LIN JVEI{Srn: PAUL VALERY - MONTPELLIER 111-
;\\I~TS ET LETTRES
L.\\NGlJES ET SCIENCES IIl!iVlAINES
--=-=-=-=--=-=-=-=-=-=-=-=
SYMBOLES DE VIE ET DE MORT DANS
L'OEUVRE DRAMATIQUE DE WOLE SOYINKA:
Analyse thématique et littéraire
.JURY: M. J. C. AMALRIC
université Paul Valéry Professeur
Me
.J.
BARDOLPH· université de Nice
Professeur
M.
J. SEVRY
univers~té Paul Valéry Professeur
M.
R. RICHARD.
université Paul Valéry Maître de
Conférences
Décembre 1988

A
Ma mère qui,
Alors que se réalisait
Ce travail, a emprunté
Le cheming ogunien du Gouffre Transitionnel
Pour rejoindre les ancêtres l
,'.
1 . Expression inspirée des mots par lesquels Wole Soyinka dédie Deatll and the King's
Horseman à son défunt père.
1
,j

REMERCIEMENTS
Nous remercions tous ceux qui, à un niveau ou à un autre, ont contribué à la réalisation
de ce travail. Nos pensées vont en particulier vers nos Directeurs, MM. René Richard et
Jean Sévry.
r\\

SOMMAIRE
IntroductIOn
Chapitre liminaire: le rituel et le théàtre de Soyinka
8
l. Les Mystères Oguniens : l'expérience rituelle
10
I. 1. La traversée du goutTre : la dialectique mort-vie
11
1. 2. L'expérience rituelle
lJ
II. Théâtral rituel: théâtre total, théàtre de vie
17
Partie 1 : Des phénomènes socio-religieu,x : leur symbolisme
24
L La transition et la médiation, fondements du symbolisme rituel
25
I. 1. De la dynamique du rite
28
L 1. 1. Le rite de communion
29
I. 1. 2. Le rite de passage
56
L 1. 3. Le rite de purification
lO4
L 2. De quelques aspects de la théàtralité et l'expression de la
médiation
i 18
L 2. 1. Personnage et médiation: de l'expression de l'être
symbole
119
.~
1. 2. 2. Des expresslOns:JlIil~~estuelles
174
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omme et a socete: e ImafJ
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II. 1. De la nature de l'ho ,- eo18P1J.\\ Ouo~ Hl ~
220
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IL 1. 1. L'ambivalèu.~e QJtJI'8grau~.de l' ~e
220
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~:h cun'H Ifl mm.
1
II. 1. 2. La continui ê"" e la nature de ~être
230
II. 2. L'individu et le deveniN"'~
238
IL 2. 1. La dialectique de la mort de l'individu ou l'incarnation
individuelle du devenir social
238
II. 2. 2. La femme et le devenir social
250
IL 2. 3. L'artiste et le devenir social
258
Partie II : Des éléments environnementaux et leur symbolisme
265
1. La nature, l'homme et la transcendance
267
1. 1. Le vitalisme: la transcendance dans la nature
268
1. 2. L'environnement et la communion mystique
282
,

1.3. Les visages Je la mOisson
316
Il. L'environnement naturel et l'ambivalence: de la dualité vie-mort
.3.34
ILl. De l'ambivalenœ propre des composantes environnementales 334
[1. 2. L'homme dans la nature: de l'expression de la valorisation de
l'être
427
Conclusion
443
Biblio!:,'Taphie
446
1
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1
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INTI~OI)UCTI( )I\\J
clic s'elend dll ~enre
romanesquè a ia poesie et au lheàlre. L'Imaginaire qui llourrJl celte crèallon n'èSl pas
CUI[ÜrCnLS~
rOndC111cnt Je (cr
Ilnagll1ôJl~, s~üccord~nt pour affiril,~r qü~ Si

prépondér:-~f1ce de 1J. culture
Eùt :lucun
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culturE des !!<1\\\\/. peuple V01sm des vorubn. fnit partiE de son '.:ndre de
référence comme en témoigne la pièce The c\\,'wamp Owel/ers. Celle de la Grèce antique
en est également un élément constitutif. Mais ces cultures "étrangères" s'intègrent Si bien
il son imaginaire qu'en tàit Soyinka son de l'univers yoruba sans vraiment ie quitter. Les
horizons culturels de Soyinka ont en commun l'essentiel de leurs valeurs fondamentalès:
leur vision du monde. On note par exempie que par ta force de son imaginaire, Ogun,
dieu yoruba, et Dion)iSOS, dieu grec, deviennent "des frères jUlueau:;:"!.
de sa vie personnelle. Quelques aspects saillants de sa biographie suffiront pour soutenir
notre propos. On peut noter en premier lieu la part de la culture judéo-chrétienne dans
laquelle il a été plongé dès sa plus tendre enfance comme le montre si bien son oeuvre
autobiographique Ake, the Years of Chiidhooat.. Si rigoureuse et
imponante était son
t!:ducatioii fèligH~use qu'eUe ne pouvait ne pas se manifester dans ses écrits. Les
nombreuses références bibiiques iilustrent sa partàite connaissance üe ce syst'::me de
croyance. Remarquable également est son séjour en Angleterre: d'une part, ses rapports
1 Soyinka, Wole, Ili/vth, Litem/ure und the Alrit;un IV()rIJ, Cambridge University Press,
1(j7h. Il. 15X.
'lkL:, {he Yeurs I/({ '!li/dh()t)d. Arena. London. !9~ 1
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Irucllll'IL\\ avec son prolcssellr. li Wilson i-..llIgill. adepte JlI lile:itre rHuci;. el d':1lI1re part.
scs C\\IIIl:ICls--cerL<lIIlClllCnl
IH)l1
lIlOlllS l:lllîCilISS<Hlls--aVl:C lïauircs SOIlIIl1IlCS liu 11101lUC
qui rend rrincipalement comrte de l'cssence, du fonctionnement et de l'unire de son
Imagltlalre.
De même égaiement, j'oeuvre de Soyinka reCOUvTe piusleurs champs iiuèraIres,
m,us c'est sans doute le genre theàtrai ljUI ie caracténse ie mieux. en i;;6] - i l162, une
allocation de la fOilàatiûn RûckeieUGr lüi p~ml1t d!érüdier ies l'estivais, ièS cérénlüllies
rituellès et les sociétés dt:: 111usques du ~~igéria. Ceci étalit, la prépondérance reconnue de
justifie aussi par le fait qu'elle est révélatrice de son génie et du fondement de sa théorie
esthétique. Autrement dit, son théâtre à lui seul suffit à saisir Soyinka dans l'ensemble de
sa richesse littéraire et de son imaginaire dramatique.
Son théâtre plonge ses racines dans ia tradition africaine. Il tàit appei aux
croyances et aux LllStItutIOllS d'inspiratIon traditIOnnelle. en tant que mamfestatIOns
COiKrères de toute une vision du 11wnde, ie mythe ~t ie rite som un trait fondamentai de
S:Oll OeU\\'Tê. Lèur èssence, !eur esthétique èt !euî tOl1ctiûnnen1elit COl1stÎtl1ent, si l'on peut
dire, J'essence même de son théMre. Soyinka fait siens de façon très lucide et littéraire,
les canons essentiels de la tradition yoruba. En d'autres tennes, il réinterprète, ou selon
.1
Davis, 13. Ann,
in Gihhs. J ed. ('nllcul IJenpeL'lives on Wule ,...,'ovmka. Heltlemann,
London, 1981. p. 147.
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• • • •
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i'expresslon Je j ••. :'lall1l-f\\l1l1re'_ lÏ'lranslllIîlle' el aJapte des ekments lradlllol1lleis pour
l'épol\\lJre Ù lû /()IS a sa cOllcepLlol1 de l'an lile~ilral--csLilcllqllcI1H:':I1t.el il>I1ClIOIIIH:ikllleIlL--
:1~~(:~~~:: ~~ ;;:·u'...::~~ ~r ;_:t::.::.,~:::::: :~:'!::"''':~;''''t::~. ~;!' ~:·~~uiliuna! \\':..:lu~J :ü:u ~lle p.iug~t.·JJ;\\t: '-~fJFI"U.\\1til~Ü~U!i
(~f;he ~nd!"/ldu(lJ t'li"t!stic peï.sor:ality tG ~he d~!ê:min2t~on c-f:h·~ cC'·!lecti\\:~ ·-.:onS~!·~·~~!h~5:: ~
Ainsi, qu'il s'agisse du rituel ou de quelqu'autre élément issue de sa eu!turc
traditionnelle, il est impossible de concevoir que le dramaturge a procédé à une pure et
sImple transpositIon. Son théâtre constitue donc l'appropriatIOn originale d'une vision du
monde. en l'occurrence celle des yoruba: et donc, de toute evidence, l'analyse de celle-ci
s'avère nécessaIre dans toute étude de son oeuvre. il serait donc judicieux d'ëtre prudent
par rapport il. l'opInIOn selon iaqüeiie l'on a pas besoin de connaissance sur la culture
ycrùba pour C0111pïendre l'oeu'vïe de Soyinka. En effet, c'est tûut Ü1ï mûde de pensée qu'il
Cela ne sih'TIifie évidemment pas que cette connaissance suffit pour pénétrer
l'intelligence de son oeuvre; sinon il ne s'agirait pas d'une oeuvre littéraire, et ce serait
trop simple. L'oeuvre elle-même constitue le point de départ principal et convenable.-
Ü n survol de celle-ci montre l'importance et la récurrence du theme du couple
VIe/mort, de ['opposition entre forces de vIe et forces de mort. "Wole Soymka est un
poète sérieLLx qui en tant qu'homme d'abord de son propre pays et ensuite du 2ûème siècle
est concerné par les graves problèmes qui se posent à lui'''', écrit E. D. Jones à propos de
~;Gn premIer recueil de poèmes fdclnrc and Orhcr Pocms. Sans avoir jamais été
i
Utudjan, C, Samt-André, in WiJ/e ,\\()ymka el ie Ihéâlre u!m.:a!n. CERPANA. editIons
Silex, Pans, IlJ86, p. 50.
Jones, E. Durosim i. The l'Vril iflg 1)/ IVoie Soyinka. Hei nemann, London, 1973, p. (j9.
{, Jones. E,D.. On. ( 'il.. r l)4
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Inc",\\:;lants, ces grave:; problemes qUI 1ntcrpellcnt prollll1del1lel1t--et Je I:ll,:lln dlvcrscs--
l'holnlllc
Jans
son
essence
el
dan:;
son
avelllun;
lerreSlre,
lrouvelll
de:;
lormes
pamcuiièrement penliCleuses de manlÎ"çsiJlion Jans ies ann~es 60 el 70 avec ia guerre
carri~re ~jttér(1ire sortit
de Gètte perlod~, si !'Gn peut J:re~ s-rrandie t(l~t ~.:ur le p!<1n
thématique que sur Je plan quantitatif. Commentant !J pièce\\/udtnen und S!'cc!ufis/Y.
sans doute la plus sombre à ce jour parce que insrirée de cette période pal1iculi~re. le
même critique (E.D Jones) écrit: "It IS certamly a signiticant \\York explOltmg new
!
techniques, but consistant ln its themes.... Once again the torces of lire and the torees of
death are shown m mOl1al opposmon"c .
Il
existe cenainement de müitipies niveaux ou modes d'approche de ce thème
fûnd:lInental, mais c'est sans doute celui que la vision yoruba du monde permet
d'entrevoir qui est le plus enrichissant. Dans cette vision, le cosmique, le 'moral, le
religieux, le social, etc., sont une réalité indivisible. Ces aspects se détenninent
réciproquement et participent tous à la même fonction par rapport à la dynamique de la
vie, du devenir. La réalité sensible n'est que le versant visible de l'univers mais participe
de tàçon fondamentale à son organisation. L'invisible et le visible s'interpénètrent de
tàçon essentielle. Les notions de vie et de mort dans un tel système acquièrent une
complexité réelle. N'affectant pas uniquement et simplement l'apparent--le visible ou le
:TIatérie!--el!e s'e~~prime par rappert :l:.L,{ différentes dimensions de l'être et de l'univers, et
revèt !es formes les plus diverses qu'il serait fastidieux d'inventorier ici.
Dans ce monde qui, de toute évidence, donne sa primauté au symbole, celui-ci
Joue un rOle fondamental à tous les niveaux où il apparaît. Il ouvre sur "au-delà des
!.oc. (/f.
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1

cllO~e~. conduit à j'üme du COSIl10~, a CCllIl de l'i.~tre ou ;] ceiui du sociaL !':IICIlIlC ~ iaiÎc.
qUI s'estlnieresse ù ia iiJnl'llun vitale du sVll1uoie l'heL ~-)uYlllka, ecnt .
Il est le miroir lJU l'homme se decouvre proche de son environnement, un Illinm enchalllc qu'il
traverse pour s'imegrer aux elements du monde. a la vie mineraie. vègetaie, ,1I11l11ak et qu'il traverse
o
pour se cOlHlailre jusqu'en ses dernières proiunJeurs .
vie •.:t de mort, k symbok pennet d'entrevoir également !cs ('onditions des ,:lpports entre
ces forces et les humains, d'appréhender la manière dont
l'homme reut
rmrt!clper:i
l'harmonie. à la continuité ou il la destruction de son univers et de lui-même.
En somme, le symbole constitue pour Soyinka le mode privilégié de son examen
de l'homme dans la profondeur de son àme, c'est-à-dire là ou réSIde la source qUI
détermine son mode d'être, son comportement social, environnemental et historique.
En partant de son oeuvre dramatique, on aboutit à la détenninatioü Je JeLLx
domaines opératoires à l'intérieur des4u~ls pt=uvent se ~ai:)ir la th~matique èt l~ mode de
représentation des symboles de vie et de mort. Mais la distinction entre ces deux cadres
relève uniquement de notre propre démarche. De fait, aussi significative qu'elle puisse
être, elle ne suggère aucunement une séparation fondamentale entre eux.
Ainsi, après avoir défini, dans un chapitre liminaire, le fondement et la
signification de la notion rituelle par rapport à l'imaginaire soyinakaïen et à son oeuvre
théâtrale, nous nous pencherons, dans la première partie de notre travail, sur des aspects
concrets de manifestation du rite et sur d'autres réaiités essentielles îelevant de la vie
sm:iu-rdigieuse de l'être.
Et dans un premier temps, nous nous attacherons à analyser les types rituels
rrédominants et leurs fonctio,ns littéraires. Ainsi, nous aborderons par exemple des rites
x
Calles. Etienne, f-c f/1mule UfIllwre de Wl)le .....·ovmku
limet/on vilale du symhnle,
'rhèse Jèrne Cvcle. lIPV. Montpellier. 19n. r:>P. 6-7

dl:col11lTIunlon, de passagl: ou de pUri tïc~llIon . des l11<1l11ents rltueis a travers lesquels
ongllldlt:l1l\\::lIt, i'iIOlnll1e ~lCcoll1~IISS;'lIt SOli eXistence IndivIduelle, iJartlcl~alt a la Vie, Ù ia
dynamique SOCiV-COSiTIlque. [\\.jous verrons que si ia quêrc Je ia vic est unc obsl:ssion chez
Soyinka, la satire du Jral11atur::;e peut s'av~rer ~gakl11çnt ~rll1çante ; c\\;~st ~ue le rite est
très souvent corrompu
par ceux-hl mèmes ù travers lesquels il est œnsë trouver son
existence et son sens.
Cenains personnages du théâtre de Soyinka sont 1I1spm~s des ètres socin-rel igieux
qui dans la pensée yoruba sont de réels symboles huma1l1s vëhiculant route une réalité
invisible, fondement d'une part essentielle de la substance symboiique chez Soyinka. Ils
sont également pris dans un système où ils se trouvent torcément d protondément en
relation avec les principes de vie et de mort. Comme nous le velTons, plusieurs éléments
rendent compte de ce phénüillène.
Au coeur du rite et au centre de ses rapports avec les personnages socio-religieux
existent des phénomènes aussi divers que la parole, la musique et la danse. Une partie de
notre tâche sera de voir dans quelle mesure ces phénomènes trouvent leur place dans le
théâtre de Soyinka, dans la symbolisation de la vie et de la mort. Pour ces éléments
comme pour les êtres socio-religieux, les principes de médiation et de médium seront des
instruments privilégiés d'analyse.
En tam que phénomènes soclO-reiigleux, le rite et ses corollaires ci-dessus
~voqués sont au coeur de la dynamique sociale, et cosmique en dernier ressort. Dans
quelle mesure l'approche rituelle permet-elle de comprendrE:': l'es$encf:':, la n~ature de
l'homme, et de situer sa place dans le devenir social ? A la tin de la première partie de
notre travail, nous tenterons de répondre à cette interrogation.
La deuxième partie de notre travail sera consacrée à l'homme soyinkaïen dans
i'environnement naturel : ses relations avec les composantes naturei les (la terre, le reu,
l'air, etc. j, la slgnllil:ation Je (;Cs déments par rapports a lUI.

L'environnel1lent Je j'holllllle èSl un ll1on<..k VIvant (:11' "la nature se definll non pas
COflllllt:
LIll
t:f1SClIllJle
lllec:ullque
ue
posSibilité. lllalS cunllllt: LIll CIISClllidt: VIVillll
J'intcmionalités multipks'l, Nous 'verrons alors coml11ent la nature :HiiSl ddirllc est
susceptible d'exprimer un \\:l1semble de symboles dans le sens où selon "expressIOn de
L. V Thomas, il devient "impossible d'éwblir une distinction entre hl représentation d la
chose representée., en d'Jutres termes~ entre !e signe et !e signifi~ltlll
Existant dans un tel
univers où !a nature (~st appréhendée comme une
"communauté de puissances", l'homme est pris dans le tourbillon de la vie et de la mort.
de la création et de la destruction. Et c'est gràce au symbole. par sa relation avec les
réalilés pruIundes, par sa piuriuimensiunaiilé el par sa dialectique. 4Ut: l'humme peUL
pénétrer les secrets de cet wiivers et en saisir le fonctionnement et la si~ïlification. Ccci
est fondamental car les rapports de l'homme avec le monde influent nécessairement sur
En clair~ à l'intérieur de la masse de symboles~ au sens poétique et religie~'(,
toujours en rapport avec un au-delà révélateur des réseaux de relations de l'homme avec
la transcendance, avec les valeurs créatrices et destructrices que
recèle la nature,
l'attitude de l'homme peut exprimer la réalité de son être propre.
Dans le système ainsi défini où le social, le matériel, le spirituel, etc.,
sinterpénètrcnt, aussi bien \\es approches de l'historien des religions, de l'anthropologue,
du sociologue, que ce!1es du psychanalyste, trouveront à côté de l'analyse littéraire et de
la théorie rituelle soyinkaïenne, un champ réel d'application. Le théâtre de Soyinka est un
théâtre total; et l'expression est profonde de sens. C'est un théâtre où les forces de vie et
de mort s'affrontent, mais c'est avant tout un théâtre de vie.
.. Thomas, L. V.. ('inq essuis sur lu mort ufricaine, Philosophie et SCiences Sociales nU 3,
Dakar, 1968, p: 263.
Iii IhiJ.. p. 262
Il
- - ~

ClIAPITRE LH.tINAL'l.E
LE RITUEL ET LE THEATRE DE SOYINKA
1
ü
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---------------- r----- - -
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1\\ convll:nl
peul dre Je rappeier hrlèVCment i'1Il1pOnanCè symboilque Ju rltul:!
par ral-lpuil aux lIoll01l~ ue vie cl ut: IIIOIL Le [Iluel l:~l leCOIJllU COlllllle ia 11I~lIli ll:slallOIl
religieuse qui foisonne de symbolisme. ~~";st-i1 pas cc moment où l'homme sort Ju tcmps
prct~ne, historique, pour p(cn;~r u:lns le temps éternel.. s~cré '."
L~ :·itue! re!igieux :1..
manitesternent, un pouvoir re-créateur, re-<lctua!i<;;lteur Il rend prè,<;ent le temps sacré où
tout devient symbolique
es race. objects. etc. Par cette capacite à recreer le moment
sacré, il pennet à l'homme d'entrer en contact avec les pUissances invisibles. sources des
énergies vitales; il rétablit le courant vital que rompt par exemple la mort d'un llldividul
et assure ainsi vie. continuité et richesse a la communaute. Au cours du ntuei j'homme
juue, puur cÏler Marie-Just: Muuranlier, "iuule sun exislerHx"} , car il marque puur iui le
début d'un nouveau cycle, un nouveau départ.
La structure du rituel est aussi très souvent fondée sur une conjonction d'actions
ou de sihlations symboliques concourant toutes à la réalisation du cycle mort-vie. Telle
est la réalité structurelle des rites de purification, de passage ou de funérailles4
Egalement, les composantes organiques ostensibles ou sensibles sont symboliques :
l'acteur, le bouc émissaire, le masque, la musique et la danse sont autant d'éléments
significatifs car ils participent à la sacralité du rituel.
Il existerait dune au muins trois axts d'approcht: ptrtim:nte du rituel. it: premit:f
est relatif à son existence même, le second est inhérent à son déroulement, son schéma,
et le troisième relève de sa composition organique.
1. Eliade, Mircea, Le sacré et le projane, Gallimard, Paris, 1965, p. 60.
2. Thomas, Louis-Vincent; La mort africaine
:
idéologie funéraire en Aj'rlque Noire,
Payot, Paris, 1982. p. 189,
, Hourantier, Marie-José. Du rituel au théùtre-rituel, Harmattan, Paris, 1984. p. 26.
1 Thomas., J.ouis-Vincent, Op. (il. p. Il)l)
Il
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ju
ii serail vanl dc vouioll" rctrouvcr cilcz :SoYinka. ks rrluèÎs dans ia [Plaillc dc leur
notions de
mort ct J-.: vic qui le :~ou::;-lejlJcnt. la i.midil Je changcment qui lUi -.:st
inhérente. son esthétiqw:. /\\nn B. Davis, etudiant la théone dramatique de SOYlnb, note
quli! ;1 une ddinltion large du rituel'
Soyinbls concept of ritll:ll :!s the source Dt' dr:um is b:lsed en the :lssumpticn of:l broad derinition
of !itual.
The detinition of !"itual assurned by S(\\yinka~lales thM ritual is the language (,f the
masses, reters tn ritll(ll as a Itniversal iciioll1 and links litlJai rn nther torms of clIltllml hehaviollr
Soyinkals use of the term "ritual" ,denotes aesthetic and communicative aspecls of hehaviourS
Soyinka introduit dans sa conception ~~~~ufl·~~~~~.~resnotions essentieiies, eiargissant sa
/ '
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,-..;r~l
1~.ff:..Jf'~
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Si les mythes oguniens semblent avoir tous une certaine importance compte tenu
de la primauté méme du dieu Ogun tant dans la métaphysique yoruba que dans
l'imaginaire soyinakaïen, il en est cependant une séquence qui résume presque toute la
richesse, la complexité et l'essentiaiité de cette divinité: la traversée de la "forét ptimale"
ou du "gouffre transiLionnd" pour employer la terminologie propre à Soyinka. Cette
traversée du gouffre constitue le noeud des Mystères Oguniens et représente le
fondement tout à la fois de la tragédie yoruba--"yoruba tragedy plunges straight into the
'chtonic realm', the seething cau Idron of the dark world will and psyche, the transitional
yet inchoate matrix of death and becoming"o--et de la théorie du rite de Wole Soyinka.
5. Davis, B. Ann, in James Gibbs, ed. Cri/ical jJerspecfives on Wole Soyitzka, Heinemann,
London, 1981, pp. 148-149.
(1. Soyinka. Wole, Mv/h.
[item/ure und the Atricun WllrlJ, Cambridl..':e University Press
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I~ndon, 197~, r. 142.
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Nous rcvll.:ndrons sur Le dernier pOint dans une SeClIOI1 uiteneure. L'ob.leclll· ici est de
lTlelll>: >:11 n.:IIl.:r ks clelllents ues iviyslères Ogulliens qui IIOUS pelinellclIl de S"lIsir
l'ex pcn.:m;c ri tucllc. nolalll ment com mc une rc-actual isation Je la tragéJic ogunlenne.
r. 1. La traversée du gouffre: la dialecti<Iue mort-vie
La métaphysique yoruha conçoit l'existence de troiS mondes également reconnus
dans la plupart des sociétés africallles : le monde des vivants, celui des entants à naître et
celui des ancêtres et divmités ~ trois mondes distincts mais eXistant dans un rapport de
continuité. Le passage de l'un à l'autre, que l'on peut quaiitier de mon ou de vie selon ia
perspective '-lue l'on prend, est assuré par la réalité uu "gouiTre
transitionnel" que
Soyinka dénomme "quatrième monde"?·
L 1. 1. La réalité du gouffre
Le
gouffre
constitue
la condition nécessaire
à
toute
existence.
Réalité
intermédiaire qu'il est, rien ne peut être ou ne pas être sans son "concours" car il est, en
plus, le creuset des forces de vie et de mort: "Within this abyss are the activities of birth,
death and resorption in the phenomena (for the abyss is the transition between the various
stages of existence)"8. C'est dans cette réalité mtSlaphysique représentée dans le mythe
par la forêt prirnalc qu'Ogun s'introduisit pour ouvrir la voie de passage conduisant aux
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Il.
de
sa vie, l~ divinité Ogun réalisa "le premier rite de passage"9 . Le gouffre, lieu des
Mystères Oguniens. représente l'archétype de la synthèse des contraires et la matrice de
7. ()p. ('il., p. 140.
x. [hic/.. p. 154.
q
Ihid, [1 17,
_ , __'....'"""'.3.......'"....""""'iiioiiiiiiio........==~.;;,;,;;;.;;;;;;;;;;;;;;;;.;;;::==:;====::.::=:-·-=---=-=-==---------------------------,,----------- ...-

1.2
tout devenir. Il renkrme les énergies Je mort d (Je vle--"de:llh and heeOnllng"
c'est la
"vololllé cosmique" ù lravers laquelle s'elTeclue Loul Jevt:llir--èln: ou Ile pas èlrc. C'esl là
où Jans la pensée yoruba, la vic ct la mort constitucnt .:les réalités jumclles
"... the
ownerofthe world h:ls interlocked crc:ltion :md de:llh! fnsep:lr:lbly likc rnating dogs"'O
La richesse symbolique de la travèfs~e du gouffre est évidente: et J cela s'ajoute
celle d'Ogun, celui qui, le premier réalisa la tr.lversée.
1. 1. 2. OgU" et la traversée du gouffre
Si son drame constitue je premier rite de passage, ûgun lui-même représente ie
prt:mll::r adeur ritud. Il al:l:tplt dt risquer sa vit au béndïœ Jt:s communautés divint: el
humaine. C'est un acte suprême de quête de la vie. Et Soyinka écrit alors logiquement:
"0gun is the essence of creativity itse!f; without him, nothing grows, nothing finds its
way to complition"ll. Créateur par excellence, l'acte d'Ogun représente l'archétype de
toute création, de toute naissance, de la dialectique mort-vie.
Au niveau mythique, son drame est "l'histoire de la réalisation de la cosmogonie
yoruba"lz, celui des retrouvailles ou de la re-union entre divinités et humains :
[Ogun] sought the way and harnessed the ressources of science to hack a passage througb
primordial chaos for the god's reunion with man. The journey and its directions are at the heart of
Ogun's being and the relationship of the gods and man lJ .
Ce qu'il faut aussi retenir, c'est la notion de communication ou de communion
introduite par l'acte d'Ogun. Il est la médiation qui pennet d'établir la continuité entre les
différents
modes
d"être,
entre
les
différents
mondes,
entre
l'existentiel
et
le
10:
Uimere, Obotunde, The Imprl.wnment of Obawla and Ot/1er Play.\\', Heinemann,
London, 1966, p. 44.
II. Soyinka, Wole, Op. ('il., p. 28
I~. IhiJ.. r. 26
1.1. Ihld, r 27.
il
-- - 11----

lranscelllÎanlal. enlre je vlslhle et ;'IIlVISlbic. Mais eest ulle ll1etÎlalion qUI Ile slg,llllïe pas
si lf1 plelllelll UIIIOII . ell e esl sous-lemlue par 1a quête Je queiq ue chose Je supérieur,
d'essentiel. "For il \\vas the gods \\-vho needcJ to come to man, anguished lIy J ~on1U1l1l11g
sense ofincompleleness, needing to reCO\\èr their long !ost essence oftorality"I.1
I~'e'(péreince du gouffre ne s'est pas t~,ite sans llIl certain nombre de préalables. En
plus de
la
volonlé.
celte
vertu
obatalanienne,
de
la conscience
de
la
portée
communautaire de son action individuelk, et de l'outil forgé--Ogun devenant ainsi le
premier artiste--à partir du mineraI extrait de la monta!:,'TIe, il a tallu à Ogun cet autre
élément essentiel que constitue l'action. L'action, c'est cene dimension combative qui
dans k guulTn: lui pt:rrnil dt: rtsislt:r aux furœs dt: dt:slructiun el dt: s'allier les Lurœs Je
vie; c'est en détinitive t'dément f,rràce auquel d'une part, il sortit grandi de l'épreuve, avec
des énergies vitales, et d'autre part, sur le plan purement mythologique, les divinités
purent poursuivre leur voyage en direction des hommes, mettant ainsi tin à
leur
"angoisse d'inachèvement".
Il existe certainement d'autres éléments de grande importance relevant des
Mystères Oguniens ; nous en verrons certains dans la suite de notre propos, mais A1yth.
Literature and the Afncan World demeure ia source idéale pour mieux saisir la richçsse
du mylht: d'Ogun.
r. 2. L'expérience rituelle
L'acteur rituel a pour modèle Ogun, et tout rituel, tragique en particulier, a pour
archétype le drame d'Ogun, sa traversée du gouffre primordial: "The significance of this
IL {,OC'. (il.
____ ......,_'",....
.. --.--.....-------._.---
--------------- - --- ...._.
.""'~"""'
~~...;;.;;;======_=__:..::==_::::=-
-----------------.----r"--------'---

14
()nLolo~y becornes apparent ln SOYll1ka's dIScussion oi' ugun rilcs .. as a Illmki (lI rJ\\uai
expeIÎL:11U; gellt:raiiy":'.
dém') le rituel'
Th~ actors in Oglln Mysteries are th~ commmunicant choms. containing \\vithin their collective
being the essence of that transitional abvss But onlv as essence. held. contained and mvsticallv
cxpressed. Within the mystic summons of the chasm. the protagonist resists. like Ogun betore him,
the tinal step towards complete annihilation.
From this alone the etemal actor of the tragic rites
51eps forward. tirst as the unresisting mouthpiece of the God, uttering visions symbolic of the
transitional gulf, interpreting the dread power within whose essence he immersed as agent of the
choric will. Only later in the evenness of release trom the tra~rjc climax, does the serene awareness
of Obatala reassert its creative control: 6.
C'est toute l'expérience ogunienne du gouffre, donc de l'acteur rituel qui se trouve
sortie de l'abîme. Apparemment individuelle, l'expérience rituelle du protagoniste
déborde en réalité cette dimension, et cela à trois niveaux saisissahles par rapport à ceux
ci-dessus mentionnés. D'abord, c'est une expérience qui ne peut s'accomplir qu'avec le
support des participants, de la communauté, C'est eux qui par leur réalité chorale,
collective,
crée
l'atmosphère,
les
conditions
indispensables.
Cette
atmosphère
correspondrait à ce que Marie-José Hourantier appeile
"warrning-up" 17. On entrevoit
déjà le rôle important de la musique, du chant rituel.
La musique rituelle est un écho du gouffre transitionnel dans lequel plonge le
protagoniste. C'est elle qui guide ses pas et fait de sa danse une danse archétypale
imitative de celle d'Ogun, le premier danseur rituel : "The celehrant sreaks, smgs and
15. Davis, B. Ann, Op. Cil.. p. 149.
10. Soyinka, Wole. Op. (Il .. pp. 142-143.
17. Hourantler, Marie-.Io"é, Or. ('il., !l 191
i
"
-it--- - --_.__.-

1)
dance:; ln authentlc archetyrJai Images (rom Wllllln the ahy:;s. i\\ll umièrstand anu respond.
i(JI il \\S lite iallguage ur lite woriJ" :::. Au paro;\\VSllle UU IIlUcl, au IllOlllellL ou le
perd son indjv!du~lité--ni
ses ~~c~e~, ~:en !~nt;:lg~~ Sè~ !nOu'.'cments.. ni ceux de~:
protagoniste devenu le médiateur entre eux et les forces du gouffre. les participants ne
parlenr plus d'autre langage (verbal ou gestuel) que celui de la réalité primale.
L'angoisse et le risque d'annihilation de soi que vit le protagoniste au moment de
son individuation sont de mëme nature que ceux vécus par ie premier acteur Ogun. Nui
ne peUL prévoir l:e qui peUL aùvenir à l'intérieur du goui:Tre, penJanl ia po~~e~~ion. Ce llui
peut sauver l'acteür rituel, c'est cette ;:crtu prométhéenne dont fit preuve son parangon:
Ta acr, rhe pramerhean instincr of rebeilion, channeis anguish imo creative purpose which reieases
the mast tnergetic. Jttply cumbative il1'véllî..ÎUllS, which, withùut usurping thé lérritUlY of the
i•.fernal gulf, bïidges it ',vith visiûmiry hopes. Thus only the battle of the will is primarily creative 1<)
Soutenu par la présence collective des participants, et conscient que la voie a été
ouverte
par
un
prédécesseur--divin--Ie
protagoniste
s'engage
dans
ce
monde
métaphysique où il sait qu'il risque sa vie et que même s'il ne s'y désintègre pas, il aura à
endurer cette souffrance atroce qui aurait pu annihiler Ogun même. Pourra-t-il lui, simple
individu, même soutenu par sa communauté, la supporter?
La grandeur de j'angoisse
requien de lui qu'il tàsse preuve alors des vertus obaiaiiennes : "At such momenis he is
close to the acceptance and \\visdol11 of Obatala in which tàith is rested, not on the self. ..
It is the f:lithoflmO\\ving, the eni!:,'1l1atic wisdom of spiritu:lI serenity"20.
IX. Soyinka, Wole, Op. Cil.. p. 145.
l'} /hid.. p. 146.
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d'entrer en communion oositive avec les énergies rsycho-cosmiques. Il s'agit 1<.\\ du
troisième et dernier niveau où l'expérience du protagoniste transcende sa dimension
individuelle. C'est cette finalité vItale de l'expérience rituelle par rapport ù la collectIvité
que Soyinka resume en ces mots:
The communitv emerges t-rom ritual experience charged with new strength for action , because of
the protagonist's promethean raid on the durable resources of the transitional realm, immersed
within it, he is enabled empathically to transmit its essence to the choric participant of the rites--the
community21.
Fondée sür le drame d'Ogün~ c'cst-à-dirè te passage a truvcrs le inonde
métaphysique des fcrces de création et de destruction, la tmgédie soyink::ü"erû'1e est, peur
citer Gerald Moore, une tragédie où le "tragique"
retrouHe toute la profondeur de sa
signification22. Aussi individuel soit-il, le sort de l'individu s'investit de signification pour
l'ensemble
de la communauté. Cela dit, la finalité de j'expérience rituelle dans la
tragédie soyinkaïenne se résume comme étant la quète de la vie.
il demeure nécessaire de rappeler que pour Soyinka, le rituel avec ses différentes
phases'et sa finalité recouvre d'autres expériences qui, à l'instar du rite ogunien, peuvent
aboutir à un changement profond et significatif, ou en tout cas en possède les virtualités.
LI.: ri tud uevil.:rtL ai nsi un principt:: glubalisant.
n'est rien sans la participation collective. Ainsi dans son. essence comme dans sa finalité
le rituel est collectif; ce qui correspond bien au sens de la vie (lllssi bien chez les yoruba
~I, Ihid.. p. 33.
~2. Moore, nerald, Wnl,> ,"'n.l'inK", F,v;ms, r.on<!on, 197R, r 47

17
que chez ics afnc;.lIns en generai. "Le mOI de i';ü'ncairl' . ecril D. L,han. 'est rius. 'soclai'
éju'indivlùuei. La personne l1ulnalne Il'e~l pas un système clus Inais Vil ell USlllose avec ia
comii1unaut":"?~. Dans un lcl systèmc où :'individu ni.: vit 'lUi.: par li.: groupc, l'c:.;p":r;cncc
ritue!!e constitue i
n'en p~lS douter le !ieu~ sinon le r11t)ment.. p:lf ~:'~cè!!ence.. de !:.l vi~
transcendantales entrent en osmose. en communion.
II. Théâtre rituel: théâtre total. théâtre de vie
L'existence ou ia non-existence d'un theâtre africain
a Jusque recemment
cunstitué lt: Lhtme Je Longs Jébats polémiques24 îvlais malgré ies Jivergenœs Je puints
de vue, il semble exister wï consensus quant à la présence plus ou moins marquée
d'aspects théâtraux: dans nombre de cérémonies ou cultes traditior~'1els:
Les initiations, les tètes de moissons, les tètes de l'an nouveau, les cultes périodiques des ancêtres et
des dieux. les rites liés aux actes primordiaux de l'existence comme la naissance, le mariage, la mort
ou encore la ~erre. l'intronisation d'un chef ; voici autant de circonstances où les tarces
surnaturelles so~t invoauées. et qui donnent lieu à des manifestations qui relèvent du théàtre25.
Que ces manifestations traditionnelles africaines, yoruba en particulier, soient
purement religieuses tels les drames rituels de Sango, Obatala ou Ogun, ou un amalgame
àe reiigiosité et de divertissement avec ies egungun (Apiàan, ûnidan ou Agbegibo); ies
agemo ou les gelede, elles revèlent toutes des caractères théâtraux: les possessions, les
essentie!les et donc indissociables que sont la danse, la musique, les chants:
n. Zahan, Dominique, H.efigio.nr.\\prrituafité el pensée tlfricaine, Payot, Paris, 1970, p. 20.
:!4.
Voir Le théâtre négro-tljricain
actes du coffoljue d'Abidjan, 1970, Présence
Africaine, Paris. 1971.
~5. K~steloot. Lilyan. in I.e théûtre négro-africain
actes du colloques d'Ahic(iun. 1970,
rr 21-2/
+_----- - -----.-----------.----.-.
--
. - - - - - - - - - - - - - -
. + - +
• • .

iX
I.e caractére COllllllllllallL;!irc de la Illllslqlle d
cie la poesi~' telld vers le dialogue
1A'.S danses
aji'icaines 'imll lIlilllcliqlles ~'I tClldenl par conséquenl vers k tlK'ùtre . ainsi le cham cl la danse
s'alllcnt pour cOlllpleter le Ihe:ilre:::';,
fh,,'),~t· ... ,~ , ... t "';'1" .. 1 ."'H't ,."'....,,"
• ...,t-'-~t-;"',f
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II\\.U,",I
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~",1.11.."
Illl.,""I'-',"
.
dmffia shou!d not concem US rnuch in .t'd'rica... "27 On peut f3ppe/er que Soyinb :1 ~!ne
vision assez large du rituel, d que si ce qu'on 3ppelle couramment thdtre lr:lditionncl
yoruba--egungun (Apldan. Omdan) tient une place importante tant dans l'esthétique Clue
dans la symbol ique de son théâtre (avec les danses, les mimes, la satire, etc.), c'est surtout
dans les Mysteres Ogumens que ce theatre trouve son essence. Apres aVOir elUClde les
implications que suggère ia théorie ritueiie du Théâtre soyinkaien, nous essayerons d'en
montfl:r lês fonctions êssêiitidlês sUPPOSéêS ou êscomptéês.
Le cOlnédien~ da~s !e théâtre de Soyin1<:n., se définit en tennes oguniens ~ il est p41f
analogie, le pendant de l'acteur rituel:
Ogur'J., emblème de !'n.cteur, est celui qui conquiert la possession., c'est-à-dire qui peut ~tr~ possédé,
puis dépossédé des puissances qui l'habitent. Cette maitrise de la transition du conscient à
l'inconscient est ce qui fait J'artiste du jeu : le comédien. Ace dernier de mettre en pratique la
séquence inaugurée par Ogun : le passage de l'''enthousiasme'' au contrôle28
Or, imiter Ogun, tàire comme Ogun, ce n'est pas seulement VIvre ce plaisir
esthétique de la possession/dépossession à travers la musique, la danse et les chants,
éléments sans lesquels cet état extatique ne peut être attemt ; l'acte a aussi, et peut-être
surtout, une valeur métaphysique, symbolique. Il est l'affirmation de l'unité, la continuité
du couple mort-vie. Et cette affirmation est pOür l'actêüJ comme pour la communauté
",·,,,r,,'" ; ... e' u;s"l-,l,,,
...>VU'''-'''-'lll
'"Ul''-' d" ";e ""r 1'.... ,,+'"
"-'\\Il
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l'ossonc'"
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"-,,
me
"-,,
'me de la \\'l'e
26. Traoré, Bakary, in Le lhéâtre négro-africain
acles du colloque d'A.Ndjan, /970, p.
55.
n Soyinka, Wole, Op. ('il .. pp. 6-7.
2~. Ricard, Alain, in Will!' ,,,'oyink(/ t'lit' IhMlre "ji'ù'flin, éd. Silex, P~ri<;, 19~fi, r ~4

La communaute esl un eiernent sur iel]uci k
the;itre rlluei Illèl Ull accent
parill'uiier
"il jlliuai lheoryi Sllesses alluiel\\l;e airecl"~'l, uii le cnllque SOYIIIj,.;j préiëre
thérltre rituel SH pn;"t:'nce (bn" 1:1 wpré"ent<ltinn permet l'introduction de" damt:'''. l:hant,,_
musiques, mimes. etc., et leur exploitatIOn symbolique
Le soutien choral aide le
comédien à "mettre en pratique la séquence inaugurée par Ogun". Aussi. le théâtre rituel
a une vocation libératrice, telle une action révolutionnaire, de la conscience SOCiale. donc
de ia coiiectivité ; ce qui est egaiement ie propre du rituei :
Soyinka posruiates tha[ in the experience oùhealer, revoiulion and riruai, [he individuai tirst loses a
sense oÏ individuation ta communaiily .... [then] he creates a new sense oÎ individuation based on
l'enewcù aWi:lrene:iS of comlJlunal values and uel.iefs30
Le rituel
dans le théâtre
apparaît donc
conscience sociale, et ce faisant l'aide à réaliser sa plénitude, son épanouissement; car
par empathie avec le comédien la communauté est amené à refaire le trajet ogunien du
gouffre. Le symbolisme de ce voyage métaphysique est clair: le rituel permet l'ouverture
sur la transcendance, et par là-mème engage le social dans la voie de la renaissance.
On peut affirmer que ia représentation elle-mème se déroule comme un schéma
ritud, UU, I,;ummt; le dit A. Ricard, qu'die "prt;nd la forme d'une danse de possessiun"3l.
C'est là où la danse, la mü5iqü(~, le choeür, "ces symboles pûpulaircs", pour employer
l'expre~sion de Babry Traoré32, prennent leur dimension symbolique car ils rythment
justement cette "danse de possession" ; ils lui confèrent sa dimension rituelle. Le schéma
initiatique est plus manifeste dans certains pièces--A Dance ol/he Forests, Camwood on
2') Davis, B. Ann, Op. ('il., p. 147.
11. Ricard, Alain, Op. Cil.. p. 84.
\\2. Tnlnrè, Rakary, n,no ('il., p ))
_.
~.j'ffif..&::mi"":&=Ù ,-
,z>~-
.L% .• ~

lile J,L,II'L'S, ètc.--que ~iailS d';lutres, lnalS l]U'1111 [Jorte. :\\\\èC je ritueL ia representatlon
[J1\\:m.i Je tULIie rayOn Lille Jilflt:nsion ii.)lldiollneik: . elle Je\\iClli lJarllcqmilull, ClIlIllllUllillll
totale (émütionm:lk, inklkctlh.:lk. il'jstiquc. pSjcholngiqu~. ~tc.) qui vis~ i\\:.\\:()rcism~
des f()fCeS de mort ct !'~H.:qtùsi!ian Je fHH.tVe!!ès énergies~ d~s forces de vil:.
Si le théiitre rituel (l Ilne dimension
avec ses co ln pnsn Il tes
(sensibles. vocales. uestud les J. L'esoace thé'
.
-
.
~
danse.
tous cette seconde
dimension: 'To speak of space, music, po
the gods is to move directiy from the apparent 10
cts within the communitv
whose drama il aIso is... "33
L'espace théâtral soyinkaicn sc définit par entre ~ütres~ la lüinièrc, l'obscürité, les
bruits, la musique, les mouvements et mème l'odeur34, etc., qui de fait acquièrent eux
aussi une seconde dimension; car l'espace qu'ils délimitent et donc duquel ib: participent
n'est pas seulement physique: "Ritual theatre, viewed from the spatial perspective, aims
to reflect through physical and symbolic means the archetypical struggle of the mortal
being against exterior forces"35.
Soyinka indique par ailieurs la nécessité de dépasser le texte écrit pour chercher
i'essence de ses pièces "among the roofs and spaces"36. Cette invitation a une double
portée. Elle révèle le symbolisme de l'espace ct de l'objet dans le théâtre ritücI ; ct clle
CA"l;"",,
o.Jv-. ... ..I..b ... J. ..... """
"1--..... ("
1 . -
rpnrpc"n"at;on
1.
..... 1-' ............... .1.....&..
Jo.
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J...I... . . . . . . . . . . . . . . . . . -
pour toute e'tud"
"
.....
cur
.....,
lp..... the'a'tre
'"

n- Soyinka. Wole. Op. Cil., p. 5.
3~. Ibid., p. 39.
15. Ihid.. p. 43
;1>. {!Jill., r 44.
If
'1
Tf- ---------

21
Le iangage Ju lhe~lIre r1lllei emhrasse ia musique. ia Janse. Îè chant. de.. 111:.1IS li
est avalll tuul pues 1\\:
"Puelry
has a lrallscenuenlai
II<LlUre
livet
tilL:
IlleulLlIll
ur
transmission, language. mUSiC, movcmcnt"i7 La poésie a pouvoir J'évocation Je la
transcendance ~ c'est l~ langage ,nèrne du Inonde., des forces psycho-COSn1!ques. En t~nt
que telle. elle acquiert une dilllension l1on"elllernent universelle rn:lIs :H1ssi tr"uique :
tragique donc universelle. Elle est inhérente ù la réal Îlé du gouffre transitionnel. De lait.
elle peut tout autant évoquer les difficultés. l'angoisse de sa traversée qu'exprimer l'extase
d'après la sortle. Elle est donc propre à l'acteur et aux panicipants rituels. C'est par elle
que s'établit ia communion, ia commmunication entre eux et les énergies cosmiques.
La poésie se matérialise chez Soyinka ùans la musique, le chant. ies uriki. ies
proverbes. Ces éléments sont ainsi des compûsantes à part entière du tl1éâtre ritüel et sc
déjà dit qu'ils rythment la représentation. M<l.is à côté de cet aspect, ta musique, la danse,
le chant et la poésie sont d'une part, utilisés comme supports dramatiques de la
thématique et, d'autre part, comme médiateurs par le moyen desquels non seulement
acteurs et participants accèdent à la réalité des énergies invisibles mais aussi à travers
lesquels la transcendance s'exprime:
You [Sango) will speak. to us
Through [he bara àrum
You will dance lOf LIS
\\\\'ith the dündün drum1R.
Cet extrait d'un oriki de Sango indique bien le symbolisme et la tonction
communicative de la danse, de l'instrument musical, et, en dernier ressort, de la poésie.
37. IbId, p. 55 .
.~H. Scier. Ulli In 13eier. Uili. èd. Introduclion to A!f'icun I,itemlure, Longmans, London,
1967,[1251.
~.II!!!!IIri!"'I!l!!!I:!2!!!!!!
"""""'__._-_
.. '-"'-_.-.-.-'-
......,;;;,_.,;,;,
. .....;,;.;;,;;;,;;;;.;;..;;,;;;;;;.::=;.::=====-::::.-
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:=."-:.:.:...::::.-:::::::"--- -- ----.- ------- -- -,--- --- ----- ... - -- ------
- - - - . - - - - - ..-
ii - - -

) )
La pOl:SIC yoruba, cc sonl aussI les pm;mcs UlÎu de ia dlVlnallon 11:1 gracc
aU'\\.L1uels le 8abalawu Jialogue avec UrLIIllllliia, les ,jaia (poesies par iesLiueis ÎorgclOlis
Dans son oeuvre. Soyinka restitue en anglais le rythme. les images et le l'humour
de cette poésie yoruba. On trouvera des illustrations dans le chapitre qui y sera consacré
dans le corps du travail. Cda dit, Soyinka en garde le "côk sentencieux et...surtout le
caractère concret et imagé: animaux, objets, panies du corps... "4U, note Aiain Ricard. Ii
[ail une utilisation multipie Je celle poésie lrauitioflnelie en y apportant ues louches
pcrsmmellcs. Mais sûn champ poétiqüe est bien plus vaste. On y tlûuve ~gakmcnt une
appropriation de chants populaires et surtout sa propre création, disons, poétique. Ce
foisonnement
poétique assure il son oeuvre une pm! importante de sa beauté, sa
truculence, sa richesse.
Le rituel dans le théâtre de Soyinka, ce sont tous ces éléments que nous venons de
voir, mais ce sont également les masques, l'igname, la gestuelle que nous n'analyserons
pas ici en détail. Cependant, il convient de rappeier qu'ils ont au moins une double
appartenance: les rituels tragi({ues et les sociétés cuituelles. Ce ({ui permet de souligner
le caractère synthétique, total du théâtre rituel ; un théâtre où presque
toutes les
confère au théâtre rituel lm statut plus particulier que ce!IIj de la totalité; elle est pOlir
Soyinka un moyen d'affirmation de la vie et de dépréciation des forces de mort :
Soyinka's interest in this essential manifestation of yomba culture [ritual] does not stem rrom idle
intelleetual curiosity, rather it originales in a desire tor litè which he shares with his people and of
11)
I\\deh()y{~, Rah;llnla, in I~ci{~r 1J (),n ('il. r 1~

,
"
,
which he l11cans \\0 "l~ ;111 dlicielll agellt. Ilis drallla is ri lll"a 1 ,lr:lI11a, III the choice IJI' Ilis Ihellll's :IS
weil as III his stagccrall..f i
CcLie aili'lflallolt Jï::LICIIlIl: C;aiic PCUl ~crvil Je cUIll:iusioll Ù Cl: dtaplLlc_ litaiS Olt
!~'~ [d;:-:;:::ll ;~0'.';,er risl ~~ !~~~p ~~~~re :1n~ !!1er:? ~eop!~ ta (.!:sc:c'.-~r !!1 !t :l !ne~~ns !,"-~f C(~nUl1L!r!!(::~t!en
\\liitf, tf,t' tore:",' th'!! 'eem (0 dmn!tl'\\te them, \\vhether these [i.'rces he human, ;mimaL meCh,!fliC!L
psyr-hologic:l1 or slipematurai. The acl of c(1mmllnir~;lti(1n l:pnsists "~,,in in 'C'-if,'"rr..n<!er, 111
emnathizine with these forces and. therehv masterine them. :mneasine them, coming to terms \\Vith
the~ or ex~rcizing them42
.
-
. .
-
-
Le théàtre de Soyinka est affinnatlon de la vIe : et sa ritualité porte une part
essentIelle de cette preoccupation. Mars li conVIent aussI de reconnaitre avec Ann 1:3.
ûavis~3 que si en ihéorie ia ciarté de ia ihéorie riiueiie ne fair pas de dome, dans ia
pratique elle n'est pas facile à appliquer, du moins pom l'analyste, le critique, avec la
même pertinence il toutes les pièces. En traitant du ritllel~ dans sa fonction essentielle
dans l'imaginaire yoruba aussi bien que soyink:aïen, ce travail liminaire donne le ton à
notre propos en général et traduit notre préoccupation pour ce qui constitue sa substance
fondamentale: les notions de vie et de mort, de création et de destruction. L'imaginaire
rituel est un port d'attache sérieux de l'esprit poétique et symbolique qui est celui de
Soyinka; sa technique dramatique puise dans le ritueL
.Ji
Galle, Etienne, in A/m.:un f)rwnu : Commonwealth Essuys und SIl/dies, vol. 7, N° l,
Aut. 1984, pp. 21-22.
-~2. De Gran, J. c., in "{l'lean l.iLerulllre l'oduy. n') S, p. 20.
u Davis, 13 J\\nn, Op_ r./I.. r. 155.

PARTIE 1
DES PHENOMENES SOCIO-RELIGŒUX : LEUR SYMBOLISME

1);ln~; un ;ll1lcle Inlllille "sources d'iw;plr;JlIPll dll Ihe;ilre ;t!lîCIU1"!
Son/c)
1\\lph;lIllove cite la 'iolÏL'le la rellglOll, l'hlslulre el 1:1 illleralurL' coilccll\\'e \\ IlI\\llle. cUille.
cIe.) cOlllllle le,'; plIllcqxlics suurces du llh.:~ilre negm-allîc;1\\1l Iradillol\\llel L'l IIllHJcllle,
Une iccture Je l'ocuvre thèùlrak Je SOVlnka confirllle illdlSCUl:.lblclllelll celle ;lssertlon
purification avec leurs COlllposnntes organiques que SOIlL entre autres le bouc t:'111ISS:1ire.
les égunguns, le tamtam. constitue plus d'un témoignage,
Ce sont en l'occurence ces éléments dans les limites de leurs manifestations tant
dans l'imaginaire que dans le théâtre soyinkaïen qui représentent la substance de ce que
nous appelons phénomènes socio-religieux, Leurs rappons avec les notions de VIe et de
mort sous qudqut:: combinaison uu à qudqut:: niveau que ce soit, nuus préuccupt::rons tout
au long ce cette première partie de notre travail.
I. La transition et la médiation, fondement du symbolisme rituel
Dans l'étude consacrée aux Mystères Oguniens, un aperçu a été donné sur la
réalité et la signification du gouffre en tant qu'univers transitionnel : l'élément
intermédiaire qui assure la continuité d'un état d'être à un autre, d'un mode d't::xistence à
un autre, La transition est synonyme de la nution de passage, Àussi, elle est inséparable
dt:: la nutiun d'uniun, dt:: synlhést::, car t::lle tit::nt à la ruis dt:: deux réalités suuvent ufJpusét::s
sinon contraires.
1 Sonfo., i\\lphal11oyc, ln I.L ///(~/i/rc ;/(~.!.!,r(l-uli·iL(Jin
: ile/cs du col/ot/lle t!',!hidjol'l /')70. Il.
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prlllClpc lie la mU.kLlIOII dU!;llll ddllS la cosillogollie yoruba que ..LuIs l'OCl!\\ rc liL- >;ovillka.
1\\ le delïnll en lenne J'e,\\peIÎellce lraglquc , c'est-à-dire ell delÏillll\\C -:01 li Ille [oule
l'c\\pclîcncc du goulTrc lransillonnci aussi blcn sur le pl:.m Il1Ythologlquè '-lUC sur le plan
ritud Pour lui., Ogun est logiquemenl le prcmler llléJialêuL cL:iLII '-lUI. le prclllicr :\\
lra\\,cl's0 le goulTrc IJansiliorHle!. fi montre ensuite que J';wlrc,; PCI'Sl)11l1;lge,; Icls les
alhinos. les Intirmcs (Murano le bOiteux dans flic Nowl. 1';l\\Cugk
dan:; JIlL' ,''''''\\l'WIII!
!J)·Fe//l'rs sont des exemples), l'abiku, c'est-ù-dire l'enfant en continuel mouvement entre
le monde des vivants et celui des mons. erc, font figure chez Soyinka de médiateurs
parce qu'eLLx aussi évoquent sinon suggèrent J'autres ulllvers d'eXistence, Ce sont des
êtres qui ont, en plus de leur humanité, quelque chose de spirituel, de transcendantal.
La médiation se saisit en tennes de niveaux d'existence et de relation entre ceux-
Ct Et Dan Izevbaye montre par la suite que ce principe appartient aussi à bien d'autres
domaines:
Mediation is not only this kind of link between planes of existence as in The Road. 1t is also a
reconciliation of opposites either of correspondences as in the human-divine matching in The
Interpreters or the comparable political methods of Kongi and Danlola, The mediator can be a
person (a carrier or tickster),
an act (the dance in
The Road) or a structure (the relationship
between audience and performer, etc.p
Finalement chez Soyinka, le principe de médiation se situe à deux niveaux: un
niveau métaphysique où il est associé à l'expérience rituelle et tragique, et un niveau
purement dramatique mais souvent non moins symbol ique où il joue le rôle de procédé
technique. A ce dernier niveau, il permet l'établ issement de correspondances, de
parallèles ou d'oppositions entre deux réalités (exèmple, la lumière par rapport au Night
..- - - - -- ------ -------- --- - --- --- --- -t-

~7
IIUI-Ilcu. ~lc j
l~l ;Iper<,:u ialssc appar~lIlre ia Jillieuile a elahllr ulle JisllncllOll cl;lIre clllre ie~;
notions Je IranSllIlHl Cl Je IllèJialion. li y LI en eiTci des reCllupelllellLs clllre dies. Four ie
sc ratt~llJlc ~l elles scra négligéc icI. I\\ins!. ~I l'intl~r1eur ,Je la notion de rr:msitll.l!1. nous
avons .
- L~ rite en tant qu'entité. Cc/a en raison du fait qu'en réalité il represenre la
projectIon synthétique et condensée du gouffre transitlonne! mythique. C'est le mometll
et le lieu où s'effectue la rupture de niveuLL\\:. Soyinka affirme que l'espace l'itud est une
projection de l'espace du gouffre. Le rite est transition àans la mesure où ii il pour
archétype k gouffre transitionnel.
- Le principe du mouvement, de passage te! qu'il caractérise Je voyage mythique
d'Ogun, la phase d'agemo telle que Soyinka la définit dans l'introduction de The Raad. Le
glissement, le passage d'une scène à llne autre, d'un type de temps (présent) à un autre (le
passé ou le futur).
Le principe de la médiation sera consacré surtout mats non exclusivement au
domaine des personnages et autres composantes organiques du rite
l'Akoustikon--
l'entendre (musique, chant, le verbe, etc.), l'Opsis--le voir (la représentation, l'espace,
l'obj.et . masque, tambour, etc.; le mouvement: danse, gestes, etcY et le Dromenon qui
tenant du faire, étend son champ à l'Opsis avec la danse, Je geste, etc., et à l'Akoustikon
où le verbe relève aussi du faire, au moins dans l'optique de la civilisation africaine. La
"-' Richard. Ri.:né. inlfiïCl.l1l J)I'LlIIlII: ('()II1//lul1H'l'iI/l;' SII.lJics I.lIlL//~·,\\·SilVS, p. .:j.
~I~:::W::
"_._m~;>otA4".?X; b, #-.&1

Iisle ~sr IIlcompicre. La llleJlallon csl LJne l1o!lon lùnoamelllaie dails ic symhollsme des
leurs fonctions liuéraires dans l'oeuvre dramatique de Soyinka. Tous ces ékments. rituels
ou autres, sont des symboles par leur capacité à suggérer un autre niveau de réal ité, à
concilier ou unir des réalités diftërentes. l::n tant que symboles. ils sont ambivalents et
muiridirectionnels et de ce fair, d'une part, leur utilisation dans notre analyse iui
coni.ërera son caral:tàe JiaieciiqUt:, el J'auire pari, ieur récurrence s'expi iq uera non
1, L De hl dynamique du rite
Il existe dans l'oeuvre dramatique de Soyinka des rites ou des séquences rituelles
dont le modèle est à rechercher dans les cultures nourrissant son oeuvre. Mais on peut y
découvrir aussi des éléments qui doivent leur caractère rituel à leur structure ou à leur
esprit comme c'est ie cas avec i'aventure de Demoke dans ia forêt ou de ia pièce
radiophonique Cumwoou' on ihe Leuves: "He [Soyinka] someiimes uses iraJitional rites,
nût tû repïûdüce them büt tû cxplûie them, revive thcir spirit and place thcir pû\\ver at the
dispcsal or his audience"4.
Dans '.In c.as c.omme dans l'autre, nQI.!S <\\vons atTaire il des rites qui se laissent
diviser en trois types selon leur dynamique propre. selon leur symbolisme, selon leur
sens. Ainsi on aura les rites de communion, les rites de passage et les rites de
1 c;all(~ Ftil~nnt~ {)n ('il
n ')')
J
,
iiIIIIliIllI!1ll ••.ë!!:-~._~·
.~."""_"";;z;zz;""""u...
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pun lïcatlon. Ll:lll: ciassll"icalion n'l:SI pas proprl: aux mes llliiiSl:S par :'illVlnka . ks
LOllce[Jl:> :>ur ie~lIueis eiie repo~e ~unl uillverseb. L'ongillaille Je ~)oyill"a illiervielll Jans
nous intéresserons aux ntes le composant. Pour chaquè nte. nous aborderons dans un
premier temps son symbolisme et sa si!"rnification générale dans sa culture d'ongine, si
possible, et dans un deLLxième temps, le traitement qu'en fait l'auteur, et tinalement nous
conciurons sur ie sens dernier que Soyinka iui confere.
I. 1. 1. Le ïite de Cûnlmüüiûü
La communauté au sens soyinJ.~aïen
:b
communauté des vivants, celle des enfants à naître et celle des ancêtres et des divinités.
En simplifiant, on aboutit à une distinction à deux composantes: les vivants et les êtres
transcendantaux). Mais l'important ici réside plus dans l'indissociabilité de ces entités. Le
mythe de la traversée de la forêt primale n'est-il pas l'histoire de l'angoisse, du sentiment
d'inachèvement que traduisait la séparation,
j'éloignement, ia coupure entre
les
cummunaut~s ùivim: d humaine?
L'ûntûlûgie africaine est celle de la force vita1c, des être-forces. Elle établit ün
rapport essentiel entre les différentes instances de la vie, entre !es ètres·forces : di\\rins,
humains, naturels. La divinité suprême, ici Olonm, est l'être-force ..par excellence. Et
l'être n'est être que parce qu'il est force6, c'est-à-dire qu'il possède cet aspect fondamental
Les yoruba ne tont pas une distinction claire et nette entre esprit et divinité. Voir.l. O.
Awo lalu. 'lnruhu 8elie!,' und .)ucr{ficiu/ mIes. Longrnans. London. 1979. p. :20_
" Tcmrels. Placide. Nontll fJhi/osnphy. Présence Africaine, 19')9 p "?

qUI k ilc onlologlquemcnt aux autres etrès :-'1.: situant dal1~ un Ici SYSlèl1lè Jc COlltlllUlIc
el '.l'II 1lcruepl:lIuam.:c.
ïiHlIlllIle
peUL
se
L10ïilllr JiOIS UIiIIIIIC
UII
èue
uuubil:llIl:lIl
constituent le creuset de la force vitale' d'eux dépend en dernier ressort son toisement ou
non. C'est pourquoi toute la vie religieuse yoruba est tondee sur la recherche du contact
lu lhe guiL "7.
"n ....... _ .....L ... _4- 1.....
~+ ......... I
C '-'llUâlll
11;;
lHU,",1,
son archétype transitionnel divin, se présente comme le lieu et moment par excellence de
la communion, du contact, etc., avec le "réel" : les forces psycho-cosmiques. Mais c'est
aussi l'instant de communion sociale car c'est après tout une affaire d'êtres sociaux. Tout
rite recèle en principe ces caractéristiques. Mais certaines affichent plus clairement que
d;autres ieur vocation à amener ies différentes instances de ia communauté à se
n::ncontn::r. Aussi, si ia finaiité premi~re de œlte communion est ia quête de la vie, de
noüvclles éücrgies, dialectiqücmcüt, elle peüt se révéler négative, prodüctricc de mort.
Dans l'oeuvre dramatique de SCYlrl~~~~ un certain nornbre de rites illustrent bien non
seulement l'existence du double niveau communautaire mais également le caractère
dialectique du contact avec les forces divines. La dialectique est un élément essentiel
7 Soyinka. Wole. ()[7. Cil. p. 31
)\\ Fli:Hle, MirccCl, I.t' my/he rie l'(:/errwl re/our, Gnllilnard, P<lris, Iq6q r 7R
:1
_
_
••
_ •••• 0• • "



JI
Jans l(lule du<..h; sur les rites, uu InOIl1S llans la perspective de l'uuilsatlon que SOYinka en
j'ail,
!. l. 1. 1. La tët~ des tribus: !:l communion historique
d'un rituel de communion, Dans son article sur le contenu traditionnel du theàtre de
Soyinka. Gym Ogunba ~ait remarquer que le rite en question dans la pièce est de type
egungunien en raison, principalement, de trOIs éléments: l'idée de réception des morts. la
notion d'ancêtres iiiustres, et ia venue à ia viiÎe de iointains parents", Par recoupement, on
reconstitue aist::IDt:nt it:s ueux ni veaux communautairt:s uistingut:s pius haut, ies morls d
les ancêtres illüstres représenteraient les [mecs transcendantales aüXqü\\;;lles
adjoindre tous les habitants de la forêt tels qu'ils se manifestent dans la pièce. Et, les
prlTents lointains q[Ji arrivent à la ville, ajoutés aux habitants mêmes de la ville,
constitueraient la communauté des humains.
D'un point de vue historique, la fête des tribus marque la fin d'une période
cyclique. Faut-il rappeler que la pièce a été écrite à la demande des autorités nigériannes
de i'époque pour tàire partie du programme des céiébrations de ia fète d'indépendance du
pays? En tout dat ue caust:, la Œtt: ues tribus a d~ interprd~t: avt:c pt:rtint:nce par bon
iiûmbre de critiqüc Cûinmc étant la représentation de cette fête d'indépendance. DfulS
l'oeuvre 1TIême, plusieurs éléments !'i!!ustrent comme étant l'aboutissement d'u...~ cycle
historique, La notion même de fête ne contient-elle pas cette idée de cycle? "Quel!e que
soit la complexité d'une fête reli!:,JÏeuse, il s'agit toujours d'un évènement sacré qui a lieu
ah origine et qui est rituellement rendu présent" 10,
') Ogunba. Oyin. in //(ricun Uieralure Touay No 5. p. 76
10 Fliade, Mircca. 1.1'\\'IJ('r(; el le ,nrnjr1tw, Gallimard, Pmi". 19f)'). r 76

, ,
,
Dans la plcœ j'Ilisloricn !\\dcnchl Silue ecltc lac dans IIlH~ perspcctlve historique
ljuallJ il alTinlle . "j rClllellllJel wktl 1:jaiJ. ,,,ilal wc pn)llllSeU lo Jo. 1\\11 un:a"ioll sud, as
th..: ~3thcring of the lribes--a grè:lt thing.. it would hJpp-.:n \\)Illy once in scvef'll
!ifet:mes.... Only once in centurics ofhistOfy"ll
!~n tant qu'ah/l1ItÎssement d'lin cycle, 1;1 fête des tribll>; rt:'vèt donc une Slgni~icafi()n
tOLIte particul ière : elle est un moment de réjouissance. un moment de hi lans et un
moment de prise de décisions pour un nouveau départ. L'aspect réjouissance de la tète est
contenu dans ses éléments spectaculaires d
orgiastiques. Ainsi Murete, l'esprit des
arbres, préfère-[-ii ailer à
cerre fète où ii pourra s'abreuver il. volonté de bière de miL
AJenebi, iui, confesse 4ue i'émolion ue ia lële et sa granueur sonl ldIes 4u'dks iui soni.
insupportables. La légendaire Rola justifie sa désertion du v'illage par le ilombre trop
élévé des participants. Et à la fin de la pièce, on aperçoit en arrière-plan, les citadins en
pleine danse festive L'immensité de la population participante est'aussi un indicateur de
la grandeur de la fête; grandeur qui sans conteste, témoigne de son importance vitale.
La tète des tribus, c'est aussi et peut-être surtout celle des ancêtres, membres à
part entière de la commurtauté des vivants. Elle se situe dans un rapport nécessaire avec
les forces numineuses, les énergies cosmiques. La pièce toute entière se place d'ailleurs
dans œLte perspectivt:. Physiquement,
la communauLt: humaint: partagt: l'univt:rs
existentiel avec les forces supérieures dont le domaine est ici circonscrit à la forêt,
élément sur lequel nous reviendrons. Conscients de leur dépendance morale et vitale vis-
à-vis de ces forces, les humains ne pouvaient les ignorer. Les rites nécessaires sont alors
accomplis pour permettre leur évocation, leur participation à la fête: "Wamors. Sages.
Conquerors. Builders. Philosophers. Mystics. Let us assemble them around the totem of
Il Soyinka. Wole. :1 DUr/ce (Ir/he I-"()n:sls in Collectcd Plays 1. O. U. r. London. 1973. p.
)0
____._~
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..
. _~ _ _ ii.L. __ .__ .
il

iIUIJ1alll~ ;lU COlll:-' Jes cerelrtollies sacn lïcld les IIlilaks leillolgile Je la vaklll Ju passé
che:.-: ce peuple. Elle a -':lé l~lItc a Forest Fatl1er, équl\\aknt ,i'OldrLlll. l'être-l'oree supèllle
chez les yoruba. Aroni. son second donne des précisions
lt is thcir [huruansl lcast, ,ht: gathering ultht: tribt:s. Tileir (;()lineillors sait!, ,)ur ~ordatiJers must Ile
present at thi~ t'cast They askcd us, Lor i1lustrous anœstors. :lnd 1 s:lid tD Forest Father. !et Ille
'llls'\\"er
. . . . .
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(lu"st
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..... 13
Sovmka Illet côte à côte humains et esprits supeneurs. Loin d'ètre une pure
création de l'imagination de l'auteur, cene proximité est le reflet de la conception yoruba
du monde l4 Elle est un témoignage de l'interaction des ètres-forces mais aussi de l'unité
de l'Univers soyinkaïen. Plusieurs autres éléments, entre autres le Totem', l'arbre
symboiique autour duquel se déroule la tète, revèle l'imerpénetrarion des forces divines et
humaines ; mais ces autres éléments sont secondaires à ce niveau de notre travail.
L'élément focal ici est la fête en tant que globalité: cet élément qui favorise le bond hors
du temps profane afin de puiser, dans le contact avec les forces cosmiques, de nouvelles
énergies. Initialement, la fête est dans son essence l'expression de la quête de vie.
Lorsque la pièce s'ouvre, nous sommes déjà pris dans une phase de transition: la
tète est sur le point, si ce n'est déjà fait, de prendre une direction autre que celle que les
vivants lui avaient prescrite. C'est là l'un des éléments témoignant de l'appropriation du
rite traditionnel par l'auteur; il inverse la signitication ultime du rituel en usant de ses
arguments internes. Au lieu des ancêtres illustres dont les humains escomptaient "boire la
12. Soyinka, Wole,A Dunce (~(the Forest.\\·, p. 31
13. Ihid., p. 5
1·1
Awolalu. J O. Op. Cil.. pp. 61-62. Voir aussi Wole Soyinka. Aké, the 'r'curs ol
('l1ildJ)t)l)d., Ân~na, I,ondon .. 19R 1
----.-.-- ..- - - - - ..
- ' 1- - - -
-------~~-.---------,

gloire f"eSSUSCJlCC"i ' /HOIlI Îèllr;\\ envovc "l\\\\'l! Spirits 01' Lhe reslÎèss LÏC:Hf"". indl!;ncs, ics
1
l ' .
1
~ •
~

liullldlll:> 1l:IU:>l:llllll: II:Cl:\\'11I1 cc:> aIICI:t1I:~ ::;1::1 ILII Il:>.
1he guests wc were sent arc slaves anll laCl\\cys. Illey Itave unly come 10 unllennllle uur strengtlt.
Tu speak now ignobie wc arc. Titey arc üisgrumieci creatures wno itave COIlle 10 accuse 1itcir
IlJllIll::J1lors as iî iilis INl::rl:: a I.:IJun uÎ' iaw. ;'Ve imvc I.:ouns i(lI
lill:: upplc:ssC:li
i~el 1111::111 gu
...
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,
17
.:'l\\)III~Wllc;IÇ
\\;;I::'l\\::
n'accèfltant ras d'a ITronter sa réa 1ité i ntri ns~que contenuè dans 1a caractérisation des
"invites" ; nous verrons cela dans un chapitre ultérieur à la tin de la première partie. A ce
niveau. on peut noter que le refus exprime l'exclusion de la composante essentielle de la
communauté, du rite. à savoIr les ancètres. LJès lors, la fête perd toute SIgnIfIcatIon Vitale;
die est viàée àe sa substance splrirueiie. Bien qu'eiie continue à se àérouier, eiie n'est
plus lé; Cêl1tre J'inttSrêt Je Id pièœ, Je: l'11ctiun. On pt:rçuÜ Jes humai.ns en arïièÏl;-pl11i1 en
train de se li\\Ter à quelque qui doit maintenant ressembler à une gesticulation stérile
digne d'un Kongi plus qu'à une danse rituelle. Pendant ce temps, leurs représentants qui,
pour différentes raisons, avaient fui la ville, deviennent les invités obligatoires des esprits
transcendantaux à une "tète", substitut dans un sens de la tète des tribus. Leur aventure
revêt très vite la structure d'un voyage initiatique dont la danse finale constitue
l'aboutissement. Initiatique, ce voyage appartient à un autre groupe rituel que nous
étudierons plus loins. Ici, l'esprit et l'altération du sense de la communion de la fête des
tribus 6vüqUt:fIl un autrç ritud, cdui Je:s chauiTçurs Jans 7Jzt: RuuJ.
15 Soyinka, Wole, Op. ('il., p. 31
\\(, JhiJ.. p. 5
17
Ihid., r. 31
."--'-'---'-' li·
+-._._...-

t. 1. 1. 1. Le rituel dcs chauffcurs : la dialcctiquc dc la communion
!JIC NUL/il esl CUllslrUlle sur le Illude de la rupture Je l'espace. du lallgage. du
temps. ;\\ travers un développement ass..::z se;.mué, 1'~Ktioi1 aboutit linalcment à un
llashback qui remet en scène l'accident survenu i !\\1ur:lno :lU cours d'un rituel. La nature
du rituel est assez claire' c'est 1<1 fête des ch,llIffeurs et ()~un est lellr SCIII dieu lulélairc.
AussI. la présence du chien. nourriture préférée d'Ogun. des machettes. armes d'Ogun. est
si6'l1ificatlve. MaiS comme si cela n'était pas évident So~;inka faire dire par le Policier
véreLL'\\--qui, SOIt dit en passant, sacrifie aussi au dieu de la route--ce qui suit: "The
Drivers' Festivai.. .. The teast of Ogun the dog-eater" ii\\.
La tèle ogunienne est le moment par exceiience de communion avec la ùivinilé.
Ici, l'cgungùIl Murano est le méditun par lequel il est rendu effectivement présent. Et, la
finalité de la communion avec le dieu de la route est de procurer sécurité et prospérité;
en un mot tout ce qui concourt à perpétuer ou à renforcer la vie individuelle et
communautaire. Mais il ne s'agit pas seulement de la vie sur la route car le domaine
d'Ogun en tant que force psycho-cosmique déborde ce cadre unique, même s'il est un
microcosme symbolique. Toute la fête d'Ogun est: "a dynamic marriage unfolds of the
aesthetics of rituaiism and the moraiities of controi, balance, sacrifice, the protag<mist
spiril and the imperati ves of cohesion, ùiffusing a spiritual tonality that enriches the
individual and the community"IQ.
La participation i la fête d'Ogun est donc une invitation aux hwnains à
se
ressourcer à la fontaine des forces cosmiques et à en faire bénéficier la communauté,
l'univers. Mais de fàçon paradoxale, Kotonu dont les liens avec la route font de lui un
adepte obligatoire d'Ogun refuse de participer au rite. de sacrifier au dieu de la route.
I~ The NO(Jd, in Collee/ed fJ/avs 1. p. 24
J'l
Iv/y/h, /,item/ure und the A(rican Wllr/d, (1.32
Il
u-------
--_.~

j>ar ia lechllique J'llwerS\\On. ell(nre ulle ïOIS, LouL je :,ens du rltuél va se lrouver
1Jollk\\'ers~. Parcc que le ICIlVCrSCIlIt:lll Je lviUlano par [(ulollu a iieu au IIIOIIlL:1I1 où il est
posséJé par Ogun, l'inciJent constitue cn soi ünc négation Je la présence Je la liJrce
cnsrnique Ogun. Cette négation devient plus dé!!bén~'~ i tr:lver~, prc!niè~'cn1ent, le projet
de Fuir aVlX l'eg1lngun, et. deuxièmement. le refus de [1artieipçr ;', la l(~te. MaiS 1';1cte de
partIcIpation ne reside-t-il pas déjà dans l'accident? "You saw hlm. the \\Vay he tled
across. Just tell me, was 1 to be part of rhis'l"20 La réponse à œtte question de Kotonu
s'exprime dramatiquement dans la pièce. Les participants à la fête envahissent de
nouveau ia scène et creent ainsi j'atmosphère choraie nécessaire à ia possession; car
Kutunu va purter je masque ensanglanté pendant que sun compagnun, Samson, participe
à la danse.
La commu...'1!on avec les forces cosmiques est finalement vécue par Kotonu non
par empathie mais en tant que médium. Mais quel sens contient cette expérience pour lui
quand on sait qu'elle ne s'est pas faite selon la moralité sipirituelle la régissant? Toute
l'attitude de Kotonu depuis le début de la pièce trouve ici sa signification. Samson fournit
des preuves sur ['étroitesse des rapports entre Kotonu et la route (il a été conçu sur la
route, par exemple) ; il suggère même ies raisons de la mésaventure de Kotonu à travers
l'évocatiun de son refus de tuer le chien. En approfondissant l'analyst: un peut affirmer
que le typc de eontact--l'affrontcrncnt--qu'il a cu avec Ogun justifie le rcfùs de Kotonu de
reprendre le volant21 . Les forces cosmiques apparaîssent en filigrane denière chaque
situation de la pièce. La "communion- du soir" au cours de laquelle Professor et le gang
partagent le vin est un autre moment où leur présence--ou le contact avec elles--est
recherchée.
2(1. l'he Roud. p. lOg
21 Voir sCl:tion sur la notion de la moisson karmique
-._.-.---------------L-

37
1. /. /. J. La "communion du soir" de j"'ofessor
DelJUIs SOli accllknL. ivlufallu Il\\:sL plliS UII l:ln.: lllJillairl: Il LI IlIallllcll,-lIIi Uil Illed
dans cc monde ct un autie dans l'/\\utn.: monde:'. Celte jXliticulanté Je i\\lUi;,no ·.. ient du
lait qu'il a été accidenté en '~tat de possessIon. d'agemo. Pour Professor, c!u moms Jans
l'optique de S<l C]uète. Mur"no constitue il n'en pas douter lin ~I~menl l<:ml;1111cnt:d . "The
big toe of Murano's foot--the Idt one of course--rcsts on the slumhering chrysalis of the
word"':3 Le pied gauche évoque la mort dans l'imaginaire soyinkaien2~. La sigmtication
du Mot--"the Word"--se rapporte aux mystères de la mort. Toute la tonction mystique de
ia communion du soir réside en Murano: dans sa présence physique et dans ses rapports
avec lt: vin Je paime. Mais en quoi L:OnSiSle la communion iL:i el queiie en esi la iinaiilé '?
L\\~nscinblc de la statiûn qüc dirige Prûfessûr cûnstitüc pOür lüi ün ûlûndc "drcxil"
par rapport "au monde usurpateur de l'église voisine"25. Les acti\\rités qu'il y mène
représentent en quelque sorte le contrepoids de ce qui se déroule à l'église. Une jalousie
professionnelle26 certes, mais il y a plus. Avec les membres du gang, les hommes de la
route, il crée une nouvelle communauté ; une communauté on ne peut plus hétéroclite
incluant des chauffeurs, des drogués, des bandits, des agents de sécurité (!), des policiers
et mème Murano le mystique. Bien entendu, c'est Professor qui dirige cene communauté.
nest aussi à la fois maître tàussaire, propriétaire Ju magasin "Aksidt:nt Store", cht:f de la
quètc, maître devin ct chef sipirutcl de la "commmtion du soir" •
22 nze Road, p. 187
23 Loc. Cil.
24 Voir section sur la danse et la signitication de l'ordre des pieds.
25 Soyinka, Wole; Op. Cit., p. 219
26 Fioupou, Christiane in Wole Soyinka el le théâtre a/ricain, p. 14. Elle analyse
l'opposition entre l'évèque et Protessor comme relevant du thème Je la jalousie
pro fcssionnelle .
... _----.. __._ . .
~1wz::.~f9!':ia;Q;5.:.:%"c:;::v;;;wa:.......".;_.c,.

Pro!:
Iryou fhillk 1 dOlhis frolll killdlless (l,'[llV heart you are IllOis Hill VOII ;tn: 110 I(lols. SO VOII
IIlU.st he liars. Il IS Irue 1 lielilalltilillie li'olll vou. jusi your preser~':.e;ll evellill~ (1l1lllllUIiIOII. ;llld Ihe
Kllowledge '(ou alllntl Ille tilal your deatllS wltillave no me:llllllg-'
Pml'essor souligne ici l'importanœ Je la présenœ phY:'lljUè de scs 11IimlllCS Jans k
processus U~ !a cDmlnunion du :;oir. Mais c'~st une fonctÎon ritue!t~ qu'ifs ~ssum~nl ~llnsi.
Car. c'est avec eux que le vin est partagé ntuellement ~ c'e~t ég:l!ement eux qui produisent
la musique nécessaire :i la possession linak de Murano.
Le vin et le personnage de Murano ont. en effet, une dimenSIon mvstique comme
en témoi b'11e leur place dans le rituel :
Le rôle clé donné au vin de palme relie le Professeur au monde des esprits et des morts...
Il
suggère en mème temps l'absorption du corps et du sang du Christ et contëre à Murano une
fonction rituelle de la plus grande importance: mais Murano est lUI méme habité par un autre
.
')Q
espnt. .. ""v.
Le caractère ritüel de la communion réside finalement ç:n œs trois éléments que sont la
communauté, le vin de pahne et ~1urano.
Située dans la perspective de la quète du verbe par Professor, la communion du
SOIr vise à travers ces trois éléments, dans un premier temps à pennettre la
communication, pour ne pas dire la commUnion, avec la transcendance. En dernier
ressor, Professor nourrit l'espoir d'y trouver l'aboutissement de sa quète
en d'autres
termes, il entend y "surprendre le divin résidant" en Murano :
... and Murano with the spirit of a god in him... it came ta the same thing that 1 held a god captive,
that his hands held out the day's communion! And should r not hope, wîth him, ta cheat, ta
anticipate the final coniTontation, learning its nature baring its suiking tàce29
L'intention ultime de Professor se lit clairement là : confronter la réalité transcendantale
qui habite Murano, en fait, le "Mot", sa signification profonde. Le cheminement vers
cette découverte finale constitue tout le thème de la quète, que nous analyserons dans un
27 7ïze Roud, p. 221
èll Ricard, Alain, théâtre el lW/lOf/alisme, p. 146
11)
nie Nouel, pp 2n-224

prochalll chapitre.
iviais il esi
Inleressant de remarquer ICI que
j'enselllbk Je la
"COlllllILJI1IÜIl UU SUII
peul sc ulvisCI el\\ Jeu.\\. séquences slglliiïcallves. i~lk 1I1lcglL: les
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~ .,
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(IlU""'''\\'''
1.:1 nremière sèollence déhute avec le retollr de MIIr:ll)O <\\vele Vin de n:J1ml~ d se
,
.
,
prolonge jusqu'au moment où il découvre le masque.
Dans cette séquence. la
communion, aussI bien au sem des participants qu'avec la trasccndance est de type
obatalanien, c'est-à-dire sereme, calme et paisible. Elle est également obatalJenne par
Professor qui, confiant que ia "confrontation tïnaÎe" tinira par se presenter, assume avec
rient: c:i haUlt:Uf ùe vue cette cûnlifluiun. La :seconùe s~quenœ cUIt1llieriCe apn::s la
Soyirü;:a fait réellement intervenir la technique d'inversion : la "communion" devient
"confrontation" avec'Ies forces divines. Un changement de ton q\\JÏ ne laisse pas de doute
quant à J'issue tragique du "rituel". Professor et Say Tokyo Kid y trouvent la mort, et
l'egungun "disparaît" dans le sol (?) ne laissant de lui que ce qu'il a de matériel: "a heap
of cloth and raffia"3U.
La fin tragique c~:mduit à un autre niveau d'anaiyse qui, en tàit, reiève d'un autre
tht:lOe 4ue nous aoOrùefOrlS Jans la :;ection f..:Ofif..:tl1ianl la :significatiun Je la mori Je
"t normal--et
...........
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. . . . c'intPflre
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• • • ,,_~
hl'en
....,
dans le "'.+hme
.i.j'l
et
le mode de la pièce: la rupture, la transition. Le rituel en cours dans Kong;\\' Harw-'sf otfre
un autre type de communion.
ill. IhùL. r. 2'29

.+0
i. i. i. 4. De la fête lÏu roi ct de j;igname il la fête lIe h.ongi
;"'-(}II;::/" I-IUI'I'CSI est eUllstrUl!l: sur le Illuue ue l'uppusltiull , ue telllps, ue lIlusique.
d'èSpî.lCC, de langage, de poüvoir. Ces oppositions app«r(liss~nt tant aü niv~~u du tond qU\\J
de cc!U! de la farrne ue fa pièce. En etl~t.. d~ux types de n1~n!festabons fest!ves y sont
intégrées' la fête traditionnelle et la tète nationale de la république d'Isma, Dans la trame
de la pièce. les deux fètes sont 1iées en ce sens que s'apprètant à célébrer la tète nationale
de son pays, Kongi, chef militaire et politique du régime veut. en plus de ces fonctions.
apparaitre également comme l'incamateur
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sipirituel, de 1"'Esprit de la
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Moisson" du pays--ce pouvoir en lequel
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nt ie peuple. A cet effet, ii
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royale, son objectif étant de parvenir, '~ 'ou~uffiftpfpf1fJ~ 'l> l"J:I anale, à se tàire remettre
~
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officiellement et publiquement la Nouvel. ~
f;,' symbolisme exprime toute la
spiritualité à laquelle il aspire.
Il semble que la fète traditionnelle en question dans Kongi's Harvest soit un
amalgame de deux rites au moins. Il y a premièrement, la tète du roi, "the king's festival"
selon Oyin Ogunba31 • L'hymne du début de la pièce rappelerait les chants rituels
précédant traditionnellement la fête du roi. Et, i'arrivée de 1'00a Sarumi chez DanlolaJ2
evoquerait également le "Bere Festival"33, une fête annuelle du foi qui a existé dans
Empereur--d'Oyo. Aussi, bon nombre d'expressions employées ça et là dans la pièce
dénotent le caractère royal de certaines composantes de la tète. Ainsi, on trouve "le tam-
\\1. Ogunba, Oyin. in AJi"mca Ulerature f()day No -1, pp. 10, 18.
J2
Kong,i's Harvesl. in ColIl!cleJ Play'" Il, p. 108
J3 Ogunba. Oyin Op. ('i/ .. p, 1R
----_._.-_.---~J

tam roval";", la "dan~è royale"", élC. DéUXICll1émént. li v
a la t'été (k l'Igtlalllé.
TrauillolUl\\::lil::llIl:nl, c'l:~[ ulle il:le annuelle ue toul prernier vrdre au cours ue laquelle.
réunie autour du roi ct ~'l travers lUi, la communaut-: .CiKi hommage aux Jivinilés
commlmion vitale
Cela dit notre ob.iectif ici est moins de traiter les différences que de souligner les
idées forces communes. notamment expressives de la notion de communion, que
contiennent ces tetes en tant que rites.
Comme tout ritud. ia tete du roi doit son symboiisme à sa dimension sacrée. Les
pâI'LlcifJaliiS s'aun:sseni d rOba comme à leurs âIlct:tres, c'est-a-dire avec tout ie respect
dû à son rang3f'. Le r1tüe: dü roi devient le lieü privilégié de comlnunicatiûn mystiqüe
avec les énergies cosmiques. C'est en cela que se justifie--emre autres--sa signification
par rapport à Kongi. Le rituel du roi prend en charge la spiritualité à laquelle il prétent :
la communion avec l'Esprit de la Moisson, voire son incarnation: "Kongi must preside as
the Spirit of Harvest" 37 Incarner l'Esprit de la Moisson, c'est concentrer en soi tout le
mystère du devenir social, de la communauté. Le transfert de cet Esprit de Danlola à
Kongi constitue tout l'intérêt de la fête de l'igname teHe que vouiu par ce dernier. Par sa
fonction et son importance vitale, la tète de l'igname se préseIlte tout naturellement
d'un. titre.
:14 Soyinka, Wole, Op. Cif., p. 6
35 IhiJ., p.62
1(,
Voir section sur la fonction de médiatrice de Danlola
17
Kong;'s Harvesl. p. 77

;\\(lII:,.!/S !-ii/n'csl conllcnl qllciqllcs cÎclllenls Iiiuslrallis dc sa dlmcnslon popuiam:
Aprè~ LIll long fllilrcllililuage, Daniol<.l finit pilr ill:l:epler ue i:ure parlie ue la iële. Dans SOli
pal;';l::; où il prépare son Jépart, l'atmosphère qu'il crée avec l\\:nsemblc (k sa suit-: royale
est d0,i:l kstive : m::mè si elle porte aussi b marque de ['ironie de Soyinb par rapport :lU
persnnn:l~l~
"The Iwn Oh:1S C:lvnrt Iïlllnd the chamher in sed:He regal step" :,nd lhe
bugles blast a steady refrain. Danlola's \\Vives emerge and ,ioin : the atmosphere is full of
ecstacv of the dance"3x, Au nombre des participants, on compte outre Danlola et sa suite.
les bngades de Kongi, Kongi et ses Awens. Daodu et Segi avec leur suite royale. Quand
ie signai est donné pour ie début de ia tëte. tout ce monde panicipe de façon effective:
Segi: Now, [lt is the signal for the leat ta b~Rin. A real feast. a genuine Harvest orgy of food, drink
that pennits no spectator, only celebrants... .)·..
A. primi, la dimension festive de l'évènement confère à la globalité des
participants le statut de commUt~auté dans le sens où des individus évolüent dans un
même système, collaborent pour la réalisation d'un idéal COITnnll.fJ.. Ceci n'est qu'illusion
dans ce cas précis ; car autant sur le plan spectaculaire que symholique qu'indique la
musique des participants, on voit bien que les diverses composantes de la fête occupent
des places différentes sinon opposées. Ainsi, par exemple, on a, d'une part, les hommes
de la coopérative du prince Daodu dont la musique évoque la culture de la terre,
"Approaching, a male group singing to the rhythm of cutlasses scaping on hoes"4li, et
d'autre part, la brigade de Kongi qui produit une musique qui, dénuée de tout rappolt
avec la moisson, de toute charge mystique, est plutôt expressive de la valorisation de
J~ Op. 0/., p. 1 1
:;'). Ibid. p. \\30
·Il)
IhiJ., r. 121
- - - - - - - - ---- i1-··· --_.- -

i(ongl
"il11mlxilateiy Lhe hlg parade LÎruJn wlth Its unc-l'wo, UnL:- l\\vO- ihrL:è penny
WI\\lslk UIUW the lUlle ut'ille earpelIier\\ SUllg dilU lIle Carpel1lcl'S i3l1gaue l\\lare!1 iIL .. "!!.
beings partake ofthem"lè. l,;) notion de premiàe ignall1t' revèt une v:deur spirituelle qui
ne peut être assumée que par des individus de la stature Je Oanlola. Par le moyen du
symbolisme propre du litueJ et par celui de rOba, pendant toute la cérémonie, les torces
cosmiques participent effectivement à la tète. A elks reviennent en tait la première
igname que ritueilement rOba consomme, En somme, la Œte de i'i6Tfiame constitue ce
moment sacré où, rituellemenl, rOba prenù une responsabilité sociait: vilaie . ii "eniève le
poison"d3 de la nowriture de base de son peuple dans l'acte de consommation de
l'igname.
Mais justement, Kongi a "astucieusement" mis tout en oeuvre pour que le roi n'en'
soit plus un. L'emprisonnement est révélateur mais ne constitue qu'un aspect dans sa
stratégie, Ainsi, l'arrêt de la musique royale par le Superintendant, la privation du roi de
ses habits traditionnels, l'arrestation de ses Aweris, etc" participent tous de la même
idée : le meurtre symbolique du roi dans ce qu'il a de réeL
Kongi lui-même se met, du moins le croît-il, dans la perspective de sa
transfonnation prochaine en se "préparant" rituellement. En effet, le jeûne, par exemple,
qu'il impose à lui-même et à ses Aweris, reproduction f,'Tossière des conseillers du roi
Dan\\ola, est lourd de sens. Traditionnellement le jeûne précède la cérémonie de
l'igname; et il a une fonction réellement rituelle. Il vise à rendre les prières acceptables
·11
Ibid., p. 115
,12
Ibid., p. 144
IJ
Voir section sur la t()nction de médiation de Danlol41.
- " - - - - - - -
'.

par Îl;s divllllICS ii car j'hommc c:-.:prime p:.lr ià sa conJllioll J'humalll. i~n sommc. ic lL:ùnC
parllcqJe d'un lallgage IlIysllLlLlc lJUI. seloll i'e:"pn:ssioll de DUlIlilllLlue Laltall, dèpn.:clc le
,."
_
__ "
:. Il.~
-...l')
\\"lUI tJ~ }J'li
l <.ltJlJUI l
Ll
1 ulll\\."
qu'il n'cs1 ni acœpk ni voulu par ("li" l.lui le font: "1 do not 1I1duige in t~lstlng 1 :Im
fastingunder duress"'('. fait remarquer Fi rth Âweri. Ou encore.
Fitlh Aweri: "d like to see any of us re!ùsing that order And anyway he [Kongi] said nothing of
lasting at the time. Just disputation and planning.
Sixth Aweri: VerY true. 1 knew nothing of the tàsting part of it until were t:ut ofr tram ail
wntact47
-
. .
Le jeûne, qui de toute évidence s'est substitué au sUjet imtJaI comme thème de
débat des ::Âweris", est synonyme d'amnésie, exactement i'opposé de ce qu'il devait être à
un niveau spirituel c'est-à-ûire, le moment iûéal de méditation, de cOfrltTIunion spirituelle:
"Â...\\verÏ.
Plus significatif encore, le jetL.'le ou du moins son esprit est suggéré comme
pouvant être une arme pour venir il bout de l'entêtement de Danlola:
Ttürd Aweri : ... We need a way to persuade that old reactionary to ..
Fifth Aweri : Starve him. Try starving him to death49
La valeur négative accordée au jeùne traduit la déviation du sens du rite. Mais èela ne
constitue qu'une autre illustration de tout l'esprit du projet de Kongi. Ainsi quand s'ouvre
sa fête, nous sommes déjà préparés à l'issue à laquelle nous convie la pièce.
~~. Awolalu, l O. Op. Cil., p. i i5
4) Zahan, Dominique, Op. Cif., p. 195
46 Kongi's Harvest, p. 76
-17 IhiJ., p. 82
lli lhid, p. 81
l')
l.oc. Cil.
ii

i~a r~te cOlllmence avec i'hymne des Bngalilefs qUI arfichent ciaifèlllèl1l ieur rùie
Llt::-;irllcLeUI. Ci Llall:-; k iUllluiit: IlIll:-;il:ül, Dülllllia lt:1111.:Î i'igllülllt: '1IIOII::;ifC' plllLlllii pal 1<1
Daodu venait de finir ~on discours fustige~nt le kongi~n1e .. ce coup de [-eu sugg~!""c Ù !a
,'ois hl ti'ngil ité
du régime de Kongl--q\\li est C(Hnplètement"terrÎ fié"-- et le caractère
répressif de son régime. Entre temps l'igname est reprise par les tèmmes pour ètre pilée:
car k moment crucial du rite réside dans l'acte de consommation. Mais quand les
femmes la ramènent pour que Kongi la mange "rituellement", ['igname se trouve etre une
tête humaine: c'est k paroxysme de j'action. marqué par ia stupéfaction et ia débandade:
" " , _
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" 1 _ 1 " _ 1 1 ..
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;:'Cg1 lillUW::; Upt:U lnt: !lU. lU Il, lfIt: f1t:au U1 an UIU man. lU lOt: t:n::;ulfIg ::;cramolt: nu unt: 1::;
l~ft büt Kongi and the hcad. Kongi's mOüth ,vide ûpen in spc@chless terrûr... "51 .
en horreur, Et la signification de tout cela est claire: le rituel se révèle comme l'anti-
thèse de son sens originel. Loin de signifier la vie, l'igname monstre symbolise la
monstruosité du régime de Kongi. En la bénissant, Kongi affinne son alliance avec les
forces de mort; cette mort qui devient réalité sous [onne de "tète humaine dans un
plateau". Toute i'ironie et ia satire de ia pièce veulent que Kongi soit le représentant de
l'esprit de Itlürt plutôt que de celui de vie.
Il Y a ün rcfüs de cûnfércr à Kûngi le sYinbolisi11C de la cûmmunion sûciale et
spirituelle : il n'est pas celui autour de flill
Cil.
n j
,.
---
, \\!P~ Il
<:"f'j!ll
-- ..
.... __ .. _..., se rassemblera la
'1~"
. .
communauté dans un élan de communion de corps et d'esprit. Il n'est pas non plus celui
qui. au niveau spirituel, permettra dans une sorte de médiation, aux énergies cosmiques
et aux humai ns de s'interpénétrer.
5(1 l hiJ., p. 126
51./hid., [J. 132

bl vouiant coLite que coLite se substituer Ù iJanioia. Kongl s'est lie iaçon eVllientc
lévd0 COlillflt: l'ékilll::lii Ù cau~e JUljUei il: ::iellS ulllille Ju rile s'esi altéré. P~lIliciper il ull
l'invisible. celui des ~nergies cosmiques: c'est une ~ntreprise qui comporte des risques ct
des responsahlitiés et qùi requiert du participant une Cèl1ail1è moralité
Fasciné par le
pouvoir du rituel, Kongi s'est laissé entrainé dans un "jeu fatal avec les l'Orees
cosmique"52. Dans flie Rucchue of E"llnpiJes, on trouve le pendant de Kongi. Pentheus.
qui. comme lui, est pris dans le tourbillon d'un ntuel : le ntuel dionysiaque.
1. i. i. 5. Lt: ritt: ùiunysiaqut: : cummuniun d régénératiun
proprement parler. Mais, les rites dionysiaque et é!eusien dont il est question dans la
pièce reposent sur les mêmes valeurs symboliques que celles que recèlent les rites
yoruba. Dans un article paru aux éditions Silex53, Etienne Galle montre très bien la
pertinence du thème et du symbolisme de The Bacchae of Euripides par rapport à la
culture yoruba telle que Soyinka la perçoit. Ici comme ailleurs Soyinka intègre dans le
flot de i'action et du diaiogue des scènes de rites traditionneis pour conîérer à son oeuvre
sa dimension rituelle. Le rite éleusien est un rite de purification; il sera traité en tant que
comme "un rite de communion". Par un jeu complexe de procédés techniques l'auteur
aboutit à une çréation originale qui wnthétise harmonieusem~nt les valeurs propres aux
52 Tiré de la chanson symbolique dans Cam"~ooJ on the Leaves in Six Plays, Muthuen,
1984,p.139
5}
Galle, Etienne, "Soyinka's Universalism and the Bacchae", in Wole Soyinka et le
rhéûtre africain, pp. 32-41

-+7
<.leu:..: rites. On reut Jire la Illème chose de /':OllgL's 1ll/l'h'SI. La creaLion Je cette ~vnll1ese
dépasse le calin.: lie notre dulie.
Nous 110US préoccuperons Ju rile Jil\\ovsiaque
uniquement pour montrer en quoi ct comment il ;.;::;1 construll comme un rile J;.;
communIon.
La dimension SOCiale du rite dionysiaque, là où se situe l'une Je ses valeurs
communautaires, constitue le premier aspect maniteste dans la pièce Le rite dionysiallue
se présente comme l'élément qui tavorise la création d'une communauté, laquelle s'unit
probJTessivement autour de l'idéal incarné par Dionysos. La création de cette communauté
occupe une panie essentielle de la pièce et se réalise de deux façons : certains
personnages y adhèrent spontanément--les esclaves, Kadmos--les autres sont amenés à le
tàire par ruse ou par force--par exemple et surtout, Pentheus.
Au milieu de la célébration du rite éleusien Dionysos tàit son apparition, tel le
"phénix renaissant de ses cendres"54, de la tombe fumante de sa mère Semele, tante de
Pentheus. Dès qu'il se manifeste, il proclame tout haut avec toute la force de sa
masculinité55 son désir de se réaffinner après ce qu'on pourrait appeler la traversée du
désert :
Thebes taints me with bastardy. 1 am tumed into an alien, sorne freigh outgrowth of her habituai
tyranny. My followers daily pay forfeit for their faith. Thebes blasphemes against me, makes a
scapegoat of a God. lt is time to taste my patrimony--even here in Thebes. 1 am the gentle, jealous
joy. Vengeful and kind. An essence that will not exclude, nor be excluded. If you are Man or
Woman, 1 am Dionysos. Accept 56
Après cette auto-définition qui s'achève sur une invitation, toutes les péripéties de l'action
vont évoluer vers ['accomplissement de l'appel. L'acceptation de, Dionysos par les uns et
5-1 Soyinka, Wole, {he Racchae 01 Euripides, in Collected Play." !, p. 235
55 Loc. Cil.
56 !hid., Il. 235

les autres va se l~lIrc ;llravers un certain nombre d'démcnts qUI som ses allrihuls: ic vin.
le L~IiLilll, la uanse, la lilusiLlue. Il: thyrse el le lierre.
Dès k début Je la pièce, l'espace scénique est décrit COI1HnC envühi par l'odeur du
rQisin m.ùr, du vin: ".!\\. smell and sweat ofharvesr. Ripeness"'7. Groupés autour du berger.
les esclaves de Pentheus dégustent tranquillement le vin' d c'est l'()cc~si()n d'aHïrmer sa
valeur intrinsèque. sinon son symholisme
Leader' There is heaven in this juice..
Herdsman : 1 think 1 understand vou. Forget it liiend.
Leader. A scenr of treedon is ndt easily t~rgotten.. 58
Le Vin àanr un est des principaux attributs de Dionysos, on peut d'ores et déjà affirmer
que paf son inLcflHtJiaife, Dionysos est J'emblée accpeté par le groupe, ou, si l'on VeUt,
cc groupe peut être déjà considéré comme nlembre potentiel de
dionysiaque. Le vin n'est pas simplement un. thème de discussion; les personnages s'en
abreuvent59 Du fond de leur être, enfennés pendant longtemps dans la "stérilité de
Thèbes"60, les esclaves nourrissent l'espoir de connaître un jour la liberté. Or c'est tout ce
qu'évoque la senteur du raisin cette année: "Surrounded by walls one can only dream.
But one day... one day... ", dit le Leader. Plus encore, cette année-là non seulement le vin
est abonàam, mais il est égaiement àe très granàe quaiité. Deux faits attribués, non sans
raisons, aux l'orees supérieufes dont Dionysos est le représentant. La particularité de la
récolte ct dü vin ainsi liée au retoür d'exil de Diûn:,-rsos est en soi le débüt de
reconnaissance, d'acceptation du dieu, voire la marque de cette acceptation. Cependant,
le ras décisif grâce auquel les esclaves affinnent effectivement leur adhésion aux
57 LoG'. Cil.
5R Ihid., p. 236
5') Voir section sur le symbolisme mystique de la consommation du vin.
1,0 Soyinka, Wok, Op. (.'il., r. 237

prlnClpl:S dIOnysiaques se iÜIl ~l travers i'demcnl choraL i:n ciTce ù un mpl1lcntl]u'on pelH
L1ualilïcr de cruCIal dans l'cvolulion Ju Ille ckuslen--Ia llagellalloll "Illuclk" du bouc
~mlssairc--Dionysos r0appar:'IÎl pOlk pal sa Illusique. Face aux esclaves ct aux vcstaks
d'Ekusis. il leur lanœ de "chanter la mort Je l'ancienne :innée et d'accueillir le nouveau
Partagées entre la peur et l'hésitation, les vestales parviennent tant hien que mal ù
prononcer la phrase "magique" qUI va libérer tout le monde' elles-mèmes. les esclaves et
le prètre éleusien :
Vestal . [Courageously]
We...
[A vestal detaches herself trom the group, her eyes reveted on the tàce of Dionysos. She scoops up
a garland as she passes the tlower-bearer and cornes up to the stranger He bows his head and she
garlands him.]
The vestal : Weicome the new ... [Kneels over in a faim and is caught by Dionysos. Carrying her,
he moves his head rowards the priestsJ
Dionysos. And now the priest of Eleusis ?
Priest: We welcome.. 62
Le cas particulier de la vestale qui passe la guirlande autour du cou de Dionysos et qui
s'évanouit est nul doute important. "Figure archétypique de l'àme"63, la fleur offerte à
Dionysos symbolise l'acceptation de Dionysos. Evanouie devant le dieu, elle rappelle
inéluctablement l'état du possédé64, et elle est "cueillie" par Dionysos en signe
d'acquiessement. Dans tous les cas, dès lors, chants et danses dionysiaques envahissent
toute la scène: "From the same responsive source, imermingied strains of the music of
Dionysos... the dance embraces all the vestals and slaves"6s.
61. Ibid., p. 238
(,". Ibid., p. 239
63 Cheval ier, 1. ~ Gheerbrant A. Dictionnaire Jes ,\\ymbo/es, p. 449
(,4
Voir section sur le symbolisme de la possession
(,S Soyinka, Wole, Op. ('iL p. 239

50
C'est ia rceonn:'lIssancc IOlai\\.; dc Dionysos. Lc ic:1Jcr dcs csela\\ cs lancc un en
.iùdlalll qUI transperce les collilles d
ponc le message Je leur adlJ~s\\ll1l dU pllllcipe
dionysiaque il travcrs la nalUrc :
L~,\\(.Jer [Breilkillg loose aller [he priesl's relreal/ Wek:ollle [ht: lIew gouli Tilnce wdcollle the lIew
order! [llanus clJpped ro his 11lülJth. he yoddelsl Evohe e e ei [\\o!ie ë ë el [The SOliild is tiiken ùp
by (:chûc:; frGlll the h~lls: ~t ïü··,/ÇJ round and ri.Jund and çnvclopcs the- sccnc... l6l1
Le vieil homme !lagellé "symboliquement" est en t~lit Tirèsi~s, prètre des Mystères
Eleusiens. Après les vestales et les esclaves, c'est à son tour de se décider par rapport il la
nouvelle divinité. Tout de suite après sa flagellation, à un moment où on s'y attend le
moins, il intime à ses suppliciers d'aller à la montagne rejoindre les vestales et les
esclaves; là où ils pourront s'abreuver du V1I1 vitai et non pius de sang--kur "boisson"
habitueile67 ! La montagne, c'est comme nous le verrons plus loin, le domame symbolique
de Dionysos, c'est Dionysos lui-mème68 Aussi, quand Dionysos revient et qu'il lui offre
son thyrse en remplacement de sa canne rituelle, Tiresias n'est aucunement surpris.
Dionysos était déjà en lui:
Tiresias : (To the floggers] Sw'ÏneL ..Wait' Which ofyou kept my staff?
Dionysos : [Re-enters]. Borrow my thyrsus.
Tiresias : Thank you. Dionysos r presume?
Dionysos: You see too weil Tiresias.
Tiresias : As if the gentlest emanations from the divine maestro would not penetrate the richest
cataract69.
A partir de l'instant où il prend possessIOn du thyrse, Tiresias devient membre à part
emière àe ia communauté àionysiaque. Ii est pénétré de ia vie exhubérame àe Dionysos
('Ô. Loc. Cil.
67 Voir section sur la signification du "breuvage du sang".
ilS.
Voir section sur l'espace: la montagne comme élément environnemental lié à
Dionysos.
(,9 Soyinka. Wole, OfJ. Cil.. p. 242
---_..__ ._._--_.._-----_...__._---- -._---- - ------ ~-----_.-

:51
qUI vibre Jans son lhvrse'd AUSSI accepte-Ii voionuer d'ex\\,;culer ies pas lie Jans\\,; Je
Diunvsos.
Diüny:,üs
üali~c l'or illc -rjï~."iias. DailLe (~-'ï Diui-'YSÛS... Cfliè 'iillSil: ur i)i"'liYS()~ IS lh.:at'J. îir".::il'b
~;~and3 (:i1trëLiicc:d l()1 :';üriiC i1,uiTl\\..:nt~, thCIi inoves natüraUy iiii\\l ihc ïh:.,..thiTi~ ~(;ijtiîii...i'-.::"; ~\\i d~iil\\.:C,
r:lpt)71
I.è œrcle dionysiaque grandit très vite. Kadmos, grand-père de Pentheus surprend
TireSlas dans sa danse. Mais par un tour dramatique, Soyinka lui offre une autre voie
d'adhesion à la communauté dionysiaque. un autre moyen de tàire son "choix" à lui. Les
Bacchantes et les esclaves, déjà acquts à la cause dionysIaque, revIennent sur scène en
dansant et imerpretam des chams invocareurs er iouangeurs :
Tiresias : [The Bacchantes enter ta shours of Bromiusi Bromiusi Zagreusij Quich:iy. Stand aside
1
l
' ,
....... ,
"
1
1
r'T"1
1
· ' . T
1"'17"")
anu De suent. 1ney sounu alreauy possesseu. LI ney mue memselves J . -
De sn cachette, Kadmos observe la scène. Quand elle prend tin et qu'il peut sortir, il est
déjà sous l'emprise de Dionysos: "cautiously, the two old men emerge. Kadmos is in high
state of excitement"73. Il parachève la démonstration de son adhésion en révélant le
dessous de son accroutrement--signe qu'il l'était déjà en réalité: "Kadmos flings off his
cloak, revealing the dionysian fawn-skin under it"74--en arborant le lierre et finalement en
exécutant les pas de ia danse dionysiaque. La boucle est bouclée pour iui.
Jusqu'à Kadmos, l'adhésion à la communauté dionysiaque s'est tàite de façon
presque spontanée. Avec Pentheus qui dès le début de l'action se trouve en nette
opposition au principe dionysiaque, le processus d'adhésion prend une allure non dénuée
de complexité. Pentheus, roi de Thèbes, est plutôt appolinien que dionysiaque: mais il
70. Ibn/., p.251
71. IhiJ., p. 244
72. Ihid., p. 245
7 ] Ihid., p. 251
71 Ihid., p. 252

est appollnlen dans ce qu'il y a d~ plus rigide et stérile. La presence a "hébes de Uionysos
est pour lUI un désordre autjuel il laUl vite remédier. "1 silall have order' Ld tl1~ city
know at once Pentheus 15 l1ac 10 give back order and sanlt) ... !\\)ison is the hody of stale
1 want order"75. Le style de Pentheus est militaire. physiquement ct verbalement. Un
aspect qui revèt ù la l'ois une t"onction satirique et une tOllction dramatique· entre autres.
satire de la cruauté du pouvoir et technique de progression de l'actIon
Tiresias et Kadmos, les personnages les plus proches de Pentheus, vont dans un
premier temps essayer. par un raisonnement logique--appolinien "--de l'intluencer ~ étant
entendu qu'lis sont cependant conscients que "Dionysos n'a pas besoin d'avocat". Mais ne
sont-ils pas eux-mèmes déjà dionysiaques? Dans tous les cas, tout le discours de Tirésias
relève de la cuistrerie, de l'hypocrisie et de la cupidité atLX yeux de Pentheus. La logique
de Tirésias consiste à démontrer que la "condition humaine est faite de deLLx principes,
qui sont la Terre--Déméter--et l'Ether--Dionysos", et que au lieu de s'enfermer dans les
mots, dans la stérilité du principe appolinien, Pentheus aurait tout à gagner à aspirer aux
deux principes complètementaires et fondamentaux76. Petit à petit, sa logique va s'affiner
pour en fin de compte focaliser sur le vin et la danse77-1e chemin classique en quelque
sorte. Mais l'entètement de Pentheus vient à bout de Tiresias qui s'exclame : "1 pity
Pentheus. His terrible madness. There is no cure. No relief from potions"78.
En tant que grand-père, Kadmos amorce une autre tentative. La position de
Pentheus non seulement reste inchangée--pour preuve, il rejette le lierre que lui offre
Kadmos--mais pire encore, il s'entonce davantage dans son erreur. Il lance ses hommes
75. Loc. Cil.
76. Pentheus est également éloi/:,rné de la Terre. du principe de Déméter.
Il. So)'\\nka, Wole, Op. C'il., pp. 260-261
7X. lhid. pp. 261-262

sur les Iraces Je UI()[lVSOS alïn de ILII r;urc subir. le cro'Hi. le son Jc SOIl ('IHJSlfl I\\clcon.
dècl1lr0 cn lambeau.\\. au L~uurs d'une pallie de chasse. Si:';lle prèmUllllllll\\~ Ju Jestin Je
Pentheus '1 [n tout dat de cause. ~a situation devient plus Jé:se:;pérée, (',lll1l11e Tire~ias
l'explique: "in Cree!\\: Ihe name [Jentheus signities sorro\\\\'. Does that mean anything ')
Let\\ hope"7'J
Tour à tour après Tiresias et Kadmos, les esclaves. les Bacchantes d
Dionvsos
1ui-rnème vont d'une mal11ère ou d'une autre essayer de "sauver" Pentheus
"Let everv
man's actIOns save or damn hlm. We shall see what Pentheus chooses to do"~o La
réaction de Pentheus s'avère être un pas de plus vers la "damnation". Par exemple face
aux esclaves qui le supplient de renoncer à attaquer Dionysos, il envoie à terre le vieil
esclave qui initialement devait servir de bouc émissaire dans le rite deusien. La réaction
des esclaves témoib'1H~ de la gravité de l'acte: "Back. Leave him there. L~t l'Jim lie there
and accuse him n8 !. Les chants dionvsiaaues
""
J.
oue
.1.
les esclaves entonnent sont é!!alement
_
rejetées, et cela n'est pas sans rappeler le sort de la musique de Danlola dans Kongi's
Harvest82. Il tàit emprisonner Dionysos que ses hommes ramènent, les mains enchaînées.
Dionysos se libère cependant comme par enchantement et fait remarquer à Pentheus que
c'est le fait du dieu du vin, "He who tends the grape for mankind"83.
Après maintes péripéties, l'élément vin ressurgit. A partir de cet instant, Dionysos
se livre à une serie de démonstrations hypnotiques--dont les scènes de miroir et des deux
mariages--pour amadouer Pentheus. A la fin, non seulement ce dernier accepte le vin que
lui tend Dionysos, mais il demande également à voir plus que ce qui vient de lui être
7(J. Ibid. p. 263
xo Ihid. p. 242
XI. Ibid. p. 263
~2 IhiJ. p. 262, Voir aussI le symbolisme du silence.
X3. I.oc. Cil.
1
----.- ..-- ..-...- -
- i l-

54
présellté. "L'an i see more')"};i
[~'aCll()1l prend ainSI Ull loumallt Je-CISIl car ayant bu Je
son vin, [Jell lileus est J~sOnllalS ·'Jlonyslaljuè".
[Il effet, il est très vik grisé par le VIIl Jevenu "nectar" Jans ~;a 110ucl1e--le sens Je
la mesure lui est étranger; et il s\\:n va. résolu, mais J:lI1S un état piteux qu'exprime la
"tëminisation",~5 de son accoutrement di()n~siaque. :1 la Inontagne pour combattre les
Menades.
Dès lors. chaque mot. chaque évènement devient une allusion au sort qui
l'attend au bout de sa curiosité. Dans un style très poétique qui est celui du vieil esclave,
la réalité de la mort imminente est évoquee :
üld Man' Dare we surrender ta what cornes alter, embrace. The ambiguous tàce of the future') It is
enough
Ta concede awareness of the inexplicable, ta wait
And watch the unfolding.
Slave: For there are torces not ruled by us,
Trust them. Though (hey travel inch by inch
TIley arrive86
Ainsi "hardiment" et "militairement" mais sans en imaginer les conséquences, Pentheus
danse vers la montagne, vers sa mort: "part of the chorus of slaves set up a dog-howl, a
wail of death"87 Le mime qui s'en suit représente la mort de Pentheus entre les mains des
Menades conduites par sa mère Agave. La suite de la scène est un véritable rite de
communion autour de la tête de Pentheus, dans une atmosphère de chants et de danse.
En effet, le sang jaillissant de la tête de Pemheus devient du vin et tous les
participants s'en abreuvent:
[... II·om every orifice orthe impaled hc::ad springs red jet, spurting in every direction]
Tiresias : [I-Ie tèels his way nearer rhe tount. A spray hits hirn and he holds out a hand, catches
sorne of the t1uid and snitfs. Tastes it]. No. {t':;. wine88
X4. Ibid p. 287
Hi. Ibid. 289. Il faut aussi noter que Dionysos est masculinisé dans la pièce.
H6. lhid, p. 292
X7. IhiJ., p. 294
xx. Ihid p. 307

55
I..es participants bOIvent a
la source divine, creuset des linces regeneratnces ct
libératrices. La lrans!ünnation Ju sang en vin, c'est l'expression Je loute la li.lrce crblrice
de:;; énergies cosmiques: car d lé est cn rapport avec Dionysos, avec son c:"hubérancc
manifestée Jans la nature.
Il est imrossible Je séparer les dimensions sociale d
cosnllque du rituel
dionysiaque Nous avons vu comment ses aspects spectaculaires par e:"emples (chants.
danse, de.) sont intrinsèquement liés il la tarce divine qu'est Dionysos. Par le moyen de
ces éléments l'homme accède aux énergies cosmIques, entre en commUnIon avec elles.
Inversement, celles-ci se manifestent également :i ['homme par la médiation des ces
éléments. La musique dionysiaque remplit, ici, l'espace de sa présence. C'est cette
présence ressentie ct vécue qui rend à la fois crédible et mystérieuse la transformation
qui se produit dans la tête ensanglantée.
La notion de communion dans le cadre rituel a été définie comme la capacité du
rite à créer d'une part une communauté humaine unie par les mêmes motivations, la
même sensibilité à l'âme cosmique, et d'autre part à établir une communion entre ces
humains et la communauté divine. Le but étant bien entendu d'en tirer de nouvelles
énergies, d'arriver à un second état de conscience en vue de comprendre la vie, de la
perpétuer et d'envisager l'avenir.
Le théâtre rituel est total; il met en jeu non seulement un ensemble de techniques
dramatiques mais également un grand nombre de symboles. Nous avons inéluctablement
été amenés parfois à anticiper en traitant d'éléments qui feront l'objet d'un examen
ultérieur. N'est-cc pas aussi une preuve de leur richesse dramatique et symbolique? Tout
"
rite
fait
appel
à
deux
niveaux
communautaires
auxquels
nous
nous
sommes
particulièrement intéressés ici. r,e chapitre suivant sera consacré essentiellement mais, on
~,----

s'cn doute, non exclusivement. ù la notion cie passage contcnu dans le muel Cl qUI relèvc
aussi Je la dynalllique Ju 111c.
1. J. 2. Le rite de passage
Le VOVC\\!'C
" , ; : J
d'O~un
_ . .
ù
.
travers le ~oll!lre
.....
transitionnel illustre le principe du p;lssage
Cela dit. c'est un phénomène propre il divers types rituels: et relevant de l'expérience
socio-religieuse de l'homme, Il s'avère fondamental à plus d'un titre.
Dans ou hors du rite, l'être mourant s'apprête du même coup il vivre l'expérience
du passage c'est-à-dire à effectuer ce voyage mystérieux qUi le conduira dans l'univers des
réalités cosmiques. L'être 4ui, au cours d'un 4udconque rilud, est "possedé" par une des
multiples réalités spirituelles dont regorge l'imaginaire soyinakaïen est également amené
à faire l'expérience du passage. Il en est de mème de ['être qui se soumet aux institutions
sociales de l'initiation ou du mariage.
En somme, il s'agit de l'expérience du passage de la mort à la VIe comme
processus de
renaissance. De tàit,
le passage se conçoit comme ce processus
transformateur grâce auquel l'être change de personnalité, de statut ou d'état; ou en tout
cas par lequel il tend vers un objectif en principe plus heureux. Et dans un cadre comme
celui de l'imaginaire soyinkaïen où l'individu est fondamentalement communautaire, le
passage n'implique pas simplement l'individu: dans le cadre rituel particulièrement, il
inclut directement les deux niveaux communautaires, l'humain et le divin.
C'est tout l'avenir socio-cosmique qui se joue souvent dans le rite de passage: car
s'il est mouvement il est susceptible de conduire la réalité qu'il implique soit vers un
accomplissement noble. soit vers un accomplissement redouté. Plusieurs paramètres
rendent compte de cette dialectique possible. Soyinka noUs en donne à voir dans son
théâtre.
- - - . - - - - -- ._. ~---.-., ._--
-_.
-
--~- 1·
i----~--

57
1. 1. 2. 1. Le voyage dans l'au-dei:',
I~e chemin qui Untt les troIS mondes de la m~laphysique yoruba est celuI du
couple mort-vie ~ en d'autres tennes, pour exister dans l'un quelconque de ceUX-CL i1 t~lUt
cesse J'exister dans l'autre. La traversée du gouffre se présente alors comme le voyage, le
passage entre ces diftërents mondes, le voyageur ne faisant que répéter le trajet ogunien.
L'intitulé de ce chapitre trouve son explication dans cette logique
l~'au-dela
représente le monde vers lequel s'etlectue le voyage. C\\~st l'au-delà du senSible. du
manifeste. Deux oeuvres nous semblent pertinentes à cet égard: Deuth und the King\\'
Horsemun avec le suicide royal, et The Roud avec la quête de Professor.
r. 1. 2. 1. 1. Le voyage d'Elesin
Regarder la pièce dans l'optique de la conception yoruba comme le suggère
Soyinka89, équivaut à comprendre que pour ce peuple la mort est le point de départ d'une
nouvelle vie. Du point de vue des humains, c'est une vie en principe plus noble où l'on
acquiert plus de puissance. Car du fait de son nouveau statut, c'est-à-dire en tant
qu'élément des énergies cosmiques, le décédé est désormais considéré comme nantie du
pouvoir d'influencer la vie terrestre90. Quoi de plus normal alors que l'homme yoruba
vénére et craigne à la fois l'être qui s'apprête à traverser la mort rituelle, à faire le voyage
dans l'univers transcendantal.
La situation se résume comme suit dans Deu/h und the King's Horseman : deux
mois plus tôt, le roi a à moitié "dansé et rejoint les ancêtres"'Jl. Car conformément à la
tradition, Elesin. son écuyer se doit de se suicider rituellement afin de rejoindre lé défunt
roi et de l'aider à s'installer dans sa nouvelle demeure. Cela lèverait du même coup les
:-il). Soyinka, Wole. Deulh and the King's Horseman. in ,"'Ix P/uys, p. 145.
')0 Awolalu. J, O .. Op. Cil.. p. 56
'II. Soyinka. Wole. Op. (/1., p. 143
,
1
____________
11
~'.4!k,,_ --xa-:.u.5LZZt_&MML.
- -

menaces qUI rx;sent sur les hUIl1alnS car Ull dcfunt-roi I11cl'lHlIenl ct errant dans le "vldc"
est ulle sorte J'épée Je Damoclès <lu-lkssus Je la sOClélé
le voyage J'E::kSlil csl vllal.
Cela ,iit, il l~lLIt noter que son rit.; revèt dans son ensemble la liJrmc d'une Jansc , une
danse progressive qui tinit par sc sublimer en une danse-transe: moment idéal ct crucial
du suicide.
Lorsque s'ouvre la pIèce. Elesin est déjà engagé dans le rite. Les didascal ies
décrivent la scène d'ouverture comme suit. " A passage through a market place in its
closing stages .... Elesin enters aJong a passage before the market pursued by his drummer
and praise-singer"92 Cette description réaliste suggère le trajet qui conduit, au soir de la
vie--le marché qui se terme--à l'autre monde, ce que le Praise-singer prétëre appeler
"l'autre côté"Q3. Le chemin qui traverse le marché, le mouvement de course du cortège, le
rythme du tam-tam, les dialogues, les chants et danses qui accompagnent Elesin, tous
évoquent le thème du voyage. Le marché, lieu où est localisée toute l'action, symbolise la
vie terrestre et est décrit comme une réplique humaine du lieu où doit aboutir Elesin :
"My faithful friends, let our feet touch together this last time, lead me into the other
market
with
sounds"94.
Tous
les
éléments
ci-dessus
mentionnés
appartiennent
certainement au rite, mais précisement, ils relèvent du paradigme de la composante
rituelle. Il serait suffisant d'affirmer seulement ici leur prépondérance dans l'esprit et la
réalisation du rite: la notion de passage se lit, pour l'exemple, dans le chant et la musique
qui, de façon générale, l'aident à effectuer le voyage'! 5. La plongée dans le gouffre
requiert toute une préparation délicate.
n. Ibid. p., 147
'l3. Ibid., p. 187
')4 Ihid, 181
<)5 Voir sections sur le symbolismt: de la musique ct de la danse.

Mais en u(;rit clès diverses pr(;c:.JlItlons cl cOnlflhllllOns, I~:ksln n\\IlTIVC pas a se
prolder uans le parauigme ogunien, c'csl-a-uire à efkclucr il: passage. C'est un
dénouelTIcn t qui, sans conteste, n'est pas sana conséq uen(cs li uant au Jeven 1r soc 10-
cosmique'J(,
Il convient iei d'examiner les raisons du non-voyage d'Elesin. Du mème cour nous
révélerons, entre autres choses, la di fticulté du passage. Le voyage d'EleslIl déhute et se
termine de façon anormale. Deux catégories de justifications en rendent (ompte. D'une
part, il Y a celles qui relèvent de l'être même d'Elesm et d'autre part. Il y a celles qui
proviennent de sources extérieures.
Les influences extérieures se résument à un seul élément si l'on éc;me la présence
de la fille dans l'espace rituel; et il s'agit de l'intervention du Blanc. Certains critiques ont
cru voir en Esu, le dieu yoruba du désordre d de la confusio~ un autre élément extérieur
possible. L'analyse de Dan Izev~aye tendant à rejeter cette hypothèse devrait suffire: "It
[the concept ofEsu] has a mythical rather contemporary reality"97.
II ne reste plus que l'intervention du Blanc. Bien qu'ayant commencé dans l'Acte
LII avec la tentative ratée de Sergeant Amusa, cette intervention ne devient effective que
dans l'Acte IV, c'est-à-dire après qu'Elesin eut accompli sa besogne sexuelle, après qu'il
eut décidé d'accomplir le voyage en solitaire. Aussi, lorsque Soyinka écrit que, "The
colonial factor is an incident, a catalytic incident merely"9~, il résume bien l'objectif
général de la préface dont le sujet est une claire invitation à accorder peu d'intérêt à
l'action du Blanc. La confrontation d'Elesin est largement métaphysique, poursuit-il. En
'J6, Voir section sur l'individu et le devenir social:
le symbolisme de la mort ou non-mort
rituelle.
'J7 lzevbaye, Dan, Op. CiL, p. 122
'IX
Soyinka, Wolc. Op. Cif., p. 145
1:
... _---.,..----

somme, il I~lut rlUlÙI chercher les causes ue l'échec ~l l'inlerieur des 1i.)fCt:s impliquées
dans le l"Ile. Jans la confrontation métaphYSIque.
D~s qu'Elcsin p~nètre le champ scénique. son griot ct maltre Je cérémonie
remarque dans un style très imagé qui lui est J'ailleurs propre. k caractère anormal Je sa
course: "Elesin O! Eksin' Howu! What is this the coderel goes to kccr \\Vith such haste
that he lllust leave his tail behind"o". La course est rapide et traduit le désir prot()Ild
d'Elesin de retrouver la "chaleur" du marché. En effet, pour lui. le marché est synonyme
de plaisir chamel, de mondanité symbolisée par la temme : "1 have neglected my
women" 10U, déclare-t-i1 en réponse au
griot. Cene affinnmion traduit bien ce que
lzevbaye appelle l'''amour excessif d'Ekssin pour le monde matériel symbolisé par le
sexe et les habits" \\0\\. Pour ce qui est des habits, l'apparence matérielle est synonyme,
pour lui, d'honneur. Il s'en prend aLLX femmes pour leur négligeance dans ce sens:
Words are cheap: 'we know you for
A man ofhonour'. Weil tell me, is this how
A man of honour should be seen?
Are these not the same cJothes in which
1 came among you a full ha/f-hour ago? 102
En tant qu'Ecuyer du roi défunt, mais davantage parce qu'il est au seuil du voyage,
les humeurs et désirs d'Elesin sont des exigeances. Il est dangereux de mécontenter celui
qui d'un moment à l'autre va pénétrer le gouffre transitionnel:
Iyaloja . Richly, richly, robe him richly The c10th ofhonour is a/ari ...
Women: For a whiJe we really feared our hands had wrenched the world adrift in emptiness l03
'.l'l, Ibid., p. 147
!UO. l,oc. Cil.
lOI. lzevbaye, Dan, Op. Cil., p. 120
1112 Soyinka, Wole, Op. ('il., p. 155
103 Ihid., p. 156

t11
Pendant que la communaute il:l11lnlne s'aclive pour sallsÎ~ure celle prellliere
l'cL] uèrc. Eksi 11 èn alHlt)llCC une autre qui COnll11e 110US k Vèll\\)ns s'a v0rera pl LIS capi [ak
dans la suite du rilul:1. En d'kt. il aperçOIt hors-scènl: une tille. cl sc rappdlc que "The
world... is good" 11),1. Une remarque est ici nécessaire. La tille, "la 1~ltale c1éopàtre", scion
o. Izcvhaye. cause ultérieure principale de la confusion qui se crée en Flesin. emprunte
le mèl11e chemin que lui iii) On peut voir dans cette situation l'importance de la gent
tëmllline dans le passé, la vie même d'Elesin. La femme est pour lui la cause de la beauté
et de l'''abondance'' dans le monde. son monde. LI se sert d'une Imagerie végètale--Ia
beauté sauvage ?--pour àécrire ce monde:
The world l know is bounty
Of hives afier bees have swanned
[ ... ]
As horseman of the king, the juicest
Fruit on every Iree was mine lO6
Ai nsi, se servant de son statut de "voyageur" abyssal, d'ancêtre en devenir, Elesin exige
d"'épouser" la fille malgré les remarques que lui fait Iyaloja sur les dangers d'lm tel acte,
et en dépit du fait qu'elle soit promise au fils d'lyaloja même 107. En somme, à côté de son
statut socio-religieux, Elesin s'est bâti une réputation de mondain. Et il tient en ce "jour
des jours" à le prouverl08.
104. Loc. Cil.
10"-. Ib'd
I.,p. L-7
)
lOG. Ibid, pp. 156-157
107. Soyinka, Wole, Op. Cil.? p. 159. Gerald Moore, Op. Cif., p. 126, atIirrne que le tùtur
époux de la tille est le ms d'Elesin--Olunde ? Cette atIirrnation ne trouve cependant
aucune illustration dans la pièce. à moins qu'fyaloja ne soit l'épouse d'Elesin : ce qui n'est
pas certain non plus.
IOX. Voir section sur le mariage d'Elcsin.

ConSCients Oc ia rèpu\\,lIion J'Eie~II1--"un serpenr vaorouli icur ~ur ic~ pas~age~
uhseurs Ju IllaïclJé" 1!"'_-aus~1 bien le Jél'llili lül avanl sa III\\)I(! l'I qUI:: k FI'lI~c-:·;jllser d
['importance vitale du rite '.::t le désastre que pourrait enlT:lîner taule !a!b1essl:. Ainsi sc
cnmrrend la remarque suivante du S'Tio\\ :111 moment Oii Flesin eXige d\\~tre richement
habillé'
He who must. vovage tOr1h
The world will Ilot roll backward
It is he who must. with one Great gesture overtake the world.
The gourd you bear is not tor shirking
The gourd you bear is Ilot tor setting down
At the tlrst crossroad or wayside grave III
Eiesin devraII, en ciair, rranscender ies fuIiiirés de ia vIe marérieiie et s'engager sans
h~sitation ni tàiblessè dans le "brrand geste" qui seul peut k projeter, tel Ogull, au devant
du monde.
Aussi, c'est seulement après son "mariage" qu'Elesin se sent assez libéré,
"déchargé" comme il le dit, pour poursuivre son voyage déjà combien compromis. Très
vite sous l'impulsion de l'atmosphère rituelle globale, il atteint un tel stade de transe qu'il
ne peut plus attendre l'arrivée de ces deux composantes capitales du rite que sont le
."
chevai et ie chien du roi : "If they come after the drums have sounded, why then, aH is
weil for [ have gone aheaù. Our spirils shaH fail in slep along lhe greal passage" 112. Du
cheval ct du chicn, ces éléments par rapport auxquels Elesin lui-même trouve sa
définition, il en parle comme de vulgaires animaux: "Elesin Alafin 1Trust no beast with
!li'). Soyinka, Wole, Op. Cïl. p. 158
110. Voir section sur médiation: le Praise-singer I:n tant que médium
\\ I l Soyinka, Wole, Op. Cil., p. 156
112. IhiJ., p. 181

JnCSS;Jgcs bC1WCCn ! /\\ kll1g anJ ius COmpalllOn"i ':, i~11 aïiïrl11<l11l qu'Ii ne \\CUI pOllll l<lIre
Gog rnaj' !Je cont!..!scd by 11I~\\.V sr.:ent uf bf~!ngs he never urc:.!nH ot: sa he !nust p!'cc~dt~ the dog te)
1l(';Jven H(~ ~;JY~ il hor~e rn;w st\\lTl1bl~ on stran!!c bnl.llders and i)e l;1rned, so he ",1('C5 (ln bdnn~ Ill('
horse (0 heav;n
Oh how ~halll tcll \\Vha! rnv~ears have heard'J114
Il est difficile d'apprécier la si!:,'llification que peut revètir Elesin sans le chien et le
cheval. Mais ce qui est clmr, c'est que sa tonction comporte des rapports trop Importants
avec eux pour qu'iis soient si simpiement reiegués à un second pian.
Au oûut du CÙlupit, l'initïvtntiùIi du Blanc nt cùnstitut qu'un incidtnt mineUï d
tnarginal dans le voyagç d'Elesin. Le fait çst que, en mettant de coté les diverses
interruptions, E!esin luî-même s'avère ne pas être la personIle indiquée pO!lf ml te! rite.
Cependant, s'il est un mérite ,qu'il
faut lui accorder c'est celui d'avoir reconnu
explicitement la prépondérance de sa personne dans la détermination de J'issu du rite. En
effet, après avoir vainement essayé de tàire admettre la primauté du rôle du Blanc, il
confesse sa propre fàiblesse devant la tllle l15 Il reconnaît même qu'il a péché par la
pensée en osant voir une main divine dans l'intervention du Blanc l L6. Et, sagesse uitime,
il justifie sa faiblesse par l'éternel mal qui gît en ['homme. Mais, Elesin se montre dans
toüs les cas, anti-ogunien par son incapcité à effectuer Je voyage vital et abyssal. Les
conséquences d'un tel dénouement ne sont pas sans sihrnîficatîon pour le devenir social ;
et ce sera l'une des préoccupations d'un chapitre ultérieur.
1U
Ibid., p. 1S2
114. Ihid., p. 184
115 Voir le chapitre sur le mariage,
Ilh. Soyinka. Wole. p. 211

La quèlc de I)rolcssor èSt tout un rroCèssus dont le pOlnl de départ se..;\\lue dans
un contexte antérieur au présent de la pièce. Tout au long de l'action on en a Jes échos ou
des aperçus ù travers le procédé de rupture temporelle et spatiale: il s'agit de son séjour à
l'église. Chassé de œlle-ci, Professor se retrouve sur la route où Il assume Jivers roles.
ÎVÎenanl sa lluèie sur la rouie. il rait la rencontre de îviuranu . l:lIi Jéienninalll pOUf la
süitc (:t pûür rabûüÜSS\\2rncïit Je sü quètc COiitine ilGüS l'avons ·y'u. C'est ~ la lürnièr~ Je ces
trois t~mps forts que nous :l!!ons ~ss~ye~· d~ co!nprendre 1'1 tll1r~tf:\\ dp PrnfpC'l;;:l""\\r {ll,j en
0-
1_
·"'
v u ,
, __ ,
_
définitive, se s(lisit comme 1111 rite de rassage.
La quête de Professor débute à l'église. Là. le verbe est un "verbe chrétien"117.
c'est-à-dire inscrit dans sa foi chrétienne. Ce verbe, pense-t-iJ, se trouve "caché dans les
murs de J'église" 1!~. L'aigle en bronze demère lequel il se tenait debout pour accomplir sa
fonction est panicuiièrement significatif: "You'iI see the iectern bearing the Word on
bronze. l slood often behind the bronze wings of the eagle , un the bruad span u[ the
ûutstrcehed vV1ngs rcsted the wûrd" !!9 L'aigle symbolise l'i11u..üinatiûn spirituelle, les
états spirituels supérieurs"120 dans la tradition chrétienne. Les ailes déployées suggèrent
l'envol et ne sont pas moins significatif.s. C'est dans une telle perspective que se situe le
verbe. Mais comme c'est J'habitude avec lui, Professor révèle un paradoxe quant à la
nature du verbe chrétien; ce verbe sous l'impulsion duquel il menait, si l'on peut dire, son
évangélisation barbare: "That was not the word. You see, oh no, it was not"121. Et dans le
117. Fioupou, Christiane, in w()je SOYinka et je théâtre afrIcain, p. 14
Ill'. nIe Road, p. 1~6
Ill). Ihid., p. 105
120 Chevalier, .1. ~ Gheerbrant, A., DIctionnaire des svmho/es, p. 11
121. Soyinka, Wole. l'he ROlld, p. 207

1nl:l1le temps li souligne il: caractère essenflei Je i'église. Je 1'~\\Igil: Jalls ia sUite Je la
quèle qu'il mène malliienani à parllr ue la roule.
1 must watch \\Vhat they do lin Ihe churchl. 1 must see what goes on at Ihe allar. ar rfle pulpil. And
you [his gangJ watch with me... see that no changes are made without rny pemlission... Don't iet
lheir cassock liCier YOLI. "lhe eaglc sides with me 1_2
Professol" a toujours penstl qu'il était, à l'église comme sur !:l route j'ailleurs. un
privilégié par rapport au verbe. Mais assez paradoxalement ce verbe est à l'origine de son
départ de l'église. Le tait est que "avec la force du verbe", li menait sa qll~te avec une
telle verve qu'il a été amené à commettre des excès, dont les plus remarquables sont sans
doute l'introduction d'une session sur les vertus du vin de palme dans le cours bilblique
du dimanche et qu'il a finalement dénommé "palm-sundayH i23, et son fameu.x duel avec
l'évêque. Christiane Fioupou écrit tout simplement qu'il "dévie de la Bonne Parole de ia
Bible et brave l'évêque en lui répétant son hérésie"12~. L'écroulement du mur de l'église
sous la poussée des spectateur du duel, évoque en lui "la muraille de Jéricho"12S Il s'en
attribue la cause grâce à sa foi, à son pouvoir, au pouvoir du verbe.
Toute cette expérience de l'église, du verbe relève du passé de Professor, et d'un
espace extérieur à la route. Grâce au mime, à la lumière, à la musique, etc., celle-ci est en
partie portée sur la scène et introduite dans l'action-qui est presqu'essentiellement située
sur la route. Et là, Professor poursuit sa quête; il invite ainsi sa communauté à : "Be like
a bat. Keep your ears stuck to the vestry doar. lfI lose the station ail is lost" 126
/22. Loc. Ci'~
123. Ibid., p. 215. Palm sunday signifie dimanche des rameaux mais il s'agit certainement
ici d'un jeu de mot connotatif du vin de palme.
IH. Fioupou, Christiane, Op. Cil., p. J 5
125 Soyinka, Wolc, Op. Cil., p. 163
12(,. /hid., p. 207

Sur la routl: la q1l01l: dl: Protc~sl'r l:SI l:n SOI un prOCl:SSUS JOIll la dvnal11lqlle
réside dans l'évolution du sens 1.:1 des lll\\eau:\\. auquds il localise k verbe. Dan Il.cvbayl.:
sugg~re ces niveaux en distinguant troiS \\akurs sémantiques du verbe. D'abord. Prolessor
attribue au verbe le sens ordinaire, c\\:st-ù-dire celUI de mot--compos~ de lettres de
l'alphabet--expression du
langage.
On
comprend alors que
l'une
des
différences
principales entre Professor et les autres se situe au niveau de la langue Quand il n'est pas
sur scène, il est dans les rues, poursuivant sa quête:
Samson
Where is Protesso(!
Kotonu: Wandering over empty streets pic king: up his dirty bits ofprinted matter l27
Lorsqu'il tàit sa première entrée sur scène. il brandit un panneau de signalisation portant
la mention "Bend". Ce mot signifie entre autres, "virage" en anglais. On peut y vOir une
évocation de la transition de la transition. du virage, qu'il est en train d'aborder. Et,
pendant une bonne partie de sa présence sur scène, il passe son temps à scruter des
journeaux : "Professor goes back to studying the papers, underlining a phrase, ringing a
word here and there"128. Un moment clé de cette recherche est la découverte du bulletin
de jeux de hasard, si l'on peut dire, par hasard ; car il est contenu dans le journal
enveloppant les galettes qu'il a envoyé Salubi acheter. Assez curieusement, en accord
cependant avec le ton de la pièce, Professor ne se rend compte de la nature du bulletin
qu'avec l'aide de Samson: "You cannat read... you cannat write but you can unriddle signs
of the scheme that baffle even me whose life is devoted to the study of he enigmatic
word"12') Ce passage est sans doute significatif en ce qu'il suggère le caractère relatif de
la quète de Protèssor. Il semble qu'il ne reconnaitrait pas le Mot mème s'i[ le rencontrait.
127. Ibid., p. 166
12X. Ihid, p. 202
12'1. Ihid., p. 204

Lé Mot est enSUite IllIS en rapport avec la terre. Son Interèt pour lé panneau ue
signalisation éonuuil Ù celte sigrllficalion . "This word \\Vas grO\\villg, it \\Vas growing l'rom
earth until 1 pluckeu Il"I~{I. Ce Mot est une graine qu'il ramasse ça et là au hasard de sa
quète. Les scènes d'accidents sont cependant les lieux privilégiés de la récolte; et il
refuse de les traiter COllllne de simples accidents: "Are you ignorant of the true path to
the Word ') It is never an accident"131. La notion de mot-graine serait due à l'intluence de
la philosophie de l'übgoni 132, c'est-à-dire de la terre mère de toute vie, donc aussi du Mot.
objet de la quête de Professor qui. rappelons-le, est vivant.
Enfin, le Mot est, "a divine manifesting itself in potent utterance"L;3 \\1 s'agit là
clairement du mot parole qui dans la pensée yoruba a un statut magique en vertu des
potentialités qu'il incarne. Et même s'il est conscient qu'il ne poss~de pas non plus encore
ce verbe, Professor s'en croit suffisamment proche pour pouvoir s'en servir: "I1's true l
have not found the word but tempt me and l will unleash its elemental truths on you
head"134.
La quête de Professor constitue tout un processus dont la complexité et la fluidité
sont celles de l'objet même de la quête. Le verbe est changeant. Une fois, Samson lui
demande: "comment est le Mot aujourd'hui ?"135. Professor est convaincu d'une chose en
dépit des formes qu'il peut revêtir: le Mot est lié à la mort: "There are dangers in the
Quest l know, but the word may be found companion not to litè but to Oeath"u6.
"Oeath", la mort, est écrit avec un "0" majuscule; cela traduit sans doute cette autre
130. Ibid., p. 157. Voir aussi section sur la moisson.
131./bid.,p.159
132. fzevbaye, Dan. Op. Cif., p. 96
133. Loc. Cif.
134. Soyinka, Wole. Op. Cil., pp. 201-202
U5 Ihid.. p. 179
131> Ihid., p. 159

cOnVIC(IOn (je ProlÏ;ssor qUI èsl qlle il: lvIol peUL sc trouver n'lInpOrLeOU , une lIblqUllé qUI
rail Je chacune Je Sl:S Jécouvl:rLes Lill pas vers la solution Je l'elllgllll:
"I::\\erv Jiscovery
IS a slgn-post...evciltually tile rcvclation \\vill stanJ naked, unasilall1cJ ..the suhterfuge
will be over, my causc vindicated l :;1
C'est la combinaison Je tout œla qui rend la
découverte de Murano essentielle et qUI acedère le mouvement de 1,1 quête.
Murano est l'i ncarnation de la notIOn de passage 13~. et suggère de ce lai t toute la
dynamique Je la quête de Professsor. Son gros orteil gauche reposerait sur la carapace du
Mot assumant iCI la torme d'une chryssal ide: "When that crust cracks my friend--you and
1, that is the moment we await. That is the moment of our rehabilitation. When the crust
cracks"139. La carapace qui ~clate et permet l'accès au contenu, à ia chaIr. au noyau
rappelle une image très fréquente chez Soyinka: la noix de palme. La quatrième stance
du poème 'Abiku' dit, "1 am the squirrel teeth, cracked / The riddle of the palm" 1-10. Tel
l'écureuil qui, brisant la noix, découvre l'amande, son essence, l'abiku retournant dans
l'Autre Monde pénètre l'essence de la vie ou de la mort. La noix de palme est une image
symbolique évocatrice du trajet ogunien et expressive de toute la quête de Professor : le
voyage vers l'essence de la dynamique de l'univers, des "secrets divins" 14 1. L'énigme du
Mot de la quête de Professor est celle de la noix de palme. Aussi,
pénétrer le gouffre
transitionnel est-il un défi que suggère la dureté de la coque de la noix; elle requiert la
violence ogunienne. Cela dit, c'est cette conscience que Professor a de Murano qui
justifie finalement toute l'attention qu'il lui porte. Et c'est cela qui justifie finalement sa
propre mort. Mais ainsi se définit la valorisation ultime de sa quête.
137 Ibid, p. 160
13X. Voir section sur la médiation : Murano en tant que médiateur.
13'1. Soyinka, Wole. Op. Cil., p. 187
1-111 Soyinka, Wole, Idunre und Other hJems, p. 21)
1·11
Coussy, Denise, in Ilji-,cun f)ramu, p. 33

1\\ l'instar de ivlurano ct Je l'Image Je la nOIx. un cerlalll nombre J';llllres 01l:Il1enlS
dom Prolessor IUI-lllème, suggèrent ù la [(lIS la notion Je: passage. les Jillïcullés Liu'li
comporte, d .uJenL à l'intelligence Ju voyage Je I)rokssor L.a route en tant Liu'espace Je
la quète. du moms Jans sa phase ultime acquiert ainsi une part de son importance. El Il:
est un symbole de voyage qui "implique dynamisme. mobilité, progrès mais aussI
possiblités d'égarcmenl. de passages Jangereux... de desrmction"lcl2. Elle est en plus ici
évocatrice, par son anonymité, de voyage vers l'inconnu. Elle èst particul ièremem
associée à la sib'l1ification du culte de l'agemo pour évoquer la notion de voyage de la
quète de Protessor :
What appears to constitute its [ïhe Roads] basic symbolic structure is the fusion of the image of
the road with the yoruba belief in a transitional stage between life and death expressed in the
Agemo cult 143.
La route évoque le chemin qui conduit à travers le goutTre transitionnel
c'est en
définitive la route ogunienne.
Le statut et la caractérisation des personnages de la pièce sont également
évocateurs de la notion de transition qui sous-tend tout le processus de la quête. Tous les
personnages--ou presque--sont dans leur phase agemo. Nous nous contenterons de
quelques ill ustrations.
.
.'
Kotonu le chauffeur auteur de l'accident contre Murano refuse de reprendre le
volant malgré ses liens génésiques avec la route. L'une des fonctions de Samson consiste
à le ramener à la "raison". Kotonu demeure impertubable mais cependant accepte de
devenir le successeur de Sergeant Sunna comme responsable de l'Aksident Store. Ce.
tàisant, loin de s'être éloigné de la route, il se voit au contraire davantage lié à elle à
J.\\2
Fioupou, Christiane, Op. (il., p. Il
1·1.1
Irele, Abiola, in ('rilica//Jerspecfive on Wole ,\\'oyinku. p. (')4
it.

70
travers ce qu'elle représentè Je plus mac:lhre . le ma::;aSII1 regorge Je pIèces Jélachces Je
voiLures pillées sur les lieux J'accidel1ts. Prokssor illusLre bien l'illUSion Je l(otOl1ll quand
il remarque:
It is a painrul lhing 10 ueserl one's calling--<1sk your Iriend over Ihere IKotonu 1 I\\Iho Slili cannut lear
llil11sel f olT the roau. following SergealH 13urma is no substitute. he will linu out 144
De par ses liens psychologiques et prolessionels avec I\\.otonu, Samsol1 ne saura jamais
non plus s'i 1 a abandonné la route ou nOI1. Salubi également conti l1uera Ù rèver de SOI1
permis de conduire, à croire qu'il est fait pour la route. Say Tokyo demeurera ce
personnage ambigü, tantôt "politicien", tantôt chauffeùr. Professor lui-même est en toute
logique en tant que responsable de la quète, dans sa phase agemo. MalS d'autres
paramètres en rendent également compte: il est un alagemo au sens de caméléon l-l5,
incapable d'adopter une forme, une couleur fixe.
Personne, à l'image de Samson, ne comprend vraiment Professor : "1 cannot
understand the man, going to sleep in the churchyard with ail that dead-body"146 Le
cimétière est, en tant que demeure des morts, du moins sous leur forme humaine,
symbolique de l'état de Professor. Les morts ne sont jamais mort, déclame le poête. Cette
présence/absence est celle de Protèssor. Samson définit son comportement ci-dessus
comme symptomatique de folie. Mais de quelle folie? Professor le lui demande: une
fois l47, mais le fait demeure que tout le monde passe son temps à se demander si
Protessor est fou ou s'il est sain d'esprit.
144 ï'l1e Rood, p. 227
1-15 Fioupou, Christiane, Op. Cil. p. 15
1-16 The J?ood, p. 154
1·17 Ihid, p. '88

71
Son langage. sa logique. etc.. conduisent (:galcment j cc (Vre de COI1IÜSlon. Pour
lui. le l1lot a toujours Lill second 11I\\'cau Sl:ll1alllH.llH:. Il est 1I11prcvisible dans ses réactions
verbales, dans ses intcrprdations des laits cOll1me k montre cel extrait:
"OlOIIU
It [lhe lurr" 1 was lull and il took :mme moments ovenaking us. heavv il \\Vas.
Prof.
[Writing luriouslyJ Il dragge:d alonrside and arter an ....lernilv il puiled [0 the: l'ront sv"aying
l'rom si de lo siae. pregnant \\Vith still-borns 48
La "déposition" de I(oronu est claire ct simple. et reflète la ré~ll ité de l'accident slIr le
pont. Professor la réinterprétation d'une telle taçon qu'il la projette dans un autre niveau
sémantique. Tout cela donne l'impression qu'il s'agit de deux réalités bien di tTérentes.
Simon Gikandi, commentant ce même exemple, attribue le comportement verbal de
Protessor à la "nature intéterminée de la vérité dans la philosophie yoruba" 14'J. Mais en
somme ceci semble bien être le retlet de son attitude par rapport au verbe dans sa quête;
ce verbe polysémique et fondamentalement lié à la notion binaire mort-vie qu'il incarne.
Avec Professor, rien n'est jamais définitif et tranché. Il quitte l'église sans en fait la
quitter; il aide Samson sans vraiment le faire; il possède le dieu résidant en Murano sans
en réalité le posséder.
On perçoit bien que tous ces éléments révèlent nettement l'esprit de la quête de
Professor et aident à sa compréhension. Ainsi à la fin de la quête, on se demandesi.à la
manière d'Ogun, Professor a pu briser la coque de la noix, s'il a mieux réussi que Kotonu
ou Samsaon ou s'il a pu saisir le sens ultime du Mot. La réponse à toutes ces
interrogations réside dans la signification ultime que revêt sa mort finale; ce sera l'un
des intérêts du chapitre sur la mort tragique.
1 IX. 1hiJ., p. 196
\\·1') Gikandi, Simon, Wole .\\'nyinku, p. 17
.J
~I'-_-""
- - _.............= ......-==========---
. .- ~
-
,_. _

Si les cxperlenccs cil: I)rokssor el J'Llesln onl lïnakmenl en cOlnmun il: caralèrc
ogunien Je leur voyage. elles Jilïl:rerll cepellJanl au Inoins Jalls leur nature. Uesill agit
dans le cadre J'une institution sociale bien précise. La quae de Proli:ssnr rel(;ve de
l'initiative personnelle d'un individu curieux de décoll\\Tir l'essence du myslère du
monde, d"'entrer dans le passage qui relie la mort ù la vie"!'l1. Cela dit, sa préoccupation
n'est pas moins rituelle: elle suggère par exemple à travers l'objet de sa quète la croyance
en une autre dimension de l'existentiel. et i travers sa signitication, en une dimension
sociale. Si le passage est une dynamique signiticative, il est également une notion propre
au rite d'initiation et qui rend compte de ses potentialités transformatrices, régénératrices.
Les deux chapitres suivants se situent dans cette perspective.
1. 1. 2. 2. De l'initiation et du schéma initiaque : la renaissance sociale de
l'être
Un des prrnclpes fondamentaux qui sous-tendent la notion de l'être dans
l'imaginaire yoruba affirme que l'être qui sort du sein maternel est incomplet, inachevé:
au cours de sa vie, il doit subir un certain nombre d'expériences rituelles pour réaliser le
changement nécessaire à son régime existentiel. L'initiation, pour dire son nom, se
présente comme un rite introduisant une mutation ontologique de l'être; ce qui du même
coup aboutit à une autre transformation, corollaire de la première, et qui est sociale:
l'être soyinkaïen est fondamentalement social.
Matériel ou mystique, individuel ou collectif, réel ou imitatif, le schéma
initiatique est conçu comme agissant sur le régime ontologique de l'être. fI incarne les
valorisations du trajet ogunien tant dans son processus que dans sa finalité.
1Sil Galle. Etienne, I.e monde uni/oire de Wole :"'J'uyioka. p. 259
---- .L-

,1 _'1
1. 1. 2. 2. l. ne l'initiation d'Eman
La clrconcisl<ln con~titue chez Ie~ ~oruba comme cha beaucoup d'autrc~ peuples.
un
rituel de
passage es~cntid à l'accomplissement d'un homme. L'excision. ~on
équivalent féminin, est chez les Dogons par exemple la répétition d'un acte vItal divin
depuis l'ongine des temps: la destruction de la termitière. clitons de la terre, qui permit
au Nommo de s'ullIr avec dlel)l. AinsI un objectif éVIdent Je la circoncIsion est la
transfom1ation de l'individu en un homme ou en une femme accomplie--par l'ablation du
principe du sexe opposé qu'il porte en lui--objectif que ['historien des religions énumère
comme l'une des multiples fonctions du rite de puberté l52 . La circoncision d'Eman
transcende également la fonction sexuelle; elle ouvre sur l'ensemble de sa vie. de son
destin.
La circoncision d'Eman est un rite de passage; c'est l'histoire de sa maturation en
tant qu'homme. Séparés de la société, Eman et ses camarades sont projetés dans un
isolement qui s'apparente à la mort mais qui "exprime plutôt que l'anéantissement total,
la regression à un état préformel, à une réalité latente"153. La situation d'Eman équivaut
ainsi à la plongée d'Ogun dans le gouffre transitionnel.
La mise en parallèle de l'expérience d'Eman avec celle d'Ogun trouve surtout son
sens dans l'importance accordée à l'individu et à la communauté. Tout comme Ogun isolé
dans le gouffre, Eman, laissé à lui-même, obligé de ne compter que sur lui-même pour
sortir de l'abîme, affirme la dimension individuelle de son rite: "This is an important
period ofmy life.... Don't you (Omae] come and sICal away any more ofit" 154 Ce propos
révèle, au-delà de la valeur personnelle de l'initiation, ses objectifs. C'est une situation
151. Griaule, Marcel, Dieu J'eau, p. 148
152. E\\iade. Mircea, Initiation, rites el sociétés secrètes, p. 27
151. Ihid., p. 18
15.1. l'he ,'-.,'Irong BrccL!, pp. 13R-139
_ _
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éu uc:lll vc OLJ Eman apprend a èl re un hom IllC. ~I penser. à COI1~t ru irc. l."e~t une étape
essentielle ue la vie d'un ilOmI1H':. moment cl parllr Juquel il cst consiJàé COllllrh': lIlûr.
accompli. Car avant l'cxpérience il est censé ne rien connaitn.': ni cOl1lprcl1urc aux
mystères de la vie. Omae lancc ironiquement ~l Eman
"Just think, ail lhis lime, you
haven't been cirClIl11cised. and you dared make eyes al us wOl11en"I)) Mème réduit ù
l'aspect sexuel, son expression première. la circoncision s'avère are un moment porteur
de siS'llification vitale: l'are découvre qu'il peut se reprodUIre par le sexe.
Mais on mesure davantage l'importance sociale d'Eman. lorsque surprenant Omae
dans l'espace rituel, le tuteur d'Eman protëre cyniquement et éhontement le chamage
suivant suite à son refus de se laisser abuser: "If you don't eome 1 shall disgrace the
whole family of Eman, and yours too"156 Le rite de circoncision implique ainsi non
simplement l'individu qui le subit mais également sa famille. Et c'est à la fois en tennes
de gain ou de perte par rapport à la notion de vie-mort que cette implication doit se
comprendre. La mutation ontologique que connaît l'individu au cours du rituel le
transforme réellement en un autre; un autre qui jouit alors du statut de membre à part
entière de la société. Il intègre la chaîne de vie qui régit d'une pan la société et d'autre
part les rapports avec la transcendance. Il devient capable de créer--matériellement ou
autrement--il consolide la vie dans son intégralité: Eman peut ainsi faire un enfant à
Omae, et succéder à son père!57, comme bouc émissaire--celui qui, en principe, accepte
de sacrifier sa vie au bénéfice de l'autre, de la communauté.
155 Ibid., p. 137.
156. Ibid., p. 140
157 Voir section sur le rite de puritication : la puritication rituelle du village de Sunma:
Eman succède d'une manière assez particulière à son père.
'-.----~--. --J-
Jè:i1.:4,'I''S@l!J!iii __ . ., SM,...••#4

75
Un sail que c'esl la venue J'( )mae Jans l'espace muel qUI l~lvOrise l'e;\\presslon Je
cdlè signllïcation vitale Je la elrconcislOll. l'vIais celte prè~encè même est une intrusion.
un acte antl-ritud qui donne unc certaine fin au rite Jc passage d'Eman. En elll:L le début
du llashback présentant la circoncision montre l'arrIvée d'Ol11at: dans l'espace rituel :
[sile looks carcfully lo s.:e lhal sile is Ilot observed. puls her IllOUlh 10 a liltlc hole in the '>'>alll
Omae
Il is me. Omae
Eman
How dare you come here l .... Go <lwaV:ll onœ. Are vou lr;.·ing lo get me into trouble! 158
L'expression "ennuis"--"trouble"--révèle deux faits essentiels. D'abord en tant que rituel
de passage, la circoncision d'Eman est une cérémonie fermée. Les précautions d'Omae et
la réaction d'Eman en l'apercevant en disent long à ce propos. Omae enfreint la règle par
sa présence dans l'espace rituel. Rejetant toute la responsabilité sur Eman, son tuteur
affirme tout simplement: "Eman has broken a strong taboo" 15'). Sur un plan purement
symbolique, l'intrusion d'Omae est d'autant plus grave que la réclusion dans laquelle se
trouve Eman procède d'une rupture, synonyme 'de mort, avec le reste de la communauté.
Quand Eman menace de s'en aller, son tuteur lui rappelle simplement: "you think you
can leave here any time you please 7" 160
La seconde signification des "ennuis" va également dans ce sens mais révèle en
plus, la valorisation de la femme. Omae est en effet ici l'expression de la matérialité,
cette couche de la réalité qui à cet instant de la vie d'Eman, devrait perdre toute
existence, toute valeur. Et, de surcroît, est une femme. Le fait t:st que dans la pensée
yoruba, la nature de la femme tàit souvent d'elle un ètre à parr en matière de sacré; ce
qu'Elesin a, semble-t-il; ignoré:
15~. Soyinka. Wole, Op. Cil., p. 136
15'} thid., p. 139
lm. thid, p. 140
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know anything aIJllli1 ail tllls ;ll all--wc arc 1101 IIlcanl ID see any \\vOlllan. Su ~() bdi)rc 11l<lre harll1
is Jone Il) 1
1\\ll1si. s'il est dangereux qu'Ul11ae touche \\lU vOlt LIl1~If1. c'est parce qu'elle est Ulle
femme ~ mais c'est surtout k contexte rituel qui dicte cette interprétation.
Finalement, "intrusion d'Omae abrège le rite--Ia fonnatlon--d'Eman qu, est
conduit à fuir le village. ~t à partir de ce moment sa vie va ù la tüis ètre une mise ~\\
épreuve de son séjour dans les cabannes rituelles et une répétition: nous en verrons la
substance dans l'analyse du rite de puri tïcation. Et en tant que rite Je passage. la
circoncision d'Eman est certes une période importante de sa vie. mais son déroulement et
son inachèvement sont également révélateurs. Tout cela rend compte de plusieurs aspects
du personnage lui-même.
I. 1. 2.2.2. Le passage d'Isola: de la rebellion à l'affirmation de l'être
Dans l'intitulé de l'édition de 1973, l'auteur annonce clairement le thème de
Camwood on the Leaves à travers le sous titre: "A Rite of Childhood Passage". Le héros
de la pièce, Isola, est un adolescent, et c'est de son rite de passage qu'il s'agit. Mais son
expérience ne se situe pas dans un cadre rituel traditionnel comme celle d'Eman. A la
manière du héros ogunien, le rite d'Isola commence par une rébellion ; une rébellion
contre l'autorité--sociale, religieuse, etc.--dont son père est le symbole. La cérémonie
rituelle est essentiellement centrée sur ce conflit père-tils : rébellion, rupture, lutte, tels
sont les moments forts du schéma initiatique d'Isola.
r. 1. 2. 2. 2. 1. De la rébellion à la rupture
La rébellion d'Isola se réalise selon deux modes principaux dans la pièce: d'une
part les rêves et cauchemars, et d'autre part la réalité présente de l'action. Cette
Iiil. Ihid, p. 137
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dl~tlncllon s'avère Importante car clic permet ue comprenure k:s orJglrle~ prol(Hldc~ Cl
ioilllaines de la rébeilioll.
Dans ses cauclJemars. Isola revoit ks moments Jirticiks d cOllllictue!s qu'il a
vécus avec son père, en fait. toute l'attitude de son père visant ;l le mettre sur le "droIt
chemin" Cela dit les cauchemars renseignent aussi sur le comment de la rébellion dans
sa tendre enfance. Ainsi. le premier rève. qui se divise en deux parties. montre par
exemple Isola tout jeune avec sa mère: et là. il refuse d'appeler son père par le terme
affectif que tous les enfants de son âge utilisent. Au contraire, les termes "monsieur.
pasteur, etc." qu'ii empioie traduisent i'doignement. La réaction de sa mère est d'intérèr:
Why do you refuse to cail him tàther? Isola when did you begin this new habit? A child like you.
and you nurse a grudge inside you Iike an old man. Whar wiil you do when you become a man'! 162
La réponse à cette question semble se trouver dans la pièce car dans sa vie présente, Isola
continue à nier son père à travers l'usage des termes non-affectifs. Ainsi, son
comportement avec Mourounke au milieu de la forêt:
Mourounke : Your father, Isola, your farher
Isola: The minister'
Mourounke: CaU him you fàther, Isola... 163
Aussi, à l'approche de sa sortie du "gouffre", Isola s'entête à appeler son père. cette fois.
par son nom de baptême, en sa présence et malgré 'ses avertissements:
Isola: Erinjoba, leave me in peace.
Erinjobi : Erinjobi? Son. Thar is your tàther's name...
Isola: Erinjobi ...
Erinjobi : Again? My son, our people say ir is an il! momem when a son cails his living tàrher by
name l64 .
1(,2 Cllmw()()d on the Lellves, p. 16
1(,3 Ihid.., p. \\ 06
I(d.lhid., p. 137

7X
IJar r:lppnft :IUX termes non-affi.:cll h de ~nn enl~lr1ce, Isola I"rancllll un pas considérahle
avec 1\\::lllploi Ju nom réel Je son père, c'esl Ull l~lit signilïcatil' qu'inJiquè la reactlon Jc
son pere. Chez les yoruba. le nom Je baplèllle du père ne peul utilise Je son vivant.
L'attitude d'Isola
relève de
fait
d'un
mcurtre symboliquc.
phénomène egalement
perceptible lorsqu'il débaptise son père en attribuant son nom au méchant serpent.
Une autre révélation du rève est le refus par Isola de l'éducation puritaine du père.
Ce rejet. il l'exprime en se comportant en egungun : ce que son pere
qualitie de
"paganisme", l'anti-thèse de sa religion à lui:
Moji : Vou were singin that song again?
Isola: What song?
Moji : What song! You know very weil what song.... The one your tather told you never to sing
again. How often has he punished you for singing sangs like thar)
Isola explique de tàçon pas convaincante qu'il ne chante qu'en l'absence du père. Si cela
est vrai, alors son comportement s'apparente plutôt à la peur qu'à 1'0béïssance du père.
Aux yeux de la mère, cela est dans tous les cas anonnal, grave même l65 : il n'obéït à son
père que lorsqu'il est présent. Mais Isola ne se contente pas de chanter des chansons
egunguns ou de fréquenter ceux-ci. La dénomination "chorale" qu'il leur prête est une
allusion ironique à l'église de son père; c'est même un acte similaire au fait qu'il attribue
le nom du père au serpent. Lorsque le père apprend tout cela, sa réaction traduit l'ampleur
de la rébellion:
Yours is cJearly the progress of the lost child.... It has been the true pattern since you were barn,
and you have followed it without deviation. l knew you were damned the moment you began ta
fûllow the masquerades. My own son... an egungun! Vou made me the laughing stock of my
parish 166
Iii) IhùJ.., p. 114
I(l/l. Ihid., p. 115
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _iiiiiii·. .
·
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...""....;,;;;...,;:...""..;:;.===-===-..:.:..:'" - --_.. ---. -

Le refus Je la JlmenSlOn spirituel le Ju pere est rnanllcste el lourd Je :-:ense. Isola
ne trouve auncune significatlol\\ aux pn:scripti'Hls Je la rellglOl\\ Ju pere qui est aussI celk
de Mourounke, sa compagne. I\\U milieu de la fùrèt, elle lUi demande de prier avec elle. el
sa réponse est toute significative' "LI tè is ,me long prayer. but to whom 1 don't know
exactly''i(,7 Ainsi, Isola chercherait ù trouver un sens spirituel autre ct propre à lui-mème.
i sa VIC. Mais ce n'est qu'un aspect de la signitïcation de son rite de passage.
Le deuxième cauchemar concerne l'attitude du père face aux rapports entre Isola
et Mourounke depuis leur tendre ent~lIlce. 1\\ exprime également l'importance des rapports
du--si l'on peut dire--couple :
Isola: (Sleepy] What is it, Mourounkei
Erinjobi : Mourounke? Are you mad? [ cali you and you answer me Mourounke. What kind of
madness is that? Have you got that girl on your brain? ... Haven't l warned you about Olumorin's
daughter? Haven't l warned you that l must never see you with her again? 168
Mourounke occcupe l'esprit d'Isola jusque dans son som.meil, dans son inconscient; ce
qui rend pratiquement vaines les interdictions du père dont, de toutes les façons, Isola n'a
cure.
La grossesse de Mourounke apparait alors comme l'expression suprême du mépris
d'Isola pour ces mises en gardes. Par ailleurs, on y perçoit bien le germe de son
affirmation de son être, car alors qu'elle signifie péché pour le père, la grossesse
représente pour [sola l'accomplissement d'un acte viril et vital. La découverte des
mystères du sexe constitue bien un des objectifs du rite de puberté. Et Isola j'assume
publiquement et bravement au risque de se faire traiter de fou par tous. Emmené de force
chez la famille de Mourounke pour--dans l'esprit du père--renier la grossesse, [sola, qui
en fait ignorait la vérité, saute de joie et va saisir la main de la fille comme pour l'en
1(,7
Ihid., p. 122
II>X
Ihid., pp. 119-120
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sn
lëllcilCr. Mais ce l~lISanl, li uonne la prcuvc uc sa Îolic. du mOins UU pOint ue vue dcs
vi Ilageois .
Isola
1 merdy ... couklIlalk LO Muurounke it'r some IllOlllCIlIS" IGeneral pandemoniuml
Erinjobi . Is the boy mad"
ivlrs. Olumorin
Did 1 hear righl') God help 111<:... He wanls lo speak la hd.' ... Good God. he has
taken hold of her hand. Do YOLI scc .... 1 am sur.:!y going mad! 1()l)
Ce comportement d'Isola est hien ami-social, et il en fait encore preuve d de
tàçon consciente lorsque suite à cet évènement. il rduse d"~tre bastonné par son père:
Erinjobi' Don't cali me tilther .. [he brings do\\vn [he stickl
Isola. No
Erinjobi • [SternlyJ Isola
Isola. No! No' 170
C'est une attitude qui rappelle à plus d'un titre. celle d'Eman tàce à son tuteur et dans une
certaine mesure, celle de Sunma avec son père dans The Sirang Breed. Avec Eman
comme avec Isola, la réaction que produit le refus est un appel à témoins. L'individu est
un être social et cela n'est pas un vain mot: "Help' Help' He is going to beat his father.
Help! Neighbours, help!"171. Prise au pied de la lettre, cette réaction ne peut être
assimilée qu'à une calomnie; Isola n'ayant pas, en effet, voulu battre son père. Mais vue
dans le contexte de la culture yoruba, l'attitude d'Isola est grave, même si le père essaie
d'en tempérer la teneur en rejetant la rumeur. Elle traduit le choix délibéré de nier au père
ses droits paternels. Chez certains peuples africains, l'âge du fils importe peu, il doit
toujours éviter toute confrontation
physique--et même souvent verbale--avec son
géniteur. Lorsqu'il fenne la porte de sa chambre, [sola fait preuve du même esprit.
Tout cela est la marque de la rébellion d'Tsola. Mais ii est clair que le père en
porte, à travers son comportement une grande responsabilité. A vouloir à tout prix
l<i'i. Ihid, p. 125
170 Ihid., p. 139
171. Ihid, p. 139
3,"'",,""'_'.="'.
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XI
"corriger" la vic d'Isola. " n'a pas pu ou su se donner des limites. Ce 1~lisanL " csl cllndull
li Ull "jeu üLlal" COI11I1lL: l'cxprllllé le cl1~1111172
il rcste dcvant la pune J'Isola .Il1squ'ù
s'endomur. Pire encore" le banit Je sa l:lInilIc17~. Le résultat est qu'Isola CS! aussi
conduit ~l adopter un comportement extrcn1lSte. Lorsqu'il se réfugie dans la forèL la
rupture est consommée. et c'est un pas en avant dans la progression du rite.
l. 1. 2. 2. 2. 2. De la rupture à l'affirmation de soi
Si la désertion d'Isola est une marque de rupture, celle-ci trouve une expression
originale dans la réalité du refuge. Soit dit en passant. la fuite d'Isola n'est pas
consécutive au fait que son père l'a renié. comme l'afrime Gerald Moorel/.+. Au moment
de l'évènement, Isola est déjà parti dans sa torèt.
Par les noms qu'il attribue aux composantes de son refuge--des transferts--par son
comportement à l'intérieur de celui-ci, Isola finit par recréer un monde, miroir de celui de
son père. Le conflit avec celui-ci s'y sublime en une confrontation avec le serpent. Sa
volonté d'y faire règner son ordre à lui est à la mesure de sa frustration par rapport au
père réel. La mort du serpent devient une obsession, une nécessité. Ainsi, lorsque par
mégarde, Mourounke fait déclencher le fusil, son arme, Isola décide, malgré la rupture,
de retourner au village chercher de la poudre afin de poursuivre le combat: "1 am not
staying here tonight--not without a loaded gun"175. Isola va ainsi au village mais il n'est
pas question pour lui d'y passer la nuit. n n'en demeure pas moins que ce tàisant, il fait
une intrusion dans le monde de son père. Et cela déclenche la ruée des "chiens"
172 Loc. Cil.
173. Ibid., p. 109
m. Moore. Gerald. Or. Cil., p. 43
175. Soyinka. Wole. Or. (./1., p. lOS
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J'OiulllorIn il sa !J0ursulle. La rl:gie sL:mbie être lllalnlCnalll "ù chacun son Illl1l1Je"
i~lll;er(k par les "hol1l1l1es" d'Olumofln Jans la i"ùrèL li lance il son père LjUI \\ eu[ li
pénetTer, "Don'[' .... t:::rinjobi, don'[ corn III hcre! Go back [0 your ehurch!"17(, l~rin.lobl qui
semble n':.lvoir compris ni la règle de jeu ni la détenllination et le déchirement
psychologique d'Iso/a, s'approche et Isola le tue: c'est la fin de la lutte.
La forêt d'Isola constitue un dément symbolique en soi qui rappelle le camp
d'Eman ou la forêt de Demoke. Dans l'esprit de la structure du htuel d'ogun. elle
correspond au gouffre transitionnel, creuset des essences du devenir. Là, le protagoniste
doit mener la lmte qui conduit à sa sortie du gouffre. Quant à la nature des tarces
abyssales auxquelles il est confronté, chaque protagoniste l'apprend pour lui-même. Dans
un esprit psychologisant, l'aventure dans la forêt est, pour citer Etienne Galle, "une
exploration de la psyche"l77. Dans ce sens, les forces qui s'opposent à Isola sont
assimilables aux tendences de la psyche. Mais ces deux directions d'analyses ne sont
aucunement exclusives car la psyche individuelle représente la projection de la psyche
cosmique, c'est-à-dire, le gouffre transitionnel. Il s'agit d'une différence de terminologie.
Ainsi, pour Isola, les forces conflictuelles sont représentées par le serpent, les
cauchemars et les forces du village. Les cauchemars sont la manifestation de l'intrusion
du père dans la psyche d'Isola, plus d'une fois il s'est éveillé en pleine nuit tout en sueur:
"[groaning uneasily. A sudden stifled cry and he wakes]. Mourounke.... Good, didn't
wake her"178. C'est cette figure du père qu'Isola est déterminé à éliminer. fi vise la "tète"
du serpent, du père, lieu des phantasmes. La mort du père, laquelle est le symbole des
176. Ibid., pp. 137-138
177 Galle, Etienne, Le monJe unilaire Je WIJ/e ,')'oyinka, p. 226
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lùrces psychitjues ou cillonlennes négalln.:s. symhollse UIl"': vicloirc contre les l"orees ue
deslructions Ju gourrre. Isola peUL all1SI sonlr Je sa regresslol1 roelak. renallrc.
l\\:tk iJée Je rCI1;USsance appartlelll à la l1otlon de cycle qui est aussI ulle réalit0
dans la pIèce. La scène Je Jébut montre le pere. tel un chasseur de rats dans les I(m~ts
tropicales attendant la bète ù la sortie du trou. C'est exactement cela qu'évoque
l'encerclement du buisson dans lequel se cache Isola.
L'apparition du mème chant au d~but et ù la tin de la pi~ce illustre également la
notion de circularité. Dans le contexte du d~but. il est un conseil à Ennjobi comme nous
l'avons suggéré. Mais pris dans les conditions de la scène finale. il s'agirait plutôt d'une
justification de sa mort. Et tout cela concourt li donner sa valeur, sa positivité à la
renaissance d'Isola qui assume là pleinement son nom; "Isola" est en effet un oriki et
signifie richesse, fortune. La renaissance, c'est également la réalité ultime qui sous-tend
les pérégrinations de Demoke dans A Dance (~l the Forest.'", mais dans une perspective
plus large et peut-être plus essentielle. Cela dit, la renaissance d'Isola n'est pas sans
signification profonde 179
I. L. 2. 2. 3. Les pérégrinations de Demoke : de la découverte de l'essence de
l'être
C'est la même imagination qui a présidé à la création de CamwooJ on the Leaves
et A Dance olthe Forests, du moins dans le sens de la structure et de la localisation de
l'aventure initiatique des deux pr~tagonistes que sont Isola et Dellloke. Des différences
essentielles existent bien entendu.
L'aventure de Demoke se situe dans une perspective
17') Voir section sur le rite de passage: la signification socio-politique de la renaissance
d'Isola.
------.-~--l

qUI J0passc l'inJivluu [Jour cmhrasscr non seulemcnt un pClJpiL' mais lOUle l'ilumanllé li'''
l\\)IIlIlH:.:
avec
l'aventure J'Isola,
le schéma ogunien \\.'llnstitue
Uil
angle
pcrllllèllt
d'approche du rituel et des deux autres que sont Rola et AJenebi.
On peut en discerner alors trois étlpes. Autant pour son
:.rrchétype que pour le
rituel de Demoke, il existe toujours un double contexte socio-[Jsycholl)glque où Sl)nt
01ucidables les conditions initiales du protagoniste. Ensuite. tel le gouffre d'Ogun. la ford
constitue pour Demoke le lieu des enjeux qui détermment la valeur de sa renaissance.
Enfin, l'initié qui revient au village, Ogun qui émerge du gouffre ou Demoke" qui sort de
la torèt sont en principe chargé d'une nouvelle conscience qui est assImilable au résultat
d'une renaissance.
Rola, la prostituée, confie à ses compagnons ce qu'elle pense être la raison de sa
non-participation à la fête du village; et cela en des termes et dans un esprit qui en fin de
compte traduisent ce qu'il convient d'appeler une mort spirituelle, incapable qu'elle est
d'assumer la valeur communautaire de sa culture en ce moment rituel :
The whole family business sickens me. Let everybody lead their own lives. [Throws away her
cigarette and takes another]. The whole sentimentality doys in my face. That is why 1 tled. The
whole town reeks of it.... The gathering of the tribe! Do you know how many oJd and forgotten
relations came to celebrate? 181
Dénuée de toute préoccupation spirituelle, Rola s'avère être aussi d'une sécheresse de
coeur à la mesure de sa renommée. Elle conçoit par exemple l'horrible idée d'aller meure
le teu à sa maison maintenant occupée par des parentsl~2
Adenebi, l'historien se situe dans le même paradigme 9ue Rola. Il ne participe pas
à la tète parce, explique-t-il, "1 have a weak heart. Too much emotion upsets me.... 1
IXO
Voir aussi Etienne Galle, Op. Cil., pp. 225-226.
IXI
Il J)llnce orlhe rorests, p. 9
IX2
f.lIL". (.'il.
-
--~-
_._--- ..- ._-'--.- -" --_.-._-~-_.,--_._--
- ~ - -
- - - -;\\ ~----

cam~ here to ~ct awav IÙHll th~ ~:--:cllem~nt"ls;. Votiù un comportement hlcn cuncu:--: Je
la parl J'un hislorlen. Rola lUI dei Il <.lll Je .lusiement le genre J'hisiol/\\; aUljuel il s'illicrcssc.
d :~a ïéponsc est révélalrice
"This is an cra of grealness. Unfortunalcly. it is glvcn lo
thosc who cannot bC:lr too much of it to \\Vhom the umlcrstanding is givcn"'S-l. Le t':.lit est
qu'il privilégie l'aspect glorieux :lUX dépens de la réalité. mème si cela dOIt ahoutlr ü un
camoutlage de la vérité: il prétëre ne pas voir :ltin de mlèUX arriver à ses tins.
Demoke est cetainement le personnage le plus important du !:,'Toupe. Il se
détennine également de tàçon plus tondamentale par rapport à la tète du village.
Sculpteur de l'arbre symbolique, composante centrai du rituel, ii décide, cependant au
dernier moment, de ne pas participer à la tèle. Son argument est qu'en coniruisani ia
route qui mène au "Totem", les villageois ûnt défiguré son oeU\\iTe. C'est là une situation
paradoxale qui justifiera plus tard la rage d'Eshuoro dont it a tronqué l'arbre.
Du point de vue de la structure rituelle, la présence de ces trois protagonistes dans
la forêt représente une rupture analogue à celle que subit le novice quand il quitte le
village pour se refugier dans la forêt. La particularité commune de ces trois compères
réside en ce qu'ils pénètrent la forêt avec chacun une tare. Les péripéties de leurs
aventures dans la forêt constituent une chaine d'épreuve qui culmunent dans la réception
des morts.
Dans ce sens, la forêt symbolise la ré6Tfession au réf,rime embryonnaire, le chaos
originel porteur d'espoir, le gouffre transitionnel, pour parler en termes oguniens. Dans
Llne perspective psychanalytique, elle serait le symbole de l'âme humaine, lieu des
conflits tendanciels entre les instincts de vie et de mort. La pénétration dans la forèt
IX]
Ihid., p. Il
1:'<.1, Loc. Cil.
,
!iiPJk':2,.,_.
~to<Z::;.iIG!lW.i

symboiiscrail ~dors une descente Jans k tre!ùnJ Je i'àme. un voyage interieur vers ks
léaiiie~ cssellilciies qUI gouverlleni ks acies de i'011e ei ell décidellt.
d'un Dieu suprême, aukur de l'univers, des humains mais aussi des dieux sec()ndaires.
Exaspere par l'attitude d'Ogun et d'Eshuoro. il affirme par exemple: "Trouhle me no
further. The tooleries ofbeings whom 1 fashioned c10ser to me weary and disrress me"lli5
Après le refus des humains de danser pour les ancêtres. la Forèt--Forest father '!--déclde
de remédier à ce manquement; et c'est Forest Father lui-même qui en toute autorité
conduit résolument les trois humains à la danse pour les obliger à y participer en tani que
protagonistes rituels, en tant que symboles de la communauté, et finalement de
l'humanité: "Forest Father, the one whom we call Obaneji invited Demoke, Adenebi and
Rola to be present at the dance. They followed him, unwiIl ingly, but they had no
choice" I86. C'est en effet avec l'entrée d'Obaneji sur scène que les pérégrinations de
Demoke commencent réellement.
Déguisé en humain, Forest Father les conduit
doucement au coeur de la Forêt là où Ogun et Eshuoro n'ont pas accès. Et sur sa route,
par une méthode proche de la maïeutique socratique, il amène chacun des trois à avouer
ses forfaits. En réalité, il s'agit d'une révélation de l'être de chacun d'eux. La sagesse
rituelle commande sans doute que chacun d'eux ait conscience de ce qu'il est dans sa
personalité avant d'ailler plus loin dans la découverte de son essence, afin d'espérer sortir
grandi du processus.
L'entreprise d'Obaneji constitue ce que l'on peut appeler à juste titre, la marche. Et
celle-ci n'est pas une simple promenade. Elle s'inscrit dans le cadre rituel de la danse
185 ()
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71
.. [J..ll., p.
IX,,- O[J. (il., p. 5
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dai!iZœJ!l!iIiiDK'c. LZ2i'JU.J&24!LMLd.@4,"
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religiOns,
C:Sl unt: routt: dii1i<.:iit:, d cda se verdit: ù LOLIS les niveaux du r\\:t:i
. ~'garell1t:lll dans ie iilbyrillli1t: .
Jjl1icult':: Je;; celui qui cilérclie lé cilémin \\érS lé ~ui, vérs lé 'Cénlïé' Jé .~\\}n ,"Ué. de. Lè chelllin est
~irJü. scrnc de pcril~. par\\;c qu'il est en rait ~in rite de pa~s«gc Ju prUniilC GU :ia\\;r~...J\\,; rnort à !l.L
\\'ic~ de t'homme 3 !J divinilê 1X7
Le caractère sacré de la marche et les difficultés rencontrees sur la route par Demoke d
ses compagnons som assez mani testes.
Le couple Ogun-Eshuoro illustre de tàçon condensée les promesses et ks
ditticultés de la marche. La première composante, ügun, clame sa sympathie pour
Demoke en qui ii se reconnait en tant que divinité aniste . "Demoke is no empty nut that
tèll, tnotherless fwm the sky, In ail that he did he foUowed my bidding. l will speak tor
him" 188. De tàit, Oglliï. s'illustre comme le symbole des forces de vie, de création qui
reconnai! et assume le lien indéniable et nécessaire que son essence entretient avec le
phénomène de mort, de destruction. fi se manifestera plus d'une fois au cours de la
marche pour essayer de sauver Demoke des forces de destructions symbolisées par
Eshuoro, Au cours de la scène finale, il reviendra une première fois pour l'aider à prendre
possession du Half:'Child et une deuxième tois pour le saisir alors qu'il tombait de l'arbre
incendié par Eshuoro : "Emer ûgun, cacthes Demoke as he faiis"lB9.
Le tèu d'Eshuow ïappelle ici le; feu du purgatoire, c'est le tèu de son are intime,
de sa force destructrice. De toute évide.J1ce, Eshuoro se situe il. l'opposé d'OguIl. Son feu et
toutes ses autres actions sont une expression de la rituaJité de la marche et représentent
IK? Eliade, Mircea, /,e mythe de l'éternel retour, p. .JO
IXX Soyinka, Wole, Op. ('it., p. 58
IK') /hid.. p. 71 ~ voir section sur l'individu et le devenir sOCial: le symholisme de ['entànt
entre les mains de Demoke.
----- -------------- -------J

ic~j vralcs èprcuvès Dour DCl11oÎ\\c. i~:un lies mOl11cnls ICS pius slgnl iïcaliis a CCl egard sc
Eshlloro;s kster icaps on stage, bearing IIIC sacriiiciai basKet wllicll he cialllps on [0 UcmoKc's
ilead: pertorming a wiid dance in [rOm or' ililll. Eshlloro eTHers bearing a ileavv ciuo Dance nf [he
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Tùtt3iii .... :~ü:â ~i.i-IJ AJëiïêbi aïè iiiaJè l'-" ,jj.iïiii~~Ç: :ibiitiÙiî l',ii
îhc ."~c·ilC:.:' ~\\.Îiiliïi\\_hj.':·Y à:i jij ~i
t~~,,~c-.; 190
négativ~ que lui insuftle Eshuoro. apparamment le maltr~ de cérémonie. Mieux llue la
"danse sauvage" et le "lourd gourdin", la notion de "Sacrifice Involontaire" révèle la
signification de l'expérience de Demoke et ses compagnons à ce moment précis.
Génemteur de cette si!:,'TIification, Eshuoro non seuiement ciame sa voionté de se venger,
fIlais suriuut il agiL Ainsi, t:ssayt:ra-t-il J'arracnt:r Dl;;lTIUK.1;; aux mains J'Obant:ji t:i Jt:
Il cherchera également à tromper Forest Father et LttotIoni dans la scene de
jugement, en jouant il l'imposteur; tenant coüte que coùte il condamner sévèrement les
humains, ces "mouches" comme il les appelle:
Questioner . Let him wander a hundred further [Enter Aroni. lookinl! nuzzled Reader suddenly
and rips off the Questioner's mask. [t is Eshuoro. .. ]
Aroni : 1 was sure 1 recognized a similaritv in venom : but 1 did not think even Eshuoro would
dMel~.
-
.
En em~t, Eshuoro ira même plus loin dans son "audace". Il dissuade les Esprits de la
Forêt qui refusent de prendre son pani de paniciper à ia danse des morts, et convainc ies
aUlit:s 1;;11 l'UCI,;WI;;IlCI;; il;;s luwmls, ut: I,;UIlUaHIfll;;1 iUIJJiluyaull;;llll;;f1l il;;s hUUlai/ls .
'If ... _ r"'\\L
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IVIUI CIC . VII, VII...YVU IIi:lVC U = " IJVI:>VIIIII!5 LlIC III1I1U VI LIIC i:l11l:>.
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IhiJ., p. 72
l'JI. IhiJ., p. 41
1,.2 Ih/J.: r. 6]
---.._~--....--.---~-------.l----
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I~shlloro
Tllev \\Verc IlO! dillicllll 10 win (wcr I\\nd thev "i11 h~~ present al Ille wdcoll1ing FolII
.
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hUlloreu Ill/Ilion olthetr dcau will crush IIIL' Iluillans ln a loal! \\'1 ~1II11.
I . J
Le léllllllgnage des I<JllrnHS el auln.:s csplîls evoquc les geill/cides d
les alrocIlés
humaines. d
constitue un vrai réquisitoire. Ainsi, par ~ks ink:rmédiaires ou Je ses
propres mains,
Eshuoro parvient i
semer autant que possible
le grand nombre
d'embùches sur la route de Demoke.
Parce que chacune des I<xces ab:V'ssales rerrésenT~es par Ogun ct Eshuoro tient à
s'aftilmer, il se produit ce qu'on pourrait appeler le choc des titans. le combat entre Ogun
et Eshuoro l 'J4
Hautement symbolique, leur corps à corps illustre plUSIeurs thèmes il la
fois. Ici, ii marque ia détemination des tendances abyssaies à s'attïrmer dans ie gouffre
transitionnel, dans la forèt.
En dépit de la détermination d'Ogun et d'Eshuoro, le rite des morts--le moment de
la révélation--sera, lui, plus ou moins la réalisation de la volonté de Forest Father :
Forest Father : Take care how you tempt my vanity Eshuoro, you came here to bathe in blood,
Ogun you to defend the foibles of your ward. Let this night alone, when l lay the rites of the dead
or my anger will surpass your spleen. Amni you know my will. Proceed 195.
Moment sacré par excellence, le rite des morts l'est encore davantage en ce qu'il est
présidé par le Père de la Forêt, et qu'il n'admet que des "participants", pour parler comme
Soyinka. Toutes les forces de la forèt y participent. Et, parce que toutes les barrières
existentielles sont abolies, les participants humains sont projetés dans la même
dimension cosmique que les forces de la forêts. Aroni explique: "For the event, they
[humans] will be, Iike you, of the forest"!'J6. Projetés dans cette dimension transhumaine,
Demoke et ses compagnons ont le privilège et la lourde responsabilité de voir de leurs
1'13. Ibid., p. 42
l'l.!. [oc. Cil.
l'i5 Ihid., p. 59
1<1<>' !.oc. Cil.

rropres yeux
j'essence ue
j'etre. du
(()(ldclncnl cssenuci
qUI
sous-tend
tout son
e.\\lskIlCC;!'.'7
C'e~l \\\\JIIe des levdaliulls du lite.
Au bout du chemin qui le:> a conJult au milieu Jc la f<>rd, Demokc ct sc:;
compagnons se retrouvent
i l:.l sortie du gouffre, :.lU milieu des parents (Old Man ct
Aglwreko) el linalement dans le village
c'est la re-llninn, la renaissance que saille le
kver du soleil. Tel Ogun à la sortie de la t()rèt prima/e. DemoKe et ses compagnons sont
comme nantIs d'une "nouvelle sagesse"l'JX. d'une lumière nouvelle sur l'essence de
l'homme, comme Demoke le révèle :
Old Man' Demoke, we made sacritice and demanded the path of expiation.
Demoke : Expiation') We three lived many lives in this one night. have we not àone enough" Have
we not tèje enough ror the memory of our remaining iives?
Old Man . Whae manner of a night was it? Can you teH us thal" ln lhis wilJerness was there a
kemel of light? 199
Le caractère positif de j'expérience de Demoke paraît indéniable ; la communauté
demande à en bénéfiCier. Mais cela suffit-il à prêcher l'optimisme total quant au devenir
de j'être? Nous verrons cela plus loin. Ce qu'il convient de remarquer ici, c'est qu'à la fin
du rite, Demoke se retrouve avec un fusil et une machette reçus d'Ogun. Ces armes
oguniennes sont ambivalentes, c'est-à-dire, recèlent des potentialités créatrices et
destructrices. Cela dit, on peut noter que le concept de la renaissance demeure
prépondérante, et elle est également propre à cet autre rite de passage qu'est le mariage.
r. 1. 2. 2.3. Le mariage: de quelques aspects symboliques
En tant qu'institution sociale, le mariage relève du rite de passage pour plusieurs
raisons. Le moi africain est plus social qu'individuel. Dans la logique de cette vérité, le
1')7 Voir section sur la nature de l'homme.
l'IX. Op. Cil., p7J
I,)q /J il.:. ( 'il.

- - - - - - , , - - - - - - - - - - - - - -
<lI
célibat--Ia pérJ()(.Îl: pre-mariagi,;--sc presel1lc (ommc un'dcrègicmcnL" ;llJquel il: manage
vient indllè Iii\\. Cela ~ignilïc pOLlI l'tnJi\\ldu, la pt:ndl;1l1U11 dans le pllllllllll de la vic.
dans un autre univers dc valèurs ct dc réalitéS ;lUtant :,o(:aks qu;;; spiritw.::!k:,21i11.
Abordant le mariaœ sous un autr~ :mgle, Louis-Vincent Thomas écrit
"Le
~
~
manage, circulation de lemmes .. répond ~g:llement au ~ch~ma séparation/intégration qui
caractérise la mort"201 En somme, tout revient à comprendre que le mariage produit ce
que Dominique Zahan résume très bien comme la restructuratIOn des principes sous un
nouvel homme et sous une nouvelle temme"~lI2
Dans son concept comme dans son tonctionnement, je mariage correspond bien à
la définition rituelle de Soyinka. Mais si k mariage est Wl thème récurrent dans son
oeuvre dramatique, il y apparaît seulement soit sous ses aspects séquenriels--la séquence
sexuelle notamment--soit selon les concepts d'union, d'harmonie. Et ceux-ci sont en
général utilisés comme symboles illustratifs du thème ou du. contexte dans lequel ils
s'inscrivent; en général des thèmes en relation avec les notions de vie ou de mort.
Phénomène de création, le mariage peut aussi dialectiquement exprimer le principe de la
destruction.
i. 1. 2.3. 1. Le mariage et l'expression de l'harmonie socio-cosmique
The Swamp Dweiiers présente un double aspect du mariage. Dans chacun des
cas, le mariage s'inscrit dans le symbolisme du contexte d'occurrence. La première
représentation,
le mariage entre Alu ~t Makuri, nous concernera ici.
Consacrées au
vieux couple, Makuri-Alu, les premières pages de la pièce dramatisent toute la valeur
'00
- . Zahan, D
"
omlntque, )
(p. '
Clf., p. ')')
__
~(H Thomas, Louis- Vincent I~a mort ûtrlcalne, p. 77
2U.'.. Zahan, Dominique, ()p. ('II .. p. ~o
i
~----

negallve sinon destruClive des marais. I)cs marais dèsort11alS morbides lllillS qlll IUrenl
jUSljlÙIUX fJll.::II11CrS mUlllcllls Je leur IIlLlIILlgC. J'UIIC fJuSillvill: lL;11e que k:ur l:Vm:allllll
aujourd'hui f~lll couler dcs lannc~i ~l la \\ieilk Alu ~ la situalion présente clanl pour clie
une sorte de chutte aux enfers. L'auteur introduit ce que Eldred D. Jones :lppe!k "création
d'un tlashbad: ù travers le dialoglle"2(J} pour illusln;r le temps raradislaqlle.
Le llashback concerne particulièrement la nuit des noces de J'vlakun ct d'Alli
Logiquement, le bond dans le passé opère une rupture [0 ta le : à la place des injures. de
l'humour noir sinon macabre, s'installent les rires et l'excitation. C'est que le temps de
leurs noces fut celui de la découverte de la joie et de j'harmonie, réeite non simplement
dans je couple mais aussi et surtout avec l'environnement:
Makuri : Alu do you remember our wedding night? You dragged me tram the house and we went
across the swamps, though ir \\Vas so dark l could not see the whites ofyour eyes204
Alu hésite à parler du "bon vieux temps" mais finit par succomber et par r~véler ce que
fut le lit de la rivière qui traverse les marais, la nuit de leur noces : "Where the rivers
meet, there the marnage must begin. And the river bed itself is the perfect bridaI bed"2ü5 .
Le lit de la rivière peut servir de lit nuptial parce que symboliquement elle est valorisée
positivement. L'évocation ici de la jonction des rivières introduit la notion du double et
peut symboliser l'union. Le mariage de Makuri et d'Alu y puise sa positivité: un fait que
traduit la naissance des jumeaux Igwezu/Awutchike comme le fruit de la nuit des noces
dans les marais.
Mais au bout du compte, si l'union maritale du vieux couple fut un
succès dans tous les sens du terme, elle est l'expression d'une harmonie profonde et
20]. Jones, Eldred, in Edgar Wright, ed., ('riLicull:'l'ulwlUOn o!A/rh.:an UleruLure, p. 52
2LJ4
l'he SWllmp Owdlers, p. 85
l05 '-(JC. ('il.
-,- -..,-.-----
---.-.--..-,.--.---..
~"'''!l!!I'!_*s~."",.c.""~
. .
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=====~==----:...-:.::::..:...
-.--~-----

r0clJ)roquc cntre j'hOI1lIllC cl la naturc. l'homme ct les encrgles COSllllqUCS. C'cst une
L l. 2. 3. 2. L~ di~licctique du mariage et l'expressioJl de l'ambiv~lencc
dionysi<Ht llC
Dans J'he !1UL'C!WC ni bl1ïnides. J'élément mariage s'inscnt dans le prolet de
Dionysos de supplanter Pentheus. Après avoir assez facilement conquit l'entourage de
Pentheus pour tonner sa nouvelle communauté, Dionysos s'en prend pour !Inir au roI de
Thèbes lui-même. Le tlashback révélant ies deux scènes de mariage s'avère déterminant.
Le mariage insuffle sa vertu transformatrice et dynamique à l'action de la pièce qui dès
lors se précipite vers son dénouement. Mais avant tout cela, à l'intérieur mème des deux
scènes se produit un type de transformation qui détermine diversement leur issue; et cela
grâce ou à cause du vin. La valeur intrinsèque du vin est fonctionnelle, notamment dans
sa capacité à moduler la valorisation du mariage, mais ce n'est pas l'objet de notre propos
ICI.
Le premier tableau qui est fondé sur la légende d'Hérodote concernant le mariage
d'Hippoclides avec "Agariste, fille du tyran de Sycion"207 est une dramatisation de
l'aspect destructeur de Dionysos. Le mariage se déroule sous le regard conscendant de
l'aristocratie et selon un rituel bien établi que toute la procession--sauf le futur époux--
observe bien.
En effet, tel Esu qui apparait, le futur époux tàit une entrée qui tranche nettement
avec l'atmosphère générale. Perpétuellement porté au vin, il se permet des gestes lascifs
avec la serveuse et danse comme personne d'autre. Quand il atteint ce que Pentheus
20(, Voir sectIon sur la notion de la moisson karmique.
207 lhe nucchul' iii I:/lrlpidc.\\', p. 110
""..."._
..._ - - - - - - - - - _..................."""-"'"'"'"""='-'="-===:..::..:.-----'-'----

quail\\ïc "d'eXlase noyee de verres cll:hordal1ls Je vin", il sc débarrasse el de ~()n masque,
rt"dJnl ..lins) toule l'horreur Je son dre, cl Je son LOSlUlllè l,lIssanl vOir la preuve Je SOli
alkgeaneL: à Dionysos. El pour tïnir, il exccule la danse qui conduit ù la destruction
lot:.llè de son mariage--Ia danse de mort--comme son heau-père l'exprime: "Ilippoclidcs,
you have danced Y<lur \\Vife a\\Vay"~(lR Ainsi se temline ce premier mari:lge marqué par le
désordre et la désunion: L1ne projection assez objective de la VISion de Pentheus quant à
la réalité de Dionysos.
Dans le second tableau, il s'agit de la valonsatlOn positive de Dionysos à travers la
représentation du mariage:
The noise--music, revellers, snatches of drunken sing co mes /Tom olf What we see îs the traditional
Christ-figure, seated. But his halo is an ambiguous thorn-ivy-crown of Dionysos. At his feet a
woman kneels, anointing them. Behind him, embroidering is a slightly more elderly woman. His
mask is beautifui, radiares an internai peace209
La. séparation entre les aspects spectaculaires et les aspects sérieux traduit l'harmonie et
l'ordre inhérent à la cérémonie. L'atmosphère pacifique qui la baigne est imposée par
l'aspect christique du futur époux dont on frotte les pieds, symboles de l'âme. C'est lui qui
calme les deux femmes belligérantes. Son nimbe à la forme de couronne dionysiaque
traduit la hauteur et l'illumination royales. Et le masque de la vieille tèmme qui se tient
debout derrière lui résume toutes ces valeurs que révèle la cérémonie : la bep.uté
extérieure n'est pas factice, elle est profonde, exactement l'opposé de ce que montre le
masque d'Hippoclide quand il tombe.
Le moment clef de ce mariage est sans doute la transformation de l'eau en vin. Le
miracle de Cana. Un acte qui engendre une réconciliation entre les detL'C belligérantes et
crée un climat général de joie, de pardon: une renaissance de sentiment, de spiritualité,
~(lR /h/(I., p. 286
2{)')
roc. ('il.

dl: VIl:. L"l:~ll:n cialt". k rdkl du svmbollsme dl: Ulony~o~ Jans ia piècl: . ceiul qUl: rciUse
1\\;lll!leus lIlais qui lïllli pal l'èbrallkr , celui qUI valullsc le ~lJirllud. l'uiliull. 011 l1ul\\.; que
,1 .. ,,,· .'.' ,,... .... ; .. ,,,.
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commence d finit tout rite ct toute aventure individuelle.
Dans chacun de~ ce~ deux tahleaux. Soyinka Illet en oeuvre lin 01ément l.IL S,l
théorie rituelle. L'ambivalence est une réalité inhérente à tout changement. Ainsi. les
notions d'union et de renaissance que contient le mariage SOnt dialectiquement exploitées
pour pennettre l'expressIOn de la valorisation de Dionysos. Elles apparaissent également
dans Opera j'Vonyosi mais dans une toute autre perspective.
1. 1. 2.3.3. De J'union à la complicité: la perversion du mariage
Dans un bidonville du pays du "grand sorcier"--Empereur Bok:y--des apprentis
sorciers s'exercent à la "danse macabre de la rQute du pouvoir"21O, aux luttes d'influence,
"mendiant pour une part de ]'action"211 . La deuxième scène de J'acte l de la pièce--Opera
Wonyosi--conceme le mariage de Mack the Knife, le chef du gang de truands, avec Polly,
fIlle de Chief Jonathan Anikura responsable du groupe riva!, le "Home from Home for
the Homeless"212. C'est une séquence expressive de toute la fausseté, la malhonnêteté, la
turpitude morale, la violence, etc., représentées dans la pièce. Très judicieusement, le
dramaturge parvient à exprimer ces niveaux de réalités en se servant de la richesse
organique et conceptuelle du mariage.
210 Fioupou, Christiane, "Woie Soyinka--Jean Genet
: images et retlets du pouvoir :
'une danse des géants ou la métamorphose des Triplés'" in (,'al1ier du CERLESH No /,
Université de Ouagadougou, 1986
~II. Opera Wonv()si. p. 303
212 /hid., p. 307
.é-_~~====-'-'=====-=--"--------"'-"'--"'------

/'mSI, le man;lge de [loiv ct Je iViaek est avant tout synonyme d'assOl:I<ltlon.
d'union entre truanJs. Plusieurs 01é11lcnb ;\\ COlnIllCIH.:CI par ks pariles prell;lilleS clks-
mêmes en sont l'illustration. i\\l1ikura, il: père "h.: Polly ~;:il1qui0Ic. Cl :;c plaint Jan:; son duo
Iyriqu~ avec son complice èl '~pouse De Madam de '.:c que sa lil k s'interdise Je "pn.':!1Jro.~
un gros poison dans son likt" en épousant Mack, un "ren.lant". un "voleur de petit
calihre"213. MaiS Polly n'en pensait pas moins qui décide d'0pouser Mack pour assurer son
avenir et surtout pour continuer la bonne tradition: la /illè apprend de la màe. telle est la
teneur de son "chant de l'Innocence Perdue" .
But a girl must pratect her tuture
If a giri doesn't ieam tram her motner, experience
Will praye a harsh œacher2l c{
Toutes ces idées sont èxprimées a travers àes
q
.. '"
UI
contnDuent.. tels des "feux
d'artifices"215, à faire tomber les masques des personnages.
Pour Mack également, ce sont des intérêts concrets, matériels qUI sous-tendent
ses rapports avec les femmes. Chacune d'elles est issue d'un milieu social susceptible
d'être exploité en temps opportun. Ainsi, quand il est jeté en prison, on perçoit bien ce
qu'il attend de Lucy:
Mack: Unless you help, Lucy.
Lucy: But what can Ida?
Mack : l think r can get out of the buiiding itself Can you get the Key ta the warder's entranc~ from
your father's room?216
De toute évidence, Mack cherche plus des associées d"'affaires" que de réelles épouses.
C'est cela qui le pousse à épouser Polly. Mais comme nOLIs l'avons vu, il y a comme une
réciprocité, une concordance d'i ntérêts car telle est également la conception du mariage
213 Ibid., p. 316
214 Ihid., p. 355
215
Fioupou. Ch., Op. ('il., [J. lOS
ll(,. IIJid-, p. 374

Je lJoll\\" L'Ir()Il\\e est que cÎlacun des "compilees" pense se servir de l'aulre :lInrs L1u'il
ulilise lUl-I11l:IllC par l'autre.
Ll gros~;e~jse de Lucy--une fausse grossesse dom clic s'est ;;ervic, du lllOIllS croil-
clic, pour "conquérir" 1\\1:.1c 1\\ , symbolise loute la déchéance qu'die inspire: "They [polly
and L,tlcy/ f'ight
ln the siruggle, fJucy's 'pregnancy' slips dO\\VIl, Polly gains the upper
hand.... She slips a hand under Lucy's skil1 and hrings out 3. bundle"217 La ~'Tossesse de
Polly est certainement du même ordre que celle de Lucy. Mad qui est Cènsé être l'auteur
s'étonne vivement2JX. Le tait est que la grossesse, traditionndlement saluée comme k
fruit de l'''union sacrée" du mariage, pour parler comme 19wezu, est ici profànée,
corrompue dans le taire-semblant.
L'espace où se dérouie ie mariage est iui-même un symboie riche de signification.
En effet il s'agit de l'écurie des chevaux des officiers de l'armée, cette "société secrète"
qui fait des adeptes du genre de Mack. Le Prophète Jeru souligne la signitication biblique
de l'étable: "a stable is where Jesus Christ was born"219. Mais en fait, l'étable symbolise
bien ici la corruption et la pourriture morale dont l'armée s'en tàit un principe. Et ce sont
à ces valeurs que Mack s'identifie. Il trouve en l'armée une complémentarité qu'il exprime
bien quand lnspector Brown, otlicier nigérian en détachement à Bangui auprès de Boky
tàit son entrée dans l'étable pour contërer un "cachet otliciel" au mariage:
Never, never have 1 in my humbe capacity as sate-breaker and multiple murder tàiled to share the
proceeds of my adventures with Tiger Brown. And never never... has he organized a raid without
giving me just that liule hint in advance. Give and lake... is what it takes, is how lo live220
217 Ihid, p. 375
21~. Ibid., fi. 376
21') IhiJ.., fi 3\\7
22(). Ihid, pp. J27-32X
- ..
........."
!I!!!_!l':.:::::&m,mIC.!'!!!IŒi• •
liUakiiiiii!ij
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. .....;......;.;;;;.....;;;;.;;.;;;;.;;,;;,;,;.::..:....._~
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Mais l'armcc nc conSllluc qu'un ~lèmcnt dc l'enscll1hk dcs compilees de Mack.
I.:inslitution rl:I,!~leusè cn l~lIl egalement partie. U celle partiCipation "sanclil'ic" ses
"aiEiircs". Le proph~lc .!cru prdcnJ vouloir ramener la "brebis ~garéc" ù la raison, mais
cn rait il participe au mariage de Mack, le bénIssant recllllilaissant des rapports entre
l'étable de Mack et celui du Christ, entre le saumon Je i'vlad d le corps du Christ cl
assimilant son champagne cl I\\~all hénite au nom du miracle de Cana.
Tous les éléments constitutifs du mariage de Mack sont le rroduit de son
"entreprise". Le mariage, réel moment de synthèse, otfre l'occassion de percevoir d'un
seul coup d'oeil l'ampleur des activités de Mack. Même Polly en est émerveillée: "lt it ail
stokn, Mackie,!"221
Par aiileurs, ie mariage de Macle est perçu comme une étape charnière dans sa
canière:
Matar : Permit me, Captain, on behalf of everyone here, to otfer you, on the happiest day of your
iife, at the zenith of your career. .. its turning point, as it were. __ to offer you our heartiesI
congratulation222 .
La notion de transition inhérente au rite apparaît ici. Et elle n'est pas seulement liée à
Mack, elle est aussi en rapport avec le gang--le rite n'est-il pas communautaire ?--et
également Polly sa compagne. Celle-ci devient le nouveau chef du gang, et ce faisant
apporte du sang nouveau à la "firme" qui devra maintenant grâce à ses techniques propres
passer des petits vols aux grands "investissements". Elle devient finalement identique à sa
mère; une transfonnation ou un accomplissement que le chant de "mariage", clans un jeu
Jt: mots très soyinkaït:n, suggt:re comme "ontologiqut:", proprt: à sa li,gnt:e :
No Ph.D. degree
Can match your pedegree
'-'-\\. Ihld., p. 320
222 f.oc. Cil.

Hast: IlL~ tllal 1"<1111,. (lI" lilc
'-' ,
Who Ihil1h.s Il'
1
II1<1tcll VOUI" :ilVk:.:._·
Le manage Je iYIaek cl de Polly Il'CII e~i LIn qLlC Jc Illllll, tlLI JLI IlllllllS il s\\:canc Je
sa COI1l:cplion originel le valorisante. Cc Il'csl sans doule pas sans signilic:.lllon si loul le
monde insiste pour employer :i longueur Je temps le Lenne "mariage" Car cn tin de
(Omple, te mariage est L1ne parodie de ce que Mack se 1,lall ù arpelcr ses "ammes". l,a
notion d'union est pervertie en complicite au sens negatif du terme, comme celle de
renaissance l'est en promesse d'épanOUIssement matériel.
1. 1. 2. 3. 4. La sexualité dans ie mariage: la diaiectique du passage
Le mariage d'Elesin dans Deu/il Llnd Îlw King:,· HursemufI se comprend mieux
dans la perspective du suicide ritueL S'il est réellement un mariage, il est réduit
essentiellement à sa dimension sexuelle. Cependant, les notions de passage, de transition
inhérentes au processus du mariage s'y trouvent merveilleusement exprimées, mème si
c'est de façon incongrue.
Dénoncé par les maîtres de cérémonies, le désir sexuel d'Elesin au cours du rite
est indigne et dangereux, moins en raison de la situation matrimonîale de la fille que du
moment de son occurrence:
Iyaloja : The voice [ hear is already touched by the waiting fingers of our departed.... It makes the
mind tremble. The fruit of such a union is rare. It will neither be of this world nOf the next nor the
one behind us224
Personne n'ose s'opposer au désîr d'Eksin au regard de son statut d"'ancêtre" en devenir.
li appartient déjà à un monde qui transcende celui de la fille~
221 /hid, pp. 325-326
è21./hld. .. pp lôl-16~
_.
~Wktif~_, __",1J!w:J:'œu2 _.iY9P.~...

100
SilUee a l'oppose d'IJesin. la iïile est. Jans le eOllle~de rtluel. j'expressloll memc
Je la lllalcrlaiilL:. celle qUI Juralll [OUle la viC J'I:':kSlll lUI ~I fJrocur~ tous les plaiSirs
monJall1s. Déknuant SOIl Jéslr. lJe~;in explique
\\\\/110 speaks (JI' pleasurc'J Pleasure palis.
Ivly lVisli IransC\\:lIds llie bloltillg \\lUI \\lÎ Ih\\lught ill lJIle
l1lere 1ll0"Cl1lellt's irClllur \\)1' tht: SCIlSt:S..
What Jo illY 1\\IOI11l;:rs :;ay" :-Ihall 1 ~Icp bllrdcllt:d Illlu die
lInkllowll,!22'i
La rituJlisation de la sexualité est ICI partictlliére ù Eksin. Dans [a pensée yoruba. le coït
représente en effet une impureté totalement incompatible avec toute fonction rItuelle.
"Ce n'est pas nous, c'est la terre mème qui dit non", défend lyaloja22() L'arrIvée d'Amusa
juste au moment où Elesin accomplit son "mariage". donne lieu à une scène pleine
d'humour mais révélatrice à plus d'un titre:
Amusa: What kin' duty dat one lyaloja
lyaJoja : .. What Kin' duty does a man have ro his new bride':' .... You want ro see for yourseif how a
man cuts the vir1!in knol?
\\Vomen : Perha~s his wives are stiU waiting for mm to leam227
Cette scène fait écho à celle où Elesin apprend de ces mêmes femmes les conséquences
que peuvent entraîner son mariage. Sous le couvert de l'humour et de l'ironie envers
Amusa, c'est au fond E1esin qui est mis à nu. La fin du mime coïncide avec sa sortie de la
"chambre nuptiale" : il a accompli son passage! Il apparaît au milieu des chants et de la
danse des femmes dont le caractère ludique contraste avec ce qui devrait être réservé à
un Elesin. JI est obligé de crier pour faire remarquer sa présence. Et quand les femmes se
retournent, elles voient un Elesin à moitié nu, tenant fièrement dans ses mains l'objet de
sa décheance, de sa honte: "Elesin appears, in wrapper only. In his hands a white velvet
cloth folded loosely as if it held sorne delicate object"22x. La preuve de la virginité de la
225. Ibid., p. 161
226. l,oc. Cil.
227
Ibid., p. 176
22S Ihid., [J.IRO
~11I_P!l!i-!!!Ji§;J;;z;;jg!!!j-~
... ·!rn-L!!'!I.-.À~~Z:ll!!.4.",",M.·:iii!iaiii·l'i.'ili-,i;;m.iiiiii"'"....
u.,;;:,,.;.x....,iiO;,;;.;-..o...;;,;,;;;;,;;.;;;;;;;;;;;;;;..,;.;-,;.;-'';';---;';':''':':-:::"--:';"-':'-..:.'.::.:::::::.---.:.::..::....:::::..:..- -- -- ------~~-----~------- .-----.----',.-------.-.- .. f:---- -- ------

Ilii
lïlk esr pour lUI la mar~najlsarion <.iu passage. "the abvss rhrougn wnlch Ill\\' hody IllUS! be
dra\\vl1"22')
j'vIais à la l'in, iosqu'il échoue ~jalls SOIl sUlcldt.: llwelle, il decouvrc que la
transfonllaliol1 qu'il vi:iait dans k "passage du sc:(c" n'0lait qu'une illusion. "[\\;:rhaps your
wannth :md youth brought ncw !Ilsights of this world to me and lurned my k~t !caden on
this side of the abyss"2 10
La nouvelle l'oree acqUIse par Elesin dans
le "passage se:\\uel" est restce
étrol[ement liée à la terre, à la mondanité. Elle n'est pas sublimable, car le mariage
d'EJesin n'en est pas vraiment un : ou s'il en est un, il est négatif car incapable de projeter
Eiesin dans une perspective dynamique. La responsibilité d'Eiesin en ceia est indéniable.
11 n'a pas pu faiïC la paI1 des choses à cet instant crucial de sa vie. li èst aussi anri-
ogunien pour ceia.
Dialectiquement, le sexe constitue l'élément qui projette Sidi, dans The Lion and
the Jewel, and le passage. Au début de la pièce, on découvre une Sidi célibataire et
t1eurtant avec Lakunle, l'instituteur du village. Il s'agit plus précisement d'une offre de
mariage qu'elle décline, l'instituteur refusant de payer la dot-de suivre le rituel. Petit à
petit, Sidi est conduite vers un autre champ de valeurs représenté par Baroka ; celui dont,
selon la rumeur, la vie privée est une longue chaîne de plaisirs chamels23l . Le rôle de
Baroka en ce qui concerne Sidi est d'intérêt parce qu'il l'aide à âfectuer le "passage", la
transition entre l'état de célibataire rêveuse à celui de femme réalite d accomplie.
L'union sexuelle entre Baroka et Sidi représente le moment essentiel à partie
duquel le changement commence pour Sidi. C'est pour elle une initiation. Elle pénètre un
22'). {nid., p. 207
210 Loc. CIl.
DI. the /,iOti une! rl/(~ .Iewd. p. 23

jli2
Urllvcrs de nouvciics réal Iles
l'indécIsion. il: réve Cl j'IiiuSIIHl qUI car~\\l.:tèrtScnl son étal
alltcril:t1r prellllt:1l1 (ill. Tl/ut devlc.::111 limplJc dallS s"" CSplî l. :\\JllSl, cl le peuL rcllldlrc au
Sidi . A present l'wlll Sidi
1 trieu to tear it up
Rllt rny ~ingl'r \\Vere tOll Ir8il
[To the crmvd]
Let us go
ITo Lakunlel
Vou may come LOO it'you wish.
Lakunle
[Lost in the miracle oftranstormation]
Weil 1 should hope so indeed
Since 1 am to marry you
Sidi : LTurning around in surprise j
Many who.. .') Vou thought...
Did you realiy think [har, and 1...
Vv1ty, ùiù you lhink lhal ant:r him,
1 could endure the rouch of another man')
[... ]
And would r choose a watered-dO\\vn,
A beardless version ofunripened man?232
Baroka est un homme "mfu", "barbu". En s'unissant à lui, Sidi "mûrit" elle-même. L'acte
sexuel précède le mariage en tant que sceau officiel de l'union. Cette inversion de la
liturgie du mariage valorise la dimension sexuelle comme élément central du passage de
Sidi. Le chant final exprime l'espoir d'une grossesse. Sidi intègre ainsi un autre univers;
elle est désormais capable d'enfanter:
My net is ~pread, my net is spread
Come close to me, wrap yourself around me
Only God knows ...hich moment makcs the child233
Après Sidi, Lakunle renait également, comme sa participation à la danse finale le
montre de façon théàtrale. Une des caractéristiques principales du rite est qu'il n'affecte
jamais le seul protagoniste ; positivement ou négativement, il concerne toute la
è.\\~. IhiJ., rp 56-57
-'3J. Ihid, p. SR

lU"
COmI11UllaUIC. i3aroka rcnait cgakl11cnl L';lr ia Iral1S;ÙrrnallOIl Je :-)11Î1 est ~IV~1Jl1 loui le
lésulial dc la synthèsc du "vICUX" cl du "jCUllI::" , Uil pht:110lllCl1C pCI\\U par 13<lroka ~l
travers l'imagerie uu \\ieux VII1 dan:; la fltlllVdlc bOllledl1c
Old winl: thrivl:s
Within a ne\\lv boulc. The coarsencss
Is Tllcllnwcd dmvl1, and thc Illggcd wirw
·\\cqllires il lid' and rollndcd body .. 234
L'imagerie ou plutôt ce qu'elle illustre:.l été Illterprétéejuuicieusement par bon nombre ue
critiques comme étant "l'union ue la jeune et ue la nouvelle Afrique"23'. Mais on peut
carrement ailer au-uelà de la signification première pour affinl1er qu'eile symbolise la
quète d'une nouvelie définition du moi de l'africain ~ un moi divisé et qui en l'état actuel
des choses repose sur des valeurs anciennes souvent inadaptées mais très ancrées dans les
mentalités, et des valeurs nouvelles qui déferlent en vagues inquiétantes et manquant
encore d'assise réelle ou réaliste.
Avec le manage, nous tenninons l'étude du thème du passage, et on peut
remarquer que malgré sa longeur, cette étude est loin d'être exhaustive. L'ambivalence
ainsi que la valeur sémantique de la notion rituelle chez Soyinka font qu'il existe un
nombre considérable de situations subsumables par la notion de passage ; leur
symbolisme s'élargit également: elles peuvent appartenir à plusieurs champs thématiques
à la fois. Autrement dit, comme le note L. V. Thomas, toute mort répond au schéma
mort-vie23G qui caractérise le passage. De fait, par exemple, la mort de Old Man dans
Madmen and Speciulists -aurait pu bien être examinée ici. A un
autre nIveau, la
23-1. Ihid., p. 49
21~. Richard. René, in ColloL/lie d'Ahidjun sur le théâtre u(ricain N7f). p. 112
'::;6 Thomas. I~. V. I-IJ mort uj'ricOIne. p. 77
__________ .._.0
--·_-------
--
._._---~-----------
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---------- - - - - -~----- ----
BtiIli&fili,~iiei.~--.
s_

1ii4
lranslùrlllalion de Ur lkm dans la ml:l1le pièce, nu k \\~)\\"a~e du iVlcndl<lIl1 Jans 1//('
N~)Lre préoccupaLion a éLé pluLùt Je chercher ~. ~l11hra:;:)cr !è plus possihlc
J'éléments du passage. Du purement ritU\\~L nous ~;ommes ~rri\\és au simplemenL social tel
le mariage Mack dans O(lC/"1I IYnnynsi
Mais Jans tnlls les cas nous :l\\ons essaye
d'appliquer une analvse proJetant la nchesse sémantique CL svmholique du drame
ogunien : l'archétype mème du passage et Je l'ambivalence des notions de mort et de vie.
Telle sera également notre approche dans le chapme suivant. la punficatlon.
I. 1. 3. Le rite de pu rificatioll
La purification est un des aspects
de la conception cyclique du temps, de la
croyance en la régénération périodique de la vie, en la positivité du phénomène de la
mort, c'est-à-dire de son étroite relation avec celui de la vie. Dans son concept-comme
dans sa structuration, Je rite de purification introduit toujours la destruction de J'ancien
(ordre, temps, vie, etc.) et la naissance du nouveau. Se situant entre l'ancien et le
nouveau, elle permet la transition. C'est pourquoi dans les sociétés où elle existe la
cérémonie rituelle du Nouvel An représente, au fond, un rite de purification237.
fi existe une large variété de techniques de purification. Celle qui est d'intérèt ici
est celle selon laquelle l'expulsion des péchés se pratique sous "la forme de renvoi rituel
d'un homme (type manirius vetirius) considéré comme le véhicule matériel grâce auquel
les tares de la communauté entière sont transportées a!l-deJà des limites du territoire
habité"23M. Afin de simplifier notre démarche, nous nous contenterons du terme "bouc
émissaire", qui est d'ail1eurs celui utilisé par Soyinka. Ainsi apparait le père d'Eman et
~.17 Eliade, Mircca, I,e mythe de l'éternel retnur, p. 77
.:JX
Ihj(l.~p.()g
"
r:.:m:J'Jtlbi.lfjilii L.
~.si!!!l'L""z:::i!L.i.JZJi,q. _.
4'" A

1()5
devrait apparaître j':ll1an IUI-Il1t:Il1C dans le nle de purrÎ1callol1 dans IIIC .\\/I'IIII,!!. iil\\.'cci. Le
ntc deuSICI1 Jans nie' lfucc/ltlL' II/ /-./lf'I(!ld,'.\\ ol1re égalèlllclll LIll cas de huue èllllss.urc
pUll ficatèur.
Notre propos cons;stcr3 à étudier le: comment de la mort de l'ancicIlllc :llllléc. des
réches ~ ce qui évalelnnlent alnène Ù considérer !e~; rerspective~~ de !a rèn~lissal1cc. La
pUr! lication suggère toujours unè nouvelle naissance.
l. 1. 3. 1. De la ré~llisation du destin d'Eman il la purification rituelle du
village de Sunma
Le rite de purificauon est, dans [he Sirong fJreed comme ailleurs dans le theàtre
de Soyinka, un commentaire sur ia notion de bouc émissaire. Le processus de la
réalisation de la purification nous concerne ici, et dans uns sens, il s'agit d'explorer la
dramatisation du destin d'Eman, le bouc émissaire. Deu,'X rituels apparaissent dans la
pièce, et tous les deux se rapportent au thème de la purification annuelle comme pratique
traditionnelle de deux villages. De même, tous deux éclairent le destin d'Eman. L'un
montre, si l'on peut dire, ses fondements génésiques : Eman est issu de la famille des
"sangs purs", une famille de bouc émissaire. Ce rituel montre le père d'Eman tenant ce
rôle dans le village natal d'Eman. L'autre, qui se déroule au temps présent de la pièce~ est
une dramatisation de ce destin: le rituei du village de Sunma dans lequel Eman sert de
bouc émissaire.
Quand la pièce commence, l'action est située dans la demeure d'Eman. De là nous
perçevons les permiers échos de la célébration du rituel. Le tàit que le début de l'action
soit local isé dans cette demeure soul ih'TIe la. prépondérance d'Eman et de son entourage
dans la suite de l'actIon et linalement du rituel.
AUSSI.
c'est du pomt de vue
~--
-
---.

I()h
presqLJ\\:~;eILJsll" d'I',man que nous aSSIS!\\H1S au Jeroulèlllent du rite cl penetrons ses
secrèls.
AinsI. e'e:;l chez [Illun que l'on apprend uès \\cs premières pages que nous sommes
Jcjour du ntuel, lorsque lfaua. 1\\:nJant idiot, lui ()ITn~ un panier d'oranges
Em<ln
My git'l:s !<lr tod<lv'~ ICstival. cnh'
[lf<lda nods.. grinningJ
,
Eman
They look ri!)c--Ihat's il change2.,l)
Le geste d'Ifada n'est certainement pas gratuit. Au 11101115. il permet Ù Eman Je nous
infomler sur la date du rituel. Au plus, Il représente un symbole prétïgurant un autre
"don", le don de la personne d'Eman en tant que bouc émiSSaire à la place du mème
{fada. Le mot "change" a beaucoup d'acceptions en anglais--nous n'en retiendrons que les
plus pertinentes--et peut ètre interprété de différentes façons. S'il veut dire changement
ou transformation, soit il se réfère simplement à l'attitude d'Ifada qui passe de la passivité
caractéristique à l'action, soit il signifie qu'Ifada lui offre pour une fois des fruits mûrs, ce
qui est assez signiticatif en soi comme l'est J'alternative ci-dessous, Car l'expression peut
signifier "remplacement" ou "substitution" ; alors on retrouve l'interprétation de la scène
comme étant la préfiguration de l'auto-sacrifice d'Eman. Cela dit, l'acte d'Ifada évoque
aussi cette tradition de la chine ancienne où les hommes offraient des oranges aux jeunes
filles en guise de demande en mariage240 ; c'est surtout dans un processus inverse que le
phénomène est porteur de sens ici: telle Ja jeune tille après le mariage, Eman va accepter
volontiers de devenir autre en donnant sa vie à autrui, pour "changer" la vie d'autrui,
Symboles de fertilité, les oranges évoqueraient alors plutôt la mort ici; mais une mort
qui, comme nous le verrons, n'est pas totalement négative. La pièce abonde en situations
similaire à celle-ci,
~]I). lhe .')'Irong /3recd. p. 115
~IO Chevalier, .f. *i\\. Gheerbrandt. J)ict;linnwrc des .\\ymh'J!es, p. 70X
... ---------l
IJ
~li_;;;:ZUW1t§JlZJLe
._,~_L
·,.YS

COlleCIIIC, le cllol,,\\ ell1lC """11er ICUI propre Il\\a~CalaJc cl pa rI Il'': 1l'Cl <1 la dall:;c POPUl<lIIc.
J':lbord :l travers la conversullon ,.;;ntre En1:111 d 11:.1<1a211 . le second proccJé introduit le
prellller ch:lngernent
d'csp:lce
I,'environnement
direct d'FI1l:lI1
deml~me cependant
prépondérant: "A girl cûmes in view._ dragglng an cHIgy by a rope attac!1ed one or its
legS ... ":·12. La conversuflon qu'il1lroduit cette entrée de la Fille est digne J'inràèt. Etant à
sa première VIsite chez Eman, sa venue ne revèle pas que le det,JTé d'avancement des
préparatifs du rituei :
Eman' Sa you are ready for the new year
Giri . i'm noi going io ihe fes[Îvai
Eman. Then why have got that?
Girl
Dû yûü li1t;,Hl iny carrier? l am ünVv-elI YOü knû-w-. ~vly mûther says it ...,,~n tâke âway my
C;C("'f""IAC"S l'il'th tho n'cl
JI
1"1. ....... .,,)
"'\\1
LI.
L.I' ....
V.l
,'o~T"243
J ..... u.
.
t:effigie que traîne la Fille renforce ou fait ainsi partie de l'atmosphère de purification.
Mais pourquoi vient-elle chez Eman en ce jour rituel et de surcroît traînant cet objet
symbolique ? C'est que la suite de la scène avec la Fille constitue un avant-goût
dramatique de l'implication d'Eman dans le bJTand rituel. Quand il "jette" un habit à la
Fiile, elle i'enfile sur i'effigie ; une scène qui fait écho à une séquence uitérieure où l'on
voit Eman presque nu dans sa fonction de bouc émissaire, identique à la fonction que
remplit l'effigie de la Fille.
Ensuite on perçoit la Fille avec lfada dans une pantomime assez évocatrice pour
être facilement interprété~ comme une symbolisation de la scène tinaJe où Eman est
2-11. Soyinka, Wole, Op. Cil., pp
115-116
2,12
IhiJ.. p. Il X
213 /.uc. ( Il.

penou ~\\ LIn arhre. iYabord. j'cIllglc est hattue. une sVlni1(lils~l\\lon des suppilccs d'\\'.1ll~1I1
pUIS uil fJlujdle Je la (utller
Ciirl
You will hang It up and 1 will sel lire [0 il. .. L~lllillst l'ccause you are Ilclplllg Illl;. dunl lilink
it is going LO cure you
i am Ihe onl; wÎlo wiii gel weli al Illidnighr, do you undcrsland') il is IllY
carrier and il IS il)r Ille al()lle~>q
f'Jous laISSOnS de côté ici !J. r'Jnction purit~catril:e uu feu. SUnlTI:l:l raIson J'aSSlnldcf la
!~ille au reste du village. P~lrct' qu'on. peu! :1 .iuste titre mettre en parallèle son rituel
individuel de puritication awc celui de tout le village. on perçoit une identité èntre
l'intérèt d'Eman dans le b'Tand rituel et celui J'lfada dans k sien: un intérèt qui se limite i
la participation, tout le bénétïce revenant à la Fille, au vil1age.
[fada continuera à tenir compagnie à ia Fiile Jusqu'à ce qu'il soit kidnappe par des
"inconnus"--ies meneurs du rite, en fait. En voyant la scène, la Fiile s'enfuit abandonnant
son effigie devant chez Eman. Cela signifie simplement que le vmi bouc ~missaire se
trouve chez Eman. S~T}illa et Elnan remarquent la présence de l'effigie. Ce dernier
devient plus curieux, plus attentif et critique envers SUluna qui, perçevant l'implication
éventuelle d'Eman depuis le début de l'action, essaie discretement et vainement de
l'éloigner du village245 . Eman qui n'est pas aveugle à l'attitude de Sunma remarque: "1
know there is something more than you've told me. What are you afraid of tonight?"246
Cette question donne lieu à une discussion très sérieuse dans laquelle Eman
procède à une définition de son être et de son destin. Cependant, ils sont très vite
interrompus par Uàda poursuivi par ses ravisseurs, les meneurs du rituel, qui de fait sont
entraînés chez Eman. A partir de ce moment, Eman ne va- plus se contenter de regarder
les choses de l'extérieur, il va devenir acteur. Sa maison ne sera pas "brûlée afin de
21-!
{hld., p. 120
2·15
Voir section sur la tèmme et le devenir social: la /()nction vitale de Sunma.
211>
Soyinka, Wole, ()r. (11._ p. 125

1 (,<J
par la VUe lÎu specLacle Je l'enlèvemenL ainsi que par les propos Je~) Illelleurs Ju rlLe. il sc
portera volontam~ a la place J'11~lJa
.Iaguna
.. And yel 1 heard Oroge Idl Yllu we Ilnly use si rangers. There is unlv une III h..,r in L1le
village, bull Imvt' lluL heard hil1l olTer Ilil1lsdf [spil]. Il is so t'asv tu lalk. is il Ilu[" IThey gu oll:
taking (fada wilh [hun. !illlp and siklll The only signs of lift' is lhal he strains his Ilt'ck lu kcep his
eyes on Eman lill the vcry moment lhaL he disappears l'rom sighl .. (A 7
Eman, cet altruiste qui ne Lrouve son "accomplissement que Jans le don de sa Vie, de son
être à un étranger"2~:-\\. comme il le confiait à Sun ma, ne pouvait rester indifférent ù cette
scène. A partir de cet instant, l'action ne sera plus qu'une succession de séquences
cmèmatographiques alternant avec divers types de scènes--les tlashbacks. les Visions, le
présent de la pièce--rous convergeant vers la réalisation du destin d'Eman. Ces scènes,
notamment les visions concernant son père, rendent compte de l'ironie de la panicipation
d'Eman dans le rite.
Ainsi, il est pennis de comprendre que si la décision d'Eman de se substituer à
Tfada peut s'expliquer au niveau où nous l'avons montré plus haut, elle est cependant plus
profonde; son père l'explique:
Old Man: Vou only go to give to others what belongs rightly to us. Vou will use you own strength
among thieves. They are thieves because they take what is ours, they have no daim of bJood to
it249
Eman est, au fond, mû par quelque chose de profond, "l'impulsion du sang", l'appel du
sang.
Ensuite, la notion de "vol"
est significative, trouvant un écho dramatique dans
une scène t:ntre Itàda d la Fille. En effet, rejoignant 1fada, la Fille le trouve t:n train de
2-17. /hid, p. IJO
~.IX. VOIr section sur le rite Je passage: le rite Je passage J'Eman.
èl q Soyinka, Wole, (){J. ( '//., r. 134
. iiua·

11()
dl:~;habtller son ellïgle qu'clic aval[ al1ontÎonnee lors de S;l '·lIIte. Il s'en SUit \\lne IUlle pour
sc l'approprier
Girl
Thletl Thiel1 Let it go, il IS Illme Let il go, YOLI anll11a!.
IThe strligglc bccol1les qllile
violent The girl is hanging lO rhe ctligy and 1fada lifts 11er wilh il, ilingmg her ail abou!. .1 250
Cette violence prdigurc le sort J'Eman Jans les ~oc0ncs SUI\\antes. La I(.lrcc dont Il:lda l'ait
montre est J'autant plus surprenante que jusque-là on l':l\\;ùt vu passif Cela Jit. s\\ cette
scène peut s'analyser il la lumière des propos cI-dessus cités du père. alors. ellc est
ironique: car contrairement ù ce qui se passe iCI où la Fille. propnétaire de l'eftigie. sort
vainqueur sur lfada le "voleur" t,'Tàce à l'interventtIon de Sunma. dans la réalité du rituel
du village, "les voleurs" parvIennent à s'emparer du bouc émIssaire Eman.
Par ailleurs, la scène de la lutte informe Sunma, à travers la presence d'lfada de
ce qu'il est advenu d'Eman: il s'est substitué à lui. Logiquement, la sc~ne qui suit montre
Eman dans son nouveau rôle, Des symboles très pertinents laissant préfigurer en quoi
consistera ce rôle: "his body has been whitened with a floury substance. He
is naked
down the waist, \\Vears a baggy pair of trousers, calf-Iength and around both fèet are
bangles"251. Mais, et cela est clair, il n'est pas en train d'assumer son rôle. fi essaie plutôt
de s'en échapper252. Comme l'écrit justement Gerald Moore, ceci est le résultat sinon la
continuation d'une série de désertions, un trait de sa vie: "désertion de sa bien-aîmée
Gmae, désertion de son père et désenion de son rôle"253. Le tlashback à propos de la
circoncision d'Eman et les visions qu'il a Je son père som un riche commentaire sur le
thème de la desertion. Ainsi, dans la seconde vision, il s'entend dire par celui-ci : "A man
should be at his strongest when he takes the boat my friend. To be weighed down inside
~50 Ihid., p. no'
251 Ihid, p. 131
~5~. roc. Cil.
25.1. Moore .. (,erakL (JfJ. ( Il., p. 5 1
,)
- -
-
~1__JiS1ttiblJibt1Z&JCtjLA&&œ;; ,,"'.if3§è!i9!!!L@ 1

1 1(1
llL;sh~lbliler son ellïgle qu'clic ~Ivall al1ondonnee lors de sa tÙlte. Il <en SUit une lutte pour
:;c l'appruprlcr
(jirl
Thict1 Tilieil Ld i[ go. il IS mine Let il go, you anllllai
1The')lruggle llecull1cs quite
violent The girl is hanging [0 thc etl-igy and It;lda litts her \\Vith il, rlinging her ail :Ibout .1 25 ()
Celte violence préfigure le sorl J'Eman Jans ks ;;cèncs SUI\\antcs. La force dont [1;\\'.1a rait
montre est J'autant plus surprenante que jusque-là on 1':.J\\:.Jil vu passIf. Cd:! Ji!. si cd te
scène peut s'analyser ù la lumière des propos cI-dessus cirés du père, :J1ors, elle est
ironique: car contrairement ù ce qui se passe ici où la Fille, propriétaire de l'effigie_ sort
vainqueur sur ltàda le "voleur" ~'Tàce à \\'interventtion de Sunma, dans la realité du rituel
du village, "les voleurs" parviennent à s'emparer du bouc ~missaire Eman.
Par ailleurs, la scène de la lutte informe Sunma, à travers la présence d'lfada de
ce qu'il est advenu d'Eman: il s'est substitué à lui. Logiquement, la scène qui suit montre
Eman dans son nouveau rôle. Des symboles très pertinents laissant préfigurer en quoi
consistera ce rôle : "his body has been whitened with a floury substance. He
is naked
down the waist, weaTS a baggy pair of trousers, calf-length and around both feet are
bangles"251. Mais, et cela est clair, il n'est pas en train d'assumer son rôle. Il essaie plutôt
de s'en échapper252 . Comme l'écrit justement Gerald Moore, ceci est le résultat sinon la
continuation d'une série de désertions, un trait de sa vie : "désertion de sa bien-aÎmée
Omae, désertion de son père et désertion de son rôle"253 Le tlashback à propos de la
circoncision d'Eman et les visions qu'il a de son père sont un riche commentaire sur le
thème de la désertion. Ainsi, dans la seconde vision, il s'entend dire par celui-ci : "A man
should be at his strongest when he takes the boat my friend. To be weighed down inside
250 1hiJ., p. 130
2:i'.lhid,p.131
2:12
I,uc' ('il.
èSJ Moore, nerakL ()r. (.'il., p. 51
~--
--

III
and \\lut IS not a wise II1lng"~'1 ~\\~st :,aIlS doute la la cie Jc 1:1 1;lIhkssc Jl:lllall Son
univers Illlélïeur est SI cllargc. SI lourtllclllé qu'il !;luJrall des pages ClIllèlL'S pour
développer cette analyse; retenons seulemenl que la mort cil L'ouches Je sa blen-ail1l0c
Omaè y est pour beaucoup. Celte \\'ISIOn i propos de son père èSt une dramatisation Je la
prise en charge par ce dernier du rôle de houe 0missaire dans uné persl1eclive positive. Le
calme. l'assurance et l'acceptation du père contrastent avec l'état d'espnl el l'attitude
d'Eman: deux perspectives S\\ dillérentes qu'elles ne peuvent en aucun cas prodUire le
même effet.
En d'autres tennes, la fuite d'Eman pone atteinte à la positivité du rite dont la
moralité est bafouée. En témoignent ces propos de Jagw1a . "we must tind him. lt is a
poor bebrinning for a year when our curses remain hovering over our homes because the
carrier refused to take them"255. On perçoit l'ampleur de la menace que représenterait un
échec total du rituel. 11 devient donc impératif de retrouver Eman. Cela dit, la faiblesse
d'Eman seule ne justifie pas la tournure inquiétante prise par le rite, il y a aussi ce que
Jaguna appelle la "malédiction de la nuit". Elle se trouve
également exprimée sans
ambiguité dans la lutte entre Jaguna et sa fille. Car au-delà de ce qu'il symbolise comme
rupture entre Sunma et son village256, le sang qui coule de la joue de Jaguna peut être
interprété autrement : ce n'est pas uniquement la victime sacrificielle qui saigne, les
sacrificateurs versent également leur sang.
La Fille n'est pas "la Fille du roi qui protège le héros des eaLLX destructrices"257 ;
elle est la tille de la mère pécheresse, ici le village de Sunma. Elle trahit Eman qui
254 Soyinka, Wole, Op. Cil., p. 133
255 Ihid, [J. 132
25(,. / hM.. [J. 136
257 Chevalil:r.l ~ A. <jheerbrandt, Ur. (ïf .., [1 444

Il ~
par Ic~ IllCIH;ur~ Ju lilucl,
el il ClHlrl illcxurablcmclll vers 1'~ICC()lllpllsselllClll Jc ~Oll
Jeslill. ;\\ parlir Je là. sa course est entrecoupée de Jeu\\. VISiOIlS ass-:/. slgnliïcatlYes.
D'abord. il se voit sur la tombe d'Omae, sa fiancée. i\\u-de!:l Je la signdiC:.llioll des mols
qu'il y prononce, son attitude indique autant son amour pnur Omae que l'appel Je la
terre. li s'accroupIt ct ramasse du sable qu'il verse sur sa rète 2:iS Dans la seconde VISion.
Eman rencontre son père dans l'etape ultime de l'accomplissement du rite. La barque
symbolique sur la tète. le père se dirige vers la rivière. L.'importance dramatique de cette
vision est qu'elle permet à Eman de marcher, disons. aveugiement dans le bois sacre,
dans le piège des villageois, en courant après son père.
Qu'advient-il de la purification? Les bastonnades et les jets de pierres que reçoit
Eman, les injures et "malédictions" qui lui sont adressées sont censés symboliser les
péchés des villageois. Parcourant tout le village pour récolter sa charge de péchés, Eman
devrait alors disparaître du village et ne plus jamais y revenir: "a carrier should end up in
the bush not in a house"259. La disparition du bouc émissaire symbolise la mort de
l'ancienne année et la purification du village. Or Eman meurt dans le village: une des
entorses essentielles au rituel.
Le fait ici est que si l'attitude d'Eman sur la tombe d'Omae suggèrant l'appel de la
terre signifie la mort, elk évoque aussi le retour à la terre, la terre-mère, ce qui dans la
philosophie yoruba est chargé d'une positivité indéniable. OrEman se retrouve ici entre
ciel d telle, "planant" comme le dit Jaguna, dans le vide. Deux niveaux de négativité
apparaissent. D'une part, il ya la distanciation par rapport à la terre qui sans doute traduit
k tait que sa mort est anormale parce qu'en réalité il ne devait pas mourir. D'autre paJ:t·
251'. Voir deuxième rartle : le symholisme de la terre.
25'!. Soyinka. Wolc. Op. ('1/ .. r 12R
Il

parce qu'il csl cense èlre portcur des peches dll village. 1;1 SlluLllllHI :ICl"lCllne d'I':man
signifie que Cell.\\-el restclll suspendus ;lu-Jessus Je la (\\1I111l1ll11<lUIl:. L';lr ils sOltl dans
l'air~h!l. i\\ cela s'ajoulc le lieu d'üccurrencc de la mon L.c Ih)IS sacré est le S~'lllbole de la
demeure
des l'orees invIsibks protectrices du village, en cela, il n'est pas l'endroit
indiqué pOLIr le mort J'un houe émissaire contrairement ù ce lJU'Ollt pli penser les tenants
du nte à un cenaln moment. AinSI. une autre des ['onctIOns de la dernière \\1510n d'Eman
semble are d'établir un contraste enrre les valorisations des deux rituels du père et du
fils: dans le cas du père, la rivière transpone les péchés annuels de la communaute loin
du village.
Finalement, le rite de purification utilisant Eman comme bouc émissaire aboutit
certes à ~a réalisation de son destin, mais il se présente, dans plusieurs de ses aspects,
comme l'anti-thèse de celui dans lequel apparaît son père. rI se déroule à l'encontre des
normes et cela ne conduit pas à une purification. L'échec porte des conséquences graves
sur le plan socio-cosmique. L'image du corps d'Eman suspendu à l'arbre de vie n'est pas
édifiante. Nous reviendrons sur cet aspect dans le chapitre sur l'individu et le devenir
social.
I. 1. 3. 2. Le rite éJeusien : de la fin d'un système à la purification
A l'instar du ritud de purification dans The Slrong Breedd, celui que met en scène
l'he FJucchue of Eurip;de.~· concerne la mort de l'ancienne année et la naissance de la
nouvelle, et procède de la même technique.
2(.0
Voir deUXième panic' le symholisme de 1';111'
1
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4
......;........;;;;;=::..::::.=::::-=--.=_.--=-
--------------------

114
Slruclurellellleni Cl symhollquell1ent. ic nllH.;1 eku:-len de punl'icalilln esl Ifll-:grc
Jall:- Uilc aUlrc ~lruclurc symbollquc plus lalge . la "rcllaiss~lIlce"--1c rclour--dc I)IOI\\YS(JS.
Ccla cxpliquc pourquoI cl collllTlcnl l'anclenlle ~1I1n-:è ..:n \\ lei Il a dr\\: assilllilée ù
I\\;ntheus. symbole de l'ancIen ordre. Comment d en quoI se J-:veloppant Jans celle
perspecfive, le rituel eleusien lrollve-t-il son dénouement Cl sa signifieatlnll .)
La dynamIque de l'univers 01cusien suggère un éternel recommencement. Chaque
nouveau départ se t:üt sur les cendres du précedanl cycle. La métaphore du phénix
renaissant de ses cendres. symbole de la renaissance de Dionysos au début de la pièce.
illustre cette conception cyclique
de la régénératIon. Dans son symbolisme. la
purification s'inscrit au centre même de cette conception. et die vise un objectif bien
défini et fondamental que le Berger exprime comme suit: "someone must cleanse the
new year of the rot. Or the world will die"261 . Et Tiresias de renchérir: "The city must be
cleansed.
Filth,
pollution,
cruelties,
secret
abominations--a
whole
year's
accurnulations"262. Purifier le pays des ses péchés de l'année écoulée, et ainsi préparer
une renaissance harmonieuse de la nouvelle année, tel est l'objet essentiel du rite
éleusien.
Il est porté, théâtralement et symboliquement sur la scène. Le Vieil
Homme,
figure principale de la procession, est le bouc émissaire "choisi". Conduit à travers la cité
de Thèbes. il subit tout au long du trajet les épreuves liées à la purification. Outre la
marche, l'essentiel du contenu symbolique et dramatique du ritue se résume à ce que
l'auteur appelle "une petite cérémonie de puri fication" :
:il/
Soyinka, Wok. l'he Hacc/wC! o/l·:uripu/es. p. 237
2ll2. /h/(I.., p.142

115
,\\ ~Jll;IJI œrelTlOIlV or \\:k<lllsing' is Iwrilllll1l'd un tlK~ palace .l!;11 è
The I)lles! 1akl'~ br<lllcllc~ li'olTl <1
hllll<11è borne Il\\" l\\\\ill Icadint.: l!irls, svlllbulicillv scour thc l..!alCS Willllh<.'lll. lill'il I"k Lhl' lIscd 1\\Vlgs
un Ihe bllnch ,dreadv borne 'i;; Ihe UILl 1\\lan. H~ is splll1klè~l :lI1d Il()gbl~d as belorc:(>3
C'est une synthèsc de [()lll le systèll1e
le port dcs bral1l:l1ages "souJi lès" de pcches. la
libation Cl la llagellatIon en sont les moment forts.
L:.I puritication ~voqUL' le tl10me de libêration--\\iberation du pays J'un !,:'lr(icau
symbolique--porteur de 1:.1 signification de Dionysos. le nouve:lU dieu2(,.1 dans la pièce.
Libérateur des énergies cosmiques positives. Dionysos libère également les esclaves Je la
tyrannie de Pentheus. C'est en partie sur cette Identité spirituelle. symbolique que joue le
dramaturge pour préparer la "fusion" ou plus précisement l't'dissolutlon du rite eleuslen
,j
dans cel ui de Dionysos.
Du point de vue du déroulement de l'action, cela se manifeste par une
interprénétration des deux réalités soit par un jeu d'alternance, soit par une présentation
simultanée, soit tout simplement par une interférence de Dionysos dans le processus du
rite éleusien.
La structure de l'espace du début de l'action exprime la relation ci-dessus définie
de Dionysos avec le rite éleusien. De devant le palais de Pentheus, on voit à la fois
arriver la procession éleusienne et se manifester Dionysos depuis la tombe fumante de sa
mère Semele. Cette présentation simultanée de ces deux réalités pourrait laisser croire
qu"elles relèvent de la mème cérémonie. On se rend compte très vite cependant du
gouffre qui les sépare.
De mème, entre la première apparition de Dionysos et celle du Berger avec le vin,
atribut de Dionysos, on perçoit le chant liturgique é!eusien à mesure que la procession
s'approche du palais. Pendant ce temps, les esclaves, symbolisant à la fois Pentheus et le
2(11. Ihid. p. nx
2(.4. Voir le rite dionYSIaque : la communion

mc dcuslcn, dèguSIl'tll ic vin sous je rcgard (ige de iJlO1l\\SOS, Cl parkl1l de ia vlcllme
. IV
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"i:lLIÎ 1lèll;;lll:: U\\: 1 ..111111;;1;;.
L,l UI~LUèl~IUII JUUI;; UII\\: HJllLlIlJlI UldllldllllLlI: LUIIIIIII;; IIUU:-> 1 avulI~
ouvertèment la lihà:ltinn Tout ccla ~e rroduit alMs que le ntc l~lcusien !10lHsuit qm
cours.
Avec l'arrivée de la procession devant le palais, se manifeste un autre niveau de
J'interpénétration des deux rites : "The sedate processIon passes through and around
Dionysos without seeing him and proceeds down stage towards the gate or' the paiace"2\\,S
Passant "i travers et autour Je Dionysos" sans le voir, la PfOCèssion permd J'dablir la
süpériarité de Dioüyrsos. Tel un tàüv'"e aux aguets~ Dion)/sos ;.'oit et regarde passer 1e
cortège, attendant le moment idé::l! pour agir: "Suddenly the Old Man appeas ta wilt,
collapse.... As he falls, a bright flash reveals Dionysos on the tomb of Semele. A11 action
ceases. The music of Dionysos"266. Il choisit l'instant curcial où le bouc émissaire
s'etfrondre sous les coups de fouets; là où apparaît dans toute sa clarté la corruption du
rite éleusien. En effet, la flagellation devait être "symbolique et non réeJJe"267
L'intervention de Dionysos introduit ia tin prochaine du rite éieusien. Sa musique
commence à résonner, et dans le mème temps, IUI-mème se révèle et lance aux membres
de la procession éleüsienne avec UIle certaine assurance: "[Sml1ing]. Sîng the Death of
the a!d year and--welcome the new--god"2ôx. L'agonie du bouc émissaire est assimilée à
la mort même de l'ancienne année. Plus encore, l'ancienne année est mise en opposition
265. Soyinka, Wole, Op. Cir., p. 238
~(,(, [oc. Cil.
267. Ih/J.. p. 241: voir aussi section sur la théâtralité et l'expression de la médiation: le
refus de la médiation [Jar Pentheus.
2()X
1hhi. ~ 11. 23~

i i 7
non avcc ia Ilollvciie allnù~ IllalS avec il; fllHIVCaU dlcu. L"cst il; momcnt où ia tranSlllon
~c Ic.dISC l:l1ccllvcïtll:lil. DL/ils la ~lIiLc Jt: i';ICiiull. il Ill: s'agira plll~ qlll: du IIUUh:1 ordre
avec ~,èCi corollaire:; ct :jCS attribuLCi. I\\USSi. cd accomplissement marLjue-l-ii le débuL réel
de la t.:réation de !:l nouvelle communauLé telle que nous 1':lVons décrite d:ms le chapitre
sur la communion.
AlI1si. si le rituel é!eusien ne meurt pas de lui-même mais plut('lt par l'actIOn de
Dionysos, il est récupéré dans une perspecrive positive que rév~le Tiresias, celui par quI.
en tant que bouc émissaire éleusien de l'année. cela se réalise:
Dionysos: And ifyou have been tlogged to pieces like an effigy'}
Tiresias
Then f shaH pass inro the universai energy of renewal.. like sorne heroes or gods 1 coulct
name.
Dionysos, Go on.
Tiresias: Isn't that i,? ls that 110t why Dionysûs169
Le rite éleusien s'est écoulé dans ['tl..lJ.ivers dionysiaque, celui des énergies cosmiques. Un
à un les participants éleusiens prennent partie pour le nouveau dieu. En somme, la mort
est sublimée en une renaissance à travers ce processus. C'est le sens ultime que devait
revêtir le rite éleusien ; et c'est sans doute une préfiguration de la mort matérielle de
Pentheus avec toute la positivité qui en découle.
Pour conclure, on peut noter que le rite de purification tel qu'il apparaît dans The
Strong Breed et The Bucchue of'F.;uripidé.'s relève d'une philosophie similaire du monde;
un monde dont la dynamique demande chaque année aux humains des sacrifices parfois
lourds. Mais le ~àit essentiel est que si dans son principe le rite est la manifestation d'une
quête de la vie, il dépend en dernier ressort de ce que l'homme en fait. Ceci est d'ailleurs
valable pour tous les types de rites. L'homme se trouve ainsi forcément et de façon

Il X
slgnliù:JfI\\'C au ccnlrc de ia nOIJon de VIC-!110rt, du symht)ilsmc de ia creilllOIl-destruc!lon
dafls l'illla~illaile SOYlllkalell . ce ser~1 l'UII des oblets du cl1apitre SUl l'I1oll1ll1e et la
société. L~ notion Jc lI1eJi~llOIl inhérente ~u rite scra Je Iii conducteur Ju chapitre
suivant.
L 2. De quc!quc~ aspect de la thé:1tralité ct de l'expression de la médiation
Le rhéàtre Je Sovinka est un théàlre ritueL Dans le chanitre liminaire nous avons
.'
,
essayé de cerner les contours de cette vérité, L'essentiel de la théâtralité correspond ù ce
que les uns et les autres considèrent comme les aspects théâtraux du rituel : le
protagoniste, le chant, la musique, la danse, etc. Mais il taut tout de suite rappeler que
ces éiéments ne relèvent pas que àu rite. Us appartiennent tout autant à i'univers àu
divertissement, au ludique, au quotidien. F. X. Cuche montre par exemple comment le
griot, présent à la fois dans le sacré et dans le profane, joue une fonction réelkment
théâtraleno.
Chez Soyinka, la théâtralité relève essentiel1ement du troisième axe possible
d'approche du rituel : les composantes organiques. Il convient donc de restreindre le
champ de la théâtralité ici car on sait que les composantes du rituel couvrent des
domaines aussi divers que l'espace, le temps, l'objet (aquatique, bestiaire, végétal, etc.).
Ces éléments-ci seront l'objet àe ia dernière partie àe notre travail : ils constituent un
monde à part selon l't:sprit et la structuration de notre démarche.
Les Mystères Oguniens sont la substance essentielle qui
rend compte du
- '
symbolisme du rite chez Soyinka. Grâce à la médiation, également analysable sous cet
angle, la composante organique du théâtre n'est pas un élément simple et vide. Faisant
11
27 . CUchè, F. X., in I.e:: IhéLÎlrc négrn-fllncuin .. clllllIl/l/(' d'/lhiL(iun, fi) 70, pp. 138-/3t1

1 1\\)
app~1 :'\\ un rélërenl transcendal1lal IlU eXlerteur, ellc Csl SYlllbollqUC el C(III1[1l-:xe, I)ar .-;a
capaCILc ~l le rendrc prcscnL ITl<lJllk.')[c. la lllc:llralilc panlclp~ :il'oeuvrc Je ctC:tlllllL
icI. CC sonl lé persunnage d 1\\;nselllb1c Jes éléllKnls relevanl Jc l',\\kollsliklln, Je
l'Ops\\s et du Dromcnon qu~ nous avons regroupé dans la rubriquc dc la mèdi:lllOn, qui
.-;eront l'ohjet de noIre préoccupation
1. 2. 1. Personnage et médiation: de l'expression du principe de l'être
symbole
L'acteur du théâtre rituel n'est pas simplement un acteur-comédien
il est
fonctiolU1el à plus d'un titre car appartenant à
un système dans lequel son rôle est
diversement déterminant Accomplissèment des fonctions socio-religieuses, participant
au rite, il est physiologiquement un être symbolique ou considéré comme tel de par son
occupation quotidienne. Le fait est que ['homme soyinkaïen peut être double, l'individu
social et physique n'étant qu'un aspect au-delà duquel réside une autre dimension plus
essentielle: celle qui ouvre, entre autres, sur le spirituel, le transcendantaL
Certains personnages du théâtre de Soyinka sont une incarnation de ces acteurs,
êtres-symboles. S'élargissant avec le rite, la notion de médium qui rend compte de cette
approche de l'être, dépasse la simple notion d"'Elegun"--la possession ou la tanse--pour
s'appliquer à ces autres êtres qui sans être "montés" par un quelconque esprit, évoquent
par leur être ou par leur fonction d'autres niveaLLx de vie. La possession/dépossession
relève de la dialectique mort-vi,e.
Cela étant, J'être médiateur joue le rôle de pont, permettant de percevoir plusieurs
réalités à la fois.
Ses déterminations apparentes ou taxinomiques (chef: prêtre,
protagoniste rituel, etc.) sont sans doute importantes, mais la signitication de la réalité
dont il rennet l'existence s'avère aussI être lrès en relatIOn avec la notion de vic-mort.

l.2ll
1. Z. l. l. Le ~r()upe des chefs l't prètrcs
L\\: sroupe cOlnprcnJ le:; ()ha:; \\ k:; roiS), Danlola el l3arol--a par c.\\Clnple, eL cc:;
aulre~ personnagcs 1III portant soclalemenl yU! sans portcr k litre J'Oha. 11\\:11 ;l:;sLlmcl1l
pas moins certaincs Je ses rcsponsabilit0s. On pensc ~ut"toLlr au Kadiyè dans nie .""romp
/h1'('//l'/'I. l}rolessor dans son rùlc 0nlg1l1alique Jans /IlL' /?o(/d, d
Pentht'L1~ Jans n/(,
/lucc/iu(' ol/·,uripidcs. La présence ici de Pentheus peur rarailre rarado\\ak. mais nOLIs
verrons qu'elle sejustitie.
Rappelons ici quelques caractéristiques Je la fonction de l'Oba en tant que
médiareur dans j'imaginaire yoruba:
In the yoruba politicaJ set-up, the Oba is the traditonal head of !lis people, the ponti tex maximus.
and the representative of the ancestors. In things secular and religious, he has the tinal say. Many
testivals begin and end in or in front of his palace or the Ojà Oba (Oba's market) and in the principal
ones, the Obas has certain vi ral rimaIs ta perform27 l
Et k Professeur Ojo Afolabi de préciser: "The Oba was the archpriest of the living
members of the society who ensured among other things tèrtility in plants, animais, and
the indispensable link between the living and the dead" 272 Ces infonnations soulignent
toutes la centralité tant sociale que religieuse de l'Oba. Représentant des ancêtres sur
terre, à rOba revient le rôle de régulation des rapports entre ancêtres et vivants afin d'en
tirer te meilleur pour chacune des parties, pour la vie.
L'Oba fait ainsi figure de prêtre car il est la composante principale dans les
rapports ancêtres-vivants, à l'intérieur des rites. Le roi-prêtre est un médiateur par
excellence, comme l'est tout prêtre:
The priest's main function is that uf a mediator . he is a person 'in rouch' both ways between the
object of worship and man , he knows [hem both, hears them, and speaks on behalf of one or the
271
Awolalu, J O. Op. ('il., p. 17
272
A 1()labi, Ojo. VOf'7lh(/ ('III/lire' /1 (;l!ogmphic{// .ll7uly.\\I.\\, [1 134

1 ~ 1
otller
Il is his duly I() \\)l1er IIp II1;Jn's 1V0rship ;Jnd Il' hll'SS lllal1 III Ihe 11;lIl1e or IIIS n/1 Jl'l' 1 "i
77·'
.
IVllrship-
)
[n montrant la I(JIICliOiI de Illedialion du roi cl ses asslllHlès, u.:lle analvse situe
également les niwaux slgntlïcati/'s de la IIlcJiation ici' un rllveau social où le chel". cn
tant que gar:lnl du bien are de la communauté, est souvent amené i assulller une l'onction
médiatrice au regard des choix qu'il fait nu des actions qu'il accolllj1lit :lU nom de sa
communauté dans le cadre de son devenir: et un niVè:lU rituel où la capacite ou la
volonté de l'être à assumer la médiation constitue l'élément clef C'est que Sùvinka
n'épargne pas les personnages--lIlcamateurs de la médiatIOn ou non--de sa veine
satirique: nous en verrons des manifestations le long de notre propos.
1. 2. 1. L L L'Oba Danlola
Le thème général qui prend en charge Oba Danlola dans Kongi~s' Harvcsl est celui
du pouvoir. C'est ce qui sous-tend en paniculier toute la notion de la médiation pour ce
qui le concerne. Il s'agit plus précisément du pouvoir spirituel, celui auquel aspire Kongi,
conscient que tout le poids social de Danlola réside en ce pouvoir.
Ainsi, Danlola est "père" par exemple pour Daodu aussi bien que pour Sarumi274 .
Bien entendu, il ne s'agit pas du père géniteur, mais du père-ancêtre. Ainsi s'adressent les
yorubas aux ancêtres, donc à leur représentant légitime.
Délibérément ou non, le
Superintendant emploie également, bien que dans une expression proverbiale, le terme
"père" à l'endroit de Danlola275
D'une part, dans les chants qu'exécutent l'Oba Sarumi dans le palais royal,
Danlola apparait comme un "dieu" :
273. Idowu, E. Bolaji, O/oJunwre : Clot! in '/ouhu f3eliel: p. 130
27'1" Kongi\\' f-{orvesl, pp. 63 et lOt)
m. Ihid, [J. 65

1.21
IIK' kin~ 1'>
He \\Vi1O anOints Ihe IwaLl's pulsl,; Cl,;lllre
\\Vith the oil ot"sacritice
The klilg IS gud 27()
Dans sa fônction Je médiation Je Danlola est perçu principalement sous l'angk
sipiritud Cependant. sa l'onction sociale n'est pas occultée. Comment Ic scr~lIt-ellc ') Le
sririluel est lin paramètre social de premier ordre dans œt univers L.es nombreu:x chanIs
de la pièce. notamment ceux Je Oanlola ont, entre autres, pour thème la perte de sa
tonetion de protection sociale277 Et. au fond. le projet de Kongi n'est-il pas de recupérer
à travers le spirituel, la fonction sociale de Oanlola ?
En somme, J'insistance que Kong] met à recevoir l'igname des mains de Daniola
est, au même titre que la consommation rituelle de l'igname--par Oanlola--révdatrice de
la fonction de médiation de ce dernier. La consommation de la nouvelle igname est un
acte rituel expressif de l'importance de la fonction de l'Oba Danlola :
The first of the new yams
Melted in an Oba's mouth
But the dead will witness
We drew the poison from the root 278
L'Oha Danlola accomplit cependant cet acte sans danger pour lui car il a un statut semi-
divin. La notion de "témoin" qui apparaît dans les propos de Sarumi
mérite qu'on s'y
arrête parce qu'eHe touche à quelque chose de très profond. Derrière la bouche de rOba
se cache celle des ancêtres, des forces cosmiques. C'est à eux en réalité que revient la
première igname de l'année. L'Oba Danlola n'est, si l'on peut dire, qu'un intermédiaire. La
i -
fête de l'igname constitue un rituel de remerciement aux forces supérieures responsables
de la dynamique de la vie.
27(,. [hic/., 109: traduit à la page 139 de la rièce en anglais.
277
VOIr le chapitre sur le chant.
27':< Soyinb. Woll', ()[J. (II .. p. 00

L'est lout Uil uilivers SPllîlllCL SVll1tJOllqllc qu"l1lr(ldllllsellt la nomelle Igname L:I
tous ks adl::s l'impllqu<'lIlL SUlltlUI qU<'lIld ils SUIl! assuclL:s<.'t l'Uba. Le PHlJcl Je l-\\.ollgi Vise
a récupern celte spIritualité <"1 [t'a\\ers le geste Je la remise Je "igname
"!\\II wc want IS
sOll1e way of persuading kIng Danlola Lo bring the New Yam to Kongl with his own
La gestuelle est un élément thématique important de l'oeuvre de SO~"lnka ct relève
quelque fois de la médiation. Elle l'est notamment quand die s'applique au roI. il l'Oba.
Organizing Secretary met en réciprocite l'acte de libératIon de Danlola et celUi de la
remise de l'igname qu'i 1 attend de ce dernier2so On pourrait penser qu'i 1 i,gnore la valeur
symbolique de l'acte, mais ce n'est nuilement le cas. Il est ausi lucide à cet égard que son
maître kongi. L'acte physique rituel de Danlola est une réalité derrière laquelle se trouve
une "présence divine", et de ce fait ne peut être mis en parallèle avec la libération sous
caution des prisonniers. Cela dit, la remise de l'igname pàr Danlola peut s'interpréter de
deux manières: au plus, elle signifierait un sacre, une reconnaissance ancestrale de
Kongi; au pire, elle suggèrerait plutôt un sacrilège: les humains et non les ancêtres sont
censés remettre l'igname. Cette dernière approche peut conduire à interpréter le coup de
feu, synonyme de mon et évocateur de Sango ou d'Ogun, qui intervient juste au moment
de la bénédiction de l'igname par Kongi, comme l'expression parfàite de ce que signifie
la remise de l'igname du point de vue de la négativité2X1
Le geste de Danlola révèle une profondeur qui ouvre sur la transcendande. Ce
geste a pour cela un pouvoir, créateur ou destructeur. Danlola en abuse et attire à cet effet
la satire de Soyinka; nous en verrons une expression assez révélatrice plus bas. Dans A
27q Ihid., p. 77
:?~Il 1hiJ., p. 95
2X'. Voir scellon slir la moisson.

1)(IIICl' oftllc ;'orests. l\\rol1l. k :-;econd Je j'mesl i'~llhèr. recree je passe J'lin ~e.'ile Jc U
il1aill. "Arulli wavcs his hand III clrck. 'l'Ile (UlIrlui" Mata Kltaribu llgllls up :;lo\\\\,I.\\' __ ,,>~
Sans Jovolr celte envergure. Dal1lol<1 im:~lnle le pouvoir Ju geste cas Jans Ull :;cns il
appartient au mèmc paradigme qU'.Â.roni. b notion du geste signelïcatir dans l'i!1lag!n<lm:
soyinl\\.aïen a conduit f30yd M
Berry ~I 0crire Ù rro[10S de f(ong/\\ III/n'('st que k
dramaturge a le véritable don de donner llne apparence significative au:" <Ictl()ns:~~ C'est
en effet ['expression d'un trait essentiel de l'imaginaire de Soyinka.
Amsl. il est vrai que les menaces de Danlola de se prosterner devant k: dIrecteur
de ia prison reiève de ce que iui-mème appeile "la comédIe", mais ia frayeur du
Superintendent, elle, est "vraie". "réelle"- il en est de mtme dt celle dt la suite royalt qui
à chaque fois se dépêche de "calmer" la colère du roi--du "père", du "dieu" :
Danlola : [Makes a motion as if he means to prostrate himelfJ
Retainers: [Steps fonvard, shouting in alarm] Ewo l
Danlola : But he says l must. Let me prostrate myselfto him.
Superintendant: l did not make an impious demand ofyou__
l didn't ask for a curse on my head.
Only a fooflish child lets a fatherirostrate ta him. l don't ask ta become a Ieper or a lunatic. J have
no wish ta live on sour berries28 .
La réaction du Superintendant et de la suite royale découle d'une conscience que les uns
et les autres ont du statut semi-divin du roi" S'il n'y a aucun doute que Danlola abuse de
son statut, chacune des ses exagérations demeure une illustration de ce qu'il est censé ètre
en réalité dans le système de relation avec les forces cosmiques, dans son essence. Sa
parole est aussi dangereuse que son geste physique, et pour la même faISon. commme
nOLIs le verrons dans le chapitre sur le verbe.
2H2 A f)ance oj'/he F"oresls, p. 46
2H.~ Soyd, M. Berry, in .lames Gibbs. ed., ('mica/ I\\:r.\\pec/ive fin Sovinko, p. X8
2H~ Soyink:L Wole. Op. ( IL r AS

i25
i\\ cc pOIrH. 011 peUl ellcore 1101er deux aulres mOlllel1lS ou la valeur de ll1el1I;lllon
Je Uaillula sc mi.lllili:>lc. Dalls ulle de SeS convcrsallons ~lvec I)audu. Il alïïnllc
'luI' us.
éVCIl lhe lkau knu lileir eye:; / AnJ cars, as uo the ullbom"'"
Un peUL JitTicdelllent
expliquer cette assertion si on la prenu au pied de la lettre. II s'agit en réalilé ue
I\\:xpression de cette dimenSIon diVine incarnée par le roi
Les morts. entendons les
ancètrcs. peuvent prèter leurs "oreilles" ou "yeux" à Danlola parce qu'il est kur
représentant pamll les humains. On ne peut pas soupçonner Danlola de jouer à la
comédie; car Daodu j qUI il s'adresse ici n'a aucunement besoin d'être mpressfOnnè. Il est
le prince héritIer et n'ignore cenainement pas le statut du roi.
Tout comme sa parole, l'habit de l'Oba montre également la dimension médiatrice
du personnage. A un moment capital de l'action, quand Danlola et sa suite exécutent la
danse symbolique de mort, accompa!:,'11ée par un dialogue lyrique richement poétique.
Sarimu le roi cadet affirme:
And the unborn c1ing
T0 the hem of our robes
Oh yes, we know they say
We wore out looms
With weaving robes for kings
But 1 ask, is popoki (thick coarse, woven cloth)
The stutfto let down
T0 unformed fingers clutching up
At lifè?286
A la tenue royale peuvent s'ag!:,Tfiper les "enfants à naître" parce que justement le roi se
trouve au carrefour des trois mondes de l'univers yoruba. Son statut de médiateur est
évocateur du gouffre transitionnel, réalité par laquelle l'univers des ètres à naître trouve
son lien avec cel ui des vivants.
2X:i Ihid .. p. 103
2X6
Ihid. p. 67

Le personnage Jc I)anloia InlrOUUIl ;\\ iUI scul unc pan InlpOrlanlC de ia JIIllCnS\\On
tout Cil ayant un ancrage Jans le maléricl
ulle double perspcctive autolll Je laquelle il
construit la Cable ct fonde sa veine satirique. Kongi veut accaparer le contenu spiritucl Jc
la lllnction de Danlola--qui n'est pas épargne de la satire--ce qUI n'est pa." s:ms provoqUl:r
l'ironie de Soyinka. Au centre Ju contlit. Danlola sc montre quelque Il)IS au-dessus Je
Kongi. souvent au même niveau que 1ui. l'viais dans l'ensemble il est un personnage pl us
positit: plus sympathique, notamment dans son refus de ceder une onœ du pouvoir ù
Kongi, la force de destruction par excellence. li n'accepte de cooperer avec Daodu et Segi
que pour contribuer à la chutte du dictateur Kongi. Ce faisant, il participe à la
consolidation du nouveau type d'espoir qu'incarne Daodu. Car se comparant à un
"masque sans chair ni substance spirituelIe"2~7, il se sait fini.
I. 2. t. 1. 2. Le prêtre du Serpent des marais
Le Kadiye est le chef spirituel de sa communauté, il en est le prètre : "He's our
holyman, the servant and priest of the Serpent of the swamp"28l; . C'est à l'intérieur de
cette fonction et par rapport à elle que l'on peut cerner sa signification; signification à
lumière de laquelle se perçoit également la satire de Soyinka envers cet être essentiel
mais qui en fin de compte s'illustre comme une force de mort. Cela dit, le prêtre est
l'intennédiaire entre l'homme et les dieux, comme le Kadiye l'est entre la communauté
des marais et le Serpent.
Sa personne mème semble être en permanence une hiérophanie du Serpent; sa
voix est en tout cas celle du Serpent, des dieux des marais: "You rKadiyel speak with the
2H7 /hid., p. 106
2XX. the SWtlmp Owcllen .. p. 93

i~ï
voice or' Ihe gous" ~:;q lUI dll Igwe/.LL i_a \\tll", aspecl p!lônlque du verhe, esl dans la
clvilisatiun lraJillullIl\\:lk qUI est ICI celle des IJaw, Ile ~'I la I(Jrcc \\Ilaie Je l'~lIe
Appartenant au prdre, iL verhe Ju Kaolvc lranscenoe son ll10ivldualile pour condUIre ~l
l'énergie cosmIque qu'il esl censé Incarner. 19\\vezu ne sc trompe guère quand Ii allinne
que le Kadiye "sait 10ul U car il parle le langage du Serpent \\)mniscl\\::nL selon i\\lu~"11
Ceci étant. cbt au cours de l'accomplissement de Ses multiples 1(111ellOns riluelles
que le Kadiye agit réellement en médiateur. Dans sa quête de "nouvelles forces d'action",
d'harmonie et contll1ulté de vie dans les marais, la communauté offre ses sacrifices, t~lIt
ses requêtes au Serpent par la médiation du Kadiye. Ainsi, au-delà de ce que l'on peUl
déceler comme ironie ou signe de rébellion dans l'attitude J'lgwezu quand il soumet le
Kadiye à son "jeu de devinette"29 1, ses questions et les réponses du prêtre sont
révélatrices à cet égard:
[gwezu : Who takes the gifts of the people in arder that the beast may not be gorged and made
sleepy-eyed \\Vith the feast of sacrifice?
Kadiye : The Kadiye292
Dans le rite, la prière a autant smon plus de pOUVOlr que le sacrifice. Elle
constitue le premier acte dans toute cérémonie à caractère religieux; et pour cause: "It is
a means by which man makes a devout supplication to and enters into communion with
the object of worship"293. A J'intérieur des rites directement liés au serpent comme de
ceux qui n'ont pas de rapports élroiLs avec lui, le Kadiye "communie" avec les énergies
cosmiqucs "au nom" dc la communauté à travcrs la prière. Il confirmc, sans le convaincre
certes, à Igwezu que toutes ses requêtes et tous ses voeux avaient été transmis au Serpent
2X9, Ibid., p, 108
2')0 Ibid., p, ~4
291, Ihid., p. 108
2')2, l,oc, ('il.
1
2 .11
A\\volalll~ C) .1'" (){J. ('il... r. 102

12X
Cil Cl:~; termes
"1\\ Il tlle pravers were rereatcu":')1
i\\ li cours de 1a cC["el110nle de 1a
CirconCISion Ju lib Je Daruga. la 1()I]Cllon uu l<'auiye se réSUIIlC ~'I la IL'cllatlUI] "des
rrièrcs llabituellcs"2'"
I.a prièrc cst propre au prèlrc. clk '-'lHlslltue son langage Je
dialogue avec les forces cosmIques,
Même s'il n'assume que piètrel1lent--rarce que de I~lçon int0ressee comllle nous k
verrons--sa fonction, le Kadiye demeure le gardien phvslque et spirituel \\lès marais.
propriété à la t()is du Serpent et des humains. Il en est en principe responsable devant ces
deux instances dont Il est le médiateur. C'est pourquoi quand l'inondatIOn commence, le
Kadiye peut "s'imposer" des restrictions en guise de prorestation auprès du Serpent :
Kadiye' Yes when the Hoods began and the swamps overran the land, l vowed to Ihe Serpent that
l would neither share nor wash until the rains have ceased together296
Ces propos sont autant t1atteurs que trompeurs, cependant on peur retenir qœ cer "auto-
sacrifice" est possible et convenable en raison du statut du Kadiye :
They [priests] have to prepare themselves in order to be wonhy and acceptable betore the
divinities.... Anyone who is to officiate on festival occasion must be ritually clean. taithful and
sincere297
fi Y a tout un code de moralité--dont le Kadiye s'écarte à divers IlIveaux malgré les
apparences --relatif au prêtre, et qui exclut tout ce qui ressemble à de l'impureté. La
signification de la décision du Kadiye devient ainsi intelligible: en se comportant de la
sorte, il contraint, si l'on peut dire, le Serpent à l'indulgence: l'arrèt des pluies. La scène
où ii se tait raser la barbe constitue alors en soi un dément richement symbolique dans la
pièce: el\\e traduit en un sens la fin de son action. Mais au-JeI~ de cette signification
première, on est aussi forcé de remarquer que c'est le moment choisi ou saisi par
2')4
Soyinka, Wole, Op. ('il., p. 109
2')5. /hid, p. 97
1
2
IhiJ.~ p. 9h
) ( ,
2')7 Âwolalu, J. 0, Op. (II., 170

l'ogunlen 'swezu pOlir Illeltre le prêtre ell (;\\Use. Par ;11 1leurs. le rasoIr. ImaSL' de 1';11"111\\':
antlll\\'alcnle J'Ogull. ~ert ICI a raSer d ;'[ Ilh:nacer le KaJlve Je IIIOll, Le I--:.;[(.JI\\C IlIellte
d'autant celte menaCL ~lu'il "ment" au nom ~lu Serpent cl mCCl1ndult Ics humains
li Ya toute une satIre de Cond que I.:ettè analyse ne r0vèk que partiellemcnt mais
sur laquelle nous revIendrons dans les chapilres sur Ig\\\\'èZU ct la moisson Fn d'tel. si
l'analvse ci-dessus est une démonstratIOn du caractère vital de la t<'lflctlon du I--:.adive. elle
.
.
ne montre pas clairement la corruption qUI en resulte èt qui est également une des
préoccupations du dramaturge dans la pièce. C'est en tait un chOIX de notre part et qui est
motivé par la volonté de ne pas beaucoup anticiper sur des thèmes essentiels ;l venir.
Cela dit, on peut résumer le rôle du Kadiye comme suit : ~tant à la fois humain el Jivin, il
devrait agir dans l'intérêt de chacune de ces deux entités car il occupe une plaœ
incontournable et privilégiée dans le jeu de relations inter-communautaires. Il est au
centre de la vie dans tous les sens du terme, dans les marais. Il conduit à tous les aspects
et niveaux de la vie: du matériel au spirituel en passant par l'éthique. Ce genre de
fonction--vitale, centrale, etc.--attire toujours la satire de Soyinka, car les individus
chargés de les assumer finissent presque inévitablement, tel Danlola analysé plus haut, tel
le Kadiye ici, tel aussi Protèssor dans le chapitre suivant, par abonder dans la perversion,
la corruption.
r. 2. 1. 1. 3. Le prêtre mantique: d'Agboreko à Professor
La fonction du prètre en tant que médiateur constitue un des aspect centraux du
rituel mantique tel qu'il apparaît dans A Dance nf/he Fores/.\\' avec le devin Agboreko et
The Road avec Protèssor. fi existe chez les yoruba plusieurs types de modes divinatoires:
on en trouve un certain nombre dans le théâtre de Soyinka. MaiS notre Intérêt pour cet

01è111enl sc limlle a sa pLl"linence par rappon ;\\ la nollon Je ll1eJlallon qU'lnC\\l'ne le Jevln
--le prèlrc--d sa slgtlilïcallol\\ lillèralr~ Cil Jellller rcssOit.
pnncipe de la divination. Dans 1:1 logique Je la croyance yoruba. rien Je cc qui sc passe
d~lns la vie n'est ~ratuit Tout ~\\ llne cause et lout est Ile I=-t SI cela èst unè loi. disons
naturelle, Inversement il eXisté aussI L1ne loi de la réraratlon qUI est de mème nalure Les
sacrifîces y trouvent leurs lonctlons2'!:-(
l'identi~lcation Jans un cas de I~l source Je la
disharmonie, et des tarces capables de remédIer à la Situation, dans l'autre. La sCience
mantique fonctlOnne à l'inténeur d'un tel système
En somme, la divination est tout Wl système de communication mystique ou
métaphysique. Et à l'intérieur de celui-ci, le prètre, [ç Babalawo pour employer la
tenninologie yoruba, joue le rôle de médiateur entre le divin et l'humain. n est un porte-
parole parlant au. divin ou interprétant son message dans un langage qui lui est propre, à
la fois poétique et parabolique:
The Odu verses are regarded as the messages of Orunmiia uttered through the Babalawo who is his
mouthpiece.... It is th~ Babalawo who has the knowledge of Ifa and who can interpret these
'parables' meaningfully_99
Dans A Dance of the FOreSf,\\', le rituel mantique Ifa intervient dans l'action
pendant l'aventure des représentants humains dans la torêt. Les trois compères
progressent tout doucement vers le lieu de réception des morts tandis que Old Man et le
devin Agboreko s'etIorcent de chasser "lt: couple de morts", leurs accusateurs: "if we
2~X. Chez Soyinka, tout sacrifice rapproche davantage l'homme du divin (in) Myth,
Liferature and the Africun World, p. JI. Chez les Dogons, tout sacrifice est.. une
redistribution de la force vitale du sacrifié (in) M. Griaule, Dieu d'eau, Fayard, Paris,
1966. [J. 124
2'!". i\\wolalu, .1.0, Or). Cil., [J[J. 125-126

131
unve ~)lr the wilnesses I\\roni Ilas no po\\\\/cr":'!l'. clame \\ )Iu [vlan Jont le ~ils 1kmllke est
'\\:n uallger" [~c nle Je Jlvlllalloll IIllerVlellt COlllll1c LIli Illuycn pour Jecouvnr l'idenlltc Je
la "yualrième personne qui llenl cOlllpaglllc ;\\Den1Oke, [\\ola d ,\\Jcnebi" Il s'agll cn l~lIl
de Forest Father déguisé en hum:.lin sous le nom J'ObaneJi, ct qUI entraîne ks humall1s
vers la scène de jugement.
L'objectif du rite ne cache guère la !'(1I1ctlon d'Aghoreko. le 13ahalawo. i\\ lravers
lui, il est fait appel ù Orunmiia, la divinité tutélaIre d'lt~l considéré ùjuste titre comme le
maître de la destinée autant humall1e que dlVll1e. En effer. OrunmIla est à la fOIS capable
de predire l'avenir et d'identitier les remèdes et sacrifices adéquats pour intluencer
positivement le cours de l'histoireJOI . Lei, l'objectif d'Agboreko est non seulement d'aider il
identifier la quatri~me personne, mais également de trouver le moyen d'éviter la
"malédiction"'des forces transcendantales: "If they are the dead and we are the living,
then we are theÎr children. They shan't curse US"302
Recourir à la divination, c'est aussi demander l'accès à Tfa--le savoir--à la force
divine Ogun, "gardien de la route d'Ità"303 ; c'est également s'attirer les faveurs d'Esu afin
qu'il épargne votre destinée de la confusion. Agboreko se tàit le messager des humains
auprès de ces forces également. Mais jusqu'à quel point ce message peut-il ètre entendu
des dieux quand dans le mème temps leur domaine qu'est la forèt est soumis au sacrilège
des rabatteurs et de la Cheminée d'Eroko ? La confusion d'Agboreko, prenant le bruit du
camion pour le tonnerre, c'est-à-dire, la manifestation de la divinité, n'est pas sans
signification:
'>00. A Ounce· ol/ /te /;ore.\\'l.\\'
.lOI. Idowu, E. Bolaji, Op. Cil., pp. 77-78
3[12. Soyinka, Wole, Op. Cil., p. 37
HU A·~\\!(h, I.i/em/llre und the /IJi'lcun Wl)r/d, (1., 7..7

13.2
\\ghord,o
!Caslillg IIUIS! Il \\V;\\S lilllnder
1îllllHicr 1 IlIlISI ,;\\SI ;lli'esill !Tlie nllllhic \\Vliicililiev ;111
ileard cOlltillues IUIIII.:rcaSl' Il SOOIi revcals ilsdl'as [IiL', 111;\\1' 11(;\\ hi~..d\\-powercd 1<11'1"', Iwal'lll'-' <!OWII
Uil lilelll, IleaOllgllls (ln l';(;'~
dl!
rpnll~dl-' ,,'<:t I('j
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·_···r··-·-- ,-"_..
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-~.
n"mnl~lI'r; n~lr h rll~lnil-i"<:I:lti(ln d", h ,iillll'Il<:lnn df'<:lnwll\\iI-' t'I d,' 1:1
~.-.
-~-,
stupidité hUlllaine
le GIIllIOIl. déjà impliqué dans bien de C1S de morts, èSt utilisé pour
combattre les esprits de la j(xèt 1 Les èSlxits ancestrau,", attendus ù la L:érémorlle
divinatoire sont ainsi refoulés. De rneme le prêtre Agboreko. leur interprète vocal, les
danseurs egungun, ces autres mediums, sont ensembie, disperses.
La tIn du rimei mantique s'inscrit bien dans ia rendance indiquee au début de
l'illustration de la stupidité hlLrrraine qui dépasse maintenant le simple
recouvrir à la fois la négation des ancêtres et la rupture de la communication mystique:
refus au lieu d'acceptation, renvoi au lieu d'accueil, rupture au lieu de consolidation, etc.,
tels sont les sens ultimes dévolus à ce rituel divinatoire.. Ceci étant, Agboreko n'est pas
exempt de ia satire de Soyinka: huit siècies pius tôt, il etait ce devin au service du
despote, de la force de mort, Mata Kharibu, iviaimenant, ii met sa science au bénéfice des
fOïceS humaines destructrices que sont les villagois. r: tmuve ainsi une valorisation
On peut noter pour terminer qu'au niveau de !a forme, Soyinka démontre autant sa
oarfàite connaissance de la tradition voruba oue ses aualités de ooète et de dramatume
..
~
..
. 1 . .
......
rituel. Le sage Agboreko est le Babalawo, ce qui lui sied bien en raison du caractère
gnomique de son langage et de son goùt pour la poésie, On confondrait faci lement son
.111,1
,/ OOflCL' II(I//(' /,'lIres/,\\', p. J~
-- . . - - - - ---_._-_._._~------._-----,---------------_.
;----~·---·I

rroprc iansagc C'OllllllC par cxcmpic
"Tilc cvcs lhal iooks dO\\V1l \\\\/1 i i ccn:llniv sec tile
\\Vorm \\VJS throwing dust in his licc"l()h
cette l1lème raison mais aussi pour d'mitres liées au stalU! Lju'il se donne par rapport ù la
communauté. A la différence des autres personnages du groupe traité ici. Protessor n'est
fl1 un chef fl1 un prètre à proprement parler. Protessor lui-mème se consIdère ou s'Impose
comme chef. Néanmoins. ii demeure un médiateur à ia fOlS spirituei et sociaL
Le premier ni veau ue ia tntuialiun apparLienL à Pruiessur en tant que cber spiriLuei
de la cûinmunauté de la mute ct cn tant que Babalawû au milieu de celle-ci. 11 imagine
son role comme étant similaire à celui qu'il tenait par rapport à ses élèves à l'église
:
celui de guide : "Yon make Ille tèe! that T \\Vas back among my sunday-school
children"307. Professor se perçoit comme celui par qui la communauté peut découvrir
l'univers transcendantal ou entrer en communion avec lui. Univers dont l'objet de sa
quête--Ie Verbe--constitue une symbolisation. Ainsi au moment de la grande communion
finale, quand Murano est possédé, Professor croit, à n'en pas douter, à l'aboutissement de
sa quêle, tnai~ ii y vuÎl aussi ceiui ùe sun rùie spiriiuel par rappurt à la cummunauté .
i fee! powered tonight, but that's usual. tlut 1 aJso feel al last a true excitement of the rnind and
spirit. As if that day has been iowered at last wilich i have long awaiteà. Sureiy i am not aione. ff j
am ihar, then [ have waisted evenings of instructions on you 3QS
ill) /h/{J., p. 36
Hl(>. /hILI., p.37
,07 nIe Noue/. p. nh
\\O~. Ih/d., r. 227

1 j.~
'"c (on de :;a peroralSOIl linaic :;'1 I1Slïï 1 C~alcl11Cl11 Jans CCllc pcr<;pel'lIVC Je
communauté. Il <;c Jégllisc par c.'\\èmple en l3abalawo pllllr certains membrc<; du gang
désireux de [rouver leur voie de succès Jans le labyrinthe de la Vie. Cependant, Protessor
est un peu à l'image de Pentheus, un prêtre perverti. En enet. originellement. les nomles
du roie qu'ii s'attribue sont très ciaires et strictes
;;the Babaiawo is under a vow of
POVt:rly. He shouiJ noi ust: his position 10 enrich hirnsdl' in anyway , il' he uoes, ht: wiii
op.rnip.r
--------- cp.ntimp.
--~-------
S:lns
----"--
nom
c----
mlt:lnt
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i:lm:lis
J-------
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- - - - - - - - - .
Ie:llr
- . - .
nrohlÈ':llle:
r--~
-----.
Vio~e:
---- - OP.
~
son
_
sens origineL de sa dimension spirituelle, la divination autant que son prêtre deviennent
de simples instruments d'exploitation, de destruction:
Professor: [With emphasis] This is a consultation
Samson: Oh 1 am sorry, very sorry sir. 1 was a little forgetful [he fishes out a threepence and places
it on the table. But Professor continues to look straight ahead of him. Nervously Samson adds a
penny. Then another, He IS about to add a third but he decides to protest J, Hut Protessor, we
(Samson and Kotonu) are borh out ofjob
?roÎessor : [LOOKS at him, rhen at rhe money, Shruggs, pUIS rhe coins in his pack et]. AH right [hen,
. ,
1
I~
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précision des indications scéniques qui donnent vie <1 13 séquence A 13 p13ce du 13ng3ge
divin. source de vie et richesse. Protessor choisit de parler le langage de ce qu'il y a de
Hl'l. Ihid, p. 229
.1111
Awolalu. .1 0. . ()[J. ('il .. p. 124
; Il
."\\/lyink:L W(ll(~. (),n (,1. P 179

piUS matcrlèi
celUI Je i'argent /\\ un autre Illveau. li perJ sa COlnlllunaute dans ics
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I\\~ut-ètre pourrait-on alors voir à travers ~()tl attitude <.hJns 1;] Jivination une Indieation--
pan11l d'autres--sur la valorisation ultime de sa quête et en dernier ressort de sa mort.
Selon la pensée yoruba, toute enfreinte à la moralité du rite conduit l'auteur loin des
portes du paradis. A ['instar donc de ceiUl de"~ Ounce (~ttile (orests, ie rituei mantIque
ùans the Ruud est structurdiement et sèmantiquemem parfaitement Integre ùans la
pièCê.
Professor. Il est également le médiateur entre son gang et le monde extérieur. n règle leur
problème avec la police par exemple. A un moment de la pièce, on le perçoit en train de
prendre la déposition de Kotonou à propos de l'accident dont il a été témoin312. Sa
communauté est pour lui comme un aveugle qui a besoin de ses yeux à lui pour trouver
son chemin dans îe vaste champ de îa société: "you are iiiitrate. It is sa îucky tor you
that l watch uver you, uver all uf you"1:3. Sur ia roule, cbt gràce à lui que ies uns et les
autres ont accès à un emploi lié directement ou indirectement à la route: il leur fabrique
des perrnis de conduire ou leur offre des emplois dans son magasin m:lc:lbre. rI célèbre sa
centième falsification de penll!S et installe KotonlJ Ù la tête du magasin en remplacement
de Bunna, décédé.
112
Ihlde p. 196
111
1hit 1., r 1~()

La médiation concourt a Illettre Cil exergue loute l'amhlguitl: de t)rolc~sor l.·'c~;(
un ètre en transition de 1~Il,:OIl plUriel le cl YUI ne Ir;t!lIt auculleillenl l'CSplil cl 1;1
complexité Je sa qudc.
1. 2. !. 1...1-. PenthclIS. le roi de Thèht.~s
Pentheus est lui aussI rris dans un système qui le projette dans la pers[lect\\\\è de la
médiation. Mais malgré son statut de roi de Thèbes el de chef des Mystères Elensiens.
Pentheus n'a rien d'un médiateur et pour cause. Il est au contraire, si l'on peut dire. un
non-médiateur au départ. Toute son attItude est un refus àe la médiation telle qu'elle
caractérise k roi.
Sa pratique en tant que garant des rites deusiens constitue un premier ~lément
notable. Dans le chapitre sur la purification, nous avons montré toute j'import.ance vitale
de ce rite dans son principe. Or
le système esclavagiste qu'entretient le régime
tyrannique de Pentheus fournit ce qui se définit comme la composante essentielle du
rite : le bouc émissaire.
Perçu comme un être sans âme, le statut de l'esclave dans la
société de Thèbes l'éloigne par définition de cette fonction: "we are slaves and have no
souls", explique un des esclaves314. Ensuite, la tradition d'utilisation des esclaves comme
boucs émissaires semble être fondée sur un esprit disciplinaire plutôt que réellement
rituel :
Herdsman : Careful [points ta the row of crosses]. The Palace does not need the yearly Feast of
Eleusis ta deal with rebdious slaves3 15
En clair, alors que le rite éleusien devrait être pour Pentheus l'occasion d'assumer
pleinement sa dimension royale, il l'uti.lise - au contraire comme arme de répression,
ll.j
Soyinka. Wole. l'he Hucc/Jue o/I·;lIlï(J/Jes. p.~64
11-;
Ilud, j1. 237

C()lnll1~ le kVI~r li~ sa IVr~lIlnle. L"csl l]L1~. C(llllille c~la appal"ail CI~lIr~I11~lll qll~\\I1d Il porte
ia Illalll :,ur iL vicd esciave dC:,lillC au lilc de ia prescllte ~1I111ee, h':lllÏtcu:, Il';1 cure du
SfJlIllUCI .
\\'LJ.ïiüu:;,
\\·Vc aïl' .)Lï~i1i'::'L:(~. hui ·~"c k,ùn..... ilh':': lH(;~il'I;llg ul' ïll~ldJil:~~='.
.or"
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l' .,." ........
1 V
I l i l
..UI
,- ..1(U
. ) \\.. 1 \\.UH
Such ,1 one ,1S Ins slood
:\\t tlw ::.ate~\\I"Y nt" i\\;ly"II;I·it.~"
Leader
Ynu kilO\\\\' iL This
\\'vas the hody of the Old Yem' DyingJ 16
L'attitude de Pentheus est ù juste titre assimilée cl de la fùlie. Leprèrre Tiresias
partage certainemenr cette idée quand il le traite de "tùolish. bl ind, headsrrong, suicide-
bent king"317. Pentheus ne üüt preuve ni d"'équilibre", ni de "proportion", notions
valorisantes de la position médiane, comme devrait l'imposer son statut. Son attitude est,
en outre, adoptée et prise en exemple par ses sujets libres, ses paliisans. Ainsi, peut se
comprendre par exemple le plaisir sinon le sadisme des flagellateurs ritüels qüi ûnt pris
l'habitude de battre le bouc érrjssaire à mort
Tiresias . Fools' Blind, stupid, bloody brutes' Can you see how you've covered me in weals? Can't
YOlJ bastards ever tel! the difference between riUla! and rea!ity.
Syrnbolic tlogging rhat is what 1
keep trying to drum into your thick heads.... 1 sUP.pose you would have canied on like you do year
after year. Flogged the last breath out ofmy bodyJ 18
On retrouve ici quelques unes des expressions employées à l'endroit de Pentheus.
Ensuite, les tennes "sanguinaires" et "bâtards" suggèrent que ces tlagellateurs sont des
rejetons du sanguinaire Penth~us. La perv~rsion lait des perits.
L~ rejet de la spiritualité par Pentheus est également évidente dans son attitude
envers Dionysos, le nouveau dieu, manifestation des énergies cosmiques positives.
1J(>
1hid., p. 264
117
IluJ.. P 244
;I~ Ib/(/ .. p241
aalanmllliWiâE!&iaii!M+
QibcL ---

1:illlJSlrallOIl la plus rerresenl:llive est S:\\llS Joute l'elllprIS\\HlIlement Je 1)IOIIVS(lS 1.:1
pliSOIL SYl11bole Je lll:gall\\Hl Je la VIC. rcapparaii ICI
Ici S:lIlgu ClIlIJrISOllll:llll Ub:ll:ti:1 Li
ses l3acchantes. En dTct, celks-ci aV:l1cnt etc .idees cn prison aV:ll1t quc. on sc sait par
qLlel miracle. elles ne sc retrouvent dans bl110ntagne .
Ofticl'r Oh. another thing--
The women you locked in goal ;lre frel.'.
They've shed lhl.'ir chains, Ihev ,1re ur ilnd
ln the forests and mountains. runnin!! like dear.
Calling on their god Bromius-' Il)
~
Au-delà de la rétërence à la tyrannie, l'image des chaînes évoque l'incapacllé de
Pentheus à s'élever spirituellement, à aspirer à l'Autre univers, celui des energies
cosmiques. il évolue dans un seul monde, stérile, clos er non osmotique, qui écrase la
communauté de sa lourdeur métallique. Ce contraste si b'11ifie que Pentheus ne peut ètre
médiateur. Mais paradoxalement, avec sa mort, Pentheus en vient à assumer cette
[onction à travers le sacrifice de son ètre, à travers son sang devenu vin rituel. C'est, d'une
part, toute la signification de la communion rituelle qui resurgit ici32o, et, d'autre part,
comme nous le verrons, le symbolisme de la mort qui est ainsi évoqué.
I. 2. 1. 1. 5. 8aroka, le 'Baie' d'ilujinie
Dans la catégorie des chefs se trouve également de façon prédominante Baroka
dans la pièce l'ile Lion unJ the Jewel. Mais comme médiateur, Baroka évolue dans un
cadre diffèrent de celui de Pentheus ou de J'un quelconque des autres Obas ci-dessus
analysés. Sa médiation à 1ui a un caractère historique. Baroka apparaît en effet, dans une
Il')
IhiJ., p. 2X4
l20
Voir sur le rite de passage: le rite dionysiaque et la communion

[Jcrspcclive JynallllL]uc Clllllille l'IllcanJ:lllllll d'ulle séLluclKe 11ISllll"IL]ue. 1l0lal1ll1leill le
passe. EIl J'autres ten Iles. c'est LIli persolillage porteur des v~"eurs l rad iIlllllllclles
arricall1es qui, au COlltact Je la ci'vilisatiull IlCCltklllale, cherche sa VIlle 'v\\.:rs lIll ~l\\ellir
meilleur. Son rôle cn tant que médiateur est définissable alors en termcs Je c:lpaclté ~l
exprimer d'une part les valeurs rondament:lks de sa culturc propre el :llIt hCllllL] ue. cl
d'autre part. les valeurs Illtures qu'il envisage [Jour sa communauté. SovillKa nOLIs orfrc
une représentation originale dc ces dcux niveaux de réalités.
Contrairement i Lakunle. Baroka tonctionne il pamr de valeurs bIen ewblies.
Cela est un mérite; mais pour autant la veine satirique de Soyinka n'épargne ni ces
valeurs ni Baroka lui-mème. Et cda quand il s'agit surtour de sa vie llldividuelle. Car
comme René Richard nous tait remarquer, Baroka se saisit mieux selon deux angles:
l'individu et le chef En tant qu'individu, "la conduite de Baroka n'est pas exaltante. Peu
scrupuleux, retors, jouisseur, c'est un habile politique résolu à arriver à ses fins par tous.
les moyens"321. Son aventure avec Sidi commence avec des motivations purement
chamelles. A la fin du mime dans lequel Sidi découvre sa propre beauté, Baroka non plus
n'y reste pas insensible:
[Baroka is left alone by
himselLstaring at the tlock of women in tlight. From the folds of his
'Agbada' he brings out his copy orthe magazine and admires the heroine orthe publication. Nods to
himself]
Baroka: Yes, yes.... It is five tùll months since last 1 look a wife.. five full months322
Aucun principe traditionnel ne prescrit cette tréquence de "prise de nouvelle
temme" ; en tout cas, le pièce n'en suggère pas. Les notes scéniques précisent que c'est
seulement quand il est laissé à lui-même. que l'idée lui vient a l'esprit. On peut donc
32I Richard René, in I.e théâtre négm-uj"m.;uil1 : uetes dit ml/OC/Ile d'A hU/fun. N70, p.
110
;22
Soyinka. Wole, J'he !.iuf[ I/nd tin: .!ew<-/, r. 1X
fftL

alfirl11l.:r que C'l.:st 1.1111.: 1<..II.:e personnelle. IIH.iI\\lliuellc. IJIe e:-;t l'expres''doll d'une de ces
valeurs iraliitiolillelles cal~lclellstlLiues Je la 1l:olialitè cl qUI <)III p10\\ioque la )~IIIIC des
uns ct Jes autre:,.
AussI. lorsLJuC l'action nOLIs conduit :'t l'intérieur de son palaiS. nous decouvrons
davantage et r1us nettement la valon:-;ation de la dimension indiViduelle de I~arok~l .
Barnka in 1)L~d. Ilaked e.'<ccpl li,r haggy (f'()lI~t'r~. calf-Ienglh..
l<lleeling he~ide Ihe "cd i~ n:lI(lka'~
current Favourite. engagccl in plueking [Ilt' IJairs tram his amlpit..
Baroka t\\Vitehes slightlv \\Vith
cach pull. Thcn an aspired a-ah. and a look of complete beatude spreads over hi~ tllce323
Cette vie de plaisir, il s'efforce de la mamtenir, de la garantir, parfiJis par des
moyens peu scrupuleux comme le dit Ren~ Richard, et au détriment de son peupie. C'est
en illustration de cela que Lakunle évoque dans le tlash-back le comportement Je Baraka
en tàce de j'ingénieur chargé de tracer la voie ferrée. C'est aussi simpkment pour attirer
Sidi dans son lit qu'il fait propager la rumeur de son impuissance. La réputation dont il
fait l'objet dans le village trouve en partie son origine dans ce comportement; "le renard"
ou l'homme aux "petits soupers "324.
Mais c'est faire tort à Baroka que de ne projeter de lui que cette image peu
exaltante. Car en tant
qu'Oba, il est aussi et peut-être surtout un homme public,
communautaire. Et c'est à travers cet aspect de sa personne que Baroka ouvre une brèche
dans le futur et permet d'entrevoir la réalité de ce dont il rêve pour d'avenir de son peuple.
Au cours d'un des moments les plus sérieux de l'action--quand il se confie à Sidi
dans sa chambre--Baroka s'explique sur les "rumeurs à propos de retard dont souffre son
village" : "1 do not hate progress, only its nature which rnakes ail roofs and tàces look the
same":J25 L'unifonnisation qu'entraîne le progrès est ce qu'abhorre Baroka. Autrement dit,
;23 /hid, p. 25
.~è~ /hid.. P 23
\\25 /h,d.
PP 47

14\\
~IU lilnJ Je iLII-ll1èlllc. dalls k .';ccrel Jc son palais. il 111eJile sur j';\\venlr de .';a
C\\)IlII11Ulll.lUll:, il y lr;l\\adlc lllèlllC. Mais le f-lcuple Ile Vl/Il qu\\..' l'apparelll qu'il liclll pomia
vérité. 13aroka trauuil celle ill1age erronée bite autour ,le lUI dans un langage très
pittoresque et constituant Ull commentaire en soi:
Thosc Will) 1-:11(1\\\\ littll' olï3arok<l1 hinK
His lit'c is one 11Ic:\\Sllrc-living COlll'st'
l~lIt the nlonkev s\\\\'c:trs,
It is <lnl" thl' hair l1pOI1 his bac!-; \\Vhich deceives lhe \\\\·orid·;:('
Les rumeurs persistantes sont pour lui une source de souttrance Intense. interne.
D'abord, parce qu'en tant que responsable du village il est garant à la fois de son bien-ètre
matériel et spirituel. Les deux notions vont de pair dans le contexte yoruba. Ensuite,
parce qu'en réalité, il n'a jamais cessé d'y penser. La lenteur ou ('hésitation dom il tait
preuve découle de sa conviction que le progrès ne doit pas s'acquérir à n'importe qu'elle
prix. 11 cherche. l'équilibre, le meilleur pour son peuple; il veut "préserver de
VIerges
îlots" de vie32? ; il veut repenser sa société de l'intérieur et non de l'extérieur328.
On perçoit l'ironie de l'auteur dans le passage ci-dessus. S'il y a en effet une telle
disparité entre le roi et son peuple, c'est que peut-être leurs rèves ne concordent pas.
L'ambiguïté de la signification de la machine à fabriquer des timbres--qui signifie certes
progrès mais aussi payement de taxe--contient sans doute aussi cette ironie; si elle n'en
est pas une expansion.
Ainsi, quand il présente la machine à timbres a Sidi, il ne manque pas de
soulibrner qu'elle provient de la forge de son palais:
The work, dear chi Id orthe palace blaàsmiths
,2(, IhiJ., p. 49
127 lhiL/., p. 47
,2S
Richard, René, ()(7. (Il .. (1. 1Il. Voir également section sur l'espace' la valorisation
de la !lotion d'intérieur-extérieur
_ _ _
5
9
_
_ _
·
·
iiiiiiiiOO====.-...;,;;;==:..c====

14.2
[111111 III lidl :;~·crcl'V ·\\11 I~ 1\\\\\\1 \\\\Idl \\vilil il
13lil 1 will lillli llic (;lll~e alld 1Ile Il 1I1111111~
Willl1uasllLS mvll la.\\ 'III paper. Illade \\vllil
Slal11p~ Iikc Illis hll' IOllg 1 dreallll Il
i\\lld lhere il sl<llld~. child ,,j'IllY Ih()lIglll~,;:<l
C'est la prcuve Je "originalile du progrcs Jonl rêve l3aroka pOUf son pcuple
le
dévcloppement de l'int~ncur. On perçoit la di ITérenee entre son réve ct cèlui Je L.~lkunlc
pour qUI le progrès cst synonymc du "JévC!oppelllent" de Lagos, Cela dit. la Jét'illition de
Baroka par rapport ~l son statut Je roi resscmhle ù une suhlimation, comparee ù sa
dimension individuelle. L'are soyinkaïen est ambivalent. Le mariage de Baraka avcc Sidi
est un symbole expressifde son rève: la réalisatIOn d'une société meilleure.
Toute l'imagerie du vin, les norions de vieux et de jeune dont il fait usage dans
son entretien avec Sidi découle de cette interprétation. La complémentarité du "vieux",
de \\"'ancien" avec le "jeune", et le "nouveau", est pour lui l'idéal nécessaire pour amorcer
une dynamique harmonieuse:
The proof of wisdom is the \\vish to leam
Even from children, And the haste ofyouth
Must leam its temper from the gloss
Of ancient leather, from a strength
Knit close along the grain. The school teacher
And l, must leam one from the other330
Sidi est réceptive à cette conception de la complémentarité parce qu'au fond, elle
symbolise le présent qui cherche un devenir acceptableJ ] 1.
Baroka s'unit à elle pour
svmboliser cet idéaL
A travers le personnage de Baroka, Soyinka projette d'abord une vision partagée
mais réaliste de la lradition. Ensuite, il poursuit pour démontrer la nécessité qu'il y a
cependant d'évoluer à partir de celle-ci et non en dehors d'elle. Le choix de Sidi d'épouser
l
32
Soyinka.. Wole..
)
()p. (,'i/.~ p. 46
"" //J/J., pp 4l{-49
\\\\\\ Voir scction sur la lemmc d le dCVl:nir social' Sidi d la médiation
5iL!'id'liIII'U&'L
; j L,

Ibm";l Jans son mOl11cnt d'lllullllnatlon. Je Iucldllc. sYlllh\\III:'C l'apport du sang nouveau.
l'vIaiS (c progr0s Ile JOlI exclurc perSUIII1C--lllèlnc pas 1,;th.Ullk qUI pOLII (cl;1 est IlltL'grc
symboliquelllcnt par IL biais Je ta Jansc. I.e progrès a bes,)ÎIl dc tous Il s'agit lù J'UII
principe propre au rituel. au mème titre que celUI Je la l11eJiJl!on. ékment par rapport
auquel f3aroka se Jélinit ici. et qui évoque la nolion de synrh0se, d'union. 1.'avenlr n'est
cependant pas tout rose, comme on le perçoit [Jar exemple ;1 travers la sc\\:ualile qUI en
réalité a constltué l'élément catalyseur de tour le projet de Baroka par rapport i SIJi. Le
sexe constitue l'un des éJements dépréciatifs Je Baroka.
En conclusion, on peut remarquer la richesse Je l'exploilatIOn à la {OIS
symbolique et théâtrale que fait le dramaturge de la notion de chef-prètre. Médiateur à
plus d'un titre, il est créateur et vital. Mais il n'est tel que dans la mesure ou il est capable
d'assumer pleinement son rôle et accepter de le faire confonnément au code de moralité
qui s'attache à la fonction, à l'bannonie de la vie.
I. 2. 1. 2. Du protagoniste rituel: les mystères de la possession
A l'image d'Ogun, le protagoniste rituel est par définition impliqué dans
l'accomplissement d'un rite; il en est la figure centrale, celui qui pénètre l'espace sacré, le
gouffre transitionneL au nom du h'foupe dont il tait partie. Mais on sait que la notion
rituelle chez Soyinka est large; le phénomène de la possession, corollaire de l'expérience
rituelle,
s'élargit
également.
Néanmoins,
le
pnnclpe
demeure
identique,
car
indépendamment de la nature de l'esprit qui "monte" le protagoniste, celui-ci assume
toujours !a-tonction de médium.

La l(lllCIIOll de Ille<.klllnll--Inherente ~IU médlum--que remplI! le prot:lgnlllslc
IInpurle ici, car c\\:sl clic qUI cxpllque le PI"lIlCIfX: Jc la posscssio/l Cil l:1I11 qU'CXpICSSIUIl
Je la nol!on de mnrl-vlc .
LL' fHlssédé uoil L'II dJLt se plier au.\\ l\\lis de l'esprit qUI
possede
cetle SOllillissi'lIi est (1I11':1I\\; CIL
terillèS Je fusioll avec l'esprit...
Or la l'llSIOIi imaginaire né PèUI s'acc\\lmplir 'iu'au
lenne d'wi
processus u'ancal1lissem<':Jlt d<.: :,oi-mème qui. ~:Il supprimant l'inJiviuualil<.:. r~'nd possibk l'absolue
soumission..
Se laiss<.:r inv<.:stir pour lllSi'lIlller avcc ';011 uuubk. c'est cl[lc<.:r 1.:" !llllu<.:melllS J<.:';a
",,~ '1
propre identité, c\\:sl mounr'''' c.
La Ilature de la force qui "monte" le protagoniste n'est cependant pas sans rapport
avec le couple mort-vie. Mais ceci relève déjà du thème de J'ambIvalence qUI nous
concernera plus loin.
I. 2. 1. 2. 1. L'egungun Murano
La fonction de médiation de Murano peut être comprise à la lumiàe du rituel
d'Ogun et de la quête de Protèssor. Dans le rituel d'Ogun, Murano est un egungun, forme
qu'il revêtira d'ailleurs à la fin de la quête de Protèssor. La notion d'egungun explique en
soi la médiation:
The spirit of the ancestors is materialised in the egungun. The egungun is an embodiment of the
spirit of a deceased person who is believed to have retumed from Orun (the spirit-world) to visit his
"3"
children; hence he is called "ara Orun" (the citizen ofheaven)-' -'.
La notion de support matériel que représente l'egungun est fondamentale.
L'egungun est l'élément par lequel l'énergie cosmique est rendue présente, réelle. Cette
réactualisalion est en soi une oeuvre de création. AwolaJu affirme que c'est également
une négation de la mOft car lorsqu'il s'agit d'un ancêtre, la technique de l'egungun est la
n~ Thomas, Louis- Vi ncent ci tant Zem pl i i\\., in ( '!IU/ ess{j/s sur /0 morl a(rlcaine. p 16~
;n i\\ wo 1a 1u. .1. Osomadc, Or. ( 'il., p. (,5

[Jrcuve qLle la mon hlt)logique n'est pas une lin en SOI. au Cl\\lllr:llre. clic cUillere Lill aulre
statut. plus subllille. all Jérulll
Dalls le rituel ~lcs ehaul1curs. c'est la Jivinllé OgUll ~lUI est rendue apparenle C~II
c'est son rituel. S'auressant ù Particul:.trs .Ioe. le policIer qui "enquête" sur l':.lccident
survenu ù Murano, Say Tol-;yo, raconte
Say Tokyo
1 don'I r'eckon it', :HlY ofyour business \\Vhat happel1L'u tl) lhl' guest lllll\\lIlOUr that dav
[cheel·sl· '<.; liH' :IS wc :sit !he marrer. Oglln cIme :1I1mng \\IS in l'l'SSL'ssil'n hcli)'T lhcir \\cry
Gang
We saw il ...
Say Tokyo' Bet\\)re our own eYès. An suddenl\\'. he vanishèd
3.'-'+
L'egungun est appelé "Ogun", car possédé. l'individu devient autre
"lorsqu'il
incarne un Orisha l'adepte devient cet Onsha pendant la duree de la danse"335 Ainsi se
comprend l'affirmation suivante de Paniculars loe parlant de l'enlèvement de i'egungun :
"It was the day a god \\Vas abducted, Professor"336. Par ailleurs, ce dernier dit aussi de
Murano qu'il est le "god-apparent"337 Par le truchement du corps de Murano, Ogun
participe à la fête qui lui est dédiée. Ses adeptes entrent ainsi en contact avec lui. On sait
les diverses significations que prend ce contact338 .
On retrouve cette idée vers la fin de l'action quand Murano porte le masque. Dans
la deuxième partie de notre travail, nous reviendrons sur le masque en tant qu'élément
rituel et surtout en tant qu'élément relevant du natureL Murano redevient un egungun en
ponant le masque. Si pour Say Tokyo, ceci est un sacrilège, c'est bien parce que c'est
Ogun qui de ce lait apparaît: "[ whippers tiercely to Salubi], r don't wam no curse on my
head.... Do you want to go blind from things you shouldn't see"3:1') Professor sait bien
3.1.<, Soyi nka, Wole, l'he Roud, p. 2 15
-'-'5. Jahn. Jahnheinz, Munlu, l'homme ujrlcuin et lu cullure négro-africaine, p. 73
,.1('. Soyinka, Wole, Op. Cil., p. 214
~37 Ihid., p. 223
"x. VOIr section sur le rite de communion
le rituel des chaulll:urs.
iI'l. Soyinka. Wolc, ()f7. (il., p. 217

ccla qUI porte un Illteret parllcullcr a rVlllr~\\IlO: Interet qUI 11all qU:lnJ li lé découvre ~I:':llll
au bUlL! Je la (l)ule.
i\\CCiJcnt0 pendant qu'i 1 -:l:ut hahlté par OgUl1, ~,lural1o est rc~;té un ":lre 11\\bridc.
mOItie c!1:l1f ct moitié '~sprit--divin. C'est celle caracteristique que lui eon!àe ~ja
dltllenSH)Jl de Inédiatcur qui lui vaull~galernent les qualilicatll's Agemn d /\\Iagclnll. "1\\11\\1
wots have come out in the olher worlJ / l\\I1akc wav"',IO dit Iè poème Alagelllo. Alagclllo
signifie aussi en yoruba caméléon·HI , cet animal en perpétuel évolution entre unè couleur
et une autre. [Jans le poème, le processus de pénétratIon dans l'autre monde symbol ise
j'état de Murano qui est :l ia fois ici et ià-bas. A cheval sur deux mondes, le personnage
de Murano appartient à deux univers à ia fois. Prol:essor résume cette situation en
affirmant que Murano il un pied dans chaque monde342 .
C'est également cela l'état d'Agemo. Saisi au moment de sa transfonnation,
Murano n'a pas pu totalement revenir à l'état humain, pas plus d'ailleurs qu'il n'a pu rester
à l'état divin. Le choc de l'accident provoque l'arrêt de toute dynamique:
It [the dance] is use<! in the play as a visual suspension of death--in much the same as Murano, the
mute. is a dramatic embodiment ofthis suspension. He functions as an arrest oftime. or death343
Incarnation de l'arrêt du
temps, autrement dit symbolisation de
l'arrêt du
dynamisme propre à toute création, Murano est par son état d'Agemo en étroite relation
avec la mort; il est la mort matérialisée.
Plusieurs aspects du personnage évoquent son Ç:tat inddini, intermédiaire. C'est
d'abord son mutisme, que Professor interprète comme la preuve que Murano possède le
\\.111. fIJiJ., p. 150
\\.11. Fioupou, Christiane, in Wul!! .\\'{)vinku el Il! thétilre uji-/(;wn, p. 15
,,12. Soyrnka. Wole, Op. ('il .. [1. 1X7
\\l 3
Inid.p.149

i .i 7
verhe il; 1,'ir(lIlle du mutisme de fVIuralll) traduit loute l';unhlgullc de la l11edlallOll.
IIIC;lpabk J\\:.'pfllner une seule l'éali[C a la li.lIS, Mur<lIllJ ,:acllc plus qu'il tle re\\'èlc.
Sa claudication esl cgalemcnt pour l'rolCssor le slgnc de ;'iOl1 amhlvaknce, Jc :~on
I~U.lt de I1lcJiatlol1 : "Do you mean J'OU Jo not sce that Murano has one !cg longer th:1l the
nther'.'
. When a man has one leg in cach world, hls legs are /lever the ';<lIllC"'·I'i
Comment cn effet Murano poum.lIt-il aVOir Jeux pieds Identiques quand dans son
essence li
n'est pas unifié. Le pied symbolise l'âme: sa blessure est celle de j'ùme. Il
s'agit plus précisément ici du déchirement de l'àme, de la rea/ite ontologique, entre deux
systèmes de valeurs profondément dittërents.
Finalement, les notions de possessIOn et de médiation, considàées ensemble
aident à comprendre que Murano est lié aux: phénomènes de vie et de mort. D'une part, il
est la manifestation de la dépossession suspendue; ce faisant, il évoque l'état de latence,
de virtualité, notion on ne peut plus en rapport avec la mort-vie. C'est en tant que tel qu'il
symbolise,
pour Professor,
l'incarnation du Verbe.
D'autre part,
Murano est
la
matérialisation de la possession en cours, en action; c'est le moment où Professor croit
enfin voir se réaliser le dénouement de sa quête: la révélation de l'essence de la mort-vie.
1. 2. 1. 2. 2. L'écuyer du roi et son griot
Elesin et son !:,'Tiot dans Dcu/h {lmi the King's Horseman fonctionnent aussI a
divers titres selon les principes de la possession et de la médiation. Dans la note de
l'auteur, on peut lire:
1·1·1
VOir section sur le silence.
id"
Soyinka, W()le~ ()p. ('il., pp. IX6-1~7
!JR!I'!III1_Si.MMiMut .

IÎle l:illlh,lIlialiol1ll1 Ille Ill;lv IS l<ir~l'Iv 111l~lallll\\sil·;i1. CUllI<iilll'l1111 tlle 1111111;111 vclllck \\\\IIIl"iII.' ":k:;ill
.1I11! llie IllIivcrSè <l" 1Ill' vOlllha lilillll--Ihl' \\V"rld <II' Illc livill~. llll' dcad ;IIHI Illl' 11111'"rll. ;lllll Ihe
."
.
' 1 .
'-
I1lllllillUliS l)aSS;I1~l' w/lIclllil1l\\s ;i11
traIISI\\I(\\II"'~"
Cdk: r~lllalquc 111)1] SCUlclllClll il1(llqU~ Ie'-.ens dallS lequel Joil dl~ 1lllclpn.:tc
le
lhcm~ ::;cn0ral Jc la plècc mais 0::;alcnlcnl Jonne Ic~; llOllOIlS \\.:lcls pour y p~ll"\\cnlr .\\IIISI.
des expressions comme "confrontation". "human vehicle". "yoruba mlllli". "numllwus
passage" ou "transition" devraient rcvètir des signilïcatlons pm!('I1(ks
Considérer Flesin comme un "véhicule humain" revlenr Ù le JéJÏlm comme un
protagoniste rituel: celui qUI est au centre du rite de suicide et communique a la l'OIS
avec les humains et les forces cosmiques. C'est en tant que tel qu'il tonctlonne comme
médiateur. Plusieurs éléments nous en donnent l'illustranon. Nous en avons aborde
certains dans le chapitre sur le voyage d'Elesin.
Après avoir accompli son forfait avec la Fille, Elesin peut alors réellement
poursuivre sa fonction rituelle. Très vite, il entre en transe. "Monté" par j'esprit il perd un
peu de son humanité:
Praise-singer . Elesin Alafin, can you hear my voice?
Elesin : Faintly, my fiiend, faintly.
Praise-singer : Elesin Alafin, can you hear my call?
Elesin : Faintly, faintl y347
II est permis de supposer les mots "ami" et "roi" s'appliquent l'un au Praise-singer
en tant qu'humain et l'autre au roi défunt qui lui parle du tréfonds de la transcendance.
Expression de
l'état de
possession d'Elesin, cela traduit
également
la dualité
caractéristique de la médiation. Elesin n'est plus totalement dans le mème univers que
son griot, et cela indique qu'il a acquis un autre type de vie au détriment--en partie certes
-- de son humanité.
1-11,.
Soyinka. Wok, f)eulh und the King's !J()rsemwJ, p. 145
:17. Ihid., p. IX2
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I.e l'Ile crée
I~I posslhlille de l'èLll SI ',ÎèSlll en hlîsanl les harlll:res cosnllques.
UC:-'III pcul clllcllJrc la VOI.\\ Liu rOI Jel'uili
Le :-,pcclalcur, lUI, cnlcnJ la \\'01.\\ du rOI p;n le
truchemcnt du Pr~lIse-singèraglssanl Cil ll1edlalcllr'.I:~. Lors\\.ju'il allelnl 1\\;1;11 Je IhlSSCSSlOll
av:.mcée, E:ksin esl exactement comme !\\ lur:U10, IIlcapablc Je prononcer un 11W!. '..::t sc
mènt avec lourdeur
I)fai,e-'In~er Fk',in 1\\lain. don', think 1 d(, Ilot know vour IiI" are heavv. wh\\' vOllr lilllh, :ue :IS
drowsv as- ra1m nii in the cold IWflllattanJ-t')
.
Désindivldualisé par son état, ce n'est plus à Elesin que les membres du rituel ont
affaIre mais à leur roI défunt, aux énergies cosmiques: "God becomes tksh .. In the act of
possession"~SIJ, dit rvlargarer Lawrence. En somme, devenu l'esprit, tous les attribuls--
vocaux, gestuels, etc.--d'Eksin acquièrent de fait une seconde dimension: sa semence
devient W1e "graine du passage", son mariage avec la fille, celui du passage~'I. Voilà
comment ses désirs deviennent des ordres, ses bêtises des sacrilèges. Car il est au coeur
du sacré, en transition entre la condition humaine et la condition divine.
Le Praise-singer, le griot d'Elesin, est également intéressant dans la perspective de
la médiation. Griot, il est un personnage théâtral par excellence affirme F. X. Cuche.
Dans "la poétisation et la ritualisation de la Vle par le griot, dans le dialogue qu'il établit
avec son public, nous trouvons des germes de tout théâtre"3s2.
C'est surtout au niveau verbal que le griot se comprend mieux. Il est un homme du
verbe. L'action pour lui se situe à ce niveau--sa théâtralité également. Il devient autre en
1
_
J-IX. Voir section sur la théâtralité et l'expression de la médiation: Praise-singer en tant
que médiateur.
3-1'1. Soyinka, Wole, Op. CIl., p. 185
'5l!. Lawrence, Margaret, Up. Cil., p. 14
'51. Soyinka, Wole, Op. Cil., p. 180
;52
Cuche. F. X., in /.e IfJécilre négrn-uji'icwt7 .. I1de'S du co//o(/lle r.f',lhiJ/UfI, /1J70. r
13 X
- . . . , • .::1.&&._.j.

I-\\()
sc dCSlI1Jlvldua/ISalll
vcrhaiclllClll. Il Vil sa ln()n-rCnaISS~llKC vcrhaiclllCllL p:IrLIC\\PC
VCI krlclllclll a 1\\lcLivre dc créalloll IIdlclcllle a la IllcJlalllll1. [1 PClïllCl ;l J':lullcS IC:lllles--
humailles ou supéricurcs--J\\.:~islcr.Je :~'aeluallscr
.\\ Jeux reprises
au 11101ns. I)r:use-singer ;ISSUll1e réellement cclte
Il)llction
symholique où 11 est la Il)IS lui-lllèllle ct un ~llJlre. Aux mOlllents cruciaux du Ille d'Flcsill.
on remarque dans le texte de la rllèce que le nom "Praisl:>slnger' demeure InalS d:lns le
même temps on voit bien que c'esl une autre voix qui parle. en l'occurrence celle du roi
défunt. En devenant cet autre qu'est le défunt roi, Pralse-slnger pennet d'une part de
découvrir la vision qu'avait ce dernier de son écuyer et d'autre pan de mesurer :1 quel
point tout échec du rituel seraIt grave.
Praise-singer
Ifyou get lost illY dog will track
The hidden path to me...
Elesin • The elephant
Traits no tethering-rope. that king
.
Is not yet crowned who will peg an elephant
Not even you my fiiend and king
Praise-singer. And vet this fear will depart from me. The darkness ofthis new abode is deep--WilJ
your eyes suffice?353
Le Praise-singer nous conduit à l'intérieur de l'univers du roi défunt.
On peut retenir que te Praise-singer n'est pas simplement cet individu gardien de
la tradition; il est au coeur même du sacré, du rite même en tant que drame. Avec son
instrument privilégié qu'est la parole, il participe à la fonction de création-destruction
caractéristique de la possession rituelle.
1. 2. 1. 2. 3. La médiation du bouc émissaire.
Dans l'lIe .')'frong f3reed, devenant bouc émissaire dans le rituel du village de
Sunma. Eman assume inéluctablement la fonction de médiation. Evoluant dans le
- - - - - - - - - - - - - - - - -..;",;,;
=
.. =..;..;;.;;.;;====

i"; 1
COllle\\le de la PUrlilc;lllOIl du vliLlbc. iL: rùiL: du houc Cllll~~alrC l..'OIlSISIC;\\ pcnnctln:;r la
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IAJlnlilUl'laUlC uc Idil\\; la Il,111:'1111111 UI..' 1 dIILIL.:IIIIL.: d
Id IIIIU\\'L.:IIL.: ~IIIIIL.:L.: Udll:' UI..·:' 1..\\lIIUllIUII:'
['lasser dans la seconde I,c cOlll['lorlcmenl dl! hOllC ~mlss:lIrl? détermine 1;1 V:lklll' ItllÎmc
de la transition, Agissant COIl1Il1C un filtre. la tüche du bouc émissam: n'cst sans
di~licultés: "The evil of the nid year IS no light thing 10 load on any man's head">1 Dans
l'he Nucchae o! /~uripides, l'esclave-bouc elnlssmre des rites eleuslens deVIent "the [Jody
of the Dymg year":;:i:"
Le corps du bouc emlssmre deVIent œiUl de i'année mourante en
Ct'; que tout le "mal", tous lès péchés que celle-ci inciline s'accumulent iiiueHement--
symboliquelnent--dans celui-là. On comprend qu'lfada d~-'v~jcnne une ilnpureté an1bulante
qui ne devrait plus rester dans le village au risque de le contaminer.
Le bouc émissaire se trouve à la croisée de la mon et de la vie. 11 est d'une part
celui par qui meurt l'ancienne année, et d'autre part celui grâce à qui la nouvelle année
nalt en pnnCIpe posItIvement. L'irome dans le cas précis d'Eman est qu'il échoue dans sa
fonction. A peine est-il passé à travers une. habitation pour y subir les iapidations
symboliques d'expiatiûn, qu'il s'enfuit33!i.
PrécédeIl1l11ent, nous aVûns vu les misons de
devenir social.
15... Soyinka. Wolc. l'he ,'l'trong /Jreed, p, 129
;55
Soyinka, Wole, 'l'he FJucc/we ujFuri(J/i/es, p, :~h4
i:", J'he ,'';(run'.!, 1i1'('C'd, ()!). ('t... [1. 132

i.
2. i. 2. ..j. ;\\~ave el ia Ilosscs... ioll dionysiaquc
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, 1 \\.J li."
(I;;!ui des Mena(.k~;. incarnatIOns Je l'esprit Ju nouveau Jieu.
Dans la montagne, avec ;\\. leur tète Agave, elles respirent le '\\;ou Ille" de r)IOI1\\'SOS
C'est elles qu'apres mamtes pénpéties ct en persistant dans son erreur. [)entheus ;lcceplc
d'aller épier. Apres l'avoir aidé à se "percher" sur le sapin--comme sur un nouveau trône,
selon l'Ottïcler narrateur de l'èvènement--Oionysos dlsparait comme par enchantement
pour agir à travers ses Menades. Sa VOIX se transmue en beugiemem de raureau. et par
son souŒe il opt::re la meLamorphosè des Menades.
Gnly his vûice, a bu1],;; fûar
Filled the mOüntains, staycd tû set his [Pentheus] doom in train..
Hel! broke loose
Like startled doves, through grave and torrent
Over jagged rocks th,7Y f1ew, their tèet excited
Bv the breath of (Tod.J 57

.
0
La force de ce 'souffle" fait voler les Menades; elle les transforme en réels titans
capables de déraciner l'énonne Sapin-trône de Pentheus .
l heard the wrench of roots
From their long bed of earth and rocks. The TIr was
Lifted out, it rose from earth, tilted and down
From his high perch feH Pemheus, turnbling
Down to earth, sobbing and screaming as he fe1l 358.
C'est cette force brute qui animait les Menades dans les plaines et permlt les
miracles dont le Berger, fidèle à la tradition du théâtre grec, fut un des témoins oculaires.
L'énergie dionysiaque fonctionne en elles comme par magie. Elles font corps avec la
;57
rlie Huee/me n(Furip/des. (}p. ('il., P 29X
l'X
j,IJc. ( 'il.

nature. Lc:-; CCllllule:-; qu'clic:; portcnt sont de:-; "serpelll:-; \\ IV~lIll:-;"; ,'1 , clics ~t1I;lllenl le:;
petits ..LIIIIIII;ILL\\ saU\\<lgcs. 1<1 quallu cilcs cl1alllLllL '\\:vcryllllllg--ÎÎlc \\CfV 1111/L1I1I;llll
:ieCll1eU [0 sway to lilal ,)fIC heat"\\"/'. 1:'::pls(Kk \\)l! k:-; Menaues Jechiquellenl le:;
troupe:Jux Jes bergers prc-dr:Jlllatlse le sort Je Pentheus. Lorsque Dionys\\)s le~; "monte",
/\\gave devient meJium ct deehrre \\;n Iamheaux son lils LJII'elle prend j1Pur lin "lien"
"The possesscJ rerson savs and uoes things whlch he \\vmdd not normal/v say or Jo 1 le
becomes a changed person"31J1.
L'enthousiasme et l'indiftërence avec lesquels Agave et
ses compagnes détruisent Pentheus, leur tïls et COUSin, découlent d'une logique qui
dépasse leur conscience humaine. C'est le résultat de l'action dionysiaque:
She foamed at the rnouth, her eyes
Rolled with frenzy. Agave was mad, stark mad
Possessed by Bacchus, blind ta ail plea for pitY
She seized the waving arm by the wrist. then
Planted her tàot upon his chest and pulled,
Tore, the ann c!ean off the shoulder. 362
C'est donc à la lumière de cette explication qu'il faut saisir tout le comportement
subséquent d'Agave, quand, fière de son exploit, brandissant la tète du "lion" empalée sur
le thyrse de Dionysos, elle reste sourde aux voix qui lui expliquent la réalité de sa
victime:
Kadmos: Who was your husband?
Agave: lchion, born they say of Dragon seed.
Kadmos : And the name of the child you bore him?
Agave
Pentheus?
Kadmos . ls he living')
Agave: AssumedJy
Kadmos : Now look up at the tàce you have set upon that wall.
Whose head is it?
Agave' Whose... ? [Violently] lt's a lion l363
.'5'J. /hiJ., pp. 298-299
.\\{,o
1hid., p. 280
;(,j
Awolalu, n. L Op. (II.. f' 112
\\i,~ Soyinka, Wole, ()/J. ( 'ie p 21)l)

dUlil clle ,1 placé la lèle all-de:,sus du palais Cil siglie J'''UlilL'lllClll''
L'-I !lllSlllllll dClielllll:
seulement une lhis ~llTlv~e sous !a "lC:le" qu'!\\gave rctroU\\è sc~; ycux hUI11:.lins qui lui
rcrmdtcnt ue rcconnailrc ')on lils
elle rcnait ù'.;on humanité. L'exall:lIiOIl dionysiaquc
est alors transmuée en émotions humaines
"she stilTcns suddcnly. her bodv shuddcrs.
and she whirls round screamlng",6-1
Redcvenue humaine, elle IlC se rappelle plus ses actlOns améneures. C'cst aussI un
coroÎîmre de ia possession:
K.admos. You killed him /Pemheusi
Agave: 1?
Kadmos : You and vour sisters. You were possessed.
Agave: [A soft sighj A_ah365
meurt-il des mains de sa mère? La réponse à cette question va plus loin que la simple
affirmation qui consisterait à dire que c'est parce qu'elle était possédée. Ecoutons plutôt
Tiresias et Kadmos :
Kadmos : Console her Tiresias. l no longer understand
The ways of god. [ may blaspheme
Tiresias: Understanding ofthese things are tàr beyond us367
Essayer d'expiorer cene situation en profondeur conduirait à amorcer l'analyse
d'autres themes, dom le symbolisme de la femme, que nous aborderons pius loin. Qu'il
suffise de constater ici que par les mains d'Agave, c'est Dionysos qui a agi. Elle a servi
de médium pour trî6mpher de la force stérik et destructrice que représente Pentheus.
1(,<\\
IbiJ., p. 306
~(,) I~(JL'. (,ïl.
;(,(, Voir sectlons sur la communion ct le ritc élcLlsien.
;(,7
Soyinka, Wolc. Or. (1/.. P 30h

1. 2. 1. 2. :1. lk la possession ritllclk ail si 1fI11 lacn'
nOlamT11l:nllbn~;le rile Ul: ll:ccplion Ul::j :non~; u1sanl:;c iJ:1r Furl::;l F:.tllll:r.
communauté, de l'humanite, il la càemonJ~ Tous les èsprits Je "unIvers ~onl en l;lit
conviés à la cérémonie qUI de toute évidence devient un me de révélation et de Jugement
pour les humains. C'est ià qu'intervient k phenomene de la possessIOn: les ditterenrs
esprits vom "momer" les trois humains el s'è.'\\primer ou apporter leur témoignage:
The Lnterpreter moves and masks the three protagonists. The mask-motif is as their stare of mind--
resigned passivity. Once masked, each begin ra move round in slow widening circies, bur rhey srap
to speak, and resume [heir sedate pace as they chorus the las[ wards ... As each spirir is summoned,
~"'8
one of the human three becomes agitated, possessed ... -'D .
On peut noter en passant l'importance du masque dans le phénoInt:ne de la
--palmier, pachyderme, obscurité, rivière, etc.--acquièrent une existence à l'image
humaine. La valeur de leurs "dépositions" importe peu à ce niveau. L'essentiel étant la
valeur créatrice de la possession, du médium : les trois humains devenant de réels
symboles vivants, à la fois eux-mêmes et autres.
Dans cette perspective, aussi bien je projet de Forest FaIher, "to let the humans
judge themseives"36'\\ que celui d'Eshuoro qui vçut que "la Porêt juge les humains", se
réalisent grâce i l'emploi du prol.:t:dé de la possession: le réquisitoire des esprits est fait
,(,X
Soyjnk~L \\Vole. .-'1 /)vnce (~/'Ille !,'nrcsls f1. 04
1
~hq !hic!.. r. 42

par la houche des hUlllallls. (.: Iclllell 1 par e'\\eellent~e Je s\\'ntÎlesc, la l!osseSSHlIl est une
lechnillue Jralllallquc accolllpllC Ju ihéùlre rilUc!.
"""r~",·tl·,'..,t
u.t}t}-~"
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a transt()n111.:::r l'individu '~n médiulTl
Dans Ihe No(/d les eftèHts de
Kotonu, Sarnsnn. et Sav TOKvn pnur cacher :l
Particulars .Ioe le masque que ponait Murano lors de son accident aboutit à la création
d'une SituatIon r1tuelle--I'évocation de Sergeant Bunna--dans laquelle Samson joue le rôle
du protagoniste. La tenue mllitmre que pone Samson est un substitue du masque:
lPanIcuiars joe J reaches a hand into tlle store towards the mas". Say i okyo puiis hls cap down his
face and Samson quickly suostitutes a miiitary uniform so that the poiiceman's hand grabs this. The
mask is then taken OUI and thrown From one person to [he other untij,Ît i;; hidden ùnder Professor';;
chair. Partiwlars lut: li't:t:s lus <oyes, dULcItes lhl': uniform lriumphalltly.! 70
Pendant que Samson enfile la tenue du défunt Sergeant Bunna, le groupe réu...'lÎ
autour de lui entonne des chants en souvenir du décédé. Le chant est partie intégrant du
rite: "Strains of 'remembrance' hymn, the four sections ending in that order, one after the
other, Sergeant Bunna last of ail, singing 'Africa's style and a prolonged A-a-men to
boot"371. Ces chants prennent réellement un ton rituel--celui d'un rite funèbre. Au milieu
de cette atmosphère, vêtu de la tenue de Sergeant Sunna, Samson
imite sa voix. Du
coup, il se lransforme d devient Sergeanl Sunna en personne. Les paroles qu'il prononce,
indiquent cette transformation; car clics appartiennent i Sergcant Sunna : c'est lui qui
r~conte ses aventures avant sa mort sur la route et en Birmanie--pays dont il porte le
nom--pendant la guerre'
1711
Soyinka. Wolc. nie No(/d. ['p. 215-21 (1
171
th/d, r. ? 17

\\al1l~(lll
I( ;iVl'~ ;1 qlll\\.:k ;Icl Ill' polisll tp till' IIH:<i;Ji.\\ \\Iick.:' ,'III ilis cllesl'\\~sllllll'S I-Idl 11IJiil:lrv
hcari'I.~1 Y'HI 1111111- 1 gol IIIL'~l' IIICl\\als 1<11' 1\\l:~~lIg'l Tliey \\"all' :-:I\\L' Ille Ille I<'ill~ (il'lIl~l' l'IlISS sell-
\\lut \\I(lU kilo'" l\\lnv Il1lngs Ill' 1~1I' Illad:ll1all. .' -
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r r\\ ~h\\Jd ~Îk~IILl.·, ,l)<lIlblJlI\\ i:1LC' /,t:giu:"t lU ~jh..I\\\\ ll\\1f("1 dud lu: =-d;:-.~j~ ~l~ it~~ 1Llli;.'.\\;:~ \\\\'il<ü lit:: lias l)t.~~l~11
dvillgl
Sal115lJI1
l'rl'~lrin~ utflhL' cluthl:~;l (~od. ~(if~gi·d.:: inc! l)h (~()(;. :~!r.si\\·c. .!ust ~;cc. ~ li:i\\'~' hcen l"uuling
dl\\)lHld ,jJl~ctl:lldiil~ lu he li "lLad Inan. ()h ~~lhJ i ....\\I<.i:'J pla~ iil~. : iiùjiIJ YdiJ. '\\Jü;iL~1.:: ~ ·\\\\.'üS dii.h,·
_1'" ;.- , 7 ,
jJ "J' llib·
.
"Horrifié",
il se déb~mJsse de SOf1 "masque" è'f redevient !uHnèrne_
comnortement
i,--
de Siltn"on introduit la difféence entre le mIme et le rituel Nbnmoins.
on perçoit nettement que dans l'un comme dans j'autre CQS, la fonction créatrice du
médium demeure
il est leur dénominateur commun, La pertinence de la possesslOn-
dépossession par rapport au binaire mort-vie n'est pas moins constante.
La pièce Requiem jàr a FUluroiogisl offre quant à die, un cas intéressant de
médium relevant du simulacre, du faire-semblant, avec tout Ci;; que cela suppose comme
moralité, En effet, réunis dans un esprit de complicité malveillante, Godspeak et Eleazar
Hosannah représentent
un duo d'imposteurs prétendant être dotés des capacités
médiumniques de futurologues.
Quand la pièce débute, le Révérend Godspeak est en train de subir les
conséquences d'une de ses séances publiques de prédiction. A l'aide d'un flash-back créé
par la médiation du verbe, cette séance est réactualisée. Ce qui nous permet de
comprendre la signification de la méthode de Godspeak, il se démarque des autres
prophètes, les "tàux prophètes" comme li les appdle, Cûmme il l\\::xplique, sa méthode à
lui utilise !:l technique du médium :i doublc ni':c:.lu :
;72
{h,d, pp 21fJ-117
i71
{ h l, 1.
Il :2 1X

Illc 1IIlllJlle tfcparlllre. 1;llIies ;1I11! gellllcillail. IS Ihal 1 shall "l' Ihl' IlIl'll; Illcdilllll ;11111 111\\ .\\SSISlalll
Ilerc Ilrollll~1' 1~le;li';11' Ilosalillail. IVlllIlC Illl'l'Olee 1 shall 1'l'llI;lIlllln;I\\V;ll'l' "I tllC l'SVdllè 1.;1l01VIed!~e
wiliCIl passes lllnlllgil Ille. liltellilg 0111 ililivlllllllllllles..
Il IS ;1 lllclllll(! IVlliCl1 IS IlIgllcr 111;111
Il'il'll;lIitV.
ïitc Illl'ùillili sill~(is lite /Jlli'(IL-1l Ill' Î-.llllWicdgc allti 11Cl"l1l1ll'S a pUll' IrallSllIlllillg Sialioli O(
dll.~ LllIlll\\;. ~1 pUll: ;,I:-,lllIlilelll or kl IU\\.-\\I IL"U,SL·, ul tHIIlIII."tCIl:IILl', \\Il' ~lluwlcli.~l: \\\\"'IIIUtAl Iiluu~Jll--ur
"
,'1.1
\\. l\\ lli
hommes les ~v0nements l'uturs ue leur VIC. Bien entèndu. tout cela ne relève que du
mensonge. Comme il l'aftïrme lui-même. en ce Jour particulier. en direct des studios de
la téléVISIOn. Il était question de predire des evénements aux ~tats-UlllS et en RUSSIe. t;n
[OUl cas, Lei était je theme prévu iurs des séances de "répetitiuns". temle un ne peUl pius
révélateur.
Semuwe . And ,vilde JiJ alllhis Lake plact:'?
Godspeak . In il tele\\ision studio, before an imited aüdience. Live broadcast.
Semuwe : And you insist of course you are not dead.
Godspeak : [Violemly] No, ['m not' It was al! a' lie, a plot. We never rehearsed any such thing. He
was ta predict riats in the Onited States, famine in Siheria. an earthquake somewhere in
Australia 375
Mù par son désir de succéder à Godspeak, son associé--Ia voix dans la prédiction
--retourne l'arme contre son maître. Au lieu d'être le médium du "dieu" de Godspeak, il
devient celui de "Nostradamus". Ce "dieu" predit la mort de Godspeak--qui, soit dit en
passant, agit ainsi par vengeanet:: cuntre GuJspeak qui a osé se cumparer à lUl--à la suite
d'une maladie de dix jours. L'j ntrigue de la pièce cst constmite sm cette prédiction dont
elle nous montre les conséquences pour Godspeak. Godspeak s'efforce de résister à sa
"mort", mais ù chaclln~ de ses tentatives, le puni ic ne voit (ju'une confirmation et de son
émt de mort. et de sa puissance spirituelle qui lui permet de t~l1re des miracles même en
état de mort. L'egungun qui arrive devant sa maison s'enfuit quand Godspeak se met à la
;7-1
Soyinka. Wolc. l<e(/Ulem/iJr (/ Flllllrn/Ol!,lsl, p. 3~
\\7;;'
!hir/. \\ 11,". lt)-40

1"''/
\\enClrC pour prouver qu'Ii cst VIV;lll!. l\\U" \\CU" Ju
pulJilc. iL I:Ul C';{ quc ~,()d~pca" csl
détruIre
"My ~ncmlCS gathcr rClllfc)rccll1cnt t'rom cgungull !nasqucr:J(Jcs"~77 s\\~\\clamc
Godspeak qUI a très bien compris la situatIon. Ces cgunguns II1troduiscnr néanmoins une
illustration de la notIOn de médium. Car dans le tond des choses, les poneurs de masque,
une rois devenus reis, ne sont pius des humains mais des esprits à pan entière. Dans
Dea/il und the King\\' nursemun, Àmusa reruse Je confronler visuéikmenl son maÎlrt
blanc qui porte, de façon ludique, le masque eg-ungun au CGurs du bal masque. Ainsi ici.
tnal,gré le rôle profane qu'on leur fait jOüer~ les egunglli~S deineurent des "masques
ancestraux"378.
L'acteur rituel, c'est celui qui participe au rite. Le théâtre de Soyinka, on le sait, a
une vocation rituelle. A cet effet, à côté des quelques personnages auxquels nous nous
sommes intéressés ci-dessus, demeure ce que l'on ne pourra jamais écarter du tàit rituel
et/ou théâtral sans le détruire lui-même: les panicipams, pour parler comme Soyinka.
Si dans le théâtre de Soyinka la notion de spectateur s'dface devant celle de
participant, c'est que celui-ci joue un rôle actif; c'est en tcrmes symboliques que cela sc
comprend:
m,. /hid., [1. 24
m
/hui., [1. 25
17~ /11/(/., [1. 24

1(,()
!l ·:t~[nrd"II~"" 1'\\ !!1('
11\\·Il.~I.l!l ,lI 1111..: i~r{'f;p ..'.~'lll·"! !/lff1111l.1l !l~ lol"'!11 ('-;,[11\\
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rl''\\!,(lIISC~'; /l/
L'ellc ,iclïlllllOll dLi fOie ,Îes p~lIllLlp;lllls dan:.; je illLlLi rappclk ,.'cik: de kllf::
S,"-,i":i i l
_, iil1ifo.-'iL'{i.\\
Les personnnges--L'nergles cosl11iques--sollt su!"tout presents d;lns det::\\ pièces
/Juncc 1)/1/1(' Fnresls er /lIc H(/c(·/7uc u/Flllïpnies fi s'agir enrre autres d'Ogun. Eshuoro.
Forest Father, DIOnysos. etc. Ils sont qui des Jieux. qui de simples espms des chose.'i. qUI
des ancètres, qui des enfant-a-naitre, c'est-a-dire en définirive les représentants des troIS
instances métaphysiques de l'univers yoruba. Ce faisant, leur rapport avec ie phénomène
de vie-mort est évident. Mais pour ce qui est de j'objet de ce chapitre, c'est-à-dire le
phénomène de la médiation. iis sont les forces mêmes par rapports auxquelles les autres
personnages ici traités trouvent leur si b'11ifications médiumniques.
L'essentiel de notre analyse a consisté à considérer l'être médium ou médiateur en
tant qu'appartenant au même paradi6rrne que le protagoniste rituel. Ainsi se justifient la
récurrence d l'importance des notions Je rite et de possession tout au long de notre
démarche.
1. 2. l. J. Autres déterminations de la médiation de l'être
Dans l'univers soyinkaïen, certaines composantes naturelles sont spécifi<.juement
liées ù des t()[CCS spirituelles données. Elles acquièrent ainsi leur sacralité. D'autres par

contre lé sont tout naturellènlelll parce que. COlllllle lé Jil I\\iIm:e~1 '·:llade. "Sl)rll des IllalllS
dlVllles. le monJe reste 11\\lllléglle dl.: "aeralile":sl'
n':t;ies par Jes JivinitCs tutélaires. Ogun est par è~elllpk le dieu des I()rgerons parce qu'à
l'Origine. r~lc()nte le il1:vthe. il rut le premier ~i Ic)rger lin instrulllent.
l\\~ qUI est Intéressant Jans l'un ou l'~llltre cas. c'est que l'indIvidu qUi vient ,1
entretemr des relatIons privilegiées ou ù ètre associé :JVec l'élément ou la tCJnCllOn Ilnlt
par partager sa spiritualité. sa sacralité : il se hiérophanise. L'acte phYSique peut devenir
un sacrement. une communlOn·,;;I. L'individu accède ainsi i la tonction de médIatIon par
le biais de son occupallon3ii~.
Mais i'homme iui-mème n'est-il pas "sorti des mains divines" ? En cela, il évoque
une certaine sacraiité. En effet, chez les yoruba, la personne humaine est composée de
chair (ara) bien sûr, mais aussi et surtout d'esprit (emi)--le souffle--et d'àme, élément
intangible et indestructible qui survit à la mort physique383 ri existe cependant entre les
individus, une différence fondamentale qui peut se percevoir sur la base de leur
physiologie.
Les yoruba attribuent, en effet, certaines malfoTIllations---Je fait d'être muet,
albinos ou bossu, etc.--à un drame divin; celui d'Obatala, dieu de la création. Il aurait
créé ces individus particuliers sous l'dfet du vin de palme. Une autre approche du mythe
raconte cependant qu'il les aurait faits ainsi intentionnellement:
lK(J
Eliade, Mirœa. lA! sucré el le rrn/itne, [J. t)<)
;:,q !hid., [J. 17
~Kè VOir sl:ction sur l'artistl: d le Jevenlr social l'artiste
:X.l
I\\wolalu. J 0, Or. ('il., [1. 53
~I
SAX

\\s ;\\ IV;!\\, ,d' ,;:\\pl;lIllill~ III\\\\\\> cTrL,ill IWIl!,k ,',lIl1l' Il) he 11\\:\\\\ ,Ir dL:l(IIHIt.:d. III,' \\"ll1h;1 (1;11111 ,11;11
Ill1eY I ;Ir,' üt.:alt.:d lik" 111:11 ilv (Ins:1 ln 111;'1.. ... Ihelll silcrl·d Il) 111111 SlIcli pt.:oplc ;lr,' ,;i1kd l'til (1IIpSl;
,;cl ap:1I1 I(lr (Irisa ).;;';.1
ne :;onl cependant ras Ioules liées ;1 celle seule di\\ Inlle <..:Iles del11eurent I,HIIours
signi tïcatlYes.
/\\ln<;1 hors du rurel11l:nl rituel 111:1IS touJours dans le ,;ocia!. !'èrre,,;o\\'lnkaicn
continue ~t communlcr avec les éncrgies l'OSllllqucs Il élargIt cl vil l'expenence rituelle.
du moins dans cel1alns de ses aspects. dans sa vie quotidienne.
I. 2. 1. 3. L De L'aveugle ct des jumeaux dans les marais
L'infimlilé de l'aveugle Jans The SWWllp Dwel!ers, n\\::sl pas congénitak. Elle çst
['oeuvre d'un fléau naturei : i'onchocercose, une réaiité de ia région du Nigeria ou Soymka
situe son origine:
Beggar : r did nat have many years to enjoy the benetit of the eyes. Four or five years at the mast,
and then.. You have heard of the fly sickness?38S
L'aveugle ne détient pas son infirmité d'Orisanla (Obatala), cependant, il demeure
symbolique dans l'oeuvre. L'aveugle lui-mème fait allusion à son symbolisme quand il
affirme qu'au moment ou la cécité le frappait, il n'avait commis aucun péché. La notion
de péché implique tout un système de croyance. Aussi, l'atmosphère spiritueJJe, religieuse
qui baigne la pièce n'est certes pas yoruba--elle est ijaw en grande partie--mais la
philosophie qui la sous-lend est parfaitemt:nt saisissable en termes de kam1a comme nous
le verrons dans le chapitre sur la moisson.
Symbolique à l'instar des autres intirmes, l'aveugle révèle le sien avec son arrivée
dans les marais, chez les Makuri. Il assume une double fonction de m~diation. " le tait
~H4 fIJIJ., r ~I
;~i Soyinka .. Wole.. l!/(.' ,,,\\vtI/n!) 1)1,t1Jellc·r....·

raI' r:lflp0rl a la IOree spll"Iluelk cl l110ralc qu'il Incarne en lall! qu'avcugle "I.':l\\cugic csl
cdui yUI Igno!"l: ks apparcllCcs lrolllpeUSl:s du 1ll01llk gdcc ;'1 quoI il a le prI\\ ilègc dl:
COI1I1<1ltl\\:: sa réalité secrète, prorlllldc, 1I1lcrdill: au COlTllllUl1 ~ks l11ortels. (\\ p<lrilclpe du
Jivin".~xl; el se Jdinil par rapport à la sagessc et au sa\\oir acculnuks au cours dc
l'expéricnce dl: sa vic ditlicile ct de son vovage. C'est toul cela qUL:, rouI' clTlploYl:r le
terme de f:ldred Jones. il "sème ".'~7 dans les marais.
Les colncidences entre l'arnvée de l'aveugle et certai ns ~vénements heureux dans
les marais font dire LI. Makuri qu'il est porteur de chance3XX, En effet. c'est ce joue-là que
le Kadiye est ouvertement mis en cause par le jumeau et que la tin des pi utes est
annoncee "officiellement". On peut déjà voir ici la mumtèslation de l'int1uence du
mendiant. L'atIirmation de Makuri n'est pas gratuite, Elle est ie résultat d'un constat
concret La remise en question du Kadiye par Igwezu est effectivement une chance
salutaire, Aussi, c'est le jOl1r de l'arrivée de l'aveugle que Makuri faillit prononcer le
sacrilège contre le serpent, une chose qu'il aurait eu du mal à concevoir avant l'arrivée de
l'aveugle.
Ce que Makuri qualifie de "chance" est l'expression de la dimension spirituelle de
l'Aveugle. Par la force de son être, il "sème", introduit dans le marais une nouvelle
conscience qui va stimuler les hommes et insuffler une dynamique à la vie qui s'était
quelque peu sclérosée, "In my wanderings, f think that 1 have grown a healer's hand"3H9,
soutient-il. Ce pouvoir de guérisseur se situe bien entendu à un niveau symbolique. La
nouvelle moralité qu'il apporte avec lui, n'hésitant pas, par exemple, à mépriser le
1XIi Chevalier Jean et Gheerbrant A, J)iclionnwre Jes .\\ymho/es, p, 88
un Jones, E, D., Jïze WrilingojWo/e.\\'oyinka, p, 20
1XX. Soyinka, Wole, Of!. ('il., p. 91{
lX!). Ibid.., r, 1 Il

l<'aUIVè. d la nouvelle phllosophlè lace a la \\ lé lIont Il 1~1I1 preuve devant l'adversile. sont
clHrè auucs dèS "remcdes" qU'Ii IIHrOliull dans ics InaralS. Illll~lIl1l11elll ell i.s\\\\'l.:/,u
He jliJc
orocessus
.
. maiS
-
elle orèsente
.
et incontestable, Le bit esr uue
"
tout le orocessus est !()ndé
sur un symbolisme assez subtile. Quand l'Jveugk se propose d'être le "gUide" d'l,!2:wezu.
il résume toute la fonction qUI est sienne et qui sous-tend sa ~onction de médiation. La
déCISIOn d'lgwezu n'a apparemment aucun ll10blle conv~lIncant ; pounant. èlle n'est pas
sans fondemems. N'oubiions pas qu'ii esrjwneau el donc reiève aussi du divin. Cela a son
impoÎwnce comme nous le verrons dans la section suivante. C'est plus au niveau spirituel
Le second niveau de médiation qu'assume l'aveugle découle du premier et se
rapporte au processus de changement, de transition, que connaissent les marais391 . Dans
ce processus, l'aveugle tient un role peut-être pas déterminant mais suffisamment
révélateur pour qu'il soit qualifie de médiateur. Et c'est en termes historiques ou
temporels qu'il est ainsi concevable.
Au miiieu des marais dom il en mesure, seuiemem queiques iemps après son
arrivée, toute la négativité, il insiste à la sUi-prise de tous pour rester et yfaire sa vie. nest
vrai que les :nn.r::lls offrent l'huJnidité qu'il slétait juré de retrou\\-'er, :nais il la cherchait
pour ce qu'elle peut engendrer comme vie, Les marais n'en génèrent que le contraire392
.1<)(1 Jones, E. D., Op. Cil. p.
18
.l'l'. Voir section sur l'individu et le devenir social: Igwezu en tant que médium ou
section sur la moisson
2
;'1 . Voir section ';ur la moisson karrniquc

L'est la que se situe le I11vstere de l'aveugle qU'II est, L'aveugle evoque l'Image de celUI
LjLII vOli autre chuse. avec J'autres yeu.\\. d'Ull autre munde":'): ()ue vuil-II ~dOls ICI que ks
aulrcs ignorcnt '.' L;l signilicatiün Ju :":~iïiiiJ que iiüliS dé\\clüpperül1s Jans le Lh~ipitrc ,-;Ul
!u Jnaissan
que voient "les yeux" de l'aveugle iCI' la nouvelle vie qui naîtra dans les marais,
Ainsi. il travers l'aveugle, ;\\ travers ses "yeux", on peut percevoir l'abourissemenr
des marais dans son passage de l'état morbIde présent il un état vital futur'
19wezu . And you have fàith, have you not') Do you not still believe in what you sow',' That it will
sprout and see the harvest sun?
." ().t
Heggar
lt mUSL,J""',
Les questions d'Igwezu ne sont pas vraiment des questions, C'est tout comme il en
Quand à la tin de la pièce, debout, l'aveugle est éclairé par un rayon de lune, on a
une symbolisation de son optimisme. 395 La lumière qui transperce l'obscurité de la nuit
n'est pas moins significative396 L'aveugle demeure toutefois central : Makuri, Alu et
Kadiye s'et1àcent comme pour toujours; Igwezu également mais avec lui, 11 ya un espoir
de retour. Comme nous le verrons plus loin, le futur des marais que l'aveugle nous permet
de voir est ceiui d'Igwezu.
Si Igwezu est égalè;ment, en tant que jUiïîeau, significatif par mpport fi. la
1']1
Cheval ier, J. et A. Gheerbrant, Op. ('il., P X9
.1'J~ Soyinka, Wole, Op. Cil., p. 1 Il
l'Jj
Ihi(I.~ p. Il ~
~')i; Voir deuxième partie. l'ambivalence de !,I 11Imil~re.

clLlcldanlc
LI rClall()11'Un1Call/l1lar~lIs pl\\llC l'CSSCllllèl d~.: la dllllCnSll\\ll IllCdlllllllllLlllC
l:oulcar du rnarècage""i7 Qu'e~;L-cc ;l dire ., D:.ms la lradiLion ij;nv. !e~ l1l:lr:.;i:; el lé:, eau.'..:
sont ti.H1damcntaux à plus d'un titre Tous !Lurs g(~nics y h'-lblll'nt. comme c'est le C:'lS che/'.
presque tous les peuples riverains. ,L\\lors. dire d'un enbnt de surcroit ,Jumeau qu'il a
"exactement la couleur des marécages", des marais si l'on veut, n'est pas assez
révélateur? Cela relève sans doute de ces affirmations richement connotatives dont sont
capables les peuples de symboles. Les gemes. disons les dieux, ne sont pas restes inenes
et muets dans la concepiion des jumeaux. Rappelons que ia nuit de noce, moment
présumé de la conception, a eu iieu au miiieu des eaux, plus précisément à j'intersection
des ùeux rivières.
Cette analyse entre bien dans la CûnceptlOn afi-icaine de la gémellité selon
laquelle les jumeau,,< ne sont pas qu'humains : "The Yorubas revered twins and
worshipped the deity who was supposed to be charged with the responsibility of
protecting the twins"39!!. Les jumeaux abritent en eux une autre personnalité en rapport
soit avec les divinités soit avec les ancêtres et les esprits. Mais, en tàit, comme le note
Louis- Vincent Thomas, le cas des jumeaux suscite des réactions contradictoires3,)'.!. Selon
la société, il est bon ou mauvais d'avoir des jumeaux. Mais de façon générale ou presque,
l'un J'eux est toujours consiuàé comme "mauvais", c'est-à-uire ayant ues rapports avec
de méchants génies ou ancêtres, et prêt à détruire la puissance vitale de l'autre''oo. On
.. ')7 Soyinka Wole. Op. Cil.. p. g6
-"I~. Afolabi. G. J . Op. Cil.. p. 171'
1')')
Thomas. L. V.. l,LI morl LI(ricuint.:. p. ! 37
,r
1110
/./IC.
(

rcconn~\\I' le 11l~llIVals .Il1nh.:~\\lJ ~I son COl11pl1rtcmclll qUO\\ll!I...:n
r...:calcllr:lIlL Jlll'ICI\\!: a
raiSOl1l1Cr, Clc. \\)ualll ~'l j'aUlre. ii c~l lUlql.lurS "bon
l~~lI li 111GlIIle ics ii.lI'U':s cosll1lques
presenté comme tout ~\\ fait le contraire ue son frère. II eST reste au vil!age où il s'est marié
et s'est consacré au travail de la terre
Il n'a décidé d'aller en ville que pour satisfaire S8
nouvelle épouse. Et dès son arrivée en ville. il achète avec ses premiers gains. une chaise
pIvotante qU'II avait promise à son pere. Le malheur n'arrive peut-être qu'aux bons. A la
suite de j'accueii hostiie que lUI réserve la vilie el aussi parce qu'il devait s'occuper de ses
champs, igwezu retourne dans les mamis. Mais là, il trouve toutes ses récoltes détruites
par les eaux. C'esl alurs que t;ülnmence sa rébellion ~ le terme est adéquat parce qu~
jusque-là, Igwezu s'était soumis consciencieusement à toutes les nonnes régulatrices de
sa tradition: une chose que le Kadiye reconnaît lui-même.
Tl est significatif alors que ce soit Igwezu qui mette en cause le Kadiye dans ses
fonctions et ses pratiques. Expliquer cela par le simple fait de la destruction de ses
récoltes serait superfïciel ou incomplet. Le fait de sa gémellité est tondamental. Or selon
la théorie du kanna-+02, la réalité présente des marais serait Ullè punition divine infligée à
la cûlnmunauté pour leur exactions, symboiisees par l'ensemblè du Cûinpûitement du
::;ur la cause du ma!, ici Jc prêtre cupidc, afin d'amorccr un processus de rétablisscment de
1111
Voir l'individu et le devenir -;ocial, ou le symbolisme de l'espace' Awutchikc comme
symbole de la ville.
111.'. Voir ';cI:tinn sur la rnois:..;on
kaml!ql!'~
i'l!!l!I!!!IIIl _ _
.......__......
=--"----"-"'==
~"'$

l'ordre. Je la vIe""
I)e par ~a Ilalure. 1:;\\Vo.lI c:;t celuI qlll. a la In:lflh:re d'uil heros
d'insplrallon JiVlll\\;. aglL l'OUI k blcn Je ia COllllIIUllalllc ii esl ioin J'L;llc Uil pclsollllagc
t:'..,
,.1'"1"-
1•• " ...... , • • ,.-",.,,",.;'.
,"",,,,",""'.'
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.,._.Ir,
q'.,.'V.' ...... t .•
r~I •• ~."
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IH ...".I •
...1.6' ........'\\...&.111 .......
U
u., .....
t-'V.l"~
,1.,0'
l',.y-•..• (.
~""'d
J " ..... __ ....... ,
vie J'homme" est certes difficIle J'établir une ligne Je dèm:ucat!on
entre l'individu
IgwezlI et leillmeall qu'il Jncame. mais ceci n'est peut pas nécessaire. Il est possible
d'ajfinner que lorsqu'il agit dans le sens de 1111Se en eause du prêtre, Ji est medium. Son
être et son corps servent d'instruments pour les torces cosmIques.
Igwezu peut ne pas avoir conscience de son rôk ainsi ddinir, ce qui serail lOut à
,"'
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' 1 ' " 1 ' ,
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1
. . . .
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1
tait compn::I1enSiiile (ce Iî est pas Vïaunent le cas iCi), iîîaiS il joue le jeu jusqu'au ûout,
sa motivation a une origine profonde' "je me demande," dit-il d'un air songeur, "ce qui
m'a poussé"405 Au mendiant qui "minimise" la portée de son action Igwezu peut
rétorquer: "Do you think that my only strength was that of despair? Or was there
something of a desire to prove myseU" "406. Ces remarques montrent qu'Igwezu a
conscience de son rôle de médlateur--d veut se "prouver--et sutl'Îsent li taire "tatre"
l'Aveugle. Ce n'est cenainemenr pas pour rien que finalement, il iui proàigue ies mêmes
conseils
que Makuri en lui demandant de fuir le village--sachant qu'il ïeviendra. Le
qu"sn..vezu n'est pas un simple "tueur de Serpent"407 ; ou s'i! l'est c'est plutôt du Serpent
~03. Myth, Uterature und the Aff/can World., p. 156
404 Lawrence, Margret Op. Ut., p. 25
10)
l'he ,,,'wamp Owe!lers, p. ,III
·1(1(,
I.oc. Lll. C'est moi qui souligne.
1117
1.(1('.
(
II.
~1=!1JQiJtL4.2œ21gzAœ.&1!i!4a _

Kadlvc. car Il clll[JI<l/C Illlll 1tCrcllllllcnt le tcrme ":-1cr[Jelll " pour designer le :-1erpenl-lIlclI
I.:t son servlleur I\\.<'HjIVC,
ppur !u!-mème cas ,,;/.:.'!on "es [)l'orres termes. d quitte une "fondri0re pour une :lutrc" (!~!
ville), Dans sa fuite. " rmt:lUge dans 1:1 hOllt~ :1 tr:1\\'ers la mut comme rom hlen
s'imprégner des marais qu'il incarne déjù (les pieds svmbol isent l'àme) l)U pour dire <ll!
revoir aux forces qUI les habitent. Les dernIers mots de la pièce n'invitent en tout cas pas
au désespOIr. 19wezu revIendra un .I0ur--pour retrouver ['aveugle qUi l'arrend--car l'arbre
qui a servi à scuipICr son masque est bIen du viiiage ct c'est ia et nuik pan aiiieurs qu'il
dansera le ïeste de sa vie.
!. 2. L 3.2. De l'enfant Idiot aux infirmes de !a guerre
La manifestation divine à travers l'individu est également évoquée dans The
Strong Breed avec le personnage d'Tfada. Idiot et muet à la fois, il est perçu par les
villageois comme un "cadeau" des dieux afin qu'il accomplisse la tâche rituelle de bouc
émIssaire que "personne en possession de ses sens ne supporteralt"409. Ainsi mise en
rapport avec les énergies cosmiques, l'infirmité à'Hàda le caractérise non simplemem
comme un ètre à part, mais plutôt et surtout comme un être symbolique, à valeuî
fonctionnelle ~ une fonctioTh"1alité qui se comprend bien en tennes de rnédiation. D'uIle
part, il est le véhicule divÎn qui n'a pas besoin d'avoir ou ne peut avoir de volqnté propre:
.IilgU nil ' Ifiln:j i~ il godsend noes he have 10 h~ willing?
·IIIK
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La vaiiJill: Je Lclle 1IIlcrprl:l<.lliOIl J'!î;tJa cSl ~alls J(HJlC reiLlLabie. l:lalll elllellJu que
comme nOlis l'avons VI/ rrécédemment. Il est vrai qu'il a d~ rernrlace rar Eman mais cc
rôle lui etait dévolu dès son apparition miraculeuse dans le village. Le peu de tèmps qu'il
passe entre les mains des meneurs du rite avant la décision d'Eman, n'a-t-il pas suffit à le
"souIller", à le "charger" des peches du vIllage '!
L'être "parricuiier" trouve ainsi dans ie lhéàlre de Soyinka ie symbolisme que iui
recûîîTIait la tradition yoruba. Mais en l'iméglant dans son imaginaire littémiïe, li dargit
le phénomène :i Jes iüfirrnités Je sources hu.maines. Li clau.cEcation de r-.'1unmo, résultlt
de J'accident de route, s'intè!:;'Te bien dans Je symbolisme de l'a!agemo dans ?71e Roud
Dans ces conditions, il est impossible de passer sous silence le cas des mendiants dans
Madmen and Specia/ists.
Pour ce qui les concerne, le symbolisme lié à la transcendance ne fonctionne pas.
Leur symbolisme, leur fonction de médiatIon est plutôt saisissable, disons, dans une
perspective purement rhéàtraie. Leur physique piteux, horribie, résultat à'une mutilation,
évoque tout un espace, tout un univers extérieur!! L"dehors là-bas"--qüe l'oii ne voit
.
.
.
I~" ,,..,.,. t"'
..,.."., ... "
JU1I1U.1J
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toute la monstruosité:
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III
Vqir '~\\..~<:tion ~ur le symbolisme de !'esparr;

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si l'on ['leut dire. l'oeil du srect:Jtcur vers la source de telles atroCItés. II v a comme un
dépassement de ce llue, plastiquement, les mendiants donnent à voir. Ils participent. de
tait, certes à la re-création du monde de "dehors là-bas'. maIS aussI. finalement à la
réaiIsatlon de l'eHet cathartique qUI sous-tend pnnclpalemem la creation de cette oeuvre
par Sùyinka.
La médiation de ta femme, dernier type de personnage significatif ici, sc situe
dans une perspective temporelle. Car c'est en tant
mère, c'est-à-dire, créatrice des
générations qu'elle peut se comprendre ici:
En tant que présent, elle tient à la fois de l'un (le passé) et de l'autre (l'avenir). Elle est surtout
médiatrice car l'enfant perché sur ses reins n'est rien d'autre qu'un ancètre revenu, par son
intennédiaire, sur la terre.... En mettant au monde des enfants, elle assure la liaison entre les
générations successives.. ,4 i 3
Sidi dans The Lion und ihe ./ewel esl un premier e,wmple de œLle valorisation de
la femme. C;lr justement, son mariage avec Baroka la pïOjette dans l'univers des femmes.
\\ 12
IV/utimen and SpecwlislS, p. 217
·11 J
Zahan. Dominique. Op. Cil., p. 76
III
Voir section sur le mari,lge : !e mariage de Sidi,

SI ïcniùnlcmefll esl ia reaille Ciel qUI piace ia lemme Jans la nlClliall\\lll. 1)e:l<.l
W\\)lnall dalls A /JUILL"" (Ji IIIL' !-o/"c,\\/,\\ de\\ lèll! POILCUSC: Je Sc:IIS Cil [alll que lIlere Ju i iall
Ciliid. D<lI]:) cdlC optlqUC, son cas Sc ,kJ\\)Libic :iigniiï(:Ill\\Clllcnl. Dans :ia \\iC ,Xb:iCC que
Intégrer la chaîne des générations. Empèchée d'assumer ce rôle par le tvran Mata
Kharihu, elle t~lit le voyage dans l'univers <.ks ancètres avec l'ent~1nt dans ses enrrailles
Lorsqu'elle réapparaÎt, dans le présent de l'action au milieu de la forèt, elle
Incarne de nouveau ia promesse de naIssance pour i'enÎant devenu il Juste tiIre "deml-
enfant" car à ia fois humain el esprit. Le Hair Chiid s'écne, 'Til be bom dead / i'il be born
dead::'!15, d~crivant ainsi sûn statut hybride. Ii va naître niûi1 Gar telle èst la nature dè
l'abiku, en perpétuel vüyage e'ntre deux monùe:J, entre. l'l vie ~t la murt (ou vice versa).
L'important ici est que cela est possible grâce à la mère comme médiatrice, comme
symbole du passage transitionnel.
Outre cela, la signjfication du "demi-entànt" comme symbole du futur, constitue
une autre voie d'approche de la fonction médiatrice de la mère. Car, c'est par son
intermédiaire en tant que présent que celui-ci vient à assumer cette valeur historique.
Dans cette optique, Alu dans The Swamp Dwelfers assume également la fonction
créatlice de la médiation. En tant que mère des jumeaux, elle perrnet à ceux-ci de se
forger un nouveJ.u type J'avenir--ambigu certe~--à Pü.rtif ou en-debors ùe$ marais; et cela
en net contraste avec ce que'représente 1'v1akuri, le père, dans son attitude passive, stérile
dans les marais.

17.3
i~galel1lenL en donnanl nal.'isancc a lin cniant. Ulllae, q)()USC J'I·.man uans j II<'
J'cspoir--èspOlr que :,\\ chaillC ...lès ",:.;angs purs" sc pcrpducra--la ilaIS:,.lIIL'C Je l'cnlünl
appelle Omae comme l'élément qui assure. certes ;lU pri~~ ue S;l \\'ie. cclk cunt:nu:te
Old i'vt?J)
f)1l1:1t' died gi\\'ing hirth !t, Y!Hlr ~'hi!d :!nd ~.'!~U !hink !hc \\vl~r!d !.'-: t~!ldcd
:)t''''! Y!'ll ~n()\\'.'
it
.. Wi'S
. .
the
.
same
. .
'vith vou')
~
,\\nd me'> Np 'v<'man ~l1rvives the bC:lIin!.!
--- (l1' the stn'll!.!
- ('l1c" .. -Il (1
Symbole pour Eman de la fin de toul eSDoir de donner un sens il sa vie personnel k.
la mort d'Omae en couches constitue également un symbole de création d'une vie
subiime. forte, communautaire. Et c'est la toute ia signifïcation de son rôk ll1ediateur.
Dans ,he Kacdwe uj,,-'unpuies, Agave la mere de Pemneus exprime un lype de
médiation sirniJaircmenL arnbigut: : c'esl quand elle ddruii :ja propn; progénitUre, c'esl-a-
dire Pentheus, C'es! par un cheminement inverse par rappûrt aux autres femmes qu'elle
exprime sa médiation. Ce paradoxe se surprend pas que les esclaves ~ Kadmos confesse
qu'il ne comprend plus rien a l'attitude des dieux417,
Possédée par la divinité Dionysiaque. Agave met fin aux jours et au règne de son
fils, Ce tàisant, elle se projette, inconsciemment sans doute, dans une perspective
dynamique, historique dans laquelle elle tavorise le passage d'une ère à une autre, d'une
vie li une autre. L'acte de destruction est symboliquement subiimée en création; c'est le
iondernenL Je sa ionclion médialTice.
La valorisation maternelle de Ia fcmme est ehez Soyinka au coeur du ihèmc de la
destruction-création. Les Earth-Mothers dans Madmen and Specia/is!s ou fya!oja dans
Deoth and the King\\ Horseman sont en tant que symboles de 1"
terre-mère ou de la
mère tout court, des exemples pertinents. Par la richesse sémantique et symbolique de la
,III,
n1<:.\\'tmn~l5reecl,[J. 133
117
l'he /?ucd/(/(' ()/l'lIrirides, [J. 306

17-t
notion J~ 1110rt-VIC. èl ;;r~\\cc ~l la nalure 1l1~lllè lk la IcnllllC, .'HIVlllka parvlcnt. en
:-,'appuvalll ~ur lé :-;YSIL:I11L' (liIIUr~1 Yliruba cl :-.a thèurlc rilLlcik. a crcer dc~ I)Cr~llIlll;.lgc:-;
récllel11ent ~Yl1lboljques
essence, JU centre de celte caractérisation. L'espace ct "in~tant rituels. !a !ùncttOrl spcia!c.
dl'. sont ~lutant de cadres rrivilégiés ct créateurs du svmhol isme de !'ètre. Ce!~l dit.
l'homme sovinakïen perçOit à son image. son environnement comme la créatIon de la
transcendance. AinsI, dialectIquement, ces realltés concrètes SOCIales ou naturelles41K
deVIennent pour tUI des médiateurs par iesqueis Il accede à ia transcendance, Au nombre
des réalités sociaies se trouvem bien entenàu lOures ceiles aLL'i.quei ies nous nous som mes
intéressés jusqu'alûrs , mais la Liste serait ülcûmplète si l'on s'arrètait là. Les chapitres
suivant e..xaminent d'autres réalités socio--religieuses que Soyinka porte sur la scène ùe
manière symbolique.
1. 2. 2. Des expressions phoniques et gestuelles
Les éléments akoustikons--mais non exclusivement-que sont entre autres choses,
le verbe (parlé ou chanté), le son instrumentai (du tam-tam) constituent la substance de
base de notre entendement de la réalité phonique dans l'oeuvre dramatique de Soyinka.
La gestuelle est ~ga1ement un concept assez large. Elle relève du dromenon et de l'opsis,
et trouve dans le théâtre ùe Soyinka lL.'1e expression multiple dont la réalisation en tant
que danse sera notre principale préoccupation ici.
A l'instar du personnage, les expressions phoniques et gestuelles sont parties
intégrantes
à la fois de la dimension purement sociale de la culture yoruba, et des
1Pl. Voir deuxième partie' l'environnement (~t la communion.
1

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l,,' dr,1!T1'l1. I H'!e leur fait :lS'!I!T1t'r ,lll""j des Inne/ions de /echnimle<: dralll;ÙI(1l!t.''''
..-
,
,
l. 2. 2.1. Le verbe et la musique
La lonctlOn du verbe et de la mUSIque n'est pas SImplement comlnuntcatwe. Ce
som ~gaiemem des supports du comenu dramaIlque, poeIlque el symoollque au [neUlre
L~ critique E. D.
remarquant le caractère statique" de certaines de ses plèces~ la dynamique de la fable
It
résiderait dans le dialogue Le critique insiste alors justement sur ]a prépondérance de
l'ouïe dans toute approche du théâtre de Soyinka. Mais le verbe
chez ce dramaturge
couvre divers registres dont "le verbe du quotidien", selon l'expression de Marie-José
HourantierlU--qUi constitue une part essentIelle du texte dramatique--Ie verbe poétIque et
ie verbe riruei.
L'analysc du vClDc du quoüdicll IlOUS conduilait sans JOutc loill Jc nOtfC champ
d'intérêt car d CGnc~rnc, dG fuçoil gén6raIJ'~ l'cr~scrïible des rétlctions
personnages dans leur '.lie prot'<lne. En revilnche, les \\'erbes poétique et/DU rituel sont :lU
çoeur du phénomène de la création-destmction, de la vie-mort
Ils sont repérahles à
plusieurs niveaux dont en particulier les proverbes, les expressionsverbaJes de sagesse.
les invocations, ~t les chants qui foisonnent dans le théâtre de Soyinka.
,~ 1')
!v/v/h. U/eru/ltre und /Ize Africun vl/orlcl. p. 142
·12(J
HO!lrill1tieL Marie-.losé, 1~T). (II. p. 132

1 Ih
La poéslc Cl la nlualilc (·cnucnt comptc Jc lu pertll1CnCC uu vcrl1c ll1al~ aLJ~~1 dc la
II1U~Il\\UC. hwr ce dernier c!clllellL il bUl ;l\\OUler ïllllponailce de :,<.1 l1alUre--ia IIlU~ILlue
,
~ '"" 1 ~.... 1 t • , , 1 '1_'
UIU.lll~.u.l\\..I'-"'\\..·
!. 2. 2. !. 1. Le verhe
Dans sa dimension poétique, le verbe transcende ['acte plastique de production et
ouvre sur ce que Soyinka nomme, "a hennetic \\Vorld. uutonomous. demonstrably
cohesive, neutral to extenor mores and values, a nch and persuasIve evocatlOn" 1':: i Les
Images dom regorge ie verbe, ie rythme selon lequel ii se déploie, la beauré qu'ii
engendïe SOïït des t'ûïecS capabies de transpûïter i'ètre dans cet wlivers.
Dans le rite, ie verbe demeure un moue privih.~brié pOUT pénétrer la

l '
,
reUII te
invisible, le monde métaphysique qui sous-tend toute la· symbolique de la réalité ritùel!e.
Soyinka écrit par exemple:
Langage reverts in religious rites to its pnstme existence eschewing the sterile limits of
particularization. ln cult limerais words are taken hack to their roots, to their original sources when
fusion was total and the movement of word was the very passage of music and the danse of
~
-
images42~
La musique rituelle que nous verrons dans le chapitre suivant, le chant et les
Jnvm.:alions rituels, de., lrouvent l'essentiel ue leur définition podique Jans cet extrait.
Les images poétiqücs "dansent" dans lc cham iitucl, le iTiOüvcmcnt des "mûrs" nÛÜJ.ïit la
musique et conduit au coeur du rite, du sacré.
C'est tim:lement un ptin de la philosophie africaine dont il s'agit
le verbe
créateur. le verbe action. le rythme et J'esthétique créateurs. "La beauté d'une forme peut
121
Soyinka. Wole. Or. ('il.! Il. 56
ln Ih/rI., p. 147
~1.M.mRhEl1i1,<.."'••m..........,_=__
::::z:t_,&!!!I'I!!.se_.,==,_i'"'
.................."""'""""'~== -- .... ----------.-.------ ..... ---.------.-..._--
.__.... _

177
cOIlJulrc a l'accotl1pllsscIl1Clll d'ull aele ICCOIl(j", eefll ïVIanc-.lllsc Ilollr:1Il1ICr. :lllal\\,sant le
verbe pocllquc:~~
dans !:J pcrs[1cctive de la mort-vIc. En clle!. d'une part, la création ':! !a dcstruc!ion spot
des réalités jumelles dans "imaginaire soyinkaïen : et d'autre rarL les énergIes rrot'nndes
qu'il est capable de déclencher incarnent des torces ambivnlentcs.
J. 2. 2. 1. 1. 1. Le pouvoir du verbe: de son expression poétique et rituelle.
"Le pouvoir qu'a ie verbe s'cxpiiqœ en panie par ia poésic, 'an J'cngenàrer des
réalités nouvellc:s' sdon l'expression d'Aimé Césaire"!::!. L: langage poétique cûndUit à
une cuncorclance ~nlre l'âme de l'être et celle ùu cosmos par la médiation de l'image.
"L'être tàsciné, poétique", dit Bachelard, "entend"l'àppëJ du bùcner"425 : l'image poétique
pennet la dynamique transcendante et acquiert ce faisant un statut symbolique. Elle
intègre cet univers où les ètres et les choses atteignent une seconde dimension d'existence
à travers l'assoupissement de leur signification première.
Les émotions humaines peuvent revêtir des formes concrètes ; cela ne surprend
guère: le verbe poétique confère une existence physique, spariale à J'émotion ou à route
autre réalité hwnaine profonde. Ainsi, la patience à laquelle Agboreko invite Old Man (le
père ùe Demoke) dans ..'1 IJance (~f'lhc /-:'()rc:sfs prend ta fonTI~ "J'un o~il 4 ui il force ùe
persistance finit par découvrir cc qu'il aspire à voir"426 Dans The I.ion und t{le .!ewe/427,
,12.3. Hourantier, Mane-José, Op. Cil.. p. lJ9
424 Thomas, Louis- Vinéent, Cinq essais sur la mort ajricuine, [J. 263
,125
Bachelmd, Gaston, 1_(1 PS)Jc'!t(J/wlvsi:.' rluku, P 263
n, :1 f)unce ol/he Forest.\\', [1. 36
1'7
/'Ile /.il/II ilnd the ./<:w('/.. p. 49

17K
la :'lHIIlrance Interieure Je l~amk;1 est tr~ldullc par l'Illlage du .'illlgC qUI lr:lIlSr lre
dl:,u0lClllelll a cause Jes poils de SOit corps, el SOIl Illlpuissallce phallique p:H cci le d'ulle
De même, la violence Je l<'ungi de\\'icnt une lbmll1e qui "rn:ll1!;e" k: Jus Je la
Jnailnite.J;cq Dans son état de rosscssion :lVancéc, Flcsin csl lin élérhant qUi ne peut être
sortl ue la forêt [Jar !a queuc.)'11 D:w!o/u, un è!re lié :lU Jivin. devient lui Je h:lnh:lb qui ne
devrait pas se remuer (se Illettre en colère) car ses accès de colère sont des "boucles
d'oreilles" (des
fruits 'J) dangereuses quand elles tombent. La boucle, svmbole de
protectIOn, et le fruit nutritif se transmuent en déments messagers de mort :
1f the baobab shakes
Her head in anger, whai chance
Has a rodent when
An ear-ring lalts
.
. • . .
. . . . .
.1; 1
And hlts the eanh ',Vith thundee·' ,
La logique de tout ce processus réside en ce que Soyinka appelle le "monde
hennétique mais cohésif' que suggèrent sinon que créent les mots : le verbe poétique
crée un univers total grâce aux images, au rythme des mots et de chants. Cela dit, le chant
confère une autre dimension au verbe comme nous le verrons.
Lorsque le verbe devient un sacré, c'est-à-dire, lorsqu'il se rapporte aux énergies
cosmiques, ou tout simplement appartient à un rituel, il porte une charge ambivalente: le
verbe qui guérit ou qui tue s'explique par exemple dans cette perspective. En somme, ce
verbe est un médium incarnant des virtualités intrinsèques Je l'être ou du cosmos. On
Wl. IhiJ.. pp. 38-39
12'1 Kong;~\\' f-{(frveSI, p. () 1.
'~"I J)eul!J und Ihe King\\- Hnrsema!1.p.. gS
III
Kongi's Hun'cs/., r. 61)

COlllprl:no que ec SOlclll Ics InGlillalll)[lS dU gucnS:icur qUI conh..:rcnl la pUlssam:c
;1 sa
pr0paraUOIl méJlclllaic: ~~
comme !e support concret lk~ ec pouvoir interne capable d'inlliger !G desrruc!ton, la mort.
Si IJanlo/a ne doit ras se Inettre en colère. il doit surtout 0viter de proférer le verbe étant
dans cet état émotionnel:
Danlola : He paraded me to the world
L'ogoloto [stark naked] l leave this abuse
To the judgement of the..
Superintendant . Plead--plead with him. Intercede for me.
Sarumi . Kabiyessl, il t~lther employs only a smail stick on \\1IS child.... Oon't ~Ive vOlee to awsome
names on an Oba;s lOngue... They must tuitii what task they are caiied ta do'L J
C'est là ün cxclnplc révéJateür de la valeür de la parûlc., la parûle rûyaic. Dans sûn
acception rituelle, ou en tout cas, celle dans laquelle sont impliquées les forces
transcendantales, le verbe possède de réels pouvoirs ; il est capable de "déclencher les
êtres forces"434.
Le Révérend Godspeaks qui, dans Requiem fàr a Futurologist, tire profit de cette
conscience du verbe en en exacerbant la fonctionnalité médiumnique fmit par en être
victime: il meurt dans l'esprit de la population--parce que ie verbe d'Osannah agissant en
médium J'unt: Corce supérit:uœ, l'a déclaré murt :
fil sl Man. You are uead Brolhtr GousfJeak, Jéau YOU'Vt Ot;;tl1 Jead and dedared dead since new
year's Day.
Godspeak : By a charlatan (Hosannah his trcachcrous accompJicc), l assure you, by a rraud. He lied
ta lhe whole nation435
Œ. Awolalu, O. J. , Op. Cil., p. 74
m. Kongi ~" {-[orvesl, p. 66
Hl
Thomas. Louis- Vincent. L/ml essais sur la mort u(ricwne. [J. 191
Il'. Soyinka, Wnle. !?('(jlliemjiw 1/ ji/II/rolo;!./."., [J. 19'

IXO
"I.-:s lllols peuvent I:ure Cl Jel:me I-:s repulallon~. tcconder aussI hlen que lu-:r",
all11111e CilllSliane i:1l11lPlIlI, ~1I1;dvsall\\ j'ascel\\SIOII \\ ia n;I\\Ss;ulce) -:l ia Cltlll-: \\ I~I IllOn) Je
transcendance. I.,'ohjet de sa què!e est. pour commencer. le "1\\/101" ou le "Verbe" : et 1:1. le
verbe est l'expression de l'essence de UeVel1lL le symbole du passage de la vie à la mort
A un niveau plus humall1, l'usage de la parole par Murano est pour Professor un moment
réel de créanon : la rèvèlanon--une sorte d'accouchement--du verbe symbollque+;'. Le
verbe est dans tous ies cas, pour Protessor, en rapport avec queique chose <le
transcendantal; le pouvoir qu'il lui attïibue sont explicables dans cette perspective.
Dans la séquence de !'église:- le verbe est un terrible feu avec lequel il incendie les
habitations des impies43R. Sur la route, c'est une anne qu'il brandit contre les membres de
sa communauté. Il se croit suffisamment proche du verbe en raison de son statut de chef
pour pouvoir s'en servir de la sorte. Ainsi, maudit-il Salubi au nom du "Verbe" lorsque
ce dernier se permet de parler de suicide contredisant le principe vital de la quète :
Protèssor • Suicide! May the elusive word crack your bones 'in hundred splintersl May your tongue
of deception be rotted in pestilence from the enigma of the inviolate word439
Le verbe est J'une richesst: éviJenle Jans lt théâtre Ut Soyinka. Du poétiqut: au
ritücl cn passant par sa dimension purement communicative, il revêt des figures diverses
dans sa fonctionnalité et son symbolisme. C'est au fond, cela qui rend compte sur un plan
purement littéraire, de la sih,rnification du langage comme élément déterminant. Les
4l(>.
Fioupou, Christiane, in Wole S{),vinku, p. 47
·In Voir section sur le symbolisme du silence.
·m J'Ile !?{)(ul. p. ~06
1\\q !nid, 11. 1R4

1 K 1
reglQres Je langue~; Jans le ll1C:llre Je :-)\\lvlIlka lraJulserl! lin :;\\lUCI Je re:lll:;l11e"", 111:11:;
0gakilleill ia vaionsallOll Jc l'C:lrc auquel appartlelll lei ou lci regislrc,
nIveau Je leur langage
L! vic dont regorge Dionysos re.l~lillit dans S('!1 langage : Cl
l'instinct de destruction qUI car~lckrise Penthcus se repère d~ms son verhe comme le noIe
bien Dionvsos :
Have Vou uttered one phrase loday that was not hyphenated LJy (hains? Vou breathe chains, talk
chains, eat chains. dream chains. think chains441
Le iangage pone ia marque de ia vaiorisation intrinseque de j'être. La bassesse de
Lakunle el la posilivité ue Baroka sonl uécelables Jans leur langage. Lakunk lrouve
l'ex:prcssion réelle de son être lorsqü'il révèle ses projets pour la "rédemption"
d'Iliju..'1le442 La substance de son propos se résume en une description plastique de ses
projets, reflet de son être intime. Prenant Baroka dans l'un de ses moments les plus
sérieux, notamment lorsqu'il se retrouve seul avec Sidi dans son palais, on remarque que
le plus banal des sujets lui suffit pour faire montre de ses talents poétiques. La beauté de
l'image de Sidi sur le timbre imaginaire débouche sur une rêverie poétique émouvante
par rapport à 1a création :
And our first union
[s the making ofthis slamp
The olle redeeming grace on any paper [ax
ShaH be your face. And mine,
The soul behind it all, worshipfull
Of Nature for her gift ofyouth
And beauty to our earth443
140
Jones. E. D., in Criticùfl.:;vuluu/ion o/iljricun !.item/ure, p. 61
w. l'he /lL/L'L'lwe o( FuripiJl!s . p. 284
,1-12
JÏ1e Uon and the ./ewd p. 34
1·13 Ihid, r. 48

IX~
:-)eduilc {laI' celle poesIe IndlGllrICC Je la prOXlllllte ,il; I>aroka :Ivec la Ilalure. ~I<.JI
rClllarqUl: qllc ses IlloIs "vUiclll Jalls des Jilcuiol\\s oppnsccs" a ceu.\\ de Lai--ul\\ic . c'est
i\\I1othcrs :..:e lil dans son la!lgag'-~. Con~eient du pOUVOir du verbe .. !! i.:'-:pril1lc en partIe le
refus qu'il 0rrose aux temmes vitales en cherchant ù "renner leur bouche"
la bouche
0voque nécessairement le verbe:
Bero
Watch your mouth old hag..
You are proscribed. whalever you are. j'ou are banned
[va Agba
What can tha! mean? You'll proscribe Earth ilse\\f' How does one do !hat'J444
A i'image de j'acte de nomination qui engenàre ie nomme';';5, j'énonciation, ia
production verbale, est en sOI un acte ue th~àiralisaliun
die "donne à vuÎr"- La parole
met en action les motivations, les valeurs profondes de j'être. Conduisant aux ressorts les
plus cachés de l'être, le verbe est de première importance chez Soyif'~'<.a. Une ambivalence
réelle caractérise le verbe et Soyinka saisit celle-ci dans ses complexités dans son oeuvre
dramatique. Le verbe est une arme à double tranchant pour qui pénètre son secret. C'est
pour cela que Soyinka porte souvent un regard profondément satirique sur les
personnages dotés d'une certaine éloquence, d'un certain art du verbe : le verbe se
pervertit faciiement.
L 2. 2. L L 2. Du chant funèbre et de J'oriki
Originellement, le chant funèbre saisit la mort. sa détermination matérielle, dans
une perspective positive. Celle-ci est projetée à l'origine du temps, là où dans leur
essence, la vie et la mort ne tont qu'une. Le chant funèbre révèle des vérités ontologiques
·144 Aludmen und ,\\'WCill/isls. p. ~60
·1·11
.faim..Iahnheinz, ()r (·u., r 147

1 K.1
qUIJUSlillenl le blel1 londe Je la mort. cl IndUIL son accepLaLlol1 par les vivants. l'uur cela.
d~ S,)vilika d'aLllre~ ~:illlcnSI()I1S (.crh;s lüuJours en rclatioil Livec la ilhiii. ill.US ~Lil\\S un
esprit négatif
j\\.:U!fl'IlU/
Ihe l":/l1g\\ f{(ll'sc'!!'!UI1 offre J'illustration d'un chunt runèbft.~ r!aCt~ dans
une perspective positive Traditionnellement. lorsqu'un chef a bien rempli ses fOllctions.
quand 11 meurt de manière normale (de vieillesse ou rituellement comme c'est le cas avec
Elesm), sa mort est considérée comme positive. Son chant funèbre, le type "ege", est
chante avec poéSIe et gaIeté, car le décède va pouvoir enrrer dans le royaume des ancétres
et continuer à protéger la communauté--avec encore pius J'etTicacüé. La mon rüueiie
d'Elesin se situe en principe dans cette perspective.
A la suite de Praise-singer, fyaloja.
ch.ante ainsi sa mort :
It is the death ofwar that kills the valiant
Death of water is how the swimmer goes
Tt is the death of markets that kil1s the trader
And death of indecision takes the iddle away
And the beautiful die the death ofbeauty
It takes an Elesin to die the death of de~th446.
La mort d'Elesin est la plus noble des morts. Car elle est un retour à l'origine pour
rejoindre le défunt-roi et l'aider à s'installer dans le royaume des ancêrres.
C'est tout ie contraire qui se passe u.ans Kongi\\ Harvesi uù le chant funèbre
constituc sans doute l'une des mcilleurs illustrations de la réimerpretation littéraire de
l'é!ément traditionnel par Soyinka.
Ecoutons d'abord le chant lui-même dont les
premières lignes suffisent:
Dn.lmmer
1 saw a strange sight
ln the market this day
The day of the teast of Agemo
1·11, f )"mit !lnd II/(, KlI1g\\ f-f!lr.lemun, p. ! X4
~~I:=:ZJ&$,EUU24X
C_A
.kSJ

Tlie ,"1111 was lii~il
Aild llil' I,illg's 1Il1lllrdia
Iknl';1111 Il
.'ian\\llll: Wl' 111k'd 1Ill' h.. lllg's 1IIllhrdia
HigiJ (hall IlK'1l Bill il IIl'Vl'!' pllsil~'s
ïh~' sun in lill' i~jL~·!,17
qui I~st évoquée. ri s'agit Jc !a inl'rt de !a rovaul'~. !~'t c'est llne mort redoutée. car c',-~st une
mort "dcstructlOn" qui mcnace de mettre lin j tout le tùndement du svstème traditionnel
de protection socio-rellgleuse.
Ce sont là deux exemples qui illustrent parfaitement la lonction du chant:i travers
son contenu thématique dans le theâtre de ~oymka. Nous revIendrons sur d'autres aspects
dans k cadre de la musique funèbre. L'esprit du chant funèbre le prédispose j l'évoca[lon
de la mort, et le dramaturge l't;xploite à des fins satiriques. L'Oïiki, autre type de chant
ouvre d'autres perspectives d'analyse.
L'oriki est, dans la culture yoruba, un chant de louange, d'invocation. Il joue la
même fonction qu'il s'agisse d'humains ou de divinités. L'oriki évoque les traits
distinctifs, les attributs de l'être dont il est fait la louange. De fait il est fonctionnel et
revêt des formes diverses selon les occasions. Ainsi, on chantera les vertus créatrices
d'Ogun pendant un acte de création (par exemple la sculpture), ses valeurs protectrices
dans le rituel précédant un voyage, et ses exploits destructeurs dans la cérémonie avant
une guerre. Le fait est que, comme le dit Awolalu,
When the praise-names are given or sung, the divinities will be moved to pay <lttention ta the
worshippers and thus heed their request and wishes, Hence this aspect cornes tirst in the order of
public worshi p448
,
L'oriki prend ainsi l'allure d'une invocation, révélant ce faisant la force créatrice du
verbe qui, ici, réside dans l'évocation poétique du mythe. Le chant invocateur constitue
,1-17
K()ngt\\' /-Iarvesi. p. 67
IIX
!\\wolalu. ./. 0 Or f/I. r lOI

Il'CSl pas Cil Illargc J~ ia ïillaiilé lIlucilc du citallt , cc citallt qUI cOlltrlbue a ia '\\atllè de b
conllnunaulc J\\:xürc: scr la ~iiennc, ce 1Ul \\'~nt~lnt :;è~; altrlbut~ vi tJ.UX !Ul ~{}n f~rc:-~t rorc~:;
et énergies en l'veillant les siennes propres et en l'.:~ lll'urrissant de ecu\\ de LI divinilc;
f.,'invocallon de la munificence de la nature, dit Sovink~L n'est !X1S une nrerallon
passiveH
:
et
I~ollis-Vincent Thomas d'aJouter que les paroles rituelles sont des
opérateurs et des sYl1lboles~52
[he fJacc!lac oj the L'uripldes fournIt une premtàe illustration de la valeur
mvocalrice àe i'oriki. Lorsque les Bacchantes apparaissem sur scène, c'est en challlal1l et
dans Wle dramatisation réellement musicale, qu'clles appellent Dionysos il. se manifester:
Bacchantes' l3romius [Again the name is tossed From tangue to tongue.. ft s;,.vells ln volume and
breaks into anotner passionate scream by the Leader of the Bacchantes]
First Bacchante: Bro-o-o-o-o-o-mius' Be manifest Be manife:n. You have !ed us. Lead us.
AIlorher: We've journeyed together. Through Lydia and Phrygia.
Another . Through the siope c1ustering vines
Another: Through the dance of the sun ofEthiopian's rivers, lakes, seas, emarald oases.. 453
Toute une poésie auréole cette évocation. Le style est épique, les attributs et le
nom employés relèvent de l'exaltation. Bromius est en effet le nom héroïque de
Dionysos, ie dieu guerrier. Comment alors Dionysos pourrait-il
résister indiffèrent à
cette poésie de son an:: ? Li:: pouvoir du vabe agil sur son âme:, d il apparaît L:omme par
enchantement au milieu des Bacchantes pour exaucer leur voeux: l'ordre nouveau qu'il
symbolise détruit et remplace celui de Pentheus.
WJ. Mylh, J,ltemture und the Ajf'icun World, p. 59
~5(J. Ihid., p. 58
~5 '- l,oc. Cil.
,152
Thomas. Louis-Vincent. (ïmj essais sur /u nwrt u/fïcuine, p. 190
153 /If(' /J,(fcc/WI! n/f'.'lIripidl!.\\', rp. 245-24[-,
~1~1IIl!_""'.#2""_"'L
~
~
~
=

L,'imposteur "-lHlgl Il'l);nOl"e pas celte IO[1cllon du l'Ilalll. :)urrrenalll ses "i\\\\\\iens"
cilal1l,Ull Uil Jes "orih.ls·· Jes JiVllIllés, sa r0aclioll eSl
"I\\il. i iike ll1al song" l.·ar CUI1II11C
~tr~ngth"·~'Ï·l.
lCu!?g!\\' !-furl'('.\\f il!ustre ~galeme!ll le ppUVOlr de !'nnki par rarr0rt Ù Danlnla
Alors qu'il arrive Jans le palais pour les prèparatils du ritueL le petit roi S~lflmll aidé du
griot personnel de Oanlola, chante pendant toule la scène les orikis du roi soulignant la
légitimité et la force de son pouvoir. Ce qUi n'est pas sans déplaire à Danlola, bien sùr .
Ogun did not seek the throne
Quietly retired, minding his own business
The nobles brought the crown of ire
T0 the ancestor or ail hunters
Ogun àid not seek [he throne..
Be noi angry illY king wi[h me
As the rainbow, full of wrath at the root
Drew way, pul1ed apart
And settled half-way to heaven
(Danlola begins slowly to glow, ta expand, ta vividly atfected by the praise-singing)455
Stimulé par le pouvoir évocateur du verbe qui le transporte à l'origine mythique,
Danlola ne peut se retenir de se joindre à la danse à laquelle se livre Sarumi depuis son
arrivée.
Le chant est censé contenir un tei pouvoir dans Dearh and the Klng\\' Horseman.
El (,;'esl J'une des fom;lions de Praise-singer el d'Iyaloja ; ces pt:rsonnages rivalisanl de
verve et d'imagination, surtout
au moment crucial du rituel, pour agir sur Elcsin et
l'amener à pénétrer le gouffre transitionnel. Mais comme on le sait, ces efforts restent
·15-1
Kong;'s /-larves!. r. 91
h-i
/ /lit!., pro 110-1 11.

1K!
\\;\\111S (;\\1' lllCIl qll\\'.!cSlIl sc 111\\lfllrc sel\\sll)IC ;IU\\ louallges' d,. il ne rqwl\\li pas Cil acte
PrOlessor
Il-le !llrll~ tu his t:lblt:, \\\\J:IVl'~: ~1!11. C~:!! ou! !he !J.\\·!~~!L .'\\11)' .'-.:()n~ '.\\Iil! d~1 ['tl! [t~ r·~s!{If\\." !n~,'
'cit·,·:ontit!cncc, makc il a prai~e
rF;lils slr:li!!hl '''1 his n<lIlcrs ;IS Ihe '21'<l11ll ,in!!s i:is jilv<lllrik i'1';li~,>s()n!! 1457
,
' -
,
,
--:,~.

0-/-'
L'une des fonctions de la communauté de Professor est de chanter sa louange. Prolessor
en est J ffecté j usq u'au tréfonds de son àme.
L'orikl est Ll1çn pertinent par rappon JU.b1l1aJre Vie-mort. Il tradUit la vaiè:ur
profonde ù iaquelie répond ['èrre qu'ii chante, et contribue ainsi a ia caracténsatlon du
peïsûl1nage sûyinkai'èn. Au début de KOilgi\\ l{ul've.il, le chant qui ouvre "Hemlûck" est
au fond une parodie de l'hymne national (oriki de la nation) de Kongi :
! cannat counter words, oh
1 cannot counter words of
A rediffiJsion set
My ears are sore
But my mouth is 'abgayun'
For l do not bandy words
No l do not bandv words
with a govemme~t loudspeaker458
, Ironiquement, il véhicule la "mort" symbolique de Danloia. C'est un chant de compiainte
au lieu J'f:tre un chant poélique exaltant les pouvoirs de Danlola. Toute la thématique du
chant cst, pour Danlola, l'expression de sa déchéance, de sa "mort" cn tant qu'Oba
il
évoque ce que le roi n'est plus, ce qu'il a perdu, ce qu'il n'est plus capable de faire. Son
incapacité à répondre à Kongi est le signe de sa mort.
15(,. /)eulh und Ihe King's HiJrsemufI, p. 184
157
l'Ile NuuLi. p no
liX
KI/fig,'" /lon't'SI, [1. ()2
1 IX.

IXX
I)alls la 11lell1e oeuvre.
le cll;llll de louall::;e ~k .'iegl e:;t ulle c,\\poSlllOll Je
i'alllblv~tieilce Jc SOlI l:lre, la i)ciic Cl k serpellt i~iic e:;t "ic velll de ,'hcure Ju \\ III L1ul
rarraÎ(llil d vivi rie 1'1101111111.:"1'" illalS 0gaklllellt.
t Ik' si ubbülll .c;lr;ulJ
Of :n<:at !oligcc.l
Bl't\\Vcen rny tcc!h 1 pid<cd :tlld pickl'd
1 f('lInd il ,vas il ~ilk<:n
WOlllld r1eep clown illY 1hroa,4{j()
Tous les orikis de Segi fonctionnent Je la même t~lç()n Cdui des "Charpentiers" de
Kongi en dit long sur leur pouvoir destrucreurs :
Men of peace and honor
Are the Carpenter's Brigade
Hut primed tor tight or action.
We spread the kongism
To every son and daughter
And heads slow lO learn il
Will feel our mallet's weight 461 .
Celui des Earth Mothers dans Maclmen and S'peciafi.Ùs est, au contraire,
l'expression de toute la positivité de leur être; elles sont "une barque contenant de l'huile
d'arachide"462. De même, les oriki du gang dans The Roud chantent la réalité de leur être:
Who meet Oro and makes no obeissance
What he shaH experience
When he's home he'lI need a hot massage....
Who meet Esu and fail tolr~e way
What he shaH experience . 6J
Oro est Je dieu yoruba de la bestialité ignoble; et Esu celui de désordre destructeur.
Telles sont les valeurs dont se réclame le gang.
.\\5'). ibid., p. 74
·
!
.)(,0 Ihid.. p. 75
1i>I.ihld., p. 115
·1(,2
,~,I(/d"'el1l1nd ,\\'recialisls. p. 22h
iI,l.
l'Ile Nlll/d. p. 2.32

Al! i\\J~:!~:~.i~· hn~ is ~! !J;çk-kni!~
'\\pd il,' k-t,pn, il Clilt nt' ';0111 464
. - . • . -
. - - 1 ' - '
. .
- ' - '
-
. ' û '
-
Dans la diversIté des fèlnctlons qu'j 1 assume, le chant des 13acchantes ct des
esclaves tinit par assumer, par rapport ù DIonysos, cet aspect ràélateur de l'orikl .
Bacchante: Come Bromius, come
Leader He is the new lite, the new breath. creative tlint
He is the storehollse of life
His bull horns empowers him
A bud on the autumn bough. he blossoms in YOll
His green essence fiiis YOllr womb of earth ... 465
C'est une apologie de l'essence vitale de Dionysos: étant le souffle, la création, la force..
il incarne la vie totale.
D'un
point de vue purement
littéraire,
pour termIner,
on
remarque que
constamment, les orikis expriment la satire de l'auteur. En révélant la valeur ou la vérité
cachée de l'être, l'oriki en expose la signification. 11 joue le rôle de commentaire de
l'auteur sur la valeur intrinsèque de l'être, sur sa symbolique.
L 2. 2. L L 3. Le silence: de quelques aspects de la dialectique mort-vie
Si l'usage de la parole est souvent un art"! le silence, phénomène qui lui
symétriquement lié l'est également dans une certaine philosophie. Dominique Zahan
explique que dans l'éthique africaine, la maîtrise de soi est une vertu essentielle; et celle-
1(,4
()pc'rt/ Wom.'( Isi. p. 304
1(,;
/'I/(' /10('1..'170(' f1//'.'lIri{lir/t's, [l. 251

l 'II ,
CI :,e tr~lduil au IlIVeaU verhal par le silence io '"
i .'IIH.llvllIu peul u:,cr du silellce pour rcluser
ck: Lure usage Je ia parole. 11: sllelleL'--1c 1I11Il-Jil--JeVII.:Ill ~1I11:'1 IlIlcreS~<llll ~'l e.\\;1I11 1111.:1.
i\\lais CCCI il'CSt qu'ull asped partldJlicr Ju plJ';nolllèllc C~lr le silencc est ~ilissi pal
langage dans l'acception la plus large du lame. Le the~ltre de Soyinka ~lhnndè en
"silence" dans SèS diftërents niveaux de rblisation avec ce que cela suppose eOlllme
foisonnement symbolique. Il est présent dans et hors du nte. il est Individuel ou collectIL
désire ou Imposé, mné ou acquis.
I. 2. 2. L 1. J. L Des vertus du silence
"La puissance du verbe n'a d'égal que la vertu de silence", écrit Louls- \\Tincent
Thomas467. En effet, le silence se positivise en devenant un remède contre le pouvoir
destructeur du verbe :
Eshuoro : Aroni l warn you beware. You walk too close to the Father of the Forests and l suspect
you do me an i11 tum al every word.
Forest Father : Be silent and do not harm yourselfwith your every word468
Dans The Bacchae ofEuripides, c'est l'une des Bacchantes qui révèle cette fonction vitale
du siience : "Let every mouth be siient. Let no iii-omened words profane YOUf
t0l1gues"'16~1. Le si lence immobilise le verbe en le maitrisant.
Par ailleurs, la parole est souvent perçue comme un écoulement. En cela, le
silence lui oppose sa valeur en tant qu'expressio~ de richesse intérieure gardée, de la
1(.(,. Zahan, Dominique, Op. (il"
pp. 174-175
i(>7 ( ,Inq essais sur la mor/ a/ricaine. p. 123
1(,1'
,/ /)unce o(/he /,'orcs/s, p. SX
1(>". l'lw 110cc/7I'" II/Î'.·'lI"ipit!t's, [). ~47
- ...------------..-.-- ---.-' ..._- .---.1
Nl8iJMll 'UW.2ZlZLZ1l1§4Zn&
.. x

lorcc lr:lllljUIIIc
(ll1:11:11:1. dlcu vllniha Jc 1;\\ crcallOll, C~l l'clèlnc
pour ~(\\Il ~llcllCC
Dionysos, la l'ôntaine dc la VIC, c~;t un principc uf1Iversc! qui "c:'\\iste dans le silence ~k son
cocur"17! I:aele de cr~;\\llon se 1~\\It dans le silence' Ogun ohserve le silence dans (Jg7l1J
A/)fn//.'hlll quand d tr:lv:l\\1 dans la !'orge~72.
[t c'est dans le siknce dc sor, [xll:lis quc
Baroka crée la machine à timhres, aussi ambivalent plllsse-t-il ètre.
Murano dans Ille i?()ad offre une illustration partIculièrement pertinente de la
valorisation du silence en tant qu'expressIOn de richesse protonde, et en tam qu'evoquant
la parole :
Samson. He [MuranoJ cannat use his tangue.
Protessor . Deep Silent but deep. Oh my [i-iend. beware the pitY of those that have no tongue for
they have been proclaimed soie guardians of the ward. They have siept beyond the portais of
secrets. They have pierced the i:,TUarà of eternity and unearthed the ward, a golden nugget on the
tangue, élnd sa their tonbTUe hangs he~vy and they are forever silenced473
Murano n'est pas simplement silencieux, il est muet. Il ne dit pas un mot dans la pièce et
cependant, il en constitue l'un des personnages principaux. Son silence, en particulier,
fait appel à des significations extrinsèques et introduit une ironie fInale.
La richesse que cache son silence représente tout l'espoir de Professor quant au
dénouement de sa quête du Mot : la révélation du secret du Mot, c'est-à-dire, des
Mystères de la transition tragique. Mais Murano n'est pas capable de s'exprimer et c'est là
que l'ironie est décelable car tant qu'il est dans son état d'Agemo, il ne pourra jamais
s'exprimer. Plus que support du suspense dramatique, son silence est la traduction du
,1711
Ijimere, O., The Imprisonmenl ()jO/w(l1fu und Olher e/uys, p. 13
171
l'he lJuee/we o(Furipides, p. 262
172
Soyinka, Wok Ogllll ;/h,himun. (1. :2
i7\\
nie N()wJ, p. 1Wl

car~lclérc ~Ul1()rpllC, Ilulllc, Insaisissallic dc la lr~lnSI!llln. I.~I Ir~1I1sltl\\Hl CS! Jevenlr 'i011
JrlllllSllle rigure cc uevenlr ell arrél. Seuic ia rill Je ia lr~lllsl1l1l11 peUL cl\\gellJrel quelque
Ct~ci n'est pas ue j'ordre de b parole hL!I1l~:line, du pmrremenl hum:un lllalS plutôt du
mystérieux, Ct là, nous tkmcurons louJours dans unc dimension qui relève du caché.
lt~lda" l'ent~lnt idiot dans J/Je ,"'Iron.t!. nn:ec! ressemble ù Murano par son mutisme
LUI non plus ne dit mot dans la pl~ce : pourtant sa significution n'est pas des moindres,
Son mutisme à lUI n'est pas lie à. un élemem préCIS comme l'est le "Mot" dans le cas de
Murano mais ne révèle pas moins ses rapports avec les myst~res de ia Vie, Les viiiageois
sembient y tïOuver la traduction du message divin,I!1 ; un message qu'ils inteq:>ïètent dans
la perspective du rite annuel de purification.
Le silence n'est pas n~cessairement uniquement synonyme de foisonnement de
vie, de richesse intérieure; il peut être un mode sublime de commmlÏcation, U apparait
ainsi avec une connotation mystique dans Deuth and [he King~s' Horseman, lorsque
Elesin doit accomplir "le rite des morts" avec le corps d'ülunde, Lorsque le District
Offïcer retùse de le libérer de la prison afin qu'il puisse conduire le rite selon la tradition,
il tàit remarquer:
Mine are no words roI' any one's ear. They are not even words roI' {he bearers of this ioad (Olunde's
corpse]. Th!;;y are words [ lI1usl slJt:ak sel,;n;;lely .. [ cannol shoul lhem lo lhe wind and lhe open
sky475
Le silence d'Elesin est riche de signification car c'est le langage de l'âme dont il se sert.
Olunde est mort physiquement mais selon la pensée yoruba il continue de vivre grâce à
son principe indestructible qu'est l'âme. Le langage du silence est un langage de la vie
·n·1 Voir k symhol isme J'I fada.
17~ ! )1'!llh IInd lite f.-..ll'Ig\\ f-!nf'SL'lIwn. p. :21 ()

l ').i
dallS son aspecl sDlfIllle!. .l"est un langage de l'aille ljlll rclllse Illellle le .'Ilil du l;\\lll-Iaill
"Tite j'r;use-slllgl::l" and JfllllllllCl sWlld 1111 IltL~ illslde IlllltL' sellll-CIl cic [lUI dlc druill is 1101
savoir dans LI f()rèt. refuse de livrer sa connaissance. il rcqe sllenclcux :
A~boreko Murete cannot he silent onIv l'rom tear lt must be Forest Father himsdf !"n-ho asked
hi~ not to speakj477
.
U'autre
part,
lorsqu'II
slgmfie
simplement
I\\~"pression de quelque ctlOse
d'intérieur, des émotions de l'âme, le siience n'est pas roujours viraL nobie. C'est Llue ie
siknœ peut évoquer la moil ou SIgnifier la mort.
1. 2. 2. 1. 1. 3. 2. Le silence et la mort
Le silence peut traduire Ja peine de l'âme: le mot gardé en soi--non-dit--peut être
corrosif Il flétrit J'âme et empêche l'épanouissement de l'être. Dans ce cas, le caractère
fluide de la parole devient un recours, un remède, un exutoire. Ecoutons plutôt ces
propos de Old Man à Eman dans The Strong Breed :
You know 1 must have aH my strength. But l sit here, feeling it all eaten slowly away by my
unspoken grief lt helps to say it out. It even heips to cry some times478
La parole a des vertus thérapcutiques.f7'l ; elle soigne ct purifie l'âme minée par le silence
'F
nOCl •.
.m,. Loc. Cil.
i77 ;/ Dance I}(the Forest.\\', p. 1JJ
17X
The ,\\,'trong /3,.eed. D 1JJ
17q I-\\omanlier, Marie-José. {)j1. { "1. p. ! 34

le :'Ilèncc c'c~l aussI I~I morl Jal1~ l'etrc du vcrllc qUI rcluscJc ~orllr I)ans Illi'
toute une longue année
Celte corrélation du silence avec l'inactivité du '.'crbc le met cn analoglc avcc la
mort C'est un phénomène observable sur J'autres plans Je réalité Le silence apparait
ainsi dans A,ladmen und Speciu/ists avec J'un des reproches de DL Sero ù son père,
Father's assignment was ta help the waunded readjust to the pieces and renmams aftheir bodies,
instead. he began ta teach them ta think. THINK 1 Can yau picture a more treacheraus deed ta
place a warkmg mind in a mingled bady ,,-+31
Le germe de la parole se trouve dans la pensée, dans l'acte de penser. Dr, Sew,
symbole de l'autorité du monde de "dehors là-bas" ne veut pas de cette réalité. C'est liJ.t"Je
attitude commune aux dictateurs, et nous en verrons d'autres exemples plus loin, De la
réflexion naît l'esprit critique, source des remises en cause, alors que le silence~-I'absence
d'activité cérébrale et de parole--est évocateur de passivité, de "mort".
L'être mort est le plus silencieux: qui soit, si l'on se place à un certain niveau. Le
silence apparaît avec cette connotation dans A Dance al the Forests pour Rola, être
dénué de touie spirituaiité; elle indique le cimetière à Obaneji qui s'irrite au regard de son
bavardage : "There is the bTfaveyard, Find yourself a graveyard if you want S0111è
silence"4x2. Dans Dca/Il und the King's Horsemal1, le déshonneur apporté par Elesin sur
sa personne tue son statut social. [1 n'entendra que silence lorsqu'il appellera les enfants
,pm, l'he .\\'Ironf!, Hreed, p, 146
,IXI
i\\/aL!men tlnti ,\\!Jeciu!isls. r, ~42
IX2. . / f)1/f/C(' II/I/'e !:lIrf'sl.\\', p. 11

1\\)-;
rouI' 1~\\Irc ses courscs" 1:" l"cst le plrc ljUI pUisse arriver ;\\ Uil circ dc LI sl~llun.: <.l'IJCSIIl.
d~lIls le COIllC"lc Jes vaieurs s(lclaies aÎricallles, i)~L1IS .. i i i'llId' (I/Illt, i'(lI",',\\I,\\. vides Je
OÙ !:! mort se cache Jans chaque repli de !a rolJte. ':!k est !H!se •..'n l..'qu'1!lon :!vcc k
silence
Koronu
i\\ man must protect hilllscI t' againsr the indiHèrencl' of cOl11radcs \\vho dl'scn hinl Not lu
mention the hundred travellers whom vou never really see unril their taces ;lre wiped Lie:lIl by
silence485
SIgnifiant la mort, le silenœ Impose à l'indiVIdu prend le visage d'un meurtre; ct
ia piupart des dictateurs affectionnent cerre rechnique. Mata Kharibu dans .-1 iJunce {Ji
ihe Forest:>" menace ses "collaborateUïs" comme suit: Siknœ.... Bev/are lest the blood
that is let at the battle be nothing compared ta the heads That \\\\'111 roll if one lnore voice
forgets to lower itself in my hearing486
C'est peut-être Pentheus dans The Bucchae (!!' Eur~Dldes qui expnme le plus
abondamment ce refus de la parole à autrui. n s'indigne d'abord du langage du Vieil
Esclave qui le supplie de renoncer à détruire le logis de Tiresias4lS7
ensuite, de façon
plus intéressante, il menace de "couper la langue" aux
esclaves qui Invoquent
Dionysos43:~. Âprès avoir emprisonné Dionysos--la prison esi symbolique en ce sens
qu'elle réduit au silence" l'être ainsi arrêté--il promet, si l'on peut dire, de "réduiœ
également au silence ses Bacchantes"·IW) en les livrant au marchand d'esclaves. C'est une
,\\33. Deutfl und the King:" Hursernun, p. i 54
.~li4 A Ounce ulthe Furests, p. 72
,~l<j. J'he I~()ad, p. 167
./H("
A J)unce ~)(the Frirest.", p. 53
IX7. J'he lJucchue ()/Elmpides, p. 263
~HH Ihid. p, :265
IX"
Ihid." r 271
.%CI.i_

Icclllllquc
hlen connu de Mala Kl1anhu
Il v ;\\ \\11111 siee!..::; cl ue I~oky aUjourd'huI ".11
L:lkl. CL: Jeliller su~gL:re qLle SOI[ "lr~lIILhec" b iangue Je SOli :lIJe InJis\\.:rel Cl qu'il .sllil
(;,\\p(;di~ ù son rival d ami, IJi ,\\ml l"".
II eXIste un autre lype d~ ~;ilcncc qUI :·;J.ns être tr0 ~~u vcrbc~ n'en uClilcun.: p~l::
mn!t1s c:voeateur Je mort
c'est celui impn<.:e ù la rlW<':!ljUe. un autre tyre Je lang:lgc
comme nous le verrons dans le proch:un chapilre. /";·o/!,-'i's !!orvesf
en nlhe la he!k
illustration. OuanJ Daodu détnlit le tam-tam roval au son dUlJuel dansent Ounlala et sa
SUite, la réaction de Danlola est: n[ know the drums \\wre silenced betore youn'I'il En
effet. pour [)anlola, "le SIlence" de la musIque royak est l'expressIOn ultIme de sa
déchéance; et ce d'autant pius qu'ii est i'oeuvre de i'hàitier au trône:
Thal prison
Superintendant llIerely lay hands
On my lead drummer and 5topped
The singing, but you our son and heir
You've see to the song itseH492
Bien que l'acte de Daodu se situe en droite ligne d'un processus commencé par Kong],
comme le suggère la citation, une différence fondamentale demeure:
l'interruption de
l'acte de chanter laisse une possibilité de recommencement. Le silence impose au chant,
c'est-à-dire la mise hors d'usage du tam-tam est un meume symbolique du chant et en
dernier resson, du roi.
Du verbe (parlé ou chanté) à la musique, il n'y a qU'Wl petit pas à franchir chez
Soyinka.
Cela est souvent source ue confusion pour qui s'intéresse de près i ces
f:Jéments. Le fait s'explique en partie car comme l'affirme Je Professeur ldm"lu, ]a nature
l'li)
()rem ~V(Jnv()si, p. 332.
1')1
f((Jflgi'\\, /-/(/"'·(.'.\\'f. [J. 11:2
ItJ2
In!(/' r. f Il
0.

l'il
IlIurgll]lIe des rituels v\\)("Lll1as rend )Ieur 1:lngagc rccilalll")'
/1('(11/1
(///(I
1/,,'
1\\/11,1:,'.\\'
/I(lI'\\<://Ii//1 Cl A:(lJ/,t!,/'I' iii/n,'esl ~I\\'CC SOli "i iclltioCi-." SOIIl palllL:uilCrClllClll IcprCSelll:llii<
Uiî~ Liilalvse Je la illliSilJUC s'illlp\\)se (;( sc .luslilïe. L.l illlisiljue liU\\iC de ihiii'yelks
Jin1cns:ons J~ln~; !c c:.uln..: ~'iluc! tout auL~lnt Liue d~n:; !e c~ldrc pun..:rncnt thé~ltr~d
1. 1. 2. 1. 2. 1)(' III m lIsiq ue
Ou'elle relève du phénomène religieux ou de
l'univers
prot;we--Iudique--Ia
présence de la musique dans l'oeuvre théiltrale de Soyinka va de soi. Et ll1dépendamment
de sa nature, elle remplit diverses fonctlOns grâce à ses dimenslOns poetIque et nruelle.
C'est ce que nous aiIons essayer de démomrer, et cda dans ies iimnes de sa Signification
par ïapport aux notions de vie ct de mort.
I. 2. 2. 1. 2. 1. De !a fonction poético-ritueHe de !a musique
Lorsqu'elle s'inscrit dans
un cadre rituel, la musique connait un foisonnement
poétique et sémantique impressionnant ; car là, elle s'intègre dans les rapports de
l'homme avec la transcendance.
Dans le rite tragique, quel que soit son genre, la musique est l'expression du "cri
de l'âme du protagoniste qui descend dans le gouffre transitionnei" ; c'est un écho, une
traduction phonique de la substance profonde du goutfre''.!''. Il est tout naturel aloïs que la
musique constitue un chemin idéal qui conduit au coeur du rite.
f)ealh and {Ize King's [-{orsemun est sans doute l'une des pièces remarquables à cet
égard. Soyinka écrit à juste titre que "f)eulh und {he King's [-{orsemun can be fully
,j'J.'
Idowu. E. 1301:1JI. Op. (,ï{.. p. 11J
l'l·1
IIA'IIt, !.flc/'(Jlllre I/nd Ihe :f/;'lcun t·VIlr.le.!, p. 14'i

l'IX
rClll/cJ \\ll1IV tllrougll;ll1 ,;voc;llIOll ,li II111SIC trllill 1Ill': ~11l\\'SS \\II Ir;\\I1\\11I011"""
I.c lîlc Cil
qucstiun dallS ia !JICCC cst cn circl IIILlSIC;!i JallS sa i(mllc l'lllrllllC Jal1s son i(lild. i ,a
du "Not-!-/3lrd" est chantée comme un "liai:!" un rituel ngunlen,('J7. c'est-:l-Jire :lVèC rar
Intervalle dèS interruptions sous l'ormè de rdr:\\lI1S repris par Pr;\\lse-singèr ct Ivalnja
La musiqUé constitue l'élément moteur dans la rcal isation du rite , elle
accompagne et soutient la danse rituelle d'Elesin. et contnbue ù créer l'état de possession
nécessaIre pour l'accomplissement du rituel. t:tesin t~llt remarquer au Praise-smger, "My
faithfui drummers do me your iasI service, this lS where (the marKet) i have chosen IO do
illY Ieave-taking, in This heart of life"J('~, Elle ïenseigne sur i'évülution du ïite, de j'état de
posseSSIon.
De
chez
les
PilJ~ings, le rythlne du tam-tarrl infonne OluIHle ùe
l"'accomplissement" du rite par son père. C'est le tam-tam rituel 'gbedu"réson..T'Jant depuis
Osogbo qui décide des étapes du rite499. Et quand il est complément "monté" par les
énergies cosmiques, Elesin ne saura plus discerner la source productrice du rythme
auquel il danse, et pour cause:
Praise-singer : Are the drums· on the other side now tuning skin to skin with ours in Osogbo? Are
there sounds that [ eannot hear?500
La musique est assurément l'expression d'une dimension profonde du rite:
At the eharged climatie moments of the [ragie rites, musie ... [eomesj to be the sole art torm which
can comain lragie reality. The votary is ied by no other guide imo the pristine heart of tragedy50 1
4')5. J)euth und Ihe King's Horsernun, p. 145
4')('. IOIJ., p, 149
,I~I/, Adeboye, Sabalola, 111 Ulli Scier (éd.) Introduction /0 A/ncun Liferature, pp. 12-13
l')X, /)eulh and the King'.\\' Horsemun, p. 181
·1'1". /-1/('. Cil.
'1111
Ih/d. p. \\ ~4
;111. !\\"(vlh. /.f/l'rtI/lI!'!' ,f//(I the -'I(ricr/fl If/nr/d pro 14fl-! 47

l')l)
SUppllrt pnvllegle de l'esrrll Ou nie, cl il' je Ir:lI1SI11el. grace a la :~llillll\\te de SOI1
esselll:c. au protagol1lste Cil envaltlssant SOI1 ~ùl1e. SOli ~'lre 111Il:!Ieur Le plOlaglllllsle
plonge ailbl .il! coeur ...Iu rit..:.
dcrriere !a hüche d
intime expressément :lll c!ani.!
J'ordrè Lk continuer la production
musicale'
Protessor
Ld us forgel the mute one.
[He waves the ~roup and they resume playing, uncertainly afraid, Very slowly, :1 srnall measure 0"
gaiety retums. Bul they ail rernain nervous. expectant 1)02
Le gang a conscie:nce: du rôk Je ia musique. Leur ne:rvosiTé e[ leur e:spérance ne
tardent pas il se: justitïer car ia musique va aider Murano il refaire i'expérience Je: ta
possession. l-\\insi, pendant que se produit ia lTIusique, lvfurano réapparaît transforme en
,;;;
Agemo. Pour autant, lé rô!€" ,de 'la musique n'estpa:g"'~rm~é car elle entretient la
possessIOn :
[The dance of the masquerade becomes wilder, racked by spasm, the graduaI build-up of
possession]
Say Tokyo. Stopl Stop! [Hitting his gang wildly) Who do you calling boss anyway? 1 say stop
playing along with this sacriJege.
Protèssor. [With a terrifYing roar] : Play,503
La "terreur" dans la voix de Professor indique tout i'imérèt que représente la mUSIque
comllle dément vital dans la pûssession de Murano.
Sur la route de The RouJ où pratiquement tout événement finit par être marqué
d'une touche de "spiritualité" rituelle, la session de prise de drogue organisee par Say
Tokyo avant "la sortie" du gang prend une allure rituelle; et cela 6lfâce à la musique qui
cr0e l'atmosphère nécessaire, sinon le rite 1ui-même :
'112
n/(: I<IJuL!. r ~~4
'Ill
Ihirl., P 2~7

~(J()
I-:;IV rokyo. Ills \\:\\'Vs lix\\:d ,lIld ::I:I/l'd ..Illticv\\:s Iltl' \\Ialc'
1 iL' SlTll'S lit\\: hi!~ dnlill dlld ::PCS \\1111 10
Iltl' klll':C Ikat, \\1I11 III\\: SltilIllHlIlS Illi Ilis !~allg ;llld Il'lllfIlS 10 lit\\: :,ltack wltilc lite l'cltoes ,:dIIY 011
1 k
,els about mlllll.\\:; Illole or Illl' slld;s 11I1 his .C:;IIJ.!.!. Ivho 1\\111 [Il \\lll\\: Il\\' olle
IÎll~V"1 ;11'01111(1 lit\\:
(:lhll'. drat;gln,lj 011 Ille Itemp..
(lIH' \\)1 11IS Illll.c:s 11Icks 11i' 1Ill' dnllll ;IIHI laps 11111 ;1 slow rilvillill
.,",av
ï\\l~Y\\l, Ills ey\\:s silillillg IlIadly, I\\::II)S
.'idv T\\l~yU .'>iliwly Ikx\\:s i1is anlllllllscics iouh."l.t; li'lIlI Olll' 10 Iile Iliiier. 11IxlIriatilig illille iCd "îlils
.
~{)11
:ill'-'I~lh
:llkr, \\~nnrï:ln! wmr1ir ~:1 rnission f):lIlS Ilne pt'rspt'ctivl~' Slll1ilnin> 1;1 tin Ik A,forlilll'Il IIIU!
'''th'CId!ISIS nù Old M~11 s'arprêle :\\ opérer Cripple. a été pertinemment percue par Elienne
Galle comme saisissable en temles rituels:,05 La musique produite par le "choeur" des
Mendiants contëre en partie le caractère rituel il la scène: "The Mendicants chorus
'Pracnse' as they beat him (Crippiej"s\\J".
L'almosphère musicak prouve également son imporlam:e Jans la uéalion Ju rile
dans The Bücehüe ofEuripiJes :
lvluslc '" J\\5 \\v-îth such scenes there 1S a.1'vvays something of ûn overa11 ugliness about the manifested
emotion But the radiant iso!ated votive or two, or even the few [<tees of intensely energized
spiritual rapture that stand out in the mèlée indicate something of the awesome depths of this self-
release507
A travers les émotions que la musique crée, J'individu trouve une sublimité spirituelle. La
musique l'imbibe de la présence spirituelle. Car, toute musique dionysiaque est une
hiérophanie de la divinité: "The theme of the music of Dionysos begins sweliing up and
fiiling the stage with the god's presence"50::\\. En panant du rôle de médiation, la musique
va jusqu'à assumer la réalité de la force spirituelle elle-même. L'esprit de Demoke
"chante" tout naturellement quand, poss0dé par Ogun, il sculpte l'arbre totémique 509.
50~. IhiJ., pp. 169-170
)(J). Galle, Etienne. in A}rican Druma, p. 25
506 MuJmen and S'pee/ulis/s, p. 275
S07. "J'he lJucche ofFuripiJes, pp. 248-249
50K !hllL p. ]07
-i(J')
,./
f)f!rtCL' nj/lil' !'I Irests. p. 27
1

Supporl du cllclllln qUI C\\lsiC cnlre 11l1l1l:1111S cl dl\\1I1S Illi créatlîce de 1';lllllllspI1ere
lIluci k. ja 11IusILIlIe esl. a l'insLar Ju lîLe 1Ul-Illl:llh':. allLal1l ClUèl:d puur le prulaglllllsLe L1ue
pl/ur lès aulrcs participants
I:n CrICI, ccu\\-ci ilè .~c CIllHCIIlcll\\ pas Je pmJullc ~lc la
sources régénératrices du rite
"Music is the Intensive language or lransr(!O[l :lnd ils
communicant means, thc cltalyst and SO!Vènl or its regencr:ltlvc hoard"'11l Dans le "nte"
de Say Tokyo, gràce en partIe à la musIque, tous, :l commencer par lui-mème. acquièrenl
une certaine énergie nouvelle avant l'acrion. iVlais, c'est sans doute dans l'he HUL'f...'hue (II
L:'urrpiJes qu'esr mieux exprimée la roncHon riruelle de la musIque par rapport aux
particIpants. La consrrucrion de la communauré dionysiaque est en panie réalisée à
travers l'élènent musicaJ3! !. Elre membre de cette cOï11n-IWlauté, ce n'est cependant pas
silnplement chanter ou danser, c'est surtout reconnaître et ::lccepter en soi DIonysos qui
est présent dans la musique.' Dans l'extrait ci-dessus, la transe vécue par !a fi\\!e n'est pas
un cas particulier ; les autres vivent également intensément Dionysos à travers la
musIque:
The lines are chanted, not sung, ta musical accompaniment. The Slave Leader is not a gyrating pop
drip. His control emanates from the self-contained force of his persan, a progressively deepening
spiritual presence....
The effect on his crowd is however the same.... As his chant approaches climax a sudden human
wave engulfs him and he is completely submerged under screaming "possessed" lungs and
bodies... 512
En fin de compte, on peut retenir que la musique cst fondamentale dans le
phénomène rituel parce qu'elle ouvre sur l'au-delà et s'intègre dans la médiation entre le
511). Mvlh, l,tient/lire und the A(ricul1 Worid, p. Jo
~II Voir section sur le rite de communion
il2
l'lw /JI/l'c/rl/C n(l'''lIf'jpidL's, pp. 14X-14l)
......
................
~ r l l l '
~
=
=
=
=
~
~

Illonde des 11lllnainS ct celuI des energles superieure;
l·lle evoqlle el ;letllaIIS-: 111111 lIlI
Uillvers Ir~1I1SecIlJalll;j1 rcgcneralcui cl palllcipe ~lI1ISI de la ii.lI1ClIOII vll~dc du 111~·.
1
.,
.,
Il.
_ .
__
1. 2. 2. La nature de la musique ct de l'c\\jlres:-;ioll de !'t':-;prit du rite:
fOllction dt' la in lIsiq lie fil ni.'hre
Chez
léS
yoruha.
chaque
(Vré de
rité
1~lit appel ù une 111lIS1(!Ue llOI1I1~e
Inversement. le type de mUSique peut Indiquer la nature rituel. Le rhé~ltre de S~)Vlnka
contient des expressions de cette corrélatIon du rite et de la mUSIque Et la musique
funèbre, en particuJJer. finit par Jouer un role reellement symbolique chaque l'OIS qu'elle
apparait.
Au moment crucial de [he J3ûCcilllC 0/ EW·lpiJ~.)·, quand Pentheus arrête
Dionysos, celui-ci est invoqué par le choeur des Bacchantes : leur musique expnme
parfaitement l'esprit dans lequel elles placent leur acte:
Music. It has the strange quality--the nearest farniliar exemple
is the therne-song of Zorba the
Greek--with its strange mixture ofnostalgia, violence and death 513
Death and {he King's Horseman offre une illustration particulièrement révélatrice.
Appelé par Pilkings pour expliquer la signification de la musique qui rythme le rituel
d'Elesin, Joseph, le guide indigène répond: "I am not sure. lt sounds like the death of a
bJfeat chief and then it sounds lîke the wedding of a great chief It really mixes me Up"514.
C'est à juste titre que Joseph est perplexe car Je rituel d'EJesin passe de façon incongrue
du suicide au mariage et vice versa; et la musique varie naturellement de l'un à l'autre.
Sur le plan littéraire, Soyinka exploite le symbolisme et la signification qui sous-tendent
cette conception de la musique; c'est le cas notamment de la musique funèbre.
il,
th/J.. p. 24X
ill
Oeui/t und (!te A.../I/g'.,. l-/or\\"('I//(//1, p. 170
.._- -t-

1.:1 Illl.I:-;llIlie Illllel1l"e est par dcllllllll)(l lice :11.1 lïle de 1111111
1 ':lle e.\\lslc \\...·11
1:1.111 que
l;VOLj U:lIlt LJ. lTl 0 rt.
Dans i':()l7gi\\ Hurvcs/, ù b sUite de la con!'mfltaliofl d'Oba D:\\I1lola :lVlT le
Sl.IpCrllltenuant. le chant l'unèhrc qu'entonne !a suite rov:lk est Je chant funèhre "cgc".
expressir'chez les yoruba de la mort J'une personnalil~. Il s'a~it ici de la Illort de Danlola.
La nudité physique dans laquelle il est contralllt par le Superlntenuant et son arrestation
par /(on!:,ri sont la matérialisation de cene mort symbolique. La simple presence de la
musique "ege" traduit cela: "As the king's men begin a dlrge of 'ege', Danloia sils dùwn.
slowly on to a chair withdrawing more and more into himself'515.
C'est un tableau
pathétique expressif du sort de Danlola ; son attitude corporelle renforce l'expressivité de
la musique. Dans la même oeuvre, la musique funèbre qui assure la médiation entre!e
bar de Set,ri et la résidence de Kongi annonce le message funeste que délivre Kongi. Fou
de rage quand Secretary lui apprend j'évasion d'un prisonnier et le suicide d'un autre, il
réclame la mort pour les autres:
[Daodu goes off; the dirge rises. AH lights come on for the next scene. There is no break:. Kongi's
retreat.... Kongi, shaking with anger, the Secretary cowerin~ betore him.]
Kongi : .... The reprieve is OFF' The others hang tomorrow ] 6
C'est sans doute dans The Road que Soyinka contëre à la musique funèbre une
place prépondérante; et cela à juste titre car la mort constitue tout le thème de la pièce.
L'atmosphère est permanemment funèbre. Ainsi, au milieu des complaintes de. Samson à
propos du refus de Kotonu de "donner à manger à Ogun", c'est-à-dire d'écraser un chien
avec son camIOn. éclate le chant funèbre des chautfeurs dont le thème est la grande
il)
Kung/\\- /-/urvl'.\\'l. p. (,7
;1<.
//JII./., r 100

dlSlam:e qUI separe 1;1 terre de 1';llI-Jela 01
<',)lIelqllcs IIlSl;lllls plus lard. ll\\rSlilie 1"\\1(11111 se
COlllpare au Jérllill ,'-icr::;e:llll 13ulIlla. la lIluslque IIIlcrVII:1l1 de Ilouvcau. Lgaiclllcilt. qll,lIld
1l1ortcl ~~Ut' le pont., la ITlU~;lqUC funèbre c~~t cncnr~ pn~~;c:1tc ..\\ la fin Je la p:l:~~~ l"Jrsquc la
rX1r Sav Tokyo cl d'alltre rare de œ dernier par l'egunglln. la mU~lqlle ;lrrarait de
nOuvçJu pour renforcer la valçur de l'atmosphère de la séquence: "Professor's head t'aIls
forward. Welling from the darkness hll!ing around hlm, the dirge"5IK.
LJans Dcufiz UI1J the King's Horscmul1, la mort çst çgalement evoqueç par
i'occurrence de la musiquç funèbre. CeBe-ci est panie IméS'Tame du rite de suicide.
Lorsqu'Elesin se trouve réelkmçnt engagé dans le rite, la musique funèbre des femmes
intervient natureflelnent pour évoquer entre autres choses, l'imlninence de la mort: "The
women join him .... Beneath the Praise-singer's exhortations, the women dirge 'A le le le,
awo milo"'519. Cette musique contient l'atmosphère jusqu'à la fin de la scène, c'est-à-dire
pendant tout le temps durant le quel, "monté" par les esprits Elesin est censé ètre sur la
voie de la pénétration du gouffre, de la transformation par le suicide. On sait que ce
suicide rituel ne se réalise pas; sa mort finale appartient à un autre registre. Qu'importe
cependant: les femmes transportant le corps d'Olunde sont précédées sur la scène par
leur musique funèbre. Et c'est au milieu de celle-ci qu'Elesin se donne la mort :
Suddenly Elesin i1ings one arm round his neck. once and ",ith the loop of the chain, strangles
himself in a swift decisive pull.... The women continue their dirge, unmoved by the sudden
event S20
:i17
'l'he /?()ud. p. 165
'IX. /hILI., p. 229
';1')
f)L'([flz ([/ld the King'" /-forSL'IfI({I7., r. 1~2
;:'1)
1hllI, pp. 21 R-:~ 1()

I)c I11ClllC que <.Jans 1III' HilOl1 (Ill l',Kllllll sc lelîllille ,I\\CC la 1T10n dc l'r\\llessor. ICI
cgalclllèllL i'aclIllll s'acileve avcc ia IllIIn dï ':icSIII cl sur ia Illuslque i'ullehrc . "Tile dlrge
sa I(Hlll\\: !'unèhrc une réalité privilégiée pour l'cvocltion de la mnrt. M,liS CCCI n\\:st qu'un
aspect de la fonctionnalité Je la musique: car. en effet, c'est une réalite I(m complexe.
Tant Jans ses rapports avec le verbe que dans ses fonctions rituelles. elle s'avère èlre uné
source de potentIalites énormes d'où le dramaturge pUIse des aspects de son [hdtre. La
musique n'est pas une simple production de sons. die est créanon. die est signific:won.
spirituelles en Jui, Je transporter à J'origine de son être. En tant que langage de: Ja
transition et médium de communication, la musique conduit l'être au coeur du sacré, et le
charge des énergies cosmiques régénératrices. Elle est un langage universel à travers
lequel l'être peut communier avec la transcendance, avec sa propre essence en dépassant
sa réalité première.
La musique n'inspire pas toujours la danse522, malS ies deux phénomenes sont
fondamentalement inséparables. L'absence de danse est souvent significative en soi.
1. 2. 2. 2. De la danse
Pas plus que pour la musique, notre propos ici n'est pas de fàire un inventaire
systématique des scènes de danse Jans le théâtre Je Soyinka. La pertinence par rapport à
i~1 l!lid., p. 21Y
'~2 Voir Idowli F. !l, f)r. fl/., P '15

la notion de Vle-11101"l COI1StiluC ie III COIllIllC1ClIr
La dansc cs!. COlllllle 1;1 1l11lslque. lIll
1cl1llHJlIV cilez ::-)oYIIIi--a.
ivi~lIs. c'esl LI la illillicre de la cultllre voruba que Sc saisit 11IICll.\\
,",,,.,...,,, r"'II."
,11 If"
l,"",'l'~l~t~~'""' "-tu,"""
l:motional respnnscs ln the rhythm nt' Inusic They <Ire symbl.'lic., nlkn rc-.:n;lctmcnl pl'
sOlllèth 1ng sacrelP2.\\ Cerenuant lout corn me 1a III uSlq ut'. 1:\\ lb nse n'est pas Il mitée ;\\LIX
rites, Jahn Jahnheinz écrii que
à càte des danses religieuses et des danses de masques, il existe en Afrique comme aux Antilles,
des danses entièrement profanes. des 'danses Je société', pourrait-on dire. à condition de ne pas
oublier que les danse cultuelles ont aussi un caractère protondément social et que la danse de
travail la plus profane de paysans ou de ti)rgerons ne contredit jamais l'aspect religieux de la
croissance du blé ou du feu 524
Toute danse peut en fait poner un symboiisme qUI ouvre sur ies réalités
cosmiques, les vérités essentielles. Dans J'art yoruba, le signe renvoie à WI sens profond.
Le symbolisme de la danse s'exprime également dans sa forme. Et c'est en tout cela que
résident ses rapports avec la vie-mort.
I. 2. 2. 2. 1. Du symbolisme rituel de la danse.
Dans le rite, la danse a nécessairement une dimension transcendantale qUI se
perçoit selon plusieurs angles. Chacun d'eux révèle sa tonction réelle de médiation, c'est-
à-uire en tant qu'expression de l'aniculation entre l'être et les énergies cosmiques, l'être et
le sacré. Dans cette optique, sa manilèstatioll la plus éviJente dans lç théâtre de Soyinka
est sans uoute celle inhérente à la possession'-
'2.1
Âwolaly . .l n.. ()p, ('il.. Il 107
";21
.Jahn. Jahnheinz, Of) ('il, [1, 5(1
~I=ZC&._'_
l i
œ:.

l'enlianl le lliuel. la ii>ree tr;1I1SCClldal1lak qUI vlel1l \\ p;lrtlclpcr peul se Ill:lllIlc~;lcr
par la danse
"kave Lile dcad SUlllC 1\\1\\1111 LU dallce" ':", CkllllC ic 1\\1~lilre Je cel\\:lllllllle ~lLl
~ILltrc~! prendra pos:.;cssi(ln du danseur <:t parkTl ù 'I~S r)~Jrcnls '~n utilisant k dansl~ur
comme llléJiul11"'i2(,. L.a danse du po~sèdé est toute symholique C<lr sa danse e~;t cellc Ik
l'esprit qui l'habIte. SI lI1itialement sa danse est générée par la musIque rituelle, cn
ddinitlve, le processus s'inverse. I~n d'teL quand le possède danse, c'est la mUSicien qUI
règle le rythme de son instrument sur celui de ses pas: "The drummer moves in and
draws a rhythm
of Agemo"527, précisem les didascalies dans Deulh und the /\\.ing's
!!orseman, quand Elesin est possédé. Également, lorsque dans T'he Roud, Mmano porte
le masque et qu'il devient i\\.gemo, la musique du gang se transforme pour slaccorder il
lui: "They obey him (Professor) beating out the rhythm of Agemo"528
Le fait est que la danse du possédé est l'expression de l'être transcendantale qui
vient participer au rite. Cette danse est le déploiement de l'énergie
cosmique: "dancing,
a gestual form of music, (is) a visible unfolding and reinforcing of spiritual rhythrns"529.
Mais dans un processus inverse, de l'homme vers la transcendance, la danse
constitue également une médiation rédIe qui permet l'accès aux énergies supérieures.
Deux types notamment sont fortement présents dans le théâtre de Soyinka. fI y a d'abord,
la danse en tant que contact avec la terre. Ecoutons plutôt Sarumi dans Kong:'s [{urve....t
au moment où il danse avec Danlola et la suite royale: "This is the last Üme our feet /
j2j. A IJunce ofthe Forest.\\·, pp. 36-37
52(, Jahn, Jahnheinz:·()p. (.ïl.~ p. 73
m /)eoth (tnJ the King~\\' f-/orsemon, p. 149
)~x /ÏJe N(Jud. [J. ~~6
'1" (ja"~.. Ftienne. in /I/rlcl/l7 /)rulnll, r ~n

Silail ~pe:lk tn tlle Ièelol Ille dead" ,;" /\\IHJèia de l'II1Sa!I~I:lL'tlon que traduisent ces Illll!S.
Oll pel\\~()ll ia klTC COlllIllC la UClllCUIC ucs :llll.:èlrcs . les plcds des U:lIIscurs Illueis qUI id
halk:nl opcrcnl le -.:onléici d'vCC CCLIX-CI. l.a J:illSC ,iiuci!'; s'illLlstrc ,i1i1Si -':Oillllh.: di]C
lé!2iOflS
Jans le lhè:hre de Sovlnka ct s()nt porteuses J'une richesse sèlllantlqlle ct
' -
.
symbolique "La danse est le mouvement de la transition". écrit-il dans la noie au metteur
en scène dans Ihe J(OU(/53 l, Et la dédicace de /)eulh und Ifll! King\\' Horscmun constitue
également un commentaire il ce sujet: ".... to / My t'ather. Ayodeie ! Who ialel)' danced
and joined the Ancestors"5J2. La danse est mouvement vers un accomplissement qui se
comprend comme la pénétration dans le goüffre transitionnel, vers la transcendance.
danse rituelle. A elle seule, la progression de l'action rend compte de celle de l'ensemb!~,
du rite. La danse d'Elesin tigure le passage, le voyage sur le "long chemin" qui mène à
l'Au-delà comme le dit le chant funèbre des chauffeurs dans The Road Toute sa danse est
une progression vers l'Au-delà que, hélas trop d'interruptions finissent par arrèter.
Ainsi, Elesin entre sur scène en pleine course: "Elesin Üba enters along a passage
before the market, pursued by his drummers and Praise-singer"53J. Dans l'espace du
marché, l'espace du rite, le niveau d'expression de la notion de mouvement s'élargit et
affecte !e verbe. Toute l'imagerie, toute la thématique des invocations et des mises en
5-'0 Kongi's Harvest, p. 67
Sil. nie /?ooJ, p. 149
'-'2 J)eulh und the King\\' f-forsclfli.lrI. f}. 143
;u//Jld,f}.14R

~II\\)
::;arcics tr:lllllll
la llollOll dl' Illllllvement. cc I111l1lYCll1CIll 'llii \\.';lr;lclcIïSC la ir:lllSlllOll
L:t possession '~st une 0!apc cruc!ale dans le !"!!ul'l ,j'Lksin. De !:'1I!. Ic~; qualit0~:
dyn;lInilJlIes de S;l danse qu;md il
l'sI !10ss0dé deviennellt l'illdice
de l'iniensilé de 1;1
cIlarge spirituelle qUI envahit. qui prend [1ossession d'Eksin. l\\insi. 13 solcnnllè de la
danse n'est que l'expression J'une étape du processus. el la "lourJeur" de ses pas une
:lutre : "Elesin's trance appears lo be deepenmg, hlS steps heaYler"';~.
Ou encore.
"Eksin's morions appear to îeei tor a direction ot'sound. sUl1tiy, but he oni~' sinks deeper
iilto his tranœ-dance"w;. Cdk progression symbolique continue jusqu'à la fin de la sL:ène
Ill, entretenue par la rTIusiqüe que produit le choeur ~ là où devait s'effectuer ructe final--
qui ne voit jamais le jour.
La danse symholique d'Elesin devait, à l'image de celle de Murano dans [he
Road, aboutir à sa disparition, spirituellement parlant, à son suicide en réalité. Mais
malgré l'état d'avancement satisfaisant de la possession, Elesin ne parvient pas à effectuer
le grand voyage, Ce taisant, il intirme la sagesse yoruba selon laquelIe, "the child does
not retum through the same passage that gave it binh"537. La b'Tavité de ['acte d'Elesin
transparaît ; son acte est contre-nature. La possession est une antichambre du gouffre
tmnsitionnel. Sa danse se définit tinalement CDlTlme une danse de mort plutôt que de vie.
La danse de Murano est également mouvement; elle est passage, elle relève de la
,
possession et s'inscrit dans la transition: "The mask still spinning, has continued to sink
5"1
IhiJ., p. 1~2
~3~ lhÙ/., r'. 1X4
).'(1
/'tJt:. (.'il.
it]
1/.;<1.,1"1 Ig"

posséJé Je II\\lUVeaU ;w col/L~ JlI riwel Je CPflII11UIIIOII. i\\:lulallo JCVICIII LIli C~L111~1I11. C'I.::-.I-
J:.mse quI.: s'dTectue 1:1 dlé;solutior! J:ms la terre : il reilltè~re l'essence spintuelle
ogunlcnllc. Cest dans le l11èlllC (cmps LI re:lctu:tlis:llion. ~\\ tr,lvcrs la lbnsc. ;j'lill ;lCIC
archélvp:11 Ilè premier i-\\gemo) u'Ogun J:ms le vlll:lge 1l1\\[l1iquc
"lk--Ogun--lllnlsl hls
sword inw the ground. sar on it and hegan 10 sink slo\\\\'I:' Inro the hosom of è3rth"-;~')
Conduisant :1. la réalisation J'un acte ntuel vital, la danse de Murano cntraine dans son
mouvement, la mort de Say Tokyo et de Prokssor
ces humams qui. cMeun ,1. sa
manière. se sont mis sur son chemin.
La danse est égaiement mouvement dans ,.{ DWlc<:: c~j' lile Foresls . une plece
conçue comme une danse, comme l'indique son intitulé. Dans la fable, cette danse débute
avec. l'acte meurtrier de Demoke qui décroche Oremole de la cime de l'arbre totémique et
le précipite au sol:
The apprentice began to work above the master's head : Demoke reached a hand and plucked him
down ... the finallink was complete--the dance could proceed 540
La suite de l'action dramatique constitue une progression vers la réalisation totale de cette
danse. Prometteuse en son début, elle tinit par se dédoubler comme nous l'avons montré,
en. d'une part, la danse symboliquement négative des villageois autour de l'arbre et
d'autre part, la danse symbolique au milieu de la torêt entre forces spirituelles et
représentants humai ns.
5Î X lïle Noml, p. 229
'1')
I\\wolalu, n. .1. ()f7. (',1.. p. 32
';111
{f)((l'In' 11/111<' (·lires/s. p. h

~ 1 i
Ix:ré,t;rlll~llIUII illllldilLjlle Je i)elllu"e. Sd lldVL:ISee LIU g~llIiIIC. C'\\:si IIl1e J~IIISC iÙI ielllclll
danse ~kviellt :1 la lin du processus lin phénomène viral ~ll cela qll'el k conduit ;'\\ Ilnè
découverte, une révélatlOll en principe l~conde.
Dans ÎÏze .\\Irollg Hreed, ia course d'Eman constitue sa danse dans ie rituei Je
puri1ication. En efleL "régulée" rythmi4uement par lès l1asltbacks d les VISIOns Je son
passé, ia course-poursüiœ Jans iaqw::llc il i::sr çngagé le conûwt progressivcmcnt
finalement dans la forêt sacrée, ûelneure spirituelle, où il "21ccornplit" le sacritite de son
ètre, Mais si la course d'Eman est la danse de son !it~el, de sa mort, ç'cst une danse
pervertie car elle est une déviation par rapport au sens du rite. II va de soi que toute la
signification s'en trouve affectée.
Lorsque la danse rituelle s'accorde à l'esprit et au;\\( normes du rite, elle conduit
positivement aux sources, vitales des énergies cosmiques. edle, par exemple, de
Dionysos dans ['he Bucchue of EuripIJes qu'exécute Tiresias constitue clairement le
chemin qui mène à l'essence vitale de Dionysos:
Tircsias . [Ta Kadmos 1 Whcn l'ou ~tcp into the dance you'lI !ose ail your silly notions. You uccept
and that's the real stature uf man. You are immersed in th~ richest essence of all--your inner
essence. That is what the danse of Dion,}'sos brings Ilmh fTom you, this the meaning of the
dance54 1,
On peut apprécier l'ironie qui sous-tend l'attitude de Pcntheus quand, exécutant les pas de
cette danse, il s'imagine marchant à un rythme militaire vers la destruction des Menades:
;.11. /'Ill: nl/l'chuc' u(f.:"riridn'_, r. 25.'i

1'('IIIIi"IIS
Ik:lliJ ln llil: !l:\\cclia,,1 ()lIl'-T\\\\·()-II:IC~1 ()1Il'-T\\Hl-II:ll:~ Il"lll'v (Iii,' Il;lccli:I"1 liolll l(lI
IIIIS lasl pail, a :,olid l;lItalic li"ll1\\ lVilli (lie lilllolltl'l's (1Iî.lilll\\VS(lS
l'lie pl'\\1\\!.I'l:SS ;\\l'1(lSS slHlltit! /lui hl:
d:IIIC,,:d.
11111
:\\
Il'ISl'
scries ul
dr:lll1alll:
IIHlIIO/lS,
Wllicli
I:\\I-;,,'S
Ils
1110111' (l'Pli 1 Iii,'
I(llilllvlll.::
1111 (IC:lIllllIS
tlie castlllg ol1'uÎlilc IUltg vassai:lgl' ililile Ilouse (l( "elllll,:IISI·"·I:2
l3acchamcs. Cclks-ci arrêtent en d'Cet 1:1 d:1nse vitale ue Dlunysos puur ~lU()pter une
:IlItrc. :lUgmant de la mort imminente Cl soullailée de l'i..'!lthells. Sa d:H1SC '.:st :lInSI,
dialectlqllcment. la danse Je sa mort. sa Illon rituelle d:lns la montagne
IInc I1Wrt
cependant régénératlon pour la commllnaut~.
La danse rituelle conduit à la régénération car elle est. d'une part l'expression
matéridle lks e:nergies cosmiques en mouvemenL et d'aulfès part, "die prepare i ia
plongée dans les profondeurs de la sub-réalité":i4l,
Elle permet l'accès aux énçrgics
cosmiques. La danse rituelle est vitale, Elle l'eST même dans l'allure rituelle que Soyinka
, .
confère à la tïn de Madmen and Speciafisls où les mouvements pitoyables des infirmes,
leurs "danses" comme il les appelle, qui accompagnent leur chant participent à un "climat
dans lequel la violence peut se transmuer en émotion numineuse"544. La danse participe
du rite de façon totale.
I. 2. 2. 2. 2. De quelques paramètres significatifs dans le symbolisme de
la danse
La forme est fondamentale dans la danse ritu~lIe. En effet, la danse rituelle n'est
pas simplement physique; elle comporte toute L1ne liturgie par rapport ù laquelle une part '
importante de son symbolisme est élucidable :
",12
/ hici., rJ. 294
',II
Calle, Diennc, III Ali-jeu/l 1)rotl/ll. Il '2h
'·11
t.(){.'. ( 'il.
~i-iIii&itJti42Jiiz:t:i:iJiiLis2tjitcici·

i\\li'st \\\\;IIH:C~, ;Irc I\\llixl'd p:lliCIlIS :lIld 1111"1 lw dOlll' UlITl'CIIV--\\\\l1iC'I1I'''lI '~"CS lill'IV:llliliISI \\\\'l1icl1
11I(l\\l'.lIlelll., "f Ille Il:11111,, :11](1 IJodv :ICCI'lllp:lIlV Il, \\."IIICII IlIlllillSs ;IIC I<I"CII IIC>;l ;11](1 1](\\\\\\0 111:1111'
1illies e:I\\.:11 .:lllllllllllcilt 'll'Ilic IlilllcrrJ IS 10 IH~ Ic!JC<llctl--<lIIIIIIS l11us\\ Ile c:llcliillv ilI1Sl'TvctI·;·I'
i\\ (Cl~l 1)1l peul ~111)uler b relatlUll qui c:'I.isk elllre l'èlrc lr~lnscelldalllal IIlkrpelk a
travers k rile cl la I<}lîne Je la danse
"The dances lake JclÏnilè (<Jrms. JepenJins UplHl
the divinilles lo whom the orterings are made""I". On retrouve Lous ces paramètres lbns
hon nomhre de danses Jans k lhé~îlre de Sllvink~l. 1~lks en [trent une part de la SUbSI~Ir1Cl:
de leur slSnIlïcallon,
Le mythe dogon raconte ù propos d'une danse cosmogonIque que "le tlls Je Dieu
parlait sa danse, Ses pas laissaient dans la poussière de la terrasse des traces qui
dessinaient le sens du verbe"S,l7, C'est ce m2me type d'expressivité qui constitue le
fondement de la danse de Danlola dans /(ongi'", Hurvesi tout au long du "Hemloek" :
Daniola . [Comes torvvard dancing sotlJyJ
Delve with the left fOOl
For ill-luek : onee more
With the letl alone, for disaster
ls the only certainty we know
[The buggies join in the royal eadencesJ548
La fonction vitale de la danse royale est ici transmuée en une danse de mauvais augure--
de mort-que "parle" sa danse à travers la prépondérance du pied gauche, C'est
l'expression de tout le thème principal de la pièce,
Le pied gauche qui avance trois fois est d'autant plus négatif que la danse qui est
celle d'Ele_sin dans Dealh und the King~~' Horsemun, par exemple, souligne l'importance
du pied droit54 'l, En effet, Iyaloja perçoit la traversée du gouffre dans lequel Elesin est
5-15, ldowu, E. Bolaji, Op, Cil., p, 115
5-16 Awolalu, J. 0. , Op. Cil., p, 107
547, Griaule, Marcel, Dieu j)'euu, p, 176
5.IX, Kongt\\' Hurvesl, p, 6'1
qq Nous n'avons pas pu avoir une explication de celte valonsation des pieds dans la
cullure yoruba, Mais, il semble que de bcon générale, le côté droit de l'être est, à
l'orposé Jll côlC gallch<.:, valorisé l10sitiwmcnt VOIr r:1r cxemple ljil11ere Oholundc, Or,

"','PU Il.ksllll \\\\110110\\\\/
lJesllïde lite Itlduell gull' Lllld pause lu LÎra\\V 1.lle rlSIlL li/lIL aerPss ,1I1d Illtll IIIL ILstllts-bollle
arrière" qUI structurenL la uanse de I)illnvsns sc révèicnt COll1l11e è\\ l)CLlLeurs Je la
.slgnilïcal1(1n de touL le système'
Tiresias
Follow Ille Jnotion 01' Ill\\' Il.'L't ;Int! (lalllT K;ldJl)()S \\,V l ' \\\\,ill (l;lI1U; ;i11 [Ilé "·av [(1 Ille Ilills
One-Two-BacK.Onc-Two-BacK
1lave VOl 1 c:tught il')~51
On sait que cc n'est ras une chose gratuite que d'acquérir le pas de la uanse
dionysiaque. De même, s'il n'y a aucune indication quant à l'ordre des pas ou la
siS'T1ification exacte des deux pas en avant, on peut déduire ù partir de ce que nous savons
déjà, que le pied gauche est prépondérant: il serait celui qui avance deux fois en avant
En somme, l'importance accordée à l'ordre des pas dans la danse rituelle induit sa
signification ultime. A cet aspect essentiel de la danse s'ajoute celui relatif à la grâce ou à
la vigueur qui affecte l'allure ou le mouvement général. Cet aspect serait lié soit à l'esprit
transcendantal qui régit la danse, soit tout simplement au type rituel. rI fonctionne un peu
comme la hauteur et l'importance du volume de la musique qui, souvent, est en rapport
avec la grandeur ou le rang de la divinité tutélaire:m .
La solennité que revêt le personnage-roi se reflète ou se recrée dans sa danse. La
danse du roi est, si l'on peut dire, royale. Et cela n'est pas sans importance. Au début de
Kongl\\' Hurvesl, on peut lire à propos de la danse de Danlola : "To the beat of 'gbedu'
Cil. Dans la pièce Woyengi, les êtres liés à la création sont mis en rapport avec la
"droite", et ceux liés à la destruction, avec la "gauche".
'50 /)eulh und Ihe KIng's [-Jorsemun, r. 161
"51
/Ile: /fI/L'chue ofFurlpù/es, p. 155
,-;2 .1 do \\V1I .. F. Il, (}j7. ( l/., p. 11J

dnJI1l.II)~llldlll slCpS 11110 SIIl\\V ro\\ial dallce""; I);IIIS Il''Ui.'! ,))i,i IIi(' i\\.lil'c',',\\ 111Ii'\\ , "I/lili. b
dllllCI1SIllil Ira!;ILluc dc la dallsc dl'.lesiii Il'ocuillc l'as SOlI (;lraucrc rov~d
"llls d;III(C IS
OIlC \\lÎ SOlelllll rcgal Ilhlli'1I1S. each gcslure lli' hls hody is 111;h,k \\Vitil :1';1I1e11111 iïll~dil\\'·'·1
Dans une perspective sillliLurc, la grâce. l'cl1ergie d la vlulllC de I)ionyslls. la Illrce sous
l'cmpnsc Je laque!le I\\gavl.' COl11lnd !e meurtre de ';on l'ils. ~;Pllt parl~litc:neI11 déceLlhks
eftet. comme l'écrit .Iahnhcinz .Iahn, aLicun geste Je la danse africaine n'est la pour Il1l-
m~me : il possède une justification symbolique5j<i. La d:.lIlse est ainsi objectivation de
quelque chose de tondamental. La puissance des gestes d mouvements sugg0re celle de
l'espnt tutdaire. Le symbolisme de la danse recrée son relerent transcenuamal dans le
détail.
Dans The Liün and Ihe Jewef, les danses symboliques ïeprésentant le meurtre
sexuel de Baraka sont à l'image de celle de Sanga 'dont le "feu" aurait pennis à Sadiku
d'émasculer le roi 557. C'est une danse virile caractéristique de Sanga selon le mythe558
On le perçoit d'une part avec Sadiku, seule au centre du village, célébrant sa victoire, et
d'autre part, lorsqu'a lieu, dans le même espace, le mime du meurtre dramatisé par les
danseurs, on relève cette énergie dans les mouvements:
Now begins the danse ofvirility which is of course none other than the Baroka story. Very athletic
movements .... Sadiku has never stopped bouncing on her toes through the dance... then she joins
lhem. reveals surprising agility for her age, to the wild enlhusiasm of the rest who surround and
spur her on559
55J, Kongi:,· f-/urvesl, p. 62
55.1. !Jeuilz unu the King's Horsernun, p. 182
555, 1ï1e Hacc!zue (~l L'uripiues, pp. 3ü2-303
1
r
55(, .Jahn, Jahnhienz, Op. Cil., p. 90
)57 Ihe UO/1lfnd the .!ewel, p. 31
~iH A"volalll~ (). .I.~ ()p. (.ïl.~ p. 10:\\
;,q
J'lte /,ill/'l 111111 IhL' ./('\\1'd, pr. 51-52

~'111~CIîI la Jall~C atll:Cle ega/clnelll ~Oll ~dlUle proprc. La J~lIl~e de cell:hlal/oll Je ia \\'IL' Ile
la pel'spcclive générale dans laquelle c11e se silue. I.e lhdlrc de SU\\1I1ka l'Il Jll11l1C
qllelqlJe~ illustratlolls.
Dans Ih:u/h und III(' KiNg'" /1{)/'\\l'IIlI/". le gardien ck la Iradltlon reprochc ~'l I]csln
la rapidité de sa danse"(,II. Inversement, dans K(}"g(~\\' /-Ian·csi. c'est la lenteur qui porte la
signitïcatlün funeste de la danse de Danlola avant le rite intecond auquel il va participer:
"The t\\VO kings dance slow l110umful steps accompanied by t!leir retenue"'<d
En revanche, dans ks cérémomes riwelles qui prennem l'allure de tële. la danse y
est frénétique et pleine d'enthousiasme. Elle tient de l'esprit de la fête, exprime
l'épanouissement de la vie, la reconnaissance aux énert,ries cosmiques pour leur
bienveillance, leur générosité. On note cette valorisation dans la danse d'Agave exposant
la tête du "lion" à Thèbes, mais aussi dans celle de Sadiku autour de l'arbre, Pour cette
dernière, la danse est non seulement une célébration de la victoire de la "femme sur
l'homme" mais également un remerciement à Sango, le dieu du feu destructeur. A Sidi
qui s'enquiert de la situation, Sadiku répond: "Ask no question my t,rirL Just join my
victory dance. Oh Sango my lord... "5(j2. Malgré le climat dans lequel elle s'inscrit, la fête
de l'igname dans Kongl\\' Hurves/
demeure, dans Lme certaine mesure, une danse de
célébration:
The dancing, the singing are only part otït, the centre is the heart and stomach of a good feast. __ •
The rhythm ofpounding emerge triumphant, the danse grows trenzied 563
,(,(1. IJeulh unu the King's j-forsemaii, p.
147
'(,1
Kong;\\- /-Iarves/, [J, 69
,(,2
/Ile /.ion ((nd 1he ./ewel, r 3 1
>1.,\\
I(u".'.!/s /1((1"1'( 'Si, PI1 130- 13 1
~I _ _
&IE!
_ _III!I.
. . .
.....-;----~.".-~-._-=.---_-
...;;.--;;;.--....;;.~_~~.::..

d~IIlCI11~ roullJ IL ~IiS() III silllOUdk, ill silellcc. "l'here is 11\\.) (,)Ilt~lcl hd\\\\'eell [hell1 ~1I1d [he
ètre [Ile CS[ [oute vide: le silence des danseurs rend 0g~11clllenl com[Jle de cela
L~l danse est un an hautement svmbolique que S\\.)\\ln"a exploite jusque dans ses
aspects les plus subtils. Dans .:/ /)ol1ce (Ill/Il' /'I),.es!.\\, la danse au milieu Je la rorèt
montre à el le seule l'envergure symbol ique que peut prendre la danse. Etienne Gai le la
qualitie à juste titre Je "chorégr:.lphie symoûliyue"-iI,5 C'est l'è que nous ailûns examlller
sous certains aspects, en guise de concl usion.
Dans la scène de l"'enfant inache\\'é", l'attitude d'Og'.ln, d'Eshuoro, et de la Femme,
la main tendue vers l'enfant qui marche vers sa mère,. est une séquence illustratrice de la
sibrnification du geste dans la danse. Les trois mains tendues sont un appel à l'entànt
Lorsqu'il est près de s'accrocher à la main de sa mère, c'est par la danse que le processus
est interrompu:
A clap of drums and the Interpreter begins another round of 'ampe' with the Third Triplet. The
woman's hand and the child's are just about ra meet when this happens, and the child tums,
instamly, attracted by the game566
L"'ampe" n'est pas simplement le jeu d'entant qu'elle est originellement. C'est avec
elle que Interpreter "dialogue" avec les Triplés. Son occurrence ci-Jessus n'est qu'une
répétition: "Aroni moves \\Vith sudden detcrminarion towards the Figures in Red, but the
Interpreter begins a suJden danse which comes between them, and Aroni is rorccd to
',".,
:'/ / )rLI1CC f~/·fhe /·~)resl.\\'.. p. 72
;(,) (~alle, EtIenne. 111 ,ljiï(WI /)rtIlU(/, p ~.5
,',l,
,1 1)1/1"/(.'<' 011111' (,'II/'('SIS, p. 70

~l 111~1I11 ':llllC Ie~; Jal1~curs Lill ,~k:I11Cllt qUI ['cll:\\c Je la d:.llbc.
1\\111S I~I n~;i1ilc l'on relrou\\'c la J~lI1Sl' du coute:lu 11011 seulcl11enl :1lI '1i~elîa. 111:11'-;
au~sl ~lillclJrs sur le COllllnenl. I.a rC~IOIl puesl de 1:.1 Côte-d'I\\'nll\\.' est par C'\\C!l1[l1c rcplltée
pour ccLI. f:11e eS!'iVl11boiique dans la pièce
E~hllOro picks him 1the Hall:child) IIp and thro\\Vs l1im towards [ht' Third Tripler who makes to
,-'~l[ch him on the poim of two kniws as in tht' dance orthe child accrobars. Rola scrt'all1S 5()~
L~ symbolisme de l'eni'am, la n:Hure des personnages d'Eshuoro er des Triplés dont
on cannair la signitlcacion dans le rile, le caracrère périlleux de l'acte, etc., contërent :i la
d;lllse S;l signific;ltion
le futur de l'homme sera fait de ce que révde !a d;lnse,
constamment au bord du péri\\5('9.
Le symbolisme de la danse est saisissable tantôt dans sa tonne, tantôt dans sa
tonction, mais elle (\\a danse) demeure toujours significative par rapport au binaire vie-
mort. Elle participe totalement du symbolisme rituel. Elle est révélation, expressivité, ou
communion. Elle transcende toujours sa réalité plastique en tant que geste ou mouvement
pour créer du sens dans chacun de ses aspects.
L'étude de la danse nous conduit :i la fois à la fin du chapitre sur la théâtmlité et
de celui plus général de la transition et de la médiation. Quelques remarques essentielles
s'imposent Intégrés dans le théâtre: les quelques composantes rituelles auxquelles nous
;1>7
/fJic/.,r,6n
)(,X
1h/1 /.. r 7 1
,(,'/ 'jolr ':eclion sur la C(lI1II11L1it~ de l'amhivaknce de l'être.
1

) 1'.1
IJOUS SlIllll11CS 111[crL',sses (!clllL'UIUll [IîIJllI;lll'i.-'S du l'Ile, ',:Iks le so111 d:ills 1;1 111 CSIIrl: dU
elle'. SOlI! Jes s\\'lnboles 1Il1lCIs J:IIIS le IIIL';itrL' Jc :-)0\\'1111....:1. \\)u'L'IIe" ,')IIICllll1L' [I:III"IIIIIIIIHI
cie Illèdi:lllllil. clics Indiqllelll 1111 :llhlelù 111S,-'11Slble 111:IIS \\I\\;lllllluquei (Iks 11(1111(111 \\cur
sigllllïc.1l1ll11
COlltl11uilè entre ell.\\. 1:11 ~;olllll1e. d:\\I1s leur j~1l111L' COll1l1le d:ll1S lellr "Ol1d. !L'ur (ll'Cllrrence
cllez So~;il1"a nec [ouJours Uil sells prollHld,
Si nous n'avons traité du temps ct I\\:~space. ccs éléments relevant :1 coup sùr lk la
théàtralité. ace niveau de notre travaIL c'est slIllplement parce qu'ils rek"ent également
de ce que nous avons appeiè "composante naturelle" du thdtre de SOYinka: c'est dans ce
paradigme que nous les avons placès,
Le rite est le phénom~ne socio-religieux ù la lumiàe duquel est saisissable
j'essentiel de la richesse du thdtre de Sovinka, Au-deli de sa fonction purement
dramatique, il constitue sur un plan littéraire, pour Soyinka, un angle d'approche de l'être
humain dans son aventure sociale. Soyinka s'inspire là d'un principe philosophique
fondamental chez les yoruba: "It is \\vithin their (rite and divinities) frame work that
traditional society poses its social questions and torrnulates its moralities"570 Le chapitre
suivant traitera de la définition soyinkaïenne de l'homme et de sa place en tant qu'agent
de la dynamique sociale.
'ÏI>
:\\/1'/11, !t1(T(t1I11'(', (1tIr! /11(' ,"/jiïr:(fll (.l.'urld, p ')

II. j ,'honll'H~ et la ....ocidt:· : lk l'im:l!!illairl' rituel
hei ng und non-hei n~( ~
Le regard que SOYinka porte sur
l'homme, être social et hlsLOrique. celui qUI.
selon ses propres mOls. est responsable des "progrès et distorsIOns"; du monde. est
penetrant. Sa défîl1ltlon de j'homme est doubie--synchromque et diachronique. Une part
imponurne de son oeuvre théàtraie rend compte Je ia démarche c:t ct sera ie premier
point de notre analyse. Ensuite, nous verrons la place et la valorisation qu'il confère à
l'homme en tant qu'agent de la dynamique sociale.
n. 1. De la nature de l'homme.
C'est selon les deux axes ci-dessus présentés que se comprend la. nature de
l'homme d'après Soyinka: l'axe synchronique le saisit selon son déploiement dans le
temps--historique.
rI. 1. l. L'ambivalence ontologique de l'être
Le goulrre transitionnel, creuset des potentialités de création et de destruction, et
matrice ,'t la fois lk la vie et de la mort, ['lrêtc cette amhivalencc intrinseque à l'être--
1
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Ih!./.. Il :::!
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de Illliei Lille celle ~lIllhl,,~t1ellce lecu~e IOule perspeellve duall~le de Ivpe 111~llllclleell
\\\\\\; IIIlISI ',Iress 111;11 Iller,' I~ Ih) dll:IIISIII III ,"l)l'lIh:1 I<:IH,~llllI III ihe ''':I\\' 111:11 Ikllill'il ,k:'lI'i1ll',d l',SII dS
lilc IScIlIe: ,d'IJarkll,'" ",ilile il;l" lilc lkilll.: (li' i.1~ill :lIld j(c\\ciallllll.,
ill 'dh,T I\\lllds, 1il,' ""ruila
\\"urili tI,;CS 11111 kllll\\\\' (lj' l"i:Jlh' ()PPllSIII,~ lù~'Cl'~--""'IC IC~P[l:Sl'[llill\\!.c\\,ii :HlcI Jhl: ,,111,'1' :::lhhj'! .
l ' I l
; '.iIL
Il. 1. 1. 1. Oes l'n'CS cosmiques dans le thé.Ître de Soyinka
Les forces cosmiques acqul~rent parfOIS un statut ,ie personnagès Jans ie iheàLre
de Soymka. Devenues iel"~s par ia force de la riiuaiiic du rheàire. dies eùnstliuent les
premiers éléments par rapports auxquels la nOiion J'ambivalence se mamresi:e.
Ogun, c'est le dieu principal chez Soyinka, et c'est un dieu :mx multiples
fonctions5 Dans A Dance (Ji/he Forests. il apparaît comme le dieu sculpteur, celui !:,'Tàce
à qui la matière devient forme, celui qui protège les artistes. Pour une part importante,
c'est à travers Demoke dans sa création du Totem que se saisit son ambivalence, ses
rapports avec la vie et la mort. L'essence de l'art de Demoke lui-même est finalement
celui d'Ogun. Demoke ne trahit pas mais se conforme à j'èssence Ogunienne.
Associé depuis l'origine des Lemps avec le sang de la destruction. "Lust blind god.
gare hunier / Monster deity [who i destroy[sl [his own 1 men ... "r., Ogun esi également le
jusilcîer,
ri n'hésite pas ;:l user de la force. Dans A Dance 0/ the Forests il le tàit
remarquer à rorest Father : "1 am no less son to you than others / And if my voire is not
-_.._-_ .._------------._-----~
l, !\\wolalu,.1. O. (j,n. ('il. Il
2X
SovlIlka. Wok, !ill/ll/,(' !lnd ()thc'!' !'IlL'!lI,I. P v)
f,
.',1,/(/, p, 7.'\\

, , ,
c:<pnlnl.:: unl: ccrt:linc volollté de dè~;lrucrl()n
mèl11e :;1 ccl:l ne reille! 11:1S en Cluse
l'allllm'alencc inl1ercnte ~1 celle-ci. l.a desrnlction. la V\\(l!encc méme llUalifiée Je
''sauvage'' d'Ogun n'est pas rouJours une négation Je la vie. au contnure. Tout le theme
du poème dramatique Ogwi Abibl/rlWl est liJndè sur celle vulùnsallon de la destruction
ogul1lenne :
In time of strifè, none vies with Him
or the Seven Paths, Ogun. whû tû cight a wrong
Empticd rcscrvoirs of blood in hcavcn
v",
• "'l,.
r~"er1
l U";::l
.....
'\\:ltI1
~
'hnus,8
"'J U
1.-
Il s'agit ici de cette violence qui caractérise le "Restaurateur des Droits", le protecteur de
l'instinct de vie ~ cette violence ogunienne que le poète nous invite. à la tin de la
déclamation, à "célébrer".
La pièce Ihe J<..uad
véhicule également cette ambivalence ogumenne à travers
rout le thème de ia route. Ogun est ia route: cette assemon est, en elle-même, tout un
commentaire sur l'ambivalence de la nature d'Ogun . Mais nous n'entreïOns pas ici dans le
Jétail car nou~ risquons d'empiéter sur le thème Jt: la route ù venir. 1\\ convient,
cependant, Je mentionner ce qui suit: protecteur des usagers de la route. Ogun est à la
fois leur destructeur. Pour Samson. rar excmrle, s'adressant à Kotonu concernant l'action
sur le ront il n'y a aucun Joute à cela:
7 ./ /lUI/CC 11ft/IL' ;"11"(,.':/.'· P 2X
~ (!.~.:/I" 1/>//>/1/11/1/. P 22
iiEuïi:W;ciiii ,- --'---s::a",-._*-'--'---' .. '-- --------.-----. ~----- ::-.-:-:-----~-~.-- _._-- .---------- ---'---'-----..- ---._-- -_.-- _... - ._-_.~._---- .._. ------ --

" ',
lïl:1\\ IV:"':I 111111 ':il:I\\<'
\\
·",·II';iI,I,· Ill:", \\",,"1<1 "l'l' Ill" "':1 11111"1,, \\\\:l''llll~~
'l'l\\<' ()".I111 Ill, 111-1'1\\
," llil' IlI:I<I W",,', I""j, :11 liS (llIl~ ,LII' :1I1d ';:1" 1", li" \\;('" 11\\." h,,'s '"'' III,," 11111"
'" Ill'."
~:idi 1:.; ~h:ll the ::11;\\\\" 1....:\\... 1,..::["1 \\::,k (~~.!.i;ii ;...' ::i;':l,;: ')'i;~i d~'::~~
(iir!
()~:!III '1 !if:,,: ln',' "k::'!:!'! lic,ll -
divinité precl~e
Jan~ le panlh~()n voruba 11 e~t une pure neatlon ,ic l'ill1aglllLllre
sOYlnkalen, M"us cela n'enlève rien il sa perrinence par r;lppon il l'alllhivaknce, Au
cuntralre, l'imaginaire qUI l'a cree iUl l'onfëre les qualiks Jes Jeux membres Ju palllheon
yoruba, Esu el Oro, uum il est bit. Cette fusion ôi en soi porieuse ue: uualik. Ni Esu, ni
Oro ne sont totalernent négatifs Esu n'est pas k: diable :ltfirmè Jahnhëinz Jahn, Oro,
esprit du vent, n'est pas non plus :;implemem;;t toujours ::;ynonyme de de~,truction;2,
Ainsi, dans la pi~œ, la valence la plus manifeste d'Eshuoro est sans conteste sa
valorisation négative, Il se j ure de se venger des humains, ces "insectes" comme ils les
appelle: 'Tl! be revenged. Eshuoro, 1, 1 l'II be revenged, l'II be revenged"13 termine-t-il
son adresse à Demoke, A travers mille et une ruses et complicites, il poursuit et persecute
Demoke jusqu'à la lin du rite, de l'action. En somme, il s'agit de l'ensemble de ce que
nous avons énuméré dans ies pérégrinations de Demoke comme signes de ia revanche
J'Eshuoro.
Mais au-delà de ~a passion pour la '/èngeance, !~~jhuoro comporte bien ues aspects
positifs. Ses remarques réitérées ù pro[JOS de l'act1on négative des humains sur la torêt
", /'Ile f(liUJ, pp, 199-1 YY
III
il / )I/ncc ({Ihe /.'uresls. [T 27
Il
l'lw /.iUfI undlhe .Il'wc/, [J, 12
1.'
.lahn hilnhcln/.. Op. ( 'il. P h7
1 \\
1 1 )1/1/1',. II/! If(' /.'''''1 'S/.\\. p, iq
Il
------ ...------- J

:. '·1
cilililCI
quc ïilllCICI ljï·.~illlllill IIC ~'llii P,t:> VI;lIlllL:lli 1;1 IJll'lL'Ulltl1 lic i;1 II'ICI Cil I<I/ll quI..:
Eshunro appl':lrs :1S :"oI1H~r!li!1g of the prml'ctor ()[' !he 1l'fl':"1. !-le lluitl' righr!.'.' feSl'n!s rhe
indiscriminate ddiJrèstalion and pollulion which has t(lken l'lace.
In extending his IVrath ln rhè
totem and çondcl11nilH.~ il. 110wevlT. Eshuoro shows a lad: or' JISCrlmJnalion and [aSle He aus \\lUI
~
1 .:-
or' mere pique ami rUJns ilis case'"
L'~pprochc de 2. D. .lunes ~cnlblc JtïC l'inverse Je :a 110lr(, ïnJ-i:l il bOulit i la nlcnlC
conclusion. U iiuf donc eviter J'nbonder rotnkl1le:lt dans !e sens d'/\\1ain Ricnrj qui, au
nom d'un certain univcrsalisme, atTim1e qu'il faut "oublier l'Orisha Eshu. pour ne garder
que le symbole du mal" !6, qu'évoque le personnage.
11 y a là, pensons-nous, risque de
tomber dans le genre de manichéisme que dément justement tout l'imaginaire littéraire de
soyinkaïen,
Avec la divinité Dionysos, frère jumeau d'Ogun I7, dans son adaptation de la pièce
grel,;que, Suyinka exprime J'ambivalence en échu avec le prinl,;ipe grel,; Je Îa mesure. Je
l'équilibre, Le refus catégorique dc Pemhcus d'accepter Dionysos est un cas extrême que
So}'mka décrit avec satire. 11 bit dire par Tiresias que même à Delphes, pays d'Apollon
d ::;anctllilire de la raison, ks hommes sacrifient au temple de DionysoslX Dionysos n'est
Jonc pas à sûisir dans une perspective catégoriquement symétrique à Pentheus--ou s'il le
tllLlt, ce serait dans la mesure où Dionysos exprime et accepte la dual ité de la nature de
li. ihid., p. 4ô
i.:i
Jones, E. D, the Wrtltng n/Wo!e ,\\'nvink(/, r143
il>
I{H.::mL /\\1:lln., !J/(;ùlr<' ('/ IIO/W/10!1.''!//(,. P 14}
1'1
'\\ !vlh, I.I/crl/I/lri' I/nd /hc ,1/iïCi.1I1 Wnr/<!. p
1SX
1:,
Iïw n.1"';'I/(' nI 1-.'Il IïP/lJc's. p. ?()()
- ._- - -_.. _- -- --_.--:---_._------~_.-._------
"---._. --- _..._-----------~_._-_..__.._-_._--------_. -- ..... -
-.....-

~nn 0tn~ "1 >ionvsns / Is.. ,1 Il;nne / That must be gently lit or else consume you" 19. Cett
Ihunnlt: Jionysiaqm: qui peul "collsullIer" el qui est partie intégrailte de sun essence, S
pcr<;()ll ,'1 trm crs la main d'Agave déchirant son fils. Mais dialectiquement cette
de~!rllctinn déclenche 1~1 lihératioll des esclaves, amorce l'instauration d'un nouvel ordre
Cctk ilTit<5 (1l1lolngiqm' qu'est
la coexistence de la
VIt'
ct de
la
mort
('1I11hi'.aienccl n'l'st pas le propre des forces cosmiques. L'être humain est issu de la
il. l. l. 2. ne l'être humain
1.'\\iOIllIllC soyillk,üell ct le carrefour J'une ambivalence fondamentale ù l'image de
son rcl0rcllt di'. in. Oglln est l':!lchétype ùe l'holTll11e Soyinka. C'est
a la lumière
1""~("'1,(,l':!Pt'l1'- lie S(lll C'_'"'PO!("'IJt'nl socio-religieux que nous allons, a ce IllVCatL
l's::aiTr d\\~ltlrider celle valOiisalioil de l'homme .
.\\ fotllllCII lInd ,'.IN'cialis!s présente des personnages intéressants à cet égard. Les
Vieillcs Fen11l1es--Enrth Mothers--s'imposent d'emblée; mais bien que leur pertinence
nycc 1';lIl1hiv;lIence soil des plus évidentes, leur traitement ici demeurera incomplet Les
élélllellls 1lî.1Lurels que sonl la lerre el" l'herbe rendent également compte ùe leur
\\alorisatioll. Ur ces éléments relè\\'cnt plutôt de la seconde partie de notre travail·~I'.
Ur [km par contre est totalement ù sa place ici. La fonction sociale, mais non
ncIU'l l l'!11/;'nt, lk Dr Ben\\ dans, :) la (.lis, son existence prt'sente et pUSSt'e, constitue Je
cadre d'c\\preSSioll de SO\\l all1biv;llence
Avant son expérience de la guerre, il était
docteur:lU sens médical du terme. c'c.st-è-dirc un individu spécialisé, et dévoué ù lA tâche
de guénson de lutte contre 1" 111(1'-1. C'est pour pallier son absence et poursuivre la tâche
l')
fhid-. p. 1(19
:". \\loir dCII'\\il'me pnrtic : 1\\~lrc de vie dans la nature.

"II<llc quc S;I socur ,"il Ikm IICIll;UHlc ll';uUcr dcs V IClilcs l'l~llllllCS I.l: \\ Il'll.'' prclrc qUI
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Dr 11cro "Ilas c'\\changcd his humanc i,;,\\;slcncc I()r Ils ven \\)[)P()Sltc":~ nllr~sl-ce-ù-djrc')
Au ll'ont lieu J'atrocit0s mJcabn:s comme en témoignent :l IJ l'OIS l'èr:ll phvsique dcs
Mendiants et leurs parodies, Dr Bero a été con fronté;\\ ce que
compone la guerre
comme négatlOn de la vie. c'est-à-dire a ce dont est capable j'énergIe (lestructnce de
ïhornme, Piace dans ceiLe SiLUaLion l;,;xlrême, Dr, Bero eSl IUUl simpiemeni--comme un
Eicteür ïitüel qui par :è C0ncoûfS des circvi1stances change .le valonsation--passé d'un
extrème i ~n Jutre : "Yau !enow how these disasters bring our the very best in man-~and
the worst somr.::times"13, dit Ir.:: vieux prêtre.
L'hommr.:: est un être en situation, dirait le
philosophe existentialiste. La valence négative de l'essence de Dr. Bero devient alors le
moteur régulateur de ses actes, de son comportement. Il troque la sénngue contre le
pistolet:
Dr. Bero : The specialists they cali me and a specialist is--well-a specialist You may analyse, you
diagnose, you--[he aims an imaginary gunj--prescribe24
Il renie le rite du vin de palme et embrasse celui du sang25 Il devient cannibale: "Human
rlesh is delicious. Of course, not aIl parts of the body. i pretèr the bails myseH"l<i,
observe-t-il. Cette nouvelle habituJe "gastronomique" est J'autant plus négative que les
attributs sexuels qu'il affectionne le plus, symbolise la partie vitale de l'homme. Le
11. J'vIuJmellunJ ,')'peeiulisls, p. 23g.
~2. Jones, I~. 0 .. Op. Cil.. p. 92
".1
/\\/I(/[ll/1el1 Ul1d ,\\'recwltsis. p. 2Jlf
~.l/hi(l.,r·237
"' Voir section sur le symb()lism~ 111\\'Sliquc du ~,ang, ct Ju vin.
~{, IhiJ p. 240
-,
-~._----------------------------------~._-_._--
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SOlI
pere'
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l'ell1ll1l~S UlllSllluelll des clclllelllS
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Femmes .!"squ'ù la t"in. F':n clalfl~ .. In comhinalson
SI l-iero-Dr
I~èro est lIne raire
symboilquement expressive de ia duaiilè contenue dans la plece.
Penlheus dans lite J3w.:ciwe (JI LUlïfJlLies n'échappe pas nun pius à ïall1iJlvaiellce
presente DiGnysGs~ cette n0gatÎ'vité est süblin"léc en un anirnoJ hûrriblc :
Dionysos, [He hoJds out his hand before Pentheusl eyes, !ike a mirrcr]. Look \\.ve!1 in the mirror
Pentheus. What beast îs tt? Do you recoQ!'jse it?.. In aH VOUf \\vanderings have VOUf eves been
affronted by a creature sa grosso so unnatu~aJ. '50 obsccne?30
-
-
L'animal obscène que voit Pentheus et qui représente un aspect de son essence est la
traduction synthétique de l'ensemble des éléments que nous avons inventoriés en
il1 ustration àe son refus de la médiation3l .
Cependant, Pentheus recèle de tàçon incontestable des potentialités créatrices
comme le démontre sa fonction dans le rite tinal de la pièce'2 Tout ètre est fOïce, et la
force n'est jamais totalement créatrice ou destructrice.'} : elle est simplement chargée de
potential ités
27
Voir section sur l'individu et le devenir social: la dialectique Je la mort.
2~. i'v/uJmefl uflJ ,')'peciufisl.'o·, pp. 258-259
2,1)
Ih/cÎ., p. 235
;"
Ille Ifucchue IIfl';urI[Jldes, [J. 2X4
\\1
Voir section sur la Ih(~:ltrc l'cxrrcssion dc la ll1~diatlon
le rersonnagc roi.
;2
VOIr section sur le thé~ltrc d l'expression de la médiation. la mort de I)cntheus.
Il
Î\\:ll1pcl~.;. PI;IC:dc. l1ull{/i /'lli!IISII!)/i,'. Il '\\J

i\\iJll~.~"S / /'Ii·I',·S/ (lll'rc cg;lielrlclll qlll:iqllC:'; tiillSlr:lll(lllS Ires pCrllliCllles. 1):IP!iII.
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l'ra~lnènUllt SOI] lllallre-dICII;\\ T(lUS deu.\\ app~lr(iissCIlI iilili~lIClllèll[ C\\llllll1C de:; lr:lllrc:;
Mais au boul du compte. leurs actes s'avèrent ètre générateurs de dVnanllS1l1è vital
DanJola prend conscience il partir de cet Instant qu'il ne peut plus rester tige!'. L,a raison
apparente de sa participation li ia cèn~monie de Kongi est ia découverte du "pian' de
Segi el de Daouu. Mai.s pour œla, il a îailu qu'il y ail ~u une lran.siurmalion inleme
suffisante chez Danlola : et c'est cc que produit l'acte de Oaodu • une nouvelle conscience
naît en lui et il devient je roi sagè que chante Sarumi :
Kabiyesi, age is nectar and
Mav the roval house ever
Sa~our its blcssingsJ 5
L'acte de Daodu s'inscrit dans la ligne de son plan de combat contre Kongi. Ce plan est le
fruit de son alliance avec Segi36, mais nous nous en tiendrons ici â la dimension sexuelle
de leurs relations.
Celle-ci conduit li un symbolisme ambivalent qui informe sur la valorisation de
Segi surtout mais aussi de Daodu. Et cela clans la mesure où la sexualité constitue pour
Segi le champ d'expression de sa nature. San ariki, dans sa fonction caractérisante, !e
révèle:
A coiled snake
Is beautiful asleep
.~.~, Soyinka, Wole, Ie/ut/re und Othe,. iJoems, p. X7. L'acte J'/\\lunda, sdon ie mythe,
aboutit a la création des muitipies divlnircs du pamh00n yoruba,
i),
KiJngi's /larves!, pp, 113-114
;(, Voir Sel.:1I0n sur la IcrnmL: ct le devenir social' la signilicallon ([1oliliquc) dc l'allianœ
.se~i-I)~lodll
----._-.~-.--_._------ -_._--- .--------- -. _.._~ --. _. ----------_._ _._---- - - ------~-----_._.-.-----_.._- --- ! ---.

"'l'Il)
\\ '.'"he'! Il( ,l';ll'l"
1;11t! "11 Il,,IV'''',
IllilL' '":II\\l: '1/011111
\\VdCOllle Ille, 1 do 1101 \\\\I/sil
.\\ ~\\II'ler l,il'''IN 11i;1I1
l'hi,.; L.:ldv's ilrea,1
1>111 do 1101 !(lul ,,\\·iil} OIlL'
\\Vhl"\\.: bll'(\\lll lIippk,
\\., ;\\ pVllHJll ,;()ded
iil \\\\"il ii)r rahhil,;7
\\i(\\ICI !()lîllu!t:c de !~lÇOIl conc.knséc toure :"on ~llllbivalcnce, que la !11et~iphnre du :;eqicnl
expr!!ne par fa itemen!
La sexualité Je 5egi
ne manque cependant pas Ge positivité.
Segl évoque la
fécondité, les semailles, Daodu est l'Esprit de la Moisson qu'die Illvlte en elle, la terre
humide prète li recevoir la selllence·iX , En somme, au-delà de la sexuaJik de Segi que
chante l'ori~i, sa tëminité est pOlie use d'w1e ambivaience, Segi perçoit ia "tëminisanon"
de Daodu à qui une robe est confectionnée pour la circonstance, comme symbolique::
d'espoir--même:: si Daodu ne semble pas conscient de cette:: dimension, du moins
initialement:
Daodu : ln the name of everything, what am 1 supposed to be?
Sei,ri ' The spirit of Harvest
Da~du : [ feel like the prince oforgies, l fee[ like sorne decadem deity39
La réaction de Daodu exprime la valence négative latente dans le symbolisme de la
féminisation. Mais ce n'est pas ce qui inspire Segi, Daodu tàit allusion à Dionysos, mais
un Dionysos contraire de celui présent dans lï'le f3uccJwe of Ji'uripides où il est
masculinisé, Le Dionysos que Daodu imagine est celui que Pentheus perçoit: "The rilth,
the orgies, the rot and creeping,l poison"40
L'ambivalence de la tëminité est également propre à Rola dans A f)once of the
{,'ure,\\'!.\\', Les propos suivants de Dead Woman nOLIS en donnent une image frappante: rrf
17
Kllngi\\' HlIrveSI, p. XX
;;~ /h/d" r lJX
;'1
/.1 J(', (II,
l'I
!Ill: !t(/u:l!(/;, ,,/r'lIn( l!d; 's" p. ~,';(,
w:::;;iii....,_ ..,n_""".

Il:1~ [lllakll1Clll lI11C. Il Il'c~1 p:IS SlIrprCI1:1I11 LIlle, réa~ISS;llll a sa lepulalloll de 1l.:111111I":
I"alalc, ~n I~IIL la valcllce Ilègallvc de '~()Il ètr-.:, l'(lla allïlllk . "1 ,)\\Ve ;lillkll l1appelH:d Ilu
the lovers sile uestroyeu 1 10 Illy nature. 1 lcgrd nothlllg" I~. Rllia II1Glllle 1':unlJl\\<lknee
Olllojngll]lle Illêllle si ;11l1l~lrell1ll1enL elle C~I e~;selllicikll1L'lll préselllL'c S,JUS i':ISP\\:L:l
hum,!!!1) Soyinka :se situe dans une perspective unlversa!!sante. C'est !a réalité de l'âme
cosmique. Les personnages soyinkaïens deviennent ainSI des sortes d'archerypes pour tout
être humain.
L'ambivaknce constitue un thème, vaste et riche, de l'oeuvre de Soyinka. Elle
réapparaitra à différents niveaLLx de la suite de notre travail. Mais comme le dit si bien
Eldred Jones4', le regard de Soyinka est fixé avec persistance sur la nature hwnaine dans
ce qu'elle recèle comme potentialité de destmction. C'est que l'oeuvre de Soyinka est
fondamentalement satirique.
H. 1. 2. La continuité de la nature de l'être
Dans sa dimension diachronique, la vie de l'homme n'est qu'une réalisatÎon de
l'ambivalence qui est le propre de son être. Autrement dit, J'histoire porte les stigmates de
l'essence de l'homme. C'est pourquoi le regard de Soyinka sur l'homme, être historique,
est plus enrichissant dans l'autre sens, c'est-à-dire, du point de vue de l'elfet de l'histoire
sur la nature humaine. Cet effet est nul ou presque, nous dit Soyinka. Les énergies
créatrices et destructrices que recèle l'homme sont indépt:ndantes de l'évolution du temps.
1~'l1omme d'aujourd'hui demeure comme celUI J'hier ou de demain, le mème : symbole de
Il
./ nI/nec: f)flhe /'(JI"(ésls, p. ()O
1]
/hid p. 24
1 \\
,11)I1CS., '-:. IL il] Ciihhs .lames, ( 'l'il li 'u/ /'('rs{wl"/l\\\\' 1111.':".\\.'111/(" .. [1. () 1
&U";'iiiiillîiïiEiiS2li!g_..,!!iiJA<""'t-;;;;·-"'jk;;';-="'~·.•
4zecuc_---o;-;,;,·-;;';;;;;;;;;-;';;--;;;--;;;-;;';-;;';--;;;;'--;;;;';;;-;;';-;:--;:-;:-;;:;-:=:::::-::':--::':-::':--::':-::":".::..'--.:..:==-:

VIC cl de 1111111 ('\\::~I tille \\ISIPII \\'oll:III"ICllI1C ,!cI'llI:;lPlrc ccrrl ;\\11101;\\ Ircie
"lllslon' :IS:I
1
passl\\)llS" 1. ,\\II1SI, plus liU'L1I1C SI III pie CUllllllL1IIC, l'hlslolrc csl pOLir S\\))'lllh.a, L111C clclIlclle
répélilillil l.ilml la cOlllplc\\:.llc est CUlllCIlUC J~\\I1S le sym[)ollslllC du ruklll dc i\\!\\OChILiS
l'Ill' :l,1\\llllllsc;(!'il.l 1.';:1 Il:!'\\' Silllpk ligllrl: ,>l·:ll'..,lhl,!il' :lIld ,;l'iclIlilil' 1I1IIh.'; :111(1 UlI1\\r:ldilïlll\\\\.', 111 IIIIS
'l'n'l' il i.-; Ille 'YI\\lhllll,,'O~lIl1 il1 P:lrliClILII'. :\\ltd :111 l'VIlllllillll li'Ul11 Ille 1:lil-dC\\'I'lIl'ill~ '11:1kc I\\hicll
he '''Inl',! irnl,;, hal1gs ;Jr(ll1lld his Itcck "11t! ~\\ïl1b(\\li,cs 1hl' dOOlll Ill' rCllcl il iOIl-+'~
Lc~; di\\'er5es ré~ions de la vle--Ia morale. le pOLivoir polilique, la religion. erc.--portent la
marque, dans ce processus répétlti t~ de cerre constance, de cette nature de l'homme, Les
exemples sont sans doute légion Jans l'oeuvre lhéàtrale Je Suyinka, malS nous nuus
attacherons aux plus saillants.
.~ Dunce of/he ;.iJI'es/,<'· constitue sans conteste la pié:ce la plus importante quant à
la dimension historique de l'humme. Elle offre Lme vision plus complète de l'homme en le
montrant dans ses trois dimensions temporelles :. le passé, le présent, et le futur.
Le passé est recréé e,'Tâce au procédé du flash-back. fI constitue la première des
séries de révélations que découvrent Demoke et ses compagnons au cours de leur rite
dans la forêt:
Forest Father . Remind me, how far back are we?
Aroni . About eight centuries. Possibly more. One oftheir great empires. 1 torgot which.
Forest Father : It matters nothing46
En effet, il importe peu de savoir de quel empire il s'agit. La préoccupation de Soyinka
est l'homme en général et non un type particulier. Margaret Lawrence parle à juste titre
J'archetypes.J7 Ainsi, le,llash-back qui conduit dans le palais de Mata Kharibu constitue
tout un commentaire sur la nature de l'homme huit siècle plus tôt.
·14 .1 ()n~s, [. f), in [dgar Wri ght, ('rllicui l';vulll(/I/I)n nf//(ricun 1,1!t.'f'u/lIre, r> h 7
I j Irek .. AI1101;], in .lames (jihhs, ()r. (II .., r. hl
Il,
.1 1hmcc: 1{11i(' l'il/'CSIS, r. 46
Il
1.;lwrcncc, Mar!;~lrcL (}p. ('it., p. 37
:su;t. . ca
---------------- ---._-_.. - ---- ....._--.- ._- .._- .._-----._-.-
-~
----_. - - - - - - - - - - - - - ------- -------- -- --------- - - --_ ..- - -- . -." ---- --.-_._-----~-------

SIlVIIlK:1 !"eallse ulle seleellllll.llIdleleuse qUI Ilii pelîllel d\\I\\lllr UII III 1L:rm.: Il:-. 1ilL' dc 1:1 VIC
aillsl, IlUlIS avons le 111I ct la reille, le sllldal cl le CllInlllCI\\'alll, l'IlIsIlll"lel\\ ct le Ih)cle, le
SClel\\liliLlUC ct le JCVlll. /\\ travers chacun J'cux. PIîS ISOkll1l.'lll ou ellsclllhlc, Ilil dccouvrc
des aspecls de la v;I1orls:lIIOll ;lIllhlv;I1cnle de l'IlIlllllllC.
Non contenl d';l\\oir r;lvi son épouse ;ILI roi voisin. i\\ bu I--:Iwribu lUI inlnllc l'orJre
de f;me suivre la garde-robe de sa "femme" sous peine de dccknchcr une guerre
comparable à celle, légendaire, de Troie. Les soixante soldars qui refusenr dl:' mener cette
guerre sont vendus comme esclave par le despote.
La reine, nouvelle épouse de Mata Kharibu II comme èmblème la wnue, symbole
de prostitution. Mais plus encore, à cela s'attache une fonm: de destruction qu'elle
démontre par exemple en ordonnant la castration du soldat qu'elle a vain essayé de
séduire: "Guard, you know my sentence. See that it is carried out"4X.
L'historien Adenebi, quant à lui, prostitue son intellect en le mettant au service de
la cause injuste de Mata Kharibu, justifiant et appuyant ses ambitions par une 10f,rique
historique des plus cocasses:
It is unheard of. War is the only consistency that past ages afford us. It is the legacy which new
nations seek to perpetuate. Patriots are greatful for wars. Soldiers have never questioned
bloodshed. The cause is aJways the accident, YOUf majesty, and war is the Destiny. The man is a
traitar. He must be in the enemy's pay49
Le physicien, le sage devin et le poète, agissent exactement dans le même sens que
l'historien. Chacun selon ses compétences contribue à entretenir ces forces de
destructions représentées par le roi et la reine.
Par moment on remarque que l'un ou l'autre des compl ices prend des distances.
Ainsi, l'opposition du physicien à l'idée de vendre les soldats condamnés au marchant à
cause Je la pelitesse de son vaisseau; ainsi 0galement les apanés du poèle, justitiam par
·IX
./ 1JI/nce 1I(llic ;'·lIresls .. p. 57
1". /., JC·. ( 'il.
---.--------.---------1

, ..
, ,
~IUCUIlCIllClll leur cOillpiicil0 dans la corruptloll UU r0gl1l1C de i'vlala KllarllJu. 1\\!\\0IllC le
avee la reine n'csl pas C'\\elllpl de la salire i.Je Soyinka.. \\lI cours de!:J
cêrclllolllc de
jugement, Forcst r7ather le d0cril ainsi:
l'v1ulieru 1 knew V(lll
ln the days of pillaging. in the davs
Of sudden slaughter and the pal1ing
Of chiid and brother
ln the days cil' grand destroving:5 1
La dimension sinistre ct peu édifiante que Soyinka peint du passe véhiculé par le
flash-back est à la mesure de son propre "pessimisme" tàce à l'homme; l'homme qui est
constamment
lié à la destruction comme le suggère le réquisitoire de Forest Father
contre lui. Mais cela ne doit pas occulter ['ambivalence ontologique de 111Omme. Peu
manifeste, la dimension positive de l'homme est cependant présente.
Dans son traitement du présent de l'homme, nous retrouvons évidemment le
même résultat. Le présent, dans A Dance of the Forests, est en effet conçu comme la
répétition presque terme pour terme de la révélation faite dans le tlash-back. Les
personnages sont à quelques exceptions près, les mèmes. Dead woman, épouse du soldat-
capitaine, constate dans une sorte de désespoir que, "A hundred generation has .made no
difference. [ was a ~è>ol to come"'i2 Le comportement des personnages, leurs rôles
respectifs d'une part par rapport à la fête de la tribu, et d'autre part, par rapport
au
couple ancestral.
permet d'établir
leur ambivalence.
Dans
le chapitre sur
les
pérégrinations de Demokc. les lares avec lesquelles chacun
d'eux pénètre la lorét
,(1
lh/(/.. p. 46
-;1
lhll/.. pp hl-()1
" //'II!.. p.25
--*---------. _.._._----_.~-- ..---- -"------------- -- - - _.. _-_.- ~- ..-

..:nllSIIIUCIlI Ilne e:<prcsSloll de !Cllr dlnlenslnll de<;lrtlclrll'e
NOliS 1101lS ~'(llllel1lernIlS ICI
d'UII rC.SUllIe. 11I<;lst~1111 sur lem valellcc IIC::;:III\\c':
s'achanlL' a s'enquL'rir lie SOlI apprenti Urenll'le Illort Je ses l11alllS
"It IS Jealh V(lU reek
ur No", 1 kn(l\\v \\Vllal the .slllcll IS" il Cette ndcl.lr de 111(111 que dé::!.agc IJcl110kc csi UIIC
de I\\!btJ l\\:haribu. "no\\\\' ~1~: hermc :1 ",'horc""
Prcn:lfll d'abord De:ld i\\!bn pour un
pretendanr. elle le "remeT :t sa place" qU<lIld elle découvre sa vraie Idenf1le. Nous avons
aussi remarqué sa conrribution à la "laideur" du Totem de Demoke qu'eile aurait inspiré
Historien Je la cour de Mala Kharibu, Adenebi cOlllinue Je I~lire de l'histoire sélecl1ve5(,
Il avait espéré découvrir dans le rituel historique des repr~sentants d'un certain àge d'or
qui n'a jamais
vraiment existé que dans son histoire à lui. Soothsayer, maintenant
Agboreko, continue aussi de mettre sa sagesse au serVice des torces de destruction. fi tait
en eftèt partie du groupe de vi Ilageoi s poli ueurs et destructeurs de la torêt. Son rôle dans
le rituel mantique au milieu de la torêt est une contribution essentielle à la lutte des
villageois contre les habitants de la forêt.
Ainsi, ces personnages traités comme des archétypes de l'homme soyinkaïen som
restés inchangés au cours des siècles. Le soldat suppl icié par Mata Kharibu l'avait prédit :
"Unborn generations will be cannibals. Unbom generations will, as we've done eat up
one another"57 C'est ce futur qui constitue le présent de la pièce. Mais c'est dans Madmen
und Spec;ulislS que Soyinka exprime ce cannibalisme de façon réellement tragiqueSX La
:il. Voir section sur l'artiste et le devenir social: la tonction d'artiste contient un aspect de
l'ambivalence de Demoke
).1.
l/ J)unce ollile r()reSIS, p. 25
:iS IhiJ., p. 5
)(, Ihid.. r 32
',i thid. r. 49
';x
Voir dcuxi0mc partic. c;ectlon ~;lIr J'animalisatlon : le cannihalislllc ct la valorisation de
l'ètrc

i.cs ;llroclles ies 11ius 1:':1I0i1ies'i(111l COIIIIIIISCS. ïeSllIIl illJlllall1 s';liir;1I1cilil
de ia spiJcrc
,
.
,
,
il dLVi~iîi. dii L~iiiÎiiÎj~iI~--Liii
rel iginn. etc, Fn hrc!', Snvinka n'épar,!2nc aucun SCC!Cl!! de !:1 VIC (!:lns son elfort
d'expliquer le présent. la nature de l'ètre hutnal11
Qu'en est-Ii Liu futur ':' il apparait aUSSI, en effeT. sous divers aspects l1ans ie
théàtre de SOYInka er n'lI1splre pas non pius d'optltnlSme, .-1 OU/zee u! the {(Jf'esls
ïepïéseme égalemem prlncipakmem ft tïaVeïS la céïéiîîOi1ie ïitudie finaie. ie regaïd de
Symbole du futur, le Ha!f-child--l'abiku'--chante en refrain QU cours de la danse:
"Je serai né mort"s') Il est, selon le poète, "Wanderer child. !t is the same child who dies
and retums again to plague the mother-- Yoruba belief'()Ü Symbole de la répétition,
l'abiku représente également la damnation. li porte la mort dans son âme et supplicie
perpétueliement ies femmes, ies famiiies.
L'être sOYInkaïen est un abiku à une pius grande écheiie. C'est ceia j'une des
leçons de la danse des torêt. EshuOïû se réjouit quand l'entant est remiS à sa iiïère car
c'est l'homme qui est ;lins: condamné i ttre un ;lbiku, ~e perpétu:lm i travers les ~ges.
Lorsque les trois hunvlins St~ désindividualisent l~n portant les masques, les esprits
symboliques qu'ils deviennent sont des visages de ce ~'utur, et leurs voix prédisent un
avenir tout couvert de sang, de destruction.
':;l)
.'1 / )unce (JI'lhc' j'ures/s .. p. h4
.,(1
Ir/lin!'!' (/ild Olltc'!' l'fll.'I/'!.\\'. p :~~)

PIOIlllS uu soilial ÎlUIt slccks j)illS IÙI. i.c ÎUIUI prelld ..·!llpS LlHllllle LIll :Hllie type dc
.-\\lId ~"l'Jlj \\}I.'~L(:.li;i;c:'l ..
""ll 1}l..ï\\'C(:'\\I\\HI~ .111,.: ~)Ulll
P\\~\\VCI
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des instincts naturels de destruction de l'homme:
First Triplet
Has anvone tound the ivIeilns' 1 am the End tlm Justifies iL.
Second Triplet
l,lm the Greater Cause. standing ever reaà~" exclising the crimes (lt' today I(}r
tomorrow's mirage...
Third Triplet: 1 find 1 am Posterity63
Chacun des principes que representent les Tnpks est une constante dans la société
humaine.
Cette cOlltil1uit~ qUi caractérise l'homme dans le temps constituç le fondement
essentiel de la philosophie "Comme"--"As" en anglais--de Old Man dans Mudmcrl und
Specialists. Il convainc aisément les hommes dont il a la charge dans le monde du
"dehors là-bas" de se nourrir de chair humaine car il en a toujours été ainsi. Dr. Sem
explique:
We thought it was a joke. ('II bless the meat, he saie!. And then--As was the Beginning, As is Now,
As Ever shaH be.... We said amen \\Vith a siraight tace and saI down ta eat..64
"Comme" est ciairemem ia phiiosophlc du mai en tam que force de destruction,
umniprésellte en l'homme et dans son deslin. O'-i11S unt: longue parodie dramatique dont
nous nc retiendrons que la fin, I~:.; Mendiants illustrent cette 'y'érité de laçon dénuée de
(,/ /1 /)uncc nl/ht: /''()l'eSls. [J. h4
',2
/h/d, [1. hl)
(,1
/'(1(.'.
(II.
',.\\ 11/,!rI'I/('1I Ulld '\\('<'<'/I!// •. I,·, P ')i~ 1
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IOUle ;1I11hl~Ulle I)U;1I1d lille PUI1;llse Sllce ie sang du ~ ·lIpplc. ~:c \\Ieliller j';lv;lle ;11111 Ue
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Whcre the Cl'clt, is complere Ihere will As be tound. As orthe begilllllllg. we pralse IheeL':~
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le thème sous-jacent du !'e~uei! de poème Uanre, comme J'écrit Soyinka .
ln detail, in the humall context. of my society, [{klf/re has made ahundant sense
the hloody nrigin
of Ogun's piligrimage has been, in the tnle cyclic manner most bloodily reenacted66
Mais quelque sombre que soit la perception soyinkaïenne de l'homme. elle n'inspire pas
simplement et complaisamment que le pessimisme. Soyinka clame plutôt son realisme :
The symbol tigure of my society--[isJ Ogun. He represents the duality of man ; the creative-
destructive aspect. And i rhink This is the reaiity of my society, rhe reality of man ; and that one
wouid be foolish noi io recognize this67
Ainsi se définit l'homme soyinkaïen, Ambivalent par essence, il traîne cette
ambivalence comme un héritage à travers les âges. La prépondérance de ses potentialités
destructives ne signi fie pas l'absence de possibi 1ités créatrices. Cette vérité ambivalente
est également manifeste dans le rôle de l'individu en tant que facteur du devenir social.
r.:i
Ihit/., p. 244
l.l.
Idutm' rtnd ()tl/l.'1' firJl!lI1s., [1. 5X
,,] ln /\\l}elu:1. .Iohn. IVlwII tlie' J\\/rtll 1 )wr!. 11 ;1)

II. Z. I,'illdivillll el. II.' den'lIil' SOt:i:11
cel:1 cn krIll'.: d'inkracliol1 cntre l'indivluu cl !:] COI1l111un:1Ull' c!lli0re. 011 l'Ol11prcnJ :durs
qUl~ le destin de [OIlle Ilile S()Cil~lé pUisse ~e jouer dans ccliii de l'indl\\Idu cf que le
comportement ou 1:1 IlllHalite de cc dernier puisse s\\·mblliiser celUI nu celle de la
communauté dans son ensemhle.
Dans l'oeuvre dmmatlque de SOYinka. c'est le rite quI, en tant que formulation de
la dynamique sociak èl de j'esprit tragique. constitue ie premIer niveau symboiiquement
révélateu( du (ole dialectique de l'individu dans le devc:nir social. L'individu ne trahit pas
son ambivalence ontologique dans son rôle social.
Ogun
est le symbole de j'homme soyinkaïen pour diverses raIsons, dont le
principe de la dualité. Mais à l'image d'Ogun qui dans le mythe se révèle le plus apte à
pénétrer la forêt primale afin d'ouvrir la voie vitale car reliant humains et divins--Ogun le
pionnier--certains individus dans J'imaginaire soyinkaïen ont la responsabilité du devenir
social. Ce sera notre second et dernier point à ce sUJet.
Il. 2. L La dialectique de la mOI·t dans le rite ou l'incarnation individuelle du
devenir social
La notion de la mort rituelle consacre la tonction vitale du rite, mais elle révèle
aussI le rôle moteur et dialectique de l'individu dans le processus
du devenir social.
Louis Vincent Thomas aftirme :
C'est en lerme de gain que s'inlerrrèle la mort sacrificielle. éminemment féconde ruisqu'elle sert les
dieux ct les hommes. il s'agit généralement de la mon de l'animal mais certains rituels excertionnels
--- ---------'. __ ._. _.. _- -
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' ;
ct la rnoralit0 du rile Cl'Sl donc uin: que di:liectillue1l1CI1I. clic peuL ètrc non seulement
un sacrifice inutile, mais également un danger [Jour l'avenIr SOCIal. Il CXlsteralt
principalement deux nIveaux générateurs de causes susceptibles d'influencer la valeur
ultIme de ia mon
un niveau communauwire--ies otTiClanls""--el un nIveau individueL
NOliS
avons vu les diff~rents cas dans k chapitïë sur te passagë. lei, notrë propos
consiste à rendre conlptè dè la signification réelle de fa n10rt de l'individu par rapport aü
devenir social, c'est-à-dire là où elle assume sa dimension réellement tragique.
Qu'elle soit élément d'un rite qui trouve son modèle dans la tradition yomha ou
qu'elle soit simplement sublimée rituellement par le dramaturge. la mort chez Soyinka est
régie par la signification et la dialectique de la notion tragique. Rédemptrice car créatrice
d'harmonie socio-cosmique sous sa valence positive, elle devient rupture, désordre,
disparition de cette harmonie sous sa valence négative. L'individu soyinkaïen est au coeur
du devenir socio-cosmiqut; de la communauté.
IL 2, 1. 1. Oe la mort du bouc émissaire
Sans jamais occulter
l'importance des
autres
paramètres
florteurs
de
la
valorisation ultime de la mort, la mort du bouc émissaire repose en brrande partie sur une
notion qui implique 1()rtel11cnt l'indivluu . l'acceptation volontaire, k consentement. Là
(IX
ï"h()rnas~ 1.uuls-VlnccnL I,lllnnri ,~/j·i('{l1tJc'. r. X4
,,'1 1\\ \\Vola 1u,.1
() (J,n. ( '1/. P 170
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"Il 1<; {llliv \\VIICII dC;111l 1<; Ircclv
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"IU'- ILL
avec les meneurs du rik :
Eman
Does it really have meaning to lise one as lInwilling ;IS rhat rllaual')
Orogo : He shall be \\Villing. Not unlv willing bUI aClualiv JOVOllS, r am the [Jf1e whu prepares them
ail.,
ëman
Then Il IS only a uccell. [Jo you belleve Ille Splnl Dr il Ilew vear IS so easlly [ooled''; 1
[man finit paï se substituèï j IfaJa : mais Lê faisant. il Jevient lui-iiîtmc: une victime
<:nn vill~{Tp ,)
-_
_,,- .
La mort d'Eman doit une part essentielle de sa valorisation aux éonditions de
contraintes dans lesquelles elle a lieu; et sa signification ultime se lit au niveau de la
communauté du village de Sunma. Parmi les meneurs du rite, Oroge se différencie d'une
certaine manière des autres, en particulier de Jaguna. Plus lucide, il se montre plus
sensibie aux emorses portées au rituel. Sa phrase suivame à propos du piège rendu à
Eman, est tïès inJicatïice : "You aïe SUïe it will not fai]--the tmp l iîïêan"72. Ce pïOpOS
:ntcrv'ient à un moment si cruci~l de l'action qu'on est en droit de se poser des questions
qua.nt à l'objet rée! de référence. Ce n'est sans doute pas gratuit si Orage !ui-mème tient à
ètre orécis.
1
L'ohiet
J
est hien le rite lui-mème. Ouant-ù .lal!una. c'est seulement aorès avoir
~.
' - '
i

observé l'attitude des villageois devant le corps d'Eman qu'il peut cntin se rendre compte
7()
Senau, K. C, in .Iaml:s Gibbs, Or. ('[1.. jl. 112
71
{fIc ,.....1rf)!7l!. l/recd. p. 1 ~ 1)
72
Ihu!.. r. 144
!Ç~,b$ÂÎ:l~.ii - - - - - -.. ----
- - , - - ----~--- - - - - - - ------_..- -
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"TllCn.' :Jn; Iho~i.: \\\\'111\\ will Il;IV li II" 1111'; 111~'hl',<.; \\\\Olt" , 1,1.' 111"1\\
1
"_,
1
ple~el11 cl hIIUI, ;1 pavel csl ellolille, 1I1l:llle s'il l.'sl ~"llplcllll.'llI ~lI~::,-el e l.bll~ L, pICCC.
1,';ILlilu(iL' de~ villa~L'(lls 1l.'IUUIll;l\\lI Sllcllcleu:.: clll':,.: L'U,\\
COllsllllle lIll l;lblc:lll
"déclJ:1Igl.'l" les peches ,le SOlI :il11e sur Je corps d'I ':111:111
gardelll en cu:.: leurs péch~s de 1':ii1née écoule;:,
()utrc cette tare syn~hn!!que~ J~l rnort JIL=:nl~H1 lntrodu~t de tJ~~on concrète au n:VC~lU
sociall!n désordre que traduit la reaction de Jaguna qU;lnd il élperçoit sa tille Sunrn,t jUq(~
après la mort d'Eman:
[Jaguna and Orage evemuaily appear. Jaguna who is leading sees Sunma as SOL1ll as he comes in
view, He stops ,lt once, retreating slightl'l']
Orage: [Almost whispering]. What is ir7
Jaguna , The viper [Orage looks cautiously al the moment]
Orage, 1don't think she will even see 'l'OU,
Jaguna : Are 'l'ou sure') r am in no frame of mind for another meeting with her74
Le degré de ce déchirement familial est évocateur de tout le drame social qu'introduit la
mort d'Eman, Cette scène laisse entrevoir le futur social du village. La vie sera désormais
taite de peurs constantes; à chaque carrefour peut se trouver un danger, symbolisé par la
vipère, Car le village n'a pas été purifié et la nouvelle année est née sur les cendres
polluées de l'ancienne.
Au milieu de cette contiguration négative demeurent cependant des éléments de
positivité, d'optimisme; eLLX aussi sont perceptibles dans un tableau:
The front of Eman's hOllse. The etligy is hanging [rOin the sheaves".
1f:1da appears ta go mad,
rushes at the object and tears il dawn.,
Some distance away"partl'l' l1idden, stands Ihe Girl
impassively watching, 1fada hugs 1he dtigy ta him, stands abave Sunrna, The Girl rcmains where
she is, obscrving 75
n Il'/1/, p, i4()
"il
ih/dpp.145-lc~(1
!'
Il'/11., P 145

'
~.
i
<-t '
__
11~ILi:l "deLr()cl1e" l'clllSle sVlnlJlIllS:llll i'.In:lI1 Inor!, cl 1;\\ serre COlliie sa pOllrll1L: I)e
InCl Ile, (\\)lnllle \\ 1 i'vioore le 1;111 rClnarquer, le i~tll quï I:lll:l--lille >;UIII11:1 re)etalt ;tU dcp:llI-
dist::nte,
qu'elle assiste :i la "rcn:ussance" de Sunma el d'Ilàda consllliie en SOI un ;lcte susccnrihle
de produire une transformation en elle-même et donc dans k Village,
A la di fférence d'cman, clesi n dans /)('u/ hL/mi 11/(.' 1\\ /ll~'.\\' HorsL'!I1(/11 est un bouc
emlSS<llre qUI choisil el :lccepre iibrement d'assumer sail l'oie rüueL Cependant Il ne
iéussil pas il accomplir LUIe mort posilive, comme nuus l'avolls vu, li ne fJarvient pas il se
suicider quand (;[ COii1il1e il le fallait. La non-nioit (Îtüe!1e devient pOil·~~US~ de dangers
pour la communauté humaine ~t divine. Que!1~s en sont les manifestations concrètes par
mnnort ;H.!
- •. r' J- .. - . - .. rlevenir

-
-
-
soçio-cnsmiOtle
-
~
.
-
-
-
1-
?.
Au niveau social immédiat il y a de toute évidence la mort d'Olunde, jeune
héritier de la fonction d'écuyer ; et au niveau métaphysique, le désordre apparent
qu'introduit la non-mort rituelle est celui imposé au défunt roi : "He [Elesin] knows he
has condemned our king ta wander in the void of evii with beings who are enemies of
life" 77. Mais évidelllll1eni. ies chuses sunt plus prufunJes el plus cumpiexes que cela. n est
impossible de séparer les niveau;\\. ci-dessus présentés, Car métlphoriqucment parlant.
toute action dans l'un produit .forcément un '~cho dans 1'<HltrC. C'est pourquoi, quand avant
t()I1damental :
ML Pilkings--I apprcciatc what you Iricd 10 do. 1 l'lam YOU lu believc lhaL 1 can tell you it would
have been a lcrriblt: calamity if you had sUCl:ecdcd .
._----~--_._-------
il,
Moore. Ci., /tV'li/l.' ,,,'ovinku. Il. 51
"
/ ll'!I/li !lnd /h(: ."III,!'''" IIUI"\\ï'l/Ill/1
n '1 4 1

l'i1klll,~~ 1 (lllClIS Ills IIl(llllll ~;l~\\'l'r:t1lilllèS"IU!.I,'III ',"lll':lllllVh:II"
('Illlille
:\\ c:i1:llIlIIV I(lr liS, Ille l'll\\lrl'l'l~llpil:'"
hum:\\Il1è, il romp' le \\.~ordnn omhilical sar:lnt dl' !:I ~éC::rtlé el de l'éqlll!lhre dll inpnde
J.nd sl11J.shes on houlders l)r the o;reJ.t void, whose world will giw us shelter'1"7'! I.e
monde humain dant ~lInsi "naufragé", tous les équilibres sont bouleverses cr lès valeurs
sociaks inversees. Lorsque ponant ie corps d'Oiunde, 1)/aio,Ja va trouver Eiesin ù ia pnson
<.1.; Pili--ings, c'eSt i'Ilt:lâphoriquell1enL qu'elle: expnllle cel éLaL de ~huse :
lyaloja . Elesin, iell me, you who i\\:now 50 weil ihe (ycie of iJiamain . is il dl..: iJar.::m ShOOl wÎiich
,',Îtl1ers to give sap to the younger or Goes your lVisdom see it running the other \\.\\.'av·)
E!esin : The parent.
Iyaloja : Ah, so Yotl do know that There are sights in this world who say diflèrenr Elesin. There
are sorne who reverse the cycle of our heing80 .
A ces mots, elle découvre le corps d'Dlunde. La signification de la métaphore se révèle
dans toute sa clarté à Elesin, ironiquement, devenu "le fils de son fils". Ainsi Elesin se
voit attribuer, dans le "rite des morts" qui a lieu devant la prison, le role qui initialement
incombait au fils Olunde. Quelques instants plus tot, il pleurait aux pieds d'Olunde et
pour cause: leur rencontre est une entorse à la nonne du rite:
E!esin .... ,Were you [pilkings] not present at my first reunion of shame'} Did you not sec the world
reverse and the tuther l'ell beforc his son asking for !'orgivcness·)81
Elesin finit [Jar se suicider de honte. Ce faisant, il ne tait qu'accroître le nomhre
d'indices de désordres sociaux. Cependant quelqu'importante que soit la calamité
présente, elle semble moins effrayante que celle que réserve le futur: "Elesin, we placed
iK, IhILI., [J. IYY
7". 1h/(J. .. [J. 149
X(I
Ihld,p 212.
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1){'("h III/ri II/(' A.ln\\~'s //1I1'.\\'('/11l1n, p. ,~()'\\

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1··
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dans cette nersnectlve qu'il but enlendre !es [)ro[)()s d'h':l!,)!,l !!1v!!<lnt b communaute ,\\
ouhlier les vivants (les hllll1ains) et a tourner les veu:x vers "les enfants-ù-l1ailre"~;, l~'ar
en eux. en tant que symboles du futur. que sera expnmœ la nature du snrt réserv~ Ù
j'avemr sociaL L'enfant que. sembie-t-li, porte iu Fiiie comme fruit de son "mariage" avec
Eie~ifl c~i un ICfJré~elltantJe ~es clICanb il velllL Cil :;UII lelllfJS, iyaiuja avait. e"fJlllllé Je:;
craintes qüant à la natürc hybrldc qü1il poürrait avoir.
Quelle signification dDnner ~ la mort d'Olunde qu: de toute éviden'.:e ::st survenue
dans un sursaut
- -
- .....
-
-
non
- -
simnlement
- - 1 - - · "
-
d'honnem
_. .
- - -
.
mais
..
-
_
surtout
_
-~
o .
. 0 .
de
_ . -
rédemnrion
_
•.
----1-
nom
1__
0._
fa•
communauté? Sa mort rappelle forcément l'histoire du Capitaine dont quelques instants
plus tôt, il discutait avec Jane: une scène qui sans doute préfigurait son sort :
Jane: [don't know much about it [the blowing up of the boat]. Only that there was no other way to
save lives. No time to devise anything else. The captain took the decision and carried outS4
Tant dans son urgence qut: ùans sa signil'icaiion ultime, j'acte ù'Olumk t:st
âna:ùgüe à cclüi dü capitaine. La différence réside simp:cmcnt en ce que la communauté
Cependant, ma Ib,rré S!l bonne
intention et son sens du sacrifjçe~-Ime victime
volontaire--Ia positivité de sa mort demeure limitée. l_e maître de cérémonie explique,
s'adressant à Elesin :
Your heir has taken the burdcn on himsdr What will come out or it wc are not gods 10 tell. l3ut
this young shoot has poureu its sap into Ihe parent stalk and wc know Ihis is notlhe way olïilco5
;'~2 /hù/.,p.2IX
s;
lli/d.. p. 21lJ
,1
l/lld.p Ilj2
~ - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ------ -----

1.;1 Illon d'UlulllÎc .'iClllhic circ lol:liclllClll 1I1Uliie.
I..'C[1CIH.Ltnt 1111 rq;:mj l'PIISSC Ill(llllre ;1
:!t!fi!!! hi! le voya!:je "bvss:l!. Les !nünes !'''!Jr~!iènt :lCCUL'llli :!\\TC !nus h:s !1011I1t:urS. (În
r eul alors surroscr qu'avec sa mort, IIlle rart imrortante de la 1()IlCliol1 du ntc èst
accomplie. La
mort d'OILlnde semble Jonc ètre bIen lIne composante des 0léments
d\\~spoir dans ia pièce.
Au cours Je ia coièn:: simulee J'E les tn. les Femmes Ju rnarche rappellenl une
sat!csse
-
vûruba aüi il ia fin de rûcüvrc rctrûüvc tûutc sa ncrtincncc : :'Thc
~
,
L
~ods arc
_
kind.
~tt... fauJt saon reuledied is soon forgotten" XI. La faute de la cOlnmunauré à travers leur
représentant Elesin est évidente. Par ailleurs, tJI!_trait de l'imaginaire soyinkaïen affirme
que les énergies cosmiques som sympathiques am( humains gràce au pouvoir mnésique
qui les tient liées à leur propre drame originel 88. La communauté semble être condamnée,
cependant, ne serait-ce que pour un moment. à vivre dans la "corruption" générée par
i'acte--ia non-mort ritueiie--d'Elesin.
iTiversement, Jans nie Bucchue 01 Euripide.';", (;'est après avoir YtCLl dans ia
corruption dü pOUVOIr de Pcnthcus que ia communauté retrouve dans sa mort une
occasion réelle de régénérescence. C'est que la mort de Pentheus constitue un cas curieux
qui renvoie à la notion de bouc émissaire.
Pendant longtemps Pentheus a refusé d'assumer pleinement sa fonction royale et
a. au contraire, entretenu un système pervers de bouc émissaire. Par un jeu symbolique et
.,~. /h/d. p. .2/1)
:'h I.ot'. ( 1/.
s?
IIJlt!., [1155
:,;.< I\\A/ft. !.//cmllll'!.' ilnrf/Ill: .·1/1'11;0/1 IVIlr/d, pn 'ii-;-5()
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v()lontaIr\\:~ . cc qui est garant ue la positivir~ ue son sacn lice ù velllr. Que IJentheus
n'accepte d'aller a la montagne qu'après aVOir goult0 au "necrar" dionysIaque qu'est le vin
n'aüénue nUllement ia vakur de son agrément. Au contraire, ceÎa nous prepare ~'l accepter
la ti1li1SrOïlïïatioÏl dé son sang éÏl vin. La iîïOÎl (le Penrheus est pmi()i1démem bendïque ù
assumant sa fonction de médiation. Son sang apparaît avec tout son pouvoir vitrr! cn
. devenant vin.
Attribut, dionysiaque, le vin est dans !a pièce un symbole positif des
énergies cosmiques. Toute la commlmauté s'en abreuve, tous communient avec la nature,
la transcendance. Sa mort libère l'extase spirituelle réelle, et sur le plan social, les
esclaves.
La mort qui emporte Professor dans The RoaJ comporte une dimension rituelle
pour diverses raisons, dont ia nature même de la quète. Aussi individuelle ou
intellectuelle qu'die puisse pnraîtrc, ia quête de ProfessaI' ouvre sur une dimension
réellement sociale. Protessor se sent comme investi d'un role d'enseignant qu'indique
d'ailleurs son nom--professeur. La communauté sur laquelle il règne est une masse
d'élèves auxquels le résultat de sa quète devrait servir de "leçon". Sa mort est cruciale,
car elle prend l'allure et la valeur de celle d'un houc émissaire. rrotè~sor n'ignorait pas
que sa quêtc comportait des dangers de mort. I\\u contraire, lien a accepté l'idéc de taçon
voiontalre.
--~--------._--------~~-----"-~._.----"-.-------"'-_ .."-

COlllnlC ()~un, Proic~;~:ur :;'l:~a :·:...·i>eiië, :~ è~;:<l~·l· d!ouvrir ia \\'l'i~. d(,.·. tlIT;<.:r les >;lr:l~rc~; 111~1I~; ;1 ~;a
dill'0rèl1((,." il jjl;) j":b I"'ll !l":lVI.;r~èr ["';lhinh_,n, '\\~~i ('~arL' 1...:1 ;j L'!l\\ Hh·;lp:l!'I"-.: .le "C illl'!!'....' "-:lil- t1l1~' Il)U((,.'
c'lIIcG;v,;'m
connaissance. Prokssor meurt par trof) d'ambition. ri a \\(lulu cOIllf)renurc l'essence du
Verbe. decouvnr 1"'Amande" de la vie-mort.
En mouranL, ii sembie aVOIr abonne sa communaute dans ie désespOIr. Pour
autanL SÇS dèves ne Jçiî1èUrellt pas dans une totak ignorance. Car ia illon de F'rot"i::ssor
est èn
1
-
l i '
.
SOI pl~lne t.renselgnemenL
L'idée principale étant que ia découverte de l'essence
du ',lêrbe--du passage de la vie il la mort--est UIle expérience que chacun fait par et pour
lUI-même. Toute l'imagerie de son discour? final~ à l'instant où il devient tille sone de.
médium, est cmciale : pour connaître la route, il faut "être soi-même la route", pour
connaître l'abîme transitionnel, il faut le pénétrer. En clair, la mort de Professor constitue
pour sa communauté ce qu'il qualifie lui-même de pre-connaissance--une connaissance
par anticipation: "One must cheat fear--by foreknowledger'~'i.
1\\ ia fois échec et réussite, la mort de Professor demeure significative pour sa
communauté. Définie en termes cognitifs, elle demeure pertinenie, car le thème du
devenir social contient également cette dimension de "existence.
'1(1
l''joupou C11risl ialle. III U/II/L' ,\\iJl'lnklJ ,'I!c' I/f(;,ill't' II/i'ICOIJ'I. P 1X
'JI
!'If(' U,,"d n.:" '2 7
.'-- ._------,---- ._.. _. -_ ..__. - _._-- _.-' _._---- .._------- --_.._-------._---------_._------ --_._. -.-
i#.P.U!
Vl&ii i!&
_

24K
II. 2. 1. 1.. Autres cas signilïcatifs de la mort de l'individu
()lIclque ~oit le niveau où elle se Illanireste, la 1I10rt chez Soyinka n'est jalllai
~r;\\Il1ik. Llle s'inscrit toujours dans L1ne pcrspcctive où certcs la dynamiquc qu'cil
l!ltr()(h:il prend lh.~~; \\i;;:1gC~; di\\'cr~" !nais elle demeure chaque fois pleine de signification.
1 :1 11H11 1 ,Ir.' (lid M:1t1 r1!1I1~ A1I1dIlW/1 11/11/ ,",,'JI·I·inlisl.\\' se situe (in!1\\; 1I11t' per(;perti\\' •.
th IlnillillllC<;j l'on <;c plncc dll poillt de vue de 1),-, Ikm, symhole d'une certaine humanité
111iliateur de la philosuphic "Comme", "divinité tutélaire" des rites cannibales. Old Man (
introd"il IX l3ero aux rites. Initié. Dr. Bero a très vite acquis ce que lui-mème appelle 1
pOl1\\Olr au ~CI1S pur: la lin des Inhibitions sociales et morales.
Ccpellllalll le parric.ide qu'il comme! dans Un vain eHort pour arracher 1·
Sigi1Î lïcatiol1 du "dieu" "Colllllle" rcvêt un caractère essentiel. L'actc consacrc SOi
''';';.>1;""
• • • . . . . . . 6
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1"1111"'11·t';·
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:-'111
flw 1:1<.:1 I,n,nt" (11' illE' hl.lm,m in )'0\\1 ! The last shndow"; exp1i(jue Old M:lll'J2 Ct
meurtre Illet en branle 1:1 machinc
humaine de destruction
que jamais plus rie
n'arrètera. I,c evelc de "Comlllc" semble comporter des strates: Dr. Rero se projette su
1;1 plus haute stmle. Alulldl/lc/l LI/Id ,\\jJecia/ists eonstiLue à juste titre l'une des pièces
pius sombres du répertoire de Soyinka
Le parricide léapparaît dans (.'m;;wooL! on the U:ove.\\', inais dàllS UII e~pril oppose
à celui de Dr. I3cro. Le meurtre dc son père marque la fin ct l'accomplissement de
!'initi~ltiO!l d'I~ola'·l, La dimension individuelle positive de son rite n'occulte pas b
pt'r"l'f'('li"t;' 5(lCin!e df11l5 'wl'.It~lk il s'inscrit. Cnr le père constitue tout lin symbole:
Tlw 11.p'v. Frinjnhi fvpi rif'.S the nif illliles nf:l whnle gener:llion of prolo-homgenis pnrenls who h:lve
hcr:n thoroughlv hr"inwashed. so th"l the prevailing cllsloms and vaIlles of Iheir own reople have
[:'"11C 10 SCclll evil and degenc.r;lle, whilst "II Ihal is respeclable and desirablc is Slll1l111Cd "r in the
dCflélrtl11enl of "n English provincial clergyman\\)4
q2
/\\1illhncl1llfu/ l"jJe<.:ill/i."IS, p. 253
')1
Voir section sur le rite d'initiation: l'initiation d'Isola.
'1.1
MO(lre. Cerald. Op. ( Il.. p. 42

1.';lIllrIllallllll de ~;UI., qlll est iL SCI1S lIitllllC dll prolct rlillei l1'1sol;l, ~;cr;II'1 :llms Ic wlllÎ1ll1c
r / \\ I ' f " , · "
.... r't ...
l i t "
'111;'-,,,
• '- t /
, " ' 1 1 '
1 ...... j , - . '1o _
..... •
"'10 ~i 1. l ......
" ......
tenlalive J'évasion. "[ \\Vant ~lIm back--,til\\';: il' posslhle !r nol i\\NY nlll!=:J~ W.J\\ YI",
clame le Jespote Kongi apprenant l'évasion. La mort est r~cupérée symboliquement et
placée Jans la perspective Je la révolutIOn fomentée par DaùJu ct Segi l'ùntre Kong!. La
tète du Vieil Homme remplace i'igname rilueile. Ce faisant la mort est symbolIquement
sublimee en Illon rituelle par Segi. Segi iui Luntëre un ràie L:Jlaiyseur dans la negatiùn Je
l'ambition spirituelle de Kongi.
Lt~l1nbigUïté de la fin de la pièce~ autorise une double perspective sur la :nort du
Vieil Homme. D'une part, si le pouvoir de Kongi est détruit dans l'acte de remise de !:l
tête humaine, alors, la mort du Vieil Homme est inéluctablement un sacrifice fécond.
D'autre part, si malgré tout le régime de Kongi reste en place, alors, il faut escompter un
devenir social des plus sombres. Danlola et le Secrétaire sont sur la route de l'exil
cherchant à fuir cette éventualité. Dans tous les cas, la mort du Vieil Homme se situe
bien au coeur d'une transformation sociale.
La charge sociale contenue dans la notion Je mort en ~ant qü'expérience
individuelle repose essentiellement sur un fondement symbolique largement tributaire du
rite tfat-,rique. !l permet de pénétrer la réalité d~ l'essence de l'individu et de !e saisir rru
niveau de ses attaches avec l'essence sociale. La mort ou la non-mort Je J'individu peut
ètrc ainsi perçue l:omme néfaste ou fé\\;onde pour le devenir sociale parce qu'il est un
maillon de la chaine vitale qui sous-tend l'existence sociale.
Uans l'oeuvre de :-i0Ylnka, s'il semble cepenJant im['Jossible Je I~ure une
distinclion nL:lk entre k:s deux niveaux dl: slgnllïcation pOSSIble Je la mon, c'esl
..... _... _-- .
--
-
-_._~ .. _---_._--_._-~-~-
- - - - . _ - - _ .. ,------ - - + - - - - - -• . .- -
- _ .. _ -

dcrllciicll1Clli ;lI11i)lvaiclli
i.d crc;tllllil cl id Jc.'ilrUCllllll'illlll 111.'iCp;lrdhic.'i
naissance. dc.\\ p/;;uver.! creer. conso!!lkr
ou lklnme !'klrlll0f1!e SOC!l'-,;;conu!l1!L! ue'l'
l.'im~rèt de la notion lk mmt ici réside en ce que, d'une part. ellc COnCènle l'homme en
tant que relevant du soclo-rel igieux, et J'autre part. elle 1l11pl ique des personna~es qui
tont figures de héros ou de composantes centrales dans k rite ou je tiSSUS soclai. Le
thèàtre de Suyinka re(eie d'autres expreSSions ambivaienies uu rùie de i'indiviuu Jans le
QCVCnif SOCiaL Les pcrsûnnagcs types qüe sont la rCrï1iîiC ~.t rartistc ïiûüS iiîiCï~SSCïH
f·V')yt,
"l,PT,::3,"""",::3Mt ~,..... ~
t'w-, ",
, .............. J~""ll .. ''''''.1..
Il.2.2. La femme et le devenir social
La femme constitue un riche symbole et souvent amhigu dont nous avons déjà
relevé quelques aspects. C'est principalement sous l'angle du devenir social et selon sa
vaiorisation précise ci-dessous définie qu'elle nous intéresse ici. Thème récurrent dans
i'oeuvre littéraire de Soyinka, ie roie de la femme dans le devenir social comporte un trait
constant que Gerald Moore exprime très claircment en ces mots: "Soyinka never scems
to see his women in the round, but only :lS they :n:lnif~~t the:n~è!ve~ in the ~ye~ of his
heroes"'!6 Si !a temme ne s'exprime que comme compabrne de l'homme, elle ImprIme_
toujours sa dualité intrinsèque à son role social.
L'oeuvre
non théâtrale de _Soyi nka abonde en iIl ustrations de cette ~onction
dynamique de la femme en tant que compagnon de l'homme. 1\\11151 k couple Simi-I-:gbo
'l'. :\\Ivlh, I.ilerUlllrc mnlthe ./lr/cun IVor/d, p. 53. Voi r ~galement le chapi tre sur la
mOisson.
",,- Moore. ( ierald. ( 'r) ( '/1. P 1JO

cl iViolllL:I-I';ISeVI li:lIlS 1 ft"
III(,'/,''''('/',\\'. j'/\\SSOCI:11I0I1 des l'CllllllCS dall,;
lA,. cl le couple
iflYISl:-UIi..:VI d:lIls ,\\CI/S/Ili Iii ,ill/lil/\\';;
ÎV):II.S C'l:si dall." SOli (IClI\\ Il: dl:IIII:ILllJUe
que IIOUS
ChUISIl,lIl;; (lOS ...:,'.;ell1pk:~.
l'hol1lmè
une l'orec Illue par la quètc d'harmonie et de Justice snclale. de vic ct de
créatIOn de façon générale.
Segi dans Kongl'" Hurves( vient tout de suite Ù l'espnt. Elle confère a ia piece une
parl Je sa Jirnensiorl puiiliqut:. Responsable du Nighl Club krme par i-..ungi, dle se
rél1abilite ct fonl1c ia branche tënlin1ne des brigadicrs'·18. La réüüVCll:ürC Jü iûcal, lnènlc
cela. Elle organise les femmes qui toutes sont, d\\me façon ou d'une autre, victimes de la
tyrannie de Kongi. Elle est élue démocratiquement comme leur leader: un rôle dans
lequel on la voit plus d'une fois. Soulignant la nature démocratique de son élection au
Secrétaire, la "Grande Oreille de Kongi, Segi tàit une allusion perfide au système
dictatorial de ce dernier.
Dans son quartier général qu't:st le Night Club, ses hommes enlèvent les deux
esplOns qüi flanquent le Secrétaire de Kongi. Il semble qu'dle ait voulu enlever
~ga'en1ent !e Secrét~ire !nai~ e:1 ~ur~it ~t0 ~!"npê(:hée par D~odu :
The !ayabouts look questioningJy ,1t Segi who engages in a silent duel \\Vith Daodu, Daodu firmly
t:lkf~~: the Secretary hy the :Irm :Ind mnVf~S fnrward. The men make WilY Segi is nhviollsly an!:,'ry,
and tums away99
')] Uerald Moore analyse partlculierernent ainSI ic coupie InYlse-UteYI tians son oeuvre
ci-dessus citée, p, 130
'J~ Klltll!,1 \\ !lurvesl, p, ~7
,," //Jid.p.ln

''''; ,
(Clle :-TCI1C
IllllCltc IlllelVlell1 IllllllCtll:llelllL'lll :lpl'eS tiliC iL' :-)ecn;l:tlrc :111 :l JlIslc llire
suspecte :";e::;1 de V\\lUillll ie i:lll'e l"IS\\lllllIel 1.:1I111111e ses tiel!.\\ Ullllp:I1:;IIlJlIS.
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i·diiii:~~ii.j\\'ii
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Î\\l1aitre~se de DaodLL elle est surtout son compl ice.
II semble que la motivation de son Intèrèt
dans le plan contre I(ongl vienne
UnIquement du t'ait que son p~re esr condamne à ~rre execure ie jour de ia r'~[e nationale.
En effet. quand elle apprend l'evasion ue son pel'e. e1ie eonfesse:l DaoJu
Sc:gl. Il is \\Vron!,!: lu i~d su sdtish. l>ut nuv" t!lal illY falher has es\\.:apeJ. l wish ihis pian \\vas nc:va
maü&.
n ....... ..-!•• • ! r~; ...1 .1,.... ' "-,-,,,.L- f:-...... ,h: ...: ....'û.·ol., f ......· ~
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Mais quelle que SQit sa. motivation, ressentie! est que Segi se tait complice de Daodu
dans son projet politique, et le soutient jusqu'au bout.
Ainsi, la robe confectionnée par celles qu'elle appelle "ses femmes" et destinée à
Daodu symbolise l'Esprit de la Moisson qu'elle lui attribue. Lorsque vêtu de cette robe
Daodu se lance dans lill réquisitoire comre la force de mon qu'est Kongi, Segi le prie
d'invoqut:r plutôt la vie, l'amour qu'inspÎre son accoutrement. Segi représente un atout
spirituel, moral et malériel indispensable à Daodu. Elle ct ses femmes se sont alliées à lui
dans son projet agricole dont on sait que l'un des objectifs cst de concurrencer les
improductives coopératives d'Etat de Kongi : "They [wornenJ have also voted to ally \\vlth
Daodu's farming settlement", explique-t-èlle 102 C'est également avec celles-ci qu'elle va
à la I"t:te de Kongi In~lne sans y être invitée, pour soutenir er protéger Daodu:
1'1/1
VOÎr ueuxll:me panie : le symbolisme ue la lumll:rc.
1111
;":(JIl!!,'~"I/U"\\lL'.\\'I. p. 126
III.'
/h/lJ.. r. 124
.. - --_-=...:..........- -.-._.__ ._----_. --_.- ~._.._- ---_._-----------._-:.-.- - - - _ .- - - - _ _------- -_._--_
_ .. ------ ------ - .- -- -----_._----_. --"- ---'-.- - ------ -.-

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\\Viii h;\\n~ CIIOII,I,h lilllC [Illr Ihl' "pn'l,hl
l'hcv 1 \\\\'''lll'll[ :ili havc Ilidl;\\IHls. ""IlS ;l/lIi-
brlllhl:IS 1'< >11 111t, 111 liln~llllcll pl:ll:t:S, \\Vlll'lIlhl'\\' 1,11'111" 1l,c:li 1 1111>" .ilhllii ,,,ilv t1c"Ih lVillllI""h. Il i;l;
Danlol: Jans :·;on !10U\\C:lll rôle. C'est !ù ~iuC !'intcrpr:.:t:I!;on lr:l;,;!que Je !:I mort Je son
IJa'.HiI,
\\N',"\\I<., I;,ik<i :lgaill
-;l'!!i
No. nol aIIO!ll'lher
Ille sl~ason is Harvesl. so let lhere he pklllv or evcrvlhil1c:
The best and 1he riches!..
Daodu . What are vou talking about" What do l do 110W'>
Segi . Sing, damn, 'sing! Let ~one ot' our people know wilar ilas happened i G-I
Ainsi, 5-:gi Jisparail Je ia scè:llc. Lûrsqü'dle revieni. c'est ~i\\'ec la têle de sûn père qü'cile
dépose sur la table de Kongi en lieu ci pl:.lcC Ju plat d'ign~unc. i\\'üus ;lvons vu qüc le
symbolisme de cet <lctc ct !e dénouement qu'il apporte au :ire équivaut ù un ~lttcntat rée!
k"
.
contre. _ong1.
Même si on ne sait pas ce qui advient concrètement à Kongi, il est clair qu'il est
secoué fortement. Son bras droit qu'est le Secrétaire se sépare de lui. L'ambiguïté de la
fin de la pièce se complique par le tait que l'on ne voit pas non plus Daodu et Sebri au
pouvoir. Nombre de critiques ont perçu cela comme un choix inieiligent de la part du
dramaturge. Le pouvoir corrompt; et il serail désespérant de voit ces forces d'espoir que
sont Daodu -::t Segi l'assumer. Mais indépendamment de l'interprétation que l'on peut
faire de l'aboutissement du plan du couplc, le rôle de Segi demeure incontournable. On
imagine mal Daodu sans le concours ultime de Segi et de ses femmes
I,e rôle de Sunma dans The Slrnng Hreerl n'a peut-être pas l'envergure de celui de
Segi. cependant. il n'est pas des moindres. En effet. Sunma exprime dans son attitude
aussi bien par rGpport à Eman que par rapport à ses propres parents. ce qu'on pourrait
appeil:r sa pari de rcsponsabiillé Jans le Jevenlr soclai ue son vliiage. ivials c\\:si
---------._._--
1(1.\\
!hlf.l.~ Il. l:2fl
1111. !/lid. p. 121)
---, .- --_._---------- _.- --_._----------- ------._------ -------_._j----

I·~"'..'·.•t~"-~W
1
CÎ;IIIC111l~lll ~IlJSSI Cil lanl que P:lrtcI1:lIre de j'holllllle qll'j ':111:111 qlle >illllllla :\\SSlIllle sa
E!pan
Thè~C :lrc !'(~ur own PC('piè. Spnh:[inll'~ '.:Pl! !alk d~ !t'",<,u nerf..':l qran~t.·r !;,~(\\
~lInflla
l "\\i()nd(~r if 1 really "pr;mg l'rom Iwr" 1 knc\\\\v tlH~\\' ;lr" ;111 l'vil ;11111 , ;1111 11<11
Fml11 1hl~
oldest to the smallcst child. thev arc nourished in evil and 1I1l\\\\,h()le~omcne~s in which 1 have 110
part lOS
.
Outre cette manifestation verbaie de son r.efus du systeme cruei de son viiiage. Sunm:l s'y
oppose aussi physlquèrncnt tL lnaL~rièlh::lnenL SOlI COll1bJl LÛllll't: SUII ~e ..t .. Ull UC:S
meneurs du rituei, en est un exemple frappant. Ensuite, et pius fondamental, il 'v' a son
alliance avec Eman.
Sunma vit avec Eman et trouve en lui un refuge, un champ de repli' "You must
help me tear myself from here. 1 can no longer do it myself', explique-t-elle à Eman [06.
Et malgré ce que ce choix implique comme conséquences sociales, "1 stand between you
and contempt...and much humiliation"lU7, elle l'assume, acceptant d'être ostracisée w:-<,
d'être traitée d'étrangère dans son propre viilage. La force qui la meut, au fond le refus de
la cruauté, est irrésistible.
C'est de cette cruauté qu'elle s'acharne i épargner Eman:
Sunrrm
.... yuu must !--now tbal il was also for your sah; [hat r trid tl) :;~l :.::; ~..... ~y.
C~~!1 . !'ar me') How?
Sunma . By yourself you (an do nothing here. Have ;rOll not noticed how tightly we shut out
strangers? Even if you lived here for a litètime. you would remain a stranger 109
ill)
IÏtc: ,\\'(r()ng Nn.:ed, p. 121
jll{l
/'I)C. ( '".
III/
//lui, jl. 123
IIIX
!.oc. ( 1/,
III"
//I/{I,[1
I~~

d~1I1:' le IllLlCI. i::II'(l11 IIlculi, la i~II:':;alli '-cule. pour IIC Ila:' dilC ;1\\ CI.: 11~IJa. l_"c~[ IIIIC IIUlliC
l'avons IIldiqué plus tôt. a 1~llrt' prendre con~Clellce aux vill~H!e()l" de la cruaute de leur
système.
lyaloJa. la "mère des multipks", dans Oeu/Ii und (Ii" King'.\\ Ho}'seIlILlJ7 se situe
égaiement dans une perspective rnoraie t'ondamentak. Leader du choeur rëminin dans k
riluel J'Eicsifl, son rùic se Jdïnil COllllrle ic cUII1!Jièment Je celui Je Pralse-singer Jans sa
fonction de in'litre de cérémonie,! de gardien de la trüditioTI. Pûür prcü\\'c~ ses rcmûrqücs
sur J'anonnalité de !a danse, ses mises en garde concernant maintes de ses :mitudes :mti-
rituelles, et ses évocations des conséquences de l'échec du rite. Un exemple précis
suffirait ici. Sa réponse à Elesin qui, en quête d'excuses, semble l'accuser à propos de son
"mariage" est révélateur:
Elesin : 1 need understanding.... Vou were present al my detèat. Vou were part of the beginnings.
Vou brought about the renewal ofmy lie 10 the earth, you helped in lhe binding of the cord.
lyaioja : l gave you warning. The river which ttBs up before our eyes does not sweep us away in its
flood II 0
t
L'essentiel du rôle d Iyaloja est forte:nent lié li la dynarniqüe sociale du fait du cadre
rituel dans lequel die s'exprime. Même s'inscrivant et se développant en complément du
Praise-singer, elle joue son rôle en toute [lositivité, en toute [lrofondeur.
.
En tant que force de destruction, la femme n'agit pas moins en association avec
l'homme.
Il''
/)(:(//1, tlnd/lic' ~'illg,\\ Il''l'selllun. p. 21 1

Il. 2. 2. 2. i ,a '-cmml-' dc dcsll'llclion
de
compromettre
ou
mettre cn
péril
!out
un
dc'.cnir social
dans le lhé~itre dc SovÎnka. Deux PlèCéS sculement en olTrent dèS illustraùnns
Derti nentes 11~
li Y a d'abord ia Fiiie. ia Fataie C\\eopatre, dans f)L'WÙ und (he f-.'-II1.'!.;.\\' Hnl".\\C'lI/WI.
C'est ceile avec qui
Eleslll se marit Je ÙU;Ol1 éOlllpromellanit au stuil Je sun \\'oya~e
,
l
'\\
lIE1·
l
'0
l'
I l
1
l
'
.
1
aDyssa : \\;;1 e symootlsG comme nous 1 avons vu 1attacncm\\;;nt a
icsm nu monGe marcnel.
De toutes les raisons qui concourent i son échec dans le rite, e!!e est la plus impomlnte.
Elesin reconnaît, à la fin, dans un repentir, sa propre tàiblesse, mais met serieusement la
Fille en cause: "My YOlmg bride.... 1 feel 1 want to blame you for the mystery of the
sapping of my will" 113.
Toute la détinitIOn du personnage de la Fille se réduit à son rôle par rapport à
Eiesin. Eile l'empêche, par sa présence, par sa féminité, d'accompiir une fonction
Jélerminanlt dans la dynamique sociale. Ctptndanl cela n'txl:ust pas tnLièrtmenl Eltsin
comme les chapitres sur le mariage ct le voyage le démontrent.
Sadiku. dans !Ïie !-ion and the Jewe!, n'est aucunement comparable il la Fille c\\-
dessus, même si elle aussi se valorise négativement par rapport ù la sexualité. E!:1 effet. le
thème de la sexualité dans la pièce, est au coeur de la dimension sociale et du devenir du
village. Or cOlTIme nous J'avons déjà fait remarquer. la danse de Sadiku autour de la
III
fIJIL/., p. 14X
Ilè
VOir l'initiaunll d'Eman pnur un èXèmpk non mOIns Inl~rèssanL cdui d'Omaè.
ll.i
/ )euJlI und I!J<-' f\\"/III!,'S /lIlI'St.'!lJUIl, P JO

-;I:tludll.: representant i~:lr(l"a IlU. sVlllhpilse i:1 cclchralll)11 de cc qu'cik ,:rllii êlle ia
victoire Je iLi lertlille "IULllll" sL.:,\\ueiklllelll i'lllllll1lle
:'i;ldii--u
:-;\\1 wc did Illf \\'1I1i l\\hl, did Ive.' \\\\e did [(If '1"11 III iil': v,ld ,Ji! ili;:'ll ;1I1d 111I>::lilv ilPIl. have
;èaii.\\' sCOIc!Jed you" 1 1,(
ue comfHè cree l'espoir d'unI.: nouvelle generation, un reCOl1llllenCement socIaL Cnllll1le
nous l'avons démontré plus tôt. Célébrant l'impUissance phallique ue l:3arob uont elle est
tlere d'être la cause, Sadiku s'Ji lustre COl11llle un symboie de négation de cet espoIr que
prodllli--iromquernent pour elie--Ia vlrJiice sexueiie de celUI-CI.
li n'est sans doute pas inutiie de rappekr ici b part èssemldie que Joue ia femme
dans ses relatiûils avec ces fûïces de destruction que sont Macl\\: et Anikwa dans 0PeïU
'JfI
I15
OI7).'Gsi
et Kamini dans /1 PlaJ' qf' Gianrs. Dans cette dernière pièce~ la journaliste
scandinave est un instmment de propagande pour le dictateur Kamini et ses compagnons:
Kamini
Gudrum very good tnend of A[rican Leaders. She writitng book about me with my
photographs. She calling it, The Bla~k Giant at Play It show Kamini very very jovial family man.
Big uncle to everybody in country 1lb.
Il apparait à travers cette analyse ou celles menées antérieurement, que dans la
perspective du devenir sociai, ia femme peut se saisir sdon divas aspects de sa personne
d ûans ûes L:aUrèS ITluiiifJlcs û'aL:liun. CefJenûanl, ii esi inûéniauie yue si eUe n'est jamais
c'est Jans !a mesure eu dIe se manifeste aux yeux Je l'homme. Ainsi, Agave dans nIe
Hocchoe tir f.:7Jripitles, Sidi cians n7(~ /,ion und the .Iewel, 011 Mourounke dans Cl1mw()()d
on Ihe l,cuves, etc .. ces autres temmes au rôle
social signiticatiL implique égakment
i Il, nie 1.1iIf/ und Ille .le weI. fJ. JO
I l ) Vlm sur le rite de fJassage • le manage l'olly-Mad en lant que COlTIfJllCllé dans le
III ~Ii .
1 / J/II \\' 1/1 ( ;IIlIlts, p.2

dL:I'Clld;IIIIL:S dc eL:lk.'i d'hllLI. ".11 lïll de eUlnple. Ii selnlJlc lIu'L:llc Ile .'11111;1 quc 1111111
~ ,', . ...., 1.:., ','\\ ,- •. '"
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...... ,
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tout un homme.
II. 2. 3. L'artiste et le devenir social
Ùgun est Jans i'imaginaln: soyinkaïen ie symbole Je ihomme, mais i i est
particuii0rement l'archdype Je l'artiste. C'est la mison à la [OIS Je la tonuamentaiité el Je
l'ambi'valence pmfonde de l'aniste dans sa fonction, Jans le c1e-v'eiiir social: "r le [Ogüil1 is
of destruction and création"ll7 La conscience de l'ambivalence ontologique et de sa
dialectique constitue une particularité de l'artiste. Mais comment fonctionne-t-il dans la
perspective du devenir social?
La fonction de l'artiste se réalise essentiellement selon la notion de la médiation:
The myth of the artist as it develops in Soyinka's writing rests on the idea ofhis role as the mediator
of the inner truths that sustain the collective lite. and on his tonction in renewing the fundamentaJ
. ,
.
1 i<~
values mat gov~rn It. 'v.
L'artiste.. c\\~st un "prjvilégié""l) social qUI grace
qualités :ntr; nsèqües--sensibi lité,
créativjté. etc.--et ~ sa conscience exceptionnelle de la nature de l'homme, est capable
d'exprimer la réalité morale et spirituelle essentielle de l'existence humaine.. ce faisant, de
117
Iv/ylh, ('laUlllrc, cille! Ihe ..t(ocart Wnrlc1. l'J. i2()
Il''. 1rell.:, !\\biola. (JI). ('il., P 63
Il')
!\\ l'image des pnvill:~l.:s naturels L]lI'incarnl.: (>glln die qualifiellt pour son l'flle avant-
!';lrc/i"1l: lbns le Illvlhl'

'",q
dc saiSir cl L'VCllluci iClllcll1 JL' ~:olll:,;cr j'C\\ llil.lllPll dc sa l'(likiltlllil itUIIl~lllll'_
: I l .. ,,4. __ ,.....
It ...'. ;.....
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: .. llll,:"ll .....
Uu.II.""I
Id
(Ilrr...i: ...........""l .....
'_1
1...1
SOClo-cosmlque, Ensuile. il est dans l'aventure symbplllllle
dans la l'orèr. la 1Ï!.'.lIrc
centrale du t,Tfoupe des représentants hllmall15. C'est dans l'CS deux cadres que son rôle
d'artiste se situe dans la dynamique socIale,
Scuipteur, Demoke donne une large: pan de ia preU\\é que ie travali Je l'artiste ne
consiste pas simplement à ùonner ue ia forme il la matière:
The T oten) carved D\\f Delilûke is the \\.vûrk or superhuinan LOfees. rOf ihe CâCver is lhe tÜeûjuui ûC
crCâti"',,'c po\\vers ·\\ovhi~h iiivâdes his cûnsc~ûüs~ ii1Sp~rê 3J.-td pûsses5 him in his ;vûrk 1:0
Si pendant j'acte de sculpture Demoke n'était que !a main a~r-issame de quelque chose de
transcendantal, de supérieur, la nature de ceci est quelque peu ambiguë, et pour cause,
Quand Adenebi qualifie en termes peu flatteurs le fruit de son travaiL Demoke explique:
Aetually that is what l mean, Madame Tortoise is the Totem--most of it anyway ln tàct you might
almost say she dominated my thoughts --she, and something else, About equally i 2 i ,
Er iorsque Obaneji--Forest Father àéguisé en humain--ie pousse à bout àans son àésir de
faire reconnaître fi Demûke son ïOIe dans la mûrt d'Oremûle, iïûn seulement Demûke
assume la responsabilité de son crime., mais en outre, livre en des termes assez nobles, si
l'on peut dire, ce qui suit
Demoke sat in the shoulder of the tree
My spirit set tree and singing, my hands,
My làther's hands possessed by demons ofblood
And 1carved three days and nights t111 lools
Were blullted. and lhese hamJs. rny !;lIhcr's hands
Swcllcd big as Ihe Irœ-lnlllk, Down 1 Laille
I,~(' (;alk, Uiennl:, III 'I/I'ILW'I f)rlllJ/lI, p )')
1,:1
1 1)"/lIl' u/llli' ('urt'sIS
P Y\\
-'------iiiOiii--============:..::.::.:.::..:c:::....=:. -- ------------ --~-,-- ---------- --~ ----------.--------.--. "-- ~--- f -

Bul O!!lIll IOlJchcd me ill the 1i)I"!!C, <lnd 1slcpl
Weary ill his tee! 12:::
Demoke affirme ici que ses mains sont cdies de son pere. Il est en effet "Iiis et petit-iiis
ùe sculpleUl"l~'. iviai~ 011 sail aussi 4u'Ogull, sa ùivinilé luléiair~, esi SOli père splrilud
Aü bout des tïûis jûüi5 de dür bbeül, c'est aüx pieds d'Ogüil qü'il s'eiidûlt il }" iorgc. tel
"(lune chose" qui (l inspiré Demoke au cours de son travail Ogun ré(lffïrme tous ces
aspects quand, à la recherche de Demoke au milieu de la forêt, il clame:
Demoke the calver, my friend and servant. It was my axe you drave inta araba, pride among the
trees of Eshuoro. It was my iran that cicatrized his naked skin--I'IJ not forget Vou Demoke. l shall
not i24
Âu-àelà àe ia àiverslté--possible--àes forces spmtuelles en question, ce qu'il
convient de ïeteniï dans un premier temps, c'est que Demoke n'était comme l'affirme
Ogun~ qu'ur: "instrLL~enf'125. L~ forme
matérialisation de Ja volonté de ces forces. Par conséquent, !e Totem peut être ambigu.
heau ou laid, bestial ou non, il demeure la projection de la valorisation des énergies
cosmiques, de l'ambivalence d'Ogun el, finalement, de l'homme et de la société humaine
dont il est k symbok. L'aniste Demoke est l'indlvidu socIal qui révèle et penne1 de
decouvnr cellL' venle c:ssenllelle qu'Ii assume el accepte comme etani la valorisatIon ue
son èlrt' 11lllrne
,. - . -., '. _4. _ ~.".4 •._ 1 • _ ..
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laisihe les documents dont unl hesoln les (haulleurs de la roule, Mais l'hablielc Je
Pro !essor ne cache pas ia lürme ue perversion que représentç son art
E::nsulle. Protessor est artIste de par ses rappons avec la notIon du verbe et la
signiiïc<lllOn qu;ii iui conl'àe : plus qu'un simpie langage, le verbe eSl pour Professur ie
suppon el l'objet Je sa quète. Là s'exprime la subiill1it0 de sa fonction d'altiste, MaIS Jans
chacune de ses significations, le 'v'erbe de Professûf est Si ambigu qu'il traduit la
difficuIté~ sinon les dangers de la tàche de l'artiste.
Son verbe en tant que langage n'est jamais ou presque significatif au premIer
degré, C'est en un sens la traduction du principe même de la préoccupation de l'amste
dont le règne est celui des valeurs socio-cosmiques dans leur profondeur totale. Le verbe
Si!:,lllificatif est par définition profond, tel celui du Vieil Homme dans Madmen and
SpeciuiislS, Mais le verbe de Professor tÏnit par ~tre mystificateur : il éblouit sans
torcément être porteur de sens pour sa communauté. Samson affirme qu'il parle du
"charabia""!; Ct. en tÏn de compte, le verbe de Professor devient vide, voire objet de
terreur.
[:1
::;e
paverti ssant
ai nsi.
Pro tessor
devient
1ui -même
dangereux.
Cette
# '
valorisation
ultIme que revêt Professor est la traduction de la veine satirique
de
Soyinka: satire que l'on perçoit dans diverses autres pièces ct qui exprime une mdÏance
(;nvers les manipulateurs uu verne,
lèX.
VOir ~.;ecll()n sur la m0dlallon : la lùncllon de m0(i1allon ue j)rolCssor en tanI que chef.
1~')
r!Je /(IJ(/(/, p, 1.54
1:" Iii/il
piF,
'k. -~·=·iïii'-_ïiiiiiiii_-iiii"-_--iiiiIIîiI,;-iiii'-iiii--iiii--'iiii' 'iiii'-iiii'-;;;;;;;;-;;;;;;;;--;;;;--;;;;--';;--;;';;-';;'-;;';;----::-::-:::-::':'--===.:.:::::.:::.:.:.--=-:::::..::::':=-:='=- ---"- ----- ~---.- -- ---- --_.. --- _~_.
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• •
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illdicc ~11I IllOIIl:' d'UI1C ClIriO:'llé Illlciicctllciic, ia prcoccllp:lllOIl de prolc:-;:,ellr c:-;l
mort. De mème, la tin :unbigu/;: de !~ qu~tç est sans douk !\\:,,:pression ,J,.;: !J prudence ct
avoir des limitesl.'l.
Mais la mort ultime de Professor au cours de sa quète devient aUSSI l'expression
d'un aspect essentiel de la tonction de l'artIste: "We must
ail acœpt the negative
potential of action and then transcend this"i32. Comme Professor, j'homme et ia soci~te
doivent accepter la vaÎènce négative Je ieur essence. Je
ieurs actions, cac c'est
finalement en la transcendunt que le processus devient plus complèt, d
reeliement
positif. Les derniers mots de Professoi avant sa mort indiquent bien que la mort est
intrinsèque à la vie. Vivre, c'est assumer cette vérité dans sa totalité.
Concrètement, la tâche de l'artiste. de l'écrivain qu'est Soyinka lui-même dans le
devenir social consiste, à n'en pas douter, à exprimer les réalités
profondes humaines,
sociales:
Soyinka has been yery constant in his beliefthat ifa writer is to play a useful role in the growth ofa
new african community, he must funetion as the barometer on his society. Therefore the wrirer has
to use his medium to re~~ct the teelings and thoughts uf his peopie and the forces that moye their
community and culture 1.1 -' .
Mais la tâche n'est réellement porteuse de dynamisme que dans la mesure où
elle
expnme ces réalités dans un esprit dialectique c'est-à-dire en tenant compte de leur
ambivalence. Du coup, tout lin pan de la signitication protonde de l'oeuvre de Soyinka se
découvre: au-delà de ce qu'elle a pu évoquer COlllme peSSImIsme pour certains. elle
comporte nécessairement une dimension vitale.
131. ( )reru WOl/vosi, [J. 297
I,~ Wok: Sovinka. in Aut:tua. John. Jlllien!l'le /V/UI/ nled. D. 3Y
.
~
,
1"
(;ikandi, Simon, WII/(' ,\\'(Jvmk(/',\\' Jï/(' /(uod, p ~
~! --------._--~-._--~--------.._-_._------~-------.-
L-

i'ïll~lÎCI11CI11 SI, d~111S j'oclIvrc dc SO\\'II1K:L ia l1ohiessc. 1;1 v;lÎcur rCdCl1ll'lriCC du l'oie
h0ros sovinbïen
pn:nd souvent l'allure d'une Op(~r<1!il'n ou d'un sacn!icc ,'utile.
Cependant, :lU t()nci, ellc n'est jamaIs totalement inutile.
Le caractère ntuel ciu théàtre de Soyinb démontre que l'individu et le b'Toupe sont
indissociabies, et révèie la tonction et ie symboiisme de j'individu par rapport à ia
comillWlautt mais aussi la cÜinplexité de sün (ùlé:. Par aillé:Ll(S, cdte dimé:nsiün rirudlé:
est également, avec sa substance qu'est le mythe,
un chemin d'exploration de
l'ambivalence profonde de j'être et de l'univers soyink<üen. Cependant ceci n'est qu'un
aspect, important certes, de la technique
dramatique rituelle de Soyinka. La réalité
environnementale naturelle qui foisonne dans son oeuvre constitue une autre voie
d'approche de l'être dans ses rapports avec la transcendance, avec le social, avec les
notions de vie et de mort Cela dit, c'est l'imaginaire, la conscience rituelle qui s'élargit
aInSI.
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-
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,265
PARTIE II
DES ELEMENTS ENVIRONNEMENTAUX ET LEUR SYMBOLISME
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1\\::1 LI. le lCu. cl l';lIrl. le végd:t1. 1\\::-;paCl:. cIC--COIISliluc d:llb l'Ilnaglll:lIrc SOVlllh.:IIL:ll Uil
monde :-;vlllhollllUC Cil SOI. riche et complexc ~l ll1~lInls egards.
Le 1ll011J-: sovlnkai-:n cst "unit<lm.;" . l"CSI un 1l1lHlde ou loutes les COlllpOS<lllles
s'illlerpeIl0tr-:1ll cl IJaniclIJl::nt de la méme I(\\rc;.; vitale. De 1~liL i eXiste enlrc l'Illllllme el
1
son clwirollilemcnt ,les rappons l(lnuall1enlaux u'illler-al':IIlIl, d'inlerCOlllIl1LJlliGlIl\\)11 qlli
transcendent 1':lpparell[ : "continuité. consonanœ du COSillOS ct Jc l'êtrc intime de l'hommc.
te! est le secret du monde unitaire de Wole Soyinka où les matières symboliques -,ont !:l
substance de l'âme humaine. Car l'homme n'est pas devant le monde mais dedans.. "l
L'environnement de l'homme n'est donc pas lm ulllvers muet. encore moins un ul1lvers
obscur, opaque. C'est un univers de symboles où tout a de la protondeur. "Gràce au
symbole, le Monde devient 'transparent', susceptible de montrer la transcendance"2, nous
dit Mircea Eliade à propos du symbolisme dans la vie rehgieuse de i'humanité.
L'environnement de l'homme soyinkaïen est un monde à la fois poétique et religieux.
A travers la nature, l'homme peut pénétrer J'univers poétique "hermétique, clos, mais
cohésif et neutre" ; il peut retrouver son âme propre et communiquer avec les énergies
cosmiques. Par ailleurs, la société humaine régule
son "existence par les phénomènes
naturels à l'intérieur des processus de continuité observables: pluie, secheresse, moissons,
etc."1. Soyinka qualifie cene corrélation société-nature de métaphysique de l'irréductible:
la connaissance de la vie et de la mort comme étant le cycle humain.
La nature est un monde vitai pour la communauté humaine. C'est à la fois un
baromètre indicateur de l'état de ses relations avec les (-orees transcendantales, et un miroir
1. Galle, Etienne, I.e ll10nde uniluire de rVo/e SfJyinko, p. 58
~ [Iiade, Mireea, I.e sacré e/ /e projiJne., p. IIU
'. Soyinka. Wolc, A/Vl!I, I.I/cru/ure und the /lfncUlI i'fiIJrid, p 31"1
~-_ .._._-~------_.-
-------
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ou l'hpIlllllL Pl:11I lire 1:1 v:i1eur de snll ètre LI de';;, Illnr:J1ile
dan.s l'[''llvers Cl d:lI1.s 1;1
Il C;\\IsLc donc LIlle IlllilLILudc de s\\lllh,)lcs tblls l'ell\\lrl)llllcmenL de l'éLre snvI11!-:llel)
.
-
Nous essayerons J'Cil InnnLler les pllllclpau'\\ Jans les 1IIllIles de leur perlillellce avec les
phénolllènes de vic d de Illort IVlais d'ors L'L de./ù. l)n PCUl annoncer deu.' grands pliles qUI
constituerolll l'ossature de notre démarche. L.c prelllier- sc r-apportera :\\ la place
d
au
symbolisme de l'enVIronnement dans les ,elations entre ['homme ct la ITansCentJ:1nce. L.:
second. lui. trouvera ses tondements dans 1::1 notion d'ambivalence Inhérente aux ~Ie!llents
naturels. étant entendu que toute existence recèlè l'ambivalence ontologique. ogunienne
I. La nature, l'homme et la transcendance
Un aspect essentiel de l'attitude de l'homme soymkaïen dans la nature peut se
résumer en ce qu'il convient d'appeler à la suite d'Alain
Ricard, un "mysticisme
matérialiste".(. Qu'est-ce à dire?
Le mysticisme recouvre l'ensemble des modalités de "communion, d'intimité et
d'union avec l'insivible"5. Ce comportement mystique, nous l'avons vu précédemment, est
porteur de l'essentiel de la signification rituelle. L'environnement occupe une place centrale
dans ce système; en somme, l'approche du rite telle que menée clans la première partie de
notre travail constitue la clef qui permet à la tois de mieux comprendre le symbolisme
mystique de l'environnement et d'en élucider les figures essentielles.
Ainsi, la nature est vivante, c'est-à-dire, animée d'une vie que seul l'esprit symbolique
peut saisir. A côté du vitalisme de la nature, il existe cette autre figure qui place, en toute
logique d'ailleurs,
l'environnement dans
le
paradigme de
la
médiation.
L'élément
,1. Ricard, Alain, 'Ihéûlre el nati()f!a!i.\\ï/W, p 135
). Zahan, Dominique, l<eligùJIl..\\piri!uu!ilé cl pensée.-; LlII'/CulIles, p. 236
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naltllcl L"IH1Slllut: un h,lr<llllclrc n.'vclalcur Je l'etal des rapports SOCIO-cosllllques
Pius ou Illnins préSCIll Jans ie lhdm:.: Je Sllvlllka, chacun Jc ces 1I0lS <lngiès
Dire que l'envirollnement naturel de l'homme soyin~aïel1 est vivant. -==sr ll)urd (lé
significJrion pour l'esprit sy:nbolique ou rjtueL C'est une affirmation de la nntlon de
présence. non simplement matérielle, malS ti.muamema!emem spirituelle. Synonyme de
presence, le vitalisme est en soi l'expression d'un lype de vie, el suggère j'absence comme
connotative de vide et, en fin de compte, de mon:.
La logique de cette conception relève de la pensee yoruba; et c'est l'essentiel du
la naPJre sont des réalités derrière lesquelles se cachent des esprits ou des divinités. Le
vitalisme est en dernier ressort, une attitude religieuse. Mais ce qui importe ici, c'est qu'il
relève d'une vision sy1TIbolique et contribue à l'expression des notions de vie et de mort
dans le théâtre de Soyinka.
l. 1. L Le vitaiisme teilurique
Le tellurique, c'est la terre avec ce qu'elle compone comme variété morphologique
ou physiologique. te sol, les marais, la montagne, etc. Pour !e tellurique comme pour les
aurrcs composantes naturel les, c'est selon deux modes essentiels de présence que peut se
(, All)!:.bi, Oio, Yon:bu
("i::I/urc.'.1 (/(;ugr.::!)!tic:tI .·In[/,~v.';i.';.. UnIVèr~;lty or !,ondon,
London. : 966.

S'.IISlr le \\-11:d,slne d:\\llS le rlle:ilre de ~\\1\\1I1k:1
:1
1111
prellller nl\\-e:lIl. il peul IllC:lrIler
lell1por:urelllelll I\\;sprrl lrallsccildaillai. Cl :1 Uil deu:\\lè:lle lllveaLL il peul sc presellter
COlllll1e la demeure de l'espril. Dans [IIUS les cas de lïgure. le phl:IHllll\\::m: IJalurel Cil
question sc spiritualise
Pour l'èLre qUI assullle la sp,rilUalitc Ilalurellc, \\:1 lcrre est Lill c\\lrps ljui COlltlelll du
lors des scmences7 Dans la l11èl11e oeuvre, clic respirc pllur Makllri qui cralilt cL'pcnd:lnt
que le Kadiye ne l'ait tuéex. Malgré le peu de sym~xHllie qu'i 1 mani leste pour la
croyance traditionnelle, Lakunle appelle. dans Ihe (/On (//1(/ Ihe .Iewel, les "pierres" comme
témoins de ses altercations avec Sidi : "Does anybody listen? Can the stones / Bear lo listen
to this?"'J. C'est que la terre recèle des forces qui vivent avec les hommes et les écoutent. A
Dance o/the Forests en dOlme un autre type d'expression. A la fète organisée par la Forèt
en l'honneur des ancètres répudiés par les humains, on compte au nombre des espnts
conviés à la cérémonie, les esprits des volcans et des pierres précieuses:
Interpreter: Spirit of Precious Stonesl
Spirit ofPrecious Stones: .. .1, ( Spirit of gold and diamond ..
Forest Father : Who are you?
Spirit ofErupting Volcanoe : I, Spirit of erupting mountains 10
Ces divers esprits prennent la tonne d'une divinité précise dans The Bacchae of
Euripides, avec notamment Dionysos, mais aussi Déméter et Semele. La terre est Semele,
mère de Dionysos, et c'est en elle que Zeus sema la graine ll . La sct::ne d'ouverture de la
7,
l'he Swamp fJwellers, p. 99
x Ihid.. p. 110
q
JÏle !Jort and llie:: Je wei, p. 7
1(1 /1 /)un<.;e 1Jf/lie rlJresls, pp. 65, ()7
Il. JÏle nuee/wc iJ/!'.'ufï()iLies, p. 225
~'--""''''''''-iiii-...-....-
...-_-_-...-=-_--_-======.-=--=..:-=.-=-.:..:'=-=.-=-.-_._..
. _. __ ._,
.
.
.
.
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1)1( IIlVSOS
aPIKlrail--rellail--de 1;\\ lOlnbc lülll;lllle Je SClllelc
Ne de la lerre. 1)IOllYSOS partlcqJl: des plînclpes vitaLi.\\. Jc Lklllétcr. Jé~~sse dll soll.~. Il
cst IJ ICITe mêmè, èl IJ terre est Dionysos. Il esl la Naturc qUI \\llelll qUI JU sccours Jcs
i
cscIJ\\es , . ct plus panicuilèrclllCI1l. la terré qUI sc illCLll Cl respire Cil repOllse au.\\.
!3acchalllcs qui l'invoqucnt
"r haVé hcard canllturn atlile iraillp ol'd,lllcing 13;lcchanlcs"11.
atTirme
le
L,eader
des
csclaves.
I_a
tcrre
est
alllSI
vivanle
parce
qu\\:lk
est
Dionysos. Le balancement de la montage au rythme des chants des l\\!IemH.ks l ' est une
réponse de Dionysos ù ses adeptes.
Le vitalisme tellurique
l't~tablit également comme demeure spimuelle de la
transcendance. il est présent à ce titre Jans A Ounce u/ the j'(iJ"ests avec l'apparition du
couple ancestral. "Quand je suis mon", dit l'homme du couple, "je suis tombé dans les eaux
souterraines''16. C'est de là, de dedans cette "vomissure du Père de la Forêt" 17 qu'invité par
celle-ci, le couple émerge comme de leur demeure pour répondre à l'appel. Dans The
Bacchae ol Euripide.\\·, les collines d'Ethiopie sont simplement des caves ancestrales que
l'on invoque: "Tribute to the holy hills of Ethiopia 1 Caves of the unbors, and the dark
ancestral spirits" 18, déclame le Leader des esclaves.
Cette conception de la terre, demeure et corps spirituels, est déterminante à la tois
dans le comportement mystique et la vie morale de l'homme de Soyinka comme nous le
verrons dans de prochains chapitres.
Pour temliner, il convient de noter ici que
12. Ihid, p. 258
13. Ibid.., p. 240
14. Ihid, p. 264
15 Ibid, p. 280
1(,. A Ounce n//lu} F"ores/s, p. 25
17
1,(Je. Cil.
~. 1hid.., p.
1
7
- ,.....----;,;;;;;;;;;=_..""'._.""",;..'...':.:;--c:;.";::':-:.::;'====::.:..:....~::..::.='=' '-~'-,-"-'
- - - +
- - - -
- " - _ . _ .
- - - - - -
-
- -
-
t - - -

~71
damnation. les PI(.:Js dOlvCllt lilliler la ICITC. rappelle IV~I .'\\gha ~'l I)r Ikll) dans \\ /(/(/II/C'/1
Lili<! .'-,!)(xlu!is/s. Par ailleurs, clie cst gCllcrallll'c ct support Je Ioule \\'1e klrestrc. Ivalop.
dans /.Jeu/Ii (Jnd the K11Ig\\ IIlil'Sc'll/Ull, eslla "TcITe-mcre" l'U la "Ill";re dcs multitudes"
1. l. 1. Le vitalisme végl·t'al
Le végétal 1.:st le proJuil. :;inon le tils. de la terrc : il participe Je !:l l11èlllC V~llllrtsation
vitalisre qu'elle. indépendamment de ses modalités--torèt. arbre. fruit.
Il est vivant parce qu'il contient ou représente l'ètre mème de l'essence spirituelle
Aroni. le second du Père de la Forèt j'affirme sans equivoque dans son i11lroduction
testimoniale: "They [the Dead PairJ became illY guests and the Forests consenled to dance
for them"I'J. Les "Forèts", ce sont les diftërems esprits et divinités qui particIpent à la fète
de réception des morts. Dans The Buceflue (JI Euripide.\\', l'autre divinité qu'est Dionysos
aftirrne à Pentheus qu'il assume la forme de l'ensemble de la Nature 20 Mais c'est bien dans
A Dance of the Forests avec Eshuoro que cette conceptualisation prend une forme
concrète. En effet, outre sa réalité en tant que force particulièrement destructive, il est
présent dans la pièce comme le dieu des grand arbres:
Demoke, did you know? Mine is the tallest tree that grows
On land. Mine is the head that cows
The messengers of heaven 21
Plus encore, ['arbre géant, en l'occurrence celui dans lequel sculpte Demoke, est non
seulement "le roi des arbres"22 mais surtout l'être mème d'Eshuoro, son "corps de la
l') /hid., p. 5
20, nie naee/wc! o/fo:uripides, p. 268
21 . .il f)unr..:r.: 1i/1!1e' riln.:sts, p 43
22. /hid.., p. 26
---- -
~-------
---- --~~---- "----_ .. _-------
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n?
~\\'Iv ""dv WOlS slrll'pcd hv Ihc' illllli"lIs ktllds (,I"I)clllukc
~ Iv hcad WOlS h:ll"kc,d <111' Il." his axc. Tramplcd. s\\Vcallxl
011. 1)lcU (!Il. Ill\\' bodv's shal1ll.: POillll.:U aL Lhl.: skv bv
The ad/\\: "I"I)CI11<lkc::.:J
.
.
Si selon [shuüro. ses prerogJlives sc limitent JLL\\: arbres géaills. ceu\\: de Illoindre
enver~lIrc ne sont pas non plus Jépourvus d'esprits tutélaires. "Derrière chaqué :lrhuste",
atrinne Demoke J la lin de sa marche dans la 1()rèL "il Y avaIt la main d'i\\rol1l"~5 Cette
présence divine ou spirituelle prend plusieurs fomlès. Murete est un esprit qui ne vit que
dans les arbres. A plusieurs reprises, on le voit qui sort de l'arbre. sa "maison", et y
rentre:
"A tree rrunk to one side of the scene. Murete. a tree-demon, is abour ro come out of ir
when he hears some noise. Ducks back... "26.
Dans The Road, c'est avec Say Tokyo que nous avons un aperçu d'un autre type de
de dramatisation du vitalisme végétal. Les billots de bois qu'il transporte sont les
réceptacles d'esprits vivants:
Say Tokyo: Dead! You think a guy oftimber is a dead. What you talking kid? ... You wanna sit down
and fee1 that dead 10ad trying to take the steering ITom your hand. You kidding? There is a hundred
spirits in every guy oftimber to do you down cause you've trapped them in, see~27
Sa profession est une lutte pemanente contre ces esprits dont on a détruit la demeure; et il
comprend très bien leur fureur. Aussi, il sait ou en tout cas, a appris à savoir que dans la
diversité des formes qu'il assume, l'espèce végétal "arbre" recèle des esprits bien
23. lhid., p. 42
24 lhid., p. 43
25. lhid, p. 73
2(,
Ihid., p. I:?
è7 l'If(; Nl}ud, p. 171
-'------.............--===========::.=

dillùenls : "Tllllher IS 111:1 Illle. Ylll.IslHl\\\\ III L' Ihe wood
:\\Ild l'II lell V(lll \\\\h:lr kllld:l sr lrll
IS !:!olln:l he cklSlIlg vou whell vou cul IL d(l\\VIl""~
[~ien qu'origlnellemclll lie ù ObaLai'l cl ~l OgLiIl par la rcl'ILlorl du \\ Ill. le palllllcr--qui
pOLir Egbu dans l'lie /ilICJjlJ\\'h'n~" évoquc [OUL naLurelklllcnt un Jicu JcllllUL. sans JouLe
Ogun--esl: la demeure d\\':SPlîls divers que l'oll voll se depLiœr ,Lm:, .1 / )uilce uf Iii,'
Il1lèltJrl'lèr~ [CIiI~1 Spirill)Îlllè palm
Spirit uflhè Pallu
White ~kl'il1s wov,' ml'. 1. Spirit ol'll1e P:llln.lO
C'est également cet esprit qui dans sa colère est capable de préCipiter k malatoutier au sol'
"The palm ghommid, in anger ar the \\Vine tapper plucked the 1izard uo\\vn ta earth"~I.
Ainsi dans son entité comme dans ses composantes. la torèt, ékment représentanf
du végétal dans son ensemble, révèle la notion de vitalisme dans ses multiples acceptions.
Lorsque par exemple, stupidement et naïvement, les humains polluent la forèt dans A
Dance of {he Forest,\\·, on aperçoit, dans leur variété, les esprits de la forèt fuyant l'odeur
nauséabonde du pétrole : "The forest ceratures pass through, tram the direction of the
lorry.... They hold leaves ta their noses"~2. Réceptacle d'esprits ou de divinités, la torêt leur
doit sa sacralité dans The Strong Breed où le fait qu'Eman tombe dans le piège tendu par
les meneurs du rite est considéré comme une bTfâce spirituelle3]
Dans cette même
perspective réside la signi fication de la sacral ité attachée aux irokos millénaires qui
constituent des frontières dans l'he SWLlmp Owellcrs, ou de l'arbre "Odan" qui se tient au
milieu du village d'[llunjile dans l'Ile Uun Llnd the Jewef. Dans lïIe RLlu;hae ufEuripides,
"H. Ihid., p. 172
29. Soyinka, Wole, lÏ1e Interpreters. p. [31
.10 /1 Dance orthe Forest...·, p. 64
Il
Kungi\\' Harvest, p. 140
;2 .·1 f)unce II/tltt: /:()re.\\'!.\\·, p. 39
,1. lïu: ,\\'(l'lin.!!, /1rced, p. 143
- , - - _.......................====.;;.;======~=~ .=-:...'-,~=-=-:-..--._~---~_._..~~---------._.~--~ ..... '.._-- .... _--_... "--'-~~----~~

~ l'élélllClll illlUllk cl ;'\\ l'aquallque, l)h.lCl dc Illllrc Inll:l'l:l J;U1S la scellon sUlvantc.
l. 1. 3. Le vitalisme aqualiquc
L'aquatlquc équivaut Ù lOules les 11wJalilés lluidcs L~èir COI11I11e le dil SI bicn
Bachelard, "tous !cs liquides sont des cau\\."~·1 Lc vitalismc Je !'aqu:uiquc :.;c IiI donc :i
travers l'ensemble de ses divers modes d'être.
Dans son invocation de Dionysos. le Leader des esclaves s'adresse à lUI comme
suit: "Come, god / Of the seven Paths : 011. \\Vine, blood. spring, min, sap and spenn" .,5
Dionysos est lié à l'aquatique de façon plurielle parce qu'il est "la fontaine de la vie"'() : il
est un "déluge séminal":;7. Etant aquatique dans son son essence, il peut parcourir les veines
de la terre et jaillir au moindre mouvement invocateur des Menades dans la montagne'8 La
rosée qui humidifie l'herbe au lever du jour, c'est également DionYSOSJ9, comme l'est l'eau
rituellement utilisée à l'autel d'Appolon :
Tiresias: Ts it not customary ta pour libations
At the a/tar of Appolo?
This is ta pour the body of god itself40
Finalement, il est le "sang nouveau",11 venu pour revivifier la société mourante de Thèbes.
L'attribut aquatique le plus manifeste de Dionysos est le vin, mais comme on l'aperçoit,
l'esprit divin est trop tluide pour ètre continé à cette seule modalité aquatique.
3.1. Bachelard, Gaston, I/eau el les rèves, p. 126
,5 The Hucchue ojEuripides, p. 295 .
.1('. Ihid., p. 251
.17 IhiJ., p.165
;X. 1hic!., p. 250
.") I.nc. ( 'il.
10 Ill/d. p. 2ôO
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I.e VIIl de p:Jillle esl l'eqlllv:lleni \\)~~Ulllell dll VIIl de r:llSIn (·epelld~11l1. Illell que
sYlnhollquClllCllt r1CllC--110US y revIClHJrolls--le VIU tic pallllL' n'est pas prescilte C\\lI11l11e ;IVdlll
la mCllle relatloll avec ()guil que eelle qUI Wlii le vin Je ralSl1l Cl Dlonvsos
lJalls la pells-:e yoruba, la rivierc, les lagul\\CS ct la Iller. etc. S\\)I1l des "telllples" de
l2
ccrt,\\IIlCS divlIlités
. Ova. 1,1 /l:IIlIllC Illytilique tic ~,lngtl cst par exclllple Ilec ;'\\ Ull Ilcuve
!-f()!"SC!lIUI1 où la 1)lallcileur des dents Je la f='ille \\iCllt pOUf Eksin cn tout' cas. du I1cuve
Oya.J.J. Ogun est, lui, lie::lu vitalisme de la rivière dans !/ie Roud Les passagers du camion
accidenté sur le pont et sortant de la rivière sont des vomissures du "dieu glouton"·k5 qUI
n'est autre qu'Ogun. Cela dit, la divinité du Ileuve ou de la riVière ne peut ètre eonfôndue
avec celle de la mer6.
Quelle que soit sa forme, l'étendue aquatique participe du principe vitaliste. Les
eaux souterraines semblent être la demeure ancestrale en particulier comme on J'aperçoit
dans A Dancc oj'the FCWCS[S.J7.
A la fête des morts au milieu de la torêt, deux types
d'esprits aquatiques apparaissent: cew( des eaw( en général et celui du Nil comme leur
leader. C'est qu'au-delà de la pluralité de ses visages, l'aquatique relève du même principe
vitaliste.
.11. Ibid., p. 265
.J2 Atolabi, Ojo, Yoruba Culture, p. 158
·13 Loc. Cil.
.I.J. IJeulh und the Kjn~\\ !-fnrseman, p. 158
15 nie Noud, p. 1')7
1(,
/!JII.!., p. 1X5
li. ,f natlcc: I)/I//{; /,'I)rr.:sls. p 25
C.-;: -:--.= ......================

1. 1. -t. l ,c vitalisnH.~ animal
aSsulllL:r loulL:S ks 1()rIllL:s ue la nature. il clle enlre :lulres chOSL:S, 1':1I1Ilnal l., l"esl que
l'animal non plus n'L:sl pas sllllpklllL:l1l "animal" pour p:.lrlcr COlnl11L: i\\'[lrcca !Jladc lJui dit,
d~lns une pcrspccltvc vil:tiislc. lJue la n~IlU[\\~ n'cSl.l~ll11ais il~llurelkl'i.
Eillerveil k cl cXlasi~ par le VII1. l\\:nlhcus pcr\\'OIl Dionysos L,)ll1me un "cheval
noir"'(l. i\\II:us le cheval n'est qu'une des cspèces animales en Iesquclles Sc ïcconn~llt
Dionysos qUI peut égalemenr ètre le serpent. le lion ou le taureau. Dans son "rève",
Pentheus le voit comme un taureau avec des cornes: "Are you a bull. There are horns
newly / Sprouted t'rom your head. Have .vùu always been 1 A buIP"5!. C'est egalement sous
ses t'ormes animales que les Bacchantes Invoquent Dionysos, l'appelant à réagir contre
Pentheus quand celui-ci se rend, à l'encontre de toute moralité, à la montagne pour
combatre les Menades. Et lorsque Dionysos avenit les Menades de la présence de l'intrus,
perché "royalement" sur l'arbre, c'est Lill beuglement de taureau 52 que l'on entend. L'animal
réceptacle divin ouvre sur une autre dimension de l'existentiel. Dans The S.vwnp !Jwel!ers,
le serpent est l'animal omnipotent que l'on craint et révère en mème temps, et pour cause. Il
est l'incarnation de la force divine propriétaire des marais53 et gardien de toute vie qui en
dépend.
Plusieurs esprits animaux dont les fourmis et les pachydermes54 sont portés sur la
scène dans A Dance of/he Fores/.'l' au cours du rituel des morts; et ce faisant, ills illustrent
.IX. lïle HacclUle of Euripide...,', p. 268
,1'1. Eliade, Mircea. Le sacré el le pm/une, p. 99
50. The Hacchae (~lEur;pide...,', p. 289 ~ voir également plus loin, l'ambivalence du cheval.
'il. Ihid, pp. 291-292
2
'i .lhid, p. 298
'il
l'he .'IWWJ1{J /)\\l'ellc'f'.\\', p 9]
i l .. / / )unce tI./I//C /-lm;"I.\\', Il (î5
--_._---~-
.---~---_._----------------_
.. -.-----

:77
place d~lIl~ le sYlllhollsllle. Ilol~lIl1l1lelll vll;t1i~lc I.'csprll 1I1C;1fI1e Jalls l\\lIl11nal ~e Illalll!Cslc
souvent ~OLJS la lùnne d'lIll !Cu . C\\;~l 'lliC l'Igne c~1 Uil sVlnbolc JlISSI rcve!aleLJI 'Ille
l'animal.
1. 1. 5. Le vitalismc dc l'igné ct de i'obsclirilé
L'igné assume Je laçon lèmdalllcnt3k !e prlllcipe Ju vitalislllè ,bns !'iiTl;lgin~lirè
soyinkaïen ; et cela à travers nombre de ses Illodalites.
Le "ciel" qui se trouve dans le vin est une boule de soleil qui roule sur la langue. Le
fait est que le soleil qui JescenJ sur la vIgne symbolise Dionysos: "The SlLn touches the
vines on the slopes / And that is the goJheaJ":.'5 Dieu soleil car né du feu)(). Dionysos est la
flamme qui "rôde" la nuit dans les fourrés de la 1110nta~'Ile57 ; il est la "braise" dans les
foyers des Bacchantes: "Eternel ember in my hearth"58:
Dans A Dance of the Forest.\\·, l'énergie spirituelle qui meut la main de Demoke et
dont se réclame Ogun est un feu. Ogun est un teu, le feu qui participe à la création ou la
stimule. Mais encore une fois, c'est au cours de la cérémonie rituelle au milieu de la forêt
que l'esprit igné prend une fonne concrète. Le soleil y fonctionne comme symbole
archétypique : la rougeur des entrailles de l'esprit du soleil a la couleur de l'igné:
Interpreter: Spirit of the Sun! Spirit of the Sun!
Spirit of the Sun. Red is the pit of the sun's entrails59
55. Jïle fJacchae ojFl1ripiJ.es, p. 150
5(,. IhiJ.., p. 135
:.'7 Ihid., p. 365
5S IIJid., P 196
,q ," nW/CL' (Jjlhe j. ~m;sls, p ()(i
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~..---~ - -- --------_._-----------~------
~--_._-----_._----- -~---------_.-._- - _.-

élllllll!;lI qUI suggcre ;', la IÙls le Icu CI le pnllclIlc dlumc. clle rclevc dalls lous les cas du
nalurel cl e:-;l. cn lalll que leik. Uil sYllliJoie JailS le lileéLLre de ,')OVlllkél. LCIOUI. Illlage
ml:mc du ulurne, a cha les yoruba un dicu--Ulujo--llui selon le Plllksscul\\l"olabi régit
enlre ;lulres choses le principe 1UI1l1 Ileuxi ,d
La Iutmère du Il:u dionyslaquc' esl Ulle lumière "m:lgl(_llIc cl sa ill!L'''(' 1 CLlr clic
contlenr el projelte l'espril Jivin qu'cl le recèle. Dans ,/ /)UIIL'c' fil 1IlL' j.'iJ!'cs/s. la IUl1llère
solaire refuse, selon son I=:sprit toute "ombre. tout nuage"('2_ Dieu de la clalT\\~ absolue.
l'Esprit-soleil symbolise la vériré absolue_ Il s'oppose ainsi à l'ohscurité, phono mène animé
aussi de vie.
L'obscurité comporte plusieurs visages dont notamment la nuit les rénèbres,
l'ombre. Elle occupe une place de premier ordre dans le theàtre de Soyinka parce que
comme nous le verrons plus loin, elle est fondamentalement liée au rite_ lei, elle nous
intéresse dans la perspective du vitalisme_
Attendant la manifestation de Dionysos, les Bacchantes et les esclaves invoquent la
nuit comme libératrice car elle constitue "une grand chemin d'yew("63 dont les propriétaires
ne sont autres que les esprits--Dionysos ici--qu'elle contient. Dans the Road, il s'agirait
plutôt d'Ogun, le représentant transcendantal dans cette pièce, Il y est notamment associé
avec l'obscurité qui a "vomi" Murano: "Murano crawling out of the darkness From the last
suck of the death and Murano with the spirit of the god in him"64_ Ogun est dans l'obscurité,
60, Atolabi, Ojo, Op. ('i(., 173
(d 'l'he Racchae o/Furipicles. p_ 269
1>2 /1 Ounce of/he I;'ores(s, pp_ 66-(,7
(,1
/hc liUL'loilUe (J/FuriJ7ides, p_ 291
(,I l'Ile NouLi, p. 22.3
..............._........=;,;";0".
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pen,.'lIe cornrne :;lIhst:lflce 1.:1 111111 de Sllvln/":;1 :1 un cllrlls d:lns lr/ul'll"i'''' : l'e corps l~S' l','111i
d'( )gllil. Un comprend :tlors qu'en en sorL:tllL ÎVluri.lllO reste Illlprcgne de l'espm d'llgllil.
l'ml~ssnr peul <llnSI.luslell1enl qllalilïer f\\.·lurano J'''oll1hre'' : "Whal e~1I1 klppcn lo f\\.llIr:lIHI·'
;\\ shadü\\V in lhe / Valley 01: (SIC)"I,I,. i'viur:tllo esl unt: l)lnbre parce qu'li CSL Ill: ;'1 i:t 11HlrL
d'''espnt''67 pour le public rassemblé devallt chez Godspeak et pour qUI ce dernier esr mort.
L'individu mort devient élémenr d'une realiré existentielle où il ne peut pas avoir d'ombre.
II devient un être invisible, un fantôme: "Once they are dead they jusr won't show on film.
Same as mirror. They have no retlections and they cast no shadow"6x. C'est ce fanrôme-
ombre qui "mer en fuite" l'egungun "jaloLLx" entrainé devant chez Godspeak pour attesœr de
sa mort: seuls les esprits peuvent se voir entre eLLX.
Pour se prémunir contre l'effet négatif éventuel des esprits de la nuit, dans
Camwood on the Leaves,
Mourounke
porte constamment sur elle
une "pierre"
protectrice69. Et, ce sont ces esprits qui, à la tombée de la nuit, s'abreuvent du vin de palme
d'Elesin, et disparaÎssent avec le lever du jour : "Yours [Elesln's] was the bless of the
twilight wine, the puri that brings night spirits out of doors ta steal their portion before the
light of day"70. Mais c'est certainement avec A Dunce oj"the Forests que cette conception
(,5 Munre und ()lher Poems, p. 20
li(,. '/Y1e Roud, p. 205
(,7 I?equiemjàr Li FULUrnfogisl, p. 4.
I;l;. lhid-, p. 41.
(,'J.
(.'UlJ1wooc! (In flie f-euvl'S, p. 2 l ,
ln IJcUlli (mL! thL' l":illg\\ 1-/(lr.w:mul1, p. 21 1
---+._._+---_. .---. -------------- --------~- --._--_.,._----._.. _-------_._-
. - - - - --'---"'-'._~---.~_.
._--_._-~_.__. _ - - ... _--_.~._------ _._---_._-----._-_.
---~---._--
- _._+

()rlglll~lle. I.'esprit de l'lIhsL:urile partlL:II1\\:: ;'\\ I~I ceremOllle J~\\I1S la 1ilrd eL s\\:xprlille
Inll:;rpn:ler
Spirit 'll'Ihe Darkl
Spirit pl' Darkness
i\\'lpn: have 1 seen 1. Spiril
Of tht: Ourk,
Naked 1l1ey Ihumansl brL'<llhe wilhillille li
L'obscunté eSl Lbns la réal ité de :::a substance un phénomène naturel panieul ier qUI
rappelle l'air. L,a Iluit est cllvdoppanlc. elk èmbrasse Lout l'unl\\crs èl1\\ironncl1lcntal
lorsqu'elle se mani l'esle, L'air recèle cette potential ité.
I. 1. 6. Le vitalisme du principe aérien
L'air a en pl us du caractère enveloppant, ceux de la permanence et du mouvement,
propriétés qui. perçues sous l'angle du vitalisme, sont fonement significatives. En etfet, au-
delà de la diversité des formes que peut assumer la phénomène aérien (vent, tourbillon,
soutTe,etc.) et qui ne manque certes pas de signification comme nous le verrons plus loin, il
participe du vitalisme à divers titres.
Ainsi, dans The Bacchae of Euripide,\\' où Dionysos prend toutes les formes de la
Nature, il peut aussi résider dans le principe aérien. Le vent qui souffle dans la montagne
devient de fait Dionysos qui se déplace: "Who is the rustle of wind in pine forests, shaking
/ Winter into litè with green branches? It's he. Dionysos"72 La brise traîche d'automne qui
caresse la vigne et les STfapes de raisin, c'est également Dionysos. Ce pouvoir dionysiaque
est aussi propre aux esprits qui remplissent l'univers de Nequiem jàr (l FUlurologisl. En
effet, le futurologue indien venu au Nigeria il l'occasion de la "réincarnation de
71, .'/ /)I./I1CC (illlie !-'rm!sIS, p, 65
12. nie //licchuc' o(l''-lIri/) ides., p. 260
~i;""-_""""'"",,=~,;,;;"'';'';;;'
-;;;;;",,;;'-,;,;;-';.;:'--,;,,;;;---======

"Slron~
elll<.lnalions, lhe air IS l'ullol'thelll"':
Celle valorisaLlull de l'~llr ou du velll aboulit lill~t1elllL'llt a Ulle spllîluallsaUoll du
phcnolllène lui-même: l'air ne Ll)lllielll pas simplement Jes gardiens dil1ïclles ~l sallsl~lIlc
comme lé dit MaKuri ~llg\\Ve/,u·'. Jes esprits lJUC l'on accuse dc panialilC:', ou des esprits
que I\\H1 appelle au secours/(' . Il est IUI-Il1-:IllL un esprit. L1nc divinité, DaJls !Ile Nill1d. le
tourbililm J. en tOLite logique, Jes pieds
"When the whirwind l'laps his l'l'cr / Il IS the
sundering ofthe.,.nall1e no ills. "77 Le vent "respire" dans.cl /)uncc uf/he !"urcsts7~. "park"
dans /)cath and the King\\' Hursl!man t () et "~coute" dans Kungi's Harrest comme le dir
Danlola s'adressant à Daodu : Are you playing the lawyer to Oba Danlola. the Ears of wind
on dry Maize leaves?"~O Esprit vivant comme tout autre et de ce tait doté de pouvoirs
supérieurs, le vent ne peut jamais s'égard'I,
Le principe aérien est, à l'instar des autres composantes naturelles, un phénomène
vivant à plus d'un titre chez Soyinka. Ce trait de l'ima,ginaire soyinkaïen est d'autant plus
important à saisir qu'il constitue le fondement de multiples valorisations conférées à la
matière environnementale. Celle-ci représente par exemple à juste titre un chemin vital
7.1. Requiem jàr (J Futurologist, p. 31
n 'l'he Swump Dwellers, p. 109
75. l'he Lion and the .!ewel, p. 56
7(,
Madmen and S'pecialists, p. 226
77. 1ï1e Road, p. 150
7X. A f)ance o(the Fores!.", p. 36
71) Oeath und the Kil1g\\' HOI'.\\'emaJ'l, p, 152
!ln K{)ngi\\' f-!urvcsl, p. 104
:11, ,1 Ounce I~I//ie ;:{)res/,\\', p 35
,-;;;;-.;';• •';';;0'-.
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- ...
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-
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~-------- - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

entre
hum:11I1S ct lr:lnscendancc dans 1.111
CSrrif
rèclpmqlle
de ClIlllplcmcnl;llïlè,
dl'
CUlllInUllè, de comlllUUIOIl mystique.
1. 2. L'cnvironncmcnt ct la communion mystique
L;l communion mystique gràce ;'1 l'environnemenl coniën.: ù .:clui-I.;i, le rùle de
médiateur. Il acquiert Je 1~lit, un\\.: 1()Ilcùon de lype !Huel
humains cl 11;1I1sc\\::ndanœ
s'interpénètrent par son intermédiaire. Mais si dans le l<md. la notion de llléJiation garde
ici comme précédemment le mème esprit, dans son t()nctionnemenr. elle semble bien
revêtir des ~onnes diverses saisissables dans la particularité de chaque élément naturel.
C'est pourquoi, notre démarche
ici reposera, comme dans le chapitre précédant, sur ks
types de composantes environnementales.
1. 2. 1. La médiation du tellurique
La terre constitue un des éléments environnementaux les plus immédiats de
l'homme non seulement soyinkaïen mais également yoruba; un homme traditionnellement
lié aLLX activités agricoles, Dans le théâtre de Soyinka, la commnion mystique à travers le
tellurique revêt divers visages,
Le contact avec la terre en est une des plus importantes manifestations. Le contact
est communion car la terre est "vivante" comme nous l'avons vu. Elle recèk des forces
spirituelles dont l'homme désire la protection. Une des Bacchantes affinne ainsi dans The
f3acchue 0./ Euripide,\\' que "béni soit celui qui connaît les mystères des di.eux"~2 et qui
cherche le contact avec la terre. Le contact avec elle est en définitive une union avec
Dionysos, et elle cstj?yeuse: "Our joy! fs the grcatjoy ofunion with Mother Earth"~1,
X2
n'L' /Juee/lLle lij/;'lllï/)ides. p 247
n. /h,d. p. 2.65
.N~~-:;.::-:-_I---"-
...._------.-... -

Il:llllIlll~ de:-; PlîlH.:ipaks divlIllLc:-; de la terre Ikllll:ter. J'une part. cl l )Iî:-;a uku_ d';lulrc
pan_ dlvlllIlé yoruba de la ICrLililC du sol. iVlals le l~lIt Illlponanl ICI selllhk élre la valeur
protectrice que revêt la terre. Ln efl~L lorsque Sidl ïeVlelll sur seène loule en larmes.
"ViCllll1e" du renard l3awka, clic :-;e Jette ~I terre COl1lllle puur y chercher ràuge , LI
prolection de la mère:"'. l'vIais le mode de contact de Sidi avec 1~1 lern.: n\\':-;l qu'un parmi tanl
d'autres.
C'est Ù travers la danse. le COnt3ct des pieds, que cela se p3sse dans Kongi\\-
f-/arvesr'''s. Il est nécessaire iC1 cependant de ne pas oubl ier la valeur muel le de la danse
elle-mème. Dans l'he ,'l\\vump Dwei/ers. au-delà de ce qu'il revèle comme valorisation de
l'univers des marais.. le séjour nuptial du couple Alu-Makuri est un véritable rite
communiel avec le Serpent à travers la terre: le banc de la rivière est transfomlé en lit
nuptial, et la scène suivante offre l'occasion d'une communion réelle avec les marais:
Makuri : Do you remember? We did not know that the swamp came up as far as this part of the
stream.... The ground gave way beneath us....
Alu : [Beginning to laugh] Tt is ail beginning to come back. ..
Makuri : And can you remember that you were left kicking in the mire ... ha hal. .. you went down as
you were, flat on your back. And there l stood 100 king at you .. 86
Fait des forces des marais, les jumeaux nés de la grossesse suivant ce séjour nuptial, avait
la couleur des marais à leur naissance~n.
Dans The Roud, le contact avec la terre se situe bien également dans une
perspective de communion mystique. Proiessor rappelle à Samson la signitication de sa
position aérienne sur la chaise: "Yes, you seem a knowing man, cutting yourself from
X4. l'he !-ion und Ihe ./ewei, p. 52
X5 Kong;'s f-/arvesl, p. 67
sr,. J'lu.: Swump lJlvcl/c::rs, p. ~6
S7. /'uc. (:il. Voir ~galclllt:nt la section sur k manage i\\lu-Makuri.
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COllll1lPIl louch wllh c:lrth I{III :1 p:llh :I\\V:1\\· (mm :111 true COll1l11Unlon.
IÎlL \\Vord is rlol 10
he 1\\llJlH.lln denlal":'" I,e "Verhe" conslitue la l'caille Ir:lIbccnd:lIlt:lle lice ICI:1 la (erre. d
cellc-ci peul operer ulle CO III 1lllllll on avec celuI-la.
Le ritualislllè du cOlllacl est aussi clalrell1el1l exprime dans Oe(/Ili (Illd llie ;"':I11,!..!.'s
Hl/l'se/llU" cl flic Slm/l.!..!. iJl'c('r/ :lVCC une aUlre rl10dalité lellurique, k sable. [Il d'let. Jans
la prcl1lière pièce, lorsqu'Eksin illeurt la jeune Fille, sa derlllère épouse. s'approche de son
corps ct agit comme suir : "The gIrl ta~es up a littlc c:.mh, w:.llb l'almly inro lhecell and
closes Eksln's eyes. Sile [Jours some of the earth over eal'h eyelid and comes out ag:lIn,,:;q
Cet acte est d'autant plus significatif que peu avant, pariant de son mariage comme d'une
union avec la terre, Elesin atrirmait : "When earth and passage wed. the consumalÏon is
complete only when there are grains of earth on the eye1id of passage"<JlI Le sable sur lès
yeux d'Elesin symboliserait ainsi son appartenance, son intégration à la terre. Mais il y a
bien une ironie ici quand on sait qu'Elesin n'a pas asssumé sa fonction de "passage rituel".
,.
Dans un acte similaire à celui-ci, Eman sur la tombe d'Omae opère un contact, une
communion à travers la terre: "His feet sink into the mound and he breaks slowly on to his
knees, scooping the sand in his hands and pouring it on his head"91. La perspective est bien
ouverte ici. [1 s'agirait soit d'une pure communion, d'un acte de réminiscence par rapport à
Omae qui, désormais, est de la terre ou dans la terre, soit d'appel de la terre en tant que
tombe, demeure des morts--symbolisation, alors, de la mort certaine d'Eman.
Ainsi, pour ['homme soyinakaïen, la terre a une fonction religieuse. li accède par
elle, à ce qu'il y a de "réel" pour lui, c'est-à-dire l'essence mème du sacré.
xx The Noad, p. 158
:,<l f)calh und Ihe King\\ f-{IJrscmun, p. 219
')(1
IhirJ., pp. lXO-181
''1.
/ 'he SIrIJII,'.!. /1f'(:eJ, p. 144
-- -._----- - - - - -_._~-~--- - - ~ - ---- - - - - - - - - - - - - - - - - - - _ . _ - - - - _ . __ ._----.- - ---- --
.. - -.------------- - -

rvl~lis si le C()nl:lcl direct conslilue. pOlir l'homme s(lvlnk:l/en. un Illodc Ullpor!:lnl de
COllllllullion ~tvec l'esprit Iranscel1(Janl~J1. les sacrilïces deppses .')ur la !crre (HI les Ilballolls
l'ailes sur elle. Jes acles rltucls allcslcs. représenlenl d'aulres VOies J'c'\\pcrlence Je la
fonctIOn vilale Je la mC<.kllion de la terre. Ainsi, par è.\\Clllplè. craignanl la colère du Jieu
de la rouLe, Samson presse !\\:ulonu d'écraser un ehicn ct ~k: le lalsscr sur la rouI\\..' : ".IusI
over the dalllneJ dog and Ieave il tllc:re. 1 dOI1'! ask you LO SL()P and :,coup Il up Itlr J'uur l1e.\\1
dinner"')2. Mais comme un l'aperçoit bien. ces autres élémcnts environncmcntaux quc sont
l'animal et l'aquatique apparaÎssenent tant dans le sacrifice du chien que dans la libation.
Ce sont des rituels complexes qu'il parait judicieux
de considérer Jprès avoIr avoir
introduit le bestiaire et l'aquatique.
Pour ce qui est du purement tellurique, le théàtre de Soyinka met en scène la
réciproque de l'attitude de ['homme; car pour sa part, l'esprit transcendantal se manifeste à
l'homme par la médiation de la terre. Ainsi, dans The Bucchue of Euripide..., la première
fois sortant de la tombe fumante, ou la seconde tois échappant de la prison, c'est de la terre
que Dionysos, le nouveau dieu apparaît, "brisant" comme le dit une des Bacchantes, "le
plancher du monde"93, c'est-à-dire la surface de la terre. Ce déchaînement tellurique,
traduction de l'arrivée de Dionysos, est représenté comme suit:
[... Jike heavy breathing--in--outl
First Bacchante. Earth-
Chorus: -shake
First Bacchante
Earth-
Chorus: -Retch .... Breathe! Live! Blow upon the walls of darkness
Melt marble. pillar, take! Take! TAKE!94
"2. nie Nood, p. 198
'1>
/Ile lIucdwe ujFuripides. p. 274
"1. 1I11d., pro 274-275
..
~._----_
----~--_._ ..
-_._----
--. -;--------.-.-.:: ---.. --_.. __.._--------._...._----_._------------_._-------- ----- --- --------~~ ------_ .. _-

Invoque :llnSI pour qll'i1 vienlle "prendre" l)l~T1,l1eus qlll :1 IlSC 1111 mdlre lL's I1lL'noltes l:Cltl'
réapparitioll mYstérieuse est Lille sVlllhollS~lIlllll, :,111011 ulle ~t1lirl1laIiOIl de SOli statut
Dans /1 /)WICl' (I/111e 1'(Irl'sls, cc SOllt les Invités ancestraux llue l'un VI)lt utilisanl la
"VI)le" de la Lerre poLir répondre ~'l l'appel lleS humains
"Lhe soil ~lppe~lrs III he hre~lking
and Lile hcud of the Deal! Womun pushes ilS \\\\;IY up. SOllle lilslanœ l'rl)1l1 heL ;ll1lHher head
bcgins to appcar, that 0[' a man'''''. Dans Tih' !~(i(/d, rcbisanr l'c.;périence Je la poSSCSSiLW,
sous l'dTet conjugué de la musique et du Illasque, Murano est un "agemo 0mergeant des
entrailles de la terre"% En d'autres tennçs. l'esprit qui reprend possession du corps de
Murano est représenté comme sortant de la terrÇ,
En résumé, la fûnctlOn de médiation de la terre entre l'homme et la transcendance
se conçoit dans un double sens : de l'homme vers la transcendance et vice-versa, Ce
processus réciproque s'applique à l'ensemble des autres composantes environnementales
comme nous le verrons. Aussi, il faut retenir qu'ici comme ailleurs, la communion avec la
transcendance est d'importance pour chacune des parties, Du point de vue de l'homme elle
signifie avant tout source de richessse spirituelle et même matérielle. On en verra des
illustrations dans un prochain chapitre.
L 2. 2. La médiation du végétal
Dans la pensée soyinkaïenne, le chemin qui conduit de la terre au végétal est étroit,
car le végétal est fils de la terre. Et dans la perspective de la communion mystique, ces
deux éléments
expriment à un premier niveau, leur fonction de médiation de fàçon
'1:; /1 /)ance (1/1 hL' I:uresls, p. 7
'le;.
lïle NIJI.IL!, p. 116
- -- . _ - - - - - - - - - - _.. -- ...._---_._._--- •... _.__._--_._- -
-------,-- - - - --- - - -
- ----- -------
- --
- - - - - - - - - - - - - - - -

2S7
c'est Jans :,a Ji Ilërence avec la terre qUL' reslJe l'urisinailte de l'utIlisation qu'cil [III
Soy i nka. Le végét.t1 revêt dl verses lùnncs cOl11l11e nuu:, avons pu le \\'tH r. 1\\ chacunc de
celleS-Cl S';lltache un aspecl particulier de mcdiatioll. (\\~pL'nd:.lnl, nous l:.llsserons ICI Je cùtc
la rlJrèl qui dans l'il11agin~iirc .')oyinkal"cn Il)llClIOnnc plus Cl)Il1II1C un es\\xlce rituel.
L'arhre el les autres composantes Individuelles de lu r'orèl constituent il SOIl Illlage
maiS à leur manière, des chemins appropriés de communion enrre l'hollll11e et la
transcendance. La cime du grand arbre accueilk les "messagers du ciel" dans /1 OUI/CC II/
the Forests'J7, et le poète entend la VOIX de ses ancèrres dans le teuillage des arbres·
"Hearing / Voices of our dead ln Ieaves rheir presences / Have nourished. in more than
foliage essences"l)s. Dans The Baee/we oj"Euripides, le contact sous quelque tonne que ce
soit avec les attributs végétaux de Dionysos constitue une quète soit de l'énergie soir de
l'esprit divin: "Blessed are they .. .! Who bear the thyrsus, who wield the holy wand of god /
Blessed are ail who wear the ivy crown ofgod"99 Ceux qui portent les feuilles de vigne ou
le thyrse, cet "arbre de vie"loo, sont bénis parce qu'ils vont à la rencontre de Dionysos qui se
trouve dans le végétal de façon intentionnelle:
Leader: There is power in his thyrsus, Fee!!
It pulses. Fee!! It quivers and races with sap.
Throat, tongue, breast, caJJing forth the powers 'of litè
Hold him, embrace him \\ 0 \\.
<)7.
A Dance of/he Fores/s, p. 43
<Js...1Shu/tle in the C'/~VP/, p. 14
nie
qq
!3aeehue n/r'unpidcs, p. 247
11111
Ih/ll., P 11'2
1111
Ih/(/., P 251

Ullll/lIèlllL'fll l\\.:,'(éculioll
J'urie UCllL' ~1~r1colc . c'es/. ;H1 hout Ju compte li 1lL' unlOll avec
Pro icssor a Cèrl:ù nel1lCl1l COI1SC (Clleé Je celte lùnclilln Ju végéta kil"lJrc. q uanJ au
cours ...k :;a quête, il ~KC()rJe UIlC alLcnlton particulière ;'\\ j'arbre
"[\\/Iy i:l\\ourilc palhs arc
lhosc lTicklcs among green Illslncsses. l)fl wl1ic!l \\vholc lorcsls ;HC hrokcn up
"!(I~ Nous
éludons ici l'élément :.tqu:.ltique Sur les lieu\\: J'accidents. Professor surprend par c\\:emplc
les àmes de trois accidentés grimpant sur un arbrel(H Et lors de sn première entrée sur
scène sa description du paneau de signalisation comme manifestation du Verbe est
évocatrice de l'arbre: "This word was growing, it was b'Towing from carth until 1 plucked
it" !O), Le Verbe mystique de Professor peut s'imaginer comme un arbre qui croit parce que
justement, ['arbre assume bien la fonction de véhicule mystique,
Dans The Litm und the Jewe!, l'exécution par Sadiku de la danse de victoire de la
femme sur Baraka se déroule sous le grand arbre "Odan" dominant le centre du village106.
L'arbre constitue le chemin par lequel elle entend véhiculer son message à Sango, ou
inversement par lequel elle attend la participation de celui-ci à son rite de célébration.
Pris dans intégralité comme dans ses éléments l'arbre demeure significatif dans sa
fonction de médiation. C'est ainsi que le poème Alagemo au début de Ihe Road chante "la
dissolution" de l'agemo, c'est-à-dire sa disparition du monde sensible et sa pénétration dans
102 /hid, p. 256
111.1
'l'he Noue!, p, 220
111,1, /h/(I., p,159
I()~. /hid., P 157
i(l(,
l'he /.i(JtI und I/Ie' ./cwl'!, p, .:J{}

l'a ut re 1lllll lLk 111/
l'arbre porte égalelllent ulle signifieauon Illvstlque prulùnde
"Le morec~lu de bois
qu'cmpluic le sculpteur COlllllle mallcrc esl davalltage qu'ullc Slll1ple l·llllse l~~lr il prLl\\/lellt
Lie l'ahre, cc 'ehcmin des invisihlcs"'IO'J Devcilu Illasque, le II1llrL':C;lU de hUIS ~arJe :;IIlUIl
accroît sa r(1I1ction de "chemin des invisibles" . "The Ill:lsh: nlone occasionally sugge:.;ts ~l
correspondance to the chthonic realm and h1l11 at the archetypes of tr;:lnsition" 1 111 Le ràle du
masque dans le phénomène de la possessJOn--pénérrarion de l'invisible dans l'individu __
n'est plus à démontrer. Nous nous contenterons de quelques illustrations.
l'he R(lud fournit deux exempks dénués de toute ambiguité. Dans le t1ashback sur
l'accident survenu à Murano, l'intérèt des deLLx amis pour le masque que ponait l'accidenté
était initialement pour tromper, (tel Eshuoro .dans A Dance of Ihe ForeSf.\\· par rapport à
Forest Father), les meneurs du rite afin de saliver leur vie. Mais lorsqu'au moment crucial
Kotonu le porte, il devient inéluctablement un eglUlgun, c'est-à-dire, possédé:
The whipping and chanting become more violent aiding the god's seeming possession .... His
[Kotonu's] struggles become truly fTantic, full ofviolent conrortions. Gradually, he grows weaker and
weaker collapsing slowly on the ground unril he is completely inert 111.
Ce masque est d'autant plus dynamique et fonctionnel qu'il a "goûté" au sang ll2, au sang de
Murano qui alors était, de surccoît, possédé.
107. l'he Roud, p. 150
IOX. Voir section sur le rite de communion: la valeur médiumnique du Totem de Demoke.
10'1. Jahn, J., Op. Cil.. , p. 177
110 A/~\\lIh. Utemllire Cine! the Ajï-icClI1 IVorIJ, p. 155
III. l'he /?uue!, p. ]Ol)
112. 1\\I(llabl, Ojo, ()p. Cil., p. 244
.
"------_._._.-
.__....._----------_._----- --------.~---~---_._
... _.- --
- - .. _-_._-----------. __._- --- - ---------_._----_._- ------_.

j>~lr ;llileurs. --:1 1'011 conVient :.Ivec .I;t1m .1;lI1l1eln/ lille le 11l;lsqlle n'e--:I l'0Il1J11c1 que
dans SOlI associallOll avec le dallseur i 1;. alors Ioule 1';llllluLle de rvlurallo. 1':I~elllO Cil
suspension. quand il aperçoille Illasquc ellc prend, devlelll Illlelllglhlc d e,\\pllc;Jhk
Say Tukvo
Illis voicI.: suJJl.:lIly aboye lile Jilll
Say, wlias wrOll~ wilh Ihal kid \\ i'v1 urallu)' , 1le sure
il\\':lillg l'unny Iii CULS :ICrosS 1hl.: Ilois\\.'., Ihey llIoslly IUIïl Il) luok al i\\lurallo \\v,ho has ~\\'\\.'Il Ihl.' Illask and
lilicd Oui, his Llcl.' wmking wilh ;In dJ(lIï \\11' Ille Illlncli i / ci
Celte lransli.mnalioll équivaut :l la rcillcarnallon en i\\.lurano de I\\..'spril d'()~un que
"réwllk" le masque C'~st dans celte 111èl11c perspective que le masque e.\\iste Jans./ Ounce
olthe Foresl,\\', où Il apparait comme un langage théâtraL permettant la représentation des
diftërents esprits de la nature au cours la fête des morts: "The interpreter moves and masks
the three protagonists. The mask-motif is as their state of mind--reslgned passivity .... As
each spirit is announced, one of the Imman three becomes agirated. possessed and then
pronounces" 115. Les divers esprits viennent ainsi, par le chemin du masque, habiter
successivement chacun des trois humains le temps de leur témoignage.
Sous quelque fonne qu'il apparaisse, le végétal occupe dans l'univers soyinkaïen,
une part essentielle dans les rapports de l'homme avec les forces cosmiques. A ce propos, il
convient de noter la prépondérance du produit de l'arbre, du végétal (tubercule, graine, vin,
etc.) dans les sacrifices offerts par l'homme à celles-ci. Ainsi, dans The Swamp Dwellers,
les sacrifices fait par Ig\\vezu au Serpent via le Kadiye constituent tout un langage
mystique: "And ever since r began to till the soil, did l not give the soil his due? Did l not
bring the tirst of the lentils to the shrine'?" Il''. L'offrande des fruits de la récol te aux forces
spirituelles régissant la tertilité du sol est à la tüis un acte de relperciement et un acte de
II11h
Jh'''h''
' , .
19
.. a n, a n emz, Op. Cil.. , p.
.5
Il.1, lïu! /?()wi, p. 223
Il:i .'/ Ounce: lIlliL' /:(/rc.\\'I.\\', p. 64
11(,
l'IN: SWl.lfIIfJ Owd/c:rs. p. 1(Ji)

C(lllllllllllil)1l , clic p;lI"llClpC ;', /;) consol,dall'JIl des liens L'llsllllqlles de l'IhlllllllC Il' n\\1e .Ie
la prclllicrL' Igllallle tellc que présente Jans "'·(lII.t:.[\\ IIU/Tt'sl releve J'lill Ici cs Ilfi 1 l\\.cllllse
au rol--l'Oba--l'ignallle est all I(JnJ destlnec aux ancêtres JOIll n;1 UH:I csl le rcprcseillaill.
Cc n'est pas le roi qui, Je biL la conSOlllllle maiS les ~lIli..:èITes. grücc au :'\\Illbollsllle Iïlue!.
Ainsi. venu des mains de la cOllllllunaute. i'igll~lIne cornille les graines Lf'lg\\\\C~éLL Jlleigllelll
la Iransccndancc, porteurs de leurs messages respectifs
Le prouuit uu végétal peut être Lill tluiue, c'est-ù-Ji n~ relever ,Je 1':lqU:J[It]Uc, CCL
autre élément naturel regorgeant de fonctions mystiques chez Soyinka
1. 2. 3. La médiation de l'aquatique
A l'instar des autres composantes naturelles la plupart ues modaliks de l'aquatique
trouvent dans l'imaginaire soyinkaïen une place dans le tissu des rapports de l'homme avec
les énergies cosmiques,
Le vin en est l'une des figures remarquables. C'est particulièrement dans The
Bacchue of Euripides et The Roud que le vin joue cette fonction, Le vin de raisin est à
Dionysos ce que le vin de palme est à Ogun, La présence de l'un ou de l'autre breuvage
implique significativement l'une ou l'autre divinité. La consommation est un des principes
qui rendent compte de la fonction de médiation du vin,
Dans le rite dionysiaque examiné au début de notre travail, nous avons noté
l'importance du vin dans le double processus de communion--sociale et mystique. Nous en
rappellerons seulement ici les grands traits afférents il la communion mystique, tout en _
soulignant la fonction vitale du Berger.
La consommation du vin de raisin prend la forme d'un acte rituel ; elle traduit
l'acceptation en soi mèmc, voire l'ouverture de son are :lU divin. I::t sa finalité est de libérer
l'homme des att~lches terrestres stén les et il; conduire dans l'univers éthéré, spirituel, uivin

welgh dO"'ll the cthereallllan"ll i
SI Dionysos e:;\\ le Vin, le Ikrger esl celui par qUI la dlvlIlile altelnl les esclaves,
symboks de la tyrallille de Penlheus. En dlcl, un peu ~l l'image Je son sVlllbolÎSlllC Ilalurèl
de nourricier, le Berger accol1lplil L1ne loncllon vilale ici dans SOll rôle de l1IeJialeur enlre
la !11ontage d !L: paLus Je PeillheLls, enlre Dionysos c[ les c::clave~< Cl lïnalélllenl pJr
rapport ~\\ sa relation avec lé vin. Dès que commence l'action, il appar~lIt [Ou[ Je suile après
Dionysos. Pendant que celui-ci s'immobilise tel une stanle, le !3erger tend aux esclaves une
jarre de vin, comme pour leur dire: "ce vin que VOLIS buvez, le voici devant vous" C'est
clairement par le Berger que ks esèlaves découvrent en consommanl le vin, loule la
positivité de Dionysos: ce que, lorsque Pentheus meurt des mains des Menades et que son
sang se transforme en vin, ils vivent réellement et dans l'exhubérance totale : ils
communient àvec Dionysos, avec les valeurs essentielles qu'il incarne.
Dans The Road, c'est Murano qui joue le role du Berger, notamment au cours de la
communion du soir de Professor. Mais avec lui, on découvre d'autres dimensions de la
relation entre le vin et la médiation.
Le vin de palme, c'est la boissson de prédilection d'Ogun ; des "Sept gourdes qu'il
porte sur lui, deux sont réservées au vin"lill. Dans son travail quotidien, le malafoutier, "le
tireur de vin de palme", est en permanence en contact avec Ogun. De même, l'esprit d'Ogun
descend sur le serveur de vin dans les cérémonies rituelles et l'envahit de ses mystères. Au
pied du Mont [dame, le poète perçoit ainsi Ogun "monter" la serveuse de vin: "At pilbTfim's
rest beneath fdame Hill/The wine-girl, Jazed Irom divine dallying / Felt wine skein race
117 nu: /fucchuc (I/I';uripidcs, p. :259
liS. le/ulJl(; und {)I/IL'I' l'III.:ms, p. 72
------_._------- --_._-------_.-._-------~--_._-
------ - ------------

COIlSUllllllallOIl
du VIIL <"·\\:sl Cil L1uelque sorle cette CX[1ClîellCc du Pll'::lC L1l1C poursUIl
l'ro!l:ssor Jans /lw. NOlh! Cil lr;\\Ilslùnnalll i\\'lurano cn Illaial'llullcr cl Cil Scr\\cur de VIIL 1~Il
dld. SI en Murano, il llelll capltl' un dl cu qUI Il'esl aulre lJu'( )gull. alurs pcuh~lre lI U'UIl.lllUL
cciui-ci J0cidera-l-ii lie ::surIlr
pour parlagcr il: vill ;l\\ù': ÎUI)
KO(lHlll susgère cclle
!nstinct!ve!y ta his o!d trade. tapping '.vine !"rom trees"121. c;lche !a vé!"!te pius qu'!! ne !n
revèle, Car le jour de la communion, on nrerçoit hien qlle ln relation entre iVlllrnno et le vin
est des plus fondamentales:
The egungun has become rhoroughly possessed. Say Tokyo seeing this leaps at Professor, neatly
wrests the gourd l'rom him and smashes it against the ~à.r walL The figure is suddenly still. l~or sorne
moment they both stand motionless, làcing each other. .. " i 22.
L'egungun, c'est-à-dire Murano possédé par ûgun s'immobiiise net quand Say Tokyo brise
la gourde de vin. Il est tout près d'avoir commis un sacrilège: L'egungun le tue.
Comme le montre l'exemple de Murano, le fait de boire--le viü, l\\;â.ü Oü le sang--
n'est pas uniquement
un phénomène hu.'TIain ; les forces divines s'abreuvent également.
C'est entre autre chose, sous cet angle, que la libation s'incrit dans les rapports humains-
cosmos. C'est un acte par lequel les humains offrent à boire aux torces spirituelles, liées à
la terre comme nous l'avons vu. Donner à manger ou à boire aux ancètres opère un type de
contact qUi est néceSSairement d'essence mystique.
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Illrsquc Cbll' :\\ li/dl/lI'n 1/1/11 ,\\j'I'I'iitiISIS I)r /kro rl~lltl\\.~ du '",khol'.' la-has" ,;\\ :~()cur
,'il Ikl\\l s'cll1pn.:sse dL' verser Ju VII\\ a lerre l ,; : Ull :IL'le sans doule c/L relllerclellh':lll au:\\
l'orees Jc la lcrre qUI ont "prol0gé" cl ramené SOIl l'rL'rc ~I la Illalson. Dans unc aulre
perspeclive. dans /'IlL' Nowl. au Jéhut de chaque "CllllllllUIlIUll du sOir". l'vlurallu verse une
libation ;lv;lntloulc lkgustalion humaine du Vin
\\lur:lIl() ~Cl~ dOWl1lhc suurd hc~i(k !Jill1. IJru~lralc~
~lJiil~:1 iib:tliull 1" l~illtll TIICII (Ill')' 1,lh..: SilllSI .,il
wilh {Ill,ir (;ycs li\\l'd 011 I)ml' il\\\\iililil1S a si~l1all ~4
La lorCè divine abreuvée ainsi est sans doute Ogun bien que dnns la pensée yoruba il ne
soit pas directement lié ù la terre. Le ~à.it est que dans la pièce tout l'espaCé de la route se
confond. comme nous l'avons vu, avec Ogun.
Au milieu de la forèt de A Dance ({the roreSI.;;, c'est Murete que vIent abreuver
Agboreko. Pour cela, c'est à la base de l'arbre, sa maison, qi'il accomplit les libations:
Agboreko : [Sprinkles sorne of the wine at the foot of the [ree and Ieaves the pot beside ir.] It is L
Agboreko. Murete, it is L Agboreko that calls you ... 125
Lorsque Agboreko s'en va, on voit Murete qui sort pour s'abreuver du vin qlLÏ ici est du vin
de millet. Etant un esprit des arbres, Murano a pour taboo le vin de palme. Le vin de millet
en est le substitut.
Mais quel qu'en soit le type, la libation du vin constitue clairement l'établissement
d'un dialogue mystique entre humains et esprits invisibles. Telle est également la finalité de
la libation du sang cet autre tluide relevant de l'aquatique. Le théàtre de Soyinka en offre
plusieurs illustrations.
12,. A,1aJmen und ....;'pee/ulisls, p. 234
12'1
l'he Nouel, p. 222
12:'
./ nonee 1 ~ll!le 1.'l)re.\\/,\\', p. 14

1)~'ns ./ /)111/(\\' (1/ fliC !-u!"'.\\'!\\ c'esl ;'1 Ir:lvers 1:1 1,11:lllllll dl! s:tn~ qlle. prcp:lr;1111 lem
Îèle. ics vriia~eo's portent a iL! ClHlIl~lIssance du Pere de ia lùrcL ieur de'dr de ia presence
ancestrale .
OL"lIle.ii
YUUI peuple \\di.J~c lu i1cklluwieJ!,;c ihclIl. AIIJ .l'ci ,hl'\\' "lU diccJ Ulail IllY d\\\\cilill!,- ICCÎ\\CJ
df ïHHhillg but shl..",,:p\\ hl\\h,d :iiîd : gï<Hilcd :hciï I\\.;qu~~ll ,'()
LI': ~'l!1g \\i'_Tsé sur !'autel é!pparait sous !orme de langage !11'.SULJL!''': dan~ !'i\\utre monde ..'\\
Thèbe~ l)l! la s0chcresse tellurique apparaît (oml11e le re5ult~1l Ju reÎu5 •.k S~l(lî !ier ~lll:\\
dieu.': lêl, le sang Je I)entheus qui finalement arrose la terre est un langage en soi
Tiresias . Perhaps.. "perhaps our litè-sustaining earth.
DemandS... a little more... sometimes. a more
Than token ottèring tOI' her own needful renewal 128
Le sang est réeiit:ment fonàamemai àans ies rappons àe l'homme soymkaïen avec
la transcendance. L'être qui s'ouvre à Dionysos dans fhe JJûcclzl1c ojEul'ipides le sens dans
les "veines où il s'exprime à travers le munnure du sang"12f) Dans A Dance oj'the Forest",
c'est Demoke qui, sculptant l'arbre géant "araba" fait l'expérience de la possession d'Ogun
dans le sang!:;o.
Mais l'aquatique est également présent dans le théâtre de Soyinka sous forme de
rivière ou de pluie; et en tant que tel, iljoue un rôle dans les rapports hommes-cosmos. Le
passage entre le monde humain et le monde divin est dramatisé comme une rivière qu'il
faut traverser. Cest en traversant cette rivière que s'accomplit la dissolution de l'agemo
dans l'he Roud l j 1. Egalement Elesi n, dans Dwtlz und ihe King',)' J-!of'semuf1, est censé la
tTaverser au cours de son voyage mystique:
12(i. Ihid, p. 39
127 Voir section sur la médiation: le refus de la médiation par Penthells.
12X The l3acchae ojF7.lripides, p. 306
121)
/hic/., p.~51,
I,(J .1 1)I/nce 11/1 Ill: ;"111"(;.\\'1.\\'., p. 27
131
!ÏJe NUL/d, p. 150

1''';II'l"-,ill!~'.T 'l'Ii\\.' ;';11111<i.v"ll Il:1c'11l1 h,:;,,. l' 11<11 li,r ':':11111". ,j,nvil
\\1 Ille li,." <J(lssrn;J(.1 "" w;Ivsi(k t.:rllve
(lillv Ilile river lI\\ay knuw ils l"(1I11~Il\\S 1.J2
La gourde qu'il porte conllellL en cllcL. dcs Illessages ...kSlllh:;S a l'.\\ulrc i\\lonJe qUI se
trouve de l'aulre côté Je la rivière.
C'esl sans Joule ù la IUll1ière lk l'clle cOIlCepllt.l1l quc Se (0111prClld IllICUX le
principe selon lequel les chemins qui l'elicll1 l'univers sOLJ!CITain., (1cllleLlrc dcs allcètres, i
celui des humains :,ont f'::Jit.; de petits rLllsseau~, coulunt des caux prol()IH.ks en sens vertical
et sous forme de pluie: "1 tlowed through the hardened crust of lhis oldesl of the original
vomits [earth] of Forest Father"131, explique le Dead Man dans A /)(/I1ce 01 the /;ore,,'[.\\'.
Dead Woman, elle, affirme tout simplement ;l l'ouverture de la scene de Jugement: "Wet
runnels/ Ofearth brought me hither"134.
La notion de pluie acquiert sa fonction mystique dans une perspective similaire: la
pluie qui tombe est un chemin favorable au déplacement des esprits invisibles. Dans Ille
Bacchae of Euripide.\\', Dionysos pénètre les hommes sous forme de pluie que reccuillent
leurs mains: "Blessed / Those whose hands are cupped to heaven ! Theil' anllS shaH be
funnel for the rain of understanding"135. Ailleurs, lorsque s'ouvre la scène
rituelle de
réception des morts dans A Dance of' [he Forest,\\" Forest Father donne des consignes qui
montrent très bien le symbolisme mystique de la pluie:
Forest Father : [ take no part, but listen. Ifshadows,
Future shadows form in rain-water
Held in hollow leaves, this is the moment
For the wdcome orthe dead 136
132, f)eath and the King~\\' Horseman" p, 156
1.1] A Dance olthe roresls, p, 25
1.14. /hid, p. 60
1.1:\\. flle /1acc/tw: ojFurLjJiLies, p. 247
1;(,. ,1 nUl/Ce II/LIte /.'I)J·cst,\\'" p, 64

Lcs l1lons VOV:lgCI1[ par l'cau de pluie pOlir rq1(1ndrc ;1 1'111\\11:1111111 dll Pere de 1;1 l'\\)rèl 11(1llr
rejoindre le lieu de leur lëlc.
;\\ regarder les choses de pres, l'allilude du h.adlye dans l'lie SIIWJJ/' / ll\\·'//('1·.\\, par
rapport :\\ l'eau, e'est-:\\-L!lre SOIl voeu de Ile pas se laver talll que les pluies Ile S'~llTl:tcralel1\\
ras, laisse bien apparaître la dimension I(Hletlonllelle de j'cau. 1A; reFus de louchet ~'I l'cau
introduit \\a notion d'impureté Incompatible a\\ cc sa propre l()fJcllon, l1lalS C."q)llille
égalemènt une distJnciation pat rapport ~1LL" forces aLlu~ltiqllCS. L'insinuation d'lg\\\\c:lu scion
laquelle le Kadiye a pu ètre trempé par la pluie au cours de ses multiples sortI èS "rituelles"
deVIent c1:Jire . elle suggère que le voeu n'a pas été respecté.
Ainsi si l'aquatique est une des composantes naturdles les plus abondantes dans le
théàtre de Soyinka, il permet à travers ses diverses modalités àe pénétrer. de façon
plurielle, dans les rapports de ['homme avec la transcendance. Mais la médiation n'est
qu'une des fonctions symboliques de. l'aquatique.
r. 2. 4. La médiation de l'animal
L'animal n'appartient pas à une catégorie particulière au sein de l'environnement
naturel de l'homme; il occupe une place central dans le réseau de la force vitale: "It is
because ail being is force and exists only in that force, that the category 'force' includes ail
beings : Ood, men living and departed, animaIs, plants and minerais" 137. Ainsi l'animal est,
à l'image de autres composantes naturelles, une "force" ; et dans l'oeuvre dramatique de
Soyinka, il ~articipe du vitalisme, comme nous l'avons vu. Sa présence dans le processus
d'interaction entre humains et divinités va de soi. Certains des principes qui ont guidé notre
démarche dans les précédents chapitres restent de rigueur ici.
1 n
Teillpels, Placldc, /5LJflIli /'/li/o.\\IJ/J/I,I', p. 52

l'animal quclque,)()ll sa 11IorpholtlglC. I.e ~'tllllaèl IILI Ic port de la peau Ju l~lll\\'e operc :llnSI
symhollquement ulle eOlllll1Unlllll avec la dl\\llllte l\\.adJl1os ell porle ulle COlllllle Sy'lllbolc
de son adhésion il la cOII1Jl1unaulé Jlllm:-:l~lqueiiS. Pllllr ièllr parC C'CSl ~l travers Jes
divinit0
clic portent dèS ce!ntures de serpents vivants;;". :t1laltcnt des louvet:lLlx llll, etc.
Cette attitude, qUI pour le Berger appartIent :1U monde du r~vc., constitue Sllns doute l'une
des meilleures expressions du symboiisme de l'animal dans sa fonction de médiation.
L'originalité de l'utilisation de l'ammal réside cependant à un autre niveau; celui
auquel il assume sa fonction mystIque dans la mort. L'homme fait le sacrifice de l'animal
dans la mème perspective fonctionnelle que lorsqu'il fait ia ilbation du vin ou quand il
dépose la nourriture sur la terre. La libation examinée dans le précédent chapitre évoquait
déjà l'animal, car son sang versé sur l'autel contient son principe vital. C'est l'animal lui-
même qui nous intéresse ici.
Dans The Swamp Dwellers ce sont des chèvres et
des poulets qu'lgwezu offre
sacrificiellement au Serpent-dieu141 Dans The Road, c'est le sacrifice du chien qui est
accompli. Le sacrifice du chien, nourriture préférée d'Ogun, est la réactualisation de son
drame originel.
Dans le tlash-back montrant ie rituel des chauffeurs, apparaÎssent ies meneurs du
rite portant un chien sacrilié à Ogun. Mêrne accidente! le meurtre du chien est un acte
ï.lx
Voir section sur le rite dionysinqll~
11q l'he !face/wc u/r:uriplc!es, p. 279
1111
!.uc. ( 'il.
III.
/'Ile -"'W'U/Il/) /)wdfcn, p. 1()t!

()gull:-;a I\\ourrilurc Cil ccra:-;ant lIll ChICI\\. I.'espacc dc LI rllllle cOII:-;llluc Ulle :-;\\lrlc de tel1lple
nguillen. De sorte même la ll10rt humainc s'v translllrlne Cil :-;acrilïcc, prolelallt l'Individu au
rang de "chlcn ogunlcn". 1\\lnSI. au cours dc l'aceiJelll survenu a IVluranll, KoLonu I\\e peuL
voir Cil lUI qu'un ehicn uctelïllinc ù IllOUrir SOUS les roues ~k ~ion Call1l(lil i I~
l'ouI cela es!
repris pêlr l)rorcssor lorsqLl'il uccril Murano.
Kllll'nu
II' r mayas!':, Prnll.'SSllr, wherc did you Jincl iVIUlaIl11"
Protcssor
Ncglected in the back of a hearsc. And dying,
lvlo;lIlcd like a do~ whose legs h<lve been broken
Sv il motor car l'b
Dans ses plaintes contre Kotonu, Samson refuse d'être un jour, un chien mort sur la roure.
On retrouve la mème tendance à ['assimilation dans Ihe Bucdlul! 0/ Limpides.
Lorsque Pentheus meurt dans la montagne, c'est un lion sacrificiel. Le déchirant èn
lambeaux, sa mere n'entendait que les gémissements d'une "bête" 1++. C'est la "bète"
sacrifiée à Dionysos, le tribut qui lui est payé : "Behold our offering / To this year of
Dionysos. We tracked him down.... We caught this beast, we brought him to the altar" 1+5.
Tout Thébes est invité à venir communier avec Dionysos autour de la "tète du lion", car
elle lui est dédiée.
La mort de l'animal ne relève cependant pas toujours du sacrifice ainsi défini dans
le théâtre de Soyinka, quoiqu'elle demeure dans la plupart des cas saisissable dans une
perspective mystique en raison à la fois du cadre rituel èl du symbolisme propre à l'animal.
Ainsi, dans J)eath und the King's Horsemon, la mort de l'étalon et du chien du roi joue une
fonction de médiation mais seulemènt à l'intérieur de la signification du passage. Le -rôle de
142 The /<ood, p. ~08
1
1.1 . /hid., p. 186
1·1·1
l'he /1occfzue 1I/!~'llri{Jides, pp. JOO-30 1
11-;
/hIJ... [J. .302

ces ;lnll11;\\ll., l;~;I, conllne 1l1l1lS 1';lVOIIS VIL de conduire (111 de lenlr C()ll1p;\\~~nIC ;1 I-:lcsul <I;lns
son vovage llIystlque cl. le cas cchéanL dc sc suhstituer llllalnlenl;1 lUI
Ivalol'l
They Ipeopk III U~(lgbolhavc ~Ialll Ihe 1~IV(llinle l\\(lI~e ,,1' Ihe Killg alld ~Ialll his do~ They
have hOille lhem ti'oll1 pliisc III pulse CCliiI''' receiving tlleir "ravers l'or I-..illg Ihil Illl' rider 1 U,'silll has
choscn lo slay behind l ,le)
Ces animaux connaisscnt le cÎl,,'lllln de 1',\\u-,kl;'L peUvelll .' condUire l'Ih1lllllle ou y porler
Profcssor lui, cherche l'envol spirituel, le l'helllin qUI conduit ~u Verbe,
L'animal connalt egalel1lent le chemin invèrse, et peut 3insi ~tre le Illess;lger de
J'invisible, Le chant lyrique d'Elesin raconte l'histoire de l'oiseau "P3S fVI01"--Not-f-Bird--
comme le messager d'] fa. le dieu yoruba de la connaissance, de la divination: "This sudden
care was not for Fawomi / But Osanyia, a courier-bird oflfa's 1 Heart ofwisdom" 1.+7
Dans la valorisation fonctionnelle de l'animal à l'intérieur du processus des rapports
divins-humains, le serpent tient une place primordiale, Le serpent est une hiérophanie et
quelquefois même plus. L'écJair de Sango représente le language du serpent cosmique qui
n'est alors autre que Sango lui-même : "Sango, dispenser of / The snake-tongue
lightening" 148, Dans The Swamp Dwellers, la divinité principale locale est un serpent
cosmique, créateur et régulateur de la vie dans les marais.
Ainsi, pour l'homme soyinkaïen, l'animal est lui aussi, au coeur de ses rapports avec
les énergies cosmiques. 11 accède à ces énergies en sacnrianr ou en cherchant une certaine
proximité avec lui, Car, la transcendance peut prendre la forme de l'animal ou s'incarner en
l,II" J)eulh and/hl' King\\- !f{)rsenwll. p, 217
1,17
IIJiJ., p, 151
Il:,
J'Ile I.ion und I!I(' ./cwcI p, 47

~() 1
sOlillatlee ll " car UIOIlVSOS esl ~llISSI dans l'abeille.
1. 2. S. La médiatioll <lu principe aérien
DallS i'imagillallè SOYlllka"lcll, le pilellomenL: llalurel qu'csl l\\lIr sc Irlluve eg~liel11elll,
diflèrence Je la plupart Jes autres phénolllè;ncs, il ',elllbk que b 1()nLtion de mcdiatlon
mystique du principe aérien se réalise plus sigmlicatiwmenr dans le sens de l'inVIsible vers
l'homme. II en serait ainsi parce que d'une part, i! évoque !e souftle, expression de l'essence
de la vie dont seuls les dieux sont les dépositaires, et d'aU[re pan, parce qu'il panlcipe d'un
principe fondamentalement divin: invisible, il est cependant existant et très manifeste:
"There are air-paths unknown ta human sights"150, dit le poète dans fdunre.
Ces chemins aériens invisibles pour l'humain sont ceux des esprits, des dieux. Au
milieu de la forêt de A Dunce vf the Fvrest.\\', les "morts" sont attendus au rituel mantique
par "la voie des airs" : "Tf the banana leaf 1 Shreds itself, thread on threaci .. 1 Don't say it's
the wind. Leave the dead 1 Sorne room to dance"!51. Dans ses déplacements paisibles
comme au cours de ses raids punitifs, Oro le dieu yoruba de la punition, emprunte le
l52
chemin du vent
. Et dans The Bacchae of Euripide.\\', les invocations des Bacchantes à
l'endroit de Dionysos indiquent que la divinité fera son apparition par la médiation de l'air:
Leader. Bromius, come, COME! Be manifestl
Various : - Come from the mountain forest. ..
- Leap trom a whirwind dance 153
I~'} l'he lJacchae ojFuripides, p. 250
150 Idunre und Olher /)nems, p. 74.
151. A Dance of the Forest.\\', p, 36
l:i~. //)/(1., p. 44
l"~. l'fw /fUCCilUL' o/Ftmridcs, p, 174
. ----_.._-----_. _.... ~- ------------•..--: ... - .. --.. --_. ------.
~'''''-------------------

Dc mémc .. l'cspacc cL le Vl(k, évocaleurs Je l'air, apparticllllClll IOUl autanl au reg ne
iCli f)anlola sont dans lé vide l ';", d:ms l';uï, invisihks qu'ils snni
En résumé, si l'air constitue un des chemins privilégiés des esprits invIsIbles dans
l'Imagmalre soymkaïen, il semble qu'il le SOIt surtout à des moments ou dans des espaces
bien prècis--rituels notamment. Ûn compre.nd maintenant aussI pourquoi dans lite Slron,!!:

-

-0
BreeJ, ta position aérienne d'Eman pris au piège dans le bois sacré n'esI pas du tout une
situation bénéfiq ue pour les villageois.
J. 2. h. La médiation de l'igné
A travers presque tous ses modes d'être, l'igné joue dans le théâtre de Soyinka une
part essentielle dans le système de communion mystique. Sous sa modalité lumière, son
rôle y est souvent celui d'une technique dramatique, mais cela n'occulte pas son
symbolisme mystique.
Le dieu Dioilsysos dans nw Huc;clu.œ (JI L'unpùles se joint aux humains et les
pénetre sous forme de feu: il renait de la tombe fumante de sa mère, se manifeste dans le
151
Voir section sur la médiation tellurique
1';.';
!Ù:(/Ilicmji)ru hlluro!()gisl, p. 32
\\-;"
f:ung,':; 1/01'1'csl., p. 67
----"'---~~~=======

30;
Vll1 par 1:1 llledl;lllon du solcil ;JlÙl d'circ hll
"()h, Ici 111:'; ILil1ll~ hum gcnllv ln vou"! ,i
I.e
ku qlll gil dans le cueur
ou le sang Je l'adeple est le sl~lle dL' la presellcc Cil lUI de SUI)
dieu, Cll/llllle I)emokc. quI, possédé par <. )gUI1, le senl dans ses m~lIns (l'mille un Icu. Cc
Icu-dleu est Ull ieu abslrall , mais mème lursqu'li prenJ 1I11 visage
precis, le iCu garde
lOUjllLlS son sYllIl10l isme roncllullllel.
L'celair est aillsi Ull langage cosmique que l'initie (l)lnprenJ. Dalls thL liUCC/J,/,' ni
FU!ïj'ide'S. il est la !l1amfesrion de Zeus, car !e tonnerre qUI l'xcompu:O;!lc est sa VOI\\; qUI
souhaite souvent la bienvenue il Dionysos, son l'i1s 15K. On peut noter que dans // ()UJ1CL of
the r'uresrs, le tonnerre est le rire du dieu yoruba Esumarel~') iVlais c'est sans doute en tant
qu'attribut de Sango que la modalité éclair peut-être conSidérée comme étant rédlement un
langage divin, "As Sango \\Vas angered by the people of earth i Till \\Vith the language of
lightening i Does he converse \\Vith man" 1(,0. Le mythe racame qu'au début, Sango était un
roi puissant, terrifiant et tyrannique. 'Lorsqu'il s'adressait à ses sujets, il sortait de ses
narines et de sa bouche du feu et de la fumée, symboles de la puissance et de la terreur qu'il
inspirait. Mais à la fin, exaspéré par le comportement de ses sujets, y compris ses fèmmes,
qui supportaient de plus en plus mal sa tyrannie, Sango monta au ciel. De là, il répondit à
son peuple qui le suppliait de revenir qu'il règnerait désonnais caché. Dès lors, l'éclair et le
tonnerre devinrent les manifestations de Sango commandant, ordonnant ou punissant de
puis ]'au-delà I61 .
Reievam du divin, l'éclair peut aisément être une voie effective pour l'homme qui
aspire au divilJ. Au cours de son voyage vers le défunt roi, Elesin est censé suivre le
157. l'he Hacc!zae (~IEuripide.\\', p. 250
15K. /hiJ., p. 271
15() .. 1 J)L1I1CC of the /;'oresls, p 37
1(,(1 !\\()ngi',; lIIJn'l'sl, p. 140
1(,1. /\\ wolal LI, 0
J, Op. ( '/1" p. 34

"ChCllllll d'ècl;llr"j,..: {'cpendanl. on 11C :;:Iil pas C.,:lcIClncnl ICI <il :;':1 L; 11 du phenolllenc IUI-
mêllle (lU Je la 11II1IIère cclalralll le chellllil de l'I\\u-Jei;'1. l ,e 1~lll csl que la IUlllierc, celle
autre Ilwdaille ignee, est aussI .'iigniiicallvc quant aux rapports JivlnS-llLJIll<LIIIS dans les
Jeux sens.
Dionysos esl ulle IUlllière qui "couk" ou cil loul e;\\s \\cUI le I:ure. dalls les Illes de
Thebes. Pénétré par le /Cu dionysiaquc. le Leader des esclaves s'adresse ;Jinsi auX habllanls
de la ville
"Let your shabby strcds / Flow \\vith his lire. his lighr"!I';, Dionysos sc
manifestant sous torme de lumière, le I~lit d'allumer des lampes dans la montagne deVient
en soi un "acte votit"J(,4 : c'est Dionysos qui naît, devient présent et envahit l'espace: " l\\
woman / Bears a lamp and the ring of light that falls / Around her frame is magic. holy"165
La lampe trouve ainsi son symbolisme dans le théâtre de Soyinka: elle crée une présence
spirituelle, elle est une lumière spirituelle comme Rebecca l'est pour Brorher Jero selon ses
propres mots 166, De fait, les lampes que portent les tèmmes du matché en route pour le rite
de mariage de Sidi ne sont certainement pas uniquement des objets usuels.
La lwnière appartient totalement au phénomène rituel. Dans The Bacchae of
Euhpides, elle est merveilleusement utilisée comme support symbolique pour soutenir la
transformation "magique" du sang en vin:
A powerful red glow shines suddenly as if from within the head of Pentheus, rendering it near-
luminous, The stage is bathed in it and constantly From every orifice of the impaled head springs red
jet spuning in every direction 167
1(,2 f)eulh and lhe King~" Horsemun, p. 152
16.1, The Hucchue of Eurip ides, p. 251
1(i.1 , /hùl., p, 269
1(,~ /,()C Cif.
1(,(; .fern/s /\\;felUt/lnrf/!;o,I'IS, p. 178
1(,7
/Ïie !luce/IUL' O/!':II0(IIJes., p. -'J07

1.
COIIII~lil ;~l d111lC11:->lllll Sl'lIliLlClic, c:->i 11Il:SC:tic CUIllII1C :->L' !lou\\'~lIIl dall:-> L1I1C SPI le Jc IIIIIIICIL'
lumière n'el1 est œpcl1llant aucunemenl allerée
dans l'illlagin~lIll: :';0YlllkJlèll. l'élcclricilc
èst aussi sous la tutelle de Sango. le dieu du feuil,;j
A l'intérieur de.cette signilïcation de l'igné, le symbolisme de la lune ne réside pas
simplement dans sa croissance, il apparaît aussi dans la 1Limlère qu'eiie produit. Notons en
passani. que c1esi. Ù ~a faveur ue ct:lte iurnière ILLn~,tlre Llu'au cours 1
" • • • '
1
ue ~on InILlaUOn uans
C'amwood on Ihe Leaves, Isola perçoit la tète du méchant serpent qu'il traque. Dans un
autre type de signification, à la fin de The SH'wnp Dwe!fers, les rayons lunaires pénètrent,
comme issus d'un projecteur, la maison de Makuri pour mettre l'aveugle en vedette 170 Cela
est un symbole de l'optimisme de la pièce comme nous l'avons vu.
Cependant, c'est surtout dans Death and [he King~... Horseman que la lumière
lunaire est particulièrement significative par rapport à notre préoccupation ici, En effet, le
chemin de passage d'Elesin est imaginé comme un long couioir obscur au bout duquel se
trouve une lumit;re qui est edle de l'Autre monde: 'lis lhen:: now a lreak of Iight at the enù
of the passage, a light 1 dare not look upon?"17J. demande le maitrc dc cérémonie à Elcsin.
Ce dernier par contre peut et doit regarder cette lumil!:re qui est d'ailleurs ceBe à laquelle il
aspire. La lune y joue un rôle tonclal11ental car c'est sa lumière qui devrait éclairer ~e
I(,X
the N(J{j{I, p 206
l",!
/dunre und O/her jl()ems, p. 86
170
/Ïle .')'wump OYiiclfers. p. 112
171
neul/lund li/<' f..'I/I}:\\ I/IIJ'SI' 1111 /Il , p UÎS

cherchanl Jes excuses pOllrluslilïer .'iOIl échec. il revèlc cI~lIrelllelll la [l.lllcllOli myslique de
la lune·
Till." Illuon wa~ IllV Inc~scnger and :,;uide \\\\Il1etl il reacl1cd a certain galcway Hl 111c sky, il loucl1cd lhal
IllOlllcnl lur which IllY \\\\Ilwk lik l1a~ IlCCll ,pelll in hlc~,itl~,. bcn 1 do nul know lhe gale\\\\lay. 1 l1avc
s(nud herc and sCllllled Ihc ,kv li)f a !:?lilllpSl.~ oÎlhal donr L'ui 11.~;lIlIllll sel~ Il HlIIllan {~YC' .IIC L1sclcss
lor il scarch uf Ihi, Il;lIure ..
1 began ln Il)llmv lhc lIluun 10 IIIC .iI)()(1c or thc guds.
SCI·V'11l1 ur Ihc
while king IPilklllgSj Ihal
\\VilS
whell vou ,.:nll.~leJ illY cÏ1l)SCn IJlilCè ur deparLure Uil kcl ur
lk,ecral iun 1Tl.
Qu'il proviennt: du feu. de la lampe. de l'électricitè ou de la lune. le phénomène de
la lumière trouve pleinement. à l'instar des autres modalités Ignés. sa place dans le
symbolisme mystique du théâtre de Soyinka. L'être sovinkaïen obtient de fait dans le
phénomène de l'igné, une autre ouverture vers la transcendance. un autre chemin de
communion avec elle.
1. 2. 7. Du temps et de l'espace
Ne serait-ce que parce qu'il s'agit de théâtre, les notions de temps et d'espace sont
génératrices de sens. Cependant, notre propos ici comme dans les chapitres à vemr
concerne peu ces notions en tant qu'expression pure et simple de théâtralité. n s'agit
beaucoup plus pour nous de situer la place de quelques-uns de leurs aspects dans le cadre
précis des rapports entre J'homme et l'invisible. Les visages du temps sont assez divers dans
le théâtre de Soyinka. Mais c'est essentiellement à traves le phénomène nocturne qu'il est
réellement pertinent ici. Quant à l'espace, il se résumera à ce qu'il convient d'appeler "lieux
symboliques" c'est-à-dire ces espaces imaginaires qui chez Soyinka trouvent leur archétype
en l'espace rituel.
7
1 2. !hid., pp. 204-205

~()7
1. 2. 7. 1. Dl' la IIlIit : fOlU:tiolls ,"itlll'lll's d mystiqul's
l:ckll1cnL IllIlL esL aussI recurrcnt que la IUllllère quI. d~1I1S le tllc~itre de S()vlllk~1.
souvenL le suggcrc. i'vlals le I~IJL ICI cst qu'il -.:SL rond~ll11enLalel1lellL Ilc aux pl1cllolllcnes
spinLucls vOirc au rite tout court. Tous les ntes quc nous avolls étudiés prccedellllllcnL sc
déroulent la null : depuIs lés rites Iels le mariagc dans Iesl]uèls la dimcllslOn sociale CsL 111us
prc:poIlJ-:ranLC jusqu';} CCLIX tels le suicide dTlcsin pOUT lesquels les rapptH1S avec les
énergIes cosmiques sont plus all~rmés.
AInSI par exemple. on peut noter que pour ce qui est du premier groupe Je rites.
l'initiation sexuelle de Sidi dans lite /)on and {he Je1;Fel se déroule la nuit. dans l'obscurité
de la chambre de Baroka. Cette mème nuit a lieu son mariage avec lui. Et. Jans la structure
même de l'oeuvre, ces deux évènements sont représentés dans la scène "Nuit", la dernière
des trois scènes de la pièce. Les scènes du "MatIn" et de "Midi" en constituent la
préparation. D'autre pal1, le mariage de' Mack avec Polly dans Opera Wonyosi a également
lieu la nuit; et pl us encore, pour l'exécution de Mack, qui est d'ailleurs organisée comme
un rite--une sorte de Bar Beach locale--on aperçoit l'audience qui s'y précipite afin de ne
pas manquer le moment crucial à minuit l73
La signification qui sous-tend ces déroulements nocturnes est à ce niveau très peu
évidente. Il est difficile par exemple de trouver un point commun aux exemples cités ci-
dessus en dehors du fait que la nuit contribue peut-ètre à leur conférer une atmosphère
rituelle. En cela, ils indiquent une certame valorisation de la nuit que l'on découvre
pleinement aveç les rites ayant des rapports plus explicites avec les forces invisibles.
Dans Ille Nom/, Murano, l'homme qui incarne Ogun, ne revient sur la route que
lorsque tombe la nuit. "He'll come at the communion hour. When that shadow [the
uu.

"eOllllllunlon du sOir" de Pro/Cssor a JICU la IIIIl 1 Gli C'cSI le Ilhllllclll des lr:.IIlslolIll:IIIOllS cl
appanllons Illyslélîellscs L"est cela que CI111lhlle j'exprcssioll "grüce de la Illllt" donl parle
Prolessor ; car, cc qu'il allend ou espère ;l\\ cc Murano Il'cst lîen d'autre que cc Ilhllllenl
mystérieux où Ogun "sorllra" de Murano
i:l grande re\\cl:tllon, ceile du Verbe
"1 /Cel
powered tonight"17', note Prolessor ilHsqU\\':IlI'in., VOY:1Ill :vlurano j1oss0dé, il enlrcvoli
J'aboutissement de sa quète. Et, lorsque lllour;1n[ Prolcss(1r tinit de prononcer les derniers
mots de sa péroraIson, le chant funèbre qui conclut le rite Illonte de l'obscurité l !'' comille
s'il provenait des lorees invisibles qui peuplent la nuit.
Dans J'he .')'wwnp Owe/lers, le llash-back sur le mariage de Makuri et d'Alu révèle
que c'est la nuit qu'a lieu le moment réellement crucial de l'évènement. Makuri en
témoigne: "Alu, do you remember our wedding night? .... We went across the swamp
though it was so dark that 1couldn't see the wh.ites of your eyes" 177. C'~st la nuit que l'on est
plus près des marais, du Serpent; on ne reçoit mieux sa bénédiciton que la nuit.
Le rite de passage d'Isola dans Camwood on the Leaves s'accomplit également la
nuit lorsque de J'obscurité de la forêt, tel un egungun, il tue son père avec l'arme à feu; une
arme qui évoque aussi bien Ogun que Sango. Dans la perspective rituelle plus complexe
qui est celle de Demoke et de ses compagnons dans A Dance of the Forest.\\·, il ne s'agit pas
non plus simplement d'une initiation dans la forêt; il s'agit aussi d'une initiation nocturne.
La forèt de Demoke est à l'image du gouffre transitionnel dont sans doute la notion
de "Boîte noire" dans la terminologie de Dominique Zahan évoque mieux le contenu
174 The Noud, p. 186
\\75 Ihid., p. 127
l7(,
1hid., p. 229
177
Iï/(: SWUtrlp Owcllers., p. X5
----.._---- - - - - - . ~--~----_.._---_._---_. __._--------_.._-_...-.--- "-

nocturnc. I.c:-; êtrc:-; qllc :-;0 Il 1 L'lllrc autrcs Ugull cl I~:-;Iluorl) ct au:\\qucls il [~lit 1:lce sOlll des
lùrccs splrlLuelles, c'csL-ù-JIn:: p;Jr délïnllioll apparLellallL ~'I l'invlslhle, au G1C110, ~l la 111111.
!VIaiS OuLre cela, il 1)UIICc' 01 Ihc j.Ol'csts olTre ulle très helle 1Ilu:-;LraLilHl de la
pluridilllcllSlonal ité Je la 1lL1I!.
En dTeL, au cours du Iîluel mantique Lenu au milieu de la ,'or-:l p;Jr /\\gbordl), les
ancètrcs sont attendus j un moment bien particulier de la nuit: " A wuch, ill Ihe l'OundeJ
moment orthe night! And the dead retum to lite"17'), Le fait est que la notIon de nuit est
dans l'imaginaire rituel de Soyinka, un concept vaste comportant des niveaux. Minuit--midl
aussi--est en l'occurence perçue par la pensée yoruba comme un instant particulièrement
significatif:
The two points of time. midday and midnight.. were periods. though indefinirely brieC when one
could see wonders, whether in the dark torest where animais and trees metamorphosed, or near rivers
where mermaids made known their presence, or in other out-of-the-way places where myriads of
spirits paid a flying visit to this abode ofman., the earth 180.
Soyinka s'inspire de cette conception dans son théâtre. Ainsi par exemple, dans Camwood
on Ihe Leaves, Mourounke, la compagne d'Isola, lui révèle à propos des escargots qu'ils
chassent que: "midnight is the best time to get them. That is the time they go out:to,L-_.
rnarket" 18\\ , Mais c'est surtout dans la perspective rituelle que cette dimension de la nuit
apparaît de façon significative: instant de réalisation des mystères de la vie, instant de
déplacement des esprits, etc., minuit constitue le moment propice de communion entre
l'homme et la transcendance.
17H. Zahan Dominique, Op. Cil.. , p.. 66
17q A Dunce liflhe roresls, p. 37
1~1l ;\\wolalu, O. L Op. Cil.. , p. 199
I~ 1. (',l/rl'vI'(j(Jd lill the I.culles, p. 96
-
.. -,-- ---_._-----_.__ ...~ --... _... -._..__ ..._.--- _.. _--

L:st pcn;u Clllnille "Uil rL:foul ~'l l'onglflL:. le SOir, après ulle .l0ulllée hlcn ~lccol11pl\\c"IS.,. :;c
LlL:rolllL: IlldlSCl.Ilahkllh':lll ia Iluil. Ju mOlrlS dans sa parlie cruciale
"1 (llllglli our hushanJ
anJ Lullcr \\Vii 1 pro\\ c hilllScl r grealer lllan the la\\vs 01' slranger". Jlsent les lemmes,
Iwrgualll .'\\lllusa IS '
i\\·lals lorsqu'il est Ilnaiement arrété Cl IllIS en prison par I)ilklngs, on
perçoit quc bien quc de\\'alll ~l\\'l)lf lieu la nUit. le \\'oyagc Ill\\slique d'lJesin nc p(lllV~\\It
commenccl' avant ()u après minuit, moment \\ll! la iune est ,1 son zénith:
Eksin
[To I)ilkings] You élre waiting tor dawn, white man. [ ht'ar you saying ta yourself: oniy 50
many hours unti\\ da""" and the danger is over Ali 1 must do is ta keep him alive tOlllght. \\' ou don't
quit.:' understand it at ail but you know tonight is when \\Vhat ought to be must be brought about. 1
shall ease vour mind even more, \\!,hostlv ane. It is not an emire night but a moment of the niv:ht. and
that mom;nr is past 184
~
~
~
-
Le rite d'Elesin trouvè son sens dans la mesure où il se passe à ce moment particulier de la
nuit quant la porte du Ciel est toute ouverte et éclairée par la lune dans toute sa splendeur.
Cette notion de "moment donné" de la nuit est également d'importance dans lhe
Strong Breed où il s'agit de purification annuelle, de passage de l'ancienne année à la
nouvelle. Certes, le passage a lieu "ia dernière nuit de l'année"t85, mais c'est à minuit. C'est
pourquoi lorsque le rite commence à dévier, tous les efforts de ses meneurs se résument en
définiti.ve en une course contre le temps:
Jaguna : He [Eman1is surely linished now. If only we had thought ofit [the well] earlier.
Oroge: It is nat tao late. There is still one hour before midnight l86
Et quelque temps apres, parce qu'Eman continue de fuir,
Jaguna . [Re-entersl They have clased in on him now, we'lI get him this time,
Orage
ft is nearly midnight 187
IX2. J)euth und Ihe King~\\· Horseman. p. 69
Ixl
Ihid., p. 175.
IX·'. IhiJ., p. 204
IX.'
nu: ,','Irong nl'c<..:d, p 121.
l,',. /h/iL. p. 143
- -
- - - - - -
_ _ 0 ' -
- - - - -
,
' . ' _ _ " 0 '
~

COIllIl111llaulé entière, celuI tHI 1'L111elelllle ;lI111ee meurt pUllr Lille llLUSSC 1;\\ Ihlllvclic. Il;lf
ailleurs, la [:lIk symhollquc cst col1V;lInCllé qll'c11c sera gUélïc Ù nlillulil:,s
AinsI. la part de: la I1Ull dans le nle c~l Jcs plu~ cs~enllcllcs_ L1 IlUll Il'est pas un
rÎ1énl1lllt:l1e vide: , eiic e~l Ill1lînst:qllclllelll \\éhlcuic des lillTes SPllîllle:iks. Dans ïïlt·
;iuu/lii(.' (1/ /-.·'''''l',iI,·.,- UII VI)ll les i3acckllllL:S illvulilicr 1:1 IIUll LLII (::1 .::lk sc irUU\\l:
en compagnie des "pré~cncc5 ;nvlsihlcs"I()J_ il ctlcctuc s"n pèlerinage.
Le nocturne est en définirj've un phénomène richen1ent sytnbohquè pour rho~n!ne de
Soyinka qui cherche ;\\ ~tablir er/ou à maintenir le contact la proximité avec les énergies
mVlslbles qUl régissent la vie. La nuit partîcipe, de bl1L plemement à la symbolique de
l'environnememai.àans l'univers soyinkalen, à i'intérieur àuquel, existe aussi i'espace.
1. 2. 7. 2. De l'espace: ic s:rmbolismc mystique des lieüx
Notion complexe et vague à la fois, l'espace recouvre assez facilement des éléments
tels la terre, la forêt, l'air, la nuit, etc., avec lesquels il se confond d'ailleurs C'est surtout
dans sa fonction rituelle qu'il nous intéresse ici. Le théâtre de Soyinka est un théâtre rituel·
.
.
'
la notion d'espace rituel lui est intrinsèque.
IX7
/hid, p. 145
IXX
Ihid., p. 120
I:"l)
fILe /3t-lCC/10C {~!'r:iJr"I'ÎILlcs) p. 2~) 1
!""
ih,d., p. 250
:.,: iLionrc und (i!!tcr l'I)c'lrIs, 5ï
L.,~.~=-===

du l;oulTrc lr~lIlsl1lol1l1CI cl Uil Illicrocosmc de l'illllllCl1Sllc C\\lSlnlquc, !ICU de~; drailles
dlVIIlS _ "Rllual lhc~llrc eSlahlisile,'j the spatial medium
1111l mcrcly as a phvslcal arca l'or
stllllulaled cvenls bul as a Illallagcablè cnlllractiOIl l)f the cnSllllc cilvelnpc wlthlll wlllch
man il:~lrr'lliIv eXlsts" i":
L'cspau.: rituel est médiateur. c'eSL Lill i iCLI (lU s'elll:ClLlclll ics
lieux. c'est-ù-dire ies espaces i!l1:lginaires où se déroulent les rituels :.ma!ysès plus haut.
L'espace forèt constituè sans doute l'un des lieux les plus symboliques dans
J'imaginaire soyinkaien. Nous en avons déjà élucidé quelques aspects dans l'analyse de la
pérégrination de Demoke et ['initiation d'Isola. Elle y joue notamment une tonctlOn
transitionnelle à l'image de l'archerype abyssal. Prise dans la perspective de la médiation,
elle demeure toujours significative. Car ia pénétration de ia forèt conduit au contact avec ia
transcendance: la forêt soyinkaïenne est toujours grouillante de vie,
Ainsi les trois humains de A Dance nfthe Fnresf.\\' pour qui la forêt est, initialement,
un lieu de refuge finissent par y rencontrer les forces invisibles_ Et c'est !e début réel de
leur rite: on n'entre nas dans la forèt et on n'en sort oas comme d'un lieu vuilmire. Dans
,
.
~
Camwood on the Leave,..,·, c'est Isola qui devient un egungun parce qu'il tàit de la forèt sa
demeure, sa grotte. Par ailleurs, les rites mantiques dans A Dance o/lhe Fores{s sont bien à
leur place au milieu de la forêt : c'est un racourci dans la communion avec la
transcendance. Aussi, 3ii le couple de mortS dans la mème pièce etfectue ie voyage
transitionnel à travers la terre, c'est bien au milieu de la forêt qu'il aboutit: "An empty
clearing in the Forcsts.. -"I'n Cependant. on peut noter que si l'espace-~orêt soyinkaïen est
\\"2
'\\"~\\ilh, l,ildUlllre' und Ihe .. ljj'lLLIiI IVul'/d. p. -+ 1
:,'; . 1f)ullcc II/Lile' ;"(Jl'cs/s, P 7
I - ,
~=======-===

avec k \\c:;éLal CIl:~eller~tI l ,e chaplLrc precedellt sur le vc:;ela! :;~lIdc i.oule sa pertillence
SU:-II11K:.1lcll. Dans /Ill' /iucc'iluc o! (hc f'.lIJ'/fJldcs. clic est ~\\. ia IlHS ie telllple cl le havre Je
DillIlVSOS. Lcs ivicnades y sont CIJIl1IllC perpcluciicllltill "1l11ll11ccS" par ïcSplll liIOI1VSI~\\(·luc.
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inoüntains?
:"-a iiî0nî:agne diünysiaque est bien au Gemie de l'action - c'est l'espace rituel où :1 1ieu son
culte. De fait, la pénétration de cet espace représente un acte rituel ue communion avec lui.
Comme nous l'avons vu, cette communion revèt des si~rnifications tout à fait particulières
pour Pentheus. li s'y sacrifie--involontairement certes--au dIeu de la montagne.
C'est de toute évidence ce symbolisme de la montagne qui nourrit la veine satirique
de Soyinka quand il établit le "quartier général" de Kongi à la montagne. Kongi est Wl
imposteur et un imitateur génial qui n'ignore pas la symbolique profonde de sa culture
originelle. Se confinant dans l'espace de la montagne, il médite comme un mystique, sinon
comme un Oba se préparant pour la communion avec les forces transcendantales_ Mais loin
de remplir cette fonction rituelle, mystique, la montagne de Kongi se définit mieux dans
une perspective qui est celle de l'opposition avec d'autres espaces ; ce sera l'objet d'lm
chapitre ultérieur.
La route constitue Lm autre éiémem symbol ique que nous avons déjà rencontré,
mais qui est également d'importance ici. En tant
qu'espace symboliquement saisissable
comme relev;lnt de l'archétype ~;patial rituel, die -.:st essentiellement présente dans The
_,.._--=-.............;;..;;.'"""'",;,;;-;;;.;-;;;;;---;;;;---..::;--:.;;;--==...::.--::...c..::...c--::...c--::...:.:=-.=-==

; 1 ... ~
'.:st l11êllle ,.:p,pltaIIlSC'': . ~k-;l'rle que pOUl la C(l1l1l11UI1~lL!le de la roule. les !erllles l(lule '_'(
()gun S\\IIlL IIlLcrehallgcahics paree quc'iis Il:lIVlllent a ia Illèllle leaiilc
l'mlesslIr
May ail it:llorallL l1lall ask wilaL .c:od vou pn:tellJ III \\\\prship)
1':111 iculars JOl'·
Sall;e ;\\S 1he (lI her sir, the r~)ad 1q~
yeux"!"", :ILtcnJanL qu'iis lUI o!Tn':llt sa nourriture
"Kiii us a jo~ berore lhè ilungry S\\)L1 iies
in wail and iIlakes a SUbsLilule or me", reciame Samson de KuLonu l'n Les accidents. avec
la I1Wrt qu'ils occasionnent sont des moments de réel sacritlce. Chaque évènement. chaque
chose sur la route est projetée dans une sorte de seconde dimension, parce que la route est
un espaœ consacré.
Ainsi valorisée, la route constitue chez Soyinka une des multiples ouvertures vers
les forces invisIbles: l'individu qui s'y aventure se trouve forcément en rapport avec les
énergies cosmiques dont notamment Ogun, dieu soyinkaïen de la route.
C'est dans ce même esprit que se présente l'espace marché qui, sans être naturel,
n'est pas moins environnemental. Le marché est dans la pensée yoruba i'objet d'une
valorisation symbolique pour diverses raisons. Panni celles-ci sont sa centralité dans
l'espace du village et sa proximité du palais royal 19R. D'autre part, il y a la conception
yoruba selon laquelle la vie ici-bas çst un marché, projection terrestre de la vie après la
mort, du marché cosmique l ')'),
'9', 'l'he Houu, p. 219
1'.1(,
/hill,p.198
11)7
I.oc. (:il.
l')S
J\\1'ulubl.. UJIl, YlJmba (.'ullUre, p. 140
1"" Voir citJlJoll ci-dessous de /JeulII IlIld IIIC Kill.~'s IllJrsernun, p. 1X 1.

1. 3. l ,cs visa~l.'s Ik la llwisSll1l
l.a InOISSOIl. 1101.lon orl~lIh:llclllenl ;1~IICOIe. JOIIC lice ~l la Ilalure c:sl 1111 [hein.:
reeurrenl dans le the;1Lre de Sovlllka 1':I1e \\' aSSlllne diverses l'ormes cl chacune d'cl ks
conSlilue un angle J'approche. p()ur SOYinka. Je son SUJd eO!1Slant cl ultlllle qui est
l'holllllle--uans ia socide. Jans la nature cl dans l'univers '\\ j'llllcrieuf de la parliculalîle
propre ,'l ehaun de:, visages Je la llloisson, il ;ippalall toujours cel.\\e altitude ;lI11lll\\illcnle
soyinkaïenne qui condUit ~l unè approche de type dialectiquc Ainsi SI la i110issun cvOquè
pour l'imaglllaire agraire une lorme de vie, en cela même, elle Introduit pour l'homme des
symboles. cette autre réalité essentielle qu'est la mort. De fait, saisissable en bien et en mal,
en abondance ou en manque. etc., la notion de moisson fait tOl~jours appei au blllalre vle-
mort dans son sens le plus général.
. I. 3. 1. Le battage et la collecte: au-delà de la signification agraire
Il s'agit ici de la moisson en tant que récolte des fruits de la terre; ce que Soyinka
appelle
"les
profïts
matériels
tirés
de
la
terre "203.
Mais
très
vite
intervient
une sorte d'affinement sémantique parce que la notion de terre elle-même varie selon les
moissonneurs. On passe du concret à une sorte d'abstraction qui reste cependant liée à la
notion de récolte. Dans tous les cas, la moisson s'inscrit dans une configuration thématique
où elle est pertinente par rapport au symbolisme de la vie et de la mort.
Ihe 8wx!1l.1e o/Euripides, pi~ce où le thème agraire est particulièrement explicite
offre l'une des illustrations les plus satisfaisantes de cette approche de la moisson. La pièce
s'ouvre sur une scène de battage où on peut apercevoir les esclaves au travail, séparant la
graine de la plante:
.~!I.1 Cilé par EtIenne (;alle, I.e //lut/dL' /ltII/IJI/'L' lit: If/Ille ,\\uymku. p. :256

-
1

~ ~ ;
/11 lill'l<>r';~!r'J1lllll.
,hl" 111:1111 !~:11c 1'1 till: p:i1:1l"C ()IÎJl,i111CII~
!-"l,ri 11er <1011'11 :1I111,111{l lilL' \\\\III'~, :1 k:ll!-
1\\1·1111111 ;ll-'éllllSl Ihl: 1\\';)11, :1 lilrl'~hill!~-11(111r
.\\ ,,'I<lud Ill" 1.:iI;)1l'. ,lIlll lilroUi~iI II. dilll li!~'lll'~ \\'1 ',LI\\I,:"
Il:trlin~ :ln:llfeadin:..:2( ) , I ·
. '
I,c trav;lil agncoll.;--Ie hallagc--auqucl SC livrent Ics cscl;l\\cs est Ile ;'1 la lïn .l'ulle salSllll .
une lïn YUI annom;c un JéhuL Ur nous savons yuc I\\;sscntlcl Ju sYIllI)(lIISIllC de 1;1 plècc
repose sur cdte notlO\\1 Je Illort-rcn:llssance cüntcnuc dans les l'Iles élcuslcn ct dionYSIaque.
La nature mC:mc Jes l11oissonneurs, e\\:st-;'l-dirc Jc::; escLIvcs conslilUc un COlllnh:nralre
auquel nous avons C.k.i;ll~lil allusion.
r:::n elTet ce sont les lllèlllCS qUI fournissent (!laque
année le bouc émissaire pour l'accomplissement Liu rituel deusien. un système rcpresslf
sinon tlmeste pour eux. Le rapport est trop droit pour ne pas être signittc3tif
Dans un processus un peu similaire, c'est le rapport entre les Earth Mothers et SI
Bero qui, dans /'v!adrnen und Specialisfs, Liétermine pour celle-ci la valollsanon de sa
récolte d'herbes et d'écorces végétales. L'occupation de Si Bero que l'on voit plus d'w1e fois
cueillant, portant, emmagasinant ou séchant des herbes, constitue bien W1e activité qui
évoque celle d'un moissonneur passionné par les tfuits de la terre ; cette terre dont se
réclament les Vieilles Femmes et sous la responsabitlité desquelles elle accomplit son
travail. Goyi la compare à la folle de son village qui passe tout son temps à "collectionner
des morçeaux de poteries"205 :
Si Bero ; [Si Bero approaches, carrying a srnall bag frorn which protrude sorne twigs with leaves and
berries... ] { still need people to sort out rny herbs.
Aatàa: Herbs! Herbsl Herbs! Always--corne and sort out herbs... 206
Cette moisson des fruits de la terre, des herbes et des racines, symbolise toute la positivité
qui est celle de Si Bero quand elle remplace le docteur Bera parti pour le front de guerre.
Ensuite, sa récolte constituant le fondement de ses rapports avec les Earth Mothers, ces
2111
l'lte Hucchul: n/ r'-uripiJes, p. 23 5
èll"i
A/ac/men clIld ,\\/N:clUlisls, p. ~~ 1
..'II!,
Ihid., pr. 218-219

Le
type
de
recolle e:;1
egaicilleili
celle de
l'role:;so!" d'lIls
/;',
Nil"'/,
pills
rJreCI~Clllenl Jans ia séqucnce Je sa quèlc située sur la roule. jJroicss\\)r esl
1111
!ès "mots" qui les remplissent, ks panne~L!\\ de-.:igna!!sation qui "poussent" k long de la
rou!t\\ etc. Fruits réels de la terre ou non. les récoltes cie ]Jrokssor sont faites Je "graines"
qu'il ramasse ça et là le long de sa quète. Notons en passant !a dérision de l'auteur.
Professor est convaincu de trouver Je Mot dans son grenier bien plein. C'est pourquoi le
comparer, selon l'insinuation de Samson, à une coffre d'argent serait, pour iui, le banaliser:
Somewhere in that granary is that elusive kernel, the ward, the moment of my rehabiiitation. From
what cesspit was this abject dragged thal you set it against the seiect harvest of a faithfui gieaner209
3.boutit à la moisson liée au verbe en tant que phénomène abstrait
les mots sont des
frn'lines
,,-'
.J et- les
-
-
J iOllrnallx
-
--
- --
et
-
-
les
- -
scènes
-
-
- -
cl'::lccident
-
.
_ .
_. -
.
sont
-
-
1;:1- terre
- -
nui
~I
..
les
- -
nrnclllit
J
' .
En ce sens, la moisson de Professor rappelle celle qu'offre Kongi : "When Kongi's
new race blows 1 And more, oh, there's a harvest of words 1 In a penny newspaper"21O. Les
discours et les organes de propagande de Kongi, passé maître dans la démagogie, n'offrent
que des mots vides, des graines stériies. Mais ceci n'est qu'un aspect tres éiémentaires de la
moisson Jans [{oYlgi's Hurvesf. La "vraie muisson", ~dle que récolle Kongi lui-mème,
appartient il. Ü1î üütrc type qüc i1ÜÜ.S vcrrûû3 üil peu plus ~ûin.
207
Voir section sur l'homme dans la nature· l'être de vie dans la'mwùc.
2W<
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IllOlsson tl.:lTllïanll.:. Illacdne. esl Jivcrsellll.:llL qLlal i \\'Iée par SllVlllka
111111SS011 11I1IS SaISI)ll.
1ll0lSS0n sinistre ou IlllllSSOl1 non soutJallee. cie .. I.:lic evoque loulours la 111111'1.
Un relrouvl.: p:micuilL:relllClll I.:l.:llC 1101ion (k 1ll0lSS0n Illacabre u:IIlS iès pOL:l1le~; de
sOnt llne fausse moisson. "leurs tètes de faux épis"
c'est une répétition du drame ~mginel
d'Ire.
There are falling ears ofcom
And ripe melon tumble t'rom heads of noisy women crying
Lust-blind god. gore-drunken Humer
Monster deity, you destroy your men!215
Dans SOli Oéuvré drafiialique, la fausse Ilîüisson est celle: déS perSunflagés siflist(es, ioujoUlS
des récoltes macabres à leurs peuples.
Kongi vient tout de suite à l'esprit. Comme nous l'avons annoncé, il n'offre pas que
des "mots vides". Il fournit également des vies humaines, des "têtes humaines". C'est le
type de dictateur pour qui l'être humain n'a que peu de prix. La vie des cinq personnes
condamnés à mort est hlcllement échangée contre la nouvelle i!:,'llame : "The new yam tor
the iives of five men. ifs a generous bargain", ironise Daodu2i (,. C'est une "bonne affaire"
fJl1rée que jUSÎ.éliiellt KUflgi Il'a CtUéUflé cOIIsidérCttioli pOUl iCt vie individuelle: il veut
21.1
Manre und Other fJ nems , p. X4
.:'11
Joncs, E. D.. nit' .Wnlif"l,'-!, t{W"h' \\'f/vinku, p
215
Soyink~t, W(}k, Or. (':l., p 75
.'!t.
f\\-lili.i!,i~l· //{lïl·(:.'/ [1. (JS
1
-----~------
- -
- -
-~---
--- ----- -
-----_.__ .. - - - - - _ . - ._--_.--------._.

1l10lSS011 l":ITllïanlc. Illacahre, Csl divcrselllLlll ljualilïcc par :->ovlllka
IlllIISS\\lIl hors salSOl1.
1ll0lSS011 Slnlslrc ou 1l10lSS011 11\\)11 SOull;.ulee. de. . ..:ilc cvoquc toujours la 11h11 1
Un rcirouvc pari;cuiièrClllClH CClle 11\\)1I0n dc lll()iSSl lil Illacabr..: ualls iLS pOl:lllCS dc
sont une fausse moisson. "leurs tètes de !'aux ~pis"
c'est Ulle répdition du drame originel
d'1re'
There are tàlling ears of corn
And ripe melon tumble from heads of noisv women crying
Lust-blind god, gore-drunken Humer
Monster deity, you destroy your men!215
Dans sûn û(;uwe dramaiique, la fausse mûissûn est ce11e des pelSûrin~ges sÎrilsi.n::s, i.ûUjûUlS
"grisés" par qüclqüe chûsc--Ic pûü'\\I'ûir'notammcnt-~et qüi les côndüi"t à offrir régulièreli1ent
Kongi vient tout de suite à l'esprit. Comme nous l'avons annoncé, il n'offre pas que
des "mots vides". Il fournit également des vies humaines, des "têtes humaines". C'est le
type de dictateur pour qui l'être humain n'a que peu de prix. La vie des cinq personnes
condamnés à mort est tacilement échangée contre la nouvelle igname: "The new yam tor
the iives of five men. it's a generous bargain::, ironise Daodu2i ". C'est une "bonne affaire"
pacce que jUSlell\\éllî. KÛlIgi ri'a uUCUlie l;ÛIlSiuc:lui.ÎÛll pour la vÎe Îlidividuelk . il véut
è 1.1
Manre and 01 her !J()erns, r. 84
211
Joncs, E. D., !'Ile W,.;fing 'ljW"!e ,"\\")\\!inku, r 1 J~
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:-:oyinka, 'Nok, Or. ('i! .. , iJ. 75
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/-~."rJll.'.!.;\\ l-/{.iïl·'(:'.\\I.. p. ()S
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cherche à impressionner. à paraître pl us géants C1Uè les autres Pour nOl/s. ils sont tous sur le
même piédestal. Ils sont tous de grands moissonneurs qUI, quand ils commencenL
arrachent l'arbre avec les frUits, "II ne taut rien néglJger", explique l'un d'eux:
Kamini
[Ta his ambassadar] Just get a message anyway you like ta my Presidential Task Force
Specials and dispatch them ta their [the runawaysl viiiages....
Kasca : l see you senà ta the viHage. That is good. The roor may have paisanneà the surrounàing
,,'Y)')
sall---
moisson qui récuse la notion de saison; chaque jour qui passe est une saison favorable à la
mOlsson,
Symboliquement parlant, leur moisson est, à l'instar de toutes les autres ci-dessus
examinées, pour emprunter les termes à Kadmos l'hivernale par opposition à l'estivale223 .
Une moisson faite en hiver est nécessairement mauvaIse, La froideur hivernale évoque ia
mort,
221, Madmcn and Spceia!ims, r
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.:1 !J!u.v :~l/'( ':iu/1ls, p. !6
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Fiers cie lems méthodes respectives rOllr q~ m:lintenir ;111 pnllvolr l:h:lCllll
cherche:i impresslOnneL:i paraitre plus géants que les autres Pour nous. ils sont tous sur le
même piédestal. Ils sont tous de grands moissonneurs quI. quand ils commencent,
arrachent l'arbre avec les fruits. "ri ne t~lUt nen négliger", explique j'un d\\:ux :
Kamini
[To his ambassadorJ Just get a message anyway you like to my Presidential Task Force
Speciais and dispatch them to their [the runaways] viUages....
Kasco,,: 1 see you send to the viiiage. That is good. The foot may have poisonned the surrounding
., ')') .
sou---.
géants
"
IIP-
~ ......
moisson qui récuse la notion de saison; chaque jour qui passe est Lme saison favorable à la
mOisson,
Symboliquement parlant, leur moisson est, à l'instar de toutes les autres ci-dessus
examinées, pour emprunter les termes à Kadmos l'hivernale par opposition à l'estivale223 ,
Une mOisson faite en hiver est nécessairement mauvaise. La froideur hlVernale évoque la
mort,
2: 1 Madmen and Spe('iai iats. r ! ~l)

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cnm.: ,ïHlllllllC cl ics Î(lrCeS dq)osllalres de j'essence vilaic. L,c prlilcipe Ull kami ..!. (\\':Sl-Ù-
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/()rces iï~gllialrices de l'UnIvers, en particulier du socwL ('est en détïnlilve l'holllme qUI
porte la responsabilité du type de "moisson" que celles-ct lui garantÎssent. C'est en terme de
morale que Soymka saisit cette vérité.
La bonne momie appone continuite dans ia VIe, Jbondance des recoites, i'ordre
socio-environnementaL etc. Ainsi par exemple, les profits matàie1s deviennent les
récompenses accordées par les forces spirituemes : le Leader des esclaves dans The
D'un autre côté, et c'est là qu'intervient la notion de tragédie, l'acte ou le
comportement amoral de l'homme est considéré comme un affront. Alors la moisson
s'explique là également comme une juste récompense: "S ue h hubris aets compels the
cosmos to delve deeper into its essence to meet the human challenge" 226. Mais cette
rétribution cosmique n;est pas, en fait, simplement une punition ; c'est pÎutôt une
invocatIOn du principe cosmique "d'ajustement"::'.::'.7. On retrouve ià ia dialectique de la
tragédie telle qUè nous l'avons analysée dans le chapitre sur la mort128. Cda dit, la phase de
22-1. Tempels, Placide, Op, Cif... p. 140.
225
'l'Ize 13ucchue r!/I~'uripjdes. p. 237.
22(, I\\/Vlh, I.ilerullll'f' und 1/1I.! .·/fi·ieun IVwld, fJ. 15().
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la Ir:lgcdle ou l'hO/llIlll' Vit 1:1 Irlllisson. conscqllCnCl' prcll1lère de son ;\\cll' :llllor:r1. cs!
Il)rCel11ent quelque chose de dOlllourell:\\.
LI
IllOISSl)ll douloureuse--IHI
kanlllquc--esi
[Jréscnll' sous Ji verses Illlllles dans il: 1he:üre de Soy iIl ka
!lu.' SWUI/'lfJ /lwd/l.'J's est sans doute \\:1 plecl' qUI IllTre la pereepllllll la plus large el
la plus claire (juanl Ù 1:1 signilïc:.tlloll cl a la ~lil\\lCIlSIOIl lragique dl: la IlIOISSIHl blilliquc bl
elTe!. selon la lraJitioll des habil:lllts Je~, il1Jr:lIS, le Serpent dOllt le Kadiyc esl prètrc. est
garanr de la sécurité çl de la survic de la cOl1ll11unauté:l tout point de vuc. "Il est le dieu qui
doit ~rrè constamment expié par l'intermédiaire de son prètre pour que lès inondations ne
détruisent les maigres récoltes ou que la terre incertaine ne retourne pas au marais"~~9
C'est exactement le contraire qui se passe dans J'action de la piéce. et les raisons
sont assez clairement présentés comme étant saisissables à un niveau humain. Le Kadiye,
médiateur entre les villageois et le Serpent est W1 prêtre cupide qui. au lit:u ùt: porter ks
offrandes au dieu, s'en nourrit lui-même, La preuve concrète pour la communauté est qu'il
est "riche et gras" et que "le Serpent n'arrête pas de vomir pour inonder les champs", Car
pour leur part, les villageois sont toujours été respectueux de la tradition. Igwezu, le
personnage symbole, affinne :
19wezu : [To the Kadiye] And so that the Serpent might not vomit at the wrong season and drown
the land. so that He might not swallow at the wrong moment and gulp down the unwary traveller, do
l not offer my goats to the priest?
Kadiye : Yes230
Ainsi, malgré les affirmations du Kadiye le scepticisme des villageois est grand quant à la
véracité de ses propos. Igwezu le lui dit ouvertement quand l'occasion lui est otferte d'être
en contact avec lui (la scène de rasage) ; et Makuri n'arrive pas à s'empêcher de mépriser le
"Serpent"--en tàit le Kadiye,
::') La wrance, !V1 argarcr, lA mg /)rllins Ulld ('Linnur!s. p, 24.
'.10
1he SW(1J1lP /)II'L'!fers, p. 1ut)
-,_.------------------
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-- ---- --- ---'-~--

I.e rm:1rc csl l'ohlel de mépris p,lrce qu'il csl rcspollS:lhlc du sorl des 111;lr;\\lS. Cc sorl.
qUI CS! l'c:\\presslOll de la coÎère divine ct que les villagc(lIs vlvenL cornme le resultal de SOlI
C(l/llportelllenl.
constitue
il:ur
"Illoisson".
C\\:lk-cl
revd
Je
illultlpleS
l'ormes.
L'cnvironnlllcnt naturel occupc une part csscmielk dans Sl.H1 c"presslon. L.'Jljuallque--pIUle.
liVIl:rc. marais en Lanl que cOIn posé Je LCITC cl J'eau--I'élélllenL naturel IÙlllÏalllelllal Jalls
cet univers, est en l'occurrence préponJél·ulll.
Les cuux des murais sont des C:lUX de mort. Mais c'est suns COlilèS!e ~'l Iravel's le
drame d'Igwezu que cela est le mieux exprimé. En effet, lorsqu'il revient JU \\'III~lge après
.
.
son séjour en ville, grande est sa désolation devant l'état de ses champs inondés'
ÎVlakuri . He came for his crops. Now he knows they have been ruined by the floods
Alu . lt's a let-down lor him--coming ail the way back and tinding no harvest2J 1
Pour Igwezu, le sort de sa récolte noyée par l'inondation, "le mélange de son mil et ses
fèves avec la boue, est une belle soupe inconsommable"m ; et cela èst plus une mort
qu'une simple destruction. La terre--entendons le marais--a tranché le dernier lien qui
l'attachait à elle (la terre).
Mais l'état des marais n'est ni accidentel ni l'expression d'un sort individuel. Tout Je
monde a eu sa part de la "moisson" affirme le Kadiye2•n . L'inondation qui, en étant le vomi
du Serpent, en est l'agent détenninant, entraîne avec elle une horde de destructions qui
n'épargnent rien ni personne. Les récoltes pourrissent par-ci, et les animaux qUI ne trouvent
plus d'herbes lancent des cris de désespoir par-là. Les moustiques par leurs piqûres ou les
crapauds par leurs coassements rappellent à chaque instant la présence des eaux, de la
2:1I {hid, p. 79.
"12
fhiJ., P 87.
è1;. !hiJ., p. 94.

C'esl que loul ce qUI rappel l'eau lHI 1'0vol]ue
se charge Je vakur negallvc. I.e
I<..adive lui-Illème compare les lannes de l'enLlIll dont li esl allé pr0sidcr b clrcollclsÎOll ~I
L1ne cau capable Je "noyer loules les grenouillés Jcs Illarais"';·'. L:cau len\\crs0e par ,\\lu est.
ics eau\\: : et on ne peut ni s'cmpèchcr Je l'imaginer, ni évltcr J'cn parler Les
comportements et les discours en sont affectés.
Quand Alu incite sor. mari de rnal1lère un peu agbTfeSSlVe fi aller sous la pluie
chercher son fils qui ne revient pas, !a réponse de celui-ci est: "pour attraper !a mol1 et le
rhumatisme? Pas question... "2~6.
Et losrque la question lui est renvoyée, sa réponse ne
diffère que dans la formulation: "1 don't want to fall dead in the open"23ï.
Par ailleurs,
comme 19wezu tarde à rentrer de la visite de ses champs, Alu conclut à l'éventualité d'une
mort dans les profondeurs des marais: "1 had another son before the mire drew him into
the depths. 1 don't want Igwezu going the same way"23~. Et parlant du transport de ia chaise
pivotante ofIerte par Igwezu, Makuri ne manque pas de préciser qu'elle a fait un trou dans
le plancher de la barque et que tout a failli disparaître dans !'eau ; et il ajoute: "But that
wasn't ail. The carrier [of the chair] got stuck in the swamps and they had ta dig him
out"139. Explicitement ou non, l'allusison il la mort apparaît dans chaque évocation. Et si
234 lhid., p. 105.
2.15. Ihid., p. 100.
2}(,
IIJid., p. RI.
2.,,7 Ihid, p. 82.
2:;~ Ihid, p. 83.
21". flinl., p. 95.

dé!ïnillve Illesun:r ses c1ll.'ls. I.~l COllllllUllallle Ile vil que par '.:L ù Lravers les marais.
L,cs récolLes noyées. les lerres rendues InculLlvables, d
le serpelll allc.:nJalll
néanmoins sa part il Ile resle plus aux vicux qu'i eOIlSLJlcr ks lails, Impulssanls. cl aLL\\
jeunes ft prendre le .: 11Cl11 iIl Je la désértl un. Cette 111011 ialéii lé ou cécile appacail ù Ji vers
appar2!i comme un jeu, aborde si facilement et si légèrement le thème de !a mort, c'est que
le conte\\(te s'y prète2W l.a pêche n'est même r1us rossihle sauf pour le Vieu\\( Makuri qui de
toute façon n'a pl us peur de la mort2.f 1.
De l'autre côk, lorsque "tué" par la terre, Igv\\lezu repart pour la ville, il ne fait que
suivre un chemin déjà bien connu. Dès les premières pages de la pièce jusqu'à son retour
des marais, il est question par exemple de la "mon" de son frère jumeau Awutchike qui,
pour Alu, gît au fond des rnarais. En tàit, ce dernier se trouve plutôt en ville où il prospère
financièrement Il se serait enfui du village à l'instar de beaucoup de ses camarades.
L'attraction seuie de la vine ne rend pas compte de cette situation. Devenus néfastes et
hostiles à la vie, les marais y tiennent une place prépondérante. Le temps où l'on riait avec
le serpent est complètement révolu:
Makuri : Ah weiL. Those were the days .. those days were really good. Even when times were harsh
and the swamp overran the land we were able to laugh with the serpent...but these young people....
They are no sooner born than they want to go out of the village as if il carried a plague... 1 bet none
of them has ever taken his woman into the swamps242
L'harmonie socio-environnementale est rompue car J'harmonie entre l'homme et les
énergies'cosmiques est également bouleversée. Et si les choses sont ainsi, c'est par la faute
2,10
Dans certaines cultures africaines, les personnes âgés évoquent ou parlent de la mort
avec gaité : c'est une manière de s'y prérarer.
211
/Ile .\\\\lIUtllp /)H'c!lers, p. 97
21~. /hicl., p. 87
-,----------~====~

dll pr01rc ctlfW!c. C"esl IIne l'celle ·-::Itlre dll 1;111,'; prêt re_ cnlnnle c'esl !e i.::1S :\\vec IUIIS les
aulrcs personnages Sllllll,lIres crees pas S(lVIIlKa.
i.e symhollsme d'Ig\\vezu cl ie JènolJclllcnl opllnllsle de ia pleee ÙlIll J'clic l'ulle des
oeuvres où ia Iragédie h.anl1lque sc Jevdoppe pieinemclll. C'csh.l-dire. dans ~a dlll1CnSIOn
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l'~Jrdre, de réajuster la vic SOC!o-cosrnique. Le dl~~ordrc introduit un J\\"!1~l!nis!n~ d~!ns !~!
mesure où il annelle
, ,
un démlssement.
,
Si la moisson karmique représente. disons, une sanction du componement moral de
l'homme, alors, il convient de rappeler que les cas rituels évoqués dans le chapitre sur le
devenir social relèvent bIen du pnnci pe de la moisson karmique 243 Les desordres présents
ou futurs qu'introduit l'entorse au rite sont des types de mOIssons douioureuses pour
l'ensemble de la communauté.
L-'homlne soyinkaïen est
.......f\\.1'V'\\'VV'\\' ........... , 1+o"'\\~rClo
\\""VI J IHlUllLLULUl1 \\",.
dans le théàtre de Soyinka des moments où la moisson karmique est saisissable dans
l'expérience individuelle_ C'est le cas de Pentheus dans The Bacchae of Euripides. Sa mort
est, à J'image du "vomissement" du Serpent dans 77w Swamp Dwellers, une moisson "hors
saison" : "The news found us here! Ofhis unseasonable harvest reaped upon the mountains
! Oh the mountains of Kithairon boast a gory crop! "244. Ces propos de Kadrnos relatent la-.-
tragédie, ia "moisson" de son fiis Pentheus châtié pour avoir épié ies mystères de Dionysos
dans les montagnes_ Mais, comme:: ~ous l'avons vu, la moisson de Pentheus contient elle
aussi une dime::nsion réeJJement tragique parce qu'dIe est symboliquement sublimée en
mort tertile, utile. Les cas suivants ne comportement pas autant de profondeur.
~·I) 'loir ~3cction ~~ur l'individu t:t le (h.:v~nlr ~_;oc:a! . fa Jialcctiquc ue la :nort.
2!1
jÏle !JUi.:C!lUL' tijFuripiLfcs, p_ JO] .
............;............==~==:.;;;::;....===='---'------:....:=:=----===--- -------_.- ----_._-------._------------------------.--------- ------------ ---------------

chacun Jcs personnages vil sa part persol\\nelle de relatll)lls ;\\\\iec les cnergles COSllllquCS.
I\\u cours de sa quête. Prokssor comllleL quand il arrache le "palllleau de Signalisation", Ull
péché qUI lui vaul une rétribulion Je la pan Ju Verbe.
Prol
IllS lrue i alll:l giealler. 1 uare IHl! he s\\\\ayeci by Illan ds... i broke IllY habil
SliCClIlfllx:u iu lhl.' ilaUlIiiilg ui a single wmd, lllrgul illilll.'.,clcise ui' spilli wllich delll<llllls lilai i IIlade
lLùly pilgfiiriagc iil :-~t\\lrch (;e k·.~t\\"'ing:;. f de:;...~n •.xi iTi): (OUïSt":. ,iiid i·~~lHl:,..-.: 1\\1:-;1 iil}' \\.~·;lY Th~1l Ù~i:, th ...•
\\'cngc~lnc~ of the. \\vcre(24~
La quète de Professor fonctionne selon toute une 15thiqllè, un code de c~ondllitc qu'il Cl'nnait
blen. C'est par exemple, en compagnie de la mort que peut se trouver le Mot. C'est donc all
milieu des situations qui rappellent la mort--scènes d'accidents, "mo[s ébranlés", "ordures",
etc.--qu'il doit séjourner. Ce matin-là, il a osé arracher un Mot "vivant" : "The word \\vhlch 1
plucked early in the day \\Vas fuLL-beliied, it was a robust growth, weil nourished, swut and
pithy"2~6 Par un tel acte, ii s'éioigne de son objet, et en toute logique il s'égare. Ii se
retrouve au milieu de sa station sans le savoir ou cwyant avoir été amené par quelques
forces surnaturelles, dans un espace ennemi247.
Kotonu et Sergeant Btlffila dans la même pièce récoltent leur part de moisson à la
suite de vengeance spirituelle similaire. Chauffeur professionnel, donc tributaire d'Ogun,
Kotonu refuse cependant de lui offrir le sacrifice du chien. Il préfère prendre le risque de
renverser son camion en évitant d'écraser des chiens. L'accIdent sur le pont, auquel il
échappe de peu, constitue, pour son apprenti Samson, un réei avertissement qu;il ne prend
pas au sérieux. Et finalement interv'ient cet accident contre Murano, l'incarnation d'Ogun.
Désormais, il refuse de reprendre le volant car enfïn il a eu sa part de la "moisson" d'Oguo,
2·15 l'he No Ill!, p. '2 1q
2\\1,. Ihid., p. ~20 .
.'17. fIJid-, p. 157.

to stav Wilil Ille..
[\\tly Ilumhle lIuota Lo lhe harvesL or Ille road"~"x ~01()11lI;1 pelil-eire LI
chance Je rester cil vie. l)rolCssor meurt quallJ aveuglé par ses ambitions. il <Iveillure Ull
peu trop loin Jans les Mystères Jes dieux. l"è dikll1ne Je Kl)I,HIU n'est cepèlld;.11l1 pas Illllins
oppressant. ReÎus<lI11 de continuer a être ciwulTeur, li Ile peul .'Je separer Je ia roule. li
compromettant
Sunna, le sergent défunt mais très présent dans !'nction fut en ~on !emps. "!ln n5 du
volant". Il meurt tragiquement sur la rOllte. pris dans l'incendie de son camion nccidemè2-1'l.
L'erreur fatale de Bunna se situe à un niveau que précise Samson, car pour sa paL1, Bumla
aimait bien offrir à Ogun le sacrifice du chien:
Pan. Joe : .... Sergeant Burma was a rich man. He searcheà the pockets before the police or the
ambulance came. Looting was after all the custom in the trOnt. Vou killed your ennemy and you
robbed him. He couldn't break the habit....
Samson: ... People don't do [hat sort ofthing and get away wÎth it250
Samson, que Professor traîte de superstitieux, attribue la mort de Bum13 à Ogun. Les
accidentés que Burma pille sont des sacrifices sur l'autel du dieu de la route. C'est dans la
même logique qu'il ne manque pas de faire remarquer à Kotonu les risques qu'il court en
acceptant de succéder à Bunna :
Samson: [Desperately to Kotonu] Vou should never have touched the stuff.
Kotonu : Why not? Much more peaceful to trade in death [han to witness it251 .
[(otonu ne veut ou ne peut pas comprendre qu'il demeure sous la tutelle d'Ogun, et plus
encore, qu'il l'est de ia manÎere la plus compromeltante. Sa prochaine moisson, si elle
24X. f!Jid.. p. 181.
21". lhid, p. 21 S.
2<;1l.lhid., pp. 2IS-ll e)
~~;I. Ihid, p.219

ln()i~~l)lI de l'rol\\:ssot". IHI de Sav \\'okvo l'racassc coll\\re le sol par l'eeull~l"l ;1 Cluse du
sacrikge JI,; la gourJe Je vin
L.'alTront ou la !üulc dl,; l'holllille qUI entrai Ill,; iJ \\engeance dIVine. prend souvent,
act.e :.llH-iacieux qui ne peut qu'entraîner Je:~ conséquences dé~astreuse:; pour lui. L~ :-:ort J~
Godspeak dans !?equIl'mfJ), (1 ;'';!!J!f'(J!ngisl, est explicable dans une perspective analogue
Grisé par !e rouvoir factice de sa "science"
le Révérend Godspeak ose non
seulement prétendre ~tre le successeur de Nostradamus mais également se comparer à lui.
Audace ou blasphème, le public réuni devant sa maison est convaInCU que là réside le
secret du sort de Godspeak :
lrst Man: Now one can' see where this Reverend ask for troubie, Trying ta compare himseif with a
man like that!
..
lm Man: Ïou'(ê right you küow, Our Godspeak is srllall fry beside Ellis your Nosadamlis (sic), Ifs
like blasphemy. A ",izard like that can strike t'rom beyond the grave,
')
-.A
... h
V
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r . '
t.. h
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h'
" " 5 "
·.....net l'"'''1(L~ . {\\.JIll.
ou sec my pOint. vOG3peal'.
J
vfought 1t on 11130,,\\'11 head':" L"
Nostradamus joue ici le rôle de la force spirituelle, de l'archétype du prédicateur. L'attitude
de Godspeak à son égard relève du blasphème; et il répond par la vengeance en Je frappant
de la mort verbale, aussi sinon plus dangereuse que la mort biologique : Godspeak est
obligé de jouer le mort pour sauver sa vie ~
La notion ue moisson Jans la perspeclive uu karma constituent une wnL:eption trt:s
tkxiblc que Soyinka utilise à merveille, Concrète ou conceptuelle, sociale ou individuelle,
elle garde toute sa signification. Elle est, chez Soyinka, présente essentiellement selon.une

lHI Ic sail, qllc son 1I11IV\\..'IS n'csl .1;lIl1<1IS lolalclllcnl SllllllJrc. :-;~I IlOllon Je lragcdlc pOlk Cil
ciic L1IlC :'l)rlC CïOpllllllSlllC
1-.1 cians SIlIl
Illlaglr1~lIIC, li C\\:ISlC C~:lJClllèlll L1IIC IllOISSOIl
Certe moisson est ri l'image cie celle ù !aoue!!e ".',mend !a Fille clans le floème
/danre Moisson désirée, elle représente un espoir de renaissance. de vie plus edifiante
Ainsi, à la fin de son pèlerinage, le poèie retrouve, au lever du jour, la Fille assise seule. les
yeux plell1s d'espOir de mOlsson; pas la mOlsson pervertie du JOur de l'erreur tragIque
d'ûgun, mais une moisson naturelie :
__ .expectam grew ner à istam gaze
And HarvesÎ l:arne, responsive
The first fruits rose subterranean hoard
First in our vision, corn sheaves rose over hill
Long bel'ore the bearers, domes of eggs and tJesh
Of palm fruit, red, oil black, froth tlew in sun bubles
tlurst over throngs otgolden gourds2SJ
La îliûissüii fùtut'e püUï laqudle pïientl'individu et la CüiîiÎÎiunauté est iüie iîiüisSüii
de v:e
l'ion:lTrlf> tr::1n"it t'n 1'1"<: tf>ITT1f><:
t()lltf' "t'<:npr:lnl'f> nll mF'<:<:iF'
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"N"Ut
this second coming ! Is time far harvest / This second coming is for pounding yam / The
mortar spills over / Goodness abundant"25--1. De façon similaire. la notion de moÎsson
2~'~ ft/Linn: U/f(! 1)i!ie{ j'tJl.:,,/.), 1)11. g4-;;:J.
f...'Ii/lg/\\· iiun'es!. p. ;4 i.

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con~tilUe ;'1 1:1 lïn de .1 /1(///(" 11/ flIC j.!I!'('SfS. !e":upf10r! :-;\\1Tlholll/IIC dc~ l>per:lncL'~ de 1:1
cOlllmUI1i1l1ll; Ù [rtIvcr.'; l'c:xpcnellcc nlllelil' de Lklno~c (",:SI /\\gbon:I\\.) '1 111 , cl:lIl,;-;oll.;lv!L:
PO~IILlue, alTinne
"Wllèll Ille crops klve been gall1cr-.:d Il will he tlille elloLJgll lùr
winno\\Ving ur the gr~lIll">', L'e:\\pénenee lîluellt.: de Del11u",: représente une Il1OISS\\)1l par
rQPport ~'l laquelle la sociéle va s'etTorc'-'r de !~ure la distiltctloll elllre la bOlllte cl la
mauvaise
graIne,
EL
qLJcik
qu'cik
SUit,
clic
Jevr,1I1
être
ulle
stlurce
cs,.;elllleilc
d'enseignement qui en principe devraIt penl1cttrc ;i la l'Oll1l1lunauté J'accomplir des ,Ietes
fëconds.
Tds sont les quelques aspects importants que revèt la moisson dans le thèùtre de
Soyinka. Cela dit, parce qu'elle relève du natureL la notion de moisson révèle bien
l'ambivalence de la nature, des rapports entre l'homme et la transcendance. Si la nature est
vitale, positive pour l'homme de Soyinka parce qu'elle lui permet d'entrer en communion
avec les énergies cosmiques ou de recevoir leurs récompenses, elle peut ètre perçue comme
négative lorsqu'elle porte le message de leurs colères. Mais bien entendu, il ne faut pas
oublier que, tout comme le sort de l'homme, le désordre environnemental ouvre sur le
tragique dans l'imaginaire de Soyinka. Comme nous Je savons maintenant, dans le tragique
repose la dynamique de l'univers, de la société.
,,;;
J 1)Ol/CC nI!11(' I,'ores!s. p Tl..

IL L\\:nvironnenu:llt !Iatllrd d 1':lfnhi\\'al<'nC{~ : dt' la t111:1Iité vie-mo/'t
transltlonncl, matrlcc Jc loul devellir cl arChelype de toute c.'\\lslencc, n'esl-il pas le crcusel
des ,illuaiilés Jc VIC cl dc Illon 'J TOUlC cxistencc porte cn clic cclle ;1I1!i1Iy;!icnce
j"" l " ,.,,,.,\\
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v!l~l!e et uatlgereuse.
II ~st ainsi possible de mèner une approche de J'environnemental dans l'imaginaire
de Soyinka par rapport à la dualité vie-mort, et ceci indépendamment des lorces lnvisihks
qu'il peut receler. Mais l'objet Ici n'est pas simplement de démontrer cette valorisation de
l'environnemental. C'est une des composantes princlpielles de la "metaphyslque de
J'irréductible"!, selon iaqueile l'homme soyinkaïen vit àans i'W1ivers.
Nous verrons
comment celle-ci permet de comprendre Wl autre type d'ambivalence qui est celle de
l'homme dans ia nature. Chez SoyirJ<:a, tout chemin conduit il J'homme.
[L 1. De Itambivalence propre des composantes environnementales
Au-delà des approches poétiques ou mystiques que l'on peut faire de toute
composante environnementale dans le théâtre de Soyinka, le fondement ambivalent
demeure constant. Chacun de ses aspects exprime des rapports directs ou indirects, réels ou
symboliques avec It:s notions de vie et de mon.
H. t. l. L'ambivalence du tellurique
A j'instar de bon nombre J'autr~séléments, le tellurique trouve une part essentielle
de l'expression dramatique Je son ambivalence Jans une flersflcctivc anthroromorrhiquc
lv/ft,
1
. \\
/':/';l'II/ill'I' ii/iii tlie .I(ncun il/lJrit/.. p. 53 .
-~I··iiiii--_--_--...
- -
...
-...
-~iiiii-_--
...
--_--iiii-_ _......,;;;;.;.;..;;.;..;.;;;;;;;;..;;.=~;.;;.....
_ ___..:._.:.....:._
_'__ . ... .
_ _-
--------- .--
--~-
~

AinsI. maints aspects des valeurs erealrlces (lU destruclrlces ,iu tellurique sc
trad li Isent en termes humai ns. L~l IlOllOll Je !l:rre-ml:re p~l[' -.;,el11 pic esl iel' urrel1le che/.
SoyinKa Li ielTc est merl: p,llce qu'elle produit la il(HilTiturc d dOllilC ,les (dCilll:S
,1
i:~, J .....".,..., , .... , '.\\
1
Il \\.11 1 Il Il\\."
The princip!e
Of earth. Demercr. goddess or soi! or \\v[]ar Y','l! \\vi!!
This lHlllt'ishes mail, yields him ~r;,irl RI'l'ad, wl.lmh-likv
lt earths him as it \\Vere. anchors !lis teet 2
L'ih'11arne, dont on connaît la valeur vitale dans J'univers de ,A,.'ml':..:.!'s [-fun'est, çst un don de
la terre à l'homme3
La terre-nourricière est une mère qUi pourvoit <.lUX nécessités
matérielles de rhomme .. Et l'ambivalence de la nourriture est celie de ia màe die-même.
La monstruosité de i'ibrname dans Kong;!'s Harvest est ceUe de ia terre de Kongi. Et tout en
étant nourricière, la terre refuse d'être nourriture elle-même, autrement dit, elle se
négativîse. L'être qui se nourrit de la terre est LUl ètre àe Inart : !~Sooner or iater ,,\\le \\-vill an
eat sand"'!, aff1TI11e le Mendiant dans Madmen and Speciahsts.
La terre est nourricière mais aussi génitrice d'enfants5 Elle est la mère de Dionysos
et de Pentheus dans The Bacchae olEuripides :
Kadmos : (To PentheusJ l am still Kadmos, [ sowed the dragon's teeth
And brought Forth a race of supermen, You are born of earth yourself--remember that6
2. l'he Racchae (~lEuripides, p. 258.
\\ KOI1Ki's Harvesl, p, 128.
,1. !\\kufmen und S"peciulis!s, p. 2 J 8.
Voir sectIon sur le vitalisme végétal: le vl:gétalest fils Je la terre
1.
flle IJacchue ()/l':/I1'1/7IJes, p, 2SR .
~I :îË::i:ii::e-- n
.. _._-_._-------_._. __.._--- .. _------._--_. __._._..
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- - - - - - - - - -

de la tcrrc; 1:.1;1111 I1ll:rc SOlI kil Il'e.sl P:I:' 11l1l~ 11<.1111111l: qUI brùk 1" [ln)~Clli(lln: 111,11:' 11 111 LI
rcchaulle:
Iist IJacchanlt;
l'Iames l The i0vt:red IlalllL's around the grave
01' SClllek. charrL'd L'alth Ih"l 110 UIlt: waiks upon
["CL'PI
DiuI1VS(lS
DioIIV·S(lSt!
..-..,
l , ~
. .
. ,
L ~Sl le feu en tanl qu~ ~!1~U~ur
Pentheus. IÙl pHS béndicié des soins--de la ehaleur--d,: LI tt'!TC. (lU tel Gero. qui eq ;"('Jete
par elle'l, n'est pas un homme mais un animnl dangereux:
Slave: [About Pentheusl .. No, not a man
A beast run wild. A crop of dragon's teeth
Thal earth has never tamed with l1ursing
A freak. a monster i Û
Cependant, le feu de ia terre-mère peut être effrayant, lorsqu'eile révèie ses potentialités
destructrices. Le feu qui détruit les herbes dans /'vfûdmen and Speciafisls--pour éviter
qu'elles ne tombent dans ies mams de Bero~~est le feu de la terre, celui des Earth
Mothers ll . C'est que la terre-mère recèle des potentialités de destruction, de négation de la
vIe.
Elle peut ètre infenile, stérile, comme celle du village du Mendiant dans The
Swamp Dwellers, sèche et inféconde pendant des générations l2 ou comme celle de Thèbes:
"The soi 1 of 'T'hebes has proved a most unfeeling / Host, harsh, unyielding" LI. C'est que,
nourricière ou génitrice, la terre èst avant tout perçue comme une femme. Et en
7. A Dunce of the Fores's, p. 67.
:;. The Rucchue olE'uripides, p, 275.
q. Madmen and ,'j'peciuLists, p. 274.
10
nle Hacchae o!Furipiûes, p.27'1.
Il. A·/w./men und ,",'pcciulis!s, [J. 274.
12
l'lie .';'WUJ1lp ! )\\1'1.'/1(:,.:,. p ljX.
!.:
nie Iluccl/é/L' tI/ ('/lripiLies, il. _107 .

• _ _ .~ __ 0
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ooi-·S:liiiï'l'

;~; 7
1),IUdli
I~ul ailliarlicsi lllUSt aw,lil ilS SC.ISOII
Sc!..: 1
There is IlU Se;ISOIl f()r sceli burst illl.':.
l 'II-Il upened tUlliSllt. 1am soil /rum Lhe jj;lal ralllS 1·1
la pluie h!~tonquc, ('!!~ ucv!ent !ëconde
"'lv\\~ tOOK uur ~[aîl~ ~lnd dro\\/c !!1to the c:!rth. \\Jv'c
sharpened stakes and pickcd the sand and the [1ebble until the~! bled"!' Ce travail de la
terre ~voque l'image de la sexualité. La terre :linsi tëcondé~ donna na!ssance au végetal.
dont pendant longtemps, le village ~\\H privé.
La semaille est incontestablement une promesse de vIe: malS elle ressemble
souvent beaucoup pius à un acte de sépulture. Kongi ensemence des tètes humaines comme
on. plante des ignames. Alors, la terre devient comme une tombe. A la recherche de
progéniture16, Elesin plante des gennes de mort dans la Fille qut il perçoit cOlnme une terre:
Elesin: Let
The seed [hat will not serve the stomach
On the way remain behind. Let it take mol
rn the earth of rnv choice. in this earth
[ leave behind 17 -
.
Les diverses valorisations de la terre ci-dessus présentées inspirent la notion de
contact: mère-nourricière, mère-génitrice, la terre invite au contact. Mais lorsque celui-ci
prend ia forme d'une obsession ou d'une incapacité à se séparer d'eile, aiors la terre est
perçue comme une tarce négative à divers titres. Elle empêche l\\~nvol de l'homme qui
14
KOJ1gi's Harvesl, p. 9R.
15 l'he Swum[J /)welfers, p. 99.
li,
/)calh und l!Je King'.c; J-!urse!J1or!, p. 160.
!7 /hld., p. 159

1\\ /Il!.!." 11111'.\\"1/1<1/1, .Iusli Il: j'eellee OU v()Ya~e par l'''altacllelnenl a la lerre" que symbolise la
i~·iiÎè. Dalls ia 111~l11e perspeCllve, i'inc:lpaclle Je Dellwke ù grimper ilaul sur l'arhre
iotémlque' /e-'pliqué par le pljids de la iélTC . "Dell1u/":e IS ~i victlil1 nI' giJJiness ~Hld C~i1l1ll)i
Lied Lü earth",q Cette terre pè:-:e sou::; Ie:-: p!eds de l'homme comme un rocher ou comme un
animal qui s'aggripe à lui.
La terre animalisée esT une terre vorace, dangereuse, destructrice, Lakun!e invite cet
aspect animal de la terre à ouvrir sa gueule atïn de l'engloutir, quand il apprend le succès
de Baroka sur sa belle Sidi 20 Dans A Vance 0/ the roresls, cette valorisation de la terre
apparaît égaiement sans ambiguité : "The sqUlrei who dances on 1 Â branch, must wateh
whose jaws are open / Down bellow"2!. La gueule est un symbole évocateur de l'enfer. Et
ranirnal vorace peut bien être la terre qui accueille l'être qui chute vers ltl'entèrll . Car
dfmyée par les cris de la victime, la terre réagit dangereusement comme
Je rappe1!e
Ogun . "Did you [EshuoroJ sleep when your butcher frightened earth with his seream and
his legs opened foolishly on his downward \\Vay to hell?"22.
Si la pesanteur du rocher symbolise également la valence négative de la terre, il ne
contient pas moins une ambivalence propre. fi symbolise la pérennité et la richesse
Intérieure:
Elesin
.... YtlU ail know
IX, l'he Haeclzae oJFuripides, p, 21 1.
l'} A J)anee o(the j,'orest,\\', r, 6,
211
l'he /,ion and Ihe .!ewc!, p, 54.
21
// J)Ul1lX o/till' j,'orl'sls, p. 27.
/"r/.., fJ . .5 X.
11
/

\\\\'11:11 1 ;1111
1)r;\\i';~'~~il1\\!.l'r
'l'ha! l''l'k which !lIl"I\\~ lh "1"'11 I,',il:-_
1J1I(~ lia; pill h <lIÎi!,:lilcninL'.~·;
I,~ tcllulîqllc auqll~1 s'assimilent ccrt;IIIlS èl/\\':s cst valon~l' poslllV~lllclll /\\111SI apparail la
lIurr1'.\\1 au plal~aLl roval :
Danlula
1 Wilill IllY l'0PIH.:r salv~r
Dandc
CUpP~I·. l":abivl'~i')
Danlula
CUPI)~'r y~s. CI)PIJ~r ih~ (ilium ,11' L',lnll 111 lJar\\C~1 DI) "'<lll Illink "/1 ,~r\\'L' il IL' lirS! (Ir (llir
Nl~\\V 'y'am in ;ln\\lllin~ bllt cOJlPL:()2-l
P~u évident est peut-ètre le mpport entre la tern~ èt le 1er. Cependant Il existe. Le
ter est tellurique. Le mythe enseiSllle qu'Ogun forgea la première machette ù partir du
minerai extrait de la rnontaS'l1e. Aussi, dans ,he Huee/lUe 01 Curipides, Kadmos tue le
dragon et sème ses dents1) : Pentheus nait de cette semence comme "un homme de fer",
dangereux et terrible. Il a fallu à Dionysos W1e ruse à la Jason, pour venir à bout de lui.
Dans Death and the King's Horsemun, les menottes--faites d~ fer--jouent selon les
propres mots d'Elesin, le même rôle que la Fille dans l'échec du rituel de suicide: "My
senses were numbed when the touch of cold iron came upon my wrist. r could do nothing
to save myself'26. La fraîcheur du ter équivaut à la pesanteur du rocher. Elle "refroidit" la
chaleur, l'enthousiasme de l'être. Pentheus emploie astucieusement les menottes contre
Dionysos mais n'arrive pas aux mèmes résultats car Dionysos n'est pas Elesin.
Le meurtre spirituel qu'opèrent les menottes se transforme en suicide réel dans
Death und Ihe King'.\\' Horsemun avec les chaines27, une autre modalité du fer. C'est que
dans le théâtre de Soyinka, la chaîne
connote une réalité assez sinistre: la tyrannie,
23. Death und the King's Horsemun, p. 152.
,,4 Kongi's Han'esl. p. 102.
25 l'he fJaœhue (~fFurif7ides, p. 258.
2(,
f)uu/h und Ille King'.\\' f!lirscman, [1. 12U.
27 JI/(: lJucchw: Ii/Furif7ldes, [1. 2<.)().

"ll1l1nge" d "rèvl;" de~ (.Ilaines .
Pt:lltht:llS
Chain 111111 1Dionysosi 1 sayl Wl'I!_dll hilll dO""11 'viill challlS
-
""
1
-
l'II sitow itilll who has Iht: power hert:-'-X
Le discours de Daodu qUI, dans KOJlg/'s I-/orve.\\/, est Lill I1VI1l11C a la \\ Il:.. C(1I1~lltLll: entre
JLltrc~, un ràjulsltülre contre ccux qUI aiment la "moue ues cl1aincs"~"
:\\insi, en elle-même lHi Ù travers ses Jssillliks .. la îc:tTC apparait cha S()yink~j
comme une réalité très ambivalente. Ici comme ai"eurs~ cette JmbJvalence ne prend :lens
que par rapport à l'homme qUI y trouve le retlet de sa propre ambivalence. Nous VèlTons
dans un dernier chapitre, à travers des exemples précis comment cela se traduit par rapport
à la nature en général, du tellurique au végétal.
[1. 1. 2. L'ambivalence du végétal
Le végétal est fils de la terre de laquelle il naît et dans laquelle il prend racine.
Contenu dans la graine, il a besoin de la terre pour exister. Le végétal conserve sa
valorisation propre, maiS son symbolisme s'élargit à la fois par rapport à la terre et au
principe aérien dans lequel il s'élève. En clair, l'ambivalence du végétal se perçoit à
plusieurs niveaux et selon ses diverses modalités.
Le végétal est une nourriture pour l'homme. Le théâtre de Soyinka présente ce
niveau de manifestation du végétal à travers le tubercule d'igname principalement. Elle
constitue un délice que l'homme apprécie comme ce paysan dans ('umwooJ on the Lcuves :
èS
/h/d, P no
~" A,.'()J7g/ 's //Ol"1'CS/, {l. L)\\).
----_.~- .---_._~-~-~._--,_
.._--_.- ". -- ..--_ ..._--._.;:-.- ..,..~";- .-"- ---.._-----_.-._---_ ... ---

-~ '! !
ks ~n~rgl~:-; cosmiques. un pnlson qUI doit l:lr~ préalahlemcnt c:xlrall Iïlucilelllclli par
l'Uba; l Cèll~ amb 1vaknce de l' igname s'al nuk i d'auLr~s LI uc nous avons déj i c\\:alll inè~s
dans le chapllrc sur le lclluriquc
La 11OIIon de grainc qu\\:voquè k lubclcuic li'igll:lIllC ~sl lich~ Jans ic lhe:ill"e d~
5oyÎnk:L ciie Icvêl plusieurs significations qui Vllilt Ju Clll\\Cld au cunccptut:i. Dans [ou;:-,
les C3S cne est d'abord pcrçüc Cûiilil1C une pronlcssc de vic : fI~S the i11an / ~~ot fülly present
in the seed?It~2. L'être peut ètre à l'im3ge de Dionysos ou de Pentheus n1nis d V!è!1! toujours
de la graine. La notion de graine est )Jmfondémem ambivalente'
lya Mate' WeIL you never can tell with seeds. The plant may be good "but we'll I-.:now.
lya Agba : l hope it's a good seed 3J
La graine peut être mauvaise ou bonne_ Dans le premIer cas, elle est redoutée, telle "la
graine" d'Elesin dans Death and the King's Horseman-'4. Dans Kongi:s' Harvesr, c'est la
semence de l'igname qui est ambivalente: elle germe tout naturellement dans le champ de
Daodu et pourrit dans celui de Kongi. C'est que pour ce dernier, l'ibrname-semence se
confond souvent avec "les tètes humaines qu'il enterre çà et là"35. Autrement dit, la
semence de l'igname représente d'abord un principe positif, vitaL II inspire Elesin quand le
griot lui rappelle les voeux du défunt roi : "Tt is buried like seed-yam in my mind"36. Pour
.10, CamwooJ on Ihe /,eaves, p. 139.
31. K()ngi~\\' Harvesl, p. 66.
12. l'he f3acchae ojEuripiJes, p. 259.
11, .MaJmen and ,\\'peciafisls, p. 235.
1.,. Voir section sur le rile dt: purificalion: le mariage d'Elesin .
.~, !(ungi's {-Il.1rVL'sl .. p. 128.
:(', /)culh und the King's !I1I/"scmwl, p. 1 ~Q,
=--,;,c-;.-=............================:::..::.

I~a graine du pall1ller quI. elk. trouve dans le Illdlle de Sovlnka sa valonsallon
dans Jes principes autres que la nutrilion \\lU la Sell1ellce. Illsplre l'aillant de Segl qUI adll1lre
ses selns;~ ct :;es yeux;') L.a ll1orplllllogle d la COlllpOSlllllil cie cette gr~lIne représentent aux
yeu\\: du 11lysLique ou du poete, des reaiites evocatrtces des Illyslères de i~l \\ ie. La gr:line de
palmier expnmc ia richesse interne. L'alllLiliuc, ."a :,ubslLillce ilI0mc, esl CUllkllUC Jans une
abscons des proverbes d'E!esin fa!! de sa parofe une nOIx de palme~(I. Le verbe~ objet de fa
quête de ProfessOf, est une amande insmsissable cm difficile à appréhender!
Le cycle de l'existence du végétal révèle aussi sa dimension ambivalente dans le
théâtre de Soyinka. (En cela, il est le suppon de la structure symbolique de son oeuvre
romanesque Season ofAnomy.) La vie qui naît de la f,Tfaine croît en prenant racine dans la
terre. La racine ou i'enracinement constitue le premier élément significatif du cycle. rI
exprime j'ambivalence Je la vie-mort à divers niveaux.
Prendre racine, c'est naître--ünc oeüvrc incontestable de création. Le retour de
Dionysos en dépit de la résistance de Pentheus est un "enracinement, un défi à la
sécheresse de Thèbes"42. L'agemo dans nœ 1?omi naît dans l'autre monde sous forme de
racines qui poussent43 . Et le projet de .fera de créer la CASA évoque J'enracinement: "... the
37 Kong/v Harvesi. p. 98.
3X. Ihid., p. 88.
l') Ihid., p. 98 .
.j().
Oeath and the Kin;;',.; l-/()r.·;cl1um, p. !49.
!
nie
1
I~()ud, rp. :?O 1-302. Vüi r aussi :-;cction sur le ïite de passage
la quètc de
r>roll:ssor.
1: IÏJe lJucdwc O/fWïjJlr./es, p ns
1:
l'Ilcf(()uLl,p. ISO.
-..-- --- -_-o=;;;;;,;;~;;,,;,;,;,;;"-;..;-;;;.."-~--;;;;--;;;;-;;;"-~-';;;'--;;:"-;;.;
.. '-:.;'-;::---:=:--:=:--:=:-:=:-===-=-=.--..::-=.-=--.=---==-

seed W:1S wc!! pl:lnled :mtÎ il !l:!S !:lken mol" Il ! ':,1 r:Il"!!le l!e !:l' pl:lfl!e :1 I:l !e!!e , e!!c :ISSllrc
conserver ses liens avec la lerre IlaLak, L\\lllCrè ,
Si Ikro Tilcrl' is no Ill'WS al :111 1 am beginlJing 10 ,
IYiI .:\\gbaHc IDr 13l'ro 1 \\\\ill cOllle 11;lCI,; Ile i1ml Ilis !'alÎler lllcrc IS Iuu Illll'-:h billds Ille/Il d()\\\\,11
hcrc They will Llkl' /'(1(11 \\\\·ilh 111l:ir SIJiriL llOl \\\\'ilh (ileir iJodiL''; ,Ill ,;,l/lle 1llllJks,;ùi ,;<lil-t(l
L'absence, ou lIlême la illuri. SL: sublime Cil présence. en vie. I,lnl lille la IllelllOll"e
collective. la racinc, demeure vlvantc :
Jyaloja
... Even those \\-vho !enve tov..rn re n1nke a ne\\v d\\vellin:.! else\\.'~·here like ra bt" n:nlenlhered.
E!esin ' Who does not seek to be remembered 1 1\\/lemory is :\\la-ster of Death47
Si la m~moire, témoignage d~ l'existence d~ la racin~, est maitresse de la mort. l'oubli en
revanche constitue une mort, Llll meunre. Dans {he Swamp Dwef1ers, Awutchike "tue" sa
famille en l'oubliant-!8 ; et [gwezu demande à celle-ci une attitude semblable. De fait,
Awutchike meurt lui aussi, coupé de ses racines, oublié.
Dans une autre perspective, Igwezu "meurt" Lorsque j'inondation tranche ses
derniers liens avec la terre. Dans The Bacchae of Euripides, Pentheus est lui, une raCIne
poume, incapable de soutenir Thèbes~9 ; et dans A Play 01' Giants, cette pourriture des
racines "empoisonne"--tue--Ie fruit et son environnement50
~~. .Iero's /v/etamorpf7osis, p. 204.
~5 J)cath and the King's f/on'cman, p. 157.
~6. A4admen and Spcc:;a/isls, p. 126.
-17 J)cath and the Ktng\\ f!orscl11on, p. 159,
IX.
nw SWWJlp Dwe/fers, p. 104.
l'} /hL' !fuce/wc (}/Furtpides, p. 295.
'Il. . f /l/Ul' olf ;,wu.\\', p. 'Cl.

L'herhe
est
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présenle
ltIns
.\\ iildllh'lI
II/Il/
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ou
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valori~,llil)\\l ,1Inbivaknle sc lrouve COllCelllrèe dans 1,1 gélllellilé des haies que SI [3..:ro
cuelik. L.èS baies jUlllelles sonl Jes herbes qUI se resscl11hknt Ù s'y Illeprendre /n'IIS qUI
Jans leur essence recl:knl des verlus Cll l1lpièlernenl conlr,lin:s
l'une esl cur'liive [.lflliis que
l'autre est vénéneuse. A travers leur gémellite. les baies sont une métaphore très ïevèlatlïcc
dans !a pièce: l'une représente Si Bera et l'autre. Dr. Bem Et. il est intéressant de noter que
partie à la recherche du premIer type de baie. Si Bero ne trouve que le second type ~
l'univers de la pièce récuse la vie:
lya Agba : Bring it here. H's not the right oneat alL. Just now l have remembered what '10u said.
Birds haven't attacked il. Usually i!'s the poison kind they don't
go near [she breaks the stalk]. [
thought 50. This is the twin. Poison) 1
La reconnaissance par lya Agba de la baie vénéneuse constitue le début d'un processus
d'explication de l'ambivalénce intrinsèque de l'herbe au-ùeJù ue ia gémellité. "La baie
vénéneuse naît, vit et meurt comme toute autre", font remarquer les Vieilles Femmes qui
par là affirment l'identité de la nature de cette herbe particulière avec toute autre. Ainsi,
elles peuvent annoncer que : "le poison peut tout autant tuer que guérir; tout dépend de
l'utilisation que l'on en fait"52.
Les mendiants qui épient Si Bero soutiennent l'idéç que ses herbes, en prmclpe
curatives, servent à réaliser des avortements5J . Et du tas d'herbes qui remplit la ~aison, Dr.
Bero en sort une qu'il offre à son père afïn qu'jl agisse à la Socrate.
'il. MoJrnenwu/.\\''peciu!ists, p. 225.
~~ IhiJ.~ r. 22).
'i\\. I/lj(./., fJ. 262.
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drops 111<:111 gel1tlv {)vt;r Ille Old I\\;lall's lle:Jdl"~·1
L:h~rbe lh~r:.lp~uli(jue peul Lrè~ I~lcllèmclll èlre lrallSI(ml1C~ ~n un pOISllil. L'lHl~clcllles de
lorsqu'elles Jés~rknL Si l3ero I)alls les 1ll:1I1l~ de I)r. l3ero. I~Llrs herhe." (urallV~s PClI\\'Clll
èLre lIne arme de desiruciion.
L'arbre répond ;1 su manière :i cette ambivalence mais il existe pèU d'cxcmpk~ Jans
le théâtre d~ Soyinka. Dans i\\.iL{cltncrl c:nLI .\\pccù.lli.\\'fs~ panni les herb~s de Si Berc se
trouvent des écorces d'arbres55 . L'arbre en vient ainsi à partager !'amb!valence de l'herbe.
Par ailleurs. la notion d'arbre de vie est présente chez Soyinka. Cependant. lorsqu'il nait de
la tourbière de Kongi par exemple. l'arbre de vie se transtigure :
Of isms and isms on absolute-ims
To demonstrate the tree oflife
ls sprung from broken peat
.
And we the rotten bark, spurned when the tree swells its pot56.
Dans une perspective métaphorique, le palmier et le bananier s'inscrivent dans une certaine
ambivalence dans l'imaginaire de Soyinka. Le mythe raconte que dieu créa le palmier,
premier arbre, afin que l'homme ne mourut pas de soif Arbre de vie parce que producteur
du vin5ï , le symbolisme du palmier le valorise de façon tout il fait opposée lorsque l'arbre
sert il d'autres fins, comme Jans Kongi's HurveSf. "Let him [Kongi] take from the palm its
wine and not crucity lives on it", s'exprime Daodu dans son discours 5H. En etfet, transformé
en arbre de crucifixion, il devient un arbre de mort.
54. {,oc. Cif.
:'5Ihid.,p.217.
5(,
Kongi'., Hur"csl, p. 61.
'7
VOir sectIon sur le viLaiisln-: aquallqLl~ : le sYl11bolisl11-: Ju vin.
)~ Kungi'.\\- / /UI"\\'CSI, p. 12X.

I.e IJ:1I1:1I1ICl 1111. C,I tlll :trlne de \\ïe :ru re.~:InJ de :';()Il (vele de 1\\:prodIICllllll !l lil .
pour :;ll\\ïll~~1. traduil I~I conllllllllé 1J;lIïllllllICU:';C. 1.;1 Vieille piaille IllCUr! IHlllr dtllllicr
naissan~'e ;1 la ./cune (le reJct). ivlals lorsque la -,cune piaille Illeurt parce qllc la vlcille rc,'use
de Illourir. ~t1ors le ball~\\Ilier devlelll UllC Illél:JplJure aJéquate pour e:\\plliller le Jesorure. la
L.~I 1101Ion Je vegétation est égalelllcnt un SUPP0rl Jc j'alllhiv:Jiellcc du \\cgél~11 J~\\I1S
le thèltre Je Soyinka. LI séqucllct du rccit du l'v1cnJi~lnl Jans !he .\\\\l'iIlllfJ nllei/III, narrant
les cffèts positifs de la pluie dans son pays J'origine. cn donne unc illustration('O Sa
renaissance 3près de longues années de sécheresse marque ce! le d'une nouvelle vie; la
végétation c:st un indice de vie qui s'oppose à la couleur ocre du végétal mort. La eouleur
des vibTJles est particulièrement remarquable dans la scène d'ouvenure de Ihe Huccl1ue (~I
Euripldes: "Green vines cling to its [Semele's tomb] charred ruins"(>1. Dans nze Lion und
the Jewe!, le mépris de Sidi pour le vieux Baroka qu'elle considère comme "mourant"
s'exprime à travers l'imagerie de la couleur végétale:
And this goat-like fuft
Which l once thought was manly
ft is like scattered twists of grass-
Not even green
But charred and lifeless, as after a forest fire,62
L'épine que ponent certains végétaux est un autre signe de leur ambivalence. L'imaginaire
qui perçoit l'épine comme la défense de la plante consacre la notion d'ambivalence, La
défense suggère en effet la protection à la tüis de soi et contre autrui. Le poème
'D,:dication' dans [dunre chante l'épine comme gardienne du trésor de 1'v10remi(i,. A l'opposé
j\\l. Voir section sur le rite de purification: la mort J'Elesin.
fJU.
l'he Swump /)weller.\\·, pp. 98-99.
(". n'le /Juu.:/Wl.' Ii/Furipides, p. no.
(,"
'!'Iii! I.il)n und rllt' .le wei. p. n
".1. Ii/unn: und Olllcf" j'lil.'ms, p. 24
--- - - - - - - _ . _ . _ - - - - - - - _ . _ - - - - - - - - - - - - -.. _-- ------ . _.. - ----_. __._.._- -_ .. _.

la Cl)lIl\\HlIlC J'épincs du IllCSSIC lors Je sa prCllllère vellUC, évoque cclk ,iu l.ïms!. cl les
épillês su:o;gèrl:nl claireillent la sllulTrallcc, les sévices qu',1 subit
"I\\t IllV Ilrsl cllilling;' i\\
crown oF thorns / The ,'()olhardy hedgelll1~
W:IS spreaJca~lcd llil Ilalls , 1 [lave [)l)me [hc
tllomed croWIl ! Shed [cars as tllc sea"r,;
Il convient Je retenir que chacun des visJf:;es du \\egétal révèle il un niveau ou Ù Uil
autre l'expression de son ambivalence dans !e rhéâtre de Slwinb. Cela est aussi vrai pour la
forêt que nous n'avons pas \\I1cluse ici. Le fait est que. comme nous l'avons vu. l'essentiel de
sa signitïcation réside. chez Soyinka, dans une perspective plutôt rituelle. Elle symbolise le
gouffre transitionnel. Or on sait que le ~'Touffre est le creust même de l'ambivalence
creuset des forces à la fois destructrices et créatrices.
ll. 1. 3. L'ambivalence de l'aquatique
A travers ses différentes modalités d'existence, l'aquatique, à l'instar des autres
éléments, recèle des virtualités créatrices et destructrices, ou connote la vie ou la mort.
C'est le fondement de son ambivalence. Il tàut noter que c'est sans doute l'élément le plus
récurrent dans le théâtre de Soyinka,
fI. 1. 3. l. De l'eau
L'eau représente certainement la modalité la plus évidente de l'aquatique. Mais il
s'agit d'une notion vaste qui recèle plusieurs figures ; et celles-ci sont réellement
r,·1
/(IJngi\\' I-IL/nit:.\\'I. p. XX.
h·~ / /Jù/., p. 14().
---- -. ----.--.----
_
_.,-.-.~_._---,---_._.-- - - - - - - - - ----
- : - . __._~-_._ .._--- . ----- ---------------
------~ - - - - -
. ._--_.- --------- - --- -----

thl:ll1alll)ues donnés du plïnClpe aquatllJue que l\\lInbl\\~lkIlCL' liL' l'e:llI sc ";:IIS11 il; plll.s
:lISl:lllènl.
li. 1. J. 1. 1. L'humidité dc l'cau
InuepemJallllllclll du lype d'e~lll :wqueJ elle :lppar-lIenL l'IlLlllllJile reccle Jes
virtualites positlvcs qui s\\:'\\prilllent di\\ èrSClllent. Elle constitue Lill remède contre le leu
destructeur. Dans A nl/IICe u(llie Furesrs, la seule solutlOll pour éteindre le tell qUI "brCde
sur la tète du coq est de verser de l'eau dessus"('" ; tandis que dans Ihc NUl/d c'est la pluie
qui vient à bout du feu qui ceinture la taille de l'agemo : "Rain-reeds, unbend LO me, quench
/ The bum cartwheels at my waist!" 67
Mais c'est sans doute par rappon à la terre que l'humidité de i'eau trouve
l'expression réelle de sa positivité. Les rainures laissées par la pluie sur la terre sont des
"chemins de vie"68. Les eatL'( qui trempent la terre apportent les éléments nécessaires au
tubercule enfoui dans le sol69 ; le poète imagine Moremi comme une terre qui ne doit pas
ètre foulée par les pieds des hommes mais plutôt caressée par la pluie70. La terre
humidifiée est une terre qui est prète pour la culture. Segi utilise cette métaphore pour
exprimer son désir sexuel de Daodu. Cette valorisation de l'humidité apparaît également
dans The Swamp Dwefiers mais est prise en charge par un autre type d'approche de l'eau
que nous verrons plus bas.
(,('. A j)unce ofthe Forest.", p. 10.
(,7 l'he Nouu, p. 150.
(,~, lL!unre unJOther jJoems, p 39.
(,') Illid., r ~4.
m /.uc. (.//.

\\'\\;:IU qUI
11IJll1ldiliL~ [1\\::-;1 ccpelllÎ:llll 11;1" touJours sou!l;lIlec i."~lr clll: peul cIrc
Ile vcuL cnLrcprelldre
l'I1ulllldlle de l'C:lll L'.\\llale la Illon/ I
Dans j),'({lil '/11,/ Ille / ... 11/,:"::'
i/()I'Sc'lIlUlI. Uesin prcnd pilie du dieu lrempe par ia pluie Cl iUl \\lifte Uil ~\\b\\l
Praisé-~ingl'r Lksin \\ )ha i ,\\ré vou nUl lilal 11l;1Il who
Luukl'd (>Ill or .:.iOOIS 1h;lI :<101111'," day
l'he: glJJ "l'Ille!\\. liliij)èd :·,v. l:iL'ileh.:d
To the \\/cry >dic~ J11(li hc1d
!-'i~; :'=l~~ ~D~~th~.:-') \\"uu !ook pit~~· ::pcn
His son.~s :!I1J ',vished hi!~l lè)r!Ulh:.,71
La pluie qui pénètre la ma.ison ct mouille ses occupants est une pluie redoutée, car
l'humidité insidieuse est une négation de la chaleur intérieure .. "There :lre alwavs rhrongs
ofhumanity behind the Ieave-taker. The rain should not come throLLgh the roof for them""3.
Il existe ainsi un type d'humidité qui est effrayante comme ceBe qUè redoutent ies
villageois ùu Nord dans Tlie Swwnp Dweilers. Après la brranùe pluie. ils se dépêchent de
Mais dans le même temps, on apprend que c'est à la recherche de J'humidité de l'eau que Je
Mendiant descend le t1euve : "j'ai juré de ne plus fouler que du sol humide", dit-iF5. On
entrevoit à travers cette double valorisation de l'humidité de l'eau, un autre principe
aquatique analysable en tennes de présence/absence.
71. Voir section sur la moisson: la moisson karmique.
n
J)ealh und the King\\' f-{orseman, pp. 153-154.
n. Ihid., p. 162.
7·1
/'Ile ,\\!-FUlll!, Owcl/crs. P 99.
h
IhùL, p. In.

:1
,.
1
de l'C~lU. i\\!I~IIS il ne s'agll pas vr:.ul11cnl Jc cel il: quc peul Illdlquer j'oPllosillon "-st-Nord Oll
1'F::sl représenlc le pavs Uaw, unc zone d'abondanlcs cau."", cl le Nord, pavs d'originc du
iVkndiallL ulle ZOllé de secilcresse pelïn;llléllle. C'esl à l'Illterieur du JCllller cadre cllC. le
Nord, que ia présence,absellLT prend une reeiic ~jiglliiïcall(lIL
Dalls Url pn..'llllcr lClllpS, le NUI'cl dait caraclerise par L11\\l: i(1I1~Ul.' cl perpéluclle
secheresse:
8eggar
ifwc had the hundredth part üfwha[ yüll had. i IVould Ill)[ bc ~iiting under roof
Makun : ls it reallv dry up country')
8eggar' ... A fittle IVorse than tbat 77
li n'y avait plus, en définitive, qu'une seule saison, celle de !a sécheresse. La terre avait si
"soif que les petites eaux des pluies sporadiques allaient tout drOlt dans ses entrailles". Au
niveau social, .c'était la tàmine et la mendicité; les gens ne vivaient plus que d'aumones.
Un nouveau mode de vie s'était créé: "nous y étions habitués", dit le mendiant78.
Mais le mendiant raconte qu'un beau jour de la longue sécheresse, la pluie
commença à tomber comme personne ne l'avait jamais vu ; et le changement qui s'en suivit
fut comme un miracle:
The sail not only held the water, but it began ta show off a leaf here and there... even on kola trees
which had been stunted fTom birth. Wild millet pushed its wav through the soil.. 79
7(,.
Voir section sur la moisson: la moisson karmique. Aussi, ce n'est pas vraiment en
termes d'opposition que devrait s'analyser le Nord et l'Est quant à l'eau: c'est plutôt en
tennes de ressemblance: absente ou présente la notion d'cau évoque la même réalité.
77 l'he SWUlnp /)1 t'e1lers , p. 9~.
7S
/'oc. (.'il.
~". (OL'. (.1/.

I.:! VIC repnt donc cc .:ol!r-I:I !lOll seulement :!I1 nlve:lll l.k !:l n:llllre Pl" !lllii :1 COlntrlellCC :'1
nalure. 1":11 ~\\)Il1I11L: IOlll ~Iall rcnlré en COll1l11UllIOIl .
ThiS IV;\\S 1he closesi 1hal wc ever iClL [0 Olle ;11101 her This \\\\'as 1he IllOlllerll 1h;1\\ the villaL:e hl'clllle ;1
clan. ;\\Ild Ihe c1all a 1101ISdlOld, anu even Ihal was Laken b\\'·\\llall Ilile I)eg,:;ar IS 11I1Islillli ill Olll' ur his
large hallds ami klll,aded \\Vith the clay urllll' C;II'IIll\\{)
MalS l'C hon/1eur lIlattenJu gcnerc par ia presence Je i'cau ne l'ut qu'un l'L'pit. L'tlIl1I11L' le <.Ji,
ivia"un coml11entant ï:lI1noncc lk ia fin des piuies--~l iTsl--par le f(:IJi\\\\.'. L.es C:llJ:\\ Jes
pluies pOilent Cil clks k gefiîîc de la vie v2gétak, humaine. iiî,liS aliSSi animale. , 1.~.
LL')
sauterelles firent !eur apP3fition
!3 p!ulcs~ cntr31nnnt derrière r:'\\II~c" IPo
\\"'11\\",-.)
1'-
corr~ge de
disette, de misère et de désolrrtion, Et la Vlè "retourna :1 la nonnale", dit ironiquement le
mendiant~l. La nonnalité de la vie ici, c'est celle caracténsée par la sécheresse, la valence
négative de l'eau. En désespoir de cause, l'aveugle quitte définitivement le nord à la
recherche d'une nouvelle vie.
Ainsi si j'appantlOn des insectes àestructeurs est un coroilaire àe ia présence de
l'eau, il n'en demeure pas moins que cette présence se valorise positivement par mpport à
son absence, En tout cas, le mendiant qui associe présence de ['eau et vie, part hardiment à
sa recherche. fi se retrouve en pays ijaw où ironiquement, ['eau n'est pas moins porteuse du
message de mort--pour d'autres raisons que nous avons déjà évoquées. Dans son voyage, il
suit le cours d'une rivière; et cela est indicateur d'une valorisation de ['eau courante; un
thème assez récurrent chez Soyinka.
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clall. :lIld Ih\\: cl ail ;1 Iiolischoid. :lIld C\\'\\:11 lhal was Lakcl1 I)\\, :\\llah IthL' Ilcggar is 1l1llSlilili il1 olle (JI' his
brg\\: h,ulds :111(1 kllCa(kd with Ihl' clay or Ihe carth~;(J
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MaL''; L'e bOl1heur Illallclhlu ,SellcrL' par ia prcsellCL' dL' l'e:LU Ile rül qu'UIl rL'plt. comme le Uil
Îvia~uri COIl1IllClll:llli ï:lllllollce de i:l fin lks piuies--ù ïEsl--par k i,-adi\\'c i.es cau,\\ des
pluies pOitent Cil elles le geiïne de la vie v~gdéik, hUi1laiiie. iiî:iis aussi dilirn;ilc. Les
C'''l"t~rÇt.ll~C'
r;rl~nt 1~llr o,nn"lr;t;(,\\n "lnrÇt.C' 10') ,,,III";'aC
0ntr'l!M'l'''t
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disette, de misère et de désolniion. Et la vie "retourna ù la nomlale", dit ironIquement le
mendiantD1 . La nomlalité de la vie ici, c'est celle caractérisée par la sécheresse, la valence
négatlve de l'eau. En désespoir de cause, l'aveugle quitte défïnitivement le nord à la
recherche d'une nouvelle vie.
Âinsi si j'apparItIOn des Illsectes destructeurs est un cowilaire de ia présence de
l'eau, il n'en demeUïe pas moins que cette présence se valorise positivement paï ïapport à
son absence. En tout cas, le mendiant qui associe présence de l'eau et vie, part hardiment à
,sa recherche, Il se retrouve en pays ijaw où ironiquement, l'eau n'est pas moins porteuse du
message de mort--pour d'autres raisons que nous avons déjà évoquées. Dans son voyage, il
suit le cours d'une rivière; et cela est indicateur d'une valorisation de l'eau courante; un
thème assez récurrent chez Soyinka.
SlI
IhiJ., P 9~,
;~ 1 /.1 Je. (,II.

! 1. 1. J. l. J. 1.l'~ (':111 X COli ra ri t.l'~
I.e Ilcllve Ill1 LI l,Viere -;0111 en lalll L1l1'e:11l Cllllr:lllIe.•les SVlllhll!c-; :1I11hlv;denls
reconnus univcrselklllcni. I.e Lili de SUIVIe le cours de (es C;III:\\ courailles revcle le IllCllle
principe ambivalent
Lc sVll1h()lisll1c du lku\\lc.•Ie !''';c()ulell1cnl l.leS l'am;,. l'Si ;'\\ LI I;)is (ciUI dl' 1<1 1J\\\\ssihilill' ulllvl'.rsdic l'l
(l'lui .Ic l'euluil'lllcnl dcs (lrCl'" celui dl' la lenililc, .il' 1;1 111<\\1'1 cl du rcn()lI\\,dkIIlCllI. i.c courant l'si
œlui dl' la vic L't dl' la Illun
1.,:1 dl'sccnll', \\crs l'<1CL';u 1 l'sI le' [';\\ssL:nlhk:nll'lli dcs C;1II'. le' rl'Iuur :1
l'indilllTcncialll1ll. l'acel's lili 'lirvan)Q
Plusieurs Je ces aspecls symboliques Je l'cau couranle :;ont présents dans le thé~llre dc
Soyinka
Dans Ihe Swurnp Dl.ve//eTs, si le passage de l'Awugk du nord ù l'est relève d'une
quête de la vie, alors. le tleuve constitue l'élément par lequel cela se réalise:
Beggar : 1 resolved ta tûllow the river as far as it went. and never ta turn back. If 1 leave here [the
swamps], it will be to continue in the same directionS].
Sa descente du tleuve constitue Wl processus presque initiatique--vers une nouvelle
existence. Il couvient de s'arrêter Wl peu là-dessus.
Bravant mille ët une difticulté et humiliations, le mendiant entame la descente du
fleuve. II affirme entre autres choses: "With sorne, it \\\\las the children and their stones; and
sornetimes the dogs followed me and whetted their tee th on my anklesM . Maisdéfiam
toutes ces épreuves, il continue vaillamment son chemin, "] shall follow the river to the
end":-\\5. Le désir profond de changement qui l'habite le rend plus hardi. Quand tinalernent il
arrive dans la fb.milk Mariku, au bout du tlèuve, 011 lUI lave les pieds. Alu exécute la tàche
d'une manière presque rituelle
"Alu squats down and washes his feet. When this is
X2 Chl:valicr, .fean ct Ghcerbrant, A., {)iCliol1l1L11re des .\\vmho/es, p. 449, ..
XI,
l'he ,<'iwwnp Dwe/lers, p. 89.
S.I. /hid., P LJO.
X'. I.uc. (.'il.

lïll!S!led. ~;hc \\VlpC'; !hem dr\\' 1:lkv::I ~Ill:ti!i;!r Irol11 I1l1e llllhc sllch'l'> :lIld rubs hls I\\.;el
\\V111l Sllllle 1111111 (JI' llllllfIlCII!"~"
I.cs rlles de 1;IVCIlIClll ,ks plL'ds S01l1 L'OIIlIlIS L:lltllille des
acles dc punlïc;III()ll~: , pUlllïc;lllon de 1':lllle pour IJaul I)lel scion qUI le plcd symhollse
Le I11C1HJtanl. IClînille la descelltc ,lu Ilcuve par Utl :lcle dc iJUrI l'iclllllll cumlnc pour
Illleu,\\ l1l;lrquer le pwce;;sus cil' chan::;L':1lL'Il\\ dU pour IllICU,\\ l';lssuiller. [1 :lccèJc L'Il cllC!.
grâce JU IlCUVé, Ù L!ll autre univers qui ~~1I1~ ètrc le NjrV~lrl~L n'en rccèl~ pas 1110lns lh.:s
promesses ck vie.
C'çst sans doure le lit de cette mème rivière que Makuri et Alu utilisàent comme lit
conjugaL la nuit de leurs noces. Nous avons déjà évoqué dans une perspective mystique, la
positivité qui se rattache à cette attitude. Ici. on peut ajouter que le cont1uent des rivières
représente le symbole mème de la (usion, du "mariage" : "Where the rivers meeL there the
marriage must begin"l\\9 Dans The Slrong Brœd, la positivité de la rivière réside et se
comprend dans le rôle qu'elle joue dans la cérémonie de puritication du village d'Eman.
Elle transporte dans son courant les péchés annuels représentés par ou contenus
symboliquement dans la barque miniature que le père d'Eman y jette90. Cette capacité
purificatrice de l'eau courante est également évoquée dans Madmen and Specia/isls sous sa
forme de déluge:
üld Man: .... These midgets [the mendicants 1 try ta recreate the Flood but they lack the power. At
least God had a reason. A damnable reason but at least he had a reason. And a goad pump ta cJean up
the mess!) 1.
xli lhid., p. 98.
:<7
Eliade, Mircea, /,e sucré cf /e pro/âne, p. Ill.
XK
Die!, Paul, I.e svmh()/ismc Juns /u mVI!t()/())f,ie greec/ue, [l. 135.
Xt)
Jïu: ,\\\\vump OH'c//ers, fJ ~(,.
',J(I
llie .','Iron)!, /)rC:c'(J~ p. 133.
"1
i\\luJ/lI<:111/11d .....(Jl 'l.,u/i.\\/.\\, [l. J,r»).

1.:1
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ICI
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prinCIp': bien/mal. l\\ul11iliell de la IlHèt s~ll1lbollqlle J'lsl1Ia. la rivière separe le 11IllIIJe Je la
tortUè de cGilli du I11ccll:lill serpent:
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Tlwre IS :\\ IllOl1slcr <11':1 Sllaf..e' wltich lih'S lusi :\\(!'\\'SS lite slre:llll--\\1h'r tlte'le. ill th:1l ( 1i1111 11 (JI'
bambpos
i\\IOlirOlll1Ke
('ail il s\\\\'illl acmss Ihe slreaM' '1~
La rivière-I'rontière introduit clairement la notion d'all1lm'alence, Elle sépare cleu.\\ mondes
antinomiques. Le serpent destmcteur la traverse constamment pour s'attaquer au.\\ oeufs de
la tortue. symboles de vie. et retourner de l'autre cotI!:. L'eau courante est Ici negative. tout
comme dans d'autres oeuvres de Soyinka.
Dans The Road, la rivière qui coule sous le pont "avale" les. passagers qui y tinissent
accidentellement leur course. Sa force de destruction est suggérée par la métaphore
suivante: "The river? When the river is parched what choice but this? Still it is a pleasant
trickle--reddening somewhat--between barren thighs of an ever patient rock"93. Le sang
menstruel ou la dureté du rocher évoque des images de destruction. Dans The Strong
Breed, la rivière signifie également destruction et appelle la femme. Dans le flash-back sur
la circoncision d'Eman, c'est en etfet d'une rivière que Omae va lui rendre visite et le
"souille", entrainant l'écourtement de son initiation. son départ du village. Par ailleurs,
lorsqu'il devient bouc émissaire, la recherche de la rivière le conduit dans le pIege des
villageois, c'est-à-dire à sa mort :
Eman: Tell me tirst where you are going,
üld Man. '" Where e1sc but ta the river'!
'/è, ( 'Ull1wfJfJd {Ill tlIC: /.euves., p.
104,
"'. Ille /(lJud, p. IlJ7.

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l'eau riVière et Je l'cau boisson, L"esl qLle sous cetle dernière l'orme. l'cali g:lrde IllllllHILS SOli
am biva 1enec.
Il. l. J. l. 4. L'cau hn·lJ\\"lge et autres fluides app'lrentés
L'eau breuvage, c'est l'eau que l'on ,kslre ou que l'on boit Duns le thé~Hre de
Soyinka, l'eau que l'on désire pour étancher sa soif prend un visage nocturne: et c'est
essentiellement dans jlle ,'ltnJng f3reed qu'elle est ainsi présentée.
Toute la progession de l'action, à partir du moment où Eman deVient panie prenante
du rituel, est fondée sur ['idée de la soif. La seconde fois qu'on l'aperçoit en tant que bouc
émissaire, c'est lorsqu'il essaie de retourner chez lui afin de trouver de l'eau à boire:
Eman: They [the ritualists] are guarding my house... as ifl would go there, but l need wateL .. They
could at least grant me thaL. l can be thirsty too., 9S
Dans la suite de l'action, toutes les séquences représentant Eman dans son rôle rituel ont
pour thème l'élément eau, la soif d'Eman. La première fois, il est trahi par la Fille à qui il
demande de l'aide96. Ensuite, les villageois gardent tous les puits et lui tendent un piège sur
la route de la rivière97. Enfin, il est pris au piège lorsqu'il court à la rivière pour y boire98
'/4, 'lhe Slrong Rreed, p. 145.
')5 fhid.. p,132.
<je,. fIJiJ., p. 142.
'n Ihid, p 144.
"~.I/l/d,p,145,
------ ------_._-_.__.__...---

d'c~IU :,e v~lllllïSe dlllSI Ilégaliveillenl parce quc :ia quélc peul conduire l'IndiVidu \\crs 1;1
réaiisationn J'UIl Jeslll1 qUI Il'esl pas IOL!.Inllls souhallahle.
On peul 1101er en cc sens que, Jans la pièce comique /i!'ul!/(:!' ./UI!. !l)r.sque l..JlLlllle
ohtient du prophde la pennissillil Je h~ILlre :,a Icnllllc. l'cJU brcuvage CllllSllluc l\\lccaslll11
npportulle qu'il saisit pour :UTlver Ù SèS 1111:' .
:\\lllUI1l'
1 do Illy ~harL~ a~ l'vL' ail\\·ays ,Ione 1 cu()~nl .\\'(1Ur 111C;II. I)til when 1 .:~~ vuu 1\\1 hrÎIIg JIlL'
some c1can \\Vatel'. you lorge!
Chume
r dic! not lorgel :\\ne! no\\V pack up vour things becallse lVe'rc going 11l1111e. IAI11(1pe ~tarcs at
him 1I1lbelieving 99
1
L'eau breuvage peU[ ètre valorisée pour ses vertus curatives.
A·!udmen und
'~/)cci(JlisISen offre pratiquement la seule illustration lorsqu'au cours d'une des parodies des
méthodes d'extorsion de la vérité par les spécialistes, Goyi jouant le rôle de la victime est
"guéri" en absorbant l'''eau'' •
Aafaa: [He taps Goyi on the shoulder]. Are you recovered?
Cripple : Perhaps he needs a drink ofwater....
[Blindman hands Goyi a 'bowl' of water. Goyi drains it while they ail watch avid!y] 100
JI ne s'agit certes pas d'une eau réelle mais d'un substitut ; néanmoins, le fait reste
significatif dans l'imaginaire symbolique. Ainsi, on peut également noter que dans fdanre,
le poète invite Moremi à s'abreuver de l'eau de pluie, car elle est promesse de vie: "This,
rain-water, is the .gift / Of god--drink ofits purity bear fruits in season"101.
Thérapeutique ou germe de vic, l'eau breuvage recèle des potentialités vitales,
synonymes de positivité. Cette valence est aussi récurrente que sa contrepartie dans le
'1". l'he Trio!s IIfRlïJlhcr .lem, p. 163.
1110 l'I/uc/men und '~/)eâu;;Sls, p 224.
1111. Itfunre ufld Oll/e,. l '1) e111.\\ , p. 2S.
1--.. _.--;---'- - -..-.._
.....- - - . - - - - . -..- - - -..- ....._...__ ._.

Il()I:-;SPII
Il
res!c;1 Illllili l'cr qU';'1 cÙle Jc ccs 11Ivcau:\\ où l'c:llI ;lpparaiL sous scs aspccts
essclllicis. il cXlsLC d';\\UlrCS C;IS 11011 1l101Ils rcvClaLcurs où le Ihudc s'app:m:llle plus ;1 l'cau
qu'ù 1()UlC auLre lllolJal ilc aquatlquc. I\\IIlSI la l11el' eSl c\\'nqucc dalls /\\:UIl(/' lliln:,'s!
cOlllllle snurcc dc richesse I1UIllllOIlIlCiics l;\\: cl., llléwpl1l\\riqucIl1CIlL, (\\lI11111e lanl1cs de
düulèurs!(!~ l~l., parce qu'clic évoque la sirl:l1c Ù l'image de 1;ILjucllc s'explique la valenCè
destructive de Scgi 1114. la mer inspire également lu terreUL Duns ./em\\\\lc/uJI!i!rpf/llsis,
Ananaias s'imagine plongeant la tête de ses ennemis dans l'eau de mer il ') Dans la même
oeuvre, Brother .Iero imagine le sort de Chume comme L1ne noyade dalls la merlU!" si
précédemment son attentat contre lui (lero) avait pu se réaliser.
Il y a ensuite la salive. cette eau de la bouche, Wl symbole attesté qui, associé à la
parole, s'imbibe des pouvoirs de celte-ci. Mais en elle-mème, la salive est tout aussi
si6'11ificative. Dans The Srrang Breed, lorsque dans sa fuite éperdue, Eman bouc émissaire
se retrouve derrière une case, la femme qui le découvre crache sur lui W7 Ce geste s'inscrit
dans l'esprit de la purification; le crachat étant censé symboliser les péchés intérieurs de la
femme.
A l'opposé de cette valorisation, la sal1ve apparaît dans K()ng/~ Harvest comme
élément de sévices, du processus de destruction que subit le Messie lors de sa première
venue. "[ was spat upon / A Ieper's spittfe"'ux. fl ne s'agit même pas de la salive d'un ètre
102. Kongi's Hurvesl, p. 127.
103 fhid., p. 140.
104. /hid., p. 88.
lU' . .lem's A4e/amorp!1osis, p. 17f).
1()('. fIJiJ.,
194.
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La salive sur la nourlllUrc J,[kSlll sYlllbollse sa ll111rt SOCi:lk cl C'-:pIlIl1C Li (\\)[TUplilln de sa
vie dè~ lors qu'il échoue d:lIls k !ïlue!
Les diverses manifestations Iluides apparentées ~l t'eau sont ambl\\:llentes parce que
le concept même de l'eau est Jmblvalent : et cc concept n'est pas seulement réalité concrète
mais Jussi figure de l'imaginaire, On comprend alors que l'amour de Lakunk pour Sidi soit
comparé à l'eau de son àme qu'il verse sur dle 11iJ, et que la sagessç Qç Danlola soit
assimilée à une pluie à laquelle Sarumi fait appell!l. Dans .,4 Pluy of GlU/ilS. c'est toute la
"positivité du pouvoir" qui se révèle lorsque Boky l'imagine. comme une eau qu'il faut
garder jalousement, sans partage 112 Mais dialectiquement, le concept de l'eau prend à juste
titre un visage nocturne, évoquant la pourriture ou la mort; d'une part, dans The Roud où la
mort soudaine du père de Kotonu est imaginée comme la "rosée de la sécheresse"! 13 ; et
d'autre part, dans Kongi's Hurvest où la corruption devenue système d'état au pays de
Kongi est un ruisseau juteux l [4 dans lequel l'on voit le Secrétaire s'abreuver. Cette
ambivalence de l'eau est celle de l'aquatique en général notamment le vin.
IO'J, JJeut/z und the King's Horsemun, p. 212.
110, lÏ7e Lion und the Jewel, p. 7,
111. Kungi's Harves/. p. 68.
Il:. A ?/uyofGiUnlS, r. 4.
111
lhe NUL/cl, p. ~3 1.
III
!\\I)ngi's /lL/J'l.'csl, p, ?{5.
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! l. !. J. 2. Bl! vi!!
I,c Vlll c,'il UllC illlld~t1llé ;Iquatlquc llUI dans le 1l1c:jtrc LIc SllVlllh.;\\ rClnpl1l ;IV;lIlI louf
ulle IlHldlOll mystique. il est ;Issoclé Ù Jes Jivlllltes Lhlllilees
MaiS !1IHlr ;lLIl~1I1L il n'en
demeure p:.lS moins une Ih)lSS(ln ; cl c'csl en tant que :dlc Lju'~lpparail sa vallllîsallOIl
:.lllllJl\\/a le nte.
assez ïiche. Le principe Je l'alcool est IUI-illême l'c.'\\pre:-;sioll J'ulle clmhivalèllcc Cil tant
nu';] "re"llt's'" 1'1 "\\'nth"'sD ,1 ... l'u'lU ,_.t du !"a u" 1l' ~1n;s ,,'ù<-t /; .... tOI1 QaC·ll,~I·ll-'· llLII' "']11S J()ute
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détinit le mieux cette ambivalence à travers l'analyse des ~1èUVTes de deux :.1l1teurs celèbres :
L'nlcool de Hotfman. c'est l'alcool qui tlambe : il est marqu~ du signe qualitatif. fOut masculin du feu.
L'acool de Poe. c'est l'alcool qui submerge d qui donne l'oubli èt la mort. il es! marqué du signe tout
tëminin de l'eau 116
Dans une certaine mesure, le vin chez Soyinka cumule synthétiquement ces deux
valorisations opposées. La notion d'ivresse en constitue l'un des supports d'expression les
plus essentiels.
Qu'il soit dionysiaque ou ogunien, le vin acquiert l'essentiel de sa valence négative
dans la perspective de l'ivresse. Il s'agit de cette ivresse évocatrice du drame archétypique
divin--ogunien--dont le poète revit les péripéties au pied du Mont Idanre I17.C'est l'ivresse
qui, en "engendrant l'oubli", réveille l'animal en l'être ou crée une sorte de désordre
intérieur, et le conduit à la débauche, à la destruction.
Dans A Dance 01 the /7'orests où l'on retrouve Ogun, il est non la victime, mats
l'auteur de l'ivresse J'autrui: Murete des arbres:
! l'. Chevalier, J. èl Ci. i\\ , Op. ( 'II., p. 23.
i 1(,
i3achclard, Gaston. /.u p.\\lichuJ/uh'se dUfe'll. p. i 4')
7
11
Ii/lin!'/' ({tld UI/ILT li(/(:JIIS, PIT 74-7:'>
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[.'aele J'(h.:un vise ~I llrer de l\\!Iurcle Cil 1'1I1l l\\u"'veu:\\ des arhres" des IIllÎml1aliOnS
cOllcernalll Dernoke cl qu'il Ile livrerall sans Joule pas Cil elalll lucide l.'~lr Murele esl
cenes reCIHHlU pour SOIl goÙl prollonce l')()ur le Vlll--de 11111--I11,IIS Il sel11hle qu'ri COl1l1alSSe
le prine'l)c de ia mesul'e : li Il'ignon:: pas ie [Jouvolr du Vlll cl les cons\\.-'quclll'CS I1ci~lsles Llue
œla pèui engcndrer il l11èlJaCC Je COllll11ètrre le sacriiègc: du VII1 Je pail11c--soll iaboo--ul1
jour qu'il sera ivre ll ')
Si dans ~e rheiitre de Soyinka l'i,,'ressè causée par le vin n\\1t1eint jamais des
proportions archétypales, elle n'en est pas moins dangereuse. L'apotheose et la chute de
Professor dans the Roud au cours de sa quête à l'église repose sur une attitude paradoxale
qu'il adopte
par rappon au vin et qui en révèle la valorisation. Au plus fort de son
occupation, il tàisait des raids pour détruire les cabarets des villageois , là où ils
s'adonnaient à l'ivresse
à travers le vin 120.
Mais lorsqu'il commence à découvnr
l'ambivalence du vin et qu'il en enseigne les vertus à ses élèves, il est renvoyé par l'évêque.
L'être ivre est souvent considéré comme un être dangereLLx, et d'autres fois comme
un être mort. Lakunle, le vilain dans The Lion and the Jewe/, joue à juste titre le rôle de
l'ivroh'l1e dans le mime de l'étranger l21 Dans Kongi's Hurvest, après que Daodu, héritier au
trône, a déchiré le tam-tam royal, Danlola qui y voit la fin de son rè,!;,'l1e estime qu'il est
"temps pour lui de s'adonner au vin"122. Si le vin peut constituer un refuge pour l'être
"inutile", cela est bien indicateur de sa valorisation.
IIX. ,1 f)unce (~(the Fores/s, p. 14.
Il')
/b/l1., p. 46.
L~n /ïle /<OU(j~ p. 206.
~
1
1
j'lie i./lJrllIlltll!/l: JL'wt:l, J1
1:33.
12.', /((/lIgl\\ HIII"1·('.\\I. p. 1 Il.
- - ~ - ' - - - ~ ~ - - - - - - - - - - - - ~
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sl~nil'le dchauclte pour l'el1l11eus ct potellll~tliles sptrlluèllc~ pour les autres Niais Cil deiJOIs
de lOllle eOll~IJéralloll rlluelle. c'esl la scelle Jes Jeux labk~llL\\ Je IfHllïage que IlOIIS ;1\\1011:>
èvoquec ~i Illaillks reprises qUI révèle l'alllblv;Jience propre Ju villi~". 1);1I1S celle scèuL'. "v
a Ullè Judicieuse cOlllhinaisoll Jes Jeux il1èll1es--lc l11arlJse cl le Vill--()lI l'IlacLlII dcsdcux
excclknœ de ln tr~.lI1sf()nn'lli()n tandis que le vin ,'eprcsen!e lin catalyseur ou biell dc
création l)U bien de destruction. Délns Ch,1CUlll;' des del!\\ ceremonies, 1',mitllde de c!1,lcun
des deux tiancés par rapport au vin détermine l'issue de leur mariage: pour le premier. le
mariage est détruit à cause du vi n, et pour le second. il es! scei lé gràce au vi n.
AinSI, en contrechamp de la valence destructrice du vin se trouve celle qui est à la
fois positive et valOrIsante pour l'individu. C'est cet aspect positif du vin qui en vient à
symboliser le monde pour l'épicurien Glesin; il s'en abreuve jusqu'à la dernière gouue :
Praise-singer .... ' Elesin Oba! 1 say you are [he man who
Chanced upon the calabash ofhonour
Vou thought it was palm wine and
Drained its content to the final drop 124
Ce vin n'est pas pour autant dénué de toute potential ité pouvant conduire à l'ivresse de
, l'être. Le fait ici est que cette ivresse est plutôt créatrice ; le vin contient le feu de la
création, il réveille ou crée des virtualités positives en l'être.
Dans Kongi's Hurvesl, le Secrétaire devient plus tolérant envers Daoudu après
quelques gorgées de bière dans le bar de Segi. Mais plus encore, il y trouve une inspiration
qui lui permet de découvrir la formule la plus adéquate pour exprimer à la fois son propore
crédo et l'esprit de la fête de Kongi : il en lait un slogan.
121
Vl)lr ~;~clj()n slir k rile Je passage. k mariage dans lite /Jucchuc Ii/Fur/jJILles.
i~ 1 1)culh ,,,,LI Il't' f...ill'.!,'s !/1I!'seIl!UII, p. 154
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àu vin devenu nectar dans sa gorge. C'est que la soif de vin est un phénomène
valorisant,
elle tmduit une aspiïation à ses qualités, à ses vertus cïéatrices intrinsèques.
Dans son discours, Daodu exprime~ ironiquelnent certes, Uiie part de la positivité du
"voyage" du messie en tennes de soif de vin i2ï. Et dans la chanson d'ouverture du rituel de
Kongi, forme lyrique du discours, la même idée réapparaît, et le messie chante alors sa
seconde venue comme suit: "1 am born on laughter / 1 have come palm \\vine thirsting"!28.
Le vin de palme recèle des capacités positives cert.zines ; mais il semble qu'il soit encore
meilleur quand il est VIeux: une sagesse de Baroka dans The Linn und the .Iewe/129. Cela
n'enlève cependant rien à ia valeur du vin matinal qui, dans Deuih unJ the King's
Horseman, est intercepté chez le malafoutier dès son œtour du champ_ Elesin avait le
125. Kongi~'i Harvcst, p. 79.
126 Bachelard, Gaston. Op. (il., p_ 144.
in Kongr,· Han'es" p.12ï.
12s /hu/.. p_141_
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crHl1rarariv~;1 cc sujct'ù la t!n du chapitre.
H. 1. 3. 3. Du sang
Le sang est un dément aquatique parce qu'il est W1 nUlde. Svmbolisant toutes !ès
valeurs associées au teu i30 , ii est aussi je véhicule de la vIe: il contient ie germe de ia vIe.
Dans ie lhéâtre de Soyinka, ii joue une fonction mystique certaine que nous avons évoquée.
Il Y assume ta notion d'ambivalence, fondée sur la dualité vie-mort ou création-destruction.
C'est également en tant que porteur de l'âme de l'individu, symbole du lien vital ou symbole
de régénération, qu'il y est pertinent par rapport à la vie, à la création.
Le sang contient les traits cararactéristiques de l'individu, porte la vérité de t'être. Il
est ainsi présent dans Dcuth und the King's Horseman où le titre d'Elesin, Elesin Oba, est
intrinsèquement lié à son sang:
Amusa' The chief who cali (sic) hÎmself Elesin Oba.
Wornan : You ignorant. lt is not he who caUs himself Elesin Oba, it is his blood that says it 131.
On retrouve, au-delà de l'ironie de l'auteur, le même principe dans The Trial of Firot/zer
.lem, où lero tient la prophétie de son sang 132 ; et dans A Pluy uf Giunt.\\', les quatres géants
tiennent leur pouvoir, leur rôle de dirigeants, de leur sang:
!11)
C!:l:vaJier, J el C. A., Op. Cil., p. ~43
i ' i
j)ùll/IUIlc!I/lc·j,-mg'sNrrnelllun.IJ. 175.
L.------------

~;lllll'II1;1
~d\\ liicl1d 1 k;lIl1illll V"II ,Ill' 11\\'1 ,1/1 1i"IIII1I(' ,,),1111;1/1(1 li~l; Illl' ,lIld "111 l:;I1I1;II;ltll; Illl'
1': 110 1",<>1 I<d~l'O, \\\\il' ;in: 1101 <>"lilldnO \\\\'11\\' \\'''" illlll~ \\\\'l' !idl' ,1111 pClll'k" '\\l'111l' pClll'iL' ;lll' ""III :(1
pn\\\\LT (llill'IS ;I1'l; l::ltlle Thl:Y l'Iecd tile lil1~ il1 Illeir 11(l~;l' !l'I I:~; tn Icad 1.;;
1(;11111111 ~ct11 "CC [11l11VlIll' !Jallre dans S'Ill ~,1I1g"
qllalld il est au 1l11ilClI de 11alailks
~al1gialllcs:;: I.a satire dc SOYlilka eSl lrcs :;nnyalHe ILl mais i'll11pllrL,lIlLe vltaie du sallg
"!'fistory has ~l!W;\\Ys rcvc:lkd that the soidlcr who wii! !h1f tlg!lt has the [1\\üod 01" sl:Jves ln
him"JJ-; ;~'idée est bien cocasse mais denleure révélatrice de la valorisation du sang dlez
Soyinka. C'est cette signitïcatIon du sang qui, dans flIC ,'-:Iro,,>.!. f5reed. rend compte du role
nature! d'Eman en tant que bouc émissaIre: "reste un peu", lui dit son père quand Eman
déclde de fuir son viliage, "et tu reponuras il l'appel du sang" iJ ('
Eman ne peut échapper au l'ole de bouc émissaire parce qu'il le porte en lui. Le lien
du sang est plus fort que tOüt ; et c'est un autœ des principes par ïapport auxquels il tïOuve
son fondement vital. Le sang est unificateur; celui qUI, comme Awutchike, oublie les liens
du sang sème la mort l37, Le sang unit l'individu à son origine, à son géniteur. comme le dit
la chanson dan Camwùod on {he Leaves :
This child is to you--your own tlesh and blood
This twin is to tyou--your own tlesh and blood
And this other of the twins--your own tlesh and blood 13g
i32. lhe l''fal ofBrolher .lem, p. 1 l,
UJ il Pluy ({Giants, p. Il,
IH. Ihid., p. 20,
1.15 /1 Dance o/ll1e Forests,p. 51.
1;(,
The Slmng 15ri'ed, p. 134.
l.i7
Voir sl:ction sur la médiation du végétal: k symbolisme dl: la racinl:.
I~:-.\\ ('wmv(loe! iI/I :11L' I.cuvcs, p 13l)
-------------------- -_._--_ .._---_._-----~-----_.._-..---- "-- - - - - _..---.--.-

C\\lllIpa:;lh: J'Llllall, c:-l lilcapabic Je qlllllL'1 SOlI village, Illal:;rc cc qu'il :-Vlllb\\lIISe p\\lur
clic, cilc explique pourquoI·
~Ulllll~L 1 have a W\\\\lI\\<lll's iOIl!..!.IIlc:,S a\\\\d \\\\ea~ll-:sses. Allo lhL'. lies utl)iood are \\ ,'IS S\\ro\\\\~ III I11L'.
l~lllall iSmili\\\\gl "'ou Ihillk 111:\\\\'0.; CUL lll(l'L' 1·\\(1I11 aiilhesc--lies ,lil'i(l(ld I.;(l
~
[n ~lreL cdtc Ii.)rœ du sang poursuit [man jusque Jans !e \\il!age J~ Sunma ,Hl :1 CSl
amen0 ~1 <nlTrir en houc émiss~lIrc
LI valeur vitale du sang se lit égalèment chez Soyinb dans le symbolisme du sang
versé, qui a une force régénératrice Le po~te ecrit dans !dal7re . "growth is grecner where "
Rich blood has spi It" l-Hi. La verdure végétale suggère l'épanouissement de la vie. Le sang
riche, c'est le sang qUI est promesse de vie; le sang qui, comme la piuie, est une force
fécondante. La mort de Pemheus par exempie représente un sacrifice comme nous avons
pu le voir. Mais elle est ici intéres~ante en ce qu'elle donne lieu à un réel commentaire sur
la force créatrice du sang au~de!à de sa fonction mystique. Selon le leader des esclaves:
"No teaching implants it / No divine revelation at the altar / Tt is knotted in the blood, a
co venant from birth"141 Ces propos interviennent quand Pentheus s'apprête à se rendre à la
montagne: et ils annoncent non simplement la mort certaine de Pentheus mais aussi la
richesse du sang qui va y être versé. Alors, on n'est nullement surpris, à la suite de
l'événement, d'entendre Tiresias décrire ainsi le sang: "The rain / Of blood... streamed out
endless]y to soak 1 Our land"I-l2. Ce sang-pluie humidifie le sol et l'enrichit tel un humus.
Dans l'Ize I?oud, Professor note justement que le Mot qu'il a arraché le matin poussait là où
s'est répandu le sang des accidentés: "1 round this word growing where their blood had 1
IV). 'l'he Slrnng nrecd, p. 125
1·/0 /Junre ulld O(her jJl)(,II1S, p f)5
l,II
'/Ile Nuee/lUe' (l1r:urip/(lt~s. Il 293
1 1.'
/!J/(I., P 307
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mandeslc. L'I clic COllllïhuc ~'l renlùrcer 1\\.:'\\prcSSII)l1 de la v~lkur du S~IIIS. l'c S~lIlg qUI.
queile que Silll sun originc. apparaîl parl'~lIlelllcnl COll1l11e gelï11c de la \\'Ie. Cilllllllc Îoree
PentllellS est rltls Ferrilè. ritlJi:lkment !1:1I"1:lnt. c'est p;IITe que c'est 11n";;lllg roY;lll.!.1
Ft
d'autre part. le sang de la famille d'E::rnan eSl un "sang t'(1n". parce que c'est une ~amille
rituellement fonctionnelle 1~5
Le sang étant k symbok de l'âme, k véhicule de la Vie, toute etfuslûn peut prendre
tout natureiiemem ia tonne d'une destruction, d'une mort. Ce sang négatif apparait sous
divers angles dans le théâtre de Soyinka. Dans l'he j(()ud, il est représenté par les menstrues
de la femme qui sont un "mauvais" sang parce qu'elles sont üne de pertel.Jr; : clles
symbolisent la destruction de la vie des usagers de la route qui achèvent leur course dans la
rivière.
Dans Madmen and Speciafisls. lorsque Dr. Bera apprend à sa soeur que: "We've
wetted your good earth with something more potent than that [wine], you know"147, ce qui
frappe l'imagination, c'est la destruction des vies humaines qu'il suggère car ce "quelque
chose de plus fan", c'est bien du sang. Ûn sait que ia motivation de Bera n'est pas du tout
rituelle, tl que la destruction humaine à laquelle il prend part "dehors là-bas" fait partie de
I~J rhe /?oad, p. 159.
1,14
l'he l1acc!wc II/Fur/pides. p. 1~7
Il'. l'lw ,\\'Irflng I?reetl, r. 1:14.
11(,
flic NflUd, p. 1ln.
I I I /\\/(/(/11/(;/1 {I/lll ,\\fJL'C/UIISIS, p. 2':;.f.
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- - - - --------_.~-_._---~---

SI
ie sang qUI est. vers': symbolise 1;1 dest.ruellllll ...Je ia VIC, l'CCialllCi le S;\\I1g d'UII
Illdivldu équlvaul alprs ;'1 vouloll sa illOn. NlllOlls que cclle Jpprocilc recllupe le tilélllC de
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la soit que nous verrons pus ,Oln.
Ci. retcnons quc IC ";1l1~ \\\\~r:.;c C\\\\lQUC la mur! \\.c
l'individu, cl revienl Je I~IÇOII récurrenLe d:JllS le thèüLre je Slwil1ka. !~L c'est :';;II1S Joute
dnns ,1 !\\/I]{'(! o( /1](' ;"ores/s que cc sang est le plus présent. I.e f'la;:;h-hack sllt' la cours
royale révèle un rOI tyrannique avec une "réelle InclinatIOn pour !'ethlslon de san!.!"I.I".
Mata Kharibu règne dans le sang et par lui. Il promet de verser celui du roi vnlsm Ù qui il a
ravi la femme si ce dernier ne fait pas suivre la garde robe de la reme. Plus tard, c'est par
rapport au soldat que Forest Father tàit, au cours de ia scène de jugement, ia révélation
suivante:
1 knew you
In the days of grand destroying
And you part of the waste
MuJieru, you were one ofthose who joumeyed
[n the marketships of blood 150
On se rappelle que Mata Kharibu vend les individus dont il désire la mort à un esclavagiste
sans scrupules.
Ce sang de la destruction est celui que, dans le présent de la pièce, Eshuoro réclame
avec insistance. Il va à la scène de jugement dans l'espoir de "nager dans le sang"151, selon
les mols du Père de la Forêt. Si ce sang évocateur de mort trouve son symbole en Eslmoro
en tant qu'esprit de la destruction, il est alors intéressant de remarquer la couleur rouge du
14K. Jones, E. D., nIe Writin.i!:~)lW{)le.\\·{)yjnka, pp. 131-131.
1.1". ,.{ nrtr/lx o(tlll: ('ores/s, p 51.
1:';(1
IhirL p. (j~.
1'1. /h/l./.., r. ';()
---- --_..
---
~-_.

S(1I1~ulnalrc~I'2. l,a couklll rou~c c~l celle ,jll sang qu'il rcclalllc passlllIlilClliClll . le sang de
A
lravl:rs scs JiiT(;rcnLs nlOlIl:S J'cxprcssioll.
le
j'ulm dc l'hulll<.lnik. lcl qUl:
esprits prédisent un avenir rouge ue S~1!1g. :-;vl11holisé p~\\l ks Tlïplés
'Tiller the Tlmu
Triplet. fnngcd "nd hloody"'5". disent les did~lS(;~lics.
L'effusion de sang: étant perçue comme une perte vitale, elle introduit la notion
d'absence. L'absence de sang dans le corps Indique un dessèchement synomyme de mort.
On pense à lï'le .'!'wamp JJwellers avec son atmosphère morbIde et le vieux couple. rvtakuri
dit ironiquement à sa temme que les moustiques ne doivent plus trouver grand chose dans
ses veines dessechéeS l55 . Elle lui rétorque: "[[you had enough blood to hold you Up... "156.
Le vieux: couple est d'autant plus proche de la mort qu'il n'a plus suffisamment de sang dans
son corps.
La notion de dessèchement évoque aussi d'autres fluides dont le sang est Je pendant
humain ou animal. La sève est le sang végétal, source et condition de vie dans la plante.
Son absence entraîne la mort de la plante. On retrouve cette situation dans l'imagerie du
théâtre de Soyinka. Par exemple, Elesin devient un bananier sans sève lorsqu'il se montre
incapable de se rendre utile dans le rituel de suicide. Dans Kongi's Harvesl, ce sont les
victimes <.le Segi qui sont cumparees à <.les cannes pressurées: "She [Segi] has len victims /
152. lhid., p. 70.
153 A Play ol( ;iunls. p. 56.
15.1. A nunce linIw F'oresls, p fi9
I,:i
nie .....,'WWl'lp !)wellr..:rs, p. :Q.
1)1,. I.uc, ( If.
_ . - - - " ' . - - - ~ - .. _._--_ .. __ .-_.- -_._-------_ ..._
...- - - " - - - - - -------

purèlllèlll sexuelle mais llèallllWlllS cOllllolalive de IlwrL l'Illlpolellce de l)alOka est
Inlerprclèe comme le resullal J'UIl lype de dessèchement. l~e chellllll qUI conouil ou sang au
Iluidc selllinai esl lrès LJrd. 13aroh..a sc Cllllsidèrc COllllllC 1lI1 puits tari
\\Vhcn llIanh(Jou nlll'!. il cl1lls
rhc weil (Jlliving. tappcu bcyund ils dCplll
Urie, 1111. alld 11H'l'''' the lVaslrcl ill Ihe cnd
1 ;1111
Ivithcl(:u and 1I11sappcd l"iX
Dans le IJngage qui lui est propre. Lakunle t:lit remarquer ~i Sadiku qu'elle a "sucé Baroka
jusqu'aux 05"15') : et celle-ci ajoute, dans le même esprit. que son phallus est. en effet,
devenu "un bout de bOIS sec d inutile"16U MaIS Ji est sans doute intéressant de noter aussi
que Sadiku connait ~galement une sorte de sécheresse:
LakunJe: [To Sakidul Must every word leak out ofyou
':.",...., ..
As surely a~ the final drops o.fmother's milk
Oozed from your t1atened breast
Generations aga 16 \\ .
Pour tenniner, on peut noter que si Je sang animal n'est pas apparu ici, ce n'est
nullement parce qu'il ne recèle pas une ambivalence; c'est plutôt que dans le théàtre de
Soyinka, le sang animal semble beaucoup plus relever du principe du mysticisme que nous
avons évoqué plus haut. Cela dit, l'ambivalence du sang ici, repose sur le principe selon
lequel il est le véhicule et le genne de la vie. Toute vie appartient au sang, et toute
naissance se fait le sang, qu'il s'agisse des êtres transcendantaux 162 ou de ceux qui se
nourrissent de lait: les humains et les animaux.
157. Kongi's Hurvesl. p. 104.
15X. 'lïœ /,ion and the Jewel, p. 28.
15'). Ih/d, r. 35.
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il,~ l'Ill.: !!occhu,' <1/1''-"(JIIïc!CS .. p. 292.
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II. 1. J. -t. nll 1:lit
i,e lall la dClîllL:rC llllllblilc aquatique <.Je notre ill\\Clllaire. Il csl ;I\\1éllll foUI LIlle
Ilourriture. ulle hOISSlIl1 . Cl ('est a cc litre ljU'i1 apparait plînclpalemenl J:lIIS le lheéllre de
SOYlllka sous ses aspccts ;lI11lm;t1ents.
D'origille IlLlIllaillc llli élll i Il la le. le lélll est LIlle iwisSllll 11Llllwille. l'\\:sl f\\/ll.Irck des
élrbn:s qUI 1';lIlimlé
"llumall beillgs dnnk !hclr ll1other's III il "-. Drink t!le Illilk nI' Illolilers
other than rheir own. Drink goar's mil!, ClHV'S milk"I(,:; Il esr present dans l'Ile' f)ucc'lwc n!
h'UI'I!)ldcs, dans une perspective à la tais mystique. COlllme produit de la terrel(;.j, et realiste,
cornille provenant des Menades. Mais dans rous les cas. il garde sa valeur de bOIsson: les
Menades en nourrissent ks progénitures animales [i,),
Le lait est ainsi une nourriture qui est fondamentalement liée à l'enfance, cette étape
de la vie susceptible d'une valorisation ambivalente, Le lacté évoque la faiblesse mais aussi
la pureté ou l'innocence. Ainsi, par exemple, sélectionnant lès acteurs pour la dramatisation
du mime de l'étranger dans The Lion and the .fewel, Sidi écarte un des protagonistes
comme incapable de jouer le rôle de l'ivrogne, et se justifie en ces termes:
Sidi : The stranger. We've got to have the being
From the mad outer world .. , You there.
No you have never felt the surge
Of buming liquor in your milky veins 166
Nourriture, le lait est facilement associé à la douceur, aux plaisirs de la vie. li rejoint ainsi
le miel. Le monde terrestre est une ruche dont Elesin se sépare difficilement dans !Jeuth
and the Kin;(\\' Horscman.
La plage, quartier général des prophetes dans Jero's
1(". /1 f)unce ollhe I,'oresls, p, 40,
1(,,'. nie nucc/wc IJjFurI[Jidc.\\', [1. 279.
1(,)
I,nc, ('il,
u,(,. l'lie /.iO/1 uI/rillie ./cwd, p. 1 J.
~.'--'----'--'"

./cH)
Thal's IlUlIlll' \\Vav lD rl~llllhl'lIl 1Ille aulhulllie"i
:\\ll~lll~lIaS Wh~l\\'s Ille \\~ay lh~l') Slalld bv" LeI 1Ile111 IUIl Ille dUI o['llIi" ialld ul'llIi1k ~llid 11(111<.:\\,·,1(17
UI1 perçoit lk.l~'1 les Jiverses modubtlol1S Je 1:1 \\;l!orlSaliof! du /:111. Mais L'\\:st en
corn:sp(lnJ~lIlce avec celles des autres modalités alju:llli..]UCS que son alllbivaience trouve
réellement son cxpression dans le thé:itre de S\\)Yll1ka, .\\insl. le i8it que l'cau. pluviale ou
maritime. devienne ou soit imaginé comme un lait est Ull processus qui valorise le bit. la
pluie est un lait qui nourrit la terre. "The :;ky grows no ~'Tass but if the earth calkd her
barren, it will drink no more milk" I<iX. Les "eaux tendres" sont dans Kongi\\' Harvesl. le "lait
de toute mère" [()CI. L'eau-lait est un symbole maternel, de douceur et de nutrition. C\\~SI dans
cette eau que baigna Segi à sa naissance, ce qui explique sa beauté et son charme.
Mais quand le vin ou le sang deviennent lait, ils se dévalorisent. Le lait symbolise
l'élément faible que les fluides--masculins--refusent d'être. Le vin de palme ne peut être un
lait pour Murete 170. Le projet de Lakunle, dans The Lion and the .Iewel, est tout simplement
cocasse et expressif de la satire de Soyinka : "We must reject the palm wine habit, and
take to tea, with milk and sugar"171, affime Lakunle. Le vin-lait et le sang-lait appartiennent
à des dègrés divers au même paradigme. Le sang-lait apparaît, semble-t-il, seulement dans
une seule pièce mais de façon suffisamment révélatrice pour exprimer sans ambiguité, la
valeur que prend le lait. Tout couvert de sang, Third Triplet explique: "Can no one see on
167 . .Iem's Melamorpl1Osis, p. 179.
16H . .4 f)unce oFlhe Forest."., p. 36.
I(,q K()ngi~" Harvesl, p. 87.
17(1 .1 f)unce (J(tlie F(Jrest.'·, p. 34.
171.
!'Ile j,j(1/l und Il,c' ./cwc/.. p. 34.
.
---
.. -
~-_._.-
- - ~ . _
- -

.; 7')
Pour r':capilukr. celle dClllarclJe pcrmct J'clTcclucr UIIC approchc cOlnparallve Jcs
llloJalit':s aljuatlqllcs. susccplible de prolèlcr plus de illllllère sur leurs val(\\nSali\\)lls
respel'ti\\cs Le VIII csl dans le tlll':~itre de Soyinka UlllqUClllClll cOlllparè au lail qu'il Ile pcut
d'ailleurs pas ètrc . .'\\utrel1lcnt diL je vin Il'a d'égal qu'cil ÎUI-lllèl1lc , sc préscnl~llll aillsi
CLlIlHne l'unc Jcs Illodalités aquatiques les plus
fürics. Avec lui sc trouve k sang qui
devient le vin en se valorisant dans !he /Jucclwe (JI" !:'nripides Le sang se négativise
lorsqu'il est comparé au lait ou à l'eau.
Le tait est que j'eau ne peut ètre qu le !<Ht, LLne modalité aquatique talble comme
nous l'avons vu. L'eau est tëminine comme le lait. Pour ainsi dire, le lait se retrouve au bas
de l'échelle. Il est certes riche mais ne peut éttre que 1ui-mème.
Les modalités aquatiques peuvent être comparées entre elles selon leurs qualités
intrinsèques. Et comme le dit si bien Etienne Galle, elles "sont un même fluide dont les
variations qualitatives ne sont que l'apparence d'une variation quantitative de puissance" m.
11 n'est pas étonnant que dans l'expression de leur ambivalence, elles se rejoignent. Cela dit,
l'ambivalence de l'aquatique est celle de la nature de l'ensemble des éléments
environnementaux, parmi lesquels, le bestiaire.
II. 3. L'ambivalence du bestiaire
Dans le théâtre de Soyinka, le bestiaire varie de l'insecte au mammifère carnivore,
de l'aquatique au terrestre ct ù "aérien, du domestique au sauvage. Mais il est dinicile de
172
..1 J)uncc (J(r 1iL' j.'(J!"c.\\'/.,·, j1. (J<).
ln C;:.llk, 1::tlerHle. I.e /II(ll/de 1I11l1U;l"c de If/ole ,'·:IJ."I/lku, [J. if)';'
- - - - - - - - .
__
- - - - - - _ . _ - - - - - ~ - - - - - - - - _ . . -

trllllVer des
v:J!ons:lllollS COllllllltrleS ;\\ ces dll1ërellls
tvpes de classes
/\\
tille/qlles
c,\\CepIIPllS près, chaque espcce allllll~11L sClllhlc de\\!el(lppCr sa propre vaiorlsatloll par
rapport :JlI:\\ IllltlollS de VIC Cl de 1110rt, Sans quc cela ne soit réellement uelelîllillanl pour
notre
prcoccupatlOIl,
(1I1
peut
remarquer
quI.:
ellaque
IYpl:
U'alllll1al
parllL'lpe
~L la
GlraClélîsaliOll de~; pcrspnnagcs,
!e !TI1L !:l potentialité destructrice. On retrouve :lbondamment !e serpent de !u destruction
chez Soyinka, mais cela n'occulte Jamais totalement sa valorisation posltlve--en tant
qu'animal lié à la création, à la vie.
Métaphysique ou réel, le serpent se saisit symboliquement en relation avec la
destructIOn. Dans A Dance of the Fores/s, le feu de l'enfer se ravive quand le serpent
infernai se remue lN. Sous forme de àivinité dans The Swamp Dweliers, il pone une pan de
ïesponsabilité dans le drame des marais, '\\'ûmissant en mauvaise saison pour créer
l'inondation". Le Kadiye finit par être méprisé par les villageois, en partie en tant que prêtre
du serpent.
Au cours de la cérémonie rituelle dans A Dance (~lthe Forest.;; analysée comme une
représentation du futur, le Half-Child, symbole de ce futur trouve un oeuf au moment où il
est pris entre Eslmoro et sa mère. Eshuoro se réjouit de la découverte parce que J'oeuf est
celuL d'un serpent :
Halt~Child : 1 have tound an egg, smooth as a sea-pebble.
Eshuoro : [GleetùllyJ Took it home with him, warmed it in his bed of rashes
And in the night the egg was hatched
And Lhe serfJent caille and swallowèd liilll 175
!71
.1 /)c/t7Ci.! (J(I li l' !:(JI"L'.\\IS, p. ~:J.
17~ ih/(j.., p. 7().

374
Le semenl ":Iv:llc l'enl:lIl1" ,:1 condamne :llnSI l'avenir hUlnaln Ù la deslructioll
Mais celte
(kstrucllt)n est lelllpéree
ëlre avalé esl IllOlns Jdillltir qu'(;tre croqué. Avale. le Ilall:"Clllld
reLil rcnaitrc Jans sa lt)laillC . on relrouve ICI ia notion J'/\\l1IÎ.;u.

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1


LlC~~~ïli\\..'~i\\jii ~\\JJIIf.Ji~~~. ~,-~:~l ;~ :"';\\:ïpCÎÎ~' Li~îi~ iii(:~lp~'l)j\\,; '--~'~l\\.~i'~ï iü pï\\jg\\.:iÎjl~i'~ \\..,~ iü ~\\Jil~i~.. ;~
~;:(~;~~.~time3 the\\,' ··,·...'\\-'!uld ~w'~m ncross the ~!renj"n The :~nnk('. côn'r s\\,vaHo,.\\I thcm. 30 he ~IVOtild pirk them
t~!~ :lnd d?sh t1~~m in pleces against the rack 17(1
Cette image du serpent meurtrier est récurrente. [l effraie simplement Lakunle dans le
mime l ", mais détruit les chèvres dans le récit de Baroka évoquant principalement ses
prouesses : "Do [ not sti il wi th the feariess ones / Hunt... the boa at night / And save the
fanners'
goals t'rom fUliher
narm":n. Dans Dewh und ihe
Kmg's
Hursemun,
ia
transfûnnarion d'Elesin à la vue de la rille--la femme farale--est comparée à celle d'un rat
qui lit son destin dans les yeux d'un serpent 17<). Mais Elesin lui-nlème assume bien cet
aspect du ~erpent ; sa paSSIOn pour la femme est celle d'un serpent vadrou.illeur à la
recherche de sa proie l80 .
L'imaginaire symbolique fonctionne aussi, synecdoquement, par réduction ou par
expansion. Ainsi, le mouvement ondulatoire caractérisant le déplacement du serpent finit
par le symboliser dans son intégralité et par assumer ses valorisations. La sagesse
d'Agboreko perçoit ce mouvement comme W1e sorte de danse mystique qui conduit qui
royaume des mOlts :
176. (.'amw(}od on the /'eaves, p. 104,
177
l'he /.ion und the .Iewd r 15.
17X
!hid; [). 27
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intrinsèquement, il possède ces potentialités négatives. ';acilemenr, l'imaginatIon étend son
symholisme à des phénomènes aussi evocareurs que la foudre ou la roure : "Among rhe
bndges and the murderous roads, / Below the humming birds WhlCh / Smoke rhe f-uce of
Sango, dispenser of / The snake-rongue iighrening... "ii\\". Le caractère meurtrier de la route
est ici, dans J'he Liun unu the Jewe1 comme dans iÏJe N.uwl, assimilé à un serpent
destructeur evoqué par la foudre de Sango.
Mais le serpent est au calTefour d'w1e réelle ambivalence. En contrechamp de sa
"alorl·satl·on an tant qua ho...~a rla ...+..... ~+n·~a ;1 f:rappa '!"o-alema... t l'a"'pn'+ ''''...... me la "'''mbola
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pluriel du caractère cyclique de la vie qui se renouvelle et de la sexualité, fontaine de la
création, de la vie,
Symbole de la vie renaissante, le serpent apparaît dans Kongi's Harvesl lorsque
Danlola "ressuscite" à travers la danse:
Danlola : lt is a long time my limbs
Rejoù.:ed that way, [ swear a snake
Ran wildly through my veins ~nd Icft
IXI
.il Ounce o(lhe F'oresls, p. 36.
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fïle nucc!wc ii/Fur/pille:;" r. 2c)5.
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fhid., p, 257,
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my wilist with thp smoothnpss nfil wiltpr snilk p l88
Cependant, le serpent ne détIent pas le monopole du symbolisme sexuel dans le
théâtre de Soyinka. Quelques animaLLx tëroces, en j'occurrence je iion et ia panthère y
trouvent un aspect de leur ambivalence.
C'est The Lion and the Jewei qUI offre la percepiion ia plus
de cette
signification du lion et de la panthère. La bête féroce symbolise toute la püissance, la force
dont fait montre le roi Baroka. n est !e "lion d'TJunji!e"IR9, plus fameux que la panthère des
arbres. Sa maison est toute décorée de peaux de fauves en témoignage de ses prouesses à la
chasse l ')(J. Sa virilité sexuelle est comparée à la force que possèdent ces fauves et il semble
bIen que c'est un phénomène héréditaire car Baroka admire son père OkIki qui, à soixante
et dix ans, proàuisit àes jumeaux! 191 Sadiku ayant été successivement épouse du pere et du
IX5. Kon)!/,' Hurvest, p. 112.
Ix(,
Voir section sur la nature de l'être: la dualité de l'être.
IX7, 'n'le -!,ion and the ./ewel, p, 30.
IXX. Ihid.,p. 52.
IX'I
Ihid., p. 12.
1'!iI
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i!lId., Il 2X.
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n;l'u~e J'élie unc PllllC du "111111 1)(ll"Ol-\\a", 11l~1I~ lor~qu'c11c lïnil pal ~lICCl)lllhCI a ~C~ ru~e~,
ellc écartc déîinillvclllclll i .Jkuilic. pour ia ral~on ~Ulvalllc .
Dili you lilink lital ailcr hilll,
/Illouid cnJurl' lill'. IIJlICh Il[':IIIOlher man"
1 \\vlll) have ICid ihc ~lr<:llglll,
rlle perpetuai YOlil h:'ld /c~l
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Ille panllll'r III Ille lrl'l'~:'
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la force protectrice,
C'est le cas notamment dans Ihe f-3ucchue 01' I:'/Iri,nides où Dionvsos est compare
par les Bacchantes à un lion, d'une part pendant la trawrsée des montagnes d'Erithree et
de Phrigie, et d'autre part lorsqu'elles l'invoquent pour qu'il en finisse avec Pentheus i :"'.
Dionysos est également un tameau terrible "aux cornes fumantes" , ce taureau évoque la
puissance et la fougue irrésistibles qui sont des aspects de son symbolisme dans la
mythologie grecque, et signifient ici protection.
Mais plus généralement, l'animal féroce frappe l'esprit plutôt comme un fauve
dangereux, mortel. C'est que d'une part la force protectrice se transfome vite en force
aggressive, et d'autre part, que la protection elle-même appelle quelquefois la destruction--
de l'autre, C'est cette valorisation du lion que les habitants de Thèbes attribuent à
Pentheus : "Have you known a mountain lion / Wild-tanged, red-eyed indomitable
whelp.. ,,!"!'J5, dernande Agave. Possédée par Dionysos, Agave ne voit que les traits
sauvages du lion quand elle chasse Pentheus dans la montagne.
1')2
Ihid.. p. 30.
1'1\\. /hid., r 57.
l'Li
'l'iiI! /)uccitue r,j'fo:II"I('/de.\\, p 2ll6.
:"". !/l!i/.., p. -'JOO.
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Il est pelll-êlre opporlllTl de noler qlle les dlcl:llellrs clle/. SO\\"lIl";I :11111CI1I " se
compan.:r :'1 des hêles il.:roces en les Illlaglll:ulI peul-êlrL' slillpielnelll COlllllle des symboles
de pUlssallce, Je lùrce domillalrice. Dans ()!1t:!'U IFIi/lVW/, i30ky esl lrès 11er d'êlre le "l,Ion
de L3:lIIgui" IlU le "Tigre des lrop,qLI\\';S"!"('. SOYlllka cxpllÙlc .ludicieuscilleill ccla. en
Illslstant bieu sûr, sur la valence négallve Je ces bêtes qUI CSl iL pius prochc Je leur réalilé.
Cdk d~l1lal'che ahoutit au phénomène de l'allilllalisalion SUI' kqucl IWUS lèviCndrlJIlS plus
loin. Ce qu'il t~lut retenir ici .. c'est qüe dict8tcur-fnuvc \\)U l'out ~.,ilnplcnlent t~luVè~ !'~nirnal
tëroce projette l'image de la destruction.
Segi perçoit ainsi Kongi à un moment crucial du complot qu'elle tomente avec
Daodu : "lt seems suddenly futile, putting one's head into the lion's jaw"l'J7 C'est dans ce
même esprit de terreur que lorsque fuyant vers le pays voisin le Secrétaire de Kongi réagit
en ces tennes en rencontrant un autre rugif: "Good friend, how far it it / lo the border'!
What, welI; well / if it isn't my bold lion of Isma"I%. Le tàuve inspire ia terreur de la
destruction. Et, l'inspecteur de police nigérian prêté à Boky est à juste titre surnommé
"Tigre Brown". C'est un spécialiste de la corruption mais aussi de la terreur; il est le chef
de la garde impériale l99 Dans Camwood on the Leaves, les yeux du léopard sont des feux,
ses griffes des rasoirs:
Eyes of the leopard. embers in the dark
Tail of the leopard, a swishing lariat
C1aws of the leopard, double-edged razors200
Suckie, l'amante de Mack dans Opera Wonyusj2l1l et Sunma dans JÏ1e ,')'/rung Hreed sont
traitées de "tigresses" à cause d'une paIl de l'agressivité dont elles font preuve et d'autre part
1'H>. Opera Wonyo"'i, p. 403.
l'n Kongi's HanJ(!sl. p. 126.
l''X
!h/(J.,p.133.
l'J'J
()pt!t'II WOf7l'lIsi, p. 139.
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('r.lJlJH"lIlId oll/he reL/l'cs, p. IJI)
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dcslrll(:lllcc proprc cgalclllcill ~11I loup ~llli Illsplre 1);lrok~1 lorsqu'il Cllllque le progrès
illOlkiï1C
"The ski il ni' pmgrcs:.; / fVI asks. un known. lhc :~p(lllcJ wo Il' (lI' :<i111CI1C<';' .. " '1".
L:i!1l<l!'!'~ de uCSlrUC!!l)!l occui!c ici la vaicncc positive du loup C!l !J!ll que SYl11bll!C de
tout selon ~)cs propres règl~~. Baroka redoute f'ünifonni5ürion~ le nivcllcrnc·nt. La h~:ènc .. un
carnassier charognard voisin du loup, apparait lui, dans A f)unce (II the F(I,.cs!.~·. pour
symholiser Eshuoro dans son élan destructeur. Murete lui lance: "Otral of the hvena tnbe..
ail you \\Vant is an excuse to reed on carrion"2(i4
A côté des fauves dont la valorisation par rapport à l'axe vie-mon réside
essentiellement dans la notion de tarce, les autres types d'animaux moins fortS ùu plus
petits doivent les leurs (valorisations) à des notions autres, souvent pius subtiles.
Le cheval est un animal peu représenté dans le théâtre de Soyinka mais a l'avantage
d'y paraitre selon plusieurs valorisations. fl joue dans Death and the King's Hon'eman, une
fonction mystico-ritiuelle à l'instar du chien, comme précédemment montré2os. Richement
symholique, le cheval est associé à la fois aux ténèhres et au soleil. Sa couleur devient ainsi
sib'llificative. Le chevai d'Eiesin est "totalement noir" 206, mais ii ne s'agit pas du cheval
internaI. C'est plutÔl celui des tén~bres, c'est-à-Jire, celui qui connalt les mystères cachés.
2uI Opera Wonyosi, p. 357.
202. J'he ,')'trong Hreeri, p. 135.
2(1,. nze Uon (lm/the .Iewel. p. 4X.
2l1.l. /1 J)uf/cc o(the Forests, r. 43.
211)
VOIr sectloll slIr la médiatioll dc 1':lIlilllal.
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f)(:ul!/l.lIld th,' j':lt/g's i!IJrs<!lIJun. p. ~ 17
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" les ((l11l1ail <l';llllalll IllICIl.\\ (plll d011 cOlldlllre I-:kSl1l ;1 Ir:lvers le ~ollllrl' Ir:JIISIII(lllllel I.L'
cheval d'IJeslll, c\\:sl le cheval Je la COllnalssallCC cl de la rellaissallee.
I.e cheval hlanc. lUI. est ouraniell . il illspire la sublillllté. j'acccs:llI suprèllle 1 )allS
,/ nUlICl' tif the /-iil'esfs, l'hisIOlIL'n AJ.enebl Il11agille la splendeur de la ICle Jes tribus Cil ces
blancheur Jes chevaux: la pmelé: révélé:e.
lJnc fois au :noins~ le cheval r.qJp')(-31t cornrnc l.In :~vn1ho!~ de :110it
il ~~'agit Ju
cheval :lU pied d'airain. L'airain est un mét:ll symbolique qu!. ~lssocié :lU ~)!(~d. symbole de
l'âme, le valorise de façon amhivalente. Sous .'la valence negative. le pIed d'airain, surtout
lorsqu'il est attribué au cheval ou au taureau, symbolise "la tendence dominatrice. la
férocité et l'endurcissement de l'âme"2(1~. L'expérience de la ville qu'a acquise Igwezu dans
lhe Swwnp Dwellers lui révèle cette vérité qu'il traduit aInSI: "The city reared itself in the
air, and \\Vith the strength of its legs of brass kicked the adventurer in the smail of his
back"209 On perçoit clairement la ville comme Wl cheval dangereux et impitoyable.
Un peu à l'image du cheval, la tortue est très peu présente dans le théâtre de
Soyinka, mais suffisamment pour en dégager la valorisation ambivalente. Elle est mère
génératrice dans ramwood on the Leaves2lO et symbole de longévité dans A Dance of the
l-;'orests où Rola est "la tortue qui survit à tout le monde".21I. Mais en mème temps. elle est
dans la même oeuvre, symbole de prostitution et de destruction: c'est ce visage de la tortue
207. A Dance ofthe Forests, p. 31 .
.. ~(lK. Die!.- Paül, Op. Cil., p. 180.
2()')
The .\\\\1/(1mp DYl'cllers, p. 104.
~ 10 ('ult/wood (1/1 the l.t:UVl'S, p. 99.
è il. /1 /)unce ultlle Fu!'es/s. p. 57

l,a lortue peul ainSI evoqller le mal, la destructloll
Lrar~lIgnée. SY11l110/c ~Illesté dans Jil1ërenlcs eullures, esl présente Jalls bon IHlIlllm:
de mYlhes Je création. Le lissage qui ia Glraclélîse donne lieu ù des Inlerprèl~llllHlS
sY1l1hoiiqucs Illuitipics ; il estgcnéraic1l1elll associé ~I i~1 symbolique de ia cl·cation. 1Vi:lis
cs~)enticlk;nent ~;GUS ~~ü valence négative, c'cst-:'t-dirc, en t~H1t que ~;ymb()k de Llc~;truction.
Dans l'he f?oud, elle présente le visage du chasseur patient dont !a toi le est un piège
terrihle pour les mouches. Mais sa signification y est r1us complexe que cela. En effet. dès
le début de l'action une araignée dans sa totle but partie du décor: et tout au long de
l'action, Samson y attire ['attention du lecteur ou spectateur en allant la tàter avec un
bàton213 .
Au moment où le gang se réunit pour une àes ses "sessions àe àrogue", Samson qui
entre temps taquinait l'araignée s'approche de Kotonu pour lui tàire remarquer qu'il
lui
rappelle quelquefois une araignée. La raison en est que le camion de Kotonu auquel il
assimile en fait l'araignée comporte, à son image, "plusieurs pattes"214. Les roues
meurtrières du camion sont les pattes de l'araignée. Lorsque Samson nous montre d'abord
l'araignée achevant de manger une mouche, c'est non seulement le visage destructeur de
l'araignée qui est mis à nu" mais également le lien avec Kotonu : "[To Kotonu] Your
brother is having dinner. Hm. Just the wings left of that tly"21:5. Une autre fois, c'est lui-
212 thid., p. 24.
21\\
The /?()"J, p. 151.
21·1
thid., P 169.
21'. /hid, [J. in.
- - - - - --._-----_._----_._- -------~----------_.

!1J
l'ar;lI SI1l:c ~I"
1::11 somme, l'ar;lI~néc 1(1I1C110nnc comlne L1ne double Illelaphore dans la pièce,
D'une parL Samson compare son action (nOUITISS;lI11 l'ar;.lignécl a celle qU'II accomplit
quand Ji ['acoic les pass;lgers pour ''l'arJignée'' de "olOnu--son C;llllion. D'autre part, qU;lnJ
roure--le~; u~;ag~r~l. Koronu n'en est p~s ignoranl qui cXp!iqUè : "the road ~lnd the spiJcr !ie
g!oating then the Ily buzzes along like a fool. .. "217 L'indiVIdu imprudent qui pénètre
J'espace de la route est comme la rauvre mouche qui s'aventure près de ou dans la toile de
l'araignée.
Evoquant ainsi la destruction ou la mort, l'araignée illustre parfaitement le regard
dévorateur et méchant que Kongi porte sur
Segi au cours de la cérémonie de l'igname
après
qu'i.! se soit remis de la frayeur du coup de feu: " His eyes fixed on Segi as a
confident spider at a fly, he breaks suddenly, snaps an urgent instruction to the
secretary"2IR. La férocité de l'araignée à l'égard de la mouche rappelle d'autre part, celle du
roi vis-à-vis des hommes. Un des orikis du roi Oanlo!a compare les conséquences de sa
colère à ce qui attend la mouche qui échoue dans la "gorge de l'araignée"219.
Telle l'araignée, le termite, un autre insecte étroitement lié à la notion de création,
apparaît essentiellement selon sa valence négative dans ['oeuvre dramatique de Soyinka.
Mais le termite en tant que symbole est susceptible de valorisation ambivalente; on perçoit
21(,
thiJ., p. 214.
~17 thid, [J. 178
2/S
Kungi',',' /-Ion'cst, p. 12X.
21". Ihid .. p. l'-J.O.
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 0
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Cesl du [Jolnl de vue du proecssu:, de leur lravall que se s<lIsll la valelll;e IlCsallvc
dcs lermiles. L.cur actlvllé sVlllbolise "1;1 ~k:,lruclioll Ienle Cl clandeslllle"~~I. Le krlllile
devient ainsI le symbole Ju Jallger terrible Cl illsidieu.'\\ dl11l1 il IllUl se deharrasser. Dans ,1
nU/II't, (III//(' Fllres!.\\, le soldaI qui rel"use 1;1 sujetion Il1\\1Ul\\)lllllè:re au l\\Tall ivlala Kklribu
est "un termite mornl" qu'il t'nul éliminer'
Historian' ... For the sake of YOllr humble sllbjects, this renegade must be trcateel as a slave.
Mata Kharibu . Not onlv he. Everv one who [hinks like hirn. he he soldier or merchant. [ will have flO
moral termites a thousa~c1 miles \\~thin rnv dornain222
Dans /vladmen and Speciafisls, œ sont ks Vieilles femmes qui rappellent i Dr. Sera qu'il
terait du beau travail en utilisant son revolver menaçant contre ks termites--Old Man et
les Mendiants ')--plutôt que contre elles: "Ooes that thing [gunJ ever leave your hand? 1can
hear termites in you cellar--why not go and use it on them?"223 Tout de suite après cette
scène, on entend de la cave, les voix de Old Man et des Mendiants, et quelques instants
après, quand Sero les rejoints, il tire effectivement sur le Vieil Homme qui s'apprètait à
opérer le Cripple. Le termite destructeur symbolise la mort; et il n'est pas inutile de noter
l'ironie de situation ici: Dr. Sero étant lui-mème un symbole de mort.
Outre ces ditIérents animaux dont la présence est plus ou moins frappante dans le
théâtre de Soyinka, il en existe plusieurs autres de moindre importance. Comme les
"punaises" dans /'vfadmen ami S'pee/alisl'\\", il peuvent ~tre ambivalents:
Cripple : Sorne bugs are fri~ndly, others wild
220, Soyinka, Wole, the Interpreters, p. 132,
221. Cheval i~r, .r. ~t al. Dictiol1nuire des\\vmholes, r 940
222
/1 /Junce: 1I/111c' 1,'lIresl.\\'.. [J. 51.
~~'. ;\\!l/r!mcl1l1l1d .'"'th'ciu/isls, p. 275.

le [elllllle, c'csl-a-ulrc Cil gl:lleral selOl1 ulle seule v;.tlcnce.
1\\IIlS/
les
vautours aU.\\411els
les i\\-\\cIlJiallls sc (Olllpareill J~1I1S A/wllllL'1l ulld
,\\{7c'L'!ulisIS 1()Il 1 1110Illrc J'ulle (criaille IXISILlvité lorsqu'''lIs 11etloielll la "aklé I;lile par ks
autres"~~:i IJe mylhe vcut Cil ellèt qu'à l'onglilc. le vaulour ~lil poné--sur 1;1 ièk--Ic sacrilïce
de l'hol11l1l:? ;lU ciel, au\\ Jieu\\~~(' ~ cc qUI .IustJlïcrait qu'il Il'ail pas de pluméS :lll 1l1l1lèU de
crùne. et expliquerait son rôle purilicateur ci-dessus évoqué.
Par ailleurs, les criquets sont des insectes qui, dans l'he ,\\wamp f)wdlers,
combattent la vie végetale et en défillltive. la vie humaine 227 Dans la mème oeuvre. la
grenouille figure comme support du symbolisme des eaux d
de tout ce qu'elles
représentent comme ~vocation de mort. En somme, la grenouille et les autres animau..x sont
dans The Swamp Dwellers, une expansion du symbolisme de l'eau. Dans Opera Wonyosi, le
requin est présenté comme un animal meurtrier auquel Mack, le truand, n'hésite pas à
s'identifier, comme le rapporte son oriki228
On peut retenir que dans la diversité de ses formes, le bestiaire demeure
fondamentalement une réalité ambivalente, et que dans le théâtre de Soyinka, la notion
d'animalité est incontestablement prépondérante selon la valence négative du bestiaire.
C'est un trait récurrent de l'univers soyinkaïen ; cela dit, le thème de l'animal est également,
comme nous le verrons, util isé comme un commentaire sur l'homme.
224. Ihid., p. 220.
"5
-_. . Ih'J
1., p. J'JO
__ .
22(,.
Ijimcrc, Obotundc, Op. Cil., pp. 3-4.
227
Voir chapitre sur la moisson.
22:,
Voir section sur le verbe ct la muslquè • Il: cilant.
- - -
-
- -
- - - - - - - - - - -
-
-

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0
• • • •
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!. 1. 5. ! :amhival'-"H:(~ de l'air
1.':1Ir cs! Ull pilCll0lllCIlC llalurci L'I!;lrsc dc PlllcI111;i1l1l:S lrcs pcrllllclllcs qU;1I11 ;1
l'exprcssl\\1I1 de l'amhlvalellce crèalillll-desiruclloll I.e vent ct le souille. clcmeilis avec
lesquels il partage nombrc Je scs propriel2s lui SOIl[ ;lPlw'Clllès Illais IcSlelll dllli:reills. UU
moins lels qu'ils apparaissenl cha Soyinb.
L.'~lir v<1lorisé posilivemenl esl purillCllcur el ullilïcalcur. 13arok;1 J,lns Flh' !WI! ill/d
the .h:\\l'd exprime la positivité du processus cl (Je b rlnal it": de son union avec SiJi scion
l'imagerie de l'ascension dans l'air: "Our thoughts Ily crisply through the air! AnJ meet,
puritïed. as one"22'J, atfinne-t-il à Sidi. La penétration dans l'air est une ascencion douce
qui, subtilement, canalise les contraires vers une tuslOn hannonieuse. C'esr que l'air est
associé à la pureté suprême.
Dans la pensée yoruba, Obatala corsrir~~.. ,!~,..,~Xl1Jb.~le archétypal de œtte pureté
absolue230. Mais dans l'oeuvre dramatique' de Soyinka, c'est Dionysos qui, le plus
clairement, symbolise les principes fondamentaux de l'aérien : il incarne le principe de
l'éther231 . Par conséquent, "there [is] bright, gleaning air where Dionysos has been"232
Dionysos "crée" l'air pur là où Pentheus verse ou cherche à verser du sang; il purifie l'air et
la société de Thèbes, répare les injustices et instaure l'union. Bref, il crée de nouvelles
conditions socio-spirituelles et environnmentales pour une nouvelle vie.
La légèreté de l'air constitue en outre un trait indicateur que l'être symbolique
connaît er interprète comme un phénomène vital. Le Mendiant explique: "Yes, [ couldfeel
the air growing lightcr, and the clouds clearing ovcr my head. 1 think the worst of your
"2')
nie !,ion und the .1ewef, p. 4X.
DU Afolahi, Ojo. VlJl'lIhfl (:!.If/lIre, [1, 1X1.
1
2 1. n,c f)(J(;c!W(' Ii/I.'uripides. p 25X.
::2. !hid.., [1. ne).
- -
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plllll:~ IllcurlIICn..:S lalll n:d\\lutCc~.
1);[1 ailleuis. l';ur peul. gdec ~"t sa subtilité. pénéllcr le IlelllllJs Je I~I SOl:Ic!C el de
l'IlOlllmé. cl en véhicuklla qualité. C'esl ~lU C(lUIS Je cc pl\\lCeSSUS lju'il acquiert Ulle pan Je
S,l valence nég'llive. Il s'infecté. en élTe!. de la tUqJlllIlk lllur:Jie Cl splritueilè de la societe
ou Je l'hol1lme, el la propage dans l'espace. !\\Iors. il devienl eniwvissalll Cl sensihle Illèllle
pOllr le cOlllmun des icrriens.
Ainsi. l'air de Thèbes est inrecté parce qu'il est s::tturé de la tyr::tnnle de Pentheus. et
tout le monde le sent: "The air ofThebes is sterile. Nothing breathes in il. Nothing--really-
--1 ives" 23~. L'''odeur'' d'Elesin après son échec dans le rite permet de le localiser23 .i. parce
qu'elle reste contenue dans l'air. Et la corruption générée par Kongi envahit le pays, de
sorte que d'une pan, ceLLX qui la pratiquent la reconnaissent (et se reconnaissent). lOI can
smell corruption" 23(', dit ie Deuxième Aweri. D'autre part, cette odeur suit ie Secrét<:tire
comme une traînée qui ne commence à se dissiper que lorsque, fuyant Isma, il pénètre un
autre univers dont l'air semble ètre pur et mobîle :
[As he (Seeretary) lcavcs, DanJola shakcs his head in sad amusement]
Danlola : [To Secret~?] Satè joumey.... There is already less corruption in the air, even though your
rear is tumed to me2J .
fi semble que lorsque l'air devient impur, il perde de sa mobilité, sa dynamique, et acquiert
l'inenie de la mort: il devient lourd. Les péchés des villageois dans The Strong Breed sont,
par exemple, demeurés suspendus dans l'air qui refuse de (ou ne peut plus) se mouvoir.
233 l'he SW(Jmp fJwe/lers, p. 98.
21<1
rhe .!3acc!zac ojFuripidc.\\', p. 237.
~~'i f)eulh und the Kinf..!,\\ {{orsel1lul1, p. :20~.
êJ(,
;"':I/flf..!,i\\· Hun'l'sl. p. .')2 .
.:17 /h/l/, p. 1"37.
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AinSI, l'air IIl1lnohik cs!. par délÏfllllon, lH:galil l ,'ill1:lge de 1;1 CILlp:\\Ce de 1:1 !orlllC
Clll pl ie de poches d'al r en csl l'i Ilusl rat Ion pour I)a ni 01 a
t\\ge lias shrunk
The (mloise and 1Ile shell is lidl
or air jlOCkels. i\\'lv heau
Nmv dam:es in Ill\\' -=rolYll lih' a colanllt
,
')-"S
Il Ihe pOllch (lrall ikori cap':'·"
I.:üge tourne la torlue vers la Illort, rapelisse son corps. cl pelïlll:1 :'\\ 1';1ir IIll11whilc lit:
remplir ses poches. f_a tète de Danlola qUÎ se retrécit pour ~;1ire place :1 l'air s~'mbolisc la
mort de la royauté à laquelk se substitue un autre pouvoir valorisé négativement
Lorsque la mobilité de l'air devient forte, il se transforme en vent, élément pour
lequel l'agitation constitue l'une des caractéristiques essentielles. Et, c'est particulièrement
à travers elle qu'est analysable son ambivalence dans l'oeuvre dramatique de Soyinka où la
notion de violence est fondamentalement dialectique.
Le caractère négatif de la violence du vent frappe d'abord l'imagination; et. il est
très présent chez Soyinka, plein de pouvoir de destruction : "Beware ! The anger of the
silent wind that rustles / Not a leaf'239. Dans la pensée yoruba, Oro, dieu de la punition et
de la paralysie est associé à la destruction violente du vent. Eshuoro qui, dans A Dance of
the Forests, incarne certains des aspects d'Oro, le rappelle à Demoke et à Ogun quand il
demande vengeance à la "Forèt" :
Where the wind goes, a shred of Oro
Marks the trail
And when it drips, it is not
From camwood dye. Red, reu is the coluur
Of the wind
Oro is the nothing that the red eye beholds.. 240
2:1X./hid, p. 107.
!.1'J :1 /.JI/nec (J(t li c' /,'III"('.\\'t.\\' .. p. 44 .
.'·1". rue. (·it.
- - - -
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~ - - ~ - ~ - _ .

1.;1 l'(llileur r(lw~e du ChCllll1l du venl l'sI ccl le dll S,lng, le s,mg de 1:1 deslruclHHL Mais ()!~un
connait hlL:lll'C venL lUI donl la pOltrllle se relllplit de lenlpèle deslrucllîce sur les Cll,lI11pS
de haL;lillc~ Il
Dans 1he 1311l 'chIlL' o( 1':111'11 llLies, lès i'vlena<.ks. l'orees pures cL rée Iles de I:.i nature, se
déplacent gdce :lU \\ent au cours de leur chasse nH.:urtllèl\\.~ c(llllre les Intrus dans 1;1
montagne 212 . Cc vcnt ~kstrueteur porte le nOIll de "Yent-dénllln" Jans 1\\'(JlIgi's Ni/lTcs/. Il
symbolisL: le courant de changement qui s'instaure C'est en effer. un "vent violent" qui lait
plier Daodu et qui pourrait dérnciner Danlola s'il y résiste 243 Et k complot contre Kongl
devient un ouragan, aussi rerrible qu'un feu de brousse, qui le fair trembler avec l'ensemble
de son régime:
Danlola. But it did go weil. Weil as a hurricane
Blows well. As a bush-fire on dry corn stalk burns and with a tine crackle of nonhern wind behind
it244
Cette force destructrice du vent constitue ce que les quatre géants dans A Pluy ol (fiants
associent à la notion de pouvoir: "Power is the strong wind that drives them [the rebels]
away"245.
La violence dont est capable le vent est redoutée dans Death and the King's
Horseman, surtout quand, la nuit, il s'infiltre dans les murs: "The wind must not blow
through the walls at night"246 Le vent porte ici la marque des forces de la nuit, mais n'en
demeure pas moins révélateur. Car, le vent nocturne est aussi un vent frais, et lorsqu'il
pénètre insidieusement les maisons, cela n'est pas sans rappeler cet oiseau sur lequel
2.11. Idanre and Uther Foems, p. 74.
2-+2. 1ï1e Haee/we ofEuripides, p. 278.
>11. Kongi's HanJest, p. 123.
':-"'. Ihid, p. 135.
~I' .·1 l'Iuy 11( ;ill/l/S, p. 57.
~I". 1)eulil IInd lhe King\\- 111I1"sl:l//(/II, p. 1(1:2.

S(llllllc Ic vcnl ;1 rchoms~:-plllllH: . "WI1l.'n Ille \\Vlncls hlt)\\\\! cold l'rom hclllnd;' 111;11'..; \\V Il en
Illc lil\\vl knuws 11Is truc l'rlcnds''è'i 1.:1 douleur rcclle qU'~lpp(lr[c cc vcnt IlldlqUC qu'il V;I
vr~lIl11cnl Jcs lypcs de veills rCd\\Hllés.
sc dévalorise, se han:t1lse
I)rai~e-sillger ITi) I-:ksilli Thost.: dnlll1~ Ih:1I hrook Il() rivab. hah' they blo~:ked ille p<lssa,!è.e I() 'l'Ollr
cars Iimi illY v(lie,' p.lsses illll' ihe \\\\'llld.:I Illerl' kailloalillg illlhe Ilighl"24X
I.c sounle de la voix perd sa tè.mction vItale en "passant" (en se perdant) dans le vent.
La violence du vent est ressentie par l'homme dans la plénitude de son ètrc : c'est
qu'elle n'est pas étrangère à l'essence de l'homme. Elle appanient au dieu Ogun dont le
drame tragique, lieu d'expression de la violence originelle, consitue k passage obligé de
l'être en devenir. La violence est ainsi dialectiquement perœptible non simplement comme
appartenant à ['être, mais aussi comme lui étant nécessaire. La violence positive est celle
qui est contenue et qui participe à la dymamique de l'être, de son devenir. Celle du vent
contient cette valeur créatrice. Dans la pensée yoruba, le vent violent est souvent associé à
l'esprit "Ajaja", esprit de la guérison qui se porte à la rescousse d'un être en danger249 Dans
le théâtre de Soyinka, il se présente sous diveses formes, selon l'expérience de l'être en
question.
Pour Demoke, le vent est purificateur. Sans aucun rapport avec sa vocation de
sculpteur, la plus belle mort est celle qui résulterait de la chute depuis une certaine
hauteur:
èI7/hid,p.147.
~·lx Ilud, P X5.
:1". /\\\\Volalu,.r. n, (J/7. (it., p. 49.
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Tb~'!"~ ~~ !!()Ihjn~ !.~!l'.~I'!e;n ,l lidl t!'OI!1 !11Ol! hei!.;11I The wim1 ,·It':II1l'tl liilTl 1 <lrl'Illolei as Ile Idl
II' 1
':;111 IHill IllY IHldv 1111. lilrther Ihal1 il will ~'.t). 1 wlluld \\liillin~.Iv litillo IllY 11\\::llh :llkr2:i 1l
La vioknce du v~nl puri Ile l'Individu dans sa chuLLe. CdLe IIHlcLlon purilïcaLlIce se peryoiL
lïnakmenL en sens conLrain: de cel IL: de l'air qui se r0al ise dans la douœur de l'ascensIOn.
En se posiLivanL, le vent devienL l'raicheur non pas redouLée mais Jppr0ci0c . ~\\InSI le
vent qui présIde à la consommaLion du vin: "The wine-hour wlnd j Thal coois us. I..caves
no print behind" 251 . C'est Ogun qui est évuqué ici, non comlile la leillpèle dévastatrice,
mais comme le vent contenu, au repos qui, sans perdre sa puissance intrinsèque, i:mplit les
meneurs du rite d'énergie vitale. Contenue et maîtrisée, la violence du vent appartlent en
effet, au paradi!,rme de la vie. Par exemple, dans lhe Swump Owel!ers, Alu réagit aux
moqueries--Iudiques certes--de son mari en le menaçant comme suit: " You are asking to
have your head split and the wind let out"252. Le vent intérieur--crànien--est un gage de
VIe ; lorsqu'il s'échappe, il entraîne l'extinction de la vie. Contenu dans le cràne, son
tourbillon estsans doute évocateur de l'activité du cerveau.
.... . .."-" , .."
": ,'Leosouftle; une sorte de vent intérieur, est un principe aérien attesté universellement
" 7.~ ~ __ ~:.~~.~ .. ,~~.~~. ~ '~'~~:
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comme; syrrioole.; de'vie; cependant, il n'échappe pas à la valorisation ambivalente chez
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-·"SoYIÎlkafpOurqunPeXlste des etres de VIe et des etres de mort Le souffie est vIe dans' The
··/·B[;'Ç~~~t;j~~;i;jde.;'-ëar;·c'estl'expression, d'une part, de'la naissance de Dionys~sdepuiS"

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.....:., .;." .u.
les entrailles de la terre-sa mère-et d'autre part, de la nouvelle vie renaissant souS son
influence à Thèbes: "He [Dionysos] is the new life, the new breadth, creative flint"253. En
revanche, dans Kongi's Harvest, le souffle de Kongi est redouté, et pour cause:
Danlola : .... Is the Big Ear
Of His immortal still flapping high
250.. )/ Dance ofthe Forests, pp. 19-20.
251. Kongi'sHan'est, p. 74.
252. nu: Swump Owel/ers, p. 84.
25.1. J'he I!ucc.:!wc o/l':uri[JiJcs, p. 15 1.
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ELe=,..".......,rZ2'W'Z%t'li'ffi"
3') 1
III 1<.()I1~j\\ hrl':11 Il')
Senel;l~ K;lhivesi. dOIl'1 Illnek a rllined 1I1al1~)4
L.e sounk de l'ongl rappeilc ceiui en "boLJrrasques"~--'-' d\\)gllll sur ics champs de ba1.ailk.
généraleur Je ruille PIUlÔl que Je vie.
sont divers. mais dans l'ensemble. ils sont contenus plus ou moins dans œ que Etienne
Galle résume comme étant les nuances des valorisations de la force de l'air - "la mobilité et
l'inertie. l'humidité et la sécheresse, la pesanteur et la légèreté, etc. "25[> Certaines de ces
considérations ont été éiudées ici, car ii est clair que s'agissant de iiair comme de tout autre
symbole, chaque élément est très naturellement pris en charge par un réseau de
sii:;uificatiûns qüi se Laccûrdent à mültiples thèmes.
II, 1. 6. L'ambiYale!!~e de l'igné
L'igné est sans doute l'élément dont l'ambivalence est le plus aisément perceptible;
mais dans le même temps, c'est certainement l'un des éléments les plus riches et les 'plus
profondéments symboliques. n· conduit l'imagination aux aspects les plus essentiels de la
vie. Il participe sous ses diverses modalités à ia dualité fondamentale de i'essence
cosmIque.
25,1. Kong;\\' Hurvesl, p. 135.
255, !d{/nre und O/her Pnems, p. 62.
25". C:.l!le, Etienne, Le monde unitaire de Wole .';IJ.V/fIk.o, p. !66.

Il. 1. 6. 1. 1)11 principe dll fCII
Dans l'lJIl1vers sovinkalùl. on peuL grossien:menl representer la dua/ILe du Il:u par.
J'une part. le l'cu J'OgUll comme étant lie ~l la creation, ct J'autre part. le !Cu Je Sango
comme celui Je la destruction. Cependant. celte considération s'estompe quand on se rdërc
ù la diakctique inh0rc:lle ::u conc~pt du !"eu qui bit par e;-:empk de :ion aspe:.:! dc~:trllC!eul·.
un espoir de renaissance ~HI de pp~se!'\\mlion de la ViC. Mais l'image que projette lé leu chez
Soyinka c'est d'ahord l'elle de la destruction.
Dans l'he IJacclwe olFlIripides, Dionysos est un teu auquel font appel les esclaves
et les Bacchantes contre Pentheus :
lrst Bacchante' Reveal yourseltl .... Come with your killing smile..
Bull with horns
Dt' tire...
Eternal embers in mv hearth
.
.
7~-
Hunt Ihls game ia ,graund-- /
On aperçoit ce feu au cours de la libération de
Dionysos, emprisonné. par Pentheus. "U
jaillit de la terre comme une matière en fusion incendiant le palais de Pentheus"258. Mais ce
feu que Pentheus chercha en vain à éteindre, dit Dionysos, "n'existait en fait que dans son
esprit troublé"259. C'est que pour ce dernier, le limai" que représenterait Dionysos est un feu
dangereux qui se propage rapidement. C'est en tout cas sa conclusion écoutant le rapport du
Berger à propos des Menades: "It spreads. The craze, the violence, Iike a blazing fire" 260
Pentheus perçoit Dionysos comme un feu, car ia destruction par le feu semble être
ce qu'il y a de plus redoutable. Demokc, un homme qui, en tant que lié à Ogun, connaît le
feu, redoute la mort par le feu: "1 live by the forge and often hold the cinders in hands....
m. '1 he 8acchae o(Euripides, p. 296.
25ll. fhid., p. 276.
25'} fhiJ., [J. 182.
y,o. IIJid., p. 296.
=~==~
.....__ ._.._-_. __.--_. _._._---_. --------_._-_.

So VOli SCl~. 1 ;IIIl nol ;lir:lI(j o( lire 1~1I1 1 whish ln he s:lved l'mIn de;llh ilv hllrnlng"~(01
ironll/uelllClll. il ia lin Je sa marche dalls la I"nrl:l, j)ellll)~e n'cchappe qlle Jc peu ;\\ cellc
Ll
l'univers soyinbien csl un monde J'actiolls souvent
lrès \\iokrllcs
~ les
transt()nllalIOlls sont scnCr:llelllcnl l':\\houtissclllcni dc vioknccs qui troment Jalls le t'cu Uil
logiqut: obJet de menace pro~ërée contre l'ennemi. comme on le note i..bns ccrtJins ,lès
exemples déjà donnés. Kongi, le lion d'lsma, fait son arnvee à la tête de l'igname. tenant
ses ennemIs en respect avec le feu des "Charpentiers" : "Kongi cornes' And with his
carpemers;' Spitting tire on his enemies"~u-;. Roia dans fi jjunce I{the Fores/s menace de
retourner au village brùler sa maison occupée par des parents éioignés26-i. C'est Aaraa qui,
dans l\\;'!udmen and ~peciaLists, profère cene menace à l'encontre des herbes de Si Bel'O qui
n'arrête pas de demander aux. mendiants de l'aider à tàire le tri : "1 have a mind to set fire to
every simple herb in that house", dit-iI265. Dans The Road, lorsque la femme de Sergeant
Burrna apprend la mort de son mari, elle tient le même langage à l'endroit du "magasin
macabre" de Professor dont il étaIt le pourvoyeur et le gérant266. La destruction par le feu
semble-être la réponse adéquate pour celui qui a tout perdu et cherche une' compensation
équitable.
Lt: i't:u évoq ue la Jt:struction totale. L'historien consei Ile au tyran Mata Kharibu la
solution du feu comme le seul moyen de se débarrasser du "termite moral" que
2(, 1. li Ounce olthe Forests, p. 19.
2(,2 ihid., p. 72.
2(,]
Kllngi's /-/un'es/. p. 116.
1';·1
,.-1 Dl/nee or/lie Forests. p. 9.
21>:;
/1l/(u/1I11'1/ 'I/Id ,\\jwcwfists, p 2JO
.'1,',
l'I,c Noud, p. 11 X.

rcpreSeTllcr:lil Ic,,()ld;lI·~,,·i 1·':1. dèscspcrclllcni ;1 1;1 pOllrSlJilc d'Isola. (lllllllllllll Ile IrIllIVC
d'autre SOÎutlllll llW': celle du Icu. jorsqu'isola est lïllall.:llh':IlL cllcerc!C dallS le laJills
"1 To
hls Illen i \\ivÎ1Y Jo you IlH.:rciy SurroUIlJ lhe bush') i Joll'L wam lo caL lhe bush. (lcl Lhe boy ....
Dcndt'
Il bclong~d 10 l'adire. [h~ gre:H
.c\\n<.:estor warrior or vom linc<lge.
Danlola
Who resrs in peJce we pray i\\nd now
M~1 piOllS wish is--bllrn it' Bum it with the tirewood from the dessiealed track ufvl1l1r ramil" lree269
Cette taret: de destructIon appanient au feu quelle qu'en SOIt la determmatlon
causaie. Le feu de ia route est horribie comme tout autre. li arrive au Sergeanr Smma sur
là rouk Je the Ruuu, œ ljue Dtiilùkt refuse d'iiiiàgiliti' pùur lui-même. Pàl1iculàlS joe, le
but black twigs !eft of the veteran of the Burma campaing"170. De !a même façon, soixante
cinq personnes meurent calcinées sur la route de A Dance nf the Foresf.\\' à cause de la
cupidité d'Adenebi 271 . Le verbe de Professor dans The Road, réalité d'essence plus ou
moins transcendantale, est dans la séquence de l'église un feu terrible avec lequel ou sous
l'impulsion
duquel
il
mcendiait
les
cabanes
des
villageois
non-réceptifs
à
ses
ensei gnements272.
Dans SOli essenœ, ,'être liumain (;oiHièlit ull td fèU. Lè Iliàl dèmd d ùnrolùgiquè
qu'il incame est en effet ün f'eü destructeür qui souvent le ruine lui-même et parfois, lui
2(,i
A /Jance of the ;"oresls, p. 50,
2(,:-<. Cumwood on the Leaves, p. 134.
,t,') Kongi's 1-I(/rl'csl, p. 1UX.
270 The /?ood, p. :2 18.
271,1 ! J,IY/t.(' u(rlll' 1"{Jrcs/s., p J<)
.:7:. Jïœ /','UUr!. p. ~()().

conii::re le pouvoir de délllllre son proch;lln
"Wh:!1 were \\v;JrIlings hCSllk tlle rencw;d 01
dcvalli ia j·jiiL: ci iinakl11clIl son cchcc dans le nie.
Le leu se trouve dans les Vèinès de l'ètre--lransmis dans nit' /)on (lm! tilt, .lL'WC! par la
consommation du vln 275 Il réSIde égalèment dans la sexualité, le creuset des mystères de la
régénération. Dans :the Uon und the .Iewef où l'on en a un témoignage, ce feu sexuel est le
feu destructeur de Sango, avec lequel Sadiku croit être venue à bout de la sexualité de
Baroka. Elle chante: "ûh Sango my Lord, who of us possessed your lightening and l'an like
tire through the lion's rail"276 Elle aurait ainsi également détruit son premier ~poux dans sa
jeunesse277. "La femme est un feu' brûlant", écrit Etienne Galle, "lorsqu'elle domine
l'homme par la force sexuelle" ; et d'ajouter, "masculin ou féminin, le sexe est un feu, et le
feu est une des forces de ]'univers"27R
L'essence de l'homme contient le feu, son corps le connaît et il sent la douleur qui
lui est intligée, tel Baroka dans Ilie Lion and the Jewel lorsqu'il se fait épiler les
aisselles279, comme un feu douloureux et destructeur. C'est pourquoi il peut l'imaginer
comme un moyen redoutable pour combattre ses ennemis. Le fusil, un aspect particulier de
ce leu, est légion dans le théàtre de Soyinka.
273. f)euth und the King '.'0' [-forseman, p. 21 1.
274 'j'he J'rials ofHrother .Jero, p. 167
275. l'he Uon and the Jewel, p. 13.
27(,
Ihid, p. 31.
277 IhiJ., p. JO.
27s (;alll:. Djl:nnc, ()r. (If., P !2n
~7\\) rI/(: l.lu/7 llllll 1,1,(, ./(;IVL'/~ Jl. 37.
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l..."eSi dans ()!hï'lf i/lIlIl'lI.\\'f que le r:lppor! tUsil-IClI est le plus cVHknl. 1\\11 COllrs de la
.~Cl:ne J'e:\\ecullo!1 de i'vlad.. iL prclre de S<lllgo reussll a llhlcilir la respolls;Jbilile splrlluclk
de la ceremonie. La r<llSll1l Cil csl sim pie el li I\\:xpli(jue . "Lighlcllll1g is aboul 10 slllkc 1111ll.
1k's miiii:.:. [)ius iliS pïüpcrt~v"ê:"". Tradiiiüiiïil..:lkïncni. les propn":lés Je celui ~iUI mcurt par
macrocosmiquc de LI lutte pour l'obtentIon du monopolè spirituel des plagcs d'c'\\ccutions
publiques, le prophète .kro se rétëre au "peleton d'exécutions comme le plus coun chemin
pour se rendre au ciel"è::i\\
Le fusil apparait également dans Kongi's Han'esf. Avant le
"sacre" de Kongi, le pere de Segi. revenu pour attenter à sa vie, est abattu. On entend le
coup de feu sur la scène. i'v/admen und ~jJeciuLislS contient un spécialiste du pistolet en la
personne de Dï. Sero :
Bero . [Has takcn our his gün, 'yvcighs it significanrlyJ And lightening strikcs. \\Vhat about il?
01d l'vlan: That lighterjng strikes? !t cou!d strike you, no?
Bero. Yes.. 282
C'est par le moyen de ce feu qu'il précipite son père dans le gouffre transitionnel à la fin de
la pièce. L'arme à feu apparaît sous une forme géante (artillerie lourde, mitraIlleuse, etc.)
avec les géants dans A Play o{ Giants. Lorsqu'après l'annonce du coup d'état, l'ambassade
de Bugara est encerciée par les réfugiés poiitiques, Kamini n'hésite pas à "ouvrir ie feu" sur
les manifestants2K ,.
Le teu calme, maitrisé, "dompté" est un feu fondamentalement positif. C'est en
quelque sorte la force tranquille. Un aspect du feu dionysiaque appartient à ce paradit,rrne
èHO
()pera W()nv(lsi, pp. 400-401.
2XI
Jan\\- !v/e/umorp!7()sis, [J. 175.
~X2 A,lof../n1en tlll( 11\\'[)(/(.'1t ,/i"'fS,: pp. '2 ()(i- 2() 7
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.1 l '/Lll , u(( :·ù .... "s, p. ()().

de l'isnc. ("esl SOIIS œlle forme qu'i 1 penèlre 1:1 ferre Cl sc lT1<1rlllCsle d:lns le vc!~el;1i
"lhruS\\lll~ lrolll earlh, Ille l'ire IS 1<lIneJ III nc\\V ~reellerv ol'lik"~;;1 l.'illl;l~e mcnle du !Cu
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lTlaitrisc est sans doute. celle du ku du !ùyer. Ce lCu Inspire k repos mais ~IUSSI constitue
une invitation <1 kt ll1eJilation~;:5 A'lilLllIl!.:.'/I Ulld '''1 Ice/il Ilsls Cl'I1lIL'nl cc ku philusoplllque ou
cognitif En d'kl, il Y est :lssocié avec les Jeux Viedks Fellllllcs. symholes de
connaissance, I_eur rcl<ltion avec le l'eu rappelle le principe de vic qu'clics s~ll1lholisenl
.... a ton11 ofsemi-open hut. Insidc it sit fya f\\gha and Iya Mate, fya Agba is slllo~ing a Ihin
pipe. [ya Mate stokes a small tire"2X6 Le feu à l'intérieur de la maison évoque la chaleur
interne caractéristique de la matrice génératrice2!;7
C'est gràce à un feu similaire que Demoke, l'aniste. accomplit son travail dans ,-1
Dance (~(lhe l-:-oresl.\\' : "l work with tire. Carving and smelting. Sometimes 1 merely trace
patterns on wood with tire", se définit-i}288. Ce travail créatrif qui requiert habileté et calme
ne peut se réaliser qu'avec un feu "régulier" pour employer l'expression de Bachelard: le
feu de la forge. Demoke "vit dans la forge"289, et est de fait régi spirituellement par Ogun,
le dieu de la forge.
La forge comme lieu par excellence du feu créateur apparaît plus d'une fois dans le
théàtre de Soyinka. Dans The Lion and the Jewel, le joyau de "imagination progressiste de
Baroka est un produit de la forge royale:
Baroka : [Goes to the strange machine and pulls the lever up and down] .... The work dear chi Id, of
the palace blacksmith. Built in full secrecy.
Sidi: [Wonder-slruck] You mean--this will work sorne day?
2!l4, IÏle l3acchae ()l!~'uripides, p. 251.
2:.t5 Voir chapitre sur la médiation de l'être: les Vieilles femmes.
2XC,
Mudmen and .....'peciufisIS,.p.217.
2:-17
Bachelard, Gaston, ru {J.\\ychunulvse dujeu, p, 71.
~XK // f)onœ (llllie ruresl.\\', p. 19,
~~q /,( Je. (.'f/.

1\\ chacun ~e~ passlon~ L~l ses prL'occupatllln:'
~I l'oppose de 13aroka ~IV\\X ~a machine, I·:lcsln
pen,:oit, lui, la :,plcndeur de la heauté 1l:llllnlne COllll11é élallt la Creall\\lll J'ulle Illrge
supérlcure à celle J'Ogull l
"Nol evell Ugun wilh lhe IlllèSl hoc he e\\er i ForgeJ al the
allvi 1 coulJ have shapeJ i That rise Oll1Utlocb."è'J l . D~lIlS une perspective nH~taphysl(.lue,
le lel! Je 1;] l'orgc est "~l la I"ois céleste ct SOUlèIT;]IIl. Illstrument Je démiurge cl Je
démon"2<lè
I\\~ntheus ~l:'SUllle aisément la ligure Ju "démon" Sa volonté royale es!
comparée j un fourneau d'où ne sort que du Icr en fusion 2'J.'
Le fait est que Pentheus
n'imagine le feu que comme instrument de destruction. de violence: c'est cela que la
rougeur du métal en fusion évoque. Cependant, démiurgique ou démoniaque, le feu de la
forge demeure lié à la création.
Et, même dans la destruction, le feu reste souvent lié à une oeuvre vitale. C'est par
exemple lorsqu'il se pose comme une nécessité pour la préservation de la vie. Dans
Madmen and Specialists, les Vieilles Femmes sont obligées de recourir au feu pour détruire
les herbes susceptibles d'être mortellement dangereuses dans les mains de Bero294 .
L'histoire du Capitaine qui, dans Death and the King's Horseman, est contraint à faire
exploser le bateau en sacrifiant sa propre vie dans le feu295, constitue pour Olunde, un acte
vital comparable au rite de suicide. Pour Elesin dans la même pièce, la nécessité vitale du
feu se situe au niveau où son suicide est imaginé comme une destruction de ses attaches
avec la terre: "l fingered hidden charms and the contact \\Vas damp ; there was no spark left
2'JO
the !.ion und the Jewel, pp. 45-46.
2'J1. /)eath und Ihe King's Horsemun, p. 159.
2'J2 Bachelard, Gaston, Op. (ït.., p. 436.
2'JJ l'he l3ucc/wc ofI'uripides, p. 284.
è')'1
Afw/men ont! ..."pcciu!isIS, p. 274.
è'l'i
neLllh und Ihl' f\\ing's !J(Jf'Sel11lJfl. p 102.

10 'ever Ihe lilc-SlrlI1L:S lI1al. sfllllild slrelch Îrom evel\\: Îillgerlll1"~J'· l ,"'elineellc eS! Ilne
pélile Lause qUI proJlIil un gralHJ élkl"~'J. ICI. l'ellllcclk ésl ";Ibselllc". cl cc 1:lls;lIll. clic
COIlU;Ulllle ié destin J'iJeslll cl ue sa COllllllllJlaUlc.
1~I"I'ed SlIrt()IIt niTre lme représentation de Cè tell. Après qu'ltild<l sc soir ~eh;lppt~ des
cérémonies rituelles du village. il retourne dans la maison d'Eman. I~es villugeois venus à
sa recherche notent que contaminée par l'impureté du bOllc émissaire. la maison doit ètre
brùlée atin de débarrasser le village de toute poche d'impureté: "A conrarTlinated house
must be burnt down"2')'J, dit i'un d'enrre eLLX. Cette norion de purification est manifeste avec
notamment le symbùlismë de l'dTigië de la Fillë300. L: leu dëvrait ëmpùïtëï dans les
que nous avons déjà analysées, ce feu s'avère aussi inefficace et ridicule que celui que dans
.Tero~<; Metamorphosis, Rebbeca croît capable de purifier le représentant de l'autonté30I , ou
que selon Brother lero, Chrnne aurait subi: "You (Chrnne] have gone through the tIres of
hell and emerged a strong servant of the Lord"302 Le feu infernal est sans doute le feu le
plus destructeur que l'on puisse imaginer. Mais Chume conserve sa naïveté tout comme la
Fille dans The Strong Breed garde sa maiadie.
2%. Ibid., p. 212.
:'')7 Bachelard, Gaston, Op. Cil.. , p. 79.
2'll<. Ihid., p. 19.
:")') 'l'he SIrong Hreed. p. 128.
.11111
Ihir./.: p. 120 ~ voir également, infra, le chapitre sur la purilic:ltion.
1(11
.!r.:rl/\\' ,\\/It,;/LI/!!()''t)l!usis., p. ! HS.
1/I-z. /hhl.", p. !<)b.

~(ll)
IJour ICrin/ner, Il scr:lil .Iudiclel.!:" de relll:lrquer 1;1 perlillence de 1':llla/ogle posee
enlre UIOllYSOS cl ie leu. 1)I\\1IlVSOS csl un leu pmcL: qu'll \\cul apporLcr--d ri y parVlcllt--a
TÎlches. Ull cflangell1clll qUI Lranchc LOLakmClll avcc il: S\\SIl:IllC [o[aiil:urc CL macabre de
i\\~nthcus . c'est un ilOU\\eaU J~part, un...: i1üu\\cllc illorallic. unc IlOuvclk religlOll Jc la vic
Il. I. 6. 2. De quelques modalités du fru
Le feu est un concept général qui comporte diverses modalités dont certaines ont
déjà été évoquées dans d'autres contextes thématiques, ef qui. ù leur façon, participent
significativement de ia notion d'ambivalence de i'igne chez Soyinka. Cèrtaines de ces
modaliiés répondent parfaitement à ce que Bachelard appeile "feux purs et impurs",o3 qui
relèvent d'une expression ambivalente liée à la notion vie-mort chez Soyinka.
L'impureté du feu résiderait dtune part dans !~ perception de ses cendres comme
étant "ses excréments"304. En tant que teIles, les cendres sont cependant lourdes de
signification. D'abord d'un certain point de vue, elles constitueraient une nourriture pour la
terre305. Cette valence des cendres est complètement absente de l'imaginaire soyinkaïen.
Les cendres y sont plutôt présentes à la fois comme résidus inutiles et comme marque de la
"chose brùlée", morte.
En eftèt, dans ia première partie de l'he Lion und lhe Jewei, le mépris de Sidi pour
8araka qu'elle considère comme li.il. ètre "tini", se traduit par la comparaison de sa barbe
avec une "touffe carbonisée"3()(" et ~')ar son visage comme "saupoudré de cendre"](17 Dans la
.HJJ. Bachelard, Gaston, Op. Cif., pp. 170-171.
]04
1hid, p. 171.
Hh Ihid, p. 60.
';0(,
nu' !,inl'! und Ille ./t'wd, p. '))
\\117 I.uc. Cil.
..._---_._-._._--_.._._--._-._.._.._._...- ..__ ...- ..._._---_ ... - _ . _ - - - j ._.-

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"rcdu!n.:
Cil CC III1n:" ;us C'est que ia ccndrc cst
I<JIlJalllClllaiclllclll ilcc ;'1 I~I 111111l. IvaioFI
l'utilisc Jans L1nc Imageric Illiercssanle dans scs mises Cil guruc a i.·:icsln ;1lI cours Je SOli
D'autre nart. à l'instar Jc la centre. la fumée annarait aussi chez ~l)\\'inka en rannOl1
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avec la destruction du t'eu. Un trait du symbolisme de la fumée l'aperçoit ù "l'image des
relations entre la terre et le ciel":I](), les humains et la transcendance. Dans A Dance (}/the
Fures/s, elle apparaît en contradiction avec cene signitïcation. Les humains y emplOient ia
fumee nausèabonde du macabre camion "Cnemney of EroKo n pour se débarrasser des
forces de la forêt, figures de la transcendance dans la pièce:
Eshuoro ..... Today, they [the hUl11Uns] èVèn dared to cha5i5 out the forsst spirits by poisonning the
~;r n.';th "etral fumes3ll
.
.....
"' .... j J '
• •
.
La fumée est un poison assez récurrent chez Soyinka. Dans la même oeuvre, les fourmis,
symboles des destructions aveugles des humains, trouvent la mort par la fumée, entre
autres choses3 2
1 . Ailleurs, c'est Olumorin qui ordonne à ses hommes d'enfumer Isola pour
le sortir des la brousse313 .
Dans l'oeuvre dramatique de Soyinka, ie feu impur, c'est finalement i'aspect du feu
qUI évoque la mort. Quant au feu pur, il serait representé par ia f1amme et ia lumière de
]OX. IhiJ.., p. 54.
](J'l.
f)eath and the King's f/orseman, p./62 .
.110 Chevalier, J. et al., Op. '('it'-, p. 470.
III
// Ounce (~([he Forest." .. p 41.
ll~ Ihi(i.~ p. 42.
11.1
(·urmt'IJIJi./;1I/ flic I.cuvcs. p. 134.

-W.!
j'igne l'cs deux moJ:liitès sont pn:senles che;,: :-\\ovlnka, l11alS :1 la dill'èrencc de 1;\\ cendre 1:1
de la "U111ee, dans tille perspeCllve Jlalecllque.
I.a Ibm me pure. c'est le !Cu Spllï tULlI isè, c'eshl-dl re que la ItUl1nle n\\;sl plus
silllplcllleili
perçue
L'Oll1llle
un
l'cu
mais
COlllllle
l'expression
J'une
asplralllHl
au
transcelld:lrllal. Cc IL'u, c'est i:l ll:lIl1l11e qUI Ile brùlc pas: c'est L~elle que poilent les
Menades dans leurs chevcu.\\
"r-Iailles Il ickcl'eJ III Ihel r curis but" Their km l'Cl11alncJ
unsinged"~I,j Pour Daodu. Scgi repr0sentc cettc llamlne idéalisée' "l'II rub vour skin in
cam wood, you'll be my tlames in the hide. of night"115 Feu spirituel. cette tlaillme vitale a
une connotation mystique que nous avons déjà mentionnée. Dialectiquement. c'est un feu
qui peut se négativisé.
Elle n'est plus alors la tlamme qui ne brùle mais au contraire révèle ses capacités
destructrices. Ainsi dans The Bacchae ofEuripldes, le Leader des esclaves peut dire: "Oh,
let his [Dionysos] tlame bum gently in you--gently / Or else consume you'" 16. La flamme
qui brûle se confond avec le feu. Et, elle devient noire telle celle que vomit Dionysos-
chasseur317, ou que crachent les cheveux d'Ogun sur les champs de batailles: "From hair-
root / Spit black jets offlames"318.
Le principe directeur de la dualité création-destruction du feu se prolonge dans ses
ramitications, et chacune d'elles l'assume parfaitement. La lumière est l'autre mode du feu
pur. Elle est complexe chez Soyinka pour plusieurs raisons. Le luminaire appanient à
ditlërents plans incluant le feu, le soleil, la lune, le jour, l'électricité, etc, ; et la lumière est
tantôt un mode du feu (exemple la chaleur), tantôt en correspondance avec l'obscurité, et
JI~. l'he Racehae ofl~'ur;pldes, p. 281.
w'. Kongl\\' Harvesl, J1 97.
JI(,. n'le l3uee/wc ojFur;pldes, p, 250.
:17 /hid, P 296.
;I:{. ldl1J1rc und (Nha f'(jLIIIS, p. 74.

I:U1II'1I
l'c:,,m:~;slofl pllre cl simple d'llne technique dr:lIl1:I\\Il]UC. Ne:1I11nOlnS, sa v:llence
svlllhlllique dCllll:urc COI1SI;IIl[e.
i\\ Uil rllveau jJurelllelll IlUl1l:1II1, 1:1 ILlllllére se C\\lni,:ilIL entre :lUtres, ell terlne:, de
spiclllkur. Je beauté. Mais le heau cha Soyinka Il'est pas sLljJèrlïcici , il "rcslJe Jans
l'accl)rd entre 1'[u11e humaine cl l'Lime du Inlllldè"~ l'!, Lill phC:ll(\\Il1l:lle qUI Cl\\fll\\::re sa vaicur:lU
symbole La ILlllli~rè s'inscrit dans celle svlllholiquL'. Dans :\\'ollgi\\ /-Iun't',\\I f)an!ola veut
:.lppar::Jitre dans le rite Je Kongi "plein dl' L'ouleur solairL,"':(1 E!csin. lui, perçoit la beauté
de la Fille comme une lumière ~clatante qui illumine l'espace du march~,21 Et. du coup.
son visage se met à "briller de plaisir" lorsque les femmes donnent leur accord pOLir qu'il
l'épouse.
Si cette lumière valorisée selon sa brillance, sa clarté, est un phénomène positif
auquel aspire l'être, elle évoque également dans son esprit la vie, la vérité--Ie jour--par
opposition à l'obscurité, règne de l'inconnu, du danger. Dans lhe Bacchae ul Euripides,
Pentheus insiste auprès de Dionysos pour savoir si son rite est diurne ou nocturne.
Apparaître dans la lumière est rédempteur. Brother lero explique à Chume que sa sortie de
prison est un passage "de l'obscurité à la lumière"322 par la grâce du seigneur. Et, dans The
Bacchae of Euripide.\\', ce sont les esclaves qui comparent leur salut retrouvé à une
émergence dans la lumière : "It is the hour we have long awaited / What is hidden must
some day come to / Light / Now raise with me the old hymn / To godhead"123
La lumière réel1ement évocatrice de la renaissance est celle du soleil levant, celle
marquant la naissance du jour. Les premiers rayons solaires réveillent la nature, la vie.
J I~. Galle Etienne, Op. Cil., p. 272.
120 Kongi's Hurves(, p. 106.
m
f)eu(h und Ihe King\\' HorsenwfJ, p 159.
122 .Ic:rf)\\' N!ellJJr/olpfJ(Jsis, p. 195.
'23 lïl<.: nI/CC//iI(: Ii/I-.'uriridt:.\\, Il. 247.

1.;lkunlc promet ;1 Sidl d'èlrc pOlir clic (Clll' IIlITlIère
"SHjl. InV love \\vIlI open V<llir 1l1l1llJ ..
1.lkc Ihe cllaslc Ical" III the 11Iollllllg, wllell
IÎle SUII lïlsl [ouelles Il'' < 1 t_'etlc IUllliere csi
produite par le :.;olcli Ilde auquel aspire Sidi Cil amoureuse. 1·:11c est la lJeaule ct la Vic par
e:\\eelknce.
Les pièces cI-dessous Inlègrent l'clli; IUlllière dans la circularite de km;; structures.
Ainsi, Jans ./ /.JUJJel' o(l/ic' /.'O,.C"I.I, lé j()ur qui sc lève apporte L'etLL' IUllllèle, sVl11hok de
"la sortie du gouffre transitionnel" de Dçnh)~e : "Dawn IS hreaking. Ogun enters bè:Jring
Dernoke.... The sun crceps through : Ogun gentl)' lavs down Dernoke. tlees"325 Le lever du
solei 1évoque la vie renaissant
Le symbole n'est jamais univoque. Qu'il s'agIsse de l'idée de 1urnière ou de celle de
renaissance, la lumière comporte une valence négative qUI j'associe au mal, au vulgaire.
Dans The Bacchue of Euripide,\\', l'esprit rigide de Pentheus assimile le jour au bien et la
nuit au mal. La réponse de Dionysos est toute révélatrice de la plurivalence des deux
phénomènes: "POOl' Pentheus, how you must suffer, tying 50 rigidJy the hour of day and
night with sin and virtue"326. Autrement dit, le jour peut être aussi redouté. La lumière du
jour révèle ce qui devrait être caché, et ce faisant le vulgarise, empêche son expression.
Dans The Raad, dès le lever du jour, Murano se soustrait de la communauté de la route
pour ne revenir que la nuit Professor explique pourquoi: "The word needs no vulgar light
of day to be manifest"327. La vérité devient "froide comme du marbre"m à la lumière du
jour. C'est la froideur cadavérique, antonyme de la vie. Dans IJeath and Ihe King's
Horsemun, les èsprits viennent la nuit se nourrir des victuailles déposés pour eux et se
.32-1. l'he /)on and the Jewe/, p. 7.
115 .4 f)unce oj'lhe Forest,", p. 72.
m,. l'he 8w.;c/7lIe ojFurJf7ides, p. 269.
127
'j'he Nouel. p 193 .
.\\2X
/hid .. p. 1!D.

4(1."
mais pour des ralSOllS particulières, Maek redoule le lever dUlour, COlllllle I\\..:.xpllque sa
chanson
1 llaLè 10 scc Lllè Illorning SUIl è(1lll\\: up
FOI il r\\:llllllds Ille' IllallllY 1l01l1· IS IIp
Feding [OIllOIT()\\\\· is nol il Illing l'II knOlv3:;()
Maek esl un e()ndall1ll~ ù mort qui sail que c11aque jour qui sc lèvè le rapproche de la mort,
par le ~èu (le ['usil plus précisémcnt). La lumière connote ainsi la l110n de façon plurielle.
D'autre part, la chaleur de la lumière conduit à la notion vie-mort mèl11e si elle est
très peu présent chez Soyinka. Dans Kongi's Harvest où elle apparait en rapport avec le
soleil, elle signifie potentialité destructrice pour
la communauté, privée du parasol
protecteur du roi 33 !. L'image de l'albinos, lequel est particulièrement sensible à l'ardeur de
la lumière, est employée pour symboliser le sort de la communauté. Mais on sait aussi que
dans la pensée yoruba, le solei brûlant est propice à Sopona, esprit de la variole, qui aime
alors à s'y "étaler tout de rouge vêtu"332 ; le rouge du sang 1
La valence positive de la chaleur de la lumière semble être exprimée chez Soyinka,
uniquement par rapporrà la lune en tant que luminaire. 11 s'agit en effet, de cette chaleur, si
l'on peut dire rechauffante, vivifiante que produit la lune dans Cam wood on the Leaves :
Mourounke: Oh, it's full moon. Look ... there is Moji [the tortoise] warming herselfin the moon.
Isola: She looks peacefu1.. 333
La tortue est dans le monde d'Isola, le symbole des tendances positives des forces de
création.
m. f)eath and the King's Horseman, p. 2' 1.
130 OperaWonvos;; p. 401 .
.131
Kong;\\' Han'est, p. 68.
,,2 l3olaji, IdoWlI, Op. (il., p. 97.
'"
('l.IllIwlllld III! 1he I.ulves, p. 126

Selon l'<tpproche pllrellleni lecflnrqlJe. 1;1 lumière c~1 prrlllordr:llclllcni mais IHIIl
c.\\eIU~IVL'll1Clll éleclnque. I:/le scll pilr L'\\clllplc U'ClclllClll ~Jc Ir;IIISlllllll sn:llIquc cl ~c
Cllinprend uans cette perspective comlllc. clllrc aUlres. "gelll de eonllllUllc. 1,;1 pleee
f\\'-uJI.!!.' \\ /lurv!!sl est, acc lilrc, assez représenlative.
L~l plupart des cilallgcll1l~llts de SC':::lCS sont assur(;~; p~\\I' Je.'; jeux dc !u:nicre. De cllc/.
Kongi au Nighi Club de Scgi ou vice-vcr~~l. :1 l'intérieur 1l1(~ll1C de la Relr~litc ~k.' I(ongi
entre son domaine privé d celui des .t\\\\VerIs, etc, la lumière conduit !'oèil du speclateur de
l'une à l'autre scène. Par exemple, on reut lire au début de la première partlè : "The action
altemates between two scenes, both of which are rresent on ditrerent parts on the stage and
are brought into play in turn. by 1ights... ",:;.J. C'est sans doute Alain Ricard qUi a k mieux
analysé l'importance de la lumière dans le théàtre de Soyinka, surtout par rapport au
traitement de l'espace;}). L'électricité, pour employer sa terminologie, sen il. jouer sur la
simultanéité et l'éclatement de l'espace, à créer les espaces neutres (les t1ash-backs) et
mythiques, et à "dilater l'espace scénique traditionnel jusqu'à l'abolir".
A côté de cette fonction alité technique, ['électricité participe certainement au
symbolisme du théâtre de Soyinka. Son intensité semble particulièrement si!:,TIlificative :
ainsi la luminosité du Night Club de Segi contraste avec celle de la Retraite de Kongi. La
lumière de chez Segi exprime l'enthousiasme, l'ambiance de la vie qui s'écoule, pleine
d'entrain et de couleurs si l'on peut dire. En revanche, chez Kongi, la lumière est pâle et
terne: "Kongi's Retreat in the moumains, the Reformed Aweri Fraremity in session. Kongi
is seen dimly in his own cell, above the Aweri ... "11(; La lumière de cheez Kongi évoque
sans conteste quelque chose de morbide. La vie est, chez Kongi, en quelque sorte ralentie.
:13.'. Kung;\\ !larvesl, p. 70.
,)'i
Ricard, Alain, 'fï,ùÎlre el 1101;0l1u/i.\\'/lIe, pr. 1OJ-I 05.
UI,. KongJ\\ lIun\\:sl, p. 70.

-iO]
~l.leUIl_ lolalelllelllincap;.lll/cs Je rdkcllll cl p;Jsselll le lemps ;'1 L10Il1'1lt.
L.l IUllllLre Clel'lnqlle a ulle Jilllensioll symbolique eellaille. Sa relaLiul1 avec la nUll
donl -::lIe csl theoriqLlelllenl la negalion est Illleressantc ~I :Inalyser elle/ SOYlllka, la
disparitioll de la lumière n'est pas simplemellt un acte nu LIlle scèlle qui :,c; tcrllllllc, clic
suggère :lllssi la nuiL l\\ll1scurité. Pour Jacques Leclaire, :lIlalysam }lc'illlI llllt/l/IC ,"..'illg\\
HorsclI/ul1,
l'extinction
tïnale remplace certes
le rideau,
mais constitue aussI
une
comblllaison symbolique entre lumière et nuit dont l'effet cumulé est·
an apt image of darkness thremening the community, whereas the alternation of light and darkness
tends to divest each act of its realism and turn it into one of successive tlashes of visions into il
v'q
people's soul-u -
Cette relation symbolique entre la lumière et l'obscurité rend nécessaire un examen
de la valorisation de la nuit en tant que phénomène nocturne, mais au-delà de toute
"
considération rituelle.
ll. 1. 7. L'ambivalence de la nuit
Outre sa fonction de médiation, la nuit revêt plusieurs significations chez Soyinka,
Elle est ce temps qui précède ou succède au jour, elle est également ce phénomène obscur
insondable par l'oeil humain.
Dans tous les cas, elle est susceptible de diverses
valorisations qui répondent plus ou moins à la notion d'ambivalence.
Dans sa relation avec le jour, c'est dans une perspective cyclique que se conçoit la
nuit. Lorsqu'elle préc~de le jour, elle peut symboliser le creuset matriciel, lieu de
117
Ih/(I, , r. 82.
~~s IIJiJ.~ p. :~J.
:1"
Leclair!.:, ,!;Jcqu!.:s ln WII/e: ,)'uVlIlku cl /e: l/lc:LÎII'C u/i'lc'UlrJ.. p. 1.

..wx
germin:ltlon d'Ill 1 n;lil !CIOll!". ~'e prinellJe de n;IISS;lIlCe s':ll'p:lrenle ;1 1;1 sortie c111 :;oull're.. et
donc COllllell1 une dl:llcellque reelle. L;I lïll Je certailles oeuvres de S\\lVlllk;1 repose sur
cdte ;lIl1hlgulle entre le Jour Il;ussant cl la 11Ull.:[ 1JUlle, <il il/(: l'o/',:sls Cil est sans doute la
Il1cdkurc illustration. [11 ciTe!, lorsqu'à b l'in du rite "le l)ell1oh.e au lever du jour.. ses
parents le retrouven!.. Ioule leur attitude tr;1(.lull leur souei quant a 1;1 Il;lture de la IIUII
"Safe' Wlli.It did you sce') .. Wl1atlll:lnner of a 11Ight \\Vas il')"~I"
Lorsqu'clic succède au jour.. la nuit Il'est ras I1ll)illS ambigüe. Elle peut ù la fois
évoquer le monde infemal ou le ventre Ilwtriclel qui assument souvent la réalité d'un
endroit obsuur.. et que sans doute le gouffre transitionnel illustre parfaitement. La tombée
de la nuit à la fin de cel1aines oeuvres de Soyinka devrait donc susclter une attitude double
que, peut-ètre, seule la logique de l'action peut éclairer. Par exemple, on peut se demander
ce que signifie la nuit qui tombe à la fin de flIc Raad et conclut la quète de Professor.. C'est
sans doute un prolongement de l'enigme que représente Professor
Sur un autre plan, le caractère obscur et impénétrable--à l'oeil--de la nuit, fait d'elle
le règne par excellence du caché.. L'être qui refuse la banalisation du diume cherche la
complicité de la nuit, car comme l'affirme Professor dans son effort pour cacher Murano,
"ail faces are the same in twilight or by night" 341 .
Mais le plus souvent, la nuit de Soyinka est plutôt le moment des actions les plus
sordides et dangereuses.. Elle est, pour employer la terminologie de Dominique Zahan,
b'Touillante de "nyctosophes", spécialistes de la destruction. L'oriki de Mack the Knife
raconte par exemple que:
Where the night tlows dark and silent
There you'lI lind men Iying dead
Was it a plague that really kiJled them
11('. /1 Ounce II(/lie Fllresl.\\', pp. 72-73.
;.11. nie NouL!, r. 193.
- - - - -- ---_.~-~--.__.. _-_._---_.. - --.._----- ---, --_._---~--- ---- ----------------_.....•. "---_._--.-._--------_... _---_.. -_.---------- -~------_.... _------

.(( )1)
I)~lns Il/(' :<II·IIII.t', lir(,('ti. les meneurs du rlle ne IromTlll il' 111(I111e111 pn1plCC p(lur enlever
"~lda que lorsque tOlllbc la nUlt'·1 '. De ll1èll1e dans leurs IllultlpleS rùle:; Jans i\\./(/til//l'II Ill/lÎ
,');7<"'<"'1(1II.'/s, les Mendiants, lorsqu'ils conspirCllt avcc Ur. l3ero. aglssenl la Iluil. Ils épienl
par C\\Clllple l'intéricur de la ll1aison de Si 13ero pendant Lju'ellc Jort.
,\\:11:1:1
cru Ikrl'I Lasl 11Igl1l 1V11L;1l WL; gOI 111111 11I1L; Uld /\\/:111111110 tll:ll lllllkrgrollild place. SIIL; W:IS
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POlir Gunema. l'lin ries fluatre géanrs la nllit n'esT ras Sim!llement complicité elle
est aussi insoiration sordide: "1 sit down and meditare and collect mv power t'rom the
night", dit-ip46. Ce pouvoir offert ou inspiré par la nuit, est celui par lequel il arrive à
"contrôler la vie de chaque individu, de sa naissance à sa mort347
Pentheus ie tyran de Thèbes incarne cette nuit qu'a sait être dangereuse; son esprit
en est tout imprégné, le rendant "monstrueux" :
Bacchante : A fiend, murderous to the bone. And
This thing. means to shut me up, to
PI
.
h d kn--'
fho
. dl 348
unge me ln t. e ar
ess 0 ..IS mm .
Il est tout naturel qu'il refuse d'accepter la vision dial,ectique de Dionysos, et persiste à
affirmer que "la nuit est dangereuse"349. Elle l'est d'autant pl us qu'en elle èrent les esprits
142 Opera Wonyosi, p. 304.
3-13. Jï1e Slrong Breed, p. 124.
344. Mudmen und Speciu/isls, p. 231.
345. Zahan, Dominique, Op. Cil.. p. 146.
w, A Pluy o/Giunls, 'p. 57.
1.17
fA le. (./1 .
.;·Is
!'I,<: Ihlcch{/(: II/Fl.irl/Jidcs. p. 27:".
:·1'1
i j,jrl.., p. 269.

..+10
hUln~llns. Ici celuI de 1)r. Ikm, "sp~clalisles" de la Illort: 'II I.'uldivrdll dlspar;lit :IISClrlenl
dans celte ohscurlle, avalé ou délHll1 par Ics Il10nslres au:\\ "dClllS de rasoirs"
L'un des visages les plus lerrihles Jc la nU11 Jans le tllC;ttre de SOYlilka est L'ciul que
sugg~rc la prison. Llle signilïc la nuit anil'iLïclk: quc les konglstes aimcllt i crécL DaoJu
dénonce Kl>ngi Ù cc tllre dans son discours. "Imprecations thèn, L:urses (ln ail IIWCIllnrs or
agonies. on ;111 who guard :lgainsl thc fllght ['lit hreed Jarknè~;s by clay";"
Nul :1':1 peut-
èlre mieux quc Soyinka !ui-mèlllc vécu la souffrance lk cettc création cks faux démiurgts.
des "messies de douleur et de fausses responsabilités", selon l'expression de Daodu.
Ainsi appnrait également la "nuit" dans le théâtre de Soyinka. Et s'il n'en retient que
la valence négative, ce n'est point que la nuit ne connote que la mort dans son imaginaire:
c'est plutôt que l'univers de son théâtre est grouillant de forces terrifiantes, aussi obscures
que la nuit. Elles se cachent à chaque détour de sa zone ténèbreuse.
IJ. 1. 8. L'espace imaginare et l'expression de l'ambivalence
L'univers théâtral de Soyinka est un champ de conflits auxquels participe l'espace
imaginaire (la forèt, la montage, la ville, etc.). Si!:,'llificatif par rapport à l'ambivalence,
l'espace imaginaire trouve en partie son expression et une part essentielle de sa valorisation
à travers le principe de l'opposition et une série de paramètre théâtraux dont les sèmes
spatiaux hautlbas, intérieur/extérieur, etc. L'espace se définit tout naturellement aussi par
rapport aux éléments connexes tels le personnage, le végétal ou d'autres composantes
naturelles. La route constitue l'un des espaces les plus 1iés à la dualité mort-vie.
\\:;0
1~4(/dmcl1 und ,\\(!cciu/isls, p ~5'1.
l"~. Kong,!'s /lI/n'l'sI, p. l)9.

II. 1. X.I. Be l'l'xpn'ssivili' d(' l'opposition Sflati:l l('
I.e IIlOLle de I\\lpposilioll qUI IInplll]ue la notion de l'onllil cOllsllLue ulle des l'onnes
de JralllalisaLion
de cerl.mlS élelnellL~ Je I\\:space imaginaire de ~oYlnka_ au regard Ju
princIpe Vie-mort. 1~'opposiLioll lürèL-vilLLge semble arc I~I plus 1ll~lIlll"Csle. IJle s'elarglL l'Il
L1ne opp()sition villagc (C<lInpagnc)-ville d~lns certaines pi0ces,èl Jans d'autres. elle prenJ
simplement le visage J'une opposition espace humain-espace naLurd
Dans A nUI/CL' oj the FlirL'sts, le contlit spatial implique la ['orèt et le village. i
travers leurs représentants respecti t's. A un premier niveau, pl usieurs éléments pan11l
lesquels le ret"us des humains de recevoir les représentants ancestraux, la destruction de la
forêt par les humains, la volonté d"Eshuoro de punir les humains, constituent des signes
indicateurs de ce conflit. Cependant, et c'est là qu'intervient le deuxième niveau, cette
opposition cache en réalité un aspect fondamental qui est le dénominateur commun des
espaces. D'une' part, on remarque qu'en se développant, l'opposition révèle à la fois
l'interlocation des deux espaces et l'impossiblité pour l'un d'exister indépendamment de
l'autre : de la forêt, on entend et aperçoit les humains en pleine danse. D'autre part, si
Demoke, représentant du village, est à la fois le meurtrier d'Oremole et l'artiste-créateur, la
forêt est, à travers par exemple le couple Ogun-Eshuoro un lieu réellement ambivalent. En
somme, l'opposition spatiale est la traduction du conflit, réel ou sur le plan de la
valorisation des êtres qui occupent la forêt et le village.
Finalement, l'espace de la forêt et celui du village se rejoignent sur le plan de la
valorisation; car la dualité du village n'est qu'une projection de celle de la forêt, symbole
de l'LÎme cosl11ique '52 L'hétérogénéité traduit plutôt les variations d'une même figure de
l'espace imaginaire.
15~ Voir sèclion ~lIr la nature Je l'homme la ddinillon Je l'être soyinkaïen, la dualité
lllllologiquè

.1 ! .2
Illd1c's sc dresse contre 1" Ill011l;lt.IIC~ Je I)IOI\\VSIIS. 1·'H.:hcs cs! ulle ville sien le. rcservlllr dc
lOLILCS les plll.lrrilUrcs eL lll:rXaVallOIlS socio-SlliriLuciics. C'CSL i\\~nLheus lJUI, Cil Lant que rOI
de lu \\ilk, iiicanh.: ccs ïéalilés. i\\lurs que ûiullYsos apparatl illlraculcuselllclll Jcvalll lui,
'lfl ,1:s l'SCiLIVC:' Jécril le palais COl1lllle SU11
"l'Ile P~tlacc (lI' Pcnthcus . Tllllcrs. hulges.
qUlvers. Rtll gapes! ln Ihe angl\\ iigl1t or ligl1tcnil1g"~')~ L.'s habitants Je Thèbes sulroquent
:\\ G1USe de la p!lllrrÎturc de lil ville. ct :!spircn! Ù un ;JutTe soume qu'ils trouvent en
Dionysos, dans sa montagne
La montagne de Dionysos, c'est la vie dans sa manifestation la plus naturelle. Elle
est source de torce régénératrice, Je vie. Tiresias lance Je façon significative à ses
Oagellareeurs assoiffés de son sang: "Go up the mountains and you'lI find other juices to
quench your thirst.... The [east has shifted [0 [he mountains"354. La fonction vitale de ia
montagne s'exprime également par le vin q4'elle produit, et par sa richesse végétale. Le
berger, tournisseur de ce vin, y fait paître aussi son troupeau.
Mais si la montagne est une richesse spirituelle et matérielle incontestable, elle est
aussi un espace susceptible d'être redoutable. Dionysos fait par exemple remarquer: "The
human rnind [is] as that dark mountain 1 Whose caves 1 Are filled with self-inflicted
fears"J55. C'est dans cet espace que Pentheus trouve la mort des mains de ses occupantes
que sont ies Menades. En révélant ainsi ses pouvoirs de destruction, la montagne fait
apparaître du mème coup la potentialité vitale de la ville qui était latente en Pentheus : sa
mort assure la renaissance de Thèbes.
1')~. J'he lJucclwe (!/Furipùk:.\\', p. 274.
1'1-\\
lliiJ, P ~41
h·;. IhiJ, p. 2(1).
-
_._----~--.~-------- -~- --.---- .. _---------_.,-- -- ._---_. __._~-- - - - ------------- ------. -_.- -----~.- -.----_._---------- - - . -- ------ ----
~. -, 7'

J 1 ~
se rClol~llenl quallt ;', Iellrs V;dlll'IS,llIOIlS, l"i IJalure s'Il;\\IHIOlllse. 1:espace Illlagllla;re
SIPY'lnl\\alen n'est ,aillais neutre. Le sYlllhollSllle Je l'espace ICI, s'Inscrit dans celUI du l'Ile ct
j'expnme parï:.lItement
~)e:; InslitutHms, son idéologIe, etc rerréscntc un espace (llitureL un svslèllle de valèurs que
Iè jeune Isola Ï(,;fusc de partager dans sa globalité fi désèflC le vill:.lge ou en est ch:.lss~, ct
trouve dans la forêt voisine un refilge naturel qUI, curieusement tïnit par ètre une
projection de l'espace initial. Ce faisant. le conflit se complique et i! devient clair que
l'opposition est totale. La forêt devient l'espace d'Isola par opposition au village qui est
celui de son père.
Isola établit du coup un code de conduite: il refuse de pénétrer dans l'espace du
village; et même lorsqu'il est obligé d'y retourner pour chercher des munitions, il n'est pas
question pour lui d'y passer la nuit malgré les efforts de sa mère:
Isola : [more fiercely] Mother, what are you doing? Let me go, [Struggling]
Moji : [sobbing] You will have to kill me first...
Isola: .... l must go
Moji : Go where? Have you any home but this';J356
Et, lorsque pris en chasse par les villageois, il réussit à pénétrer dans la forêt, il interdit son
accès à quiconque--sauf Mourounke. Le père apprend cela à ses dépens : Isola le tue
lorsqu'il s'y hasarde.
La forêt, lieu de renaissance d'[sola357 devient ainsi également, le lieu de mort. Mais
on comprend que cette ambivalence est aussi celle du village où'par e:œmple la tïgure de la
~)(, ('WI1Wt)t)r! (III lite 1.L'uves, DP. 1.30-1::; 1.
,'7
Voir sl:ction sur k rite de [1assage . le rile Illili:.ltique d'Isola.

.[ 1 . f
lTlère ~'(lpp(lse" celle du père qUI cOllllnel le IlleUr/re svlllholique du l'ils ,:n l'c\\cill;11l1 de la
IÙIIlIiIc I,~l !()rl:l cl le vIllage se reJolgllenl sur LIll plan l'oIlJanlelllal
Il devient ainSI Inléressanl J'évoquer 1/1L' S'FUll/fi / )\\·j'C/I..,.s ou la represenlalloll ues
valeurs ues espaces que sont la ville cl
il: Village ~icquierL J'autres JilllellSltlilS cil
s'e\\primant Ù travers il.: destin des Jeu\\ .IUllle~IUX
!\\wutehike habile ia ville depuis iÜllgtel11ps el représcIlle cc qu'ciic a
:1 ia ji,)is
d'attrnyant ct de répugnant. Pour commencer. il est lortuné :
!Vlakuri
How c1id ire 111ake his illoney'.'
Igvv'ezlI . fn timber. He telled it and tloated it over the seas... He is wealthy and he is hg358
La source de la richesse d'AwlItchike renforce le thème du rapport entre la ville et
campa~rne. Mais la richesse d'Awutchike n'est qu'un aspect superficiel de ce qu'offre
l'espace de la vI1le. Et de surcrolt, cet aspect "bénéfique" apparaît non seulement comme
une forme d'exploitation, mais également ne se révèle qu'à quelques "élus", c'est-à-dire, à
ceux qui sacrifient la spiritualité, la morale traditionnelle
à l'autel du dieu de la ville.
Awutchike tue symboliquement sa famille en oubliant ses racines, séduit la femme de son
frère de sang charmée par sa richesse. Ce charme matériel constitue bien l'un des mirages
de la ville. Tout le monde sans doute, à l'image du Kadiye, pense qu'lgwezu est retourné au
village avec une fortune énorme :"Admit you've made enough [money] to buy this village--
men, livestock and all"]5'!, taquine le Kadiye.
L'ironie est que ceux qui, comme 19wezu, pénètrent dans la ville non seulement
nantis de l'éthique de l'autre espace--Ie village--mais également soucieux de la conserver,
reçoivent d'elle "un accueil similaire à celui des pattes arrieres d'un cheval qui caresse le
-;-:.~, Jllc .\\\\/VUlJlf' i ),.ve//crs., p. 104.
,," 1Inti., p. 106.

dlls" ",,'
1.:1 ville Ilelll ('n l~IICI être lin l'l1ev:ti ;,,1 ;n"
((lllflS
de paltes illlll;lr;!lllcs cl
Illeurtrlcrs.
Ig\\Vcl.u rcLllulïlalll :H1 village '-!lm:s cCl accueil de la ville Csl Ill:UllIlllllns plein
d'esptlir. il espèrl: pouvOir rellllJoursl:r les lie Il cs l~(Hllractees en vlllL: aVeC ses plantations
COllll1le gage ",2 • il espère ega Ieillent rcLrolJ\\ cr SOlI III i 1ieu rée 1 1:1 it d'\\1;lrJlWll il' ct Je va leurs
hUlllaIIH~S.
Le village, cc n'est pas simplement la C:.lSC Je l'vlakUlI. c'est aussi l'I surtout les
marais. c'est-à-dire en lin mot. le terroir d'lgwezLl. Ce fur penJant longtemps le lieu par
excellence de la vie harmonieuse où l'homme et la nature vivaient en partàit accordJ(,-'.
Cependant, depuis la rupture de cet ordre due à la cupidité du prêtre--Ie village contIent
aussi des potentialités destructrices--Ie Serpent n'arrète pas de "vomir"364.
En somme,
l'espace des marais est devenu le réservoir même de toutes les possibilités mortelles.
19wezu y revient et, ironie cruelle, trouve sa plantation détruite par les eaux: les marais ne
sont pl us un espace de vie.
L'opposition ville-village s'estompe ainsi pour Igwezu. Il tente de comprendre
pourquoi et provoque un autre conflit avec le Kadiye. Finalement, il est obligé de chercher
refuge en ville. Mais il sait que ce faisant, il "quitte une fondrière pour une autre"365. Il
retourne quand même parce que la ville se définit enfin de compte pour lui comme un mal
nécessaire: il doit éviter les conséquences de la colère du Kadiye, et il reviendra quand "le
Serpent aura arrêté de vomir"1()6
YIO. Ihid., p. 104.
1(d Voir section sur l'ambivalence de l'animal.
-'62. JÏ1e ,,,'w(Jmp Oweller.\\', p. 107.
1(,1. Voir section sur le rite de passage: le mariage Alu-Makuri.
Y",. Voir section sur la moisson: la moisson karmique.
1(,~ JÏJe ,...,'wumrJ Owc:llers, p. III.
:10/,.
Voir section sm le personnage el 1:1 J1l~diaLion : le symholisme d'Igwezu.

.~
1
1.lfllI (/lilillll: .ICI·IIe'! (Il] 1;\\ clic est aSSllllilce ;lU progres Ilwucrne
l.ah:ulllc. l'Illsllluleur du
vliiage. sc laille represclll~llll Cl ie JeiCnseur de celle vliie 1111 rage. ii S'Cil sert pour ;'1 ia ÎOIS
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]()7
La vi 1k de Lauos. avec ses Immeubles. ses parcs. ses lar~es rues. ses lemmes "modernes".
etc, est l'image mème de l'espace et de la vie "civilisés" pour Lakunle'('''. A Travers
Lakunle, c'est la ville qUI est ainSI mIse a nue. C'est le lieu où l'on détrUIt les ~ords pour
construire des parcs. C'est aussi ie iieu où l'on substitue ie iait au vin de tabie, ce qui est en
soi dt!:valoLisanl COmpië: ië:üu du sYiübolisillë: du lait ë:i1 taüt qUë: Liiodalitt!: àquatiquë:3:;9.
valorisation positive de la ville est introduite. En même temps, c'est par le biais de
l'élément route qu'arparait l'amhivalence de la valorisation de l'espace village. Raroka est
conscient que son espace traditionnel ne peut plus rester en dehors de l'influence de la ville
sous peine d'être condamné à la "mort" ; mais il est lucide. En effet, pendant que Lakunle
rêve de la route comme symbole des bienüutsde la modernité ou de la ville si l'on veut, lui,
adopte une attitude prudente car ia route est comme un ioup, susceptibie d'être dangereuse.
L'opposi Liori v illc-cam pagrië:, lë:ilmoli v dë: la littéfaiUlë: af'i'icaiÜë: à ulit cë:t1aiœ
sont des espaces intrinsequement ambi'.'a!ents. Et !a solution idéale réside dans leur
l'lw liurt ilnd/he .!ewl'l, r q

vllla~~c CSI /Iullie cl Ires .'i1~~11I11(;1111 cn cc ."L'IIS.
clairement de lé! notion d'cl!l1hiv,dencc'\\ucUIl '~space n\\.' cs! ",l!oris': dL' !~H;n!1 univoque,
ll1èrne si du rait de kur l<Hletlon rnystique ou rituelle. certains espaces. !L'Ile la 1'01'01,
ouvrent sur d'autres dimenSions auxquelles ne participe pas la ville.
Il. 1. S. 2. De quelques sèmes spaciaux d'intérêt
L'ambivaienœ de j'espaœ soyinakaïen se saisit aussi selon des conceprs bmalres
reconnus comme des traits distinctifs de l'espace dramatique3?!.
Le binaire intérieur-extérieur notamment est assez récurrent Il est très manifeste
dans Mac/men and Specia/isls où il est perceptible à un double niveau. Il y a d'abord le
binaire constituté par, d'une part, l'espace qui, dans une représentation, est destiné à ètre
perceptible (l'intérieur) : "down here" selon la taxinomie de la pièce, et d'autre part, le "out
there", un espace extérieur que les Mendiants, par exemple, révèlent à travers leurs
multiples parodies,
L'espace intérieur est dominé par Si Sero et les Vieilles Femmes, qUOIque ces
demières demeurent en permanence dans leur case, Cela dit, les herbes qui les symbolisent
17(,
l'he I.joll Ulul tlu.' .Iewe( p 47.
\\71
[Jbc,.~;Ii.:IJ. /\\nne, !.in.' le thài/t'c. p 1Tl.

41X
~onl étalées sur 1;1 scene Celll.: population IëJl1ll1lne, 111ailresse de l'esr:llT Il1lenCllr Cil
l'ahseIlL'e de Ur. Hero. lIH.:arlle l'essenllel de S~I valOriSatloll poslllve'l~ C'esl lIll espace vllal
/\\ j:oppose lÎe ceiui-ci se trouve j:espace eXlelïeur Les iviclH.iiallls 111llfllrel11 de quoI
L\\:ntréc sur scène de Dr Bero npère un déplacement d:ll1S 1:1 si~n' ~iC:lji()11 (k 1:1
notion d'extt:rieur. L'intérieur se réduit en s'assimilant à l'esoaœ interne de la case des
Vieilles Femmes~ et l'extérieur devient l'espace scénique. l'extérieur de la case,
AInSI, l'exténeur de la case devient dangereux à cause de la présence de Dr. l:3ero.
Le pisroiet ne quine jamais sa main. ii écorche une fois j'un àes ivfenàiams avec sa canne,
SOus k: n::gaïd impuissaiH déS Viéillés FcllliiiéS qui ObSé(ï.'ént dé ['intériéuf. Et il prodigUé lé
! thought r tek! yc~ t0 ~t:lY in yo~r !:tt!e \\',,'or!dl Go :lnc take tea \\\\~th the seni!e pastcr cr goss~p 'Nith
,,"llr "lA u/nmpn
nr\\n't ('("HTIP "'It frr\\m u,hprp ""II
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t:~npJ74
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-
.
L'intérieur de la case, c'est en effet, le "petit monde sain". Dépitée et sans doute
effrayée par son frère, Si Sero rejoint les Vieilles Femmes en courant: "Si Sero looks at
him with increasing horror and disbelief She tums and runs towards the Dld Women who
receive her at the door of the hut... "3i5. La vaieur vitaie de j'intérieur de la case réside non
seulement dans ia présence des Femmes mais aussi dans ceBe des herbes et du feu. Les
herbes disparaissent, en effet, eûmplètement de l'extéïieüi de la case avec l'aïïivée de Di.
.,72 Voir section sur l'homme dans la nature,
l'être de vie: les Vieille Femmes, forces de
vie.
171
VOIr section sur le personnage et la
médiation
la tonction·· de médiation des
Mendiants.
'1,1
II/flllh,.".,,·, Il,,,f''''''i·,,'/id,· "
7L11
."_.~'."'-".
~ .....
··I·~-~·~·····"'''~ '$. -'"
i7". /h:t/, p. ~'~5.

I.~l 11Ulllll] lk lùret re\\ cl Ulle n:rtaille pOSltlVlle.
i'vIaIS Il eXiste d;IIlS 1;1 11l~llle (h.:uvre, Ull autre illlertcur, qUI lUI, sc trouve ell I\\dte
c()lltr:1Jictlun avec celUI Jes Vlellks l:el11l11es, ct qui l11erite J'èlre évoque, c'cst l'intérieur
rcpréseTllc par la ciilliqul' lk Dr. l3ero, Uil espace IlliriaklllcllI de guérislll1. Il est J';i1)(lrd
Iransfùrmé Cil une prison ()ù Csl secrclèlllcnt gardé le Vieil Homl1le :
Dr 13 ...rn
.. 1 ;lsk"d ~\\)u (i\\'\\elldicants) to kl'ep your eYl's "Ill'Il ;llld kcqJ 11er (Si 13l~ro) li'Olli :;oing
dowil [He looks at 'hem with contcmpt 'hen jerks his [homb in the directioll nr the cdlarl \\Vhat
about him (Old Mail)') ls he staying quierJ377
La clinique passe de sa vocation d'espace curatif à celle d'espace de mort. Ainsi trouve-t-
elle sa place dans le système de valorisation ambivalente de l'espace dans i'v/udmen und
S'pec iuLiSls.
Quelques autres pièces contiennent également cette valorisation de l'espace fondée
sur le binaire intérieur-extérieur, pas avec la complexité de cel1e ci-dessus examinée, mais
elle ne manquent cependant pas d'intérêt pour notre propos.
Dans The Lion and the JeweL, c'est surtout par rapport à Baraka que ce binaire
trouve sa signification: c'est, d'une part l'intérieur de son palais que l'on découvre dans le
détail" et d'autre part, l'espace du vi liage, en l'occurrence la marché (l'extérieur). L'intérieur
du palais de Baraka est le lieu de ses proues?es physiques, sexuelles, intellectuelles, etc.
Les peaux d'animaux et sa victoire sur le lutteur sont le témoignage de sa santé physique;
son succès sur Sidi, celui à la fois de son intelligence et de sa virilité sexuelle; enfin, ses
projets futurs ou la r~alisation de la machine à timbres, celui de sa fécondité et de sa
vivacité intellectuelle.
m, /hid, p. ?'27
:n ihld. .. p. 231

,l'()
1\\ cc Inollde Illlernc splelld Idc <\\Ipp\\lse W Incl r1q IIClllelll le Ill\\lndc c,'.; 1CI'lClll' d;1 ns
lequel [{arllka 1~1I1 lïSurc Jc vlerl hOllllllC cSlllSle cl .!\\Il1ISScur. ;m:halqlle el Illlf1lIISS,HIL
rétrograJc ct JangerClI:\\, L'espacc public ,tu Illarché conslilue. 1111 le saiL le Ileullù ri est tue
symholiquclllent J'une fX1rt. par Sadil-.u cl J'autrc part, par lès danseurs.
Baroka conlie ~i Sidl que la rellllllllllce qUI cst la sicllllc constiluc lIlle S\\1U!Ü: de
douleur tcrrible pour lUI. (ar c'esl Cil 1~lit Uil relkL inaJéqu:.Jt ct parcellairc dc Sllil i;~trc. C'est
toutc la sigmlication de notre Jdinilion de 13aroka qui rejaillit ici, et que la métaphore du
singe transpirant traduit parfaitemèllt en Cè sens qu'elle est fondée sur la notion d'intérieur-
extérieur'7l'>.
La valorisatIOn extérieur-intérieur de l'espace apparaît également dans Heqll/cm/ôr
a Futuro/ugist et /1 /)/1.1)' (Il Cian/s, de manière moins prepndérante mais assez manifeste.
Dans la première pièce, Godspeak, grand médium de renommée internationale, donc par
définition homme public, se retrouve coïncé entre quatre murs où il est obligé de simuler la
mort pour éviter la mort réelle des mains du public assemblé à l'extérieur de sa résidence.
Dans A Play u( Giants, réunis à l'intérieur de l'ambassade de Bugara, les quatre
géants se font sculpter en gandeur nature et ils ont l'intention d'exposer ces statues buste à
J'intérieur du Hall de la maison des Nations Unies. Pendant ce temps, à l'extérieur se décide
le sort de Kamini, leur hôte. L'annonce d'un coup d'état contre lui dans son pays réveille ses
instincts bestiaux dans l'espace interne du bâtiment, ct il le Üüt plastiquer. Et, à l'extérieur,
les opposants politiques réclament sa tète.
De ces illustrations se dégage une valorisat-ion globale de l'espace extérieur comme
étant le lieu de la destruction, du danger. D'autre part l'espace intérieur paraît être à la tois
>7:<
Voir section sm le rersonnage ,;1 la médiatiull : 13:1rokil d la Inédiation

-L~ 1
CCliii de I:i VI\\: cl dll seille. ct :IIISSI celuI dL' la hèllsc 1\\IIlSI. :111-dcl;'1 du CIIV:I~~C cVldell1. ccs
deu,\\ 1l\\1!IUI1S pcuvelll sc re.l0llldre :111 houl Ju cOI11ple,
Les notions Je haui-has cl de venicalité-hori/,olltalill: COllstituelll egalellleilt des
pain:s étroltel11ent lices au concept dL: l'espace. Dies SOlll peu 11ll111hreuses L'he.' SllVlnk:\\
malS s'av~rcnt très slgrlllïcatives 1~'1 où ellés apP:lraissenl.
lIle'
l1uL'chu<' Il! Flln/l/dl'" offrc sans Joutc. avec iL' roi Pentheus. 1:1 Illcilleure
illustration Je l'oppositioll haui-bas, Dans la montagne de Dil)nysos où il :Jcccpic d'aller
épier les Menades. Pentheus trouve l'angle idéal d'observatIOn en grimpant ù la cimc d'un
arbre:
Officer: .... 'Stranger' he [Pemheus] said. Trom here l can see
Little of those counrerfeiting worshippers
What jf 1 dimbed that towering tir that overhangs
The banks, do you think l might see them better at
Theil' shameless orgies?] 79
C'est surtout dans un cadre mystique que la signification de la notion de haut-bas est
évidente. L'élévation évoque une supériorité spirituelle. Atteindre une cime, un sommet,
c'est s'élever au-dessus du monde donné comme être souverain. Or loin de Pentheus sont
ces considérations, ces vérités, dans cette montagne qui est la réserve de Dionysos. Ainsi, si
dans son rapport, l'officier se réfère à l'arbre comme étant le "nouveau trône" de
Pentheus380, c'est par pure ironie. Car il ne m~nque pas d'ajouter que ce faisant, Pentheus
s'est jeté dans la "gueule du loup".
Inévitablement, Pentheus doit redescendre au sol--en bas. Les Menades, en effet,
arrachent l'arbre et Pentheus chute vers sa mort. D'une part, l'attachement a la terre,
symbole de sécheresse spirituelle el d'autre part, la position horizontale, évocatrice du
cadavre, lui correspondent mieux.
:7')
'l'IIL' liul'chue' IIjJ..'/IIï{Jidcs, P :2l)X,
~Sll /,(J(:. ( 'il.

I:horl/.ontal appclk le vertical. Cl ces dellX nolllH1S sc lrolIVCfl! slgnil'icallvclllenl
jalllais --JChIIUl ou assIS sur sa chaise J'éluues. l,Li Slglltlïc;lllOll de celle ;ltliluJe cl de la
positioll verticale qu'clic suggère, sc révèle ~Ivec clarté Ljualld t'n 1;1 cOlllpare :.lvec celle uu
reslc de la l'lI III IllLlnLl uté. Che" SrmilUcl ..le celle-ci, IJ r() ÎèSSlll' Ile 1;\\11 aucull ellùrt pour
cacher sa supéllorité, au cOlltlaire , ulle l'ois, il êntrC'iUr scène ct surprend Salllsoll pCrclll:
sur une chaise. Sa réaction exprime tout ü la ItJis son attituuc de supériorité ct la
sigmtlcation de la position Jériennc :
Protessor . [Sl/rveys his helght with new wonderl. Yes vou seem a knowing man, cutting yourself
trom common tOl/ch \\Vith rhe earth] 81
A l'opposé de Professor, le reste de la communaute. Murano inclus, est la plupart du
temps couché, La scène du début de la pièce est frappante à cet egard :
Kotonu is asleep on a mat against the tailboard. Samson stretched a few feet away, a small bundle
under rus head. ln the corner, the motor park layabouts are sprawled on the flOOL ... Murano lies
coiled under Professor's table]82
Pendant tout le déroulement de l'action, Kotonu ne se lève que rarement. Il est plutôt 'tantôt
couché et tantôt assis--à mème le sol, somnolant la majeure partie du temps. Toutes ces
indications se cristalisent autour de l'image de la mort, car elles évoquent sans ambiguité
l'état du cadavre.
Le fait est que pour Professor, les autres membres de sa communauté sont, dans
l'espace de la route, des êtres qui, sans lui, sont "condamnés à mort". Et d'autre part, ils
sont, dès lors qu'ils sont sur la route, des "élus"383 appelés à servir à l'autel du dieu de la
route, et tinalement des êtres essentiels pour sa quête. fi se sent lésé lorsque les accidentés
IX 1
l'he /?()ud, p. 158.
ÎH"
IIi/d, 151.
~:< t / hIl./.., r. 1<.) _).

"."-~-
1
1
du pOlll SllIll ;IIIlClleS;1 l'c!;llse. cl pOlir cluse
"1 lCel cl1e:lled
\\lIch:1 prodig:li !lC:lrse, and
,\\ partir des IllHions spatiales llaul-bas ou \\!cnicalit0-hori;,onlalit0, {ln pénClre
profondement dans j;l ;;Yl11bol iql1c du thc:ltrc de SOYinka. L'\\~st que, cornille llOl1S le diSions,
l'espace de Soyinka L':' 1 1r('S lan:IllCnt neutre !)our cc qUI est de nolre pr0occup:lllOIl Ici, il
est de bÇOll évidente revel:ltcur par rapport au binaire vic-mort.
Il. l. 8. J. De la route
La route est l'un des espaces les plus complexes et les plus ambivalents de l'oeuvre
dramatique de Soyinka. Cela se comprend sans doute: liée à Ogun, le symbok même de la
dualité, la dramatisation de l'ambivalence de la route ne peut qu'ètre riche. Elle est de façon
générale, selon l'expression de Denise Coussy, un espace de "collusion entre la vie et la
mort"3!!5.
C'est ainsi qu'elle apparait dans The Lion and the .Jewel où elle signifie le progrès,
la civilisation moderne avec tout ce qu'elle évoque comme "positivité" pour Lakunle, et de
façon limitée pour Baroka pour qui elle est également "un loup dangereux".
Elle symbolise la mort dans A Dance (Il the Forests où d'une part, elle "tue" le
Totem de Demoke :
Oemoke : When 1 finished it, the grove was cleareed of a.l1the trees, the bush was razed and a motor
386
road built right up to il. Il looked ditferent. [t was no longer my work. [ tled from it
lX·'
Ihid, [J. 1()2
11-h
Coussy, Denise, in _/fi'/clII/ f)rrIiJlU, p. 32.
~:{(, .-/ / JunCL' /~II //l' /"{Jre,\\'IS~ p. 1 1

1':1 d';llItre parI. clic sl:;nilïe la 1110rl non slInplcrncnl de 1;1 I·or':!. maIs plus esseilliclkmcni
d"'arbres l11orts'"
Illnl1dc Je "~khors lù-b'ls". ne sc lrouvent Ilulle parI I11ICU'\\ ljU';lU hmd de la route
'Th the
road side IS ;1 group of i'vkndicanls" ' Aat~la's saint-vitus sp;]~ms arc des1gneJ 10 rld [he
wayfairer of 1115 last pennies in a desperate bit to he rid of the sighL "3:<7 Les Mendiants
font commerce de leur infirmité sur l'espace de la route Tout ceci n'est pas sans rappeler
l'he RuuJ, pit::ce au titre indicateur, où la route apparait dans tOLlt sa complexité,
Dans l'he Roud la route trouve l'essentiel de sa valorisation dans ce qu'il convient
d'appeler la technique de l'assimIlation. La route est une femme couchée qui, imperturbable
comme un rocher contre lequel viennent s'écraser les vagues, at,tend patiemment les
usagers. Mais c'est sans conteste dans l'association de la femme avec le pont et la rivière
que l'expression de la valence destructrice de la route atteint une fonne ultime et complexe.
Protèssor décrit ainsi l'accident survenu sur le pont:
Below that bridge. a bJac~ rise of buttocks, too unyielding thighs and that red trickle Iike a woman
washing her monthly pain in a thin river. So many lives rush in and out between her legs, and most of
it a waste388
Les menstrues de la femme symbolisent la perte, la destruction sur la route.
C'est cette même destruction qu'évoque la route animalisée. Les accidents sont des
"cris de victoire"3X() de la route qui, "affamé.e"l')(I, se nourrit des usagers. D'autre part, le
3X7. Madmen and Specialists, p. 217.
,,xx f'l1e Roud, p. 197,
IX') !hid, p. 150,
W)
!!JIL/., p/)() , voir aussi section sur l'espace' la route est une araigl1~e.
','11)
/hid., p, 22X.

p01l1 ~I)(IS lequel eOllk 1;\\ lïVlere evoque 1;1 ~:llelde t1'111l ;1111111;11 qUI r:rpl1clle le Sl:qll' Il 1 l ,e~;
aml ~-;tnk-: hilll \\vllOlc dl' break 111111 un th-: eanh"i'il LI rpute esl un serpent. -:Ik provoque
la Illort slluuai ne et Inattendue.
Par aillturs, Pmkssor ,llfirme que la roule est un marché. ;JiluslPn ;1 la chair
humainc quc produiscnl les accidents: "lt is a market 01" stak me:.!t, noisy \\Vith llics and
quarrelsome with wornen"VJ2 Mais elle est un marché aussi pour d'autres raisons: le
marché n'est pas fait que de "bouchers". En tout cas la route de 'he Houri est également le
lieu d'autres types de commerces dont celui, non moins macabre, qui se tient il l'Aksident
Store" de Professor.
La route donne l'image d'un espace public avec plusieurs centres d'intérèts, pas
toujours compatibles les uns avec les autres. Le contlit est permanent, la concurrence de
mise. Le traffic automobile constitué de gros camions citernes, d'autocars, etc., offre cette
vision avec des as du volant qui préfèrent risquer leur vie plutôt que de se laisser dépasser,
ou des usagers qui préfërent finir leur vie sous les roues d'une Pontiac plutôt que sous
celles d'une simple Volkswagen393 . Le trafic révèle également la foncti~n économique et de
communication de la route : les camions de~iIlots de bois sont aussi nombreux que les
taxis et les autobus.
Lutte entre individu par cannons interposés, 1utte pour la suprématie, 1utte
commerciale, etc., tous les contlits possibles sont imaginables dans l'espace de la rqute.
Mais la lutte la plus difficile et qui n'épargne personne est celle qui se livre à la fois pour
~')2 IhliJ..p ISt)
1
;'1 . VOir Iknlsc Coussy, ()jJ. ( "1 .. pp
:29-,")5.

"m'••'''~
"'1
I(O[(lllU. celle 1I1:-'UPPOfl;dJIe Je LI mort de Sllll IK:re . 1I1;IIS plLis encore. LI iJuLlche!lc que
sussère la roule revèt Lille slgllllïcallon qUè [oul il: mOllllè
eOllllail parLlilèlllèlll, ()~Ull
serail le "130ucher" qui doit élie ;lpprovl:>IOlllh': ell pertllallellcC, Le meurtre Ju dllen Ile le
S<1li:>I:\\l1 que paniellelllèlllllU 111l1l11elllal1ClllenL L.es usasers LloivellL Ires S(\\L1\\elll payer de
leur vic !':\\SSllUvisselllent de la 1:11111 de cc JicLi glouloll L,'espace dc: la roLile cOllsliluc ;tlllSI
que nOLIs j'avons VLI. Ull ;1LI1cL I\\~piphallie méme J'un dieu :'\\ la fois protecteur Cl cruel,
La route en tant L]u'espaœ èllllblv;J!ènt et dynamique èst Ull symbole qui, Jans lé
thédtre de Soyinka, trouve plusieurs niveaux d'expression
Elle y appümit aussi pür
exemple en relation avec le thème du pouvoir. dont elle expnme parfaitment la complexité.
La voie qui mène au pouvoir est une route semée d'embùches et sur laquelle ont 1ieu
multiples contlits, Les détenteurs du pouvoir et ceux qui y aspirent se retrouvent sur une
i
telle route,

1
1
C'est Christianne Fioupou qui, dans un article394 explore avec beaucoup de
pertinence ceme utilisation symbolique de la route, Nous en retiendrons deux exemples
assez représentatifs.
Elle montre, pOUf commencer, que dans Kongi~\\' Harvesl, Kongi,
Danlola et le couple Daodu~Segi sont engagés respectivement sur une route qui correspond
à un niveau de pouvoir. Le conflit se situe entre Kongi le détenteur du pouvoir que l'on peut
qualifier de matériel et Danlola, le chef traditionnel qui incarne le pouvoir spirituel. A côté
de ces deLL"< "guides" se trouve ce que Fioupou appelle la troisième force, projetée "sur une
route intermédiaire susceptible d'aider le pays à sortir de son état de désorientation"1()5,
Dans Ihe /(ood, c'est l'aventure de Protessor qui est située sur une route dont il veut
être le guide, Son aventure est une suite de contlits qUI débutent avec l'opposition au
;').\\
l'IOUpOll. Chrislianne. In H/,)/!: SuviuilL! cl /e /héli/J'L' ulncl/m, pp. 11-31,
11)"
Ihit./.., p. 13.

1'7
lllalS li succoll1bc a ia Clllnpic:\\llc ct aux contradictions ,ic ia routc. i·inalcl\\lcnl. j)roiCssor
i\\lCUll
ks (.!;.lll::;crs Je la loulc lù::pargell\\ perSOilllL:.
Le :heme Ju jJOUHlir ,::;[ un klti1loll\\' Jan:" le :hdlre Je ."0\\ ln";: ct :,l: trouve
nellè!11en! '.:n reiul!()!1 :!V''::C ic ti1è!!lè J •..: la mort-vic. [[ sur Cc pOIIlt. k sYl11boi iSlllc Je ia
rouit: est salis co[]Îl:sîc cllI'icilissanÎ. Car. ~'l quelLJue niveau qU'OII la l,:lHISiuèrc., ciic Uellll:UIC
üi1 3Spcct dynanî;qLic qui 3C développe de faç.on 2Lmbivûlentc ~·t clairCilicnt r~v~latricc d,-= la
Si l'ambivalence de j'environnement naturel dans la diversité de ses composantes
est un fait indiscutable, il est clair qu'il (l'enviroïlllement) est plus rnanilèste dans le théàtœ
positif. Ceci est un trait fondamental de l'imaginaire dramatique de Soyinka où tous les
démeuts, toutes It;:s "forces" tleIUlent du mêUle prindpe onlulogil,jue. El, l'lwmme
soyinkaïcm vit par et dans la nature. Son attitude devant elle contribue à révéler autant les
potentialités ambivalentes de la nature que les siennes propres.
fi. Vhomme dans ia nature: de i'expression de la vaiorisation de i'être.
Deux sortes d'attitudes possibles peuvent être déduites du compol1ement de
l'homme par rapport il la nature en tant que recelant l'ambivalence vie-mort. Celle qui se
piace dans ia perspective de ia vie voit en ia nature une réalité de iaquelie il ràut se
lapprodlt:r, à laquelle il lauL r.:ssernhler ou même s'assirniler, pour héndlcier, s'imprégner

l\\:s Jcux pilles CUlIslllucrull1 la charpciltc L1c 110lrc p1"()fH S J,lIIS les 11~.I1CS SUIV'lIllcs.
'
iL 2. Î. i:êi.re de vic dam; ia lIaLure
C:cttc :_Lttitudc est d'aütant plus s;gnit;cativc qu'elle repose le plus ~~OlJvcnt :;ur une ccrtûinc
connaissance réelle ou intuitive préalable de l'ambivalence de la nature. et de !air. constitue
un choix 'lui ne pellt 111Hnquer (k valonser positivement son auteur
Dans The Lion und the .!e~vel, Sidi accepte par exemple de donner le fagot--Ie bois
mort--à Lakunle396 mais refuse de le laisser prendre l'eau qu'eUe porte dans une cuvette39ï .
L'eau que l'on porte est d'abord et essentiellement de l'eau de breuvage, l'eau de vie. Sidi est
un être de vie qui aime le contact avec l'eau. Le mime de l'étranger la montre se baignant
dans une rivière39:-!. Son corps est, à l'opposé de celui de Baroka, comme "les feuilies
fraîches et hwnides de rosée un matin d'harmattan", un corps sur lequel "scIntille \\'eau"399.
Par ailleurs, Sidi sait recourir à la terre en tant que mère et déSIrer le soleil en tant
qu'amant40û. C'est une attitude qui soullgne la valeuT vitale des composantes de la nature.
Vécue, ressentie, ou simplement traduite en mots, elle demeure un fait remarquable et
suffisamment révélateur de la valorisation de l'individu. C'est en toute logique que
finalement Sidi fait partie du comple;e symbolique de l'espoir dans la pièce.
J'If'. l'he Lion and the Jewel, p. 19.
."J7 Ihid, p. 3.
l'IX. 1hic!., pp.
15-16.
"PI. Ih/l/., p. n.
1111'. /;, IL/., Il.
11.

la \\:IC .. cGn~~tituc le: t~1110ignagt:: J'une ccrtaHlè intuition qU~lnt ~1 :1~HllhIV~lIcI1LC de !~l nature.
l '
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L1IIC p~lll~IIIC 11CJflllLJIIIC CUIllI11C pcnuaCiL ce urel IflUITIClIL l}L1dIlU ~lU lIuru_ ~qllC:i u élLJUIIU~lfllL:S
pluics~ Ll:\\.: lcnaqüit dans tOütc sa splcndcurlli .
('erre religion de la nature est celle aussi du couple Duodu-Segi
moisson, prodUIt rOUT natl.lrt::ilement ia pius grosse l~n(lllle de ['annee ~ j'(lutre, Segi, esT ia
relnt de la moisson. la terre après la pluie qui désire être fécondée et qui ne trouve d'autre
manière d'exprimer sa jOle--celle de son âme--que de vouloir danser toute nue sur des
feuilles végétaJes-W2.
Mais ç'est sans conteste dans llfadmen and Speciaiisls avec les Vieiiles Femmes et
Si Beru que l'altitude ou la détennination positive par rapport à la nature trouve une
expression réellement profonde. Ce sera la substance du reste du chapitre.
,L'l.u milieu de l'atmosphère "apocalyptique"403 qui est celle de la pièce, les Vieilles
Femmes constituent "Ie symbole d'un cenain humanisme traditiOlmel"4ü4 qui, dans ce
contexte-ci, esi perceptible dans leur relation avec la nature. Cela ne remet pas en cause la
posilion de Davis A. B. qui perçoit plutàt la déten11lnation tëminine comme le fondement
de leur symbolisme-w5 .
.1Il1.
J'he Swump f)we/fers, p. 99.
,102. KOf1;;i\\' !-forv2sl, r 91.-
:::?
Expn:ssioll empruntéc Je UluJjiall E. Sainl-AnJrl: in ,·i(i-icutl i>mmu. p 39
111·1
iVJoorc_. (ferald, .Wulc .\\t)YIllku, p. 1:21
1(1",
DaVIS, ;\\. Il 111 ('rilicull'cl"spcL'liv('s 1111 /·//"Ic .\\'O\\ïllku_ p. 152.

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III ore. \\\\c :1~!C :IS l~:lnÎl :l!~l~S "'" l " l::lr:lcll!rc Ill:llc;rnl;i (k Ï;] ICITC l!SI,,;IIlS lÎmllc j'lIl1 ,k "CS
--'
~
!a va!ommion des Viel!!es Femmes.
Fll d'fet, j'herhe qui rempiit ia maison de Si Rem est
pUIsque g~nerée par ia terre.
une partie des Vieilles Femmes: elle est leur fille mais aussi le [.'ruit de leur savoir: "My
head... fills your room from wall to wall"407, affinne lya Agba à Si Bero. Celle-ci récolte, en
eHet, les herbes gràce à leurs soins, à leurs connaissances. EIJes font la preuve de cette
connaissance en éiuciàant ia distinction entre ies baies jumeiies:
iya Àgba : But it's the poison !win aii right. Except that streak aiong the staik you wouiân't teii them
apart.
rya Mate. 1 didn't kJïûw tnere was tne pûisûn kind.
IYâ Agbâ : YOü don1t sce them müch. Once in â Iifc-time. FânTICrS don't Iet thcm liv'c vûu knovv..
Ç"C';C'hTloC'C'
0";5"" h .... S ;tc uC'oC' .AA \\/1'"'\\.11 r'lT"'l "ro 'll:,;f-h "";c ..... " ;ç""" IICO ; ... nnh ... Or l.-u'l,4(j8
.. v
I1JI1I1 ..... ..1..1 . . .
V I
V I I
JIU
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J ..... ..1
LVV . •
v u ..... Ull
U l .....
""ILl
..... V1..1VII
I~ JVU U..1 ..... U. 11011L.
1
1
~
I.e cuite des Vieiiles Femmes est aussi un culte de la connaissance, de la profondeur, de
l'inténorité. Elles occupent en permanence l'intérieur de leur case409 La connaissance
qu'elles révèlent des baies jumelles est totalement liée à leur valeur interne et non
.Io(~
;\\J(J{jmel1 ul1d Speciü/isIS, p. ~51)
lil7
li1id., p. 174.
i;' /Ii.. [1. 22.5
Voir :';CC!II)1l :;ur le SYl11ll11IISllll: dé l'espace.

1,-,; S-';IIS -.;:-;[ JdllS l'Illll:rieur, d~IIlS ia -.;llu"c, dalls 1'0Irc. 1:Llpparcllt Il'est suUVcll1
qu'illusion. r-./l~iis cela n'est vrai que P,)lir l'l~ILII qui ~lcccptc le:.; prillcipcs de:,; Vlcllies
CSfll'll qlll IOllrllL: Cil rond rÏ<1ns
j'oÎ1sculïlè.
i.a vèritc est lrop éioignéc pour I\\:spril
désêspt!:réc" 1Hl !nC:ll1c si elle èst L1nè "loi" !lJtUldk ct ollilliprésclliê CÛlIlIllè l:l tellt:
"cvefl
on the road ta danlnatlon.. ,1 ;nan :nust rest his tant sOinc\\vhere" J ".
11 semble vital de posséder la connaissance des Vieilks Femmes, de chercher !a
proxi mité de la terre, leur proximité. FI ies qui possèdent cene connaissance sone à Juste
titre, assimilées à la terre ou considérées comme adeptes de son culte. Elles aiment aussi le
feu parce qu'il signifie méditation et chaleur fécondante. Elles connaissent le végétal, fils
de la terre. Elles se déplace"nt avec le vent, véhicule d'AjaJa, déesse de la guérison. A la tin
de la pièce, fuyant Dr. Bera, elles disparaissent dans l'obscurité de la nuit, parce que celle-
ci est protectrice et bienfaisante pour l'esprit qui comprend et participe du langage de
l'intériorité, de la valeur positive profonde de la nature.
L'humanisme de Soyinka est un combat contre les forces de mort mais aussi une
quête des principes de vie. Dans leur rapport avec Dr. Bem et avec les éléments de la
nature, les Earth Mothers, représentent une figure de cet humanisme. Elles sont de
véritables symboles, suggérant un au-delà, un intérieur dans lequel est saisissable l'essence
même de la réalité qui devrait régir la condition humaine. En cela, elles jouent un rôle
certain de médiation, rôle qui dans le tond est propre à tout symbole, mais qui ici signifie
également autre chose
elles constituent une sorte Je voie d'accès aux notions
1111
A'/w/men ill/d ,\\i1cL'luiIS/S, p. 259
I! 1
.1 !J,d. p. :!f,(J

l ,.,
.-+ l :
Dr. Ikru au C()lllr~lIrc <-:I\\lI~IIC d'clics cl sc \\al\\Hlsc Ilc~aLI\\ClllCI1L "':01 1Il Ill.: llii èllc ..le Illort.
II. 2. 2. L'ctre dl' mort d:IIIS /a n:IWn': de qUl'!ques :Ispcds de !':lIIim:llis:llioll
cc qu'elles signiricili I..'lllllille plJsitivité. Celle ;mitudeest irès caractéristique dc l'C:trc de
.i
mort, qui il tendance :.l avoir une vision singulière et rigide des choses, de la nature dans le
cns present. Cette catégorie d'êtres n'acceptent ia nature que lorsqu'ds se rendent compte de
son pouvoir de destruction ou de sa
capacité à ia symhoiiser. Autrement dit, iis ne
l'acceptent que dans la mesure où die recèle des valeurs répondant aux leurs ~ sinon ils la
refusent. Dr. Bem ne commence à s'intéresser aux herbes de Si Bera que quand il a besoin
d'un poison.
Le refus de la nature et/ou son acceptation conditionnelle est un début de
déshumanisation qui, chez Soyinka, trouve son apothéose dans
le phénomène de
l'animalisation. Il existe plusieurs types d'animalisation·m ; nous n'en retiendrons ici que
ceux qui trouvent une réelle pertinence par rapport à notre préoccupation, par rapport au
principe de la vie-mort.
Le principe de l'animalisation déshumanisante mérite une explication. La valence
négative de l'essence de l'homme, c'est-à-dire les énergies destructrices qu'il incarne sont,
selon Aroni, la traduction de la. bestialité humaine, reflet de la "terreur à la tois du dieu
Oro et d'Ogun sur les champs Je batailles""13. En somme, la bestialité humaine est le signe
dè la présene ~n l'homme de, si l'on peut dire, l'animal. Le rév~il de celui-ci se manifeste
112 VOir le chapitrc sur l'animal dans (;alle, '-·:licnnc, /'c' Ilumr./e 1I/III0ire de IFuir' .'·:(Jyinku.
111/IJuncl' (jlf/IC r·(jresfs, p).

s'allllllcnt Je.'> élémel1ts conneXèS 11011 111(1111 IlllporLanls que 110IIS VCITOI1S 10llt au long de
110lre propos.
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la noursuite d'un autre être animalisé: la moie. l'he /-Jucchuc il! r'urioldes semhle 1()Urnir
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un point de départ intéressant. Elle contient plusieurs scènes de chasse, dont une au moins
est particulièrement révélatrice, mais elles lnlpliquent toutes le personnage de Pentheus, le
roi dictateur de Thèbes. Dionsysos révèle sa "bestialité" en présentant devant ses yeux le
miroir àans lequel il peut observer la vérité àe son être: une horrible créature animale4ls .
L'animalité de Pentheus représente celle de la perversion humaine: l'homme mù par
l'instinct de destruction. Dans la deuxième scène de chasse, il est le chasseur, et Dionysos
et ses Menades !es proies. En effet, dès qu'il fait son entrée i! ordonne à son officier "d'aller
à la chasse de Dionysos"4lh, le "semeur de désordre". La joie de cet officier qui va pouvoir
assouvir ses instincts bestiaux à lui, est grande. Puissamment armé, il va à la recherche du
"gibierW qui à sa grande surprise et insatisfaction se laisse capturer comme un agneau:
Officer: We found him, Penlheus. The hunt is over
Here is the animal you sent us for
And not so dangerous afier ail, quite docile
To tell the truth ...
To confess rhe truth, rhat bored me
1 was quitt:: cmbarasscd. It st::t::mcd
Nor quite playing the game
III
L.\\.:xprcssion ~s ~rnprulll0(; d'Etienne: Gal!..::, ()/-'. ( 'il... J 15.
4! ~ fhe Uucc/iUI' iJjFWï[Jldc.\\", p 2X4 ~ voir ~lussi :;ccrioll :;ur j\\anhivaienc~ cJ~ i'êlr~.
1!". (Iur/.
p ~5().

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cumlllc J'habJluJc. comlllc Slcd a sa 11alllrc.
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ia vlolencc. panics
Pcnthcus en qUI règnent 0galeii1Llil l~C~~ j1UI~11\\)f,S d0c111~ d':.i Il'-.',' !ul-Inèlnc ;, '.,
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SC1n!1uit la suite. Pemheus est tra!1sforme ~!" g!bier par !es ";1e!1ades, '..:upture et désh!!"e e!"
lamheall:,\\.jI~
On comprend dès lors toute la fonction de ia première évocation de ia chasse. ceiie
que rapporte le Berger et ûÙ les Menades, forces pures de la nature, montïent leur bestialité
en décimant le troupeau.
La chasse est déshumanisame autant pour i'animaiisation qu'eHe suggère que par
l'intention dt:: donner la mort qui ëst sa motivation. Dans The Sirung Breeu' et CWfIW(}(}U' un
!! s'agit dam la première pièce de la chasse d'Eman, le bouc émissaire. Exactement
comme ils l'ont tait pour "l'animal 1Fada"-ll'J,- pour employer l'expression de la Fille, les
villageois, excités comme par une battue, poursuivent éperdument Eman afin qu'il assume
de force le rôle de bouc émissaire-: "The cry is taken up and Eman f1ies down the passage.
ShortJy afterwards his pursuers come pounng down the passage in full cry"420. Eman est
m. !hid., p. 266.
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'v'oir :icct;on ~~Ui ~';ildividu ct ~c ,.h.~·v·cnjr :.locial : 1a fonctioii :';::lcrlticicllc de la ilîGrt de
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i':l11;J1l IS l;nlllcÎlIII~ kllsC. wllll apprcllcllslull. ·\\s Ille lIuise dies ulL Île .SeellIS lu rcla:l.. ilui Ille ;tlen
Ilulilcd i""k is slillili Ilis eyes wilidl ,Ile'. rlll,;-ed III .1 reddisll eojollr-i:: i
Li: "gibier" l:?st capturé par les meneurs du rite. mais paradoxalement. e~t refusé par
les habiwnts--Ies autres participants: un homme pris ù un piege est une vision rare,
insupportable pour l'individu faiblement animalisé423
Dans C·um ....vooci on the Leaves, quand ii revient au viiiage, le Jeune isola est, iUI,
prIS en cilasse "comme ün alllmai"424 par ies chiens humains, ies "cnacais" du père de
Mourourü:e :
\\!oÎêês ~ DOn't let him gct in the thick gràSs. eut rtim am Cut him offi Gêt to the tail ,51ass bcfore he
does42S
On imagine aisément une horde de chiens surexcités sur la trace d'un gibier. Ces
hommes sont tels des carnassiers qui, dévorant leur proie toute crue, ont "soif de sang'" à la
vue du gibier.
Avoir soif de sang humain, c'est a la fois se comporter en animal et animaliser
l'autre.
Erinjobi . Is Ihis sorne animai that your lOngues draol at the Ihought of blood? Go now berore 1 bring
ùuwn [he:: wrse uC Guu un yuur he::aus. Gu. [Tltt;y slink ulT, grumbling]426
·121
I.oc. Cil.
·122 Ihid., p. 144.
.\\23, Voir section sur les aspects de l'animalisaiton : il existe des degrés d'animalisation
che? Soyi nka.
121
('umwlllld (ill Ille !.é.'U\\!é·..... p. ! 12.
I~". !/J/(I. .. p. ! J2.

!Jnves de cc sail!;. les "1l<\\l11l11eS" d'UlulI1pnn s'en vonl ~rl\\!.!n;1I11 co 111 ln\\: des chiens ;lllxqucis
llil aurait arrache leur prnll.:.
i\\iI1 a Lie lUI. Les ~:x~mpks Sl)ll[ i~gll)ll. j\\hlllS IY~1l r~LnènLll\\)IlS qll~ qU~iqUèS uns. /\\lnSI lès
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L.~ !:dUI.'L Liu
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! : : L
,",,\\:'ump f)\\i'c!IL,t"s hr~nJit la même menace contre !gwezuJ2X
D~ns!a m~me neuvrc. M~kuri
traite !a fcmme--en général--à travers l'exemple de son epouse Alu qui est obsédée par
l'image de son l''ils mort dans les marais ou en ville, comme un symbole de destruction, une
"assoitl'ée de sang"429. On peut rappeler que dans Ille Ruud, c'est la foute qui est imaginee
comme une femme stérile qui boit le sang des voyageurs·Llo.
La soif de sang est une perversion caractéristique non simplement de la femme en
tant que symbole de destruction, mais aussi de tàçou' générale de celui qui manifeste le
pouvoir de destruction, celui qui révèle sa potentialité destructrice, son animalité ; ~t parmi
eux les dictateurs, particulièrement représentés dans lé théâtre de Soyinka.
TL 2. 2..2. L'animalisation donnée et acceptée
Si J'animalisation chez Soyinka comprend plusieurs visages, elle comporte aussi des
degrés; en tout cas, elle a ses figures i Il ustres : ce sont les faux-prêtres, les faux-héros, les
dictateurs; ces auteurs, selon l'expression J'Alain Ricard, du tragique dans le théâtre de
426. Ibid., p. 135.
427 The !.ion and/he .Iewef, r 17.
12:-:
l'he Swmnp O"flellers, p. 111.
·12')
IIJiJ.. p. 105.
! l(\\
l'he Noue!, p, 197.

,1:7
IlIwlclllClll prive dc mOYCll J'acl/Oll" 1 i i
Ces iigurc~ dc prouc dc la hCSlIai ilé COlll[lIl1Clll ~'l ia illiS pILbICUl'S vlsagcs dc
1';.lI1iiïl~disalilill , C;lllllihaks, chasscms, dc.. ib ~L: situclli aLbSI Jalls k 11ar~ldlgll1c Je L~C LjUC
enlièrement
né::;utivc, !~n ,-'I:ur, il~; ::;':t~i! de cdle :!Iti!uuc qU! ~'()!1si~;lc. d'une rX!r!' Ù '~lrc
assimilé ,1 la hête sauvage et, d'autre rart, ~} s'y as~imilcr soi-mèlllc ou ,} acccrtcr le fait
dans l'optique de projeter de SOI l'image de cet animai ou "J'acquérir" les qualites--ici la
terreur destructrice--que ledit animal est réputé incarner ou symbol1ser.
Le Kadiye, un des archétypes du raux prêtre est. au-delà de sa morphologie
"animaie"--ii ressemble tantôt à un porc tantot à un marsoin--le Serpent dieu des marais.
Igwezu et l'aveugle, les delLx personnages ïéellement symboliques de la pièce, emploient
indifféremment le terme "serpent" pour désigner l'être cosmique et le prètre :
Beggar : Master, 1 think the serpent approaches,
Igwezu : 1 can hear him~'bondsman,
[The Kadiye's party arrives at the door... ]433
On est à juste titre tenté de penser qu'il n'y a rien d'anormal dans cette assimilation
puisque le Kadiye est le prêtre du Serpent-dieu. Mais ce point de vue devient érroné quand
on se rend compte de l'insinuation contenue dans l'assimilation: c'est ce que le Serpent-
dieu inspire ou représente comme pouvoir destructif et maiveiiiant qui est évoqué; c'est la
figure du Serpent en tant qu'auteur du drame des marais èt d'Igwezu.
Les dictateurs politiques projettent d'eux-m~mes, des images d'animaux terrifiants,
Dans son introduction de A IJ/uy ojCiiunls, Soyinka les qualifie de "monstres"414. Nous en
,Ill, Ricard, AIJITl, /héâlre ('/ IlUlill/,/(tiislIl(!, r
125.
·1.l2
(JaJle'! E':tienn~ .. ()(J. ('il.,\\ p. 3! 5.
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1 ;,1'//1.:,"::1'1(111/ 1 nll'dlel',';. riO).

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:-~UI!t
11iJ.UIICIC:-'
;.(
jardin"-l3S
l.a colonne de tourmls n'est pas ici le symbole d'activité industrieuse ou de
pouvoir de création: c'est celle de ia destrucTion. Kasco, le lion de Bangui, panage bien ce
p0111t de vue iosqu'ii
cû111pare ses ennemis à des foumlis : !!Ants, ants, what they
understand? Gnawing :J.way :J.t the seat ofpoweï"l:i·). La coiOlU1e de tounnis peut ainsi servir
de source d'inspiration au dictateur Gunema.
Kamini, l'hôte des trois autres "supermen", a l'allure d'un animal grotesque qUi
sept ans", à l'image de Chaka dont il est le descenrll'lnt, il aurait eu la force et le courage
d'un lion (1\\ en en tuant un avec "une simple lance"440
,.
-l"i. A f'/uy (~/Giunts, p, v.
.1.,5. Voir section sur l'ambivalence de j'animal.
.IJ(, . .4 I)I(JY II/Ciionrs, p. Il.
·1l7 A Dance ({the Forest.", p, 53
.11X
.·..1 l)!L~r :;/'(;itn:'r'~' r. ".7
L'";!.l
! hM.. p. CI
~''.J.
:.1'1
!hid.. Il i2.

l:ll 1Il:11Jwns ;1 eux ICI.
P~r 2i!!eurs, Gune!1l2 dét!ent son POUVO!f des fourmIs qu'il "étudie !2 nult u2n5 son
jardin"cI-'s
L~a colonn~ de fourmis n'e<;f pas ici ie symhol~ d'activire mdllsrnellse ou de
pouvoir de création: c'est ceile de ia desrrucIIon. Kasco, iè iion de i3angUl, panage bten ce
point de vue losqu'ii
compare ses ennemIs à des fOUD11iS : ",".ms, ~ms, \\vhac chey
understand? Gna\\ving â\\Vay at the seat ofpo\\ver:r.lj<). La colonne de rOLL.-r-rnls p~~t ~il1si servir
de source d'inspiration au dictateur Gunema.
Kamini, l'hôte des trois autres "supermen", a l'allure d'un animal grotesque qUi
sept ans", à l'image de Chaka dont il est le descendant, il aurait eu la force et le courage
d'un lion (' \\ en en tuant un avec "une snnple lance"440
434. A Fluy (~lGlun's, p. v.
'US
Voir section sur J'ambivalence de l'animal.
·UI>
A fJ/oy njUhmts, p. 11.
417 A /Jaru:eo(lhe Forest." .. p. 53.
·Il:-{
/1 1)1(~r nif iùn7ts~ r. 57.
!V'
" . · 1
p. C/
IO/LI.,
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ihld, p. j .~-.

13Unld'lll. i\\VCC I\\.::\\elllple de L3unna. Oll qUille la sphcre ~lll pelll GlIllllballsllIe I.e t'ruill de
guerre, que 13ufllla <l plus que qUlcullLjue COllIlU. esl le lieu Ju ,-'<lllllihaiisille mgaillsé l,a
boucherie qui s'y déroule esl Uil champ illepulsable de prl)\\ISll)ll de proies L:esp~lce de la
route constitue en S,li le lieu d'une houchene assez rqJI'eSelll<llive ll ; 1-:'[ le Clllllpmlcillent
de Sergen<lt 13urma d~lns cet espace est digne d'une SillJ<ltlllll de guerre. fi déiJlIuillc les
cadavres de leurs biens matériels avant de s'attaqcr ~t leur véhicule afin de d'approvisionner
la boutique de Professor.
C'est dans Madrnen und Speeiolisls que tout cela prend Llne dimenslOn concrète. Dr.
Bero, militaire de son pays, revient du front "chargé de la chair humaine" dont il se nourrit
"dehors là-bas". 11 en propose au prètre, son ancien patient. venu lui souhaiter la
bienvenue:
Bero: l give you the personal word ofa scientist. Human flesh is delicious.
Priest: [Vehemently] l don't believe you.
Bero : Vou don't? Weil, then, why don't you stay to dinner? 446
La théorie des "vertus vitales" de l'absorption de la chair humaine est bien connue de
tous les êtres de mort, en l'occurence les dictateurs, Dr. Bero obtient ainsi le pouvoir de
transcender les inhibitions sociales447 . Et, dans A Play olGiam.\\', Tuboom explique comme
suit les "mystères" de sa troupe de "léopards" humains ou d'humains "léopards" :
Tuboom : The eyes of any stranger at the mysteries of their self-rreraration is a corrurtion of that
power. They kill such strangers and they eat them.
Kasco . Eat them?
Tuboom ..... ls il not the only way to ensure the re-absorption of Ihat power of yourseJf which has
been sucked away by protàning eyes?448
_
m. !Ï1e Roud, p. 166.
145 Voir section sur l'espace: la route en tant qu'espace.
1.1l>. MwJmen und ,';'reciufisIS, p. 240,
1·17
fIJid-, p. ]41.
,1:-> ./ I)ltll' Ill( ;iUllls. r Il)

~..
il:lvell't hecll III w:lr
'y(lll
ClIlIllll
prelend III he ;In OII{-;II1(.1-OIIl C:lIl1l1h:li li~l; Sergc;l1l1
Ihtrllla" III. ,\\VCC 1\\::-':clIlplc de [huma. 1)11 qUllte la spilere du pclll carllllhallsille I.e I·rolll de
gueITL'. quc I~Ulïlla a plus quc qUleonquc COllllU. csl le llcu LIll L'allnih:t1ISll1C 11rgalllsc. I.a
houcherie qui s'y dcroule esl un champ illépuisahle de PW\\ISI(l1l Jc prl)les. L'cspacc de 1:.1
de Sergell(l! 13ulïlla da ilS cd es pace es! di gne d'u nc situa (1(111 de gUCIl.: [1 dépou Ille les
cadavres de leurs hlens matériels avant Je S'3ltaqer ~t leur iéhiculc a/in de d'approvisionner
la houtlque de l:>rafessoL
C'est dans ,\\;Iw/men ([nd S'pecialisl.\\· que tout cela prend une dimenSIOn concrète. Dr.
Sem, militaire de son pays, revient du front "chargé de la chair humaine" dont il se nourrit
"dehors là-bas". 11 en propose au prètre, son ancien patient, venu lui souhaiter la
bienvenue:
Bero . l giveyou the personal ward of a scientist. Human flesh is delicious..
Priest: [Vehemently] l don't believe you
Bero . Vou don't? Weil, then, why don't you stay ta dinner'J 446
La théorie des "vertus vitales" de l'absorption de la chair humaine est bien connue de
tous les êtres de mort, en l'occurence les dictateurs. Dr. Sera obtient ainsi le pouvoir de
transcender les inhibitions sociales447 . Et, dans li Play oj(iiul1/s, Tuboom explique comme
suit les "mystères" de sa troupe de "léopards" humains ou d'humains "léopards" :
Tuboom . The eyes of any stranger at the mysteries of their self-preparation is a corruption of that
power. They kill such st rangers and they cat them.
Kasco : Eat them?
Tuboom : ... .ls it Ilot the only way to ensure the re-absorption of thac power of yourself which has
i
been sucked away by protàning eyes?448
1
-
1
.~44. J'he Uow.1, p. 166.
·~45 Voir section sur l'espace: la route en tant qu'espace.
+11,
MoJmen und ,"lpccirtiisls, p. 240.
117
IbiJ.. p. 241.
!·I:'
.//'IilV 11/( lill/US .. p. 1<).

·l·~ 1
reacllOll de 1(~I~CO e:\\plïllle IlllIIIIS la :,urpIîSC que la lOllC11P11 cillplléllique. 1\\)Il~U1L le IIOIIl de
ronll(;.'rtÇS
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ks ""l;:lIlts" conrinl.lcrcHlt
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.
d't~trr
créés. d'exister.
La bestialité est un trait caractéristique de certains hommes soyinkaiens avec leur
propension ontologique à la destructIOn')·l') Le cn d'alarme du soldat dans le tlash-back de
li ÜWICC of the jo·ore.\\I.\\, a savoir que ks "générations futures se mangeront ies unes les
autres" est une vériié historÎyue. El si le cannibaiisme esi, comme le dit Etienne Galle,
"l'animalisatiûn poussée à l'absürde"d5o, c'est que Soyinka· n'hésite pas à aller jusqu'aux
Ce tableau semble ètre le plus adéquat pour conclure à la fois le thème de
l'animalisation et celui de l'environnement naturel. Poussé par la valence négative de son
essence, l'ètre trouve dans son environnement une complicité réelle. Nous retrouvons là
une des conclusions principales de notre anaiyse dans le cadre socio-religieLLx.
Cela dit, l'environnement esi r0dieJl1eni ambivalent dans i'imaginaire de Suyinka. il
est
le réservoir de vic spirituelle gui le projette dans le paradigme de la vic. Dans une
perspective mystique, il n'est pas moi ns fondamental . il assure en etfet la médiation, la
continuité entre l'homme et les éneq~ics cosmiques Ft finalement. il constitue par rapport
,1·1')
VOir section sur !a n,lIure Je l'hOlllll1è . !a délinilloll de !'C:tre.
l'Il
CJIIè.. [:icnn~. (Ji? ('it.. il 21)l)
'--"--"---"---~'-"----------~--
---------~---. ---_._------ -------------

-I-L~
~'I l'IJolllll1e cl les t:ncrSles eosllllques, une StlilL de mirOir t1;lns lequel l'IIllll\\ldll peul
retrouver SOlI
Illlage lIon
ras sliper/ïeleilc IllalS pr(llililde
i~1 valeur de .SOII alllc,
I.'environnement
de
l'hommc
sOYlnkalel1
est
en
dclïlllll\\e
une
vJsle
cl
COlllple,'\\C
COIl1IllUil;1Uté de sYlllboles, a l'instar -.;t Ln Ltlil1pièlllent (('Li ;'1 la sUite) Liu rilL. lieu p~lr
c:-:cc!lencc du ~;ymho!iquc, L'im:.Igin:ul'e ei1\\inlllnemcnt:l! de S(I:'inka rcjolnl ,:C!UI du rik :}
l'image duquel il Ii.mcl!()nnc

<- '( )Nl '1 ,1 JSIUN
I,c:s nollons Je Vle-1ll0rl. crealloll-Je:'lrucllon. ces binaires llUI UIII cOlblllue i\\L\\e
cenlr~t1 de Ilolre prol'us, sunl la lraducllllil d'une Lllllbl\\alcllCe qui lbllS i'llllagnl~lIre
soyinblcn. dans son ihé~ilrc. rqm:scntc Lille \\~Iïlé CSSCilliclk Je laquelle p:inicil'C (OUle
archétypal d'Ogun--syrnbolise la dynamique de tour devenir L'ambIvalence est le propre
de la tragédie soyinkaienne. die est le moteur de l'existence et de la dvnalnlque de
l'univers--existentiel et invisible.
En élucidant cette vérité ontologIque à travers je mvthe. le rite el ie monde
élémental, Soyinka aboutit à la
conciusion que l'attitude de l'homme dans sa double
capacité de création et de desrïücrion est celle de sa nature. L'homme porte le feu de la
création et de la destnlcion dans son âme: L'origine de son pessimisme dit ontologique
s'explique du fait que dans son Lmivers, la valence destructrice des forces existentielles
est la réalité dominante.
Mais cela n'est pas une preuve de pessimisme. Soyinka, en tout cas, refuse cette
réputation. et s'explique dans un style qui lui est particulier:
The realism which pervades sorne of my work and which has been branded pessimistic is nothing
but a very square, sharp look.. .. Those who are expecLÎng a one-dimensional statement from me as
a writer are 100king for a cheap injection of optimism in their nervous system. What ['m saying is
that we must ail accept the negativ\\: potemial of action and lhen transcend lhis. And this is why [
use Ogun as
a representative symbol because it represents the promethean reality of our
existence45 [.
Ogun et son drame, source de la tragédie soyinkaienne, rendent compte, au-delà de
l'ambivalence ontologique, du principe vital de "imaginaire soyinkaïen. Ogun est une
réal ité prométhéenne d'Ogun. et sa tragédie est fondamentalement dialectique.
";1. Wole Soyillk:l. cité dans .Iohn J\\gc!ua. IVI/(' 11 II/(' :\\'/(/1/ nIU/, Il
39.

IL: pnnL:lp<': CCll\\I;l! (l1c/ SIlVlllk;\\. C'<':SI t1';lhord Ccliii de la VIC. 1 )iverses :\\lllleS
llolillllS 11111erel11cS au nte cl :IUllcS svlllboles quc sOlll par c:\\clllple 1;1 lr:1IISllIOI1. la
purllicaliul1, Cl la Il1l\\lIalioll SOIll trcs rcvclJtcur dans S,)11 ll1<':~ltre. I.a lr:U1Slll,)Il. L:'cSl
l'expressluil du processus Je pass,lge a lr,lvers le soull"re trallsilionnel, lequel sous-lel1d
plus d'une c\\j1l:lîence de la vie de l'holllllle. 1.:\\ pun [lcall,)I1. clic. parlll:ipL' de la 11(llllln IlL'
la l<Jrce rcgénératrice Je 1,1 lT10rt Cil tant 'Ille condillon Lie 1,1 vic D la Illédiatiun. L'e~:l le
principe selon lequel ù travers. d'une parL le nte et ses composantes organiques, et.
d'autre part. la fonction mystique de l'élément environnemental. l'homme et les énergies
cosmiques par exemple, peuvent communier, s'interpénétrer
Si l'imaginaire de Soyinka semble ~tre un univers sombre où dommenr les torces
de destruction, cela ne cache que partiellement la vie qui est présente et qui au fond
constitue l'objet de la préoccupation du dramaturge. En somme, son théâtre est. à travers
son principe rituel, un théâtre de vie.
n y a une continuité essentielle entre le rite et le théâtre de Soyinka. Aller à ce
théâtre équivaut, en un sens, à une participaton rituelle. L'individu peut s'y recréer, y
chercher les éléments pour une nouvelle formulation de son être. Par ailleurs, la fonction
cathartique du théâtre de Soyinka est au fond celle du rite. Car à travers la médiation des
souffrances du protagoniste rituel·m . et à travers les orikis chantant les potentialités
destructrices des dieux, la communauté et l'individu exorcisent les leurs propres.
Toute la fonction ultime de son théâtre constitue un effort de dépassement de la
négativité. Son :lspect cathartique en particulier lonctionne à l'image du principe sur
kquel à la fin de /1 Dunce of the Forest.\\·, le Père ue la Forêt fonde son espoir--pondéré
Fè. Myth, rltautllre ill/il t/te :/jr;cul! IJ/ur/ri Il ::;7

dall~c 111~IGllJrc
\\h seerl:1 is IIIV etl'lI\\a! hmdell--lo pince Ihe l'llClllSlralllHl or sOlil-dealklllllg habil ;llId hare lhe
n\\irror 01" original lIakcdlless--knllvv'ing lilll wdl, il 1'; ail lillili/v. 'r"d. IU)IJlllg Ihal \\vhclI 1 Ilave
1\\1I1UrcU awarelless li'lHll Ihelr souls [hal perk'lJs. olily IJCrh;lps in IIC\\\\ hegllillings ..1~.1
S(\\yinka cOllllail l'espoir l1l~dgr0 l'apparellce ":q)(Ic:JI:-'pliqlle" de SIHI 1I1l1\\erS Il10:ltral
Son lhèjtrc est révolutiollll:lIre en cc sens qu'il "ouvre de 110U\\'e:lUX hmiwils pour l'esprll
humaill. pour son Intclkct"'15" fi montre ks valeurs qui dcvr:.Jienr régir la L'omfllun:.JLllé. et
offre :i l'homme moderne africain en pameulier. mais non exclusivement. de nouveaux
ancrages historiques et socio-politiques.
C'est en l'occurrence à travers ce qu'il convient d'appeler la tradition africalI1e que
Soyinka arrive à créer un tel théâtre. Son rève est, en effet, comme celUI de l'Irlandais
Yeats, de "produire un thâtre ayant ses racines dans la tradi tion nigérianne et qui parle
au Nigéria et au Inonde à travers cette traditior:l"455 Le symbole, le mythe et le rite sont
des chemins qui conduisent aux archétypes, substrats qui rendent compte de l'héritage
non d'une portion de l'univers mais de son intéf,l'falité. Le théâtre de Soyinka est
universalisant, et ceci !;,l'fâce en partie à la tradition, au fondement culturel et symbolique
de son imaginaire.
·I:i 1 .-1 /)U/1ce 011 he ;. 'oreSI,\\'. p 71.
15·1 Wolc Soyinka. cité dans Simon C1ikanui, IVII/e ,\\;IIYtriku \\ lïle: NUi/d P 4.
1';-;
.Iones, I~ D.. In I:::dgar Wright, ( '!ïl/nt! /-"\\'(//1/11111111 lin /Ijiïc(/I/ 1. ilaulu!'e .. jl. (,:2.

/
BI BL1OG RA 1)HIE
1. L'OEUVRE DE WOLE SOYINKA
1. l. Oeuvres dramatiques
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- A !)ance ol/he Fore.,·/s, Oxford University Press, 1903.
- lhe ,')'wamp !Jwellers, Oxford University Press. 1964.
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2. Coflected Plays 2, Oxford University Press, 1974.
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- Kongi's Harvest, Oxford University Press, 1967.
- The Trials ofBrother Jero, Oxford University Press, 1964.
- Jero~r; Metamorphosis, Eyre Methuen, London, 1973
- Madmen and Specialists, Eyre Methuen, London, 1971.
3. Six Plays, Eyre Methuen, London, 1981
- Camwood on the Leaves, Eyre Methuen, London, 1973.
- Death and the King's Horseman, Eyre Methuen, London, 1975.
- Opera Wonyosi, Rex Collings, London, 1981.
4. A Play ofGiants, Eyre Methuen, Londqn, 1984.
5. Requiem for a Futurologist, Rex Coll ings, London, 1985.
I. 2. Autres: collections de poèmes, romans, autobiographie, essais, etc.
1. 7ï1e fnterpreters, Heinemann, London, 1965.
1. Manre and Other jJoems, Eyre Methuen, London, 1967.

447
.3 ..·1 ,\\'/wllle in the Ciypt, Rex Collings, London, 1972.
..L ,",'eason oj.l/lOmy, Rex Collings, London, 1973.
,
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6. !\\/~yth. Utemture and the Alrican World, Cambridge Univ. Press, Cambridge,
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7. Aké. the Yeurs o/Childhood, Rex Collings, London, 1981.
8. fïze .Man f)ieJ, Arrow Editions, London, 1985.
u. OEUVRES DRAMATlQUES D'AUTRES AUTEURS
1. Clark, 1. Pepper, '[hree Plays, Oxford University Press, Oxford, 1964.
2. [jimere, Obotunde, The lmprisonment ofObatala and Other Plays, Heinemann,
London, 1966.
m. OUVRAGES GENERAUX
1. Beier, Ulli, ed. Introduction to African Literature, Longmans, London, 1967.
- "'Ajala': The Traditional Poetry of Yoruba Hunters", Adeboye Babalola.
- "Yoruba Theatre", U. Beier.
- "Two Nigerian Playwrights : Wole Soyinka and John P. Clark", Martin
Esslin.
2. Lawrence, Margaret, Long Drums and Cannons: Nigerian Dramatists and
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1952-1966, McMilland, London, 1968.
3. Actes du Colloque d'Abidjan sur le théâtre négro-africain 1970, Présence
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1971.
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Ogunba
5. Jones, E. D., A/rican Literature ToJay No 5, Heinemann, London, J972.

448
-"Traditional Content of the Plays of Wok Soyinka" (second part), Oyin
Ogunba
6. Ricard, Alain, ThéLitre el natIOnalisme, Présence Africaine, Paris, 1972.
\\
7. Wright, Edgar, ed., ent/cal F:valuation olAFicLIn !-itemlure, Heinemann,
London, 1973.
-"Wole Soyinka: Critical Approaches", E. D. Jones
8. Jones, E. Durosimi, {he Writing or Wole SOJ,iJ7ka. Heinemann, London, 1973.
9. Agetua, John, When l'he Ivlan DieJ: Views, Reviews and InterViews on Wole
Soyinka',,· Con/roversial Book, Bendel Newspaper Corporation, Benin City, 1975.
!O. Jones E. Durosimi, ed., Ajrican Literature ToJay No 8, Heinemann, London,
1976.
- "Roots in African Drama and Theater", J. C. De Graft.
Il. Galle, Etienne, Le monde unitaire de Wole Soyinka fonction vitale du
;,ymbole, Thèse 3e cycle, UPV Montpellier, 1978....
12. Gibbs, James, ed., Critical Perspective on Wole Soyinka, Heinemann,
London, 1980.
- "Tradition and the Yoruba Writer: D. 0 Fagunwa, A. Tutuola and Wole
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- "Demoke's Choice in Soyinka's A Dance o/the Foresls", Nick
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- "Thoughts on Creating the Popular Theatre", K. E. Senanu.
- "Kongi's Harvest", Boyd M. Berry.
- "Language and Meaning in Soyinka's The Road', D. S. lzevbaye.
- "The Asphalt God", Ronald Bryden.
- "A Nigerian Original", Penelope Gilliatt.
- "The Exigencies of Adaptation: the Case of Soyi nka's The Bacchae", K.
E. Senanu.
- "Amateurs in Horror", Albert Hunt.

~ .
449
- "Mediation in Soyinka: the Case of the King's Horseman", D. S.
Izcvbaye.
- "Soyinka's New Play", Gerald Moore.
- "The Fox's Dance: The Staging ofSoyinka's P!ays", Annemarie
Heywood.
- "Thirà Worid Drama", Anàrew Gurr.
- "Dramatic Theory ofWole Soyinka" Ann B. Davis.
13. Jones, E. D. , ed., AfTicun Litera/ure ToJuy No Il, Heinemann, London, 1980.
- ".~.frican Adaptation of Greek Tragedies" E. J. Asgill.
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- "The Relevance of African Cosmological Systems to African Literature
T oday", Mazisi Kunene.
14. Moore, Gerald, Modern Aji-ican Writers : Wole Soyinka, Evans, London,
1980.
15. Jeffares, A. N. (Prof.) & Suheil Bshrui (Prof.), ed., Yorks Notes: Notes on
The Raad by Wole Soyinka, Longmans, York Press, 1981.
16. Commonwealth Essays and Studies, African Drama, vol. 7, No 1, Autumn
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- "Political Commitment in Nigerian Drama: 1970-1983", Eliane Saint-
André Utudjian.

,1';: "
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17~ Hourantier, Marie-José, J)u ri/ue! 111.l /héii/re-rituel, Harmattan, Paris, 1984.
18. Gikandi, Simon, Wo!e Soyinka:,' lhe /?owl, Heinemann, London, 1985.
la
....... rJ::RP"'N'"
'-'.............. ...... .. "., ~rl
.... _ . ., !If/Ill"
, r ~ '
"Il"l'nktr
............ ,...~"
,>, i/le'IÎ/re
~~..........
~
,,Ir'
lA:J' ;c·trl'n
..
""
• ., Silex
"
'., Parl's .. de'cpmbre
_
....
1985.
- "The üniversaiiry ofWoie Soyinka's iJeUlh und the King\\' Horseman",
Jacques Leclaire.
- "La route, ses guides et la jalousie professionnelle dans quelques pièces
de Wole Soyinka", Christiane Fioupou.
- "Soyinka's Universalism and The Bacchae", Etienne Galle.
- "The Missing Link Between the Traditional and the Modem in Soyinka's
Works: from 'Babuzu Lion Heart' to Kongi:'i Harvesr", Eiiane Saint-Ândré
Utudjian.
- "L'invention du Théâtre: Soyinka et la théorie de' la rupture", Alain
Ricard.
20. Ndoki, Ogoula, Yolande, De quelques aspects de l'imaginaire à travers
l'Oeuvre Romanesque d'Amos Tutuoia, Thèse 3e cycle, UPV. Montpellier, 1986.
21. Fioupou, Christiane, "Wole Soyinka et Jean Genet: images et reflets du
pouvoir: une danse des géants ou la métamorphose des Triplés" in Cahier du
C.E. L. E. S. H. S. No 1, Université de Ouagadougou, 1986.
22. Galle, Etienne, L 'homme vivant Je Wvie Soyinka, Silex, Paris, 1987.
IV. OUVRAGES GENERAUX
IV. 1. Sur l'Afrique
1. Rev. Johnson, Samuel, The His/ory ofthe Yorubas: from the Earliest Times /0
the Beginning of/he Bri/ish Pro/ectorate, Routledge and Kegan Paul, London,
1921.
2. Tempels, Placide, !3anLu flhi/osophy, Présence Africaine, Paris, 1959.
1

451
3. Jann, Jannei nz. AllInt /1. l'hommc africain et [a clIft lire néo-africaine, Seui 1.
Paris 1961.
4. Thomas, Louis-Vincent, /'u mort aj"ricarne : iL!éo[ogiejiméruire de ['Aji'ù/lle
Noire, Payot. Paris, 1962.
5. fdowu, E. Bolaji. ()foJumare : C;oJ in Yoruhu Hefief Longmans. London.
1962.
6. Griaule, Marcel. D;eu d'eau, Fayard, Paris, 1966.
7. Afolabi, G. J. Ojo, Yoruha Culture: A Geographicaf Anafysis, Unversity of
London Press, 1966.
8. Thomas, Louis-Vincent, Cinq essais sur fa mort aji-icaine, Philosophie et
sciences sociales No 3, Dakar, 1966.
9. Zahan, Dominique, Religion, spiritualité et pensées aji-icaines, Payot, Paris,
1970.
10. Thomas, Louis-Vincent, Anthropologie de la mort, Payot, Paris, 1970.
Il. Awolalu., 1. Osomade, Yoruba Beliefs and Sacrificial Rites, Longmans,
London, 1979.
IV. 2. Autres
1. Bachelard, Gaston, L'eau et les rêves: essai sur l'imaginaire de la matière,
José Corti, Paris, 1942.
2. Eliade, Mircea, Images et .symboles, Gallimard, Paris, 1952.
3. Diel, Paul, Le !>ymbolisme dans la mythologie grècque, Payot, Parois, 1952.
4. Eliade, Mircea, Le sacré et le profane, Gallimard, Paris, 1965.
5. Eliade, Mircea, Le mythe de l'éternel retour, Gallimard, Paris 1969.
6. Durand. Gilbert, Les structures anthropologiques de f'imaginaire, Bordas,
"
Paris, 1968. 8e édition.
7. Bachelard, Gaston, Lu p.sychanalyse dujèu. Gall imard, Paris, 1973

452
8. Eliatlc, Mircea, lm/iLl/ion, ri/es LI sociétés secrètes, Gallimard, Paris, 1975.
9. Pavis, Patrice, IJiLlionlwire du /héû/I'C:, Editions Sociales, Paris, 1980.
10. Chevalier, Jean et Gheerbrandt, Alain, IJiclionnLlire des .\\ymholes, Roberts
Lafont et Jupiter, Paris, 1982.
11. Ubersfeld, Anne, Lire le /héûlre, Editions Sociales, Paris, 1982.
__"---------------~~="'-=-=-"'----===

---;:---~.·î
453
TABLE DES i\\tIATiERfS
Introduction
Chapitre Liminaire: Le rituel et le théâtre de Soyinka
8
1. Les Mystères Oguniens : l'expérience rituelle
\\ 0
1. \\. La traversée du gouffre: la dialectique mort-vie
1!
1. 1. 1. La réalité du goutfre
11
1. 1. 2. Ogun et la traversée du gouffre
12
i. 2. L'expérience rituelle
13
U. Théâtre rituel: théâtre tota!,théàtre de vie
! 7
Partie 1 : Des phénomènes socio-œligieu..'C : lem symbolisme
24
L La transition et la médiation, fondement du symbolisme rituel
25
L 1. De la dyna.YJ1ique du rite
28
1. 1. 1. Le rite de communion
29
1. 1. 1. 1. La Fête des Tribus: la communion historique
31
1. 1. 1. 2. Le rituel des chauffeurs: la dialectique de la communion
35
1. 1. 1. J. La "Communion du Soir" de Professor
37
1. 1. 1. 4. De la fête du roi et de l'igname à la fête de Kongi
40
1. 1. 1. 5. Le rite dionysiaque: communion et régénération
46
1. 1. 2. Le rite de passage
56
1. 1. 2. 1. Le voyage dans i'Au-delà
57
1. 1. 2. 1. 1. Le voyage d'Elesin
57
1. 1. 2. 1. 2. La quête de Professor
64
L 1. 2. 2. De l'initiation et du schéma initiatique: la renaissance de l'être72
1. 1. 2. 2. l. De l'initiation d'Eman
73
r. 1. 2. 2. 2. Le passage d'Isola: de ia rébellion à l'affirmation de l'être 76
I. 1. 2. 2. 1. De la rébellion à la rupture
76
r. 1. 2. 2. 2. De la rupture à l'affirmation de soi
81
1
,
,
r. 1. 2. 2. 3. Les pérégrinations de Demoke : de la découverte de l'être 83
1
I. 1. 2. 3. Le mariage: de quelques aspects symboliques
90
i/
r. 1. 2. 3. 1. Le mariage et l'expression de l'harmonie socio-cosmique 91
,!
1. 1. 2. 3. 2. La dialectique du mariage et l'ambivalence dionysiaque
93
1. 1. 2. 3. 3. De l'union à la complicité, la perversion du mariage
95

~!l!·!Tf
wm=rzrs=..,.,.'
i@"W'èWY'1f·"
œ~"Ttr"-flT-
1. 1. 2. :> 4. La sexualité dans le mariage: la dialectique du passage
yS
l. 1. 3. Le tite de puri tïcatioii
104
I. 1. J. 1. De la réalisation du destin d'Eman à la purification rituelle du
village de Sunma
!04
i. 1. 3. 2. Le rite éleusien : de ia tin d'un système à ia purification
113
"
0
110
1. 2. De quelques aspects de la théâtmlité et l'expression de la médiation
1. 2. 1. Personnages et médiation: de l'expression du principe de l'être
symbole
!!9
1. 2. ï. 1. Le !:,'Toupe des chefs et prêtres
120
1. 2. 1. 1. 1. L'Oba Danlola
121
I. 2. 1. 1. 2. Le prêtre du Serpent des mamis
126
L 2. 1. 1. 3. Le prêtre mantique: d'Agboreko à Professor
129
L 2. 1. 1.4. Pentheus, le roi de Thèbes
136
r. 2. 1. 1. 5. Baroka, le 'BaIe' d'llujinle
138
I. 2. 1. 2. Du protagoniste rituel: les mystères de !a possession
143
I. 2. 1. 2. 1. L'egungun Murano
144
1. 2. 1. 2. 2. L'écuyer du roi et son griot
147
1. 2. 1. 2. 3. La médiation du bouc émissaire
150
1. 2. 1. 2. 4. La possession d'Agave
152
1. 2. 1. 2. 5. De la possession rituelle au simulacre
155
1. 2. 1. 3. Autres déterminations de la médiation de l'être
160
1. 2. 1. 3. 1. De l'aveugle et des jumeaux dans les marais
162
I. 2. 1. 3.2. De l'enfant idiot aux infirmes de guerre
169
I. 2. 1. 3. 3. La médiation de la femme
171
I. 2. 2. Des expressions phoniques et gestuelles
174
I. 2. 2. 1. Le verbe et la musique
175
!. 2. 2. 1. 1. Le verbe
176
l. 2. 2. 1. 1. 1. Le pouvoir du verbe: de son expression poétique et
rituelle
177
r. 2. 2. 1. i. 2. Du chant îunebre et de l'Onki
iX2
-,~------------'-----------_._-'---
.-

455
1. 2. 2. 1. 1. 3. Le silence: de quelques aspects de la dialectique
mort-vie
189
1. 2. 2. 1. 1. 3. 1. Des vertus du si lence
190
L 2. 2. l. l. 3. 2. Le silence et la mort
193
l. 2. 2. 1. 2. De la musique
197
1. 2. 2. 1. 2. 1. De la fonction poético-rituelle de la musique
197
1. 2. 2. 1.2.2. La nature de la musique et l'expression de l'esprit du
rite: fonction de la musique funèbre
202
1. 2. 2. 2. De la danse
205
1. 2. 2. 2. 1. Du symbolisme rituel de la danse
206
1. 2. 2. 2. 2. De quelques paramètres significatifs dans le symbolisme
dela danse
212
Il. L'homme et la société: de l'imaginaire rituel
220
Il. 1. De la nature de l'homme
220
Il. 1. 1. L'ambivalence ontologique de l'être
220
Il. 1. 1. 1. Des êtres cosmiques
22 [
II. 1. 1. 2. De l'être humain
225
Il. ,. 2. La continuité de la nature de l'être
230
Il. 2. L'individu et le devenir social
238
11. 2. 1. La dialectique de la mort dans le rite ou l'incarnation individuelle
du devenir social
238
II. 2. 1. 1. De la mort du bouc émissaire
239
II. 2. 1.2. Autres cas significatifs de la mort de l'individu
248
Il. 2. 2. La temme et le devenir social
250
". 2. 2. 1. La femme de création
251
Il. 2. 2. 2. La femme de destruction
256
Il. 2.3. L'artiste et le devenir social
258
Partie Il : Des éléments environnementaux et leur symbolisme
265
1. La nature, l'homme et la transcendance
)
267
!
/
1. 1. Le vitalisme: la transcendance dans la nature
268
f
1. 1. 1. Le vitalisme tellurique
268

456
1. 1.2. Le vitalisme végétal
271
1. 1. 3. Le vitalisme aquatique
274
1. 1.4. Le vitalisme animal
276
1. 1. 5. Le vitalisme de l'igné et de l'obscurité
277
1. 1. 6. Le vitalisme du principe aérien
280
1. 2. L'environnement et la communion mystique
282
1. 2. 1. La médiation du tellurique
282
1. 2. 2. La médiation du végétal
286
1. 2. 3. La médiation de l'aquatique
291
1. 2. 4. La médiation de l'animal
297
1. 2. 5. La médiation du principe aérien
302
1. 2. 6. La médiation de l'igné
303
1. 2. 7. Du temps et de l'espace
306
1. 2. 7. 1. De la nuit: fonctions rituelles et mystiques
307
1. 2. 7. 2. De l'espace: le symbolisme des lieux
31 1
1. 3. Les visages de la moisson
316
1. 3. 1. Le battage ou la collecte: au-delà de la signification agraire
316
1. 3. 2. La moisson ogunienne
319
1. 3. 3. La moisson karmique
323
1. 3. 4. La moisson naturelle
332
11. L'environnement naturel et l'ambivalence: de la dualité vie-mort
334
II. 1. De l'ambivalence propre des composantes environnementales
334
II. 1. 1. L'ambivalence du tellurique
334
II. 1. 2. L'ambivalence du végétal
340
II. 1. 3. L'ambivalence de l'aquatique
347
II. 1. 3. 1. De l'eau
347
11. 1. 3. 1. 1. L'humidité de l'eau
348
II. 1. 3. 1. 2. La présence-absence de l'eau
350
,
II. 1. 3. 1. 3. Les eaux courantes
\\.
352
II. ,. 3. 1. 4. L'eau breuvage et autres fluides apparentés
355
II. 1.3.2. Du vin
359

457
Il. \\. 3. 3. Du sang
363
II. \\.3.4. Du lait
J70
II. 1.4. L'ambivalence du bestiaire
372
II. 1. 5. L'ambivalence de l'air
385
11. 1.6. L'ambivalence de l'igné
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391
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Il. 1.6. 1. Du principe du feu
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II. 1. 6. 2. De quelques mOdalit~'i(élU f~~~J.J.,
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11. 1. 7. L'ambivalence de la nUit(:
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II. 1. 8. L'espacei~aginaire et Ile~f!\\sSion~t{,~!thbi.V...~K ce
410
Il. 1. 8. 1. De l'expressivité de l'~RP9s.itionspa1i s-~
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II. 1. 8. 2. De quelques sèmes spacia .6~, 1..""
417
II. 1.8.3. La route
423
II. 2. L'homme dans la nature: de l'expression de la valorisation de l'être
427
Il. 2. 1. L'être de vie dans la nature
428
Il.2.2. L'être de mort dans la nature: quelques aspects de l'animalisation 432
II. 2. 2. 1. De la chasse à la soif de sang
433
II. 2. 2. 2. L'animalisation donnée et acceptée
436
Il.2.2.3. Du cannibalisme
439
Conclusion
443
Bibliographie
446