UNIVERSITE PAUL VALERY -
MONTPELLIER
' l '
ARTS ET LETTRES,
LANGUES et SCIENCES HUMAINES
---------------
L E
FANTASTIQUE
DAN 5
L'OEUVRE
D'AMAD 1
E LEe H
ROMANe 1ER
NIGER IAN
THE S E
présentée et publiquement
soutenue pour
Doctora t
de Spéc i a 1i té
(3ème cyc 1e)
Spécial ité
ETUDES
par
A 1 f
r e d
sous
la Direction
de
:
Mr
le Professeur Jean SEVRY et Mr René RICHARD,
maître de conférence.
JURY
M. J. P.
DUR IX,
Université de Dijon,
Professeur
Me.
J.
BARDOLPH,
Université de Nice,
Professeur
M.
J.
SEVRY,
Paul
Valéry,
Professeur
M.
R.
RICHARD,
Paul
Valéry,
Maître de Conférence
NOVEMBRE
1 988
A mon regretté père,
â
ma mère,
et
â
mes frères et amis.
AVANT-PROPOS.
Ce
travail
a
été
réalisé
aü C.E.R.P.A.N.A
(Centre
d'Etudes
et
de
Recherche
sur
les
Pays
d'Afrique
Noire
Anglophones)
dont
Mr. le
professeür
Jean
SEVRY
et
Mr. René
RICHARD
sont
les
responsables.
Ce
centre
a
donc
été
ün
cadre
favorable
et
indispensable
poUr
l'accomplissement
de
cette
thèse.
Je
tiens
à
exprimer
toüte
ma
reconnaissance
à
~1r.
René
RICHARD
qui
a
été
plüs
qu'ün
directeur
de
recherches
poUr
moi:
son
:,attention
sa
disponibilité
et
ses
qualités
humaines
ont
permis
à
ce
travail
de
venir
à
son
terme.
Ma
reconnaissance
va
également
à
Mr.
le
professeUr
J e an
S EV RY
ct on t
les
qua l i t é s
hUma in e s
ex cep t ion n e 11 e s
ne
sauraient
être
sUffisamment
soUlignées
ici;
Mr.
le
professeur
Jean
SEVRY
a
toUjours
été
plus
qu'un
enseignant
pour
les
étudiants.
Je
voudrais
aussi
remercier
Mme
le
professeur
Jacqueline
BARDOLPH,
de
l'Université
de
Nice,
pour
son
aide
bibliogra-
phique,
ses
encouragements
et
sa
présence
dans
ce
jüry.
Mr.
le
professeur
Jean
Pierre
DURIX,
de
l'Université
de
Dijon,
en
acceptant
de
présider
ce
jüry,
me
fait
iln
grand honneur;
qu'il
en soit
remercié.
Je
ne
saUrais
oD'blier
toUs
les
parents
et
amis
d ' i c i
e t
d'a i Il e tir s ,
qÜ'i
m'ont
apporté
leur
soütien
moral
et
matériel;
je
leur
témoigne
ma
profonde
gratitude.
l N T R 0 0 U C T ION
G E N E R ALE
E T
MET H 0 DOL 0 G l E
1
L'HOMME
ET
SON
OEUVRE
El e chi
Ama di,
con t e mp 0 rai n
de
Chi nua
Ache b e,
d e
\\~ 0 l e
Soyinka
et
de
bien
d'autres écrivains
nigérians
célèbres,
est
né
en
1934
à
Aluu,
à
l ' e s t
du
Nigéria.
I l
fréquenta
le
Government
College
à
Umuofia,
puis
l'université
d'Ibadan.
l I a
é cri t
jus qu' à
c e
j 0 ur
qua t r e
r" 0 man s
The
Concubine
- - - - -
(1966),
The
Great
.Ponds
(1969), The
Slave
( 1978 )
e t E s t-
rangement( 1986).
Dans
les
années
soixante-et-dix
i l
a
écri t
plusieurs
pièces
de
théâtre
dont
Isiburu
.>
The Road ta Ibadan
et Peppersaup et
en
1~9~73 paraît
Sunset
in
Biafra
qui
est
une
sorte
d'autobiographie
sur
la
guerre
civile
au
Biafra.
En-
fin
en
1982 il publia Ethics in Nigerian Culture.
Dans
le
cadre
de
notre
travail
nous
nous
intéressons
particulièrement
aux
t r o i s
premiers
romans.
L' action
de
ces
romans
se
situe
dans
la
période
pré-coloniale.
I l
n'y
a
aucun
personnage
de
Blanc.
Amadi
ne
s'intéresse
pas
aux
conflits
culturels,
politiques
et
sociaux
entre
l'Afrique
et
l'Occident;
ou
entre
l'Afrique
traditionnelle
et
l'Afrique
moderne
coloniale
ou
indépendante.
I l
n'y
a
ni
conflit
culturel,
ni
conflit
de
génération
dans
l'oeuvre
d'Amadi.
L'oeuvre
"amadienne"
est
consacrée
à
la
société
traditionnelle
africai-
ne
et
plus
spécifiquement
Ibo
(1)*
avec
ses
valeurs,
ses
aspects
positifs
et
négatifs.
La
particularité
des
romans
amadiens
réside
surtout
dans
l'exposition
du
surnaturel,
du
mystérieux,
des
traditions
et
des
coutumes,
à
laquelle
l'auteur
se
livre
à
une
époque
où
i l
y
avait
des
problèmes
brûlants
dans
sa
société.
Est-ce
une
réaction
contre
son
temps
?
Est-ce
une
façon
de
dire
que
ce
que
nous
vivons
au-
*
Les
noces
et
références
bibliographiqùes
sont
renvoyées
en
fin
de
partie.
2
j ourd ' hui
n' est
qu'une
continuation
ou
une
répétition
de
ce
qui
a
eu
lieu
dans
le
passé
?
I l
n'est
pas
facile
de
comprendre
l ' a t t i t u d e
passéiste
(2)
d'Elechi
Amadi
quand
on
sait
que
la
plupart
des
critiques
les
plus
virulentes
de
la
Négritude
viennent
surtout
du
Ni g é ria .
~1 i eux,
Ama d i
fa i t
ab s t r a c t ion
de
l ' é po que
a c tue l l e
pour
se
consacrer
à
une
société
traditionnelle
régie
par
des
valeurs
et
des
systèmes
qui
sont
entièrement
opposés
à
ceux
de
la
société
moderne.
Notre
attention
a
surtout
été
attirée
par
l ' e f f o r t
que
fournissent
les
personnages
des
romans
d'Amadi
pour
donner
une
explication
aux
évênements
qui
se
produisent
dans
leur
vie.
Pour
chaque
fait
donné
i l
y
a
une
double
,cause:
naturelle
et
surnaturelle.
L'auteur
présente
des
personnages
qui
vivent
dans
une
certaine
sérénité
et
qui,
soudainement,
se
trouvent
en
face
d'un
malheur
ou
d'un
phénomène
quelconque
qu'ils
n'arrivent
pas
à
comprendre.
Ils
ne
se
résignent
pas
pour
autant
à
leur
sort;
au
contraire
i l s
essayent
de
trouver
une
cause
à
ce
fait
nouveau,
de
lui
trouver
une
explication,
fût-elle
d'ordre
métaphysique.
Cette
attitude
est
caractéristique
des
sociétés
africaines,
où
l'homme
cherche
à
vivre
en
harmonie
avec
son
univers,
et
où
toute
intrusion
inexplicable
dans
cet
univers
l'angois-
s e
e t
l ' e n t r a în e
dans
un
imaginaire
obsédant.
C'est
à
tra-
vers
cette
recherche
de
causali té,
cet
effort
pour
donner
un
sens
et
une
explication
à
toute
chose,
d'organiser
le
monde,
le
réel,
que
naît
le
fantastique.
F'antastique
parce
qu
1
à
chaque
événement
donné
les
personnages
attribuent
3
des
causes
aussi
bien
rationnelles
qu"irrationnelles,
réelles
qu'imaginaires,
naturelles
que
surnaturelles,
profanes
que
sacrées,
etc.
Le
lecteur
confronté
à
un
tel
discours
a
du
mal
à
opter
pour
une
cause
au
détriment
de
l'autre;
i l
hési-
te
entre
les
différentes
causes
et
c'est
à
partir
de
ce
moment
qu'intervient
la
notion
de
fantastique.
Par
une
série
d'incidents,
d' ambiguîtés ,ttde
paradoxes
l ' au-
teur
entraîne
le
lecteur
dans
l'imaginaire
des
personnages
et
de
leur
monde,
rendant
ainsi
impossible
tout
choix
d'in-
terprétation
des
év~nements.
Le
lecteur
imbu
de
rationalité
peut
tenter
d'expliquer
tous
les
év4nements
qui
surviennent
dans
les
romans
d' Amadi
par
des
lois
naturelles.
Mais
cette
tentative
sera
vite
abandon-
née
quand
ce
même
lecteur
se
rendra
compte
rétrospectivement
d'un
certain
lien
de
causalité
mystérieux
qui
existe
entre
les
différents
év~nements
qui
jusque-là
semblaient
être
indépendants.
C'est
au
crédi t
de
l'auteur
qu'il
faut
porter
cet
effort
d'organisation
du
texte
qui
donne
une
cohérence
et
une
cohésion
à
l'oeuvre
et
par
conséquent
un
intérêt
cer-
tain
à
la
lecture
de
ses
romans.
Le
lecteur
se
pose
sans
cesse
un
certain
nombre
de
ques-
tions:
pourquoi
tel
évènement
a
eu
lieu
à
tel
moment,
à
tel
endroit,
incluant
telle
personne
ou
telle
chose
et
comme
cela
et
pas
autrement?
Alors
à
ce
moment
apparaît
le
fantas~
tique,
fruit
d'une
impossibilité
de
choisir
entre
deux
or-
dres
différents.
Pour
nous
résumer
nous
définirons
le
fantastique
comme
naissant
de
l'oscillation
entre
le
réel
et
l'imaginaire,
4
la
réali té
et
le
mythe,
le
naturel
et
le
surnaturel,
le
profane
et
le
sacré;
c ' e s t
le
seuil
où
coexistent
des
inter-
pré ta t ion s
à
l a
foi s
con t r ad i c t 0 ire s
et
complémentaires.
Le
fantastique
permet
une
multiplicité
de
lectures
et
une
impossibilité
de
choix;
car
tout
choix
supprime
le
fantas-
tique.
Comme
dit
Schneider:"
l'écrivain
fantastique
ne
chanqe
pas
les
objets,
i l
multiplie
leurs
significations
et
leurs
pouvoirs.
IZ
ne
dénature
pas
le
monde
extérieup,
i l
donne
à
voir
et
chacun
y voit
des
choses
différentes. "(3)
Cette
définition
se prête
bien
à
l'oeuvre
d' Amadi,
mais
nous
remarquerons
que
les
manifestations
du
fantastique
var i e n t
d' un
au te ur
à
un
au t r e , d'une
é po que
à
une
autre
et
d'un
continent
à
l ' a u t r e .
I l
faut
donc
situer
l'oeuvre
d'Amadi
dans
son
contexte
et
voir
quels
sont
les
éléments
d'analyse
qui
entrent
en
ligne
de
compte.
Mais
avant
d'en
arriver
là,
i l
y
a
lieu
de
mieux
définir
la
notion
du
fantastique,
dans
sa
généralité;
ensuite
de
suivre
son
évolution
dans
le
temps
et
dans
l'espace.
Enfin
de
dégager
sa
représentation
et
son
expression
à
travers
les
oeuvres
d'art.
1 -
DEFINITION
Dans
son
acception
générale,
le
terme
fantastique
se
définit
comme
"
ce
qui
n'existe
que
dans
l!imagination,
ce
qui relève de
l'inexplicable"(4).Cette
définition
générale
a
donné
lieu
à
des
variations
de
sens
de
tout
genre;
c'est
5
ainsi,
par
exemple,
que
pour
qualifier
les
efforts
faits
dans
la
lutte
contre
le
cancer
un
médécin
déclarait
récem-
ment
qu'
" un
progrès
fantastique
a
été
fait
dans
ce
domaine".
Schneider
note
à
juste
t i t r e
que:
C ' est
par
ab u s d e
la n g -a g e
que
l ' 0 n
e mplo i e
couramment
fantastique
pour
"incroyable,
surprenant ".
Le
récit
d'une
plongée
en
bat ys-
caphe
ou
un
voyage
interplanétaire
n'a
rien
de
fantastique
au
sens
propre
du
terme:
i l
s'agit
de
machines
inventées
par
les
hommes,
commandées
pal"
eu,y'
(5)
Nous
n'entendons
pas
traiter
dans
notre
travail
du
fan-
tastique
dans
son
acception
coùrante
mais
plutôt
le
fantas-
tique
en
tant
que
fruit
d'une
création
l i t t é r a i r e :
domai-
ne
de
l'hésitation
et
de
l'incertitude
du
lecteur.
De
nos
jours
est
apparueune
autre
conception
du
fantasti-
que,
i l
s'agit
de
la
fantastique
qu'Irène
Bessière
distingue
en
ces
termes:
On
dit
le
fantastique
pour
désigner des
oeuv-
res
et-des
récits
spécifiques.
Anthropolo-
gues
et
philosophes
usent
du
terme
la
fantas-
tique
pour
qualifier
la
catégorie de-l'imagi-
nation,
entendue
non
pas
comme
le
pouvoir
de
produire
des
simulacres
du
réel,
mais
ce lui
d' élaborer
des
images
qui,
apparentées
au
réel
le
l"éorganisent
suivant
des
lois
pro-
pres
à
la
psyché
humaine,
définie
comme
la
rencontre
de
croyances,
d'affects
et
de
ra-
tionalité
(6)
En
d'autre
termes
la
fantastique
est
un
ensemble
culturel
alors
que
le
fantastique
est
la
mise
en
littérature
de
ce
fond
culturel.
Nous
aurons
souvent
recours
à
la
fantastique
pour
l'ana-
lyse
du
fantastique
dans
l'oeuvre
amadienne.
6
2. De l'évolution
Le
fantastique
a
existé
de
tous
temps
et
existe
encore
aujourd'hui;
i l
traduit
le
comportement
de
l'homme
face
à
l'inconnu,
à
l ' i r r u p t i o n
d'un
autre
ordre
dans
le
monde.
L'homme
essaie
d'appréhender
cet
inconnu
à
travers
une
mul-
titude
de
représentations.
Dans
l'Ancien
Testament
nous
avons
des
év~nements "magico-
religieux"
que
nous
pouvons
qualifier
de
fantastique.
En
Europe,
entre
le
XIIe
et
XVe
siècles
apparaissent
les
Mystères
qui
sont
une
dramatisation
des
passages
de
la
Bible.
Nous
sommes
en
présence
du
"merveilleux"
car
les
hommes
croient
à
ce
q u ' i l s
imaginent;
i l s
se
posent
très
,
;
peu
de
questions
sur
la
réalité
ou
la
non-réalité
des
evene-
ments
qui
se
situent
parfois
dans
un
monde
autre
que
le
leur.
Au
Moyen
Age
l ' homme tente
de
se
représenter
Dieu,
les
anges,
le
mystère
à
travers
la
poésie,
la
peinture
et
la
musique.
Que
l'on
se
souvienne
des
diables
cornus
ou
des
anges
ailés
qui
ne
sont
que
des
créatures
fantastiques
(7)
c' est_ à_ dire
imaginaires
car
n' ayant
aucune
attache
avec
la
r é a l i t é .
L'oeuvre
l i t t é r a i r e
fantastique
proprement
dite
apparaît
à
la
fin
du
XVIIIe
siècle
sous
l'influence
du
roman
noir
avec
des
oeuvres
comme
Vathek
de
Beckford
et
Le
diable
amou-
reux
de
Cazotte.
Un
peu
avant
ces
oeuvres,
i l
faut
citer
7
les
Mille
et
une
nuits
recueil
de
contes
arabes
d'origine
persane.
Dans
ces
oeuvres
l'accent
est
surtout
mis
sur:
-
l'apparition
de
fantômes,
de
monstres
et
de
géants-
./
une
certaine
"animation"
des
châteaux
abandonnés
et
une
prolifération
de
créatures
spectrales
avec
toutes
les
horreurs
et
terreurs
que
cela
implique.
Du
merveilleux
des
Xlle-XVe
siècles,
en
passant
par
la
féé-
rie
et
le
frénétique,
nous
arrivons
avec
Hoffman
à
une
véri-
table
définition
du
fantastique
comme
genre.
Le
fantastique
en
tant
que
forme
l i t t é r a i r e
est
né
en
Europe,
évolue
et
se
répand
dans
le
monde.
On
le
rencontre
avec
Poe
par
exem-
pIe,
dans
The
Fall
of
the
House
of
Usher.
I l
;"
a
une
évolu-
tian
vers
ce
qu'on
a
appelé
le
"fantastique
étrange"
(8).
Il
s'agit
essentiellement
d'expliquer
un
év~nement en appa-
rence
surnaturel
par
une
cause
rationnelle.
Poe
va
apporter
une
révolution
considérable
au
fantastique
grâce
aux
cons-
tructions
paralogiques
dans
ses
récits;
i l
sera
ainsi
l'un
des
précurseurs
du
roman
policier.
A
la
suite
de
Poe) Henry
James
crée
son
fantastique
à
partir
de
l'espace
de
dedans;
l'espace
fermé
entraine
une
réaction
cérébrale
chez
le
sujet;
et
Anne
Richter
écrit
à
juste
t i t r e
que
"
le
plus
génial
du
fantastique
moderne
est
un
homme;
nul
mieux
qu'Henry
James
n'a
imprégné
la
nouvelle
d'un
climat
d'inté-
riorité
étrange~
aucun
univers
n'est
plus
fermé
et
plus
intense. "(9)
Ailleurs,
en
Argentine
deux
noms
célèbres
vont
marquer
8
un
autre
type
de
fantastique
avec
Borgès
qui
fonde
ses
récits
sur
le
paradoxe
philosophique
où
la
peur
du
surnatu-
rel
provient
d'une
réflexion
plutôt
que
d'une
sensation;
et
avec
Cortazar
qui,
lui,
élabore
un
mélange
de
social
et
de
politique
à
l'inspiration
fantastique.
En
Afrique
le
fantastique
a
toujours
existé
et
existe
encore
à
travers
les
contes
merveilleux,
les
légendes
et
les
mythes
qui
ont
toujours
alimenté
les
nuits
africaines.
Sur
le
plan
l i t t é r a i r e
beaucoup
d'écrivains
africains
font
appel
au
fantastique
dans
leurs
oeuvres
pour
refléter
la
réalité
sociale,
religieuse
et
politique
de
leur
société.
Nous
pouvons
citer,
par
exemple,
Les
Soleils
des
indépendan-
ces
d'Ahmadou
Kourouma,
L'Etrange
Destin
de
Wranglin
de
Hampa té
Bâ,
Ripples
in
the
Pool de Re be ka
N j au,
Efuru
et
Idu
de
Flora
Nwapa,
My
Life
in
the
Bush
of
Ghosts
d' Amos
Tutuola,
et
bien
d'autres,
dont
bien
sOr,
The
Concubine
The Great
Ponds et
The Slave
d'Elechi
Amadi.
De
nos
jours,
$..
travers
le
monde,
une
place
grandissante
est
accordée
à
la
Science
Fiction
avec
des
thèmes
fantasti-
ques
comme
l'invasion
de
la
planète
terre
par
des
monstres
d'autres
planètes
ou
le
monde
déshumanisé
avec
l ' envahisse-
ment
des
robots
et
des
ordinateurs
dans
la
vie
de
l'homme.
3. De la forme
Tous
les
critiques
définissent
le
fantastique
comme
étant
9
la
zone
de
démarcation
entre
deux
ordres
différents,
un
décalage
entre
deux
réalités
différentes.
Ils
sont
tous
plus
ou moins
d'accord
sur
la
forme:
Pour
Louis
Vax,
par
exemple,
" le fantastique se nourrit
du
réel
et du
possible"
(lO)
Irène
Bessière
écrit
que
Il
le
récit
fantastique
provoque
l'incertitude>
à
l'examen
i nt elle c tue l >
par c e
qu' i l
me t
en
oeuvre
des
données
contradictoires
assemblées
suivant
une
cohérence
et
une
complémentarité propres."(ll)
Tandis
Que
pour
Marcel
Schneider"
. le
fantastique
c'est
le
réel
qu'il
suffit
de
voir
avec
d'autres
yeux>
et
c'est
aussi
l'espace
du dedans."(12)
Todorov
donne
une
définition
plus
explicite
du
fantastique:
" Il
y
Q
un
phénomène
étrange
qu'on
peut
expliquer
de
deux
manières
par des
types
de
causes
naturelles
et
surnaturelles.
La
possibilité
d'hésiter
entre
les
deux
crée
l ' e f f e t
fantas-
tique."
(13)
I i
13st
impossible
de
faire
une
l i s t e
exhaustive
des
différentes
définitions
du
fantastique.
Mais
d'ores
et
déjà
nous
pouvons
retenir
le
fait
que
toutes
ces
définitions
insistent
sur
le
caractère
dualiste,
ambivalent,
paradoxal,
ambigu,
contradictoire
et
complémentaire
du
fantastique.
Il
Y
a
irruption
d'un
élément
étrange
dans
un
ordre
donné,
d'une
inconnue
dans
le
réel;
ou
comme
di t
Roger
Caillois
"Tout
le
fantastique
est
rupture
de
l'ordre
reconnu>
irrup-
tion
de
l'inadmissible
au
sein
de
l'inaltérable
légalité
quotidienne".
(14)
10
~1 ais
s i s u r l e
pla n
de
la
for m e t 0 ut e s
C'e s
dé fin i t ion s
s'apparentent,
i l
Y
a
lieu
d'insister
sur
le
fai t
que
ce
qui
est
considéré
comme
fantastique
relève
essentiellement
de
la
vision
d'un
sujet
extérieur-
le
lecteur,
téléspecta-
te ur -
à l'oeuvre d'art, car comme le souligl'\\ e. Irène Bessière:
Les
dive r ses
définitions
et
· i nt e r pré ta t ion s
du
récit
fantastique
ont
toutes
en
commun
de
révéler
la
difficulté
du
lecteur
à
se
si-
tuer
face
à
un
univers
imaginaire~ à un domai-
ne
littéraire
où
s'allient
la
spectacularité
et
l'illusion,
à
la
fois
complémentaires
et
anti-nomiques
[ . . . ]
L'oeuvre
est,
en
elle-
même
fausse~ même si elle se donne
pour vraie.
Dans
l'ordre
de
l'imaginaire~ il
n'est
qu'une
seule
vél'ité~ celle du sacré~ comme
l'a
remar-
qué
Mircea
Eliade(Aspects
du Mythe)~
la
narra-
tion
profane
est
touJours
mensonge,
et,
par
là~
déJà
littérature.
(15)
Nous
reviendrons
très
souvent
S~~
cet
aspect
très
impor-
tant
de
la
forme.
4.
Du fond
Si
sur
le
plan
de
la
forme
des
vent
être
dégagés
pour
définir
tout
récit
fantastique,
i l
en
va
autrement
du
fond.
En
effet
i l
n'y
a
pas
unanimité
parmi
les
critiques
et
les
oeuvres
quant
à
ce
qui
concerne
le
fond
du
récit
fantastique.
Nous
entendons
par
le
fond
le
contenu
de
l'oeuvre
d'art.
En
d'autres
termes
i l
s'agi t
de
ce
dont
on
parle;
nous
faisons
ici
un
parallèle
avec
la
distinction
des
formalistes
russes
entre
le
contenu,
la
forme
et
le
marériau:
11
Un
auteur
est
orienté
par
le
contenu
(par
la
tension
éthique
cognitive
du
héros
dans
sa
vie)
auquel
i l
donne
forme
et
achèvement
au
moyen
d'un
matériau
déterminé
qu'il
soumet
à
son
dessein
artistique[ . . . ]
La
forme
ne
peut
pas
être
comprise
indépendamment
du
con-
tenu~
mais
elle
n'est
pas
non
plus,
indépen-
dante
de
la
nature
du
matériau
et
des
procé-
dés
que celui-ci
conditionne.
(16)
Comme
nous
pouvons
le
constater
i l
y
a
deux
démarches
essentielles
pour
aborder
une oeuvre
d'art:
ou
bien
l'on
s'intéresse
à
son
contenu,
ce
dont
elle
parle;
ou
bien
l'on
s'intéresse
à
sa
forme,
c'est-à-dire
à
la
manière
dont
le
contenu est
rendu.
-
Pour
les
uns,
comme
Penzoldt,
qui
a
une
approche
psycho-
analytique,
c'est
le
resurgissement
de
tous
les
symboles
subconscients
entraînant
la
peur
et
l'angoisse
chez
les
personnages
qui
font
naître
une
atmosphère
fantastique;
l' horreur
et
la
terreur
sont
des
éléments
clefs
qui
créent
une
déformation
du
réel
chez
les
personnages:"
Fear
is
the
basic
emotion
in
all
weird
fiction
and
such
violent
and
universal
feeling
are
the
property of the
play. "(17)
Cie s t
ce- t y .p ~
de:
f a: n tas t i q 4. e
qui
é t ait
c our an t
dans
l e
gothique
et
qui
se
perpétue
aujourd'hui
encore
dans
certains
récits
fantastiques;
Maurice
Levy
remarque
à
ce
propos:
(.. J que veulent nous dire les fantastiqueurs
modernes~
sinon
qu'il
s u f f i t
d'un
rien
pour
que
resurgissent
dans
notre
espace
quotidien
les
protagonistes
du
drame
mythique
où
s'est
joué~
pendant
des
millénaires~
le
sort
de
l'homme
et
qui
reste
~inscrit dans
la
mémoire
de
l'espèce?
Ce
rien~
c'est
le
miracle
de
l'écriture
qui
tire
les
vampires
de
la
nuit
des
temps
et
de
leurs
cercueils~ les divinités
monstrueuses.
(18)
12
l I a p par a î t
don c
de u x
a t ti t u des
b i e n
pré c i ses
fa c e a u
récit
fantastique:
comment
le
lec teur
joui t
en
présence
des
événements
et
comment
le
fantastique
est
à
l'origine
de
la
création
chez
l'auteur.
c ' e s t
à
travers
cette
dernière
attitude
que
dans
la
mou-
vance
de
Penzoldt
certains
voient
dans
le
récit
fantastique
une
sorte
d'autobiographie
de
l'auteur.
c ' e s t
le
cas
de
Pierre
Arnaud
qui,
dans
son
étude
sur
la
production
l i t t é -
raire
d'Ann
Radcliffe
tente
à
travers
des investigations
assez
longues,
de
dégager
le
portrait
psychologique
d'Ann
Radcliffe
et
de
voir
comment
son
oeuvre
est
en
partie
le
reflet
de
sa
vie
(ses
terreurs
et
ses
lectures).
C'est
ainsi
que
l'on
peut rire
que:
la
grande
originalit~
de
la
romanc~ere
est
d'avoir
montr~
que
les
terreurs
~prouv~es
par
ses
h~roines ~taient
finalement
in jus t i -
fi~es
[ . . . J
le
fantastique
de
Mrs
Radcliffe
ou
son
"inqui~tante ~tranget~" (unheimliche)~
pour
reprendre
l'expression
de
Freud~ provient
à
notre
avis
d'une
angoisse
provoqu~e
dans
sa
jeunesse
par
le
refoulement
d'une
~motion
traumatisante~ mais
les
dons
d'~crivain
qu'
elle
poss~dait
sans
conteste
lui
permirent
de
transformer
en
cr~ations
litt~raires ses
rêves
et
ses
cauchemars.
(19)
C'est
aussi
ce
que
d'autres
critiques
ont
tenté
de
montrer
dans
leurs
travaux
sur
l'oeuvre
d'Edgar
Allen
Poe,
à
savoir
que
le
fantastique
poesque
est
le
frui t
de
ses
terreurs,
de
ses
angoisses
et
de
son enfance
malheureuse.
Cette
appro-
che
du
fantastique
va
donner
naissance
à
la
fantasmagorie,
ou
l ' a r t
de
faire
parler
les
fantasmes.
(20)
Une
telle
démarche
ne
nous
s a t i s f a i t
pas
car
elle
com-
13
porte
des
lacunes.
Nous
ne
recherchons
pas
la
véracité
de
l ' h i s t o i r e
mais
plutôt
la
crédibilité
du
f a i t
l i t t é r a i r e
c'est-à-dire
l ' e f f e t
esthétique
et
artistique
propre
à
cha-
que
auteur,
ou,
pour
reprendre
les
mots
d'Irène
Bessière,
nous
disons
que:
"
le
choix
de
la
fausseté
n'exclut
pas
la
recherche
de
la
crédibilité propre d
l'argument
littérai-
re."
(2])
Nous
.l1e
devons
rechercher
dans
l'oeuvre
d ' a r t
ni
une
copie
de
la
r é a l i té
ni
un
quelconque
passé
de
l ' a u -
te ur;
car
comme l'indiquent
Wellek
et
Warren:
The
whole
view
that
art
is
self-expression
pure
and
simple,
the
transcript
of
person.:--al
feelings
and
experiences,
is
demonstrably
false.
Even
when
there
is
a
close
relation-
ship
between
the
work
of
art
and
the
life
of
an
author,
this
must
never
be
constructed
as
meaning
that
the
work
of
art
is
a
mere
copy
of
life.
(22)
Pour
les
autres,
comme
Todorov,
Bessière,
et
Bellemin-
No~l,
i l
s ' a g i t
essentiellement
de
montrer
que
le
fantasti-
que
est
une
technique
l i t t é r a i r e .
Ici
on
ne
s'intéresse
pas
trop
à
l'atmosphère
fantastique
mais
au~ différentes
variations
du
discours,
à
"
l'ensemble
des
procédés
l i t té-
raires.
C'est-d-dire
d'abord
la
pY'océduY'e
au
teY'me
de
la-
quelle
un
récit
est
déployé
de
telle
manière
qu'd
la
fin
on
ne
s ache
pas
que lle
exp l ica t ion
donner
aux
év Jnemen t s
présentés. "(23)
C'est
dans
cette
optique
que
des
travaux
comme
ceux
d'
Irène
Bessière,
Le
récit
:fantastique,
de
T.Todorov,
Intro-
duction
à
la
littérature
:fantastique,
et
bien
d'autres
ont
été
entrepris.
C'est
donc
une
approche
du
fantastique
non
14
plus
par
le
contenu:
le
thème,
mais
par
la
forme:
le
dis-
cours.
Nous
nous
intéresserons
très
particulièrement
à
ce
type
d'approche.
Il
ne
saurait
y
avoir
une
thématique
générale
ou
un
style
particulier
poù:r analyser
toutes
les
oeuvres
fantastiques;
i l
n'y
a
pas
de
procédure
passe-partout.
Chaque
oeuvre
défi-
nit
en
elle-même
la
nature
du
fantastique
qui
lui
est
propre
et
nous
sommes
de
l'avis
de
Louis
Vax
lorsqu'il
écrit
que
" Le
fantastique
se
réalise dans les
oeuvres,
et
les
oeuv-res
modifient sans cesse la signification de ce mot"(24) C'est dans cet es-
prit,
celui
de
la
variété
des
éléments
constitutifs
du
fan-
tastique
et
de
l'originalité
propre
à
chaque
récit
fantasti-
que,
que
nous
nous
attacherons
à
analyser
ce
qui,
à
notre
avis,
fait
la
particularité
du
fantastique
dans
l'oeuvre
amadienne.
Comme
nous
le
soulignions
plus
haut,
le
surnaturel
et
le
sacré
sont
les
éléments
clefs
dont
l ' u t i l i s a t i o n
par
Amadi
dans
ses
romans
engendre
le
fantastique.
I l
est
donc
plus
qu'opportun
que
nous
conceptualisions
les
notions
de
sacré
et
de
surnaturel
et
que
nous
observions
leur fonctionnement
dans
les
romans
amadiens.
,
A_ LE SACRE, LE SURNATUREL ET LE FANTASTIQUE
Le
lecteur
de
l'oeuvre
amadienne
est
frappé
par
l'inten-
sité
de
la
vie
religieuse:
les
prières,
les
libations,
les
15
offrandes,
les
sacrifices;
les
espaces
sacrés,
la
visite
aux
"medicine-men"
font
partie
intégrante
des
activités
quotidiennes
des
personnages.
Le
sacré
est
au
coeur
du
quo-
tidien;
le
personnage
amadien
est
très
religieux.
Et
cette
religiosité
trouve
son
fondement
dans
un
espace
approprié
qui
se
veut
vivant
et
qui
renferme
plus
d'un
mystère.
Dans
The
Concubine J les
personnages
racontent
qu'avoir
des
rapports
sexuels
dans
la
forêt
ou
n'importe
où,
à
même
le
sol,
est
une
offense
à
Ali,
Déesse
de
la
Terre;
celle-
ci
est
sacrée
et
l'on
doit
la
respecter.
Nul
n'ignore
que
pour
beaucoup
de
peuples
africains
la
sexualité
et
tout
ce
qui
l'entoure
sont
objets
de
grandes
précautions.
Chez
les
Mossi
du
Burkina
Faso
i l
est
formellement
interdit
à
une
femme
en
menstruations
de
traverser
des
espaces
sacrés
ou
de
toucher
des
objets
particuliers
dotés
de
pouvoirs
magiques.
(25)
C'est
tout
le
problème
du
rapport
entre
le
profane
et
le
sacré
qui
est
posé;
rapport
qui
sera
l'un
des
grands
enjeux
des
personnages
amadiens,
qui
sont
conti-
nuellement
à
la
recherche
de
l'harmonie
dans
l'univers.
Des
rites
et
des
interdits
sont
établis
pour
la
réparation
des
exactions
commises
de
part
et
d'autre
du
monde
visible
et
invisible.
C'est
donc
dans
une
atmosphère
à
la
fois
sacrée
et
pro-
fane
que
se
déroulent
les
év~nements.
1 . Le sacré et le profane
Le
sacré
est
la
pierre
angulaire
sur
laquelle
reposent
16
la
plupart
des
représentations
que
se
font
les
personnages
de
l'univers
dans
lequel
i l s
vivent.
Dans
T-he
Great
Ponds,
le
personnage
d'Olumba
semble
ne
vivre
que
pour
s'assurer
qu'il
n'est
l'agent
d'aucune
désacralisation:
i l
consulte
régulièrement
les
"medicine-men",
accompli t
des
sacrifices,
fait
des
offrandes
et
des
libations
à
ses l'dieux
personnels".
A
la
veille
des
hostilités
entre
Chiolu
et
Aliakoro,
Olumba
confie
ce
qu'il
pense
de
ses
rapports
avec
les
dieux
en
ces
termes:
I
fear
no
man.
Ra ther
I
fear
the
gods
on
whom
depend
the
results
of
any
fight.
But
I
have
never
failed
to
offer
sacrifices
to
them.
I
am
sure
they
will always
be
by me.
(27)
Olumba
donne
des
exemples
assez
variés
de
ce
que
le
sacré
représente
et
signifie
pour
le
personnage
amadien.
Quand,
dans
sa
recherche
d'une
amulette
de
protection
pour
la
guer-
re,
Olumba
renverse
une
statue
du
Dieu Ojukwu,
i l
se
presse
d'accomplir
un
sacrifice
pour
demander
pardon.
La
statue
n'est
pas
un
simple
morceau
de
bois
ou
d'argile;
c'est
un
objet
sacré
doté
d'une
vie
et
d'un
pouvoir
cachés
que
les
représentations
secrètes
d'Olumba
animent:
"He
searched eve~
rywhere
pushing
down
an
image
of
Ojukwu
in
the
process.
He
sacrified a
cock
later
to
placate
the
god. "(28)
Vouloir
traiter
au
fond
la notion
de
sacré
dépasserait
le
cadre
du
présent
travail.
Mais
la
prééminence
du
sacré
dans
les
romans
d' Amadi
nous
oblige
à
nous
y
arr~ter
un
instant.
Très
rarement
dans
la
littérature
ouest-africaine
les
dieux
participent
de
façon
aussi
directe
et
permanente
à
la
vie
des
personnages.
Dans
The
Concubine
Amadioha,
Ali,
1
17
Mini
\\.veku,
Ojukwu
et
bien
d'autres
divinités
sont
décrites
dès
le
chapitre
quatre
au
même
t i t r e
que
les
principaux
personnages
et
cela est
important:
The
next
caller
was
Nwokekoro~
the
priest
of
Amadioha~
the
god
of
thunder
and
of
the
skies.
(29)
[... J Next in the rank to Amadioha was Ojukwu~
who
was
said
to
control
small~pox [ .. . ]worship
of
the
god
was
most
intense
at
the
height
of
an
epidemic
and
several
rules
were
rigidly
adhered
to
[. .. ]
The
vu lture
was
the
sacred
b ir d
of
0 j u k wu
and
i f
one
set t l e d
on
a
man' s
roof
he
ran
immediately
to
a
medicine
man
to
divine
the
message
from
the
gocL
[ . . . J
(30)
c'est
après
avoir
amené
le
lecteur
au
coeur
du
sacré
que
le
narrateur
va
décrire
la
première
visite
d'Emenike
dans
le
sanctuaire
d'Amadioha
pour
un
sacrifice
d'action
de
grâce
après
son
combat
avec
Madume.
Et
c'est
déj à
lors
de
cette
première
visite
qu
1 Emenike
l i t
sa
propre
mort
dans
les
yeux
du
prêtre
d'Amadioha,
intermédiaire
sur
terre
entre
les
dieux
et
les
hommes.
Le
narrateur
expose
les
faits
en
évoquant
la
nature
des
divinités;
puis
i l
présente
des
personnages
confrontés
à
ces
différentes
divinités.
La
tâche
du
lecteur
consiste
à
confronter
ce
qui
est
dit
de
ces
divinités
et
ce
qui
se
passe
en
réalité,
ou
du
moins,
dans
la
réalité
"fictionnelle"
du
roman.
Et
c'est
à
ce
moment-là
qu'intervient
le
fantastique,
parce
qu'il
y
a
une
série
d'év~nements contradictoires et ambigus
qui
font
hésiter
le
lecteur.
I l
y
a
donc
une
préparation
lente
et
minutieuse
du
narrateur
pour
introduire
le
lecteur
18
dans
le
monde
du
sacré.
Du
rapport
entre
les
personnages
et
le
sacré
naît
une
sorte
d'illusion
du
réel
pour
le
personnage.
En
effet,
sur
la
base
de
ses
représentations,
le
personnage
pense
être
en
mesure
de
vivre
en
harmonie
avec
le
cosmos
à
travers
toutes
les
pratiques
religieuses.
Mais
nous
persistons
à
dire
que
cette
harmonie
est
constam-
ment
remise
en
cause
et
nous
voyons
même
parfois
apparaître
une
sorte
de
fatalité.
Cette
situation est
semblable
à
celle
que
René
Girard
établit
entre
l'homme
et
le
sacré
en
terme
de
violence;
violence
parce
que
l ' homme
est
victime
dt une
force
extérieure:
Le
sacré,
c'est
tout
ce
qui maitrise
l'homme
d'autant
plus
sûrement
que
l 'homme
se
croit
plus
capable
de
Ze
maitriser
[ . . . J c'est
la
violence
qui
constitue
le
coeur
véritable
et
l'âme
secrète
du
sacré. (31)
Le
fantastique
dans
l'oeuvre
amadienne
ne
réside
pas
dans
la
nature
du
jugement
de
l'ordre
sacré
sur
les
personnages
mais
dans
la
manière
dont
cette
justice
est
rendue.
Les
dieux
se
comportent
en
maîtres
absolus
qui
ne
daignent
pas
écouter,
ni
essayer
de
comprendre
l ' a t t i t u d e
des
personnages.
Au
moins
deux
questions
fondamentales
se
posent:
Les
personnages
et
les
dieux
se
comprennent-ils
?
A
quel
jeu
jouent
les
personnages
qui
"prétendent"
chercher
à
vivre
en
harmonie
avec
l'y.ni'le~sr -si c.et.te ba:emonie. ,est ,saBS. cesse
remise
en
cause
du
fait
de
l'impossibilité
pour
ceux-ci
de
comprendre
leurs
partenaires
invisibles
?
Comme
nous
pouvons
le
constater,
les
romans
amadiens
po-
19
sent
le
problème
du
rapport
des
personnages
avec
l'inconnu,
de
la
transgression
du
sacré
avec
tout
le
cortège
d' an-
goisse,
de
peur
et
de
respect
que
cela représente.
La théma-
tique
de
l'oeuvre
ne
peut
que
créer
une
atmosphère
fantasti-
que:
à
tout
moment
de
leur
existence
les
personnages
sont
en
proie
à
de
vastes
inquiétudes;
i l s
établissent
des
règles
sociales,
font
des
sacrifices
et
des
offrandes
pour
mainte-
nir
l'harmonie
cosmique.
Mais
hélas!
l'équilibre
n'est
ja-
mais
atteint.
Il
Y
a
un
va-et-vient
constant
entre
l'imaginaire
et
le
réel;
entre
le
sacré
et
le
profane;
entre
le
surnaturel
et
le
naturel.
Voici
ce
que
l'on
peut
avancer
à
propos
du
rapport
entre
le
sacré
et
le
profane.
Dans
les
pages
qui
suivent
nous
essaierons
de
voir
comment
le
profane
devient
sacré
grâce
à
l'intervention
du
surnaturel;
surnaturel
qui
domine
l'oeu-
vre
au
point
de
créer
une
atmosphère
fantastique.
2 . Le sacré et le surnaturel.
Pour
mieux
définir
le
rapport
entre
le
sacré
et
le
surna-
turel
nous
faisons
appel
à
un
passage
de
la
Bible
où
un
espace
profane
va
être
transformé
en
un
espace
sacré
grâce
à
l'intervention
du surnaturel:
L'
ange
de
Yahvé
lui
(Moise)
apparut
dans
une
flamme
de
feu,
du
milieu
d'un
buisson.
Mois e
regarda:
le
bu is s on
é ta i t
embras é
mais
le
buisson
ne
se
consumait
pas.
Moise
dit
"je
vais
faire
un détour
pour
voir
cet
étrange
20
spectacle 3 et pourquoi
le
buisson ne
se
consu-
me
pas".
Yavhé
vit
qu' i l
faisait
un
détour
pour
voir 3 et Dieu l'appela du milieu du buis-
son. "Moise 3
Moise"3
d i t - i l 3
et
i l
répondit:
"Me
voici".
Il
dit:"N'approche
pas
d'ici 3
retire
tes
sandales
de
tes
pieds
car
le
lieu
où
tu
te
tiens
est
une
terre
sainte." . . . Alors
Moise
se
voila
la
face
car
i l
craignait
de
fixer
son
regard
sur
Dieu.
(32)
Nous
nous
arrêtons
à
une
lecture
de
premier
niveau
de
ce
passage
de
l'Exode
pour
dégager
des
éléments
qui
nous
permettront
de
mieux
définir
les
notions
de
sacré
et
de
surnaturel
et
le
lien
qui
existe
entre
les
deux.
Le
buisson
est
une
réalité
profane
que
Dieu
va
sacraliser
par
l ' i n t e r d i t
qu'il
impose
à
Moise:
"
.. retire
tes
sanda-
les
de
tes
pieds
car
le
lieu
où
tu
te
tiens
est
une
terre
sainte"
L r élément
surnaturel
c'est
le
buisson
qui
brQle
sans
se
consumer.
Nous
n'entrerons
pas
dans
les
détails
quant
à
ce
qui
concerne
le
code
mythique
du
feu
et
son
symbolisme
i c i .
Mais
ce
qu'il
faut
retenir
c'est
que
ce
n'est
pas
un
feu
ordinaire.
L'élément
surnaturel
renforce
le
caractère
sacré
de
ce
lieu.
Le
surnaturelC'est
aussi
cette
entendre
sans
que
Moise
voi t
son
révélée
dans
le
de
tes
pères 3
le
Dieu
d'Abraham
le
Dieu
3
Dieu
de
Jacob. "
Le;
sacré,
pensons-nous; est
la
somme
des
représentations
que
l'homme
se
fait
vis-à-vis
de
certains
éléments,
de
cer-
ta i n s
lie u x,
de
c e r t a i ne s
d a::'t es,
an née s,
de
c e r t a i n s
j 0 urs
21
et
heures
qu'il
investit
d'une
certaine
force
qui
contribue
à
sa
recherche
de
l'harmonie
cosmique
et
au
bien-être
humain.
L'homme
institue
alors
des
règles
de
vie
et
des
comporte-
ments
qui
garantissent
l'existence
de
ces
éléments
qu 1 i l
se
représente
comme
étant
sacrés.
Le
sacré
a
donc
rapport
lié
avec
le
profane;
mais
également
avec
le
surnaturel.
En
effet, c'est
le
surnaturel
qui
habite
les
éléments
profa-
nes,
les
rendant
alors
sacrés.
C'est
ainsi,
par
exemplp,
qu!'
un
arbre
peut
devenir
un
élément
sacré:
on
ne
le
coupe
pas
sans
avoir
au
préalable
accompli
un
certain
nombre
de
rites
car
l'arbre
représente
une
force,
une
vie
grâce
au
surnatu-
rel
qui
l'anime.
Ne
pas
en
tenir
compte
c' est
s ' a t t i r e r
quelque
malheur.
D'ailleurs
comme
le
souligne
si
bien
Mircea
Eliade:
Pour
l 'homme
religieux,
la
Nature
n'est
jamais
exclusivement
"naturelle":
elle
est
toujours
chargée
d'une
valeur
religieuse.
Ceci
s'expli-
que,
puisque
le
cosmos
est
une
création divine:
sorti
des
mains
des
dieux,
le
Monde
reste
imprégné
de
sacralité. (33)
Il
Y
a
donc
une
sorte
d'interdépendance
entre
le
sacré
et
le
surnaturel;
les
deux
notions
se
c~toi.ent et se complètent.
Le
surnaturel
chez
Amadi
c'est
ce
qui
vient
s'ajouter
au
réel,
au
naturel
à
travers
des
représentations
des
person-
nages.
Ces
derniers
croient
aux
forces
invisibles
qui
peuvent
habi ter
tous
les
éléments
de
l'univers.
Dans
The
Concubine,
rien
ne
distinguerait
Ihuoma
des
autres
femmes
si
l'on
excep-
t a i t
ses
hautes
qualités
physiques
et
morales;
qualités
que
le
narrateur
par
la
voix
du
"medicine
man"
attribue
à
l'ap-
22
partenance
d'Ihuoma
au
"Sea-God".
Ihuoma
est
une
sorte
de
"mammy-wata"(34),
de
"femme-fatale"
qui
habite
les
eaux
con-
tinentales
et
maritimes
d'après
les
mythes,
contes
et
légen-
des
de
certains
peuples
africains.
Le
surnaturel,
c'est
donc
tout
ce
qui
n'obéit
pas
à
la
rationalité
et
qui
intervient
dans
la
recherche
des
causes
des
év~n.ements; on
pourrait
dire
que
le
surnaturel
est
du
domaine
de
l'imaginaire,
de
la représentation
et
du
fantasti-
que.
Quand,
par
exemple,
Anyika
attribue
la
responsabilité
de
la
mort
d'Emenike
au
"Sea-God" 1
nous
sommes
là
en
présence
du
surnaturel.
Il
fait
appel
à
une
autre
loi
pour
justifier
un
év~nement donné; nous sommes ~n face d'un type de causali-
té
autre
que
la
causalité
rationnelle.
~1a i s
l'étude
du
surnaturel
dans
l'oeuvre
amadienne
ne
va
pas
sans
problèmes.
I l
faut
toujours
se
poser
la
question
de
savoir
pourquoi
un
év~nement est dit surnaturel et à qui
cela parait
surnaturel.
L'analyse
du
surnaturel
fait
intervenir
de
nouvelles
no-
tions
telles
que
le
merveilleux
et
l'étrange
qui
définissent
à
leur
tour
la
nature
exacte
du
fantastique
dans
une
oeuvre
donnée.
Nous
analyserons
ces
nouveaux
concepts
en
nous
inspirant
des
définitions:
que
Todorov
leur
donne
dans
son
livre,
In-
troduction
à
la
littérature
fantastique,
et
plus
précisément
au
chapitre
trois
(3)
sur
"l'étrange
et
le
merveilleux".
23
2.a
Le merveilleux
Todorov
distingue
deux
sortes
de
merveilleux:
"le
merveil-
leux
pur"
et
"le
fantastique
merveilleux".
2. a. 1
Le merveilleux pur
Nous
pouvons
donner
l'exemple
des
contes
de
fées
où
les
animaux
parlent
et
sont
humanisés.
Cela
ne
crée
aucune
sur-
·prise.
Le
merveilleux
pur
est
donc
un
phénomène
de
société;
iT
est
admis
par
tous
ceux
qui
partagent
la
même
culture
à
un
moment
donné
de
l'histoire
et
sur
un
espace
donné.
Dans
la
perspective
de
l'oeuvre
romanesque
d' Amadi,
l ' au-
teur
va
au-delà
du
merveilleux
et
crée
un
monde
fantastique.
Monde
fantastique
parce
que,
contrairement
au
monde
merveil-
leux
où
tout
était
admis
de
tous,
ici
une
place
aussi
infime
soit-elle,
est
laissée
à
l'hésitation
et
au
doute
des
person-
nages.
C'est
ce
qui
explique
par
exemple
que
dans
The
Concu-
bine
tous
les
personnages
ne
sont
pas
d'accord
sur
les
cau-
ses
de
la
mort
d' Em~nike
ou
sur
l'appartenance
d' Ihuoma
au
"Sea-God".
S ' i l
Y avait
consensus
général
parmi
les
person-
nages
dans
l'oeuvre
amadienne
nous
serions
amenés
à
parler
de
légende
ou
de
conte.
Et
le
lecteur
ne
se
serait
pas
posé
trop
de
questions
sur
les
év~nements qui
se
déroulent
dans
les
romans.
Le
lecteur
aurait
accepté
les
év~nements tels
qu'ils
sont
et
le
récit
aurait
appartenu
au
merveilleux
pur.
Nous
pouvons
donc
dire
que
le
merveilleux
pur
n'est
pas
fondamental
dans
les
romans
amadiens.
Par
contre
i l
y
a
des
passages
et
des
incidents
dans
l'oeuvre
amadienne
que
l'on
peut
qualifier
de
"merveilleux
pur" ;
c ' e s t ,
par
exemple,
les
cas
de
l' histoire
du
retour
des
deux
femmes
de
Chiolu
24
dan s
the
Gre a t
Po n dS • Ama d i
f ait des
de u x
f e mm e s
des
p ers 0 n -
nages
légendaires
à
travers
les
récits
qu'elles
rapportent.
En
effet,
comment
ont-elles
pu
échapper
aux
hommes
qui
les
tenaient
en
esclavage,
même
si
le
narrateur
rapporte
que
beaucoup d'hommes
sont
morts?
Comment
les
deux
femmes
sont-elles
arrivées
à
retrouver
leur
chemin
alors
que
l ' expédi tion
partie
de
Chiolu
n'a
pas
pu
avoir
de
leurs
nouvelles
?
Il
faut
aussi
noter
les
péripéties
de
leur
voyage:
elles
ramaient
la nuit
et
dormaient
le
jour
Ce
ne
serait
pas
pousser
l'analyse
à
l'extrême
que
de
compa-
rer
les
deux
femmes
à
des
personnages
légendaires.
Elles
sont
différentes
des
autres
par
de
petits
t r a i t s
de
caractè-
res:
la
f i l l e
d'Eze
Diali
est
la
réincarnation
de
sa
grand-
mère
paternelle.
Elle
est
assez
bizarre
et
tient
parfois
des
propos
qui
s'apparentent
à
la
prophétie.
La
femme
d'Olumbu
a
da
donner
un
peu
de
son
sang
à
Olumbu
en
échange
du
sien,
afin
de
pouvoir
concevoir
un
garçon.
Elle
est
donc
liée
à
Olumbu
par
le
sang.
Les
deux
femmes
vendues
en
esclavage
sont
considérées
à
certains
moments
du
récit
comme
ne
faisant
plus
partie
de
ce
monde;
une
vieille
femme
atteste
même
leür
mort.
Sur
le
plan
de
l'interprétation
nous
pouvons
considérer
une
telle
situation
comme
une
réclusion
initiatique,
une
mort
symboli-
que,
un
retour
à
l ' é t a t
embryonnaire,
regressus
ad
uterum,
avec
toutes
les
implications
de
traversée
de
la
mer,
de
voya-
g e
i nit i a t i que
e t
d e r i t e
d e
pas s age
(3 5 ).
.Le s
de u x
f e mm e s
ont
da
lutter
durement
contre
les
hommes,
qu 1 i l
faut
voir
25
i c i
comme
étant
des
monstres,
des
fauves;
et
elles
sont
sor-
ties
victorieuses.
Nous
pouvons
donc
dire
que
le
récit
des
deux
femmes
appartient
à
l'imaginaire
épique.
Enfin,
le
retour
des
deux
femmes
à
la
vie
normale,
celle
de
Chiolu,
f a i t
d'elles
des
personnages
qui
ont
quelque.chose
de
plus
que
les
autres:
elles
ont
un
pouvoir} une
expérience
et
une
connaissance.
I l
faut
de
nouveau
souligner
le
symbo-
lisme
de
la
pirogue
u t i l i s é e .
Avec
le
retour
des
deux
femmes
les
choses
changent
un
peu
dans
Chiolu:
la
lune
apparaît,
Olumba
reprend
confiance
et
la
guerre
entre
Chiolu
et
Alioko-
ro
prend
fin.
Ainsi
donc
les
deux
personnages
appartiennent
à
un
monde
merveilleux
et
sont
des
êtres
légendaires
qui
obéissent
au
cadre
imaginaire
personnel
de
l'auteur:
celui
de
la
revalo-
risation
du
personnage
féminin.
Comme
nous
l'avons
souligné
auparavant,
i l
n'existe
pas
de
"merveilleux
pur"
dans
les
romans
amadiens
chacun
pris
dans
sa
t o t a l i t é .
Le
merveilleux
pur
procède
souvent
d'une
exagération,
d'une
"gigantisation"
ou
d'une
miniaturisation
du
réel
et
"l'anthropomorphisation"
de
la
nature
est
la
règle
du
jeu.
Chez
Amadi
cela
ne
semble
pas
être
le
cas.
~~ême
s ' i l
y
a
une
certaine
"animité"
de
la
nature,
cela
est
pris
au
sens
propre
et
non
pas
au
sens
figuré
comme
c ' e s t
le
cas
dans
les
contes
de
fées.
I l
y
a
tout
un
cheminement
à
suivre
chez
Amadi:
Hl.. réalité
est
traversée
par
des
f a i t s
qui
échappent:
à
l'entendement
des
personnages
et
qui
leur
posent
problèmes,
26
les
f 0 nt
s' arr ê ter
un in s tan t
e t h é s i ter
0 u
de meu r e r
dan s
le
doute.
Dans
le
monde
merveilleux
i l
n'y
a
point
d'hésita-
tion
des
personnages,
du
narrateur
et
de
l'auditeur
ou
du
lecteur.
2.a.2
"Le fantastique - merveilleux"
Il
s'agit
ici
du
mélange
de
deux
genres:'
entre
ce
qui
s ' e s t
réellement
passé
dans
le
récit
et
l'explication
surna-
turelle
donnée
à
la
fin,
i l
y
a
une
hésitation
du
lecteur.
Nous
pouvons
dire
que
The
Concubine
obéit
à
cette
défini-
tion
du
fantastique
merveilleux
car
le
surnaturel
est
in-
troduit
de
manière
insistante
à
la
fin
du
récit;
mais
malgré
cette
insistance
et
la
vraisemblance
des
fai ts,
le
lecteur
n'arrive
pas
à
accepter
définitivement
les
explications
du
" me dicine
man".
D'ailleurs
l'hésitation
du
lecteur
est
quel-
que
peu
renforcée
par
le
doute
et
la
détermination
des
per-
sonnages
face
à
la
révélation
du
"medicine
man"
concernant
l'appartenance
d'Ihuoma
au
monde
surnaturel:
"Gall
in
your mother"~ Wigwe
said.
Adaku
came
in
and
briefly
retold
his
son
the
eerie
tale
of
the
medicine-man
[ . . . J
'Dede~
l
do
not
know
whether
you
believe
this
or
not.
It
does
not
matter.
One
thing
is
clear ~
l
shall
marry
Ihuoma.
She
is
a
human
being
and
i f
marrying
a
woman
like
her
is
a
fata l
mistake
l
am prepare
to make
it.' (36)
Mais
la
détermination
et
le
scepticisme
d'Ekwueme
serCI,t
de
courte
durée
car
i l
sera
tué
par
la
flèche
de
Nwonna,
le
f i l s
d'Ihuoma.
Et
c ' e s t
à
ce
moment
précis
que
le
lecteur
va
s'interroger
sur
la
nature
exacte
de
cette
mort:
s ' a g i t -
i l
d'un
simple
accident
ou
s ' a g i t - i l
de
la
vengeance
du
Dieu
de
la
Ner
comme
la
divin ....-ation
d'Anyika
le
laisse
supposer?
27
Dans
The
Great
Ponds
i l
y
a
des
pas s age s
.q u i
fon t
penser
J
au
fantastique
merveilleux;
nous
pouvons
citer
celui
où
te s
ho mmes
d' Ali b.k 0 r 0
son t
e n
t rai n
d e " b 0 u i 11 i r "
0 l u mb a .
Cette
scène
est
"merveilleuse"
à
son
point
de
départ:
à
par-
t i r
de
toute
une
symbolique
le
narrateur
transporte
le
lec-
teur
dans
un
monde
merveilleux:
l ' e f f i g i e
d'Olumba
est
repré-
sentée
par
un
tronc
de
bananier.
Au
tronc
de
bananier
est
associé
un
morceau
de
tissu
de
l'habit
d'Olumba.
Le
tronc
de
bananier
qui
représente
le
corps
d'Olumba
est
transpercé
par
des
coups
de
couteau.
Mais
ce
qui
transforme
ce
merveilleux
en
fantastique
c'est
que
les
coups
portés
sur
le
tronc
du
bananier
sont
"réelle-
ment"
ressentis
par
Olumba
et
ceci
en
dépit
du
temps
et
de
l'espace
qui
séparent
Aliakoro
de
Chiolu.
Olumba
a
mal
partout
et
l'on
dit
que
cela
est
dû
à
l'eau
bouillante
dans
laquelle
nagent
le
tronc
du
bananier
et
le
morceau
de
tissu.
Nous
pouvons
dire
que
le
fantastique
merveilleux
se
réalise
ici
avec
le
concours
de
la
magie.
Le
lecteur
ne
peut
pas
s'expliquer
le
fait
qu'Olumba
se
..
sente
mal
dans
sa
peau
au
moment
ou
la
marmi te
est
sur
le
feu
à
Aliakoro.
De
pl us
i l
n' y
a
pas
simul tanéi té
dans
le
récit
entre
l'action
de
bouillir
et
le
mal
ressenti
par
Olumba.
Les
deux
év~nements sont relatés en tenant compte d'un autre
type
de
causalité:
une
causalité
à
la
fois
rationnelle
et
irrationnelle.
La
non-simultanéité
des
év~nements est
due
au
fait
que
le
narrateur
a
voulu
relater
des
évènements
qui
se
passent
en
deux
lieux
différents.
Au
lieu
d'expliquer
28
i mmé dia t e men t
les
cau ses
d ~s d 0 u leu r s
d' 0 l u mb a,
l e
n arr a t e ur
préfère
faire
précéder
la
cause
par
l ' e f f e t .
L'inversion
du
rapport
entre
la
cause
et
l ' e f f e t
est
pro-
pre
au
récit
fantastique
et
nous rencontrons fréquemment
une
telle
procédure
dans
les
romans
policiers
où
l'on
recherche
les
causes
après
l'effet/l'év~nement
L'effet
produit
c he z
l e
l e c t e ur
est
cel u i
du
sus pen s e et cela l è' c on dit ion n e.
Le
lecteur
se
trouve
dans
une
situation
où
i l
ne
peut
pas
toujours
expliquer
les
évé'nements
par
les
lois
rationnelles
et
pourtant
i l
ne
peut
s'empêcher
d'hésiter
en
tant
que
lecteur
et
observateur
extérieur;
cela
relève
du
domaine
du
"fantastique
-
merveilleux".
2.b
L'étrange
Nous
pouvons
définir
l'étrange
comme
étant
le
processus
inverse
du
merveilleux.
I l
a
aussi
un
rapport
étroit
avec
le
sacré
et
le
surnaturel.
Pour
Todorov
si
le
lecteur
"décide
que
les
lois
de
la
réalité
demeurent
intactes
et
permettent
d'exp l ique r
l es
phénomènes
dé c ri ts ~
no us
dirons
que
l ' oe uv re
relève d'un autre
genre:
l'étrange."(3?)
Comme
dans
le
cas
du
merveilleux
Todorov
distingue
deux
types
d'étrange:
"l'
étrange
pur", et
"le
fantastique
-
étrange".
2.b.l
L'étrange pur
L'étrange
pur
consiste
à
expliquer
un
fait
surnaturel
par
un
phénomène
naturel.
Nous
rencontrons
ce
procédé
dans
The
Great
Ponds
où
le
narrateur
attribue
l'épidémie
de
"Wonjo"
29
à
une
cause
naturelle:
la
grippe
espagnole
de
1918;
alors
que
tout
au
long
du
roman
tout
portait
à
croire
que
cette
épidémie
avait
une
cause
surnaturelle.
Nous
pouvons
dire
qu'il
n'existe
pas
d'étrange
pur
dans
l'oeuvre
amadienne;
i l
Y
a
des
situations
qui
font
penser
à
l'étrange
mais
non
les
romans
pris
dans
leur
ensemble.
Cette
remarque
nous
amène
à
penser
au
"fantastique
é t ra n g e "
qui,
lui,
fa i t
a p pel
à
plusieurs
notions
et
fait
naître
l'hésitation
dans
l ' e s p r i t
du
lecteur.
2.b.2
Le fantastigue -
étrange
Dans
le
fantastique
étrange
i l
Y a
un
mélange
de
surna-
turel
et
de
naturel,
d'imaginaire
et
de
réel,
qui
font
hési-
ter
le
lecteur
entre
l'explication
rationnelle
à
la
fin
d'une
histoire
et
l'explication
surnaturelle
proposée
auparavant.
Dans
The
Concubine,
par
exemple,
le
fai t
qu' Emenike
voi t
des
choses
étranges
dans
le
sanctuaire
d'Amadioha
peut
être
expliqué
par
l ' é t a t
psychologique
du
personnage
et
aussi
par
l'atmosphère
étouffante
et
terrifiante
du
sanctuaire.
Alors
que
les
explications
données
à
la
fin
du
roman
a t t r i -
buent
la
mort
d' Emenike
et
tous
les
incidents
qui
précèdent
celle-ci
à
une
cause
surnaturelle.
Dans
The
Great
Ponds
la
présence
d'animaux
extraordinaires
1
lors
du
passage
du
"medicine
man"
fait
penser
au
fantastiq~e":"
étrange
En
effet, "il Y
a
une
présence
attestée
de
la
tortue
chez
Olumba
mais
les
personnages
ne
sont
pas
en
mesure
de
confirmer
la
présence
des
autres
animaux
ou
de
ce
que
fait
30
le
"medicine
man"
de
ceux-ci.
Le
lecteur
hési te
entre
les
deux.
De
même,
la
mort
de
Wago
pose
problème
au
lecteur
entre
la
thèse
de
l'accident,
provoquée
par
le
Dieu
de
la
Nuit,
et
celle
du
suicide,
acte
délibéré
du
personnage.
Dans
The
Slave,
la
fausse-couche
d'Aleru
puis
sa
mort,
amènent
le
lecteur
à
penser,
dans
un
premier
temps,
à
l' in-
tervention
du
surnaturel.
Cependant,
le
même
lecteur
sait
aussi
qu
Aleru
est
morte
après
un
travail
long
et
pénible
dan s
le
cha mp
de
So n
f r ère,
0 l u mat i .
1e
ch 0 i x
du
le ete ur
entre
les
deux
causes
aurait
été
possible
s i
le
patriarche
JI1inikwe
n' avai t
pas
prévenu,
de
façon
prophétique,
son
f i l s
des
menaces
de
l ' I n v i s i b l e
qui
pesaient
sur
Aleru.
Nous
som-
mes
donc
en
présence
du
fantastique
-
étrange.
L'étude
du
sacré
et
du
surnaturel
f a i t
ressortir
la
comple-
xité
de
la
notion
de
fantastique
dans
l'oeuvre
amadienne:
i l
n'y
a
ni
merveilleux,
ni
on
y
trouve
le
fantastique
étrange.
Selon
Todorov,
le
véritable
fa
ve
à
mi-chemin
entre
le
fantastique
-
tique
-
étrange.
Nous
pensons
que
l'oeuvre
structura-
tion
du
fantastique,
lequel
est
au
système
socio-
cul turel
Ibo
auquel
appartient
Amadi,
qui,
pensons -nous, s'
inspire
du
modèle
de
sa
société
en
Y
ajoutant
ses
propres
talents;
de
création
littéraire.
fi)ans
les
pages
qui
suivent
nouS
essaierons
d'analyser
quelques
aspects
de
la
société
31
tradi tionnelle
Ibo
qui
sont,
à
notre
avis,
indispensables
à
la
compréhension
de
l'oeuvre
amadienne
et
surtout
à
l'ap-
préhension
de
la
notion
de
fantastique
dans
ses
romans.
B - QUELQUES ASPECTS DE LA SOCIETE TRADITIONNELLE IBO
L'ethnie
Ibo, à
laquelle
appartient
Elechi
Amadi,
a,
depuis
une
époque
lointaine
joué
un
rôle
très
important
sur
l'échi-
quier
nigérian
tant
sur
les
plans
politiques
et
économiques
que
sur
les
plans
sociaux
et
religieux.
Nous
n'entendons
pas
ici
faire
une
étude
de
cette
société.
Nous
voulons
simplement,
non
pas
prouver
que
l'oeuvre
d'Amadi
est
une
reproduction
de
cette
société
mais
qu'elle
est
une
re-présentation
des
valeurs
traditionnelles
de
la
société
Ibo.
Même
si
l'oeuvre
amadienne
est
une
oeuvre
de
fiction
nous
ne
pouvons
pas
ignorer
le
fait
que
comme
toute
oeuvre
d ' a r t ,
cette
fiction
est
un
mélange
de
réalité
et
d'imaginaire;
imaginaire
entendu
ici
comme
création
artistique,
comme
ima-
gination
dynamique.
C'est
ainsi
qu'Amadi
n'a
pas
besoin
de
nouvelles
lois
dites
rationnelles
ou
cartésiennes
pour
expliquer
les
événements
qui
se
déroulent
dans
cette
société;
le
monde
Ibo
avec
ses
lois,
ses
pensées,
ses
coutumes
et
ses
traditions
se
suffit
à
lui-même.
Bien
entendu
l'oeuvre
amadienne
pour
aussi
fidèle
qu'elle
soit
à
la
société
traditionnelle
Ibo,
est
aussi
le
reflet
de
la
subjectivité
de
l'auteur,
et
par
voie
de
conséquence
32
offre
des
lectures
différentes
selon
les
sensibilités
de
chaque
lecteur.
L'examen
de
la
société
traditionnelle
Ibo
fait
ressortir
trois
éléments
fondamentaux
qui
définissent
le
mieux,
à
notre
avis,
le
fonctionnement
et
l'organisation
de
celle-
ci
i l
s ' a g i t
a)
du
dualisme
du
monde
Ibo.)
b)
du
dynamisme
dialectique·j
c )
de
la
notion
de
causali té.
Ce
schéma
est
loin
d'être
exhaustif
mais
i l
nous
rapproche
de
notre
thème
d'étude
qui
est
le
fantastique.
En
effet) dans
notre
introduction
nous
avons
insisté
sur
la
fonction
binaire
et
bipolaire
du
fantastique;
ce
concept
fonctionne
par
juxta-
position,
mise
en
parallèle
d'éléments
à
la
fois
contradic-
toi r e s e t
c 0 mp l é men t air es.
Le
fan tas t i que
fa i t
a p pel
à
l a
notion
d'ambivalence.
Tous
ces
éléments
caractéristiques
du
fantastique
se
retrouvent
plus
ou
moins
dans
la
société
tradi tionnelle
Ibo
que
nous
nous
proposons
d'analyser
très
brièvement
à
travers
les
trois
aspects
fondamentaux
que
sont
le
dualisme
et
les
nQtiPDs de dialectique
et
de
causalité.
1
. Le dualisme du monde Ibo
Dans
la
conception
du
monde
Ibo
chaque
chose
porte
en
elle
même
son
contraire;
mais
cet
élément
contraire
ou
opposé
ne
conduit
pas
à
l'annulation
ou
à
la
destruction
de
l'élément
premier:
i l
Y a
plutôt
coexistence,
complémentarité.
33
A
côté
de
ce
monde
des
vivants
i l
y
a
aussi
celui
des
morts
ou
de
ceux
à
venir,
le
visible
coexiste
avec
l ' invi-
sible,
le
sacré
avec
le
profane,
le
naturel
avec
le
surnatu-
rel,
le
bien
avec
le
mal . . . Ce
dualisme
s'observe
aussi
bien
dans
les
rapports
hommes/femmes,
c i e l / t e r r e ,
hommes
libres/
esclaves,
que
dans
les
rapports
individu/société.
Nous
pour-
rions
continuer
ainsi
la
l i s t e
des
différents
couples
d'élé-
ments.
Ce
qu'il
faut
retenir
c'est
que
"
nothing
can
stand
alone~
there
must
always
be
another
thing
standing
beside
it"
comme
nous
le
dit
Achebe
(38)
Cette
dualité
s'observe
dans
toutes
les
représentations
soci-
ales} religieuses
et
politiques
de
la
société
Ibo.
Elle
fait
partie
de
l'imaginaire
collectif
Ibo
et
plus
d'un
auteur
de
fiction
Ibo
l'a
mise
en
scène;
que
l'on
se
rappelle
les
personnages
d'Ezeulu
dans
Arrow
of
God
de
Chinua
Achebe,
d'Ihuoma
dans
The
Concubine d'Elechi
Amadi
ou
des
deux
romans
Efuru
et
Idu
de
Flora
Nwapa
qui
tous
font
coexister
les
mondes
visibles
et
invisibles.
C'est
une
réalité
inhérente
à
beaucoup
de
sociétésafricaines.
Cette
dualité
a
parfois
même
été
transposée
de
nos
jours
en
une
opposition
entre
la
société
traditionnelle
et
la
so-
ciété
moderne,
entre
le
village
et
la
ville;
aussi
entend-
t-on
aujourd'hui
parler de
"l'homme
des
deux
mondes"
(39)
Les
écrivains
Ibos,
comme
beaucoup
de
leur
confrères
afri-
cains,
font
appel
à
l'imaginaire
collectif
existant
en
y
associant
leur
propre
imaginaire
donnant
ainsi
un
caractère
dualiste
à
l'imaginaire
humain.
34
Pour
revenir
à
l'oeuvre
amadienne
en
particulier,
'lOUS
dirons
que
la
structure
de
la
société
traditonnelle
est
une
structure
favorisant
l'existence
du
fantastique.
En
effet
dans
la
réalité,
lorsque
les
choses
sont
portées
à
un
niveau
individuel;
elles
ne
vont
pas
toujo/urs
sans
poser
des
pro-
blèmes
à
l'examen
critique
du
lecteur
extérieur.
Nous
pouvons
percevoir
quelques
uns
de
ces
problèmes
à
travers
ce
passage
d'Uchendu,
un
autre
Ibo
qui
rapporte
des
éléments
d'informa-
tion
sur
la
dualité
du
monde
Ibo
en
tant
que
chercheur
an-
thropologue:
The
Igbo
world
is
a
"real"
one
in
every
res-
pee t.
There
is
the
wor ld
of
man
peop led
by
all
created
beings
and
things
both
animated
and
inanimated.
The
spirit
world
is
the
abode
of
the
creator>
the
deities>
the
disembodied
and
malignant
spirits
and
ancestral
spirits.
It
is
the
future
abode
of
the
living
after
death.
There
is
a
constant
interaction
bet-
ween
the
world
of
man
and
the
world
of
the
dead>'
the
visible
and
the
invisible
forces.
Existence
for
the
Igbo>
therefore
is
a
dual
but
interrelated
phenomenon
involving
the
interaction
between
the
material
and
the
spiritual>
the
visible
and
the
invisible>
the
good
and
the
bad>
the
living
and
the
dead. (40)
Cette citation résume
bien la nature du dualisme du monde Ibo. Ce qu'il
faut retenir dans ce passage ce sont les couples de mots que nous avons
soulignés.
Dans
The
Concubine} le
personnage
d'Ihuoma
est
à
la
fois
humain
et
surnaturel.
Et
si
son
côté
humain
est
perceptible
aux
hommes
i l
en
va
autrement
de
son côté mystérieux
qui
échap-
p e a u
p ers 0 n n age
lui - mê me.
l h u 0 m a i g n Dr e
c 0 mp l è te men t
son
appartenance
à
l'ordre
surnaturel.
Amadi
va
donc
utiliser
ce
procédé
de
dédoublement
aussi
bien
pour
le
personnage
35
d'Ihuoma
que
pour
la
présentation
des
év~nements qui se dé-
roulent
dans
ses
trois
romans,
The
Concubine,
The
Great
Ponds
et
The
Slave.
Le
lecteur
est
toujours
en
présence
d'au
moins
deux
possibilités
d'interprétation
des
différents
évEfnements/
mais
jamais
i l
ne
lui
est
possible
de
choisir
une
solution
au
détriment
d'une
autre.
Amadi
laisse
touj ours
le
lecteur
dans
une
situation
à
la
fois
ambigu~ et
énigmatique.
Dans
The
Great
Ponds
i l
,
y
a
un
mouvement
constant
de
va-
et-vient
entre
le
monde
sensible
et
le
monde
intelligible
et
i l
est
d i f f i c i l e
d'établir
une
ligne
de
démarcation
stric-
te
entre
ces
deux
mondes.
Tout
au
long
du
récit
le
lecteur
vit
la
présence
du
Dieu
de
la
Nuit l
Ogbunabali l
à
travers
la
peur l
l'angoisse
et
la
mort
des
personnages.
Et
dans
le
même
temps
le
lecteur
se
pose
bien
des
questions
sur
la
na tu-
re
d'un
dieu
qui
ne
semble
faire
de
cadeau
à
personne:
le
coupable
et
l'innocent
sont
traités
sans
aucune
distinction.
Nous
n'entrerons
pas
dans
les
détails
dans
ce
chapitre,
i l
suffit
simplement
de
signaler
que
la
dualité
du
monde
Ibo
offre
quelques
éléments
de
réflexion
sur
le
thème
du
fantastique,
dans
la mesure
on
elle
permet
la
présence
simul-
·:t-anée de deûX .ordres; différ~nts, voire mêIDll.'cOPPosés·; mais complémentaires.
Il
Y
a
donc
dans
la
société
traditionnelle
Ibo
une
certaine
conception
des
choses
qui
justifie
cette
dualité;
dualité
qui
trouve
son
expression
dans
le
temps
et
dans
l'espace
à
travers
le
dynamisme
dialectique.
36
2 .
Le dynamisme dialectique
La
recherche de
l ' harmonie
cosmique
est
au
centre
~de
la
dialectique
qui
permet
le
maintien
et
la
perpétuation
de
la
dualité
du
monde
Ibo.
Contrairement
donc
au
dualisme
qui
était
une
sorte
de
constatation,
un
état
de
f a i t / l a
dia-
lectique
est
une
notion
beaucoup
plus
dynamique.
Elle
va
se
manifester
par
des
actions
et
des
représentations
concrè-
tes
qui
vont
permettre
la
coexistence
et
la
complémentarité
des
éléments
contraires.
C'est
ce
qui
explique,
par
exemple,
que
l'esclave
de
dieu
ou
"osu",
rejeté
par
tous
à
cause
de
ses
relations avec Dieu
et
de
ses
pouvoirs
magiques,
est
en
même
temps
celui
par
qui
l'ordre
social
est
rétabli
pendant
les
grandes
crises,
comme
le
souligne
Uchendu:
The
Osu
system
of
slavery
constitutes
the
greatest
contradiction
to
Igbo
equalitarian
ideology.
Osu
are
a
people
with
a
status
di-
lem-ma.
,A
people
hated
and
despised
yet
indis-
pensable
in
their
ritual
roles;
a
people
whose
achievments
are
spurned
by
a
society
which
is
aggressively
achievement-oriented.
(41/
Amadi
va
jusqu'à
produire
une
oeuvre
l i t t é r a i r e ,
The
Slave,
pour
illustrer
cette
situation
complexe
entre
les
esclaves
du
dieu
et
les
hommes.
Dans
l'imaginaire
Ibo
l ' "Osu"
étant
désigné
comme
esclave
de
dieu
est
plus
près
de
ce
dernier
et
reçoit
de
lui
des
pouvoirs
qui
peuvent
être
néfastes
pour
le
pro fil. ne.
En
t an t
qu' i nt er mé dia ire
en t r e
Di e u e t
les
ho m-
mes
i l
est
à
la
fois
craint,
rejeté
et
s o l l i c i t é .
Ce
dynamis-
me
dialectique
comme
nous
pouvons
le
constater
recèle
des
contradictions
et
des
ambiguïtés.
37
L' homme
Ibo
conscient
de
la
f r a g i l i t é
du
caractère
dua-
l i s t e
de
son
monde
va
oeuvrer
à
trouver
un
équilibre
provi-
soire,
une
harmonie entre
les
éléments
contraires
à
travers
des
règles
sociales,
des
i n t e r d i t s ,
la
divination
et
le
sa-
crifice.
Nous
faisons
appel
de
nouveau
à
Uchendu
pour
définir
la
nature
de
la
dialectique
dans
le
monde
Ibo:
[. . .J the i r w0 r l dis a d y na mi con e - a w0 r l d
of a moving equilibrium
[ . . . J
The
maintenance
of
social
and
cosmological
balance
in
the
world
becomes,
therefore,
a
dominant
and
pervasive
theme
in
Igbo
life.
(42)
De
même
que
pour
le
dualisme
du
monde
Ibo,
le
dynamisme
dia-
lectique,
aussi
efficace
s o i t - i l ,
comporte
des
f a i l l e s
que
nous
pouvons
découvrir
à
travers
une
lecture
critique
de
l'oeuvre
romanesque
d'Amadi.
C'est
grâce
au
dynamisme
dialec-
tique,
comme
nous
le
soulignions
plus
haut,
que
le
personnage
d'Ihuoma
peut
appartenir
à
la
fois
au
monde
des
vivants
et
à
celui
du
"Sea
God".
La
frontière
existant
entre
les
deux
mondes
est
indéfinissable
pour
ne
pas
dire
inexistante.
Comme
toute
dialectique, la
dialectique
dans
le
monde
Ibo
oeuvre
à
une
synthétisation
des
éléments
contraires.
Mais
cette
synthèse
n'est
jamais
achevée,
et
c ' e s t
ce
qui
donne
le
ca-
ractère
dynamique
et
non
d é f i n i t i f
à
la
dialectique
comme
nous
l'entrevoyons.
I l
demeure
toujours
des
ambiguïtés
et
des
contradictions;
et
pour
reprendre
les
termes
de
Durand,
nous
dirons
que
Il
toute
synthèse
comme
toute
dialectique
e s-t con s t i tut ion n e l lem en t
am big u ë. Il (43)
Un
parallélisme
peut
être
fait
entre
le
dynamisme
dialec-
tique
et
la
notion
de
fantastique:
l'un
et
l'autre
admettent
la
présence
d'éléments
contraires
qui
ne
peuvent
jamais
at-
teindre
l'union
totale.
Dans
le
contexte
du
monde
traditionnel
Ibo
le
dynamisme
dialectique
trouve
ses
sources
et
ses
fondementts
dans
la
notion
de
causalité;
notion
autour
de
laquelle
va
se
définir
et
se
justifier le
fantastique
dans
l'oeuvre
amadienne.
3 . La notion de causalité
3.a
L'homme Ibo et le fait nouveau.
L' homme
en
général
et
l'Africain
en
particulier
a
tou-
,
l
jours
cherché
à
donner
une
explication
aux
différents
evene-
ments
qui
surviennent
autour
de
lui;
de
même
qu'il
a
toujours
cherché
à
trouver
une
explication
aux
différents
éléments
qui
constituent
l'univers.
Les
mythes,
les
légendes,
les
contes,
et
les
différentes
sortes
de
représentations
té-
moignent
du
souci
constant
de
l ' homme
d'organiser
le
réel
et
de
l'intégrer
dans
un monde
cohérent.
Dans
la
société
traditionnelle
Ibo
rien
n'existe
en
soi;
i l
y
a
toujours
une
cause
à
toute
chose
et
comme
nous
le
montrerons
un
peu
plus
loin,
dans
cette
société
le
hasard
n'existe
pas, tout
doit
pouvoir
s'expliquer;
tout
est
signe
qu'il
va
falloir
décrypter.
Partant
de
ce
postulat,
rien
n'est
plus
angoissant
pour
l'homme
traditionnel
Ibo
que
de
se
trouver
en
face
d'un
év~nement dont
i l
ne
peut
donner
l'explication.
Pour
pallier
d'éventuelles
lacunes
i l
va
con-
39
cevoir
un
type
de
causalité
qui
prend
en
compte
tous
les
paramètres
possibles,
qu'ils
soient
d'ordre
physique 1
méta-
physique,
sacré,
profane,
réel
ou
imaginaire.
La
cause
première
à
tout
incident
dans
la
société
tradi-
tionnelle
Ibo,
c'est
le
manquement
à
une
règle
sociale
ou
l'offense
à
une
divinité
ou
à
un
anc~tre quelconque;
en
d'au-
tres
termes
une
menace
pour
l'harmonie
dont
nous
avons
parlée
dans
le
chapitre
précédent.
L'évènement
apparaît
alors
comme
un
signe
avant-coureur
d'un
mécontentement,
d'une
menace
de
forces
supérieures.
I l
faut
alors
répondre
à
la
question
suivante:
pourquoi
telle
chose
s ' e s t - e l l e
produite?
pour-
quoi
à
tel
moment?
pourquoi
comme
cela
et
pas
autrement,
afin
de
pouvoir
rétablir
l'ordre
menacé.
Sunday
Anozié
souli-
gne
que:
La
conscience
collective
dans
une
société
traditionnelle
a
tendance
à
recourir
facile-
ment
à
une
métaphysique
absolue
chaque
fois
qu'elle
est
confrontée
à
un
phénomène
nouveau~
inattendu~ non conventionnel. (44)
Ce
recours
à
"une-
métaphysique
absolue"
nous
l'observons
dans
les
romans
d' Elechi
Amadi.
Ainsi
dans
The
Concubine,
pour
expliquer
les
décès
qui
surviennent
dans
leur
société,
l e
fi d i b i a fi
s e t our n e
ver s
l e " Roi
de
l a
Me r ",
qui
s e rai t
responsable
des
différents
décès.
Ihuoma
est
le
personnage
grâce
à
qui
l'explication
surnaturelle
va avoir
une
cohérence
et
~tre plausible.
Elle
est
à
la
fois
humaine
et
surnaturelle
et
tous
les
hommes
qui
l'approchent
rencontrent
la
mort.
Mais
malgré
ce
recours
à
l'explication
surnaturelle,
i l
demeure
toujours,
dans
la
présentation
des
faits
par
le
nar-
40
rat e ur,
des
situations
am big u~ s
et
des
contradictions
qui
contrebalancent la cause
métaphysique
sans
toutefois
la
détrui -
re.
c'est
la
même
observation
que
nous
pouvons
faire
dans
The
Great
Ponds où
l'épidémie
qui
s'abat
sur
le
clan
est
a t t r i -
buée
au ~eu de la lfuit,
à
des
forces
invisibles.
Pour
en
terminer
sur
l'attitude
des
Ibos
face
au
fait
nou-
veau
nous
dirons
que
le
type
de
causalité
en
question
loin
d'être
superstition,
comme
certains
esprits
cartésiens
le
penseront,
témoigne
d'un
comportement
culturel,
d'une
logique
qui
ne
peut
être
saisie
que
dans
son contexte.
Nous
citerons
ici
en
parallèle
la
description
que
fait
Evans
Pritchard
de
la
démarche
des
Azande
dans
l'élaboration
d'une
explica-
tion
causale:
I f
an
on
and
crushes
a
hun-
ter.>
he
was
killed~
in
terms
weight
of
the
elephant
But
Azande
also
ask~
?
Comme
nous
le
constatons,
ande
comme
celle
des
Ibos
fait
appel
à
une
les:
les
hommes
essayent
de
à
un
ensemble
plus
vaste,
série
de
questions.
C'est
aussi
à
partir
d'une
démarche
similaire
que
nous
pou-
vons
justifier
de
la
présence
oU
de
la
non-présence
du
fan-
tastique
dans
l'oeuvre
amadienne;
les
éléments
pris
isolément
41
n'auront
aucun
sens
dans
les
romans
d'Amadi. C'.est
lorsque
nous
découvrirons
que
les
évEfnements
sont
reliés
entre
eux
par
une
série
de
lois
causales
que
nous
conclurons sur
l ' a s -
pect
fantastique
de
l'oeuvre
amadienne.
3.b
La rupture avec la causalité rationnelle
Dans
la
société
traditionnelle
Ibo,
la
notion
de
causalité
prend
un
autre
sens
que
celui
couramment
admis
en
Occident
de
nos
jours
et
qui
veut
donner
exclusivement
des
explica-
tions
rationnelles
aux
événements
en
ne
prenant
généralement
en
compte
que
ce
qui
est
tangible
à
l ' e s p r i t
et
susceptible
de
se
reproduire
si
les
mêmes
conditions
sont
remplies.
L'
homme
traditionnel
élabore
des
"lois"
qui
pour
l ' e s p r i t
car-
tésien
sont
illogiques
mais
qui
dans
le
domaine
de
l ' imagi-
naire
et
des
représentations
ont
une
logique
et
une
cohérence.
Cette
nouvelle
causalité
est
corollaire
du
dynamisme
dialec-
tique
qui
permet
la
coexistence
et
la
complémentarité
des
éléments
et
des
faits
contraires
ou
opposés.
c'est
ainsi
que
le
surnaturel
intervient
dans
les
romans
d' Amadi,
par
exemple,
pour
apporter
des
explications
complé-
mentaires
mais
non
exclusives
aux
év~nements.
Dans
le
système
traditionnel
Ibo
les
réponses
obtenues
sont
circons-
tancielles
et
jamais
définitives.
Le
lecteur
des
romans
d'
Amadi
demeure
insatisfait
à
la
fin
des
romans
car
l'énigme
42
n'est
pas
résolue;
i l
lui
reste
toujours
à
décider
de
choisir
entre
les
explications
rationnelles
et
les
explications
sur-
naturelles,
choix'
qu'il
ne
pourra
jamais
faire
compte
tenu
de
l'imbrication
des
deux
types
de
causalités
qui
se
valent
l'une
et
l'autre.
Dans
ce
nouveau
type
de
causalité.lle
rapport
entre
cause
et
effet
n'obéit
pas
toujours
à
la
même
logique
que
celle
que
l'on
trouve
dans
une
démarche
qui
se
veut
rationnelle.
C'est
ainsi,
par
exemple,
que
dans
The
Great
Ponds
le
narra-
teur
fait
précéder
la
cause
de
l ' e f f e t
dans
l'épisode
concer-
nant
la
chute
d'Olumba
du
haut
d'un
arbre;
i l
ne
nous
fournit
les
causes
d-e
l'accident
qu'après
coup.
Et
lorsque
les
hommes
t r ans po rte n t
r,O lu mb a c he z
le
gué ris s e ur,
c e
der nie r
les
a t -
tendait
déjà
grâce
à
la
puissance
de
sa
divination.
La
magie
est
ainsi,
dans
le
contexte
du
monde
traditionnel,
un
moyen
dynamique
pour
rompre
avec
la
causali té
rationnelle;
grâce
à
la
magie
un
défi
est
porté
aux
lois
rationnelles
du
temps
et
de
l'espace.
J..a
causalité
traditionnelle
abolit
le
concept
de
l ' i r r é v e r s i b i l i t é
du
temps en faisant
revivre
les
ancêtres
grâce
à
la
réincarnation
qui
permet
à
un
ancêtre
défunt
de
revenir
accomplir
des
projets
qu'il
n'avait
pas
pu
réaliser
lors
de
sa
première
incarnation.
L'espace
est .surchargé .. de
forces
invisibles
qui
participent
à
l'existence
du
monde
réel.
Grâce
à
la
magie
le
"dibia"
peut
se
projeter
dans
le
temps
et
dans
l'espace
pour
communiquer
avec
l'invisible
ou
pour déterminer
ce
qui
va
se
produire
dans
un
futur
proche.
Comme
nous
le
verrons
dans
notre
analyse
de
la
nature
du
43
"medicine
man",
ce
dernier
a
des
yeux
"supplémentaires"
qui
lui
permettent
de
voir
au-delà du
visible.
C'est
par
la
magie
que
""ago
est
dit
invulnérable
aux
flèches
dans
The
Great
Ponds
et
qu'il
a
la
possibilité
de
se
transformer
en
léopard.
t ' e s t
également
grâce
à
la
magie
qu'Olumba
arrive
à
avoir
un
héritier
et
c'est
aussi
grâce
à
ce moyen
que
les
hommes
d'Aliakoro
sont
capables
de
"bouil-
lir"
Olumba
à
distance
ou
d'agir
sur
son
esprit
et
celui
de
son
f i l s .
L' homme
tradi tionnel
Ibo
incorpore
tous
les
éléments
de
l'univers
dans
sa démarche
de
causalité.
Il
attend
la réponse
à
ses
questions
à
travers
la
divination,
le
sacrifice,
l ' o f -
frande,
la
prière,
les
anc~tres, ~ieu etc . . .
La
notion
de
causalité
a
donc
un
rapport
étroit
avec
le
surnaturel
et,
l'imaginaire
qui
permettent
d'apporter
une
réponse
là où
le
réel
n'a pas
été
capable
de
k
faire.
Dans
la
recherche
de
la
causalité
i l
y
a
toujours
un
mou-
vement
de
va-et-vient
entre
l'extérieur
et
l'intérieur,
entre
les
causes
surnaturelles
et
les
causes
sociales
et
naturelles.
Tout
ce
qui
est
anormal,
nouveau,
trouve
avant
tout,
sa
jus-
tification
dans
l ' i r r é e l
et
dans
le
surnaturel.
C'est
ainsi,
par
exemple,
que
l'on
cherche
à
justifier
le
comportement
dt Ekw'lJleme dans
The
Concubine:
Here
was
a
reaZ
mystery.
Most
young men wouZd
be
impatient
over
a
girZ
Zike
AhuroZe.
What
had come over
Ekwe?
Someone must
be
invoZved?
He
must
have
been
bewitched.
I f
so
Anyika
wou Zd
s 00 n
set
th a t r i g h t .
But
i f
Ek wURme
ha d
not
been
bewithched~
what
then
?
Maybe
Ekwe
44
was
interested
in
another
girl~
but
whc
?
Ah!
w ha t
a
f 00 l
s h e
wa s ~
l h u 0 ma
of
course.
It was Just as
she feared.
(46)
Ainsi Adaku part de la cause magique pour expliquer la manière d'agir
d'Ekwueme
avant
d'aboutir
finalement
à
la
cause
naturelle
qui
est
l ' 0 b ses s ion
d' E k WU€llle
pou r I e
p ers 0 n n age
d' l h u 0 ma.
Mais
tout
ceci
est
hypothétique
et
c'est
sur
les
deux
plans
de
causalité
qu'Amadi
va
travailler
tant
et
si
bien
qu'il
se r a
qua si me n t
i mp 0 s si b l e a u
le ct e ur
au
cours
du
r é c i t ,
de
déterminer
avec
exactitude
les
causes
réelles
de
la
folie
d'Ekwueme.
Dans
l'oeuvre
amadienne
plusieurs
r.:auses
d'ordre
différent
vont
justifier
les
événements
et
c'est
ce
qui
va
nous
amener
à
par~~r des
causes
parallèles.
3.c
Les causes parallèles.
Dans
le
chapitre
précédent
nous
soulignions
la
possibili-
,
~
té
de
non-simultanéité
entre
la
cause
et
l ' e f f e t ;
un
evene-
men t
se
produi t
à
l ' ins tant
x
parce
qu'à
une
époque
(x-l)
quelque
chose
s ' e s t
passé.
Dans
The
Concubine) on
dira
que
Madume
s ' e s t
suicidé
parce
qu'il
est
devenu
aveugle
et
que
sa
femme
et
ses
enfants
l'ont
abandonné.
Cette
explication
immédiate
qui
s'offre
au
lecteur
est
contrebalancée
par
l'ex-
plication
du
"medicine
man"
qui
voit
dans
ce
suicide
une
confirmation
de
l'action
du
"Roi
de
la
Mer"
qui
s ' é t a i t
déj à
manifesté
lors
de
l'accident
de
Madume
dans
la
cour
d' Emenike,
et
par
le
crachat
du
cobra
dans
les
yeux
de
Madume.
Pour
45
les
personnages
l'aveuglement
de
~1adume
étai t
de
la
part
des
dieux
un
rappel
à
l'ordre;
en
effet Madume
refusait
d'ho-
norer
la
décision
des
sages
qui
attribuait
les
palmiers
à
Emenike,
lesquels
par
conséquent
devaient
revenir
de
droi t
aux
fils
de
ce
dernier.
Bour
les
personnages
donc,
le
crachat
du
cobra
dans
les
yeux
de
~1adume
était
la
sanction
de
la
justice
divine
pour
le
non-respect
de
la
justice
sociale.
~1· ais
à
c ôté
de
t 0 u tes
ces
cau ses,
l e
l e c te ur
ne
peu t
pas
s'empêcher
de
faire
un
parallèle
entre
le
suicide
de
Madume
et
son
incapacité
à
avoir
un
garçon
pour
lui
succéder
quand
i l
ne
sera
plus
de
ce
monde.
Cette
angoisse
de
Madume
nous
est
décrite
dès
les
premières
pages
du roman:
WoZu~ Madume's
onZy
wife~ bore him four daugh-
ters
a
most
annoying
thing~
despite
the
dowries
he
knew
he
wouZd
colZect
when
they
got
married.
But
who
wou Zd
bear
his
name
when
he
died?
The
thought
of his
eZder
brother's
sons
inheriting
his
houses
and
Zands
filZed
him
with
dismay.
But
there
was
time
enough
to
marry
another
wife
and
the
probZem
did
not
bother him unduZy.
(47)
Ce
pasrage
explique
entre
autre
le
suicide
de
Madume
au
mi-
lieu
du
roman
au
moment
où
i l
s'est
rendu
compte
que
la
vie
ne
valait
plus
la
peine
d'être
vécue;
i l
était
déjà
devenu
moins
homme
par
sa
céci té,
qui
fais ai t
que
sa
femme
étai t
devenue
"l'homme"
de
la maison,
et
aussi
par
le
fait
qu'après
sa
mort
i l
ne
pourra
pas
se
réincarner
dans
les
enfants
de
ses
f i l s .
Cette
recherche
d'un
héritier
est
un
thème
courant
que
nous
retrouvons
dans
The
Great
Ponds
avec
Olumba
et
dans
The
Slave
avec
Olumati.
Le
passage
ci-dessus
cité
peut
être
mis
en
parallèle
avec
celui
d'Okonkwo
dans
Things
Fall
Apart
46
lorsque son fils
ainé,
Nwoye,
abandonne
les
dieux Ibos pour la nouvelle
religion:
Suppose
when
he
died
all
his
male
children
decided
to
fo l low
Nwoye' s
s teps
and
abandon
their
ancestors
? Okonkwo
felt
a
cold
shudder
run
through
him
at
the
terrible
prospect
like
the
prospect
of
annihilation.
He
saw
himself
and
his
father
crowding
round
their
ancestral
shrine
waiting
in
vain
for
worship
and
sacri-
fice
and
finding
nothing
but
ashes
of
bygone
days~
and
his
children
the
while
praying
to
the white
man's
god.
(48)
Nous
n'ignorons
pas
que
la
société
traditionnelle
Ibo
est
une
société
patrilinéaire
et
c'est
ce
qui
justifie
l ' a t -
titude
des
personnages
vis-à-vis
des
enfants
mâles;
et
cette
attitude
est
l'une
des
causes
principales
qui
explique
les
év~nements dans
les
romans
d'Amadi
et
de
ses
concitoyens
Ibos.
Une
telle
démarche
permet
au
lecteur
d'être
en
posses-
sion
de
plusieurs
données
qui
sont
toutes
valables.
c'est
grâce
à
une
telle
démarche
d'incorporation
de
causes
,-
parallèles
quo
Amadi,
par
le
jeu
du
narrateur,
parvient
dans
The
Great Ponds)
à
impl i quer
,le
Dieu
de
la Huit)
Ogbu-
nali
dans
l'épidémie
qui
fait
rage
dans
les
deux
villages
belligérants,
Chiolu
et
Aliakoro
et
même
au-delà.
Amadi
va
user
de
ses
talents
pour
donner
une
réalité
à
ce
Dieu
et
faire
en
sorte
que
même
le
lecteur
le
plus
incrédule
ne
puis-
se
pas
douter
de
la
puissance
d'Ogbunabali;
le
lecteur
s'
identifie
à
Olumba
et
éprouve
la même
peur
que
lui:
Olumba
fears
were
not
unfounded.
OgbunabaZi
was
a
god
to
be
feared.
There
was
so
many
instancies
that
testified
i t s
ability
to deli-
ver
judgement
without
erring.
All
those
who
took
chances
with
i t
died~
most
of
them
by
night
There
was
no
known
pattern
as
timing
47
was
concerned.
I f
a
guilty
man
swore
by
i t
he
could
die
in
the
first
few
days,
on
the
last
day,
or
somewhere
in
the
middle.
The
only
sure
thing
was
that
the
victim
would
die
with1:n
the
period
and
most
probably
by
night.
(49)
Le
lecteur
imbu
de
cette
vérité
attestée
devient
comme
un
objet
que
le
narrateur
peut
"manipuler"
à
sa
guise.
Mais
ce
qui
est
intéressant
à
noter
c'est
le
suspense
dans
lequel
le
lecteur
est
plongé
lorsqu'il
attend
qu'Ogbunabali
rende
sa
justice
"infaillible"
à
propos
de
l'épineux
problème
de
la
possession du marécage.
C'est
parce
que
la
justice humaine
s'est
montrée
incapable
de
trancher
le
problème
que
les
hom-
mes
ont
fait
appel
à
l'ordre
surnaturel.
Mais
le
recours
à
l'ordre
surnaturel
ne
résout
pas
pour
autant
le
problème
de
la
possession
du
marécage
dans
The
Great
Ponds.
L'irruption
de
l'épidémie,
que
l'on
attribue
à
Ogbunabali,
est
paradoxale.
En
effet
Ogbunabali
ne
dévrait
faire
porter
sa
justice
que
sur
Olumba et
sur
ceux
qui
atten-
teraient
à
la
vie
d'Olumba;
mais
ce
n'est
pas
le
cas,
tout
le
clan
d' Erekwi
est
victime
de
l'épidémie.
I l
faut
donc
rechercher
la
cause
ailleurs,
et
comme
confondu
par
toutes
ces
contradictions
et
ambigultés,
le
narrateur
trouve
une
porte
de
sortie
en
attribuant
l'épidémie
à
la
grande
grippe
de
1918.
Nous
nous
demandons
si
cela
n'est
pas
sciemment
voulu
par
l'auteur
qui
veut
voir
jusqu'à
quel
point
le
lec-
teur
a
suivi
les
personnages
dans
leur
monde
imaginaire.
L'auteur
par
un
tel
procédé
ne
montre-t-il
pas
la
complémen-
tarité
qui
existe
entre
le
réel
et
l'imaginaire?
Car
cette
fin
rationnelle
ne
résout
en rien
l'énigme
de
The Great Ponds.
48
Il
demeure
toujours
une
série
de
questions
auxquelles
cette
fin
de
roman
ne
peut
pas
répondre
et
qui
font
que
The
Great
Ponds
reste
une
oeuvre
imprégnée
par
le
fantastique.
Le
roman
amadien
propose
donc
des
causes
sous-jacentes
qui
obscurcissent
les
événements
et
rendent
tout
choix
d'une
cause
exclusive
impossible
au
lecteur.
Il
y
a
continuellement
une
identification
du
lecteur
aux
personnages
grâce
à
la
"manipulation"
du
narrateur.
En
permettant
au
lecteur
de
connaître
les
personnages
dans
toute
leur
profondeur,
le
narrateur
l'amène
à
juger
les
événements
avec
beaucoup
de
prudence.
L'utilisation
des
causes
parallèles
semble
être
un
phéno-
mène
assez
courant
chez
beaucoup
d'écrivains
africains.
Dans
Arrow
of
God,
le
lecteur
se
pose
bien
des
questions
sur
la
dualité
du
personnage
d'Ezeulu
et
n'arrive
pas
à
si-
tuer
la
frontière
entre
les
déterminations
personnelles
de
ce
dernier
et
celles
qui
lui
sont
dictées
par
son Dieu,
Ulu.
Ahmadou
Kourouma,
dans
Les
soleils
des
indépendances, jux-
tapose
des
causes
naturelles
et
surnaturelles
pour
expliquer
la
s t é r i l i t é
de
Salimata
et
comme
le
souligne
si
bien
Chemain
"chacune
des
péripéties
du
destin
de
Salimata
s'ex-
plique
à
la
fois
par des
causes
magiques
et
des
causes
ration-
nelles"( 50)
et
plus
loin
encore
dans
la
conclusion
générale
i l
fera
de
nouveau cette
constatation:
G.Jle destin du héros romanesque peut souvent
s'expliquer
par
l'enchainement
de
deux
séries
de
causes
parallèles,
causalité
rationnelle
d'une
part~
causalité
magique
de
l'autre~
49
sans
que
te
tecteur
ne
soit
jamais
incité
à
opter
pour
t'une
de
préférence
à
t'autre. (51)
c ' est
dan s
u'Ite
démarche
similaire
que
le
narrateur
amadien
va
expliquer
les
événements
qui
surviennent
dans
les
romans.
La
notion
de
causalité
est
le
f i l
conducteur
qui
va
nous
conduire
au
fantastique
dans
l'oeuvre
amadienne;
c'est
une
clef
qui
ouvre
toutes
les
portes
sans
toutefois
que
l'on
sache
où
se
trouve
la
bonne
porte.
Dans
The
Concu-
bine
Ihuoma
est
à
la
fois
humaine
et
surnaturelle,
et
nul
- - - 1
à
la
fin
du
roman
n'est
en mesure
de
choisir
l'un
ou
l'autre
aspect
d'Ihuoma.
Nous
pouvons
conclure
sur
cet
aspect
des
causes
parallè-
les
en
nous
référant
à
l ' a r t i c l e
de
Jacques
Favier
"Les
jeux
de
la
temporalité
en
science-fiction"
et
plus
particulière-
ment
à
son
chapitre
sur
"la notion
des
réalités
parallèles".
e.e
cha pit r e
ré .... s ume
b i e n
t 0 u t
c e
que
n 0 u s a von s
dit
sur
la
notion
de
causalité
et
se
rapproche
de
la
structure
de
la
causalité
dans
l'oeuvre
amadienne:
L'idée
est
simpte:
à
tout
moment
M i t
existe
une
infinité
de
réatités
parattètes,
coexis-
tant
à
ta
nôtre
(Ro).>
soient
Rl.>
Rn.>
etc . .>
représentées
par des
droites
parattètes.
M
Ml
Mn
Ro -\\-\\-1------)0;
Rl
Rn
Ce
postutat
est
ptus
ou
moins
adroitement
justifié
dans
tes
récits.>
mais
suppose
néan-
moins
ta
réfutation
au
moins
partiette
de
causatité
-
scientifique
(une
cause
étémen-
taire
n'admet
qu'une
seute conséquence étémen-
taire)
et
t'érection
du
hasard
et
du
tibre
arbitre
en
tois
naturettes
et
non
en
tois
contestabtes.>
images
de
nos
timitations
humai-
nes.
(52)
50
De
notre
analyse
sur
les
trois
aspects
fondamentaux
de
la
société
traditionnelle
Ibo
dualisme
du
monde
Ibo,
dyna-
misme
dialectique
et
notion
de
causalité
-
i l
ressort
quelques
traits
structuraux
que
nous
pourrons
appliquer
au
fantastique.
1)
L'imbrication
et
l'interpénétration
entre
les
mondes
visible
et
invisible 1
entre
celui
des
morts,
des
vivants
et
celui
de
ceux
à
venir.
La
société
traditionnelle
Ibo
est
une
société
dynamique
où
l'équilibre
recherché
est
constam-
ment
menacé 1
et
quelquefois
détruit,
et
cette
situation,
aussi
longtemps
que
la
précarité
de
l'équilibre
est
maintenue,
favorise
l'existence
de
l'atmosphère
fantastique.
2)
Dans
la
recherche
de
l'harmonie
les
Ibos
font
appel
à
un
type
de
causalité
autre
que
celui
du
monde
rationnel.
Ce
nouveau
type
de
causalité
admet
la
présence
de
causes
parallèles
qui,
grâce
au
dynamisme
dialectique
sont
1
coe-xistantes
et
complémentaires.
Mais
ce
dynamisme
dia-
lectique
comporte
des
ambiguïtés,
ce
qui
nous
amène
au
troi-
sième
et
dernier
t r a i t :
3)
La
représentation
l i t t é r a i r e
de
ces
ambiguïtés
par
Elechi
Amadi.
Amadi
dans
sa
création
l i t t é r a i r e
exploite
à
sa
manière
les
structures
existantes
de
la
société
Ibo
qui
étaient
déjà
favorables
au
fantastique.
De
cette
expression
l i t t é r a i r e ,
le
lecteur
hésite
devant
les
faits
qui
lui
sont
exposés
ou
rapportés.
Or
cette
hésita-
I
tion
du
lecteur
est
l'une
des
conditions
sine
qua
non
de
l'existence
du fantastique
dant
Yrre oeUvre.
Mais
l'hésitation
du
lecteur
n'est
pas
le
résultat
51
d'un
s~mple
caprice
mais
plutôt
le
résûltat
d'une
atmosphère
L'oeuvre
amadienne
transpose
sur
le
plan
l i t t é r a i r e
quel-
ques
unes
des
caractéristiques
de
la
société
traditionnelle
Ibo
et
nous
avons
très
souvent
des
difficultés
à
établir
ce
qui
appartient
à
l'imaginaire
collectif
Ibo
et
ce
qui
a p par t i e nt
à
l ' i magi na ire
p ers 0 n n el
d e I ' au te ur.
Ma i s
qu' à
cela
ne
tienne!
ce
qui
nous
intéresse
c'est
de
démontrer
que
la
représentation
l i t t é r a i r e
de
la
société
Ibo
sous
la
forme
romanesque
aboutit
à
un
genre
l i t t é r a i r e
qui
est
le
fantastique;
fantastique
que
les
structures
sociales,
politi-
ques
et
religieuses
renfermaient
plus
ou
moins
déjà
en
leur
sein,
comme
nous
avons
tenté
de
le
souligner
dans
les
chapi-
tres
précédents.
Dans
un
tel
contexte
l'étude
du
fantastique
fait
appel
à
un
outil
méthodologique
proche
de
l'ethnologie
et
de
l'anthropologie.
L'époque 1
le
cadre
et
l'intrigue
choisis
par
Amadi
dans
ses
romans
fournissent
une
thématique
l i t t é r a i r e
très
riche,
et
à
la
lumière
des
petites
précisions
que
nous
venons
de
faire
nous
pouvons
dès
à
présent
voir
comment
le
thème
du
fantastique
peut
être
abordé
dans
l'oeuvre
amadienne.
Irène
Bessière
semble
bien
poser
le
problème
de
l'étude
du
fantas-
tique
dans
une
oeuvre
lorsqu'elle
dit
que:
Le
récit
fantastique
provoque
l 'incertitude~
à
l'examen
inteZ.Z.ectuel~
parce
qu'il
met
en
oeuvre
des
données
contradictoitres
assemblées
s uivan t
une
cohérence
et
une
c omp l émen tari té
propres·(53)
52
Lorsque
nous
abordons
l'oeuvre
d'Amadi
nous
nous
retrou-
vons
en
face
de
cette
incertitude
dont
parle
Bessière.
Si
nous
prenons
par
exemple
le
thème
du
surnaturel,
i l
nous
semble
que
ce
fantastique
est
expliqué
par
moment
dans
l'oeu-
vre . ..M;'ais
cette
explication
ne
satisfait jamais
le
lecteur.
A
l'intérieur
même
de
l'oeuvre
nous
rencontrons
parfois
des
personnages
qui
déjà
à
leur
niveau
hésitent
devant
les
expli-
cations
données
aux
événements.
PLAN
Pour
étudier
efficacement
le
fantastique
i l
nous
faut
au
préalable
procéder
à
une
autre
lecture
du
texte
d'Amadi,
à
une
autre
considération
et
définition àes notions
qui
s'ap-
parentent
au
fantastique
et
qui
peuvent
l'alimenter.
Il
s'agit
de
notions
telles
que
le
hasard,
les
coïncidences,
la
desti-
née,
la
fatalité,
les
présages,
l'augure,
l'imaginaire,
la
représentation,
la
nature
etc . . .
Une
fois
que
ces
notions
seront
bien
définies
nous
jugerons
autrement
les
personnages
amadiens
(et
les
différents
év~nements). Ils seront vus comme
des
êtres
qui
à
une
certaine
étape
de
leur
vie
et
selon
leur
état
d'esprit
ont
essayé
de
donner
un
sens
à
tout
phénomène
qui
venait
troubler
un
ordre
existant.
Et
c'est
cette
tenta-
tive
d'explication
qui
fait
naîtres
la
notion
de
fantastique.
Vax
donne,
selon nous,
le
vrai
sens
du
fantastique:
53
Le
fantastique
aime
nous
présenter,
habitant
le
monde
réel
oa nous sommes, des hommes comme
nous.,
placés
soudainement
en
face
de
l' inex-
plicable. (54)
Le
mérite
d'Amadi
réside
peut-être
dans
le
fait
qu'il
invite
le
lecteur
à
avoir
une
attitude
modeste
vis-à-vis
d'un
monde
qui
n'est
pas
le
sien
et
qui
n'est
pas
pour
autant
différent
du
nôtre
à
plusieurs
égards:
ce
que
nous
avons
convenu
d'ap-
peler
le
fantastique
est
à
la
base
de
toute
vie
humaine.
Loin
d'être
une
notion
qui
nous
fait
penser
à
un
certain
immobilisme,
voire
même
à
une
certaine
régression
dans
la
mentalité
des
personnagess,
le
fantastique
dans
l'oeuvre
d'Amadi
est
une
notion
dynamique
qui
se
désacralise
par
mo-
ments
pour
être
compréhensible
et
applicable
au
commun
de s
mortels
de
quelque
continent
qu'ils
soient.
En
effet, nous
vivons
tous
dans
l'imaginaire
quelle
que
soit
l'époque
ou
le
lieu
où
nous
nous
trouvons.
Il
suffit
d'un
rien
dans
la
vie
de
n'importe
quel
homme
pour
qu'il
prenne
son
imaginaire
pour
une
réalité,
donnant
ainsi
naissance
à
un
monde
fantas-
tique.
Nul
n'est
à
l ' a b r i
des
illusions
et
des
rêveries.
La
vie
peut
être
vue
dans
son
ensemble
comme
un
cauchemar
que
nous
vivons
souvent
sans
toujours
le
savoir.
La
deuxième
raison
qui
nous
amènera
à
parler
du
fantasti-
que
chez
Amadi
est
l ' u t i l i s a t i o n
de
thèmes
qui
touchent
di-
rectement
à
(l'imaginaire)
la
raison
humaine
et
qui
nous
fait
hésiter
entre
la
réalité
et
l'imaginaire.
Il
s'agit
des
éléments
comme
aieu,
les
ancêtres,
la
réincarnation,
la mort,
la divination, ,le
rêve
etc . . .
54
Parallêlement
â
ces
aspects
chers
â
la
littérature
fantas-
tique
nous
pouvons
aussi
noter
chez
Amadi
des
thêmes
comme
ceux
de
la
femme-fatale
qui
sont
la
trame
même
de
The
Concu-
bine,
du
fantastique
collectif
né
de
la
dévastation
de
la
mort,
dans
The
Great
Ponds,
et
enfin
le
fantastique
social
ou
mythique
occasionné
par
le
retour
d'un
personnage
que
l'on
di t
appartenir
au
Dieu
Amadioha
et
qui
entraînerai t
la
colêre
de
ce
Dieu
sur
les
autres
membres
de
la
communauté
dans
The
Slave.
Le
troisième
et
dernier
point
qui
semble
justifier
une
étude
du
fantastique
se
retrouve
dans
la
manièT>e
dont
les
évênements
nous
sont
rapportés
dans
les
romans
d'Amadi.
Ici,
dans
ce
troisiême
point,
i l
s'agit
essentiellement
d'un
pro-
blème
d'esthétique.
Nous
découvrirons
les
différents
niveaux
et
procédés
du récit
fantastique.
55
NOTES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
SUR L'INTRODUCTION
(1)
Le
terme Ibo
désigne aussi
bien
la
langÜie
qûe
le
peu:.ple.
11
est
orthographié
Igbo
dans
certains
ouvrages.
Les
Iboshabitent
le
Sud-Est
du
Nigéria.
Amadi
est
un
Ikwerre,
tribu
qüi
occl1'pe
la
partie
Est
de
la
ceinture
de
la
forêt
tropicale
située
entre
les
Ijaw
du
flelta
du
Niger
et
les
Ibos.
La
situation
géographique
des
Ikwerre
et
les
relations
étroites
qui
existent
entre
ceüx-ci
et
les
Ibos
ont
fait
qU'Amadi
est
considéré
comme
appartenant
à
la
grande
famille
Ibo.
Poùr
des
raisons
de
simplicité
et
de
consistance
nous
utiliserons
la
forme
orthographique
simplifiée
"Ibo"
dans
notre
travail.
(2)
Interrogé
à
ce
sujet
Amadi
n'offre
pas
Une
réponse
claire
: "It
happens
that
my
novels
are
set
in
the
colonial
past
and
obviously
the y
can't
discuss
the
corrUption
of
the
present
regime . . . When
l
come
to
write
about
the
present . . . The
issues
of
the
day
woUld
come
oüt
in
the
novel
in
a
natUral
way . . . "
in
A Critica1
Vie ....
on
Elechi
Amadi's
The
ConcUbine
by
Alastair
NIVEN,
London,(Collin
in
association
with
the
British
Council,
1981),
NexUs,
1985;
p.10.
(3) SCHNEIDER, Marcel
_,
La Littératnre fantastique en France,
Fayard,
1964;
p.9
(4) Grand Dictionnaire LaroUsse,
1983,
p.4147
(5)
SCHNEIDER,
op.cit.,
p.10.
(6) Irène
BESSIERE,
Le
récit
fantastiqQej
la
poétique
de
l'incertain,
Paris:Laroùsse,
1974;
pp.3ü-31.
cf.
aussi
Gilbert
DURAND,
Les StrUctUres
anthropologiqUes
de
l'imaginair~, Bordas [1979J, 8e éd. 1981; plus parti-
cûlièrement
le
chapitre
"Eléments
poÙ'r
une
fantastique".
(1) cf:
LoUis
VAX,
L'art et
la littératUre
fantastique,P.U.F.,
Qüe
sais-je
?,
1960.
Roger
CALLOIS,
A~ coeQr du fantastiqUe, GalJimard, 1965.
Jurgis
B~LTRUSAITIS" ,Le Moyen Age fantastique. Antiqûi tés
et
exotlsmes
dans
l ' a r t
gothiqUe,
Paris:
Armand
Colin
1955.
'
(8)
Charles
BAUDELAIRE
-
,
- POE, E. ,
Histoires
extraordinaires,
Paris:
Garnier,
1962.
56
NoUvelles
histoires
extraordinaires,
Paris:Garnier,
1961 .
Histoires
Grote.:::s~q!c.:\\l=-e::....s-=--_e.::.....c..t__ sérieOse13,
Paris:Garnier
Flammarion,
1966.
-Charles
BAUDELAIRE,
Curiosités esthétiques"
l'Art roman-
tique
et
autres
oeUvres
critiq~es,
paris
Garnier,
1962.
(9) Anne
RICHTER,
Le
fantastique
féminin
d'Ann
Radcliffe
à
nos
joOrs,
Marabout,
1977;
p.10.
Nous
trouvons
û'ne
ilU)\\stration
de
cette
affirmation
dans
le
ToUr
d'écroU
d'Henry JAMES.
(lO)L.
VAX,
op.
cit,
p.26.
(11)I.BESSIERE,
op.cit.,
p.10
(12)M.SCHNEIDER,
op.cit.,
p.8
(13)T.TODOROV,
Introduction
à
la
littérature
fantastiqUe,
Les
Editions du Seuil,
1970;
p.30.
(l4)R.CAILLOIS, ~cit., p.161.
(15)BESSIERE, op.cit.,
p.31.
(16)Mikhail
BAKHTINE,
EsthétiqUe
de
la
création
verbale,
( Edit ion S
" l s k 0 us t v 0",
Mo s coli,
1 979 ) ,
Gall i ma rd
1 984
pour la tradüction française;
p.
196.
(17 )Pe ter
PENZOLDT,
The
SOpernatoral
in
Fictio1!,
New
York:
Humanities Press,LIst
pUb.
1952J
reprinted 1965;
p.10.
(18 )Maûrice
LEVY,
"Gothique
et
fantastique"
in
EUrope,
revUe
littéraire mensUelle,
no.
611,
1980;
p.44.
(l 9 ) Pie r r e
AR NAU D,'..;:A-=..:n::.n~~R:..:a~d:::.c=1..;::i:..:f~f::....e=--:--=.e7t-;--,1_e~:-"f_a-,n~t_a-,s_t::....l..:....q=:-'U-;:e~',:-;-_e.;..s-..:.s--=..:ai
de
psychobiograpbiè
Paris:
Aubier-Montaigne
1976;
pp.
338-350.
(20 )cf.
Max
MILNER,
La
fantasmagorie:
Essai
sûr
l ' optigue
fantastique,
Paris:P.U.F,
1982.
(21)I.BESSIERE,
op.cit.,
p.31.
(22}René
WELLEK
& Austin WARREN,
Theory
of
Literature,
Pen-
gùin Book,
1966;
p.78.
(23)Jean BELLEMIN-NOEL,
"Notes SUI' le
fantastique",
in Litté-
ratUre
no.8,
déc.
1972;
p.3.
(24}Loùis
VAX,
La sédoction de l'étrange;
Etude sUr la litté-
rature fantastique,
P.U.F,
1965;
p.
62.
57
(25)
Claude
LEVI-STRAUSS,
MythologiqUes:
le
CrU_
et
le
CUit,
Plo:!,
196~.
(26)
SUr
ce
chapitre
cf:
-
Roger
CAILLOIS,
L'homme
et
le
sacré,
Paris:
P.U.F,
1939
-
Mircea
ELIADE,
Le
sacré
et
le
profane,
Büiss ière,
1975.
-
René
GIRARD,
La Violence
et
le
sacré,
Paris:Grasset,1972.
( 27)
Elechi
AMADI,
The Great Ponds,
London: Heinemann,
African
Wri ters
Series
(A.W.S),
1981;
p.9.
;Toutes
les
références
et
citations
ültérieUres se rapportent à cette édition.
(28)
M1ADI,
Ibid.,
p.28.
(29)
E.
AMADI,
The
ConcUbine,
London:
Heinemann
(A.W.S),
1981.
p.8.
ToUtes
les
références
et
citations
ultérieures
se
rapportent
à
cette
citation.
(30)
M1ADI,
Ibid.,
p.15.
(31)
René
GIRARD,
~p.cit., p.99.
(32)
Exode
3
(1-6),
La
Bible
de
Jérusalem,
Sème
édit.
Cerf.
1973.
(33)
Jlhrcea
ELIADE,
op.
c i t . ,
p.99.
(34)
être
imaginaire
à
la
fois
femme
et
poisson,
sorte
de
sirène
qUi
occüperait
Un
certain
cours
d'eaU.
(35)
Pour
plus
de
détails
sur
ces
différentes
notions
se
reporter
à
Simone
VIERNE,
_Rite,
roman,
initiation,
Presses
Universitaires
de
Grenoble,
1973.
(36) AMADI,
The Concubine,
pp.196-97.
(37)
T.TODOROV,
op.cit.,
p.46.
(38)
Chinua
ACHEBE,
Morning
Yet
on
Creation
Day,
London:
Heinemann
Edücational
Books
(H.E.B),
1981;
p.93
(39)
cf.
Cheik
Hamidou
KANE,
L'aventure
ambiguê,
Coll.
10/18,
1 986,
p . 1 64,
0 Ù
S am b a
Dia I l 0
dit:
" j e
ne
s li i s p a s
ün
pays
des
Diallobé
distinct,
face
à
un
occident
distinct,
et
appréciant
d'Une
UHe
froide
ce
que
je
pûis
lüi
prendre
et
ce
qu'il
faut
que
je
lui
laisse
en
contrepar-
tie.
Je
sUis
devenû
les
deùx.
I l
n'y
a
plus
une
tête
lùcide
entre
deüx
termes
de
choix.
Il
y
a
Une
nature
étrange,
en
détresse
de
n'être
pas
les
deux."
Nou:s
pouvons
également
citer
les
personnages
de
Pete
Obiesie
dans
Wand
of
the
Noble
Wood
d' Onuora
NZEKWU
ou
d'Obi
Okonkwo
dans
No Longer at
Eas~ de Chinua Achebe
58
et
bien d'autres
encore.
(40)
Victor
C.
UCHENDU,
The
Igbo
of
Southeast
Nigeria,
New
York~ Holt Rinehart and Winston, 1965; pp. 11-12.
(41)
Ibid.,
p.89.
(42):-:Ibid.,
p.
13
(43)
Gilbert
DURAND,
op.cit.;
p.335.
(44) Sùnday
ANOZIE,
Sociologie
do
roman
africai~, Aûbier
Montaigne,
1970;
p.113.
(45) Cité
par
Jean
SEVRY
in Po~r une lecture anthroy~logigUe
de Arrow of God,
Doc.2;
p.
10.
(46)
Elechi
AMADI,
The ConcUbine,
p.
104.
(47)
Ibid.,
p.4.
(48) Chinùa
ACHEBE,
Things
Fall
Apart,
London:Heinemann
( A\\>J S)
ITs t Pû b. 1 95"[1; 1 97 8, p. 1 08 .
(49)
E.
AMADI,
The Great Pond~, p.129.
(50) Roger
CHEMAIN,
L'imaginaire
dans
le
roman
africain,
l'Harmattan,
1986;
p.71.
(51)
Ibid.,
p.408.
(52)
Jacques
FAVIER,
"Les
jeu,x
de
la
temporalité
en
science-
fic t ion"
in Lit t é rat Or e
no. 8,
0 p.
c i t "
p. 5 9
(53)
Irène
BESSIERE,
op.
cit.,
p.
10.
(54)
LoGis Vax,
La séduction de l'étrange,
P S8.
o
PRE MIE R E
PAR T 1 E
D E
QUE L QUE S
NOT ION S
59
l
-
HASARD ET COINCIDENCES
D'une
façon
générale
le
terme
"hasard"
désigne
"l'impré-
visibilité
de
la
vie~
ce
que
les
philosophes
ont
appelé
la
contingence du
futur. "(1).
Cette
contingence
du
futur
est
liée
à
l'action
de
la
nature,
des
hommes
et
des
dieux.
Ainsi,
les
hasards
de
la
vie
sont
les
résultats
soit
de
la
manifestation
des
phénomène s
de
la
nature;
soit
des
a,g i s s e fi e n t s
des
h 0 mmes
"
pou s s é s
des
passions
qu'ils
ignorent
ou ne
contrôlent
pas"
(2)
ou
parce
qu'ils
abusent
de
leur
liberté;
soit
enfin
des
interventions
surnaturelles.
A la
suite
de
cette
définition
philosophique
et
générale
du
hasard
i l
faut
ajouter
toutes
les
variations
de
sens
que
ce
mot
prend
aujourd'hui
pour
désigner
les
probabilités
mathématiques
(jeux
de
dés/de
cartes/d'échecs,
loterie,
roue
de
la
fortune
tirage
au
sort
etc . . . )
et
les
considé-
rations
empiriques
pour
j u s t i f i e r
des
événements
concrets.
Dans
ce
dernier
cas
on
fait
abstraction
des
lois
rationnel-
les
ou
scientifiques.
On
attribue
le
hasard
ou
la
cQmcidenç_e=-
à
des
événements
que
l'on
ne
peut
pas
expliquer
ou
que
l'on
refuse
d'expliquer.
Le
hasard
ou
la
coîncidence
devien-
nent
alors
une
"
cause
fictive
de
ce
qui
arrive
sans
raison
apparente
ou
explicable~ souvent
personnifiée
au
même
titre
que
le
sort~
la
fortune~ etc ... "(3)
La
notion
de
cotncidence,
insiste
surtout
sur
l ' occurren-
ce
simultanée
de
plusieurs
événements.
Mais
comme
le
hasard,
la
coïncidence
ne
fait
pas
appel
à
la
causalité
rationnelle;
la
rencontre
de
plusieurs
événements
est
fortuite.
60
Le
hasard
ainsi
défini
ne
trouve
pas
Sa place
dans
le
monde
amadien;
i l
est
contraire
à
l ' e s p r i t
des
person-
nages
amadiens
qui,
eux,
ne
reconnaissent
que
la
loi
des
causes
parallèles.
Et
c'est
là
toute
la
problématique
de
l'oeuvre
amadienne.
L'attention
du
lecteur,
des
romans
amadiens,
est
attirée
par
le
nombre
de
petits
incidents
qui
se
produisent
et
les
rapports
qu'ils
entretiennent
entre
eux;
i l
Y
a
un
lien
causal
qui
les
unit.
Et
c'est
en
partant
de
là
qu'il
hésite
à
accepter
l'explication
par
le
hasard
ou
la
coînci-
dence.
Nier
l'existence
du
hasard
et
de
la
coincidence
c'est
admettre
une
sorte
de
détermininisme
des
événements
qui
surviennent
dans
l'oeuvre
amadienne.
Ce
déterminisme
est
ren-
forcé,
d'une
part,
par
l'imbrication
qu'il
y
a
entre
le
monde
des
vivants
et
celui
des
morts,
et
d'autre
part,
par
la
vision
anthropomorphique
de
l'univers
amadien
en
particulier
et
du
monde
africain
en
général.
Cet
anthropo-
morphisme
se
manifeste
par
le
fait
que
les
personnages
pr~tent des intentions et des sentiments à tous les éléments
physiques
et
métaphysiques
du
cosmos.
Ils
considèrent
tous
les
éléments
comme
des
êtres
"animés"
capables
de
mouvement,
de
pensée
et
d'action.
Et
c'est
ce
qui
va
amener
les
per-
sonnages
à
interpréter
les
différents
événements
qui
sur-
viennent
dans
leur
monde
en
essayant
de
trouver
un
lien
Je causalité entre eUX.Cette démarche les conduit à percevoir ou a admettre
. -..,-.~
des
prémonitions,
des
présages
et
des
augures
plutôt
que
61
des
incidents
dus
au
hasard
et
à
la coîncidence.
Dans
The
Concubine
des
interrogations
entourent
la
mort
des
différents
personnages.
Emenike
meurt
quelques
temps
après
son
combat
avec
Madume.
Le
lecteur
l'avait
quitté
presque
guéri
quand
d'une
manière
inattendue,
le
narrateur
présente
Ihuoma
en
train
de
rêver
sur
la
tombe
de
son
mari
au
début
du
chapitre
cinq.
I l
n'y
a
pas
consen-
sus
chez
les
personnages
quant
à
la
détermination
de
la
cause
exacte
de
la
mort
d'Emenike.
Ihuoma,
par
exemple,
veut
attribuer
une
cause
naturelle
à
cette
mort;
ce
qui
est
rejeté
par
sa
mère
comme
en
témoigne
le
passage
suivant:
'Kaka~
do
you
think
that
that
fight
caused
his
death?
Ihuoma
asked
in
undertone.
'What
else
caused
it?'
'I
thought
i t
was
"lock-chest"
'But
what
brought
about
the
lock-chest?'
, He
worked
too
ha rd
in
the
ra in . '
'Was
that
the
first
time
he
had
worked
under
the
rain
? No
my
child~ we know what happened
to
him.
Amadioha
will
k i l l
them
one
by
one.'
(4)
Ce
dialogue
entre
la
mère
et
sa
f i l l e
est
typique
de
la
démarche
de
l ' homme
Ibo
à
la
recherche
de
la
cauf!ali té;
démarche
qui
consiste
à
toujours
poser
des
questions
d'or-
dre
physique
et
métaphysique,
à
toujours
trouver
un
lien
de
causalité
entre
les
différents
incidents
et
événements
et
à
ne
jamais
rien
attribuer
au hasard
ou
à
la
colncidence.
A travers
ce
passage
nous
constatons
que
les
causes
parallè-
les
sont
admises
quelles
qu'elles
soient
et
interdisent
tout
choix
particulier
et
définitif.
Le
lecteur
entre
dans
le
jeu
des
personnages
et
se
deman-
de
pourquoi
Emenike
n'est
pas
mort
immédiatement
après
62
son
combat
avec
~1adume ?
Et
pourquoi
devait-il
mourir
après
avoir
donné
des
signes
de
guérison
comme
le
confirme
sa
femme,
Ihuoma: "1
am
so
happy
he
is
bette}'
nolù.
l
lùas
so
afraid
he might die
"
?
(p.ll)
Le
narrateur
va
multiplier
les
points
de
vue
sur
la
n'ature
de
la
mort
d' Emenike
si
bien
que
ce
qui
pourrai t
apparaître
comme
un
simple
hasard,
un
accident
fortuit,
devient
beaucoup
plus
complexe.
C'est
ainsi
qu'en
présentant
les
sentiments
intérieurs
de
Madume
le
narrateur
intensifie
le
caractère
mystérieux
de
la
mort
d'Emenike:
He
[MadumeJ
ne ver
could
feel
completely
free
from
blame
in
respect
of
Emenike's
death.
The
death
occured
after
he
had
~
rently
recovered
from
the
fight
but
there
was
no
doubt
that
the
fight
considerably
weakened
his
resistance
against
any
disease(5)
Les
mots
choisis
par
le
narrateur
laissent
toujours
planer
l'incertitude
quant
à
la
cause
exacte
des
événements.,
A
travers
ce
passage,
par
exemple,
i l
n'affirme
pas
qu
Emenike
était
complètement
guéri
lorsque
sa
mort
survint.
Il
nuance
ses
propos
en
disant
que
"The death
occured after
he
had apparently
recovered . . . ".
L'adverbe
"apparently"
que
nous
soulignons
ici
concourt
à
écarter
une
affirmation
définitive
de
la
cause
de
la
mort
d'Emenike.
D'ailleurs
la
certitude
exprimée
par
Madume
à
travers
la
dernière
phrase
du
passage
cité
est
vite
abandonnée
par
Madume,
lui-même,
qui
n'arrive
pas
à
comprendre
pourquoi
ce
combat
insignifiant
peut
entraîner
la mort
d'un
homme
comme
Emenike;
surtout
si
l'on
songe
que
ce
dernier
faisai t
partie
des
héros
de
son
village:
63
After
all
people
had
fought
in
the
past
without
being
killed
and
in
that
pa20 ticular
fight~
he
had
a
rougher
time
than
his
adver-
sary.
It
was
the
tree-stump
that
had
made
all
the
difference. (6)
Ces
questions
que
se
pose
Madume
n'indiquent-elles
pas
qu'il
faut
chercher
ailleurs
les
causes
de
la
mort
d'Emenike?
Et
Madume
de
conclure
en
donnant
l'explication
que
toute
mort
se
justifie
soit
par
une
faute
que
l'on
a
commise l
soit
par
le
fait
qu'on
a
négligé
de
subvenir
aux
besoins
ou
exigences
des
dieux
et
des
espri ts
des
anc~tres.
I l
y
a
donc
une
évolution
dans
la
recherche
de
causalité
qui
part
des
lois
naturelles
pour
aller
vers
les
lois
surnatu-
relIes:
In
any
case
people
did
not
Just
die
without
reason.
Invariably
they
died
either
because
they
had
done
something
wrong
or
because
they
had
neglected
to
minis ter
to
the
gods
or
to
the
spirits
of their
ances tors. (7)
Ainsi
les
causes
de
la
mort
d' Emenike
sont
multiples
et
aucune
ne
fait
l'unanimité
des
personnages
du
roman.
Mais
ce
qui
est
certain
c'est
qüe
les
pers'Onnages
n'attribuent
rien
au
hasard
ou
à
la
coIncidence.
La
plurali-
té
des
causes
ne
signifie
pas
l'absence
de
cause.
Ce
n'est
pas
parce
que
l'on
ne
peut
pas
choisir
entre
les
différentes
explications
qui
sont
proposées
que
l'on
doit
conclure
par
un
choix
arbitraire,
au
"hasard".
Cette
impossibilité
de
choisir
parmi
une
multitude
de
causes
crée
poür
le
lecteur une atmosphère
fantastique.
La
mort
d'Emenike
a
bel
et
bien
eu
lieu.
Cependant,
notre
attention
est
attirée
par
la
tendance~
qu'a
chaque
personnage
à
donner
son
interprétation
particulière
des
64
événements.
Ce
qu'il
faut
pourtant retenir c'est que toute cette
démarche
entre
dans
le
cadre
de
l'objectif
fixé
par
l'auteur
qui
est
de
donner
un
caractère
mystérieux
aux
événements.
Et, pour
ce
faire,
le
narrateur
met
tout
en
oeuvre
pour
rendre
plausible
la
thèse
de
l'intervention
du
"Sea-God"
dans
les
incidents
tragiques
du
roman.
Le
lecteur
a
du
mal
à
faire
la
part
des
choses
entre
les
différentes
interprétations
des
personnages
que
nous
livre
le
narrateur.
C'est
ainsi
que
dans
The
Concubine
i l
se
demande
si
le
crachat
du
cobra
au
moment
ou
Madume
monte
dans
l'arbre
est
une
simple
co~ncidence. Mais
une
série
de
questions
se
posent
au
lecteur
qui
commence
à
s'habituer
à
la
recherche
de
causalité
à
laquelle
se
livrent
les
personnages:
pourquoi
le
cobra
n ' a - t - i l
pas
craché
dans
les
yeux
d'Ihuoma
au
moment
Où
cette
dernière
cueillait
les
fruits
?
Est-ce
un
simple
hasard
si
Madume
est
victime
du
cobra
?
Le
lecteur
est
suffisamment
prévenu
pour
ne
pas
accepter
l'explication
de
cet
incident
par
le
simple
jeu
de
la
co~n
cidence
ou
du
hasard.
En
effet,
le
lecteur
soupçonne
que
quelques
forces
surnaturelles
sont
à
la
poursuite
de
Madume,
comme
des
épisodes
précédents
le
font
penser.
D'abord
Madume,
après
s'être
heurté
le
pied
contre
une
houe
à
moi tié
enfouie
dans
la
cour
d'Emenike,
s'est
vu
signifier
par
le
"dibia"
que
ce
n'était
pas
un
accident
ordinaire:
plusieurs
esprits
ont
juré
de
le
tuer
à
un
moment
ou
à
un
autre.
65
Ensuite
d'autres
petits
incidents
tels
que
le
rêve
prémo-
nitoire
d'Ekwueme
après
la
mort
d'Emenike
et
la
vision
par
ce
dernier
de
sa
propre
mort
dans
le
sanctuaire
d'Ama-
dioha
laissent
apparaître
que
l'univers
d eS
p ers 0 n n age s
est
régi
par
des
forces
invisibles
qui
font
q ' i l
n'y
a
pas
de
hasard
ou
de
coïncidence.
Enfin
la
révélation
par
le
"medicine-man"
de
l'apparte-
nance
d'Ihuoma
au
monde
surnaturel
porte
au
plus
haut
niveau
l'atmosphère
fantastique
du
roman
et
élimine
de
ce
fait
toute
réduction
des
événements
à
des
causes
naturelles:
rationnelles
ou
scientifiques.
Comme
nous
pouvons
le
constater
les
romans
amadiens
/
sODt
construits
de
manière
à
susciter
une
réaction du
lecteur
et
à
remettre
en
cause
les
critiques
traditionnelle-
ment
émises
sur
les
sociétés
traditionnelles
africaines;
critiques
qui
qualifiaient
la
pensée
de
ces
sociétés
de
prélogique
ou
d'alogique
(8).
Amadi
parvient
à
démontrer
que
la
société
traditionnelle,
sa
société
tradi tionnelle
a
une
logique
qui
n'est
différente
de
la
n6tre
que
parce
que
nous
sommes
incapables
de
la
vivre.
Le
monde
tradition-
nel
tel
qu'il
est
présenté
dans
ses
romans
se
suffit
à
lui-même
grâce
à
ses
propres
lois
et
à
ses
différentes
représentations.
Dans
les
deux
autres
romans
d'Amadi,
The
Great Ponds et
The
Slave
les
mêmes
questions
se
posent
quant
à
l'exis-
tence
du
hasard
et
de
la
coïncidence.
66
De
The
Great
Ponds
nous
pouvons
retenir
trois
exemples
qui
suscltent
un
débat
autour
des
notions
de
hasard
et
de
coïncidence.
Le
premier
exemple
est
le
cas
du
fils
du
patriarche
,Okehi
capturant
deux
oiseaux
bien
portants.
Etait-ce
un
fait
du
hasard,
une
simple
co'fncidence
?
L'incongruité
de
l'incident
interpelle
le
lecteur.
En
effet,
l'attention
du
lecteur
est
attirée
par
le
fait
qu'un
petit
enfant
puisse
attraper
des
oiseaux
bien
portants.
Le
lecteur
n'est
d'ail-
leu r s p a s
é ton n é
de
v 0 i r I e
pat ria r ch e
s'inquiéter
de
cet
incident
et
se
rendre
chez
le
"medicine
man"
pour
décou-
vrir
le
véritable
message
de
la
capture
des
deux
oiseaux:
ee sont des messagers du Dieu de la Terre, Ali.
Nous
n' en-
trerons
pas
dans
les
détails
mais
nous
pouvons
remarquer
que
les
de u x
0 i se a u x
san s
dé f e n s e s y mbol iZ cot les
de u x
f e mm e s
de
Chiolu qui
ont
été
prises
en
otages.
Ce
sont
des
innocen-
tes
sans
défense
comme
le
confirmera
plus
tard
la
divination
du
"medicine
man".
Le
second
exemple
concerne
la
maladie
de
Wago
après
son
combat
avec
Igwu,
le
"dibia".
Les
personnages
du
roman
soutiennent
que
Wago
est
malade
parce
qu
IIgwu
lui
aurait
jeté
un
sort
pour
se
venger
de
l'arrogance
de
celui-ci.
Mais
ce
dernier
nie
toute
intervention
d'Igwu
et
parle
d'un
concours
de
circonstances.
Cependant,
si
nous
nous
conformons
à
la
logique
des
personnages
de
The
Great
Ponds,
nous
nous
demandons
pourquoi
Wago
n'es t
pas
tombé
malade
avant
la
bagarre
?
67
Et
pourquoi
devrait-il
l't'!tre
après
que
le
"medicine
man"
eut clamé haut et fort que Wago risquait sa vie en se bat-
tant
avec
lui
?
Enfin
pourquoi
a - t - i l
fallu
le
pardon
et
l'intervention
du
"dibia"
pour
que
Wago
recouvre
la
santé?
Nous
sommes
dans
un
domaine
magique.
Enfin,
à
un
niveau
beaucoup
plus
large,
la
structure
narrative
de
The
Great
Ponds
donne
à
réféchir
sur
les
no-
tions
de
hasard
et
de
coincidence,
en
ce
qui
concerne
l ' i r -
ruption
de
l'épidémie
de
"wonj 0"
pendant
la
guerre enhe. Chio\\u
et
Aliakoro.
Pour
les
personnages
"wonjo"
serait
une
inter-
vention
directe
du
Dieu
de
la
Nui t ,
Ogbunabali,
dans
la
guerre
qui
oppose
les
deux
villages.
Mais
le
narrateur,
par
intrusion,
révèle
à
la
fin
du
roman
que
l'épidémie
n ' est
QU' une pur e
co ï n cid en ce:
i l s 1 agi t
de
la
grippe
espa-
gnole
qui
a
fait
des
ravages
dans
le
monde
en
1918.
Jl1ais
le
narrateur
n'en
s a i t - i l
pas
trop
par
rapport
à
ses
person-
nages?
Quel
est
son
j e u ?
Nous
avons
déjà
souligné,
dans
l'introduction,
que
l'intrusion
du
narrateur
dans
les
der-
nières
lignes
du
roman
ne
résolvait
en
rien
l'énigme
posée
au
départ
sur
le
véritable
propriétaire
du
marécage
de
Wa g a b a.
~e
d é bat
r est e
t 0 u j 0 urs
0 uv e r t
sur
l a
n a tu r e
e t
les
causes
exactes
de
l'épidémie
de
"wonjo".
Est-ce
une
simple
coïncidence;
ou
est-ce
une
manifestation
réelle
d'Ogbunabali,
comme
se
le
demande
Niyi
OSundare
?
. . . "wonjo"
through
its
killing
power
has
elbowed
out
Ogbunabali
and
deified
i t s e l f
as
the
god
of
the
moment.
[ . . . J
"wonjo"
i s
no t
br 0 u 9 h t
b Y
0 9 bu n a bal i ;
1/ won j 0 "
s tri de s
68
in
to
rival
the
god
of
night,
to
'outgod'
him.
I f
"wonjo"
is
punishment
on
Aliakoro
for
tampering
with
the
oa th,
then
why
are
the
other
villages
unconnected
with
the
pond dispute
affected
? "
(9)
Cette
dernière
question
que
se
pose
0Sundare,
nous
nous
la
posons
aussi
et
nous
ne
pouvons
pas
nous
empêcher
de
remarquer
d'autres
contradictions
et
paradoxes
en
ce
qui
concerne
l'épidémie
et
la
responsabilité
des
dieux
dans
l'arbitrage
du
conflit:
Si
Ogbunabali
est
si
puissant,
pourquoi
r e s t e - t - i l
silen-
cieux
et
inactif
devant
les
basses
manoeuvres
des
hommes
d'Aliakoro
pour
précipiter
la
mort
d'Olumba;
alors
que
les
clauses
du
contrat
entre
Aliakoro
et
Chiolu
devant
le
Dieu
de
la
Nuit
exigent
de
ce
dernier
qu'il
intervienne
pour
éliminer
par
n'importe
quel
moyen
toute
autre
personne
qui
t e n ter ait
d e
p 0 rte r a t t e i n te
à
l a s écu r i t é d ' 0 l u mb a .
Ce
n'est
pourtant
pas
ce
que
nous
observons
dans
la
réalité
des
faits.
Devant
une
telle
situation
le
lecteur
doit-il
se
ré-
signer
à
cette
phrase
quasi
évangélique
des
personnages
d'Amadi
qui
clament
sans
cesse
que
"les
dieux
n'agissent
pas
comme
les
hommes"
?
Faut-il
tout
attribuer
au
hasard
et
à
la
co·incidence
chaque
fois
que
nous
ne
pouvons
pas
décider
de
la
cause
réelle
d'un
événement
?
Nous
ne
le
pensons
pas.
En
effet,
ce
qui
apparaît
comme
étant
simple
co"incidence
n'est
en
réalité
que
la
manifestation'
d'une
force
invisible,
la
justification
d'un
autre
type
de
causa-
l i t é :
magico-religieuse
ou
"mystique"
pour
reprendre
les
69
termes
de
~1eyer
Fortes
(10).
Ce
type
de
causalité
ne
peut
être
compris
que
dans
son
contexte
car
i l
marque
une
diffé-
rence
avec
la
notion
de
causalité
rationnelle
et
scientifi-
que
ou
comme
l ' é c r i t
Placide
Tempels
à
propos
des
Bantu:
" we
understand
causa l i t y
in
terms
of our
static metaphysics,
the
Bantu
in
terms
of
their
philosophy
of forces". (11)
Dans
le
contexte
donc
du
monde
amadien
nous
sommes
en
présence
d'une
autre
causalité
et
c'est
ainsi
que
dans
The
Concubine
le
crachat
du
cobra
dans
les
yeux
de
Madume
n'est
plus
une
coïncidence;
de
même
que
la
flêche
de
Nwoma
décochée
par
le
"S ea -God"
n'est
qu'un
moyen
d ' u t i l i s e r
u n i n ter mé dia ire
pou r
s e
dé bar ras s e r d ' Ek.w u e me.
D e l a
mê me
façon
nous
pouvons
dire
que
le
"S ea -God"
s ' e s t
servi
de
Madume
pour
provoquer
la
mort
d' Emenike,
et
du
cobra
pour
rendre
Hadume
aveugle
et
le
conduire
au
suicide.
Par
cible
interposée
le
Sea-God
arrive
à
tromper
la
clairvoyance
des
personnages;
ceci
a
pour
conséquence
de
semer
le
doute
et
l'hésitation
chez
le
lecteur.
La
succession
des
incidents
e t
l e
lie n
de
cau s al i t é s 0 u s - j ace n t
qui
les
uni t donnent
une
atmosphère
mystérieuse
à
The
Concubine
et
nous
font
réfuter
les
notions
de
hasard
et
de
coïncidence
dans
le
roman.
Il
en
est
de
même
des
deux
autres
romans
d'Amadi.
D'ailleurs,
dans
l'oeuvre
amadienne
i l
y
a
d'autres
éléments
tels
que
les
prémonitions,
les
présages,
la
fatalité
qui
sont
là
pour
nier
la
coïncidence
et
le
hasard.
C'est
à
travers
l'hésitation
et
une
remise
en
cause
70
p e r man e n t e
des
é v é ne men t s p a r
des
dé bat s
par a d 0 x a u x
e t c 0 n _
tradictoires
des
personnages
et
par
l'intrusion
occasiomelle
du
narrateur
que
le
lecteur
des
romans
amadiens
se
trouve
impliqué
dans
le
texte
et
voudrait
bien
voir
plus
clair
dans
les
différents
événements
et
incidents;
mais
i l
n'a
pas
la
capacité
de
le
faire
en
raison
de
la
complexité
des
choses.
~e lecteur est influencé par la structure narra-
tive
d'Amadi
qui
s'appuie
sur la caractÉ::ristiqùe de la dpmarche
dialectique
où
une
chose
et
son
contraire
coexistent
sans
s'annuler.
Cette
démarche
est
propre
au
fantastique
qui
veut
aussi
que
le
réel
soit
toujours
autre
chose
que
ce
qu'il
est
dans
la
réalité
première.
Nous
concluerons
ce
chapitre
par
cette
remarque
très
pertinente
de
Schneider
qui
résume
une
t e l l e
démarche:
Celui
qui
croit
à
la
providence
ignore
l 'incertitude~
celui
qui
dit
"hasard~ simple
co'incidence"
et
passe
outre
se
débarrasse
aisément
des
problèmes
qui
obsèdent
les
autres~
celui
qui
diagnostique
la
folie
se
contente
d'une
explication
matérialiste;
mais
celui
qui
hésite
entre
les
différentes
opinions~ les accepte toutes à la fois pour
douter
de
chacune
en
particulier~ s 'agite~
se
tourmente~ ne tient pas en place~ remet
tout
indéfiniment
en
question~ conçoit plu-
tôt
le
sacré que
la
religion~ et les puissan-
ces
mystérieuses
que
les
données
de
la raison~
celui-ci est doué
de
"l'humeur
fantastique ".
U 2 )
71
II - PREMONITIONS, PRESAGES ET AUGURES.
Des
incidents
et
des
phénomènes
tels
que
cris
d'oiseaux,
apparition
de
certains
animaux,
manifestations
météorologi-
ques
et
astrales
vents,
pluies,
arc-en-ciel,
éclipse
de
lune
ou
de
soleil . . . ,
rêves J attirent
l'attention
des
personnages
et
suscitent
une
interrogation
chez
le
lecteur.
~1ais
contrairement
au
hasard
ou
à
la
coïncidence, les
prémonitions
le!')
présages
et
les
augures
ne
constituent
pas
à
proprement
parler
des
éléments
de
recherche
de
la
causalité;
i15 ne
justifient
ni
n'expliquent
a
priori
les
événements.
En
effet,
ces
éléments
ne
sont
interprétés
.:..
qu'après
coup,
c'est-à-dire
après
que
l'événement
Ul L
eu
lieu
et
que
l ' e f f e t
se
soit
produit.
Ce
ne
sont
que
des
signes,
des
avertissements.
Cependant
les
prémonitions,
les
présages
et
les
augures
tiennent
une
place
de
choix
dans
l'oeuvre
amadienne.
Ces
événements
qui
à
première
vue
sont
insignifiants
pour
le
lecteur,
deviennent
des
éléments
très
importants
par
la
suite
à
cause
de
leur
répétition,
de
leur
fréquence
et
surtout
des
conséquences
qui
en
découlent.
C'est
aussi
les
liens
qui
existent,
après
coup,
entre
ces
différents
incidents
qui
font
que
l'on
passe
d'un
état
de
pure
banalité
à
un
état
de
représentations,
de
signification
très
impor-
tant.
Dans
une
étude
sur
le
premier
roman
d'Amadi,
The
Concubi-
Eustace
Palmer(l)
se
posait
déjà
des
questions
sur
la
nature
des
incidents
et
se
demandait
si
The
Concubine
72
é t a i t
un
roman
épisodique
où
les
incidents
n'avaient
aucun
rapport
entre
eux,
ou
bien
si
les
incidents
obéissaient
à
une
structure
d'ensemble
beaucoup
plus
large
s' i l
Y
avait
un
lien
entre
eux
établissant
une
certaine
cohésion
et
cohérence
de
l'oeuvre.
Au.delà
de
ces
questions
structurelles
nous
nous
intéres-
sons
i c i ,
particulièrement
à
l ' é t a t
d'esprit
qui
f a i t
Qu'un
personnage
considère
un
incident
comme
étant
une
prémonition,
un
présage
ou
un
augure.
En
quoi
le
lecteur
souscrit-il
à
une
telle
considération?
Et
quel
est
l'impact
de
ces
incidents
dans
les
romans
ama-
diens
l ' e f f e t
produit
?
~1ais
avant
de
répondre
il
ces
questions
i l
faut
définir
ces
différentes
notions.
Nous
n'entrerons
pas
dans
les
détails
mais
nous
pouvons
dire
que
ces
différentes
notions
sont
proches
sur
le
plan
de
la
forme
et
que
c ' e s t
au
niveau
du
contenu
qu'il
y
a
des
distinctions
à
faire.
Toutes
sont
des
signes
avant-
coureurs d'un
événement
et
c ' e s t
leur
aboutissement
en
bien
ou
en
mal
qui
fait
la
différence.
Ainsi
la
prémonition
est
une
sorte
de
pïeS sen t i men t ,
d'intuition
qui
montre
qu'un
événement
plutôt
malheureux
va
se
produire.
Dans
The
Concubine
la
première
prémonition
est
sans
doute
la
1
vision
d'Emenike
de
sa
propre
mort:
He
gazed
at
the
priest
and
immediat~y regret-
ted
that
he
had
done
sa,
for
in
the
priest's
face
he
read
mi~d reproach,
pit y,
awe,
power,
wisdom,
love,
~ife,
and
yes,
he
was
sure
-
death
(2)
Le
narrateur
soulève
un
point
essentiel
qui
est
la
possi-
73
bilité
donnée
aux
personnages
de
voir
plusieurs
choses
dans
le
réel
selon
l ' é t a t
d'esprit
de
chacun.
Ici
le
narra-
teur
présente
une
série
de
sentiments
ou
d'intuitions
qu'
Emenike
a
éprouvés
en
regardant
dans
les
yeux
de
Nwokekoro,
le
prêtre
du
sanctuaire
d'Amadioha.
Emenike
procède
à
l ' é l i -
mination
des
différents
sentiments
pour
ne
garder
finalement
que
celui
de
la
mort.
Et ,
comme
le
souligne
Jung-l'intuition
,
"nous
présente
subitement
un
contenu
sous
forme
définitive
sans
que
nous
soyons
en
état
de
dire
ou
de
comprendre
com-
ment
i l
s'est
constitué;
c'est
une
sorte
d'appréhension
instinctive de
n'importe
quel
contenu."
(3)
Mais
plus
que
produit
de
l ' i n s t i n c t ,
la
prémonition
est
aussi
le
fruit
de
la
culture;
c'est_à_dire
que
l'indivi-
du
est
conditionné
par
son
environnement
et
i l
attache
une
importance
et
une
attention
aux
éléments
que
son
univers
culturel
a
dotés
de
significations.
Les
termes
"présage"
,e t
"augure"
sont
des
synonymes
qui
désignent
des
signes
à
travers
lesquels
on
juge
de
l'avenir.
Le
présage
et
l'augure
diffèrent
légèrement
de
la
prémonition
selon
la
nature
de
l'événement
annoncé:
i l
peut
s'agir
d'un
événement
positif
ou
négatif;
alors
que
la
prémonition
indique
très
généralement
un
malheur
à
venir.
Mais
ces
différentes
notions
que
nous
venons
de
voir
ne
fonctionnent
que
comme
des
avertissements
et
cela
après
coup.
Si
Emenike
en
percevant
sa
propre
mort
dans
le
sanctu-
aire
ne
mourrait
pas
"effectivement"
par
la
suite,
sa
vision
74
prémonitoire
n'existerait
pas
et
n'aurait
aucun
effet
l i t t é -
raire
sur
le
lecteur.
C'est
souvent
le
cas
dans
la
vie
courante
où
l'homme
réalise
après
coup
le
lien
qui
a
pu
exister
entre
deux
événements
qui
à
première
vue
étaient
sans
aucun
rapport.
C'est
aussi
quand
le
lecteur
découvre
qu'il
y
a
un
lien
unissant
les
différents
incidents
qu'il
devient
un
sujet
conditionné
qui
commence
à
hésiter
entre
le
rationnel
et
l'irrationnel,
le
naturel
et
le
surnaturel.
l l
Y
a
lie u
d 1 i n s nt e r s u r l e
fa i t
que
les
pré mon i t ion s J
les
présages
et
les
augures
ne
constituent
pas
les
causes
des
événements;
i l s
ne
constituent
pas
un
type
de
causalité
mais
des
moyens
rétroactifs
pour
comprendre
et
expliquer
les
événements.
C'est
une
phase
empirique
sans
théorie,
ni
loi;
mais
d'observation
et
d'expérience.
A - Rapport entre la cause et l'effet.
Les
personnages
amadiens,
disions-nous,
sont
toujours
à
la
recherche
d'une
harmonie
dans
leur
monde.
Cette
recher-
che
les
amène
à
observer
minutieusement
tout
ce
qui
les
entoure.
Ce
qui
importe
donc
aux
personnages
amadiens
ce
n'est
vpas
qu'il
y
ait
un
rapport
entre
la
cause
et
l ' e f f e t
mais
plutôt
qu'il
y
ait
une
sorte
de
troisième
voie
qui
annonce
qu'un
événement
dont
i l s
ne
connaissent
ni
la
cause
ni
les
conséquences,
est
susceptible
de
se
produire.
Cette
troisième
voie
c'est
ce
que
nous
appelons-
la
prémonition,
l'augure
ou
le
présage.
Ces
notions
se
préci-
sent
et
attirent
l'attention
du
lecteur
par
leur
fréquence
75
et
aussi
par
le
fait
que
de
petits
incidents
sont
suivis
de
graves
conséquences;
ces
incidents
en
apparence
isolés,
épisodiques,
sont
reliés
entre
eux.
Lorsque
Emenike
est
souffrant
après
son
combat
avec
Madume,
i l
est
entouré
des
membres
de
sa
famille
ainsi
que
du
"medicine
man".
A
un
moment
donné
le
cri
lugubre
du
hibou
se
fait
entendre
et
attire
l'attention
des
person-
nages
qui
se
regardent
sans
rien
dire;
mais
leur
regard
est
plus
parlant
que
leurs
voix,
et
le
narrateur,
de
façon
"intrusive",
informe
le
lecteur
de
la
signification
d'un
tel
cri
de
hibou:
For
some
time
there
was
a
disturbing
silence.
Then
Emenike
coughed.
As
i f
in
answer
an
owl
hard
by
gave
vent
to
a
long,
eerie
hoot.
The
sound
died
in
a
hair
raising
diminuendo.
the
medecine man
bowed his
head.Nnadi
exchan-
ged
glances
with
other members
of the
family.
Clearly
all
was
not
well. (4)
L'atmosphère
créée
est
pesante, voire
terrifiante
à
cause
de
la
description
saisissante
du
narrateur
qui
ne
peut
pas
laisser
le
lecteur
indifférent:
des
expressions
comme
"long,
eerie
hoot",
"hair
raising
diminuendo"
font
frisson-
ne r I e
l e c t e u r e t
l ' am è n ellt à
par t age r I ' é mot i q n __ des
p ers 0 n -
nages;
le
cri
du
hi bou
n'est
pas
innocent,
i l
est
lourd
de
sens.
Plus
tard
d'autres
incidents
vont
amener
le
lecteur
à
se
poser
des
questions
sur
leur
signification
exacte.
c'est
par
exemple
la
vision
par
Emenike
de
sa
propre
mort
dans
les
yeux
de
Nwokekoro
comme
nous
l'évoquions
plus
haut.
Le
r4gard
revêt
une
très
grande
importance
pour
les
76
personnages
amadiens:
Emenike
a
lu
son
malheur
dans
les
yeux
du
pr~tre tandis que Nnadi communique sa pensée aux
autres
membres
de
la
famille
par
de
simples
clins
d'oeil.
On
pense
que
certaines
personnes
ont
le
pouvoir
de
lire
dans
la
conscience
des
autres
et
de
voir
au-delà
du
visible;
,..
i l
s'agit
entre
autres
des
"medicine
men",
des
pr!tres,
des
visionnaires,
etc . . .
Le
regard
exprime
toujours
quelque-
chose:
une
angoisse,
une
peur,
un
défi,
un
désir,
une
inter-
rogation,
une
accusation,
une
séduction
et
bien
d'autres
sentiments;
Bachelard en
tire
une
loi
du
regard.(S)
Dans
The
Concubine,
pendant
la
scène
de
la
découverte
d'Ekwueme
dans
l'arbre,
le
regard
du
"dibia"
a
une
valeur
thérapeutique;
Anyika
doit
hypnotiser
Ekwueme
par
le
regard
afin
de
pouvoir
lui
administrer
les
médicaments:
The
medicine
man
tY'ied
to
fix
Ekwueme
with
his
eyes
and
get
him
to
staY'e
back
at
him~
but
he
couldn't.
'Ekwe ~
face
me ~'
he
sa id .
Ekwueme
faced
him
with
full
eyes
dY'ained
of most
of theiY'
intelligence.
, You
wi l l
take
this
medicine
now'~
Anyika
said slowly
and distinctly.(P'6)
En
fonction
de
l ' é t a t
psychologique
des
personnages,
chacun
peut
voir
autrement
le
réel.
Aussi
un
événement
qui
peut
sembler
banal
à
un
personnage
donné,
peut
~tre
perçu
autrement
par
un
autre.
Pour
revenir
au
regard
d'Emenike
nous
dirons
qu'il
avait
valeur
de
prémonition.
En
effet,
quand
le
lecteur
apprend
au
chapitre
cinq
qu'Emenike
est
mort,
i l
fait
un
rapproche-
ment
entre
les
cris
du
hibou,
la
vision
de
la
mort
dans
les
yeux
du
pr~tre et la véritable mort. Ce qui apparaissait
77
comme
d e s i mpl e s
co°i n cid e n ces
de vie n t
a
po sté rio ri
prémonitions,
augures
ou
présages.
Le
lecteur
se
trouve
dans
une
situation
privilégiée
qui
lui
permet
de
faire
une
corrélation
entre
les
différents
événements.
Il
faut
souligner
que
The
Concubine
dans
son
ensemble
est
construit
sur
le
mécanisme
de
la
prémonition
ou
de
l'augure.
En
eff.et
ce
n'est
que
vers
la
fin
que
l '
explication
est
donnée
à
des
événements
qui
se
sont
produits
antérieurement:
c'étaient
des
événements
"prémonitoires"
qui
devraient
concourir
à
expliquer
la
fin
tragique
d'Ekwueme.
L'effet
produit
est
sans
doute
cette
atmosphère
de
mystè-
re,
de
fatalité
dans
laquelle
baigne
toute
l'oeuvre:
l'invi-
sible
ne
se
donne
à
voir
qu'après
avoir
frappé.
Les
person-
nages
se
trouvent
dans
une situation
d'impuissance.
Ils
sont
soumis
à
un
destitl
orchestré
par
des
agents
surnatu-
rels.
Dan s
The
Gre a t
Po n d s,
l a c a p t ure
des
rilieu'X
0 i s eau x
b i e n
portants
par
un
tout
petit
enfant
n'est
pas
un
événement
banal.
Et,
comme
pour
donner
de
l'importance
à
cet
événement,
le
narrateur
s'y
attarde
en
décrivant
comment
l'enfant
va
attraper
les
deux
oiseaux.
En
insistant
sur
la
bonne
santé
des
oiseaux
et
l'âge
de
l'enfant,
le
narrateur
a
le
souci
d'attirer
l'attention
du
lecteur
et
de
lui
dire
qu' i l
y
a
que l que
ch 0 s e
d' an 0 r mal,
de
b i z arr e.
JJe
le ct e ur
peut
donc
s'imaginer
aisément
l'ambiguïté
de
la
situation:
des
oiseaux
bien
portants
qui
se
laissent
capturer
sans
78
trop
se
défendre
par
un
enfant.
Pour
le
père
de
ce
dernier
i l
n'y
a
aucun
doute:
les
deux
oiseaux
sont
un
mauvais
présage
comme
le
souligne
le
narrateur:
He
noticed
however
that
two
particular
birds
did
not
attempt
to
fly
off.
He
hurled
stones
at
them again.
They
did
not
budge . . . This
was
a
terrible
omen.
(6)
Le
choix
des
mots
du
narrateur
est
très
important
dans
la
description
du
caractère
mystérieux
des
deux
oiseaux:
i l
s'agit
de
deux
oiseaux
particuliers
qui
ne
font
aucune
tentative
pour
s'enfuir
malgré
les
pierres
qui
leur
sont
jetées
encore
et
encore,
ils
ne
reculent
pas
d'un
centimètre;
conclusion:
i l
s'agit
d'un
augure.
Pour
en
savoir
plus
sur
la
nature
et
la
signification
du
pré s age,
Eze
0 k e hi
va
con sul ter
l e " me d ici ne
man"
e t
celui-ci
aboutit
à
cette
conclusion:
Those
women
you
kidnapped
from
Chio lu
must
be
returned.
One
of
them
is
pregnant
and
the
god
of
the
earth
as
you
know
does
not
tolerate
violence
against
any
woman
with
a
child. (7)
Mais
cette
révélation
arrive
a
posteriori
et
ne
peut
pas
permettre
aux
coupables
d'éviter
d'être
frappés
par
le
Dieu
de
la
Terre.
Si
les
signes
avaient
été
explicites
avant
que
les
deux
femmes
ne
soient
capturées
et
vendues
en
esclavage
alors
la
révélation
du
"medicine
man"
aurait
une
valeur
préventive;
mais
ce
n'est
pas
le
cas.
L'oeuvre
amadienne
est
ainsi
parsemée
de
petits
incidents
et
tout
ceci
crée
une
atmosphère
de
mystère,
de
peur
et
d • an go i s s e p 0 u r l e s
p ers 0 n n age s.
Le
l e c t e ur
n' é cha p p e p a s
à
cette
atmosphère
car
les
choses
sont
présentées
de
façon
79
convaincante
et
avec
beaucoup
de
réalisme.
biais
une
fois
de
plus
i l
y
a
lieu
de
signaler
que
les
prémoni tions,
les
présages
et
les
augures
sont
beaucoup
plus
apparents
pour
le
lecteur
qui
est
situé
hors
des
événements
et
qui
a
une
vision
d'ensemble
de
l'oeuvre.
Tous
les
incidents
sont
reliés
entre
eux
quand
on
les
examine
globalement;
tout
se
tient
et
rien
n'est
laissé
au hasard.
C'est
ce
qui
explique
pourquoi
Madume
ne
considè-
re
pas
l'accident
qu'il
a
eu
chez
Em ..... enike,
le
défunt,
comme
un
accident
banal.
Il
essaie
de
tisser
un
lien
de
causalité
entre
le
lieu,
le
moment
et
la
victime
de
l'acci-
dent:
He
glanced
at
the
center
of
the
compound
and
saw
Emenike's
grave.
Then
involuntarily
he
looked
down
at
the
bleeding
toe.
A
vague
fear
come
over
him and
he
shivered. (8)
De
nouveau, nous
retrouvons
le
thème
d'u
reKard
comme
pour
le
cas
d'Emenike
dans
le
sanctuaire
et
celui
de
Nnadi
après
le
cri
du
hibou.
le
regard/l'oeil
apparaît
comme
une
sorte
de
prisme
à
travers
lequel
le
réel
est
transformé
et
où
chaque
personnage
ne
voi t
que
ce
qu'il
a
envie
de
voir
selon
son
état
psychologique.
Dans
le
présent
passage
c'est
le
mouvement
du
regard
de
Madume
de
la
tombe
d'Emenike
vers
son
orteil
qui
saigne,
qui
suscite
sans
doute
en
lui
ce
sentiment
de
peur
qui
l'amène
à
trembler.
Nous
voyons
encore
ici
comment
se
forme
le
sentiment
i n t u i t i f
dont
parlait
Jung
et
que
nous
signalions
plus
haut;
le
narrateur
insiste
bien
là-dessus
quand
i l
rapporte
ceci:"
Then
invo-
luntari ly
he
looked
down
at
the
bleeding
toe.
A
vague
fear
80
come
over
him and
he
shivered .. "
....
Le
lecteur
est
traversé
par
la
me me
peur
et
i l
se
met
en
situation
pour
se
demander
et
s'imaginer
ce
qui
peut
bien
se
passer
dans
la
tête
de
Madume
à
ce
moment
précis:
Madume
a - t - i l
pensé
au
combat
qu'il
a
eu
avec
Emenike
et
à
la
mort
de
ce
dernier
?
5.e
sent-il
responsable
de
cette
mort?
Il
Y
a
bien
d'autres
questions
que
le
lecteur
se
pose
concernant
les
comportements
des
personnages
devant
certains
incidents.
Nous
pouvons
comprendre
de
tels
comportements
en
essayant
de
faire
un
rapprochement
entre
la
vision
ou
l'intuition
des
personnages
a./madiens
et
la
notion
de
causalité
chez
les
Azandé,
telle
qu'elle
est
décrite
par
Evans-Pritchard
(9).
Tout
s'explique,
et
c'est
ce
qui
conduit
Madume
à
consulter
Anyika,
le
devin-guérisseur
pour
découvrir
le
message
caché
la
cause
de
son
"accident".
Et
voilà
l'interprétation
à
laquelle
aboutit
Anyika:
' .. . Unknown
spiY'its~
some
of
them
[rom
the
sea~
teamed
up
to
destroy
you.
Let
me
see;
oh
yes~
Emenike's
father
was
among
them.'
, ~/hat
is
their
grievance
?'
Madume
queY'ied
timidly.
'They
don't
want
you
to
have
anything
to
do
wi th
rh uoma.
The y
have
been on
the
loo kou t
for
you.
So
far
they
have
been
unable
to
enter
your
compound
because
of
the
talisman
you
buried at
the
entY'ance. ' (l0)
Lorsque
plus
loin
Madume
reçoit
le
crachat
du
cobra
dans
les
yeux,
pour
le
lecteur
qui
a
suivi
les
événements
jusqu'ici
et
qui
en
sait
plus
que
les
personnages,
i l
n'y
a
aucun
doute
que
le
crachat
est
une
punition,
un
augure
81
annonçant
la
détermination
des
forces
surnaturelles
à
venger
Ihuoma
de
l'agression
de
Madume·
Mais
cette
certitude
du
lecteur
sera
de
courte
durée
car
d'autres
événements
ultérieurs
vont
l'amener
à
s'interroger
sur
la
véritable
nature
des
choses:
i l
y
a
un
processus
continu
de
rétention
de
l'information
par
le
narrateur
dans
le
but
de
rendre
les
choses
moins
évidentes
pour-le
lecteur.
De
pl us,
le
fai t
qu'/ Anyika
refuse
de
soigner
Madume
de
peur
d'~tre à
son
tour
victime
des
forces
surnaturelles,
renforce
le
pressentiment
du
lecteur
sur
la
participation
de
l'invisible
dans
la
vie
des
personnages:
This
thing
is
obviously
the
act
of
god,
probably
a
very
powerful
god
r-... l Several
spirits
are
involved
there', - hë
said,'I
dare
not
treat
your
husband
until
the
gods
have
been appeased with a
suitable
sacrifice. J
(11 )
Quelques
jours
après,
Madume
perd
la
vue;
la
vie
devient
insupportable
pour
lui
et
i l
se
suicide.
Mais
le
lecteur
s'interroge
sur
la
raison
de
ce
suicide:
est-ce
l'acte
délibéré
de
Madume
ou
est-ce
L'action
des
forces
invi-
-"", .>-
sibles
?
Bien
avant
son
suicide 1
de
multiples
incidents
parsemés
tout
au
long
du
récit
font
que
Madume
n'apparaît
pas
comme
un
~tre
foncièrement
mauvais
à
la
solde
des
puissances
du
mal.
Au
contraire
l'auteur
varie
autant
que
possible
les
points
de
vue
des
personnages
et
juxtapose
des
faits
contradictoires
ou
opposés,
qui
font
que
le
mystère
demeure
82
jusqu'à
la
fin
du
roman:
devenu
aveugle
~1adume n'a
plus
d'autorité,
sa
femme
devient
"l'homme"
de
la
maison;
i l
n'a
pas
d'héritier
et
ne
peut
pas
non
plus
épouser
une
secondefemme
dans
l'espoir
d'en
avoir
un.
Madume
n'a
plus
sa
place
dans
la
société
des
hommes;
autant
de
raisons
qui
font
que
le
lecteur
hésite
sur
les
mobiles
exacts
de
son
suicide.
Le
lecteur
peut
ainsi
trouver
une
explication
à
la
fois
socHne.
et
surnaturelle
à
la
mort
de
Madume . . Dans
les
deux
cas
de
figure
i l
y
a
une
certaine
cohérence
et
cohésion
des
faits.
c'est
surtout
la
répétition
des
incidents
et
les
liens
qui
existent
entre
eux
qui
créent
une
atmosphère
fantastique
et
qui
conditionnent
le
lecteur
et
l'amènent
à
hésiter
devant
l'interprétation
des
différents
événements.
B - L'animisme cosmique et le fantastique
De
l'analyse
qui
précède
i l
ressort
qu'une
attention
particulière
est
accordée
à
tous
les
éléments
du
cosmos.
Le
personnage
amadien
qui
cherche
à
vivre
en
harmonie
avec
tous
les
éléments
de
l'univers,
veille
à
ce
que
rien
ne
lui
échappe.
Ch.àque
élément
du
cosmos
a
un
double
aspect:
celui
de
l'animé
et
celui
de
l'inanimé.
Une
pierre,
un
arbre,
un
oiseau,
une
étoile
etc,
comme
nous
le
verrons
dans
notre
analyse
sur
la
nature,
les
représentations
et
83
l'imaginaire,
sont
dotés
d'une
vitalité
qui
les
font
parti-
ciper
à
l'harmonisation
du
cosmos.
Et
c'est
cette
vision
du
monde
qui
nous
fait
parler
d'animisme
dans
l'oeuvre
amadienne,
c'est-à-dire
de
la
possibilité
donnée
aux
choses
et
aux
animaux
de
se
comporter
avec
toutes
les
caractéristi-
ques
propres
à
l ' homme:
parole,
pensée,
intention,
action,
vie,
mort,
jalousie,
orgueil . . .
JacqueS Monod
essaie
de
donner
une
explication
scientifique
à
l'animisme
en
ces
termes:
La
démarche
de
l'animisme
consiste
en
une
projection
dans
la
nature
ina~imée
de
la
conscience
qu'a
l'homme
du
fonctionnement
intensément
téléonomique
de
son
propre
systè-
me nerveux central.
C'est~ en d'autres
termes~
l'hypothèse
que
les
phénomènes
naturels
peuvent
et
doivent
s'expliquer
en
définitive
de
la
même
manière~
par
les
mêmes
"lois"
que
l'activité
humaine
subjective,
consciente
et
projective.
L'animisme
primitif
formulait
cette
hypothèse
en
toute
naÏ-veté~
franchise
et
précision~
peuplant
ainsi
la
nature
de
mythes
gracieux
ou
redoutables
qui
ont~
pen-
dant
des
siècles~ nourri
l'art
et
la
poésie.
(l2 )
Cet
a.nimisme
qu'on
retrouve
dans
d'art
et
dont
parle
Monod
crée
une
atmosphère
fantastique
pour
le
lecteur
qui
constate
qu'une
ironie
perpétuelle
naît
entre
les
personnages
et
leur
univers;
nous
sommes
tentés
de
parler
d'une
comédie
humaine
et
de
l'humour
divin.
En
effet,
les
hommes
croient
savoir
ce
que
les
forces
invi-
sibles
attendent
d'eux
et
ils
essaient
de
jouer
le
jeu
en
leur
offrant
sacrifices,
offrandes,
prières
~tc . . .
Mais
en
dernier
ressort
les
forces
invisibles
semblent
se
moquer
des
précautions
des
hommes;
elles
les
"manipulent"
84
comme
des
marionnettes.
Elles
jouent
des
tours
aux
hommes
sans
jamais
donner
l'impression
de
l~ faire;
c'est
du
moins
l'observation
que
peut
faire
le
lecteur.
Dans
leurs
représentations
les
personnages
s'imaginent
"
toutes
sortes
de
relations
possibles
avec
le
cosmos
et
ne
vivent
que
pour
le
respect
et
le
maintien
de
ces
rela-
tions.
Dans
The
Concubine,
Madume
se
réjouit
de
s'être
rendu
chez
le
"medicine
man"
après
s'être
blessé
chez
Eme-
nike:
He
thought
himself
clever
to
have
come
to
Anyika
to
know
the
true
story,
behind
what
he
thought
of
as
his
toe
disaster.
He
had
not
mistaken.
the
gods
were
behind
i t .
It
was
certainly a
premonition. (13)
Comme
dans
l'épisode
des
deux
oiseaux
dans
The
Great
Ponds,
Madume
aboutit
à
la
conclusion
qu'il
s'agit
certaine-
ment
de
la
prémonition
d'un
grave
danger
qui
va
lui
arriver.
Et
quand
i l
accomplit
le
sacrifice
recommandé
par
Anyika i
i l
peut
ainsi
échapper
du
moins
provisoirement
et
dans
son
espri t
à
toutes
ces
forces
invisibles
qui
s'étaient
réunies
contre
lui:
Now
he
was
confident
that
no
raving
malevo-
lent
spirit
would
disturb
him.
Anyika
was
a dibia
indeed.
(14)
Mai s
cet t e e 0 n fia n c e
d e
~1 ad ume
est
c e
que
l ' 0 n
pou rra i t
a p pel e r
l ' i 11 us ion
du
rée 1.
En
e f f et,
dès
qu' i l
Y
a
un e
certaine
accalmie
qui
se
produit
concernant
les
problèmes
des
personnages,
ces
derniers
croient
en
leur
victoire
sur
les
forces
invisibles.
~1ais
ne
s ' a g i t - i l
pas
seulement
85
d'un
signe
d'apaisement?
L'homme
peut-il
changer
le
cours
de.5 choses
?
et
ce
par
l'intermédiaire
des
sacrifices
et
toutes
les
autres
démarches
?
Ces
questions
sont
le
fonde-
ment
même
de
l'oeuvre
amadienne.
~es
personnages,
quant
à
eux,
semblent
se
préoccuper
très
peu
de
ces
questions,
o u t 0 u t
au
moi n s 1
i l s
e s sai e n t
de
les
rés 0 u d r e
à
t r a ver s
une
série
de
représentations;
le
doute
n'est
permis
qu'au
lecteur
situé
hors
du
système.
~es
personnages
eux,
sont
préoccupés
par
la
recherche
de
l ' harmonie
cosmique
qu'ils
pensent
atteindre
à
travers
deux
démarches
fondamentales:
I l
faut
d'abord
savoir
l i r e
les
signes
qui
leur
sont
donnés
à
voir;
reconnaître
l'existence
et
la
participation
de
ces
signes
à
la
symbiose
de
la
vie:
c'est
là
toute
la
philosophie
animiste.
~1ais
pour
reconnaître
le
sens
profond
de
ces
éléments
les
personnages
doivent
avoir
recours
au
"medicine
man"
qui,
à
son
tour
va
chercher
à
découvrir
quelles
forces
surnaturelles
ou
quels
dieux
sont
impliqués
dans
ces
événements
et
quelles
sont
leurs
exigences.
La
seconde
démarche
consiste
à
accomplir
les
sacrifices
préconisés
par
le
"dibia"
et',
à
se
protéger
soi-même g-!'âce
à
l a
magi e.
No u s n ' e n t r e r 0 n s p a s
dan s
les
dé t ail s e n
c e
qui
concerne
la
démarche
magico-religieuse
propre
au
système
animiste.
Le
lecteur
n'arrête
pas
de
s'interroger
sur
la
portée
réelle
de
ces
démarches
qui
lui
révèlent
sans
cesse
des
contradictions
des
paradoxes
et
des
ambiguïtés.
4ependant
J
i l
ne
peut
pas
s'empêcher
d'entrer
dans
le
jeu
du
narrateur
86
qui,
comme
sur
un
manège
d'enfants,
l'entraine
dans
un
monde
à
la
fois
réel
et
imaginaire,
un
monde
fantastique
où
l ' harmonie
n'est
pas
assurée
par
la
stabili té
mais
par
la
foi
que
les
personnages
ont
en
leurs
représentations
du
monde;
i l s
ne
peuvent
se
passer
de
cette
recherche
de
l'harmonie.
Un
parallèle
peut
être
fait
entre
cette
situa-
tion
et
celle
décrite
par
Denis
Duerden:
Harmony
in
the
society
is
not
achieved
by
the
stability
of
structures.
Rather
i t
is
achieved
by
ensuring
that
no
structure
will
last
too
long~
and
therefore
i t
is
important
that
the
memory
of
a
particular
structure
should
not
persist
in
the
society
when
i t
starts
to
destroy
the
equilibrium
achieved
by
competing groups.
(] 5)
A
travers
les
représentations
l i t t é r a i r e s
Amadi
veut
faire
ressortir
la
complexité
de
la
recherche
de
l'harmonie
cosmique.
D es
différentes
représentations
de
l'auteur
i l
découle
une
situation
fantastique
pour
le
lecteur,
qui
constate
le
vain
effort
des
personnages
dans
cette
recherche
de
l ' harmonie.
En
effet,
les
personnages
semblent être
victimes
d'une
certaine
fatalité;
malgré
leurs
efforts
ilSne
parvien-
nent
jamais
à
pénétrer
le
mystère
qui
entoure
leur
vie.
Tout
au
long
de
ce
chapitre
nous
avons
pu
constater,
à
maintes
reprises,
la
présence
des
dieux
et
des
forces
invisibles
dans
les
différentes
révélations
données
à
travers
les
prémonitions,
les
augures
et
les
présages.
Ces
révéla-
tions
sont
le
signe
que
les
personnages
ont
transgressé
des
règles
sociales
ou
sacrées
comme
dans
le
cas
des
deux
87
oiseaux
dans
The
Great
Ponds
ou
du
crachat
du
cobra,
dans
The
Concubine;
ces
révélations
annoncent
toujours
un
événe-
ment
négatif.
Il
y
a
,tOl1jours
un
malheur
qui
plane
sur
les
personnages
et
quel
que
soit
le
moyen
mis
en
oeuvre
le
résultat
final
est
tragique
et
négatif.
Cet
état
de
fait
nous
amène
à
nous
interroger
sur
les
notions
de
destin,
de
fatalité
et
de
tragédie
dans
l'oeuvre
amadienne.
88
III -
DESTIN, FATALITE ET JUSTICE
La
notion
de
"Destin"
telle
qu'elle
est
définie
en
Occident( 1)
apparaît
lorsque
l'individu
considère
tout
ce
qui
lui
arrive
en
bien
ou
en
mal
comme
étant
l'oeuvre
d'une
puissance
mystérieuse
et
supérieure
qui
fixe
les
choses
de
façon
irrévocable: p (j û D' cet
individu ,
rien
n' est
dO
au
hasard,
tout
est
le
fruit
d'une
intention
cachée.
Ma i s
l ' i n div i d u e s t
mis
e n d e ho r s
des
é v é ne men t s , e ' est -
à-dire
qu'il
n'a
pas
le
pouvoir
de
prévoir
ce
qui
lui
arrive
ou
d'y
échapper.
cn d'autres termes il s'agit d'une"prédes-
J
tination"
selon
les
Jansénistes
(2).
L'individu
subit
les
événements
sans
pouvoir
réagir
et
c'est
cette
incapacité
à
réagir,
cette
résignation
au
sort,
qui
fait
intervenir
la
notion
de
fatalité
ou
impuissance
de
l'individu
en
face
d'une
puissance
inexorable.
Cependant; i l
y
a
lieu
de
préci-
ser
que
l'on
ne
parle
souvent
de
fatali té
que
lorsqu 1 i l
y
a
un
malheur:
la
mort
par
exemple.
Contrairement
à
cette
définition
occidentale
du
Destin,
dans
l'univers
africain
en
général
et
amadien
en
particu-
lier,
i l
y
a
une
réserve
à
faire
en
ce
qui
concerne
la
responsabilité
de
l'individu
dans
ce
qui
lui
arrive.
En
effet,
sur
le
plan
de
la
représentation,
la
notion
de
destin
est
liée
au
concept
de
Chi
ou
dieu
personnel
et
rend
l ' i n d i -
vidu
responsable
de
sa
Destinée.
De
plus,
par
une
série
de
représentations
et
de
sacrifices
l'individu
pense
~tre
en
mesure
de
modifier
son
destin.
89
A - La notion de tfChi tl ou dieu personnel.
Dans
le
contexte
du
monde
amadien,
le
cours
de
la
vie
d'un
homme
ne
peut
se
concevoir
que
dans
son
rapport
avec
son
dieu
personnel
ou
chi.
Le
chi
est
la
véritable
force
créatrice
qui
agit
comme
le
"double"
d'un
individu
et
peut
être
en
accord
ou
en
désaccord
avec
ce
dernier.
Dans
la
conception
Ibo,
la
vie
de
l ' homme
sur
terre
n'est
que
1 a
mat é ria 1 i s a t ion
d' un
pro j e t
que
son
chi
e n
acc 0 rd
avec
lui,
aurait
négocié
avec
le
Dieu
Suprême,
Chukwu,
avant
sa
naissance.
Tout
ce
qui
a
été
demandé
avant
la
naissance
ne
peut
théoriquement
être
modifié
au
cours
de
la
vie
sur
terre;
à
moins
que
l'on
entreprenne
de
longues
démarches
et
des
sacrifices
très
importants.
Le
chi
est
le
maître
de
la
destinée
et
n'obéit
qu'au
contrat
prénatal;
voici
ce
qu'Achebe
écrit
à
propos
de
l ' i n a l t é r a b i l i t é
du
destin
et
de
la
toute
puissance
du
chi:
No matter
how
many
divinities
sit
together
to
plot
a man's
ruin
i t
will
comme
to
nothing
unless
his
chi
is
there
among
them.
Clearly
chi
has
unprecedent
veto
powers
over
man 1 s
destiny. (3)
Cette
conception
du
chi
peut
être
mise
en
parallèle
avec
celle
du
Yin
chez
les
Tallensi
que
souligne
Meyer
Fortes:
Le
yin
de
la
bouche~
est
le
destin
que
l'in-
dividu
a
pré-ordonné
pour
lui-même
avant
sa
naissance.
Dans
son
existence
prénatale.j
i l
a
parlé quand
i l
était
avec
le
Ciel
(4)
là-haut(5).
Comme
nous
pouvons
le
constater
à
travers
ces
deux
ci ta tions,
tout
se
joue
chez
l'individu
avant
la
naissance.
Et,
dans
de
telles
conditions
nous
pouvons
dire
que
nous
sommes
90
en
plein
dans
le
fantastique
car
nous
n'arrivons
pas
à
nous
représenter
la
vie
d'avant
la
vie
et
a
fortiori
une
négociation
d'une
destinée
au
moment
où
nous
n'en
avions
point
conscience;
en
effet
le
sujet
peut
remettre
en
cause
ce
qui
est
contraire
à
ses
aspirations
pendant
sa
vie
ter-
restre.
Dans
leur
effort
de
représentation
de
l'homme
face
à
son
destin,
les
écrivains
Ibo
font
ressortir
toute
l'ambi-
guï té
et
le
paradoxe
que
ce
concept
renferme.
Dans
Things
Fall
Apart
le
personnage
d'Okonkwo
illustre
bien
cette
1
ambiguïté
et
ce
paradoxe.
Au
point
de
départ
du
roman,
le
narrateur
présente
Okonkwo
comme
celui
qui
a
lutté
contre
vents
et
marées
pour
changer
sa
vie:
I f a
man
deserved
his
success,
that
man
was
Okonkwo.
At
an
early
age
he
had
achieved
fame
as
the
greatest
wrestler
in
all
the
land.
That
was
not
luck.
At
the
most
one
could
say
that
his
chi
or
person~al
god
was
good.
But
the
Ibo
people
have
a
proverb
that
when
a
man
says
yes
his
chi
says
yes
also.
Okonkwo
said
yes
very
strongly;
so
his
chi
agreed
(6)
IL
ressort
de
ce
passage
l'idée
que
le
personnage
a
un
"pouvoir"
sur
son
dieu
personnel.
Il
croit
pouvoir
dicter
sa
volonté
à
son
chi.
~1ais
quand
les
choses
viennent
à
se
gâter,
le
personnage
perd
son
assurance
première
pour
reconnaître
sa
faiblesse
face
à
son
destin.
Okonkwo
perd
vite
ses
illusions
d'être
au-dessus
de
son
dieu
personnel
l crs qu' , i l e s t
f r a p p é
par
que l que s ! mal heu r s ;
i l
se
rend
compte
de
la
complexité
des
événements
du
monde
et
du
para-
doxe
de
la
conception
Ibo
de
l ' homme
par
rapport
à
son
91
destin
Clearly
his
god
or chi
was
not
made
for
great
things.
A man could not rise
beyond
the
desti-
ny
of
his
chi.
The
saying
of
the
elders
was
not
true
that
i f
a
man
said
yes
his
chi
also
affirmed.
Here
was
a
man
whose
chi
said
nay
despised
his
own affirmation. (7)
L'exemple
d'Okonkwo,
même
s ' i l
affirme
une
certaine
ambiguïté
sur
le
type
de
rapport
entre
l'individu
et
son
dieu
personnel,
i l
souligne
aussi
le
caractère
dualiste
du
système
Ibo.
Sur
le
plan
des
représentations
les
person-
nages
ne
sont
pas
enclins
à
la
rigidité
dans
la
conception
des
éléments
et
des
événements
de
l'univers.
I l s
sont,
au
contraire,
adeptes
d'une
philosophie
de
la
vie
que
nous
qualifierons
de
paradoxale.
Ce
faisant,
on
comprend
pourquoi
les
notions
de
Destin
ou
de
Destinée
ne
peuvent
pas
être
totalement
comprises
dans
le
sens
occidental.
D'une
part,
le
destin
d'un
individu
est
déterminé
par
la
négociation
prénatale
avec
son
dieu
personnel
ou
chi
comme
nous
l'avons
souligné.
D'autre
part,
le
destin
d'un
individu
se
définit
en
rapport
avec
les
destins
des
autres
membres
de
la
société.
Un
individu
peut
hériter
du
destin
de
ses
parents
ou
de
ses
relations.
I l
est
intéressant
de
noter,
par
exemple,
que
pour
les
personnages
amadiens
la
chance
ou
la
malchance
d'un
personnage
peut
affecter
les
autres
personnages
comme
l ' i l l u s t r e
ce
dialogue
entre
Ihuoma
et
Ekwueme:
,
you
are
off to
your
traps
?'ldemandà Ihuoma J
yes~
but
l
_ have
come
to
see
you
first
for good
luck' Lrépondit
Ekwueme l
92
'My
mother
says
l
have
a
lucky
face'.
of
course
you
have.
Your
very
name
means
"beautiful
face"
or
"good
luck"
(8)
Au-delà de
l'aspect
romantique
que
peut
revêtir
ce
dialo-
gue
entre
deux
amoureux,
~ous avons
une
information
concer-
nant
le
fait
que
la
chance
d'un
personnage
peut
influer
sur
un
autre
personnage.
Dans
le
cas
présent
i l
y
a
une
sorte
d'ironie
qui
se
joue
avec
le
sens
donné
au
nom
d'Ihuo-
ma: "beautiful
face"
ou
"good
luck".
En
effet,
contrairement
à
ce
que
son nom
implique
quant
à
la
chance,
c'est
plutôt
une
série
de
malheurs
qui
ponctuent
la
vie
d'Ihuoma.
Tous
ceux
qui
l'approchent
sont
frappés
de
mort.
Sans
trop
forcer
les
mots
nous
pouvons
dire
que
les
autres
personnages
sont
victimes
de
la malchance
cachée
qui
poursuit
Ihuoma.
Dans
Wand
of
Noble
Wood,
Nzekwu
donne
également
un
exem-
ple
d'influence de
la chance
d'un
personnage
sur
un
autre:
My
people
believed
that
one's
luck
within
a
day
was
influenced
by
the
first
person
on
whose
face
one
looked
when
he
woke
up
in
the morning. (9)
Les
notions
de
"bonne
chance"
ou
de
"mauvaise
chance"
concourent
à
expliquer
les
différentes
tournures
que
pren-
nent
la
vie
d'un
individu.
Ces
notions
aident
à
mieux
com-
prendre
et
à
mieux
expliquer
le
caractère
dualiste
et
dynamique
du
destin
dans
le
contexte
africain.
En
effet,
dans
l'imaginaire et
les
représentations
de
l'homme
africain
le
destin
n'est pas
absolu,
irrévocable;
i l
peut
être
vaincu
ou
du
moins
modifié.
93
B -
"Bonne chance" et "mauvaise chance".
Nous
avons
insisté
sur
le
fait
que
le
cours
de
la
vie
d'un
individu
se
décide
en
grande
partie
dans
la
période
prénatale
et
ce
en
accord
avec
le
dieu
personnel
ou
chi.
Une
tell e
con cep t ion
d e I a
vie
su sc it'e
en
no u s a u
moi n s
une
question:
pourquoi
certains
choisissent-ils
une
vie
malheureuse
?
Une
réponse
logique
serait
qu'aucun
individu
ne
choisit
délibérément
une
vie
malheureuse
à
la
place
d'une
vie
heureuse.
Une
telle
réponse
fai t
donc
intervenir
la
notion
de
destin
c'est-à-dire
l'intervention
d'une
force
supérieure
indépendante
de
la
volonté
de
l'individu.
Cette
force
extérieure
est
variée
et
englobe
les
dieux,
les
esprits
ancestraux,
les
destins
des
autres
membres
de
la
société
et
bien
d'autres
agents.
L'individu
peut
aussi
être
victime
d'un
mauvais
choix.
En
effet,
i l
peut
choisir
quelque/chose
qu'il
croit
être
bien
dans
sa
vie
prénatale
et
qui
s'avère
être
mauvais
dans
sa
vie
terrestre.
I l
faut
ajouter
que
dans
l'imaginaire
et
les
représentations
africainS
l ' homme
reçoi t
souvent
le
contraire
de
ce
qu'il
a
choisi.
Nous
en
avons
des
exemples
dans
les
contes,
le
folklore
et
les
mythes
africains.
Dans
The
Palm-Wine
Drinkard
(10)
d'Amos
Tutuola
nous
avons
un
certain
nombre
d'exemples
où
le
choix
de
ce
qui
semble
beau,
j o l i ,
parfait,
bon,
facile
etc . . .
conduit
à
un
résultat
négatif;
tandis
que
l'inverse
produit
un
résultat
positif.
Nous
pouvons
donc
parler
de
l'inversion
des
valeurs
entre
__
k",:qL
94
le
monde
de
l'invisible
et
le
monde
des
vivants;
entre
la vie
prénatale
et
la vie
terrestre.
Alors
faut-il
donc
dire
que
ce
qui
arrive
à
un
individu
dépend
de
sa
"bonne
chance"
ou
de
sa
"mauvaise
chance"?
Dans
tous
les
cas,
c'est
une
conception
que
nous
retrouvons
dans
presque
toute
l'Afrique
Occidentale
comme
le
souligne
Meyer
Fortes
à
propos
des
Yoruba:
Les
yoruba
du
Nigéria>
nous
dit
le
docteur
Bascom>
associent
la
I/chance" à
la
"destinée":
ils
attachent
la
chance
d'une
personne
à
sa
tête
et
la
font
dériver
de
son
"créateur"
ou
esprit
gardien.
Un
homme
peut
travailler
dur
et
rester
pauvre.
c'est
parce
qu'il
a
une mauvaise chance.
Un autre
peut
travail-
ler
peu
et
néanmoins
devenir
riche>
parce
que
sa
chance es t
bonne. (11 )
Dans
la
littérature
nigériane;
nous
pouvons
citer
une
multitude
d'exemple
sur
ce
que
peut
être
la
chance
pour
un
personnage.
Dans
The
Concubine
le
narrateur
justifie
1
l'échec
d'Emenike
dans
le
combat
qui
l ' a
opposé
à
~1adume
en
ces
termes:
He
knew
he
could
hold
his
own
against
him
any
day
given
a
fair
chance.
Bu t
a
man' s
god
may
be
away
on
a
j ourney
on
the
day
of
an
important
fight
and
that
may
make
all
the
difference.
This
was
clearly
what
happened
in
the
las t
figh t
be tween
Madume
and
Emenike. (12)
Ce
sentime,nt
intérieur
d'Emenike
est
confirmé
par
un
autre
tI
personnage
quelques
pages
plus
10in:'His
gods
were
simply
not
at
home.
I
can't
see
Madume
beating
Eme'~
WGsu
said
Il
consolingly. (13)
Nous
remarquons
ici
au
passage
que
selon
les
personnages,
le
dieu
personnel
ou
les
dieux
en
général
ont
une
place
déterminante
dans
leùr
vie.
95
Nous
avons
l'impression
que
ceux-ci
n'agissent
pas
librement;
ils
sont
soumis
à
des
puissances
extérieures.
Nous
pouvons
multiplier
des
quantités
d'exemples
sans
pouvoir
cerner
la
notion
de
Destin
ou
de
Destinée
dans
sa
complexité.
En
examinant
de
près
les
différents
événements
qui
se
dérou-
lent
dans
les
romans
d'Amadi,
nous
sommes
tentés
de
conclure
que
le
personnage
amadien
ne
p....-eut
rien
contre
son
destin:
i l
Y a
une
sorte
de
fatalité
qui
s'abat
sur
les
personages
malgré
leurs
efforts
constants
pour
vivre
en
harmonie
avec
leur
univers.
Dans
The
Concubine,
en
dépi t
du
fai t
qu'Emenike
ait
perçu
sa
propre
mort
dans
les
yeux
de
Nwoke-
koro,
rien
n'a
pu
se
faire
pour
écarter
cette
mort.
De
même
Madume
qui
avait
été
averti
des
menaces
proférées
contre
lui
par des
forces
invisibles,
malgré
ses
précautions
i l
n'a
pas
pu
échapper
à
la
cécité
puis
finalement
au
suici-
de
à
la
mort.
Dans The
Great
Ponds,
nous
rencontrons
des
personnages
qui,
pour
rien
au
monde
n'iraient
contre
la
volonté
de
Dieu,
maître
"absolu"
de
toute
chose.
Olumba
répète
sans
cesse
qu'il
préfère
avoir
plusieurs
villages
à
combattre
plutôt
qu'un
seul
dieu,
aussi
faible
s o i t - i l ,
à
offenser.
Mais
i l
Y a
une
sorte
d'ironie
du
sort
dans
The
Great
Ponds.
/
en
effet,
ce
qu' Olumba
cherche
à
évi ter
c'est
bien
ce
qui
va lui
arriver
comme
i l
le
remarque
si
bien:
Yes
my
lord,
l
am
fighting
a
god
at
last.
What
a
man
works
hard
to
avoid
always
hits
him.
l
have
done
all
l
know
to
satisfy
the
gods,
yet
l
am
fighting
one. (14)
96
Le
personnage
amadien
ne
semble
donc
pas
agir
de
lui-
même.
Les
événements
lui
sont
imposés
de
l'extérieur
et
i l
ne
peut
que
subir
les
conséquences.
L'homme
est
à
la
merci
des
forces
invisibles
comme
le
souligne
Nj~i Osundare
à
propos
de
The
Great Ponds:
There
seems
ta
be
a kind
of
cosmic
chain
of
oppression
in
which
those
at
the
top
thwart
and
toy
with
the
lives
of those
below.
As
grasshopers
to
wanton
boys~
so
are
we
to
the
gods;
they
k i l l
us
for their sport.
( 1 5 )
Cette
remarque
d'Osundare
nous
amène
à
nous
interroger
sur
les
n 0 t ion s
de
fat a l i t é
e t
d e
jus tic e
di vin e
dan s
les
romans
d' _Elechi
Amadi.
C - Fatalité et justice divine
Du
fait
que
l'action
des
personnages~est déterminée
par
les
puissances
surnaturelles,
i l
n'est
pas
exagéré
de
parler
de
la
Fatalité
dans
l'oeuvre
amadienne.
Mais
une
telle
affirmation
est
hasardeuse
quand
on
prend
consci-
ence
de
la
complexité
de
la
notion
de
dieu
personnel
ou
c;JU.
L'impression
de
fatalité
qui
se
dégage
du
roman
d'
Amadi
n'est
elle
pas
une
erreur
de
jugement
du
lecteur.
Ne
doit-on
pas
prendre
en
ligne
de
compte
le
point
de
vue
des
personnages
et
situer
les
événements
dans
leur
contexte-?
En
effet,
dès
lors
que
les
personnages reçoivent l~ mal-
_h~ùr qUi les frappe comme ûne punition pour une faut commise 1 pour la
transgression
d'une
loi
sacrée,
la
fatalité
ne
se
transmute-
97
t-elle
pas
en
justice 1
et
en
rapp.::>rt
de
type
jobien
entre
~ieu et
les
hommes
?
C'est-à-dire
la
reconnaissance
de
la
toute
puissance
de
Dieu.
Ce
rapport
est
bien
compris
par
un
personnage
dans
The
Concubine
qui
fait
une
remarque
pertinente
au
suj et
de
la
mort
d' Emenike:
la
mort
est
une
mauvaise
moissonneuse
qui
ne
récolte
pas
toujours
les
fruits
mOrs;
chacun
est
cueilli
en
fonction
du
programme
établi
par
Dieu
pour
chaque
homme.
Mais
ce
que
l'homme
admet
diffi-
cilement
c'est
d'accepter
ce
qui
lui
arrive.
Quand
i l
s'agit
des
autres 1 la
logique
de
la
société
dans
laquelle
nous
sommes
fonctionne.
Il
en
va
de
ml§me
pour
les
personnages
amadiens
et
c'est
ce
qui
explique
leur
effort
pour
surmonter
les
malheurs
qui
leur
arrive
au
point
de
penser
pouvoir
modifier
leur
destin.
Mais
ce
pouvoir
est
une
illusion
du
réel
car
l ' harmonie
cosmique
est
constamment
détrui te
et
les
personnages
sont
sans
arrl§t
à
la
recherche
des
causes
de
la
désintégration
cosmique.
Parmi
les
différentes
causes
la
responsabilité
des
personnages
est
toujours
engagée.
Partant
de
ce
constat
le
personnage
pers~t ce qui lui arrive
comme
une
sanction
à
un
manquement
et
non
plus
comme
une
fatali té;
nous
parlerons
dans
ces
conditions
d'une
Justice
Div i ne.
.lJe s
p ers 0 n na g e sam a die n s
c 0 mpre n n en t
mie u x
c e t y p e
de
rapport
car
i l
entre
dans
le
cadre
d'une
recherche
de
causalité.
Dàns
T'he
Great
Ponds,
la
cause
de
la
difficulté
d'Olumba
à
avoir
des
garçons
est
a 'ordre
surnaturel:
98
Tt
was
a
curious
story.
Olumba
in
his
previous
incarnation
was
passing
by
a
pond
after
a
heavy
rain.
He
saW
a
drowning
lamb
in
the
pond
and
refused
to
save
i t .
The
lamb
was
drowned.
The
mother
sheep
cursed
him
and
prayed
AmadiQha
to
deny
him
children
in
his
next
incarnation. (16)
le
malheur
qui
frappe
Olumba
a
sa
source
dans
la
vie
prénatale
de
celui-ci.
Nous
pouvons
remarquer
que
Olumba
doit
assumer
les
conséquences
de
ce
qui
lui
arrive
car
i l
est
en
partie
responsable
de
ce
qu'il
a
bien
pu
faire
dans
sa
vie
d'avant
la
naissance.
Cette
situation
nous
fait
penser
au
concept
des
Yoruba
sur
l'antériorité
de
la
vie
du
fils
par
rapport
à
celle
du
père
et
que
rappelle
l~ole Soyinka:
Neither
'child'
nor
'father'
is
a
closed
or
chronological
concept.
The
world
of
the
unborn~
in
the
Yoruba
world-view~ is
as
evi-
dently
older
as
the
world
of
the
living
is
older
than
the
ancestor-world. (17)
Parallèlement
à
cette
conception
du
monde
chez
les
Yoruba
i l
faut
surtout
retenir
l'idée
q u ' a v a n t
que
la
vie
ne
1\\
fut
elle
était;
c'est-à-dire
avant
qu'un
enfant
ne
naisse
i l
a
déjà
existé.
C'est
ce
qui
permet
à
Olumba
d'admettre
la
cause
des
problèmes
qui
lui
arrivent
et
d'accepter
son
sort
non
pas
comme
une
fatalité
mais
plutôt
comme
le
résul-
tat
d'une
faute
commise;
à
laquelle
i l
faut
apporter
répara-
tion.
Olumba explique
plus
loin
les
efforts
accomplis:
l
married
Oda
hoping
that
she
would
give
me
a
son.
l
ca lled
one
dibia
after
another
and
spent
all
l
had
in
unheard-of sacrifices
1 . . . 1.
l
was
to
eut
off
the
l i t t l e
finger
of
my
left
hand
for
a
sacrifice
invo lving
a
walk
to
the
Evil
Forest.
What
1
saw
in
99
that
forest
that
night
will
for
ever
be
a
secret
between
me
and
the
gods
1 . .
)
l
tell
you,
l
snatched
that
boy
right
from
the
gods."
(18)
L'attit~de d'OlUmba est caractéristique du comportement
des
personnages
amadiens;
tous
ont
Un
soùci
permanent:
aller
aü-delà
de
la
décision
des
forces
invisibles
qUi
s'opposent
à
la
volonté
hUmaine.
Ils
ne
se
résignent
pas
à
leùr
sort;
i l
n'y
a
donc
pas
de
fatalité
pour
les
per-
sonnages.
NoUs
avons
soüligné
plUs
haUt
les
efforts
accom-
plis
par
Madume
poUr
écarter
toüs
les
obstacles
que
son
destin
a
placés
sUr
son
chemin
Ekwueme
offre
ûn
exemple
remarquable
du
refùs
de
la
fatalité
comme
nous
le
cons-
tatons
dans
sa
détermination
à
époûser
Ihùoma
malgré
les
révélations
du
"medicine
man":
He
[
Ekwueme
]
told
his
father
repeatedZy
that
Anyika's
unsolicited
divination
was
misleading.
I f
Ihuoma
was
a
sea-goddess
then
he
couZd
very
well
be
a
sea-god
himseZf,
he argued. (19)
100
Certains
critiques
ont
vu
dans
cette
réflexion
d'Ekwueme
une
explication
de
sa mort
par
la
flèche
de
Nwonna.
Pourle ux ~
1
Ekwueme
aurait
lancé
un
défi
au
dieu
et
ce
défi
est
à
consi-
dérer
comme
un
"tragic
flaw"
et,
ainsi,
i l
n'est
pas
étonnant
qu'Ekwueme
connaisse
une
fin
tragique.
Mais
le
fait
qu'
Ekwueme
n'ait
pas
pu
échapper
à
la
mort
et
ce,
en
dépit
des
démarches
entreprises,
n'est
pas
considéré
par
les
personnages
comme
unefatalité
mais
plutôt
comme
une
justice
où
le
personnage
peut
reconnaître
sa
part
de
responsabilité.
Nous
sommes
donc
de
l'avis
de
Margaret
Laurence
dans
sa
conclusion
sur
l'analyse
de
The
Concubine:
Although
Amadi's
view
of
life
is
not
an
opti-
mistic
one,
i t
is
not
passively
a
fatalistic
one
either.
Ekwueme
may
be
doomed
by
his
love
for
Ihuoma,
but
he
is
not
defeated
by
the
gods.
He
does
not
become
less
than
he
is~. Jthe
victory
with
Ekwueme's
death
does
not entirely
belong
to
the
gods. (20)
Cette
conclusion
est
aussi
valable
pour
The
Great
Ponds
où
les
personnages
sont
sans
cesse
en
train
d'accomplir
des
sacrifices,
d' aller
à
la
recherche
de
nouveaux
remèdes
pour
venir
à
bout
de
l'épidémie
de
"wonj 0"
qui
s' aba t
sur
eux.
Et
comme
dit
le
proverbe Ikwerre:"
The
villagers
may
belong
to
a
god,
but
the
god also
belongs
to
the
villagers."
(21)
Nous
sommes
dans
un
système
où
rien
d'absolu
n'existe;
par
conséquent,
la
notion
de
fatalité
est
sujette
à
discus-
sion.
Ce
refus
de
la
fatalité
n'est
pas
propre
à
la
société
Ibo;
on
l'observe
également
dans
d'autres
sociétéSafricaines
comme
nous
le
constatons
dans
ce
passage
de
Meyer
Fortes
sur
l'étude
fai te
par
le
Professeur
Herskovi ts
à
propos
101
des
Fa au
Bénin:
Dans
ce
monde~
régit
par
la
Destinée~ expli-
que
le
professeur
Herskovits
l'homme
vit
en
sécurité~
convaincu
qu'entre
le
destin
inexorable
institué
pour
un
individu~
et
la
réalisation
effective
de
ce
destin~
i l
existe
une
issue
possible. (22)
Cependant
pour
le
lecteur
i l
y
a
une dichotomie
entre
les
représentations
des
personnages
et
ce
qui
se
passe
dans
l a
réa l i t é
fic t ion n e Il e.
lte s
0 f f r and e s e t
les
sac r i fic e s
ne
produisent
pas
toujours
les
effets
escomptés.
Ce
qui
paraissait
comme
une
victoire
des
personnages,
comme
un
rejet
de
la
fatalité
n'est
qu'une
illusion
du
réel
car
dans
d'autres
situations
les
personnages
naguère
vainqueurs
sont
finalement
vaincus.
Il
y
a
une
ironie
qui
se
joue
entre
les
personnages
et
le
cosmos.
Le
personnage
est
à
la
fois
maître
de
lui-même,
de
sa
liberté,
de
son
destin
et
esclave
des forces
qui
le
dépassent;
d'où
notre
impression
de
fatalité
dans
l'oeuvre
amadienne.
Tout
au
long
de
notre
analyse
nous
avons
pu
nous
rendre
compte
de
la
complexité
des
notions
de
destin,
de
fatalité
et
de
justice
divine.
Nous
avons
pu
constater
que
dès
lors'
que
le
personnage
avait
pris
part
dans
sa
vie
prénatale
à
l'élaboration
d'un
programme
commun
avec
son
dieu
person-
nel)
i l
était
en
partie
responsable
de
ce
qui
lui
arrivait
sur
terre.
Nous
avons
aussi
insisté
sur
le
fait
que
dans
les
repré-
sentations
des
personnages
i l
y
avait
toujours
une
possibi-
l i t é
de
rechercher
une
issue
favorable
quand
le
destin
ne
102
prévoyait
pas
un
avenir
radieux.
Il
nous
est
apparu
que
dans
ce
cas
les
personnages
n'étaient
pas
fatalistes.
Enfin
i l
ressort
de
notre
étude
que
la
notion
de
Justice
Divine
pouvait
mieux
définir
les
rapports
que
les
person-
nages
entretiennent
avec
les
forces
invisibles
et
leur
dieu
personnel.
103
IV - LA TRAGEDIE
Dans
le
chapitre
précédent
sur
le
Destin,
la
Fatalité
et
la
Justice
nous
avons
pu
constater
les
difficultés
qu'il
y
avait
à
analyser
ces
notions
dans
le
contexte
du
monde
amadien.
En
effet,
i l
nous
est
apparu
que
Destin
et
Justice
étaient
à
la
fois
antithétiques
et
complémentaires:
antithé-
tiques
parce
que
dès
lors
qu'on
parle
de
Destin,
la
notion
de
Justice
devient
comme
une
sorte
d'antithèse
car
elle
implique
une
certaine
responsabilité
de
l'individu.
Toute-
fois
les
notions
de
Destin
et
de
Justice
deviennent
complé-
mentaires
à
partir
du
moment
où
l'individu
a
participé
dans
sa
vie
prénatale
à
l'élaboration
de
son
propre
destin;
ce
qui
arrive
don,
à
l'individu
doit
être
considéré
comme
juste.
Cette
situation
nous
renvoie
de
nouveau
à
la
dualité
du
monde
amadien
et
à
la
dialectique
qui
permet
le
dépasse-
ment
de
cette
dualité
en
faisant
que
des
choses
en
appa-
rence
contraires
ou
opposées
sont
cohérentes
et
complémen-
taires.
L'analyse
de
la
tragédie
dans
un
tel
contexte
ne
va
pas
sans
problème
et
nous
aurons
à
revenir
constamment
sur
les
notions
de
Destin
et
de
Justice.
La
tragédie
dans
l'oeuvre
amadienne
baigne
dans
une
atmosphère
fantastique
que
nous
avons
décrite
à
travers
les
notions
de
destin,
de
fatalité,
de
justice,
de
prémonition,
de
présage
et
104
d'augure
Cette
atmosphère
n'est
pas
différente
de
celle
que
l'on
retrouve
dans
la
tragédie
grecque
ou
dans
la l i t t é -
rature
victorienne
Où
l'homme
est
à
la
merci
de
forces
qui
le
dépassent.
Amadi
présente
des
personnages
qui
réagissent
contre
leur
destin,
à
la
fatalité,
au
surnaturel
et
au
sacré.
Et
c'est
de
cette
réaction
que
naît
le
tragique.
Il
ressort
de
l'analyse
d'Amadi
une
certaine
absurdité
dans
le
rapport
entre
les
personnages
et
le
surnaturel;
absurdité
parce
que
la
lutte
des
personnages
pour
instaurer
une
harmonie
dans
l'univers
est
parfois
vaine.
Cependant
i l s
ne
se
résignent
pas
à
leur
sort;
ils
tendent
toujours
vers
l'har-
monie.
Nous
comprenons
alors
pourquoi
le
tragique
prend
un
autre
sens
dans
le
monde
amadien:
c'est
le
résultat
d'une
désintégration
cosmique.
En
effet,
les
différents
malheurs
qui
surviennent
dans
les
romans
amadiens
ont
pour
cause
une
offense
à
une
puissance
surnaturelle;
i l
y
a
une
violation
d'une
règle
sacrée
ou
sociale:
dans
The
Concu-
bine
les
personnages
meurent
parce
qu'ils
tentent
d'épouser
Ihuoma,
la
femme
du
Roi
de
la
Mer.
Cette
dernière
a
aussi
transgressé
une
règle
en
insistant
pour
prendre
la
forme
humaine;
c'est
du
moins
une
des
explications
possibles
que
donne
le
"medicine
man".
Dans
The
_ _
Great
_ _ _ _
Ponds
_ _ _ _ 1 les
choses
commencent
à
se
compliquer
à
partir
du
moment
où
les
hommes
d'Aliakoro
ont
commis
une
faute
sacrée
en
vendant
en
escla-
vage
une
femme
enceinte
c'est
une
offense
très
grave
à
l ' endroi t
d'Ali,
le
Dieu
de
la
Terre.
Les
malheurs
qui
105
frappent
la
famille
Echela
dans
The
Slave
seraient
liés
à
un
vol
d'objets
sacrés
dédiés
à
Ali.
c'est
donc
dans
un
contexte
qui
semble
quelque
peu
fééri-
que
et
fantastique
que
nous
tenterons
d'analyser
la
tragédie:
D'une
part
à
travers
le
rapport
qui
existe
entre
les
person-
nages
et
le
surnaturel
qui
donne
lieu
à
un
destin
tragique;
d'autre
part
en
analysant
la
circulari té
du
destin
c' est-
J
à-dire
le
constat
par
le
personnage
de
son
incapacité
à
échapper
à
/
ou
à
changer
son
destin,
d'où
ce
qu'on
peut
qualifier
d'ironie
du
sort.
Enfin
nous
ferons
un
rapprochement
entre
la
tragédie
et
le
fantastique.
A - L'atmosphère tragique.
Le
premier
roman
d' Amadi,
The
Concubine,
of fre
un
exemple
assez
élaboré
de
la
tragédie;
tragédie
entendue
ici
comme
la
manifestation
d'une
fatalité
qui
s'abat
sur
les
personnages .Ces
derniers
sont
victimes
d'une
puissance
extérieure
qui
dépasse
leur
entendement.
Ihuoma
qui
a
tout
pour
~tre
une
femme
heureuse,
est
secrètement
frappée
de
malheurs
provoqués
par
une
force
surnaturelle;
le
Dieu
de
la
Mer.
Ihuoma
est
une
femme,
qui,
dit-on,
a
voulu
échap-
per
à
son
destin
en
prenant
forme
humaine
sans
l'agrément
de
son
mari.
Et
c'est
autour
de
ce
personnage
mythique
que
se
construit
la
tragédie
dans
The
Concubine.
Ihuoma
ignore
cette
mystérieuse
relation
qui
existe
entre
elle
106
et
le
"Sea-God".
Ce
lien
entre
les
personnages
et
le
surna-
turel
ne
peut
qu'entraîner
des
conséquences
néfastes
d'au-
tant
pL1S
que
les
personnages
ignorent
les
rapports
cachés
qui
les
lient
aux
forces
surnaturelles.
Nous
pouvons
donc
dire
qûe
le
tragique
dans
l'oeuvre
amadienne
provient
en
partie
de
l'ignorance
des
personnages
et
de
leur
fausse
identité
ou
personnalité.lhuoma
par
sa
vertu
surnaturelle
qu'elle
ignore
devient
le
pôle
d'attraction
des
autres
personnages.
Rien
pourtant
à
première
vue
ne
laisse
présager
l'appar-
tenance
d'Ihuoma
au
monde
surnaturel.
pas
même
le s
"medicine
men" 1
qui
voient
au-delà
du
visible
n'ont
pu
déc 0 u v r i r
à
t e mp s I a
v é r i t ab l e
n a t ure
d' l h u 0 ma.
lie
my s t ère
a
été
gardé
le
plus
longtemps
possible.
Le
premier
événement
tragique
c' est
la
mort
d' Emenike.
Nous
avons
parlé
plus
haut
des
circonstances
dans
lesquelles
cette
mort
a
eu
lieu.
Emenike
n'a
pas
pu
échapper
à
la
mort
et
ce
malgré
le
déchaînement
du
cosmos à travers des signes
,avant-coureurs. l l
Y
a
une
sor t e
d e " fat u m"
qui
pla n e
sur
t 0 u s
les
personnages.
Puis
c'est
au
tour
de
Madume
de
rencontrer
un
destin
tragique.
Madume 1
de
l'avis
général
des
personnages,
est
un
personnage
foncièrement
mauvais 1
c' est
un
'big
eye'
qui
ne
mérite
que
ce
qui
lui
arrive.
Sa
mort
peut
être
considérée
comme
une
"poetic
justice"
comme
on en
rencontre
chez
Charles
Dickens
(1)
ou
chez
Thomas
Hardy
(2).
Mais
c'est
ignorer
la
fatalité
qui
pèse
sur
les
personnages
107
qui
ont
un
rapport
avec
Ihuoma
que
de
dire
que
Madume
mérite
sa
mort.
I l
est
tout
simplement
victime,
à
son
- tour
de
la
vengeance
et
de
la
jalousie
du
"Sea-God".
D'ailleurs
dans
le
cas
de
Madume
le
lecteur
a
pu
constater
l ' e f f o r t
entrepris
par
l ' a u t e u r
pour
intégrer
le
surnaturel
dans
les
événements:
à
travers
les
divinations
et
les
sacri-
fices
Amadi
nous
convainc
du
rapport
qu'il
Y
a
entre
les
personnages
et
les
puissances
invisibles.
~1adume
est
pris
dans
un
tourbillon
de
forces
maléfiques
si
bien
que
sa
mort
ne
semble
pas
surprendre
le
lecteur.
C ' est
en fin
a v e c
E k wu'!-m e
que
l e t r agi que
a t te i n t
son
paroxisme
et
c'est
avec
lui
que
les
personnages
découvrent
les
véritables
causes
des
malheurs
qui
leur
arrivent.
Ekwue-
me
est
le
personnage
le
plus
complet
du
roman,
c'est
-à-
dire
le
personnage
sur
lequel
nous
avons
le
plus
d'éléments
d'information.
En
effet,
nous
pouvons
dresser
un
portrait
complet
d'Ekwueme:
physique,
psychologique
et
social.
C'est
le
personnage
à
travers
lequel
nous
dresserons
le
portrait
du
héros
tragique
dans
le
chapitre
suivant.
L'histoire
d'Ekwueme
est
centrale
dans
The
Concubine
comme
le
remarque
Georges
Nyamndi:
Ekwu~me's episode
is
the
heart
of
the
narra-
tive~ to which Emenike's and Madume's consti-
tu te
a
prologue.
It
is
in
this
final
section
tha t
the
tragic
des ign~
ris ing
in
crescendo
through
successive
incidents~
attains
its
culmination. (3)
Il
y
a
une
préparation
très
lente
de
la
part
de
l'auteur
pour
intégrer
le
surnaturel
dans
le
récit
et
aboutir
à
108
la
fin
tragique
dl Ekwueme
à
propos
de
laquelle
le
lecteur
a
du
mal
à
récuser
la
thèse
de
l'intervention
du
surnaturel.
Dans
The
Concubine,
tout
se
tient;
i l
Y
a
une
cohésion
et
une
cohérence
internes
entre
les
différents
éléments
et
événements.
Le
surnaturel
et
le
sacré
dominent
l'oeuvre
si
bien
que
nous
nous
posons
des
questions
sur
la
responsa-
bilité
des
personnages
dans
ce
qui
leur
arrive.
Il
Y
a
tout
un
débat
qui
a
été
soulevé
par
les
critiques
à
propos
du
"tragic
flôw"
dans
les
romans
amadiens.
Georges
Nyamndi
donne
un exemple
de
l'opposition
entre
Taiwo
(4) et Osundare
(5) à propos de l'échec du mariage entre Ekwueme et Ahurole.
Pour
Taiwo
les
causes
de
cet
échec
sont
d'ordre
sociologique,
alors
que
pour
Osundare,
le
mariage
échoue
pour
des
raisons
surnaturelles.
Les
deux
avis
sont
divergents
quant
à
la
nature
de
la
tragédie
dans
l'oeuvre
amadienne.
~1ai s
c'est
méconnaftre
l'interpénétration
et
l'interaction
qui
existent
entre
le
monde
des
personnages
et
le
monde
surnatu-
rel
que
de
choisir
une
cause
au
détriment
de
l'autre.
Nous
sommes
donc
de
l'avis
de
Nyamndi
lorsqu'il
trouve
une
situation
de
compromis
entre
les
points
de
vue
de
Taiwo
et
d'Osundare:
These
two
readings
are
complementary
rather
than
antithetical
and
a
synthesis
of
bath
provides
a
complete
picture
of
causality.
(p.143)
Ceci
nous
amène
à
nous
interroger
sur
ce
qui
arrive
à
Ekwu-ame
dans
The
Concubine.
Nous
sommes
tentés
de
dire
qu' Ekw ... e.:m e n ' a
pas
l e
cha i x
dan s
c e
qui
l li i
arr ive.
Mai s
109
on
pourra
nous
répliquer
qu' EkwlJe-me
aurai t
pu
abandonner
son
projet
d'épouser
Ihuoma
après
les
révélations
d'Anyika,
mais
c'est
ignorer
le
poids
de
l'influence
surnaturel-
le
que
d'arriver
à
une
telle
conclusion.
Nous
pouvons
donc
parler
de
l'atmosphère
de
fatalité
et
du
caractère
pessimis-
te
de
The
Concubine.
te
n'est
pas
le
choix
d'Ihuoma
que
de
faire
mourir
les
hommes
qui
l'approchent.
Emenike
n'a
pas
le
choix
dans
la
bagarre
qui
l'oppose
à
Madume;
pas
pl us
qu'il
n'a
jamais
cherché
à
mourir.
De
même
Madume
n'a
jamais
désiré
sa
propre
mort,
ni
celle
d'Emenike;
tous
deux
n'ont
eu
aucune
possibilité
d'y
échapper.
Ekwueme
non
plus
n'a
pas
cherché
à
défier
une
quelconque
autorité
supérieure.
Et
le
comble
du
malheur
c'est
que
derrière
toutes
ces
morts
tragiques
i l
y
a
une
force
que
les
personnages
ne
peuvent
pas
maîtriser
et
qu'ils
ignorent.
S ' i l
Y a
donc
un
"tragic
flaw"
à
chercher
dans
The
Concu-
bine
i l
faut
plutôt
le
chercher
du
côté
des
forces
invisi-
bles,
comme
le
note
Osundare:
[ .. ~human
have
few
flaws
in
The
Concubine.
In
fact
human
characters
here
are
sa
gooa
that
the
gods
look
bad
for
causing
them
unnecessary
suffering.
What
we have~
therefo-
re~
is
not
human
but
divine
harmatia!
The
sea-king~
jealous
and
vindictive~
uses
his
superior
strength
to
crush
innocent
human~
a
clear case of abuse
of power. (6)
Comme
nous
pouvons
le
constater
dans
ce
passage
i l
est
question
de
la
responsabilité
des
personnages
dans
les
malheurs
qui
leur
arrivent.
Osundare
parle
en
termes
d'inno-
cence
et
d'abus
de
pouvoir
des
forces
supérieures.
~1ais
n,' est
c e p a s
l à
l e p 0 i n t
de
vue
d u c r i t i que
e x t é rie ur
a u x
110
événements
?
En
effet,
comme
nous
l'avons
souligné
plus
haut,
les
personnages
pensent
en
termes
de
manq"Jement
à
une
règle,
d' incapaci té
à
découvrir
à
temps
les
exigences
des
forces
surnaturelles.
Il
Y a
donc
tout
un
débat
autour
de
la
notion
de
tragédie
dans
l'oeuvre
amadienne
en
raison
même
de
la
complexité
des
événements.
~e
tragique
ici
peut
être
analysé
sous
plusieurs
angles
à
cause
de
la
responsabilité
de
l'individu
et
du
surnaturel
dans
les
différents
domaines
de
la
vie.
Cette
coexistence
de
l'humain
et du
surnaturel
engendre
on
s'en
doute,
une
atmosphère
à
la
fois
tragique
et
fantas-
tique:
tragique
à
cause
des
malheurs
qui
surviennent
et
fantastique
à
cause
de
l'interaction
entre
le
réel
et
l'ima-
ginaire;
entre
le
naturel
et
le
surnaturel.
Si
The
Concubine
offre
une
structure
tragique
assez
élaborée,
i l
n'en
va
pas
de
même
pour
The
Great
Ponds
où
ce
qui
arrive
aux
personnages
a
à
la
fois
une
cause
humaine
et
une
cause
divine.
Ici
le
lecteur
a
une
autre
vision
des
personnages:
i l
les
trouve
à
l'exception
de
quelques
uns
f 0 n c i è r- e men t
ma u v ais
e t
i l s ' é ton n e
mê me
que
les
forces
surnaturelles
n'agissent
pas
avec
plus
de
rigueur.
La
guerre
qui
a
éclaté
entre
Chiolu
et
Aliakoro
s'explique
par
l'orgueil
et
la
vanité
des
personnages.
Ils
sont
à
l'origine
de
la
guerre
absurde
et
paradoxale:
absurde
parce
que
nul
ne
peut
désigner
le
véritable
pro-
priétaire
du
marécage
en
l i t i g e ;
et
paradoxale
parce
que
les
personnages
s'entretuent
à
cause
des
poissons.
Les
111
personnages
sont
donc
responsables
de
ce
qui
leur:
arrive.
Ils
sont
les
véritables
initiateurs
de
l'horreur
et
de
la
terreur
qui
règnel1tdans
The
Great
Ponds.
Amadi
s'appuie
d'ailleurs
sur
ces
éléments
pour
créer
une
atmosphère
t e r r i -
fiante
aussi
bien
pour
les
personnages
que
pour
le
lecteur
qui
partage
la
peur
de
ceUx
-ci.
Mais
la
tragédie
qui,
à
son
point
de
départ,
a
une
cause
humaine,
devient
une
tragédie
qui
a
pour
cause
la
détériora-
tion
des
ra~rts entre les humains et les puissances surna-
turelles.
En
effet,
les
personnages
confient
au
Dieu
de
la
Nuit,
Ogbunabali,
l'arbitrage
du
conflit à propos ju
maré-
cage.
Cependant,
les
choses
ne
vont
guère
s'améliorer
et
le
lecteur
assiste
à
une
sorte
de
mêlée
générale
où
i l
ne
sait
pas
qui
fait
quoi.
I l
y
a
une
ironie
dans
tout
ce
qui
se
passe;
est
pris
celui
qui
croyait
prendre
Les
personnages
reçoivent
le
contraire
de
ce
qu'ils
attendent
des
forces
invisibles;
celles-ci
rendent
un
jugement
contraire
à
l'attente
des
personnages:
c'est
le
monde
à
l'envers.
L'atmosphère
devient
de
plus
en
plus
tendue
et
i l
règne
un
mystère
terrifiant
et
fatal;
c'est
la
grande
confusion.
I l
y
a
du
suspense
et
les
personnages
vivent dans
la
peur
de
l'Inconnu;
c'est
la
désintégration
cosmique
et
l a
grande
débâcle.
Une
épidémie
s'abat
sur
les
personnages
et
nous
assistons
à
toutes
sortes
d'élucubrations
quant
aux
causes
exactes
de
cette
épidémie.
Dans
cette
nouvelle
tragédie
nous
n'arrivons
plus
à
112
situer
la
responsabilité
entre
les
personnages
et
les
forces
surnaturelles.
La
notion
de
tragédie
devient
une
notion
complexe
et
compliquée
dans
The
Great
Ponds
si
bien
que
nous
sommes
tentés
de
conclure
avec
Osundare
que:
The
Great
Ponds
does
not
assume
any
tragic
dimens ion;
the
gory
ki llings
and
near-
holocausts
orchestrated
through
its
episodic
plot-structure
produce~
not
tragedy~
but
pathos
of a very
low
kind. (7)
The
Great
Ponds
apparaît
ainsi
comme
un
roman
qui
abonde
en
paradoxes
et
contradictions
dans
les
rapports
qui
existent
entre
les
personnages
et
les
forces
surnaturelles.
La
peur,
l'horreur,
la
terreur
sont
les
éléments
clefs
dont
se
sert
l'auteur
pour
construire
le
récit
dans
The
Great
Ponds.
Nous
pouvons
donc
dire
de
ce
roman
que
le
tragique
va
de
pair
avec
la
fantasmagorie
des
personnages.
Dans
The
Slave
la
tragédie
ne
se
traduit
pas
seulement
- - - - - i
par
les
morts
mystérieuses
et
inexplicables
dans
la
famille
Echela
mais
également
par
l'échec
des
rêves
et
ambitions
des
personnages.
Nyche
a
fait
tout
ce
qui
était
en
son
pouvoir
pour
faciliter
l'insertion
d'Olumati
dans
la
société;
i l
a
aussi
témoigné
d'un
grand
amour
pour
Aleru.
h1ais
les
e f for t s
deN y che
au s s i
b i e n
que
d' au t r e s
-- me mb r e s
de
1 a
société
ont
été
vains;
car Aleru
trouve
la
mort
et Oluma-
t i
retourne
au
sanctuaire
d'Amadioha
pour
se
constituer
esclave
de
Dieu,
accomplissant
ainsi
le
même
geste
qu'avait
fait
son
père.
Le
lecteur
éprouve
un
sentiment
de
pitié
pour
les
person-
nages
qui
voient
leurs
rêves
se
briser
au
moment
où
tous
113
affichaient
un
-grand
espoir.
L'atmosphère
est
quelque
peu
pathétique
et
le
lecteur
vit
les
émotions
des
personna-
ges.
The Slave
aussi
pose
le
problème
de
la
fatalité
et
de
l'ab-
surdité
du
destin.
En
effet,
le
lecteur
comprend
assez
mal
le
sort
qui
frappe
les
membres
de
la
famille
Echela.
Il
Y
a
une
sorte
de
communauté
de
destin
qui
touche
tous
ceux
qui,
d'une
manière
ou
d'une
autre,
sont
liés
à
la
famille
Echela.
Nous
rencontrons
ici
de
nouveau
la
notion
de
responsabilité
individuelle
dans
les
événements.
Dans
The
Slave
i l
nous
semble
que
les
personnages
sont
collecti-
1
vement
responsables
de
tout
ce
qui
touche
à
la
stabilité
de
leur
communauté.
Nous
comprenons
donc
pourquoi
les
habi-
tants
d'Aliji
ne
veulent
pas
au
départ
admettre
Olumati
en
leur
sein.
Olumati,
comme
les
autres
membres
de
la
famil-
le
Echela,
est
responsable
de
la
faute
qu'auraient
commise
leurs
anc~tres et
parents .
..he s
p ers 0 n n age s
son t i n cap a b les
de
ma î t r i s e r
les
for ces
qui
les
gouvernen t;
la
duali té
de
leur
monde
leur
échappe
et
i l
se
produit
des
événements
tragiques.
La
tragédie
dans
l 1 oeuvre
amadienne
provient
en
grande
partie
des
rapports
qui
existent
entre
les
personnages
et
le
surnaturel.
De
ces
rapports
i l
se
dégage
une
atmosphè-
re
fantastique
à
cause
de
la
variété
des
causes
parallèles
qui
expliquent
les
événements:
causes
à
la
fois
naturelles
e t
sur n a t ure 11 es.
he
surnaturel
et
le
sacré
sont
les
élé-
ments
prédominants
dans
les
romans
d'Elechi
Amadi.
Nous
114
sommes
donc
de
l'avis
de
Ndiawar
Sarr
lorsqu 1 i l
écri t
sur
The
Concubine
que:
C... J c'est à
travers
le
traitement
subtil
du
surnaturel
que
la
tragédie
des
personnages
nous
semble
réussie.
Il
y
a
une
combinaison
harmonieuse
du
surnaturel
comme
toile
de
fond
de
la
société
traditionnelle
et
de
l'étu-
de
psychologique des
personnages. (8)
Cette
remarque
sur
The
Concubine
est
aussi
valable
pour
les
deux
autres
romans
d'Amadi,
The
Great
Ponds
et
The
Slave,
où
les
réactions
psychologiques
des
personnages
aux
événements
sont
justifiées
et
entraînent
chez
le
lecteur
des
émotions
analogues.
I l
règne
une
atmosphère
de
mystère
et
de
fatalité
et
les
conséquences
sont
on
ne
peut
plus
tragiques.
B - La circularité du destin
Nous
nous
inspirons
dans
ce
chapi tre
de
l'ouvrage
de
Thomas
Melone,
Chinua Achebe
et
la
tragédie
de
l'histoire,
et
plus
particulièrement
de
son
analyse
dü
destin
circu-
laire.
Pour
Melone,
l'homme
a
une
double
identité:
" Ce
qu' i l __ est ~
en réalité,
c'est-à-dire celui
qui
brûle du
désir de
laisser
sa
trace,
de
"p/o;ser",
de
grandil'
aux
yeux
du
public
et
d'exercer
une
certaine
puissance,
une
certaine
coercition
sur
le
monde. "(9)
Melone
constate
que
l'homme
dans
"ce
proce-
ssus
d'affirmation de
soi"(lO)
fait
un
premier
mouvement
as-
censionnel
qui
représente
plus
ou
moins
l'accomplissement
de
ses
désirs
"puis
i l
amorce,
toujours
par
le
jeu de
forces
115
qui
se
situent
au-delci de
son
pouvoir
un mouvement
contrai-
3
re
qui
le
ramène
ci
son
point
de
départ
c'est-ci-dire
ci
3
la
plus
grande médiocrité. "(l])
Melone
qualifie
le
mouve-
ment
ascensionnel
de
"grande
illusion"
tandis
que
"le
mouve-
ment
descensionnel
s'effectue
sous
le
règne
de
la
plus
grande
lucidité
dans
la
mesure
où
l'homme
conscient
de
3
la
catastrophe
qui
le
menace
assiste
impuissant
aux
diver-
3
ses
étapes
du
drame
de
sa
propre
destruction . . . c'est
cette
vision
totale
de
son
impuissance
fondamentale
cette
lucidi-
3
té
intégrale
dans
la
défaite,
qui
constitue
le
fond
même
du drame
de
l' homme. "(] 2)
Cette
analyse
du
destin
circulaire
nous
aide
à
comprendre
le
tragique
dans
l'oeuvre
romanesque
d'Elechi
Amadi
où
les
personnages
n'obtiennent
que
le
contraire
de
ce
qu'ils
cherchent.
Ils
sont
soumis
aux
décisions
des
forces
surnatu-
relles
qui
les
dominent
et
qui
tracent
un
dessein
contraire
à
celui
qu'ils
désirent.
Ceux-ci
assistent
impuissants
à
leur
fin
tragique.
Il
y
a
une
dichotomie
entre
les
diffé-
rentes
aspirations
et
représentations
des
personnages
et
ce
qui
se
passe
dans
la réalité.
Dans
The
Concubine,
Emenike
qui
est
l'un
des
vaillants
guerriers
de
son
village
ne
peut
accepter
de
souffrir
l'hu-
miliation
que
lui
a
infligée
Madume
en
le
terrassant
de
la
manière
la
plus
ignoble
possible.
De
même) Emenike
est
convain-cu
que
Madume
n'a
été
qu'un
intermédiaire
dans
ce
qui
lui
est
arrivé:
Emenike
wanted
to
explain
that
his
illness
116
was
not
necessarily
a
result
of
the
fight,
that
in
any
case
he
threw
Madume
twice
and
gave
him
a
worse
beating.
But
his
left
side
ached
cruelly
and
what
with
the
pain
and
the
cough
he
could
not
talk
properly.
He
decided
to
keep
quiet.
(13)
Emenike
se
trouve
dOIlc
devant
UIle
réalité
complexe
dont
i l
Ile
peut
pas
accepter
le
mystère.
Nous
comprenons
alors
pourquoi
Emenike
est
devenu
un
individu
qui
passera
le
reste
de
son
temps
à
s' iIlterroger
sur
les
évéIlements
qui
se
rattacheIlt
à
sa
vie.
Mais
ce
qui
est
sÛr
c'est
qu'Emenike
n'a
pas
d'autre
choix
que
de
reconnaître
la
toute
puissance
de
son
destin:
en
l'espace
d'un
jour
toute
la
gloire
et
l'héro'isme
d'Emenike
se
sont
écroulés
par
le
simple
jeu
de
la
fatalité
qui
a
voulu
qu'il
rencontre
Madume
daIls
la
forêt
eIl
ce
jour
fatidique.
Nous
aVOIlS
souligné
plus
haut
que
la
mort
d'Emenike
est
interveIlue
à
UIl
moment
où
on
l'attendait
le
moins;
au
momeIlt
où
l'oIl
avait
presque
la
certitude
de
sa
guérison
totale.
Ce
n'est
qu'à
ce
moment
tragique
que
le
lecteur
se
rappelle
des
signes
prémonitoires qui
ont
précédé
la
mort
d'Emenike.
Le
lecteur
se
rend
alors
compte
de
l ' i n f l u -
ence
du
surnaturel
et
de
l'inefficacité
des
sacrifices
ou
de
tout
autre
moyen
pour
infléchir
le
destin
d'un
indivi-
du.
Madume
qui
s ' é t a i t
vu
ravir
la
belle
Ihuoma
par
Emenike
le
brave,
pensait
de
nouveau
réaliser
son
vieux
rêve
en
épousant
Ihuoma.
Son
grand
dessein
c ' é t a i t
d'avoir
un
héri-
tier
avec
elle.
Et,
contrairement
à
l'opinion
générale
117
des
personnages,
Madume
n'est
pas
un
homme
foncièrement
ma u va i s
mai s
que lqu 1un qui
a
des
pro b l ème s
que
les
au t r e s
ignorent:
avoir
un
héritier
pour
s'occuper
de
sa
postérité.
Mais
hélas,
les
choses
vont
de
mal
en
pis
quand
ces
vieux
rêves
se
sont effondrés
et
c ' e s t
à
ce
moment
précis
que
la
fin
tragique
de
Madume
intervient:
homme
i n s a t i s f a i t
i l
le
sera
jusqu:::' à
la
dernière
minute
de
sa
vie.
EkwueID~
qui
avait
toujours
désiré
épouser
une
femme
qui
ressemble
à
sa
mère-
au
point
de
ne
trouver
aucune
joie
dans
son
mariage
avec
Ahurole-
voit
Ihuoma,
l'incarna-
tion
même
de
son
rêve,
lui
échapp-~r à
la
dernière
minute.
EkwueIDe
reconnaît
sa
véritable
nature
d'humain,
d'homme
"médiocre"
lorsque
ses
parents
veulent
lui
faire
croire
à
la
toute
puissance
du
"medicine
man".
Ekwueme
est
bien
conscient
du
destin
tragique
qui
le
poursuit
et
dont
i l
n'attend
que
l'accomplissement:
Suddently
Ekwewne
feU
he was
fighting
for his
[{fe,
and
a
wave
of despe.ration
swept
over him.
AU along
he
had
tried
not
to
believe
Anyika 1 s
divination.
He
had been willing to dare the spirit and maY~Ihuoma[.~
How could he show no fear
in the face of his immortaï
and
vastly more
powerful
rival
?
No
it
would be far
better
ta
face
death
at
home
than
ta
be drowned or
disposed of in who knew whatways. (14)
Les
dernières
pensées
d' Ekwueme,
dans
ce
passage,
ont
valeur
de
prophétie
et
la
fl~che
tirée
sur
lui
à
la
fin
du
roman,
n'est
que
l'accomplissement
de
cette
prophétie:
i l
Y
avait
un
destin
inévitable,
circulaire;
circulaire
parce
que
l'espoir
d'Ekwueme
d'épouser
Ihuoma
se
brise
et
nous
nous
retrouvons
à
la
situation
de
départ:
Ekwueme
118
avait
atteint
le
sommet
de
l'espérance,
son
rêve
était
presque
atteint
mais
hélas!
le
sort
en
a
décidé
autrement.
N0 u s
recomaissons
t 0 u t e
la
p u i s san c e
d u s ur n a t ure l
à
t r a -
vers
les
superlatifs
qu'Ekwueme
emploie
pour
qualifier
le
Dieu de
la
Mer:
"
How
could
he
show
no
fear
in
the
face
of his
immortal
and yastly more
powerful rival
? "
~1;algré
la
reconnaissance
par
Ekwueme
de
cette
puissance
illimitée
et
éternelle
i l
est
déjà
pris
dans
le
tourbillon
tragique
et
i l
ne
peut
plus
s'en
sortir.
Pour
mieux
cerner
ce
rap-
po r t
de
des tin
t ra g i que
i l S'fr ait
in t é r e s san t
d ' a n a l y s e r
brièvement
le
personnage
d' Ekwueme
et
les
événements
qui
l'entourent.
A
travers
des
flashbacks
Amadi
permet
au
lecteur
d'a-
voir
un
portrait
assez
complet
du
personnage
d'Ekwueme.
Nous
ne
nous
attarderons
pas
sur
son
enfance
de
fils
"gâté"
ni
sur
ses
difficultés
à
déclarer
son
amour
à
Ihuoma
et
ses
autres
problèmes
affectifs
et
psychologiques.
Ce
qui
nous
intéresse
c'est
d'observer
Ekwueme
en
tant
que
person-
nage
tragique.
Nous
pouvons
dire
que
l'histoire
tragique
d'Ekwueme
com-
me n c e
avec
son
premier
rêve
prémonitoire
après
la
mort
d ' E men i k e.
Dan s
c e rêve E k wu e me
a v ait
sui v i l e
dé fun t
Emen i -
ke
jusqu'à
un
endroit
où
i l
fallait
traverser
un
cours
d'eau.
la
mère
d'Ekwueme
pressentait
déjà
qu'un
tel
rêve
n'était
pas
banal:
'II
Amadioha
protect
you~
my
son.
We
must
see Anyika about
this.
It is no ordinary dream. "(15).
120
que
le
Roi
de
la
Mer
le
frappe
de
folie;
mais
seulement
de
manière
indirecte.
Amadi
décrit
la
scène
de
folie
d'Ek-
wueme
et
de
sa
guérison
avec
beaucoup
de
réalisme
et
de
sensibilité.
Il
Y
a
un
rapprochement
très
évident
entre
Ihuoma
et
Ekwueme.
Et
c ' e s t
juste
à
ce
moment
favorable
où
tout
le
monde
pense
à
l'union
entre
les
deux
que
le
"dibia",
Anyika,
annonce
le
danger
d'une
telle
union.
Ni
Ekwueme
ni
ses
parents
n'acceptent
cette
découverte
d'Anyi-
ka.
M.ais
la
position
d'Ekwueme
n'est
que
circonstancielle
car,
comme
l'indique
le
passage
suivant,
Ekwueme
ne
rejette
pas
catégoriquement
la
révélation
d'Anyika:
But
religÎ:un
is
a
deep
rooted
thing
and
in
spite
of
himself
the
medicine
man's
divina-
tion
haunted
him.
No
one
could
really
argue
with
a
dibia.
They
were
reputed
to
have
four
eyes
two
for
this
world
and
two
for
the
other
world
They
saw
more
than
met
the
layman's
eye. (l6)
A
travers
de
passages
analogues
où
le
narrateur
livre
les
motivations
et
les i~tentions,cachées
d'Ekwueme,
le
lecteur
vit
l ' h i s t o i r e
d'Ekwueme
comme
si
c ' é t a i t
la
sienne.
Il
partage
la
peur
de
celui-ci.
Et
au
fur
et
à
mesure
que
le
réci t
avance,
l'identification
du
lecteur
au
personnage
tragique
devient
de
plus
en
plus
étroite.
~e rythme du récit s'accélère et les choses se précipitent
vers
le
dénouement
tragique.
La
confirmation parAgwoturumbe
de
la
divination
d'Anyika
intensifie
le
caractère
surnaturel
de
The
Concubine.
L'at-
mosphère
est
plus
que
tragique
car
c'est
un
tragique
qui
121
baigne
dans
le
fantastique
où
nul
ne
sait
à
quel
saint
se
vouer.
La
peur
d'Ekwueme
s'accentue
malgré
l'enthousias-
me
du
"medicine
man",
Agwoturumbé,
qui
croit
pouvoir
neu-
traliser
le
Roi
de
la
Mer,
et
la
joie
de
ses
parents
de
le
voir
bientôt
épouser
Ihuoma.
Ekwueme,
lui,
voit
les
choses
autrement
et
i l
ne
tarde
pas
à
le
manifester:
,
Dede.
l
don't
like
this
canoe
affair.'
, There
is
nothing wrong
with
i t . '
1
There
is. 1
,
What
is
i t
?'
I f
what
Agwoturumbe
and
Anyika
divined
is
true~
then
l
think
i t
is
extremely
risky
to
take
part
in
this
sacrifice
on
the
river ..
No~
l
shall
not
step
in
the
tigeY"s
mouth
Just
like
that. '(17)
Ekwueme
reconnaît
la
monstruosité
et
la
férocité
du
Roi
de
la
Mer
qu'il
assimile
à
un
tigre
dont
la
gueule
est
une
sorte
de
gouffre.
Et
quand
son
père
insiste
pour
le
convaincre
de
l'opportunité
du
sacrifice
sur
la
mer,
Ekwue-
me
ne
mâche
pas
seS mots:
/1
Dede~
the
sea-king
is
not
after
you~
he
is
after me. /1(18)
Agwoturumbe
exige
la
présence
d'Ekwueme
pendant
toute
la
cérémonie
en
mer.
Ekwueme
est
comme
aveuglé
par
le
sort:
Suddently
Ekwueme
felt
that
he
was
fighting
for
his
life~ and a wave of desperation swept
over
him.
All
long
he
had
tried
not
to
belie-
ve
Anyika's
divination.
He
had
been
willing
to
dare
the
spirits
and
marry
Ihuoma
[ . . . J
now
t ha t
the
medicine
man
exp la ined
t he
de-
tai ls
of
the
sacrifice
the
underlying
fears
hitherto
successfully
repressed
came
surging
to
the
surface.
(19)
Ekwueme
offre
plus
ou
moins
un
portrait
achevé
du
personna-
ge
tragique:
il
a
été
averti
du
danger
qu'il
y
avait
122
à
épouser
Ihuoma
au
moment
où
i l
étai t
déj à
pris
dans
le
courant
tragique.
On
peut
dire
qu'il
avait
la
possibilité
de
faire
un
bon
choix
après
la
révélation
d'Anyika.
Mais
ce
choix
n'a
pas
été
possible
parce
qu -'Ekwueme
était
pour-
suivi
par
une
puissance
inexorable.
I l
était
poussé
par
des
forces
surnaturelles
auxquelles
i l
ne
pouvait
pas
résis-
ter.
Osundare
fait
à
ce
propos
une
remarque
pertinente:
Because
of
the
predominance
of
divine
autho-
rit y
in
The
Concubine~
human
reponsability
is
considerably
minimized.
The
- characters
hardly
arrived
at
that
critical
moment
of
choice
when
there
is
a
fork
in
the
road,
a
moment
when
the
question
"what
shall
1
do?"
tugs
the
human
mind.
They
seem
to
ha-
ve
few
of
those
doubts
and
hesitancies
that
put
human
will
to
the
test
and
draw
the
au-
dience's
tears
for
the
tragic
consequences
of a wrong
but
i 9 n 0 Y' a n 1:
c ho i ce.
The
fa c t
i s
that
the
'master
choice'
(Lattimore,p.30
(20))
be longs
to
the
s ea -k ing ~
and
is
made
long
before
the
s tory
begins. (21 )
Ekwueme
est
l'Lncarnation
même
du
personnage
tragique
dans
le
sens
grec du terme.
Sa peur et ses angoisses sont justifiées. 1a peur d'Ek-
wueme
nouS
est
révélée
grâce
au
"psychological
insight"
utilisé
par
le
narrateur pour décrire les sentiments
intérieurs d'Ekwueme et aussi
grâce à l'atmosphère terrifiante et fataliste qui est décrite.
Ce
qu'il
faut
donc
noter
ct est
l'absence
d'un
"tragic
flaw"
aussi
évident
que
celui
qu'on
a
coutume
de
rencontrer
dans
les
tragédies
classiques.
Cependant l
le
"tragic
flaw"
n'est
pas
totalement
absent
chez Ekwùeme.
En
effet 1 en
essayant
de
lire
entre
les
lignes
on
peut
trouver des "tragic flaws"
à
travers les paroles prononcées par celui-
ci (voir
supra)
et
aussi
par
la
décision
d' Agwoturumbe
d'aller
dans
le
domaine
du
Roi
de
la
Mer
afin
de
1 €-
neutraliser.
Si
Agwoturumbe
123
avait
été
tué
on
aurait
peut_ être
considéré
cela
comme
l'oeuvre
du
Roi
de
la
Mer.
Nous
pouvons
pourtant
dire
que
comme
dans
les
autres
cas
tragiques
cités
ci-haut
Agwoturumbe
J
est
un
instrument
aux
mains
du
surnaturel;
Son
action
ou
du
moins
son
intervention
concourt
à
retarder
la
mort
tragique
d'Ekwueme.
La
fin
tragique
d'Ekwueme
peut
aussi
être
justifiée
par
la
consommation
symbolique
du mariage
avant
le
sacrifice.
En
effet,
Ekwueme
et
Ihuoma
se
comportent
comme
des
gens
déjà
mariés
comme
en
témoigne
ce
passage:
, So
JOu
will
be
my
only wife. '
That
is
for
you
to
decide~ my husband.'
,
l
have
a lready
decided my
wife. '
. . . He
embraced
her
long
and
hard
and
p layed
with
her hair. (22)
Ekwueme
et
Ihuoma
ont
franchi
une
étape
qui
ne
peut
qu'ac-
centuer
la
jalousie
du
"Sea-god"
et
l'amener
à
agir
vite.
Et
c'est
effectivement
après
cette
scène
amoureuse
qu~
Ekwueme
est
transpercé
par
la
fl~che
fatale
de
Nwonna,
un
autre
instrument
du
"Sea-god"
pour
atteindre
ses
victimes.
Quand
on
analyse
le
personnage
d'Ekwueme
on
constate
que
sa
vie
est
traversée
par
une
succession
d'ironies
du
sort.
Ekwueme
rompt
avec
la
tradition
en
aimant
passionnément
une
veuve
au
détriment
d'une
femme
qui
lui
étai t
destinée
dès
son
jeune
âge.
Ahurole
veut
conquérir
l'amour
d'Ekwueme
en
lui
administrant
une
potion
magique
qui
au
lieu
de
l'ap-
privoiser
le
rend
fou.
Mais
cette
folie
tourne
à
l'avantage
d'Ekwueme
car
elle
permet
à
celui-ci
de
se
débarrasser d'Ahu-
124
•
role
et
de
se
rapprocher
d' Ihuoma.
L' ironie
suprême
reside
dans
le
fai t
que
Nwonna
tire
la
flêche
qui
a
provoqué
la
m0 r t
d' Ek wu e me.
En
e f f et,
Ek wu e me
a
été
tué
d e
l a ma n i ère
qu'il
avait
enseignée aux
enfants
lorsqu'ils
tiraient
sur
les
lézards.
D'ailleurs
i l
est
fait
mention
plusieurs
fois
de
lézards
dans
le
roman
et
i l s
apparaissent
finalement
comme
des
signes
prémoni toires
du
danger
à
venir.
C'est
surtout
vers
la
fin
que
cet
animal
est
de
plus
en
plus
mentionné;
le
sort
a
voulu
qu'il
fasse
partie
des
ingrédients
du
sacrifice
final.
Ekwueme
est
transpercé
par
une
flêche
décochée
par
Nwonna
qui
voulait
coûte
que
coûte
tuer
Son
propre
lézard:
'Amadioha
of
the
skies!
This
is
terribe!
But
you
had
caught
one
lizard
already. '[s 'ex-
clama
AgwoturumbeJ
,
No,
i t
was
I
who
shot
this
one.
Nwonna
wanted
to
kill
another
by
himself,'
a
l i t t le
boy
said,
displaying
the
big
lizard
he
had
in one
hand.
(23)
Il
s'agi t
d'ironie
du
sort
car
Nwonna
doi t
être
un
bon
tireur
depuis
le
temps
où
sa
mère
disait
qu'il
passait
son
temps
à
essayer
de
tuer
les
lézards:
"He
is
roaming
a-
round with
his
bows
and arrows
trying
to
shoot
lizards
with
other children. "(24)
Nwonna
a
finalement
réussi
à
tuer
un
gros
lézard
en
la
personne
d'Ekwueme
et
cela
devant
le
célèbre
Agwoturumbe
qui,
malgré
ses
deux
paires
d' yeux,
n'a
pu
empêcher
la
mort
d'Ekwueme;
mort
qui
soulève
quelques
questions:
l'homme
peut .. lL faire
quelque
chose
contre
un
destin
tracé
par
une
puissance
surnaturelle?
Les
sacrifices
peuvent-
125
ils
empl§cher
les
dieux
de
faire
ce
qu'ils
veulent
aux
11om-
mes?
Autant
de
situations
qui
font
ressortir
le
caractère
tragique
de
la
mort
d'Ekwueme:
l'impossibilité
d'échaper
à
son
destin.
The
Concubine,
comme
beaucoup
de
critiques
(25)
ont
cherché
à
le
montrer
est
un
roman
qui
illustre
la
lutte
de
l'homme
contre
le
sort
et
la
tentative
sans
cesse
renouvelée
d'apaiser
les
dieux,
les
forces
surnaturel-
les,
en
un
mot
la vaine
recherche
d'une
harmonie
cosmique.
Le
portrait
d'Ekwueme
sommairement
dressé
nous
permet
de
retrouver
au
moins
trois
des
éléments
clefs
du
héros
tragique
tel
qu'il
est
défini
par
Aristote:
1)
Les
héros
tragiques
sont
des
hommes
que
nous
jugeons
supérieurs
ou
meilleurs
que
nous,
dans
ce
sens
que
nous
r.e
pensons
pas
faire
mieux
qu'eux.
Nous
avons
pu
constater
avec
le
personnage
d'Ekwueme
que
sa
peur,
son
angoisse
et
ses
réactions
n'étaient
pas
sans
fondement
mais
qu'elles
étaient
au
contraire
réelles
et
normales.
Ekwueme
reconnaît
sa
nature
d'homme
"médiocre"
pour
reprendre
le
terme
de
Thomas
Melone
et
nous
éprouvons
de
la
sympathie
pour
lui.
2)
Les
héros
tragiques
provoquent
chez
le
lecteur
ou
l'audience
un
effet
de
catharsis;
non
seulement
une
purga-
tion
des
passions
mais
la
catharsis
"
s'éte-nd
aussi
à
t 0 us
ceux
don t
l ' in c lin ais 0 n
n' est
pas
l ' en t hou s i a s me
mai s
la
crainte~
la
pitié
ou
autres
affections:
tous
doivent
éprouver
la
catharsis
et
"un
sou lagemen t
accompagné
de
plaisir"
"(26)
126
Dans
le
cadre
du
roman
amadien
le
rapport
entre
le
person-
nage
et
le
surnaturel
crée
une
situation
de
peur,
de
fatali-
té,
en un
mot
une
émotion
forte
face
aux
menaces
de
l'Incon-
nu
qui
peuvent
peser
sur
chacun
de
nous
à
notre
insu,
3)
Enfin
les
héros
aristotéliciens
sont
toujours
coupa-
bles
d'un
"tragic
flaw",
Sur
ce
dernier
point
nous
avons
pu
constater
qu'avec
le
personnage
amadien
i l
y
avait
lieu
de
faire
une
mise
au
point
sur
la responsabilité
des
person-
nages
dans
les
événements.
En
effet,
i l
ressort
de
notre
analyse
que
la
resonsabilité
était
partagée
avec
les
forces
surnat"Jrelles.
Nous
avons
fait
un
parallèle
avec
la
conception
aristoté-
licienne
de
la
tragédie
pour
dégager
quelques
constantes
avec
la
conception
du
destin
circulaire
telle
qu'elle
a
été
analysée
par
Melone
dans
l'oeuvre
de
Chinua
Achebe
en
termes
d' "ascensionnel"
/
"médiocrité"
"descensionnel"-
et
de
"grande
illusion"
/
"lucidité"
qui
sont
à
la
base
du
"drame
de
l'homme".
La
démarche
suivie
pour
démontrer
la
circularité
du
destin
dans
The
Concubine
est
aussi
valable
pour
les
autres
romans
d'Amadi
avec
la
seule
différence
que
dans
les
autres
romans,
la
tragédie,
comme
nous
l'avons
souligné,
n'obéi t
pas
à
une
structure
aussi
élaborée
que
dans
The
Concubine.
Mais
on
peut
caricaturer,
par
exemple,
en
disant
que
la
fin
de
The
Great
Ponds
laisse
la
question
en
suspens
le
problème
soulevé
en
début
de
roman
se
retrouve
à
la
fin;
les
personnages
n'ont
point
résolu
le
problème
de
127
la
possession du marécage.
Tandis
que
les
lecteurs
demeurent
dans
l'ignorance
totale
quant
à
savoir
lequel
des
deux
villages
belligérants
exploitera le
marécage.
Dans
The
Slave,
le
roman
commence avec
Olumati
et
se
termine
avec
lui.
L'espoir,
la
confiance
et
le
souci
de
défier
les
différentes
forces
visibles
et
invisibles
qu'Olu-
mati
affiche
au
départ
disparaissent
à
la
fin
et
nous
re-
trouvons
le
véritable
personnage,
celui
"d'homme
médiocre":
".. . he
had
taken
refuge at
the
shrine
of Amadioha"(27).
Pour
Amadi
la
vie
est
une
tragédie
perpétuelle
dont
le
surnaturel
est
le
principal
mais
non
l'unique
agent.
C - Tragédie et îantastique
La
réussite
d'Amadi
dans
sa
description
de
la
lutte
de
l'homme
pour
le
maintien
d'une
harmonie
cosmique;
disions-
nous,
réside
dans
l ' e f f o r t
qu'il
fait
pour
entraîner
le
lecteur
dans
le
monde
de
ses
personnages
et
le
convaincre
par
une
structure
narrative
où
tout
se
tient.
Dans
The
Concubine,
par
exemple,
nous
nous
demandons
pourquoi
le
Dieu
de
la
Mer
ne
tue
pas
Ihuoma,
qui
est,
avant
tout,
celle
qui
a
désobéi
à
l'ordre
divin
en
prenant
forme
humaine.
Mais
une
telle
question
trouve
sa
réponse
dans
le
fait
même
qu'Ihuoma
ignore
sa
propre
nature:
nous
sommes
dans
le
domaine
du
fantastique.
I l
Y
a
touj ours
un
déclic
de
dernière
minute
qui
fait
basculer
le
lecteur
d'une
certi-
tude
vers
une
hésitation:
nous
avons
souligné
tous
les
128
mystères
qui
entourent
la
mort
des
différents
personnages
dans
The
Concubine.
L'atmosphère
fantastique
avec
tout
ce
qu'elle
comporte
de
présages,prémonitions
et
augures
donne
un
caractère
de
fatalité
aux
événements.
Le
drame
des
personnages
se
déroule
dans
une
ambiance
de
désordre
cosmique
aux
causes
mystiques,
réelles
et
imaginaires.
La
structure
narrative,
l'intrigue,
l'atmosphère
font
de
The
Concubine
une
oeuvre
fantastique.
A
la
fin
du
roman
le
lecteur
a
en
mémoire
le
personnage
d'Ihuoma
qui
apparaît
comme
le
personnage
central
et
avec
qui
le
récit
avance
et
autour
de
qui
les
autres
personnages
graviter:t.
Si
la
technique
d'Amadi
dans
ce
roman
consiste
à
"éliminer"
les
personnages
"périphériques"
au
fur
et
à
mesure
que
l ' histoire
avance,
i l
va
de
soi
qu
1 Ihuoma,
l 1 h é r o'ï r: e,
ne
d 0 i t
pas
ê t r e
" é l i min é e "
d e s i
tôt
a fin
de
rendre
plausible
la
thèse
du
"medicine
man"
-
l'appartenance
d'Ihuoma
au
"Sea-God"
à
la
fin
du
récit.
Amadi
parvient
ainsi
à
faire
accepter
au
lecteur
à
la
fois
les
causes
naturelles
et
les
causes
surnaturelles
qui
entourent
les
différents
événements
tragiques;
faisant
ainsi
de
The
Con cu-
bine
une
oeuvre
fantastique
aux
yeux
du
lecteur,
tant
sur
le
plan
structurel/formel
que
sur
le
plar:
du
récit/contenu.
Dans
The
Great
Ponds
i l
y
a
une
sorte
d'ironie
autour
- - - - - - - - - - - /
de
la
tragédie
décrite;
la
justice
divine
semble
être
aveu-
gle
ou
incapable
de
discerner
les
choses.
Wago
et
Olumba
qui
sont
les
véritables
initiateurs
des
malheurs
qui
frap-
pent
leurs
villages
sont
épargnés
dans
l'immédiat.
Grâce
129
à
eux
le
suspense
va
durer
à
travers
l'antagonisme
tactique
qui
existe
entre
les
deux
protagonistes:
Olumba
représente
un
espoir
capital
pour
l'obtention
du
marécage
pour
son
village,
tandis
que
Wago
a
pour
rôle
d'empêcher
Chiolu
de
rêver
à
une
victoire
facile.
Wago
est
le
contrepoids
d'Olumba
et
tous
deux
sont
des
protagonistes
qui
font
de
The
Great
Ponds
un
roman
où
la
terreur
et
: ' horreur
sont
sans
bornes.
Si
Wago
meurt
à
la
fin,
sa
mort
est
plus
qu'une
mort
individuelle.
Cette
mort
apparaît
comme
le
jugement
de
Salomon
et
ne
permet
pas
au
lecteur
de
voir
clair
dans
les
événements:
ni Aliokoro,
ni
Chiolu
ne
sortent
vainqueurs
de
cette
longue
guerre.
I l
n'y
a
ni
vainqueur,
ni
vaincu;
i l
y
a
seulemer.t
un
paradoxe:
tous
les
deux
sont
à
la
fois
perdants
et
gagnants.
L'intervention
du
surnaturel
contribue,
tout
au
long
du
récit,
à
créer
une
atmosphère
d'insécurité,
de
doute
et
d'incertitude
si
bien
que
la
tragédie
se
déroule
dans
une
ambiance
fantastique.
Amadi
procède
de
la
même
façor.
dans
The
Slave
pour
con-
vaincre
le
lecteur
de
la
prédominance
du
sacré
et
du
surna-
turel
dans
la
vie
de
ses
personnages.
~e lecteur est
partagé
entre
les
explications
rationnelles
possibles
et
les
lois
surnaturelles.
I l
éprouve
une
profonde
sympathie
pour
les
personnages
qui
sont
aux
prises
avec
les
forces
invisibles.
E n d e r n i ère
ana lys e
i l
no u s a p par a î t
que
l a s i tua t ion
est
beaucoup
plus
pathétique
que
tragique
dans
l'oeuvre
130
amadier.r.e.
En
effet,
malgré
le
dessein
contraire
des
dieux
et
des
forces
surnaturelles,
malgré
le
destin
inéluctable
des
personnages,
ces
derniers
ne
se
résignent
jamais.
Dans
leurs
représentations
du
monde
tout
est
possible;
alors
que
le
lecteur,
lui,
perçoit
une
fatalité,
voire
une
absur-
dité
face
aux
différents
résultats
qui
sont
donnés
à
voir
dans
les
différents
romans.
Nous
éprouvons
un
sentiment
de
pitié
pour
les
personnages
mais
er. même
temps
nous
admirons
leur
courage
et
leur
déter-
minatiofl
à
rétablir
une
harmonie
constamment
remise
en
cause.
Certes ,la
tragédie
se
justifie
par
les
forces
surnaturel-
les
qui
oppriment
les
personnages
et
qui
contrôlent
leurs
actions:
mais,
cette
tragédie
est
mal
perçue
par
le
lecteur
qui
ne
décèle
pas
toujours
la
responsabilité
des
personnages
dans
ce
qui
leur
advient.
Prenons,
par
exemple,
le
person-
nage
d'Olumba
dans
The
Great
Ponds:
le
lecteur
ne
comprefld
pas
pourquoi
i l
ne
bénéficie
pas
d'une
protection
suffisante
du
Dieu de
la Nuit
dès
lors
qu'il
a
juré
au
nom
de son villa-
ge.
En
dépit
de
son
statut
de
vaillant
guerrier,
Olumba
devient
un
être
fragile
soumis
aux
caprices
des
forces
invisibles;
i l
devient
un
personnage
pathétique
aux
yeux
du
lecteur.
Tout
se
transforme
en
sentiment
de
peur
et
d'angoisse
et
le
narrateur
entraîne
très
minutieusement
le
lecteur
dans
ce
monde
pathétique,
de
peur
et
de
souffran-
ce.
Le
lecteur
est
amené
à
juger
les
événements, alors des
131
sentiments
d'indignation,
de
résignation
et
d'indécision
naissent
en
lui:
Indignation
parce
qu'il
constate
une
"injustice"
de
la
par t
des
for ces
in vis i b les
qui
p un i s sen t
des
11 in no ce n t s" .
Il ans
le
c ad r e
de
The
Great
Ponds ,
le
l e c t e ur
est
i n d i g n é
quand
i l
voit
des
personnages
comme
Wago
survivre
au
fléau;
i l
n'arrive
pas
à
comprendre
que
les
dieux
se
taisent
lors-
que
les
adversaires
de
Chiolu utilisent
des
moyens
déloyaux
pour
précipiter
la mort
d'Olumba.
Résignation
parce
que
le
lecteur
est
influencé
par
le
leitmotiv
selon
lequel
"les
dieux
ne
pensent
pas
et
n'agis-
sent
pas
comme
les
hommes".
Le
lecteur
sympathise
donc
avec
les
personnages
car
i l
n' y
a
rien
à
faire
contre
la
volonté
de
tels
dieux.
Toutefois
le
lecteur
n'arrive
pas
à
se
faire
une
idée
précise
sur
le
comportement
des
forces
invisibles
et
celui
des
personnages.
Ces
derniers
sont
victimes
de
leur
ignoran-
ce
et
de
leur
illusion.
1e lecteur ne
parvient
pas
à
prendre
entièrement
partie
pour
l ' une'_'
ou
l'autre
cause,
d'où
son
indécision
et
sa
révolte
étouffée-
face
au
piège
sans
fin
dans
lequel
les
personnages
sont
continuellement
pris.
Le
drame
des
personnages
se
déroule
dans
une
atmosphère
déroutante,
inquiétante
et
fantastique.
132
v - NATURE, REPRESENTATIONS ET IMAGINAIRE
iJa.:ls
la
société
tradi tionnelle
africaine
l ' homme
oeuvre
à
connaître
la
nature
et
attend
d'elle
une
certaine
coopéra-
t ion.
.1Ja
vie
de
l ' ho mme
dép end
de
cet t e
na t ure.
Lan a t ure
doi t
être
comprise
ici
comme
l'univers
dans
sa
totalité.
Elle
concerne
aussi
bien
la
terre,
les
cours
d'eau,
la
faune,
la
flore,
les
montagnes
que
l ' a i r ,
le
ciel
la
lune
et
les
étoiL-es;
i l
s'agi t
du
cosmos
dans
sa
totali té.
La
question
que
nous
nous
posons
est
de
savoir
pourquoi
la
nature
est
si
importante
dans
la
vie
de
l ' homme
?
Et
quelles
sont
les
représentations
que
se
font
les
personna-
ges
d'Amadi
de
la nature?
Dans
l'oeuvre
d'Amadi
i l
y
a
un
nombre
considérable
de
descriptions
des
éléments
de
la
nature à
travers
les
activités
agricoles,
la
pêche,
la
chasse,
la
construction
des
maisons,
les
négociations
de
mariage,
la
cuisine,
la
composition
des
sacrifices
et
des
offrandes
etc ..
Nous
pouvons
donc
dire
que
la
nature
a
une
importance
socio-
économique
dans
la
vie
des
personnages.
Nous
remarquons
aussi
dans
l'oeuvre
d'Amadi
qu'il
y
a
des
lieux
de
culte,
des
espaces
réservés,
une
certaine
méfiance
et
un
certain
respect
de
certains
éléments
de
la
nature.
La nature
a
don~ un
caractère
sacré
et
religieux.
Le
temps
est
ponctué
par
le
rythme
des
saisons,
le
mouve-
ment
des
astres,
des
animaux,
des
oiseaux,
le
cycle
de
certaines
essences
végétales.
En
un
mot
la
nature
détermine
la
vie
des
personnages.
Nous
comprenons
dès
lors
pourquoi
133
le
personnage
dans
son
effort
pour
vivre
en
harmonie
avec
la
nature
fait
un
certain
nombre
de
représentations
de
cette
nature.
Et
lorsqu'il
n'arrive
pas
à
comprendre
cette
nature,
à
expl iquer
les
événements
qui
y
surviennent,
i l
fai t
appel
à
son
imaginaire.
Ce
qui
n'a
pas
été
observé
auparavant
doit
être
interprété;
et
généralement
on
trouve
à
la
fois
des
explications
surnaturelles
et
naturelles.
A - La Nature
Dans
son
acception
première
le
terme
"nature"
désigne
tous
les
éléments
physiques
existants
qui
ne
dépendent
pas
de
l ' homme.
Ce
sont
des
éléments
qui
s'opposent
aux
faits
de
culture
qui
eux
sont
le
résultat
d'une
transforma-
tion
humaine.
Le
terme
nature
englobe
aussi
tous
les
caractères
qui
sont
propres
à
un
être
ou
à
une
chose;
c'est
ainsi
qu'on
parle,
par
exemple,
de
la
nature
humaine.
Au
XVIIIe
siècle
apparaît
en
Europe
le
concept
de
Nature
qui
est
une
idée
philosophique
pour
désigner
une
vie
simple
sans
aucune
forme
de
contrôle.
Nous
retrouvons
l ' i l l u s t r a -
tion
d'une
telle
conception
de
la
nature,
par
exemple,
dans
Les
rêveries
du
promeneur
solitaire
de
Jean
Jacques
Rousseau,
Où
l ' homme
cherche
à
s'évader
dans
le
rêve; le
passé,
le
"fantastique"
entendu
ici
comme
irréel,
imagi-
naire.
La
nature
dans
l'oeuvre
amadienne
se
situe
à
un
niveau
134
différent.
i l
s'agit
à
la
fois
d'une
nature
utilitaire
et
sacrée;
c'est-à-dire
que
la
nature
est
à
la
base
de
la
vie
des
personnages.
Elle
leur
fourni t
leur
pain
quoti-
dien
et
pour
maintenir
ce
rapport
privilégié
avec
la
nature,
le
personnage
construit
des
représentations
de
cette
nature
lui
conférant
ainsi
un
caractère
sacré.
Le
personnage
ama-
dien
vit
au
contact
de
sa
nature,
l'observe
nuit
et
jour,
et
est
e.n
mesure
de
détecter
tout
ce
qui
est
contraire
ou
étranger
à
la
nature
visible.
~e
personnage
cherche
à
vivre
en
symbiose
avec
tous
les
éléments
de
la
nature
comme
dans
The
Concubine,
où
une
chèvre
semble
être
préoccu-
pée
par
la
tristesse
des
hommes:
Outside
a
black
and
white
goat
heavy
with
a
child
sauntered
accross.
It
stopped
by
the
doorway>
looked
intently
at
the
pair
of
unhappy
human
beings
and
moved
on
to
forage
for
good. (1)
Si
ce
passage
traduit
une
certaine
compassion
de
la
chèvre
vis-à-vis
du
couple
malheureux,
i l
témoigne
aussi
d'une
compréhension,
d'une
harmonie
entre
l ' homme
et
la
nature.
~e
regard
de
la
chèvre
n'est
pas
gratuit
dans
l'imaginaire
des
hommes
du monde
d'Amadi.
I l
préfigure
un
certain
malheur
qui
interviendra
plus
tard
dans
le
roman.
La
nature
est
vivante
au
sens
le
plus
large
du
terme;
elle
est
envahie
de
forces
invisibles
qui
peuvent
nuire
au
bien-être
des
hommes
si
ces
derniers
ne
prennent
pas
garde
aux
choses
qui
les
entourent.
Un
exemple
patent
est
donné
dans
The
Great
Ponds
où
un
des
personnages,
Elendu,
rappelle
à
ses
guerriers
que
bien
qu'ils
soient
en
guerre
135
contre
Chiolu
cela
n'est
pas
une
raison
pour
qu'ils
détrui-
sent
les
ignames
des
habitants
de
Chiolu
pour
le
simple
plaisir
de
le
faire:
The
men
made
severa l
fires
and
fe II
on
the
yams,
choosing
the
prize-winners
among
them.
Some
men
roasted
more
than
they
could
eat,
leaving
the
remains
scattered
on
the
ground.
Some
wen t
as
far
as
eut t ing
up
raw
yams
ou t
of
spite.
Elendu
scolded
them
sternly:
"we
are
warriors",
he
said, "but
we
are
also
res-
ponsible men.
Let
us
not
destroy
things
merely
for
the
love
of
doing
so
[. .. J
Moreover,
you
know
as
well
as
l
do
that
every
farm
has
a
god
-Ajokuji.
I f we
offend
him we
shall
be
fighting
tonight
not
only
against
men
but
against
angry
gods,
a
situation
l
do
not
like
to
be
in. "(2)
Dans
l'imaginaire
des
personnages
tout
abus
vis-à-vis
de
la
nature
est
répréhensible
par
des
forces
surnaturelles.
Dans
la
représentation
que
se
font
les
per-
sonnages
dans
ce
passage,
chaque
champ
a
son
dieu.
Elendu
évoque
la
divinité
des
champs
pour
ramener
ses
hommes
à
la
raison.
Mieux
encore,
i l s
sont
en
situation
de
guerre
et
c'est
bien
le
moment
où
l'imagination est
la
plus
fertile:
"If
W8
offend
him
we
shall
be
fighting
tonight
not
only
against
men
but
against
angry
gods",
ceci
nous
rappelle
l'omniprésence
de
l'Invisible
dans
la vie
des
personnages.
La
nature
acquiert
des
pouvoirs
que
les
personnages
lui
donnent
en
y
projetant
des
valeurs
qui
ne
peuvent
être
comprises
qU'à
travers
un
apprentissage
culturel.
136
B - Les Représentations
La
représentation
dans
l'oeuvre
d'Amadi
peut
se
définir
comme
un
effort
de
re-présentation;
c'est-à-dire
concevoir
une
chose
qui
tiendrait
la
place
d'une
autre.
Cette
chose
conçue
est
investie
d'un
certain
pouvoir,
d'une
certaine
signification
par
son
concepteur
et
devient
une
sorte
de
symbole
pour
son
utilisateur
qui
respecterait
l ' e s p r i t
du
premier
créateur.
La
notion
de
représentation
peut
être
mieux
saisie
dans
The
Slave,
où
Olumati
veut
faire
édifier
un
temple
en
l ' honneur
d' Amadioha,
Dieu
du
tonnerre,
de
la
foudre
et
de
la
pluie
(pp.
85-86).
Olumati
pense
à
l'existence
des
esprits
du
mal
et
au
mauvais
sort
que
ses
ennemis
peuvent
jeter
sur
lui.
Il
fai t
appel
à
un
sorcier
pour
neutraliser
le
mal
et
purifier
le
lieu.
Nous
assistons
ici
à
la
transformation
d'un
espace
profane
en
un
espace
sacré.
Si
nous
regardons
de
près
la
personnali-
té
du
Dieu
Amadioha,
nous
comprenons
pourquoi
i l
occupe
une
place
si
importante
dans
l'imaginaire
des
personnages
et
est
par
conséqsuent
objet
de
toutes
ces
représentations.
C'est
un
dieu
qui
englobe
en
lui
seul
trois
fonctions
prin-
cipales
qui
sont
déterminantes
pour
la
survie
des
hommes:
Dieu
de
la pluie,
de
la
foudre
et
du
tonnerre.
C'est
à
la
fois
le
Dieu
de
la
vie
et
de
la
mort;
la
vie
par
la
pluie
et
la
mort
par
la
foudre
qui
peut
s'abattre
sur
tout
individU
qui
ne
respecterait
pas
les
exigences
d'Amadioha.
Dans
le
panthéon
Ibo,
à
part
le
Dieu
Chukwu
qui
est
137
le
Dieu Suprême,
les
autres
divinités
par
ordre
d'importance
sont
sans
conteste,
Amadl'oha
et
Anl' ,
De'esse
de
la t e r r e .
I l
est
intéressant
de
noter
la
masculinité
d'Amadioha
et
la
féminité
d'Ani
ou
Ali
dans
les
représentations
Ibo.
La
terre
est
assimilée
à
la
femme
et
devient
par
là
le
symbole
de
la
reproduction,
de
la
f e r t i l i t é ,
etc.
Alors
qu ./ Amadioha
est
le
ferment,
celui
sans
qui
la
terre
ne
produira
pas.
Il
y
a
une
sorte
de
mise
en
scène
par
les
écri-
vains
Ibo
de
cette
représentation
de
la
cosmogonie
à
travers
leurs
oeuvres.
Amadi,
par
exemple,
à
maintes
reprises
montre
comment
la
vie
de
ses
personnages
est
hantée
et
régie
par
les
diverses
divinités.
La
représentation
apparaît
donc
comme
la
capacité
à
donner
Une
certaine
forme
imagée,
fictive
imaginaire
OU
,
symbolique
à
q li e l q li ejc ho s e
qui
existe
dans
la
réalité
ou
dans
l'imaginaire.
La
représentation
est
avant
tout,
au
point
de
départ
de
l'ordre
du
réel.
Pour
expliquer
le
réel
et
vivre
avec
le
réel
l'homme
se
fait
un
certain
nombre
de
représentations
qui
cadrent
bien
avec
son
imaginaire.
Parlant
de
l'espace,
G.Fischer
écrit
que
" la représentation
proprement
dite
de
l'espace
ne
commence
qu'avec
la
figura-
tion
et
le
souci d'imiter
le
réel."(,))
Durkheim,
lui,
définit
"les
croyances
religieuses"
comme
é t a n t "
des
représentations
qui
expriment
la
nature
des
choses
sacrées
et
les
rapports
qu'elles
soutiennent
soit
les
unes
avec
les
autres~ soit
avec
les
choses
profanes." (:3 ')
La
représentation
répond
donc
à
un
besoin
de
l ' homme
de
138
pouvoir
en
toute
circonstance
de
temps
et
de
lieu
expliGuer
le
monde
avec
lequel
i l
vit.
Il
est
donc
profondément
influ-
encé
par
son
environnement
qui
module
ses
modes
de
pensée
et
de
vie.
C'est
ce
qui
fait
par
exemple
que
la
vue
de
certains
animaux
provoque
chez
les
personnages
d'Amadi
la
peur
ou
la
joie
selon
la
vision,
les
représentations
qu'ils
se
font
de
ces
animaux.
Dans
The
Great
Ponds,
Olumba
est
saisi
de
peur
à
la
vue
d'un
type
particulier
de
serpent:
On
the
way
a
bT'ightly
colouT'ed
snake
cT'ossed
his
path.
Olumba
stood
to
the
spot.
That
was
azigwo
the
snake
of
i l l
omen.
He
watched
i t
disappeaT'
on
the
otheT'
side
of
the
T'oad
[...J (p.ll?)
A
première
vue
nous
pouvons
considérer
l ' a t t i t u d e
d'Olumba
comme
étant
simplement
superstitieuse
mais
à
la
suite
des
événements
survenus
dans
le
roman
et
connaissant
la
position
psychologique
et
sociale
du
protagoniste,
un
tel
jugement
doit
être
écarté
dans
le
contexte
de
l'oeuvre
amadienne.
Dans
Les
structures
anthropologiques
de
l 1 imaginaire,
Gilbert
Durand
fait
une
analyse
tres
intéressante
de
la
nature
du
serpent
et
affirme
que" le
serpent
est
un
des
symboles
les
plus
importants
de
l'imagination
humaine".
Que
l'on
se
souvienne
seulement
de
quelqueS passages
de
la
Bible
où
cet
animal
est
assimilé
au
mal.
Mais
le
serpent
n'est
pas
que
symbole
du
mal,
i l
y
a
bien
des
serpents
e n
A f r i que
qui
son t
l ' 0 b jet
d' un
cul t e
car
ilS r e pré sen t e nt
certaines
divinités.
Olumba
a
peur
d'un
type
particulier
de
serpent.
La
conclusion
de
Gilbert
Durand
sur
la
nature
139
du
serpent
témoigne
du
caractère
mystérieux
et
important
de
cet
animal
à
la
fois
craint
et
vénéré:
[...J le symbolisme ophidien recèle le triple
secret
de
la
mort,
de
la
fécondité
et
du
cycle.
Epiphanie
par
excellence
du
temps
et
du devenir agro-lunaire
i l
est,
au
Bestiaire
de
la
lune,
l'animal
qui
se
rapproche
le
plus
du
symbolisme
cyclique
du
végétal. (4)
La
représentation
dans
l'oeuvre
d' Amadi
comme
dans
celle
de
tout
écrivain,
consiste
essentiellement
en
la
transforma-
tion
d'une
certaine
réalité
pour
faire
passer
un
message
une
idée
oU
un
fantasme.
La
réal i té
entre
dans
l'imaginaire
et
ressort
transformée.
Nous
pouvons
donc
parler
de
la
représentation
et
de
la
déformation.
Amadi
construit
ses
scénarios
et
ses
intrigues
à
partir
des
rapports
qui
existent
entre
les
personnages
et
leur
environnement,
leur
nature;
nature
peuplée
de
forces
surnaturelles
invisibles.
Par
ce
jeu
l'auteur
transporte
le
lecteur
dans
l'espace
et
le
temps
de
ses
personnages,
de
son
imaginaire;
créant
ainsi
l'illusion
du
réel
qui
nous
fait
hésiter,
nous
lec-
teurs,
entre
les
représentations
de
la
société
concernée. et
ce qUi se
passe
dans
l'univers
romanesque.
C - L'Imaginaire
Dans
son
acception
première
l'imaginaire
est
défini
comme
un
phénomène
anormal
dans
un monde
qui
se
veut
ration-
nel.
Aussi
parle-t-on
de
"maladie
imaginaire"
pour
désigner
une
maladie
inventée
de
toute
pièce;
d'une
maladie
qui
ne
résulte
d'aucun
dysfonctionnement
d'un
quelconque
organe.
De
même
parle-t-on
souvent
de
monde
imaginaire,
fantastique,
140
ou
utopique
pour
signifier
un
monde
qui
a
très
peu
de
vrai-
semblance
avec
le
monde
réel.
Au
chapitre
précédent
nous
avons
défini
la
notion
de
représentation
comme
un
mélange
de
vécu
et
d'imaginaire,
de
réalité
et
de
fiction.
L'imaginaire
ici
ne
doit
pas
être
systématiquement
pris
dans
le
sens
de
faux
ou
d'irréel
mais
plutôt
comme
une
attitude
qui
consiste
à
projeter
un
certain
nombre
de
valeurs
dans
le
réel.
Ainsi
le
temple
d'Amadioha
construit
à
l ' i n i t i a t i v e
d'Olumati
devient
un
espace
sacré
où
le
personnage
déposera
des
offrandes
et
fera
des
sacrifices
pour
son
dieu
et
veillera
à
ce
que
cet
espace
ne
soit
pas
souillé.
Sartre
dans
L'Imaginaire
définit
le
concept
d'"imaginaire"
sous
l'angle
phénoménologique
et
le
considère
comme
étant
purement
du
domaine
de
l ' e s p r i t .
Il
voit
l'imaginaire
comme
une
façon
d'appréhender
le
réel
et
d'y
projeter
un
système
de
valeurs.
A
la
suite
de
Sartre,
Gilbert
Durand
écrira
que:
Bien
loin
d'être
épiphénomène
passif,
néanti-
sation
ou
encore
vaine
contemplation
d'un
passé
révolu,
l'imaginaire
non
seulement
s'est
manifesté
comme
activité
qui
transforme
le
monde,
comme
imagination,
mais
surtout
comme
transformation
euphémique
du
monde.
r5 )
Dans
l'oeuvre
d'Amadi
certains
éléments
de
la
nature
sont
valorisés
positivement
ou
négativement
en
fonction
de
l'imaginaire
collectif
ou
individuel;
c'est-à-dire
que
l'imaginaire
apparaît
comme
la résultante
d'un
fond
culturel.
l l
pro vie n d rai t
des
my the s,
d e I a
t rad i t ion,
dies cou t ume s 1
141
de
l'environnement
immédiat
ou
lointain
des
personnages.
Ce
fond
culturel
est
pris
en
charge
collectivement
ou
indi-
viduellement
et
est
soumis
à
une
transformation
qui
répon-
drait
le
mieux
à
la
situation
de
l'heure.
C'est
ainsi
que
dans
l'imaginaire
du
monde
amadien
les
personnages
conçoivent
la
coexistence
entre
le
monde
visible
et
le
monde
invisible.
L'imaginaire
dans
l'oeuvre
d'Amadi
doit
être
vu
positive-
ment
car
c'est
à
travers
l'imaginaire
que
les
personnages
se
font
des
représentations
du
cosmos.
L'imaginaire
et
les
représentations
sont
les
voies
par
lesquelles
l'homme
justifie
et
explique
les
choses
qui
l'entourent
et
avec
lesquelles
i l
vit.
La
nature
telle
qu'elle
nous
apparaît
dans
l'oeuvre
d'Amadi,
disions-nous,
est
à
la
fois
u t i l i t a i r e
et
sacrée.
Ces
deux
aspects
de
la
nature
coexistent
et
sont
insépara-
bles.Et c'est
de la
coexistence
de
ces
deux
ordres
antithéti-
ques
et
complémentaires
qu'apparaît
le
fantastique,
monde
de
la
recherche
de
l'équilibre
où
l'on
ne
doi t
pas
faire
un
pas
de
trop
ni
dans
le
profane,
ni
dans
le
sacré;
mais
au
contraire
vivre
avec
les
deux
à
la
fois.
D
.L'homme
en
rapport
avec
la
nature
et
tentatives
d'organisation de l'espace.
Dans
The
Concubine 1 i l
Y
a
une
présentation
géogra-
phique
du
village
d'Omokachi
dans
lequel
vont
se
dérouler
les
grands
événements
du
roman:
142
Omokachi
was
a
small
village
comprising
eleven
family
groups.
Each
family
group
occupied
a
cluster
of
compounds
and
every
compound
had
a
path
bursting
into
the
main
path
running
across
the
village.
The
main
path
ran
east
towards
A l i j i ,
a
village
rather
bigger
than
Omokachi,
and
west
towards
another
village
Chiolu. (6')
La
description
est
si
claire
que
nous
pouvons
la
représen-
ter
graphiquement
avant
de
proposer
une
certaine
interpréta-
tion.
OMDKACHI
/
1
/
Aliji
La
disposition
particulière
des
différentes
familles
qui
constituent
Omokachi
obéit
sans
doute
à
un
ordre
sacré.
En
Afrique
on
ne
construit
pas
toujours
Où
l'on
veut
et
quand
on
veut.
Dans
le
cas
présent
la
grande
voie
serait
celle
des
premiers
ancêtres
fondateurs
du
village.
A partir
de
cet
axe
principal
des
ramifications
sont
nées
qui
repré-
senteraient
l'élargissement
de
la
première
famille
ancestra-
le
et
la
naissance
de
nouvelles
familles
qui
sont
au
nombre
de
onze,
chiffre
dont
nous
aimerions
bien
connaître
le
symbolisme
dans
la
société
Ibo.
De
part
et
d'autre
de
cet
axe
principal
-
à
l ' e s t
et
à
l'ouest-
se
situent
les
villages
d~ Chi 01 u
et
d'Aliji
qui
sont
des
villages
environnants.
Ces
deux
villages
limitrophes
sont
aussi
les
points
de
référence
du
soleil
levant
ou
couchant
tout
ail
long
du
roman.
L'auteur
ou
le
narrateur
dans
sa
description
physique
ne
parle
pas
du
nord
et
du
sud
et
nous
nous
sommes
posés
la
question
de
savoir
s ' i l
n'y
avait
que
l ' e s t
et
l'ouest
comme
points
cardinaux
dans
la
société
Ibo.
Une
analyse
de
Dominique
Zahan
semble
nous
éclairer
quelque
peu
sur
cette
limitation
des
points
cardinaux
à
l ' e s t
et
à
l'ouest:
Du
point
de
Vue
de
sa
signification
globale.
c'est
le
plus
souvent
en
fonction
de
son
axe
Est-Ouest
que
l'espace
est
valorisé
et
organisé
r...l L' Est est identifié à
la
vie.
à
la ~santé.
au
bien-êtY'e
et
à
la
prospérité:
l'Ouest.
à
la
maladie.
au
mal.
à
la
ma lchance
et
à
la
mort. (7)
Sans
trop
généraliser
nous
pouvons
dire
que
l'Est
et
l'Ouest
représentent
la
vie
et
la
mort
et
que
sans
doute
chez
les
Ibos
ces
deux
points
cardinaux
ont
les
mêmes
valeurs
et
font
partie
de
leur
imaginaire
collectif.
A
côté
des
villages
de
Chiolu
et
d'Aliji
situés
à
l ' e s t
et
à
l'ouest
l'auteur
parle
d'un
troisième
village,
Omigwe
sans
toutefois
le
situer
de
manière
précise
dans
l'espace.
Par
contre
i l
évoque
les
raisons
qui
ont
été
à
la
base
de
son
installation:
But
the
nearest
village to
Omokachi was Omigwe.
Igwe. the founder of Omigwe -.
was
forced
to
leave
Omokachi
when
one
of
his
babies
cut
its
upper
tee th
first.
This
was
a
terrible
omen
signifying
that
Igwe
had
done
something
very
wrong[ .. J Some
whispered
that
he
went
to
work
on
a
Great
Eke
day:
others
that
he
accidentally
killed
a
vulture.
the
sacred
bird
of Ojukwu.
Whatever
i t
was.
the
sacrifi-
144
ces
ne e de d
f 0 T'
ab ..... s 0 lut ion
we T'e
t 00 in vol v e d
and
cos t ly.
Am011:g_ other
things
the medicine
man
had
mentioned
seven
rams.
Igwe
could
l'lot
collect
these
things
and
to
ward
off
the
wrath
of
the
gods
the
villagers
ejected
him
from
the
village. (8)
St
~e
passage
donne
des
informations
sur
la
façon
dont
un
village
peut
être
fondé,
i l
apporte
aussi
des
éléments
sur
le
rapport
qu'entretient
l'homme
avec
son
univers.
Il
serait
intéressant
de
suivre
le
cheminement
qui
a
conduit
à
la
création
de
ce
village.
Au
point
de
départ
i l
:>'
a
un
fait
nouveau:
l'apparition
des
premières
dents
sur
la
machoLre
supérietire.
C'est
un
cas
rarissime
qui
suscite
une
certaine
peur
chez
les
habi-
tants
d'Omokachi.
Un
devin
est
consulté
et
le
père
de
l'en-
fant
est
rendu
coupable.
Cette
curieuse
apparition
des
dents
est
un
avertissement
à
Igwe
qui
aurait,
dit-on,
tra-
vaillé
le
jour
du
Grand
Eke
ou
qui
aurait
tué
par
inadver-
tance
un
vautour,
l'animal
sacré
d'üjukwu.
Dans
la
semaine
Ibo
i l
y
avait
quatre
jours
et
le
Grand
Eke
serait
l'un
des
grands
jours
rattaché
au
grand
marché
d'Eke
comme
le
décrit
Chinua
Achebe
dans
"Madman"
une
nouvelle
de
son
recueil
Girls
at
War
and
Other
Staries
et
aussi
dans
Arrow
of
Gad.
Eke
serait
le
jour
de
repos
et
de
paix
où
les
hommes
se
livrent
à
des
activités
récréa-
tives
ou commerciales.
Même
en
temps
de
guerre
les
hostilités
doivent
être
suspendues
en
ce
jour
spécial.
I l
y
a
une
récupération
(9)
de
l'imaginaire
collectif
par
les
auteurs
Ibo.
La
mort
d'un
vautour
est
la
dernière
faute
qu'Igwe
aurait
commise.
Il
Y
a
des
sacrifices
à
accomplir
en
réparation
de
cette
faute.
Mais
Igwe
est
incapable
de
le
faire;
aussi,
les
autres
membres
de
la
société
le
chassent
de
peur
qu'il
n'attire
des
malheurs
sur
eux.
Nous
constatons
ici
que
ce
qui
n'a
jamais
été
vu
ou
ce
qui
est
rare
est
sujet
à
diverses
interprétations
aussi
bien
naturelles
que
surnaturelles.
Cette
attitude
est
propre
au
type
de
causalité
en
vigueur
dans
cette
société. La pousse
des
dents
supérieures
n'est
pas
un
phénomène
courant
et
est
l ' obj et
de
considérations
imaginaires
dans
beaucoup
de
sociétés
africaines.
Dans
son
étude
sur
les
Azandé,
Evans-Pritchard
constate
que
ceux-ci
considèrent
un
enfant,
dont
les
dents
supérieures
apparaissent
les
premières,
comme
étant
un
être
dangereux:
[. )-. p e 0 p l e
say
that
i t
is
something
kno~n
i
a
baby
has
sho~n upper
teeth
before
lo~er
ones
[ . . . ]
such
a
child
~ould
be
considered
a
danger
to
the
crops
of neighboursE' ~(lD)
Les
Azandé
comme
les
Ibo
voient
dans
l'apparition
des
dents
supérieures
une
menace
à
l'ordre
existant,
un
danger
au
bien-être
de
la
société;
d'où
leur
anxiété
face
à
de
tels
cas
comme
le
souligne
Uchendu:
The
next
important
phase
in
the
life
of
a
child
is
teething.
This
period
is
~atched
~ith
great
anxiety.
It
may
mark
a
turning
point
in
a
child's
life
i f
he
cuts
upper
teeth
before
the
lo~er ones.(ll)
Il
faut
alors
trouver
des
solutions
immédiates
et
c'est
là
où
l'homme
donne
libre
cours
à
son
imagination,
ou
à
146
son
ime.ginaire.
Mais
si
l'histoire
de
la
création
d'Omigwe
s ' a r r ê t a i t
là
elle
ne
serait
pas
pertinente
dans
notre
analyse.
Dans
la
sui te
du
réci t
le
narrateur
rapporte
quo IIgwe
a
fondé
Omigwe
et
qu'il
a
prospéré
énormément.
I l
semblerait
qu . .!
Igwe
ait
accompli
plus
tard
les
sacrifices
qDi
IDi
étaient
prescrits.
le
narrateur
n'est
pas
affirmatif
et
i l
apparaît
à
nous
lecteurs
une
sorte
d'ironie:
le
malheur
d'Igwe
s ' e s t
transformé
en
un
bonheur.
Le
caractère
fantastique
des
événements
est
renforcé
par
la multitude
d'hypothèses
posées
par
le
narra teur
sans
qu'aucune
réponse
définitive
ne
soit
proposée.
Il
serait
maintenant
intéressant
d'avoir
Dn
aperçu
global
de
la
nature,
des
représentations
et
de
l'imaginaire
à
travers
quelques
éléments
essentiels
comme
la
terre,
les
cours
d'eau,
le
ciel,
la
lune,
les
étoiles,
le
soleil
etc . . .
1
La Terre
Dans
l'imaginaire
africain
la
terre
est
sans
doute
un
élément
de
la nature
auquel
on
accorde
une
grande
importance
et
qui
est
l'objet
de
plusieurs
représentations.
Nous
signa-
lions
déjà
cette
importance
à
travers
Ani
ou
Ali
qui
est
l a
D' é e s s e
d e
l a T e r r e.
.La
soc i été
déc r i t e
par
Amad i
é tan t
essentiellement
agricole,la
terre
est
doublement
valorisée
d'autant
plus
qu'elle
est
source
de
vie
et
que
c'est
aussi
dans
son
sein
que
les
morts
sont
enterrés.
la
terre
est
147
féminisée
et
peut
~tre
assimilée
à
une
mère
nourricière
et
protectrice.
Dans
The
Great
Ponds .les
personnages
justi-
J
fient
le
fléau
qui
s ' e s t
abattu
sur
eux
comme
une
vengeance
de
la
Déesse
de
la T'erre;
Ali
veut
rendre
justice
en
punis-
sant
les
hommes
qui
ont
kidnappé
des
femmes
innocentes,
comme
en
témoigne
ce
passage
de
la
divination:
, Ali
is
angry,
very
angry.'
Why
? '
Those
/.ùomen
you
kidnapped
from
Chiolu
must
be
returned
One
of
them
is
pregnant
and
the
god
of
the
earth
as
you
kno/.ù
does
not
tolerate violence
against any
/.ùoman
/.ùith
child.'
(12)
De
m~me/ dans
l'imaginaire
des
personnages
d' Amadi,
Ali
n' ad-
met
pas les
suicides 1
qtii sont
considérés
comme
des
crimes
contre
elle; ce sont de
véritables abominations.
Sur
l a t e r r e l ' h 0 mme b ~ t i t
sam ais 0 n e t
c' est
à
par t i r
de
cette
maison
qu'il
se
représente
le
monde.
L' habi tat
est
une
sorte
de
monde
en
miniature.
Dans
l'oeuvre
d'Amadi
le
lecteur
peut
avoir
une
carte
mentale
de
la
circulation
des
personnages
et
de
leur
occupation
de
l'espace.
La
terre
est
donc
intégrée
dans
l'intrigue
et
les
différents
travaux
champ~tres
que
l'on
trouve
chez
Amadi
font
de
ses
romans
des
romans
ruraux.
Il
y
a
une
valorisation
des
éléments
qui
se
rattachent
à
la
terre
mère.
L'importance
accordée
à
la
terre
s'observe
dans
bien
d'autres
productions
littéraires
africaines.
Dans
Things
Fall
Apartjla
structure
narrative
du
roman
en
trois
grandes
parties
est
très
symbolique;
le
découpage
se
fai t
en
fonc-
tion
des
trois
grandes
offenses
commises
à
l'encontre
de
148
la
Déesse
de
la
Terre,
Ani.
Dans
les
premiers
romans
de
Ngugi
Wa
Thiong' 0
l ' appropria-
tion
de
la
terre
africaine
par
le
colonisateur
est
au
centre
de
l'intrigue.
Mais
au~delà du problème économique que soulè-
ve
cette
appropriation
illégale
i'l; y a la
perte
de
la
terre
des
anc~tres qui
est
soulignée.
En
effet,
i l
n'y
a
rien
de
pire
pour
l'Africain
que
de
n.:e
pas
pouvoir
~tre enterré
au
milieu
des
siens
à
sa
mort
(13).
Dans
Weep
Hot, Child,
.
Ngotho
a
du
mal
à
concevoir
le
vide
qui
va
se
créer
autour
de
lui
faute
d'avoir
une
terre
dans
laquelle
i l
pourra
"vivre"
avec
ses
anc~tres défunts et bénéficier des sacrifi-
ces
et
offrandes
des
vivants:
[ ... ] he f e eU the los s
0 f
the
la n d
e ven
m0 r e
k e e n l y
"thun
Boro~
for
to
him
i t
was
a
spiritual
loss.
When
a
man
was
severed
from
the
land
of
his
ancestors
where
could
he
sacrifice
to
the
Creator
?
How
could
he
come
into
con-
tact
with
the
founder
of
the
tribe,
Cikuyu
and Mumbi
?
(14)
Comme nous pouvons le constater la terre
est
l ' o b j e t
de
plusieurs
représentations
dans
l'imaginaire
africain.
Nous
pouvons
remarquer
au
passage
que
de
multiples
guerres
ont
eu
lieu
4n Afrique
autour
de
la
possession
des
terres;
nous
trouvons
une
illustration
l i t t é r a i r e
dans
Arrow of God.
La
terre
est
un
sujet
riche
en
thèmes
qui
dépassent
le
cadre
de
notre
travail.
2
Les Sanctuaires
Dans
The
Concubine,
le
sanctuaire
d'Amadioha
est
au
149
centre
du
village
comme
l'église
ou
la
mosquée
serait
au
centre
de
la
ville
ou
du
village
ailleurs.
Ce
sanctuaire
tout
en
servant
de
point
de
repère
géographique
est
avant
tou t
1 e r e f let
de
la
pensée
religieuse
des
personnages.
Le
narrateur
fait
une
description
saisissante
de
ce
lieu
consacré
où
Emenike
l i t
sa
mort
prochaine
dans
les
yeux
du
pr~tre du sanctuaire:
At
the
shrine
abso~ute
sti~~ness
reigned
and
i t
was
quite
eo~d
as
a
high
maje5tie
roof
of
the
fo~iage~
~ike a b~aek rain e~oud~
eut
off
the
sun
eomp~ete~y.
Even
the
wind
eou~d
on~y
p~ay
meek~y
among
the
undergrowth
[ . . .]
there
were
sku~~S of anima~s on either
side
of
the
two
earved
figures.
Emenike
who
had
never
before
been
so
e~ose to
the
shrine~
peered
into
the
darkness
and
thought
that
one
or
two
sku~~s ~ooked human. (]S)
Il
Y a
une
certaine
complicité
du
narrateur
dans
la
descrip-
tion
du
sanctuaire
pour
justifier
le
comportement
d'Emenike
et
cela
sème
la
confusion
dans
l ' e s p r i t
du
lecteur.
Les
adjectifs
qui
déterminent
ce
lieu
sacré
sont
négatifs
et
suggèrent
la
mort:
"stilness",
"quite
cold",
"high
majestic
roof
of
foliage",
"black
rain
cloud",
"play
meekly".
La
description
telle
qu'elle
est
menée
suscite
en
nous
lecteur
une. certaine
peur.
Mais
si
notre
peur
est
essentiellement
due
à
la
description
physique
du
lieu,
celle
d'Emenike
doit
~tre,
nous
le
pensons,
due
à
son
imaginaire
et
aux
différentes
représentations
qu'il
établit
avec
l'Etre
invi-
sible.
La
peur
d'Emenike
est
surtout
accentuée
par
ses
propres
visions
qui
l'amènenet
à
voir
des
crânes
humains
là
où
le
narrateur
parle
de
crânes
d'animaux.
L'attitude
150
du
narrateur
nous
fait
penser
à
"l'imagination
de
la
ressem-
blance"
que
décrit
J\\1ichel
Foucault:
Il
faut
qu ' i l
y
ait~
dans
les
choses
représen-
tées~
le murmure
insistant de
la
ressemblance;
i l
faut
qu ' i l
y
ait
dans
la
représentation~
le
repli
toujours
possible
de
l'imagination.
(16 )
Le
narrateur
réussit
à
rendre
vraisemblable
le
comportement
d'Emenike.
Ici
s'applique
de
nouveau
la
définition
que
Schneider
donne
de
l'écrivain
fantastique;
à
savoir
que
l'écrivain
ne
change
pas
le
réel
mais
"multiplie"
ses"signi-
fications"
et
ses
"pouvoirs"
et
"chacun
y
voit
des
choses
différentes".
C'est
pourquoi
Emenike
voit
des
crânes
humains
et
l i t
sa
mort
dans
les
yeux
de
N\\-Jokekoro
alors
que
les
autres
personnages
restent
imperturbables.
Emenike
doit
sans
doute
avoir
des
raisons
d'éprouver
ces
sentiments:
He
gazed
at
the
priest
and
immediatly
regret-
ted
that
he
had
done
so,
for in the pries t 1 S
face
he
read
mild
reproach,
pity~
awe~
power~
love,
life
and
yes,
he
was
sure
death.
In
a
fraction
ofasecond
he
relived
his
past
life.
In
turn
he
feU
deep
affection
for
the
priest
and
a
desire
to
embrace
him~
and
a
nauseating
repulsion
which
made
him
want
to
scream
with
disgust
[ . . . J he felt
a
sicke-
ning
nostalgia
for
an
indistinct
place
he
was
sure
he
had never been
to. (17)
Est-ce
là
la
nostalgie
des
origines
dont
parle
Mircea
Eliade
(18)
ou
une
manifestation
de
l'inconscient
collectif
dont
parle
Jung
(19)
?
Ce
qui
est
certain
c'est
qu'Emenike
meurt
dans
un
laps
de
temps
relativement
court
après
cette
visite.
A travers
le
passage
que
nous
venons
de
citer
nous
pouvons
souligner
le
jeu d'opposition
qu'il
y
a
entre
les
différents
éléments;
une
opposition
que
l'on
pourrait
dire
entre
151
l a
vie
e t
l a
m0 r t.
Erne n i k e
reg a r d e
puis reg r e t t e s 0 n
g est e .
Dans
le
regard
du
prêtre
i l
l i t
un
reproche,
une
pitié,
une
crainte,
de
l'amour,la
vie
et
puis
la
mort.
Emenike
éprouve
une
affection
profonde
pour
le
prêtre,
i l
a
envie
de
l'embrasser
mais il est également pris d'une répülsion nauséeuse
qui lùi donne envie de crier de dégoUt.
Enfin, Emenike
sent
une
nostalgie
pour
un
endroit
qu'il
est
sOr
de
n'avoir
jamais
connu.
Emenike
n'a
plus
le
contrô-
le
de
lui-même
et
c'est
ce
qui
lui
fait
voir
et
penser
plusieurs
choses
à
la
fois;
l'environnement
conditionne
l'individu.
La
question
que
nous
nous
posons
est
de
savoir
si
quelqu'un
qui
ignore
les
valeurs
du
monde
d'Emenike
se
serait
comporté
comme
lui
?
Nous
pensons
que
non,
et
c'est
peut-être
ce
que
l'auteur
nous
invite
à
faire:
essayer
de
comprendre
ses
personnages
avant
de
les
juger.
Le
sanc-
t..-uaire
n'est
pas
un
lieu
banal;
c'est
un
lieu
de
culte,
sacré,
mystérieux
dont
le
narrateur
intensifie
le
mystère
par
le
choix
des
adjectifs
et
la
présentation
des
faits.
Plusieurs
autres
lieux
consacrés
existent
dans
les
romans
d'Amadi
et
obéissent
aux
représentations
et
à
un
imaginaire
similaires
à
ceux
du
sanctuaire
d'Amadioha;
et,
comme
le
souligne
Mircea
Eliade:
C: . .J
la
vénération
d'obJets
cosmiques
ne
peut
pas
être
appelée
"fétichisme"
car
ce
n'est
pas
l'arbre~
la
source
ou
la
pierre
qu 'on
adore~ mais
le
sacré
qui
se
manifeste
à
travers
ces
objets
cosmiques. (20)
Il
y
a
chez
Amadi
le
souci
de
transcender
cette
réalité
dont
parle
Eliade.
I l
parvient
à
le
faire
en
juxtaposant
152
le
profane
et
le
sacré,
le
naturel
et
le
surnaturel,
le
visible
et
l'invisible;
en
faisant
appel
à
la
causalité
rationnelle
et
à
la
causalité
mystique.
Aussi
la
nature
devient
une
réalité
vivante
et
pleine
de
significations
de
tous
ordres.
Elle
parle
et
l'homme
la
questionne
sans
cesse
et
attend
d'elle
une
collaboration.
A
l'image
des
sanctuaires,
des
bois
sacrés
et
d'autres
lieux
de
cultes,
les
co1:irs
d'eau
sont
des
espaces
trés
importants.
3
Les cours d'eau
L'eau
est
source
de
vie
n'arrête-t-on
pas
de
dire
depuis
des
siècles
et
des
siècles.
En
Afrique
cette
réali té
est
d'autant
plus
grande
chez
des
populations
qui
connaissent
des
sécheresses
et
des
famines.
L'eau
est
la
première
des
boissons
offerte
aux
ancêtres,
aux
divinités
et
à
l'étranger.
Mais
cette
eau
symbole
de
vie
peut
devenir
un
symbole
de
la
mort;
elle
peut
passer
d'un
état
de
pureté
à
celui
d'impureté
que
Gaston
Bachelard
décrit
si
bien:
Sur
le
thème
dialectique
de
la
pureté
et
de
l'impureté
de
l'eau>
on
peut
voir
cette
loi
fondamentale
de
l'imagination
matérielle
agir dans
les
deux
sens>
ce
qui
est
une
garan-
tie
du
caractère
éminemment
actif
de
la
subs-
tance:
une
goutte
d'eau
pure
à
purifier
un
océan;
une
goutte
d'eau
impure
à
souiller
un
univers. (21)
C'est
donc
à
travers
la
double
perspective
de
l'eau
comme
source
de
vie
et
comme
source
de
mort
que
nous
pouvons
comprendre
la
portée
de
cet
élément
dans
l'imaginaire
humain.
153
Dans
le
monde
amadien,
comme
nous
le
verrons
au
cours
de
notre
étude,
l'eau
n'est
pas
seulement
un
élément
naturel
mais
elle
est
aussi
le
domaine
du
mystère,
le
lieu
où
habi-
tent
des
forces
surnaturelles.
Nous
avons
déjà
rencontré
plus
d'une
fois
les
représenta-
tions
que
se
font
les
personnages
du
Dieu
Amadioha,
Dieu
de
la
pluie,
du
tonnerre
et
de
la
foudre.
C'est
un
dieu
ambivalent
de
vie
et
de
mort.
La
vie
des
populations
agrico-
les
dépend
en
grande
partie
de
lui.
Dans
The
Concubine
le
narrateur
décrit
l'image
que
se
font
les
personnages
d'Amadioha
et
de
son
prêtre
Nwokekoro:
The
god
of
thunder
was
connected
with
rain~
so
Nwokekoro
was
aZso
the
chief
rain
maker.
Everyone
in
the
viZZage
knew
that
he
kept
a
mysterious
white
smooth
stone
which~
when
immersed
in
water~
caused
rain
to
faZZ
even
in
the
dry
season
[ . . . J{22}
Le
ton
posé
du
narrateur
dans
ce
passage
convainc
le
lecteur
de
la
symbiose
qui
existe
entre
le
prêtre
et
son
dieu
mais
aussi
de
la
croyance
des
personnages
en
leurs
pouvoirs.
Il
y
a
un
décalage
par
rapport
à
la
réalité
à
cause
du
pouvoir
mystique
de
Nwokekoro;
cependant
ce
décalage
ne
sus-
cite
aucun
doute
sur
l'interaction
entre
le
monde
naturel
et
le
monde
surnaturel,
entre
le
profane
et
le
sacré.
Pour
revenir
au
cours
d'eau
nous
dirons
que
les
popula-
tions
s'installent
généralement
à
leur
proximi té
et
créent
des
liens
trés
intimes
avec
les
forces
invisibles
qui
sont
censées
occuper
ces
lieux.
Hormis
ces
représentations,
les
cours
d'eau
peuvent
constituer
une
frontière
naturelle
entre deùx
villages.
Mini
Weku,
a
stream
with
a
powerful
god,
formed
the
boundary
between
the
two
villages
[
Chi 0 lu
and
0 mo ka chi
-1. The w0 r shi P 0 f Min i
Weku
often
coincided -with
the
clearing
of
the
path.
Worshippers
from
the
two
villages
would meet
and
offer
their
sacrifices
jointly.
It
es tab lished
goodwi II
and
the
god
ensured
that
no
evil
crossed
from
one
village
to
the
other.
For
instance,
no wizard
from
Chiolu
wou ld
dare
to
cross
Omokachi
to
make
havoc.
Mini
weku
would certainly
liquidate
him. (23)
Ici
i l
Y
a
l'exploitation
commune
d'un
ruisseau.
Ce
qu'il
y
a
d'intéressant
à
noter
c'est
la
richesse
des
représenta-
tions
a~tour de ce ruisseau. Il y a un dieu et des sacrifices
sont
faitf3 conjoitement
par
les
deux
villages
afin
qu'aucun
mauvais
esprit
ou
sorcier,
ou
tout
autre
malfaiteur
ne
puisse
traverser
le
ruisseau
pour
aller
faire
du
mal
de
l'a~tre
côté.
Dans
l'imaginaire
des
personnages
une
telle
personne
serait
"liquidée"
par
le
dieu
du
ruisseau.
Ce
passage,
ainsi
présenté l
semble
à
première
vue
n'avoir
qu'un
intérêt
purement
sociologique
ou
anthropologique.
Mais
ce
n'est
pourtant
pas
le
cas l
car
plus
tard
le
narrateur
va
tester
les
pouvoirs
réels
de
ce
ruisseau
à
travers
Wonuma
qui
est
allée
chercher
une
potion
magique
à
Chiolu
pour
ensorceler
son
gendre,
Ekwueme,
et
l'amener
à
aimer
sa
fille, Ah,;role:
/
As
Wonuma
approached
the
stream-god
her
fears
grew
until
her
legs
quaked.
She
stopped
under
a
tree
to
rest
and
debate
whether
to
cross
the
stream
or
go
back
to
Chiolu
to
get
adequate
protection
from
the
medicine
man.
Ah,
but
what
a
fool
she
was.
The
stuff
could
not
really
be
classified
as
poison.
I f
anything
i t
was
medicine
which
was
meant
to
build
a
home.
This
conviction
grew
until
she
actually
felt
a
sense
of
pride
in
having
155
the
pluck
to
seek
the
welfal'e
of
Ahul'ole
and
her
husband.
Mini
Weku
should
he
proud
of
her>
she
thought.
She
crossed
the
stream.
(24)
Si
Wonuma
en
classant
la
potion
magique
non
pas
comme
un
poison
mais
comme
un
remède,
a
pu
traverser
le
ruisseau,
la
suite
du
roman
fait
hésiter
le
lecteur
lorsqu J Ekwueme
devient
fou.
De
plus
le
lecteur
sait
déja
qudAhurole
avait
tenu
le
même
discours
que
celui
de
sa
mère
devant
Anyika
qui,
pourtant
a
refusé
son
assistance
parce
que
pour
lui
la
potion
magique
est
un
poison
à
long
terme:
But
i t
wouldn't
harm
him' >
Ahurole
put
in.
In
the
long
l'un
i t
might
my
daughter.
l
[
Anyika
]
am
sure
you
have
seen
active
and
intelligent
men
suddenly
become
passive
stupid
and
dependent.
That
is
what
a
love
potion
can
do. ' (25)
Les
mots
du
"medicine
man"
se
vérifient
partiellement
plus
tard
lorsque
Ekwueme
sombre
dans
la
démence.
Et
le
lecteur
se
pose
bien
des
questions:
est-ce
l'action
de
la
potion
magique
ramenée
de
l'autre
côté
du
ruisseau
?
Si
tel
est
le
cas
pourquoi
le
Dieu
du
ruisseau
n ' a - t - i l
pas
agi
confor-
mément
aux
pouvoirs
qui
lui
sont
conférés?
La
folie
d'Ekwu-
eme
a-t-elle
d'autres
causes?
Sans
doute
oui
car
Wonuma
maintient
que
plus
d'une
femme
a
administré
la
potion
magique
à
son
mari
et
qu'elle
même
en
a
fait
autant
à
son
mari
qui
n'est
pourtant
pas
devenu
fou.
Toujours
à
propos
de
l'eau,
i l
est
intéresant
de
noter
l'attitude
des
personnages
face
à
l'eau
de
mer.
L'imaginaire
156
africain
semble très peu
préoccupé
par
cette
eau;
surtout
dans
l'oeuvre
amadienne.
La
mer
n'est
évoquée
que
dans
The
Concubine
où
l'on
dit
que
les
malheurs
qui
arrivent
aux
personnages
sont
l'oeuvre
du
"Sea-God".
La
mer,
cette
eau
infinie,
est
le
domaine
de
l'inconnaissable,
lieu
où
vivent
les
monstres.
Les
basses
et
les
hautes
marées
font
l'objet
d'un
imaginaire
florissant ..
Les
récits
des
marins,
la
science
fiction
sur
la
vie
sous-marine
témoignent
de
la
richesse
des
représentations
sur
la
vie
aquatique;
nous
trouvons
une
illustration
de
tels
récits
dans
Vingt
Mille
lieues sous
les
mers
de
Jules
Verne
(1870).
Gilbert
Durand
( 26 )
et
Gaston
Bachelard
( 27 )
insistent
longuement
sur
la
diversité
et
l'abondance
de
l'imaginaire
humain
sur
l'élément
eau.
Que
l'on
se
rappelle
aussi
les
déluges
et
les
monstres
aquatiques
dans
l ' A,ncien T.estament.
Dans
la
littérature
nigériane
et
africaine
nous
pouvons
citer
des
oeuvres
comme
Efuru et
Idu
de
Flora
Nwapa,
Ripples
in
the
Pool
de
Rebecca
Njau,
The
Fisherman's
Invocation
et
The
Voice
de
Gabriel
Okara,
Cycle
de
sécheresse
de
C.C.
Sow,
The
Swamps
Dwellers
de
Wole
Soyinka,
et
bien
d'autres
oeuvres
dont
bien
sûr
The
Concubine
qui,
chacune
évoque
le
thème
de
l'eau:
son
manque,
son
excès,
le
mystère
qui
y
règne,
son
symbolisme;
autant
de
richesses
qui
peuvent
faire
de
l'eau
l'objet
d'une
étude
particulière.
L'eau
est
valorisée
positivement
ou
négativement
selon
le
contexte
dans
lequel
on
se
trouve;
cette
tendance
est
propre
à
l'imaginaire
humain
et
que
Bachelard
décrit
en
157
ces
termes:
Deux
grands
mouvements
de
'l'imaginaire
pren-
nent
naissance
près
des
objets:
tous
'les
corps
de
'la
nature
produisent
des
géants
et
des
nains~
'le
bruit
des
f'lots
emp'lit
'l'immensité du
cie'l ou
'le
creux d'une
coqui'l-
'le.
Ce
sont
ces
deux
mouvements
que
'l'imagi-
nation
vivante
doit
vivre.
E'l'le
n'entend
que
'les
voix
qui
s'approchent
ou
'les
voix
qui s 'é'loignent. (28)
Aux
cours
d'eau
sont
rattachées
des
activités
annexes
comme
la
pêche,
le
transport,
la
cul ture,
et
ce
n'est
donc
pas
une
surprise
si
l'imaginaire
et
les
représentations
qui
s'y
rattachent
sont
si
nombreux.
Comme
autre
élément
lié
à
la
terre
et
à
l'eau
i l
faut
citer
la
flore.
4 . La Flore
Dans
le
cadre
des
rOffians
d'Amadi
la
flore
est
essentiel-
lement
formée
de
la
forêt
avec
les
essences
qu'on
y
trouve.
la forêt peut être considérée comme la seconde demeure des personnages.
En
effet, c'est
là
que
se
passent
la
plupart
des
activités
économiques.
L' homme
va
dans
la
forêt
à
la
recherche
des
terres
cultivables,
des
plantes
médicales,
du
gibier,
du
bois
de
chauffe,
de
sève
pour
l'alcool
et
bien
d'autres
choses
encore.
Mais
comme
pour
l'eau,
la
forêt
peut
être
à
la
fois
un
lieu
de
refuge
et
un
lieu
d'insécurité;
et
Amadi
exploite
cette
ambivalence
de
la
forêt
dans
ses
romans.
Nous
y
découvrons
les
personnages
en
contact
avec
ce
milieu
et
toutes
les
représentations
qU'ils
se
font:
les
"medicine
men"
ont
une
parfaite
connaissance
des
essences
et
i l s
les
utilisent
pour
la
composition
de
leurs
médicaments.
158
La
densité
de
la
forêt
lui
confère
un
caractère
effroyable
et
terrifiant.
Dans
The
Concubine,
les
premières
lignes
décrivent
Emenike
isolé
dans
la
forêt
et
se
sentant
en
insécurité,
sûr
qu'une
agression
peut
survenir
à
tout
moment.
Dans
The
Great
Ponds,
la
forêt
est
le
lieu
de
prédilection
pour
conduire
la
guerre
entre
Chiolu
et
Aliakoro.
Dans
la
forêt
se
cache
l'inconnu
et
l'Africain
voit
touj ours
la
forê t
comme
un
endroi t
qui
regorge
de
dangers.
Dans
l'imaginaire
africain
la
forêt
est
habitée
par
des
esprits
généralement
de
mauvais
esprits.
Elle
est
à
la
fois
un
lieu
d'abondance
et
un
lieu
de
mystère.
I l
y
a
même
une
zone
circonscrite
dans
la
forêt,
déclarée
zone
maudite
où
sont
jetés
les
corps
de
ceux
qui
se
suicident
ou
de
ceux
qui
sont
morts
à
la
suite
d'une
maladie
honteuse
ou
de
toute
autre
mort
abominable.
La
forêt
c'est
entre
autre
la
demeure
des
fauves
et
c'est
ce
qui
fait
qui
Aso,
qui
était
sur
le
point
de
se
suicider,
remet
en
cause
son
projet
à.
la
seule
pensée
que
son
corps
sera
jeté
dans
la
forêt
maudite:
Once
in
a
while
he
thought
of
suicide~ but
that
was
sa
abominable~
that
he
did
not
dwe II
on
i t .
Ta
be
thrown
unburied
in
the
Evil
Forest~ a
feast
for
wild
animals~ was
unthinkable. (29)
Il
y
a
une
infini té
de
contes
de
fées
et
d' histoires
merveilleuses(30)
qui
se
rapportent
à
la
forêt.
De
par
son
impénétrabilité
la
forêt
est
le
lieu
où
l'individu
à
la
conscience
perturbée
peut
avoir
toutes
sortes
de
visions
et
donner
libre
cours
à
son
imagination.
Nous
avons
déjà
159
décrit
l'atmosphère
qui
régnait
dans
le
sanctuaire
d'Amadio-
ha
et
le
comportement
d'Emenike
dans
ce
lieu.
Tandis
que
dans
The
Great
Ponds
pendant
la
guerre
entre
Chiolu
et
J
Aliakoro
les
arbres
ont
un
autre
aspect
pour
les
personnages
que
celui
qu'ils
montrent
en
temps
normal.
Wago
est
persuadé
q u ' i l
y.~ a
un
danger
~errière les arbres:
He
saw
the
big
trees
with
massive
climbers
encircling
them
in
a
life-and-death
embY'ace.
He
saw
brightly
coloured
butterflies
floating
about
with
oversized
wings.
He
saw
a
king-
fisher
perched
on
a
branch
overhanging
the
pond,
nodding
its
head
in
its
characteristic
way.
He
saw
no
man,
but
he
knew
that
dangers
lurked
behind
the
trees. (31)
Tout
prend
des
proportions
démesurées
à
travers
le
regard
de
h1ago: "1ife-and-death
embrace",
"brightly
coloured", " over -
sized
wings","dangers
lurked
behind
the
trees".
La
forêt
apparaît
dans
l'imaginaire
des
personnages
comme
le
refuge,
le
carrefour
d'une
infinité
de
forces
invisibles.
Mais
cet
aspect
de
la
forêt
ne
l'empêche
pas
d'avoir
une
place
de
choix
dans
la
vie
quotidienne
des
personnages.
Amadi
montre
la
forêt
en
pleine
vie
où
les
personnages
s'activent
dans
14s
champs,
tendent
des
pièges
aux
animaux
ou
taülent
le
palmier.
Dans
The
Concubine
i l
y
a
une
tendance
- - - - - - - - 1
à
l'idéalisation
de
la
forêt
de
par
l'abondance
du
gibier
qu'on
y
trouve
et
des
récoltes
qu'on
y
f a i t .
~1ais
au-delà
de
cette
prospéri té
économique,
Amadi
~ntègre
la
flore
dans
son
r é c i t .
I l
Y a
de
nombreuses
références
à
la
flore
dans
les
proverbes,
les
comparaisons,
les
constructions
verbales
toutes
faites
etc.
Dès
la
première
page
de
The
160
Conc ubine
]\\1ad ume
est
décrit
comme
celui
qui
a
"an
Iroko
trunk"
(p.l)
tandis
que
la
couleur
de
la
peau
d'Ihuoma
est
comparée
à
celle
d'une
termitière:"
Ihuoma's
complexion
was
that
of the ant-hill"
(p.lO)
et
la
mort
comparée
à
une
mauvaise
moissonneuse: "death
is
a
bad
reaper;
i t
is
not
always
after
the
ripe
fruit."
Ce
proverbe
devient
comme
un
lei tmotiv
dans
The
Concubine
et
s'applique
à
tous
les
personnages
qui
ont
été
prématurément
arrachés
à
la vie.
Quand
Anyika
et
Agwoturumbe
se
rencontrent
i l s
semblent
faire
un
étalage
de
leurs
connaissances
des
essences
végéta-
les
locales:
"[ ... J Where
can
1
collect
"rats'ears"
here
?
l
see
you
have
some."
[dit
Agwoturumbe]
"
Oh
they
are
quite
abundant
here.
Move
up
the
r 0 a d
un t i l
Y 0 u
c 0 m e t 0
t ha t
l }" 0 k 0
t r e e
there.
Go
along
the narrow
track
that
branches
off by
i t . "Rats ' ears" grow abundontty by
there."
" Thank
you.
It/hat
about
mbleleku
leaves
?"
" Those
are rare . . . "
(32)
A
côté
de
la
forêt,
à
proximité
des
maisons
i l
y
a
des
bosquets
qui
renferment
tr~s souvent
de
petits
aménagements
pour
le
culte
des
ancttres
et
des
divinités.
Amadi
fait
une
utilisation
symbolique
de
l'arbre
dans
ses
romans.
Dans
The
Concubine/
la
comparaison
de
Madume
à
un
arbre
n'est
pas
sans
intérêt;
en
effet
les
trois
grands
événements
qui
se
rattachent
à
sa
vie
sont
liés
à
l'arbre:
d'abord
sa
victoire
sur
Emenike
est
en
partie
due
à
une
souche
d'arbre.
Ensui te
i l
tente
de
récupérer
des
palmiers
qui
avait
été
attribués
à
Emenike
par
les
anciens
et
du
haut
d'un
palmier l
un
cobra
crache
dans
ses
yeux.
Enfin
161
Madume
met
fin
à
ses
jours
en
se
pendant
à
une
poutre.
Pendant
la
scène
de
folie
d'Ekwueme
on
trouve
celui-
ci
dans
un
arbre
regardant
la
société
en
plongée.
L'arbre
apparaît
ici
comme
un
refuge
pour
Ekwueme;
ur,
moyen
provi-
soire
pour
lui
de
fuir
le
monde,
de
marquer
son
opposition
au
refus
de
sa
société
d'accepter
son
mariage
avec
Ihuoma.
Ce
n'est
pas
étonnant
que
la
revendication
d'Ekwueme
avant
qu'il
ne
descende
de
l'arbre
est
la
présence
d'rhuoma
au
pied de
l'arbre
et
l'acceptation
de
celle-ci
de
l'épouser.
Il
y
a
bien
d'autres
utilisations
symboliques
de
l'arbre:
la
forêt
qui
avale
les
hommes
à
la
recherche
d'Ekwueme:
/1 Soon
the
surrounding
bushes
swallowed
the men./1
(p.177).Et
quand
Ekwueme
est
retrouvé
c'est
le mouvement inverse
qui
se
produit:" The
Ikoro
was
sounded
as
its
sound
sped
[rom
tree
to
tree,
the
surrounding
[orest
disgorged
the
men
i t
had
swallowed. /1
(p .179).
Ici 1
la
forêt
semble
être
en
symbiose
avec
les
personnages;
les
arbres
sont
les
relais
des
hommes
et
transmettent
le
message
de
l ' "Ikoro"
aux
hommes
dans
la
forêt.
I l
y
a
donc
une
participation
de
la
flore
à
l'ac-
tion
des
humains.
Amadi
met
donc
en
évidence
la
coexistence
de
l'animé
et
de
l'inanimé,
du
visible
et
de
l'invisible,
de
l'homme
et
de
la
flore.
Le
temps
dans
la
société
décrite
par
Amadi
est
essentiel-
lement
un
temps
agraire,
c'est-à-dire
lié
au
cycle
des
saisons,
à
la
re-naissance
de
la
végétation
ou
à
la
mort
de
celle-ci.
L'âge
d'Ihuoma
est
calculé
en
fonction
de
l'exploitation
162
du
champ
de
son
père:
She
was
young;
i t
was
easy
to
reckon
her
age.
Every
farm
land
was
used
once
in
seven
years.
The
piece
of
land
on
which
her
father
farmed
in
the
year
of
her
birth
was
farmed
on
the
fourth
time
last
year.
So
she
was
Just
about
twenty-two. (33)
C'est
donc
en
suivant
les
cycles
de
la
flore
que
les
person-
nages
se
retrouvent
dans
le
temps.
]\\1ais
i l
n' y
a
pas
que
la
flore
comme
facteur
de
détermination
du
temps.
Il
y
a
aussi
la
faune,
le
soleil,
la
lune l
les
étoiles,
les
grands
événements,
l'observation
du
cosmos
tout
entier.
Les
espèces
végétales,
comme
tous
les
autres
éléments
de
la
nature
dans
le
monde
amadien,
ont
une
double
caracté-
ristique:
i l
y
a
des
espèces
qui
sont
sacrées,
qui
ont
toute
u"e
histoire
et
dont
on
fait
une
utilisation
spéciale
que
seuls
les
initiés
connaissent;
ces
espèces
vont
donner
lieu
à
des
représentations
et
à
des
considérations
religieu-
ses
comme
le
totémisme
et
le
tabou.
Il
y
a
aussi
des
espèces
qui
n'ont
pas
de
propriétés
particulières
et
qui
sont
desti-
nées
à
la
consommation
courante
et
profane.
Mais
de
manière
générale
l'arbre
est
assimilé
à
l ' ê t r e
humain
dans
les
représentations
africaines.
Chez
beaucoup
de
peuples
on
pense
même
que
l'arbre
se
déplace
la
nuit.
5 . La faune
On
trouve
dans
la
forêt
des
animaux
de
toutes
sortes.
Quelques
uns
constituent
le
gibier
que
les
personnages
163
rapportent
à
la
maison.
~1ais
c'est
surtout
les
animaux
"totémiques"
qui
ont
une
place
de
choix
dans
l'imaginaire
des
personnages.
Ce
sont
des
animaux
qui
sont
dédiés
à
des
dieux
ou
à
des
personnes
bien
particulières.
Les
animaux
sont
à
la
fois viande
de
consommation,
messagers
ou
symboles
du
monde
invisible;
objets
de
culte,
d'oracle
et
de
rituel.
Dans
The
Concubine
le
vautour
est
l'oiseau
sacré
d'Ojukwu,
- - - - - - - - - 1
divinité
qui
contrôle
la
variole.
Le
vautour
est
le
messager
d'Ojukwu
et
lorsqu'il
se
pose
sur
le
toit
d'un
individu,
ce
dernier
va
chercher
la
signification
chez
le
"medicine
man"
comme
l'indique
le
passage
suivant:
The
vulture
was
the
sacred
bird
of
0Jukwu
and
i f
one
settled
on
a
man's
roof
he
ran
immediatly
to
a
medicine
man
to
divine
the
message
from
the
god.
The
finding
could
be
anything
from
a
blood-curdling
ultimatti177.
to
a
good
will
and
the
sacrifices
varied
accordingly. (34)
M~me si
le
message
d'Ojukwu
n'est
révélé
que
par
le
devin,
i l
ne
faut
pas
perdre
de
vue
que
l'individu
qui
reçoit
la
visite
du
rapace
diurne
s'imagine
avant
tout
que
que l q u€
ch 0 s e n e
va
pas
e t
qu' i l s e
peu t
que
ce
soit
grave.
Mais
la
question
que
nous
nous
posons
c'est
pourquoi
le
vautour
e s t - i l
le
messager
d'Ojukwu
et
pas
un
autre
oiseau?
Est-ce
parce
que
dans
certaines
régions
d'Afrique
on
attribue
l'origine
de
la
mort
au
vautour
qui
aurait
apporté
ce
fléau
aux
hommes
en
devançant
le
messager
de
la
vie?(35)
Tout
ce
que
nous
savons
c'est
que
le
vautour
n'apparait
que
là
où
i l
y
a
de
la
pourriture,
un
cadavre.
Le
vautour
164
en
Afrique
de
l'Ouest
ne
chasse
pas,
mais
se
contente
de
dévorer
les
corps
en
décomposition.
Chez
les
Mossi
du
Burki-
na
Faso,
i l
y
a
un
adage
populaire
qui
dit
que
"le
vautour
se
préoccupe
trés
peu
de
son
lendemain,
i l
attend
que
Dieu
tue
pour
manger
" Le vautour est consommé rituellement
par
ceux
qui
se
destinent
à
la
fonction
de
divination;
ceci
parce
que
le
vautour
a
la capacité
de
voir
ou
de
flairer
les
choses
lointaines.(36)
Partant
de
ces
quelques
remarques
nous
pouvons
dire
que
le
vautour
tient
une
place
importante
dans
l'imaginaire
africain.
C'est
peut-être
ce
qui
explique
l'attitude
des
personnages
d'
Amadi
lorsqu'un
vautour
se
pose
sur
leur
t o i t ;
i l s
imaginent
que
le
vautour
a
flairé
que l q u e'c ho s e
de
ma u va i s.
D e l à
na î t
la
fan tas t i que
déc r i t e
par
Gilbert
Durand
qui
n'est
rien
d'autre
que
le
fantastique
résultant
d'un
certain
fond
culturel,
d'un
imaginaire
col-
lectif.(37)
Il
existe
des
liens
secrets
entre
les
animaux
et
les
êtres
humains.
Dans
l'imaginaire
des
personnages
amadiens
la
vue
de
certains
animaux
est
un
prélude
à
un
malheur
ou
à
un
fait
nouveau.
Nous
avons
déjà
souligné
dans
The
Great
Ponds
(p.62)
les
inquiétudes
d'Eze
Okehi lorsque
son
enfant
capture
deux
oiseaux
bien
portants.
Ces
oiseaux
ont
un
sens
parabolique
pour
l'auteur
symbolisent
les
deux
femmes
kidnappées
-
et
préfigurent
un
malheur
pour
les
personnages.
L'oeuvre
d'Amadi
est
truffée
de
petits
incidents
aux
conséquences
énormes,
si
bien
que
le
personnage
doi t
bien
165
observer
la
nature
et
prendre
garde
aux
éléments
de
cette
nature,
aussi
infimes
soient-ils.
Il
faut
rappeler
ici
que
ces
animaux
interviennent
dans
le
déroulement
de
l ' in-
trigue
comme
nous
avons
pu
le
constater
dans
The
Concubine
avec
le
serpent
d'Amadioha,
le
vautour
d'Ojukwu,
l ' u t i l i s a -
tion
dramatique
du
lézard,
qui
devient
une
composante
de
l'atmosphère
tragique
et
fatidique.
La
présence
de
ces
animaux,
comme
nous
l'avons
di t,
donne
une
a tmosphère
de
fatalité
aux
romans
d'Amadi.
A c6té
des
animaux
sauvages
i l
y
a
les
animaux
domestiques
composés
pour
les
familles
moyennes
de
caprins
et
surtout
de
volaille.
La
poule
est
la
plus
élevée
et
elle
est
trés
utilisée
pour
les
sacrifices
et
les
offrandes.
Dans
la
société
agraire
décrite
par
Amadi,
à
maintes
reprises
l'on
se
réfère
au
temps
du
matin
grâce
au
chant
des
coqs.
Nous
pouvons
donc
dire
que
le
personnage
vit
quotidiennement
avec
la
faune.
Il
reconnaît
tous
les
oiseaux
et
animaux
qui
font
partie
de
son
environnement.
Dans
le
monde
amadien,
les
personnages
apprennent
à
reconnaître
les
différentes
manifestations
de
la
faune.
La
faune
entretient,
enfin,
avec
l'homme
des
rapports.
sociaüx,
économiques,
religieux
et
mystiques.
Comme
pour
la
flore,
la
faune
est
intégrée
dans
le
récit
d'Amadi.
Elle
intervient
dans
les
proverbes,
les
comparaisons,
les
constructions
et
expressions
toutes
faites
comme
nous
le
rencontrons
dans
The
Great
Ponds
où
les
hommes
en
guerre
sont
assimilables
à
des
fauves:
166
"
Olumba
foughht
like
a
maniac,
foaming
at
the
mouth . . . "(p.
48), "when
two
cocks
are
tired
of
fighting
a
mosquito
flying
between
them
is
enough
to
stop
them."
(p.77),
"a
goat
may
sweat
but
its
fur
always
hides
the
fact. "(p.66).
I l
Y a
une
infinité
d'expressions
qui
traduisent
toutes
les
tournures
que
prend
la
guerre
entre
Aliakoro
et
Chiolu;
aussi
pour
appeler
les
deux
belligérants
à
plus
de
modération,
le
patriarche
utilise
des
expressions
verbales
qui
reflètent
une
réalité
locale:
Weigh
an:; amount
of
fish
against
your
wives
and
children
and
you
will
see
immediatly
that
you
are
behaving
like
the
tortoise
who
clubbed
his
wife
Aliga
to
death
in
an
all-
out
attempt
to
k i l l
a
tse-tse
fly
that
had
perched
on
her
head. (38)
De
même
quand
l~ago défie
\\Vigwe,
ce
dernier
le
compare
à
un
oiseau
qui
s'éloigne
de
son
nid:"
A bird
that
fly
too
fast
may
fly
past
i t s
nest
Wago,
you
think
you are
uphol-
ding
this
village
but
in
fact
you are
wrecking
it.(p.109).
Enfin
lorsque
Wago
et
Olumba
veulent
compromettre
la
tenta-
tive
de
trève
entreprise
par
les
patriarches
du
clan
d'Erek-
wi,
un
sage
leur
rappelle
ceci:"
A
man
does
not
chase
rats
when
his
house
is
burning."
(p.
139)
Jusque
là,
nous
avons
examiné
quelques
éléments
de
la
nature
qui
sont
en
rapport
avec
la
terre;
i l
Y
a
aussi
les
montagnes
mais
l'auteur en· parle
trés
peu
pour
ne
pas
dire
absolument
pas.
Peut-être
que
dans
la
société
décrite
i l
n'existe
pas
de
montagne;ce qui noûs amènerait
à
dire
que
167
l'imaginaire
et
les
représentations
sur
la
nature
partent
touj ours
du
réel
et
c'est
ce
qui
expliquerai t
l'absence
de
mon t a g n e s
dan s I e s
rom ans
d'A ma d L.
Complètement
opposés
aux
éléments
de
la
terre
du
bas-
nous
avons
les
éléments
du
haut
que
nous
réduisons
à
cinq
éléments:
l ' a i r ,
le
ciel,
la
lune,
le
soleil
et
les
étoiles.
6
L'air, le ciel, la lune, le soleil et les étoiles.
Loin
dt~tre des
éléments
de
romantisme
comme
dans
certai-
nes
littératures,
ces
éléments
font
partie
de
l'univers
africain
et
donnent
lieu
à
des
représentations
diverses
et
à
un
imaginaire
trés
riche.
Dans
l'espace
"vide"
c'est-à-dire
l ' a i r
qui
nous
entoure
1
ou
le
vent
qui
souffle,
se
passe
généralement
une
vie
dont
le
commun
des
mortels
ne
peut
pas
se
rendre
compte
car
elle
échappe
à
l ' o e i l
profane.
C'est
le
lieu
où
habitent
les
espri ts
et
les
forces
invisibles.
Pendant
les
séances
de
divination
i l
n'est
pas
étonnant
de
voir
le
"medicine
man"
se
concentrer
pour
recevoir
le
message
de
l'Invisible
à
travers
les
forces
métaphysiques.
Il
y
a
sans
cesse
une
communication
entre
le
monde
des
vivants,
des
morts
et
celui
de
ceux
à
venir
et
tout
cela
par
l t intermédiaire
des
puissances
invisibles
comme
l ' é c r i t
Emmanuel
Obiechina:
Behind
nature
there
is
supernature,
the
spirit
which animates
and
infuses
its
occult
potency.
Everything
in
nature
is
either a manifestation
of
matter,
tangible,
physical
and
responsible
to
slensible
perception,
or
supernature,
that
168
ùJhich
is
nature's
hiddenpoùJer of life.(39)
lt'espace aérien que:, constitue
le
ciel
avec
le
soleil,
la
lune
et
les
étoiles
est
l'espace
qui,
immédiatement,
s'oppose
à
la
terre
de
par
sa
situation
au
dessus
de
la
tête
de
l'homme.
L'homme
s'imagine
ce
que
ces
choses
qui
sont
si
loin
de
lui
peuvent
être.
I l
se
fait
alors
une
multitude
de
représentations
et
donne
libre
cours
à
son
imaginaire
et
à
so~
imagination.
Dans
presque
toutes
les
sociétés
du
monde
les
hommes
ont
créé
des
mythes
qui
expliquent
l'origine
de
ces
astres
et
les
rapports
qu'ils
ont
avec
les
hommes.
Mais
aV2nt
tout,
le
soleil,
la
lune
et
les
étoiles
tiennent
souvent
lieu
de
pendule
ou
de
calendrier
dans
les
sociétés
agraires.
Dans
The
Concubine,
le
narrateur
parle
sans
cesse
du
soleil
qui
voyage
vers
Chiolu
pour
signifier
que
le
soleil
va
vers
l'ouest;
que
le
soleil
va
se
coucher.
Nous
ne
nous
attarderons
pas
sur
ces
arché type s
du
temps,
de
la vie
et
de
la
mort;
qu'il
nous
suffise
d'évoquer
l'association
de
la
lune
avec
le
cycle
temporel,
avec
la
menstruation,
à
l'influence
qu'elle
a
sur
les
êtres
et
les
choses:
elle
est
associée
aux
mouvements
des
eaux
de
mer,
actrice
dans
l'étourdissement
des
animaux
et
la
folie
des
hommes.
Arrradi
utilise
cette
dernière
propriété
de
la
lune
dans
The
Concubine
pour
j u s t i f i e r
le
comportement
d'Ahurole
qui
pleure
parfois
sans
raison
ou
pour
un
rien.
Le
narrateur
rapporte
même
que
la
chèvre
d'Ahurole
a
été
étourdie
par
la
clarté
de
la
lune: "the
bright moonlight
169
had fooled
the animalll.(p
15~).
Dans
The
Great
Ponds,
si
Olumba
qui
a
juré
au
nom
du
Dieu
de
la
Nuit,
Ogbunabali,
ne
meurt
pas
avant
six
lunes,
la
mare
de
Wagaba
reviendra
a\\:1
village
de
Chiolu.
La
lune
participe
ainsi
à
l'action
du
roman.
Le
ciel
dans
l'imaginaire
de
certains
pe\\:1ples
africains
...
est
assimilé
à
l'au-delà.
c'est
là
ou
vivent
les
ancêtres
défunts
qui
intercèdent
entre
les
dieux
et
les
hommes.
Le
ciel
est
aussi
regardé
et
représenté
parfois
comme
\\:1 ne
masse
d'eau
et
ce
n'est
que
quand
le
ciel
"rit"
ou
"pleure"
que
la
pluie
tombe.
Et
pendant
les
périodes
de
pluie
abon-
dantes
0\\:1
de
sécheresse
ce
sont
les
hommes
qui
rient
pO\\:1r
remercier
le
ciel
ou
qui
pleurent
pour
le
supplier
de
lais-
ser
couler
ses
"larmes".
Dans
les
sociétés
agraires}
l'observation
minutieuse
des
manifestations
des
éléments
de
la
nature
est
la
règle
du
jeu.
Les
mêmes
causes
doivent
produire
les
mêmes
effets
à
condi tion
que
l'on
ne
rompe
pas
l ' harmonie
qui
existe
entre
les
hommes
et
la
nature
depuis
le
commencement
d\\:1
monde.
~a vie
est
cyclique,
une
sorte
de
répétition
de
ce
qui
Il
s'est
passé
depuis
des
temps
immémoriaux;
c'est
le
mythe
de
l'éternel
retour
"selon
Mircea
Eliade.(40)
Dans
The
Concubine,
selon
l'expérience
vécue
jusqu'ici,
les
personna-
ges
savent
qu'il
n'y
aura
pas
de
pluie
tant
que
les
nuages
qui
se
déplacent
dans
le
ciel
ne
se
seront pas
regroupés
au
dessus
du
sanctuaire
d'Amadioha:
At
night
the
sky
wink
with
silent
lightning
illuminating
in
fits
and
starts
the
ghostly
outlines
of
plantains
and
bats
out
on
a
rampage.
170
But
most
people
moved
about
confident
that
i t
wou l d
no t
rai n [. .•]
']' h e y
k n e w
i t
wou l d
begin
to
rain
after
'the
clouds
had
hung
darkly
over
the
shrines
of
Amadioha
for
several
days
in
succession.
Farmers
watched
for
thissign.
(41)
Il
est
intéressant
de
noter
le
fait
que
la
pluie
ne
tombera
que
quand
les
nuages
se
seront
réunis
au
dessus
du
sanc-
tuaire
d'Amadioha
Ce.
n'est
sans
doute
pas
un
hasard
si
dans
leur
représentation
les
personnages
ont
installé
le
san c tua ire
dan s u n
end roi t
s t rat é g i que
qui
fa i t
c o'i n cid e r
les
nuages
et
le
sanctuaire
en
établissant
un
parallélisme
entre
ec;x.
N'est-ce
pas
là
un
espace
support
qui supplée
le
problème
d'échelle
dans
la
représentation
du
temps
et
de
l'espace
dans
les
sociétés
agraires!
L'espace
consacré
du
sanctuaire
occupe
une
place
très
importante
dans
l'imagi-
naire
des
personnages
amadiens.
A
l'image
de
tous
les
éléments
de
la
nature
examinés
jusqu'ici
l ' a i r ,
le
ciel,
la
lune,
les
étoile
et
le
soleil,
bien
qu 1 apparemment
éloignés
de
la
terre
et
des
hommes,
forment
un
tout
dans
l'univers
amadien
Ils
sont
à
la
fois
profanes
et
sacrés
et
sont
l ' o b j e t
de
représentations
diverses
dans
l'imaginaire
des
personnages.
Comme
l'espace
infini
peut
provoquer
des
vertiges
chez
certains
sujets,
l'espace
aérien
provoque
chez
les
personna-
ges
amadiens
un
sentiment
de
peur
et
de
respect
car
leur
vie
dépend
en
grande
partie
de
cet
espace.
La
nature
apparaît
dans
l'oeuvre
d' Amadi
comme
une
cer-
taine
illusion
du
réel;
l'auteur
a
choisi
de
représenter
uniquement
ce
qu'il
a
envie
de
montrer
ou
qu'il
pense
{ltre
171
caractéristique
pour
une
représentation
l i t t é r a i r e
de
la
société
traditionnelle.
Mieux,
i l
Y
a
comme
une mise
en
garde
au
lecteur
de
ne pas prendre la nature première)c'est-
à-dire
la
nature
visible,
pour
la
véritable
nature.
Derrière
ce
que
nous
pensons
être
la
réalité
i l
y
a
une
autre
réalité,
une
autre
nature.
Et
c'est
cette
autre
nature
que
les
per-
sonnages
amadiens
cherchent
sans
cesse
à
comprendre
et
c'est
avec
elle
qu'ils
s'efforcent
de
vivre
en
}larmonie.
I l s
sont
convaincus
que
la
nature
est
vivante;
"
pour
qui
l'écoute
la
nature
est
parlante.
Tout
parle
dans
l'univers>
mais
c'est
l'homme>
le
grand
parlant>
qui
dit
les
premiers mots. "(42)
L'homme
fait
souvent
le
pas
vers
la
nature,
établit
des
relations
avec
elle
à
travers
les
représentations
et
un
imaginaire
florissant.
Mais
hélas!
i l
Y a
toujours
des
inconnues
qui
surviennent
et
des
malheurs
qui
se
produisent
et
l'imaginaire
humain
est
toujours
à
la recherche
de
nouvelles
solutions
et
de
nouvelles
explica-
tions.
Dan~
le
monde
amadien
la
socialisation
de
l'individu
passe
par
une
connaissance
de
la
nature
dans
laquelle
et
avec
laquelle
i l
vit.
I l
apprend
et
doit
se
souvenir
cons-
tamment
de
la
dualité
de
la
nature:
elle
est
à
la
fois
sacrée
et
profane;
connue
et
inconnue.
Au
fur
et
à
mesure
que
l'individu
avance
dans
le
temps
et
dans
l'espace
i l
se
rend
compte
que
tous
les
éléments
de
la
nature
vivent
et
ceci
grâce
aux
forces
invisibles
qui
animent
les
choses.
La
nature
est
une
propriété
commune
dont
la
gestion
appar-
172
tient
à
l'homme,
et
aux
forces
intelligibles
qui
sont
comme
des
garde
-fous
contre
tout
abus.
Cette
relation
de
l'homme
à
la
nature
j u s t i f i e
l'imaginaire,
les
représentations
et
le
comportement
des
personnages
dans
l'oeuvre
amadienne.
173
NOTES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
SUR LA PREMIERE PARTIE
CHAPITRE 1.
(1)
Encyclopaedia Universalis
Vol.
8.
(1980);
p.
256
(2)
Loc.cit.
(3)
Petit
Robert:
Dictionnaire
Alphabétique
et __~~~_~~_g;_~q\\le
de
la LangUe
Française,
r-"9-013-~---------·-_·.--~~._,-~.-.. "_._q-
(4)
The
ConcUbine,
op.
c i t ,
p.21.
(5)
Ibid.,
p.
53.
(6)
Loc.
c i t .
(7)
Loc.
c i t .
( 8 )
cf-
Emile
DURKHEHI,
Les
Formes
élémentaires
de
la
vie
religieUse.
Le
système
totémiqUe
en
Australie,
Paris:
Alcan
[191;[) ,
1952.
-
Lucien
LEVY-BRUHL,
La
mentalité
primitive,
Paris:
Alcan,
1925.
-
SigmUnd
FREUD,
Totem et
TaboU,
Paris:
Payot,
1947.
-
Jean
PIAGET,
.
La
représentation
de
l'espace
chez
l'enfa~t,
Paris:
P.U.F.
1948~
.
La naissance
de
l'intelligence
chez
l'enfan~;
Paris:
Delachaux
et
Niestlé,
1948~
( 9 )
Niyi
OSUNDARE,
"As
Grasshoppers
to
Wanton
Boys;
The
Roles
of
the
Gods
in
the
Novels
of
Elechi
Amadi. "
in
African
Literat'ùre
Today
Vol.11:
My th
and
History,
Ibadan:
Heinemann,
1980;
p.
108.
(10)
J\\1eyer
FORTES,
Oedipe
et
Job
dans
les
religions
OUest
a f r i c ai n e s
[] 9 5 9-1,
Mai son
Mar ne,
1 9 7 4,
p 0 Ùi r I a
t rad ù c t ion
française.
(11)
Placide
TEMPELS,
BantO
Philosophy,
Présence
Africaine,
1959;
p.93.
(12)
Marcel
SCHNEIDER,
op.cit.,
p.72.
174
CHAPITRE II.
( 1 )
Eustace
PAU1 ER,
An
IntrodUc t ion
to
the
Afr i c an
Novel,
London:
Heinemann,
1972.
. - - - - - - -
(2)
The
Concubine,
p.
17.
- - - - - _ . _ - - - -
(3)
C.G.JUNG,
'!:xPes_Psy~hologi._S!~~s, Genève:
Librairie
de
l'Université,
19S0;
p.
47S.
(4)
The
Conc~bine,p.6.
(5)
"La
lumière'
douce
et
brillante
des
étoiles
provoque
aussi
une
des
rêveries
les
plüs
constantes,
les
plus
ré g Dl i ère s:
l Ël- rêverie
dû
reg a rd.
On
p e ü t
en
ré su,m e r
toUs
les
articles
en
Ù'ne
seule
loi:
dans
le
règne
de
l'imagination,
toùt
ce
qüi
brille
est
Un
regard.
Notre
besoin
de
tutoyer
est
si
grand,
la
contemplation
est
si
natürellement
\\.lne
confidence
que
toüt
ce
que
noUs
regardons
d'Un
regard
passionné,
dans
la
détresse
ou
le
désir,
nous
renvoie
u,n
regard
interne,
Un
regard
de
co mpas s ion
0 l i
d' am 0 ür ."
in
Gas ton
BAC HEL ARD,
L'A i r
et
les
songes;
Essai
s\\lr
l'imagination
do
moUvement,
Paris:
José
Corti,
1943;
p.210.
.
(6)
The
Great
Ponds,
pp.
61-62
(7)
Ibid,
p.
63.
(8)
The
ConcUbine,
p.
St
( 9 )
Voir
Süpra,
d'Arrcw
of God.
Doc.
(10) The ConcUbine, p.S8.
( 11)
lb id.. ,
p. 70
(12)
Jacque
MONOD,
Le
hasard
et
la
nécessité;
Essai
SOr
la philosophie nat~relle et
la biologie
modern~, Editions
au
Seüil,
Collection Points,
1970;
p.49
(13)
The
Concubine,
p.S8.
(14)
Ibid,
p.67.
(15)
Denis
DUERDEN,
Arrican
Art
and
African
Literature:
The
Invisible Present,
London:
Heinemann,
1977;
p.22.
175
CHAPITRE III.
(1)
cf
GUILLERMET
& VUILLEMEMIN,
Le
sens
d~ destin,
Edition
de
la
Neutchatel,
1948.
(2)
Les
jansénistes
soutiennent
l'idée
que
la
liberté
humaine
est
limitée
et
que
la
grâce
est
accordée
à
certains;;
individus
et
refUsée
à
d'autres
dés
leur
naissance.
Tout
est
prédestiné
pré-ordonné
et
l'individU
ne
peut
pas
infléchir
son
sort
oU inflUer
sûr
celui-ci.
(3)
Chinùa ACHEBE,
"Chi
in Igbo Cosmology"
in Morning Yet on Creation
Day, op. cit., p.96.
( 4 )
Le
mot
Ciel
est
entendu
ici
comme
Dieu
SUprême,
l'éqûi-
valent
de
ChUkwu
chez
les
Ibos,
Citation
tirée
de
Web of Kinship
et
citée
par
OrtigThes
dans
sa
préface
à
Meyer
FORTES,
Oedipe
et
Job
dans
les
religions OOest africaines,
·o",-P---,,_C_l_'_t.,
p .18.
(6)
Chinua
ACHEBE,
Things
Fall
Apart\\
op.
cit~; p. 19.
(7)
Ibid.,
p.
92.
On
peut
aussi
se
reporter
à
l'analyse
d'EmmanUel
Obie-
china
sür
l ' ambigui té
de
la
notion
de
Chi
et
de
ses
corollaires
chez
Okonkwo:
"This
ambigUity
of
belief
that
destiny,
fate
or
the
sUpernatùral
determine
an
individûal's
fortunes
and
misfortunes
on
the
one
hand,
and
that
the
individu.al
is
responsible
for
deter-
mining
the
caUse
of
an
empirically
directed
action
on
the
other
is
clearly
reflected
in
the
ups
and
d:-:owns
of Okonkwo' s
l i f e . "
Emmanuel
OBIECHINA,
Cultare,
Tradition
and
Society
i.!1
the
West
African
Novel,
Cambridge
University
Press,
1975;
p.2l5.
(8)
The
ConcUbine,
p.2ü3.
(9)
Onûora
NZEKWU,
Wand of Noble
Wood,
London
[1961J:
Heine-
mann
(AWS)
1979;
p,15.
(lO)
Amos
TUTUOLA,
The
Palm
Wine
Drinkard,
London;
Faber&
Faber,
1952.
(11 )
Meyer
FORTES,
op.
cit. ,
p.52.
(12 )
The
ConcUbin~, p.4.
(13 )
Ibid. ,
p .16
(14 )
The
Great Ponds,p.
92.
176
(15)
Niyi
OSUNDARE,
op.
c i t . ,
p.104.
(16)
The
Great
Ponds,p.
26
(11)
Wole
SOYINKA,
My th,
LiteraH1re
and
the
Arrican
World,
D97~1
Paperback
edition
1978,
Cambridge
University
Press;
p.10.
(18)
The
Great
Ponds,
p.140.
(19)
The
Concnbine,p.199.
( 20)
LAURENCE,
Long
and
novelists
(21)
Elechi
AMADI,
~thics in Nigerian Cultur~, London:
Heine-
mann,
1982;
p.1
(22)
~~eyer FORTES,
op.cit.
p.54.
CHAPITRE
IV.
(1)
Charles
DICKENS,
Great EXpectations~London: Dent,
1972;
461 p.
(2)
Thomas
HARDY,
Far
From The
Madding Crowd,London:
Dent,
1984;
384
p.
( 3)
Georges
NYAMNDI, The West
african Novel
\\-Ji th Particular
Reference
to
Elechi
Amadi's
"The
Concubine",European
University
Studies
Vol
8,
Bern
and
Frankfurt:
Peter
Lang,
1982;
p.128.
(4)
Oladele
TAIWO,
Culture
and
the
Nigerian
No.ye.l,
London:
~~ a c mi 11 an,
1 91 2;
p. 2 0 4 .
(5)
Niyi
OSUNDARE,
op.
c i t . ,
p.101.
(6)
Ibid,
p.
102.
(7 )
.1 b i d 1 p. 1 0 6 •
( 8 )
Ndiawar
SARR,
"The
ConcUbine:
roman
sur
la
société
Africaine
Traditonnelle"
in
Annales
de
la
Faculté
des
Lettres
et
Sciences
Hùmaines
de
Dakar,
1978,
no.8;
p.
150.
(9)
Thomas
MELONE,
ChinOa Achebe
et
la
tragédie
de
lthistoi~e,
177
Paris:
Présence
Africaine,
1973;
p.
207.
(10)
Loc.
Cit.
(11)
Loc.
c i t .
(12 )
Loc.
c i t .
.- - - - - - -
(13 )
The
ConcUbine,p.
8
-~-......
( 14 )
Ibid. , pp.
109-110
(15 )
Ibid. ,
p.
50.
(16 )
Ibid. ,
p.199.
(17 )
Ibid. ,
p.
209.
( 18 )
Loc.cit.
(19)
Ibid.,
p.
209-210.
(20)
Richmond
LATTIMORE,
Story
Patterns
of
Greek
Tragedy,
Ann
Arbor,
Michigan,
Ann
Arbor
Paperbacks,
1969;
p.
30.
(21)
OSUNDARE,
op.
c i t . ,
p.
101.
(22)
The
Concûbine,
p.214
(23)
Ibid.,
p.
215.
(24)
Ibid.,
p.77.
(25)
cf
Margaret
LAURENCE,
.oP.
cit. ~
Niyi
OSUNDARE,
op.
cit;
EÜstace
PALMER,
OP.
Cit.;
Alastair
NIVEN,
op.
cit.;
Georges
NYAMNDI,
op.
c i t . ;
Oladele
TAIWO,
op.
c i t . ,
etc.
( 26 )
ARISTOTE,
Poétique,
Texte
établi
et
traduit
par
J.
HARDY,
7ème
tirage,
Paris:
"Belles
Lettres",
1977;
p. 18.
Voir
aUssi
PoétiqOe
d'Aristote,
tradùction
française
et
accompagnée
des
notes
perpétüelles
par
J. BARTHELEMY
SAINT-HILAIRE,
Paris:
Librairie
Philosophiqùe
De
Ladrange,
1858.
(27)
Elechi
AIVJADI,
The
Slave,
London:Heinemann,
(AWS)
1978;
p.160.
Toùtes
les
références
et
citations
Ultérieùres
se
rapportent
à
cette
édition.
178
CHAPITRE
V.
( 1 )
The
Concobine
, p.
104.
(2)
The Great
Ponds,
p.51
( 3 )
G.
FISHER,
La
Psychosociologie
de
l'espace,
PUF.
Qùe
sais-je?
1981;
p.78.
(3')
E.DUR:<HEH1,
Op.
c i t . ,
p.56.
(4)
Gilbert
DURAND,
op.cit.,
p.369.
( 5 )
Ibid. ,
n
J.....
(6)
The
ConcUbin~, p.
14.
(7)
Dominiqùc
ZAHAN,
Religion,
Spirit\\lalité
et
pensée
afri-
caines,
Petite
Bibliothèque
Payot,
1980;
pp.
107-108.
(8)
The
ConcObine,
p.
14.
(9)
Représentation
l i t t é r a i r e
d'Une
certaine
réalité,
mais
cette
réalité
n'est
pas
fidèle;nent
rendùe
et
l'on
peUt
alors
parler
de
représentation
et
de
déformation.
(10)
E.E.EVANS-PRITCHARD,
Witchcraft,
Oracles
and
Magic
Among
the
Azand.~ ,
D~,
Oxford
University
Press,
1965;
p.57.
(11)
V.UCHsNDU,
op.cit.
p.60.
/
(12)
The
Great
Ponds.p.63.
(13)
cf.
Louis
Vincent
THOMAS,
~a
Mort
Africaine;
Idéol~
gie
funéraire
en
AfriqQe
Noire,Paris:Payot,
1982,
qui
développe
très
bien
ce
problème.
(14)
Wa
Thiong'o
NGUGI,Weep
Not
Child,
Heinemann
(A\\vS)
[1964J,
1980;
p.
74.
cf.
aussi
The
River
Between,
A
Grain
Of
Wheat,
et
égale~ent la
thèse
de
Hubert
MACKAYAT,
Réalités
histori-
qUes
et
Uni vers
romane sqOe
dans
l'oeuvre
de
NGUGI
Wa
Thiong'o,
~1ontpellier III,
Thèse
de
3ème
cycle,
1986.
Dans
sa
thèse
Mackayat
note
l'importance
de
la
terre
poür
Ngotho
dans
Weep
Not
Child
et
soUligne
q'Ùe 1\\ sans
terre
Ngotho
apparaît
comme
ün
p~rsonnage
sans
vie,
sans
aücun
lien
avec
le
cosmos".
(15)
The
Concubine,
p.17
(16)
Michel
FOUCAULT,
Les
mots
et
les
choses;
One
archéologie
des
sciences
homaines,
Gallimard,
1966;
p.83.
-
1 79
(17)
The
ConcUbine,
p.17
(18)
~hcea
ELIADE,La
nostalgie
des
origines,
Gallimard,
1962.
(19)
C.G.JUNG,
op.
cit.
(20)
Mircea
ELIADE,
La nostalgie
des
origines,
1971;
p.113.
voir
aŒssi
PaUl
WELTY,
Pageant
of World CUlt~re, Lippicot
Company,
1971.
(21)
Gaston
BACHELARD,
~'ea~ et les rêves; essai sUr l'imagi-
nation de
la matière,
Librairie
José
Corti,
1942;
p.194.
(22)
The
Concabine,p.
8
(23)
Ibid.,
pp.
14-15.
(24)
Ibid.,
p.
161.
(26)
Ibid.
p.159 .
._ - )
(26)
Gilbert
DURAND,
op.
cit.
( 27 )
Gas ton
BAC HEL ARD,
L' eaU et
les
r ê v es j
0 p.
c i t .
(28)
lb id.,
p. 261 .
(29)
T.he Slave,
p.
120.
(30)
cf.
Amos
TUTUOLA,
The
Palm Wine
Drinkard et My lire
in the
Booh
of Ghosts.
(31')
The Great Ponds.
p.
33
<32 ) The ConcUbine,
p.
207.
( 33)
Ibid. ,
p.10.
<34 )
Jbig. ,
p.
15.
( 35)
cf.
Louis
Vincent
THOMAS,
op.
cit.
(36)
cf.
Dominigue
ZAHAN,"l es
messages
de
l'iT1connu"
~.
c i t . ,
Pp.
129-143.
(37)
cf.
Gilbert
DURAND,
op.
cit.
et
plûs
précisément
le
chapitre
sür
"la
fantastiqûe".
(38)
The
Great
Ponds,
p.
84.
(39)
E.OBIECHINA,op.
c-it.,
p.43.
(40)
Mircea
ELIADE,
Le
mythe
de
l'éternel
retoUr:
Archétypes
et répétitions, [1949J;
Gallimard,
1968.
(41)
G.BACHELARD.,L'Air et
les
songes,
op.
c i t . ,
p.116.
D EUX lEM E
PAR T lE:
A N A LYS EDE
QUE L QUE S
THE MES
CON S T l TUT IFS
D U
FAN TAS T l QUE
180
VI - L'HOMME EN RAPPORT AVEC L'INVISIBLE.
A - Les Dieux et les Hommes.
Nous
avons
souligné
dans
l'introduction
que
le
sacré
et
le
surnaturel
sont
la
toile
de
fond
de
l'oeuvre
amadienne.
Dans
l'univers
des
personnages
rien
n'est
entrepris
sans
qu'ils
aient
au
préalable
sondé
la
volonté
des
dieux
et
des
esprits
invisibles.
L'ordre
social,
économique,
politique
et
religieux
est
maintenu
gr~ce
aux
codes
religieux
qui
sont
les
lois
de
s t a b i l i t é ,
de
prospérité
et
de
solidarité.
(1)
Les
dieux
interviennent
dans
tous
les
domaines
de
la
vie
quotidienne,
et
le
persormage
amadien,
disions-nous,
est
très
religieux.
Mais
le
rapport
entre
les
personnages
et
l'Invisible
ne
va
pas
sans
poser
des
problèmes.
Il
appa-
r a î t
au
lecteur
une
forme
d'ironie
dans
la
relation
person-
nage/Dieu.
Il
nous
semble
que
lorsqu'un
personnage
essaie
d'être
en
bons termes
avec
les
dieux,
i l
ne
reçoit pas tou-
jours
ce
qu'il
espère:
Emenike
voi t
sa
propre
mort
dans
le
sanctuaire
d'Amadioha
alors
qu'il
est
allé
rendre
une
visite
d'actions
de
grâce
à
ce
dernier.
Madume,
malgré
ses
nombreuses
visites
au
"medicine
man"
et
les
différents
sacrifices,
n'a
pas
pu
échapper
à
la
cécité
puis
au
suicide.
Nous
sommes
tentés
de
dire
que
les
personnages
amadiens
à
l'image
des
personnages
des
tragédies
grecques
sont
à
la
merci
des
dieux
très
puissants.
En
effet,
nous
sommes
en
présence
de
dieux
omnipotents
et
omniscients
qui
échappent
souvent
à
la
compréhension
des
hommes.
Et
ces
derniers,
181
malgré
leur
incompréhension
ne
peuvent
s'empêcher
de
/\\
s'approcher
de
ces
Etres
supérieurs
chaque
jour
davantage.
I l
serait
prétentieux
de
vouloir
décrire
la
cosmologie
Ibo
dans
ce
travail;
nous
résumerons
donc
en
disant
qu'il
y a l e
Dieu
Suprême
Chukwu
ou
Chinike,
autour
de
qui
gravi-
ten t
les
dieux
mineurs,
mais
néanmoins
importants,
tels
que
Ani
ou
Ali,
Dieu
de
la
Terre;
Amadioha,
Dieu
du Tonnerre
et
de
le.
Pluie;
Agwu,
Dieu
du
Désordre
et
de
la
Divination;
et
bien d'autres
divinités
.(2)
Chu k \\'1 U
est
par
e s sen c e
u n d i e u
qui
est
au - des sus
d e
t 0 u t
sentiment
humain.
I l
n'a
pas
un
rapport
direct
avec
les
hommes;
et
on
ne
peut
] ' atteindre
que
par
l'intermédiaire
des
dieL:x
mineurs
qui,
parfois
d'ailleurs
ne
peuvent
être
atteints
à
leur
tour
que
par
l'intermédiaire
des
ancêtres.
Mais
c'est
surtout
le
"medicine
man"
qui
joue
le
r61e
de
grand
médiateur
dans
toutes
ces
relations.
En
effet,
c'est
lui
qui
découvre
souvent
la
volonté
de
ces
puissances
invi-
sibles;
puis
la
révèle
aux
hommes
et
leur
fait
accomplir
les
sacrifices
nécessaires
au
maintien
de
l'ordre
cosmique.
Ce
qui
nous
intéresse
ici
ce
sont
les
représentations
que
les
personnages
se
font
de
ces
différentes
divinités.
1
. Le Dieu humanisé
Dans
les
chapitres
précédents
nous
avons
pu
constater
qu'il
y
avait
un
lie!1
étroit entre
les
personnages
et
les
dieux.
A
travers
le
principe
"a!1imiste"
de
la
nature,
les
182
personnages
se
représentent
les
dieux
comme
des
êtres
inves-
t i s
de
vices
et
de
vertus
humain6
à
l'exception
du
Dieu
Suprême
Chukwu.
Dans
The
Concubine,
le
Dieu
de
la
Mer
est
un
dieu
jaloux
et
rancunier
qui
s'attaque
à
tous
ceux
qui
approchent
Ihuoma.
C'est
aussi
un
dieu
orgueilleux
comme
le
souligne
Agwoturumbe:"
The
Sea-King
is
a
proud
spirit
and
likes
very
bright
colours. "(3)
Dans
The
Great
Ponds,
Ali
se
fâche
parce
que
les
hommes
ont
vendu
en
esclavage
une
femme
en
grossesse;
tandis
qu'on
a
recours
à
Ogbunabali,
Dieu
de
la
Nuit,
pour
qu'il
rende
justice
dans
le
conflit
qui
oppose
Chiolu
à
Aliakoro.
Alors
que
dans
The
Slave
Amadioha
accorde
sa
protection
à
ceux
qui
se
réfugient
dans
son
sanctuaire
en
échange
de
leur
liberté
et
de
leur
dignité.
A
travers
les
sacrifices
et
les
offrandes
offerts
aux
dieux
par
les
personnages
nous
pouvons
voir
dans
ces
gestes
une
manière
de
nourrir
les
dieux
et
de
les
t r a i t e r
comme
des
humains.
~1ais ce
que
le
personnage
ne
peut
pas
savoir
c'est
le
moment
précis
où
un
dieu
a
faim
ou
quand
i l
est
rassasié.
Face
donc
à
cette
incertitude,
i l
adopte
une
position
sage
qui
est
de
toujours
o f f r i r
des
sacrifices
et
des
offrandes,
et
de
respecter
les
dieux.
Dans
The
Concubine,
Amadi introduit
les
premiers
s a c r i f i -
ces
avec
beaucoup
de
réalisme
et
de
poésie
s i
bien
que
le
lecteur
se
laisse
entraîner
par
le
geste
majestueux
d'Anyika
et
ne
doute
pas
de
la
communion
entre
les
personna-
ges
et
l ' I n v i s i b l e :
183
He
[Anyika]
poured
out
some
gin
as
libation
and muttered as
each
drop
reached
the
gY'ound:
Il
Cods
of the
night~ take
this;
Cods
of the
Earth~ take
this;
Djukwu
the
fair~ take this;
Amadioha~ king of the skies
this
is
yours;
And you
ancestors~ small and great~
Cuardians
of this
compound~ take
this. "(4)
Mais
si
les
personnages
prêteflt
des
sentiments
humains
aux
die\\.;.x,
i l s
reconnaissent
aussi
en
eux
des
êtres
para-
doxal1x.
En
effet,
les
dieux,
selon
les
représentations
deS
personnages,
se
comporteflt
comme
des
hommes
mais
ils
échappent
égalemeflt
à
la
cOflflaissance
de
ceux-ci:
ce
sont
des
êtres
imprévisibles
qui
fle
sont
pas
de
l'ordre
du
dOflné
et
que
nous
rencontrons
dar;ls
presque
toutes
les
croyaflces
africaines
comme
le
souligne
Johfl S.Mbiti:
Above
all~
i t
is
believed
that
Cod
cannot
be
explained~
he
cannnot
be
fully
known.
African
people
have
long
known
this~
Cod
has
names
which
mean
'the
Unknown' ~
'the
Unexplainable' ~
'the
Fathomless
Spirits'.
What
people
of
Zaire
and
Angola
say
about
Cod
being
Marvel
of Marvels,
is
a
fine
summary
of
African
belief about
Cod
everywhere
[ . . . J
Cod
is
only
Cod
no
more,
and
no
less.
( 5 )
Cette
conception
gér;lérale
d'Ufl
Dieu
au
dessus
de
tout
est
saflS
cesse
répétée
par
les
personr;lages
amadiens.
Nous
ne
pouvons
compter
le
flombre
de
fois
où
i l
est
fait
mefltion
de
Dieu
dafls
les
romaflS
d'Amadi.
Dans
The
Concubine
Anyika
1
rappelle
constamment
aux
personflages
que
les
dieux
ne
rai-
sonnent
pas
comme
les
hommes;
tandis
que
dans
The
Great
Ponds
le
"dibia"
avertit
les
patriarches
d'Aliakoro
qu'Ali
1
"is
not
a
god
to
be
trifled
with".
C'est
surtout
dar;ls
SOr;l
second
romar;l
qu'Amadi
essaie
d'aller
184
plus
loin
dans
le
rapport
entre
les
personnages
et
les
dieux
et
de/faire
apparaître
la
complexité
d'un
tel
rapport.
Nous
rappelons
ici
la
peur
morbide
qu'a
Olumba
à
l'idée
d'offenser
un
quelconque
dieu.
Ce
personnage
est
constamment
en
proie
à
des
questions
métaphysiques
et
à
des
débats
intérieurs
sur
la
nature
des
dieux:
HOlJ
did
the
gods
reason
anYlJay
?
True~
they
dispensed
justice
impartially~ but this impar-
tiality
lJas
based
on
arguments
lJhich
at
times
could
be
untenable
from
the
human
point
of
vielJ.
Olumba
l'ecalled
hOlJ
a
sick
man
lJho
once
lJent
for
a
divination
lJas
told
that
he lJas
being attacked
by
his
dead
grandfather's
spirit
because
his
grandfather
had
not
been
given
a
decent
second
burial
ceremony[ . . . J
The
gods
may
not
be
fool
but
their
lJay
of
thinking
lJas
strange. (6)
Ce
qu'il
y
a
d'intéressant
àYloter
dans
ce
passage
c'est
la
reconnaissance
d'une
responsabilité
cachée
de
la
part
du
personnage;
responsabilité
cachée
parce
qu'elle
n'est
pas
toujours
évidente
ou
compréhensible
à
l ' e s p r i t
humain.
Dans
The
Slave,
Oriji
s a i s i t
bien
cette
relation
à
Dieu
lorsqu'il
dit:" The
gods
knolJ
lJhy
they
do
these
things;
lJe
human cannot
question
them. "(7)Une
question
essentielle
vient
à
notre
esprit:
comment
réconcilier
ces
deux
visions?
Nous
pensons
que
la
réconciliation
est
rendue
possible
grâce
à
la
dualité
du
monde
amadien
et
au
principe
dialec-
tique.
Ainsi
donc,
cette
affirmation
d'Oriji
n'est
vrai
que
sur
le
plan
de
la
représentation
et
de
l'imaginaire;
car
dans
la
réalité
des
faits
les
personnages
s'en
prennent
aux
dieux
quand
ceux-ci
veulent
les
conduire
à
la
destruc-
tion:
quand
i l s
n'accomplissent
plus
ce
pourquoi
i l s
avaient
185
été
"créés"
par
les
hommes.
De
dieux
a-temporels
ils
devien-
:lent
des
dieux
historiques. c'est-à-dire
des
dieux
humanisés
/
soumis
à
l'usure
du
temps.
Cette
réali té
s'observe
bien
dans
les
représentations
l i t t é r a i r e s
de
Chinua
Achebe:
Things
Pall
Apart
où
les
dieux
vieillissent
et
sont
parfois
jetés
dans
la
Fort'lt
Maudite
quand
i l s
ne
répondent
plus
à
l ' a t t e n t e
des
humains.
Dans
Arrow
of
God,
le
mythe
de
la
création
d'Ulu
et
de
son
prêtre
Ezeulu
témoigne
de
la
temporalité
des
dieux.(8)
DanS
The
Great
PORds,
nous
savons
qu'Ogbunabali
est
une
divini té
qui
TI' existai t
pas
au
départ
dans
le
clan
d'Erekwi
ma~5
qui
a
été
institué
à
un
certain
moment
de
l ' h i s t o i r e
pour
répondre
aux
nouvelles
exigences.
Olumba
qui
est
très
respectueux
des
dieux
regrette
de
n'avoir
pas
un
autel
du
Dieu
Ogbunabali
à
qui
i l
offrira
des
sacrifices
et
des
offrandes
pour
demander
sa
protection:
This
god
was
unpopular
in
Chiolu.
It
had
no
priest
in
the
village
and
only
a
few
househo ldS
had
shrines
for
i t .
How
Olumba
wished
he
had
been
one
of
the
god's
few
worshippers.
He
thought
of erecting
a
shrine~
but
shrank
back
at
the
ide a
as
soon
as
i t
occurred
to
him. (9)
L'attitude
d'Olumba
rappelle
celle
de
l'homme
dans
son
rapport
avec
l'Invisible.
Quand
tout
va
bien
i l
se
pose
trés
peu
de
questions
sur
ces
êtres
inconnus;
i l
peut
mt'lme
aller
jusqLl'à
dOLlter
de
leur
existence.
Mais
dès
l'instant
où
i l
y
a
quelque
chose
qui
ne
va
pas
i l
donne
libre
cours
à
son
imagination
voire
à
son
imaginaire
pour
essayer
de
saisir
l'insaisissable
et
i l
naît
en
lui
une
certaine
peur
186
et
un
certain
respect
pour
l'Invisible.
Olumba
est
celui
qui,
de
nouveau,
exprime
de
tels
sentiments:
OnÎ,y
idiots
are
fl'ee
fl'orr,
the
feal'
of
gods;
like
the
man
who
said
that
the
gods
ought
to
contl'ibute
towal'ds
his
upkeep
and
l'efused
to
offel'
sacrifices.
But
such
fellows
led
wOl'thless
lives
that
no
one
envied. (lO)
A
l'image
d'Olumba
les
personnages
amadiens
créent
une
relation
avec
les
dieux
et
i l s
cherchent
à
établir
une
harmonie
à
l ' i n t é r i e u r
d'eux-mêmes
et
avec
l'univers
tout
entier.
Mais
une
telle
harmonie
n'a
d'existence
que
dans
l'ordre
de
la
représentation
et
de
l'imaginaire;
et,
c'est
ce
que
l'on
peut
constater
dans
l'oeuvre
amadienne.
2
L 1 homme
à
la
recherche
d'un
dieu
inconnu,
d'une
harmonie impossible.
S i l 1 ho mme
a
d u
mal
à
r e con n a î t r e l a
n a t ure
e x a c te
de
Dieu,
nous
sommes
tentés
de
nous
demander
pourquoi
i l
s'obstine
à
rechercher
une
harmonie
avec
l'Invisible.
Une
telle
question
trouve
sa
réponse
dans
la
problématique
même
de
la
notion
de
sacré.
En
effet,
puisque
l'homme
n'est
jamais
sOr
de
ce
que
les
dieux
attendent
de
lui,
i l
a
inté-
rêt
à
persévérer
dans
la recherche
de
l'Inconnu.
I l
a
besoin
d'un
fondement
sur
lequel
s'appuyer.
Dans
l'oeuvre
amadienne,
nous
sommes
en
présence
de
dieux
qui
représentent
les
aspirations
et
les
angoisses
les
plus
profondes
des
personnages.
I l
s'agi t
des
dieux
qui
sont
liés
aux
activités
économiques,
sociales
et
poli-
tiques
de
la vie
de
tous
les
jours
des
personnages.
187
I l
des
efforts
qui
sont
sans
cesse
consentis
par
les
personnages
et
jamais
l'harmonie
n'est
atteinte;
i l
y
a
un
désordre
permanent
et
l 'harmonie
reste toujours
à
refaire.
Da~s The Concubine, c'est juste au moment oû une harmonie
semble
s ' i n s t a l l e r
et
que
la
joie
s'instaure
dans
le
v i l l a -
ge
d'Omokachi
que
le
' d i b i a '
annonce
l'opposition
du
Dieu
de
la
Mer
à
ce
bonheur.
~1algré tout
ce
qui
a
été
mis
en
oeuvre
pour
réunir
les
éléments
du
sacrifice
final
qui
va
enfin
"clouer"
le
Roi
de
la
Mer
dans
les
profondeurs
des
eau x,
c' est
à
cern 0 men t
que
t 0 u t
bas_cul e
et
que
l ' i r r é pa-
rable
se
produi t .
I l
se
crée
une
relation
entre
les
dieux
et
les
hommes
selon
une
logique
qui
dépasse
la
logique
rationnelle
de
parité
ou
d'égalité.
Remettre
en
cause
une
t e l l e
relation
c ' e s t
accroître
le
désordre
cosmique
et
accentuer
les
malheurs
humains.
Le
personnage
doit
recher
_
cher
l ' harmonie
aussi
bien
dans
le
malheur
que
dans
le
bonheur.
I l
doit
se
comporter
à
l'image
des
hommes
dans
la
société
traditionnelle
ghanéenne:
He
tries
to
remain
in
harmony
with
aZZ
forces
about
him~ materiaZ
and
immateriaZ.
Every
evi Z
that
happens
to
him
is
therefore
the
resuZt
of
disharmony~
and
he
strives
to
restore
the
harmony
through
expiation
and
sacrifice.
Any
good
that
comes
his
way
is
either
the
resuZt
of
his
being
in
harmony
with
forces~ or it resuZts
from
the
benevo-
Zence
of
the
spirits
and
he
offers
thank~_
giving. (11)
L'oeuvre
amadienne
i l l u s t r e
l ' e f f o r t
sans
cesse
renouvelé
des
personnages
pour
restaurer
l'harmonie
cosmique.
I l
188
n'y
a
point
de
résignation
à
une
situation
donrlée.
Si
le
romarl
amadierl
affiche
un
certain
pessimisme
voire
une
fata-
l i t é
inexorable
dans
le
rapport
personrlage/lnvisible
i l
j
exprime
aussi
Url
autre
type
de
r~lation erltre
les
persorlna-
ges
et
l'Invisible
selon
la
dualité
de
ce
monde
et
des
lois
qui
le
régissent.
Dans
ce
mOrlde
i l
faut
faire
preuve
de
tolérance,
de
complémef,ltarité
avec
l'univers
dans
Sarl
ensemble.
A
nous,
lecteurs,
les
personnages
apparaissent
comme
des
êtres
pathétiques,
enfermés
dans
un
paradoxe
qu'est
leur
obstination
à
rechercher
Urle
harmonie
qui,
à
rlotre
avis
est
impossible
à
atteindre.
C'est
à
travers
Urle
telle
lecture
que
se
dessiv,e
et
s' affirme
le
fantastique.
Dans
The
Concubine,
Ekwueme
doit
à
la
fois
recorlnaître
la
toute
puissav.ce
du
Dieu
de
la
~1er
et
chercher
à
la
neutraliser.
Et
c'est
de
cette
tev.tative
que
naît
le
tragique
dont
nous
avons
parlé
plus
haut.
Dans
The
Slave/le
statut
"d'Osu",
esclave
de
Dieu,
est
très
paradoxal.
Les
"Osus"
doivent
échanger
leur
liberté
contre
la
protection
des
dieux.
Ils
ne
doivent
plus
se
mêler
aux
hommes
libres.
Pourtant
les
hommes
libres
rle
peuvent
se
passer
d'eux.
Ils
ont
besoin
des
"Osus"
pour
rétablir
l'ordre
dans
les
cas
de
suicide
et
autres
abomina-
tions.
Ce
qui
nous
intéresse
dans
cette
relation
esclave/
Dieu/homme
libre
ce
n'est
pas
tant
la
protection
dont
béné-
ficie
le
premier
ou
le
rapport
paradoxal
entre
celui-ci
et
l ' homme
libre,
mais
l'imaginaire
qui
peut
conduire
Url
189
homme
à
se
constituer
esclave
de
Dieu
et
toutes
les
repré-
sentations
qui
en
découlent.
Nous
rencontrons
ce
problème
des
"Osus"
plus
d'une
fois
dans
l'oeuvre
achébéenne
et
i l
est
traité
de
façoLl
iroLlique
et
parfois
même
satirique
( 1 2 ) .
Am a d i
c on sac r e
son
a v an t - der 14 i e r
r oman ,
The
S l a v e ,
à
ce
thème
d'esclave
de
Dieu
ou
de
paria
dOLlt
i l
dOLlLle
l'explication
eLl
ces
termes:
[. .. J a few slaves served in shrines and
were
called
Osu.
This
class
of
slaves
weJ"e
sacred
to
the
various
gods
and
were
not
allow
to
mix
with
the
people.
They
lived
apart~
usually
far
in
the
bush~
close
to
the
shrine
of their master god. (13)
Dans
The
Slave
les
raisoLls
qui
ont
cOLlduit
le
père
d'Olu-
.)
mati
à
se
constituer
esclave
d'Amadioha
se
trouveLlt
daD.s
la
meLlace
de
disparition
de
la
famille
Echela
à
la
suite
de
morts
mystérieuses.
Mais
ces
morts
mystérieuses
ont
une
double
cause
d f après
les
irlformations
que
nous
livrent
les
persoLlnage s :
d'uLle
part,
elles
provieLlnent
du
fait
que
les
arrières
grand-pareLlts
d'Olumati
auraient
volé
des
objets
sacrés
dédiés
à
Ali,
Dieu
de
la
Terre.
D'autre
part,
nous
lisons
que
la
famille
Echela
est
victime
des
mauvais
sorts
et
des
actions
magiques
dirigés
contre
elle
par
la
famille
Okani.
Le
lecteur
se
trouve
à
la
croisée
des
chemins
où
i l
lui
est
impossible
de
décider
laquelle
de
ces
deux
informations
est
la
plus
plausible.
Si
nous
optiorls
pour
la
première
version
nous
pourrions
dire
que
la
famille
Echela
a
intérêt
à
chercher
refuge
chez
Amadioha
car
nul
n'est
en
mesure
de
prévoir
jusqu'OÙ
peut
aller
la
colère
d'Ali.
Cette
première
version
noUs
rapproche
190
de
ce
Que
nous
disions
sur
le
"dieu-humar>.isé".
En
effet,
dans
l'imaginaire
des
personnages,
Dieu
agi t
par
moment
comme
ur:
homme
et
pour
ce
faire
i l s
pep_sent
qu'Amadioha
est
plus
fort
qu'Ali.
Nous
savons
que
la
terre
pOUl:'
être
fertile
a
besoiP.
de
la
pluie,
et
les
plap.tes
pour
croître
ont,
elles,
besoin
du
soleil
et,
Amadioha
peut
bien
les
en
priver.
Si
nous
preP.ions
la
seconde
versioP.
nous
pourrions
imaginer
que
la
famille
Echela
peut
réagir
contre
la
famille
Okar:i
er:
utilisar:t
à
son
tour
des
moyens
mystico-magiques.
Si,
ceper:dant,
elle
a
plut6t
recours
à
Amadioha
qu'à
d'autres
moyeP.s
c'est
que
celui-ci
est
le
Dieu
suprême
de
la
justice
par
le
tor.nerre
et
la
foudre
comme
nous
pOUvons
le
cor.stater
dans
The Concubine:
ft
ùJas
a
fact
that
i f
Amadioha
insisted
on
taking
a
man' s
life~
no
medicine
man
could
do
anything
about
i t
and
only
a
medicine
man of great
confidence ùJould dare
to
try. (14)
Pour
revenir
à
The
Slave
nous
pouvons
dire
qU' Amadi,
à
travers
la
représentation
l i t t é r a i r e ,
déforme
Une
réalité
existante
pour
dénoncer
peut-être
une
injustice
sociale.
Le
retour
d'Olumati
au
milieu
des
hommes
libres
est
contrai-
re
aux
règles
sociales
et
religieuses
de
la
société
tradi-
tionnelle
Ibo:
fils
d'esclave,
Olumati
doit
demeurer
tel;
nous
pouvons
faire
Un
parallèle
avec
Things
Fall
Apart
où
l'''Osu''
" [ . . . ]ùJas
a
person
dedicated
to
god~ a thing
set apart
-
a
taboo
for
ever~ and his children after him[. JI/(5)
191
Comme
nous
l'avons
note
plus
haut,
dans
la
société
tradi-
tiorwelle
i l
importe
peu
qu'un
individu
soit
directement
responsable
d'une
faute
commise;
ce
qui
importe
c'est
la
responsabilité
collective.
L'individu
peut
à
tout
moment
se
voir
attribuer
des
fautes
commises
par
les
membres
de
sa
société
aussi
éloignés
soient-ils
dans
le
temps
et
dans
l'espace.
La
seule
chose
qu'il
puisse
faire
est
d'assu-
mer
les
conséquences.
Ainsi
donc,
nous
pouvons
nous
demander
si
les
malheurs
qui
prévalent
après
le
retour
d'Olumati
ne
sont
pas
dus
à
la
concession
faite
à
ce
dernier
de
demeu-
rer
au
milieu
des
hommes
libres.
Olumati
peut-il
échapper
aU
destin
hérité
de
son
père
?
Nous
sommes
dans
UJ:le
situation
où
l'ambigul'té
et
la
complexi .... té
des
événe-
ments
créent
une
atmosphère
fantastique.
I l
ne
saurait
donc
y
avoir
d'harmonie
dans
un
tel
contexte.
Le
rapport
de
l'homme
à
l'Invisible
fait
ressortir
une
multitude
de
questions
face
à
certains
événements.
Il
J:l'est
pas
facile
de
dégager
la
part
de
responsabilité
des
humains
dans
ces
événements
de
celle
de
l'Invisible.
Nous
sommes
dans
un
ulÀivers
où
tout
se
construit
et
se
détruit;
un
univers
où
tout
s'explique
à
partir
de
tout
la
nature,
les
dieux,
les
hommes,
les
ancêtres,
les
espri ts
et
bien
d'autres
choses.
Il
serait
impossible
de
vouloir
t r a i t e r
du
rapport
entre
l'homme
et
l'Invisible
dans
toute
sa
profondeur
et
sa
com-
plexité
dans
un
travail
comme
le
nôtre.
Aussi,
nous
limite-
rans-nous,
après
le
rapport
entre
Dieu
et
les
hommes,
à
192
celui
e~tre les hommes et les ancêtres.
B - Les ancêtres et les vivants.
Amadi
dans
ses
représentations
l i t t é r a i r e s
iv.siste
sur
le
poids
des
traditions
et
des
coutumes
dans
la
société
traditionnelle.
Dans
ses
représentations
apparaît
un
des
éléments
primordiaux
de
la
conception
du
monde
qui
est
celui
de
la
relation
entre
les
vivants
et
les
morts.
I l
est
admis
presque
dans
toute
l'Afrique
que
les
morts
parti-
cipent
à
la
vie
des
vivants
et
vice
versa.
Cette
croyance
se
matérialise
par
les
sacrifices
et
les
offrandes
que
les
vivants
offrent
aux
ancêtres
défunts
et
aussi
dans
la
quasi
certitude
qu'ont
les
hommes
que
les
ancêtres
ont
le
pouvoir
de
se
réincarner.
I l
s'éta-
b l i t
une
relation
de
type
cyclique
entre
les
morts
et
les
vivav.ts
c'est-à-dire
qu'il
y
a
comme
une
sorte
de
répétition
de
la
vie
des
premiers
ancêtres
morts
qui
renaissent
puis
meurent
de
nouveau
et
ce
processus
peut
durer
aussi
longtemps
que
les
vivants
sont
vigilants
et
respectueux
des
ancêtres;
s ' i l s
veillent
à
pourvoir
ceux-ci
de
ce
dont
i l s
ont
besoin.
Nous
comprenoRs alors
pourquoi
dans
l'oeuvre
amadienne
les
personnages
sont
sur
le
qui-vive
pour
veiller
à
ce
que
le
cycle
ne
s'interrompe
pas.
Et
les
différentes
précautions
pour
le
maintien
du
cercle
sont
à
la
charge
de
tous
les
membres
de
la
société.
193
1
"Les morts ne sont pas morts"(16)
Les
morts
sont
régulièrement
consultés
par
les
personnages
à
chaque
fois
qu'il
Y a
Urle
décisiorl
importante
à
prerldre,
lorsqu'ils
ont
des
ennuis,
et
darls
bien
d'autres
cas.
1&es
ancêtres
sont
comme
des
modèles
à
imiter
et
les
humains
ont
très
souvent
recours
à
eux.
Dans
Things
Fall
Apart
les
"Egwugwu"
symbolisent
les
ancêtres
et
leur
juge-
- - " - - 1
ment
est
sans
appel.
Dans
les
divinations,
parmi
les
responsables
des
malheurs
et
des
bonheurs
des
personnages
i l
y
a
les
anc~tres.
Dans
The
Concubine
après
la
mort
d'Emenike,
Ekwueme
fait
un
1
rêve
dans
lequel
le
défunt
l'oblige
à
traverser
une
rivière.
Il
s ' a g i t ,
comme
le
note
la
mère
d'Ekwueme,
d'un
r~ve prémo-
nitoire
dont
la
signification
est
le
désir
d'Emenike
d'ame-
ner
Ekwueme
dans
le
royaume
des
morts.
De
ce
royaume
les
morts
observent
et
interviennent
dans
la
vie
des
humains.
Après
les
secondes
funérailles
d'Emenike,
un
personnage
félicite
Ihuoma
en
ces
termes:
You
have
done
well.
1
am
sure
Emenike
will
bless
you
and
keep
watch
over
you
from
the
spirit world. (17)
La
seconde
phrase
de
ce
passage
montre
que
les
morts
ne
sont
pas
indifférents
à
ce
qui
se
passe
chez
les
vivants.
Lorsque
~1adume va consulter Anyika après
son
"accident"
chez
Emenike,
le
"dibia"
lui
révèle
la
présence
du
père
d'Emenike
parmi
les
esprits
qui
ont
juré
de
le
détruire:
Unknown
s piri t s ~
s ome
of
th em
from
the
sea,
teamed
to
destroy
you.
Let
see~
oh
yes~
Emenike's
father
was
among
them. (18)
194
Si
l'intervention
du
pêre
d'Emenike
témoigne
de
la
coexis-
tence
ev.tre
les
vivants
et
les
morts,
i l
Y
a
tout
de
m~me
lieu
de
se
demander
pourquoi
c ' e s t
l ' e s p r i t
du
pêre
et
non
celui
du
f i l s
qui
se
manifeste.
En
e f f e t ,
si
le
"medicine
man"
avait
remarqué
la
présence
d'Emenike
parmi
les
esprits,
le
lecteur
aurait
compris
qu'Emenike
veut
se
venger
de
Madume
ou
q u ' i l
veut
emp~cher celui -ci d'épou-
ser
Ihuoma.
Mais
comme
nous
l'avons
souligné
plus
haut,
l'intervention
du
pêre
d'Emenike
est
une
stratégie
du
Dieu
d e I a
~1 e r
qui
che r che
à
" br 0 u i I l e r "
l a p i ste
d u " d i b i a "
et
à
laisser
les
personnages
dans
l'ignorance
totale
afin
de
faire
planer
le
mystêre.
La
démarche
du
narrateur
consiste
à
ne
pas
livrer
toutes
les
informations
dans
le
r é c i t
l ' e s s e n t i e l
est
d'arriver
à
créer
un
climat
d'incertitude
et
de
douœ afin
de
maintenir
le
lecteur
dans
l ' h é s i t a t i o n
la
plus
totale.
Ce
n'est
que
plus
tard
que
le
narrateur
rapporte
au
lecteur
que
même
Anyi-
ka
qui
voit
au-delà
du
visible
avait
été
emp~ché
de
voir
clairement
les
choses.(19)
Pour
revenir
sur
le
rapport
entre
les
vivants
et
les
morts
nous
pouvons
noter
toutes
les
démarches
accomplies
par
les
personnages
pour
que
ce
rapport
soit
possible.
Lorsqu'un
homme
meurt,
son
existence
ne
s'arr~te
pas
à
cet
instant
là.
Dans
la
croyance
des
personnages
l ' e s p r i t
du
mort
reste
au
milieu
des
humains
et
i l
faut
des
sacrifices
et
des
funérailles
pour
qu'il
puisse rej'o-iriôre
le
royaume
des
morts
où
i l
pourra
peut-~tre devenir un anc~tre. Mais sans entrer dans les
195
détails
nous
remarquerons
que
tous
les
morts
ne
devienr'.ent
pas
des
anc~tres(20)
i l
Y
a
une
multitude
de
critères
qui
entrent
en
ligne
de
compte:
l'âge
auquel
on
est
mort,
la
vie
menée
sur terre,
les
conditions
dans
lesquelles
on
est
mort
mort
naturelle
(vieillesse),
maladie
honteuse,
maladie
normale,
suicide,
accident-
la
progéniture
laissée,
les
funérailles
accomplies
etc . . .
DaD.s
The
Concubine,
lors
du
"second
enterrement"
d'Emenike,
le
narrateur
rappelle
la
portée
de
la danse
funéraire:
Here
was
a
dance
of
passion,
a
dance
of
anger,
a
vehement
protest
against
the
god
of death,
an
appeaL
for
the
recaLL
of
their
departed
comrade. (21)
Dans
l'imaginaire
des
personnages
i l
est
dor.c
possible
de
se
plaindre
au
Dieu
de
la
Mort
pour
demander
le
retour
de
leur
camarade,
ceci
ne
sera
possible
que
par
la
réincar-
nation.
La
plainte
de s
personnages
se
justifie
par
le
fait
qU'Emenike
est
mort
dans
sa
jeunesse,
donc
à
un
moment
contraire
au
cycle
biologique.
Par
contre
lorsque
Madume
se
suicide;
les
m~mes
personnages
ont
une
autre
attitude
vis-à-vis
de
sa
mort:
i l
s'agit
d'une
abomination;
une
abomination
qui
peut
~tre
fatale
pour
lesTIembres
présents
de
la
famille
de
~1adume
et
ceux
à
venir.(22)
En
effet,
cette
transgression
à
une
règle
sacrée
et
sociale
à
travers
le
suicide
peut
avoir
des
conséquences
néfastes
pendant
des
!
générations
et
des
générations;
car
dans
le
monde
des
personnnages
amadiens
nul
ne
peut
mesurer
ni
dans
le
temps
ni
dans
l'espace
l'ampleur
des
conséquences
des
fautes
commises.
Ainsi,
dans
The
Slave,
lorsque
Nyeche
insiste
196
pour
dire
à
son
père
qu'il
va
épouser
Aleru
parce
qu 1 à
son
avis
elle
n ' é t a i t
pas
née
au
moment
du
scandale
des
objets
sacrés
volés,
son
père
lui
tient
ce
raisonnement:
"But
A leru
ùJas
not
born
then;
not
ev en
her
parents!
"1
have
told
you
that
the
gods
do
not
reason
that
ùJay.
Besides,
you
must
remember
that
the
present
members
of
the
family
are reincar-
nation
of
their
ancestors.
I f
one
escapes
the
consequences
of
one's
misdeeds
in
this
ùJorld,
one
may
not
escape
in
the
next
or
the
one
after." (23)
A
travers
ce
passage
i l
est
question
une
fois
de
plus
de
la
part
de
responsabilité
de
l'individu
dans
les
événe-
ments
antérieurs
à
sa
vie
et
pendant
sa
vie.
L'in.dividu
n'a
d'existence
que
par
rapport
aux
actes
de
ses
ancêtres
et
aussi
par
rapport
aux
actes
qu'il
accomplira
vis-à-"b'is
de
sa
société.
La
malédiction
qui
frappe
la
famille
Echela
touche
tous
ceux
qui
lui
sont
liés
par
le
sang.
Dans
Arrow
of
God
i l
y
a
sans
cesse
une
référence
à
la
folie
d'Ezeulu,
- - - - 1
folie
qui
provient
de
sa
famille.
Nous
avons
donc
là
une
explication
génétique
et
héréditaire
de
la
folie
d'Ezeulu;
explicatiov_
doublée
aussi
d'une
explication
métaphysique:
la
folie
d'Ezeulu
sur
un
second
plan
vient
du
Dieu
Ulu.
Mais
la
psychiatrie
moderne
pourra
aussi
expliquer
la
folie
d'Ezeulu
par
le
fai t
qu'il
a
connu
trop
de
problèmes
inté-
rieurs.
C'est
surtout
les
thèmes
de
malédiction
et
d'héré-
dité
qui
dominent
dans
le
contexte
de
la
société
tradition-
nelle
africaine.
Nous
rencontrons
ces
thèmes
dans
les
repré-
sentations
l i t t é r a i r e s
telles
que
HippIes
in
the
Pool
de
Rebecca
Njau,
Wands
of
Noble
Wood
d'Onuora
Nzekwu,
Song
197
of a
Coat
de
Joh~ Pepper Clark
et
bien
d'autres
encore.
Le
rapport
e~tre les
vivants
et
les
morts
comme
celui
e~tre
les
hommes
et
les
dieux
est
u~
rapport
basé
sur
le
principe
des
représe~tations
et
de
l'imaginaire.
Rapport
qui,
lorsqu'
i l
se
heurte
à
la
réalité,
laisse
apparaître
u~<e atmosphère
quelque
peu
merveilleuse
oU
étra~ge.
Le
lecteur
se
retrouve
dans
u~e
ambia~ce
fa~tastique
comme
celle que
~ous
pouvo~s
renco~trer à
travers
le
thème
de
la
réincar~ation.
2 . La réincarnation ou le changement dans la continuité
Lorsque
~ous
disions
da~s
le
chapitre
précédent
que
les
morts
n'étaient
pas
morts,
cette
affirmation
si
elle
s'observe
dans
la
corüiguïté
e~tre
le
mo~de
des
vivants
et
celui
des
morts)
s'observe
aussi
da~s
la
croyance
en
la
réincarnation.
Pour
les
perso~nages amadiens
l ' homme
est
très
souvent
la
réincarnation
d'un
anc~tre.
Cette
vision
du
monde
nous
fait
penser
aux
mythes,
rites
et
cérémo~ies qui
commémore~t
et
réactualisent
les
évé~eme~ts
passés
"in
illo
tempore"
pour
repre~dre
l'expressio~
de
Mircea
Eliade
(24).
S ' i l
y
a
réincar~ation
cela
sous-entend
qu'il
y
a
conti~uité
oU
reprise
de
l'action
de
l'anc~tre défunt
qui
a
été
réin-
car~é.
On
recon~aît
un
anc~tre
réincarné
dans
u~
individu
au
moins
par
trois
moyens:
la
ressemblance
physique,
le
compor-
tement
moral
et
la
révélatio~ par
la
divination.
Mais
c'est
198
surtout
la
divination
qui
est
le
moyen
le
plus
emprunté
pour
détermi~er la survie d'un ancêtre
â
travers
un
individu.
Dans
The
Concubine 1
le
personnage
d' Ihuoma
pose
problème
lorsque
le
"medicine
man"
révèle
son
appartenance
au
domaine
du
surRaturel:" Ihuoma
heZongs
to
the
Sea <rWhen
she
was
in
the
spirit
worZd
she
was
a
wife
to
the
Sea-King;
the
ruZinÇ!
spirit
of
the
sea.
Against
the
advice
of
her
husband
she
sought
the
company
of
human
beings
and
was
reincarnated.
(25)
"The
Sea-God"
est
de
l'ordre
de
l'imagiD.aire
car
nous
ne
savons
pas
â
qUoi
i l
peut
bien
ressembler;
comme
beaucoup
de
dieux,
i l
n'est
pas
saisissable
par
les
sens.
Il
y
a
donç"
iJ~e
sorte
d'ambigu·ité
si
Ihuoma
est
la
réincarnation
'd'tin
dieu
que
nul, ne
peut
représenter.
A moiRs
que le
Sea-God
ne
soit
pas
autre
chose
qu'un
ancêtre
divinisé.
I l
se
pourrait
aussi
qu'un
animal
oU
tout
autre
chose
puisse
épouser
la
forme
humaine
ou
qu'il
soit
le
représentant
de
l'humain.(26)
Pour
ce
qui
est
de
la
réincarnation
ordinaire
telle
qu'elle
est
présentée
dans
les
romans
d'Amadi,
nous
constatons
que
l'iEdividu
est
généralement
la
réincarnation
de
ses
grands-parents(27).
I l
en
est
de
même
daJ:1s
l'oeuvre
d'Achebe
où
dans
Things
Fall
Apart
Nwoye,
le
fils
d'Okonkwo,
est
la
réincarnation
de
son
grand
père
Unoka.
Tandis
que
dans
No
Longer
at
Ease,
Obi
Okonkwo
est
la
réincarnation
de
son
grand
père
Okonkwo
de
Things
Fall
Apart.
Mais
Obi
Okonkwo
marque
une
rupture
199
d'avec
son
grand-père
car
i l
n'a
pas
le
courage
et
la
déter-
mir~ation
de
celui-ci.
Chez
Amadi
la
réincarnation
dépasse
le
cadre
de
la
structure
narrative
et
révèle
plutôt
les
représentations
que
se
font
les
personnages
de
la
réincarna-
tion.
Elle
entre
aussi
dans
le
cadre
de
la
recherche
de
la
causalité;
elle
contribue
à
l'explication
de
certains
événements
ou
du
comportement
de
certains
personnages.
Dans
The
Great
Ponds,
Olumba
a
eu
trois
fils:
le
premier
est
mort
en
tombant
dans
un
pui tS'
les
raisons
de
cette
.J
mort
sont
mystérieuses
(voir
supra),
le
second
aussi
meurt
et
Olumba
épouse
une
troisième
femme
qui
lui
donne
un
troi-
sième
f i l s .
Jl1ais
les
personnages
ont
peur
que
ce
dernier
ne
meurt:
The
baby~
now
over
two
years
old~
was
so
much
like
his
father
that
people
feared
that
Olumba
had
had
a
second incarnation.
I f
this
was
true~
then
Olumba' s
death
was
imminent.
fichichi
the
dibia
was
consulted
and
he
showèd
clearly
that
Olumba's
son
was
an
incarna t ion
of
0 l umba 's
grandfa the r ~
not
of
Olumba
himself.
To
be
quite
sure
Olumba
consulted
Anwuanwu~
a
dibia
at
Abii~
a
village
near
Chiolu.
Anwuanwu's
divination
confirmed
Achichi's~
and
Olumba's
peace
of mind was
res tored. (28)
Le
f i l s n e
peu t
ê t r e l a
r é i n carn a t ion
d e s 0 n
p ère
e t
s i
tel
étai t
le
cas
i l
y
aurai t
une
rupture
du
cycle
normal.
Ici
c'est
la
ressemblance
physique
du
f i l s
d'Olumba
à
son
père
qui
a
attiré
l'attention
des
personnages
et
i l
a
fallu
l'intervention
du~dibi;' pour distinguer le vrai du faux.
Toujours
dans
le
même
roman
nous
apprenons
plus
loin
que
Chisa
est
la
réincarnation
de
sa
grand-mère
paternelle.
Voici
ce
qùe
dit
son
père
à
ce
propos:
200
"
As
for
Chisa,
you
know
what
she
mean s
to
me.
She
is
the
incarnation
of my
dead mother. Il
"
Yes
l
often
heard
you
call
her
"motheY' "
[Y'épliqua
IkechiJ
'1
l
call
her
"motl,eY'''
not
only
because
she
is
the
reincarnation
of
my
mother
but
also
because
of her
surprisingly mature manners."
(29)
Parallèleme~t, dar.s
The
Slave,
Enaa
est
aussi
la
réincarna-
tion
de
sa
grand-mère
comme
le
montre
cet
échange
entre
Enaa
et Olumati:
" Somme
people never reincarnate"[dit Olumati]
" We
always
do"
[répondit
EnaaJ
" Who
were
you
?"
" In
my
formet'life
?
'1
" Yes
"
"
l
was
my
father's
mother"
(30)
SUite
à
sa victoire
sar
Aso,
nous
apprenons
qa'Olamati
vient
d'accomplir
un
geste
semblable
à
celui
de
son
grand-père dont
i l
est
la réincarnation:
"{vakwata
your grandfather once
threw a man
like
that.Olumati
did
not
know what
to
say.
"Are
you
his
reincarnation?"
"50
l
have
been
told. Il
(31)
Tous
ces
exemples
montrentl a
complexité
de
l'existence
humaine.
Le
personnage
amadien
est
soumis
à
un
ensemble
de
forces
extérieures
qui
ont
chacune
une
part
importante
dans
sa
vie.
E~
effet,
l'individu
doit
trouver
un
compromis
avec
les
dieux,
les
ancêtres,
les
différents
esprits,
les
autres
membres
de
la
société,
en
un
mot
l'univers
dans
:,on
ensemble
physique
et
métaphysique.
De
cette
vision
du
monde
la
vie
terrestre
n'est
qu'une
préparation
à
la
vie
ancestrale
et
plus
tard
à
la
réincarnation.
Il
y
a
un
mouvement
cyclique
de
répétition
et
de
continuité
qui
caractérise
la
plupart
des
sociétés
traditionnelles
africai-
ne s .
Pour
que
ce
cycle
soit
maintenu
i l
faut
une
série
d'observations
et
de
pratiques:
sacrifices,
prières,
divina-
tions,
Cérémonies
rituelles
etc . . .
201
Puisque
les
morts
ne
sont
pas
morts
et
pUisqUe
toùt
homme
aspire
à
se
reincarner
aprês
sa
mort
à
travers
les
vivants
le
désir
d'avoir
un
héritier
pour
permettre
la
réalisation
de
toutes
ces
aspirations
devient
l'une
des
préoccupations
des
personuages.
Le
thême
de
la
réincarnation
condui t
donc
à
celui
de
l ' h é r i t i e r
et
cela
pour
plusieurs
raisons:
assurer
la
survie
des
ancêtres .
./
affirmation
de
soi
pe!A.dant
sa
vie
sur
terre
avoir
des
héritiers
est
un
sigue
de
succês
social
de
presti-
ge,
de
bon
statut.
,)
signe
que
l'on
pourra
un
j our
se
réincarner;
que
les
dieux et autres esprits ne
manqueroJAt
pas
de
ce
dont
i l s
ont besoin..
Dans
un
tel
contexte,
le
manque
d'héritier
est
un
manque
absolu
qui
obsêde
les
personnages
et
c'est
ce
que
beaucoup
d'écrivains
africains,
dont
Amadi,
ont
souvent
cherché
à
faire
apparaître
dans
leurs
représentations
l i t t é r a i r e s .
3
L'absence d'héritier et le resurgissement d'une angoisse
collective
Il
faut
rappeler
avant
de
poursuivre
que
la
plupart
des
sociétés
africaines
étant
des
sociétés
patrilinéaires
un
três
grand
intér~t
est
porté
sur
la
masculinité.
Dans
Things Fall
Apart,Okonkwo
aurait
tant
souhaité
que
sa
f i l l e
Ezinma
fOt
un
garçon
alors
que
da!A.s
Arrow
of
God
Ezeulu
1
s'indigne
et
regrette
que
ses
f i l s
ne
se
comportent
pas
comme
ses
véritables
successeurs
-
héritiers.
202
Chez
Amadi
le
m@me
thème
se
retrouve
dans
ses
trois
romans
mais
d'une
autre
façon:
ici
nous
sommeS en
présence
de
personnages
dont
la
vie
est
affectée
par
le
manque
d'hé-
r i t i e r
et
par
conséquent
par
la
crainte
de
l'anéantissement.
DanS
The
Concubine
ce
problème
est
introduit
dès
les
quatre
premières
pages
dans
le
portrait
moral
et
physique
de
Madume
(voir
supra).
Ce
dernier
es t
obsédé
par
le
manque
d'héritier
et
plus
d'une
fois
le
narrateur
nous
livre
les
sentimer>.ts
intérieurs
du
personnage
(p.4).
Madume
ne
peut
pas
concevoir
sa
vie
sans
un
héritier.
Et 1
comme
nous
l ' a -
vons
so·~ligné
plus
haut,
l'absence
d'héritier
serait
une
des
raisons
de
son
suicide.
The
Great
Ponds
nous
offre
aussi
des
exemples
de
cette
obsessio!l
d'avoir
un
héri tier
à
travers
le
personnage
d'
Olumba.
Ce
dernier
a
tout
ce
qu'il
faut
pour
@tre
heureux
sauf
cette
ultime
richesse
qu'est
un
héritier
mâle.
L'auteur
décri t
avec insistance
le
chemin
parcouru
par
Olumba
pour
avoir
des
garçons.
Il
en
a
eu
trois
et
deux
sont
déjà
morts.
Olumba
est
alors
très
inquiet
et
vit
en
fonction
de
l ' é t a t
physique
et
moral
de
son
troisième
f i l s .
Sa
vie
est
tellement
liée
à
celle
de
son
f i l s
que
quand
ce
dernier
est
malade
Olumba
se
sent
aussi
malade.
Ainsi
quand
son
f i l s
se
met
à
pleurer
à
cause
de
l'absence
de
sa
mère
Olumba
se
sent
profondément
affecté.
I f
Olumba
was
sure
of
an
heir
he
might
have
con t r 0 l l e d his
f e ars
b e t ter.
But
Nche lem
wa s
ailing
because
of
his
mother's
absence.
I f
he
died~
then
as
the
parable
put
it~
both
the
canoe
and
the
paddles
would
be
lost.
Olumba
could
visualize
his
compound
overrun
with
weeds
and
the
houses
in
ruins [. . .J (32)
203
Olumba
exprime
la
même
angoisse
que
celle
d'Okonkwo,
de
Madume
et
d'Olumati
de
voir
leur
postérité
sacrifiée
faute
d'héritier.
Amadi
insiste
sur
cette
angoisse
d'Olumba
au
fur
et
à
mesure
que
le
récit
touche
à
sa
fin;
les
choses
se
précipitent,
le
suspense
s'accentue
et
le
lecteur
s'iden-
t i f i e
de
plus
en plus
à
Olumba
dans
sa
détresse:
"
What
is
the
best
way
to
catch
a
hen
with
young ones
?
/1
Anwuanwu asked
Diali,
smiling.
"
Cet
hold
of
one
of
the
young
ones
and
the
hen will
follow",
Diali replied easily.
" Well,
that
is
what
is
happening."
"
Do
you
mean
our
enemies
are
working
this
child
?
/1
(33)
Olumba
est
si
sérieusement
affecté
par
l ' é t a t
de
son
fils
qu'il
ne
peut
plus
cacher
ni
sa
peur
ni
sa
colère.
Il
est
de
plus
en
plus
déterminé
à
faire
l'impossible
pour
que
son
f i l s
survive:
"[ ... J my
compound
had
to
stand,
my
family
name
had
to
be
pe rpe tua ted [ . . . ]
l
tell
you,
l
have
snatched
that
boy
right
from
the
gods;
l
shall
die
before
he
dies. "(34)
Quand
Olumba
constate
que
son
f i l s
recouvre
la
santé
une
lueur
d'espoir
naît
en
lui;
on
le
voit
même
exprimer
très
peu
d'émotion
à
la
mort
d' une
de
ses
f i l l e s .
Il
étonnne
même
les
autres
personnages
dans
l'optimisme
qu 1 i l
affiche
à
vouloir
respecter
le
serment
au
moment
où
tous
sont
plus
ou
moins
convaincus
que
c ' e s t
cela
qui
est
à
la
base
de
leurs
malheurs.
Mais
cette
confiance
d'Olumba
s'estompe
de
nouveau
lorsque
son.
f i l s
tombe
malade:
But
now
with
Nchelem
i l l
his
attitude
changed
again.
He
knew
that
in
spite
of
the
general
204
üS
calamity
he
Zùas
s t i l l
marked
outil a
special
target.
The
god Zùas
merely
being
systematic.
That
night
he
did
not
sleep.
Before
daZùn
he
came
out and
looked at
the
moon. (35)
Si
nous
avons
tenu
à
suivre
de
façon
linéaire
l'obsession
d'Olumba
de
voir
son
héritier
mourir
c'est
dans
le
but
d'insister
sur
le
fait
qu'Amadi
fait
ressortir
là
une
an-
goisse
collective
qui
poursuit
les
membres
d'une
société
donnée.
Une
angoisse
collective
qui
obsède
tous
les
person-
nages
amadiens.
Dans
The
Slave
le
retour
d'Olumati
dans
la
société
des
hommes
libres,
et
ce,
malgré
les
dangers
que
cela
représente
répond
à
un
désir
profond
du
personnage
de
parer
à
l'impara-
ble.
El).
effet l
Olumati
ne
peut
pas
supporter
de
voir
la
famille
Echela
disparaître
faute
d'héritier.
En
tant
que
dernier
héritier
de
cette
famille
i l
a
comme
un
devoir
de
sauvegarder
cette
souche.
Mais
hélas!
ce
rêve
est
suspen-
du
par
la
fin
ambigu~
du
roman:
Olumati
retourne
datls
le
sanctuaire
d'Amadioha
pour
échapper
à
la
mort,
pour
préser-
ver
sa
race.
Mais
la
question
que
l'on
peut
se
poser
est
de
savoir
si
Olumati
pourra
finalement
se
marier
et
assu-
rer
la continuité
à
travers
ses
f i l s ?
Le
thème
de
la
recherche
d'un
héritier
se
retrouve
d'Une
ce r ta i ne
ma tl i ère
.d ans
l a s té r i l i t é
qui
f ra pp e
les
ho mm es;
situation
beaucoup
plus
angoissante,
puisque
sans
enfatlts
l'individu
est
considéré
comme
inexistant.
Il
ne
peut
pas
participer
aux
destinées
de
la
société.
I l
faut
peut-être
faire
l'exception
des
"medicine
men" l
des
prêtres
et
autres
205
détenteurs
de
rites
et
coutumes
sacrées
qui
mènent
une
vie
ascétique
ou de
célibat
afi~ de
préserver
leurs
pouvoirs
magiques,
spirituels
oU
surnaturels.
Le
thème
de
l'absence
d'héritier
peut
donc
~tre
mis
en parallèle
avec
celui
de
la
s t é r i l i t é
que
~oUs rencontrons
chez
dl autres
écrivains
comme
Flora
Nwapa
dans
Efuru
et
Idu;
Ahmadou
Kourouma
dans
Les
Soleils
des
iRdépeJ3.daRCeS,
Sembène
Ousmane
dans
Xala,
John
Pepper
Clark
dans
SOJ3.g
---
of a
Goat
et
bien d'autres
auteurs
africains.
Lorsque
nous
considérons
tous
les
éléments
qui
ont
été
évoqués
aussi
bien
dans
le
rapport
homme/Dieu
que
dans
celui
entre
les
hommes
et
les
anc~tres
oU
à
travers
les
thèmes
de
la
réincarnation
et
de
l ' h é r i t i e r
nous
constatons
que
tout
cela
a
pour
but
d'atteindre
une
certaine
harmonie
cosmique;
de
faire
coexister
le
monde
visible
et
le
monde
invisible
(36).
Il
Y
a
une
interaction
permanente
entre
les
différents
mondes
et
aUcun
ne
peut
exister
sans
l'autre.
Dans
ThiJ3.gs Fall
Apart
le
narrateur
évoque
la
complémentari-
1
té
entre
ces
différents
mondes
que
les
représentations
et
l'imaginaire
humainSont
unis:
The
land
of
the
living
was
not
far
removed
from
the
domain
of
the
ances tors.
There
was
coming
and
going
between
them~
especially
at
festivals
and
also
when
an
old
man
died~
because
an
old
man
was
very
close
to
the
ances tors.
A
man' s
life
from
birth
ta
death
was
a
series
of transition
rites
which
brought
him nearer and nearer
to
his
ancestors. (37)
Il
se
crée
une
sorte
de
complémentarité
entre
l'homme,
les
anc~tres, les
dieux
et
les
espri ts
grâce
au
principe
dialectique
que
nous
avons
décrit
dans
notre
i~troduction.
206
~1ais ,
comme
nous
l ' aVOAS
souligné,
cette
complémev"tarité
n'est
possible
que
sUr
le
plan
de
l'imaginaire.
Les
person-
nages,
comme
les
représentations
littéraires
le
font
ressor-
t i r ,
sor:t
continuellement
confrontés
aux
réalités
de
leurs
mondes
qui
les
surprennent
et
les
déroutent
très
souvent.
Le
lecteur
situé
hors
du
système
relève
des
ambiguïtés
et
des
paradoxes.
Mais
i l
n'est
pas
à
m~me de décider si
les
évéI'_ements
qui
lui
sont
présentés
sont
vrais
oU
faux.
I l
hésite
entre
les
différents
événements
en
apparence
contradictoires
ou
opposés
et
ceci
grâce
à
une
certaine
organisation de
l'oeuvre
dans
son ensemble.
207
VII - LA MORT ET SES REPRESENTATIONS
Parmi
les
thèmes
développés
dans
l'oeuvre
amadien:ne,
la
mort
occupe
une
place
de
choix
et
c'est
l'un
des
thèmes
qui,
on
s'en
doute,
domine
l'imaginaire
humain
et
est
l'ob-
jet
de
multiples
représentations.
Nous
avons
pu
constater
dans
les
chapitres
précédents
que
les
différentes
morts
qui
surviennent
dans
les
trois
romans
d'Amadi
sont
sujettes
à
plu sie urs
i nt e r pré t a t ion s e t
qu' a li- de l à
de
ces
m0 r t s
l e
problème
de
la
vie
et
de
la
continuité
est
posé.
La
mort
apparaît
comme
une
étape
normale
dans
la
logique
humaine;
mais
lorsqu'elle
survient
effectivement
cette
logique
laisse
place
à
l'interrogation,
surtout
quand
on
sait
que
dans
le
monde
amadien
rien
n'est
dO
au
hasard
et
qu'il
Y a
une
multitude
de
caUses
pour
chaque
chose.
Dai1~
un
premier
temps
nous
essayerons
de
voir
quelles
sont
les
différentes
causes
possibles
aux
décès
qui
frap-
pent
les
personnages.
Nous
distinguerons
la
"bonne
mort"
qui
est
en
rapport
avec
l'ordre
et
la
"mauvaise
mort"
qui
est
en rapport
avec
le
désordre.
Puis
dans
un
second
temps
nous
observerons
comment
la
mort
est
vécue
comme
une
maîtrise
du
temps
à
travers
les
différentes
représentations
et
rites
funéraires.
A - Les causes de la mort
Pour
les
personnages
amadiens
la
mort
est
dans
bien
208
des
cas
la
sanction
à
une
faute
commise
comme
le
remarque
Madume
dans
The CoRcubiRe
(p.53)
A côté
des
causes
naturel-
les
de
la mort comme
la maladie,
la
vieillesse
ou
l'accident,
i l
Y
a des
caUses
cachées
d'ordre
surnaturel
qui
échappent
aUX
personnages.
Cette
vision
de
la
mort
des
personnages
amadiens
peut
être
mise
en
parallèle
avec
l'affirmation
suivante
de
Louis-Vincent Thomas:
[ . . . ]
toute
mort
est~ de prime abord~ jugée
comme
imposée
du
dehors:
c'est
l'ennemi~
le
chaos~
l'inorganisé
mettant
en
cause
une
puissance malveillante. (l)
Il
n'y
a
donc
pas
de
mort
innocente.
Mais
si
les,personnages
"
sont
conscients
de
cette
réalité,
i l s
distinguent
toutefois
différentes
sortes
de
morts:
la
"bonne
mort"
et
la
"mauvaise
mort".(2)
1
La "bonne mort" en rapport avec l'ordre.
DanS
cette
catégorie
nous
pouvons
distinguer
la
mort
naturelle
et
la mort
pour
une
caUse
communautaire:
a)
La
mort
naturelle
est
celle
qui
intervient
lorsque
l ' i n -
dividu
a
atteint
un
âge
avalÂcé,
lorsqu'il
est
frappé
de
vieillesse.
Ce
type
de
mort
a
droit
à
des
funérailles
gran-
dioses
et
très
souvent
on
ne
pleure
pratiquement
pas.
DaRs
The
Coucubiue 1 aucune
des
trois
morts
que
nous
rencon-
trons
ne
correspond
à
cette
catégorie
de
mort
qui
inter-
vient
presqu'à
la
fin
du
cycle
biologique
de
l ' homme.
Les
trois
morts
(Emenike,
Madume,
Ekwueme)
sont
tragiques.
209
Et,
au-delà
du
tragique
i l y a l e
mystère
qui
entoure
ces
morts
et
que
nous
avons
tenté
d'analyser
dans
les
chapitres
précédents.
Emenike
meurt
à
la
suite
de
sa
bagarre
avec
Madume.
Pour
les
uns
sa
mort
serait
due
au
"lock-chest"
conséquence
d'un
travail
prolongé
sous
la
pluie.
Pour
les
autres
c'est
la
conséquence
des
coups
qu 1 i l
a
reçus
de
Madume.
Mais
tout
cela
n'est
que
cause
apparente,
i l
y
a
quelque
chose
de
plus
mystérieux
comme
nous
le
précisions
précédemment.
Les
personnages
sont
dépassés
par
la
mort
d' Emenike
à
la-
quelle
i l
ne
peuvent
pas
attribuer
une
caü~ précise.
Madume
est
le
personnage
dont
la
mort,
aux
yeux
des
personnages,
serait
une
sorte
de
puni tion
divine.
!'1 a is
cette
constatation
n'enlève
rien
à
la
tragédie
de
sa
mort;
sur t 0 u t
qua n d o n
sai t
qu' i l s ' e s t s u ici dé.
E t
l e
l e c t e ur
qui
en
sait
plus
que
les
personnages,
voit
les
causes
socio-
logique s
et
psychologiques
dans
la
mort
de
Madume,
causes
que
nous
développerons
plus
loin..
Lam 0 r t
d' Ek Wvem e
est,
a v ion s - no u s d i t,
au
s umm u m
de
la
tragédie
qui
se
déroule
dans
The
Concubine.
Dès
lors
que
le
"dibia"
révèle
les
risques
qu'Ekwueme
court
en
épou-
sant
Ihuoma,
le
personnage
et
le
lecteur
s'attendent
plus
ou
moins
à
ce
que
quelque nhes.e de
tragique
se
produise
à
la
rencontre
d'Ekwueme
et
"
.i'
du
Sea-God;
soit
pour
Ekwueme,
soit
pour
le
~Sea-God': Mais
c'est
surtout
la
façon
dont
Ekwueme
meurt
qui
surprend
aussi
bien
les
personnages
que
210
le
lecteur
et
fait
penser
à
la
thèse
du
surnaturel
et
de
la
causalité
mystique.
Dans
les
deux
autres
romans
d' Amadi
nous
avons
quelques
cas
de
personnes
âgées:
nous
pouvons
citer
l~cas de
la
1
vieille
Ochomma
dans
The
Great
Ponds,
que
le
narrateur
rapporte
en
ces
termes:
Ochomma
died
very
old.
It
was
a
matter
of
pride
for
any
fami ly
to
have
anyone
so
0 ld
among
them.
Usually
deaths,
like
Ochomma's
were
occasions
for
celebrations
in
the
Erekwi
clan.
Apart
from
a
few
sensitive
women
and
chi ldren,
no
one
wept.
Mourners,
i f
the y
cou l d
b e
s o c a l l e d ,
t ur n e d 0 ut in
the i r
b est
wrappers.
I f
enough
money
was available
i t
could be a
truly
great occasion. (3)
Ce
passage
noUs
livre
des
informations
sociologiques
assez
précises
sur
la
mort
d'une
personne
âgée.
~1ais
ce
qui
nous
intéresse
c'est
la
cause
de
la
mort
d'Ochomma.
No/us
savons
que
la
vieillesse
ne
suffit
pas
pour
justifier
la
mort
d'une
personne,
pas
plus
que
la maladie-
ne
peut
être
la
cause
dernière
d'une
mort.
Ochomma
est
morte
après
qu'une
de
ses
petites
filles
est
décédée.
A
travers
une
sorte
de
vision
prophétique
Ochomma
annonce
sa
propre
mort:
"And
so
you
are
gone.
So
will
l
soon,
soon.
l
have
lived
long
enough.
Listen
people
of
Chiolu:
a
great
calamity
is
coming.
The
Gods
have
run
wild
and
we
shall
know
nothing
but
tears.
l
saw
i t
plainly
last
night,
and
l
see
i t
naw
as
my
child
is
about
to
journey
to
the
spirit
world.
Carry
her
away
gently.
l
need
not
cry
for
l
shall
join
her
soon.
Soon
while
there
are
s t i l l
people
to
bury
me
"( 4 )
Quand
nous
regardons
de
près
ce
passage
nous
ne
POUVOtl.S
pas
ne
pas
être
frappés
par
la
répétition
de
l'adverbe
211
"soon"
et
de
l'insistance
de
la
vieille
Ochomma
à
travers
l'utilisation
des
adjectifs
et
des
adverbes
à
marquer
l'im-
portance
de
son
message:
l
have
lived
long
enough;
a
great
calamity;
the
gods
have
run
wild;
l
saw
i t
plainly . . . l
see
i t
now
(c'est
nous
qui
soulignons).
Et
même
avant
cette
vision
prophétique
le
narrateur
décrit
le
cri
mystérieux
que
pousse Ochomma
à
la
levée
du
corps
de
sa
petite
fille:"
.. . Ochomma
le t
0 u t
a
h ear t -rend ing
cry.
The
corps e
beare rs
stood s t i l l ,
arrested
by
the
almost
unearthly
sound. "(p.150)
Ce
qui
est
mystérieux
c' est
que
la
vieille
Ochomma
meurt
effectivement
et
dans
de
brefs
délais:
"
Okatu,
you
will
sleep
with
your
parents
today"
[dit
OchommaJ
" 14hy
?"
the
boy asked surprised
" Do
as
l
te II
you
"
The
boy
obeyed
The
next morning Ochomma was
de ad .
(5)
En
lisa~t ce passage nous
sommeS tentés
de
conclure
qu'Ochom-
ma
s'est
suicidée.
Mais
Une
telle
conclusion
n'est
pas
env i s a g é e 11 .par l e
n arr a t e Ur
ni
par
les
p ers 0 n n age s
car
dan s
ce
morade
i l
n'est
pas
étonnant
qu'une
personne,
surtout
une
personne
âgée,
ait
une
vision
prémonitoire.
Cette
a t t i -
tude
des
personnages
et
du
narrateur
corrobore
bien
notre
étude
sur
les
présages,
les
prémonotions
et
les
augures.
I l
y
a
lieu
aussi
de
remarquer
que
dans
la
vision
d'Ochomma
i l
est
fait
mention
des
dieux
qui
sont
devenus
furieux
-"wild"
et
qui
sont
à
l'origine
des
différentes
morts
qui
ont
eu
lieu et
de
celles
à
venir.
Les
morts
qui
survien-
nent
dans
The
Great
Ponds
ont
donc
Une
origine
surnaturelle,
212
diviv.e
et
mystérieuse.
Mais
da1.1s
le
m~me
temps
elles
sont
le
résultat
du
mauvais
comportement
des
perso1.1nages
à
l ' é-
gard
des
puissanceSinvisibles.
Oap.s
The
Slave,
la
mort
de
la
vieille
Nyege
est
à
quel-
que chos e
près,
similaire
à
celle
d'Ochomma
sauf
qu'ici
c'est
Olumati,
le
petit-fils,
qui
fait
U1.1
r~ve
qui
coïncide
avec
la mort
de
sa
grand-mère:
Olumati
was
falling
~
falling
down
a
pit
of
stars.
A
being
gently
but
fi1'mly
nudged
him
downwa1'ds~ eve1'
downwa1'ds.
A II
the
time~
i t
smiled
a
gentle
mothe1'ly
smile.
Olumati
t1'ied
to
fight
but
his
limbs
we1'e
pa1'alysed~
non-existent.
The1'e
was
a
heaviness
on
his
chest.
It
was
the
weight
of the
ea1'th.
The1'e
was
nothing
he
could
do.
He
fell
with
the
c1'eatu1'e~
until
they
touched
g1'ound.
Then
they
walked
along
a
~
until
they
came
to
a
gate
in
a
fence .' Beyond
the
fence
lay.
what
Olumati
thought
was
an o1'cha1'd.
He
could
not
be
sUl'e~ it was so da1'k.
Shado~
moved
about
the
t1'eB,s. in
the
01'C~
[. .. J
a
la l' 9 e
9 l' 0 UP
0 f
p' e 0 p le
e mer 9 e d
f l' 0 m _. ; he
gate
and
began
to
chase
him~ calling on his
name
and
beating drums.
Then
he
woke
sweating.
But
he
could s t i l l
he al'
his
name.
He
listened.
Ale1'u was
knocking
at
the
doo1'. (6)
Olumati
sort
brusquement
de
son
l i t
pour
répondre
à
l'appel
de
sa soeur
qui,
sans
aucun mot,
l'amène
à
découvrir
la
triste
réalité:"
With
a
sob she
led
him
to
Nyege's
bed1'oom.
Theil' g1'andmothe1'
was
dead.
Ale1'u
sat
down and wept
silently.
Olumati
bit
his
lips
ne1'vously. "(p.B?)
Le
r'êve
attire
l'attention
par
la
richesse
des
éléments
qui
le
composent
et
par
les
interprétations
possibles
qu'on
peut
leur
donner.
Nous
en proposons
une
en soulignant
toute-
fois
qu'il
s'agi t
d'une
interpréta tion
de
premier
ni veaU
qui
ne
s'appuie
pas
sur
un
outil
particulier
d'analyse
213
des
r~ves.
Dans
ur:
premier
temps
le
narrateur
décrit
Olumati
tombant
par
terre
dans
un
fossé
d'étoiles.
Cette
chute
est
accentuée
par
la
répétition
de
"falling,
falling
down".
Mais
cette
chute
est
mystérieuse
à
cause
de
la
présence
des
étoiles
qui,
l'on
sien
doute,
annoncent
soit
Une
désintégration
cosmique;
soi t
un
avenir
radieux.
Nous
pensons
que
la
pre-
mière
hypothèse
est
la
plus
vraisemblable
car
les
étoiles
ne
sont
pas
vues
dans
le
ciel
mais
dans
la
terre.
Toujours
dans
son
mouvemel4t
de
chute
Olumati
est
poussé
vers
le
sol
fermement
mais
doucement
d'Un
coup
de
coude'
par
un
~tre
inconnu.
L'ajectif
"down"
se
transforme
en
adverbes
"downwards,
ever
donwards";
noUs
avons
de
nouveau
une
répétition
et
cela
traduit
symboliquement
l'ampleur
de
la
chute
d'Olumati.
Mais
le
paradoxe
c'est
que
la
créa tu-
re
qui
l'entraîne
dans
sa
chute
lui
sourit
sans
cesse
"
a
gentle
motherly
smile".
Le
choix
de
l ' a d j e c t i f
et
de
l'adverbe
gentle
motherly-
est
significatif
en
ce
sens
qu'il
décrit
un
personnage
féminin
que
nous
interprétons
par
anticipation
comme
étant
celui
de
la vieille
Nyege.
Dans
Un
second
temps
Olumati
essaie
de
se
défendre
mais
i l
en
est
emp~ché par
le
fait
que
ses
jambes
sont
paralysées;
handicap da aU poids de.la terre sur sa poitrine;poids que la sùite
du
r~ve
révèle
comme
étant
une
charge
de
douleur
morale
et
surtout
physique
"
i t
was
the
weight
of
the
earth".
Le
r~ve
se
précise
de
plus
en
plus
car
la
terre
symbolise
214
ici
non
seulement
la
dernière
demeure
de
Nyege
mais
aussi
l'imaginaire
qui
accompagne
l ' homme
à
la
pensée
du
poids
de
la
terre
jetée
sur
les
corps
ensevelis
dans
les
tombes.
Le
rêve
se
poursuit
avec
de
plus
en
plus
de
références
à
la
terre
et
des
mots
qui
dénotent
Un
certain
enfermement:
"They
came
ta
a
gate
in
a
fence" l
"Beyond
the
fence . . . was
an
orchard",
" i t
was
sa
dark",
l ' a d j e c t i f
"dark"
dans
ce
dernier
exemple
est
en
opposition
avec
les
éléments
de
lumière
que
noUs
avons
rencontrés
dal:l.s
la
première
partie
avec
"les
étoiles"
et
le
"sourire
maternel".
L'horizon
s'assombrit
et
devient
funeste.
Enfin,
ce
sont
des
gens
qui
émergent
de
derrière
les
arbres
et
qui
se
lancent
à
la
poursuite
d'Olumati.
ILs
l'appellent
par
son
nom
et
battent
des
tam-tams.
Il
Y
a
dans
ce tte
dernière
partie
un
retour
vers
la
réalité
après
une
préfigu-
ration
de
l'ampleur ~de la grandeur que
revêtiront
l'enterre-
mel:l.t
et
les
funérailles
de
Nyege:
Nyege's
funeral
was
in
fact
a
celebration;
she
died
so
0 ld.
Osa
fami ly
headed
by
Ovunda
-was
very
helpful.
Nyege
was
their
daughter
and
they
made
nearly
all
the
arrangements~
for
Olumati and
his
sister could not be
expec-
ted
to
know wha t
to do. (7)
Ainsi
l:l.OUS
pOUVOl:l.S
dire
que
même
si
la
mort
de
Nyege
est
précédée
d'Une
atmosphère
mystérieuse,
prémonitoire,
que
l:l.oUS
révèle
le
cauchemar
d'Olumati,
i l
n'en
demeure
pas
moins
que
cette
mort
est
à
classer
parmi
les
bOl:l.l:l.es
morts.
h)
La
seconde
catégorie
de
bonne
mort
est
celle
qui
concerne
215
les
guerriers
morts
au
combat
pour
une
cause
communautaire.
Nous
rencontrons
essentiellement
ce
type
de
mort
dans
The
Great
Ponds,
roman
qui
décrit
la
guerre
entre
deux
villages
à
propos
d'un
marécage.
Après
le
premier
combat
nous
lisons
que
les
morts
de
Chiolu
"were
buried with
full
rites'"
(p.28)
Deux
pages
plus
loin
le
narrateur
raconte
ce
qu'est
la
danse
de
la
victoire
surtout
pour
ceux
qui
ont
tué
des
ennemis:
A
victory
dance
was
unlike
any
other
dance.
the
dancers
wore
their
battle-dress.
To quali-
fy
for
the
dance
a
dancer
must
have
taken
part
in
a
real
battle~
but
the
highlights
of the
dance
belonged
to
those
who
had actual-
ly
slain enemies
in
battles. (8)
Ce
passage
attire
notre
attention
sur
un
point
bien
précis
qui
est
celui
de
l'attitude
des
personn.ages
vis-
à-vis
des
victimes
de
guerre
du
camp
adverse.
Dans
ce
monde,
tuer
a
une
conraotatiora
de
bravoure,
d' affirmation
de
la
masculin.ité,
pourvu
que
ce
forfait
rae
soit
pas
commis
sur
ura
membre
du
groupe
auquel
on
appartient
d' urae
façon
ou
d'Urae
autre.
Avoir
tué
des
enraemis
donrae
ura
prestige
social;
cela
con.fère
ura
statut
particulier
comme
le
fait
de
boire
"The
Wine
with
Eagle
Feathers"(p.44)
Les
hommes
ont
un. arC et
pour
chaque
ennemi
qu'ils
tuerat
ils
forat
ura
noeud
sur
la
corde'de
leur
arc.
Dans
le
cas
présent
c'est
le
patriarche
Eze
Diali
qui
a
le
plus
de
noeuds
sur
son
arc:
"
Eze
Diali
drank
last~
shaking
first
his
right
f i s t
th en
his
left
in
the air.
The
villagers
cheered
him wildly.
He
was
reputed
to
have
killed
some
twenty
people
in
various
battles. "(p.44)
216
Les
succès
d'Eze
Diali
eH
ce
qui
COHcerne
ses
victoires
guerrières
nous
font
penser
à
Okonkwo
dans
Things
Fall
Apart:
. . . He
was
no t
afra id
of
war.
He
was
a
man
of
action,
a
man
of
war.
Unlike
his
father
he
could
stand
the
look
of
blood.
In
Umuo-
fia's
last
war
he
was
the
first
ta
bring
home
a
h uman
head.
Tha t
was
h is
fifth
head;
and
he
was
not
an
old
man
yet.
On
great
occasions
such
as
the
funeral
of
a
village
celebrity
he
drank
his
palm-wine
from
his
firs t
human
head. (9)
Au-delà
du
macabre
ou
de
la
connotation
d'anthropophagie
que
peut
susciter
la
lecture
de
ce
passage
i l
faut
surtout
souligner
le
paradoxe
que
les
victoires
guerrières
soulèvent.
En
effet,
nous
avons
l'impression
que
les
gens
vont
à
la
guerre
non
pas
pour
défendre
une
juste
cause
mais
pour
rapporter
des
trophées
afin
de
pouvoir
s'affirmer
dans
leurs
sociétés
très
souvent
"masculinisées"
Ce
sentiment
de
masculinité
est
tellement
fort
que
les
personnages
f,1e
lésir-lent
pas
sur
les
moyens
pour
le
satisfaire.
Dans
The
Great
Ponds
noUs
apprenons
que
le
plus
grand
cadeau
que
~....;;...~_.::.....::::..== 1
la
vieille
Ochomma
ait
pu
donner
à
son
petit
fils
est
de
lui
avoir
permis
de
tuer
un
ennemi:
[ .. Jfor
th~
first
time
a
boy
of
thirteen
would
drink
the
wine
With
Eagle
Feathers.
That
was
a ld
Ochomma' s
.5cheme
and
i t
had
worked
perfectly.
She
had
bestowed
on
her
grands on
a
legacy
worth
a
good
dea l
more
than
all
the
rusty
manillas
stored
somewhere
under
the
floor
of the
room.
In
later genera-
tians
Okatu's
name
was
ta
be
a
household
ward,
an
inspiration
ta
youth. (lO)
Comme
noUs
pouvons
le
constater ceux qui sont morts à la guerre ne
sont
pas
considérés
comme
de
mauvais
morts;
surtout
217
pour
l'e~Demi qui
en
fait
un
moyen
de
s'affirmer
socialeme~t.
Dans
cette
même
société,
à
la mort
de
certains
grands
homme~
des
victimes
sont
sacrifiées
pour
des
rites
funéraires;
c'est
ce
que
noUs
rencof1trons
dans
le
tout
premier
para-
graphe
de
The
Concubine:
He
[
Emenike
]
was
aware
that
a
venerable
old
chief
had
died
somewhere.
This
death
was
kept
as
secret
as
possible.
This
was
because
they
wanted
to
give
the
head-hunters
who
were
now
abroad
in
the
forest
a
chance
to
capture
heads
for
the
grea t
buria Z. (11 )
Dominique
Zahan
décrit
des
situations
presque
similaires
à
celles
que
nous
venons
de
citer
dans
un
chapitre
intitulé
"la vie,
la
mort
et
le
temps."(12)
Ce
que
nous
avons
essayé
d'analyser
comme
étant
la
bo~ne
mort
doi t
être
mis
en
rapport
avec
l'ordre;
c'est-à-dire
1
avec
quelque/chose
qui
est
admis
et
accepté
par
la
société.
E~
effet,
i l
s ' a g i t
d'Une
bonne
mort
car
elle
permet
à
l'individu
d'accéder
à
l'au-delà
et
ceci
grâce
aux
-membres
de
la
société
qUi
accomplissent
les
rites
funéraires
néces-
saires.
Mourir
à
un
âge
avancé
oU
à
la
guerre
pose
moins
de
problème
que
mourir
jeune
oU
d'une
maladie
honteuse
oU
d'Un
accident.
La
bonne
mort
dont
la
caUse
est
plus
oU
moins
apparente
surprend
moins
car
l'on
s' y
attend
plus
oU
moins.
I l
en
va
autrement
de
la
"mauvaise"
mort
que
f10US
noUs
proposons
d'analyser
à
présent.
218
2
. La "mauvaise" mort en rapport avec le désordre.
On
pourrait
qualifier
de
"mauvaise"
mort
toutes
les
morts
qui
n'entrent
pas
dans
le
cadre
de
la
"bonne"
mort.
Il
s'agit
des
morts
qui
!l'obéissent
pas
au
cycle
normal
de
naissance
vieillesse
mort
à
l'exception
des
victimes
de
guerre.
Sous
la
rubrique
de
"mauvaise"
mort
nous
pouvons
classer
tous
les
cas
de
sl1icide
(13),
noyade,
fol1droiemet1t 1
décès
par
sl1ite
de
maladies
hontel1ses
ol1
de mort
prématl1rée.
La
littératl1re
africaine
abonde
en
thèmes
relatifs
à
ces
"mal1vaises"
morts
ql1i
sont
le
pll1s
sol1vent
dramatiql1es.
Nol1s
pol1VO!lS
citer
le
cas
d'Okonkwo
dans
Things
Fall
Apart
ol1
d'Adiewere
dans
Idu
pol1r
rester
chez
les
écrivains
Ibo.
Mais
si
le
sl1icide
d'Okonkwo
a
l1ne
cal1se
sociologiql1e;
la mort
d'Adiewere est mystérieuse
et
provoql1e
l'indignation
chez
sa
femme
ql1i
espérait
vivre
des
années
hel1rel1ses.
Et
c'est
ce
ql1i
amène
Idl1 à
se
lamenter
e!l ces
termes
pathé-
tiql1es:
He
has
cheated
me.
We
did
not
agree
this
woul.d
happen.
We
did
not
agree
on
what
to
do
i f
this
sort
of
thing
happened.
We
did
not
think
of
i t .
Why
do
you
want
me
to
weep.
l
am
going
with
him.
Leave
me
al.one,
l
am
going with
him. (14)
La
répétition
de
l'expression
"
we
did
not
agree . . . happen"
tradl1it
la
révolted'Idl1 face
à
la mort
prématl1rée
d'Adiewere;
c'est
l1n
appel
à
la
société
pol1r
ql1"elle
soit
témoin
de
ce
ql1i
s'est
passé
et
l1ne
plainte
à
la
mort
pol1r
avoir
arraché
Adiewere
à
la vie
sans
crier gare.
219
Ce
passage
montre
donc
le
côté
inatte:'ldu
de
la
mort
ct' Adiewere.
Ce
dernier
avai t
encore
des
proj ets
à
réaliser
aussi
bieFl
avec
sa
femme
qu'avec
la
société
toute
entière.
Les
causes
immédiates
de
sa
mort
sont
inCOf.lnUes.
Elles
sont
mystérieuses
et
sont
en
rapport
avec
le
désordre
car
dans
cette
société
tout
ce
qUi
est
anormal
menace
l'ordre
établi.
Nous
poUvons
établir
un
parallèle
entre
la
mort
d'Adie-
were
et
celle
d' Emenike
dans
The
Concubine
avec
la
seule~
différence
qu'Emenike
a
eU
trois
garçons
à
travers
lesqUels
sa
postérité
est
préservée.
Mais
la
mort
d'Emenike
est
aussi
inattendue
en
ce
sens
qu'il
meurt
presqu'au
milieU
de
l'âge
biologique.
Mourir
jeur.le
est
Un
événement
in.acceptable
pour
les
personnages;
et 1
plus
d'une
fois
dans
The
Great
Ponds
le
narrateur
décrit
l'émotion
des
personnages
en.
de
pareilles
circonstances:
Ihunda's
death
shook
the
village
probably
because
she
was
so
attached
to
Ochomma
the
oldest
pers on
in
the
village.
She
was
a
very
beautiful
child. (15)
Plus
loin.
un
garçon
de
vingt
ans
meurt
et
c'est
le
grand
désarroi
dans
Chiolu:
He
was
the
only
child
of
his
mother.
The
woman~ people feared~was now bent on suicide.
Her
crying
was
spectacular
and
quite
a
few
villagers
watched
her out of sheer curiosity.
Human
des ire
for
diversion and entertainement
is
a
formidable
drive
which
is
often underes-
timated. (16)
La
mort
du
jeUf.le
homme
comme
celle
de
la
petite
fille
220
d'Ochomma
est
une
mort
violente;
de
même
que
la
mort
d'Aleru
en
couches
da~s The Slave.
Mais
si
ces
morts
sont
violentes
parce
que
contraires
à
l'ordre 1
elles
sont
toutes
prises
en
charge
-
pleUrées
collectivement
-
par
la
société
quelles
qUe
soient
les
causes
cachées
de
ces
morts.
Il
en
va
autre-
ment
des
morts
par
suicide
où
l'individu
participe
de
lui-
même
à
sa
propre
mort.
De
telles
morts
sont
proscrites
par
la
société
et
rejetées
par
le
Dieu
de
la
Terre 1
Ali.
C'est
à
cette
catégorie
de
morts
que
nous
nous
intéressons
dans
l'oeuvre
amadienne.
Le suicide.
Da~s
The
Concubine,
Madume
se
SUicide
après
que
sa
femme
et
ses
enfants
l'ont
abandonné;
ce
sont
du
moins
les
causes
immédiates
et
apparentes
qUi
s'offrent
au
lecteur.
1\\1 a i s
à
cela
s'ajoutent
d'autres
causes
sociales
qui
sont
son
incapac i té
à
avoir
un
héri t i e r ,
le
fai t
qu'il
soi t
devenu
aveugle
et
que
sa
femme
soit
amenée
à
accomplir
des
tâches
jusqüe
là
attribUées
à
l'homme
réparer
le
toi t
d'une
maison,
cultiver
l'igname,
etc.
Le
fai t
aussi
qU'Anyika
ait
abandonné
Madume
à
son
sort
peut
contribuer
à
expliquer
l e s ent i men t
d' a ban don
é pro Uv é
par
cel Ui - c i e t
cel a
peU t
le
conduire
au
suicide.
On
peut
aussi
remarquer
qUe
le
narrateur
n'a
gUère
tenté
de
dresser
un
portrait
positif
de
1\\1adume.
S ' i l
est
vrai
q u ' i l
présente
de temps en
temps
les angoisses et les pensées
221
secrètes
de
~1adUme
i l
10-'e10-
demeure
pas
moins
qu'il
reste
aUx
yeux
du
lecteur
une
image
négative
de
Madume:
S010-
combat
avec
Emenike
aU
début
du
roma10-
fait
apparaî-
tre
le
côté
brutal
de
Madume.
C'est
un
homme
qui
a
peu
d'ig10-ames
alors
que
ces
tuber-
cules
sont
U10-
signe
d'affirmatio10-
de
soi
dans
cette
société:
"Madume"s
yams
were
few"(p.4) .11
c010-naît
d010-c
U10-
échec
sUr
le
plan économique.
Madume
est
prése10-té
comme
U10-
homme
envieux;
un
éter10-el
insatisfait: "Madume's
"big
eye" may
cost
him his
life
eventu-
ally.
Like
the
hunter who
was
never
satisfied with
antelopes~
he
might
be
obliged
to
carry
an
elephant
home
one
day
and
collapse
under
the
weight."(p.16)
Nous
POUV010-S
dire
que
cette
faço10-
de
voir
Madume
corrobore
la
vision
des
personna-
ges
lorsque
MadUme
se
suicide.
L'agression
de
Madume
sur
Ihuoma
est
le
dernier
acte
qui
confirme
le
point
de
vue
soutenu
par
les
perso10-nages
jusqU'ici;
Madume
est
U10-
"mauvais';
personnage,
son
portrait
est
négatif.
Le
crachat
du
cobra
dans
ses
yeux
apparaît
alors
comme
une
sorte
de
justice
divi10-e
qui
marque
la
vic-
toire
de
la
société
sur
un
de
ses
membres
qui
10-e
respecte
pas
les
règles
et
les
lois
sacrées
qui
régissent
cette
société.
L'absence
de
Madume
aux
funérailles
d'Emenike
montre
jusqU'à
quel
point
l'image
de
celUi-ci
est
ternie
à
jamais.
Madl1me
a
manqué
à
U10-e
règle
sociale
très
fondamentale
en
222
n'allant
pas
présenter
ses
condoléances
à
IhUoma.
Il
se
constitUe
déjà
comme
un
coUpable
de
la
morLd'Emer1ike;
et
aussi,
comme
ne
faisant
plus
entièrement
partie
de
sa
commu-
nauté.
Nous
pouvons
donc
dire
que
le
sUicide
de
Madume
est
à
ce
premier
niveau
dQ
à
des
causes
sociales.
Madume
est
déjà
socialement
mort
pUiqU'il
est
rejeté
par
tous
et
qu'il
semble
se
rejeter
lui-m~me. On
lui
accorde
très
peu de
place
et
de
crédit
dans
sa
société.
Nous
avons
l'impression
que
Madume
est
un
personnage
sans
aucune
morale;
qu'il
est
foncièrement
mauvais
et
ne
mérite
que
la mort.
Cette
manière
de
voir
les
choses
évoqUe
les
personnages
de
Charles
Dickens
dans
Great
Expectations
et
le
thème
de
Crime
et
Châtiment
de
Dostoievski
où
les
mauvais
sont
punis.
A c e s
caU ses
soc i ale s e t
m0 r ale s
d u s u ici de de Mad ume
s'ajoutent
les
caUses
surnaturelles
qui
sont
révélées
vers
la
fin
du
roman.
Nous
avons
déjà
souligné
qU'il
y
avait
une
série
de
petits
indices
parsemés
tout
au
long
du
roman
et
qui
faisaient
que
les
causes
surnaturelles
étaient
aUssi
valables
qUe
les
caUses
sociales.
Un
parallèle
peut
~tre
fait
entre
Madume
et
Wago
dans
The
Great
Ponds.
Wag9
est
un
personnage
orgueilleux,
assoif-
fé
de
sang,
intransigeant,
qui
ne
revient
pas
sUr
ses
déci-
sions.
Comme
MadUme,
Wago
a
un
portrait
négatif.
Dans
sa
présentation
des
deux
protagonistes,
Olumba
et
Wago,
le
narrateUr
livre
très
peu
d'information
sur
223
la
vie
de
la
famille
de
Wago.
Contrairement
à
Olumba,
~~ago
n'est
pas
présenté
dans
sa
totalité
à
l'exception
de
son
côté
guerrier.
Lorsque,
par
exemple,
les
hommes
de
Chiolu
ont
enlevé
la
femme
de
Wago
le
narrateur
ne
décrit
pas
les
émotions
de
celUi-ci
après
un
tel
événement.
Par
contre
i l
décrit
des
situations
où
Wago
entretient
la
flamme
de
la
guerre,
où
i l
brave
tout
pour
arracher
la
victoire
à
ChiolU.
Wago
va
même
se
déguiser
en
léopard
pour
agresser
Olumba
lorsqU'il
se
rend
compte
qu'il
a
perdu
la
guerre;
i l
est
même
souvent
assimilé
à
un
fauve
à
travers
les
expressions
verbales
et
les
métaphores
se
rapport a!'l t
à
lui.
Après
de
vaines
tentatives
pour
réCUpérer
le
marécage
Wago
s'y
suici-
de;
son
suicide
rend
impossible
toute
exploitation
de
ce
marécage:
c'est
une
zone
litigieuse.
Mais
au-delà
dU
litige
qUe
provoqUe
la
mort
de
Wago,
le
lecteUr
a
dU
mal
à
déterminer
les
causes
exactes
de
la
mort
de
celui-ci:
est-ce
vraiment
un
suicide?
A-t-il
suc-
combé
à
ses
blessUres
?
A-t-il
été
tué
par
le
Dieu
de
la
N u i t ?
Le
"dibia"
révèle
qu'il
s'agit
d'Un
suicide
et
le
sourire
sadique
retrouvé
sur
le
visage
dU
cadavre
tend
à
confirmer
cette
thèse.
De
plus
noUs
poUvons
dire
que
Wago
qui
tenait
tant
au
marécage
ne
trouvait
plus
aUcUne
raison
de
vivre;
i l
préfère ~ moUrir
et
le
p 0 s s é der
- un e
fois
pour
toutes.
La méchanceté
et
l'isolement
des
personnages
sont
des
thèè-
mes
très
classiqUes
qui
conduisent
aU
tragique;
aussi
pelJt-
224
on
justifier
les
suicides
de
Madume
et
de
Wago
sur
la
plan
purement
humain.
Mais
comme
nous
avons
essayé
de
l~ montrer,
Amadi
ne
s'arrête
pas
à
ces
seules
causes.
Dans
The
Slave
i l
n'y
a
pas
de
cas
réel
de
suicide
mai s u n
des
p ers on n age s,
Asa,
y
pen se,
e t c e
qui cno u s a
frappé
c'est
le
portrait
négatif
de
ce
personnage
et
le
parallèle
qu'on
peut
établir
avec
ce
que
nous
avons
di t
plus
haut.
Asa
est
un
personnage
agressif
et
sa
première
rencontre
avec
Olumati
(p. 44)
le
confirme.
Bien
avant
cela
nous
le
~oyons chasser les enfants:"
Go and
help
your p~rents cook.
you
lazy
things"
(p.43)
Même
avec
les
filles
Asa
n'éprouve
aUcun
sentiment
de
tendresse:
i l
reproche
à
Aleru
de
n€
l'avoir
pas
salué
(p.57)
et
menace
les
jeunes
f i l l e s
qui
assistent
Enaa.
La
violence
d'Asa
l'amène
à
briser
l'instrument
de
musique
d' Enaa.
Asa
ne
met
pas
sa
force
au
service
de
la
société
mais
l ' u t i l i s e
contre
elle.
I l
ne
protège
pas
les
faibles.
Asa
est
tellement
sûr
et
fier
de
sa
force
que
Nyeche
dit
ceci
à
propos
de
lui
dans
l 'hypothèse
où
i l
serait
vaincu
par
Olumati:"Aso might
commit
suicide
i f he
is
thrown"(p.52)
Pour
insister
sur
le
mauvais
comportement
d'Asa
le
narrateur
souligne
soo
absence
aux
funérailles
de
la
grand-mère
d'OlU-
mati;
absence
qui
n'est
pas
différente
de
celle
de
Madume:
Quarrelling
families
always
drew
the
lines
at
death.
but
not
Okani.
No
member
of
that
family
attended
Nyege's
funeral.
Indeed
i t
was
said
that
certain
members
of
that
family
dressed
in
new
wrappers
to
the
market
soon
225
after
Nyege' s
death.
This
implacability
shoc-
ked
some
people
[' .. J
Everyone
had
noticed
Aso's
absence
at
the
funera l. (1 7)
Ici,
comme
ailleurs
dans
The Concubine
les
autres
person-
nages
condamnent
l ' a t t i t u d e
d'Aso
et
font
de
lui
un
person-
nage
qui
est
en marge
des
normes
de
la
société.' Aso
qui
jUsqiJ~ici
passait
polUV" être
le
mtdlleur
lutteur
de
son
village
a
été
ironiquement
battu
parOluma~i, un am~teur.
I l
supporte
mal
son
échec
et
vit
en
reclus;
nous
pouvons
même
parler
de
sa
mort
lente,
de
son
extinction
sociale.
Il
lui
arrive
même
de
penser
au
suicide
(p.120)
Dans
les
trois
romans
d' Amadi
i l
y
a
comme
un
désir
du
narrateur
d'opposer
les
bons
aux
mauvais;
et,
dans
cette
opposition
les
méchants
mis
en
minorité
par
la
société
pensent
aU
suicide;
Et,
même
quand
i l s
ne
le
veulent
pas
eux-mêmes
i l
Y a
des
forces
surnaturelles
qui
les
y
poUssent.
Il
nous
reste
à
voir
quelles
attitUdes
les
personnages
adoptent
vis-à-vis
des
morts
par
suicide
oU
dans
d'autres
cas
par
noyade,
par
foudroiement,
par
"accident",
ou
à
la
suite
de
maladies
honteUses
lèpre,
peste,
etc.
Ces
morts
sont
dites
abominables,
elles
sont
une
offense
aU
Dieu
de
la
Terre
et
par
conséquent
sont
rejetéeS par
ce
dernier.
Les
corps
sont
jetés
dans
la
forêt
maudite
et
noUs
pouvons
citer
l'exemple
de
MadUme
dans
The
Concubine:
"
This
is
bad~
very
bad~"
Nwokekoro
the
priest
of Amadioha
said.
"
The
question
is~
who
will
bring
him
down?"
226
Chima
asked.
"
Only
a
dibia
of
course.
No
ordinary
man
lJill
dare
bring him dOlJn,"
someone
explained.
"
That
is
clear
even
to
a
child,"
Chima
said, "but
you
see
Anyika
lJent
to
Chiolu
yesterday
to
attend
a
sick
man.
He
is
not
back
yet."
"
We
have
to
lJait
for
him.
Suicide
is
so
abominable
that
lJe
cannot
do
otherlJise,"
Wosu
said,
shrugging.
Late
that
afternoon
Anyika
arrived
back
in
the
village.
Armed lJith
amulets
and pOlJer-
fu l
charms,
he
cut
dolJn
the
body.
He
forti-
fied
tlJO
strangers,
lJho
lJere
to
bear
the
body,
against
evil
spirits.
Then
began
the
long
trek
to
Minita
the
forest
into
lJhich
bodies
reJected
by
the
earth
lJere
throlJn. (l8)
A propos
du
suicide
de
Madume,
les
personnages
insistent
suffisamment
sur
le
caractère
néfaste
d'une
telle
mort.
La
répétition
des
adjectifs
"bad",
"very
bad",
"so
abomina-
ble";
l'emploi
de
certains
mots
comme
"shrugging"
montrent
jusqu'à
quel
point
les
personnages
désapprouvent
la
mort
de
~1adUme
Aucun
homme
libre,
membre
de
la
communauté
de
~1adUme
n'ose
toucher
à
son
corps;
"cela
est
clair
même
pour
un
enfant".
Seul
le
"medicine
man"
est
habilité
à
descendre
le
corps
de
Madume
parce
que
lui
seul
est
sUffi-
samment
protégé
pour
pouvoir
accomp~ir
un
tel
acte.
I l
se
fai t
aider
par
deux
étrangers,
qU'il
a
pris
soin
de
bien
protéger.
Puis
c'est
le
long
chemin
vers
la
forêt
de
Minita.
Dans
ce
dernier
mouvement
i l
y
a
une
volonté
des
personnages
d'éloigner
au
maximUm
le
corps
de
Madume
afin
qUe
les
mauvais
espri ts
qUi
l ' habi tent,
dès
l'instant
où
i l
s ' e s t
sUicidé,
ne
viennent
pas
troubler
la
vie
des
hommes
d'Omokachi.
Nous
noUs
demandons
pourquoi
Anyika
227
ne
se
fait
pas
aider
par
des
hommes
d'Omokachi
puisque
ces
derniers
seraient
aüssi
protégés
comme
l'ont
été
les
deux
étrangers.
Mais
dans
l'imaginaire
des
personnages
le
corps
de
Madume
concentre
en
lui
toutes
les
forces
malé-
fiques
possibles
si
bien
qUe
la
meilleure
façon
de
leur
échapper
est
de
s'éloigner
au maximum.
Nous
découvrirons
plus
tard
qu'Anyika
lui-même
est
un
étran-
ger
car
personne
ne
peut
dire
de
façon
sûre
d'où
i l
vient.
Nous
pouvons
mieux
comprendre
l'attitude
des
personnages
face
au
cadavre
de
Madume
en
citant
René
Girard
qui
fait
une
analyse
pertinente
sur
les
réactions
que
provoque
le
cadavre
d'un
homme
qUi
s ' e s t
suicidé:
Un
homme
se
pend;
son
cadavre
est
impur~
mais
aussi
la
corde
qui
a
servi
à
le
pendre~
l'arbre
auq~el
cette
corde
est
suspendue~
le
sol
autour
de
cet
arbre~
l'impureté
diminue
à
mesure
qu'on
s'éloigne
du
cadavl"e.
Tout
se
passe
comme
si~
du
lieu
où
la
violence
s'est
manifestée
et
des
objets
qu'elle
a
directement
affectés~
rayonnaient
des
émana-
tions
subtiles
qui
pénètrent
tous
les
ojets
environnants
et
qui
tendent
à
s'affaiblir
avec
le
temps
et
la distance.
(19)
Tout
ce
qui
peut
être
mis
en
rapport
avec
le
corps
du
suicidé
est
considéré
comme
"impur"
comme
"abominable" ,
comme
"maléfique"
et
c'est
ce
qui
explique
l'attitude
d'Eze
Diali
dans
The
Great
Ponds
à
la
découverte
du
corps
de
\\Jago
dans
le
marécage
"It
would
be an
abomination
to
fish
in
a
pond
in which
someone
committed suicide
"(p.192)
Dans
The
Slave,
Aso
rejette
l'idée
du
suicide
quand
i l
se
rappelle
l'abomination
que
cela
représente
pour
le
Dieu de
la Terre
et
du
sort
qui
sera réservé à son corps(p.12ü).
228
Obierika
raconte
aU
"District
Commissioner"
ce
que
représen-
te
le
cadavre
d'Okonkwo
poUr
les
gens
d'UmUofia:
"It
is
an
abomination
for
a
man
to
take his
own
life.
It
is
an offence against
the
Earth,
and
a
man
who
commits
i t
will
not
be
buried
by
his
clansmen.
His
body
is
evil,
and
only
strangers
may
touch
i t . "(20)
Le
DieU
de
la
Terre
est
par
excellence
le
dieu
de
la
fécondité.
Les
morts
que
l'on
ensevelit
dans
la
terre
sont
comme
des
semis
qui
doivent
germer,
pousser
et
croître.
I l
Y a
donc
un
mouvement
cyclique
naissance-mort-naissance.
Le
suicide
intervient
comme
Un
phénomène
qUi
interrompt
ce
cycle
en
empêchant
le
corps
d'être
"materné"
dans
la
terre
poUr
"revivre"
de
nouveau.
Nous
comprenons
alors
pourquoi
le
suicide
est
une
abomination
pour
les
personnages
amadiens.
Celui
qUi
se
suicide
peUt-être
comparé
à
une
mauvaise
graine.
Le
suicide
ne
permet
pas
la
reproduction
et
brise
ainsi
la
continui té.
I l
introduit
un
désordre
dans
le
cosmos:
d'où
le
rejet
qU'il
provoque
et
les
rites
et
sacrifices
de
remisec
en
ordre
qu'il
exige.
Mai s i l
n' y
a
pas
que
le
suicide
qui
entraîne
une
menace
pour
l'ordre
cosmique;
toute
mort
est
en
principe
mauvaise
quand
elle
n'est
pas
accompagnée
d'Un
certain nombre
de
pré-
cautions.
229
B -
Ri tes
funéraires:
mise
en
ordre
du
monde
et
mai trise
du temps
Toute
mort
est,
avant
tout
considéréecomme
un
désordre,
comme
d'anormal
comme
un
manquement
à
Une
J
règle
cachée,
etc;
aussi,
faut-il
après
chaque
décès
entre-
prendre
une
série
de
démarches
pour
les
remises
en
ordre
du
monde.
Les
personnages
amadiens
n'ignorent
pas
le
drame
que
la
mort
apporte
et
le
mystère
qui
l'entoUre.
Dans
The Concu-
~,nous pouvons relever des expressions telles qUe" C.. ]
death
is
a
bad
reaper;
i t
is
not
always
after
the
ripe
fruit//(p.22J;//True.
Death
is
a
bad
reaper~
often
plucking
the
unripe
fruit"(p.J4)
qui
sont
prononcées
pour
traduire
les
sentime!1ts
des
perso!1nages
à
la
mort
i!1attendue
d' Eme!1ike.
Les
personnages
utilisent
des
formes
proverbiales
pour
caractériser
cette
situation
tragique.
Et
ces
formes
prover-
biales
sont
construites
à
l'aide
de
métaphores
('bad
reaper'
et
de
comparaisons
'not
always
after
the
ripe
frui ts' ,
'plucking
the
Unripe
f r u i t s ' )
l'homme
est
comparé
ici
à
un
frui t
et
la
mort
à
une
mauvaise
moissonneuse.
La
mort
d'Emenike
est
trop
tragique
pour
pouvoir
étre
traduite
par
de
longs
discours;
d'où
l ' u t i l i s a t i o n
des
expressions
brèves,
métaphoriques
et
très
significatives.
Ekwueme
et
Wakiri
qUi,
d'habitude,
lorsqu'ils
se rencontrent
ont
des
conversations
humoristiques
et
amicales,
trouvent
peU
de
mots
à
se
dire
à
la
mort
d'Emenike:
230
" I
am
from
Ihuoma' s " rd i t
Ekwueme]
"
Ewu-u~
poor
girl.
It
is
trag ic
isn't it?"
[demanda
Wakiri]
" Too
tragic
for
words. "(21)
LeSmots
manquent
vraiment
aux
deux
amis
et
Wakiri
n'hési-
te
pas
à
utiliser
une
onomatopée l
"Ewu-U",
poUr
libérer
son
émotion.
Mais
cela
ne
suffit
pas
poUr
dédramatiser
le
malheur
qUi
les
frappe;
aussi,
les
compagnons
de
la
classe
d'âge
d'Emenike
décident-ils
de
composer
Un
chant
en
l ' honneur
de
leur
défunt
ami,
chant
que
le
narrateur
rapporte
en
ces
termes:
The
song
composed
in
Emenike's
honour
was
sung
with
unavoidable
melancholy.
The
tune
was
charming
but
the
words
were
sad.
Even
Wakiri's
usually
clear
voice
was
tremulous
as
he
sang
the
f i r s t
stanza:
Do
you
know
that
Emenike
is
dead
?
Ehe-Eh-Eh
We
fear
the
big
wide
world;
Eh-Eh-Eh
Do
not
plan
for
the
morrow~
Eh-Eh-Eh
(22)
La
mort
d'Emenike
crée
un
"grand
vide"
autour
de
ses
amis
et
de
la
société
d'Omokachi;
un
vide
que
les
personna-
ges
redoutent.
Nous
notons
à
travers
ce
chant
la
reconnais-
sance
par
les
personnages
de
l'inéluctabilité
et
de
l'impré-
visibilité
de
la
mort
et
par
conséquent
du
lendemain;
"Do
not
plan
the
morrow"
clament-ils.
La
dédramatisation
de
la
mort
d'Emenike
se
poursuit
avec
une
danse
funéraire
qui
réactualise
sa
vie
et
qui
permet
aUx
personnages
de
"purger" leur douleûr-
contre
la
disparition
de
leur
compagnon
One~
two~
and
Emenike's
age
group
arrived
at
the
scene
clad
in
war
dress~
their
sharp
231
knives
glistening
in
the
sun.
They
came
into
the
compound
with
a
rush~ chanting, panting.
Half-way
they
paused.
_The
houses
shook
as
they
stamped
their
feet
in
unison
[. .. J
As
exc i temen t
mounted
s ome
of
the
men
we p t ~
0 t hers
gnashed
their
teeth~
others
howled
wildly.
Here
was
a
dance
of
passion,
a
dan~ of anger~
a
vehement
protest
against
the
god
of
death,
an
appeal
for
the
recall
of
their
departed
comrade
[. ..J
Emenike
had
been
a
wrestler
and
no
greater
honour
cou ld
be
done
to
him
than
stage a mock wrestling match. (23)
La
violence
de
la
danse
témoigne
on
ne
peut
plus
claire-
ment
de
la
violence
de
la
mort.
Mais
derrière
cette
danse
i l
Y a
une
prise
en
charge
collective
de
la
douleur
et
ceci
a
poUr
but
de
permettre
une
libération
des
passions
indivi-
duelles
et
un
nouveau
départ
dans
la
vie
qUotidienne.
Les
cérémonies
funéraires
vont
permettre
à
l ' e s p r i t
dll
mort
de
rejoiJx:l.re
le
royaume
des
morts
et
de
veiller
sur
les
vivants,
comme
l'affirme
un
personnage,
pour
assurer
Ihuoma
Qu'elle
bénéficiera
de
la
protection
de
son
mari
dès
lors
que
l'ordre
a
été
rétabli
(p.39).
La
mort
d'Emenike
n'est
qU'une
mort
matérielle,
seul
son
corps
est
absent
-
est
mort-,
son
esprit
vivra
grâce
aUx
funérailles
et
aux
sacrifices
ultérieurs
qui
lui
permettront
de
se
réincarner
un
jour
peut-être
et
de
demeurer
immortel.
Cette
vision
du
monde
est
bien
exprimée
par
Louis
Vincent
Thomas
qui
distingue
"le
temps-éternité"
qui
est
le
l'
temps
de
la
conti-
nuité
auquel
se
réfère
la
collectivité
qui
se
veut
éternelle"
et
"le
temps
concret"
soumis
à
l ' "usure"
"dans
lequel
s' ins-
crit
la
rupture
de
la
mort".
En
d'autres
termes, i l
s'agit
sUr
le
plan
de
l'imaginaire
du
"temps
mythique"
et
du
"temps
232
existentiel"
et
ces
deux
temps
sont
à
la
fois
opposés
et
complémentaires
grâce
aU
"temps
dialectique" Il qUi,
par
le
jeu
du
symbole,
permet
de
passer
de
l'un
à
l'autre:
ainsi
les
rites
funéraires,
réponse
du
groupe
à
la mort
individua-
lisante
et
destructrice,
opèrent
le
glissement
entre
l'arra-
chement
et
l'immortalité."(24)
Si
tout
a
été
fait
pour
qu'Emenike
entre
dans
le
"temps-
éternité",
i l
en
va
autrement
de
Madume,
dont
la
mort
est
rej etée
de
tous
Il
ne
peut
avoir
accès
aux
funérailles
0
et
aUx
pleurs
de
deuil
comme
le
précise
un
personnage:" [. .. J
his
death
is
an
abomination.
There
wi II
be
no
mourning ~
no
second
burial. "(po 81)
Q U:l nt
à
Ek wu e me,
no u s n e
s a von s p a s
que l a c c u e i l e s t
réservé
à
sa
mort.
Tout
ce
que
nous
savons
c'est
que
sa
mort
est
plus
que
tragique;
un
tragique
qui
découle
des
décès
mystérieux;
de
la
fatalité
à
laquelle
les
habitants
d'Omokachi
sont
en proie.
Dans
The
Great
Ponds
et
The
Slave
les
funérailles
célé-
- - - - - - }
brée s
à
l'occasion
de
la
mort
d' Ochomma
et
de
Nyege
son t
beaucoup
plus
festives
à
cause
de
l'âge
avancé
auquel
elles
sont
décédées
Et
ces
cérémonies
funéraires,
à
l'image
de
0
celles
d' Emenike,
ont
pour
but
de
les
faire
entrer
dans
le
"temps-éterni té".
Nous
ne
nous
attarderons
pas
sur
les
multitudes
de
morts
qui
peuplent
The
Great Ponds,
mais
nous
tenons
à
préciser
qu'ici
comme
ailleurs
les
enfants
non
initiés
n'ont
pas
:iroi t
à
des
funérailles
Ceux
qui
meurent
en
bas
âge
ne
0
233
peUvent
pas
se
réincarner
(à
l'exception
des
enfants
"Ob an je"
qUi
meurent
pour
renaître
un
certain
nombre
de
fois,
phéno-
mène
qUe
nous
rencontrons) par
exemple)dans
Things
Fall Apart);
ils
n'entrent
pas
dans
l'immortalité.
Ce
sont
des
mauvaises
morts
aU
même
t i tre
que
celles de
Madume
et
de
\\.vago.
Malgré
le
passé
de
grand
guerrier
de
ce
dernier,
rien
n'est
dit
de
ce
qUe
l'on
fera
de
son
corps;
on
évite
même
d'en
parler
car
i l
a
commis
Un
double
suicide:
sa
propre
mort
et
la
mort
à
jamais
du
marécage
qu'il
a
pollué.
La
mort
d'Aleru
dans
The
Slave
n'est
pas
suivie
de
funé-
rai 11 es.
Le
Cl arr a t e Ur
déc r i t
s eU lem e n t
l e
cha gr i !1
des
per-
sonnages.
Nous
savons
que
moUrir
en
couches
est
UCle
abomina-
tion
pour
certaiCles
sociétés.
Mais
dans
le
cas
d' Aleru,
aucUne
indication
n'est
donClée.
Notre
attentioCl
est
cependaClt
attirée
par
le
fait
que
toUs
ceUx
qUi
mouraient
à
la
guerre
indépendamment
de
leur
âge
oU
de
leur
statut
social
avaieClt
droit
à
des
funérailles
collectives,
étaient
considérés
comme
des
héros,
et
en-
traient
dans
la
légende
et
l'histoire
de
leur
société;
et,
par
conséquent
dans
le
"temps-
éternité".
C'est,
du
moiCls,
ce
que
noUs
pouvons
constater
dans
The
Great
Ponds.
A
travers
les
différents
exemples
que
nous
avons
cités
sUr
la
remise
en
ordre
du
monde à
travers
les
ri tes
funérai-
res,
noUs
avons
pU
remarquer
que
cette
recherche
de
l'harmo-
nie
était
la
première
occupation
de
tous;
qu'au_delà
de
la
mort
individuelle
i l
y
a
la
menace
de la
mort
socIale,
de
la mort
collective.
234
La
mort
dans
sa
généralité
n'est
pas
üne
fin
pour
les
personnages
amadiens
car
au-delà
de
la
mort
i l
y
a
la
vie.
La
dualité
vie/mort
franchit
l'étape
de
l'opposition
et
devient
une
complémentarité
et
une
continuité
mort/vie
grâce
aU dynamisme
dialectique
observé
jUsqU'ici.
Malgré
le
mystère
entourant
les
différentes
morts
que
nous
avons
essayé
d'analyser,
à
aucun moment
i l
n'est
possi-
ble
de
savoir
de
façon
sare
de
quoi
est
mort
Un
personnage.
Chaque
jour
qUi
se
lève
dévoile
la
présence
et
l'imprévisi-
bilité
de
la
mort
à
côté
des
activités
qüotidiennes.
Et,
pOUT
répondre
à
cette
omnipotence
et
à
l'inélUctabilité
de
la
mort
les
personnages
amadiens
à
travers
une
série
de
représentations
et
grâce
à
leur
imaginaire
très
riche
essaient
de
vivre
et
de
dépasser
la dure
réalité
de
la mort.
A travers
le
jeu
de
la
symbolique
les
personnages
trans-
forment
la
mort
en
Une
sorte
de
voyage
vers
Une nouvelle
vie.
La
mort
devient
une
absence
temporaire
et
un
moyen
de
lutter
contre
le
"temps
concret";
en
un
mot
de
préserver
le
"temps-éternité",
oU comme
l ' é c r i t
Mircea
Eliade:
La révolte
contre
l'irréversibilité
du
Temps
aide
l'homme
à
"construire
la
réalité"
et,
d'autre
part,
le
libère
du
poids
du
Temps
mort,
lui
donne
l'assurance
qu'il
est
capable
d'abolir
le
passé,
de
recommencer
sa
vie
et
de recréer
son monde. "(25)
235
VIII - COMMUNICATION ENTRE LES PERSONNAGES ET L'INVISIBLE
Dans
sa
quête
de
l'harmonie
avec
le
cosmos
le
personna-
ge
amadien
privilégie
surtout
son
rapport
avec
l'Invisible.
~a i s
c e
r a p p 0 r t e s t
l i mit é
car
l e p ers 0 n n age
ne
peu t
pas
communiquer
directement
avec
l'Invisible.
Pourtant
i l
a
besoin
d'être
en
liaison
permanente
avec
l'Inconnu
afin
de
poûvoir
satisfaire
aux
exige!1ces
de
celui-ci;
c'est
Une
condition
nécessaire
aU
bien-être
du
personnage.
Pour
pallier
cette
difficulté
de
liaison
avec
l ' I n v i s i -
ble /
les
personnages
ont
très
souvent
recoUrs
à
des
inter-
médiaires
tels
que
les
prêtres,
les
"medicine
men"
oU
"di-
b i a "
dO!l t
!l 0 U S
no Us
pro p 0 son s
d'a n a 1 y s e r I a
pla c e e t
l a
fonction
dans
l'oeuvre
amadienne.
Ensuite
noUs
observerons
quels
sont
les
moyens
de
communi-
cation
mis
aU
service
des
personnages
pour
découvrir
les
décisions
de
l'Invisible
et
les
possibilités
d'éxécution
de
ces
décisions.
A - Les intermédiaires.
Dans
la
société
décrite
par
Amadi,
les
prêtres
et
les
"medicine
men"
jouent
11n
rôle
central
dans
leur
communauté.
Rien
d'important
n'est
entrepris
sans
que
les
personnages
aient
aU
préalable
demandé
aUx
prêtres
et
aUX."medicine
men"
de
sonder
l'Invisible
et
de
leur
indiquer
les
précautions
à
prendre.
236
1 . Les prêtres.
Ils
occupent
trés
souvent
une
fonction
politique
et
r e l i -
gieuse
dans
les
romans
d'Amadi.
C'est
le
cas
de
Nwokekoro,
prêtre
d' Amadioha. I l
apparaît
pour
la
premiere
fois
chez
Emenike
où
i l
est
venU rendre
visite
à
ce
dernier:
The
next
caller
was
Nwokekoro~
the
priest
of
Amadioha
the
god
of
thunder
and
of
the
skies.
He
was
a
short
fat
man~
old
but
well
pres erv ed
and
had
an
eas yjgo ing
dispos i t ion.
He
never
seemed
to
be
bothered
about
any-
thing.
He
had
no
wife
and
no
compound
of
his
own.
His
small
house
was
in
his
junior
brother's
compound.
He
was
getting
too
old
for
active
farming~
so
his
yams
were
few
and
he
owned
very
l i t t l e
property.
He
was
friendly
with
everyone and was
highly respec-
ted.
His
office
as
high
priest
of
the
most
powerful
god
lent
him great dignity. (])
A
travers
ce
portrait
de
Nwokekoro
noUs
pouvons
noter
sa
pauvreté
matérielle
small
house,
few
yams,
very
l i t t l e
property
-
et
l'absence
de
famille
-
no
wife
and
no
compound.
Mais
par
contre
i l
a
un
statut
social
élevé;
i l
est
l'ami
de
tous
à
caUse
de
sa
fonction
de
prêtre
d'Amadioha.
Fonc-
tion
qui
est
valorisée
par
les
ajectifs
et
les
adverbes
qUi
déterminent
et
le
prêtre
et
son
dieu:
"highly
respected",
"high
priest",
"most
powerful
god", "great
dignity".
Ce
que
Nwokekoro
ne
possède
pas
matériellement
est
largement
com-
pensé
spirituellement.
D'ailleurs
sa
vie
ascétiqüe,
comme
pour
beaucoup
d' hommes
religieux,
a
pour
but
de
préserver,
d'accroître
ses
pouvoirs
sacrés
et
magiques
et
de
le
rappro-
cher
davantage
de
l'Invisible.
Nwokekoro
exerce
effective-
ment
ses
poùvoirrs
lorsque
les
personnages
comme
Emenike
viennent
rendre
des
sacrifices
d'action
de
grâce
à
Amadioha
237
oU
lorsqu 1 ils
viennent
solliciter
son
intervention
et
sa
protectio:l.
En de
telles
occasions
Nwokekoro
entre
en
communion
parfaite
avec
son
dieU:
When
Nwokekoro
came
out
of
the
shrine~
he
moved
about
so
casually
that
no
one
could
not
help
feeling
that
somehow
there
was
a
great
understanding
between
him
and
the
god.
He
never
hurried
and
yet
he
dispatched
each
part
of
the
ceremony
with
precision.
His
face
was
almost
expressionless~ but
there
was
an
incompre hens ib le
l 00 k
abo u t
h is
eyes.
Ins tead
of
looking
outwards
they
seemed
to
be
staring
inwards
into
his
head. (2)
La
sérénité
de
Nwokekoro
dans
ses
gestes
et
dans
ses
pensées
est
Un
indice
de
la
bonne
ambiance
qui
règne
entre
le
prêtre
et
son
dieu;
ambiance
qui
est
soulignée
par
cette
remarque:"
there
was
a
great
und...'erstanding
between
him
and
the
god".
L'adjectif
"great"
met
en
relief
le
degré
de
compréhension
et de commùnication entre
Nwokekoro
et
Amadioha.
Mais
le
passage
met
aussi
en
lumière
le
côté
mystérieux
du
regard
de
Nwokekoro.
En
effet,
comme
l'indique
le
narra-
teùr,
i l
y
a
quelque
chose
d'incompréhensible
dans
la
façon
de
regarder
de
Nwokekoro;
ses
yeux
au
lieu
de
regarder
de-
vant
lui,
semblent
regarder
à
l ' i n t é r i e u r
de
lui-même.
Et,
c'est
à
travers
un
tel
regard
qU'Emenike
a
cru
lire
sa
pro-
pre
mort.
En
présentant
Nwokekoro
de
cette
façon
le
narrateur
ne
prend
pas
position
par
rapport
aUx
événements,
et
cette
impartialité
contribue
à
faire
apparaître
Nwokekoro
comme
ce
qu'il
est
réellement;
c'est-à-dire
le
prêtre
d'1\\madioha.
Une
telle
procédure
donne
Une
crédibili té
à
l'intervention
238
du surnaturel
dans
l'oeuvre
d'Amadi.
En
dehors
de
sa
fonction
de
prêtre
du
sanctuaire
d'Ama-
dioha,
Nwokekoro
participe
à
toutes
les
activités
qUi
exi-
gent
la
présence
des
membres
de
la
société:
visite
à
Une
personne
malade
comme
dans
le
cas
d' Emenike;
funérailles
d'Emenike;
recherche
d'Ekwueme
qUi
s'est
enfui
dans
la
for~t;
et
lorsque
le
corps
pendu
de
Madume
a
été
découvert,
Nwoke-
koro
n'est
pas
seulement
présent
mais
i l
est
aUssi
celui
qUi
le
premier déclare
qUe
"cela est
maUvais,
très
mauvais".
Malgré
la
participation
de
Nwokekoro
aux
diverses
activi-
tés
sociales
on
retient
surtout
son
image
de
pr~tre et sa
capacité
à
entrer
en
contact
avec
l'Invisible.
Ce
qDi
domine
c'est
sa
fonction
d'intermédiaire
entre
les
personnages
et
son dieu:
Ekwe,
l
order
you
to
come
down.
You
know
what
powers
l
carry
with
me.
You
know
whom
l
represent.
He
is
right
here
now
and
he
has
commanded me
to
order
you
down. (:3)
L'exercice
de
la
fon6tion
sacrée
de
Nwokekoro
est
suffisam-
ment
illustré
dans
The
ConcUbine.
Dans
les
deux
aUtres
romans
d'Amadi
The
Great
Ponds
et
The
Slave
-
en
plus
du pouvoir
religieux
des
prêtres
c'est
surtout
leur
rôle
politique
qui
est
sOUligné.
Ici,
ils
jouent
le
r6le
de
leaders
politi-
ques
à
cause
sans
doUte
de
la
prédominance
des
problèmes
sociaux
à
débattre.
Il
n'en
demeUre
pas
moins
qUe
leur
statut
religieux
contribue
à
résoUdre
les
conflits
sociaux.
Dans
The
Great Ponds,
par
exemple,
ce
sont
les
prêtres
d'Ali
et
d'Amadioha
qui
sont
envoyés
comme
messagers
à
Chiolu
239
et
le
narrateur
explique
le
pourquoi
de
ce
choix
particulier:
"Only
priests
could
play
the
role
of
envoys
in
such
Cil'-
cumstances
since
none
l.ùould dare
capture
or
kill
them. "(4)
Dans
l'oeuvre
amadienne. les
pr~tres jouissent
jusqu'à
un
certain
point
de
l'immunité
que
leur
confère
leur
statut
de
pr~tres sacrificateurs
et
de
leaders
poli';'~·
tiques.
Les
pr~tres
que
nous
rencontrons
dans
les
romans
d'Amadi
sont,
à
notre
avis,
beaucoup
plus
des
exécutants
que
des
interprètes
de
la
volonté
deS
dieux
aux
services
des-
quels
i l s
sont
engagés.
En
effet,
le
plus
souvent
les
pr~tres
accomplissent
des
sacrifices
qui
leur
sont
demandés
par
les
personnages
à
qui
les
"medicine
men"
ou
"dibia"
ont
préconisé
de
tels
sacrifices.
Les
pr~tres
eux-m~mes
ont
recours
aux
"medicine
men"
ou
"dibia"
pour
connaftre
la
v 0 ....--1 0 n té
de
leu r s
die u x
tut é lai r e s
mai s
a L1 s s i d e s
au t r e s
dieux.- S ' i l
est
vrai
que
les
pr~tres sont
des
intermédiaires
entre
l'Invisibble
et
les
personnages
par
le
biais
de
sacri-
fices,
d'offrandes,
de
libations
et
de
prières,
c'est
sUr-
tout
le
"medicine
man"
qUi
jouit
du
statut
de
véritable
intermédiaire
entre
l'homme
et
les
forces
surnaturelles.
2
"Medicine men" ou "dibia"
Jl1'3qu'ici
noUs
avons
employé
les
mots
"mediecine'
men"
oU
"dibia"
sans
les
tradUire
parce
que
la
traduction
de
ces
mots
ne
correspondr~t pas à la fonction qu'ils désignent.
En
effet,
les
traductions
occidentales
de
"féticheur",
de
240
"charlatan"
de
"magicien",
de
"sorcier",
etc
!le
convien-
nent
pas
ici.
Amadi
lui-même
ne
propose
aUcune
traduction.
Nous
proposons,
quant
à
nous,
la
traduction
de
"devin-
guérisseurs"
parce
qU'elle
noUs
semble
adéqUate
dans
le
roman
amadien
car
le
"medicine
man"
oU
"dibia"
peut
soit
gUérir
soi t
interpréter
les
événements
et
prédire
l'avenir
(5).
Mais
i l
peUt
aussi
cumuler
les
deux
fonctions
de
devin
et
de
gUérisseur.
Après
avoir
défini
le
mot
"dibia"
nous
allons
voir
l ' im-
portance
de
cette
fonction
dans
l'oeuvre
amadienne
à
travers
les
personnages
et
les
limites
de
leur
statut.
a
. Leur personnage
C'est
dans
The
Great
Ponds
qUe
'lOUS
avons
des
informa-
t i ons asse z
complètes
sUr
les
conditions
dans
lesquelles
Igwu
est
devenu
Un"
dibia".
I l
a
été
visité
par
l ' e s p r i t
de
la divination
"agwu"
et
" Igwu became irresponsible.,.there
was
only
one
way
to
pacify
his
agwu
Igwu
had
to
become
a dibia
(p.l06)
Dans
The
Concubine
Ahurole
est
décrite
- - - - - - - - - i
- -
comme
Un
personnage
excentrique
à
cause
de
son
"agwu"
qu'
Amadi
assimile
au
dieu
personnel,
ce
que
Obiechina
rejette
catégoriquement:
"Agwu"
is
a
form
of
visionay
madness~ of the
kind
the
Greek
associated with
poets
and gre~~
a.Ttists~ priests and diviners
[ . . . J Possession
by
"agwu"
is
a
wide
conception
in
Igbo
charac-
ter
definition
(Amadi
is
wrong
to
trans late
the
word
as
a 'Ipersonal
spirit"-
everyone
has
241
a
persona l
spirit
or
Ilchi /1
but
not
evepyone
is
possessed
by
lI agwu ll
(6)
1..>
point
de
vue
d'Obiechina
sur
la
conception
d' "agwu"
semble
être
confirmé
par
M. Green
(7).
Et
l'analyse
fai te
par
l'un
et
l'autre
rej oint
la
description
fai te
ci-dessus
des
conditions
dans
lesquelles
Igwu
est
devenu
un
dibia.
D'ailleurs
une
analyse
lingUistique
d'Igwu et
d"'agwù"
montre
que
les
deux
noms
constituent
une
paire
minimale
car
i l s
ne
différent
que
par
les
voyelles
initiales
i
et
a.
Cette
similitude
linguistique
n'est
pas
banale;
elle
permet
de
v 0 i r
qu' l g wU
do i t
son
nom
a 1.1
fa i t
qu' i l
est
po s s é d é p a r
"agwù".
Il
Y a
quelque
chose
de
commun entre
IgwU
et
"agwu",
Un e
sor te
d' ide n t i f i c a t ion
à
"a g wu" .
Ce
qu'il
y
a
donc
d'intéressant
à
~oter
dans
la
description
du
narrateur
et
dans
l'explicatio~ d'Obiechina
c'est
que
tous
les
deux
insistent
sur
la
possession
du
"dibia"
par
un
esprit,
par
ùne
force
surnaturelle.
Ce
statut
particulier
est
sans
dOllte
l'élément
qui
va
permettre
au
"dibia"
de
voir
au_delà
du
visible
et
d'~tre
un
intermédiaire
entre
les
personnages
et
l'Invisible.
Un
aütre
point
intéressant
à
noter
est
celui
de
savoir
si
l ' "agwll"
qüi
habite
le
"dibia"
ne
le
maintient
pas
dans
un e
sor t e
d e " fol i e "
p e r man e n te;
ce
q Il i
pou rra i t
jus t i f i e r
une
contestation
de
certaines
décisions
des
"medicine
men".
D'ailleurs,
dans
l'oeuvre
amadienne
les
"dibia"
malgré
leur
participation
aux
activités
sociales
et
communautaires
demeurent
des
personnages
de
nUlle
part
comme
nous
essaie-
ront
de
le
montrer.
242
Dualité des
"medicine men".
-
personnages
conn~s et
inconn~s:
Dans
The
Concubine
i l
y
a
trois
"dibia":
Anyika
qui
ha-
1
bite
Omokachi-
là
où
se
déroule
l'action
du
roman-
,
Agwotu-
rumbe
d'Aliji
et
~n
autre
de
'hiolu
qUi
habitent
dans
les
villages
environnants.
Nous
avons
des
indications
plus
oU
moins
précises
sur
Anyika,
qui
apparaît
pour
la
première
fois
au
lendemain
du combat
entre
Emenike
et
Madume:
No
one
quite
knew
where
Anyika
had come [rom.
True
he
said
he
came
[rom
Eluanyim
but
that
was
nowhere
as
far
as
the
villagers
were
concerned.
But
by
now
he
had
stayed
so
long
in
the
village
that
people
had
ceased
to
bo t he r
a bo u t
where
he
had
come
[rom.
To
the
villagers~
he
was
Just
a
medicine
man
and
a
mediator
between
them and
the
spirit worZd.
(8)
Anyika
a
une
origine
inconnue,
l!n
homme
sans
passé,
sans
famille;
cependant,
i l
est
conn~ de
taus
en
tant
qu'intermé-
diaire
entre
les
hommes
et
le
monde
des
espri ts.
Dans
les
a~tres romans
les
"dibia"
sont
également
des
hommes
de
nulle
part.
Tous
pourtant
affirment
avoir
accompli
leur
formation
de
"medicine
man"
à
Eluanyim
(9)
village
où
se
trouvent
les
grands
"dibia"
comme
l'indique
Igwu:"
The
great dibia
at
Eluanyim
taught
me
this
particuZar
art
reZuctantZy
before
l
Zeft
them."
(p.114).Mais
en
dehors
des
" me dicine
men"
qui
connaissent
l'existence
d'un
tel
lieu,
pour
les
autres
personnages
Eluanyim
relève
de
l'ordre
de
l'imaginaire.
Cela
n'ébranle
pas
pour
autant
leur
foi
en
leur lImédicine
men",
qu'ils
consultent
régulièrement
et
c'est
ce
qui
impor-
243
te
dans
le
rapport
personnage'
/"medicine
men"/
et
l ' l n v i -
sible.
Un
autre
aspect
de
la
dUalité
des
"medicine
men"
est
sans
do~te leur capacité à appréhender ce qui se passe dans
le
monde
des
vivants
et
dans
le
monde
de
l ' i n v i s i b l e .
-
Interaction
entre
le
monde
visible
et
invisible:
Les
" me dicine
men"
ont
le
pouvoir
d'entrer
en
contact
a v e c l ' In vis i b l e
gr â ce
à
leu r
" qua t r e
yeux"
et
gr â ce
à
b i e n
d'autres
moyens.
Ils
sont
respectés
et
rarement
contestés
par
les
personnages
à
cause
de
ces
privilèges
dont
i l s
dis-
posent;
c ' e s t
pourquoi
Ekwueme
hésite
à
rejeter
totalement
la
divination
d' Anyika
à
propos
de
l'appartenance
d' Ihuoma
au jlSea-God/~
No
one
could
really
argue
with
a
dibia.
They
were
reputed
to
have
four
eyes
two
for
this
world
and
two
for
the
other
world.
They
saw
more
than
met
the
layman's
eye.
~kwueme agreed to accompany his father. (10)
L'existence
d'une
paire
d'yeux
supplémentaires
n'est
pas
seulement
soulignée
mais
démontrée
tout
au
long
de
l '
oeuvre
amadienne.
Lorsque
Ahurole
va
consul ter
Anyika,
elle
a
du
mal
à
s'asseoir
sur
les
sièges
que
lui
offre
son
hôte.
Elle
est
t e r r i f i é e
par
le
mondQmystérieux
qui
entoure
Anyika
et
celui-ci
essaie
de
comprendre
l ' a t t i t u d e
de
sa
cliente:
"I
don't
blame
you
my
daughter
for
being
afraid",
Anyika
said,
"some
of
my
chairs
are
not
really
meant
for
humans.
Right
now
there are
invisible
occupants
in
them. "(11)
244
Il
se
dégage
de
la
réponse
d'Anyika
un
certain
humour.
E,1
e f f et,
Ah ur 0 l e
a pp a r a î t
c 0 mme
un
ê t r e m i nus cul e
dan s I e s
mains
d'un
géant.
Il
y
a
une
disproportion,
une
exagération
qui
provoque
une
hilarité
chez
le
lecteur:
Ahurole,
un
être
humain
t e r r i f i é
en
présence
d'esprits
inconnus
et
invisibles.
Toute
proportion
gardée,
la situation
dans
laquelle
se
trou-
ve
Ahurole
peut
être
mise
en
parallèle
avec
celle
de
Gulli-
ver
(12)
chez
les
habitants
de
Brobdingnag.
Gulliver
est
un
être
minuscule
au
milieu
de
géants
et
cela
provoque
une
hilarité
chez
le
lecteur
à
cause
de
la
grandeur
des
habitants
et
la
petitesse
de
Gulliver.
Mais
Swift
se
sert
de
cette
arme
qu'est
l'humour
pour
faire
la
satire
de
la
société
qu'il
décrit.
Chez
Amadi
l'exagération
met
en
exergue
les
pouvoirs
cachés
du
"medicine
man"
et
le
lien
é t roi t
qui
e x i ste
en t r e l u i
e t
l ' l ,1 vis i b le;
l e s ur n a t ure l
s'intègre
au
récit.
Le
"dibia"
étonne
plus
d'un
visiteur
par
sa
capacité
à
découvrir
les
intentions
de
ceux
qui
viennent
le
consulter
sans
qt:e
ceux-ci
aient
parlé;
Anyika
refuse de
donner
la
potion
magique
à
Ahurole
avant
même
qu'elle
ai t
expliqué
qu'elle
est
venue
pour
chercher
cette
potion.
I l
en
est
de
même
d'Agwoturumbe
qui
étonne
\\<Jigwe
en
lui
disant
que
c'est
parce
qu'Anyika
s'est
montré
incapable
de
résoudre
le
problème
du
mariage
entre
Ihuoma
et
Ekwueme
qu'il
est
venu
le
consulter.
Dans
The Great Ponds
les
hommes
de
Chiolu
- - - - - - - - - 1
ne
parviennent
pas
à
comprendre
comment
Anwuanwu
peut
les
a t t end r e
san s
qu' i lS aie n t a n v 0 y é
un
mes s age r;
mai s
cel u i _
245
ci
les
rassure
en
ces
termes:
"I
know"
the
dibia
said."I
have
been
expec-
ting
you.
Bring
in
the
injured man."
" who
brought you
the
news
?"
"
There
they
are",
An.r:wuanwu
said
nodding
towards
a
corner
of the
room.
" Where
? 1/
"
One
of
them
is
standing
right
in
front
of you. "
" I
can't
see
anyone"
"
Then
don' t
ask
for
things
you
can't
see. "
(1:3 )
Ces
que l que s
ex e mpIe s
su f fis en t
à
dé mon t r e r I a
do u b le
nature
des
"medicine
men"
et
leur
capacité
à
vivre
la
double
réalité:
celle
des
humains
et
celle
des
esprits.
Les
"dibia"
occupent
une
place
de
choix
dans
leur
société.
Au-delà
de
l'interaction
qui
existe
entre
le
mo~de visible
et
le
monde
invisible,
Amadi
montre
une
société
dans
laquelle
les
événe-
ments
sont
régis
par
un
autre
type
de
causalité
qui
est
la
causalité
mystique;
une
causalité
qui
vient
suppléer
la
causalité
rationnelle.
Les
personnages
ne
sont
pas
en
proie
à
des
doutes
vis-à-vis
des
révélations
du
"dibia"
et
cela
renforce
le
pouvoir
et
la
place
des
intermédiaires
dans
les
romans
d'Amadi.
Mais
malgré
la
cohérence
apparente
de
la
société
tradi-
tionnelle
i l
y
a
des
limites
dans
l'exercice
de
la
fonction
des
"medicine
men";
i l
semble
y
avoir
des
failles
dans
leur
comportement,
qui
font
que
leurs
faits
et
gestes
sont
l 'ob-
jet
de
d~cussions.
b
Les limites de leurs fonctions
NOliS
pourrions
commencer
ce
chapitre
en
nous
demandant
246
si
les
"medici:1e
men"
disent
toujours
la
vérité
et
s ' i l s
sont
réellement
capables
de
voir
dans
l'invisible.
Ces
ques-
tions
peuvent
revêtir
un
certain
intérêt
quand
nous
observons
ce
qui
se
passe
dans
l'oeuvre
amadienne;
i l
nous
semble
que
parmi
les
"medicine
men"
i l
y
a
les
bons
et
les
mauvais.
I l
ne
s'agit
pas
seulement
d'une
qualification
morale
mais
aussi
de
l ' e f f i c a c i t é
des
"medicine
men",
de
leur
perfor-
mance.
En
dépi t
d' une
certaine
impartiali té
dans
la
présenta-
tion
des
"medicine
men"pÇl.r l'auteùr, le lecteur constate_ùne~dif'férence
sous-jacente
entre
ceux-ci.
Ils
y
a
ceux
qui
exercent
leur-
fO:1ctio:1
avec
la
plus
grande
humilité
comme
Anyika;
i l s
reconnaissent
les
limites
de
leurs
fonctions
et
essaient
d'être
le
plus
sincères
possible
avec
leurs
clients.
Il
y
a
aussi
ceux,
qui,
comme
Agwotlirumbe
sont
prêts
8
tout
quand
bien
même
ils
savent
le
danger
qu'ils
courent
et
font
courir
2 leurs
clients.
Dans
The
Concubine 1 cette
opposition
entre
les
"medicine
men"
s'observe
à
travers
les
portraits
et
les
actions
des
différents
"dibia".
Anyika
s'oppose
à
Agwoturumbe
et
au
"dibia"
de
Chiolu.
Une
image
positive
semble
se
dessiner
autour
de
lui
Il
est
celui
qui
a
refusé
de
donner
la
po-
tion
magique
à
Ahurole
de
peur
que
cela
n'agisse
sur
le
psychique
d'Ekwueme.
Un
"dibia"
de
Chiolu
a
agi
autrement
et
a
pourvu Ahurole
d'une
potion magique
et
nous
connaissons
la
suite
désastreuse
de
l ' h i s t o i r e .
Vis-à-vis
d'Anyika
le
"dibia"
de
Chiolu
se
trouve
dans
une
position
ambivalente
247
i l
est
à
la
foi s
bon
e t
ma u va i s.
Bon,
par c e
q li
1 en
ta'l t
que
"dibia"
i l
a
apporté
assistance
à
Ahurole.
Et
mauvais;
parce
q u ' i l
a
offert
à
sa
cliente
une
potion
qui
s ' e s t
révé-
lée
néfaste
par
la
suite.
Mais
l'opposition
entre
Anyika
et
le
"dibia"
de
Chiolu
n'est
pas
aussi
évidente
que "'ous
le
pensions.
En
e f f e t ,
le
lecteur
n'épouse
pas
totalement
la
thèse
de
la
potion
comme
cause
de
la
folie
d'Ekwueme;
car
comme
nous
l'avons
remarqué
plus
haut,
le
f a i t
que
la
mère
d'A h u r 0 l e
a i t
p u t r a ver s e r
l a
r i v i ère Mini \\i\\€ku
sans
aiJc un
danger
est
une
preuve
que
la
potion
n ' é t a i t
pas
nocive;
à
moins
que
les
dieux
de
cette
rivière
ne
soient
impuissants!
Anyika
affirme
lui-même
son
intégrité
et
sa
dévotion
à
son
dieu
et
aux
membres
de
sa
société:
"
l
can
never
l'aise
my
hand
against anyone
in
this
village.
True
l
am
a
stranger
but
l
can
claim
to
be
a
part
of
the
village.
What
affects
i t affects
me
too. "(14)
Anyika
est_ prêt
à
aider
les
habitants
de
Chioluavec
la
plus
grande
loyauté
et
sans
aUCune
distinction.
Nous
le
voyons
aider
Madume
à
l u t t e r
contre
les' mauvais
esprits.
Et
quand
Madume
lui
dit: "1
ought
to
trust
you,
Anyika;
you
are
a great dibia"
(p.59) ,Anyika
lui
rappelle
c e c i " Trust
Chineke
who
is
the
creator
of
spirits
of
men.
Without
him
my
divinations
are
void"
(p. 59).
Anyika
n'a
pas
honte
de
reconnaître
les
limites
de
son
pouvoir
comme
i l
le
révèlera
vers
la
fin
du
roman
l o r s q u ' i l
affirme
qu'à
la
mort
d'Emenike
i l
avait
perçu
la
présence
des
esprits
de
l'eau
mais
q u ' i l
avait
été
incapable
de
distinguer
le
vrai
du
faux
à
cause
248
1
Il
de
l'action
du
Sea-God.
Cependant,
lorsqu li
Anyika
dfclare
l'impossibilité
du
mariage
entre
Ihuoma et
Ekwueme,
personne
ne
veut
l'admettre
et
les
parents
d'Ekwueme
essaient
de
trouver
une
solution
rationnelle
en
soutenant
le
fait
qu'
Anyika
se
soit
servi
de
son
propre
argent
pour
la
consulta-
tion
a
faussé
la
divination.
Le
lecteur
approuve
en
partie
ce
point
de
vue
des
personnages
surtout
quand
i l
se
r/eporte
à
ce
qui
avait
été
dit
au
début
du
roman:
Anyika
found
his
voice
first.
"Well,
Nnadi,
you
know
the
procedure, "
he
said.
"Eh,
Anyika,"
Nnadi
replied
and
brought
out
two
manillas.
He
knew
that
the
medicine
man
could
not
open
his
medicine
bag
without
this
sum,
for
i t
would
render
his
medicines
ineffective. (lS)
Ce
qui
est. dit
dans
ce
passage
est
donc
en
contradiction
avec
l'offre
faite
par
Anyika
aux
parents
d'Ekwueme,
et
cela
soulève
une
question
d'ensemble
dans
le
roman.
En
effet,
on
peut
se
demander
si
le
fait
qU'Anyika
offre
de
l'argent
à
Wigwe
n'est
pas
une
manoeuvre
du
"Sea-God"
pour
brouiller
d'avantage
la
piste
des
humains.
Anyika
a
peut-lHre
été
poussé
par
le
"Sea-God"
à
faire
ce
geste.
Suite
au
refus
d'Anyika
de
chercher
à
arranger
un
quelconque
mariage
entre
Ihuoma
et
Ekwueme,
Agwoturumbe
propose
ses
services.
Il
est
intéressant
ct' observer
ce
personnage
et
de
l'opposer
à
Anyika.
A priori,
Agwoturumbe,
qui
prétend
pouvoir neutra-
liser
le~Sea- Godun'a rien qu'Anyika n'ait pas:
In
essence
his
divination
was
not
so
much
different
from
Anyika' s.
In
some
parts
there
was
astonishing
similarities
in
detail.
249
But
by
far
the
most
important
difference
in
his
divination
was
his
assertion
that
he
couZd
bind
the
Sea-King
and
prevent
him
from doing any
harm. (16)
Le
cho ix
des
mots
du
narr a teùr
es t
tr è s
importan t: "as to-
nishing
similarities" ,"by
far
the
most
important
difference"
"he
could
bind
the
Sea-King".
I l
Y a
exagération
des
termes
par
l ' u t i l i s a t i o n
des
superlatifs.
Cette
attitude
du
narra-
teur
suscite
chez
le
lecteur
un
empressement
à
voir
Agwotu-
rumbe
réussir
une
mission
aussi
fantastique
que
celle
de
neutraliser
une
puissance
surnaturelle.
Agwoturumbe
arrive
à
Omokachi
en
grande
pompe:
Agwoturumbe
the
dibia
arrived
with
a
great
fZourish.
He
had
yeZZow
paint
round
one
eye
and white
paint
round
the
other.
(p.206)
Ainsi
Agwoturumbe
s'oppose
à
Anyika,
qui
est
sobre
dans
son
maquillage.
De
plus
Agwoturumbe
semble
faire
étalage
de
ses
pouvoirs.
Les
ovations
q u ' i l
reçoit,
les
nombreuses
visites
de
clients
sont
une
preuve
de
l ' e f f e t
spectacle
qu'Agwoturumbe
veut
donner
à
son
passage
à
Omokachi
m~me
s ' i l
est
dit
qu'Agwoturumbe
éprouve
de
la
pitié
pour
Anyika:
In
a
way
he
pitied
Anyika
but
feU
that
the
peopZe's
ovations
were
properZy
his
due.
what
was
more,
i t
was
Anyika's
confessed
inabiZity
to
tame
the
Sea-King
that
caused
his
v i s i t
to Omekachi
(p.20B)
C'est
donc
pour
suppléer
à
l'incapacité
d'Anyika
et
aussi
pour
défier
les
pouvoirs
de
celui-ci
qu'Agwoturumbe
veut
faire
un
grand
sacrl' fl' ce
d
l
/ 1 "
ans
e
royaume
du
Sea-God':
Et
Agwoturumbe
est
prAt
a'
de'f'er
" - -
-
t:
l
qUlconque
mettrait
en
doute
ses
possibilités
réelles
de
re'ussl"r
u-ne
I l
te
e
mission;
250
aussi,
ql.iand
Ekwueme
refuse
à
la
dernière
minute
de
parti-
ciper
au
sacrifice,
Agwoturùmbe
lui
donne
l'assurance
qu'il
n'y
a
aucun
danger
car
i l
est
aussi
redoutable
que
leuSea-
Gad":
"Ha!
ha!
ha!
Agwoturumbe
laughed
loud
and
long
and
confident ly.
' Your
son
underrates
my
abilities.'
Listen,
young
man.
l
Agwotu-
rumbe,
have
seen
things
some
of
which
l
can
describe
only
at
the
risk
of
my
life.
Your/case
is
the
least
difficult
of
the
many
simi lar
jobs
tha t
l
have
done.
l
have
had
to
content
with
several
water
and
land
spi-
rits
themselves
at
the
same
time.
l
have
journeyed
to
the
abodes
of
the
water
spirits
themselves
to
plead
with
them.
What
is
more
l
can
look
into
the
future.
As
far
as
l
can
see
we
will
come
back
safely.
I f
by
a
rare
chance
the
boat
turns
over,
all
you
and
your
father
will
have
to
do
is
to
hold
on
to
Agwo-
turumbe
and
you
will
find
yourselves
by
the
bank safe
and dry. "( 1 7)
Ce
passage
montre
jusqu'à
quel
point
Agwoturumbe
manque
de
retenue
dans
l'affirmation
de
ses
pouvoirs.
Le
défi
qu'il
lance
aux
esprits
de
l'eau
laisse
même
supposer
la
supériorité
d'Agwoturumbe
sur
ceux-ci.
Le
narrateur
insiste
sur
le
long
et
fort
rire
d' Agwoturumb~:. Ce
dernier
a
con-
fiance
en
lui-même.
Mais
nous,
lecteur,
nous
demandons
si
Agwoturumbe
est
aussi
fort
qu'il
le
dit.
Sa
puissance
n'est
elle
pas
seulement
de
l'ordre
du
discours?
Peut-
i l
réellement
affronter
les
forces
surnaturelles
?
Même
si
Agwoturumbe
affirme
qu'il
a
accompli
dans
le
passé
des
sacrifices
beaucoup
plus
périlleux
que
celui
d' Ekwueme/
tout
ceci
est
de
l'ordre
du
dire
et
non
du
faire.
Nous
pouvons
relever
une
contre-vérité
lorsqu'
Agwotùrumbe
251
affirme
être
capable
de
voir
dans
l'avenir.
Cette
affirma-
tion
s'oppose
à
ce
qu'Anyika
dit
à
Madume:
"We
can
only
fight
the
present
menace.
How
can
we
know
what
spirit
will
be
seeking
after
your
life
in
the
future
?
We
deal
with
trou-
bles
one
by
one."
(p. 58)
Danf3
The
Great
Ponds,
Anwuanwu
confirme
le
point
de
vue
d'Anyika:"
No
dibia
is
given
the
power
to
predict
with
certainty
when
and
how
a
man
will
die~
not
even
the
great
dibias
at
Eluanyim.
l
can
deal
with
the
present
situation~
my
son." (p. 99)
Si
donc
aucun
"dibia"
ne
peut
prédire
le
futur,
Agwoturumbe
fai t - i l
exception
?
Le
fai t
qu 1 i l
n'ai t
pas
perçu
la
mort
d'Ekwueme,
qui
s'est
produite
devant
lui
et
quelques
ins-
tants
seulement
après
l'étalage
de
ses
pouvoirs,
peut
s'ex-
pliquer
de
deux
façons
ou
bien
Agwoturumbe
a
menti
ou
bien
c'est
le
Dieu
de
la
Mer
qui
est
très
puissant.
L'une
et
l'autre
de
ces
attitudes
ne
s'excluent
pas
et
cela
con-
tribue
à
démontrer
la
complexité
du
roman
et
à
justifier
l'indétermination du
lecteur
face
aux
différents
événements
La mort
d'Ekwueme
accrédite
la
thèse
de
la
participation
du surnaturel dans
la
vie
des
personnages
et
soulève
une
très
grande
question
sur
le
rapport
entre
l' homme
et
l ' 1n-
visible.
Agwoturumbe
e s t - i l
réellement
égal
à
Dieu?
La
réponse
est
évidemment
non
et
nous
nous
demandons
avec
Osundare
qui
est
véritablement
Agwoturumbe:
ls
he
a
freak
trying
to
"out
dibia"
Anyika
in
his
own
territory
? [
. . J Who
is
Agwoturum-
be~
a
mere
mortal~
to
promise
to
go
down
to
a
god's
domain
to
bind
him
?(18)
252
Ce
qili
est
certain
c'est
qu' Amadi
a
su
faire
pl aner
le
mystère
jusqu'à
la
dernière
ligne
et
semble
avoir
donné
raison
par
deux
fois
à
Anyika
qui
exerce
son
ministère
de
"medicine
man"
avec
la
plus
grande
modestie
et
fidélité.
Le
parallèle
que
nous
avons
~ssaYé de
faire
entre
Anyika
et
les
autres
"dibias"
dans
The Concubine nous
le
retrouvons
/
à
que l q u elc ho s e
près
dans
The
Great
Ponds
entre
Anwuanwu,
i
Igwu
et
Achichi.
Ici
Anwuanwu
apparaft
comme
le
"dibia"
qui
ne
veut
pas
s'engager
dans
les
causes
injustes,
Igwu
n'ignore
pas
la
règle
du
jeu
qui
doit
exister
entre
les
dieux
et
le
"dibia";
mais
blessé
dans
son
amour
propre
i l
transgresse
cette
règle
pour
défier
l'Invisible.
Achichi
est
moi ,1 s
pu i s s an t
que
les
d e il x
a ut r e s e t
pré f ère
par foi s
mentir
pour
sauver
la
face
plutôt
que
de
dire
la
vérité
et
perdre
la
confiance
de
ses
clients.
Dans
The
Slave
nous
ne
pouvons
pas
parler
de
bons
ou
- - - - - - ,
de
mauvais
"medicine
men"
car
i l
n ' y e n
a
qù'un,
Ajohia,
et
i l
essaie
au
mieux
de
ne
pas
opposer
les
personnages
les
uns
aux
autres.
Si
nous
avons
insisté
sur
l'antagonisme
et
la
différence
qui
peuvent
exister
entre
les
"medicine
men"
c'est
pour
marquer
l'hésitation
du
lecteur
face
aux
paradoxes
et
ambi-
gu'ités
que
leurs
oppositions
et
leurs
contradictions
font
naître.
Cependant
leur
place
dans
la
société
traditionnelle
est
primordiale
car
ce
sont
eux
qui
contribuent
énormément
au
rapprochement/à
la
coe~istence entre les forces
surnatu-
relles
et
les
personnages.
De
plus,
l'attitude
de
confiance
253
des
personnages
pendant
les
séances
de
divination
et
leur
aptitude
à
exécuter
les
décisions
des
"medicine
men"
témoi-
gnent
de
la
cohérence
et
de
la
validité
du
système
tradi-
tionnel;
de
l'intégration
du
surnaturel
dans
leur
monde.
B - Les moyens de communication
Il
y
a
une
mul t i tude
de
moyens
de
commùnication
entre
les
personnages
et
le
monde
invisible
et
i l
est
hors
de
question
dans
notre
étu.de
qu.e
nous
les
analysions
tous.
Nou.s
en
retiendrons
qu.elques
uns
tels
qu.e
la
divination,
le
serment,
le
rêve,
dans
le
but
essentiellement
de
faire
ressortir
quelques
t r a i t s
caractéristiqu.es
du
mystère
que
ces
éléments
renferment.
1 . La divination
La
divination
est
pratiqu.ée
par
les
"dibia"
qui,
noU.s
l'avons
vu,
sont
initiés
à
la
science
de
la
connaissance
des
secrets
de
la
vie.
A
travers
la
divination
les
"dibia"
essaient
d'interpréter
les
phénomènes
de
la
vie
et
de
les
commu.niquer
aux
hommes
non
initiés
à
cette
science.
Domini-
que
Zahan note
à
cet
effet
que:
Le
devin
est,
dans
ce
contexte,
le
détenteur
du
code
qui
permet
de
décrypter
les
divers
messages
destinés
à
l'homme,
à
la
société
où
i l
vit
et
à
tout
ce
qui
reste. lié ~à
son
sort
tandis
que
les
divers
systèmes
divina-
toires
remplissent
le
rôle
de
grilles
de
décodage
(19)
254
I l
existe
de
nom br e ux
systèmes
divinatoires
dans
le
monde
et
i l s
varient
d'un
pays
à
un
autre,
d'un
village
à
un
autre.
Dans
l'oeuvre
romanesque
d'Amadi
la
divination
est
au
centre
de
la
vie
quotidienne
des
personnages.
C'est
sans
doute
à
travers
la
divination
que
le
lecteur
entre
réellement
en
contact
aveC
le
surnaturel
pour
la
première
fois
dans
The ConcUbine:
He
[A n y i ka]
h un 9
a n
am u let
0 ver
the
do 0 r wa y
to
bar
the
way
for
evil
spirits.
Then
he
brought
out
his
divination
cowries
that
made
his
name
resound
from
the
waterside
village
of
Omokachi
to
the
far,
far
land
of
the
Wa-
kanchi,
a
race
of
dwarfs,
whom
only
Anyika
knew,
or so he claimed.
[... J After midnight, Anyika was through with
his
divination [. .. J
He
removed
his
amulet
but
then
changed
his
mind
and
replaced
i t
over
the
doorway.
" Too
many
evil
spirits
about",
he announced.
" That
is
very
kind
of you,"
Ihuoma
said. (20)
les
cauris
sont
les
éléments
constitutifs
de
la
divina-
tion
d'Anyika.
A ces
cauris
i l
faut
associer
les
talismans;
les
paroles
incantatoires
et
autres
accessoires
qui
les
accompagnent.
Les
personnages
font
confiance
à
la
divina-
tion
des
"dibias".
I l s
intègrent
si
bien
la
divination
dans
leur
vie
quotidienne
qu'elle
devient
un
des
éléments
de
base
de
la
société
traditionnelle .
.1.es
personnages
S'interrogent
très
peu
sur
la
r é a l i t é
de
la
divination
car
elle
constitue
une
des
pratiques
essentielles
de
leur
·croyance.
C'est
par
la
divination
que
les
personnages
vont
rechercher
les
causes
cachées
des
événements
de
leur
vie.
Ainsi
lorsque
Madume
se
blesse
chez
Emenike
i l
se
255
rend
chez
Anyika
pour
connaitre
les
véritable
causes
de
cet
"accident".
Nous
sommes
médusés
et
presque
envoûtés
par
les
cauris
d'Anyika:
notre
attention
est
attirée
par
l'atmosphère
qui
règne
entre
Madume
et
le
"dibia":
Anyikacast..iz:isco/;)ries
to
and
fro
for
some
time.
Then
he
chewed
some
alligator
pepper
and
spat
i t
out
in
a
fine
spray
in
front
of
his
temple.
Madume
watched
him
keenly
wondering
what
pronouncements
he
had
up his
sleeves . . .
"Jou
were
lucky",
Anyika
said
slowly,
"to
have
come out alive
from
Emenike /s
compound."
"Dj ukwu
forbid!"
Madume
s tammered.
"Several
spirits
swore
to
kill
you
there
and
then."(21)
Le
regard
du
lecteur
suit
celui
de
Madume
et
scrute
impa-
tiemment
les
cauris
d'Anyika.
Il
y
a
une
ambiance
de
mystè-
re
qui
enveloppe
le
processus
divinatoire;
et
le
bégaiement
de
Madume
est
révélateur
de
sa
grande
émotion.
La
suite
du
verdie t
d' Anyika
fai t
état
d' espri ts
inconnus
qui
se
sont
réunis
pour
attenter
à
la
vie
de
Madume.
Parmi
ces
esprits
i l
Y
a
celui
du
père
d'Emenike.
Cette
divination
est
importante
car
elle
sert
plus
tard
à
l'argumentation
Il
,/
dti
"dibia"
Anyika
sur
l'appartenance
d'Ihuoma
au Sea-God.
Madume
ne
dout~ pas
un
seul
instant
de
la
découverte
d'Anyika.
C'est
grâce
à
une
introduction
progressive
du
surnaturel
avec
beaucoup
de
réalisme
qù'Amadi
parvient
à
c on v a in cre
le
lecteur
de
l'existence
d'une
causalité
mystique
aux
côtés
des
causalités
scientifique
et
ration-
nelle.
Dans
The
Great
Ponds
plus
d'une
fois
les
cauris
d'Anwu-
-----~----I
an wu
constituent
un
point
de
mire
sur
lequel
les
personna-
256
ges
focalisent
leur
regard;
toute
vie
semble
cesser
autour
d'eux.
Les
personnages
sont
immobiles
et
silencieux
et
seuls
les
cauris
ont
une
existence:
The
cowries,
worn
smooth
with
Zong
use,
rat-
tZed
as
the dibia
endeavoured
to
see
through
them.
For
an
unusuaZZy
Zong
time he
said
no-
thing.
The
cZink,
cZink,
cZink
of the
cowries
eventuaZZy
roused
those
of
Eziho's
party
whose
chins
had
sunk-
t~· their
breasts
in
sZeel!'
[. .. J
suddenZy
he
abandonned
his
cowries
and
rummaged
in
h is
0 Zd
s 00 t Y
medici ne
bag
over
the
fire-pZace.
He
brought
out
a
smaZZ
ca Za bas h,
unc or k ed
i t
and
decan ted
s ome
of
the
contents
on
to
his
Zeft
paZm.
He
rub-
bed
some
of
the
stuff
over
his
eyes
which
soon
fiZZed
with
tears.
He
went
out
and
bZew
the
remainder
of
the brown
powdery
stuff
into
the air.
He
camein again with
somehaste.
" Now
we
shaZZ
see
who
is
greater!"(22)
Pendant
la
divination
aucun
détail
n'échappe
à
l ' o e i l
du
narrateur:
la
forme
des
c(hfri~
que
le
long
usage
a
rendu
lisses,
l ' e f f o r t
du
"dibia"
pour
décoder
le
message
caché
que
renferment
les
cauris
à
travers
leur
disposition
spatiale;
le
bruit
que
prodùisent
les
cauris
rendu
audible
par
la
répéti tion
par
trois
fois
du
mot
"clink";
la tâche
ardue
du
"rnedicine
man"
et
son
long
silence
inhabituel;
le
combat
presque
physique
entre
le
"dibia"
et
les
forces
surnaturelleS sont
autant
d'éléments
qui
rendent
on
ne
peut
mieux
le
réalisme
de
la
description
du
processus
divinatoi-
re
et
la
présence
effective
de
l'Invisible
à
c6t~ du visible.
Le
mystère
se
développe
à
travers
le
dialogue
ou
le
combat
qui
s'engage
entre
le
devin
et
les
forces
invisibles.
Ce
mystère
est
renforcé
par
l'univers
ésotérique
qui
entou-
re
le
"me die ine
man"
- soo ty
me die ine
bag,
small
cala bash ,
257
brown
powdery
stuff
etc
et
par
les
différents comportements
et sentiments
qu'a
celui-ci
regard,
geste,
pensée,
joie,
tristesse,
surprise,
peur,
indifférence
etc.
Igwu
utilise
un
autre
type
d'instrument
dans
sa
divina-
tion
i l
s'agi t
d'une
paire
de
peti ts
tambours
mâle
et
femelle
qui
son t
qua 1 i fié s
d'
" é t r an g e"
e t " mys t i que s "
et
qüi
lui
permettent
d'entrer
en
contact
avec
l'Invisible
comme nous
le
constatons
dans
le
passage
suivant:
The
beating
sounded
random
and
senseless
to
anyone
unused
to
them.
Patient
listening
revealed
a
queer
rythm
very
much
unlike
what
one
heard
in
say
an
Oduma
dance.
Igwu
be la-
boured
his
drums
until
perspiY'ation
studded
his
brow
and
his
eyes
shone.
"Two
biY'ds!"
he
bluY'ted
out
at
last
as
i f
someone
was
speaking
through
him.
Okehi's
face
was
all
sUY'pY'ise.
He
was
used
to
Igwu 1 s
pY'oveY'bia l
accuracy
in
divination
yet
eveY'Y
instance
of
i t
sUY'pY'ised
and
im-
pY'essed
him.
(23)
Plus
que
de
simples
tambours,
les
tambours
d'
Igwu
sont
les
véritables
instruments
sans
lesquels
aùcune
communica-
tion
n'est
possible
avec
l'Invisible.
Il
y
a
sans
doute
une
force
qui
se
dégage
de
ces
tambours
au
fUr
et
à
mesUre
qu'Igwu
les
bat,
force
qui
lui
permet
d'entrer
en
contact
avec
les
espri ts.
Igwu
devient
un
autre
personnage:
"Two
birds!"
he
blurted
out
at
last
as
i f
someone
was
speaking
through
him
".
La
surprise
d'Okehi
en entendant
cette
phra-
se
n'est
pas
une
surprise
de
mécréant
mais
plutôt
une
sur-
prise
provoquée
par
le
comportement
mystique
d'Igwu.
I l
s'agi t
donc
d'une
sUrprise
qui
tradui t
la
reconnaissance
d'une
réalité
autre
que
la
réalité
visible.
258
Comme
nous
pouvons
le
constater,
la
divination
est
l'un
des
procédés
qu'Amadi
utilise
pour
créer
une
atmosphère
de
communion
entre
les
personnages
et
l'Invisible
par
l ' i n -
termédiaire
du
"medicine
man".
Et
c'est
la
foi
des
person-
nages
en
la
divination
qui
fait
que
l'intervention
du
sur-
naturel
dans
le
roman
d'Amadi
trouve
sa
crédibilité
et
sa
justification.
Si
bien
que
le
lecteur
a
du
mal
à
séparer
les
deux
réalités:
celle
de
l'humain et
celle
du
surnaturel.
2 . Le serment
Nous
retrouvons
ce
type
de
communication
avec
l ' Invisi-
ble
dans
The
Great
Ponds
où
les
personnages
confient
l'ar-
bitrage
du
marécage
au
Dieu
de
la
Nuit;
Ogbunabali.
Olumba
jure
au
nom
de
ce
dieu
parce
q ù e
le
marécage
appartient
à
Chiolu,
mais
cela
à
condition
qu'il
ne
meure
pas
pendant
les
six
mois
que
doit
durer
le
serment:
"
l
swear
by
Ogbunabali
the
god
of
the
night
tha t
the
Pond of Wagaba belongs to Chiolu.
"
I f
this
is
not
true
let
me
die
within
six
months;
" I f
true~ let me live and prosper." (24)
Un
certain
nombre
de
paradoxes,
d' ambigui téS et
de
con-
tradictions
entoure
le
serment
d'Olumba
si
bien
qU'il
pr~te
à
beaucoup
d'interrogations
et
de
discussions.
Nous
avons
déjà
souligné
ces
différents
aspects
en
'!soUlignant
l ' e f -
fet
lPJI1o.d<Üi:tjipar un auteùr,
qui,
d'une
manière
inattendue
inter-
vient
dans
le
texte
à
la
dernière
ligne
pour
justifier
d'une
façon
rationnelle
des
événements
qui
jusque
là étaient
259
construits
sur
le
double
plan
dU
naturel
et
du surnaturel.
3 . Le rêve
Dans
le
contexte
du
roman
amadien j le
r~ve
n'est
pas
seulement
un
phénomène
psychique
banal
comme
n00s
le
soUli-
gnions
déj à
dans
notre
analyse
s0r
les
prémoni tions,
les
présages
et
les
aUgures.
Le rêve
est
tJn
moyen
de
communica-
tion
entre
le
personnage
et
l ' Invisi ble.
Mais
le
message
du
rêve
n'est
pas
toujoUrs
évident
aùx
personnages
et
ils
ont
alors
souvent
recours
aux
"medicine
men"
pour
le
déco-
dage
du
message.
Nous
pouvons
citer
l'exemple
du
r~ve
d'
Ekwueme
dans
The
Concubine
dans
lequel
Eme~1ike le
force
à
traverser
une
rivière
inconnue;
ou
celui
d'Eze
Okehi
dans
The
Great
Ponds
où
Ali
lui
rend
visite:
I
had
a
terrible
dream
which
can
only
be
a
premonition.
I
was
sitting
in
the
recep-
tion
hall
when
a
huge
snake
came
gliding
towards
me.
I
was
so
frightened
that
I r a n
off
blindly
and
fell
into
a
well.
I
was
shouting
in
the
dark
well
when I
woke. (25)
Le
serpent
ici
n'est
rien
d'autre
que
l'envoyé
dù
Dieu
Ali.
Le
rêve
d'Okehi
est
donc
un
avertissement
qu'il
faut
prendre
en
compte.
Mais
i l
faut
aussi
remarquer
que
tous
les
r~ves ne
sont
pas
des
occasions
de
communication
avec
l'Invisible.
En
effet,
nous
pouvons
donner
des
interprétations
psychanaly-
tiques
ou
psychologiques
à
certains
rêves
des
personnages.
Ces
r~ves
seraient
le
résultat
d'Un
certain
refoUlement
260
(26)
des
personnages ,par
rapport
à
des
interdits
sociaux
ou
d'obsessions,
d'angoisses
etc.
Dans
The
ConcUbine,
la
nuit
où
pour
la
première
fois
Ekwueme
a
tenté
de
décla-
rer
sans
succès
son
amour
à
Ih1ioma,
i l
fait
un
r~ve
où
elle
apparaît:
That
night
she
obsessed
his
dreams
filling
up
every
space
in
the
eerie
twilight
of dream-
land.
In
one
particularly
vivid
dream
he
was
at
Ihuoma's
house chatting with
her . . . (27)
Le
début
du
r~ve d'Ekwueme comme nous pouvons le consta-
ter
n'a
rie nid e
pré mon i toi r e
0 u
d e s ur n a t ure 1.
l l
mon t r e
le
personnage
d'
Ekwueme
totalement
6nvahi
par
l'image
d'Ihuoma.
Ce
début
est
d'autant
plus
intéressant
que
le
rêve
bascule
plus
tard
dans
un
autre
domaine
où
Ekwueme
est
forcé
à
traverser
une
rivière
l'élément
aqua-
tique
a
sans
doute
un
rapport
avec
le
Roi
de
la
Mer,
tout
comme
les
esprits
aquatiques
dans
la
divination
sur
le
sort
de
Madume.
D'une
façon
générale
nous
,
pouvons
dire
que
le
r~ve
a
toujours
été
l'objet
d'interrogations
et
d'interprétations
depuis
des
millénaires
et
continu
de
l ' ~tre.
Le
r~ve revêt
d'autant
plus
d'importance
qu'il
se
produit
généralement
la
nuit,
qui
est
le
cadre
idéal
même
dans
lequel
l ' homme
s'imagine
la
présence
des
puissances
invisibles.
La
nuit
permet
donc
à
l'homme
d'~tre en contact avec le surnaturel;
lequel
se
révèle
à
l'homme
par
l'intermédiaire
du
rêve.
I l
y
a
donc
une
sorte
de
complémentarité
entre
la nuit
et
le
r~ve; et, les deux états permettent à l'homme
261
d ' en t r e r
dan s
un
a ù t r e m on d e
à
la
foi s
rée l e t
i r rée l ;
présent
et
absent.
Nous
savons
l'impact
qù'a
la
nuit
sur
l'imaginaire
humain:
la
nuit
est
le
moment
propice
tous
les
êtres
et
les
choses
q1.1'i
ne
peuvent
pas
apparaître
le
jour
de
se
manifester
et
d'agir.
La
nùi t
toùt
prend
des
proportions
démesurées;
surtout
si
l'on
pense
aux
nui ts
noires
africaines
des
campagnes
et
des
villages
qui
ne
sont
point
éclairés
par
aucun
néon.
C ' e s t
donc
dans
une
atmosphère
déjà
chargée
de
significa-
tion
que
le
rêve
se
produit
et
l' homme
s'es t
touj ours
pré-
occupé
de
l'état
de
son
corps
pendant
le
sommeil.
Plùs
d'ùne
croyance
assimile
le
corps
pendant
le
sommeil
à
un
cadavre
et
la
nuit
symboliserait
la
tombe;
le
rêve
dans
un
tel
contexte
est
le
moyen
privilégié
pour
commùniquer
avec
les
ancêtres
défunts.
De
ces
considérations
générales
sur
la
nuit
et
le
rêve
noùs
n'ignorons
donc
pas
la
richesse
de
l'imaginaire
oniri-
qùe
dans
l' oeùvre
amadienne;
aussi,
nous
sommes-nous
limi-
tés
ici
à
évoquer
quelqUes
pointso
4
La nature
La
nature
est
aussi
un
moyen
de
communication
entre
les
personnages
et
l'Invisible
comme
nous
l'avons
déjà
souligné
dans
notre
chapitre
sur
"la
Nature,
les
représen-
tations
et
l'imaginaire".
262
La
communication
entre
les
personnages
et
l ' Invisi ble
confirme
une
fois
de
plus
l'interconnection
qui
existe
entre
l'humain
et
le
divin,
le
profane
et
le
sacré,
le
naturel
et
le
surnaturel.
~1a i s
cette
communication
est
parfois
rendue
difficile
par
le
fait
que
les
personnages
doivent
recourir
aux
intermédiaires
pour
découvrir
le
mes-
s age.
Ace
n ive au
n 0 us
pou von s
no u s d e man d er s i l e
mes s age
n'e s t
pas
dé j à
fa u s s é
par
1 e
fa i t
mê me
q u \\ i l
Y
ait
un
in-
termédiaire.
En
effet,
nous
pouvons
douter
que
l'intermé-
diaire
transmette
fidêlement
le
message
reçu.
Il
peut
l'ha-
biller
de
toute
sa
subjectivité.
Le
deuxiême
problême
que
soulêve
ce
mode
de
communica-
tion
est
celui
de
l'antagonisme
qui
existe
entre
ces
diffé-
rents
i~ltermédiaires. CeUx-ci,
pour
s'assurer
une certaine
au die n c e e t
un
c e r t a in
c réd i t ,
n ' h é s i t en t
pas
par foi s
à
"mentir"
ou
à
agir
à
l! encontre
des
principes
sacrés
de
leur
fO~lction.
Le
troisiême
élément
important
que
pose
la
communication
entre
les
personnages
et
l'Invisible
concerne
tous
les
subterfuges
que
peut
utiliser
l'Invisible
afin
d'empêcher
les
intermédiaires
de
connaître
le
véri table
message.
Les
intermédiaires
ne
sont
pas
des
partenaires
égaux
de
l'Invi-
sible,
qui,
en
dernier
ressort
a
le
monopole
de
la
communi-
cation.
Nous
pouvons
donc
dire
que
si
Amadi
à
travers
ses
romans
met
les
"medicine
men"
et
les
moyens
de
communication
ave"
l'Invisible
au
coeur
de
l'intrigue,
la
juxtaposition
des
263
différents
problèmes
que
nous
avons
soulignés
requiert
l'attention
du
lecteur.
Celui-ci
privilégié
par
le
fait
qu'il
connaît
des
choses
que
les
personnages
ignorent,
est
amené
à
comparer
les
différents
événements;
et,
c'est
de
cette
comparaison
que
naît
son
hésitation
à
caUse
des
différents
problèmes
que
nous
avons
soulevés.
264
IX - LE PERSONNAGE FEMININ ET LE MYSTERE
La société
Ibo,
rappelons-le,
est
une
société
patri-
linéaire et
comme
dans
beaucoup
de
sociétés
de
ce
type
la
femme
est
souvent
objet
d'un
traitement
particulier.
Nous
ne
ferons
pas
ici
l'analyse
de
ce
système,
i l
nous
suffi t
de
mentionner
que
l a
femme
est
généralement
considérée
dans
les
sociétés
traditionnelles
africaines
comme
un
être
mystérieux
doué
de
pouvoirs
magiques
ou
surnaturels
qui
sont
maléfiques.
Nous
avons
déjà
souligné
les
différentes
représentations
que
se
font
les
hommes
des
femmes
en
menstrua-
tions.
Les
femmes
ne
sont
pas
admises
dans
certains
en-
droits
sacrés
ou
dans
certains
cercles
réservés
uniquement
aux
hommes.
Nous
savons
aussi
qu'en
Afrique
les
femmes
sont
parfois
accusées
de
sorcellerie
à
la
mort
de
leur
mari
ou
d'une
quelconque
mort
prématurée
dans
le
voisinage.
Les
femmes
apparaissent
ainsi
dans
bien
des
cas
comme
des
boucs
émis-
saires.
Dans
la
répartition
des
tâches
sociales
les
femmes
se
voient
attribués
des
rôles
jugés
ingrats
par
l'homme
tels
que
faire
la
cuisine,
laver
la
vaisselle
ou
les
vête-
ments,
filer
le
coton,
etc.
Si
ces
exemples
sont
loins
d'être
exhaustifs
i l s
cont'!'._
buent
pourtant
à
rappeler
certaines
réalités
de
la
société
265
traditionnelle
africaine
où
la femme
apparait
comme
l ' e s -
clave
de
l ' homme,
comme
un
être
mystérieux,
comme
une
vic-
time
des
inégalités
sociales.
Cependant
ces
quelques
images
ne
reflètent
pas
totalement
la
réalité
du
sort
de
la
femme
dans
la
société
traditionnelle.
En
effet,
la
femme
joue
un
rôle
complémentaire
à
celui
de
l'homme.
Elle
est
avant
tout
la
première
responsable
de
l'éducation
des
enfants;
elle
est
le
"maitre
de
la
maison".
Il
y
a
dans
l'histoire
de
l'Afrique
traditionnelle
des
femmes
qui
ont
accompli
des
actes
mémorables
(1)
pendant
les
guerres
ou
les
révol-
tes,
des
femmes
à
la
tête
des
sociétés
secrètes ,des
amazo-
ne s,
des
p r ê t r e s ses,
etc.
L' é t li d e
d u r ô l e
de
l a
f e mm e
d a'1 s
la
société
traditionnelle
dépasse
le
cadre
de
notre
travail
aussi
nous
limiterons
nous
à
quelques
images
de
la
femme
dans
les
romans
d'Amadi.
A - Un traitement exemplaire de la femme
1 . La femme dans le quotidien
D;~.ns
le
quotidien
la
femme
décrite
par
Amadi
n'est
pas
différente
de
celle
dont
nous
avons
parlé
au
début
de
ce
chapitre.
Nous
la
rencontrons
dans
les
activités
quotidiennes
que
l'auteur
décrit
avec
le
plus
grand
réalis-
me.
Ains i ,
dans
The
ConcUbine
nous
avons
l ' i mpre s sion
que
l' activi té
économique
est
principalement
reliée
au
person-
nage
d' Ihuoma
et
des
autres
femmes.
Nous
pouvons
observer
266
Ihuoma
sur
la
route
des
champs
ou
de
retour
à
la
maison
après
une
longue
journée
de
travaux
des
champs,
son
panier
sur
la
t~te.
Nous
rencontrons
une
fois
Ekwueme,
Wakiri
et
Nnadi
dans
le
champ
d' Ihuoma
en
train
d'attacher
ses
i g n a mes ( p . 85 ).
Que l que s t e mp s a p r è s
son
ma ria g e
a v e c
Ah u-
role,
Ekwueme
ne
cesse
de
penser
à
Ihuoma
et
la
suit
pres-
que
partout
et m~me
jusque
dans
son
champ.
Nous
pouvons
également
observer
Ihuoma
en
train
de
dé-
cortiquer
les
arachides.
Aux
funérailles
d' Emenike
Ihuoma
consacre
une
bonne
partie
de
ses
richesses POlifl accueillir
digneme!1t
les
invités
et
le
narrateur
décrit
quelques
unes
de
ses
possessions
en
ces
termes:
Ihuoma's
farm
was
in
good
shape>
but
i t
was
smaller
than
i t
had
been.
She
had
sold
off
a
good
proportion
of
her
husband's
stocks.
A
woman
was
not
expected
to
grow
yams
as
extensively as
a man.(2)
La
répartition
des
tâches
et
des
statuts
sociaux
que
nous
avons
soulignée
plus
haut
veut
qù'Ihuoma
ne
rivalise
pas
avec
les
hommes
en
ayant
trop
d' ignames,
cul ture
propre
à
l'homme.
L'igname
est
également
le
symbole
de
la
mascùlinité
dans
la
société
traditionnelle
Ibo
et
cette
image
est
for-
tem en t
re pré s en t é e
dans
Things
F aIl
Apart tt Arrow
of
God
de
Chinua
Achebe.
En
analysant
le
personnage
de
Madume
nous
avons
évoqué
le
fait
que
ce
dernier
é t a i t
décrit
comme
celui
qui
possédait
peu
d'ignames
et
cel à
était
le
signe
de
son
échec
social.
267
Aux
activités
champêtres
d'Ihuoma
nous
pouvons
associer
celles
de
la
préparation
des
repas,
la
visite
des
voisins
et
des
parents,
l ' édùcation
des
enfants,
la
coupe
du
bois,
la
recherche
de
l'eau,
l ' a c t i v i t é
commerciale
de
ven te
ou
d'achat
au
marché,
l ' e n t r e t i e n
de
la
maison
et
bien
d'autres.
La
femme
est
aussi
présente
à
la
mort
ou
à
la
naissance
d'un
membre
de
la
société.
Elle
consulte
"les
medicine
men"
et
respecte
les
valeùrs
morales
et
religieuses
qui
régissent
son
monde.
Au
regard
des
exemples
que
nous
avons
donné~de
la
femme
dans
The
Concubine
i l
se
dégage
Une
image
idéalisatrice
du
personnage
féminin
da~1s
l ' oeùvre
d' Amadi.
Cette
image
idéalisatrice
se
transforme
e!1
une
image
idyllique
ave'c
l.e
per-~
sonnage
d'Ihuoma
comme
noüs
le
verrons
par
la
süite.
Dans
The
Great
Ponds
l ' a c t i v i t é
quotidienne
est
réduite
,
à
celle
du
combat
entre
les
hommes
de
Chiolu
et
d'Aliakoro
si
bien
que
la
participation
des
femmes
dans
l'action
des
personnages
dans
ce
cas
précis
est
plus
que
limitée.
~1ais
leur
absence
n'est
pas
totale
car
nous
les
rencontrons
çà
et
là
comme
victimes
de
cette
gUerre
absurde
et
Amadi
n'hésite
pas
à
les
u t i l i s e r
comme
porte-paroles
quand
i l
le
faut.
C'est
ainsi
qUe
la
première
femme
d'Eze
Okechi
déplore
la
guerre
entre
Chiolu
et
Aliakoro
quand
celle-ci
a
pris
des
proportions
démesurées:
268
"Why
can't
men
take
advice
?'she
moaned. 'They
think
they
are
wise
but
they
are
foolish
as
a
baby
in
arms.
Look
at
all
the sufferings
of
the
past
month.
What S'ood
will
that
pond
do
us?
Who
has
ever
grown
rich
from
the
pro-
ceeds
of the
cursed
Pond of Wagaba(3)
Le
style
direct
du
personnage
souligne
l'accusation
que
l'auteur
porte
sur
les
hommes.
Mais
cette
accusation
est
ironique
car
elle
vient
d'une
femme
qui
dit
tout
haut
ce
que
certains
hommes,
comme
Igwu,
pensent
tout
bas:
He
[! g wuJ de plo r e d wh a t
ta
h i m
wa s
a
stupid
exchange
of
fish
for
human
lives.
He
never
expressed
these
opinions
ta
anyone
for
fear
of
being
labelled
a
traitor
ta
the
cause
of his
village. (4)
Gra,:de
ironie
donc
dans
le
fait
qu'Igwu,
qui
jouit
de
sa
popularité
en
tant
que
"medicine
man",
ne
puisse
expri-
mer
une
simple
opinion.
Vers
la
fin
de
The
Great
Ponds
i l
faut
de
nouveau
que
s'élève
la
voix
d'une
femme
qui
a
perdu
son
unique
fils
pour
que
les
hommes
admettent
un
certain
lien
de
causalité
entre
les
décès
qui
surviennent
dans
Chiolu
et
le
serment
pr~té par Olumba.
Da;!ys
Th~_'
Slave
i l
a
fallu
l'intervention
de
la
vieile
-....;;...-----J
Nyege
pour
que
son
petit
f i l s ,
Olumati,
soit
admis
au
sein
de
la
communauté
d'Aliji.
Aleru,
Adiba
et
Enaa
sont
celles
qui
accueillent
Olumati
les
bras
ouverts
et
qui
lui
appOr_
tent
le
soutien
moral
et
physique
quand
i l
le
faut.
Contrai-
rement
aUx
hommes,
elles
ne
se
posent
pas
de
questions
sur
les
liens
qui
pecrvent
exister
entre
Olumati
et
le
Dieu
Amadioha.
269
Comme
dans
The
Concubine/ nous
avons
une
image
positive
du
personnage
féminin,
que
nous
rencontrons
dans
les
diffé-
r e n tes
a c t i vit é s
quo t i die nn es:
t r a vau x
des
cha mp s,
pré par a -
tion
des
repas,
décoration
des
maisons,
rites
d'initiation,
cérémonies
funéraires,
échanges
de
visites,
etc.
Pour
donner
plus
de
réalisme
à
son
personnage
féminin,
Amadi
l'insère
dans
le
tissu
social
et
le
fai t
jouer
son
rôle
conformément
aux
règles
sociales
et
religieuses
de
la
société
traditionnelle.
Mais
parallèlement
à
cette
image
de
la
femme
enfermée
dans
les
lois
des
hommes,
Amadi
fai t_
ressortir
une
autre
image
de
la
femme
dans
ses
romans;
celle-ci
ainsi
représentée
possède
quelques
qualités.
2
Une vision positive de la femme
La
femme
en
tant
que
personnage
apparaît
dans
une
vi-
sion
positive
et
symbolique
dans
l'oeuvre
amadienne.
En
effet
le
personnage
féminin
est
présenté
comme:
possédant
des
quali tés
que
les
hommes
n'ont
pas.
Des
personnages
tels
que Ihuoma,
Enaa,
Ahurole,
Adibia,
Nyege,
Ochomma
ont
une
beauté
physique
ou morale
irréprochable.
Protégé
par
des
forces
surnaturelles.
La
femme
dans
l'oeuvre
amadienne
se
présente
comme
un
personnage
aux
qualités
parfois
innées;
Elle
est
aùssi,;,habi,t'éè 'par
des"es-
prits
ou J a
des
pouvoirs
magiques
et
surnaturels
que
les
hommes
n'ont
pas.
Le
personnage
féminin
semble
bénéficier
d'une
protection
surnaturelle
comme
nous
le
verrons
avec
270
Ihuoma
dans
The
Concübine
ou
avec
les
deux
femmes
de
Chiolu
vendues
en esclavage
dans
The Great
Ponds.
Faisant
partie
intégrante
au
m~me
t i t r e
que
les
hommes
de
la
structure
narrative.
A la
lecture
des
romans
d'Amadi
nous
nous
demandons
quelle
est
la
place réelle
de
la
femme
dans
son
oeuvre
et
quelles
sont
les
motivations
réelles
de
l'auteur.
Et
c'est
à
ce
niveau
qûe
nous
parlons
du
traitement
ironique
de
la
femme/car
contrairement
à
l'image
négative
communément
attribuée
à
la
femme,
Amadi
en
fait
un
personnage
symbolique
qui
jouit
de
nombreuses
qualités
et
de
certains
atouts.
a.
Beauté physique et beauté
morale.
Quand
on
évoque
le
thème
de
la
beauté
physique' et
de
la
beauté
morale
le
personnage
d'Ihuoma
vient
à
l ' e s p r i t .
En
effet,
tout
au
long
de
The
Concubine
ces
qualités
de
l'héroi!1e
ne
sont
pas
simplement
décrites
ou
présentées;
mais
elles
sont
également
démontrées
dans
la
vie
quotidien-
ne
du
personnage.
Parallèlement
à
Ihuoma,
Ahurole
est
le
personnage
féminin
qüi
retient
l'attention
dü
le/cteur;
non
pas
seulement
à
cause
de
la
place
qu'elle
occupe
dans
l'intrigue
mais
aussi
à
cause
du
fait
qu'elle
est
à
l'oppo-
s é d ' l h u 0 ma.
L a
b eau t é
p h y s i que
d ' A h u r 0 l e
est
un e
b e a ù t é
naturelle
qu'elle
essaie
d'améliorer
par
des
artifices.
No~s~
pouvons
donc
qualifier
cette
beauté
à
la
fois
d ' a r t i -
ficielle
et
de
naturelle:
a r t i f i c i e l l e
parce
qu'Ahùrole
271
doit
fa<.S0nner
son
corps
pour
obtenir
une
beauté
qui
lui
convienne
et
en
même
temps
la
beauté
d'Ahurole
est
natu-
relIe
parce
qu'innée.
Cette
double
beauté
est
illustrée
par
le
passage
suivant:
She
[?lhurole]
was
dark
complexioned
and
the
indigo
she
had
on
made
her
darker
s t i l l .
Tall
and
s lim~
she
was
always
hoping
to
put
on
a
l i t t l e
more
flesh
i f
only
to
stop
her
friends
making
annoying
remarks
about
her
flat
buttocks.
Hel'
waist
was
heavily
beaded.
The
beads
made
her
hips
and
her
behind
a
l i t t le
fuller.
Hel'
face
was
beautiful~
the
beauty
coming
from
the
structure
of the
bones
than
from
any
padding
of fat.
When
she
smi led
she
revealed
unmarked
white
teeth.
She
had
no
naturil
gap
in
her
teeth
and
fear
preven-
ted
her
from
having
one
created
artificial-
ly
by
carvers. (5)
La
beauté
d'Ihuoma
est
à
la
fois
d'ordre
humai~ et
d'or-
dre
surnaturel.
Le
côté
surnaturel
de
cette
beauté
n'est
pas
explicitement
indiqué,
i l
est
suggéré
à
travers
des
descriptions
telles
que:" Ihuoma's
smiles
were
disarming.
Per-
haps
the
narrow
gap
in
the
upper
row
of
her
white
regu laI'
teeth
did
the
trick[ .. ]
Ihuoma's
gap
was
natural
and
other
women envied her. "(p.ll)
Cette
description de
la dis-
posi tion
des
den ts
d' Ihuoma
s' oppose
à
celle
d' Ahurole,
qui
pour
être
parfaite
demanderait
l'intervention
d'une
main
humaine.
Nous
pouvons
multiplier
les
exemples
de
traits
physiques
qui
opposent
Ihùoma
à
Ahurole
mais
nous
pensons
que
ceux
que
nous
venons
de
citer
sont
suffisants.
C'est
surtout
sur
le
plan
de
la
beauté
morale
que
l'op-
position
entre
Ahurole
et
Ihuoma
est
très
prononcée.
la
première
est
possédée
par
un
mauvais
esprit
ou
" agwu "
qui
272
1
fait
qu
Ahurole
a
un
comportement
excentrique;
comporte-
ment
qui
est
l'une
des
causes
possibles
de
l'échec
du
ma-
riage
entre
elle
et
Ekwueme.
"La seconde
est
d'une
beauté
morale
irréprochable;
beauté
qui
sera
révélée
comme
émanant
de
l'appartenance
d'Ihuoma
au
Roi
de
la
Mer:
donc
une
beaü-
té
d'ordre
surnaturel.
C'est
cette
beauté
qlitAhlirole
ne
po s s è d e
pas
et
q u'
Ek wu e me
dés ire
à
t 0 u t
p ri x;
d 1 0 Ù
son
insatisfaction
et
son
obstination
à
vouloir
épouser
Ihuoma.
La
beauté
morale
est
la
première
des
qualités
que
l'homme
recherche
chez
la
femme
dans
la
société
traditionnelle
africaine
et
sürement
dans
d'autres
sociétés.
Mais
ce
qui
importe
chez
Amadi
c'est
moins
la
présence
ou
l'absence
d'une
beauté
morale
ou
physique
que
les
inter-
prétations
et
les
représentations
de
ces
deux
aspects
des
personnages.
Ainsi
la
beauté
physique
d'Ihuoma
est
une
des
causes
des
malheurs
auxquels
les
hommes
sont
confrontés.
En
effet,
sa
beauté
excessive
attire
les
personnages
qui
ignorent
le
lien
qui
existe
entre
Ihuoma
et
l'Etre
Surna-
turel. t.""
conséquence
de
cet
attrait)
,.,
les
hommes
sont frappés
de
mort
par
le
Dieu
de
la
Mer.
Au-delà
des
signes
visibles
de
la
présence
ou
de
l ' ab-
sence
de
la
beauté.
i l
faut
surtout
retenir
le
fait
que
le
personnage
doit
ce
manque
où
cette
présence
à
des
forces
extra-humaines.
Amadi
se
sert
donc
du
surnaturel
comme
un
moyen
de
justification
dû
comportement
du
personnage
féminin.
Celui-ci
devient
donc
un
personnage
habité
par
les
forces
qui
le dépassent et qui agissent en lui. Amadi
273
distingue
donc
le
personnage
féminin
du
personnage
masculin
en
faisant
apparaître
le
premier
comme
un
~tre
ayant
une
double
personnalité,
dont
l'une
est
inconnue;
i l
s'agit
du
double
surnaturel.
Le
personnage
féminin
est
ainsi
en-
touré
de
mystère.
b. La dualité du personnage féminin.
Dans
The
ConcUbine
Ihuoma
appartient
à
la
fois
au
monde
j
des
hommes
et
au
monde
des
dieux.
Ahurole
est
habi tée
par
l
'e s p r i t
"A g wu" .
Mais
au .delà
de
ces
deux
personnages
typiques
et
prédominants
i l
y
a
la
surprise
qUe
créent
les
autres
personnages
féminins
dans
The
Concubine.
Toutes
sont
dotées
d'une
vertu
qui
surprend
plus
d'un
per-
sonnage:
la
mère
d' Ekwueme
accouche
au
moment
où
les
per-
sonnages
s'y
attendent
le
moins.
Elle
crée
une
surprise
car
i l
était
reconnu
que
le
temps
qui
s ' é t a i t
écoulé
après,
la
naissance
d' Ekwueme
étai t
la
preuve
qu 1 elle
ne
pouvai t
pl Us
avoir
d' enfan ts.
Wol u,
la
femme
de
Madume,
crée
aussi
la
surprise
en
rendant
visite
à
Ihuoma
après
la
mort
du
mari
de
celle-ci
et ce, malgré le fait que 1401u soupçonne
la
responsabilité
de
son
mari,
Madume,
dans
le
décès
d'Eme-
nike.
La
mère
d'Ahurole
elle,
parvient
à
traverser
la
r i -
viére
de
Mini
Weku
avec
une
potion
magique;
potion
qui
demeure
Une
énigme.
En
effet,
le
problème
de
savoir
si
Il
Il
cette
pot i on
est
l'un e
des
causes
possibles
de
la
folie
274
d'Ekwuene
reste
toujours
en
suspens.
La
mère
d'Ihuoma
est
le
seul
personnage
qtii
rejette
ouver temen t
et
ca té gori quemen t
l a
th ès e
d' une
caus e
na tü-
relIe
à
la
mort
d'Emenike.
Elle
acclise
directement
Madume,
et
dans
une
sorte
de
prophétie
demande
à
Amadioha
de
rendre
justice:
"Emenike
will
seek
out
his
murderers and
deal
with
them from
the
spirit world( . . . )
Amadioha will
kill
them
one
by
one."
fp-21).
Madume
meurt
par
pendaison,
acte
qui
n'est
pas
délibéré
comme
le
révèle
plùs
tard
le
"medicine
man".
Madume
à
été
polissé
au
suicide
par
des
forces
extérieures.
La
mort
de
~1adurrie
confirmE:~~ donc
les
pouvoirs
cachés
d' Okachi;
elle
a
une
double
nature.
IL
en
est
de
même
des
autres
person-
nages
féminins.
Dans
The
Great
Ponds, nous
pouvons
rappeler
l'annonce
par
la
vieille
Ochomma
de
sa
propre
mort
et
des
malheùrs
qui
vont
s' abattre
sur
le
clan
d' Erekwi.
Mais
bien
avant
cette
prophétie
Ochomma
étonne
les
personnages
par
deùx
fois
en
faisant
des
révélations
trés
importantes;
la
première
fois
elle
fait
une
confidence
capitale
à
Olùmba:
"My
son~
Amadioha
and
Ojukwu
wi II
preserve
your
life.
l
have
heard
what
you
are
doing
for
the
village.
( . . . )
When
you
go
to
bed
put
some
owho
sticks
outside
your
door
to
prevent
evil
spirits
from
distvrbing
you
at
night.
Ogbunabali
will
not
hurt
you
be-
cause
the
Pond
of
Wagaba
is
ours;
i t
is
the wicked roving
spirits
we
have
to
fear."
"1
am
sure
the
~ods
will
protect
me
mo-
ther. "
" No doubt about
that~ but do as r tell
you.
Even
Amadioha
can
be
careless
at
times~
but
r have warned him to see you through
this
or
face
my contempt."
(6)
275
Ochornma
semble
avoir
des
relations
paticulières
avec
les
dieux.
01 umba,
rapporte
le
narra tel.1r,
n'a
jamais
enten-
du
quelqu'un
parler
de
la
sorte:
Olumba
never
heard
anyone
speak
of Amad~ha
in
such
tones.
Ochomma
spoke
as
i f
Amadioha
were
her
son.
(p.94).
Nous
savons
que
cette
révélation
faite
par
la
vieille
Ochomma
se
réalise
pratiquement
et
cela
attire
l'attention
du
lecteur
sùr
le
caractère
m.)'stèrieux
de
ce
personnage.
Malgré
l'épidémie
de
"wonjo",
Olumba
arrive
à
survivre;
accordant
ainsi
la
victoire
à
Chiolu;
même
si
la
fin
du
roman
indique
que
le
suicide
de
Wago
rend
impossible
l'ex-
ploitation
du
marécage,
i l
n'en
demeure
pas
moins
qu'il
devient
la
propriété
de
(hiolu.
La
deuxième
fois
où
Ochomma
fait
preuve
de
pouvoirs
qu'elle
détient
c'est
lorsqu'elle
affirme
avoir
des
"medi-
cines"
qui
surpassent
ceUx
des
"medicine
men":
1/
l
have
medicines
that
Achichi
will
never
dream
of.
My
son~
great
dibias
are
no
more.
We
now
have
lay
men
pos ing
as
dibias. (p14 7)
En
dehors
de
la
vieille
Ochomma
nous
avons
déjà
souligné
le
cas
de
'Chisa
qui,
en
plus de
son
statut
en
tant
que
réin-
carnation
de
sa
grand-mère,
étonne
son
père
par
la
maturité
de
son
esprit,
de
ses
décisions
et
surtout
de
ses
prédic-
tions.
Il
faut
aussi
signaler
le
retour
des
deux
femmes
de
Chiolu
vendues
en
esclavage
qùe
nous
avons
analysé
dans
l'introduction
lorsque
nous
parlions
du
"merveilleux
pur".
Dans
The
Slave,nous
rencontrons
des
personnages
féminins
non
moins
mystérieux
tels
que
Enaa,
la
vieille
Nyege
et
Adiba.
276
T 0 \\i s
Je ç;
p ers 0 n n age s
f é min in s n e
son t
pas
e 11 t 0 li rés
de
mystère;
mais
celix
qUi
le
sont,
contribuent
à
créer
iine
atmosphère
dans
laquelle
le
siirnaturel
coexiste
avec
le
natûrel.
Le
caractère
mystérieUx
des
femmes
alimente
l'ima-
ginaire
populaire
qui
croit
aüx
pOlivoirs
de
destruction
de
l ' ê t r e
féminin;
nolis
pens ons
no t ammen t
à
l h i.1oma
dans
The
Concübine.
c
Ihuoma
femme "fatale" ?
Plus
d'lin
critique
s'est
penché
sur
le
personnage
d'
Ihuoma
pour
savoir
si
celle-ci
est
une
femme
"fatale";
c'est-à-dire
ce
personnage
imaginaire
à
la
beauté
inéga-
lable
qui
a t t i r e
les
hommes
pour
ensuite
les
détruire.
Les
contes
et
le
folklore
africains
abondent
de
ces
histoi-
res
de
créatures
excessivement
belles
qUi
ne
sont
en
fait
qu'apparence
trompeuse
et
destructrice.
Ndiawar
Sarr
fai t
un
parallèle
entre
le
personnage
d' Ihuoma
et
"Mami
Watta":
"L 'histoire
est
du
domaine
du
fantastique
et
de
l'irréel.
Amadi
a
exploré
un
thème
très
répandu
en
milieu
africain~
un
thème
que
l'on
retrouve
dans
plusieurs
contes:
certaines
femmes
portent
malheur
à
leurs
soupirants.
Sur
la
côte
du
Golfe
de
Guinée~ il existe par exemple
la
célèbre
légen-
de
de
"Mami
Watta".
Cette
divinité
venue
de
la
mer
et
à
la
beauté
fatale. "(?)
Emmanuel
übiechina
reconnait
aussi
qUi
"
Ihuoma's
charac-
ter
in
The
Concubine
draws
on
re ligion
and
popu lar
myth.
277
She
is
not
conceived
as
an
ordinary
human
but
as
a
water-
maid
turned human,
wife
of the dreaded Sea-King
[. .. J(8).
Nous
retrouvons
cette
image
de
"Watermaid"
dans
la
qu~te
du
poète
Christopher
Okigbo
et
que
Gerald
Moore
analyse
en
ces
termes:
The
"watermaid" who
comes
to
him
[Okigbo}
in
moments
of
vision
is
no
sooner
glimpsed
than
lost,
leaving
the
poet
abandonned
upon
the
shore. (9)
Le
personnage
du
"watermaid"
( 1 0 )
est
un
personnage
fuyant,
comme
l'indique
Moore;
i l
est
de
l'ordre
de
l'ima-
ginaire.
Mais
si
Amadi
s'inspire
de
cet
imaginaire
et
des
représentations
popUlaires
pour
"créer"
le
personnage
d'
Ihuoma,
i l
le
fait
de
façon
allusive
et
énigmatique.
Ce
n'est
qùe
vers
la
fin
du
roman
que
le
"medicine
man"
révèle
la
double
iden t i té
d' Ihuoma.
Cependant,
tout
aU
long
dù
récit
i l
Y
a
des
indications
implicites
qui
permettent
de
distinguer
Ihuoma
des
autres
femmes.
-
Le portrait physique.
Nous
rappelions
que
la
beauté
physique
d'Ihuoma
était
à
la
fois
héréditaire
et
surnaturelle.
Ihuoma
hérite
en
partie
sa
beauté
de
son
père:
Ogbuji,
Ihuoma' s
father,
received
her
in
his
quiet
but
warm manner.
He
was
a
thou-
ghtful
man
and
a
very
hands--ome.
Ihuoma
got
her
beauty
largely
from
him.
(p.36)
Chez
Amadi
l ' u t i l i s a t i o n
des
qualificatifs
intensifs
est
trés
importante
car
i l s
insistent
toujours
sur
quelque
chose.
Ains i
donc
nous
sav...... ons
que
le
père
d' Ihuoma
es t
278
"very
handsome"
et
qu'elle
obtient
"her
beauty
largely
from
him".
A
ce
niveau
le
lecteur
est
tenté
de
conclure
que
la
beauté
physique
d' Ihuoma
est
purement
hùmaine.
Mais
i l
Y a
d'autres
indications
qu'une
lecture
attentive
révèle.
Dès
la
page
onze
nous apprenons
que
les
sourires
d' Ihùoma
"were
disarming"
(p. 11)
et
qUe
ce
poùvoir
vient
du
fai t
que Ses
dents
sont
disposées
de
façon
particùlière.
Quelques
pages
plus
loin
nous
avons
Une
indication
quan1;
à
l ' e f f e t
de
ces
dents
sur
le
personnage
d'Ekwuene:
Again
and
~gain
Ihuoma's
pictuY'e
flashed
thY'ough his mind-Y'ounded~ beautiful~ dazzling
teeth
ùJith
a
beùJitching
gap~
sorY'oùJ-laden
eyes.
(p.24)
Les
adjectifs
et
les
adverbes
soulignent
la
beauté
d'Ihu-
orna.
Mais
i l
faut
aussi
noter
que
"dazzling
teeth"
et
"bewitching
gap"
laissent
percevoir
une
sorte
de
force
sùrnaturelle
qui
envoûte.
Cela
suggère
l'appartenance
d'Ihu-
orna
au
monde
surnaturel.
D'ailleurs,
comme
nous
l'avons
déj à
indiqué,
le
folklore
africain
est
riche
en
exemple s
qui
montrent
que
la
plupart
des
personnes
excessivement
belles
sont
dangeureuses
car
lelir
beauté
n'est
pas naturelle;
c'est
un
piège
inévitable
pour
ceux
qui
se
laissent
a t t i r e r .
Dans
la
littérature
nous
pouvons
citer
le
roman
Ef~rü,
de
Flora
Nwapa,
dans
lequel
l'héroïne
Efürü
est
trés
belle
et
a
des
liens
particuliers
avec
la
Déesse
des
Rivières.
Nods
pouvons
donc
faire
un
parall~le entre
Ihuoma
et
Efuru
ne
serait-ce
que
sur
le
plan
de
leur
origine
qui
s'inspire
des
contes,
mythes
et
croyances
populaires.
Chez
279
Amos
Tutuola
le
danger
qu'il
y
a
à
suivre
une
créature
excessivement
belle
n'est
pas
seülement
décrit
mais
démontré
à
travers
des
chapitres
comme
"Do
not
Follow
Unknown
Man's
Beauty"
et
"The
Lady
Was
Not
To
Be
Blamed
For
Following
The
Skull
As
A
Complete
Gentleman"
dans
The
Palmwine
Drin-
kard.
Pour
revenir
à
Ihüoma,
les
indications
implicites
permettent
de
conclure
sur
la
dualité
de
ce
personnage;
sa
beauté
physique
est
à
la
fois
naturelle
et
surnaturelle.
- Le portrait moral.
La
nature
dualiste
dü
portrait
physiqüe
d'Ihuoma
nous
aide
à
mieux
comprendre
son
comportement
dans
le
roman.
Son
portrait
moral
peut
être
de
nouveau
saisi
grâce
aux
indications
explicites
et
implicites.
La
première
indication
explicite
concernant
le
portrait
moral
d'Ihuoma
apparaît
à
travers
les
soins
et
l'affection
que
celle-ci
porte
à
son
ma r i ,
Emen i k e,
a p r è s
ses
b les s ü r es.
Aü
cha pit r e
t roi s
nous
voyons
Ihuoma
et
Emenike
passer
d'agréable
moment
ensemble.
PLUs
le
narrateur
de
façon
implicite
süggère
le
portrait
moral
d'Ihüoma:
That
she
was
beautiful
she
had
no
doubt~
but
that
did
not
make
her
arrogant.
She
was
sympathetic~
gentle~
and
reserved.
It
was
her
husband' s
boast
that
in
their
six
years
of
marriage
she
had
never
had
any
serious
quarrel
with
another
woman.
She
was
not
good
at
invectives
and
other
wom~n
talked
much
faster
than
she
did
( . . . )
her
prestige
among
the
womanfolk
grew
until
eve n
the
mos t
garru lous
among
t hem
was
re-
luctant
to
be
unpleasant
to
her.
She
found
herself settling quarrels and offering advice
to
older wome.n.
(11)
280
A
travers
ce
passage
Ihuoma
apparaît
comme
une
femme
idéale;
tout
est
parfait
chez
elle.
Son
prestige
est
grand
et
elle
devient
le
centre
d'attraction
et
de
décision
pour
les
aùtres
personnages.
Ihùoma
est
une
femme
modèle.
Elle
fait
l'admiration de
tous.
Il
est
même
étonnant
de
constater
qùe
dans
cette
société
où
les
personnes
agées,
les
aînées,
jouent
le
rôle
de
sages,
ce
rôle
est
ravi
par
It:i.
jeune
Ihuoma
qUi
réconcilie
les
femmes
en
qùerelles
et
qui
donne
des
conseils
à
de
plûs
vieilles
femmes.
Ihuoma
doit
sans
doute
ses
qualités
à
sa
double
nature,
hùmaine
et
divine.
Seùle
cette
double
nature
peùt
expliquer
l ' a t t i t ù d e
d'Ihuoma
lorsque
Wolu
lui
rend
visite
après
la
mort
d'Emenike.
IhUoma
reçoit
Wolu et
ce,
malgré
le
fait
que
tout
le
monde
soupçon-
ne
la
part
de
responsabilité
de
Madume
dans
la
mort
d'Eme-
nike.
La
natùre
exceptionelle
d' Ihuoma
l'empêche
de
dire
la
vérité
à
~olu:
Ihuoma's
first
impulse
was
to
tell
Wolu
to
her
face
that
she
was
shedding
the
tears
of the wicked ( ... )
But
her
gentle
nature
prevailed
and
she
stared
at
Wolu
steadily.
Reluctantly
she
admitted
to
herself
that
Wolu's
tears
were
genuine.
(12)
Ihuoma
adopte
la
même
attitùde
lorsque
Wigwe
lui
propose
ironiquement
d'épouser
Ekwuene.
Ihuoma
réprime
sa
colère
et
ses
sentiments
et
ne
dit
aucun
mot
qùi
puisse
choquer
le
vieil
homme.
Elle
fait
preuve
d'un
contrôle
de
soi
inima-
ginable
et
accroît
ainsi
sa qualité
de
femme
exemplaire.
I l
est
aussi
intéressant
de noter
qUe
tout
ce
qUi
se
rattache
à
Ihuoma
a
une
valeur
particulière:
ses
enfants
281
sont
bien
élevés
et
bien
portants.
Ses
champs
sont
tr~s
productifs
et
très
bien entretenus.
A la mort
de
son mari
elle
devient
une
veuve
particulière
et malgré
le
fait
que
"only
the
roofs
of lùidolùS
leak during
the
rains"
(p.4?),
Ihùoma
reçoit
l'assistance
de
Nnadi,
Wakiri
et
Ekwuene
et
c'est
ce
qùi
lùi
permet
de
dire
"I no
longer care
hOlù heavily
i t may
rain
this
year".(p.46)
Les
autres
personnages
ont
presque
tous
une
bonne
opinion
d'Ihuoma.
C'est
le
cas
de
Wolu:
( . . . )
she
had
a
secret
liking
for
Ihuoma.
Apart
from
her
obvious
beauty,
her
open,
frank
and
gent le
nature
appeal
to
her.
Why,
even
afterEmenike' s
fight
lùith
her
husband,
Ihuoma
had
gre-eted
her
each
time
they
met
on
the
lùay-
a
thing
most
lùomen
lùould
not
do.
pp(l.9-20).
Lorsque
les
parents
d' Ekwuene
découvrent
que
celui-ci
a
l'intention
d'abandonner
Ahurole
pour
épouser
Ihuoma,
ils
essaient
d'imaginer
les
causes
possibles
d'une
telle
condui te
de
la
part
d' Ekwuene.
Pour
Adaku
Ihuoma
a
sans
au c un ' do ut e
en sor cel é
son
f i l s.
Mai s
pou r I e
p ère,
Wi g we ,
c'est
plutôt
la beauté
physique
d'Ihtioma
qui
attire
Ekwuene:
He
could not
blame him
(Eklùuene)
very
seriou-
sly.
Ihuoma
lùas
very
beautiful.
Everyone
'knelù
i t .
.Lt
lùas
unders-/tandable
that
her
'mature
beauty
should
turn any
man's
head. (pl05)
Cependant,
Wigwe
croit
que
la
beauté
morale
d'Ihuoma
l'emporte
sur
sa
beauté
physique
et
qu'elle
n'acceptera
pas
d'épouser
Ekwuene:
She
lùas
a
young
lùoman
of great
moral
courage
and
lùould
rather
die
than
do
anything
that
lùould
bring
public ridicule
on her.
(p.106).
282
Grâce
aux
différentes
indications
implicites
Amadi
n'a
pas
besoin
d'insister
ouvertement
sur
l'appartenance
d'Ihu-
orna
au
monde
surnaturel
ce
qui
risquerait
de
faire
apparaî-
tre
son
roman
comme
un
conte
de
fée.
I l
appartient
surtout
au lecteur
de
savoir
lire
entre
les
lignes;
de
ne
pas négli-
ger
les
petits
détails
pour
pouvoir
découvrir
le
véritable
personnage
d'Ihuoma.
A la
question
que
nous
nous
posions
au
début
de
ce
chapi-
tre,
à
savoir
si
Ihuoma est
une
femme
"fatale",
nous
pouvons
répondre
paroui et par non ..
Oui
parce
que
Ihuoma
est
d'une
beauté
inégalable
et
qu'elle
a t t i r e
tous
les
personnages.
Tous
les
hommes
qui
l'ont
approchée
ont
connu
la
mort.
La
mort
des
personnages
conforte
le
sentiment
selon
lequel
Ihuoma
serait
une
femme
"fatale".
Mais
nous
pouvons
en
même
temps
dire
qu
'Ihûoma
n'est
pas
une
femme
"fatale"
et
c'est
ce
à
quoi,
nous
pensons,
Amadi
veut
aboutir.
I l
y
a
une
ambiguïté
qui
est
crééeet
cela
est
typique
au
fantastique.
D'une
part,
nous
pouvons
dire
qu'il
y
a
une
ironie
dans
l e t rai t e men t
d u t h ème
de
la
f e mm e
fat ale.
En
e f f et 1 l h u 0 ma
ignore
tout
de
sa
double
nature.
Nulle
part
dans
le
roman
i l
n'est
question
d'une
quelconque
action
d'Ihuoma
pour
a t t i r e r
les
hommes
vers
elle.
L'amour
qu'elle
avait
pour
Emenike
n'étai t
pas
un
amour
déguisé
mais
un
amour
vrai.
Nous
pouvons
aussi
remarquer
qu
Ihuoma
a
eu
trois
enfants
avec
Emenike;
ce
qui
n'est
généralement
pas
le
cas
des
femmes
fatales
qui
n'accordent
pas
ce
privilège
à
leurs
283
maris.
Ihuoma n'a
jamais
souhaité
la
mort
de
ceux
qui
l'ap-
prochent.
D'autre
part,
nous
pouvons
dire
qu'Ihuoma
n'est
pas
üne
femme
fatale
et
qu'elle
est
plutôt
victime
d'une
fata-
l i t é ,
de
forces
qui
la dépassent.
Le
personnage
de
la
femme
fatale
dans
The
Concubine
est
paradoxal
car
i l
est
à
la
fois
victime
et
instrument
des
puissances
extérieures.
Et,
comme
le
remarque
si
bien
Georges
NYamnd-i ~
By
ki lling
her
(Ihuoma' s)
husband~
Fate
has
co ndemned
her
t 0
widow--··hood
and ~
wi tho u t
her
knowing
it~
is
continuing
to
work
through
her
to
bring other young men
to
their doom. (13)
Si
nods
nous
sommes
attardés
sUr
le
personnage
d'Ihùoma,
c'est
qu'il
est
riche
de
significations
et
d'informations
slir
le
personnage
féminin
aussi
bien
dans
le
roman
que
dans
l'imaginaire
populaire.
Nous
avons
pu
mesurer
la
com-
plexité
de
ce
personnage
en
particulier
et
des
autres
per-
sonnages
féminins
en
général.
Mais,
i l
Y a
dans
les
romans
amadiens
d'autres
représentations.
B - Ironie ou revalorisation du personnage féminin.
Il
Y
a
chez
Amadi
une
certaine
ironie
dans
le
rapport
homme/femme.
Dans
The
Concubine
le
personnage
central
n'est
1
pas
un
homme
mais
ùne
femme.
Il
Y
a
une
sorte
d'inversion
des
valeurs
de
cette
société
mascùline
de
la
part
de
l'aù-
teur
et
c'est
ce
qui
noüs
fai t
parler
d'ironie
dans
son
o eu v r e ;
i r 0 nie
en t end u e
ici
co mme
un
" a p pel
qu'il
faut
entendre;
un
appel
qui
nous
dit:
complétez
vous-mêmes,
284
rectifiez
vous-mêmes,
jugez
par vous
mêmes."(14)
Nous
pouvons
aussi
parler de
la revalorisation du
person-
nage
féminin
dans
l'oeuvre
amadienne
dans
la
mesure
où
i l
est
représenté
sous
un
angle
positif.
Nous
constatons
1 e
sou ci
qu'a
l ' a li t e ur
de
fa ire
par 1 e r
et
agi r
1 a
f e mm e
à
des
moments
cruciaux.
Mais
cette
présence
féminine
ne
parvient
pas
à
briser
les
barrières
sociales
entre
les
hommes
et
les
femmes;
cependant,
elle est
très
significative
dès
lors ~UfAmadi trouve matière
à représentation littéraire.
Contrairement
à
la
façon
dont
on
a
coutume
de
présenter
la
femme
traditionnelle
africaine,
c'est-à-dire
l'image
d'un
être
querelleur
dans
les
ménages
polygames
ou
absent
dans
les
grandes
décisions
de
la
société,
Amadi
choisi t
une
autre
image
de
la
femme
dans
ses
romans.
Il
lui
accorde
une
place non négligeable
dans
le
récit.
Il
y
a
une
structure
symbolique
de
la
narration
où
la
femme
apparaît
comme
élement
essentiel.
Dans
The
Concubine
1
Ihuoma
est
le
personnage
central
autour
de
qui
les
autreS
personnages
gravi tent.
C'est
autolir
d' Ihuoma
que
le
réci t
se
construit
et
avance.
Tout
se
ramène
à
elle.
C'est
donc
à
travers
elle
que
les
grands
évènements
vont
se
réaliser:
i l
s'agi t
pour
Amadi
de
suggérer
l'appartenance
d' Ihuoma
au
monde
surnaturel
et
de
décrire
les
liaisons
dangeureuses
que
les
personnages
masculins
nouent
avec
elle
pour
final-
lement être
détruitS par
les
forces
invisibles.
Dans
The
Great
Ponds,
Amadi
oppose
la
stupidité
des
hommes
à
la
clairvoyance
des
femmes.
Ces
dernières
sont
. ..E%$tA."&2
285
protégées
par
des
forces
invisibles;
en
l ' occurence
par
le
Dieu
Ali.
La
guerre
entre
~hiolu
et
Aliakoro
atteint
son
paroxisme
qUand
Aliakoro
et
Abij i
prennent
des
femmes
de
':hiolu
pour
les
vendre
en
esclavage.
I l
y
a
alors
une
désintégration
cosmique;
la
mort
frappe
de
partout.
Le
calme
ne
revient
que
lorsque
les
deux
femmes
de
~hiolu
sont
de
retour.
Ironiquement
le
pouvoir
que
les
hommes
nie n t a u x
f e mm es,
c e 11 e s - c i l e s a c q ÎJÎè r e n t
d e
f a ç on
my sté -
rieuse
grâce
aux
puissances
surnaturelles
et
sacrées
qùi
les
protègent.
.....
Dans
The
Slave
c'est
à
l'instigation
de
la
vieille
Nyege
,
..~~,-. .
f'fc...:
que
les
hommes
consentent
à
accUeillir
Olùmati
aù
milieu
d'eùx.
C'est
aussi
grâce
à
sa
soeur
Aleru
qu
'Olumati
par-
vient
à
s'insérer
dans
la
société
des
hommes
libres.
Nyege,
Aleru,
Enaa,
Adiba,
sont
sans
conteste
les
figures
dominan-
tes
à
côté
de
celles
de
Nye~e, de Wizo, d'ASo et d'Olümati.
I l
Y
a
donc
une
Utilisation
particulière
dû
thème
et
de
la
forme
dans
l'oeuvre
amadienne
pour
rendre
compte
des
relations
entre
les
hommes
et
les
femmes
dans
ses
romans.
Amadi
se
rapproche
de
Chinua
Achebe
qui
d'une
manière
;: .
symbolique
et
ironique
fait
qu
, Okonkwo
est
victime
des
actions
jugées
féminines
qu'il
cherche
à
éviter
à
tout
prix.
Ainsi
dans
Things
Fall Apart
les
trois
grands
moments
du
roman
ont
un
rapport
avec
les
offenses
"féminines"
com-
mises
par
Okonkwo
à
l'égard
de
la 6éesse
Ani.
Dans
l'oeuvre
amad ienne
si
nous
cons i dérons
l hlioma
comme
une
s or te
de
déesse
dans
The
Concubine
nous
pouvons
faire
un
parallèle
286
entre
Amadi
et
Achebe
en
disant
que
de
façon
ironique
la
femme
semble
guider
les
év~nements du monde trop "masculinisé".
C'est
surtout
à
travers
les
paroles
prononcées
par
les
femmes
et
les
actions
qui
se
rapportent
à
elles
que
nous
pouvons
nous
faire
une
idée
de
l'image
de
la
femme
dans
l'oeuvre
amadienne.
A
la
mort
d'Emenike
Ihuoma
doit
porter
le
deuil
pendant
1
une
longue
période.
Elle
doit
aussi
assurer
des
funérailles
grandioses
à
son
défunt
mari.
En
faisant
passer
Ihuoma
par
de
telles
épreuves
Amadi
veut
faire
ressortir
les
inéga-
l i t é s
entre
l'homme
et
la
femme;
inégalités
instituées
le
plus
souvent
par
les
hommes.
Ihuoma
reconnaît
ces
inéga-
l i t é s
quand
elle
dit
que'!women
are
unlucky.
They
are
denied
many
things. "(p.84).Nous
ne
ferons
pas
la
l i s t e
de
ce
qui
est
refusé
à
la
femme.
Nous
avons
déjà
•
signale-.
le
f a i t
qu'il
n'est
pas
permis
aux
femmes
d'accéder
à
certaines
1
fonctions
ou
d' executer
certains
travaux.
Que
l'on
se
rap-
pelle
l ' a t t i t u d e
de
Madüme
vis-à-vis
de
sa
femme
lorsqu.
i l
est
devenu
aveugle:
The
extra attention she
had
to
pay
her husband
did
not
bother her
so much
as
the
realization
that
she
now
had to
take
some
major
decisions
herself·
Looking
at
their
reception
hall
one day
she
said:
"]
think
our
reception
hall
needs
repairing"
then
added quickly.
"] shall see
to
i t
as
Soon
as
possible."
"Leave
the
reception
hall
alone~" her husband
snapped. "who
is
staying
there anyway?"
"]1will fall if nothing is done."
"Let
i t
fall
then."
(15)
Madume
est
trop
orgueilleux
pour
faire
des
concessions
à
sa
femme
et
la
laisser
exécuter
des
travaux
d'homme.
287
Dans
cette
société
on
pense
souvent
que
la
femme
est
dépour~
vue
de
raison
et
que
l ' homme
est
toujours
et
partout
le
meilleur.
Mais
ce
n'est
pas
le
cas
lorsque
la
femme
d'Eze
Okehi
dénonce
l'absurdité
de
la
guerre
menée
par
les
hommes
dans
The
Great
Ponds.
Dans
cette
société
l ' homme
s'entoure
de
préjugés
qu'Amadi
représente
de
façon
ironique
dans
ses
oeuvres.
Ainsi
avec
Olumba
nous
aprenons
qu'il
n'y
a
aucune
possibilité
d'établir
une
parité
ou
une
égalité
entre
l'homme
et
la
femme:
"There
is
no
place
in
the
world
where
one
man
equated
to
one
woman.
Our
village
main-
tains
that
one
man
is
equaZ
to
four
wom(en
or more.
I f you want
your man,you
must
let
us
h a v e
0 ur
fou r
w0 men
bac k
in
ex cha n g e. "(1 b )
Le
père
d'Ekwuene,
lui,
pense
qlie
les
femmes
sont
stu-
pides;
ce
que
Adaku
rejette
partiellement:
"Do
you
remember
the
argument
we
had
about
Ihuoma?"she
asked
triumphantZy.
"Yes"
"Women
are
not
always
fools"(p.l05).
Il
y
a
comme
un
cri
de
protestation
dans
l'oeuvre
ama-
dienne
contre
le
sort
réservé
aux
femmes.
Amadi
semble
montrer
un
miroir
de
la
société
traditionnelle
dans
l~qûel·
se
reflètent
les
inégalités
et
les
injustices.
Un
effort
de
revalorisation
du
personnage
féminin
est
entrepri
par
l'auteur.
Mais
cette
revalorisation
ne
consiS_
te
pas
à
donner
les
mêmes
pouvoirs
de
l'homme
à
la
femme;
elle
met
en
exergue
les
qualités
et
les
vertüs
du
person-
nage
féminin
que
l ' homme
ne
possède
pas.
La
revalorisation
consiste
aussi
à
donner
la
parole
aux
femmes
pour
dénoncer
l'attitude
des
hommes.
288
Dans
la
littérature
africaine
les
différents
auteurs
ont
toujours
cherché,
chacun
à
sa
façon,
à
représenter
le
personnage
féminin
en
fonction
de
. ses
convictions.
Chez
Achebe
la
femme
joue
un
rôle
symbolique
et
strücturel.
Soyinka
fait
de
Se8i
une
figure
héroïque
dans
Kongi's
Har-
vest;
elle
joue
le
rôle
d'opposante
politique,
de
symbole
de
vie
et
de
mort.
Alors
que
dans
Les
métamorphoses
dE.
Frère
Jéro,
la
femme
de
Chume
dénonce
l'attitude
du
Frère
Jero
et
lui
réclame
ce
qu.' i l
lui
doi t .
La
femme
a
touj ours
une
place
symboliqu.e
chez
Soyinka.
Il
en
est
de
même
chez
Ngugi
WaThiong'o
dans
A
Grain
of
Wheat
et
PetaIs
of
Blood
où
les
femmes
sont
révolutionnaires
de
même
que
les
person-
nages
féminins
de
Sembène
Ousmane
dans
Les
bouts
de
bois
de
Dieu.
Sans
t i r e r
de
conclusions
trop
hâtives,
noûs
pouvons
dire
que
la
femme
est
objet
d'ûn
traitement
particulier
dans
la
l i ttérature
africaine.
Les
thèmes
vont
de
la
femme
mythique,
mystérieuse
en
passant
par
la
prostituée,
la
femme
stérile,
la
femme
à
la
maison,
la
femme
exploi tée,
bafoüée,
mal trai tée,
etc . . .
Autant
de
sùj ets
et
biens
d' au.-
tres
qùi
préoccupent
les
différents
auteurs
africains.
La
diversité
des
représentation
rend
impossible
toute
vision
globalisante
où
réductrice
de
la
femme
africaine.
Ce
qui
apparaît
chez
Amadi
ne
tient
que
d'illustration
à
quelques
aspects
d'une
si tuation
tr~s
complexe
et
tr~s
riche.
289
NOTES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
SUR LA DEUXIEME PARTIE
CHAPITRE
VI.
(1)
cf
Alfred
KIEMA,
"Relationship
between
men,
priests,
and
gods"
in
Traditional
Life
and
African
Folklore
As
seen
throQgh
ChinUa
Achebe's
and
Elechi
Amadi's
Works.
Maîtrise
d'anglais,
Université
de
Oùagadougou,
Nov.
1984.
(2)
PoÙ'r
de
plus
amples
informations,
se
reporter
à
Jean
SEVRY,
PoOr
one
lecture
anthropologiqUe
d'Arrow
of
God;
BASDEN,
Among
the
Ibo
of
Nigeria;'
HENDERSON,
The
King
in
Every
Man.
ACHEBE,
"Chi
in
Igbo
Cosmolo~
in
Morning Yet On Creation Day;
FORDE,
"Religioùs
Beliefs
and
Cül ts"
in
Ethnographic
sUrvey
of
Africa
Part
III:
The
Ibo
and
Ibi bio
Speaking
People
of
South
Eastern
Nigeria.
1950,
Stone 9.1
Cox,
London.
J.
BEMBA,
Les
Rapports
entre
les
Hommes
et
les
DieUX
dans
l'Oeuvre
d'Elechi
Amadi,
Thèse
de
3ème
cycle;
Totilotise-Le
Mirail,
1981.
(3)
The
Concübine,
p.
99.
(4)
Ibid,
p .. 6.
( 5 )
John. S . ~1BITI ,
An
Introduction
to
African
Religion,
Great
Britain:
H.E.B.,
1975;
p.53.
(6)
The Great Ponds,
pp.
87-88
(7)
The Slave,
p.140.
( 8 )
cf.
Eliane
AMAIZO,
"Arrow
of
God
et
le
crépüscûle
des
dieüx"
in
Echo
do
Commonwealth
no.
5;
Chin'Ua
Achebe:
A~row of Gad et ses critiqoes, 1979-1980.
(9)
The Great
POnds,p.89
(10)
Ibid;
p.
130.
(11)
Life
in Ghana"
Commonwealth
topic
no.10,
p.24
(12) cf.
ACHEBE,
No
Longer
at
Ease;
"Marriage
is
a
private
Affair"
&
"èhike's
School
Days"
in
Girls
At
War
and
=.:.......;:~---..;;..;;..,;;,.-;..;....;;;"'------"'=
other Stories.
(13) .Ethics
in Nigerian Cult~re, op.
c i t . ,
p.
47.
(14,) :; ,The Concubine,
p.
9.
290
(15)
Chinùa
ACHEBE,
Things
Fall Apart,
p.
11.
( 16 )
NoUs
emprUntons
ce
t i t r e
aV
poème
de
Birago· DIOP
"Souf-
fles"
in
Leurres
et
Lueürs,
Paris:
Présence
Africaine,
1960.
(17 ) The Concnbine,
p.
39.
(18)
Ibid,
p.58.
(19)
Ibid.,
pp.
195-196.
(20)
cf.
Loûis
Vincent
THOMAS,
La Mort Africaine.
(21)
~he Concübine,p.33
(22)
voir
,Roger
CAILLOIS,
L'Homme
et
le
sacré,
op.
ci t. ,
pp.
8-9.
(23 ) The Slave,
p.
102.
(24)
cf.
flHrcea
ELIADE,
Le
mythe
de
l'éternel
retour.
(25)
The ConcObine,
p.
195.
(26)
cf.
Sigmùnd
FREUD,
"Le
retoÙ'r
infantile
du
totémisme",
in
Totem et TaboU OÛ E.DURKHEIM,
Les
formes
élémentaires
de
la vie
religieuse.
(27)
I l
faut
cependant
faire
exception
à
cette
généralité
car
si
cette
structuration
de
la réincarnation
s ' i l l u s t r e
bien
dans
les
oeùvres
l i t t é r a i r e s
d'Amadi
et
d'Achebe
i l
en
va
parfois
aùtrement
dans
la
vie
courante.
NoÙ's
avons
confirmation
de
cette
exception
à
travers
le
témoignage
d'UCHENDU:"My
family's
confidence
was
dOUbled
when
the
diviner
returned
his
verdict
that
l
was
Ufj
madu
reincarnated.
Ufjmadn
was
my
father's
immediate
older
brother,
the
third of
the
four
sons
of my
father's
mother.
On
his
deathbed
he
had
advised
my
father
to
marry
qüickly
for
"he
was
coming
back
to
him".
The
diviner's
verdict
could
not
be
doUbted;
l
have
"birth-
marks"
(three
black
spots
on
the
right
side
of
my
belly)
to
vindicate
i t
!
I t
is
claimed
by
my
father
that
my
"birthmarks
"resült
from
marks
made
on
Uf:::>madü postmortem
for
the
pUrpose
of
vindicating
his
"personality"
in
the
next
cycle
of
l i f e ,
which
l
now
represent".
UCHENDU,
op. ci t .,
p.
6.
(28) The
Great Ponds,
p.
27.
(29)
Ibid.,
p.124.
(30)
The Slave,
p.
15.
(31)
Ibid.,
p.
114.
291
(32)
The Great Ponds,
p.
128.
(33)
Ibid.,
PP.
134-135.
(34)
Ibid.,
p.
140.
(35)
Ibid.,
p.173.
(36)
cf.
Wole
SOYINKA,
My th,
Literatnre
and
the
Arrican
World;
Ch.
ACHEBE,
"Dead Men's
Path"
in Girls
at War . . . ;
Mazisi
KUNENE:"
The
Relevance
of
African
Cosmological
Systems
to
African Literatüre
Today"
in
Arrican Litera-
tOre Today,no.11.
(37)
ChinUa ACHEBE,
Things
Fall Apart,
p.
85.
CHAPITRE
VII.
(1)
Loüis
Vincent THOMAS,
op.cit.
p.199.
( 2 )
Noùs
emprUntons
les
termes
de
"Bonnes
mort"
et
de
"maUvaise
mort"
à
Lo~is Vincent THOMAS.
(3)
The Great Ponds,
p.151.
(4)
Ibid.,
p.150.
(5)
Loc.cit.
(6)
The Slave} E_~fo
(7)
Ibid.,p.87.
(8)
The Great Ponds,p.
38.
(9)
Chinua ACHEBE,
Things
Fall Apart,
pp.
7-8.
(la)
The Great Ponds,
p.76.
(11)
The ConcUbine,p.1.
(12)
Voir
Dominiqüe
ZAHAN,
op.
c i t . ,
pp.
62-86.
(13)
Cette
affirmation
concerne
la
société
Ibo
et
n'est
pas
ùne
généralisation;
car,
LoUis
Vincent
THOMAS
foUrnit
des
exemples
contradictoires
(oP.
c i t . ,
pp.1l4-122.)
( 1 4)
F I 0 r a
NWAPA,
l d \\l ,
(A WS ),
[197 OJ,
1 9 87;
p.
21 0 .
292
(15 )
The Great Ponds,
p.
150.
(16 )
Ibid. ,
p.
161 .
(17 )
The Slave,
p.
88.
(18 )
The ConcUbine,
p .
76.
(19)
René
GIRARD,
op.
c i t . ,
p.49.
(20) Chinua ACHEBE,
Things Fall Apart,
p.147.
(21)
The ConcObine,
p.24.
(22) Ibid.,
p.
28.
(23)
Ibid.,
p.33.
(24)
Louis
Vincent
THOMAS,
op.
c i t . ,
pp.
123-124.
NoOs
retroüvons
une
analyse
similaire
avec
Dominique
ZAHAN, ,op.
c i t . ,
pp.
62-86.
(25)
Mircea
ELIADE,
~spects d~ Mythe, Gallimard 1963; p.172.
CHAPITRE
VIII.
( 1 )
The ConcUbine,p.
8 .
(2 )
l bi d. ,
p .
17.
(3 )
Ibid. ,
p .
181 .
( 4 )
The Great Ponds,
p .
64.
(5)
A.NIVEN,
op.cit.,
(p.22),
propose
Une
traduction presque
similaire
au
mot
"dibia"
qÛ" i l
défini t
comme
"medicine
man
or
diviner".
Tandis
qùe
dans
York
Notes
on
The
Concobine
le
"dibia",
Anyika,
est
qüalifié
de
"fortùne-
teller".
(p.17).
(6)
E.OBIECHINA,
op.
c i t . ,
p.
99.
(7)
M. GREEN,
Igbo
Village
Affair,
Frank
Cass
&
Co
Ltd,
TI9 4 7J, 1964; p.53.
(8)
The ConcUbine.
pp.
5-6.
(9 )
Dans
IsibOrO,
Amadi
tente
de
sitUer
vaguement
Elùanyim
dans
l'espace
par
une
note
exp l i c a t ive:
" . . . a
t 0 wn
293
somewhere
on
the
bank
of
the
Cross
River
where
medecine
men
are
taÜight
the
deeper mysteries
of
life."
(p.9)
(10)
The ConcUbine,
p.
199.
(11 )
Ibid.,
p.159.
(12)
Gûlliver
est
Un
personnage
du
célèbre
roman
de
Jonathan
SWIFT,
GQlliverts Travel~
1726)
(13)
The Great Ponds,
p.
99.
(14)
The ConcObine,
p.
159.
(15)
Ibid.,
p.6.
(16)
Ibid.,
p.
199.
(17)
Ibid.,
p.210.
(l8)
OSUNDARE,
op.cit.
p.100.
(19)
Dominique
ZAHAN,
op.cit.,
pp.128-129.
(20)
The ConcUbine.
pp.
6-7.
(21)
Ibid.,
p.58.
(22)
The Great Ponds, p. 101.
( 23)
Ibid., p. 62 .
(24)
Ibid_.,
pp.
85-86.
(25)
Ibid.,
p.71.
(26)
L'accomplissement
d'Un
désir
selon
FREUD
011
le
fruit
de
finconscient
collectif selon JUNG.
cf.
aUssi
Maùrice
LEVY,
Gothique
et
fantastiqUe
in
FantastiqOe 1 o--,pS-..:...,.-::C,.=.i_t. ,
p.47.
et
Jean
LE
GAILLOT,
"Le
Rllve
et
le
travail
dU
rêve"
in
Psychanalyse
et
langages
l i ttéraires.
Théorie
et
pratique.
Nathan
Université-
Information
.Formation;
1977.
(27) The ConcUbine,
p.
50.
CHAPITRE
IX
(1)
cf.,.Bonnie.L.BARTHOLD, Black Time of-Africa,
the Carribean
and the United States, Yale University
Press~ 1981.
294
(2)
The
ConcUbine,
D.3ü.
(3)
The
Great Ponds,
p.
72.
(4).
Ibid.,
p.
106.
(5)
The
Concnbine,
p.
95.
(6)
The Great Ponds,
p.
94.
(7)
Ndiawar SARR,
op.cit.,
p.144.
(8)
E.OBIECHINA,
op.cit.,
p.96.
(9)
Gerald MOORE,
The
Chosen Tongue,
Longmans,
1969;
p.116.
(10)
cf.
Gilbert
DURAND,
"Les
visages
du
temps"
in StrCict\\lres
anthropologiques
de
l'imaginair~, op.cit., et BACUELARD
~'EaQ et les rêves, op. cit.
(11)
The ConcUbine,
pp.11-12.
(12)
Ibid.,
p.
20.
(13)
Georges
NYM1NDI,
op.
c i t . ,
p.184.
(14) Vladimir
JANKELEVITCH,
L'Ironie,
Paris:
Flammarion
1964;
pp.
68-69.
(15)
The ConcUbine,
p.
72.
(16)
The Great Ponds,
p.
58.
T ROI SIE ME
PAR T l E
L E
R E C l T
FAN TAS T l QUE
295
LA mrICN œ REt;IT
Notre
intention
n'est
pas
de
faire
ici
une
analyse
ap-
profondie
du
récit;
mais
de
souligner
quelques
aspects
que
recouvre
la
notion
de
récit
afin
de
mieUx
préciser
notre
étude
sur
le
rêcit
fantastique
dans
l'oeuvre
amadienne.
Il
faut
remonter
en
1928
et
à
Vladimir
Propp
dans
sa
Morphologie
dt!
Conte,
pour
si t Uer
le
débu t
de s
re che r che s
sur
la
notion
de
réci t.
Depuis
lors,
de
nombreux
travaux
ont
été
entrepris
aussi
bien
par
les
formalistes
russes
que
par
d'autres
chercheurs' tels
que
Jakobson,
Greimas,
Barthes,
Todorov,
Genette,
etc.
Ces
recherches
ont
donné
naissance
à
une
nouvelle
science:
"la
narra to logie
comme
théorie du
récit."
(1)
Il
s'agit
de
définir
ce
que
c'est
que
le
récit
et
d'observer
ses
différentes
formes,
son
contenu,
et
son
fonctiohnement.
NoUs
n'entrerons
pas
dans
les
détails
quarit à
la
défini-
tion
de
cette
notion;
qu'il
noùs
su-ffise
d'indiquer
qUe
l'on ne
peùt
parler
de
récit
que
lorsqu'il y
a
"représenta-
tion
d' (au moins)
un
évènement."
(2)
Cette
représentation
peut
se
faire
par
écrit,
oralement
ou
à
l'aide
des
images;
par
un
historien,
un
écrivain,
un
peintre,
un
cinéaste,
etc.
Comme nous
pouvons
le
constater
i l
y
a
plusieurs
formes
de
récit:
contes,
mythes,
légendes,
romans,
films,
journaux,
publicités,
etc.
Ces
récits
peuvent
partir
des
faits
réels
ou
imaginaires;
296
11
.
passés,
présents
ou
futurs,
vécus
personnels
ou
n. au trul .
Ils
peuvent
avoir
des
buts
bien
précis:
amuser,
éduquer,
informer,
argumenter,
convaincre,
plaire,
etc.
De
ce
bref
aperçu
du
récit
en
tant
qùe
genre
i l
ressort
une
certaine
ambigu"ité
quant
aux
frontières
qüi
existent
entre
la
forme,
le
contenu
et
la
portée
d'un
réci t .
Pour
résoudre
de
telles
ambiguïtés
nous
faisons
appel
à
Genette
qui,
à
notre
avis,
propose
une
distinction
assez
précise
des
différents
types
de
récit:
I l
nomme
"histoire
le
si-
.
gnifié
ou
contenu
narratif
(même
si
ce
contenu
se
trouve
être,
en
l'occurence,
d'une
faible
intensité
dramatique
ou
teneur
événementielle),
récit
proprement
dit
le
signi-
fian t,
énoncé,
discours
ou
texte
narratif
lui-même,
et
narration
l'acte
narratif
producteur
et,
par
extension,
l'ensemble
de
la
situation
réelle
ou
fictive
dans
laquelle
i l
prend
place."
(3)
C'est
à
la
lumière
de
cet
éclairage
de
Genette
que
nous
analyserons
les
romans
d' Amadi .
.Mais
tout
d'abord
i l
y
a
lieu
d'insister
sur
les
notions
de
cohérence
et
de
cohé-
sion
dans
l'oeuvre
amadienne.
En
effet,
aucune
étüde
de
récit
ne
peut
~tre
satisfaisante
sans
qu'on
ait
au
préa-
lable
observé
la
chronologie
des
événements;
leur
agence-
ment
et
le
lien
de
caûsalité
qui
existe
entre
ces
diffé-
rents
événements.
297
x - COHERENCE ET COHESION DE L'OEUVRE
Plus
d'un
critique
l i t t é r a i r e
a
insisté
sur
la
clarté
de
la
technique
narrative
et
la
simplicité
du
lang/age
et
du
style
d"Amadi
dans
son
premier
roman.
Tous
reconnais-
sent
en Amadi
un
grand
écrivain
à
cause
de
sa
grande
maîtri-
se
du
matériau
l i t t é r a i r e .
Pour
Eustace
Palmer
"Amadi's
style
is
lucid~
unpretentious
and
direct.
He
writes
with
the
ease
and
assurance
of
a
man
who
enjoys
writing.
It
is
difficult
to
find
flaws
in
this
small
masterpiece. "(4)
Il
ajoùtera
plus
tard,
toujours
à
propos
de
"The
Concubine"
/
que
c'est
" a
powerful
love
story~
written
with
effortless
ease~
in
lucid and
beautiful
prose. "(5)
N~tuS
avons
le
même
écho
favorable
chez
Ndiawar
Sarr
qQj parle d'une"
prés en ta t ion
sere ine
des
réa l i t és
de
la
soc i é té
africaine"
de
"l'art
de
raconter
de
l'auteur" et
dù
"
recu l
qu' i l
prend
par rapport
à
l ' his toire. "( 6)
Niven
constate
qu' "Amadi's
personality
never
consciouly
obtrudes
into
his
narrative
method . . . Amadi
makes
no
attempt
to
dev is e
a
narra tor -charac ter
or
to
in t e rpos e
au thoria l
comments.
He
aims
at
neutra l i t Y and obj ectiv ity. "( 7)
Obiechina(8),
Laurence(9),
Nyamndi(lO)
et
bien
d'autres
ont
eux
aussi
souligné
la
réussite
d'Amadi
dans
son
oeuvre.
Mais
au-delà
de
toutes
ces
appréciations
i l
nous
appartient
maintenant
de
montrer
comment
Amadi
élabore
ses
romans.
298
A - La cohérence de l'oeuvre:
l'ordre et la chronologie.
Les
romans
d'Amadi
qui
font
l'objet
de
notre
analyse
on t
P 0 ur
ca d r e l a
soc i été
t rad i t ion n e e 11 e
Ibo
en
par tic u -
lier
et
africaine
en
général.
Pour
rendre
compte
de
cette
réalité
africaine,
Amadi
doit
concilier
la
forme
romanesque
et
une
thématique
proche
de
la
réalité
de
la
société
décri-
te.
Ainsi,
pour
parvenir
à
la
forme
romanesque
Amadi
sélec-
tionne
des
individus
qui
sont
aux
prises
avec
les
réalités
sociales
et
surnaturelles.
Ces
individus ne
sont
pas
décrits
comme
des
personnages
individualistes
tels
qu'ils
apparais-
sent
dans
la
littérature
occidentale.
(11)
Au
contraire 1
Amadi
montre
une communauté
qui
forme
un
tout
et
qui
consti-
tue
un
corps
dont
toutes
les
parties
sont
inséparables.
Nous
avons
l'illustration
d'un
tel
organisme
dans
The
Concu-
bine
avec
le
village
d'Omokachi:
Omokachi
village
life
was
noted for
its tradi-
tion~
propriety~
and
decorum.
Excessive
or
fanatical
feelings
over
anything
were
frowned
upon
and
even
described
as
crazy.
Anyone
who
could
not
control
his
feelings
was
regar-
ded
as
be ing
undu ly
influenced by
h is
agwu.
Anyika
often
confirmed
this~
as
in
Ahurole's
case.
Even
love
and
sex were
put
in
their
proper
place .
I f
a
woman
co u ld
no t
marry
one
man
she
could always
marry
another
( . . . )
A mature's
man
love
was
sincere~
deep
and
stable
and
therefore
easy
to
reciprocate
difficu lt
3
to
turn
down.
That
was
why
i t
was
possible
for
a
girl
to
marry
a
man
without
formal
courtship.
Love was
love
and never
failed. (12)
Omokachi
est
réputé
pour
ses
tradi tions
et
l'adhésion
des
individus
à
ces
traditions.
La
tâche
d'Amadi
consiste
299
à
montrer
comment
l'individu
évolue
dans
un
tel
contexte.
Comme
le
notent
si
bien
les
auteurs
de
York
Notes
sur
The
Concubine:
"
Amadi
is
very
adept
at
picturing
not
only
living
individuals
such
as
Ihuoma
and
Ekwueme
in
The
Concu-
~..
Olumba
in
The
Great
Ponds..
or
Olumati
in
The
Slave,
but
also
in
showing
the
community
i t s e l f as
a
living
orga-
nism
to
which
all
are
vitally
connected,
for
better
or
worse. "(13)
Pour
parvenir
à
peindre
une
société
vraisemblable
i l
faut
que
l 'histoire
racontée
par
Amadi
ait
une
cohérence
interne
et
produise
une
illusion
de
réel.
fette
cohérence
ne
peut
être
atteinte
que
s ' i l
y
a
un
lien
de
causalité
entre
les
différents
événements.
La
cohérence
a
ici
partie
liée
avec
le
contenu,
le
sens
et
la
signification;
ou
comme
l'indiquent
Robert
de
Beaugrande
et
Wolfgang
Dressler:
Coherence
concerns
the
ways
in
which
the
components
of textual
world ..
i.e.
the
configu-
ration
of
concepts
and
relations
which
under-
lie
the
surface
text ..
are
mutually
accessible
and re l evan tG. . .]
Coherence
can
be
illustrated
particularly
by
a
group of relations
subsumed under causali-
ty.
These
relations
concern
the
ways
in
which
one
situation
or
event
affects
the
conditions
for
some other one. (14)
La
cohérence
est
une
nécessité
si
l'on
veut
aboutir
à
une
conclusion
vraisemblable
dans
une
oeuvre
et
susciter
un
certain intérêt
chez
le
lecteur.
Il
est
à
noter
que
dans
les
romans
amadiens
l ' histoire
consiste
à
rendre
compte
de
la
vie
des
personnages,
pour
qui
les
événements
sont
régis
par
un
autre
type
de
cau-
300
"
.
salité:
le
naturel
et
le
surnaturel
se
cotcJ.ent,
le
visible
et
l'invisible
se
complètent,
et
le
profane
et
le
sacré
coe xi s tent.
Amadi
ne
cherche
pas
à
démon t re r I a
vérac i té
de
telles
croyances
et
représentations
mais
à
rendre
plau-
s i b les
son
h i s toi r e .
Ain s i
dan s
The
Con c ü b in e l ' hi s toi r e
doit
amener
le
lecteur
à
la
conclusion
qu'Ihuoma
est
la
femme
du
Roi
de
la
Mer;
que
les
événements
qui
surviennent
dans
le
monde
de
ses
personnages
ne
peuvent
pas
être
expli-
qués
uniquement
par
les
lois
natùrelles
ou
scientifiques.
De
même", dans
The
Great
Ponds
les
armes
seules
ne
suffisent
1
pas
à
résoudre
le
conflit
autour
du
marécage.
Dans
The
Slave,
nul
n'est
sar
du
fait
qu'ülumati
n'est
pas
un
esclave
du
Dieu Amadioha.
Une
série
de
causes
sous-jacentes
déterminent
les
événe-
ments
et
font
avancer
l ' h i s t o i r e .
Nous
nous
intéressons
particulièrement
à
la
chronologie
des
événements
dans
l'oeu-
vre
amadienne,
et,
pour
ce
faire,
nous
dégagerons
la
spéci-
ficité
de
chaque
roman.
1 . Unité de temps et de lieu dans The Concubine.
En
parlant
d'unité
de
temps
et
de
lieu
nous
ne
nous
référons
pas
à
l'unité
de
temps,
de
lieu et
d'action
décrite
par
Aristote
pour
caractériser
la
tragédie.
Nous
entendons
par
unité
de
temps
le
rapport
qu'il
y
a
entre
les
événements
et
leur
ordre
de
déroulement
dans
le
réci t .
I l
s'agi t
donc
du
rapport
qu'il
Y
a
entre
le
temps
du
réci t
et
le
temps
301
de
l'histoire.
Dans
The
Conctibine,
l'histoire
s~it une certaine chronolo-
gie
avec
très
peu
de
rebondissements
dans
le
passé
antérieur
a~
temps
de
la
"fable"
(15)
i l
ya
très
peu
de
retours
en
arrière
ou
flashbacks;
ce
que
Genette
appelle
les
prolepses
et
de
narrations
antérieures
ou
flash-aheads;
analepses
selon
la
terminologie
gènettienne.
Il
y
a
don' très
peu
d'anachronismes
dans
The Concubine
L'un i t é
de
lie u
qua nt
à
e 11 e s ' 0 b s e r v e
d an s
l e
fa i t
que
l'action
du roman
se
passe
dans
le
seul
village
d'Omoka-
chi.
I l
Y
a
quelques
références
à
des
villages
voisins
comme
Chiolu,
Aliji
et
Omigwe;
c'est
par
exemple
à
Chiolu
que
la
mère
d'Ahurole
est
allée
chercher
la
potion
magique.
Les
parents
d'Ihuoma
habitent
Omigwe
et
elle
s'y
rend
après
le
temps
réglementaire
de
deliil.
Les
événements
qui
se
déroulent
dans
ces
villages
environnants
sont
mineurs
et
n'ont
rien
de
comparable
aux
actions
tragiques
qui
sur-
viennent
à
Omokachi.
Cependant,
ces
références
spatiales
confèrent
Une
impression de
réalité
au
village
d'Omokachi.
Nous
pouvons
donc
dire
que
dans
The
ConcUbine
i l
y
a
une
progression
linéaire
de
l'histoire
d'une
femme,
Ihûoma,
dont
la
relation
avec
les
hommes
aboutit
à
la
fin
tragique
de
ceux-ci:
d'abord
Emenike,
puis
Madume,
et
enfin
Ekwùeme.
Mais
par
rapport
à
cet
axe
principal
de
l ' histoire
i l
y
a
des
événements
parallèles
qui
constituent
le
tissu
social
et
permettent
aux
personnages
principaux
d'avoir
une
consis-
tance
et
Une
réali té.
I l
s'agi t
d'événements
tels
que
les
302
funérailles
d'Emenike,
les
arrangements
du mariage
d'EkwUeme,
la
consU'ltation
des
"medicine
men",
les
fêtes
coutumières
et
villageoises,
les
activités
quotidiennes
de
chasse,
de
pêche,
de
travaux
des
champs
etc.
Amadi
insiste
au
maximum
sur
les
activités
qUotidiennes
pour
rendre
compte
de
la
vie
d'U'ne
communauté
rUrale;
sa
caméra
est
très sélec-
tive
et
crée
une
unité
d'ensemble
dans
The
Concubine.
Et
, .
c'est
à
travers
l'histoire
cohérente
des
hommes
que
s
ln-
filtrent
des
événements
surnaturels;
événements
qui
ne
sont
pas
en
deçà
de
ce
moment
où
la
caUsalité
"mystique"
est en vigüeùr.
Tout
concourt
dans The Concùbine
à
démontrer
l'inséparabilité
de
l'humain et
du surnaturel.
Pour
mieux
rendre
compte
de
la
vie
de
ses
personnages
Amadi
se
sert
du
temps
agraire
pour
rapporter
l ' histoire;
ce
temps
est
exprimé
en
termes
de
semaines
de
quatre
jours,
de
chants
du
coq,
de
lunes,
de
saisons,
de
couchers
et
de
levers
du
soleil,
et
de
grands
événements
historiques
qui
ont marqué
l'histoire
de
la société.
A ce
temps
général,
s'ajoute
aussi
le
temps
mythique
qui
est le
temps
des
festi-
vals,
des
ri tes
et
coutumes,
et
des
pratiqùes
ancestrales.
Ce
temps
mythique
s'intègre
très
bien
dans
le
récit
et
ponctue
les
'-''activités
qUotidiennes
des
personnages.
C'est/
par
exemple,
le
cas
dans
le
nettoyage
ri tuel
de
la
bordùre
de
Mini
Weku
qui
se
déroule
à
un
moment
bien
précis
de
l'année.
Dans
The
Conc\\2bine,
Eke
est
un
gr and
j oür
et
a
valeur
de
symbole;
de
joUrnée
mythiqüe:
c'est
la
journée
de
sacrifice
et
d'offrandes
aux
dieux,
de
paix
et
de: repos .J
303
et
d'activités
lucratives.
Lorsqu'Ihuoma
demande
à
Nwokekoro
quand
les
sacrifices
d'action
de
gbâce
auront
lieu,
i l
lui
répond
ceci: 'My
daughter~ that will be on Eke~
the
usua l
day
for
sacrifices." (16)
C'est
aussi
un
"Eke"
que
Nnenda
se
rend
chez
Ihuoma
pour
se
faire
coiffer.
Nous
retrouvons
le
m~me temps sacré d'Eke
chez
Achebe;
ainsi
Otikpo
rappelle
à
Akukalia
dans
Arrow
of God: "Everybody
in
Igboland
knows
that
Okperi
people
do
not
have
other
business
on
their
Eke
day.
You
should
have
come
yesterday
or
the
day
before~ or
tomorrow
or
the
day
after.
"Son
of
our
daughter"~
you
should
know
our
ha-
bits."
(17)
Au
temps
de
l ' histoire
et
aù
temps
mythique,
i l
faUt
ajouter
le
temps
individuel
où
temps
psychologique.
C'est
le
temps
où
les
évènements
se
ramènent
à
l'individu.
Noùs
pouvons,
par
exemple,
citer
le
cas
d'Ekwùeme
préoccupé
par
le
temps
qui
dure
dans
les
derniers
moments
dù
roman.
I l s ' agi t
d'un
te mp s
de. s ù s pen s e
et
d' an g 0 i s s e p 0 ù r
Ek wu em e :
"Tomorrow seems so far
away."
(lB)Ekwùe'\\!l.e
et
Ihuoma
sont
préoccupés par leur
avenir,
du
bateau
qu'il faut
louer
avant
la nuit,
des
ingrédients
du
sacrifice
à
réunir,
et
du
succès
du
sacrifice
final
et
partant
de
là,
de
leur
union.
Le
temps
individuel
n'est
pas
vécu
de
la
même
façon
chez
chaque
personnage.
Madume,
par
exemple,
s'inquiète
du
temps
qui
passe
trop
vi te
à
son
avis.
I l
voudrai t
tant
qùe
le
temps
dure
pour
qu'il
puisse
épouser
une
autre
femme
afin
d'espérer
avoir
un
garçon
avec
elle.
L'une
des
raisons
304
du
suicide
de
Madume
est
peut-être
sa
certitude
après
sa
cécité
qu'il
ne
peut
plus
compter
sur
le
temps.
Aussi,
décide-t-il
de
mettre
fin
à
ses
jours
et
d'en
terminer
avec
ses
angoisses.
Nous
pouvons
dire
que
dans
The
Concûbine
le
temps
de
l'histoire
a
partie
liée
avec
le
lieu
de
l'histoire
et
le
tout
opère
une
synthèse
qui
traduit
la
réalité
d'une
société
à
ün
moment
donné;
une
société
dans
laquelle
Amadi
n'a pas
besoin de
lois
extérieures
pour
expliquer
les
événe-
mentsqui
s'y
déroulent.
2 . The Great Ponds:
le temps et le lieu composés
Dans
de
The
Great
Ponds
existent
à
des
degrés
différents
l
les trois temps qUe nous avons distingués dans The Concubine:
le temps
de
l' histoire,
le
temps
mythique
et
le
temps
psychologique.
Mais
à
la différence de The Concubine l'histoire n'obéit pas à un ordre chro-
1
nologique
systématique;
pas
plus
que
les
événements
ne
se
déroulent
en un lieu unique.
The
Great
Ponds
commence
par
une
référence
imprécise
au
passé
dans
lequel
la
propriété
du
marécage
de
Wagaba
a
opposé
les
villages
de
thiolu
et
d'Aliakoro.
Puis
l ' h i s -
toire
est
ramenée
à
l'époque
actuelle
qui
est
celle
de
la
guerre
entre
les
deux
villages
et
qui
constitue
la
trame
du
roman.
Certes,
i l
y
a
une
progression
linéaire
dans
le
"temps
du discours"
(l9) c'est_à_dire
l'ordre
dans
lequel
les
év~nements se sUccèdent dans le récit, mais ces évJne-
305
ments
n'obéissent
pas
à
la
chronologie
du
temps
de
l'his-
taire.
C'est,
par
exemple,
le
cas
de
la
chut~
d'Olumba
dü
haut
d'un
palmier
à
vin;
cet
épisode
intervient
bien
avant
que
l'on
découvre,
plus
tard,
que
cette
chute
a
été
causée
par
les
pratiques
magiques
des
hommmes
d'Aliakoro •
./
ilors
qu'à
d'autres
moments
i l
y
a
une
anticipation
de
l'action
où
le
lecteur
est
informé
tandis
que
les
person-
nages
sont
dans
l'ignorance.
C'est
ainsi
que
nous
sommes
informés
que
les
hommes
d'Aliokoro
font
"bouillir"
Olumba;
si
bien
que
lorsque
les
hommes
de
(hiolU
consultent
le
"medicine
men"
pour
savoir
de
quoi
souffre
Olumba,
cette
scène
semble
être
en
trop
dans
le
réci t
du
point
de
vue
du
lecteur.
Il
n'y
a
pas
non
plus
d'unité
de
lieu
dans
The
Great
Ponds.
Les
événements
se
déroulent
alternativement
dans
Aliakoro
et
dans
c.hiolu.
De
plus
les
références
au
clan
d' Erekwi,
les
voyages
de
recherche
des
hommes
de
'hiolu
dans
les
villages
lointains,
l'intervention
des
guerriers
d'Isiali
dans
la
guerre
entre
Chiolù
et
Aliakoro,
font
que
l'action
de
The
Great
Ponds
est
disséminée
en
plusieurs
lieUx.
Dans
The
Great
Ponds
la
référence
finale
à
la
grippe
)
espagnole
de
1918
pour
justifier
les
év~nements
qui
se
sont
produits
dans
le
roman,
est
l'un
des
éléments
majeûrs
de la destruction de l'ùnité de-temps et lieU qùe nous avions dans The
ConcUbine. Dans The
Great
Ponds,
la
cohérence
du
roman
est
rompue
car
nous
passons
du
type
de
causalité mixte-naturelle
306
et
surnaturelle
à
une
causalité
rationnelle
la
grippe
espagnole.
Mais
cette
intervention
d'une
logique
autre
que
celle
à
laquelle
le
lecteur
a
été
introduit
jusqu'ici
ne
convient
point.
Contrairement
à
The
Concubine
où
une
saison
en
suit
une
autre
et
où
les
gens
vivent
et
changent,
dans
The
Great
Ponds
l'accent
est
surtout
mis
sur
le
temps
psychologique.
Il
y
a
très
peu
de
réalisme
dans
le
temps
décrit
dans
ce
roman.
Toutes
les
activités
sont
suspendues
au
profit
de
la
seule
guerre
et
des
conséquences
qu'elle
engendre.
Le
temps
dans
The
Great
Ponds
est
drama t i que:
i l
y
a
be a uc oup
de
suspense,
de
tension
et
tr~s peu de"comic Y'elief".On n'y
trouve
pratiquement
pas
de
scènes
de
réjouissances 1
de
mari-
age
ou
de
naissance;
seule
la
dernière
échéance
de
la
vie,
la mort,
est
présente.
Nous
pouvons
donc
dire
que
malgré
l'éclatement
du
temps
et
de
l'espace
qui
devrait
donner
une
certaine
étendue
et
consistance
à
The
Great
Ponds,
Amadi
ne
réussit
pas
à
créer
une
cohérence
interne
dans
ce
roman.
La
conclusion
à
laquelle
Amadi
aboutit
ne
concorde
pas
avec
la
démonstra-
tion
poursuivie
par
l'auteur
dans
le
récit.
Il
y
a
une
incompatibilité
entre
le
développement
de
l'histoire
et
la
conclusion.
I l
y
a
un
décalage
trés
grand
entre
ce
qüi
est
démontré
sur
la
croyance
des
personnages
au
surnaturel
tout
au
long
de
l ' histoire
et
l'explication
fournie
à
la
fin
du
roman
pour
j u s t i f i e r
les
événements.
Amadi
rompt
avec
la
causalité
interne
qui
lie
les
événeménts
entre
eux
307
et
qui
devrait
aboutir
à
la
décision
concernant
l'apparte-
nance
du
marécage
à
l'un
des
villages
belligérants
par
le
Dieu Ogbunabali.
3 . The Slave
Le scénario initiatique.
Le
troisième
roman
d'Amadi,
The
Slave,
relate
l'histoire
du
retour
d'Olumati
dans
le
village
d'Aliji.
C'est
dans
cet
espace
que
se
déroulent
les
grands
événements;
nous
avons
une
unité
de
lieu
et
une
progression
chronologique
de
l'évolution
d'Olumati
dans
son
nouvel
environnement.
Il
Y
a
quelques
rares
références
aux
événements
passés
comme
le
début
des
hostilités
entre
les
familles
Okani
et
Echela,
la
fuite
du
père
d'Olumati
dans
le
sanctuaire
d' Amadioha,
le
vol
des
obj e ts
sacrés
dédiés
au
Dieu
Ali,
etc.
Mais
ces
références
constituent
un
tissu
social
histo-
rique
qui
permet
de
comprendre
le
comportement
des
personna-
ges.
Il
y a
un
lien
causal
qui
unit
les
différents
événements:
l'impact
de
la
croyance
aux
valeurs
ancestrales
et
aux
dieux
sur
le
devenir
de
l'individu
dans
une
société
tradi-
tionnelle
africaine.
Amadi
décrit
la
dépendance
de
l'indivi-
du
par rapport
aux
lois
sociales
et
surnaturelles
qui
régis-
sent
l'univers
de
The
Slave.
Olumati
est
soumis
à
ces
lois
et
la
conclusion
à
laquelle
aboutit
l'auteur
c'est
qu'il
y
a
une
sorte
de
déterminisme
dans
la société
d'Olùma-
t i
auquel
l'individu
ne
peut
échapper.
The
Slave
peut
être
308
assimilé
à
une
roue
qui
tourne,
entrafnant
l'individu
dans
son mouvement,
sans
que
celui-ci
puisse
choisir
un mouvement
contraire.
Olumati
doit
assumer
son
sort
qui
a
commencé
avec
la
fui te
de
son
père
dans
le
sanctuaire
d' Amadioha.
Son
retour
à
Aliji
et
son
insertion
dans
cette
société
sont
comme
une
sorte
d'initiation
à
travers
un
temps
symbo-
lique
de
maternage
par
la
terre
ancestrale,
de
renaissance
avec
tous
les
efforts
que
cela
comporte:
-
sacrifier
aux
anc~tres et
aux
dieux.i
-
apprendre
à
vivre
parmi
les
hommes
libres
en se
confor-
mant
aux
règles
sociales.
1
-
produire
et
s'affirmer
économiquement.
i
assurer
la
continuité
de
la
lignée
sur
terre
et
dans
l'au-delà.
Ce
sont
ces
réalités
qu'Amadi
s'est
attaché
à
démontrer
à
travers
le
personnage
d'Olumati.
L'histoire
d'Olumati
s'insère
dans
celle
de
sa
communauté
et
c'est
ce
qui
explique
l'abondance
des
activités
sociales
communautaires
dans
lesquelles
sont
impliqués
tous
les
membres.
Il
s'agit
entre
autres
des
travaux
de
champs,
de
chasse,
de
cueillette
de
vin
de
palme,
de
luttes
sur
les
places
publiques,
de
cérémonies
de
mise
en
ordre
du
monde,
de
funérailles,
de
mariages,
de
visi tes,
d'entraides,
etc.
Le
temps
mythique
ou social
s'ajoute
donc
au
temps
individuel
ou psychologique
d'Olumati
et
sont
indisociables
par
moments.
The
Slave
est
un
roman
dont
l'histoire
est
vraisemblable
car
elle
se T'Bpproche
d'une
réali té
vécue
dans
une
société
tradi tion-
309
nelle
donnée.
La
vraisemblance
provient
essentiellement
de
la
cohérence
interne
de
l'oeuvre:
montrer
que
même
si
l'individu
est
en
proie
à
une
quelconque
fatalité
i l
y
a
aùssi
mille
et
ùne
activités
dans
la
sociétéqûi masquent
cette
fatalité mais qui
ne
peuvent
pas
la
détruire.
A l'image
des
festivals
et
des
saisons
qui
se
succèdent
et
qui
se
répètent,
Amadi
présente
l'histoire
d'ülumati
comme
une
histoire
bouclée
mais
non
achevée;
la
fin
du
roman
n'est
qu'une
réactualisation
du
début
du
roman.
ülumati
qui
avait
fui
le
sanctuaire
d' Amadioha
pour
rompre
avec
le
passé
de son père doit y retourner,
répétant ainsi~ le geste de son père.
Amadi
réaffirme
dans
The
Slave
l'influence
des
forces
socia-
les
et
surnaturelles
sùr
l'individu
et
les
tragiques
consé-
quences
qù'elles
engendrent.
La
cohérence
de
l'oeuvre
amadienne
s'observe
donc
à
travers
l'organisation
interne
de
l'histoire.
Cette
cohéren-
ce
va
de
pair
avec
la
cohésion
de
l'oeuvre
qui
elle
s ' a t t a -
che
à
la
forme)
c'est-à-dire
à
l'organisation
matérielle
du
récit;
à
sa
structuration,
au
lien
entre
les
différents
signes.
Il
s'agit
donc
d'une
organisation
syntaxique.
B
La
cohésion
de
l'oeuvre:
structure
et
syntaxe.
Robert
de
Beaugrande et Wolgang
Dressler
définissent
la
cohésion
comme
étant
"the
ways
in
which
the
components
of
the
surface
text;
i.e.
the
actual
words
we
hear
or
see~
are
mutually
connected
within
a
sequence;
cohesion
rests
310
upon
grammatical
dependencies."
(20)
La
cohésion
pose
donc
la
question
de
la
l i s i b i l i t é
du
texte
dans
le
contexte
de
l'oeuvre
amadienne.
Nous
nous
attacherons
ici
dans
un
premier
temps
à
voir
comment
les
trois
romans
d'Amadi
sont
structurés.
Puis,
dans
un
second
temps
nous
relèverons
quelques
caractéristiques
du
style
d'Amadi
sans
toute
fois
faire
une
analyse
roman
par
roman;
pour
la
simple
raison
que
nous
retrouvons
apparamment
le
même
style
et
la
même
construction
des
phrases
dans
les
trois
romans.
1 . La structure de l'oeuvre.
Nous
entendons
par
structure
dans
un
roman
la
composition
des
parties
essentielles
et
significatives.
Le
roman
n'a
de
sens
que
si
les
différentes
parties
qui
le
composent
sont
solidaires
entre
elles.
Notre
tâche
ici
consiste
à
dégager
ces
grands
aspects
des
romans
d'Amadi
et
à
voir
comment
ils
forment
un
tout
où surgit
le
fantastique.
. The
Concubine
Une
lecture
hâtive
de
The
Concubine
peut
aboutir
à
la
conclusion
qu'il
s'agit
d'un
roman
à
épisodes
où
les
différentes
parties
sont
indépendantes
et
peuvent
~tre
séparées
au moins
en
quatre
unités:
-
le
récit
d'Emenike
et
d'Ihuoma.
1
-
le
récit
de
Madùme.
1
311
-
le
récit
d'Ekwuene
et
d'Ahurole.
1
-
le
récit
d'Ekwùene
et
d'Ihuoma.
Mais
Un
tel
découpage
de
The Concubine ne
rend
pas
compte
de
la
complexi té
de
l'oeuvre
et
de
son
uni té
interne
tant
au niveau de
la narration
que
de
la
composition.
L'idée
centrale
de
The
Concübine
étant
de
démontrer
la
présence
d'une
force
surnatùrelle
qui
est
au
dessùs
des
humains
et
qui
frappe-
les
personnages
mascul ......ins
qui
approchent
Ihuoma,
on
peüt
concevoir
la
structure
de
The Concubine de
la
façon
suivante:
La vie
Sea-God •
~~ d'Ihùoma
Emenike
Prémonition
Ekwueme
La
vie
d'Ihuoma
est
représentée
par
un
axe
horizontal.
Au
point
de
départ
de
cet
axe
i l
y a l e
Sea-God
dont
l'his-
toire
est
contenue
dans
la vie
d'Ihùoma
qui
elle
même
l'igno-
re.
Tout
autour
de
l'axe
de
vie
d'Ihùoma
i l
y
a
des
phénomè-
nes
extérieurs
tels
que
les
rêves,
les
prémonitions,
l'augu-
re
qui,
entraînés
par
une
sorte
de
spirale,
s'enroulent
autour
de
l'axe
principal
et
créent
une
atmosphère
mysté-
rieuse.
Les
personnages
tels
que
Emenike,
Madume,
et
Ekwueme
dont
l'histoire
rencontre
celle
d'Ihüoma
à
un
moment
donné
son t
P ris
dan s I e
mou vern en t
des
for ces
ex té rie ure s. C.e1"'"
les ..ci,situéaShors
de
l'axe
principal
sont
en
dernier
ressort
312
reliées
à
l'axe
par
un
mouvement
d'ensemble.
Il
y
a
une
certaine
force
transcendantale
qui
englobe
taus
les
év~nements
et
les
fai t
coexister;
i l
s'agi t
ici
du
surnaturel
qu'incarne
le IISea_Goa':
L'explication
surnatu-
relle
à
la
fin
de
The
Concubine
est
plausible
et
fait
que
dans
ce
roman
existe
un
fantastique-merveilleux.
Il
faUt
rappeler
aussi
que
les
lois
causales
qui
déterminent
la
société
décrite
par
Amadi
contribuent
énormement
à
l'intégra-
tion
du
surnaturel
dans
le
récit.
Et
c'est
ce
qüi
rend
difficile
tout
choix
entre
les
causes
naturelles
et
les
causes
surnaturelles
pour
le
lectelir.
Une
autre
difficulté
que
le
lecteur
éprouve
dans
The
Concubine
est
la
quasi
impossibilité
de
trouver
un
person-
nage
central.
Certes,
Ihuoma
est
au
centre
de
l ' histoire
et
peut
être
considérée
structurellement
comme
l ' héroïne.
Mais
on
est
à
même
de
se
demander
si
Ekwueme
n'a
pas
la
même
importance
qü'Ihùoma.
En
effet,
i l
nous
semble
que
tout
est
mis
en
oeuvre
dans
The
Concubine
pour
provoquer
la
liaison
fatale
entre
Ihùoma
et
Ekwueme.
Ekwueme
est
le
personnage
sur
lequel
nolis
avons
le
plus
de
renseignements.
Emenike,
Madume
et
Ahùrole
sont
des
personnages
non moins
importants.
Faut-il
croire
qu'Amadi
a
voulu
décrire
avec
réalisme
le
rapport
entre
les
individus
dans
une
société
traditionnelle;
société
dans
laquelle
l ' individù
au
sens
occidental
du
terme
est
absent;
ce
que
David
Cook
rappelle
en ces
termes:
A
"lone
individua"list
in
a
lJork
of
African
313
fiction
is
an
exceptional
figure.
A
lone
individualist
in
a
Western
work
of
fiction
is
representative
of the
inescapable
position
in
wh ic h a l l
mank ind ~
i t
wo u ld
appear ~
finds
itself.
(21)
Dans
The
Concubine
i l
y
a
une
élimination
progressive
des
personnages- clefs.
Elimination
qui
est
attribuée
au "Sea-
God~ Autour de ces personnages-clefs gravitent les personna-
ges
périphériques
comme
Wolu,
Nnadi,
Mman,
etc
qUi,
permet-
tent
non
seulement
de
donner
une
profondeur
et
une
exsitence
sociale
aux
personnages,
mais
aussi
de
créer
un
certain
réalisme
dans
The
Concubine.
D'ailleurs
c'est
le
choc
entre
cette
"réalité"
palpable
et
le
surnaturel
qui
crée
une
impression
de
fantastique
chez
le
lecteur .
. The Great Ponds
Il
n'est
pas
aisé
de
représenter
graphiquement
les
grands
moments
de
The Great Ponds.
Toutefois,
noUs
pouvons
considé-
rer
trois
moments
importants
dans
ce
roman:
1)
Une
introduction
qui
fait
état
de
l'affrontement
entre
~
Chiolu
et
Aliakoro.
Nous
sommes
ici
en
présence
de
causes
natùrelles;
i l
faut
régler
un
conflit
à
partir
de
moyens
humains.
2)
Un
développement
avec
l'introduction
du
surnaturel
et
de
procédés
magico-religieux
dans
les
événements.
L'histoire
se
complique
avec
l'éclatement
temporel
et
spatial
qlie
nous
avons
déjà
souligné.
Avec
l'épidémie
de
"Wonjo"
toüt
314
devient
confus
et
diffus.
3) Une conclùsion qUi fait abstraction de tout ce qUi précè-
de
pour
aboutir
à
une
situation
de
fantastique-étrange
où
les
év~nements
qui
s'expliquaient
jusqu'ici
par
des
causes
surnaturelles
et
naturelles,
sont
réduits
à
des
phénomènes
natùrels
et
rationnels.
Mais
le
fantastiqUe
se
maintient
avec
le
sùicide
de
Wago
qui
est
de
noùveau
une
énigme
qùant
aux
causes
réelles
de
la mort
et
au vérita-
ble
propriétaire
du
marécage.
Nous
pouvons
représenter
graphiquement
The
Great
Ponds
en
fonction
de
ces
trois
grands
moments
qùe
noùs
venons
de
décrire:
1
z
3
surnaturel
/~
Â
,
'
\\
/
\\
\\
guerre
entre Chiolù
Explication
et Aliakoro
rationnelle
causes
humaines
"Wonjo"
Mais
une
énigme
Présence
de
plusieurs
caùses.
Développement.
demeure
toujoùrs
= FANTASTIQUE
315
Dans
The
Great
Ponds
l ' a.ccent
est
mis
sûr
les
retombées
1
psychologiques
de
la
guerre
et
de
l'épidémie
de
"Wonjo"
sur
1 es
p ers 0 n na g es
et
plu s p a r tic li 1 i ère men t
sur
01 ùm b a .
Ce
dernier
apparaît
comme
une
victime
qui
assume
ce
qüe
le
destin
a
mis
sur
sa
trajectoire.
Il
y
a
un
travail
cons-
tant
du
narrateur
poùr
créer
une
atmosphère
de
plus
en
plus
terrifiante
poû'r
le
lecteur.
Il
n'y
a
pas
d'accalmie
possible:
Olùmba,
qui
a
peur
des
dieùx,
est
maintenant
livré
à
eux.
/'
I l
a
lutté
pour
avoir
un
héritier,
un
seul,
et
mainte-
nant
l'épidémie
veut
le
lui
arracher.
1
I l
as pi r e
à
un e
ré u s si t e s 0 ci ale
et
v 0 i 1 à
qu' i l
est
réduit
aù
r6le
de
femme
voire
m~me
d'enfant
et
cela
doit
durer
pendant
six
lunes.
Le
suspense
monte
graduellement
dans
The
Great
Ponds
grâce
à
la
présence
du
surnaturel
ressentie
par
les
pers on-
nages
qui
épro\\1vent
la
peur.
Le
narrateur
décrit
cette
peur
à
travers
des
passages
très
vivants
comme
celui-ci:
Ogbunaba li
ùJas
therefore
non -d irec t iona l ~
distant~
menacing~
ubiquitous.
He
ùJas
king
of
the
night;
darkness
ùJas
his
agent.
In
a
ùJay
everyone
ùJorshipped
him
for
ùJho
did
not
fear
the
dark
ùJith
its
unpredictable
dangers
? No
priest
to
look
up
to~
no
shrine
to
ùJorship
at;
nothing
but
the
na me
that
aùJful
name
that
planted
solid
fear
into
the
minds
of
all
ùJho
sùJore
by
i t .
It
ùJas
the
type
of
fear
that
could
turn
a
very
brave
man
into
a
ùJhimpering
chi ld.
It
ùJas
a fear
that ùJas ùJorse than death. (22)
316
Ayant
créé
une
atmosphère
aussi
terrifiante
que
celle
que
nous
venons
de
citer
le
narrateur
décide
brusquement
de
rompre
avec
cette
réalité
en
proposant
une
explication
rationnelle
aux
événements,
rédUisant
les
croyances
des
personnages
à
de
simples
superstitions.
The
Great
Ponds
devient
alors
une
oeuvre
où
l'on
a
le
fantastique- étrange
selon la définition
de
Todorov.
Mais
le
lecteur
n'est
pas
convaincu
par
l'explication
finale
et
nous
sommeS en
droi t
de
nous
demander
avec
Todorov
si
une
oeuvre
doit
se
laisser
détruire
par
une
information maladroite
du narrateur:
On
peut
se
demander
jusqu'à
quel
point
tient
une
définition
de
genre
qui
laisserait
l '
oeuvre
"changer
de
genre"
du
fait
d' une
simple
phrase
comme:"A
ce
moment,
i l
se
réveilla
et
vit
les
murs
de
sa
chambre [ . . . J"
Mais,
d'abord,
rien ne
nous
empêche
de
consi-
dérer
le
fantastique
précisément
comme
un
genre
toujours
évanescent.
Une
telle
catégo-
rie
n'aurait
d'ailleurs
rien
d'exceptionnel.
(23)
C'est
donc
à
travers
la
déstructuration
de
la
cohésion
de
The
Great
Ponds
qu'il
faut
rechercher
la
signification
et
une
nouvelle
composition des
événements.
. The Slave
The
Slave
comporte
une
structure
narrative
moins
com-
plexe
que
les
deux
premiers
romans.
Ici
i l
y
a
,un personna-
ge
central,
Olumati;
et
i l
faut
constamment
ramener
les
événements
à
ce
dernier.
La
structure
de
The
Slave
peut
lËltre
graphiquement
représentée
comme
un
"v"
renversé:
317
apogée(c)
~
ascension(b) /
déclin(d)
r dé bu t
(a)
-}"
~
f_i_n_ _
( e_)_~~
l'axe
historique
Au
point
de
départ
i l
y
a
une
situation
ambigue:
Olumati
doit-il
~tre
considéré
comme
un
esclave
d'Amadioha
?
Après
argumentation
i l
est
accepté
aù
milieU
des
hommes
libres.
Il
Y
a
une
flèche
ascendante(b)
qui
décrit
son
ascension
dans
la
société.
Olumati
atteint
son
apogée
(c)
avec
sa
victoire
sur Aso,
son
installation
dans
sa
propre
case
et
sa
position
de
meilleur
fournisseur
de
vin
de
palme
de
son
village:
Lat e r ;
the
s a yin g i n
the
vi II age
wa s
th a t
i f
one
could
not
get
parwine
at
Olumati 's,
then
one;
w()uld ,have
to
travel
out
of
Aliji.
Palmwine
was
needed
all
the
time:
in
the
farm~
at
horne~ for
ceremonies,
for med~~ine.
Olumati's
winetapping
brought
him
nearer
ta
the
vi llagers
and
soon
he
knew
a lrnos t
everybody,
except
sorne
members
of
Okani
family. (24)
Puis
les
choses
se
précipitent
pendant
le
déclin(d)
avec
la
mort
de
sa
grand-mère,
pUis
celle
de
sa
soeur
Aleru
et
enfin
la
nouvelle
du
mariage
entre
Enaa
et
Wizo.
Il
y
a
une
concentration
des
événements
qui
accroît
le
drame
et
fait
passer
Olumati
de
l'espoir
aU
doute
puis
finalement
à
l ' incerti tude.
La
fin
du
roman intervient avec le retoUT d'OlüRlati
au
sanctuaire
d' Amadioha.
Sur
notre
graphique
noùs
poùvons
318
dire
que
la
situation
(a)
se
retrouve
en
(e)
et
nous
pouvons
lier
les
deux
droites
par
des
pointillés
pour
indiquer
que
les
deux
situations
se
rejoignent.
Il
Y
a
donc
une
répétition,
voire
une
continuité
de
l'histoire
que
nolis
représentons
par
un
axe
horizontal .
.1Jes
axes
(b),(c),(d),
ne
sont
que
des
axes
intermédiaires
du processus
d'insertion
d'Olumati
dans
la
société
d'Aliji.
La
structure
de
The
Slave
corre~pond
â
la
structure
classique
des
tragédies.
Mais
ce
qüi
fait
la
particularité
de
ce
roman c'est
l'intégration
du
surnaturel
dans
le
récit.
Tout
se
tient
dans
The
Slave
et
tout
concourt
à
démontrer
l'impact
des
forceS
sociales
et
surnaturelles
sûr
l'indivi-
du.
D'une
façon
générale,
nous
pouvons
dire
que
l'oeuvre
amadienne
met
en
lumière
l ' histoire
des
hommes
confrontés
à
des
for ces
qui
les
dép as sen t.
"Le s
con s é que n ces
t r agi que s
qui
découlent
d'une
telle
confrontation
ne
sont
pas
la
fin
der n i ère
de
l ' hi s toi r e m ais
sus c i t el'lt che z
l e
l e c te ur
des
questions
à
propos
de
la
tragédie
de
l'histoire
et
de
l'inéluctabilité
du
destin.
2 . La syntaxe de l'oeuvre.
Boùacha
et
Portine
soulignent
dans
leur
article
"Argumentation et
Enonciation"
que
"les
cohérences d'un
ré-
cit
sont
liées
à
la
construction
de
la
représentation
que
319
ce
soit
en
vue d'instaurer
un rapport
au réel(récit
à
carac-
tère
log iq ue) ,
d'affirmer
un
principe
de
vision
et
de
représentation
du
monde
(récit
de
type
monologique),
ou
de
mettre
en
scène
la
complexité
des
points
de
vue
sur
le
monde
(récit
de
type
dialogique). "(25)
Amadi
choisit,
à
notre
avis,
la
troisième
voie
pour
décrire
le
monde
dans
lequel
évoluent
ses
personnages.
Ce
monde
est
représenté
par
la
société
traditionnelle
rurale
et
africaine.
C'est
une
société
qui,
disions-nous,
a
un ensemble
de
lois
qui
définissent
les
différents
aspects
de
la
vie
quotidienne.
he
monde
rural
ainsi
décrit
par
Amadi
se
caractérise
par
l'esprit
de
vie
communautaire
de
ses
habitants
et
leur
attachement
aux
valeurs
tradition-
nelles.
A
travers
le
train-train
de
leur
vie
quotidienne
Amadi
parvient
à
dépeindre
une
vie
pleine
à
la
fois
de
joie
et
de
tristesse,
de
beauté
et
de
mauvaises
choses,
de
réali té
et
de mystère,
de
solidarité
et
d'individualité;
mais
malgré
tout
cela
i l
s'agit
d'une
vie
simple
et
digne.
Cette
simpli-
cité
et
cette
dignité
sont
rendues
par
le
langage
et
le
style
d'Amadi
qui
sont
à
la
fois
simples,
riches
et
pleins
de
beauté.
Et
c'est
grâce
à
la
cohérence
entre
son
style
et
sa
représentation
de
la
société
que
le
quotidien et
l'insolite,
le
naturel
et
le
fantastique
s'interpénètrent.
Amadi
ne
cherche
pas
à
créer
un
noUveaU
style
littéraire
mais
à
rendre
son
texte
le
plus
clair
et
le
plus
accessible
pos-
320
sible
à
ses
lecteurs.
Cette
volonté
de
l'auteur
se
retrouve
à
travers:
a.
des
phrases courtes
et
simples.
La
structure
de
ses
phrases
ne
pose
aucùn
problème
de
lecture
ou de
sens
comme nous
pouvons
le
constater
à
travers
les
premières
phrases
de
ses
romans:
Emenike
was
sure
he
heard
someone
cough
ahead
of
him.
The
fores t
track
was
narrow~
overgroùJn
and
ùJinding.
He
could
not
see
far
ahead. (26)
La
première
phras e
de
ce
passage
est
on
ne
peut
plus
claire
et
simple
avec
sa
structùre
sujet-verbe-complément.
Elle
nous
présente
le
personnage
d'Emenike.
Nous
avons
donc
une
indication
sur
le
sujet
de
l'action
(Emenike)
qui
entend
qùelqu'ùn
tousser
devant
lùi.
Il
y
a
donc
la
présence
d'une aütre
personne
qui
est
suggérée.
Et
cette
présence
imprécise
suscite
ùn
suspense
voire
même
une
peur
chez
le
lecteur
qui
est
pressé
de
découvrir
l ' i n -
connu.
Puis,la
phrase
suivante
décrit
l'environnement
dans
lequel
se
trouve
le
personnage.
L' étroi tesse
de
la
piste,
qui
en
plus
est
couverte
et
sinùeuse,
dénote
un
endroit
clos
où
le
personnage
est
comme
prisonnier.
La
description
de
la
piste
dans
la
forêt
laisse
entrevoir
une
sorte
de
mystère
dans
cet
espace
fermé.
Tandis
que
la
troisième
phrase
met
en
lumière
la relation
d'Emenike
à
son
milieu.
Le
fait
qu'Emenike
ne
puisse
pas
voir
devant
lui
à
cause
de
la
densité
de
la
forêt
est
une
321
conséquence
logiqtie.
Mais
i l
y
a
un
fait
important
à
noter
à
propos
de
l'incapacité
d'Emenike
à
voir
devant
lui:
i l
s'agit
du mystère
que
cela
évoque.
Nolis
pouvons
aussi
souli-
gner
le
symbolisme
de
l'expression
" cou ld not
see
far
ahead";
elle
petit
signifier ~
une
vue
obstruée
a cause de la forêt dense,
mais
aussi
l'impossibilité
de
voir
dans
un
futur
lointain
oU
d r imaginer
ce
qui
peut
se
produire
d'un moment
à
l'autre.
Ainsi
donc
les
trois
phrases
sont,
non
seÛ'lement
simples
dans
leur
structure
mais
i l
existe
un
lien
causal
qui
les
unit.
Il
y
a
donc
une
cohésion
interne
entre
les
différentes
phrases.
Cependant,
comme
notre
analyse
des
trois
premières
phrases
de
The
Concubine
le
montre,
la
simplifie ité
de
ces
phrases
n'est
qu'apparente.
En
effet,
i l
y
a
toute
une
signification
derrière
cette
simplicité
et
ùne
analyse
serrée
révèle
la complexité
du
sens
que
les
mots
recouvrent.
Il
y
a
toujours
plus
d'üne
interprétation
que
l'on
peut
donner
à
ces
mots.
leùr
ambiguïté,
leur
contradiction,
ou
le
mystère
qu'ils
suggèrent,
font
naître
le
fantastique.
Au-delà
de
la
structure
qui?
où?
comment?
que
sont
les
trois
premières
phrases
de
The
Conc\\1bine,
nous
avons
une
indication
ou
un
prélude
de
ce
que
sera
le
roman
dans
son
ensemble:
la
complexité
dans
la
simplicité;
l'inconnu
dans
le
connu;
le
surnaturel
dans
le
natùrel;
le
mystère
oU l'insolite
dans
le
quotidien.
C'est
ce
qu'on
petit
consta-
ter
aussi
ali début
de
The Great
Ponds:
O~umba
IJns
in
his
reception
hall
mending
322
some
fish-traps.
He
sat
with
his
back
towards
the
ma in
village
road
and
s eemed
eng ros s ed
in
what
he
was
doing.
Ikechi
came
into
the
compound
unannounced
and
tiptoed
towards
him
until
he
was
close. (27)
Nolis
retrouvons
la
même
simplicité
de
structure
des
phrases
que
dans
The
ConcUbine.
La
première
phrase
indique
le
sujet,
le
lieu
et
l'action.
Nolis
avons
une
structure
qui-où-quoi.
Olumba,
un
des
protagonistes
du
roman
est
introduit
à
partir de
son
espace
de
vie
et
une
activité
quotidienne.
Le
fait
qu'Olumba
répare
des
filets
de
pêche
peüt
laisser
présager
qu'il
y
aura
une
partie
de
pêche
et
c'est
ce
que
l'on
découvre
par
la
suite.
La
seconde phrase
indique
qu'Olümba
semble
être
absorbé
par
ce
qu'il
fait.
L'utilisation
du
verbe~eem'
traduit
un e
ce r t ai ne
in ce r t i t u d e
de
1 a
par t
d li
na rra t e ü r
e t c e 1 a
est
important
dans
le
contexte
de
l'oeuvre
amadienne.
En
effet,
le
narrateür
amadien
est
très
peu
affirmatif
et
laisse
souvent
planer
le
doute
ou
l ' incerti tude.
Tl
ne
livre
pas
toùjoürs
l'information
nécessaire
manquante.
Le
fait
qu'Olùmba
ait
le
dos
tourné
à
la
grande
voie
du
village
justifie
peut-être
l'incapacité
du
narrateur
à
voir
exactement
ce
que
fait
Olùmba.
La
troisiéme
phrase
laisse
planer
un
mystère
qüant
au
comportement
d'Ikechi.
En
effet,
ce
dernier
entre
dis-
cr è t e men t ,
s li r
1 a
p 0 in t e
des
pie d s,
che z
0 1 li mb a. • lIse.
dirige
vers
Olumba
comme s ' i l
voulait
lui
faire
peur,
le
surprendre
ou
l'agresser.
L' a t t i tude
d' Ikechi
requiert
ou moins
deux
interprétations et
cela
est
propre
à
la
323
démarche
fantastique
que
nous
retrouvons
chez
Amadi.
Dans
The
Slave,
également
dès
les
premiers
mots
le
personnage
d'Olûmati
est
ainsi
présenté:
Olumati
reached
the
main
roa~
and
turned
right.
That
way
the
road
Led
to
Isiali,
ha l f
a
day 1 s
j ourney
a1ùay:
He
tried
to
walk
casually
as
he
passed
trough
Okani
village.
(28)
Comme
dans
les
dedx
précédents
romans,
le
premier
mot
de
The
Slave
est
un
nom
de
personnage.
La
première
phrase
montre
Olûmati
qui
se
déplace
sur
Une
route.
Il
est
intéreS-
sant
de
noter
que
dans
les
trois
passages
tirés
des
trois
romans
i l
Y a
la
présence
de
la
route
oü
du
chemin.
Est-ce
dne
simple
coïncidence'! i l
y
a
toüt
Gn
symbolisme
que
la
route
recouvre:
c'est
une infrastrùcture
de
communication.
Mais
ici
les
personnages
qui
en
toüte
apparence
semblent
être
solitaires
sùr
ces
routes
se
trouvent
sübitement
en
présen-
ce
d'un
inconnu.
Ils
sont
seuls
sans
l ' ê t r e
en
définitive.
Dans
l'exemple
d'Olumati,la
troisième
phrase
fait
penser
à
une
présence
et
à
une
hésitation
chez
le
personnage ~
En
effet
Olumati
essaie,"tried",de
marcher
à
tout
hasard,
"casually",àtravers
le
village
d'Okani.
Le
fait qù'Olumati
doiVefaire
un
effort
sur
une
route
qu'il
n'a
presque
pas
..
choisie
suggere
de
nouveau
l'inconnu
où
le
mystère
que
le
personnage
peut
découvrir
sur
sa
route.
La
route
ap-
paraît
alors
comme
le
lieu
de
rencontre
et
de
découverte.
Les
personnages
sont
comme
pris
dans
une
voie
sans
issüe.
Ce
que
nous
avons
pu
constater
dans
les
trois
exemples
,
tirés
des
debuts
des
romans
amadiens
s'observe
tout
aü
long
du
récit
de
chaque
oeuvre.
Il
ressort
de
notre
analyse
324
qùe
deux
niveaùx
de
lectûre
s'imposent
dans
l'oeuvre
ama-
dienne:
A
un
premier
niveaû,
nous
avons
pu
noter
la
simplicité
des
phrases
qùi
sont
coùrtes
et
qUi
rendent
la
lecture
beaùcoup
plus
aisée.
Ces
phrases
indiquent
généralement
qùi
fai t
quoi,
où
et
comment
sans
au.cune
indicaton
précise
l
du
temps
de
l ' h i s t o i r e .
~1ais
à
un
second
niveaù
i l
y
a
ûn
lien
de
caûsalité
entre
les
différentes
phrases
et
i l
se
dégage
un
certain
mystère.
La
combinaison
des
mots
fai t
ressortir
Une
ambi-
guïte
et
la
possibilité
d'au
moins
deux
interprétations
où le
mystère
est
présent.
b.
Un vocabulaire
clair
et
simple.
Ama di
é vit e
t 0 ù t
P é dan t i s me
dan s
ses
rom ans.
l I a
un
souci
constant
d ' u t i l i s e r
des
mots
simples
et
justes.
Et
Niven
note
à
juste
t i t r e
qu'"
Amadi's
English
contains'VI.C
technically
sophisticated
or
recherché
words~
for
these
would
be
inappropriate
in
a
novelconcerned
with
rural
life
and
unquestioned
beliefs. "(29)
Mais
comme
nous
l'avons
souligné,
la
simplicité
des
mots
ne
doit
~tre prise qu'au premier niveau.
En
effet,
à
un
second
niveaù, la
combinatoire
de
ces
mots
crée
une
situation
de
signification
qui
n'est
plus
dû
toüt
simple.
E t c ' est
là
0 ù
l a s i mpli c i té
d'A ma d i s e
co mpli q \\le
pou r
donner
lieu
à
une
atmosphère
fantastique.
Gependant,
ce
qui
fait
l'originalité
du
style
d'Amadi
c'est
sa
capacité
325
à
e mp r ù n ter
des
pro c é dés
pro che s
de
l a t rad i t ion
0 r al. L
pour
rendre
effectif
le
discours
de
ses
personnages
et
refléter
la
réalité
de
leur
monde.
c.
Une
prose
proche
de
la tradition orale.
Notls
avons
noté
çà
et
là
les
métaphores,
les
comparai-
sons
et
les
images
qüi
sont
tirées
de
la
natu.re
et
du
folklore
Ibo.
Ces
éléments
constituent
des
procédés
stylis-
tiqües
qui
portent
la
beauté
dû
style
d'Amadi
à
son
plus
haut
niveau.
Ils
n'ont
pas
pour
but
essentiellement
d'em-
bellir mais
plùt6t
de
faire
sentir
avec
autant
de
réalisme
que
possible
le
vécu
des
personnages
à
travers
leur
parler
quotidien.
Cependant
ce
langage
qui
se
veut
limpide
recèle
un
certain nombre
d'ambiguïtés
qui
rendent
moins
évidentes
l'interprétation du discours.
Dans
The
Conc~bine
le
premier
proverbe
annonce
déjà
ce
qui
constituera la
trame
dü roman: "Surprise
can beat ev en
the
strongest. "(3D)
La surprise,
le
mystère,
l'inconnu,
le
surnaturel
sont
des
variables
qui
sont
au
coeur
de
The
Conc~bine et
qui
font
qu'effectivement
plus
d'un
événement
tragique
surprend
les
personnages
et
échappe
à
leur compré-
hension.
le
respect
que
les
hommes
ont
pour
les
dieux
dans
la
société
traditionnelle
se
manifeste
dans
la première
phrase
proverbiale
d' Olùmba dans
The
Great Ponds
"Never play with
the
gods my
son.
They
are
powerful and should be respected.
326
l
ùJould
rather
face
a
ùJhole
village
in
battle
than
have
the
weakes t
of the
gods
after me. "( 31 )
The
Great·,Ponds
montre
par
la
suite
l ' e f f e t
produit
par
la croyance
aUx
forces
supérieures
sur
les
personnages.
Amadi
décrit
la
complexité
des
rapports
entre
les
person-
nages
et
les
dieux.
Dans
The
Slave
la
première
rencont!'e
des
patriarches
poùr
débattre
du
retoùr
d'Olûmati
à
Aliji
se
distingue
des
passages
qui
précèdent
par
le
langage
riche
de
prover-
bes
et
de
sagesse.
Et
qüand
les
_interlocute-lrs
abandonnent
le
suj et
de
l'ordre
du
j our
pour
débattre
d'autre
chose
le
patriarche
Bekweri
attire
leur
attention par
un proverbe
H
. .
adéqùat:Let us
not
forsake
a
burning
house
to
chase
rat~(32)
Les proverbes
font
pa:::-tie
du
discours
des
hommes
adultes
et
Amadi
s'efforce
de
le.
faire
apparaître
dans
son
réci t.
Et
d'ùne
façon
ironique
i l
décrit
Ekwueme
dans
The
Concu-
bine,
essayant
d ' u t i l i s e r
des
proverbes
pour
proùver
à
son
entoùrage
qU'il
est
devenu
adulte
après
s'tltre
marié
avec
Ahurole.
Mais
Ekwûeme
n' y
parvient
pas
car
i l
a
toÙ'-
jours
les
caractéristiques
d'tin
"mother
child".
Des comparai-
sons
construites
à
partir & l'environnement des personnages jouent
un rôle très imPt:Jrtant d.ans l'oeuvre amadienne et sont le signe d'une
certaine
réalité
mais
contribuent
aussi
à
l'économie
des
mots
et
à
la- simplicité
du
langage.
Ainsi,
pour décrire
le
personnage
de
Madume
le
narrateUr
utilise
une
comparai-
son:"
He
had
a
temper
as
bad
as
that
of a
man
with
ùJhit-
loùJs
on
his
ten
fingers. "(p.l)
Et
quelques
phrases
plus
327
loin
Madùme
et
Emenike
dans
leur
lutte
sans
merci
sont
comparés
à
des
animaux
pris
dans
un
piège:"For
several minu-
tes
they
pushed
each
other
about
treading
down
bushes
like
antelopes
caught
in a rope
trap. "(p. 2)
Des
images
comme
"
Madume
had a narrow$quared head
(axe-
headed
acording
to
villagers)
and
an
iroko
trunk."
(p.l)
où"Ihuoma
's
complexion
was
that
of
the
ant-hill. "(p.10)
sont
aûtant
de
moyens
que
choisit
Amadi
pour
décrire
avec
fidélité
la
société
traditionnelle.
Amadi
trie
toùs
ces
éléments
de
l'environnement
de
ses
personnages
et
fait
apparaître
ùne
expérience
sociale
comme
celle
qùe
décrit
E.Mphalele
à
propos
de
la
poésie:
Our
poetry
is
full
of
animals
and
plants
but
these
are
used
because
they
provide
apt
metaphors
or
simile~
or
compressed
ways
of reflecting
upon social
experience
(33)
Roscoe
souligne
à
peu
près
de
la même
façon
l'importance
des
proverbes
dans
le
monde
rural
africain
lorsqù'elle
écrit
que:
As
'il
rule
the
proverb
reflects
the
basic
details
of rural African
life
and
is
frequen-
tly
built
around
a
central
image
of striking
be9u~~ drawn from people's long acquaintance
with
the
forest
and
its
teeming
animal
life.
(:) 4 )
Amadi
fait
partie
de
ces
auteurs
africains
tels
qùe
Achebe,
Okara et
Tutuola
qûi
ont
su
créer
ùne
beauté
artis-
tiqùe
et
a t t i r e r
l'attention
du
lecteur
en
ûtilisant
des
images,
des
comparaisons,
des
métaphores
de
leùr
folklore,
des
structùres
verbales
et
des
figùres
de
style
propres
à
la
société
traditionnelle
africaine
dans
leùrs
oeuvres
328
de
fiction.
Le
style
et
le
langage
d'Amadi
sont
cohérents;
les
structures
des
phrases,
les
différentes
constructions
syntaxiqùes
et
les
mots
choisis
forment
une
cohésion
par-
faite.
Et
c'est
cette
synthèse
artistique
qUi
fait
dire
à
G.NySmndi
à
propos
de
The Concübine
qUe:
There
is
no conscious
search
for
a new style,
no
open
breach
with
the
normal
pattern
of
narrative discourse.
He
[AmadiJ
writes
within
the
c lass ica l
tradi t ion,
drawing
on
the
artistic
resources
of
the
oral
tradition
to
enrich
and
differentiate
his
work.
The
oral
tradition
provides
him with such stylis-
tic
features
as
proverbs,
conversational
patterns,
and
fresh
lexical
items. (35)
L'intrigue
et
la
narration
vont
de
pair
dans
l'oeuvre
amadienne.
Nous
reviendrons
ultérieurement
sur
quelques
aspects
du
style
et
du
langage
dl Amadi.
Nous
observerons
à
travers
les
techniques
narratives
d'Amadi SO'i') souci
d'~tre
le
plus
objectif possible.
Ce
désir
d'objectivité
va donner
naissance
à
un
certain
"réalisme"
dans
son
oeUvre.
Mais
cela
n'est
qü 1 Une
certaine
façon
de
présenter
les
choses;
car
i l
y
a
toujours
au moins
deux
interprétations
possibles
et
c'est ce
qui
crée
le
fantastique.
329
XI - NARRATEUR ET NARRATION
A -
Réalisme et objectivité de l'oeuvre.
Elechi
Amadi
ré0ssit
ê
décrire
la
société
traditionnel-
le
Ibo
de
façon
convaincante
et
intéressante;
et
cela
grâce
à
Une
technique
narrative
permettant
de
créer
l'im-
pression
du
réel.
Le
mot
réalisme
ne
doit
pas
~tre entendù
ici
comme
synonyme
de
reproduction
exacte
ou
de
photocopie
conforme
de
la réalité.
Il
ne
correspond
pas
à
l'impression
de
ces
étudiants
que
rapporte
Eustace
Palmer:
l
have
met
many
students
who
frankly
admit-
ted
that
of
all
African
novels
they
have
read~
The
Conc:ubine
was
the
on l y
one
they
could
respond
to fully~ because
i t
presented
an
almost
exact
copy
of
village
life
as
they
knew
i t . (l)
L'oeuvre
amadienne
est
loin
d'être
"an
almost
exact
copy
of
village
life";
ce
qui
ferait
de
ses
romans
non
pas
des
oeuvres
de
fiction
mais
plutôt
un
assemblage
de
documents.
Ce
n'est
pas
parce
qù'Amadi
peint
les
réalités
de
la
société
traditionnelle
que
son
oeuvre
est
réaliste;
car,
comme
le
souligne
Jean-Paül Sartre:"
On
n'est
pas
écri-
vain
pour
avoir
choisi
de
dire
certaines
choses
mais
pour
avoir
choisi
de
les
dire
d'une
certaine
façon
et
le
style
bien
sûr
fait
la valeur
de
la
prose. "(2)
C'est
donc
dans
les
techniqlles
narratives
qu'il
faut
rechercher
le
réalisme
du roman amadien et
non
dans
l'exac-
titude
oü
la réalité
des
événements
présentés.
330
L'une
des
caractéristiques
de
la
technique
narrative
d'Amadi
est
l'effort
que
fournit
l'auteur
pour
ne
pas
s'interposer
entre
le
lecteur
et
son
texte.
En
d'autres
termes 1
i l
s'agit
de
la
non-intervention
ou
de
la
non-
intrusion
ct' Amadi
dans
ses
romans.
Cela
donne
seulement
une
impression d'objectivité,
car
le
narrateur
est manipulé
par
l'auteur.
Si
bien qu'on ne
peut
pas
à
proprement parler
d'objectivité
ou
de
narration
impersonnelle
au
sens
où
George
Nyamndi
l'attribue
à
l'oeuvre
réaliste:
Narratorial
impersonality
is
an
essential
element
of
a
realist
work.
This
technique
gives
an autonomous
existence
to
the action~
and provides
the adequate
basis
for
objecti-
vity. (3)
La
narration
impersonnelle
dont
parle
Nyamndi
n'est
qu'un
idéal,
car
dans
la
pratique
aucune
oeuvre
de
fiction
ne
peut
se
justifier
comme
telle
sans
l'intervention,
ne
serai t-ce
que
de
façon
indirecte,
de
l'auteur.
Il
Y
a
un
rapport
ironique
qui
fait
que
la
recherche
d'objecti-
vité
conduit
à
une
subjectivité
dans
toute
oeÙ'vre
de
fic-
tion
comme
le
souligne
si
bien Jenkins:
In a word~
the
irony
is
that
the more imper-
sonal
he
is~
the
deeper
the
writer
himself
is
invo lved.
The
more
he
rea l iz es
his
fic-
tion
in
terms
of
the
objective
world
the
more
also~
paradoxically
but
logically~
he
is
structuring
and
increasing
his
own
subjective
awareness;
the
more
he
achieves
himself
in
projection
in
relation
to
the
world. (4)
Il
Y
a
donc
un
débat
qui
est
ouvert
sur
la
-nQtion
de
réalisme
en
littérature
et
sur
l'objectivité
vers
la-
quelle
elle
tend.
331
Pour
revenir
à
l'oeuvre
amadienne
proprement
di te
nous
dirons
que
l'impression de
réalité
qtle
notls
avon~ provient
du
fai t
qu' Amadi
a
su
choisir
et
organiser
certains
élé-
ments
et
certains
aspects
de
la
société
traditionnelle
dans
ses
romans.
Il
a
su
créer
CIn
univers
plausible
dans
lequel
tout
se
tient
ou
comme
le
remarque
Nyamndi:" [ . . . ]
the
conflict
betùJeen
obJectivity
and
subJectivity
is
resolved
by
Amadi's
depiction
of
a
village
life
aknowledged
by
many
of
his
readers
to
be
a
fic t iona l
paradigm
of
the
real. "(5)
Nous
pouvons
rencontrer
ce
"paradigme
fictionnel
du
réel"
dont
parle
Nyamndi
dans
qùelqües
aspects
des
techni-
ques
narratives
d'Amadi:
L'aspect
primordial
du
réalisme
de
l'oeuvre
amadienne
est
sans
doute
la
capacité
de
l'aliteur
à
ne
négliger
aucun
détail
qui
rend
vraisemblable
la
représentation
de
la
société
traditionnelle
Ibo.
le
rapport
entre
les
personna-
ges
et
les
dieux;
leur
attachement
aux
valeurs
et
croyances
traditionnelles;
les
sacrifices,
les
rituels,
la divination;
la
description
des
activités
quotidiennes;
les
joies
et
les
peines
des
personnages;
les
comportements
individuels
et
collectifs
sont
des
détails
sur
lesquels
Amadi
se
penche
avec
le
plus
grand
détachement
possible.
Il
n'y
a
aùcüne
tentative
directe
d'idéalisation
d'lin
qùelconque
aspect
de
la société
décrite;
pas
plus
qu'il
n'y
a
de
tentative
de
division
de
la
société
en
deux
camps,
avec
d'un
c6té
les
"bons"
et
les
valeùrs
positives,
et
de
l'au·tre
les
332
"mauvais"
et
les
valeurs
négatives.
Amadi
essaie
d'être
le
plus
pragmatique
possible
et
de
présenter
les
choses
avec
la
plus
grande
objectivité.
Cependant,
c'est
de
cette
objectivité
que
naît
le
fan-
tas tique ;
car
le
re fus
de
l'auteur
d'intervenir
dans
ses
romans
pose
parfois
problème
au
lecteur.
En
effet,
le
silence
de
l'auteur
à
propos
de
l'intervention
du
surnatu-
rel
favorise
l'hésitation
chez
le
lecteur
qui
a
du
mal
à
décider
qui
sont
les
véritables
agents
des
événements.
Cette
attitude
d'Amadi
peut
~tre
mise
en
parallèle
avec
la
remarque
que
fait
Pierre
Vanbergen
au
sujet
du
roman
métaphysique:
Le
romancier
ne
veut
ni
expl-iquer~ ni
édi-
fier~ mais nous faire
partager
une
expérien-
ce
existentiel-l-e;
son
but
n'est
pas
de
nous
décrire
une
aventure~ mais
de
l-a
faire
vivre.
Il-
concevra
donc
son
oeuvre
de
façon
qu'il-
s'efface devant
ses
personnages. (6)
L'effacement
de
l'auteur
devant
ses
personnages
et
par
conséquent
devant
le
lecteur
aussi,
laisse
une
marge
de
liberté
à
ce
dernier
poûr
juger
des
différents
événe-
ments.
Pour
le
lecteur
d'Amadi
cette
liberté
conduit
à
l'hésitation,
à
l'indécision,
en un mot
au
fantastique.
-
Le
dialogue
également
confère
à
l'oeuvre
l'impression
de
réali té.
L' auteür
s'efface
devant
les
personnages
et
livre
les
points
de
vue
de
ceUx-ci
à
travers
le
dialogue.
Ce
faisant,
Amadi
conserve
une
certaine
impartiali té
face
aux
événements.
C'est
par
le
dialogue
entre
Ihuoma
et
sa
mère
que
le
narrateur
nous
livre
le
point
de
vue
333
de
celles-ci
sur
la
mort
d'Emenike.
C'est
aussi
en
dialo-
gtiant
qùe
les
personnages
s'interrogent
sGr
l'épidémie
de
"Wonjo"
dans
The Great
Ponds.
Au
cours
des
séances
de
divination
s'instaure
~n dialo-
gue
entre
le
"medicine
man"
et
ses
visiteurs
et
de
ce
dialogue
ressort
le
profond
attachement
des
personnages
à
la
science
divinatoire.
Le
dialogue
chez
Amadi
joue
aUssi
le
rôle
de
modulateur
rythmique
dü
roman.
S ' i l
est
vrai
q\\1'e
les
dialogues
très
longs
ralentissent
l'action
dans
le
roman
et
font
que
le
rythme
du
réci t
s' alourdiss~. il
n' en
deiDeure
pas
moins
.J
que
ces
dialogues
tradUisent
aussi
Qne
réalité
de
vie
dans
la
société
traditionnelle
africaine.
En
effet,
i l
s'agit
d'une
société
où
les
gens
prennent
le
temps
de
se
parler;
où
les
débats
s'organisent
périodiquement
pour
résoudre
les
problèmes
qui
se
posent
à
la
société.
Le
dialogue
traduit
donc
la
réalité
d'une
vie
communautaire.
Roger
Ebbatson
not~ très
bien
l'importance
du
dialogue
dans
The Concabine:
I f there
is
more
dialogue
than
free
indirect
speech~ this
is
because
The
Concubine
deals
with
a
cooperative
public
world.
The
easy
style
of
the
narrative
has
the
flow
of
quiet
conversation
expressing
deep
familia-
ri ty
with
Omokachi
society. (7)
Dans
The
Great
Ponds
qui
trai te
du
confli t
entre
deux
1
villages,
Amadi
a
souvent
recours
au
dialogue
pour
rendre
compte
des
confrontations
verbales
entre
les
différents
protagonistes
o~ à
l'intérieur
de
chaque
village.
334
Dans
The
Slave,
c'est
par
le
dialogue
que
les
habitants
d'Aliji
essaient
de
décider
si
ülümati
peut
vivre
au
milieu
d'eux.
Comme
le
souligne
D.A.William,
le
dialogue"
seems
on
the
whole
to
wOl'k
best
when
thel'e
is
a
clear
ideological
confrontation
( . . . )
a
clear
social
confrontation
( . . . )
or a
violent dl'amatic
conflict( . . . )
"(8)
Ainsi
à
travers
le
dialogue
et
les
détails
de
la
vie
quotidienne,
Amadi
crée
une
illusion
de
réalité
dans
ses
romans.
Mais
comme
nous
l'avons
souligné,
l'objectivité
que
vise
l'auteur
n'est
qu'apparente
et
relative.
Car
i l
faut
bien
la
présence
de
quelqu'un
qui
assume
la respon-
sabilité
de
la narration.
Cela nOllS
amène
à
nous
interroger
sur
le
statut
du
narrateur
dans
l'oeuvre
amadienne.
B - Le statut du narrateur.
1 . Les points de vue.
Les
romans
d'Amadi
sont
écrits
à
la
troisième
personne
du
singulier.
Le
temps
de
la
narration
est
le
prétérit,
et
bien
sür
le
présent
dans
les
dialogues.
Les
romans
amadiens
se
présentent
comme
la
représentation
l i t t é r a i r e
des
événements,
des
traditions
et
des
modes
de
vie
relatifs
à
des
individus
et
à
une
société
donnés
sitUés
dans
le
passé.
L'histoire
est
racontée
par
un
narrateUr
qui,
apparem-
ment,
est
absent
en
tant
que
participant
dans
l'histoire
335
mais
dont
la
présence
est
ressentie
par
le
lecteur.
C'est
un
narrateur
qui
appartient
aü
groüpe
dont
i l
rapporte
l ' h i s t o i r e .
Nods
pouvons
donc
dire
que
le
narrateOr
raconte
les
événements
de
sa
société
de
l ' i n t é r i e u r .
I l
adopte
au
moins
d4ux
points
de
vue:
celui
de
quelqu'un
qui
appar-
tient
à
un
groùpe
donné
et
qui
raconte
l ' histoire
de
ce
groùpe
comme
tout
aùtre
membre
du
m~me
groupe
l'aurai t
fait;
i l
s'agit
là
d'un
narrateur
qui
connaît
les
règles
de
vie
et
les
pratiques
de
sa
société
et
qui
ne
juge
pas
devoir
les
commenter
pour
les
autres
membres
du
groupe.
],e
de 11 x i ème
p 0 i nt
de
vue
est
cel 13 i
du
na rra te ur
q li i
connaît
tout
et
qui
pense
qu'il
est
nécessaire
d'apporter
de
temps
en
temps
des
explications
à
un
auditoire
ou
à
un
lecteur
implicite
qui
ignorent
les
réalités
sociales
et
religieuses
de
la
société
décrite.
Le
narrateur
amadien
adopte
une
attitude
qOi
va
lui
permettre
de
rendre
compte
de
la
vie
des
personnages
sans
provoquer
un
sentiment
de
rejet
de
la
part
du
lecteur
face
à
la
double
causalité
qui
régit
les
événements
du
monde
de
ces
personnages.
Un naprateur omniscient:
la focalisation zéro.
Ce'
na rra t e u r s e
pré sen t e
ici
c 0 mmec e lui
q li i
est
a li
dessus
de
tout.
Il
a
les
m~mes
poüvoirs
qùe
les
dieüx
que
l'on
qualifie
souvent
d'omniscients.(9)
En
effet,
le
narrateur
a
le
pouvoir
de
savoir
et
de
faire
savoir
tout
ce
qu'il
juge
digne
d'~tre su.
C'est
lui
qui
sélec-
336
tionne
les
événements
et
les
présente
comme
i l
l'entend.
I l
va
d'un
personnage
à
un
aûtre
et
d'un
endroit
à
un
autre.
Le
narrateur
a
ce
grand
privilège
de
pouvoir
lire
ce
qùi
se
passe
à
l'intérieur
des
personnages,
de
les
faire
parler
ou
agir.
C'est,
par
exemple,
le
cas
dans
ce
passage
déjà
cité
de
The Concubine:
He
was
aware
that
a
venerable
old
chief
had
died
somewhere.
This
death
was
kept
as
secret
as
possible.
This
was
because
they
wanted
to
give
the
head-hunters
who
were
now
abroad
in
the
forest
a
chance
to
cap t ure
heads
for
grea t
buria l.
One
trapper
had s een Sonte of th13se fe llows
s ta lk ing
in
t he
fore s t a n d
s 0
word
had
gone
round
Omokachi
that
the
forests
were
'unhealthy'.
But
of
course every
man
who
was
a
man
would
go
about
his
business~
head-hunters
or
no.(]O)
Ebbatson
souligne
à
juste
t i t r e
à
propos
de
ce
passage
qu'il"illuminates
narrative-procedure
throughout
the
novel~
which
is
a
mixture
of
omniscient
(aU.
seing)
and
limited
view.
We
are
part ly
"outs ide"
Emenike
and
the
description
of the
scene
includes
him as
one
component
within
it
[ . . . ]"
(op.cit.
p.JU.
Le
narrateur
a
Une
vue
élargie
des
"head-hunters"
et
des
effets
qu'i19
provoquent.
Mais
cette
vision
que
nous
a t t r i -
buons
aU
narrateur
est
discutable
car
i l
peut
s'agir
aUssi
d'un
simple
reportage
de
la
pensée
intérieure
d'Emenike.
Amadi
a
soUvent
recours
à
ce
type
de
narration
pour
brosser
un
portrait
plus
élargi
des
personnages
et
permettre
aU
lecteur
d' avoir
Une
image
plus
complexe
de
ceux-ci
afin
de
mieux
les
jUger.
A
propos
du
narrateür
omniscient
chez
Ng1Jgi,
Emmanuel
337
Ngara
SoUligne
que
cette
technique
donne le
poùvoir
à
l ' aù-
teür:
to
enter
the
minds
of
his
characters
and
probe
their
deepest
thoughts. (11)
Genette
définit
un
tel
narrateur
comme
celui
qUi"
en dit
plus
que n'en
sait aucun des
personnages".
I l
qualifie
ce
type
de
récit:
focalisation
zéro
ou
récit
non-focalisé;
ce
qlie
Poùillon appelle
une"
vision
par derrière"(12).
Mais
nolis
ne
devons
pas
perdre
de
vVe
qlie
du
fait
meme
que
l'oeuvre
amadienne
cherce
à
montrer
l'intervention
du
surnaturel
dans
les
événements,
l'omniscience
du
narra-
teur
n'est
pas
totale.
Il
y
a
des
zones
d'ombre
qui
restent
et
qui
favorisent
l 'hésitation
du
lecteur.
C'est
le
cas
dans
The
Great
Ponds
lorsque
le
narrateur
décrit
la
peur,
le
doute
ou
l'incertitude
qUi
s'emparent
d'Olumba.
Le
lectelir
se
demande
si
OLumba
est
en
possession
de
tolites
ses
capacités
mentales:
I f he
stayed at home he would die anyway."Qj
course
you
will
die".
That
voice
again.
Olumba
did
not
bother
to
argue
with
i t .
The
voice
was
right;
he
would
die,
and
Aliakoro
would
claim
the
Pond
of
Wagaba
and
fish
as
they
had
never
done
before. (p.
137)
L'état
mental
d'Olùmba
se
détériore
de
plüs
en
plus
et
une
conversation
s'instaure
entre
lui
et
ùne
voix
inconnue.
Olumba
a - t - i l
des
hallucinations?
Le narra-
teùr
se
garde
de
le
préciser;
mais
le
discours
qli' i l
rap-
porte
nous
le
laisse
supposer
sans
que
noùs
en
soyons
sOrs:
338
"1
shall
die"~
he
[0 lumba]
whispered
to
himself·
"you
will
die"~
said
the
voice
now
disembo-
died.
Olumba
could
see
a
mis ty
shape
by
his
bed.
"No~ no~ l
shall
not
die"~ he cried.
"Of
course
you
will
die~
perhaps
tonight"~
the
misty
shape
replied.
"Not
tonight!
not
tonight!
Olumba
shouted.
He
grabbed
his
walking-stick
and
struck
out
in
the
air.
Then
he
undid
the
door
and
walked
out
shouting:"I
shall
not
die~
l
shall
not
die. "(lJ)
Au
début
de
ce
passage
le
narrateUr
semble
rapporter
le
monologue
intérieur
d'Olùmba
grâce
à
des
indications
comme
"he
whispered
to
himself".
Mais
la
soi te
dû
discours
devient
ambiguë
avec
des
phrases
comme
"the
voice
now
disembodied"
ou
"Olumlba
coüld
see
a
misty
shape
by
his
bed".
En
effet,
des
mots
comme
"disembodied"
et
"misty
shape"
posent
problème
aù
lecteur:
s ' a g i t - i l
de
monologue,
de
dialogue
intérieur
oU
de
surnaturel.
Le
narrateur
affir-
me
s ans
affirmer
l 0 r s q 1.1 ' i I r a p p 0 r te
" y 0 u
will
die,
s a id
the
voice
now
disembodied";
nous
nous
demandons
de
quelle
voix
i l
s ' a g i t .
Cette
voix
maintenant
désincarnée
est-
elle
uniquement
entendue
par
OlUmba
oU
peut-elle
être
entendue
par
d'autres?
De
même
le
narrateur
rapporte
qat
~'Olumba could see a misty shape"
i l
Y
a
de
nouveau
une
ambiguï té
avec
could
see
qui
d' une
part
indique
la difficulté ... à
voir
le
"misty
shape".
Mais
d'autre
part,
l ' u t i l i s a t i o n
de
"could
see"
au
lieu
de
" saw "
rnodalise
la
phrase
et
la
rend
moins
affirmative
et
spécifique.
Malgré
le
fait
qùe
nous
sommes
en
situation
de
discours
au
style
direct,
le
narrateur
se
comporte
339
comme
celui
qui
a
la
capaci té
de
pénétrer
à
11 intérieur
de
l'esprit
d'Olumba.
I l
fait
preuve
d'omniscience;
de
connaissance
de
la
nature
humaine.
Mais
l'omniscience
du
narrateur
ne
suffit
pas
à
éclairer
le
lecteur
sûr
l ' é t a t
mental
d'Olumba.
Ceci
est
délibéré
et
a
pour
effet
de
créer
une
situation
fantastique
poùr
le
lecteur.
Un
narrateur
à
point
de
vue
limité:
la
focalisation
interne.
Dans
ce
deuxième
type
de
narration,
Genette
définit
la
focalisation
interne
comme
étant
la
situation
où
le
narrateur
"ne
di t
pas
ce
qùe
sai t
tel
personnage".
Nous
sommes
en
présence
ct' un
narrateur
à
poin t
de
vue
limi té
oU
à
"vision
avec"
selon Pouillon.
Nous
rencontrons
une
telle
techniqÛ'e
de
narration
dans
l'oeuvre
amadienne
toutes
les
fois
que
le
narrateur
se
contente
de
raconter
l ' histoire
à
la
troisième
personne
en
ne faisant
apparaître
que
ce
qui
est
"vécu
pensé
où
ressenti
par
Un
personnage,
ou
tout
ail
moins
par
Un
nombre
limité
de
personnages"
(14)
Dans
The
Concûbine,
nous
pouvons
citer
le cas
où
le
narrateur
décrit
Madume
selon
l'opinion
des
personnages:
Madume
had one
fault
most
villagers
disliked.
He
was
a
'big-eyed';
that
is
ta
say
he
was
never
satisfied
with
his
share
in
any-
thing
that
was
good. (p.14)
Cette
opinion
populaire
des
personnages
sur
Madume
est
exprimée
plus
d'une
fois
dans
le
récit.
Lorsque
Madume
devient
aveugle,
Chima
dit
ceci
de
lui:
340
The
hunter
who
is
never
satisfied
with
small
game
may
be
obliged
to
carry
home
an
elephant
one
day.
I
have
always
said
this
of him
[Mad ume ] .
(p.73)
Ihuoma
e~prime la même
opinion
en
d'autres
termes:
Unconscious ly,
Ihuoma
stopped
her
cracking
and
began
to
think
of
Madume' s
dea th. Some-
how
she
had
been
convinced
that
something
bad
must
be
in
store
for
a
man
who
was
'big-eyed'.
It
was
impossible
for
the
wicked
to
go
unpunished,
the
everwatchful
gods
of
retribution,
Ofo
and
Ogu,
always
made
sure
of
that.
(p. 77)
Le
narrateur
se
contente
de
rapporter
l'opinion
des
personnages
sans
prendre
parti.
I l
y
a
alors
une
objectivité
apparente.
~1ais
le
fait
que
le
narrateur
ne
prenne
pas
parti
peut
laisser
supposer
qu'il
n'y
a
pas
un e
gr and e
dis tan c e e n t r e l e s
p ers 0 n na g e s e t
lui.
Co mme
nous
pouvons
le
constater,
de
nouveau,
le
narrateUr
aban-
donne
le
lecteur
à
son
propre
jugement.
I l
n2. lui
rapporte
que
les
faits.
Dans
ce
cas
précis,
le
lecteur
a
le
sentiment
que
madùme
s ' e s t
suicidé
à
caûse
de
son
mauvais
comportement.
Et,
lorsque
plus
tard
le
"medicine
man"
révèle
que
c'est
le
"Sea
God"
qui
est
à
l'origine
de
ce
süicide,
le
lecteur
hésite
entre
les
différentes
explications.
Chez
Amadi,
l ' u t i l i s a t i o n
du
narrateur
à
point
de
vue
limité
a
pour
effet
de
souligner
l'adhésion
apparente
de
celui
-ci
à
l'opinion
publique.
PuisqU'il
y
a
une
sorte
d'approbation
du
narrateur,
cela
permet
aU
lecteur
de
s'identifier
au
groupe
et d' ad 0 pte r I ' 0 pin ion
de
cel û i -
ci.
341
La
démarche
du
narrateùr
à
point
de
vUe
limité
favorise
l'introduction du
surnaturel
sans
choquer
la
susceptibilité
d'un
lecteur
imbù
de
rationalité.
Car
le
narrateur
crée
une
illusion du réel
dans
le
récit
et
acqüiert
la
confiance
dû
lecteur.
Un narrateur peu informé:
la focalisation externe.
Ce
troisième
type
de
point
de
vue,
selon
Genette,
concerne
les
situations
où
le
narrateur
"en
dit
moins
qüe
n'en sait
le
personnage".
Il
correspond
à
ce
que
Pouil-
lon appelle
"la
vision
dû dehors".
NoUs
rencontrons
cette
situation
de
narration
lorsque
sont
décrits
les
séances
de
divination,
les
différents
sacrifices,
les
activités
qüotidiennes,
principalement
dans
le
dialogue
et
les
opinions
diversifées
des
personnages.
Dans
de
tels
contextes
le
narrateur
refUse
de
prendre
position
par
rapport
à
tout
ce
qui
touche
aux
croyances
et
aux
représentations
religieuses
des
personnages.
Ainsi,
dans
les
premiers
chapitres
de
The
Concobine,
le
narrateur
décrit
le
panthéon
sans
donner
la
moindre
impression
d'
adhésion oU de
non-adhésion
à
lin
tel
monde.
Et
quand
i l
y
a
des
problèmes
qUi
se
posent
autour
des
croyances
ou
d'événements
ambigus,
le
narrateUr
se
contente
de
rapporter
l'opinion
des
personnages
oU
de
ce
qu'ils
pensent
intérieurement.
Cette
démarche
du
narra-
teur
est
l'une
des
conditions
de
la
création
du
fantastique
dans
la
mesure
où
elle
met
en
présence
plusieurs
explica-
3~2
tions
à
la
fois
contradictoires
et
complémentaires.
C'est
ainsi
que
Wolu
ne
peut
s 'emp~cher
de
faire
un
lien
entre
la
mort
d' Emenike
caüsée
par
le
"lock-chest"
et
le
combat
qu'il
a
eu
avec
Madume:
But
the
thought
of
her
husband's
rather
recent
fight
with
Emenike
worried
her
and
though
i t
was
clear
that
Emenike
had
died
of
' lock -ches t ' ~
carefu l
observers
could
not
help
noticing
a
link
between
the
fight
and
his
subsequent
illness
and death.(]5)
Cette
technique,
qui
consiste
à
ne
se
baser
que
sur
l'opinion
ou
la
pensée
intérieure
des
personnages,
permet
à
Amadi
de
donner
üneêI)parence
d'objectivité
à
ses
romans.
Grâce
à
ce
procédé
narratif,
la
mort
d'Emenike
demeure
un
mys t ère
jus q Ü ' a li
m0 men t
0 ù
l e " me d ici n e
man"
ré v è l e
qu'il
s ' a g i t
de
l'oeuvre
dÛ'
"Sea-God".
Après
cette
révéla-
tion,
le
narrateur
garde
le
silence
et
laisse
les
personna-
ges
réagi.~. L'explication dû
"medicine
man"
sur
l'interven-
tion
dû
surnaturel
est
très
importante.
Elle
constitüe
une
sorte
de
voix
de
la
sagesse;
car,
en
dernier
ressort
tous
les
personnages
adhèrent
à
cette
opinion.
Et
la
plau-
s i b i l i t é
d'\\1ne
telle
démarche
accroît
la
difficulté
du
lecteur
à
choisir
entre
les
explications
natûrelles
et
surnaturelles.
En
situation
de
focalisation
externe
le
narrateur
feint
l'ignorance
et
se
garde
de
trancher
à
propos
de
ce
que
savent
ou
disent
les
personnages.
Le
narrateur
diversifie
les
"visions"
des
personnages
et
laisse
le
soin
au
lecteur
de
juger
par
lùi-m~me.
343
D'une
manière
générale
nous
pouvons
dire
que
les
diffé-
rentes
variations
du
récit
en
terme
d'omniscience,
de
point
de
vue
limité,
d'ingérence
occasionnelle
du
narrateur,
de
choix
de
dialogues,
de
monologues,
de
descriptions
ou
de
commentaires
sont
autant
d'éléments
qui
font
qüe
l'oeuvre
amadienne
est
une
oeùvre
complexe. Cette
complexi-
té
est
d'autant
plus
grande
que
l ' u t i l i s a t i o n
du
surnaturel
est
faite
avec
finesse
et
ne
se
donne
pas
à
voir
aisément.
Le
narrateur
fait
assumer
le
discoUrs
SÛT
le
surnaturel
par
les
personnages
et
laisse
la
liberté
de
jugement
aU
lecteUr.
Nous
sommes
en
présence
d'un
narrateür
qui
choisit
délibérément
de
jouir
de
la
plus
grande
mobilité
et
de
la
plus
grande
liberté
vis-à-vis
des
événements
qU'il
rapporte
et
des
personnages
qu'il
décrit.
Il
s'agit
d'un
narrateùr
uniqüe
qUi
adopte
des
points
de
vue
diffé-
rents
e!l
fonction
de
l ' e f f e t
que
l'auteur
veût susciter'.::hez
le
lecteur.
Jusqu tic i
nous
avons
tenté
de
répondre
à
la
question
"qui
voit
?"
Et
nous
avons
analysé
les
différentes
"vi-
sions"
qùe
pouvait
o f f r i r
le
narrateur
dans
l'oeUvre
ama-
dienne.
I l
serait
intéressant
d'examiner
ausSi la
question
"qui
parle?"
Il
s'agi t
pour
nous
d'analyser
comment
le
narra-
teur
conauit
son discours.
344
2
La "personne" du narrateur.
Comme
dans
toUs
les
récits
de
fiction
se
pose
ici
le
problème
de
la
personne
qüi
raconte
l'histoire;
quelle
place
occupe-t-elle
dand
l'histoire
qu'elle
raconte?
Selon
Todorov,
la
:plUpart
des
récits
fantastiqùes
ont
pour
narrateur
quelqu'un qui
raconte l'histoire
à
la
"premi-
ère
p ers 0 n ne" : " je".
De
tel s
rée i t s
p e r met t e n t
un e
ide n t i f i -
cation du
lecteur
au narrateur-personnage":
"puisque, comme
on
sait,
le
pronom
"je" appartient
à
tous. "(16)
Les
romans
amadiens
ont,
rappelons-le,
des
narrateürs
qUi
s' effacent
dans
le
discours.
Cependant, i l
y
a
touj ours
une
prise
en
charge
du c1iS'cours
par
le
narrateür,
aussi
absent
s o i t - i l .
Genette
remarqUe
à
jüste
titre
qûe:
En
tant
que
le
narrateur
peut
à
tout
instant
intervenir
comme
tel
dans
le
récit,
toute
narration est,
par définition,
virtuellement
faite
à
la
première
personne. (17)
Il
faut
donc
plüt6t
poser
le
problème
en
termes
d'absen-
ce
oU de
présence
du
narrateur
dans
l'histoire
qu'il
racon-
te,
et
parler
alors
de
narrateur
hétérodiégétiqùe
et
homo-
diégétiqüe
comme
le
fait
Genette, poür
distinguer
respec-
tivement
un
Il
narrateur absent
de
l'histoire
qu'il
raconte~
et~un narrateur
présent
comme
personnage
dans
l'histoire
qu'il raconte". (1B)
Dans
l'oeuvre
amadienne
noUs
avons
des
narrateUrs
hété-
rodiégétiqües
par
rapport
à
l'histoire.
Les
narrateûrs
n'interviennent
pas
en
tant
que
personnages
dans
l'histoire.
Mais
il
en
va
aUtrement
au
niveaU
dû
récit
où
noUs
sen-
345
tons
la.. présence d'un narrateur qui s'adresse à un narra-
taire
virtuel
aussi
bien
à
travers
le
style
du
discours
qU'à
travers
les
commentaires
à
l ' i n t é r i e u r
du
récit.
c'est
par
exemple
le
cas
dans
le
passage
suivant
où
le
narrateur
semble
s'adresser
à
haute
voix
à
quelqu'un:
But
Emenike
was
not
afraid
of
him.
He
knew
he
could
hold
his
own
against
him
any
day
given
a
fair
chance.
But
a
man' s
god
may
be
away
on
the
day
of
an
important
fight
and
that
may
make
a II
the
difference.
This
wa s
c le a r l y
wh a t
ha d
ha pp en e d
in
the
las t
fight
between madume
and
Emenike. (l9)
Le
narrateur
s'approprie
la
parole
et
donne
sa
version
des
faits.
Les
expressions
telles
que
"But
Emenike
was
not ..
" "Bût a man' s
god . . . " ,
"This
was
clearly
what
had
happened .. ",
ont
une
valeur
d'argumentation
et
influencent
l'opinion
du
lecteur
lorsqile
celüi-ci
est
confronté
aux
autres
points
de
vUe
des
personnages
sur
le
même
événement.
Le
lecteilr
hésite
entre
les
différentes
caUses
qUi
sont
toutes
plausibles.
Ainsi,
les
narrateurs
amadiens
sont
hétérodiégétiqUes
aU
niveau
de
l' histoire
mais
i l s
sont
intradiégétiques
aU
niveau
du
récit;
c'est_ à-dire
qu'ils
interviennent
dans
le
récit.
Cela
se
constate
beau-
coup
plus
dans
The
Great
Ponds
où
le
narrateur
ne
cesse
de
chercher
à
justifier
oU
à
interpréter
le
comportement
des
personnages:
ft
was
evident
that
the
morale
of the
captu-
red
poachers
was
sinking.
Cone
were
the
devil-may-care
smiles
and
insolent
remarks.
They
were
stupefied and
ashamed. (20)
Le
choix
des
mots
"the
devil-may-care
smiles", "insolent
346
remarks"
et
l'affirmation
"it
was
evident"
montrent
on
ne
peut
plus
clairement
une
prise
de
position
dû
narrateur
pour
ce
qui
concerne
les
paroles
rapportées.
Le
narrateur
amadien
intervient
aussi
dans
le
récit
poùr
donner
des
explications
à
des
événements
où
à
des
choses
qu'il
juge
ne
pas
~tre
à
la
portée
dû
lecteur.
c'est
ainsi
qùe
dans
The
Concubine
i l
juxtapose
la
vision
d ' Emen i k e
et sap r 0 pre vis ion à pro p 0 s des cr âne s qui son t
dans
le
sanctuaire
d'Amadioha:
There
were
skulls
of
animals
on
either
side
of
the
two
carved
figures.
Emenike~
who~
had
never
before
been
so
close
to
the
shrine~
peered
into
the
darkness
and
thought
that
one
or
two
skulls
looked
human.
( 21 )
Il Y a une
certaine
ambiguïté
dans
le
discoùrs
du narra-
teur,
car
si
la
première
phrase
affirme
que
les
crânes
qui
sont
dans
le
sanctUaire
sont
des
crânes
d'animaûx;
la
seconde
phrase
dit
le
contraire
et
ne
lève
pas
le
voile
sur
la
nature
exacte
des
crânes:
les
mots
et
phrases
comme
"peered
into
the
darkness"
et
"thought
that"
nous
font
hésiter
sur
l'affirmation du narrateur
à
la
fois
omniscient
et
"ignorant".
Le
narrateùr
affirme
oU
voit
ùne
chose
qui
est
le
contraire
de
ce
que
voient
ou
affirment
les
personnages.
Le
paradoxe
c'est
que
le
lectear
ne
peût
pas
choisir
entre
les
deUx
affirmations.
Nous
avons
déjà
souligné
ce
paradoxe
que
l'on
retrouve
sûrtoùt
dans
The Great
Ponds
où
le
narrateur
semble
abuser
de
la
crédulité
dû
lecteur.
En
effet,
dans
ce
roman,
après
avoir
réussi
à
faire
admet-
347
tre
aU
lecteur
que
des
causes
parallèles
salis-tendent
les
événements,
le
narrateur
en
un~
seùle
phrase
détruit
ce
qu'il
avait
élaboré
jusqu'ici.
Grâce
à
un
discours
qui
est
en
apparence
ob j e c t i f
e t
l i mp ide,
le
na rra t e ur
a ma die n
lai s s e p l an e r
le
doute
quant
aUx
causes
exactes
des
événements
du
monde
qu'il
décrit.
Le
choix
de
déterminants
assez
significatifs
pour
décrire
les
différents
événements
et
la
prise
de
position,
dans
le
discours
sont
autant
d'éléments
qui
caractérisent
l'ambiguité
d'un
narrateur
qui
est
absent
à
première
vue
dans
l ' histoire
mais
dont
le
rôle
est
déterminant
dans
le
récit.
C - TempS de l'histoire et temps de la narration.
Il
n'y a pas toUjoï'lJ"s de correspondance entre le temps "de'l'h-is-"
taire et le temps'de la narration.
Todorov
souligne
qUe
Il
Le
temps
du
discours
est
dans
un
sens
l.inéaire
al.ors
que
l.e
temps
de
l. 'histoire
est
pl.uridimensionel.. "(21)
Dans
les
chapi tres
sur
la
cohérence
et:la cohésion
de
l '
oeUvre
amadienne
nous
avons
distingué
trois
temps
aO
niveau
de
l'histoire:
le
temps
social,
le
temps
mythiqùe,
et
le
temps
psychologique
ou
individuel.
A côté
de
ce
temps
de
l'histoire
i l
y a l e
temps
dû
récit,
temps
de
la
narration
qUi
permet
au
narrateur
de
raconter
l ' histoire
dans
Œn
certain
ordre.
Nolis
analyserons
cette
double
temporalité
à
travers
les
trois
premiers
chapitres
des
romans
amadiens.
348
The
Concubine.
Dans
le
premier
chapitre
le
narrateur
se
concentre
sûr
la
présentation d'Emenike
seul
dans
la
forêt.
Il
décrit
le
comportement
physique,
puis
les
pensées
intérieUres
du
personnage.
L'histoire
est
relatée
au
prétérit.
Ensuite
surgit
Madume
qui
échange
quelques
mots
avec
Emenike;
le
dialogue
se
fait
aü
style
direct
et
le
temps
ütilisé
est
le
présent.
Soudain,
le
narrateur
abandonne
le
dialogue
des
deux
personnages,
reprend
la
parole
et
poürsuit
le
récit
à
la
troisième
personne:
Emenike
guessed
Madume' s
intention
immedia-
t ly.
They
had
quare lled
over
a
piece
of
land
the
previous
day
, and
many
villagers
had
spoken
in
favour
of
j:menike.
On
the
~t~ength of this, &nenike had describedMadume
as,
amongst
other
things,
a
dishonest
land-
grabb~t". Madume
had
t hrea t ened
to
bea t
h im
up
and
here
he
was
to
fulfil
his
promise.
(p. 1 )
Grâce
à
l'expression
de
temps
"previous
day"
le
narrateur
passe
dû
prétérit
aU
passé
antérieur
et
raconte
l'histoire
qui
s'est
déroulée
le
j our
précédent.
La
séquence
infor-
mante
"the
previous
day"
sert
ici
de
point
de
départ
de
l'histoire.
Elle
permet
aù
lecteur
de
situer
l'action
dans
le
temps.
Püis
le
narrateur
abandonne
le
passé
anté-
rie tir
e t
r e pre n d I e
pré té r i t
q li i
p e r met
un
ra p pro che men t
avec
le
temps
de
l ' histoire
et
cela
grâce
à
l'adverbe
"here".
L'histoire
reprend
son
coürs
normal
et
le
narrateur
décrit
la
bagarre
entre
Emenike
et
Madame;
pUis
le
retour
d'Emeni-
ke
à
la
maison
et
l'alerte
donnée
par
Ihuoma
pour
annoncer
l ' é t a t
de
son mari.
Ce
premier
chapitre
se
termine
sur
la
description.
des
réflexions
de
Madûme
quant
à
la
possibilité
d'un
lien
entre
la mort
d'Emenike
et
leur
bagarre.
L' his toire
se
po\\lrsùi t
au
chapi tre
deux
ave c
la
présenta-
tion
du
personnage
de
Madume:
son
passé,
son
présent,
ses
relations
avec
les
aütres
personnages,
ses
quali tés
et
ses
défauts.
pais
de
noüveau
apparaît
une
indication
temporelle
qui
interrompt
la
description:" A.
day
after
the
fight
i t
was
clear
that
Emenike's
condition was
serious. "(23)
Le
narra-
teur
introduit
le
personnage
d'Anyika;
celui-ci
exécute
tous
les
gestes
et
sacrifices
nécessaires
pour
le
traite-
ment
d' Emenike.
Il
termine
son
travail
aux
alentours
de
minuit
selon
l'indication
du
narrateur:
By
the
time
people
stirred
from
the il'
"di-
gestion
sleep"~
that
is~
the
first
deep
instalment
which
ends
~s~h~o~r~t~l~YL-~a~.f~t~e~r m~~~·d~-
night~
Anyika
was
through
with
his
divina-
tiom. (24)
Le
narrateur
a
le
souci
de
situer
les
événements
dans
le
temps
et
cela
crée
l ' i l l u s i o n
de
la
réalité
dans
le
roman.
La
répétition
des
expressions
et
des
indications
de
temps
confère
au
récit
une
durée
et
permet
aù
lecteur
de
mieùx
suivre
les
événements.
Et
cela
est
très
important
aù
moment
de
la
lectùre.
Ainsi
qûand
noùs
arrivons
au
chapi tre
trois,
grâce
à
l'indication
temporelle
imprécise
nous
avons
l'impression
qu'ùn
long
temps
s ' e s t
écoùlé:"
As
Emenike
qradually
recovered
Ihuoma's
anxiety
grew
less."
(p.lO).
Le
narrateur
passe
sous
silence
ce
qui
s ' e s t
350
passé
pendant
le
temps
de
la
gùérison
graduelle
d'Emenike.
Dans
The
Concabine
l ' histoire
se
déroule
dans
iln
ordre
- - - - - - - - j
chronologique
et
le
récit
obéit
en
grande
partie
à
cette
chronologie.
Et
cela
grâce
à
un
narrateUr
qui
se
préoccupe
de
la
cohérence
et
de
la
l i s i b i l i t é
de
son
discours.
I l
est
intéressant
de
noter
aussi
que
dans
The
ConC\\lbine
le
temps
du
récit
est
fortement
lié
au
temps
de
l ' h i s t o i -
re:
le
narrateur
utilise
des
indications
temporelles
qui
sont
caractéristiques
de
la
société
traditionnelle
afri-
caine:
le
temps
est
décrit
en
termes
de
chants
de
coqs,
de
lunaisons,
de
couchers
de
soleil,
de
variations
saison-
nières.
The Great Ponds.
Dans
The
Great
Ponds,
nous
trouvons
le
même
procédé
qùant
à
l'organisation
temporelle
du
récit
et
de
l ' h i s t o i -
re.
Mais
ici
le
narrateur
insiste
beaucoup
sur
le
temps
climatiqüe,
décrivant
les
conditions
atmosphériques
et
leur impact
sur
les
personnages:
The
shadows
were
lengthening
but
the
sun
was
shining
brilliantly
in
spite
of
the
effor ts
of deep grey c louds
to
caver it. (p. 9)
I l
Y
a
Une
utilisation
symbolique
du
temps
climatique
dans
The
Great Ponds.
Aussi, au-delà
dü
temps
météorologique
qu'il
suggère,
ce
passage
peut
être
mis
en
parallèle
avec
l'atmosphère
psychologique
dans
laquelle
se
trouve
les
personnages.
En
effet,
nous
sommes
aU
premier
soir
de
351
la
rencontre
qui
aura
lieu
entre
les
hommes
de
Chiolû
et
ceux
d'Aliakoro
et
malgré
le
calme
apparent
des
person-
nages,
i l
Y
a
une
angoisse
latente
Sous-jacente
quant
à
l'issue
de
cette
rencontre;
ainsi
comme
le
montre
le
nar-
rateur
Un
peù
plus
loin: "The
men walked on~ chatting
and
making
fun~ but beneath their gaiety lay tension and alert-
ness."
(p.10}.Cette
atmosphère
tendUe
est
volontairement
maintenue
par
le
narrateur
qui
se
livre
à
de
longues
des-
criptions
du milieu
dans
lequel
se
trouvemles
personnages:
During
the
rainy
season
The
Great
Ponds
formed
a
mys terious
s ea - reddi's:h-brown
wa te r
ranging
in
depth
from
the
waist
to
four
or
more
times
the
height of a man. (p.ll)
Les
adjectifs
et
les
adverbes
contriba.ent
à
rendre
compte
de
la
tension
et
nous
sommes
dans
l'expectative
quant
à
ce
qui
va
se
passer
lors
de
la
rencontre
des
deux
villa-
ges
dans
un
endroi t
aussi
clos
et
t e r r i f i a n t .
En
cinq
pages
noUs
aVons
l'impression
que
les
choses
ont
duré
Une
éternité.
Ainsi,
dans
The
Great
Ponds,
le
temps
du
récit
est
dramatique;
i l
accentue
la
peûr
et
le
doute
et
permet
aù
mystère
et
au
suspense
de
durer
longtemps.
Puis
c'est
enfin
la
rencontre
des
hommes
d'Oll1mba
et
de
Wago.
Le
narrateur
s'arrête
sur
cet
événement
et
décrit
le
combat
qui
se
déroule.
Deux
hommes
d'Aliakoro
sont
faits
prisonniers
et
c'est
le
retour
à
Chiol\\!;
c'est
le
début
du
chapitre
deux
avec
une
indication
temporelle
imprécise: "For
the
two
prisonners
i t
was
a
long
night"
(p.16)
Qùelques
instantS plus
tard
c'est
le
chant
du
coq
qUi
est mentionné:"
A
distant
cock
from
a
far
distant
352
village
cY'ew". Le
jour
se
lève
avec
l'arrivée
des
hommes
d'Aliakoro
venus
demander
la
libération
des
prisonniers:
"
EaY'ly
this
mOY'ning
thY'ee
men
came
fY'om
A liakoY'o
to
beg
foY'
the
release
of the
pY'isoners."(p.18)
Les
négociations
pour
la
libération
des
prisonniers
se
font
dans
une
atmosphère
surchauffée
mais
finalement
un
compromis
est
trouvé.
Le
chapitre
deux
se
termine
sur
la
présentation du personnage
d'Olùmba.
Le
chapi tre
trois
commence
avec
la
réünion
des
hommes
de
Chiolu.
Puis
ce
sont
les
préparatifs
pour
une
autre
r e n con t r e a u
Gre a t
P 0 n d s~" Men
s pen t
the
Y'est
of
the
-=-----------------"'-----
evening
pY'epaY'ing
for
the
encounter 1/. (p. 28)
De
nouveau
i l
y
a
un
retour
sur
le
personnage
d'Olümba:
"
Olumba
slept
in
the
security
of
the
gods.
He
woke
up
stY'ong
and
confi-
dent
and
pY'oceeded
to
fOY'tify
himself. "(p. 29)
Contrairement
à
la
fluidité
du
temps
dû
récit
dans
The
Concubine
qui
allait
de
pair
avec
la
diversité
des
activi-
tés
quotidiennes
et
par
conséquent
avec
le
temps
de
l'his-
taire,
dans
The
Great
Ponds
.la
narration
se
concentre
sur
la
gùerre,
et
les
événements
se
déroulent
rapidement
OU
lentement
en
fonction
de
l ' e f f e t
d'attente
que
le
nar-
rateur
veut
créer
chez
le
lecteur.
La
durée
fictive
dü
récit
maintient
le
lecteur
ou
l'auditeur
dans
un
état
d'attente
et
.de
suspense.
C'est
par
exemple
le
cas
dans
le.
passage
suivant
où
une
grande
tension
entoure
le
"bras
de
fer"
entre
Wago
et
Olumba:
TheY'e
was
silence
as
the
two
men
9 lowered
·,
353
at
each
other
[. .. ]
No
one
said
anything.
An
ominous
silence
prevailed.
ft
was
as
i f
the
whole
crowd
had
been
s~uck by Amadio-
ha's
thunderbolt.
Slowly
Wago's
right
hand
sought
the
sheath
of
his
matchet.
Olumba
noticed
this
and
began
to
do
the
same~
re-
treating
a
short
step
as
he
did
so.
Wago
retreated
too~
his
eyes
riveted
on
his
oppo-
nent.
Many
held
their
breaths~
their
hearts
beating
wildly [ . . . J (p.24)
L'atmosphère
est
créée
par
la
description
du
comportement
physique
des
deûx
protagonistes
et
de
l'immobilité
absolue
des
aütres
personnages;
voire
même
du
monde
qUi
les
entou-
re.
Nous
avons
l'impression
d'un
arrêt
du
temps
avec
des
personnages
qui
boUgent
à
peine.
Il
règne
Un
silence
de
mort
et
le
suspense
est
maintenu
comme
l'indique
le
narra teûr:"
if;
!JJas
as
i f
the
who le
crowd
had
been
s truck
by
Amadioha 1 s
thunderbo l t. Il
Le
temps
de
l'histoire
et
le
temps
du
récit
sont
caractériS-
tiques
des
temps
que
l'on
rencontre
dans
les
romans
poli-
ciers.
L'accent est mis plütôt sür le
suspense
qUe
l ' accéléra-
tion
où
le
ralentissement
du
récit
crée
chez
le
lecteur.
Il
faut
aUssi
ajouter
qu'en
raison
de
la
nature
énigmati-
que
de
The Great
Ponds
quant
aux
causes
exactes
des
événe-
ments,
le
temps
joue
Un
grand
rôle
dans
la
recherche
des
solutions
à
ces
énigmes.
A
t i tre
ct' exemple
noUs
poUvons
ci ter
toUs
les
cas
où
le
narrateur
fai t
précéder
la
caUse
par
l ' e f f e t ,
et
que
nous
avons
soUligné
dans
les
chapitres
précédents.
Ainsi
noUs
avons
Un
rapport
temporel
entre
l'histoire
et
la
narration
où
les
événements
sont
soit
antérieurs
oU
postérieurs,
soi t
simùltan~s.
Et
le
narra-
354
teur
utilise
l'un
ou
l'autre
procédé
pour
faire
avancer
et
l'histoire
et
le
récit.
Cette
narration
intercalée
est
la
démarche
dont
se
sert
le
narrateur
afin
de
pouvoir
raconter
les
événements
aussi
bien
passés,
que
présents,
oU
futurs.
C'est
aussi
grâce
à
ce
type
de
narration
qu'un
portrait
complet
de
certains
perso~nages
'C omme
Ihuoma,
Ekwueme,
Madume,
Olumba,
Wago,
Olumati,
etc.
est
dressé.
La
rigueur
dans
l'organisation
temporelle
de
l ' h i s t o i r e
et
du
récit
est
très
importante
dans
le
récit
fantastique.
I l
faut
qu'il
y
ai t
une
cohérence
dans
la
chaîne·
causale
des
événements.
Rien
ne
doi t
l§ tre
laissé
au
hasard,
ni
être
placé
à
un
moment
inattendu.
Tout
doit
concourir
à
rendre
plausible
les
différents
événements
et
à
faire
hésiter
le
lecteur
entre
les
explications
ou
interpréta-
tions
qui
lui
sont
proposèes.
The Slave
Le
temps
du
récit
alterne
entre
le
prétérit
et
le
pré-
sent
dans
les
dialogues
au début
du
roman.
Au
chapitre
deux,
i l
y
a
une
antériorité
d~ temps
de
l ' h i s -
toi r e
par
ra p p 0 r t a u
te mp s
d u r é c i t .
1e
na rra te Ur
rel a te
les
événements
qui
ont
eu lieu dans
Un
passé
antérieùr:
"Many
years
ago~
slave
raiders
swooped
on
Echela
village
one
rainy
night
and
carried off many
members
of
that
fami-
ly. "(p. 24)Puis
nous
nous
rapprochons
du
temps
du
récit
avec
la datation
de
la mort
du
père
d'Olumati:
355
"Two
yeaY's
ago Osimini
died"(p. 25). Le
temps
de
l ' histoire
se
rétrécit
à
nouveau:
"A
few
days
ago~
Nyege
invited
Olumati
to
Aliji.
This
then
is
the
problem."
(p.25)
La
séquence
informante
"this
then
is
the
problem"
nous
amène
au
temps
du
récit
où
le
narrateur
va
rapporter
la
discùs-
sion
entre
les
membres
de
la
société d'Aliji qui doivent décider
si
oui
ou non Olumati
doit
vivre
parmi
eux.
Il
Y
a
une
certaine
durée
fictive
du
temps,
et
cinq
lignes
après
le
débat
entre
les
habitants d'Aliji
le
narra-
teur
indique
que
huit
jours se
sont
écoulés:
Eight
days
reassembled
and
one
of
to
deliver
the
message
of
Isiilli.
(p.27)
Puis
au
chapitre
trois,
c'est
le
retour
à
une
chronolo-
gie
de
l ' histoire
et
à
une
sorte
de
synchronisation
entre
le
temps
du
récit
et
le
temps
de
l'histoire.
L'analyse
des
trois
premiers
chapitres
des
romans
d'Amadi
permet
de
voir
ce
que
peut
être
le
rapport
entre
le
temps
de
l'histoire
et
le
temps
de
la
narration
dans
l'ensemble
de
son
oeuvre.
NoUs
avons
affaire
à
une
temporalité
éclatée
du-
fait
que
le
narrateur
rapporte
les
événements
passés
et
qu'il
a
besoin
de
manipuler
un
certain
nombre
de
regis-
tres
temporels
poUr
donner
une
impression
de
totalité
et
de
réalité
au
récit
at à l'histoire.
Le
lecteur
des
romans
amadiens
troUve
ainsi
facilitée
Sa
tâche
de
lecture
grâce
à
Une
organisation
temporelle
assez
rigoureuse
du
récit.
Mais
ce
qu'il
ya
d'important
à
souligner
chez
Amadi,
c'est
que
contrairement
à
certaines
356
oeuvres
qùi
exigent
une
lecture
linéaire
-dü
début
à
la
fin
le
lecteur
à
la
fin
de
chaque
roman
doit
reconsidé-
rer
rétrospectivement
les
évènements
qui
se
sont
déroulès
dans
le
roman.
C'est
en
remontant
le
temps
en
faisant
un e
l ec t ure
ré t r 0 s p e c t ive
des
é v é n e men t s
que
le
lecteur
hésitera
face
à
la
conclusion
du
roman.
I l
y
a
donc
un
rapport
étroit
entre
la
causalité
et
le
temps
dans
l'oeuvre
amadienne.
C'est
à
la
fin
du
roman
que
le
lecteur
se
rend
compte
que
des
détails
qui
semblaient
banals
dans
le
récit
ont
une
importance
capitale
et
concou-
rent
à
créer
une
situation
fantastique.
Nous
pouvons
donc
dire
que
le
narrateur
amadien
s'appli-
que
à
respecter
et
à
créer
un
rapport
temporel
vraisembla-
ble
entre
l'histoire
et
la
narration.
Mais
au-delà
de
cet t e
y rai sem b la n ce
i l
Y
a
un
jeu
d e I a
te mp 0 raI i té
à
travers
lequel
se
crée
l ' i l l u s i o n
du
réel
et
le
lecteur
doit
~tre conscient
qu'il
s'agit
d'une
illusion.
D -
Le fantastique
un discours mixte.
A
première
vue
i l
peut
sembler
qüe
les
notions
de
fantastique
et
de
réalisme
sont
antithétiques
pour
la
simple
raison
que
le
fantastique
permet
le
doute
et
entre-
tient
l'hésitation
chez
le
lecteur;
alors
que
le
réalisme
aspire
à
une
certaine
"vérité";
à
débarrasser
le
réel
de
toùte
ombre
et
à
rester
fidèle
à
la
réalité
d'un
certain
réel.
Le
discours
réaliste
crée
l ' i l l u s i o n
dU réel.
357
~1ai s
en
deuxième
analyse
le
fantastique
ne
s'oppose
pas
au
réalisme,
au moins
dans
l'oeUvre
amadienne.
L'auteur
fantastiqùe
travaille
à
rendre
vraisemblable
le
monde
qu'il
crée.
Il
ne
transforme
pas
les
objets mais fait varier
"leurs
significations
et
leurs
pouvoirs"
et
rr:ultiplie
ainsi
les
niveaux
de
lecture.
L'oeUvre
amadienne
obéit
à
cette
didactique;
Amadi
présente
les
événements
de
l'intérieur
et
laisse
au
lecteur
le
soin
de
relever
les
contradictions
et
les
ambigultés
qui
le
font
hésiter
devant
les
événements
qui
lui
sont
présentés.
En
utilisant
Un
discours
réaliste
Amadi
évite
de
faire
de
ses
romans
des
contes
merveilleüx
ou
étranges.
Il
ne
permet pas non plus au lecteu:e de réléguer
les
comportements
de
ses
personnages
à
de
simples
süperstitions.
En
effet,
c'est
grâce
au
pôle
réaliste
qUe
l'hésitation
est
rendue
possible
entre
le
réel
et
l ' i r r é e l ;
le
naturel
et
le
surnaturel;
le
rationnel
et
l'irrationnel
chez
le
lecteur.
Le
fantasti-
que
apparaît
donc
comme
un
discours
mixte
qui
conserve
Il Url
é lé men t
réa lis t e e 0 mme pô le
d' 0 pp 0 sit ion
in ter ne. Il ( 2 5 )
A
travers
le
discours
quotidien
des
personnages
le
narrateur
amadien
rend
compte
avec
la
plus
grande
objecti-
vité
de
leur
vécu.
Les
grandes
révélations
sur
la
partici-
pation
du
sürnaturel
à
la
vie
des
personnages
sont
faites
le
plus
souvent
par
les
"medicine
men"
et
les
personnages
eux-mêmes.
Leur
discours
est
d'ùn
aütre
ordre
mais
i l
est
réaliste
en
raison
même
dü
contexte
social
dans
lequel
358
i l
se
produit.
Ce
discoürs
s'intègre
donc
bien dans
l'envi-
ronnement
social
et
le
lecteur
ne
peut
choisir
entre
ces
deux
discours
fondés
sur
le
réel
et
le
surnaturel.
C'est
ainsi
que,
par
exemple,
dans
The
Concubine
nous
avons
un
fantastique-merveilleux
qüi
apparait
lors
des
explications
données
aUx
différentes
morts.
Le
lecteur
y
trouve
à
la
fois
des
causes
naturelles:
"lock-chest"
chez
Err.enike,
"suicide"
chez
Madume,
"accident"
chez
Ekwue-
me
et
des
causes
surnaturelles:
"Sea-God","esprits
ances-
traüx",
etc.
L'oeuvre
amadienne
entretient
donc
une
atmosphère
fantastique
en
créant
à
la
fois
une
illusion
réaliste
et
en
rr.aintenant
toUt
ce
qui
s'oppose
à
ce
réalisrr.e.
En
effet,
les
événerr.ents
sont
présentés
de
telle
sorte
que
le
lecteur
a
la
possibilité
d'expliquer
les
faits
au
rr.oins
de
deux
façons
différentes.
L'auteur
essaie de
rendre son
discours
le
plus
clair
possible
afin
de
créer
une
certaine
vraisemblance;
nous
avons
noté
tous
les
détails
de
l a
vie
q Œ0 t i die n ne
e t
leJir. i mp a c t
sur
l e
l e c te û r.
Cep e n _
dant,
le
contour
réaliste
des
romans
cache
une
autre
réali-
té:
le
surnaturel
qui
se
m~le au naturel grâce à un autre
type
de
causalité;
la causalité
"mystique".
Dans
The
Great
Ponds,
par
exemple,
nous
pouvons
expli-
quer
la
peur
ou
les
"hallucinations"
d'Olümba
de
façon
rationnelle:
une
fatigue
physique,
une
peur
obsessionnelle,
non
fondée
etc.
Mais
i l
y
a
aussi
les
causes
métaphysiques:
la
croyance
d'Olumba
à
l'Invisible.
La
réalité
magico-
359
religieùse
que
noùs
observons,
par
exemple,
dans
la
scène
où
Olùrr.ba
est
"bouilli",
celle
des
abeilles
dans
l'arbre,
oU
de
l'épidémie
de
"\\~onj 0", supplée à, et complète la cai.1:sa-
l i t é
rationnelle.
Le
réalisme
du
roman
amadien
n'exclut
donc
pas
le
fan-
tastique
en
fait
i l
lui
est
nécessaire-
pas
plus
qUe
le
rationnalisme
n'exclut
le
fantastique
chez
Poe,
comme
le
remarque
si
bien
Todorov:
De
ma'nere
plus
générale,
on
peut
penser
que
le
genre
fantastique
attire
Poe
précisé-
ment
à
cause
de
son
rationnalisme(et
non
malgré
lui).
Si
l'on
s'en
tient
aux
explica-
tions
naturelles,
i l
faut
accepter
le
ha-
sard,
les
coï.ncidences
dans
l'organisation
de
la
vie;
si
l'on
veut
que
tout
soit déter-
miné,
on
doit
admettre
aussi
des
causes
surnaturelles(. . . ) Poe
est
fantastique
parce
qu'il
est
surrationnel,
non
parce
qu'il
est
irrationel,
i l
n 'y
a
pas
de
contradic-
tion
entre
les
contes
fantastiques
et
les
contes
de
ratiocination.
(26)
Amadi
ne
cherche
pas
à
s'élever
contre
le
scepticisme
rationnel
d'un
quelconqüe
lecteUr.
I l
tente
plutôt
de
présenter
dans
ses
romans
les
événements
tels
qu'ils
appa-
raissaient
aux
personnages
de
la
société
et
de
l ' époqùe
concernées.
360
XII -
LE STATUT DU LECTEUR
Dans
la
définition
du
fantastique,
nous
disions
que
l'hésitation du lecteur est
l'une
des
conditions
essentiel-
les
pour
qü'un
récit
soit
fantastique.
Le
lecteur
joue
donc
lin
rôle
important
dans
la
détermination
du
fantasti-
que.
Nais
l'hésitation
du
lecteur
est
rendue
possible
par
le
fait
que
celui-ci
est
amené
à
confronter
les
diffé-
rents
points
de
vue
des
personnages
ou
dO
narrateur
sur
les
différents
événements
et
faits
contenus
dans
le
récit.
D'une
certaine
manière,
le
lecteur
réorganise
le
texte
à
travers
la
lecture.
Et,
partant
de
là,
i l
intervient
dans
le
récit
et
essaie
"d'instituer
un
ordre
personnel,pro-
visoire
et
tout
aussi
incertain
que
les
propositions
de
l fauteur,
de
la
narration." (1)
Certes,
la
fonction
du
lecteur
du
récit
fantastique
est
commUne
à
tous
les
lecteurs
de
toutes
les
oeuvres
de
fiction;
mais
elle
est
d'autant
plus
importante
ici
que
le
récit
fantastique,
de
par
la
nature
des
événements
et
des
faits
qu'il
présente,
pose
le
problème
de
l'adhésion
où
de
l'acceptation
dû
lecteûr
par
rapport
à
ce
qUi
est
décrit.
I l
faut
que
le
récit
fantastique
suscite
chez
le
lecteur
Une
impression
de
vraisemblance
qui
l'amène
à
suspendre
son
incrédulité.
Dans
l'oeuvre
amadienne,
la
tâche
de
l'auteur
consiste
à
faire
admettre
au
lecteur
la
présence
dù
surnaturel
361
dans
les
événe/ments
qui
sûrviennent
aux
personnages.
Pour
ce
faire, i l
faut
que
le
lecteur
soit
convaincu
de
ce
qu'on veut
lui
faire
croire
où découvrir.
D'une
certaine
manière, le
lecteur
doit
être
amené
à
s'identifier
aux
personnages
et
à
éprouver
les
sentiments
qu'ils
éprouvent.
Cette
identification
dü
lecteur
aux
personnages
est
très
importante
dans
l'oeuvre
amadienne
car
elle
suppose
un
abandon
provisoire
par
ce
lecteur
de
ses
propres
convic-
tions
ou doutes
à
l'égard
dü
surnaturel.
Nous
allons
voir
comment
Amadi
convainc
le
lecteur
de
l'existence
de
ses
personnages
et
de
leur
monde
et
plus
particülièrement
de
l'intégration
du
surnaturel
dans
la
vi:e
de
ceux-ci.
Car,
rappelons-le,
l'hésitation
qui
doit
naître
chez
le
lecteur
et
qüi
caractérise
le
fantastique,
est
une
hésitation
entre
deux
ordres
antithé-
tiques:
le
naturel
et
le
surnaturel.
Mais
ces
deux
ordres
sont
complémentaires
et
provoquent
un
va-et-vient
constant
entre
ces
deux
pôles
chez
le
lecteur.
Il
y
a
lieu de
préci-
ser
ici
qu'il
ne
suffit
pas
que
le
lecteur
hésite
en
face
des
événements
d'une
oeUvre
donnée
pour
qu'il
y
ait
fan-
tastiqüe.
L'hésitation
fantastiqùe
est
la
conséquence
d'une
considération
simÛ'ltanée
de
phénomènes
qui
ne
peù-
vent
pas
s'expliqùer
uniquement
par
des
lois
rationnelles
ou scientifiques.
362
A -
Identification du lecteur aux personnages.
Nous
avons
pu
constater
dans
les
chapitres
précédents
qUe
dans
l'oeuvre
amadienne
i l
n'y
a
pas
de
narration
à
la
première
personne,
contrairement
à
ce
qùi
se
passe
dans
la
majorité
des
récits
fantastiques.
De
plus,
dans
l'oeUvre
amadienne
nous
n'avons
pas
un
héros
auquel
doi t
s'identifier
le
lecteur.
Ains i,
le
lecteùr
amadien
ne
s'identifie
ni
à
lin
narrateur-acteur
qUi
s' ex-
prime
à
la
première
personne,
ni
à
un
héros
oU
à
un
person-
nage
particulier.
Et
cela,
pour
la
simple
raison
que
les
personnages
des
romans
d'Amadi
font
partie
d'un
tout
conti-
nu
et
indissociable
comme
l'explique
Roger
Ebbaton
à
propos
de
The
Concûbine:
There
is
no
single
character
by
whom
we
aPe
deepl&
mobed:
Instead
Amadi
deplay~
a
range
of skilful distinguished
individuals
acting
within a
complex
network of interde-
pendence
and
connected
by
strong
religious~
social
and
economic
ties.
A
man
born
into
Omokachi
is
born
into
an
ancestral
group.
He
is
not
Just
an
individual~ but has links
with
the
living
and
dead
of
the
clan.
The
community
acts
as
the
framework
for
the
activities
of
characters;
there
is
no
question
of
anyone
in
Omokachi
"going
i t
alone". (12)
L'identification
du
lecteur
amadien
se
fait
donc
par
rapport
à
un
groUpe.
Les
personnages,
qui
très
souvent
descendent
d'ùn
ancêtre
commün,
partagent
les
mêmes
idéaux,
les
mêmes
croyances,
les
mêmes
peines
et
les
mêmes
joies.
Ils
traduisent
la
cohésion
et
la
s t a b i l i t é
interne
de
leur
société.
Nous
avons
soüligné
à
cet
effet
le
soUci
363
d'Amadi
de
ne
négliger
aucun
détail
pour
décrire
de
façon
réaliste
le
monde
de
ses
personnages.
Cela
a
pour
effet
de
convaincre
le
lecteür
de
la
rèàJ.::ité
du
monde
décrit
et
de
permettre
l'identification
dû
lecteur
aux
personnages.
Mais
ce
à
quoi
l'auteur
veut
que
le
lecteur
s'identifie
c'est
l'existence
du
monde
des
personnages
dans
lequel
coexistent
le
natûrel
et
le
su-rnatùrel.
Aüssi
assistons-
noüs
à
une
intégration
dû
slirnaturel
d'une
façon
convain-
cante
dans
la vie
des
personnages.
Dans
The Concubine,
les
cinq
premiers
chapitres
établis-
sent
Une
structure
sociale
cohérente
dans
laquelle
i l
y
a
un
lien
très
étroit
entre
les
personnages
et
les
dieux;
entre
le
naturel
et
le
surnaturel;
entre
les
vivants
et
les
rr.orts.
Le
type
de
relation
existant
entre
les
per-
sonnages
et
le
monde
de
l'Invisible
est
donné
déjà
à
tra-
vers
le
poème
en
préface
au roman:
The
thunder-god
feasts
in
his
grove~
Then
naps
' twixt
rainbows
up
above;
But
justice suffers
here
below~
And we
know not
which
way
to
go. (3)
Ce
poème
préfigüre
ce
qui
constituera
l'essentiel
de
l '
oeuvre
amadienne:
les
personnages
aüx
prises
avec
des
forces
supérieüres
qU'ils ne connaissentpas-'cil
qu'ils
n'arrivent
pas
à
maîtriser.
En
d'aütres
termes
i l
s ' a g i t
de
l ' i n t e r -
vention
secrète
dû
surnaturel
dans
la
vie
des
personnages;
le
mystère
entoure
les
événements
et
les
faits
qui
se
déroulent
quotidiennement.
Et
c ' e s t
à
travers
la
reconais-
sance
de
ce
mystère,
du
surnaturel,
que
le
lecteur
s' iden-
t i f i e r a aux
personnages
amadiens.
Le
lecteur
pénètre
dans
ce
monde
de
mystère
sans
trop
se
poser
de
questions
grâce
à
un
narrateur
"impartial"
qui
décrit
les
événements
avec
le
plus
grand
détachement.
Une
fois
que
le
narrateur
a
acquis
la
confiance
du
lecteur
et
provoqué
l'identification
de
celui-ci
aùx
personnages,
i l
le
rr.et
en
face
d'événements
mystérieux
tels
q1Je
la
mort
d' Emenike,
les
différentes
séances
divinatoires
où
de
grandes
révélations
sont
faites.
C'est
ainsi
qu'un
personnage
comrr.e
le
devin,
Anyika,
se
révèle
crédible
aux
yeux
du
lecteur
de
par
sa
personnali té,
de
par
le
dialogue
qui
s'engage
entre
lüi
et ses
clients,
de
par
la
plausibilité
de
ses
prophéties
et
la
vraiserr.blance
de
sa
divination.
Nous
pouvons
citer,
à
t i t r e
d'exemple,
la
première
divination
d'Anyika
avec
Madüme
(pp.58-59).
Le
lecteur
s'identifie
à
Madume
et
ressent
les
mêmes
émo-
t ion s
q li e
cel u i - ci.
.1Je
dé t ail
d u s a cri fic e
à
a c c 0 mpli r
par
Madume
attire
l'attention
du
lecteùr:
Here
they
are:
seven
grains
of
alligator
pepper,
seven
manillas,
an
old
basket,
three
cowries,
a
bunch
of
unripe
palm
fruit,
two
cobs
of
maize,
a
small
bunch
of
plantains,
some
dried
fish,
two
cocks,
one
of
which
must
be
white,
seven
eggs,
some
camwood,
chalk,
a
tortoise
(or the
shell)
and
a
chame-
lon. (4)
La
variété
des
éléments
dû
sacrifice
leùr
diversité
et
leur
nombre
indique
l'importance
du
sacrifice
et
le
lecteur
s'identifie
à
Madume
lorsque
celui-ci
réagi t
365
en
ces
termes: "Hei,
this
is
a
costly
sacrifice.
Can
we
not
omit
a
few
items
?II
(p.59).
Mais
la
réponse
d'Anyika
insiste
sur
la
nécessité
de
ce
sacrifice
et
la
pUissance
des
forces
à
combattre:"
I I I
wish
we
could,
but
we
dal'e
not.
Nothing
is
more
precious
than
life".(Loc.cit).
L'ex-
rression
"
we
dare
not"
soùligne
la
conviction
d'Anyika
dans
sa
divination
et
sa
détermination
à
ne
pas
ménager
ses
efforts
devant
les
forces
surnaturelles.
De
par
leurs
comportements
les
personnages
acquièrent
la
sympathie
du
lecteur.
NoUs
pouvons
donc
dire
que
celui-
ci
s'identifie
aux
personnages;
sUrtout
quand
les
personna-
ges
se
révèlent
incapables
de
venir
à
bout
du
surnaturel
qui
traverse
leur
vie
et
qui
provoqùe
des
morts
à
la
fois
tragiques
et
mystérieuses.
C'est
ainsi
que
Madume,
malgré
le
fait
qu'il
passe
pour
être
un
"big
eye",
acquiert
la
sympathie
du
lecteur
qui
a
pu
observer
les
vains
efforts
de
celui-Ct pour
améliorer
son
sort.
L'atmosphère
de
fatalité
qùi
règne
dans
l'oeuvre
amadi-
enne
est
très
bien
évoquée
et
le
lecteur
se
sent
encore
moins
capable
que
les
personnages
d'échapper
à
ce
qui
leur
arrive.
Nous
avons
suffisamment
souligné
cela
dans
la
première
partie
de notre
travail
et
i l
faut
tout
simple-
ment
rappeler
que
l'identification
du
lecteur
aux
person-
nages
passe
par
une
reconnaissance
du
monde
dans
leqùel
i l s
évoluent.
Dans
The
Great
Ponds,
le
monde
magico-
religieux
qui
y
est
décrit
rend
crédibles
la
peur,
le
doute
et
l ' incerti tude
des
personnages.
Le
lec teùr
s' iden-
366
t i f i e
à
ces
personnages
et
éprouv~ les mêmes sentiments.
~1ais
nous
pouvons
constater
que
l'identification
du
lecteur
aux
personnages
se
fait
grâce
à
l ' a r t
d'un
auteur
qui
a
su
sélectionner
des
détails
significatifs
qUi
rendent
compte
d'une
certaine
réalité.
C'est
en
réussissant
à
donner
Une
épaisseur
et
une
profondeur
aux
personnages
qu'Amadi
a
su
rendre
possible
l'identification
du lecteur
à ceUx,..ci.
Qu'on
se
rappelle
les
personnages
d'Emenike,
d' Ekwueme,
de
Mad ume
et
d' l h uoma
dans
The
Concùbine
ou
de
Wago
et
d'Olumba
dans
The
Great
Ponds
et
d'Olumati
dans
The
Slave.
En
décrivant
leur
passé,
leur
présent,
leur
fùtur,
leurs
réactions,
leûrs
sentiments
intérieurs
et
leurs
relations
par
rapport
aUx
autres
personnages,
à
leur
société
et
au
monde
de
l ' Inconnù,
Arr.adi
a
su
en
faire
des
personnages
"vivants"
et
provoquer
l'identifica-
tion
du
lecteur
à
ceu~ci.
B - L'attitude du lecteur face au surnaturel.
EUstace
Palmer
dans
son
analyse
sur
le
surnaturel
dans
The
ConcUbine
souligne
que
"We
should
not
judge
ùJorks
dealing
ùJith
the
supernatural
by
our
oùJn
personal
feelings
about
its
rationality
or
scientific
basis"
(5).
CeUe
remarque
est
fondamentale
dans
l'étude
de
l'oeuvre
amadien-
ne.
Le
surnaturel
tel
qU'il
apparaît
dans
les
romans
d'Amadi
367
suscite
une
attention
particulière
de
la
part
du
lecteur.
Le
surnaturel
n'y
est
pas
introduit
pour
le
simple
besoin
de
l'exotisme
ou
poUr
satisfaire
une
certaine
curiosité;
mais
comme
une
justification
des
événements
dans
un
monde
donné.
Le
surnaturel
intervient
pour
se
substituer
à
une
causalité
déficiente.
C'est
ainsi
que
dans
The
Great
Ponds
Ogbunabali,
Di e u
de
l a
Nui t ,
intervient
dans
le
récit
pour
justifier
l'irrüption
de
l'épidémie
de
"Wonjo"
dans
le
clan
d'Erekwi
et
pour
arbitrer
le
conflit
entre
Chiolü
et
Aliakoro.
L'essentiel
du
travail
de
l'auteur
est
donc
de
con-
vaincre
le
lecteur
de
la
pertinence
de
l'élément
surnaturel
dans
le
récit.
Amadi
y
parvient-il
?
C'est
la
question
à
laquelle
nous
allons
tenter
de
répondre.
Un
des
premiers
éléments
à
soUligner
dans
l'étude
dû
surnaturel
dans
l'oeuvre
d'Amadi
est
l'absence
quasi
totale
d'hésitation
chez
les
personnages
face
au
phénomène
sùrna-
tùrel.
Les
personnages
ne
sont
pas
en
proie
au
doute
face
aux
événements
surnaturels.
Dans
The
Concubine,
les
seuls
doutes
sont
exprimés
par
un
batelier
qUi
nie
l'existence
du
"Sea.God".
Mais
.
ce
q u1.
est
intéressant
de
noter
c'est
que
ce
batelier
est
étranger
à
la
commlinaüté
d'Omokachi
et
que
par
consé-
qüent
son
scepticisme
ne
porte
pas
un
coup
majeür
à
la
cohérence
et
à
la
cohésion
dû
monde
décrit
jusqu'ici.
D'ailleurs,
Ekwueme,
qui
s ' e s t
laissé
ün
bref
instant
gag ne r
par
c e
do u te,
s' est
vit e
r e s sai sie" fa i san t
rem a r _
quer
aü
batelier
qUe
le
"Sea.God"
n'apparaît
peut-être
qu'aux
368
"medicine
men"
et
pas
aUx
hommes
ordinaires.
Ainsi,
même
lorsqùe
le
doute
apparaît
i l
est
de
courte
dûrée.
Nous
pouvons
citer
le
cas
de
la
réaction
d'Ekwueme
et
de
ses
parents
à
la
dernière
divination
d'Anyika
qui
a
révélé
l'appartenance
d ' l h u 0 ma
a 11
" S e a-G 0 d" .
Cette
réaction
ne
traduit
pas
une
opposition
où
une
contestation;
elle
est
une
réaction
logique
qui
découle
du
fait
qu'Anyika
n'a
pas
laissé
Ekwueme
et
ses
parents
payer
les
frais
de
la
consultation
comme
l'exigent
les
dieÛ'x
de
la
divination.
Aussi
pouvons-nous
dire
que
la
réaction
des
personnages
est
logique.
Et,
partant
de
ce
fait
le
lecteur
s'identifie
aüx
personnages
et
hésite
devant
les
événements
qUi
lui
sont
donnés
à
voir.
Dans
The
Conc~bine, c'est
à
propos
de
la
mort
d'Ekwueme
que
l'explication
surnaturelle
st impose
avec
le
plus
de
force
et
que
l'hésitation
du
lecteur
est
la
plus
grande.
En
effet,
la
flèche
tirée
par
Nwonna
et
qui
est
fatale
à
la
vie
d' EkwUeme
ne
peut
plls
être
considérée comme
le
fruit
d'un
simple
accident.
Et
c'est
surtout
à
partir
de
ce
moment
qùe
le
lecteur
adhère
davantage
à
la
thèse
de
l'intervention du
sùrnaturel
dans
les
événements.
Ainsi,
Amadi
parvient
à
créer
une
situation
dans
laquelle
l'expli-
cation
surnaturelle
apparaît
plausible.
Cette
démarche
est
d'autant
plus
convaincante
que
tout
ne
peùt
pas
s'ex-
pliquer
par
les
caùses
naturelles
comme
nous
avons
tenté
de
le
démontrer:
Les
personnages
ne
peuvent
pas
déterminer
les
caUses
369
exactes
de
la
mort
d'Emenike
-"lock-chest"
accident.
Ces
causes
ne
sont
pas
suffisantes.
De
même,
le
suicide
de
Madume
ne
peüt
pas
être
qUalifié
de
simple
geste
de
désespoir.
C'est
à
partir
de
la
r é v é lat ion
d u " me die i ne
man",
et
de
la
mort
d'Ekwüeme,
qùe
les
causes
surnaturelles
apparaissent
av
grand
jour.
Mais
le
lecteur
était
préparé
bien
avant
à
l'intervention
surnaturelle
car
Amadi
ne
néglige
aucun
détail
dans
les
scènes
précédentes:
"-
le
comportement
d'Emenike
dans
le
sanctuaire .
./
le
cri
du
hibou qui
s'est
posé
sur
le
toit
d'Emenike .
./
-
la
présence
des
esprits
ancestraux
et
de
ceux
de
l'eaüo
/
les
détails
des
divinations
et
la
composition
des
différents
sacrifices.
)
-
le
crachat
du cobra.
1
-
Le rêve d'Emenike,
sa
folie ,sa
gUérison.
/
l '
"agwu"
d'Ahurole.
J
-
lès
qualités
morales
et
physiques
d'Ihuoma.
Bien
d'autres
détails
contribuent
à
créer
une
illusion
de
vérité
qui
entraîne
le
lecteûr
dans
le
monde
surnaturel.
Le
lec-
teûr
sUspend
son
incrédulité
pour
admettre
l'intervention
du
surnatürel
dans
la
vie
des
personnages.
Nous
parlons
de
suspension d'incrédulité
car
l'acceptation
du
sûrnaturel
par
le
lecteur
n'est
pas
en
soi
la
preuve
de
l'abandon
de
ses
propres
convictions
où
scepticisme
à
l'égard
du
surnaturel.
L'adhésion
dü
lecteur
à
l'explication
surnatu-
relle
peut
ne
durer
que
le
temps
de
la
lecture
de
l'oeuvre.
Comme
le
montre
bien Eustace
Palmer:
370
Amadi
induces
us
to
suspend
our
disbelief.
We
can
do
that
without
necessarily
chan-
ging
OUI'
scepticism
about
the
existence
of the
supernatural.
Amadi
is
not
conducting
a
rational
argument
to
prove
the
existence
of
supernatural
forces.
He
may
not
even
believe
in
the
supernaturel
himself(.. Jhe
merely
presents
to
us
a
group
of
people
for
whom
the
supernatural
is
important~
and
he
tries
to
make
their
way
of
life
as
realistic
as
possible. (6)
Si,
comme
le
souligne
Palmer,
Amadi
adopte
ûne
position
objective
dans
The
Concûbine,
ce
n'est
pas
le
cas
dans
The
Great
Ponds
où
l'aùteur,
après
avoir
démontré
la
possi-
b i l i t é
d'une
dOUble
caUsalité
des
événements
naturelle
et
sùrnaturelle
se
contredit
à
la
fin
en
affirmant
que
les
événements
n'ont
qu'une
seule
cause
-natûrelle
Ce
faisant,
Amadi
détru:it
la
cohérence
et
la
cohésion
qùi
doivent
être
de
règle
si
l'auteur
veut
parvenir
à
créer
line
oeuvre
vraisemblable.
C - La juxtaposition des événements et raits contradictoi-
res et paradoxaux.
L'hésitation
du
lecteur
repose
sur
l'inséparabilité
du
naturel
et
du
surnaturel
qui
font
partie
d'an
tout
continû.
L'hésitation
du
lecteur
naît
aussi
de
la
juxtaposition
des
faits
et
événements
contradictoires
et
paradoxaux.
En
effet,
noUs
pouvons
considérer
que
l'oeùvre
amadienne
soùmet
à
l'examen
d\\l'
lecteur
la
juxtaposition
et
leurs
contradictions
des
divers
vraisemblables,
ainsi
qüe
les
insuffisances
du
système
traditionnel.
371
Dans
The
Concübine,
i l
y
a
des
contradictions
au
sujet
de
la
rivière
de
Mini
Weku.Dans
Un
premier
temps
cette
r i -
vière
est
décrite
comme
étant
un
lieu
sacré
qui
à
la
fois
unit
et
sépare
les
villages
de
Chiolu
et
d'Omokachi.
Il
est
dit
que
quiconqûe
traverse
cette
rivière
avec
Un
pro-
duit
destiné
à
faire
dû
mal
à
autrui
est
voUé
à
la
destruc-
tion.
Cependant,
nous
observons
aU
cours
du
récit
la
mère
d'A h u r ole
qui
t r a ver s e c et t e r i v i ère
san s
a \\lc u n d 0 mmage.
Le
paradoxe
c ' e s t
qu'Ekwüeme
devient
fou
et
qUe
l'on
pense
à
l ' e f f e t
du
produit
rapporté
par
sa
belle-mère.
Le
lecteur
hésite
entre
les
pouvoirs
réels
de
Mini
Wekù
et
l'action
directe
de
la
potion
magique
dans
la
folie
d'Ekwueme.
Le
paradoxe
dans
la
folie
d'Ekwueme
c ' e s t
que
1 e
lec te ur
0 bs erve
Un
change men t
radi c al
de
ce 1 ui _ ci
dès
le
soir
où
la
potion
magique
lui
est
administré.
Les
signes
de
malaise
diagnostiqUés
chez
Ekwueme
ne
sont
pas
ceUx
de
la
folie:
A
day
01'
two
later
Ekwueme
had
slight
mus-
cular
pains
which
he
attributed
to
ordinary
physical
activities.
The
aches
disappeared
but
then
he
felt
weaker.
His
mother diagno-
sed malaria
and collected anti-fever
leaves.
These
were
boiled
up
and
he
used
the
resul-
ting
brown
liquid
for
a
bath.
ft
did
some
good
and
the
tever
left
him.
Then
came
stomach
pains
. .. J
Anyika
gave
him
some
drugs~ which worked.
(7)
Comme
noUs
poUvons
le
constater
tout
porte
à
croire
j
qû'EkwUeme
souffre
de
tout
sauf
d'ùne
maladie
mentale.
I l
Y
a
même
Une
évolution
positive
dans
la
vie
conjUgale
d'Ahurole
et
dl Ekwueme
à
la
j oie
et
à
la
surprise
des
372
personnages
tels
qUe
Wigwe:
Ekwueme
was
now
more
acco~odating though
in
a
du l l
sor t
0 f
wa y .
A h ur 0 l e 'he~s e l f
ha d
cut
down
her
crying.
She
was
more- attentive~
more
wi thdrawn,
les s
ta ut.
From
a
sniffing
girl
she
had
apparently
grown
into
a
quiet,
stable,
mature
woman
overnight.
Wigwe
watched
the
transformation
with
joy
and
fascination.
The
young
couple
had
passed
over
the
difficult
phases.
It
was
too
good
to
be
true. (8)
Malgré
le
changement
positif
d'Ahurole
et
d'Ekwueme,
i l
faut
noter
les
zones
d'ombre
qui
demeurent
lorsqû'on
l i t
entre
les
lignes.
Ainsi,
noUs
remarqùons
qü'Ekwûeme
s'adapte
plus
vite
à
sa
vie
maritale
"though'inadull
sort
of
way".
Tandis
qu'Ahurole
"had
apparently'
grown
into
a
quiet,
stable,
matUre
woman
overnight".
La
rapidité
du
changement
suscite
des
sentiments
comme
celui-ci: "It
was
too
good
to
be
trüe."
Tout
est
illusion
dans
les
événements
qui
entourent Ekwueme.
Aussi,
sa
folie
ne
peut
être
attribuée
à
ùne
seule
cause.
En
remontant
un
peu
plus
haut
dans
le
récit
noUs
troüvons
qùelques
prémices
des
problèmes
psychologiques
d'Ekwûeme:
His
unhapp ine s s
was
he ig h tened
by
the
fac t
that
no one
seemed
to
understand
his
problem
[... J Surrounded
as
he
was
by
parents,
relations
and
friends,
the
feeling
of
lone-
liness
was
unnerving.
To
re lieve
his
over-
burdened
mind
and
court
sleep
he
began
to
reconstruct
his
image
of
an
ideal
wife.
Like
rain
after
a
long
dry
season,
her
image
came
into
his
mind.
She
came
with
overwhelming
tenderness
and
understanding
in
her
eyes.
The
usual
smile
played
on
her
lips,
the
gap
in
the
tee th
enhancing
its
innocent
effect.
The
we l l
formed
limbs,
the
rounded
buttocks
all
come
in
bold
re-
lief.
With
a
cry
he
clutched
the
air
and
gasped
'Ihuoma! 1
Later he
felt
asleep. (9)
373
I l
Y
a
Un
jeu
d'opposition
de
termes
et
de
faits
qui
souligne
l'ambiguïté
et
le
paradoxe
auxquelS est
confronté
le
lecteur.
Ekwueme
est
à
la
fois
entoûré
par
des
parents,
des
amis
et
seul.
Et
cette
sitUation
le
déconcerte.
PUis,
l'on
noUs
dit
que
pour
apaiser
son
esprit
trop
chargé,
Ekwueme
essaie
de
reconstruire
l'image
d' üne
femme
idéale.
Ekwueme
n'en
est
pas
à
sa
première
escapade
à
travers
le
r~ve d'une
femme
idéale.
L'opposition
"rain"
et
"long
dry
season"
dénote
l'ampleur
du
manqùe
et
dû
désir
d' Ekwü-
eme.
Le
désir
d'Ekwl:1eme
est
comparé
à
celûi
d'ûne
terre
qui
attend
trop
longtemps
la
pluie.
L'image
d'un
~tre
féminin
qU'on
ne
nomme
pas
vient
accaparer
son
esprit.
Cette
image
est
perçue
comme
quelque. c.hose
d'indépendant
de
la
volonté
d'Ekwueme;
elle
s'impose
à
lUi:"
her
image
c a me in t 0
hi s
min d .
S h e
cam e
wi t h
0 ver wh e lm i n g
te n der n e s s
and
understanding
in
her
eyes".
L'adverbe
"overwhelming"
montre
jusqu'à
quel
point
Ekwueme
est
envahi
par
le
person-
nage
de
"her".
Le
narrateur
fait
promener
une
sorte
de
caméra
parallèle
aU
regard
d' Ekwueme
et
qui
noüs
amène
à
sûivre
l'image
de
la
femme
idéale
plan
par
plan.
Enfin,
la
personnalité
de
la
femme
idéale
est
révélée
à
travers
le
cri
de
passion
d'Ekwûeme
qUi
n'est
pas
arrivé
à
la
saisir.
Cependant
i l
obtient
Un
réconfort
moral
qui
lUi
permet
de
s'endormir.
Ihüoma
a
été
comme
une sorte
de
panacée
à
son
espri t
sür-
chargé
et
à
ses
sommeils
difficiles.
De
m~me, qUand Ekwueme
deviendra
..
. l'
véritablement
fou,
c'est
l'affection
d'Ihuoma
374
qui
le
guérit
plus
que
les
médicaments
du
"medicine
man".
Mais
d'ores
et
déjà
i l
faut
soUligner
l ' e f f e t
produit
par
la
beauté
physique
d' Ihuoma
qui
envoûte:"
The
usual
smile
played
on
her
lips,
the
gap
in
the
teeth
enhancing
its
innocent
effect."Poürtant,
Ihu'oma
n'est
en
rien
respon-
sa b le
de
t 0 ut
cel a .
Il
y
a
l à
un e
in d i ca t ion
d li
my s t ère
qui
enveloppe
les
événements.
Ainsi,
de
façon
implicite
le
personnage d'Ihuoma
apparaît
comme
une
des
caüses
pos-
sibles
de
la
folie
d'Ekwueme.
Celui-ci
est
obsédé
par
l'image
d'Ihuoma;
de
la
femme
idéale.
Mais
le
paradoxe
c'est
que
cette
obsession
semble
se
faire
sans
la
volonté
réelle
d'Ekwueme.
L'image
d'Ihüoma
s'impose
inéluctablement
à
lui
sans
qu'il
puisse
s'en
débarasser.
I l
y
a
sans
doute
là
une
manifestation
implicite
du
surnaturel.
La
folie
d'Ekwueme
peut
donc
être
analysée
aussi
bien
Comme
le
résultat
d'une
drogue
la
potion
magique
comme
la
conséquence
d'Une
obsession;
d'un
refoulement
selon
Freud,
et
comme
l'oeuvre
dû
surnaturel
que
symbolise
l e " S e a - Go d ".
La
j u x ta p 0 s i t ion
de
ces
di f f é r e n tes
v rai sem _
blances
et
leürs
contradictions
entraîne
l'hésitation
du
lecteur
au .sujet
des
véritables
caUses
et
explications
de
la
folie
d'Ekwlieme.
Une
autre
contradiction
concerne
la
divination
finale
d'Anyika.
Il
y
a
même
une
sorte
d'ironie
dans
cette
divina-
tion
quand
on
sait
qu'Anyika,
lors
du
rêve
prémonitoire
d'Ekwueme,
avait
été
empêché
de
voir
clairement
dans
les
événements.
Pourtant
la
consûltation
avait
été
faite
en
375
bonne
et
due
forme
et
les
frais
avaient
été
payés.
Alors
qUe
dans
la
derniêre
consultation
fine
rêgle
a
été
enfreinte
et
le
devin
a
vu
plus
qU'il
ne
f a l l a i t .
Nous
pouvons
nous
interroger
sur
les
motivations
réelles
d' Anyika
à
travers
son
geste:
est-ce
vraiment
Une
contribution
aû.x
dépenses
financiêres
de
la
famille
d'Ekwüeme
?
Ou est-ce
l'action du
"Sea-God"
qÜi
veut
tromper
la
vigilance
des
personnages?
Plus
d'une
fois
i l
est
mentionné
qü'Anyika
a
le
souci
du
bien-être
des
membres
de
sa
commùnaüté;
aussi
i l
serait
hors
de
propos
de
dire
qu'il
veüt
s'opposer
aU
mariage
d'Ekwueme.
Et
poUr
quelle
raison?
Anyika
n'a
aUcUn
inté-
rêt
à
s'opposer
à
l'Union
entre
Ihuoma
et
Ekwueme,
sauf
qu'il
traduit
sa
volonté
de
les
aider
à
éviter
le
pire.
Sa
confession
finale
de
ses
propres
limites
vis-à-vis
des
manifestations
dû
stirnatürel
laisse
apparaitre
l'humi-
l i t é
d'Anyika
et
sa
reconnaissance
d'homme
faible
soumis
au
pOUvoir
des
forces
invisibles.
AnYika
acquiert
ainsi
la
sympathie
du
lecteur.
La
vülnérabilité
du
"medicine
man"
accroit
aux
yeux
du
lecteur
le
caractêre
mystérieux
et
fatal
du monde
des
personnages
amadiens.
Enfin,
i l
y
a
la
signification
réelle
dû
t i t r e
du
roman
"The
Concubine"
par
rapport
aUx
événements
qüi
se
déroU-
lent
à
l'intérieUr
dü
roman.
En
effet,
nous
constatons
quelques
ambiguïtés.
D'après
la
révélation
du
"medicine
man" ,
IhUoma
doit
demeurer
la
concUbine
des
hommes
et
l'épouse
du
Dieu
de
la
Mer.
La
mort
des
différents
person-
nages
qUi
ont
approché
Ihüoma
confirme
cette
rêgle.
Cepen-
376
dant,
le
fait
qU'Emenike
ait
vécu
plüs
de
cinq
ans
avec
Ihuoma,
et
ait
eù
trois
enfants
avec
elle
surprend
le
lecteUr.
Alors
que
Madume
et
Ekwueme
ont
à
peine
fait
la
cour
à
Ihuoma,
i l s
troüvent
la
mort.
Mais,
n'est
ce
pas
là
Une
manifestation
du
surnaturel
qüi
dépasse
l'entendement
humain?
De
m~me,
noùs
n'arrivons
pas
à
nous
représenter
comment
Ihuoma
peUt
devenir
la
concubine
d'ùn
homme
pùisqüe
toùt
homme
qui
l'approche
doit
mourir;
tel
a
été
le
sort
de
Madume
et
d'Ekwùeme.
La
plaÙ'sibilité
des
explications
du
"medicine
man"
et
le
lien
de
causalité
qui
existe
entre
les
différents
événements
rendent
impossible
tout
refus
par
le
lecteur
de
l'explication
surnaturelle
à
côté
de
l'explication
rationnelle
dans
The
ConcUbine.
Dans
The
Great
Ponds
noüs
avons
souligné
les
contradic-
- - - - - - - - - - 1
tions
existant,
entre
ce
qui
est
dit
sur
les
pOUvoirs
réels
dü
Dieu
Ogbunabali
et
ce
qHU
se
passe
au
niveau
des
personnages,
dans
le
cadre
fictionnel
de
l'oeuvre.
De
même,
nous
poÙ'vons
relever
des
ambigù"i tés
chez
le
personnage
de
Wago
ql1i
bénéficie
d'une
protection
magique
suffisante
pour
poUvoir
échapper
aux
traits
de
flèche
et
aUx
coups
de
coüteaù,.
Cependant,
üne
des
causes
de
la
mor t
de
Wago
es t ,
d'après
les
personnages,
qü 1 i l
a
succombé
à
ses
blessUres.
Mais
le
"medicine
man"
révèle
que
Wago
s'est
sUicidé.
L'üne
et
l'aùtre
explications
sont
plausibles;
et
le
lecteur
hésite
entre
celles-ci.
Il
ne peut faire aUcun choix.
377
I l
en
va
de
même
poUr
l'explication
donnée
par
les
person-
nages
aü
sUjet
de
l'épidémie
de
"Wonjo",
et
celle
du narra-
teur
à
la
fin
du
récit.
Dans
The
Slave,
nous
retrouvons
des
ambigUïtés
et
des
paradoxes
dans
les
événements q'iJ.i sUrviennent
à
Olümati
et
a 1:1 x
,'lffi e'rn br e s
d e s a
f ami Il e.
Mal gré
l e
f ait
que
l e p r, ê t r e
d'Amadioha
ai t
proclamé
qu'
"Amadioha
does
not
take
what
does
not
belong
to
him"(10)~ la
situation
n'apparaît
pas
clairement
aux
yeux
du
lecteur,
qui
constate
qü'Olumati
est
à
la
fois
accepté
et
rejeté
par
la
communauté
d'Aliji.
Olumati
est
à
la
fois
en
sécurité
et
en
insécùrité.
La
mort
de
sa
soeur
s'explique
à
la
fois
par
des
caùses
natu-
relles
et
des
caUses surnaturelles.
Il
est
à
noter
que
la
juxtaposition
d'événements
contra-
dictoires
ou
ambigus
ne
süffit
pas
à
faire
naître
le
fan-
tastique
dans
une
oeuvre.
Ces
événements
n'étant
pas
pré-
sentés
dans
llne
séquence
logique
ou
chronologique,
ce
n'est
qu'à
la
suite
d'une
réflexion
approfondie
et
d'une
tentative
d'organisation
du
récit
de
la
part
du
lecteur
qu'apparaît
le
fantastique:
c'est
lui
qui
réorganise
le
récit
et
qùi
hésite
entre
les
différentes
explications
contradictoires;
natùrelles
et
surnaturelles.
Bien
sûr
i l
faut
qùe
le
matériau
l i t t é r a i r e
suscite
un
tel
travail
chez
le
lecteur.
Nous
avons
pu
constater
à
ce
propos
que
dans
le
monde
amadien
les
différents
événements
contradictoires
sont
complémentaires.
En
effet,
grâce
au
dynamisme
dialectique
les
oppositions
et
le s
378
contradictions
sont
complémentaires;
d'où
l'impossibilité
dü
lecteur
de
choisir.
Il
y
a
donc
lieu
d'insister
sur
le
fait
qûe
l'hésitation
du
lecteur
atteste
de
la
difficùlté
voire
de
l'impossibili-
té
de
choisir
entre
des
explications
qui
sont
à
la
fois
contradictoires
et
complémentaires.
Comme
le
remarqüe
Todorov
le
fantastique" se
définit
par
la
perception
ambigu~ qu'a
le
lecteur
même
des
événements
rapportés.
( l l )
On
pourrait
terminer
en
se
posant
des
qûestions
sUr
le
lectorat
amadien.
Les
lecteurs
amadiens
réagissent-
ils
toüs
de
la
même
façon
face
à
ses
romans
?
Quelles
sont
leurs
attitudes
face
au
surnaturel
dans
l'oeuvre
amadienne
?
Ali
moins
trois
types
de
lecteurs
peüvent
être
définis:
le
lecteùr
occidental,
le
lecteur
à
cheval
sur
les
tradi-
tions
africaines
et
la
tradition
occidentale,
et
enfin
l e I e ct e ü r
indigèrte
resté
au
contact
de
la
société
traditionnelle
africaine.
Pour
le
lecteur
occidental,
c'est
la
logiqüe
dÛ'
récit
et
la
vraisemblance
des
faits
qùi
l ' amè nel1 t à
suspendre
son
incrédulité
oU
son
scepticisme
et
à
hésiter
entre
les
différentes
explications.
Le
fantastiqlie
ne
dure
chez
lUi
qUe
le
temps
de
la
lecture.
PoUr
le
lecteùr
africain
éduqué
à
l'école
occidentale,
celùi
qU'on
appelle
"l' homme
des
deux
mondes"
ou
"beens-
to"
pour
ceùx
qui
ont
séjoürné
en
Occident,
son
hésitation
379
a
un
double
caractère:
x D' une
par t / i l s e
s i t 1:1 e
a û
mê men ive a 11' qt1e celle dO; lec te li r o c c i _
dental
dans
l'approche
de
l' oeu'vre
amadienne.
Le
fantasti-
qüe
est
ici
le
fruit
d'Un
examen
intellectu:el.
I l
découle
de
la
logique
dû
récit.
D'aütre
part,
l'Africain
"hybride"
hésite
entre
les
explications
natùrelles
et
sUrnatürelles
du
fait
même
de
son
appartenance
à
deux
systèmes
de
pensée
différents.
Mais
nous
avons
déjà
soûligné
que
"l'homme
des
deux
mondes"
même
qûand
i l
se
décide
à
ne
pas
croire
à
l'explication
surnaturelle,
se
ravise
dès
qU'il
est
confronté
à
des
problèmes
qU'il
ne
peut
pas
résoudre
par
des
explications
naturelles.
De
plus,
"l'homme
des
deux
mondes"
reste
pro-
fondément
marqué
par
l'influence
et
le
poids
des
valeurs
tradi tionnelles
(12).
Il
ne
peut
pas
totalement
se
couper
de
ses
racines.
Aussi
son
scepticisme
e s t - i l
très
souvent
de
.cos Ü r fa ce.
'--
Enfin,
on
peut
envisager
le
cas
d'un
trois ième
type
de
lecteur;
celui
qui
n'a
qùe
la
société
traditionnelle
comme
cadre
de
référence.
Ce
type
de
lecteûr
est
hypothéti-
que,
voire
invraisemblable
à
cause
dû
fait
qu'il
ne
peut
pas
avoir
accès
à
l'oeuvre
amadienne
faute
de
savoir
lire
(l'anglais).
Poûr
celûi-ci,
l'oeuvre
amadienne
a
valeur
de
document,
de
témoignage
anthropologiqûe
où
socio-
logique
Ppup ce .leçteur,
les
romans
amadiens
ne
sont
qu'une
transposition
ou
une
transcription
d'vne
réalité
existante;
i l
s'agit
de
la
fantastique.
Mais
ce
sen-
timent
peUt
aussi
appartenir
®x
deUx
premiers
lecteurs.
380
NOTES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
SUR LA TROISIEME PARTIE
CHAPITRE
X.
(1)
Jean Michel
ADAM,
Le
récit,
QUe
sais-je
?,
1984;
p.3.
(2)
Ibid.,
p.10.
(3)
Gérard
GENETTE,
FigUres I I I ,
Paris:
Seuil,
1972;
p.72.
(4)
Eustace
PALMER,
"Elechi
AMADI
and
Flora
NWAPA
in
African
Li tera tOre
Today:
A
J oornal
of
Explana tory
Cri ticism,
Nümbers
1-2-3-4.
Edited
by
Eldred
D.Jonei-~"--Ne-~~Yor"k:
Publishing Corporations,
1972;
p.57.
(5)
EUs tace
PALMER,
An
Introduction
to
the
African
Novel,
p. 11 7.
( 6,)
N • SA RR,
0 p.
c i t .,
p. 1 4 0 .
(7)
NIVEN,
op.
c i t . ,
p.7.
{8}
OBIECHINA,
op.
c i t .
{9}
LAURENCE,
op.
ci t.
(10)
NYAMNDI,
op.
c i t .
(11)
cf.
les
premiers
romans
de
Defoe,
Richardson et
Fielding
et
surtoù-t
les
caractéristiques
du
roman
définies
par
Ian
WATT
dans
the
Rise
of
The
Novel:
Studies
in
Defoç,
Richardson
and
Fielding,
London:
Chatto
and
Windûs,
1960.
(12)
The
ConcUbine,
p.
127.
(13)
EBBATSON,
Elechi
Amadi
The
ConcUbine,
pp.12-13.
( 14)
Robe r t
de
BEAU GRAN DE
&
Wo If gang
DR ESS L ER,
Introd\\lctio~
to Text
LingUistics,
London ~ New York:
Longman,
1981,p.4.
(15)
cf.
B.
Tomachevski
qU-i
distingue
deüx
temps
dans
le
récit:
le
temps
de
la
fable
et
le
temps
de
la narration;
"le
temps
de
la
fable
est
celüi
où
les
événements
exposés
sont
supposés
se
dérouler;
le
temps
de
la
narration
est
le
temps
nécessaire
à
la
lecture
(la
dUrée
du.
spec-
tacle"
p.
281.
"Thématiqùe"
in
T.TODOROV,
Théorie
de la l i t t é r a t u r e ,
Sevil,
1965;
pp.
263-290.
381
(16)
The ConcUbine.
p.
9.
(17)Ch.
ACHEBE,
~rrow of God.p.22.
(18)
The ConcUbine,
p.
213.
(19)
cf.
T.TODOROV,
"Les
catégories
dû
récit
l i t t é r a i r e " ,
in
Communications.
8,
1966;
pp.
138-147.
(20)
de
BEAUGRANDE
&
DRESSLER,
op.
c i t . ,
p.3.
(21)
David
COOK,
African
Literature
Today.
A
Critical
View.
Longman
[1977],
1980
2nd
impression;
p.S.
(22)
The Great Ponds.
p.
130.
(23)
TODOROV,
Introduction
à
la
littératUre
fantastique.
p.
47.
(24) The Slave,
p.
63.
(25)
A.Ali
BOUACHA
et
H.PORTINE
,
"Argümentation
et
Enonci-
a t i 0 r, "
i n
Lan g ue
Fra n ça i s e n o.
5 0,
L a r 0 a s s'e,
Mai
1 9 8 1 ;
p.85.
(26)
The Concubine,
p.
1 .
(27)
The Great Ponds,
p.
7 .
( 2~)
The Slave,
p.
9.
(29 ) A.NIVEN,
op.cit. ,
p. I l .
(30)
The ConcUbine,
p.
1 .
(31)
The Great Ponds.p.9.
(32)
The Slave,
p.23.
(33)
E.MPHAHLELE,
African
Writing
Today.
Penguin
Books,
1967;
p.33
(34)
A.
ROSCOE,
Mother
is
Gold.
Cambridge
University
Press,
[19 7 9J,
1 9 8 1;
p. 1 2 4 .
p.124.
(35)
G.
NYAMNDI,
op.
c i t . ,
p.210.
CHAPITRE
XI.
(1)
Eûs tace
PALMER,
An
Introduction
to
the
African
Novel.
p.117.
( 2 )
J. P .
SA RT RE,
Q 0 tes t - c e g oe
l a I i t té rat Ur e?
Gall i ID a r d
382
1948;
p.32.
(3)
G.NYAIVJNDI,
op.cit.,
p.
219.
( 4 )
Cecil
JENKINS:
"Realism
and
the
Novel
Form"
in
The
Monster in the Mirror:
StUdies
in the
Nineteenth Cent~r~
Rea'liSm~,-~~·-D~~A~.-~--wIITfAM-e-cC-~ Oxford
University
Press,
1978;
pp.
12-13.
(5)
G.NYAMNDI,
op.
c i t . ,
p.
218.
( 6 )
Pierre
VANBERGEN,
PoQrqQoi
le
roman
,Paris:Fernand
Nathan,
1973;
p.79.
( 7 )
Roger
EBBATSON,
York
Notes:
Notes
on
The
Concabine,
. _ ~ ~ , . = - - ~ _ . _ . ~ ~ ~ ~ - ~ .
~ - ~ . -
p.
31.
( 8)
D . A . \\H LLIA~1 e d.,
The Mous ter
~~~~e~~~~E.::~E~.:~_p. 261.
( 9 )
cf.
~1i che l
PAT ILL 0 N,
q ü i
par l e
a Ü' s s i d e
c e
1\\ p 0 i nt
ct e
vue
de
Dieu"
en
focalisation
zéro
dans
Précis
d'analyse
littéraire?
Vol.
1.
Structures
et
techniques
de
la
fic t i Q!!., ·tT~t-han, -1-9 i9-,·---_·- .------------.-.----... -.---- -~~-.-
( 10)
'r.he Concubine,
p.
1.
(11) EmmanUel
NGARA,
~tylistic
Criticism
and
the
African
Novel,
London:
H.E.B.,
1982;
p.87.
(12) Jean POUILLON, Temps et roman,
Paris,
1946,
(13) The Great Pond~ p. 187.
(l4)
M.H.ABRAHM1,
Glossary
of
Literary
terms,
4th
edition,
Holt
and Winston,
1981;
p.
144.
(15)
The ConcUbine,
p.
19.
(16)
T.
TODOROV,
Introduction
à
la
littérature
fantastique,
p.89.
(17)
G.GENETTE,
op.cit.,
p.
252.
(l8)
Loc.cit.
(19) The ConcUbine, p.
5
(20)
The Great Ponds,
p.
19.
(21) The ConcUbine,
p.
17.
(22)1
T.TODOROV,
"Les
catégories
du
récit
littéraire",
_o.=...p_._c_i_t_.,
p.
1 39 .
383
(23) Ibid.,
p.5
(24)
Ibid.,
p.7.
( 25)
Phi l i p p e
HA~W N
Il Und i s coli r s
con t rai n t Il
in
Lit t é rat ur e
et réalité,
Editions
dû; Seüil,
1982;
p.
126.
(26)
T.TODOROV,
Les
genres
dO
discoUrs,
Editions
du
Seuil;
coll.
po é t i q üe,
1978;
p. 168 .
CHAPITRE
XII.
(1)
Irène
BESSIERE,
op.
c i t . ,
p.
26.
(2)
Roger
EBBATSON,
op.
c i ! . ,
pp.
36-·37.
(3)
The ConcQbine / p . i
(4)
Ibid.,
p.59.
(5)
EÛ'stace
PAU1ER,
An
Introd\\lction
to
the
African
Novel,
p.
125.
(6)
Ibid.,
pp.
127-128.
(7)
The ConcUbine,
p.
162.
(8)
Ibid.,
p.163.
(9)
Ibid ..
p.
140.
(10)
The Slave,
p.
27.
{l1:} ;
TODOROV,
IntrodUction
à
la
littérature
fantastique,
pp.
35-36.
(12)
cf.
Obi
Okonkwo
dans
No
Longer at
Ease.
CON C LUS ION
384
c'est
par
rapport
à
an
ünivers
romanesqUe
où
la
pensée
et
l'action
des
personnages
sont
dominées
par
la
croyance
ali
sÙ'rnatürel
et
par
le
respect
des
valeurs
sociales
et
religieùses
.qUe
noUs
avons
tenté
d'analyser
le
fantastiqùe
dans
l'oeuvre
amadienne.
POUT
cette
analyse
noüs
noüs
sommes
surtout
attaché
à
décrire
l'élément
sUrnaturel.
Nous
avons
vü
qü' i l
y
a
deux
manières
essentielles
d ' ù t i l i s e r
le
surnaturel
dans
üne
oeuvre
de
fiction:
ou
bien
l ' aüte ur
l ' U t i l i s e
comme
qüelqüe'chose
d'extérieur
à
son Univers.
Et
dans
ce
cas
le
fantastique
contribue
à
créer
une
atmosphère
d'exotisme.
Nous
avons
remarqué
que
chez
Amadi
cela
n ' é t a i t
pas
le
cas.
ou
bien
l'aüteür
parvient
à
l'intégrer
dans
le
récit
tant
et
si
bien
qû'il
constitue
üne
des
réalités
dü monde
décrit.
C'est
ce
que
noüs
avons
c>erché
à faire ressortir dans l'
oeu.vre
amadienne.
Le
surnaturel
n' y
consti tue
pas
11'n
monde
à
part.
Le
type
de
caüsal i té
qüi
régi t
le
monde
des
personnages
rend
inséparable
le
naturel
et
le
sûrna-
türel.
Notre
démarche
a
été
d'observer
le
contexte
dans
lequel
l'oeüvre
amadienne
s e s i t üe
afin
de
dégager
qüelqües
constantes
qÜi 1
à
notre
avis 1
sont
commUnes
à
l'imaginaire
collectif
et
individüel
de
la
société
385
représentée.
Ces
constantes,
telles
qUe
les
notions
de
dualisme l
de
dialectique
et
de
caUsalité,
nous
ont
permis
de
mie~x comprendre le fonctionnement de l'oeUvre amadienne.
Elles
nous
ont
aUssi
permis
d'y
voir
les
contradictions l
lê,s
am big u)i tés,
e t
les
paradoxes
qüi
sont
volontairement
introdUits
afin
de
favoriser
le
doute
et
l'hésitation
dU
lecteùr.
Ainsi,
le
fantastiqUe
tel
qü' i l
apparaft
dans
l'oeUvre
amadienne
est
créé
grâce
à
la
cUlture
et
au
talent
artistique
de
l ' aüteUr.
Le
fantastiqÛ'e
fonctionne
à
la
fois
comme
genre
et
comme
c1J.lture:
comme
genre
à
travers
le
discoürs
l i t t é r a i r e
d'Amadi,
et
comme
cülture
à
caUse
du
contexte
dans
leqûel
i l
apparaft.
Il
ne
saürait
donc
y
avoir
séparation
entre
le
fantastiqüe
et
la
fantastiqüe
dans
l'oeUvre
amadienne.
Trois
observations
noUs
paraissent
s'imposer
à
la
fin
de
ce
travail:
la
première
concerne
les
limites
de
notre
méthode:
quel
lien
a - t - i l
pu exister
entre
Amadi
et
d'autres
auteurs
fantastiqUes
dont
nous
parlions
dans
notre
introduction?
En
deuxième
lieu.,
noUs
n'avons
retenu
du
fantastiqUe
qUe
son
caractère
opérationnel:
celui
de
la
forme.
StJr
le
plan
du
contenU
nous
no\\1s
sommes
limité
aux
romans
d'Amadi
sans
faire
trop
de
références
à
d'aUtres
oeUvres.
Enfin,
i l
noUs
a
semblé
que
l'aspect
fantastique
de
l'oeuvre
amadienne
correspond
à
un
certain
didactisme
et
à
l'engagement
de
son
auteUr.
Et
cela
noüs
permet
d'en-
visager Une
vision
perspective
de
son
oeuvre.
386
Les limites de la méthode.
Irène
Bessière
a
sU
définir
les
limites
de
l'analyse
dû
fantastique
lorsqU'elle
parle
de
"l'universalité
du
merveilleux"
et
de
"la
sing'ülarité
dû
fantastiqüe".
Toüt
aU
long
de
notre
étude
no1J:s
avons
pU
nous
rendre
compte
de
cette
évidence.
En
effet,
nos
lectUres
préliminaires
des
oeuvres
classées
fantastiques
ne
noUs
ont été
uti-
les qUe sÙ\\r
le
plan
purement
formel.
Chaqü\\e
oeüvre
était
spécifiqùe
de
par
son
contenu
et
chaqUe
époqû-e
avait
un
type
de
fantastique
qui
lUi
était
propre.
C' est
ce
qUi
explique
le
fait
qüe
nous
ayons
fait
très
peU.
d'allusions
à
d'aütres
aüteürs
et
très
peu
de
comparaisons
entre
ceUx
-ci
et
Amadi.
Pouvons-nous,
par
exemple,
comparer
The
ConcUbine
au Diable amoureUx
de
Cazotte,
où
le
narrateur
in-
siste
dans
le
récit
sur
le
caractère
fantastiquejmerveil-
leux
de
ce
qü'il
rapporte?
Chez
Cazotte
donc fantastique
rime
avec
merveilleûx.
Dans
un
tel
contexte,
l'hésitation dû
lecteUr
est
rédUi-
.l'aS
te
à
néant.
Le
fantastiqûe
y
est
la
conséqUence
nonl\\d'une
vraisemblance
mais
de
l'invraisemblance.
Le
lecteur
a
très
peû
de
choses
à
décoüvrir;
tout
lUi
étant
donné
par
avance.
Dans
les
Mille
et
one
no.i ts,
le
fanta st i qUe
pr ov ient
des
merveilles
que
produit
la magie.
I l
y
a
une
transforma-
tion
et
üne
déformation
dû
réel.
I l
se
passe
des
choses
extraordinaires.
Dans
la
littératüre
occidentale
le
fantastique
s'appùie
387
soù'ven t
sur
des
phénomènes
mentaUx
ou
para-psychiques.
C'est
ainsi
que
dans
La
chute
de
la
maison
Usher,
Poe
met
en
scène
le
fantastique-étrange
grâce
aux
constrùc-
tians
paralogiqûes:
fissures
dans
le
mUr
et
crises
de
nerfs
qùi,
ajoutées
aux
éclairs
et
aux
coUps
de
tonnerre,
créent
une
atmosphère
fantastiqüe.
En
outre,
certains
critiqUes
attribuent
la
représentation
l i t t é r a i r e
de
Poe
aux
fantasmes
personnels
de
l'auteUr.
Plus
proche
des
oelIvres
d'Amadi,
dans
la
littérature
africaine,
nolIs
avons
des
situations
beaucoup
plus
merveil-
leüses
que
fantastiques.
C'est
le
cas
dans
presque
toüte
l'oeuvre
tütuolienne.
Le
lecteur
hésite
très
peu; et}
comme
le
souligne
Irène
Bessière:
Etres
surnaturels,
ogres
et
bonnes
fées
empêchent
l'identification
du
lecteur,
de
l'auditeur
au
Y'écit,
mais,
parce
qu'ils
sont
familiers,
parce
qu'ils
se
dessinent
et
s'organisent
suivant
une' typologie
cul-
tUY'elle,
le
conte
merveilleux,
s ' i l dépayse,
ne
surprend
pas.
L'insolite
n'est
pas
l'é-
trange.
(1)
A
la
différence
donc
des
autres
aüteurs
africains,
Amadi
s' i l
conserve
l a
pré s enc e
du
sÙ'rna türe l
dans
son
monde,
sort
cependant
du
cadre
dU
merveilleUx
et
pose
le
problème
de
la
relation
entre
l'homme
et
l'Invisible,
de
la
natiJ.lre
dU
sacré
et
dÛ'
profane.
Noüs
poûvons
donc
dire
qUe
le
fantastique
chez
Amadi
naît
d'ane
interrogation
dü
personnage
face
aux
croyanceS. C'est
ce
qüe
nous
avons
voulu faire
ressortir
dans
la
première
et
la
seconde
partie
de
notre
travail.
Et
c'est
aUssi
ce
qui
expliqüe
le
carac-
tère
limitatif
de
notre
ét·üde
qüi
donne
l'apparence
d'ün
388
travail
univoqüe,
fermê
sUr
lüi-même.
Notre
travail
ne
consistait
pas
à
faire
une
typologie
da
fantastique
mais
à
dêgager
quelques
aspects
du fantasti-
qUe
dans
Une
oeuvre
précise.
Ainsi,
noülS
avons
pŒ
mettre
en
lümière
l'atmosphère
de
f a t a l i t é
et
de
tragédie
qui
caractérise
l'oe~vre amadienne.
Et
c ' e s t
dans
{lne
t e l l e
atmosphère
que
nous,
lecteUrs,
percevons
le
fantastique.
En
effet,
dans
les
représenta-
tions
que
se
font
les
personnages
de
l'ünivers
et
dans
leürs
vains
efforts
poUr
rechercher
üne
harmonie
dans
le
cosmos,
i l s
nous
apparaissent
comme
des
êtres
pathéti-
qUes.
No Ùis
noüs
identifions
à
certains
personnages
et
nous
nous
sentons
moins
capables
qù' eüx
de
troUver
des
solutions
aux
différents
problèmes
au.xqUels
i l s
sont
con-
fron t ê s.
La
v ie
des
personnage s
es t
j al onnêe
de
mys tères ,
et
le
surnatürel
est
ùne
réali té
inhérente
à
leur
monde.
Noï1s
avons
pÛ!
noüs
en
rendre
compte
grâce
à
l'analyse
thématiqüe
du
rapport
entre
les
hommes
et
les
ancêtres;
de
la
réincarnation;
de
la
mort;
de
la
"femme
fatale"
etc.
Dans
ün
tel
contexte,
nous
noüs
sommes
servi
des
apports
méthodologiques
de
l'anthropologie
et
de
l'ethnologie.
Cette
approche
pluridisciplinaire
é t a i t
inévitable
dans
l'analyse
de
l'oeuvre
amadienne,
qüi,
avant
toùt,
expose
les
réalités
sociales,
cultürelles
et
religieuses
d'une
société
traditionnelle
transposable
à
plusieurs
endroits
en
Afrique
pré-coloniale.
389
NoÙis
avons
été
amené
à
parler
de
la
cohérence
et
de
la
cohésion
de
l'oeuvre
amadienne
pour
montrer
à
quel
point
le
fantastiqÜJe
chez
Amadi
repose
avant
tout
sÙ'r
la
recherche
de
la
vraisemblance.
En
dépit
du
caractère
limitatif
de
notre
démarche,
nous
noUs
sommes
efforcé
de
rester
fidèle
à
l ' e s p r i t
de
la
méthode,
laqUelle
repose
sur
l'analyse
de
l'hésitation
du
lecteur,
hésitation
qui
vient
dü
fait
qÙ'e
celui-ci
se
troUve
en
présence
de
causalités
autres
que
la
causalité
natürelle
ou
scientifiqüe.
C'est
donc
sur
le
côté
opéra-
tionnel
du
fantastiqüe
q\\j;'est
centrée
notre
étUde,
noUs
permettant
ainsi
de
voir
comment
fonctionnent
les
lois
qui
régissent
la
société
traditionnelle
Ibo
et
les
repré-
sentations
littéraires
que
se
fait
Amadi
de
celles-ci.
Le fantastique:
une notion opérationnelle.
Dans
notre
introdUctionnotis
avons
souligné
les
divergen-
ces
qü' i l
y
avait
chez
les
critiques
l i t t é r a i r e s
à
propos
de
l'approche
thématique
de
l'oeUvre
fantastique.
Poûr
échapper
à
ces
difficultés
nous
avions
décidé
de
ne
noüs
intéresser
qü'au
caractère
opérationnel
dü
fantastiqüe,
c'est-à-dire
au
fait
qiJe
celûi
-ci
se
définit
comme
la
z 0 ne
de
dé ma r c a t ion
en t r e
de llX
0 r d r e s
di f f é r e n t s,
corn me
un
décalage
entre
deUx
réalités
différentes.
Cette
démarca-
tion
ou
ce
décalage
entraînant
chez
le
lecteur
Une
certaine
hésitation.
C'est
dans
cette
logiqUe
qUe
noüs
avons
marqÙié
On e
net te
dis tin c t ion
entre
la
deuxième
et
la
troisième
390
par t i e
d e n 0 t r e
t r a v ail .
En
e f f et,
no Us
vou l ion s
d am s
la
seconde
ne
nous
intéresser
qU'an
contenu
de
l'oeuvre
amadienne,
tandis
que
dans
la
troisième
partie
noüs
consa-
crons
notre
étüde
à
l'aspect
formel
dü
récit
fantastiqû,e.
Mais
en
dernier
ressort
cette
séparation
entre
le
fond
et
la
forme
a
nui
quelque
peu à
notre
travail,
qui
devenait
répétitif
dans
son
ensemble.
Nous
avons
pu
noüs
rendre
compte
qü' i l
ne
saurait
y
avoir
séparation
entre
la
forme
et
le
fond
dans
ume
oe'Üivre
d'art,
car
celle-ci
forme
ün
tOÛlt.
Elle
se
définit
à
la
fois
par
son
contenU
et
par
sa
forme.
Mise
à
part
cette
difficülté
à
distingUer
la
forme
dü
contenü,
nous
avons
pli,
dans
notre
troisième
partie,
analyser
les
aspects
du
récit
amadien
qui
concoürent
à
la
création
da
fantastiq'Üie.
Le
caractère
dUaliste
et
ambi-
valent
des
choses,
la
jüxtaposition
d'éléments
contradic-
toires,
paradoxaux
et
ambigüs
selon
Une
certaine
logique
sont
à
la
base
de
la
création
artistiqüe
d'Amadi.
Mais
c'est
sUrtout
sa
distanciation
par
rapport
à
son
texte
qui
est
déterminante
dans
son
approche
du
sUrnaturel
et
qûi
met
le
lecteür
en
confiance
vis-à-vis
de
la
vraisem-
blance
dÛ'
monde
décrit.
No'us
avons
soüligné
à
ce
propos
qüe
le
fantastique
naissait
dU-
fait
que
le
lecteur
ne
pouvait
pas
faire
un
choix
entre
les
explications
sUrnatu-
relles
et
naturelles.
Mieux,
noüs
avons
insisté
sur
les
différents
statüts
qU'occUpait
le
narrateur
amadien.
CelUi-
ci
adopte
plüsieürs
positions
dans
le
récit
en
fonction
391
de
l ' e f f e t q<1jî\\/il
veût
créer
chez
le
lecteur.
C'est
ainsi)
par
exemple,
qu'il
garde
le
silence
en
Ce
qUi
concerne
les
explications
sürnaturelles
que
les
personnages
donnent
aüx
événements;
i l
ne
livre
au
lecteür
que
ce
qU1e pen:-
sent
les
personnages.
Pour
ce
qüi
concerne
les
personnages,
noÛ's
avons
pu
constater
qüe
ceü}(-ci
n'éproUvaient
pas
le
moindre
doUt~ vis-à-vis de la présence du sürnatürel
dans
leur
monde.
Amadi
a
sü
rendre
possible
l'identification
da
lecteur
à
certains
personnages
en
présentant
cellX-ci
dans
le
t i s s Ü
soc i a l e t s e l i v.r an t
à
l e ü r s a c t i vit é s
q ü 0 t i die n ne s .
Faire
de
Ses
personnages
de
"véritables
êtres
vivants",
tel],ta
été
la
démarche
d'Amadi.
I l
a
S11
a l l i e r
le
naturel
et
le
sÛ'rnatürel
et
créer
Û'n
Univers
vraisemblable.
Le
type
de
fantastiqUe
qUe
nous
rencontrons
chez
Amadi
est
différent
du merveilleux,
où
les
monstres,
les
fantômes
et
toÙ'tes
sortes
de
créatures
imaginaires
ne
provoquent
le
scepticisme
d'a·ucun
personnage.
Il
n'est
pas
non
plus
ce
monde
où
tout
est
déformé
et
où
l'horreur
et
la
terreûr
sont
créé4S poUr
faire
naître
la
peUr
ou
le
plaisir
chez
le
lecteur,
le
spectateUr
oU l'auditeur.
Le
fantastique
amadien
tel
qUe
noUs
avons
essayé
de
l€,
faire
apparaître
est
beaUcoup
plÛ's
pcétiqUe
et
sUbtil:
convaincre
par
l'esthétique;
dOUbler
la
réalité
d' o.,ne
aütre
réali té
sans
que
celle-ci
apparaisse
comme
\\ln
monde
à
part,
mais
plütôt
comme
Un
tout
indissociable.
Dans
la
démarche
d'Amadi
la
présentation
l i t t é r a i r e
est
étroite-
ment
adaptée
au thême.
392
Une vision perspective de l'oeuvre amadienne.
Tout
au
long
de
ce
travail
noUs
avons
tenté
de
répondre
à
deux
qüestions
bien
précises:
qu'est-ce
q{lie
le
fantasti-
qüe?
Et
comment
se
ma::ifestl!-t-il
dans
l ' oeüvre
amadienne?
Le
second
point
s'attachait
à
montrer
comment
le
lecteur
réagissait
en
présence
des
différentes
explications
don-
nées
aux
événements
et
comment
l'aÜ'tellr
s'y
prenait
poÙ\\r
provoquer
le
doûte.
Une!. troisième
qùestion
demeUre:
pourqUoi
le
fantastique?
En
d' aütre
termes,
poürqüoi
le
fantastique
e s t - i l
à
l ' ori-
gine
de
la création
l i t t é r a i r e
chez
Amadi
?
Dans
notre
étüde,
::oUis
nous
sommes
interdit
d'orienter
nos
efforts
vers
Vne. quelconque
recherche
des
motivations
personnelles
de
l'auteur
qüi
ont
pu
être
à
la
base
de
sa
création
artistique.
Nous
noUs
sommes
refUsé
dès
le
départ
de
voir
en
l'oeuvre
amadienne
le
frUit
d'ün
quelcon-
qThe
fantasme
de
l'auteUr.
Toütefois 1
aü
fur
et
à
mesure
qüe
nous
avancions
dans
notre
travail
i l
noUs
a
semblé
qÙle
nous
comprenions
de
plus
en
plus
les
motivations
réelles
d'Amadi
à
écrire
sür
la
société
traditionnelle
Ibo.
En
outre) la
lecture
des
rares
écrits
critiqües
et
interviews
de
l'auteur
noüs
ont
éclairé
sur
la
thématique
de
son
oeüvre.
Ainsi,
en
rapport
avec
la
question
qûe
nous
nous
posions
au
départ
concernant
les
tendances
passéistes
d'Amadi,
noUs
avons
pü
noUs
rendre
compte
qûe
ce
passéisme
est
loi -n, - d 1 ê t r e
i dé al i ste
0 U
id YIl i q li e;
c'e s t
Un
pas s é i sm e
393
objectif.
Et
c'est
cet
aspect
objectif
qüi
a
fait
que
le
premier
roman
d' Amadi
a
eü
un
écho
favorable
auprès
des
lecteurs
africains.
Noos
poUvons
dire
qUe
l'oeuvre
amadienne
répond
à
une
certaine
attente
et
qü'elle
corres-
pond
à
une
démarche
particülière.
C ' est
s an s
do u t e l ' é v 0 c a t ion
de
l a
vie
t rad i t i 0 nn e 11 e
avec
ses
coUtli'mes
et
ses
pratiques,
sa
philosophie,
ses
"beaûtés"
et
ses
"laideurs"
qùi
ont
a t t i r é
l'attention
de
plus
d'ûn
lectelir.
Mais
c'est
sürtout
la
manière
dont
Amadi
rend
compte
des
réalités
de
cette
société
africaine
qüi
passionne l~lecteür
et
surtout
le
lecteur
africain.
CelUi-ci
trouve
exalté
dans
l'oeuvre
amadienne
des
sentiments,
ùne
pensée,
un
mode
de
vie,
ûne
cültüre
qü'il
porte
en
lui
et
qü'il
cher-
che
parfois
à
occülter
pour
répondre
à
la
rationnalité
et
à
la
civilisation
dü
monœ occidental
que
son
édUcation
lui
a
très
solIvent
inculquées.
L'oeuvre
amadienne
fait
prendre
conscience
au
lecteur
africain
de
son appartenance
à
Qne
doUble
cUlture;
et
fait
revivre
le
sUbstrat
de
la
première
cUltUre
-
africaine
_
qui
domine
quoique
de
façon
invisible,
le
penser
et
l ' a g i r
de
"l'homme
des
deux
mondes".
Comme
le soUligne Amadi lui-même:
In
The
Concubine~
my
first
novel~
a
man
struggles
with
a
god
for
the
possession
of
a
beautiful
woman
and
predictably
he
loses.
This
is
fiction~
but
as
a
niatter
of
fact~ foreign religion forms only a thin
veneer
on
the
minds
of
mos t
Nigerians.
When
the
worst
comes
to
the
worst
most
people
resort
to
the
ancestral
gods
for
whom
they
have
unbreakable
emotional
and
psychological
ties.
(2)
394
De
même
l'oeuvre
amadienne
réhabilite
la
culture
africai-
:-le
en
présentant
le
mode
de
penser
d' üne
société
à
Un
moment
donné
de
son
histoire.
C'est
üne
société
qUi,
avec
son
ensemble
de
vale'urs,
se
suffit
à
elle
même.
C'est
du
moins
ce
qui
ressort
de
l'oeuvre
amadienne
où
nous
n'avons
pas
besoin
de
nou'velles
lois
pour
expliqUer
les
mécanismes
et
le
fonctionnement
de
la
société
traditionelle
Ibo.
Comme
Achebe
qui
est
parti
de
la
société
traditionelle
poUr
traverser
la
période
coloniale
et
aboùtir
à
la
société
contemporaine
nigériane,
Amadi
suit
le
rr~me
trajet
en
brûlant
l'étape
de
la
colonisation
et
du
personnage
du:
Blanc
pour
arriver
à
la
société
moderne
à
laqüelle
i l
appartient
et
dont
i l
témoigne.
C'est
du
moins
ce
que
son
autobiographie,
Sonset
in Biafra,
et
son
dernier
roman,
Estrangement,
nous
permettent
d'affirmer.
De
la
société
précoloniale,
qui
souvent
n'est
pas
très
connüe
des
lecteurs
africains
eux-mêmes,
Amadi
essaie
d'offrir
Une
représentation
l i t t é r a i r e
toùt
en
se
gardant
de PO..,-te.î trop de
jugements
de
valeUrs.
C'est
cette"objecti-
vité"
dù
récit
amadien
qUi
fait
la
grandeur
de
son
oeuvre.
Il
rend
mieux
compte
d' \\l·ne
réali té
que,
par
exemple,
les
commentaires
et
jügements
paternalistes
et
colonialistes
d'u.n
aùteü,r
comme
George
T.,
Basden
qüi,
dans
son
ouvrage
(3),
prétend
reconstitUer
la
vie
du peuple
Ibo.
NoÛ's
poùvons
donc
dire
qu' Amadi,
à
l'image
d'Achebe,
se
pose
en
enseignant
dû passé
et
de
la
cülture
de
l'AfriqOe.
395
D'ailleurs,
Amadi
ne
manqThe
pas
de
soûligner
ses
intentions
ici
et
là,
en
ce
qui
concerne
la
sitUation
de
l'action
de
ses
trois
premiers
romans
dans
l'Afrique
précoloniale.
Il
explique
pourquoi
i l
en
est
arrivé
à
écrire
sur
la
société
traditionnelle:
Political
independRnce
has
reVerved
the
victory
of
the
swords
but
the
Bible
is
very-
much
with
us.
The
Cods
that
were
thrown
out
when
the
Christian
missionaries
were
preaching
are
s t i l l
outside
in
the
pain
[ . . . ]
The
r e a c t ion s
0 f
Ni g e ria n
nove lis t s
have
been
predictable.
'l'heir
works
are
full
of
indigenous
gods
and
medicine
men
who
wie ld
great
influence
on
the
lives
of
the
characters
they
dominate.
Some
novelists
attack
foreign
religion
directly . . . (4)
c'est
donc
en
réaction
contre
l'Afrique
bafouée
qu'Amadi
à
choisi
d'écrire
sur
la
société
traditionnelle
pour
montrer
aux
détracteurs
de
la
cültûre
et
de
l ' histoire
africaines
que
l'Afrique
existe
depUis
le
débüt
de
l'humanité
et
qu'elle
é
un
passé
indélébile.
Oû,
comme
le
souligne
Achebe
à
propos
de
ses
lecteurs:
l
would
be
quite
satisfied
i f
my
novels
(especially
the
ones
r
set
in
the
past)
did
no
more
than
teach
my
readers
that
their
past-
with
all
its
imperfections-
was
not
one
long
night
of
savAgery
from
which
the
firs t
Europeans
acting
on
Cod' s
behalf delivered
them. (5)
Amadi
choisit
Une
démarche
assez
originale
pour
la
revalorisation
de
l'Afrique;
i l
essaie
de
faire
fi
du
monde
occidental
comme
i l
le
montre
à
propos
de
la
présence
des
dieux
traditionnels
dans
son
oeUvre:
l
adopt
another
approach
in
my
two
nove ls
[
The
Concubine
and
The
Great
PondsJ.
l
do
not
ev en
mention
the
foreign
gods.
l
ignore
them
utterly~
concentraf-/ing
only
396
on
our
ances tra l
gods
and
showing
them
as
powerful
and
as
influential
as
the
Christian
deity. (6)
No~s
comprenons
alors
qUelles
sont
les
motivations
réelles
d'Amadi
à
propos
de
son
parti-pris
dit
"passéiste",
qUi
n'a
poùrtant
rien
de
comparable
avec
le
passéisme
des
tenants
de
la
Négritude.
Car
la
reconstitûtion
dû
passé
chez
Amadi
n'est
pas
éloignée
de
celle que
préconise
Achebe
et
qui
se
veüt
objective:
We
cannot
pretend
that
our
past
was
one
long ~
technico loI'
idy ll.
We
have
to
admit
that
like
other
people's
past
ours
had
its
qood as
well
as
its
bad
side. (7)
A
la
qüestion:
"poü\\rquoi
le
fantastiqüe
dans
l'oeuvre
amadienne"
nous
pouvons
répondre
parce
que
la
représenta-
tian
de
la
société
traditionnelle
Ibo
l'exige.
Le
fantasti-
qûe
ici
n'est
pas
à
priori
ün
choix
de
l'anteür
mais
la
conséqùence
de
son
souci
d'êtxe.
fidèle
aüx
valeùrs
de
sa
société.
l;e
fantastique
naît
dû
contexte
social
et
histo-
rique
dans
lequel
les
romans
amadiens
sont
situés.
Le
fantastique
c'est
cette
liberté
de
jugement
donnée
au
lecteur
par
l'auteur
avec
un
maximum
de
recul
de
celUi-
ci.
Cep end an t.
a v an t
de
juger
les
personnages
et
les
événements, le
lecteur
doit
tenir
compte
de
toutes
les
circonstances
qüi
les
entoürent.
Ces
circonstances
à
la
fois
naturelles
et
sûrnatürelles
vont
rendre
difficile,
voire
impossible,
toüt
choix
défini
dû
lecteur.
Celüi-
ci
va
donc
continuellement
hésiter
entre
les
différentes
possibilités
de
choix
et
c'est
de
là
que
naît
le
fantasti-
qûe.
La
description
de
la
société
traditionnelle
par
Amadi
397
lüi
a
parfois
vElu:
des
critiques
de
la
part
de
certains
de
ses
confrères
~igérians; ce~x-ci l'acc~sant de ne s'etre
pas
assez
préoccû~é des
réalités
de
la
société
contemporai-
ne
nigériane.
Ils
lüi
reprochent
de
n~ pas
etre
sUffisam-
ment
-poli tiqüeme:1t-
engagé
dans
ses
romans.
ee à quoi
Amadi
répond
en
ces
termes
clairs:
Should
a
writer
set
out
deliberately
to
achieve
a
certain
political
or
social
end
thl'ough
a
nove l
?
l
think
there
is
a
great
dea l
of
difference
between
a
work
of
art
set
in
a
political
atmosphere
and
a
propa-
gandist
novel
aimed
at
influencing
the
people.
l
have
no
doubt
in
my
mind
that
the
more
politically
or
socially
committed
a
uriter
is
the
worse
his
I.<Jîoiting
becomes
[ . .J
•
Think
this
is
a
hard
line
to
take
[. . .J l
th i n k
t h a t i f
a
11 0 V e lis t
f e e l s
s t l' 0 n 9 l Y
a b 0 u t
a
pol i tic a l i s sue
he
s hou l d
sir:iply
write
a
dissertation
on
i t .
Soyinka
diè.
so
in
The
Man
Died~
and
l
did
so
in
Sunset
in
Biafra.
Both
books
are
non-fiction
and
describe
the
Nigerian
conflict
from
valoious
viewpoints.
(8)
C'est
toüt
le
Jébat
sûr
l'~rt
qui
est
relancé,
et
on
pel.H
bien
se
delIEnder
s' i l
exis te
une
oeuvre
d' art
qUi
ne
témoi gne
pas
j'Un
certain
engagement
de
son
aüteÙr.
Nous
poüvons
aussi
nous
demander
si
un
artiste
doit
se
laisser
gUider
à
volonté
par
ce
qüe
les
aütres
veulent
qu'il
fasse
oU
~ar
ses
propres
convictions.
Le
véritable
artiste
n ' e s t - i l
pas
celui
qüi
est
libre
de
sa
création,
parfois
au
risque
de
se
coüper
de
sa
société
?
Amadi
ne
va
pas
jusqÙ'e-là
et
dans
son
dernier
roman,
Estrangement,
i l
entre
de
plain-pied
dans
la
société
contemporaine
nigé-
riane.
Amadi
y
décri t
les
conséquences
physiques,
morales,
économiques
et
religie~ses
de
la
gUerre
dû
Biafra.
Il
398
met
en
scène
les
doUtes
et
les
désillusions
des
personnages
après
cette
gUerre.
~1ais
ce
qU'il
Y
a d ' intéressant
à
noter
à
propos
de
ce
changement
de
cadre
et
d'intrigue
dans
ce
noüveau
roman
c'est
qù' Amadi
a
su
garder
le
ton
posé
et
le
style
dégagé
q\\:l!i
lüi
sont
propres.
Amadi
a
conservé
sa
démarche
pragmatiqüe
dans
la
présentation
de
ses
personnages
et
des
événements.
Dans
Estrangement,
nUl
n'est
foncièrement
bon
oU
maüvais;
i l
n'y
a
pas
de
héros
ou
de
vaincü:
tous
sont
victimes
d'üne
güerre
et
tOÛlS
doivent
en
assumer
les
conséquences.
Dans
son
dernier
roman
Amadi
rompt
avec
la
présentation
chronologiqüe;
la
narration
est
ici
éclatée
et
i l
y
a
ùn
va-et-vient
constant
entre
le
passé,
le
présent
et
le
futùr.
C'est
ùn
roman
à
travers
leqUel
les
personnages
doivent
continUellement
se
remettre
en
caUse
au
fur
et
à
mesure
qùe
le
récit
avance:
i l s
s'accusent,
se
décoüvrent
et
s'excü-
sent
sans
cesse.
Tout
est
fait
pour
qü'aucUn
personnage
ne
pUisse
être
innocenté
oU
condamné.
Jamais
l'information
capitale n'est
délivrée
aU moment
où
i l
le
faut.
Le
lecteUr
n'a
jamais
la
possibilité
de
former
Un
jugement
définitif.
Les
procédés
narratifs
utilisés
dans
Estrangement
sont
comparables
à
ceux
employés
par
Ngügi
dans
A
Grain
of
Wheat.
La
thématiqüe
des
deUx
oeüvres
est
également
simi-
laire,
avec
la
seule
différence
qQe
chez
Ngügi
l'homme
blanc
a
été
aU
point
de
départ
de
ce
qui
a l l a i t
constituer
"la
guerre
des
Mau-MaU".
PoUr
revenir
à
Amadi,
no~s poUvons dire
qO'il
a
toujoUrs
eu
le
soüci
de
chercher
à
comprendre
et
à
présenter
ses
399
personnages
à
partir
d'ùne
connaissance
psychologique
approfo:idie
de
l ' individû .Estrangement
est
aUssi
une
par-
faite
illUstration
de
ce
soûci,
et
Amadi
y
fait
preu,ve
d'une
sensibilité
jamais
égalée.
Amadi
confirme
ainsi
ses
talents
de
grand
écrivain,
qui
poürtant
est
mal
connU
du
grand
pUblic
I l
ne
serait
donc
pas
exagéré
de
dire,
ècmœ al pe:jt le lire sur la première de
CogvertDre
d~ roman,qû'Estran_
gement
"is
a
new novel
by
the
celebrated Nigerian
writer."
Avec
Estrangement,
Amadi,
à
l'image
d'Achebe,
montre
peüt-~tre qu'il a
sUffisamment
informé
ses
lecteurs
sür
le
passé
de
l'AfriqUe
et
qU'il
est
grand
temps
maintenant
de
s'occuper
de
la
société
contemporaine.
Peut-être
qU'a-
près
avoir
décrit
les
conséqüences
de
la
gùerre
du
Biafra
i l
ira
encore
plus
avant
dans
la
société
nigériane
d'all-
joürd'hùi
oD
écrira
sûr
üne
époqUe
relativement
récente.
Dans
toûs
les
cas,
Amadi
est
ün
grand
écrivain
qui
mérite
d'~tre mieux lü et mieux connu'. Il a des mérites
qüi
n'ont
pas
suffisamment
été
soulignés
jusqu'iCi,
et
qUi,
comme
noüs
l'espérons
et
le
pensons,
seront
reconnûs
Un
jour
à
leUr
juste .valeur.
400
NOTES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
SUR LA CONCLUSION
(1)
Irène
BESSIERE,
op.
c i t .
p.18.
Elechi
AMADI,
"The
Novel
In
Nigeria",
.Afriscope,
4,
( 2 )
11
(1 974 ) 1 ~ t. . 4-0 - 4- -L ) 4- 3 ) 4- 5 •
(3)
cf.
Georges
BASDEN,
Among
the
Ibos
of Nigeria,
London:
Frank
Cass,
1921.
(4)
E.AMADI,
"The
Novel
in
Nigeria",
Afriscope.
Chinüa
ACHEBE,
"The
Writer
as
a
Teacher",
Morning
Yet
On Creation
Day,
p. 45 .
(6)
AMADI,
op.cit.
ACHEBE,
"The
Role
of
the
Wri ter
in
a
New
Nation"
;Nigerian Magazine.
No.
81,
Jüne
1964;
P.58.
(8)
M1ADI,
op.
cit.
B l B LIa G R A PHI E
401
l
-
L'OEUVRE D'ELECHI AMADI.
A . Romans, pièces de théâtre et autres ouvrages.
The
Concubine,
London:
He i n e ma nn ,
[1 96 6J;
Res e t i n
1 9 7 5 ,
African
Writers
Series
(
A.W.S),
reprinted
in 1981;216
p.
The
Great
Ponds,
London
Heinemann,
[1969J;
(A.W.S),
1970,
reprinted
in
1981;
192
p.
Sunset
in
Biafra,
London
Heinemann
[1st
publ.
1973J
(A.W.S),
1982;
184
p.
Isibùru,
London:
Heinemann,
1973;
44
p.
Peppersoüp
et
The
Roact
to
Ibadan,
Ibadan:
Onibonoje
Press,
1977.
The
Slave,
London:
Heinemann
(A.~-J.S), 1978; 160 p.
Dancer of
Johannesb~rg, Ibadan: Onibonoje Press, 1978.
Ethics
in Nigerian Cultur~, London:
Heinemann,
1982;
120
p.
Estrangement,
London:
Heinemann
(A.W.S)
1986;
244
p.
B • Article et Interview
"The
Novel
in
Nigeria",
Afriscope,
4,
11(1974),
pp.
40-
4 1,
43, 45;
0 ct llma,
2, 1 , ( 1974 ),
pp. 33,
35 - 37 .
.
"Elecht
Amadi
in
Conversation
with
Alast'air Niven",
British
CoUncil
Tape
No
CW07
(Interviews
with
Commonwealth
Writers
Series).
Recorded
1982.
II - CRITIQUES ET TRAVAUX SUR AMADI.
A . Ouvrages.
CARTEY,
Wilfried,
Whispers
from
a
Continent,
London:
Heinemann,
1971.
COOK,
David)
African
LiteratUre.
A
Critical
View,
"':""L-o-n....;.g-m-a-n-.-,-[~1.."..9--7--7J) 1 9 8 0
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impression;
240
p.
402
T
oA"H 0 RNE, O. R . ,
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_o_n----::-:--a_n_d--=-__
S_O:::-C_1_·--,-e_t...::.Y-,---::-_i_n
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in
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Novels
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ünp~blished
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Third
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CHAN DAR,
K. M. ,
"Elechi
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Concubine",
The
Literary
Half
Yearly,
(Mysore),
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Hommes
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Thèse
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3ème
cycle,
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NDOKI,
Yolande,
De
QuelqUes
Aspects
de
l'Imaginaire
à
travers
l'OeUvre
RomanesqOe
d'Amos
TQtUola,
Montpellier
III,
Thèse
de
3
ème
cycle,
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SARR,
Ndiawar,
La
LittératUre
et
l'écrivain
face
aUx
Masses dans la société africaine contempo-
raine,
Montpellier
III,
thèse
de
3ème
cycle,
1975-76.
VII - REVUES ET JOURNAUX.
Africa QOarterly
(New
Delhi)
Afriscope
(Nigeria)
Commonwealth Topic no.10:
Life
in Ghana
CommUnication no.8
Paris:
Seuil 1966
Comparative Literature StOdies Vrbana,
(USA)
JoUrnal of Africau and Comparative Literature
(Nigeria)
JoUrnal of Commonwealth Literatore
(London)
Nigerian Magazine(Nigeria)
OdUma (Nigeria)
Research in African LiteratUre
RevUe de LittératUre Comparée
West Africa (London)
418
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE ET METHODOLOGIE.
L'Homme
et
son
oeuvre
p.
1
1. Définition
p.
4
2.
De
L'évolution
p.
6
3.
De
la
forme
p.
8
4.
Dû fond.
p.
10
A -
LE SACRÉ,
LE SURNATUREL ET LE FANTASTIQUE
p.
14
1.
Le
sacré et
le
profane
p.
15
2.
Le
sacré
et
le
surnaturel
p.
19
2.a
Le
merveilleux
p.
23
2.a~1
Le
metveilleUx
pur
p.
23
2.a.2
"Le
fantastique
-
merveilleùx"
p.
26
2.b
L'étrange
p.
28
2.b.1
L'étrange
pur
p.
28
2.b.2
Le
fantastique
-
étrange
p.
29
B -
QUELQUES ASPECTS DE LA SOCIETE TRADITIONNELLE
IBO
p.
31
1.
Le
dualisme
dû
monde
Ibo
p.
32
2.
Le
Dynamisme
dialectique
p.
36
3. La notion de caùsalité
p.
38
3.a
L'homme
Ibo
et
le
fait
nouveau
p.
38
3.b
La
ruptUre
avec
la
causalité
rationnelle
p.
41
3.c
Les
causes
parallèles
p.
44
PLAN
p.
52
NOTES ET REFERENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
SUR L'INTRODUCTION
p.
55
419
PREMIERE PARTIE
DE QUELQUES NOTIONS
l
-
HASARD ET COINCIDENCES
p.
59
11- PREMONITIONS, PRESAGES ET AUGURES
p.
71
A -Rapport entre la caUse et l'effet
p.
74
B -L'animisme cosmiqUe et le fantastiqUe
p.
82
111- DESTIN,
FATALITE ET JUSTICE.
p.
88
A -La notion de
"Chi" 00 dieU personnel
p.
89
B -"Bonne chance" et
"maOvaise chance"
p.
93
C -Fatalité et jUstice divine
p.
96
IV- LA TRAGEDIE
p.
103
A--L'atmosphêre tragiqOe
p.
105
B -La circnlarité du destin
p.
114
C -Tragédie et fantastiqUe
p.
127
V- NATURE, REPRESENTATIONS ET IMAGINAIRE
P.
132
A -La Nature
p.
133
B -Les représentations
p.
136
C ~L'Imaginaire
p.
139
D -L'homme en rapport avec la nature et tentatives
d'organisation de l'espace
p.
141
1.
La Terre
P.
146
2.
Les sanctuaires
p.
148
3. Les coùrs d'eau
P.
152
4.
La Flore
5.
p.
157
La faÛ'ne
p.
162
6.
L'air,
le ciel,
la
lame,
le soleil et
les étoiles.
p.
167
NOTES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES SUR LA
PREMIERE PARTIE
p.
173
DEUXIEME PARTIE
ANALYSE DE QUELQ~ES
THEMES CONSTITUTIFS
DU FANTASTIQUE
VI- L'HOMME EN RAPPORT AVEC L'INVISIBLE
p.
180
A -Les DieDx et les Hommes
p.
180
420
1.
Le
Dien humanisé
p.
181
2.
L'homme â
la
recherche
d'On
dieU
inconnû
d'ane
harmonie
impossible
p.
186
B -Les
ancêtres
et
les
vivants
p.
192
1."Les morts
ne
sont
pas
morts"
p.
193
2.
La réincarnation 00 le
changement
dans
la continüité
p.
197
3. L'absence d'héritier et le restirgissement
d'Une
angoisse
collective.
p.
201
VII-
LA MORT
ET SES
REPRESENTATIONS
P.
207
A -Les caOses
de
la mort
p.
207
il..
La
"bonne
mort"
en
rapport
avec
l'ordre
p.
208
2.
La
"mauvaise
mort"
en
rapport
avec
le
désordre
p.
218
-
Le
suicide
p.
220
B -Rites
fnnéraires
:
mise
en ordre
dO monde
et maîtrise
do temps
p.
229
VIII- COMMUNICATION
ENTRE LES
PERSONNAGES
ET L'INVISIBLE
p.
235
A -Les
intermédiaires
p.
235
1.
Les
prêtres
p.
236
2.
Les
"medicine
men"
où "dibia"
p.
239
a.
LeUr
personnages
p.
240
DUalité
des
"medicine men"
p.
242
-personnages
connUs
et
inconnnüs
-Interaction entre
le
monde
visible
et
invisible
p.
243
b.
Limite
de
leQrs
fonctions
p.
245
B -Les moyens
de
commQnication
p.
253
1.
La divination
p.
253
2.
Le
serment
p.
258
3.
Le
rêve
p.
259
4.
La natUre
p.
261
IX-
LE PERSONNAGE FEMININ ET LE MYSTERE
p.
264
A -Un traitement exemplaire de la femme
p.
265
1 . La femme dans le qUotidien
p.
265
2.
Une
vision positive de la femme
p.
266
a.
Be auté phy si q Ue
et
beaùté
morale
p.
270
421
b.
La dUalité
du personnage
féminin
p.
273
c.
Ihüoma:
femme
fatale?
p.
276
-Le
portrait physique
p.
277
-Le
portrait moral
p.
279
B -Ironie 00 revalorisation do personnage
féminin
p.
283
NOTES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES SUR
LA DEUXIEME PARTIE
p.
289
TROISIEME PARTIE:
LE RECIT FANTASTIQUE
LA NOTION
DE RECIT
p.
295
x- COHERENCE ET COHESION DE L'OEUVRE
p.
297
A -La cohérence de l'oeOvre:
l'ordre et la
chronologie
p.
298
1.
Unité de
temps et de
lieu dans
The Concobine
p.
300
2.
The Great Ponds:
Le
temps
et
le
lieu
composés
p.
304
3. The Slave: le scénario initiatique
p.
307
B -La cohésion de l'oeovre:
strOctore et
syntaxe
p.
309
1.
La structure de
l'oeUvre
p.
310
The Concubine
p.
310
The Great Ponds
p.
313
The Slave
p.
316
2.
La syntaxe de
l'oeuvre
p.
318
a.
des
phrases
courtes et
simples
p.
320
b.
Un vocabUlaire
clair et
simple
p.
324
c.
une
prose proche de
la tradition
orale
p.
325
XI- NARRATEUR ET NARRATION
p.
329
A -Réalisme et objectivité de l'oeovre
p.
329
422
B
-Le statUt du narrateur
p.
334
1.
Les
points
de
vüe
p.
334
Un narrateûr omniscient: 13. focalisation
zéro
p.
335
Un narrateur à point de vUe limité:
la focalisation interne
p.
339
Un narrateür peU. informé
la
focalisation externe
p.
341
2.
La"personne."dü narrate-ar
p.
344
C -Temps
de
l'histoire et temps de la
narration
p.
31~ 7
The ConcUbine
p.
348
The Great Ponds
p.
350
The Slave
p.
354
D -Le fantastique
:
an discoUrs mixte
p.
356
XII- LE STATUT DU LECTEUR
p.
360
A -Identification du lecteUr aUx personnages
~. 362
B -L'attitUde dU lecteur face
au sUrnatnrel
p.
366
C -La jUxtaposition des événements et
faits
c~ntradictoires et paradoxaux.
p.
370
NOTES ET REFERENCES
BIBLIOGRAPHIQUES SUR
LA TROISIEME PARTIE
p.
380
CONCLUSION
Les
limites de
la méthode
p.
386
Le fantastique
:
Qne notion opérationnelle
p.
389
Une vision perspective de l'oeuvre amadienne
NOTES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES SUR
LA CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE