UNIVERSITE DE PARIS V - RENE
DESCARTES
SCIENCES HUMAINES - SORBONNE
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THE5E
POUR
LE
DOCTORAT
DE
3 e CYCLE
PRESENTEE PAR
WADE
IBRAHIMA
L'EVOLUTION DES fONCTIONS DE L'INSPECTEUR
DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE AU SENEGAL
DE 1903
A
1945
SOUS LA DIRECTION DE
1\\:'1. LE PROFESSEUR
ANTOINE LEON
1906

AVANT-PROPOS ET REI~ERCI E~IENTS
La recherche que nous avons entreprise dans ce travail
de thèse,
touche l'élucidation des formes concrètes et des con-
ditions d'évolution des fonctions de l'Inspecteur de l'enseigne-
ment dans la situation coloniale du Sénégal.
Par délà notre intérêt très vif pour cette profession
que nous exerçons au demeurant,
et pour l'Ecole Primaire en
général,
cette étude participe à l'éclairage de plages particu-
lières d'une histoire et d'une réalité sociale qui gagnaient à
être connues parce que nécessaires a l'analyse des situations
présentes.
Ce travail n'aurait jamais été possible si je n'avais
eu l'exceptionnelle chance de rencontrer le professeur A. LEON
qui,
non seulement
aura guidé nos premiers pas dans la recherche
historique, mais,
bien mieux,
a su nous communiquer
au cours
d'entretiens très denses et éclairants,
cette passion mesurée
pour l'histoire de l 'Education, sans laquelle notre intérêt
risquait de s'émousser.

-
4 -
INTRODUCTION
Si en France le XIXe siècle est celui d'une grande
révolution scolaire ponctuée de nombreux soubresauts,
et qui
tend
à certains moments,
à ouvrir une véritable guerre de reli-
gion,
les Colonies et le Sénégal en particulier, resteront à la
fois tributaires et indépendants de ces mouvements métropolitains.
Indépendants d'abord puisque les situations et les pro-
blématiques sont profondément différentes
i
ce que par ailleurs
les Gouverneurs Généraux et Gouverneurs se feront un devoir de
ne guère confondre.
Tributaires ensuite,
en ce que les techniques,
moyens
et savoir-faire des éducateurs métropolitains,
vont être dans
une large mesure,
compris dans le courant d'importation avec le
décalage qu'impose souvent la pauvreté des moyens.
Le thème de notre recherche,
l'Inspection de l'Ensei-
gnement
systématisée seulement au Sénégal à partir de 1903,
ap-
partient à ce courant avec un décalage de plus d'un demi-siècle
(1833-1903) .

-
5 -
L'analyse de la courbe de son évolution
qui va du
1-
début du siècle
(1903)
à la fin de la seconde guerre
(1945)
sera
sans doute,
l'occasion de mesurer les phénomènes de continuité
et de discontinuité,de recul ou de retour apparent,
qui ont pu
affecter
à un moment ou à un autre,
l'univers éducatif sénéga-
l
lais dans sa pratique de l'Inspection des Ecoles.
Au demeurant,
la tentation
peut-être constante et
insidieuse
qui conduirait à vouloir expliquer un système avec
~
les clefs et la logique d'un autre système,
fut-il même sa réfé-
rence de base. Aussi,
pour tenter d'échapper aux illusions réduc-
tionnistes,
conviendra-t-il,
à maints égards,
de prendre des
distances avec le modèle originel métropolitain et essayer de
montrer et d'expliquer du dedans même de la charpente institu-
tionnelle éducative sénégalaise,
l'originalité et la logique de
sa pratique de l'Inspection au début du XXe siècle.
C'est dire
combien il serait indispensable de mettre cette pratique en rela-
tion constante avec la situation politique,
économique,
sociale
ou idéologique de la colonie, qui seule,
s'avèrerait propre à
éclairer sa genèse.
Ces quelques réflexions sur l'effort épistémologique
et méthodologique qu'entraine l'étude historique de n'importe
quel thème psychologique ou pédagogique,
fondent,
comme préambule,
le choix d'une ligne de recherche,
qui entend s'attaquer au pro-
blème de la hiérarchie des compétences en matière de formation
et de contrôle des enseignants dans un pays sous tutelle coloniale.

-
6 -
Dans l'histoire plus concrète,
nous pouvons dire que
notre intérêt pour l'étude de l'évolution des fonctions de
l'inspecteur de l'enseignement au Sénégal de 1903 à 1945,
est né
d'une assez longue pratique professionnelle. En effet,
les fonc-
tions d'instituteur,
exercées pendant près de sept ans, nous
avaient d'abord fait vivre l'expérience d'une tension souvent
vive au contact. d'inspecteurs de l'enseignement
dont le vécu
culturel et éducatif plongeait ses racines dans les sources en-
core fraiches de la colonisation.
Plus tard
(1980-1981),
quand j'accédai à ces memes
fonctions d'inspecteur,
j'ai pu mesurer,
par une approche "autre"
de mes supérieurs d'hier
et collègues d'aujourd'hui,
la distance
qui sépare nos modes d'appréhension d'une même réalité - l'école -
qui,
pourtant,
n'a [vai t] guère changé.
Mais ~st-ce étonnant pourrait-on rétorquer quand on
sait que toute évolution est marquée par la coexistence et sou-
vent par le conflit d'idées ou de pratiques ayant connu leur
plein essor à des époques différentes? C'est là,
le lieu de re-
nouveler notre intérêt pour cette étude puisque
justement,
notre
attention se voudra toute tournée vers ces conflits qui opposent
nos pratiques,
mais surtout
nos idées ; et nous pensons que
cette opportunuité pourrait bien être saisie à partir d'une ap-
proche de dynamique socio-éducative coloniale qui,
nul doute,
permettrait une élucidation des contradictions socio-culturelles
et idéoloqiques d'une fonction -
l'Inspection -,
vécue dans les

-
7 -
moments les plus vifs qui ont précédé la deuxième guerre mondiale.
C'est dire déjà que,
non seulement nous privilégierons
une démarche davantage historique dont on devra tirer le fil
jusqu'au présent, mais qu'en outre,
i l nous incombera de ques-
tionner et de mettre en lumière les quelques idées-forces
tou-
X
chant de l'intérieur
la place de l'Education dans la dynamique
7
sociale globale,
Li~/le jeu d'ensemble des forces qui régissent
la vie d'un ensemble social pour comprendre ce qui s'y passe ou
ce qui Si y est passé J
Evoquer cependant cette dynamique globale ne contrain-
drait-il pas aussi à évoquer une mythique cohérence globale?
Michel FOUCAULT a clairement montré qu'il fallait abandonner la
prétention à vouloir saisir une histoire globale,
proposant qu'on
lui substitue le concept d'histoire générale
(1). Celle-ci,
en
effet,
seIT~le être seule à même de s'ouvrir à la discontinuit~
de rendre compte des fractures du système social,
des ruptures
de logique,
des affrontements et des contradictions. Nous accep-
terons donc la référence nécessaire à la dynamique globale pour
rechercher la clarification des rapports changeants
-
inspecteurs-enseignants,
inspecteurs-administrateurs et/ou
autorités politiques locales -,
au sein de la charpente institu-
tionnelle éducative,
dont l'effondrement autant que le surgisse-
ment n'ont cessé de surprendre ces quarante années durant
( 1903 -19 45) •
(1)
FOUCAULT
(M)
: L'archéologie du savoir. Paris,
Gallimard,
1969,
285 pages.

-
8 -
Le découpage chronologique de notre thème,
qui s'étend
sur une quarantaine d'années
(1903-1945)
procède de raisons à la
fois logiques et techniques .
. L'année 1903 se présente d'abord comme une date charnière. En
effet,
à ses possessions démesurément accrues au cours des dé-
cennies précédentes,
la France allait entreprendre de donner
'1
à cette date,
une organisation administrative qui en permit la
mise en valeur économique. Celle-ci devait supposer de la part
des populations indigènes,
une collaboration que seule l'Ecole
pouvait préparer et orienter. Trois arrêtés du Gouverneur
Général
(G.G.)
ROUME,
en date du 24 novembre 1903, déterminèrent
dans cet ordre d'idées,
les grandes lignes d'un enseignement
primaire commun à toute l'Afrique àccidentale française,
et
créèrent les cadres du personnel dont celui du corps de con-
trôle,
objet de cette présente étude.
Quant à l'année 1945,
son choix relève surtout de raisons tech-
niques.
En effet,
les répertoires des archives du Sénégal où
nous aurons passé la moitié de notre temps,
ont été pour
l'es-
sentiel,
arrêtés à la date de 1920 qui semblait,
pour l'archi-
viste Jacques CHARPY,
"marquer le début d'une évolution plus
marquée de la politique française en A.O.F.,
et par suite,
cor-
respondre à des modifications institutionnelles prononcées
(1).
Depuis,
des efforts ont été certes menés pour continuer l'oeu-
vre entamée sous CHARPY i
mais,
par manque de moyens aussi bien
(1) Jacques CHARPY : Dakar,
7 décembre 1954 - Tract de 4 p.
in-
séré dans le répertoire de la Série G.
(rapports politiques
et administratifs).

-
9 -
matériels que humains sans doute,
nombre d'archives postérieu-
res à 1920,restent encore inaccessibles. Par exemple,
la
Série J
(enseignement,
cultes et beaux arts)
entièrement réper-
toriée jusqu'en 1920,
est prolongée par une nouvelle série a,
qui,
pour l'essentiel ne demeure accessible que jusqu'en 1945
au surplus,
la chronologie à l'intérieur de cette série n'est
que grossièrement respectée,
avec très souvent des lacunes dans
la cotation. Pour avoir accès aux documents postérieurs à cette
date,
i l nous aura fallu la compréhension et la diligence des
responsables des archives du Sénégal,
puisqu'à ce jour, nombre
d'entre eux ne sont pas encore classés.
Compte tenu de l'impératif-temps, mais aussi des difficultés
d'accès à certains documents nécessaires à l'élaboration de
notre travail,
nous avons finalement décidé de nous limiter a
l'année 1945 qui,
plus est,
constitue une autre date charnière
puisque annonciatrice de la décolonisation informelle que la
France et les Territoires d'Outre-Mer ont vécue sous le signe
de "l'Union Française".

-
10 -
l
- PRESENTATION DES PRINCIPAUX TRAVAUX RELATIFS A L'INSPECTION
Jusqu'en 1968, il semblait y avoir une conspiration du
silence autour de la question de l'inspection, tant les travaux
étaient rare~
voire même inexistants.
'{
Les seuls travaux qui ont pu être menés tout le long
de la seconde moitié du 1ge siècle,
étaient pour la plupart des
"Vade-Mecum"
(sortes de bréviaire) qui s'adressaient prioritaire-
ment aux aspirants à la fonction d'inspecteur;
il fallut atten-
dre la vague de contestation consécutive aux grèves de 1968,
mais
aussi et surtout,
la percée des sciences de l'éducation, pour
voir des travaux menés autour des finalités de l'inspection et de
son impact sur les enseignants et l'enseignement en général;
dès
lors,
le rôle de l'inspecteur
en tant qu'aspect particulier de
l'exercice de l'autorité, a pu
d'études et de recherche.
Synthèse des études antérieures
Les premiers travaux qui remontent déjà à 1830,
étaient
des études ponctuelles qui cherchaient d'abord à donner le maxi-
mum de renseignements aux enseignants qui se préparaient à l'exer-
ci ce de la fonction d'inspecteur; dans cet ordre d'idées,
les
modalités d'accès au corps,
les avantages matériels ou moraux
qu'il procurait et les tâches à accomplir après leur entrée en

-
I l -
lice,
se partageaient l'étude.
C'est peu à peu que l'accent va
être mis sur les aspects suivants de la fonction d'inspection:
. L'ambiguité du rôle: L'inspecteur assure a la fois deux fonc-
tions apparemment contradictoires
La fonction de contrôle d'une part,
qui consiste à rendre
compte à l'administration centrale des déviations par rapport
aux normes et d'autre part,
la fonction pédagogique qui con-
siste quant à elle à conseiller le maitre,
à lui apporter
une aide efficace en vue d'assurer un meilleur rendement à
l'acte éducatif.
Ces deux fonctions cohabitent presque toujours et donnent sa
substance aux discours de l'inspecteur même si l'équilibre
reste souvent difficile à établir.
. La rigidité de la relation hiérarchique entre inspecteur et
inspecté :
En faisant peser la présence transcendante de l'administration
et en exerçant la pression bureaucratique à travers sa fonc-
tion de contrôle,
l'inspecteur a tendance à être vu par les
maitres comme une autorité arbitraire,
susceptible de porter
atteinte à leur personnalité i
situation d'autant plus doulou-
reuse que la rigidité de la relation inspecteur-inspecté
s'exerce à sens unique,
du premier vers le second qui doit
prendre comme telles les observations de l'inspecteur sans
discuter ni rechigner.
Evidemment,
cela entre en contradiction
flagrante avec l'autre discours de l'inspecteur,
celui-là même

-
12 -
pédagogique et qui tend à combattre la rigidité du modèle de
formation des élèves par une tendance adaptative de plus en
plus exigeante,
faisant appel aux méthodes actives qui privi-
légient avant tout,
la discussion au sens positif du terme et
l'échange entre les divers partenaires éducatifs .
. L'Inspection comme source d'insécurité pour les enseignants.
Si les enseignants reconnaissent à l'inspecteur son statut de
"spécialiste" de la pédagogie conquis de haute lutte par un
concours-sélection et une formation des plus appropriées,
ils
refusent néanmoins à l'inspection sa valeur de jugement. En
effet,
non seulement en les jugeant,
l'inspecteur les met dans
la situation de l'élève,
mais en outre,
ils estiment
à
juste
titre
que la rareté des visites,
qui ne dépassent guère une
demi-journée de classe,
ne saurait déboucher que sur un juge-
ment arbitraire.
Ce n'est donc pas la personne de l'inspecteur
(aide-pédagogi-
que)
qui se trouve contestée par les maitres, mais c'est plu-
tôt le personnage
(juge ... ) que les enseignants récusent.
Enfin,
la place de l'inspecteur dans la hiérarchie administra-
tive,
fait de lui un personnage d'autorité; et cette autorité
est d'autant plus insécurisante qu'elle s'exerce en dehors de
la volonté des enseignants et surtout,
en la présence de ceux
sur qui s'exerce d'habitude l'autorité même de l'enseignant,
c'est-à-dire
ses élèves.
C'est dans ce sens que G.
VINCENT
(les professeurs du second

-
13 -
degré,
A.
Colin,
1967,
p.
246)
comparant l'inspection dans
l'enseignement à celle existant dans les autres professions,
a pu écrire:
"Dans toutes les professions,
l'inspection existe
ce qu'il y a de particulier dans l'inspection
du professeur
c'est qu'elle le replace dans la situation de l'élève,
qu'elle
le renvoie de l'autre c6té de la chaire, et ,ceci,
devant ses
propres élèves" . Cette situation,
anxiogène au possible,
se tra-
duit par un sentiment d'isolement,
d'insécurité et parfois
d'agressivité latente orientée cette fois vers l'inspecteur,
et qui,
ne pouvant atteindre sa cible réelle,
peut être déviée
sur les élèves inconsciemment. C'est dire qu'il y a peut-être
une homologie des relations au sein de l'ensemble inspecteur,
inspecté et élèves et que la qualité de l'une
(inspecté-élèves)
est souvent fortement tributaire de l'autre
(inspecteur-inspec-
té) .
2°)
Les travaux de recherche
Dans une enquête par questionnaire auprès de maitres,
et portant sur la relation inspecteurs-inspectés,
F. GARNIER et
A.J.
PAYA
(La relation inspecteur-inspectés,
Mémoire de Maitrise,
Université de Lyon,
1970-1971, non paginé)
remarquent que l'ins-
pecteur est vu comme celui qui sanctionne et par conséquent,
exerce une influence sur le déroulement de la carrière des ensei-
gnants.
Les maitres enquêtés soulignent le caractère arbitraire
et à sens unique de la relation,
ce que les auteurs expliquent
par l'absence de contacts
"collégiaux" avec l'inspecteur et

-
14 -
"l'obligation de la sanction par la note dont ce dernier est
investi". Pour améliorer la relation pédagogique,
ils en con-
cluent que l'inspecteur devrait non seulement être issu du corps
1
des instituteurs, pour être à même de comprendre les problèmes
spécifiques au premier degré de l'enseignement,
mais
ses quali-
'1
/
tés morales devraient être grandes et même supérieures à ses qua-
lités purement techniques.
Dans une autre étude, P.
FERRAN
(Les inspecteurs dépar-
tementaux de l'éducation nationale, attributions,
style d'auto-
rité,
Thèse de doctorat de 3e cycle, Paris,
Sorbonne,
1973)
souligne le rapport existant entre les différents niveaux de
recyclage des inspecteurs et leurs conceptions de l'autorité.
Il
a pu alors remarquer qu'en fonction de ce degré de recyclage:
. Le temps consacré à la visite en classe augmente
. La nature de l'entretien qui suit la visite s'oriente vers des
problèmes autres que professionnels et aborde des sujets per-
sonnels ;
Enfin,
les critères administratifs sont moins pris en considé-
ration dans la détermination de la note chiffrée.
Concernant l'animation et la rénovation pédagogiques,
l'auteur note qu'au fur et à mesure que l'on avance dans les
catégories de recyclage,
l'inspecteur est de plus en plus centré
sur les problèmes d'attitudes et non pas de contenus
; et

-
15 -
certains d'entre eux,
parvenus au plus haut niveau de recyclage,
restent toujours favorables aux contacts,
à la collaboration et
à la co-responsabilité entre les martres et eux-memes.
Plus récemment enfin, J. VOLUZAN
(L'Ecole primaire
jugée, Larousse,
1975,
135 p.),
dans une étude psychosociale et
linguistique très originale,
a tenté de "saisir le modèle du pro-
cessus éducatif dans le rapport d'inspection,
au niveau de la
transmission des normes pédagogiques officielles".
"Les rapports
livrent implicitement le modèle de la relation d'inspecteur à
inspecté commandée par la transmission hiérarchique,
mais aussi
celui de la relation du maitre à l'élève telle qu'elle est con-
çue dans l'optique officielle"
L'hypothèse de leur similitude
dans un système centralisé et cohérent va inspirer sa recherche.
Ainsi,
dans une première approche,
VOLUZAN s'attache à
montrer qu'en s'adressant au maitre par le moyen du rapport,
l'inspecteur opère une sorte de fusion entre la relation hiérar-
chique et la relation pédagogique;
de plus,
le mode de trans-
mission rigide et unilatéral,
l'intervention rectificatrice de
l'inspecteur,
réduisent le martre à un exécutant s t r i c t ; dans
ces conditions,
le rapport a pour fonction de "renseigner" et
"d'enseigner" .
Il renseigne d'abord l'administration du degré de con-
formité du maitre aux normes officielles,
et enseigne le maitre
à enseigner; mais cet enseignement est synonyme ici,
d'imposi-

-
16 -
tion de jugements qui visent essentiellement à imprimer une cer-
titude dans l'esprit du maitre, et donc,
à fuir l'échange vivant
qui devrait caractériser leurs relations.
Dans une seconde approche,
VOLUZAN aborde l'étude de
la relation maitre-élève à travers les mêmes comptes-rendus d'ins-
pection ; cela lui permet de dégager le modèle éducatif dominant
véhiculé par les instructions officielles dont l'inspecteur est
dépositaire. L'image directrice qui se dégage de l'acte éducatif
ainsi valorisé,
correspond à
"l'imposition" des valeurs dominan-
tes et à l'objectif d'un "rendement normalisé". C'est dire l'é-
troite liaison,
la grande similitude existant entre le modèle
administratif et le modèle pédagogique traditionnel.
L'auteur conclut par un constat morose:
En effet,
au
cours des vingt années
(1949-1969)
pendant lesquelles les rap-
ports analysés ont été écrits,
le modèle culturel primaire ne
siest que très peu transformé,
et conséquemment,
la rigidité tra-
ditionnelle des fonctions de l'inspecteur n'a guère été ébranlée;
aussi,
convient-il de redéfinir ces fonctions parallèlement à
l'évolution connue aujourd'hui des sciences et singulièrement
des sciences de l'éducation,
grace auxquelles,
l'étude de la
"relation pédagogique" s'est largement affinée.
Cet examen rapide des articles, ouvrages et travaux de
recherche,
montre une insistance particulière des auteurs,
sur
l'ambivalence des fonctions de l'inspecteur et ses conséquences

-
17 -
sur le vécu éducatif et psychologique des inspecteurs,
des mai-
tres et du groupe-élèves à un moindre degré. La relation pédago-
gique
ainsi
incidemment
valorisée dans l'acte éducatif,
pro-
cède d'une re19tion triangulaire exclusive et à sens unique;
ces travaux au demeurant,
pour précieux et importants qu'ils
aient été,
restent malgré tout assez limités au regard de la
multiplicité de variables dont peut s'enrichir la situation sco-
laire,
et qui participent à l'élargissement du champ' de la rela-
tion pédagogique ainsi décrite.
Le travail que nous introduisons ne s'oriente pas dans
cette direction de recherche et ne procède pas d'une approche
psychopédagogique exclusive du thème de l'inspection;
il sera
avant tout d'ordre institutionnel et touche l'élucidation des
formes et conditions d'évolution des fonctions de l'inspecteur
de l'enseignement dans la situation coloniale.
Il devra permettre
de répondre à un certain nombre de questions liées d'une part à
une situation coloniale
spécifique,
celle du SénégaJ
entre
1903 et 1945,
et d'autre part,
à la nature même de notre thème
d'étude: L'inspection.
-
Quelle est la signification du concept de l'inspection appliqué
à une situation coloniale?
-
Comment et que devient le système d'inspection importé de la
métropole dans le contexte colonial sénégalais ? Y-a-t-il eu
des résistances locales par rapport à ce système? Si oui,

-
18 -
pourquoi ? Et quelle fut leur nature ?
- Quelles fonctions ont pu remplir les inspecteurs et comment se
produisent les continuités,
les ruptures d'une génération à
l'autre et d'une époque à llautre ?
-
Enfin,
en quoi le système "sénégalais" se distingue:..t-il de
celui des autres colonies du groupe de lIA.O.F.
et de la mé-
tropole ? Le cas échéant, quelles sont leurs similitudes?

-
19 -
II - QUESTIONNEMENT ET PROBLEMATIQUE DE DEPART
A partir d'une étude qui entend s'attaquer au problème
de la hiérarchie des compétences en matière de formation et de
contrôle des enseignants dans un pays sous domination coloniale,
on peut se poser
dans le cadre temporel qui nous intéresse, deux
grandes séries de questions
:
La première concerne dans la problématique de
Fanny COLONNA
(1),
la relation existant entre les fonctions de
l'Ecole Coloniale au Sénégal et celles des enseignants,
singu1iè-
remeBt
celles des Inspecteurs.
Y-a-t-i1 toujours eu un principe d'isomorphisme entre ces deux
fonctions ? Quels sont les facteurs de continuité,
les relais
d'une génération à l'autre et d'une étape historique à l'autre?
Comment se produisent les discontinuités,
les ruptures? Ces
questions posent incidemment,
le problème du rapport entre les
"opérateurs sociaux" -
les inspecteurs par exemple,
pour ne citer
qu'eux - et les
"rapports sociaux" au sein du sous-groupe ensei-
gnant où les conflits d'intérêt restent prévisibles?
Dans une autre approche,
on parlera du rapport du
pouvoir et du savoir.
Le Savoir
(comme ensemble de données d'informations
prenant forme et force en tant que représentation et mise en
(1)
COLONNA
(F)
:
Instituteurs alqériens
(1833-1939),
Paris,
Presse de la Fondation des Sciences Politiques.
1975,
240 p.

-
20 -
oeuvre d'un "système du monde" proposé à l'individu et l'inté-
grant dans un modèle socio-culturel exprimant un système social),
et le pouvoir
(comme ensemble de pratiques permettant à un indi-
vidu,
s'intégrant à un groupe,
de transformer son savoir en
"conduites",
"production",
actions répondant à ses besoins de
tous ordres et à ceux du groupe auquel il appartient).
Comment l ' inspecteur traduisait-il. ces deux concepts
à travers ses fonctions? A travers quelle dynamique en faisait-
il usage ?
La seconde série de questions concerne,
dans la ligne
de la problématique de A.
LEON
(Introduction à l'histoire des
faits éducatifs,
P.U.F.,
1980),
l'étude du statut,
des fonctions
et de l'image des Inspecteurs au Sénégal de 1903 à 1945 .
. En quoi
et comment,
l'analyse historique de ce statut et de
cette image permettrait-elle de rendre plus transparentes les
relations entre les caractéristiques de la société sénégalaise
sous domination coloniale et les fonctions assignées à l'école
et par devers,
aux inspecteurs de l'enseignement?
. Existe-t-il des enquêtes directes et systématiques sur les
représentations qu'administrateurs,
hommes politiques ou en-
seignants se faisaient des fonctions de l'Inspecteur de l'en-
seignement ? Le cas échéant,
qu'apportent ces témoignages à
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l'éclairage de la problématique de l'~~~n -~t de l'Ecole
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-
21 -
Sur un tout autre registre,
l'étude de l'évolution des fonc-
tions de
l'inspecteur sera aussi menée à travers les témoi-
gnages indirects qu'apportent les lois,
les règlements,
les
débats d'assemblée ou les monographies d'établissement; et
l'analyse de leurs données participe de cette même probléma-
tique .
. Si le recrutement et la formation des inspecteurs ont existé
à un moment ou à un autre,
cela nous offre un troisième axe de
recherche à propos duquel se posent naturellement certaines
questions ; par exemple
Quand,
comment et dans quelles con-
ditions a été construit ce système de recrutement et/ou de
formation ?
Nous nous rappellerons ici que,
subordonnées aux exigences de
la société,
les tâches confiées aux inspecteurs commandaient
nécessairement la nature de leur formation et les critères de
leur recrutement .
. Enfin,
et plus généralement,
on s'interrogera sur le rôle
qu'initialement
les inspecteurs étaient appelés à jouer;
ce
rôle a-t-il pu varier? Si oui,
comment? Et qu'est-ce-qui
explique cette évolution? Autant de questions en tout cas
qu'il faudra essayer de cerner non dans la généralité, mais
dans le détail d'une analyse des sitUations priviléqiées
qu'offre souvent toute recherche historique. Ainsi,
nous nous
intéresserons tout particulièrement aux conséquences d'événe-
ments politiques et économiques importants liés par exemple à

-
22 -
la Constitution du Gouvernement Général de l'A.O.F.
et de ses
principaux services dont celui de l'Instruction publique
(1903)
à la crise économique mondiale
(1929-1930)
; enfin,
nous ne
manquerons pas de saisir l'opportunuité qu'offre l'analyse des
restructurations et réformes qui affectèrent le service de l'é-
ducation pendant ou après chacune des deux guerres.
En tout état de cause,
nous pensons qu'en analysant
incidemment une société qui a subi des mutations profondes autant
par l'effet d'une dynamique interne,
que d'une dynamique externe,
en s'attachant à l'étude des étapes les plus significatives de
ces mutations,
on devrait pouvoir mieux saisir la dialectique
entre les forces de résistance et d'inertie, et les forces de
changement qui jalonnent l'évolution des
fonctions de l'inspec-
teur de l'enseignement au Sénégal de 1903 à 1945.

-
23 -
III - APPROCHE METHODOLOGIQUE
Nous ne nourrissons pas d'autres ambitions ici,
que de
tracer les grandes lignes d'une approche qui devrait permettre
d'avoir une vue d'ensemble de nos desseins. Nous réservons
l'exposé de nos méthodes d'analyse au fil
des chapitres chaque
fois que cette nécessité se fera sentir.
Les réponses à notre questionnement peuvent être justi-
ciable~ d'approch~s multiples se rapportant soit à l'organisation
de l'inspection ou à son fonctionnement,
soit à la pratique ef-
fective des inspecteurs.
Au demeurant,
peut-on rendre compte efficacement de
cette organisation ou de cette pratique sans faire référence au
contexte pédagogique qui les a sécrétées ou à la situation poli-
tique,
économique, sociale ou idéologique propre à éclairer leur
genèse ? Cette considération méthodologique fonde notre démarche
qui veut s'attacher, pour chaque époque,
à pratiquer une "coupe
horizontale" dans le système social pour analyser d'abord :
. L'histoire et le système politique qui permettent de situer les
événements-repères dans le jeu du Pouvoir colonial,
de rn~me que,
L'histoire et le système éducatif, c'est-à-dire,
la mise en
pl ace de la "machinerie culturelle".
Non seulement ces analyses procèdent de l'impérieuse
nécessité de constituer des schémas de référence indispensables

-
24 -
à l'approche historique de notre thème,
mais en outre,
elles per-
mettent de faciliter le passage vers des synthèses transversales
qui ont l'intérêt de placer l'étude de nos données à l'intérieur
de différentes séries historiques.
Certes,
des travaux nombreux et précieux à la fois,
existent et qui devraient nous permettre de faire l'économie de
ces détours systématiques; mais,
ils n'éclairent que des plages
parfois plus larges et parfois plus étroites de l'histoire et de
la réalité sociale de l'Ecole Coloniale Sénégalaise,
sans parve-
nir toutefois à nous faciliter l'accès à toutes les données dont
nous aurons besoin. Aussi,
sommes-nous tentés de dresser d'abord
un tableau d'ensemble des références historiques indispensables,
en puisant dans les travaux déjà réalisés certes, mais le plus
souvent,
en nous efforçant de combler leurs vides au regard de
notre thème,
par un accès direct sur certaines sources
:
archi-
ves officielles,
études et essais sur l'inspection dans d'autres
pays,
témoignages écrits et oraux de quelques figures de l'épo-
que . . .
Toutes ces sources sont identifiées et citées au cours
de notre étude qui s'attache prioritairement à l'analyse sérielle
de ces corpus de documents avec un constant souci de les rendre
homogènes au possible.
- Cette tâche n'a pas toujours été facile;
et bien sou-
vent,
les lacunes et difficultés liées à l'absence d'une documen-

-
25 -
tation pertinente,
nous ont conduits à certaines impasses que
nous avons essayé de contourner en opérant à des choix pas toujours
convaincants
; par exemple
:
Devant l'impossibilité de disposer de séries homogènes de don-
nées,
i l nous a fallu faire appel à des sources très variées
de documentation,
qui expliquent en passant,
la très vaste
bibliographie que nous avons présentée
(annuaires statistiques
divers,
journaux officiels,
publications et revues périodi-
ques
. . . ). C'est ce qui justifie aussi,
en partie,
le caractère
fragmentaire de certains renseignements que nous avons
tenus
à donner néanmoins tels quels.
Dans le calcul des pourcentages mettant en jeu la valeur de la
population scolarisable,
nous nous sommes écartés des statisti-
ques officielles au mieux,
en adoptant l'estimation admise et
pratiquée par l'Unesco,
selon laquelle,
cette population se
calcule en prenant 20 % de la population totale
(au lieu de
15 % dans les statistiques officielles).
Pour permettre le calcul de la population scolarisable des
années pour lesquelles on ne dispose pas de chiffres de la
population globale,
il a fallu faire appel à la notion d'ac-
croissement moyen de la population globale entre les dates pour
lesquelles on disposait des chiffres connus et pratiquer une
interpolation linéaire.
Les effectifs scolaires sont de la meme facture et n'ont pas
souvent grande signification;
en effet,
leurs totaux résultent

-
26 -
résultent de l'addition d'éléments hétérogènes au possible qui
mettent sur un meme plan,
les élèves et les adultes fréquentant
les cours du soir par exemple
de plus,
ils ne tiennent pas
compte des redoublements ni des défections multiples survenues
en cours d'années pour diverses raisons. Aussi,
les chiffres
que nous donnons,
pour officiels qu'ils soient,
doivent-ils
être considérés comme des données approximatives,
suffisantes
au demeurant pour l'usage que nous en ferons.
- L'analyse des textes nia pas non plus été exempte de difficul-
t é s ;
en effet,
peut-on mettre sur un même plan, un journal,
un
mémoire,
une correspondance ou une circulaire administrative?
Certes,
nous n'avons pu nous résoudre à réunir en un matériau
unique,
l'ensemble de ces documents pour des raisons évidentes
de pertinence quant à leur étude scientifique. Mais, pouvions-
nous aussi,
sous prétexte de vouloir constituer uniquement des
séries homogènes,
élaguer l'un ou l'autre de ces documents qui
pouvait offrir matière à étude et qui,
plus est,
essentielle
le plus souvent à l'approfondissement de notre thème?
Au risque de nous faire reprocher une certaine absence de ri-
gueur dans notre démarche,
nous n'avons pu nous empêcher de com-
pléter,
par exemple,
l'analyse des textes officiels concernant
le recrutement des inspecteurs par des commentaires émanant
certes
d'une personne "autorisée"
en l'occurence,
l'Inspecteur
général de l'enseignement,
mais dans un contexte particulier en
ce sens que son discours n'engageait que lui-même
parce que,

-
27 -
appartenant à sa production littéraire.
La comparaison synchronique entre le Sénégal et les autres
colonies du groupe de l'A.O.F. n'a pas été poussée au mieux,
faute d'une documentation suffisante qui aurait nécessité
au
demeurant,
un déplacement dans leur dépôt d'archives; quant à
la métropole,
si les problèmes ne sont pas du même ordre que
les précédents,
la démesure des recherches que cette comparai-
son aurait nécessité a limité cet objectif;
c'est pourquoi,
nous nous SOIT~es contenté le plus souvent à apprécier les
décalages dans ce que les deux systèmes pouvaient présenter
comme similitudes.
- Nous mettrons l'accent pour terminer, sur l'une des composantes
de notre appui documentaire
qui nous semble à la fois,
impor-
tante et insuffisante;
il s'agit des rappor~s d'inspection
auxquels un certain nombre de travaux déjà ont contribué à
donner leur poids et leur portée dans la méthodologie d'appro-
che des pratiques éducatives.
L'étude de ces rapports devait permettre d'une part,
de dépas-
ser les limites d'une analyse qui
pour l'essentiel, s'appuie
sur les textes officiels de l'institution scolaire,
et d'autre
part, offrir l'occasion de mesurer les décalages temporels
entre le "dire" des instructions officielles et le "faire" des
inspecteurs.
Malheureusement,
le mince corpus à notre disposition, qui
au
surplus,
ne couvrait qu'une infime partie de l'espace

-
28 -
historique de notre thème,
n'a pu répondre à nos attentes ini-
tiales. Les perspectives comparatives entre la métropole et la
colonie par exemple,
qu'aurait permis l'étude de cette documen-
tation pour peu qu'elle ait été complète et pertinente, n'ont
pu être appréhendées qu'à travers l'étude des textes; pour ces
mêmes raisons,
nous ne sommes jamais arrivé à faire la part des
choses entre ce qui est proclamé,
souhaité ou effectivement
appliqué quant aux fonctions remplies par les inspecteurs
;
c'est dire que l'étude de l'évolution de ces fonctions procède
quasiment,
du seul plan des idées et conséquemment,
mérite
d'être nuancée. Mais cela altère-t-il notre démarche analytique
initiée dans le seul but d'enrichir nos tâtonnements explora-
toires ?
L'inspection de l'enseignement ayant été essentielle-
ment une création de l'administration locale,
il nous a paru
logique d'en rechercher les développements à travers les cadres
chronologiques qu'elle lui a fournis.
A ce titre,
deux dates
- 1903 et 1930 - se sont imposées à nous comme pouvant être assez
significatives et qui justifient la division de notre étude en
deux grandes parties
la première consacrée à l'organisation de
l'inspection de 1903 à
1930,
la deuxième à son développement de
1930 à 1945. L'année 1903 se présente comme une première date
charnière; en effet,
lorsqu'à cette date,
les Frères de
Ploërmel quittent les classes sénégalaises emportant leur cruci-
fix,
ils laissent la place à des instituteurs français
formés

-
29
-
à l'idéologie de Jules Ferry et qui s'installent,
avec leurs
moyens, Lcclllliques et savoir-faire importés de la Métropole.
L'inspection de l'enseignement appar~ient à ce courant d'importa-
tion ;
mais,
les difficultés soulevées localement par la mise en
place de cette institution,
feront naitre des contradictions
(quant aux r6les à assumer par les inspecteurs)
et des ph~nom~nes
de retournement
(liés à la spécificité de la situation coloniale)
qui se traduiront jusqu'en 1930,
par des modifications,
r~formes
et reprises.
Ces situations fondent l'articulation de cette pre-
mi~re partie autour de trois chapitres et justifient en même tempE
SOI
titre.
Si cette premi~re partie a pu apparaitre comme étant
essentiellement une ouverture sur le syst~me p~dagogique, - orga-
nisation en 1903,
réorganisation en 1908,
réorie'ltaLion en
1913 ...
-
la deuxi~me partie s'annonce quant à elle,
comme une
ouverture sur le syst~me politique. L'année 1930 qui en constitue
la limite inférieure,
est une autre date
charnière qui marque
l'entrée d'une nouvelle ère,
dictée par des nécessités de politi-
que écononlique cons~cutive à la grande crise.
Cette année inau-
gure une autre conception de l'Ecole Coloniale et partant de
l'inspection,
se distinguant de celle des années précédentes par
les objectifs qu'elle poursuit -
économiques et non culturels -,
par les modèles qu'elle véhicule -
Ecoles des masses et non éco-
1e.5 des cadres et des auxili!aires -,
mais aussi par la modulation
nécessaLre du discours de légitimation qu'elle répand.

-
30 -
Pour comprendre la place de l'inspection de l 'enseigne-
ment dans ce schéma d'ensemble,
analyser la courbe de son évolu-
tion qui s'achève en 1945,
nous distinguerons ici aussi trois
chapitres. Le tableau d'analyse ainsi bâti en triptyque autour
du contexte socio-économique et politique,
de l'environnement
pédagogique et enfin de l'inspection à proprement parler,
parti-
cipe d'une part à dénouer la problématique de l'inspection pen-
dant cette période et d'autre part,
doit permettre de faciliter
notre effort de structuration et de synthèse d'une histoire du
statut,
des fonctions et de l'image des inspecteurs de 1930 à
1945.

-
31 -
REPERTOIRE DES SIGLES
l
- DEPOTS D'ARCHIVES
A.N.S.O.M.
Archives Nationales,
Section Outre-Mer
27,
rue Oudinot -
PARIS.
A.R.S.
Archives de la République du SENEGAL.
II - BIBLIOTHEQUES
B.A.N.S.O.M.
Bibliothèque du service des archives
de la rue Oudinot - PARIS.
B.A.R.S.
Bibliothèque du service des archives
du SENEGAL - DAKAR.
B.N.
Bibliothèque Nationale -
PARIS.
III - DE QUELQUES MOTS
F.P.
Front Populaire
G.G.
Gouverneur-Général
J.O.
Journal Officiel
L.G.
Lieutenant-Gouverneur
R.C.
Renseignements Coloniaux

-
32 -
SOURCES &BIBLIOGRAPHIE
l
- SOURCES MANUSCRITES
Jusqu'en 1920,
statistiques scolaires,
rapports d'Ins-
pection,mémoires sur l'école
furent envoyés et centralisés
au Gouvernement Général ayant son siège à Dakar,
capitale admi-
nistrative de l'A.O.F .. Mais après cette date,
toutes ces pièces,
qui constituaient une source importante, allaient rester dans les
chefs-lieux des colonies du groupe de l'A.O.F.,
qui purent dès
lors,
composer leurs propres fonds d'archives. La Colonie du
Sénégal,
à l'instar des autres,
ouvrira son dépôt à Saint-Louis,
son chef-lieu. C'est dire que nous avons été amené à consulter
deux fonds d'archives qui,
à bien des égards,
se complètent:
celui de l'A.O.F. pour les documents antérieurs à 1920 et celui
du Sénégal plus communément appelé Fonds de Saint-Louis pour les
documents postérieurs à cette date.
Il convient d'ajouter au de-
meurant,
que depuis l'Indépendance du Sénégal en 1960,
ces deux
fonds sont conservés dans le même dépôt
: les archives de la
République du Sénégal,
sises au bulding administratif à Dakar.
1°)
Fonds de l'A.O.F.
Ce fonds a été formé à Dakar,
au temps du Gouvernement
Général de l'A.O.F.,
de collections historiques hétéroclites où

-
33 -
furent réunis divers documents provenant de tous services et bu-
reaux.
Ces documents,
antérieurs à 1920 et entièrement classés,
ont fait l'objet d'un répertoire publié de 1954 à 1958 par
Jacques Charpy et Claude Faure.
Ces dossiers,
d'épaisseur très variable,
composent le
fonds
et chaque dossier contient plusieurs chemises à l'inté-
rieur desquelles figurent parfois jusqu'à une centaine de pièces
sans autre cotation que le numéro du dossier dans lequel elles se
trouvent. Les chemises sont le plus souvent dévolues à une année
si elles ne sont numérotées ; par exemple : J10
(1909)
ou
J10
(1910).
Si nous avons presque entièrement dépouillé la série J
qui concerne l'enseignement,
pour les autres séries,
le dépouil-
lement effectué par Denise Bouche dans sa thèse
(1)
fut pour nous
une ouverture très précieuse et une prime de situation ; nous
n'avons fait que puiser dans sa très riche bibliographie,
les
références qui pouvaient répondre à nos besoins et préoccupations .
. ~~~~~=~=:=~~g~~g~~W~~~ (1820-1920) (2)
J1 à J26
: Organisation et Fonctionnement
(1831-1920)
Sont réunis ici,
des dossiers sur des statistiques partielles,
des rapports importants et aussi de la correspondance entre
les responsables de l'enseignement et l'administration.
a)
JI à J8
:. Les Ecoles du Sénégal jusqu'en 1903
JI
: Ecoles publiques
(1831-1850).
(1)
BOUCHE
(D)
: L'enseignement dans les territoires français de
l'Afrique Occidentale de 1817 à 1920 - Mission Civilisatrice
ou Formation d'une élite.
I.N.R.P.
(2)
Haut Commissariat de la République en Afrique Occidentale
Française.
Répertoire des Archives - Série H à T. Affaires sociales,
juridiques,
économiques et financières -
1782-1920, par
Jacques Charpy-Rufisque,
Imprimerie du Haut Commissariat -
1958,
in-8°,
213 pages,
Index p.
15-30 : Série J
: Enseigne-
ment 1802-1920.

-
34 -
JI -
pièce 55
Rapport d'inspection du préfet apostolique
Maynare,
20 septembre 1842.
JI -
pièce
2
Rapport du préfet apostolique Arlabosse sur
les écoles pendant le 1er semestre 1846
(s.d.)
- Se trouve également à PARIS
(SENEGAL X3bis) .
J1 -
pièce 57
id.,
pendant le 1er semestre 1847,
20 mai 1847.
J3
Enseignement laïque
(1857-1871).
J5
Enseignement laïque
(1876-1895).
J6
Enseignement catholique
(1879-1901).
b) J9 à JI8
Organisation et Fonctionnement de l'Enseignement
en A.O.F.
(1896-1920)
J10,
J11, J12
Contiennent les rapports des deux premiers
inspecteurs de l'enseignement en A.O.F.,
MAIROT et MARIANI.
J10
(1905)
MAIROT,
mémoire sur l'organisation de l'en-
seignement dans le Gouvernement Général de
l'A.O.F.,s.d.
(1905).
J-10
(1906)
MAIROT, Rapport sur l'enseignement au
1er janvier 1906,
45 pages. Contient la
liste des écoles de l'A.O.F ..
J10
(1907)
MARIANI,
Rapport nO
820,
Gorée,
5 mai 1907.
J10
(1907)
MARIANI,
Rapport sur la situation générale
de l'enseignement,
en réponse à la D.M.
nO
111 du 17 août 1907,
novembre 1907.
J10
(1908)
MARIANI,
Rapport sur les affaires traitées
en 1907,
20 janvier 1908.

-
3S -
J10
(1909)
statistiques et liste des écoles d'A.O.F.,
s . d.
J10
(1909)
Rapport d'ensemble sur la situation de la
colonie
SENEGAL
en 1909. Non signé
RISSON
J10
(1910)
MARIANI,
Note sur le service de l'instruc-
tion publique pendant l'année 1910,
26 mai 1910.
J11
MAIROT,
Rapport sur la mission effectuée
dans le gouvernement du Haut-Sénégal-Niger
du 28 décembre 1904 au 16 février 1905.
- publié dans le Journal Officiel de l'A.O.F.,
29 juillet 1905, p.
384-387.
- et dans la revue de l'Enseignement Colo-
nial,
nO
S,
oct-nov 1905,
p.
129-136.
J11
MAIROT,
Rapport sur sa mission d'inspection
dans le Gouvernement de la Guinée Française
(fév-avril 1905).
- publié dans le Journal Officiel de l'A.O.F.,
S août 1905,
p.
393-399.
J11
(190S)
MAIROT,
Etude sur les écoles coraniques du
Haut-Sénégal-Niger et de la Guinée Française,
s. d.
juin 190 S
- publiée dans le Journal Officiel de
l'A.O.F.,
22 juillet 1905,
p.
371-37S,
sous
le titre "Inspection de l'enseignement.
Etude sur les Ecoles Coraniques de l'A.O.F.
par A. MAIROT.
J11
MAIROT,
Rapport sur l'enseignement congréga-
niste en A.O.F.,
s.d.
début 1905
J12
MARIANI,
Rapport d'inspection des Ecoles de
Guinée
(août 1910 -
janvier 1911).

-
36 -
J13
(1912)
Situation de l'enseignement à la fin de
l'année 1911-1912. Contient la liste complè-
te des écoles de l'A.O.F.,
avec le nombre
des instituteurs et des élèves de chacune
d'entre elles.
J14 et J15
Statistiques sommaires de 1915 à 1916.
J16
Organisation et Fonctionnement de l'ensei-
gnement en A.O.F.
(1918-1920).
J16
pièce 92
Rapport au ministre sur le fonctionnement du
service de l'instruction publique en A.O.F.,
s.d.
1914
,anonyme
écriture de Georges
Hardy
,22 pages.
J16
pièce 46
Rapport de Hardy sur le service de l'ensei-
gnement depuis novembre 1916,
18 février 1918.
J16
pièce 94
Rapport de Monod sur l'enseignement en A.O.F.
avant et après 1903.
20 janvier 1920,
20 p.
53
J16 pièces 53
Statistiques de 1917 à 1918. Dahomey
(J16
)
à 57
54
55
Côte d'Ivoire
(J16
) - Guinée
(J16
)
,
,
Haut-Senega l '
-Nlger
(J 16 56 ) et
" l
Senega
(J 16 57 ) .
J17
Conseil de l'enseignement primaire
(1913).
c)
J19 à J26
Organisation et Fonctionnement de l'enseignement
dans les différentes Colonies du Groupe de 1904
à 1920. Correspondance et rapports.
J19 à J21
Colonie du SENEGAL
J 19
Document sur la laïcisation au Sénégal.
J19
pièce
1
Procès verbaux de la séance du 27 avril 1903
de la Commission constituée par le Gouver-
neur Guy pour examiner le régime de l'ins-
truction publique.

-
37 -
J19
pièce
2
Rapport du Gouverneur Guy au Gouverneur
Général sur la situation de l'enseignement au
Sénégal en 1903 -
29 p.
J19
pièce
8
Rapport de Guy à Roume,
Gouverneur Général,
nO
724,
7 décembre 1904,
sur le coût de la
laIcisation.
J21
2 rapports de Gallin sur l'enseignement au
Sénégal en 1915 et en 1916.
J27 à J48 : Statistiques scolaires
(1903-1920)
Jusqu'à la fin de la 1ère guerre,
chaque école était
tenue de remplir en fin d'année scolaire
(juillet),
un imprimé
fournissant des statistiques et donnant divers renseignements sur
son fonctionnement. Cela représentait un ensemble bigarré et foi-
sonnant de documents où perçaient bien souvent plus les fantaisies
de leurs auteurs que le souci de la précision et de la concision
dans la confection des statistiques. Aussi,
nombre de ces documents
furent-ils jugés "peu utilisables" et les inspecteurs,
à partir de
1921,
furent priés de les conserver au chef-lieu de la colonie et
de n'envoyer à Dakar qu'un rapport de synthèse.
Si pour certaines écoles
(très rares au demeurant),
ces
statistiques permettent d'en reconstituer la monographie,
il serait
par contre tout à fait illusoire de vouloir mener une recherche
sur la base de ces documents ; en effet,
non seulement les séries
sont par trop discontinues,
mais l'on verrait mal comment mettre
sur le même plan,
les renseignements fournis par un instituteur
européen de chef-lieu rompu à cette tâche et ceux d'un moniteur
indigène de brousse à peine lettré.

-
38 -
J49
à J78 : Ecoles du Gouvernement Général.
Sont concernées ici
· L'Ecole Normale des Instituteurs indigènes.
· La section des fils de chefs.
L'Ecole Faidherbe
pour l'apprentissage administratif et
conunercial.
Les Ecoles professionnelles
Pinet Laprade et des pupilles
mécaniciens.
· L'Ecole secondaire enfin.
Pour des raisons évidentes de rapport avec notre thème
de recherche,
nous nous sommes beaucoup plus intéressé à l'Ecole
Normale et à l'Ecole secondaire qui,
à certains moments,
étaient
sous la tutelle des inspecteurs de l'enseignement primaire.
Quant aux autres écoles,
c'est soit les travaux publics
soit la marine qui en exerçaient la tutelle hiérarchique.
J49 à J58
: Ecole Normale de Saint-Louis,
puis de Gorée
(1903-1920) .
J62
Ecole Faideherbe,
Ecole Primaire Supérieure et
Commerciale de Saint-Louis
(1903-1907).
Cette première école dépendait du gouvernement du
Sénégal et non du Gouvernement Général.
J63 et J64:
Ecole Faidherbe,
Ecole d'Apprentissage Administra-
tif et Commercial de Gorée
(1916-1920).
J81 et J82:
Enseignement Secondaire
(1907-1920).

-
39 -
Série E
- - - - - - -
- - - - - - -
5E : Conseil de Gouvernement de l'A.O.F.,
1902-1920, procès
verbaux des séances,
rapports et pièces annexes.
Une fois par an en principe,
le Conseil du Gouvernement réunit
autour du Gouverneur
Général,
les lieutenants-gouverneurs
des différentes colonies du groupe et les chefs des services
du Gouvernement Général. Le discours d'ouverture du Gouverneur
Général définit à cette occasion,
les grandes lignes d'une po-
litique.
2°)
Fonds du GOUVERNEMENT du SENEGAL.
Plus communément appelé Fonds de Saint-Louis,
ce fonds
contient les archives du Gouvernement du Sénégal,
telles qu'elles
existaient en 1958.
Elles ont été transférées de Saint-Louis à
Dakar depuis l'indépendance du Sénégal. Il a été ouvert au public
depuis 1970 bien que nombre de documents ne soient pas encore
classés. La série 0 est consacrée à l'enseignement
à ce jour au
demeurant,
l'ensemble des pièces qui constitue cette série, n'a
pas encore reçu une cotation définitive et nombre d'entre elles
ne sont identifiables que par un simple numéro figurant sur le
dos du dossier qui les contient. Si cette numérotation est conti-
nue,
il y a par contre,
manifestement une totale absence de souci
pour le classement des documents en rubriques ou en séries homo-
gènes.
Des rapports parfois très élaborés sur l'école peuvent
se trouver dans les documents très divers qui constituent cette
série,
de loin la plus riche des archives du Sénégal. A la fin
de chaque année civile en effet,
tous les chefs de service adres-
saient au Gouverneur Général,
un rapport détaillé sur le
(1)
Haut Commissariat de la République en Afrique Occidentale
Française,
Répertoire des archives - Série E - Conseils et
Assemblées -
1819-1920 par Jacques Charpy - Rufisque,
Impri-
merie du Haut Commissariat,
1958,
in-8°,
36 p.

-
40 -
fonctionnement de leur service,
les améliorations à souhaiter,
un
état statistique précis
; la synthèse de tous ces documents faite
par le secrétariat du Gouvernement Général,
constituait le rap-
port d'ensemble de la colonie après les additifs et correctifs
du Gouverneur Général lui-même.
C'est cette dernière synthèse
qui était envoyée à Paris, au ministère des colonies après avoir
été le plus souvent imprimée. Le grand document ainsi obtenu,
se
composait de différentes rubriques allant des situations - poli-
tique,
administrative,
financière
et économique de la colonie -
au fonctionnement des divers services
: -
judiciaires, sanitai-
res,
météorologiques,
agricoles et de l'enseignement -
La simple lecture de la rubrique consacrée à l'ensei-
gnement,
laisse apparaitre l'existence d'une loi tendancielle:
Il y a une évolution parallèle entre l'institution scolaire de
la colonie et l'attitude des administrateurs à son égard qui va
de la sympathie plus ou moins vague à l'intérêt réel et au zèle
sincère selon les époques.
Cette constatation se manifeste avec un relief particu-
lier quand on fait l'étude comparative des synthèses proposées
et qui décrivaient l'architecture globale de l'institution sco-
laire. L'on remarque que la synthèse se fait de plus en plus
précise et mieux étoffée au fil des années,
entre 1903 et 1945.
Enfin,
ajoutons que cette série 2G couvre toute la
période 1903 à 1945 qui intéresse notre propos à l'exception
des années 1914,
1915,
1918 liées soit à l'intensi bG~~tion de la
achePo/J
\\
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la guerre où le bilan politico-militaire deva~~8pmport~~sur
les rubriques traditionnelles du fonctionnem~1ft dè~:flqufWéFk~'ts
-
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serV1ces.
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It'
. ~~~~~=~ : ~~g~~g~~~~~~ (à partir de 1920)
La quasi-totalité des documents qui traitent de l'en-
seignement dans la Fédération de l ' A.O.F. ou à la Colonie

-
41 -
(SENEGAL)
à partir de 1920 est conservée sous cette série. Un
inventaire sur fiches sert de répertoire ; mais~( il souffre de
nombreuses lacunes
: absence d'un classement pa~ thèmes des fi-
ches
;
chronologie grossièrement respectée ; abandon pour plus
de la moitié des fiches du cote de référence
(la lettre 0 qui
précède le numéro),
comme s ' i l s'agissait d'une omission invo-
lontaire.
Nous présenterons ces documents en les classant par
thèmes qui intéressent directement le cadre de notre recherche
Budget de l'enseignement; Les Conférences et discours sur l'édu-
cation; L'Inspection; L'Organisation de l'enseignement
Sta-
tistigues et rapports.
a)
Budget
. Budget de l'enseignement en A.O.F.
-
1923-1933
G39]
. Préparation et exécution du budget de l'enseignement en
A. o. F. Relevés inventaires comptables
1942-1948
[345]
Pour les autres années,
rechercher les renseignements
dans les comptes-rendus du Conseil du Gouvernement qui se réunit
une fois l ' a n ;
comptes-rendus presque toujours imprimés.
b)
Conférences et discours sur l'éducation
- Les conférences
·
Conférences des Gouverneurs Généraux - Rapports concernant
l'enseignement
(sans date)
0.176
· Conférences des Inspecteurs Généraux
0.178
·
Conférences sur l'éducation par les inspecteurs de l'ensei-
gnement et les personnalités savantes ; sujets développés
( 181]
Conférences de Brazzavile -
Enseignement 1944
[O. 164]

- 42 -
- Les discours
. Discours des Gouverneurs Généraux en Conseil du Gouverne-
ment à travers les renseignements fournis par l'Inspecteur
Général de l'enseignement -
1929-1945:
142
. Discours,
études et conférence sur l'enseignement et l'édu-
cation en A.O.F.
: 1932-1936
(j.98)
Cette documentation pourrait être judicieusement com-
plétée le cas échéant, en consultant le recueil des discours des
Gouverneurs Généraux de l'A.O.F. de 1905 à 1925. 1905-1925,
in 8°_
19 fascicules - Gorée ; Imprimerie du Gouvernement Général ;
existe à la bibliothèque du Centre de documentation pour l'Afrique
et l'Outre-Mer,
29 Quai Voltaire,
Paris.
c)
Inspection de l'Enseignement
- Arrêtés organîsant le Concours de recrutements des inspecteurs
des Ecoles:
1921-1932
[278;
282J
1932-1947
~97; 298J
- Rapports d'Inspection des Ecoles:
1931-1944
0.338
0.363
; 484
; 485 ; 440 ; 454
; 547
-Danstoutes les archives du Sénégal et d'Outre-Mer à
Paris,
nous n'avons trouvé trace des rapports d'inspection anté-
rieurs aux années 1930-1944,
sauf quelques rapports fort volumi-
neux de l'Inspecteur CoUrcelle
entre 1914 et 1916. Cela pourrait
s'expliquer à l'époque par un manque de moyens: dactylo et ma-
chines à écrire; mais sans doute aussi,
parce que l'intérêt du
rapport d'inspection n'était pas encore suffisamment perçu.
d)
Organisation de l'enseignement
. Ecoles populaires
[0.258 i
432]
Ecoles rurales -
1935-1942:
[0.258;
270]
Ecoles africaines -
1935-1948
[0.62)
. Enseignement féminin :

-
43 -
Enseignement Primaire -
1931-1939
(43 biS]
Enseignement Primaire -
1934-1935
(53]
Enseignement Primaire -
1935-1936
[0.14 8J
· Mutuelles scolaires -
1913-1936
[0.164]
• Organisation et réorganisation ; orientation et réformes
de l'enseignement -
1917-1939
[143
0.321; 0.325
; 0.326]
1931-1942
[44J
; 1938-1944
[53]
1920-1922
[82J
Des circulaires,
études,
notes et rapports sur l'orga-
nisation de l'enseignement peuvent se retrouver sur des documents
isolés. Devant la difficulté de les réunir en une série homogène
qui nous éloignerait ponctuellement de nos objectifs,
nous nous
contenterons de dresser une liste non exhaustive de références
dont nous nous sommes servis tout au long de ce travail.
1920-1945
138 ; 152 ; 180 ; 209
; 227
;
267
; 319
; 474
562
e)
Statistigues et rapports d'ensemble sur l'enseignement
1920-1945
Ici aussi,
la liste ne saurait être exhaustive. Ne sont
pris en compte que :
Les rapports d'ensemble des chefs de service de l'ensei-
gnement qui donnent des renseignements détaillés de sta-
tistiques sur les écoles,
les élèves et le personnel
enseignant ;
· Les correspondances entre les Gouverneurs et le
Gouver-
nement Général; le Gouvernement Général et les ministres:
1919-1926
0.369
-
1922-1942
0.372
-
1930-1938
0.378
Pour différentes années,
principalement 1930-1945, on

-
44 -
trouve ça et là des rapports isolés
167
185
222
243
244
i
315
30)
Manuscrits déposés aux archives du SENEGAL
2Z1 nO
1
Annales religieuses de Dakar (1846-1920),
400 pages
dactylographiées.
Ces annales résument ou recopient
les documents du vicariat apostolique de la Colonie
du Sénégal.
BI Archives des Ecoles du SENEGAL
Le Cahier de Conseil tenu par chaque maItre et la
monographie de l'Ecole tenue à
jour par le directeur de l'école,
entraient dans la panoplie des archives d'une école.
Ces deux
documents nous intéressent à plus d'un titre
i
non seulement ils
permettent de repérer les différents passages de l'inspecteur
dans une école et dans les classes,
mais en plus,
on peut,
à par-
t i r des conseils donnés aux maitres,
mesurer et comparer les
modulations des discours des inspecteurs sur la pédagogie en gé-
néral,
sur leurs attentes et représentations.
Malheureusement,
rares sont les écoles au Sénégal qui ont conservé ces documents
témoins de leur passé.
En 1966,
sentant tout le parti qu'on pou-
vait tirer de ces documents,
le Ministère de l'éducation avait
lancé un appel par une circulaire pour faire verser aux Archives
Nationales,
les monographies d'écoles anciennes
i
seuls,
trois
documents sont parvenus depuis
:
.
Ecole de Bignona. Monographie de l'Ecole 19~7-1966. 193 pages .
.
Ecole de Médina à Dakar.
Monographie nO
1
Février 1914-1922.
32 pages.
Monographie nO 2
1923-1931. 25 pages.
Monographie nO
3
Résumé des deux précédentes.
Monographie nO 4
1935-1942.
24 pages.

-
45 -
o
Ecole de la rue Thiong à Dakar.
Cahier de direction nO 1
(1914-1915).
33 pages.
Cahier de direction n° 2
(1914-1915).
10 pages.
Cahier journal,
4 novembre 1914-25 septembre 1915.
cl Archives Nationales, Section Outre-Mer, 27,
27,
rue Oudinot,
Paris
(1)
1°)
Séries Géographiques
Ces séries se composent de toutes les archives posté-
rieures à 1815 et antérieures à
1920,
ayant fait l'objet du re-
classement méthodique de Ch. Schefer au début du siècle. Les
Rièces sont classées par pays: SENEGAL,
GUINEE,
etc ... , et pour
chaque pays,
par thèmes: correspondance
générale,
explorations
et missions,
affaires militaires,
etc ... La Série X est consa-
crée aux cultes,
à l'instruction publique et aux beaux arts. Le
besoin de préciser les origines de l'instauration et de la pra-
tique de l'inspection des Ecoles du Sénéqal,
nous aura presque
naturellement emmené à dépouiller une bonne partie de cette série
géographique.
Dossier 3 bis
Rapports sur l'enseignement primaire et secon-
daire
(1831-1882).
Dossier 6
Education locale
(1839-1854)
Personnels.
Dossier Il
Education locale
(1854-1870)
(1)
Conseil International des Archives. Guide des sources de
l'histoire de l'Afrique.
Sources de l'histoire de l'Afrique
au Sud du Sahara dans les archives et les bibliothèques fran-
çaises. I. Archives.
Ouvrage préparé avec l'aide et sous les auspices de
l'U.N.E.S.C.O.,
interdocumentation Cy ag Zug Switzerland in
8 0 ,
958 pages.

-
46 -
SENEGAL X lIa
GENERALITES
.
Correspondance de Faidherbe,
Gouverneur du
SENEGAL avec le Ministre.
Dossier 25
Instruction publique
(1895-1904)
g~~~ggè=~~=~~g~~~g~~~~=~JJ
!'1~Di~i12§l§
- - - - - - - - - -
Dossier 26 bis
Composé de 38 recueils des procès verbaux
des délibérations du conseil d'administra-
tion du SENEGAL
(1819-1897).
Ce sont les mêmes documents que ceux de la Série 3E
à Dakar,
dont les lacunes peuyent ainsi,
dans certains cas,
être
compensées et réciproquement.
Ce genre de dossier est révélateur des différentes
raisons qui ont pu retarder l'appel de fonctionnaires spéciali-
sés
(les inspecteurs)
pour le contrôle et la surveillance des
enseignements. L'obstruction des Conseillers Généraux s'expli-
quait surtout par leur crainte de perdre toute mainmise sur
l'enseignement avec l'avènement de tels fonctionnaires.
2°) Affaires 1201itiques
Les archives venant de la direction des affaires poli-
tiques du ministère
des colonies sont conservées sous cette
rubrique.
C'est un inventaire sur fiches.
Elle contient deux
dossiers de première importance.
Le premier permet de reconstituer les timides tenta-
tives d'organisation d'une direction scolaire qui aboutira à
l'aube du XXe siècle,
à l'instauration d'une Inspection de l'en-
seignement et à l'appel des premiers inspecteurs.
Le second dossier témoignera quant à lui,
des premiers

-
47 -
heurts entre les inspecteurs et le pouvoir politique local.
. ~~~g~~~~=g~~~~~g~~~=~~~~~ : E~~~gg~~~g~~~~=~~=~~~~~~~gg~m~~~
(1918-1920)
- Projet d'extension de l'obligation scolaire aux colonies.
Dossier relatif à l'Afrique Occidentale Française.
3°)
Archives non versées aux Archives Nationales et
conservées à la Direction du Contrôle,
27,
rue
Oudinot.
- Rapports d'inspection générale
a)
Rapports de la mission de l'Inspecteur Général des Colonies
MERAY au Haut-Sénégal-Niger,
1909-1910 -
Rapports des ins-
pecteurs MERAY et SAURIN.
b)
Rapports de l'Inspecteur des Colonies HENRY, membre de la
mission de l'Inspecteur Général REVEL,
mai 1918.
II -
SOURCES IMPRIMEES
Toute la documentation imprimée, qu'il s'agisse de
sources ou d'études,
sera classée à l'intérieur de chaque rubri-
que,
dans l'ordre chronologique.
AI Publications officielles
1°)
Journaux officiels
Journal officiel du SENEGAL depuis le 16 mars 1856,
sous les titres successifs de
. Moniteur officiel du SENEGAL et dépendances. Journal Officiel
du 16 mars 1856 au 27 septembre 1859.

-
48 -
· Feuille officielle du SENEGAL et dépendances. Journal Officiel
du 3 janvier 1860 au 14 juin 1864.
· Moniteur officiel du Sénéqal et dépendances. Journal Officiel
du 25 juin 1864 au 29 décembre 1887.
Journal officiel du SENEGAL et dépendances du 5 janvier 1888
au 12 octobre 1895.
· Journal officiel de l'Afrique Occidentale Française du
19 octobre 1895 au 27 décembre 1900.
Journal officiel du SENEGAL et dépendances du 5 janvier 1901
au 28 janvier 1905.
· Journal officiel du SENEGAL du 2 février 1905 au
1er janvier 1959.
Hebdomadaire - Saint-Louis,
imprimerie du Gouvernement -
in-Fol.- Cote,
BN : Fol. Lc 12 348 .
Outre les textes officiels,
c'est un document qui contient les
discours prononcésauxdistributi6ns des prix; par exemple:
C. GUY,
Gouverneur du Sénégal, à la distribution des prix de
l'Ecole primaire supérieure et commerciale Faidherbe et des
Ecoles lalques de Saint-Louis.
17 juillet 1904,
p.
396-400.
2°)
Annuaires et rapports annuels
· Annuaires du SENEGAL et dépendances 1858-1902
Saint-Louis,
Imprimerie du Gouvernement,
14-16.
· Annuaire du Gouvernement Général de l'A.O.F.
1903-1922
En particulier 1917-1921,
un vol.,
1921,
1.102 pages. On peut
y
chercher outre les textes officiels,
les discours du
Gouverneur Général à l'ouverture des sessions du Conseil de
Gouvernement.

-
49 -
· SENEGAL et dépendances
:
Budqet local
: annuel depuis 1856.
Saint-Louis,
Imprimerie du Gouvernement -
in-4°,
co te,
B . A. R. S .
: po II 4 ° 7 .
· Gouvernement Général de l'Afrique Occidentale Française.
SENEGAL et dépendances.
Rapport d'ensemble sur la situation politique,
économique et
administrative et sur le fonctionnement des divers services
pendant les années 1900,
1901 et 1902.
Saint-Louis,
Imprimerie du Gouvernement.
s.d.
in-8°,
Cote,
l1
2
BN : 8°LK
809.
- B.A.R.S.
pb 4°164
p.
166 et sq
: instruction publique.
· Gouvernement Général de l'Afrique Occidentale Française.
Colonie du SENEGAL.
Rapport d'ensemble sur la situation politique,
administrative,
financière et économique et sur le fonctionnement des divers
services pendant l'ann~e 1903.
Saint-Louis,
Imprimerie du Gouvernement,
1904.
in-8°,
Cote,
2
B . A . R. S .
pb 4 0 1 64.
p.
160-168
. Chapitre X : Service de l'eriseignement.
id. pendant l'ann~e 1904
ibid.,
1905
p.
136-154
: Chapitre IX
L'enseignement.
id. pendant l'année 1906
ibid.,
1907
p.
188-212
: Etat de l'enseignement au SENEGAL.
id.
pendant l'année 1907
ibid.
1908
Sept volumes de ces rapports couvrant la période 1898-1907
sont conservés à Dakar ; mais on peut trouver en France à
la Bibliothèque Nationale,
les volumes 1900-1902 ;
1904

-
50 -
1905 ; et l'année 1898 à la bibliothèque de la rue Oudinot.
·
Gouvernement Général de l'Afrique Occidentale Française.
Situation Générale de l'année 1907.
Gorée,
Imprimerie du Gouvernement.
1908.
in-8°
id.
1908.
ibid.
1909
id.
1910.
ibid.
1911
Co tes
: B . A. R . S .
: P ° l l 8 ° 4 2 .
Ces situations fournissent des statistiques par pays et repro-
duisent aussi les discours du Gouverneur Général.
· Gouvernement Général de l'Afrique Occidentale Française.
Rapport d'ensemble annuel -
1911.
Laval,
Imprimerie Barneoud,
1913,
287 pages.
19
Cote,
BN : Fol. LK
443.
Rapport d'ensemble annuel -
1913.
Paris,
Larose -
1916. in-8°,
699 pages.
Cote,
B.A.N.S.O.M.
: Rapp 22
p.
276-283 : Enseignement au SENEGAL.
3°)
Publications périodiques sur l'enseignement
· Bulletin de l'enseignement de l'Afrique Occidentale Française.
(devient à partir de 1945 : L'Education africaine)
Gorée,
Imprimerie du Gouvernement.
in-8°
Depuis janvier 1913. En principe mensuel, sa périodicité fut
irrégulière surtout pendant la guerre ;
devient trimestriel à
partir de 1922.
Cote, B. A. R. S.
po II 8 ° 8 -
B. A. N. S .0. M.
: P 315.
Au demeurant,
les seules collections conservées à Paris com-
mencent à partir du nO 41 de décembre 1918.
Dans les nOs 1
(janvier 1913) à ~ (juillet 1913): 263 pages,
on y trouve les textes qui,
pour la première fois,
allaient
régir l'inspection de l'enseignement.

-
51 -
4°)
Notices publiées à l'occasion des expositions
universelles
a)
Exposition universelle de 1900
. Publications de la Commission chargée de préparer la partici-
pation du Ministêre des Colonies.
- Vol.
IV
L'oeuvre scolaire de la France aux colonies
par H. Froideveaux,
docteur es lettres,
agrégé
d'histoire et de géographie,
secrétaire de l'office
colonial prês la Faculté des lettres de Paris.
Paris,
Challamel.
1900.
in-8°,
356 pages.
Cote,
BN : LK 9953(IV).
Les colonies françaises - Le SENEGAL
organisation politi-
que,
administrative;
finances,
travaux publics.
Notice rédigée par les soins du Service local de la colonie.
Paris,
Challamel.
1900. in-8°,
430 pages.
11
Cote,
BN : LK
734.
p.
188-215 : instruction publique.
b)
Exposition Coloniale de MARSEILLE de 1906
Voeu fut émis à cette occasion de doter chaque colonie
du groupe de l'A.O.F.
d'un inspecteur des Ecoles qui,
seul,
de-
vrait exercer une tutelle hiérarchique sur les
enseignants,
en
lieu et place des administrateurs qui,
aux dires des instituteurs,
régnaient en despote sur eux .
. Gouvernement Général de l'Afrique Occidentale Française:
L'enseignement en Afrique Occidentale Française par René LEME,
rédacteur au ministère des colonies.
Notice publiée par le Gouvernement Général à l'occasion de
l'exposition.
Corbeil,
crété.
1906.
in-8°,
82 pages.
11
Cote,
BN : 8°LK
892
(9-11).

-
52 -
c)
Exposition Coloniale Nationale de MARSEILLE de 1922
· Commissariat de l'Afrique Occidentale Française.
L'enseignement en Afr~gue Occidentale Française
Montauban,
Imprimerie Coopérative Barrier et Cie.
1922.
in-8°,
30 pages.
Cote,
B. Doc. Fr :
8°11177.
d)
Exposition Coloniale Internationale de 1931
(Paris)
· L'adaptation de l'enseignement aux colonies.
Rapports et comptes-rendus du Congrès International de l'en-
seignement dans les colonies et les pays d'Outre-Mer,
25-27 septembre 1931.
Paris,
Didier.
1932.
in-8° VII + 312 pages.
Cote,
B.A.R.S.
biI8°477.
e)
Exposition Internationale de 1937
(Paris)
Congrès International
de l'évolution culturelle des peuples
coloniaux, Mâcon,
Imprimerie Protat,
1938,
224 pages.
Intervention de Léopold Sedar SENGHOR sur :
"La résistance de la bourgeoisie sénégalaise à l'école rurale
populaire" .
5°)
Brochures officielles diverses
·
Instructions à l'usage des Commandants de région et de cercle.
(elles se ramenaient en certains points en fait,
à les délé-
guer aux fonctions d'inspecteurs des écoles avant la lettre
en plus de leur fonction d'administrateur de la région ou du
cercle dans lesquels ils servaient).
Paris,
Imprimerie Nationale.
2e édition,
1897. in-8°,
80 pages.
Cote,
BN : 8°F10134.
B.A.R.S.
pOIII8°83.
· Commission instituée par arrêté du 7 avril 1903 en vue d'exa-
miner le régime de l'instruction publique de la Colonie du

-
53 -
SENEGAL.
Procès-verbal de la réunion du 7 avril 1903.
Saint-Louis,
Imprimerie du Gouvernement.
1903,
in-8°,
16 pages.
1
Cote,A.R.S. J19
.
. Colonie du SENEGAL.
Organisation du Service de l'enseignement. Rapport du
Gouverneur C. GUY.
Saint-Louis,
Imprimerie du Gouvernement.
1903,
in-8°.
Cote,B.A.R.S. pOIII8°,
879 .
. Gouvernement de l'Afrique Occidentale Française.
- Arrêtés conCernant l'enseignement en A.O.F.
-
1914
Saint-Louis, Imprimerie du Gouvernement.
in-8°.
Cote,
B.A.R.S. POlII 8°
687.
-
Plan d'études et programmes des Ecoles Primaires de l'A.O.F.
1914
Cote,
B.A.R.S. POIII 8° 476.
- Textes relatifs à l'organisation générale de l'enseignement
et à l'organisation de l'enseignement technique en A.O.F.
A.O.F.
(1918)
Gorée,
Imprimerie du Gouvernement.
in-8°.
Cote,
B.A.R.S. POIII 8 0
158.
-
Instruction au personnel enseignant gui débute dans les
Ecoles de l'A.O.F.
par J.L. MONOD.
A.O.F.
(1921)
Cote,
B.A.R.S. pOlrI 8°
689.
- Textes portant réorganisation de l'enseignement en A.O.F.
1er mai 1924. A.O.F.
(1924)
Cote,
B.A.R.S. pal 8 0
79.
- L'enseignement en A.O.F.
A.O.F.
(1931)
B.A.R.S. por 8 0
67.

-
54 -
- L'enseignement en A.O.F.
Exposition Coloniale Internationale
(Paris)
-
1931.
Cote,
B.A.R.S. POIII 8°
1064.
Arrêtés réorganisant l'enseignement primaire en A.O.F.
A.O.F.
(1945)
Rufisque,
Imprimerie du Gouvernement,
in-8°.
Cote,
B.A.R.S. POl II 8°
288.
- Budget Général de l'A.O.F.
A.O.F.
(1905-1957)
Rufisque,
Imprimerie du Gouvernement,
in-8°.
Cote,
B.A.R.S. POIl 4°
1.
. ÇQmitg_Qg_l~bf~ig~g_E~~QÇ9i~g
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Bulletin du Comité de l'Afrigue Française depuis 1891 - Men-
suel - Paris.
in-4°.
Supplément : Renseignements coloniaux.
Volumes annuels, les renseignements coloniaux sont reliés à la
suite du
bulletin proprement dit.
. ~~~~~~~~=~~è~~~gè=~~~~~~g~~~~gè
devenu ~~~~~~~~=~~~~~~g~~~~gè=~~~=~~~~è~~g~~~~~=~~~~~~~~~~~.
Bibliothègue Coloniale Internationale.
Comptes-rendus des
séances tenues à
. . . . , en ...
depuis 1894. Bruxelles.
in-8°.
Cote,
BN : 8°R55803. Série incomplète
(manquent 1920-1929).
Comptes-rendus des séances tenues à Paris en mai 1931.
Vol.
l,
p.
127-154,
intervention de G. HARDY sur "L' enseigne-
ment des indigènes".
Vol.
II,
1ère partie
L'enseignement aux indigènes.

-
55 -
cl Ouvrages divers
- - - - - - - - - - - - - - -
Ne sont relevés ici que les ouvrages auxquels il sera
fait référence.
·
BARDIN
(L)
L'analyse de contenu,
Paris,
P.U.F.,
1977,
283 pages,
bbg.
· CROS
(Ch)
La parole est à M. Blaise Diagne,
Dakar,
Ed. Maison du Livre,
1972,
143 pages.
· FOUCAULT
(M)
L'archéologie du savoir,
Paris,
Gallimard,
1969,
285 pages.
III -
ETUDES
·
Edmond JOUCLA
Bibliographie de l'Afrique Occidentale Française.
Paris,
Soc.
Ed.
Géo. Marit.
et Col.,
1937,
in-4°,
704 pages.
· PORGES
(L)
Bibliographie des régions du SENEGAL.
Dakar,
Ministère du plan et du développement,
1967,
707 pa-
ges,
cartes.
·
Paul BRASSEUR et Jean-François MAUREL
Les sources bibliographiques de l'Afrique de l'Ouest et de
l'Afrique Equatoriale d'Expression Française.
Dakar,
Bibliothèque de l'Université,
1970,
in-16,
87 pages.

-
56 -
BI Recueil de Textes
· CHARBONNIER (J-C)
-
DUBOST
(A)
- MARIS
(J)
Inspecteurs et inspectés, L'Education,
19 décembre 1968,
pp.
10-13.
· DELANNOY
(G)
La relation noteur-noté, Les Cahiers Pédagogigues,
nO 81, mars 1969,
pp.
36-38.
· FAVRY
(R)
Contrôle et inspection des maitres, L'Educateur,
nO
l,
septembre 1972, pp.
3-14.
· GOYARD
(P)
L'inspecteur de l'enseignement primaire,
Education et Ges-
tion,
nO 5,
1966, pp.
3-24.
· HENRY
(P)
et MOSCOVlel (S)
Problèmes de l'analyse du contenu,in,
Langages,
septembre 1968,
nO Il.
· LEON
(A)
Cent ans de l'école en Afrique -
1885-1985.
Les bases doctrinales de Itenseignement colonial d'après
les actes de quelques congrès internationaux :
1889-1900 -
1931-1937 "Brochure".
· SENGHOR
(L. S . )
Réflexion sur l'éducation africaine: L'Ecole Rurale Popu-
laire,
Paris-Dakar,
nO
287,
9 janvier 1937,
p.
2.
cl Histoire du SENEGAL
· BERNARD-DUQUENET
(N)
Le SENEGAL et le Front Populaire. Thèse pour le doctorat
3e cycle. Université de Paris VII,
1977,
268 pages,
ann.

-
57 -
· WESKY
(G.J .Jr)
The emergence of black polities in Senegal - The struggle
for power in the four communes.
1900-1920.
Stanford,
Stanford-University-press,
1971,
in-8°,
260 pages.
DI Histoire de l'Enseignement
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
1°)
En FRANCE
a)
Sur l'inspection
BOURRICAUD (F)
o
Esquisse d'une théorie de l'autorité,
Paris,
Plon,
1969,
470 pages,
Collection "Recherche" en sciences humaines.
BROUARD
(E)
et DEFODON
(Ch)
o
Inspection des écoles primaires;
ouvrage à l'usage des as-
pirants aux fonctions d'inspecteur primaire,
des délégués
cantonaux et généralement des personnes chargées de la sur-
veillance et de la direction des écoles,2e éd.,
Paris,
Hachette,
1895,328 pages.
· DEMOYENCOURT
(F)
Agenda du visiteur des écoles primaires ou manuel à l'usage
des personnes chargées de l'inspection des écoles,
Paris,
Hachette,
1830,
144 pages.
· JOST
(C)
L'inspection de l'enseignement primaire,
Paris,
l'Imprime-
rie Nationale,
1900,
435 pages.
b)
Sur l'enseignement en général
· LEON
(A)
Introduction à l'histoire des faits
éducatifs,
Paris,
P.U.F.,
1980,
245 pages.

-
58 -
· PLAISANCE
(E)
L'école maternelle en France depuis la fin de la seconde
guerre mondiale.
E. Plaisance-Lille,
A.N.R.T.,
Université de Lille III,
1984.
105 x 148 mm. Thèse-Lettres Paris V.
· PROST
(A)
Histoire de l'enseignement en France,
1800-1967, Paris,
A. Colin,
1968,
524 pages.
· VOL UZAN
(J)
L'école primaire jugée.
Paris,
Larousse,
1975,
135 pages.
· VINCENT
(G)
Les professeurs du second degré, A. Colin,
1967,
308 pages.
2 0 )
En AFRIQUE
· BOUCHE
(D)
L'enseignement dans les territoires français de l'Afrique
Occidentale de 1817 à 1920. Mission civilisatrice ou for-
mation d'une élite? Thèse de doctorat es lettres,
Paris 1,
8 juin 1974, Lille,
A.N.R.T.,
Université de Lille III,
2 tomes,
947 pages.
· COLONNA
(F)
Instituteurs algériens
(1833-1939),
Paris,
Presse de la
Fondation des Sciences Politiques,
1975,
240 pages.

HARDY
(G)
• Une conquête morale : l'enseignement en Afrique Occidentale
Française. Préface du Gouverneur Général CLOZEL.
Paris,
A.
Colin,
1917,
in-8° XI + 356 pages.
"Les deux routes",
Conseils pratiques aux jeunes fonction-
naires indigènes. Préface du Gouverneur Général ANGOULVANT.
Gorée,
éd.
du Bulletin de l'enseignement en A.O.F.
na
40,
novembre 1918,
in-8°,
62 pages.

-
59 -
"Un essai d'enseignement pratique". L'enseignement en A.O.F.
(Préapprentissage et apprentissage) .
Bulletin de la société d'encouragement pour l'industrie
nationale,
Tome 131, nO
6,
nov-déc 1919, pp.
314-344. Confé-
rence faite à la séance publique du 8 novembre 1918.
. MOUMINI
(A)
L'Education en AFRIQUE.
Paris,
Maspero,
1964,
400 pages.
3 0 )
Au SENEGAL
Nous pouvions nous passer de cette rubrique dans la
mesure où,
parler de l'enseignement en A.O.F.,
revient quasi-
automatiquement à faire large référence au Sénégal, qui,
durant
toute la colonisation servait de colonie-pilote,
à travers toute
l'A.O.F .. Il n'en demeure pas moins que quelque étude concerne
directement le Sénégal,
comme par exemple:
. COLIN
(R)
Système d'éducation et mutation sociale.
Continuité et dis-
continuité dans les dynamiques socio-éducatives
: Le cas du
SENEGAL. Thèse de doctorat es-Lettres,
Paris V,
17 décembre
1977. Lille. A.N.R.T. Université de Lille III.
2 tomes,
1011 pages.

-
60 -
PREMIERE PARTIE
============
L'ORGANISATION DE L'INSPECTION
1903-1930

-
61 -
CHAPITRE l
L'INSPECTION DE L'ENSEIGNEMENT DANS LE PROJET DE
POLITIQUE EDUCATIVE DU SENEGAL DE 1903 A 1913
Aussi longtemps que l'Enseignement au Sénégal fut entre
les
mains des Frères .de l'Instruction Chrétienne
(Ploërmel), il
ne pouvait être question d'organiser un système d'Inspection sem-
blable à celui qui,
créé par GUIZOT,
fit tant pour le relèvement
de l'enseignement primaire en France. Non seulement il n'y avait
ni assez d'instituteurs,
ni assez d'écoles pour requérir les ser-
vices d'un inspecteur spécialisé, mais surtout,
les congrégations
religieuses n'admettaient aucune intervention dans leur enseigne-
ment
d'une personnalité extérieure,
fut-elle spécialisée
ou pas.
Il faut peut-être ajouter que cette intransigence était couverte
par les accords passés à l'origine,
entre leur supérieur général
l'Abbé de la Mennais
et le Ministre de la Marine,
Vice-Amiral du
Campé de Rosamel (1).
Et tout le long du XIXe siècle,
si tenté que
fût quelque Gouverneur d'instaurer un système d'inspection,
il
dut y renoncer en souvenir du désaveu reçu par le gouverneur du
(1)
Convention passée en 1834 entre l'Abbé de laMennais
et le
Ministre de la Marine sur l'envoi de Frères brevetés au
Sénégal et sur les modalités de leur prestation : frais,
en-
seignement,
contrôle
. . .

-
62 -
Sénégal Faidherbe quand il nomma aux fonctions d'Inspecteur,
le
Chef du Service judiciaire, Carrère
(2). En effet,
le ministre
auprès duquel i l entreprit de se justifier lui répondit:
"Il n'est pas impossible,
que les frères attachent de
l'importance à réserver principalement au Supérieur
de la Congrégation,
l'appréciation des méthodes sui-
vies dans leurs écoles et celle de l'aptitude même
des sujets qui les appliquent. Les méthodes des con-
grégations enseignantes sont en effet,
jusqu'à un cer-
tain point,
inhérentes à l'Institut lui-même en ce
sens que c'est lui qui arrête le programme dans un
esprit d'unité pour tous les centres enseignants que
desservent les membres de la Communauté. Quant aux
sujets,
la Congrégation en assure plus directement
encore la responsabilité
elle ne doit les mettre à
disposition de l'Etat ou des Communes qu'après les
épreuves qui constatent l'aptitude de chacun
d'eux" . ..
( 3) .
Jusqu'à l'aube du XXe siècle,
les frères ne seront nul-
lement inquiétés par un inspecteur spécialisé : les seules visi-
tes qu'ils recevaient étaient celles de la Commission de Surveil-
lance des Ecoles composée de notables et du Préfet apostolique,
commission plus préoccupée par l'état des écoles,
leur organisa-
tion et fonctionnement,
que des méthodes d'enseignement des
(2)
Arrêté du 9 mars 1851 décidant qu'un fonctionnaire choisi au
sein de la Commission supérieure d'administration des éta-
blissements scolaires,
serait nommé Inspecteur des écoles
primaires. A.R.S.
lA 22Fo 133.
(3)
Ministre à Faidherbe,
nO
195,
29 mai 1857, ANSOM Sénégal
x 11 a.

-
63 -
frères ou de leurs programmes. Seule,
la laïcisation, imposée de
Paris à partir de 1903,
allait mettre fin à cette situation.
l
- LA LAICISATION
La décision de laïciser totalement l'enseignement en
A.O.F.,
fut imposée de Paris; elle surprit par sa brutalité non
seulement ses victimes,
mais meme les autorités locales. Habi-
tuellement,
le Gouvernement et le Parlement laissaient ces der-
nières juges de l'opportunuité d'étendre aux pays placés sous
leur juridiction, l'application des textes votés à Paris,ou du
moins,
le Ministre les consultait-il.
Pour l'application des mesures décidées à Paris,
chaque
Chef de colonie était invité à présenter au plus vite des propo-
sitions.
En afrique Occidentale,
le Sénégal était le plus touché.
Modéré par tempérament,
le Lieutenant-Gouverneur
Camille GUY,
proposa une politique de temporisation qu'il ne put
faire accepter par les autorités supérieures,
mais qui eut pour
effet d'endormir l'opinion sénégalaise.
En avril 1903,
il institua une commission en vue d'exa-
miner le régime de l'Instruction publique;
et dans son discours
d'ouverture des travaux de la Commission,
il ne parla que de
programmes et de manuels.
Un Conseiller Général,
Germain d'ERNEVILLE,
posa comme incidemment,
la question de sa-
voir si le personnel des nouvelles écoles serait laïque ou reli-

-
64 -
gieux.
Il lui fut répondu qu'on pouvait "toujours prévoir l'orga-
nisation d'un personnel laïque".
Pendant ce temps,
dans ses rapports au Gouverneur
Général,
GUY estimait qu'il était impossible de laïciser immédia-
tement toutes les écoles du Sénégal. Il proposait d'opérer pro-
gressivement pour répartir les dépenses sur plusieurs années et
pour tenir compte des sentiments de population plus ou moins at-
tachées aux congréganistes.
C'est que le Lieutenant-Gouverneur
GUY ne pouvait ignorer les sentiments d'une population qui élÜ
le Conseil Général auquel il lui fallait faire voter le
budget préparé par ses services. Voici comment il exposa sa po-
sition dans le discours d'ouverture de la session de mai 1903 :
"Nous n'avons pas voulu ignorer
(pourquoi ne pas s'en
expliquer franchement)
le mouvement qui entraine
aujourd'hui la France vers la laïcisation et nous
avons pensé que nous n'avions pas le droit,
ni comme
français,
ni comme républicain de ne pas travailler à
l'oeuvre commune ... Mais nous avons estimé aussi,
qu'il fallait tenir compte des circonstances de temps,
de lieu et de climat, que nous ne pouvions tenir pour
négligeables ni les préférences des municipalités,
ni
ignorer les préjugés des uns comme les convictions des
autres et qu'au surplus,
une révolution était inutile
là où une évolution pouvait suffire. L'oeuvre s'accom-
plira donc,
mais elle s'accomplira à son heure,
quand
les résultats obtenus auront convaincu ceux qui dou-
tent encore et quand nous serons assurés de ne léser
aucun droit acquis par de pénibles séjours et de longs
services".
(4)
(4)
Conseil Général -
1ère séance de la session ordinaire de
mai 1903,
16 mai 1903. Discours d'ouverture du Lieutenant-
Gouverneur C. GUY. Comptes-rendus imprimés,
p.
7-12.

-
65 -
Pour l'année scolaire 1903-1904,
32 frères de Ploërmel
furent délégués comme instituteurs provisoires dans les écoles
de garçons de la Colonie
(5). Les manuels aussi avaient été chan-
gés et les élèves avait désormais entre leurs mains,
des "livres
écrits dans un esprit vraiment laïque et républicain".
(6).
Paris cependant jugeait tout cela bien insuffisant.
Des organes de presse comme l'Aurore dans sa livraison du
20 mai 1904,
accusait le Gouverneur GUY d'avoir essayé "d'enra-
yer",
sinon d'empêcher,
l'oeuvre de laïcisation et de favoriser
ainsi
"les agents cléricaux au détriment de leurs collègues ré-
publicains"
(7). L'Humanité quant à elle parlait du Gouverneur
GUY comme "l'homme néfaste" qui empêchait la laïcisation de pro-
gresser au Sénégal
(8).
En trouvant une telle atmosphère à Paris quand il
arriva en congé,
le Gouverneur Général E. ROUM télégraphia le
31 juillet que le Ministre insistait pour que la laïcisation des
écoles du Sénégal fut achevée en 1904
(9)_et le Gouverneur GUY
,
(5)
Décision du 16 octobre 1903
Bulletin administratif,
1903,
p.
582/584.
(6)
Gouvernement Général de l'A.O.F .. Colonie du Sénégal. Rap-
port d'ensemble sur la situation politique,
administrative . . .
de la Colonie et sur le fonctionnement des différents ser-
vices.
Saint-Louis,
Imprimerie du G.G.,
1904,
p.
160.
(7)
Jonquier.
Au Sénégal. L'Aurore,
20 mai 1904.
(8)
"Au Sénégal". Article non signé. L'Humanité.
JeUdi 4 août 1904. p.
2.
(9)
Gouverneur Général par intérim
(Merlin)
à Lieutenant-Gouver-
neur. nO
3d,
31 juillet 1904, A.R.S.,
IG3.

-
66 -
allait s'exécuter à la rentrée scolaire de 1904. Un certain nom-
bre des frères allaient s'engager dans le commerce faisant fi de
leurs voeux,
les autres rentrèrent en août 1904.
Mais
pourquoi tant de prudence et d'hésitation de la
part du Lieutenant-Gouverneur
qui,
dix mois durant,
aura préféré
faire traIner les choses au lieu de s'exécuter comme devait le
faire tout bon républicain ?
Son engagement politique ne peut-être mis en doute i
on retiendra par contre,
son habileté et sa prudence à tempori-
ser pour pouvoir répartir les dépenses sur plusieurs mois voire
plusieurs années et surtout,
afin de tenir compte des sentiments
de populations plus ou moins attachées aux congréganistes. Ce
fin politique était cependant doublé d'un fin pédagogue i et c'est
ce côté que retiendra l'attention de tout historien de l'éduca-
tion. En effet,
cet agrégé de l'Université venu un peu tard dans
l'administration,
sentait tout le parti qu'il pouvait tirer d'une
situation imposée par les faits et
les méandres de la politique
politicienne pour restaurer un système d'enseignement désuet
qu'il n'hésitera pas à critiquer en plein Conseil Général:
"L'enseignement donné n'était pas mauvais - dit-il pour
ménager sans doute les susceptibilités,
mais ajouta-t-
il immédiatement -,
les programmes et les méthodes
manquent de cohésion et n'étaient appropriés ni au
pays,
ni aux futurs besoins des élèves. Les maitres
étaient distingués,
mais n'étaient pas de véritables
pédagogues"
(10).
(10)
Conseil Général.
4e séance de la session ordinaire de
novembre 1902.
Comptes-rendus imprimés, p. 91-99.

-
67 -
Il termina son discours en demandant la création d'un poste bud-
gétaire pour recruter un Inspecteur primaire de carrière qu'il
ferait venir de la métropole.
Le scénério semblait être tout tracé
pour entamer à
partir de là,
les réformes nécessaires avec le vent de laïcisa-
tion qui soufflait dans la Métropole. Au demeurant, on peut s'in-
terroger sur l'intérêt pédagogique d'une laïcisation si l'on
s'était contenté seulement de remplacer un personnel par un autre
sans rien toucher des programmes, méthodes et manuels. Le Lieute-
nant-Gouverneur GUY avait bien son idée là-dessus,
et c'est une
des raisons qui l'ont eIT~ené à vouloir d'abord commencer par les
programmes et manuels avant d'en arriver, par progression mesu-
rée,
aux personnels enseignants.
Peut-on cependant à coup de décrets ou de circulaires
seulement changer des programmes,
des manuels et des méthodes?
Là aussi,
une rare sensibilité des problèmes scolaires,que ces
prédécesseurs étaient loin d'avoir, va plaider pour lui. Qui,
mieux qu'un inspecteur de l'enseignement de carrière,
est placé
pour apporter une réponse adéquate à la refonte des programmes
et/ou à la publication de manuels circonstanciés à la situation?
Voilà qui justifiait dès 1902,
l'appel de GUY au Conseil Général
pour la création d'un poste budgétaire pour les fonctions d'ins-
pecteur de l'enseignement.
Dans ce même ordre d'idées,
et comme
pour apporter une réponse aux problèmes matériels indiqués ci-
dessus,
il sera envisagé la création d'une Ecole Normale des

-
68 -
Indigènes; l'édifice ainsi concocté, ne viendra à son heure
que l'année suivante,
exactement le 24 novembre 1903 sous la for-
me d'un arrêté organique,
véritable charte de l'Instruction
Publique en Afrique Occidentale Française.
II - LES ARRETES ORGANIQUES DU 24 NOVEMBRE 1903
Si dans la problématique de JUles FERRY,
l'école laI-
que reste dans une perspective assimilationniste,
un point de
repère en bout d'horizon,
le rituel scolaire
consécutif aux
arrêtés de 1903,
laisse observer un tout autre spectacle
puisqu'ils marquent solidement des paliers et des garde-fous.
En effet,
la nouvelle école élémentaire se répartit autour de
trois instances
entre lesquelles,
en principe,
un enchainement
très sélectif est possible.
Le premier niveau est celui des "Ecoles de village"
confiées à des maitres indigènes
; ce sont des cellules de base
d'une éducation des masses généralisées à partir d'un apprentis-
sage sommaire du français qui servira à communiquer avec les
agents de l'appareil d'Etat et apportera un certain perfection-
nement mental et moral "civilisateur".
Le second niveau est constitué par les
"Ecoles régio-
nales",
installées aux chefs-lieux des cercles.
Elles s'adres-
sent à la population enfantine des agglomérations administrati-
ves de moyenne et petite importance. Dirigées par un maitre

-
69 -
européen,
elles recrutent parmi les meilleurs élèves des écoles
de villages et donnent un "Certificat d'Etudes Primaires Prati-
ques" avec option: agriculture ou artisanat.
Elles débouchent
sur l'emploi immédiat: agriculture, métiers manuels d'artisans
ou d'ouvriers ou aux emplois inférieurs d'auxiliaires de la Fonc-
tion publique. La durée des études est de 3 années alors qu'elle
est de deux dans les écoles de village.
Le troisième niveau,
celui des
"Ecoles urbaines",
n'accueille qu'exceptionnellement
des recrues de la filière pré-
cédente. Ces écoles sont installées en ville
pour la population
urbaine
(avec la distinction d'une classe spéciale pour Euro-
péens quand il y en a).
Elles seules ouvrent les carrières nor-
males de la Fonction publique et délivrent un "Certificat d'Etu-
des Primaires Elementaires" passé sur le programme métropolitain.
L'ossature de ce système,
avec quelques fluctuations,
restera en vigueur pratiquement jusqu'au lendemain de la seconde
guerre mondiale. Ces fluctuations ne sont pas cependant sans si-
gnifications et elles nous intéresserons au premier chef durant
tout notre travail. Après une dizaine d'années de rodage et d'ex-
tension prudente,
cette politique trouvera son théoricien le
plus actif en la personne de Georges HARDY qui est nommé en
octobre 1912,
Inspecteur général de l'enseignement en A.O.F ..
Cet ancien normalien,
agrégé d'histoire et de géographie,
res-
tera 7 ans durant en place et s'en ira à la suite d'une campagne
menée par un député du Sénégal,
Blaise DIAGNE,
dont nous

-
70 -
parlerons longuement.
III - L'IDEOLOGIE SOUS-JACENTE A LA REORGANISATION
Pour le Gouverneur Général William PONTY
"L'instruction est le moyen le plus efficace auquel
nous pouvons
recourir pour assurer le développement
rapide à tous égards de ce pays et de l'influence que
nous voulons y exercer ... L'instruction élève l'hom-
me ; elle transforme ses goûts,
augmente ses appétits
c'est-à-dire,
sa puissance de consommation,
et par
suite,
l'oblige au travail. Nulle richesse n'est plus
certaine que celle qui réside dans le développement
intellectuel de la masse"
(11).
A côté de ce thème de politique économique,
lié aux
intérêts matériels du colonisateur,
en apparut un autre plus
idéaliste:
la durée de la colonisation serait conditionnée par
la conquête morale des indigènes,
liée elle-même à la diffusion
générale de la langue française.
C'est le Gouverneur GUY
qui
exacerbera son nationalisme,
en s'exprimant en ces termes dont
nous ne reproduisons que quelques extraits
:
". . . . . " et l'on est un homme instruit et distingué,
quelle que soit sa race, que si l'on sait parler français
"... .. " mais il y a mieux mes jeunes amis
-
c'était pendant
une distribution des prix -, parler français,
qu'on me permette
(11)
Discours d'ouverture de W. PONTY au Conseil du Gouvernement,
14 décembre 1908. Journal officiel de l'A.O.F.,
1908,
p.
577-586.

-
71 -
de le dire avec orgueil,
c'est être quelque chose ~e plus qu'un
hormne ordinaire" . . . . . " eh bien,
quand vous saur@z le français
comme je voudrais que vous le sachiez,
vous aurez les memes
idées,
vous participerez aux mêmes luttes,
vous vivrez les memes
principes"
(12). Par rapport à cette nécessité de diffuser le
français,
le Gouverneur PONTY lui,
se fondait sur des raisons
plus réalistes qui confirment l'hypothèse assimilationniste dont
le colonisateur entend créditer l'action scolaire dans cette pha-
se de réorganisation.
"Il faut essayer -
dit-il -
de donner au plus grand
nombre possible de
nos sujets,
sinon l'assimilation,
du moins
l'empreinte française.
Il n'est pas,
je crois,
trop
osé de vou-
loir que notre langue soit parlée aussi loin que s'étendent nos
conquêtes coloniales" (13) .
Ces principes qui accompagnent insidieusement l'arrêté
de réorganisation,
il fallait les faire appliquer par un person-
nel nouveau que deux arrêtés du même jour que le texte organique,
organi~ient en deux cadres distincts : le cadre européen et le
cadre indigène
(14).
(12)
Discours de Camille GUY à la distribution des prix de l'é-
cole des fils de Chefs.
10 juillet 1902. A.R.S. J9.
(13)
Circulaire du Gouverneur Général W.
PONTY.
n° 82C.
30 août 1910 relative à l'enseignement dans les colonies
de l'A.O.F .. Journal Officiel de l'A.O.F.,
1910, p.
564-566.
(14)
Arrêtés du Gouverneur Général ROUME du 24 novembre 1903
nO
803, portant organisation du personnel de l'enseignement
et n° 806 bis, portant organisation du cadre indigène du
personnel enseignant.
Bulletin administratif,
1903, p.
657-
661 et p.
700.

-
72 -
IV - LE NOUVEAU PERSONNEL
A côté de l'arrêté
(nO 806)
du 24 novembre 1903 dont
nous avons développé déjà les grandes lignes et qui réglemente
l'enseignement donné dans les écoles créées ou à créer
(15),
deux
autres arrêtés
(nO 863 et 803 bis)
créant le cadre du personnel
enseignant européen et celui du personnel enseignant indigène,
courronnaient l'édifice scolaire. Mais apparemment,
ces deux ar-
rêtés souffraient d'une insuffisance notoire puisqu'ils étaient
très limitatifs et ne s'adressaient qu'aux seuls instituteurs.
Il leur manquait théoriquement, pour répondre aux nécessités pra-
tiques que pouvait soulever le premier arrêté nO 806 avec ses
différents titres,
deux autres arrêtés qui créeraient le cadre
de contrôle et celui des professeurs.
Néanmoins,
on peut penser que ces absences ou lacunes,
doivent sans doute être mises à l'actif de la trop grande préci-
pitation des autorités locales, plutôt préoccupées à répondre
aux injonctions de Paris qui avait fixé l'année 1904 comme l'ul-
time moratoire pour l'exécution de la politique de lalcisation ;
de là aussi,
découle l'explication,
avant qu'il fût possible de
faire passer réellement dans la pratique,
les principes posés
par les arrêtés de 1903,
des abandons,
modifications et reprises.
Enfin,
les intentions ne passeront dans les faits selon le mot
(15) L'arrêté nO 806 comprenait 5 t i t r e s : Le premier traitait
de l'enseignement primaire élémentaire, le second organi-
sait l'enseignement professionnel,
le troisième l'ensei-
gnement primaire supérieur et commercial,
le quatrième
créait l'Ecole Normale d'Instituteur et le cinquième l'en-
seignement des filles.

-
73 -
de Denise BOUCHE
(16)
qu'après l'organisation d'un service de
"l'enseignement autonome,
centralisant toutes les questions d'in-
térêt général; et ce préalable n'a pu être réalisé qu'après
l'arrivée de Georqes
HARDYcomme inspecteur général de l'ensei-
gnement en Afrique Occidentale Française à partir d'octobre 1912.
Cela nous amène incidemment à nous interroger sur les
fonctions,
les statuts et la politique scolaire des prédécesseurs
de HARDY;
ce sera l'objet de notre second chapitre.
(16)
Denise BOUCHE: L'enseignement dans les territoires fran-
çais de l'Afrique Occidentale de 1817 à
1920. Service de
Reproduction des thèses. Université de Lille III. p.
775.

-
74 -
CHAPITRE I I
L'ORGANISATION DE LA DIRECTJ,ON
DE L'ENSEIGNEMENT ET DE L'INSPECTION DES ECOLES
l
-
L'EXERCICE DES FONCTIONS ET LA VIE DES PREMIERS CHEFS DE
SERVICE DE L'ENSEIGNEMENT
(1903-1912)
Denise BOUCHE,
dans un travail de thèse remarquable et
très précieux à'plus d'un titre sur l'enseignement en A.O.F.,
a
déjà abordé ce thème dans l'un de ses chapitres.
Toutefois,
sou-
cieux de la logique contraignante de notre recherche,
nous vou-
drions,
tout en puisant dans ses travaux qui ont déjà dressé
le
tableau d'ensemble des références indispensables,
nous placer
dans une perspective plus large et plus ouverte qui prêterait
davantage attention aux changements qui affectent le rythme du
processus d'évolution des fonctions de l'Inspecteur de l'ensei-
gnement.
En outre,
pour chaque étape historique,
consécutive le
plus souvent à des réformes qui peuvent affecter le système sco-
laire ou à des événements politiques qui retentissent sur ce

-
75 -
__ meme système,
nous essayerons d' analyser le fonctionnement -des
institutions éducatives,
afin de pouvoir saisir non seulement
les représentations ou les attentes,
mais aussi les tâches rée]
lement accomplies par les inspecteurs.
Enfin, nous dresserons
aux différentes époques,
au travers de témoignages -
directs Ol
indirects -
un tableau d'ensemble du statut,
des fonctions et c
l'image de ces mêmes inspecteurs;
un travail d'appoint dont l'
nalyse permettrait de dénouer les relations entre les caractérJ
tiques d'une société et les fonctions assignées à l'école ou aL
inspecteurs.
b) Les Inspecteurs MAIROT
(1903-1906)
et RISSON
(1903-1910)
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
RISSON,
inspecteur primaire
âgé de 37 ans,
arriva a
Saint-Louis en avril 1903 pour être nommé chef de service de
l'enseignement du Sénégal
(1).
En décembre de la même année,
Ô'
barquera aussi MAIROT également inspecteur primaire,
pour être
nommé quant à lui,
directeur de l'Ecole Normale de Saint-Louis
avec cumulativement,
les fonctions dG chef du service de l'ens
gnement de l'Afrique Occidentale Française. L'un et l'autre
avaient suivi la filière qui,
d'instituteurs leuravait permis
s'élever à l'inspection de l'enseignement primaire. Mais,
la l,
calisation
dans une même ville
(Saint-Louis)
des deux service.
liés et distincts à la fois,
allait contribuer à obscurcir la
conception des rapports entre ces deux fonctions.
(1)
Décision du Lieutenant-Gouverneur GUY,
1er avril 1903, pou
prendre effet au 6 mai 1903. Bulletin administratif du
SENE GAL,
190 3 , p.
2 67 .

-
76 -
S~~venons-nous d'abord qu'initialement, l'appel à ces
deux fonctionnaires,
relevait d'une même politique. L'un et l'au-
tre en effet,
apparaissaient comme les moyens les plus sûrs d'as-
surer une laïcisation prudente de l'enseignement au Sénégal.
Rappelons les prises de position du Lieutenant-Gouverneur GUY
Sentant les dangers et les difficultés que.pourrait représenter
une laIcisation brutale; i l avait opté pour une démarche progres-
sive.
D'abord manuels et programmes et seulement ensuite,
le per-
sonnel au fil du temps.
Nous savons que les vissicitudes de la
politique anticléricale de la métropole ne lui laisseront guère
le choix. Toujours est-il que dans son esprit,
l'inspecteur
RISSON devait assurer une transition en ayant la haute main sur
les nouveaux programmes et manuels;
un travail de conception,
d'innovation et d'encadrement en somme.
Quant à MAIROT,
la définition d'une politique de for-
mation d'instituteurs indigènes chargés de prendre la relève des
congréganistes - matériellement,
les finances de la colonie
n'a~raient en aucun cas pu supporter l'appel à des instituteurs
européens pour tous les postes -,
lui incombait.
En outre,
puis-
que la nouvelle Ecole Normale était destinée à l'ensemble des
états constituant l'Afrique Occidentale Française,
i l paraissait
dans l'ordre logique de confier au directeur de cette école,
en
meme temps,
les fonctions
de directeur de l'enseignement en
Afrique Occidentale Française
(2),
surtout quand on songe qu'en
(2)
Fonction créée par l'arrêté du G.G.
ROUME,
nO
803,
24 novem-
bre 1903, organisant le personnel du service de l'enseigne-
ment dans les colonies et territoires de l'A.O.F .. Journal
Officiel du Sénégal,
1903,
p.
681-682.

-
77 -
-dehors du-- Sénégal,
les autres territoires n'avaient pas en 1902
un passé scolaire ou un développement de l'enseignement qui pût
justifier
chez eux,
la création d'un poste d'inspecteur de l'e·
seignement.
Dans ce descriptif encore sommaire du statut de ces
deux fonctionnaires,
le rôle de "contrôle et de conseiller péda
gogique" y semble tout à fa,it absent. Nulle part en tout cas da
les intentions comme dans les textes,
il n'est fait mention de
ce rôle que RISSON et MAIROT seraient appelés à exercer auprès
des enseignants. Est-ce un malencontreux oubli ou est-ce que le
sous-entendu était assez explicite pour mériter d'être davantaç
spécifier ?
Si avant la laicisation,
l'intention du Lieutenant-
Gouverneur GUY était,
en appelant ces spécialistes,
d'assurer
l'encadrement pédagogique de "messieurs distingués mais pas as:
pédagogues" selon son mot,
ce rôle tombe naturellement en désuc
tude puisque le nouveau personnel est composé de gens que leur
titre,
leur capacité et leur formation destinent particulière-
ment aux fonctions d'enseignants. L'explication cependant ne
tient pas quand on songe que malgré une formation de trois ans
à l'Ecole Normale des instituteurs indigènes,
les impétrants,
tout nouveaux dans le métier,
auront toujours besoin des conse
et de l'encadrement des inspecteurs pour guider leurs premiers
pas.

-
78 -
Le législateur ne s'y est _Pë;iS trompé mais §emble penser
autrement en confiant ce rôle à quelques autres agents,
élargis-
sant ainsi le champ des intervenants en matière d'inspection des
enseignants et singulièrement des instituteurs indigènes. On l i t
en effet dans le texte de l'arrêté du 24 novembre 190 ~ que "les
"
instituteurs indigènes
doivent être recrutés en qualité de sta-
giaires parmi les indigènes âgés de 18 ans au moins et ayant sa-
tisfait aux épreuves d'un examen dont le programme serait fixé
ultérieurement par un arrêté du Gouverneur Général.
Ils pourraient
être titularisés au bout de trois ans de stage sur le rapport de
l'Administrateur du cercle où ils auraient exercé ?"
(3).
Le meme texte organique prévoyait dans une autre ligne,
que les instituteurs européens que leur grade placerait à la tête
d'une école régionale cormne directeur déchargé de classe, avaient
entre autres comme mission,
d'inspecter des écoles rurales pla-
cées dans les limites territoriales de la région où ils exercent.
C'est là,
la preuve donc que RISSON et MAI ROT , n'avaient pas
l'exclusivité de l'inspection des enseignants même si leurs fonc-
tions les y désignaient expressément.
Il est aisé de remarquer
ici,
à travers cette analyse diachronique,
la survivance du pas-
sé dans le présent malgré un grand décalage temporel
; ces dif-
férentes instances d'assistance et d'inspection ne sont pas en
effet,
sans rappeler le principe de la démultiplication des
procédures de formation et de contrôle envisagé en 1792 dans le
(3) Arrêté du 24 novembre 1903 portant organisation de l'ensei-
gnement en A.O.F.
- Bulletin administratif du Sénégal.
1903.

-
79 -
Rapport de Condorcet
(4),
mais on aura l'occasion d'y reven:i,.r
plus largement.
Le remplacement des congréganistes par un personnel
laïque,
supposait d'écrasantes tâches administratives liées à lé
mise à jour d'un état du personnel des deux bords,
à la concep-
tion d'une nouvelle carte scolaire qui permettrait un dispatchi;
du personnel san~ <3.Bl12~9~s, et à la tenue d'une correspondance
régulière avec les différentes instances de décision comme les
ministères,
la mission chrétienne des Frères de Ploërmel mais
aussi des services centraux locaux. Ces tâches administratives
allaient occuper tout entier RISSON.
Pareillement,
MAIROT pour
l'Afrique Occidentale sera confronté à ce même travail d'où pou
lui,
la quasi impossibilité de mener de front,
ce travail et se
fonctions de directeur de l'Ecole Normale; et dès 1904,
avec
transfert de l'Ecole Normale de Saint-Louis à Gorée,
il ne se
consacra qu'à ses fonctions de Directeur de l'enseignement en
Afrique Occidentale,
laissant la direction de l'Ecole Normale ("
un nouveau venu,
BOULANGER,
précédemment inspecteur prinlaire al
Indes,
à la Guadeloupe et à la Réunion. Mais curieusement.
c'e~
...
à ce moment précis ou MAIROT semblait disposer d'assez de temp:
pour se vouer uniquement aux exigences de ses fonctions d'Ins-
pecteur,
qu'il verra décroître son titre de directeur de l'en-
seignement en A.O.F., au point de le perdre. C'est que MAIROT
avait voulu gonfler ses attributions et assurer l'entière res-
(4)
LEON
(A)
Introduction à l'histoire des faits éducatifs.
op.ciL,
p.
221.

-
80 -
pon~ap!lité de son service en ayant de comptes à rendre qu1au
Gouverneur Général. Que cette requête n'ait rien que de logique
d'autant que pareille prérogative sera reconnue plus tard à son
successeur,
nul n'en disconvient;
mais le moyen employé pour
parvenir à cette fin ne fut guère orthodoxe et c'est ce qui a
pu sans doute irriter les autorités localei' au point de le dé-
posséder totalement de ses attributions.
En effet,
au cours d'un
voyage à Paris à la fin de l'été 1904,
MAIROT aVait fait le siè-
ge des bureaux du Ministère et obtenu on ne sait quelle promesse
ou engagement grâce au jeu des influences et de la concussion
de retour au Sénégal,
et sans passer par la voie hiérarchique
normale,
il s'était hâté de désigner les titulaires des emplois
créés en GUINEE en 1904 et de caser ainsi ses amis avant l'arri-
vée du nouveau Lieutenant-Gouverneur FREZOULS,
qui
évidemment,
allait très mal prendre ce procédé
(5).
Devant pareil incident
et d'autres du même genre,
ses
fonctions
furent désormais dé-
finies comme celles d'un Conseiller technique du Gouverneur Gé-
néral,
sans autorité propre sur les services de l'enseignement
des différentes colonies du groupe
(6).
MAIROT ne se résignera pas comme en témoigne son mé-
moire sur l'organisation de l'enseignement au Sénégal en 1905
(5)
Lieutenant-Gouverneur de Guinée à Gouverneur Général,
n° 181,
28 février 1905. A.R.S.
J37 102.
(6)
Note de cabinet du Gouverneur Général à l'inspection de
l'enseignement.
9 mars 1905. A.R.S.
J10
(1906).

-
81 -
où il formulera le voeu de se voir accorder l'autorisation de
correspondre au moins avec les instituteurs pour toutes questio~
touchant la pédagogie et qu'on lui subordonnât RISSON comme ad-
joint en meme temps. Ce sera en vain. Mieux, quand MAIROT
s'enhardit de se parer du titre d'Inspecteur des services de
l'enseignement,
il lui fut brutalement rappelé qu'il n'était pa~
chef de service
(7). Quand il publia dans le Journal Officiel
ses rapports d'inspection en Guinée et au Haut-SE:~négal---Nigér, i]
ne signera aussi que de son simple nom
(8).
A la fin de l'année 1905,
le Gouverneur Général ROUME
reconnaissant l'importance de l'enseignement musulman,
demander
un adjoint à MAIROT, qui serait spécialement chargé de l'inspec
tion des écoles musulmanes
(9).
Sans doute quelque peu frustré
par cette décision et plus par l'occultation de l'essentiel de
ses fonctions,
MAIROT demandera sa réintégration 3ans le cadre
métropolitain en décembre 1905.
Il n'obtiendra satisfaction qu'
son retour d'inspection dans les colonies du Sud et partira dé-
finitivement le 12 septembre 1906.
(7)
Note de Cabinet du G.G.
(Merlin Pi)
aux lieutenants-Gouver-
neurs,
18 octobre 1906,
A.R.S. J10
(1906) .
(8)
Inspection de l'enseignement,
Mission d'inspection dans
If
Gouvernement du Haut-Sénégal-Niger par A. MAIROT. Journal
Officiel de l'A.O.F.
1905, p.
384-387,
id.
dans le Gouvernf
ment de la Guinée Française. Ibid.,
p.
396-399
(9)
Discours d'ouverture de la Session du Conseil du Gouverne-
ment de l'A.O.F. par Roume,
4 décembre 1905 - Journal
Officiel du Sénégal,
1905, p.
640.

-
82 -
_ Entre temps,
RISSON qui semblait avoir donné toute sa-
tisfaction au Lieutenant-Gouverneur GUY dans la phase de transi-
tion pour l'installation du nouveau personnel laïque,
n'apparais-
sait plus comme l'homme de la situation,
ce moment "d'euphorie"
administrative passé. Bien sur,
il était toujours "zélé", mais
"
Camille GUY le trouvait trop dur avec ses subordonnés et trop
sectaire
(10)
; et RISSON qui était plus à l'aise dans les dos-
siers que devant les individus,
rentrera lui aussi en France en
avril 1910.
Au départ de MAIROT en mai 1906 en tournée d'inspection,
MARIANI,
arrivé un mois plus tôt,
fut chargé de l'intérim de
l'inspection de l'enseignement du Gouvernement Général. Quand il
prit définitivement la place de MAIROT en septembre 1906,
les
circonstances étaient défavorables à un rétablissement de son
autorité,
car W.
PONTY,
successeur de ROUME comme G.G.,
venait
de créer un service des affaires politiques,
administratives et
économiques auquel il adjoignit quatre inspections dont celle de
l'instruction publique et de l'enseiqnement musulman. Le rôle
des inspecteurs était clairement défini comme subordonné
"Les inspecteurs sont placés sous l'autorité directe
du chef des affaires politiques,
administratives et économiques.
Ils cherchent les améliorations à apporter à l'organisation des
(10)
Bulletins individuels - A.N.S.O.M.
EEII 2158.

-
83 -
services locaux,
étudient les affaires ressortissant de leur
compétence technique,
préparent sous la direction du Chef des
affaires politiques,
la correspondance gui en résulte.
Enfin,
ils peuvent être mis à la disposition des· Lieutenants-Gouverneurs
pour inspecter les services locaux
(11).
Un conflit de compétence entre MARIANI et GUYON le
chef des affaires politiques ne manquera pas de survenir de si-
tôt.
MARIANI en effet,
non seulement exigera de ne travailler
que sur la base d'instructions écrites, mais refusera toute cor-
rection faite à ses travaux par GUYON.
Celui-ci s'en re~e~tra à
l'arbitrage du G.G. non sans avoir rappelé que MARIANI)en refu-
sant de n'être qu'un rédacteur,
lui compliquait sa tâche sans
lui être d'aucune aide et qu'au surplus,
le rôle à attribuer aux
médersas et écoles coraniques relevait d'une question plus poli-
tique que pédagogique et qu'en conséquence,
les attributions de
MARIANI par rapport à cette question devraient lui être retirées
pour relever directement du service des affaires politiques
(12).
GUYON concluait sur la proposition de supprimer l'inspection de
l'enseignement musulman,
rouage inutile et de remettre MARIANI
à la disposition de son administration d'origine.
(11)
Article 2 de l'arrêté de W.
Ponty,
17 septembre 1909, por-
tant suppression du bureau de l'administration générale des
affaires indigènes et du bureau des affaires économiques et
création d'un service des affaires politiques,
administra-
tives et économiques
(A.P.A.). Journal Officiel de Guinée,
1909,
p.
656-657.
(12)
Note du chef de service des A.P.A. pour le Gouverneur Géné-
ral,
Il mai 1910,
id.
confidentielle,
nO
1725,
15 octobre
1910,
A.R.S.,
J18 33 et 35

-
84 -
~~_ç.G. préf~ra accgrder à MARIANI l'autorisation
qu'il sollicitait de partir immédiatement en tournée:
"Quelle que soit la localité où je me rendrai,
je
pourrai jouer partout un rôle moins stérile qu'à Dakar", notait
dans sa demande
l'inspecteur déçu
(13).
Ap~ès sa tournée qui le
mènera dans presque tous les territoires composant le groupe de
l'A.O.F., MARIANI rentrera définitivement en France en décembre
1911 fatigué de ses nombreuses missions
(14).
d)
L'avènement de COURCELLE,
chef du service de l'enseignement
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
au Sénégal
(1911-1915)
Au départ de RISSON en 1910,
le service de l'enseigne-
ment du Sénégal verra arriver le personnage le plus étrange
qu'il soit donné de voir.
Etienne COURCELLE,
44 ans,
débarquera
avec une valise de dossiers pérsonnels ne contenant pas moins de
516 pièces
(15)
dont aucun diplôme;
pas même le plus petit bre-
vet élémentaire exigé aux stagiaires pour un emploi d'institu-
teur dans la colonie.
Et pourtant,
Etienne COURCELLE,
au prix de fourberies
et d'influences personnelles inimaginables,
parviendra à se his-
(13)
Inspecteur de l'instruction publique et de l'enseignement
musulman à chef de cabinet du G.G.,
2 juin 1910, A.R.S.
J18 28 .
(14)
Lettre du 20 avril
1912 par laquelle MARIANI en congé sol-
licite sa nomination dans le cadre des percepteurs de la
métropole - ANSOM EE II -
2186.
(15)
D'après le bordereau récapitulatif des pièces adressées au
Lieutenant-Gouverneur du Sénégal par le Gouverneur-Général,
le 2 avril 1914,
le dossier de Courcelle contenait à cette
date,
516 pieces.

-
85 -
ser au rang d'inspecteur de l'enseignement chargé du service de
l'enseignement du Sénégal.
Comme quoi d'ailleurs,
on peut dire
que les influences personnelles jouèrent longtemps dans la colo-
nie plus que la compétence ou les diplômes et plus que la logique
dans le choix des solutions chaque fois qu'un cas à résoudre se
présentait. COURCELLE n'était qualifié pour l'enseignement colo-
niaI que par un s éj our d'un an à Yunnanfou
(Chine)
comme "profes-
seur". Avant cette date,
il semble d'après les pièces de son dos-
sier qu'il avait été précédemment "professeur" de français et
d'articulation à l'Institut Départemental des Sourds et Muets de
Rueil
(1887-1892); mais ces renseignements so~t à prendre avec
une extrême prudence puisqu'il apparalt plutôt dans d'autres piè-
ces du dossier comme professeur de mathématiques et de sciences
sans précision de dates à Saint-Sauveur à Avon
(16). Toujours
est-il qù'en 1918 quand l'administration s'avisera à lui demander
le plus petit diplôme tel le brevet élémentaire ou une copie cer-
tifiée conforme ou meme à défaut,
d'indiquer la date et le res-
sort académique où il l'avait obtenu, COURCELLE ne s'exécuta
point
(17). COURCELLE,
pour arriver à se hisser au sommet de la
hiérarchie de l'enseignement au Sénégal, et au surplus comme le
chef de service alors qu'en d'autres lieux I l luI sei-ait impos-
sible d'être simple instituteur,
devait avoir de grandes et effi-
caces protections à Paris. Cela est si vrai qu'avant son arrivée
au Sénégal,
COURCELLE a eu maintes fois maille à partir avec des
(16 ) Etats des services. A.R.S. 1C39,
chemise 7,
pièce 12.
Courcelle à G.G.,
Dakar,
28 janvier 1909.
G.G. à Ministre,

3659,
12 septembre 1918
(Faute de ré-
ponse-cie l'intéressé,
leG.G. demahde-de-s-r-echerches dans--
les dossiers du département). A.R.S. -
1C39.

-
86 -
autorités administratives de la plus haute hiérarchie sans en cou-
rir pour autant de blâmes ou réprimandes quelconques.
Ce fut
dl abord en Guinée avec un commandant du cercle puis au Dahomey
avec le Lieutenant-Gouverneur qu'il accusa de "carence notoire"
(18). L'impunité de COURCELLE est à rapprocher sans aucun doute
à son grade peut-être très élevé qulil devqtt occuper dans la
Franc-maçonnerie,
et sur les fiches en sa possession plus ou
moins calomnieuses sur beaucoup de fonctionnaires
(19).
Il faut
aussi ajouter qu'à cette époque,
les franc-maçons avaient un im-
mense pouvoir et faisaient jouer leur influence aussi bien dans
l'administration métropolitaine que coloniale. A ce propos,
l'ar-
ticle de Louis FOURCADE est très édifiant surtout dans son inti-
tulé
:
"Il y a 100 ans,
la Franc-maçonnerie assurait la Républi-
que et l'Ecole Laïque"
(20).
Dans des lettres adressées par
COURCELLE au Gouverneur Général w. PONTY,
on a pu l i r e : à
"M.
le Gouverneur Général et T.C.F.
PONTY". Lettres signées a
la fin de :
"COURCELLE 18ème"
(21).
(18)
Denise BOUCHE ~ op.cit. p.
657 et 685.
(19)
Note s.d.
(1905)
sur Courcelle par Noirot,
lui-même franc-
maçon comme beaucoup de fonctionnaires de l'A.O.F.
à cette
époque. Papiers Noirot -
ANSOM - Affaires Politiques 148/1,
pièce 78.
(20)
Louis FOURCADE : Il y a 100 ans,
la franc-maçonnerie assu-
rait la République et l'Ecole Laique -
in Humanisme.
Bulletin du Centre de Documentation du Gd Orient de France.
nO
110,
1976,
p.
8 à
12.
(21)
Par exemple,
une lettre du 4 août 1912 - A.R.S.
1c39,
chemi-
se 7,
pièce 19 -
Cette lettre est loin d'être la seule.
Dans une autre en date du 14 février 1914,
on l i t :
a
"Mon T.C.F.
PONTY". Celle-ci commence ainsi
"Je fais
appel à votre solidarité maçon".
A.R.S.
lC39,
Chemise 7,
pièce 54.

-
87 -
Pour avoir refusé de se laisser intimider ou imposer
par celui qui était leur subordonné sur le plan administratif,
certains fonctionnaires furent poursuivis par COURCELLE d'inter-
minables campagnes de dénonciations.
Ce fut le cas du Lieutenant-
Gouverneur du Sénégal lorsque COURCELLE devint le chef de service
de l'enseignement de cette colonie
(22).
COURCELLE avait arraché selon le mot de Denise BOUCHE
sa nomination au cours d'une escale à Dakar en octobre 1910
alors qu'il se rendait du Dahomey,
en congé en France. Le
3 mai 1911,
à son retour,
il fut uommé chef de service de l'en-
seignement,
poste où i l allait pouvoir mettre à jour toute son
incompétence et dévoiler sa véritable face.
C'est ainsi que
l'inspecteur en lui,
reprochera à un maitre qui faisait une le-
çon sur le "mil",
de ne pas avoir cherché la difficulté
(23)
ailleurs,
i l dira
"faute d'interprète" dans le village,
il n'a
pu "recueillir aucun avis sur l'instituteur".
Voilà pour sa pé-
dagogie et pour les bases de sa notation individuelle
(24).
A l'arrivée de Georges HARDy en 1912,
s'engagera une
lutte farouche entre COURCELLE et lui trois ans durant,
avant
qu'il pût le refouler loin des services de l'enseignemént.
(22)
Dans une lettre adressée à
"M.
le G.G.
et T.C.F. PONTY Il ,
Courcelle reproche à Cor,
"une malveillance insigne, per-
sistante et voulue,
qui semble procéder d'antécédents aussi
peu maçonniques que possible". A.R.S.
lC39,
chemise 7,
pièce 19.
(23)
Rapport d'inspection sur l'instituteur Amadon Boge,
à
Basel,
5-7 mai 1913 -
A.R.S. J29.
(24)
Id.
sur l'école de Gandiole,
12 février 1913 - A.R.S. J31.

-
88 -
II - POUR UN APPROFONDISSEMENT DE L'ANALYSE HISTORIQUE DU/DES
STATUT{S)
ET DES FONCTIONS DES PREMIERS INSPECTEURS
Par fonctions de l'inspecteur,
nous entendons,
l'ensem-
ble des actes accomplis par celui-ci aupr~~ des personnes concer-
nées
(maitres, élèves,
institution)
et l'ensemble des actes gue
ces m~mes personnes attendent de lui~ eQ égard à la position
qu'il occupe dans le système scolaire.
Implicitement,
nous désignerons son statut,
comme
"l'ensemble des comportements à quoi i l peut s'attendre légiti-
mement des personnes précitées"
; et le rôle,
comme l'ensemble
des comportements à quoi ces personnes s'attendent légitimement
de sa part .
. Essai de synthèse
Quand GUIZOT,
en Frdnce,
compléta la loi qui porte son
nom en y
ajoutant par voies d~ crédits budgétaires,
un service
d'inspection temporaire,
il s'était empressé de définir le rôle
à jouer par les fonctionnaires commis aux tâches qu'appelait ce
service
"Visiter les écoles et fournir à l'administration, une
masse de renseignements et de détails qui la mettaient en état
d'agir désormais sur tous les points,
en connaissance de cause
et avec efficacité".
Devant le succès rencontré par pareille
initiative,
il rendit cette institution permanente et se fit

-
89 -
encore plus précis en élaborant une sorte de catéchisme pour les
inspecteurs
catéchisme générateur de normes
; et le rôle de
l'inspecteur était clairement défini comme étant une adhésion a
ces normes
:
"Contrôler et surveiller. Conseiller et diriger,
tout en éclairant l'administr?tion supérieure et en faisant sen-
t i r et accepter partout son action".
Cela se passait en 1835.
Au XXe siècle,
quand le Sénégal se fit
l'écho de la
Métropole en renouvelant a son compte l'expérience de cette ins-
titution et créer son corps d'inspecteurs de l'enseignement,
il
le fera avec désinvoltuce,
négligeant l'étape nécessaire qui de-
vait permettre la spécification et la précision du rôle à assi-
gner aux inspecteurs.
Aussi,
si l'image de l'inspecteur et les attentes
qu'il suscitait en France,
ont pu résulter d'un compromis expli-
cite,
au Sénégal,
cette imaqe et cette attente seront tout à
fait le résultat d'un conflit perpétuel au sortir duquel les
inspecteurs perdront oarfois
jusqu'à leur titre et encore plus
leur statut initial de chef de service de l'enseignement
(25).
Pourquoi cette sit~~tion hybride? Qu'a-t-il pu se
passer au point d'en arriver là ? Ces inspecteurs ont-il déçu
les attentes de l'administration au point de mériter ce sort?
(25)
Rappelons-nous en effet que,
au plus fort du conflit oppo-
sant l'administration à l'Insoecteur MAIROT
celui-ci fera
paraitre ses rapports d'inspection dans le journal officiel
en signant de son simple nom d'auteur.
'
(Voir J.O.
de l'A.O.F.,
F.
1905, p.
384-387.

-
90 -
Et faut~il _çQll.dgmner- teur manque de combatti vi té ? Enfin, faut-
il ne voir là qu'un manque de compétence certaine qui ne pouvait
que jouer en leur défaveur dans la lutte parfois sourde menée
par l'administration ou contre elle?
Ce n'est pas ici,
le lieu de reno~yeler la réponse à
toutes ces questions que du reste notre analyse a révélée en fi-
ligrap_~ tQ~J:_ <:l~ long de notre cheminement ; il demeure cependant,
qu'en replaçant l'ensemble des événements dans une synthèse que
nous voulons brève mais concise,
on comprendra mieux le jeu des
forces,
les résistances et ruptures qui expliquent le train caho-
tique des choses.
En 1902, à la revendication de certains conseillers ge-
néraux portant sur l'unification des soldes entre instituteurs
européens et instituteurs indigènes,
le Gouverneur GUY avait
éludé la question en répondant que les diplômes délivrés dans la
colonie,
pourraient être l'équivalent de ceux de la métropole
grâce à la présence future d'un inspecteur pfimaire qui viendrait
occuper les fonctions de chef de service de l'enseignement
(26).
En clair,
l'inspecteur aux yeux du Gouverneur,
apparaissait comme
une sorte de garantie pédagogique, qui seul au demeurant,
pouvait
conférer aux instituteurs,
leur aptitude et leur distinction.
Paradoxalement,
l'inspecteur en question,
voyait pèndant ce temps,
son image autrement;
en effet,
dans les motifs qui l'incitaient
à solliciter le poste de chef de service de l'enseignement,
(26)
Conseil Général -
4e séance de la session ordinaire de 1902.
26 novembre 1902. Discussion du budget de l'Instruction
publique.

-
91 -
RISSON mettait en avant
:
"La recherche de méthodes et la compo-
sition de livres convenables pour les indigènes"
(27). Apparem-
ment,
il n'y avait pas d'antinomie totale entre ces deux visions,
mais malheureusement la réalité allait laisser voir un tout autre
spectacle; RISSON en effet,
empêtré dans des dossiers à classer,
dans la confection de rapports et mémoires sur l'Ecole,
n'aura
pas d'autres rôles à jouer que ceux d'un Rédacteur employé à la
guise de ses supérieurs hiérarchiques.
Son titre de chef de ser-
vice ne sera qu'une façade n'ayant d'autre signification que par
rapport aux prérogatives financières qu'elle appelle.
Quand RISSON voulait dépasser le cadre purement admi-
nistratif où son rôle le cantonnait pour jouer celui de praticien
de la pédagogie,
c'est avec beaucoup d'appréhension qu'on le lais-
sait faire comme en témoigne cette note du Gouverneur qui disait
de lui "qu'il était trop sectaire et trop dur avec ses subordon-
nées
(28). Aussi,
quand il apparaitra n'être plus l'homme du mo-
ment,
après avoir beaucoup contribué à asseoir l'ossature du sys-
tème,
i l sera simplement remercié.
Faut-il parler de l'image ou du statut de son succes-
seur COURCELLE ? A mon sens,
il faut pl utot s-e servir de--
COURCELLE pour dresser sans pitié l'image de l'administration de
cette époque
une administration veule,
corrompue et faible,
et
qui a révélé la pleine caractéristique de ceux qui la dirigeaient.
(27)
Risson à M. le Député
Barthon
Oloron,
3 février 1903.
A.R.S.
EE II 2158.
(28)
Bulletins individuels -
ANSOM EE II 2158.

-
92 -
Paradoxalement,
Qn ep vient à se demander comment les
inspecteurs ont pu se laisser déposséder par ceux-là mêmes
qu'un personnage aussi douteux que COURCELLE a pu manoeuvrer
des années durant. COURCELLE en tout cas,
n'a pas d'autres sta-
tuts que ceux qu'il se sera lui-même forgé,
puisque laissé à sa
'.
guise; et c'est sans doute ceux de "vigile- d'une certaine péda-
gogie" qu'il tendait à imposer par la force de la calomnie pour
se forger une personnalité auprès des maitres que l'absence de
vrais diplômes et de compétence lui refusaient.
Avec les inspecteurs chefs de service de l 'enseigne-
ment en Afrique Occidentale, nous montons d'un cran dans l'é-
chelle des valeurs quant à leurs statuts,
images ou fonctions.
En effet,
des documents existent là plus qu'ailleurs qui déno-
tent leur lutte contre l'administration pour jouer le rôle qui
somme toute devait leur être dévolu.
C'est que leur hargne était
à la mesure de leur frustation. Appelés pour être chef de servi-
ce auprès du Gouverneur Général,
comme leurs collègues de l'a-
griculture,
de la douane,
des Impôts et des affaires sanitaires,
ils ont vu leurs prérogatives choir au jour le jour pendant que
celles des autres restaient intactes.
En principe,
tous devaient
assister par exemple au Conseil du Gouvernement qui se tenait
une fois l ' a n ; MARIANI n'y assistera qu'une fois,
en décembre
1907,
et ne fut plus convoqué par la suite. Quelle est l'étendue
de cette mesure de dégradation et pourquoi ?
Il est tout à fait vraisemblable que pendant cette

-
93 -
période de mise en place des rouages du système administratif
qui devait parachever l'oeuvre de conquête si patiemment menée
depuis près d'un siècle,
la dimension politique de l'Ecole occul-
tait toute autre,
même pédagogique, quand bien même celle-ci
allait de pair avec celle-là. Pour n'avoir pas compris cela,
les
inspecteurs-chefs de service ont commis un crime de lèse-majesté
en voulant jouer le jeu de leurs fonctions.
Qu'on se rappelle
l'incident créé par MAIROT en désignant,
à
l'absence du Lieute-
nant-Gouverneur de Guinée,
les instituteurs titulaires des emplois
qui venaient d'y être créés;
et aussi MARIANI,
quand i l entre-
prit sans instructions préalables d'é]_aborer des programmes pour
combler dit-il
"les lacunes antérieures"
(29).
Que tout cela ait
constitué la goutte d'eau qui fit déborder le vase ou pas,
les
inspecteurs vont se retrouver totalement dépouillés de leur ti-
tre de chef de service sans autre statut que celui qu'on voudra
bien leur reconnaitre suivant les besoins du moment.
C'est ainsi
que tant6t ils ne seront que des conseillers techniques subordon-
nés à l'autorité du chef des affaires politiques,
dont ils pré-
parent la correspondance qu'il veut bien leur confier; tant6t,
ils ne sont que des rédacteurs chargés des travaux d'expéditions
des affaires courantes.
En tout état de cause,
le statut d'administrateur sco-
laire seul leur était reconnu. On comprend leur déception et leur
rancoeur qu'ils manifestaient sans cesse,
surtout quand des
(29)
MARIANI à G.G.,
7 mai 1910
(pour lui adresser les program-
mes de la Médersa et lui annoncer l'envoi de ceux de
l'Ecole Pinet-Laprade
et des écoles ~rimaireal ~A.R.S.
J1834.

-
94 -
c9r~e~~tons étaient faites à ~eur travaux (30). Pour rompre leur
ennui quotidien,
les inspecteurs préféraient demander l 'autorisa-
tion d'aller en tournée d'inspection à l'intérieur des Colonies
ce qu'ils n'obtenaient toujours pas d'ailleurs,
autant qu'ils
l'auraient désiré puisque leur déplacement était assorti de char-
ge financière que la colonie ne consentait.pas aussi facilement
aux vues du maigre bénéfice qu'elle pouvait en tirer à l'époque,
pui~~~e l'aspect pédago~iqtie de l'Ecole, l'intéressait peu. Il
apparaît ici,
a la lumière de ses développements que l'autorité
morale reconnue à l'individu,
n'est et ne peut jamais être un
dép6t en banque,
mais un produit corruptible que chacun de ses
actes mûrit ou défait.
Curieusement,
ce que les inspecteurs n'ont pu obtenir
malgré leur combat acharné,
leurs protégés naturels,
les insti-
tuteurs,
parviendront à le leur octroyer au prix;d'une autre lut-
te dont ils sortirent vainqueurs
; il a été dommage somme toute
que l'usufruit n'allait profiter qu'aux successeurs des premiers
instigateurs de la lutte po~r la reconnaissance d'un vrai statut
et de réelles fonctions des inspecteurs. On reconnaît là,
à la
suite de A. LEON
(31)
que les
"institutions ou mesures conçues
en fonction de l'image dom inante des "Inspecteurs",
peuvent,
dans la logique de leur développement, susciter des processus
(30)
Note du chef de service des Affaires politiques et adminis-
tratives pour le G.G.,
12 mai 1911,
id.
confidentielle,

1725,
16 octobre 1910,
A.R.S. J18 3 3 et 35
(le chef de
service Guyon prétendait par là que l'inspecteur Mariani
s'insurgeait contre les corrections faites à ses travaux
et refusait de n'être qu'un rédacteur).
(31)
A. LEON:
Introduction à
l'histoire des faits
éducatifs,
op.
cit.,
p.
214.

-
95 -
de_retournement et contribuer à nier,
ou tout au moins à faire
évoluer cette image".
III - PREMIERES TENTATIVES VERS LA DU'FERENCIATION DANS LES PROCE-
DURES DE CONTROLE ET LES PREMIERS INSPECTEURS DANS LES
AUTRES COLONIES DE L'AFRIQUE OCCIDENTALE FRANCAISE
a)
Différenciation dans les procédures de contrôle
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Les arrêtés de 1903 relatifs aux personnels de l'ensei-
gnement,
n'avaient pas
qu'on s'en souvienne,
prévu d'inspecteurs
primaires,
mais d'inspecteurs de l'enseignement assortis du titre
de chef de service. La nuance est de taille comme nous le verrons;
il Y avait en tout et pour tout,
deux inspectp.urs,
l'un chargé du
service de l'enseignement du Sénégal,
l'autre,
plus communément
appelé Directeur de l'enseignement en Afrique Occidentale Fran-
çaise ; tous deux résidaient du reste
à Saint-Louis du Sénégal.
Le récent passé scolaire des autres colonies du groupe de l'A.O.F.
où l'école n'y fut introduite qu'à l'aube du XXe siècle,
justi-
fi~ peut être l'absence pour leur service propre, d'inspecteurs,
contrairement au Sénégal qui se prévalait d'un passé.
dans ce do-
maine,
vieux de près d'un siècle.
Dans les lignes qui précèdent, nous avons montré com-
ment s'est opérée l'occultation de la dimension pédagogique de
ces inspecteurs
;
leur statut mythique de chef de service lui-
même semblait n'avoir d'autre signification que pour conserver à

-
96 -
ces fonctionnaires,
leurs prérogatives financières initialement
liées à ce statut; interdiction leur était faite de correspondre
directement avec les instituteurs tout comme leur était refusée
toute autorité sur les Ecoles de recrutement fédéral comme
l'Ecole Normale des Instituteurs,
l'Ecole Pinet-Laprade pour l'en-
seignement technique "supérieur" ou l ' Ecole,:ôes pupilles mécani-
ciens de la Marine (32)
;
leur rôle s'amenuisera aussi et fut
restreint à celui d'un administrateur scolaire; et paradoxale~
ment,
pendant ce temps,
les instituteurs n'étaient contrôlés que
par des Commandants de cercle de leur résidence
(officiers ou
administrateurs pour la plupart) .
Cette situation les affectait beaucoup et ils la refu-
sèrent dans un premier temps du mieux qu'ils purent.
De la plume
de l'un d'eux,
on a pu lire :
"Vous avouerez qu'il est parfois
blessant,
pour un i'nstituteur,
de se voir inspecté,
critiqué,
noté par d'anciens bouchers, d'ex-jardiniers,
actuellement admi-
nistrateurs dont les connaissances pédagogiques sont des plus
douteuses"
(33). L'Inspecteur MAIROT portera en haut lieu,
l'écho
de leur revendication
(sans être jamais entendu), même si l'on
doit penser qu'il prêchait pour son sein.
C'est ainsi qu'il écri-
vit
dans un mémoire :
(32)
Note du Cabinet du Gouverneur Général à l'Inspection de
l'enseignement,
9 mars 1986 - A.R.S. J37 102 .
(33)
L'enseignement laïque en Guinée. Lettre de M. Deshaye,
Instituteur à Rouroussa.
17 août 1905. Revue de l'enseigne-
ment colonial
(même si l'instituteur pousse au plus au point
l'exagération dans la qualification des administrateurs
coloniaux,
cette lettre est quand même un vivant témoignage
et montre llétat d'esprit de tous les enseignants de l'épo-
que par rapport à cette situation déplorable.

-
97 -
"Les instituteurs et institutrices,
très isolés dans
les postes de l'intérieur, ont besoin d'encouragement,
de conseils,
de protection morale
[et qu j
il impor-
te donc que les ordres donnés par les Commandants de
cercle ou de poste,
n'affectent pas un caractère de
caporalisme incompatible avec la dignité personnelle
des membres du corps enseignant".
Il concluait par le
voeu que "nos maitres,
quels qu'ils soient, européens
ou indigènes,
soient traités en fonctionnaires et non
en soldats"
(34).
L'écho de toutes ces protestations parviendront au
Congrès de l'er!seignement colonial en 1906 et aboutirCJ':lt au vote
d' une motion e}~prirnant le voeu "que les attributions d2S autori-
tés administratives et des services de l'enseignement dans cha-
que colonie,
soient nettement définies"
(35). Les enseignants
ajouteront à ce voeu,
que "fut nonuné,
dans de brefs délais et
dans chaque colonie,
un chef de service de l'enseignement dont
ils dépendraient directement,
comme cela existait du reste pour
la douane et les postes".
Ils ne seront entendus
au Sénégal, qu'en 1908, c'est-
à-dire
deux ans plus tard, quand le Gouverneur Général
William
PONTY,
créera le cadre des inspecteurs de l'enseignement en
Afrigue Occidentale Française. Que le projet fut empreint de la
(34)
Note au crayon jointe au mémoire sur l'organisation de
l'enseignement dans le Gouvernement Général de l'A.O.F.
par MAIROT.
s.d. (1905) A.R.S. J10
(1905).
(35)
Congrès de l'enseignement colonial
(Marseille 1906). Rap-
port présenté au secrétaire général sur la situation du
personnel enseignant dans les colonies françaises. Revue de
l'enseignement colonial. Août 1906. p.
103.

-
98 -
V9~opt~ li~ii~e d'all~r jusqu'au bout, nul doute puisqu'il
ne
s'est borné qu'à fixer des échelons et des soldes, laissant
l'administration libre de ses choix
qui,
au maximum furent sou-
vent malheureux pour avoir permis le recrutement d'individus
comme COURCELLE. Il n'en demeure pas moins cependant que la
porte était laissée entr'ouverte dans la voie des réformes sol-
licitées de longue date par les inspecteurs et les instituteurs.
A partir de la date de 1908,
certaines colonies déjà,
inauguraient l'appel à des fonctionnaires pour servir d'inspec-
teurs des Ecoles. Ce terme apparait bien pour la première fois,
mais c'était seulement pour marquer la différence d'appellation
avec leur supérieur hiérarchique résidant au Sénégal et qui con-
tinuait d'être investi du terme d'inspecteur de l'Enseignement,
sous-entendant par là,
chef du service de l'enseignement en
Afrique Occidentale.
AV~nt la publication de l'arrêté de 1908 qui fixait le
cadre du contrôle, deux colonies,
le Haut-sénégal-Niger et la
Guinée,
s'étaient déjà donné des inspecteurs des Ecoles
qui
seront immédiatement classés dans le nouveau cadre. Mais,
comme
ce fut le cas au Sénégal avec l'Inspecteur COURCELLE,
les
Lieutenants-Gouverneurs de ces colonies avaient été très mal
inspirés dans leur choix.
La première colonie avait appelé VERNOCHET qui était

-
99 -
alors professeur à L'Ecole Normale de Saint-Louis.
"On ne saurait
s'étonner,
écrivait en 1910 l'Inspecteur Général des Colonies
MERAY,
de la situation déplorable de l'enseignement primaire au
Soudan,
si sa direction est confiée à de tels maitres"
(36).
MERAY fondait son jugement sur la lecture des rapports d'inspec-
tion de VERNOCHET. Les exemples de phraséologie ampoulée qu'il
citait à l'appui,
justifiaient pleinement sa sévérité.
En février
1910,
VERNOCHET avait été remis à son cadre d'origine de la mé-
tropole ;
"Heureusement pour le cerveau de ses élèves" notait le
Lieutenant-Gouverneur
(37).
En Guinée,
c'est LALLEMENT,
du Cadre des instituteurs
d'Algérie,
qui fut nommé inspecteur des Ecoles en 1907. Il Y lais-
sa le triste souvenir de querelles violentes et mesquines avec le
personnel ; en 1911,
le Lieutenant-Gouverneur reconnaissait à
LALLEMENT des
"qualités d'organisation et d'instruction", mais
ajoutait-il,
"son action sur le personnel, les défauts d'une na-
ture prétentieuse,
ont eu dans le service des effets déplora-
bles
LALLEMENT
est plus que jamais l'homme passionné et
haineux dont le moindre acte a pour mobile
une vengeance à
poursuivre"
(38).
(36)
Rapport de l'Inspecteur Général des Colonies MERAY,concer-
nant la vérification du service de M. Gallin,
directeur p.i
de la medersa de Djenné,
21 février 1910. Archives du con-
trôle,
ministère des colonies. A.O.F.
1909-1910, Haut-
Sénégal-Niger,
n° 50 - MERAY,
II,

88.
(37)
Réponse du Lieutenant-Gouverneur aux observations de
l'Inspecteur des Colonies -
Ibid.
(38)
Lieutenant-Gouverneur GUY à Gouverneur-Général,
nO 188,
2 mars 1911. A.R.S. J24.

-
100 -
En 1909,
la Côte d'Ivoire reçut à son tour un inspec-
teur des Ecoles. BONNET n'avait que le Brevet élémentaire alors
qu'il comptait parmi ses adjoints quelques uns pourvus du Brevet
supérieur et du C.A.P ..
Il sut néanmoins utiliser son privilège
de l'âge
(54 ans)
pour se faire admettre et ménager par ses ad-
joints. La tradition des nominations hors dè' toutes règles avait
aussi emmené à la tête de l'enseignement du Haut-sénégal-Niger
en octobre 1910, uh jeune nomme de moins de 25 ans, TOMAS IN 1-;
que MARIANI Directeur de l'enseignement en Afrique Occidentale
soutint,
lors de sa mission de 1910/1911,
par solidarité corse
de tout son pouvoir
(39).
TOMASINI servira en Guinée malgré les tentatives de
coulisse pour le remettre à la disposition du Ministre de l'Ins-
truction publique lors de son congé en France. S'estimant parti-
culièrement qualifié par sa "connaissance des habitudes des in-
digènes et du degré d'évolution psychique auquel on puisse rai-
sonnablement les faire atteindre",
TOMASINI essayera de son
côté d'obtenir son maintien dans le cadre des inspecteurs de
l'enseignement de l'Afrique Occidentale et son rappel à
Conakry
(40). Malheureusement,
le temps du favoritisme et des
considérations politiques comme base de recrutement des inspec-
teurs étaient passés avec l'arrivée d'un inspecteur général de
(39)
Rapport de Mariani sur l'Ecole Primaire de Djenné et télé-
gramme à Gouverneur-Général,
nO
2657,
3 juin 1911. A.R.S.
J12.
(40)
Lucien Tomasini,
inspecteur de l'Enseignement de la Guinée
Française,
soldat auxiliaire,
à Gouverneur-Général, Bastia,
5 novembre 1916. A.R.S. J24.

-
101 -
l'Instruction publique qui ne légitimera pour seule approche
dans la conduite des affaires,
que la compétence pédagogique.
Quelle est l'originalité du message de ce nouveau ve-
nu ? Quelles formes a pu prendre la réforme des enseignements et
de l'inspectorat qu'il initiera? Quel fut son apport ... telles
sont les premières questions auxquelles nos prochains chapitres
tenteront d'apporter des éclairages.

-
102 -
CHAPITRE III
LA REORIENTATION DE LA POLITIQUE., SCOLAIRE
ET DE L'INSPECTION:
1913-1930
l
- L'INTRODUCTION D'UNE NOUVELLE "DONNE" DANS LES STATUTS A
PARTIR D'OCTOBRE 1912.
Dès qu'il prit service à partir d'octobre 1912,
Georqes HARDY,
nommé Inspecteur général,
s'employa d'abord a ne
laisser subsister aucune zone d'ombre qui put restreindre ses
prérogatives et affecter son autorité;
aussi,
l'un de ses pre-
miers combats,
fut-il de se restituer une compétence propre en
ayant sous sa tutelle,
les Ecoles de ~ecrutement fédéral
jadis
confiées au Gouvernement du Sénégal
; sous son impulsion de même,
tombèrent en désuétude et la fameuse interdiction,
inaugurée au
temps de ses prédécesseurs,
de la correspondance,
même pédagogi-
que avec les instituteurs et l'absence de tutelle hiérarchique
vis à vis de l'Inspecteur,
Chef de service de l'enseignement du
Sénégal
désormais,
il ne lui restait qu'à rendre autonome le
service de l'enseignement en le dégageant du carcan administra-
t i f et bureaucratique,
ce qui sera réalisé en mai 1914 après

-
103 -
l'unification de tous les services sous une direction fortement
centralisée à Dakar.
Comment HARDY a-t-il pu,
en un rien de temps,
réussir
là où plusieurs de ses prédécesseurs ont échoué après près de
dix ans de lutte parfois acharnée? Avait-il une sorte d'aura
qui le prédestinât à sortir victorieux des épreuves de force qui
ne peuvent manquer de jalonner sa route?
L'intéressé lui-même a essayé de répondre à ces ques-
tions,
assurant qu'il a eu l'exceptionnelle chance de n'avoir
rencontré sur son chemin que des Gouverneurs Généraux qui avaient
une réelle sensibilité et une sincère préoccupation des problèmes
de l'Ecole. Mais cela ne saurait tout expliquer;
en fait,
avant
même le départ de MARIANI,
le dernier chef de service de l'en-
seignement en Afrique Occidentale en 1~11, il semble qu'on se
soit accordé en haut lieu que désormais,
les tours de passe,
l'administration au jour le jour de l'institution scolaire,
et
les réformes de façade liées au goût et facéties des Gouverneurs
en valse constante dans la colonie, ne suffisaient plus pour
contenir le développement impromptu de l'éducation dans la colo-
nie, menacée de l'intérieur comme de l'extérieur, par l'assàlit
conjugué d'une demande scolaire de plus en plus forte et par les
protestations d'une élite sur ce qu'elle considérait comme un
enseignement au rabais,
et réclamant de mieux en mieux, la simi-
litude avec les programmes métropolitains. L'Ecole donc,
exi-
geait,
plus que par le passé,
une vigilence accrue que les

-
104 -
Gouverneurs ne pouvaient exercer pleinement,
partagés qu'ils
fussent entre divers plans de préoccupation où l'Ecole n'avait
hélas
!
paS la palme d'or.
Ils avaient songé dès lors,
à se dé-
charger sur un fonctionnaire que ses diplomes et sa compétence
désigneraient tout spécialement pour mériter toute leur confiance
dans la résolution des problèmes qu'au jour:le jour soulevait le
développement de l'institution scolaire. A charge surtout pour
cet élu,
d-'établ:iT une continuité,
une cohérence entre -la défi-
nition des objectifs généraux,
la mise en oeuvre des moyens né-
cessaires et le contrôle des résultats gui en découlent.
La personnalité d'un tel fonctionnaire,
imposait natu-
rellement le divorce d'avec ceux-là même,
qui,
de 1903 à 1912,
n'avaient d'autres prétentions à prévaloir, que leurs compéten-
ces professionnelles qui ne s'exerçaient valablement d'ailleurs,
que mises au service de la seule pratique quotidienne des ensei-
gnants.
Désormais,
on avait,
plus que par le passé,
besoin d'un
théoricien de l'Education; quelqu'un en somme,
capable de pre-
voir et de déjouer les caprices de
l ' histoire da!lS ce qu'elle a
de plus insidieux: ses phénomènes de retournement; l'on fit
appel dans cette perspective,
à un agrégé en histoire et géogra-
phie,
qui outre,
avait déjà bien exercé et aiguisé son esprit
par de nombreuses publications scientifiques.
Naturellement,
rien
ne lui sera refusé pour lui laisser la liberté de manoeuvre qui
manquait tant à ces prédécesseurs. D'ailleurs,
pour infléchir
cette volonté nouvelle,
on lui accorda généreusement le titre
d'Inspecteur Général de l'Instruction Publique en Afrique Occi-

-
105 -
dentale Française inaugurant par là ce qui existait dans la Mé-
tropole plus d'un demi-siècle auparavant. Désormais,
les titres
des uns et des autres ne pouvaient plus souffrir de confusion 7
il Y avait d'une part,
les inspecteurs des Ecoles,
en principe,
un par colonie,
et d'autre part,
leur supérieur hiérarchique,
l'Inspecteur général qui continuait de résider au Sénégal.
Quelle fut l'oeuvre de HARDY? L'empreinte qu'il lui a
donné,
fut-elle marquée par une continuité,
une discontinuité au
regard de l'expérience écoulée? Quels furent les lignes de ré-
sistance,
les points chauds rencontrés ici et là ? Quelle fut la
nature de ses rapports avec le pouvoir politique,
d'une part et
l'intelligentsia noire d'autre part?
Telles sont les premières questions que sans doute,
une analyse au détail de la dynamique socio-éducative coloniale
permettrait d'éclairer. Cette analyse s'étendant sur plus d'une
dizaine d'années,
pratiquement de 1913 à 1930,
nous serons con-
traints de faire des jonctions indispensables avec l'histoire
politique et certains événements qui ont pu,
à un moment ou à
un autre se dresser comme des boucliers et constituer quelque
menace à l'oeuvre dë HARDY. Dans cette nécessaire synthèse
transversale,
nous essayerons de faire large mention des atta-
ques de l'élite noire contre HARDY surtout à la publication
d'une de ces oeuvres la plus contestée "Les deux routes", mais
aussi,
des répercussions de la guerre sur le travail qu'il avait
si patiemment instruit.

-
106 -
Nous tracerons donc le schéma essentiel des références
historiques encore imparfaitement dégagées par les recherches
d'histoire récentes sur le SENEGAL,
puis,
nous reprendrons
le fil de l'analyse éducative dans le prolongement de la période
précédente. Il nous a semblé, dans le temps d'une analyse néces-
sairement longue puisqu'elle va de 1913 à 1930, pour laisser ap-
paraitre les points chauds,
résistance et rupture,
de dévider ces
histoires
(poli tique et éâucati ve)
à la fois parallèles et i-mbr-i-
quées,
sans forcer trop vite la recherche de la synthèse et des
interprétations majeures,
mais sans négliger pour autant de faire
apparaitre les jonctions indispensables qui renseignent sur les
conditions d'évolution des fonctions de l'inspecteur de l'ensei-
gnement pendant toute cette période.
II - L'EMERGENCE DES NOIRS DANS LA POLITIQUE ET L'OUVERTURE DES
CONFLITS ENTRE L'INSPECTION ET LES AUTORITES POLITIQUES
LOCALES
Jusqu'au début du XXe siècle,
il était très rare de
voir quelque groupe d'africains suffisaITIDent familier avec la
tactique politique pour organiser un groupe d'action politique
permanent; mais,
quand le niveau d'éducation s'éleva lentement,
surtout avec la reprise en main de l'appareil éducatif consécu-
tive à la laïcisation en 1904,
des africains reçurent la forma-
tion requise pour pouvoir entrer en lice au sein des institu-
tions politiques locales inspirées du modèle français.
L'un

-
107 -
dieux,
BLAISE DIAGNE briguera le poste de député aux élections
législatives de 1914. De pure souche africaine,
BLAISE DIAGNE,
né en 1872 pouvait canaliser la confiance et l'espoir de son
électorat noir puisqu'il se présentait à bien des égards,
comme
l'un des rares africains,
ayant atteint l'égalité et le succès à
11 intérieur du système assimilationniste
(1).
Dans sa campagne,
i l prit soin de développer le maximum de contacts et d'échanges
avec l'ensemble des électeurs noirs
(2)
fer de lance de sa réus-
site tout en évitant de susciter la méfiance des européens; aussi,
plaidera-t-il d'emblée pour "l'~volution" et non pas la "révolu-
tion".
Il fut élu avec une fortE majorité de voix battant de loin
les neuf autres prétendants,
tous européens ou métis. Le nouveau
député devait garder son siège à travers tous les scrutins consé-
cutifs jusqu'à sa mort en 1934. Si les Ministres s'accomodèrent
presque toujours de sa coopération
(3),
les Gouverneurs et Gouver-
neurs Généraux auront par contre quelquefois maille à partir avec
lui,
estimant qu'il interférait parfois trop dans le champ de
leurs responsabilités immédiates.
( 1 )
En effet,
son bagage intellectuel et profes'sionneT -fil a pas-
sé et réussi le concours d'entrée dans le corps métropoli-
tain des agents de douanes)
et l 1 adoption qu'il fit des
moeurs sociales françaises renforcée par son mariage avec
une française,
devaient en faire strictement l'égal des
blancs. On est alors dans la "juste" ligne de l'idéologie
égalitariste d'un Jules Ferry fondée sur l'égalisation des
niveaux d'éducation.
( 2)
Electorat constitué en fait seulement par les natifs des
quatre communes du Sénégal qui avaient statut de citoyen
français.
. (J-)
Ains-i,· l-a collusion sympathique de .DIAGNE _avecle__ minis:tre__
des colonies, Henry SIMON,
pour qui il constituait la réfé-
ren~e dominante en matière d'affaires ouèst-africaines, ~it
forger le vocable de "simonodiagnisme".

-
108 -
Une conjoncture historique dont on n'aimerait guère se
souvenir,
a fait colncider l'avènement de DIAGNE avec les débuts
de la première guerre. La percée allemande .âu cours de l'été
meurtrier de 1914 imposait la nécessité de multiplier les effec-
tifs pour faire face au pêrîl nazi
; le recrutement des noirs
"sujets coloniaux" entrait dans cette passe,
et l'on fit augmen-
ter les unités combattantes de 10.000 à
30.000 par an. DIAGNE
trouva là la première mesure de sa lutte pour faire accepter sa
plateforme politique:
"la réalisation de l'assimilation intégra-
le"
(accession des noirs à la citoyenneté française).
Rappelons pour mieux situer l'enjeu de la bataille,
que depuis le début de la guerre,
les originaires des quatre com-
munes,
les seuls citoyens français à l'époque,
n'étaient pas
concernés par le recrutement.
En eff~t,
leur statut de citoyen-
neté politique ne leur donnait pas accès de plein droit aux
troupes métropolitaines et excluait en meme temps qu'ils soient
incorporés aux troupes noires dans les compagnies de tirailleurs
"suj ets" du régime de l'indigénat. Le député DIAGNE comprit dès
lors que s ' i l parvenait à forcer la voie de l'assimilation pour
les
"originaires" au statut militaire métropolitain,
il ferait
avancer la cause de l'extension des droits politiques. C'était
d'autant plus possible que la France avait un impérieux besoin

-
109 -
d'hommes pour faire face à l'offensive allemande. L'amendement
de DIAGNE à la loi générale qui organisait le recrutement,
et au
terme duquel les originaires des quatre communes du Sénégal de-
vaient être soumis au droit commun des citoyens français quant
à
leurs obligations militaires,
passa donc sans surprise en 1915.
Et un an plus tard,
en septembre 1916,
cet amendement fut élargi
aux descendants des originaires
; DIAGNE put savourer par là une
grande victoire puisqu'il venait d'élargir son électorat pour
l'après-guerre.
En 1917,
l'intensification de la guerre réc12ffidnt da-
vantage de "chairs à
canon",
Georges CLEMENCEAU qui vient de
prendre la tête du Gouvernement,
sollicitera le renforcement de
la mobilisation des troupes noires. Mais le G.G. Jost VAN VOLLEN
HOVEN d'esprit très libéral,
refusera;
i l avait à
coeur le
poids extrême de l'effort de guerre supporté par ces populations
qui,
non seulement avaient déjà subi dans ses rangs une grande
ponction,
mais avaient dû supporter un "impôt de sang" et
s'étaient pliés sans broncher aux "cultures forcées".
CLEMENCEAU
confiera alors à
DIAGNE "une mission gouvernementale pour le
r~crutement de soldats africains en A.O.F." avec rang d'égalité
pour la circonstance,
avec le Gouverneur Général.
DIAGNE accep-
tera et recrutera 60.000 hommes,
plus que ce qu'on lui demandait,
c'est-à-dire 40.000 hommes. VAN VOLLEN HOVEN préfèrera rendre sa
démission pour s'engager dans une unité combattante et se faire
tuer au front.
DIAGNE n'aura de contrepartie dans ce qu'il est

-
110 -
.convenu d'appeler aujourd'hui "sa traitrise ~ sÇl. race", qu'un re-
gain de prestige aux yeux des populations qui,
pour la première
fois,
voyaient un noir,
enfant du pays se faire rendre les hon-
neurs à l'égal des plus hautes autorités coloniales. Le revers
de cette médaille fut la cassure, la distance entre "originaires"
..
et "sujets" puisque le surcroit de sacrifice n'a profité qu'aux
premiers et a poussé dans l'hécatombe les seconds .
. Sur le plan éducatif
L'ambiguité du discours politique de DIAGNE augurait
bien des batailles perdues d'avance surtout s ' i l comptait sur
l'Education pour asseoir sa politique. DIAGNE en effet inscrivait
dans sa plate-forme politique,
l'assimilation intégrale des afri-
cains noirs tout en leur reconnaissant la différence de leur
statut personnel assortie de la pleine égalité de leurs droits.
La contradiction était de taille et ne pouvait être facilement
levée d'autant que la République Française était bâtie sur une
architGci::ure qualifié de "jacobine" qui interdü,ait toute prise
en compte de la différence
(4). On comprend peut-être pourquoi
DIAGNE n'aura de cesse d'osciller entre deux lignes dénommées
"associationniste et assimilationniste".
En définitive,
i l défen-
dra le maintien du statut particulier tout en cherchant à lui
lier la plus entière citoyenneté politique possible. Dans ce
sens,
la ligne d'action qu'il développa consistera à réclamer
le relèvement du niveau du système éducatif,
générateur présumé
(4)
Le terme "égalité" de la devise républicaine,
étant comprise
. comme "similitude dans l'uniformisation".

-
111 -
d'une véritable assimilation,
il rejoint ainsi la revendication
suranée des Conseillers Généraux
(5).
Il n'est donc pas étonnant
que la politique scolaire de Georges HARDY,
qui mettait plus l'ac-
cent sur le développement du primaire adapté au détriment du
secondaire,
puisse trouver un écho défavorable chez DIAGNE et
ses seides. Quand HARDY s'enhardit enfin à vouloir engager les
enseignants africains à se conformer à une voie d'évolution mo-
yenne
(notamment dans son guide aux "jeunes fonctionnaires indi-
gènes intitulés "les deux routes")
sur lequel nous reviendrons
plus amplement,
DIAGNE partira en croisade contre lui et utili-
sera toutes ses relations parisiennes pour le faire partir de la
Colonie avant de rétablir la "fâcheuse tendance que commençait à
prendre la politique éducative"
(sic)
comme supreme sanction
pour ce rétablissement,
DIAGNE obtint la création d'un lycée de
plein exercice et l'application des programmes métropolitair.s
dans les Ecoles des quatre communes. Le politicien en lui pouvait
être satisfait puisque l'honneur de son électorat était sauf,
qui n'avait d'autres but que l'instauration d'un enseignement
d'égale valeur à celui de la métropole par la similitude des
programmes. Jusqu'à sa mort en 1934,
le député sénégalais n'eût
guère d'autres joies à épingler à son palmarès hormis ses succès
promotionnels comme par exemple sa nomination comme sous-secré-
taire d'état aux colonies sous le Gouvernement de Pierre LAVAL.
(5) Louis GUILLABERT intervenait au Conseil Général de 1908 en
ces termes
:
"La véri t é , l a voici
: le sentiment qui domine
ici,
dans les sphères officielles,
c'est de refuser à tous
les gens de ce pays,
Blancs et Noirs,
une bonne instruction.
On ne veut pas que nos enfants s'élèvent. Ils doivent rester,
au dire de ces bons esprits , l e s IIcontremai tres de l'_iILQ.Uê_-=- _
trie et du commerce". Conseil Général. 4esession ordinaire,
novembre 1908,
Comptes-rendus imprimés,
p. 124.

-
112 -
J:J:-1-- - -DE-LA--THEORIE-A LA PRATIQUE
: L' o EUVRg SCOLAIRE DE HARDY
1912/1930
Une fois sur place,
HARDY consacra ses premiers efforts
à l'organisation de son service;
il s'y emploiera avec méthode
et parcimonie.
Pour lui,
priorité devait être accordée au personnel
enseignant et primauté aux Inspecteurs des Ecoles. On le surprend
là,
par quelques côtés et bien que ce ne fut guère son dessein,
renouvelant le vieux principe de la solidarité entre les diffé-
rentes composantes du système éducatif,
inaugurée depuis 1791
par le Baron Léonard Bourbon de la Crosnière (6).
Cette ligne
d'action traduit peut-être aussi,
comme le souligne Denise
BOUCHE (7),
la conviction de HARDY que "former un personnel de
qualité,
lui proposer des directives claires et lui fournir des
manuels adaptés à la tâche proposée,
étaient autant de condi-
tions préalables au développement de l'enseignement".
Nous verrons donc en détail et successivement,
la po-
litique initiée par HARDY tant en ce qui concerne les Inspecteurs,
les enseignants et enfin l'éducation dans ses objectifs comme
dans ses moyens.
(6)
LEON
(A)
Introduction à l'histoire des faits éducatifs.
Jam cit.
(7)
BOUCHE
(D)
: L'enseignement dans les territoires français de
l'Afrique -
1817-1920. Jam cit.

-
113 -
HARDY commencera par instituer un concours de recrute-
ment où les épreuves écrites étaient assurées d'un rigoureux
anonymat.
Ne pouvaient se présenter à ce concours que des candi-
dats préalablement autorisés par le Gouverneur Général et remplis-
sant les trois conditions d'âge,
de titres et d'ancienneté
(30 ans au moins,
posséder le brevet supérieur et le C.A.P.,
appartenir en plus à l'une des trois premières classes du Cadre
Général des Instituteurs,
et enfin,
avoir accompli,
à l'année du
concours,
au moins cinq ans de services effectifs en Afrique
Occidentale Française) .
Cette organisation eut par ailleurs l'avantage par rap-
port à la situation antérieure,
de préciser dès le début les at-
tributions des inspecteurs.
Il s'agit d'abord d'inspecter le plus
fréquemment possible,
les établissements primaires publics,
d'en
faire rapport au Lieutenant-Gouverneur et d'envoyer un bulletin
d'inspection à l'inspecté.
Par ces visites fréquentes,
on visait
le double but de tenir consta~~ent en haleine le personnel,
mais
aussi,
de faire connaitre et de diffuser les efforts tentés pour
adapter l'enseignement aux conditions locales.
Sur le plan purement administratif enfin,
les inspec-
teurs des Ecoles avaient à donner leur avis sur les nominations,
avancements,
révocations,
toutes mesures en tout cas,
suscepti-
bles ~'intéresser le personnel de leur colonie. La surveillance
des locaux scolaires,
la responsabilité des fournitures

-
114 -
scolaires et la répartition des élèves,
entraient ~gal~ment dans
le domaine de leurs compétences.
Par ces attributions certes variées mais combien pré-
cises,
ils allaient devenir de véritables courroies de transmis-
sion chargées de tamiser tous les ordres vepus d'en haut et de
veiller à
leur application. L'évolution dans le recrutement des
Inspecteurs Rré~~nte, par rapport au passé où le choix était
laissé à la seule discrétion du Gouverneur Général,
l'avantage
de donner d'une part,
un titre sérieux et reconnu,
aux institu-
teurs dans leurs nouveaux rôles d'inspecter leurs anciens collè-
gues,
et d'autre part,
d'éviter de faire régner du jour au len-
demain,
l'instituteur sur ses collègues. Au demeurant,
l'on
n'avait pas oublié non plus que le seul recrutement par concours,
pouvait faire accéder aux fonctions d'inspecteur,
des éléments
qui,
aux yeux de l'administration, n'offraient pas les garanties
morales et idéologiques requises
; aussi a-t-on décidé que
n'importe qui ne pouvait concourir et que le caractère du candi-
dat, ses antécédents,
sa conduite ordinaire comme son aptitude,
entraient en ligne de compte dans les critères de sélection.
Quand les concours permirent de doter chaque colonie
d'un homme de métier à la tête de son enseignement,
HARDY put
enfin savourer sa satisfaction, déclarant à l'occasion que
c'était là,
la réforme la plus importante accomplie depuis son
arrivée
"Le règne des danseurs de corde est fini,
celui des
bons ouvriers commence
(8). L'allusion était claire et
(8)
Une conquête morale,
l'enseignement en A.O.F. op.cit., p.68.

-
115 -
s'adressait à des gens comme COURCELLE dont onsait par ailleurs,
la farouche lutte qu'engagea HARDY contre sa personne avant de le
mener en Conseil de discipline qui révoqua COURCELLE définitive-
ment en 1916.
Que les nouvelles fonctions des Inspecteurs aient
évolué davantage vers des critères de simple compétence pédago-
gique et que le recrutement lui-même ne se fasse plus au gré du
G.G. sur la simple base de sa cote d'amour,
soit; l'ensEignement
ne peut qu'en tirer un vaste profit pour s'être débarassé ainsi
d'individus que souvent,
un choix malheureux au plus avait dû
placer à sa tête.
Cependant,
l'inspecteur,
si compétent soit-il, et si
déterminé puisse-t-il être à vouloir jouer le rôle qui lui est
désormais échu,
ne saurait apporter aux instituteurs,
le "plus"
nécessaire et faire utile commerce avec ces derniers,
s'ils
n'ont pas les dispositions de base et donc la formation, qui
les destine à bien assumer leur tâche.
C'est dire qu'il doit y
avoir une sorte d'isomorphisme au .départ entre la formatlon des
uns et des autres; et c'est sans doute,
cet esprit nouveau qui
anima HARDY dans sa volonté de rénover l'Ecole Normale des ins-
tituteurs indigènes pour "leur meilleure" formation.

-
116 -
1. La Réorganisation de l'Ecole Normale
La brutale laïcisation intervenue en 1902,
ne laissait
pas d'autre choix à la colonie que de compter sur un personnel
presque exclusivement indigène puisque son budget ne saurait sup-
porter les défenses qu'occasionnerait l'emp~~i d'européens beau-
..
coup plus chers. Au surplus,
cette nécessité cadrait parfaitement
avec la vision de certains théoriciens qui,
à l'époque déjà,
pen-
saient que l'heure était peut-être venue "d'associer les indigè-
nes à l'oeuvre de civilisation de manière qu'ils nous
(européens)
considèrent comme des alliés bienfaisants,
capables d'améliorer
leur sort
(9).
Pour ce faire,
encore fallait-il que l'africain fût
convaincu que l'autorité française était "nécessaire au pays et
pouvait seule en diriger la marche vers le progrès sous toutes
ses formes".
Pareille conviction,
seule une Ecole Normale d'ins-
tituteur,
pensait le Gouverneur VAN VOLLEN HO VEN , pouvait l'in-
culqller de manière profonde et réfléchie au)', élèves-stagiaires,
par son "enseignement, sa discipline morale,
et par le contact
de tous les instants,
avec les professeurs européens,
qui verse-
ront dans leur esprit et dans leur coeur,
le meilleur d'eux-
mêmes"
(10).
(9)
Projet de réorganisation d'une Ecole Normale et Profession-
nelle par l'inspecteur de l'enseiînement en A. O. F.
(Mairot).
Dakar,
10 avril 1906. A.R.S. J49 1 7.
(10)Lieutenant-Gouverneur
(Van Vollen Hoven)
à Gouverneur Général,
n° 1295,19 décembre 1907. A.R.S. J5 0 51.

-
117 -
En clair,
le futur instituteur était appelé à être la
pierre de touche de la pénétration culturelle et de la domina-
tion idéologique
et l'Ecole Normale serait dans cet ordre
d'idée,
l'atelier le plus sûr où se fabriqueraient les armes
pour la conquête morale et la pacification définitive de la
colonie.
HARDY,
en faisant prendre en 1912-1913 l'arrêté de
réorganisation de l'Ecole,
s'attaquera d'emblée aux vides lais-
sés depuis 1903, par l'absence de programmes concis et par les
points de méthode qui faisaient lourdement défaut aux "institu-
teurs jusqu'ici commis aux fonctions de professeurs de l'Ecole".
En ayant le double souci de s'attaquer et à la racine
du mal,
c'est-à-dire la faiblesse du niveau des élèves,
et à la
forme essentielle que doit revêtir l'enseignement,
HARDY élabora
un plan d'études précis dans lequel,
fut accordé au français,
la
priorité.
"Je désire vivement que les élèves ..maitres,
au moins en
1ère et 2ème année,
apprennent chaque jour quelques lignes de
prose très simple et très claire
La méthode est très vieille,
mais c'est peut-être parce qu'on l'a trop délaissée qu'on peut
parler,
en France,
d'une crise du français"
( 11) .
La ligne de francisation venait d'être tracée et les
expériences ultérieures comme nous le verrons,
s'attacheront à
lui imprimer une marque indélébile.
(11)
Inspecteur de l'Enseignement à Directeur de l'Ecole Normale,
Dakar,
juillet 1913. A.R.S. JSSl16.

-
118 -
Après le français,
viennent la géométrie et les scien-
ces physiques,
qui,
dans l'essentiel se résumaient surtout à des
exercices pratiques. Quant à l'histoire et la géographie,
on
s'en doute,
elles étaient l'objet d'une attention particulière
HARDY ayant ici, laissé s'exprimer sa sensibilité puisque,
ne
l'oublions pas,
i l est agrégé d'histoire et:de géographie. A
travers ces deux disciplines,
l'enseignement avait mission de
donner des règles de méthode qui permettraient aux élèves-maitres
d'avoir le bagage nécessaire pour entreprendre des études et des
recherches locales,
comme par exemple,
"recueillir des traditions
orales afin d'en faire la critique". Il y a là,
ajoutait cynique-
ment HARDY,
"tout un mouvement historique à provoquer et pour
lequel on ne peut compter que sur les instituteurs indigènes".
Enfin,
le dessin et le chant complétaient ce programme.
Si dans ce descriptif assez sommaire,
l'on n'a pas fait mention
de la place qu'y occupent la morale,
l'hygiène et l'instruction
civique,
c'est que le sous-entendu pouvait paraître
assez expli-
cite pour justifier ce silence. D'ailleurs,
le législateur pou-
vait-il omettre ces matières si importantes à ses yeux du pro-
gramme quand i l sait le parti à en tirer?
Il l'a si bien compris du reste que ce fut par un
subtil commerce avec ces matières qu'il avait élaboré une sorte
de préambule qui définissait l'objectif visé par l'emploi et la
formation de l'instituteur indigène de même que les moyens pour
réaliser un tel objectif~

-
119 -
Pour servir de médiateur culturel entre la puissance
colonisatrice et la masse des africains,
diffuser la culture lé-
gitime face à la culture barbare,
bref, pour magnifier l'oeuvre
civilisatrice de la France,
"l'instituteur indigène devait être
assez instruit pour comprendre la civilisation française et la
comparer à celle de ses congénères,
assez avisé pour ne pas re-
noncer à la simplicité de la vie noire,
assez intelligent et
dévoué pour propager les notions morales utilitaires,
des con-
seils et des exemples d'hygiène qu'il aurait lui-même acquis
dans des établissements spéciaux" comme l'Ecole Normale.
On ne peut s'y tromper,
le succès d'un tel projet
assurerait sans faille le domaine colonial et la durée de la
colonisation. Le G.G.
cependant,
ne se satisfaisait pas apparem-
ment de courtes vues et tenait à la garantie,
"l'excellente
garantie"
(sic)
du succès de l'entreprise. Dans cet ordre
d'idée,
il fit instituer,
sur proposition de HARDY,
un Conseil
supérieur de l'Enseignement où seront discutés tous les problèmes
liés de près ou de loin aux intérêts des enseignants et de
l'Ecole et un bulletin mensuel de l'enseignement, pour servir de
journal de liaison entre les enseignants eux-mêmes,
entr~_eux et
l'administration aussi; le bulletin ferait large place au demeu-
rant,
à la pédagogie spéciale et aux initiatives audacieuses
notamment en matières d'études locales,
de monographies ou de
publication de manuel scolaire destiné aux enfants d'Afrique.

-
120 -
Pour comprendre l'essentiel du discours de HARDY qui
a d'ailleurs servi de contrepoint et de support à quatre Gouver-
neurs Généraux qui se-sont succédé de 1913 à 1930,
ne craignons
pas de faire un rapide montage de textes emp.runtés à son livre
le plus explicite et le plus théorique :
"Une conquête morale :
L'enseignement en A.O.F."
; plaidoyer pour une politique éduca-
tive de conquête,
ce livre, paru en 1917,
illustre en effet le
"Plan d'étude du 1er mai 1914,
auquel le G.G. William PONTY
n'avait pas manqué de donner sa sanction avant de l'imposer à
tous les enseignants pour tenir lieu de bréviaire.
HARDY commencera d'abord par poser des principes avant
de définir les différentes structures de l'enseignement:
a)
~~~_~~~~~~E~~ (une conquête morale, p. 559)
1 0 )
"Mesurer
l'extension de l'enseignement aux aptitudes
actuelles et réelles de l'indigène"
"il s'a-
dresse ici à des populations tout à fait barbares"
2 0 )
"S'assurer que l'élève indigène s' assimile parfaitement
les connaissances mises à sa portée"
30)
"S'adapter aux besoins du pays et seconder pas à pas
l'oeuvre de civilisation entreprise par l'administra-
tion"
"Confions à l'Ecole
le soin de jus-
tifier notre action et de semer dans le coeur de nos
sujets,
une affection raisonnée
"

-
121 -
4 ° )
"Eviter que l'enseignement des indigènes ne devienne
un instrument de perturbation sociale"
"
Il est nécessaire que tous les enfants indi-
genes,
sans exception, aient accès à un enseignement
primaire,
composé de lecture et d'écriture,
de calcul
élémentaire,
de leçons de choses,
d'hygiène,d'agri-
culture et de menus travaux manuels ; mais le recru-
tement de l'enseignement primaire supérieur doit faire
l'objet d'un triage attentif;
il s'agit, en effet, de
faciliter l'accès des carrières administratives à ceux
dont la famille a toujours secondé avec honneur notre
oeuvre civilisatrice et mis son prestige héréditaire
au service de nos intentions
"
5°)
"Maintenir le pl us possible l'école en accord avec le
milieu familial et religieux"
6°)
"Garder à l'Ecole,
à travers ces multiples précautions,
son rôle essentiel de perfectionnement intellectuel
et moral"
7°)
"Choisir avec le plus grand soin les maitres chargés
de l'enseignement des indigènes et les former spécia-
lement à cette tâche
"
b)
Les structures
(nous ne ferons ici que des synthèses pour
mo~trer l'origirtalité du message de HARDY.)
. Les écoles de Village
Organe d'apprivoisement,
instrument de civilisation
matérielle,
telle est,
avant tout,
la destination de l'Ecole de
village. Et ses moindres caractères doivent correspondre à ce

-
122 -
double empl-oJ.-.Elle ne procède pas par sélectiQD, ell,e E3' adre§_~e
à la foule des enfants. Tout ce qu'il y a de bambins dans le vil-
lage doit venir s'aligner sur ses bancs. C'est, au moins pour le
village où l'école est installée,
un véritable régime d'obliga-
tion scolaire,
garanti,
non point par l'affichage des récalci-
trants à la porte de la Mairie, mais par la fermeté de l'admi-
nisteur et la trique du milicien
(pp 49-50).
"Comme nous tenons davantage,
dans cette école nais-
sante,
à la quantité qu'à la qualité des élèves,
et comme le
maitre ne peut tout de meme assumer la charge d'un nombre i l l i -
mité d'enfants",
nous
remédions à l'encombrement en limitant
la durée de la scolarité. Chaque année,
nous renouvelons,
par
moitié ou par tiers,
notre public scolaire
; pour les
intelligences d'élite,
nous avons prévu le passage à l'école
régionale; pour l'ensemble,
nous nous contentons de dégrossi~,
d'établir le contact entre eux et nous,
de les familiariser avec
nos principales intentions
(pp 50-51).
. Les écoles régionales
"C'est l'école,
non plus d'un village, mais d'une ré-
gion
ce n'est plus une école populaire,
mais le rendez-vous
d'une élite sociale et intellectuelle;
ce n'est plus une case
à palabres pour enfants,
mais une pépinière de chefs,
de fonc-
tionnaires,
de commerçants et d' arti sans"
(p.
58).
Comme ces élèves doivent devenir dans leur milieu,

1
1
-
123 -
J
des personnages influents et conune ils sont assez âg-és et déve-
loppés pour que leur vrai caractère apparaissent franchement,
r
elle
(1 1 Ecole)
ne conserve que ceux dont l'équilibre moral est
tout à fait certain
"elle se débarasse sans hésitation de ceux
qui dépassent les limites permises de la vanité,
de l'entêtement,
de l'insolence ou dont l'honnêteté parait mal assise.
"Nous serions bien sots,
i l faut l'avouer,
de fabriquer des anar-
chistes officiels et d'élever des renards dans nos poulail-
lers"
(p.
60).
. Les pcoles urbaines
"
L'Ecole urbaine,
quant à sa population,
est
l'image même de la ville.
Il faut qu'elle soit,
quant à son en-
seignement et à son activité,
l'image du type de ville coloniale
que no~~ revons,
saine,
industrieuse,
occupée d'utiles besognes,
et que tous ses éléments concourent,
selon leur origine et leurs
dispositions naturelles,
à la grandeur, à la richesse, à l'élé-
gance de la ville
(p.
69).
Le rôle de l'enseignement des filles n'est pas tout à
fait absent dans ce descriptif et HARDY le spécifie bien
:
"Quand
nous amenons un garçon à l'Ecole française,
c'est une unité que
nous gagnons
quand nous y amenons une fille,
c'est une unité
multipliée par le nombre d'enfants qu'elle aura"
(p.
75).
Il n'en demeure pas moins au demeurant que "notre en-
seignement des filles ne peut prospérer et i l n'est vraiment

-
124 -
ut-i-leq-u-'à la condition dl être,
ayant tout,
un enseignement mé-
nager"
(p.
81).
On voit,
dans cet édifice si harmonieusement construit
comment le projet porteur de la philosophie de HARDY permet la
reproduction des classes et la division du ,~ravail en fonction
des sexes et de l'appartenance sociale dans la stabilité sociale
exigée par le fonctionnement <:le_s Ülêti tutions coloniales. Le
seul dénominateur commun est le ciment qui maintiendrait les
pierres de l'édifice,
c'est-à-dire,
le français.
Mais,
ne nous
y
trompons pas
; tout est pensé et pesé pour ne délivrer à cha-
que classe que la dose de savoir et d'expression française qui
correspond à son état
; par ce biais, on pouvait être sûr de
rester dans une perspective semi-assimilationniste certes,
mais
perspective qui n'entamerait en rien la politique de domination
mise en place et seule raison d'être de la colonisation.
Cette ligne restera pratiquement identique jusqu'à
l'avènemeut du Gouverneur Général BREVIEen 1930, ~algré les
quelques fluctuations nées des conséquences de la première
guerre.

-
125 -
IV - LA GUERRE ET SES CONSEQUENCES SUR L'OEUVRE DE HARDY
a)
Naissance d'une "Ecole Productive" avant la lettre
Si le plan d'études du 1er mai 1914 suggérait plus
qu'il ne demandait à toutes les écoles
(de village et régiona-
les),
l'entretien d'un jardin scolaire,
l'application de cette
mesure ne fut pas toujours respectée et l'inspecteur des Ecoles
GALLIN citait,
dans son rapport pendant l'année 1915, parmi les
raisons de ce laxisme,
le mangue d'espace dans les cours de
ré~réation et le mangue d'eau par l'absence des puits dans/ou
à proximité des écoles
(12). Mais à partir de 1916,
le
G.G. ANGOULVANT relança vigoureusement la circulaire qui obligea
désormais,
toutes les écoles à être pourvues, pour la rentrée
suivante,
d'un vaste jardin o~ tbus les él~ves travailleraient
tous les
jours,
à des heures prévues dans l'emploi du temps.
Afin d'assurer à l'oeuvre une garantie de succès,
les
maitres recevraient une formation appropriée ; ils seront soumis
à des stages dans les principales stations agricoles, tout au-
tant que fut,
dans le même temps,
intensifié à l'Ecole Normale
des instituteurs,
l'ensei~nement thêbrlquB- dB l'agriculture.
Bien entendu,
"on se débarasserait,
ajoute la circu-
laire
, des candidats aux fonctions de moniteurs ou d'institu-
teurs qui résisteraient aux exigences d'un tel enseignement" ;
(12)
Rapport sur l'enseignement au Sénégal en 1915,
s.d. ni
signature
Gallin
A.R.S. J21 2 .

-
126 -
~t ROtg- let1.~ avancement,
"il serait tenu c_ompte de la réussite
des maitres,
tant européens qu'indigènes dans cette partie es-
sentielle de leur enseignement
(13).
Pour la première fois donc,
étaient clairement définis
les buts et les moyens des jardins scolair~s ; la raison avancée
était de "substituer à une exploitation routinière et partielle
du sol, une mise en valeur raisonnée et aussi large que possi-
ble"
(14). Puisqu'on ne pouvait compter sur les indigènes
adultes quelle que soit par ailleurs la violence exercée sur
eux,
pour les amener au progrès agricole,
il fallait confier à
l'école,
le pouvoir de propagation et de vulgarisation des pro-
duits et cultures importés
(15). Ainsi,
partout où l'on pouvait
trouver de l'eau à plus ou moyenne distance de l'école, on cul-
tivait un petit jardin; mais,
à l'époque,
la grande affaire
demeurait la culture des oléagineux,
et toutes les écoles reçu-
rent des graines de ricin. On en v~rra, qui ensemencèrent jus-
qu'à 60 ares,
sinon plus. Ailleurs,
des élèves ont même cultivé
jusqu'à 2 ha en légume,
blé,
coton,
ricin et pres de 8 ha dans
(13)
Instructions relatives à l'enseignement et à la vulgarisa-
tion agricole. G.G. Angoulvant,
5 août 1916. Journal
Officiel de l'A.O.F.,
1916,
p. 493-495.
(14)
Denise BOUCHE: op.
cit.,
p.
832.
(15)
Il subsiste très peu de statistiques des années 1914-1915-
1916-1917. Elles ont été beaucoup mieux conservées pour
les années 1917-1918-1919. Dans celles qui subsistent,
il
n'y a pratiquement aucun instituteur qui avoue l'absence
d'un jardin scolaire. A.R.S. J27 à 48.

-
127 -
la brousse en ricin et arachides
(16).
Evidemment,
on ne lésinait
nullement sur les moyens pour une telle entreprise et si par dé-
faut,
on ne pouvait compter sur l'administration pour le maté-
riel moderne,
il fut trouvé un palliatif simple : chaque élève
était invité à apporter sa daba ou sa houe à tout faire du pay-
san noir;
c'est dire qu'au devant des nécessités impérieuses
nées de la guerre,
la France avait résolu de faire participer
l'A.O.F. à son effort de guerre. Une telle insistance cependant
sur l'enseignement agricole devait générer des phénomènes de
retournement qui s'exprimeront à travers l'opposition menée par
les partisans d'un enseignement "intégral",
c'est-à-dire calqué
sur l'enseignement métropolitain.
La première page par exemple du Petit Sén~qalais du
10 janvier 1917 était toute entière consacrée à un article sur
"l'enseignement primaire d'autrefois au Sénégal",
qui reprenait
des thèmes déjà exposés au Conseil Général surtout en 1908.
"Depuis le début de "l'expansion coloniale outrée",
la conduite
des affaires avait été monopolisée par les fonctionnaires métro-
politains
(allusion à HARDY). Seul le retour des Frères permet-
trait de former de nouveau des
"sujets capables de reconstituer
l'élite locale; pourquoi les écoles ne font-elles plus guère
d'élèves vite et bien et bon? Pourquoi,
ceux des élèves fa~ts
par eux
(les instituteurs laïques)
,
ne pourront-ils gravir en
nombre les échelons sociaux? Veut-on d'office les maintenir au
bas de l'échelle ?".
(16)
En 1917/19_18,
l'Ecole de Q~gQJL a 186 élèves et est (gr:~.2é~
par un européen, Mongis - A.R.S. J36.

-
128 -
1.
L'attaque contre 11 oeuvre de HARDY
Aux habituelles récriminations sur le niveau de l'en-
seignement "deux fois moins élevé que du temps des Frères",
s'ajoutèrent cette fois,
des attaques personnelles contre HARDY
et ses séides dap$ l'hebdomadaire La Démocratie du Sénégal. On
les accusait de n'avoir pas les titres correspondants à leur
fonction ; ainsi,
de HARDY et de ses adjoints,
i l y était dit
notamment :
"Mr HARDY qui est un simple professeur en France et
non pas meme un inspecteur primaire"
"des inspec-
teurs improvisés parmi les plus ignares de nos maitres".
En vérité,
cette campagne d'un ton plutôt inhabituel,
intervenait à la suite de la publication en 1918 d'un manuel,
"les deux Routes", que HARDY proposait comme modèle de vie de
l'instituteur sénégalais sous forme de conseils pratiques. Le
Député du Sénégal Blaise DIAGNE,
répohdant aux injonctions de
ses électeurs
(18),
en fit grand bruit mais surtout aussi pour
dénoncer ce modèle d'accompagnement des fonctionnaires indigènes
aux situations moyennes et subalternes et qui fermait à ses yeux,
les voies de l'assimilation pure et simple,
pièce maitresse de
sa plateforme politique.
(18)
Dans l'ouest africain français,
nO
372 du 12 juillet 1919,
une pétition est signée des Conseillers Généraux et adres-
sée à Blaise Diagne, qui l'exhortait à utiliser ses rela-
tions pour le retrait des programmes du 1er mai 1914 et
pour un retour rapide à la similitude des programmes de
la métropole.

-
129 -
Mais au fait; quelles étaient ces deux routes qui-
s'offraient aux fonctionnaires indigènes? L'une est la voie de
la collaboration totale dans la réalisation du projet colonial,
en prenant comme référence l'idéal du colonisateur et en veillant
à ce que l'indigène reste à sa place: celle d'un exécutant et
d'un intermédiaire fidèle.
L'autre est celle des "revendications
excessives et inopportunes" qui conduirait les fonctionnaires
africains à rechercher une "victoire personnelle" en refusant de
"faire la part du possible et de l'impossible".
L'avertissement de l'Inspecteur gén~ral en tout cas,
se penchant sur la carte des itinéraires sociaux licites ou pro-
hibés,
est clair sur le sens des deux routes.
"L'une,
un peu longue peut-être,
et pas bien large,
mais facile et gale,
bordée de beaux arbres sous lesquels il
fait bon se reposer de temps en temps
i
l'autre, tout en rampes
abruptes,
arides et rocailleuses,
bordée de précipices et de ma-
récages,
triste et périlleuse
(p.
229).
La formation éthique dispensée par les deux routes ré-
pond à la nécessité de parachever les acquis de l ' éCQl_~ -1~t
HARDY en tracera le modèle en six chapitres qui magnifient la
vie du parfait enseignant indigène. Nous en citerons quelques
extraits qui permettent peut-être de situer l'enjeu des deux
côtés.

-
130 -
'lie matérielle
: CQnunentg.é]:'~x êQn b'ddg?t , s e nourrir, s' habil-
1er?
(à l'européenne bien sur mais modestement). Conunent se
loger et se meubler ?
("des caisses d'emballage qu'on vous cèdera pour quelques sous,
dans les maisons de conunerce
Vous placez des rayons à
"
l'intérieur des caisses,
vous dressez une caisse-étagère sur
une caisse-table, vous barbouillez les côtés de couleurs
gaies
et vous voilez les ouvertures d'une étoffe
claire . . . ").
Le tout pour HARDY était d'arriver,
en appliquant les recettes
conseillées,
à boucler son budget avec une solde dérisoire.
- Vie sociale : On aborde ici un chapitre crucial des devoirs de
comportement. L'Inspecteur général assigne très clairement à
son subordonné indigène,
une place précise dans les rapports
sociaux. Nous touchons donc là,
l'un des ressorts essentiels
de l'idéologie coloniale transcrite dans les attitudes de la
vie quotidienne.
Quels en sont les extraits les plus signifi-
catifs ?
"Certains agents indigènes,
fiers de leur science toute fraiche,
se conduisent légèrement avec les européens de la ville ou du
village où ils exercent leurs fonctions
;
Ils portent
ainsi le plus grave tord à la cause de l'enseignement indigè-
ne,
et,
sans s'en douter,
entravent maint progrès social;
ils
risquent,
en fin de compte,
de dégoûter de son libéralisme
l'élémenteuropéen
. . . 11
(p.
37).

-
131 -
... "Croyez-moi,ce n'est pas en pérorant dans les cafés ou en
encombrant les journaux d'articles incendiaires que vous y
parviendrez
c'est en vous montrant polis,
déférents,
préve-
nants,
aimables sans familiarité.
Surpris et touché de cette
attitude,
l'européen fera bientôt les premières avances et
tous les malentendus seront oubliés".
"Rendez
de petits services toutes les fois que vous en avez
l'occasion:
éviter avec le plus grand soin les paroles impru-
dentes,
les discours qui pourraient être mal interprétés :
efforcez-vous d'apparaître,
non pas co~~e un élément de trou-
ble,
mais comme un élément de liaison entre les européens et
les indigènes
"(p.
38).
Cette dernière expression,
soulignée par nous,
définit sans
équivoque la place de l'indigène dans le système des rapports
sociaux de la Colonie
c'est un relais instrumental indispen-
sable qu'il faut bien huiler du reste,
pour éviter tout grince-
ment de la machine.
En contrepartie,
le rouage docile pourra
espérer faire oublier progressivement sa nature originellement
différente.
Sur le plan politique et l'opinion qu'est sensé en avoir le
fonctionnaire indigène,
HARDY ne se dérobe pas non plus et ira
jusqu'à recommander aux cadres indigènes de garder des posi-
tions correspondantes à leur place sociale et au niveau de dé-
veloppement de leur capacité à comprendre des questions diffi-
ciles
:

-
132 -
. . . "Tl convient de~demeurer tr~ès calme,
très circonspect,
très_
défiant,
et, puisqu'on ne peut pas v6ir bien clair,
de ne pas
s'engager à fond
Il
(le fonctionnaire)
n'a pas le droit
de manifester ses idées politiques en présence de ses chefs
ou des personnes intéressées à son service. Voit-on un insti-
tuteur profitant de la leçon d'histoire 'pour exposer ses idées
sur le Gouvernement de la France et des colonies françaises ?
" (p. 43).
On peut comprendre ainsi la hargne de Blaise DIAGNE et des po-
liticiens contre l'auteur des deux routes
i
mais c'était sur-
tout fournir des armes aux jeunes Sénégalais:
"Si l'auteur des
deux routes s'était permis de publier de pareilles inepties
aux Antilles,
ou à la Réunion,
c'eût été par une maîtresse
roulée et non par un article de journal que la population lui
aurait répondu" écrivit Duguay Clédor d,ans l'Ouest africain
français du 19 avril 1919.
HARDY n'en continue pas moins à poursuivre son périple en
proposant plus loin l'idéal de la vie administrative pour'clore
son traité de perfectionnement de l'instituteur indigène
-
La vie administrative: C'est l'occasion ici de retrouver le
ton des accents paternels pour ne pas dire condescendants,
mais fermes aussi,
qu'il convient de faire entendre au ieune
fonctionnaire indigène.
D'emblée,
c'est un avertissement

-
132 bis -
"La fonction n'est pas faite pour le fonct.ionnaire,
comme
certains le croient volontiers. C'est le fonctionnaire qui
est fait pour la fonction"
(p.
52).
"Soye! donc comme des soldats en campagne, qui ne mesurent pas
leur peine,
qui s'attachent à leurs chefs,
qui se battent
avec joie et qui,
entre deux batailles,
fourbissent leurs
armes"
(p.
53).
Pour l'enjeu de ces batailles,
les chefs savent et cela suffit
point besoin pour les subalternes de chercher à en savoir
plus.
"La supériorité hiérarchique,
elle,
ne se discute pas; elle
vous est imposée par un ensemble de force contre lesquelles
il est inutile de vous heurter : M. Un tel est votre chef,
qu'il vous plaise ou vous déplaise,
il restera votre chef
tant que vous n'aurez pas changé de poste;
tous les discours
n'y feront rien,
et il est fort heureux qu'il en soit ainsi
autrement,
nous irions tout droit à l'anarchie. Le parti le
plus sage est donc d'obéir très eXtictement aux ordres de ses
chefs et de s'interdire le plus p~~~ible de porter des juge-
ments sur eux"
(p.
53).
Donc,
on doit tout accepter des chefs, meme
le
tutoiement qu'il ne faut pas prendre avec susceptibilité
("Les
soldats en entendent d'autres dans les casernes ou sur la li-
1
gne de feu et cela ne les empêche pas de rester attachés à
leurs chefs").
En fait,
pour HARDY,
c'est clair;
il ne doit y avoir
qu'une seule route,
la bonne qui conduit à la condition d'agent

-
133 -
a ainsi attisé ne s'éteignera qu'avec son départ définitif de
la Colonie,
enjeu du combat que tous les politiciens,
par sou-
ci de leur électorat indigné et outré, menèrent farouchement
contre HARDY,
Blaise DIAGNE en tête. Ainsi,
le 22 mars 1922,
évoquant cette période devant le Congrès Républicain des Colo-
nies,
i l s'exprima en ces termes
"Malgré les grands et petits administrateurs,
j'ai
imposé la création d'écoles
... Une tendance mauvaise
venait de se manifester
("Les deuX routes",
ouvrage
pédagogique de HARDY),
tendance qui consistait à obli-
ger le Noir à évoluer dans son propre milieu en le
tenant soigneusement à l'écart de la vie française.
J'ai demandé et OBtenu la ré-exportation de'
M. HARDY
(1 7) •
En Avril 1919, HARDY s'en ira définitivement de la Colonie
sans avoir compris du reste peut-être,
que son manuel n'était
qu'un prétexte de plus pour les partisans d'un enseignement
intégral dont l'objectif était d'obtenir davantage le retrait
des programmes du 1er mai 1914 que le départ de son auteur
2. Le triomphe des partisans d'un enseignement intégral
par l'intervention du Ministère
En 1919,
les revendications des Sénégalais pouvaient
être entendues à Paris où la véritable collusion du député DIAGNE
(l 7)
Note manuscrite jointe à un rapport administratif contre
Blaise Diagne,
dans la partie : "Politique de M. DIAGNE au
Sénégal et en A.O.F.",
dans le dossier "Le diagnisme.
A.R.S.
17G 233/234.

-
134 -
avec le Ministre des colonies Henry SIMON, pour qui,
il consti-
tuait la référence dominante en matière d'affaires ouest-afri-
caines, avait fait forger le vocable de " s imonodiagnisme". Or
donc,
même si la lutte du premier député noir pour réaliser l'as-
similation politique intégrale,
n'était pas aisée,
au moins sa
collaboration avec le Ministre pouvait-elle inspirer dans le do-
maine éducatif,
deux initiatives qui n'étaient guère dans la
ligne suivie jusqu'alors: Un projet d'introduction de l'enseigne-
ment primaire obligatoire aux colonies et la création d'un lycée
de plein exercice au Sénégal.
Ainsi,
dans son rapport au Président de la République,
le Ministre des colonies invoquait des raisons essentiellement
morales
:
"Après les sacrifices héroïques,
consentis par les
populations de l'Afrique Occidentale pour la défense
de la France,
le moment est venu de répondre au désir
exprimé par ses populations,
et,
en ces derniers
temps,
avec une insistance particulière,
d'être éga-
lées au point de vue de l'Instruction publique à nos
colonies les plus favorisées".
"Il convient
donc de commencer maintenant cette oeuvre par la
création d' un lycée Il
(1S).
Certes,
DIAGNE et ses partisans pouvaient jubiler,
mais sans grande euphorie puisque pour le Ministre en fait,
l'organisation du nouveau lycée devait consister en une
(18)
Rapport du Ministre des Colonies
(Henry Simon)
au Président
de la République,
20 juin 1919. Journal Officiel del'A.O.F.,
1919, p.
4 70 .

-
135 -
.. réorganisation des institutions déj à ex.it:;tantes au Sénég.al,
avec
les additions strictement nécessaires;
en d'autre terme,
l'Ecole secondaire de Saint-Louis, qui avait jusque là,
il faut
le reconnaitre,
mené une vie végétative limitée seulement au
premier cycle, devait être le noyau de la nouvelle institution.
"
La transformation fut opérée par un arrêté 'de novembre 1920,
sup-
primant l'Ecole secondaire et portant ouverture d'un lycée qui
recevra le nom de FAIDHERBE par un décret du 20 novembre de la
même année.
La victoire était peut-être mince sur ce plan,
mais
avec la faveur du climat général et du vent nouveau qui soufflait,
ce pouvait être là,
un prélude pour d'autres victoires beaucoup
plus importantes qui ne se feront guère attendre par ailleurs
puisqu'en 1921,
le Conseil Supérieur de l'Enseignement émettra le
voeu que les "programmes d'enseignement metropolitain soient in-
troduits dans les Communes du Sénégal".
De meme également fut émis le voeu que "le G.G. mit
chaque année,
au concours,
un certain nombre de bourses réservées
aux élèves-maîtres et aux instituteurs des cadres indigènes dési-
reux de compléter leur instruction dans les facultés,
ou écoles
normales de France
(19),
ce qui leur faciliterait entre autre,
leur passage du cadre secondaire des instituteurs indigènes au
cadre supérieur des européens,
promotion qui leur avait toujours
(19)
Voeu émis par le Conseil supérieur de l'enseignement,
27-28 juin 1921. Bulletin de l'enseiqnement de l'A.O.F.,
nO 47,
avril-septembre 1921,
p.
84.

-
136 -
été refusée. La cause allait être entendue pour ces deux types
de réformes et ainsi fut scellé le triomphe définitif des parti-
sans d'un enseignement calqué fidèlement sur celui de la métro-
pole. HARDY parti,
et ce triomphe en voie d'être consommé,la
direction de l'enseignement valsera pendant 18 mois entre diffé-
rentes mains; d'avril
à septembre 1919,
c'est SALENC,directeur
de l'Ecole Faidherbe et d'août à décembre 1920, MONOD,
inspec-
teur des Ecoles du Haut-Sénégal-Niger ; entre ces deux intéri-
maires,
le poste fut confié,
faute de personnel a-t-on prétendu,
à un administrateur des Colonies, PETRE,
avant d'échouer entre
les mains du réel successeur de HARDY,
PRAT,
le 20 décembre 1920.
Aristide Emile PRAT,
(Saint-Quentin 1870 - Dakar 1929)
était député de Seine-et-Oise de 1914 à 1919 ; appartenant à la
"gauche progressiste",
i l était partisan de la "liberté de
l'enseignement".
Pendant les neuf années qu'il passera à la direction
de l'enseignement,
PRAT n'eut presque d'autre rôle à jouer que
de gérer les acquis de son prédécesseur, qu'au demeurant,
l'of-
fensive des élus locaux avait lourdement rétrécis puisque les
programmes du 1er mai 1914 étaient retirés de l'enseignemen~: -
Qu'est-il advenu de ses adjoints,
des inspecteurs des Ecoles?
Quelles formes prirent à cette date leurs interventions auprès
des maitres ?
Le départ de Georges HARDY,
leur protecteur naturel à

-
137 -
la suite des as~~ut~ ~~Rét~s des partisans d'un en§~ign~~gDt
intégral calqué sur celui de la métropole,
estompera le zèle des
inspecteurs des Ecoles qui n'en étaient du reste pas à leur pre-
mière déconvenue.
Qu'on se souvienne en effet que d~ 1906 à 1912, avant
meme l'arrivée de HARDY,
une autre lutte
les avait opposés
cette fois à l'administration,
au sortir de laquelle,
ils avaient
perdu jusqu'à leur statut de chef de service pour certains,
tan-
dis que d'autres s'étaient simplement vus refouler vers leur
cadre d'origine.
Ces deux expériences,
on s'en doute ne pouvaient que
témoigner de la précarité de leurs statuts. On comprend dès lors
que jusqu'en 1930,
les inspecteurs ne s'en tiendront qu'au mini-
mum,
c'est-à-dire à l'expédition des affaires courantes comme
les rapports d'ensemble ou des états statistiques sur le person-
nel
... Voilà qui explique peut-être aussi l'absence de traces de
rapports d'~nspection pendant toute la période 197.0/1929.
Ajoutons au demeurant que l'explication de l'ordre des
choses serait incomplète si l'on s'en tenait uniquement aux
désillusions des inspecteurs pour comprendre leur inertie. Nous
rappèlerons simplement à ce titre qu'en 1921,
avec l'introduc-
tion des programmes métropolitains dans les écoles du Sénégal,
l'administration aura à coeur de maintenir la qualité de l'ensei-
gnement en lui conservant sa structure pédagogique,
aussi,
a-t-on

-
138 -
recruté massivement des instituteurs européens pour tenir princi-
palement les classes du cours moyen
l'on pensait à tord ou à
raison que par rapport au nouveau programme,
les instituteurs
indigènes dans l'ensemble,
n'étaient pas en état,
livrés à leurs
propres moyens,
d'assurer de façon satisfaisante,
la préparation
aux examens.
Or donc,
à un milieu pédagogique comprenant une forte
proportion d'instituteurs européens,
quel pouvait être le travail
des inspecteurs dont le contrôle ne s'appliquait implicitement
qu'aux seuls maitres indigènes le plus soûvent ? Des inspections
se faisaient certes,
puisque ces instituteurs continuaient de
seconder leurs homologues européens,
mais elles ne pouvaient être
que sporadiques au regard des très faibles moyens de déplacement
des inspecteurs pour rejoindre les instituteurs du Cadre secon-
daire,
très souvent cantonnés dans les centres éloignés des
villes.

-
139 -
DEUXIEME PARTIE
- - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - -
L'INSPECTION DE L'ENSEIGNEMENT
DANS
LE RECENTRAGE DE LA POLITIQUE SCOLAIRE
1930-1945

-
140 -
Si la première partie de notre étude était essentiel-
lement une ouverture sur le système pédagogique,
-
réorganisa-
tion en 1903 et réorientation en 1913 -
la deuxième partie s'an-
nonce quant à elle comme une ouverture sur le système économico~
politique.
En effet,
l'année 1930,
qui en constitue la limite
inférieure, marque une nouvelle ère dictée par des nécessités
cette fois,
de politique économique,
consécutives à la grande
cris~ de 1929.
Cette année inaugure ainsi donc une autre conception
de l'Ecole coloniale,
se distinguant de celle des précédentes
époques par :
. Les objectifs gu'elle poursuit
économiques et non culturels.
Les modèles qu'elle véhicule
école de masse et non école des
cadres et des auxilaires.
Enfin par la modulation nécessaire du discours de légitimation
qu'elle répand: la politique de l'association se substitue à
celle de l'assimilation, bien que pour l'une comme pour l'autre,

-
141 -
_~_l? g~n~~?~~~é dans les discours et les déclarations de principe,
l'emportaient sur la volonté d'asseoir réellement ces politiques.
Pour comprendre la place de l'Inspection de l'enseigne-
ment dans ce schéma d'ensemble,
analyser la courbe de son évolu-
tion qui s'achève en 1942 pour les besoins d~ notre étude, nous
distinguerons ici trois chapitres; le tabeau d'analyse que nous
bâtirons en triptyque autour de ces trois chapitres,
par delà les
formulations des politiques éducatives proclamées,
espérées ou
effectivement appliquées,
participera d'une part à l'éclairage de
la problématique de l'Ecole Sénégalaise et de l'Inspection en par-
ticulier
(dans les deux premiers chapitres)
d'autre part,
facili-
tera notre effort de structuration et de synthèse d'une histoire
du statut,
des fonctions et de l'image des inspecteurs de 1930 à
1945
(dans le troisième chapitre) .

-
142 -
INTRODUCTION
L'événement grandissime et omniprésent qui donne son
unité et sa cohérence à cette tumultueuse période des années
30/44,
est la terrible récession mondiale qui éclate en Amérique
en 1929 avant de se répandre dans le reste du monde.
De 1930 à 1934,
le Sénégal,
à l'instar des autres pays,
entrera peu à peu dans cette crise. La production arachidière qui
renseignait à l'époque comme le pouls sur la fièvre économique du
pays,
baissait en suivant une longue courbe
(1)
i
et,
conséquem-
ment,
la détérioration des conditions de vie des travailleurs et
du paysan en particulier
(2),
s'accentuait de jour en jour créant
un marasme social aux conséquences multiples que les mouvements
révolutionnaires anticolonialistes comme la ligue de défense de
la race nègre et le mouvement communiste mondial récupèreront i
,
-
ils allumer6nt partout des foyers de tension qui gagnèrent comme
une trainée de poudre,
tous les pays de l'empire,
faisant,des
(1)
Le kilo d'arachide valait à l'achat 1,30 F en 1929 i
1,20 F
en 1930 et 0,45 F en 1931 -
Villard (A)
: Histoire du Senégal
Dakar,
Ed.
Viale,
1943, p.
195/196.
(2)
En 1931,
les paysans représentaient près de 94 % de la popu-
lation globale. Diarassouba
(V.C.)
L'Evolution des structures
agricoles au Sénégal -
Paris,
Cujas,
1968,
p.
102.

-
143 -
années qui- suivront le redressement de 1934,
celles des_plus bou-
leversantes que la France ait connues.
Ce sera à mi-course de ces rudes années,
que le Front
Populaire culminera alternant une montée spectaculaire en 1936
et un déclin brutal un an plus tard. La gauche unie, pour la cir-
constance,
exaltera la problématique d'une mutation sociale né-
cessaire que matérialiseront des décisiQns prgg:r-essistes fulgu-
rantes aux colonies,
telles la participation sincère des afri-
cains à leur propre destinée ou encore la création de syndicats
autonomes dans ces memes pays. Malheureusement,
la crise politi-
que européenne et la montée du fascisme allemand accélèreront
l'échec de Léon BLUM pour le maintien de la coalition et renver-
ront au pouvoir un centre radical plus préoccupé d'atténuer la
portée des conquêtes sociales que de faire face au péril nazi.
Seul le choc du triomphe militaire allemand réveillera le sursaut
national que la France vivra sur deux modes et autour de deux
hommes-symboles
DE GAULLE et PETAIN. Le Sénégal,
peu touché
en profondeur par les remous politiques français de l'avant-
guerre sera marqué beaucoup plus par le sursaut gaulliste qui
gagnera Dakar en 1943.

-
144 -
CHAPITRE l
LA POLITIQUE COLONIALE AU SENEGAL ET
SES AVATARS.
1930-1945
A'~ début des années 30,
la position polit:!.que du lea-
der noir Blaise DIAGNE commençait à accuser un déclin irrémédia-
ble ; l'usure était à la fois politique, physique et morale;
seule,
la mort allait freiner cette déchéance le 11 mai 1934.
Dès lors,
les courants politiques vont se cristalliser autour de
deux figures locales : Lamine GUEYE et Galandou DIOUF. Le premier
était le prototype même de l'intellectuel
(3)
engagé dans la
lutte pour l'égalité des droits et des statuts sans être entré
dans les compromissions de Blaise DIAGNE prêt à s'allier avec le
diable pour le triomphe de ses idéaux ; il est à ce titre sympto-
matique de voir l'association des étudiants sénégala-is en France, --
présidée par Léopol SEDAR SENGHOR,
futur président de la Républi-
que du Sénégal,
lui remettre une lettre à la veille des élections
de 1934 et qui l'exhortait à "sortir de
votre
retraite devant
la gravité des événements
, et lui demandait de se
(3)
Né en 1891,
de père et de mère sénégalais,
Lamine fut le
premier avocat noir de l'A.O.F.

-
145 -
GALANDOU qui emporta les élections.
Il se contentera de gérer
sans panache les acquis de la politique de son prédécesseur ; à
ce titre,
il a pu apparaitre comme l'homme de main des différents
proconsuls qui se succèdèrent à la tête de la Colonie jusqu'à la
..
suspension des institutions représentatives- par le Gouvernement
de Vichy.
Du côté de l'appareil colonial,
la période ainsi dé-
crite,
sera dominée par trois hommes,
trois gouverneurs généraux,
liés chacun à une phase de l'évolution de la politique française .
. Le premier Jules BREVIE,
exerce sa haute responsabilité de
1930 à 1935. La politique se cristallise autour du terme "asso-
ciation" que l'on veut opposer à
"assimilation". Albert SARRAUT
avait lancé l'idée en 1923 ; i l trouvait que l'assimilation
revendiquée par les leaders noirs,
risquait de mettre en cause
la souveraineté de la métropole et l'exploitation qu'elle per-
mettait
; 3~ssi,
fallait-il rapidement trouver une autre voie
quelque peu différente mais plus sure,
et qui,
pour autant,
ne
se départirait pas des sentiments humanitaires pour son dis-
cours-justificateur.
BREVIE sera chargé d'inaugurer cette li-
gne politique qu'il traduira dans des instructions très fermes,
notamment dans sa circulaire du 18 août 1932,
adressée à tous
les Lieutenants-Gouverneurs du Groupe.
Cette circulaire était non seulement la pierre de touche de la

-
146 -
politique indigène au sens large mais de la politique éduca-
tive comme instrument essentiel de la mise en oeuvre de ce
choix politique :
"Un sens plus exact de la nature humaine et un senti-
ment plus juste de la liberté s'imposèrent dans l'ex-
périence courante. L'indigène apparut aux colonies
sous son véritable aspect
: un mineur incapable dont
i l fallait entreprendre l'éducation,
sans vaine préci-
pitation,
en le laissant évoluer dans le cadre de ses
institutions coutumières,
en l'élevant progressivement
par une direction vigilente vers une collaboration de
plus en plus intime au fur et à mesure des progrès
réalisés. Au système de l'absorption immédiate se subs-
tituait celui d'une endosmose lente et continue~à la
~---
politigue de l'assimilation succédait la politigue de
l'association ... L'association étant le but à attein-
dre,
l'éducation étant le moyen;
des politiques de
races-bierr comprises conduiront,
progressivement les
éléments disparates de la société autochtone vers l'u-
nité,
par des voies différentes plus ou moins longues,
mais convergentes. Renonçant au principe périmé de
l'assimilation globale,
nous avons cependant laissé
une porte entre'ouverte pour permettre les accessions
individuelles dans la cité française.
C'est la juste
récompense des efforts réalisés pour se hausser jus-
qu'à no-Us . ~ . l'
(4).
A travers cette association débouchant sur une assimilation très
sélective
("endosmose lente et continue")
BREVIE essayera de
pratiquer une politique "réaliste". Mais,
moins pour freiner
une "évolution" dangereuse que de vouloir se doter d'outils
(4)
Circulaire du Gouverneur Général BREVIE allxLieut_enants=
_
Gouverneurs du Groupe,
du 18 août 1932. Journal Officiel du
Sénégal -
1932, p.
638.

-
147 -
nécessaires au recentrage économique;
dans cet ordre d'idée,
sera conçue et gérée l'Ecole Rurale sur laquelle nous revien-
drons plus amplement .
.
En 1936, BREVIE cèdera sa place à DE COPPET avec l'avènement
du Front Populaire,
qui commencera par allumer au Sénégal comme
~
une trainée de poudre,
des grèves et des mouvements sociaux
inimaginables
; i l semble toutefois que cette fausse révolution
aura laissé des marques davantage dans les esprits que dans les
Institutions
(5). DE COPPET n'en a pas pour autant pris des
positions les plus avancées qu'on puisse imaginer,
venant après
tout d'un colonisateur fut-il aussi libéral et engagé.
Le tex-
te de son engagement mérite d'être largement c i t é :
"
Nous ne perdons pas de vue notre dessein essen-
tiel
amélioration du sort moral et matériel de nos
sujets indigènes, participation d2 plus en plus étroi-
te de l'élite noire à notre administration,
dévelop-
pement incessant de l'instruction et de l'éducation
des masses,
~;ais dans le sens du libre épanouissement
de la race noire bien plus gue dans une assimilation
étroite et stérile
"
"
J'ai trop confiance dans la race noire pour pen-
ser que ses représentants doivent borner leurs ambi-
tions à l'imitation servile de notre civilisation.
Pourquoi les Noirs se contenteraient-ils de nous imi-
ter ? Pourquoi suivraient-ils aveuglément les chemins
que nous avons suivis? Pourquoi ne feraient-ils pas
(5)
Voir par exemple la Communication de Yves PERSON au colloque
sur l'histoire du Front Populaire organisé par le parti so-
cialiste français
: Le Front Populaire au Sénégal - Novembre
1976.
L'analyse la plus complète a été cependant faite par Nicole
Bernard~Duquenet : Le Sénégal et le Front Populaire - Thèse
de doctorat de 3e cycle.
Université de Paris VII,
1976,
282 p.

-
148 -
confiance à leur merveilleuse jeunesse,
à leurs forces
vives,
raciales, pour essayer à leur tour,
en s'ap-
puyant sur notre science et notre expérience,
de con-
cevoir et de fonder une civilisation nouvelle? Il ne
s'agit point pour eux d'être des imitateurs, mais des
créateurs. Ainsi que l ' a montré M.
le professeur
Léopold Sédar Senghor dans une conférence récente
'Une seule assimilation est intéressante,
c'est l'ac-
'tive,
l'assimilation assimilante.
Il s'agit d'assi-
'miler et non d'être assimilé!
J'ai tenu,
Messieurs,
à rappeler ces paroles; elles
permettent d'espérer que les races noires de ce pays
trouveront bientôt,
parmi leurs élites,
des hommes
capables de la diri.ger dans une voie nouvelle,
paral-
lèle à la nôtre et pourtant différente, sur le chemin
de la Civilisation
"
(6).
Et pour joindre la parole à l'acte,
et ainsi donner l'exemple,
le G.G. proposera le poste d'Inspecteur Général de l'Instruc-
tion Publique à un Noir,
Léopold SEDAR SENGHOR qui officiait
à l'époque au Lycée de Tours comme Professeur
de Lettres.
L'on sait que l'intéressé avait refusé; nous y reviendrons.
En 1938,
la menace de guerre emboitant le pas au défunt Front
Populaire,
arrivait un nouveau G.G ..
. L' install ation de BOISSON allait coïncider avec~ l'e]::Jisoâe inat-
tendu de la "drôle de guerre" et de l'avènement du régime fas-
ci sant de Vichy auquel BOISSON avait apporté une caution sans
faille comme en témoigne sa circulaire du 11
juillet 1941
(6 )
Discours du G.G.
DE COPPET à l'ouverture du Conseil de Gou-
vernement le 23 novembre 1937. J.O. A.O.F.,
27 novembre 1937,
p.
1227.

-
149 -
inti tulée ilL' Espr-i-t nouvea-u", où le G. G.
affirmait sa volonté
de faire sortir l'administration coloniale du formalisme où
elle s'était enlisée et de l'irresponsabilité.
"Une législation inspirée des circonstances m'a permis
de me séparer de bon nombre de f~?ctionnaires et d'a-
gents européens et indig~nes qu~·ne rendaient pas ou
ne rendaient plus à la collectivité,
les services pour
lesquels ~ls_~taient appointés
(Au 1er juillet 1~41,
160 fonctionnaires et agents dont 140 européens et
20 indig~nes). Nous nous sommes allégés de poids morts
et d'indésirables" ...
(7).
Au demeurant,
BOISSON ne s'écarta gu~re de la ligne association-
niste du moins sur le plan politique,
au sens large du terme
et pendant que le mouvement gaulliste se fraie un chemin qui
s'élargit au fil de~ jours, l'Education amorce un grand virage
dégagé des adaptations ruralistes d'un certain BREVIE et des
positions d'un DE COPPET d'allure "Senghorienne". Nous revien-
drons sur le rapport de Paul MUS,
l'inspecteur général qui at-
tache son nom à ce grand revirement.
(7)
Circulaire n° 517/c. L'esprit nouveau.
AMM les L.G.
des
Colonies du groupe ... Dakar,
11 juillet 1941 - Haut-Commis-
sariat de l'Afrique Française,
Rufisque -
Imprimerie du
G.G.,6p.

-
150 -
CHAPITRE II
LES POLITIQUES EDUCATIVES AU SENEGAL
1930-1945
l
-
1930/1936
: LA POLITIQUE DE L'ASSOCIATION ET L'ECOLE DE
MASSE COMME SUPPORT
HARDY n'était pas,
de manière franche,
assimilation-
niste ; c'est ce qui explique en partie ses déconvenues avec
Blaise DIAGNE et l'électorat politique sénégalais;
cependant,
il croyait ferme à la vertu civilisatrice de la langue française,
arme essentielle pour la conquête morale des indigènes. Au demeu-
rant,
sa politique de semi-assimilation,
ainsi qualifiée parce
qu'ayant vocation dans ses finalités
"d'intégrer les sujets in-
digènes dans la Nation ou l'Etat-Nation Français",
devait,
pour
être efficace,
s'appuyer sur un fort encadrement d'instituteurs
européens,
seuls capables de franciser correctement et qui tien-
draient les Ecoles Régionales autour desquelles les Ecoles de
village se trouveraient d'une certaine manière satellisées. Le
pari ne put être tenu car i l devait apparaitre très rapidement
que pareille politique se heurterait à des charges budgétaires

-
151 -
- ~-nsouEenables et donc à l'-i-mpossibili--t-é -de recruter le personnel
européen nécessaire. Aussi,
en 1930,
une autre politique,
"l'association" s'imposait-elle, qui permettrait d'une part,
d'o-
pérer une correction de trajectoire et de rejoindre d'autre part,
les objectifs de recentrage imposés par la grande crise à l'Empire
Français.
Avec cette nouvelle politique,
on maintient la struc-
ture formelle de l'institution scolaire à trois étages
(Ecoles de
village,
Elémentaires,
Régionales),
mais on modifie le contenu
de l'enseignement,
ce qui entrainera du même coup un
fléchisse-
ment des contraintes d'encadrement.
A ce titre, on parlera désor-
mais d'Ecoles rurales,
ou populaires rurales,
d'Ecoles de masse
et Albert CHARTON,le nouvel Inspecteur Général en sera la figure
de proue,
infatigable,
acharné et convaincu. Les instructions
comme ses circulaires,
afficheront un anti-élitisme sans précé-
dent et un populisme jamais imaginé. L'objectif était de former
le pl~s possible d'agents économiques-sujets français et peu
importait dans cette perspective la distance à prendre pour les
niveaux de base
avec la culture française.
Une nouvelle ère
venait de sonner.
Une rapide synthèse des objectifs et des fondements de
l'enseignement populaire,
permettrait de cerner davantage l'ori-
ginalité et la spécificité du message de l'Inspecteur Général
CHARTON

-
152 -
Par une action directe et immédiate sur la masse,
Par une orientation pratique donnée à l'enseignement
il s'agit
· ~~_E~~~!_~~_~~~_2~~~~~!
De préparer les conditions sociales et
psychologiques de la
mise en valeur du pays par l'indigène lui-même,
de créer un
enseignement populaire,
éducatif et pratigue, qui dirige l'évo-
lution e~ le progrès de la société indigène, en s'appuyant sur
les réalités géographiques et ethnologiques.
· Au point de vue moral et politique
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Avec l'usage de la langue française,
de "lier" plus fortement à
la France,
les populations africaines,
"d'apprivoiser" l'indi-
gène,
de réaliser complètement la conquête morale ou mieux,
l'alliance morale "définitive" entre la France et l'Afrique
Noire.
· ~~_E~~~!_~~_~~~_~~~~~~~~~~~~~_~~_~~~~~!
De préparer et de former,
par une sélection attentive et con-
tinue,
les cadres indigènes nécessaîres à la vie administratlve
et économique du pays
; de faire leur place dans les activités
du pays,
aux éléments instruits et éduqués,
d'accroitre par
une éducation appropriée,
la valeur des futurs chefs indigènes
en "consolidant aussi leur autorité traditionnelle".

-
153 -
"
.. ~
Il-s'agit enfin,
d'associer-l'él-i-te noi-re à la
vie et à la culture française,
sans qu'elle cesse de
reprendre terre et de puiser ses forces et son inspi-
ration à
la source même du pays
Il
(1).
Ces objectifs, on compte les atteindre au moyen
:
"
D'une part: d'un enseignement primaire et populaire,
distribué
dans les écoles rurales ou populaires et visant à donner à la
masse indigène,
un enseignement concret et directement utile
pour l'amélioration de son genre de vie; et,
D'autre part: d'un enseignement de cadres fondé sur la forma-
tion technique et la détermination des débouchés qui assure
aux indigènes leur place dans la vie administrative et écono-
mique et conduit l'élite à condition qu'elle soit rigoureuse-
ment éprouvée par l 1 enseignement secondaire et supérieur
jusqu'à la culture la plus complètement française.
Les problèmes semblent donc être de
trois
ordres
: celui de
l'Educati~n populaire massive,
de l'enseignement des Cadres
indigènes,
de l'enseignement secondaire.
Les contraintes liées à la spécificité de notre thème
beaucoup plus orienté vers l'enseignement primaire élémentaire,
nous obligent à limiter notre réflexion et notre analyse à l'en-
seignement primaire populaire.
(1)
CHARTON: Rapport n° 1213/E au G.G.
BREVIE - Dakar,
5 juillet 1935 -
A.R.S. 0326.

-
154 -
2.
LES FONDEMENTS DE L'ENSEIGN~MENT
POPULAIRE
L'enseignement populaire sera donné dans des Ecoles du
meme nom et l'Ecole populaire se veut une expression du milieu
qu'elle a mission de transformer; elle est essentiellement donc
faite pour l'indigène.
Cette école enseignera le travail au premier chef,
l'hygiène,
la mutualité et la prévoyance; elle modifiera à
l'occasion et c'est tant mieux
(sic)
les modes d'alimentation
de l'indigène.
Le caractère pratique d'un tel enseignement est marqué,
on s'en doute,
par les institutions obligatoires qui entourent
l'Ecole et qui ont noms:
jardins,
vergers,
plantations,
champs
de démonstration,
ateliers d'artisans,
cours d'adultes, villages
scolaires ... Mais laissons la parole au G.G.
BREVIE qui,
dans
un texte préparé par CHARTON,
spécifiera mieux cette Ecole, enjeu
de toute sa politique :
"
Il importe
dans ces conditions
de définir
l'Ecole indigène populaire. Je réunis sous cette ap-
pellation nos écoles appelées auj ourd' hui pr_éparat_oi-
_
res ou élémentaires.
Cette école qui va au devant de
l'indigène,
et ira le trouver dans son village, ne
doit pas être considérée seulement comme source des
écoles plus élevées
: Ecoles régionales ou Ecoles pri-
maires supérieures. Il y a là,
il doit y avoir entre
l'école de brousse et l'école régionale ou urbaine,
plus qu'une différence de degré,
mais une différence
de principe et de nature
(2) .
(2)
BREVIE : Circulaire 45 du 28 janvier 1931 :
"L'enseignement
massif et l'Ecole Indigène" - A.R.S. 0.326.

-
155 -
Les adultes_ ne sont pas en reste dans_ cette ~cole et
la Circulaire 107 de 1933 le précise avec insistance :
"Le rôle dévolu à l'Ecole de village sera soutenu et
continué quand il le pourra,
par l'institution de
cours pratiques d'adultes où l'on recevra les gens du
village,
où l'on emploiera au b~soin les langues in-
digènes. Les anciens élèves formeront tout naturelle-
ment le premier noyau d'auditeurs
Ce qu'il faut,
sans -attendre que tous nos jeunes élèves soient par-
venus à l'âge d'homme,
c'est répandre dans la masse
indigène,
notre esprit,
nos intentions,
nos directi-
ves. Le cours pratigue d'adultes en langue indigène
me
parait un excellent moyen en vue de cette action
éducatrice de la masse
"
L'optimisme qui perce dans les discours et surtout la
conviction qui anime les précurseurs de cette politique,
ne font
pas oublier qu'il y a tout de m~me un élément de démesure qu'il
faudra vite juguler si l'on veut que les moyens suivent les ob-
jectifs ;
ainsi,
l'Inspecteur Général ne craint-il pas de se li-
vrer à quelques précisions
:
"La population étant de 2 millions d'individus,
il
nous faut scolariser 200.000 élèves pour ~tre dans les normes
(3).
C'est dire que c'est plus de 100 écoles à créer et 1.000 maitres
à former et à rémunérer; il importe donc qu'une telle charge soit
en rapport avec les capacités contributives des populations.
( 3)
On pouvait se tenir pour satisfait,
si l'on parvenait à
scolariser le 1/10 de la population scolarisable
(10 %).
A titre de comparaison,
on en était à cette époque à moins
de 3 %.

-
156 -
Avec Georges HARDY,
le niveau de connaissance et de,
maîtrise du français était l'indicateur de la répartition en
classes sociales des locuteurs qui constituaient alors l'ensemble
national;
l'on sait ce qu'il advint de cette politique.
Avec BREVIE et CHARTON,
on institue une double filière
éducative: l'Ecole de masse qui assure une certaine promotion
du monde paysan ;
l'Ecole des petites et moyennes élites,
c'est-
à-dire l'Ecole régionale qui,
mieux articulée sur les problèmes
du district
(du cercle)
contribuera à former les petits cadres
exigés par la politique de l'éiiwinistratèur de la région.
Cette orientation rencontrera une résistance passive
et - quelquefois active - des enseignants africains et de l'élec-
torat politique dont les effets,
conjugés au déséquilibre entre
les objectifs proclamés et les moyens à mettre en oeuvre pour
les atteindre,
participent à l'échec de l'expérience
. ~~_~~~~~~~~~~_~~~_~~~~~2~~~~~
Leur mesure nous est donné par Roland COLIN dans ses entretiens
autobiographiques avec un instituteur de l'époque; Mamadou DIA
évoque ainsi la rur~lisa~ion de l'école:
"Nous étions contre l'école rurale telle qu'elle était
conçue par l'administration coloniale. CHARTON était
l'un des principaux artisans qui s'était dressé contre
l'orientation de PONTY
(allusion à l'Ecole Normale
des Instituteurs)
qui voulait former des instituteurs
complets,
avec des titres complets,
et nous avions

-
157 -
ressenti cette tentative tout simplement comme du sa-
-
.
botage,
comme un freinage,
comme un enseignement dé-
valué. C'est ainsi que cette politique a été ressentie
par toutes les élites de l'époque. C'est la raison
pour laquelle cette ligne n'a pas mordu,
car,
elle
était dénoncée comme une sorte de régression.
. . . "(4).
Résistance des populations
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Nous disposons d'un t~~~e de première importance qui, par ~elà
son caractère quelque peu rhétorique,
était une série de dolé-
ances présentées par l'électorat politique sénégalais à l'occa-
sion de la visite du Ministre des Colonies Marius MOUTET,
le
30 octobre 1936. La longueur du texte ne permettant pas d'en
faire l'économie ici,
nous la publierons intégralement dans
nos annexes. On s'en doute,
l'essentiel du discours est axé
sur les récriminations habituelles pour "l'application des pro-
grammes de la métropole dans les écoles du Sénégal". Et bien
entendu,
le discours devait se terminer par le rejet de l'Ecole
rurale,
assimilée pour eux,
à une "sous-école pour pauvres".
Léopold SEDAR SENGHOR,
dans un article paru dans Paris-Dakar
en janvier 1937,
résume finalement mieux que quiconque,
l'es-
prit de l'opinion et du discours s'y attenant et qui explique
la résistance à l'époque,
de l'Ecole rurale,
des populations
"Le Sénégalais dit-on,
a eu très longtemps commerce avec les
français uniquement fonctionnaires et cOIT®erçants à la colonie.
(4)
COLIN
(R)
: Entretien autobiographique avec Mamadou DIA.
En annexe de "Continuité et discontinuités dans les systèmes
éducatifs : Le cas du Sénégal - Atelier de reproduction des
thèses - Université de Lille III - Lille -
1005 p.

-
158 -
D'où la croyance que seul le commerce et l'administration ho-
norent,
que la terre et l'atelier avilissent. C'est une explica-
tion plausible - encore qu'ailleurs,
les français ne cessent
d'être uniquement commerçants ou fonctionnaires -
ce n'est pas
la seule possible.
Il faudrait signaler aussi la longue assi-
milation -
pas totale il est vrai - des écoles de ville à celles
de la Métropole,
vieux courant qu'il est difficile de remonter -
surtout peut-être les cris de triomphe de certains
"bourgeois"
dont parlait DELAVIGNETTE et qui vont se congratulant :
"Enfin
des Ecoles pratiques,
des cultivateurs et des ouvriers
!
Qui
nous délivrera de l'enseignement abstrait et des intellectuels
frondeurs ?" La réaction fut rapide.
Une grande partie de 1'0-
pin ion sénégalaise des villes n'eut pas de peine à croire que
s'ourdissait une manoeuvre de haut style:
"Le sabotage de
l'enseignement et la domestication des esprits"
. . .
(5) .
. L'illusion volontariste
L'expression n'est pas de trop si l'on sait qu'elle consiste
"d'une part à confondre le "dire" et le "faire" - ou plutôt à
occulter le "faire" par le "dire" -
d'autre part,
à suresti-
mer l'influence des acti vi tés scolaises,
considérées en tant
que telles,
sur les changements sociaux"
(6).
Un rapide coup d'oeil jeté sur les statistiques montre facile-
ment la discordance entre l'option pour un enseignement de masse
en 1930 et la régression des crédits affectés à cette politique ~
(5)
SENGHOR
(L.S.)
: Réflexion sur l'Education Africaine - L'Eco-
le rurale populaire -
in : Paris-Dakar,
na 287,
9 janvier
1937 -
p~- 2.
(6)
LEON
(A)
:
Introduction à l'histoire des faits éducatifs,
op. cit.,
p.
117.

-
159 -
gnement
en A.O.F.
(7)
ANNEES
CREDITS
EFFECTIFS
. "
1930
24.169.218
...
42.669 élèves
1933
24.134.990
48.000 élèves
1934
23.876.435
50.000 élèves
1935
22.088.519
63.000 élèves
Certes,
on peut rétorquer que l'évolution des crédits n'a fait
que suivre la pente naturelle dessinée par la crise économique
et dont on salt que les effets ont atteint leur summum à par-
tir de 1931. C'est une explication plausible mais elle ne sa-
tisfait plus quand on considère seulement les années 1934 à
1935.
En 1934,
nous l'avons déjà dit,
le Sénégal avait retrouvé ses
élans économiques des années 1921 à 1928,
véritables périodes
d'abondance dans tout "l'empire" français. On ne peut donc
comprendre la discordance entre l'évolution des crédits
(qui
accusent par rapport à 1935 une baisse de 1.787.916 soit 7 %)
et celle des effectifs
(qui accusent eux une augmentation de
13.000 unités soit 26 %).
(7)
Le tableau concerne tous les pays de l'Afrique Occidentale
française et les crédits sont ceux que l'ensemble des pays
du groupes et le Gouvernement Général consacrent aux dépen-
ses d'enseignement.

r
-
160 -
Malgré l'optimisme et la vigoureuse euphorie des Instructions
Officielles,
l'Ecole rurale n'eut guère de prise sur la réa-
lité en définitive. Pourquoi? Nul ne le saura ou on ne le sait
que trop. Le G.G.
n'avancera aucune raison,
mais se contentera
d'un simple constat lors d'une tournée effectuée à travers
l'A.O.F. en 1938
:
"L'Ecole populaire rurale n'a pas atteint le but
qu'elle visait à savoir un enseignement massif adapté
au milieu indigène et propre à améliorer leurs condi-
tions de vie;
D'une part,
cette Ecole n'a pas
recueilli l'assentiment des populations locales,
conditions de son succès,
d'autre part,
au lieu de
guider la vocation paysanne de l'enfant vers le mieux
être,
l'Ecole dite rurale éveille en fait des aspira-
tions vers les carrières administratives et commer-
"
son but
"

-
161 -
II
DE-L-'-EXPERIENCE DU -FRONT POPULAIRE A :tA---REFORME--DE194-2
1936-1942
L'av~nement du Minist~re de L~on BLUM devait marquer
le début d'une ~re nouvelle pour les masses et les travailleurs
indig~nes. En effet, l'optique était celle o'une politique de
libération qui extrairait "du fait colonial,
le maximum de jus-
tice soc:_iale et de possibilité humaine
"sui vant la formule
reprise à BLUM par Marius MO UT ET ,
le Ministre des Colonies; po-
litique également de participation:
"j 'estime qu'un syst~me co-
lonial n'est pas viable quand il ne peut être animé du dedans par
les Indig~nes qui doivent en bénéficier"
(9).
D~s son installation, le G.G. DE COPPET fera sienne
cette réflexion en proposant à Leopold Sédar Senghor,
jeune pro-
fesseur qui enseignait depuis deux ans au Lycée de Tours,
le
poste d'Inspecteur Général de l'Enseignement; proposition qui
ne fut hélas
! acceptée par ce dernier et deux de ses biographes
s'en expliquent:
"D'abord,
il n'est pas du tout sur de pouvoir appliquer
son programme.
Ensuite,
il craint de se heurter à
l'hostilité de ses futurs subordonnés de race blan-
che"
(10).
Ce programme,
bien qu'étant quelque peu éloigné de la
ligne de mire de notre th~me, mérite d'être rappelé ne serait-ce
(28)
(9)
Circulaire C.D.
;
24 juin 1936 - A.R.S.
17G.168
.
(10)MILCENT
(E)
et SORDET
(M)
: Léopold Sédar Senqhor et la
naissance de l'Afrique Moderne
- Paris,
Seghers,
1969,
274 p.,
p.
68.

-
162 -
que dans ses grandes lignes ;
i~ permettra entre autre de donner
la mesure de la profondeur de l'engagement du G.G. DE COPPET.
Les réflexions de SENGHOR tiennent essentiellement en
deux textes dont le premier était celui d'une conférence' sur le
"problème culturel en A.O.F.".
SENGHOR y exaltait une politique
suscitant la création d'une Culture franco-africaine fondée sur
le métissage et réhabilitant les langues africaines. Le second
texte était une note à l'usage du G.G. DE COPPET dans laquelle
SENGHOR Y analysait les problèmes de l'enseignement et proposait
des solutions
(11). L'auteur s' attachai-i.. dans cette note à tra-
duire en termes opérationnels,
les prises de position avancees
lors de sa conférence que nous avons déjà relatée.
Il dira en
substance :
"Il serait souhaitable que l'esprit de la réforme de
Jean ZAY soufflât sur l'A.O.F ..
On ne distinguera
plus le Primaire du Secondaire,
mais le Premier du
Second Degré".
Ensuite, le primat de la culture contre la spéciali-
sation fonctionnelle est proclamé sans ambages
; aussi,
dénonce-
t-il le
"danger de subordonner l'éducation à la fonction,
d'asservir la culture à la politique,
fût-elle éco-
nomique et sociale -,
l'honune à la cité".
On pourrait voir là,
pour l'auteur,
le refus d'une
(11)
Note de M. Léopold Sedar Senghor relative à l'Enseignement
en A.O.F.,
Mars 1938 - A.R.S. Série 0 non classée,
26 p.
dactylo

-
163 -
adap-sa-sion de -l'enseignement au monde rural,
à l'Eco-le rurale
oui et non répond-il
; tout le problème se ramène à un dosage
subtil entre un noyau d'enseignement général et un autre plus
technique,
plus professionnel
:
"Ce qui importe,
ce n'est pas l'identité des program-
mes
avec l'enseignement métropolitain
,
c'est leur
similitude,
l'égalité du niveau qu'ils supposent ...
"
Cette ligne pouvait-elle mordre le cas échéant face à
la pesanteur de l'appareil? La question mérite d'être posée et
l'on peut se demander réellement
ce qu'il adviendrait si
l'expérience du F.P. n'était brutalement stoppée en cette meme
année 1937, premier départ de Léon BLUM.
Face en tout cas au refus de Senghor de prendre en
charge la direction de l'enseignement,
DE COPPET demandera à son
Inspecteur BERNADOU de lui proposer "un plan d'action pour le
développement de l'enseignement en A.O.F. ".
L'inspecteur général répond par un rapport en date du
1er juin 1937 qui débute sur un constat morose:
"Si l'instruction de tous les enfants peut paraitre
comme un but idéal,
un simple regard jeté sur la
situation économique du pays,
montre immédiatement
l'impossibilité absolue dans laquelle nous nous trou-
verions de réal i ser pratiquement ce projet
!!
(12).
(12)
BERNADOU
(G),
Inspecteur Général de l'Enseignement.
Rapport à M.
le G.G. de l'A.O.F.,

1144E du 1er juin 1937.
aIs
"Développement des Ecoles de villages" - A.R.S. 0.258.

-
164 -
Les considérations gestionnaires
s'imposent donc;
et;
ce n'est plus l'objectif qui doit déterminer les moyens mais ce
sont ceux-ci qui permettent désormais de fixer l'objectif.
Pour atteindre à long terme un taux de scolarisation
appréciable
(qui était de l'ordre de 3,5 % en 1936) BERNADOtl pro-
posait que toutes les colonies du groupe de l'A.O.F. augmentent
annuellement de 1 % les crédits alloués à l'enseignement jus-
qu'à concurrence de 10 % au moins.
Le plan d'action se résumait en définitive à un plan
logistique et rien ne décollera de l'appareil éducatif hormis
quelques mesures conservatoires pour lutter par exemple contre
la dégradation du mobilier scolaire,
ou pour donner une nouvelle
impulsion à l'enseignement des filles dont l'esprit d'ailleurs
ne se démarqua en rien de l'Ecole rurale,
puisque conçu seulement
pour maintenir en terre les filles qui ont vocation - et c'est
peut être l'innovation -
de demeurer les infirmières et les mo-
nitrices du village.
Le F.P. a allumé un foyer d'espoir qui,
malheureusement,
n'aura rien engendr_é co.nçrètement ; et trois ans pl us!:~~d
la
1
défaite française en 40 imposera la reprise en main autoritaire
de l'appareil administratif par BOISSON et son Inspecteur Géné-
ral Paul MUS,
établira un bilan critique sans faille des politi-
ques éducatives précédentes avant de proposer une nouvelle poli-
tique. L'inspecteur général compte entamer le redressement sur

-
165 -
"deux lignes
: sur~±e plan--de l..'appar-ei-1 et sur la-- déEi-ni tion--des
objectifs de l'Education
(13).
Il s'agit là dlune réorganisation structurelle qui permettait
de juguler le fléchissement de l'appareil 'que des textes pris
trop hâtivement en 1935 favorisaient. La tendance fut en effet
de substituer àun milieu pédagogique continu,
comprenant u~_
forte proportion d'instituteurs européens dans les classes
(1920-1930)
un milieu différencié en éléments locaux où l'ins-
tituteur européen n'interviendrait plus qu'en nombre propor-
tionnellement très réduit,
constituant de cercle en cercle,
le centre d'un système pédagogique
où les classes seraient
remises à des exécutants indigènes sous son contrôle. Telle
était la vocation des secteurs scolaires. Le chef du secteur
était donc tout à la fois:
le directeur de l'Ecole régionale
autour de laquelle étaient satellisées toutes les écoles rura-
les du cercle,
l'enseignant de l1 classe du C.E.P.
puisque
l'expérience relative de ses adjoints indigènes n'y suffisait
pas,
et enfin inspecteur des écoles de villages environnant le
cercle.
Pour Paul MUS,
c'était trop pour un seul homme qui plus est,
n'était pas préparé spécialement à cette tâche;
aussi,
intro-
duira-t-il dans sa réforme de 1942,
une distinction entre les
fonctions de Directeur du Secteur scolaire et de directeur de
(13)
4 projets d'arrêté de l'Inspecteur Général Paul Mus au G.G.
Boisson. A.R.S. non classé -
1942.

-
166 -
l'Ecole Régionale
"Le directeur du secteur scolaire n'a pas un rôle
d'inspection,
mais de direction effective. Déchargé
de la direction de l'Ecole régionale et doublé au
chef-lieu du cercle, par un directeur européen de
celle-ci,
il lui sera possible d'exécuter
des tour-
nées plus longues et de séjourner chaque fois que
cela sera nécessaire assez longtemps auprès de chaque
instituteur des écoles de village pour le reprendre
en main. Le directeur du secteur s'assurera d'abord
comme le ferait un inspecteur,de la valeur de l'en-
seignemel~.t donné par le mai tre. Cela fait,
il ne se
bornera pas à le reprendre et à le conseiller : il
fera la classe devant lui,
et lui ayant ainsi donné
des exemples actifs,
i l la lui fera faire jusqu'à ce
que l'amélioration des points défectueux le satisfas-
sent
. . . Le directeur du secteur sera fréquerrment con-
duit à ramener à l'école régionale certains institu-
teurs d'écoles isolés à qui il estimera nécessaire
d'imposer un stage de réimprégnation : Le directeur
de l'école régionale fera à leur profit des leçons
modèles
; en les confirmant dans le métier,
par des
exercices pratiques et en payant d'exemple,
il ne
perdra pas le courant du métier; lors même que l'im-
portance de l'école régionale amènera à le décharger
de. classe,
il fera souvent la cla~_E>~, eI}. Raf't_iculier
au cours moyen ... "
(14).
La démarche éducative change ainsi de pôle ; désormais,
elle
sera centrée exclusivement sur la classe et non plus sur le
milieu. La responsabilité hiérarchique y trouve son fondement
(14) MUS
(p)
Rapport sur quatre projets d'arêtés. Jam. cit.

-
167 -
pédagogique pui-squ-'-elle se lie davantage à la formation conti-
nue du subordonné par son supérieur,
faisant du directeur de
secteur "l'instituteur de ses instituteurs".
MUS opte pour une "évolution tempéré" ave~ le modèle français
comme idéal à atteindre à moyen ou long terme ;
il empruntera
donc beaucoup à ce modèle pour construire une théorie de
l'Education africaine. Pour mieux saisir la dialectique de
passage de l'une à l'autre éducation,
citons en un large ex-
trait
:
"La pédagogie métropolitaine,
dont,
sur ce point capi-
tal,
l'Ecole d'Afrique Noire s'était à l'origine si
résolument écartée est aujourd'hui en voie de s'en
rapprocher par une convergence significative. Dans
les deux cas,
OP
peut dire qu'il y a constitution
d'études classiques au bénéfice des instituteurs,
chargées ensuite d'assurer une instruction que l'on
dénommera primaire, dans toute la forme substantielle
du terme. Leur niveau de formation ,ainsi différencié
de l'enseignement qu'ils aurons à donner se fonde de
part et d'autre sur l'étude d'une civilisation modèle
qui doit à cette fin nécessairement différer du plan
pratique pour se trouver reportée à distance d'objet
et d'exemple moral.
Pour l'enseignement métropolitain,
cet ensemble classique,
c'est naturellement l'exemple
antigue,
auquel nos grands siècles historiques,
appu-
yés sur notre Moyen-Aqe,
enfin revendiqué comme il se
doit,
intègrent le Christianisme. Quant à l'Afrique,
il convient que son classicisme soit constitué par la

-
168 -
civilisation française actuelle.
Lettres,
sciences et
applications réunies. Cellés~ci est en éffet reportée
à distance de rriodèletant par le recul géographigue
gue par le niveau culturel.
Il y a là tous les éléments
de prestige et d'action gui caractérisent un classi-
cisme,
mais vivant".
Ce texte de l'Inspecteur général Paul MUS semble marquer la
fin d'une période de colonialisme élémentaire;
ce n'est plus
en effet le langage de la domination ou de l'exploitation, mais
la théorie ou le fondement idéologique d'une pédagogie de l'in-
fluence avec les résonances modernes de ce te~me avant la let-
tre
(16)
appliquées à une situation coloniale.
Les termes en effet,
sont en place:
. Le classicisme comme horizon de référence de l'éducateur .
. La méthode d'injection dans le vécu du sujet,
des éléments
de référence pour qu'ils y prennent racine et s'en assimi-
lent la substance.
Cette théorie,
a certaines différences près d'accents,
a des
c6tés qui rejoignent quelque peu les vues de Sénghor antérieu-
rement développées;
Senghor ne récusait pas l'assimilation,
il la voulait simplement active du point de vue du sujet -
l'as-
similation assimilante -
et non
passive; mais,
i l défendait
avec force,
le recours au classicisme,
allant jusqu'à revendi-
quer les références gréco-latines qui sont pour lui , l e s ra-
cines même de la civilisation française de la clarté qu'il veut

-
169 -
~QD~~ir~A~ ~~p4ez-vous du métiss~ge nègre, de la culture
franco-africaine.
(16)
Voir en particulier les développements de Michel Lobrot
sur la "Théorie de l'influence".
in : Priorité à l'Educa-
cation.
Paris,
Payot,
1973.

-
170 -
III -
CONCLUSION PARTIELLE
Nous em~runterons l'essentiel de cette première con-
cl usion au vol urnineux rapport de Paul MUS,
inspecteur général de
l'enseignement, qui soumettait à la sanction du G.G., quatre pro-
jets d'arrêtés apportant certaines modifications à l'organisa-
tion de l'enseignement en 1942.
Il ressort dans l'ensemble du
rapport,
des chiffres que nous présenterons dans toute leur sé-
cheresse,
avant de systématiser la réflexion et l'interprétation
qui en découlent.
Pour base d'un exposé statistique qui voudrait couvrir
toute l'histoire de la politique scolaire de l'A.O.F.
s'étendant
de 1920 à 1945,
nous partirons des années-témoins 1920,
1930,
1940.
Ainsi
1920
12.500 élèves
L'école de l'Afrique Occi-
Taux de scolarisation
2 %
dentale Française est parve-
nue à un palier ; ses doc-
trines sont fixées au sortir
de la Guerre 14/18.

-
171 -
-1930
-3-6-.-üOo--élèves
La réorganis_ation de 1924
Taux de scolarisation :3,5%
survenue entre temps,
commen-
ce à porter ses fruits.
L'E-
cole s'étend en surface
mais les nécessités économi-
ques nées de la Crise de 1929
et le développement de l'en-
seignement,
imposent le re-
centrage du système et con-
duit à inaugurer une nouvelle
politique: l'association.
1940
56.000 élèves
L'Ecole continue sur la lan-
Taux-de scolarisation
4 %
cée de 1930 ; mais son orga-
nisation ne répondant plus
aux préoccupations de 1930,
des modifications intervien-
nent notamment dans la dis-
tribution des fonctions de
commandement techniques et
pour le statut du personnel
correspondant .
. Les effectifs scolaires, aux vues de ces chiffres
semblent accuser un accroissement de près de 500 %.
Comment s'est
chiffrée et distribuée l'augmentation du personnel conséquemment
à celle des élèves ?

-
172 -
La réponse en sera donnée dans le tableau qui suit et
qui concerne discriminativement
les seules Ecoles primaires
élémentaires.
(E.P.E.).
1920
1930
1940
.
: Nornbre d'élèves
12.500: 36.000: 56.000 :
:Instituteurs européens
90 :
194 :
148:
:Instituteurs indigènes
250:
360:
650 :
L'interprétation de ce tableau cependant,
ne peut donner
sa pleine mesure que lorsqu'on le place dans un cadre plus général;
ainsi,
convient-il de se reférer à d'autres chiffres
1920
1930
1940
1{.
: Instituteurs européens dans les E.P.E.
90
194
148
. Instituteurs européens total
150
234
208
~ (cadre supérieur)
:
---
indigènes
- -6-50 ---
: Instituteurs
dans les E.P.E.
250
350
·Instituteurs indigènes total
330
385
715
~ (cadre secondaire)
:Instituteurs auxiliaires,moniteurs ...
140
250
540
:
1{
E.P.E.
Ecole primaire élémentaire.

-
173 -
De.f.a-Lcationfai te des auxiliaires ,
simples bo_uche-trous
dont l'augmentation ne fait que suivre celle de l'effectif sco-
laire,
ces chiffres retracent deux étapes de l'évolution du ser-
vice de l'enseignement qui ne font que confirmer du reste notre
analyse des politiques éducatives qui se sont succédées.
De 1920 à 1930, devant l'accroissement massif des ef-
fectifs passés du simple au triple,
tout l'effort d~s ~~sponsa­
bles consistait à essayer de maintenir la qualité de l'enseigne-
ment en lui conservant sa structure pédagogique originelle. Aussi,
a-t-on recruté en masse des
instituteurs européens qui conti-
nuaient donc à dispenser l'enseignement dans les classes.
De 1930 à 1940,
l'enseignement est dépassé par les évé-
nements faute de ressources budgétaires comme nous l'avions mon-
tré par ailleurs
; il a donc dû renoncer à sa formule primitive
et s'évertuer à découvrir une solution de remplacement qu'il
trouva dans
"une politique d'association".
Cette correction de
trajectoire était nécessaire puisque toute continuité aurait dû
prendre en compte l'augmentation d'une population scolaire passée
approximativement de 12.500 en 1920 à près de 56.000 en 1940 ;
ce qui eût supposé corrélativement une augmentation de 450 agents
europeens
(150 en 1920 et 600 en 1940). Seule la nouvelle poli-
tique de "l'association" permettait de juguler la régression iné-
vitable de l'effectif européen, qui de 150 en 1920 était passé à
234 en 1930 avant de tomber
à 208 en 1940.

-
174 -
L'interprétation qui en ressort se traduit ainsi
En 1920
1 maitre européen pour 100 élèves.
En 1930
1 maitre européen pour 140 élèves.
En 1940
1 maitre européen pour 378 élèves.
(nous avons ici serré les chiffres pour ne prendre en compte que
l'effectif européen en service dans les écoles élémentaires
E.P.E.).
Or donc,
si jusqu'en 1930,
l'effort fut de maintenir
le rapport entre l'effectif des maitres européens affectés aux
écoles élémentaires et l'effectif scolaire de 1930 à 1940,
cet
équilibre sera rompu et ce fut à l'aide d'instituteurs indigènes
que l'on tenta d'absorber l'afflux scolaire; et même si l'on y
est parvenu,
ce fut au prix d'une perte de qualité pour l'ensei-
gnement puisque les Ecoles Normales Rurales qui fournissaient
les contingents d'instituteurs indigènes n'avaient pas la valeur
du point de vue enseignement,
de ses ainées telles les Ecoles
Normales d'instituteurs;
en attestent au besoin,
les réflexions
de Mamadou DIA,
dans ses entretiens autobiographiques déjà cités.
Sur un tout autre registre,
le rapport entre les deux
cadres d'instituteurs
(celui des européens et celui des indigè-
nes)
peut apporter des éclairages intéressants quant aux tâches
réellement accomplies par les uns et les autres
; ainsi,
en pre-
nant comme données chez les européens les seuls enseignants en
service effectif dans les E.P.E.
et chez les indigènes de même,

-
175 -
-mais cette fois,
en y
incluant les auxiliaires,
puisque le per-
sonnel européen doit les encadrer au même titre que les maitres
indigènes,
nous obtenons les chiffres suivants
:
Ce tableau parle de lui-même : ainsi,
de 1920 à 1930,
l'enseignement a été donné essentiellement par des instituteurs
européens que doublaient des aides indigènes,
alors Qu'en 1940,
i l était donné presqu'exclusivement par des instituteurs indigè-
nes qu'encadraient des instituteurs européens.
Les principes de cette politique scolaire devaient par
ailleurs aboutir en 1935,
à l'instauration des secteurs scolaires,
une sorte d'intégration de l'Ecole Régionale dans la vie du cer-
cIe c'est-à-dire de la circonscription administrative;
et le
directeur de l'Ecole régionale,
autour de laquelle toutes les
écoles de village de ce cercle se trouvaient satellisées,
se
voyait investi d'une multitude de fonctions qui l'obviaient de

-
176 -
son rôle primitif. Il était ainsi un animateur,
un guide,
un
chef responsable de ses adjoints indigènes qu'il doit diriger et
former ; les fonctions de conseiller technique du Commandant de
cercle entraient également dans ses compétences ; enfin,
il de-
vait grouper dans ses attributions,
la direction de toutes les
sections de l'école qui allaient du jardin à la cantine scolaire,
la gérance de la mutuelle le cas échéant '"
bref,
il devait
être l'inspirateur et le dirigeant de toutes les institutions
scolaires rassemblées autour de l'école régionale.
C'est dire que le rôle de l'I~5tituteur européen mon-
tait toujours d'un degré à mesure que se développait l'enseigne-
ment: Au début,
il fut le premier maitre d'école,
l'initiateur
de la langue française;
puis,
i l devint l'instituteur préparant
à des examens
; i l fut donc essentiellement le maitre des cours
moyens et des cours supérieurs ; enfin,
le maitre européen est
d'abord directeur d'Ecole,
responsable d'une école régionale dont
l'importance justifie sa présence et en même temps l'Inspecteur
des maitres des villages qui jouxtent son cercle
(unité adminis-
trative à la tête de laquelle se trouve un commandant de cercle).
On comprend mieux l'Inspecte-ur Gén-ê-ral MUS et sa vive--
réaction devant la boutade devenue célèbre d'un de ses inspec-
teurs des Ecoles:
"Bientôt,
nous aurons un nouveau type d'ins-
tituteur : le maitre d'école qui n'a jamais fait l'école parce
qu'il apprend aux autres maitres d'écoles"
(18).
(18)
Rapport de l'Inspecteur des Ecoles au Soudan sur les sec-
teurs scolaires cités par MUS dans son rapport sur 4 pro-
jets--d-' arrêtés. ibid.

-
177 -
Et Ml.lS. de renchérir
"Si par ailleurs,
il est excellent qu'à la colonie,
l'instituteur européen soit tout ensemble un bâtis-
seur d'écoles,
l'animateur de ses mutuelles,
le pré-
sident de sa société sportive,
en un mot un guide
social pour les milieux indigène§ venus à nous par
lui, on ne saurait trop mettre r'accent sur la néces-
sité, pour lui , d e demeurer fondamentalement un ins-
tituteur,
dans la pleine-Éo-r:ce-p.r-ofessionnelle du
terme.
"
"
Par souci d'efficacité,
autant que pour sa
dignité,
il faut savoir rester martre d'école. ".
Il Y a donc,
peut-on conclure,
une évolution parallèle
entre les fonctions de l 1 inspecteur et les fonctions de l'Ecole
coloniale.
En effet,
dès que le Gouvernement Général prend véri-
tablement forme à partir de 1903,
il fut défini une nouvelle
politique qui dessinera le schéma de la nouvelle orientation
scolaire;
celle-ci ne se substitua certes par à l'Ecole Urbaine
des Frères de Ploërmel Q~ siècle précédent
(limitée à
la produc-
tion des auxiliaires de la conquête coloniale et de la pénétra-
tion territoriale),
mais créera un appareil de formation rurale
juxtaposée à l'Ecole Urbaine,
comme en témoigne la vocation des
écoles de village apparues dans le "Plan de Hardy" de 1914.
Certes,
l'objectif de "francisation" est encore affir-
mé dans cette phase,
mais il cèdera le pas progressivement de-
vant les contraintes pratiques de la production;
et,
devant la

-
178 -
montée de la crise,
le Gouverneur BREVIE et son Inspecteur Géné-
ral CHARTON,
proclameront à partir de 1930,
le primat de la
"ruralisation",
des objectifs pratiques par rapport aux objectifs
culturels.
Il en sera ainsi jusqu'au tournant impulsé par l'Ins-
pecteur Général Paul MUS,
qui fera revenir en 1942-1943,
aux ob-
jectifs culturels devant le constat d'échec de la ruralisation.
Pour nous résumer,
nous dirons donc que
. De 1903 à 1913,
à une fonction éducative limitée à la produc-
tion de petits et moyens auxiliaires,
correspondait le recru-
tement d'inspecteurs sans autre critère de compétence que la
seule "cote d'amour" du Gouverneur i
la vocation politique de
l'Ecole coloniale réclamait en outre,
un partage de responsa-
bilité dans la hiérarchie des compétences en matière de con-
trôle des enseignants
: aux inspecteurs,
le contrôle pédagogi-
gue,
mais aux autorités administratives représentées par les
Conunandants de cercle,
la surveillance des écoles et des mai-
tres .
. De 1913 à 1930,
c'est l'extension de l'appareil éducatif aux
masses paysannes dans la stratégie de production et de repro-
duction sociales. L'on pensait qu'il fallait élever légèrement
leur niveau de capacité technique pour correspondre au déve-
loppement des forces productives appelé par la croissance de
l'économie métropolitaine. Le surcroit d'effectifs en maitres

-
179 -
appelé p~r ~e~~e réforme du système,
commandait naturellement
la nouvelle stratégie en matière de recrutements des inspec-
teurs et l'évolution de leurs fonctions.
La compétence technique évaluée au moyen d'un concours,
devient
la seule base du recrutement,
et les fonctions furent plus tech-
w
niques puisque les contrôles devaient être suivis désormais
d'un rapport motivé qui renseignerait l'administration et
en-
seignerait en même temps le maItre .
. De 1930 à 1945,
c'est l'ouverture d'une nouvelle contradiction,
l'école des masses se distinguant de l'école des auxiliaires
et des cadres des périodes précédentes par les modèles qu'elle
~
véhicule mais aussi,
parvmodulation nécessaire du discours de
légitimation qu'elle répand. Avec la nouvelle politique indui-
te,
on maintiendra la structure formelle de l'institution sco-
laire à trois étages
(Ecoles de village,
élémentaires et régio-
nales),
mais on modifiera le contenu de l'enseignement et par-
tant les contraintes d'encadrement.
En effet,
en instaurant un
programme minimum et pratique dans les écoles,
on pouvait se
passer des instituteurs européens dans les classes que tien-
draient désormais les seuls instituteurs indigènes ; consequem-
ment,
le nouveau personnel libéré des t~ches enseignantes pou-
vait être employé à l'encadrement des indigènes. L'inspection
de l'enseignement s'en trouvera donc renforcée mais aussi mo-
difiée.
En effet,
les inspecteurs n'auront plus l'exclusive
des compétences en matière de contrôle des enseignants, mais

-
180 -
les partageront désormais avec les instituteurs européens dans
la limite des responsabilités qui incombent aux uns et aux au-
tres. Les instituteurs européens seront spécialement des con-
seillers pédagogiques,
des guides pédagogiques pour les martres
indigènes qu'ils verront le plus fréquemment possible dans
leurs classes,
tandis que les inspecteurs exerceront plus par-
ticulièrement un rôle d'inspection et de commandement pour le
contrôle des écoles et des maitres,
et l'application des pro-
grammes. Plus théoriquement enfin,
ils devaient par des recher-
ches,
essayer de réaliser une mise au point constante ,des mé-
thodes d'enseignement,
pour élever le niveau des écoles,
et
une adaptation de plus en plus étroite de l'école aux condi-
tions sociales et économiques du pays.

-
181 -
CHAPITRE III
POUR UN APPROFONDISSEMENT DE L!ANALYSE
HISTORIQUE DU STATUT DE L'IMAGE ET DES
FONCTIONS DE L'INSPECTEUR DE L'ENSEIGNEMENT
DE 1913 A 1945
Si les deux derniers chapitres n'ont pu nous révéler
qu'une image virtuelle des inspecteurs,
consécutive au demeurant
à l'attente des administrateurs, des autorités civiles ou poli-
tiques locales,
nous aborderons dans ce chapitre,
l'image réelle
des inspecteurs telle qu'elle peut apparaître au travers de leurs
fonctions effectivement remplies.
Cette image coïncidait-elle toujours avec celle qu'on
attendait d'eux? Leurs fonctions ont-elles pu subir des varia-
tions au contact de la réalité du terrain? Quelles sont leurs
conditions d'évolution? Quels sont,
le cas échéant,
les élé-
ments -
externes ou internes - à la réalité de la pratique édu-
cative concrète,
qui ont pu contribuer à nier ou à faire plutôt

-
182 -
évoluer l'image et le statut des inspecteurs?
Deux axes de recherche complémentaires qui s'appuient
au demeurant sur notre questionnement initial,
dans la ligne de
la problématique de A. LEON
(Introduction à l'histoire des faits
éducatifs,
P.U.F.,
1981)
permettent de répondre à ces questions.
Le premier axe procède des modalités du recrutement
des inspecteurs à la lumière des textes officiels et le second
s'appuie plus particulièrement sur la pratique concrète des ins-
.
pecteurs ; ces pratiques peuvent prendre diverses formes allant
de la simple visite des maitres assortie de la confection d'un
rapport d'inspection,
à la production écrite des inspecteurs no-
tamment pour la confection de manuels scolaires ou d'articles
dans les
journaux et les revues pédagogiques.
l
- L'ANALYSE DES TEXTES OFFICIELS SUR L'INSPECTION
En analysant les textes officiels,
nous poursuivons un
triple objectif :
. Dégager à travers l'analyse sérielle d~s textes officiels, les
lignes de force qui structurent l'histoire du statut,
des fonc-
tions et de l'image des inspecteurs de 1913 à 1945.

-
183 -
-MOn:E-Eer à travers -quelle (s)
dynamique (s)
s 1 opérait la trans=
formation des statuts et des fonctions des inspecteurs d'une
étape historique à une autre .
. Enfin,
fixer les fondements doctrinaux et/ou opérationnels
dont procédait le modèle de recrutement des inspecteurs.
2. Choix des documents
Nous avons ici bénéficié d'une prime de situation en
ayant sous la main un répertoire des textes applicables en A.O.F.,
établi par l'administrateur en chef de la France d'Outre-Mer
G.
SEGEALON.
Dans le chapitre l44E traitant de l'enseignement pu-
blic aux colonies,
le répertoire donne l'indication des docu-
ments où l'on peut trouver tel ou tel autre texte relatif à
l'organisation de l'enseignement. Les textes qui intéressent
notre propos se retrouvaient dans divers documents qui vont des
brochures officielles diverses,
aux journaux officiels ou aux
annuaires et rapports publiés périodiquement par le Gouvernement
Général.
Devant ces matériaux disparates,
notre choix fut
guidé surtout par le souci d'avoir un corpus homogène à même de
constituer une série temporelle.
Nous avons donc pensé que le
Journal Officiel du Sénégal,
hebdomadaire qui paraissait depuis
12
le 2 février 1905
(B.N.
: Fol. LC
348)
pouvait nous offrir

-
184 -
cette opportunuité.
Voici les divers éléments du corpus étudié.
-
Sur le premier arrêté modifiant le recrutement des inspecteurs
des écoles et de ses réorganisations de 1913 à 1945 :
J.O.
1921 p.
325
J.O.
1923 p.
10
J.O.
1930 p.
758
J.O.
1933 p.
628
J.O.
1938 p.
133
addenda
p.
964
J.O.
1941 p.
653
Sur les attributions des inspecteurs de l'enseignement
J.O.
du 20 juin 1928 p.
225
J.O.
du 15 mars 1929 p.
195
J.O. du 31 mars 1930 p.
325
Sur la création des chefs de services de l'enseignement
J . O.
1 9 30 p.
8 51
3. Questionnement
La mention d'une telle
liUorique" è-n lieu et place -de-
ce qui aurait dû être une formulation d'hypothèses de travail,
peut susciter quelques interrogations;
il ne faut pas voir là
une marque d'originalité et encore moins une volonté quelconque
d'innover en matière d'analyse de contenu. C'est plut6t une dé-
marche que nous voulons prudente au regard de la modeste ambi-

-
185 -
t-ion dont procède ce travail qui voudr_9:Jt se :LimiJ:er à lln taton-
nement exploratoire,
c'est-à-dire à l'analyse de contenu pour
"voir" et non pour "prouver". Quand,
comment,
dans quelles con-
ditions a été construit le système de recrutement et/ou de for-
mation des inspecteurs de 1913 à 1945 ?
Quels objectifs visait-on par ce(s)
recrutement(s)
?
SuboLdonné_es_ au,x ex),g~nces de la soci~t:é~ n()us. savons que les
tâches confiées aux inspecteurs commandent la nature des pro-
grammes de sa formation et/ou des épreuves de leurs sélections,
dans les domaines de la psychologie,
de la psychopédagogie ou
de la sociologie,
dont les tendances biologisantes,
moralisantes
ou pragmatiques,
reflètent l'état des
"sciences humaines appli-
quées" d'une époque.
C'est pourquoi,
nous ne manquerons de nous
interroger sur la nature des épreuves et le cas échéant,
des
sujets proposes qui participent à l'éclairage de l'image des
inspecteurs par rapport à leur dimension culturelle.
Certes,
traiter un matériel d'analyse,
c'est d'abord
le coder; mais notre objectif primant sur l'unité de méthode,
nous préférons mener notre travail directement à partir des si-
gnifications que les textes nous délivrent,
ce qui n'exclue pas
pour autant leur analyse thématique. Au demeurant,
pour appré-
hender les évolutions éventuelles surtout en ce qui concerne
l'image des inspecteurs,
nous affinerons nos textes d'analyse

-
186 -
grace à certains témoignages de personnes autorisées comme
l'Inspecteur Général ou le Gouverneur Général.
ment de 1913 à 1930.
Jusqu'en 1913,
les inspecteurs étaient recrutés au
choix "parmi les fonctionnaires de l'enseignement que leurs ti-
tres,
leurs états de service et leurs aptitudes professionnelles,
désignaient spécialement au choix de l'administration"
(1). Si
le texte de l'arrête brillait par son imprécision et ses lacunes,
i l n'en constituait pas moins,
par rapport à
"l'Ecole des Congré-
ganistes",
un progrès remarqué,
puisque l'inspection à cette épo-
que,
était entre les mains de personnalités bien souvent exté-
rieures à l'Ecole,
comme les magistrats,
les chefs de service
administratif ou le maire.
Il n'empêche, hélas
!
qu'il fallait
au plus vite se départir de ce mode de recrutement et de sélec-
tion des inspecteurs puisque les choix ont presque tous été ma-
lheureux au possible comme on l'a montré dans la première partie
de notre étude. Les premières modifications viendront sous l'ins-
tigation de l'Inspecteur Général Georges HARDY qui substitua au
recrutement direct,
l"institution d'un concours.
Dans quelque texte en date du 31 mars 1913, nous rele-
vons cette énumération des modalités du concours
:
(1)
Arrêté général du 6 juin 1908
J.O.
1908, p.
86.

-
187 -
"bes---±nspecteurs des écoles sont reeFu~és a-u- concours-
parmi les instituteurs des trois premières classes,
ayant au moins trente ans d'âge et cinq ans de séjour
en Afrique Occidentale Française et pourvus du Brevet
supérieur et du Certificat d'aptitude pédagogique;
le concours comporte des épreuves écrites
(histoire
et géographie de l'A.O.F.,
légi~~ation, pédagogie
indigène)
et des épreuves pratiques
(classe de deux
heures dans une école indigène,
inspection d'une clas-
se) If~-
Et,
comme pour parachever l'oeuvre,
il fut posé un
principe suivant lequel,
l'inspecteur des écoles se devait
d'être "un honune de caractère pondéré et bienveillant" ; aussi,
un premier triage était-il opéré parmi les candidats par le Gou-
verneur Général, pour éJ.iminer tous ceux que leur dossier pre-
sentait conune des agités,
des acariâtres,
des mécontents"
(2)
c'est dire que ne pouvait ~tre inspecteur qui veut et qu'en dé-
finitive seul le Gouverneur Général avait le dernier mot.
C'est
là une Constante qui traversera allègrement toutes les époques
et qui ne sera démenti qu'à la fin de la 20me guerre.
Si l'ap-
plication de ces textes a permis lors du premier concours,
le
recrutement de deux inspecteurs des écoles,
la guerre allait y
mettre un terme puisque jusqu'en 1921,aucun concours n'eut lieu
et le second qui allait se dérouler à cette même date,
sera régi
par de nouveaux textes signés du Gouverneur Général MERLIN le
21 octobre 1921 et sur proposition de l'Inspecteur Général
Aristide PRAT.
(2)
HARDY
(G)
Une conqu~te morale
L'enseignement en A.O.F.
Jam.
cit.

-
188 -
Le concours désormais,
comportera non plus deux séries
d'épreuves comme précédemment, mais trois,
composées d'épreuves
écrites éliminatoires,
d'épreuves pratiques et d'un examen du
dossier personnel des candidats.
Cet examen du dossier était un second tri opéré cette
fois parmi les candidats définitivement admis
i
en effet,
il ne
s'agissait pas seulement de figurer dans la liste définitive des
candidats retenus après la proclamation des résultats,
encore
fallait-il être nommé par un arrêté du Gouverneur Général et
cette nOffilnation ne se faisait que suivant les besoins du ser-
vice ; en clair,
5 candidats par exemple, pouvaient bien être
déclarés reçus,
mais le service pouvait bel et bien aussi ne
retenir que les 3 premiers,
les autres étant dans une liste
d'attente.
C'est dire que si par un malheureux hasard la vigi-
lence du Gouverneur Général n'a pu éliminer dans lé premier tri,
un "indésirable",
l'administration,
en la personne du jury d'exa-
men, pouvait toujours se rattraper avec l'examen du dossier per-
sonnel qui intervenait surtout dans le classement définitif par
ordre de mérite. Cela était d'autant plus possible que le jury
d'examen é_ti3.i t
çompQE:l~ du secrétaire général ~ll Gouver~~~e~t:~
de l'Inspecteur général de l'enseignement,
du Chef du service du
personnel du Gouvernement général et d'un fonctionnaire désigné
par le G.G .. Le texte conservait donc quelques points de cynisme
qui seront eux aussi une autre constante à travers les réformes
ultérieures.

-
189 -
Le t.ém0i~na~e -q-ueFeprésen-tellt-les copies des --pos-tulants
auraient été,
dans le cadre de cette étude,
une très importante
source si les archives que nous avons au demeurant vainement con-
sultées,
nous en avaient donné l'occasion; en effet,
la compé-
tence linguistique des candidats,
leurs modèles stylistiques et
de référence,
la fréquence et le type des erreurs commises,
l'ar-
chitecture globale des discours écrits,
le classement et le juge-
ment porté par les correcteurs,
sont autant de données qui déter-
minent peu ou prou,
le système mental dans lequel se meut
l'enseignement et dont l'histoire serait à écrire.
A défaut de ces documents irremplaçables,
nous pouvons
néanmoins nous référer aux sujets des concours pour l'affinement
de notre analyse,
d'autant qu'ils peuvent témoigner de l'esprit
qui prévalait et surtout de l'image qu'on se faisait des inspec-
teurs quant à leur culture littéraire,
générale ou pédagogique.
De 1921 a 1930, ces sujets portaient invariablement sur des géné-
ralités dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils fais3ient
rarement appel aux facultés d'observation ou aux capacités ana-
lytiques des candidats. Pour l'essentiel,
on peut même dire sans
risque de se tromper,
que seules les connaissances théoriques du
candidat étaient sollicitées comme pour jauger leur seule mémoi-
re.
Voici comment nombre de sujets étaient libellés dans toute
leur sécheresse :
"Le rôle de l'habitude dans l'éducation"
"Les

-
190 -
méthodes collectives"
"Les méthodes en pédagogie"
( 3) •
Les autres épreuves écrites qui portaient sur la lé-
gislation ou l'administration étaient de la même facture:
"L'organisation du Gouvernement Général"
"Les attri-
butions du directeur d'école"
;
"Etudiez le recrutement et la
formation des instituteurs indigènes de l'A.O.F.
et recherchez
guel1es améliorations pourraient être apportées au régime ac-
tuel" ? Enfin,
pourrait-on ajouter,
au moins cette fois,
il y a
un tantinet souci d'interroger les capacités d'imagination des
candidats.
2°)
~~~_~~~2~~~~~_~~_~~_E~~~~~g~~_~~_~~~~~~~~~~~~~_~~=
~~2~~~~_~_~~!~~E~~~~~~_~~_~~~~_~~~~~_~~_E~~~~~g~~·
1930 à 1942.
A partir de 1930,
avec la nouvelle orientation prati-
que donnée à l'enseignement,
on estima peut-être que les textes
qui régissaient les modalités du concours du C.A.I.,
devaient
eux-aussi suivre le rythme de l'évolution. A des faits nouveaux,
des programmes nouveaux semblaient s'imposer;
dans cet ordre
d'idées,
fut pris l'arrêté nO
2087 du 5 septembre 1930 qui ap-
portait certaines modifications à l'organisation et au programme
du concours .
. Le C.A.I. devint très nettement un concours où le nombre de
(3)
Comptes-rendus des concours de C.A.I. _ A.R.S. J21 J27 J28
1927-1928.

-
191 -
place était limité et publié au journal officiel deux-mois à
l'avance .
. Le programme des épreuves écrites fut modifié par analogie avec
celui du C.A.I. métropolitain,
du moins en ce qui concernait
la nomenclature de ses épreuves écrites 9~i duraient désormais
cinq heures et comprenaient une épreuve de pédagogie générale
ou' de psy~h01ogie et une aut-re de mOl;ale ou de sociologue, le
tout,
appliqué à l'enseignement des indigènes. La pédagogie
spéciale et la législation n'étaient pas non plus absentes de
ce programme, mais furent reléguées à l'oral.
Le but recherché par toutes ces modifications était de l'aveu
même du législateur,
de "choisir les futurs inspecteurs des
écoles, parmi les candidats associant à une solide culture
générale et professionnelle,
le sens colonial et peut-on dire,
une sorte de cul ture africaine"
(4).
Le G.G. BREVIE l'a~3it par ailleurs déjà dit,
définis-
sant la nouvelle politique éducative en ces termes
"Nos préoccupations portent particulièrement sur la
formation des cadres indigènes,
l'organisation de l'enseignement
professionnel,
l'enseignement populaire,
pour aboutir à la con-
ception de ce que pourrait être une culture franco-africaine
(5).
(4)
Circulaire du G.G.
relative à l'arrêté 2087 du 5 septembre
1930. A.R.S.
Fiche 278.
(5)
Extrait du discours de Brévié au Conseil du Gouvernement le
24 novembre 1932
;
in : Bulletin de l'enseignement nO
80.
Juillet-Décembre 1932.

-
192 -
Pour l'étude des grandes questions de psychologie,
de
morale et de sociologie,
les candidats étaient invités à consul-
ter judicieusement nombre "d'excellents ouvrages publiés en mé-
tropole,
comme ceux d'un DELAFOSSE ou de Levy BRUHL
(sic) ".
Le choix de ces deux auteurs,
pour ne citer qu'eux,
ne laissait
pas de doute sur l'orientation qu'empruntait la nouvelle politi-
que scolaire 7 tous deux sont en effet connus pour leur travaux
ethnologique et structuraliste qui tendaient somme toute,
à res-
tituer à la "culture barbare des indigènes" -
simple trouvaille
de l'époque pour servir d'exutoire et de justificatif à l'oeuvre
de colonisation -
toutes ses lettres de noblesse.
Nous avons un
texte de DELAFOSSE qui montre,
si besoin en était encore, de ses
prises de position avancées sur l'orientation de la politique
indigène :
"Si nous condescendons à être francs vis à vis de nous-
mêmes,
nous SOIT~es bien forcés d'avouer que ce n'est
pas l'altruisme qui nous a conduits en Afrique 7 du
moins en tant que Nation.
Tantôt,
nous voulions assurer des débouchés à notre
commerce ou des sources de matières premières à notre
industrie,
tantôt,
nous éprouvions le besoin de pro-
diguer la sécurité à nos nat_üm_aJJX91'l le besoJ-n de ne
pas nous laisser devancer par les rivaux étrangers.
En aucun cas,
je ne découvre comme mobile de notre
expansion en Afrique,
la volonté réelle et raisonnée
de contribuer au bonheur des populations que nous
sommes allés subjuguer. C'est là une excuse que nous
donnons après coup,
ce ne fut jamais un dessein"
(6).
(6)
DELAFOSSE
(M)
: Sur l'orientation de la politique indigène
e_n h Q ... :F.
i n : Renseign_emel1ts ç<:>:1()l1:~aux ; nO 61. 1930,
p.146/147.
--
-

-
193 -
______ _
_Eroposer comme modèle de référence _cet _aute_ur qui ne
met nullement de gants pour ébranler au plus haut point des
convictions obtenues jadis à grands cris de propagande et à con-
fondre des préjugés vieux comme le monde,
n'était-ce pas un si-
gne précurseur des changements qui s'opéraient dans les mentali-
tés ?
Ju?q~'9ù irait-on avec c~tte p~uy~11e politique de
"l'association" ? La question méritait d'être posée 7 les candi-
dats à l'inspection en tout cas,
se devaient,
plus que jamais,
de moduler leur manière de penser leur schéma de référence en
fonction de l'esprit nouveau qui soufflait.
Cette tendance d'ail-
leurs fut largementdonfortée par la tournure amorcée dans le
choi-xdes sl1jets du concours et de leur libellé. Par exemple,
le sujet de psychologie en 1930 en dit long sur l'esprit du
temps
:
"Est-il vrai qu'on observe un arrêt intellectuel chez
l'adolescent africain à l'école" ?
Certes,
un tel sujet pouvait apparaitre à bien des
égards comme une sorte de tarte à la crème qui invite à des
spéculations et des élucubrations n'engageant que leurs auteurs
en définitive,
mais ce qu'il est intéressant de noter,
c'est
qu'en d'autres temps,
l'impudence du législateur serait peut-
être poussée au point de passer d'une simple interrogation à
une affirmation des plus tendancieuses comme par exemple :

-
194 -
.. "Montrer que l'on observe un arrêt iritelle ctuel chez l'adoles-
cent africain à l'école ?".
D'autres sujets,
a peine imaginables dans les contex-
tes politiques antérieurs,
témoignent du même esprit de cette
époque de renouveau. A l'oral par exemple,
il était proposé à
CHAIGNEAU,
le futur chef du service de l'enseignement à la veil-
le de la 2ème guerre,
une conférence sur le thème :
"L'utilisation des dialectes indigènes est-elle possi-
ble dans l'enseignement des indigènes en Afrique Occidentale
Française ?".
Bien entendu,
on s'attendait à le voir répondre par
l'affirmative,
se souvenant à l'occasion,
d'une circulaire qui
précisait avec insistance :
"Le rôle dévolu à l'école de village,
sera soutenu
continué quand i l le pourra, par l'utilisation de cours prati-
ques d'adultes où l'on recevra les gens du village,
où l'on
emploiera au besoin,
les langues indigènes
"(7)
Loin sem-
0
blait l'époque où l'interdit sur les dialectes à l'école était
la grande affaire
Mais l'on ne doit pas oublier non plus que la Nouvel-
le Ecole était surtout,
un lieu de propagande et de vulgarisa-
tion des techniques nouvelles d'agriculture;
ce que du reste,
(7)
Circulaire 107 du 15 mai 1933 par le GoGo BREVIE.

-
195 -
-_tr-aduisaiLplus prosaiquement un raPI:)Qrt q.9-té du 6 mai 1933 de
CHARTON,
Inspecteur Général de l'enseignement
"
Qu'on ne dise pas,
c'est l'affaire du service
de l'agriculture!
cette propagande et cette vulga-
risation
.
En réalité,
c'est l'affaire de l'ensei-
gnement et de l'agriculture;
c'est l'affaire de
l'intérêt général. L'action des services agricoles
doit pouvoir utiliser la force puissante d'éducation
que représente l'école
~-
c'est dire qu'il fallait s'attendre à voir 'de plus en
plus parmi les sujets du concours,
nombre d'entre eux - et cer-
tainement pas des moindres - porter sur l'agriculture et l'arti-
sanat. Ainsi,
il a été proposé aux condidats,
à l'oral surtout,
des suje~s tels :
"L'enseignement de l'agriculture dans les Ecoles indi-
gènes"
ou encore :
"Le rôle de l'Ecole dans l'amélioration de
la vie matérielle indigène"
;
"L'utilisation du folk-lore dans
l'enseignement aux indigènes".
Toutes les modifications intervenues dans les modali-
tés du concours à partir de 1930, semblaient n'être qu'un pré-
lude à la pratique effective des inspecteurs sur le terrain
qui,
elle aussi,
allait subir de vastes changements. N'oublions
pas en effet, que l'objectif déclaré et visé par l'affinement
de tous ces textes que nous venons d'analyser,
était l'organi-
sation d'un "contrôle plus sérieux",
et la réconciliation de

-
196 -
l'inspection des Ecoles avec sa vraie image;
celle qui cherche
à réaliser une mise au point constante des méthodes propres à
élever le niveau des élèves,
à rechercher une adaptation de plus
en plus étroite de l'école aux conditions sociales et économi-
ques . . .
c'est pourquoi,
le législateur allait un mois plus tard,
le 13 octobre 1930,
sortir d'autres textes qui complètent judi-
cieusement celui du 5 septembre 1930 et portant création d'un
personnel de direction et de contrôle avec leurs attributions
respectives.
Désormais,
ce personnel allait être composé comme
suit:
Art.
2
a)
des chefs de service,
b)
des inspecteurs de l'enseignement primaire détaché
de la métropole,
c)
des inspecteurs des écoles recrutés au concours et
pourvus du C.A.I.
Art.
3
Dans chaque colonie et dans la circonscription de Dakar
et dépendances,
le service de l'enseignement est placé
sous la direction d'un chef de service ...
Art.
5
Ce fonctionnai-re est ehoisi parmi les inspecteuL"s - de---
l'enseignement primaire du cadre métropolitain ou les
inspecteurs du cadre local,
comptant l'un et l'autre,
au moins cinq années d'ancienneté dont 42 mois de sé-
jour colonial dans ce grade.

-
197 -
par un inspecteur des écoles . . .
Section II
Attributions
"
Outre le contrôle part~culier de la circons-
cription du chef-lieu,
le chef ~~ service assure le
maintien des méthodes d'enseignement dans les autres
circonscriptions.
"
"
Il est consulté sur les affectations,
les mu-
tations,
les récompenses du personnel enseignant
les notes du personnel primaire de la colonie lui
sont communiquées
il contribue à l'établisse-
ment du budget,
à la préparation des commandes et à
la préparation des commandes et à la répartition des
fournitures scolaires.
"
"
Le chef de service de l'enseignement primaire
est assisté d'un ou de plusieurs inspecteurs des éco-
les qui ont pour mission d'assurer,
sous son autorité,
le contrôle permanent des établissement scolaires de
leur circonscription.
"
"
Sous réserve de l'observation des règlements
généraux en vigueur relatifs aux attributions des
fonctionnaires d'autorité placés à la tête des cir-
conscriptions administratives,
les inspecteurs des
écoles inspectent,
notent et proposent le personnel
enseignant de leur circonscription. Leurs rapports
d'inspection,
communiqués à l'autorité administrative
locale,
sont adressés au chef de service de l'ensei-
gnement primaire qui les transmet avec ses observa-
tions au Lieutenant-Gouverneur. La correspondance

-
198 -
administrative du personnel enseignant européen et
indigène de leur circonscription leur est adressée
sous le couvert des administrateurs commandants de
cercle.
"
Ainsi débarassés des tâches administratives écrasantes,
désormais dévolues au seul chef de service de l'enseignement,
les
inspecteurs pourront se donner pleinement à leurs rôles de guide,
de conseillers ma~s aussi de sUrveillance.
Le service fonctionnera sur cette base jusqu'à ce que
d'autres textes apportant d'2utres éléments d'appréciation vins-
sent les abroger ;
cela viendra à son heure en pleine guerre,
en 1942 avec l'avènement de Paul MUS,
Inspecteur Général de
l'enseignement sous BOISSON.
3°)
La nouvelle distribution des fonctions de commande-
Le texte de Paul MUS n'avait pas la forme juridique
de ses prédécesseurs puisqu'il n'était qu'à l'état de projet
soumis à la sanction du Gouverneur-Général; mais l'on sait que
cette sanction serait positive,
en regard de la confiance mu-
tuelle,
j'allais dire,
de la complicité tacite entre Gouverneurs
Généraux et Inspecteurs Généraux,
tant leur longue collaboration
n'a jamais eu maille à partir avec la vision qu'ils se font cha-
cun de la politique scolaire. D'ailleurs,
l'un n'est-il pas la

-
199 -
conscience de l'autre dans le domaine scolaire?
Paul MUS,
dès l'introduction,
marque l'opportunuité de
conserver dans le texte,
la formule du recrutement local des
inspecteurs initiée de longue date par ses prédécesseurs ; ce
qui ne l'empêche pas de faire ressortir aussitôt,
la possibilité
de sélectionner des
"collaborateurs dont la valeur personnelle,
appuyée sur une exp~:c.t~Dc~ consommée Cl~s problèmes africains,
se comparerait à celle du personnel de l'inspection primaire
métropolitaine". Cette possibilité sera acquise au prix d'une
très sévère sélection comme peut en témoigner le recrutement de
41/42 qui n'a pas hésité à éliminer 16 des 18 candidats postu-
lants. A ce rythme,
on pourrait aisément envisager des années
de recrutement blanc ; aussi,
cherchera-t-il dors et déjà un
palliatif dans deux autres formules qui viendront en renforce-
ment du recrutement local.
1. Ouvrir les cadres de contrôle et de commandement de l'ensei-
gnement primaire local,
comme ce~a se fait en Indochine,
à
des inspecteurs primaires provenant des cadres métropolitains
auxquels,une double préparation pédagogique et administrative
faciliterait l'adaptation.
2. Ouvrir les cadres à des professeurs licenciés -
éventuelle-
ment,
à des professeurs d'Ecole Normale - servant à la colo-
nie,
par exemple dans les établissements d'enseignement se-
condaire. Dans ce cas,
un temps de séjour colonial serait
requis.

-
200
-
Mais,
d'une manière générale,
la vocation de ces can-
didats pris hors du service,
aurait à se confirmer au cours
d'un stage de deux années auprès d'un chef de service local.
L'Inspecteur Général termine en demandant l'assimilation des
inspecteurs locaux aux inspecteurs primaires métropolitains
quant à la solde; et ce,
au nom de l'impitoyable sélection,
ga-
ge de la solidité des connaissances des impétrants,
comparables
à tous points à celles de leurs collègues métropolitains,
et au
nom aussi de l'étendue de leurs compétences calquées désormais
sur celles de leurs homologues d'outre-atlantique
enfin,
l'ou-
verture du cadre local aux inspecteurs métropolitains suffirait
à elle seule pour aligner les uns et les autres sur la même gril-
le de salaire.
Le rapport se referme sur d'alléchantes perspectives
au regard de la promotion interne des instituteurs futurs can-
didats,
puisqu'il annonce la possibilité d'un recrutement mas-
sif de près de quatre vingts agents à court ou moyen terme pour
couvrir les besoins grandissants du service.
L'image que donne l'Inspecteur Général des futurs ins-
-
- -
pecteurs des écoles est valorisante à plus d'un titre ; non seu-
lement,
ils seront comparables et même assimilables à leurs col-
lègues de France, mais en plus,
les professeurs licenciés qu'ils
compteront dans leurs rangs pourraient contribuer à l'élargis-
sement du domaine de leurs compétences internes qui pourraient
peut-être se prolonger au-delà du Primaire et embrasser le

-
201 -
-secondacire;
cela est d'autant plus plausible,
qu~initialement,
en 1908,
les inspecteurs avaient droit de regard sur la seule
école secondaire qui existait
même si l'on sait qu'ils n'ont
l
jamais pu y exercer leur rôle de tutelle.
Reste l'interrogation majeure de savoir pourquoi les
inspecteurs des Ecoles n'ont jamais compris parmi leurs rangs,
des européennes et des indigènes? La :réRQn~~ :.3~rnble s'imposer
d'elle-même:
. En ce qui concerne les femmes,
bien peu d'entre-elles,
remplissaient les conditions de grade et de titres de leurs col-
lègues garçons. D'ailleurs plus des 3/4 d'entre-elles n'apparte-
naiene pas au cadre de l'enseignement et elles n'étaient venues
à la colonie, bien souvent, que pour suivre leurs conjoints ;
aussi,
était-ce pour elle un, traitement de faveurs quand elles
obtenaient un poste d'auxiliaire ou de contractuelle,
cette der-
nière catégorie étant réservée presque exclusivement aux insti-
tutrices et instituteurs d'Algérie en vacances au Sénégal.
Si par exception quelque institutrice détachée de la
métropole remplissait les conditions du concours,
sa canditature
pouvait se heurter au refus du G.G. qui avait toujours le der-
nier mot comme nous l'avons montré dans nos développements.
En
quoi ce refus choquerait-il? Voit-on une jeune fille ou une
femme arpenter les chemins abruptes,
défier l'environnement hos-
tile de la brousse africaine pour aller inspecter des maîtres ?

-
202 -
Au surplus y avait-il quelque raison pour que la colonie observât
des règles démocratiques et d'équité pour les deux sexes que la
métropole refusait à la même époque? Certes,
des
inspectrices
de l'enseignement en France,
il y en avait quelques-unes,
mais
n'appartenaient-elles pas à la maternelle pour l'essentiel?
Voilà quelques-unes des raisons qui ont pu interdire
aux institutrices leur accès au corps des inspecteurs.
Quant aux indigènes,
l'impossibilité pour eux de réu-
nir les critères de titre
(C.A.P. + B.S.,
diplomes uniquement
français),
les excluaient tout naturellement du concours. Au
reste, pouvait-on imaginer à l'époque,
un noir chef hiérarchi-
que d'un blanc?
Certes,
cela fut envisagé un moment sous le Front
Populaire quand lè Gouverneur DE COPPET voulut nommer SENGHOR
inspecteur général de l'Instruction publique en A.O.F .. Mais,
n'est-ce pas l'intéressé qui refusa le poste "craignant de se
heurter à l'hostilité de ses futurs subordonnés blancs".
Le texte,
porteur de la philosophie implicite du con-
cours de recrutement des inspecteurs en A.O.F. semblait donc
ainsi fait que seuls les garçons avaient droit aux fonctions
d'autorité; et parmi eux,
seule une faible minorité pouvait,
le cas échéant,
se prévaloir de ces fonctions puisqu'étaient
exclus,
et les indigènes,
et les européens aussi qu'une appré-
ciation sans appel,
classerait comme "malveillants,
acariâtres
~~t insoumis".

-
203 -
II - LES--RAPPORTS-D-'INSPECTION
1. Leur utilisation
L'éclairage du thème de l'inspection doit,
par-delà
les formulations - sur le statut et les fonctions - proclamées
ou souhaitées dans les textes que nous venons d'analyser,
s'enri-
chir des données de la pratique concrète des inspecteurs sur le
terrain.
Mais,
comment peut-on étudier la pratique des inspec-
teurs du passé ?
La réponse à cette question ne saurait être formulée
en termes d'impossibilité absolue,
mais plutôt en terme de repé-
rage des sources qui permettraient de rendre compte plus ou
moins indirectement de la réalité de cette pratique.
Ces sources peuvent aller,
des
journaux ou revues~
dégogigues aux manuels scolaires pour peu que les inspecteurs
aient participé à leur production, mais aussi aux témoignages,
qu'ils soient provoqués ou qu'ils émanent d'enquêtes directes
et systématiques.
La recherche d'un matériau documentaire proche de
l'ensemble de ces sources en ce qu'il pourrait lui aussi nous
révéler ce qui est sous-jacent aux pratiques dans l'esprit des
inspecteurs, mais aussi et surtout,
capable de restituer la vraie
dimension de ces inspecteurs,
nous a conduit à l'utilisation

-
204 -
d'un corpus de rapports.d'inspection.
Au demeurant,
la mise en évidence des réalités concrè-
tes d'une pratique éducative au moyen de cette approche n'est
guere nouvelle.
Un certain nombre de travaux ont eu déjà à s'ap-
puyer sur un corpus de rapports d'inspection dans l'éclairage de
leur thème,
meme si
les objectifs dont procédait leur utilisa-
tion ont pu être différents d'un chercheur à l'autre.
Pour étudier par exemple,
"le modèle pédagogique stan-
dard que l'on retrouve dans la plupart des écoles françaises"
(le Français tel qu'on l'enseigne,
Paris, Larousse,
1971),
Frank Marchand s'appuie de préférence sur des rapports d'inspec-
tion qu'il situe d'emblée à
un niveau dit
"intermédiaire",
à mi-
chemin entre les écrits théoriques des instructions officielles
et les modèles pratiques appréciés grâce aux fiches pratiques
ou aux leçons enregistrées.
J.
VOLUZAN,
en cherchant quant à elle,
à
"saisir le
modèle du processus éducatif au niveau de la transmission des
normes pédagogiques officielles"
(l'Ecole Primaire jugée,
Paris,
Larousse,
1975)
utilisa des rapports d' insp~_c:tion éta_~_~~~à__
Paris entre 1949 et 1969. Pour cet auteur,
l'utilisation de tels
rapports se justifie préférentiellement par le fait qu'ils for-
ment un rouage essentiel dans une organisation de type bureau-
cratique où prédominent relations hiérarchiques et autoritaires.

-
205 -
Plus- procheude nous,
en raison de l'actualité (le ses
travaux,
mais aussi et surtout, parce qu'il fut notre initiateur
en "Histoire de l'Education" et à la "Pédagogie des Inadaptés",
un troisième chercheur,
E. PLAISANCE en l'occurence,
s'appuie
sur un corpus de rapports d'inspection établis à Paris et sa
banlieue de 1945 à 1980 dans son analyse de" la préscolarisation.
Au demeurant,
si les procédures d'approche par l'emploi de ce
matériau documentaire ont pu être les mêmes,
E.
PLAISANCE se si"':
tue à distance de modèle et d'objet par rapport à ces prédéces-
seurs i
d'une part,
parce que ses recherches ont pour cadre
l'Ecole maternelle,
et d'autre part,
parce qu'il s'intéressait
plutôt à "l'évolution des modèles éducatifs implicitement valo-
risés dans les rapports d'inspection et concrètement mis en oeu-
vre dans les Ecoles maternelles"
(L'Ecole Maternelle en France
depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Thèse d'Etat,
1984,
A.N.R.T.) .
La pertinence de la démarche de ces chercheurs et la
dimension scientifique de leurs analyses et de ses résultats,
rendent nécessairement lacunaire le travail que nous voulons in-
troduire et qui utilisera la même procédure d'approche;
aussi,
notre ambition doit-elle être limitée à sa plus simple expres-
sion aussi bien dans la démarche que nous utiliserons que dans
les objectifs que nous poursuivrons.

-
206 -
L'analyse de l'Ecole sénégalaise dans ses versions
politique et culturelle pour éclairer la problématique de l'ins-
pection, nous aura tout au long de cette étude,
fourni des don-
nées essentielles qui permettent de dégager une histoire du sta-
tut et des fonctions de l'inspecteur de l'enseignement; ces
résultats,
cependant,
ne sauraient être pleinement significatifs
tant que nos analyses resteront sur un registre descriptif et
procèderont du seul examen des politiques éducatives proclamées
ou espérées.
Aussi,
en utilisant un corpus de rapports d'inspection,
nous chercherons tout particulièrement à réunir le maximum
de
données concrètes sur le fonctionnaire et sur ses fonctions,
telles qu'elles peuvent apparaitre à travers sa pratique.
Nous
pensons,
grâce à cette approche,
pouvoir saisir
1°) Les dimensions de la "fonction" de l'inspecteur de l'ensei-
gnement à travers les trois axes temporels
(1930-1936 ;
1937-1938
1939-1945) qui sont autant de repères pour l'é-
mergence de nouvelles politiques éducatives.
2°)
L'image du bon fonctionnaire
(qu'il soit maitre,
inspecteur,
agent ... ) tel que valorisé dans l'optique officielle.
Pour cette étude,
l'image du bon maitre véhiculée
dans les rapports,
servira de base à nos inférences.

-
207 -
- -3.- ReE:ue-il- et Ghoix des--documents
Un heureux hasard nous a permis de faire l'économie
du détour systématique emprunté par E.
PLAISANCE par exemple
(collecte du matériau à partir d'un appel aux détenteurs de bul-
letins de visite),
pour réunir son corpus de rapports d'inspec-
tion.
En effet,
les archives du Sénégal conservent dans ses fonds,
un assez grand nombre de rapports ét.ablis de 1930 à 1945 et meme
au-delà. Au demeurant,
si cette prime de situation a pu nous
faciliter la tâche,
il n'en demeure pas que maints écueils al-
laient se dresser devant nous.
Les dossiers au nombre de .7,
qui renfermaient les rap-
ports, -se sont plutôt révélés comme un fourre-tout où l'on re-
trouvait pêle-mêle, mélangés aux rapports,
des textes législa-
tifs,
des statistiques djverses et même deux ou trois télégram-
mes sans commune mesure avec l'ensemble des autres pièces.
Il
est tout à fait probable que certaines de ces pièces aient pu
échapper à la vigilence de celui qui les classait.
Il est,
tout
aussi vraisemblable que le classement des rapports eux-memes ne
soit que provisoire puisque nulle part dans les dossiers,
la
chronologie n'a été respectée;
c'est ainsi que des rapports de
1940 succèdent à ceux de 1932 ou de 1943. Comme si,
ce fouillis
ne suffisait pas,
d'autres difficultés de collecte,
liées par
exemple à l'utilisation d'une encre qui s'effaçait avec le temps
ou à l'absence de quelque feuille d'un rapport qui pouvait en
compter plusieurs,
rendirent inutilisable un certain nombre de

-
208 -
rapports.
Notre premier travail fut donc de collecter les rap-
ports utilisables ; et cette moisson aura permis de retenir quel-
ques 247 rapports pour un corpus qui en comptait initialement
près de 300.
Nous avons dès lors essayer de classer ces 247 rapports
en suivant les cadres chronologiques que nous avaient fournis
nos développements antérieurs sur l'évolution des politiques
éducatives
(2e chapitre de la 2e partie) .
Les rapports qui couvrent la période 1930-1945 ont pu
donc être classés à l'intérieur de trois axes temporels:
1930/1936 correspondant à la politique de "l'association" avec
l'Ecole des masses comme support; 1937/1938 ou l'avènement du
Front Populaire ; et enfin 1939/1945 marqué principalement par
l'alignement progressif des programmes scolaires sur ceux de la
métropole avec les adaptations nécessaires.
La distribution de notre corpus par rapport à ces trois
axes donne le tableau suivant
:
1930/1936
95 rapports
1937/1938
52 rapports
1939/1945
100 rapports
Total
247 rapports

- 209 -
.. Lecorpus.cependant,
gagnait à être homogénéisé pour
répondre au critère de pertinence. Par exemple,
il convenait
d'écarter de manière discriminatoire les européens,
au nombre de
17,
dans l'ensemble des rapports. Bien s u r , i l y aurait quelque
intérêt à s'appuyer sur ce nombre pour procéder à des comparai-
sons diachroniques,
mais le mince pourcentage qu'il représente
(- 7 %),
ne biaiserait-il pas les résultats éventuels ? Au sur-
plus,
ce petit nombre ne se composait pour l'essentiel que de
contractuels et d'auxiliaires provisoirement affectés dans les
classes pour pallier le manque d'effectifs. Dès lors,
notre cor-
pus a pu retrouver une apparence homogène puisque n'étant compo-
sé que des seuls maitres indigènes.
Cependant,
des choix complé-
mentaires furent indispensables dans notre recherche d'homogé-
néité et de pertinence du corpus. Nous avons ainsi pensé que
l'âge et le grade des maîtres n'étaient pas sans importance,
dans la mesure où le style des conseils et des jugements de
l'inspecteur pouvait être différent selon qu'il s'adresse a de
jeunes moniteurs OJ à leurs collègues plus expérimentés
aussi,
la zone d'âge comprise entre 25 et 50 ans a été retenue comme
restant très significative et répondant mieux aux possibilités
de collationnement des documents. L'âge de 25 ans,
pour les dé-
butants s'expliquant par le fait qu'on entrait très tard à l'é-
cole dans les colonies d'A.O.F.,
et que les écueils dont il fal-
lait triompher étaient si nombreux qu'ils ralentissaient peu ou
prou une marche qui aboutissait à la fonction d'instituteur ou

-
210 -
de moniteur.
L'âge de 50 ans quant à lui,
est choisi en ce qu'il
peut témoigner de l'expérience des maîtres parvenus au sommet
d'une carrière qui s'étend de 25 à 60 ans.
En tenant compte de ce qui précède,
notre corpus uni-
taire donne le nouveau tableau suivant :
1930/1936
71 rapports
1937/1938
33 rapports
1939/1945
80 rappol'ts
Total
184 rapports
Sur ces 184 rapports cependant, nous avons été étonné
de constater qu'un inspecteur à lui seul en avait établi 116
(soit i l entre 1930 et 1936 ; 11 entre 1937 -et 1938 ; 50 entre
1939 et 1945),
le reste se distribuant auprès de 5 émetteurs et
à proportion presque égale.
L'explication est simple: c'est que l'inspecteur en
question,
CHAIGNEAU,
est resté 7 ans durant au Sénégal de 1933
à 1941, _alors q_ue la moyenne de durée du séJo_ur de ses collègues
est à peu près de 2 ans.
Nous n'avons pas trop cherché les raisons de ce séjour
exceptionnellement long de CHAIGNEAU qui,
à partir de 1935 d'ail-
leurs, sera nommé chef de service de l'enseignement,
fonction
qu'il conservera jusqu'à son départ de la Colonie en 1941.

-
211 -
Au demeurant ;un dilemne se pose à nous devant- -Ge "Gr-ès
grand nombre de rapports émanant d'une seule personne.
Est-il souhaitable de les étudier tous,
en meme temps
que les autres rapports alors que les cinq autres émetteurs comp-
tent pour chacun près de 11 rapports seulement ? Les autres rap-
ports ne risquent-ils pas d'être noyés? Certes,
notre étude
n'est pas centréesuF l-a spécificité des émetteurs,
mais ne
faut-il pas aussi éviter l'uniformité et le monolithisme qui
pourraient résulter de l'analyse des rapports d'un seul inspec-
teur,
surtout au regard des objectifs que nous poursuivons.
Au surplus,
CHAIGNEAU,
de par son statut de chef de
service de l'enseignement, n'était pas à priori,
soumis aux
mêmes contraintes que ses subordonnés.
En effet,
après établissement du rapport d'inspection,
une copie était envoyée en même temps au maître concerné et au
chef de service de l'enseigneffi2nt.
C'est dire que ce dernier
pouvait en disposer tacitement comme d'un instrument de contrôle
à l'endroit de l'inspecteur-émetteur; et il est vraisemblable
que le chef de service s'appuyait sur les rapports,
peut-être
pas de manière exclusive,
pour compléter ses appréciations et

motiver la note administrative de fin d'année qui lui incombait.
Pour toutes ces raisons et peut-être surtout pour des
raisons d'ambitions modestes
(nous ne nous sentions pas psycho-
logiquement préparés à vouloir étudier d'Un seul bloc,
les

-
212 -
184 rapports),
nous avons décidé de ne retenir que 11 rapports
de CHAIGNEAU,
à proportion de i
par époque;
cela était possible
puisque la durée de séjour de CHAIGNEAU couvrait largement nos
trois époques de référence
1930/1935
1937/1938
1939/1945.
Cela nous amène aux nouvelles données suivantes
1930/1936
28 rapports
1937/1938
22 rapports
1939/1945
30 rapports
Total
80 rapports
Le souci d'avoir une distribution uniforme,
comprenant
le meme nombre de rapports pour chaque époque,
nous a enfin con-
duit de ne retenir que 60 rapports,
soit 20 par époque.
Il n'y
a vraiment pas d'autre explication dans cette procédure peu or-
thodoxe qu'une "naïveté" rassurante.
En conclusion,
les 60 rapports de notre échantillon
final constitue 60 comptes-rendus de contrôle ; mais,
à la dif-
férence de ce qui avait cours à la métropole,
ils n'ont pas été
rédigés au regard des rubriques habituelles d'un imprimé offi-
ciel.
Chaque inspecteur concevai~lilii~même ses propres rub-riques
en fonction sans doute de ses sensibilités du moment. Cependant,
si des variations ont pu être observées ici et là,
la différence
est somme toute moindre et porte rarement sur l'essentiel,c'est-
à-dire sur les principales grilles de contrôle des inspecteurs :
exercices de la classe ; tenue des élèves ; résultats obtenus ;

-
213 -
-- -obs-eTvations finales.
Tableau 2
Echantillon des rapports d'inspection établis de 1930 à 1945
':
:
:1930/1936:1937/193è~1939/1945:
Total
: Rappo-rts
2G
20
20
60
.--
: Suj ets inspectés
20
20
20
60
:Cours
C.P.
14
12
9
35
C.E.
6
6
9
21
C.M.
0
2
2
4
a)
Méthode d'analyse
Si nous ne pouvons détailler ici toutes les procédures
que nous mettrons en oeuvre pour répondre à notre questionnement,
il semble néanmoins opportun de situer les perspectives d'analyse
que nous adopterons.
Dans un premier temps,
nous pensons que chaque rapport
devra être analysé pour lui-même,
et dans ce sens,
notre intérêt
ira directement au contenu informationnel des énoncés. _C 1 est
dire que nous nous situerons d'abord dans une perspective sta-
tique d'analyse,
orientée prioritairement vers la collecte d'un

-
214 -
maximum d'indicateurs sur la-nature des interventions de l'ins-
pecteur.
Par exemple,
vers quelle(s)
localité(s), quel cours,
quelles disciplines, quels enseignants,
oriente-t-il préféren-
tiellement ses contrôles ?
Le repérage des indicateurs quantitatifs devra permet-
tre de les classer en catégories et rubriques déterminées autour
des trois axes temporels correspondant au découpage de notre cor-
pus. Nous pensons que cette construction de catégories et de ru-
briques doit pouvoir nous révéler les motivations implicites de
l'inspecteur.
Enfin,
par rapport à nos objectifs qui s'orientent
vers l'appréciation des dé·::alages entre le "dire" des instruc-
tions centrales et le "faire" des inspecteurs, nous procéderons
à des comparaisons diachroniques qui s'appuient sur lES résul-
tats de notre analyse et des données implicites valorisées par
les politiques éducatives au cours des 3 périodes 1930-1936 ;
1937-1938 ;1939-1945.
b)
Traitement des Résultats et Interprétations
Synthèse et sélection des résultats
~~~g~~~~g : L'absence d'un imprimé réglementaire qui aurait pu
délimiter des cadres précis autour desquels se matérialise-
raient les opérations de contrôle, nous a empêché de traiter
les textes au premier abord comme une totalité descriptive.

-
215 -
En -ef-feto,
la liberté laissée à
chaque inspecEeuFde concevoir
lui-même ses propres rubriques,
s'est traduite chez certains par
une inflation de titres pendant que d'autres usaient du style-
récit pour planifier l'ensemble de leurs observations
(voir en
annexes les exemples-types de ces deux formes de rapports).
Une première analyse thématique s'imposait donc,
qui
permettrait de recueillir les principales rubriques d'un réseau
de vérifications où ils concentraient leurs jugements. On a pu
ainsi constater une survivance de leur passé d'instituteur dans
leurs pratiques puisque dans une large majorité,
les inspecteurs
reprenaient le canevas de l'imprimé officiel qu'ils s'étaient
accoutumés à recevoir en métropole. L'absence de l'imprimé offi-
-ciel témoigne sans doute aussi de la confiance tacite de l'admi-
nistration envers les
inspecteurs. La définition comme la déli-
mitation du champ des demandes officielles,
semblent ainsi donc
relever de la seule appréciation de l'inspecteur.
Comment l'ins-
pecteur gérair-il cette délégation absolue de pouvoi~s ? A tra-
vers quelle(s)
logique(s)
et quelle dynamique se faisait cette
gestion ?
10)
Dimensions de la "fonction" de l'inspecteur
Nous partirons d'un postulat assez naîf, pour essayer
de dégager les différentes dimensions de la fonction de l'ins-
pecteur.
Dans la mesure où la visite de contrôle s'accompagne

-
216 -
souvent d'un enseignement auprès du maItre,
on peut inf~r~r que
. L'orientationpr~f~rentielle du contrôle de l'inspecteur vers
tel ou tel corps d'enseignants,
instituteur ordinaire
(10)
instituteur adjoint
(l~) ou auxiliaire (l.au)
; moniteur
(M)
ou moniteur auxiliaire
(M.au)
poUrrait être guelque indica-
teur relati~ement pertinent, gui ~clairerait sur les réels mo-
tifs de sa visite : Ces motifs sont-ils plutôt administratifs
ou p~dagogiques ? ou les deux à la fois ?
L'interpr~tation du tableau repr~sentant l'~chantillon
diff~renci~ des maitres "visit~s",apportera peut-être des ~clai­
rages à cette probl~matique. Ce tableau devra cependant être
compl~t~ par un second qui reprend les mêmes ~l~ments d'appr~­
ciation au niveau national afin que des comparaisons diachroni-
ques puissent se faire et qui permettraient de mieux nuancer
nos observations.
Cependant,
l'absence de statistiques pr~cises
sur la qualification des instituteurs indigènes,
nous a impos~
un choix qui pourrait biaiser lourdement nos donn~es et partant,
notre analyse.
En effet,
devant l'impossibilit~ d'avoir les~statis­
tiques sur toutes les années de 1930 à 1945, nous avons ~té con-
traint de prendre tout en les nuançant,les donn~es qui se pr~­
sentaient à nous. Ainsi,
pour la p~riode 1930-1936, nous avons
pris les statistiques de 1935 qui seules, ont pu être retrouv~es;
pour 1937-1938,
nos donn~es-repères remontent à 1937, et pour

-
217 -
la dern±ère--pér-iode 1938-1945,
nous avons cons-~déré -les stat~s-~
tiques de 1942 qui émanent du rapport du chef de service par
intérim, MESTRAlJD.
Tableau 2
Echantillon des rapportsappliqué~:auxgrades
des maitres
"visités"
10
la
Iau
M
Mau
Total
Eff.
Eff.
Eff.
Eff.
Eff.
Eff.
: 19 30 -1 9 3 6 :
5
3
3
6
3
20
..
:1937-1938:
2
3
4
6
5
20
_0_. __ _ .__
:1939-1945:
0
1
4
6
9
20
- - - - - - - -
- - - - -
Total
7
7
I l
18
17
60

-
218 -
Tableau 3
Distribution des martres suivant leur grade au
. ni veau national
Les données statistiques ne distinguant que trois sous-
ensemble
- Les instituteurs ordinaires
(parmi lesquels on compte
ceux de grade principal,
ie,
situé au sommet).
- Les instituteurs tout court
(mais qui comprennent aussi bien
les adjoints que les auxiliaires).
- Les Moniteurs
(non compris les auxiliaires ou contractuels).
Notre tableau ne peut donc que reprendre cette catégo-
risation.
10
1
M
Total
Eff.
Eff.
Eff.
Eff.
:1930-1936:
12
40
52
104
:1936-1937:
14
47
57
118
: 1938-1945:
10
43
45
93
:

-
219 -
De 1930 à
L936,
aucune logique ne semble_guider le
choix de l'inspecteur sur la catégorie de personnel à visiter.
Il met presque tout le monde dans un meme moule avec un certain
penchant néanmoins vers le personnel supposé le plus aualifié.
C'est donc plutôt vers la "visite administrative"
(ie, qui cher-
che d'abord à renseigner l'administration plus qu'elle n'enseigne
au maitre)
que l'inspecteur s'oriente prioritairement.
Cette ten-
-
dance est inversée de 1937 à 1938,
et encore plus entre 1939 et
1945. Pendant ces deux périodes,
en effet,
les visites s'orien-
tent vers le personnel le moins qualifié,
c'est-à-dire vers les
moniteurs dont la principale caractéristique est leur absence to-
tale de formation pédagogique initiale.
Qu'est-ce qui explique ce constat? Serait-ce les né-
cessités pédagogiques qui ont amené l'Inspecteur à prendre sou-
dainement conscience de son rôle prioritaire de formateur ? Ou
est-ce seulement une réponse aux demandes officielles ?
En 1932, pour rappeler l'enjeu de la "bataille scolai-
re" et le rôle que devaient y
jouer les inspecteurs pour la vic-
toire finale,
-
"Education de la masse pour l'amener à contri-
buer à l'objectif de recentrage économique de l'empire nécessité
par la grande crise de 1929" -
le G.G. BREVIE,
dira en substance
" ... Les progrès de l'oeuvre que nous voudrions plus
rapide,
ne doivent pas être considérés sous le seul
aspect des effectifs. L'activité des services de l'en-
seignement,
ne vise pas seulement à assurer le con-

-
220 -
trôle des écoles et l'application des programmes;
elle cherche à réaliser une mise au point constante
de nos méthodes à élever le niveau des écoles"
... (1).
Ce texte ne laisse aucune équivoque quant au rôle dé-
volu à l'inspecteur.
Si tant est qu'élever le niveau des écoles,
c'est d'abord élever le niveau des maitres,
les former,
toujours
continuer à les former,
on peut penser comme le Gouverneur,
que
le pédagogue qui dormait en l'inspecteur,
devait se substituer
au censeur,
à l'administrateur routinier qu'il fut aux époques
précédentes.
Ce message a-t-il été entendu par les inspecteurs ? Il
semble que non,
du moins entre 1930 et 1936 comme en témoignent
les données de nos tableaux.
NOliS---s6friînes donc tenté de croire que l'orientation des
visites de l'inspecteur vers l'activité de formation des maitres,
semble beaucoup plus liée à des nécessités pédagogiques qu'elle
ne serait une réponse à la demande officielle.
Mais,
n'est-il pas déjà prématuré de tirer des conclu-
sions ? En fatt,
i l convient de nuancer nos propos qui,_~~ reste
gagneraient à être confrontés d'abord avec les données que nous
fournirait par exemple l'échantillon différencié des écoles
"visitées" par les inspecteurs.
Nous rappellerons que la structure de l'école coloniale
(1)
Discours au Conseil du Gouvernement;
24 novembre 1932.
in : Bulletin de l'enseignement,
nO
80. Juillet-Décembre 1932,
p.
325-~
-
_._-~~------

-
221 -
- sénégalaise comprend tro~s ni-veaux
LesEco~l-es Urba:ines implan-
tées dans les grandes villes à forte population européenne ;
les Ecoles Régionales implantées dans les chefs-lieux de cercle
(unité administrative autour de laquelle étaient satellisés un
ensemble de villages)
les Ecoles de Village
(ou écoles populai-
res rurales à partir de 1930), installées d~ns les lieux du m~me
nom.
Nous savons qu'au nom d'un principe au demeurant fort naïf,
les maitres les plus gradés
(supposés donc compétents)
étaient
dirigés vers les écoles urbaines,
alors que les moins gradés
étaient eux affectés dans les écoles de village.
Sur quelle logi-
que se fondait ce principe? Etait-ce à tort ou à raison? Ré-
pondre à de telles questions risquerait de nous éloigner de nos
objectifs;
au demeurant,
i l convient d'ajouter que cette "tra-
dition" survit dans certains pays encore aujourd'hui,
quand on
sait qu'au Sénégal par exemple:
les petites classes sont presque
toujours entre les mains d'enseignants qui commencent à peine à
fourbir leurs 'armes,
pendant que les directeurs et maîtres plus
expérimentés
(toujours par référence à leur grade)
se réservent
les grandes classes.
L'étude de la dispersion des rapports autour de ces
différentes écoles
(urbaine : Eu ; régionale
: Er ;
de villa-
ge
: Ev)
devrait permettre donc de nuancer nos analysesprécé-
dentes.
Ici aussi,
nous complèterons notre tableau des Ecoles

-
222 -
visitées paf un second tableau qui renseigne sur-la distribution
au niveau national des différentes écoles primaires;
l'absence
de données précises nous amène à nous servir du modèle d'appro-
che initié au tableau 3.
Pour avoir les moyennes nationales des différents types
d'écoles,
nous nous baserons pour les deux premières périodes
sur les données de 1935 et de 1937 puisqu'il nous a été impossi-
ble de retrouver les statistiques pour toutes les années. De la
même façon,
l'année 1942 pour la dernière période 1939-1945,
sera
no~~re année-témoin puisque toutes les statistiques de cette pé-
riode remontent à 1942.
Tableau 4
Echantillon sur la distribution des
rapports au ni veau des types (f' écoles
E.U.
E.R.
E.V.
Total
%
%
%
1930-1936
5
8
7
20
193-7-1938
2
6
:12
20
1939-1945
7
6
7
20
:
:14
:20
:26
60

-
223 -
Tableau 5
Distribution des types d'écoles au niveau national
Moyenne
Moyenne
Moyenne
Total
E.U
E.R
E.V
%
%
%
1930-1936
6
: 13
: 50~
69
1937-1938
6
: 13
:69
88
.
1939-1945
8
: 1 5
:74
97
L'observation de nos deux tableaux sur la période
1930-1936 tend à confirmer nos analyses précédentes
; la distri-
bution des rapports dans les divers types d'écoles semble même
ici,
accuser davantage un fléchissement dans les Ecoles de vil-
lage au profit des écoles urbaines.
Pourquoi l'inspecteur,
dans ses contrôles,
s'oriente-
t - i l plutôt vers les écoles urbaines et à un moindre degré vers
les écoles régionales ?
On répondra d'abord en disant qu'il ne fait que son
métier,
celui pour lequel il est prioritairement payé : contrô-
1er systématiquement les maîtres,
vérifier leur conformité aux
normes et renseigner l'administration sur toutes déviations ob-
servées. Si ce n'était là que la seule justification de son ac-
tion, on est en droit de se demander pourquoi alors son contrôle
ne s'oriente-t-il pas aussi vers les maitres européens qui cons-

-
224 -
tituent l'essentiel de l'effectif des Ecoles urbaines?
En étudiant les archives politiques du Gouvernement
Général de l'A.O.F.,
on observe,
à partir de 1930, la montée pro-
gressive de l'acuité du "problème des élites",
l'intensification
de la recherche d'une stratégie d'encadrement par les européens
de la promotion élitaire des indigènes,
avec la crainte constan-
te de débordement.
Il est probable que ce soit principalement dans cet
ordre d'idées que l'administration,
en la personne de l'inspec-
teur,
ait décidé de faire sentir son bras de fer aux seuls ins-
tituteurs indigènes tout grade confondu,
de les tenir en haleine
par des visites fréquentes.
La brèche ouverte par le Front Populaire,
mais très
vite colmatée à partir de 1938,
explique peut-être la distribu-
tion des rapports dans cet axe temporel,
préférentiellement
orientée vers le personnel des écoles de village et régionale
où le besoin de formation est plus manifeste.
Par contre,
on est assez surpris en regardant la dis-
tribution des rapports sur l'axe 1939-1945.
Une première lecture
laisse supposer qu'on retrouve là,
la situation de 1930-1936 ;
ces chiffres sont néanmoins à prendre avec une extrême méfiance
en effet,
on se rend rapidement compte que les 3 ordres d'ensei-
gnement
(urbain,
régional,
de village)
perdent toute leur signi-
fication dans cet axe puisqu'ils ne recoupent plus nécessairement

-
225 -
la_ 9i~tKibutj.orl 9~S maitres dans ces 3 ordres dl enseign~ment sui-
vant leur grade. On retrouve en effet aussi bien des moniteurs
que des instituteurs adjoints dans les écoles urbaines et les
écoles régionales; mais cela ne signifie pas pour autant qu'on
assistait là à un bouleversement des hiérarchies
;
cette situa-
~
tion nlétait que passagère et relève de la·réforme introduite
par l'Inspecteur Général Paul MUS avec la création des
"secteurs
-
- - - - -
scolaires". Avec cette réforme,
le directeur du secteur devait
être conduit fréquemment à
ramener à l'Ecole régionale ou à l'é-
cole urbaine la plus proche,
certains instituteurs ou moniteurs
d'écoles isolées à qui,
il estimait nécessaire d'imposer un sta-
ge de réimprégnation. Le directeur de l'école régionale ou ur-
baine devait faire à leur profit des leçons modèles
; on pensait
les confirmer ainsi dans le métier par des exercices pratiques ;
au bout d'un certain temps d'observations,
ces enseignants pre-
naient la classe en main mais,
sous la direction vigilante du
titulaire.
Il est probable que la visite de l'inspecteur soit
plutôt une visite de "contrôle d'2J=1~itude pédagogique ponctuelle"
qui doit conclure à la nécessité ou pas de confier une classe au
maitre concerné. L'inspecteur n'a donc peut-être joué ici que le
rôle qui lui est désormais dévolu dans la réforme de Paul MUS
initiée à partir de 1942
: un rôle d'inspection au sens précis
du terme,
c'est-à-dire qui renseigne prioritairement l'adminis-
tration en lui fournissant des éléments d'appréciation pour ap-
puyer ses décisions;
rappelons dans cet ordre d'idées,
que la
formation continue des maitres échoit,
dans cette réforme,
aux

-
226 -
directeurs de secteurs dans la forme que nous venons de voir.
Cet aspect ponctuel du rôle de l'inspecteur mis à part,
il semble que nous pouvons orienter nos conclusions vers une
confirmation de nos précédentes analyses
: Il y a donc manifes-
tement une évolution dans la fonction de contrôle de l'inspecteur;
de 1930 à 1945,
cette évolution s'oriente plus vers son aspect
pédagogique pour participer à l'action de formation continue du
maitre.
Cette évolution constitue donc une sorte de "feed-back"
aux instructions centrales qui,
dès 1932,
rappelaient que "l'ac-
tivité des services de l'enseignement ne visait pas seulement
au contrôle" pour renseigner l'administration.
Au terme de cet essai d'analyse,
la première question
qui nous vient à l'esprit est de savoir la valeur opératoiré
réelle de ses résultats.
Et que valent les résultats d'une analyse de contenu
qui,
à aucun moment, n'a pu se plier à des critères rigoureux
de représentativité ou s'appuyer sur des données statistiques
fiables ?
Nous serions tenté de répondre dans l'absolu par la
négative si nous n'avions dès le début annoncé la couleur d'une
démarche fondamentalement orientée vers un enrichissement de nos
tâtonnements exploratoires. Et si tant est qu'une analyse de con-

-
227 -
tenu pour voir donne toujours quelques ouvertures qualitatives
intéressantes,
alors,
nous pouvons,
nous devons relativiser nos
résultats. Au demeurant,
il convient d'ajouter que nos résultats
auraient été beaucoup plus probants et scientifiquement plus si-
gnificatifs si nous avions les moyens matériels et psychologi-
ques pour emprunter à nos ainés-chercheurs.: VOLUZAN et
PLAISANCE -
leurs modèles d'approche:
"recueillir l'implicite
Cette réflexion vaut de meme si la possibilité nous
était donné de disposer de rapports d'inspection pour la période
1913-1930
une comparaison diachronique entre les deux époques
1913-1930 et 1930-1945 apporterait des éclairages intéressants
quant à la continuité ou la discontinuité des modèles éducatifs
sous-jacents à la pratique des inspecteurs.

-
228 -
2°)
L'imaqe du bon maitre indiqène à travers les rap-
ports d'inspection
a)
Problématique et questionnement
En donnant une appréciation plénière sur la personne
du maître indigène ou sur les qualités de son travail dans le
paragraphe conclusif des rapports,
l'inspecteur y traduit impli-
citement,
l'image qu'il a du bon maître indigène.
Nous pensons donc qu'une étude orientée vers le Contenu
infcnnationnel des énoncés de ces paragraphes,
et/ou leurs si-
gnifications latentes,
doit permettre de saisir le modèle du
pédagogue et/ou du fonctionnaire tel que valorisé dans l'optique
officielle.
A ce propos, trois séries de questions se posent et
fondent notre analyse.
· Quelle(s)
signification(s)
revêt le concept du "pédagogue"
dans les discours officiel ?
· Quelles qualités sont valorisées chez le maître?
· Q~el est enfin le modèle du bon f~nc~iQnnaire véhiculé à tra-
vers toutes les qualités du maître?
b)
Méthode d'analyse
La forte personnalisation des rapports qui résulte du
champ libre laissé à chaque inspecteur de concevoir sa propre
grille de contrôle,
et,
conséquemment la trop grande variation

-
229 -
dans les -discours qui portent rarement sur le meme ob~ et,
neper-
mettaient que très peu,
de réunir les textes des rapports en une
totalité descriptive pour les traiter au niveau explicite. Aussi,
avons-nous décidé de centrer notre étude uniquement sur le cor-
pus des observations finales des rapports,
qui plus est,
appa-
raissait comme leur seul dénominateur cornrnuh.
L~s textes ainsi rassemblés formeDt ~Dçorpus de 60
paragraphes,
certes plus ou moins longs et fournis selon les
inspecteurs, mais tout à fait homogènes et de présentation co-
hérente.
Leur analyse procède d'une analyse de contenu classi-
que
repérage de mots et d'expressions sur les qualificatifs
des maitres,
leur classement en catégories et rubriques déter-
minées
(qualificatifs suivan:- la technicité,
les qualités rela-
tionnelles et méritoires
. . . ) et enfin,
leur structuration en
"modèles" .
Cette approche de type fondamentalement thématique
sera au demeurant renforcée par une approche linguistique qui
cherchera à appréhender les significations latentes de telle ou
telle autre expression si son évidence n'apparait pas au cours
d'une première lecture tout à fait naïve.
c)
Traitement des résultats
L'étude du paragraphe conclusif des rapports permet

-
230 -
de sérier notre corpus unitaire en deux;
c'est ainsi que nous
distinguerons un corpus de qualification directe qui rassemble les
jugements sur le maitre où sont mis en évidence les vertus fonc-
tionnelles les plus appréciées ; et un corpus de qualification
indirecte où les jugements sont plutôt polarisés sur les tâches
diverses qui auraient dû mériter l'attention du maitre ; mais ce
faisant,
l'appréciation de ces tâches,
n'est qu'un moyen détour-
né qui cherche à se prononcer sur l'efficacité du maitre.
Josette VOLUZAN,
dans un travail remarquable
(l'Ecole
primaire jugée,
op.
cit. page 112)
a déjà montré dans une étude
semblable,
la richesse et la pertinence de la linguistique com-
me modèle d'approche
nous lui emprunterons donc nos outils
pour l'essentiel.
La forme habituelle de la phrase où l'inspecteur met
en évidence les vertus fonctionnelles les plus appréciées du
maitre est :
"Le maitre est" + adjectif.
par exemple.:. "Mr D
est sérieux,
consciencieux"
.
(Rapport sur Mr D.B.,
classe C.P., Ecole de Kolda,
1933).
Au demeurant,
la phrase n'est pas restrictive de cette
meme forme verbale et peut admettre :
- La réversibilité entre "être" et "avoir".
Le maitre est ordonné
le maitre a de l'ordre

-
231 -
- La forme négative :
"Mr F ••..
est sans volonté,
sans action sur les élèves".
Le paragraphe conclusif des rapports peut aussi être
riche d'un type de phrases transitives qu'on pourrait considérer
comme ayant valeur qualitatives.
"Maitre actif,
qui a de l'ordre, qui soigne la forme
et la fai t
soigner ;
i l devrait rendre. cer_tains ensei~
gnements plus concrets" . . .
(Rapp. Mr D.
Ecole de THIES
classe CP.
1935).
Dans tous les qualificatifs qui précèdent,
le complé-
ment d'objet est reportable
au maitre notamment dans sa pédago-
gie. L'étude du corpus de nos 60 appréciations,
permet d'isoler,
par ces approches, ~ prédicats qualificatifs ; mais avant de
les constituer en catégorie,
i l convient de compléter d'abord
cette étude avec le corpus de qualification indirecte.
2.
Corpus de qualification indirecte
- - - - - - - - - _.._ - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Si la manière de faire qui apparait dans les qualités
du travail effectué est l'affirmation d'une qualité préalable
que la conduite du maitre actualise,
i l est tout à fait possible
dans certains cas,
d'attribuer au maitre,
les qualités du tra-
vail effectué.
Les aptitudes valorisées du maitre et capables de don-
ner leur marque aux activités effectuées
(ou à effectuer)
peu-

-
232 -
vent être saisies ici,
à travers le- schéma directeur suivant
1
2
3
Le bon maitre,
grace à des qualités préalables,
fait un travail
qUl
est
Il est aisé de recenser dans notre corpus, tous les
mots et expressions qui complèteraient le corpus de qualification
indirecte autour de la colonne 2.
1
2
3
Le bon maitre
grace à ses qualit~s
fait un travail qui est
actif,
ordonné
soigné,
concret,
dévoué,
attentif
suivi . . . .
Il est possible dans un dernier élan d'affiner notre
analyse en distinguant :
-
Dans les qualificatifs du travail du martre,
des indices rela-
tionnels,
c'est-à-dire qui résultent de l'appréciation impli-
cite de la relation pédagogique entre inspecteur-inspecté
mais aussi entre le martre et le g~~upe d'élèves.
11
bon martre,
qui a de l'allant,
de l'autorité et qui ob-
tiendra certainement de bons résultats avec les grands élèves,
surtout s'il prévoit plus minutieusement le travail à faire.
(Rapp. Mr M.
Ecole de SEDHIOU,
classe CE,
1938).

-
233 -
-
Dans le.s qualités magistra_les du Il}.aitre,
celles qu'on appel=
lerait méritoires parce que impliquant une volonté manifeste
soutenue par l'effort,
même si la réussite n'est pas toujours
au bout.
"... Maitre actif,
animé du désir de bien faire qui donne en-
tière satisfaction au cours préparatoir~ 2ème année.
(Rapp. Mr W.
Ecole de THIES,
classe CP .
1942).
2
Pour cette seconde approche qui s'appuie sur la quali-
fication du travail du maitre,
nous avons pu isoler quelques
60 prédicats qualificatifs ;
ce qui nous ramène finalement à
98 qualificatifs sur l'ensemble de notre corpus.
Il est possible de classer ce corpus de qualificatifs
à l'intérieur de trois catégories thématigues suggérées par le
"modèle des qualités traditionnelles" attendues de l'enseignant
Technicité -
Qualités relationnelles - Qualités méritoires
;
Ce qui nous donne le tableau suivant

-
234 -
Catégories
Qualifications
:expérimenté
(2)
;
compétent
(1)
;
peut
(3);:
~A/Technicité
~apte à (4) ; capable de (1) ; ordonné (2)
19
o
:connait son devoir
(4)
; concret
(2).
:sincère
(3)
;
croit à ce qu'il fait
(1)
~ferme (3)
autorité
(5)
; exemplaire
(4)
~B/Qualités relation~,
.
nelles
:energlque
(3)
; bienveillant
(3)
; actif(4):
o
TI
:a de l'allant
(2)
;
poli
(5)
;
soumis
(4)
: h umb l e
( 2) •
:persévérant
(3)
; travailleur/travail/tra-
~vaille (13) ; arrive à (2) ; sait obtenir(4)~
:C/Qualités méri-
:parvient à
(3)
consciencieux (7)
;
dé-
toires
~voué (8)
bonne volonté
(9)
fait des ef_ o
62
: forts
(4)
animé du désir de
(5)
soi-
:gneux
(3)
réus s i
à
(1).
d)
Interprétations
Le modèle de la relation
(enseignants-groupe d'élèves-
environnement pédagogique ... ) qui donne tout son sens au fonc-
tionnement-de l'institution éducative entre 1930 et 19A5 _peut
être saisi implicitement à travers les déclarations de politique
éducative du législateur
"Les progranunes
et méthodes
d'enseignement ne sont
pas une simple affaire pédagogique; l'élève est un
moyen de la politique indigène"
(Circulaire 107E du
G.G.
BREVIE,
1933), dans ces conditions,
"
pas
de prQgranunes trop scolaires, pas de leçODÂ ~Q~~9J~-

-
235 -
les,
nous restons dans la brousse,
dans notre village,
l'horizon s'arrête là. C'est le jardin, l'école Verger,
l'école mutuelle,
l'école dispensaire,
l'école ate-
lier ".
Dès lors,
point besoin d'expérience ou de compétence
pour bien enseigner; seul l'acharnement au~travail est magnifié,
complété judicieusement,
j'allais dire
soutenu efficacement
par la bonne volonté,
le dévouement,
et la conscience.
On comprend dans ce sens, que les diplomes soient sans
grande importance dans le recrutement et l'exercice du métier
d'instituteur. Du contractuel à l'instituteur ordinaire en pas-
sant par le moniteur,
le maitre-mot de la réussite dans les clas-
ses, passe par l'autorité,
l'activisme
(dans ce qu'il contient
comme charge négative)
l'exemplarité et l'énergie,
toutes
"ver-
tus",
dont il faudra faire usage en ayant bien entendu soin de
ne pas se tromper de public-cible ; car si les enfants ont be-
soin d'être dirigés dans cette rigueur toute masculine,
à l'en-
droit des supérieurs hiérarchiques,
il
conviendr~ d'~tre surtout
humble et bienveillant pour mériter leur confiance,
poli et
soumis pour accepter leurs conseils.
Georges HARDY avait du reste traduit plus d'une dizai-
ne d'années auparavant,
ces positions de principe,
déclarant en
substance :
"
"C'est en vous montrant polis,
déférents,
prévenants,
aimables,
sans familiarité.
Surpris et touché de
,

-
236 -
cette attitude,
l'européen
(donc le supérieur)
fera
bientôt les premières avances et tous les malentendus
seront oubliés
"
(Hardy G.
"Les deux routes" op. cit. p.
38).
La technicité,
qui devrait figurer en bonne place parce
que garant de la réussite au premier chef,
se résume à des indi-
ces qui en appellent aux possibilités et aux capacités latentes
du maitre : peut,
capable de,
apte à
La démesure du projet colonial -
"soustraire de la bar-
barie les populations arriérées et les ramener à la Civilisation
(mais aussi et surtout à partir de 1930), préparer les produc-
teurs et les consommateurs de demain . . . " -
ne peut s'accomoder
que d'un effort soutenù et d'une bonne volonté pour résister à
toute épreuvre i
aussi n'a-t-on besoin que de gens laborieux
"Soyez donc comme des soldats en campagne, qui ne me-
surent pas leur peine,
qui s'attachent à leur chefs,
qui se battent avec joie"
(Les deux routes,
op.
cit. p.
53).
On comprend à partir de là que les observations de
l'inspecteur ne $e polarisel1t gll_e sur la bonne volonté,
l ' eff~r~-t:~
_
et le dévouement pour apprécier les instituteurs
:
"Mr est sans volonté,
sans action sur les élèves.
Il
a l'air d'un homme vide
i l convient de réagir et
ce,
d'autant plus qu'il peut bien faire".
"Mr est un excellent maitre dont l'activité et le

-
237 -
dé\\7()l.l_~ment pourrait être utilement employé" ...
En définitive,
il semble que la bonne volonté soit de
très loin la qualité plénière la plus pronée chez le maitre in-
digène ; conclusion apparemment identique à celle de l'étude de
Josette VOLUZAN avec au demeurant les nuanc~s particulières liées
à la situation coloniale qui nous sert de cadre de référence.
Si J:-- VOLUZAN reconnait comme qualité essent-i-e:1:1-e au
maitre,
la bonne volonté,
celle-ci tend à être battue en brèche,
par des qualités adaptatives nées de la synergie de la démocra-
tisation de l'Ecole Française et de l'évolution des sciences;
qualités qui tendent à assouplir et à corriger "la rigidité sé-
culaire du moule éducatif"
:
(inventif,
ingénieux,
original,
intuitif,
génial, ouvert
... )
Mais c'est justement là qu'apparait l'originalité de
notre étude ; car,
toutes ces qualités magnifiées au plus haut
point dans la relation pédagogique métropolitaine,
sont celles-
là même qu'il ne faut point cultiver dans la colonie; elles
sont et doivent être frappées d'interdit.
"Moniteur médiocre,
résultats médiocres.
Mr a une très haute idée de ses mérites et de ses
responsabilités.
Il devra se montrer au moins poli
envers son directeur et fournir un gros effort pour
appliquer dans sa classe les directives qui lui ont
été donné plusieurs fois.
(Rapp. Mr M.
Ecole de THIES,
Classe CP,
1942).

-
238 -
oU encore
Mr doit savoir qu'il n' y a qu ',une méthode qui donne
des résultats avec des élèves sachant à peine articu-
ler,
et c'est la méthode directe"
(Rapp. Mr T.
Ecole de BIRKILANE.
Classe CP,
1937).
La sévérité et le dogmatisme qui percent dans ces deux
jugements ne s'expliquent pas seulement par l'impolitesse du pre-
mier maitre et l'ouverture du second; et il n'est pas impossible
que l'intentionnalité exigente du discours de l'inspecteur cher-
che avant tout à proscrire l'initiative et l'originalité qui
soutiennent l'action de ces deux maitres.
Conclusion
Ni la technicité,
ni les qualités relationnelles,
ne
font le "pédagogue" dans la situation de l'école coloniale
seules les qualités méritoires et au premier chef la bonne volon-
té donnent sa dimension au "bon maitre indigène"
; au demeurant,
cette qualité est exclusive des qualités d'esprit mais s'acco-
mode de l'humilité,
de la politesse,
du dévouement ... autant
d'autres vertus coloniales qui font du maitre,
le relais instru-
mental indispensable fidèle,
docile et performant qu'il faut bien
huil~~ au demeurant, pour éviter tout grincement de la mach~ne~
Dans ces conditions,
le "bon maitre" tient du meme mo-
dèle que le bon fonctionnaire,qu'il relève des services de l'a-
griculture,
de la santé,
des impôts
... qu'il soit simple agent,
ouvrier, ou tout bonnement Inspecteur de l'enseignement.

-
239 -
Georges HARDY le dit bien qui spécifie
"La fonction n1est pas faite pour le fonctionnaire com-
me certains semblent le croire volontiers:
c'est le
fonctionnaire qui est fait pour la fonction".
"Les deux routes,
op. cit.,
p.
52).
Et la fonction,
dans la situation coloniale,
slappuie
sur l 1exigence de vertus variées qui relèvent fondamentalement
de la constance dans le travail,
de la persévérance et de la
bonne volonté caractérisée.

-
240 -
CONCLUSION GENERALE

-
241 -
En restant sur un registre purement descriptif,
notre
analyse du dossier de l'Ecole sénégalaise,
nous aura incidemment
conduit à dévider les fils
de trois histoires sociales
: Une his-
toire politique,
une histoire culturelle et à un moindre degré,
certes,
une histoire économique.
Ce qui devrait en ressortir dans la perspective d'un
accès idéal à certaines données de l'histoire de l'inspection de
l'enseignement et d'une capacité à en comprendre l'articulation
et l'évolution serait au cours de cette conclusion générale,
une
histoire du statut,
des fonctions et de l'image des inspecteurs
de l'enseignement.
L'angle de vue de l'historien de l'éducation à qui nous
avons emprunté la "blouse" le temps de cette étude,
le porte à
tenter de saisir l'intelligibilité des formes
concrètes de cette
évolution d'une époque à l'autre,
à travers continuités et dis-
continui tés.
A quels résultats nous aura mené cette recherche?
Tout comme en France à la fin du XI Xe siècle,
le pro-
cessus de laïcisation au Sénégal à partir de 1903, accélérera
l'expulsion
des congréganistes et suscitera un courant de
réflexions et de réforme d'où sortira la première charte de
l'enseignement et le principe de la surveillance et du contrôle
des écoles par des inspecteurs laïques,
indépendants du pouvoir
politique,
et d'un recrutement homogène.

-
242 -
Dans son rapport sur le projet de loi du 24 octobre
1903,
le Gouverneur du Sénégal soulignait d'emblée le rôle des
futurs inspecteurs dans la mise en place du nouveau système
d'enseignement:
"revêtus de la force et de la dignité si né-
cessaire à leur importante mission,
(ils)
. . . parcoureront les
écoles,
les visiterons avec beaucoup de soin et éclaireront
l'administration dont ils seront en quelque sorte l'oeil toujours
ouvert dans les écoles,
sur leurs états,
leur succès ou leurs
défauts ... ".
Ainsi,
appelés en 1903 à exercer sur l'ensemble de
l'enseignement primaire,
une surveillance constante pour l'empê-
cher de languir et de se détériorer,
l'inspection au XXe siècle,
se développera et se fortifiera ; mais,
i l lui faudra près de
40 ans
(1903-1945)
pour s'imposer comme en attestent les résul-
tats de 1-' analyse de la courbe de son évolution dont nous ne pré-
sentons ici que les grandes lignes.
a)
Un rôle diminué et équivoque
Le première réorganisation de l'enseignement en 1903,
tout en consacrant l'instauration de l'inspection,
va introdui-
re une distinction assez subtile entre la surveillance deséco-
les et l'inspection,
deux aspects d'un même moyen: le maintien
dans les écoles du respect des "bons principes" et du culte des
études. La surveillance est affaire de tous les instants et donc,
devait appartenir selon le législateur,
aux autorités locales
représentées ici par les Commandants de cercle ; mais,afin

-
243 -
qu'elle ne puisse s'endormir
(la surveillance)
ou contracter des
habitudes de faiblesse,
l'inspection devait venir à certains mo-
ments vérifier ses actes et ranimer son zèle s ' i l est assoupi.
Ainsi fut consacré sur les écoles,
le contrôle des autorités lo-
cales,
qui,
plus est,
entraient en concurrence avec les fonction-
naires de l'administration chargés de l'inspection.
Des tensions
prévisibles naitront,
animés le plus souvent par les instituteurs
qui acceptBront mal d'être sous la coupe d'administrateurs pour
la plupart "officiers de l'armée" et n'auront de cesse de récla-
mer comme protecteurs naturels des inspecteurs issus de leurs
rangs et seuls peut-être à même de comprendre leurs problèmes.
L'administration restera sourde à leurs appels,
argant
que l ' ensE~ig_nement à la colonie n ' était pas susceptible d'une
réponse unique et que le "politique" avait autant d'importance
que le "pédagogique". C'est sans doute aussi,
au nom de cette
"vérité",
que le recrutement des premiers inspecteurs essentiel-
lement laissé à la discrétion du Gouverneur Général qui statûait
en la matière,
sur la base de sa seule "côt'e d'amour",
ait pu
être malheureux au possible au regard de certains d'entre eux.
Ainsi,
créée pour protéger le personnel et fortifier
sa valeur pédagogique,
l'inspection fut donc jusqu'en 1913,
ino-
pérante voire inutile.

-
244 -
b} La réorganisation
(1913-1930)
: L'inspection s'élar-
git et se fortifie,
mais est contestée.
Il fallut attendre l'arrivée d'un Inspecteur Général,
Georges HARDY en l'occurence,
pour que l'inspection soit pourvue
d'un statut cohérent et précis.
Nommé en effet en octobre 1912,
HARDY commença par se
restituer,
comme cela se passait en métropole,
une compétence
propre et exclusive sur les services de l'enseignement,
secondé
uniquement par les inspecteurs ; aussi,
le contrôle désormais,
par quelque autorité autre que les inspecteurs,
sur les écoles,
tomba-t-il en désuétude.
Les nouvelles attributions des inspec-
teurs furent redéfinies
: "inspecter le plus fréqllemment possible
les écoles primaires publiques,
en faire rapport au Gouverneur
et envoyer un bulletin à l'inspecté" ; en outre, les inspecteurs
devaient donner leurs avis sur tout~nominations, avancements ou
révocations du personnel. Pour faire face à l'ampleur de ces
tâches,
leur nombre augmenta et passa à 3 pour toute la colonie,
l'inspecteur général y compris.
Au d~~eurant,
si l'administration a pu se satisfaire
de ce rôle devenu plus technique et plus étendu,
les autorités
politiques locales réunies derrière le premier député noir élu
en 1914,
engageront une lutte ouverte contre HARDY et ses seides,
les inspecteurs,au terme de laquelle l'inspecteur général s'en
ira de la colonie malgré son oeuvre colossale et quelques uns

-
245 -
de ses adjoints_av:ant lui
En effet,
par leurs réfQJ;me§ en 9~t_f§:
0
du 14 mai 1914,
initiées pour adapter l'enseignement aux condi-
tions locales,
HARDY et ses adjoints furent accusés d'avoir vo-
lontairement introduit un enseignement au rabais puisque ne pou-
vant déboucher sur des études supérieures,
fermant donc aux séné-
galais,
les carrières métropolitaines.
L~s ~~~eigD~pts eux-memes étaient sensibles à cette
argumentation,
aussi,
certains d'entre eux iront-ils jusqu'à
refuser d'appliquer les programmes issus de la réorganisation de
1914 ;
c'est dire que les inspecteurs eurent souvent maille à
partir avec eux,
ce qui se traduisit par des mutations voire des
révocations.
La victoire remportée par les autorités politiques
locales avec le départ de HARDY en 1919 ne fera qu'estomper le
zèle des inspecteurs qui,
jusqu'en 1930,
ne s'en tiendront plus
qu'au minimum,
c'est-à-dire à l'expédition des affaires couran-
tes comme les rapports d'ensemble ou les états du personnel.
Ils
ont pu mesurer là,
la précarité de leur statut malgré les dis-
cours officiels.
c)
L'~ge d'or: 1930-1945 : L'inspection doit en plus,
jouer un rôle moral et politique
Si une pente naturelle,
née de l'opposition farouche
des autorités politiques locales,
tendait à ramener l 'enseigne-
ment vers une imitation de plus en plus poussée de l'enseignement

-
246 -
métropolitain,
une réadaptation de l'école "aux besoins des popu-
lations indigènes",
(sic)
s'imposa en 1931. Ce fut à partir de
1932,
l'oeuvre d'un nouveau genre de vie
de l'Inspecteur Général
CHARTON.
Il s'agissait grosso-modo,
de réintégrer dans la vie
scolaire,
les activités indigènes traditionnelles,
la vie des
métiers,
la vie rurale i
de faire en quelque sorte de l'Ecole,
l'expression du milieu qu'elle avait mission de transformer.
L'oeuvre de conquête morale reprenait donc avec un nouvel élan.
Dans cet ordre d'idées,
l'inspection allait recevoir des pou-
voirs accrus et les instructions précisèrent à partir de 1934,
que sa mission est de veiller non seulement à l'observation des
statuts et règlements,
mais aussi à s'assurer que les maitres ne
professent que de bonnes doctrines et qu'ils ne donnent que de
bons exemple. Leur rôle devint donc en plus,
moral et politique.
En vérité,
ce rôle trouvait sa justification dans le nécessaire
recentrage économique imposé par la grande crise à
"l'Empire
français". Les élèves comme les instituteurs n'étaient rien d'au-
tres que des
"moyens de la politique économique" puisqu'on comp-
tait prioritairement sur eux pour vulgariser auprès des popula-
tions rurales,
les nouvelles cultures et techniques importées de
la métropole. L'inspecteur devait donc dans ses visites, orienter
préférentiellement son contrôle,
sur les matières du programme
valorisées à l'échelle officielle,
- agriculture,
artisanat,
travail manuel -,
mais aussi et surtout,
prêcher à l'occasion
une certaine morale de la soumission.

-
247 -
Par ailleurs,
le nQI]lpre q.es ~cQJes à contrôler s'élar-
gissant de plus en plus,
il fut décidé plus concrètement,
une
démultiplication des procédures de contrôle des enseignants in-
digènes. Désormais,
les enseignants européens ne seront plus seu-
lement générateurs de quelques ilots de prospérité en préparant
les élèves spécialement aux examens et concours,
mais animateurs
du réseau scolaire tout entier grâce à la multiplication de leur
action de contrôle et de formation sur les maitres indigènes dont
ils deviennent désormais les guides et les chefs.
Ainsi,
les inspecteurs se voient secondés par les
maitres européens avec une nette différenciation des fonctions.
Aux premiers
(les inspecteurs)
incomberont les fonctions de con-
--~~ôle et de commandement, aux seconds les fonctions de formation.
L'analyse des rapports d'inspection nous a montré que les inspec-
teurs ne se sont pas résolus à accepter cette nouvelle distribu-
tion des fonctions de commandement technique et qu'ils parta-
geaient toujours avec les nouveaux promus,
-
les maitres europé-
ens - la fonction de formateurs même si celle-ci ne s'exerçait
qu'implicitement.
La fin de la guerre imposera une nouvelle direction à
l'ordre des choses et nous ne doutons pas que de nouvelles re-
cherches viendront en complément pour l'éclairer.
Décriée à une époque,
louée à une autre,
l'inspection
n'en a pas été moins à la hauteur de ses tâches toujours plus

-
248 -
nombreuses et pl us lourdes. A quelques exception près, n '-y ont
accédé que des hommes de valeur recrutés après un concours très
sélectif et des pédagogues confirmés,
détachés du corps des
inspecteurs de la métropole.
Au demeurant,
l'histoire de son évolution nous aura
montré intimement mêlées,
les opposi tionsidéoloqiques, les po-
lémiques,
les techniques administratives et les considérations
pédaqogiques
; de plus,
l'analyse de son statut aura révélé
que les inspecteurs,contrairement au projet initial n'acquerront
l'indépendance pleine et entière à laquelle ils avaient droit
pour l'accomplissement de leur tâche qu'au prix d'efforts renou-
velés,
au milieu de vives tensions et qu'enfin,
la "neutralité"
de l'enseiqnement qu'ils avaient chargé de contrôler,
recouvrait
en réalité certaines tendances qui allaient selon les époques,
d'un laïèisme de combat à une morale de la soumission et de
propagande idéologico-économique.
L'homogénéité du reCrutement n'a jamais été réalisée
puisque,
tantôt ils partagèrent leur fonction avec les autorités
administratives représentées par les Commandants de cercle,
tan-
tôt ils se partagèrent l'autorité hiérarchique avec Teurs-su=
bordonnés théoriques représentés cette fois par les instituteurs
européens même s'ils n'étaient commis qu'aux fonctions d'inspec-
teur des Ecoles de village.
Tout au long d'un tableau d'analyse que nous avons

-
249 -
dans cha-cune de nos deux parties,
bâti en -tr=-ip-tyque-,
des él-uci-
dations théoriques nous sont constamment apparues et qui nous
interpelaient sur nombre de concepts et/ou de thèmes.
Par exemple,
i l parait tout à
fait probable qu'une
réflexion menée autour des concepts d'autor±'té et de pouvoir
dans les systèmes éducatifs,
puisse suggérer des perspectives
d'-a-pproche -i-ntéressan-te,
sur la source structurale des conflits
gui opposent bien souvent à l'intérieur du système,
les diffé-
rents partenaires de l'éducation.
Ces thèmes et nombre d'autres avec lesquels nous avons
"flirté" cette étude durant sans jamais aller au delà,
témoigne
du caractère lacunaire et donc inachevé de notre travail.
Au demeurant,
nous aurions bonne conscience si nous
étions sûrs d'avoir participé à l'élaboration du tableau d'ensem-
ble des références historiques indispensables qui permettrait à
l'avenir d'approfondir cu d'élargir cette recherche.

-
250 -
ANNEXES

-
251 -
TABLE DES ANNEXES
ANNEXE l
Rapport de Paul MUS sur le quatrième Projet concer-
nant la réforme de l 1 Inspection de l'enseignement à
]5arti-r de 1942.
ANNEXE II
Extrait du discours des Elus locaux sur leurs dolé-
ances à lloccasion de la venue du Ministre des
Colonies Marius MOUTET en 1936.
ANNEXES III Exemplaires de rapports d'inspection pour les années
1931
1935
1942.

r
1
-
252 -
r
Gouvernement Général
de l'Afrique Occidentale
Dakar,
le
(sans date-1942)
Française
Dossier ENSEIGNEMENT
Rapport de présentation
Non classé
à Monsieur le Gouverneur Général,
Haut Commissaire de l'Afrique
Française,
d'un ensemble de 4 projets d'arrêtés
apportant certaines modifications à
l'organisation pédagogique de l'en-
seignement primaire indigène,
notam-
ment à la distribution des fonctions
de commandement technique,
d'inspec-
tion et d'enseignement,
ainsi qu'au
statut du personnel correspondant.
:l'Inspection
... Le dernier des 4 projets concerne la situation
faite aux inspecteurs et aux chefs de service de l'enseignement
primaire de l'Afrique Occidentale Française ainsi que le recru-
tement de ces fonctionnaires.
Il a paru opportun de conserver
dans le texte qui est présenté à vo~re ha~te approbation,
la for-
mule du recrutement local. La difficulté des épreuves proposées
aux candidats du dernier contours,tout en éliminant un nombre
très grand d'entre eux -
seize sur dix huit -
a fait ressortir
la possibilité de sélectionner dans notre personnel,
des colla-
borateurs dont la valeur personnelle,
appuyée sur une expérience

-
253 -
consonunée des problèmesafricaini
se compare à celle du per...:.-
sonnel de l'inspection primaire métropolitaine. La nouvelle
structure du service,
si elle reçoit votre haute approbation,
facilitera par ailleurs la prospection et la confirmation des
compétences à l'occasion du recrutement,
dans le personnel en
~
service des instituteurs du degré complémentaire. Auprès de
cette source essentielle de recrutement,
deux autres formules
méritent d'être retenues qui complèteraient utilement la précé-
dente.
Il semble en effet qu'il y aurait avantage à ouvrir,
le
cas échéant,
les cadres de contrôle et de commandement de l'en-
seignement primaire local -
conune cela a été fait en Indochine
voire même jadis dans certaines colonies du groupe -
soit à des
~nspecteurs primaires provenant des cadres métropolitains aux-
quels une double préparation pédagogique et administrative faci-
literait l'adaptation,
soit à(des professeurs licenciés servant
à la Colonie,
par exemple,
dans les établissement d'enseignement
secondaire. Dans ce cas,
un temps de séjour colonial serait
requis ;diune manière générale,
la vocation de ces candidats
pris hors du service aurait à se confirmer au cours d'un stage
de deux années auprès d'un chef de service local.
Une sélection,
aussi sérieuse,
aussi bien que l'éten-
due des responsabilités assumées par les fonctionnaires de ce
cadre appelés à se voir normalement confier l'inspection ou la
direction de l'enseignement primaire dans de vastes et difficile$
ressorts
vous paraitront peut-être Monsieur le Gouverneur,
justifier l'assimilation des inspecteurs locaux aux inspecteurs
métropolitains
. . . . .

-
254
-
ANNEXE 2
===:=====
Colonie du SENEGAL
Doléances présentés par les 4 communes
Dossier Politique
du SENEGAL à l'occasion de la venue
nO
5234
du Ministre des Colonies le
3 octobre 1936.
(Marius MOUTET)
Remarque
Si nous avons voulu reproduire ce texte ici,
c'est
surtout pour témoigner de l'esprit de l'électorat po-
litique de l'époque,
qui,
nous l'avons vu,
n'a eu de
cesse,
la colonisation dura~t, de réclamer un
ensei-
gnement qui soit en tous points,
l'égal de celui dis-
tribué dans la métropole.
"
La France n'admet pas comme un dogme,
l'-infé-
riorité éternelle de certaines races
; elle constate le retard
de leur évolution,
s'emploi à en corriger les effets et s'efforce
d'en accélérer les étapes.
Le pays de la déclaration des Droits de l'Homme et du
Citoyen,
sait que la dignité et la capacité de l'?t~e humain ne
se mesure pas à la nuance plus ou moins accusée de son teint,
mais bien à la valeur de conscience individuelle,
au coefficient
des vertus personnelles dont il sait faire la preuve. Et dès
qu'il se montre capable, par l'irrécusable témoignage de son
élévation intellectuelle et morale,
d'accéder à des destins plus

-
255 -
~h~~~~, aucun te~~e, ni aucun dogme, ne lui refusent, en terri-
toire français,
le droit de demander le bénéfice de cette "acces-
sion"
(mis entre guillement).
c'est sur ce fondement juridique et moral à la fois,
que le Gouvernement de la 3e République s'e?t basée pour oc-
troyer aux natifs des communes du Sénégal,
la qualité de citoyen
français.
- - - - ~ - - - "
-
. . . Nous en sommes très fiers,
nous en acceptons tou-
tes les charges,
tous les devoirs
Acceptant d'avance tous les sacrifices que la
France pourra exiger de nous,
permettez Monsieur le Ministre
que_nous sollicitions tous les avantages que doit forcément en-
gendrer notre admission dans la grande famille française.
Monsieur le Maire vous a exposé nos désiderata dans
les domaines économique et social,
je ne reviendrai donc pas
sur ce qui a été dit.
Je ne ferai que préciser certains points qui répon-
dent aux voeux unanimes de toute la population.
On a souvent parlé de citoyens diminués,
de citoyens
de 2e zone ayant les mêmes devoirs que tous les citoyens fran-
çais,
mais souffrant d'un traitement d'exception dans toutes
les branches de l'activité nationale.

-
256 -
Ainsi,
l(instruction dont le peuple sénégalais a si
soif,
retient depuis quelques années l'attention de tous les
pères de famille.
Sous prétexte d'adaptation,
les programmes de
nos écoles se voient priver chaque année des principaux éléments
qu'on devrait précisément y laisser pour maintenir ce bon esprit
français que vous pouvez remarquer chez tous nos aînés.
Malgré notre loyalisme 3 fois séculaire et au mépris
des principes éminemment français évoqués plus haut,
nous cons-
tatons avec regret,
que l'on redoute encore dans certains milieux
administratifs,
les pernicieux effets d'une instruction générali-
sée dans les milieux indigènes. Que les efforts de la diffusion
de l'instruction doivent être,
suivant la différence des pays,
diversement nuancés et sagement mesurés,
le bon sens même l'exige.
Mais,
dans les Communes du Sénégal où les populations sont par-
venues à un stade d'évolution et de compréhension qui fait hon-
neur à la France,
nous sollicitons à ce que tous les secrets de
la science française nous soient révélés. Nous demandons à mieux
connaître cette belle et immortelle France uniquement pour la
mieux aimer et la mieux servir .
.• Viennent ens-u:1.-t-e les doléances comme l'applicat-ion -des program-
mes de la métropole dans les Ecoles du Sénégal
. . .

C"

-
262 -
1
1-----·
.....
TABlES ITES MATIERES
-------------------

Pages
AVANT-PROPOS ET REMERCIEMENTS
1
INTRODUCTION
4
l
PRHSENPA~~0N- DES ~RAVAUX RELATIFS
AU THEME DE LI INSPECTION
10
II - QUESTIONNEMENT ET PROBLEMATIQUE DE
DEPART
19
III - APPROCHE METHODOLOGIQUE
23
REPERTOIRE DES SIGLES
31
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
32
l
- SOURCES MANUSCRITES
32
AI Archives de la République du SENEGAL
32
BI Archives conservées dans les Ecoles
du SENEGAL
44
cl Archives Nationales, Secticn Outre-Mer,
Paris.
45
II - SOURCES IMPRIMEES
47
AI Publications officielles
47
BI Publications périodiques
54
cl Ouvrages divers
55
III -
ETUDES
55

-
263 -
AI Bibi:iographi-e
5-5
BI Recueils de textes
56
cl Histoire du SENEGAL
56
DI Histoire de l'enseignement
57
PREMIERE PARTIE- L'ORGANISATION DE L'INSPECTION
60
1903 - 1930
-
- - - - - - - -
----- - ~
CHAPITRE l
L'INSPECTION DANS LE PROJET DE POLITIQUE
EDUCATIVE DU SENEGAL DE 1903 A 1913
61
l - LA LAICISATION
63
II - LES ARRETES D'ORGANISATION DU 24 NOVEMBRE 1903
68
III - L'IDEOLOGIE SOUS-JACENTE A LA REORGANISATION
70
IV - LE NOUVEAU PERSONNEL
72
CHAPITRE II
L'ORGANISATION DE LA DIRECTION DE
L'ENSEIGNEMENT ET DE L'INSPECTION DES
ECOLES
74
l
- L'EXERCICE DES FONCTIONS ET LA VIE DES
PREMIERS CHEFS DE SERVICE DE L'ENSEIGNEMENT
74
II - POUR UN APPROFONDISSEMENT DE L'ANALYSE HIS-
TORIQUE DU STATUT ET DES FONCTIONS DES
PREMIERS INSPECTEURS
88
III - PREMIERES TENTATIVES VERS LA DIFFERENCIATION
DANS LES PROCEDURES DE CONTROLE ET LES PREMIERS
INSPECTEURS DANS LES AUTRES COLONIES DE L'A.O.F.
95
CHAPITRE III
LA REORIENTATION DE LA POLITIQUE
SCOLAIRE ET DE L'INSPECTION 1913-1930
102
l
- L'INTRODUCTION D'UNE NOUVELLE "DONNE"
DANS LES STATUTS DE L'INSPECTEUR A PARTIR
D'OCTOBRE 1912
102

}
1
-
264 -
_ _ I I - L '_EMERGJ~:N_Ç_E--.J:)ES_t!OIR~ D~~S LA:!:()~~TI9UE
ET L'OUVERTURE DES-CONFLITS ENTRE L'INS-
PECTION ET LES AUTORITES POLITIQUES LOCALES
106
III -
DE LA THEORIE A LA PRATIQUE: L'OEUVRE
SCOLAIRE DE GEORGES HARDY
112
IV -
LA GUERRE ET SES CONSEQUENCES SUR L'OEUVRE
DE HARDY.
1912-1930
125
DEUXIEr~E PARTIE - L' INSPECTION DANS:.LE RECE~TRAGE DE
CA POCITTQUE EDUCATIVE
139---
INTRODUCTION
142
CHAPITRE
l
LA POLITIQUE COLONIALE AU SENEGAL
ET SES AVATARS
:
1930-1945
144
CHAPITRE II
LES POLITIQUES EDUCATIVES AU SENEGAL
1930-1945
150
l
-
LA POLITIQUE DE L'ASSOCIATION ET L'ECOLE DE
MASSE COMME SUPPORT.
1930-1936
150
II -
DE L'EXPERIENCE DU FRONT POPULAIRE A LA
REFORME DE 1942 :
1936-1942
161
III -
CONC~USION PARTIELLE
: LES NOUVELLES DISTRI-
BUTIONS DANS LES FONCTIONS DE COMMANDEMENT
TECHNIQUE
170
CHAPITRE III : POUR UN APPROFONDISSEMENT DE
L'ANALYSE HISTORIQUE DU STATUT,
DE L'IMAGE ET DES FONCTIONS DE
L'INSPECTEUR.
1913-1945
l
-
L'ANALYSE DES TEXTES OFFICIELS SUR L'INS
II
L'ANALYSE DES RAPPORTS D'INSPECTION
III
CONCLUSION PARTIELLE