut exister que s'il est
observé par l'ensemble de la population nationale. Un homme n'est
rien s'il
n'est avec ses semblables.
"Sa liberté
et sa dignité
n'existent pas, si chacun d'eux n'est également libre
et digne" 97.
Imaginons donc les moyens pour assurer
la sauvegarde du legs
culturel
local et réfléchissons
sur la protection
du patrimoine
socio-économique du Gabon.
Paragraphe 1 - La sauvegarde du legs culturel
Le comportement du gabonais face à sa culture il y a quelques
années a donné lieu aux plus sérieuses
inquiétudes. L'esprit du
superflus qui y a été développé en a fait des types bizarres dont nul
ne saurait trouver les semblables
dans le continent.
En effet,
contrairement
aux camerounais, . congolais
et
autres
africains
nègres, les gabonais n'ont même plus de costume traditionnel,
1e s
femmes noires ont un moment, répudié les tresses pour adopter 1e s
perruques rousses ; les parents
sont demeurés impassibles
en
voyant leurs
enfants
tourner
le dos au folklore,
aux danses
ancestrales
au
prétexte
d'une
systématique
de
l'évolution
consistant à singer
l'étranger,
leur
mystificateur,
de tous 1e s
temps.
%MATZENEFF, op. cit, par Robert ANDERS "L'Afrique africaine" Ed. les sept
couleurs 1963, p.19.
97Paul MAUROY cit. in Courrier, bimestriel de la CEE-ACP n° 48, p. 73.

94
Fort heureusement, des efforts ont été déployés pour ramener 1e s
gens à plus de réalisme, leur identité nationale devenant de plus en
plus difficile à appréhender. Comment se retrouver dans un pays où
les nationaux
n'ont pas de dénominateur
commun ? Considéré
présentement, le gabonais ne connaît pas le gabonais si ce n'est à
travers la leçon que l'étranger lui fait et qui se fonde sur des
marques écrites. Déjà des grosses erreurs s'y glissent puisqu'en
dépit
du certificat
de nationalité
d'aucuns
s'imaginent
"plus
gabonais" que d'autres et se croient autorisés à bouder des co-
nationaux.
Dans ces conditions et en sus des propositions de réforme du droit
de la nationalité au Gabon, l'on sera amené à offrir des éléments
pouvant contribuer
à la sauvegarde
du legs
culturel
et à en
promouvoir l'identification.
Que font deux congolais, sénégalais ou autres frères-africains qui
se rencontrent à l'étranger ? Après le coup d'oeil scrutateur de 1a
morphologie
et la
dénonciation
des identités,
l'un
et
l'autre
s'adressent en leur vernaculaire.
Les gabonais, eux s'expriment
systématiquement
en
une
langue
étrangère,
le
français
de
préférence. C'est un état d'acculturation inqualifiable. Il est même
horripilant de savoir que très peu parmi eux, sont intellectuels et
que les autres sont instruits
dans les écoles "du marché". C'est
malheureusement vrai, mais cette deuxième portion constitue 1e
plus gros de la population gabonaise. C'est elle qui emploie
une
langue de Molière complètement exsangue. Elle en a fait un parler
qui
a donné naissance
à un patois
favorisé
depuis
l'époque
coloniale,
encouragé
par
les
administrations
successives
et
risquant de prendre la dimension d'une sorte de créole des Antilles.
Au fond,
il
existe
au Gabon,
un véritable
malaise
dans
1a
communication
des
esprits
appartenant
à
différents
groupes
ethniques. Les travaux consacrés à cette question se sont achevés
soit dans l'impasse, soit dans la production de données tout à fa it
indicatives.
Chacun
a
formulé
ses
observations
selon
ses
préoccupations mais le point buttoir reste que tout tourne autour
d'une idée fixe : obtenir une langue unique. Est-ce possible dans ce
pays qui compte près de quarante expressions ? Est-ce pratique
dans une société plurale de type oral ? Et si c'est possible,
quel
sort donne-t-on aux autres vernaculaires.
La discussion
engagée
sur cette question laisse entrevoir deux tendances. La première est
la position extrémiste ou négativiste,
la seconde est la position
intellectualiste, riche en imagination.

95
Mais
une
troisième
solution
va
émerger
des
propositions
nécessitées par le fait que les deux premières prises de position
ont laissé
le débat ouvert. Toutefois
l'ensemble
de toutes ces
données a eu incontestablement le mérite de poser le douloureux
problème d'un pays qui s'entête à faire sienne une langue étrangère.
1°) - La position
extrémiste
ou l'impossibilité
d'adopter
une langue gabonaise.
Cette thèse est soutenue
notamment par l'armée française.
En
effet,
ce
corps
expéditionnaire
n'a
pas
seulement
un
rôle
d'institution en quête de "porte-fort" répressif.
Il se livre
à un
travail
de
recherche
et
de sensibilisation
de son
pays
de
commandement dont l'opinion est loin d'être astreinte au silence.
Sa position privilégiée dans les institutions républicaines locales
doit inciter le lecteur à ne pas se méprendre. Ici, le Gabon a un
court passé historique et il est sans fondement géographique et
humain. C'est une véritable création de la colonisation. Le problème
ethnique est d'une telle réalité qu'il explique l'adoption des langues
européennes comme langue officielle. D'ailleurs il conclut que cette
option est utile
pour éviter
la révolution
qui
va se produire
nécessairement dans le cas où l'on tenterait d'imposer la langue de
l'ethnie dominante 98.
2°)
Les
positions
intellectua 1istes
ou
la
langue
imaginaire
Il semble que de nombreux travaux sont en cours mais seule 1a
publication faite par monsieur Michel BOISSAT dans l'Union, quotidien
gabonais d'information 99 est en notre possession. C'est un travail
remarquable par sa dimension élevée. Il yest tour à tour, fait place
au rêve puis au réalisme. L'auteur part de la volonté dégagée d'un
congrès du parti unique gabonais de janvier 1973, pour penser à 1a
création d'une langue nationale au Gabon.
A ce propos, il a fait une série de réflexions
qui selon lui, ont
abouti
à
des
conclusions
positives.
M.
BOISSAT
admet
que
l'établissement
d'une
langue
à
la
dimension
des
territoires
d'Afrique Noire ne se pose pas partout de la même manière.
98Publications
du
CMlDOM,
centre
militaire
d'information
et
de
documentation sur l'Outre-Mer. Le Gabon n° 806 A 4è Trim. 1969 p. 25 n° 12l.
99N° 772 des 22-23 juillet 1978, N° 815 des 16-17 septembre 1978.

96
Il cite alors la fortune des Etats sous empire
Swahili
ou Olof.
Ensuite, il propose trois options :
soit
l'instauration
de
manière
antisociale
d'une
langue
majoritaire ;
- soit
l'adoption
de la langue locale
de moindre
importance
numérique;
- soit la recherche du fond collectif des langues ancestrales et 1a
réalisation d'une symbiose.
Dans tous les cas, c'est vers l'élite qu'il se tourne. Il estime, ce qui
est exact, que le choix dans ce domaine est particulièrement
difficile.
Celui-ci
doit
intervenir
dans la plus
totale
liberté
intellectuelle
avec un sens aigu d'objectivité dans l'appréciation,
ainsi qu'une grande abstraction de soi-même en faveur du groupe
communautaire. Au fond, M. BOISSAT est septique quant à la réunion
de telles aptitudes pour se libérer des influences psychologiques
souvent congénitales. Aussi va-t-il
jusqu'à écrire
que la langue
attendue à partir des deux premières options ne se fera point. C'est
pourquoi, il propose la solution synthétique de la gassilangue dont
il décrit la conception et la vie.
3°) - Les chances d'une langue nationale
Elles dépendent largement de la façon de poser le problème. La
thèse extrémiste
exclut
l'imposition
d'une langue vernaculaire
comme
seule
expression
de
communication.
La
position
intellectualiste
considère
que les
vernaculaires
doivent
être
refondues pour créer une langue nouvelle. Nous pensons par contre,
procéder par le développement des langues locales pour aboutir à
l'apparition
naturelle
d'une ou plusieurs
d'entre
elles
comme
langues nationales.
Il
nous semble
à propos qu'une certaine
confusion est faite entre la langue officielle
100
et les langues
nationales.
La langue officielle
ne fait que peu de doute. Quant à la langue
nationale, elle est avant tout un vernaculaire
du pays. Elle doit
avoir pris une certaine dimension en permettant la transmission de
la pensée entre des individus
de plusieurs
ethnies.
C'est alors
lOOQ\\li peut déjà être multiple, c'est le cas du Cameroun.

97
qu'elle
devient
véhiculaire.
Cette
langue peut être
unique ou
multiple en tout cas, elle fait défaut dans ce pays.
Le Gabon compte, une quarantaine de langues correspondant à des
dragées de population. La proportion retrouvée entre le nombre
d'habitants déjà dérisoire et les langues recensées accentue leu r
infinité.
Il existe des langues qui ne sont parlées que par quelques cent à
deux cents
personnes.
Certaines
de
ces
langues
sont
fort
harmonieuses, intelligibles et spéciales au Gabon.
Il Y a également des langues dont les usagers sont nombreux,
éparpillés
dans le
pays. Ces
langues
transportées
n'ont
pas
forcément
les
attraits
des
premières.
Elles
ont
même
1e
désagrément d'être souvent des langues qui viennent des pays
voisins et qui sont loin d'être véhiculaires.
C'est pourquoi nous
pensons combattre la thèse extrémiste
et atténuer l'apport des
inte lIectua listes.
En effet,
la première
est
une position
autocratique
où sont
confondues
langue
nationale
et
langue
officielle.
Elle
est
superficielle. Elle semble plus un encouragement à la facilité
que
le produit d'un examen scientifique.
Elle ne subit,
il
est vra j,
aucune infirmation publique et le système politique s'y trouve en
sécurité. Néanmoins les auteurs de la thèse extrémiste ne sont pas
les mieux placés
pour connaître
les
râlements
profonds
des
populations du Gabon. Il ne faut pas à n'importe quel prix, se doter
d'une langue nationale unique. De même, le raisonnement milita ire
ne nous convainc nullement. De son côté, M. BOISSAT l'a peut-être
citée, mais il exclut la solution consistant à imposer une langue
majoritaire.
En face de la seconde solution,
notre position
est
partagée. nous n'adoptons pas la proposition de la gassilangue parce
qu'elle prévoit une fin sursitaire des parlers locaux et un sort non
moins dramatique des cultures. Le Gabon est une société plurale, i 1
faut qu'il sauvegarde son patrimoine culturel.
Pour cela, il doit
favoriser le développement des langues vernaculaires. Une fois que
celles-ci
auront atteint le type véhiculaire,
elles approcheront 1a
forme nationale. La recherche du fond sémantique qui préoccupe 1a
gassilangue est un trait
de méthodologie. Elle ne peut survenir
qu'après la description du cadre d'ensemble des travaux. Elle ne
donne pas la forme
et les
principes
directeurs.
En l'état,
1a
gassilangue est
un effort
de recherche
et de codification
qui
s'arrête au stade ethnologique, tout au plus, pédagogique.

98
Elle reste un sous-produit de l'Etat sans portée juridique. Elle est
d'un intérêt politique mitigé et dépourvu d'incidence extérieure.
a) La nécessité
de favoriser
le développement des langues
vernaculaires.
Le recensement des différents parlers des populations est assorti
d'une sorte de cartographie. Cette fixation dans l'espace permet de
réaliser
ce
qui
semble
normal,
la
régionalisation
des
développements culturels. Bien entendu certaines provinces du pays
sont
plus
avancées
que
d'autres
dans
la
solution-
de
1a
communication
des masses.
Elles
tiennent
cet atout du degré
d'évolution de l'association des nationalités locales.
Quel que soit l'état symbiotique,
l'effort de développement doit
porter sur le parler et la transcription des langues. Aussi M. BOl55AT
a-t-il
su annoncer la retenue de six langues messagères. Tout 1e
problème est de réaliser
cette sélection.
Pour éviter de tomber
dans l'arbitraire,
l'état actuel des langues nous viendra en aide.
Sera considérée comme représentative,
une langue déjà fruit
de
l'agrégation culturelle et linguistique d'une ethnie. Puisque l'ethnie
est la nationalité
locale,
cette langue peut, par le jeu
de 1a
diffusion, évoluer vers la forme véhiculaire.
b) L'apparition
des langues nationales.
Ce stade est atteint sous plusieurs formes : d'abord en ce qu'une
langue ethnique est une langue nationale
; ensuite parce que 1a
langue
ethnique
diffusée,
passe
de
la
régionalisation
à
l'interégionalisation.
En
pratique
la
situation
n'est
pas
plus
épineuse. La régionalisation linguistique est l'encouragement fait à
une langue de se développer dans son berceau. Un avantage apparaît
déjà c'est que les centres d'émulation ne sont pas aussi multiples
que les patois.
Ils
correspondent
au chef-lieu
des présentes
divisions administratives. Reste à attendre que le mariage se fasse
naturellement
sans
pression
extérieure.
Ensuite,
il
faudra
simplement espérer l'arrivée d'un nombre de langues relativement
peu important.
L'intérégionalisation
linguistique
sera l'accentuation
de l'effort
collectif vers l'affirmation
d'une nationalité. Elle
a deux phases
la première
est la manifestation
permanente
des cultures

99
individuelles
,
la
deuxième
est
l'option
c'est-à-dire,
l'aboutissement des volontés de consacrer une langue gabonaise.
Nous ne l'appellerons pas la gassilangue parce qu'il n'y a aucune
langue locale connue comme telle. Par contre la technique de 1a
gassilangue nous servira.
Dès le stade de langues véhiculaires,
celles-ci
failliront
en beaucoup de termes. Il
suffit
de penser
qu'elles ont été conçues pendant longtemps pour la vie familiale et
les exigences du troc. Elles manquent fatalement de constituant
technique et de dimension scientifique.
Il faut donc utiliser
les
substrats proposés par les linguistes,
sociologues, anthropologues
et autres pour pallier à ces carences.
Restera le couronnement des efforts avec la décision politique en
rappelant que l'option pour une des langues nationales doit se fa i re
d'après un certain nombre de préoccupations. Il faut vérifier que 1a
langue
à
promouvoir
est
à
mesure
de
traduire
presque
intégralement une langue officielle. Il faut s'assurer que la langue
nationale est gabonaise et non multinationale. S'il faut enfin sacrer
une langue comme langue nationale, il est hors de propos qu'elle
soit une langue camerounaise,
guinéenne ou congolaise,
sinon i 1
s'agira
une fois
de plus, de jouer le violon
de l'Afrique.
Cette
dernière
hypothèse
qui
consacre
l'absence
de
personnalité
spécifique gabonaise, peut aller jusqu'à supprimer la frontière du
moins du côté gabonais et pourquoi ne pas proposer l'absorption de
l'Etat ? Le fait d'écarter le choix d'une langue commune avec ses
voisins
n'a rien d'inamical. Une langue nationale est un élément
intrinsèque du patrimoine vivant de chaque peuple. Le Gabon n'a
peut-être pas un long passé historique,
mais il
a des langues
originaires et originales. Elles relèvent de la fierté
nationale au
même titre que la défense nationale. Un devoir envers ceux qui ont
légué
ces
langues,
est
de
les
sauvegarder.
Les
langues
vernaculaires développées, garantissent la pérennité des cultures.
Toutefois, il faut faire une réserve. Elle porte sur une langue qui
est utilisée partout dans ce pays. Il s'agit du Mitsogho. Comme l'a
écrit
M.
BOISSAT,
c'est
la
langue
privilégiée
pour
re m pl i r
l'intercommunication au Gabon. Mais, si le Mitshogo est fort utilisé,
il n'a aucun usage commercial. Cette langue est essentiellement
sacramentelle.
Elle
demeure
l'expression
nationale
de
communication avec les mânes. Comme telle, elle a son charme et
sa vertu envoûtante. Pour ces raisons, nous ne nous associons pas
au blasphème qui consisterait à la traîner dans 1e s marchés.

100
Paragraphe
Il
La
protection
du
patrimoine
socio-
économique
Si nous étions économiste, nous parlerions de protectionnisme, de
barrières douanières et fiscales, de contingentement. Nous serions
politique que nous brandirions le boycottage, la nationalisation,
1a
spoliation. Mais nous ne sommes que juriste. Nous voulons demeurer
à peu près penseur et légaliste. Nous soutenons donc que c'est un
véritable droit de l'individu à émigrer 101, à vivre et travailler dans
un pays autre
que le sien. Par contre il
n'y a aucun principe
universellement admis, qui recommande à un Etat, de sacrifier ses
nationaux en mettant son patrimoine
économique au service
du
bien-être des étrangers.
Le domaine socio-économique
qui nous intéresse
est
celui
de
l'emploi et de sa rémunération.
Il
a des règles
qui dictent 1a
politique à suivre compte tenu des droits reconnus à chacun. Or 1a
partie descriptive de cette étude a permis de dresser des tableaux
d'où la
condition
de l'étranger
ressort
rarement
égale
mais
généralement supérieure à celle du national. Du strict point de vue
du traitement
des étrangers,
le Gabon se trouve
à l'abri
des
critiques de la société internationale. Mais considérée par rapport
à l'équité qui gouverne toute position
objective,
la condition de
l'étranger au Gabon est étonnante. A la limite,
il faut même se
demander s'il
n'est pas souhaitable
de revenir
sur un système
d'équilibre,
à défaut de l'idéal
qui nécessite
une légère
baisse
contre l'étranger? Ceci a l'avantage d'éviter la réaction brutale qui
risque de découler de la prise de conscience par les nationaux, de
leur infériorité. D'ailleurs un déséquilibre en faveur de l'autochtone
est
même souhaitable
pour atténuer,
sinon
écarter
les
éla ns
xénophobes.
Le plus gros obstacle à surmonter, nous semble constitué par 1e
principe de traitement des étrangers institué par l'article 25 c.civ.
En effet ce texte insiste
sur l'égalité
entre qui et qui ? Un
analphabète avec un scientifique,
un affamé
et un opulent ?
L'illustration
est choisie
pour expliciter
1e résultat fâcheux qui
consiste
à
mettre
ensemble
pot-de-fer
et
pot-de-terre.
Le
complexe du gabonais devant l'étranger et qui passe pour devenir
congénital, a entraîné l'erreur dans l'option juridique
de· Il article
25. Or cette confusion fondamentale des intérêts
amène à réagir
101Marcei SIRERT Tr. Droit Inter. Public DALLOZ 1951 p. 528 n° 319 ...

101
contre le principe d'égalité pour proposer sa substitution par ce 1ui
de réciprocité.
1 - Le besoin
de substituer
le principe
de réciprocité
à
celui d'égalité
Il apparaît de la confrontation des traitements et se résume pour 1e
principe de l'égalité, globalement en une égalité économique. Or, 1a
réalité apporte le contraire que la réciprocité viendra atténuer.
A) - Que reproche-t-on
à l'article
2S du code
ci vil
gabonais ?
En optant pour le principe d'égalité, le législateur gabonais a voulu
répondre à de nombreuses
considérations.
Il
s'est
notamment
souvenu que l'égalité a été à la base de tant de revendications ayant
favorisé ·Ia reconquête
de la personnalité
humaine. Il
a voulu
émarger
aux différents
documents faisant
état
des principes
universels
de droits de l'homme et des libertés.
Mais,
presque
jamais il ne s'est soucié de savoir ce que faisaient réellement les
autres Etats. Il est même probable que la conviction de l'égalité
dans le traitement des gens a été telle que personne n'a pensé que
l'institution d'un principe pouvait rencontrer des difficultés
dans
son application.
1°) - La conception du principe
d'égalité de traitement.
Il suppose que l'étranger ne peut prétendre à un traitement
ni
meilleur, ni pire que celui du national. Sa condition doit se modeler
exactement sur celle du national. Donc l'étranger ne peut pas avoir
d'une part une condition pire que celle du national, d'autre part, une
situation
privilégiée
par rapport
au national.
La condition
de
l'étranger oscille entre un minimum et un maximum dont la fixation
relève de la compétence de chaque législation
interne.
Ainsi,
l'égalité
avec les
nationaux
est
le
maximum
du traitement
juridique qui peut être accordé à un étranger.
Autrement dit l'étranger qui vit sur le territoire
de l'Etat est
soumis à l'autorité de ce dernier. Il est tenu à une certaine attitude
de discrétion et de loyauté envers le pays d'accueil. Il est soumis
aux mêmes obligations
que les nationaux.
Il
doit obéissance à
toutes les lois de sûreté et de police,
aux lois
pénales mêmes
strictement territoriales.

102
Il doit les différents impôts prévus par sa condition. Il bénéficie
des services publics. Il a un droit à la propriété sauf restrictions
expresses.
D'une manière générale, la condition de l'étranger doit refléter un
certain contour décrit par la communauté internationale. L' 1nstitut
de droit international 102 a adopté entre autre, le droit égal à la vie,
à la liberté et à la propriété ; un droit de protection entière sans
discrimination ; un droit au libre exercice des emplois, à la libre
croyance, sauf si la pratique est incompatible avec l'ordre public et
les bonnes moeurs.
2°) - La critique
du principe
d'égalité
Le principe
d'égalité apparaît comme le droit commun de tout
traitement de l'étranger, excluant les considérations haineuses. 11
contient le minimum juridique et humain des attitudes à adopter en
face des étrangers.
Nous ne saurions
le dire
mieux,
le Gabon
respecte ce droit international commun 103.
Mais ce principe n'est satisfaisant qu'en fonction de l'état avancé
ou arriéré
du pays qui l'applique.
Il est facile
à contrôler
car
généralement
l'opinion
se
plaint
des
violations
des
droits
élémentaires de l'homme et dénonce quelles sont les procédures
cruelles,
peu
conformes
à
la
dignité
humaine.
Mais
cette
appréciation est faite à partir d'un niveau de vie de l'étranger,
généralement supérieur et supposé s'imposer à l'acceptation
du
national. Par ailleurs, la pratique a montré que tous les droits du
national ne sont pas toujours accordés aux étrangers. Il en est qui
sont considérés comme intimes à la personne même du national.
Abordé sous l'aspect de l'évolution du contact humain, le principe
de l'égalité permet d'aboutir à l'assimilation
104. Malheureusement
c'est l'effet inverse qui est constaté et qui se traduit
par un
particularisme
du traitement
de l'étranger.
Le Gabon
oeuvre
absolument dans le sens de la protection juridique des étrangers,
en dépit de quelques bavures tenant à son inexpérience. Son droit
interne peut être présenté comme étant assez bien axé par rapport
au droit international commun. Or ceci ne concerne que l'étranger.
C'est l'étranger qui a la garantie des procédures.
102rapport de M. MANDELSTAM, session de New-York en 1929.
103Louis CAVARE Traité de droit inter positif T.I. 2° éd. 1961 p. 265.
104Une mystique de l'égalité : le code du travail des T.O.M in Rev. jur. et
politique de l'Union française 1953 par P.F. GONIDEC.

103
C'est l'étranger qui dispose en plus de ce moyen de désapprobation
constitué par la réaction de son pays d'origine
si ce n'est 1a
communauté internationale. Nous n'irons pas jusqu'à douter de 1a
souveraineté du Gabon, mais le national gabonais mérite bien que
son traitement n'apparaisse plus comme l'exercice fatal d'un droit
régalien.
Comme l'étranger, le national gabonais doit avoir un droit au libre
exercice
de son emploi,
il
doit avoir
la liberté
de choisir
sa
religion,
ses croyances
;il
doit avoir
la liberté
d'acquérir la
propriété. Cette insistance a pour but de contester la position poli-
tique qui estime que les nationaux n'ont pas de droits mais des
facultés laissées
à la discrétion
de l'autorité
politique.
Si des
conditions restrictives ou privatives de la liberté d'accès à telle ou
telle
activité
se conçoivent
de l'étranger,
il
est
anormal
de
soumettre le national
aux mêmes exigences. A penser qu'aucun
emploi ne peut être exercé au Gabon sans l'agrément de l'autorité
gouvernementale, même pour les nationaux, il y a là un manquement
aux droits et libertés fondamentaux de l'homme gabonais.
En plus la décision administrative qui, selon le cas, est un décret
ou un arrêté, exige un temps d'inactivité assez long. Elle est prise à
la suite de formalités diverses dont certaines comme l'enquête de
moralité, sont devenues tracassières en raison de leur caractère
policier. Il est possible que l'agrément soit exigé aux étrangers qui
du reste, l'obtiennent avec une facilité surprenante. Mais comment
expliquer qu'un national soit soumis à de telles
épreuves avant
d'exercer
la
profession
de
son
choix,
une
profession
qui
généralement a été acquise avec l'accord de l'administration. Il y a
là,
une
assimilation
du
national
à
l'étranger
alors
que
manifestement le but à atteindre est d'amener l'étranger vers 1e
national.
La doctrine
qui
soutient
le
principe
d'égalité
reconnaît
que
l'étranger a droit à l'emploi, mais il ne peut exercer un emploi lié à
l'intimité du national. Il y a donc une très mauvaise interprétation
de l'égalité de traitement quand elle s'achève par une atteinte à
l'honneur ou à la personnalité
du gabonais. En pratique, ceci se
traduit par le rappel selon lequel l'étranger, dans tous les pays
souverains,
est exclu de ce que nous avons nommé le domaine
d'Etat. Vient ensuite le problème posé par l'égalité de traitement
quant au service rendu. La distorsion entre, le salaire du national et

104
celui de l'étranger, telle qu'elle a été présentée est un scanda le
pour ne pas parler d'une démission politique. Aussi, estimons-nous
que, dans son contexte juridique
actuel, le principe
d'égalité de
traitement
de l'étranger
est
inapproprié
et prématuré.
Il
est
suffisamment mal adapté pour autoriser en échange la proposition
du traitement de réciprocité.
B) - L'introduction
de la clause
de réciprocité
dans
l'article
25
La mauvaise interprétation du principe d'égalité grammaticalement
extrait de l'article 25-1 ° se trouve à tout jamais embrouillée par
les dispositions
de l'article
26. En effet,
il y est question de
réciprocité.
Mais,
que
peut-on
retenir
d'une
réciprocité,
spécialement lorsqu'elle est à 1a fois affective et préalable à une
liste
officielle
d'Etats ? Est-ce
une réciprocité
diplomatique,
législative,
ou tout
simplement
sentimentale
?
"Lorsque
1a
jouissance d'un droit est subordonnée à la réciprocité, la liste des
Etats dans lesquels
cette réciprocité
existe
effectivement
est
dressée par arrêté publié au journal officiel. .." dispose l'article 26.
Ce texte est une révélation car il nous autorise à poser la question
de savoir s'il n'y a pas vis-à-vis
de l'étranger, deux conditions. En
attendant, tout porte à penser qu'à côté de la précision de l'article
25, l'allusion faite à la réciprocité par l'article 26 est susceptible
de passer
pour
un principe
de traitement.
Peut-être
fa ut- i 1
entrevoir le voeu implicite
d'une complémentarité : l'égalité et 1a
réciprocité
sont deux règles
d'équité qui peuvent permettre
de
rédiger
un article
25 nécessairement
symbiotique
des actuels
articles 25 et 26 ?
1°) - L'évocation
de la notion de réciprocité
L'article 11 du code civil
français,
qui a servi
de fond au texte
gabonais prévoit que l'étranger jouira en France des mêmes droits
civils que ceux qui sont accordés aux français par les traités de 1a
nation à laquelle cet étranger appartiendra. Ce texte a suscité de
nombreux avis pour l'interprétation non seulement de l'expression
"droits civils"
mais
aussi
du genre et du type de formule
de
réciprocité.
A propos des "droits civils",
reviennent traditionnellement
t ro is
courants doctrinaux.
Le premier,
dit système de DEMOLOMBE lOS
lOSCours de code NAPOLEON, I, n° 240.

lOS
soutenu
par
MARCADE
106
est
un
système
restrictif,
car
d'interprétation littérale. Il n'y a pas de distinction entre les droits
civils et les droits privés. Aucun droit civil ne peut être accordé à
l'étranger si un texte ne le prévoit pas. Comme l'article 8 du même
code dit "tout français jouira des droits civils",
la conclusion est
que les droits civils sont faits pour les français et que l'étranger
ne peut en jouir qu'expressément.
Le second courant est attaché aux noms de AUBRY et RAU. Il s'appuie
sur la distinction
droits
civils
et droits
naturels.
Il
consiste,
comme dans l'ancien droit, à dire que les "facultés de droit civil"
sont refusées aux étrangers, tandis que les "facultés du droit des
gens" leur sont ouvertes. Dès lors ces droits ne peuvent nullement
être interdits
à quiconque puisqu'ils "appartiennent bien plus au
droit des gens qu'au droit civil" 107.
Le troisième système est celui de DEMANGEAT 108 soutenu par VALETTE
109. Ici
l'égalité de l'étranger et du national en matière de droits
privés
s'impose comme un principe
des sociétés
modernes. La
plupart des auteurs ont adhéré à ce troisième courant qui reconnaît
à l'étranger la jouissance de tous les droits privés sauf ceux qui
sont expressément enlevés par la loi.
La jurisprudence
a suivi
l'évolution,
sans toutefois
basculer de
systèmes
à
systèmes
en raison
peut-être
de leur
apparition
tardive.
Elle a d'abord décidé que le refus
est la règle,
et 1a
reconnaissance doit provenir d'un texte spécial 110. Mais quelques
années plus tard,
la cour de cassation
va adopter une nouvelle
motivation qui distinguera entre droits civils et droits des gens 111.
Enfin, les cours et tribunaux ont fini
par dire que les étrangers
jouissent
en France des droits qui ne leur sont pas spécialement
1068. du droit civil français 2T éd. 1 p. 117.
107Extrait de PORTALIS cité par MAURY in Repert. DALLOZ droit civil p. 623 n 0
29; MARTHE SIMON-DEPITRE jur. CI. Dr. Int. pr 1960 condition des étrangers
en France, fasc. 523 p. 31 n" 80; BATIFFOL, Traité Dr. Int. Pro 6è éd. 1974 1'.1.
notes p. 211.
108Condition des étrangers, 1844 n" 56 et s.
109ExpIication sommaire du code civil, 1859 p. 408 et s.
llOCass. 1.08. 1823 s. 1823-1-353
111Cass. civ.
7.06.1826 s. 1826-1-1330 "l'adoption n'appartient ni
au droit
naturel ni au droit des gens".

106
refusés 112. En ce sens, l'adverbe "spécialement" vise un texte écrit,
une disposition expresse 11 3.
2°) - Le rappel des formules
de réciprocité
L'état du droit français qui a inspiré la règle gabonaise a permis
dans ce survol de débattre de la substance soumise à jouissance. A
présent, il semble nécessaire de discuter du genre de réciprocité.
L'article
11
du code
civil
français
consacre
la
réciprocité
diplomatique. Doit-on déjà conclure que l'existence d'un texte rend
mal venu tout essai de· le compléter
par un système
issu de
l'exégèse ? L'article
1 1 est
peut-être,
le droit
commun de 1a
condition de l'étranger en France mais il a cohabité avec l'a rtic le
13 114. Or l'article
13 a consacré des droits civils
au profit de
l'étranger admis à domicile par décret; parfois il a même permis
d'exhiber la réciprocité législative,
pourtant écartée 115 du projet
initial
de l'article
11. En réalité
il a abouti à exiger d'abord un
traité, ensuite une loi, cette dernière étant déjà soumise au traité.
Le problème de l'identité
de ces textes a fait
apparaître
une
incertitude. La formule de l'article
1 1 ne dit pas quand c'est 1a
réciprocité. Si l'on veut être un peu plus pratique, il n'y a qu'à se
retourner
vers
le
tableau
de NIBOYET 116.
La réciprocité
est
exclusivement
une question
d'opportunité
et
les
principales
formules ont été classées selon les buts recherchés
par chaque
Etat. \\1 y a les méthodes concrètes comme la réciprocité
trait à
trait, par voie d'énumération ou par l'assimilation
aux nationaux ou
encore la clause de la nation la plus favorisée.
Il y a aussi les
méthodes synthétiques. Tout ceci n'a pas empêché que l'existence
des droits
dans les deux textes,
soit
interprétée
comme "une
réciprocité droit pour droit" 117. Ceci est bien loin de se contenter
d'une égalité théorique même générale. D'ailleurs
les exigences
portent plus vers une égalité pratique et de fait.
En tout cas, cette évocation superficielle
de la réciprocité
nous
permet de percevoir les difficultés
qui peuvent accompagner 1e
choix et la mise en oeuvre d'un principe de traitement de l'étranger.
112Cass. civ. 27.07.1948,535; rev. crit. 1949,75.
113Cass. civ. 22.12.19590196093; JCP 1960. II 11580; rev. crit. 1960.361.
114Abrogé par la loi du 10.08.] 927.
llsMARTHE SIMON-DEPITRE jur cl. 1960 rase. 123 p. 35.
116Cours à l'académie de la Haye: Notion de Réciprocité dans les traités inter.
diplomatiques de Dr. Int. Pr Rec. des cours p. 274 et suiv.
117SAVATIER, cours p. 141 n° 128.

107
Passe encore d'un Etat normalement constitué, mais qu'en sera-t-il
d'un pays de droit coutumier d'Afrique, à qui l'on donne une teinte
de république occidenta le ?
"
Les
espérances
concrètes
d'une
réciprocité
normative.
Une règle territoriale
n'est valable que si elle est conçue pour 1a
société juridique à laquelle elle doit s'appliquer. Si la réciprocité
est opportuniste, elle s'entend avant tout, de l'oeil
pour l'oeil.
Autrement dit, la conception primaire de la réciprocité autoris-e un
pays laïc à motiver un refus par une considération religieuse.
Un
autre pays traditionnellement ouvert à l'étranger, va se refermer
devant
l'arrivée
d'étrangers
parce
que
ceux-ci
sont
les
ressortissants
d'un pays réputé autarcique. Enfin, selon le cas,
l'Etat peut même
prôner la distinction par la race ou la couleur,
pour répondre au sujet d'un pays ségrégationniste.
Intéressons-nous
plutôt
à
une
réciprocité
correctrice
des
faiblesses nées de la mauvaise intelligence du principe de l'égalité,
tout en précisant que cette réciprocité est d'abord imbue d'égalité.
D'ailleurs,
l'égalité
est
bien
le
principe
universel
de
l'interconsidération humaine. Il reste le point fondamental de tout
rapport interpersonnel. L'égalité s'impose aux Etats et fait obstacle
à l'apparition
même éclectique
de principe
de traitement
de
moralité moins élevée.
Pourtant
c'est partout que s'entend dire
"nous traiterons
les
étrangers comme ils nous traiteraient eux-mêmes" 118. Ici tout se
passe comme si l'établissement de l'étranger au Gabon ne soulève
aucune curiosité,
même pas dans l'ordre général, alors qu'il pose
une question
véritablement
particulariste
puisqu'il
s'agit
d'un
contre
sens spécifique
à ce pays. Pour l'expliquer,
il
faut
se
rappeler que la seule condition juridique qui soit saisissable
est
celle de l'étranger et pour dire vrai, l'incertitude est la condition
du national.
En effet, l'étranger arrive
au Gabon librement,
il y jouit
d'une
condition à tout le moins favorable. L'étranger est admis dans tous
118Exposé de PORTALIS cit. LOCRE T.I. p. 330.

108
les secteurs d'activités. C'est donc à partir de l'étranger que 1a
condition
du national
peut être pensée. Avec l'insertion
de 1a
réciprocité dans l'article 25, des situations malheureuses peuvent
changer tant au niveau des mouvements migratoires qu'à celui du
séjour.
A) - L'émigration
est un droit
naturel
de l'étranger
et
du nationa 1
1°) - L'admission
de l'étranger
Lorsque l'étranger se présente à la frontière d'un pays, il est encore
possible d'éluder les problèmes de sa condition. Il suffit
de 1u i
interdire
l'entrée puisqu'à ce niveau le traitement
est presque
discrétionnaire. Mais cette situation de prudence peut prendre des·
excès et aboutir à l'autarcie notamment dans le cas où les autres
Etats décident à leur tour, de fermer leurs frontières. Bien entendu,
tout Etat est
libre
d'autoriser
ou d'interdire
l'entrée
de son
territoire 119.
Dans ces conditions, le droit d'un individu à l'émigration 120 et qui
n'est pas remis en cause ici,
demeure cependant distinct
de 1a
possibilité d'entrer dans un pays. Tout en admettant le principe de
la libre circulation, la doctrine retient que le pays considéré peut
prendre des mesures spéciales
121,
pourvu qu'elles ne soient pas
dictées par un simple souci d'autopréservation 122. Il faut justifier
d'un danger pour la sécurité intérieure, ou bien donner un caractère
temporaire
à l'interdiction
nécessitée
pour
cause de guerre,
épidémie, troubles 123.
Est également distincte
du droit
d'un individu
à émigrer,
1a
possibilité
d'un étranger
de s'établir
dans un pays. Quand 1a
tendance est au refus, l'Etat qui reçoit se contente de permettre un
119A ce propos trois théories ont été développées: celle de la souveraineté
absolue d'où rien n'est possible en absence d'un traité (VATTEL, T. 11 CH. VIll.
& 100 ; RIVIER T.1.307); celle de l'interdépendance des Etats liés entre eux par
des rapports de commerce international
ce qui suppose le libre passage
(RIVIER précité; LA PRADELLE, Rev. Gén. Dr Int. Pro VIII, 330); enfin celle
qui dit que l'entrée d'un pays ne peut être prohibée d'une manière générale
et permanente que pour motifs graves.
120Marcel SIBERT pre. p. 528 n° 319.
121in condition des étrangers, Titre II, réf. NIBüYET 1930 T. 8 par Suzanne
BASDEVANT.
122Suzanne BASDEVANT ci te Isay.
123in Annuaire T. XI 1892 - 1894,220... art. 6-7-8.

109
simple transit d'où pourtant, il va naître
une sorte d'imbrication
entre le droit d'émigrer et la faculté
de recevoir. Elle se traduit
d'une
manière
schématique
par
l'exercice
d'une
vertu
discrétionnaire tant que l'étranger est à la frontière et la prise de
mesures motivées dès que l'étranger se trouve dans le territoire.
En refusant l'accès du territoire national, le pays considéré esquive
peut-être la discussion des conditions juridiques. Mais une fois que
l'étranger a été admis dans un Etat, rien ne peut plus être décidé
contre
lui,
sans observer les contours
du traitement
primaire
d'égalité désormais renforcé par la réciprocité.
L'étranger qui rentre
ou sort du Gabon doit se soumettre
aux
formalités de police et de santé. En fait ces conditions ne sont pas
les plus difficiles
puisqu'elles
sont connues à l'avance. Tout 1e
problème est la satisfaction des contraintes non écrites et souvent
fantaisistes. Faut-il comme certains pays, exiger de l'immigrant 1a
preuve qu'il dispose de moyens financiers suffisants pour un séjour.
Au fond, cette question ne concerne que l'étranger qui arrive sur
son initiative personnelle pour faire des études, chercher un emploi
ou exercer une profession individuelle. Dans ce cas, la réponse est
fonction des possibilités d'embauche du pays hôte. Lorsque le pays
qui reçoit fait appel à la main-d'oeuvre étrangère, il y a de quoi
penser que l'étranger y trouvera les moyens matériels souhaités.
Mais si le pays hôte connaît le chômage, la récession économique ou
bien, est acculé au protectionnisme, c'est normal de se soucier des
subsides de l'étranger.
Pour certains Etats, aux volontés déjà individualistes,
la crainte
est
de voir
ces immigrants
vivre
d'expédients,
à fortiori
de
brigandage. Pour d'autres dont le socialisme est réduit aux seules
intentions,
il
faut lutter
contre la mendicité,
l'oisiveté
et 1e
parasitisme.
Dans les deux cas pourtant, rien n'atteste que ces
recettes sont absolues. " est des gens qui arrivent sans condition
d'aisance financière, mais qui l'acquièrent par la suite. Il en est
d'autres
qui arrivent
nantis
avant de finir
dépossédés. Cette
relativité
de la
condition
financière
exigée
à l'immigration,
démontre bien qu'il s'agit d'une formalité dépourvue d'équité.
Certes il est tentant de faire
une sélection des immigrants,
en
laissant passer, seuls ceux qui sont d'une certaine utilité
pour 1e
pays. D'une part cette condition fuyante est d'une appréciation

----~---
110
difficile
; d'autre part elle
aboutit à ne reconnaître
le droit à
l'immigration
qu'à une sorte d'élite comme si chaque pays doit
séquestrer ses "tout-petits". Ainsi,
le paysan modeste ne peut en
principe plus aspirer à jouir d'un voyage à l'étranger ; l'ouvrier
étranger ne peut donc plus visiter
le Gabon et profiter
de son
séjour pour occuper l'emploi qu'il y aura trouvé.
En définitive, l'utilité du "frottement des cerveaux" enseigné j ad is
par Rabelais se trouve contestée. Sinon, il faut faire en sorte que
l'exigence d'une capacité financière à l'entrée d'un pays, ne soit pas
une entrave à la libre circulation des personnes d'un Etat à un autre.
2°) - L'émigration
du national
C'est en effet l'émigration du national qui paraît moins entourée de
sollicitude. A suivre leurs différents
mouvements, il est évident
qu'un étranger est plus à l'aise qu'un national à entrer ou sortir du
Gabon. Peu importe sa destination, le national gabonais est astreint
à une cohorte de tracasseries
qui mettent en doute son droit à
l'émigration, si ce n'est au voyage tout court. Il y a notamment
l'autorisation
de sortie
signée
par l'autorité
de police.
Cette
décision administrative arrive après l'attribution ou la restitution
d'un passeport 124. Elle est dominée par la fameuse enquête de
moralité,
germée de l'esprit
d'un policier
étranger dont le zèle
continue à séduire. Il n'empêche que depuis l'indépendance rien ne
permet de dire si cette inquisition constante dans la vie privée des
nationaux a créé le critère du voyageur idéal.
Par contre il en existe qui peuvent voyager librement tandis que les
autres, retenus à l'improviste, de condition sociale totalement ou
non nécessairement moins aisée, doivent subir les manoeuvres de
la suspicion. Un voyage urgent ou inopiné est quasiment impossible
si le national n'obtient pas l'intervention d'un personnage extérieur.
Quant à la voie normale, elle est embouchée par tous les problèmes
vraisemblablement
insolubles
d'une administration
qui se veut
musclée avant d'être serviable.
C'est plusieurs mois à l'avance qu'il faut dénoncer à la police son
intention de voyager. Devinez la situation critique dans laquelle va
12411 Y a encore peu de temps le national immigrant était systématiquement
dépouillé de son passeport par la police des frontières,
astreignant
ainsi
l'intéressé à recommencer continuellement d'interminables formalités.

111
se trouver le national pressé par un événement quelconque, par 1a
venue dans son pays pour une mission privée, un voyage d'affaires,
de très courte durée.
De telles pratiques préventives sont émouvantes tant il n'est pas
encore donné d'assister à l'émigration massive de gabonais ni de
constater leur établissement quantitatif à l'étranger.
Quand bien même ceci serait, qui leur en voudrait compte tenu des
courants d'immigration
enregistrés
en direction
du Gabon ? Le
gabonais -de n'importe
quel
rang social
a un droit
au lois i r
touristique surtout s'il peut se l'offrir. Il a le droit de découvrir les
pays étrangers. Si dans l'ensemble, c'est une bonne chose de rendre
aisées l'entrée et la sortie de l'étranger, corrélativement,
il n'y a
pas de raison de rendre presque impossible l'émigration du national.
La seule mesure concevable est le contrôle qui doit être instauré au
niveau de l'immigration
étrangère.
Dans un article
125,
Madame
Marthe SIMON- DEPITRE écrit "... On est tenté de formuler des voeux :
le premier, qu'un contrôle sévère soit exercé lors de l'entrée des
étrangers en France..." Mais à partir de quels critères préventifs les
policiers vont-ils asseoir cette discrimination
? Nous savons par
contre
qu'à
l'état
de séjour,
la
démonstration
est
devenue
quotidienne
par le nombre d'escroqueries
pénales,
fiscales,
et
commerciales, par l'importance de la criminalité,
même si ce sont
des gabonais qui ont été publiquement suppllctésr" pour servir
l'exemplarité.
Ce qui est également constant, c'est que le contrôle pour raison de
tri ne peut être envisagé qu'au niveau de l'immigration, avant même
que la situation de l'étranger n'ait créé de droits. En effet, une fois
que l'étranger est admis dans le pays, toutes les mesures même
traditionnellement rattachées à l'entrée ou à la sortie de l'étranger
sont des décisions liées directement aux libertés individuelles.
11
en
est
ainsi
de
l'expulsion
ou
des
autres
dispositions
réglementaires qui s'appliquent à la personne de l'étranger et sont
considérées comme constituant sa condition légale.
1ZSau jur. cl. dr. inter. pro fase. 523 p. 39.
lZ6Exécutions capitales de Libreville le 17.07.1979 par fusillade de MOUEMBA,
MEDANG et consorts ...

112
B)
L'établissement
des
étrangers,
volonté
de
partager la vie locale
et excellente
émulation
du na tio n a1.
L'Etat Gabonais
membre
de la
communauté
internationale,
a
proclamé solennellement son attachement à tous les principes 1i é s
au respect de la personnalité humaine.
Aucun de ses textes
ne fait
expressément
mention
de refus
d'immigration
d'individus
étrangers.
Aucun
de
ses
actes
administratifs ne stipule que l'étranger doit être privé des droits
fondamentaux de l'individu.
Il ne s'agit pas d'évoquer dans cet unique sous-paragraphe toutes
les situations que le droit classique présente comme relatives à 1a
personnalité. Les droits de la famille
et assimilés seront étudiés
dans les prochains développements. Pour l'instant, ce qui intéresse,
c'est l'exposé des constatations relevées dans le rapport entre 1a
présence des étrangers et l'exercice de leur vie professionnelle au
Gabon, afin de les soumettre à la meule attendue de la fonction
normative de la réciprocité.
, 0) _ L' établisseme nt
des étrange rs
doit appa raltre
com me
une volonté de partager la vie sociale
locale.
C'est de prime abord, l'exclusion
de toute tendance à faire
de
l'immigration étrangère, un mode de domination du national. C'est
également l'injonction faite à un système social passé de mode, de
libérer
ses esprits
d'un complexe
atavique
qui
ne s'explique
absolument
pas.
Tous
les
essais,
fussent-ils
descriptifs
de
l'exercice par l'étranger d'une activité professionnelle salariée
ou
indépendante, ont consacré non seulement la reconnaissance
du
principe du droit à l'emploi mais surtout, ils ont établi la certitude
que l'étranger a accès partout où il occupe l'emploi de son choix,
aux conditions qui sont les siennes. Une telle réalité est appréciée
différemment selon que l'on se place du côté du national ou que l'on
est du bord de l'étranger.
Par rapport à l'étranger, il y a peu de doute, la satisfaction est à
son comble. Il est même certain que la communauté internationale
ne peut être que favorablement surprise par l'état futuriste de ce
système de traitement
des étrangers. C'est en effet, un stade

113
qu'aucun Etat
au monde
n'a
encore
atteint
et
ne s'apprête
vraisemblablement pas à atteindre. Il y a un emploi qui est national
dans sa conception et son exécution.
Il Y a aussi des emplois qui peuvent subir le phénomène étranger. Le
critère n'est peut-être pas précis mais il est assez intuitif
pour
qu'en cas de confusion,
l'étranger tire
profit des contradictions
locales.
Ainsi,
il
ne va pas s'embarrasser
de scrupules
pour
participer aux commandes de l'Etat Gabonais tant qu'il y est attiré
avec insistance. Par contre l'étranger dans son pays, n'est pas du
tout disposé d'ouvrir au gabonais d'autres portes de service
que
celles qui ne choquent pas son opinion publique.
Du côté de l'autochtone, le sentiment est lui-même mitigé. Il va rie
selon qu'il est en face de " gabonais objets "d'une politique ou de
"gabonais sujets"
d'un Etat,
tous deux constitués
de nationaux
intellectuels ou non. Les premiers sont convaincus que le progrès
social
est
un sort
exclusif
du système
politique.
Pourquoi
s'interroger, pourquoi remettre en cause des données qui semblent
relever d'un ordre providentiel? Les seconds, raisonnent à partir du
droit des gens et de la réalité internationale. Ils considèrent que
cette ouverture vers les sollicitations
de l'étranger est plutôt un
empirisme. "
n'y a pas un pays au monde qui offre au gabonais
l'équivalent de ce que le Gabon accorde aux étrangers.
Que l'étranger patronne l'entreprise qu'il a constituée est un droit
légitime
même s'il
n'y a pas coïncidence
avec la
nationalité
gabonaise des sociétés.
Mais que le national
soit
concurrencé,
ensuite dominé par l'étranger dans tous les secteurs d'activités,
ceci
est
insupportable.
Cette dernière
catégorie
de nationaux
estime donc qu'il s'agit d'une très grave ignorance des attributs de
la personnalité juridique
nationale et des conséquences de son
émancipation politique. Pour finir,
elle distingue entre l'étranger
qui tire profit d'un emploi
qu'il a créé et celui
qui exerce une
activité salariée.
Dans le premier cas, il est question de l'étranger qUI assure sous
son autorité une profession libérale,
industrielle,
commerciale ou
artisanale. Il est normal qu'il vive du produit de son activité. Bien

114
entendu,
l'Etat
d'accueil
a
la
possibilité
d'élever
certaines
revendications comme celle
qui consiste
à participer
à l'effort
national
de développement
outre
les
redevances
fiscales
et
sociales.
Dans la seconde hypothèse, l'intérêt porte sur le salarié,
c'est-à-
dire celui qui exerce une profession sous la direction d'un autre
auquel il est lié par un lien de subordination.
C'est le cas du
contractuel,
du vacataire
et à plus forte
raison
de l'étranger
spectaculairement intégré à la fonction publique nationale. Il y a 1à
un énorme problème de jouissance des droits. Aussi importe-t-il
d'affirmer très laconiquement mais fermement que le gabonais qui
assume
une responsabilité
identique
doit
recevoir
le
même
traitement que l'étranger. Dans la mesure où les textes locaux ne
sont pas discriminatoires de la condition salariale de l'étranger, il
est normal que l'étranger à son tour, ne soit pas moins rétribué que
le national lorsque le travail fourni est le même. C'est vrai que les
circonstances sociales peuvent entraîner
un déséquilibre
dans les
rémunérations. Mais nous ne connaissons pas un seul exemple au
monde où de toute
liberté,
le
salaire
de l'étranger
contient
plusieurs fois celui de l'indigène, dans le pays de cet indigène et
pour le même emploi. Somme toute, la fonction normative de 1a
réciprocité dans ce cas, consiste à ramener par les voies de droit
tous les salaires,
traitements
et avantages
sociaux
au même
niveau. Ce résultat est à plus d'un titre un impératif.
2°)
L'établissement
des
étrangers
constitue
une
excellente
cause d'émulation
des nationaux
La refonte du système des rémunérations et des avantages sociaux
dans un sens plus égalitaire,
est l'accomplissement d'un pas très
important vers la solution du conflit
psychologique rencontré au
Gabon. Mais les salaires
ne sont pas le seul élément qui entretient
le climat contra legem pour ne pas dire antisocial. C'est le principe
même de la jouissance des droits qui, du fait de l'introduction de 1a
clause de réciprocité,
nécessite un réaménagement notamment du
côté de l'emploi. Est-il besoin de rappeler la liste des activités que
les étrangers assurent au Gabon?
Cette énumération qui peut passer pour être le droit positif découle
en réalité
d'une situation de fait,
jusque là acceptée sans être
pensée, par une série de systèmes sociaux de type féodal. En effet
ce sentiment résulte
d'une interprétation obérée de l'article 25 du

115
code civil.
Il
convient
désormais
de déterminer
les
emplois
susceptibles de ne plus être occupés par l'étranger, ou bien, d'une
manière plus générale
les droits
dont la jouissance
doit être
retirée à l'étranger. Il faut également prévoir que, sans manquer au
principe
de
réciprocité,
certains
droits
ne
peuvent
subir
progressivement que des amenuisements. En tous les cas, il
est
clair
que si les droits
naturels
sont exclus de réciprocité,
1e s
droits civils lui sont liés. Enfin, les droits politiques en l'état sont
refusés.
a) les droits à refuser
désormais
aux
tr a nge rs
é
Le premier problème est de dire comment les déterminer. Faut-il
utiliser
la méthode des exégètes de l'article
2 du code civil
français pour aboutir à des résultats par à contrario ? Qu'attendre
de ce procédé compte tenu des facteurs de temps et de lieu déjà
défavorables? Il prévaut au Gabon un impératif particulier
: tenir
compte de la préexistence de principes élémentaires du droit des
gens
et
des
exigences
légitimes
à
satisfaire
notamment
l'affirmation du "moi" national. A l'examen, ces principes prévoient
dans leur
fourchette,
une marge d'évolution assez grande pour
permettre aux pays neufs de ne pas s'enfermer dans le respect de
situations
héritées
d'un
passé
manifestement
dépourvu
de
souveraineté. Ces principes conseillent, vivement peut-être, de ne
point traiter
arbitrairement
les étrangers
mais de régler
le ur
condition d'une manière rationnelle et équitable 127. Ils préconisent
la reconnaissance par les Etats de la jouissance
d'un minimum
universel de droits et considèrent que le maximum est l'octroi d'un
traitement d'égalité avec les nationaux. Enfin ils stigmatisent 1e
contraire
qui
"constituerait
une
offense
à
l'égard
des
nationaux..."128.
Retenons comme motifs d'exclusion des droits d'une part, le fait
que la jouissance du droit évoqué est en deçà des principes du droit
des gens d'autre part, le fait que la jouissance d'un droit puisse
choquer l'opinion nationale. Ces critères qui font référence au droit
des gens n'incommodent pas. Par contre celui relatif à la réaction
de l'opinion nationale a besoin de précisions,
notamment de quoi
résulterait l'effet critique. Est-ce d'une manifestation de masse?
127PILLET, principe de dr. inter. privé p. 166 n" 210; I~RANTZ DESPAGNEf,
précis de dr. inter. privé Sè éd. 1909 p. 89 n" 22.
lZ8Suzanne BASDEVANT, condition des étrangers rep. NIBOYET 1930 T. 8 Titre 1
Ch Iv p. 12.

116
Bien
sûr,
il
est
hors
de propos de mimer
les
consultations
populaires. " ne s'agit pas de requérir des avis ni d'espérer de 1a
part d'individus isolés une initiative
spectaculaire. L'ordre social
tient les opinions
tellement
galvanisées
qu'un tel
procédé est
contre toute attente. Cependant, ce critère peut être retenu comme
élément d'analyse objective. Il suffit d'être capable d'apprécier une
situation juridique et de vouloir le faire.
Est-il autant difficile de demander si dans le pays de l'étranger, 1e
gabonais peut jouir du même droit ? Est-il
tellement insipide
de
s'interroger pour savoir si le fait d'octroyer tel droit à l'étranger
cadre bien avec l'affirmation
du moi
national,
c'est-à-dire
1a
volonté des gabonais d'assumer eux-mêmes leurs responsabilités ?
A propos des droits
politiques
L'article 25, 2° annonce avec une fermeté immédiatement suivie de
souplesse
: "mais
l'étranger
ne jouit
au Gabon d'aucun droit
politique, sauf dérogation expresse du législateur". Autrement dit
le principe est dans la ligne de la doctrine la plus restrictive selon
laquelle
les droits politiques
doivent toujours être refusés
aux
étrangers 129. Même si le résultat est actuellement sans surprise, i 1
reste que les étrangers doivent perdre le droit de vote qu'ils ont
utilisé coercitivement en 1967, en 1973, le 30 Décembre 1979 pour
le renouvellement du mandat du Président de la République et le 10
Février 1980 pour la désignation des députés, ainsi de suite.
La loi de l'Etat maintient toujours que le pouvoir politique
est
exercé par le Peuple Gabonais souverain.
Aussi inouïe qu'est 1a
pensée de confier
le pouvoir exécutif à un marocain, autant est
inexplicable la délégation de souveraineté accordée à des frè res-
africains à plus forte raison à des tiers
extra-continentaux. Cette
dérogation aboutit à froisser
l'opinion
publique et comme te Il e
devient antisociale. Il n'y a aucun autre pays au monde qui accepte
de voir ses organes politiques et sa politique elle-même décidés
par des groupes de gabonais ou d'étrangers s'y trouvant. A-t-on vu
des gabonais
élire
le
Chef
de l'Etat
Français,
Béninois
ou
Sénégalais?
A la fin
c'est plutôt
qu'il
ne s'agit
plus
de 1a
jouissance positive d'un droit mais de l'exercice d'une tracasserie
sur les étrangers dans la mesure où aller
aux urnes et se fa i re
129FRANTZ DESPAGNET précis de droit inter-privé p. 107 N° 36.

117
contrôler ensuite par des agents de la police
politique
est loin
d'être une expression de volonté libre.
A propos des droits
publics
Les droits publics sont ceux qui mettent l'individu en rapport avec
la société toute entière 130. Comme les droits publics et politiques
sont confondus dans ce pays, leur exclusion s'explique parce que
l'investiture des droits
politiques suppose la qualité de citoyen,
(c'est-à-dire membre d'un Etat) participant dans une mesure plus
ou moins étendue à l'exercice de la souveraineté de cet Etat 131.
Que penser de l'étranger qui sert dans l'armée d'un autre pays? Peu
importe
son mode de recrutement
et son statut
contractuel,
fonctionnaire ou coopérant. Ce qui intéresse
c'est de dire
si 1e
gabonais sert dans l'armée marocaine,
'française
ou autre corps
répressif étranger. Si par extraordinaire la réponse est positive, i 1
faut poursuivre l'investigation en demandant dans quel cadre, avec
quel grade ? Est-ce dans le sacre-saint
saint
des institutions
politiques,
c'est-à-dire
la
Présidence
de la
République
? Le
gabonais dans cette armée étrangère, assure-t-il
des fonctions qui
consistent à couper le peuple du Chef? Le terrorise-t-i1
au point
de se soustraire à la justice car il n'a de loi que celle de celui qu'il
sert au prix de quelle fortune
? A la vérification,
toutes 1e s
réponses sont
négatives.
Dans
l'armée,
la
fonction
politique
consiste à prendre des décisions normalement entourées de secret
et de discrétion. Elle vise l'organisation de l'armée, la conception
de la stratégie, qu'il s'agisse de l'attaque ou de la défense. Elle
relève de l'intimité d'un pays. La fonction administrative consiste à
assurer la formation militaire
et la connaissance des armes. C'est
en fait
ce qu'il
faut
attendre
élogieusement
d'un
assistant
technique c'est-à-dire,
une aide et non une substitution
encore
moins un surclassement.
Il n'y a donc plus d'équilibre dans ce traitement qui ne ressort ni de
l'égalité, ni de la réciprocité même si l'on se dépêche de rétorquer
qu'il s'agit de concours technique. Pire, cette assistance
qui a
commencé dès les indépendances, a eu pour but originaire
d'aider
les
nouvelles
républiques
à mettre
sur pied leurs
propres
130I:RANTZ DE.'lPAGNET p. 109 n" 37.
131PILLET, Principes de droit inter-privé p. 199-201.

118
structures,
leurs propres moyens de défense. La continuation de
cette façon de faire la rend douteuse et autorise le retrait de son
caractère dérogatoire. Aujourd'hui les étrangers exercent dans 1es
forces armées gabonaises des fonctions permanentes, souvent de
père en fils donnant l'impression d'un mercenariat.
Du côté de l'enseignement il s'affirme que plus les années passent,
plus
le
département
de
l'éducation
nationale
présente
un
regorgement
d'effectifs
étrangers.
Des
étrangers
assurent
1a
conception, la recherche, l'orientation et aussi l'exécution,
donc
des .services publics entiers.
Il s'ensuit qu'à la base même des
moyens d'éducation, ont été inventées de très nombreuses "écoles
mixtes" dotées d'un personnel uniquement recruté en France. Ce
personnel bien entendu dispense un enseignement qui, le moins à
attendre,
est
parfaitement
étranger
à
la
ligne
des
autres
établissements
et ne peut que retarder
l'alignement
de l'école
gabonaise
avec
l'école
africaine
à
vocation
linguistique
et
scientifique.
La fonction politique
vise l'esprit
même de l'école
gabonaise notamment l'ambition d'un pays à atteindre un heureux
développement social et culturel tout en sauvegardant l'essentiel
de sa
personnalité.
L'étranger
peut
concourir
à la
formation
intellectuelle. Il peut enseigner et son rôle ne doit se borner, qu'à
prêter main forte à la préparation des cadres nationaux ce qui, est
une fonction
technique qui ne saurait
être étendue à un rôle
administratif et surtout pas politique.
En résumé,
l'exclusion
des étrangers
des fonctions
publiques
s'impose avec urgence. Il n'est pas possible, plus de vingt ans après
le transfert des responsabilités
internationales, de regarder avec
indifférence des étrangers siégeant dans les centres de décision,
jouant des rôles déterminants dans la politique
nationale
et se
substituant aux nationaux. C'est une implication
de souveraineté
qui, au bout d'un moment, exige une autocritique qu'il ne faut pas
craindre
de conduire, jusqu'à la démission
de tout système de
traitement
dépourvu
d'honneur
et
de
personnalité
pour
les
nationaux.
b) - Les droits
susceptibles
de subir
des amenuisements
les droits
privés.
En raison de considérations spécialement dominées par un intuitu
personae, les droits publics et politiques
ne peuvent souffrir 1e u r

119
jouissance par les étrangers. Les droits pnves par contre entourent
leur bénéfice de priorités
plus humaines qui amènent à dire que
certes, la réciprocité normative exige une interprétation favorable
aux nationaux, mais elle ne doit être pratiquée qu'en cas de besoin.
Il est vrai que les étrangers dominent les activités
du secteur
privé. Or une fois dépolitisés,
les droits exercés dans le secteur
privé, restent des droits privés fondés sur un respectueux souci de
justice, évoluant vers l'application d'une équité sociale. Nul ne peut
donc systématiquement
refuser
à l'étranger
la jouissance
des
droits
privés
fût-ce
pour
cause
de
réciprocité.
Ces
droits
contiennent le droit de vivre. Ils ne peuvent être remis en cause que
s'ils mettent en danger leur jouissance par les nationaux. Le droit à
l'emploi est un acquis sûr tant que l'emploi sollicité
par l'étranger
n'est pas convoité par le national. Il ne faut pas se cacher derrière
les substrats d'une organisation sociale autarcique pour feindre 1e
véritable· problème qui consiste
à promouvoir
la condition
du
national.
Les moyens actuellement mis en oeuvre pour y parvenir sont dans
"ordre, la décision politique d'abord, l'appel à la responsabilité des
gens ensuite. Si le déséquilibre
constaté n'a pas seulement une
origine politique au sens colonial, le développement du phénomène
de l'étranger
est
quant à lui
récent
avec beaucoup d'origine
politique.
L'Etat crée dans le domaine privé
et accepte de se
comporter comme une personne de droit privé.
C'est également
l'autorité politique qui est appelée à redynamiser les vocations
nationales dans le même secteur, en organisant des centres de
formation professionnelle,
en accordant des stages et même en
intervenant dans l'embauche du personnel. Dans un certain
sens
l'immixtion
des pouvoirs publics
dans le contrat du travail
des
particuliers peut être un atout pour l'orientation et la correction
de la politique de l'emploi. Malheureusement la pratique dure depuis
la naissance de la République mais les résultats
sont nuls. Les
nationaux sont à la fois loin d'assurer la supériorité quantitative et
loin d'être à la hauteur des responsabilités du secteur privé.
Il y a une rupture volontaire entre l'effort de relève et la création
des emplois nouveaux. Le génie créateur des emplois surtout l'Etat,
se manifeste d'abord, par la mise en place d'une usine acquise de
l'étranger ensuite,
par l'appel au secours adressé aux étra ngers

120
pour l'exploitation et le contrôle de l'unité de production enfin, par
le placement d'autorité des nationaux à des postes auxquels ils
n'ont jamais été préparés. C'est bien plus tard qu'il s'occupe de 1a
formation du personnel national. Ceci est avant tout un problème de
l'éducation
nationale
où il
est
à craindre
que l'enseignement
national, ne redonne naissance à de grandes écoles de transposition
des systèmes
étrangers.
Que
faut-il
en effet
attendre
d'un
département politique
assuré d'une manière
inquiétante
par un
personnel étranger? Du côté du recrutement des agents titulaires
d'une note de qualification
professionnelle,
l'étranger justifie
des
titres - universitaires
terminaux
généraux et de spécialités
bie n
finies. Le gabonais ne présente que des références culturelles
et
techniques générales, parce que le plus souvent il y est contraint
par une politique d'éducation nationale jusque là à court terme. A
défaut il lui appartient de s'insurger contre son ordre d'origine avec
tous les risques
qui en découlent du point de vue financier
et
administratif.
Il Y a également la grande règle qu'en cas de partage, la préférence
technique
effective
va
à
l'étranger
tandis
que
le
choix
complémentaire politique porte sur le national. Le gabonais va être
inscrit
dans un cycle de promotion administrative
et matérielle
pendant que l'étranger est assuré
d'apporter à la communauté
d'accueil son savoir toujours plus grand puisque son esprit baigne
en permanence dans la science
et la culture.
Peut-être
fa ut - i 1
espérer des échos de l'intervention de M. MBOW directeur général de
l'Unesco lorsqu'il a 132 affirmé qu'il n'est plus possible de concevoir
d'université, qui plus est nationale, sans ambition de recherche.
Quitte à procéder par une sorte de réciprocité interne en disant que
si l'étranger est actuellement le plus à l'aise, il convient de créer
les circonstances objectivement favorables à l'épanouissement du
national.
Sans le savoir, la politique locale de l'emploi aboutit à écarter 1e
national de la conduite des affaires.
Il devient difficile,
voire
même peu objectif de proposer le contrôle de ce domaine vital pa r
les nationaux.
Aussi faut-il
éviter de se lancer dans une course de soit disante
promotion de la condition sociale
quand elle
se traduit
par un
132Le 28 février
1980 à l'auditorium de l'université nationale gabonaise. à
Libreville.

121
effort gratuit.
Il
en est ainsi
lorsque
les bénéficiaires
de 1a
politique
de l'emploi sont tout autres
que les nationaux. C'est
l'exemple
fourni
au Gabon,
avec
la
création
d'une
quantité
incontrôlée
d'emplois tant
dans le secteur
privé
que dans 1e
domaine
d'Etat,
en
sachant
qu'ils
vont
être
volontairement
attribués aux étrangers. Une fois que les dotations appropriées sont
faites, l'Etat est obligé de créer des postes de complaisance pour
feindre la " gabonisation".
A bien regarder, au Gabon, il est constant que les pouvoirs publics
se préoccupent peu de la compétence des nationaux,
à priori,
habiles à s'occuper de leurs intérêts et seuls condamnés à répondre
de leur responsabilité. En plus, le gabonais ne connaît que le statut
de la libre mutabilité. Ici, l'homme n'a de valeur que parce qu'il est
interchangeable. Ainsi un médecin peut être nommé au sommet de
l'administration des postes et télécommunications, un spécialiste
des armes blindées est envoyé comme représentant diplomatique à
l'étranger... Peu importe le v ide qui se crée, d'aucuns vont même
jusqu'à
penser
que
le
premier
ennemi
dans
le
pays
c'est
l'intellectuel
national,
pire
lorsqu'il
est
spécialisé
dans une
discipline.
Alors le désespoir s'installe dans les esprits pourtant convaincus
que la meilleure façon de réaliser,
d'abord l'équilibre,
ensuite 1a
supériorité dans la situation du national, est de créer auprès des
nationaux
les conditions
de la compétitivité.
La politique
de
l'emploi est malheureusement guidée par la facilité. Elle procède du
népotisme et du favoritisme. Bien sûr à l'accès aux indépendances,
les premières administrations se sont déterminées en fonction de
considérations
techniques
ou
politiques,
pour
réaliser
1a
distribution du travail. Or le critère politique n'est rien d'autre que
le recours au sentimentalisme d'antan, donc le procédé primaire qui
consiste à accorder des faveurs particulières à ses parents et à ses
amis.
Pourtant,
cette
attitude
n'est pas blâmable
irrémédiablement,
surtout que les aptitudes professionnelles sont larges. Ce mode de
recrutement reste essentiellement guidé par un souci de sécurité
et de confiance mutuelle. " devient regrettable lorsque le choix a
passé outre les critères obligatoires et techniques de la spécialité.

122
Si les bénéficiaires sont des parents et amis férus de compétence
correspondante, il sera simplement question de critiques relatives
à une forme d'empirisme, de souveraineté féodale. Dans ce cas, i 1
est plus prudent d'éviter d'écarter les nationaux de la conduite des
affaires de l'Etat. Il est même injurieux de les en éloigner alors
qu'ils sont valables,
tout simplement parce qu'ils
peuvent être
remplacés
par des étrangers.
Si
par contre
les
bénéficiaires
manquent de compétence parce que la carence est générale, il est
certain que le choix devient difficile.
Dans l'ensemble,
la volonté
au demeurant humaine
d'aider son
parent et par extension tout national au départ incompétent, doit se
traduire pour celui qui secourt par le souci d'un placement utile.
Pour celui qui est favorisé, il s'agit du devoir de mériter le poste
qu'il
occupe en faisant
tout
pour
s'élever
à
sa
hauteur
et
reconquérir ainsi sa dignité. Mais cette pratique doit cesser dans 1a
mesure où le favoritisme
aboutit à l'apathie,
l'oisiveté
et 1a
passivité. C'est le cas de l'Etat qui se comporte de telle sorte que
le national attende tout de lui. Dans ce sens vraiment négatif, 1e
népotisme se confirme comme un fléau de société. En effet, loin de
provoquer l'émulation du national, il le nourrit de l'espoir qu'il peut
atterrir
à
tout
moment
non
seulement
dans
un
poste
de
l'administration
publique,
mais
également
dans une entreprise
privée.
Le favoritisme
devient
grandement
préjudiciable
lorsque
1e
placement, quand bien même effectué par un décret, fait fi de 1a
compétence et de la moralité du bénéficiaire. La multiplication des
postes ronflants ne facilite que le maintien des donneurs d'aval. Le
directeur général d'une cellule
quelconque, dont la fonction est
d'apposer sa signature sur les documents qui lui sont présentés, et
d'encaisser périodiquement une rémunération très élevée, n'est pas
différent des chefs coutumiers qui ont traité avec la France il y a
un siècle
et demi. Encore fa ut-il
relever cette nuance que 1e s
anciens sont excusables pour cause d'ignorance,
tandis
que 1e s
nouveaux sont impardonnables en raison de leur avidité arriviste et
leur indignité malicieuse.
La nouvelle répartition des droits et obligations des étrangers ne
fait
que
confirmer
des
principes
admis
par
la
société
internationale mais dont l' inte rprétation et la portée ont pu ne pas

123
être appréhendées partout de la même façon. Après la première
moitié de ce siècle, les Etats, certes égaux, n'ont pas tous disposé
des mêmes moyens de penser et de faire. Les uns ont eu une âme
déjà nationale ce qui leur a permis d'oeuvrer dans un sens plus
digne pour leurs peuples. D'autres par contre ont eu moins de goût
pour leur personnalité. Ils ont confondu la marche normale des pays
vers
la
constitution
d'une
société
universelle,
avec
l'universalisation
d'un
pays,
ce
qui
est
une
démarche
d'a utodestruction.
C'est bien à partir des conditions juridiques connues qu'il a fa Il u
construire, parfaire ou même modifier les situations déplorées. La
distinction qui aboutit à l'adoption d'une position prohibitive quant
à la présence des étrangers dans le domaine d'Etat, a permis 1a
retenue d'une attitude non complètement permissive mais favorable
à la jouissance
par les
étrangers
de droits
privés.
En effet
l'étranger connaît de nombreux droits et libertés individuels dont i 1
jouit dans son pays mais qui sont épiés au Gabon. Ainsi, qui ne suit
avec passion
les
débats
politiques
et campagnes
électorales
intéressant des Etats comme la France, les Etats-Unis,
Israël,
l'Inde, depuis un renouveau quelques pays d'Afrique.
Chacun
sait
que les
oeuvres
de l'esprit
sont
des
créations
individuelles
entourées
de
protection.
Mais
l'Etat,
par
des
organismes comme "I.N.P.1. en France ou l 'D.A.M.P.1. à Yaoundé pour
l'Afrique,
ne peut conditionner
son aide à une intrusion
dans
l'invention du national au point d'en devenir la méduse.
La chanson pour ne prendre que cet exemple, reste jusqu'à présent
un très important moyen local de communication des esprits. Or que
peut-on transmettre si la chanson doit être dictée et claironnée
alors qu'elle n'a aucune valeur artistique, morale ou créative ? Et 1a
presse? Qui n'éprouve une certaine dimension à lire les journaux
étrangers ou à écouter la critique étrangère de la vie publique et
privée du Gabon? Dans la mesure où ces quelques manifestations
qui conservent l'épanouissement et la combativité des étrangers ne
sont pas spécialement préjudiciables
pour le devenir du Gabon,
pourquoi ne pas les accepter? Elles pouvaient contribuer à corriger
le déséquilibre
des conditions,
grâce à un travail
basé sur 1a
réciprocité ?

124
Ce n'est pas une réciprocité diplomatique car personne ne cache son
scepticisme dans les conventions signées entre des Etats inégaux.
C'est une réciprocité législative,
pensée et élaborée pour répondre
à des exigences analogues. EIle doit rompre avec l'ancien système
des générosités et envisager le droit comme il est entendu dans 1e s
pays en développement, c'est-à-dire
une institution
extrêmement
polyvalente.
Chapitre 2 : Réflexions
sur la condition
légale de l'étranger
Ainsi
la
réciprocité
retenue
est
à
la
fois
normative
et
fonctionnelle.
Elle est normative en ce sens que son fondement
juridique,
social
et politique
est
LIn stimulant
préalable
pour
asseoir dans la réalité, la conscience nationale. Elle vise à ré a1ise r
la correction des équilibres fondamentalement faussés, notamment
dans la jouissance
des droits
publics
et politiques,
tandis qu'à
l'égard des droits
privés,
la réciprocité
autorise
une latitude
d'appréciation. Elle est fonctionnelle
car s'apparente
plus à 1a
réciprocité
"trait pour trait"
du doyen Savatier.
Elle s'applique
concrètement avec un rigoureux souci d'équivalence tel celui
que
chaque Etat entend obtenir entre le traitement qu'il réserve
aux
étrangers sur son territoire et celui appliqué à ses ressortissants
en pays étranqers!».
Le principe de la réciprocité à souci égalitaire qui a été proposé
aura donc l'occasion de ne pas rester confiné aux seuls
droits
civiques
et patrimoniaux.
Il
va s'étendre à tous endroits où 1e
besoin d'équivalence dans les traitements s'impose. Or cet équilibre
souhaitable de la condition humaine peut être réalisé
en faisant
profiter tous les sujets des mêmes égards plus doux devant la loi
pénale et des mêmes garanties
de protection
de la cause des
obligations devant la loi civile.
Section 1 - L'étranger devant le droit de la répression
L'observation
qui
a précédé
permet
d'annoncer que l'étranger
encourt deux régimes
répressifs
: la répression administrative et
la répression judiciaire.
La répression judiciaire
qui s'intéresse
même aux nationaux, n'est autre que celle qui émane de l'autorité
133Réflexions sur la réciprocité en droit inter. Communication de BEERTHOLD
GOLDMAN lors de la séance du 22.02.1963. Travaux du comité français du Dr.
Inter. p. 63.

125
des cours
et
des tribunaux.
La répression
administrative
au
contraire est spéciale et ne s'applique, sauf pour non sens, qu'aux
étrangers. Elle se conçoit du refoulement et de l'expulsion.
Paragraphe 1 - La répression
administrative
Elle est la conséquence même de la stricte exigence par l'autorité
administrative, de l'observation des conditions d'immigration et de
séjour des étrangers. S'agissant de l'admission, le Gabon a suivi 1es
autres Etats au profit desquels a été reconnue une certaine liberté
d'accepter!ou de refuser quiconque se présente à ses frontières. Ce
problème
a
longtemps
suscité
l'intérêt
des
auteurs,
plus
particulièrement
ceux
du début
du
siècle
et
les
solutions
proposées, ont été, tantôt celle
de la souveraineté
absolue 134,
parfois celle de l'interdépendance des Etats 135 Depuis, l'évolution
de la doctrine a permis de confirmer la liberté des Etats à décider
de l'admission
des étrangers. Toutefois,
cette souveraineté
est
assortie d'une nécessité qui consiste à éviter l'arbitraire.
1 - Le refoulement
de l'étranger
A - La conception du refoulement
a) - la notion théorique
du refoulement
Le refoulement est avec l'expulsion, deux termes juridiques que 1e
langage courant a tellement assimilés qu'il les confond. Du côté du
droit c'est l'émergence d'une importante législation si peu explicite
qu'il n'y a pas une seule définition du refoulement.
Enfin
il
convient
peut-être
d'ajouter
l'attitude
de l'autorité
administrative qui laisse croire que sa décision n'a pas besoin d'un
cadre de pensée avant l'action. L'administration se suffit de dire
que l'étranger déclaré indésirable 136 doit être contraint à quitter
le pays. Autrement dit, le refoulement se conçoit ici à partir de ses
effets et se définit exclusivement comme une sanction.
134vA'n'EL T II. 100, T.I. 307; WESlAKE, T.I. 210.
135PILLET, ren. Gén. DlP p. 735 ; LAPRADELLE rev, Gén. de Dr Int. 330
136BATIFFOL traité T.I. p. 199 n" 166... "le refoulement est devenu un véritable
succedané de l'expulsion".

126
b) - le refouleme nt
en droit positif
g a bo na i s
C'est dans le libellé de l'article
10 de la loi de 1962 137 que se
trouve l'allusion
faite au refoulement : "l'étranger qui est entré
irrégulièrement ou qui n'a pas quitté le territoire
à l'expiration du
séjour qui lui a été accordé peut être refoulé". Déjà, ce texte ne
donne pas une définition conceptuelle du refoulement. En plus, 1a
détermination fonctionnelle qu'il apporte fait du refoulement une
sanction
du séjour
puisque
l'article
10 distingue
deux cas
:
l'étranger rentré irrégulièrement
au Gabon et l'étranger dont 1e
séjour autorisé est achevé. Il s'agit là d'une émanation de l'article
27 du décret français de 1958 qui prévoit le cas de l'étranger ayant
omis de solliciter
dans les délais,
la délivrance
d'une carte de
séjour, ou ayant séjourné en France sans carte, fut-elle retirée ou
périmée. L'article 10 nouveau 138 a repris l'ancienne formulation de
l'entrée irrégulière, ou le fait de ne pas quitter le territoire après
le séjour autorisé, par contre, il s'en détache en visant également
l'étranger à qui la carte de séjour aurait été retirée en cours de
validité.
B) - L'appréciation
du droit du refoulement
Le droit du refoulement se singularise par deux traits : son domaine
d'application
connaît
un important
débordement,
tandis
que 1e
caractère de la décision demeure essentiellement discrétionnaire.
a) - le débordement du domaine du refoulement
Une telle façon de poser la question du refoulement ne peut obtenir
l'adhésion. La sanction
de l'article
10 est
envisagée
dans un
domaine d'application
qui
n'est
pas
le
sien.
Si
le
film
de
l'immigration de l'étranger peut être découpé, le refoulement ne se
place pas au niveau du séjour.
Il intervient à un stade antérieur
correspondant à la situation de l'étranger qui a franchi "la porte
d'entrée" mais qui effectue une halte devant "la porte de séjour".
Dans la dynamique de son déplacement, l'étranger débarque de son
moyen de transport et
accède
normalement
par
des
points
137Loi n 0 34/ 6 2 reglementant l'admission et le séjour des étrangers au Gabon.
1380rd. na 13171 du 3.03.71.

127
officiellement
139
considérés
comme
postes
d'arrivée
des
immigrants. S'agit-il d'une gare routière ou ferroviaire, d'un port ou
d'un aéroport, l'étranger ne se trouve encore qu'à la frontière. Le
droit de l'Etat s'y applique presque discrétionnaire ment. C'est donc
une situation exclusivement administrative.
C'est un fait que par son mouvement directionnel,
l'étranger est
entré dans le territoire puisqu'il a franchi la porte d'arrivée. Dans
ce cas, sa situation estimée en droit reste toujours administrative
parce que l'étranger n'est pas encore admis à séjourner. Il ne fa it
pas partie de la communauté locale qui elle, est soumise aux lois
de forme et de fond relatives
aux droits et libertés
individuels.
Dans l'autre cas, L'étranger à qui l'on a retiré la carte de séjour
conforte la thèse selon laquelle, le refoulement s'étend à un objet
ou plutôt un domaine qui n'est pas le sien. Cet exemple retenu par
l'article
10 nouveau n'est plus un cas de refoulement mais une
circonstance d'expulsion.
b) - Une mesure essentiellement
discrétionnaire.
Le contrôle
de la légalité
de la mesure de refoulement
est
matériellement peu pratique, aucune procédure n'étant prévue. Il en
)
est de même du contrôle l'opportunité de la décision, celle-ci étant
amplement
confiée
à
l'appréciation
des seules
autorités
de
l'immigration.
L'étranger ne peut donc se prévaloir
des droits
juridiques
reconnus
par
les
lois
du séjour.
Aussi
le
droit
international se Iimite-t-il
à recommander aux Etats, de ne pas
user d'arbitraire ni de sembler fermer leurs portes à la circulation,
en principe libre, des personnes.
Il - L'expulsion de l'étranger.
Une fois que l'étranger a franchi la seconde barrière symbolisée par
une sorte de panneau "porte de séjour", de facto, il s'introduit dans
la société des hommes qui vivent dans le pays. Ceci correspond, de
jure,
à son admission
au bénéfice
de la condition
légale
des
étrangers au Gabon. En effet, cette situation des étrangers appelle
deux observations. La première et la plus ancienne est inspirée du
139L'art. 2 du décret n" 00288/Pr du 17.12.1962 règlementant l'admission des
étrangers
énumère
les
localités
par
lesquelles
l'immigrant
doit
nécessairement
passer:
Libreville,
Port-Gentil,
Mayumba,
Mouila,
Franceville, Mékambo et Oyern.

128
droit traditionnel.
Elle estime que le groupe d'accueil décide du
séjour en agréant l'étranger dans son sein. Dans le cas contraire, ce
même groupe peut le chasser de son milieu.
La deuxième mais 1a
plus usitée, est fondée sur l'exercice effectif de la souveraineté.
Elle considère l'admission comme une autorisation de séjour, mais
que cette mesure peut être rapportée. L'étranger subit alors,
non
pas un refus
d'entrer dans le territoire
de l'Etat,
mais
une
cessation du droit de séjour. Or le séjour, tant éphémère soit-il,
a
eu l'instant suffisant
pour imposer à l'étranger le droit de son
espace et bien entendu, de lui permettre de bénéficier du minimum
de sa protection juridique.
L'expulsion ne saurait être confondue
avec le refoulement, mesure essentiellement dépourvue de forme.
L'expulsion
est
une décision
administrative
qui
a connu une
certaine
évolution
entre la mesure de fait
donc difficilement
contrôlable jusqu'à la décision de droit susceptible de garanties
pour les sujets de l'expulsion.
A) - L'expulsion
sans contrôle
a) - la conception
Elle correspond
au premier
état du droit
local
où l'esprit
de
souveraineté
essaie
de s'imposer
faisant
en sorte
que
tout
comportement non conformiste de l'étranger s'interprète comme un
outrage. Toute la question est de savoir contre qui l'injure
grave
est faite, car la réponse permettra au sujet de l'expulsion de ne
plus omettre que telle ou telle attitude, passive ou active, peut
passer pour répréhensible.
Le seul et vaste argument tiré
des textes de l'époque 140 vise
l'étranger dont la présence sur le territoire
constitue une menace
pour l'ordre
public,
la protection
de la santé,
la moralité,
1a
sécurité
publique, ou pour tout autre
motif laissé à l'appréciation
discrétionnaire
du Chef de l'Etat. Souvent cet immense domaine
d'estimation est repris
sous l'expression lapidaire
de "l'étranger
indésirable". Or la souveraineté politique des Etats africains a créé
un contexte juridique double où le terme étranger n'a pas toujours
le
même sens.
En
serait-il
différent
de
l'appréhension
du
qualificatif
indésirable?
140Art. Il de la loi 34/62

129
A se placer par rapport à une forme de pouvoir où la population est
associée,
l'étranger
indésirable
se conçoit
du "frère-africain"
inadapté ainsi que de "l'extra continental" désireux d'attenter à 1a
1
personnalité et la dignité des nationaux. Si par contre l'on se situe
"'1
dans un système d'autorité où la population
n'est ni dissociée
)
(parce qu'elle plébiscite)
ni mêlée (parce qu'elle n'exerce pas de
pouvoir effectif) à la conduite des affaires,
c'est l'Etat qui se
personnalise. La conséquence inévitable de cette friction
est que
l'Etat ne peut réagir que contre les coups qu'il ressent. Comme
l'Etat
au
mieux
de
sa
conception
c'est
l'institution
constitutionnelle
et
sa
politique
économique,
le
caractère
indésirable
ne peut germer que d'un heurt avec les éléments de
l'ensemble de ces deux considérations.
D'une manière générale, l'étiquette indésirable qui est apposée à un
étranger
laissait
l'autorité
politique
d'antan
les
mains
complètement
libres.
L'expulsion
se concevait
essentiellement
comme étant une décision politique frappant un étranger jugé de
mentalité incompatible avec les moeurs nationales.
b) - La Décision.
Avant 1971, la procédure d'expulsion ne peut être décrite que de
lege feranda. L'alinéa premier de l'article
12 de la loi de 1962 cite
l'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion tandis que l'alinéa
second annonce les étrangers
faisant
l'objet
d'une proposition
d'expulsion.
Dans ces conditions la décision d'expulsion n'est pas soudaine. Elle
est même graduée puisque le fait d'être proposé à l'expulsion est
préalable
à l'état
de celui
qui
est
déjà
l'objet
d'un arrêté
d'expulsion.
Ce dernier
cas
est
dans la
hiérarchie,
le
stade
supérieur de la mesure privative du droit de séjour.
Donc cette
procédure qui ne peut se concevoir à l'égard d'un national, place
l'étranger dans un premier temps, en proposition d'expulsion et
dans un second temps, en situation
ou non d'expulsé. Le même
article
12 a joute que l'étra nger proposé à l'expulsion
peut être
astreint à résider en un lieu déterminé d'où il devra se présenter
périodiquement aux services de police ou de gendarmerie. Il serait
bon de savoir ce que peut faire
l'Administration
pendant cette
période ? Quant à l'élu de la décision d'éviction, existe-t-il
un
inconvénient à penser, qu'il peut aussi se démêler pour contrer 1a
mesure qui le menace?

130
Apparemment rien ne s'oppose à imaginer l'Administration en train
d'instruire son dossier et l'étranger proposé, se défendant au cours
de cette instruction.
D'ailleurs,
il est courant qu'à l'occasion de
certaines lacunes législatives
et autres imprécisions
textuelles,
l'autorité réglementaire gabonaise emprunte ne fût que l'esprit du
système français actuel ou celui du droit transitoire.
Or le droit
français
de l'expulsion applicable au Gabon ne permettait
pas à
l'étranger
de
présenter
ses
observations
préalablement
à
l'expulsion. En effet, cette possibilité
prévue dans le décret du 3
Mai 1938 et l'ordonnance du 2 Novembre 1945 n'a pas été étendue
au Gabon.
Reste donc à préciser qu'il ne faut pas confondre le sort de 1a
décision qui peut ne pas avoir été influencée par les moyens de
défense, et la faculté
admise pour l'étranger de tout au moins
s'expliquer. " ne faut pas oublier aussi que pour certains esprits
critiques, l'expulsion en droit africain, c'est la décision prise dans
l'énervement et qui donne à l'étranger tout au plus, le temps de
prendre sa valise avant d'être jeté dans un avion. Cette opinion
assez
répandue
permet
de
réaliser
un nouveau découpage
à
l'intérieur du droit de l'expulsion.
Il y a un procédé pour réaliser
l'expulsion
fondée sur un motif
strictement politique. C'est l'expulsion sans discussion, l'expulsion
massive ou collective, en représailles à l'attitude de tel autre Etat.
Son seul tort, c'est que la population d'accueil ne peut s'y opposer
alors
même qu'elle
ne nourrit
aucune
animosité
contre
1e s
ressortissants du pays étranger visé. Il y a également une façon
pour arriver à l'expulsion motivée par des raisons non politiques.
C'est ce cas dont l'examen attentif
va permettre l'évolution du
droit local, depuis l'expulsion de fait car non contrôlable vers une
expulsion
de droit,
avec l'existence
de textes
consacrant
un
véritable droit de défense de l'étranger.
B) - L'expulsion contrôlable.
A travers cet intitulé,
il ne faut pas voir se dessiner une notion
absolutiste. Si le droit local a sensiblement évolué, l'expulsion n'a
pas fondamentalement changé. Elle reste toujours l'acte par lequel
un Etat somme et au besoin contraint un ou plusieurs étrangers se
trouvant dans son territoire d'en sortir dans un bref délai 141
141Suzanne BASDEVANT in, rep. NIBOYET 1930 p. 35 et suiv.

131
a) - le fondement
L'expulsion apparaît comme une mesure susceptible de mettre fi n
au séjour d'un étranger au Gabon. Ce procédé est le plus c o u r a n t r ' i
pour se débarrasser des étrangers jugés indésirables. Il relève des
)
seules autorités centrales qui disposent à cet effet d'un pouvoir
discrétionnaire d'appréciation. Mais l'expulsion s'interprète comme
une sanction affectant ce qui peut désormais être appelé, non pas
une liberté mais un droit individuel. Le fait pour l'étranger d'avoir
accédé à la société d'accueil lui a conféré un droit individuel de
séjour. La communauté eût été traditionaliste
que l'agrément de
l'étranger au séjour fût populaire. Malheureusement puisque telle
est la situation
actuelle,
l'étranger est jugé par celui-là
seul
devant qui il s'est présenté à la frontière. Il acquiert son droit de
la qualité d'agent de l'Etat de son censeur.
En définitive, c'est l'Etat qui lui reconnaît une condition juridique
identique
à celle
qu'il
accorde
à
tous
les
sujets
de droits
demeurant dans sa juridiction.
Cette remise en cause d'un "droit
acquis" 142 quand bien même momentanément, mérite l'observation
des garanties ordinaires destinées à prévenir l'iniquité. Cette sorte
de sûreté s'entend par le recours à un arbitre dont le plus courant
est le juge.
Mais une lecture supplémentaire du texte de la Joi de 1962 permet
de se rendre compte que le juge semble sollicité d'un seul côté pour
nécessairement
sanctionner
J'autre
143.
L'équilibre
dans
1a
condition des gens eût voulu également une saisine
du juge par
l'étranger sujet
d'une mesure privative
du droit de séjour.
La
possibilité
d'offrir un moyen de recours au sujet d'une expulsion
est un droit reconnu 144 dans certains pays de ces mêmes étrangers.
L'adoption d'un tel système de droit ne peut qu'être favorable
à
l'éclosion
du droit
local
gabonais. L'autorité
administrative
a
suffisamment de moyens généraux de défense pour ne pas craindre
de s'entendre démentir. Tout au contraire
sa décision
sera plus
consistante et son respect observé plus largement.
142L'expulsion s'entend dans son acception technique précise, d'une décision
individuelle de l'autorité compétente ayant pour objet de priver un étranger
du droit de séjour sur le territoire en lui enjoignant de sortir. CE 11.12.1972
Delle RENZ rev. Crit. Dr. Int. Pr. 1972 n° 1 p. 67.
143Ce sont toutes les dispositions repressives de la loi de 1962 comprises sous
l'intitulé "pénalités".
144CE 16.01.1970 MIHOUBI rev. Crit. Dr. Int. 1972 p. 60.

132
La portée de l'a rrêt MIHOLIBI a-t-elle
été éprouvée jusqu'au Gabon ?
Ceci est incertain compte tenu de la trop grande concomitance de
cette décision avec la prise des textes gabonais de 1971 145. Il ne
reste qu'à apprécier ce stade de l'évolution des idées qui a permis
d'institutionnaliser une pratique plus équitable pour l'individu alors
même que le droit du for applicable jusque là ne prévoyait pas 1e
droit de défense de l'étranger.
b) - L'application
Depuis 1971,· l'autorité
compétente pour décider de -la
mesure
d'expulsion est tenue par un ensemble de textes assez précis.
L'article 11 dans sa nouvelle rédaction 146, édicte les conditions de
fond et le principe de forme de l'expulsion. Parmi les conditions de
fond, il faut en noter deux sortes: les unes requièrent l'expulsion
de plein droit, les autres l'envisagent d'une manière facultative.
L'expulsion
paraît s'imposer lorsqu'un étranger est frappé
d'une
peine définitive afflictive ou infamante notamment pour atteinte à
la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat.
Le texte de l'article 11-1 0 nouveau qui édicte cette sanction peut
être considéré comme une disposition d'ordre public. Pourtant, nul
ne semble l'entourer d'une attention impérative. Les autorités se
rétractent,
les
unes derrière
une prétendue
carence
dans 1a
coordination
des
services
judicia ires
et
des
services
de
l'administration centrale, les autres dans une sorte d'inexplicable
pouvoir d'appréciation.
Aussi
n'arrête-t-on
de leur
rappeler
1a
nécessité de faire une application fidèle de l'article
11-1 0 147. Mais
l'expulsion semble facultative chaque fois qu'elle se trouve devant
ses causes traditionnelles puisque l'article 11-2 0 nouveau est une
reprise de l'article 11-1 0 ancien lequel visait l'étranger dangereux
pour l'ordre public.
Relevant les conditions de forme, la première porte sur le principe
posé par l'article 11-30 nouveau qui dit que les arrêtés d'expulsion
sont pris
par le ministre
de l'intérieur,
mais, si la personne
proposée est un résident
privilégié,
l'arrêté émane du Chef de
1450rd. n° 13/71 et o. n° 00101171 pree.
1460rd. n" 13/71 du 3JB.1971.
147Lettre circulaire n" (XH64 du 01.03.1979 du Chef de l'Etat au ministre de
l'intérieur.

133
l'Etat. En soi l'autorité compétente ne soulève pas de contestation
sinon l'habituelle
gêne que l'on
éprouve
à
retrouver
chez le
Président de la République des attributions
qui relèvent de ses
collaborateurs.
Dans le cas de la classification
moniste proposée, l'intervention du
Chef de l'Etat sera concevable encore moins puisqu'il n'y aura plus
d'étrangers privilégiés.
Par contre, le système juridique gabonais a une lacune. Il n'a pas
. clairement laissé à l'autorité judiciaire la possibilité de prononcer
l'expulsion. Dans de nombreux cas en effet, les individus étrangers
comparaissant devant le 148 juge correctionnel
ont demandé le ur
expulsion,
convaincus
de la certitude
qu'un emprisonnement ne
résoudrait pas leur situation quant aux lois de l'immigration ou du
séjour.
Si généralement les premiers juges se déclarent incompétents pour
décider de l'expulsion, il n'est pas de même au niveau de l'appel. La
Chambre Judiciaire 149 avait condamné à deux mois
d'emprison-
nement et décidé l'expulsion de M. GASSAMA Mamadou coupable de
défaut de carte de séjour et de tentative de corruption. Ce jour 1à,
soit deux mois après son incarcération,
l'intéressé sollicitait
et
obtenait de la cour, la commuation de la peine de douze mois de
prison prononcée en premier ressort
en une sanction
à sursis,
assortie d'une mesure d'expulsion. Certes il s'agit d'un arrêt isolé
mais ceci illustre bien une omission de la loi de 1971. En France,
l'expulsion dans certains cas a bien résulté d'un Jugement 150.
" paraît donc utile de permettre au juge de prononcer l'expulsion
spécialement lorsque, s'agissant de délits sans intérêts civils,
1a
mesure est demandée par l'étranger lui-même sur présentation de
ses moyens de voyage. "
faut encore autoriser
le même juge à
veiller à l'exécution de sa décision pour éviter de tomber dans 1e
dilatoire.
148Les étrangers, "frères-africains" notamment ont immigré au Gabon parce
que la plupart d'entre eux ont cru à la possibilité d'y trouver du travail. Ils
ont voyagé en prenant au mot, l'esprit sans borne et sans frontière
de
l'Organisation de l'Unité Africaine. Q.Je peuvent-ils attendre d'autre?
149Ch. jud Libreville le 27.06.1977.
150BATIFFOL Traité T.I. ed. 1974 note n° 31 p. 204.

134
Poursuivant avec les questions de forme de l'expulsion
en droit
positif local il convient à présent de recourir au décret nOQQ 1/71
du 3 Mars 1971 qui contient la procédure d'expulsion. En effet, 1a
proposition d'expulsion est notifiée à l'intéressé 151 qui peut su r-
-le-champ
faire
ses
observations.
Cette
liberté
reconnue
à
l'étranger lui
permet alors
d'être entendu par une commission
spéciale 152. La commission se réunit dans les huit jours
de 1a
notification 153.
L'étranger proposé comparaît seul ou assisté d'un défenseur (art. 3-
2°) et ses 'explications allant à l'encontre de l'expulsion (art. 3-2°)
sont enregistrées
dans un procès-verbal
(art.
4). Comme pour
entourer la mesure du maximum de précautions, le représentant de
l'Etat
de l'étranger
est
également
informé
de la
proposition
d'expulsion ce qui lui donne le droit de présenter des observations
dans le même délai de huit jours (art. 5). Dans tous les cas, 1a
commission
statue à huis clos (art. 3-3°) et transmet son avis
ainsi que le procès-verbal d'audition au Chef de l'Etat (art. 4).
Jusque là tout se passe comme si l'expulsion était une mesure
dépourvue d'urgence ce qui lui permet de rester le plus près du
droit. Or il arrive que les motifs de la sanction soient tels que,
sans revenir au système de l'expulsion sans contrôle l'on en vienne
quelque peu à faire des bonds de procédure. Ainsi l'article 6 prévoit
qu'en cas d'urgence absolue reconnue par décision motivée, il suffit
à l'étranger d'être entendu par le directeur général de la police qui
communique le procès-verbal au Chef de l'Etat.
A présent que les conditions de forme de l'expulsion individuelle
paraissent expressément déterminées, reste enfin à réglementer
avec précision
l'expulsion collective
des étrangers qui semble a
l'heure actuelle l'une des séquelles de l'acte de puissance publique
ou la manifestation pure et simple de souveraineté.
151Article 2-1 0 du décret de 1971.
152Artic1e 2-2 0
elle est composée du président du tribunal de grande instance
:
de Libreville. du directeur général de la police, d'un fonctionnaire désigné
par le ministre de l'intérieur.
153Art. 3. Cette disposition contient une imperfection en cela qu'elle fait
courir le délai dès la notification comme si l'étranger est obligé de demander
à être entendu. Ne vaut-il pas mieux computer les huit jours à partir de
l'option levée par I'intercssé de faire valoir ses moyens de défense?

135
Paragraphe Il La répression
judiciaire
Ce n'est pas assez de répéter que la pièce directrice des présentes
études est l'individu dont le traitement, s'il est étranger, ne p e u t î
être ni pire ni meilleur que celui accordé au national. D'ailleurs, 1a
condition de l'étranger n'est-elle pas tout au plus le modelage de
celle du national ?
Si l'observation de la vie juridique au Gabon a permis de s'élever
contre nombre de situations aberrantes, elle a également encouragé
la retenue de solutions favorables à la création de conditions plus
aisées et même futuristes.
Aussi
le domaine de la répression
judiciaire est-il particulièrement riche en exemples pour i Il ust re r
la nécessité d'un traitement uniforme des sujets de la loi pénale.
En clair,
la condition matérielle
déjà avantageuse des étrangers
transparaît
souvent
dans
la
condition
judiciaire.
Quand
1e
traitement se révèle positif
pourquoi ne pas le retenir pour 1e
proposer à la généralisation ? D'un autre côté, la condition taxée
d'attardement à plus forte raison d'inhumanité ne peut-elle mériter
l'abandon?
Somme toute, il faut éviter de faire du pragmatisme en décidant
comme si la condition légale favorable, c'est-à-dire
souple, est
celle
qui convient
uniquement
aux étrangers
tandis
que, 1e s
nationaux sont les seuls à même de supporter les traitements âpres
et rigoureux.
A la limite,
l'élément
de préoccupation
peut se
déplacer au point de donner avec le subjectivisme qui caractérise
trop souvent l'administration de la justice et l'application de la loi
pénale,
l'impression
que
le
praticien
déçu
d'avoir
trahi
sa
conscience sensiblement subjuguée va se rattraper en martelant
sévèrement le national. Ceci correspond à une autre éthique de 1a
justice qui n'est pas à examiner, son principe d'égalité étant obtenu
par une sorte
d'uniformisation
des juridictions
et
des
lois
applicables. Il s'agit par contre de se transporter sur le terrain
pratique
de l'administration
de la justice
et de se livrer
à
l'appréciation
de quelques
aspects
de son idéal
d'équité
car
s'agissant du Gabon, c'est là que réside l'étonnement.
1 - Les directives
de compétence et leur fonde ment
Dans la tradition juridique actuelle que l'on peut parfaitement dire
internationale, les étrangers sont justiciables
des juridictions de
l'Etat de séjour.
L'affirmation
de l'applicabilité
des lois et de 1a

136
compétence des juridictions du for ne suscite pas de complication
particulière.
Bien sûr, nous rappellerons
les
assises
de cette
attribution de la matière aux institutions judiciaires
locales. Mais
plus important à notre sens, est le souci de préserver le principe de
l'égalité
entre
nationaux
et
étrangers
devant
la
loi,
d'un
détournement lors de son application et de ses résultats. Certes un
ressortissant étranger peut être traduit devant les tribunaux mais,
si la sanction par lui encourue, commence à être conçue à l'opposé
de celle à prononcer normalement contre un national, le rapport
d'égalité est rompu. Dès lors, que reste-t-il
de l'équité ? Pour 1e
moment, deux causes sont à l'origine du principe d'attribution de 1a
compétence répressive. La première est ancienne car elle permet
d'évoquer
l'uniformisation
des
statuts
juridiques
sous
1a
colonisation. La seconde, plus récente, s'inspire substantiellement
des règles étrangères de compétence.
1°) - La cause tirée
du droit colonial
Il est établi que les autochtones ont toujours été repartis en deux
catégories : les uns relevant des institutions indigènes, les autres
répondant devant les juridictions
européennes. Comme l'objectif
poursuivi par le droit international privé colonial a été d'assimiler
non
pas
l'étranger
à
l'autochtone,
mais
l'inverse,
il
su it
progressivement que de nombreux cadres de la considération
du
statut indigène 154 ont disparu. A son tour, l'ancien
critère tiré de
la distinction citoyen et non citoyen 155 va se diluer et laisser 1a
place à une sorte de tolérance pour la compétence des tribunaux de
droit local en matière de statut civil qualifié de particulier 156.
154Sel o n l'an. 2 du décret du 22.03.1924 sont indigènes,
justiciables
des
tribunaux indigènes les individus originaires
des possessions de l'A.O.F. et
l'A.E.F. ne possédant pas la qualité de citoyen français
et ceux qui sont
originaires des pays sous mandat, ainsi que des pays compris entre ces
territoires ou pays limitrophes qui n'ont pas dans leur pays d'origine, le
statut de nationaux français. Ce texte a été repris par l'an. 2 du D. du 3.12.1931
sauf à ajouter" ...ne possédant pas la qualité de citoyens français et ceux étant
originaires de contrées comprises entre les territoires, ou limitrophes de ces
territoires, n'ont pas dans leur pays le statut de nationaux européens".
155Décret 3.12.1931.
156An. 2 Décret 3.12.1931 modifié en son al. l, Décret n° 54. 1328 du 27.12.1954.
(Sont justiciables des juridictions de droit local les français et les administrés
français régis par l'un des statuts civils particuliers en vigueur en Afrique
occidentale. Sont également justiciables des mêmes juridictions, les français,
les administrés français et les africains étrangers
dotés d'un statut ci vil
particulier. Toutefois à l'égard des personnes non-originaires
de l'Afrique
occidentale française définies ci-dessus, les juridictions de droit local ne sont
compétentes que dans le cas où l'une au moins des parties est régie par une
coutume en vigueur dans ce groupe de territoires.

137
Quant à la question de l'option de juridiction,
elle
ne fera que
consacrer cet aspect de l'évolution
des compétences
en droit
colonial. L'article 2 du décret du 22 Juillet
1939 précise que les
tribunaux de droit français sont compétents pour connaître de toute
affaire où serait partie un européen ou un assimilé.
L'article 7 du
décret du 3 Décembre 1931 avait déjà accordé le droit d'option des
tribunaux français
pour les ressortissants
de droit local
et 1a
chambre d'annulation d'A.O.F 157 a infirmé
pour incompétence, 1e
jugement rendu par un tribunal de droit local qui avait connu d'une
affaire opposant un libanais et un autochtone.
D'une manière générale les compétences déjà compliquées d'une
dualité de droit applicable,
vont baisser sans cesse pour laisser
s'imposer le droit européen. C'est alors que la différence créée par
le régime
répressif
appliqué
aux considérations
par le statut
personnel n'a plus résidé dans le type de la juridiction compétente
ni dans ·l'origine
de la
légalité
des infractions.
Furent
tout
simplement soumis au code pénal, les individus de statut français
et aménagées, des règles particulières pour les personnes de droit
local. Ainsi,
l'uniformisation
a permis
l'attribution
aux seules
juridictions de droit français de la compétence pénale.
2°) - La cause tirée
du droit moderne
Paradoxalement, le régime juridique
unique tant souhaité
par 1e
droit colonial et favorisé
par certaines
embardées du droit
des
indépendances, va se retrouver de facto remis en cause. Le statut
qui a semblé découler
de la souveraineté
nationale,
apparaît
décomposé en statut voulu et statut imposé.
Dans le premier cas, les nationaux considèrent qu'en raison de le u r
statut
personnel
englobant
la
naissance,
le
mariage,
1e s
successions,
leur
juge
idéal
est
celui
qui
applique
la
loi
coutumière. Dans l'autre cas, l'orientation du droit norme étatique,
veut instituer un régime juridique
moderniste 158. Elle va même
agresser les structures fondamentales de la condition coutumière
159. Devant la résistance
du droit coutumier local, l'Etat va élaborer
une série de textes dont le code de procédure pénale 160, le code
157Arrêt. n" 15 du 22.02.1951 MEDICKE MBOUP C. ASSINE ZEIDANE.
1580rd. n" 4/64 du 5.06.1964 qui va baisser les compétences des juridictions de
droit traditionnel.
159Loi n" 20/63 du 31.05.1963 ].0. du 1.07.1963, 510 portant interdiction de la
dot.
160Loi n" 35/61 du 5.06.1962.

138
pénal 161 et le code civil 162. L'un d'entre eux contient l'énoncé des
règles substantielles de la compétence générale des tribunaux.
\\.
En effet,
l'article
27 du code civil
reconnaît
une compétence
ratione materiae, personae et loci des tribunaux gabonais 163. Mais à
l'intérieur
de
ces
règles
de
détermination
de
compétence
internationale,
va se retrouver
une sorte
de coexistence
d ro it
moderne -
droit
traditionnel
étant entendu que les
tribunaux
coutumiers connaissent même des délits qui ne sont pas portés à 1a
connaissance des juridictions modernes.
L'Etat a trouvé cette situation insupportable. Il a donc décidé de
mettre un terme à l'obstacle politique que constitue paraît-il,
1a
dualité de juridiction en prenant, comme il lia fait pour la dot un
arrêté 164 qui va dissoudre les justices coutumières 165.
Cette compétence d'attribution fondée pour partie sur la relation de
la nationalité gabonaise a été sévèrement critiquée par M. Pierre
BOUREL 166. L'auteur a reproché
à ce texte,
entre
autres,
de
méconnaître l'esprit de coordination et de se baser sur un privilège
de la
nationalité
gabonaise
dans
une matière
qui
se
veut
internationale et universelle.
Pourtant et plus simplement approché, l'article
27 du code civil
gabonais est une émanation des articles
14 et 15 du code ci vil
français,
dispositions
qui ont été reprises
par la plupart
des
législations
africaines
de culture
française.
S'il
reconnaît
aux
tribunaux
gabonais
une compétence générale,
il
n'exclut
pas
161Loi n" 21/63 du 31.05.1963.
162Loi n° 15172 du 21.07.1972.
163Sa uf dispositions contraires ou élection de domicile au profit d'un tribunal
étranger et sauf les cas d'immunité de juridiction déterminés par la loi,
l'étranger,
même non résidant au Gabon, pourra
être
cité
devant
les
tribunaux gabonais pour les obligations par lui contractées au Gabon ou en
pays étrangers envers des gabonais, les obligations découlant du mariage, de
l'union libre, de la parenté réelle ou fictive, de la tutelle ainsi que pour les
atteintes aux droits de la personnalité.
Il
en sera de même en cas de
réparation du dommage causé par un délit ou un quasi-délit, si les faits
constitutifs de délit ou quasi-délit se sont produits au Gabon. De même
poursuit l'art. 27-2°, un gabonais pourra être traduit devant un tribunal du
Gabon pour des obligations par lui contractées en pays étranger.
164Arrêté n" 5Z1PM du 22.01.1976.
16SBien entendu point n'est besoin de démontrer qu'elles survivent, d'une
existence illégale peut-être, mais à laquelle l'ordre public semble s'adapter.
166Réalités et perspectives du droit international privé de l'Afrique noire
francophone dans le domaine des conf1its de lois. in Journal du Dr. lnt. n° 1.
1975 p. 17.

139
l'application de la loi étrangère. Or cette ouverture que l'on peut
constater
en
lisant
l'article
27
lorsqu'il
fait
exception
des
dispositions
contraires
légales
ou
conventionnelles
et
des
immunités, constitue bien une attitude favorable au renvoi. Ce n'est
:1
pas une position fortuite 167.
C'est une solution qui se dégage de la volonté d'un système de droit
qui
prétend
se
hisser
au
niveau
international
alors
que
matériellement il est confronté au phénomène non maîtrisé
d'une
forte
immigration
étrangère
ainsi
qu'à
un
grave
confl it
psychologique interne. D'ailleurs
il
faut reprocher d'avance à 1a
règle de l'article 27. c.civ. d'avoir une lacune puisque l'attribution
de compétence
internationale
en
matière
de
délit
n'est
pas
uniquement la règle de la lex loci delicti, mais également la loi du
lieu des effets et conséquences du délit 168, le lieu de l'action ou
celui de l'arrestation 169.
Revenons aux observations
de M. BOUREL. L'ancien
professeur
de
l'université
de
DAKAR,
quelques
fois
parti
à
Libreville
pour
enseigner le droit international
privé conseille
pratiquement aux
africains de ne pas accueillir le renvoi dans la mesure où il aboutit
à perturber les relations internationales alors qu'il avait le devoir
de coordonner ou de faciliter
la solution de conflit.
Dans un droit
dont la vocation sublime est de rechercher le rapprochement des
systèmes juridiques
différents
le renvoi
serait
paralysé
par 1a
multiplicité
des droits
locaux,
donc de l'absence d'une lex
fori
unique sans oublier
l'ampleur
des différences
entre les
statuts
personnels africains et européens par exemple.
167Même en matière de filiation l'art. 38-2° fait une place à l'application de la
loi étrangère.
168Compétence du tribunal du lieu dudommage et non celui de l'acte tautif.
Req.8.ü3.1937. 1. 24; Seine 16.06.1936 G.P. 1936.2.744; le lieu du dommage car
celui de l'infraction est inconnu Casso crim. 5.10.1967 D68 som.24.
169Les faits reprochés se seraient passés au Portugal mais les dommages dont la
réparation est demandée se situeraient en France avec l'application de la loi française
sur la responsabilité délictuelle Paris
18.10.1955 R 1956,
484. Pourtant la
chambre judiciaire C.S. 30 Avril
1979 E.S.AM c/CID rapporté par M. NDAaT
REMBOGO dans les Institutions Judiciaires du Gabon, 1981 p. 52-53 s'est en effet
prononcée en sens contraire en infirmant la compétence du tribunal deLibreville le 20
Juillet 1978, qui était saisi d'une action intentée par un zaïrois contre son associé
camerounais immigré au Gabon pour des chèques émis sans provision au zaïre, motif
pris de ce que les tribunaux gabonais ne peuvent connaître d'une infraction commise à
l'étranger si l'ordre public national n'a pas été troublé ou si aucun gabonais n'en a été
victime.

140
Alors
M. POUGOUE de
relever
170
que la complexité
des ordres
juridiques que l'on retrouve constitue le cadre idéal du renvoi tant
il ne s'agit pas de contester "philosophiquement" la valeur
des
l,
institutions
étrangères,
qu'il y ait ou non communauté d'esprit
entre les systèmes en présence. Le renvoi permet justement de
réussir l'harmonie des différents conflits réalisés,
notamment en
adoptant la thérapie de la "réinterprétation" de la pensée j urid iq ue
négro-africaine, affinée par l'apport des droits allogènes. M. POUGOUE
poursuit
qu'en cas de difficultés,
il
ne faut
pas hésiter
~-­
compléter les insuffisances
de la règle de conflit
du for par un
rattachement subsidiaire. Dans tous les cas, il est souhaitable pour
les solutions africaines de recourir modérément aux législations de
police et aux règles "matérielles" afin de donner le plus de champ
favorable à une entente entre la règle de droit et les sujets de
droit. Or le statut personnel et la condition légale des gens sont 1e
domaine d'élite du conflit des lois, donc du renvoi.
Pour dépasser cet exercice suscité par le problème de savoir s' il
faut ou non admettre
le renvoi,
pourquoi
hésiterons-nous
d'en
emprunter au maître 171 qui avait su démontrer que dans l'ensemble,
le renvoi garde une position solide. Il est bien accueilli
même par
les pays étrangers dont une comparaison avec 28 systèmes
de
droits
différents
à
donné
19
favorables
contre
9.
Les
développement forts détaillés
réalisés
à cette occasion ont été
nécessités par la prise au sérieux de la menace de condamnation
brandie par un fort courant d'hostilité
parmi
les savants de 1a
doctrine internationaliste à l'Institut de Droit International.
Or, à la rétrospective, non seulement la condamnation n'est pas
tombée mais sur un plan pratique,
la position
de la Cour de
Cassation n'a pas varié et le renvoi consacré par l'arrêt FORGO en
passant par l'arrêt PATINO ou l'affaire
de la Banque Ottomane a
continué à se manifester parfois au premier degré(renvoi à la loi
française) parfois au second degré (renvoi à la loi d'un pays tiers).
17üPaui Gérard POUGOUE, le droit des conflits de lois et la stratégie du développement
en Afrique. Association des juristes africains (A.J.A) rencontre à Libreville les 14/19
Mai 1984 p. 190.
171]. DERRUPPE, Plaidoyer pour le renvoi, communication au Comité Français
de DIP séance du 20.04.1966, Rev, 1967. p. 181. "... le renvoi est-il vraiment
menacé? Va-t-on perdre cette perle du droit des conflits qui fait
effectivement les délices des étudiants et leur permet lorsqu'ils ont tout
oublié du DIP, de se souvenir que c'était la "séance des brousailles" et du
"tennis international. .."

141
A présent, le renvoi n'est pas une nécessité logique, ce n'est pas
une solution
nécessaire
imposée
par la logique
du droit
des
conflits. Comme il y a eu une thèse de la référence totale au droit
étranger (le renvoi-délégation),
il y a eu une thèse du refus de
l'application de la loi étrangère au profit d'une autre loi désignée
par le droit du for (le renvoi-réglement subsidiaire). Le renvoi est
resté
une solution
utile
et
souhaitable,
pour
l'harmonie
des
solutions, la coordination des systèmes de conflits, l'intégration de
la règle étrangère de conflit dans le jeu de la règle du for.
\\
" - L'administration
pratique de la justice
Une telle entreprise est assurément périlleuse si l'on ne s'entoure
d'une certaine expérience de la vie du palais. Aussi devons-nous
d'ores et déjà préciser que rendre la justice, au demeurant oeuvre
malaisée, suppose l'observation continuelle de la règle d'égalité et
celle
d'équité.
Le respect
de l'égalité
des nationaux
et des
étrangers en tant que justiciables
des juridictions
du for est à
priori
résolu.
Par
contre
un
malaise
persistant
pèse
sur
l'administration
équitable de la justice.
L'application
de la loi
pénale notamment, laisse
apparaître une sorte de susceptibilité
incompatible
avec
l'équivalence
des
traitements
des
deux
catégories de plaideurs.
Quand un pays a transposé dans son propre système juridique des
règles
étrangères
de
droit
répressif,
il
faut
craindre
les
insuffisances et les violations graves. Un droit pénal n'est pas un
droit vindicatif et les garanties procédurales qui s'y attachent,
sont des sûretés profitant nécessairement à tous. Lorsque certains
procédés ne sont pas utilisés contre les étrangers soit parce qu' ils
sont dépassés dans le pays de l'étranger, soit parce qu'ils semblent
non indispensables au stade de la contestation, il faut que cette
position devienne une règle générale pour tous. Lorsque certaines
diligences de célérité nécessaire sont engagées en faveur des uns,
il urge qu'elles
soient étendues aux autres.
Enfin,
la sanction
définitive même si elle est fonction de l'espèce, ne saurait dans
deux cas semblables, endeuiller les uns et tout simplement fa i re
gémir les autres.

142
1°) - Le droit au stade de l'instruction
C'est à l'instruction dont il faut retenir un sens large parce que
"',\\
l'enquête préliminaire va y être englobée, que se trouvent la plupart
des travers dressés contre la règle de droit. Il y en a qui violent
1a
loi par ignorance, la qualité médiocre des responsables étant à 1a
plus grande origine.
Il
y en a qui,
connaissant
l'esprit,
n'en
atteignent pas moins le texte contre
lequel
ils
s'insurgent
et
mettent en émoi la liberté des gens.
a) - Du côté de l'enquête pré 1i mi n aire
Trois organismes 172 se disputent actuellement le mérite non pas du
"qui sert mieux" la tranquillité
publique mais "qui sévit le plus 1e
citoyen ". Avec la venue de la D.G.C.I.S.M. et le maintien du C.E.D.O.C.
(centre extérieur de la documentation centrale) nul ne s'est douté
du renforcement des moyens d'inquisition
dotés comme rien
ne
saurait plus surprendre d'éléments étrangers. Il ne reste plus qu'à
imaginer ce que seront les libertés individuelles
et les principes
élémentaires du droit aux regards des arrestations, de la garde à
vue, des incarcérations.
Le CEDOC ne se tient-il déjà résolument en dehors des lois au point
de s'efforcer à obtenir un statut d'autonomie ? La DGCISM à son
tour n'est-elle
arrivée avec de telles
méthodes d'enquête que 1e
reproche d'extorsion des aveux à bien failli
dépasser la dimension
du seul Gabon?
En réalité une telle volonté d'illégalité
a pu surprendre ainsi
que
l'esprit
de
clocher
qui
caractérise
les
rapports
entre
les
institutions
de poursuite.
C'est d'ailleurs au cours de premier
séminaire de justice ayant regroupé à Libreville
les 16 et 17 av ri 1
1981, magistrats
et officiers
de police judiciaire, que l'on a pu
mesurer
l'importante
mésintelligence
qui
sévissait
dans le urs
relations.
Les
officiers
de
police
judiciaire
reprochent
aux
magistrats de ne pas leur donner le salaire de leurs prouesses. Les
magistrats
refusent
aux enquêteurs
le
bénéfice
des
travaux
inconsistants,
des
réalisations
médiocres,
ils
les
accusent
également
d'utiliser
des
moyens
irrég uIiers
et
faux
pour
s'immiscer dans l'administration de la justice.
17Z1l Y a deux institutions traditionnelles, la police et la gendarmerie. Depuis,
est née la direction générale de contre ingérences et de sécurité militaire
(OGCrSM).

143
Si le policier
doit lier
le juge,
quelles
garanties
trouvera
1e
justiciable
? En attendant les extra-continentaux ont, ce qui est
une bonne chose, les yeux çà et là des agents étrangers, souvent
plus efficaces
que les nationaux et qui veillent
à ce que 1es
prescriptions légales soient observées à leur endroit. Ce sont 1es
nationaux et dans une mesure moindre, les frères-africains
qui
vont faire l'objet des tracasseries privatives de 1ibe rté ainsi que
des préventions abusives.
b) - Du côté de l'instruction
proprement dite.
Avec le substitut du procureur de la République,
ce qu'il faut
craindre ce n'est pas la seule application éloignée de la loi, mais
une tendance trop facile à priver les individus de liberté. Le fait de
prendre une réquisition
d'information est presque toujours su iv i
d'un mandat de dépôt. Lorsqu'une affaire présentée régulièrement en
procédure de flagrance comporte quelque bizarrerie,
le magistrat
ne l'envoie pas forcément à l'instruction. Il arrive qu'il la retienne
pour la plus prochaine audience mais dans l'attente,
il
met 1e
prévenu en prison alors même que sa représentation ne pose aucune
difficulté, que le quantum de l'affaire est modique et l'intéressé
délinquant primaire. Très souvent c'est qu'au jour du procès, so it
moins d'une semaine après son incarcération le prévenu sera relaxé
ou simplement mis en liberté provisoire.
Le grief le plus important fait à cette pratique qui punit toujours
les
nationaux
et
plus
loin,
les
frères-africains,
est
essentiellement de jouer avec la liberté des individus. D'aucuns ont
pensé qu'il fallait s'attaquer à l'Etat pour le fait de ses agents.
Mais que tirer
d'une telle
action où l'indemnisation
si elle est
versée le sera à une époque tellement lointaine qu'elle lui reti re
tout intérêt.
Une telle
démarche
n'aura
par
ailleurs
aucune
influence sur la persistance
de certaines
velléités.
Engager 1a
responsabilité personnelle du magistrat est d'issue incertaine, non
seulement pour les motifs précédents mais encore qui en serait
juge. Il ne reste plus qu'une urgente élévation du niveau d'esprit et
de culture des censeurs de la société pour que le plaideur ne soit
plus obligé malheureusement d'en référer aux rares étrangers qui
servent la justice gabonaise avec plus d'à propos.

144
Sinon, comment un juge d'instruction objet de Suspicion légitime
va-t-il
aller à l'encontre d'une décision de dessaisissement 173?
Comment un tel juge peut-il garder un individu, six, douze, vingt
quatre mois en prison sans faire avancer l'instruction ? Comment
conditionner la mise en liberté
provisoire
d'un individu
détenu
depuis huit mois à la comparution personnelle d'une partie civile
qui s'est contentée de déposer une plainte expéditive et sommaire
avant de disparaître ? Mieux, comment jeter en prison une mère et
son bébé qu'elle allaite,
dans une maison d'arrêt qui n'a aucune
structure d'accueil ?
Quant aux mineurs ! Il est peut-être bon de repenser aux fonctions
classiques de la mesure de sûreté et plus tard,
à la peine. La
prévention et l'emprisonnement sont ici des escales par lesquelles
le délinquant s'aguerrit
et l'innocent
se pervertit.
Il
ne peut
échapper à la promiscuité
qui est le trait
caractéristique
des
prisons, sorte de parcs - en - béton où sont stockés les individus.
Dès son arrivée à la maison d'arrêt, l'individu
prévenu est déjà
dépouillé de la présomption d'innocence. Les geôliers lui donnent un
traitement inhumain et humiliant
même indigne aux condamnés.
Bastonnades, brimades et jeûnes se poursuivent jusqu'au moment
où le pensionnaire est considéré comme suffisamment meurtri. 11
lui reste à bien se distinguer aux yeux du "chef de quartier", du
gardien ou du surveillant
général. Dès lors, l'emprisonnement se
réduit
à faire survivre,
après lui
avoir
fait
des violences,
un
individu dans un univers carcéral, où il prend un repas de mendiant,
se couche à même le sol s'il n'est pas assis ou debout en fonction
de l'affluence, va en corvée manuelle et se protège la santé avec
une couverture en coton.
Lorsqu'est imitée une institution étrangère, il faut tout faire pour
s'en rapprocher le plus. En l'état, le pouvoir du juge d'apprécier
librement
la
décision
relative
à la
liberté
du prévenu
peut
ressembler à un simple jeu de dés tant que l'auteur n'a pas une
haute considération de la liberté et une connaissance de ce qui est
attendu de la peine prononcée. Il faut craindre
d'évoluer dans un
sens où tous les délinquants
sont les mêmes, que la récidive
n'existe pas, tout comme a disparu la présomption d'innocence. Dans
ces conditions, quelle bien triste fin pour l'Etat de droit !
173Affaire EL HADJ MBA MYE IBRAHIM contre mirustre O\\t\\Ol\\O NGUEMA au
3ème Cabinet d'instruction à la suite de la démarche de récusation du 11.
12.1979.

145
2°) - L'application
de la loi et l'équité.
Nous en convenons, c'est une entreprise malaisée que de discuter du
caractère scrupuleux qui se présume en chaque magistrat.
Nous
dirons tout simplement, si possible en l'illustra nt,
que la bala nce
qui est reproduite en équilibre
derrière le juge est la même qui
pèse
toutes
les
données
des
affaires
portées
devant
1e s
juridictions. Elle utilise donc les mêmes poids et mesures contenus
dans les codes. Peut-on nous opposer de reprocher au juge de ne pas
tenir compte des décisions rendues partout au Gabon. Ce sont ces
décisions à plus forte raison celles qui sont prises
par la Cour
Suprême,
qui
constituent
la
ligne
de conduite
de tous
1e s
observateurs.
Toute
la
question
n'est
pas
de
regarder
1a
jurisprudence
comme l'ensemble
des acquis
sur
le
plan
des
principes de droit et des qualifications. Il faut lui donner un sillage
cohérent où la règle de la proportionnalité
peine et infraction,
préjudice et réparation joue d'une manière ordonnée.
a) - Sur la mise en liberté
provisoire.
Bien entendu elle n'est pas accordée d'office. Mais souvent elle est
refusée
laissant
le demandeur dans une sorte
de résignation
puisqu'au fond les éléments qui guident la décision du juge sont
quelque peu difficiles
à apprécier.
L'article
81 c.P.P. permet de
retenir que le bénéfice de la liberté provisoire
peut être obtenu
contre l'engagement ferme à comparaître
à toute réquisition
du
tribunal pour un détenu délinquant primaire, ayant son domicile au
Gabon.
La jurisprudence de son côté tient compte des circonstances
du
repentir
actif,
des considérations
humaines
174
et surtout
de
l'absence de risque quant à la poursuite du procès pénal 175. Il ne
faut donc pas considérer que la mise en liberté provisoire est une
attribution
souveraine du juge. Le plus souvent aussi, la critique
vise la difficulté rencontrée pour obtenir l'examen d'un requête de
mise en liberté provisoire.
Dans ce cas, l'illustration
permet de
distinguer les espèces où le refus est déterminé par une confusion
avec les éléments du fond du procès, et celles où le refus n'est tout
simplement pas motivé ni notifié (art.89 Cpp).
174
C. S. MANOUANGLE Thérèse 3.11.1980 pour des raisons de maladie ; C. S.
dame MBANG Ol\\[x)Albertine 30.03.1981 pour des raisons de famille.
175 C. S. dame BOUDZANGA Marie c/MP 20.12.1972 "attendu que la détention de
la prévenue ne paraît pas utile à la manifestation de la vérité, qu'au surplus
elle est domiciliée à LIBREVILLE...

146
Le cas JOHER FAYCAL cldouanes gabonaises
: ici
monsieur FAYCAL
poursuivi
pour fraudes douanières a été incarcéré le 29 Octobre
1979. Comme aucun élément n'est venu contester sa protestation
d'innocence,
il
a introduit
une demande de mise
en liberté
provisoire
le 7 Décembre 1979, mais
elle
est rejetée
le
26
Décembre 1979. La demande est réitérée
et l'ordre de mise en
liberté signé le 11 Janvier 1980 tandis que plus tard, il bénéficiera
d'une ordonnance de non-lieu.
L'affaire ONGONWOU Rufin cl CO'vtACO : après vingt-six
ans de service
loyaux et laborieux, monsieur ONGOWOU est poursuivi
pour un vol
bénin, qu'il conteste. Il est jeté en prison
le 1 Avril
1980 et
l'instruction semble terminée autour du 11 Avril
1980. ONGONWOU
introduit une demande de mise en liberté provisoire accessoire
à
une requête en non-lieu le 17 Avril 1980, mais elle est rejetée 1e
25 Avril 1980. Le 15 Mai 1980 la même demande est introduite à
nouveau et c'est le 8 Juillet
1980 que le juge d'instruction
va
rendre un ordonnance de non-lieu.
L'exemple MAPANGOU Lestate et consort cl ministère public. Ce jeune
enseigne de vaisseau est poursuivi
pour atteinte
à la sécurité
intérieure
de l'Etat
parce
qu'il
gardait
chez
lui,
des
livres
d'écrivains des pays de l'Est. Il est incarcéré le 30 Mai 1978. Une
première demande de liberté est introduite
le 8 Août 1978. Elle
demeurera sans suite entraînant une autre le 26 Octobre 1978 qui
sera vaine en dépit des réclamations. Puis un jour, le 22 Janvier
1979, le juge d'instruction rend une ordonnance fort motivée de
non-lieu au profit de MAPANGOU et, après avoir fait courir le délai
d'appel du parquet, signe le 26 Janvier 1979 l'ordre de mise en
liberté.
Toutefois, il est des cas, et c'est là l'infirmation
des pratiques
dominées par la carence des responsables,
où la procédure a été
critiquée alors qu'il est clair s'agissant de la liberté des gens, que
la décision pouvait intervenir en toute sérénité et vite. L'affaire LE
GOFF J. Louis 176 : monsieur LE GOFF poursuivi pour injures à coloration
raciale est mis sous mandat de dépôt le 18 Janvier 1979 vers 10
heures. L'après-midi
le tribunal s'est réuni en audience spéciale
pour prononcer sa mise en liberté en attendant de statuer quant au
fond le 20 Mars 1979 OIJ du reste il bénéficiera du doute.
176T.C. Libreville, le 1801.1979.

147
Le cas de dame MBANG O'JOO Albertine: c'est une mère de famille qui
est envoyée en prison le 19 Mars 1981 pour y séjourner 6 mois à 1a
suite d'un jugement rendu par le tribunal de Mouila 177 dans une
affaire de coups et blessures teintés de passionnel.
Le condamné
fait immédiatement appel tant à Mouila qu'à Libreville au siège de
la cour qui, pour des raisons d'urgence mais sans préjudice au fond,
a ordonné la mise en liberté provisoire le 30 Mars 1981.
Autrement dit, le privilège ne consiste pas à voir un dossier monter
rapidement à la cour d'appel ou devant la chambre des mises en
accusation. C'est plutôt
l'affirmation
de la règle
régulière
qui
implique le respect dans un sérieux au travail.
C'est la suite de l'engagement de sobriété nécessitée par une saine
administration de la justice. C'est enfin la preuve manifeste de 1a
connaissance des garanties
procédurales
et par cela
même, 1a
considération
de la liberté
des gens qu'ils soient
nationaux ou
étrangers.
b) - Sur la peine
Deux femmes sont poursuivies et condamnées par le tribunal
de
Libreville,
la première
178
à trois
mois d'emprisonnement pour
abandon de foyer conjugal et adultère, la seconde 179 à deux mois
avec mandat d'arrêt
pour
abandon de domicile
conjugal.
Sans
revenir sur le caractère
vindicatif
et passé de mode du délit
d'abandon de domicile conjugal, disons que la cour saisie en appel a
confirmé le premier jugement le 18 Décembre 1972 et donné un
sort différent au second en ordonnant dès le 20 Décembre 1972, 1a
mainlevée du mandat de dépôt qui avait entre temps été exécuté.
Le tribunal
d'üyem a condamné monsieur BERGE Gérard à 35.000
francs d'amende et 100.000 francs de dommages et intérêts pour
avoir crié
à dame SCHEMBRI, dans une banque " ...votre mari,
un
minable
et sale juif...
voleuse ..." La cour 180 a confirmé
cette
décision. Par contre, le tribunal de Libreville 181 a condamné à trois
mois d'emprisonnement avec mandat d'arrêt, dame MANOUANGLE dans
une incohérente affaire d'injures publiques et de violence.
177T.C. MouiIa le 19.03.1981
178T.c. Libreville BErOE Antoinette clMP.20.04.1972.
179T.c. Libreville BOUDZANGA Marie c/MP. 14.12.1972.
18Ues. ep. SeHEMBRI c/BERGE 18.02.1980.
18IT.C. Libreville MANOUANGIE Thérèse c/BOUSSANGA Cécile 24.04.1980.

148
La scène se produit dans le bourbier du marché populaire
du
quartier Mont-Bouet et oppose entre
autres
deux vendeuses de
banane, l'une reprochant à l'autre de l'avoir traitée de voleuse. La
cour 182 a ramené les injures a leur niveau et tenant compte des
blessures occasionnées, elle a prononcé une peine de 25.000 fra ncs
d'amende et 90.000 francs de dommages et intérêts.
Il Y a même des illustrations
solitaires
comme cette affa ire
évoquées devant la cour 183. Monsieur OBIANG avait été condamné
par le tribunal
de Libreville
le 04 Octobre 1979 à huit mois de
prison pour vol. Le p-arquet fit
appel et advenue l'audience,
1e
substitut qui siégeait ce jour là était le juge au fond du 4 Octobre
1979. Il se maintint, sur la base du principe de l'indivisibilité
du
ministère public qui peut bien en appel être le même individu ou un
autre. Mais là où l'harmonie qui naît de l'équité a été rompue, c'est
que le substitut général a requis l'augmentation de la peine qu'il
avait lui-même
infligée
à une époque où en toute sérénité
et
impartialité, il a, c'est une obligation de le dire, jugé selon la loi
pénale.
Pour avoir été trouvé au cours d'une fouille de police en possession
de 3 grammes de chanvre indien, un individu a été condamné par 1e
tribunal de Libreville 184 à huit mois de prison.
En appel, l'avocat
général
à convenu avec
la
défense,
de 1a
disproportion car peu de temps avant, le même tribunal a prononcé
une peine de trois mois de prison 185 contre deux individus trouvés
en détention
de 85 kg de stupéfiants.
Finalement,
la cour a
condamné MBAYE LOUM aux trois
mois de prison qu'il
avait déjà
purgés. Les décisions rendues en matière d'accident de la route et
notamment sur les intérêts civils
ne sont pas en marge. Certes
l'identité préjudice et réparation n'est pas mathématique mais nul
ne conteste plus la fonction idéale de la réparation.
La jurisprudence 186 estime que le propre de la responsabilité civile
est de rétablir
aussi exactement que possible l'équilibre
détruit
par le dommage et de replacer la victime aux dépens du responsable
18lCS. MANOUANGLE Thérèse c/BOUSSANGA Cécile 23.02.1981.
183CS. OBIANG Daniel c/SEZALORY 24.11.1980.
184T.c. Libreville MBAYE LOUM 27.12.1980.
185T.c. Libreville 7.08.1980 FOURCHE Francis et GRIMALDI, reformé par l'arrêt
CS. le 3~11.1980 qui a condamné chacun à 18 mois d'emprisonnement avec
mandat d'arrêt et 5 ans d'interdiction de séjour.
186 Casso Civ. 18.01.1973 Bul. civ. n° 27 p. 20

149
dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable
n'avait pas eu lieu. La doctrine 187 conçoit bien que la réparation
n'est qu'une compensation du dommage, mais elle doit être relative
ou proportionnelle à l'intégralité du préjudice causé par son auteur
sans pouvoir le dépasser. Elle constate aussi qu'à l'application,
l'évaluation du préjudice subi est le type même du divorce entre
l'école et la pratique 188.
Certes, sur l'insistance
de la jurisprudence
et en matière
de
fixation de dommage et intérêt, le juge a un pouvoir souverain 189. Il
n'est 'pas tenu à fournir les détails de son évaluation ou les bases
de celle-ci
190. Pourtant
qui ne reste
perplexe devant certaines
décisions 191. C'est le cas de monsieur ODIENDE, un gabonais victime
d'un accident de circulation qui opte pour la voie pénale et obtient
du premier juge la condamnation de monsieur CAILLEAU un français à
un mois d'emprisonnement avec sursis et l'allocation de 15.000.000
de francs la responsabilité entière incombant au condamné.
En appel le 31 Janvier 1977, la défense a demandé le partage de
responsabilité et l'Avocat Général a appuyé cette thèse en faveur
d'un rapport 3/4 contre CAILLEAU et 1/4 contre ODIENDE; l'affaire mise
en délibéré a été tranchée comme suit : l'ensemble du préjudice est
évalué à 12.000.000 de francs
mais
comme la responsabilité
devient de 1/4 contre CAILLEAU et 3/4 contre ODIENDE, il restait à
allouer à la partie civile 3.000.000 de francs.
Enfin c'est dans le jugement des infractions à coloration politique
que la situation de ceux qui rendent la justice
est préoccupante.
D'aucuns évoquent la disparition du libre arbitre tandis que d'autres
présentent plus le sentiment d'une meilleure
disposition
à rendre
des décisions inconsistantes. S'il arrive que les juges prononcent
des mesures de relaxe 192 ou d'acquittement 193,il est des cas où 1e
problème de la disproportion ne manque pas d'étonner.
187 Marie Eve ROUjOU DE BOUBEE, essai sur la notion de réparation Th. LGDj
1974 T. CXXXV p. 249; Max LEROY, évaluation du préjudice corporel 8 éd. UTEC
Droit; Max LEROY, notes sous Casso Civ. 20.12.19660. 1967,667.
188 Jacques DUPICHOT, des préjudices réfléchis nés de l'atteinte à la vie ou à
l'intégrité corporelle. Th. LGDj 1969 T. XCVI p. 223.
189Cass. Civ. 20.12.19660.1967, 669Cass. 3.12.1969jCP 1970. II 16353.
190 Casso 17.03.1976. JCP 1976 N. éd. gen. 165.
191 C.S. ODIENDE c/CAILLEAU 14.02.1977.
192 T.C. Libreville
BERT Henri 22.11.1977, prévenu propagation de fausses
nouvelles, outrage au Chef de l'Etat;
193 CH. des Mises
en
Accusation
jOUMAS Polycarpe
et Consorts
c/MP.
18.05.1973, prévenus d'être rentrés dans la propriété du Chef de l'Etat à

150
Un gabonais a été condamné à Mouila 194 à 2 ans de prison pour avoir
tenu des propos outrageants à la personne du Chef de l'Etat alors
qu'il félicitait
un de ses amis promu à un grade supérieur dans
l'armée.
Il
aurait
dit
" ...oui,
avant
c'était
le
vrai
Gabon.
L'avancement à présent va vite. Regarde monsieur X... qui était un
simple
sergent, s'est nommé général...". La Cour a confirmé
1 a
condamnation. A côté, c'est en 1970 à OMBOUE qu'un ressortissant
camerounais
déclare
entre autres : "... du temps de L. MBA tout
marchait bien. Maintenant avec l3O'JG() ça ne va plus... il est contre
les fangs, il a expulsé les camerounais... il a engagé le pays dans
l'affaire du Biafra...". Le Tribunal de Libreville -195 a retenu là des
propos tendancieux et antigouvernementaux et a condamné à 6 mois
de prison. La Cour a confirmé le jugement.
Bien plus tard, un sujet français 196 est poursuivi pour outrage à
Chef de l'Etat parce qu'il a répondu à l'interpellation
d'un agent de
police en ces termes "... Si je ne suis pas français,. je suis le petit-
fils
de 13O'JG()". A la barre, le 18 Mai 1977, Monsieur VILLA s'est
expliqué en disant qu'il n'a pas voulu offenser le Président de 1a
République mais
montrer simplement
qu'il est gabonais depuis
quatre semaines. Le substitut
d'audience a considéré
les faits
"quand même assez graves" et a requis 2 ans de prison. Le Tribunal
l'a condamné à 100.00 francs d'amende.
Enfin
voici
l'exemple
de deux
nationaux
gabonais
qui
sont
poursuivis
pour propagation de fausses
nouvelles sur le couple
présidentiel. Nous ne reviendrons pas sur le récit de cette affa i re
pour le moins ténébreuse, où la plupart des acteurs déterminants
comme une certaine
dame étrangère
BROWMIE se sont
évaporés.
Nous nous contentons de faire noter que ces prévenus ont été mis
en prison le13 Juin1980 et jugés en audience spéciale le 2 Juillet
1980.
Ce jour-là, le Tribunal 197 visiblement gêné, condamna NDONG Pierre
Marie et DICKSON Alain à un mois de prison.
Deux jours plus tard, 1a
Cour Suprême 198
statuait sur le
recours
du parquet général
Franceville, pour peut-être faire des actes de sorcellerie..
194 TC. Mouila, MINKALA MBADINGA 6.04.1972 et l'arrêt c.s. 29.05.1972.
195TC. Libreville, YARO MATHEBA 16.03.1972 et l'arrêt C.S.20.09.1972.
196 T.C. Libreville, VILLA Philippe 27.05.1977.
197 T C. Libreville, DlCKSON Alain et NlX)NG Pierre Marie 2.07.1980.
198 Arrêt de la C.S. 4.07.1980.

151
essentiellement
fondé sur
la
"bonhomie du premier
juge"
et
infligeait
un an d'emprisonnement
à chacun. Quelle
que soit
l'interprétation faite de la suite de l'événement, mesure politique
ou désaveu implicite
de zèle, en tout cas le 11 Juillet
1980 les
deux condamnés ont bénéficié d'une mesure de grâce du Chef de
l'Etat.
En définitive, ce n'est pas le procès de la justice
gabonaise qUI
vient
d'être
fait.
C'est
la
mise
en
relief
d'un
système
d'administration de la justice qui a des qualités étouffées puisqu'il
est virtuel qu'au Gabon la justice est susceptible d'être rendue en
toute confiance et sérénité. Le procédé de sauvetage courant est en
partie la nécessité de consacrer l'indépendance des juges, mais
saurait-on y parvenir sans exiger d'eux une forte personnalité le ur
permettant d'affronter sans complexe tous les problèmes ? Le juge
attend certes son avancement de l'autorité hiérarchique, pourtant i 1
n'en serait pas moins juge s'il regardait un peu moins vers là-haut.
La démarcation siège-parquet
n'existe plus et les effectifs
de
qualité douteuse sont nombreux. Ainsi, le défaut de transcendance
des questions dans la plupart des cas continuera à être fatal
à
l'éclosion de la justice gabonaise outil
principal
du contrôle des
conditions juridiques du national et de l'étranger.
Section Il - Des sources probables de conflits
de loi s
En mettant à l'évidence l'incontestable portée socioculturelle
de
l'établissement
des étrangers,
nous sommes
arrivés
à cette
constatation que les nationaux et les étrangers ont pu contracter
en divers endroits des obligations découlant de l'union libre ou du
mariage. Il n'est pas nécessaire de compliquer ces rapports sous-
entendus du grief de la fraude à la loi. Pour 1e présent, sachons
nous situer dans un pays qui crée progressivement ses règles de
droit national interne et international.
Ainsi, la situation qu'il faut repenser a généralement été dictée à
la faveur d'une ouverture de la loi interne gabonaise. C'est le cas du
nom lorsque la législation nationale énonce des principes et éta blit
des relations
indéterminées
entre
la
norme
interne
de droit
moderne et le renvoi
exprès par cette
même norme à la loi
coutumière de droit traditionnel. C'est aussi le cas du gabonais qui
se marie en France devant un officier d'état-civil
français et qui
n'ayant pas effleuré la question de l'option mono ou polygamie,
décide de la lever une fois revenu au Gabon.

152
Paragraphe 1 - Le problème du nom
Quand nous regardons
la
seule
institution
du nom, nous 1u i
reconnaissons une nature intrinsèque
et une valeur extrinsèque.
Ceci se résumerait à l'évocation d'abord d'une sorte d'attribution du
nom et un peu plus loin, de ses fonctions. A dire vrai, l'étude du
droit du nom n'est souvent pas facile
en droit interne. Nous 1e
savons à penser aux cas de l'enfant reconnu après coup, l'enfant
adopté, la femme divorcée qui perd l'usage du nom du mari mais qui
peut être autorisée à l'utiliser.
Que va-t-il
en être si le droit du
nom doit contenir des implications
d'extranéité ? Ën effet des
parents mixtes de nationalités,
française
et gabonaise, peuvent
devoir donner à Libreville un nom à leur fils et faire le même acte
en France pour un autre enfant. Il peut se créer alors un curieux
conflit
de
type
mobile,
venant
révéler
la
difficulté
qui
effectivement surgirait parce que dans les deux pays les règles qui
gouvernent
la
détermination
et
l'attribution
du
nom
sont
différentes.
- A) - Le droit interne
du nom
Il se manifeste de la manière la plus présente que possible. Les 19
articles qui sont consacrés au nom, permettent de dire. que si 1e
droit du nom est effectivement codifié, il reste que souvent, la loi
de 1972 renvoie à la coutume. Or, à partir de l'interprétation des
textes il semble que ce renvoi doit être plutôt considéré comme un
nécessaire recours à la coutume, une coutume triomphatrice qui est
reconnue comme la base de tout système d'attribution
et la loi
d'application
la plus
certaine
en ce qui
concerne
l'état
des
personnes.
10
L'état de la détermination
du nom
)
-
a) - Les méthodes de la législation
moderne
Elles sont édictées par une série de textes dont voici
la teneur
essentielle :
Article
93 c. civ : Tout gabonais doit avoir un nom, auquel
s'ajoutera celui de son père et, éventuellement,
un ou plusieurs
prénoms.

153
Article 94 c. civ : L'enfant légitime ou naturel reconnu par 1e
géniteur a le nom de son père, si ce nom est héréditaire ou si 1e
père en décide ainsi. Dans le cas contraire, l'attribution du nom se
fait conformément à la coutume.
Article 95 c. civ : L'enfant naturel non reconnu par le géniteur
portera le nom de la mère, si ce nom est héréditaire ou si ce Ile-c i
en décide ainsi.
Dans le cas contraire, le nom de l'enfant sera choisi conformément
à la coutume.
Article 4 de l'ord. de 1974 199 : Toute personne conservera 1es
noms et prénoms sous lesquels elle est connue. Ce nom deviendra
son nom patronymique ainsi que celui de ses enfants mineurs dans
les cas prévus aux articles 94 et 95 c. civ.
Article
1 de la loi de 1974 200
: Tout
enfant légitime
ou
naturel reconnu né de père étranger devra porter un nom gabonais
donné par sa mère adjoint à celui de son père.
b) - Les procédés du droit coutumier
traditionnel
Leur rappel dans ce débat tient à plusieurs raisons. D'une part 1a
coutume est la base de la légitimité
des lois dans son domaine.
D'autre part c'est en direction de la coutume que se fait le renvoi
utile à la loi déterminée finalement par la règle de conflit interne
comme étant la mieux placée pour s'appliquer. Dès lors la coutume
ne s'explique plus pourquoi elle doit se dessaisir au profit d'une loi
moderne fragile.
Elle estime, à juste raison sa compétence générale pour dénommer
les sujets de droits, solution qu'implicitement reconnaît le droit
moderne.
Pour notre première illustration,
prenons l'exemple de la mère de
nationalité
gabonaise. Dans ce cas, les traditions
locales
ont
toujours
lié
l'attribution
du nom à la
filiation
dont
elle s
distinguent
non
pas
la
légitime
de
la
naturelle,
mais
l'établissement
au profit soit du père soit de la mère. Pour le droit
199 Ordo n° 22174 du 21.03.1974 completant ici les art. 94 et 95 du C. civ.
200 Loi n" 8174 du 8.11.1974 constituant le -lèrne alinéa de l'art. 94. c.civ.

154
coutumier traditionnel, ce n'est pas le sang qui établit la filiation
c'est-à-dire l'ensemblè des rapports de droit pouvant exister entre
un individu et son auteur. C'est la formalité fondamentale imposée
par la coutume au prétendant qui ne serait
pas la mère. Nous
pensons la qualifier comme étant une sorte de rachat de puissance
parentale lequel est acquis in generalis par le mariage et réalisé in
specie, cas par cas, en dehors du mariage.
Ainsi le mariage coutumier confère au mari le pouvoir de donner
son nom aux enfants nés après la célébration de l'union conjugale.
Quant aux enfants venus au monde avant l'événe-ment nuptial ils ne
peuvent être dénommés par leur géniteur autant qu'il n'aura pas
racheté ce pouvoir à celui qui habilement le détient et l'exerce dans
la famille de la mère. En dehors du mariage, la présomption "mater
is est" existe avec une telle force qu'elle conforte la filiation
par
la mère et dans tous les cas, établit le rattachement à la famille
de la mère. C'est donc le chef de cette famille qui va donner un nom
à l'enfant, selon
les règles
d'attribution
du nom de sa propre
coutume. Il ne peut y avoir
d'exception à cette règle que si 1e
prétendu père de l'enfant a entrepris les formalités du rachat 201.
Toutefois les parents de la mère de l'enfant peuvent refuser cette
démarche et rompre ainsi toute possibilité
d'établir la filiation
entre l'enfant et son auteur.
C'est l'Eglise et la colonisation qui ont commencé à entamer cette
rigueur du droit coutumier. Elles ont introduit la correspondance
entre le nom porté à la place du père et celui au profit de qui 1a
filiation par le sang ou l'adoption est établie. Position délicate que
de lutter contre la coutume qui en effet, a permis d'inscrire dans
l'acte de naissance d'un enfant que son père porte le même nom que
le père de sa mère. La conséquence a été une suite de mentions
dramatiques : "père inconnu"... "sans père" spécia lement lorsque 1e s
auteurs sont européens.
A l'indépendance, il
est arrivé
de laisser
un vide comme si un
enfant pouvait naître
de sa seule
mère. D'ailleurs
ce blanc
a
souvent été interprété comme une défaillance
supplémentaire du
droit moderne tenté de régenter le droit coutumier du nom. Enfin
c'est ce rien qui va donner l'occasion à la réapparition du nom du
chef de famille
ou d'un nom imaginaire
à la place de l'auteur de
l'enfant.
201 l'DANDUNA S'üNWANA.

155
Quant
au
droit
pénal,
l'arme
sûre
des
administrations
d'asservissement, il viendra comme toujours,
tourner le dos au
fondement sociologique
et traditionnel
pour accepter
l'absence
d'indication du nom du père de l'enfant et réprimer ce qu'il va
appeler la fausse déclaration d'état-civil. Or le malaise dans cette
situation,
c'est que le droit
pénal s'impose
ici
sans avoir
au
préalable connu la solution civile.
Que dire de l'état d'un enfant
dont le père ne veut rien savoir ? Que faire de l'enfant dont 1a
famille
maternelle
a des raisons
sérieuses
à opposer
contre
l'établissement du rapport de filiation,
notamment l'adultère du
gendre, l'inceste, l'indignité ?
Comme pour conforter la position de la coutume dans ce débat, 1a
loi de 1972 ne cesse de recourir à l'application
de la tradition
chaque fois
que les règles
prévues par le droit moderne ne 1e
permettent pas. Mais, à partir de quel indice peut-on savoir que 1e
système de 1972 ne joue plus ?
2°) - Les difficultés
de désignation
des
personnes
dans
l'ordre interne
Qu'elles soient conceptuelles
tant il
faut observer l' orig i na lité
fondamentale,
qu'elles
soient
matérielles
en
raison
des
interminables
rajouts
de
particules
d'identification,
ces
difficultés
sont
toutes
intellectuelles
car
elles
exigent
1e
rétablissement des textes dans leurs esprit et contexte.
a) - L'interprétation
des textes précités
ou la composition
du nom
Notons déjà que c'est sur le principe même posé par l'article 93 que
les opinions à défaut de jurisprudence, sont en butte. Dire que tout
gabonais a un nom, auquel s'ajoutera celui de son père, a donné lieu
aux plus spécieuses interprétations. D'aucuns ont pensé qu'il fa Il ait
lire "tout gabonais a un nom, celui de son père".
D'autres ont estimé que pratiquement l'article 93 prévoit le nom du
père auquel s'ajouterait un nom. Pour les troisièmes enfin, l'un des
termes litigieux est un nom, l'autre un prénom.
Ces trois illustrations
aboutissent à la dénaturation volontaire ou
non du texte législatif. Ce résultat nia pu être obtenu qu'à raison du

156
refus
du jurisconsulte
de
s'étonner
du
fondement
légal
et
sociologique à partir duquel a été bâti l'article
93, incontestable
principe de la désignation des gens dans l'ordre juridique
interne
national gabonais. Il a suffi
d'une transposition
du raisonnement
valable pour le droit transitoire civil, peut-être même pour le droit
applicable
en France,
alors
que l'institution
du nom n'a
pas
seulement une essence légale, mais aussi et surtout une substance
sociologique. Du reste ce second trait l'emporte sur le premier car
l'élément légal ne peut que naître du sociologique sinon nous nous
trouverons devant un cas de divorce pour défaut de légitimité.
Au Gabon plus qu'ailleurs, l'importance sociologique l'emporte et se
conçoit essentiellement
de la tradition
d'où nous dirons
avec
l'article
93 que le prénom
n'intéresse
que fort
peu. C'est une
importation de la colonisation et de l'Eglise. Son intérêt même au
niveau du droit civil
moderne est
relatif,
il
suffit
de re 1i re
l'adverbe "éventuellement"
qui le précède. Dans ces conditions
aucune interprétation des termes du nom ne peut laisser entrevoir
un prénom. Tout aussi contestée est la réponse légère de celui qui y
trouverait un nom fantaisiste.
C'est donc à la coutume qu'il faut s'en remettre.
En effet, tout
gabonais à deux noms : celui
qui l'accompagne depuis l'enfance
jusqu'à ce qu'il devienne un homme et celui qu'il utilise à partir du
moment où il passe pour autonome. Le terme de désignation avec
lequel il grandit est le nom donné comme tel par le chef de famille.
Ce nom peut être celui d'un parent, d'un ami vivant ou prédécédé, s i
ce n'est l'adaptation
d'une
circonstance
particulière.
C'est
1e
véritable baptême de l'enfant car il lui donne un nom en témoignage
d'un sentiment profond. Prenons l'exemple de celui
qui, selon 1a
règle interne de la coutume a le pouvoir de nommer et qui s'appelle
BOUMA. Il peut désigner l'enfant du nom de BINENI son onde ou CXJ()JLA
son ami ou encore EDINGO parce que sa naissance a été marquée par
un événement douloureux.
Au fond, ce nom qui
personnalise
l'individu,
pose la
délicate
question non plus de son attribution qui est acquise à moins d'être
un individu acculturé, mais de celui qui doit le donner. D'ailleurs ce
choix peut, non pas remettre en cause le principe de désignation,
mais créer une confusion dans le cas où est donné à l'enfant un nom

157
à terme unique. Il faut alors se souvenir que la coutume n'établit
pas de règles de transmission
spécifiques
du nom, sauf si 1a
famille
concernée a déjà une tradition
patronymique, ce qui est
rare. Il arrive qu'un enfant soit désigné seulement par un terme,
lequel rappelle un ami ou un événement. Cette tendance n'est pas
ancienne et se situe aux grands moments des traditions chrétiennes
qui ont réussi l'imposition du prénom. Deux frères pouvaient être
dénommés ANTCHOUEY et ŒOW/tN, BINENI et BOUMA. Ceci a persisté à 1a
faveur de la quantité négligeable de la population constitutive de 1a
communauté intéressée.
Dans une proportion de beaucoup la plus importante, c'est un nom à
deux termes qui a été retenu. La conséquence d'ailleurs est que 1a
règle établie par le principe légal moderne de désignation consacre
le
nom à deux particules.
Comme
l'une
des
particules
est
déterminée, qu'elle est l'autre ? La réponse à cette question est
bien plus complexe. Selon l'article
93, nous savons qu'au nom
personnel c'est-à-dire
celui
qui est
propre
à l'individu,
doit
s'ajouter celui de son père. Mais qui est le père d'un enfant?
En raisonnant à partir
du droit
moderne, l'enfant conçu ou né
pendant le mariage a pour père le mari de sa mère (art. 391 c.civ)
sauf désaveu (art. 401 et suiv. du c.civ.). Le père de l'enfant naturel
est celui qui l'aura normalement reconnu (art. 415 c.civ.). Alors
revient
la question de savoir
qui est
le père de l'enfant
non
reconnu? La notion du père biologique n'est admise qu'en cas de
revendication ou pour obtenir des aliments. Elle ne confère pas au
géniteur le droit juridique automatique qu'il peut conquérir par 1a
reconnaissance de l'enfant.
Par contre, en se plaçant du côté du droit coutumier, rien n'est
laissé au hasard. Quand la tradition considérée ne connaît que 1e
mariage comme siège du transfert des prérogatives de la tutelle à
une personne qui jusque là en était dépourvue, le père de l'enfant
est bien le mari de la mère. Mieux, les coutumes fang par exemple
qui exigent la restitution de la dot pour consacrer la fin de l'union
conjugale, insistent pour que le père de l'enfant demeure celui dont
la dot n'a pas encore été remboursée alors
même que la mère
vivrait depuis plusieurs années avec un autre homme.

158
Lorsque la tradition sarsre connaît en plus, des artifices j urid iques
intermédiaires comme chez les MPONGWE, le père de l'enfant sera
cet homme qui passe pour le père biologique mais qui aura satisfait
aux formalités
du rachat,
sorte
de
reconnaissance
de droit
traditionnel par laquelle la famille de la mère de l'enfant accepte
que le prétendant se considère
et se comporte
effectivement
comme le père juridique de l'enfant.
Enfin existe l'hypothèse extrême de l'enfant dont le géniteur ne se
manifeste pas, conteste les allégations de la mère ou ne répond pas
parce qu'il n'est pas sollicité.
Dès lors, le droit traditionnel
est
formel car le père de l'enfant né sera le propre père de la mère ou
tout autre paterfamilias du lignage de la mère.
En définitive, le père de l'enfant est le mari de sa mère, le géniteur
qui l'aura reconnu ou racheté, sinon le chef de la famille
de sa
mère. C'est donc un de ces noms qui va figurer dans l'acte d'état-
civil
à la place qui revient au père. Telles
sont les solutions
à
retenir du droit gabonais, en tant qu'exceptionnelle conjonction de
la loi moderne et de la coutume. Ces noces au devant desquelles
nous allons, seront-elles prospères ?
b) - du nom à deux particules
libres
à celui
dont un te rme
au moins sera patronymique
Comme la loi
de 1972
recourt
à la
loi
civile
de tradition
coutumière chaque fois que ses propres règles ne permettent pas de
résoudre la question de la désignation de l'enfant, il reste à savoir
à partir
de quel moment s'effectue ce renvoi
à la compétence
coutumière ? Autrement posé, comment considère-t-on que la loi
moderne
ne
réussit
plus
?
Est-ce
cumulativement
ou
distributivement ?
La réponse se trouve enfouie dans le raisonnement qui a valu au
système colonial de s'imposer comme règle de conduite obligatoire
devant
le
droit
traditionnel.
Les
Etats
africains
absolument
résignés à la modernité l'ont assise avant tout sur la solution de ce
que BARTIN a appelé un conflit colonial de lois. Ainsi
ils ont re pris
pour l'essentiel une règle fondée sur une sorte de hiérarchie des
civilisations. Aujourd'hui la règle de droit édictée par le code ci vil

159
de 1972 emprunte donc les présupposés propres
au phénomène
colonial pour affirmer sa primauté sur la coutume à laquelle e Il e
renvoie utilement pourtant. Il suit alors, que la désignation d'un
individu ne pourra se faire selon 1e système de sa propre coutume
qu'autant que les règles dictées par les articles 93 et suivants du
code civil
auront été tentées sans succès. C'est bien un procédé
alternatif, découlant du caractère obligatoire de la loi civile dite
moderne, qui paraît s'imposer.
L'attribution
du nom en droit
nouveau gabonais
se confirme
désormais
non plus
comme
essentiellement
fonction
de
1 a
puissance parentale, mais liée avant tout à la filiation
directement
traduite du rapport biologique.
A défaut, c'est le recours
à 1a
coutume.
Mais
que reste-t-il
à faire
placer
après
un essai
distributif ? Est-ce le nom de l'enfant non reconnu ni racheté ?
Malheureusement,
cette
hypothèse
double
semble
quelque
peu
passer dans la sphère de compétence du droit civil
moderne, en
raison de sa volonté implicite d'affirmer la fonction de la filiation
biologique. Sinon, comment interpréter le rôle non second donné à
la mère spécialement gabonaise dans l'attribution du nom? Cette
volonté mal exprimée explique à son tour pourquoi le droit pénal
continue à réprimer le fait de désigner comme père juridique
en
réalité un autre individu que le père biologique.
Son objectif s'arrête là et sa moralité
repose sur une apparente
tranquillité. Il vaut mieux, estime ce droit dont l'intervention doit
être préjudicielle,
un père biologique de pure forme qu'un autre
notamment issu
d'un juridisme
coutumier
trop souvent fictif.
Pourquoi y a-t-il
encore en droit moderne, un père adoptif ou un
père qui, à la suite d'une reconnaissance remplit de son nom, une
mention jadis laissée en blanc. Au fond, le but poursuivi par la loi
de 1972 et les textes qui suivent est de réaliser un véritable nom
patronymique.
C'est ce qui favorise cette lutte sourde à l'intérieur
des règles
d'attribution du nom où le législateur gabonais édictant une norme
supérieure, n'en renvoie pas moins à la coutume, sorte de norme
inférieure
qu'il
reconnaît
néanmoins
comme
le
fondement
indubitable de la désignation des personnes physiques nationales. 1 1
sait
que le gabonais a toujours
deux noms dont l'un,
le plus
important qui l'individualise et le personnalise est resté écarté des

160
documents officiels
au profit du prénom devenu subsidiaire.
11
demande qu'à un moment donné 202, tout gabonais conserve le nom
sous lequel il est connu, et qu'ensuite il
l'institue
comme nom
patronymique.
Mais,
rendre
un nom
patronymique
est-ce
un
impératif ?
Reprenons l'article 4 de la loi de 1974 et raisonnons par l'abstrait
sur la descendance d'une personne qui s'appellerait selon sa fiche
d'état-civil coloniale ou moderne, BOUMA Alice mais connue sous 1e
nom de O'NGWERO. A supposer qu'elle soit vivante au moment de
l'application de l'ordonnance de 1974, elle doit garder le nom de
BOUMA O'NGWERO. Mais que va-t-elle
transmettre pour répondre à un
caractère essentiel du nom patronymique : est-ce le seul terme
qu'elle a reçu de son géniteur, c'est-à-dire BOUMA ou bien celui qui
la personnalise, soit O'NGWERO ou alors les deux particules ?
La réponse n'est pas aisée car le droit coutumier qui doit inspirer
la loi moderne en cette matière
n'est pas constant quant à 1a
transmission héréditaire du nom. Certaines coutumes ethniques ou
même tribales
systématisent
la
transmission
du
patronyme
qu'elles accompagnent du nom propre personnel. D'autres par contre
sont plus souples sur les deux termes du nom et autorisent une
dénomination libre. Tout paraît fonction des systèmes d'autorité
parentale du patriarcat ou du matriarcat.
Dans une désignation dominée par un rapport patriarcal, les chances
d'institution d'un nom-patronyme sont plus grandes. C'est ce qui est
constaté dans la plupart des sociétés où existe une sorte d'unité de
régime juridique applicable. \\1 en est ainsi des pays où le droit et
la
religion
sont
confondus.
Dans
les
autres
cas,
le
nom
patronymique est une institution qui fait son apparition.
En soi l'objectif silencieux poursuivi par le droit moderne du nom
ne se révèle donc pas avec hostilité. Le législateur veut créer non
seulement des identités
individuelles,
mais aussi des identités
personnelles
collectives
c'est-à-dire,
des
sommes
d'individus
ayant un dénominateur extrapatrimonial commun grâce à leur nom
tiré d'un auteur également commun. Ainsi
curieusement, le droit
moderne dans son souci du patronyme utilise le même fondement
ZOZ Interprétation dans le temps de l'art. 4 de l'ordo de 1974.

161
juridique
de la
parenté
totémique
connu en droit
coutumier
traditionnel du MBUWE, Ar\\ONOO et INONGO. Cette convergence démontre
que les noms attribués selon les règles du droit coutumier peuvent
bien être hérités et que la transmission
patronymique peut bien
s'accorder avec la dénomination traditionnelle.
Il
reste
à parfaire
l'aboutissement
en précisant
que le
nom
patronymique sera composé soit des deux termes du géniteur à
compter d'un moment précis, soit de la seule particule qui a déjà
été transmise.
Si l'effort qui s'impose dans ces conditions
est une longue et
patiente information
du public,
plus difficile
est la tâche qui
consiste
à défaire
les
mentalités
de
l'attribution
d'un
nom
circonstancié,
propre et personnel.
Les intéressés
voudront-ils
s'affranchir de 1eurs aïeux, leurs mânes et leurs esprits ? " est
mieux d'en exprimer un sérieux
doute accompagné d'ailleurs
du
souhait de ne pas y parvenir.
Rendre patronymique les deux termes du nom n'est pas une solution
à priori négative puisqu'à partir d'un moment, naît une désignation
identique à un groupe traduisant sa parenté. Par contre, c'est du
côté pratique que tout va se compliquer. En effet si vient s'ajouter
le
nom
personnel
et
propre
(BINENY)
aux
deux
particules
patronymiques (DIOP-O'NGWERO), la composition du nom compte alors
trois termes (DIOP-O'NGWERO BINENY).
A supposer qu'à un moment donné, le géniteur (DIOP-O'NGWERO BINENY)
souhaite
pérenniser
son
nom,
il
va
d'abord
le
transmettre
intégralement et comme il voudra identifier chacun de ses enfants,
l'on se trouvera devant un nom à quatre termes.
Il faut alors envisager d'arrêter la rallonge en maîtrisant le nom
dans sa fonction et son attribution. Dans ces conditions, proposons
qu'une seule des deux particules
du nom soit héréditaire.
Cette
particule sera celle qui répond aux origines totémiques ou qui se
retrouve déjà commune à une ascendance familiale
ou clanique. Une
telle solution à l'avantage de concilier les préoccupations des deux
ordres juridiques
internes. La loi moderne réussit l'institution
du
patronyme tandis que la règle coutumière favorise
à travers
1e
second terme, la continuation de la désignation des personnes selon
les rites et croyances traditionnels.

162
B) - Le nom en droit international
privé gabonais.
Pour parvenir à préciser 1a détermination du nom et l'institution 203
patronymique d'une particule,
nous avons limité
notre cadre de
pensée au seul cas de la mère gabonaise de nationalité.
Cette
référence
à
une
allégeance
politique
territoriale
appelle
fatalement la réflexion
pour l'exemple où elle devait varier.
La
mère peut en effet être d'une nationalité étrangère, tout comme 1e
père. La question qui porte sur la mère étrangère vise à savoir s i
les solutions du droit interne gabonais vont être projetées dans son
droit
international.
Quant au père
lui
aussi
étranger,
il
est
intéressant de faire ressortir sa condition en l'imaginant à la fo i s
à l'intérieur et en dehors du Gabon. D'ailleurs ce dernier changement
du rattachement
territorial
peut aussi
se poser à l'enfant
de
parents gabonais se trouvant en France par exemple.
a) - L'attribution
du nom d'un enfant
lorsque
la mère
est
étrangère
L'objectif recherché ici est l'établissement d'un parallèle avec les
réflexions déjà faites dans l'espèce de la mère gabonaise. Est - il
possible de retenir que le pouvoir de donner un nom à un enfant né
en dehors du mariage et non racheté appartient à celui qui exerce
cette prérogative au sein de la famille
et selon la coutume de 1a
mère? S'agit-il, autrement dit, de généraliser cette solution d'un
droit interne au demeurant coutumier ?
Bien entendu, il
n'est pas question
pour le droit
international
gabonais d'envisager l'adoption d'une règle exclusive.
La solution
interne
peut
séduire
mais
son
application
ne
saurait
être
systématisée. AI' inverse, pourquoi refuse r à la mère étrangère de
choisir cette faculté
du droit gabonais. En Afrique,
que d'Etats
restent de nos jours, à spéculer sur le fondement coutumier des
règles de droit qu'ils édictent? Pour y pallier un peu partout, la loi
complétée de la jurisprudence
ainsi que la doctrine font oeuvre
quasi définitive.
Il est désormais
admis
que le nom est
une
institution de police civile et que le droit au nom est tout à fa it
reconnu dans l'ensemble. Néanmoins et en dehors de cette vue
globale, il
faut dire
qu'il
y a encore des pays de traditions
dépourvues de nom patronymique. Un Etat qui atteint le stade de
l'attribution
héréditaire
du nom, a nécessairement construit
un
203Les pays anglo saxons ne voient dans le nom qu'un simple usage. Ils ne
l'incorporent pas au statut personnel Cf BATIFFOL traité T. II n° 404 note 42

163
ordre juridique
interne precrs, Celui-ci
a inclus
le nom dans 1e
statut personnel et lui applique la loi personnelle ou nationale de
l'intéressé.
Si cette loi nationale connaît l'institution gabonaise du rachat, il y
a des chances que le parallélisme désiré aboutisse à une similitude
des règles
d'attribution
du nom. Mais, si
la
loi
personnelle
d'application
ignore
cette
formalité
ce qui
est
plus
ce rta in,
l'uniformisation est ratée et le droit des conflits ouvert. Dès lors,
la loi nationale de la mère étrangère française
qui s'applique en
raison de la solution gabonaise des conflits,
dit que le nom de
l'enfant est celui de la mère qui l'a reconnu 204 sinon c'est à
l'officier d'état-civil
de lui donner un nom, exactement comme
pour l'enfant trouvé.
L'intervention
de l'officier
d'état-civil
est-elle
concevable
au
Gabon? La réponse est affirmative
lorsque l'autorité requise agit
en terre
française
au sens diplomatique.
Mais s'agissant
d'un
officier national gabonais, déjà tenu par la règle locus regit actum
quant à la forme de la reconnaissance, il ne pourra donner de nom
que pour l'enfant trouvé 205.
Dans les autres cas, il n'aura qu'à recevoir le nom donné par la mère
française qui profite donc de cette ouverture de la loi gabonaise
interne. Il serait aberrant de changer de règle au motif que la mère
est française,
ceci
d'autant plus
que le droit
et la coutume
applicables
au Gabon privilégient
le rattachement à la mère. En
définitive,
c'est la mère qui se déterminera
à l'intérieur
des
considérations de sa propre coutume patriarcale
ou matriarcale,
quelle que soit sa nationalité.
b) -
L'attribution
du
nom
dans
l'hypothèse
voisine
du
conflit
mobile.
Il peut arriver que le besoin de donner un nom se manifeste au se in
d'une famille
à l'occasion d'événements survenus l'un en France,
l'autre au Gabon. Dans les deux pays, les règles d'état-civil sont
Z04Cette reconnaissance en droit français est faite dans un acte séparé, au
Gabon, art. 418 c. civ. , il suffit d'une simple déclaration à l'officier d'état-
civil lors de l'inscription dans les régistres locaux.
ZOSArt. 99 c. civ. "Le ou les prenoms ... ceux de l'enfant dont aucune fil iat iori
n'est établie seront donnés par l'officier de l'état-civil à qui la naissance ou la
découverte dudit enfant a été déclarée".

164
d'ordre public, pourtant de sérieuses difficultés
vont apparaître à
la suite du respect de ce caractère au demeurant acquis.
L'agent du service
de l'état-civil
qui reçoit une déclaration
de
naissance vérifie que la désignation de la personne se fait suivant
l'articulation
juridique
observée par la loi qu'il a le devoir de
servir. Si c'est la loi nationale française ou gabonaise qu'il applique
selon que le for considéré est la France ou le Gabon, il ne fait aucun
doute, il s'agit d'une mise en oeuvre de la règle lex loci acti 206.
Nous l'avons vu s'appliquer
au Gabon pour le cas de la mère
gabonaise et la mère étrangère seule. Il faut à présent l'imaginer en
France dans le cas des parents dont la mère seule est gabonaise et
dans
celui
où les
parents
sont
tous
les
deux
gabonais.
La
circonstance de lieu ne variant pas, il est tentant de dire que 1a
différence sera imperceptible.
En effet, si la lex locus regit actum est considérée comme une
règle quant à la forme de l'acte, il ne v iendrait plus de la remettre
en cause.
Mais,
si
cette
concession
nécessaire
à l'harmonie
internationale
de la validité
de forme des actes juridiques
ne
coïncide pas forcément avec l'esprit même de leur rédaction,
i 1
faut craindre
qu'une question
de pure forme
ne devienne
un
problème de fond.
Pour nous reprendre, disons que les termes de désignation d'un
enfant qui reçoit son nom d'un français au Gabon sont certes le nom
de ce dernier. Mais la loi de 1974 enjoint la jonction d'un nom
gabonais donné par la mère gabonaise. Les tenants de cette règle
locale l'expliquent comme une orientation dessinée par la politique
d'un pays sous-peuplé et qui affronte une importante immigration
étrangère. C'est en l'état, la mise en avant d'un souci de protection
des intérêts
humains d'un pays qui se souvient
encore de ces
nombreux enfants nés de gabonaises et de français
ou autres
européens, lesquels sont restés au Gabon sous l'appellation "METIS"
avec des noms étrangers. Toutefois, l'obligation prescrite par la loi
de 1974 - mais qui semble encore ignorée par les déclarants de
naissance - n'en est pas moins une instruction dans une prérogative
206Cette règle est reprise en droit gabonais par l'interprétation des art. 6S et s.
du code civil.

165
que le droit de la filiation reconnaît au père étranger. Le rapport de
parenté par le père légitime ou naturel légalement établi autorise
l'attribution
du nom patronymique.
L'inscription
d'un terme
de
désignation qui semble avoir été "imposé" au père français
peut
créer en lui, un sentiment de frustration.
Une fois en France, ce
père quelque peu déçu dira du second terme du nom qu'il s'agit d'un
prénom local étranger. Comme ce prénom n'y sera pas usuel, i 1
figurera dans l'acte comme une simple tache d'huile. Dans ce cas, 1e
nom personnel ne jouera plus le rôle qui est le sien, il risque bien
la francisation ou la disparition.
Cette domination de la conception française de la désignation des
personnes va se poursuivre dans le cas des deux parents gabonais, à
plus forte raison là où seule la mère est gabonaise. Pour ne parler
que d'elle,
la mère gabonaise mariée ne pourra pas imposer en
France, la règle de son droit national qui lui permet d'ajouter 1e
nom de son choix. Il en est de même de la mère gabonaise non
mariée qui devra grâce
à la reconnaissance
dans les
formes
françaises donner uniquement son nom "patronymique".
Mais c'est à l'égard des parents gabonais en France que la lex fori
semble remettre en cause le caractère obligatoire de la règle locus
regit acturn, Dans l'exemple
de ce géniteur DIOP-O'NGWERO, nous
avons proposé comme règle
de droit
interne
gabonais,
que 1a
particule DIOP fût seule transmissible. La déclaration de naissance
à faire
au Gabon permet que l'enfant
s'appelle
DIOP-ANCHOUEY.
Survenant
en
France,
dans
un
état-civil
français,
le
nom
patronymique sera DIOP-O'NGWERO.
Tout autre terme s'entendrait d'un prénom sauf si par rigueur,
l'agent
qui
reçoit
la
déclaration
se
retranche
derrière
son
calendrier à prénoms.
Peut-on
pour autant
conclure
qu'il
s'agit
de
deux
systèmes
antagonistes ? A l'examen, il semble que la discussion
ne réside
pas dans la validité organique de l'acte mais dans ses mentions. Au
mieux des similitudes des systèmes français et gabonais, c'est 1a
possibilité de contenir dans l'acte un alignement de termes dési-
gnant la personne. Pour le système français, un seul de ces termes
est le nom, ce qui correspond
à sa
tradition
déjà
assise
du
caractère
patronymique du nom. Pour le système gabonais, pl us

166
récent, le nom est l'ensemble nom patronymique et nom personnel,
le tout ayant pour vocation de conforter l'identité personnelle dans
un pays d'immigration.
Les règles de détermination du nom sont non seulement différentes
mais l'interprétation des termes du nom et les fonctions attendues
de la désignation d'une personne dans une famille peuvent en pâtir.
C'est moins une question de forme que de fond. C'est sensiblement
un élément de conflit
à même d'être résolu
en demandant aux
parents
gabonais
de
déclarer
leurs
naissances
dans
le urs
représentations diplomatiques.
Or, n'est-ce pas là, une réaction
pouvant être interprétée comme la prescription d'une interdiction
de déclarer les naissances devant un officier d'état-civil français?
C'est bien remettre en cause la validité formelle des actes
ta blis
é
à l'étranger. Ceci rend le demandeur prisonnier d'une rigueur au cas
où il n'y a ni consulat ni ambassade dans le lieu de l'événement. En
retour, ne faut-il pas envisager au Gabon l'ouverture d'un registre
particulier
de
transcription
des
déclarations
imparfaites
effectuées à l'étranger ? Une telle éventualité a certes l'avantage
de
consacrer
en
droit
la
rectification
administrative
et
l'adjonction judiciaire de nom qui, actuellement ressemblent à de
véritables changements de nom. Mais plus juridique est la solution
qui peut résulter
de l'harmonisation
des règles
qui
obligent
l'officier d'état-civil. Celui-ci demeurera tenu par la lex loci acti
du point de vue organique et d'une manière générale sur le contenu
des actes. Par contre, le caractère obligatoire de la règle de forme
doit s'effacer lorsque les mentions soulèvent des difficultés
parce
que pour l'une des parties au moins, il s'agit d'une indication de
fond et non de forme.
Dès lors,
la forme
organique
de l'auteur
de l'acte
est
d'une
application
obligatoire
de la
règle,
tandis
que les
mentions
contenues dans l'acte sont d'une mise en oeuvre facultative de 1a
lex locus regit actum.
Paragraphe Il - De jure connubii
Ceux qui se désignent affectueusement
"mon mari,
ma femme"
répondent aux aspirations
les plus naturelles de l'homme. Ils se
disent "époux, épouse" et sont traités comme tel, ce qui crée un
cadre social où se développent en tout sens des rapports juridiques

167
constituant,
écrivent
les auteurs
207,
le terrain
d'élection
des
conflits de lois. Pour les uns, ces relations sont celles de fa m iIl e
ou de mariage. Pour les autres, c'est du concubinage, de la liaison
dangereuse, en tout cas ce n'est pas du mariage.
Déjà s'opère une sorte
de polarisation
des concepts autour du
mariage avec cette complication que le mariage ne se conçoit pas
partout de la même manière.
L'importante
doctrine qui
s'est
développée sur la question a bien su démontrer que le hiatus ne
réside pas dans la matérialité
du mariage, mais dans sa forme.
Partout il est admis d'une part, que le fond du droit doit l'emporter
sur la forme d'autre part, que la forme est destinée à mettre en
oeuvre le fond de l'institution du mariage.
A ce niveau, les relations de famille sont conçues et réglementées
pour l'essentiel
par chaque législation
nationale
interne.
Si 1a
conjugaison des intérêts de personnes de même nationalité peut
être
dominée
par
des questions
liées
à
l'existence
de lois
personnelles
différentes
en raison
de la
variété
des statuts
personnels individuels, la même difficulté est envisageable lorsque
les
parties
à l'union
conjugale
relèvent
de lois
nationales
différentes.
Par contre,
ce qui demeure constant c'est que 1e
connubium est un droit dont l'étranger au Gabon ne saurait être
privé, mais un droit devant lequel il est souhaitable de s'arrêter
pour en revoir ne serait-ce que les problèmes dans l'ordre interne
et leurs implications extraterritoriales.
A) - Le connubium en droit interne ga bo na is
En suivant l'état du droit positif gabonais marqué par un réel effort
de réglementation
des unions conjugales,
il
nous arrive
d'être
malheureusement
dérouté
par l'orientation
nationale.
L'idée
de
mariage
couvre toutes
les
situations
mais
les
qualifications
légales la restreignent. Lorsque la nature légale et la réputation
s'identifient,
c'est
l'importance
du
mariage
qui
s'en
trouve
diminuée. Parfois la loi nouvelle accorde des effets juridiques aux
unions qui durent depuis plus de deux ans, des fois elle prévoit que
l'union libre ne produit en principe
aucun effet de droit. Certes Ja
207BATIFFOL, traité T.II p. 35 ; G.A. KOUASSIGAN, des conflits interpersonnels
et internationaux de lois et de leurs incidences sur la forme du mariage en
Afrique Noire Francophone. Rev. Crit. n" 4-1978 p. 641.

168
loi nouvelle consacre l'union polygamique - seule forme coutumière
reprise
- alors que la Fonction Publique n'octroie ses avantages
qu'à la première épouse.
Cette apparente contradiction tient à l'existence simultanée dans
l'espace
interne,
d'un objectif
de l'Etat
et de manifestations
permanentes de mentalités
hostiles.
Pour partie, la famille
doit
être tournée avec obstination
vers le monde moderne. Pour 1e s
autres, le droit des personnes ne peut rester que dans l'empire des
coutumes
et
des
traditions.
Ce
type
de
conflit
interne
de
psychologie rappelle bien -sûr la question de l'évolution du statut·
juridique de l'indigène. Mais ici, il traduit la résistance opposée par
les tenants d'un ordre juridique traditionnel à ceux qui préconisent
l'imitation des comportements étrangers.
Il s'ensuit une lutte où modernistes et traditionalistes s'affrontent
par courants modérés et extrémistes. Les premiers vont appliquer
la loi moderne en profitant de la force coercitive
de l'Etat. Les
seconds vont s'affirmer par leur volonté difficilement
ébranlable
de rester fidèle à leur loi naturelle qu'est la coutume.
Dès lors, il est suffisamment réaliste de constater que le droit de
la
famille
au Gabon
est
soumis
à
deux
ordres
juridiques
parfaitement distincts ce qui autorise l'évocation du mariage en
droit civil coutumier et en droit civil moderne.
1°)_ L'idée du mariage
en droit civil
coutumier
La loi moderne de 1972 ne donne pas du mariage une définition
précise et n'énumère pas de situations reconnues comme telles. Des
contours du texte, ressort le net sentiment que le mariage
est
l'union conjugale célébrée par le maire 208 et prouvée par un acte de
son ministère
209. C'est bien
là une conception qui tranche avec
l'idée que le gabonais se fait du mariage, cérémonie sans rapport
principal avec l'officier d'état-civil.
a)- les données générales
du mariage coutumier
Ici, le mariage est un concept certes facile
à imaginer, mais peu
aisé à définir. Faut-il
reprendre
les approches du droit moderne en
20SArt. 231 c. civ. et suiv.
209La
possession
d'état
n'est
admise
qu'en
cas
de
perte,
destruction,
inexistence prouvée des registres d'état-civil - art. 235 c. ci v.

169
leur retirant certaines mentions comme l'intervention du maire, 1a
preuve par acte d'état-civil
et en rajoutant d'autres indications
plus favorables . Un tel essai n'évite pas de paraître
hasardeux
alors qu'il doit marquer la différence entre deux ordres juridiques
dès l'idée de mariage. Nous ne nous intéresserons pas aux espèces
rarissimes
comme le mariage
par rapt
afin
que, par voie de
réduction, nous arrivions à une époque relativement récente où 1e
mariage se conçoit comme la volonté de deux familles
de s'a" ie r
parce que deux enfants de leurs seins ont pu 210 choisir de vivre
ensemble.
De cet essai de définition
du mariage coutumier ressortent deux
considérations majeures. D'abord, si l'initiative de la situation qui
va se créer
appartient
aux futurs
époux, la formation
et 1a
conclusion sont l'oeuvre des deux familles.
Ensuite, l'élément qui
constitue l'état d'époux est exclusivement la cérémonie de remise
de la dot; En effet, celui qui veut se marier est, quel que soit son
âge, son remariage ou sa fortune, considéré comme atteint
d'une
incapacité de contracter. Il est placé automatiquement dans une
sorte de tutelle ou d'assistance de sa propre famille.
Ce sont ses
parents hiérarchisés à cette occasion, qui vont stipuler pour 1ui.
Quant à la forme de constitution de l'état d'époux, elle n'est pas
réussie solo consensus.
En aucun moment de la célébration 1e
consentement des époux est requis, pas même lorsque l'orateur de
la famille de l'épouse imminente se retourne vers la fiancée avant
d'accepter la dot, comme s'il
lui demandait un ultime avis. Bien
entendu, la fiancée peut surprendre, ce sera alors désagréablement
puisque son rôle
à ce stade de la procédure
n'est même plus
consultatif.
La création
de la condition
d'époux est obtenue grâce
à une
convention solennelle,
formaliste
et réelle. La solennité
tient à
l'existence d'un faste exigé par la mise en présence non pas de deux
époux, mais de deux familles
qui vont se lier
d'alliance.
Le
caractère formaliste du mariage traditionnel est assez marqué car
pour reprendre l'illustration de l'ethnie INONGO GNI GWEMIENE à travers
210Certaines tribus du Gabon conçoivent fort bien le mariage de l'infans
conceptus. Par ailleurs, il y a des mariages où la femme a été choisie et
proposée totalement par la famille du mari sans l'intervention de cel ui-ci.

170
sa tribu MPONGWE, la célébration
compte trois
étapes : IDIRINYA
S'OGHOLY 211, IBELA 212, IKWELIKI 213. Quant au caractère réel du ma riage
coutumier, il s'explique par l'exécution en fin de cérémonie, d'une
double action de tradition manuelle :
- tradition par la remise de cadeaux et de présents de même
nature que ceux dans IBELA. Toutefois, s'y ajoutent des biens 214 dont
la nature périmée constitue l'expression éloquente du symbolisme
de la dot, une dot incomprise 215 alors qu'elle est un instrument de
preuve du mariage, une condition de la légitimité des enfants, une
compensation affective, un gage de déférence et de correction ;
- tradition
de l'épouse par ses propres parents 216 qui 1a
sortent de leur sein, et la remettent à la famille de l'époux mil ie u
auquel elle va désormais appartenir.
b)- l'élément déterminant du mariage coutumier
C'est bien la formalité de IKWELIKI ou IBOUMBA qui va sacraliser 1e
mariage, créant au plus profond de la croyance du gabonais, l'état
d'époux des deux mariés et le jeu de l'alliance des deux familles.
211C'est la formalité qui consiste à demander la main d'une jeune fille. Ble est
facultative.
212Ce sont les fiançailles, elles créent un rapport d'affinité entre les fiancés
et leurs deux familles. Bles constituent un engagement moral au respect
duquel les parents veillent. Bles peuvent être rompues unilatéralement avec
cette particularité qu'ici il n'y a jamais restitution des présents et cadeaux
reçus, pour l'essentiel ainsi composés: une somme d'argent de 10 (XX) frs, 13
bouteilles de liqueur dont une série de deux de chaque, 4 cartons de bière, une
dame-jeanne de vin, le tout remis à la famille de la femme.
2l3C'est la "dot" de par sa traduction. Mais lKWELIKl ou lBOUMBA, c'est la
consécration suprême du mariage coutumier, une formalité réalisée avec
faste, jouxte oratoire mais beaucoup de courtoisie.
C'est une
démarche
fondamentale en raison des mutations importantes qui vont suivre.
214Un chaudron,
seau en cuivre,
importé par les
allemands
et depuis
remplacé par un seau d'un métal quelconque ; une touque de pétrole, une
lampe tempête, une moustiquaire, une barre de savon, une tête de tabac et
une pipe.
21SA propos de la dot, il existe une abondante littérature notamment : - le
mariage coutumier au RWANDA, thèse Bruxelles 1965 par S. BUSHAYJA -
Réquiem
pour
la
famille
africaine,
éd.
PEDONE
PARIS,
1%5
par
R.
DECOTIlGNIES- Le problème actuel de la dot en Afrique Noire 1950 par H.
SOLUS - Le mariage en Afrique Noire 1959 et Aspects actuels du mariage dans
le Sud Cameroun, penant 1952, n° 602 par]. BINET - La dot chez les KOTOKOU
de SOKODE,penant 1962 n° 693 par DJOBO BOUKARI - La famille conjugale et le
droit nouveau Ivoirien, penant 1966 par ABITBOL.
216Sorte de "man us injectio", une des cinq actions de la loi dans la Rome
d'avant Gaïus.

171
Comment nous opposer de méconnaître
une disposition
légale
comme celle 217 portant interdiction de la dot au Gabon. Nous ne
faisons que tirer par illustration les conséquences d'une loi dont 1e
caractère fragile
a commencé à être annoncé par le décret 218
déterminant les modalités
de remboursement des dots versées
avant la loi de 1963.
Ensuite, s'il est vrai que l'article
3 qui prévoit de lourdes peines
d'emprisonnement ou d'amende a été appliqué, il est établi que son
emprise a disparu. La principale
raison de cette situation
réside
dans le fait
qu'une agression- injuste
ne peut entraîner
qu'un
triomphe momentané. Une loi prise sur le statut personnel sans
préparation ni association des intéressés,
ne peut prospérer dès
l'instant qu'elle s'attaque à l'institution
de la dot, qui elle, est
fondamentale pour les populations du Gabon. N'allons pas jusqu'à
nier l'existence d'un problème de la dot, mais disons qu'il porte
essentiellement sur sa tarification.
Dans certains cas, la dot estimée en argent est excessive, dans
d'autres, et c'est ce qui est tu, la dot reste mesurée et sa modicité
lui fait conserver ses propriétés
ou facultés
morales.
Pourquoi
opter pour une solution radicale comme la suppression alors qu'une
sensibilisation
s'impose à certains endroits pour sauvegarder les
vertus humaines et sociales de la dot.
2°) - L'idée du mariage en droit civil
moderne
La loi de 1972 a institutionnalisé le mariage célébré par le maire
peu importe
le
lieu
et
les
circonstances,
mais
un mariage
exclusivement prouvé par des actes d'état-civil.
Ceci fait alors penser que la rupture avec le droit coutumier est bel
et bien consommée, que le droit gabonais nouveau est parvenu à
uniformiser le mariage. Pourtant, le texte de 1972 va donner lieu à
des interprétations dont l'une d'entre elles est que la loi renferme
une conception plurale du mariage.
a) - L'inventaire
des situations
conjugales
légales
Notons d'abord que la première partie du code civil
consacre deux
séries
de dispositions
: les
articles
34
à 37, sur le
droit
Zl7Loi n" 20-63 du 31.05.1963 JOn° 14du 1.07.1963, 510.
Zl8D. n° 22/74 du 24.07.1963 JOn° 18 du 15.08.1963,649.

172
international gabonais du mariage - les articles
198 à 304 soit
tout le titre deuxième, au droit du mariage, du divorce et de 1a
séparation de corps. Si les articles
198 à 202 sont réservés
aux
fiançailles, ce sont donc 102 articles qui régissent le mariage soit
moins des 167 que contient le code civil français dans son édition
de 1960. S'il est caractéristique qu'en France l'unicité du mariage
est chose acquise, au Gabon la pluralité
est la règle. Ce sont du
reste les textes qui vont faire
rebondir la question. En effet 1e
titre IV de la loi réglemente ce que l'on dit l'union
libre
et 1a
liaison dangereuse. De la liaison
dangereuse, le code explique en
deux articles,
qu'il s'agit du fait pour un homme et une femme
d'entretenir des relations
sexuelles
sans vivre
dans la même
maison (art. 389). Comme telle,
cette relation
ne produit aucun
effet de droit (art. 390). S'agissant de l'union libre
219 la
loi est
plus étendue. Elle exclut le contrat de mariage (art. 377 in fine) et
conçoit la preuve par voie de nomen, fa ma et tractatus.
Une fois qu'est rapportée que cette possession d'état (art. 378)
dure depuis deux années consécutives 220, parfois moins si l'homme
ou sa famille
s'est présenté aux parents de la femme pour leur
demander d'établir avec celle-ci
une union libre,
il se produit des
effets assez voisins de ceux du mariage.
Mais les raisons qui incitent à penser que la loi de 1972 renferme
une conception plurale du mariage ne s'arrêtent pas là. L'ordonnance
d'application
221
rappelle
en son article
7 que les
mariages
contractés en conformité
du droit
antérieur
auront les mêmes
effets que s'ils avaient été célébrés sous l'empire de la loi nouvelle
et ne pourront être dissouts que dans les formes et pour les motifs
prévus par la même loi.
Sans
retirer
la
note
de félicité
de
cette disposition,
nous
constatons qu'il est question ici de la validité des mariages d'avant
1974 sans discussion
de terminologie. Or à cette époque comme
plus en arrière, le mariage à toujours été lié à la loi qui régit l'état
de la personne du partenaire conjugal. Mieux, non seulement les
"lois
nationales" des mari et femme ont pu être nombreuses, il y a
219C'est le fait, dit l'art. 377, pour un homme et une femme de vivre ensemble
dans la même maison comme mari et femme sans avoir contracté mariage.
220Art. 379 - 1 0
221Ord. n° 22/74 du 21.03.1974

173
eu le fameux conflit colonial des lois dû à la variété des statuts
entre
indigènes
et
étrangers
d'une
part,
à
l'intérieur
des
autochtones d'autre part.
b) - autres
raisons
de penser à l'existence
d'un mariage
à
fo rrne plu rai e
Pour soutenir que la loi de 1972 a institué
une forme unique de
mariage,
il
faut pouvoir démontrer d'une manière
uniforme
sa
validité
organique
et formelle
; ses effets
quant aux époux,
parents, enfants et tiers ; son relâchement, le tout conformément
aux dispositions de la même loi. En droit pur, il est facile de dire
que
l'union
libre
n'est
pas
le
mariage.
Cette
position
essentiellement théorique ne saurait être confortée en dehors des
textes car, l'opinion gabonaise dans sa quasi unanimité considère
que l'union libre ainsi conçue est un mariage, mais que le mariage
célébré par le maire n'en est pas un.
Quant aux mariages d'avant 1974, sans devoir rappeler l'évolution
des statuts juridiques au Gabon, disons qu'il y a deux conceptions :
la mariage coutumier en tête, le mariage civil ensuite. Aux termes
de l'ordonnance de 1974, tous ces mariages sont valables. Ils se
poursuivent sous l'empire de la loi nouvelle, laquelle
réglemente
leur dissolution. L'article 4 de la loi du 31 Mai 1963 n'y peut rie n
puisqu'il est repris par l'ordonnance d'application de la loi de 1972.
Bien sûr, il institue le mariage civil célébré nécessairement devant
l'officier d'état-civil,
(art. 4-1°), mais aussitôt,
il
légitime
les
mariages antérieurs reconnus par les coutumes (art. 4-2°).
Malgré l'envie de contester la validité d'une union non célébrée par
l'officier d'état civil après 1974, il reste que la légitimité de l'état
conjugal créé ne saurait être mise en doute tant qu'elle est prévue
par la loi de 1972. La loi moderne valide les conceptions anciennes.
Une attitude différente
eût entraîné des conséquences bizarres
spécialement en faisant du mariage un état exceptionnel et des
unions coutumières un état commun car représentant presque 1a
totalité des ménages.
S'agissant des effets, ceux-ci sont les mêmes au niveau extra-
patrimonial
et la différence dans le type patrimonial
s'explique
comme une simple variété des régimes matrimoniaux. Quant à 1a
dissolution
du
lien
conjugal,
elle
permet
de
constater
l'insuffisance
du divorce.
La loi de 1972 a institutionnalisé
1e

174
divorce sanction. Comment pourra-t-elle
s'appliquer sans rendre
leur autonomie aux cessations de vie commune par la répudiation,
pour cause de stérilité,
pour refus du mari d'aller reprendre son
épouse qui a quitté le domicile conjugal pour attendre chez ses
parents?
Autrement dit, si à la formation, les unions actuellement soumises
à la loi de 1972 ont une origine organique et formelle variée, il n'en
demeure qu'elles sont qualifiées
de mariage. Si à la dissolution,
tout ce qui passe non accidentellement pour mariage, est régi par
la loi de 1972, c'est qu'elle a estimé devoir leur donner toutes les
garanties de sérénité et de gravité attachées à l'institution.
Ce
n'est donc pas la variété constatée dans les effets des différents
rapports précités qui doit entamer l'idée de mariage.
Finalement il Y a non seulement les mariages célébrés avant et
après 1974, mais les mariages consacrés par l'officier d'état-civil
et ceux créés volontairement
par ceux qui
choisissent
de se
comporter comme époux au sens de l'opinion la plus répandue au
Gabon. Le mariage n'est pas une création du maire, c'est un contrat
verbal ou écrit qui met un homme et une femme
en situation
psychologique d'époux, oeuvrant dans le sens de leur vie commune
et ayant les mêmes intérêts pour leurs enfants et leurs fa milles
réciproques, ceci pouvant être confirmé par des tiers.
A n'en douter, il y a un divorce entre la loi de 1972 et l'attention
juste réservée aux légitimes
sujets de cette loi. S'il
est exact
qu'elle a suivi la réalité locale en unifiant la condition juridique de
l'enfant, la loi de 1972 non pas qu'elle a contredit, mais elle n'a pas
poussé plus loin certaines ambitions. Comment soutenir que les
enfants nés d'une union libre
sont légitimes
s'ils
sont reconnus
(art. 386) alors que l'union ne crée entre époux que des effets
limités 222.
Que dire d'une telle disposition législative
qui se trouve bien en
dessous du comportement général moyen ? Certes elle prévoit 1e
règlement de la rupture de l'union, mais elle n'encourage pas 1a
création des familles,
objectif premier de la plus large opinion
nationale
dans un pays sous-peuplé. Que penser d'une loi (art. 385)
222Art. 380 et suiv. Il n'y a ni communanté de biens ni devoirs réciproques.
On conçoit une assistance mutuelle en cas de maladie non alcoolique. Il n'y a
pas droit de succession. Les dettes restent propres à chacun ...

175
qui dit que l'union libre ne crée aucun lien d'alliance entre l'homme
et les parents de la femme, ni entre la femme et les parents de
l'homme? Est-ce la loi qui crée les alliances
? Si la réponse est
affirmative,
il
y
a
lieu
de
constater
une
contradiction
supplémentaire
puisque
l'article
385-2°
dit
: "toutefois
les
dispositions
relatives
aux empêchements à mariage entre alliés
sont applicables à l'union libre". C'est donc confirmer que l'a lIiance
est un lien issu du mariage
indépendamment de la loi
et de
l'officier
d'état-civil.
Dès lors,
le caractère
mariage-biologique
l'emporte sur la conception du mariage formaliste
et autorise à
assimiler.
-
D'ailleurs pourquoi ne pas le faire dans la mesure où il s'agit du
sentiment profond du peuple d'un pays ? Le fait de rechercher
exclusivement à limiter le mariage à une forme et une conception
uniques
relève
d'un
système
de
raisonnement
étranger.
Le
jurisconsulte s'enferme dans des à priori de droit français et de
civilisations extérieures, pour conclure par tous les moyens que 1e
mariage
en
droit
gabonais
moderne
est
uniforme
dans
sa
célébration
et
ses
effets.
"
en
est
ainsi
au
niveau
de
l'Administration
Générale
lorsque
seule
la
première
épouse
bénéficie des avantages sociaux alors même que le fonctionnaire
serait marié régulièrement sous l'option de polygamie. Ne faut-il
pas craindre de créer ainsi une théorie de la relativité de l'état du
mariage ? Même s'il
s'agit pour l'Etat, de donner le ton à une
orientation des unions conjugales vers la monogamie, il reste que
la qualification juridique de ces différentes conditions de famille
entre une homme et une femme est dans le cas précis
du for
gabonais, celle du mariage. Le mariage apparaît alors comme une
institution à vocation extensible, dans le but d'atteindre le plus
grand nombre d'états conjugaux et de créer l'osmose nécessaire
entre la loi et ses sujets au demeurant traditionalistes.
A présent, la hiérarchie coloniale a disparu même si la loi moderne
gabonaise dans ses prémices, ne s'en inspire pas moins. " semble
d'ailleurs que les données jadis étouffées par les solutions du droit
des civilisations retrouvent leur plein essor.
En droit gabonais, l'acte juridique et le fait juridique du mariage
sont codifiés.
Pourquoi tenter de les discriminer
? Pour 1es
modernistes,
le
mariage
coutumier ne se conçoit pas sans 1a

176
célébration civile.
Pour les traditionalistes
le mariage civil
est
impensable sans le rituel coutumier. Ne faut-il proposer de retenir
d'ores et déjà, la validité
soit des deux formes
respectives
de
mariage, soit celle de la célébration double?
Les obstacles,
s'empressera-t-on
d'opposer
sont
: contre
1a
première option,
la preuve du mariage
coutumier
et contre 1a
seconde proposition, l'absence de régime juridique
unique. Quand
bien même, il ne s'agit pas de barrières
infranchissables
tant 1e
mariage est une institution du droit de la famille,
que la famille
n'est pas une création de ra colonisation
ni une émanation des
droits modernes hérités des féodalités. Seul le débat profond pour
un juste milieu peut satisfaire
les différentes lois locales. C'est
d'ailleurs
bien connu
que les
résistances
au droit
moderne
proviennent du droit moderne qui refuse de reconnaître
le droit
traditionnel
alors que la loi coutumière ne se considère
pas en
adversité avec la loi des indépendances sauf sur le point de sa
minoration et au plus fort, de sa substitution.
B) - Le connubium en droit international
privé gabonais
La volonté de créer un ordre conjugal moderne n'implique pas une
rupture
obligatoire
avec ce qui est considéré
comme l'essence
substantielle de l'état des personnes. Déjà enrichie par la prise en
compte des éléments tantôt de la loi personnelle, tantôt de la loi
nationale,
1a conception
plurale
de l'idée
du mariage
en droit
moderne interne devait en principe ressortir sur le plan du droit
international.
Le plus important du débat eût alors porté sur 1a
forme du mariage.
En effet, le fait de se dire marié à la coutume ne suscite aucun
intérêt actuellement devant l'Administration
et le Juge de droit
moderne. Aussi peut-on s'empresser de nous opposer l'inutilité
de
consacrer des développements en sens inverse.
A dire
vrai,
1a
difficulté n'est pas aussi simple à éluder . Tout au contraire c'est i 1
faut le dire, le législateur gabonais qui n'a pas été suffisamment
rigoureux avec sa pensée. Il l'a exprimée avec une telle souplesse
que nombre de valeurs permanentes n'ont pu être affirmées
avec
détermination.
Doit-on pour cela les ignorer alors que chaque jour, ces éléments
fondamentaux de civilisations humaines déjà légitimes exigent

177
tout simplement leur légalisation ? Les traditions et les coutumes
ne sont pas des décors folkloriques
du droit moderne. Elles ne
peuvent être
des données exclusives
de l'histoire.
Elles
sont
présentes et actuelles ce qui n'explique pas leur absence dans 1a
norme écrite dite moderne.
La reconnaissance de jure d'un double cérémonial du mariage une
fois
obtenue ou consacrée par la loi
nouvelle
aura le mé rite
d'enrichir
le
patrimoine
juridique
gabonais
d'une essence
de
variété. Il se posera non seulement la question habituelle de la loi
applicable
à la forme du mariage, mais aussi celle
des effets
spécifiques
des
institutions
coutumières
comme
la
dot,
1a
clandestinité
soulevée par les
parents
contre
les
mariages
à
l'étranger, la polygamie et pourquoi pas la répudiation.
En l'état, la loi de 1972 ne nous offre qu'une ouverture orientée
d'une part vers l'affirmation de principe de la loi applicable à 1a
forme du mariage, d'autre part vers l'incidence
de spécificités
nationales dans le droit international privé.
1°) - La loi
applicable
à la forme du mariage
Le droit
gabonais étant amplement
inspiré
du droit
fra nça is
notamment sur le plan du construit international,
il est possible
d'ores et déjà de dire
que c'est la lex locus
regit
actum qui
s'applique. Une telle réponse tient de la règle qui veut qu'un acte
juridique comme l'est le mariage, soit soumis quant à sa forme à 1a
loi du lieu de sa célébration 223.
Au fond ce principe
généralement
admis
a, dans le cadre de
l'historique du droit gabonais, été expressément retenu par l'article
170 du code civil français.
En effet, ce texte prévoit que le mariage contracté en pays étranger
sera valable, s'il a été célébré dans les formes usitées dans 1e
pays. Pourtant, cette disposition ne se retrouve pas dans le code
civil de 1972. Comment la question de la loi applicable à la forme
du mariage est-elle donc résolue au Gabon?
223BATIFFOL, traité T. Il
5 éd. 1971
p. 43 P.
LEREBOURS-PIGEONNlERE
et
LOUSSOUARN, précis DALLOZ. 9° éd. 1976 p. 581 et s.

178
a) - La détermination
de la loi
applicable
Est-ce suivant l'opportunité ou bien en considérant qu'il y a un vide,
qu'il faut emprunter au droit ancien? A moins peut-être de revenir
d'une manière
distributive,
aux solutions
qui ont contribué
à
l'établissement de la règle locus regit actum ? L'a propos a certes
l'avantage de l'occasionnel mais l'infortune du permanent en vue de
favoriser l'éclosion de véritables règles de conflits. Le recours au
droit transitoire nous ramène à épouser le principe de l'article 170
du code civil français, solution annoncée par présomption. Quant à
reconduire
la
réflexion
à
travers
l'applicabilité
de
la
loi
personnelle des conjoints mixtes, il semble que c'est un choix qui
va retracer les longs travaux ayant déjà abouti à la mise en oeuvre
de la lex fori.
En attendant, qu'elle est la solution donnée par la règle gabonaise
des conflits ? Si la loi de 1972 n'a pas repris la formulation
de
l'article
170 français, il reste qu'elle en a gardé le principe.
Les
conditions de validité du mariage autres que celles relatives
aux
formalités ou à la célébration sont régies pour chacun des époux
par la loi qui règle son état (art. 34 c. civ.).
De ce texte assez condensé, se découvre la question des règles
psychologiques et biologiques du mariage, lesquelles relèvent de 1a
loi de l'état des époux c'est-à-dire leur loi nationale 224. Mais qu'en
est-il
de la loi de forme ? La réitération
de cette question ne
témoigne pas d'un embarras, mais de la construction lente d'une
réponse. Il faut raisonner par a contrario, pour dire que si la loi
nationale ou la loi personnelle des époux s'applique aux conditions
classiques de fond, c'est la lex loci celebrationis qui va régir 1e s
considérations habituelles de la forme du mariage. Ainsi, la loi de
1972 ne comporte certes pas de disposition expresse sur la forme
du mariage accentué par la présence d'un étranger, mais elle ne
laisse plus le choix à ces époux, d'opter entre la loi locale et le ur
loi personnelle. C'est la règle locus regit actum qui s'applique ma is
d'une mise en oeuvre fatalement différente puisque le mariage ne
se conçoit pas de la même façon en droit français
qu'en droit
gabonais.
224L'état et la capacité des individus sont soumis à leurs lois nationales : art.
32-1 0 c. civ.

179
b) ~ La mise en oeuvre de la règle locus regit actum
Prenons à nouveau appui sur le système français, pour rappeler que
dans l'empire de l'article
170, le caractère
laïc
du mariage
a
dominé sa célébration faisant d'elle, le point central de la validité
formelle du mariage des étrangers. Il s'ensuit que l'application de
la règle locus regit actum est assortie d'un caractère contraignant:
l'observation
y est
d'abord d'ordre
public,
ensuite
le
respect
obligatoire. Si le mariage est de conception unique, il est normal
que la loi du for applicable
à la forme
le soit
d'une manière
obligatoire. Mais si l'on conçoit une forme plurale
du mariage ou
même que la forme unique est toutefois nuancée par l'admission de
qualifications variables, ne faut-il
pas regarder la lex locus regit
actum comme un principe, c'est-à-dire une règle facultative ?
Cette idée peut être soutenue pour plusieurs raisons. D'une part, i 1
a été démontré que la loi gabonaise de 1972 contrairement à ce qui
semble
être
un connubium
uniforme,
contient
une conception
plurale du mariage ; la conséquence immédiate veut que se pose 1a
détermination de la loi locale applicable à la forme du mariage.
D'autre part et sur le plan de données, il
s'agit de dire
la loi
compétente dans la forme du mariage célébré au Gabon entre deux
étrangers ou entre un gabonais et un étranger; il s'agit également
de se fixer dans le mariage de deux gabonais ou d'un gabonais et
d'un étranger,
événements survenant cette fois
à l'étranger.
La
difficulté
dans ces cas marqués déjà
par l'existence
d'éléments
extraterritoriaux
réside
dans
l'apparition
de complications
au
niveau de la qualification.
D'ailleurs, l'article 34 de la loi de 1972 ne parle-t-il
séparément
de conditions de formalités
et de célébration ? Cette distinction
s'explique par ce que la forme plurale du mariage en droit interne
local pose la question de savoir si telle ou telle prescription légale
ou sous-entendue est une question de fond ou bien une question de
forme.
2°) - Les
incidences
de quelques
spécificités
nationales
dans la loi applicable
au mariage
Le caractère
international
du droit
privé
des actes j urid iq ues
passés dans un pays "A" pour être
appliqués
dans un pays "B"
conseille
vivement aux auteurs et aux parties à l'acte, d'éviter de

180
revenir
sur
les
considérations
qui
déjà,
font
pratiquement
l'unanimité. Or, chaque pays dispose dans son arsenal juridique d'un
droit
international
privé
et
s'en
sert
comme
d'une
arme
privilégiée22s . Il s'ensuit que la projection
réalisée
par le droit
interne
sur
le
plan
international
selon
l'idée
de BARTIN, est
nécessairement déformée comme l'estimait déjà le doyen JULIO DE LA
MORANDIERE, les deux plans n'étant pas absolument
parallèles
226.
C'est du reste en tenant compte de ces observations à la fois
universalistes
et de spécificités
nationales
qu'il
n'y
a pas
nécessairement un prolongement international du système de droit
privé interne.
Il en est de même de l'existence de principes liant les Etats, et qui
ne saurait empêcher la présentation fut-elle à titre d'information,
de données propres à un pays quand bien même, mais susceptibles
d'enrichir le débat en vue de l'objectif à atteindre. A ce propos, il a
été question du renouveau du particularisme du droit international
privé dans les pays décolonisés en fonction du droit interne et des
exigences du développement 227.
En
matière
d'union
conjugale,
d'importants
développements
intéressent la forme du mariage. Le mariage religieux
s'y trouve
opposé au mariage civil tandis que le mariage coutumier est primé
par le mariage laïc. Nombreux sont les principes qui ont trouvé
naissance dans la logique de systèmes juridiques
occidentaux et
anciens où l'interdiction est assise sur l'ordre public pour ne pas
avouer que dans les
modèles
autoritaires,
la concurrence
est
inadmissible
dès l'instant
qu'une autorité
est
investie
d'une
compétence qu'elle veut exclusive.
La validité . du mariage
dans sa formation
ou sa
célébration
consolide celle des effets. Elle suppose une appréciation conforme
aux règles
du jus
connubii
personnel
des intéressés
et
une
application facultative de la lex locus regit actum. La distinction
classique des questions de forme par rapport aux problèmes de fond
peut s'étendre dans le cas où une question de forme devient s i
importante pour l'un des conjoints, qu'elle se transforme en donnée
de fond. C'est le problème soulevé par l'option de polygamie pour ne
retenir que cet exemple.
225PI-L FRANCESCAKIS, CLUNEl' 1973,46.
ZZ6üp. rappelées par J, FOYER, in travaux du comité français de DlP 1%2 p. 107
zZ7Décolonisation et développement en DIP (essai d'une systématisation à
partir de l'expérience française) par J,M. VERDIER, CLUNE[ 1962,942.

181
a) - l'option
de polygamie,
question
préalable
de d ro i t
interne gabonais
De la même manière que la dot, la répudiation ou la veuve héritée,
la polygamie est l'objet d'une continuelle
agression car elle est
considérée
comme
faisant
partie
du burlesque
juridique
de
l'Afrique. A croire même que la notion d'ordre public quant à l'état
et la capacité des personnes, créée par les pays avancés trouve sa
justification
ici.
Toutefois,
si
la colonisation
a souvent
été
synonyme de dépersonnalisation d'un peuple par un autre, le premier
devenu maître
de son destin
doit fondre
harmonieUsement ses
valeurs propres héritées de son histoire. Aussi, prenant la suite
d'une série de textes 228 coloniaux, le législateur gabonais a - t - i 1
débattu de la polygamie sans la définir spécialement. L'alinéa 1 de
l'article 213 c. ci. prévoit en effet que la femme ne peut contracter
un second mariage avant la dissolution
du premier.
Il en est de
même de l'homme qui a opté pour le mariage monogamique.
Il est prévu, s'agissant de la femme que celle-ci
ne peut être
mariée qu'à un seul homme à la fois
et que toute velléité
de
polyandrie est assez durement sanctionnée. Du côté de l'homme, 1e
même texte évoque le cas de celui
qui a opté pour le mariage
monogamique, lui restreint ses appétits expansifs et brandit contre
lui le spectre de la bigamie. Mais rien ne réglemente la polygamie
sinon des allusions
faites
çà et là. Une d'entre elles
apparaît
lorsque l'officiant pose la question du choix exprès entre la mono
et la polygamie (art. 177-60 c. civ.). Une autre est l'expression des
règles de liquidation d'un rapport polygamique (art. 367, 1
2
3
0 -
0 -
0
c. civ.). Une autre encore plus précise, est faite en instituant 1e
régime de séparation des biens comme principe pour les unions de
polygames (art. 374-2 0 c. civ.).
Autrement dit, le mariage polygamique est un reqrrne matrimonial,
un état juridique légal où un seul homme est régulièrement uni à
plusieurs femmes à la fois. Or, ces nombreuses épouses ne sont pas
prises en une seule noce. A partir de quand peut-on considérer qu'un
individu est polygame 7 Est-ce à la suite de l'option faite lors du
premier mariage ou bien à la mise en oeuvre effective de l'option de
polygamie 7 D'une manière plus contingente, le choix entre la mono
et polygamie est une question obligatoirement posée par l'officient
228Arrêté du 12.04.1934 - arr. du 13.12.1940 - décret JACQUINOT du 14.09.1951 -
délibération de l'Assemblée gabonaise du 26.11.1957 n" 43/57.

182
gabonais. Essayons de nous y arrêter pour penser à l'option et sa
portée?
,
~
b) - La levée de l'option et sa portée
C'est un fait, s'agissant de la levée de l'option de polygamie, qu'elle
a connu une évolution au cours de laquelle ont été prises en compte
à la fois la volonté des époux de placer leur union sous un statut de
droit coutumier, ainsi que la déclaration expresse de polygamie. 11
Y avait donc option de législation
et option de juridiction.
Mais
tomme la polygamie était ouverte aux seules personnes d'un statut
dit traditionnel,
l'option
de législation
a entraîné
l'option
de
juridiction avec la préférence pour la loi personnelle coutumière à
la loi française 229.
A cet effet, la décision rendue le 21 Juin 1967 par le Tribunal de 1a
Seine
230
peut
illustrer.
L'affaire
oppose
des
individus
de
nationalités différentes, ayant contracté mariage en France, devant
un officier
d'état-civil
français.
L'épouse française
sollicite
1e
divorce. Le mari de nationalité camerounaise, soulève entre autres
moyens, l'irrecevabilité de la demande en divorce au motif que leur
mariage est nul en raison de l'existence
d'une précédente union
contractée par lui le 3 Septembre 1956 au Cameroun. Le tribunal a
estimé que le premier mariage était valable
au regard de la 10 i
nationale du mari,
mariage non dissous
; il
a déclaré
nulle
de
l'article 147 c. civ. français, l'union du 24 Avril 1965 et par voie de
conséquence a conclu à l'irrecevabilité de la demande en divorce.
Dans cette espèce, le juge a décidé en tenant compte de ce qu'en
droit camerounais, existaient non seulement un mariage coutumier
et
un
mariage
" officiel",
mais
que
la
polygamie
y
était
institutionnalisée. Même si la deuxième partie du jugement déclare
putatif a matre le mariage du 24 Avril 1965, il reste à savoir s'il
n'était pas possible d'éviter une situation aussi gênante? L'une des
mesures à proposer, ne consisterait-elle
à obtenir, la distinction
229Encore faut-il indiquer d'ores et déjà que le choix voulu ou non, par un
individu d'une loi applicable différente de son statut personnel ne crée pas
un rapport d'allégeance
surtout lorsque
la
norme
juridique
étrangère
continue à faire partie du système juridique du pays.
230T.G.I Seine Teh. 21.06.1967 Dme COURTOIS c MEDOU MEZE. rev. crit. 1968,
294.

183
au sein de l'évocation de la lex fori, de deux choses : les questions
de pure formalité
et les autres même interdites
au regard de
l'ordre public interne du for, mais substantielles par rapport à 1a
loi nationale de l'autre ?
Si l'officier d'état civil français avait posé la question de l'option
ou de la renonciation
à la polygamie,
il
eût incontestablement
résolu le problème. Le juge ne serait pas astreint à décortiquer des
correspondances entre
les
deux femmes
pour conclure
que 1a
mauvaise
foi
de l'épouse
française
n'est
pas
suffisamment
démontrée. La polygamie est un tra it d'esprit caractéristique de 1a
société
africaine
noire.
\\1
est
normal
que les
conjoints
se
prononcent sur tous les points essentiels pour l'un et l'autre comme
il plaît à le dire pour le seul consentement. Le mariage étant une
psychologie,
il paraît donc indispensable
de connaître
l'avis
de
chacun en ce qui concerne la mentalité conjugale de l'autre. Ce n'est
pas l'ordre public français
en cadre avec le comportement des
français en France, qui peut empêcher ceux-ci de profiter au Gabon
de ce qui est trait de vie courant et normal.
Du reste, le mariage à ce stade est plus une question pratique
qu'une
appréhension
intellectuelle.
Seule
une
application
facultative
de la lex locus regit actum peut pallier
à de te Is
inconvénients. Il vient alors à l'esprit de se demander si le mariage
célébré
par
l'officier
d'état-civil
vaut
par
cela
même,
une
renonciation des époux à leur statut coutumier ?
La Cour Suprême du Cameroun-Oriental 231 a donné une orientation à
souhaits puisqu'elle s'est ainsi prononcée: "attendu que ESSOUGOU et
NGA. MAI,
n'ayant pu, étant tous
les
deux à Toulouse
en '955
contracter mariage publiquement comme ils le voulaient autrement
que la comparution devant l 'O.E.C. de cette ville, leur comparution n'a
pu valoir en l'espèce renonciation à leur statut personnel".
Cet arrêt révèle certes les facteurs de l'impossibilité
matérielle
et morale des époux de choisir leur officiant à plus forte raison, de
se prononcer sur l'option ou la renonciation à la polygamie.
Par
contre et
transportée de nos jours, son affirmation
serait plus
nuancée compte tenu de l'existence
de consulats diplomatiques
Z31c.S. Cam. oriental 14.02.1961 ESSOUGOU et NGA MAI jearine.penant 1963,359.

184
étrangers dans les villes
françaises.
Toutefois la portée de 1a
solution
de l'arrêt
précité
revient
à
la
charge
lorsque
1a
représentation diplomatique de l'intéressé se trouve à Paris ou à
Londres dans le cadre du cumul géographique. Faut-il
aggraver 1a
note de la célébration du mariage, par le déplacement du cortège
des convives jusqu'à l'Ambassade?
Comme
pour
appuyer
la
position
de
la
haute
juridiction
camerounaise, la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême du Gabon
232 a développé la motivation
suivante : "Si avant l'indépendance, 1e
- statut
de
droit
moderne
était
considéré
en
vertu
de
1a
réglementation prise par l'application de ce que l'on appelait l'ordre
public
colonial,
comme
statut
de
droit
commun,
il
en
va
différemment aujourd'hui où l'on constate une certaine primauté du
droit ancestral considéré par certains comme le droit originaire.
L'affirmation
selon
laquelle
la célébration
employée
pour son
mariage, -n'a pas emporté de sa part renonciation
à son statut
d'origine, qu'il peut toujours revendiquer, est exacte...". La question
qui presse à venir est celle
de connaître la portée d'une te Ile
décision. Non seulement elle a affirmé que le statut civil
colonial
n'est plus de droit commun, mais elle
a exprimé, peut-être avec
-moins de fougue, pourtant nettement, que le droit ancestral c'est-
à-dire coutumier a repris sa place privilégiée. Que n'est-on surpris
en revoyant que la loi
de 1972, n'a pas institué
le
mariage
coutumier ? Parfois il a semblé que, le législateur a voulu éviter
d'entretenir la confusion qui naît à assimiler
le statut personnel
des individus ayant plus ou moins opté pour le droit civil de type
français et leur nationalité.
Faut-il rappeler que l'option de législation qui a emporté option de
juridiction
uniquement sur
la
loi
applicable,
n'enlève
rien
au
caractère primaire c'est-à-dire coutumier du statut de l'individu
gabonais ? La mutation survenue à la suite
du phénomène des
indépendances a permis de perdre la nationalité
"coloniale" pour
retrouver celle des populations du Gabon dont le statut de droit est
avant tout coutumier. Ce n'est ensuite que l'option
si elle
est
régulièrement faite, va permettre à des nationaux gabonais, de se
soumettre totalement à la loi de droit civil moderne.
Z3ZCh. Jud. 4.01.1971,penant 1971,373.

185
La Chambre Judiciaire 233 avait dégagé cette solution pour trancher
dans le recours des frères d'un époux prédécédé visant à exclure 1a
veuve de l'administration de la succession ainsi que l'exercice par
elle de la tutelle sur ses enfants. Les appelants se fondaient sur 1a
permanence du statut personnel coutumier qui prime celui du droit
civil de 1804 auquel les époux avaient adhéré par constat contenu
dans une décision du Tribunal de Première
Instance de BRAZZAVILLE
du 13 Juillet 1957. Pour décider de l'application de la loi de 1804,
la Cour a estimé que c'est un tort de vouloir lier le sort du statut à
celui
de la nationalité,
deux notions distinctes.
Mieux, elle
a
précisé que l'accession
à l'Indépendance n'a pas pu modifier
ni
anéantir le statut personnel des époux, qui continue. Autrement dit,
la Cour a confirmé la relativité de la dualité statut personnel et loi
applicable. Ceci apparaît avec d'autant plus de force que la 10 i
applicable au demeurant différente du statut personnel fait partie
intégrante du système juridique moderne du pays de l'intéressé.
La nullité a sanctionné 234 le mariage contracté le 28 Octobre 1973
par feu BOUCHARD et dame AMPONKELE alors
que le mari
avait été 1i é
d'un précédent mariage non dissout à dame AKEREMANGA, le 7 Janvier
1950. Dans cette affaire, la solution de droit a dépassé la question
résolue de la renonciation tacite à la polygamie pour affirmer qu'un
époux d'origine gabonaise mais de nationalité française de par un
jugement du 8 Février 1941 n'a pu se marier en 1950 que suivant
les prescriptions de l'article 147 c.civ. français dont la défense est
reprise par l'article
213-1 0 de la loi civile
gabonaise. D'a ille urs,
l'article
7 de l'ordonnance
na
22/74 du 21
Mars
1974
sur
l'application du code de la famille
au Gabon, n'a-t-il
rappelé 1a
validité
des unions contractées
régulièrement
selon
le
droit
antérieur à 1972 ?
Pour finir,
les caractères intrinsèques de la polygamie lui valent
d'être institutionnalisée
en droit interne et par ricochet,
d'être
reconnue en droit international. La polygamie a été décrite tel un
point substantiel à connaître lors de la célébration du mariage et
devant faire l'objet d'une question obligatoire.
Elle ne peut être
exclue que lors de l'option faite par l'époux du régime mono et non
Z33Ch. jud. 30.07.1973 WALKER ANCHOUE et WALKER ANGUILE c/ONANGA
OGANDAGA - Rep. n° 37. année 1973.
z34T.G.I.
de
PORT-GENTIL,
Dame
Veuve
BOUCHARD
AKEREMANGA
cl
AMPONKELE Christine. Ici,
l'époux n'avait pas fait une simple option de
législation en se mariant sous l'égide du code de 1804. C'était devenu sa loi
nationale et comme telle, l'empêchait de conclure un second mariage avant la
dissolution du premier.

186
polygamique.
Ainsi
la difficulté
n'est plus celle
tirée
du 1i e n
supposé entre la loi applicable de droit moderne au sens colonial et
le statut personnel émancipé. Le statut personnel du gabonais est
régi par sa coutume au demeurant favorable à la polygamie.
La loi civile applicable en 1972, donc de droit moderne, consacre 1a
polygamie. En droit international
gabonais,
il
ne peut plus être
question de renonciation implicite. Celle-ci
est prouvée non pas à
la couleur du livret de mariage mais à la mention qui figure au dos
de l'acte de mariage tiré
des trois
souches contenues dans 1e
registre de la Mairie du lieu de la célébration.

187
CONCLUSION
PARTIELLE
Au terme d'un essai sur l'établissement
au Gabon de l'étranger
personne physique, la tentation est forte de dresser un inventaire
détaillé
des nombreuses questions
évoquées. Mais ce catalogue
contiendrait trop de lacunes dans la mesure où l'actuelle étude n'a,
ni une prétention exhaustive, ni de solutions définitives. Pourta nt
ce travail est effectué dans l'espoir de contribuer modestement à
la vulgarisation de la réflexion juridique dans ce pays.
Il apparaît nettement à l'illustration,
que la grande faiblesse
du
système juridique gabonais dans toutes ses branches, réside dans
le traitement de l'étranger axé jusque là, sur le principe d'égalité.
En effet, l'établissement de l'étranger au Gabon débouche dans un
paradoxe : d'une part, la condition officielle
des étrangers qui,
examinée du côté matériel
ou moral,
se présente à un niveau
étonnamment bien au-dessus de celui
du national ; d'autre part,
cette condition à priori favorable, est cependant précaire puisque
la population
ne la supporte
plus,
la considérant
comme une
extraversion du traitement des gens.
Voilà deux affirmations difficiles à concilier, l'une étant l'extrême
de l'autre. Consacrer la supériorité juridique
de la condition de
l'étranger est un empirisme qu'aucune souveraineté ne peut plus
accepter. Recourir à la xénophobie et autres voies d'iniquité n'est
pas solution
harmonieuse pour réduire
le conflit
psychologique
interne gabonais. Une troisième
voie s'impose et la proposition
faite s'articule elle-même autour de deux considérations : un fond
d'égalité dans la philosophie de base, et un souci de réciprocité au
stade de l'action. Cette proposition est inspirée de ce que PORTALIS
formulait
"nous
traiterons
les
étrangers
comme
ils
nous
traiteraient eux-mêmes".
Le traitement d'égalité apparaît pour rappeler que l'étranger ne
peut prétendre à une condition ni meilleure,
ni pire que celle du
national.
Mais puisque c'est la situation
de l'étranger qui est
juridiquement mieux assise, il y a lieu de la considérer comme
constituant le minimum souhaité par le droit international.
Or 1e
droit des gens insiste
pour la reconnaissance au sein de chaque
Etat, d'attributions qui relèvent de sa seule intimité.
Il s'ensuit,
notamment au niveau de la jouissance des droits, que le Gabon ne

188
peut traiter un étranger au-delà de la meilleure
considération à
laquelle accèdent ses nationaux dans le pays de l'étranger.
Ceci explique la préférence exprimée pour l'adoption du principe de
réciprocité à la place de celui
d'égalité. Par ailleurs,
une te Ile
orientation
permet
de
traduire
en
droit,
le
réaménagement
nécessité par la distinction entre les droits à refuser désormais
aux étrangers et ceux susceptibles de subir des amenuisements.
Cette proposition n'a rien de chauvin car d'une part, elle estime que
la présence de l'étranger au Gabon est utile, d'autre part, elle va
jusqu'à emprunter à l'étranger sa façon de faire,
tant que celle-ci
est à mesure de remédier à la non-présence effective du gabonais
dans l'exercice de ses droits et libertés.
D'ailleurs la solution avancée ne procède-t-elle
d'une admiration
pour la cohésion des étrangers,
au point
de conseiller
avec
insistance aux nationaux de commencer par s'identifier à partir de
systèmes moins artificiels.
Lorsqu'il s'agira comme par tradition
universitaire de déterminer ou d'ordonner les étrangers, il restera
à procéder le plus simplement possible.
Sur
la
détermination,
le
droit
moderne
retient
le
critère
sociologique et juridique, privilégiant le second qui se résume à
une allégeance administrative.
Ce procédé manque quasiment de
légitimité,
il est indifférent à l'idée de nation. Plus intéressant
serait
un droit
africain
moderne insistant
sur la primauté
du
rattachement sociologique
selon le droit
traditionnel,
avant de
s'imprégner
de l'étranger
de
la
colonisation
et
d'envisager
l'étranger de demain. L'étranger sera celui-là
qui ne veut pas
réussir son assimilation
à la société indigène. De même pour 1e
besoin des intégrations sous régionales et parfois sub-régionales
la
notion
du
"frère-africain",
va
permettre
d'éloigner
progressivement le concept d'étranger entre africains.
Sur la classification,
il
est évident
qu'en
'960
le
Gabon a
discriminé
inconsciemment puisqu'il n'avait rien contre la Chine,
l'Albanie et autres pays qu'il ne connaissait pas. Comment la Guinée
a-t-elle
pu se trouver avec la Hongrie alors qu'après l'U.A.M, est
arrivé l'O.U.A dont elle fut membre. Et ces prétendus investisseurs
qui parfois
en profitent pour humilier
les peuples africains ! 11

189
convenait de dépasser
le seul
subjectivisme
qui a fondé 1e s
catégorisations
depuis
l'indépendance
et de poser
un procédé
simple
combinant objectivisme
et subjectivisme.
L'immigration
pose à la fois
un problème humain et un problème économique.
Autant faire abstraction de toute influence politique et tendre vers
une classification
uniforme sans privilège absurde afin de mieux
réaliser l'amitié des peuples et la solidarité internationale.
Le souhait de voir le principe de réciprocité à fondement d'égalité
devenir la règle du traitement des étrangers ne s'intéresse
pas
seûlement au droit d'emploi ou de salaire. W fait également siens
les problèmes que nous avons classés dans la condition légale de
l'étranger,
parce qu'ils
ont une incidence
sur
la
liberté
des
personnes, qu'il s'agisse de répression légale directe ou indirecte,
entièrement ou presque.
La répression administrative qui est à l'origine des lois du séjou r
dans l'Etat a permis de réactiver la nécessité d'éviter l'arbitraire.
Bien sûr la pratique discrétionnaire
du refoulement
est encore
possible tant que l'étranger se trouve à la frontière et qu'il n'est
pas encore
admis
à séjourner
dans
le
pays. Par contre,
si
l'expulsion massive des "représailles politiques" désarme toujours
les juristes,
l'expulsion d'un étranger séjournant déjà au Gabon
reste une manifestation dont l'observation du droit de défense est
souhaitée ardemment ainsi que la possibilité pour le juge pénal de
la prononcer si elle est sollicitée par l'intéressé.
Parler de réciprocité normative des traitements trouve également
sa place dans l'administration pratique de la justice. Les tribunaux
sont déjà astreints à un double devoir d'égalité et d'équité. Dès
lors, doit être évitée toute tendance même fausse, de nature à fa i re
revivre le droit des civilisations.
Si un effort vise à imposer les
règles de forme et à adoucir l'application de celles du fond, ce qui
importe c'est leur généralisation tant pour l'étranger que pour 1e
national.
La
privation
de
liberté
avant
d'avoir
détruit
1a
présomption d'innocence- doit être prise avec beaucoup de sérieux.
Aussi est-il
temps que l'erreur
processuelle
préjudiciable
car
infamante, trouve sa réparation.
La condition légale de l'étranger a conduit au survol de points au
demeurant
fatals
pour
le
phénomène
de
l'établissement
de
l'étranger
mais
assurément
susceptibles
de nourrir
le droit

190
gabonais des conflits. Ainsi ont été évoqués les problèmes posés
par
le
nom
et
le
mariage
afin
de
faire
apparaître
les
particularismes
juridiques
de la législation
nationale
et leur
projection sur le plan international. Le nom et le mariage relèvent
au Gabon du droit de la famille,
lequel
a absorbé celui
de 1a
personnalité. Mieux, comme tous les droits attachés directement à
la personne humaine, qu'il s'agisse de l'union conjugale, du régime
matrimonial,
du
droit
des
obsèques
ou
de
la
dévolution
successorale, le droit gabonais des qualifications les range dans 1e
statut personnel. Aussi la règle gabonaise des conflits autorise-t-
elle l'application de la loi personnelle ou nationale.
La compétence des tribunaux
du for n'est pas un privilège
de
nationalité mais une attribution selon les principes de solution des
conflits de loi et de juridiction,
admis un peu partout (p. 130, les
notes),
reconnaissant
le
renvoi,
adoptant
la
thérapie
de 1a
"réinterprétation" de la pensée juridique africaine de M. POUGOUE et
en cas d'insuffisance de la règle de renvoi du for, recourant à des
rattachements subsidiaires pour la qualification.
En droit international gabonais, quelle est la forme du mariage. Au
point de vue de la conception, il yale mariage coutumier et il y a
le mariage célébré par l'officier d'état-civil. Au point de vue de 1a
validité, ces deux formes de mariage sont consacrées par la loi
moderne de 1972. Cette loi laisse le choix de la poly ou monogamie
confirmant la primauté de la polygamie comme élément du statut
des personnes et dont la renonciation, estime la jurisprudence doit
être expresse. Pour sa part,
la loi
applicable
est la lex
loci
celebrationis
avec en option la distinction
des formalités
de 1a
célébration
et
les
règles
psychologiques
ou biologiques.
Non
seulement il y a la forme multiple du mariage, mais une question de
forme
peut-être
si importante
pour l'un
des conjoints
qu'elle
devient une question de fond. Ne faut-il
pas proposer la différence
au sein de la lex fori, des questions de pure formalité et les autres
quand bien même interdites au regard de l'ordre public interne du
for mais substantielles par rapport à la loi nationale de l'autre.
L'immensité du domaine du statut personnel n'est pas la seule
explication dans la mesure où des éléments conjoncturels viennent
renforcer la compétence de la loi nationale et à l'intérieur
d'une
même loi nationale, la loi personnelle. Il faut ajouter que le Gabon

191
est un pays sous-peuplé obligé par conséquent de suivre partout ses
nationaux
et d'en accroître
le nombre. Plutôt
que de paraître
intransigeant,
le
législateur
gabonais
a
institué
un
droit
international
privé
à consonance nationale.
C'est
le
problème
soulevé par la loi de 1974 lorsqu'elle
dit que tout enfant légitime
ou naturel reconnu né d'un père étranger devra porter un nom
gabonais donné par sa mère. Encore faut-il que ceci s'opère sous les
cieux d'une lex "locus regit' actum" favorable.
C'est bien pour cette raison qu'est appuyée, s'agissant de règles
coutumières et de lois épousant le statut personnel des individus,
la nécessité
d'une mise
en oeuvre
aménagée de la
lex
fo ri
applicable
aux actes d'état-civil.
Pour y parvenir,
il
a fa Il u
distinguer
au sein de la loi
de forme,
l'élément
organique
du
contenu de l'acte. Le premier reste d'application obligatoire, ma is
le
second
c'est-à-dire
les
mentions
reproduites,
peut
être
d'observation facultative.
Une telle solution est harmonieuse à plus d'un titre. Non seulement,
elle permet à l'officier
d'état-civil
de quelque pays que ce soit,
d'établir un acte complet de renseignements,
mais encore sont
conciliés les intérêts souvent divergents de parties qui ont elles-
mêmes pris leurs risques en convenant ainsi. Telle est d'ailleurs 1a
vraie dimension des problèmes posés dans le mariage au Gabon,
d'une part avec l'existence d'un mariage à forme plurale en raison
de la qualification
légale, d'autre part et surtout la question de
l'option de poly ou monogamie, posée au cours de la célébration du
mariage.
Autrement dit, le bilan de la confrontation du droit gabonais avec
le phénomène de l'immigration
étrangère humaine est loin d'être
apocalyptique.
Il
a permis
d'expliquer
à
partir
de
données
sociologiques constantes, que la condition heureuse des étrangers
est la suite
logique d'un système de traitement où subsiste
1 a
primauté des relents affectifs sur le respect des impératifs de 1a
nationalité. La société internationale peut paraître satisfaite de 1a
quiétude des non-nationaux mais à dire vrai, elle ne comprend pas
qu'un Etat puisse s'engager aussi loin dans le traitement favorable
des étrangers. Le réajustement proposé mérite bien le soutien dès
lors qu'il s'exclut de toute voie de fait et s'astreint à une légalité
universelle minimum.

192
[Q)U
[Q)~(O)~T [Q)[E~ ~[E~~(O)NN[E~
M(o)~!6\\l[E~
[ET !6\\[83l~[E~
[Q)!6\\N~
l°(O)[83J[ECTI][F
[Q)U
[Q)[E~[El(O)~~[EM[ENT
[EC(O)N(O)M~~U[E
[ET
s(0)C~!6\\l [D)lU] (GJ!6\\[83(0)N

193
Les personnes morales résultant des groupements d'affaires sont
inconnues des traditions
coutumières locales.
Elles
représentent
véritablement des créations étrangères exportées au Gabon. Ces
raisons
s'ajoutent
à
celle
tirée
du
plan
classique
de
1a
complémentarité des personnes physiques et des personnes morales
pour expliquer leur place dans la présente recherche.
Depuis qu'au siècle dernier les étrangers ont introduit l'économie
monétaire, celle-ci s'est développée dans des formes et techniques
auxquelles le pays n'a jamais pensé se contentant absolument du
génie extérieur. Les premiers comptoirs installés çà et là ont se rvi
de cadre à l'exportation des produits du territoire
y compris les
esclaves.
Quand sont arrivées
les
factories,
généralement
des
filiales
des grandes compagnies commerciales
européennes,
les
maisons de troc ou de commerce étaient désignées parfois par des
noms d'individus 235, parfois par des sigles 236.
Dans cette période d'implantation, il est encore difficile
de parler
du régime juridique des maisons de commerce puisqu'elles arrivent
de l'étranger déjà constituées.
Elles
ont un objet
social
assez
extensible, une compétence juridictionnelle
étrangère tout comme
leur loi applicable. L'économie de troc, l'absence de toute idée de
profit, l'inexistence d'une politique de production, de circulation et
de consommation n'ont pas favorisé la distinction entre la personne
de droit civil et la personne de droit commercial. Il a fallu attendre
la promulgation du code de commerce en AE.F pour constater un
véritable déphasage du droit coutumier. Ce code introduira la notion
du commerçant dont certaines formes d'activités vont s'inspirer de
l'article 1832 du code civil français et que la jurisprudence 237 va
consacrer en affirmant l'existence de la personnalité morale. Telle
sera donc la loi applicable aux factoreries, compagnies et sociétés
de commerce, grâce à des décrets d'application et des règlements
d'extension 238.
235jOHN HOLT actuellement
HOUANDO ; HAITON & COOKSON ; THOMAS &
BROTHERS; PERSONNAZ & GARDIN parfois designé maison GUIUOT, ensuite
maison BEfENCOURT ou encore GHEB AUER en raison de la personnalisation
du gérant
; Maison
MERY
RIBOULET qui
deviendra
RENAULT ; maison
BRANOON qui deviendra GALLA puis S.E.A.G.
236WORMAN Cie Ltd ; WOODIN & Cie; SHO ; c.G.c. d'où viendra CGEPAR et plus
tard DRAGAGES
237Ch. Civ. 28.02.1954 D. 1954, 217.
238La loi du 24.07.1867 devint applicable à la suite du D. du 30.12.1868 - La loi
du 1.08.1893 fut applicable en A.E.F. par le D. du 10.05.1910 - La loi du 7.03.1925
fut étendue par son art. 33 et le D. du 29.9.1928 ; la loi du 18.03.1919 fut
applicable à la suite du D. du 14.04.1928 et promulguée le 21.05.1928 ; in

194
Se souvenant ensuite de ce que chaque pays d'Afrique s'était engagé
à créer ses propres structures juridiques, le Gabon a pris quelques
textes supplétifs
ou complétifs
car aucun d'entre eux n'abroge
spécialement
les
dispositions
anciennes.
Au
contraire,
1e s
praticiens
favorisés
par un contrôle
très
souple de la loi
ont
souvent constitué des entités morales sur l'observation de règles
de forme et de fond qu'aucun texte en vigueur ne prévoit. Ainsi, sont
utilisées des normes dépassant le droit commun de la loi de 1867
pour rédiger les statuts de sociétés anonymes. Le droit de la nullité
a été interprété
ici
avec une latitude
qui demande si
la loi
française
de
1966
n'est
pas
la
loi
d'avenir
des
sociétés
commerciales au Gabon.
Les rares textes entrepris par l'Etat Gabonais sont si disparates
qu'ils contribuent à compliquer
un régime
juridique
déjà
bien
difficile à maîtriser. La création de sociétés d'un type phénoménal
ayant une forme anonyme, ressemblant
à des établissements
ou
services publics à caractère industriel et commercial jouissant ou
non d'autonomie, apporte la note finale
dans la coupure avec 1e
droit français
et impose la rédaction
d'un droit
gabonais des
sociétés.
Le Gabon a connu toutes sortes de créations ayant la personnalité
morale. Il y a eu les groupements à caractère civil et ceux à aIl ure
commerciale. Mais les personnes abstraites de droit civil ont peu
évolué. C'est le cas des associations déjà entourées d'une suspicion
continuelle et qui, depuis la loi de 1901, n'ont fait l'objet que d'un
seul texte 239. Par contre
les
personnes
morales
à caractère
commercial ou industriel suscitent plus d'intérêt et constitueront
l'objet de cette seconde partie.
La juxtaposition du droit théoriquement en vigueur et la pratique
des sociétés est une étude comparative trop longue pour fa i re
ressortir ce qui peut être envisagé comme le droit gabonais des
sociétés de demain. A la constatation, les sociétés sont ici des
institutions voulues pratiques et complexes. En effet, elles sont
conçues à la fois
commerciales,
industrielles,
économiques et
politiques mais réalisées pour l'essentiel de droit privé.
DARESTE "Traité de droit colonial" 1932 T. II. p. 375 et s ; Georges MEISONNIER "
Droit des sociétés en Afrique". LGD] 1978 p. 77 et s. ; LUISSAN "Les sociétés
commerciales en Afrique Aor: 1953.
239Loi n° 35/62 du 10.12.1962 relative aux associations.

195
Il
est
vrai
que la
loi
240
établit
le
reqirne
juridique
des
établissements publics (EP), des sociétés d'Etat (SE), des sociétés
\\
d'économie mixte
(SEM), des sociétés
à participation
financière
publique (SPFP). Pour être plus complète, la loi a même décrit 1e s
manifestations
de sa tutelle
sur
ces
sociétés.
Pourtant
ces
structures au départ de droit public renvoient continuellement à un
droit commun des sociétés commerciales
au sens du droit privé,
comme d'une règle supplétive.
A les regarder de plus près il apparaît qu'en dehors des (E P) dont 1a
qualification
n'est pas faite nommément, à part qu'elles sont des
personnes morales dotées de la personnalité civile
et l'autonomie
financière,
la loi affiche très nettement la nature juridique
des
autres
sociétés.
Ainsi,
les
sociétés
d'Etat
sont
les
sociétés
commerciales
qui
n'ont pas
reçu
la
qualification
de société
d'économie mixte (art. 39 loi 11/83).
Que reste-t-il
de typique à ces structures ? Seule la société d'Etat
naît d'une loi et son capital est prévu au budget de l'Etat ; toutes
ces entités bénéficient simplement des facilités
dans l'exécution
des formalités préalables d'établissement. Par contre, c'est surtout
au niveau du fonctionnement qu'il conviendrait de leur réserver un
cadre d'appréciation.
En plus, ceci
n'empêche pas formellement,
dans un esprit de synthèse et pour l'avenir, de considérer que 1e
mécanisme de création, de fonctionnement et de dissolution reste
le même. En revanche et comme en droit des personnes physiques,
c'est l'esprit, c'est-à-dire la psychologie de la société qui a éclaté.
Il ne s'agit donc pas de présenter un code des sociétés
mais
i 1
aurait été possible d'évoquer et de discuter de la particularité
de
l'établissement des personnes morales au Gabon grâce à l'examen
tour à tour des règles préalables à l'établissement des sociétés et
du droit de la vie des sociétés.
Or s'en tenir à cette conception introductive de l'étude du droit de
l'établissement
des
personnes
morales
se
résumerait
à
1a
présentation d'un droit positif classique
où les règles ordinaires
d'emprunt, sont de temps en temps ponctuées d'apports locaux
d'importance variable, eux-mêmes espacés en fonction des étapes
240Loi n" 11/83 du 24.01.1983 JO des Let 15.02.1983 p. 20 ; ainsi que la loi n 0
12/83 du 24.01.1983 JO des 1 et 15.02.1983 p. 23 portant organisation de la
tutelle de l'Etat sur les sociétés

196
préconstitutives,
constitutives,
opérationnelles
ou
métamorphiques.
La confrontation réalisée en première partie, a opposé autochtones
à non originaires du territoire du Gabon, ces derniers désignés par
euphémisme juridique
"étrangers", parce qu'ils sont soumis à une
autre allégeance politique, à l'application d'une autre loi nationale,
en somme, à une autre nationalité. La logique que soutient le droit
positif gabonais à travers la régularité des personnes physiques à
côté des personnes immatérielles,
laisse
penser à la possibilité
d'étendre à ces dernières, la réflexion qui pèse sur les premières.
Ainsi
le propos va porter sur la société commerciale
gabonaise
avoisinant la société commerciale étrangère. Voilà qui donne vers
un accroissement des préoccupations. L'une d'entre elles,
est de
réaffirmer
ce que le Gabon dans son for intérieur
espère des
entreprises
qui opèrent
sur
son
sol,
c'est-à-dire,
une réelle
participation
à son programme de développement économique et
social. En ce sens, l'opinion est que le droit doit voler au secours du
développement grâce à ses techniques et ses institutions.
M. Ph.
FRANCESKAKIS 241 l'avait écrit que tout droit international
privé fa it
partie de l'arsenal juridique des Etats modernes. Or la modernité
qui
peut
transparaître
de la
"sophistication"
de
l'institution
étatique,
est mesurée
en terme
de progrès,
valeur
reconnue
universellement comme une fin sociale et plus encore en Afrique
tel un critère de développement économique et social.
L'autre préoccupation est de dire qu'en portant la pensée grosso
modo sur le plan des sociétés locales et des sociétés étrangères,
l'on en vient fatalement à dire un mot sur la nationalité, thème qui
est l'objet d'une abondante prose aussi ancienne qu'actuelle. La
nationalité des sociétés pose diverses questions qui ont l'avantage
d'inclure d'office dans le débat la norme intérieure et l'incidence
extérieure.
D'ailleurs,
en
donnant
l'occasion
de
soutenir
1a
discussion dans l'ordre interne par la connaissance de l'état actuel
du droit
local
gabonais
sur
la
question
posée, l'étude
de 1a
nationalité
va
permettre
une élévation
du
sujet
jusqu'à
1a
dimension
supranationale
ou
internationale.
Elle
favorisera
l'éclosion des conflits ainsi que leur solution, ne fût-ce qu'au plan
de la jouissance
des droits
par les
sociétés
et
leur
statut
juridique.
241Art. cit., Clunet 1973, P 46 et suiv.

197
A tout point de vue, l'objet serait large et l'entreprise difficile.
D'ailleurs l'approche des sociétés supposées gabonaises et celles
,
qui ne le sont pas, grâce à la technique de la nationalité, confirme
\\
celle-ci comme une notion globale, un univers où il n'est pas exclu
de retrouver
à la fois,
les préoccupations
typiques comme 1a
hantise des pays africains à contrôler l'activité économique qui se
déploie sur
leur
sol,
et les soucis
classiques
des règles
de
création, de fonctionnement et de disparition des sociétés.
Tel dans une obsession, les règles seront cette fois
présentées
comme des instruments
du développement économique et socia 1
d'un pays. Ces normes, en raison des conflits
de loi qu'elles ne
manqueront pas de soulever,
pourront, non seulement donner un
nouvel essor au droit international privé gabonais mais, fa ci lite r
son intégration
dans un droit
international
privé
de l'Afrique
notamment dans l'ensemble sous régional UDEAC. Ceci impose donc
une refonte de l'exposé du droit positif
de l'établissement
des
personnes morales.
Cette seconde partie du plan de travail aurait pu contenir d'un côté
le problème de la nationalité des sociétés, d'un autre côté celui du
contrôle des sociétés. Or le contrôle sert souvent de critère
de
nationalité et la nationalité est devenue le succédané du contrôle.
Il est donc infaillible
que les deux notions se retrouvent à tous les
niveaux ce qui rend peu indiqué, de soutenir un plan dont les deux
pans seraient
le contrôle
par ci,
la nationalité
par là. Si
1a
nationalité reste la tête d'affiche déjà dominée par ses problèmes
intrinsèques
classiques
à présent
accrus
par les
spécificités
locales du droit nouveau gabonais, il est juste de lui consacrer un
titre à la hauteur du sujet global. Comme l'autre partie de l'étude
est un bilan, il convient de le faire sur près des trente ans pendant
lesquelles, le Gabon tente de contrôler l'activité
économique des
sociétés sur son sol.
Les sociétés
sont
ici
des institutions
voulues
pratiques
et
complexes,
conçues
à
la
fois
commerciales,
industrielles,
économiques et politiques mais réalisées
de droit privé. Donc au
niveau interne de la seule conception, les sociétés apparaissent de
statuts politiques
divers (personnes privées, personnes publiques)

198
et
de
régime
juridique
apparemment
uniforme. Au
niveau
international
la projection
des mêmes éléments
donnent des
personnes privées de pays divers et des personnes publiques de
souverainetés différentes. Or ceci pose par rapport à l'allégeance
politique
un véritable
problème
de nationalité.
Si
l'on
ajoute
l'apparence d'un régime juridique
uniforme,
il
faut adapter ces
situations avec les objectifs du pays étant entendu que pour 1e
Gabon, c'est le contrôle de l'activité économique qui est recherchée.
Du coup, le contrôle voit son importance grandir et concrètement
passer du critère de détermination de la nationalité des sociétés
pour s'étendre à l'élément fondamental pour avoir la maîtrise non
pas d'une seule société mais de tout le système économique d'un
Etat et par l'Etat lui-même. Au résultat, il y a d'un côté, le contrôle
qui
tient
à l'existence
de
régimes
politiques
multiples
sur
l'entreprise, il concerne la recherche de la nationalité et il pose les
actes de police administrative ; d'un autre côté, il yale contrôle
de l'existence
juridique
et du fonctionnement
des sociétés;
i 1
consacre la volonté des Etats d'avoir la mainmise
sur l'activité
économique dans un pays donné.
La nationalité des sociétés ne constitue en droit gabonais l'objet
d'aucune attention particulière.
La politique économique y est du
type pragmatique où seul le résultat intéresse. Il importe peu que
la locomotive soit placée au milieu du train, en dehors des rails ou
confiée à un pinassier. Contrairement au Cameroun qui s'intéresse à
la filiale,
au Gabon et parmi les sociétés, il y a de nombreuses
succursales pour s'en tenir à la terminologie employée. Dès lors, 1a
nationalité
ici
évoquée n'est que l'indication
sommaire
d'une
réflexion très riche d'un sujet de droit international positif. Ceci
suppose que la notion en tant que telle n'est pas contestée par nous.
Cela implique
que l'on retrouve le critérium
d'ensemble élaboré
pour déterminer ce concept de nature polymorphe.
Ainsi la jurisprudence et la doctrine la plus large lui confèrent 1e
siège
social
sérieux
et
réel
comme
critère
performant
de
détermination. Mais le siège social
invoqué en droit gabonais et
même en droits des pays en développement, paraît une notion tout à
fait différente. C'est à la fois un critère législatif, une commodité

199
pratique et juridictionnelle
pour situer
la société,
un puissant
critère de fixation quant à la loi applicable, mais il est équivoque
\\
sinon incertain pour les autres valeurs que l'on veut lui attacher.
En revanche, le contrôle se révèle satisfaisant
dans les Etat de
'960 pour déterminer la nationalité. Il permet de poser le postulat
du développement et de lui
trouver des palliatifs.
Il
place 1e
consulté devant la réalité du pouvoir économique et lui donne 1a
responsabilité
aussi bien de ses choix que de ses interventions.
C'est ce contrôle tant affectionné par les pays en développement
qui va au reste dominer toute la pensée gabonaise sur les sociétés
commerciales.
Le
contrôle
se
retrouvera
comme
critère
convainquant pour dire la nationalité de la société, pour fonder 1e s
espoirs
des
nations
nouvelles
à
mettre
la
main
sur
leurs
économies,
pour participer
de l'intérieur
ou de l'extérieur
à
l'activité des sociétés au Gabon.
Quant au contrôle forme de police politique et administrative,
i 1
s'organise
autour de l'agrément.
C'est une simple
autorisation
administrative
sans
aucune
influence
sur
la
qualification
professionnelle
comme en droit
fra nçais,
s'empresse-t-on
de
répondre, surtout pour ce qui est de l'agrément territorial.
Mais en droit français existe-t-il
une formalité administrative qui
par elle seule, est une condition d'accès et un préalable à l'exercice
de la profession
de commerçant,
c'est-à-dire
une activité
qui
imprime
son caractère
à son bénéficiaire.
Passe
encore qu'il
s'agisse d'acte collectif,
mais c'est souvent un acte individuel
parfois,
grevé de droits
réels
(louage), constitutif
d'obstacles
indépendants
des
capacités
physiques
ou intellectuelles
des
titulaires.
Enfin c'est un titre
qui,
dès son obtention
permet
d'ouvrir boutique et de se tenir derrière le comptoir.
D'où la présomption de commercialité qui lui a été reconnue.
Si l'on prend l'agrément régional, il ne s'intéresse carrément qu'aux
entreprises
commerciales
et
industrielles.
Ses
prérogatives
dépassent de très loin la simple autorisation administrative. C'est
une part du régime juridique de la société. C'est l'instrument type
de l'intégration
régionale
même si
parfois
la coordination
des
projets est discutable. Avantage par ci, privilège par là, l'agrément

200
instaure une véritable condition juridique dérogatoire du droit des
entreprises qui ici, ne sont que commerciales et industrielles.
Ce
n'est pas faute que de penser à sa commercialité de plus en plus
certaine.
Sur le contrôle tenant à l'existence juridique et au fonctionnement
des sociétés, le Gabon participe au débat à plusieurs niveaux. Ainsi
dès la personnalité morale, il ne spécule pas spécialement sur 1a
reconnaissance de la personnalité. Mais la lex fori prend position
positivement sur cette existence sans se préoccuper de la "loi
nationale" des sociétés
(société
en participation
française
par
exemple). Il en est de même de l'option non pas pour la filiale,
ma is
pour la succursale améliorée par la loi de 1973 qui lui attribue un
siège social. Ceci dispense de rechercher la loi applicable sur les
conditions
de création
et
d'existence
juridique
des
sociétés
s'établissant au Gabon. Il n'empêche que le déca liage conceptuel
qui existe
entre les
périodes
préconstitutives
au Gabon et en
France,
l'efficacité
de
l'immatriculation
et
bien
entendu
l'agrément, laissent
redouter au Gabon, une double
personnalité
juridique
ce qui
se fait
ressentir
à travers
les
différentes
fluctuations et mutations de sociétés.
L'autre
préoccupation
est
la
mise
en
place
du
patrimoine
économique et humain des sociétés. Dans la première phase, tout
aurait paru naturellement
ressemblant
au droit français
s'il
ne
tenait qu'au classicisme dans la variété des apports. Mais dès que
l'on va à la réalité
de la souscription,
le droit gabonais la isse
ressortir :
- des actionnaires sans libération d'actions souscrites ;
- une non libération systématique des actions de l'Etat;
une réactualisation du capital par simulation
- une cession de 10 %du capital à l'Etat;
Dans
la
seconde
phase
du
patrimoine
humain
des
sociétés,
l'impression
générale
est
que le gabonais
est
désaxé.
"
est
improvisé
et précipité.
Ceci est incompatible
avec la vie des
affaires, où l'étranger inspire l'admiration par ce qu'il en veut et
qu'il y tient. Aussi, cette autocritique donne-t-elle l'opportunité de
proposer des solutions élaborées à partir du b + a = ba du droit des

201
sociétés et que l'on rencontre comme valeurs internationales
de
gestion
et
d'administration
des entreprises
commerciales
ou
industrielles :
- il ya l'affectio societatis, eh! oui, cette vieille recette qui
revient tel un remède nouveau puisqu'il doit permettre d'aimer son
entreprise et à une échelle plus grande, d'aimer son pays et non d'en
être le fossoyeur.
- il y a la perception plus rigoureuse de la notion de bénéfice,
un autre concept que l'on croyait
relégué
aux simples
leçons
préliminaires de droit commercial. Sa méconnaissance est la cause
juridique quasi exclusive de l'effondrement de l'économie gabonaise
tant au niveau de l'entreprise privée, de la société d'Etat que de
l'Etat lui-même ;
- il y a enfin les propositions de solution qu'appelle le devoir
de redessiner l'homme gabonais de demain, celui-là
qui doit avoir
la maîtrise des sociétés que ce soit au niveau des créateurs, que ce
soit au niveau des administrateurs ou gérants.
Ainsi repris, les développements qui vont suivre seront articulés
autour des idées maîtresses apparues au cours du survol du statut
légal des sociétés et de leur jouissance des droits. Ces recettes
confirment en effet que s'il
y a une complexité
dans le statut
politique
des sociétés
commerciales,
il
y a en revanche
une
uniformité
dans leur
statut
juridique.
La première
perception
correspondrait
ou engloberait
tout ce qui
est
nationalité.
La
deuxième emporterait l'essentiel du contrôle, les actes sociaux de
tous les jours, les règles préalables, celles du fonctionnement, en
somme celles-là
qui attendent soit
une affirmation,
soit
une
correction même pour cause de moralisation du milieu.

202
TITRE
PREMIER
LA DIVERSITE DANS LE STATUT POLITIQUE DES SOCIETES
PREMIERE DIFFICULTE
DU CONTROLE
DE L'ACTIVITE
ECONOMIQUE
TITRE
DEUXIEME
L'UNIFORMITE DANS
LE STATUT JURIDIQUE DES SOCIETES
DEUXIEME DIFFICULTE DU CONTROLE
DE L'ACTIVITE
ECONOMIQUE

203
TITRE
PREMIER
LA DIVERSITE DANS LE STATUT POLITIQUE DES SOCIETES
PREMIERE DIFFICULTE DU CONTROLE DE L'ACTIVITE
ECONOMIQUE
Si l'objectif est le développement économique et social du Gabon,
un des moyens déterminants, car il y en a d'autres sans doute, est
d'obtenir ou de réaliser le contrôle de l'activité des agents sur qui
l'on
compte
dans
ce
pays
d'économie
en
voie
d'émergence.
Apparemment, une telle
situation
aurait
donné l'occasion
d'une
éclosion de textes législatifs
ou réglementaires,
ainsi
que d'une
consistante
jurisprudence
s'agissant
de
préoccupations
aussi
quotidiennes.
Au contraire, dans cette première modalité du contrôle de l'activité
économique, dominée par la connaissance de la nationalité
des
sociétés, l'option incitatrice n'est pas suivie de l'action régulatrice
qui s'avère inexistante.
Ceci est surprenant alors
même que 1e
besoin de son intervention se ressent tant sur l'aspect théorique
que sur le plan pratique.
Théoriquement, la complexité dans le statut politique des sociétés
soulève la question de leur allégeance
politique,
expression
que
certains
auteurs
242
proposent
à la
place
du concept
de 1a
nationalité
des sociétés.
Or cette substitution
est un essai
de
compromis entre les tenants et détracteurs de la nationalité
des
sociétés, celle-ci
voulant que l'on soit fixé
sur les termes ou,
remontant plus en avant,
que l'on
puisse
dire
l'originalité
de
l'expression dans nos pays, si du moins elle existe. Si elle n'existe
pas, il y a alors matière à une réflexion devant permettre de s'oser
sur la problématique du concept de la nationalité.
Pratiquement,
c'est le passage inévitable
de la distinction
des
sociétés étrangères et de celles dites gabonaises qui l'impose. Un
tel
exercice
correspond
à la
recherche
ou à l'affirmation
de
l'identité économique des entreprises, de la même manière qu'il a
été possible de le faire pour les personnes physiques.
242LOUSSOUARN et TROCHU La Nationalité des Sociétés, jur. Cl. droit
international commercial Fase. 564-A, 1982 n° 37

204
Là aussi, il conviendra de veiller
à la stabilité
de l'alliage
qui
sortira de la nécessité de revivre à terme, l'idéal de l'indépendance
économique et
la
préservation
de
la
nécessaire
coopération
internationale.
Chapitre
1 : Le contrôle
fondé sur la nationalité
des
sociétés
Disons au départ, que ce sont des considérations d'ordre pratique
qui ont suscité le débat théorique. Elles ont étendu aux personnes
morales, un attribut qui jusque là n'était reconnu qu'à la personne
physique. En fait, elles ne commandaient que le rattachement des
personnes abstraites à un Etat déterminé. Une fois que ce rapport
au demeurant simplement territorial
ou géographique était établi,
il était alors possible
de parler de la capacité juridique
de 1a
société, de sa jouissance des droits, de sa protection diplomatique
au besoin.
Il était donc intéressant de réaliser la fixation du droit d'un Etat
sur la société ce qui permettait de déterminer la loi régissant son
statut juridique.
Est bien de premier rang, l'intérêt
pratique de
rattacher une entreprise à un Etat, tant il aide en même temps à
chercher à résoudre les conflits
de lois
et à dire la condition
juridique des sociétés qui pourraient apparaître. D'ailleurs cela n'a
pas tardé puisque la règle qui veut que la société soit soumise à sa
loi nationale 243 est venue à la suite de NIBOYET qui préférait pour
qualifier de statut juridique pour les sociétés ce qui, sur un pla n
parallèle était le statut personnel pour les individus 244.
Il apparaît comme un impératif de dire la nationalité de la société,
sujet qui semble aisé alors qu'il a nourri nombre de discussions et,
comme l'écrit M. LOUSSOUARN 245 "effectivement, peu de questions ont
suscité dans le passé, une littérature juridique aussi pléthorique et
les controverses auxquelles la nationalité
des sociétés
a donné
naissance ne datent point d'hier. .." La plus grosse difficulté ici est
que la notion classique de la nationalité
passe pour n'avoir été
conçue que pour les personnes physiques.
243LOUSSOUARN, la nationalité, Ene. DALLOZ des sociétés, 1971 p. 1 n° 2 ;
LOUSSOUARN et I3REDIN, Droit du Commerce International, Traité Sirey 1969 p.
251 n" 235 ; BATIITOL, tr. 1974 p. 271 n° 203 ; LOUSSOUARN et TROCl-IU, pree. n"
12
244Traité cit. 1948 Tome V p. 558 n° 1541
245Rapport de la table ronde du 18 Janvier 1969 sur la nationalité des sociétés,
in Travaux du Comité français DIP p. 205

205
Dès lors,
sa transposition
aux personnes morales
a soulevé
de
telles
passions qu'une halte
aide à se rafraîchir
au pied de ce
~.
monument juridique.
Un tel arrêt n'est pas vain s'agissant d'une
étude sur un pays d'Afrique qui, nous le verrons, a adopté une règle
de droit inspirée de l'article 3 de la loi française de 1966. Mais a-
t-i
contenu la portée de ce texte sur la réforme des sociétés et qui
n'a plus échappé à la controverse. En effet, outre son caractère de
règle d'administration et de procédure judiciaire
interne, c'est 1a
portée exacte de ce type de règle qui a surpris, notamment à l'angle
du droit international.
L'article
3 de la loi de 1966 qui procède
comme l'article
3 ancien du code civil
français
est
une règle
unilatérale, qui sans poser directement le problème en termes de
conflit de lois, en contient une véritable règle de conflit.
Si l'on applique la loi française aux sociétés qui ont leur siège en
France, les sociétés ayant leur siège à l'étranger subiront la loi de
ce pays étranger. Un tel critère du siège social ne se limite plus à
la seule détermination de la loi applicable mais à la mise à jour
d'une idée
de nationalité
dans
un texte
qui
ne l'a
pas
dit
expressément et qui à contrario, ne s'intéresse
pas aux sociétés
qui n'ont pas leur siège social
dans son ressort
de compétence
territoriale.
Peut-on en dire
de même au Gabon où toutes 1es
sociétés
ont,
avant tout,
un siège
social.
Evoquer le
chemin
parcouru par la nationalité des sociétés devient ici urgent, afin que
les théoriciens
et praticiens
au Gabon en mesurent
la juste
dimension, d'abord à travers l'existence
même du concept de 1a
nationalité avant de poursuivre avec son application aux sociétés
commerciales.
Section
1 : A
propos
du
concept
de
la
nationalité
des
sociétés
Ce fut une véritable palabre doctrinale. Et l'on s'accorde à dire que
ce concept a, rien qu'au niveau de son existence, suscité de très
fortes controverses. Mais tandis que les auteurs s'envolent, 1e s
juges
demeurent calmes,
estimant
certainement
qu'il
ne le ur
appartient pas de s'émouvoir en faveur de qui est pour ou qui est
contre l'existence d'un concept. De son côté, le législateur n'a pas
paru stimulé par les discussions tant à regarder la dimension de
son oeuvre dont la loi de 1857 et des articles
des lois
de 1925 et

206
1966
reviennent
dans
les
citations,
à côté
des
traités
et
conventions entre nations.
)
Paragraphe
1
L'opinion
favorable
à la
nationalité
des
~,
sociétés
Elle a été soutenue par une frange de la doctrine classique
et
NIBOYET
auteur
d'une
position
absolument
contraire,
cite
246
Messieurs PEROUD, DESMASSIEUX et LOUSSOUARN, le premier
pour sa
publication au Clunet de 1926 en page 561, le second pour sa thèse
à Lille en 1928 et le troisième
pour sa thèse à Rennes en 1947.
Pensait-il seulement qu'à ce jour, le dernier appelé serait l'une des
références les plus constantes sur le sujet. Il reste que d'autres
noms vont être retenus notamment ceux de SALEM 247 et de Léon
MAZEAUD, 248 le premier pour donner date au positivisme,
le second
pour servir de cadre à l'exposé.
A - L'affirmation
sèche de l'existence
du concept
L'on notera que la tendance favorable est apparue à un moment où 1a
réalité de la personnalité morale l'emporte sur celle de la fiction
juridique. Cet ascendant du réalisme sur l'imagerie a dû encourager
les tenants de la nationalité
qui ont assis leur opinion sur une
assimilation des personnes morales aux personnes physiques.
1
Positivisme
fondé
sur
la
communauté
des
personnalités
j u rid i que s
L'un des points essentiels du fondement de la thèse du professeur
Léon MAZEAUD est l'établissement d'une analogie entre la personne
physique et la personne morale.
Autrement dit,
si
la personne
morale est une fiction, il en est de même de la personne physique
dès lors que l'on distingue en cette dernière l'être physique vivant,
seule réalité,
à côté de la personnalité physique ou juridique
qui
est comme pour la personnalité morale, une simple construction du
246Traité T.V. p. 578 note 3
247Le problème de la nationalité des sociétés et les intérêts français à
l'étranger, CLUNEr 1919,23
248La nationalité des sociétés, CLUNEr 1928, 30 en page 47 "... la première
condition pour qu'une société puisse se prévaloir d'une nationalité, c'est donc
qu'elle ait une nationalité. Or, elle n'acquiert une personnalité que si elle se
soumet à la loi d'un pays donné, qui, moyennant l'observation de certaines
formalités, lui octroiera cette personnalité. Personne selon la loi d'un Etat, la
société ne peut être nationale d'un autre Etat ... "

207
droit. Partant de ce postulat l'auteur conclut que l'existence de 1a
société (personne morale) étant différente de celle des associés
"
(personnes
physiques),
le
concept
de
la
nationalité
lui
est
applicable.
2 - Positivisme
en dépit de l'impossibilité
d'exercer
les droits civiques
et politiques
Ce fut
d'ailleurs
pour cette
doctrine
favorable,
l'occasion
de
professer
que la nationalité
n'est pas un lien
exclusivement
politique,
en ce qu'elle ne se limite
pas à établir des droits et
obligations à caractère politique. Elle constitue un rapport pl us
vaste de dépendance ou d'allégeance 249 grâce auquel il est possible
d'asseoir le statut juridique,
la loi civile
ou commerciale de 1a
personne concernée, surtout si la loi de ce pays soumet le statut
personnel à la loi nationale. Mais lorsque la critique qui fuse sur 1e
plan national conteste aux sociétés la moindre chance d'exercer 1es
prérogatives
politiques
des personnes physiques,
le courant du
soutien réagit en deux temps. Il admet d'abord que les sociétés ne
comptent pas comme unités de la population nationale, ainsi, elles
ne peuvent participer ni à l'expression des suffrages politiques ni
au service militaire. Il rétorque ensuite qu'à l'inverse, les sociétés
commerciales
sont de puissants
agents
qui
assurent
un rôle
déterminant dans la prospérité économique et sociale des nations.
Voilà un argument qui fait
écho dans les attentes des pays en
développement comme le Gabon et qui présage du peu d'intérêt de
l'Etat gabonais, à reprocher aux entreprises diverses, de manquer
de loyalisme.
Mais c'est pour des raisons différentes que les positivistes de 1a
nationalité des sociétés font refluer le grief de l' incertitude quant
au
loyalisme
des
entreprises.
Un
signe
de
rejet
est
1a
reconnaissance
universelle
de l'aptitude
réelle
des sociétés
à
assumer la puissance économique d'un pays. Un autre est que par
certaines de leurs attitudes, les entreprises considérées comme
non étrangères montrent que l'intérêt
de la nation auxquels ils
appartiennent les préoccupent peu 250.
249LOUSSOUARN et BREDIN, traité cit. p. 254 n" 240
250LOUSSOUARN et TROCHU art. précité préc.Iur. cl. Droit International
Commercial, 1983 Fasc. 564. A n" 16

208
En ce sens les entreprises supposées françaises peuvent préférer
protéger leurs
propres
profits
dans le commerce international
plutôt que d'y renoncer pour éviter l'effondrement de la monnaie
nationale ou de faire rapatrier leurs capitaux en cas de menace de
dévaluation. Il en est de même de leur inaction quand l'Etat veut
rétablir
la balance des paiements en leur demandant d'exporter
davantage mais que les entreprises
préfèrent prélever de super
bénéfices en majorant le prix de leurs produits commercialisés
à
l'étranger 251. Les observations de ces auteurs, sont le reflet même
de la vie des affaires au Gabon, notamment quand ils ajoutent 252 1e
cas des sociétés appartenant à un groupe dont les intérêts sont
localisés
sur un autre
territoire,
pour conclure
que celles-ci
n'hésiteront pas à se plier à la politique du groupe. En définitive, de
telles entreprises ne s'émeuvent pas devant l'intérêt de la France,
et la prospérité du Gabon par anticipation sur la portée de la fixité
du siège social des sociétés au Gabon, leur importe peu. Comment
alors exiger aux personnes morales qui sont supposées étrangères
la preuve de, non pas leur civisme mais leur loya lisme.
B - L'affirmation
ménagée de l'existence
du concept
Il s'agit de rapporter la position du courant favorable après nombre
de
réactions
franchement
défavorables
ou
tout
simplement
difficiles à départager.
1 - Positivisme
amoindri
par
l'imprécision
ou l'extrême
ra reté des te x te s
Comme pour prévenir une objection
qui insisterait
cette fois
à
assimiler l'absence sinon l'extrême rareté des textes, à une sorte
d'hostilité du législateur,
les auteurs s'appuient sur ce qu'il y a
pour en extraire des substances de nationalité. Il en est ainsi après
la loi du 30 Mars 1857 253, celles du 24 Juillet 1966 et du 7 Mars
1925 dont les articles 31 portent explicitement sur le changement
de
nationalité
des
sociétés
anonymes
et
des
sociétés
à
responsabilité limitée.
Z51LOUSSOUARN et TROCHU jur. cl. Droit International Commercial Fase. 564-A
n" 16
Z5ZOp. cit n" 17
Z53A propos de l'action en déclaration de reconnaissance de la nationalité
française d'une société

209
Sans chercher
à faire
parler
des textes,
il
en est
qui
font
expressément référence à la nationalité des sociétés. C'est le cas
des articles 31, 60 et 154 de la loi de la réforme des sociétés de
1966. C'est
aussi
la longue énumération
contenue dans cette
publication du professeur LOSSOUARN 254 même si elle est avant tout,
démonstrative
du
caractère
polymorphe
des
critères
de
détermination de la nationalité des sociétés.
Reste alors l'attitude tirée par les tenants du concept, des tra ités,
conventions
internationales
et des accords
réglementaires.

aussi l'opinion sera assise sur une sorte
de "il
va de soi"
ou
d'indifférence à y lire "français et étrangers", "personnes physiques
et
morales",
"femmes
et
hommes".
Au
reste,
la
protection
diplomatique
est
une compétence
de l'Etat
à l'égard
de ses
nationaux à l'étranger, ceux-ci
étant entendus sous ses diverses
formes. Cette protection tend à obtenir d'un autre Etat, le respect
du droit
international,
la réparation
des dommages causés en
violation
de ce droit,
l'octroi
d'avantages
reconnus
avec
1 a
possibilité,
en cas de difficulté,
d'exercer les voies des recours
internationaux comme l'arbitrage 255,
Si l'on doit poursuivre le raisonnement avec les pays africains,
i 1
est d'abord à noter les extrêmes réserves imposées par le secret
épais qui accompagne la conclusion et l'application des traités et
accords internationaux bilatéraux. " importe ensuite, de montrer
que , les entreprises,
sociétés
et personnes
morales
figurent
expressément
comme
des
sujets
diplomatiques.
Pourtant
1 a
protection attendue n'est souvent pas obtenue pour nos produits,
donc nos entreprises. Pire c'est que la colonisation économique qui
a pris le relais de la colonisation administrative
ou politique, ne
laisse de place, à défaut des sociétés nationales et nationalisées,
qu'à
décrypter
les
éléments
susceptibles
d'établir
même
artificiellement,
la nationalité des sociétés.
2 - Positivisme
transactionnel
" consiste à redire que somme toute, une personne physique est une
personne physique et une personne morale est une personne morale.
254Ency. Dalloz les sociétés T. II n° 92 à 98
255La nationalité des sociétés et la protection diplomatique, rapport de Mme
Suzanne BASTID, Table ronde du 25 Janvier 1969, in Travaux du Comité
Français de DIP 1970 p. 247

210
Il n'y a pas une exacte nature à plus forte raison une identité entre
les deux personnes. De même que la nationalité
est une donnée
unanimement reconnue à la personne physique, de même elle ne peut
)
atteindre la personne morale que par euphémisme, après une simple
assimilation.
Il n'y a donc pas un rapport absolu qui implique 1a
théorie de la nationalité des sociétés. Tout procède par analogie et
ce système de construction n'est à la rigueur qu'une imitation. En
définitive, ceci ne fait plus de doute qu'il ya une différence sur les
origines et rien n'empêche que cette diversité se retrouve dans les
teintes et les couleurs politiques.
Les tenants de l'opinion favorable
ne nient pas qu'il existe des
variations entre les deux types de nationalité.
Ils savent même
qu'elles sont parfois très importantes. Il en est ainsi lorsque 1a
démonstration de la nationalité est dépourvue du jus sanguinis, que
les attributs
de la nationalité
sont sans l'exercice
des droits
civiques et politiques en plein système français, tout comme dans
les pays africains reconnus pour privilégier
ces critères.
Ils ont
néanmoins conclu que les différences ne l'emportant pas sur 1e s
analogies 256 il Y a une sorte de compensation qui s'opère et qui
justifie que l'on puisse parler de nationalité des sociétés.
Comme si cette concession au niveau de la fermeté conceptuelle de
départ
ne
suffit
pas,
M.
LOUSSOUARN
a,
en
1969
dans
sa
communication
à une table
ronde du Comité
français
de droit
international privé, souhaité la fin de la controverse conceptuelle,
en pensant que l'utilisation
de l'expression
"nationalité"
pouvait
être
bénéfique,
étant entendu que la notion retenue
n'est pas
rigoureusement identique à celle de la nationalité des personnes
physiques. Treize ans plus tard et comme rien n'y fait,
ce sont
Messieurs LOUSSOUARN et TROCHU qui remettent 257 la possibilité
de
substituer le terme "allégeance" à celui de "nationalité", afin de
dissiper toute équivoque. Par la même proposition ils ont cru éviter
de heurter toutes les susceptibilités juridiques donc de ramener 1a
controverse conceptuelle à une simple querelle de terminologie. En
effet, la notion d'allégeance semble plus neutre surtout qu'elle
n'offre pas de déterminer la nationalité.
256LOUSSOUARN et BREDIN traité] 969 crit. p.254 ; LOUSSOUARN et TROCHU,
]ur. cl ] 982 cit. n" 21
257]ur. cl. cit. n" 37

211
L'allégeance aide à ménager la prévisibilité de solutions autant que
pour le bon sens, écrivent
Messieurs LOUSSOUARN et BREDIN 258 1a
raison laisse présumer qu'une société de droit français
est celle
qui
doit
être
considérée
comme
française.
L'allégeance
s'appliquerait alors aux sociétés commerciales
et la nationalité
resterait
logiquement aux personnes physiques,
toute exclusion
faite à la magie des mots.
Paragraphe
2
:
L'opinion
défavorable
et
le
point
sur
l'existence
du concept
Comme la doctrine positiviste a évolué à la faveur de l'affirmation
de la personnalité morale des sociétés, le courant du rejet a été
poussé à la lumière des réverbérations de "l'autour" de la première
guerre mondiale. Une pléiade d'auteurs dont voici quelques repères
se sont distingués
dans cette direction
avant 1914-1918 : DE
VAREILLES-SOMMIERE 259 est cité
comme le premier à s'être élevé
contre la théorie de la réalité de la personnalité morale avant de
lui refuser la nationalité
; DEMOGUE dans une note 260 et surtout
PILLET 261 reprochent aux tenants de la nationalité
de confondre
nationalité et domicile des sociétés, en espérant pallier l'absence
du jus sanguinis, critère fondamental de la nationalité.
Quand il
arrive
de regarder les auteurs,
disons hostiles,
de 1a
période après 1918, il Y a PEPY 262 qui a déploré l'incohérence du
système français de la nationalité. A son tour, Roger PERCEROU 263 a
affirmé qu'une société ne peut avoir de nationalité alors qu'elle est
un être imaginaire, dépourvu de sentiment et de volonté. Mais il y a
surtout NIBOYET dont le ton est donné par son titre "Existe-t-il
vraiment une nationalité des sociétés" 264 avant de poursuivre dans
une série
de publications
265
où il
est
nettement
question
d'allégeance
politique
des
personnes
morales
plutôt
que
de
nationalité.
C'est au reste
ce qui
a permis
aux exégètes
de
synthèse, de parler d'un conflit de terminologie.
258Traité cit. p. 257 - 2"
259Les personnes morales 1e éd.
260Sirey 1908. II p. 177.
261Les personnes morales en DIP. Paris 1914.
262La nationalité des sociétés Th. Paris 1920.
263La nationalité des sociétés, in annales du droit commercial 1926, 5.
264Rev. DIP 1927.402.
265Traité 1948 1V. p. 558 et suiv. ; Traité 1951 T. Il Les personnes morales p. 338
et suiv. ; notes Req. 22.12.1896 D. 1897. I. 159 ; Req. 24.12.1928 S. 1929. I. 12 ;
Req. 12.05.1931 S. 1932.57; civ. 25.07.1933 Rev. DIP 1934.109.

212
A - L'expression
de la contestation
Elle
se trouve développée dans la question posée en '927 et
maintenue longtemps après, puisque NIBOYET 266 écarte la possibilité
de songer sérieusement à pousser jusqu'à l'absurde, l'assimilation
de la personne morale à la personne physique pour lui reconnaître
une nationalité.
Par la
suite,
cette
position
tranchée
a été
assouplie
avec divers
accommodements au point
qu'il
devient
intéressant de dire un mot des retombées de l'existence
de 1a
nationalité des sociétés au Gabon.
,
- rejet
doctrinal
pour
surestimation
de
la
personne
a bstra ite
Lorsque DE VAREILLES-SOMMIERE conteste
l'existence
même de 1a
nationalité
des sociétés,
il
ne fait
que réaffirmer
sa propre
position selon laquelle
tout ce qui a trait
à la théorie
de 1a
personnalité morale ne peut être bâti que sur la fiction
"... La
personne morale n'étant qu'un résumé et une représentation
des
associés... eux-mêmes fondus par l'imagination en un seul être, elle
n'a point de nationalité propre, elle n'a aucune autre nationalité que
la leur, ou plutôt elle n'a aucune nationalité car elle n'est qu'un
procédé intellectuel,
qu'une image dans notre cerveau. Seuls
les
associés ont une nationalité... Il 267.
PILLET et DEMOGUE font
observer que la nationalité
constate
un
rapport de type politique entre un Etat et les populations qui 1e
composent. Ceci a été démontré lors
de l'étude des personnes
physiques en ce que l'on peut se trouver, soit dans une nationalité
déclarative, où le fait des communautés ethniques permet à l'Etat
futur d'être considéré comme la forme politique d'une nation 268,
soit dans une nationalité
constitutive,
que l'on emprunterait
à
Alexandre ZATZEPINE 269 pour n'exister qu'à partir d'une époque, celle
de la consécration à la souveraineté internationale.
266Traité 1951 T. 2. p. 339.
267Les personnes morales, 2e éd. n" 1503.
268HAURIOU prée. éd. 1930.
269Préc. rev. jur. et pol. d'OM 1965.

213
a
-
les
sociétés
seraient
un
sous-ordre
d'entités
juridiques
Si les deux critères de rattachement entre un Etat et un individu
sont sa nationalité
et son domicile,
ces auteurs d'avant guerre
considéraient la nationalité comme un privilège contractuel. C'est
une attribution aux vertus supérieures à celle du domicile dont ils
dénonçaient
la
fragilité
et
la
nature
de simple
élément
de
détermination
du concept.
Comme la
nationalité
tenait
à un
agencement
synchronisé
du
jus
soli
et
du
jus
sanguinis,
l'impossibilité
de
trouver· le
jus
sanguinis
dans
la
société
constituait un obstacle prémonitoire et l'idée de passer outre était
naturellement ressentie tel un excès dans l'assimilation
avec 1a
personne physique. C'est pourquoi PEPY dont la thèse est de 1920
s'est appliqué à conclure à l'incohérence du système français
qui
confond un individu justement
lié
à un Etat,
avec la personne
juridique, simple manifestation des personnes physiques.
C'est en revanche avec NIBOYET que les griefs vont être multipliés
contre
le
courant
positiviste
notamment
avec,
d'abord
1e
classement des sociétés dans une sorte de sous-ordre
d'entités
juridiques, ensuite la substitution de la nationalité en tant qu'abus
de langage par l'allégeance,
notion juridiquement
plus discrète,
enfin
la détermination
sinon
l'attribution
inorganisée
de cette
nationalité.
Dire
que les
sociétés
relèveraient
d'un
sous-ordre
d'entités
juridiques est une conception qui tient aux différences
radicales
entre les sociétés et les personnes physiques. Que l'on essaie de
leur donner une forme d'existence juridique, ne peut, autant qu'elles
sont des créatures de l'homme, leur faire
bénéficier des mêmes
attributs que celui-ci,
au point de leur consacrer une nationalité
c'est-à-dire, le rapport constaté entre un individu et un Etat.
Ici la société est le simple contrat de droit privé de l'article 1832
c. civ. qui n'a pas prévu de le doter d'une nationalité. A supposer que
malgré tout l'on persistât
à établir
non pas la distinction
ma is
l'analogie personne morale - personne physique, il fallait s'arrêter
pour comptabiliser les premières dans la population nationale, pour
assouvir
la curiosité
de voir les sociétés
exercer
leurs
droits
civils et civiques, aller voter et faire leur service militaire.

214
Que dire des sociétés apatrides,
des sociétés réfugiées 270. Mais
comme ces données substantielles
de la
nationalité
ne sont
concevables
que pour
les
personnes
physiques,
qu'elles
sont
matériellement impossibles au regard des aptitudes des personnes
morales,
il
est
donc
profondément
insolite
de
rechercher
à
reconnaître aux sociétés une nationalité qui serait à l'avance, vide
de contenu.
b -
mais
la
pratique
a déjà
revêtu
les
sociétés
d'une
pse udo-n a tio n alité.
1\\ s'agit là d'une souplesse dans la positron de rejet de la théorie de
la nationalité
des sociétés.
Elle
procède
de la
reconnaissance
qu'une certaine habitude s'est établie depuis le XIXème siècle
à
définir à tort peut-être le concept de rattachement inte rnatio na 1
des personnes morales par un rapprochement avec la condition des
individus. Comme le problème des étrangers ne se pose que si l'on
se trouve en face d'un étranger, le vêtement juridique qui fait des
sociétés
des
sujets
de droit,
impose
une technique
qui
1e s
différencie selon leur pays d'origine. L'erreur estime-t-on 271 est de
lier
le caractère étranger ou non, à un certain critérium
sur 1e
terrain politique. 1\\ eût mieux valu parler d'allégeance politique et
ce serait le statut international de la société.
Mais là aussi NIBOYET admet le risque de confusion avec le statut
juridique. En effet, la première question que les internationalistes
se posent lors de la constitution d'une société est de la rattacher à
un Etat pour dire
la loi
applicable.
Et si
plusieurs
lois
sont
susceptibles de soumettre cette société, il est clair
que l'on se
trouve sur le plan du conflit des lois. Ceci implique une recherche
entre les différentes lois en présence, celle qui est la mieux placée
ou qui convient le mieux. Ce statut juridique
correspondrait
au
statut personnel des individus
et il
arrive
qu'il
coïncide
avec
l'allégeance politique s'il se trouve dans le même pays.
En proposant la théorie de l'allégeance politique, NIBOYET convient
de la rupture du cadre artificiel sur lequel est bâtie la personnalité
morale. Il affirme
alors
la nécessité
de distinguer
l'allégeance
politique de l'allégeance juridique. Lorsque se pose le problème des
270Traité 1951 note 2 p. 346.
271 NIBOYET Traité 1951, 359.

215
sociétés en droit international
il conclut à l'existence
de deux
ordres de questions : l'un constitue les conflits de lois en ce sens
qu'il revient sur la question de la loi applicable, l'autre
s'intéresse
à la condition des étrangers où le célèbre auteur range toutes 1e s
interrogations relatives à la jouissance des droits : c'est le statut
juridique de la société.
2 - les
faiblesses
de la théorie de l'allégeance
politique
des sociétés
Constatons d'abord que l'allégeance politique n'a pas réussi
a se
substituer à l'expression la nationalité des sociétés. Non seulement
ses tenants ont évolué vers un modus vivendi où la nationalité
serait
une commodité, mais les nombreux griefs
avancés, tout
aussi pertinents qu'ils l'ont été, n'ont pas suffi pour entamer 1e s
assises de la thèse positiviste.
Il
en est ainsi
du manque de
loyalisme imputé aux individus 272 qui s'est avéré incisivement plus
accablant que l'absence de coeur reprochée aux sociétés, dont 1a
participation au développement économique et social des Etats est
un capital de vertus civiques qui surclasse la seule impossibilité
de voter, d'être élu et de faire le service militaire.
S'il faut ajouter à ces considérations,
l'avènement des sociétés
internationales, il est possible que la méfiance soit plus grande
auprès des auteurs du rejet de la nationalité. Mais il ne s'agit que
d'un regain du sentiment
d'hostilité
éprouvé pendant la guerre
contre 1es entreprises étrangères. En réalité, c'est le moment du
décrochage avec le classicisme
du système antérieur à 1914 où
l'allégeance politique des personnes morales est absorbée par 1e
statut juridique.
C'est également le besoin, plus que jamais,
de
dissocier les notions de statut juridique et d'allégeance politique
des personnes morales.
a - la désuétude de la fiction
de la personne morale
La théorie de l'allégeance semble avoir eu comme principal
et
véritable point d'appui, la personnalité
morale qu'elle continue à
accabler de toutes les fictions juridiques. Elle persiste à ne pas
donner à la raison des êtres imaginaires,
insusceptibles
de se
272LOUSSOUARN et TROCHU prée. n° 16 et 17.

216
manifester
ou d'aspirer
au confort
juridique
des
individus,
personnes physiques.
N'était-ce
tout de même pas un combat
d'arrière-garde, d'autant plus que le législateur, pour les rares fois
qu'il est intervenu en la matière, avait déjà pris la loi du 30 Mai
1857 sur l'action en reconnaissance de la nationalité des sociétés.
D'ailleurs, s'il est établi que la question de la légitimité du concept
n'a jamais été posée directement devant les tribunaux,
la seule
exception
porte
sur
cette
action
en
déclaration
ou
en
reconnaissance de la nationalité des sociétés prévue par le code de
la nationalité.
D'autres textes, utilisant
le concept sous divers
angles et les articles 31 des lois de 1867 et 1925 sont connus en
matière de changement de nationalité, formule reprise en 1966. Ce
n'est donc pas parce que l'article 3 de la loi de 1966 ne parle pas de
nationalité qu'il faut conclure à la fin du concept.
Par ailleurs,
il est admis que les litiges
intéressant le concept
sont apparus à la fin du xixèrne et au début du xxèrne siècle. Or à
l'époque la nationalité se déduisait d'un bon nombre de règles de
conflit de lois ou de jouissance de droits. C'est ainsi que dès 1870
l'affirmation
selon
laquelle
les
sociétés
relèvent
de leur
loi
nationale,
a eu
pour
conséquence,
la
consécration
de
le ur
nationalité. Et les tribunaux ne se sont pas embarrassés de motifs
pragmatiques ou rationnels
pour le dire. Une Cour d'Appel 273 à
énoncé "...Si profondes que puissent être les différences entre 1e
statut national des personnes physiques et le statut national qui
constitue pour les personnes morales, la lex socie tatis, il convient
d'admettre que l'incapacité résultant de ce statut...". A son tour, 1a
1Sème chambre de la Cour d'Appel de Paris a, un an auparavant, 274
précisé que, si en droit international privé français, la nationalité
des sociétés se détermine par la situation du siège socia l, il faut
admettre que le changement de souveraineté
du territoire
sur
lequel est fixé le siège social entraîne immédiatement changement
de nationalité de la société. C'est au reste la même position que 1a
Cour d'Appel d'Alger a adoptée le 15 Décembre 1965 dans l'affaire
CCRMA reprise par la Cour de Cassations".
273Paris 26.03.1966 RC DIP 1968, 58.
274Paris 21.1 Q.] 965 GP. 1965. 2. 353.
275Cass. civ. 30.03.197] RCDIP 1971. 459 notes Paul LAGARDE, JCP 1972. Il. 17101
notes Bruno OPPETIT.

217
b - la non conformité
de la théorie
de l'allégeance
avec
l'application
du rapport de nationalité.
Quand est posée la question de la loi applicable à la détermination
de l'allégeance
politique
d'une personne
morale,
c'est
par
un
critérium
invariable
(le
siège
social)
que l'attribution
de 1a
nationalité est faite. 1\\ en était ainsi des sociétés françaises
ou
étrangères,
que
le
pays
de
ces
dernières
nationalités
1es
reconnaissent ou non. C'est l'époque des pseudo-nationalités
276,
comme dans cet arrêt 277
commenté par J. BASDEVANT qui rapporte
que la cour a admis, explicitement
que la société
n'était pas
française,
et
implicitement
qu'elle
était
britannique.
Pour se
déterminer, le juge d'appel n'a fait aucune référence particulière ni
aux règles du droit français sur l'attribution de la nationalité, ni à
celles du droit anglais. Il se confirme que la cour s'est référée à
des éléments de fait, révélateurs du rattachement de la société à
tel ou tel pays. Elle a procédé autrement que s'il s'était agi d'une
personne physique dont la nationalité ne peut être reconnue que par
application de la loi du pays dont la nationalité est en cause.
Si la nationalité d'un individu se pose dans un pays déterminé, 1e
juge
l'appréciera
selon la loi
du for pour dire s'il
est de 1a
nationalité du for considéré.
L'examen entrepris en France peut
aboutir,
soit
à reconnaître
la
nationalité
française
du sujet
français,
soit
à déclarer
la non appartenance à la nationalité
française d'un sujet étranger. Autrement dit, il ne sera pas possible
de partir
des règles du for français
pour donner la nationalité
espagnole par la simple application de la loi française. Cet obstacle
tient à ce que la nationalité
procède d'un caractère
unilatéral
interdisant à tout Etat de donner à un individu une nationalité autre
que celle de son for d'application.
A l'inverse
et s'agissant des
sociétés, le juge français
par exemple, va rechercher dans ses
propres critères et n'hésitera pas à les lui appliquer 278.
Or cette façon de procéder pour pratiquement préciser l'allégeance
politique
d'une société
étrangère,
n'est pas conforme avec les
règles qui indiquent l'établissement de la nationalité
notamment
cette
unilatéralité
qui
entretient
le
respect
mutuel
des
souverainetés des Etats. Il ne fait
plus de doute que le pouvoir de
276NIBüYEf Tr. 1951 II n° 753.
277Paris 20 Mars 1944 D. 1945.24. notes j. BASDEVANT p. 25
278BATIFFüL; Tr. 4e éd. n° 192 p. 221.

218
dire qu'un individu
est italien,
espagnol ou gabonais relève des
seuls pays concernés: l'Italie, l'Espagne, le Gabon. Si l'on sait que
la nationalité des sociétés est le produit d'une assimilation,
d'une
analogie, il
y a comme l'écrit
P. Louis LUCAS 279, une parenté
simplement partielle
mais assez large qui existe entre les deux
nationalités pour demander si ce même respect mutuel, si juste et
si pacifiant ne saurait être aussi vrai pour les personnes morales.
Ainsi, ce qui est inacceptable pour l'attribution de la nationalité
des personnes physiques devait le demeurer pour les personnes
morales. Le juge aurait
dû se limiter
à dire
que la société
concernée n'est pas française, ce qui est largement suffisant pour
trancher le point précis de la jouissance des droits. Il n'est plus
nécessaire de faire comme si le juge français devait lui donner une
nationalité probable.
Dans l'arrêt de la société des éditions FELDMAN et AUTIN du 20 Mars
1944, certes la cour de Paris a réussi une démonstration typique du
contrôle comme critère
de détermination de la nationalité,
ma is
elle a implicitement dit que la société était britannique. Le cadre
de l'unilatéralité
des règles d'attribution en demandait-il
autant,
ne valait-il
pas mieux s'arrêter à conclure que la société n'est pas
française ou qu'elle est étrangère. C'est au reste ce que l'on peut
conseiller
de l'arrêt
Société
MAYOL
ARBONA
où,
en dehors
du
règlement du conflit
négatif
de compétences,
le tribunal
des
conflits a dicté le rôle du juge dans la solution de la jouissance du
droit querellé en fonction de la nationalité française ou non de 1a
société concernée.
B - L'état des lieux
à l'issue
de la confrontation
Il
est
caractéristique
des grandes
mutations
philosophiques
puisque l'opinion défavorable à l'existence du concept a bel et bien
fait école même si elle
ne l'a pas emporté. A présent,
cette
doctrine
contribue
à donner à la question
une dimension
plus
circonscrite tandis que la nationalité des sociétés reste un acquis
juridique,
soit
in extenso,
soit
sous la forme
de perceptions
nuancées souvent jurisprudentielles.
279Remarques relatives à la détermination de la nationalité des sociétés. JCP
1953 1doc. 1104; jur. Cl. Sociétés Fasc. 29

219
, - La portée de la controverse
Elle est en définitive
absorbée par l'étendue des arguments
de
NIBOYET. Ceux-ci
s'articulent
autour d'une part, de l'opposition
à
l'origine farouche à une assimilation
excessive des deux types de
personnes juridiques connues, d'autre part, de l'assouplissement de
l'opinion
défavorable
qui
a
laissé
parler
d'une
querelle
de
terminologie.
a) - portée au niveau de la co nce ptio n
Tous les courants de pensée ont admis la nécessité de rattacher 1e s
sociétés à un Etat ne fût-ce que pour résoudre les conflits de loi s
sous-jacents
ou les
questions
que poserait
infailliblement
1a
jouissance des droits. Et si l'allégeance politique des sociétés est
appréciée notamment parce qu'elle ne constitue pas un élément de
détermination
de la nationalité,
le terme
nationalité
posé aux
sociétés n'a pas été affecté de stupidité. Tout au contraire, il s'est
affirmé adéquat et s'est imposé à la faveur d'un rapport positif des
avantages sur des inconvénients pourtant sérieux.
C'est la controverse entretenue autour de l'existence
ou non du
concept qui a débouché dans la démonstration des difficultés que 1a
mise en pratique de la nationalité des sociétés ne tarderait pas à
étaler. Une chose est la loi applicable
à la société pour dire 1a
nationalité,
une autre dans la loi retenue,
est de dire
comment
déterminer la nationalité de la société. Les solutions qui ont été
dégagées ont à leur tour donné à redire. Or en absence de règ les
uniques, ce sont des critères anciens comme le siège social qui ont
connu d'importants aménagements, ont vu an-iver d'autres éléments
de fixation si bien que la nationalité des sociétés apparaît d'ores et
déjà, d'une nature polymorphe.
Cette discussion
qui
a permis
de réussir
une analyse
aussi
détaillée ne restera pas sans influence sur la suite des problèmes
liés à la nationalité des sociétés. Il en sera amsi
de la manière
recherchée qui fera ressortir
par exemple que, si le siège socia 1
est dans l'ordre du critérium un des plus constants, encore fa ud ra-
t-il
après comparaison
avec les
incorporations
anglaises,
les
centres de décision et d'exploitation,
distinguer
le siège socia 1
. /
statutaire,
le fictif,
le réel, le sérieux.
Il en sera de même de
l'affirmation
au demeurant anodine de NIBOYET selon laquelle, 1e s

220
sociétés ne sont que de simples contrats de droit privé alors qu'il
sera fait des sociétés un étalage de conceptions institutionnelle et
contractuelle.
En attendant, la théorie de la nationalité des sociétés est devenue
une réalité et la tentation est forte de se transporter sur le terrain
du Gabon pour dire ce qu'il en est. Auparavant, il convient de fa i re
un double constat, celui de la participation lointaine du législateur
et le rôle pratiquement absent du juge dans le débat qui vient d'être
sommairement retracé.
b) - portée au niveau des premières
applications
Le législateur rapporté dans l'étude de la tendance favorable a pris
un certain nombre de textes où point n'est besoin de rechercher 1a
justification
de la terminologie employée. Il est même constaté
que l'application aux sociétés du concept de la nationalité dans 1e
domaine des conflits de lois n'a donné que d'heureux résultats 280,
du moins en attendant de poser le critérium de détermination de 1a
nationalité.
Mais

aussi
apparaissent
certaines
cra intes
notamment le sentiment que la forme des mots est liée au fond.
Dans ce cas, l'emploi de la nationalité des sociétés n'a d'intérêt que
dans l'optique de la construction d'une théorie à l'aide de règles
générales. Le débat s'annonce élogieux
sauf pour les pays qui
imposent l'utilisation d'un cri tère déterminé.
Ainsi,
la jurisprudence
emploie
l'expression,
non pas pour 1a
consacrer spécialement, encore moins pour prendre position dans 1a
controverse
qui a précédé. A l'observation,
il
revient
que 1e
problème du fondement de la nationalité n'a pas encore été posée en
question principale
à la Justice. C'est souvent par une approche
incidente généralement sur le plan du statut juridique
ou de 1a
jouissance des droits que les juridictions
ont été amenées à se
prononcer. Il est vrai que la plupart des problèmes liés à ces deux
ordres de préoccupations, notamment lorsque l'on est en présence
d'un étranger, implique que la donnée de la nationalité soit d'abord
résolue. Or, il ne s'agit pas là de dicter les règles de détermination
280LOUSSOUARN et TROCHU prée. n" 22.

221
mais
de passer
directement
à la
phase
d'attribution
de
1a
nationalité.
La situation est essentiellement ponctuelle dès l'instant où, aucun
texte de loi par exemple, n'a encore été pris pour fixer sur cette
question où les règles sont parfois spéciales, parfois générales. il
n'y a donc pas d'ordre juridique
interne,
à plus
forte
raison
international qui s'impose à la détermination de la nationalité des
sociétés de commerce. La décision la plus explicite,
à notre sens
281,
est l'arrêt société MAYOL Arbona dont cet attendu est repris
dans AUBRY et RAU 282 " ... La nationalité des sociétés n'est définie par
aucun texte général dont l'application ressortirait
à la compétence
de l'autorité judiciaire
; elle ne peut être déterminée qu'au regard
des dispositions
dont l'application
ou la
non application
à 1a
société intéressée dépend du point de savoir si celle-ci est ou n'est
pas française ...".
Au point de vue de la question de droit, le tribunal des conflits fut
saisi d'un double déclinatoire
de compétence avec d'une part, 1e
Conseil d'Etat qui s'était déclaré incompétent à dire la nationalité,
ceci étant une attribution
matérielle
du juge judiciaire,
d'autre
part, la Cour d'Appel de Rennes qui avait refusé d'administrer les
règles de la nationalité à une société qui plus est étrangère, dont
l'action
principale
était
de chercher
à jouir
d'une exonération
fiscale qui profite aux espagnols. Ainsi posé, le problème conduit 1e
juge selon son système de solution, à effleurer la nationalité de 1a
société MAYOL Arbona.
Plus
ancienne est cette
affirmation
aussi
occasionnelle
de 1a
nationalité que le tribunal de Nancy 283 a ainsi contenue: "... attendu
qu'en droit,
une société
commerciale
constitue
un être
moral
distinct de la personnalité des associés ; que par la suite elle a sa
nationalité
propre de même qu'elle a son patrimoine
propre et
indépendant du patrimoine personnel de ceux-ci. ..".
Mais pour confirmer le caractère individuel de chaque décision et
consacrer la nationalité
comme un être protée 284 faisons un bond
281 T. C. 23.11.1959 D. 1960, 224 ; RCDIP 1960, 180; JCP 1960. II. 11430.
282Tr. droit civil français. T 1 1964, note p. 587.
283Trib. civil Nancy 16.04.1883 S. 1888.2.91.
284LOUSSOUARN, communication prée. Travaux du Comité Français DIP 1969 p.
206.

222
en 1967 lorsque la Cour d'Appel de Paris 285, écrit "... attendu qu'en
l'absence d'un critère légal de la nationalité des personnes mora les,
le rattachement d'une société
à un Etat se détermine
d'après
l'ensemble des éléments particuliers à chaque espèce...".
Une telle motivation nous rapproche du commentaire déjà rapporté
dans les notes de J. BADEVANT sous l'arrêt
du 20 Mars 1944,
notamment lorsqu'il
conclut que la Cour d'Appel de Paris
s'est
référée à des éléments de fait, révélateurs du rattachement de 1a
société à tel ou tel pays, ce qui est une démarche absolument
inacceptable à l'endroit des personnes physiques.
2 - L'impact
du concept
de la nationalité
des sociétés
en
droit gabonais
La première constance est que les sociétés commerciales et autres
personnes morales ont été exportées avec toute leur littérature en
l'état du droit colonial,
du droit
de la période
transitoire,
et
désormais s'y ajoutent les apports du droit des indépendances. L'on
devine
que le Gabon ne s'illustrera
pas dans
la
controverse
doctrinale relative à l'existence du concept même de la nationalité.
Et les sociétés nationales ! et les sociétés d'Etat! aurait-on envie
de lancer.
Certes
elles
existent,
elles
sont étudiées
dans 1e
fonctionnement des sociétés, mais de nationales elles ne le sont
que de nom et n'apporteront rien
au débat. C'est pourquoi
1e s
développements qui suivent, diront ce que le droit positif gabonais
recèle sur le sujet.
Au fond le droit gabonais n'est pas resté en marge de la réflexion. 1 1
a tout simplement procédé par une option législative
dont il n'est
possible
de faire
l'analyse
qu'après coup. Ainsi
la situation
se
résume en ce que le concept de la nationalité des sociétés existe,
encore faut-il qu'il y ait société, c'est-à-dire
un être immatériel
dont la révélation juridique est une personne morale. C'est elle qui
sera habillée
du vêtement de la nationalité,
soit
au niveau de
l'étiquette
commerciale,
soit
dans
les
profondeurs
des
comportements.
Pour être plus explicite,
reprenons que le droit du commerce au
Gabon peut être présenté en deux étapes. La première part de 1 a
285Paris 17 Mai 1967 CCRMA JCP 1968. II. 15.427 ; lire Trib. Seine 23.06.1965 GP
19652.400

223
colonisation
aux années 1970. Cette longue période est marquée
dans le domaine de l'économie, exclusivement par une initiative
étrangère: Etats étrangers, particuliers et groupements étrangers ;
comptoirs
et compagnies avec le passage des factoreries
aux
représentations des maisons de commerce européennes sans qu'il
n'y ait de doute sur leurs conditions juridiques.
Aucune de ces
entités n'avait été créée au Gabon et plus sûr, elles
existaient
toutes en "métropole" d'où un détachement allait
en Afrique.
Ce
premier groupe de sociétés rappelle fortement ce que nous avions
commencé à évoquer dans les allusions faites au siège social par
les agences et les succursales.
Lorsque vient la seconde période, l'initiative
devient multiple
et
non double,
la
concurrence
étant
imparfaite.
D'un côté,
1es
structures
étrangères
préexistantes
vont trouver
non pas une
réplique, mais l'apparition de particuliers
gabonais dont l'arrivée
souvent improvisée dans la vie des sociétés, a laissé penser à de
l'affairisme.
D'un autre côté, l'Etat Gabonais va intervenir et son
action sera telle, qu'elle va se garder de prendre le dessus sur
l'initiative étrangère. Ce sera, parfois la volonté, et plus souvent 1a
démission du pouvoir politique à reprendre en main l'économie et
les finances du pays. Est-ce par la méconnaissance de la matière ou
bien, la naïveté
dans les rapports
d'affaires,
il
n'y a pas de
contestation,
le résultat
attendu n'est jamais
atteint. Ceci est
d'autant visible que l'Etat Gabonais a dû souvent recourir, non pas à
la force policière,
mais à l'argument politique pour deviser. Mais
dès que les autres partenaires s'y sont habitués, le propos politique
a été retourné au détriment
du Gabon, faussant
complètement
l'objectif minimum du contrôle des affaires.
a - affichage
extérieur
: la dénomination
et la nationalité
des sociétés
Elle ne pose pas de difficulté
en ce sens qu'elle
est
restée
identique à la conception de départ des compagnies et comptoirs
sous la colonisation. Toutefois, avec l'apparition des souverainetés
nationales
africaines,
la
désignation
des
sociétés
au Gabon
contient une particule qui tend par son usage généralisé,
à fa i re
comme si cet attribut de la personne morale pouvait présager de 1a
nationalité de la société et de là, influer sur son contrôle.

224
La loi nouvelle ne prévoit encore aucune disposition
particulière
sur
la
désignation
des sociétés.
C'est
vraisemblablement
en
parcourant
les
formalités
administratives
tendant
à accorder
l'autorisation
d'exercer,
que se découvre
la
dénomination
du
bénéficiaire
de l'agrément.
Mais les
mentions
attendues
sont
inspirées de l'indication de la raison sociale des S.A.R.L. de l'article
1 al. 4 de la loi de 1925 par exemple. C'est ce qui existe déjà dans
les statuts pour les sociétés qui en ont. Par contre ce qui est
frappant au Gabon c'est de constater que toutes les sociétés sont
assorties
du qualificatif
"gabonaise".
Cette
généralisation
de
l'utilisation
du terme "gabonaise" a laissé
moult questions sans
réponse.
L'inscription
de l'élément "gabonaise" dans la raison
sociale
du
groupement de commerce exprimerait-elle
une différence entre les
sociétés étrangères et les sociétés
nationales
gabonaises ? Ce
serait alors une question de nationalité des sociétés puisque, pour
paraphraser
BATIFFOL
286,
elle
implique
la
discrimination
des
sociétés
réputées
étrangères
par
opposition
aux
sociétés
gabonaises. Comment y parvenir ? Est-ce seulement en considérant
que
les
premières
sont
celles
qui
ont
été
constituées
antérieurement.
Sinon,
à
quoi
reconnaitrait-on
les
sociétés
étrangères puisque, aucune n'en porte publiquement la mention. Or,
quitte
à nous répéter,
toutes
les
sociétés
portent
le
terme
"gabonaise" dans leur dénomination.
Se peut-il
que le mot "gabonaise" vise une sorte de distinction
entre la société mère qui elle, existe d'ordinaire de l'étranger, en
métropole le plus souvent, et la filiale
implantée sur le territoire
gabonais. Cette vue est à son tour bien partielle, d'abord parce que
toutes les sociétés qui se trouvent au Gabon ne sont pas que des
succursales ; ensuite ce rapprochement par le jus soli ne remet pas
en cause le contrôle de la succursale qui reste étrangère de par ses
origines
géospatiales
et ses objectifs.
C'est pour ces
raisons
d'ailleurs que l'idée d'allégeance prêtée au terme "gabonaise" ne
constitue ni des prémices ni un critère éventuel de contrôle.
Provisoirement,
nous dirons que l'indication
"gabonaise" dans 1es
différentes
raisons
sociales
des
sociétés
commerciales
ou
économiques opérant au Gabon, est une question de fait. C'était pour
286Tr. t. 1 1974 n° 191.

225
suivre l'appel à l'investissement des années 1970 que le pouvoir
politique s'est accommodé à voir bourgeonner cette multitude de
petits et moins petits comptoirs d'argent. A un moment il y en
avait tellement qu'il a fallu constater la triste
réalité
: pour un
commerce de beignets" société gabonaise...", pour une manufacture
de bois de Maliens et Sénégalais "société gabonaise...", pour un
dépôt de boissons
alcoolisées
de deux Libano-Syriens
ou un
établissement de réparation mécanique de Dahoméens et Togolais
"société gabonaise...". Pourquoi ne pas se limiter à écrire "société
x... du Gabon" si tant est irrésistible d'afficher un lien terrestre. Il
faut craindre que les -administratifs
n'aient été i nfl uencés par 1es
politiques qui, redoutant la moindre flexion
avec la France, ont
préféré écrire "gabonaise" plutôt que "du Gabon" s'agissant du 1ie n
avec leur république.
Même si l'on a voulu dire que ce sont des sociétés de droit gabonais
l'usage est devenu fastidieux et même indécent. La portée quant à
elle, paraît se limiter au politique car c'est seul dans ce milieu de
la nation que se cultivent le drôle, le folklorique et qu'est toléré
l'insipide.
Toutefois,
la considération
politique
de la mention
"gabonaise" dans une raison sociale laisse penser à une volonté de
contrôle des sociétés.
b) coloration
intérieure
la
nationalité
ou
bien
1 a
recherche
du contrôle
des sociétés
L'articulation progressive des attributs des sociétés, à travers le ur
dénomination au Gabon fait un gros plan sur le terme "gabonaise",
dont l'usage malaisé à la longue, n'en laisse pas moins insinuer une
certaine
appartenance politique
au pays désigné. Après nombre
d'observations, nous avons conclu, que cette particule "gabonaise"
dans le nom de la plupart des sociétés
au Gabon, n'était qu'une
question de fait exprimant simplement un rapport géographique
avec le pays d'implantation. Alors s'impose une autre constatation
car en dehors des personnes morales de droit public où apparaît
l'influence
de l'Etat,
la
nationalité
des
sociétés
n'est
pas
perceptible de l'extérieur. C'est une indication interne qui tient à
des contingences diverses
souvent
complexes
et
fluctuantes.

226
N'eussent été les conflits d'idéologies et la véritable polémologie
économique qui a suivi,
la nationalité
des sociétés
aurait-elle
suscité tant d'intérêt.
Ce n'est pas toute la difficulté,
car après la conception de 1a
nationalité, il faut pouvoir la déterminer,
repartir à la base des
conquêtes, sans oublier les différences qui existent dans l'analogie
entre la nationalité des personnes physiques et celle des personnes
morales. La nationalité des sociétés apparaît comme un acquis où
s'engouffrent toutes les réflexions
qu'elles soient favorables
ou
critiques.
Elle
permet
la
présentation
d'urie
pensée juridique
éventuelle et n'est astreinte qu'à la seule attente réservée
aux
sociétés
par
nos
pays
: leur
contribution
au
développement
économique et social.
Ce n'est pas le loyalisme
qui prévaut au
départ, ce n'est même pas la convention d'établissement qui guide.
C'est le promoteur, le fondateur, ce sont les individus
et leur
argent qui importent et se mettent sous la forme des sociétés
opérant au Gabon.
De la même façon qu'est considérée la nationalité des hommes qui
relèvent d'un pays déterminé, la société aurait eu la nationalité du
pays où elle
existe.
Non seulement
la société
peut elle-même
décliner une autre nationalité que celle
du pays d'accueil,
ma is
encore, faut-il s'accorder sur l'existence de la société découpée en
constitution, fonctionnement et contrôle. Le contrôle est certes 1e
concept le plus compliqué à cerner cependant il permet, dès qu'il
est connu, de fixer infailliblement
la nationalité de la société. 11
n'y a même pas d'inquiétude lorsque le contrôle change de mains,
puisque la société va épouser sa nouvelle nationalité.
Quant
aux
considérations
posées
par
la
constitution
et
1e
fonctionnement de la société, elles vont également aider à asseoir
une forme de nationalité.
Pour cela,
il
semble
que si
la
loi
applicable à ces franges de l'existence de la société, considérée
comme le statut légal,
est la loi du pays de constitution, il est
possible que cet Etat imprime sa nationalité à ladite société. C'est
le
critère
du siège
social
qui
aura
longtemps
évolué
entre
l'incorporation
anglaise,
le
lieu
de
constitution,
celui
d'exploitation, celui où sont prises les décisions.

227
C'est aussi le résultat poursuivi par l'option législative
lorsque 1a
nationalité
est déterminée
par le degré de rattachement
d'une
société à un pays, notamment le pays des associés, les lieux des
phases d'existence de la société. Or un des reproches qui est fait à
cette donnée est d'être d'un libéralisme
excessif
en manquant
d'apprécier l'importance économique du lien avec l'Etat concerné. 11
en est
de même des critères
du lieu
de constitution
et
de
l'incorporation qui, nous le verrons malgré leur fixité,
sont jugés
inadaptés
à l'objectif
économique
recherché
par
un pays
en
développement. En effet
la
théorie
de l'incorporation
pour
ne
prendre que celle-là
attribue à une société la nationalité du pays
dont la loi a régi la constitution,
là où sa personne morale a été
"incorporated". Elle aboutit fatalement à un leurre une fois qu'elle
se trouve confrontée aux critères économiques et du contrôle des
sociétés.
En soi, ce n'est pas le consensualisme que l'on retrouve du côté du
siège statutaire, du lieu de constitution ou de l'incorporation
qui
gêne ou qui se présente sous un juridisme
exacerbé. C'est plutôt
qu'il
traite
avec trop
de concessions,
un domaine
où la
lex
societatis est considérée comme étant d'ordre public y compris 1e
bénéfice que légitimement
le Gabon doit attendre des activités
économiques des sociétés sur son sol. Tout aussi critiquable est 1e
rejet systématique des critères précités parce que cela relèverait
d'une sorte de confusion entre la loi applicable ce qui ressort de
l'article
3 de la loi de 1973, et la nationalité des sociétés qui
n'apparaît pas dans les textes internes actuels. Il n'y a donc pas
d'ordre juridique interne, à plus forte raison international qui s'im-
pose à la détermination de la nationalité des sociétés de commerce.
Force est alors d'écrire comme le doyen BATIFFOL 287 que l'idée qui
vient sans doute la première à l'esprit est la considération de 1a
nationalité des associés.
Assurément, une société formée par des associés tous gabonais,
est gabonaise. En la pratique et hors les petites entreprises de type
individuel ou familial,
nous recherchons encore la société qui est
d'une telle composition, dans un pays où vient à se poser sur 1a
scène internationale, un inqualifiable
complexe d'aliénation devant
287Tr. prée. p. 252. Sur le pays des associés lire également THIBIERGES, le
Statut des sociétés étrangères. Rapport du 5?ème Congrès des notaires de
France 1959 p. 252.

228
les étrangers. Soit en effet, c'est l'étra nger qui, recherchant abri,
crée sa structure morale et y associe des nationaux gabonais en
qualité de prête-nom. Soit alors, c'est le gabonais promoteur ma is
qui manquant de confiance en lui-même,
n'en ayant pas plus pour
ses co-nationaux, recrute un ou plusieurs étrangers, lesquels bien
entendu, seront les véritables gérants de l'affaire.
Comme cette société constituée totalement par des gabonais se
fait rare, prenons ce qui est courant, c'est-à-dire des entités avec
des proportions de participation de gabonais. Dans ces conditions et
malgré les apparences, deux considérations
sont déterminantes :
soit qu'il est tenu compte de la nationalité
de la majorité
des
associés, soit qu'il faut s'appuyer sur la majorité des actions. En
fait l'issue semble la même et la discussion
se centralise.
Si 1a
majorité
populaire
est gabonaise, la société
sera gabonaise. Or
cette règle d'une logique juridique
et sociologique
irréprochable,
est
pourtant
imparfaite
si
ce n'est
irréaliste.
Une objection
habituelle dit qu'une société peut être constituée de telle manière
qu'aucune majorité
ne se déqaqe ni, plus grave, que la majorité
déclarée ne corresponde pas avec la majorité d'actions ou de parts
comme il est annoncé dans la deuxième considération. Il suffit de
penser aux associés qui ont plusieurs
nationalités,
ou bien, aux
actionnaires pour la plupart inconnus, sans parler des minorités de
blocage dans les assemblées de décision. Dans ce cas, il va de so i
qu'une entreprise
où les gabonais sont plus riches
en effectifs
mais,
plus
pauvres
en prise
de capital,
ne peut être
à priori
gabonaise de nationalité. Si elle l'était, ce serait une nationalité de
complaisance dans la mesure où elle proviendrait d'une liberté des
associés à se donner la nationalité de leur choix, alors que cette
prérogative appartient au pays dont la nationalité est en cause.
Mais cette latitude
aux résultats
politiquement
flatteurs,
peut
avoir des conséquences préjudiciables
si les associés
pouvaient
permettre à une société gabonaise de par sa composition et son
capital, de se dire étrangère sur le sol du Gabon. La nationalité
imprimée par le critère du siège social paraît encore fiable.
Par
contre,
intéressante
serait
l'efficacité
apportée
dans
1a
connaissance
de
la
nationalité
par la
notion
de "l'entreprise

229
authentiquement ivoirienne" dont parle M. POHE Denis 288 . Ce se ra it
une sorte de personnalité morale indigène, représentée par les PME
'"
et PMI, grâce à un appel aux investisseurs
étrangers et un souci
d'ivoirisation de l'entreprise. Le procédé utilisé est celui d'un code
des investissements qui contient des concessions unilatérales et
une convention d'établissement.
Ainsi, selon l'article
25 d'une convention du 18 Mars 1965, une
société de droit ivoirien peut être considérée comme étrangère s i
son capital et sa gestion sont en fait contrôlés par des étrangers.
Par ailleurs il se confirme en exemple, qu'une société contrôlée par
des intérêts nationaux est ivoirienne, conformément à l'application
cumulative du contrôle et du siège social ; qu'une entreprise peut
bénéficier de la clause de la notion la plus favorisée ; qu'il importe
de mobiliser l'épargne et les capitaux nationaux.
Somme
toute,
ce .serait
une entreprise
où sont
encouragés
cumulativement,
l'emploi,
le capital
et le centre
de décision.
Pourtant
l'on
demeure
sur
sa
soif
et
le
titre
"entreprise
authentiquement ivoirienne" paraît un peu non justifié.
Si l'auteur
n'a pas manqué de se désolidariser
d'une sorte
de retour
à
l'authenticité culturelle des années 1970, il n'y a, sauf mauvaise
lecture,
aucune spécificité
de ces sociétés
ivoiriennes
qui les
authentifierait. Tous les éléments indicatifs rapportés, les clauses
des codes d'investissement
ou des conventions
d'établissement
sont des données que l'on retrouve un peu partout en Afrique. Ce
sont les mêmes questions qui sont posées en Côte d'Ivoire et au
Gabon. Il y a une véritable improvisation dans les affaires en ce que
les dérapages commencent dans la constitution du capital social et
se poursuivent en donnant la priorité à l'artificiel
et la fantaisie
nationale dans le fonctionnement ou la production des sociétés.
Il ya au niveau des bilans, un prétexte à la victimologie, à la crise
économique alors que dans la plupart des cas, les nationaux des
deux pays ont fait montre d'incurie complète dans la gestion et
l'administration ; ils ne se sont jamais élevés à la hauteur de le urs
responsabilités
se
comportant
ainsi
parce
qu'ils
avaient
l'assurance
de ne jamais
voir
leur
responsabilité
personnelle
engagée. Si encore les entreprises ivoiriennes avaient des règles de
288La nationalité des sociétés dans les pays en voie de développement.
Exemples africains et latina-américains th. Bordeaux 1989 p. 13 - 390-487

230
constitution et de fonctionnement typiques à aucun autre pays. Or
le plus ordinaire de cette authenticité, c'est que ces commerces et
industries finissent
dans la même faillite
que ceux des pays du
reste de l'Afrique des inexperts.
Ne peut-on à présent redire que la nationalité des sociétés est bien
une affaire de beaucoup politique. Elle est fonction de l'orientation
économique intérieure,
l'ouverture
des pays vers l'extérieur
et
spécialement au regard du contrôle exercé sur la structure morale.
Elle relève énormément de l'option législative,
critère
qui sera
repris dans la section suivante réservée à la détermination de 1a
nationalité
des
sociétés.
En
l'état
actuel
des
capacités
et
aptitudes,
la
nationalité
d'une
société
est
une
donnée
essentiellement politique. C'est un constat des faits pour attirer 1a
conscience nationale. Elle n'a aucun impact sur le statut juridique
de l'entreprise, lequel dicte d'une manière universelle que la loi qui
régit la création et le fonctionnement des sociétés est la loi du
siège social. Si toutes les sociétés qui ont leur siège au Gabon sont
soumises
à la loi
gabonaise,
il
n'est pas impossible
que 1e
législateur
gabonais
ait
voulu
lui
étendre
la
couverture
diplomatique
de sa
nationalité.
Pourquoi
s'attarder
sur
des
préoccupations publicita ires d'avant guerre. Il n'y a même plus 1i eu
de formuler un souhait à voir le législateur gabonais sortir un texte
dans ce sens.
Bien entendu, la nationalité appelle la protection politique de l'Etat
d'allégeance et, nous savons qu'avec la loi gabonaise de 1973 sur 1e
siège social,
les sociétés étrangères sont soumises aux lois
et
règlements du for gabonais. Elles comparaissent en justice
après
avoir été assignées valablement à leur siège social au Gabon; elles
s'acquittent des impôts locaux, même si, pour éviter la double
imposition, sont adoptés ensuite des lois et des accords d'ordres
divers qui tendent à multiplier
les exonérations
; si cela est
favorable à l'investisseur étranger, il faut craindre que seules, les
affaires
gabonaises ne restent sous le poids des taxes
et des
impôts.
Ce serait
encore un résultat
fâcheux,
au bilan
de 1a
condition juridique des personnes morales cette fois nationales et
étrangères.
En définitive, la nationalité en tant que concept est une inconnue
liée
aux origines
coloniales
récentes
de l'établissement
des
sociétés
au Gabon. A présent elle semble plus une évidence qu'un

231
besoin de fixation sur les rapports d'allégeance politique auxquels
sont soumis les sociétés qui s'activent au Gabon. La nationalité des
sociétés ne parait pas préoccuper outre mesure, elle se confond
avec l'intérêt nourri par l'Etat car ce qui compte c'est l'existence
de la société.
En plus, quelle importance y a-t-il
à dire que telle
société est
chinoise, telle autre égyptienne dès l'instant où l'article 25 c. civ.
gabonais laisse les portes béantes à la jouissance des droits et
qu'en vertu du syndrome du capitis dimunitis à l'origine de cette
altération dans la condition juridique des gens, les étrangers et 1es
nationaux, les gabonais et les non gabonais, tous ont les mêmes
droits.
Dès
lors,
l'Etat
tend
vers
des
préoccupations
moins
théoriques et franchement, plus portées vers la satisfaction
des
besoins des sociétés africaines qui croient dur comme fer, que les'
entreprises
sont des structures
qui assurent
le développement
interne
des
pays,
l'épanouissement
social,
psychologique
et
matériel des nations. En clair, une société qui exploite dans un pays
donné même pour les besoins d'un pays tiers, doit d'abord profiter
au pays d'accueil.
C'est une conséquence des différents
acquis
contre
le
néo-colonialisme.
Aucun
Etat
assez
fraîchement
indépendant,
ne
peut
s'empêcher
de
s'imposer
une
attente
économique de l'installation
d'une entreprise
surtout étrangère
dans son sol. Si l'égalité de la condition juridique est assurée par
la loi du siège social, il reste qu'au niveau de la jouissance des
droits,
la différence
qui
empêche de confondre
nationaux
et
étrangers, suppose que les entreprises
gabonaises ont le devoir
tandis que, les sociétés étrangères, ont l'obligation de participer à
l'effort de développement espéré. En dehors de ces considérations
qui témoignent encore davantage, du caractère
mélangé de 1a
connaissance de la nationalité des sociétés, c'est clair le concept
est loin d'être maîtrisé
et sa détermination
doit
attendre
1a
substitution de la règle de l'égalité de traitement par celle de 1a
réciprocité élémentaire tout au moins.
Section 2 - A propos de la détermination
de la nationalité
des sociétés
C'est très tôt dans leur controverse doctrinale sur l'existence du
concept de la nationalité, que les internationalistes ont convenu de
la nécessité de rattacher les entités commerciales à un Etat et
qu'il a été fortement question d'établir l'allégeance politique de ces

232
entreprises. Très tôt, également, ces auteurs ont posé que toute 1a
question reste de dire comment reconnaître que telle société est ou
non étrangère. "
ne s'agit pas de l'exemple type de la société
constituée au Gabon dans une forme de droit allemand,
mais de
sociétés montées selon les règles locales
gabonaises et qui au
fond, dans l'esprit sont étrangères.
Pire
est
la
situation
connue
dans
les
pays
dépendant
économiquement, où une société disons même d'Etat, se trouve
totalement tributaire de l'étranger. Ce ne sont pas des cas rares,
tout au contraire, ils constituent le marasme même, ils illustrent
le plus clair
du vécu entre
des conditions
légales
devenues
forfaitaires et le statut politique dirigeant des entreprises. En un
mot, nous revenons droit non pas sur une extension, mais sur 1a
résurgence de l'ambiguïté dans la condition des personnes, telle
que démontrée
en première
partie.
Ce
résultat
anormal
du
traitement
des étrangers
et des nationaux
implique
que l'on
rétablisse des règles qui permettent de distinguer tout au moins
objectivement les personnes morales gabonaises et celles qui ne
sont pas gabonaises, en attendant de réagir contre le subjectivisme
que commande chaque option commerciale
de pays en quête de
développement.
Il est couramment retenu que l'emploi de la notion de nationalité
n'a d'intérêt que dans l'optique d'une construction permettant de
dégager des règles générales de détermination de cette nationalité.
Si l'on réussit
à procéder par une directive
unique, ce critère
unitaire
devra trouver
la solution
à tous
les
problèmes
qui
surgiraient
sur
les deux plans du conflit
des lois
et
de 1a
jouissance
des
droits.
Si
en
revanche,
les
éléments
de
détermination s'avèrent multiples comme tout laisse à le percevoir
déjà, il va de soi que l'on procédera hypothèse par hypothèse. 11
deviendra contre-indiqué de vouloir recouvrir des cas divers ayant
des solutions
elles-mêmes
variées,
du manteau uniforme
de 1a
nationalité des sociétés. Le doyen BAn-IFOL, 289 a énuméré diverses
tendances à la suite du lien établi entre un Etat et une société
notamment, la détermination
de la loi applicable, l'aptitude à j 0 u i r
289Traité 4e éd., n" 192, 222

233
des droits et la protection diplomatique. Ainsi
le recours à un
élément unique d'indication alors que les domaines d'intervention
sont des plus nombreux, présente
une nationalité
qui n'aurait
aucune unité et aucune constance. Ceci conforte la perspective du
procédé non unitaire. Pourtant des voix encore isolées commencent
à s'élever pour dire que la situation
des pays comme le Gabon,
commande
l'adoption
de systèmes
juridiques
aux
règles
non
nécessairement choristes, mais contenant le moins possible de ce
que l'on dit des complications,
des complexités
de choix,
de
détermination, de fonctionnement ou d'exécution.
Paragraphe 1 - Le survol
de quelques critères
subsidiaires
Si la nationalité des sociétés est un être protée, sa détermination
exige d'abord une méthode analytique. Or, le choix du critère
a
donné lieu à une autre empoignade littéraire,
même si elle a été
moins vive que celle
relative
à l'existence
du concept.
Elle a
surtout opposé les partisans
du siège social
aux défenseurs du
contrôle et, pensons avec M. LOUSSOUARN 290 que ce n'est pas 1e
moment de revenir sur cette controverse mais de nous situer sur
l'état actuel de la question. En ce sens, il reviendrait de poser 1e s
valeurs personnelles des critères du siège social
et du contrôle,
tous les deux étant les éléments
les plus
performants
de 1 a
détermination
de la nationalité
des sociétés
en droit
français.
D'ailleurs,
cette
sorte
de
bipolarisation
du
critérium
de
détermination
de la nationalité
est
un état
heureux
vers
1a
recherche d'un critère uniformisant recommandé aux Etats neufs. En
attendant, le siège social et le contrôle, ensemble ou séparément,
recèlent d'une atomisation d'éléments dont les plus dominants sont
ceux qui tiennent à la distinction
de la société-contrat
et 1a
société-institution. Si l'on s'y hasarde, la différence entre les deux
notions se conçoit de l'abstraction
ou non de la personne des
associés. Il en résulte d'un côté, des critères objectifs attachés à
l'idée contractuelle ou institutionne Ile
de la société, d'un autre
côté, des critères subjectifs sur la personnalité des associés et
dirigeants sociaux en harmonie avec la théorie de la fiction.
La
démarcation
ne nous paraît
pas nette 291 et même messieurs
LOUSSOUARN et BREDIN 292 semblent
s'en remettre à une conception
29ÜNationalité, in Ene. Dalloz des sociétés 1971 n" 69
291G. LAGARDE, les conceptions contractuelles et institutionnelles. Tr. droit
commercial 1980 T. 1. n° 383 et 385.
292Tr. 1969 prée. p. 262.

234
plutôt
objective
de
la
présentation
contractuelle
ou
institutionnelle de la société.
A - Les critères
voisins
de la conception contractuelle
Ils laissent aux associés et aux dirigeants sociaux une large 1ibe rté
dans la détermination de la nationalité de leur société. Ce sont 1e s
procédés de la liberté de choix, du lieu de constitution,
du siège
statutaire. En effet, la société est un contrat ou prime l'accord de
la volonté constitutive qui développe ensuite une volonté d'adhésion
postérieure à la création de l'entité morale. C'est justement cette
technique de la manifestation des volontés qui va donner naissance
aux obligations sociales dans l'ordre interne. Si le consensualisme
relevé est projeté sur la scène internationale, l'on obtient le rôle
connu
de
l'autonomie
de
la
volonté
dans
les
conflits
et
l'établissement de la loi d'autonomie. Mais c'est aussi à ce niveau
qu'apparaît la lex societatis.
, - La loi d'autonomie et la détermination
de la nationalité
a) affirmation
par
les
critères
de la
liberté
et
de 1a
volonté des associés
La liberté des associés se retrouve à plusieurs niveaux dont nous
retiendrons, la possibilité qui leur est faite ainsi qu'aux dirigeants
sociaux de dire ou de choisir la nationalité à donner à leur entité
juridique. Ils ont la possibilité de se fixer en faisant jouer la loi
d'autonomie purement et simplement. C'est une sorte de pouvoir
discrétionnaire, dont l'exercice est critiqué en dépit de sa logique
contractuelle. C'est l'apparence qui l'emporte alors que les faits et
les actes radiographiés, peuvent traduire le contraire. L'utilisation
excessive de cette liberté laisse la porte ouverte à la fraude dans
un domaine où l'intérêt de la société n'est pas forcément le même
que celui
de chacun des associés
ou dirigeants.
La nationalité
risque de devenir un produit de transaction contractuelle ramenant
aux théories
philosophiques
du contrat-nation.
De tels
associés
peuvent alors passer outre les critères retenus dans un pays pour
donner à leur société la nationalité du pays de leur choix.
La volonté des associés est plus formaliste car elle se trouve dans
les statuts.
Les partisans
de l'option contractuelle
parlent du

235
domicile statutaire de la société ,celui-là que les fondateurs ont
librement
retenu. Si l'on reproche
à ce critère,
non seulement
d'instituer la liberté de la volonté comme d'une loi d'autonomie, i 1
'<,
lui est prêté de s'identifier
au critère
du lieu
de constitution.
Pourtant la jurisprudence l'a encore récemment admis dans l'arrêt
banque ottomane 293 ,institution
financière, constituée à Istambul
son siège statuaire, mais dont le siège réel était à Londres. Comme
la règle française des conflits de lois reconnaît à la loi anglaise 1a
compétence sur le siège réel, que la loi anglaise de l'incorporation
donne à la loi turque, la cour d'appel n'a eu qu'à s'incliner
et
renvoyer à la loi turque, loi du lieu de constitution et loi du siège
statutaire.
b) mais
ces deux critères
sont incertains
pour des droits
en élaboration
Plus que le critère de la liberté des associés, celui de leur volonté
a tendance à accroître l'importance du rapport contractuel au point
que tout peut être résolu
par le contrat.
En réalité
les
Etats
scrutent
la
dimension
économique
de
l'entreprise
avant
de
s'intéresser à sa nationalité.
Il suit que le simple
choix laissé
à la liberté ou la volonté des
associés, des dirigeants, des fondateurs ne suffit
pas pour créer
efficacement un rapport d'allégeance. Il lui manque de convaincre
sur le plan des rapports économiques qui eux, dominent la cause.
Sinon l'allégeance tiendrait
à des volontés insusceptibles
d'être
remises
en cause. Les associés
pourraient
selon
leurs
propres
règles de mutation procéder à toutes les transformations
de 1a
nationalité de leur entreprise.
Encore faut-il
que les intéressés
aient arrêté un mécanisme de prévision pour toutes les difficultés
notamment le changement des hommes, leurs
humeurs
et leurs
contradictions d'intérêts à un moment donné. Quant à la découverte
d'une telle nationalité, elle suppose que l'on consulte les statuts et
le registre
du commerce.
A défaut
il
n'est
plus
possible
de
l'extérieur de dire pareille
allégeance, ni ses éventuelles modifi-
cations. Par rapport aux tiers, la nationalité ainsi imprimée et ses
conditions de changement leur
exigent tellement
d'efforts qu'en
définitive, elles s'avèrent bien aléatoires.
293Paris 3e ch. 19.05.1965 RCDIP. 1967 - 84, RTD Corn. 1967,322

236
2 - L'option législative
pour la nationalité
Elle ne nous donnera pas l'occasion de développer des thèmes, mais
d'en dire les insuffisances. Si l'on réserve
le critère
du siège
social,
l'option
législative
concerne
la
détermination
de
1a
nationalité
par le lieu de constitution,
notion qui en appelle
à
l'incorporation et au siège d'exploitation.
a) critère
proposé par le droit transitoire
en Afrique
C'est une option qui rappelle
celle
d'autonomie, mais qui, à 1a
différence des associés qui fixent dans les statuts la nationalité
de la société, procède par la lex fori pour retenir la volonté comme
critère
de la nationalité.
Plus
important,
est qu'il
semble que
l'option pour une législation
est fonction de l'intérêt suscité,
1e
degré de rattachement nourri
par la société
vis-à-vis
du pays
surtout si c'est le pays des associés, qu'en plus ceux-ci en ont 1e
contrôle. C'est pourtant un système répandu dans les statuts de
société en Afrique.
Or, les pays comme le Gabon suivent
avec
curiosité
l'activité
des sociétés d'un poids économique certain,
quelle que soit leur nationalité. Autrement dit, cette nationalité
obtenue à partir
de la liberté
pure et simple
ou de la volonté
statutaire,
importe peu. Pour ces Etats, voilà
des critères
bie n
extérieurs
aux conventions
d'établissement
signées
après
les
indépendances, surtout qu'ils n'y trouvent pas la réponse à leurs
attentes du développement.
L'option législative permet de choisir entre la loi d'un pays telle
Gabon et celle d'un autre Etat proposé par le Gabon 294. Elle est
inspirée
du droit
à option
franco-britannique
applicable
aux
Nouvelles Hébrides. Elle recherche une sorte de communauté des
allégeances politique et juridique,
limitant
substantiellement
1e
nombre de lex societatis compétente dans un même pays. A coup sûr
est avantageux pour les étrangers,
pareil
critère
qui laisse
1a
nationalité des sociétés au Gabon, au choix entre les normes de 1a
loi gabonaise et celles d'un autre pays naturellement intéressé pa r
l'investissement au Gabon.
C'est une solution avant tout sécurisante, elle annonce à l'avance 1a
loi applicable qui sera alors bien connue et qui contiendra
même
294Luchaire, la société étrangère dans les pays sous-développés: la
personnalité morale et ses limites, in Travaux et Recherches de l'Institut de
Droit comparé de Paris LGDJ 1960

237
une forme d'immutabilité consécutive à la recherche de stabilité de
nos régimes politiques. Mais comme l'investisseur vient d'Europe,
de pays développés, le choix portera certainement sur la loi du pays
étranger.
L'on n'est plus
surpris
par la multitude
de sociétés
commerciales ou industrielles
ayant opéré au Gabon, mais créées
sous les
formes
de la
loi
française
de 1966
au demeurant
inapplicable territorialement.
Ce critère apparaît donc affecté ou
dominé par la hantise de la sécurité des capitaux estimés alors
comme la condition
du développement. Il
n'hésite
même pas à
préconiser
l'application
de
la
loi
de
l'investisseur
dans
1a
souveraineté africaine concernée, la réduisant automatiquement au
niveau des sous-ordres juridiques.
b) mais un critère
empreint de relent dominateur
Il n'est pas nécessaire de dire l'état de l'option législative dans les
pays développés. Il est seulement à se contenter d'expliquer qu'un
tel procédé pour la détermination de la nationalité étrangère d'une
société ne saurait ici être soutenu. D'un côté les règles de publicité
exigées par les critères qui privilégient
le caractère contractuel
sont difficilement
mises en oeuvre. Les manifestations
de la loi
d'autonomie sont si variées que ne peut être exclue l'obligation de
rechercher la loi applicable société par société. D'un autre côté se
pose la connaissance de la loi retenue par la règle gabonaise de
conflit comme législation de renvoi.
Mais de telles affirmations déclenchent auprès de l'observateur les
réactions les plus inattendues. L'Afrique est à ce jour, un continent
d'analphabétisme, où il est déjà inespéré de se trouver au faîte de
la loi interne. Voilà que sa propre loi lui demanderait en plus de
s'imprégner parfaitement de la loi étrangère. Y a-t-il
meilleure
façon de réaliser une recolonisation juridique.
Au niveau du droit
interne,
l'adage
des criminalistes
"Nullum)
censentur ignorare legem" fait grincer des dents et la lutte entre
interprètes juridiques et administrativistes juristes n'a pas encore
eu d'écho favorable en jurisprudence gabonaise. La connaissance de
la loi, lato sensu, est organisée par les articles 2, 3 et 4 du titre
préliminaire du code civil qui prescrivent notamment:

238
(art.
2,
1°)
les
loi s
deviennent obligatoires
sur chaque
district
sept jours
après l'arrivée
constatée dans un registre
spécial du journal officiel.
(art. 3,1°) en cas d'urgence, les lois deviennent obligatoires dans 1a
région après affichage dans les panneaux des actes administratifs
et répertories dans un journal spécial.
(art. 4,1°) les lois de portée nationale deviennent obligatoires aux
gabonais de l'étranger, sept jours francs après l'arrivée du journal
officiel
constatée au consulat et en absence de représentation
diplomatique,
c'est quinze jours
après
publication
au journal
officiel.
Sans donner dans la réflexion
que suscite
l'applicabilité
de ces
textes ou leur efficacité,
notons quelques
points de détail.
La
diffusion par voie de presse et de radio a fonctionné pendant 1e s
trois premières années de l'Indépendance. Or la radio qui émettait à
l'époque avec moins de 20 Kwz ne couvrait à peine que la région de
la capitale soit 2 000 Km2 sur les 267.000 que compte le pays.
Depuis ce système a disparu. Le Journal Officiel
a pour sa part
cessé de paraître
autour
de 1970,
ses
fonctions
ayant
été
opportunément assurées par un flash d'information "Hebdo Info" qui
fut sacralisé journal d'annonces légales. Lorsque le journal offi cie 1
est à nouveau édité dans les
années 1980, "Hebdo-Info"
se ra
maintenu, ne fût-ce que par reconnaissance.
Mais ces deux périodiques ne se retrouvent pour tout le pays, que
dans la capitale. Si telle est la publicité organisée au Gabon, pour
une population illettrée, n'ayons pas honte de l'écrire, que faudra-
t-il
attendre de la diffusion
de lois
étrangères
à l'endroit
du
national gabonais, de son juge dont la formation et les appétits ont
été décriés. A supposer que la publicité
des lois,
même au se u1
niveau interne du Gabon en vienne à être contenue de telle sorte que
l'information du public soit assurée convenablement, et que son
pendant, la connaissance des lois
soit
propagée, alors
il
sera
possible d'envisager l'opportunité d'utiliser
le critère
de l'option
législative. Autrement dit et pour le moment, cette référence n'est
pas la bienvenue surtout si elle est assortie de la possibilité d'ap-
pliquer la loi étrangère proposée par démission de la loi locale et
une volonté plus nette de la société de se soustraire à la loi du
pays d'implantation.

239
Sur le plan du conflit de lois,
Messieurs LOUSSOUARN et BREDIN 295
estiment
que la
lattitude
offerte
par
ces
critères
est
1a
/
transposition
de la solution admise en matière contractuelle.
Et
lorsque Messieurs LOUSSOUARN et TROCHU 296 parlent de l'ouvrage de M.
TERKI 297, ils
mettent en avant son attachement au principe de 1a
territorialité
comme solution
adaptée pour contenir
l'équation
entre l'indépendance politique
et qui n'est pas une panacée et
l'indépendance économique qui est son objectif indispensable. Bien
peu convaincantes semblent alors les raisons qui permettent à une
société d'échapper à la législation du pays d'activité, au profit de
celle de son Etat d'origine. Ceci a l'inconvénient d'imposer au pays
d'activité une pluralité de législations sur les sociétés.
Enfin, selon Monsieur TERKI le droit des sociétés est à classer dans
la catégorie des lois
de police
auxquelles
il
n'est pas possible
d'échapper. Et si c'était le cas, les sociétés choisiraient
les loi s
qui exigent le mois de formalités de constitution et qui réduisent
sensiblement les règles de responsabilité. A son tour, M. POHE DENIS
298
de
constater
que
même
en
face
d'un
territorialisme
intransigeant, il n'y a pas de concurrence dans le domaine de la lex
societatis, mais une compétence exclusive justifiée par l'existence
d'une règle impérative et d'ordre public. Or l'harmonie universelle,
la coordination des systèmes juridiques différents, répugnent les
solutions internes qui procèdent par des règles exclusives.
Ceci
explique les réticences à admettre l'autonomie de la volonté comme
règle du domaine des conflits en raison de cet excès de libéralisme
reproché tant à l'autonomie qu'à l'option législative.
B - Les critères
inspirés
de la conception institutionnelle
Ce sont ceux qui privilégient la personnalité morale, qui inclinent à
l'adoption d'un critère impératif. Lorsqu'ils sont regardés d'en haut,
ils constituent d'une certaine manière, l'aboutissement de la notion
du siège social devenue essentielle
dans la détermination
de 1a
nationalité des sociétés. Or, avant que le siège social ne l'emporte
sur la notion du centre d'exploitation chère à la première guerre
mondiale, il a été possible de voir défiler des critères comme 1e
siège statutaire, le lieu de constitution et celui de l'incorporation.
295Tr. cit. p. 263
296Jur. cl. prée. fasc. 564-A n060
297Les sociétés étrangères en Algérie, office des publications universitaires,
Alger 1976.
298Th. prée. p. 59

240
L'utilisation de ces données juridiques pour dire la nationalité n'a
pas toujours été accompagnée de spécificité
et si l'on ajoute ilia
magie des motsIl 299, les expressions deviennent si voisines qu'il ne
faut plus être surpris de les prendre les unes pour les autres. Ce
sont pour la plupart,
des critères
extraits
des origines
de 1a
société.
En raison de leur objet,
ils
donnent une place
importante
aux
questions de création des sociétés. Ils estiment qu'à l'endroit où
naît
un commerce,
correspond
une dimension
juridique
dont
l'identification
doit être posée notamment, la fixation
sur son
allégeance
politique.
Certes
un accord
s'est
formé
sur
la
loi
applicable aux sociétés mais l'allégeance juridique qui signifie
1a
soumission au droit d'un Etat ne laisse-t-elle
de côté la jouissance
des droits qui elle, relèverait alors de l'a Ilégeance politique. C'est
la résurgence de la balkanisation de la nationalité
des personnes
morales de NIBOYET 300.
1°) - Le critère
de l'incorporation
C'est le système
auquel se réfèrent
les
pays anglo-saxons.
11
attribue la nationalité du pays dont la loi a régi la constitution.
Mme
Suzanne
BASTID
301
pour
reprendre
l'explication
sur
1a
détermination de l'allégeance politique des sociétés, reconnaît que
le rattachement peut se faire par deux systèmes : pour le droit
français la société est régie par la loi du siège social
; pour 1e s
Etats-Unis,
le Royaume Uni, le Canada, l'incorporation,
critère
fondamental veut que la société soit soumise à la loi du lieu où 1e s
formalités de constitution ont été accomplies. Ceci doit être, selon
Messieurs LOUSSOUARN et BREDIN 302 pris au sens du lieu où la société
a été "incorporeted", c'est-à-dire enregistrée.
Ce lieu de naissance désigne le "domicil of oriqin" qui a le pouvoir
de dire
la
loi
applicable
et de conférer
en même
temps
1a
nationalité. Ce système n'a pas prospéré en France, et l'on ne peut
2991DUSSOUARN et BREDIN Tr. SYREY 1969 prée. W 240.
30oTr. Tome II
301La nationalité des sociétés, rapport du 25.01.1969 in Travaux du Comité
Français de DIP p. 250 n" 4
302Traité prée. note p. 264 fait référence à RABEL, conflicts of Laws, II p. 31 ;
E. HILTON YOUNG, foreign companies and other corporation, p. 205 ; Ch. DE
VISSCHER, la nationalité et le caractère ennemi des sociétés commerciales,
d'après la jurisprudence des cours anglaises, Rev. DIP 1917. 503.

241
pas dire que les magistrats français l'ont employé dans l'affaire de
la banque Ottomane (Paris, 19.05.1965) lorsqu'ils
adhèrent à 1a
conception contractuelle
de la société
se rapprochant
ainsi
du
siège statutaire. C'est vrai, ce critère présente des avantages mais
les inconvénients lui font ombrage.
L'incorporation sécurisante pour l'information des tiers,
est avec
les critères subjectifs
volontaristes,
dominée par ce 1ibé ra 1is me
tant critiqué,
mais à qui l'on reconnaît le mérite de favoriser
1e
commerce international et la protection diplomatique. En plus, il a
l'avantage de fixer
une fois
pour toutes sur ce lieu,
cette loi
applicable et cette nationalité de la société. Il n'y a plus a fournir
de gros efforts de recherche. A l'inverse, le critère est accessible à
la fraude et contient une forte allure d'impérialisme 303.
D'ailleurs,
si
les USA et l'Angleterre
sont très
attachés
à ce
système, ce ne sont pas tous les pays anglo-saxons qui l'ont retenu,
et
ceux
qui
l'ont
acquis
présentent
des
variations
dans
l'application. Le Nigéria pour l'Afrique, y aurait renoncé depuis un
règlement de 1977 304. Des pays comme le PANAMA et le Libéria ont
adopté le système de l'incorporation et leur application est d'une
telle conjonction de fraude et d'excès de libéralisme
que ces deux
Etats passent aujourd'hui pour les cas d'espèce de l'illustration
de
la nationalité et surtout du pavillon de complaisance. Ils attribuent
une allégeance
politique
dépourvue de proctection
diplomatique
celle-ci
leur étant matériellement
impossible
à administrer.
La
seule vocation de cette nationalité est d'échapper à la loi des pays
tiers qui pourraient éventuellement s'appliquer pour des raisons
précises: réparation des dommages, imposition fiscale ...
Toujours au niveau de l'application,
autant il est reconnu que 1a
Grande-Bretagne a recours au principe de l'incorporation sans te nir
compte de la nationalité
des actionnaires,
autant les USA s'en
distinguent par l'inclusion
de conditions et de nuances. Ai ns i et
depuis longtemps, le critère ne peut être retenu que s'il existe un
intérêt américain substantiel. En ce sens, il y a intérêt américain,
si 5()OJ6 au moins
des titres
émis
sont
tenus
directement
ou
indirectement par des personnes physiques américaines.
303püHE DENIS Th. p. 79 cite TERKI en note 3
304püHE DENIS, Th. préc. p. 73.

242
Si le système de l'incorporation n'a pas prospéré en France, il reste
que nos pays dont le droit s'en inspire, contiennent des règlements
qui y font allusion. C'est le cas lorsqu'en recopiant l'article
58 du
traité de Rome, la convention de Yaoundé consacre dans son article
33 une nationalité administrée pratiquement par l'incorporation s'il
n'y avait pas eu ce tempérament apporté par l'exigence d'un 1i en
affectif et continu. Du coup, chacun s'étonne que les législations
africaines
n'aient
pas
adopté ce système
alors
qu'elles
sont
toujours
prêtes
à
bénir
tout
ce
qui,
prétendument,
aide
au
commerce international. Le critère aurait-il des insuffisances !" Y
en a, et les premières
procèdent de la prudence que nos pays
doivent observer en face des solutions soit disant
aisées
tout
simplement parce qu'elles favorisent
le commerce international.
Plutôt parler des pays exportateurs de sociétés 305, ce qui vaut au
critère d'être taxé d'impérialisme législatif.
Lorsqu'il est constant
que le déficit
de nos balances
des paiements
est devenu
une
maladie chronique, est-il
bienséant de conseiller
d'opter pour un
tel
système
en
sachant
qu'il
aboutira
à
nous
imposer
des
nationalités fictives
dans le seul dessein de tirer
des avantages
économiques qui ne nous profitent guère.
2° ) - Le critère
du lieu
de constitution
Ce critère a son correspondant anglo-saxon de l'incorporation avec
lequel il a de grandes similitudes.
Le lieu de constitution a même
alimenté la chronique qui a vanté d'abord le lien serré qui unit 1e
lieu
de
naissance
avec
la
personnalité
morale,
ensuite
son
rapprochement avec la règle locus regit actum. C'est PILLET 306 qui
est cité pour illustrer la situation en disant que seule la loi du lieu
de constitution pouvait régir le statut de la société, parce que seul,
le législateur du pays dans lequel la société se constitue, peut 1u i
conférer la personnalité morale et qu'il n'est pas concevable, dans
ces conditions que le statut juridique de l'être moral relève d'une
loi différente de celle qui lui a donné naissance.
" apparaît ici que la notion de personnalité morale qui n'est pas
remise en cause est devenue le point central. Mais PILLET l'utilise
pour dire
simplement
la condition
légale.
Cet auteur qui s'est
affirmé après 1914 contre la réalité
du concept de la nationalité
3ÜSBArnrOL, tr. 1974. T. 1 n" 194 al. 3
3ü6PILIEf, des personnes morales en, droit privé p. 128

243
des sociétés, a cependant fait observer: pour rattacher à un Etat 1a
société dépourvue de jus sanguinis
il y a une confusion entre 1a
-,
nationalité
et
le domicile
car
à la différence
des personnes
physiques où la nationalité a pris l'ascendant sur le domicile ,sa
nationalité se confond avec le domicile 307. C'est aussi le moment
de rappeler NIBOYET 308 lorsqu'il
a considéré la société comme un
simple contrat de droit privé ne pouvant donner naissance à un être
doué de nationalité.
Si les notions incorporation
et constitution
sont semblables
de
prime abord, au stade conceptuel, elles
diffèrent
et s'opposent
presque, au niveau des objectifs. L'incorporation fixe non seulement
sur la permanence de la loi
applicable
ce qui a l'inconvénient
d'envisager l'immutabilité juridique de la société, mais elle donne
également sur la nationalité. Le lieu de constitution ne détermine
que la condition légale, surtout que ce critère est soutenu par une
doctrine hostile à l'application de la nationalité aux sociétés pour
lui préférer une sorte d'allégeance
politique.
En dehors de cet
éloignement de résultat, incorporation et lieu de constitution ont
des mérites identiques : ils
informent facilement
le public
sur
l'état des allégeances de la société grâce à une fixité qui empêche
la mobilité des éléments matériels de rattachement ; ils subissent
la
même
critique
notamment
celle
qui
déborde
de
le u r
consensualisme de départ dépourvu de mesure avec la réalité
de
l'enracinement économique de la société.
En attendant, ce sont deux critères
géographiques utilisés
pour
dire,
sinon orienter
sur
la
nationalité
en partant
de la
loi
applicable
effectivement.
Ceci rappelle
que la
lex
societatis
imprime la personnalité dès que sont remplies les conditions su r
son aire territorial. Et pour ne pas rester dans le territorialisme
de
PILLET qui tendait à conditionner l'existence
la personne morale à
l'étroitesse du lieu de constitution,
l'on a proposé de raisonner
comme si cette loi
était
la lex
locus
regit
actum.
Ainsi
1a
nationalité
ne viserait
que la validité
des actes et sortirait
du
domaine des conflits, sans oublier que la lex locus regit actum est
307LOSSOUARN et TROCHU, préc.1982 n" 25
308Notes P. LAGARDE sous Paris 19.03.1965 RC DIP 1967 p. 5

244
d'application facultative. Au surplus, elle a été rejetée dans des
arrêts 309.
Le survol des critères
subsidiaires
qu'ils
soient
voisins
de 1a
conception contractuelle ou inspirés de l'idée institutionnelle,
a
permis de faire ressortir un trait commun. Ce sont des éléments de
détermination de la nationalité
mais après coup. Originairement,
ils sont conçus pour fixer dans l'espace, dans la loi applicable, et
pour un territoire
déterminé.
Leur vocation
à
influer
sur
1a
nationalité des sociétés est postérieure sinon accidentelle. C'est
d'ailleurs, pour ces raisons que sont critiquées les théories du lieu
de constitution, de l'incorporation, du siège statutaire, de l'option
législative.
Leur force
est certainement
de s'appuyer sur des
valeurs comme la règle d'autonomie, mais ce consensualisme tout
aussi fondamental
pour gérer le droit,
présente
ici
de telles
libertés que l'opinion s'en émeut. S'il n'y a pas d'obstacle à voir des
associés créer leur entreprise à l'endroit qui leur plaît, il n'est en
revanche pas acceptable que cette liberté devienne un pouvoir qu'ils
auraient à donner à leur société la nationalité de leur propre choix.
En ce sens les avantages qui sont reconnus aux tiers, notamment 1a
publicité ou la connaissance de données fixes, se retrouvent dotés
de risques presque parallèles. C'est le cas lorsque la facilité
de
savoir la loi et le lieu de la société, peut devenir la même facilité
qui permet aux fondateurs ou aux associés de changer de lieu donc
de choisir
une nouvelle
loi
applicable
et
par
extension,
de
s'attribuer une nationalité nouvelle. C'est encore le cas, lorsque 1a
convention
d'établissement
s'ouvre
à
l'option
législative,
séduisante parce que le capitaliste
étranger est sécurisé,
mais
décevante si l'investisseur doit imposer sa loi après celle de son
argent spécialement,
pour finir
en déposant
la
clef
sous 1e
paillasson, emportant salaires,
cotisations et redevances fisca 1es
comme nous le verrons dans la partie réservée aux métamorphoses
des personnes morales au Gabon.
Paragraphe 2 - Des critères
principaux,
dits normaux
Tous les critères précédents qui attestent de la nature polymorphe
de la détermination de la nationalité des sociétés ne sont tentants
que par leur facilité.
Pour être à l'abri des difficultés
il aura it
fallu les adopter tous, avec en prime, l'option pour une application
309Req. 17.07.188901904,225; Paris 26.03.1966 RCDlP 1968, 58

245
cumulative
ou distributive,
les
risques
de
contradiction
et
d'exclusivité. C'est une bonne chose de ménager la prévisibilité
des
solutions mais s'agissant du Gabon comme des autres pays aux
droits en élaboration, il importe de retenir des modes plus liés à 1a
réalité.
Il
en
est
ainsi
lorsque
l'on
conseille
à
l'Afrique
plurilégislative, d'en arriver à une lex fori unique du moins dans 1a
règle support de la solution des conflits de lois. D'où l'inclination à
présenter le siège social et le contrôle,
deux critères
les plus
actuels et qui, en sus de déterminer la loi applicable, de fixer dans
le sol, servent aussi à établir le lien de nation.
A - Le critérium
du siège social
Si le principe déjà lointain de la nationalité
des sociétés a été
retenu, l'assimilation encore rapprochée avec la personne physique,
conduit à admettre que la personne morale peut avoir un domicile.
NIBOYET 310 écrivait alors qu'à la différence des individus qui ont un
domicile de choix et un autre de droit,
la société n'avait qu'un
domicile de droit fixé
au lieu de constitution qui en devient 1e
siège
social,
insusceptible
de changer
de pays.
Le domicile
répondrait à des éléments objectifs dont le siège social, de te Ile
sorte que domicile et siège social seraient confondus.
, - Les données générales
Si l'on parcourt Pierre Louis LUCAS 311 il Y a trois systèmes le plus
souvent utilisées et le plus ardemment défendus: le siège social,
le contrôle et le système mixte conciliateur. Pour ne parler que du
siège social,
l'auteur rappelle
que c'est autour de la première
guerre mondiale que ce critère s'est affirmé
notamment dans 1e
sens d'une confusion siège social et nationalité. Or le siège social
est
suffisant
pour localiser
une société
dans un pays mais
insuffisant pour le rattacher absolument à ce pays. S'il tranche 1a
première difficulté, il ne résous pas la seconde. Et si le critère est
resté employé, c'est plus par facilité
que par mérite. Le siège
social
révélant seulement le domicile
de la société
et non sa
nationalité.
31OTr. T. II. 1951 n° 752
311Remarques relatives à la détermination de la nationalité des sociétés, JCP.
1953. r Ooct. 1104 ; jur. Cl. sociétés Fasc 29

246
C'est dans ce sens qu'est cité le jugement du Tribunal d'Alger 312
dont le raisonnement confirme
le siège social
comme étant un
critère
de fixation
territoriale.
"... Le siège
social
constitue
seulement le domicile légal de la société et détermine uniquement
les droits et obligations attachés à cette notion ; au contraire 1a
nationalité doit être définie suivant d'autres critères ...Il Et le doyen
BATIFFOL 313 de rappeler les différentes constructions qui ont abouti
à asseoir une certaine influence sur la nationalité à partir du 1ieu
de constitution
et surtout
du lieu
d'exploitation.
Se développe
ensuite une tendance favorable des tribunaux à entretenir cette
approche par l'endroit où la société manifeste extérieurement et
effectivement son activité 314. Bientôt le siège social va paraître
comme le lieu où se détermine l'activité de la société et comme
tel,
il va influer
sur la nationalité
315
même s'il
est situé
à
l'étranger 316. Monsieur Daniel BASTIAN 317 a consacré d'importants
développements sur le siège social, expression souvent reprise par
la loi qui ne spécifie
nulle
part ce qu'il faut entendre par là.
L'auteur part ainsi de la similitude
des personnes juridiques
pour
dire que les personnes morales doivent avoir un domicile comme i 1
est décrit dans la plupart des ouvrages de droit civil.
Ce domicile
est déterminé selon des éléments constitutifs
notamment, le 1ieu
des organes et des services
sociaux,
de telle
sorte
que 1eur
dispersion s'analyse en un démembrement du domicile social et 1a
jurisprudence abondamment énumérée assure l'essentiel.
A bien regarder, ce n'est plus la doctrine qui fait l'actualité
et
s'agissant d'application de tout un critérium
de désignation,
les
cours et les tribunaux
procèdent cas par cas. Leur intervention
prudente a souvent été influencée par les guerres et la primauté a
été donnée parfois au critère du contrôle, parfois à l'élément du
siège social. En temps de guerre et pour la période qui suit, l'état
de suspicion est à son comble : le critère
du contrôle l'emporte.
Quand s'établit la paix, que les relations internationales retrouvent
312Alger 13 Juillet 1951 JCP. 1952 II. 7196
313Traité prée. T. 1. 1974 p. 253
314Civ. 31 Reg. 22.12.1896 S. 1897. 1. 84 ; Reg. 29.03.1898 S. 1901. 1. 70 ; Reg.
17.07.1899 S. 1900.1. 339
315Civ. 31.05.1848 D. 48.1.444; Civ. 20.06.1870 S. 1870.1. 373
316Req. 29.07.1929 DH 1929,457; Reg. 20.01.1936 S. 1936. 1. 127
317Siège Social, jur. cl. sociétés Traité 1975 n° 8 bis

247
leur
harmonie,
disparaît
la crainte
de voir
des ressortissants
ennemis derrière des sociétés françaises : la détermination par 1e
siège social revient.
Si l'on reprend M. BASTIAN 318 le siège social est, d'abord le lieu où
existent et fonctionnent les organes dirigeants, ensuite le lieu où
se rencontrent
les
principaux
rouages,
les
principaux
services
grâce auxquels la société peut exercer son activité et mener sa vie
juridique, ce qui lui permet d'être considéré comme le "centre des
affaires"
de la société. Pourtant cette définition
n'entraîne pas
toutes les adhésions et le vrai problème en l'état, c'est de savoir ce
qui peut aider également à asseoir la nationalité de la société. Sur
ce point, la difficulté
est permanente puisque ce fameux lieu qui
est souvent revenu, dans le commentaire,
peut être multiple
et
dispersé.
Le siège social
apparaît désormais
comme un concept abstrait,
compliqué par le choix entre le siège statutaire
des tenants du
grand libéralisme, et le siège principal objectif, que peut contrôler
le juge. Le siège social
retenu comme critère
doit être un siège
réel, par la localisation
du principal
établissement ou centre des
affaires ; il est vérifiable
dans les faits pour l'opposer au siège
social fictif ou frauduleux représenté dans "les paradis fiscaux" ; i 1
doit
lorsque
ses
éléments
sont
discutables,
ajouter
à
son
caractère, le sérieux des intérêts qui l'animent.
Pourtant les décisions
rendues ne semblent pas donner dans 1a
même direction surtout si les éléments constitutifs du siège socia 1
sont dispersés. Et l'on se souvient alors du malaise décrit par M.
LOUSSOUARN dans son rapport général aux travaux du Comité Français
le 18 janvier 1969. Dans un cas, le siège social est le même endroit
de réunion du conseil d'administration, des assemblées générales,
de l'existence des intérêts de la société 319 dans un autre, le siège
social se situe au lieu où se trouve la direction supérieure et 1e
contrôle de la société et non celui où sont simplement établis son
exploitation et une direction de caractère secondaire 320.
Dans un cas, la Cour de Paris 321 rapporte "...si la nationalité d'une
société dépend du lieu dans lequel est fixé
son siège, l'indication
3180p. prée n" 40 et 47
319Paris 25.04.1913 GP. 1913.2.185 et Paris 10.11.1922 S. 1922.2.128
320Req. 28.10.1941 GP. 1942. 1. 18
Req. 22.12.1941 GP. 1942. 1. 31
321 Paris 4.02.1935 RCDIP 1935, 816

248
que peut contenir à cet égard le pacte social
ne lie
pas les
tribunaux
auxquels
il
appartient
de déjouer
les
fraudes
en
déterminant d'après les circonstances de la cause, le lieu où se
trouve le véritable siège de la société ...11 et dans un autre 322 " ... en
l'absence de critère légal de la nationalité des sociétés personnes
morales, le rattachement d'une société à un Etat se détermine
d'après l'ensemble des éléments particuliers à chaque espèce..."
D'autres décisions souvent récentes, expriment comme l'a écrit 1e
Rapporteur Général LOUSSOUARN précité, les rôles variables du siège
social.
Sans revenir sur l'affaire
de la société MAYOL ARBONA du
tribunal des conflits en 1959, il yale cas de la Banque onOMANE en
1965 qui, tirant
sur la conception
contractuelle
a orienté
1a
nationalité plus près du siège statutaire. En revanche, la Cour de
Paris s'est le 26 Mars 1966, appuyée sur l'idée institutionnelle
de
la société visant ainsi
plus le siège réel. Tout ceci
confirme
l'inopportunité
d'une
systématisation
du
critérium
de
détermination de la nationalité. C'est bien ce que, dans l'a ffa ire
CCRMA, lancèrent la Cour de Paris le 26 Avril
1967 Il••• aucun texte
légal ne définit
la nationalité
des sociétés
et rien
impose de
décider de ce rattachement
par la seule considération
du siège
social..." et la Cour de Cassation le 30 Mars 1971, "... Mais attendu
que si en principe la nationalité d'une société se détermine par 1a
situation de son siège social pareil critère cesse de s'appliquer. .. si
le siège social change de souveraineté ..." L'affirmation du critère du
siège social comme mode de détermination de la nationalité n'est
donc pas sans faille. En tout cas elle n'a pas la portée générale qu'il
inspire. Il n'y a pas de lien obligatoire entre la nationalité et la loi
applicable
et plus que jamais,
il
convient si l'on ne veut les
confondre,
de distinguer
l'allégeance
j u r idique
de l'allégeance
politique. Domicile et nationalité sont deux institutions
à vastes
retentissements mais deux institutions différentes, écrivait Pie rre
Louis LUCAS 323.
Mais, semble-t-il,
la seule difficulté n'est pas la multiplicité
des
solutions apportées par une jurisprudence
dont la démarche est
guidée par la typologie des questions posées. La détermination de 1a
nationalité
semble
échapper
progressivement
aux
seu les
considérations juridiques
à plus forte raison
politiques. Elle se
3Z2Paris 17.05.1967 Clunet 1967, 874
323Art. prée. JCP 1953

249
révèle plus liée au rebondissement posé par le développement du
phénomène économique aggravé par l'artifice juridique des sociétés
l'
-\\
multinationales.
Des auteurs
l'ont bien vu et dans ce rapport
général
de
1969
(p.
21 1),
M.
LOUSSOUARN
a
démontré
1a
transformation des sociétés avec l'affaire FRUEHAUF 324 où, en dépit
d'une question de compétence du juge des référés, l'urgence a voulu
que l'on statuât in rem. Or un problème posé était de se prononcer
sur "l'abus du contrôle" exercé sur une société située en France pa r
ses contrôlaires restés en Amérique mais ayant pris une décision
préjudiciable
aux intérêts de la succursale française. Et M. Bruno
OPPETIT 325 de s'interroger sur la localisation
de l'impulsion dans un
groupe multinational
dont la holding est située dans un "paradis
fiscal".
Prenant IBM WORLD TRADE CORPORATION en exemple,
l'auteur
pense qu'il sera difficile
et même arbitraire de remonter la chaîne
des relais d'une de leurs décisions. Il est encore plus difficile de se
localiser
dans le cas de deux groupes étrangers
constituant
à
égalité des filiales
ou des holdings communes tel FIAT et MICHELIN
qui détiennent 55% du capital
de CITROEN. De l'ensemble, il pense
improbable de s'accommoder à la recherche d'un critère unique.
2 - Le droit du siège social
au Gabon
Le siège
social
apparaît
tel
un
attribut
déjà
fort
de
sa
reconnaissance internationale quant à la localisation des personnes
morales. Il va se gonfler des voeux puissants exprimés
par les pays
en développement et s'affirmer comme un critère sérieux pour 1a
détermination de la nationalité ou pour l'exercice du contrôle des
sociétés. Toute la question est d'en donner les limites.
En faisant un petit emprunt au droit civil
gabonais des personnes
physiques, il revient
que le domicile de toute personne est le 1ieu
où, elle a en fait sa résidence principale
(art. 112- 10
c. civ.) et
lorsque
cette
résidence
principale
ne peut
être
établie
avec
certitude, ce sera le lieu du siège principal de ses affaires et de
ses intérêts (art. 113 c. civ.).Cette conception du domicile qui est
écrite dans la loi de 1972, a tenu compte de l'évolution générale de
la notion,
au point de se laisser
relativiser
par celle
de 1a
résidence avant de finir
sa détermination par une référence aux
éléments du siège social.
324PARIS 22.05.1965 D. 1968 147
325Notes sous Civ. 1 ch. 30.03.1971 RACHID cl Mutuelle Centrale (MCAR) JCP.
1972. II. 17101

250
Ceci, nous l'avons déjà vu, est une conséquence de la fragilité
des
institutions
de l'Etat Gabonais où, les zones urbaines
sont de
grandes taches de peuplement et que l'habitation semble la seule
référence à peu près certaine pour localiser les personnes. Bien sû r
le chapitre III du livre 1 du code civil, laisse apparaître la plupart
des idées que le droit moderne se fait du domicile, notamment sa
fixité
et ses spécialisations
: domicile
général,
sorte de point
d'attache secondaire - domicile spécial, retenu pour viser certains
droits - domicile du mariage (art. 114), du mineur émancipé, de
l'interdit (art. 1 15-4), de la profession (art. 116). La même loi
prévoit aussi les incidents qui peuvent entamer ces domiciles
au
point de les changer (art.
117) ou de permettre
l'élection
de
domicile.
Autrement dit, la nécessité
du domicile
en tant qu'élément de
fixation territoriale, est consacrée par la loi. Lorsque l'histoire de
l'établissement
des personnes morales
dévoile
les sociétés
au
Gabon, il est aisé de percevoir
l'ampleur
de cet arrêt
326
qui
transposait purement et simplement aux sociétés,
la conception
traditionnelle du domicile des individus.
Il est vrai que des loi s
spéciales du commerce ont été promulguées et souvent demeurent
applicables, mais il n'y a pas eu à proprement parler de débat pour
reconnaître aux sociétés l'attribut d'un domicile ni pour adopter 1e
domicile
des
sociétés,
que
la
loi
gabonaise
a
évoqué
progressivement à diverses occasions avant d'en poser la règle de
fixité en 1973. En reprenant les textes de base de l'exercice de 1a
profession de commerçant au Gabon, c'est facile de noter comme i 1
est écrit...
"celui qui veut s'installer
au Gabon pour faire
du
commerce..." (art. 6- 10
8 ; 29 etc. loi 5 Juin 1972). Mais c'est avec
;
l'article
1 de la loi de 1973 327 que les choses vont devenir plus
incisives en ce sens, qu'il a été fait obligation aux sociétés locales
d'avoir leur siège social au Gabon. Comme pour en terminer avec 1a
question des diverses conditions juridiques,
l'article
2 du même
texte a précisé le statut légal des sociétés ayant leur siège social
au Gabon, en les soumettant à la loi gabonaise.
Au fond le législateur national gabonais a choisi de se mettre au
plan du droit français
de 1966 dans la solution législative de ce
3Z6Courde Bordeaux 11.08.1857 0.18582.59
3Z7Loi n010/73 du 20 décembre 1973 complétant la loi n" 7/72 du 5 juin 1972.

251
conflit
328
de rattachement
à
un Etat,
en considération
des
\\
manifestations réelles
de l'activité de ces entités commerciales.
Mais la loi n'a pas dit de quel rattachement il est question. Est-ce
la seule allégeance juridique ou bien faut-il l'étendre à l'allégeance
politique. Si l'on s'en tient à l'article
2 de la loi de 1973, comme
pour le texte français de 1966, l'on note d'une part que la position
de principe des tribunaux a été reprise par la loi ; d'autre part i 1
s'agit d'une application
de loi
qui n'aborde pas nommément 1e
problème de la nationalité.
Du coup se développe l'idée
selon
laquelle il s'agit d'une règle interne, rattachée à la personne morale
qui elle, tient sa personnalité de cette loi.
Une telle
législation
a l'avantage de résoudre les difficultés
de
localisation
qui auraient
pu surgir
des rattachements étrangers
éventuels.
C'est
un domicile
de
droit
comme
il
est
admis
classiquement pour les personnes morales.
La règle édictée par
l'article
2-2 0
de la
loi
de
1973
ne
heurte
pas
l'harmonie
internationale
en ce qu'elle
reconnaît
la compétence de la loi
gabonaise à régir la personnalité juridique, spécialement quant à sa
constitution et son fonctionnement. Fallait-il
penser qu'il s'agit du
statut juridique de la société ce qui, dans le domaine des personnes
physiques, correspondrait au statut personnel. Or ce dernier statut,
obéit à la loi nationale des personnes, ce qui prête à la règle posée
par l'article 2 de la loi de 1973 le caractère d'une loi qui régit les
actes.
Il y a d'autres intérêts dans cette perception de la loi applicable. Le
domicile de droit de l'article
2 de la loi
de 1973 ne s'est pas
éloigné du principe désormais admis et qui pose que chaque société
n'a qu'un siège social assimilé à un domicile général. Il n'a fait que
rappeler la place du lieu de l'exploitation, de la réputation de siège
social 329 étendue par la jurisprudence, depuis le siècle dernier, aux
succursales dans leurs rapports avec les tiers 330.
3Z8Art. 3 de la loi du 24 juillet 1%6 "les sociétés dont le siège social est situé en
territoire français sont soumises à la loi française ... "
3Z9BATIFFOL cite THALLER Tr. 1974 t. 1 p. 253 "Le siège social ainsi considéré
est le lieu où s'exerce la direction de la société, où résident les organes
juridiques de la société, administrateurs, assemblées générales et où sont
débattus des contrats et marchés se rapportant à la marche de l'entreprise.
330Req. 17.02.1851 D. 1851,1,119; Req. 10.11.1852 D. 1853, l, 105. C'est une
application de la théorie jurisprudentielle dite "des gares principales". Cette
question est désormais résolue par l'effort législatif gabonais, qui met les
tiers à l'abri des fluctuations du siège social. Dans l'alinéa 3 de l'art. 1 de la loi
10/73, les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire mais celui-ci ne leur
est pas opposable par la société si son siège réel est situé en un autre lieu.

252
Il est réputé que le tribunal
du ressort
de la succursale
est
compétent pour les opérations
de la succursale,
tandis que 1e
demandeur conserve le choix entre le tribunal
du siège social
et
celui de la succursale. Du coup, cette règle de fixité du siège soc ia 1
des sociétés opérant au Gabon, permet de ne plus se préoccuper des
sièges sociaux fictifs,
de l'importance
de la succursale
ni de
distinguer entre l'acte et le fait juridique accomplis par la société.
Elle confirme la préférence qui a été faite au siège social, plutôt
qu'au critère ancien du lieu de l'exploitation, considéré comme trop
variable donc non unitaire dans un domaine où, le statut juridique
aspire à l'unification de ses règles.
La règle édictée par l'article 2 de la loi de 1973 anticipe sur l'issue
de ce débat de droit imposé par l'existence d'une notion unique ou
plurale
de la succursale
"forme
du rayonnement
extérieur
de
l'entreprise" 331. Mais la loi gabonaise n'a pas été assez hardie pour
tenter une définition de la succursale car au plus près, c'est une
indication contenue à l'article 8 de la loi 7/72 du 5 Juin 1972 qui
écrit...
"Lorsqu'une personne
physique
ou morale
est
i nsta liée
comme commerçante,
la création
ou l'extension
par elle
des
établissements
secondaires,
des agences ou succursales
et en
général de tous autres points de vente...''.
Depuis, cette approche globale se retrouve dans d'autres textes et
chaque fois qu'il est question d'une succursale,
il y a à côté, 1a
mention "... ou agence ou tout autre établissement...". Jusque là, 1a
notion de succursale n'a pas eu de définition législative et c'est aux
juges qu'est laissé le soin d'y pourvoir.
M. Michel CABRILLAC 332 écrit
qu'à défaut d'initiative législative,
la définition
de la succursale
résulte
de solutions jurisprudentielles
et d'opinions doctrinales
telles
qu'il
n'y a pas une notion
de succursale
mais
autant
d'intérêts attachés à ce qualificatif. Il faut s'efforcer à distinguer
l'entreprise de la succursale, de l'établissement
et du fonds de
commerce, comme il
convient de reconnaître
à l'intérieur
des
ententes, le cartel, le trust 333.
331HAMEL et IAGARDE Tr. na 219
332Unité ou pluralité de la notion de succursale en droit privé, in dix ans de
conférence 1961, p. 119.
333FncycIopédie DaIlozp. 7%n° 16- 17- 18, entreprise par Robert PLAISANT;
p.
783 na 22 - 27, ententes professionnelles par Henry DELPECH.

253
En
dehors
des
règles
de
compétence
administrative
ou
d'administration juridictionnelle,
y a-t-il
un obstacle sérieux qui
empêche d'entrevoir le siège social
de la loi
de 1973, comme
pouvant conduire à dire
la nationalité
de la société. Voilà
une
compétence qui explique
pourquoi
le
critère
du siège
social
gabonais n'a qu'une influence mitigée sur le contrôle de la société,
terrain
où s'affrontent
plus
les
règles
d'allégeance
politique.
Lorsqu'il a fixé au Gabon le siège social des sociétés y opérant, 1e
législateur gabonais prenant une loi d'initiative gouvernementale, a
entendu lui donner tout son sens politique. Ainsi,
il est probable
que l'objectif
était
d'atteindre
la nationalité
de la structure
morale. En effet, pour couramment dit, la nationalité d'une société
est fonction de la nationalité de ses membres 334 ou celle de son
siège social 335. Si la personne morale a son siège dans le pays,
celui-ci
en exercera le contrôle juridique d'abord et peut-être 1e
contrôle politique ensuite.
A la vérification,
le siège social
utilisé
comme critère
de 1a
\\
nationalité
des sociétés
est
objet
de
critiques.
Il
s'avère
/
inopportun
car
d'un caractère
injuste.
Il
occulte
la
réa 1ité
économique pour favoriser
l'apparence. Il laisse
la porte ouverte
aux fraudes grâce à des privilèges fiscaux qui instituent des suj ets
de droits bénéficiant d'avantages et de droits non compensés de
devoirs.
Si
l'on considère
le Gabon en l'état actuel,
avec sa véritable
bonhomie juridique sur l'établissement des personnes morales, 1e
siège
social
ne révélera
que le
domicile
de la
société.
Le
libéralisme
n'exclut
pas
la
rigueur
dans
la
conception
et
l'application de la loi. Le fait d'instaurer dans un pays une liberté
de s'établir et d'y constituer une entreprise
n'est qu'une simple
tolérance. Il ne peut rien créer et une telle loi interne réputée pour
favoriser
l'étranger au détriment du national
n'inspire
rien qui
vaille. Si en revanche l'on retrouve un Gabon plus précis et plus
ferme quant à la distinction des gabonais et des non gabonais, un
334Ure P. PIC, notes sous Req. 17.07.1899 0.1904,225 : premier système, la
nationalité se détermine d'après la nationalité des associés; deuxième
système, le siège principal de l'exploitation ou centre industriel; troisième
système, siège social ou statutaire établi sans fraude. Bien entendu cette
disposition est aujourd'hui abandonnée
33SLa société a, en DIP"positif français, la nationalité de l'Etat sur le territoire
duquel est situé son siège social réel sauf... , Y LOUSSOUARN, rapport général
des travaux du Comité Français 1969 p. 206. al 4.

254
Gabon qui recherche dans les faits le seneux et le réel du siege
social des sociétés, un Gabon qui en veut aux approvisionnements, à
,
la
réglementation
du
commerce
intérieur
et
extérieur,
à
},
l'épanouissement de ses populations, la nationale avant l'étrangère
sans complexe, là au moins, le droit local sera prédominant créant
ainsi un système qui animera non seulement le statut mais aussi 1a
nationalité de la société.
Mais le plus grave au Gabon, c'est la conjonction des articles
2 de
la loi de 1973 et 25 du code civil.
Elle aboutit à un résultat
paradoxal : d'un côté la loi de 1973 conduit vers son exclusion du
domaine du conflit des lois,
se limitant
à l'ordre interne ; d'un
autre côté l'article
25 sur l'égalité aveugle, place le sujet sur 1e
plan de la jouissance
des droits. Dès lors que la jouissance des
droits ne fait
aucune distinction
par la couleur,
quel rempa rt
reste-t-il
pour dire qu'une société est ou n'est pas gabonaise.
Finalement, l'objectif recherché est un équilibre, entre la formule
juridique et le développement lui-même positif des institutions de
l'Etat,
notamment celles
qui ont des vocations
commerciales,
industrielles,
artisanales et pour tout dire, économiques. Il s'agit
là d'impératifs communs à chaque nation et qui sont poursuivis
dans le respect de la tradition internationale. Quant au siège soc ia 1
des sociétés, il correspond au domicile de droit, un domicile unique
régi par la loi du for gabonais, dispensant ainsi de tout conflit de
compétence administrative
et juridictionnelle.
Mais si ce siège
social localisé
au Gabon est un atout important pour imprimer 1a
nationalité des sociétés, ici il est amplement déficitaire.
Il reste
des questions encore pendantes parce que la société peut avoir son
siège au Gabon, être soumise à la loi gabonaise et ne point être
contrôlée par le Gabon, ce qui au départ n'était pas le but recherché
et à l'avenir conditionne la nationalité de la société.
B - Le critérium
du contrôle
dans la détermination
de 1a
nationalité
des sociétés
Au moment d'arriver à la fin du survol des critères susceptibles de
dire la nationalité, la tendance est forte de porter à l'avance en
triomphe ce recours ultime sinon, d'en faire un élu par consolation.
A ce point, il
n'est même plus déconseillé
de demander à voir
l'épilogue du film avant toute projection. Il y va des espoirs de tant

255
de pays qui, depuis leur
apparition
non préparée sur la scène
internationale, essaient chacun à sa manière, d'avoir l'oeil sur son
\\
économie. En ce sens leur cheval est le contrôle, un contrôle qu' ils
empruntent
à celui
qui
participe
à
la
détermination
de
1a
nationalité et l'étendent au contrôle économique. C'est donc cette
manière,
peut-être
passionnée
de concevoir
le
contrôle
qui
dominera la présente réflexion.
, - Le contrôle,
critère
sui generis
Lorsque PEPY
336
dénonçait
l'incohérence
du droit
français
à
confondre individu raisonnablement lié à un Etat et société si mple
personne juridique, simple manifestation des personnes physiques,
il s'appuyait notamment sur l'absence du jus sanguinis
dans les
sociétés.
Pe nsait-il
déjà à ce que le doyen HAURIOU 337 a1\\ ait
résumer par la formule "une nationalité est une mentalité".
a) - le contrôle,
critère
autonome de la nationalité
En effet, une nationalité est une manière de penser, de sentir et
d'agir propre à chaque peuple et qui constitue sa civilisation.
C'est
bien cette attache de caractère spirituel
dont parlait
P. Louis
LUCAS 338 en justification
de la nationalité.
Or, pour réussir
à
révéler toute l'orientation profonde de la vie d'une personne, seul 1e
contrôle peut le permettre. C'est le contrôle qui fut utilisé
à 1a
première
guerre mondiale pour démasquer au sein des sociétés
ayant
leur
siège
social
en France,
celles
qui
juridiquement
françaises,
n'en
étaient
pas
moins
économiquement
et
psychologiquement allemandes.
Ce système qui permet de découvrir à quel Etat est lié le sort d'une
société, procède par la recherche de celui qui contrôle ainsi que 1e s
intérêts nationaux au profit desquels travaille
l'entreprise.
Vo i là
qui rappelle la procédure inquisitoire
des ecclésiastiques d'antan,
système dont la mise en oeuvre est délicate surtout que la notion
de contrôle n'est en elle-même pas très précise.
336Th. pree. 1920
337Préc. el droit constitutionnel 1930, p. 8
338o p. prée. jcr 1953

256
Au point de vue réglementaire, NIBOYET 339 rappelle une circulaire
du Garde des Sceaux prescrivant 340 " ... il ne saurait être fait état à
l'égard des sociétés de leur nationalité
d'apparence. Les formes
juridiques dont la société est revêtue,
le lieu de son principal
établissement , tous ces indices auxquels s'attache le droit privé
pour déterminer la nationalité des sociétés sont inopérants alors
qu'il s'agit de fixer, au point de vue du droit public, le caractère
réel de cette société ...". Comme la circulaire avait été prise dans un
contexte de guerre, il convenait de dire
ce qu'est une société
ennemie 341.
Cette circulaire
confirmait
fermement la distinction .allégeance
juridique
et allégeance politique.
Mieux, elle
allait
instituer
1a
systématisation de la réponse à la question, par qui est contrôlée
la société même si elle présente une nationalité apparente. Il éta it
donc devenu nécessaire
de répartir
à bon escient
nationalité
française
et nationalité
étrangère. Il fallait
aussi rattraper
les
insuffisances
avérées dans l'examen du siège social
que chacun
souhaitait un critère complet. Tout a donc été fait de manière à
donner au critère la base la plus rationnelle possible et la portée 1a
plus étendue. Ainsi le doyen SAVATIER 342 estime qu'à un certain point,
"il convient de traiter
les personnes morales
comme ayant 1a
nationalité
des hommes qui
les
contrôlent.
Cette
théorie
du
contrôle s'impose particulièrement en matière de sociétés filiales"
b) - le contrôle,
critère
jurisprudentiel
de supervision
de
la nationalité
La jurisprudence
n'est pas restée en marge et sur l'innombrable
quantité de décisions énumérées par la plupart des publications
juridiques, il se dégage le sentiment selon lequel, le contrôle est 1e
critère qui revient presque toujours. En effet, que les jugements au
sens
large,
soient
fondés
sur
les
critères
d'inspiration
contractuelle ou institutio nneIle, au détail desquels l'on cite pê 1e-
mêle, le siège statutaire, le centre d'exploitation, l'incorporation,
339'[r. T. II n° 769 p. 365
340 29 .0 2. 19 16. J. 1916 p. 701 ; R 1916 p. 367.
341H Y a société ennemie dès que notoirement, sa direction ou ses capitaux
sont en totalité ou en majeure partie entre les mains de sujets ennemis, car
en pareil cas, derrière la fiction du droit privé se dissimulent vivantes et
agissantes les personnalités ennemies elles-mêmes.
342Cours 2e éd. n° 47, cité par P. L LUCAS.

257
le lieu de constitution,
l'option législative
y compris
le siège
social tout réel et sérieux qu'il soit, la solidité du raisonnement
\\
ainsi que la grande portée des décisions procèdent par la notion de
contrôle. C'est à peine si l'on ne dit pas que la nationalité
ne sera
réellement établie qu'après avoir répondu, outre le point de droit
posé par l'espèce c'est-à-dire
le rattachement à l'incorporation
comme ce fût le cas dans l'arrêt Banque OnOMANE, mais surtout à 1a
question du contrôle profond de la société. En voici deux exemples,
le premier partant du critère
pour dire la nationalité,
le second
partant de la nationalité pour montrer la puissance du contrôle.
Dans l'arrêt des éditions FELDMAN et AUTIN contre RIGARD (Paris
20
Mars 1944), le recours en appel visait
à obtenir que la société
FELDMAN fût reconnue frança ise
pour avoir été constituée selon 1a
loi française et pour avoir en France, son siège social ainsi que son
centre principal d'exploitation. La Cour a pu écrire : "... Considérant
qu'il est constant que E.F. a été formée à Paris... qu'elle a la forme
d'une société anonyme avec son siège social à Paris... qu'elle a pour
objet principal. .. ; considérant qu'il ressort de l'examen des statuts
que l'activité commerciale s'exerce en "tous pays"... ce qui confère
à l'entreprise
un caractère
international
et non exclusivement
français ... ; qu'au surplus,
le papier commercial
des E.F. porte 1a
double mention "Londres-Paris", ce qui laisse supposer l'existence
d'un deuxième domicile en Angleterre ; qu'ainsi on ne rencontre pas
en l'espèce un centre d'exploitation
exclusivement
français,
non
plus qu'un siège social effectif et stable en France ; considérant
d'autre part que les documents de la cause établissent
que les
actionnaires, les membres du conseil d'administration et le gérant
sont
de nationalité
étrangère
; qu'ainsi
le
contrôle
des E.F.
appartient
entièrement
à des ressortissants
étrangers
; qu'en
définitive
la société apparaît comme une filiale
de la société
britannique FELDMAN de Londres...".
Dans l'arrêt FRUEHAUF corporation (Paris
22 Mai 1965) la société
FRUEHAUF International
et consorts demeurant aux USA ont re levé
appel
d'une
ordonnance
de
référé
qui
avait
substitué
un
administrateur judiciaire
aux organes légaux en exercice de leur
filiale en France. Il est évident pour tous les analystes que le point
de discussion n'est pas seulement cette sorte "d'excès de pouvoir"
du juge des référés mais plutôt les "dessous" de l'affaire, voire les
mobiles qui ont amené ce juge à connaître quand même de ce litige,
véritable
problème
de fond.
FRUEHAUF-FRANCE
est
une société
anonyme siégeant en France, ayant pour objet la construction et

258
l'exportation de matériels de marque "FRUEHAUF", son capital social
étant pour deux tiers à des actionnaires résidant aux USA et un tie rs
à des français, avec un conseil d'administration identique même si
le président est français.
En 1964 FRUEHAUF-FRANCE reçoit de 1a
/'
société BERLIET une importante commande de matériels destinés à
l'exportation en Chine. Le gouvernement américain
ayant déclaré
cette opération contraire
à sa politique,
FRUEHAUF International
intime à FRUEHAUF-FRANCE l'ordre de suspendre l'exécution du contrat
en l'absence d'une autorisation de l'administration
américaine. Or
cette annulation
allait
compromettre
l'avenir
de la société
en
France ce que la partie américaine comprenait mais demandait d'en
réduire les pertes. Il y eut une crise d'administration ponctuée par
la démission
du "PDG", le conflit
avec la majorité
du conseil
d'administration
et la saisine
du tribunal
par les
actionnaires
français.
La Cour d'Appel a expliqué ainsi la compétence "... considérant qu'il
n'appartient
pas en principe
à
la juridiction
des
référés
de
substituer
même temporairement
un mandataire
de justice
aux
organes d'administration
d'une société,
que cette règle ne peut
fléchir
que dans des circonstances
exceptionnelles
lorsque
par
exemple le fonctionnement normal de la société n'est plus assuré,
qu'elle est menacée de ruines et que sa gestion est manifestement
empêchée par des dissentiments
graves
entre
les
associés
,
qu'ainsi l'urgence attributive
de compétence est inséparable
du
bien-fondé de la mesure sollicitée ... ".
La Cour a aussi justifié
les mesures . "
considérant
que ces
incidences dont FRUEHAUF International n'a pas manifesté l'intention
d'assumer la charge seraient de nature à ruiner
définitivement
l'équilibre
financier
et le crédit
moral
de FRUEHAUF-FRANCE,
à
provoquer sa disparition et le licenciement de plus de six cents
ouvriers, que ces circonstances établissent
l'urgence et le bie n-
fondé des mesures... le juge des référés
devant s'inspirer
des
intérêts sociaux par préférence aux intérêts personnels de certains
associés fûssent-ils majoritaires ... ".
Si J'on reprend l'arrêt CCRMA (civ. 30 Mars 1971), caisse créée en
1907 avec son siège statutaire
à Alger
mais
dont le conseil
d'administration est dissout en 1963 par l'autorité algérienne qui
nomme à la place des administrateurs
provisoires.
Pendant ce
temps l'ancien
conseil
se réunit
à Paris
et décide d'abord de
transférer le siège social à Paris,
ensuite de changer de nom pour

259
devenir MCAR. S'est alors posée la propriété de valeurs mobilières
détenues au nom de l'Agence d'Alger, dans une banque à Paris. Le
pourvoi est alors exercé contre l'arrêt rendu le 17 Mai 1967 par 1a
Cour d'Appel de Paris qui a confirmé le jugement 343 ayant déjà
condamné la banque à transférer les valeurs au compte MCAR de 1a
Banque de France.
La Cour de Cassation a posé : "... attendu... qu'il est fait grief à 1a
Cour d'Appel d'avoir ainsi statué alors, d'une part, que la règle de
conflit de lois française qui aurait valeur législative
rattache 1e s
sociétés et les personnes morales en général à l'Etat dans lequel
elles ont leur siège social ; alors d'autre part que l'accession de
l'Algérie à l'indépendance aurait eu pour effet de rattacher à la loi
algérienne les sociétés qui avaient, avant l'indépendance, leur siège
social sur le territoire algérien... ; Mais attendu que si, en principe,
la nationalité d'une société se détermine par la situation de son
siège social,
pareil
critère
cesse d'avoir application
lorsque 1e
territoire... passe sous une souveraineté étrangère, les personnes
qui ont le contrôle de la société et les organes sociaux
investis
conformément au pacte social ont décidé de transférer dans le pays
auquel elle se rattachait le siège de la société afin qu'elle conserve
sa nationalité et continue d'être soumise à la loi qui la régissait ;
Attendu qu'en l'espèce ... ce sont des français
qui exerçaient
un
pouvoir prépondérant dans la direction
et la gestion
de CCRMA,
laquelle
n'a cessé d'être soumise
au contrôle
du gouvernement
français, que ceux-ci ayant décidé ... de transférer le siège social de
celle-ci dans les bureaux administratifs
de Paris... ; que dans ces
circonstances,
la Cour d'Appel
a pu déduire
que CCRMA
avait
conservé sa nationalité ... ".
Là encore, la démonstration de l'identité CCRMA et MCAR au point de
vue de la nationalité,
a été amplement réalisée
par le biais
du
rattachement
au siège
social.
Sans devoir
reprendre
tout
1e
commentaire
qui
a
porté
sur
la
dissolution
du
conseil
d'administration et l'annulation par la Cour Suprême d'Algérie des
actes
administratifs
entrepris,
nous observons
en passant
1a
facilité
apparente avec laquelle
les associés
ont pu changer 1e
siège de leur société. En effet, en face d'une solution
législative
bilatérale qui a modifié la loi territorialement applicable parce que
le lieu du siège est passé sous une souveraineté
internationale
étrangère, la solution française des conflits a accepté l'autonomie
343Tr. Seine 1.02.1967 jcr. 1967. Il. 15. 153.

260
de la volonté comme règle satisfaisante,
permettant aux associes
français de déterminer le rattachement à un Etat et de constituer
un élément attributif
de nationalité
française
à leur
société.
.J1
Intervenant en 1967 ou 1971 selon les dates respectives
des
décisions,
n'est-ce pas la réapparition
d'un critère
critiqué.
1 1
aurait suffi après avoir confirmé la validité de "ancien conseil, de
constater la régularité
de la délibération
de transfert
du siège
social
à Paris,
pour déclarer
le rattachement
perpétué
par ce
changement du lieu du siège social. C'est ensuite que par déduction
serait
rétabli
le lien
d'allégeance car en l'état,
ceci
n'aurait
nullement entamé la nationalité de la société CCRMA devenue MCAR.
Pourtant, la Cour de Cassation dans son second attendu, d'abord, son
troisième attendu ensuite et au plus fort, a cru bon de conforter 1e
critérium
du siège social
par "affirmation
des éléments,
puis
expressément, de la notion du contrôle. Commentant cette décision,
M. Paul LAGARDE 344 a tenu à marquer la place très limitée que la Cour
de Cassation assigne à cette théorie du contrôle. Il a alors écrit "...
Le contrôle ne sert pas à déterminer la nationalité de la société. 1 1
ne joue d'ailleurs aucun rôle a lui tout seul car la Cour de Cassation
ne l'envisage pas indépendamment du transfert du siège social. Le
contrôle
intervient
ici
uniquement
pour
déterminer
et
ce ci
limitativement, les sociétés autorisées à conserver la nationalité
française en transférant leur siège social en France...".
En effet, personne n'a dit que le contrôle a été utilisé
ICI
comme
critère exclusif surtout qu'il a été précédé dans la motivation de
l'autonomie de la volonté. En plus, il est vrai que la question posée
n'était pas de déterminer la nationalité
de CCRMA d'Alger avant
l'indépendance, ni MCAR de Paris après l'indépendance de l'Algérie.
Dès que la régularité des actes entrepris par les tra nsférés d'Alger
a été réglée, il ne restait qu'à trancher sur la propriété des titres
placés sous le couvert de CCRMA filiale
d'Alger et non MCAR. En ce
sens,
est-il
possible
d'éluder
le
rôle
joué
dans la
solution
jurisprudentielle,
par la considération de l'importance de ceux qui
ont contrôlé effectivement CCRMA dans la constitution des valeu rs
mobilières revendiquées. Sinon, posons nous la question de savoir
ce qui aurait été décidé d'une part, si ces portefeuilles avaient été
conservés dans une banque algérienne,
d'autre part si CCRMA à
l'époque, avait été animé par un pouvoir de prépondérance al gé rie n-
344RC DIP. 1971, 462.

261
ne en France et ensuite transféré à Alger sous la raison socia le
MCAR, le juge saisi quelle que soit sa nationalité,
n'aurait pas par
des moyens de fait,
fini
par rechercher auquel des partenaires
éventuels il fallait attribuer la constitution de cette épargne.
Fort heureusement, nous nous retrouvons à nouveau rassurés
sur
l'efficacité du contrôle lorsque M. Paul LAGARDE
écrit 345. "II ne
suffit pas que 1es organes statutaires
décident le transfert
du
siège en France
pour que la
société
conserve
la
nationalité
française. Il faut encore que les personnes contrôlant cette société
soient françaises".
Le contrôle
se confirme
comme le critère
normal de la détermination de la nationalité des sociétés. C'est un
critère qui complète tous les critères subsidiaires
et corrige les
insuffisances
du siège social.
Mais tout ceci répond plus à des
systèmes convaincus de la tradition
de leur nationalité
puisque
cette nationalité leur véhicule la volonté de traiter leurs personnes
morales comme ils veilleraient sur leurs ressortissants
individus.
La société de telle nationalité a un état d'esprit qui la somme à 1a
production, l'expansion, la domination. C'est une fierté du pays de
rattachement politique. Mais que peuvent signifier tous ces propos
dans le contexte gabonais si ce n'est africain.
2 -
Le contrôle
économique,
préoccupation
actuelle
du
Gabon
Dans la multitude de critères déterminant la nationalité, le siege
social est celui qui fut exporté au Gabon dès l'indépendance. Et l'on
prête à M. LOUSSOUARN 346 d'avoir convaincu les pays africains
de 1a
stabilité
du critère
du siège
social,
élément
nécessaire
à 1a
confiance des investisseurs.
Pour surenchérir,
MM. LOUSSOUARN et
BREDIN 347 ont soutenu que le siège social
devait l'emporter sur 1e
contrôle dès lors qu'il suffit que l'entreprise, même dirigée par des
étrangers, intègre
parfaitement
à l'économie
du pays du siège
social et lui rend d'importants services.
Le dogme a été si bien
retenu qu'aujourd'hui le siège social examiné pêche en de nombreux
endroits.
345 0 p . cit. p. 462. dernier alinéa.
346La nationalité des sociétés dans la législation de développement. Annales
Africaines
1962 p. 223.
347Tr. prée. p. 279.

262
a) - généralités
du problème
La solution qui pourrait être retenue à la suite de l'évocation de 1a
1
nationalité doit être exprimée en droit pour éviter de verser dans
la mendicité et l'hypernécessité
prônées par les pays africains.
Qu'il
s'agisse
de rechercher
un critère
pour
mieux
asseoir
1a
nationalité des personnes morales, ou bien qu'il soit question de
satisfaire une ambition naturelle d'un pays à maîtriser sa situation
économique et sociale,
le contrôle des sociétés apparaît comme
essentiel. Pourtant le mot contrôle n'est pas d'acception facile. Au
début il a indiqué l'idée de surveillance, de vérification de la bonne
tenue des registres. Depuis, il est devenu l'expression du contrôle
de gestion des entreprises et l'élément déterminant dans la notion
de maîtrise des sociétés. Or ces types de contrôle relèvent plus du
domaine économique, celui des faits que du droit. Ce n'est pas à
proprement parler un concept juridique, il est plus affairiste et si
l'on considère la dimension de certaines entreprises,
le contrôle
semble relever d'une origine économique. Si à ce domaine i Il imité
de l'exploitation commerciale s'ajoute celui de l'interventionnisme
de l'Etat dans les affaires, il ne surprend plus d'entendre parler du
contrôle des sociétés
comme du critère
global
actuel,
celui
du
rattachement à l'économie.
C'est une donnée qui tient d'une part, à la récapitulation des normes
juridiques
du siège
social,
de l'incorporation
des
centres
de
décision, des nationalités
jugées insuffisantes
; d'autre part, à
l'acceptation de la satisfaction
des impératifs
du développement
économique des nations. Ce n'est pas un indice qui vient relancer un
débat d'opposition mais
de complémentarité
entre les éléments
juridiques
et ceux qui sont,
non pas exclusivement
matériels,
disons plutôt économiques. C'est bien ce qu'avait décidé la Cour
d'Appel de NANCY 348 " ••• en anglais, le mot CONTROL signifie influence,
autorité, emprise et le verbe TO CONTROL, c'est exercer de l'emprise
sur,
gouverner,
régler,
diriger
; d'où
cette
conséquence
que
contrôler
une société
signifie
exercer
sur
elle
une influence
prépondérante, avoir une emprise sur elle, la régler, la diriger. ..''.
Le contrôle économique a une vertu d'intégration
susceptible
de
modérer
les
tendances
au
territorialisme
intransigeant
que
pourrait opposer le Gabon pour avoir ne fût-ce que l'oeil,
sur les
activités des entreprises opérant sur son sol. Le contrôle économi-
348 5 Février 1921, Clunet 1921, 956.

263
que a le pouvoir de créer une situation de solidarité entre l'Etat et
son partenaire,
au lieu
de se trouver devant un cocontractant
privilégié, n'ayant que droits et avantages multiples et échappant à
toute obligation dont la plus importante est de participer à l'effort
de développement du Gabon. Aujourd'hui tout se passe comme si, ne
compte que l'existence
de la personne morale,
peu importe
sa
nationalité. Ceci aurait l'avantage de ne plus arriver au malheureux
constat des conflits
psychologiques internes entre nationaux et
étrangers en droit des personnes physiques au Gabon.
Autant en droit national interne gabonais, il n'y a pas de texte qUI
attribue la nationalité
aux sociétés,
autant il
n'yen a pas qui
confère le contrôle. Beaucoup plus que de la nationalité,
il s'agit
d'une interpellation de la conscience nationale. En effet, tout n'est
pas d'amener ou de faire drainer des capitaux dans une société, i 1
faut
pouvoir en maîtriser
les
rouages
financiers,
techniques,
économiques, fiscaux et juridiques.
Est-ce
vraiment
le fort des
gabonais et même à une échelle plus grande, des pays africains, de
chercher à contrôler la vie économique nationale !
Une fois de plus, le contrôle se révèle comme un besoin lié à 1a
nationalité de la société. Autant ceci se découvre assez aisément
pour les commerces
individuels
et les sociétés
qui ne posent
aucune
difficulté
territoriale,
avec
des
associés
tous
ressortissants
du même pays d'implantation,
autant
il
est
à
redouter
que la nationalité
et le contrôle d'une société soient
pratiquement difficiles
à établir dans les structures complexes,
les entreprises
multiformes,
les groupes concentrationnels,
1e s
sociétés dites internationales.
En tout cas, ce sont eux qui font
l'actualité.
Peut-être faut-il
approcher cumulativement
les deux
notions de nationalité et de contrôle pour aboutir aux évidences du
contrôle. Or, ces sociétés d'une nature nouvelle, posent la question
de leur typologie ainsi que celle du sort des effets du siège social
ou de la nationalité de type classique.
Le problème posé par ces groupements rappelle ce qui a toujours
été dit des associations
privées dites internationales,
ayant un
objet et un rayonnement
international,
refusant
au demeurant
d'être inféodées à aucun pays, ceci, peu en importe leur but. C'est
l'exemple souvent cité de l'Institut de Droit de Gand, interfondé en
, 873 qui n'est sous le poids politique d'aucun pays sauf si un traité

264
venait à se préoccuper spécialement de son allégeance politique. Ce
n'est alors qu'apparaîtraient d'un côté, la nationalité de l'institut
si elle est nécessaire à déterminer, et d'un autre côté à travers 1a
nationalité,
le
contrôle
de
l'institut.
C'est
une
manière
supplémentaire d'annoncer que les solutions qui conduisent à fixe r
sur la nationalité et le contrôle des personnes morales, présentent
une interférence continuelle.
Voilà
une illustration
qui
démontre de manière
voyante
ma is
simple, que le statut juridique national d'une structure économique
n'influe pas sur son allégeance politique ;il
y aurait confusion
entre le statut politique et le statut juridique. Autant le confirmer,
le fait qu'un groupement relève juridiquement d'un certain
pays,
n'implique pas que sur le terrain politique, il en soit de même. La
raison pour une association de se constituer selon les lois d'un Etat
déterminé, a incontestablement pour conséquence de lui donner à
partir de ce moment, le statut juridique
de ce pays, mais rien
n'entame la question de son allégeance politique, tout comme ce Ile
du contrôle.
L'allégeance politique nationale pourrait être établie si l'on pouvait
prouver que parmi les pays qui ont constitué une pareille société, i 1
en est un qui exerce sur elle un contrôle effectif.
La théorie du
contrôle
si
elle
est
précisée,
conduirait
alors
à démasquer
l'influence politique véritablement exercée sur un groupement. Il y
a
un
risque,
devant
la
problématique
de
sociétés
dites
internationales de conclure qu'à défaut d'avoir l'allégeance de te 1
pays déterminé, il leur faut une allégeance multiple, c'est-à-dire
internationale.
De telles
sociétés auraient
un statut
universel
vraisemblablement
annexé
à un code
planétaire.
Quelle
que
séduisante que puisse paraître cette proposition déjà bien vie i Ile
et
du reste
difficile
à envisager
en
l'absence
d'un
traité
international, il yale problème voisin de la nationalité, c'est-à-
dire le contrôle qui revient.
L'absence
de
transition
juridique
entre
la
colonisation
et
J'avènement des indépendances, a déjà fait un tort considérable à 1a
mise en place de statuts juridiques locaux dans les pays africains.
A ce jour,
d'aucuns
n'ont
toujours
pas
toute
leur
panoplie
d'artifices juridiques
et les rares qui, en droit privé ont essayé

265
tant dans l'ordre interne qu'en vue des rapports internationaux, se
sont limités au statut personnel, aux biens, un peu aux obligations
civiles.
S'agissant du droit commercial,
des efforts notoires ont
été accomplis mais, un vaste domaine reste intouché comme si, une
évidence le laissait à l'écart des interventions de l'Etat.
Est-ce parce qu'il serait inconnu des traditions coutumières. Si tel
est le sort réservé au droit commercial classique, qu'en sera - t - i 1
des données nouvelles
du droit
de
l'entreprise
simple,
puis
complexe, et désormais internationale
des temps modernes post
indépendances.
b) - particularités
des propositions
de solution
D'une manière simplement
imagée, une société est
un bien qui
appartient à deux ou plusieurs personnes, c'est une maison qui a ses
occupants
réguliers.
Comment faire
pour s'y imposer
tout en
demeurant étranger aux cadre et personnes citées. La spoliation,
l'expropriation, la nationalisation
n'ont sur ce point laissé que de
très
mauvais souvenirs.
Les prises
de participation,
les offres
publiques
d'achat
de
titres
de
sociétés
et
autres
moyens
conventionnels librement consentis sont actuellement les procédés
qui permettent d'exercer le contrôle et même de prendre le contrôle
d'une entreprise. Les gabonais y ont recours pourtant le résultat est
inchangé.
Le plus difficile
n'est pas d'accepter le phénomène général de 1a
concentration économique, ni de savoir qu'il mise en lui-même sa
raison d'être, ni qu'en cela, les pays africains sont totalement en
dehors du jeu. C'est plutôt de prétendre, car sont-ils obligés de 1e
faire, régenter ces structures désignées le plus souvent sous 1e
nom de "groupes", alors que le groupe en droit commercial est une
notion bien imprécise. Nous allons, il est vrai, évoquer du moins en
théorie,
les éventuelles
mutations
observées
dans la vie
des
sociétés notamment la concentration et la division, deux procédés
où, la fusion mais surtout la scission,
apparaissent comme des
techniques
redoutables
pour le contrôle
des structures
et du
marché lui-même.

266
Les groupes de droit commercial
obligent à faire
un étalage de
termes
modernes
dont
nous
citerons
filiale,
succursale,
entreprise,
société,
firme,
nationale,
multinationale,
transnationale, internationale, entente, cartel, trust, corporations
anglaises,
international
corporations,
multinational
ou
transnational corporations, multinational business entreprises... Il
s'agit là de mots
répandus, souvent employés
indifféremment,
notamment lorsqu'ils
envisagent les diverses manifestations des
tendances concentrationnelles 349. Pourtant le réalisme s'impose ici
comme dans les affaires, et chaque donnée doit conserver sa place
sinon, c'est la confusion
générale
qui s'installe,
de la même
manière que se retrouve plus pauvre, celui là qui vend ses richesses
naturelles
sans en apprécier
la
valeur.
L'Afrique
ouvre
ses
entrailles
en espérant
nourrir
ses enfants,
mais
les
procédés
d'exploitation,
de
gestion
et
d'administration
sont
si
ma 1
appréhendés par les africains qu'au moment de la distribution,
1e s
enfants de l'Afrique en sortent des assistés. Si en plus l'économie
mondiale
doit
être
bientôt
dominée
par
100
à 150
firmes
multinationales,
ce qui est osé, c'est d'espérer que les africains
seront prenants de l'un de ces groupes où ils pourront comme dans
un cartel
viser d'un côté la productivité
et d'un autre côté 1a
limitation de la concurrence 350.
Si le contrôle recherché par les pays africains, se conçoit jusque 1à
péniblement de l'intervention politique et nullement de la maîtrise
des affaires,
cet objectif
se complique
encore
plus
dans 1e s
groupes de sociétés. Ainsi la fusion qui a permis de créer un groupe
unique, du point de vue juridique
et économique, à partir d'une
multitude d'entreprises préexistantes, réalise une intégration dans
un système
unique, auquel s'appliquent
l'ordre
de l'entreprise
dominante et le droit positif des sociétés. Mais comme une unité
réelle s'impose entre les sociétés membres, leur caractéristique
propre devient la domination de l'économie et son contrôle.
Le mariage entre la structure créée et la pratique voulue par 1e
groupe, permet aux ensembles
industriels
ou commerciaux,
de
réaliser l'unité de leurs membres grâce à l'acquisition du contrôle.
349PASQUALAGGI, Les ententes économiques en France, rcc, éco. 1932 p. 63 et
suiv.
3soFrançois PERROUX, la notion de groupe industriel, rcv. d'éco. pol.. 1931 pp.
1317.

267
Nous le savons, le contrôle
le plus important est directorial,
financier ou technique. C'est la société dominante qui l'exercera en
intervenant
dans
les
conseils
d'administration
des
entités
individuelles constitutives du groupe.
Cumulativement ou à défaut d'assurer le contrôle directorial,
1a
société
dominante aura à réaliser
le contrôle
financier.
Vient
ensuite le contrôle technique qui peut être détenu par la société
dominante ou une autre, dans la gestion et l'administration
sinon
l'un des deux domaines,
ou encore
indépendamment
des deux
précédents contrôles. C'est un contrôle essentiel rencontré dans les
unités impliquant une forme d'industrialisation.
La transposition sur le plan du Gabon, de ces différents contrôles
permet de comprendre
les
raisons
réelles
de l'impasse
dans
laquelle se trouve ce pays. En effet, ce n'est pas en décrétant un
directeur
général
ou son
adjoint
que
s'obtient
le
contrôle
directorial. Le fait de lâcher des fonds dans une entreprise, à plus
forte raison de souscrire au capital d'une société sans libérer 1e s
actions correspondantes, est grandement insusceptible de favoriser
le contrôle financier. Enfin, le Gabon ne peut arriver au contrôle
technique,
non seulement
en raison
de l'absence complète d'un
objectif de développement culturel, mais surtout parce que c'est un
pays qui croit jurer par l'économie et les finances, alors qu'il n'a
pas le
moindre
programme
de formation
professionnelle,
de
recyclage et de spécialisation.
Poursuivant cette autocritique,
concédons qu'au Gabon l'on soit
quelque peu supplanté
par ce que les économistes
écrivent
1a
"planétarisation"
ou
la
"mondialisation"
des
marchés,
avec
l'avènement de l'hégémonie des entreprises géantes. Mais en fait,
quel est le type de sociétés étrangères auquel le Gabon sur son sol,
est
confronté.
Il
s'agit
pour
la
plupart
de
succursales
351,
terminologie qui correspond parfaitement
avec la notion souvent
reprise dans les efforts législatifs et réglementaires entrepris au
Gabon depuis l'indépendance. En ce sens, la succursale n'a pas de
définition propre. Pourtant un décret du 13 Mai 1939 352 prévoyait
3S1Michel CABRIUAC, les succursales jur. cl. Sociétés Traité n° 28 Ter. 1975 ;
"Unité ou pluralité... "Dix ans de conférence... " précité; BRUZIN, de l'idée
d'autonomie dans la conception juridique de la succursale JCP. 46 1. 567 ;
RIPERT et ROBLOT Tr. él. de droit commercial T. 1. 5e éd. 1974; HAMEL et
LAGARDE Tr. de droit commercial T. II par jAUFFRET 1966.
352J.O. 14.05.1939

268
en son article
Z " est réputé succursale,
tout établissement
de
vente,
quelle
que soit
sa dénomination,
distinct du siège
de
l'établissement principal, dont l'activité ou les intérêts sont liés à
ceux de ce dernier et dans lequel des marchandises sont stockées,
en vue de la vente au détail, quelles que soient les modalités de
celles-ci". Mais cette définition est si large que tout peut y être
inclus surtout dans un intérêt fiscal. En droit français d'emprunt, 1a
succursale est une des notions les plus complexes. Elle n'a que des
approches dont il
n'est pas plus possible
d'envisager
l'unicité
tellement les conceptions et les pratiques sont diverses et mêmes
opposées.
Des auteurs 353 ont tenté de faire
ressortir
un certain
nombre
d'indications au reste décidées par la jurisprudence.
Il apparaît
nettement que la considération du fait matériel y est importante.
Ainsi,
la succursale
se conçoit autour de la théorie des "gares
principales" 354. La preuve de leur existence se fait par tout moyen
même par présomption 355 ou par identité
d'appellation 356. Les
éléments constitutifs sont des plus disparates même si M. BRUZIN
357 conseille de ne pas trop exagérer sur la diversité
de la notion
qui
est
certes
mouvante,
mais
appelle
à la
prudence
dans
l'application
de cette qualification.
Il s'agit d'un établissement
permanent
358
d'une
certaine
importance
dans
l'organisation
matérielle
359
ne pouvant se détacher du tronc principal
sans
disparaître 360, avec une comptabilité indépendante 361 mais le tout,
dirigé sous le même nom, par un personnel autonome 362 " ...Attendu
353S0LUS, notes sous Req. 5.11.1928 S. 19291. 177; BRUZIN, op. cit ; HAMEL et
LAGARDE op. pree.
354BOURGES7.11.1923 GP 1924.1. 188.
355REq. 27.11.1934. S. 1935. 1. 70.
356ROUEN 27.02.1901 GP 1901. 1. 558.
357op. cit. n" 9.
358M. CAB RILIAC, in Dix ans, pree. n° 13.
359Rennes 21.03.1907. ]. soe. 1909,69 qui avait refusé la qualité de succursale à
un établissement représenté par un individu, sans aide du tout. Cette
restriction n'apparait plus. Casso 20.10.1965. OS. 1966. 193.
360BOURGES pree. .. "les gares font partie d'une organisation unique dont elles
ne sauraient être détachées dans leur ensemble sans entraîner la
suppression de l'entreprise et la dissolution de la société ... "
361 M. CABRILIAC cite SINDON, la notion de filiale ct celle de succursale in J.
soc. 1934, 197 ; VAN HAECKE, les groupes de sociétés n" 215.
362BlliANCON 25.01.1928 jcr. 1928, 530 ; OH. 1928, 613.

269
que l'établissement qui exploite une société et qui, tout en étant
sous 1e contrôle du siège social, jouit d'une certaine autonomie est
dirigée
par un agent ayant qualité
pour traiter
en son nom et
l'engager, et se livrer,
enfin, avec des tiers à des opérations de
commerce, constitue une succursale ... ".
Bien
entendu
cette
conception
de la
succursale
est
devenue
étrangère au Gabon où l'idée dominante peut être ainsi schématisée:
la succursale est comme une partie Ca) d'une entreprise CA) mais
qui opère à l'étranger. Toute la question est de savoir apprécier 1a
valeur économique de cette entité et, de lui donner le change co r-
respondant. C'est le moment d'avoir une idée juste des besoins,
spécialement
de reconnaître
la
différence
entre
l'apport
au
développement d'une société qui sert la consommation et, une autre
qui offre la production.
Tout passe par surestimation ou sous-estimation
de l'importance
de la succursale par rapport aux unités dites planétaires. Pourtant
une société multinationale pour ne prendre que cette acception, est
une entreprise dont les activités sont exercées dans plusieurs pays.
Une telle approche n'est pas contraire à celle de la succursale qui
est la forme juridique ou économique de l'exploitation du groupe au
détail des nations. La succursale serait cette unité détachée d'un
tronc commun situé loin là-bas, mais une unité économique venue
s'activer au Gabon.
Du point de vue mat é rie l, la succursale au Gabon pourrait être
déterminée par référence soit à une sorte d'entreprise d'existence
étrangère, soit à un ensemble multinational, pourvu que soit éta bl i
le rapport entre les réalisations
du groupe, avec la production et
les moyens mis
en place
par ce même groupe dans ce pays
d'implantation.
Cette
équation
engloberait
en pourcentage
1e s
revenus, les ventes,
les
profits,
les
bureaux et installations
diverses
destinées
à réaliser
l'objet
social
ou à en fa cil ite r
l'exécution. Encore faut-il
obtenir des informations,
sinon, à ces
critères
économiques, il
faut préférer
des considérations
plus
administratives.
Du point
de
vue
fonctionnel,
la succursale
aura à coeur,
d'intégrer dans son action pour le Gabon, la politique déjà dessinée
par l'entreprise,
elle
même étrangère
d'origine,
ou encore 1e s
contraintes imposées par la conjoncture
mondiale.
Cette autre
approche débouche dans une prolifération
de considérations selon

270
que le rapport entreprise
d'origine et succursale
est rigide
ou
souple, que l'accès des étrangers à la décision sociale est ouverte
ou fermée, qu'il y a ou non une autonomie financière et juridique.
Autrement dit, la succursale pose en droit, l'expression d'une unité
dont relève
l'ensemble
des établissements
éparpillés
à divers
endroits d'un même Etat mais, appartenant à une seule entreprise, à
une même personne; c'est la succursale de l'entreprise installée
uniquement
dans un territoire
donné.
L'extension
du domaine
d'intervention de cette entreprise, d'un pays déterminé à plusieurs
autres, pose le problème des sociétés à pluralité d'établissements,
allant jusqu'aux mastodontes dont parlent les économistes univer-
salistes. Mais au départ il y a d'un côté l'entreprise, d'un autre côté
ses ramifications. En définitive, autant dire que la succursale :
* est désormais
pourvue de la personnalité
juridique,
avec à
l'inverse
du droit
français
qui lui
refuse
l'autonomie
363,
les
conséquences du statut légal imposé par les lois étrangères;
*suppose une installation
permanente distincte de l'établissement
principal, où s'exerce l'activité de l'entreprise. La succursale peut
se définir,
avait-on jugé 364, comme un établissement dépendant
d'un autre créé pour le même objet;
*jouit d'une autonomie 365 de telle sorte que les dirigeants ont une
liberté de gestion relativement large 366, ont le pouvoir de tra ite r
avec les tiers et d'engager la société 367.
En revanche n'est pas succursale
l'établissement
dans lequel 1e
directeur est dépourvu de responsabilité
dans le recrutement du
personnel et la gestion 368. Il en est de même de l'établissement où
le dirigeant jouit d'une totale indépendance, n'est soumis ni au
contrôle
de son
délégant
(le
concédant
pour
le
contrat
de
concession) ni à celui de sa direction (l'établissement principal)
*n'est pas l'usine c'est-à-dire le lieu de production, ni le dépôt 369,
lieu de stockage ou de distribution,
ni encore le bureau, simple
unité à caractère administratif ou commercial 370
363Civ. 20.02.1979 JCP 1979. II. 19147.
364DOUAI 23.04.1951 GP. 1951.2.79; Casso Comm. 6 Novembre 1951 D. 1952.58.
365BESANCON 16.1O.1982.D. 1952.58
366AGl.:"'N 5.04.1950 D. 1950 som. 231.
367Tr. Civ. de GRASSE 10 Janvier 1950 D. 1950.2.291.
368Cass. Soc. 10.02.1971 Bull. IV p. 82.
369c. E. 7..03.1949 GP. 1949 l. 182.

271
Quant à
l'agence,
elle
est
considérée
généralement
comme
synonyme de succursale, dont la multitude fait désormais prévaloir
l'unité réelle du groupe sur la pluralité ou la simple diversité de
forme,
pour
des
activités
apparentes.
Si
la
jurisprudence
antérieure
a pensé protéger
les
tiers
en admettant,
que 1e s
patrimoines respectifs de la mère et de la filiale
soient distincts,
que leurs
rapports
avec les
tiers
soient
indépendants,
cette
position ne semble pas avoir évolué sensiblement au Gabon. En e f-
fet, la loi de 1973 permet d'affirmer non pas l'indépendance de 1a
filiale
par rapport à la mère, mais son autonomie. En ce sens, 1e
patrimoine de la succursale répond des engagements ou obligations
de celle-ci.
D'où la question de savoir
ce qu'il
faut faire
dans le cas où
l'exécution des biens de la succursale ne suffisait
pas à garantir
les créanciers ? Objectivement, le patrimoine de la mère doit être
entamé où qu'il se trouve. Pour cela, la succursale au Gabon, impose
un rapport de responsabilité qu'il faut préciser à la création de 1a
société comme d'une règle d'ordre public. La connaissance que les
poursuites sociales au besoin ut singuli,
peuvent être exercées en
Europe contre les sociétés mères, doit à coup sûr aboutir à une.
conscience de plus saine gestion des entreprises.
En définitive, peut-on encore de l'extérieur d'un groupe, exercer 1a
domination d'établissements déjà contrôlés de l'étranger. Tout au
plus obtient-on sous le prétexte de contrôle,
l'application
d'une
simple
politique
ad hoc,
préparée
par
le
siège
principal
de
l'entreprise
à l'étranger. C'est par contre au niveau du cerveau
central
qu'il
faut aller
se positionner
et,
les
Etats
africains
peuvent se le
permettre,
dans divers
contrats
de partenariat
mutuel qui sécuriseraient
leur commerce international.
Si te Ile
entreprise étrangère entend s'installer dans tel autre pays, il est
régulier
de lui
proposer une prise
de participation,
justement
négociée et le moins imposée possible. Or ceci ne traduit que 1a
volonté de participer à l'intérêt matériel de la société. Il convient
désormais de sortir de ce sens obtus des affaires,
qui place les
gabonais dans une position d'ignorance totale des difficultés
et
facilités
de
l'entreprise,
se
contentant
soit
d'attendre
1e s
dividendes, soit de les anticiper. La formation
pluridisciplinaire
des opérateurs commerciaux est impérative car, il
n'y aura j a ma is
370NIMES 16.10.1949 D. 1950.2.196.

272
maîtrise
de la société par les gabonais autant qu'ils confieront
leurs intérêts au contrôle exercé par des étrangers. Dans le même
sens, ce n'est certainement pas en plaçant des intrus, notoirement
incompétents dans les structures
étrangères que le Gabon peut
espérer
contrôler
son
économie.
Il
en
faut
beaucoup
plus,
notamment
en adaptant
la
création
des entreprises
avec
1 a
certitude
de disposer
des
cadres
nationaux
nécessaires
ou
suffisants
pour entraîner
la
machine.
Restera
à parfaire
le ur
moralité.
Chapitre
2
:
Le
contrôle
d'origine
administrative
et
politique
de l'établissement
des personnes morales.
Nous nous limiterons
à la présentation des règles
préalables
à
l'établissement
des sociétés.
Les plus pressantes
comme à s'y
attendre
avec les
personnes
physiques
sont
les
conventions
d'établissement
et les
accords
aux allures
de traités.
Comme
chacun l'a constaté à la lecture de la jouissance des droits par les
étrangers
au Gabon,
les
normes
supérieures,
le
plus
souvent
bilatérales, ne sont utiles que pour surmonter le refus d'octroyer
les autorisations.
Nous le verrons, les règles préalables sont si
ouvertes
que
l'établissement
des
sociétés
est
permis
aux
postulants étrangers dont le pays n'accorde pas la réciprocité aux
gabonais,
à
plus
forte
raison
ceux
qui
lui
sont
1i é s
conventionnellement.
Après
avoir
arrêté
la
volonté
de donner
naissance à une affaire fut-elle civile, commerciale, artisanale ou
industrielle,
les demandeurs doivent satisfaire
à de nombreuses
exigences. Celles-ci
sont souvent les mêmes et seule une lecture
approfondie des divers documents exigés, permet de distinguer 1e s
différents régimes j urid iq ues.
Par ailleurs, les prescriptions légales ne discriminent pas entre 1e
national gabonais ou étranger. Elles sont uniformes et impératives
au point de penser qu'elles
ne constituent
pas seulement
1e s
conditions d'exercice de la profession. D'aucuns se demandent s i
elles ne contribuent pas à donner la qualité découlant de l'activité
sollicitée. Ce qui est sûr c'est le caractère d'obstacle préalable de
ces formalités quant à tout avènement d'un cadre régulier servant à
l'entremise
dans la circulation
des biens et des richesses. En 'ce

273
sens,
l'agrément
exigé
par
les
textes,
est
une autorisation
administrative
qui
témoigne
du
dirigisme
de
l'Etat
jusqu'à
conditionner
la
réalisation
des
éléments
classiques
de
1a
constitution de la personne morale dont l'établissement est évoqué.
Aussi ce premier développement des règles préalables portera-t-il
sur l'autorisation de l'autorité réglementaire.
Pour pouvoir exercer une activité d'affaires au Gabon, l'intéressé
doit justifier
d'un agrément. Mais une bonne considération de 1a
formalité
d'agrément
nécessite
la
connaissance
du code
des
investissements
puisque
d'une manière
globale,
il
existe
un
agrément général ou territorial
pour exercer tel
négoce et un
agrément particulier ou régional pour assurer la même affaire tout
en jouissant
des
faveurs
prévues
pour
certaines
activités
importantes.
Section 1: L'agrément territorial
Dès les lendemains
de l'Indépendance,
le Gabon a accordé
une
priorité
totale
au
développement
économique.
Toutes
ses
réalisations
ont été marquées par la primauté du matériel
sur
l'esprit. C'est ainsi qu'il a fait un véritable pari de se convertir,
aujourd'hui
en marché de consommation,
demain
en place
de
production pour l'exportation. La soudaine affluence des entreprises
étrangères
pour la plupart,
a rappelé
au niveau de l'Etat
1a
nécessité d'un certain éveil. La multiplicité des cadres d'affaires a
impliqué l'attention sur leur éventuel établissement anarchique.
Or, une des façons
pour y parvenir,
c'est la
réalisation
d'un
programme préalablement
conçu et étudié
par ses services
de
planification.
Cette volonté de réglementer,
à défaut de tout,
certains secteurs considérés comme vitaux, se traduit d'abord par
l'institution
de la formalité
de l'agrément
territorial,
mesure
réglementa ire interne.
Paragraphe 1 - La demande d'agrément
L'agrément de commerce actuel est calqué sur l'agrément pensé
auparavant par la convention commune sur les investissement dans

274
les Etats de l'UDEAC 371.11 est en effet sensiblement différent du
modèle d'agrément prévu par le premier code des investissements
du Gabon 372. La procédure
d'agrément en tant
qu'autorisation
1
administrative préalable est prévue par l'article 6 de la loi 373 qui
réglemente la profession de commerçant au Gabon. Mais l'arrêté
ministériel 374 qui a été pris pour assurer l'application de la loi, de
1972 semble
en avoir
fait
une telle
interprétation
qu'il
faut
envisager en dualité, l'étude des diverses questions. Il en est de
même des problèmes
soulevés
par
la
perception
de certaines
dispositions
de la loi
du 20 Décembre
1973 et qui, manquant
d'attention,
vont constituer
non pas des dérogations
mais
des
éléments d'un conflit interne irréductible.
Enfin, l'existence d'une
catégorie de demandeurs étrangers irréguliers 375 a fait apparaître
la formalité complémentaire de 1a carte d'identité de commerçant
étranger.
A - Les personnes
assujetties
a) - Les personnes assujetties
selon la loi
Il s'agit de bien de personnes physiques ou morales de conditions
diverses notamment: toute personne physique ou morale désireuse
de s'installer au Gabon comme commerçant (art. 6 - 1°) ; les mêmes
personnes
déjà
installées
mais
se
proposant
de
créer
des
établissements secondaires, des agences ou succursales,
et d'une
manière générale, tous autres points de vente dans le te rrito i re
national
(art. 8) ; les
ressortissants
des pays n'ayant pas de
convention d'établissement avec le Gabon, et n'accordant pas 1e
réciprocité aux gabonais, à condition d'être titulaire
de la carte
d'identité
d'étranger
commerçant,
industriel
ou artisan
; les
constituants
de
toute
société
commerciale
résultant
du
regroupement de deux ou plusieurs
commerçants individuels
déjà
agréés, de la fusion d'une ou plusieurs sociétés agréées ou non avec
une autre elle-même agréée (art. 30 - 2°).
371Le traité instituant l'Union Douanière et Economique d'Afrique Centrale
(UDEAC)
a été
signé
à
Brazzaville
le
8.12.1964
et
la
Convention
des
Investissements fait l'objet de l'acte n" 18/65 du 14.12.1965.
372Loi n° 55/61 du 4.12.1961 et l'arrêté d'application n° 1883/PR du 11.12.1961,
modifiés par l'ordonnance n" 21167 du 23.03.1967.
373Loi n° 7/72 du 5.06.1972 ].0. du 1.11.1972 p. 885 et suivantes.
374Arr. n' 001127/MINI-«Odu 11.0G.1972].0.du 15.11.1972p. 846.
375Ces candidats ressortent en effet de pays n'ayant pas conclu de convention
d'établissement avec le Gabon, ce qui en soi n'est pas désastreux, mais devient
particulièrement grave
pour la jouissance
des droits car on sait qu'ils
n'accordent pas de réciprocité aux gabonais.

275
b) - Les personnes assujetties selon l'arrêté
ministériel
L'arrêté pris par l'autorité compétente ne s'est pas contenté de
porter
application
de
la
loi
réglementant
la
profession
de
commerçant. Il en a incontestablement
fait
une interprétation.
Ainsi, il insiste sur l'indifférence quant à la nationalité et il vise
toute
personne physique
ou "société".
Enfin
il
englobe
toute
extension ou modification d'une société existante.
B - La procédure d'agrément et l'obtention
de la ca rte
d'identité
de commerçant étranger
a) - La procédure d'agrément
La demande d'agrément doit préciser l'objet, la forme, les moyens
de financement et le siège de l'activité envisagée (art. 6 - 2°). Elle
n'est recevable que si elle est déposée accompagnée de pièces et
documents divers 376 au ministère du commerce qui sert également
l'industrie et l'artisanat.
La décision doit intervenir, aux termes d'un arrêté rendu quarante
cinq jours
pour les personnes physiques et deux mois pour 1es
personnes morales, après le dépôt du dossier (art. 7). Ce délai à
première vue, n'est pas impératif spécialement pour qui connaît 1a
ponctualité habituelle des administrations.
Mais ce temps qui est
prévu pour espérer une suite, se trouve subitement réduit à dix
jours
par l'article
4 de l'arrêté
d'application.
Il
y a là
une
contradiction suffisamment importante pour penser à l'efficacité
de l'article 7 - 2° de la loi qui dit
: "le défaut de réponse dans les
délais impartis vaudra agrément".
Par ailleurs, les commerçants, artisans et industriels relevant des
patentes des 7ème et 9ème classes
ne sont pas soumis
à 1a
formalité
de l'agrément (art. 34). En effet, selon
l'article
1 du
376Un acte d'état-civil, un bulletin n" 3, un certificat de nationalité, un projet
de statut pour les personnes morales, un certificat d'ouverture de compte de
dépôt financier pour les importateurs, l'engagement d'assurer la vente en
gros aux commerçants titulaires d'une patente de 7ème et 8ème classes dans
au moins un de leurs établissements commerciaux ouverts, ou à ouvrir, dans
les sous-préfectures.

276
décret du 17 Juillet
1970 377 ,les patentes des 7ème et 8ème
classes
et
les
licences
de 3ème classe
sont
exclusivement
délivrées
aux nationaux
gabonais.
Dans le cas particulier
des
ressortissants des pays n'ayant pas de convention d'établissement
avec le Gabon et n'accordant pas la réciprocité
aux gabonais,
l'agrément ne suffit plus. Les candidats doivent être titulaires
de
la carte d'identité d'étranger commerçant, industriel ou artisan.
Enfin les étrangers résidents privilégiés parce qu'ils sont au Gabon
depuis
dix
ans,
recevront
de
plein
droit
sur
leur
demande
l'autorisation d'exercer sur tout le territoire la profession de le ur
choix.
b) -
L'obtention
de
la
carte
d'identité
de
commerçant
étranger.
Doivent être titulaires
de la carte de commerçant étranger : les
associés
tenus
indéfiniment
et
personnellement
des
dettes
sociales,
les
présidents
directeurs
généraux
des sociétés
à
responsabilité
limitée
ou en général,
toutes les personnes qui
prennent la direction d'une succursale ou d'une agence (art. 14). Ces
mêmes personnes deviennent dispensées de la carte d'identité de
commerçant
étranger
quand elles
ont
le
statut
du
résident
privilégié prévu par l'article 17. Mais la carte ne peut être délivrée
aux étrangers qui n'ont pas reçu l'autorisation de se fixer au Gabon
et qui y séjournent à titre
temporaire,
sans carte d'identité à
validité normale (art. 13 - 1°). Enfin la carte est retirée en cas de
fraude lors de la demande, en cas de faillite
ou de condamnation à
une peine afflictive et infamante (art. 13-2°).
La carte d'identité d'étranger commerçant industriel ou artisan est
établie par le ministre du commerce qui aura à l'avance, consulté
une commission ad hoc 378. Le dossier constitué à cet effet et
soumis à l'examen de la commission contient non seulement les
pièces exigées pour la demande de l'agrément ordinaire de l'article
377D. n" 00848/PRlMF du 17.07.1970 portant règlementation
de la profession
de commerçant au petit détail.
378La commission est composée de: un représentant du ministère des affaires
étrangères - un représentant du ministère de l'intérieur - un représentant
du ministère des finances - un représentant du ministère chargé du plan.

277
6 mais encore, un programme
d'investissement,
comportant
1a
réalisation de constructions immobilières
en matériaux définitifs
d'une valeur minimale de sept millions de francs, et ceci dans les
dix
huit
mois
qui
suivent
la
délivrance
de la
carte
une
justification
d'un
apport
financier
extérieur
permettant
les
investissements (art. 11).
Dans tous les cas, le refus de délivrer n'est pas motivé (art. 10- 2°)
et la carte est remise contre le paiement d'un droit de timbre. La
durée de cette carte est de trois ans 379.
Paragraphe" - L'appréciation
de l'agrément territorial
Comme toutes les mesures réglementaires
visant à réaliser
un
objectif à la fois économique, politique et juridique,
l'agrément
autorise que des questions soient posées tant du point de vue de
son opportunité et efficacité, qu'au regard de sa portée juridique.
A - L'intérêt de l'agrément
A suivre l'ampleur du domaine de la formalité d'agrément, personne
ne peut sous-estimer du moins son idéal. C'est d'ailleurs un point
frappant qu'au Gabon celui qui veut exercer la profession de sa
création,
fut-elle
civile
ou commerciale,
doit
justifier
d'un
agrément délivré par "autorité
administrative.
A défaut, nul ne
saurait poser un cadre régulier d'entremise ou de prestation de
services. Mais cette formalité qui permet aux services publics de
suivre
l'activité
professionnelle
des nationaux et de contrôler
l'établissement des comptoirs étrangers tout en étant souhaitable,
laisse en pratique apparaître beaucoup d'incohérences.
1°) - Les difficultés
lors de la prise
de la décision
a) - Du côté de l'autorité
compétente
Naturellement, la discussion
ne porte pas sur le choix politique
déjà effectué mais sur la difficulté
qui peut naître du grade de
l'autorité
responsable et du type de l'acte entrepris.
L'agrément
379L'article 10 - 3° précise que sa validité correspond à celle de la carte de
séjour ordinaire, soit, trois ans. Existe-t-il seulement un texte qui prévoit les
trois ans puisqu'il est bien inscrit sur la carte de séjour ordinaire que la
validité est d'une année.

278
territorial
est très général.
Il englobe les activités
civiles
et
commerciales, les personnes physiques ou morales gabonaises et
étrangères.
L'acte accordant
agrément
peut être
un arrêté
de
ministre
ou un décret du Chef de l'Etat. A tout le moins,
1a
solennité et les délais de l'un sont moindres que ceux de l'autre.
Autrement vu, l'agrément accordé par le Chef de l'Etat l'est en
raison
de l'importante
dimension
de l'activité
envisagée.
A 1a
réalité
la distribution
organique
n'est pas celle-là.
L'agrément
permettant à un médecin de s'installer est accordé par le ministre
de la
santé.
L'agrément
du
commerçant,
de
l'artisan
ou de
l'industriel
passe
par
le
ministère
du commerce.
Par contre,
l'agrément qui permet à un avocat d'exercer ou de s'installer,
est
accordé par le Chef de l'Etat. Ceci est le type même de l'origine
négative de l'agrément.
L'intervention
du Président
de la
République
au niveau
de 1a
prestation de serment d'un avocat stagiaire
380
est quelque peu
inexplicable. En effet le dossier de candidature précisant d'ores et
déjà le cabinet auprès duquel le postulant désire être attaché, est
déposé au bureau du Bâtonnier de l'Ordre des Avocats qui saisit 1e
Conseil de l'Ordre. Le Conseil transmet le dossier avec son avis au
Ministre de la Justice qui ajoute son sentiment avant de porter 1a
candidature à l'attention du Chef de l'Etat. Là-bas, une enquête de
moralité
comme
par
naturel,
va compléter
le
dossier
et
1a
décision38 1 est renvoyée au Garde des Sceaux qui la répercute au
Bâtonnier.
Ce circuit particulièrement long constitue pour le jeune avocat une
perte considérable
tant pour la période de stage
que pour ses
revenus
382
professionnels.
La
demande
d'agrément
à
l'établissement suit le même parcours et se solde en définitive,
pour l'avocat stagiaire
gabonais, à l'obtention de deux agréments,
380Art. 22 Ord. n" 40/72 du 17.04.1972 insti tuan t le Barreau du Gabon. ].0 n° 10
bis du 3 Juillet 1972. La pratique ne sera modifié qu'avec la loi n" 1185 du
27.06.1985
3818le peut être un décret pour les étrangers, une simple annotation ou une
lettre pour les gabonais.
38lL'Etat n'intervient
nullement
dans le concours
financier de l'avocat
stagiaire. Il n'y a aucune infrastructure, du moins pour le moment, destinée à
la formation et l'encadrement des candidats à la profession d'avocat. C'est au
patron de stage qu'il appartient non seulement d'assurer la préparation
théorique et pratique, mais d'allouer une rémunération
mensuelle
à son
stagiaire.

279
ce qui rend l'exigence excessive. Ne vaut-il pas mieux uniformiser
la compétence d'attribution non pas en confiant au Chef de l'Etat 1e
soin d'accorder les agréments, mais en les ramenant à l'autorité
ministérielle de rattachement?
Au reste, les organes corporatifs
supeneurs
sont suffisamment
compétents
pour
aider
le
ministre
à accorder
ou à refuser
l'agrément. Ainsi le Conseil de l'Ordre des Avocats est mieux placé
pour autoriser l'inscription au stage. Le Garde des Sceaux, autorité
politique et administrative peut à la demande du Conseil de l'Ordre,
permettre l'ouverture du cabinet d'avocat. Mais le libre arbitre du
Conseil de l'Ordre
est
impératif
à plus
d'une raison.
Il
l'est
spécialement pour éviter les décisions
rendues par des organes
politiques, de rattachement certes, sur la base de considérations
extérieures à la profession et qui risquent d'ouvrir la porte à 1a
disparition des conditions d'admission et de permettre la souillure
de la déontologie du corps. Enfin
le candidat
insatisfait
peut
introduire un recours juridictionnel
contre la décision du Conseil
de l'Ordre. Or cette action
n'est pas prévue
en cas de refus
d'agrément.
b) - Du côté des délais
et de la pre uve
L'étude de la procédure d'agrément a permis de faire apparaître une
contradiction entre les dispositions de la loi 383 sur les délais et
celles de l'arrêté 384 d'application de la même loi. Le premier texte
prévoit
quarante
cinq
jours
pour
les
personnes
physiques
et
soixante jours pour les personnes morales. Le second ramène ce
délai à dix jours. Il ressort que le dernier délai est quelque peu
flatteur à cause des lenteurs administratives et de la solennité de
certaines formes d'agrément.
Quant à la preuve de l'agrément, elle doit être tout simplement
celle des actes juridiques
traditionnels.
Mais voilà que la 10 i385
constitue une équivalence entre le silence de l'administration
et
l'acceptation. Comment donc prouver l'agrément? Comment pouvoir
383Article 7 de la loi de 1972.
384Article 4 arrêté du Il.06.1972.
385Article 7 - Z",

280
commencer les formalités
de constitution
et de publicité
sans
exhiber ou faire référence à une copie de l'agrément ? Comment
faire jouer le retrait
d'agrément 386 alors
que la détention de
l'instrumentum n'a jamais été réalisée ? Autant d'incertitudes qui
autorisent des réserves quant à la portée juridique et l'efficacité
pratique de cette disposition légale.
2°) - Les difficultés
relatives
à l'efficacité
de l'agrément
territorial
Le drame de l'agrément territorial
demeure dans ses continuelles
remises en cause. Il s'affirme avec beaucoup trop de contradictions
alors
que certaines
d'entre
elles
peuvent
lui
être
fatales.
L'agrément paraît de plus en plus fantaisiste
parce qu'il n'est pas
suffisamment sélectif.
Parfois
l'agrément est général 387 en ce
sens qu'il ne tient pas compte de la nationalité
du demandeur.
Parfois il est partial car, contrairement à ce qui était espéré, i 1
soustrait
certaines
sociétés
étrangères
et
consacre
sa
systématisation vis-à-vis des nationales.
a) - L'agrément manque-t-il
de sélection
7
Il arrive que le même agrément est accordé à deux ou plusieurs
personnes à la fois. C'est par exemple le cas d'un agrément pour 1a
fabrication de fûts, de matériel roulant, de chaudronnerie lourde ou
de tout ce qui est nécessaire aux travaux publics. Compte tenu de
l'importance du milieu économique, il aboutit fatalement à bloquer
le
marché.
Pour
l'éviter,
il
faut
exiger
une
plus
stricte
qualification
avant
la
distribution
qui,
elle
même doit
être
limitative. Il faut pouvoir contrôler la réalisation des programmes
plus
particulièrement
au
bout
des
périodes
prévues
pour
l'implantation. Enfin, l'interdiction de se livrer au commerce sans
autorisation
préalable388 n'est stipulée
qu'à l'endroit
des seuls
étrangers,
comme si
une certaine
tolérance
pouvait
planer
en
faveur des nationaux. Est-ce un oubli ou est-ce un ressaisissement
soudain visant à faire la part des choses dans la jouissance des
droits?
386Article 31 loi de 1972.
387Article 6- \\0 loi de 1972; article 1 arr. n° 001127 du 11.06.1972.
388Article 12 loi 7/72.

281
b) - Les incertitudes
de la loi du 20 Décembre 1 973.
~.
Dans le dessein de compléter la loi du 5 Juin 1972, le législateur
gabonais a voté la loi n° 10/73 du 20 Décembre 1973, introduisant
ainsi de nombreuses dispositions
dont les plus symptomatiques
concernent les sujets du droit ainsi
que les règles d'application.
L'article 15 ne soumet pas à la présente loi les sociétés étrangères
qui exécutent au Gabon des contrats pour un objet précis et une
durée limitée à deux ans. Néanmoins ces sociétés doivent obtenir
leur autorisation par arrêté du ministre du commerce.
L'article 16 soustrait à l'application de loi, les représentants de
commerce tant qu'ils
n'effectuent pas de livraison
à domicile.
L'article 17 précise que la présente loi n'est pas applicable aux
sociétés qui seront constituées sur le territoire national à dater de
son entrée en vigueur. Mais il ajoute que les sociétés constituées
antérieurement seront soumises à la présente loi dès le 1 Janvier
1974 sauf à attendre le 1 Janvier 1975 pour l'harmonisation
des
règles du capital social. L'article 18 abroge toutes les dispositions
antérieures contraires.
Nul ne peut attendre pour le dire,
voici
une loi
de tourmente
juridique. «La présente loi" à laquelle elle fait souvent allusion est
la loi de 1972. Il ne peut s'agir de la loi de 1973 que pour les
questions nouvellement débattues comme : le siège
social,
1a
personnalité
morale, le rôle
et la responsabilité
des pre mie rs
agents de la société, le curieux article 7 sur le capital social alors
qu'il fait l'objet d'une loi future 389, les fonctions du président du
conseil d'administration. Comme la loi de 1973 complète celle de
1972, juridiquement
les
deux lois
doivent
faire
corps
et
ne
sauraient souffrir de contradiction. C'est à s'émouvoir devant les
dispositions
des articles
1S,
16,
17 qui,
à première
lecture
semblent de simples dérogations mais qui, renforcées par l'article
18, s'affirment au fond comme des éléments d'un conflit
interne
insoluble.
En somme, la loi
de 1973 fait
un sort
heureux aux sociétés
étrangères devant opérer au Gabon pendant deux ans. A croi re
qu'elle tient compte d'une certaine célérité nécessitée peut-être
389Loi n° 1/74 du 31.05.1974 ].0. du 6.08.1974 p. 40.

282
par l'intervention des sociétés
d'entretien ou pour répondre aux
besoins d'un développement précipité.
Enfin la loi de 1973, pour
rester conforme avec la situation privilégiée des étrangers, n'a pas
cru devoir étendre cette faveur aux sociétés nationales. Mais que
dire de la nature juridique
de l'arrêté
prévu à l'article
15-2 0
?
N'est-ce pas une sorte d'agrément? Peut-être faut-il
répondre par
la négative dans la mesure où aucune procédure identique
n'est
prévue. Dans ces conditions,
rien
n'empêche de penser que ces
sociétés sont dispensées de constitution régulière,
puisque sans
agrément, il est pratiquement impossible d'avancer. Ceci parvient
alors
à expliquer
l'existence
de très
nombreuses
sociétés
qui
naissent rapidement et disparaissent aussi aisément, sans rendre
de compte à personne quel que soit le passif souvent monumental
accumulé au cours de leur brève activité de société de fa it.
Ecarter les représentants de commerce tant qu'ils n'effectuent, pas
de livraison
à domicile est un bien curieux argument. Il suffit de
penser que les sociétés installées au Gabon sont pour la plupart et
en 1973, des représentations de commerces étrangers. En plus 1a
notion
de représentations
de commerce
utilisée
ici,
est-elle
restrictive ou bien englobe-t-elle comme à s'y attendre aussi, les
voyageurs, représentants, placiers et, les agents commerciaux?
Dans tous les cas, il
ne faut pas oublier que les représentants
peuvent devenir commerçants en faisant du courtage ou en créant
une entreprise
de commission
alors
même
qu'à
l'origine
ils
jouissaient
d'un contrat
de travail.
Puisque
les
représentants
peuvent avoir la qualité de commerçant, il est normal de s'étonner
de les voir jouir
d'un traitement
différent
du droit commun de
l'article 6 - 10 de la loi de base du commerce.
L'article 17- 10 déclare que la loi n'est pas applicable aux sociétés
qui seront constituées à dater du 1er Janvier 1974. A contrario,
cette loi nouvelle s'applique aux constitutions anciennes et non aux
créations futures, ce que conforte l'article 17- 20 en rappelant les
conditions
d'application de la loi
aux sociétés
antérieurement
constituées.
Il
s'ensuit
que les
sociétés
à venir
sont exclues,
contrairement au droit des effets juridiques
d'une loi
nouvelle.
Quant à l'article
18 qui tranche
avec un ton
particulièrement
péremptoire, il n'est pas plus confortable en droit. Dans l'ensemble

283
la loi de 1973 vient contredire les données de la loi de 1972 qu'elle
avait le devoir de compléter,
du moins en ce qui concerne 1e s
personnes assujetties.
B - La valeur juridique
de l'agrément.
L'agrément territorial
se caractérise
par son cadre strictement
limité
au pays
de
l'autorité
qui
l'a
rendu.
C'est
un
acte
administratif à vocation si dirigiste que la crainte est de ressentir
son impact sur la qualification des situations juridiques qu'il crée
dans l'ordre interne. Lorsque, en effet, il autorise l'établissement
d'un cadre d'activité civile, ce caractère influe sur son bénéfic iaire
et il en tient compte pour expliquer son statut juridique.
Mais
lorsque l'agrément émane du ministère du commerce, qu'il porte sur
l'exercice d'un commerce, il y a autant de raisons de se demander
s'il n'influe pas sur la commercialité de son titulaire.
10
L'agrément
est-il
un facteur
de commercialité
du
)
-
bénéficiaire
?
Divers arguments de texte incitent
à considérer que l'agrément
territorial de commerce tout au moins, influe sur la qualification
du demandeur en raison de l'activité agréée. Cet agrément est en
effet contenu dans le texte de base 390 réglementant la profession
de commerçant au Gabon. C'est ce texte qui donne la qualité
de
commerçant ainsi que les conditions
positives
et négatives
de
l'exercice de la profession de commerçant. C'est également lui 391
qui impartit
à toute personne physique ou morale
désireuse
de
s'installer au Gabon comme commerçant d'en faire la demande au
ministère
du commerce.
Aussi
l'arrêté
d'application
392
a- t- i 1
systématisé la donnée en faisant obligation à tout postulant à 1a
profession de commerçant, de constituer
un dossier d'agrément.
Ainsi
apparaît
une identité
entre
l'activité
commerciale
et
l'activité
industrielle
et
même une extension
malheureuse
à
l'artisanat, les trois causes de la demande d'agrément.
Poursuivant avec les arguments de texte, il est bon de noter que 1a
loi de base a repris 393 la définition
de l'article
10 du code de
390Loi 7/72 du 5.06.1972
391 Loi 7/72 article 6.
392Arrêté n° 01127 du 10.10.1972
393Artic1e ] er loi 7/72 est commerçant, celui qui exerce des actes et en fait sa
profession habituelle.

284
commerce français.
Il
y a certainement
une prédominance
de
l'exercice
d'actes de commerce
dont
l'approche
ne subit
pas
d'influence nouvelle. Mais le réalisme
de cette définition
réside
dans
l'identité
entre
la
conception
courante
de
l'état
de
commerçant et la notion juridique de la profession. Or l'agrément
permet
justement
à
l'individu
d'exercer
telle
profession
commerciale, artisanale ou industrielle
de son choix. Il peut être
soutenu qu'une profession étant l'activité
qu'une personne exerce
d'une manière habituelle en vue d'en tirer un revenu lui permettant
de vivre 394, l'activité dont l'exercice est autorisé par l'agrément
est une profession qui imprime son caractère à son bénéficiaire.
Malheureusement, cet acquit définitif pour les uns, notamment les
commerçants individuels va être dilué d'une part, avec l'existence
de bénéficiaires d'agréments multiples et différents, d'autre part
avec la légitimation
des interdictions
et des incompatibilités
pourtant prévues aux articles
3 et 4 de la loi de commerce du 5
Juin 1972. Ces laborieux
artisans
d'agrément créent
l'objet de
l'autorisation administrative
mais ne l'exercent pas directement.
Ils ont recours à toutes sortes d'intermédiaires n'agissant pas pour
leur propre compte. Comme ceux-ci,
préposés ou mandataires, ne
sont
pas commerçants,
il
arrive
désormais
de
trouver
des
structures incontestablement commerciales
mais tenues par des
personnes juridiques qui elles, ne sont jamais commerçantes.
A suivre cette grave entorse à la loi, se consacrent les statuts
anonymes. Vient ensuite l'obligeance de convenir que l'expression
"profession habituelle" renferme
un pléonasme 395.
Déjà que 1a
profession n'est pas toujours le travail exercé par le travailleur,
i 1
arrive de se livrer à une véritable autopsie de la proportion du
temps consacré au type de travail par le professionnel ou même, du
caractère
substantiel
des revenus
tirés
par lui,
de l'activité
prétendue
par rapport
à l'activité
principale.
En ce sens,
1a
légitimation
de
cette
pratique
locale
contribue
à
éloigner
dangereusement la notion de commerçant alors que, d'une manière
assez ostensible, elle découle du type d'agrément accordé et tout
au moins autorise une forte présomption.
394Comribution à l'étude juridique de la profession par Jean SAVATlER, études
de droit commercial, offertes à Joseph HAMEL 1961 page 6
395J. SAVATIER op. cit page 9.

285
2° ) -
L'agrément
territorial
demeure-t-il
une
simple
condition
d'accès à la profession
?
Assurément, c'est un acte administratif par son origine organique.
" reste général dans sa conception.
Son domaine de réglementation
est trop vaste pour ne pas 1u i
refuser
la
possibilité
d'imprimer
un seul
caractère
j uridiq ue.
Somme toute l'appréciation
reste sans varier,
qu'il
s'agisse
de
considérer le statut du bénéficiaire de l'agrément ou l'objet de 1a
décision.
L'agrément s'impose
indifféremment
en cas d'activité
civile,
agricole, libérale,
artisanale,
commerciale ou industrielle
d'initiative privée. C'est, concevons-le, une condition d'accès à 1a
profession sollicitée et son accomplissement est un préalable que
doit conforter la satisfaction de formalités complémentaires.
Mais l'agrément est aussi un acte administratif individuel à qui l'on
peut enlever le caractère personnel. Souvent en effet, le titulaire
de l'agrément le met en louage au profit
d'un autre véritable
commerçant de son état mais qui
n'apparaît pas. De son côté,
l'identité qui se propage en raison de l'agrément est fictive. Donc
l'agrément retenu comme simple
autorisation
préalable
est
un
leurre du statut juridique du bénéficiaire qui partout dans la loi de
1972, est dit commerçant 396. C'est ce résultat que la loi de 1973
essaie d'atteindre en instituant des commerçants sans agrément de
commerce. La même loi
tente
de noyer toute
présomption
de
commercialité
en faisant
éclater
la définition
du commerçant
qu'elle cantonne au seul exercice d'actes de commerce. Dans ces
conditions, c'est à penser déjà qu'au Gabon le statut de commerçant
n'existe qu'exceptionnellement?
En réalité, l'agrément n'est pas un acte administratif quelconque. Il
est suffisamment
constitutif
d'obstacle qu'il surpasse
même 1a
capacité physique ou intellectuelle
d'exercer une profession.
11
n'est pas exclu qu'un individu
soit autorisé à faire du commerce
c'est-à-dire à devenir commerçant alors même que les articles 3 et
4 de la loi de base du commerce s'y opposent. Cette confusion créée
3%Faut-il peut-être rappeler de lege feranda, qu'il n'est pas nécessaire que la
profession soit notoire, unique et principale, que l'inscription au registre du
commerce
ne
confère
que
la
présomption
de
commerçant
et
la
non
inscription n'empêche pas la qualité, qu'il en est de même de l'inscription à
la patente?

286
par la portée de l'agrément en fait un outil autonome qui joue à 1a
fois sur la qualité du bénéficiaire et sur l'exercice de la profession.
"
en est ainsi
de l'avocat
qui
arrive
de l'étranger
avec ses
j
références intellectuelles
et pratiques. Avec la loi de 1972 il ne
\\,
pourra même pas s'en prévaloir autant qu'il ne sera pas agréé alors
que couramment l'empêchement vise l'exercice de la profession et
peut-être même la seule ouverture d'un cabinet.
En définitive,
l'agrément
de commerce
permet
d'exercer
une
activité commerciale. Si l'agrément de commerce est accordé à un
individu, c'est qu'il est autorisé à exercer le commerce et cela en
tant que profession soit parce qu'il est commerçant, soit qu'il va
devenir commerçant. Plus généralement, si l'agrément de commerce
est accordé à une personne juridique, c'est assurément parce qu'il
n'y a pas d'incompatibilité ou d'interdiction entre le statut ancien
et le nouveau statut de commerçant. Dans ces conditions l'agrément
de commerce autorise à présumer de la qualité de commerçant.
Section 2 : L'agrément régional
A la suite
du traité
de 1964 qui a institué
l'UDEAC, les pays
concernés
ont
pensé
qu'il
était
nécessaire
de
réaliser
l'harmonisation
des
différents
codes
nationaux
des
investissements.
La réussite
de
leur
volonté
communautaire
dépendait de la sage coordination
des outils
du développement
utilisés çà et là, dans une région souffrant par avance d'un marché
de consommation insuffisant. Ce fut l'occasion de distinguer entre
les entreprises de commerce et les sociétés
de production. Les
premières qui ne sont en fait que la poursuite du développement
artificiel, se conçoivent bien à l'intérieur de chaque territoire. Les
secondes souvent considérées comme un seuil du développement,
ont parfois besoin de porter leur production loin des frontières
nationales. Ainsi,
sont prévus un agrément de droit commun dit
agrément territorial
et un agrément régional assorti de privilèges
considé rables.
Ce sont ces faveurs qui caractérisent l'agrément UDEAC et qui se
retrouvent dans une série
de quatre
régimes
d'investissement
privilégiés
auxquels,
il
convient
d'ajouter
la
possibilité
pour
chaque
Etat
d'assouplir
encore
sa
position
en
signant
une
convention
d'établissement.
Mais cette discrétion
laissée
aux

287
différents pays de passer les conventions d'établissement subit un
souhait implicite de suivre les modèles retenus par l'Union 397
t
Paragraphe 1 - L'obtention de l'agrément régional
A - Les bénéficiaires
a) - Le principe
directeur
des candidatures
Peut solliciter
le bénéfice de l'agrément à un régime privilégié,
toute entreprise désireuse de créer une activité
nouvelle
ou de
développer d'une façon importante une activité déjà existante dans
un pays de l'Union. L'entreprise candidate s'engage d'ores et déjà à
utiliser en priorité les matières premières locales et, en général
les produits locaux. Aucune entreprise
dont l'activité
relève du
secteur commercial ne peut être admise au régime privilégié.
b) - Les différentes
catégories
de bénéficiaires
En effet les textes nationaux qui reprennent le texte commun,
rangent les candidats
par catégorie
d'activité
398.
Ce sont les
entreprises
de culture
industrielle
comportant
un
stade
de
transformation
ou
de
conditionnement
des
produits
, l e s
entreprises d'élevage avec des installations en vue de la protection
sanitaire du bétail ; les entreprises industrielles de préparation ou
de transformation des productions d'origine végétale ou animale ;
les industries forestières
, les entreprises de pêche comportant
des installations permettant la conservation ou la transformation
des produits ; les industries
de fabrication
et de montage des
articles
ou objets manufacturés ; les entreprises
exerçant des
activités
minières
d'extraction,
d'enrichissement
ou
de
transformation de substances minérales et des activités connexes;
les entreprises
de recherche
pétrolières
; les
entreprises
de
production d'énergie ; les entreprises d'aménagements des régions
touristiques.
Dans l'ensemble,
les bénéficiaires
sont sériés
en deux grandes
options : d'une part, les entreprises
insta liées
dans un Etat de
l'Union et dont le marché ne s'étend pas aux territoires des autres
397Article 13 de l'ordonnance
21167 portant code des investissements
du
Gabon; article 6 de la convention commune du 16.12.1965
398Article 7 de la convention commune et article 14 du code gabonais

288
Etats membres, d'autre part, les entreprises dont le marché s'étend
ou est susceptible de s'étendre aux territoires de deux ou plusieurs
Etats. Aux entreprises
de la première
série
correspondent
1e s
régimes cadres 1 et Il tandis que les régimes cadres III et IV sont
accordés aux entreprises de la seconde série.
B - La procédure d'agrément
L'instance communautaire
n'a pas dépouillé
les Etats de toute
prérogative relative à l'octroi de l'agrément privilégié.
C'est ainsi
que la demande qui vise les régimes l, Il et les catégories a, b,399 de
l'article
51 du traité de 1964 est soumise
à la réglementation
territoriale,
laquelle
est à son tour, étroitement associée
à 1a
procédure de consultation prévue par l'article
55 du même traité.
Lorsque par contre, la candidature porte sur les régimes III et 1V,
et plus spécialement la catégorie (c) 400 de l'article 51 du traité, 1a
procédure
commune
s'impose.
Dans tous
les
cas,
l'agrément
privilégié
accordé dans un Etat est porté à la connaissance de
l'Union.
10 ) - Les for mal i tés.
a) - La constitution
du dos sie r
Le dossier
d'agrément n'est pas déterminé
par
la
convention
commune vraisemblablement parce qu'elle laisse ce soin à chaque
Etat. D'une manière générale, le projet soumis à l'appréciation de 1a
commission doit comporter tous les renseignements utiles d'ordre
technique, économique, financier, juridique fiscal et douanier 401. Il
faut
aussi
que
la
demande
soit
accompagnée
des
pièces
individuelles exigées par les réglementations nationales 402.
399a ) Les industries à vocation essentiellement exportatrices en dehors de
l'union ; b)
Les industries
interessant
le marché
d'un seul Etat,
pour
lesquelles
il
n'est
pas
demandé
d'avantages
économiques,
fiscaux
ou
douaniers aux autres Etats de l'Union.
400Les projets industriels interessant le marché d'un seul Etat, qui portent sur
une production industrielle existant déjà dans un autre Etat de l'Union ou
dont
la
création
est
également
prévue
aux plans
ou
programmes
de
développement dans un autre
Etat de l'Union.
4()lArt. 54 du traité ; plus détaillé,
l'art.
16 de l'ordo 21/67 ou
bien
Je
questionnaire remis aux entreprises candidates au régime de la taxe unique
prévue par l'acte n" 12/65 du 14.12.1965.
402yoir la liste prévue pour l'agrément territorial par l'article 6 de la loi
gabonaise du 5.06.1972.

289
b) - Le dépôt du dossier.
Une fois constitué, le dossier est déposé auprès du ministère
de
l'industrie en de très nombreux exemplaires. Il sera transmis à 1a
commission des investissements.
Au niveau local, la commission est composée 403 d'un président, (le
ministre de l'économie nationale) et de quinze membres 404. EIl e
peut pour son information, faire appel à toute personne qualifiée.
La commission
se réunit
à Libreville
sur
convocation
de son
président, un mois après le dépôt du dossier complet.
Au niveau de l'agrément communautaire, qui vise le bénéfice des
régimes III et IV résumés dans l'article 51 du traité 405, la demande
est transmise 406 par l'Etat d'implantation au Secrétariat Général
de l'UDEAC qui va communiquer le projet aux Etats concernés. Les
dossiers des catégories (c) et (e) de l'article
51 du traité
sont
obligatoirement communiqués aux Etats de l'Union. Le rapport du
Secrétariat Général est également retransmis.
2°) - La décision
d'agrément.
a) - les contours de la décision.
Théoriquement, il s'agit de l'appréciation d'éléments objectifs avec
le souci de respecter l'esprit unioniste amplement rappelé dans 1e
préambule du traité de 1964. C'est en exemple, la nécessité d'une
répartition
équitable
des
projets
et
la
coordination
des
programmes de développement. Aussi
est-il
prévu, en plus d'un
dossier particulièrement fouillé, des considérations déterminantes
résumées aux articles, 8 pour la convention commune et 15 pour 1e
403Article 17 code gabonais des investissements.
404Sont membres : - le ministre des finances
- le ministre spécialement
intéressé par l'activité de l'entreprise considérée - Quatre représentants de
l'Assemblée Nationale - le commissaire au plan - le directeur des affaires
économiques - le directeur des contributions directes - deux représentants de
la Chambre de Commerce d'industrie, d'agriculture et des mines - le directeur
des douanes et droits indirects.
- deux représentants
des organisations
professionnelles
ou
inter
professionnelles
dont
relève
l'activité
de
l'entreprise demanderesse - le directeur des douanes et droits indirects est
rapporteur de la commission.
4Qsl.es projets industriels dont le marché est et restera limité à deux Etats pour
lesquels une harmonisation peut être recherchée,
les projets industriels
interessant le marché de plus de deux Etats pour lesquels une harmonisation
est directement recherchée au sein de l'Union.
406Article 52, 53, et 55 code gabonais.

290
code gabonais
des investissements
407
Pour
les
projets
de
catégorie (e) les éléments d'appréciation sont prévus par l'a rtic le
56 408.
b) - La décision
proprement dit e
Lorsque le dossier est communiqué aux différents
Etats par 1e
Secrétariat Général, ceux-ci disposent de deux mois pour répondre.
L'absence de réponse au terme du délai,
prévoit l'article
55 du
traité, vaut agrément du projet. En cas de désaccord, le projet est
soumis au Comité de Direction qui décide. Les régimes lA et lB sont
accordés par le décret pris en conseil des ministres. Les régimes
III et IV sont accordés par un acte de Comité de Direction de l'UDEAC
sur proposition du conseil des ministres.
Pour chaque entreprise,
le texte d'agrément précise
le régime
privilégié auquel l'entreprise agréée est admise et fixe sa durée. 11
énumère les activités
pour lesquelles
l'agrément
est accordé,
précise les obligations qui incombent à l'entreprise, notamment son
programme d'équipement et arrête les modalités particulières
de
l'arbitrage international.
Paragraphe 2 - Les effets de la convention d'agrément.
L'agrément UDEAC qui a été régulièrement
pris,
produit dès sa
publication, tous effets et conséquences juridiques de droit sur 1e
territoire de l'Union. Ces suites s'entendent d'une série de droits et
obligations
incombant parfois
aux Etats,
souvent à l'entreprise
bénéficiaire de la mesure privilégiée. Il y a des effets positifs et
des effets négatifs consécutifs à quelques bavures dans le respect
des conventions inter Etats.
407Ce sont: l'importance des investissements - la participation à l'exécution
du plan économique et social - la création d'emplois - la participation des
nationaux gabonais dans la répartition des emplois - l'utilisation de matériels
donnant toutes garanties techniques - l'utilisation en priorité des matières
locales et des produits locaux - le siège social dans un Etat de l'Union.
408En tiennent compte: la situation des matières premières, le volume des
investissements déjà réalisés dans les divers Etats de l'Union en comparaison
des avantages
consentis
de ce
fait
par chaque
Etat
à ses
partenaires,
l'opportunité
de
compenser
la
situation
de
moindre
développement
économique de certains Etats de l'Union.

291
A)- Les effets positifs.
a)- Le respect de la convention
d'agrément.
Une des préoccupations de l 'UDEAC a toujours été d'établir entre 1es
Etats et les entreprises privées, une atmosphère de sécurité et de
collaboration. Dès lors que le Comité de Direction
a approuvé 1a
rédaction définitive,
le projet est transmis
au gouvernement du
pays d'implantation
pour
signature.
La convention
est
rendue
exécutoire de plein droit dans les Etats membres par un acte du
Comité de Direction. La décision qui est publiée dans les journaux
officiels
des pays de l'Union
prend effet
un jour
franc
après
l'arrivée du journal dans la capitale de chaque Etat membre. Selon
l'article
18°-3°
du traité,
le
comité
peut
même
utiliser
1a
publication par la procédure d'urgence.
b)- L'octroi
d'avantages particuliers
Afin de ne pas faire de la liberté posée à l'article 27 du traité 409,
un vain mot, les pays de l'Union ont procédé à l'harmonisation de
leurs
régimes douaniers et fiscaux.
Ces mesures
au demeurant
générales,
se traduisent
- pour partie
par l'adoption
d'un ta rif
douanier et fiscal commun à l'entrée, dans leurs relations avec 1e s
pays tiers
-
pour partie
enfin
par
l'interdiction
entre
Etats
membres de tous droits et taxes à l'importation et à l'exportation.
Il existe ainsi une tarification
commune à l'entrée en douane, lJl:fl
taxe sur le chiffre d'affaires commune à l'importation.
Seule la taxe
complémentaire
à l'importation
peut varier
car
l'article
31 du traité
permet aux Etats de la fixer
librement,
à
charge pour eux d'en informer régulièrement le Comité de Direction
de l'UDEAC. Examinée du côté individuel la convention d'agrément se
situe dans l'un des quatre régimes-cadres prévus par l'article 17 de
la convention commune. Au Gabon ces régimes
d'investissement
sont certes les mêmes mais le régime-cadre
1 se décompose en
régime lA et lB.
- Le régime lA enregistre les avantages suivants : l'application d'un
taux global réduit de 5 % des droits et taxes à l'importation sur 1es
matériels, les matériaux, les machines et l'outillage directement
409L'Union constitue un seul territoire douanier à l'intérieur
duquel la
circulation des personnes,
marchandises,
biens, services
et capitaux, est
libre.

292
nécessaires à la production et à la transformation ; l'exonération
totale des droits et taxes à l'importation,
des taxes uniques et
taxes
indirectes
internes
sur
certains
produits
et
matières
i
premières essentielles
à l'activité
de l'entreprise
; le bénéfice
1
pendant un temps limité,
de taux réduits ou nuls à l'exportation
l'exonération de la TCA. intérieure et toutes autres similaires
;
- Le régime lB compte non seulement les avantages prévus aux
articles 24 et 25 du code gabonais et accordé au régime lA, mais
encore l'exonération temporaire
de la contribution
foncière
des
propriétés bâties et non bâties ; l'exonération
temporaire
de 1a
contribution des patentes.
- Le régime
Il
vise
les
entreprises
qui
mettent en jeu
des
investissements considérables, impliquant des délais d' insta lIation
particulièrement longs. JI se traduit pendant une durée de 2S ans,
par une stabilité fiscale ; une extension des avantages accordés au
régime lB. Toutefois,
la stabilité
fiscale
ne vise
pas le tarif
d'entrée ni la TCA à l'importation.
- Les régimes III et IV concernent les entreprises installées
dans
un Etat mais dont le marché s'étend dans les autres Etats. Les deux
régimes accordent à leurs
bénéficiaires,
l'application
pendant 1a
période d'installation d'un taux global réduit à 5 % des droits et
taxes à "importation
des matériels
d'équipement. L'exonération
totale
relève d'une décision
du Comité
de Direction
comme 1e
bénéfice de la taxe
unique UDEAC, ainsi
que les
avantages des
articles 27 et 28 relatifs
au régime lB. A la différence du régime
III, le régime IV bénéficie d'une convention d'établissement.
B - Les effets négatifs
Seront englobés ici tous les aspects négatifs de la convention, qu'il
s'agisse des ambiguïtés inhérentes à son application ou que se pose
le seul fait qu'un si précieux acquis puisse être retiré.
a) - Les risques
du retrait
de l'agrément
Le traité de l'UDEAC consacre son titre cinquième au règlement des
différends et donne des précisions quant à la procédure de retrait
et les voies de recours. En effet, en cas de manquement grave aux
dispositions d'agrément, l'article
41 affirme
que le bénéfice des

293
avantages prévus dans les régimes 1 et Il peut être retiré selon 1e s
procédures des législations
nationales tandis que le retrait
dans
les régimes III et Iv est opéré par le Comité de Direction sur 1a
demande motivée de l'Etat du siège social.
S'agissant du code gabonais, l'article 30 pour les reqimes lA et 1B
et l'article
37 pour le régime Il rappellent
que sur rapport du
ministre
des finances,
le Président
de la
République
met en
demeure l'entreprise
de prendre
les
mesures
nécessaires
pour
palier à la défaillance. Après soixante jours pour les entreprises
admises en lA et lB, et quatre vingt-dix jours pour les entreprises
du régime Il, une enquête est ordonnée en vue de constater 1a
carence tandis qu'une commission consultative est créée.
Le décret de retrait
est pris en conseil
des ministres
pour les
entreprises agréées au régime III et IV. Le Comité de Direction de
l'UDEAC peut s'entourer d'une commission
d'experts dont l'un est
désigné par le gouvernement de l'Etat
requérant,
un autre
par
l'entreprise concernée, un troisième d'accord parties. L'apparition
de
ces
voies
de
recours
mixtes
est
incontestablement
1a
manifestation de la volonté commune de conforter les garanties
offertes au bénéficiaire d'un agrément UDEAC. Celui-ci
est en 1u i-
même porteur d'effets si importants
que l'on
a du mal à 1e
soustraire
de la fameuse théorie des droits acquis. A priori,
1a
décision
qui a engendré ces privilèges
économiques fiscaux
et
douaniers est un acte administratif donc susceptible de retrait. Or
le retrait n'est possible qu'autant que l'acte n'a pas produit d'effets
individuels positifs.
En réalité
l'acte
d'agrément régional
cache un caractère
plus
complexe. Pour s'en convaincre
il
suffit
de constater qu'il
est
entouré d'un système de recours supérieur à celui de l'agrément
territorial
qui du reste n'en a pas. C'est déplorable pour lui de
manquer d'un tel outil contre la décision du refus d'agrément. En
plus, le fait que la décision des Chefs d'Etats de l'Union ait valeur
juridictionnelle
de dernier ressort,
laisse
penser que l'agrément
UDEAC est un acte de souveraineté ce qui explique la dimension des
privilèges
accordés. Mais contre
un acte de souveraineté
quel
recours il y a-t-il. Pourtant nous retenons que si, l'agrément est un
acte administratif du moins par son origine organique, les droits
qui en découlent sont par nature acquis sous condition résolutoire.

294
b) - Les ambiguïtés
d'application.
La po 1itique d'établissement des entreprises dans tous les pays de
l'UDEAC ne sera pas critiquée dans les lignes qui suivent. Ce n'est
pas en effet l'occasion de s'interroger si réellement
il en faut
autant
pour
séduire
certaines
sociétés.
Dans
tous
les
cas,
l'impressionnante
liste des exonérations aide -en principe - ces
entreprises à être compétitives sur le marché local des produits
finis
par
rapport
aux
produits
importés.
Elle
permet
à
l'investisseur
de réaliser
un amortissement
accéléré
du fait,
répète-t-on
souvent,
de
l'hygrométrie
élevée
qui
dégrade
rapidement les machines. Parallèlement,
il est surprenant que 1e
consommateur gabonais ne puisse bénéficier de tous les avantages
de l'importation au prétexte que les amortissements sont urgents.
Comme les machines sont souvent renouvelées il y a peu de chances
que leurs
investissements
soient récupérés. A qui profite
donc
l'agrément régional ?
A quoi sert l'agrément si l'entreprise
n'a pas le libre
choix de
l'importation du produit brut. La prospection des marchés permet à
l'importateur de transformation de savoir qu'en achetant à tel ou
tel pays, le jeu des intermédiaires jusqu'à la production rend 1e
produit moins onéreux que celui qui est déjà fini.
Intervient alors
la
licence
d'importation
accordée
par
une
commission
trop
intéressée pour ne pas être dirigiste et qui, servant les intérêts de
trop nombreux média, conditionne l'importation. Pour éviter cette
situation, il faut pouvoir se passer des banques ce qui est utopique.
Dès lors quel est le sort des avantages de l'agrément sur le produit
fini local ?
L'agrément UDEAC en tant qu'émanation du traité de 1964 sur la libre
circulation des biens inter Etats, demeure un outil fragile devant
les tendances
protectionnistes.
L'idée d'une harmonisation
des
industries
nationales
est
quelque
peu
dépassée
par
1a
multiplication de PMI et PME identiques dans chaque pays. Rappelons
qu'au Gabon fut créée une raffinerie
de pétrole pour le compte de
l'UDEAC. Cela n'a pas empêché le Congo et le Cameroun d'en créer à
leur tour. Si ce sont des réalisations
non prévues par la décision
d'agrément, la sanction vient de l'article 58 du traité qui les écarte
purement et simplement. Mais l'écoulement de produits agréés dans

295
un
marché
désormais
POUNU
ne
saurait
être
regardé
défavorablement. Pourtant les rares
produits exportés du Gabon
passent un temps particulièrement long dans les ports et aéroports
du Congo ou du Cameroun. En définitive, les droits qui s'y greffent
pour cause d'entreposage, estaries et surestaries vont être tels que
les produits deviennent inaccessibles et l'exportateur est à j a ma is
découragé.
Dans le sens inverse par contre, le Gabon joue toujours la carte de
la complaisance. Les produits du Cameroun et du Congo circulent
aisément. Ils sont si bon marché qu'ils surclassent ceux qui sortent
des entreprises oeuvrant à partir du Gabon. Il en est ainsi
de 1a
société gabonaise des piles (SOGAPIL) qui fait des piles de très bonne
qualité en ossature blindée mais qui ne s'écoulent pas notamment
parce
qu'elles
sont
plus
chères
que
les
piles
fabriquées
au
Cameroun de moins bonne performance. Le traité de 1964 n'interdit
pas la concurrence mais cette dernière est-elle
compatible avec
l'objectif de la coordination des projets régionaux ou bien faut-il
sans
le
souhaiter,
entrevoir
la
modification
de
l'esprit
communautaire ?
TITRE DEUXIEME
UNIFORMITE DANS LE STATUT JURIDIQUE DES SOCIETES
DEUXIEME DIFFICULTE DU CONTROLE DE L'ACTIVITE
ECONOMIQUE
En expliquant l'institution
de l'agrément et bientôt le préalable
matériel de la constitution du capital social, il y a la confirmation
que la société doit avoir été conçue avant même d'exister. Cette
situation qui rapproche singulièrement la vie des sociétés de celle
des personnes
humaines,
amène à dire
que de telles
entités
susceptibles
d'avoir
la
personnalité
morale,
ont
d'abord
une
existence de fait, ensuite une autre de droit. Il n'y a pas là deux
modes mais deux étapes de la vie des sociétés commerciales qui ne
correspondent pas strictement à la distinction
traditionnelle
des
sociétés régulièrement constituées et celles qui ne le sont pas.

296
S'il faut s'en tenir au courant classique, il ne s'agit pas de sociétés
de fait qui seraient opposées aux sociétés de droit. Les sociétés de
fait
se conçoivent
des groupements
dont
l'un
des
éléments
constitutifs légaux manque mais qui, déclarés nuls ou non, ont eu 1e
temps de faire sortir des effets juridiques de l'accord des volontés
qui s'est manifesté lors de la conclusion du contrat. Il reste que
ces sociétés qui ne sont pas en règle avec la loi, existent, elles
fonctionnent dégénérées ou créées de fait.
Dans
la
place
du
Gabon,
la
question
se
pose
en
période
préconstitutive avec cette particularité
que tout a déjà été fait :
les statuts ont été rédigés et déposés en vue de l'agrément lequel
est obtenu; le capital social est intégralement sinon partiellement
libéré mais souvent amplement entamé pour rétribuer le personnel
d'administration et de direction qui n'attend toujours
pas d'être
officiellement en fonction, ainsi que pour assurer le financement
des
équipements.
Autrement
dit,
la
société
paraît
bien
opérationnelle pour les associés, à plus forte raison pour les tiers.
Elle est au stade du fonctionnement puisqu'elle
devient non pas
débitrice,
mais distributrice
de "dividendes" même si elle
reste
trois ou quatre ans sans être définitivement constituée.
C'est peut-être une existence sur le papier, mais une existence de
droit.
Elle
est
favorisée
par
les
textes
qui,
en
institua nt
l'agrément,
ont
créé
une
confusion
entre
les
formalités
déclaratives
et
les
actes
constitutifs.
Si
l'agrément
permet
d'exercer
tel
négoce de son choix,
les
autres
démarches
à
entreprendre ne peuvent être que complétives avec une incidence
fiscale ou économique mais assurément pas d'ordre juridique.
D'ailleurs,
le parallèle
entre
la vie des sociétés
et celle
des
hommes se poursuit
avec cette
similitude
tirée
des régimes
matrimoniaux.
1/
y a certes
la traditionnelle
distinction
des
sociétés de personnes et des sociétés
de capitaux mais il y a
surtout, les sociétés qui ont des statuts et celles qui n'en ont pas.
Du reste, la classification
des sociétés en fonction de la présence
de l'Etat en dépend. En effet, si les statuts qui ont été déposés sont
repris en compte par la société, il est facile d'y découvrir toutes
les règles de fonctionnement et de dissolution. Ainsi, se trouvent
les sociétés anonymes, les sociétés en commandite, les sociétés en

297
participation sous la forme d'entreprises de dimensions va ria bles
exploitées en nom collectif ou sous une façade anonyme parce que
le promoteur unique y est contraint par la loi.
Mais, quel est le régime juridique
des sociétés qui n'ont pas de
statuts, soit parce qu'elles existent sans statut, soit encore parce
que les statuts d'origine ont connu de telles
modifications
qu'ils
deviennent inapplicables, soit enfin parce qu'en optant pour te Ile
forme sociale, elles s'en éloignent volontairement au point de créer
des règles spéciales dans le fonctionnement?
A la vérité, il y a ici trop peu de sociétés qui vivent à l'image de
leur pacte de naissance, au demeurant consentant au divorce avec
la forme sociale du droit français
encore applicable
à bien des
égards.
Des
dispositions
législatives
nationales
relativement
nombreuses sont intervenues
depuis quelques années. Elles ont
institué diverses transformations mais celles-ci,
tout en portant
sur des points précis comme ceux qui ont été évoqués en préalable
à toute constitution de société, n'ont guère fait la distinction selon
le type de société. Elles sont des formules générales s'adressant
aux
sociétés
commerciales
in
globo,
citant
indifféremment
fondateurs,
premiers
membres de gestion
ou d'administration,
évoquant une fois pour toutes, les assemblées d'actionnaires ou
celles des conseils d'ad ministration.
Plus vrai est que, hormis le montant du capital social ou le nombre
des associés, il semble qu'au Gabon, il y a évolution non pas ve rs
une forme unique de société, mais en direction
d'un "régime de
communauté" des sociétés
commerciales.
L'irrésistible
attrait
exercé par la société
anonyme dans la constitution
du capital
social va se retrouver dans les grandes options de direction
et
d'administration des entreprises et s'achèvera dans les règles de
transformation des sociétés. C'est l'esprit des sociétés anonymes
de 1867 qui
dominera
les
règles
de
publicité
lors
de
1a
constitution,
les règles
de distribution
des pouvoirs
entre les
organes de gestion et d'administration, les règles de délibération,
de contrôle et de surveillance des sociétés privées, des sociétés
d'économie mixte ou des sociétés d'Etat.

298
Dans les autres domaines, l'influence de la société anonyme est
présente, mais elle est défaite. Elle devient parfois caricature et
mérite de s'y arrêter ne fût-ce que devant la conception locale de
l'affectio
societatis.
En
attendant
nous
développerons
successivement,
la
personnalité
juridique
des
sociétés
commerciales (ch. 1) et l'administration des sociétés commerciales
(ch. Il)
Chapitre 1 - La personnalité
juridique
et la mise
en place
du patrimoine
économique des sociétés
commerciales
Dans
l'ordre
interne,
l'octroi
et
la
reconnaissance
de
1a
personnalité morale ont été admis comme des éléments naturels du
suivi imposé par le droit transitoire. En 1962 déjà, la loi nationale
gabonaise 410 reconduisait
la
distinction
des associations
non
déclarées (art. 3), des associations déclarées (article
8 et s.) et
des associations reconnues d'utilité publique (article 15 et s.) sans
oublier dans un chapitre séparé les associations étrangères (art. 21
et s.). Pour l'ensemble, la déclaration
des associations
est 1a
condition impérative qui leur confère la personnalité et qui, aux
termes
de l'article
3,
leur
permet
la jouissance
des droits
juridiques.
Les sociétés commerciales ne sont pas restées en recul puisque 1e s
acquis de la loi applicable jadis au Gabon et de la jurisprudence
française ont maintenu la reconnaissance de la personnalité morale
des sociétés. Mieux, les dispositions territoriales
écrites, venues
spécifier l'apport réglementaire gabonais ont repris l'article
5 de
la loi
française
de 1966 dans le
rapport
immatriculation
au
registre du commerce et jouissance de la personnalité morale. Mais
elles
n'ont
pas
éprouvé
la
nécessité
d'affirmer
auparavant
l'existence de cette personnalité de telle sorte qu'il est fondé de
penser, qu'à la différence du droit français qui a élaboré son article
5 de la loi de 1966 sur une théorie de la personnalité morale bien
assise, le droit gabonais se fait un acquis de la reconnaissance
générale de la personnalité
abstraite,
qu'il considère désormais
comme une évidence sinon une présomption.
C'est du reste pour
cette raison que cette acquisition à défaut de texte spécial, s'étend
à toutes les structures socia les.
41OLoi n" 35/62 du 10/12/1962. Déjà PILLET A. (Des personnes morales en DIP
th. Paris 1914) soutenait qu'il n'y a que le législateur du pays de constitution
qui soit habilité à lui octroyer la personnalité morale.

299
Si l'exclusion
traditionnelle
en droit français
de la société
en
participation n'a pas été reproduite en droit gabonais, la différence
entre les deux types de législation pourtant d'inspiration commune,
s'accentue dans la mesure où la personnalité morale juridique,
est
reconnue
à toute
forme
d'activité
y compris
celles
qui
sont
entreprises dans un cadre de simple
décentralisation
comme 1es
succursales et agences. Or en droit d'emprunt, la jurisprudence 411
estime qu'à l'inverse de la filiale,
la succursale est dépourvue de
personnalité juridique. C'est une raison de reproduire les conditions
d'existence de la personnalité juridique et, de présenter toujours
dans un souci
particulariste,
quelques
modifications
de cette
personnalité.
S'agissant du capital social et si l'agrément est l'acte qui permet
de concevoir la société,
celle-ci
ne peut naître
et vivre
d'une
existence
juridique
qu'autant
qu'elle
rassemble
ses
éléments
constitutifs
du moins les plus importants. Sur ce point, l'effort
législatif gabonais n'a pas apporté de changement à la définition de
l'article 1832 du code civil français. La société demeure le contrat
par lequel
deux ou plusieurs
personnes
conviennent de mettre
quelque chose en commun dans le but de partager le bénéfice qu i
pourra en résulter 412. la mise en commun d'apports et la partici-
pation aux bénéfices et aux pertes restent bien des éléments du
contrat de société, mais sur le plan des faits,
la société est 1a
réunion de plusieurs individus autour d'un ensemble d'apports qu'ils
destinent à une exploitation souhaitée. Les sociétés sont ici
des
institutions
pratiques
considérant
le
capital
social
comme
l'élément central de l'organisation. Il peut être entamé la société
n'ayant jamais existé et la société peut s'être révélée en passif
notamment alors même que le capital n'est pas libéré à la fonction
du minimum. C'est également
dans
le
sort
du capital
social
qu'apparaît trop souvent malheureusement, la confusion entre 1e
chiffre d'affaires et le bénéfice.
Mais ce qui particularise
le système
gabonais,
au demeurant
soumis aux grandes lignes traditionnelles de la variété des apports
411Cass. Civ. 20.02.1969. JCP. 1969.11. 19147.
412Le contrat de société exige trois éléments constitutifs: la mise en commun
d'apports, la participation de tous les associés aux bénéfices et pertes,
l'affectio societatis. Infra Jean NECTüUX, j ur. clas. Sociétés Traité Fasc. n° 6 ;
La nécessité des apports tient à l'art. 1833 c. civ. Lire également Pic notes sous
D. 1929. 1. 25.

300
et de leur
évaluation,
c'est
l'institution
légale
d'une cession
gratuite
à l'Etat de 10 % du capital
social.
Ceci en effet,
en
s'ajoutant à l'interventionnisme classique des pouvoirs publics, ne
limite plus l'Etat dans le rôle de gendarme de l'économie nationale.
L'Etat peut désormais descendre dans l'arène des affaires. Une fois
dans l'entreprise, l'Etat se comporte parfois comme une personne
humaine et souvent plus qu'un simple
associé puisqu'il
délibère,
décide et exécute.
Section 1 - A propos de la personnalité
morale
Pendant longtemps, tout ce qui a oeuvré pour mettre en place un
être immatériel
à côté d'un ensemble de personnes physiques a
trouvé son fondement dans la seule création
du droit théorique.
Depuis, la jurisprudence s'y est intéressée. Tant sur le plan interne
qu'aux regards du droit international,
la plupart des systèmes de
droit reconnaissent aux sociétés la personnalité morale, mais une
personnalité conçue des sociétés régulièrement constituées. Pour
des considérations
fûsse nt-elles
pratiques,
un pays en voie de
construction
peut-il
étendre cette personnalité
à des sociétés
irrégulières.
Paragraphe 1 - La jouissa nce
de la personnalité
mo ra le
Le droit
gabonais nouveau ne dit pas à quel
moment naît
1a
personnalité morale. Comme il n'y a pas eu, en droit français de
texte législatif
pour fixer sur ce point, le législateur
gabonais
./
s'abstient d'intervenir dans cette réalité qui était considérée tel un
domaine de la fiction juridique, exclusivement créé par la doctrine
et consacré par la jurisprudence.
En nous tenant au seul droit
positif, nous dirons qu'au Gabon comme en France, la personnalité
morale
naît
à
partir
de
l'immatriculation.
Pourtant
cette
-~
affirmation
au demeurant
sans
difficulté
n'entraîne
pas
une
adhésion
totale.
La
raison
principale
est
que
la
période
préconstitutive ne saurait avoir la même importance au Gabon qu'en
France où, disons-le, la question passe comme résolue.

301
A - Les règles
d'existence
de la personnalité
morale
~
1) - Principe
d'existence
et question
de la reconnaissance
des personnalités
morales étrangères
En droit
gabonais,
il
n'y a pas une affirmation
expresse
qui
assortisse
les sociétés commerciales
de la personnalité
morale.
C'est la continuation implicite
du droit français applicable qui a
permis d'aboutir au droit de jouissance de cette personnalité. Selon
le texte de base 413 les sociétés commerciales
ne jouiront de 1a
personnalité morale qu'à dater de leur inscription
au registre
du
commerce. Il s'agit là de l'adoption par le droit gabonais, du de rn ie r
état du droit français fixé par l'a rticle
5 de la loi de 1966 sur 1e s
sociétés
commerciales.
Peut-être
faut-il
rappeler
au besoin
sommairement, les fragments de cette conquête.
a)
Une
réalité
théorique
avec
une
tradition
jurisprudentielle
L'existence de la personnalité morale a été dégagée d'abord grâce à
un important
effort
d'exégèse de certains
textes
et l'on
cite
souvent l'article 529 c. civ., l'article 44-40 du code de commerce
abrogé ou encore l'article 69 du code de procédure civile, le tout en
droit français. Le premier texte demeure en vigueur. Le second qui a
sa réplique dans la nouvelle loi des sociétés 414 a été reproduit au
Gabon 415 pour rappeler que les sociétés au siège social situé sur 1e
territoire
gabonais 416 sont soumises
à la
loi
gabonaise.
Le
troisième se retrouve pour l'essentiel
repris par l'article
401 -1 0
du code de procédure civile et commerciale gabonais qui prévoit 1a
compétence du tribunal entre autre, du domicile du défendeur en
matière commerciale.
La personnalité juridique est déduite, du fait de trouver chaque fois
à côté de la
société
commerciale
une référence
au droit
de
propriété d'actions, d'intérêts, de biens meubles ou immeubles, une
allusion
au siège social
ou plus généralement au domicile
du
défendeur commerçant. Jusque là ces prérogatives et droits ont été
413A.rtic\\e 2-1 0 de la loi n" 10/73 du 20/12/1973.
414Art. 3-2 0
du D. n"
67/236 du 23/03/1967 le tribunal
territorialement
compétent est celui dans le ressort duquel est situé le siège social de la société.
41SAn. 1- de la loi n" 10/73.
416L'An. 1-1 ° de la loi de 1973 fait obligation à toute société opérant au Gabon
d'y avoir son siège social.

302
reconnus comme attributs des seules personnes physiques. Etendre
leur bénéfice aux êtres immatériels aboutit bien à leur conférer 1a
personnalité
juridique.
Dans les indications
élémentaires,
sont
appelés
"personne",
les
êtres
capables
d'avoir
des droits
et
obligations. Ils sont de deux genres: les uns réels (êtres vivants),
les
autres
fictifs,
moraux
(les
regroupements
de personnes
vivantes ou les ensembles de ces regroupements). Mais, faisait déjà
observer
Planiol
417,
en dépit de l'identité
des attributs
des
personnes physiques et des personnes morales,
le parallélisme
n'est pas absolu.
Prenant pour référence de départ le droit commun, il
suffit
de
consulter le mémento Dalloz de droit civil sur la personne juridique
pour se rappeler qu'il s'agit de tout être susceptible d'avoir des
droits et d'être tenu à des obligations.
S'il y a des personnes
physiques et des personnes morales,
ces dernières
notamment,
passent pour être un groupement de personnes physiques, considéré
comme un seul sujet de droits, doté de tous les traits typiques de
la personnalité, c'est-à-dire, le nom, le domicile, le patrimoine et
l'état. Or, dans l'ordre interne du droit gabonais, les personnes
physiques sont titulaires
de droits patrimoniaux. La pratique de
l'assimilation
aboutit facilement à établir le rapport pour ce qui
est du patrimoine mais elle ouvre seulement la possibilité pour ce
qui est en dehors du patrimoine. C'est bien pourquoi s'agissant des
personnes morales, elles se retrouvent comme en droit français non
plus avec les mêmes termes (nom, domicile, nationalité), mais des
équivalents (raison sociale, siège social, allégeance).
C'est aussi une existence consacrée par la jurisprudence.
Disons
que la cour de cassation
a toujours
reconnu implicitement,
1a
personnalité des sociétés commerciales. Peu importe le fondement
de son raisonnement qu'il s'agisse de réalité ou de fiction 418 des
personnes morales. Ce qui est devenu le principe repris
en droit
local, affirme 419 que la personnalité civile
n'est pas une création
de la loi mais appartient en principe à tout groupement pourvu d'une
possibilité
d'expression
collective
pour
la
défense
d'intérêts
licites, dignes par suite d'être juridiquement reconnus et protégés.
C'est bien ce qui est enseigné dans les écoles de droit du Gabon.
417Traité el. de droit civil de Planiol, Ripert et Boulanger T.I. 1950,174.
418Cass. 25/07/1933 S. 1935.1.41 "la société a la personnalité morale en vertu
d'une fiction du droit privé... "
419Cass. Civ. 2° sect. 28/0l/1954j.C.P. 1954.11.7978; D. 1954,217.

303
b) - La question
de la
reconnaissance
de la
personnalité
morale étrangère
La reconnaissance internationale paraît la plus aisee à évoquer tant
que pour l'essentiel, elle tient, écrivent MM. LOUSSOUARN et BREDIN 420
outre les accords bilatéraux, à trois conventions dont celle de 1a
HAYE du 1 Juin
1956 sur
la reconnaissance
de la personnalité
juridique
des sociétés,
associations
et fondations.
Quoiqu'il
en
soit, des conditions de forme et de fond sont posées même si 1a
reconnaissance allait intervenir de piano.
Au Gabon, la situation semble sensiblement moins formaliste.
En
effet partout, il est fait état de l'existence et de la jouissance de
la personnalité
morale. Et si l'on parle
de la personne morale
étrangère, ce devait être plus en comparaison des nationalités.
Mais ici, cela relève moins de la nationalité de la société que de
l'allusion
faite
à ceux qui la contrôlent.
Même le juge
ne se
préoccupe
pas des questions
de reconnaissance
ou non de 1a
personnalité juridique étrangère au Gabon, sujet qui constitue en
procédure un obstacle à la recevabilité
des actions
en Justice
introduite par les sociétés. L'article 133 CPC 421 constitue fin de
non-recevoir,
tout moyen qui tend à faire
déclarer
l'adversaire
irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut du droit
d'agir tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription,
l'expiration d'un délai préfixe, la chose jugée.
L'on s'étonne à juste raison de s'entendre dire que les tribunaux n'en
font presque pas cas. Si les juges d'instruction exigent parfois 1a
caution
à fournir
par les
étrangers
pour
recouvrer
la
liberté
provisoire,
le
juge
du
fond
quel
qu'il
soit,
n'y
pense
qu'accidentellement 422. Pourtant elle
affirme
une exception de
procédure prévue aux articles
109 à 1 12 CPC ; son intérêt
en
matière d'action téméraire est confirmé par le nombre de plaideurs
qui se cachent à l'étranger contre des nationaux, par mandataires
de justice interposés, sachant que toute condamnation contre ces
gabonais pourra être exécutée, alors
que leurs
propres pays ne
livrent pas leurs
nationaux en pâture à la justice des Etats tiers.
420Tr. prée. n" 288.
421Le code de procédure civile, après l'arrêté du 11.05.1914 j. OAEF. 1914, 187
règlant la procédure en matière civile et commerciale, plusieurs fois modifié,
est l'ordonnance n° 1177 du 2 Février 1977.
422Ch. Jud. 23.06.1980 SEEOG/SEECI c/BUGADEP.

304
Peut-être
faut-il
aller
chercher
ce désintéressement
dans 1a
mauvaise rédaction de l'article
4 CPC "... est irrecevable
toute
prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit
d'agir...". Ce texte repris
alternative
par alternative dit : "... est
irrecevable toute prétention émise par une personne dépourvue du
droit d'agir ; est irrecevable
toute prétention émise contre une
personne dépourvue du droit d'agir...".
Dans la première affirmation
de l'article
4 CPc, il était encore
possible de penser que la fin
de non-recevoir était susceptible
d'être soulevée pour stopper l'action d'une société reprochée de
n'avoir pas le droit d'agir. Mais en relisant
le deuxième volet du
même texte, il apparaît à l'hilarité
générale, qu'il est "interdit"
d'opposer l'irrecevabilité à celui qui n'a pas la qualité pour agir.
Mais
au-delà
de
cette
annihilation
parmi
tant
d'autres
imperfections dans la rédaction de ce code 423, il Y a toujours 1e
raisonnement imposé par l'article
25 du code civil
gabonais qui,
sous le prétexte de l'harmonie universelle,
a établi un traitement
d'égalité philosophant peut-être
de faire tomber la distinction
gabonais et non gabonais.
L'existence de la personnalité morale peut être consacrée, mais 1a
reconnaissance
de celle-ci
s'impose
dès lors
que nous avons
proposé que l'avatar de l'égalité de l'article 25 c. civ., fût remplacé
par la réciprocité. Ainsi ne saurait être de droit, la reconnaissance
au Gabon de la personnalité
morale des sociétés étrangères.
11
suffit
pour
cela
de
s'inspirer
des
règles
et
préceptes
internationaux pour proposer ce qui est souhaitable. En ce sens, l'on
distingue entre les tenants de la fiction et ceux de la réalité.
Si le personnalité morale est considérée comme une fiction 424, 1a
reconnaissance ne se fait pas droit, elle doit résulter d'un acte de
concession de l'autorité
publique. Si par contre la personnalité
morale est acceptée comme une réalité 425, elle découle de la loi
423Dit "code-couturier", du nom d'un magistrat français resté près de trente
ans, président de section dans l'ancienne Chambre Judiciaire, juge d'appel et
de cassation et qui l'aurait rédigé avec un autre étranger. Ure LEPOINTE Eric,
de l'histoire du droit au droit comparé l'exemple du droit commercial
applicable au Gabon Penant 1991 n" 806 p. 229 note 27.
424NIBOYET, Traité T. 2 n" 791
425RIGAUD n° 6 les personnes morales; Suzanne BASDEVANT n° 48, la
condition des étrangers, in Rep. Droit International "NIBOYET" 1930.

305
applicable.
En
fait
la
discussion
porte
sur
les
effets
extraterritoriaux
de cette reconnaissance ou non. Si une société
~
n'est pas reconnue en France, cela l'empêche-t-elle
d'avoir
des
1
activités en dehors de la France, donc d'être reconnue à l'étranger.
Mieux,
nous avons noté
que
le
droit
gabonais
reconnaissait
l'existence
de
l'être
moral
avec
jouissance
de
droits
et
prérogatives. Il suit que la formule interne gabonaise est celle de
la réalité, donc la reconnaissance, tout au moins, probable. Et si
l'on s'en tient
à l'application
terre
à terre
du principe
de 1a
réciprocité, il est certain, qu'il faut alors se poser la question de
NIBOYET 426 de savoir si au pays de rattachement politique de cette
société, les sociétés gabonaises jouissent du même droit. C'est 1a
réciprocité
la plus
naturelle
pour
un pays en développement
confronté aux questions socio-économiques sans cesse évoquées. Si
en plus l'on nous fait
le reproche
de freiner
l'investissement
étranger, nous rappellerons
que l'établissement des étrangers ne
saurait être accepté coûte que coûte et l'Etat a la possibilité, après
avoir eu le devoir d'examiner l'importance des intérêts nationaux
que la société étrangère peut apporter au Gabon, de lui octroyer 1a
personnalité
morale par concession
réglementaire.
Elle ne peut
donc être
automatique
du moins
autant
que nos institutions
économiques demeureront fragiles.
2°) - Modalités
d'acquisition
de la personnalité
juridique
La loi de 1973 précise d'une manière impérative que les sociétés
commerciales ne jouiront de la personnalité juridique qu'à dater de
leur immatriculation au registre du commerce. Un peu plus loin, 1e
volumineux article 3 insiste
pour dire que, la recevabilité
de 1a
demande d'inscription
au registre du commerce, est fonction du
dépôt au greffe d'une déclaration des opérations effectuées ainsi
que l'affirmation
de la
constitution
conforme
de la
société.
Autrement dit, il s'agit de sortir du cadre administratif
restreint
et isolé,
pour donner aux tractations
de l'agrément une forme
publique. C'est le passage de la société de l'état de fait à l'état de
droit grâce à la réalisation des formalités de publicité.
426La reciprocité droit pour droit Rec. Academie de la HAYE prée.

306
a) - La publicité
proprement dite
Aucun texte nouveau ne la réglemente. Il faut, soutient-on,
s'en
remettre aux dispositions anciennes prévues par l'article
55 de 1a
loi du 24/07/1867 et qui imposent deux séries de mesures : La
première série consiste en un dépôt au greffe de l'acte constitutif.
Ce document produit par les fondateurs de la société se présente
sous la forme
de deux originaux
sous seing privé
ou de deux
expéditions notariées. Suivent alors, les deux expéditions de l'acte
notarié
constatant la souscription
du capital
social,
les
deux
exemplaires certifiés conformes de la liste des souscripteurs, deux
copies
certifiées
conformes
des délibérations
de l'assemblée
générale constitutive. Quiconque peut demander communication de
ces documents au greffe (art. 63-1 0 et 2 0 loi 1867).
La deuxième série concerne la publication par les fondateurs d'un
extrait de l'acte constitutif au journal local désigné pour recevoir
les annonces légales dans un délai d'un mois (article
56 loi de
1867). A cet effet, l'article
63 insiste pour qu'apparaisse le plus
possible de mentions à mesure de renseigner
le public
sur 1a
société,
ses animateurs
et
leurs
pouvoirs.
Certaines
de ces
inscriptions
notamment celles relatives
à la société, ses forme,
raison, siège et capital
doivent figurer
en tête des documents
sociaux 427.
Le maintien de cette publication de la loi de 1867 a sans doute
beaucoup de mérite dont celui de l'unicité du droit applicable. Mais
à se rappeler
que cette
publicité
est réservée
à la
société
définitivement constituée, il faut s'interroger sur son efficacité
dans la pratique actuelle. Les actes dont le dépôt au greffe est
prescrit par la loi n'ont-ils déjà été plus d'une fois soumis à 1a
censure de l'autorité publique ? La plupart de ces documents, ne
sont-ils ceux qui ont abouti à l'octroi de l'agrément ? Pour ne pas
dire qu'il s'agit encore d'une tracasserie administrative, redoutons
une sorte
de continuel
recommencement
qui divorce
avec 1a
célérité des affaires. D'un autre côté, nous savons que les sociétés
427 Article 21 Loi 7/72 du 5.06.1972. La loi aurait pu ajouter que pour agir en
justice la société devait se présenter sous cette même publicité
à peine
d'irrecevabilité.
Les nombreux
moyens
de droit opposés aux
plaideurs
indéterminés suffisamment
ne retiennent
guère
l'attention des juges de
première instance qui du reste se passent souvent de vérifier la recevabilité.

307
commerciales se subdivisent en sociétés qui ont des statuts et
celles qui n'en ont pas. Quels documents ces dernières vont-elles
déposer au greffe ou faire passer en annonces légales ?
Quant à la constitution définitive, nous l'avons déjà relevé, elle est
difficile
à concevoir. Il suffit
de penser aux problèmes de 1a
participation
de l'Etat ou à celui
de l'existence
de facto de 1a
société avant de le devenir de jure. Dans un cas comme dans l'autre
la société a déjà existé et s'est révélée aux tiers en harmonie avec
la pratique locale des sociétés. Le passage au greffe du tribunal de
commerce, ne devient-il pas une formalité d'enregistrement qui va
succéder à la première déjà effectuée auprès de l'administration
des impôts?
b) - L'immatriculation
au registre
du commerce.
Toute personne physique ou morale, étrangère ou non, exerçant une
activité
commerciale
au Gabon doit
s'inscrire
au registre
du
commerce. C'est la règle posée par l'article 19 de la loi de 1972 qui
vise (art.l 9 - 2° - 3° - 4°) les agences, les succursales
428,
les
établissements publics à caractère industriel ou commercial ayant
l'autonomie
financière
et la personnalité
civile,
ainsi
que 1e s
représentations commerciales des Etats étrangers.
S'agissant de la procédure d'immatriculation, elle est réglementée
par la loi
de 1972. Ainsi,
celui
qui est tenu de requérir
une
immatriculation complémentaire ou rectificative,
une radiation au
registre du commerce dispose d'un délai
(art. 22, 2°)
de quinze
jours à compter du moment où définitivement il a été enjoint à 1e
faire. Diverses sanctions sont prévues à cet effet par l'article 22-
2°, 3° et 4°. Quant aux pièces à produire à l'appui de la demande
d'immatriculation,
l'article
23 renvoie
leur détermination
à un
décret pris en conseil des ministres.
En l'état, pour être recevable 429, la demande d'immatriculation doit
être accompagnée d'une déclaration
dans laquelle
les fondateurs,
428En droit français l'existence de la succursale doit se traduire par une
publicité au R.e. mais l'obligation d'immatriculation est écartée au profit des
implantations secondaires. M. CABRIUAC, Sociétés Traité prée. n" 63 ; en
revanche la filiale est une véritable société, distincte de la société-mère,
douée de la personnalité morale. HAMEL et LAGARDE, op. cit. T. 1. 772.
429Article 3 Loi 10/73 du 20.12.73

308
les premiers membres des organes de gestion, d'administration, de
direction
et
de
surveilla nce,
relatent
toutes
les
opérations
effectuées en vue de la constitution de la société. Par le même
acte, ils
affirment
la conformité
de la société
constituée.
En
pratique,
le greffier
chargé
de recevoir
l'immatriculation
va
vérifier si ce n'est tout simplement regarder l'accomplissement de
toutes les formalités
grâce à la production d'un spécimen de 1a
fiche
circuit
des sociétés
ou des
personnes
individuelles.
11
constate alors que les fondateurs, entendus largement, ont été au
bureau d'immatriculation pour obtenir un numéro statistique ; qu'ils
sont ensuite passés au service central des impôts, au bureau des
sociétés avant de s'arrêter au greffe "du tribunal de commerce.
Le registre du commerce à proprement parler est composé (art. 20
loi 5/72) d'un registre central et de registrés locaux. Les registrés
dits "locaux" existent dans chaque greffe de juridiction consulaire,
le registre central est tenu à Libreville, au ministère du commerce.
Il a la prétention de contenir pour l'ensemble du territoire,
1a
totalité
des renseignements
sur
les
sociétés.
Le registre
du
commerce, n'est toutefois pas une création de 1972. Il a existé au
Gabon où fut notée l'immatriculation
du premier particulier,
le 6
Août 1929 et la première société, le 24 Septembre 1929.
Dans
ce
registre

1,
les
sujets
de
l'inscription
ne
se
reconnaissent
qu'à leur
numéro d'ordre. Quand arrive
l'idée
de
distinguer les personnes morales (B) des personnes physiques (A),
la reprise du registre n° 1 a permis de dénombrer 94 A et 142 B
alors que le registre
n° 2 paraphé le 14 Avril
1949 pour servir
jusqu'au 1el' Août 1960 a compté du n° 143 B au n° 343 B. Les
autres registrés qui suivent ont permis de lire
une variété d'ef-
fectifs
d'immatriculation
430,
confirmant
les
affirmations
antérieures
selon
lesquelles
le Gabon jadis
négligé,
a connu
soudainement un mouvement préoccupant de l'établissement
des
étrangers.
430Régistre n03 entre le 10.08.1960 et le 10.04.1970: n" 344 B à 640 B ;
Régistre n" 4 du 10.04.1970 au 04.06.1972 : n" 641 B à 740;
Régistre n° 5 du 20.06.1972 au 25.01.1975: n" 741 B à 839 ;
Régistre n" 6 du 25.01.1975 au 25.06.1976: n° 840 à 939 ;
Régistre n° 7 du 06.07.1976 au 09.08.1977: n" 941 à 1039 (le n" 940 n'a pas
été retrouvé) ;
Régistre n" 8 du] 1.08.1977 au 22JJ7.1978: n" 1042 à] 141 ;
Régistre N° 9 du 24.07.1978 au 01.12.1978: n° 1142 à 1168

309
Toujours
sur le plan des statistiques,
il
est vérifié
que du 5
Novembre 1977 au 16 octobre 1978 les personnes physiques sont
passées du n° 959 au n° 1058. Parmi elles, il y a eu 10 gabonais (9
hommes et 1 femme) contre 85 étrangers répartis en 69 hommes
(24 français,
12 libanais,
9 sénégalais,
7 béninois etc ...) et 16
femmes dont 9 françaises.
Du 16 octobre 1978 au 22 Novembre
1978 un seul gabonais de sexe masculin a été enregistré contre 10
étrangers dont 5 français.
B -
Appréciation
du
rapport
immatriculation
et
naissance
de la personne morale
Théoriquement, la société une fois constituée, donne naissance à
une personnalité juridique. Cette règle est implicitement consacrée
par le droit gabonais or, nous n'avons cessé de dénoncer le hiatus
qui naît de la pratique
locale
et qui aboutit à un manque de
coïncidence entre la naissance de la personnalité morale et sa mise
en éveil. Sinon, quand faut-il
dire qu'une société est constituée ?
La nouvelle loi n'en précise
rien. Il faut peut-être
rappeler 1e s
grandes lignes de l'ancien droit,
notamment celui
des sociétés
anonymes. Mais comme il y a toujours ce décalage entre le texte et
sa mise en oeuvre, essayons de faire
apparaître la réflexion
que
nous inspire l'absence d'équilibre dans l'application de la loi entre
l'immatriculation et la naissance de la personne morale.
1°)
-
Imma tric ula tion
et
constitution
définitive
de
1a
société
a) - Rappel des actes de constitution
Selon l'ancien système pourtant encore applicable, la constitution
des
sociétés
résulte
de
la
satisfaction
de
formalités
complémentaires nombreuses : une rédaction notariée ou sous seing
privé des statuts 431 - un dépôt des statuts au greffe du tribunal -
une souscription intégrale du capital - une libération partielle du
capital - une consignation des fonds souscrits
- une déclaration
notariée de souscription - une délibération
de l'assemblée générale
431Anicle 55 loi 1867 sur la publication des actes de sociétés; art. 1er loi 1867
sur les S.c.A. "un projet de statut sur papier libre" ; art. 4 - 10 loi 1925" les
S.A.R.L sont constatées soit par acte devant notaire, soit par acte sous seing
privé; l'article 6-6 0 loi de 1972 et les articles 3-ZO, 4-1 0 de la loi gabonaise de
1973 parlent des statuts sans autre précision.

310
constitutive. Une fois que tous ces actes sont accomplis, la société
est définitivement constituée, autrement dit, elle peut démarrer
parce
qu'elle
vit,
pourvue
complètement
de
possibilités
d'expression collective.
Dans la pratique locale,
c'est d'abord vrai
que les différentes
opérations précitées ne sont pas énumérées par un texte interne
même si l'article 3 de la loi 10/73 insiste sur leur inventaire. La
seule pièce qui puisse
nous guider est donc la fiche
circuit,
laquelle prouve que le fondateur s'est présenté devant telle et te Ile
administrations. Mais quels documents y a-t-il
fournis ?
C'est souvent l'inconnue.
Aussi
le
fondateur
est-il
obligé
de
reproduire
une quantité considérable
du dossier
qui a servi
à
l'obtention de l'agrément d'exercer la profession commerciale ou
industrielle.
Il y a aussitôt, dans l'ordre des préoccupations, 1a
production
des documents
car
jusque
là,
les
considérations
principalement pratiques du système gabonais portent d'abord sur
la fiabilité
de la demande d'agrément. Il ne s'agit même pas de
vérifier la compatibilité professionnelle. Il suffit de prendre acte
que le postulant a les moyens matériels et financiers pour réaliser
l'opération envisagée dans sa demande. C'est une appréciation in
concreto se contentant de la réunion des éléments économiques
nécessaires.
Sur un plan parallèle,
toujours
pratique, c'est sûr que déjà 1e
capital social connaît des affectations par la possibilité de cession
des parts de société et la rémunération du directeur général nommé
par décret ainsi que son équipe. La société a donc commencé à
fonctionner. Cette situation
qui semble exceptionnelle
selon 1e
droit d'emprunt, devient la règle en droit gabonais. Elle constitue
du coup une particularité
du droit
des sociétés
car,
c'est
volontairement
bien plus
tard,
sinon jamais
que se font
les
formalités
de publicité
qu'il
s'agisse
du dépôt au greffe,
de
l'immatriculation au registre du commerce ou de la publication au
journal des annonces.

311
b)- Le danger de la double personnalité
juridique
De cette série de formalités,
suit une situation double que nous
avons prétendue
d'abord
de
fait
ensuite de droit avec ceci de
spécial
c'est qu'elles sont toutes 1e s deux régulières.
L'existence
répétée de la société
ne risque-t-elle
d'affirmer
deux fois
1a
personnalité morale dont l'une se trouverait avant et l'autre après
l'immatriculation.
La situation normale, celle de droit veut que la personnalité morale
naisse à un moment précis, ce qui a conduit à proposer la date de
l'immatriculation
au registre
du commerce. Comme pour laisser
libre cours à la spéculation intellectuelle sur la naissance de l'être
moral, la loi nouvelle gabonaise s'est contentée d'en déterminer 1e
point de départ de la jouissance.
Or, dans le système d'où cette
règle a été tirée, se reconnaît bien la période préconstitutive
de
celle de la société en fonctionnement. En droit gabonais pourtant,
toutes les opérations qui sont entreprises dans le premier groupe,
le sont en vue de la constitution de la société. Aussi la loi prévoit-
elle des sanctions diverses contres les fautes commises en période
préconstitutive
spécialement
les
fausses
déclarations
de
souscription et de libération des actions, les fraudes au cours des
apports en nature ou les erreurs
sur l'identité des partenaires
sociaux.
Dans la situation de fait, le bouleversement intervenu lors de 1a
satisfaction des formalités de constitution aboutit à la confusion
de ces deux stades devenus déterminants pour fixer la personnalité
morale.
En
effet,
constitution
et
fonctionnement
y semblent
identiques dès lors que la société a ses attributs, ses organes de
direction (aussitôt nommés, aussitôt rémunérés), de délibération
et même de surveillance
(les
commissaires
aux apports
dont
l'intervention a déjà été enregistrée).
La formalité d'inscription au
registre du commerce n'est désormais que simple
enregistrement
dès l'instant où tout à été fait par le service de l'agrément. La
multiplicité
d'opérations entreprises
dont certaines
relèvent du
fonctionnement d'une société, autorise l'application des sanctions
prévues à un stade qui dépasse celui de la préconstitution.
Si la loi confère la jouissance de la personnalité morale à partir de
l'immatriculation, la pratique
locale des sociétés révèle que cette
personnalité
est
antérieure
à
l'immatriculation.
Une
te Ile

312
affirmation
nous
paraît
nécessitée
par
le
droit
pratique
des
sociétés
au
Gabon.
Elle
est
conforme
à
l'existence
de
1a
personnalité
édictée
par l'arrêt
de 1a Cour de Cassation
le
28
Janvier 1954. Elle rime
encore avec l'interprétation
de l'article
1843 du code civil
français
qui dit que la société commence au
moment même du contrat à moins de désigner une autre époque. Elle
exclut l'existence d'une personnalité
morale
provisoire
432
parce
que dans les deux cas les sociétés sont régulières.
Elle évite que
les actes accomplis s'analysent en gestion d'affaire ou stipulation
pour autrui 433. Elle permet également de surmonter l'obstacle créé
par l'existence
au même
moment de deux types
de sanctions
réprimant d'une part les fausses déclarations destinées à établir 1a
constitution définitive
de la société, d'autre part, les délits
de
cession
d'actions
ainsi
que
de
partage
de
dividendes
par
anticipation.
Maintenir
l'immatriculation
comme
date
de
la
personnalité
juridique,
aboutit
à
un
cumul
de
sanctions
au
demeurant
impensable. D'ailleurs la pratique des sociétés au Gabon lia montré
en situant toutes ces fautes punissables
avant l'immatriculation
laquelle
ne peut plus servir efficacement de point de référence
pour l'acquisition
des droits de la personne juridique.
En plus, 1e
contrat de société peut ne pas avoir date certaine car celle-ci
n'est
pas nécessaire en droit local pour donner le pouvoir d'exercer 1a
profession commerciale envisagée. De son côté le rôle du greffier
de l'immatriculation
semble
nul
quant
à
réaliser
une
aussi
importante création.
Si encore le greffier qui tient le registre
du commerce pouvait
retarder,
refuser
ou
remettre
en
cause
l'inscription,
l'immatriculation
serait une formalité constitutive véritablement
de droits. A la réalité,
l'agent ne fait
rien,
sinon comment une
objection du greffier peut-elle prospérer. Même s'il
se fonde sur
une incompatibilité
majeure,
son
action
serait
vaine
car
s'analysant en une appréciation par la "juridiction" consulaire des
actes réglementaires. Le greffier se contente donc de recevoir 1e s
déclarations
des
parties
qui
affirment
avoir
oeuvré
comme
l'administration du commerce et de l'industrie l'a voulu. Le registre
central
n'est-il
tenu
au
ministère
du
commerce
d'où
part
effectivement l'autorisation préalable d'exercer tel ou tel négoce?
432 Reg. 1893 D. 1893 1. 484-
433c.A. DIJON 24.04.1934 DI-! 1934 438.

313
\\1 nous semble constructif de proposer que l'agrément soit retenu
comme
le
point
de départ
des
effets
juridiques.
Une
te Ile
hypothèse
serait
une consécration
de
l'idée
selon
laquelle,
l'agrément n'est pas seulement
une autorisation
administrative
préalable que surpasserait une considération de droit. C'est plus un
trait particulier du droit gabonais qui, s'il n'imprime pas, présume
amplement de la commercialité de son bénéficiaire.
2°) - Personnalité
morale et obtention de l'agrément
Même si la loi de 1973 ne réserve à proprement parler qu'un seul
article
à la
personnalité
morale,
elle
en devient
le
texte
fondamental. Le législateur a dans ce cas, fa it l'effort d'y mettre 1e
plus possible
d'indications
sur l'existence
de l'être,
à travers
toutes les vicissitudes
de la vie
des sociétés.
Toutefois,
1e s
solutions de 1973 s'inspirent du droit français de 1966 alors que
les règles d'espèce, sont ici, encore largement tributaires
de 1a
société de 1867. N'y a-t-il
pas lieu de s'en préoccuper?
a) - La règle posée par la loi de 1 973
Elle est énoncée par l'article 2 qui contient en son sein deux sortes
de dispositions.
Celles-ci
se complètent
à priori
mais
1eurs
données laissent encore ouverte l'incertitude sur l'efficacité de 1a
règle. Les sociétés commerciales
ne jouiront
de la personnalité
morale qu'à dater de leur inscription
au registre du commerce. La
transformation régulière
d'une société n'entraîne pas la création
d'une personne morale nouvelle. " en est de même de sa prorogation
(art. 2 - 1°). Les personnes qui, au nom d'une société en formation
ont agi avant qu'elle ait acquis la jouissance
de la personnalité
morale sont tenues solidairement
et indéfiniment des actes ac-
complis
à moins que la société,
après avoir
été régulièrement
constituée et immatriculée ne reprenne les engagements souscrits
(art. 2 - 2°).
b) - Discussion
autour des dispositions
de l'article
2.
L'alinéa premier de ce texte ne suscite plus de discussion en tant
que donnée formelle
de l'acquisition
de la personne morale. EIl e
laisse cependant la possibilité d'une comparaison avec l'application
que nous offre la pratique. L'alinéa deuxième, s'empresse alors de
préciser que la responsabilité
des premiers
actes de la société

314
incombe soit à leurs
auteurs, soit à la société
elle
même. La
distinction se fait selon que la société au profit de laquelle
1e s
actes ont été accomplis, jouissait ou non de la personnalité civile.
Si l'acquisition
de la personne morale s'entend (art. 2-2°) de 1a
société
régulièrement
constituée
et
immatriculée,
l'immatriculation
devient la date de départ de l'être
moral
et
comme
telle,
elle
démarque
avec
toute
faculté
d'avoir
une
personnalité double. La conséquence immédiate
envisageable est
que tous les actes accomplis sont repris par la société puisqu'elle
jouit de la capacité juridique. Mais pourquoi la loi laisse-t-elle
à
l'entreprise constituée régulièrement, la latitude de supporter ou
non les engagements précédant son avènement formel
? La loi
aurait dû être exigeante ce qui correspond à l'attitude normale à
adopter en période préconstitutive. Le fait pour le texte de 1973 de
ne point poser de conditions, ni de distinguer au sein des impenses,
celles qui sont nécessaires de celles qui sont somptuaires, traduit
non pas un rejet, mais une rupture avec la théorie de la gestion
d'affaires.
Ce ne sont plus les actes accomplis par un commissionnaire ou un
représentant,
le donneur d'ordre n'existant pas. Mais écarter
1a
gestion
d'affaires
et
toute
forme
de
mandat,
justifie-t-il
l'exclusion
de la
théorie
de la
stipulation
pour
autrui?
Les
personnes chargées des opérations de constitution (stipulants) et
les associés
(promettants)
se sont pourtant
dépensés pour 1a
société (bénéficiaire). N'est-ce pas dans cet esprit qu'il est prévu
des sanctions individuelles contre les fondateurs et les personnes
assurant la constitution de la société ? Il en est de même avec
l'article
4 qui envisage
leur
responsabilité
civile,
tandis
que
l'article
12 punit lourdement
ceux (les
fondateurs,
présidents,
administrateurs, directeurs généraux ou gérants de toute société)
qui n'auront pas déposé au greffe une déclaration relatant toutes
les
opérations
de
constitution
effectuées
et
affirmant
1a
conformité de la société. Sont mêmes retenues les omissions, 1e s
irrégularités
commises à l'occasion de l'inscription
et de toute
modification
des statuts.
Il y a donc des dispositions
où sont
englobés
des
personnes
situées
en
amont
et
en
aval
de
l'immatriculation
ainsi
que des actes accomplis avant et après 1a

315
constitution.
En
mettant
ensemble,
ces
faits
d'avènement
disparate,
ne peut-on
penser
que la
loi
a voulu
atténuer
1e
cloisonnement autour de l'immatriculation ?
Il est encore possible
de retenir
l'immatriculation
comme date
certaine. Elle enlève toute difficulté quant à la compréhension d'un
texte qui a pu unir sans retirer
la possibilité
de distinguer
1e s
actes et les personnes. Elle procède de l'affirmation selon laquelle
la personne morale à l'imitation de la personne physique à une date
de
naissance
précise
pour
l'opposabilité
de
ses
actes.
Malheureusement cette position ne résout pas le sort des actes
préconstitutifs,
ni la qualité
de leur
bénéficiaire.
Acquérir
1a
personnalité juridique c'est vivre en droit. Mais si vivre suppose
naître, ce qui donne date certaine, il reste que naître provient de
concevoir. Autrement dit, toute existence obéit à la règle "infans
conceptus pro nato habetur, quoties de commodis ejus agitur". Est-
il
encore
possible
d'éluder
cette
réalité
juridique
avant
l'immatriculation
? Dans la négative,
pourquoi
la loi
de 1973
ouvre-t-elle à la société bénéficiaire de tous les actes antérieurs,
une option d'obligation
alors
que les
sanctions
des règles
de
constitution et spécialement le régime des nullités ont évolué et
que la régularisation des fautes d'avant 1966 est devenue la règle?
Toujours en faveur de la personnalité avant l'immatriculation
,le
fait est que, la société est reconnue depuis sa gestation. Si elle
est réellement constituée, à plus forte raison si elle a fonctionné,
c'est qu'elle s'est dotée d'une personnalité
et ce d'autant plus
qu'aucune société n'en est exclue. La pratique des affaires a montré
que
la
société
pouvait
avoir
fonctionné
avant
d'avoir
été
définitivement constituée 434. C'est une particularité
provenant de
la portée effective de l'agrément qui permet à quiconque en est
détenteur, "d'ouvrir boutique".
L'analyse juridique
de l'immatriculation
au Gabon nous a déjà
permis de mettre en doute sa capacité à créer des droits nouveaux.
Le fait de situer la personne morale peut-il
faire
exception?
Une
réponse positive est incertaine en ce qui concerne le fond car l'
immatriculation
reste
un simple
acte d'enregistrement. A 1a
434La
société nationale AIR GABON a fonctionné
dès juin
1977 alors que
l'agrément de création est du 7.06.1977, que l'expédition
notariée
de la
déclaration de conformité est du 22.12.1977.

316
rigueur, elle peut valoir pour établir date certaine en raison
de
l'imprécision 435 dans le phénomène de la conception. Par contre une
réponse négative est concevable car dans un système où ce qui
importe
est de fonctionner,
il
n'est pas possible
de refuser
l'existence
de la
personnalité
juridique
dès
l'acquisition
de
l'agrément d'exercer l'activité commerciale de son choix.
Les juges ne paraissent pas s'élever contre cette interprétation. En
effet, le tribunal de grande instance de Libreville
436 a rendu une
décision quoique frappée d'appel, mais dans laquelle
il
recevait
l'action intentée par une société ivoirienne de publicité (SEECI) et sa
correspondante à Libreville
(SEEDG) dont l'existence juridique
était
contestée.
Cette
demande
visait
à obtenir
la
réparation
du
préjudice subi par elles du fait de BUGADEP une société gabonaise de
publicité. Pour ce faire, l'attendu principal 437 évoque deux faits : 1e
greffier du registre du commerce a attesté le 21 Janvier 1980 du
dépôt des statuts (SEEDG) et la requête d'instance (SEEDG SEECI) est
postérieure
au 21 Janvier
1980. Sans préjuger
sur la décision
finale
de cette affaire,
et contrairement
aux prescriptions
des
articles 3,22 et 23 de la loi 10/73, le dépôt des statuts qui n'est
qu'une forme de publicité en vue de la constitution de la société,
tend ici à se substituer à l'immatriculation
qui en est la phase
ultime. Par ailleurs,
si la demande est datée du 21 Mai 1980, i 1
reste que les faits prétendus dommageables accomplis au Gabon,
sont bien plus antérieurs puisque, la plainte avec constitution
de
partie civile des SEECI et SEEDG 438 est du 21 Novembre 1979. Pou r
quele Juge ait rendu une décision en sens inverse
decelle de la
Cour 439, il
est à penser qu'il a considéré
les sociétés
recevables
435les incertitudes sur le moment de leur disparition sont aussi grandes que
celles relatives à la détermination de l'instant de leur naissance.
Cf. C.
GAVALDA "la personnalité morale des sociétés en liquidation" in Dix ans de
conférences d'Agrégation 1961,253.
436TGI Libreville, le 31.03.1982 SEECI et SEEDG contre BUGADEP.
437"Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que SEEI:X; a introduit sa requête
contre BUGADEP le 21.05.1980 alors que par acte du 22.01.1980, le greffier en
chef du tribunal du commerce certifie avoir reçu le dépôt des statuts de la
société
demanderesse
; qu'il
est
établi
que
la
demande
querellée
est
postérieure à la création SEEDG ; que son existence juridique ne saurait donc
être sérieusement contestée" ;
4388Ie a abouti à un non-lieu
par ordonnance du Juge d'Instruction
du
30.06.1981.
439Chambre Judiciaire 23.06.1980 BUGADEP c/SEECI-SEEDG qui avait exigé le
versement d'une caution de 7.000.000 de francs par SEECI-SEEDG avant toute
action.

317
dès lors
qu'elles
se sont
révélées,
sans
se soucier
de le ur
immatriculation 440.
En définitive,
l'argument de texte se trouve certes
doté de 1a
puissance légale, mais il est seul et non inexpugnable. L'imitation
d'une règle étrangère ne saurait
prospérer que si elle vit dans
l'ambiance de sa création. Or les différences de rigueur dans 1a
conception et le suivi des actes sont telles que la pratique loca le
va bientôt
s'imposer
comme
un usage. Tant
que le
rôle
de
l'Administration
sera non pas préalable
ce qui est courant, ma is
fondamental, ce qui est rare, l'agrément restera le point fort de
l'exercice de l'activité professionnelle recherchée. C'est l'agrément
qui
octroiera
la
personnalité
juridique
laquelle
permettra
à
quiconque de se comporter publiquement comme titulaire
de tous
les attributs d'une société régulière ou d'un commerçant normal.
Paragraphe 2 - Les fluctuations
de la personnalité
morale
La première, nous le pensons, vient de l'existence quasi indubitable
d'une doublure
de la
personnalité
juridique
avant
et
après
l'immatriculation. C'est là une situation normale du droit gabonais.
Or ce droit envisage également la plupart des accidents sociaux
enregistrés
dans les
pays d'emprunt.
Quel sera
l'état
de 1a
personnalité morale à travers les nombreuses transformations des
sociétés
traduisant
soit
une simple
mutation
de la structure
sociale, soit une disparition tranquille ou violente ?
AI - L'expose théorique des mutations soc i ale s
Dans son article, "la notion d'être moral nouveau dans la conception
fiscale
de la transformation
des sociétés" 441, le professeur
c.
FREYRIA rappelle
qu'au siècle
dernier,
THALLER
concevait
que 1a
transformation d'une société constitue une opération chirurgicale à
tout coup fatale pour la vie de la société. Aussi, écrit-il un peu
plus loin 442 ,que l'opération de transformation ne présente d'intérêt
44OEncore faut-il rappeler qu'en matière de publicité, l'agrément est plus
complexe. Sont autorisés à pratiquer la prospection publicitaire, ceux qui
sont installés
régulièrement
au
Gabon
(article
1 décret
n"
54/PR
du
31.01.1977) et les sociétés y ayant leur siège social (art. 2 arrêté n" 000298/PR
du 4.03.1977).
44lIn "dix ans de conférence d'agrégation" offerte au Doyen HAMEL 1961, 300
et suiv.
442(- FREYRIA op. cit. P. 331 - 3 0.

318
véritable que dans la mesure oCJ elle ne s'identifie point avec une
dissolution. L'être moral peut donc varier dans le sens d'une simple
transformation ou suivant le processus d'une dissolution.
1°) - Les mutations
par transformation
Il
s'agit
d'opérations
souvent
complexes,
imposées
par
1e s
exigences
économiques
notamment
l'adoption
d'une
formule
d'exploitation nouvelle répondant aux préoccupations du moment. Si
la société ancienne peut en sortir grandie ou diminuée, il est à 1e
penser, à peu près certain que la personnalité morale déjà acquise
subsiste
comme par métamorphose.
Autant se demander alors
pourquoi la réglementation
de 1972 sur l'autorisation
préalable
territoriale,
prévoit un autre agrément pour toute extension ou
modification d'une structure sociale existante. Le vrai problème à
venir, c'est plutôt la maîtrise juridique
des situations
nouvelles
qui se créeront et seront considérées souvent comme "des fantômes
dont ont sent la présence, dont on voit la forme, sans pouvoir 1e s
saisir" 443. Comme il est vrai que le phénomène concentrationnel ou
déconcentrationnel des sociétés obéit moins au droit positif qu'aux
besoins économiques et financiers,
il arrive souvent de confondre
(succursales, comptoirs, bureaux, agences...) ou d'opposer (ententes,
cartels,
groupements
industriels,
économiques
et financiers ... )
alors même que toutes ces réalisations procèdent du fond juridique
de la scission ou de la fusion.
a) - Mutation par concentration
Une société peut éprouver le besoin d'étendre le domaine de son
emprise à une autre société jusque là distincte de la première,
ayant des participations
l'une auprès de l'autre, élargissant
ses
réseaux
d'un
Etat
à
un
autre
sous
la
forme
ou
non
de
multinationales. Pour y parvenir elle peut recourir à la réalisation
d'une concentration de capitaux, d'un accroissement des pouvoirs
d'action ou de contrôle. Selon les tractations engagées entre 1e s
différentes sociétés représentées par 1eurs organes de décision
assistés de tous conseils et experts, il sera dressé un protocole
d'accord 444 concernant une fusion soit par combinaison, soit par
absorption 445.
443J. Maurice VERDIER, Droit des sociétés et concentration économique, in
mélanges offertes au Doyen HAMEL 1961 p. 213 et suiv.
444Cette décision constituant un acte de disposition du patrimoine social, il
appartient aux organes statutaires habilités, notamment l'assemblée générale
extraordinaire de la ratifier pour la rendre exécutoire, autrement dit, pour

319
La fusion
par absorption est la plus courante. Elle s'interprète
par ce qu'une société existante (A) absorbe une ou plusieurs autres
sociétés (B) + (C) + (0) qui lui apportent leur actif. Il en sort une
société (A') plus importante compte tenu de ses capitaux nouveaux
et de ses pouvoirs sur les domaines jadis réservés aux sociétés (B,
C, 0). Dans la mesure où la société A' =( A + B + C + 0) est l'ancienne
société
(A)
après
concentration,
il
suit
que la
personnalité
juridique
(A) n'a jamais
disparu
446.
Elle subsiste
parce que 1a
mutation intervenue n'a affecté que la dimension de l'objet ou du
capital.
Tout au plus
pensera-t-on,
il
y a eu dissolution
de
certaines sociétés préexistantes (B,C,D). Dans ces conditions,
1a
fusion par absorption s'analyserait en une suite d'opérations tout à
fait ordinaires.
La fusion
par combinaison est la décision de deux sociétés (A)
et (B) de disparaître
pour créer une autre société
(C) grâce à
l'apport de leurs
actifs
respectifs.
11 s'agit là de la constitution
d'une société nouvelle,
dont la personnalité juridique
existe en
fonction
de la législation
en vigueur ou de la position
de 1a
jurisprudence.
Seules
les
personnes
juridiques
des
anciennes
sociétés (A) et (B) disparaissent, du fait de leur dissolution,
avec
cette précision
qu'elles
auront
survécu
447
jusqu'à
la
fin
des
opérations de liquidation. Mais est également concevable une fusion
par combinaison sans disparition
des composantes. La société (C)
peut parfaitement être la résultante de (A) + (B) à la suite d'une
concentration directoriale au sommet pour un meilleur contrôle des
activités de (A) et (B).
Que ce soit le système de l'absorption ou celui de la combinaison, i 1
n'est pas impensable,
par l'extrême, que ce sont les personnes
morales des entreprises absorbées ou combinées qui dispa ra isse nt
en tant que telles. Par contre, continuent d'exister les entreprises
dont elles étaient l'armature juridique. Tout au plus, ces personnes
réaliser les augmentations du capital ou les apports d'actifs.
445 12 fusion peut également se réaliser par participation recrproque des
sociétés en présence, lesquelles se détiennent mutuellement des titres. La
fusion se fera par confusion des droits si la société absorbante est créancière
de la société absorbée. Ble se règlera par la réduction à due concurrence du
capital de la société absorbante et l'annulation de la participation de la société
absorbée.
Le sort des personnes
juridiques
nouvelles
et anciennes
est
identique à celui des autres formes de fusion.
446Gaston LAGARDE, traité droit commercial (sociétés, GIE, EP) 2e vol. 2e éd.
Dalloz
1980 T.I. n° 427
447G.LAGARDE, idem; BASTIAN, la survie de la personnalité morale des
sociétés pour les besoins de la liquidation, j. soc. 1935. doctrine.

320
sont simplement
transférées,
les
membres
demeurent
comme
associés. Cette façon
de poser des solutions
facultatives
car
alternatives, laisse découvrir la difficulté dans laquelle se trouve
le droit des pays qui en ont, à plus forte raison ceux qui, comme 1e
Gabon essaient d'en disposer.
b) - Mutation par division
Le principal
procédé d'une telle
transformation
est la scission.
C'est le cas de la société qui apporte son actif non pas à une seule
société comme dans la fusion, mais elle le répartit entre deux ou
plusieurs autres sociétés déjà existantes. La fusion est un moyen
d'éliminer un concurrent du marché. Elle
permet à une société
moribonde d'échapper aux lourdes
impositions
d'une dissolution
suivie d'un partage de l'actif net. La scission favorise la séparation
juridique des branches d'activités distinctes jadis réunies au se i n
d'une même société.
A bien regarder, la scission est une variante de la fusion. Dans 1a
fusion, la société absorbée (A) apporte tout son capital à la société
absorbante (B). Dans la scission
c'est (A) qui sera découpée et
chaque fraction ira à (8) et (C) selon le schéma suivant :
a (département de chimie va à (8)
A
b (département de mécanique va à (C)
Du reste, les formalités juridiques sont les mêmes. Il s'ensuit que
la personnalité
de (A) a disparu
à la fin
des opérations de sa
liquidation
tandis que (8) et (C) conservent leurs
personnalités
morales, consolidées au niveau de leurs objet social,
capital
et
parfois, forme sociale. Autant retenir que le recours à la scission
dans l'existence d'une société est loin
de ressembler
à un acte
d'affaiblissement. Tout au contraire, c'est un moyen technique pour
réaliser
le
contrôle
économique
c'est-à-dire,
la
domination
juridique d'une ou plusieurs sociétés sur une ou plusieurs
autres
grâce aux moyens acceptés par le droit. La plupart des sociétés qui
naîtront de la structure désormais scindée seront unies entre elle s
par le poids du contrôle instauré au sommet de ce qui reste de
l'ancienne
société.
La scission
réalise
au mieux
le
contrôle
directorial
par la société dominante. Il en est de même du contrôle

321
financier. Les sociétés mettront en commun tout ce qu'elles ont et
qui va dans une même direction. Ainsi, elles contrôleront ensemble
leurs mises, allégeront considérablement leur gestion, réussiront
peut-être à mettre en place une holding ou société de gestion 448.
Or, cette société de gestion va imprimer la marche économique et
financière
des sociétés
nouvelles
dont elle
détiendra
une part
d'actions. Ce sont des situations différentes de celles créées par
les fusions qui elles,
réalisent
une concentration
dans le cadre
d'une seule et unique société, sans concept nouveau que le droit des
sociétés ne connaisse.
2°) - Les mutations
par dissolution
L'exposé
théorique
des
transformations
de
sociétés
essentiellement axées sur la société anonyme permet de rappeler
que la disparition légale d'une entreprise s'effectue en trois étapes:
la dissolution proprement dite, la liquidation et le partage. Si les
opérations
de liquidation
ou de partage
sont de loin
les
plus
importantes
et toujours
les
plus
onéreuses,
elles
présentent
également un intérêt
certain
quant
à
la
discussion
sur
1a
personnalité
morale.
Celle-ci
dépend
de la
réalisation
de 1a
dissolution elle même, car la liquidation et le partage ne sont que
les éléments de la dissolution
et les opérations de clôture
de
celle-ci.
a) - Les cau ses
Elles se fondent pour la plupart sur le non respect des principes
posés par l'article
1832 du code civil.
Les conditions essentielles
449
de formation
du contrat de société sont,
une intention
des
parties de s'associer, une réalisation
des apports réciproques de
constitution,
une participation
aux bénéfices et aux pertes. Dès
lors, les causes de la mise à mort 450 de la société, sont les unes
générales à toutes les sociétés, les autres spéciales en ce sens
qu'elles tiennent aux traits spécifiques de telle ou telle espèce de
société. Cette distinction qui ne se retrouve plus en droit textuel
gabonais, compte les sociétés
de personnes et les
sociétés
de
capitaux. Dans l'ensemble, leurs causes de disparition sont fondées
448]. M. VERDIER pree. ; Gaston LAGARDE prée.
449Cas. Civ. 20.07.1908 DP. 1908. 1. 93.
45°La dissolution est une condamnation à mort de la personne morale dont
j'exécution peut être retardée, mais non "éludée", HAMEL, et LAGARDE, traité
T. 1 N°428.

322
sur la tête des associés, le coeur des associés ainsi que l'objet de
la société pour ne pas dire l'objectif des associés.
Dans la tête des associés,
il y a les anciennes mort, survenance
d'une incapacité,
faillite
personnelle,
révocation
d'un gérant, 1e
tout visant la personne d'un associé dans les sociétés d'exclusif
intuitus personae ; compte également la diminution en dessous du
minimum légal, du nombre des associés. Dans le coeur des associés
c'est essentiellement
le refus de participer
aux pertes et d'une
manière générale, tout manquement à l'affectio societatis, au juste
motif. L'objet social est cause de dissolution soit parce qu'il est
atteint ou que le terme convenu est arrivé, soit qu'il ne peut plus
être réalisé
par renonciation
ou injonction de justice, soit enfin
qu'en prévision du pire, s'arrête l'exploitation,
l'actif
social
net
étant devenu inférieur
au quart du capital social
ou bien que 1a
société a tourné au "one man's society". Dans ce dernier cas, la 10 i
451 dit qu'il
n'y a pas dissolution de plein droit, la situation
peut
être régularisée dans l'année qui suit.
b) - Les conséquences
sur la personne mo ra le
La dissolution
est une situation juridique
que concrétisent
les
faits juridiques de la liquidation et du partage. Ce n'est donc pas
une décision
d'exécution
instantanée
au terme
de laquelle
1a
société aura définitivement
disparu. Même s'il en était ainsi,
i 1
faudrait alors distinguer selon que la dissolution est demandée ou
non, et si elle est sollicitée,
revenir à faire la différence avec les
opérations de liquidation et de partage.
Tant que ces dernières ne sont pas achevées le fonctionnement de
la société se poursuit et de la même façon persiste la personnalité
morale. Celle-ci est fonction de l'objet et des besoins sociaux. Les
associés
sont toujours
les
mêmes, les organes
de gestion
et
d'administration sont remplacés par le liquidateur
et en cas de
dissolution
de justice,
le
juge
commissaire
va
assurer
1e s
fonctions
de contrôle.
A
pareille
époque, il
est
admis
avec
simplicité
d'ailleurs,
que la société doit ralentir jusqu'à l'arrêt,
ses activités. Au contraire, le maintien de la personnalité juridique
pleine et entière va permettre à l'entreprise
de poursuivre son
451Art. 6 loi 10/73 du 20 Décembre 1973 complétant la loi 5/72 du 5 Juin 1972.

323
exploitation non dans un sens de relance, mais dans la perspective
d'un règlement des intérêts des associés après ceux des créancie rs
de la société.
D'une manière constante, la société
ne se dépouille
pas de sa
personne morale. L'être invisible disparaîtra certes, mais tant que
le partage
n'est pas achevé, il
survit
régulièrement
452
sans
diminution
d'importance. La personne morale
existe
entièrement
pendant toute la durée de la liq uidation.
Une fois
recouvrées 1e s
créances, payées les dettes, réalisé l'actif net, viendra la phase du
partage avec la reprise
des apports au besoin en valeur et 1a
distribution du boni de 1iquidation. Le liquidateur va alors demander
la radiation de la société du registre du commerce 453. La société
cessera matériellement d'exister, elle n'aura plus d'attribut et par
la même occasion expirera sa personnalité morale.
BI - Quelques
notes
sur
les
mutations
pratiques
de
sociétés
au Gabon
Les règles théoriques des mutations sociales ci-dessus rappelées
sont légalement applicables au Gabon. Cependant des d iffic uItés
demeurent car il n'y a presque jamais concordance entre la règle de
droit et sa mise en oeuvre. Dans un domaine comme celui
des
sociétés commerciales, les intérêts individuels sont si pressants
que le génie humain a transformé
la loi générale en donnée de
principe et créé ses propres façons de faire. Il en vient à distinguer
les
mutations
régulières
des pratiques
particulières
où,
1es
transformations propres aux usages du for gabonais apparaissent
sans laisser de traces. Certaines sociétés ont déposé le bilan ma is,
aucune information sur leur fin
ne pourra être donnée; d'autres
sociétés ne sont pas dissoutes pourtant elles
ont fermé
1eu rs
portes
,
enfin
d'autres
normalement
en
dissolution
sont
continuellement relancées.
'1 - Des mutations achevées
Le droit
colonial
n'a
pas
rencontré
ici
le
problème
de 1a
multiplicité
des statuts juridiques.
"
a donc pu s'appliquer avec
détermination. Par contre il n'y a aucune précision ni sur la nature,
452Cass. Civ. 27.10.1953 p. 236.
453Article niai 10.12.1973.

324
ni
sur
le
régime
juridique
des
organisations
commerciales
collectives
de l'époque
: comptoirs,
compagnies,
entreprises,
maisons de commerce ... Ce qui est sûr c'est qu'il s'agissait
de
structures
étrangères,
établies
au Gabon où elles
vivaient
et
mouraient selon leur
loi
d'origine.
A défaut d'archives
sur
les
établissements,
utilisons
la
narration
avec des cas d'espèces
comme c.G.C. et T.O.C. pour illustrer ce type de pratique au Gabon.
al L'exemple de la compagnie générale
des colonies
(C.G.C.)
Cette importante
"société"
pour les uns, "compagnie" pour 1e s
autres, "maison" pour d'autres encore, était inscrite au registre du
commerce local sous le n° 5. Bien sûr du point de vue de l'existence,
c'était une énorme entreprise de travaux publics et privés. Soudain
disparaît
"c.G.C"
pour
voir
"CEGEPAR",
compagnie
générale
de
participations
d'entreprise,
société
anonyme
définitivement
constituée le 6 Décembre 1920 et ayant son siège social à Paris.
L'absence de renseignements sur le passage de c.G.C à CEGEPAR est
vraisemblablement due à l'omission de transcrire
à Libreville
des
formalités remplies
à Paris surtout que la première société fut
immatriculée
au Gabon le 24 Septembre 1929. Dans l'ensemble,
l'évolution
de CEGEPAR sera
conforme
aux textes
en vigueur
à
l'époque. Mieux, c'est qu'à la vue de la loi française
de 1966 une
assemblée générale s'est réunie 454 pour refondre les statuts et
porter à sept le nombre d'administrateurs.
La personnalité morale de
CEGEPAR n'a guère été affectée
par 1e s
multiples
modifications
sociales
survenues.
En effet,
CEGEPAR
n'avait pas cessé de grandir passant son capital
de 13.549.800
francs à 330.000.000. La technique juridique qu'elle
a le plus
utilisée est la fusion par absorption de son partenaire, à la suite de
négociations,
d'assemblées
générales,
de
ratifications
des
résolutions et délibérations prises régulièrement 455. CEGEPAR se ra
une de ces rares sociétés dont la fin
est connue car elle
est
survenue par dissolution en 1969, avec partage entre les associés
après une existence conforme à la logique juridique de l'époque.
454Le 16.09.1968 avec Paribas, SGE, et Omnium des Particiaption Financières et
Industrielles.
455Le capital passé de 17.449.800 à 17.676.100 F à la suite de l'absorption par
CEGEPAR de SEPE et SFPOC - L'assemblée générale du 16.09.1968 consacra
l'absorption de FINEPAR après avoir donné son accord le 11.07.1968 pour
l'apport - fusion du 21.06.1968 entre FlNEPAR et SFPDC (Société Financière
Participation et Société Financière pour le Développement du Cameroun).

325
b) Exemple de la tôlerie
du centre (T.D.C.)
C'est le type même de l'entreprise individuelle
mais qui, pour des
raisons fiscales et bancaires vraisemblablement, s'est élaborée en
société anonyme. Les statuts ont été déposés le 1 Juillet 1963, et
l'assemblée
constitutive
s'est réunie
du 3 au 6 Juillet
1963
dévoilant une inscription au registre du commerce sous le n° 450/B
avec un capital de 2.000.000 de francs.
En parcourant le dossier de cette société, dans les archives de son
liquidateur, il n'est pas possible de parler des organes de gestion,
d'administration ou de contrôle souvent nombreux lorsqu'il s'agit
d'une société anonyme. Un nom revient presque toujours, celui du
fondateur de 1.o.C., qui signe "le gérant" et non le directeur généra 1
ou directeur tout court. Il n'y a pas de mention de heurt ni de
difficultés dans le fonctionnement de cette société qui compta it
pourtant onze associés lors de l'assemblée
générale du 3 Février
1983. Autant dire l'extrême souplesse avec laquelle
l'esprit
de
1867 persistait sur l'organisation formelle des sociétés au Gabon.
Il est noté que T.O.C. a porté
son capital
à dix
millions
par
incorporation
de réserves
à la suite
d'une délibération
du 6
Novembre 1968 avant que la décision sociale du 1 Septembre 1976
ne relève ce montant à quinze mil/ions.
C'est alors qu'intervient
l'ordonnance n° 18/76 portant cession des 10 % des parts à l'Etat
Gabonais, de telle sorte que le 3 Novembre 1976, 1.O.C. transmit au
ministre des finances, un certificat nominatif n° 36 de 200 actions
correspondant aux 10 % fixés.
Il est encore noté que Tôlerie du Centre fut l'objet d'un contrat de
location gérance le 5 Mars 1980, et qu'au cours de l'assemblée
générale extraordinaire du 31 Décembre 1981, les associés ont pris
à l'unanimité,
la délibération
portant
dissolution
anticipée
1a
société et ont désigné un des leurs
comme liquidateur.
Cette
décision
collective
a été
publiée
au journal
l'Union
pour 1e s
annonces publiques. Les actes de liquidation ont duré jusqu'en 1983
puisque le 13 Juillet
1983 l'assemblée générale ordinaire
a été
convoquée
pour la
clôture
des
opérations
de liquidation,
1a
reddition des comptes, l'approbation desdits comptes et le partage
de l'actif.

326
Enfin,
le
29
Juillet
1983
s'est
tenue
l'assemblée
générale
extraordinaire dont la délibération permet de dire que le compte
final des opérations de liquidation définitive de la société a été
constaté. Deux exemplaires de cette délibération ont été déposés au
greffe
du tribunal
du commerce.
Quant aux autres
actes
de
publicité, ils se lisent au journal l'Union des 13 Juillet 1983 et 28
Août 1983. Au dossier de 1iq uidation T.D.C. se trouve encore la fiche
circuit de cessation visée entre les 8 et 25 Août 1983 ainsi que 1e
récépissé
du registre
chronologique
du 25 Août
1983 portant
inscription modificative au n° 497/83.
2°) - Mutations
non achevées.
a) - L'exemple de SOMAGA-SOGADI-STAREP
En parcourant le registre
du commerce, il y a immatriculée
"la
Société Marseillaise
du Gabon" (S.M.G.), société
à responsabilité
limitée
créée le 25 Juillet
1961 avec un capital
en francs de
1.200.000 et dont le siège social est à Oyem au Gabon. Le gérant a
été nommé au cours d'une assemblée générale extraordinaire le 1
Août 1961 et le 2 Août 1963 l'assemblée décide de l'augmentation
du capital à 1.500.000 Francs.
Mais les mentions au registre du commerce vont laisser
lire
une
transformation
dont aucune trace
n'apparaît.
En effet,
dans 1e
procès-verbal
de déclarations
du 28 Juillet
1961, les
quatre
premiers administrateurs cèdent quelques parts à trois autres ce
qui fait au total sept actionnaires, qui se réunissent pour désigner
un président du conseil
d'administration,
un vice-président,
un
directeur adjoint. Tout ceci est fait en visant la loi du 16 Novembre
1940 modifiée le 4 Mars 1943, textes pourtant non promulgués au
Gabon. Quand le capital atteint 21.000.000 de francs, il n'y a plus
de "S.A.R.L." ni de "S.M.G." mais "SOMAGA" suivi des initiales
"s,»." ayant
un administrateur 456 unique. La situation devenant de plus en pl us
complexe, une assemblée générale à caractère mixte se réunira 1e
21 Septembre 1968 et consacrera "SOMAGA-S.A." avec un capital de
27.000.000 de francs
et un administrateur
unique. Ce montant
passera à 208.000.000 de francs après l'absorption de SCPG 457 avant
de devenir
SOGADI.
S'agissant
de
la
mise
à
l'épreuve
de
1 a
personnalité
morale "SOMAGA", disons déjà que son sort va fa i re
apparaître une inadéquation de la formule classique. En effet, dès
456Délibération du 20.06.1964.
457Société Commerciale de Port-Gentil - AG du 15.09.1969.

327
le 10 Juillet 1976 le conseil d'administration de SOMAGA examinait
un projet de fusion
avec SOGADI par absorption de cette dernière
société. L'assemblée générale mixte à caractère
constitutif
fut
convoquée le 7 Septembre 1976 et contre toute attente, la nouvelle
société fut "SOGADI". Pire, c'est qu'en définitive, se retrouvent sur 1a
place commerciale du Gabon: SOMAGA, SOGADI et une certaine SOGADI-
STAREP.
Des situations identiques et d'autres plus surprenantes jalonnent 1a
vie des sociétés au Gabon. L'espèce "SOGADI" peut vouloir s'expliquer
par l'opportunité arrêtée par les organes sociaux, mais elle ne peut
empêcher de faire constater qu'il y a, dans la situation finale,
une
rupture avec la logique du mécanisme juridique
de la fusion pa r
absorption. Tant soit peu, n'a-t-on sur diverses formes, annoncé 1a
faillite de SOGADI pour s'empresser de créer "STAREP" 458 7 Bien sûr il
est facile d'affirmer qu'il y a là deux sociétés distinctes. Mais en
plus de l'identité professionnelle des deux entreprises, les statuts
de STAREP du 20 Décembre 1978 enregistrés
le 8 Janvier
1979,
permettent de retrouver pour la plupart, les associés de SOGADI et
SOMAGA. Par ailleurs,
SOGADI n' a pas encore
disparu
au sens de
"fermer les portes", ainsi sa vie commerciale déjà très affectée va
laisser poser les questions les plus embarrassantes. C'est à croire
qu'en fonction des avantages en cause, les dirigeants accepteront
ou non qu'il y a un lien juridique entre SOGADI et STAREP alors que,
cela devait découler de la loi et qu'à la longue, les tribunaux ne
devraient plus se contenter de considérer que SOGADI est SOGADI et
SOMAGA est SOMAGA.
Comme si
l'entremêlement
SOMAGA-STAREP-
liquidation SOGADI ne
suffisait
pas,
voilà
CODEV,
une société
d'Etat qui
arrive
pour
racheter SOGADI. Les négociations vont très vite achopper car 1e
syndic de la liquidation SOGADJ avait eu le temps de confier à STAREP,
la gérance libre de SOGADI, ce contre quoi s'élevèrent les créanciers
privilégiés qui avaient obtenu de SOGADI, le 23 Novembre 1977 un
engagement à ne point aliéner, remettre en nantissement, ni donner
en gérance le fonds de commerce et le matériel dépendant,jusqu'au
désintéressement des créanciers.
45BSociété
Transgabonaise d'Approvisionnement et de Représentation S.A.
immatriculée Re 1190 B, une société aux activités
identiques à celles de
SOMAGA et S'XADI.

328
b) Les exemples
de TRANSGABON-SOACO-SAPLE-SOPARGA
L'existence juridique
hachurée des personnes morales se retrouve
dans la société
nationale
Air
Gabon, officiellement
créée
par
l'arrêté du ministère des finances n° 312 du 07 Juin 1977 portant
agrément. Pourtant l'avènement de cette compagnie ne peut être
dissocié
de l'ancienne
NSIG
(Nouvelle
Société
d'Investissement
Gabonaise)
à l'origine
Transgabon
après
avoir
été
une société
d'initiative privée Compagnie Aérienne J.c. BROUILLET (C.A.B.).
La société nationale Air Gabon se défend, bien entendu, d'avoir un
lien juridique avec les précédentes compagnies opérant au Gabon à
sa naissance. Pour les tiers, ceci est difficile
à accepter. En effet,
il y a sensiblement une identité d'origine des biens et équipements
utilisés. Allant plus au fond, il est écrit que la première résolution
du procès-verbal de délibération de l'assemblée constitutive unique
datée du 23 Décembre 1977 a noté la prise en compte des actes de
l'ancienne
société
nationale
Air
Gabon du 01
Juin
1977 à 1a
nouvelle constitution
de la compagnie nationale
Air
Gabon. Mais
quelle était cette ancienne société nationale Air Gabon si ce n'est
le dernier état des entreprises de transport NSIG et CAB.
Qu'il s'agisse d'une rupture entre NSIG et la société nationale ou 1a
compagnie nationale, la question qui reste posée par la pratique des
mutations sociales au Gabon, est celle de savoir comment opposer
aux tiers,
les conséquences de prétendues indépendances tenant à
des statuts
nouveaux avec
des biens et équipements
d'entités
sociales
anciennes,
ayant
parfois
même
des
associés
et
administrateurs
identiques.
Il
y
a

une
énorme
passivité
constitutive de fraude.
En prenant le cas de SJAaJ, autre
société
anonyme au domaine
d'activité gigantesque, il apparaît qu'elle a bénéficié des avantages
et privilèges
de l'agrément pour, comme prévisible,
déposer son
bilan en accusant un déficit de plusieurs
milliards
de francs dont
les plus importants créanciers
sont le trésor public,
la sécurité
sociale et les banques. De la société SJAaJ il n'y a plus rien a lors
qu'elle constituait un véritable
empire économique. gJACO comptait
cinq
à six
milles
personnes,
des
bases
de
travaux
pu bl ics
disséminées
dans le pays, un siège social
de plusieurs
hectares
construits dont une vaste direction de sept étages. SJACfJ avait basé

329
au Luxembourg des avions qui assuraient
le transport
de son
personnel et de son énorme fret souvent passé sans douane.
Où sont passées ces quantités importantes de matériels de travaux
publics ; comment la police nationale (CEDOC) a-t-elle
pu prendre
possession de l'ensemble du siège social de sva: à Libreville ? Que
sont devenus les avions du Luxembourg. Il
est exact que deux
liquidateurs, tous étrangers ont été nommés dans cette affaire, que
le second, un comptable de son état aurait été expulsé. Quant aux
personnes physiques
responsables
il
n'y a plus d'interlocuteurs,
seuls
quelques
gabonais
titulaires
d'actions
minoritaires
sont
restés au Gabon. Les autres, des étrangers, gros actionnaires et
administrateurs de la société, se sont provisoirement retirés, sans
être inquiétés, dans leur pays d'origine ... en attendant de revenir au
Gabon s'installer sous le couvert d'une nouvelle société. D'ailleurs,
ne dit-on que COGEMAT est une société créée à l'aide du matériel de
travaux publics de r:lJAm.
Enfin, il ya des sociétés comme SAPLE-SOPARGA qui ont été déclarées
en état de faillite
par un arrêt 459 pris pour le premier du genre au
Gabon. Il prévoit en même temps la liquidation de la société et 1a
continuation
partielle
des activités.
A la
limite,
il
pose 1e
problème même du contenu de la loi applicable de telle sorte que 1e
premier mandataire de justice nommé, ne s'y est pas retrouvé. 11
avait la qualité d'administrateur provisoire,
par contre, au niveau
de ses activités il avait commencé à liquider la société au lieu de
l'administrer provisoirement. Du reste ce syndic qui venait droit de
France, avait été inscrit sur la liste des experts avant même de
connaître le Gabon.
Arrivèrent deux nouveaux syndics qui ne purent pas travailler
au
motif que les documents avaient disparu. En attendant, rappelons
que la société SAPLE appartenait à un français opérant au Gabon
depuis une trentaine
d'années et qui, une fois fatigué et malade 1a
céda à un autre français déjà propriétaire de SOPARGA de telle sorte
que SAPLE fut intégrée à SOPARGA, pour devenir SAPLE-SOPARGA. Mais ce
qui a illustré
la liquidation
SAPLE-SOPARGA c'est entre
autres,
ce
contrat de gérance passé le 10 octobre 1981 par les syndics et 1e
failli
de SAPLE-SOPARGA avec la bénédiction du juge commissaire. En
459Chambre Judiciaire du 14.08.1981

330
effet, le P.D.G de SAPLE-SOPARGA qui était donc en faillite,
avait
réussi à monter non loin de là, une société SODECOM dont il était 1e
directeur
général
tandis
que
le
président
du
conseil
d'administration était comme d'habitude, une personnalité politique
gabonaise qui avait démissionné quelques années plus tard, s'étant
peut-être rendu compte qu'il y avait détournement de liquidation.
Dans
sa
structure,
la
société
SAPLE-SOPARGA
comptait
un
département pêche et chasse, un département peinture, habillement
immobilier et un département ameublement. Depuis sept mois, elle
exploitait également un département de mobilier de bureau "ATAL".
C'est ce dernier commerce qui va être mis en location gérance à
SODECOM du la Octobre 1981 au la Janvier 1982. Une des clauses de
l'article 5 précisait que "les locataires gérants devront en jouir et
l'exploiter à eux-mêmes en bons pères de famille,
y donner tout
leur
temps
et leurs
soins
de manière
à le
faire,
prospérer,
notamment à raison de la nature spéciale et de la destination de 1a
chose l
'
ouee "
....
Ceci est symptomatique au point de pousser à savoir si ce fonds de
commerce fraîchement créé et insuffisamment
exploité
par son
ancien patron, le P.D.G de SAPLE-SOPARGA, ne lui avait pas été confié à
dessein, exactement le jour même du prononcé de l'arrêt de faillite
du la Octobre 1981, pour durer seulement jusqu'au
la janvier
1982, comme s'il s'agissait à l'ancien responsable de SAPLE-SOPARGA,
de 1iquider purement et simplement
le département bureau. Pa r
rapport à la valeur du fonds mis en location, à quoi correspond
l'indemnité de gérance prévue à l'article 7 de la convention et fixée
à un million
(1.000.000) de francs
payable
trimestriellement.
N'est-ce pas le prix du rachat de l'exploitation de cette partie de
l'activité SAPLE-SOPARGA par son ancien P.D.G, avec la complicité des
organes de la faillite.
A présent, s'il n'est pas possible de dire quel est le montant de 1a
production à la fa illite,
il reste de SAPLE-SOPARGA qu'elles sont des
sociétés
dont
l'activité
non se ulement s'éternise,
mais
se
réorganise
ou s'active sous l'administration
judiciaire.
S'agit-il
encore d'une simple
personne
morale
provisoire
ou bien d'une
véritable
prorogation de l'être
présumé en voie
de disparition.
L'arrivée de sang neuf est-elle possible alors que la société a été
condamnée à mort ? Il n'y a pas eu de concordat, pas de remise de
dettes, les
créanciers
sont si anxieux qu'ils
se consolent en

331
inscrivant dans leur propre rubrique des frais generaux, les droits
qu'ils avaient sur la société débitrice. Peut-on soutenir qu'une te Ile
société, avec la même personne morale va revivre indépendante de
la première au prétexte qu'il y a eu une injection de fonds nouveaux,
par des apporteurs nouveaux qui se désolidarisent de l'absence de
reddition
des comptes anciens,
de l'absence
d'apurement et de
clôture des opérations ?
Il existe en effet des situations juridiques
de prorogation ou de
transformation
de telles
sociétés.
Ainsi
la
prorogation
qui
intervient régulièrement avant le terme ou l'arrivée d'une cause de
dissolution
d'office,
laisse
persister
la
personne
morale.
Se
transformer pour une société c'est 460 conformément à l'étymologie,
changer de forme,
c'est-à-dire
de type social.
Dans ce cas, 1a
personne morale
initiale
ne disparaît
pas, elle
survit
à 1a
transformation
461.
La seule question intéresse
le droit interne
gabonais qui exige un nouvel agrément (article
8) et qui laisse
penser que la constitution va recommencer et qu'à fortiori,
une
nouvelle personnalité va naître
au risque
encore de redouter 1a
double personnalité morale pour une même société.
La réponse se trouve dans la pratique locale. En effet, la plupart
sinon toutes les administrations ou liquidations judiciaires ne sont
suivies d'aucun quitus. Nous savons quand elles commencent ma is
nous ignorons quand elles s'achèvent. Le plus curieux c'est qu'il n'y
a pas de réactions,
ni de la masse, ni des commissaires,
ni des
banquiers. Tous semblent accepter la situation comme un sort.
Aussi les dirigeants sociaux et autres actionnaires se sachant à
l'abri de poursuites individuelles,
vont-ils s'offrir à créer d'autres
structures souvent voisines. Un tel résultat est bien préoccupant
pour les créanciers notamment les chirographaires dans la mesure
où il
se situe
en sens contraire
des effets
de la liquidation
judiciaire
sinon
conventionnelle
des
sociétés,
spécialement
l'appréciation de leurs conséquences sur la personne morale des
groupements de commerce. Ceci pose également un problème de
fond notamment la facilité avec laquelle sont admis les commerces
en procédure collective. Il semble que le tribunal prend la cessation
des paiements
au sens littéral,
comme un critère suffisant pour
460G.LAGARDE prée. p. 83
461Cass. Corn. 8.11.1972 D. 1973.753

332
prononcer le règlement judiciaire
ou la faillite.
Le tribunal
ne
vérifie pas le dossier, il n'interroge pas le chef d'entre-prise sur
les chances de tel redressement,
il
laisse
au syndic ce travail
important.
A son tour le syndic va s'estimer providentiel déjà qu'il n'y a pas de
conditions particulières
posées à son profil, ni au recrutement, ni
dans son administration.
Nul n'est encore surpris
d'un côté, par
l'incertitude
quant à l'issue
de chaque procédure collective,
d'un
autre côté, par le sort
heureux de la plupart
des syndics
qui
finissent par disparaître
du Gabon pour se retrouver en France 1e
plus souvent avec leur butin. D'aucuns vont même jusqu'à revenir au
Gabon et s'installer
impunis dans un cabinet d'intermédiaires
en
attendant de refaire meilleure fortune.
Section Il - La mise
en place du patrimoine
économique de s
sociétés
Il Y a un grief que les pays en développement opposent souvent à
leur condition d'inexistence dans les affaires, c'est de manquer de
capitaux
qu'ils
considèrent
avant
tout
comme
des
moyens
financiers.
Au Gabon, la
constitution
d'une société,
même de
personnes, se trame autour du détenteur des capitaux à tel point
que l'esprit qui prévaut à la réunion du capital social est bien ce 1u i
des sociétés de capitaux dont la plus usitée sur la place est 1a
société anonyme.
Paragraphe 1 - La réunion et l'évaluation
du capital
social
Il s'agit en réalité des différentes obligations de fournir un apport,
de le faire évaluer et de constituer le capital social. Ce n'est pas
une opération particulière
aux seules sociétés commerciales, e Il e
se retrouve dans les sociétés civiles et même dans les contrats de
mariage. Pourtant en de nombreux cas, tous les associés
n'auront
pas été apporteurs. Cette preuve ne se recherche plus au niveau des
clauses de dispense puisque la jurisprudence
462
n'annule pas 1a
société
mais la clause
léonine.
Ce travers
se vérifie
par 1a
présence,
dès le
stade
de première
constitution,
de certains
associés
titulaires
de bulletins
anonymes alors
même que 1e s
apports
partiels
restent
encore
nominatifs.
Ces
porteurs de
462A la suite de l'arrêt ch. civ. 11.04.1927 D. 1929 - l - 25

333
coupons sautent
toutes
les
étapes
et
se
retrouvent
dans
1a
déclaration
de
sincérité.
Quant
aux
apporteurs
normaux,
ils
amènent à la société soit de l'argent, soit des biens en nature, soit
même leur savoir faire, surtout si l'apport a une valeur économique.
A - Classicisme
dans la variété
des a ppo rts
L'article 1833, c. civ. prescrit que chaque associé doit apporter ou
de l'argent, ou d'autres biens, ou son industrie. C'est aussi ce que 1a
Cour de Cassation a essayé de contenir dans cet attendu repris au
jurisclasseur 463 " ••• Vu l'article 1832 c. civ. ; attendu qu'aux termes
de ce
texte,
le
contrat
de société
exige
comme
conditions
essentielles de sa formation, l'intention des parties de s'associe r,
des apports réciproques faits en vue de la constitution d'un fonds
social et la participation de chacun des associés aux bénéfices et
aux pertes de l'entreprise ... Il ou bien qu'elle n'a pas hésité de décrire
dans cet autre arrêt Laurent BOUILLET cl Banque populaire et autres
464
" •..
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt
relève
que les tro is
sociétés ont soumissionné ensemble dans un but commun... qu'elles
ont apporté chacune pour arriver à ce résultat leurs connaissances,
leur compétence et en un mot, tout le potentiel de leurs activités
respectives
et que c'est au moyen de ce potentiel
qu'elles
ont
réalisé le travail qui était l'objet de 1eur groupement; qu'il retient
que la simple lecture de la convention ... révèle à chaque paragraphe
l'intention
de trois
sociétés
de s'associer
en
vue
de
cette
réalisation, qu'ainsi elles unissent leurs efforts pour arriver à ce
résultat,
la partie technique étant confiée à société... la partie
administrative
à société...
que les
trois
sociétés
décideront
ensemble de l'achat du matériel
et de la désignation
des sous-
traitants ; qu'il constate que cette affectio societatis se confirme
et se précise par l'examen des conditions relatives aux profits et
aux pertes
; qu'il
est
expressément
prévu
que les
bénéfices
éventuels seront répartis entre les trois sociétés selon les mêmes
propositions que les travaux ; qu'il s'agit bien de bénéfices du
groupement et non des bénéfices
particuliers
à chacune de ces
sociétés... qu'à cette réalité des bénéfices communs correspond 1a
participation aux pertes puisqu'il est stipulé que dans le cas où 1e
compte ouvert à la banque... au nom du groupement des trois
sociétés ne pourrait assurer les échéances, chacune d'elles devra
l'alimenter en argent frais au prorata de sa part respective ... "
463]. NECTüUXpréc. Fasc. 10 n" 3 cite Casso Corn. 3.11.1953, 73l.
464Cass. Corn. 17.11.1970 OS. 1971. 206.

334
1) - Les apports en espèces
Le droit gabonais ne s'est pas ému des apports en numéraire qu'il
considère comme le type même de l'apport en société. Ceci est
fondé dans la mesure où il correspond à une certaine mentalité et
qu'il n'entraîne pas de difficultés d'appréciation majeures. Dans les
sociétés à responsabilité limitée (S.A.R.L.) l'apport en numéraire est
constaté
par
l'acte
de
société
auquel
auront
participé
nécessairement tous les associés
465
dont le nombre doit être
supérieur à deux. Dans les sociétés en commandite par actions, 1a
souscription et les versements sont constatés par une déclaration
du gérant dans un acte notarié.
C'est au cours de l'assemblée
générale constitutive
d'une société
anonyme (SA) que va être
consignée par écrit la souscription du capital et le versement du
quart de numéraires
466.
D'une manière générale, les actions de
numéraires
sont
libérées
en espèces ou par compensation
de
créances. Ce sont des actions encore retrouvées à la suite d'une
augmentation du capital
par une souscription
nouvelle
ou par
l'incorporation des réserves. Le seul souci de l'apporteur en espèces
est d'éviter les retards dans la réalisation
de ses apports,
en
raison de l'existence d'intérêts moratoires souvent dus de plein
droit et d'un taux assez élevé.
2) - Les apports en nature et les apports en industrie
467
Il y a là deux types d'apports d'évaluation identique mais, si 1e
premier
est admis partout, le second fait
l'objet
de fréquents
rejets. Les apports en nature sont ceux qui portent sur toute autre
chose que l'argent. Cette définition
à tout le
moins
lapidaire
n'explique pas pourquoi sont écartés les apports d'industrie
qui
doivent normalement être englobés dans les apports en nature
Théoriquement,
l'apport en nature
se reconnaît
de l'apport
en
industrie à plusieurs égards : il vise l'apport en société d'un bien
matériel
meuble ou immeuble, fonds de commerce,
marchandise,
titre,
brevet,
clientèle
468.
L'objet de l'apport
en nature
est
susceptible d'aménagement dans son usage puisque l'apport peut
être fait en pleine propriété, en nue-propriété, en usufruit ou en
simple jouissance.
46SArt. 4 - Y loi du 7.03.1925
466Art. 2S de la loi du 24.07.1867.
467L'apport en industrie, Pic notes D. 1938.2.49 ; art. 1833 alinéa 2 c. civ. "...
chaque associé doit apporter (à la société) ou de l'argent, ou des biens, ou son
industrie ...
468L'apport particulier des clientèles civiles Casso civ. 22.04. 1981. IR. S 17.

335
L'apport en nature est d'exécution instantanée surtout quand il est
fait en propriété.
Dans ce cas, le jeu du transfert
des risq ues
s'applique selon le droit en vigueur tandis que l'associé apporteur
doit garantir la société comme un vendeur à son acheteur. Lorsque
l'apport en nature est réalisé
à titre
de simple
usage, il
est
d'exécution instantanée mais la jouissance est successive. Ici 1e
transfert des risques ne s'opère pas, l'associé restant propriétaire
de l'objet
de l'apport.
Si cette
formule
est
avantageuse
pour
l'apporteur à qui l'apport est restitué intégralement, in specie, lors
de la dissolution
de la société,
elle
n'en demeure
pas moins
redoutable parce qu'en cas de force
majeure
res perit
domino.
Autrement
repris,
la
nature
juridique
de l'opération
d'apport
présentée sous forme d'une opération rémunérée par l'attribution
d'un droit d'associé,
donne au contrat
un caractère
onéreux et
translatif de droits 469.
L'apport en industrie
est tout ce que l'associé
peut consacrer
comme
activité
dans
l'intérêt
de
la
société
grâce
à
son
intelligence,
son
activité
artistique
et
intellectuelle,
son
influence. Cet apport s'exécute successivement non sans compter
avec les aléas inhérents à 1a personne humaine. Cet apport n'est
assorti
d'aucune garantie
puisque l'associé
peut décéder, devenir
incapable et même inefficace. La situation se ramène assez près
des fameux porteurs de coupons anonymes qui sont associés sans
avoir fait d'apports. Peut-être faut-il
expliquer leur situation par
celle des apporteurs en industrie ?
Dans ces conditions, il devient de plus en plus urgent de pouvoir se
fixer sur la valeur de l'apport en nature et de l'apport en industrie,
deux éléments qui vont rentrer dans le capital social, gage de 1a
créance des tiers. Au Gabon avant 1970, il Y a eu deux types de
réglementation :
a) - Les règles
anciennes
La S.A.R.L. prévoit 470 que l'acte de société doit contenir l'évaluation
des
apports
en
nature,
les
associés
étant
solidairement
responsables vis-à-vis des tiers de la valeur attribuée aux apports
469y. GUYON "droit commercial général et sociétés" prée. n" 100.
470Article 8 de la loi du 7.03.1925

336
en nature au moment de la constitution. Dans la S.C.A. 471 tout apport
qui n'est pas numéraire est soumis à l'appréciation de la première
assemblée générale qui dressera
un rapport et le tiendra
à 1a
disposition
des
actionnaires
réunis
en
deuxième
assemblée
générale. Les apporteurs n'ont pas voix délibérative
et en cas de
vérification de l'apport, il faut recourir à des commissaires 472
b) - Les règles
nouvelles
Pour sa part,
le
législateur
gabonais
s'est
prononcé
sur
1a
réglementation de l'évaluation des apports en nature en élaborant
la loi de 1969 473. Elle prévoit l'intervention des commissaires aux
apports
certes
désignés
en
Justice
et
choisis
parmi
1e s
commissaires
aux comptes
ou les
experts
des
tribunaux.
Il s
apprécient sur leur responsabilité la valeur des apports. Ils peuvent
dans leur mission être aidés d'experts de leur choix. Aucun texte ne
dit comment ils doivent procéder ni qui exerce sur eux un pouvoir
de contrôle. Aussi les experts ont-ils tendance à vouloir se livrer à
des fantaisies. Leur rapport est soumis à la première assemblée
constitutive qui peut réduire les estimations
si l'unanimité
des
souscripteurs est réalisée.
Dans l'ensemble, l'opération qui consiste à donner une valeur à un
bien d'apport est
fonction
de la nature de l'apport.
Si
la loi
gabonaise de 1969 a réduit la diversité qui résultait du type de 1a
société destinataire de l'apport, il reste tant pour les apports en
nature, autant pour les apports en industrie que l'appréciation doit
être assez sévère. Le recours à des commissaires aux apports n'est
pas un gage de sécurité par le seul fait qu'ils sont nommés par les
tribunaux. Il faut pouvoir les surveiller 474 dans leur mission. Or ces
experts pour la plupart des étrangers, peuvent avoir participé à 1a
première estimation. Qui donc va les dédire en contrôle si ce n'est
pour endormir les intéressés ? L'expert choisi par les parties n'est
pas plus un gage de probité. Comme les autres, c'est un ma ndataire
471Article 4 de la loi du 24.07.1867
4720.L du 8.08.1935
473Loi n" 13:69 du 31/12/1969 modifiant l'article 4 de la Loi du 24/07/1867.
474Cass. 26.05.1983 Bull. civ. IV. n" 153 p. 134 : La valeur attribuée à chaque
apport doit être vérifiée par un commissaire aux apports qui est un
technicien indépendant, agissant sous sa propre responsabilité.

337
général à la fois syndic de faillite,
administrateur
ad hoc dans
certains cas provisoires,
commissaire
aux comptes et maintenant
commissaire
aux apports. Ces réserves
se retrouvent
chez des
auteurs 475.
Ne vaut-il
pas mieux, dans l'attente tout au moins, exiger des
experts la production détaillée de leurs éléments d'appréciation,
quitte à ce que le juge
redresse
ceux que les parties
auront
ensemble ou séparément contestés
?
Certes,
il
n'y a pas de
méthodes imposées pour l'évaluation des biens en nature. Il n'y a
pas non plus une libre entreprise sinon un délit d'augmentation 476
ou de diminution frauduleuse d'apport 477. Ceci aura l'avantage de
corriger
une
certaine
tendance
des
tribunaux
à
reprendre
intégra lement les conclusions expertales.
Nous arr iverons à une
sorte d'uniformisation dans l'appréciation de la valeur des biens et
l'estimation en cas d'examen effectué sur une personne humaine. En
effet, l'expert en automobile aboutit toujours au même résultat que
le garagiste agréé par la compagnie d'assurance.
L'expert en bâtiment est sûr de déposer un rapport définitif.
Par
contre
le juge
fera
une appréciation
souveraine
non pas des
conclusions du médecin expert, mais de l'estimation en argent du
préjudice corporel subi par la victime.
Pire, c'est qu'au cours du
procès criminel,
il sera statué sur la responsabilité
pénale en
considérant que les conclusions du rapport psychiatrique ne 1ie nt
pas le juge.
Tout au long du texte de 1969, il est rappelé que la société n'est
pas créée à défaut d'évaluation. Même si la loi laisse à y croire, i 1
faut penser que les commissaires aux apports n'interviennent pas
475 ... Malheureusement ces commissaires ne constituent pas une profession
organisée, ce qui diminue l'efficacité de leurs interventions. Y. GUYON, droit
des affaires 1984 prée. n° 105.
476Robert, Réflexions sur le délit de majoration frauduleuse d'apport en
nature. 0.1974,97.
477Cass. Crim. 12.04.1976 WILLOTc/ Bon Marché]CP. 1977. II. 18.523. "... Les
commissaires peuvent être amenés à produire en considération certains
critères objectifs étrangers à la simple valeur vénale ou marchande des biens
apportés, ils ne sauraient cependant, être autorisés, quelle que soit la
méthode qu'ils ont choisie à dissimuler volontairement comme l'a fait le
prévenu en l'espèce, les éléments d'appréciation de nature à entraîner une
réduction importante de la valeur de ces biens.

338
seulement lors de la constitution de la société, mais également en
cas d'apports en nature effectués à l'occasion d'une augmentation
du capital
soc ia 1. Enfin, il
faut éviter de faire
des apports en
industrie
dans les sociétés
où le capital
social
est
la
seule
garantie des tiers, ainsi que dans les sociétés où les membres sont
responsables du passif social à concurrence de leurs apports.
B - Mais
particularisme
dans
la
constitution
du capital
social
Telle
est
la destination
des apports
qui
auparavant,
devront
correspondre à la souscription totale et à la libération du ca pita 1
social. C'est également une marque de l'influence des sociétés de
capitaux, spécialement la société
anonyme dont les règles
sont
pour la plupart appliquées.
1) - La souscription
intégrale
du capital
L'article 1-2 0 de la loi de 1867 rappelle que la société anonyme
n'est constituée
qu'après
la souscription
intégrale
du capital
social. Qu'il s'agisse de parts sociales ou d'actions, la souscription
est un engagement qui doit être réel, ferme et réalisé à partir d'une
valeur nominale minimum.
a) - La souscription,
engagement ferme et ré el
L'élément de fermeté ne pose pas de problèmes sérieux car il est
assez aisé d'obtenir des associés un engagement non conditionnel
et sans réserve. Rares sont les cas où la vigilance des fondateurs
est trompée par l'arrivée de souscriptions
rivales
dont l'objectif
immédiat est de paralyser la constitution de la société.
Le caractère réel, est plus difficile
à cerner puisqu'il
s'agit de
s'élever contre les souscriptions fictives. A ce propos, ce que la loi
veut c'est un versement réel effectif et non simulé. La société une
fois constituée doit avoir à sa disposition,
au premier jour de sa
constitution,
la
somme
des
versements
effectués.
Les
souscriptions seront loyales et sincères, celui qui s'oblige devant
être à mesure de répondre de ses engagements. La nullité tiendra it

339
à l'absence
des
caractères
précités,
comme
la
souscription
provenant "d'hommes de paille",
de gens sans surface fi na ncière,
notoirement
incapables
de
libérer
les
actions
ou
les
parts
souscrites 478.
La société
étant la réunion
d'individus
autour d'un capital,
ce
patrimoine peut être constitué par un promoteur décidé à ré alise r
un investissement. Mais, comme il tient à demeurer maître de son
affaire il va s'entourer de personnes à qui il versera les sommes
nécessaires pour réaliser leur souscription.
Dès lors, la souscription déteint pour cesser de correspondre à un
engagement juridique. Il ne s'agit plus d'un acte unilatéral
avec les
conséquences d'obligation tenant à la volonté de la loi. " y a tout
simplement des noms de souscripteurs qui par avance, ont renoncé
aux droits et prérogatives de l'acte de souscription.
Tel
est en
avant goût, une particularité
officielle
de la pratique des sociétés
au Gabon, situation
qui
répond
à l'idée
d'entreprise
pour
les
promoteurs, mais que la loi locale
déclare société commerciale ou
industrielle.
b") - L'intégralité
de la souscription
Avec la règle de l'intégralité
de la souscription,
il se dit que 1a
situation serait fort simple si les fondateurs créaient la société
entre
eux
et
se
répartissaient
les
actions
en
conséquence.
Malheureusement
1e s fondateurs
et
promoteurs
ne parviennent
souvent qu'à une souscription pa rti e Ile du capital
social
qui peut
avoir
grossi
la
veille
de la
constitution
de la
société.
Pour
atteindre
l'intégralité,
ces
fondateurs
vont
avoir
recours
au
procédé
de
l'appel
public à l'épargne 479 repris
par le droit
gabonais 480. En lisant l'article 8 de la loi de 1973, il semble encore
que la loi
gabonaise continue
d'opérer la distinction
entre
les
sociétés
fermées et
les sociétés
ouvertes. Les premières
sont
478Req. 9.01.1891 D.P. 1892.1.361 ; Paris 17.06.1904 D.P.1907.1.416
479Article 72 loi du 24/07/66.
480Article 8loi 10/73 du 20/12/1973, "sont réputées faire publiquement appel
à l'épargne, les sociétés dont les titres sont inscrits à la côte officielle d'une
bourse de valeur, à dater de cette inscription, ou qui pour le placement des
titres quels qu'ils soient, ont recours, soit à des banques, établissements
financiers ou agents de change, soit à des procédés de publicité quelconq ue".

340
constituées
uniquement
par
les
fondateurs.
Les
secondes
comprennent les fondateurs et les souscripteurs à l'appel public. A
la vérité, il n'y a plus que des sociétés ouvertes au Gabon, du moins
juridiquement.
En effet, la loi 481 prévoit en son article
1, que toute société de
capitaux
légalement
constituée,
exerçant
des
activités
en
République Gabonaise doit offrir à l'achat aux nationaux un certain
pourcentage d'actions soit lors de la constitution, soit lors de 1a
création
soit,
si
elle
est
déjà
créée,
lors
de 1a
prochaine
augmentation de capital. La difficulté
ici n'est pas la publicité
à
réaliser
préalablement
à la souscription,
ni l'opération
en cas
d'augmentation de capital, mais l'existence d'employés sociaux dès
les formalités de souscription pour la création ou la constitution
de la société.
Il
importe
ensuite
de distinguer
cette
cession
onéreuse d'actions à des gabonais employés de la société 482 d'avec
la cession gratuite à l'Etat de 10 % du capital social. Dans ce cas,
le pourcentage de cession est fixé par le conseil d'administration
et ne peut être inférieur à 10 %
483
même si les deux types de
cession ne s'intéressent qu'aux sociétés de capitaux.
Reste alors à qualifier
le procédé de l'article
3 de l'ordonnance
27/75. Quand bien même, il n'y aurait pas de bourse au Gabon, ou
que les fondateurs n'auraient
pas eu recours
aux banques, aux
autres établissements
financiers
ou aux agents de change, le fait
d'obtenir du public une souscription consécutive à la publicité de 1a
loi 1907 484, n'est-ce pas un appel à l'épargne publique ? L'accès du
capital
social
nécessairement
à des personnes
autres
que 1e s
fondateurs même dans le cas où ceux-ci
pouvaient souscrire
à
l'intégralité du capital, confirme l'existence désormais, des seules
sociétés ouvertes.
2 - La libération
du capital
social
La souscription
est certainement
une étape
difficile
dans
1 a
constitution
du capital
social.
D'ailleurs
lorsqu'elle
n'est
pas
intégralement
couverte, la société
ne peut être constituée. Si 1es
4810rdonnance n°
27/75 du
11/04/1975 organisant
la
participation
des
nationaux aux activités des sociétés de capitaux in
bull.
mensuel
de la
Chambre de Commerce de Libreville n° 14/75 du 10/09/1975 p.l
482i\\rticle 3 ordonnance 27/75 du 11/04/1975.
483Article 2,2" de l'ordonnance n° 27/75.
484lnsertion
au journal
officiel
d'une notice
contenant
les
indications
essentielles sur la société mentions reprises dans les prospectus publicitaires.

341
promoteurs maintiennent
leur projet
de donner naissance
à une
personne morale commerçante ou industrielle,
il leur faut opter
pour
un capital
moindre
qu'ils
soumettront
à
nouveau
aux
formalités de souscription. Par ailleurs, s'il est toujours possible
trouver des individus pour souscrire, il est moins certain d'obtenir
des partenaires sérieux qui tiennent leur engagement jusqu'au bout,
c'est-à-dire à l'acte matériel de la libération du capital.
a) - L'intérêt de la libération
du capital
social
Une fois que le bulletin de souscription individuelle
est signé, i 1
faut libérer la portion du capital retenue en la payant en argent ou
en nature aux premiers membres de la société. La libération
du
capital social transforme celui-ci en une notion comptable tout en
conservant ses valeurs juridiques. Le capital social
libéré permet
de fixer en monnaie la garantie donnée aux créanciers sociaux. Dans
ces conditions
il
ne doit englober que les valeurs
susceptibles
d'exécution forcée sinon, à quoi serviraient des droits dont il sera it
impossible aux créanciers d'exiger la réalisation.
Le capital social libéré se contient aisément dans le bilan, cadre
comptable qui récapitule le patrimoine de la société. Son tableau
aide à prendre connaissance le plus près possible de la situation de
l'entreprise
ou de l'état de ses ressources à un moment donné. Le
rapprochement des deux postes du bilan, amène à dire que si 1e
passif où figure le capital social n'est pas semblable à ce dernier,
l'un et l'autre peuvent se confondre uniquement lorsque les apports
sont libérés. Dans ce cas, force est de bien penser que le capital
social est égal à la somme des apports avec ce sentiment que, 1e
capital social libéré a été acquitté en numéraire et en nature. Par
contre, il
ne compte pas les apports en industrie.
En plus,
i 1
n'empêche pas de concevoir que si certains apports sont effectués
intégralement lors
de la souscription,
la libération
de certains
autres souffre des délais du fait de la loi ou des statuts.
b) - Les modalités
de la libération
du capital
Elles varient selon qu'il s'agit d'actions de numéraire ou d'actions
d'apport.
- l'exemple
des actions
de numéraire
La règle est celle de l'article 1-2 0 de la loi du 24 Juillet 1867 qui

342
prévoit que chaque actionnaire doit verser le quart au moins du
montant des actions souscrites. Le reste va être versé dans un
délai maximum de cinq ans. Il en est ainsi de toutes les sociétés
d'actions, qui d'ailleurs
s'efforceront
de récupérer
le solde de
souscription dans l'année qui suivra la création de la société. Les
autres
modalités
différentes
sont
exceptionnelles
puisqu'elles
relèvent de réglementations spéciales. Ainsi, le capital social de 1a
"S.A. R. L"
(article
7
loi
1925)
est
intégralement
libéré
à 1a
constitution.
Dans la
"S.N.C.",
le capital
social
n'a qu'un rôle
secondaire.
Le gage
des
créanciers
se
mesure
non
pas
à
l'importance
du capital
social,
mais
au crédit
personnel
des
associés. Ceci explique que la libération des espèces puisse être
partielle
selon l'esprit
de la loi de 1867 qui va même jusqu'à
entrevoir une libération
au fur et à mesure des besoins de 1a
société
en commandite.
Cette
même facilité
prévaut
dans 1a
constitution des variétés de sociétés en participation
où chacun
peut, soit conserver son apport tant que l'opération sociale
n'est
pas réalisée, soit la remettre à l'exploitant qui apparaît comme un
gérant.
- Le cas des actions
d'apport
Le droit commun est celui de l'article 3 de la loi du 24 Juillet 1867
qui précise que les actions représentant des apports en nature
-_..
devront toujours être intégralement
libérées
au moment de 1a
constitution de la société. Cette règle est valable pour toutes 1e s
autres sociétés, même si elle a parfois posé des interrogations
notamment pour ce qui est de l'inscription des apports en industrie
aux postes du bilan de départ. Ainsi,
un arrêt 485 a prononcé 1a
nullité d'une S.A.R.L. constituée par trois personnes : l'une apportant
le droit au baild'ùne usine plus 40.000 FF ; les deux autres amenant
leurs
connaissances
techniques
et
professionnelles,
études,
travaux, soins et démarches faits
en vue de la création
et de
l'exploitation
de l'usine le tout évalué à 25.000 FF chacun sans
48SLyon 15'(B.1935, PRINCE et SENNEGONG cl MARLIER et autres, D 1935,49.
Req. 9.06.1891 DECAZE c 1 Grande Cie d'Assurances D. 1892 1. 361 "... Attendu
qu'il est constaté ... que le capital social de G.C.A. n'avait pas été intégralement
souscrit; que la plupart des souscriptions étaient fictives ... figuraient un
grand nombre d'employés ... dont plusieurs notoirement insolvables avaient
signé en blanc. .. et ignoraient la qualité d'actions souscrites ... "

343
oublier
une somme
de 40.000
FF
libérée
intégralement
et
rémunérée en parts supplémentaires. Ces deux derniers
associés
étaient en outre les gérants aux pouvoirs les plus étendus recevant
la moitié des bénéfices. La cour d'appel s'est ainsi prononcée sur 1e
premier moyen:
"... attendu que les premiers juges ont cru à tort écarter ce moyen
de nullité... attendu sans doute, comme ils l'ont proclamé que 1e
crédit commercial
d'un individu,
la confiance
qu'il
inspire,
ses
capacités et ses compétences techniques peuvent faire l'objet d'un
apport en société; mais que cet apport industriel, s'il est licite en
lui-même, ne peut être rémunéré par des actions faisant partie du
capital social, mais simplement par des parts bénéficiaires
parce
que cet apport, par sa nature implique une série
de prestations
éventuelles et successives qu'il ne peut être fourni au moment de
la constitution de la société et contribuer à la formation du ca pita 1
social ; que la solution contraire heurterait l'article 7 de la loi de
1925 qui ne fait au reste que reproduire
l'article
3-2 0
de la loi
générale de
1867 qui exige que les parts sociales se confondant à
des apports en nature soient toujours intégralement libérées lors
de la constitution de la société ; que de même Lin apport d'études,
de travaux et démarches ne peut faire l'objet d'une attribution de
parts sociales parce qu'il ne constitue pas un élément d'actif rée 1
et tangible ayant une valeur appréciable pour la formation de 1a
société et immédiatement pour les créanciers...".
c) - Le problème
de la libération
des souscriptions
fa ites
par l'Etat.
Généralement, le capital
financier
constitué
représente
environ
20010" de l'investissement
pour
les
sociétés
commerciales.
Le
pourcentage est de 40010 quand il s'agit d'une société industrielle. Or
ce capital
est
pour beaucoup, la garantie
des banques et des
sociétés
de financement.
Dans le système
ancien, excepté
les
banques, les assurances et les sociétés d'investissement, la loi ne
s'est intéressée à la fixation du capital social que pour la SARL 486.
Il a fallu
la loi gabonaise de 1974 487 pour prescrire
un capital
minimum de 5.000.000 francs dans les sociétés d'actions, qu'elles
fassent ou non appel à l'épargne publique (article 1, de la loi 1974).
486Le capital social est de 250.0CX) F CFA au moins et la valeur nominale de la
part sociale fixée à 5.000 francs Cfa article 6 loi de 1925.
487Loi n° 1/74 du 31/05/1974 - JO. 6/08/1974, 40.

344
Notons que ce même texte prévoit des dérogations qui permettent
de constituer une société avec 2.000.000 de francs (article 2-2°) à
charge de régularisation
par augmentation dans un délai
d'un an
(article 3). Enfin, le montant nominal commun de l'action ou de 1a
part sociale est de 5.000 francs 488.
- La non libération
par l'Etat
et l'affirmation
du capital
soc i a 1
Souvent l'Etat ne libère pas le capital souscrit par lui. Or ceci n'en
fait
pas moins une décision
officielle
de souscription
et un
actionnaire.
Pendant ce temps,
la société
a pu commencer à
fonctionner et les 20 ou 40 % du capital
libéré
par les autres
associés ont été affectés au fonds de roulement ou à l'achat des
matières premières pour les sociétés industrielles.
Dans ce cas très souvent les autres partenaires financiers vont en
consolation, demander pour les besoins sociaux, l'aval de l'Etat à
concurrence de sa participation.
Sur le plan de l'interprétation
stricte de l'apport en société,
cette méthode peut susciter
des
critiques. Mais à bien regarder, qu'y a-t-il
de plus rassurant que 1a
garantie de l'Etat? Malheureusement ce sentiment n'est certain que
dans l'immédiat et autant qu'il ne cause pas de gêne. Bientôt, il va
être un agent de déficit de l'entreprise surtout si l'Etat est le plus
important souscripteur. Même si les banques acceptent de financer
en parallèle
avec l'apport
de l'Etat,
ce sont
là des facteurs
d'intérêts et de frais financiers
considérables qui, ne l'écartons
pas, vont grever le prix de revient. Enfin, ce système ne laisse pas
au
chef
d'entreprise
la
faculté
de
la
disponibilité
et
de
l'affectation des capitaux sociaux. Il est enfermé par les exigences
de l'établissement bancaire qui choisit même les fournisseurs tant
que ceci lui apparaît sécurisant.
- La réactualisation
de l'actif
par simulation
D'une manière générale, car le phénomène concerne également 1es
particuliers, l'apport restant à fournir n'est jamais effectué. Il en
est de même des réserves légales qui ne sont pas créditées et des
488A la suite de l'article 28 du décret du 4/08/1949 qui a modifié l'article 1 de la
loi du 24/07/1867

345
dividendes
qui
sont
toujours
redistribués.
Alors
les
média-
financiers s'agitent au point d'inciter le chef d'entreprise à tenter
une augmentation de son capital.
Mais comme personne ne veut
donner de l'argent, la société va procéder à une réactualisation de
l'actif
sans apport de capitaux nouveaux. Nous savons déjà que
l'Etat a souscrit et souvent sans libérer le capital, mais rien n'a
empêché l'établissement de la déclaration notariée de sincérité.
Dans d'autres cas de fiction, la justification
va être faite par les
commissaires aux apports.
C'est l'exemple d'une société dont le bilan
est équilibré.
Elle a
acheté de la matière première qui coûtait 100 francs il y a tro is
ans et qui
vaut
200
francs
au moment
où est
décidée
1a
réactualisation
de son stock. Le commissaire
aux apports appelé
peut valablement,
au vu des anciennes
factures,
établir
une
nouvelle évaluation qui sera incorporée au capital social. Mais i 1
est des exemples qui ne sauraient expliquer. Une entreprise a un
capital de 10.000.000 de francs et ne libère que 2.500.000. Elle fait
un mauvais hangar financé
par elle-même
qui présente quelques
effets, tirés par un ami mais assortis
de la mention "acquitté"
ainsi qu'une liste d'actionnaires. Elle passe le tout au commissa ire
aux apports qui entérine l'incorporation au capital social
souvent
quatre à cinq fois plus que la valeur nominale.
Voici une pratique qui ne semble pas dans l'axe de ce qu'il est
souhaitable
de retenir
pour arriver
à instaurer
au Gabon
un
commerce et une industrie performants. La simulation
discrète à
plus forte
raison
publique,
est
à l'origine
de bien
sérieuses
difficultés
théoriques
et
techniques.
C'est
un
procédé
suffisamment
exposé par les
auteurs pour dire
qu'en soi,
1a
simulation n'a rien d'illicite sauf si le mobile auquel obéissent 1e s
parties
est
lui-même
illicite
car
doublé
d'une
intention
frauduleuse. Paul PIC 489 en a fait une analyse détaillée
laissant
découvrir une simulation bienfaisante, simplificatrice,
frauduleuse
ou dirimante. Si cet auteur, rapproche la simulation
des contre-
lettres et des actes déguisés, des souscriptions fictives de titres
de société, c'est surtout du côté de la fraude 490 à la loi qu'il
s'étend le plus, pour prévenir
tout acte accompli
dans le but
d'éluder volontairement l'application d'une loi d'ordre public.
489Notes sous civ. 11.04.1927 D 1929. 1. 25
490]. VIDAL, essai d'une théorie générale de la fraude en droit français. D.
1957 ; B. AUDIT, la fraude à la loi, Th. 1974.

346
Or la simulation dirimante est une cause de nullité de la société
surtout si elle consiste à mettre en place une société vraie
ou
simulée, ayant pour but soit d'avantager certaines
personnes en
leur attribuant des parts fictives
soit d'éluder les prescriptions
impératives
de la loi sur les apports. C'est un peu le fond de
l'affaire Banque PETIT Jean 491 où un testateur a tenu à favoriser les
uns au delà de la quotité disponible,
même si pour des raisons
tenant à l'étendue des droits du successeur, les demandeurs ont été
déclarés irrecevables. Mais c'est bien plus ce qui ressort de cet
arrêt 492 : selon une convention du 1 Mai 1898, un notaire a versé
une somme d'argent aux frères DUFOUR, à titre de prêt remboursable
assorti d'un intérêt annuel. Le notaire devient conseil de la société,
moyennant 50 % des bénéfices, est exempté des dettes antérieures
et
peut
prendre
communication
des
livres
. Des
d ifficu Ités
surgissent et font condamner les frères DUFOUR. Ayant par la suite
pris
connaissance
de
la
convention
précitée,
les
créanciers
assignent le notaire en jugement commun.
Sur appel du jugement du tribunal de commerce de la Seine du 17
Janvier
1900, la Cour de Paris
explique
le
17 Juin
1901
"...
considérant que des clauses de l'acte du 1 Mai 1858... il résulte que
L. ... a voulu donner à cet acte l'apparence d'un prêt à raison de sa
qualité de notaire qui lui interdisait de faire du commerce et qu'il a
tenté de se soustraire aux risques de la société et notamment à 1a
contribution aux pertes en même temps qu'il s'attribuait tous les
avantages de ce genre de contrat
; ... qu'il
y a lieu
toutefois
d'attribuer aux conventions des parties leur véritable caractère ; ...
considérant... (les circonstances dans lesquelles cette somme se u1
capital
de l'entreprise
a été remise et ses affectations) ; ... que
cette dernière clause est contradictoire avec les règles du prêt et
implique qu'à partir du 1 Mai 1898 il devait être fa it comme une
liquidation de l'ancienne société DUFOUR en vue de déterminer 1e s
résultats
d'une nouvelle ; ... que L... devait avoir tous les pouvoirs
d'un associé moins la signature sociale ;
que sa part de profits
était avantageuse même pour un associé;
que l'article 1855 c.civ.
prononce la nullité non du contrat de société où il serait convenu
que les sommes apportées par un ou plusieurs associés seraient
affranchis
de toute contribution
aux pertes,
mais seulement de
cette clause elle-même ; que par suite,
le contrat qui, dans son
491Civ. 11.04.1927 prée.
492Req. 3.03.1903 L.. (notaire) cl MAYER et consorts D. 1904,257.

347
ensemble, présente les caractères d'une société... doit être entendu
comme impliquant pour cet associé
une contribution
aux pertes
égales à sa participation aux bénéfices... Confirme...Il
Sur le pourvoi en cassation
entrepris,
relativement
au premier
moyen: "... attendu que cette stipulation d'un partage des bénéfices
espérés n'impliquait pas nécessairement que le bailleur de fonds
devînt un associé, mais qu'il est constaté par la cour d'appel que
dans l'intention des parties... il s'agissait entre elles de déguiser,
sous les apparences d'un emprunt la formation d'une société en nom
collectif interdite aux officiers publics ... ; que dans l'état des fa its
ainsi déclarés et souverainement appréciés par eux, les juges du
fond ont pu restituer
aux conventions
litigieuses
le caractère
juridique d'une société... la simulation avait eu lieu dans un but de
fraude à la loi...Il
Quelles que soient les raisons qui poussent à maintenir la société,
n'est-il pas mieux de faire usage de la porte de salut ouverte par 1a
loi de 1974 493 quand elle dit qu'à défaut de régulariser
le capital
social
de constitution,
la société doit se créer sous une autre
forme. Il faut corriger ce qui se confirme au Gabon: un esprit des
sociétés d'actions avec un statut anonyme pour les actionnaires ;
un capital social une fois libéré ou supposé libéré, aussitôt versé
au compte social ouvert à cet effet pour ce qui est numéraire, des
actions en nature mises à la disposition
de la société sur une
évaluation quelconque ; des fondateurs ou premiers membres des
organes
de
gestion,
d'administration,
de
direction
ou
de
surveillance simplement tenus de déposer au greffe une déclaration
dans laquelle ils relatent toutes les opérations de constitution 494.
Paragraphe 2 - La cession
à l'Etat de 10 % du ca pita 1 soc i a 1
D'ordinaire,
l'accès dans une société commerciale
s'effectue
en
prenant des souscriptions
contre la remise de titres
sociaux
en
actions
ou en parts.
Il
en est de même lorsque
l'entrée
est
aménagée d'une manière un peu dirigiste
parce que l'Etat désireux
de stimuler
1a participation
effective
des nationaux dans les
493Article Y in fine.
494Article 3 loi 10/73 du 20/12/1973. Cette loi semble laisser une latitude aux
associés quant à la tenue des assemblées constitutives puisqu'elle n'en parle
pas. Ble se contente simplement d'insister sur la territorialité gabonaise des
lieux de réunions.

348
affaires, a pris l'ordonnance n° 27/75 qui impartit aux sociétés de
capitaux de réserver au moins 10 % du capital
à la souscription
prioritaire
des employés.
En dehors
de la forme
onéreuse de
l'acquisition
de la qualité
d'actionnaire
ou d'associé,
il
n'est
envisagé d'arrivée gratuite d'associé, que selon les modes du droit
civil.
Lorsqu'un partenaire social s'installe dans les termes de 1a
loi de 1972 495 il n'y a rien à faire contre l'évidente mise en avant
de l'argument de souveraineté. Il faut alors craindre d'une telle loi,
les conséquences multiples dans un domaine à la fois juridique et
technique.
D'abord,
la
pratique
légalise
la
venue
d'un
type
d'actionnaire sans apport. Ensuite, la lecture de l'ordonnance de
1976 496 permet de retenir que désormais l'Etat est un partenaire
social qui doit être traité en alter ego ou bien en super ego selon
ses convenances. Assurément s'il
est possible de cette façon de
satisfaire certaines légitimités,
en revanche ce système demeure
assez grave dans la mesure où l'esprit
de société
s'en trouve
sérieusement secoué.
A - Le mécanisme de la cession
1 - L'aspect doctrinal
de l'ordonnance n° 41/72
a) - Le principe
de la cession
Il est contenu dans l'article
1 de l'ordonnance n° 41/72. En effet,
toutes les sociétés
légalement
constituées
pour exercer
leurs
activités au Gabon, doivent céder gratuitement à l'Etat au moment
de leur constitution et lors de toutes augmentations ultérieures de
capital, une part fixée à 10 % du capital social, en compensation
des avantages divers qu'elles retirent de leurs activités au Gabon.
Cet article premier est de loin la disposition la plus particulariste
de l'ordonnance 41/72. Il contient l'aspect pratique de la cession et
autorise
néanmoins que dans leur approche, les intérêts
soient
scindés pour que d'ores et déjà soit faite
une appréciation
des
sujets de la cession.
b) - Les sujets de la cession
Le texte de l'a rticle 1 évoque les sociétés légalement constituées.
49SLoi n" 41172 du 10/06/1972 rendant obligatoire la cession gratuite à l'Etat
de 10 % des parts du capital des sociétés s'installant au Gabon.
4960rdonnance n" 18176 du 6/02/1976 modifiant la loi n" 41172 du 10/06/1972
au bull. de la Chambre de commerce de Libreville n" 4/76 du 4/04/1976 p. 1

349
A priori il n'y a aucune raison de distinguer les sociétés à parts
sociales de celles
à actions. Pourtant l'article
2 de l'ordonnance
41/72 servant d'exception à
la règle,
exclut
les
sociétés
de
personnes. Comme pour confirmer
le caractère
particulièrement
perméable des textes gabonais, l'article
3 brandit les dérogations
que le droit ne contrôle souvent plus puisqu'elles surviennent par
décision du Chef de l'Etat.
Le fait d'exclure du droit de la cession spécialement les sociétés
de personnes et les petites et moyennes entreprises autorise-t-il
à
penser que seules sont soumises à l'article
1 les sociétés
de
capitaux ? Voilà une loi qui viendrait distinguer dans un domaine où
il est souhaitable
d'appréhender le plus
possible
de sujets
de
droits. Epargner les petites et moyennes entreprises pour mieux 1es
stimuler est une chose. Mais écarter purement et simplement les
sociétés de personnes, sans tenir compte ni de l'ampleur de leurs
activités ni de l'importance
de leur
fortune, est chose presque
contraire à la cause de la loi.
En effet, l'ordonnance ne laisse
planer aucune équivoque sur ce
point. Elle soutient que toute entreprise qui oeuvre au Gabon en tire
des avantages divers. En l'état, il
est bien sûr intéressant
de
s'activer au Gabon, mais ·dans les avantages divers envisagés par
l'ordonnance
il
y en a qui
sont fiscaux
et d'autres
qui
sont
l'expression
même
du profit
commercial.
Autrement
dit,
une
société qui se crée à plus forte raison une autre qui oeuvre déjà,
est présumée ne pas faire
de mauvaises
affaires.
Mais que Iles
actions,
une entreprise
qui procède à une augmentation
de son
capital en utilisant des procédés de nature à leurrer ses créa ncie rs
va-t-elle céder à l'Etat? N'est-ce pas des parts d'inflation ? Par
contre, l'ordonnance ne semble pas s'intéresser à l'hypothèse de 1a
réduction du capital. Il suffit donc à un sujet de l'article
1 de
réaliser une réduction de capital pour échapper au principe de 1a
cession.
Enfin,
il
faut
c ra indre
que la
présomption
du bila n
créditeur ne vienne confirmer
une certaine
mentalité
où il
est
constant de confondre le chiffre d'affaires avec le bénéfice.
Repris
d'un autre côté il
est possible
de rappeler
que si
1e s
sociétés de capitaux au sens du droit classique
sont les seules
visees
par
l'article
1, elles
regroupent
toutes
les
sociétés
anonymes dont une bonne partie est émanation de l'Etat. N'est-il

350
pas heureux pour aussi rare qu'il soit créditeur au sens comptable,
que l'Etat puisse tirer des profits de ses activités
lucratives
au
Gabon? Le même raisonnement a sa place dans le cas des sociétés
à capitaux nationaux ou celles comptant des nationaux majoritaires
qui seraient alors pénalisées 497. A la limite
ce serait une sorte
d'imposition
camouflée.
Dès lors,
l'Etat
qui veut se rattra pe r
d'avoir accordé trop de faveurs
lors
de l'octroi
de l'agrément
territorial
n'a plus qu'à assortir
son texte, soit de la formule
générale avec ses conséquences négatives, soit d'une clause ne
s'intéressant qu'aux sociétés étrangères.
2 - L'aspect matériel
de l'ordonnance 41/72
L'article 1 de l'ordonnance confirme la primauté du capital socia 1
dans l'ordre des considérations des sociétés au Gabon. Aussi va-t-
on essayer d'établir une sorte de matérialisation
de la cession et
de dire sa destination.
a) - l'objet de la cession
Le texte de l'ordonnance parle 10 % du capital social prélevés soit à
la constitution
soit à la suite
d'une augmentation.
Il
convient,
puisque nous l'avons stigmatisé,
d'envisager la cession même en
cas de réduction
du capital.
Tout le problème
est de pouvoir
déterminer en comptabilité,
la valeur de la part cédée à l'Etat.
Plusieurs textes ont porté sur ce calcul. L'article 1,2° de la loi de
1867 dit que chaque apporteur en numéraire doit verser le quart au
moins du montant des actions qu'il a souscrites.
Ce minimum se
calcule souscripteur par souscripteur et non de façon globale par
rapport au capital social. Pour sa part, le décret d'application 498 de
l'ordonnance
41/72
a
tenu
à
préciser
son
système
de
comptabilisation. Chaque actionnaire doit se dessaisir au profit de
l'Etat d'une quete-part de ses actions dans les proportions de sa
participation au capital, de manière que le total des actions cédées
atteigne 10 % du ca pita 1.
497La pénalité est constituée par le fait d'exiger d'une personne juridique,
qu'elle se dépouille obligatoirement de partie de son patrimoine au profit de
l'Etat, sous peine d'amende. Art. 3 de l'ord. 18176 du 6/02/1976.
498D. na 958 du 10/08/1972.

351
Le rapprochement de ces deux textes
au demeurant d'objectifs
différents laisse apparaître une nuance dans le calcul. Le premier
vise à constituer un capital social partir du principe fondamental
de l'obligation
de chaque associé
de fournir
un apport.
C'est
pourquoi estime-t-on, le capital social est à un moment donné, 1a
somme des apports individuels. Le second texte veut qu'une partie
du capital
social
soit cédée a un associé
qui n'a pas du tout
souscrit
d'actions sociales.
Dans ce cas le mouvement devient
inverse. Tout part de l'ensemble du capital
social
déjà
souscrit
pour qu'après l'avoir fractionné, soit cédé l'équivalent de 10 % à
l'Etat.
Il
appartient
à
la
société
qui
a
réalisé
la
cession
conformément à la loi de faire répercuter la valeur de la cession en
diminution des montants d'actions souscrites. L'ordonnance dit bien
que ce sont les sociétés légalement constituées qui cèdent 10 % de
leur capital. Ce sont ces mêmes sociétés
qui doivent faire
les
propositions
de négociations 499. Ce sont encore
elles
qui
sont
pénalisées.
En effet ce ne sont pas les biens de l'actionnaire qui sont menacés
de saisie,
ce sont ceux de la société 500. Le système de calcul du
décret de 1972 même s'il
est retenu
par l'administration
des
impôts
vraisemblablement
à
l'origine
du
texte,
n'est
qu'une
imitation de l'article
1 de la loi de 1867. Or ces deux textes n'ont
pas les mêmes ambitions. Dans un cas, le capital social part des
associés tandis que dans l'autre, est cédée une partie du capital
social constitué par une société légalement créée. Dire que chaque
actionnaire doit consentir à l'Etat la cession de ses actions et non
la
société
est
une
interprétation
confuse
de
l'ordonnance.
L'actionnaire ne cède pas. Il subit la cession imposée à la société.
D'ailleurs, s'il s'y refuse l'Etat n'a aucune action contre lui alors
que la société dispose contre l'actionnaire défaillant,
entre autre,
d'une action sociale ut singuli.
b) - Le sort de l'objet de la cession
La volonté de l'Etat gabonais de jouer un rôle remarqué dans 1e
domaine des affaires donne libre cours à la spéculation quant aux
profits
par
lui
tirés
d'une
exploitation
commerciale
ou tout
simplement,
de la collecte
des 10 % du capital des sociétés. Pou r
499Article 7 ordonnance 41/72.
SOOArticles 3,4 et 6 ordonnance 41/72

352
ne revenir que sur ce dernier cas, il faut preciser que l'objet des
100,/0 est déposé à SONADIG 501. L'opération s'effectue par la re mise
d'un bordereau de cession
d'actions et ce sont ces actions que
SONADIG
détient
en capital.
Mais
que va-t-elle
faire
de te Is
documents puisque SONADIG ne joue pas le rôle d'une caisse de dépôt
et de consignation de titres ou de valeurs mobilières ?
Il faut peut-être rappeler des rudiments de droit classique
pour
dire que l'action reste considérée comme un titre remis à l'associé
en représentation de son apport. Sur le plan financier,
ces titres
sont à revenu variable
parce qu'ils
produisent
en fonction
des
bénéfices de la société. Pour sa part, l'article
2 du décret du 28
Avril
1953
ajoute
que les
actions
émises
par
les
sociétés
anonymes ou les sociétés
en commandite
par actions,
peuvent
revêtir la forme nominative ou la forme au porteur. Parfois
une
forme choisie peut être imposée par la loi 502 ou par les statuts 503.
Les actions nominatives sont représentées par un certificat
qui
indique le nom et d'une manière générale, l'identité de l'actionnaire,
ainsi
que le nombre d'actions dont il
est
titulaire.
Tous ces
renseignements peuvent être vérifiés au registre de la société qui,
dans le cas de l'action nominative, conserve ou demeure le vrai
titre. Aucune cession régulière ne peut donc s'opérer si ce n'est par
transfert c'est-à-dire par le changement de l'identité du titu 1aire
de l'action réalisée sur le registre de la société.
Quant aux actions
au porteur elles
sont matérialisées
par des
coupons sur lesquels figure en sus du montant nominal, un numéro
d'ordre. Ces actions ne permettent pas d'identifier leurs titulaires
tant elles sont résolument anonymes. Reste à pouvoir retrouver
dans le registre de la société des indications sur ces actionnaires
malheureusement, aucune mention n'y est portée. Autant dire que ce
sont des actions qui appartiennent à leurs porteurs, illustration qui
les rapproche des billets de banque ou des effets de commerce.
SOlsociété nationale d'investissement du Gabon
S02C'est le cas des actions de numéraire partiellement libérées, des actions
d'apport pendant les deux ans qui suivent leur réalisation et des actions de
garantie des administrateurs.
S03Notamment dans les sociétés fermées où les rapports sont dominés par une
sorte d'intuitus personae. VALLEUR, l'intuitus personae dans les contrats, Th.
Paris 1938; j.F, OVERSTAKE, essai de classification des contrats spéciaux: rôle
de l'intuitus personae LGDj. T. XCI 1969,242.

353
Ainsi le droit est incorporé au coupon numéroté, ce qui en fait un
véritable titre. Son acquisition est facile
et sa formule va être
prisée au Gabon où les associés
sont friands
de l'anonymat. Le
décret n° 958 du 10 Août 1972 rapporte que les actions remises à
l'Etat doivent être individualisées.
Mais cette distinction
n'est pas celle
qui, à en croire,
aura it
rapproché les actions cédées des actions nominatives.
Il
s'agit
d'une individualisation
administrative
pour distinguer les actions
de cession gratuite des autres résultant de prise de participation
504. Le fait
pour le décret n° 958 d'ajouter qu'en cas de dissolution
de la société ces actions sont considérées comme des actions de
jouissance, ne change rien à penser que la forme au porteur est
celle
qui
juridiquement,
correspond
aux
actions
cédées
gratuitement à l'Etat. Mais là où le désaccord survient c'est quand
le décret déclare ces actions incessibles.
En effet,
dès la réception
du bordereau d'actions,
SONADIG
va
s'empresser de le déposer, à défaut de bourses de titres
et de
valeurs, dans une banque locale. L'institution financière à son tour
débloquera les fonds correspondants et les portera au crédit du
compte SONADIG. y a-t-il
d'autres termes juridiques
pour traduire
cette transaction bancaire si ce n'est l'escompte ou la réescompte?
Il faut ensuite que SONADIG joue son rôle d'établissement public
destiné à apporter une aide financière à l'artisanat,
à la petite et
moyenne entreprise et industrie (PM E et PMI).
Or SONADIG en tant que telle,
n'a pas de budget propre. Elle vit
également des avoirs constitués par les cessions gratuites. II s'en-
suit que les valeurs recueillies ne suffisent même pas pour assurer
l'exploitation
du service
public.
Il
en faut beaucoup plus pour
entretenir un directeur général et ses directeurs généraux-adjoints
aux salaires
de président-directeur
de société, sans oublier
1 a
cohorte
d'agents pourtant de l'Etat,
et dont le rendement
est
douteux.
Si les titres deviennent incessibles, peut-être ont-ils été remis en
gage? Il faut alors s'inquiéter de savoir comment effectuer 1e ur
retour en propriété à pa rti r des aliénations rappelées. Il eut été
504Cette distinction par ailleurs, n'est pas fondamentale puisque dans l'un et
l'autre cas, plus spécialement avec l'ord. de 1976, il est partout question de
prise de participation.

354
pourtant plus
simple
de prévoir
dans le
budget de l'Etat,
1e
fonctionnement de SONADIG. Sinon, pourquoi ne pas attendre que 1e s
actions détenues aient eu le temps de produire afin de disposer
tout au plus de leurs revenus?
En réalité,
cette obscurité
dans la destination
des 10 % est
conforme à la confusion entre le chiffre d'affaires et le bénéfice
ainsi qu'à l'intérieur du bénéfice, la périodicité des dividendes. A
tout
le
moins,
elle
transforme
en pis-a 11er,
une in s t itution
pourtant légitime dans ses ambitions.
B - La portée théorique
de la cession
Nous pouvons désormais affirmer
avec assez de certitude que 1a
cession gratuite à l'Etat de partie du capital des sociétés est un
trait particulariste
de la législation gabonaise du commerce et de
l'industrie.
Elle se distingue
des autres
systèmes
répandus en
Afrique en ce que, les efforts locaux de partager les profits tirés
des exploitations lucratives étrangères, se sont presque toujours
concrétisés par une prise de pa rticipation onéreuse.
En plus,
la
composition
avec
les
Etats
s'est
manifestée
de
l'extérieur puisque l'entreprise a toujours conservé sa liberté de
manoeuvre à travers sa direction, ses organes délibérants et ceux
chargés
de sa surveillance.
Depuis
l'ordonnance
41/72
qui
a
institué la cession gratuite ainsi que le décret de 1976 qui a créé
un siège pour l'Etat au conseil d'administration,
il ne s'agit plus
d'une participation
aux seuls
bénéfices.
L'Etat est en train
de
corroborer sa politique visant à s'assurer le contrôle des affaires
en attendant d'en avoir la maîtrise.
Il va donc jouer un rôle de
dedans et la technique choisie
pour y parvenir va réaliser
si ce
n'est un éclatement, tout au moins de sérieuses entorses aux règles
de disposition des actions.
1 - L'effritement
des règles
de la cession
Les titres émis par les sociétés visées dans l'ordonnance 41/72
dont le modèle est ici
la société anonyme sont des actions, des
obligations et des parts de fondateurs. Ces trois valeurs mobilières
sont suffisamment rapprochées pour craindre le glissement d'une
confusion de terminologie
favorisée
par l'usage
indifférent
des
termes "cession" et "négociation". Autant, reven ir à distinguer 1a
cessibilité de la négociabilité des actions ?

355
La négociabilité est la possibilité
de transmettre des droits selon
les modes du droit commercial.
Or celui-ci
a des procédés qui
doivent satisfaire
toujours
à une certaine
célérité
suivant
un
formalisme assez sûr. Il utilise la simple tradition matérielle pour
les titres
au porteur et le système de transfert
pour les titres
nominatifs.
La cessibilité de son côté, est une faculté ouverte par le droit de 1a
cession lequel est avant tout réglementé par le droit civil
où se
distinguent cession de créance et cession de dettes. Il y a là une
sorte de correspondance avec le capital social
entièrement libéré
ou non, qui est pour la société une créance sur les associés et pour
les associés parfois une dette de la société. S'il faut céder une
dette, le code civil s'oppose à cette opération à moins qu'elle soit
assortie de la bénédiction du créancier cédant.
De même pour céder une créance, ce qui est facilité
par la loi, un
certain
nombre de considérations
méritent
d'être rappelées.
La
cession de créance est un contrat consensuel prévu par l'a rtic le
1689 c. civ., ayant pour effet immédiat, la remise d'un titre. Sur 1e
plan de la forme, l'acceptation du débiteur cédé selon l'article 1690
c.civ. se conçoit bien de ce que ce débiteur a pris acte par n'importe
quel moyen contradictoire
prouvé,
de la cession
opérée par 1e
créancier cédant au profit d'un créa ncier cessionnaire nouveau. 11
en est de même des autres créanciers.
Mais ce qu'il faut fa i re
apparaître c'est que d'une part, le transfert de créance prévu par 1e
code civil l'est à titre onéreux,
sinon la cession effectuée à titre
gratuit sera soumise aux règles des transmissions entre vifs ou à
cause de mort ; d'autre part, lorsque la créance revêt une forme
commerciale,
les formalités
de l'article
1690 c.civ.
s'effacent
devant les modes du droit commercial.
Dans l'ensemble, cessibilité
et négociabilité s'apparentent tant i 1
s'agit d'opérations portant sur des titres de commerce. La cession
gratuite ou onéreuse d'une action
du capital
social ne constitue
donc pas une anomalie. Peut-on également dire que la cession et 1a
négociation des actions ou en cas d'erreur, des titres émis par 1e s
sociétés, ne sont pas soumises à d'autres conditions ?
a) - Le droit de la loi
théoriquement
applicable
au Gabon
L'obligation
est une valeur mobilière fongible et négociable selon

356
les modes du droit commercial.
Elle
est émise en bloc par les
sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions pour
consacrer une créance collective à long terme. Son remboursement
est effectué soit par le versement aux porteurs de revenus fixes
souvent assortis
de garanties,
soit par l'autorisation
donnée au
cours de l'assemblée
générale
extraordinaire
qui l'a
créée,
de
convertir l'obligation en action. Mais l'obligation
n'est émise que
par les sociétés qui ont déjà établi un bilan
et dont le capital
social est intégralement libéré. Autrement dit, l'obligation est un
titre de créance sur la société qui peut être émis au-dessous du
pair tandis que l'action est un titre
d'associé qu'il est interdit
d'émettre au-dessous du pair. L'obligataire
ne participe pas à 1a
gestion sociale alors que l'actionnaire en a le droit sinon le devoir.
La part de fondateur est un titre qui donne droit au partage des
bénéfices comme les actions,
mais les bénéficiaires
sont d'un
genre un peu particulier.
Il s'agit de personnes qui ne sont pas
actionnaires
puisqu'elles
n'ont pas participé
à la formation
du
capital
social.
La société
les rémunère en gratitude
pour 1e s
services qu'elles ont pu lui rendre lors de sa constitution. La part
ressemble d'assez près à l'obligation ou l'action. L'obligataire et 1e
porteur de part n'ont pas participé
à la constitution
du ca pita 1
social lors de la création de la société.
Mais si l'obligataire et l'actionnaire ont acquis leur droit à titre
onéreux à la différence du fondateur dont la part est gratuite, se uIs
l'obligataire et le porteur de parts sont exclus de la gestion et
l'administration de la société.
b) - Les exceptions
traditionnelles
et le droit
réellement
appliqué.
Les premières
concernent
les précautions
légales à la
1ibe rté
de négociation
des
actions.
Elles sont
exprimées
à
tra ve rs
l'interdiction faite par la loi de négocier certaines
actions et 1e s
restrictions prévues par les statuts pour faire obstacle à l'entrée
dans la société de tiers
indésirables.
Ainsi,
il
est
prohibé
de
négocier les actions de numéraire non intégralement libérées,
1es
actions d'apport sos et les actions de garantie déposées par les
membres du conseil
d'administration
pour sûreté de leur gestion.
SOSLcs actions d'apport ne sont négociables que deux ans après la constitution
définitive de la société, article 3-5 0 de la loi 18G7.

357
D'un autre
côté,
la libre
négociabilité
des actions
subit
des
\\
restrictions en raison de l'existence dans les statuts d'une clause
d'agrément. En principe, la clause d'agrément ne joue pas en cas de
dévolution successorale et de cession
à conjoint ou à ascendant.
Mais
lorsque
la
cession
s'érige
en
obstacle
par
ce
que
1e
cessionnaire n'est pas accepté par les autres associés, il est prévu
une clause de préemption avec l'obligation
faite à la société de
payer au cédant le juste prix
de ses actions.
Les deuxièmes considérées comme des dérogations au droit jusque
là appliqué, constituent les éléments d'autonomie du droit gabonais
des sociétés. La plus importante d'entre elles est la possibilité de
disposer
librement
et
à n'importe
quel
moment
des
actions
constitutives du capital social. Bien sûr il ne s'agit pas de raviver
le débat sur l'intangibilité
du capital
social
dont le principe est
suffisamment éprouvé par la pratique des augmentations et des
réductions de ca pita 1.
Il est simplement question de rappeler qu'à côté de la relative
liberté
dans la transmission
des titres
506,
il
existe
diverses
interdictions légales et restrictions statutaires qui poursuivent 1a
fixité du capital social, gage premier des créanciers.
Les troisièmes et le reste contenus dans l'article 14 de la loi 1867,
portent sur les pénalités pour cause de négociation des actions
sous des formes contraires aux articles
1,2 et 3. Mais ce texte
laisse désormais planer un doute sur son application.
2 - La nature juridique
du droit cédé à l'Etat
A suivre l'importance des dérogations,
il
semble d'ores et déjà
qu'avec l'ordonnance
41/72,
l'action,
la
part
de fondateur
ou
l'obligation
sont cessibles
à tout moment. La cession à l'Etat est
réalisée
à l'instant
précis
où les
exceptions
légales
doivent
s'appliquer avec force. Dans ces conditions, l'état de libération du
capital social, est d'un souci moindre.
L'apport en société devient une sorte de jeu où il est possible, sous
prétexte de cession, de retirer sa mise pour échapper à l'enjeu des
S06Les titres au porteur se transmettent par simple tradition et les titres
nominatifs nécessitent un changement d'inscription au registre de la société

358
sociétés. Les chances de voir le capital social entièrement libéré
disparaissent pour laisser la place à une cession plus probable de
dettes. Toutes les garanties qui ont fondé les exceptions à la 1i b re
cessibilité des actions vont à leur tour s'évaporer. Il n'y a plus de
distinction selon l'affectation des actions, il suffit de leur seule
existence parfois future. La détermination de la nature du droit de
l'Etat mérite donc d'être précisée.
a) - Le droit de l'Etat est-il
un titre ordinaire
de société
?
Le titre d'action cédé à l'Etat est un type bien particulier. C'est une
action sortie
du patrimoine
de la société
mais qui institue
un
associé. C'est une action qui n'est pas souscrite par l'Etat mais qui
en fait
un actionnaire
alors
que l'Etat n'a pas participé
à 1a
formation du capital social. L'action cédée à l'Etat se rapproche de
la part du fondateur par sa gratuité mais cette part est de droit au
point de causer une véritable
rupture de l'égalité
des associés.
Autant penser que l'Etat devient un fondateur moral en raison de sa
politique d'établissement des sociétés ?
Reste alors à rétablir
J'égalité
de traitement
en soumettant à
l'ordonnance
41/72 toutes
les
sociétés
étrangères
opérant
au
Gabon. Si cette proposition est acceptée, il suffit de le préciser par
écrit pour vaincre la moralité courante qui estime ne pas pouvoir
accorder de part de fondateur à l'autorité
administrative
qui a
permis ou facilité
les formalités
de création de la société.
Par
contre, si la suggestion est rejetée,
ce qui est souhaitable,
ne
faut-il
pas soutenir que le droit cédé à l'Etat est un avantage
particulier ?
b)
-
Le
droit
de
l'Etat,
n'est-il
pas
un
avantage
particulier?
Le texte de base est l'article 4- 1° de la loi de 1867 qui prévoit 1a
stipulation
par un associé à son profit d'avantages pa rticu 1ie rs.
Mais cette disposition a été modifiée par la loi gabonaise n° 13/69
du 31 Décembre 1969. En effet,
celle-ci
n'est pas seulement
revenue sur le système d'évaluation de l'article 4 de la loi de 1867.
Elle
a
expressément
maintenu
le
principe
des
avantages
particuliers.

359
Or ce qui distingue encore la loi
nouvelle de l'ancien article
4
\\
devenu vraiment inapplicable, c'est que l'avantage particulier peut
être
stipulé
à
un
associé
ou
non
507.
Cette
extension
a
incontestablement
la
facilité
de
justifier
l'Etat
comme
bénéficiaire. Mais de l'article 4 ancien et l'article 1 nouveau, aucun
de ces deux textes ne définit la notion d'avantage particulier.
La
doctrine 508 et la jurisprudence 509 ont permis de dégager une notion
restrictive et une autre extensive. La première est une clause qui
autorise l'un des associés ou non 510 à opérer sur le fonds commun
ou sur les produits, un prélèvement que les autres associés ne
peuvent également faire. La deuxième vise toute stipulation à tout
droit, à toute allocation ou rétribution ayant pour effet de rompre
l'égalité entre associés.
Dans la pratique, les statuts prévoient une disposition consacrée à
l'engagement de la société à céder 10 % de ses actions à l'Etat.
Cette stipulation légale au profit d'un tiers non associé à l'origine,
a déjà été acceptée 511. Nous pouvons alors dire que les actions ou
plus
précisément
les
droits
cédés
à l'Etat
aux
termes
de
l'ordonnance 41/72 sont des avantages particuliers. Ils sont créées
par la loi spécialement au profit de l'Etat par dérogation à toutes
les règles
d'émission
des titres
sociaux,
pour répondre à une
politique économique nationale caractérisée
par une vocation de
l'Etat à maîtriser de l'intérieur, la vie des affaires.
Chapitre Il - Le profil
de l'homme gabonais dans la mise
en
place du patrimoine
humain des sociétés
C'est toute
la question
d'une administration
performante
des
sociétés.
Ici,
plus que partout ailleurs,
le droit
des sociétés
n'obtient pas les attentes qu'il
fonde sur
la
pratique.
Il
y a
carrément d'un côté ce qui est théorique et officiel,
à savoir, la loi
et les statuts sociaux, d'un autre côté ce qui est pratiqué
et
ostensible, c'est-à-dire,
les dérogations de toutes sortes, si ce ne
sont des contradictions ouvertes aux règles des sociétés.
507Article 1 - 10 de la loi n° 13/69 du 31/12/1969.
508André TUNC, des avantages particuliers dans les sociétés anonymes, thèse
Paris 1936; Roger PERCEROU, "la notion d'avantage particulier" in Dix ans de
conférence d'agrégation, MElANGES HAMEL 1961 p. 171 et suiv.
S09Cass civ. 6/03/1935, MASSAMET de MARANCOURT C/Sté COUDURIER, Dl-! 1935.
265; SEINE 21/01/1925 DP 1927/2/106.
510Pour conformité avec le droit positif gabonais de la loi de 1969.
511 Roger PERCEROU prée. p. 175.

360
Dès à présent, nous pensons des sociétés commerciales au Gabon,
qu'elles sont pour la plupart des structures incontrôlées et comme
telles, vouées à un avenir incertain ? Pire sera le sort des sociétés
où l'Etat a conduit l'initiative.
Pourtant, à s'en surprendre, toutes
ces entités
morales
ont des organes
délibérants,
des organes
d'administration et de gestion, des structures de surveillance.
Il se confirme également qu'au point de vue de la loi applicable,
reste en vigueur, une somme de textes constituée d'une part, avec
une partie de l'inusable loi de 1867 sur les sociétés de capitaux, de
personnes et celle de 1925 pour les hybrides, d'autre part, avec les
dispositions locales nouvelles, ponctuelles et produites au Gabon
depuis 1964. Il faut donc éviter, de pratiquer ici, un mimétisme de
reproduction qui consisterait
à monter au Gabon, des structures
imaginées exclusivement sur nos deux premières lois.
Sur un plan général, les sociétés commerciales sont nombreuses en
quantité et parfaitement distinctes en type. Il y a des sociétés de
personnes à côté des sociétés de capitaux. Dans les premières, 1a
préoccupation est donnée à l'homme qui reçoit des parts d'intérêt
alors que dans les secondes, seule l'étendue de l'apport en argent ou
en nature
permet d'attendre la distribution
des actions
ou des
obligations. En gros, il n'y a pas de différence, même au niveau de
ce qui
reste
de la
distinction
sociétés
civiles
et
sociétés
commerciales, avant d'ajouter les diverses formes d'interventions
économiques de l'Etat.
C'est d'ailleurs sur ces mêmes considérations que l'on estime, du
point de vue strictement théorique, que rien a changé, ni entre les
préceptes de la loi de 1867 et les règles de responsabilité
des
dirigeants sociaux, ni entre les droits et obligations de chacun des
organes de la société. Pourtant le doute le plus sérieux s'empare du
moindre observateur sur l'issue fatale des entreprises au Gabon.
En droit
pur, ce sont des questions
de responsabilité
posées
directement ou non, de telle sorte que l'attention portera sur des
points essentiels
qui s'y greffent
et qui concernent différents
membres ou organes du fonctionnement des sociétés commerciales.
Si
l'on
reprend
les
règles
théoriques
correspondant
à
1a
classification élémentaire des sociétés, il ressort :

361
* pour les entreprises de personnes, que la responsabilité retombe
lourdement sur les associés tant ils sont tenus solidairement
et
indéfiniment,
* pour les entreprises de capitaux, que la distinction se fait selon
tel type d'associés (les commandités, les commanditaires) ou te 1
autre que personne ne connaît (les anonymes).
Poursuivant avec les règles générales, qui veulent qu'il n'y ait pas
de droits des sociétés mais un droit de celles-ci,
nous rappellerons
que l'article
1832 du code civil
définit la société comme étant 1e
contrat par lequel
deux ou plusieurs
personnes
conviennent de
mettre ensemble des apports en vue de partager le bénéfice qui
pourrait en résulter. De cette règle commune, apparaît un contrat
d'une nature particulière.
Faut-il
se surprendre de l'existence en
droit gabonais d'une réglementation, peut-être solidaire des autres
d'inspiration française, mais distincte des mêmes références, par
des
révélations
absolument
particularistes
imposées
par
ses
propres pratiques.
Section 1 - Son credo : la prospérité
de la société
C'est
une
sorte
de
mise
au
point
sur
quelques
éléments
psychologiques et matériels
déterminants du fonctionnement des
sociétés. Préalablement à la discussion
qui sera engagée sur les
acteurs pour leurs
rôles dans le fonctionnement des sociétés,
i 1
sied de redire que les personnes morales de droit commercial
ou
économique
sont des créations
étrangères
exportées
au Gabon.
Comme développé dans le chapitre
réservé
à la
personnalité
juridique
des
sociétés,
il
résulte
des
mutations
pratiquées
réellement au Gabon, qu'elles n'ont obéi, dans bien des cas, qu'à un
contrôle extérieur. En reste-t-il
encore plus pour réaffirmer
que
les groupements commerciaux ou économiques sont inconnus des
traditions coutumières du Gabon? Sinon, il est juste de conclure à
la nécessité de revoir dans quel esprit, pour quel but et comment
ces étrangers ont créé et fait fonctionner leurs sociétés.
Paragraphe 1 - L'affectio
s o c i e t a t is
Voici
une expression
qui
est
gratifiée
des opinions
les
plus
diverses avec cette particularité
qu'au départ toutes la prennent
pour un de ces néoclassicisme
chers
aux juristes et à la longue,

362
elles
lui
consacrent
des développements d'une telle
dimension
scientifique
que l'affectio societatis
mérite la considération
du
chercheur. Mais ce n'est pas toute la difficulté
puisque disons 1e
clairement,
il s'agit pour nous de l'intégrer
entièrement comme
système de penser et de faire en droit interne gabonais. Toute 1a
question est de savoir
comment le dogme pourra
être
reçu et
assimilé
par l'homme d'affaire
gabonais idéalisé
alors
que des
auteurs récents disent de la notion,
"qu'elle jouit
d'une solide
réputation d'obscurité, puisque l'expression à la lettre ne signifie
rien et peut donc recevoir des contenus multiples" 512 ou bien "que
l'affectio
societatis
comme
l'intuitus
personae
ou
le
jus
fraternitatis sont des notions archaïques..." 513.
A l'origine, cette "mystérieuse locution" de H. TEMPLE 514, in extenso
"affectio contrahendae
societatis",
est
dominée
par l'a ffectio,
substantif féminin que le DIGESTE... (5,16, 60) présente pour désigner
la faculté de vouloir. Son histoire rappelée par M. Y. GUYON 515 permet
de dire que l'exigence de cet élément dans la société remonte à
l'époque byzantine. Elle a disparu au Moyen Age pour reparaître dans
une oeuvre de POTHIER de 1773 sous le terme "animus societatis",
laissant penser à l'esprit de la société, l'intention de chacun de
tirer profit du contrat. Ceci explique donc l'origine linguistique de
l'affectio societatis et l'on rallie M. GUYON 516 qui estime excessives
les critiques sur l'inutilité de la notion. En effet, il est important
de dire
un mot sur cette expression
dont le genre actuel
est
indifférent car selon l'auteur, il est masculin ou féminin encore que
le féminin
conviendrait
mieux. Il
nous faut trouver
dans cette
notion la force utile pour convaincre de la nécessité pratique de
nourrir les entrepreneurs gabonais de l'amour de la société, qualité
qui leur fa it cruellement défaut.
Il y a certainement diverses
approches théoriques de l'affectio
societatis et l'exercice n'est pas nouveau. Il est semblable à ce 1ui
entrepris pour exposer la théorie de la nationalité spécialement
dans les difficultés de sa conception à tout le moins polymorphe,
alors que chacun s'efforce d'en donner une idée unitaire
de te Ile
sorte qu'une énorme imprécision
s'installe. Pour une fois, un droit
512p. DIDIER, droit commercial, 1'.1. 1970 P.U.F. p. 361
S13COOPER ROYER, sur la notion d'affectio societatis Rev. Sp. Soc. 1938, 593.
514\\'es sociétés de fait, LGDJ 1975 n" 21 <)
515Jur. Cl. Stés Traité rase. 19
5]('Droit Commercial des sociétés pree. p. 125

363
en
création
à
qui
l'on
aurait
conseillé
de
rechercher
l'uniformisation
de son concept, devra faire
avec les multiples
facettes de cet élément essentiel de la vie de la société. C'est un
moyen d'éducation des jeunes
hommes d'affaires,
dans le
but
d'aimer sa société, pour la prospérité de sa société, seul objectif
actuel et permanent qui cadre avec la recherche du contrôle de
l'économie nationale, et au-delà, la bonne figure dans le commerce
international.
, - Les données de conception
"unitaire"
L'affectio societatis a fait l'objet de nombreuses théories 517. Celle
dite classique de THALLER et PERCEROU, PIC et KREHER, se résume en un
désir
de
collaboration
volontaire
et
active,
intéressée
et
égalitaire.
Celle du doyen HAMEL est une volonté
d'union ou de
convergence d'intérêts. Celle du professeur AMIAUD est le fait pour
les contractants d'accepter de se reconnaître
mutuellement
un
pouvoir de décision dans la conduite des opérations
communes.
Toutes ces difficultés
et ces imprécisions,
estime M. GUYON, ont
amené une fraction de la doctrine à conclure
à l'inutilité
de 1a
notion, ce qu'il faut retenir comme une autre tendance.
Il suit que l'affectio societatis s'apprécie autour de la volonté des
"acteurs" de la société. Or, ceux-ci interviennent avant et après 1e
contrat de société,
"scène" centrale
où il
est
traditionnel
de
discuter
du consentement.
Voilà
que consentement
et affectio
societatis
sont différents,
en tout cas,
ils
n'ont jamais
été
présentés
comme
identiques.
La
connaissance
de
l'affectio
societatis
impose alors une recherche de la volonté menée avec
délicatesse car elle procède d'une analyse objective et subjective
de l'intention. C'est une démarche difficile
qui consiste à découvrir
des
critères
psychologiques,
en
s'attachant
aux
éléments
caractéristiques de chaque groupement, à l'union des personnes qui
le composent, au but qu'elles poursuivent en association. La réponse
ne peut donc pas être unique et la jurisprudence
qui a souvent
recours
à l'affectio
societatis
ne dégage pas une position
de
principe
mais
des solutions
d'espèces desquelles
elle
extirpe
spécifiquement la notion. D'ailleurs
revenons sur les conceptions
proposées.
517y. GUYON jur. Cl. pree. n" 6 et suiv.

364
a) - De la théorie classique
Les caractères volontaire et actif aident à la distinction société-
ceraines indivisions et divers contrats à bénéfice. En ce sens, 1e
recours au critère
de la volonté des parties
a été utilisé
par
Corinne SAINT-ALARY-HOUIN 518 pour comparer société et indivision,
conduisant l'auteur à aller
du connu à l'inconnu,
de l'affectio
societatis
à l'affectio
communionis
519~ Quant aux caractères
intéressé et égalitaire, ils
s'énoncent d'eux-mêmes. Il conviennent
plus à une distinction
avec l'association
pour le premier et les
contrats de subordination pour le second. En revanche s'il arrive que
la participation
des partenaires
dans une société,
n'est
pas
toujours
égalitaire
et active,
il
est souhaitable
ici,
que les
gabonais s'y emploient afin de se pénétrer suffisamment
de 1a
connaissance qui doit les conduire à la maîtrise
des affaires.
Ce
n'est pas l'immixtion
fautive
ni l'anarchie
qui sont
proposées
comme elles l'ont été tout au long de cette philosophie politique et
administrative
du Gabon depuis l'indépendance, notamment en ce
qu'elle a consisté en une interchangeabilité
pure et simple
des
hommes 520. Il convient au besoin de repartir sur un abécédaire de
l'exercice du commerce et de l'industrie
pour établir des règles
effectives en vue de pratiques normatives et performantes.
b) - De la conception
"HAMEL"
La théorie présentée par le doyen HAMEL 521 est une réponse heureuse
aux interrogations des pays comme le Gabon. Elle leur donne, 1e
sentiment d'être compris, eux qui ne cherchent pas la confrontation
mais qui évoquent le droit à la contrepartie économique véritable
et
juste,
reconnue
comme
caractère
perfectible
du
synallagmatisme 522 des obligations contractuelles. Que la société
518Les critères distinctifs de la société et de l'indivision depuis les réformes
récentes du code civil, R.T.O.C. T. XXXII, 1979, 645.
519Corinne SAINT-ALARY-HOUIN pree. p. 679
52üy. notre critique du népotisme et du favoritisme p. 112 à 114
521L'affectio societatis KT.D.C. 1925,761.
522Hubert LE CRIEL, la jurisprudence récente concernant la lésion dans la
vente immobilière, O. 1967 chr. IX p. 57 It ••• pour s'en rendre compte, il faut
d'abord considérer que le grand principe d'équité en matière contractuelle,
c'est le respect du contrat. Mais si c'était véritablement au nom de cette même
équité que la loi décide d'annuler ou de reviser un contrat, on trouverait dans
les textes édictés, la volonté du législateur de rétablir un équilibre financier
entre les parties ... It Lire aussi J. L AUBERT, notions et rôle de l'offre et de
l'acceptation dans la formation du contrat, Paris 1970 LCD] n° 109 ; j. Fl.OUR et
]. L AUBERT, les obligations: l'acte juridique T.1. 1975.

365
même étrangère veuille vendre beaucoup, est un objectif acceptable
\\ \\
pourvu que le Gabon et les gabonais en tirent le juste profit, c'est-
à-dire acquérir à "bon prix" et améliorer leurs conditions de vie à
des coûts économiquement raisonnables pour la population. Il faut
que toutes les parties s'astreignent à la discipline de la société. 11
faut participer
à l'effort
commun en vue de la
prospérité
de
l'entreprise,
pour
obtenir
des dividendes
plus
importants
et
accepter de les réduire même à zéro parce que la contribution aux
pertes l'exige en vertu du risque social contracté.
c) - De la théorie
du Professeur
AMIALID 523
Elle poursuit les objectifs commencés par les caractères actif et
égalitaire
de la théorie
classique
ainsi
que ceux d'union et de
convergence d'intérêts du Doyen HAMEL. Elle veut que l'intérêt de 1a
société passe avant les intérêts individuels parfois contradictoires
des associés. Au niveau de l'exercice
même des pouvoirs de 1a
société et en dépit de la différence des apports qui établissent un
déséquilibre
dans l'importance
des associés,
la
théorie
AMIAUD
insiste pour que prime l'intérêt de la société, que l'investissement
de chacun pour la bonne marche de la société soit total.
Cette sauvegarde de l'intérêt social qui s'attache à la volonté de se
mettre en commun, a été le fin mot de l'arrêt rendu dans l'affaire
FRUEHAUF.
C'est
à ce prix
que doit
s'effectuer
le
prorata
des
bénéfices et des pertes. Mais pour mieux servir
la cause de 1a
société, l'affectio societatis ne se limitera pas aux associés. Elle
s'imposera aux fondateurs, aux porteurs réguliers ou irréguliers de
parts, d'actions et autres titres, à l'Etat gabonais au moins pour 1e
simple fait que la bonne tenue économique de la société profitera
dans les mêmes conditions à l'économie nationale.
A la fin, ces trois théories positives car présentées pour essayer
d'exposer la notion de l'affectio
societatis,
et en écartant
1a
quatrième tendance négative qui la trouve vaine 524, sont autant
d'éléments qu'il y a de conceptions. Elles ne peuvent être retenues
seules sinon elles
n'exprimeraient
qu'un aspect d'une notion au
demeurant polymorphe.
523i'·Mlanges SIMONIUS p. 1 Bâle 1955, opinion énoncée par le Professeur Y.
GUYON au jur. Cl. prée.
524" ... elle ne vaut sans doute pas grand chose, d'où l'emploi d'une expression
latine... " de Didier prée. n" 31.

366
2 - Les données de conception
multiforme
Elles tiennent compte en fait de deux préalables
: l'un vise
à
démontrer que l'affectio societatis se situe dans un domaine plus
étendu que le simple consentement dans le contrat de société ;
l'autre est une sorte de tout dans lequel la notion se conçoit par
ses fonctions
de révélateur
de l'existence
de la
société,
de
régulateur de la vie sociale et d'élément de distinction société et
situations voisines.
a) - La place de l'affectio
societatis
Elle mérite d'être située par rapport au consentement, et tant que
faire se peut, au regard de quelques expressions de la volonté ou
manifestations
psychologiques
dont elle
ne se distingue
pas
clairement.
Sur ce point encore,
des auteurs
525
contestent
à
l'affectio societatis la valeur d'un critère car estiment-ils
c'est
impossible de s'attacher à l'intention des parties pour qualifier un
groupement et cette notion n'est jamais que le consentement donné
au contrat
de société,
"or,
ce
n'est
pas
par
l'analyse
du
consentement que l'on peut qualifier le contrat". Et madame Corinne
SAINT-ALARY-HüUIN 526 de s'étonner puisque les décisions de justice
y
font expressément allusion
527 et que des auteurs y recourent
pour
différencier la société des autres contrats 528. Le consentement se
situe au niveau du contrat et dans la décision survenue plus tard,
d'adhérer à une société déjà existante.
Dans le premier cas, le consentement est une expression de volonté
réfléchie
comme il
est
couramment
procédé
dans
la
théorie
générale des obligations.
Il s'agit de conclure
une convention au
terme de laquelle
les parties
vont s'associer en vue de constituer
une société. Dans le second cas, le pacte social
existe déjà, 1e s
statuts représentent pour partie
la lex societatis, la structure
S2SRlPER'l' et ROBLOT, traité droit commercial 'l'. 1. na 720.
526R.T.D. Corn. 1979 pree. n" 50.
527 DOUAI 21.12.1948j.C.P. 1950.11. 5798 3èmeespèce; Nancy, 16.11.1961 JCP
1964. II. 13477 Casso civ 22.06.1976. D. 1977.619; Montpellier
8.06.1982 o.s. 1983.607.
528E. 'l'HALLER, notes sous Req. 3.C>3.1903. 0 1904, 257 ; P. VOIRIN notes sous
Nancy 16.11.1961 pree.Y. GUYON, jur. class. 1974 pree. n" 34 ; VIANDIER , la
Théorie des bénéfices et des pertes jur. cl. sociétés Traité 1978 Fase. 17 ; C.
SAINT-AlARY-I-IOllIN art. pree. ItT.D. Corn. 1979. 620 ; Françoise DEKEUWER-
DEFOSSEZ, l'indivision dans les sociétés en participation .lCP 1980. l. 2970.

367
commerciale
ou industrielle
fonctionne ; la partie
concernée se
contente de prendre des souscriptions
que de temps en temps 1a
société propose au public.
Comme ce consentement se limite
à
l'aspect
contractuel
de
la
constitution
de
la
société,
1es
bénéficiaires
attendent mécaniquement de répondre aux appels de
la direction pour les obligations, 1es droits et avantages sociaux. S i
l'on s'arrête là, c'est qu'il n'y a plus d'autres manifestations
de
volonté
pour
confectionner
le
contrat
de
société.
L' affectio
societatis ne se concevrait alors
pas à ce stade sinon, il sera it
confondu avec le consentement.
Cependant et revenant
dans la
limite
de la
conclusion
ou de
l'adhésion au contrat, il y a la rétractation
du consentement. Or,
cette faculté qui permet au contractant de revenir sur un accord
qu'il a donné ne s'arrête pas à l'expression d'une volonté contraire.
Elle traduit un sentiment mu par une motivation différente de ce Ile
qui a prévalu pour convenir de créer la société. C'est le cas des
nullités
qui sont obtenues en raison des imperfections j urid iq ues
des engagements pris
par les
associés.
Ainsi
l'annulation
d'une
souscription ou d'une cession de parts a pu être fondée sur le vice
consentement 529 ou sur le défaut de l'affectio socie tatis
530.
11
n'est donc pas inexact de penser qu'à ce niveau
du contrat
1e
consentement et l'affectio societatis peuvent être confondus.
L'important estime le Doyen HAMEL 531, c'est d'éviter que l'affectio
societatis
ne soit
conçue comme
l'intention
de constituer
1a
société. Sinon, ce qui est un critère potentiel de détermination de
l'existence ou du fonctionnement des sociétés, deviendra un simple
donnée de contrat qui lui
est un des éléments
constitutifs
de
l'article
1832 c. civ.
En limitant
à la formation
du contrat
1e
domaine
d'efficacité
du consentement,
il
apparaît
qu'au
delà,
l'affectio
societatis
caractérise
les
autres
comportements
psychologiques rencontrés dans les sociétés. Il dure tout au long de
l'existence de la société en ce sens qu'une fois
le consentement
donné à la
création
de
la
société,
il
faut
le
maintenir
en
entretenant la volonté de rester en société, d'oeuvrer en société.
C'est ainsi que \\'affectio societatis rappelle le consentement dans
le mariage
puisqu'il
ne traduit
pas
seulement
la
volonté
de
contracter l'union conjugale, il exprime également et d'une manière
permanente sa décision de mener la vie d'époux.
5Z')Cass. Corn. 27.] i.: 972 CP. 1973 1. 259.
530Cass. Corn. 6.] O. ] 953 S. 1954. I. 149
531 KT.D. ] 925, 763.

368
C'est précisément par cette communauté de vie,
en raison
des
difficultés
qu'elle comporte, que l'affectio
societatis
se trouve
assez aisément illustrée.
Qu'il s'agisse de mariage en régime de
séparation de biens, de concubinage simple ou de libertinage,
les
partenaires
à la vie commune ont souvent recours
au juge pour
donner un sort final au fonds d'argent qu'ils auront créé ensemble
532,
aux immeubles qu'ils auront acquis, prétextant pour les uns,
l'indivision
pour les autres,
la simple
jouissance, pour d'autres
encore, la société. C'est à la fin, pour distinguer ces situations
voisines de la société, que le critère
de l'affectio societatis
va
disons, exceller.
Tel est le cas de l'arrêt DEBIEVE cl CALILIER 533 " ... Attendu que le seul
fait de vivre en concubinage ne suffit pas à démontrer l'existence
entre les concubins d'une société de fait rentrant dans le cadre des
sociétés en participation
; ...attendu qu'il est indispensable
qu'il
soit établi
que l'activité
des concubins a eu un objet
commun
consistant dans une collaboration volontaire en vue d'un partage de
bénéfices et de pertes ... ; attendu qu'il appartenait par conséquent à
la dame CALILIER de justifier
: - de l'intention des anciens époux de
collaborer
dans l'intérêt
de la société
(affectio
societatis)
; -
d'apports faits par elle ; - d'une participation aux bénéfices et aux
pertes
de l'entreprise... "
En définitive,
la cour
a confirmé
1e
jugement déféré parce que dame CAULIER a apporté la preuve de
l'existence des divers éléments constitutifs d'une société de fa it,
savoir : volonté de collaborer, apports effectués, participations aux
bénéfices et aux pertes.
Dans l'affaire
des époux SCHMIDT-TISSERAND 534 il
ressort
qu'ils
vivaient
en
reqrrne
de
biens
séparés
lorsqu'ils
ont
acquis
successivement deux immeubles à titre conjoint et indivis. Un jour
le mari sollicite
la licitation
des biens pour sortir de l'indivision
ce que contesta l'épouse affirmant
même qu'il y a eu donation. Le
tribunal
de Nancy ordonne la licitation
et dame SCHMIDT relève
appel. La cour, tout naturellement confirme le caractère absolu du
droit de celui qui veut sortir
d'une indivision
en application
des
dispositions d'ordre public de l'article
815 c. civ. Elle a ensuite
résolu la nature des rapports entre époux.
5321UPERT ct BOUlANGER, définition du contrat de société. Tr. droit civil 1952
T Il p. 958.
533DOUi\\1 1re Ch. 21.12.1948 .lCP. 1950. II. 5798.
534Nancy 16.11.1961. jeP. 1964. II. 13477.

369
" ...Attendu qu'il est par ailleurs
soutenu par dame SCHMIDT que les
deux immeubles ont été acquis en vue d'une jouissance commune
par les deux époux, notamment pour servir d'habitation au ménage;
qu'il
résulterait
de cette
commune intention,
non une simple
indivision,
mais
une véritable
société
de fait
dont la
durée
coïnciderait avec celle du mariage ; mais attendu que le contrat de
mariage ne contient aucune clause portant société d'acquêts ; qu'en
l'absence d'une telle clause la volonté des époux coacquéreurs de
jouir en commun des biens acquis, qui est par elle-même évidente,
ne saurait à elle seule, à défaut d'une exploitation lucrative et d'un
partage de bénéfices, démonter l'affectio societatis ... ".
Enfin,
voici
deux
arrêts
également
rendus
en
matière
de
détermination de la nature de contrat ou de rapports voisins
de 1a
société. Devant la cour d'appel de Basse Terre 535, une concubine
essayait de faire valoir ses droits d'associé dans l'entreprise
de
son concubin décédé en laissant une veuve et des orphelins qui, bien
entendu,
lui
contestent
toute
participation,
mais
ils
seront
déboutés au motif résumé que: " ...si la concubine avait d'autres
activités, le concubin avait lui aussi un trava il distinct...dans 1e s
cinémas dont il
s'occupait...; ...la concubine était à proprement
parler l'âme de l'entreprise
par ses écritures,
ses démarches, 1a
propagande qu'elle faisait, la recherche de la clientèle, les rentrées
de fonds
auxquelles
elle
veillait,
les
métrés
auxquels
elle
procédait sur les chantiers ; ses apports en industrie étaient non
seulement patents mais encore considérables ... "
- A Montpellier, la cour d'appel 536 a dû apporter une solution aux
suites
de la cohabitation
d'un homme et d'une femme qui sont
d'accord pour constituer un fonds commun et que chacun ait en
même temps les maîtresses ou les amants qui lui plaisent. "...que
pour la même raison et quels que soient les rapports financiers ou
d'entraide matérielle qui aient pu exister entre les intéressés, ce
mode de vie... exclut qu'ils aient eu l'intention de s'associer en vue
de participer
aux bénéfices
ou aux pertes
retirés
d'un fonds
commun qu'ils auraient constitué au moyen de leurs apports; que 1a
volonté de s'associer, l'affectio societatis tend à une organisation
empreinte d'un caractère de durée, même si celle-ci est limitée ce
qui implique
une stabilité
qui a toujours
été absente dans les
relations
nouées entre l'appelant et l'intimée ; que l'exclusion de
s3sCourdc [)asseTerre, 14.05.1973 QUOL jurid. 27.11.1973 n" 129,3 reproduit par
C. CHAMPAUD RTDCom. 1974 prée. p. 98 ;
S36Montpeliier 8.06.198201983,607.

370
l'affectio societatis par le genre particulier d'existence adopté par
les deux intéressés
au temps où ils
étaient
concubins...
n'est
nullement démentie..."
b) - L'affectio
societatis
des
manifestations,
mais
des
attentes
Cet amour pour la société
doit être infini
parce que, à notre
souhait, il est l'expression sincère de la volonté de faire prospérer
l'entreprise
au niveau
micro
et l'économie
nationale,
dans 1a
dimension
macro. C'est
aussi
le
cas de refondre
les
grandes
conceptions de la tendance unitaire pour penser comme M. GUYON 537
que dans
toute
société,
il
faut
une
volonté
d'établir
une
collaboration active, sur un pied d'égalité, en vue de partager des
bénéfices. Compte tenu de la diversité des personnes se prévalant
de la société, l'affectio societatis variera pour autant. Il sera plus
intense dans les sociétés où le risque est grand." sera plus accen-
tué dans les sociétés de personnes et parfois dans les sociétés de
capitaux
surtout
si,
écrit
le
Professeur
GUYON
538,
"certains
actionnaires ont une telle maîtrise de l'affaire que cela leur vaut
une affectio societatis forte".
Ce sentiment profond réside
dans la volonté de l'associé,
après
avoir fait son apport de ne pas sien sentir quitte ou d'attendre que
la société fasse le reste. L'apporteur comme toute autre personne
intéressée
par
la
société
doit
lui
dédier
un
minimum
de
collaboration,
une certaine
forme
de gestion,
de contrôle.
Le
Professeur E. THALLER 539 faisait
déjà observer "...c'est l'affectio
societatis
qui forme l'élément propre au contrat de société... La
société présente ce trait caractéristique
de conférer un pouvoir
d'ingérence dans l'affaire traitée à compte commun...". Le rapport
issu d'un contrat de société
avec la collaboration qui en résulte,
implique
une ingérence,
un contrôle
étroit
et une faculté
de
critique
dans
la
manière
dont
s'accompliront
les
affaires
communes. RIPERT et BOULANGER 540 écrivent de l'affectio societatis,
que dans un tel contrat, chacun des contractants doit se considérer
comme uni d'intérêts aux autres. Normalement, reprend M. GUYON 541
537JUr. cl. sociétés Traité 1974 na 14.
538Traité 1984 p. 126.
539Notcs sous Req, 3.03.1903 D. 1904,257.
540Traité droit civil 1952 T. Il na 3067.
54tJur. cl. prée. n" 17.

371
déjà cité l'associé a l'intention
d'exercer une influence sur 1e
déroulement de la vie sociale.
Il
entend lui-même
prendre 1e s
décisions les plus importantes et contrôler, surveiller ou critiq ue r
la gestion quotidienne confiée à des dirigeants qu'il a désignés et
qu'il se réserve le droit de révoquer.
Ainsi, il Y a des associés majoritaires qui comptent bien jouer 1es
premiers rôles ; il Y a des associés minoritaires qui, sans dominer
la société tiennent à utiliser les pouvoirs de leurs droits ; mais il y
a d'autres souvent nombreux, qui se désintéressent
des affa ires
sociales, attendant de percevoir ou d'anticiper comme au Gabon sur
les dividendes. La volonté de faire quelque chose pour la société,
d'y exercer
une action
potentielle
est
indéniable
auprès
des
associés qui assurent des fonctions de direction. Il en est de même
des "contrôlaires"
542
ceux

qui,
sans diriger
directement,
disposent d'une majorité suffisante, en imposent aux assemblées et
dominent la société par leurs dirigeants. Rien n'empêche donc que
les autres associés participent activement à la bonne marche de
l'entreprise commune, surtout que de part et d'autre, il faut éviter
de se comporter comme le maître de l'affaire. Que faire dirait-on
du cas des sociétés locales gabonaises ou étrangères, qui ont un
initiateur majoritaire
et quelques porteurs de parts ou d'actions
insignifiantes.
L'affectio societatis en tant que règle de collaboration
active et
égalitaire, n'exclut pas la volonté disciplinée
de collaboration que
SOLUS 543 résumait comme le fait que la majorité
lie la minorité.
Mais l'affectio societatis privilégie le respect de l'égalité qui doit
régner entre les associés. Ainsi RIPERT et ROBLOT 544 n'hésitent pas à
affirmer
qu'à l'inverse
du jus
communionis, l'affectio societatis
implique
une
collaboration
entre
frères.
L'affectio
societatis
postule qu'un associé en tant que tel ne peut recevoir d'ordres d'un
autre 545 ce qui exclut tout lien de subordination entre associés
mais n'empêche pas le cumul de sa qualité avec celle de salarié. Si
la pratique avec les directions techniques est connue, il reste à
l'étendre aux salariés qui bénéficieraient des actions offertes par
S42Cl. CI-IAMPAUD, le pouvoir de concentration de la société par actions, th.
Rennes,
1961 p. 104 et suiv. ; Raphaël CONTIN, l'arrêt Fruehauf et
l'évolution du droit
des sociétés, 0 1968 chr. 45 ; Y. GUYON, jur. cl. pree.
n° 14.
S43Notcs au SIREY 1923 p. 353.
544Tr. droit commercial TI. n" 720.
s4sRODIERE, RT.D.Com. 1963, 582.

372
les sociétés
546.
L'affectio
societatis
n'encourage donc pas les
comportements dictatoriaux. Tout majoritaire
qu'il peut être, i 1
n'est nullement de l'intérêt d'un tel associé de se confondre avec 1a
personne morale. Ce serait
en fait,
une société
irrégulière
car
unipersonnelle. Non seulement le droit gabonais et le droit ha nça is
d'emprunt sont hostiles à la pratique du "one man's company" de
droit
anglais
547
mais
encore
le
sort
d'une telle
société
est
sursitaire 548.
De son côté la loi gabonaise 549 impartit un délai d'un an pour 1a
régularisation
et la jurisprudence
du premier
degré est même
intraitable sur ce plan puisque le tribunal n'hésite pas à prononcer
la dissolution
d'une telle société 550 au motif
final
: "...Attendu
qu'enfin la pratique de la société unipersonnelle est interdite par 1a
loi n° 10/73 du 20.12.1973 en son article 6; ...qu'en l'espèce SOMICA
n'ayant toujours pas connu la moindre régularisation
depuis plus
d'un an, il y a lieu de prononcer la dissolution ... ".
La société taillée à sa pointure par cet associé majoritaire encourt
la simulation
sinon la fraude 551 . Ainsi
fut jugée cette affaire
ALPHAZAN cl RHONE SUD 552 " ... Mais attendu qu'après avoir
relevé que
les prétentions nouvelles des consorts LAMURE et l'intervention de
Paul LAMURE étaient recevables ... la Cour d'Appel a constaté que P.
LAMURE n'avait jamais figuré
comme porteur de part de la société
S.N.1. ; que dames... ont reconnu ne pas avoir eu à l'origine,
l'affectio
societatis
nécessaire
à la constitution
d'une société
; que par
suite,
la
société
N.1.
se
révélait
comme
n'ayant jamais
eu
d'existence..., la cour d'appel. .. a justement
déduit... toutes les
conséquences d'une fraude à la loi d'ordre public ...;"
La société ne sera plus voulue mais imposée ce qui est contraire
aux règles générales du contrat consensuel. Les parties ne seront
pas animées de la moindre intention commune. A la limite, il se ra
546Art. 1 de l'ord. n" 27/75 du 11.04.1975 organisant la participation des
nationaux aux activités des sociétés de capitaux.
547Et le Professeur LAGARDE, droit commercial pree. p. 17, d'ajouter "ou
germanique Einmannsgelellschaff".
548J. DERRUPE, le sort de la société qui n'a plus qu'un seul associé, Mélanges
BASTIAN
1974, 57 ; lire également SORTAIS, la société unipersonnelle,
Mélanges
BASTIAN 1974, 325.
549Art. () loi n" 10/73 du 20.12.1973.
550T.G.1. Libreville 12.11.1991 CNNI cl SOMICA Rep. n" 104/91/92.
5511kq. 9.06.1891 DECAZE c/Grande Cie d'Assurance prée. ; Lyon lS.cB.1935
PRINCE et SENNEGOND c/MARLlER prée.
552Cass. civ. 22.06.197() AUJ((AZAN D. 1977, 619..

373
question de société
de fait
553
ou d'une de ces sociétés
dont
'"\\
l'existence même est remise en cause pour absence de l'affectio
societatis, notamment les sociétés créées de fait 554.
Ces comportements ne sont pas dans l'intérêt
de la société et
l'intérêt social se conçoit bien différemment des simples appétits
des associés majoritaires ou rentiers des sociétés. La Cour d'appel
de Paris avait bien insisté dans l'affaire FRUEHAUF pour reconnaître
l'intérêt social" des intérêts personnels de l'entreprise surtout au
niveau de la validité des actes de gestion. C'est un intérêt propre,
supérieur
à
ceux
des
diverses
catégories
de
personnes
qui
composent la société.
CONTIN 555
a en plus de l'intérêt
social,
indirectement fait ressortir combien la notion d'abus de droit de
contrôle est incompatible avec l'affectio societatis. Il y a abus de
contrôle
patrimonial
55G
chaque fois
qu'une décision
prise
par
l'assemblée générale ou un conseil d'administration l'a été pour des
motifs auxquels l'intérêt social reste étranger.
En définitive la théorie de l'affectio societatis
se conçoit de 1a
prépondérance tantôt du caractère volontaire de la collaboration,
tantôt de la
participation
à la gestion,
tantôt
encore
de 1a
convergence ou la divergence des intérêts, tantôt enfin de l'absence
de liens de subordination 557, toute une panoplie d'approches qui
donne à l'homme d'affaires du Gabon, le coeur de se remettre en
cause pour se préparer à la compétition internationale. L'affectio
societatis ne sera pas un état d'esprit, il traduira
une véritable
mentalité.
Chacun
doit
recueillir
les
avis
extérieurs
que
se
font
les
connaisseurs, ou tout simplement, les amis avertis sur ses propres
capacités
à entreprendre.
Le solde
des réponses
positives
ou
négatives sera ensuite apprécié avec sérieux en vue d'améliorer 1e
score des bons résultats. Par exemple, ceci
peut être évalué à 1a
suite d'une série de questions 558 sur le profil des fondateurs et des
553H. TEMPLE les sociétés de fait, LGD] 1975.
554Corinne SAINT-ALARY-HOUIN prée. n° 25 ; FrançoiseDEKEUWER-DEFOSSEZ
prée. n" 13 et 15.
555Chronique prée. au D. 1968. 45.
556CONTIN reprend là, l'une des deux acceptions du mot contrôle de Cl.
CHAMPAUD dans sa thèse de 1961 et rait du contrôle-surveillance le contrôle
de gestion et du contrôle domination, le contrôle patrimonial.
557y. GUYON, droit des affaires pp. 126 à 129.
558Philippe GORRE, Guide du créateur d'entreprise, Ed. Chotard et Associés' -
Paris.

376
qualifié
de gain,
avantage,
économie,
profit
; l'expression
est
souvent expliquée par rapport à une notion contraire mais liée, 1a
perte qui ne sera ici, l'objet d'aucun développement particulier,
1e
déficit, la diminution, la récession. Le droit privé qui en a fait une
théorie juridique dans laquelle la jurisprudence réalise
un énorme
travail
de fixation,
se heurte
au sentiment
des
praticiens
de
société. Ceux-ci en effet, pensent qu'en dehors des litiges
bien
précis, la notion de bénéfice est une question comptable et ainsi,
elle est tributaire de la conception fiscale. C'est donc cette notion
fiscale qui va en imposer à la matérialité
du bénéfice, ses règles
de calcul et sa périodicité.
a) - La conception
privatiste
du bénéfice
Elle part du code civil
ancien notamment en ses articles : "1832 ...
bénéfice qui pourra en résulter. ..; 1853... la part de chacun est en
proportion de son apport... ou celle de l'associé le moins apportant...
; 1855... est nulle la convention qui attribue à un associé la totalité
des bénéfices..." De tous ces textes, il n'y a aucune définition. Si par
contre l'attention porte sur "les pertes et profits" de l'article 9,2°
du code de commerce, le bénéfice apparaît comme la différence
entre les produits de l'exercice et les charges, les amortissements,
les provisions 559.
De l'ouvrage de RIPERT et BOULANGER 560 il
ressort
que parfois
1e
bénéfice a été une forme de dividendes donné aux associés et pour
cette raison,
était un élément caractéristique
de la société
561
parfois le bénéfice a été la part d'un associé en fonction de laquelle
se détermine sa part aux pertes 562. Si l'on parcourt le traité de
PLANIOL et
RIPERT 563
la
notion
de bénéfice
confirme
sa nature
multiforme ; POTHIER y est cité pour son opinion selon laquelle dans
un contrat
de société,
la
partie
au-dessus
du bénéfice
ou en
dessous des pertes est une libéralité
ind irecte. LEPARGNELIR esti me
que c'est
le
sens
des
bénéfices
de
l'article
1832
c.civ.
qui
détermine l'étendue des sociétés.
SS9GUYON, Tr. prée. p. 112.
560Traité droit civil 1952 p. 959 et suiv.
561Cass. 29.11.1897 D. 1898. I. 108
562Civ. 27,()3.] 861. D. 186 I. 1. 161 ; Reg. 25.06.1902. D. 1902.1. 395
563Traité pratique de droit civil francais, 1954 'l'Xl. p. 231 et suiv, : société et
association par Jean LEPARGNEUR.

377
Avec de telles
formules
il
n'est pas possible
d'atteindre
1e
bénéfice en tant que concept, tout au plus
comme élément de
distinction
de la
société
commerciale
avec
les
organisations
voisines dites sociétés. Là aussi il ne sera question que de bénéfice
sans autres spécificités.
Même la jurisprudence
de l'époque ne
renseignait que faiblement et nous relevons ici quelques décisions.
Dans l'affaire de la société des chasseurs de Saint-Valery
contre
LEROUX 564,
la chambre criminelle
de la cour de cassation
s'est
prononcée sur le droit d'action des premiers
à qui l'on a opposé
l'adage "nul ne plaide par procureur". Si elle a admis leur capacité
juridique
à ester en justice,
elle
a fait
des affirmations
qui
utilisent
entre autres,
le bénéfice
pour distinguer
les sociétés
civiles
des associations,
les associations
prévues par le code de
commerce
et
les
associations
de
capitaux
dites
sociétés
commercia les.
" ...attendu qu'il appert des statuts... tels qu'ils ont été retenus pa r
l'arrêt attaqué...; qu'une pareille
société qui n'a rien
de commun
avec... rentre dans les prescriptions
des articles
1832, 1833 et
1834 c. nap. et constitue une société
purement civile, société dans
laquelle se rencontrent ainsi qu'il vient d'être dit, et la mise en
commun d'une chose quelconque, c'est-à-dire le droit de chasse sur
un nombre déterminé d'hectares, et la cotisation annuelle de chaque
associé, et le bénéfice c'est-à-dire la part attribuée à chacun dans
la jouissance de la chose sociale ... "
Dans l'affaire MILDE cl le service de l'enregistrement 565, la notion
de bénéfice a servi doublement. D'une part,
il
fallait
établir
1a
nature du contrat passé par les consorts MILDE qui auraient apporté
à une compagnie d'électricité la concession d'un secteur électrique,
des études, des démarches et une clientèle
contre
25
% des
bénéfices mais sans droit de regard sur le fonctionnement de 1a
société. D'autre part il a fa Il u distinguer à la fin
d'une société,
marquée par des cessions
de droit,
la reprise
des apports de
jouissance avec le bénéfice imposable par le fisc.
Sur le premier moyen, la cour a expliqué : " ...attendu que le contrat
ainsi
passé...avait le caractère
d'un contrat de société,
puisque
conformément
à
l'article
1832
c.civ.,
leurs
droits
dans
1a
participation étaient mis en commun en vue de partager le bénéfice
564Crim. 18.11.1865 0 1866. I. 455.
565Req. 15.04.1902. D.1903. I. 441

378
qui pourrait en résulter ; ...qu'en effet la société créée, devenue
propriétaire des droits... avait seule qualité
pour en assurer 1e
recouvrement et que les pouvoirs étendus dont elle était investie,
lui donnaient les moyens d'accroître par son action personnelle, 1e s
bénéfices qu'elle pouvait en attendre... ;
Sur le second moyen, la cour va comptabiliser : " ...attendu que les
exposants soutiennent
vainement
que la somme de 499,832.42
toute entière constituait leur apport dans la société civile
qu'ils
avaient
créée
et que, dès lors,
ladite
somme
distribuée
aux
porteurs de parts, avait constitué non une distribution de bénéfice
mais une simple restitution d'apports non taxables ... ; qu'en effet...
les exposants ont eux-mêmes
évalué à 100 F seulement
le u r
apport..." ;
Dans l'affaire
électricité
d'AUBENAS cl
syndicat
d'abonnés,
1a
chambre des requêtes a été saisie d'un droit d'agir mais le tribunal
de commerce d'AUBENAS avait le 22 Janvier 1909 566 déjà fait noter:
" ...Attendu
que
les
articles
1832
et
1833
c.civ.
imposent
l'obligation
aux sociétés
civiles,
de réunir
les trois
conditions
suivantes
: apport commun,
bénéfice
commun,
intention
de se
mettre en société
;... attendu qu'à la deuxième
condition,
qu'il
ressort
de l'article
1 des
statuts
que le
syndicat
demandeur
poursuit le but de se partager les bénéfices à réaliser au moyen des
indemnités et amendes prévues ...; que ce but est
parfaitement
licite
et constitue
bien par
lui-même,
pour les
intéressés
1a
poursuite de la réalisation d'un gain si minime soit-il,
un bénéfice
au sens même du mot, ne devant pas être considéré
forcément
comme une recette en espèces mais
bien également comme une
diminution des frais généraux; qu'il n'est pas douteux, dès lors, que
la société a été fondée en vue des bénéfices à réaliser... "
Tout était donc prêt pour que l'évolution fût consacrée par l'affaire
de la caisse de la commune de MANIGOD 567 et nous citerons comme A
VIANDIER 568 les plus importants attendus:
" ...Attendu qu'aux termes de l'article
1832 c.civ, la société est un
contrat par lequel
deux ou plusieurs
personnes conviennent de
mettre
quelque chose en commun dans la
vue de partager
1e
bénéfice qui pourra en résulter, et que, suivant l'article 1 de la loi
566Req. 25.04.1910 D.1911, 473.
567Cass.Ch. Réunies 11.03.1914. D. 1914.257.
568Notion de bénéfice et d'économie, jur. cl. Sté l-asc. n" 15, 1Cl.

379
du 1 Juillet 1901, l'association est la convention par laquelle deux
ou plusieurs personnes mettent en commun leurs connaissances ou
leur activité dans un but autre que de partager les bénéfices ;
- Attendu que l'expression "bénéfices" a le même sens dans les deux
textes et s'entend d'un gain pécuniaire ou d'un gain matériel
qui
ajouterait à la fortune des associés ; que, dès lors, la différence
qui distingue la société de l'association
consiste
en ce que 1 a
première
comporte
essentiellement
comme
condition
de
son
existence,
la répartition
entre associés
des bénéfices
faits
en
commun, tandis que la seconde l'exclut nécessairement ;
- Attendu que la Caisse rurale du MANIGOD, société coopérative de
crédit à capital
variable
constitue non une société
et mais une
association ;
- Attendu en effet que... il résulte que cette caisse n'a été creee
que pour procurer à ses adhérents le crédit qui leur est nécessaire
pour leurs
exploitations
; que les
associés
ne possèdent
pas
d'actions,
ne font
aucun
versement
et
ne
reçoivent
pas
de
dividendes ; que la société emprunte soit à ses membres, soit à des
étrangers, les capitaux strictement
nécessaires
à la réalisation
des emprunts contractés
par ses membres et qu'elle prête des
capitaux
à ces
derniers,
à l'exclusion
de tous
autres,
mais
seulement en vue d'un usage déterminé et jugé utile par le conseil
d'administration qui est tenu d'en surveiller l'emploi ;
- Attendu que cet ensemble de dispositions démontre que le se u1
avantage, ainsi assuré aux associés de la caisse consiste dans 1 a
faculté de lui emprunter des capitaux moyennant un taux d'intérêt
aussi réduit que possible ;
- Attendu, il
est vrai
que d'après l'article
21 ... la réserve
qUI
compose
le
seul
capital
social
et
qui
est
constituée
par
l'accumulation de tous les bénéfices réalisés par la caisse sur ses
opérations est employée à rembourser aux associés
les intérêts
payés par chacun d'eux en commençant par les plus récents et en
remontant, jusqu'à épuisement complet de la réserve ;
- Mais attendu que cette distribution
éventuelle des réserves qui
pourraient exister au jour de la liquidation ne présenterait par les
caractères légaux d'un partage de bénéfices aux sens de l'art. 1832

380
c.civ., elle ne serait pas nécessairement faite au profit de tous 1e s
adhérents et pourrait se trouver limitée
à quelques uns et que,
d'autre part,
elle
aurait
pour
base, non la
seule
qualité
des
associés, mais la quotité et à la date des prêts fa its à chacun d'eux
; qu'elle constituerait,
en réalité,
le remboursement,
suivant un
mode particulier défini par les statuts, d'une partie des sommes
qui auraient été supérieures à ses besoins...; casse..."
En soi, chacun des paragraphes ainsi rapportés est plein d'éloquence
et de tels rebondissements que, n'eût été cette affirmation faite à
l'avance ici au troisième
attendu, l'on se demande si la solution
inverse n'était pas encore possible. Le bénéfice conçu comme un
gain pécuniaire ou matériel qui ajoute à la fortune des associés ne
se retrouve-t-il lors
de la distribution des réserves aux adhérents
dans un ordre hasardeux mais statutairement accepté. Ces parts de
réserves sont bien synonymes d'un gain, d'une réduction de dépenses
qui vient ajouter à la fortune de chaque associé
placé pour 1e
recevoir.
En
réalité,
l'arrêt
n'a
fait
qu'aggraver
la
nature
multiforme
du concept de bénéfice. Il a joint
les variantes
de
l'enrichissement
quelconque
pécuniaire
ou
matériel
(Iucrum
cessans) et le simple fait d'éviter un appauvrissement
(damnum
emergens).
Commentant l'arrêt
de la compagnie
d'électricité
d'AUBENAS 569,
Marcel NAST présentait
déjà
la difficulté
comme étant celle
de
savoir quel est le critérium qui permet de distinguer une société et
une association,
ou, d'une manière
plus
précise,
ce qu'il
faut
entendre par bénéfices, dans l'interprétation
de l'article
1832 c.
civ. et l'article 1 de la loi
du 1 Juillet 1801. Dans l'arrêt de 1914,
la cour a donné plein effet aux statuts et l'on était en société ou en
association
selon
que les
statuts
prévoyaient
le
bénéfice
à
partager ou non. Ici, le rapprochement jurisprudentiel
de ces deux
textes, permet de noter davantage, que si la loi ne confère pas un
choix arbitraire
de la société
ou de l'association,
la notion de
bénéfice en tant que gain pécuniaire ou matériel
qui ajoute à 1a
fortune des associés, revient dans de nombreuses décisions, sans
qu'il soit, à l'avance facile de dire s'il y a ou non contrat de société.
C'est aussi que NAST a pu écrire qu'il y a sans doute, "une certaine
tendance en doctrine, à considérer comme bénéfice, tout intérêt
patrimonial,
et comme société tout groupement à but intéressé,
569Req. 25.04.1910. D. 1911,473.

381
alors
même que ce but ne consisterait
pas dans le partage de
bénéfices
en
argent
,
on
considérait
comme
société
tout
groupement qui aurait pour objet d'éviter une perte pécuniaire ou de
défendre des intérêts patronimaux".
A la vérité,
les décisions
de justice
qui ont SUIVI
l'arrêt
des
chambres réunies de 1914 n'ont pas hésité pour creuser encore plus
la multiplicité conceptuelle de la notion de bénéfice. Tel fut le cas
avec les coopératives, les syndicats, les groupements divers dont
la qualité pour agir a le plus souvent, découlé d'une personnalité
juridique
empruntée
à
la
société
civile
formée
autour
des
conditions de l'article 1832 c. civ.
Une cour d'appel 570 avait décidé que constituait
une société un
groupement motivé par l'intérêt pécuniaire de chaque associé et
ayant pour objet
le
maintien
de la
valeur
vénale
de chaque
obligation, ce qui est un bénéfice au sens de l'article
1382 c. civ.
Une juridiction inférieure 571 a repris cette approche et lui a ajouté
"... c'est-à-dire
un gain appréciable
pour chaque associé
et de
nature à augmenter sa fortune ...". Dans une affaire
572
société
parisienne pour l'industrie
électrique C/GLENISSON, RAVET et autres,
des
entreprises
soumissionnaires
s'étaient
constituées
en
groupement une fois
devenues adjudicataires
de travaux publics,
avec à leur tête une entreprise
pilote.
Devant la défa illance
de
celle-ci,
la responsabilité de tout le groupement a été retenue pa r
la Cour d'Appel de Poitiers
le 29 Mai 1957, au motif
que les
adjudicataires avaient par leur regroupement formé une société de
fait. Statuant sur le pourvoi, la Cour de Cassation a pu écrire :
" ...attendu d'une part qu'après avoir relevé "qu'en principe chaque
entreprise conservait son autonomie, sauf la direction assumée par
l'entreprise pilote" ... ; que l'intention des membres du groupement
de se comporter comme associés apparaît dans la formation même
du
groupement
,
qu'elle
s'est
révélée
notamment
par
l'établissement en commun de prix compétitifs ... pour l'exécution
des travaux, en consentant des sacrifices
pour des devis in fé rie urs
de 20 à 30 % des autres soumissionnaires
; que la collaboration
s'est continuée par de bons offices
mutuels; que la volonté de
570Paris 5.] 2.] 885 D. ] 887.2.55
571Tr. civ. Seine] 90]. ] 927 BENOIST cl Sté Maritime et Commerciale du
Pacifique D. ] 928. 2. 57
572Cass. Comm. ] 9.] O.]959 D. ] 960, 205 ; JCP ] 960. Il 432.

382
s'associer
s'est
exprimé
nettement
dans
une circulaire
de
l'entreprise pilote...qui annonce une répartition entre les associés ...
avec un compte ouvert au nom du groupement à la banque... ; qu'une
situation...montre entre les dits associés un système de répartition
des bénéfices et des charges en fonction de la part prise par chacun
dans
l'exécution
des
travaux...
qu'enfin
les
différents
entrepreneurs ont mis en commun des activités et des services en
vue d'une économie
de frais,
ce qui
impliquait
une affectio
societatis et manifestait aux tiers une société de fait ... Rejette ... "
Dans cette espèce pourtant, les entreprises prises individuellement
recherchaient
seulement
à
réduire
leurs
frais
généraux
et
augmenter leur potentiel
de production. Mais une telle
solution
était fatale
ne fût-ce
qu'à l'approcher
du côté des actes
de
commerce. En attendant, une donnée nouvelle est apparue ou bien,
est confirmée en ce que la notion de bénéfice n'est plus simplement
une recette 573 mais UnE! économie. Or dans la pratique
loca le
gabonaise, les notions de recette effective et d'économie sur 1es
coûts ne semblent pas appréhendées confortablement.
La notion d'économie n'a pas attendu la réforme française de
l'article
1832 c.civ.
pour préoccuper.
Elle
a revêtu
également
diverses conceptions comme les ristournes de l'arrêt de la chambre
commerciale du 19 Octobre 1959 précité, le fait d'épargner sur une
dépense, la diminution ou la réduction d'une dépense.
En doctrine, ESCARRA et RAULT 574 estimaient déjà que l'économie de
l'article
1832 c.civ. est l'atténuation
d'une dépense. Traitant
du
phénomène de la concentration économique des entreprises 575, les
analystes
n'ont
pas cessé
de dire
qu'il
obéit
aux
besoins
économiques et financiers qui pour l'essentiel sont la maîtrise du
commerce par la réduction des effets de la concurrence grâce à 1a
mise en commun des moyens d'exploitation et le dégagement d'une
substantielle économie sur les coûts.
C'est donc l'objectif
poursuivi
par
de nombreux
groupements
d'intérêts communs, des sociétés agricoles, des coopératives, des
sociétés civiles immobilières. C'est comme l'écrit G. LAGARDE 576, 1e
573Rcq. 25.04.1910 prée.
574Traité théorique ct pratique de droit commercial: les sociétés
commerciales, 1950 '1'.1. na 74.
575J.M. VERDIER, droit des sociétés et concentration économique 1961 prée. ;
G.lAGARDE, traité droit commercial 1980 prée.
57c'Traité prée. na 401-1.

383
triomphe de la liberté d'association de 1901 qui va permettre de
constituer
sous
des formes
plus
bénignes,
des orga nisations
éducatives, cha ritables, participatives de nature non pas à ré alise r
les énormes concentrations de capitaux des sociétés commerciales,
mais
à soporiser
l'existence
de leurs
membres,
à aider
les
adhérents à supporter les différents coûts de la vie économique.
C'est ainsi qu'à titre d'exemple, se sont épanouies les sociétés de
chasse 577 dont l'originalité
séduit. Il s'agit
de groupement de
chasseurs en vue de l'exercice de la chasse sur une ou plusieurs
propriétés réunies. Des personnes mettent ensemble leurs capitaux
en vue d'obtenir un bail de chasse commun et de faire face aux
dépenses communes, occasionnées par l'exercice du droit de chasse
ainsi obtenu. Ces sociétés peuvent également être formées par des
propriétaires
qui
apportent
leur
droit
de
chasse
soit
respectivement sur le domaine de l'un, soit réciproquement sur les
terres
de l'autre.
Ce n'est pas un contrat
de société
au sens
juridique,
mais un contrat d'association, l'objet poursuivi
n'étant
pas un bénéfice à partager mais un plaisir à prendre en commun 578.
En cas d'exploitation commerciale
du droit et du produit de 1a
chasse, la réunion des conditions de l'article 1832 c.civ. ne doit pas
faire obstacle à la qualification de société civile.
Ainsi regardée, la notion d'économie rappelle par sa nature, le gain
matériel
qui caractérise
le bénéfice. S'il
est déjà pratiqué que
certaines sociétés ont eu recours à l'administration
de droits mi-
pécuniaires,
mi-matériels,
il
en est d'autres qui ont carrément
payé par la distribution de biens en propriété ou en jouissance. 1 1
n'est pas excessif de penser que cette forme de gain devienne 1e
type le plus courant soit
du bénéfice
soit
de l'économie.
Les
perspectives économiques à venir et les signes de multiplication
des accords de troc dont parle GUYON 579, ne sont que plus sensibles
dans les pays africains. Peut-être faut-il
reconsidérer ce partage
d'argent mal appréhendé, mal utilisé
pour le compléter de divers
droits matériels tout aussi patrimoniaux. L'Afrique pourrait peut-
être parfaire
le troc,
la limite
de son seul génie commercial
précolonial.
577Crim. 18.11.1865 prée. ; Jacques GUILBAUD, la chassse et le droit, 13è éd.
1986 Librairies Techniques.
578j. GUlU1AUD, prée. p. 86; cass 3.01.1925 D 1925 I. 85.
579Jur. cl. prée. n" 22.

384
L'économie, écrit VIANDIER saD, est la volonté de retrouver une mise
égale ou inférieure
à l'initiale
et le bénéfice
est le désir
de
récupérer
une mise
plus
forte.
L'économie
est
reçue
par
1es
regroupements pour obtenir des biens ou des services à des coûts
moindres. C'est la réunion des obligataires
et porteurs de parts
pour percevoir plus facilement les sommes qui leur sont dues sai ou
pour agir ensemble contre les administrateurs
5a2 ou encore
pour
s'associer à un homme de loi
en vue du recouvrement de leurs
créances 5a3. C'est dans ce cadre que se situe les sociétés c iv i le s
professionnelles 5a4 ouvertes aux professions libérales et qui sont
des sociétés
civiles
de moyens qui facilitent
l'exercice
de 1a
profession
par la
mise
en commun
des moyens
utiles.
EIl e s
procurent
aux associés
une économie
de dépenses et
non un
bénéfice pos itif.
b) - La conception
fiscaliste
du bénéfice
Elle peut partir
de l'articlle
9, 2° du code de commerce
qui
rappelons le, présente le bénéfice comme la différence entre 1e s
produits de l'exercice
et les
charges,
les
amortissements,
les
provisions.
Il
s'agit

d'une
notion
comptable
tributaire
de
l'établissement d'un bilan ou de comptes de pertes et profits. Mais
le bilan est interprété comme une variation positive de l'excédent
de l'actif
tandis
que le compte pertes et profits
exprime
un
excédent des produits sur les charges sas. En l'état, le bénéfice
serait un gain, un profit ou un excédent, quelque chose qui aura
accru le patrimoine de la société.
Au niveau fiscal
local,
la réforme du code général des impôts a
abouti avec la loi
12/73 du 20 Décembre 1973 à uniformiser
1e
régime des impôts sur les bénéfices ou revenus réalisés
par 1e s
sociétés
et les
autres
personnes
morales.
Cet
impôt
sur
1e s
sociétés s'applique ainsi
à toutes les sociétés
par actions,
les
sociétés à responsabilité
Iii mitée,
les sociétés coopératives,
1e s
établissements ou organismes publics (art. 1), les sociétés civiles
(art. 2-2°) les sociétés de personnes ayant opté pour l'impôt sur les
sociétés
(art.2-3°)
les établissements
publics
et collectivités
diverses (art. 2-4°). La désignation
n'est pas plus scolaire puisque
580JUr. clas. prée. n" 35.
581Req. 15.04.1902. D. 1903 I. 441 prée.
58ZReq. 26.03.1878 S.1874. I. 17.
583Paris 24.05.1856.S. 1858 2. 46.
584C. lACARDE Tr. prée. n° 404.
585CUYON Tr. prée. 1984 n° 114.

385
les
bénéfices
passibles
de
l'impôt
sur
les
sociétés,
sont
déterminés (art. 4) en tenant compte des bénéfices obtenus dans
les entreprises exploitées ou sur les opérations réalisées au Gabon.
Toutefois des réserves valent pour les conventions internationales
et les
éléments
suivants
cités
à
l'article
3
: les
sociétés
coopératives
de production,
transformation
et conservation
de
produits agricoles à forme civile,
les syndicats agricoles
et les
coopératives d'approvisionnement, les caisses de crédit
agricole
mutuel, les sociétés de secours mutuels, les associations sans but
lucratif, les organismes publics locaux, les collectivités
locales et
leurs régies,
les sociétés
d'utilité
publique,
les offices
publics
d'habitation à bon marché, les mutuelles scolaires,
les clubs
et
cercles privés autres que les bars et restaurants.
Mais auparavant, il y a eu l'article
11 de la loi du 4 Mars 1943. 1ci,
les bénéfices nets de sociétés s'entendent des produits
nets de
l'exercice, déduction faite des frais généraux, des charges sociales
autres, de tous amortissements
de l'actif,
de toutes provisions
pour risques commerciaux et industriels.
La loi locale des impôts
de 1973, en son article 5, précise que "le bénéfice net est constitué
par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à
l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à
l'impôt
diminuée
des
suppléments
d'apport
et
augmentée
des
prélèvements effectués au cours de cette période par les associés.
Quant à l'actif net, il s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur
le
total
formé
au
passif
par
les
créances
des
tiers,
1e s
amortissements et les provisions justifiées".
2) - Le bénéfice
: sa matérialisation
et son sort
La recherche de bénéfices
ou d'économies n'a d'intérêt
pour 1a
société que s'ils sont destinés à être distribués
entre associés.
C'est la vocation des associés à les recevoir si conformément à
l'article 1832 c.civ, ils résultent de l'apport commun, de la volonté
de s'unir,
et surtout de la mentalité
de l'affectio
societatis. Ce
sera donc la participation
aux bénéfices
et la contribution
aux
pertes,
deux règles
qui ont été abondamment commentées par 1a
doctrine 586 et sanctionnées par la jurisprudence 587. C'est ainsi que
5860utre les nombreuses monographies déjà rencontrées, citons encore
RI PERT et BOULANGER, tr. droit civil 1952 p. 959 ; PLANIOL et RlPERT Tr. prée.
1954 p. 317 ; J DERRUPE, la clause d'intérêts fixes, mélanges HAMEL 1961 p.
179 ; R. PERCEROU, la notion d'avantages particuliers, mélanges HAMEL 1961
p. 171 ; P. CARCREFF la notion de pertes sociales et l'obligation pour les

386
certaines
clauses
de partaqe
sont considérées comme valables
parce qu'elles portent régulièrement sur le montant, le moment et
l'existence de la vocation ; d'autres sont dites léonines surtout si
elles manquent de vocation, si les rachats sont arbitraires,
si les
intérêts
fixes
ou intercalaires
reposent le fondement même de
j'évaluation du droit de l'associé. En effet, l'intérêt est le prix de
l'argent, ce n'est pas un gain. Comment le réduire
et prétendre
assurer un bénéfice à un tel associé 588. Il en est de même des
mesures prises par les associés pour la contribution aux pertes et
qui sont jugées valables ou non 589, Mais c'est également le moment
d'ajouter les anomalies
du for gabonais notamment lorsque des
bénéficiaires, n'ont pas souscrit au contrat de société comme l'Etat
et ses
10 %, sans parler
des avantages
divers,
accordés
en
permanence par les entreprises à des agents de l'Etat sans ra ison
valable. C'est enfin, le problème de la périodicité des bénéfices que
les
partenaires
sociaux
notamment gabonais,
n'arrivent
pas à
maîtriser,
accablant les sociétés d'avances d'argent et de prêts
incontrôlés. C'est en définitive,
cette anarchie
qui s'installe
au
niveau du droit aux bénéfices de la société qui contribuera
à sa
perte.
La pratique du bénéfice par les gabonais est si préoccupante qu'il
est
urgent
d'en
rechercher
l'assainissement
ne
fût-ce
qu'en
reproduisant à titre indicatif une approche plus sélective tirée des
bénéfices
réalisés
par
la
société
anonyme,
elle-même,
droit
commun des sociétés
au Gabon. Comme les
autres,
la
société
anonyme est créée pour "faire
des bénéfices" auxquels aspirent
légitimement les associés qui doivent tenir compte de toutes ces
considérations et s'appliquer au calcul
des bénéfices
avant leu r
prélèvement.
assopciés d'y contribuer G.P. 1973 I. doct. 569 ; F. TERRE et A. VIANDIER, la
vocation aux bénéfices et la contribution aux pertes, jur. cl. sociétés traité
1978, fase. 17.
587Le partage du bénéfice sous la forme de dividendes donnés aux associés
était un élément caractéristique du contrat de société (cass. 29.11.1897. D 1898.
1. 108) ; il n'est pas nécessaire que la part d'un associé dans les pertes, soit la
même que celle qu'il prend dans les bénéfices (civ. 27.03.1861 D 1861. I. 161 ;
Req. 25.06.1902 D. 1902. I. 395); l'article 1832 e. civ. n'exige pas que la
réalisation et le partage des bénéfices constituent le but unique ou même très
principal d'une société (Req. 7.11.1936 DI-I1937,1; civ. 7.05.1946 D 1946j. 281);
sur les clauses d'affranchissement aux pertes de l'article] 855 e.civ.
(civ.l1.07.1892 D ] 8941. 531 ; Req, 18Jl4.1941 D. A. 1941. 275).
588). DERRUPE mélanges HAMEL prée.
589F. TERRE et A. VIANDIER, jur. Cl. prée. fasc ] 7 n" 42 et suiv.

387
a) Périodicité
et calcul
des bénéfices
sociaux
Après avoir été conçu, le bénéfice doit exister dans sa matérialité.
Si l'on s'en tient au schéma situant le bénéfice à l'origine
de 1a
motivation contractuelle, c'est à la fin du contrat qu'il est logique
de le retrouver. Mais la fin du contrat de société telle que prévue
par
les
statuts
peut,
à
l'extrême,
survenir
à
son
terme
généralement fixé à 99 ans. Ce délai qui dépasse de loin l'espérance
de vie
des associés
et qui
ne met pas les
capitaux
à l'a bri
d'incidents financiers ne saurait être attendu pour faire un sort aux
bénéfices. Ainsi l'établissement de ce profit obéit à la notion de
bénéfice des sociétés et dépend d'un événement qui est le terme de
l'exercice
en cours. Généralement,
ceci
correspond
à la fin
de
l'année civile
590. A cette
époque sont présentés les comptes, est
réalisé l'inventaire, sont ressortis les pertes et les profits. C'est
la société qui dresse son bilan et prépare son compte d'exploitation
pour l'exercice à venir.
Plus textuellement,
l'article
14 al. 1 de la loi de 1973 sur 1e s
impôts des sociétés précise que "l'impôt sur les sociétés est ass is
sur les bénéfices obtenus sur une période de 12 mois correspondant
à l'exercice budgétaire, c'est-à-dire,
l'année civile ..." ; l'article
14
al. 2 ajoute, que les entreprises commençant leur activité dans 1e s
6 mois de la clôture, peuvent arrêter leur premier bilan à la fin de
l'exercice
budgétaire suivant. Le calcul
des bénéfices
se fera
à
partir de tous ces documents comptables qui auront auparavant pris
la peine d'être
établis
selon
les
règles
et
exigences
de 1a
comptabilité
nationale elle-même
dépendant du modèle UDEAC de
1970 et devenu le plan comptable général des entreprises OCAM
(organisation commune africaine et mauricienne) 591. Par la suite,
la société ne pourra distribuer de dividendes
autant qu'elle n'aura
pas réalisé un bénéfice comptable et fisca 1.
L'observation
nécessaire
de
telles
prescriptions
est
bien
sécurisante
pour les Etats qui peuvent sans difficulté
prélever
leurs
parts.
Le Gabon par exemple,
qui octroie
des privilèges
énormes aux sociétés
étrangères,
ne les verrait
peut-être
plus
59üCe délai peut être adapté pour les sociétés nouvelles du fait de la loi de 1973.
Les statuts peuvent également le prolonger.
591G.CASTELLINO et P. ROMELAER, comptabilité privée: plan OCAivI, EDICEF,
1988 ; la loi de 1867 n'impose aucune règle aux administrateurs qui
établissaient le bilan comme ils l'entendaient. Il suffisait de présenter un
tableau avec d'un côté l'actif, de l'autre le passif le tout indiquant des postes
choisis. C'est la pratique qui a tempéré cette liberté en établissant des postes
déterminés. C'est ensuite que sc sont imposées les règles fiscales.

388
disparaître,
emportant avec elles
des centaines de millions
de
francs,
parfois
des
milliards
de francs
de taxes
et
impôts
accumulés des années durant. En attendant, la règle de calcul est
celle de la théorie du bilan
qui est opposée à celle
du compte
d'exploitation en insistant un tant soit peu, sur la pratique de 1a
réévaluation des bilans.
La théorie du bilan part du droit fiscal avant de s'étendre au droit
commercial et comptable. Elle permet de retenir non seulement 1e s
bénéfices
normaux
d'exploitation
mais
aussi
les
revenus
exceptionnels
ou
accidentels,
les
plus-values
en
capital.
Théoriquement, le bilan indique l'état de l'actif et du passif de 1a
société. Comme la vie
de la société est divisée
en exercices
sociaux, ceux-ci sont "soudés les uns aux autres" 592 en ce sens que
les résultats de chaque exercice influent sur le suivant. Le bilan
doit donc être régulier et sincère pour aider à la comparaison avec
les résultats antérieurs, à la connaissance de la valeur des actions,
la solvabilité de l'entreprise.
Or ce que nous déplorons depuis la réunion du capital social, c'est
l'institutionnalisation
au Gabon de sociétés
délibérément contra
legem et des acteurs de sociétés aux pratiques individualistes très
critiquables en raison des erreurs et de la fraude même si ce n'est
pas un phénomène nouveau 593.
Le
compte
de
l'actif
fait
apparaître
la
rubrique
des
immobilisations
corporelles,
incorporelles
ou financières
; 1a
rubrique
de
l'actif
circulant
des
stocks,
en-cours,
avances
acomptes,
disponibilités
la
rubrique
des
comptes
de
régularisation. Le compte passif qui est interne et externe, vise 1e s
capitaux propres, les fonds propres, les provisions pour risques et
charges, les dettes, 1es régularisations
594. Le code fiscal
du Gabon
595 en son article
7 sur le calcul du bénéfice imposable, dicte "qu'il
n'est tenu compte des plus-values
de cession
d'éléments d'actif
immobilisé que si le contribuable
les porte à un compte spéc ia1
"plus-values à réemployer" et prend l'engagement de réinvestir en
immobilisation nouvelle dans son entreprise avant l'expiration
d'un
59Zpour reprendre le doyen ROBLOT, Tr. RIPERT prée. 1986 na 1477.
593André DALSACE et Nicole BERNARD, inventaire et bilan, Ency. Dalloz Rep.
Sociétés 1977 ; François. GORE et Claude DUPOUY, inventaire et bilan, Ency ..
Dalloz de droit comm. 1973.
594RIPEKr par ROI3LOT, Tr. él. droit comm. prée. n" 1485 et 1486
595 - Loi na 12/73 du 20.12.1973 portant création de l'impôt sur les sociétés et
complétant certaines dispositions du code général des impôts directs.

389
délai de trois ans, une somme égale aux plus-values
ajoutées au
prix de revient des éléments cédés".
Par ailleurs,
selon
l'immense article
6 de la loi
de 1973, 1e
bénéfice net imposable est établi sous déduction de toutes charges
nécessitées directement par l'exercice de l'activité
imposable au
Gabon et
notamment
: les
frais
généraux
(les
dépenses
de
personnels et de main-d'oeuvre, les dépenses relatives aux locaux,
matériels et mobilier, les frais divers et exceptionnels, les primes
d'assurances,
certaines
libéralités,
dons
et
subventions),
les
charges
financières,
les
pertes
proprement
dites,
1 es
amortissements, les provisions.
Dans la théorie du bilan,
le bénéfice est calculé
soit de façon
restrictive
c'est-à-dire
qu'il
ne
résulte
que
des
opérations
normales
telles,
la
vente
de
marchandises
fabriquées
par
l'entreprise
ou bien
de façon
extensive
et
fiscale,
avec
1a
comparaison des postes du bilan au début et en fin d'exercice, de
telle
sorte
qu'apparaissent
les
trois
éléments
du
bénéfice
d'exploitation, des recettes exceptionnelles ou accidentelles,
des
plus-values en ca pita 1.
En plus simple,
le bilan
est donc ce tableau qui rense igne sur
l'origine et l'emploi des fonds dont dispose l'entreprise. Avec deux
autres
documents,
il
permet
de
connaître
la
rentabilité
de
l'activité
considérée.
Ainsi
le compte d'exploitation
résume
1a
totalité
des opérations
courantes traitées
par la société au cours
d'une période déterminée ; il
enregistre
les ventes et produits
financiers ; la différence, en plus de la variation des stocks entre
le début et la fin de l'exercice, constitue le bénéfice ou la perte
d'exploitation. A son tour le compte des pertes et profits, affine 1a
notion de gain;
il
prend d'abord en mémoire les produits et 1es
charges de caractère exceptionnel ou d'un précédent
exercice ; i 1
dégage ensuite le résultat net de l'exercice (bénéfice ou perte) qui
sera porté au bilan.
b) - La pratique de la réévaluation
du b il an
Voilà
une technique
répandue
dans
la
pratique
gabonaise
du
commerce et dont nous avons annoncé une approche lors de l'étude

390
de l'évaluation du capital social 596. La réévaluation 597 consisterait
à présenter l'indication de la valeur présente des immobilisations à
l'actif du bilan. Et le doyen ROBLOT 598 d'insister "et non plus de le ur
valeur
d'origine,
en compensant
l'augmentation
d'actif
qui
en
résulte
par l'inscription
au passif
d'un poste
dénommé,
écart
d'évaluation" ou "écart de réévaluation" 599.
Cette pratique
n'est pas à proprement
parler
interdite
autant
qu'elle n'empêche pas la comparaison cla ire des différents
bi la ns
successifs. La réévaluation est un procédé souvent utilisé
par 1e s
entreprises pour présenter leur capacité d'endettement au moment
de recourir au crédit bancaire par exemple. L'opération aboutit à
faire ressortir une sorte de prospérité du fonds lorsque la plus-
value de la réévaluation
est portée à un compte de réserve de
réévaluation. Elle est considérée comme un bénéfice taxable. Il est
alors recommandé de recourir à cette pratique à bon escient et
avec prudence 600.
BILAN 601
ACTIF
PASSIF
Immobilisation
Capital
1 - 100.000
1 - 100.000
Réévaluation
Réserve de réévaluation
2 - 200.000
2 - 100.000
Caisse
Réserve
20.000
20.000
1 - 120.000
1 - 120.000
2 - 220.000
2 - 220.000
S96 - La réactualisation de l'actif par simulation, voir texte p. 331 et suiv.
s97Charies PINOTEAU, la réévalutaation libre des bilans, lC.P. 1973. 1. Il.171 ;
sur l'opportunité d'une réévaluation légale des bilans, j.c.P. 1974 doct. 2636.
598RIPERT,Tr. él. droit comm. prée. na 1491.
5991nfra HAMEL et LAGARDE par G. LAGARDE prée. n" 725-1 ; GORE et DUPOUY,
prée. na 860.
GOOHeureux si l'entreprise y trouve le moyen de reconstituer son outil de
production, dans les meilleures conditions, sinon il en résulte des plus-values
imposables.
Il y a en définitive une réévaluation légale et des réévaluations libres
pratiquées sans textes ni faveurs fiscales.
G01Sur les différents tableaux du bilan: A. DAISACE et N. BERNARD prée. ; F.
GORE et C. DUPOUY préc ; sur le plan OCAM, infra CASTELIJNO et ROMHAER
prée.

'~
.'
391
De son côté, l'article
35 de la loi
de 1867 ne permet pas 1a
mutabilité des méthodes de réévaluation, sauf sur autorisation de
l'assemblée des actionnaires
après un double rapport du conseil
d'administration et des commissaires aux comptes. C'est donc une
faute de gestion que de procéder différemment, en sachant en plus
qu'il ne s'en dégage aucune ressource
de trésorerie.
Toutefois,
estime-t-on G02, il est judicieux de recourir à cette pratique pour
éponger un déficit fiscal,
en cours de prescription. La réévaluation
dans ce cas, n'entraîne aucune charge d'impôt, tout au contraire,
elle permet des économies fiscales pour l'avenir, elle augmente 1e s
marges d'amortissement et élimine ou atténue les plus-values de
cession.
Par ailleurs,
la pratique
gabonaise la plus
usitée,
consiste
à
incorporer cette réserve de réévaluation au capital social. Parfois,
elle a été carrément distribuée en dividendes. Ceci paraît choquant
à priori et à plus d'un sentiment, il est une cause d'abus. Mais voilà
que la question posée à ce propos, ne rencontre ni de la loi, ni de 1a
jurisprudence,
d'obstacles
dirimants.
Si
la
réévaluation
est
correctement faite, il faut en admettre la validité de principe et du
coup, la liberté de disposition. Elle pourrait donc être partagée aux
actionnaires,
sans pouvoir y lire
une distribution de dividendes
fictifs.
A la confrontation,
cette pratique de la réévaluation
s'affirme
peut-être comme expressément non prévue par la loi stricto sensu,
mais elle
est juridiquement
licite
et techniquement
au point.
Pourtant les craintes demeurent intactes dans la mesure où, cette
estimation ponctuelle des immobilisations
à l'actif social ne peut
être menée correctement. En effet, les agents chargés de le fa i re
prêtent à redire, notamment avec la loi gabonaise de 1969 G03 qui ne
parle de commissaires
aux apports qu'à la
constitution
de 1a
société. D'où viendront les commissaires
à la réévaluation
? A
supposer qu'ils arrivent,
ces seconds
seront-ils
véritablement
602En France, la réévaluation a été rendue obligatoire en 1959 (pour les
entreprises dont le chiffre d'affaires annuel a été de plus de 5 millions de
francs) et facultative pour les autres. Les hausses de prix qui ont suivi ont
incité les groupements insdustriels et commerciaux à reclamer de nouvelles
mesures et le ministère des finances à cédé sous leur pression avec l'art. 61 de
la loi 76-1232 du 29.12.1976, notamment la réévaluation des immobilisations
non amortissables: terrains, fonds de commerce, titres de
participations... ROBLOT prée. p. 1023.
603 Loi n" 13 - ()9 du 31 Décembre 1969 qui a modifié l'art. 4 de la loi de 1867.

392
différents
des premiers.
A leur
tour,
ne se contenteront-ils
d'entériner les propositions qui leur seront faites. Dès lors, il n'est
pas possible de retrouver la justesse ou la correction exigées dans
le calcul de la réévaluation. Le commissaire sachant parfaitement
pourquoi et dans quel sens l'opération est ordonnée, se plaira
à
certifier.
2 - Le sort des bénéfices
sociaux
Il nous donne l'occasion de reproduire cette substance des arrêts de
la Cour de Cassation
CCiv. 7.05.1946 et Req. 7.11.1936 précités)
pour redire
que l'article
1832 c.civ. n'exige aucunement que 1 a
réa lisation et le partage des bénéfices constituent le but unique ou
même principal
d'une société.
ROUAST
et LEPARGNEUR aussi,
l'ont
rappelé dans AUBRY et RAU, droit civil
de 1954. Pourtant
cette
destination des bénéfices reste la plus préoccupante que cela soit
exécuté 1i citement, à plus forte raison par des emprunts ou voies
indirectes. Il est en effet constant que la population du Gabon, vi t
au-delà de ses possibilités à force de regarder sa classe "aisée" de
pseudo bourgeois.
Comme ces prétendus nantis
souvent insolemment,
constituent
pratiquement le lot des hommes d'affaires, il faut parier que ceux-
ci sont poursuivis en permanence d'un urgent besoin d'argent. Passe
encore qu'il
s'agisse
de satisfaire
les
besoins
de la
société
commerciale, mais les partenaires sociaux, à quel que titre que ce
soit,
s'endettent démesurément,
piochent continuellement
leurs
moyens dans les caisses
de la société au point d'y détenir deux
comptes : l'un portant rémunération
ordinaire
qu'ils
s'arrangent
pour ne pas interrompre, l'autre relevant les sommes avancées par
la société et qui ne sont presque jamais remboursées. A ce rythme,
aucune société même subventionnée par l'Etat ne peut résister.
Pour sortir
de cette
situation
grandement
préjudiciable
aux
sociétés, il importe d'en appeler à 1 a loi, sinon aux statuts puisque
ceux-ci, lorsqu'ils
existent, sont confectionnés conformément au
droit positif. Ces règles prévoient que les bénéfices sociaux, après
prélèvement
de
l'impôt
sur
les
bénéfices
industriels
et
commerciaux,
peuvent
être
soit,
mis
en
réserves 604
pour
G04j. IACOMBE, réserves, Ency. Dalloz Repertoire Sociétés 1971 ; HAMEL et
IAGARDE Tl, 2° Vol. 1980 n" 722 ct suiv. les assimilations des primes d'apport,
de fusion, d'émission.

393
l'autofinancement,
soit
distribués
aux
actionnaires
et
aux
administrateurs sous forme de dividendes 60S, de tantièmes ou de
jetons de présence 606.
a) - bénéfices
mis en rése rve
Selon l'article
36 de la loi
de 1867, la réserve
des sociétés
s'entend de quatre modes : la réserve
légale,
la statutaire,
1 a
facultative et le report à nouveau.
La réserve légale imposée aux sociétés est constituée par 1/20 0
des bénéfices nets. Elle cesse d'être prélevée obligatoirement dès
qu'elle atteint 11100 du capital
social.
Elle est intangible
et ne
peut donc, ni être incorporée au capital social ni être distribuée.
Ceci permet de comprendre, que la réserve
de la plus-value
de
réévaluation du bilan soit librement affectée. La réserve légale est
inscrite
au passif sous le capital
social.
Elle n'a pas de règle
légale sur son emploi est investie
dans un poste quelconque de
l'actif 607 et rend illusoire
son origine législative.
Cette situation
d'immobilisation d'une partie de l'actif est contestée parce que 1 a
réserve légale est normalement destinée à combler les pertes de 1a
société. En cas d'emploi, elle doit être reconstituée avant même 1e
partage de bénéfices.
La réserve statuta ire, peut, en plus de la précédente, contenir une
autre partie des bénéfices. Sa destination est fonction des statuts
et sa modification
décidée par les assemblées
régulières
de 1a
société. C'est dans ce cadre juridique qu'il faut situer la réserve de
réévaluation. La réserve statutaire est en principe constituée pour
renforcer la société en cours d'exercice, dans la direction prévue
par les statuts.
La réserve facultative est une décision de l'assemblée générale sur
proposition
du conseil
d'administration
qui a constaté les bons
résultats
d'exercice,
les
perspectives
à
venir
et la
politique
financière de l'établissement. Ces réserves pourront être utilisées
à assurer des investissements importants. Comme elles ne sont pas
605 j. LACOMBE, dividendes, Ency. DALLOZ Sociétés 1970 ; G. LAGARDE, Tr. cl.
prée. p. 509 ; GORE et DUFOUY n° 594.
606Nicole BERNARD, jetons de présence et tantièmes, Iincy. Dalloz sociétés
1977.
607RIPERT par ROBLOT Tr. prée. n° 1SOI.

"
/
394
intangibles,
elles
pourront être incorporées
au capital
en cas
d'augmentation de celui-ci,
ou affectées
à la distribution
des
dividendes en cas d'insuffisance de bénéfices.
Le report à nouveau naît dela partie des bénéfices, non distribuée,
ni portée
à une sorte
de réserve.
Elle figure
dans un compte
d'attente dont le sort dépend de la décision qui sera prise à la fi n
de l'exercice suivant, en même temps que sur les bénéfices. C'est
une décision
de
l'assemblée
générale,
chaque
fois
que
1a
distribution
des
dividendes
allouerait
des
sommes
infimes,
inférieures
à un montant minimum, ou si les sommes sont très
élevées et qu'une partie peut être retenue en prévision d'exercices
moins favorables.
Par contre l'envoi en réserve
ou en report
à
nouveau ne doit pas être une décision anti sociale. L'absence de
distribution
de dividendes ne doit pas refléter la seule volonté
d'associés majoritaires
qui en imposent aux minoritaires.
Pour 1a
Cour de Cassation
608,
l'abus de majorité
est la décision
prise
contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique
dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de 1a
minorité.
La cour l'avait également décidé 609 dans des cas ne
permettant qu'une thésaurisation sans rapport avec l'intérêt social.
b) bénéfices
distribués
610
Si les diverses réserves
ont été approvisionnées,
la société est
alors libre de distribuer le surplus. Les parties bénéficiaires
sont
les associés c'est-à-dire
les actionnaires, les administrateurs et
éventuellement les porteurs de parts de fondateurs. Quant à l'objet
distribué,
il
représente
soit
les
parts
de fondateurs,
soit
1e
premier dividende, les tantièmes ou le superdividende.
Le premier dividende, c'est l'intérêt statutaire, souvent prévu par
les statuts sous la forme d'un taux fixe, que l'actionnaire
aurait
touché si par exemple, il avait placé son argent dans une banque.
Cet intérêt de l'ordre
de 5 %, s'applique au capital nominal, libéré
et non remboursé. 1/ est cumulatif
(si l'actionnaire peut se fa i re
payer par les exercices
suivants)
et non cumulatif
(le premier
dividende est perdu s'il n'a pu être versé au titre d'une année). Le
GÜ8Com. 18.04.1961 Sté PICARD el DUREY cl SCHUMANN, .lCP 1961. II. 12.164.
GÜ9Com. 22.04.1976 D 1977, 4.
61OI-IAMEL et LAGARDE par G. LAGARDE prée. n" 72() et suiv. "dividende et
report à nouveau; .l. IACOMRE, dividendes, Ency. Dalloz Sociétés 1970 ;
Bénéfices, Ency. Dalloz Rep. Sociétés 1980 ; RIPERT par ROR!.OT n" 1S09 ;

395
problème se pose alors de savoir si l'intérêt statutaire peut être
servi même en l'absence de bénéfices. A considérer que l'intérêt
statutaire est synonyme de premier dividende, que le dividende est
une des variétés des bénéfices distribués,
de facto, il n'est pas
possible de partager des bénéfices en absence de profits sociaux.
Pourtant, il est une pratique de distribution de l'intérêt statutaire
dénommée "le
dividende
intercalaire",
qui
est
une
véritable
anticipation sur les bénéfices. L'histoire de sa validité
a été en
France, longtemps dominée par sa condamnation. Après
bien des
hésitations, le dividende intercalaire a fini par être accepté comme
valable d'une part, s'il est prévu par une clause spéciale et publiée
des statuts, d'autre part si le montant est passé en frais généraux.
Les tantièmes, sont une des rémunérations
des administrateurs.
Elles ne sont calculées qu'après les réserves et l'intérêt statutaire.
Elles sont donc limitées dans leur montant qui du reste est estimé
à 1/9 du superdividende. Le superdividende est la dernière partie
disponible des bénéfices. Elle intervient
théoriquement après 1e
prélèvement des tantièmes car il y avait encore l'équivalent du
neuf fois celles-ci.
Amour de la société d'un côté, maîtrise
des bénéfices d'un autre
côté,
c'est le droit
local
des sociétés
qui
est
appelé
à se
discipliner.
C'est avant tout, l'intérêt
de l'entreprise
qui est à
promouvoir. D'où la nécessité de s'en tenir, au risque social comme
voulu et, à la technicité des notions comme le bénéfice. D'ailleurs,
en dehors des calculs
exigés,
il
reste
que toutes ces valeurs
distribuées, notamment le premier et le superdividende, semblent
faire corps en tant que dividende. Leur existence dans les pratiques
locales des pays en développement, spécialement là où les affa ires
sont en baisse,
peuvent paraître
déraisonnées
en absence
de
bénéfices nets. Que dire
du dividende intercalaire à un moment où
le droit positif interne est appelé vivement à assainir le domaine
des commerce
et industrie
au Gabon. Autant
paraître
un peu
livresque car plus simple, en insistant comme l'article 1832 c. civ.
et l'arrêt
des chambres
réunies
de 1914 pour que le gain
et
l'avantage obtenus ne proviennent que des bénéfices réa Iisés et non
à venir, ni éventuels.
Section 2 : Son action : la maîtrise
des sociétés.
La responsabilité des personnes dans la vie des sociétés revient
dans l'ordre de nos pensées, même s'il n'est pas de propos, de nous y

396
attarder. /1 faut en parler car dès le départ, nous avons constaté
d'un côté, des non conformités entre la loi de forme et la création
des entreprises,
d'un autre côté, de nombreuses irrégularités
de
nature
à
confondre
l'état
de
constitution
avec
celui
de
fonctionnement
des
établissements.
Cela
devient
même
pure
conséquence
que
de
dire
quelques
mots
sur
les
personnes,
différentes actrices de la dynamique des maisons de commerce ou
d'industrie.
Parmi
ces acteurs,
il
en est
qui
se singularisent
avec leurs
participations à la mise en place de l'entité commerciale. Ceci leur
donne des obligations et des droits comme le juste profit de le ur
affaire. Il en est d'autres qui, ayant ou non apporté la pierre de 1a
fondation, vont se distinguer par leur savoir faire dans la marche
de la structure ainsi
créée. Pour cela, ces dernières
personnes,
exercent
des pouvoirs
considérables
au point
d'endosser
une
responsabilité correspondante, aggravée suivant le statut j urid iq ue
de chacun : commerçant ou non commerçant, tenu indéfiniment ou
partiellement,
impliqué dans la limite
de ses fonctions ou bien,
pour en avoir abusé, ou encore pour les avoirs excédés.
Paragraphe 1 - L'exposé de la fiche
technique
des différents
acteurs issus
de l'émission
des titres
de société.
C'est un problème de terminologie devant conduire à reprofiler des
notions pourtant spécifiques,
mais que la pratique locale tend à
dire
synonymes.
Il
s'agit
tout
au moins
des
associés,
des
actionnaires,
des fondateurs,
des obligataires,
des porteurs
de
parts, actions et obligations" Il est intéressant de contribuer à 1e ur
connaissance en les rendant un peu plus communs et au niveau des
opérateurs
gabonais,
en les
aidant
à mieux
choisir.
C'est une
présentation théorique
nécessitant
parfois
toute une évasion
à
travers les divers types de sociétés, sans parler des étapes variées
de leur existence.
Si les titres émis vont droit à des bénéficiaires,
même anonymes,
nous avons déjà écrit que ces heureux gagnants le tiennent à le urs
justes risques dans la naissance ou le développement de la société.
Il est
généralement question des souscripteurs.
Mais comme 1a
réalité
locale
gabonaise a fait
apparaître
des "profiteurs" sans
souscription,
il y a désormais
des partenaires
qui ont pris
des
engagements et d'autres qui ne l'ont pas fait. Cela suffit-il
pour

397
conduire
des développements
à
partir
de
la
distinction
des
souscripteurs associés
et des associés
non souscripteurs.
Cette
répartition nouvelle serait trop globalisante
donc imprécise.
Les
premiers
seraient
appelés
à la responsabilité,
les
seconds
en
seraient exclus, du moins théoriquement. Convient par contre, 1e
vieux schéma historique de la vie de l'entreprise où au début, il y a
les fondateurs, qui ouvrent la maison à des actionnaires, bien plus
tard à des obligataires,
avant de pouvoir dire
qui est ou non
associé. Au résultat, il en sort un ensemble d'associés ou non mais
des acteurs énumérés ès qualité, en raison
de leur
convergence
d'intérêts.
'0 _Les fondateurs 611
Peut-être parce qu'ils sont les premiers intervenants, en tout cas
c'est à leur endroit que les lois de commerce tirent leurs premières
rigueurs.
Ce sont notamment les
conséquences des nullités
en
périodes
pré
et
constitutives,
ainsi
que
les
fautes
pénales
constatées à ces mêmes stades de l'existence des sociétés. Mieux,
les fondateurs
continuent
à faire
parler
d'eux
au niveau
du
fonctionnement, c'est dire
leur réelle
importance.
En effet,
non
seulement ils se retrouvent dans la mise en place des affa ires,
mais leur
intervention
est très
appréciée
pendant la vie
des
entreprises spécialement à l'occasion de l'augmentation du capital
social.
a) - dimensions
de la notion de fondateur
Les fondateurs,
ce sont 612
"...
tous
ceux qui
on concouru
à
l'organisation,
et à la mise en mouvement de la société... à 1a
condition que la nature de ce concours permette de leur attribuer
une part d'initiative dans les actes qui ont abouti à la création de
l'entreprise
sous sa forme
sociale,
ou qu'ils
aient
prêté
en
connaissance de cause aux véritables promoteurs de la société, une
coopération assez directe, assez étroite et assez constante pour
qu'elle
implique
d'elle-même
une
acceptation
consciente
des
responsabilités inhérentes à la constitution du corps social. ..".
GIIGIVERDON, fondateur, Ency. Dalloz Rep. Sociétés 1970. Cet auteur cite entre
autres, j. PERCEROU, des fondateurs de sociétés anonymes, th. Dijon 1896 ;
CLAUDEL, la notion de fondateur, th. Toulouse 1934 ; HAMEL et LAGARDE par G.
IAGAH.DE 1980 prée. na 576.
612Cass. Civ. 1.07.1930 D. 1931 1. 97 ; S. 1931 I. 305.

398
Les fondateurs
sont en partie
les initiateurs
du projet,
mai s
surtout, ceux qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour la création ou
l'expansion de la société. C'est justement en raison des services de
toute nature rendus à la société par ces personnes, qu'a été prise
l'habitude, depuis l'exemple de la société universelle
du canal de
Suez, de les en remercier. Aussi, bénéficient-ils de l'attribution de
parts,
dites
de fondateurs
ou parts
bénéficiaires,
désorma is,
réglementées par la loi du 23 Janvier 1929. C'est donc à travers
l'analyse
rapide de ces parts que la situation
du fondateur va
encore être amplifiée.
De prime abord il semble qu'il y a des fondateurs dans toutes 1e s
sociétés et comme tel, il ne reste qu'à les inventorier et dresser
leur nature. Voilà que l'origine des termes fondateurs et parts va
conduire à une sorte d'ironie. En effet, la part sociale est un titre
dont j'émission
provient
d'une
société
d'intérêts,


est
prépondérante, la personne de l'associé. Il peut s'agir des sociétés
de personnes, des associés
en commandite
simple,
de certains
associés (commandités) des sociétés en commandite par actions,
ces deux dernières
n'étant ni plus
ni
moins,
des sociétés
de
capitaux. Ainsi, la part du fondateur est exclusivement
émise par
les sociétés par actions. Ceci réduit considérablement le domaine
de détermination de la notion du fondateur dans les sociétés,
de
telle sorte qu'à un sens large 613,il faut préférer une conception
plus restrictive
ne concernant que le fondateur bénéficiaire
de
part.
Secundo, la situation des fondateurs dans une société se complique
avec les parts qui leurs sont allouées,
celles-ci
accusant d'une
nature relativement complexe. Elles ne font pas partie du ca pita 1
social car il est constant que les fondateurs n'ont pas participé à
sa
constitution.
Pourtant
les
parts
sont
prélevées
sur
1e s
bénéfices.
Reprenons-nous : les parts de fondateurs ne font pas partie
du
capital social mais donnent droit à une part sur les bénéfices de
société. Si ces parts constituent un droit de créance éventuelle de
bénéfice
contre la société, force est de se rappeler qu'en vertu de
613La situation de porteurs de parts de fondateurs depuis la loi du 29 Janvier
1929 par G.GABüL.DE chr. OH 1930, 17 ; - Le système qui consistait à remercier
les fondateurs, avait été retenu par la plupart des sociétés, donnant lieu, pour
le plus grand nombre, à des abus, des escroqueries. Si la loi de 1929 est venue
conditionner les fondateurs bénéficiaires de parts, il reste que ces personnes
sont la source de beaucoup de complications.

399
l'article
1832 c. civ., seuls
les associés
du contrat de société
aspirent au bénéfice. Faut-il
en conclure que les fondateurs sont
des associés, déjà que, eux aussi, sont directement intéressés par
la prospérité de l'entreprise, qu'ils ont droit aux dividendes et vont
même jusqu'à intervenir dans la vie de la société.
C'est la loi du 23 Janvier 1929 qui a tranché en décidant que les
parts de fondateurs
ne conféraient
pas à leur
propriétaire
1a
qualité d'associé, mais celle de créancier. Au commentaire, il est
apparu que ce sont tout de même des créanciers bien particuliers,
ayant la possibilité de s'organiser en une masse, avec un droit de
regard dans la société. Les fondateurs se trouvent là, dans une
situation
hybride
qui
les
rassemblent,
avec
parfois
1e s
bénéficiaires des titres d'actions, parfois les obligataires. Ils font
penser, en droit interne gabonais, à la situation de l'Etat et ses 10
%. Elle rappelle la controverse antérieure à la loi de 1929, sur 1a
nature juridique
des parts
de fondateur
614,
étaient-elles
des
catégories spéciales
d'actions, d'obligations ou des titres d'une
nature également spéciale. La Chambre des Requêtes 615 les ava it
assimilées
à des actions
au regard
de la
nature
des droits
pécuniaires attachés à ces titres. La doctrine pensait au contraire
qu'en raison de l'absence de participation à la gestion sociale, les
porteurs étaient des créanciers de bénéficies éventuels.
Tercio, et pris
individuellement
les fondateurs
bénéficiaires
de
parts, ont bien droit à une partie
des bénéfices
fixés
par 1e s
statuts, à la cession, au rachat, à la reconversion de leurs parts (en
cas d'augmentation du capital). Pris collectivement, ces fondateurs
sont constitués en une masse de porteurs de parts qui se meut
grâce
à son représentant
616,
délibère
puis
décide
avec
son
assemblée générale.
b) - conséquences
légales
de la nature de fondateur
C'est le quatrièmement. Les fondateurs sont soumis à un régime de
responsabilité
civile et pénale sanctionnant leurs activités dans 1a
614)-)AMEL et LAGARDE, Tr. prée. p. 296.
61SReq. 16.11.1904 D 1906 I. 49
616Le représentant de la masse est nommé par l'assemblée générale, qui le
dote de pouvoirs larges de représentation, d'exécution des décisions de la
masse et de participation
aux assern blées
d'actionnaires
mais avec
voix
consultative et possibilité de connaître des documents sociaux.

400
constitution
des
sociétés.
Ce
sont
eux
qui
exécutent
1e s
prescriptions légales de départ. Dans les sociétés par actions par
exemple,
ils
signent
le
projet
de statuts
et procèdent
à
1a
publication préalable à la souscription 617.
Les fondateurs sont encore ceux-là qui offrent ces mêmes bulletins
de souscription, véritable contrat passé avec les souscripteurs et
stipulant
pour la société
à venir. Ils
veillent
à la libération des
actions,
exigeant au besoin
leur
versement total
immédiat,
et
prenant soin de faire consigner cet argent entre les mains d'un
notaire. Vient alors la déclaration notariée de souscription
faite
par les fondateurs.
D'une manière générale, ils vont agir pour la société jusqu'à la mise
en place de ses premiers organes statutaires. Il va de soi, pour 1a
société qui se sera dotée d'un personnel administratif ou de gestion
dès le projet de statuts, que c'est normalement ce gérant de "sNe",
"ses" ou "SARL" ou ce premier administrateur de "SA" ou "seA" qui
assurera les attributs
reconnus aux fondateurs dans ces mêmes
organisations de commerce.
Fort de toutes ces données, le droit gabonais du commerce 618 pose
que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation
sont tenues solidairement
et indéfiniment
des actes accomplis,
sauf à la société, de les reprendre. C'est d'abord une responsabilité
de type civil, liée à la nullité 619 pour non observation des règles de
constitution. Elle englobe les vices de forme et de fond au point
d'engager la réparation
par
les
fondateurs,
des conséquences
dommageables causées aux tiers
620
et aux souscripteurs
dont
l'action est prescrite
par 3 ans. C'est aussi une responsabilité
pénale mise en oeuvre pour des raisons répréhensibles comme 1e s
agissements 621 convaincus d'escroquerie, d'abus de confiance, de
Gl7C'est le dépôt des statuts au greffe,
la parution de la notice au journal
d'annonce officielle, la reproduction des énonciations de la notice avec les
désignations des administrateurs dans les prospectus destinés à solliciter les
souscriptions.
GIBEl le était prévue par la loi de 1867, déjà objet d'améliorations progressives.
Au Gabon, l'art. 2,2°-loi
n"
10/73 du 20.12.1973 reprenda
le principe
et
l'assortira d'une possibilité de régularisation.
G19Action prescrite en 5 ans, art. 8loi de 1867
GZOArt. 4loi n" 10/73 du 20/12/1973
G21Dans les SCA, les sanctions pénales sont prévues, aux art. 13 et 16 de la loi
de 1867 ; pour les SA, les art. 45 et suiv. ; plus récemment, l'art. 12 de la loi n 0
10/73 du 20.12.1973 punit tous les fondateurs,
présidents adrni nisrratcurs,
directeurs généraux ou gérants.

401
faux et d'usage de faux. Il
s'agit
d'une façon
de dénoncer les
attitudes peu scrupuleuses de certains fondateurs. C'est 1e cas 622
pour ceux qui tentent de majorer la valeur de leurs apports ou de se
faire attribuer des avantages particuliers, injustifiés ou excessifs.
Plus grave, est qu'ils en viennent à revendre avant le délai de deux
années, les parts qui leur ont été généreusement délivrées par une
société qui n'avait guère d'espoir de survie.
Passe
encore
que les
sociétés
qu'ils
créent
entre
eux,
se
répartissent les actions en fonction de leurs apports. Par contre,
l'intégralité de la souscription peut poser des difficultés
lorsque
les fondateurs ne s'engagent pas eux-mêmes pour tout le capital, et
qu'en plus, ils décident d'en appeler à l'épargne publique par 1es
banques. Au prix d'une longue et coûteuse publicité, les fondateurs
doivent observer les formes strictes de la loi du 30 Janvier 1907
ou bien renoncer à constituer la société, surtout si la souscription
n'est pas intégralement couverte. S'ils maintiennent leur projet, ils
vont recommencer entièrement la procédure déjà entreprise mais
pour un capital inférieur.
Autant souhaiter l'harmonisation de ces normes avec la pratique
locale de constitution des sociétés, au demeurant tenue par la règ le
623 qui veut qu'il
n'y ait ni obligations,
ni augmentation de capital
en numéraires tant que le capital social
n'est pas intégralement
libéré. Tout le problème est de pouvoir mettre en oeuvre de te Iles
responsabilités
624.
L'acteur
fraudeur
a
sans
doute
pris
1es
précautions ne fût-ce que par une sorte d'influence ou de chantage,
pour réduire
la volonté des autres
créanciers
sociaux.
Il
faut
envisager la possibilité pour des tiers, informés de l'intérieur de 1a
société,
soit de dénoncer simplement
les faits,
soit
de sai sir
carrément le juge des sociétés. L'action serait d'ordre public et
participerait
parfaitement
à l'assainissement
tant souhaité
des
professions considérées.
622La seule loi de 1867 permet de citer : l'émission
d'actions d'une société
irrégulièrement constituée (art. 13) : la négociation d'actions d'une même
société (art. 4) ; la fausse déclaration notariée (art. 15-1°) la simulation de
souscription et de versement (art. 15-2°) ; la fausse indication de personnes
attachées à la société (art. 15-3°) ; la fraude dans l'évaluation des apports en
nature (art. 15-8°).
623Art. 2 et 4 de la loi du 4 Mars 1943.
624Adolphe TOUFFAIT, Délits et sanctions dans les sociétés, Sirey 1973, réd.
reprenant et complétant l'ouvrage de Maurice PATIN et Marcel ROUSSELET,
délits et sanctions dans les sociétés par actions.
Pierre GAUTHIER et Bianca IAURET, droit pénal des affaires, 2° éd. Economica
1989/90

402
ZO - Les actionnaires
" s'agit de l'appellation
la plus répandue des personnes qui ont
procédé par l'article 1832 c. civ. au contrat de société. C'est le mot
familier
utilisé
même pour parler
des souscripteurs
de parts
d'intérêts
des
sociétés
de
personnes,
ou
des
sociétés
à
responsabilité
limitée.
Néanmoins, les actionnaires
dont il
sera
tenu propos, seront 1argement inspirés de l'action sans exclure
1 a
part, ni plus tard, l'obligation,
puisqu'il
reviendra de montrer 1a
valeur de la souscription de départ comme condition positive à 1a
détermination de l'associé.
a) - position
légale de l'actionnaire
Elle tient à l'action, titre remis aux associes en représentation de
leurs apports et dont la somme constitue le capital de la société.
Comme ici, la discussion
ne semble pas éventuelle, ne pouvons-
nous dire que les actionnaires
sont des associés. Ceci du reste,
ressort de la conception financière
de l'action,
titre
à revenus
variables car fonction des bénéfices réalisés selon les exercices625.
b) - droits et obligations
de l'actionnaire
L'actionnaire qui bénéficie de son titre d'action, doit en avoir une
profonde connaissance et une parfaite
maîtrise.
Ainsi
la va le ur
minimale de l'action est de 5.000 francs 626, ce montant peut varier
en cas d'augmentation ou de réduction du capital,
de cession
de
titres, de regroupement d'actions ou de prime d'émission. L'article
2 du décret de 1953 précise
que "les
actions
émises
par les
sociétés anonymes ou en commandite par actions peuvent revêtir 1a
forme 627 nominative ou au porteur."
Bien entendu, l'actionnaire gabonais sera porté vers une forme non
personnalisée, par admiration pour la société anonyme. Or, il y a
mieux à ce niveau. En effet, si la loi et les statuts s'efforcent de
sécuriser
les
titres
nominatifs
(sociétés
fermées,
clauses
625 Art. 4 du décret du 28.04.1953 relatif aux actions et obligations émises par
les sociétés qui opèrent dans les territoires d'Outre-Mer. "Les droits des
actionnaires dans les sociétés anonymes " (Théorie et réalité) par Pierre
VIGREUX, Coll. Etudes Economiques n" XXXVI, 1953.
626Art. 4 du décret du 28.04.1953 ; lire notes '-1-85 et 487 p. 330.
627D'un côté, c'est un certificat nominatif qui indique le nom du bénéficiaire
et lui sert de moyen de preuve, d'un autre côté, c'est l'individualisation portée
au registre de la société qui, selon l'art. 36 du code de commerce, est le
véritable titre de propriété.

403
d'agrément ou de préemption, actions de garantie), les actions au
porteur, identifiées par un numéro d'ordre extérieur au registre de
société sont de véritables meubles dont la possession vaut titre et
qui, permettent sans crier
gare, de manoeuvrer pour retourner
l'ordre de contrôle des sociétés.
La faculté
de céder son titre
constitue
pour l'actionna ire
une
expérience majeure. Ainsi, la question de la cessibilité des actions,
appelle celle de leur négociabilité, les limites de ces transactions,
leur régime fiscal. Il importe ici que le débiteur ait été informé par
écrit, que les actions de garantie des administrateurs ne puissent,
avant deux ans, faire l'objet d'une possibilité de cession même par
les procédés rapides
de transfert
par endossement
ou simple
tradition
manuelle.
En
pareille
préoccupation,
le
conseil
d'administration
peut
restreindre
la
faculté
de négocier
en
introduisant,
dans la "S.A." par exemple,
une sorte
d'intuitus
personae, avec clause d'agrément ou de préemption, si encore 1e
droit de préférence n'était pas reconnu aux actionnaires restants.
Mais l'actionnaire
n'aurait qu'une importance relative,
s'il devait
opérer en solitaire. Les circonstances de l'arrêt "Bon Marché" 628 ont
permis à M. TUNe, dans une chronique 629 d'insister sur le fait que
toute orga nisation collective reposant sur l'élection et le vote, est
faussée
lorsque
les
membres
du
collège
n'ont
pas
le
sens
communautaire, le souci de l'intérêt général.
Si l'on s'arrête à ce niveau, tout laisse
penser à une motivation
rencontrée souvent dans la jurisprudence pour exprimer l'abus de
droit en matière de volonté sociale.
Il faut donc poursuivre
1a
réflexion commencée, pour constater qu'il peut y avoir un abus ma is
en sens inverse, car constitué par un véritable "pouvoir en blanc"
des actionnaires. En effet, la dispersion de titres de société entre
les mains d'un grand nombre de petits porteurs, leur incompétence
technique, financière et juridique explique leur absentéisme et leur
docilité.
C'est donc l'assemblée générale qui va leur donner du poids en les
organisant
en une masse
au point
que d'opinions
affirmées,
l'assemblée générale est "l'âme même de la personne morale" 630
c'est le "pouvoir suprême" des articles 663 du code des obligations
G2SParis 9.01.1952. D. 1952,383.
G29L'effacement des organes légaux de la société anonyme, D. 1952, 73.
G30THALLER, notes sous civ. 30.05.1892, société générale de fournitures
militaires c/PERDRIX, D. 1893. 1. 105.

404
suisse cité par A. DALSACE qui pense pour sa part "à ce qUI détient
tout le pouvoir dans la société anonyme"631.
Les actionnaires
doivent
avoir
à l'esprit
les
autres
attributs
attachés à ces actions notamment le droit à l'information 632; 1e
droit de vote 633 assorti de l'interdiction de le monayer même si, n'a
pas été étendu en Afrique
le décret loi du 3' Août '937 organe
souverain,
peut
être
convoquée
en
vue
de
la
constitution,
l'approbation
des
comptes,
la
modification
des
statuts,
j'institution
des actions
à vote
plural
etc.
634 ; le droit
aux
prestations
pécuniaires,
aux bénéfices,
aux tantièmes
pour 1e s
administrateurs, aux jetons de présence qui ne sont pas un sa 1aire
pour un rendement quelconque, mais un encouragement à l'assiduité
et aux participations effectives aux assemblées générales, tel qu'il
découle de tant d'affectio societatis ; le droit de collaborer ; 1e
droit à une quote part du capital à la dissolution de la société. Mais
auparavant, les actionnaires doivent réaliser
intégralement leurs
apports et libérer
leurs
actions
du moins
selon
les
appels.
L'actionnaire des sociétés par actions n'est pas commerçant, sa
responsabilité
est tenue
concurrence de son apport (art. 33 c.
à
com.) et la faillite
sociale n'entraîne pas nécessairement la sienne.
3 - Les 0 b 1i g a ta ire s
a) - détermination
Si
l'actionnaire
se
conçoit
couramment
de
l'associé
dès
1a
constitution de la société et ponctuellement de l'apporteur au cours
de l'augmentation du capital social, l'obligataire est un partenaire
qui n'apparaît que dans des sociétés dont le fonctionnement s'avère
déjà probant. Ces maisons de commerce ou d'industrie doivent avoir
631DALSACE, prée. n 02.
63ZL'art. 35 de la loi de 1867 reconnaît un droit de prendre connaissance de
l'inventaire du bilan, du compte pertes et profits et de tous autres documents
avant toute assemblée
; un
droit
à
la
communication
de
la
liste
des
actionnaires; un droit de s'informer des documents sociaux des trois derniers
exercices.
633fl est en principe égal sauf en présence d'actions à vote prural instituées
par la loi du 13 Novembre 1933 et généralisées par le décret n" 56/1134 du 13
Novembre 1956 qui a décidé que les sociétés des T.a.M. pouvaient émettre des
actions de votes privilégiés
ou restreints.
Ce décret,
ne
peut plus
être
appliqué en Afrique depuis l'indépendance puisque son art. 2 prévoit une
autorisation administrative conjointe France-Nouvelles Républiques
634Modifiant l'art. 4 de la loi du 13.11.1933, pour annuler toutes clauses et
conventions ayant pour objet de porter atteinte au li b re exercice du droit de
vote.

405
publié un bilan au moins,
et leur
capital
intégralement
libéré.
Comme l'actionnaire, l'obligataire
pris individuellement,
tient des
droits de son titre de société mais, les obligataires
considérés
collectivement, vont tenir leur pouvoir de la masse qu'ils auront
constituée.
b) importance
de l'obligataire
L'obligataire tient ses droits
de l'obligation
635
c'est-à-dire,
un
titre négociable délivré
par une société qui lui
a emprunté des
capitaux. Il ne s'agit pas d'un emprunt quelconque, les obligations
étant réglementées par le décret-loi du 30 Octobre 1935. Avec ce
texte-charte, il est admis que l'obligation est un titre de créance,
d'une nature particulière
636
tant il
se distingue
des titres
de
créance ordinaire, comme ceux des prêteurs traditionnels.
L'obligataire se comporte tel un souscripteur répondant à l'appel à
l'épargne publique lancée par une société, et qui, s'engage à verser
pour
chaque obligation
une
somme
dite
taux
d'émission.
En
revanche, la société s'emploiera dans l'avenir à lui rembourser 1e
montant en argent, correspondant au nominal de l'obligation. Entre
temps, la société lui sert un intérêt fixe. Là encore, l'intérêt est un
terme qui pourrait nourrir la discussion ne fût-ce qu'en pensant à
l'intérêt fixe servi à l'obligataire
et la déduction que la société
obligée serait une société de personnes. En fait il y a là, un risque
de simple homonymie, éludé en revenant sur les origines des mots.
L'intérêt prévu au contrat d'obligation est un droit en principe fixe
mais qui peut varier
selon
que l'obligation
souscrite
est soit
indexée, soit participante 637. Cet intérêt est payé une fois l'an et
sa perception prescrite par 5 ans 638 au profit de l'Etat et non 1 a
société débitrice. Il ne se trouve alors d'obligataires que dans 1e s
sociétés anonymes et les commandites par actions.
63S1-1AMEL et LAGARDE, 1980 n° 548 ; Jean DEMOGUE, obligation, ency. Dalloz
sociétés 1971.
636L'obligation est une créance à long terme (15 à 30 ans), une créance à
caractère collectif (les émissions se faisant en bloc par coupures identiques),
une créance constatée dans un titre qui est une valeur mobilière, négociable
en bourse, une créance qui donne un droit de regard sur la société.
637Si l'obligation participante permet de se faire octroyer en supplément une
partie des bénéfices, de telle sorte que l'obligataire est associé à la marche de
l'entreprise, l'obligation indexée est cotée en bourse et soumise au marché
financier.
638Les dettes des intérêts se prescrivent par 5 ans (art. 2277 c.civ.) ct 30 ans
pour celles du capital.

406
L'obligataire est comme l'actionnaire titulaire de droits attachés à
son titre. Mais il s'en distinque en ce qu'il est un créancier et non
un associé, qu'il a un droit
au paiement d'un intérêt annuel, au
remboursement
inconditionnel
du capital
ou sa conversion
en
actions.
L'obligataire
rejoint
l'actionnaire
dans
le
risque
d'entreprise, que G. LAGARDE 639 souligne en disant qu'au moment du
placement la société obligée peut être prospère mais rien ne dit
que dix ou vingt ans plus tard, elle ne sera pas en difficulté.
Le
recours au "capital obligations" permet à l'actionnaire d'assumer
l'aléa économique mais l'obligataire court tout le risque propre aux
créanciers
du
marché
des
obligations.
Pourtant
l'obligataire
n'entend pas subir les aléas de l'entreprise et les sommes qui 1u i
sont versées sont passées par fra is généraux.
L'obligataire est depuis le décret-loi de 1935, légalement organise
en une masse douée de la personnalité civile (art. 10 et 11). Cette
masse n'est ni une société, ni une association, mais une entité sui
generis se formant ipso facto à la différence de la loi française de
1966 qui la constitue de plein droit. S'agissant de porteurs d'une
même émission,
un problème est de bien sérier
les émissions
d'obligations, un autre est de voir si l'efficacité
attendue de "la
pièce maîtresse de la protection collective
des obligataires"
est
atteinte
en raison
de
la
multiplicité
des
masses.
Quant
à
l'émission,
elle s'entend du placement dans le même moment de
titres comportant les mêmes droits
de créance
pour une même
valeur nominale 640."
Dans ce cas, il y aura autant de masses que d'emprunts. Leurs
représentants homologués par le tribunal sont chargés d'exécuter
les décisions de l'assemblée générale: ils veillent aux intérêts des
obligataires en contrôlant lia réalisation
du contrat d'obligation ;
ils se réunissent en groupe et c'est le décret du 30 Octobre 1935
qui réglemente minutieusement les attributions
des assemblées.
Mais techniquement, des difficultés demeurent. En effet, la masse
des obligataires doit veiller à la défense de ses intérêts, et c'est
manquer
d'efficacité
que
de
multiplier
leur
nombre.
La
jurisprudence
a donc favorisé
la fusion des diverses
émissions
d'abord sur la base de la "communauté d'intérêts". Dans un arrêt, 1a
Cour d'Appel de Paris 641 avait admis la régularité d'une masse
63911AIVI El. ct IAGARDE prée. p. 269.
CAOJ. DUvlOGUE, art. prée. n" 286.
641 Paris 21.05.1954 D. 1955 som. g ; jcr, 1954. Il. 8n3.

407
d'obligataires entre les titulaires d'une émission de 1902-1906 et
ceux de 1911 au motif que les émissions n'étaient pas différentes,
que les droits des porteurs n'étaient pas distincts et que la fusion
était simplificatrice
pour la défense des intérêts de la masse ai n s i
constituée. Un peu avant, la même Cour d'Appel 642 avait estimé que
pouvait
être
considérée
comme
d'une
seule
émission,
des
obligations
venues au même moment, mais d'intérêt différents,
certains titres ayant été échangés à de nouveaux.
4 - Les associés
En littérature
pure, l'associé est un partenaire dans une affaire
commune, une sorte de sociétaire
comme dans les organisations
civiles ou corporatives, et qui dispose de parts dans la distribution
des bénéfices. Transporter cette approche dans le cadre de l'article
1832 c. civ, c'est se replacer dans le langage juridique. L'associé
serait l'un de ces apporteurs, au capital social pour un contrat de
partage de bénéfice ou de perte à venir. Il est évident que si cette
conception n'est pas nouvelle, en revanche, elle sied parfaitement à
la détermination d'autres personnes impliquées par l'économie des
sociétés commerciales.
S'il
en est ainsi
des actionnaires,
des
obligataires et même des fondateurs, pourquoi ne pas parler des
associés.
Justement les associés seront ces personnes qui se distinguent des
autres par leur pacte de départ et qui fait d'eux, les véritables
maîtres
de la société.
Ils
sont présents
tout au long de son
existence,
ils
partagent quotidiennement
ses émotions
plus ou
moins heureuses. Ce sont eux qui en principe
font la loi
de 1a
société.
Ce sont ceux là qui doivent être
imbus
de l'affectio
societatis comme d'un imperium et qui, en dépit de la réalité de
leurs convergence et divergence d'intérêts individuels, s'engagent à
servir
d'abord l'intérêt
général
et à rechercher
la défense
de
l'intérêt social.
La possibilité de dire qui est associé ou non ne semble pas découler
d'une théorie
générale.
Par contre,
l'évocation
cas par cas de
données indicatives
pour chacun des quelques
trois
types
de
sociétés que nous retiendrons au passage 643, peut permettre par
642 Paris, 18.e)] .1938 jcr. 1938.655.
G43Pour l'illustration, nous avons choisi au hasard la société en non collectif
(S.N.C.), la société à respo n sabilité limitée (SARL), la société en commandite
(S.C.S. et S.C.A.).

408
application,
de présenter les signes déterminants
de la q ua lité
d'associé. Une question qui vient souvent à l'esprit est celle
de
savoir si l'associé
est ou non commerçant. En principe,
écrit
A
JALIFFRET
644,
les
associés
ne sont
pas commerçants,
c'est
1a
personne morale qui l'est, c'est la société qui fait des actes de
commerce
et non les
associés.
Ainsi,
les
commanditaires,
1e s
actionnaires, les associés en "SARL" ne sont pas commerçants 645. 11
en serait autrement s'ils faisaient des actes de commerce pour leur
propre compte ou bien, si le commanditaire
s'était immiscé
des
actes de gestion 646.
a) l'associé
dans une société
en nom collectif
(S.N.C.)
C'est le type le plus ancien de l'histoire
du droit du commerce. Il
semble alors qu'il ne doit pas être insurmontable de désigner son
partenaire
surtout s'il
s'agit de sociétés
dite d'une forme très
simple et de dimension bien réduite. L'associé est ce cocontractant
essentiellement accepté en considération de sa personne.
Il agit pour la société, avec la confiance quasi absolue des autres
auxquels il est lié par des intérêts solidaires. C'est la société des
amis, celle du père qui se regroupe avec son fils,
celle des enfants
qui continuent l'exploitation familiale.
Cette société entre parents
n'est pas illicite
647. Or la société d'un père avec son fils
ressemble
plus à une donation et en cas de décès du père, la règle de l'a rticle
843 c.civ.
soumet à rapport.
Pour l'éviter,
il
faut stipuler
1a
dispense de rapport dans un acte authentique (art. 854 c.civ.). La
situation est la même pour la société entre époux.
En réalité
le débat ne porte plus sur la capacité juridique
de 1a
femme mariée à faire du commerce. Il est réglé par l'article 261 de
la première partie du code civil gabonais de 1972 en ce sens que 1e
mari peut faire une déclaration le mettant à l'abri de l'opposabilité
des actes de son épouse. Mais le problème est que l'épouse doit être
regardée ici dans les formes pluriconceptuelles
du droit national
gabonais 648. Mieux la situation
ne concerne
pas seulement
1e s
épouses associées, mais une sorte de réalité sociologique qui veut
644Commer(ant, cncy. Dalloz commercial n" 14.
645LYON, CAEN et RENAULT T.l
n" 204 bis; ESCARRA ct RAUl., principes, T.J n"
172,
4°; 1\\IPERT et ROBLOT n° 870 ; JAUlTRET prée. n' 16.
G4()Crim. 13.0S.1882 le Sens de MORSAN cl lvIP.DP. 1882. J. 487.
G4ïNouveau Rep. Dalloz IV p. 394 n" 33.
()4!inos notes p. 162 ct suiv.

409
que l'on délimite la place des sentiments dans les affaires. Il faut
fixer les bornes au-delà desquelles "les épouses" ne peuvent pas
intervenir.
Il est donc juste de recourir aux vieux travaux pour retrouver 1e s
réponses qui correspondent aux interrogations actuelles du Gabon.
LEPARGNEUR 649
rappelle
qu'il
est constant que la jurisprudence
annulait
les
sociétés
entre
époux
qu'elles
soient
civiles
ou
commerciales et quel que soit le régime matrimonial
adopté, que
les époux soient ou non les seuls associés. La Cour d'Alger 650 avait
admis "que deux époux pouvaient être simultanément associés
au
nombre des associés... ; ils ne peuvent être ensemble indéfiniment
et solidairement
responsables dans une société commerciale
;
.
une SARL comprenant deux seuls époux ne saurait donc être valable .
mais la nullité qui l'atteint peut être couverte par régularisation
ultérieure,
par l'adjonction d'un troisième
associé
pris parmi 1es
membres de leur famille ... " La Cour de Paris 651 a même décla ré
nulle une société parce que deux associés s'y étaient mariés. Dans
d'autres affaires,
la nullité
a sanctionné la société
pour époux
uniquement indéfiniment et solidairement responsables 652.
En revanche la position de la doctrine est plus ouverte 653 et cette
attitude
favorable
à la
société
entre
époux
a influencé
1es
nouvelles législations
africaines déjà précédées par les réformes
françaises ayant levé les interdits qui frappaient la femme mariée
"marchande". Du coup la question revient sur le plan des sociétés de
fait dont quelques exemples ont été déjà évoqués 654. Il Y a en effet
une complicité presque directe des "épouses" dans le comportement
"anti sociétés" des associés qu'ils soient dirigeants ou non.
Mais cette conception
ancienne
de l'associé
"S.N.C."
sans avoir
fondamentalement
changé,
a évolué
avec l'apparition
en droit
français de "S.N.C", sociétés fort importantes dans leurs activités
et leur capital. Si le nombre de deux associés est le minimum légal
il n'est pas d'usage de fixer un maximum. De même il est admis que
649PLANIOL et RIPERT prée. p. 271 n" 1003.
G50Alger 2.01.1962 MARIN cl époux BEDRENO... D 1962, som. 99.
G51Paris 9.03.1859 S. 18592. 502.
G52Nullité des "SNC" "SCS" et "Stés civiles" Civ. 23.01.1912 OP. 19121. 481; civ.
3.07.1917. DP. 1917.1. 127.
G53j-IEMARD, le nouveau régime des sociétés entre époux D. 1959 ch. 27 ;
VASSEUR, le problème des sociétés entre époux, RTD Corn. 1959, 848.
G5400UAI21.12.1948, Nancy 16.11.1961; Basse-Terre 14Mai 1973.

410
la société en nom collectif avec de gros capitaux n'a pas été aussi
défavorable que pensée. La responsabilité indéfinie et solidaire des
associés a commencé par ce que l'associé est garant de son apport
comme en droit commun 655 du bailleur quant à son locataire,
du
vendeur avec son acheteur même pour les servitudes et les vices
cachés. C'est la société de droit commun 656 et toute société de
commerce sera réputée en nom collectif dès lors qu'aucune clause
statutaire ne limite
la responsabilité
d'un ou plusieurs
associés.
Elle n'a pas présenté de risques sérieux pour les groupes financiers
et industriels de grande envergure. Même sur le plan fiscal,
il lui a
été possible
de faire
remonter les déficits
jusqu'aux sociétés
mères, situation absolument contestée pour les sociétés anonymes
657
Sur la place du Gabon, les sociétés en nom collectif
à proprement
parler sont rares, mais elles
ne sont pas inexistantes.
Tout au
contraire, c'est dans cette catégorie qu'il faut classer la multitude
d'échoppes détenant un aqrérnent pour faire
le commerce,
étant
inscrites
au registre
du commerce
avec
patente,
déclaration
d'impôts et qui, sont tenues par deux ou un peu plus de personnes
intimes, amies ou parentes. Ce sont du reste ces personnes, qu'elles
gèrent
directement
ou
non,
qui
répondent
indéfiniment
et
solidairement du passif social.
Ces associés sont unis de telle manière que la personnalité morale
de leur groupement est confectionnée
sinon supplantée
par 1a
personnalité personnelle des associés. Il n'est donc pas surprenant
que ces associés soient considérés comme des commerçants (art.
20 c.com.) surtout que la responsabilité
des associés "S.N.C." est
d'une mise
en
oeuvre
semblable
à
celle
des
commerçants
individuels. Ainsi tout créancier social peut s'exécuter sur chacun
des associés
séparément
658.
C'est
pour ce traitement
assez
rigoureux
que, si
traditionnellement
il
n'y a pas de refus
à
constituer des sociétés entre époux, il y a opposition lorsque ceux-
ci sont tenus sans réserve pour leur communauté familiale.
C'est d'ailleurs,
pour cette raison que le code civil
gabonais a
introduit
une double protection dans son article 261 qui rappelle
655PIANlüL et RIPERT par LEPARGNEUR p. 28S n" 1Cl 12.
656Nouveau repert. Dalloz p. 410 na 435.
(57). BURGARD "La société en nom collectif, une forme bien adaptée pour les
filiales". Service Direction, 1960 - 471.
65RCass. civ. 28.03.1898 S 1898. L 185 - OP. 1899.1. 49.

411
que si la femme mariée peut exercer la profession de son choix,
sauf au mari à s'y opposer en justice,
l'époux ne peut en répondre
que s'il y a expressément consenti. Autant dire que les diverses
réglementations 659 locales sur le commerce ne sont pas revenues
sur cette liberté pour l'épouse d'exercer le commerce.
La personnalité des associés "S.N.C" est telle, qu'elle constitue un
véritable gage pour les créanciers. Dès lors, les associés peuvent
faire des apports en industrie.
Ils donneront leur travail
et leur
savoir faire si bien que leur expérience deviendra un crédit pour 1a
société. Ils pourront inscrire
leurs noms dans la raison sociale et
si cette désignation a une réputation favorable, la publicité qui en
résultera,
sera
à l'avantage
de la
société.
Au
niveau
de 1a
comptabilisation,
de tels apports en industrie
sont extérieurs
au
capital social mais l'associé qui les aura réalisés, est rémunéré 660
par une participation aux bénéfices et aux pertes, alignée sur ce Ile
de l'associé en nature ou en espèces le moins élevé. Dans tous les
cas, nul ne peut faire apport de son influence politique ceci étant
considéré comme illicite
et immoral.
L'associé "S.N.C" n'est pas en reste dans le fonctionnement de 1a
société où, en dépit des statuts, il n'existe pas à proprement parler
d'organe de contrôle, ni de délibération. Seule l'administration est
assurée par un gérant associé ou non, statutaire ou nOI1. L'associé
gérant est désigné de l'intérieur
; il démissionne ou est révoqué
pour juste
et légitime
motif
comme
661
l'incapacité
notoire,
l'infidélité,
l'acquisition des biens sociaux ; il exerce les pouvoirs
les plus étendus dans le cadre de l'objet social et dans l'intérêt de
la société ; à ce titre, il est responsable des actes de sa gestion. En
attendant, les associés non gérants ont un droit de contrôle sur 1a
marche de la société ; ils donnent leur bénédiction pour les actes
qui dépassent les pouvoirs du gérant.
Dans l'ensemble, les associés "S.N.C" font la loi lorsqu'ils procèdent
à l'unanimité ; ils consentent à la cession des parts, modifient les
statuts, provoquent la dissolution de la société non seulement pour
des raisons qui ne pèsent négativement que sur un seul associé (art.
1865 c.civ.) et qui constituent
la dissolution-nullité,
mais aussi
659Notamment l'art. 5 loi 5172.
660Art. 1853-2° c. civ. Jran ca!s.
66] LEPARGNEUR p. 298 n° 1023.

412
par les volontés d'associés. Traditionnellement et non par essence,
écrit G. LAGARDE 662 une société de personne devait être dissoute
quand se produisait à l'égard d'un associé un événement susceptible
de faire disparaître chez les autres, l'affectio societatis. Il en est
de même de la remise en cause de l'intuitus personae par l'arrivée
de
l'héritier
d'un
associé
prédécédé
alors
qu'une
clause
de
continuation
entre
les
survivants
ou d'attribution
du fonds
à
l'unique survivant aurait l'avantage de respecter plus l'esprit qui a
prévalu de la personnalité des associés, lors de la constitution de
la société.
En ce sens,
l'incessibilité
des parts
intéresse
les
tiers
qui
attendent encore
l'unanimité
des associés.
La répartition
des
bénéfices est certes
fonction
des statuts,
la constitution
des
réserves jamais obligatoire et l'action en répétition de dividendes
fictifs
prescrite par 5 ans, mais plus importante est l'observation
des préceptes que nous avons cru dégager de l'étude de la théorie du
bénéfice en vue de sociétés plus viables et plus prospères.
b) - les
associés
des
sociétés
à responsabilité
limitée
(SA RL)
Ils sont à mi-chemin entre ceux des "S.N.C." et ceux des "S.A.". Il s
n'ont pas la qualité
de commerçant et leur
responsabilité
est
réduite au montant de leurs
apports. Si
la confiance
réciproque
entre associés est proche de l'intuitus
personae, les causes de
nullité ou de dissolution de la société ne sont pas nécessairement
liées à la personne de l'associé.
Ils sont très peu de monde, car deux personnes suffisent
pour
constituer
une telle
entreprise
; ils
seront titulaires
de parts
sociales dont le montant doit être intégralement souscrit et 1ibé ré
(art. 7 de la loi de 1925) cie telle sorte que la responsa bilité des
associés qui ont fait l'évaluation de leurs apports en nature peut
être engagée pendant 10 ans (art. 8 loi
1925). La capacité des
associés "SARL" est celle de droit commun et non celle
pour être
commerçant. Il n'est donc pas surprenant qu'un mineur soit associé
"SARL", pourvu qu'il ne soit engagé par des apports en nature avec
une prescription décennale car trop longue.
()G2]-IAMU. ct IAGARDL: prée. p. 154 n" 476.

413
Les associes gérants sont soumis à un régime de responsabilité
semblable à celui
des commandités 663. Or ceux-ci,
sont traités
comme des associés
"S.N.C.".
La loi
de
1925
précise
664
les
conditions de nomination,
de révocation
(pour causes légitimes
sauf
dispositions
statutaires),
de changement
par l'assemblée
générale. Ces associés ont les pouvoirs les plus larges puisqu'ils
cumulent les fonctions de gestion et les fonctions techniques. Il s
doivent
s'abstenir
d'intervenir
dans
le
domaine
réservé
des
associés
665.
D'une manière
générale,
les
gérants engagent leur
responsabilité
de la même façon
que les
administrateurs
des
sociétés anonymes avec la possibilité
de supporter tout ou partie
de la dette sociale.
Les
associés
non
gérants
sont
responsables
comme
1e s
commanditaires dans les "S.C.S." ou "S.c.A.". Ils n'ont pas la qualité de
commerçant et leur capacité est celle de droit commun, ce qui
ouvre la porte aux mineurs malgré les positions controversées de 1a
jurisprudence
française
666
et
en absence
d'affirmations
des
censeurs du droit gabonais. 1\\ en est de même de la participation de
deux époux dans une "SARL" 667.
La responsabilité des associés est en d'autres points prévue par 1a
loi de 1925 pour les suites de la nullité de la société (art. 10), en
cas de fausse déclaration de répartition ou de libération des parts
(art. 37-2°), pour émission publique de valeurs mobilières (art. 37-
3°), pour surévaluation frauduleuse des apports en nature (art. 38).
Les associés se retrouvent en une assemblée pour délibérer des
questions de la société notamment, le contrôle des gérants, 1a
cession
de parts,
l'approbation
des bilans,
la
répartition
des
bénéfices, la modification des statuts. A ces titres,
tout associé
peut prendre communication
de l'inventaire, du bilan et du rapport
663Un des deux types d'associés dans les sociétés en commandite simple (S.C.S.)
ou bien, en commandite par actions (S.C.A.).
664Art. 24,24-2°, 31 et 27.
665Art. 24-2° L 1925 "sauf stipulation contraire
des statuts", ils ont tous
.pouvoirs pour agir au nom de la société, en toute circonstance
; toute
limitation contractuelle des pouvoirs du gérant est sans effet quant aux tiers.
666Paris, 23.12.1939 OC. 1941-45 : un mineur ne peut entrer dans une SARL où
les apports sont en nature en raison du risque de responsabilité solidaire et
illimitée; en sens contraire, ROUEN, 12.12.1949 0.1950,289; lCP. 1950.I1.5797.
667Requête, 15.02.1937 D. 1938. 1. 13 a déclaré la nullité d'une SARL où deux
époux étaient associés ; inversément, et c'est la position dominante, Paris,
7.12.1954 D. 1955.353 - lCP. 1955.11.8526, ici, la cour a admis la validité d'une
SARL comptant deux conjoints au nombre de ses associés, position reprise en
france par l'ordonnance du 19.12.1958 qui a modifié l'art. 1841 c.civ. Francais.

414
de surveillance 668 s'il y en a ; il cède librement ses parts à ses
héritiers
sauf si l'assemblée en décide autrement. Les associés
anciens ont un droit préférentiel,
même en cas d'augmentation du
capital social. L'associé a droit aux bénéfices qui sont calculés et
répartis par l'assemblée, selon les règles des sociétés anonymes,
avec une destination en réserve statutaire,
réserve facultative et
report à nouveau.
c) - l'associé
dans une société en commandite
(S.C.S.-S.C.A.)
L'extrême rareté du recours à ce type d'entreprise en fait
une
société d'une nature exceptionnelle. Pourtant elle a la simplicité
de
dévoiler deux sortes d'associés à la différence des autres maisons
de commerce où tout un exercice de détermination est nécessaire.
Il y a les commandités qui ont le même statut que les associés
"S.N.C." en ce que leur responsabilité est solidaire
et indéfinie. " y a
les
commanditaires,
ceux
qui
rappellent
plus,
les
associés
anonymes sinon les associés "SARL"; leur responsabilité est 1i mité e
au montant de leurs
apports. C'est précisément
au niveau
des
associés commanditaires que se ressent la variété de la société en
commandite. Si les associés commandités ne changent pas, les
associés
commanditaires
se
départagent
en
commanditaires
simples et commanditaires par actions.
Les parts des associés commanditaires simples sont incessibles
comme dans les "S.N.C", tandis que les associés commanditaires par
actions ont reçu en titres, des actions négociables comme dans 1e s
sociétés anonymes. Au résultat,
l'associé
commanditaire
est un
véritable actionnaire ; il n"est pas commerçant ce qui fait qu'un
mineur peut être associé commanditaire, de la même manière que
deux époux.
L'associé commanditaire
ne peut faire
d'apport en industrie
par
considération de l'interdiction
qui lui est édictée de s'immiscer
dans la gestion de la société. L'associé
commanditaire
ne peut
même pas faire un acte de flestion par procuration (art. 27 c. com.)
et l'article, 28-2° c. com. ajoute que les avis et conseils,
les actes
66Hpour les sociétés qui ont plus de vingt associés (an. 32), trois d'entre eux
constituent le conseil de surveillance. Ces membres vér ifieut les livres,
la
caisse, le portefeuille et les valeurs de la société. Ils font un rapport annuel
sur les irrégularités et posent les motifs qui s'opposent à la répartition des
bénéfices.

415
de
contrôle
et
de
surveillance
n'engagent
point
l'associé
commanditaire. Il semble qu'il y a dans ces deux affirmations
une
incompréhension si ce n'est une contradiction. Comment un associé
va-t-il
ne pas agir au sein de sa société et en plus, passer pour un
tiers devant les actes de son fonctionnement sans remettre
en
cause sa qualité.
Il est néanmoins admis que l'associé commanditaire exerce un droit
de contrôle,
fasse
des actes de gestion
interne
et même soit
employé de la société. En revanche, applique la jurisprudence 669 1e
commanditaire
ne peut effectuer d'actes de gestion externe qui
seuls, sont interdits par les articles
27 et 28 c. com. et qui 1e
mettraient en rapport direct avec des tiers, au nom de la société.
Le commanditaire n'est pas un mandataire, il n'est pas comptable
vis-à-vis
de la société. L'interdiction d'ingérence vise à éviter de
créer
la
confusion
entre
les
associés
commandités
qui
eux,
répondent de la société et les associés
commanditaires
dont 1a
responsabilité normale est lointaine.
Toutefois, si le commanditaire venait à intervenir dans la gestion
de la société, il encourrait les conséquences de l'article 28 c. com,
qui en fait un obligé solidaire et indéfini. Pour réduire les risques
d'erreur, des dispositions ont été prises.
L'on citera
par exemple
que le nom d'un commanditaire
ne saurait figurer dans la ra ison
sociale
(art. 25 c. com.). Ceci apparaît moindre dans l'ordre des
considérations mais nous y avons pensé, le nom a une importance
énorme dans la réputation du commerce concerné. C'est parfois 1e
gage de la clientèle et des créanciers.
Or, la responsabilité
d'un associé
commanditaire
s'arrête
à son
apport et les créanciers sociaux n'ont une action directe contre 1u i,
que dans cette limite. Seul l'associé commandité peut être gérant,
nommé par les statuts qui du reste
déterminent sa succession
provisoire
ou définitive.
Tous
les
associés
se
réunissent
en
assemblée fonctionnant comme dans les sociétés anonymes ; c'est
elle qui désigne trois de ses membres (art. 5 et suiv. loi de 1867)
pour composer le conseil de surveillance.
S'il fallait faire le point de ce paragraphe premier, il reviendrait
d'affirmer d'abord qu'au Gabon, le droit auquel se soumettent 1e s
personnages issus
de l'émission
des titres
de société,
est une
669Civ. 28.05.1921 S. 1921. I. 343; DP 1924.1.214.

416
fusion de textes et de pratiques divers. Tout se passe comme s i
était élaboré un type nouveau, nourri soit des lois promulguées et
lorsqu'elles ne le sont pas, ou même qu'elles sont incomplètes, soit
d'un modèle étranger purement et simplement utilisé,
parce qu'il
séduit, qu'il ne gêne pas. Fondateurs, actionnaires, obligataires et
associés se reconnaissent à leur créance sur la société. Or, ce qui
importe, semble-t-il
en droit local,
c'est de dire qui est ou non
associé. C'est en cela
qu'il
faut redouter,
sauf
assainissement
professionnel,
que les compartiments
qui ont permis
de caser
chacun des partenaires déjà énumérés, ne s'effacent. Pour dire vrai,
la tourmente du fonctionnement des sociétés montre qu'en dehors
de l'effet qui caractérise
lia créance, la distinction
nominale des
bénéficiaires des titres de sociétés et les associés est à la fin, une
lame bien mince. Il s'agit pourtant de faire
quelque chose pour
rétablir
les
spécificités,
mais,
ceci
suppose
une
volonté
administrative
et non une intimidation
répressive
permanente,
beaucoup
plus
textuelle
que
contraignante.
Pour
éviter
de
succomber, c'est le niveau des promoteurs qui est à cultiver
et
celui
des administrations
qu'il
faut revaloriser
afin
d'éloigner
absolument le politique dont l'influence
sur les affaires
s'avère
très néfaste.
Paragraphe 2 - L'exposé
de la condition
des
animateurs
de
sociétés
Le modèle de la société anonyme est désormais un présupposé du
fonctionnement des sociétés de commerce au Gabon. D'ailleurs, à 1a
faveur du plagiat de ses statuts il n'est plus une société qui n'ait
en fait un organe de gestion, un autre de délibération,
un autre
encore de contrôle. Faut-il
rappeler que la loi ne prévoit pas de
conseil d'administration
mais que l'existence de cette structure
ainsi que celle de tant d'autres ne tiennent qu'à des constructions
de la pratique
et des rédacteurs
exportateurs
670
de statuts
stéréotypés. La loi a retenu la formule de l'administrateur unique
et si d'aventure il y en avait plusieurs, leurs pouvoirs ne sont pas
déterminés 671. Ceci ne doit pas donner prétexte à l'importation tout
simplement parce qu'il y aurait
une insuffisance par rapport aux
670Contrairement aux organes de l'article 22 de la loi de 1967, les conseils
juridiques, les fiduciaires, les cabinets comptables ont répandu au Gabon, des
modèles de statuts de société directement ramenés de France et qu'ils
remplissent purement et simplement. Il en est de même des contrats de
travail, des baux à loyers dont les contradictions ct les erreurs sont souvent
écriées à l'indifférence des autorités administratives.
671Robert PlAISANT et P. DEiAISl, administrateur, Ency. Dalloz société, 1<)70.

417
lois et pratiques françaises. Il est prévu en droit commun, qu'au cas
où les associés n'ont pas confié spécialement l'administration
de
leur commerce à l'un ou l'autre d'entre eux, ils sont censés s'être
donné réciproquement le pouvoir d'administrer 672
En revanche s'il y a urgence pour le Gabon de mettre en place son
système
de fonctionnement
des sociétés,
ses propres
textes,
conçus et réfléchis
de l'intérieur en fonction de l'état social
et
économique du pays, ce n'est pas une mauvaise chose de s'inspirer
d'une structure qui elle même, est calquée sur le type d'un Etat
démocratique.
Voilà
pourtant une autre
inquiétude,
car,
e st- i 1
possible de doter ces clubs d'argent, ces maisons de profit, d'un
mécanisme dit parlementaire. Peut-on, dans un type de pays où 1a
mentalité est dominée par la subordination et la dépendance, fa i re
jouer sérieusement des organisations
de grands gains avec une
assemblée qui délibère
sur le sort de la société,
des gérants
choisis
par l'assemblée en considération
des valeurs
liées
à 1a
prospérité de l'entreprise, des contrôleurs assura nt la su rve ilia nce
du quotidien social.
Comment arriver
réellement
à obtenir que
chacun réponde de sa responsabilité.
Prévoir des statuts à l'image de la société anonyme est désormais
une réalité, une pratique répandue. Mais là aussi, il est manifeste
au Gabon, notamment dans les entreprises où l'Etat intervient
à
divers
titres,
qu'à
côté
du droit
des
statuts
s'installe
en
permanence le fait du prince. D'où le besoin de dire quelle est la loi
qui s'applique spécialement aux acteurs de sociétés commerciales
d'origine extra statutaire.
Or, attention, ils
se désignent tel en
droit commun, "administrateur" ou "gérant" ; ils
sont "président
directeur général, président de conseil d'administration, directeur
général..." et comme tel,
ils
seront appréciés à la lumière
des
principales sociétés révélatrices d'identification.
1 - Approche théorique
de l'administration
et de la gestion
des sociétés
C'est le cas de redire que la société anonyme a toujours été taxée
de lourdeur dans son fonctionnement certes complexe. Cela permet
d'en venir fatalement à des difficultés d'exercice au point que les
différents
organes annoncés ne soient
plus que de l'utopie,
"
assemblée
générale
renonçant
à ses pouvoirs,
les gérants se
G72PLANIOL Cl RIPElrr par LEPARGNEUR prée. n° 1028.

418
comportant
comme
des
despotes,
eux
aussi
"éclairés"
à
1a
réverbération de ceux qui gouvernent les pays africains.
Aussi s'impose la distinction de l'administration et de la direction
des sociétés. Pour cela,
il faut partir de l'article
22 de la loi de
1867 pour annoncer que la société anonyme est administrée par un
ou plusieurs mandataires. A défaut d'une explication ponctuelle, 1a
compréhension de ce texte se fera par une sorte d'inventaire des
attributions
des
administrateurs
et
des
organes
de
gestion.
L'administration de la société devient alors un terme générique qui
couvre toute l'activité
de la société. Ce sont les statuts, en cas
d'insuffisance
de la loi,
qui doivent s'efforcer
à délimiter
ces
contours.
Or,
là-bas
également,
il
est
fréquent
de
lire
des
expressions aussi indéterminées que "avoir les pouvoirs les plus
étendus" dans un domaine oll divers cloisonnements existent bel et
bien.
L'administration
de la
société
consisterait
à la conception
et
l'élaboration de la politique générale de l'entreprise. C'est l'apanage
des administrateurs et du conseil d'administration. La direction de
la société serait
la mise
en pratique technique, commerciale
ou
administrative,
des
grandes
orientations
déjà
définies
et
l'exécution de la vie quotidienne de la maison. En ce sens, l'article
22, 2° de la loi de 1867 prévoit la possibilité
de choisir parmi ou
en dehors des administrateurs,
un mandataire
pour la
gestion
courante. Ce sera un administrateur délégué, un directeur général,
ou encore, dans le cadre de la loi de 1925, un gérant.
Regardée encore au niveau die l'état actuel du droit gabonais loca l,
cette
distinction
entre
fonction
de
direction
et
fonction
d'administration,
se présente sans aucune précision ; les
textes
sont même plus laconiques.
Chaque concept est comme dans 1a
plupart des lois, supposé connu et l'on écrit par exemple 673 " ... aux
membres des organes de gestion, d'administration, de direction, de
surveillance
et
de
contrôle ... ".
La
séparation,
à
notre
sens
impérative,
de ces schémas
du fonctionnement
de société
est
éludée,
mais
d'une
omission
volontaire.
Pouvait-il
en
être
autrement dans un pays aux habitudes dirigistes
prolixtes, pour ne
pas dire recherchant la confusion.
bnArt. 4 ct 5 pour les établissements publics (EP), art. le.> et 2U pour les
sociétés d'Etat (SE) ; pour les sociétés d'économie mixte (SEM) art. 32 ; art. 39
pour les sociétés à participation financière publique (SPFP).

419
Pour le moment, les compétences d'administration et de direction
des sociétés ainsi
que leurs
animateurs,
se retrouvent de deux
sorites
dans l'ordre
interne
gabonais.
L'une déjà
dite
spéciale,
concerne les sociétés où l'intervention de l'Etat est critique
; en
fait c'est le dernier stade connu, ses textes étant de 1983. L'autre,
considérée
désormais
comme
le
droit
commun
des
sociétés,
n'exclut pas une présence de l'Etat, mais un prince qui se soumet
comme tout le monde aux contours actuellement uniformisés de 1a
société anonyme de 1867.
Il - Approche
pratique
de l'administration
et de la gestion
des sociétés
:,Ies administrateurs
A - La situation
dans les sociétés
publiques
Sous
l'expression
impropre
vraisemblablement
de
"société
publique", nous avons cru pouvoir ranger toutes entreprises
qui
mettent l'Etat en priorité et qui pour la plupart sont régies par 1a
loi
11/83
du
24
janvier
1983.
Il
s'agit
bien
entendu
des
établissements publics, sociétés d'Etat, sociétés d'économie mixte,
sociétés à participation financière publique.
Les établissements
publics (E,P.) sont des personnes morales
de
droit public dotées de la personnalité
civile
et de l'autonomie
financière (art. 2). Leur création résulte d'une décision de la loi qui
détermine son objet, ses prérogatives et règles de fonctionnement.
Les statuts qui ont une forme-type sont approuvés en conseil des
ministres (art. 3). Les recettes figurent dans un budget annuel avec
la possibilité de créer des fonds spéciaux (art. 7).
Les sociétés
d'Etat (S.E) sont des sociétés
commerciales
dont
l'Etat,
les collectivités
locales
ou les
établissements
publics
détiennent
la totalité
du capital.
Elles
exercent
une activité
d'intérêt général ou interviennent dans le domaine stratégique de
l'économie (art. 17). Leur création tient à une décision législative
qui détermine objet,
prérogatives
et règles
de fonctionnement.
Leurs statuts
qui sont
types,
sont
approuvés
en conseil
des
ministres (art. 18). Les opérations de comptabilité sont celles des
sociétés commerciales (art. 21).
Les
sociétés
d'économie
mixte
(SEM)
sont
des
sociétés
commerciales
dont le capital
est détenu conjointement par l'Etat

420
ou les collectivités
publiques
et par les personnes de droit privé
(art. 30). La participation des personnes publiques relève d'une loi
qui en fixe les conditions et va jusqu'à imposer des statuts-type
(art. 31).
Les sociétés à participation
financière
publique (SPFP) sont des
sociétés
commerciales
qui
n'ont pas reçu la qualification
des
précédentes (E.P - S.E - SEM ou SPFP). Leur capital est constitué par
l'Etat ou ses collectivités
et les particuliers.
Une loi autorise 1a
contribution
des personnes de droit public
et les
statuts
sont
uniformisés
(art. 39). Faut-il
englober ici
les sociétés
dont 1a
désignation
contient
l'expression
"société
nationale
x... ". A 10 rs
apparaît
la
même
préoccupation
que celle
qui
a
nourri
Je s
commentaires
à
propos
de
l'usage
vulgaire
du
qualificatif
"gabonaise" dans les raisons sociales. Si les textes réglementaires
n'en parlent
que tel
des
évidences,
les
seuls
caractères
de
l'entreprise
publique
suscitent
la
discussion
dont
nous
ne
retiendrons qu'une approche jurisprudentielle
même si aucun arrêt
n'en donne la définition.
Un manuel de droit administratif
674
pris au hasard rappelle a cet
effet, les conclusions du commissaire du gouvernement Laurent 675
qui tendaient à ce que le fait de créer et de gérer par la puissance
publique, un service
public industriel
ou commercial
ne soit que
création d'entreprise et non exercice d'une profession ; par contre
ne constituent pas des services publics les "entreprises nationales"
ou les "sociétés nationales".
De société nationale, l'article 33 de la convention de Yaoundé qui,
au reste s'est inspirée
de l'article
58 du traité
de Rome, relève
celle qui est constituée selon la loi d'un Etat membre ou associé,
ayant le siège statutaire, l'administration centrale ou le pri nci pa 1
établissement dans l'un des Etats, dont l'activité a un lien effectif
et continu avec l'économie cie cet Etat.
Il n'y a donc, ni définition, ni finalité pour modeler la nationalité. 11
n'y a que des indices en vue de déterminer des entreprises d'un pays
dans un cadre de communauté d'Etats. Par extension, il y aurait un
G74Grands services publics et entreprises nationales, J. M. AUBY et R. DUCOS ADER
P.U.F. Tl 1969.
675C.E lb Nov. )l)5b Union Syndicales des Industries Aéronautiques. D. 1956.1.
759.

421
critère
de nationalité
proche de celui
emprunté à la théorie
de
l'incorporation.
Or ici,
le
libéralisme
redouté
ailleurs
serait
tempéré par l'exigence dans le traité de Yaoundé, d'un lien effectif
continu.
Au-delà de ce besoin de fixation théorique sur la société nationale
où 1a puissance publique est essentielle,
la recherche des données
dans la pratique locale gabonaise nous a permis de parcourir
1a
société nationale Air Gabon, la société nationale des bois du Gabon
(SNBG), la société nationale de transport maritime
(SONATRAM). C'est
devant cette dernière
que nous avons
choisi
de nous arrêter.
SONATRAM est une société anonyme au capital
de 1.500.000.000 de
francs cfa, réparti en 51 % pour l'Etat gabonais, 27 % pour Elf Gabon
et 22 % pour divers
privés.
Sans aller
trop
loin,
c'est
dans
l'agrément
de
création
676
que
l'on
retrouve
les
premières
curiosités. Il y est écrit à :
- l'article
premier "... Il est accordé à G. RAWIRI, de nationalité
gabonaise,
l'agrément
pour
la
création
et
l'exploitation
en
République Gabonaise d'une société anonyme dénommée : société
nationale de transport maritime en abrégé (SONATRAM).
- l'article quatrième, que M. NOMBO MBATCHY, directeur général de 1a
société 677 est tenu d'accomplir les formalités d'usage.
Dans ces conditions il est normal de demander somme toute, à qui
appartient SONATRAM. Que vient chercher le nom d'un particulier,
ès
personam, dans un texte réglementaire qui doit bénéficier à autrui,
société
nationale destinée à l'exploitation
du service
public du
grand transport par la mer. Ces interrogations
sont confortées par
le préambule des statuts
de SONATRAM (datés du 15 Avril
1976,
signés de NOMBO MBATCHY et RAWIRI) 678 qui se résume en ce que NOMBO
676Arrêté n" 144 du 5 Juin 1976 du ministère du commerce de l'industrie.
677Etant entendu que l'assemblée générale
constitutive s'est tenue le
30
Septembre
1976.
678Du coup SONATRAM a aiguisé les curiosités s'agissant d'une entreprise créée
en réalité par les fonds de l'Etat à 51 %. Tout s'est passé comme dans une
improvisation. Le Gabon n'avait pas de tlotte et aucun gabonais n'avait été
préparé à cette technique.
En 1976 l'exploitation commerciale n'avait pas
encore
commencé
que
les
traitements
et
avantages
des
bureaucrates
coulaient. Les bateaux ont ensuite été affrétés au marché international de
RO'ITERDAM, les assurances
contractées en Europe et la partie techniq ue
assurée complètement par "ACOMARIT" une société suisse installée à Genève.
C'est en fait cette société qui arme le navire, assure son trafic et envoie la
facture à SONATRAM. Lorsque SONATRAM, toujours équipée pour l'essentiel
d'étrangers
(le
premier
commandant
gabonais
étant
sorti
en
1991)
a
commencé à recevoir ses propres navires, ceux-ci ont dû affronter à leur

422
MBATCHY a établi
les statuts d'une société nationale de transport
maritime que RAWIRI se propose de créer. Ceci n'est pas conforme et
la
contradiction
ou
l'erreur
apparaît,
lorsque
plus
loin,
1a
vérification
au niveau des souscriptions,
permet de lire
dans une
liste
signée du directeur général,
le 30 Juillet
1976 : 300.000
actions souscrites, pour 1.500.000.000 francs de montant nominal
des
souscriptions
mais
750.000.000
francs
de
versements
effectués ; G. RAWIRI qui est inscrit juste après Elf Gabon compte 1
action de 5.000 francs cfa dont il aurait avancé 2.500 francs.
Refermant la parenthèse ouverte par les sociétés nationales,
nous
pouvons à présent retenir que la loi
de 1983 a prévu pour ces
groupements qu'ils sont conduits par un conseil d'administration ;
que la désignation du président, du directeur général, des ti tu 1aire s
des postes de direction, résulte d'un décret du Chef de l'Etat.
Au niveau de la condition des personnels 679, il Y a deux choses : 1a
première est une règle générale qui veut qu'ils soient régis par leur
statut d'origine, à défaut, par les conventions collectives
ou 1e
droit commun des salariés
; la deuxième est une formule
plus
concentrée car elle place en situation de droit public tous ceux qui
exercent une fonction de responsabilité à la suite d'une nomination
par décret.
Dans les dispositions
fina les de la loi,
il est même rappelé une
incompatibilité
organique
entre
le
président
du
conseil
d'administration
(PCA) et la
personne même du ministre
ou des
manière, le fameux cont1it psychologique interne au Gabon. Au départ du
Gabon, ils ne peuvent en effet prélever que 40 % du frêt contre 60 % aux
étrangers.
Mieux, c'est que SONATRAM transporte une fraction
de bois ct
abandonne aux autres les minerais (pétrole, manganèse, uranium et bientôt
le fer). Comme la commande du bois baisse, il arrive que SONATRAM regagne
l'Europe à vide. Au départ de France, Belgique et Allemagne, SONATRAM est
soumise à la convention CNUCED de 1974, ratifiée au Gabon par l'ordonnance
n" 54/78 du 7.09.1978. Or, cet accord dont la clé est 40-40-20, place SONATRAM à
se disputer tant que sa taille le lui permet, une part des 20 % à raison en
définitive d'une rotation par trimestre. Des entreprises d'un tel inconfort
matériel et moral sont innombrables au Gabon. 11 suffirait de penser à cet
avion, un super DC8-63 F immatriculé au Gabon baptisé Franceville,
d'une
capacité d'environ
225 places,
frappé
des armoiries
de
la
République,
traversé
par
les
couleurs
nationales
gabonaises
et surmonté
en
gros
caractères de l'inscription "République Gabonaise", mais qui, contrairement
aux autres aéronefs, n'est ni
basé au Gabon, ni
inventorié
comme bien
appartenant au Gabon, alors qu'il est vraisemblable qu'il a été acquis de
deniers publics gabonais et qu'il continue à être entretenu au frais de l'Etat
Gahonais.
(,ï'JArt. 9 pour les (LP) ; art. 24 pour les (S.l:) ; art. 34 pour les (SEM) ; art. 39 et
40 pour le (SPFP).

423
hauts fonctionnaires
du département qui doit assurer
la tutelle
technique
de la
société.
Il
y
est
écrit
que
l'exercice
des
attributions du (PCA) ne donne lieu à rémunération que lorsqu'il est
entrepris
à temps
plein,
à l'exclusion
de toute autre fonction
rétribuée. Le cumul des présidences de conseil d'administration ou
de gérance est limitée à deux postes 680.
B - La situation
dans les sociétés
privées
Elle ramène au droit commun des sociétés et autorise à se suffire
du modèle de la société anonyme de 1867. Pourtant le survol des
données anciennes et nouvelles en notre possession, fait qu'à côté
de la sorte d'unité du statut des animateurs de société, il y ait
également
en droit
gabonais
local,
une uniformisation
de 1 a
conception de leurs
fonctions.
D'un côté comme de l'autre,
1 a
dénomination de gérant, d'organe de délibération des "SNC" et "SARL",
des "PME" et "PMI" 681 disparaît au profit des notions plus générales
comme
l'administration,
de titres
tel
le
président
directeur
général, le directeur, le président du conseil d'administration.
S'il faut s'en tenir à la logique interne des sociétés commerciales,
ici l'usage des termes indicatifs de fonction ou de direction mérite
une attention. C'est le cas de président directeur général (PDG), de
directeur général (DG), de gérant. Le "PDG" est une émanation de 1a
société anonyme et se conçoit de tout commerce ayant un conseil
d'administration sans président à proprement parler. C'est le "PDG"
qui joue le rôle cumulé de "PCA" et "DG".
Le "DG" qui n'est pas indispensable
dans la structure
modèle de
société anonyme, est nommé par le conseil d'administration qui a
pris soin de se doter d'un président de conseil
d'administration
(PCA). Les pouvoirs
des deux personnages sont précisés
par 1e s
statuts selon une sorte de préséance du "PCA".
Or, la pratique au Gabon se ramène à un simple choix entre le titre
de "PDG" ou de "DG". Pour plus banal, il suffit de regarder que dans
toutes les sociétés à responsabilité limitée, le manager qui devait
être
le
gérant,
est
invisible ; par
contre la personne qui y a
G80Arl. 42 et 43.
681 p e t it e s et moyennes entreprises ou industries,
loi n"
1/81 du 8 juin 1981
instituant les mesures administratives et Iiancièrcs propres à promouvoir les
"PME" et "Plvll'' ; modifiée par l'ord. na 26/83 du 16Juillet 1983.

424
autorité, porte le titre de directeur général. D'un autre aspect, sont
les entreprises de fait où le patron prend quand même le nom de
directeur. Quant aux établissements individuels ou de famille,
ils
donnent au plus sûr, l'occasion d'y trouver un directeur général sans
autre forme de procès.
Ce n'est pas seulement
une option influencée
par le caractère
ronflant
et socialement
plus élevé
de mots ; c'est surtout
un
phénomène d'assimilation qui permet par un mimétisme généralisé,
de trouver l'usage de ces termes propres à la société anonyme dans
un modèle bien souvent simplifié.
De son côté, l'intervention
de
l'Etat
renforce
ce sentiment
encore
plus,
avec
l'arrivée
d'un
administrateur de droit pour cause des 10 % et du coup, la société
qui va l'accueillir, est obligée d'avoir un conseil d'administration.
Cette situation en définitive provoquée, met à l'abri des critiques
les praticiens locaux. Ce sont les lois qui parlent indifféremment
des administrateurs, des assemblées d'actionnaires, des organes de
gestion et d'administration ou de surveillance
682. D'autres textes
avaient déjà annoncé cette orientation
ne donnant à l'époque de
considération qu'aux sociétés ayant un conseil d'administration 683.
Voilà
pourquoi les notions de gérant et des autres organes des
sociétés de personnes
sont devenues moins
pointues et tendent
carrément au non usage en attendant leur abandon.
1 - choix des administrateurs
D'ordinaire
l'administrateur
est
entièrement
choisi
parmi
les
associés (art. 22 al. 1 loi de 1867) ayant déposé dans les caisses
sociales un certain nombre d'actions nominatives,
inaliénables,
en
garantie de sa gestion (art. 26 loi
1867). Il
ne doit pas être
convaincu d'incapacité ou d'incompatibilité.
La dégradation de l'observation des conditions de désignation des
administrateurs
a commencé avec leur politisation. En ce sens, 1e s
(,821.0 i n
10/73 du 20.12.1973, art. 4 sur la responsabilité
des fondateurs,
organes de gestion, d'administration, de direction et de surveillance ; art. <J-
13-14 sur les assemblées d'actionnaires de quelque nature que ce soit; art. 10
sur les pouvoirs du (PCA) et le cas de l'administrateur personne morale.
CJR3Décret n"
CX)276 du 28.c)3.1'J79 complétant les ordo 7/72 ct 10/73 sur la
profession de commerçant.

425
incapacités
générales
ou spéciales
684,
même non entièrement
étendues en Afrique,
ont souvent été conçues comme celles
qui
frappent les mandataires. Or, ces obstacles ont vite évolué, chaque
pays ayant sur le plan du statut professionnel, édicté des règles qui
libèrent le mineur,
la femme mariée,
l'étranger,
tandis
que par
principe, le ton est durci à l'endroit des déchus, des aigres fins et
ce qui justifie
à présent l'assainissement des professions de tout
genre.
Il
suffit
de lire
la
plupart
des textes
gabonais,
pour
constater le non oubli d'y inscrire
les incapacités et la menace des
règles pénales.
Il en est de même des incompatibilités
destinées
à miser
sur
l'honorabilité
et l'indépendance dans l'exercice
des fonctions.
Il
faut éviter, enseignait-on,
les promiscuités même douteuses, 1e s
trafics d'influence, les subornations, les prévarications.
En plus de la loi de base du commerce du 5 Juin 1972 685, ont été
posées des interdictions aux fonctionnaires
686,
aux auxiliaires
de
justice
687,
aux
officiers
ministériels,
aux
députés,
aux
commissaires aux comptes (art. 33 loi 1867) 688.
Quant au cumul des mandats d'administrateur qui sont souvent à
l'origine soit de pesanteur, soit de relâchement, il a été exercé en
toute liberté
du moins
avant les prescriptions
de la loi
du 16
Novembre 1940 qui les limita
à 8. La loi gabonaise n° 11/82 du 24
Janvier
1983 fixa
en son article 43, qu'une personne publique, ne
684Avec le décret-loi du 8 Août 1935, il existait déjà des incapacités spéciales
interdisant
l'exercice
d'une activité
commerciale
ou l'administration
de
société aux personnes condamnées pour crime de droit commun, pour délit
d'abus de confiance, vol, escroquerie, banqueroute, émission de chèque sans
provision ainsi que les faillis non réhabilités.
68SCette loi interdit
formellement
(art.
3)
l'exercice
de
la
profession
commerciale
aux faillis
et
liquidés
judiciaires
non
réhabilités
; aux
condamnés afflictifs
et infamants ; aux indignes nationaux et déchus des
juridictions. Elle retient (art. 4) l'incompatibilité pour le fonctionnaire et le
salarié des établissements
publics
ou semi, les
officiers
ministériels
et
auxiliaires de justice, les experts comptables et comptables agréés. Mais cette
loi a été abrogée par l'ordonnance n" 10/89 du 28.09.1989 qui va en reprendre
l'essentiel,
et surtout
porter
l'uniformisation
de
la
loi
applicable
aux
commerçants, industriels et artisans.
686Loi du 04.06.1977 art. 8 à 11 ; loi n" 2/81 du 8/06/1981.
ü8ïOrd. n" 40 du 17.(}-1-.1971.. pour les avocats (intcrdict ion reprise par la loi n'
1/85 du 27J)6.1985 dont l'art. 48 a abrogé l'ord. n° 40/72).
(,88Les deux textes gabonais sur l'exercice de la profession de commerçant
n'ont pas repris les interdictions visant les députés, les commissaires aux
comptes. Aussi faut-il recourir aux statuts particuliers de certaines fonctions
et professions pour se fixer.

426
peut être à la fois membre de plus de 2 conseils d'administration.
En ce sens, la limitation
concerne les membres du gouvernement,
les présidents de corps constitués ou assimilés,
les commissaires
politiques et les hauts fonctionnaires.
La désignation des administrateurs sous la loi de 1867 est prévue
par l'article 25 qui offre deux procédés: soit celui des statuts pour
une durée maximum de 3 ans, soit celui
de l'assemblée générale
pour 6 ans avec possibilité de réélection. La loi gabonaise est venue
apporter sa note d'originalité
par la fameuse cession
des 10 %
imposée aux sociétés,
et qui a abouti
à instituer
dans chaque
conseil
d'administration
un représentant
de l'Etat.
Comme ce
personnage a le titre
d'administrateur
de la
société
689,
cela
nécessite toute une simulation
puisque pour prétendre siéger au
conseil
d'administration,
il
doit avoir
une sorte
de légitimité
interne à la société. Dans ces conditions l'assemblée générale sera
convoquée et elle désignera tel à l'article
25 de la loi de 1867,
l'administrateur pressenti. Cette sorte de paraphe de la décision de
l'Etat par la société fait qu'en pratique, les sociétés se referment
quant à leur pleine possibilité de nommer des administrateurs
par
les statuts. Ceci est sans anticiper sur le véritable conflit
que
fatalement, cette personne excentrée va poser au fonctionnement
de l'entreprise. Pire, est le cas où le dernier arrivé vient s'ajouter
à d'autres représentants
de l'Etat
normalement
actionnaire
non
majoritaire,
au point de constituer une minorité de blocage. Aussi
finit-on par se demander quel sera le poids de ces individus dans 1e
succès de l'affectio
societatis
ou bien le sort
du bénéfice
à
partager.
2 - Rémunération
des administrateurs
L'unité de règle se distend à nouveau en raison de l'existence d'une
norme dite classique à côté de constructions
locales gabonaises,
amplement opportunistes. Ainsi
suivant l'article
22 de la loi
de
1867, les administrateurs sont des mandataires à temps, salariés
ou
gratuits.
L'usage
confirmera
aussi
qu'en
fait,
1e s
administrateurs sont rémunérés de jetons de présence déterminés
par l'assemblée générale et de tantièmes variables.
Au fond, c'est l'article
11 de la loi du 4 Mars 1943, elle même
modifiée
par le décret-loi
n° 53-973 du 30 Septembre 1953, qui
(,t\\')Anick
lOrd. n
lKI7() ayant modifié l'ord. n
41/7L du
j() Juin
j<)!L
instituant cession gratuite des l O %.

42ï
est venu spécifier que les membres des conseils d'administration
pouvaient recevoir à titre de jetons de présence, une rémunération
fixe
annuelle
dont le
montant
est
déterminé
par
l'assemblée
générale et porté aux frais généraux. Pa rallèlement,
a été 1aiss e
é
aux statuts la possibilité
d'allouer au conseil d'administration
un
tantième, au plus égal à 10 %des bénéfices nets de l'exercice 690 et
qui est réparti convenablement entre ses membres.
Autrement dit,
la rémunération
des administrateurs
n'était
pas
réglementée avant la loi de 1943. C'était donc une faculté
qu'il
revenait aux associés d'organiser. Les jetons de présence et les
tantièmes n'étaient ni un droit,
ni une obligation
au crédit
des
administrateurs.
La situation
légale au Gabon aurait-elle
changé
avec l'avènement de la loi de 1943 et sa modification de 1953. Non,
si l'on s'en tient à la logique juridique de la territorialité
des lois
dans la mesure où ces deux derniers textes, tout aussi révélateurs
qu'ils sont, n'ont pas été promulgués au Gabon. Est-ce le seul texte,
s'empresserait-on de poser la question.
Sur ce point en effet, c'est tout un catalogue qu'il faut reproduire
depuis les actes de commerce dont le professeur vise l'article 632
du code de commerce
ancien
et que l'étudiant
relit
dans
des
formules
nouvelles
à
défaut
de
trouver
facilement
dans
1e
commerce, un code d'avant 1960. La législation
spéciale des baux
commerciaux de la loi du 30 Avril
1926, modifiée par celle du 13
Juillet
1933 et complétée par le décret du 30 Septembre
1953
apparaît
encore aujourd'hui
comme d'un texte combiné
pour 1a
matière 691. Or les deux lois ont été rendues applicables au Gabon
par les décrets du 12 Décembre 1928 et 21 Décembre 1934 ta nd is
que le décret de 1953 n'a jamais été étendu au Gabon.
Pour revenir sur les textes de 1943 et 1953, il est clair qu'ils ont
néanmoins
inspiré
la
pratique
locale
de
la
rémunération
des
administrateu rs. Il suit que la tech nicité de ces gains justifie
1e u r
rappel
notamment
en
raison
de
l'apparition
d'administrateurs
gabonais non pas professionnels
mais permanents. Les jetons de
présence ont été conçus naguère, comme une indemnité d'assiduité
(i<)OAprès
déduction des dotations des différentes
réserves,
du dividende
intercalaire, des repons à nouveau.
({)lS e u ls les baux de locaux ~l usage mixte, d'habitation et profesxion nel sont
reglementes par la lui n' ! Si!'!' du 3CJ.12.! <)!'!' qui emprunte une bonne pan
au texte "combiné" notamment sur les mes ures protectrices du locataire.

aux
séances
du
conseil
d'administration.
Aujourd'hui,
ils
constituent
pour
leurs
bénéficiaires
une
rémunération
fixe
annuelle,
déterminée
par
l'assemblée
générale
ordinaire
et
désormais inscrite dans les clauses des statuts. Leur distribution
n'est pas interdite
en période
de déficit.
Les
tantièmes
sont
l'expression de l'encouragement au bon résultat. C'est une forme de
participation
aux bénéfices destinée à marquer la reconnaissance
de la société quant à l'animation apportée par ses administrateurs.
Ces titres doivent à leur tour, être expressément prévus par 1e s
statuts et calculés sur les bénéfices nets de l'exercice, donc après
les frais généraux, les autres charges sociales, amortissements et
provrsions.
Les rémunérations de fonction viennent ensuite pour répondre à 1a
situation
des administrateurs
élevés
à des charges de direction
soit en vertu d'une délibération du conseil d'administration, soit au
terme d'un contrat de travail
dans la société et approuvé par 1e
conseil. Dans le premier cas, il s'agit de délégation de pouvoirs de
direction
générale,
technique,
commerciale,
financière,
administrative pour la durée du mandat. Dans le second cas, il est
question d'un titulaire
ayant une nature d'administrateur
et une
autre de salarié, celle-ci
Je mettant absolument sous les règles du
droit du travail.
Ce sont I~I, des dispositions
confirmées
par 1a
jurisprudence 692 qui estime que la rémunération du président du
conseil est une convention prévue à l'article 40 de la ioi de 1867.
Or, ce texte simplement repris
en son alinéa
premier,
après 1a
modification
de la loi du 30 Décembre 1928 et celle
du 4 Mars
1943, rapporte que "toute convention entre une société et j'un de
ses administrateurs,
soit directement ou indirectement,
soit par
personne interposée, doit être soumise à l'autorisation préalable du
conseil
d'administration.
Avis
en
est
également
donné
aux
commissaires".
Autrement dit la rémunération
de fonction
d'un
administrateur
attend cet accord
du conseil,
est
portée
à 1a
connaissance du commissaire
aux comptes qui fait
un rapport à
l'assemblée générale laquelle statue.
Pourtant
le
chapitre
rému nération
qUI
sanctionne
désorma is
l'industrie
des
administrateurs
de société
ne se
déroule
pas
toujours
aussi
facilement.
L' origine
des
gens
vient in f 1uer

429
notoirement sur l'arithmétique des textes et l'on ressent encore
plus douloureusement, d'une part et surtout, l'intrusion
de l'Etat
dans les
conseils
d'administration
des sociétés
où il
a une
participation
quelconque, et celles
dans lesquelles
il
n'a rien
apporté, mais qui, pour une cession de 10 % lui donne en plus, droit
à un siège d'administrateur.
En pratique et d'un côté comme de l'autre, les difficultés
sont 1es
mêmes.
Lorsqu'il
s'agit
du particulier,
simple
actionnaire
ou
promoteur de son affaire,
le drame principal
réside
dans son
appréciation insuffisante de la notion du bénéfice. Il pense à un
gain social qu'il imagine toujours proportionnel à son train de vie
familial,
ses relations publiques et en dernier ses ambitions pour
la société. Il épouse des comportements dont la démesure finit par
ébranler un des remparts de l'article 40 al. 5 de la loi de 1867. En
effet, ce texte interdit aux administrateurs
personnes physiques,
de contracter sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès
de la société, de se faire consentir par elle un découvert en compte
courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par
elle, leurs engagements envers les tiers, sauf si la société exploite
une banque et pour les opérations courantes de commerce.
Même le code civil
n'est pas resté
insensible
à la situation
personnelle
des associés
en ce qui concerne
leurs
qualités
et
défauts puisqu'il suffit de reprendre les articles 1848 à 1860 où de
nombreux cas sur le pouvoir d'administration ont été réglés. Ain si,
chaque associé peut se servir des choses appartenant à la société
pourvu qu'il les emploie à leur destination fixée par l'usage et qu'il
ne l'utilise
pas contre l'intérêt
de la société ou de manière
à
empêcher ses associés d'en user selon le droit. Faut-il penser qu'il
est d'usage que les associés
se servent
individuellement
alors
qu'une telle utilisation
des biens sociaux s'avère contraire à le u r
destination et interdite aux associés 693.
Si l'article
1860 interdit à l'associé non administrateur d'aliéner
ou d'engager les choses même mobilières de la société, il est prévu
que l'associé qui retire des sommes d'argent de la caisse sociale,
pour son profit particulier se trouve de plein droit comptable des
intérêts jusqu'à restitution
sans préjuger des indemnisations de
693AUBRY, RAU et ESMEIN T. Vi § 380.

430
l'article 1848 694. La jurisprudence n'est pas tendre dans ce cas où
l'abus de confiance n'est pas rare: "... Dans une société de fait, les
associés peuvent être des mandataires les uns des autres, en ce qui
concerne la question de la société et à ce titre passibles en cas de
détournement, des dispositions
de l'article
408 CP (Cass. Crim.
18.02.1976 B n° 61). "... Se rend coupable d'abus de confiance, 1e
dirigeant d'une société civile mandataire de celle-ci qui dissipe et
ainsi les détourne..." (Crim. 10.11.1971 B. n° 307).
Pire est la question des administrateurs, "envoyés par décret", ca r
la situation se gonfle de complications. L'une d'entre elles est que
ces personnes arrivent avec une décision administrative, qui fixe à
l'avance leurs traitements et avantages en nature, généralement
exorbitants,
en
disproportion
grave
avec
les
aptitudes
du
bénéficiaire, la condition salariale des autres collaborateurs dans
la société, les charges prévisionnelles
de fonctionnement. Comme
le paiement de ces revenus est essentiellement
imposé par 1e
gouvernement, que sa discussion est fermée, l'entreprise se trouve
devant un gouffre à sous et à terme,
un puissant
facteur
de
déséquilibre
financier.
Quand s'ajoute à cela,
une incompétence
notoire
à faire
évoluer
la société,
sans parler
de la gabegie
actuellement
encouragée,
ce sont
les
jours
de l'exploitation
commerciale qui sont désormais comptés.
3 - remise
en cause de la condition
des administrateurs
Le contrat d'administration et de gestion est sanctionné par une
sorte de "prime à l'ouvrage" ponctué du savoir faire,
marqué de
succès dans le bilan de l'entreprise. Il importe donc de dire un mot
des cas où la prestation
de l'administrateur
ne satisferait
pas
surtout lorsqu'elle
s'est avérée singulièrement
négative pour 1a
société.
C'est
un peu la
question
de leurs
responsabilité
et
révocation.
a) le principe
de responsabilité civile de l'article
32 c. com.
pose que l'administrateur
engage la société
et non sa propre
personne. Tout au plus, dira-t-on,
il
n'est responsable
que de
l'éxécution
du
mandat
qu'il
a
reçu.
Sinon,
les
obligations
souscrites,
les engagements pris
au cours de sa gestion
ne 1e
rendent pas solidaire de son représenté.
694Grcnoble 4.03.1826 S. 1827.2.203 ; civ. 14.02.1927 DI! 1927. 182.

431
Est ensuite arnvee la règle de l'article 44 de la loi de 1867 qui a
décidé que les administrateurs
sont responsables
conformément
aux règles du droit commun, individuellement
ou solidairement
suivant le cas, envers la société ou envers les tiers, soit
des
infractions aux dispositions
de la loi de 1867, soit des fautes
qu'ils
auraient
commises
dans
leur
gestion,
notamment
en
distribuant ou en laissant distribuer sans opposition des dividendes
fictifs.
Une lecture détaillée de cet article 44 permet de répertorier des
aspects
pénaux
de
la
responsabilité
des
administrateurs
l'utilisation
de papiers à en-tête sans les mentions prescrites
à
l'article 44 : les inexactitudes dans l'affirmation
de la libération
des actions du capital ; les violations des règles du vote, du choix
des commissaires,
de
la
communication
des
documents
aux
actionnaires et de présentation du bilan (art. 35) ; la confection et
présentation de bilans inexacts (art. 15), le détournement des biens
et du crédit social.
Là encore, existent des situations
voisines
comme c'est le cas des faillites
de sociétés 695 que le décret-loi du
8 Août 1935 étendait déjà à l'administrateur convaincu de s'être
servi de la société pour masquer ses agissements
propres, ses
actes
de
commerce,
d'intérêt
individuel,
et
sa
disposition
personnelle des capitaux sociaux. Aujourd'hui, cette réglementation
suffisamment
futuriste
persiste
et
l'action
en responsabilité
contre les administrateurs reste exercée soit par la société e Il e-
même (action sociale ut universi) soit, par un groupe d'actionnaires
pris ensemble ou isolément (action sociale ut singuli). L'important
est que les poursuites soient engagées (art. 17 de la loi de 1867)
dans l'année de l'information de l'assemblée générale, les trois ans
de la commission de faits alors inconnus, les dix ans chaque fois
qu'il s'agit de crime.
b) Quant au problème
de la ré voc at ion, il se pose non pas sur
son principe qui est acquis, l'administrateur étant révocable, ma is
sur son application en raison des origines éventuelles de certains
d'entre eux. Ainsi, en droit commun cette fonction disons le, est
avant tout précaire.
Les titulaires
peuvent être remerciés
sans
695S o n t présentement applicables au Gabon, le code de commerce avec la loi
du 4 Mars
1889; les effets ont été étendus aux administrateurs et gérants de
sociétés par le décret-loi du 8 Août 1935. Il Y a aussi le code pénal en ses textes
relatifs aux infractions correspondantes. Le premier texte gabonais sur les
procédures collectives sera la loi n" 7/86 du 4 Aout 1986.

432
qu'il
soit
nécessaire
d'apporter
des
explications.
C'est
1a
révocabilité
ad nutum, à moins que l'administrateur
n'ait eu 1e
temps
d'assurer
la
stabilité
de
son
emploi
en
assumant
cumulativement à son mandat, des fonctions techniques salariées.
Dans ce dernier cas, la révocation nécessite un motif juste.
Par contre, les interrogations, à défaut de précédent véritablement
tiré
de la cause sociale,
demeurent en ce qui
concerne
1e s
administrateurs de l'Etat Gabonais. Là aussi, il revient de se fixe r
au niveau de la terminologie
car, un tel administrateur
concerne
aussi bien celui qui représente l'Etat au conseil d'administration,
que celui qui est nommé par le gouvernement pour assurer des
fonctions de responsabilité dans une société publique ou privée. En
effet, ces partenaires ont ceci de commun qu'ils se sentent des
individus privilégiés
: ils
ne fournissent aucun apport au ca pita 1
social ; ils ne sont pas signataires
du contrat de société ; ils
bénéficient
de
revenus
stables.
Comment
attendre
de
te 1s
collaborateurs, une affectio societatis, une volonté de réussite.
Aussi, constate-t-on aisément que ces personnages affichent des
comportements ostensiblement assassins
à la vie des sociétés
commerciales. Ils ne sont responsables
de rien, même quand ils
sont convaincus de fautes personnelles économiques délictuelles ou
criminelles.
Ils font ce qu'ils veulent et estiment n'avoir pas de
compte à rendre au conseil d'administration qui du reste est réuni
pour constater impuissante" les dégâts. Ils empruntent l'argent de
la société au prétexte d'une avance ou d'une provision mais avec 1a
ferme volonté de ne pas le rembourser. Lorsqu'ils veulent se doter
en biens d'équipement (maison, salons, voitures ...) soit pour le ur
propre famille,
soit pour Iles multiples
ménages indécents qu'ils
entretiennent ça et là, ils
réalisent
l'acquisition
au nom de 1a
société et lui font subir une destination tout à fait opposée.
Ces
administrateurs
coupables
le
plus
souvent
d'un
cumul
scandaleux
d'incurie,
d'incompétence
et
d'indélicatesse,
s'enrichissent sans sourciller,
peu importe que l'entreprise aille
à
la faillite.
Ils n'ont de maître que celui qui les nomme, lequel à se
surprendre, paraît se complaire à cette façon de faire. La preuve
c'est qu'à titre de sanction, l'administrateur passe d'une société à
une
autre,
au
risque
de
créer
de
véritables
fossoyeurs
d'entreprises.

433
Comme les mandats assurés par ces personnes se transforment en
vérita bles
professions,
durables
et
interchangeables,
1e ur
révocation ne peut intervenir que, soit du fait de celui
qui les a
façonnés, soit d'une révolte interne de la société. Tout ceci n'est
pas
défendable
juridiquement
ni
soutenable
politiquement.
L'assainissement s'impose dans ce pays viable économiquement.

434
CONCLUSION
GENERALE
Elle
appelle avant tout, que l'on s'éloigne
de cette alternative
regrettable
qui achève notre deuxième
partie.
Elle dit,
qu'à 1a
différence de la condition humaine des étrangers,
l'essai
auquel
nous venons de nous livrer relativement aux personnes morales, se
solde par la révélation
d'un droit
interne
gabonais
en réelle
élaboration. La mise en exergue de quelques sujets, trop nombreux
peut-être,
mais aussi insuffisants
tant il
reste
à épiloguer,
a
permis
de mesurer
la force
des normes
non écrites
dans une
matière qui se veut ordinaire consensuelle et pratique. L'évocation
de la
réalité
constituée
par
l'établissement
des
personnes
humaines étrangères et celle en complémentarité
des personnes
abstraites ont mis au grand jour des insuffisances sérieuses.
Du côté des hommes, il ya un notoire effort législatif
mais il n'est
pas corroboré d'une application conséquente. C'est à peine si l'on ne
doit pas parler d'un blocage lorsqu'il s'agit de produire des effets
contraires.
L'ensemble de ces obstacles
à l'aboutissement
d'une
condition juridique
normale
de gens, peut être le résultat
du
décalage habituel que l'on a observé dans la théorie et la pratique
des droits modernes africains.
Mais il y a ici
une considération
atypique locale gabonaise et qui existe par l'immensité du conflit
psychologique qui pèse dans l'esprit du gabonais.
Le gabonais s'avère à la recherche de l'électrochoc
qui doit 1u i
permettre de produire
les effets
sociologiques
stimulant
à un
groupe social
d'accueil
à contenir
les conséquences réelles
de
l'établissement des étrangers. Si la difficulté tient à la faiblesse
quantitative
de
sa
population
nationale,
une
solution
administrative
est une limitation
de l'immigration.
Or, ce Ile-c i
n'est possible que si le Gabon peut assurer une surveillance de ses
frontières. Pour une population citadine pour les trois quarts, et
une autre perdue dans une immense forêt souvent inaccessible,
i 1
vaut mieux renoncer momentanément à cette option. Il y a aussi 1a
politique d'assimilation, mais celle-ci
se heurte à une législation
de la nationalité, pourtant ouverte sur les textes, mais refermée
par une application tatillonne et policière.

435
Tous les essais pour venir
bout de ce conflit psychologique ont
à
conduit à proposer une solution conventionnelle où le traitement de
l'étranger serait soumis non plus au principe de l'égalité
mais à
celui de la réciprocité, étant entendu que le minimum
universel
conventionnel est intouché. Du côté des personnes morales, c'est
plutôt la faiblesse du domaine législatif qui favorise une idée non
conforme avec l'autre réalité celle des affaires,
de l'économie et
du développement.
Au reste,
ce n'est
que la
confirmation
du
paradoxe gabonais, qui est n train
de développer une véritable
pratique des entreprises.
C'est pour ces mêmes raisons, qu'il est permis d'espérer voir, non
plus poindre, mais éclore un véritable
droit gabonais
inspiré
du
débat imposé par l'établissement des personnes morales étrangères
au Gabon. Le postulat selon lequel, les maisons de commerce sont
des structures absolument inconnues de nos traditions, se confirme
avec fatalité
au point
de conseiller
de ne pas craindre
de
reconnaître l'ascendant véritable
des étrangers sur la dynamique
des sociétés commerciales.
Qu'il s'agisse des règles préalables à l'établissement ou bien ce Iles
relatives au fonctionnement, même si aucun développement n'a été
réservé aux assemblées générales ni aux conseils de surveillance,
il
y
a
partout
une
difficulté
éventuelle,
celle
de
la
loi
effectivement appliquée. Il est sur ce plan, rassurant de constater
que des élans réqlernentaires
locaux recherchent
activement
1a
solution de leurs besoins et se soucient de discipliner
la pratique
commerciale.
En attendant, d'un côté, subsiste une législation séculaire mais non
empirique, qu'un effort prudent car progressif substitue au fur et à
mesure de son audace ; d'un autre côté, se développe une vie des
affaires presque intrépide, qui a subi les accélérations supposées
satisfaire
l'évolution du tissu économique et social
mais qui, au
nom de la liberté
et la rapidité
du commerce, en vient soit à
suppléer ce qui lui semble un vide, soit à écorcher ce qui lui pa ralt
un frein.
Pour le juriste et le positiviste, la loi est là, elle existe même s i
c'est au prix d'un éloquent ratissage de textes dont il n'est point
distrait
par l'âge. Pour l'entrepreneur qui presque toujours, s'est

436
inspiré de l'étranger pour bâtir au Gabon, l'approche est
tout autre,
elle est pratique ; il n'est pas possible, estime-t-il,
de faire du
neuf avec du vieux. Les sociétés commerciales
sont un tout dont
une partie ne saurait être rattachée au texte de 1867 et une autre
présentée avec éclectisme sous la forme de lois plutôt récentes
que nouvelles,
dans la mesure où, elles
n'entament pas l'esprit
perdurant de la société anonyme originaire.
L'agrément
réactualisé
doit
sortir
de
son
exclusivité
bureaucratique, pour jouer un rôle plus efficient dans -Ia maîtrise
interne de l'établissement des sociétés, et, servir la coordination
internationale attendue des traités UDEAC.
La
personnalité
abstraite
qui
s'affirme
de
facto
avec
l'accomplissement d'opérations juridiques
relevant d'une société
déjà constituée, mérite d'obtenir la consécration de jure, en ra ison
de la concordance entre l'octroi de l'agrément territorial
du moins,
avec la naissance de la personne morale. De même qu'au résultat, i 1
est de pure rigueur juridique de penser que l'agrément déteint de sa
commercialité sur la personne de son bénéficiaire. Ce n'est pas une
situation fortuite, elle est confortée par la solennité avec laquelle
la loi gabonaise du commerce de 1972 pour partie, mais celle
de
1989 pour le tout,
réglemente
bel et bien
les
artisans,
les
commerçants et les industriels.
Le fonctionnement des sociétés, n'est pas en reste dans ce souci de
dénoncer que, ni l'artificiel à plus forte raison l'artificieux,
rien de
superficiel
ne peut
coller
au
réalisme
pragmatique
attendu
d'activités
essentiellement
pratiques.
Il
ne peut y
avoir
de
direction féodale dans une société moderne sinon, l'obsolescence
interne
qui
suivra
infailliblement,
contaminera
l'économie
nationale.
Les apparitions de plus en plus nombreuses des bénéficiaires
de
titres
de société,
alors
même qu'ils n'y ont rien apporté, sans
parler qu'ils s'érigent au besoin en minorité de blocage, sont non
seulement à la limite de la moralité pour l'égalité des acteurs de
sociétés, mais ils deviennent de redoutables gouffres financiers et
des facteurs inévitables de perdition économique.
C'est dans ce tumulte que le Gabon entend asseoir son droit des
sociétés marqué, d'un côté par une sorte d'uniformité dans le statut

437
légal, d'un autre côté par une diversité du statut politique. Ici, pour
éviter de donner dans les apparences, la question de la nationalité
est laissée loin de toute option drastique ou prétendue juridique,
encore
moins,
cette
systématique
de
l'usage
du qualificatif
"gabonaise" à tout venant.
L'environnement du pays en butte aux moindres
développements
parce que ses esprits sont insensibles à la régénération nécessaire
de la matière, se développe dans un rêve, prenant la nationalité
pour le contrôle, et misant sur le siège social. Si au résultat voulu,
la succursale est bien érigée en société autonome, il apparaît aussi
vite qu'elle n'est soumise à la loi du siège social,
que pour ce qui
est formel. Par contre, c'est la loi de son contrôle qui s'applique au
problème de fond, à la politique de l'entreprise,
au surplus
de
l'endettement
de l'entité
expatriée.
En
définitive,
avec
les
tendances
concentrationnelles
de l'économie
moderne,
ce
qui
devient groupement d'intérêt économique, risque encore d'échapper
aux ambitions légitimes du Gabon si le gabonais n'y prend pied.
Il lui faut absolument s'astreindre à une adhésion harmonieuse à 1a
psychologie des affaires ; une maîtrise aussi parfaite que possible
des
moyens· techniques
et
directionnels.
Le
promoteur,
l'administrateur,
l'actionnaire
et le rentier des sociétés
doivent
manifester une aisance à l'imagination incitatrice
et productrice;
avoir une idée saine des éléments du bilan ; destiner le chiffre
d'affaires à un sort différent: de celui du bénéfice.
Nous voilà revenus à cette affectio societatis qui, disons-le, a paru
d'un intérêt passé de mode. Pourtant, cette expression contient, 1a
sinon l'une des clefs
magiques, dont dépend le succès dans 1e
commerce et l'industrie
au Gabon. Il suffit
de donner au terme
société l'acception la plus 1a rge, partant de la société des affaires,
de l'économie et des finances, à la société des hommes, l'Etat, 1a
nation. Partout, en tout état de cause, le plus important c'est :
aimer
son pays. Il
y a là
une solution
d'une base juridique
inhabituelle sauf si chacun se souvient de ce que les problèmes du
Gabon sont le fruit d'un gigantesque conflit interne qui ne peut donc
exclure les solutions psycho-juridiques.
Dès que le gabonais aura conscience
de sa personnalité,
qu'il
rétablira
sa confiance en lui-même,
qu'il
amorcera l'édification
d'une nation gabonaise, alors l'établissement de l'étranger au Gabon

438
cessera d'être un phénomène, il sera débarrassé des interrogations
légitimes
qui l'accompagnent jusque là. En attendant, le gabonais
est appelé à se recueillir
un peu plus
souvent à ses sources
naturelles
et fuyant l'artificiel,
il
comprendra que la diversité
sociologique de sa société humaine est plutôt une fortune qu'un
handicap pour l'éclosion
de la
nation,
produit
d'un pluralisme
favorable.
Seuls des nationaux fondamentalement,
peuvent fa i re
face à des non nationaux peu importe leur nombre. C'est l'amour du
Gabon et du gabonais qui doit amener à défaire
la société des
hommes et des affaires
de tous les
carcans
qui, nous l'avons
évoqué, présentent dans un lamentable déséquilibre au détriment du
national,
une situation
très
préjudiciable
à la stabilité
et à
l'harmonie internationale tant recherchées.
$$$$$$$$$$$$$$$$

439
BIBLIOGRAPHIE
******************
1- REGLEMENTATION LOCALE GABONAISE
(Arr. = arrêté; ORD. = Ordonnance; D. = décret; L. = loi; DL. décret loi; J.O.
= Journal Officiel).
Arr. 162/MI complétant l'arr. du 26.12.1952 réglementant les voyageurs
français et étrangers en AEF. J.O. 15.03.1960, 189.
Convention générale du 8.09.1961 relative à la situation des personnes et
aux conditions d'établissement UAM, Tananarive 8.09.1961 ].0.1.09.1962,659.
O. 295/PR du 21.12.1962 portant création de la carte nationale d'identité J.O.
15.01.1963, 79.
L. 34-62 du 10.12.1962 J.O. du 1.01.1963, 8 réglementant l'admission et le
séjour des étrangers au Gabon.
D. 287 du 17.12.1962 J.O. du 15.01.1963,68 réglementant le cautionnement des
étrangers résidant au Gabon.
D.288/PR du 17.12.1962 J.O. 15.01.1963, 69 réglementant
l'admission
des
étrangers dans la République Gabonaise.
Arr. 590 PM du 9.06.1960 complétant arr. n° 162/MI (J.O. du 15.03.1960.189) au
J.O. du 15.07.1960,448.
D. 289 PR du 17.12.1962, J.O. du 15.01.1963 réglementant les modalités de la
délivrance de la carte de séjour.
Art. 108/ PR du 22.01.1963 au ].0. du 15.02.1963, 193 fixant le montant de la
caution des étrangers.
O. n° 283 du 6.06.1968 portant création du certificat d'hébergement.
ORO. 28/66/ PR du 26.07.1966 sur l'émigration des citoyens gabonais.
Arr. n° 1123/PR du 7.10.1965 au J.O. du 01.11.1965, 545 modifiant les taux de
visas et de séjour au Gabon.
O. 00101/PR du 3.03.1971 relatif à la procédure d'expulsion au J.O. n° 5 du
01.03.1971, 186.

440
D. 00102/PR du 3.03.1971 au J.O. n° 5 du 1.03.1971, 182 modifiant le D. 289 du
17.12.1962 sur délivrance de la carte de séjour.
ORO., 13-71 du 3.03.1971 au }.O. na 7 du 1.04.1971, 242 portant modification de
la loi réglementant l'admission et le séjour des étrangers au Gabon.
Arr. n° 00276/ MI du 4.11.71 au J.O. du 15.12.1971, 765 portant réglementation
de délivrance des certificats d'hébergement.
Arr. n° 00093/MI du 22.12.1991 au }.O. du 15.02.1972, 117 fixant le taux de
cautionnement des étrangers séjournant au Gabon.
D. n0277 du 23.05.1970 réglementant l'emploi des travailleurs étrangers au
Gabon.
Loi n° 88/61 du 4.01.1962 portant code du travail, modifiée par la loi n° 5/78
du 01.06.1978.
Le code des investissements de la République du Gabon objet de la loi n°
55/61 du 4.12.1961, modifiée
par l'ordonnance n° 21/67 du 23.03.1967
complétée ordo 59/72 du 16.07.1972.
ORO., n° 13/71 du 03.03.1971 sur l'expulsion des étrangers.
ORO., 42. 42 bis/74 J.O. du 15.04.1974 sur le séjour des étrangers abrogeant le
décret n° 289 du 17.12.1962 et l'ORO. 22/70 du 3.04.1970 sur la création d'une
taxe pour la délivrance de la carte de séjour.
Loi n° 35/62 du 10.12.1962 relative aux associations
Loi n° 62/89 du 02.03.1962 J.O. spécial du 14.03.1962 code de la nationalité
gabonaise modo par loi n° 1/76 du 5.06.1976.
Loi n° 11/82 du 24.01.1983 sur l'organisation de la tutelle de l'Etat sur les EP,
SE, SEM, SPFP }.O. n° 3 et 4 des 1-15.02.1983
ORO., n° 8/89 du 4.09.1989 abrogeant l'ORO. n° 8/87 du 18.04.1987 modo l'art.
41 de la loi n° 11/82 du 24.01.1983; J.O. n° 9 de Septembre 1989.
Loi n° 1/81 du 8.06.1981 sur la promotion des PME, PMI modo par ORO. n°
26/83 du 16.07.1983.
Loi n° 7/72 du 5.06.1972 J.O. du 1.11.1972,835 réglementant la profession de
commerçant au Cabon modo ORO. n° 10/89 du 28.09.1989 sur les activités de
commerçant, ind ustriel et artisan.

441
ORD. n° 41/72 du 10.06.1972 sur la cession à l'Etat des 10 % modo par ORD.
18/76 du 6.02.1976 Bull. Ch. de Commerce n° 4/76 du 4.04.1976.
ORD. n° 27175 du 11.04.1975 organisant la participation des nationaux aux
activités des sociétés de capitaux. Bull. Ch. de Commerce n° 14/75 du
18.09.1975.
Loi n° 10/73 du 20.12.1973 complétant la loi 7/72 sur le siège social des
sociétés.
Loi n° 13/69 du 31.12.1969 modo l'art. 4 de la loi du 24.04.1967 sur les sociétés
commerciales.
Loi n° 11/83 du 24.01.1983 J.O. des 1 et 15.02.1983, 20 sur le régime des (EP)
"SE" "SEM" "SPFP".
Loi n° 12/83 du 24.01.1983 J.O. des 1 et 15.02.1993, 23 sur l'organisation de la
tutelle de l'Etat sur les sociétés.
Loi n° 1/85 du 27.06.1985 abrogeant les ordonnances n° 40/72 du 17 Avril
1972 et n° 36/77 du 20.08.1977 instituant le Barreau du Gabon.
11- OUVRAGES GENERAUX
(DIP = Droit International Privé)
AUBRY et RAU, - Traité droit civil français T.1. par A. PONSARD 1964.
AUBY J. M. et DUCOS ADER R. - Grands services publics et entreprises
nationales P.U.F. Tl. 1969
A YMARD A., - Civilisations de l'antiquité au moyen âge T.IX.
BENJAMIN Constant, Esprit de conquête, 3 éd. Paris 1914.
CASTELINO G. et ROMELAER P, comptabilité privée: plan OCAM, EDICEF
1988.
DE VAREILLES-SOMMIERE, les personnes morales, 1ère Ed.
DEMOLOMBE, - Cours de code NAPOLEON 3e éd. Paris T.I 1865
DENIKER, - Les peuples de la terre, 2e éd. T 4 Paris 1926.
DESCHAMPS H., - Traditions orales et archives du Gabon.
DIDIER P. droit commercial, PUF T. 1. 1970.
DIOP-O'NGWERO, - Eliwa zi N'gaba éd. ARONGO Libreville 1990.
FLOUR J. et AUBERT J. Luc, les obligations: l'acte juridique collection U T.1.
1975.
GAUTHIER Pierre et LAUREL Bianca, droit pénal des affaires, 2e éd.
Economica 198911990.
GUILBAUD Jacques, la classe et le droit, L1TEC 13e éd. 1986.
HADSON, - Les races humaines et leur répartition, T 8 Paris 1930.
HAMEL et LAGARDE -Traité de droit commercial T 1. 1967.

442
HAMEL et LAGARDE, par JAUFFRET, traité de droit commercial général T.
II. 1966.
HAMEL et LAGARDE par G. LAGARDE, Tr. droit commercial sociétés,
groupements d'intérêt économique, entreprises publiques Dalloz T. 1. 1980.
HAURIOU, - Précis élémentaire droit constitutionnel, 1930.
LOUSSOUARN et BREDIN, droit commercial international, Traité Sirey
1969.
MAUNIER René, - Introduction à l'étude du contraste des races, sociologie
coloniale 1932.
MERCADE, - Eléments de droit civil français.
PILLET, les personnes morales en DIP Paris 1914.
PILLET. - Principe de droit international
privé.
Revue
générale Droit
international privé : Des personnes morales en Droit international privé
Paris 1914.
PLANIOL, RIPERT et BOULANGER, - Traité droit civil T 1. 1950.
POUNAH P.V., - Recherches dans le Gabon traditionnel, 1968.
Revue du centre militaire d'information et de documentation sur l'Outre-
Mer 1969.
RIPERT et ROBLOT, Traité él. de droit comm. T. 1. 5e éd. 1974.
ROBLOT, Traité élément droit commercial de RIPERT, 1986.
SIBERT Marcel, - Traité droit inter public, DALLOZ 1951.
TOUFFAIT Adolphe, délits et sanctions dans les sociétés, 2e éd. Sirey 1973.
VALETTE, Explication sommaire du livre 1 code Napoléon et des lois
accessoires 1859.
ID - OUVRAGES SPECIALISES
BARTIN. - Principes de droit international privé T.I. Il. 1976.
BATIFFOL. - Traités droit international privé T. 1 1974; T. II 1976.
BURGARD J. - La société en nom collectif, une forme bien adaptée pour les
filiales, service direction 1960 - 471.
CA VARE L. - Traité droit international positif, 1961.
DECOTIIGNIES. - La condition des étrangers en AOf, 1960.
DECOTIIGNIES R. - Requiem pour la famille africaine. Paris 1965.
DEMANGEAT. - Histoire de la condition civile des étrangers en France dans
l'ancien et le nouveau droit 1844.
DERRUPPE J. - Cours droit international privé 4ème année Bordeaux 1973 -
1974 ;
- Cours spécial troisième cycle D.E.5. Bordeaux 1974 - 1975;
- Mémento DALLOZ D.l.P. 1973.
DESPAGNET Franz. - Précis de droit international privé, 3e éd. Paris 1909.
GILISSEN John - Le statut des étrangers, Recueil société J. BODIN 1958.
LEREBOURS PICEONNlERE. - Précis droit international privé Se éd. 1948.
LUISSAN, les sociétés commerciales en Afrique, 1953.
LOUSSOUARN Y. - Droit international privé, précis DALLOZ 9ème éd. 1976.

443
~
MAURY Jacques. - Règles générales des conflits de lois (Extraits du cours)
1
Rec. SIREY 1937.
MEISONNlER G. - Droit des sociétés en Afrique LGDJ 1978.
NlBOYET. - Traités droit international privé français tomes I-II IV-VI 1948-
1949-1950; cours de l'Académie de la HAYE 1935.
SOLUS H. - Traité de la condition des indigènes en Droit international privé
1927.
VIGREUX Pierre. - Les droits des actionnaires dans les sociétés anonymes
(théorie et réalité), coll Etudes Eco. n° XXXVI, 1953.
WEISS. - Traité théorique et pratique de Droit international privé T. II 2e éd.
1908.
- Traité de droit international privé, T. 3 : Le conflit des lois 1897.
IV - THESES
AGONDJO
OKAWE
P.L.
Structures
parentales
gabonaises
et
développement, th, Paris 1967.
ALIHANGA
Martin.
- Structures
Communautaires
traditionnelles
et
perspectives coopératives dans la société altogovéenne. Rome 1976.
AMBOUROUET A VARO J. - Le Bas Ogowè au 1ge siècle. th. Paris 1969.
AUBERT J. Luc, notions et rôle de l'offre et de l'acceptation dans la
formation du contrat. Paris 1970 LGDJ n° 109.
AUDIT Bernard, la fraude à la loi, Th. 1974.
BOURDES OGOULIGUENDE J.A. - L'évolution
du statut de la femme
gabonaise du droit traditionnel au droit moderne. th. Paris 1969.
BUSHAYJA S. - Le mariage coutumier au RW ANDA. th. BRUXELLES 1965.
CHAMPAUD Claude, le pouvoir de concentration de la société par actions,
Th. Rennes 1961.
CHALTDEL, la notion de fondateur, Th. Toulouse 1934.
LEROY Max, Evaluation du préjudice corporel, 1977.
MAFALVO DESPEIGNES Jacqueline. - L'intégration caraïbienne et Haïti,
dimensions politiques et économiques d'une incompatibilité. th. Paris 1
20.06.1973.
OVERSTAKE J. Francis, essai de classification des contrats spéciaux: LGDJ T.
XCI 1969 (le rôle de l'intuitus personae p.242).
PERCEROU J. les fondateurs des sociétés anonymes, Th. Dijon 1896.
PEPY, la nationalité des sociétés, Th. Paris 1920.
POHE Denis - La nationalité
des sociétés dans
les
pays en
voie
de
développement.
Exemples africains et latino américains,
th.
Bordeaux
Septembre 1989.
r '
REMONDO Max - L'organisation administrative au Gabon de 1843 à nos
jours. th. Paris 21.12.1970.
ROUJOU DE BOUBEE Marie Eve. - Essai sur la notion de réparation. LGD]
1974.
TEMPLE H. les sociétés de fait, LGD] 1975.

444
TUNC André, des avantages particuliers dans les sociétés anonymes, Th.
Paris 1936.
VALLEUR, l'intuitus personae dans les contrats Th. Paris 1938.
ZATZEPINE Alexandre. - Le droit de la nationalité dans les républiques
francophones d'Afrique et de Madagascar LGDJPARIS 1963.
v - ARTICLES ET COMMUNICATIONS
BASDEVANT Suzanne. - Conditions des étrangers in répertoire NIBOYET
1930 T. 8.
BASTIAN Daniel, - Siège social, jur. cl. Sociétés traité na 8 bis 1975 ; la survie
de la personnalité morale des sociétés pour le besoins de la liquidation, J.
Soc. 1935. docl.
BASTID Suzanne, la nationalité des sociétés et la protection diplomatique,
rapport 25.01.1969, Travaux Comité Français DIP 1970,247.
BERTHOLD
GOLDMAN.
-
Reflexions
sur
la
réciprocité
en
droit
international travaux du comité français de droit international 1963.
BOUREL Pierre. - Réalités et prespectives
du DIP de l'Afrique
noire
francophone
dans
le
domaine
des
conflits
de
lois.
Journal
droit
international na 1. 1975.
BRUZIN, - De l'idée d'autonomie
dans la conception juridique de la
succursale JCP 1946. 1. 567.
CABRILLAC Michel, - Les succursales, jur. cl. sociétés traités na 28 Ter. 1975 :
- Unité ou pluralité de la notion de succursale, dix ans
de conférence, Mélanges Hamel 1961.
CARCREFF, - La notion de pertes sociales et l'obligation pour les associés d'y
contribuer, GP 1973. 1. dodo 569.
CHAMPAUD Claude, - Société en général, RTD Comm. 1974 p. 96.
CONTIN Raphaël, - L'arrêt FRUEHAUF et l'évolution du droit des sociétés
D. 1968 ch. VI.
COOPER Royer, - Sur la notion d'affectio societatis, rev. sp. soc. 1938.593.
DALSACE André et Bernard Nicole, inventaire et bilan, Rep. sociétés 1977.
DECOTIIGNIES R. et DE BIEVILLE M. - Les nationalités africaines, éd.
PEDONE PARIS 1963.
DEKEUWER-DEFOSSEZ, l'individu dans les sociétés en participation, JCP
1980. 1. 2970.
DELPECH Henry. - Les ententes professionnelles Encyclopédie DALLOZ p.
783.
DEMOGUE J. - Obligations, ency. Dalloz sociétés 1971, note Sirey 1908 JI 177.
DERRUPPE J., - Plaidoyer pour le renvoi,
communication
au Comité
Français de DIP séance du 20.04.1966 Rev. 1967 p. 181.
- Le sort de la société qui n'a plus qu'un seul associé, Mélanges
BASTIAN 1974,5'7.
DROZ A.L. Georges. - Réflexion pour une réforme des art. 14 et 15 du code
civil français. Rev. Crit. DIP 19'75 - na 1.

445
FRANCESKAKIS Ph. - Le droit international privé dans le monde post
colonial. Le cas de l'Afrique Noire. Clunet 1973 p. 46 et suiv.
FOYER Jean. - Travaux du comité français de droit international privé 1962
FREYRIA c., - La notion d'être moral nouveau dans la conception fiscale de
la transformation des sociétés, Mélanges Hamel 1961,309.
GABOLDE G. - La situation des porteurs de parts de fondateurs depuis la loi
du 29 Janvier 1929. Chr. DH 1930, 17.
GIVERDON, - Fondateur, ency. Dalloz rép. sociétés 1970.
GONIDEC P.F. - Une mystique de l'égalité: le code du travail des T.O.M. in
Rev. [ur. Pol. de l'Union Française 1953.
GORRE F. et DUPOUY Claude, - Inventaire et bilan, Rep. Dalloz de droit
comm. 1973.
GORRE Phillipe. - Guide du créateur d'entreprise, éd. CHOTARD et Associés
Paris.
GUYON Y., - L'affectio societatis, jur. cl. sociétés traité fasc. 19.
HAMEL, - Affectio societatis, RIDC 1925, 761.
HE MARD, - Le nouveau régime des sociétés entre époux, D. 1959 chr. 27.
JOSSERAND. - La renaissance des "droits civils", symptômes d'autarchie
D.H. 1937 chr. p.69
KOUASSIGAN G. A. - Des conflits interpersonnels et internationaux des
lois et de leurs incidences sur la forme du mariage en Afrique noire
francophone. Rev. crit. DIP n° 4.1978,641.
LACOMBE J., - Réserves, ency. Dalloz répertoire sociétés 1971.
- Dividendes, ency. Dalloz sociétés 1970.
- Bénéfices, ency. Dalloz sociétés 1980.
LE GRIEL Hubert, - La jurisprudence récente concernant la lésion dans la
vente immobilière D. 1967 chr. IX p. 57.
LEPARGNEUR dans Planiol et Ripert, - Traité pratique de droit civil fran-
çais 1954 TXI, 231 "société et association".
LEPOINTE Eric, - De l'histoire
du droit au droit comparé,
le
droit
commercial applicable au Gabon Penant 1991 nOs 806 et 807.
LIGOT Maurice. - La coopération militaire dans les accords passés entre la
France et les Etats africains et malgaches d'expression française. Revue
politique de l'Union Française 1963 n° 4.
LOUSSOUARN, - La nationalité des sociétés, Enc. Dalloz les sociétés, 1971.
LOUSSOUARN, - La nationalité des sociétés, travaux du Comité Français de
DIP 1969, 205.
LOUSSOUARN
, - La nationalité
des sociétés
dans la législation
de
développement. Annales Africaines 1962,223.
LOUSSOUARN et TROCHU, - La nationalité des sociétés, jur. cl. droit
international corn. Fasc.564-A 1982.
LUCAS P. L., - Remarques relatives à la détermination de la nationalité des
sociétés, JCP 1953 1 doct. 1104; [ur. cl. sociétés fasc 29.
LUCHAIRE , - La société étrangère dans les pays sous développés : la
personnalité morale et ses limites, travaux et recherches de l'institut de
droit comparé de Paris LGD] 1960.
MAZEAUD Léon, - La nationalité des sociétés, c1unet 1928,30.

446
NECTOUX Jean, - Le contrat de société et l'affectio societatis, jur. cl. sociétés
traités fasc na 6.
NffiOYET, - Existe-t-il vraiment une nationalité des sociétés, Rev. DIP.
1927.402.
NICOLE Bernard, - Jetons de présence et tantièmes. Ency. Dalloz sociétés
1977.
PASQUALAGGI. - Les ententes économiques en France; Rec. éco. 1932 pp.
63.
PERCEROU Roger. - La notion d'avantage particulier dans les sociétés
anonymes, Mélanges Hamel 1961, 175.
PERCEROU Roger, - La nationalité des sociétés, in annales droit commercial
1926-5.
PERROUX François. - La notion de groupe industriel, Rev. d'eco. pol. 1931.
pp. 1317.
PIC, - L'apport en industrie, notes D. 1938,249.
PINOTEAU Charles, - La réévaluation libre des bilans, JCP 1973. 1. n. 171.
- Sur l'opportunité d'une réévaluation légale des
bilans, JCP 1974 dodo 2636.
PLAISANT Robert. - L'entreprise, encyclopédie DALLOZ.
PLAISANT R. et DELAISI P., - Administrateur, ency. Dalloz société 1970.
POUGOUE Paul Gérard, - Le droit des conflits de lois et la stratégie du
développement
en
Afrique.
Association
des juristes
africains
(A.I.A.)
rencontre de Libreville les 14/19 Mai 1984 p. 190.
ROBERT, - Reflexions sur le délit de majoration frauduleuse d'apport en
nature D. 1974,97.
SAINT-ALARY-HOUIN Corinne, - Les critères distinctifs de la société et de
l'indivision depuis les réformes récentes du code civil, RIDC T. XXXII, 1979,
645.
SAVATIER, -, - Contribution à l'étude juridique de la profession, in études
de droit commercial à Hamel 1961,6.
SALEM, le problème de la nationalité des sociétés et les intérêts français à
l'étranger, clunet 1919,23.
SIMON DEPITRE Marthe. - La condition de l'étranger [ur. class. Droit
international privé 1960.
SINDON, - La notion de filiale et celle de succursale in J. Soc. 1934, 197.
SORTAIS, - La société uni personnelle, mélanges Bastian 1974,325.
TERKI, - Les sociétés
étrangères
en
Algérie,
office
des
publications
universitaires Alger 1976.
TERRE F. et VIANDIER A., - La vocation aux bénéfices et la contribution
aux pertes, jur. Cl. Sociétés Traité 1978 fasc. 17.
THIBIERGES, - Le statut des sociétés étrangères, rapport du 57e congrès des
notaires 1959.
TUNC, - L'effacement des organes légaux de la société anonyme D. 1952.73.
VIANDIER, - La théorie des bénéfices et des pertes, jur. Cl. sociétés Traité
1978 fasc. 17.
VASSEUR, - Le problème des sociétés entre époux, RTD Comm. 1959,848.

447
VERDIER J. Maurice, - Droit des sociétés et con centration économique,
Mélanges Hamel 1961, 213.
VIDAL J. - Essai d'une théorie générale de la fraude en droit français D. 1957.
ZATZEPINE Alexandre. - La nationalité dans les Etats africains d'expression
Française et Madagascar. Rev. [ur. et Pol. d 'O.M. n° 4 - 1962 p. 455 à 476.
VI - JURISPRUDENCE
Ch. [ud = Chambre Judiciaire; Ch. An. = Chambre d'Annulation ; C. S. =
Cour Suprême; Cass. = Cassation française; C. E. = Conseil d'Etat; Tr. Corr.
= Tribunal Correctionnel; T. G. 1. = Tribunal de Grande Instance ;
Tr. corr. Libreville 7.02.1978 EDO ALLOGHO
Tr. corr. Libreville 14.04.1981 ASSOUMOU Thomas
Tr. corr. Libreville 1.04.1976 EZEMA NGUEMA Ignacio.
Ch. Jud. 14.03.1977 BOUCOUME ABDOU.
Ch. Jud 14.03.1977 MOHAMED OULD MOUJOU won.
Ch. [ud 14.02.1977 ISSA IBRAHIM.
Ch. [ud 06.08.1979 ARAMA ADJARA et DRAMANOU SAKARA.
Ch. [ud 10.04.1979 AMARA ADJARA et DRAMANOU SAKARA.
Ch. [ud 10.04.1979 ES AM/CID
Ch .Iud, 27.06.1977 GASSAMA MAMADOU.
Ch. An. AOF Arret n° 15 du 22.02.1951 MEDICKE. MBOUP c/ ASSINE ZEIDANE.
Ch. [ud. 03.03.1981 MBANG ONDO Albertine.
Ch. [ud 20.12.1972 BOUDZANGA Marie.
Casso 1.08.1823 S. 18231. 353.
Cass. Civ. 07.06.1826 S. 18261. 1330 Cass. 27.07.1948 D. 1948,535; Rev. 1949,75.
Cass. 22.12.1959 D. 1960,93; }CP. 1960. II.580; Rev. Crit. 1960.361.
c.E. 11.12.1972 Delle. BENZ R.C.DIP 1972, 1,67.
C.E. 16.01.1970 MIHOUBI Rev. Crit. DIP 197, 60 (recours contre l'expulsion).
C. Crim. 16.06.1936 GP. 1936.2.744.
C.Crim. 05.10.1967 D. 68 som. 24.
Paris 18.10.1955 R. 1956.484.
C. S. 18.02.1980 SCHEMBRI c/BERGE.
C.S. 24.11.1980 OBIANG Daniel c/SEZALORY.
C.S. 14.02.19770DIENDE c/CAILLEAU.
Tr. Corr. Libreville 27.12.1980 MBAYE LOUM.
Tr. Corr. Libreville 07.08.1980 FOURCHE François et GRIMALDI.
Tr. Corr. Libreville 22.11.1977 BERT Henri
Tr. Corr. Libreville 16.03.1972 MINKALA MBADINCA
CS. 29.05.1972; 22.11.1977 BERT Henri.
Ch. d'Accusation JOUMAS Polycarpe et consorts c/ MP 18.05.1973.
Tr. Corr. Libreville 27.05.1977 VILLA Phillipe.

448
Tr. Corr. Libreville 16.03.1972 YARO MATHEBA et CS 29.05.1972.
Tr. Corr. Libreville 27.05.1977 VILLA Phillipe.
Tr. Corr. Libreville 02.07. 1980 OlCKSON Alain et NDONG Pierre Marie
CS 4.07.1980 OlCKSON Alain et NDONG Pierre Marie
Ch. [ud. 30.07.1973 WALKER ANTCHOUE et WALKER ANGUILET c/ONANGA
OGANDAGA Reper. n° 37 de 1973 ..
T.G.I. Port-Gentil Ve BOUCHARD cl AMPONKELE Christine.
CS. Cameroun Oriental 14.02.1961, ESSOUGOU et NGAMAI Jeanne, Penant
1963.
Tr. Seine 7è Chambre 21.07.1967,. Courtois c/MEDOUMENZE RCDIP 1968, 294.
Casso Civ. 30.03.1971, MCAR, RCOIP 1971,459 notes Paul LAGARDE
JCP 1972. II.17101 notes Bruno OPETIT.
Paris 20.03.1944, FELDMAN et AUrIN, D. 1945,24 notes J. BASDEV ANT
T. Conflits. 23.11.1959, MAYOL ARBONA, D. 1960,224;
RCDIP. 1960, 180; KP. 1960.11.11.430
Tr. Civ. Nancy 16.04.1883 S. 1888.2.91.
Paris 17.05.1967, CCRMA,lCP. 1968.II.15.427.
Tribunal Seine 23.06.1965, CCRMA, GP. 1965.2.400.
Paris 19.05.19652, Banque OTTOMANE, RCDIP. 1967,84.
RTD Comm. 1967,322.
Alger 13.07.1951 JCP. 1952.11.7196.
Paris 4.02.1935 RCDIP. ] 935.816.
Paris 22.05.1965 FRUEHAUF, D. 1968.147.
Bordeaux 11.08.1857 D. 1858.2.59.
Nancy 5.02.1921 Clunet, 1921.956.
Besançon 25.01.1928 JCP. 1928, 530; DH 1928,613.
Civ. 20.02.1969 }CP. 1969.11.19147"
Cass.25.07.1933.5.1935.1.41.
Civ. 2e sect. 28.01.1954 JCP.1954.IJ.7.978.D. 1954,217.
Casso comm. 19.10.1959, industries électriques clGLENISSON, D. 1960.205.
Cass. Civ. 1.07.1930.I.D. 1931.1.97.
Paris 9.01.1952, le bon marché, D. 1952.383, notes TUNe.
Paris 21.05.1954 D. 1955 som. 8; Jep 1954.1I.8233.
Paris 18.01.1938 JCP. 1938,655.
Crim. 13.05.1892, le sens de Morsan cl MP.DP 1892.1.487.
Alger 2.01.1962, Marin cl époux BEDRENO, D 1962 som. 99.
Casso Crim. 17.10.1967 GP 1968.1.6; }CP.1968.II.15.412.
Cass; Crim 18.02.1976 B. n° 61.
Casso Crim. 10.11.]971 B n° 307.
Ch. [ud .. 14.08.1981, SAPLE-SOPARGA.
Cass. Comm. 8.11.1972 0.1973.753.
Casso Comm. 17.11.1970, BOUILLET cl Banque Populaire, DS. 1971.206.

449
~,
1 .
Casso 26.05.1983 BULL civ. IV n° 153.
Casso Crim. 12.04.1976 WILLOT c/ Bon Marché ]CP 1977.11.18.523.
Lyon 15.03.1903, L... (notaire) c/MAYER, D. 1904,257 notes THALLER.
DOUAI 21.12.1948 JCP. 1950.11.5798 3e esp;
Nancy 16.11.1961 ]cP. 1964.11.13.477, notes VOIRIN.
Casso Civ. 22.06.1976 D. 1977.619,
Montpellier 8.06.1982 DS. 1983,607.
Basse Terre 14.05.1973 Quot.lurid. 27.11.1973 n° 129-3.
TGI Libreville 12.11.1991, CNNI c/SOMICA, Rep. n° 104/91/92.
Cass. Civ. 22.06.1976, ALPHAZAN c/ Rhône Sud, D. 1977,619.
Cass. Crim. 18.11.1865, société des chasseurs de St. Valéry c/ LEROUX D.
1866.1.455.
Req. 15.04.1902, MILDE c/ "FISC", D. 1903.1.441.
Req. 25.04.1910, Electricité d'Aubenas c/ Abonnés, D. 1911, 473 notes NAST
Marcel.
Casso Ch. réunies 11.03.1914, caisse commune de MANIGOD, D. 1914.257.
Trib. Civ. Seine 19.01.1927, BENOIST c/ s.m.c. Pacifique, D. 1928.2.57.
*****************

450
INTITULES
PAGES
Tables Sommaires
1- II
Introduction
1
Ière Partie - La confrontation du droit gabonais avec le
phénomène de l'immigration étrangère
humaine
14
Titre I - Les données du conflit juridico-psychologique
interne engendré par l'établissement des étrangers
16
Chapitre I : De la détermination à la classification des
étrangers
17
Section 1- La détermination de l'étranger
18
§ I : Les étrangers dans le Gabon traditionnel
18
1- La désignation de l'étranger (OGHENDA-ONONGOMA)
19
2 - Le statut des étrangers (OGHENDA-ONONGOMA-OSAKA)
21
§ II : Les étrangers du Gabon de la colonisation
24
1 - Manifestations de l'immigration étrangère
24
2 - La portée de l'implantation étrangère
25
§ III : L'étranger du Gabon de demain
31
1- La position de principe
32
2 - La proposition dérogatoire du frère africain
34
Section II - La classification des étrangers
37

451
§ I : La méthode traditionnelle du privilège général
de l'étranger
38
A- La conception de la faveur générale
38
B - Les manifestations du traitement traditionnel
38
§ II : La classification depuis l'indépendance
41
A- La classification politique d'avant 1970
42
B - La classification administrative de l'ordonnance
de 1974
44
C - La proposition d'un rang socio-juridique
d'égalité de classement
45
Chapitre II : La jouissance des droits
49
Section 1- L'étranger et sa très confortable situation
matérielle
50
§ 1: L'étranger dans le domaine d'Etat
51
1- Les fonctions publiques
51
II - Les fonctions politiques
53
§ 2: L'étranger domine le secteur privé
56
1- Le désistement du national dans la création des
rapports d'affaires
56
II - La consécration du privilège d'être étranger
- Tableaux de corn paraison
59
Section II - L'état d'esprit de l'étranger n'est-il pas exces-
sivement rassuré ?
64
§ I : Le sentiment de l'étranger d'être indispensable
64

452
1 - L'utilité, sentiment légitime du travailleur
64
2 - L'exagération du sentiment utilitaire
65
§ II: La situation néamoins précaire de l'étranger
67
1 - La réaction violente ou la xénophobie primaire
68
2 - La réaction informelle ou la xénophobie moderne
70
Titre II - Essai de reconstruction de la jouissance des droits
de l'étranger et réflexions sur sa condition légale
72
Chapitre I : L'affirmation de la personnalité gabonaise
74
Section 1- L'affirmation par la technique de la nationalité
74
§ l : La nationalité déclarative
76
1 - Son fondement
76
2 - Son élaboration
78
3 - Son importance
79
§ II : La nationalité constitutive
81
1- L'apport de la loi de 1962
82
2 - Les appréciations critiques de la loi de 1962
85
Section II - L'affirmation par les attributs de la nationalité
92
§ I : La sauvegarde du legs culturel
93
1- La position extrémiste ou l'impossibilité
d'adopter une langue gabonaise
95
2 - La position des intellectualistes ou la langue
.
. .
ImagInaIre
95

453
3 - Les chances d'une langue nationale
96
§ II - La protection du patrirnoine socio-éconornique
100
1- Le besoin de substituer le principe de
réciprocité à celui d'égalité
101
A- Que repproche-t-on à l'art. 25 c. civ. gabonais
101
B - L'introduction de la clause de réciprocité dans
l'art. 25
104
II - Les espérances concrètes d'une réciprocité
normative
107
A- L'émigration est un droit naturel de l'étranger et du
national
108
B - L'établissement des étrangers, volonté de partager
la vie locale et excellente émulation du national
112
Chapitre II : Reflexions sur la condition légale de l'étranger
124
Section 1- L'étranger devant le droit de la repression
124
§ 1- La repression administrative
125
1 - Le refoulement de l'étranger
125
2 - L'expulsion de l'étranger
127
§ II - La repression judiciaire
135
1 - Les directives de compétence et leur fondement
135
2 - L'administration pratique de la justice
141
Section II - Des sources probables de conflits
151

454
§ I - Le problème du nom
152
A- Le droit interne du nom
152
B - Le nom en droit international gabonais
162
§ II - De jure connubii
166
A - Le connubium en droit interne gabonais
167
B - Le connubium en droit international gabonais
176
Conclusion Partielle
187
Hème Partie:
- Du droit des personnes morales établies dans
l'objectif du développement économique
et social du Gabon
192
Titre I : La diversité dans le statut politique des sociétés,
première difficulté du contrôle de l'activité
économique
203
Chapitre I : Le contrôle fondé sur la nationalité des sociétés
204
Section 1- A propos du concept de la nationalité des sociétés
205
§ 1- L'opinion favorable à la nationalité des sociétés
206
A- L'affirmation sèche de l'existence du concept
206
1°) Positivisme fondé sur la communauté des
personnalités juridiques
206
2°) Positivisme en dépit de l'impossibilité
d'exercer les droits civiques et politiques
207
B - L'affirmation ménagée de l'existence du concept
208
1°) Positivisme amoindri par l'imprécision ou
l'extrême rareté des textes
208
2°) Positivisme transactionnel
209

455
§ II - L'opinion défavorable et le point sur l'existence
du concept
211
A- L'expression de la contestation
212
1°) Rejet doctrinal pour surestimation de la
personne abstrai te
212
2°) Les faiblesses de la théorie de l'allégeance
politique des sociétés
215
B - L'état des lieux à l'issue de la confrontation
218
1°) La portée de la controverse
219
2°) L'impact du concept de la nationalité des
sociétés en droit gabonais
222
Section II - A propos de la détermination de la nationalité
des sociétés
231
§ I - Le survol de quelques cri tères subsidiaires
226
A- Les critères voisins de la conception contractuelle
233
1°) La loi d'autonomie et la détermination de
la nationalité
234
2°) L'option législative pour la nationalité
236
B - Les critères inspirés de la conception institu-
tionnelle
239
1°) Le critère de l'incorporation
240
2°) Le critère du lieu de constitution
242
§ II - Des critères principaux dits normaux
244
A- Le critérium du siège social
245
1°) Les données générales
245
2°) Le droit du siège social au Gabon
249

456
B - Le critérium du contrôle dans la détermination
de la nationalité des sociétés
254
1°) Le contrôle, critère sui generis
255
2°) Le contrôle économique, préoccupation
actuelle du Gabon
261
Chapitre II: Le contrôle d'origine administrative et
politique de l'établissement des personnes
morales
272
Section 1- L'agrément territorial
273
§ 1- La demande d'agrément
273
A- Les personnes assujeties
274
B - La procédure d'agrément et l'obtention de la
carte d'identité de commerçant étranger
275
§ II - L'appréciation de l'agrément territorial
277
A- L'intérêt de l'agrément
277
1°) Les difficultés lors de la prise de la décision
277
2°) Les difficultés relatives à l'efficacité de
l'agrément terri tori al
278
B - La valeur juridique de l'agrément
283
1°) L'agrément est-il un facteur de com-
mercialité du bénéficiaire?
283
2°) L'agrément territorial demeure-t-il une
simple condition d'accès à la profession?
285
Section II - L'agrément régional
286
§ l - L'obtention de l'agrément régional
287

457
A - Les bénéficiaires
287
a) Le principe directeur des candidatures
287
b) Les différentes catégories de bénéficiaires
287
B - La Procédure d'Agrément
288
1°) Les formali tés
288
2°) La décision d'agrément
289
§ II - Les effets de la convention d'agrément
290
A- Les effets positifs
291
a) Le respect de la convention d'agrément
291
b) L'octroi d'avantages particuliers
292
B - Les effets négatifs
293
a) Les risques du retrait de l'agrément
293
b) Les ambiguités d'application
294
Titre II - Uniformité dans le statut juridique des sociétés:
deuxième difficulté du contrôle de l'activité
économique
295
Chapitre 1 - La personnalité juridique et la mise en place
du patrimoine économique des sociétés
commerciales
298
Section 1 - A propos de la personnalité morale
300
§ 1 - La jouissance de la personnalité morale
300
A- Les règles d'existence de la personnalité morale
301
1°) Principe d'existence et question de la recon-
naissance des personnalités morales étrangères
301
2°) Modalités d'acquisition de la personnalité
juridique
305
B - Appréciation du rapport immatriculation et
naissance de la personne morale
309

458
1°) Immatriculation et constitution définitive de
la société
309
2°) Personnalité morale et obtention de l'agrément
313
§ II - Les fluctuations de la personnalité morale
317
A- L'exposé théorique des mutations sociales
317
1°) Les mutations par transformation
318
2°) Les mutations par dissolution
321
B - Quelques notes sur les mutations pratiques de
sociétés au Gabon
323
1°) Des mutations achevées
323
2°) Des mutations non achevées
326
Section II - La mise en place du patrimoine économique
des sociétés
332
§ 1- La réunion et l'évaluation du capital social
332
A - Classicisme dans la variété des apports
333
1°) Les apports en espèces
334
2°) Les apports en nature et les apports en
industrie
334
B - Mais particularisme dans la consti tution du
capital social
338
1°) La souscription intégrale du capital
338
2°) La libération du capital social
340
§ II - La cession à l'Etat de 10 % du capital social
347
A- Le mécanisme de la cession
348
1°) L'aspect doctrinal de l'ordo 41/72
348
2°) L'aspect matériel de l'ordo 41/72
350

459
B -La portée théorique de la cession
354
1°) L'effritement des règles de la cession
354
2°) La nature juridique du droit cédé à l'Etat
357
Chapitre II - Le profil de l'homme gabonais dans la
mise en place du patrimoine humain
des sociétés
359
Section 1- Son crédo : la prospérité de la sociétés
361
§ I - L'affectio societatis
361
1°) Les données de conception "unitaire"
363
2°) Les données de conception multiforme
366
§ II - A propos des fameux bénéfices de l'article 1832
du code civil
374
1°) Le bénéfice: sa notion et les notions voisines
375
a) - La conception privatiste du bénéfice
376
b) -La conception fiscaliste du bénéfice
384
2°) Le bénéfice: sa matérialisation et son sort
385
a) - Périodicité et calcul des bénéfices
SOCIaux
387
b) - Le sort des bénéfices sociaux
392
Section II - Son action: la maîtrise des sociétés
395
§ I - L'exposé de la fiche technique des différents
acteurs issus de l'émission des titres de société
396
1°) Les fondateurs
397
2°) Les actionnaires
402
3°) Les obligataires
404
4°) Les associés
407

460
§ II - L'exposé de la condition des animateurs de sociétés
416
1°) Approche théorique de l'administration et de
la gestion des sociétés
417
2°) Approche pratique de l'administration et gestion
des sociétés: les administrateurs
419
A- La situation dans les sociétés publiques
419
B - La situation dans les sociétés privées
423
1°) Choix des administrateurs
424
2°) Rémunération des administrateurs
426
3°) Remise en cause de la condition des
administrateurs
430
Conclusion générale
434
Bibliographie
439
Tables Analytiques
450
$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$